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Full text of "La Grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts"

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LA 


GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


TOURS.  —    IMPRIMERIE   DE   E.   ARRAULT    ET   Cie. 


LA 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 

INVENTAIRE    RAISONNÉ 

DES    SCIENCES,    DES    LETTRES    ET    DES    ARTS 

PAR  UNE 

SOCIÉTÉ  DE  SAVANTS  ET  DE  GENS  DE  LETTRES 

SOUS   LA   DIRECTION   DE 


BERTHELOT,  sénateur,  membre  de  l'Institut. 

Hartwig   DERENBOURG,  professeur  à  l'École   spéciale   des 

langues  orientales. 
F.-Camille  DREYFUS,  député  de  la  Seine. 
A.  GIRY,  professeur  à  l'École  des  chartes. 
GLASSON,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Faculté  de 

droit  de  Paris. 
Dr  L.  HAHN,  bibliothécaire  en  chef  de  la  Faculté  de  médecine 

de  Paris. 


MM.  G. -A.  LAISANT,  député   de  la  Seine,   docteur  es  sciences 

mathématiques. 
H.  LAURENT,  docteur  es  sciences  mathématiques,  examinateur 

à  l'École  polytechnique. 
E.  LEVASSEUR,  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège 

de  France. 
H.  MARION,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 
E.  MUNTZ,   membre  de  l'Institut,    conservateur   de   l'École 

nationaledes  beaux-arts. 
A.  WALTZ,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux. 


Secrétaire  général  :  F.-Camille   DREYFUS,  député  de  la  Seine. 


TOME    DIX-SEPTIEME 

ACCOMPAGNÉ  DE  DEUX  CARTES  EN  COULEURS,  HORS  TEXTE 

(FINISTÈRE,   FRANCE) 


FANUM    —    FRANCO 


PARIS 

H.  LAMIRAULT  et  Cie,  EDITEURS 

61,  RUE   DE    RENNES,    61 
Tous  droits  réservés 


LISTE  DE  MM.   LES  COLLABORATEURS 


DE 


LA  GRANDE   ENCYCLOPEDIE 


N.  B,- 


-  Cette  liste  sera  reproduite  avec  les  modifications  nécessaires  en  tête  de  chaque  volume,  et  une  liste  général* 

sera  publiée  à  la  fin  de  l'ouvrage. 


COMITÉ  DE  DIRECTION 


BERTHELOT,  sénateur,  membre  de  l'Institut. 
Hartwig  DERENBOURG,  professeur  à  l'École  spéciale 

des  langues  orientales  vivantes. 
F. -Camille  DREYFUS,  député  de  la  Seine. 
A.  GIRY,  professeur  à  l'École  des  chartes. 
GLASSON,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Faculté 

de  droit  de  Paris. 
Dr  L.  HAHN,  bibliothécaire  en  chef  de  la  Faculté  de 

médecine  de  Paris. 


C.-A.  LAISANT,  député  de  la  Seine,  docteur  es  sciences 
mathématiques. 

H.  LAURENT,  docteur  es  sciences  mathématiques,  exa- 
minateur à  l'Ecole  polytechnique. 

E.  LEVASSEUR,  membre  de  l'Institut,  professeur  au 
Collège  de  France. 

H.  MARION,  professeur  à  la  Sorbonne. 

E.  MUNTZ,  membre  de  l'Institut,  conservateur  de 
l'École  nationale  des  beaux-arts. 

A.  WALTZ,profesrà  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux. 


Adam,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon. 

Aguillon,  ingénieur  en  chef  des  mines,  professeur  à  l'Ecole 
nationale  supérieure  des  mines. 

àldebert  (Edouard),  publiciste. 

Alglave  (Emile),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de 
Paris . 

Allemagne  (H.  d'),  attaché  à  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal. 

Alphandéry,  docteur  en  médecine. 

àmbrésin  (Samuel),  docteur  en  médecine. 

Amiaud,  sous-chef  de  bureau  au  Ministère  de  la  justice. 

André  (Louis),  procureur  de  la  République  à  Provins. 

Arnodin  (F.),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 

Asse  (E.),  de  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal. 

àulàrd  (F.-A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Paris. 

Babelon  (E.) ,  conservateur  du  département  des  médailles 
et  antiques  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Balle  (A.),  publiciste. 

Bapst  (Germain),  membre  de  la  Société  nationale  des  Anti- 
quaires de  France. 

Barré  (L.),  astronome  adjoint  à  l'Observatoire  de  Paris. 

Barrés  (Maurice),  député  de  Nancy. 

Barroux  (Marius) ,  archiviste  adjoint  aux  Archives  de  la 
Seine. 

Bazille,  docteur  en  droit,  avocat  au  Conseil  d'Etat. 

Baudrillart  (André),  ancien  membre  de  l'Ecole  française 
de  Rome,  agrégé  de  l'Université. 

Bayet,  recteur  de  l'Académie  de  Lille,  correspondant  de 
l'Institut. 

Beaudouin  (Mondry),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Toulouse. 

Beauregard,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Beau  vois  (E.). 

Bechmann  (G.),  ingénieur  en  chef,  professeur  à  l'Ecole  des 
ponts  et  chaussées,  directeur  des  travaux  de  salubrité 
de  la  ville  de  Paris. 

Belugou. 

Bémont  (Charles),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes- 
Etudes. 

Bénédite  (G.),  attaché  au  musée  du  Louvre. 

Bénet  (A.),  archiviste  du  département  du  Calvados. 

Bérard,  directeur  de  la  poudrerie  de  Saint-Médard-en-Jalles. 

Bère  (F.),  ingénieur  des  manufactures  de  l'Etat. 

Berlet  (A),  procureur  de  la  République  à  Mauriac. 

Berger  (Philippe),  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Col- 
lège de  France. 


Bernard  (F.) ,  professeur   d'économie  politique. 

Bernard  (Maurice),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Bertaux  (Emile),  ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supé- 
rieure, agrégé  des  Lettres. 

Berthelé  (Joseph),  archiviste  du  département  de  l'Hérault. 

Berthelot  (André),  agrégé  d'histoire  et  de  géographie, 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

Berthelot  (Daniel),  assistant  au  Muséum  d'Histoire  natu- 
relle, professeur  d'histoire  des  sciences  physiques  à 
l'Hôtel-de-Ville  de  Pars. 

Berthelot  (Philippe),  licencié  es  lettres  et  en  droit. 

Bertrand  (A.),  membre  de  l'Institut,  directeur  du  musée  de 
Saint- Germain. 

Bertrand  (Al.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 

Besson  (Emmanuel),  chef  à  la  direction  générale  de  l'Enre- 
gistrement. 

Binet  (E.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Blanchard  (  Raphaël  ) ,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris. 

Blanchet  (Adrien),  bibliothécaire  au  département  des  mé- 
dailles et  antiques  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Bloch  (G.),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supé- 
rieure. 

Blondel,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Blondel  (Dr  R.),  docteur  es  sciences. 

Blum,  agrégé  de  philosophie. 

Boehler,  docteur  en  médecine. 

Boghaert-Vaché  (A.),  publiciste. 

Bonheur  (Raymond),  compositeur  de  musique. 

Bonhoure  (Adrien),  préfet  des  Pyrénées-Orientales. 

Bonnardot  (François),  inspecteur  des  Travaux  historiques 
de  la  ville  dé  Paris. 

Bonet-Maury  (Gaston),  professeur  à  la  Faculté  de  théologie 
prolestante  de  Paris. 

Bordes  (Charles),  critique  musical. 

Bornarel  (F.),  agrégé  de  l'Université. 

Bossert  (A.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 

Bouché -Leclercq  (A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettre 
de  Paris. 

Boucheron  (H.),  ingénieur,  professeur  à  l'Ecole  centrale  des 
arts  et  manufactures. 

Bougenot  (S.),  archiviste-paléographe. 

Boulin  (Stéphane),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Bordeaux. 

Bourgoin  (Ed.),  membre  de  l'Académie  de  médecine,  pro- 
fesseur à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


Bourneville,  médecin  des  hôpitaux. 
Bournon  (F.),  archiviste-paléographe. 
Boutroux  (Emile),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 

Paris. 
Boyer  (G.),  préparateur  de  botanique  et  de  sylviculture  à 

l'Ecole  d'agriculture  de  Montpellier. 
Brenet  (Michel). 
Brochard  (Victor),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres 

de  Paris. 
Brunet  (Victor). 

Brunetière  (Ferdinand),  membre  de  l'Académie  française. 
Brutails,  archiviste  du  département  de  la  Gironde. 
Bûchner,  professeur  de  littérature  étrangère  à  la  Faculté 

des  lettres  de  Caen. 
Bulot  (Léon),  substitut  au  tribunal  de  la  Seine. 
Burdeau  (Auguste),  professeur  agrégé  de  philosophie,  député 

du  Rhône. 
Cabanes  (Dr  Aug.),  publiciste. 
Cadillac 

Gagnât,  professeur  au  Collège  de  France. 
Caix  de  Saint-Aymour  (vicomte  Amédée  de),  publiciste. 
Camescasse  (J.),  docteur  en  médecine. 
Capus  (Guillaume),  docteur  es  sciences. 
Carré  de  Malberg,  docteur  en  droit. 
Castaigne  (E.-J.),  professeur  de  l'Université. 
Castan  (A.),  correspondant  de  l'Institut,  conservateur  de  la 

Bibliothèque  de  la  ville  de  Besançon. 
Cat  (E.),  professeur  à  l'Ecole  des  lettres  d'Alger. 
Cauwès  (Paul),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Chabry  (L.),  docteur  en  médecine  et  es  sciences. 
Challamel,    conservateur    honoraire    de    la    Bibliothèque 

Sainte-Geneviève. 
Champeaux  (de),  bibliothécaire  de  l'Union  centrale  des  arts 

décoratifs. 
Champier  (Victor), directeur  de  luRevue  des  arts  décoratifs. 
Chancel  (Jules),  docteur  en  droit. 
Charavay  (Etienne),  archiviste-paléographe. 
Charlot  (Marcel),  sous-chef   de  bureau    au   Ministère    de 

l'instruction  publique. 
Charpentier  (  Paul  ),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 
Chavegrin,  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Chervin  ^Dr),  membre  du  Conseil  supérieur  de  statistique, 

directeur  de  l'Institution  des  bègues  de  Paris. 
Chesney,  procureur  de  la  République  à  Avallon. 
Ciieuvreux  (Casimir),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 
Claparède  (A.  de),  docteur  en  droit,  ancien  secrétaire  du 
Département  politique  (affaires  étrangères)  de  la  Confé- 
dération suisse. 
Clermont,  docteur  en  médecine. 

Colin  (Maurice),  proiesseur  agrégé  des  Facultés  de  droit. 
Collignon  (M.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 
Collineau,  docteur  en  médecine. 
Colmet  d'Aage  (Henri),  conseiller   maître  à   la  Cour   des 

comptes. 
Compayré,  recteur  de  l'Académie  de  Poitiers. 
Gordier  (H.),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 
Cosneau  (F.),  professeur  au  lycée  Henri  IV. 
Couderc  (Camille),  sous-bibliothécaire  au  département  des 

manuscrits  à  la  Bibliothèque  nationale. 
Courboin  (F.),  sous-bibliothécaire  au  Cabinet  des  estampes 

à  la  Bibliothèque  nationale. 
Courda veaux  (V.),  prof,  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lille. 
Coustan  (Dr  A.),  médecin-major  de  lre  classe. 
Coville  (A  -H.  ,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 
Créhange,  professeur  à  l'Ecole  alsacienne. 
Crié  .Louis)  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Rennes. 
Crozals,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Grenoble. 
Cunisset-Carnot  (P.),  procureur  général  à  Dijon. 
Darmesteter  (James),  professeur  au  Collège  de  France. 
Dastre   (A.),   professeur   de  physiologie   à  la  Faculté  des 

sciences  de  Paris 
Dauriac  'Lionel),   professeur  à  la   Faculté  des  lettres  de 

Montpellier. 
Debidour  (A.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 
Debterre  (Dr  Ch.),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de 

Lille. 
Declareuil  (J  ),  docteur  en  droit,  chargé  de  cours  à  l'école 

de  droit  d'Alger. 
Déglin  (H.),  docteur  en  droit,  avocat  à  la  cour  d'appel  de 

Nancy. 
Delabrotjsse,  ancien  commissaire  général  du  gouvernement 

auprès  des  Compagnies  de  chemins  de  fer. 
Délava ud    (Ch.),   inspecteur  du  service    de    santé  de  la 

marine,  en  retraite. 
Delavaud  (L.),  secrétaire  d'ambassade. 
Deniker,  docteur  es  sciences  naturelles,  bibliothécaire  du 

Muséum. 
Derenbourg  (Joseph),  membre  de  l'Institut. 
Desdouits,  ingénieur  en  chef  aux  chemins  de  fer  de  l'Etat. 
Després  (Armand),  chirurgien  de  l'hôpital  de  la  Charité, 

professeur  agrégé  de  la  Faculté  de  médecine. 
DiDreujEAN  (Lyonnel),  avocat. 
Diehl,  ancien  membre  de  l'Ecole  d'Athènes,  professeur  à 

la  Faculté  des  lettres  de  Nancy. 
Dimier  (Louis),  agrégé  de  l'Université. 
Dollfus  (G.),  attache  à  la  Carte  géologique  de  France. 


Dollfus  (Lucien). 

Donon  (Charles),  docteur  en  médecine. 

Dosson,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Clermont- 

Ferrand . 
Douma  (Lazare). 

Dramard,  conseiller  à  la  cour  de  Limoges. 
Drapeyron  (Ludovic),  docteur  es  lettres,  directeur  de  la 

Revue  de  Géographie. 
Droogmans  (H.),  ancien  chancelier  du  Consulat  général  belge 

aux  Etats-Unis. 
Drouin  (E.),  avocat,  membre  du  conseil  de  la  Soc.  asiatique, 
Dubarry,  docteur  en  médecine. 
Ducrocq,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Dufourmantelle  (Maurice),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 
Dufourmantelle  (Charles),  ancien  archiviste  de  la  Corse. 
Duhamel  (Louis),  archiviste  du  département  de  Vaucluse. 
Dumoulin,  professeur  au  lycée  de  Roanne. 
Duproix  (Paul),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  l'Uni* 

versité  de  Genève. 
Durand  (Maxime),  consul  suppléant  de  France  à  New- York. 
Durand  (  G.  ) ,  archiviste   du  département  de  la  Somme. 
Durand-Grévïlle,  publiciste. 

DuREAu(DrA.),biblioth.  en  chef  de  l'Académie  de  médecine. 
Durier  (Ch.),  vice-président  du  Club  alpin  français,  chef  de 

division  au  Ministère  de  la  justice. 
Du  Seigneur  'Maurice),  critique  d'art. 

Dybowski,  maître  de  conférences  à  l'École  nationale  d'agri- 
culture de  Grignon,  explorateur  de  l'Afrique  centrale. 
El'vyall,  publiciste. 

Ernst  (Alfred),  de  la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève. 
Esciibaeciier  (Emile),  ancien  chef  de  bureau  au  Ministère  des 

postes  et  télégraphes. 
Espinas (Alfred), prol'css.  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux. 
Faliès  (Gustave),  publiciste. 
Farges  (Louis),  sous-chef  du  bureau  historique  au  Ministère 

des  affaires  étrangères. 
Faucher  (L.),  ingén.  en  chef  des  poudres  et  salpêtres  à  Lille. 
Feer  (Léon),  bibliothécaire  au  département  des  manuscrits 

de  la  Bibliothèque  nationale. 
Ferra  (Joannès),  chancelier  de  résidence  en  Indo-Chine. 
Flamant  (A.),  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées. 
Flourac.  archiviste  du,  département  des  Basses-Pyrénées. 
Foncin  (Pierre),  inspect.  général  de  l'Enseignem.  secondaire. 
Fonsegrive,  professeur  de  philosophie  au  lycée  Buffon. 
Fonte  (Raoul),  professeur  d'histoire  au  collège  de  Calais. 
Forestier,  rédacteur  à  la  Préfecture  de  la  Seine. 
Fournier  (Henri),  docteur  en  médecine. 
Fournier  (Marcel),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Caen . 
Fournier  de  Flaix,  publiciste. 
France   (H.),  professeur    à  l'Académie  royale   militaire  de 

Woolwich. 
François  (G.),  chef  comptable  de  banque. 
Fredericq  (Paul),  professeur  à  l'Université  de  Gand. 
Funck-Brentano  (Frantz),  sous-bibliothécaire   à  la  Biblio- 
thèque de  l'Arsenal. 
Gaignière  (Henri),  substitut  du  procureur  de  la  République 

à  Châlons-sur-Marne. 
Ganiayre  (Cécilio). 

Gardeil,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 
Garnier  (E.),  membre  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts. 
Garnier  (L.),  rédacteur  en  chef  de  la  Presse  vétérinaire. 
Gasté  (Armand),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Caen. 
Gausseron,  professeur  au  lycée  Janson-de-Sailly. 
Gauthiez  (Pierre),  agrégé  de  l'Université. 
Gautier  (Jules),  professeur  au  lycée  Michelet. 
Gavet  (G.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 
Gérard  (Aug.),  ministre  plénipotentiaire  au  Brésil. 
Giard  (A.),  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Paris. 
Gidel,  proviseur  du  lycée  Louis- le -Grand. 
Giqueaux  (P.),  professeur  au  lycée  de  Nice. 
Girard  (Charles),  chef  du  Laboratoire  municipal  de  Paris. 
Girard  (Paul),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres 

de  Paris. 
Girard  (P. -F.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Girodon  (F.),  docteur  en  droit. 

Gley(E.),  prof,  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
Gobât  (D1),  conseiller  d'Etat,  directeur    de  l'Education  du 

canton  de  Berne. 
Goguel  (P.),profes.  de  filature  àVTnstitut  industriel  du  Nord. 
Gonse,  membre  du  Conseil  supérieur  des  Beaux-Arts,  direc- 
teur de  la  Gazette  des  Beaux-Arts. 
Gorceix  (H.),  directeur  de  l'Ecole  des  mines  de  Ouro-Prelo 

(Brésil). 
Gourdault,  homme  de  lettres. 
Gourdon  de  Genouillac,  du  comité  de  la  Société  des  gens 

de  lettres. 
Gourmont  (Rémy  de),  publiciste. 
Grand  (E.-D.),  archiviste  de  la  ville  de  Montpellier. 
Grandjean  (Charles),  secrétaire-rédacteur  au  Sénat. 
Grandmougin  (Charles),  homme,  de  lettres. 
Grcyer  (Gustave),  publiciste. 

Guigue  (Georges),  archiviste  du  département  du  Rhône. 
Guillaume,  membre  de   l'Institut,  professeur  au  Collège  de 

France,  directeur  de  l'Académie  de  France  à  Rome. 
Guiraud  (Paul),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 
Hahn  (J.),  médecin-major  de  lre  classe. 
Heckel,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Marseille. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


Henneguy  (Félix),  pubiiciste. 

Herrmann  (Dr),  professeurà  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 

Hesse  (Lucien). 

Hild  (J.-A.„  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Poitiers. 

Homolle,  membre  de  l'Institut,  directeur  de  l'Ecole  fran- 
çaise d'Athènes. 

Honoré  (Fernand),  pubiiciste. 

Houdas,  professeur  a  l'Ecole  des  langues  orientales. 

Houssaye  (Arsène),  homme  de  lettres. 

Hubert  (  Eugène  » ,  professeur  à  l'Université  de  Liège. 

Humbert  (G.;,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées  à  Blois, 

Jacquemaire  iNuma),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Jamais  (E.),  sous- secrétaire  d'Etat  aux  Colonies. 

Jeanroy,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse. 

Joannis,  docteur  es  sciences,  professeur  de  chimie  indus- 
trielle à  la  Faculté  des  sciences  de  Bordeaux. 

Jobbé-Duval  je.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Jobin,  sous-bibliothccaire  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 

Jorga  (N.),  professeur  à  Bucarest. 

Jouanne  (G.),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 

Joubin  (L.),  docteur  es  sciences,  maître  de  conférences  à  la 
Faculté  des  sciences  de  Rennes. 

Julliàn  (Camille),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux. 

Jusserand,  conseiller  de  l'ambassade  de  France  à  Londres. 

Kéraval  ^P.  ),  médecin  des  asiles  de  la  Seine. 

Kerlero  du  Crano,  officier  de  marine  en  retraite. 

Knab  (L.),  ingénieur  civil  des  arts  et  manufactures. 

Koechlin  (Camille). 

Koechlin  (R.). 

Kohler  (Ch.),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève. 

Kruger  (F.-H.),  professeur  à  l'Institut  des  missions  évangé- 
liques  de  Paris. 

Kuhff  (G.),  docteur  en  médecine. 

KuNCKELd'HERCULAio,assistantauMuséum  d'histoire  naturelle. 

Kuhne,  pubiiciste. 

Kunstler,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Bordeaux. 

Lacour  (P.),  attaché  à  la  direction  des  Beaux-Arts. 

Lacour-Gayet  (Georges,  docteur  es  lettres,  professeur  d'his- 
toire au  lycée  Saint-Louis. 

Lacroik,  docteur  es  sciences,  professeur  de  minéralogie  au 
Muséum  d'histoire  naturelle. 

Lagache  (Celestin),  ancien  directeur  des  travaux  st-înogra- 
phiques  de  la  Chambre  des  députés. 

Lagrésille  (Georges),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Lahillonne  (Jacques),  professeur  au  lycée  de  Grenoble. 

Laîné,  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Lambert  (Mayer),  professeur  au  séminaire  israélite  de  Paris. 

Lambling  (Dr),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Lille. 

Langlois  (Dr  P.),  préparateur  au  laboratoire  de  physiologie 
de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Langlois  (Ch.-V.-M.),  chargé  de  coursa  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris. 

Lanson  (G.),  professeur  de  rhétorique  au  lycée  Michelet. 

Larbalétrier  ;A.),  professeur  à  l'Ecole  d'agriculture  du 
Pas-de-Calais. 

Larivière  (Ch.  de),  receveur  particulier  à  Gien. 

Laur  (F.),  ingénieur  des  mines,  député  de  la  Seine. 

Laurent  (E.),  b'bliothécaire  du  Palais-Bourbon. 

Lavalley  (Gaston),  bibliothécaire  de  la  ville  de  Gaen. 

Lavoix  (Henri),  administrateur  de  la  bibliothèque  Sainte- 
Geneviève. 

Lechalas  (M.-C),  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées. 

Leciialas  (G.),  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées. 

Leclerg  (Adhémar),  résident  à  Sanbaur  (Cambodge). 

Lecornu  (L.),  ingénieur  des  mines,  docteur  es  sciences. 

Lécrivain  (Ch.),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Toulouse. 

Ledeboer  (P.-H.),  docteur  es  sciences. 

Lefèvbe  (Charles),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Lefèvre  (Edouard;,  ancien  président  de  la  Société  entomo- 
logique  de  France. 

Lefort  (Paul),  inspecteur  des  Beaux- Arts. 

Lefranc  (Abel).  archiviste  aux  Archives  nationales. 

Léger  (L.),  professeur  au  Collège  de  France. 

Legrand  (Emile),  professeurà  l'Ecole  des  langues  orientales. 

Le  Goffic  (Charles),  professeur  au  lycée  du  Havre. 

Lehr  (E.),  professeur  honoraire  de  droit  à  Lausanne. 

Lehugeur  (Paul),  professeur  au  lycée  Charlemagne. 

Lemoine  (D>-  Georges),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Lille. 

Lemosof  (Paul),  attaché  à  la  Société  de  géographie. 

Léon  (Xavier). 

Leprieur  (Paul),  attaché  à  la  conservation  du  musée  du 
Luxembourg. 

Leriche,  attache  au  consulat  de  France  à  Tanger. 

Leroux  (Alf.),  archiviste  du  département  de  la  Haute- Vienne, 

Le  Sueur  (L.),  docteur  en  droit,  attaché  au  ministère  de  la 
Justice. 

Levasseur,  juge  suppléant  à  Provins. 

Léveillé,  professeur  a  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Lévi  (Sylvain),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris  et  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

Lex  (L.),  archiviste  du  département  de  Saône-et-Loire. 

Leymarie  (C),  bibliothécaire  de  la  ville  de  Limoges. 


Liard,  directeur  de  l'enseignement  supérieur  au  Ministère 
de  l'instruction  publique. 

Lietard,  docteur  en  médecine. 

Loeb  (Isidore),  président  du  comité  de  publication  delà 
Société  des  études  juives. 

Loret  (Victor),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  dés  lettres 
de  Lyon. 

Lucas  (Charles),  architecte. 

Lucipia  (Louis),  membre  du  Conseil  hiunicîpal  de  Paris. 

Lyon  (Georges),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale 
supérieure. 

Lyon-Caen  (Ch.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Mabille  (J.),  attaché  au  laboratoire  de  malacologie  dû  Mu- 
séum d'histoire  naturelle,  secrétaire  de  la  Société  rn'aia- 
cologique  de  France. 

Maindron,  critique  d'art. 

Maire  (Albert),  bibliothécaire  de  l'Université. 

Manceron  (Félix),  conservateur  des  hypothèques. 

Manouvrier,  docteur  en  médecine. 

Mantz  (Paul),  directeur  général  honoraire  dès  Beaux- 
Arts. 

Marais  (Paul),  sous-bibliothécaire  à  la  bibliothèque  Masarine. 

Marcel,  bibliothécaire  de  la  section  de  géographie  à  la  Bi- 
bliothèque nationale. 

Marchand,  juge  suppléant  à  Meaux. 

Marchand  (Louis),  vice-recteur  à  Ajaccio. 

Mariéton  (Paul),  directeur  delà  Revue  félibréenne. 

Marin  (Paul),  ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique. 

Marlet  (Léon),  attaché  à  la  bibliothèque  du  Sénat. 

Marmonier,  docteur  en  droit. 

Marre  (Aristide),  chargé  de  cours  à  l'École  des  langues 
orientales. 

Martel  (E.),  avocat. 

Martha  (Jules),  maître  de  conférences  à  l'École  normale 
supérieure. 

Martha  (Dr),  secrétaire  de  la  Société  de  médecine  publique 
et  d'hygiène  professionnelle. 

Martin  (A.-J.),  ancien  préparateur  au  laboratoire  de  phy- 
siologie de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Martin  (Henry),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  l'Ar- 
senal. 

Martikière  (H. -P.  de  La). 

Martinet  (A.),  commissaire  du  gouvernement  près  le  conseil 
de  préfecture  de  la  Seine 

Maspero,  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de 
France. 

Massebieau  (A.),  professeur  d'histoire  au  lycée  de  Rennes. 

Massigli  (Ch.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Maury  (P.),  docteur  es  sciences. 

May  (G.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Mazerolle  (Fernand),  bibliothécaire-archiviste  de  la  Monnaie 

Mazon  (A.),  homme  de  lettres. 

Mélani  (Alfredo),  professeurà  l'Ecole  supérieure  d'art  appli- 
qué à  l'industrie  de  Milan. 

Melin  (G.),  docteur  en  droit,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Nancy. 

Mély  (F.  de),  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  dés 
Beaux- Arts  des  départements. 

Menant  (J.),  membre  de  l'Institut. 

Ménard  (Louis),  docteur  en  médetine. 

Merson  (Olivier),  critique  d'art. 

Meynersd'Estrey  (comte),  docteur  en  médecine. 

Michaut  (C),  chimiste  de  la  station  agronomique  de  l'Yonne, 

Michel  (André),  professeur  à  l'Ecole  spéciale  d'architecture, 
membre  de  la  commission  des  monuments  historiques. 

Michel  (Emile),  membre  de  l'institut. 

Michel  (Léon),  agérge  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Moireau  (Aug.),  agrégé  des  lettres. 

Molinier  (A.),  professeur  à  l'Ecole  des  chartes. 

Molinier  (Ch.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Tou- 
louse. 

Molinier    (E.),    professeur  à  l'Ecole  du  Louvre. 

Monceaux  (P.),  docteur  es  lettres,  professeur  de  réthorique 
au  lycée  Henri  IV. 

Moncelon,  ancien  délégué  de  la  Nouvelle-Calédonie  au  Con- 
seil supérieur  des  Colonies. 

Moniez  iDr),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lille . 

Monin  (H,),  docteur  es  lettres,  professeur  au  collège  Rollin. 

Morer,  médecin-major  de  lre  classe. 

Mortet  (Ch.),  conservateur  adjoint  à  la  bibliothèque  Sainte- 
Geneviève. 

Mortet  (Victor),  bibliothécaire  à  la  Sorbonne. 

Mortillet  (G.  de),  ancien  conservateur  adjoint  du  musée  de 
Saint-  Germain. 

Moutard,  examinateur  à  l'École  polytechnique. 

Muret,  professeur  à  l'Université  de  Genève. 

Nachbaur  (Paul),  avocat  à  la  cour  d'appel  de  Nancy. 

Nénot,  architecte  de  la  Sorbonne. 

Nolhac  (Pierre  de),  conservateur  du  musée  de  Versailles. 

Olliyier  (Mma),  correspondante  du  Journal  officiel  de  Saint- 
Pétersbourg. 

Oltramare,  astronome  à  l'Observatoire  de  Paris. 

Omont  (H.),  ce  nservateur  au  département  des  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  nationale. 

Oppert  (Jules),  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège 
de  France. 

Ottavi  (P,),  élève  drogman,  attaché  au  consulat  de  France 
àMogador, 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


Ourém  (Alméida  Aréas ,  vicomte  d') ,  membre  de  l'Institut 
hist.  et  géogr.  du  Brésil,  ancien  ministre  plénipoten- 
tiaire du  Brésil  à  Londres. 

Oustalet(E.),  assistant  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 

Palustre  (Léon),  directeur  honoraire  de  la  Société  française 
d'archéologie. 

Paris,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux. 

Passy  (Paul),  professeur  de  langues  vivantes,  président  de 
l'Association  phonétique  dés  professeurs  d'anglais. 

Paturet,  substitut  du  procureur  de  la  République,  à  Toulon. 

Paulian,  secrétaire-rédacteur  à  la  Chambre  des  députés. 

Paumes  (Benjamin),  professeur  au  collège  de  Lectoure. 

Pawlowski  .  Gustave  ),  bibliographe. 

Pean  (D1-),  chirurgien  des  hôpitaux. 

Pélissier  'L.G.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Montpellier. 

Pelletan  (Camille),  député  des  Bouches-du-Rhône. 

Pératé,  ancien  membre  de  l'École  française  de  Rome,  atta- 
ché à  la  conservation  du  musée  de  Versailles. 

Pérez  (Bernard),  publiciste. 

Petit  (E.),  professeur  au  lycée  Janson-de-Sailly. 

Petit  (P.),  membre  de  la  Société  botanique  de  France. 

Petit  (Dr  L.-H.  ),  bibliothécaire  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Paris. 

Petit-Dutaillis  (Ch.) ,  professeur  agrégé  d'histoire  à  l'école 
Monge. 

Pfender  (Charles). 

Piaget  (A.),  docteur  es  lettres. 

Picàvet,  docteur  es  lettres,  professeur  au  collège  Rollin, 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

Picot  (Emile),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 

Piéchaud  (Adolphe),  docteur  en  médecine,  médecin  du 
Sénat,  inspecteur  des  écoles  de  Paris. 

Pierre  (Constant),  commis  principal  au  secrétariat  du  Con- 
servatoire i  ational  de  musique. 

Pierret  (Paul),  conservateur  du  musée  égyptien  du  Louvre. 

Pignot  (A.),  préparateur  à  la  Faculté  de  médecine. 

Pillet  (Jules),  professeur  à  l'Ecole  des  beaux-arts  et  à 
l'Ecole  des  ponts  et  chaussées. 

Pinard  (Ad.),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Pinel-Maisonneuve,  docteur  en  médecine. 

Pirenne  (Henri),  professeur  à  l'Université  de  Gand. 

Planiol,  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Platon  (G.),  bibliothécaire  de  la  Faculté  de  droit  de  Bor- 
deaux. 

Pougin  (Arthur),  publiciste. 

Pouzet  (Ph.),  agrégé  d'histoire. 

Prado  (Eduardo  da  Silva),  avocat  et  homme  de  lettres. 

Preux  (J.),  ancien  secrétaire  du  Comité  de  législation  étran- 
gère. 

Prou  (M.),  bibliothécaire  au  Cabinet  des  médailles  à  la 
Bibliothèque  nationale. 

Prudiiomme,  archiviste  du  département  de  l'Isère. 

Psichari  (Jean),directeuradjointà  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

Puaux  (Franck)*  publiciste. 

Quellien  (N.),  publiciste. 

Quesnel,  professeur  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes  commer- 
ciales. 

Quesnerie  (Gustave  de  La),  professeur  au  lycée  Saint-Louis. 

Rabier  (Elie),  directeur  de  l'enseignement  secondaire  au 
Ministère  de  l'instruction  publique. 

Radet,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux. 

Ravaisse  (P.),  chargé  de  cours  à  l'Ecole  des  langues  orien- 
tales. 

Ravaisson-Mollien  (Charles) ,  conservateur  adjoint  au  Musée 
du  Louvre. 

Regelsperger,  docteur  en  droit. 

Regnaud  (P.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 

Reinach  (J.  de),  membre  de  la  Société  d'économie  politique. 

Renard  (Georges),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Lausanne. 

Renault  (Louis),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Renoult. 

Reure,  professeur  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes  à  Lyon. 

RÉ villon  (Tony),  député  de  la  Seine. 

Révillout  (E.),  conservateur  adjoint  au  Musée  du  Louvre. 

Ribot  (Th.),  professeur  au  Collège  de  France,  directeur  de 
la  Revue  philosophique. 

Richet  (Charles),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de 
Paris. 

Rio-Branco  (J.-M.  da  Silva-Paranhos,  baron  de),  membre  de 
l'Institut  historique  et  géographique  du  Brésil,  ancien 
député. 

Ritti  (Dr  Ant.),  médecin  de  la  maison  nationale  de  Charenton. 

Robinet  (Dp). 

Rochebrune  (Drde),  assistant  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 

Rolland,  médecin  des  asiles  de  Laforce  (Dordogne). 

Rossignol,  licencié  es  lettres,  professeur  à  l'Ecole  polytech- 
nique de  Zurich. 


Roussel  (Félix),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Rousselet  (Albin). 

Ruelle  (C.-E.),  conservateur  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
vieve. 

Russel  (W.),  docteur  es  sciences  naturelles. 

Ruyssen  (Th.),  ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supérieure 
professeur  agrégé  de  philosophie. 

Sagnet  (Léon),  attaché  au  Ministère  des  travaux  publics. 

Sagnier  (Henry),  rédacteur  en  chef  du  Journal  de  Vaqri- 
culture. 

Saint-Marc,  profes.  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Toulouse. 

Saladin  (Henri),  architecte. 

Salone,  professeur  agrégé  d'histoire  et  de  géographie  au 
lycée  Condorcet. 

Samuel  (René),  sous-bibliothécaire  du  Sénat. 

Santi  (Dr  L.  de),  médecin-major  de  2e  classe. 

Sarrau,  membre  de  l'Institut,  ingénieur  en  chef  des  poudres 
et  salpêtres. 

Saury  (D1),  médecin  de  l'asile  de  Suresnes. 

Sauvage  (D1),  directeur  de  la  station  aquicole  de  Boulogne-sur  - 
Mer.  • 

Saverot  (Victor),  docteur  en  droit 

Sayous,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon, 
membre  correspondant  de  l'Académie  hongroise. 

Sciiefer  (G.),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  l'Arse- 
nal. 

Schmit  (L.),  conducteur  des  ponts  et  chaussées. 

Sergent  (Ed.),  commandant  de  l'armée  territoriale. 

Simon  (Eugène),  ancien  président  des  Sociétés  entomologique 
et  zoologique  de  France. 

Souquet  (Paul),  professeur  de  philosophie  au  lycée  Janson- 
de-Sailly. 

Souviron  (Alfred),  chef  de  division  à  la  préfecture  de  la 
Seine. 

Stein  (H.),  archiviste  aux  Archives  nationales. 

Straus,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Stroehlin,  professeur  à  l'Université  de  Genève. 

Stryienski  (Casimir),  professeur  agrégé  au  lycée  Montaigne. 

Swarte  (Victor  de),  trésorier-payeur  général  de  Seine-et- 
Marne. 

Tannery  (P.),  ingénieur  des  manufactures  de  l'État. 

Tausserat  (Alexandre),  attaché  au  Ministère  des  affaires 
étrangères. 

Théry  (Edmond),  publiciste. 

Tuesmar  (J.),  avocat  à  la  cour  d'appel. 

Tuiers  (Adolphe),  publiciste. 

Tiiolin  (G.),  archiviste  du  département  du  Lot-et-Garonne. 

Thomas  (Antoine),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris. 

Thomas  (Dr  L.),  bibliothécaire  à  la  Faculté  de  médecine  de 
Paris. 

Tiersot  (Julien),  sous-bibliothécaire  au  Conservatoire  de 
musique. 

Tourneux  (Maurice),  publiciste. 

Trawinski,  sous-chef  de  bureau  à  la  direction  des  Beaux - 
Arts. 

Trescaze  (A.),  directeur  honoraire  des  douanes. 

Trouessart,  docteur  en  médecine. 

Vaciion  (Marius),  secrétaire  de  l'Union  centrale  des  Arts 
décoratifs. 

Valabrègue  (Antony),  critique  d'art. 

Varigny  (C.  de). 

Varigny  (H. de),  docteur  en  médecine,  docteur  es  sciences 
naturelles. 

Vast  (Henri),  professeur  d'histoire  et  de  géographie  au  lycée 
Condorcet,  examinateur  d'admission  à  l'école  Saint- 
Cyr. 

Vayssière  (A.),  archiviste  du  département  de  l'Allier. 

Vélain  (Charles),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des 
sciences  de  Paris. 

Vendryes,  membre  de  la  Société  botanique  de  France. 

Venukoff  (  Michel  ) ,  ancien  secrétaire  général  de  la  Société 
de  géographie  de  Russie. 

Vergniol  (G.),  professeur  agrégé  d'histoire  au  lycée  de 
Bourges. 

Verneau  (Dr),  assistant  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 

Vernes  (Maurice),  directeur  adjoint  à  l'École  des  Hautes- 
Etudes  (section  des  sciences  religieuses). 

Viala  (Pierre),  professeur  de  viticulture  à  l'Institut  national 
agronomique  de  Paris. 

Villedeuil  (Ch.  de),  astronome. 

Vinson  (Julien),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orien- 
tales. 

Vogel,  publiciste. 

Vollet  (  E.-H.  ),  docteur  en  droit. 

Welsciiinger  (Henri),  vice-président  de  la  Société  des  Eludes 
historiques. 

Will  (Louis) . 

Yriarte  (Charles),  inspecteur  des  Beaux- Arts. 

Zaborowski,  publiciste,  ancien  secrétaire  de  la  Société 
d'anthropologie  de  Paris. 


LA   GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


F 


FANUM  Feronle  (Géogr.  anc).  Ce  mot  latin  fanum, 
qui  signifie  temple,  a  trait  à  un  grand  nombre  de  désigna- 
tions géographiques  dont  l'origine  est  aisée  à  comprendre. 
Ainsi,  on  appelait  Fanum  Feroniœ  une  localité  sur  la  côte 
d'Etrurie  entre  Luna  et  Pise  (aujourd'hui  Pietra  Santa),  à 
cause  du  temple  de  la  déesse  Feronia  (V.  ce  nom).  Il  s'y 
tenait  un  grand  marché  le  jour  de  la  fête  de  cette  divinité. 

FANUM  Fortunée  (Géogr.  anc).  V.  Fano. 

FANUM  Fugitiyi  (Géogr.  anc).  Station  de  l'ancienne 
Italie  sur  la  voie  Flaminienne,  entre  Interamna  (Terni)  et 
Spolète. 

FANUM  Martis  (Géogr.  anc.)  (V.  Famars). 

FANUM  Minerve  (Géogr.  anc).  Localité  de  la  Gaule, 
entre  Reims  et  Metz,  probablement  Cheppe  (V.  ce  mot). 

FANUM  Veneris  (V.  Port-Vendres). 

FANUM  Voltumn^  (Géogr.  anc).  Ancienne  ville  d'Italie 
(Etrurie),  auN.-O.  de  Faleries.  Elle  tirait  son  nom  d'un 
temple  consacré  à  la  divinité  Voltumna,  dans  lequel  les  chefs 
de  la  confédération  étrusque  tenaient  leurs  assemblées. 
C'est  aujourd'hui  Viterbe. 

FANZONI  ou  Fenzoni  (Ferraù),  peintre  de  l'école  bo- 
lonaise, né  à  Faenza  en  4562,  mort  en  1645.  Il  reçut  à 
Rome  les  leçons  de  Francesco  Vanni,  et,  en  collaboration 
avec  Andréa  d'Ancona,  Baldassare  Croce,  et  d'autres  ar- 
tistes, il  commença  par  exécuter  à  fresque,  à  Sainte-Marie- 
Majeure,  à  Saint-Jean  de  Latran  et  à  la  Scala  Santa, 
divers  sujets  tirés  du  Nouveau  Testament.  De  retour  à 
Faenza,  il  se  mit  à  étudier  particulièrement  les  Carrache, 
dont  on  retrouve  dès  lors  l'influence  dans  son  style  : 
témoin  sa  Descente  de  Croix  aux  religieuses  de  Saint- 
Dominique,  sa  Piscine  parabolique  à  la  confrérie  de 
Saint-Jean,  et  ses  peintures  de  la  chapelle  Saint-Charles 
au  Dôme.  Il  y  a  aussi  de  lui  un  Saint  Onuphre  à  la  cathé- 
drale de  Foligno,  et  de  nombreuses  œuvres  à  Ravenne  et 
dans  le  reste  de  la  Romagne. 

FAO  et  FAU.  Port  de' la  Turquie  d'Asie  (Irak-Arabi), 
à  l'embouchure  du  Chatt-el-Arab,  sur  le  golfe  Persique,  à 
75  kil.  S.  de  Basra  et  à  20  kil.  de  la  mer  profonde  par 
suite  des  alluvions.  C'est  par  là  que  les  navires  entrent 
dans  le  fleuve.  Fao,  créé  par  les  Arabes  au  vne  siècle,  est 
sur  l'emplacement  de  l'ancienne  Térédon  fondée  par  Nabu- 
chodonosor  Ier  et  qui  fut  le  grand  port  de  la  Characène 
pour  tout  le  commerce  du  Levant  dans  l'antiquité.  E.  Dr. 

FAON  (V.  Cerf). 

FAOU  (Le).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Finistère,  arr. 
de  Châteaulin,  au  fond  d'un  estuaire  ou  rivière  du  Faou, 
grande  encyclopédie.  —  XVII. 


débouchant,  avec  l'Aune,  dans  la  rade  de  Brest  ;  1 ,369  hab. 
Petit  port  d'échouage,  trafic  maritime  de  céréales  et  bois, 
un  des  marchés  de  Brest  pour  légumes  et  fruits.  Bourg 
fort  ancien;  église  du  xvie  siècle;  chapelle  de  Saint- 
Joseph,  de  1541.  Le  nom  du  Faou  (hêtre)  lui  vient 
d'un  groupe  célèbre  de  trois  hêtres  qui  dominait  la  contrée. 
La  ville  ne  fut  jamais  murée  ;  il  y  avait  un  château  fort 
dont  il  ne  reste  plus  que  l'emplacement.  Elle  avait  le  titre 
de  vicomte  et  appartint  primitivement  à  une  branche  ca- 
dette de  la  famille  de  Léon  (V.  Châteaulin,  t.  X,  p.  901). 
Bibl.:  Mengin,  Notice  sur  le  port  du  Faou,  dans  Ports 
marit.  de  France,  1879,  t.  IV. 

FAOU  ER.  Poste  égyptien  du  Soudan  équatorial,  à  325  kil. 
S.-S.-E.  de  Lado,  sur  le  Nil  blanc,  à  égale  distance  du  lac 
Long  et  du  Mvoutan. 

FAOU  ET  (Le).  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Saint-Brieuc,  cant.  de  Lanvollon  ;  697  hab.  Dans  l'église, 
ancien  autel  en  bois  sculpté  ;  chapelle  de  Notre-Dame  de 
Kergrist  du  xv°  siècle.  Fontaine  miraculeuse  de  Saint-Hervé. 

FAOU  ET  (Le).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Morbihan, 
arr.  de  Pontivy,  entre  l'EUé  et  le  Ster;  3,277  hab.  Fabri- 
cation de  sabots.  Anciennes  halles  en  charpente  sur  une 
vaste  place,  où  se  trouvent  les  chapelles  de  la  Congrégation 
et  des  Ursulines.  Eglise  paroissiale  du  xve  siècle  avec  chœur 
du  xvic.  A  1  kil.  et  demi  du  bourg  s'élève,  sur  une  colline 
escarpée  dominant  de  100  m.  le  cours  de  l'EUé,  la  cha- 
pelle Sainte-Barbe,  l'un  des  édifices  les  plus  curieux  et 
les  plus  pittoresques  de  la  Bretagne,  élevé  en  1489  sur 
une  pointe  de  rocher,  à  la  suite,  d'après  la  légende,  d'un 
vœu  fait  par  le  seigneur  de  Toulbodon  enLocmalo.  Au  pre- 
mier palier  de  l'escalier  à  balustre  par  lequel  on  monte  à 
la  chapelle  Sainte-Barbe,  une  arche  en  pierre  donne  accès 
à  une  autre  pointe  de  rocher  sur  laquelle  s'élève  la  cha- 
pelle Saint-Michel,  dont  les  pèlerins  font  le  tour  en  se 
cramponnant  aux  anneaux  de  fer  scellés  dans  les  murs.  A 
2  kil.  environ  au  S.  du  Faouet  est  le  village  de  Saint- 
Fiacre,  dont  la  •  chapelle  du  xve  siècle,  surmontée  d'une 
flèche  élégante,  a  conservé  d'anciennes  statues,  notamment 
celles  de  saint  Christophe,  de  grandeur  colossale,  celle 
de  saint  Fiacre,  un  jubé  en  bois  sculpté,  datant  de  1440, 
et  de  beaux  vitraux  du  xvie  siècle. 

FAOU  G.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Vaud,  district 
d'Avenches;  465  hab.  Cette  localité,  située  sur  le  lac  de 
Morat  et  sur  l'ancienne  grande  route  de  Berne  à  Lau- 
sanne, fut,  en  1802,  le  théâtre  d'un  combat,  lorsque  le  gou- 
vernement helvétique  transféra  sa  résidence  à  Lausanne. 

1 


FAPESMO  —  FARABEUF 


-  2  - 


FA  P  ES  MO  (Log.).  Terme  qui  désigne  un  mode  indirect 
de  la  première  figure  du  syllogisme  (V.  ce  mot),  dans 
lequel  la  majeure  est  universelle  affirmative  (A),  la  mineure 
universelle  négative  (E),  et  la  conclusion  particulière  néga- 
tive (0).  Ex.  :  Toute  qualité  naturelle  vient  de  Dieu;  — 
nulle  vertu  n'est  une  qualité  naturelle  ;  —  donc  il  y  a  des 
qualités  qui  ont  Dieu  pour  auteur  et  qui  ne  sont  pas  des 
vertus.  La  lettre  E  marque  que,  pour  être  prouvé,  ce 
mode  doit  être  ramené  au  mode  direct  ferio,  la  lettre  M 
indique  que  cette  opération  doit  se  faire  en  transposant  les 
prémisses  de  façon  que  la  majeure  subisse  une  conversion 
par  accident  (P)  et  devienne  la  mineure,  et  que  la  mineure 
subisse  une  conversion  simple  (S)  et  devienne  la  majeure. 

FAQUIN  (Art  milit.).  A  partir  du  xve  siècle  où  le  mot 
fut  importé  d'Italie,  on  désigna  ainsi  le  manneauin  revêtu 
d'une  armure,  contre  lequel  les  jeunes  seigneurs  s'exer- 
çaient au  maniement  de  la  lance.  Lorsque  les  mœurs 
se  furent  adoucies,  à  l'homme  vivant,  dont  on  se  servait 
d'abord  le  plus  communément,  et  à  qui  il  arrivait  souvent 
d'être  blessé  ou  même  tué,  on  substitua  un  mannequin 
ou  homme  postiche,  le  faquin.  Parfois,  pour  inciter  le 
jouteur  à  frapper  juste,  le  faquin  tournait  sur  un  pivot, 
et,  si  le  coup  de  lance  était  appliqué  trop  en  dehors  de  la 
ligne  médiane,  un  bâton  que  tenait  le  bonhomme  factice 
venait  frapper  rudement  le  maladroit,  quand  il  passait  près 
de  lui,  emporté  par  son  élan.  Ed.  Sergent. 

FAQUIR.  Religieux  indien.  L'hindoustani  a  emprunté  ce 
vocable  à  l'arabe,  où  il  signifie  pauvre,  mais  il  en  a  modi- 
fié le  sens  pour  l'appliquer  spécialement  aux  religieux  men- 
diants, musulmans  d'abord,  puis  sans  distinction  de 
croyance  ou  de  secte.  Ascètes  et  thaumaturges,  les  faquirs 
sont  de  bonne  heure  devenus  célèbres  dans  l'Occident  par 
leurs  effrayantes  mortifications  et  par  leurs  tours  presti- 
gieux. Les  récits  de  voyage  et  les  descriptions  de  l'Inde 
abondent  en  exemples  merveilleux  et  pourtant  exacts  de 
leur  constance  et  de  leur  adresse. 

Le  chapelain  Abraham  Roger,  attaché  à  la  factorerie  de 
Palicate  vers  le  milieu  du  xvne  siècle,  cite  un  faquir  qui 
passait  le  jour  entier  assis  sans  changer  de  place,  et  ne  se 
couchait  jamais  pour  dormir  ;  il  reposait  toujours  assis  et 
tenait  la  bouche  continuellement  ouverte  pour  prononcer  les 
mille  noms  de  Siva  ;  il  honorait  d'un  culte  assidu  l'emblème 
phallique  du  dieu,  puis,  les  cérémonies  achevées,  il  allait  se 
tenir  debout  sur  la  tête,  aussi  droit  et  immobile  qu'un 
poteau,  et  se  mettait  ainsi  à  réciter  des  prières.  Ensuite  il 
allumait  un  feu  assez  vif  et  se  laissait  balancer  au-dessus 
de  la  flamme,  la  tête  en  bas,  les  pieds  attachés  à  une  sorte 
de  potence,  et  tout  en  se  balançant  ainsi  il  attisait  le  foyer. 
Un  autre  portait  un  collier  de  fer  qui  pesait  vingt-quatre 
livres,  sept  en  forme  de  treillis  et  de  quatre  pieds  en  carré. 
Il  avait  fait  vœu  de  le  porter  sans  le  quitter  jusqu'à  ce 
qu'il  eût  amassé  en  mendiant  une  somme  suffisante  pour 
bâtir  un  hôpital.  D'autres  traînaient  de  grandes  et  pesantes 
chaînes  de  fer  rivées  à  leurs  jambes,  en  rejetaient  une 
partie  sur  l'épaule;  un  autre  allait  avec  des  sabots  de  bois 
remplis  de  clous  ;  un  autre  s'était  fait  attacher  à  un  arbre 
avec  une  chaîne  de  fer  à  la  jambe,  résolu  à  finir  ainsi  ses 
jours.  Les  faquirs  de  l'Inde  contemporaine  sont  en  état  de 
soutenir  la  comparaison  avec  leurs  prédécesseurs.  Lors  d'un 
récent  voyage  dans  l'Inde,  le  professeur  Monier  Williams 
rencontrait  à  Allahabad  un  homme  assis  depuis  cinquante 
ans,  dans  la  même  position,  sur  un  piédestal  en  pierre, 
exposé  au  soleil,  au  vent,  à  la  pluie  ;  il  ne  bougeait  qu'une 
fois  par  jour,  lorsque  ses  dévots  le  conduisaient  jusqu'aux 
flots  sacrés  du  Gange  ;  il  trouvait  à  Gaya  et  à  Benarès  des 
ascètes  qui  tenaient  continuellement  le  bras  dressé  au-des- 
sus de  leur  tête,  le  poing  fermé,  attendant  avec  une  patience 
fervente  le  moment  où  leurs  ongles  traverseraient  de  la 
paume  au  revers  toute  la  chair  de  leur  main  ;  leur  bras 
atrophié,  paralysé,  n'était  plus  capable  de  se  mouvoir.  Quand 
le  même  voyageur,  témoin  digne  de  foi,  passa  au  pied  de 
la  sainte  colline  de  Govardhan,  près  deMathura,  un  faquir 
se  roulait  à  terre,  mesurant  ainsi  pouce  à  pouce  le  sol  foulé 


jadis  par  le  divin  Krichna  ;  le  circuit  est  de  vingt  milles,  et 
il  lui  fallait  le  recommencer  cent  huit  fois  !  Nous  n'avons 
point  à  parler  ici  des  suicides  commis  au  nom  de  la  religion; 
ils  ne  sont  pas  accomplis  par  une  classe  spéciale  de  fidèles  ; 
mais  nous  devons  rappeler  la  pratique  si  fameuse  des 
faquirs  qui  s'enterrent  vivants  dans  un  réduit  souterrain, 
sans  air,  sans  jour,  sans  nourriture  et  qui  prétendent  pas- 
ser ainsi  plusieurs  semaines,  jusqu'à  l'heure  convenue  où 
leurs  dévots  viennent  constater  le  miracle  et  tirer  de  sa 
tombe  l'ascète  encore  vivant.  L'intervention  des  Européens 
a  plus  d'une  fois,  en  ces  dernières  années,  réduit  le  prétendu 
miracle  à  un  simple  tour  de  charlatanisme  plus  ou  moins 
adroitement  truqué  ;  mais  les  issues  secrètes,  les  jours 
dissimulés  et  les  savantes  supercheries  mises  à  jour  en  pré- 
sence de  la  multitude  n'ont  pas  diminué  sa  crédulité.  Le 
faquir  peut  compter  encore  sur  de  beaux  jours  dans  Flnde. 
Malgré  leur  désignation  commune,  il  importe  de  distin- 
guer les  faquirs  selon  leur  religion  et  leur  secte.  Les  faquirs 
musulmans,  connus  aussi  sous  le  nom  de  derviches,  passent 
leur  vie  à  parcourir  en  vagabonds  tous  les  pays  do  l'Islam, 
Inde,  Turkestan,  Perse,  Turquie,  Egypte,  vêtus  d'une  robe 
de  coton  blanc  en  lambeaux,  les  pieds  et  la  tête  nus,  la 
barbe  en  broussaille,  tantôt  hébergés  par  les  fidèles,  tan- 
tôt campés  en  plein  champ,  tantôt  seuls  sur  les  chemins, 
tantôt  mêlés  à  une  caravane,  instruits  par  l'étude  des  livres 
et  l'expérience  de  la  vie,  conteurs  habiles  et  féconds  en 
récits,  toujours  prêts  à  payer  leur  écot  en  histoires,  curieux 
de  théologie  et  de  philosophie,  hardis  d'opinion,  souvent  à 
mi-chemin  de  l'hérésie,  traits  d'union  entre  le  dogmatisme 
brahmanique  et  le  dogmatisme  musulman.  Les  religieux 
mendiants  sivaïtesse  distinguent  des  vichnouïtes,  moins  par 
leurs  noms,  leur  costume,  leurs  marques  sectaires,  que  par 
le  caractère  général  de  leurs  austérités.  Les  Sannyasis,  les 
Vairagis,  les  Tridandis  du  vichnouïsme  s'appliquent  à 
observer  dans  leurs  propos  comme  dans  leur  aspect  une 
décence  plaisante.  Les  ascètes  errants  du  sivaïsme  ont  trouvé 
leur  expression  suprême  dans  l'Aghori,  qu'un  brillant  écri- 
vain hindou,  M.  Behramji  Malabari,  décrit  en  ces  termes  : 
«  L'Aghori  est  un  monstre  ;  c'est  un  être  humain  qui  par 
une  série  d'exercices  a  atteint  le  plus  haut  sommet  de  son 
ambition,  les  sentiments,  l'air  et  la  vraie  nature  d'une  bête. 
Sale,  boueux,  hirsute,  les  yeux  en  feu,  les  narines  dis- 
tendues, les  ongles  longs  d'un  pouce,  le  corps  ravagé  par 
les  maladies,  mangé  de  vers,  la  vermine  dans  le  poil,  la 
vermine  sur  le  corps,  la  langue  pendante,  les  dents  puantes. 
Jamais  il  ne  se  lave  ni  ne  s'habille  ;  il  ne  mange  que  de  la 
charogne  et  ne  boit  que  de  l'eau  croupie.  Un  crâne  d'homme 
à  la  main,  un  bâton  dans  l'autre  main,  il  entre  violemment 
dans  les  maisons,  crie,  bat,  frappe,  épouvante  les  femmes 
et  les  enfants,  et  se  plaît  à  verser  le  sang  humain.  »  C'est 
par  de  telles  atrocités  que  l'Aghori  se  flatte  de  plaire  au 
dieu  que  l'Inde  adore  comme  le  symbole  de  la  destruction. 

Nous  n'avons  point  à  analyser  ici  les  principes  religieux 
qui  inspirent  ces  fanatiques  ;  faquirs  musulmans  et  faquirs 
hindous  sont  le  produit  naturel  et  logique  de  leur  religion 
et  de  leur  race.  Le  dédain  des  biens  terrestres,  l'impatient 
désir  de  s'assurer  à  tout  prix  la  félicité  éternelle,  l'exal- 
tation des  croyances,  le  mépris  des  souffrances  corporelles, 
les  facilités  de  la  vie  errante  et  du  séjour  en  plein  air 
expliquent  sans  peine  la  naissance  et  le  développement  des 
religieux  vagabonds  dans  l'Inde.  Sylvain  Lévi. 

FARABEUF  (Louis-Hubert),  anatomiste  français,  né  à 
La  Conquillie-Bannost  (Seine-et-Marne)  le  6  mai  1841. 
Il  a  fait  ses  études  médicales  à  Paris.  Interne  des  hôpitaux 
au  concours  de  1864,  aide  d'anatomie  de  la  faculté  en 
1868,  docteur  en  médecine  en  1871,  prosecteur  au  con- 
cours de  1872,  chef  des  travaux  anatomiques  en  1878,  il 
a  été  nommé  agrégé  de  la  faculté  en  1 876  et  professeur 
titulaire  d'anatomie  en  1887.  On  lui  doit  la  réorganisation 
de  l'école  pratique  en  ce  qui  concerne  les  études  anatomi- 
ques. Il  a  publié  un  certain  nombre  d'ouvrages  et  de  mé- 
moires ;  nous  citerons  entre  autres  :  De  l'Epidémie  et  des 
épithèliums  (1872);  le  Système  nerveux  (1876);  un 


Précis  du  manuel  opératoire  (1872-85);  et  une  Intro- 
duction a  V étude  clinique  et  a  la  pratique  des  accou- 
chements (1891)  en  collaboration  avec  M.  Vanier. 

FARÂB I  (Abou-Naçr  Mohammed  ibn  Mohammed  ibnOuzbg 
ibn  Farkhan  A1-),  dénommé  d'après  sa  ville  natale  Farab  en 
Turkestan,  un  des  plus  célèbres  philosophes  musulmans,  né 
vers  870,  mort  en  950.  Appelé  à  la  cour  du  prince  Seif-ed- 
Daula  à  Alep,  il  y  excitait  l'admiration  tant  par  la  force  de 
sa  dialectique  que  par  son  talent  de  musicien  ;  on  lui  attribue 
même  l'invention  d'une  sorte  de  harpe  appelée  en  arabe 
kânoûn.  Après  un  séjour  assez  long  à  Alep,  il  accompagna 
son  protecteur  à  Damas,  où  il  fut  surpris  par  la  mort. 
Al-Farabi  peut  être  considéré  comme  le  fondateur  de  la 
philosophie  arabe.  On  trouve  la  liste  très  nombreuse  de  ses 
ouvrages  dans  le  Fihrist  d'En-Nadîm  (éd.  Fliigel,  pp.  248, 
263)  et  dans  le  Dictionnaire  des  philosophes  d'Al-Kifti 
d'où  Mich.  Gasiri  l'a  tirée  et  publiée  dans  sa  Bibliotheca 
arabico-hispana  Escurialensis  (t.  I,  pp.  190-91).  Enfin 
on  trouve  des  données  bibliographiques  très  détaillées  sur 
les  écrits  de  ce  philosophe  dans  le  savant  mémoire  de 
M.  Steinschneider  sur  Al-Farabi.  Les  ouvrages  d' Al-Farabi 
se  composaient  de  commentaires  sur  les  écrits  d'Aristote 
et  de  Platon ,  et  d'un  certain  nombre  d'écrits  où  il 
expose  son  propre  système.  Ces  ouvrages  ne  sont  plus 
conservés  qu'en  petit  nombre,  et  jusque  dans  les  der- 
niers temps  l'on  n'en  a  publié  que  quelques  traités.  Tout 
récemment,  M.  Fr.  Dieterici  a  publié  un  volume  ren- 
fermant huit  traités  de  ce  philosophe  sous  le  titre  Al- 
Farabi' s  philosophische  Abhandlungen  (Leyde,  1890). 
Le  même  savant  a  fait  suivre  cette  précieuse  publication 
d'une  traduction  allemande  qui  vient  de  paraître  également  à 
Leyde  en  1892  (Al  Farabïsphilosophische  Abhandlun- 
gen, ans  dem  Arabischen  ùbersetzt).  Ce  qui  nous  frappe 
dans  le  système  d' Al-Farabi,  c'est  la  combinaison  d'idées 
péripatéticiennes  avec  des  idées  néoplatoniciennes.  Il  a 
réuni  d'une  manière  ingénieuse  les  deux  systèmes  repré- 
sentant les  deux  principales  directions  de  la  philosophie 
antique. 

Bibl.  :  A.  Muller,  Die  griechische  Philosophie  in  cler 
arabischen  Ueberlieferung  ;  Halle,  1873.  —  S.  Munk,  Mé- 
langes de  philosophie  juive  et  arabe;  Paris,  1839.  — 
L.  Dures,  Philosophisches  aus  demzehntenJahrhundert; 
Nakel,  1868.  —  M.  Steinschneider,  A  Ifarabi;  Saint-Péters- 
bourg, 1869.  —  F.  Wustenfeld,  Geschichte  der  arabischen 
Aerzte  und  Naturforscher;  Gœttingue,  18-10. 

FARAD.  Le  farad  est  l'unité  pratique  de  capacité  élec- 
trique adoptée  par  le  congrès  international  des  électriciens 
réunis  à  Paris  en  1881.  Il  est  défini  par  cette  condition 
qu'une  quantité  d'électricité  égale  à  l'unité,  c.-à-d.  un  cou- 
lomb, se  trouvant  répandu  sur  un  corps  conducteur  d'une 
capacité  égale  ù  un  farad,  donne  un  potentiel  d'un  volt. 
Pour  se  faire  une  idée  de  la  grandeur  d'un  pareil  corps, 
supposons  qu'il  possède  la  forme  d'une  sphère  ;  pour  qu'elle 
ait  une  capacité  d'un  farad,  il  faut  que  son  rayon  ait 
9  X  1011  centim.,  soit  1,400  fois  environ  le  rayon  moyen 
de  la  terre.  Aussi  très  souvent  dans  la  pratique  évalue-t-on 
les  capacités  en  millionnièmes  de  farad  que  l'on  nomme 
microfarad.  Avec  cette  unité,  on  trouve  que  la  terre  pos- 
sède une  capacité  d'environ  707  microfarads.   A.  Joannis. 

FARADAY  (Michael),  physicien  et  chimiste  anglais,  né  à 
Newington,  près  de  Londres,  le  22  sept.  1791 ,  mort  à  Hamp- 
ton  Court  le  25  août  1867.  Son  père,  sans  fortune,  lui  fit 
apprendre  l'état  de  relieur,  mais  le  goût  des  expériences  et 
la  répugnance  que  son  métier  lui  inspirait  lui  donnèrent  le 
profond  désir  de  se  vouer  à  la  science.  «  Je  m'imaginais, 
écrit-il  au  docteur  Porris,  que  la  science  devait  rendre 
aimables  et  généreux  tous  ceux  qui  la  cultivent.  »  Aussi, 
transporté  d'enthousiasme  par  le  cours  d'Humphry  Davy, 
prend-il  la  résolution  de  lui  écrire  et  lui  fait-il  part  de  ses 
impressions  :  «  L'idée  que  j'avais  conçue  de  la  supériorité 
morale  des  savants,  le  fit  sourire  et  il  ajouta  qu'il  laisserait 
à  l'expérience  de  quelques  années  le  soin  de  m'éclairer  à 
cet  égard.  »  Nous  avons  cité  ces  passages  pour  montrer 
quelle  haute  opinion  Faraday  s'était  faite  d'un  savant  ;  il 


—  3  —  FARABEUF  -  FARADAY 

nous  reste  à  ajouter  que  sa  personne  et  son  caractère  furent 
de  parfaites  réalisations  de  son  idéal  ;  la  grandeur  et  la 
bonté  de  son  caractère,  la  pureté  inaltérable  de  sa  vie 
scientifique,  l'amour  sincère  du  bien  qu'il  a  toujours  pra- 
tiqué avec  l'ardeur  et  la  vivacité  de  sa  nature,  d'après  les 
expressions  de  Sainte-Claire  Deville,  étaient  à  la  hauteur  de 
ses  admirables  découvertes.  D'une  grande  modestie,  il 
n'accepta  que  peu  de  titres  honorifiques,  entre  autres  ceux 
de  membre  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris  et  de  celle  de  Berlin  et  le  grade  de  commandeur  de 
la  Légion  d'honneur  ;  mais  il  refusa  le  titre  de  baronnet 
qui,  disait-il,  ne  devait  rien  lui  apprendre  et,  par  suite, 
lui  était  inutile.  On  peut  dire  que  sa  vie  se  passa  à  l'Insti- 
tution royale  de  Londres  :  Davy  lui  en  avait  ouvert  les 
portes,  après  la  lettre  que  nous  avons  citée  en  lui  donnant 
un  poste  bien  modeste  d'aide-préparateur  ;  c'est  dans  ce 
même  laboratoire  où  Davy  fit  ses  remarquables  expériences 
sur  les  métaux  alcalins  que  Faraday  a  fait  toutes  ses  décou- 
vertes ;  c'est  dans  le  grand  amphithéâtre  de  l'Institution 
royale  qu'il  a  gagné  sa  popularité  comme  professeur,  grâce 
à  une  rare  habileté  d'expérimentateur  et  de  vulgarisateur. 
La  lecture  d'une  série  de  conférences  qu'il  y  fit  et  qui  ont 
été  réunies  sous  le  titre  Histoire  d'une  chandelle  peuvent 
donner  une  idée  de  la  façon  tout  à  la  fois  sérieuse  et  élé- 
mentaire dont  il  savait  traiter  les  questions  ;  on  peut  y 
admirer  surtout  l'ingéniosité  des  expériences  qui  lui  ser- 
vaient de  démonstrations. 

Les  publications  de  Faraday,  réparties  dans  un  espace 
de  quarante  et  un  ans,  comprennent  3  vol.  in-8  :  Chemical 
Manipulation  (Londres,  1827),  Chemical  Tracts  (1843), 
Lectures  on  light  and  ventilation  (1843),  et  cent-huit 
mémoires  publiés  dans  le  Quarterly  Journal  of  Science, 
dans  le  Philosophical  Magazine  et  dans  lesProceedings  of 
the  Royal  Institution,  Dans  sa  jeunesse,  ses  travaux  ont 
porté  surtout  sur  des  recherches  de  chimie  ;  il  faut  citer 
un  mémoire  original  sur  la  constitution  de  l'acier,  des 
recherches  sur  les  gaz  dégagés  par  l'action  de  la  chaleur 
sur  les  huiles  de  poisson  ;  il  découvrit  dans  cette  étude  un 
certain  nombre  de  carbures  d'hydrogène.  Il  montra  que 
beaucoup  de  gaz  pouvaient  être  liquéfiés,  que,  par  suite, 
les  différences  entre  les  gaz  et  les  vapeurs  consistaient  sur- 
tout dans  leur  liquéfaction  plus  ou  moins  facile.  Les  appa- 
reils simples  et  commodes,  connus  sous  le  nom  de  tubes 
de  Faraday,  servent  encore  aujourd'hui  dans  tous  les  cours 
pour  liquéfier  de  petites  quantités  de  gaz  ;  faciles  à  manier, 
ils  sont  toujours  prêts  à  servir  et  à  reproduire  un  nombre 
illimité  de  fois  ces  intéressantes  expériences.  Faraday 
réussit  en  1830  à  préparer  pour  les  besoins  de  l'optique 
des  verres  d'un  indice  de  réfraction  considérable.  Mais 
c'est  la  première  partie  de  son  œuvre  et  la  moins  impor- 
tante. Ses  recherches  de  physique  ont  une  portée  beaucoup 
plus  haute  et  ses  nombreux  mémoires  sur  l'électricité  con- 
tiennent des  découvertes  de  premier  ordre  :  en  1831,  il 
découvre  les  phénomènes  d'induction  ;  il  appuie  par  des 
expériences  ingénieuses  les  vues  d'Ampère  sur  les  rela- 
tions de  l'électricité  et  du  magnétisme.  Il  trouve  dans  les 
courants  induits  le  secret  de  la  mystérieuse  expérience 
d'Arago,  montrant  qu'un  disque  de  cuivre  que  l'on  tourne 
entre  les  pôles  d'un  électro-aimant  s'échauffe  considérable- 
ment. Il  découvre  les  lois  de  la  polarisation  magnétique, 
montrant  ainsi  des  relations  absolument  inconnues  jus- 
qu'alors entre  la  lumière  et  l'électricité.  Il  énonce  les  lois 
simples  qui  règlent  l'électrolyse  des  corps  ;  il  étend  à  tous 
corps  les  phénomènes  observés  avec  les  aimants  et  le  fer  ; 
il  montre  qu'avec  des  aimants  suffisamment  puissants, 
aucun  corps  ne  se  montre  inerte  :  les  uns  se  dirigent  sui- 
vant la  ligne  des  pôles  des  aimants,  les  autres  se  placent 
perpendiculairement  à  cette  ligne  ;  tous  les  corps  sont  ou 
magnétiques  ou  diamagnétiques.  Son  œuvre  est  donc  con- 
sidérable par  l'importance  des  résultats  trouvés;  presque 
tous  ont  eu  des  applications  nombreuses,  ce  qui  n'a  pas 
peu  contribué  à  sa  renommée.  De  plus,  la  perfection  avec 
laquelle  ses  expériences  étaient  exécutées,  l'originalité  de 


FARADAY  —  FARCEURS 


ses  idées  théoriques,  ne  font  que  rehausser  l'éclat  de  son 
œuvre.  A.  Joannis. 

Bibl.  :  J.-B.  Dumas,  Eloge  historique  de  M.  F.;  Paris, 

1868.  — Bence  Jones,  The  Life  and  lelters  of  F.;  Londres, 

1869.  2  vol.—  Tyndal,  Faraday  as  a  discoverer  ;  Londres, 

1870.  —  Gladstone,  M.  Faraday;  Londres,  18"73,28  édit, 
FARAD1SATI0N  (Phys.)  (V.  Electrothérapie) . 
FARAD J  (Abou  s-Sadât  Boulghak  Ei-Malik  en-Nâsir), 

deuxième  sultan  de  la  dynastie  des  Mamloûks  Circassiens 
Bordjites  d'Egypte,  régna  du  20  juin  1399  au  23  mai  4412. 
Il  avait  une  trentaine  d'années  lorsqu'il  succéda  à  son  père 
Barqoûq.  A  peine  monté  sur  le  trône,  il  eut  à  combattre 
les  gouverneurs  de  Damas  et  d'Alep,  Tenem  et  Yel-Boghâ  et 
l'atabek  Yetmich,  qui  s'étaient  révoltés  contre  son  autorité. 
L'année  suivante,  il  lui  fallut  se  porter  de  nouveau  en  Syrie 
pour  repousser  l'invasion  des  Tatars  conduits  par  Tamer- 
lan.  Après  une  campagne  désastreuse,  Faradj,  battu  près 
d'Alep  le  30  oct.  1400,  fut  contraint  de  s'enfuir  de  Da- 
mas qui  resta  entre  les  mains  du  vainqueur  ainsi  que  tout 
le  N.  de  la  Syrie.  En  sept.  1402,  Tamerlan  le  sommait  de 
reconnaître  sa  suzeraineté,  de  faire  battre  monnaie  à  son 
coin  et  de  lui  livrer  Kara  Yoûsouf,  prince  de  l' Azerbaïdjan, 
fondateur  de  la  dynastie  turkomane  du  Mouton  Noir  et 
l'allié  de  celui-ci,  Ahmed  ibn  Oweïz,  ancien  souverain  de 
Baghdàd,  qui,  chassés  de  leurs  Etats  par  le  conquérant 
moghol,  étaient  venus  se  réfugier  en  1392  à  la  cour  de 
Barqoûq.  Faradj  se  soumit.  Mais  il  rendit  du  même  coup 
son  nom  complètement  impopulaire  tant  en  Syrie  qu'en 
Egypte.  Après  sa  fuite  de  Damas,  il  avait  eu  à  étouffer 
une  série  de  révoltes  fomentées  au  Caire  par  les  émirs  mam- 
loûks, dont  la  turbulence  égalait  l'ambition.  L'Egypte  était 
à  peine  rentrée  dans  le  devoir,  quand  la  Syrie,  où  s'étaient 
donné  rendez-vous  tous  les  mécontents,  le  déclarait  déchu 
du  trône.  A  la  tête  des  rebelles  marchaient  le  futur  sul- 
tan Cheïkh  Mahmoûdî  (V.  Mouayyad),  Djakam,  gouverneur 
d'Alep,  et  Kara  Yoûsouf.  Tout  d'abord  l'avantage  resta  à 
Faradj.  Mais  son  frère,  Izz  ed-DînAbd  el-Azîz,  qui  s'était 
mis,  au  Caire,  à  la  tête  des  factieux,  vint  l'assiéger  dans 
son  palais  et  se  fit  élire  à  sa  place  sous  le  nom  d'El-Malik 
el-Mansoûr  (20  sept.  1405).  Au  bout  de  soixante-dix  jours, 
l'usurpateur  était  renversé,  la  discorde  régnant  dans  son 
camp.  Faradj,  qu'on  croyait  mort,  mais  qui  se  tenait  caché 
au  Caire,  prêt  à  agir,  reparut  tout  à  coup  sur  le  trône 
d'Egypte,  livra  bataille  à  son  frère,  le  fit  prisonnier  et  se 
débarrassa  de  lui  par  le  poison.  Rentrant  en  campagne 
aussitôt  après,  il  réussit  à  chasser  de  quelques  places 
syriennes  les  garnisons  mogholes  qu'y  avait  installées  Ta- 
merlan. Celui-ci,  par  bonheur,  était  mort  l'année  même 
en  février.  La  Syrie  n'en  continua  pas  moins  à  être  le 
théâtre  d'une  guerre  sanglante.  Djakam  y  fut  proclamé  sul- 
tan en  1406.  Encouragé  par  cet  exemple,  Cheikh  Mah- 
moûdî marcha  sur  les  brisées  de  Djakam.  En  six  ans,  Fa- 
radj dut  se  porter  trois  fois  encore  en  Syrie  pour  tenter 
de  réduire  cet  émir  rebelle.  Sa  septième  campagne  fut  la 
dernière.  Bloqué  dans  Damas  par  Cheïkh  Mahmoûdî,  sommé 
d'abdiquer  par  le  calife  El-Mostaïn  qui  rêvait  de  réunir 
entre  ses  mains,  comme  jadis  ses  ancêtres,  les  pouvoirs 
spirituel  et  temporel,  abandonné  par  ses  mamloûks  qu'ef- 
frayait l'anathème  lancé  contre  lui,  Faradj  fut  pris,  déposé, 
excommunié  et  livré  aux  assassins  dans  la  nuit  du  23  mai 
1412.  Son  cadavre  resta  deux  jours  durant  exposé  sur 
un  fumier.  Au  sultan  Faradj  succéda  l'homme  de  paille  de 
l'ambitieux  Cheïkh  Mahmoûdî,  l'abbâside  El-Mostaïn  Bil- 
lâh.  Paul  Ravaisse. 

FARADJ  (Aboul)  (V.  Aboul-Faradj). 

FARAFRAH.  Oasis  du  désert  de  Libye,  à  120kil.S.-O. 
de  la  Petite-Oasis  (Egypte),  par  27°  3'  lat.  N.  et  25°  45" 
long.  E.,  à  76  m.  d'alt.  Visitée  par  Rohlfs  en  1873.  La 
population  est  de  350  hab.,  cultivant  les  dattiers  et  les  oli- 
viers ;  ils  parlent  arabe.  L'ancien  nom  égyptien  aurait  été 
To-ahé. 

FARAKABAD.  Ville  de  l'Inde,  prov.  d'Agra,  ch.-l.  de 
district,  à  145  kil.  de  la  ville  d'Agra,  sur  le  Remganga, 
petit  affluent  du  Gange;  80,000  hab.  environ.  Commerce 


assez  important  en  coton,  grains,  etc.  Elle  a  absorbé  la 
ville  voisine  de  Fateghar  (13,000  hab.),  où  se  trouve  une 
forte  garnison  anglaise. 

FARALLON  (Punta  del).  Ce  mot  farallon  ou  farellon 
est  un  nom  commun  de  la  langue  espagnole  qui  signifie 
pointe,  écueil,  îlot,  et  qui  est  fréquent  dans  la  toponymie 
des  pays  qui  parlent  espagnol.  On  désigne  sous  le  nom  de 
Punta  del  Farallon  un  cap  sur  la  côte  méditerranéenne 
entre  Almeria  et  Carthagène,  à  50  kil.  au  N.  du  cap  de  Gâta. 

FARAMAH.  Village  d'Egypte,  isthme  de  Suez,  près  des 
ruines  de  l'ancienne  Péluse,  dans  une  plaine  marécageuse. 

FARAMANS.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Trévoux, 
cant.  de  Meximieux;  423  hab. 

FARAMANS.  Coin,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne, 
cant.  de  La  Côte-Saint-André  ;  884  hab. 

FARANDOLE. Danse  populaire  de  la  Provence.  Les  dan- 
seurs qui  l'exécutent  sont  précédés  d'un  ou  deux  joueurs 
de  flûte  et  de  tambourin  et  se  suivent  par  couples  en  une 
longue  file  qui  avance,  en  traçant  des  ondulations,  des 
courbes  ou  des  boucles,  selon  la  direction  donnée  par 
les  premiers  danseurs.  La  farandole  forme,  par  consé- 
quent, une  sorte  de  marche  dansée ,  qui  est  en  usage 
surtout  dans  les  cortèges  de  fêtes,  de  mariages  ou  de 
baptêmes.  Les  mélodies  qui  accompagnent  cette  danse 
très  pittoresque  sont  rythmées  à  six-huit,  sur  un  mou- 
vement vif.  Quelques  compositeurs  modernes  ont  intro- 
duit des  farandoles  dans  leurs  œuvres  dramatiques  :  on  en 
trouve  une  dans  Mireille,  de  Gounod,  une  autre  sur  un 
ancien  air  provençal,  dans  l'Artésienne,  de  Bizet.  Un 
ballet  intitulé  la  Farandole,  musique  de  M.  Théodore 
Dubois,  a  été  représenté  à  l'Opéra  le  14  déc.  1883.  M.  Br. 

FARAON.  Bourg  de  la  côte  E.  de  Madagascar,  centre 
des  Antaïmours. 

FARBUS.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  d'Arras, 
cant.  de  Vimy  ;  431  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du  Nord, 
ligne  d'Arras  à  Lens. 

FARCE.  I.  Théâtre  (V.  Comédie,  t.  XI,  pp.  1184-86). 

IL  Art  culinaire.  —  Mélange  de  viandes  hachées  et  épi- 
cées  que  l'on  met  dans  l'intérieur  de  quelque  animal  rôti, 
dans  des  viandes,  dans  des  œufs,  etc.  On  prépare  une  farce 
en  plaçant  dans  une  casserole  de  la  rouelle  de  veau  coupée 
en  petits  morceaux,  avec  du  beurre,  sel,  poivre,  échalottcs 
et  champignons  hachés,  une  feuille  de  laurier  et  un  oignon. 
Après  une  dizaine  de  minutes  de  cuisson,  on  retire  du  feu 
et  on  hache  le  tout,  sauf  la  feuille  de  laurier  et  l'oignon.  On 
mélange  ensuite  dans  un  mortier  égale  quantité  de  cette  chair 
avec  une  panade  épaisse  obtenue  avec  de  la  mie  de  pain 
mouillée  d'un  peu  de  bouillon  et  quelques  jaunes  d'œufs,  et 
on  assaisonne  de  nouveau  avec  sel  et  poivre.  Cette  farce 
sert  pour  toute  espèce  de  mets  apprêtés  au  gratin.  Les  foies 
de  volailles  donnent  une  farce  plus  délicate  que  la  viande 
de  veau. 

FARCEAUX.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  Andelys, 
cant.  d'Etrépagny;  312  hab. 

FARCEURS  (Théâtre).  Nos  premiers  comédiens  étaient 
des  farceurs,  et  c'est  sous  ce  nom  qu'on  désignait  ceux  qui 
jouaient  des  farces,  soit,  à  l'origine  même  de  nos  spectacles, 
sur  les  places  publiques  et  dans  les  carrefours,  soit  plus 
tard,  et  lorsque  le  théâtre  commença  à  se  régulariser,  à 
l'Hôtel  de  Bourgogne,  où  la  farce,  grossière  et  libertine, 
était,  on  le  sait,  en  grand  honneur.  Les  noms  ou  les  pseu- 
donymes de  quelques-uns  de  ces  farceurs  sont  demeurés 
célèbres,  et  c'est  justice  après  tout,  car,  à  défaut  de  talent 
réel,  ils  déployaient  une  verve,  un  nerf,  une  gaieté  qui 
faisaient  la  joie  de  la  foule  et  les  rendirent  singulièrement 
populaires.  Il  faut  citer  parmi  eux  Jean  de  La  Serre,  le  plus 
ancien  que  Ton  connaisse,  puis  le  trio  si  fameux  de  Tur- 
lupin,  Gros-Guillaume  et  Gauthier-Garguille,  puis  encore 
Jacquemin  Jadot,  Bruscambille,  Gandolin,  Laporte,  et  enfin 
Jodelet  qui,  déjà,  nous  rapproche  de  la  vraie  comédie.  Taba- 
rin  aussi  était  un  farceur,  et  l'un  des  plus  réputés,  grâce 
aux  parades  qu'il  jouait  sur  le  Pont-Neuf  avec  son  com- 
père Mondor.  C'est  encore  sous  cette  qualification  qu'on 


désignait  les  premiers  comédiens  italiens  qui  vinrent  en 
France  :  Franca-Trippa,  Brighella,  Scaramouche,  Arlequin, 
et  le  Docteur,  et  Pantalon,  et  Trivelin,  et  Mezzetin... 
Enfin  Molière  lui-même,  notre  immortel  Molière,  se  vit 
pendant  longtemps  qualifié  de  farceur,  et  il  figure  à  ce  titre, 
avec  la  plupart  de  ceux  que  je  viens  de  nommer  et  quelques- 
uns  de  ses  camarades,  sur  un  tableau  très  curieux  appar- 
tenant à  la  Comédie-Française  et  qui  porte  cette  inscription  : 
Farceurs  français  et  italiens  depuis  soixante  ans. 
Peint  en  1671.  A.  P. 

-  FARCHOUT  (copte  Berchoôut).  Ville  de  la  Haute- 
Egypte,  située  dans  la  moudirieh  de  Keneh,  sur  la  rive 
gauche  du  Nil,  mais  à  3  ou  4  kil.  dans  l'intérieur  des 
terres.  La  distance  de  Sirzeh  est  de  42  kil.  Ancien  ch.-l. 
des  cheiks  de  la  puissante  tribu  des  Hawâras,  elle  ne 
compte  plus  aujourd'hui  que  comme  marché  d'une  certaine 
importance  dans  la  moudirieh  et  comme  tête  de  route  pour 
la  Grande-Oasis.Elle  possède,  depuis  le  règne  d'Ismaïl,  une 
des  grandes  sucreries  d'Egypte.  G.  Bénédite. 

FARCIENNES.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut; 
6,000  hab.  Au  xve  siècle,  les  récollets  y  construisirent 
une  importante  abbaye  qui  fut  détruite  à  l'époque  de  la 
Révolution  française. 

Bibl.  :  C.  Lyon,  le  Couvent  de  saint  François  à  Far- 
ciennes,  dans  Doc.  et  rapp.  de  la  Soc.  archéol.  de  Char- 
leroi,  t.  V. 

FARCI  M  INARIA  (Bryoz.).  Genre  de  Bryozoaires  créé  par 
Busk  et  formant  la  famille  des  Farciminariadae.  Les  carac- 
tères sont  ceux  de  cette  famille  ;  le  polypier  est  corné, 
l'ouverture  de  la  zoœcie  occupe  toute  la  face  antérieure. 

FARGIMINARIAD/E  (Bryoz.).  Les  zoœcies  sont,  dans 
cette  famille  de  Bryozoaires  Chéilostomes,  disposées  suivant 
un  ordre  alterne  autour  d'un  axe  imaginaire  et  forment  un 
polypier  rameux,  érigé,  dont  les  branches  cylindriques  se 
divisent  dichotomiquement. 

FARCI N  (Art  vétér.).  Affection  contagieuse  du  cheval, 
caractérisée  par  des  manifestations  extérieures  qui  appa- 
raissent à  la  peau  sous  forme  de  boutons,  de  cordes,  de 
tumeurs  et  d'engorgement,  lesquels  aboutissent,  au  bout 
d'un  temps  plus  ou  moins  long,  suivant  que  le  farcin  est 
-aigu  ou  chronique,  à  une  plaie  ulcéreuse,  de  laquelle 
s'écoule  un  pus  huileux,  jaunâtre,  et  parfois  sanguino- 
lent. Le  farcin  est  une  affection  identique  à  la  morve  ;  on 
a  dit  de  lui  qu'il  était  la  morve  de  la  peau,  de  même  que  la 
morve  serait  le  farcin  des  voies  respiratoires  et  des  organes 
internes.  Tout  cheval  farcineux  est  un  cheval  morveux, 
et  tout  morveux  est  un  cheval  farcineux.  La  maladie,  chez 
l'un  et  l'autre,  est  identique;  seuls  les  symptômes  exté- 
rieurs sont  différents.  Le  farcin,  comme  la  morve,  constitue 
un  vice  rédhibitoire,  d'après  la  loi  du  2  août  4884,  et, 
comme  elle  aussi,  est  rangé  parmi  les  maladies  conta- 
gieuses, énumérées  par  la  loi  du  24  juil.  4881.  Les  me- 
sures qui  le  concernent  se  trouvent  aux  art.  43,  44,  45, 
et  46  du  décret  du  22  juin  4882.  «  Art.  43.  Après  la 
constatation  de  la  morve  ou  du  farcin,  le  préfet  prend  un 
arrêté  portant  déclaration  d'infection  pour  mettre  en  qua- 
rantaine les  locaux  dans  lesquels  se  trouvent  les  animaux 
malades  et  les  placer  sous  la  surveillance  dun  vétérinaire 
délégué  à  cet  effet.  Cette  mesure  entraîne  l'application  des 
dispositions  suivantes  :  1°  défense  d'introduire  dans  ces 
locaux  d'autres  animaux  susceptibles  de  contracter  la 
morve  ou  le  farcin  ;  2°  avertissement  de  l'existence  de  la 
morve  ou  du  farcin  par  un  écriteau  placé  à  l'entrée  prin- 
cipale de  la  ferme  et  sur  les  locaux  infectés.  —  Art.  44. 
Les  animaux  qui  ont  été  exposés  à  la  contagion  restent 
placés  sous  la  surveillance  du  vétérinaire  délégué  pendant 
un  délai  de  deux  mois.  Pendant  la  durée  de  cette  sur- 
veillance, ils  peuvent  être  utilisés,  sous  la  condition  qu'ils 
ne  présentent  aucun  symptôme  de  maladie.  Il  est  interdit 
de  les  exposer  dans  des  concours  publics,  de  les  mettre  en 
vente  ou  de  les  vendre  ;  le  propriétaire  ne  peut  s'en  des- 
saisir que  pour  les  livrer  à  l'équarrissage.  Dans  ce  cas, 
ils  sont  préalablement  marqués,  et  il  est  délivré  un  laissez  - 


—  FARCEURS  —  FARCOT 

passer  qui  est  rapporté  au  maire  dans  le  délai  de  cinq 
jours,  avec  un  certificat  attestant  que  les  animaux  ont  été 
abattus.  Ce  certificat  est  délivré  par  le  vétérinaire  qui  a 
la  surveillance  de  l'atelier  d'équarrissage.  —  Art.  45. 
Lorsque  les  chevaux,  ânes  ou  mulets  sont  abattus,  confor- 
mément à  l'art.  8  de  la  loi  ou  en  vertu  de  l'art,  précé- 
dent, les  peaux  ne  peuvent  être  livrées  au  commerce 
qu'après  désinfection.  —  Art.  46.  Les  mesures  prescrites 
en  vertu  des  art.  43  et  44  sont  levées  par  le  préfet,  après 
la  disparition  de  la  maladie  et  après  constatation,  par  le 
vétérinaire  délégué,  de  l'accomplissement  de  toutes  les 
prescriptions  relatives  à  la  désinfection.  Ceux  des  animaux 
visés  par  l'art.  44,  qui  ont  présenté  des  symptômes  de 
maladie,  restent  placés,  pendant  un  délai  d'un  an,  sous  la 
surveillance  du  vétérinaire  délégué,  et  soumis,  pendant  ce 
laps  de  temps,  aux  interdictions  portées  par  le  3e  alinéa 
dudit  article.  — ■  Loi  du  21  juil.  1881,  art.  8  :  Dans  le 
cas  de  morve  constatée  et  dans  le  cas  de  farcin,  de  char- 
bon, si  la  maladie  est  jugée  incurable  par  le  vétérinaire 
délégué,  les  animaux  doivent  être  abattus  sur  l'ordre  du 
maire.  »  —-  Quand  il  y  a  contestation  sur  la  nature  ou  le 
caractère  incurable  de  la  maladie  entre  le  vétérinaire  délé- 
gué et  le  vétérinaire  que  le  propriétaire  aurait  fait  appeler, 
le  préfet  désigne  un  troisième  vétérinaire,  conformément 
au  rapport  duquel  il  est  statué.  L.  Garnier. 

FARCOT  ( Joseph- Jean-Chrysostome),  économiste  fran- 
çais, né  à  Senlis  le  8  avr.  1744,  mort  le  23  août  1815. 
Professeur  dans  les  collèges  des  oratoriens,  il  quitta  la  con- 
grégation en  1779  pour  fonder  à  Paris  une  maison  de 
commerce.  Elu  en  1789  député  suppléant  de  Paris,  il  fit 
partie,  en  1795,  du  directoire  du  dép.  de  la  Seine.  Animé 
d'idées  généreuses,  il  essaya  de  lutter  contre  les  usuriers 
en  organisant  des  bureaux  de  prêt  dans  les  quartiers 
pauvres.  Mais  cette  tentative  n'obtint  aucun  succès,  et  il 
dut  l'abandonner  en  4805.  Il  a  écrit  :  Questions  consti- 
tutionnelles sur  le  commerce  et  Vindustrie  et  projet 
d'un  impôt  indirect  (Paris,  1790,  in-8)  ;  Discussions 
relatives  a  V influence  du  gouvernement  sur  les  arts 
et  le  commerce  (1808,  in-4);  Mémoire  sur  les  moyens 
d'encourager  les  découvertes  utiles  (1809,  in-4). 

FARCOf  (Marie-Joseph-Denis),  mécanicien  français,  fils 
du  précédent,  né  à  Paris  le  16  nov.  1798,  mort  à  Saint- 
Ouen  (Seine)  le  30  août  1875.  Entré  de  bonne  heure  en  ap- 
prentissage chez  un  fabricant  d'instruments  de  précision,  il 
était  en  1820  monteur  dans  les  ateliers  de  Scipion-Perrier- 
Edwards  et  Cie,  à  Chaillot,  et  fondait  en  1823  l'importante 
maison  de  construction  de  machines  à  vapeur  et  de  pompes 
qui  porte  son  nom  (V.  ci-dessous).  Parmi  ses  nombreuses  in- 
ventions, il  convient  de  mentionner  en  première  ligne  un  sys- 
tème de  distribution  à  détente  variable,  pour  lequel  il  prit  un 
brevet  en  1836  et  qui  a  longtemps  joui,  concurremment  avec 
le  système  Meyer,  de  la  faveur  universelle  (V.  Détente, 
t.  XIV,  pp.  305  et  306).  On  lui  doit  en  outre  une  pompe  à 
jet  continu  (1829),  le  premier  pétrin  mécanique  mû  par  la 
vapeur  (1834),  une  presse  à  huile  à  efforts  automatique- 
ment variables  et  à  travail  constant  (1834),  un  régulateur 
à  cône  de  friction  (1843),  un  générateur  à  chauffage  mé- 
thodique par  gradation  (1844),  etc.  ù  S. 

FARCOT  (Joseph),  mécanicien  français,  fils  aîné  du 
précédent,  né  à  Paris  le  23  juin  4834.  Il  est  sorti  de 
l'Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures  en  1848  et  a 
été  président  de  la  Société  des  ingénieurs  civils  en  4879. 
Il  a  collaboré  dès  4845  aux  travaux  de  son  père,  est 
devenu  ingénieur  en  chef  de  la  maison  Farcot  en  4853 
et  la  dirige  depuis  4869.  Outre  le  développement  considé- 
rable qu'il  a  donné  à  cet  établissement  par  une  série  de 
perfectionnements  et  d'améliorations  réalisés  aussi  bien 
dans  les  procédés  de  fabrication  que  dans  l'outillage,  il  a, 
comme  son  père,  notablement  contribué  aux  progrès  des 
machines  à  vapeur  par  nombre  d'inventions  fécondes,  telles 
que  :  un  régulateur  isochrone  à  bras  et  bielles  croisés 
(4854-56);  un  générateur  à  faisceau  de  tubes  et  foyer 
mobiles  réunissant  à  la  fois  les  types  tubulaire  et  cylin- 


FARCOT 


—  6  — 


drique  (1854)  ;  leservo-moteur  ou  moteur  asservi  (1868), 
ingénieux  engin  qui  permet  de  diriger  avec  la  plus  grande 
précision  les  effets  des  plus  puissants  moteurs,  et  qui  a  valu 
à  son  inventeur,  en  1875,  le  prix  Plumey  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris,  en  1884,  la  grande  médaille  des 
arts  mécaniques  de  la  Société  d'encouragement  ;  une  ma- 
chine élévatoire  à  grande  vitesse,  à  corps  ovoïde  et  à  pis- 
ton façonné  en  pointe  (1872)  ;  une  machine  genre  Corliss 
(V.  ci-dessous),  etc.  Ses 
succès  aux  grandes  expo- 
sitions Font  fait  nommer 
en  1878  officier  de  la  Lé- 
gion d'honaeur;  à  celle 
de  Paris,  en  1889,  il  était 
membre  du  jury.  Il  a  pu- 
blié :  le  Servo-moteur 
(Paris,  1873,  in-8)  ;  No- 
tice sur  les  nouvelles 
pompes  centrifuges  (An- 
nales des  ponts  et  chaus- 
sées, 1888).       L.  S. 

FARCOT  (Maison).  Fon- 
dée en  1823  par  Marie- 
Joseph-Denis  Farcot(V.  ci- 
dessus)  et  installée  suc- 
cessivement rue  Neuve- 
Sainte-Geneviève  et  rue 
Moreau,  à  Paris,  puis,  à 
partir  de  1849,  à  Saint- 
Ouen  (Seine),  où  ses  ate- 
liers couvrent  aujourd'hui 
(1893)  une  surface  d'en- 
viron 40.000  m.,  la  mai- 
son Farcot  prit  en  1858  le  nom  de  Société  Farcot  et  ses 
fils  et  en  1878  celui  de  maison  Joseph  Farcot,  qu'elle 
porte  encore  (1893).  Elle  est  actuellement  gérée,  sous  la  di- 
rection supérieure  de  M.  Joseph  Farcot ,  par  ses  deux  fils 
aînés,  MM.  Paul  et  Augustin  Farcot.  Plus  spécialement 
organisée  pour  la  construction  des  machines  à  vapeur  et  des 
pompes,  elle  fabrique  néanmoins  d'une  façon  générale  tout 
ce  qui  touche  à 
la  mécanique  et 
à  la  chaudron- 
nerie. Parmi  ses 
productions  les 
plus  renommées, 
nous  citerons  : 
ses  machines  à 
détente  Farcot; 
ses  machines 
genre  Corliss  de 
50  à  1,200  che- 
vaux (V.  ci-des- 
sous); ses  ma- 
chines-pilons à 
double  ou  triple, 
expansion  et  à 
grande  vitesse , 
pour  yachts  ou 
torpilleurs  et 
pour  installations 
d'électricité;  ses 
générateurs  ta- 
bulaires et  semi- 

tubulaires  ;  ses  machines  élévatoires  à  action  directe  et  à 
très  grande  vitesse,  qui  ont  été  adoptées  par  la  Ville  de 
Paris  pour  l'usine  hydraulique  de  Saint-Maur  ;  ses  puis- 
santes pompes  centrifuges,  dont  M.  Paul  Farcot  a  fait  en  1 884 
une  colossale  application  à  l'usine  de  Khatatbeh,  laquelle, 
avec  cinq  de  ces  engins,  jette  dans  les  canaux  de  la  Basse- 
Egypte  45,000  litres  d'eau  par  seconde  (plus  de  la  moitié 
du  débit  de  la  Seine  en  étiage);  ses  accouplements  de 
pompes  en  cascades  pour  l'élévation  des  eaux  d'égout; 


Fig.  1.  —  Coupe  longitudinale  du  cylindre. 


Fig.  2.  —  Vue  extérieure  du  cylindre,  côté  de  la  distribution 


ses  marteaux-pilons  à  vapeur;  ses  machines  soufflantes 
et  d'épuisement;  ses  systèmes  de  transmission  et  d'em- 
brayage ;  ses  affûts  et  tourelles  pour  la  grosse  artillerie 
de  marine;  enfin  les  nombreuses  applications  du  servo- 
moteur :  treuils  pour  la  manœuvre  des  gouvernails  des 
grands  cuirassés,  appareils  hydrauliques  pour  la  manœuvre 
des  culasses  des  canons  de  fort  calibre,  appareils  pour  la 
commande  des  grandes  machines  de  mines,  etc. 

Machine  a  vapeur  F'ar- 
cot.  —  Bien  qu'elle  ait 
conservé  une  certaine  im- 
portance pour  les  ma- 
chines fixes  de  puissance 
inférieure  et  aussi  pour 
les  machines  marines 
Wolff  ou  Compound,  la 
distribution  de  vapeur  à 
tiroir  ordinaire  (genres 
Farcot  et  Meyer)  a  cédé 
le  pas  depuis  une  vingtaine 
d'années  à  la  distribution 
à  quatre  tiroirs  (genre 
Corliss).  Aussi  les  ma- 
chines à  détente  Farcot 
n'offrent-elles  plus  guère 
qu'un  intérêt  rétrospectif. 
Nous  nous  bornerons,  en 
ce  qui  les  concerne,  à 
renvoyer  à  ce  qui  a  été 
dit  de  ce  système  à  l'art. 
Détente  (t.  XIV,  pp.  305 
et  306). 
Au  contraire,  la  ma- 
chine genre  Corliss,  dont  la  maison  Farcot  a  présenté  des 
spécimens  aux  expositions  parisiennes  de  1878,  de  1881 
(électricité)  et  de  1889,  est  un  des  plus  beaux  types  actuels 
de  moteur  fixe  à  grande  puissance.  Elle  comporte,  comme 
toutes  ses  congénères,  deux  tiroirs  pour  l'admission  de  la 
vapeur  et  deux  autres  pour  son  échappement  (V.  Détente, 
t.  XIV,  p.  307)  ;  mais  elle  diffère  de  la  machine  Corliss 

primitive  par 
d'importants 
perfectionne- 
ments que  nous 
allons  indiquer 
brièvement  (type 
1889). 

L'espace  mort, 
déjà  réduit  à  0,03 
environ  du  vo- 
lume du  cylindre 
dans  la  machine 
Corliss  ordinaire, 
se  trouve  presque 
complètement 
supprimé  dans  la 
machine  Farcot 
(0,008)  par  une 
disposition  spé- 
ciale des  tiroirs 
d'admission  (A, 
A±)  et  d'échappe- 
ment (B,!^),  les- 
quels sont  placés 
dans  les  fond  et  couvercle  du  cylindre  (tig.  1).  A  l'ap- 
proche du  piston,  le  tiroir  d'échappement,  qui,  ouvert,  pénètre 
dans  l'intérieur  du  cylindre  (position  B^,  s'efface  et  se  range 
dans  le  plan  du  fond  (position  B)  :  le  piston  peut  ainsi 
pousser  sa  course  jusqu'au  fond.  —  L'enveloppe  de  vapeur 
est  alimentée  par  un  tuyau  direct  de  très  grande  section,  T, 
dans  lequel  la  vapeur  vive  de  travail  se  précipite  à  chaque 
fermeture  des  tiroirs  d'admission  ;  elle  est  continuée  sur 
les  parois  planes  par  les  boîtes  mêmes  de  ces  tiroirs,  V, 


—  7  — 


FARCOT  -  FARCY 


de  sorte  qu'elle  entoure  le  cylindre  de  toutes  parts.  Sa 
siccité  est  assurée  aussi  bien  que  sa  haute  température  : 
la  vapeur  arrive  en  effet  par  le  haut,  et  une  petite  pompe 
spéciale  de  purge  refoule  constamment  aux  chaudières 
l'eau  condensée.  Cette  enveloppe  est  d'ailleurs  fondue 
séparément  et  rapportée  :  les  ruptures  provenant  des  dila- 
tations inégales  de  l'enveloppe  et  du  cylindre  sont  ainsi 
évitées. 

Le  mécanisme  d'admission  présente  également  quelques 
particularités  intéressantes,  a  (fig.  2)  est  une  barre  d'excen- 
trique qui  imprime  au  plateau  b  un  mouvement  de  va-et- 
vient  transmis  par  la  bielle  c  au  levier  d  (le  fonctionne- 
ment est  identique  pour  le  tiroir  de  gauche)  ;  f  est  une 
pédale  mue  par  le  levier  d  et  présentant  un  grain  d'acier  ; 
r  est  la  tige  d'un  ressort  métallique  tenant  fermé  le  tiroir 
d'admission  à  l'aide  d'une  manivelle  g  munie  d'un  autre 
grain  d'acier.  Ces  deux  grains  ont  prise  l'un  sur  l'autre, 
grâce  à  un  ressort  intérieur  qui  sollicite  constamment  la 
pédale  /  vers  l'axe  du  tiroir  ;  la  manivelle  g  est  entraînée 
et  le  tiroir  est  ouvert.  Pour  que  l'entraînement  cesse  et 
que,  le  ressort  métallique  reprenant  son  action,  le  tiroir 
se  referme,  il  suffit  évidemment  d'écarter  la  pédale  f  de 
l'axe  du  tiroir  :  le  contact  entre  les  grains  deviendra  im- 
possible. Ce  résultat  est  obtenu  par  deux  cames  à  bosses 
excentrées  K,  K^.  Leur  mouvement  est  commandé  par  les 
deux  bras  ii  de  la  bielle  h,  qui  dépend  directement  du 
régulateur;  il  est  réglé  de  façon  que,  suivant  la  position 
que  le  travail  fourni  donne  au  pendule  du  régulateur,  le 
déclenchement  se  produise  à  l'aller  ou  au  retour  de  l'ex- 
centrique :  dans  le  premier  cas,  l'admission  varie  de  0  à 
0,35  seulement  de  la  course  du  piston  (comme  dans  les 
machines  Corliss  ordinaires)  ;  mais  elle  va  dans  le  second 
cas  jusqu'à  0,8.  Le  régulateur,  qui  préside  à  la  distribu- 
tion dans  des  limites  aussi  étendues,  est  du  reste  un  appa- 
reil à  bras  et  bielles  croisés,  d'une  très  grande  sensibilité 
et  d'une  régularité  d'allure  presque  absolue  ;  la  machine 
peut  par  suite  être  chargée  ou  déchargée  instantané- 
ment d'une  très  grande  fraction  de  son  travail  normal 
sans  modification  sensible  de  sa  vitesse.  —  Lorsque  le 
régulateur  est  en  haut  ou  en  bas  de  sa  course,  l'introduc- 
tion de  la  vapeur  se  trouve  annulée  et  la  machine  stoppée. 
Aux  cas  d'emportement  ou  d'accident  au  régulateur,  l'arrêt 
se  produit  ainsi  automatiquement.  Pour  le  produire  volon- 
tairement, il  suffit  de  manœuvrer  un  volant  à  main  qui, 
par  un  jeu  de  leviers,  fait  monter  le  pendule  au  haut  de 
sa  course.  Si  l'on  tourne  ce  volant  en  sens  contraire,  le 
pendule  redescend  et  la  mise  en  marche  est  immédiate  ; 
elle  peut  d'ailleurs  être  obtenue  à  la  vitesse  désirée  et  tout 
de  suite  à  détente. 

Cette  machine  comporte  diverses  tailles  variant,  comme 
force  motrice,  de  50  à  1,200  chevaux;  elle  consomme  par 
cheval-heure  5k&5  environ  de  vapeur  pour  les  grandes 
puissances,  7  kilogr.  pour  les  petites.  Elle  a  été  surtout 
employée  jusqu'ici  par  les  usines  éleva toires  (Saint-Maur, 
Clichy,  le  Khatatbeh  en  Egypte),  par  les  filatures  et  par 
les  arsenaux.  Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  Huin,  Théorie  et  description  des  régulateurs 
"marins  isochrones  Farcot  ;  Paris,  s.  d.,  in-8.  —  J.  Farcot, 
le  Servo-moteur;  Paris,  1873,  in-8.  —  Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences  de  Paris,  année  1875,  séance  du 
21  juin.  —  Tresga,  Discours  sur  la  tombe  de  M.  Farcot; 
Paris,  1876,  in-4.— Machine  élévatoire  de  M.  J.  Farcot,  dans 
les  Annales  industrielles  du  12  mai  1878.  —  W.-H.  Uhland, 
les  Nouvelles  Machines  à  vapeur;  Paris,  1879,  in-8,  pp.  86 
et 89.—  J.  Buchetti,  les  Machines  à  vapeur  actuelles; 
Paris,  1881,  in-4,  pp.  20,  83  et  159.—  Revue  industrielle, 
16  nov.  1881.  —  M.  Brull,  les  Pompes  centrifuges  Farcot; 
Paris,  1887,  in-8.  —  MaxDENANSOUTY,  la  Machine  àvapeur 
horizontale  de  1,000  chevaux;  Paris,  1889,  in-8. 

FARCY  (François-Charles),  publiciste  français,  né  à 
Paris  le  30  août  1792,  mort  à  Paris  en  mars  1867.  Em- 
ployé au  secrétariat  du  ministère  de  la  guerre,  puis  impri- 
meur à  Paris,  il  fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  libre 
des  beaux-arts,  rédacteur  en  chef  du  Journal  des 
Artistes  (1827-1855),  collaborateur  des  Muses  lyriques, 
du  Journal  de  Paris,  de  la  Presse,  du  Moniteur  pari- 


sien, etc.;  il  a  publié  en  outre  :  le  Ministère  chinois 
(Paris,  1818,  in-8)  ;  Avis  aux  libéraux  par  un  libéral 
(1819,  in-8);  les  Commis  (1818,  in-8);  l'Esprit  du 
ministère  depuis  le  commencement  de  la  Révolution 
jusqu'à  nos  jours  (1818,  in-8)  ;  Essai  sur  le  dessin  et 
la  peinture  (1819,  in-8)  ;  l'Enthousiasme  (1821,  in-4)  ; 
Résumé  et  application  des  principes  élémentaires  de 
la  perspective  (1822-23,  4  vol.  in-4);  Cours  élémen- 
taire de  perspective  (1823,  in-8)  ;  Discours  du  nou- 
veau bonhomme  Richard  à  ses  concitoyens  (1826, 
in-18);  Esquisses  bureaucratiques  (1826,  in-8)  ;  Pedro, 
nouvelle  espagnole  (4826,  in-12)  ;  De  V Origine  et  des 
progrès  de  la  philosophie  en  France  (1826,  in-4)  ; 
Recherches  historiques  sur  V aigle  (1826,  in-4); 
Aperçu  philosophique  des  connaissances  humaines 
au  xixe  siècle  (1827,  in-18)  ;  le  Cinq  Mai  ou  la  Mort 
de  Napoléon  (1827,  in-8)  ;  De  F  Etat  actuel  des  beaux- 
arts  en  Europe  (1827,  in-8)  ;  Pétition  a  la  Chambre 
des  pairs  sur  la  police  de  la  Presse  (1827,  in-4); 
Examen  critique  d'Olga  et  résumé  des  débats  entre 
le  classique  et  le  romantique  (1828,  in-8)  ;  Lettre  a 
Victor  Hugo  suivie  d'un  projet  de  charte  romantique 
(1830,  in-8);  De  l'Avantage  et  de  l'inconvénient  d'une 
direction  des  arts  (1830,  in-8)  ;  Du  Gouvernement 
parlementaire  (1840,  in-8)  ;  De  la  Force  en  matière 
de  gouvernement  (1832,  in-8)  ;  Simple  Histoire  de 
Napoléon  (1840,  in-36);  De  l'Aristocratie  anglaise,  de 
la  démocratie  américaine  et  de  la  libéralité  des  insti- 
tutions françaises  (1842,  in-8)  ;  Mémoire  à  l'Académie 
des  inscriptions  sur  les  antiquités  mexicaines  (1843, 
in-8).  Membre  de  la  Société  royale  académique  des 
sciences  et  de  la  Société  des  antiquaires  de  France, 
Farcy  a  encore  collaboré  à  la  traduction  des  Mémoires 
relatifs  à  la  Révolution  d'Angleterre,  publiée  par  Guizot, 
et  à  d'autres  publications  historiques.  R.  S. 

FARCY  (Jean-Georges),  littérateur  français,  né  à  Paris 
le  20  nov.  1800,  mort  à  Paris  le  29  juil.  1830.  Entré 
en  1819  à  l'Ecole  normale,  qui  fut  licenciée  en  1822,  il 
termina  ses  études  philosophiques  sous  la  direction  de 
Victor  Cousin,  se  chargea  d'une  éducation  particulière  dans 
la  famille  de  Narichkine,  fit  en  Italie  un  séjour  assez  pro- 
longé (1826)  et  se  rendit  l'année  suivante  au  Brésil  où  il 
ne  recueillit  pas  le  fruit  de  ses  peines.  Il  était  professeur 
de  philosophie  dans  une  institution  de  Fontenay  -  aux - 
Roses  quand  éclata  la  révolution  de  Juillet.  11  accourut  à 
Paris,  s'arma  d'un  fusil  et,  mortellement  blessé  au  coin 
des  rues  de  Rohan  et  de  Montpensier,  expira  le  jour  même. 
Georges  Farcy  n'avait,  de  son  vivant,  publié  que  quelques 
articles  dans  le  Globe  et  la  traduction  du  3e  vol.  des 
Eléments  de  la  philosophie  de  l'esprit  humain  de 
Dugald  Stewart  (1826)  ;  ses  amis  recueillirent,  sous  le 
titre  àeReliquiœ  (1831,  in-18),  des  fragments  en  prose, 
des  pensées  et  des  poésies.  Victor  Cousin  dédia  la  traduc- 
tion des  Lois,  de  Platon,  à  sa  mémoire  ;  une  plaque  de 
marbre  consacra  longtemps  la  place  où  l'on  supposait 
(à  tort)  qu'il  était  tombé,  et  le  peintre  Alexandre  Collin 
exposa  au  Salon  de  1831  un  portrait  en  pied  de  Georges 
Farcy  qui  appartient  aujourd'hui  au  musée  Carnavalet. 

M.  Tx. 

Bibl.  :  Sainte-Beuve,  Notice  en  tête  des  Rèliquiœ,  réimp • 
dans  les  Portraits  littéraires,  t.  I.  —  Jules  Claretiei 
Elisa  Mercœur  Dovalle,  Farcy,  etc.,  1864,  in-18. 

FARCY  (Eu gène- Jérôme),  inventeur  et  homme  politique 
français,  né  à  Passy  (Seine)  le  19  mai  1830.  Dès  l'âge  de 
neuf  ans,  ii  s'embarqua  sur  le  navire-école  l'Oriental  avec 
lequel  il  fit  le  tour  du  monde.  En  1845  il  entra  à  l'Ecole 
navale  et  conquit  successivement  les  grades  d'aspirant  et 
d'enseigne  de  vaisseau  ;  ses  lointaines  expéditions  à  Mada- 
gascar et  à  la  Réunion,  à  la  Guyane  et  aux  Antilles,  firent 
valoir  son  mérite  et  en  1859  il  fut  nommé  lieutenant  de 
vaisseau.  Il  rentra  alors  en  France  et  se  livra  tout  entier 
à  l'étude  des  perfectionnements  de  notre  marine  ;  il  est 
l'inventeur  de  la  canonnière  qui  porte  son  nom.  Malheu- 


FARCY  —  FARD 


reusement,  le  gouvernement,  entraîné  par  la  routine,  ne  vou- 
lut pas  la  mettre  à  profit  et  ce  ne  fut  qu'en  1874 ,  au 
moment  de  la  défense  nationale,  qu'on  songea  à  utiliser 
l'unique  canonnière  qui  avait  été  construite.  Depuis,  deux 
canonnières  Farcy,  la  Mitrailleuse  et  le  Revolver,  ont  rendu 
au  Tonkin  de  réels  services.  Cette  découverte  avait  rendu 
populaire  le  nom  de  son  inventeur,  que  les  électeurs  de  la 
Seine  envoyèrent  le  18  févr.  1871  siéger  à  l'Assemblée 
nationale.  Il  prit  place  à  l'extrême  gauche  et  s'inscrivit  à 
l'Union  républicaine.  Farcy  intervint  dans  la  discussion  de 
tous  les  projets  de  loi  tendant  à  la  réorganisation  de  l'armée 
et  au  perfectionnement  de  la  marine  française.  Il  vota  contre 
les  préliminaires  de  paix,  contre  l'abrogation  des  lois  d'exil, 
contre  le  pouvoir  constituant  de  l'Assemblée,  pour  la  dis- 
solution, contre  la  chute  de  Thiers  au  24  mai,  contre  le 
septennat,  contre  Fétat  de  siège,  contre  la  loi  des  maires, 
pour  les  amendements  Wallon  et  Pascal  Duprat,  et  pour 
l'ensemble  des  lois  constitutionnelles. 

En  1875,  il  fut  promu  au  grade  de  capitaine  de  frégate, 
mais  il  donna  presque  aussitôt  sa  démission  afin  de  pou- 
voir se  présenter  aux  élections  législatives  candidat  dans  le 
XIIe  et  le  XVe  arrondissement  ;  il  fut  élu  au  scrutin  de 
ballottage  dans  cettedernière  circonscription, par  8,222  voix. 
Il  vota  avec  les  363  contre  le  ministère  de  Broglie-Four- 
tou  ;  il  vota  l'amnistie  plénière  et  la  séparation  de  l'Eglise 
et  de  l'Etat,  quand  il  fut  réélu  en  oct.  1877.  Aux  élections 
de  1881,  Farcy  fut  réélu  dans  le  XVe  arrondissement 
contre  Hovelacque.  Il  présida  dans  cette  législature  la  com- 
mission chargée  d'examiner  le  projet  de  loi  sur  la  réorga- 
nisation de  l'armée  et  se  mêla  à  plusieurs  discussions,  prin- 
cipalement à  celle  du  projet  de  loi  tendant  à  l'établissement 
de  services  maritimes  entre  la  France  et  l'Amérique.  Aux 
élections  de  1885,  Farcy  fut  porté  sur  plusieurs  listes  de 
la  Seine;  il  arriva  au  premier  tour  avec  113,000  suffrages. 
Maintenu  au  ballottage  sur  la  liste  de  concentration,  il  fut 
élu  le  7e  sur  34  avec  287,000  voix.  Il  reprit  sa  place  dans 
le  parti  radical,  puis  il  se  sépara  de  la  plupart  de  ses  amis 
politiques  pour  adhérer  sans  réserve  à  la  politique  du  géné- 
ral Boulanger.  Membre  du  «  Comité  national  »,  il  suivit 
la  fortune  du  parti  boulangiste.  Aux  élections  générales  de 
1889,  il  fut  élu  au  1er  tour  de  scrutin  avec  le  programme 
révisionniste,  dans  la  première  circonscription  du  XVe  arron- 
dissement, contre  M.  Maillard,  républicain.     Renoult. 

FARCY  (Camille),  publiciste  français,  né  à  Nancy  le 
15  mars  1840,  mort  à  Paris  le  8  août  1884.  Engagé  vo- 
lontaire dans  l'armée,  il  servit  en.  Afrique  et  fit  la  cam- 
pagne d'Italie.  Il  fut  ensuite  commis  rédacteur  dans  les 
bureaux  de  la  ville,  puis  abandonna  tout  à  fait  l'adminis- 
tration pour  le  journalisme.  Rédacteur  à  la  Presse,  rédac- 
teur en  chef  du  Phare  de  Marseille,  collaborateur  à  la 
Liberté,  il  fut  nommé  sous-préfet  d'Apt  quelques  jours 
avant  la  déclaration  de  la  guerre  franco-allemande.  Il 
démissionna  aussitôt  pour  s'engager,  devint  chef  d'état- 
major  de  Garibaldi,  puis  chef  de  bataillon  dans  la  deuxième 
armée  de  la  Loire.  Après  la  guerre,  il  fut  rédacteur  en 
chef  de  Y  Avenir  militaire,  entra  dans  la  rédaction  de  la 
France,  et  dirigea  ce  journal,  après  la  mort  de  Girardin, 
jusqu'en  1883.  Il  fonda  alors  la  France  libre,  Camille 
Farcy,  comme  correspondant  militaire  de  divers  journaux, 
avait  suivi  les  opérations  militaires  en  Espagne  (1874-75), 
en  Serbie  (1876),  en  Turquie  (1877)  et  en  Tunisie  (1881). 
Il  s'était  présenté  plusieurs  fois  sans  succès  aux  élections 
pour  la  Chambre  des  députés  dans  le  IXe  et  le  Ve  arron- 
dissements de  Paris.  On  a  de  lui  :  Histoire  de  la  guerre 
de  1810-1811  (Paris,  1872,  in-8);  la  Guerre  sur  le 
Danube  (1879,  in-8)  ;  le  Rhin  français  (1880,  in-12). 

FARD.  I.  Chimie.  — Les  compositions  diverses  destinées 
soi-disant  à  embellir  le  teint  étaient  connues  et  employées 
dès  la  plus  haute  antiquité;  il  est  présumable  que  nous 
tenons  de  tradition  ces  pratiques  si  contraires  à  l'hygiène. 
— -  Le  plus  ancien  fard  dont  il  soit  fait  mention  dans^l'his- 
toire  est  le  sulfure  d'antimoine  «  alco  fol  ».  Nous  voyons 
que  les  Syriens,  les  Babyloniens,  les  Arabes,  les  Hébreux 


et  autres  nations  orientales  en  faisaient  un  fréquent  usage. 
Job  nomme  une  de  ses  filles  «Vase  d'antimoine  ».  La  mode 
en  était  si  bien  établie  que  Jésabel  ayant  appris  l'arrivée  de 
Jéhu  à  Samarie  «  se  mit  les  yeux  dans  l'antimoine  »  (livre 
saint),  c.-à-d.  les  peignit  avec  du  fard  avant  de  se  mon- 
trer à  l'usurpateur  dont  elle  voulait  calmer  la  colère.  La 
découverte  faite  par  M.  Grand  d'un  fragment  de  sulfure 
d'antimoine  dans  les  cavernes  de  Menton,  au  milieu  d'ins- 
truments de  silex,  d'agate  et  de  quartz  hyalin,  semblerait 
indiquer  qu'il  était  déjà  utilisé  dès  l'âge  de  la  pierre. 
D'autre  part,  Théophraste,  Dioscoride  et  Vitruve  font 
mention  de  la  préparation  et  de  l'emploi  de  la  céruse 
usitée  comme  fard  par  les  dames  romaines.  Pline  assure 
que  la  plus  estimée  provenait  de  Rhodes.  De  nos  jours, 
la  mode  du  maquillage  et  toutes  les  préparations  ayant  le 
falacieux  prétexte  du  rajeunissement  sont  l'origine  d'une 
véritable  industrie  que  les  progrès  de  la  chimie  n'ont  fait 
qu'étendre. 

Les  fards  proprement  dits  sont  de  trois  espèces  :  le 
blanc,  le  rouge  et  le  noir.  Le  blanc  est  du  sous-nitrate  de 
bismuth  uni  à  de  la  craie  de  Briançon.  Les  rouges,  très 
divers,  sont  composés,  soit  pour  le  rouge  végétal,  du  prin- 
cipe colorant  du  carthame,  de  vermillon  d'Espagne  ou 
cinabre  (sulfure  de  mercure)  réduit  en  poudre  impalpable 
par  porphyrisation,  du  carmin  de  cochenille,  etc.  ;  chacune 
de  ces  matières  colorantes  est  délayée  dans  de  la  craie  de 
Briançon  qui  leur  permet  d'adhérer  à  la  peau*  soit  de  l'or- 
canète,  du  bois  du  Brésil,  du  carmin  et  même  de  la  fuschine 
pour  les  crayons  à  rouge.  Le  vinaigre  de  rouge  est  du 
carmin  maintenu  m  suspension  dans  du  vinaigre  à  l'aide 
de  matières  mucilagineuses.  Le  crépon  est  de  l'étamine 
très  fine  teinte  en  rouge  sans  mordant,  et  assez  chargée 
en  matière  colorante  pour  en  laisser  sur  la  peau  humide 
lorsqu'on  la  frotte  avec  cette  étoffe.  Enfin  les  fards  et 
crayons  noirs  sont  composés  de  pâtes  grasses  contenant 
du  noir  de  fumée,  de  la  terre  d'ombre  ou  toute  matière 
colorante  noire.  A  ces  types  de  fard,  il  convient  d'ajouter 
les  variétés  infinies  des  produits  destinés  à  embellir  le 
teint,  ou  plus  réellement  à  le  flétrir,  comme  les  poudres, 
crèmes,  pâtes,  laits,  etc.  Nous  nous  contenterons  de  citer 
les  divers  ingrédients  qui  les  composent  et  dont  quelques- 
uns  sont  de  véritables  toxiques.  Les  poudres  sont  surtout 
composées  par  des  amidons  divers  :  de  riz,  de  froment, 
de  fécule,  parfumées  et  additionnées,  souvent  dans  des 
proportions  excessives,  de  sous-nitrate  de  bismuth,  d'oxyde 
de  zinc,  de  céruse,  de  talc,  de  sulfate  de  baryte,  etc.  Les 
poudres  rosées  sont  obtenues  par  du  carmin,  soit  par  la 
matière  colorante  du  carthame,  la  carthamine. 

Dans  les  poudres  communes,  surtout  les  blancs  de 
théâtre,  on  trouve  de  30  à  90  %  de  céruse  (carbonate  de 
plomb),  toutes  les  autres  poudres  ne  couvrant  pas  assez,  en 
terme  de  métier,  le  ton  naturel  de  la  peau,  et  ne  résistant 
pas  au  coulage  dû  à  la  transpiration.  Les  laits,  les  eaux, 
les  lotions  ne  sont  que  des  solutions  ou  émulsions,  très  sou- 
vent vendues  sous  le  nom  de  préparations  végétales  inoffen- 
sives, et  contenant,  malgré  leurs  prétentions  curatives,  des 
toxiques  minéraux  violents  ;  ainsi,  d'après  les  analyses 
faites  au  Laboratoire  municipal,  les  eaux  de  Castille,  des 
Fées,  des  Roches,  du  Serpent,  du  Figaro,  de  Royal  Wind- 
sor, le  lait  antéphélique  Candès,  etc.,  etc.,  renferment  des 
substances  telles  que  :  nitrate  d'argent,  sulfate  de  cuivre, 
acétate  de  plomb,  bichlorure  de  mercure,  etc.  L'eau  de 
Ninon  contient  du  calomel  (chlorure  mercureux) .  La  velou- 
tine  Viard  est  composée  d'amidon  et  d'oxyde  de  zinc  ;  enfin 
les  diverses  poudres  de  riz  sont  formées  avec  de  la  fécule, 
amidon,  poudre  de  riz  associée  avec  les  produits  suivants  : 
talc,  albâtre,  carbonate  de  magnésie,  oxyde  de  zinc,  car- 
bonate de  zinc,  phosphate  et  sous-nitrate  de  bismuth,  cé- 
ruse, etc.  Les  fards,  par  les  substances  métalliques  et 
toxiques  qu'ils  contiennent,  irritent  et  dessèchent  la  peau 
en  occlusant  les  pores,  suppriment  la  transpiration,  et 
peuvent  occasionner  des  accidents  graves.       Ch.  Girard. 

IL  Hygiène  (V.  Cosmétique). 


9  — 


FARDAGE  —  FARE 


FARDAGE  (Techn.).  Défaut  que  présente  le  blanc  légère- 
ment teinté  par  la  couleur  du  rouleau  d'imprimeur,  dans 
l'impression  des  étoffes. 

FARDEAU  (Louis-Gabriel),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  en  1730,  mort  à  Paris  vers  1806.  Procureur 
au  Châtelet,  il  est  l'auteur  d'un  certain  nombre  de  pièces 
assez  médiocres  pour  qu'aucun  directeur  de  théâtre  s'avisât 
de  les  accepter.  Fardeau  est  surtout  célèbre  par  la  quantité 
d'épigrammes  auxquelles  son  nom  et  son  génie  —  qu'il 
faisait  sonner  haut  —  donnèrent  lieu.  On  avait  découvert 
dans  son  nom  et  ses  prénoms,  l'anagramme  :  «  lia  l'air  du 
bœuf  gras  »  et  l'on  broda  sur  ce  thème  une  infinité  de 
variations  dont  il  se  consolait  en  prenant  le  titre  de 
Sapeur  de  la  garde  nationale.  Citons  de  Fardeau  :  le 
Triomphe  de  U  amitié  (Amsterdam  [Paris],  1773,  in-8); 
le  Mariage  à  la  mode  (Paris,  1774,  in-8)  ;  le  Cabaretier 
jaloux  (1780,  in-8);  le  Mérite  décrédité  (1784,  in-8)  ; 
le  Service  récompensé  (1778,  in-8)  et,  outre  ces  drames 
ou  comédies  :  les  Amusements  de  la  société  ou  poésies 
diverses  (1774,  in-12);  Recueil  de  poésies  patriotiques 
et  de  société  (1792,  in-12). 

FARD  ELLA  (Michel- Angelo),  mathématicien  et  philo- 
sophe italien,  né  à  Trapani  (Sicile)  en  1650,  mort  à  Naples 
le  2  févr.  1718.  Franciscain  dès  l'âge  de  quinze  ans,  il 
enseigna  de  1676  à  1693  la  philosophie,  la  théologie  et 
les  mathématiques  dans  divers  couvents  et  collèges  de  son 
ordre,  fut  nommé  en  1694  professeur  d'astronomie  et  de 
physique  à  l'université  de  Padoue  et  devint  en  1709  mathé- 
maticien de  l'archiduc  d'Autriche.  On  a  de  lui  :  Universœ 
Philosophiez  systema  (Venise,  1691,  in-12;  Amsterdam, 
1695);  Universœ  usualis  Mathematicœ  theoria  (Venise, 
1691,  in-12  ;  Amsterdam,  1695);  Animœ  humanœ  na- 
tura (Venise,  1698,  in-fol.),  et  quelques  opuscules  et  lettres 
en  faveur  du  cartésianisme.  L.  S. 

FARDES.  Petite  rivière  d'Espagne,  appelé  aussi  rio  de 
Guadix.  Elle  descend  du  versant  N.  de  la  sierra  Nevada, 
baigne  la  ville  de  Guadix  et  en  se  réunissant  au  Guardal 
forme  le  Guadiana  menor,  affluent  de  gauche  du  Guadal- 
quivir.  E.  Cat. 

FARDIER  (Carross.).  Voiture  à  deux  ou  à  quatre  roues 
destinée  à  transporter  les  fardeaux  les  plus  lourds,  tels 
que  bois,  pierres,  marbres,  etc.  Le  fardier  n'est  souvent 
qu'un  diable  ordinaire  sans  plancher,  parce  que  les  gros 
matériaux  sont  attachés  au-dessous  de  l'essieu  de  la  voi- 
ture :  c'est  ainsi  que  l'on  transporte  de  grosses  pièces  de 
bois  en  les  attachant  avec  des  chaînes  en  fer  au-dessous  de 
l'essieu  du  fardier.  L.  K. 

FARE  (La).  Corn,  du  dép.  des  Hautes-Alpes,  arr.  de 
Gap,  cant.  de  Saint-Bonnet;  506  hab. 

FARE  (La).  Corn,  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône,  arr. 
d'Aix,  cant.  de  Berre;  1,080  hab. 

FARE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Nyons, 
cant.  de  Rémuzat  ;  36  hab. 

FARE  (La).  Corn,  du  dép.  de  Vaucluse,  arr.  d'Orange, 
cant.  de  Beaumes  ;  122  hab. 

FARE  (De  La).  Famille  du  Vivarais,  qui  tire  son  nom 
d'une  baronnie  de  ce  pays  érigée  en  marquisat  en  faveur 
de  Jacques  de  La  Fare,  comte  de  Montclar  (1646).  Si  l'on 
en  croit  les  généalogies,  la  famille  de  La  Fare  remonterait 
au  xne  siècle,  à  Beringuier  Ier,  qui  épousa  Elisa  de  Saint- 
Germain  et  vivait  encore  en  1206.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
faut  descendre  au  xve  siècle  pour  rencontrer  ce  nom  dans 
l'histoire  générale  avec  Guillaume  de  La  Fare,  qui  fut 
chambellan  de  Charles  VII  et  épousa  Alméis  de  Montclar. 
Son  petit-fils,  Gabriel,  épousa  Marie  Duclaux  et  fut  tué 
au  siège  de  Thérouanne  le  18  août  1513.  Le  fils  aîné  de  ce 
dernier,  Pierre  II  de  La  Fare,  mort  en  1564,  servit 
de  1539  à  1563  comme  capitaine  de  300  hommes  de  pied, 
puis  de  1,000  légionnaires  du  Languedoc,  et  défendit  Mende 
contre  les  protestants.  De  son  mariage  avec  Louise  de 
Bucelly,  il  eut  quatre  enfants  dont  l'aîné,  Jacques  II, 
servit  à  Sienne  sous  Montluc  (1555),  fut  gentilhomme  ordi- 
naire de  la  chambre  et  gouverneur  d'AÎais  et  de  Roque- 


maure  (1564).  Il  avait  épousé  Alix  Dupuy  le  24  sept. 
1574,  et  l'aîné  de  ses  fils,  Jacques  II  (mort  le  30  août 
1661),  fit  ériger  en  marquisat  la  baronnie  de  La  Fare.  Il 
avait  servi  d'abord  contre  les  protestants  en  1621,  avait 
été  fait  capitaine  de  cavalerie  en  1638  et  assista  au  siège 
de  Salces  en  1639.  —  Son  fils  aîné,  Charles,  commença 
l'illustration  militaire  de  la  famille.  Né  à  Cavillargues  le 
47  janv.  \  613,  il  entra  au  service  en  1 636  comme  enseigne 
de  la  colonelle  du  régiment  de  Normandie  et  assista  en  1637 
à-  la  conquête  de  la  Franche-Comté.  Cornette  dans  le  régi- 
ment de  cavalerie  du  cardinal  de  La  Valette  en  1638,  il 
fit  le  campagne  d'Italie  de  1639  et  se  trouva  au  secours 
de  Casai.  Fait  capitaine  en  1640,  il  fut  présent  successive- 
ment au  siège  de  Turin  (1640),  au  secours  de  Chivasso  et 
à  la  prise  de  Coni  (1641),  aux  sièges  de  Collioure,  de 
Perpignan  et  de  Salces  (1642),  à  ceux  de  Trino  et  de  la 
citadelle  d'Asti  (1643).  Capitaine-lieutenant  de  la  compa- 
gnie des  gendarmes  du  cardinal  Mazarin  en  1644,  il  est,  la 
même  année,  au  siège  deFribourg,  et,  en  1645,  à  ceux  de 
Bourbourg  et  de  Menin.  Nommé  gouverneur  du  fort  Bres- 
cou,  de  Hautpoul  et  Balaguer  en  1646,  maréchal  de  camp 
le  15  nov.  4647,  il  est  pourvu  en  4648  de  la  charge  de 
mestre  de  camp  lieutenant  du  régiment  de  cavalerie  du 
cardinal  de  Sainte-Cécile  et  va  à  l'armée  de  Catalogne,  où 
il  assiste  au  siège  de  Tortose,  et  défend  Roses  avec  succès. 
Nommé  mestre  de  camp  en  chef  du  régiment  de  Sainte- 
Cécile  en  4649,  puis  lieutenant  général  des  armées  du  roi 
le  40  juil.  1652,  il  fut  envoyé  en  1653  à  l'armée  de  Cata- 
logne. Il  y  reçut  au  siège  de  Girone  des  blessures  dont  il 
mourut  le  18  févr.  1654.  —  Son  fils  aîné,  Charles- 
Auguste,  quoique  également  bon  soldat,  est  plus  connu 
comme  écrivain.  Né  à  Valgorge  en  1644,  il  mourut  à  Paris 
le  29  mai  1712.  Entré  au  service  en  1664  comme  mestre 
de  camp  au  régiment  d'infanterie  de  La  Fare,  il  fit  en  qualité 
de  volontaire  la  campagne  de  Hongrie  et  assista  à  la  bataille 
de  Raab.  Sous-lieutenant  des  gendarmes  du  dauphin  en 
1665,  il  se  trouva  aux  batailles  de  Seneffe,  de  Mulhouse 
et  de  Turckheim.  Capitaine  des  gardes  du  corps  de  Mon- 
sieur, en  1684,  il  remplit  les  mêmes  fonctions  auprès  de 
son  fils,  et  la  dernière  partie  de  sa  vie  fut  tout  entière 
consacrée  à  la  poésie  et  aux  lettres.  On  a  de  lui,  outre  ses 
Poésies  souvent  rééditées,  des  traductions,  des  Mémoires 
et  réflexions  sur  les  principaux  événements  du  règne 
de  Louis  W(Rotterdam,47'16,  in-8  ;  Amsterdam  [Paris], 
4734,  in-12  ;  Petitot,  2e  série,  LXV  ;  Michaud  et  Pou- 
joulat,  3e  série,  VIII;  Paris,  4886,  in-12),  et  un  opéra, 
Penthée,  dont  le  duc  d'Orléans  avait  fait  en  partie  la 
musique.  Il  avait  épousé  Louise-Jeanne  de  Lux,  qui  lui 
donna  cinq  enfants.  —  L'aîné,  Philippe-Charles,  eut 
une  brillante  carrière  militaire.  Né  le  45  févr.  4687,  il 
entra  dans  les  mousquetaires  en  4704  et  se  trouva  à 
l'affaire  de  Nimègue  (4702).  Sous-lieutenant  au  régiment 
du  roi  en  4703,  il  assista  en  cette  qualité  à  la  prise  de 
Brisach  et  de  Landau  et  à  la  bataille  de  Spire.  Nommé 
enseigne  de  la  colonelle  du  régiment  du  roi  le  46  janv. 
4704,  il  obtient,  le  7  juin  de  la  même  année,  le  régiment 
d'infanterie  du  Gâtinais,  qu'il  va  joindre  en  Italie,  ou  il 
prend  part  aux  batailles  de  Cassano  (4705)  et  de  Calci- 
nato  (1706).  En  4707,  il  est  au  siège  de  Toulon  ;  de  4708 
à  4712,  à  l'année  du  Dauphiné.  Il  succéda  à  son  père  le 
29  mai  de  cette  dernière  année  dans  la  charge  de  capitaine 
des  gardes  du  duc  d'Orléans.  En  1714,  il  est  à  l'armée 
d'Espagne,  où  il  se  trouve  au  siège  de  Barcelone.  Fait  bri- 
gadier en  1716,  il  obtient  le  régiment  de  Normandie  en 
1717  et  est  nommé  lieutenant  général  au  gouvernement 
de  Languedoc  pour  le  Vivarais  et  le  Velay  en  sept.  1718. 
En  1719,  il  fit  partie  de  l'armée  d'Espagne,  prit  part  aux 
sièges  de  Fontarabie,  de  Saint-Sébastien  et  de  Roses,  et  fut 
nommé  maréchal  de  camp  le  10  avr.  1720.  Gouverneur  du 
château  d'AIais  et  des  Cévennes  le  1er  janv.  1721,  il  fut 
chargé  la  même  année  d'une  mission  en  Espagne,  où  il 
obtint  le  collier  de  la  Toison  d'or  (21  janv.  1722).  Com- 
mandant en  chef  en  Languedoc  (22  févr.  1724)  et  cheva- 


FARE  —  FAREL 


-  10  - 


lier  des  ordres  du  roi  le  13  mai  1731,  il  servit  à  l'armée 
du  Rhin  en  1734,  assista  au  siège  de  Philipsbourg  et  fut 
lieutenant  général  le  1er  août.  Il  resta  à  l'armée  du  Rhin 
jusqu'à  la  paix  et  obtint,  le  29  mars  1738,  la  charge  de 
lieutenant  général  du  comté  nantais.  En  1741,  il  fit  partie 
de  l'armée  de  Bavière  et  de  Bohème  et  prit  part  au  siège  et 
à  la  retraite  de  Prague.  De  1743  à  1745,  il  servit  à  l'armée 
d'Alsace  sous  Coigny,  puis  sous  Conti,  qu'il  suivit  aux  Pays- 
Bas  en  1746.  Créé  maréchal  de  France  le  19  oct.  de  cette 
même  année,  il  obtint  le  3  déc.  1751  le  gouvernement  de 
Gravelines  et  mourut  à  Paris  le  4  sept.  1752.  Il  avait 
pour  frère,  Etienne-Joseph,  évêque-duc  de  Laon,  mort 
au  château  de  Leschelles  le  23  avr.  1741  et  n'eut  de  son 
mariage  qu'une  fille  unique,  Françoise-Mélanie,  mariée  à 
Claude-Louis  Bouthillier  de  Chavigny,  comte  de  Pons  ; 
avec  lui  s'éteignit  la  descendance  directe  de  La  Fare.  Mais 
elle  survivait   dans  plusieurs  branches  collatérales.  — 
Parmi  leurs  membres,  nous  citerons  :  Antoine,  fils  de 
Jacques  Ier  et  tige  de  la  branche  de  Montclar.  Il  assista 
aux  sièges  de  Turin  (1640),  Coni  (1641),  Gravelines, 
Dunkerque,  Courtray,  et  fut  nommé  mestre  de  camp  d'in- 
fanterie (1647)  au  retour  de  ceux  de  Crémone  et  de  Saint- 
Jean.  Nommé  gouverneur  de  Balaguer  en  1648,  il  régla  la 
capitulation  de  Sainte-Menehould  en  1651  et  fut  nommé 
maréchal  de  camp  en  1652.  Enfermé  en  1655  à  la  cita- 
delle de  Montpellier  pour  avoir  quitté  la  cour  sans  congé, 
il  assista  en  1656  au  siège  de  Valence,  en  Italie,  et  en  1657 
à  celui  d'Alexandrie.  En  1661,  il  fut  nommé  gouverneur 
d'Agde  et  du  fortBrescou. —  Son  fils  Jacques,  qui  prit  part 
à  la  bataille  de  Fleurus  (1691)  et  mourut  le  16  août  1721, 
fut  poète  et  lettré  comme  son  parent  Charles-Auguste.  — 
François,  fils  de  Jacques  II,  né  à  La  Bastide  le  25  mars 
1628,  mort  le  25  déc.  1685,  prit  part,  comme  ses  parents, 
aux  guerres  du  commencement  du  règne  de  Louis  XIV  et 
fut  la  tige  de  la  branche  de  La  Salle  oVAlais.  —  Son 
quatrième  fils,  Char  les- Auguste,  maréchal  de  camp,  mort 
à  Paris  le  3  juin  1718,  fut  la  tige  de  celle  de  Soustelles, 
et  le  neuvième,  Henry,  mort  à  Sommières  le  17  févr. 
1706,  de  celle  de  Tornac—  Le  fils  de  ce  dernier,  Antoine- 
Denis,  mort  le  11  avr.  1740,  fut  maréchal  de  camp  et 
gouverneur  de  Villefranche  en  Roussillon.  La  branche  de 
La  Fare  La  Tour  eut  pour  auteur  Louis,  second  fils  de 
Jacques  Ier.  —  Le  second  fils  de  Louis,  Joseph,  releva  le 
titre  de  marquis  de  La  Fare.  Un  de  ses  fils,  Jacques-Jean, 
combattit  vaillamment  en  Allemagne  et  aux  Indes  orientales 
pendant  la  guerre  de  Sept  ans.  Le  petit-fils  de  Joseph  fut 
Gabriel- Joseph-Marie-Henri,  né  à  Luçon  en  1749,  mort 
à  La  Fare  le  12  oct.  1786,  brigadier  des  armées  du  roi. 
Il  eut  pour  fils  Anne-Louis-Henry,  cardinal  de  La  Fare, 
né  dans  le  diocèse  de  Luçon  le  8  sept.  1752,  mort  à  Paris 
en  déc.  1829.  Après  avoir  fait  ses  études  au  collège  Louis- 
le-Grand,  il  obtint  un  bénéfice  important  par  la  protection 
de  Bernis,  son  parent,  et  fut  nommé  vicaire  général  du 
diocèse  de  Dijon  et  doyen  de  la  Sainte-Chapelle  de  la  même 
ville  en  1778.  Pourvu  de  la  charge  d'élu  général  du  clergé 
des  Etats  de  Bourgogne  en  1784,  il  la  conserva  jusqu'au 
moment  de  sa  promotion  à  l'évêché  de  Nancy  et  prononça 
le  discours  d'usage  à  la  messe  du  Saint-Esprit  (1789).  A 
la  Constituante,  il  se  prononça  contre  la  suppression  des 
ordres  religieux  et  pour  la  reconnaissance  du  catholicisme 
comme  religion  d'Etat  (13  févr.  1790).  Emigré  à  Trêves, 
il  adressa  de  là  à  son  diocèse  une  instruction  pastorale 
contre  la  constitution  civile  du  clergé  (26  mai  1791),  puis 
se  réfugia  à  Vienne  à  la  fin  de  1792.  Chargé  d'affaires  du 
comte  de  Provence  et  des  princes  français  près  l'empereur 
en  1795,  il  négocia  le  mariage  du  duc  d'Angoulême  avec 
Madame  Royale  qui  le  nomma  son  aumônier.  Commissaire 
vérificateur,  chargé  d'ordonnancer  le  payement  des  pensions 
aux  soldats  retraités  de  l'armée  de  Condé  par  une  maison 
de  banque  de  Vienne  de  1807  à  1814,  il  rentra  en  France 
à  cette  date.  Commissaire  pour  l'exhumation  des  restes  de 
Louis  XVI  et  de  Marie- Antoinette  (17  janv.  1815),  il  devint 
archevêque  de  Sens  en  1817.  Pair  de  France,  ministre 


d'Etat,  commandeur  des  ordres  du  roi,  il  fut  cardinal 
en  1823  et  assista  aux  conclaves  de  1823  et  1829.  En  1825, 
il  prononça  le  discours  par  lequel  s'ouvrirent  les  cérémo- 
nies du  sacre  de  Charles  X.  Louis  Farges. 

Bibl.  :  Le  P.  Anselme,  t.  IL— Pinard,  Chron.  historique 
militaire.—  P.  Alexis,  Généalogie  de  la  maison  de  La  Fare 
(s.  I.,  1766,  in-8).  —  Eloge  funèbre  de  M.  de  La  Fare,  évêque 
de  Laon  (s.  1.  n.  d.,  1742,  in-4). 

FAREC.  Nom  donné,  en  Abyssinie,  au  Bauhinia  acu- 
minata  (V.  ce  mot). 

FAREINISTES  (V.  Bonjour  [Les  frères]). 

FARE!  N  S  (Farenx,  Pharencum,  Farens).  Corn,  du 
dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Trévoux,  cant.  de  Saint-Trivier- 
sur-Moignans  ;  1,063  hab.  Cette  commune  apparaît  dès 
le  xe  siècle  comme  chef- lieu  à'ager;  son  église,  sous  le 
vocable  de  l'Assomption,  relevait  de  l'abbé  de  Cluny,  et 
une  partie  de  son  territoire  de  l'obédience  de  Montberthou. 
Fareins  est  surtout  connu  par  la  secte  dite  des  Farei- 
nistes,  créée  peu  avant  la  Révolution  par  les  curés  Claude 
et  François  Bonjour  (V.  ce  nom).  G.  G. 

FAREL  (Guillaume),  réformateur  français,  né  près  de 
Gap  en  1489,  mort  à  Neuchâtel  le  13  sept.  1565.  Au  cours 
de  ses  études  à  Paris,  où  il  était  arrivé  en  1508,  il  s'attacha 
à  Le  Fèvre  d'Etaples  (V.  ce  nom)  qui,  tout  en  faisant 
«  les  plus  grandes  révérences  aux  images  qu'autre  per- 
sonnage que  j'ai  cogneu  »,  raconte  Farel  plus  tard,  l'en- 
gagea à  étudier  la  Bible.  Farel  vit  lentement  (1518  à 
1521)  que  «  sur  terre  tout  estait  autrement  en  vie  et 
doctrine  que  ne  porte  la  Saincte  Ecriture  ».  En  1521, 
il  accompagna  Le   Fèvre   à  Meaux   où    l'évêque  Bri- 
çonnet  (V.  ce  nom,  t.  VIII,  p.  3)  réunissait  quelques 
savants  partisans  des  idées  nouvelles.  Après  un  voyage  à 
Gap,  Farel  se  réfugia,  en  1523,  de  Meaux  à  Bâle;  il  y 
soutint  victorieusement,  le  17  févr.  1524,  des  thèses  pu- 
bliques en  faveur  de  la  perfection  des  Ecritures  ;  mais 
Erasme,  qu'il  avait  brusqué,  le  fit  expulser  peu  après.  Il 
alla  à  Strasbourg,  puis  à  Montbéiiard,  où  son  ardeur  im- 
pétueuse rendit  également  impossible  une  activité  pro- 
longée. Après  divers  autres  voyages,  Farel  se  fixa  (fin 
1526),  avec  l'autorisation  des  seigneurs  de  Berne,  à  Aigle 
(Valais);  dès   1528,   la  Réforme  y  était  officiellement 
acceptée.  Aussitôt  Farel,  pour  qui  le  mouvement  était  la 
vie,  reprit  ses  voyages  et  son  apostolat  ;  il  prêcha  à  Morat, 
à  Lausanne,  à  Bienne,  à  Neuchâtel,  où  il  arriva  en  oct. 
1529.  Partout1,  sa  fougue   s'impatientait  de  la  lenteur 
avec  laquelle  on  acceptait  des  convictions  qui,  pour  lui, 
étaient  aussi  inébranlables  qu'évidentes  ;  plus  d'une  fois 
il  fut  blessé  dans  des  bagarres.  En  automne  1530,  il 
réussit  à  faire  adopter  publiquement  la  Réforme  à  Neu- 
châtel. Ce  fut  pour  lui  le  signal  du  départ.  A  Orbe,  en 
mai  1531,  il  gagna  Viret  (V.  ce  nom);  à  Granson,  peu 
après,  il  faillit  être  assassiné  ;  en  1532,  il  prend  une  part 
active  à  un  synode  vaudoisàChanforans(vald'Angrogne); 
en  1533,  il  est  à  Genève,  où  il  avait  envoyé  Froment 
(V.  ce  nom)  l'année  précédente,  et  provoque  une  dispute 
publique  (29  janv.  1534)  qui  eut  pour  résultat  immédiat 
que  le  conseil  ordonna  aux  prêtres  de  prêcher  purement 
l'Evangile,  et,  dès  le  10  août  1534,  la  messe  fut  abolie  ; 
un  an  plus  tard  parut  le  fameux  édit  de  réformation 
(27  août  1535);  et,  en  août  1536,  Farel  donna  Calvin  à 
Genève  (V.  t.  VIII,  p.  1013,  2e  col.).  Les  deux  furent 
bannis  par  le  parti  libertin  (V.  ce  mot)  en  avr.  1538. 
Farel  revint  à  Neuchâtel,  y  formula  les  remarquables  or- 
donnances ecclésiastiques,  où  l'on  trouve  indiquée  la  sépa- 
ration des  deux  pouvoirs;  elles  furent  sanctionnées  le 
13  févr.  1542.  La  même  année,  on  le  trouve  à  Metz,  puis 
à  Montigny;  en  oct.  4543,  à  Gorze,  où  il  manqua  périr 
avec  plusieurs  autres  par  la  main  des  mercenaires  de  Claude 
de  Guise.  Par  Strasbourg,  il  retourna  à  Neuchâtel,  où  il 
demeura,  sauf  des  absences  passagères,  jusqu'en  1561. 
Son  mariage,  le  20  déc.  1558,  scandalisa  plusieurs  de  ses 
amis,  entre  autres  Calvin.  Après  un  nouveau  voyage  à 
Gap,  où  il  fit  triompher  le  protestantisme  après  avoir  été 
jeté  en  prison,  Farel  fit,  en  1564,  une  dernière  visite  à 


—  11  — 


FAREL  —  FAREZ 


Calvin  mourant,  alla  encore  à  Metz  (printemps  1565)  et 
mourut  quelque  temps  après  son  retour  à  Neuchâtel.  — 
Plus  soldat  que  chef,  plus  apôtre  que  réformateur,  nul  ne 
fit  plus  que  lui,  dans  cette  première  période,  pour  répandre 
la  réforme  religieuse,  surtout  dans  la  Suisse  romande.  Il 
est  beaucoup  moins  important  comme  penseur.  Parmi  ses 
écrits,  énumérés  par  Haag  (France  protestante;  Paris, 
1855,  t.  V,  pp.  70  et  suiv.),  il  suffit  de  citer  le  Som- 
maire :  c'est  une  briève  déclaration  dlaulcuns  lieux 
fort  nécessaire  a  un  chacun  chrestien  pour  mettre  sa 
confiance  en  Dieu  et  ayder  son  prochain  (lre  éd.  ano- 
nyme, date  inconnue;  2e  éd.  en  1534,  réimprimée  par 
J.-G.  Baum  à  Genève,  1867,  in-12;  3e  éd.,  à  Genève, 
1552,  in-8);  le  Glaive  de  la  parolle  véritable,  etc. 
(Genève,  \  550,  in-8  ;  important  pour  la  connaissance  des 
Libertins);  Bu  Vray  Usage  de  la  Croix,  etc.  (Genève, 
1560,  petit  in-8;  réimp.  à  Genève,  1867).  Un  grand 
nombre  de  lettres  sont  encore  inédites.  La  Manière  et 
fasson  qu'on  tient  en  baillant  le  sainct  baptême,  etc. 
(Serrières,  1533,  in-18)est  attribué  à  Farel  par  J.-G.  Baum 
dans  la  réimpression  à  Strasbourg,  1859.  F.-H.  K. 

Bibl.:  Ancillon,  Vie  de  G.  Farel;  Amsterdam,  1691.  — 
M.  Kirchhofer,  Das  Le&en  W.  Farels,  etc.  ;  Zurich,  1831- 
1833,  2  vol. —  Ch.  Schmidt,  Etudes  sur  Farel;  Strasbourg, 
1859.  —  Roman.,  Farel,  homme  d'action  ;  Montauban,1870.— 
H.  Heyer,  G.  Farel,  développement  de  ses  idées  théolo- 
qiques;  Genève,  1872.  —  Goguel,  Histoire  de  G.  Farel; 
Neuchâtel,  1873. 

FARELLI  (Giacomo,  chevalier),  peintre  de  l'école  napo- 
litaine, né  en  1624,  mort  en  1706.  Formé  par  Andréa 
Vaccario,  il  commença  par  reproduire  avec  grand  succès  la 
manière  de  ce  maître;  puis,  séduit  par  le  Dominiquin,  il 
entreprit  de  marcher  sur  ses  traces.  A  cet  essai  d'imi- 
tation, il  ne  fit  que  perdre  sa  grâce  native  et  les  qualités  de 
coloriste  que  semblait  annoncer  la  Sainte  Brigitte  peinte 
par  lui  dans  sa  jeunesse  en  l'église  de  ce  nom.  Ses  fresques 
les  plus  estimées  se  trouvent  à  Sainte-Marie-Majeure  (Chute 
des  anges,  Assomption,  Cinq  Apôtres)  et  à  la  Redenzione 
dei  Cattivi  à  Naples.  Citons  aussi  de  lui  des  scènes  delà  vie 
de  la  Vierge  dans  la  sacristie  annexée  au  Trésor  de  Saint- 
Janvier. 

FAREMOUTIERS  ou  FARMOUTIER  (Farœ  monaste- 
rium).  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de  Cou- 
lommiers^  cant.  de  Rozoy  ;  843  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer 
de  l'Est,  ligne  de  Paris  à  Vitry-le-François.  Sainte  Fare  y 
fonda  au  vne  siècle  une  abbaye  de  bénédictines  qui  subsista 
jusqu'à  la  Révolution.  Sur  son  emplacement  s'élève  aujour- 
d'hui une  propriété  particulière  ;  on  a  conservé  cependant 
une  partie  des  caves  voûtées,  datant  du  xive  siècle. 
Bibl.  :  Gallia  christiana,  t.  VIII,  col.  1700-1708. 

FARÈS  (Ouled-).  Tribu  d'Algérie  (V.  Ouled-Farès). 

FARESQÔR.  Petite  ville  de  la  Basse-Egypte,  située  sur 
la  rive  gauche  de  la  branche  de  Damiette,  à  19  kii.  au  S. 
de  cette  ville.  Elle  fait  partie  de  la  moudirieh  de  Dakhalieh. 

FAR  ET  (Nicolas),  littérateur  français,  né  à  Bourg  en 
Bresse  en  1600,  mort  à  Paris  en  sept.  1646.  Avocat  au 
présidial  de  Bourg,  il  vint  à  Paris  avec  des  lettres  de  recom- 
mandation pour  Vaugelas  et  Boisrobert  qui  le  firent  entrer 
dans  la  maison  du  comte  d'Harcourt,  comme  secrétaire. 
En  1637,  il  exerça  la  charge  de  secrétaire  de  l'armée  na- 
vale du  roi,  occupa  le  même  emploi  à  l'armée  d'Italie, 
devint  conseiller  et  secrétaire  du  roi,  et  enfin  intendant 
du  comte  d'Harcourt.  Ami  de  Molière  et  de  Saint-Amant, 
il  fit  partie  de  l'Académie  française  dès  sa  formation  (1633), 
et  rédigea  le  discours  qui  sert  de  préface  aux  statuts.  On  a 
de  lui  :  Histoire  chronologique  des  Ottomans,  insérée  à 
la  fin  de  V Histoire  de  Georges  Castriot,  recueillie 
par  Jacques  de  Lavardin  (Paris,  1621,  in-4);  une 
traduction  de  Y  Histoire  romaine  d'Eutropius  (Paris, 
16^,6,  in-8);  des  Vertus  nécessaires  à  un  prince  (1623, 
m-4);  Recueil  de  lettres  nouvelles  (1627,  in-8); 
l'Honnête  Homme  ou  l'art  de  plaire  (1630,  in-8)  ;  des 
Poésies  diverses  et  la  préface  des  Œuvres  de  Saint- 
Amant  (1629,  in-4).  R.  S. 


Bibl.  :  Pellisson  et  (TOlivet,  Histoire  de  l'Académie^ 
éd.  Livet,  2  vol.  in-8. 

FA  R  EW  E  L  L  Cap  méridional  du  Grœnland,  par  59°49'1  2" 
lat.  N.  et46°14/4//long.  0. 

FAREWELL.  Cap  de  la  Nouvelle-Zélande,  au  N.-O. 
de  l'île  méridionale. 

FAREY  (John),  géologue  et  mathématicien  anglais,  né 
à  Woburn  (Bedforshire/en  1766,  mort  à  Londres  en  1826. 
11  fut  de  1792  à  1802  intendant  des  vastes  domaines  du 
duc  de  Bedford,  puis  vint  se  fixer  à  Londres,  où  il  exerça 
la  profession  d'arpenteur.  Il  s'occupa  en  même  temps  de 
géologie,  fit  des  explorations  dans  toute  l'Angleterre,  dressa 
de  nombreuses  cartes  et  réunit  une  riche  collection 
d'échantillons  de  roches  et  de  minéraux.  Les  résultats 
de  ses  travaux,  qui  ont  aussi  porté  sur  la  théorie  physique 
de  la  musique,  sur  les  machines  à  vapeur,  sur  les  étoiles 
filantes  et  sur  quelques  questions  de  mathématiques  (V.  ci- 
dessous),  se  trouvent  consignés  dans  une  soixantaine  de 
mémoires  publiés  de  1804  à  1824  par  le  Philosopha 
cal  Magazine,  le  Journal  de  Nicholson,  etc.  ;  citons  : 
On  the  Numération  of  timber  (Philos.  Mag.,  1804); 
Six  Theorems  containing  the  chief  properties  of  ail 
regular  Bouzeavesy stems  of  music  (  Philos.  Mag. , 
1810);  On  the  Annexion  between  shooting  stars  and 
large  meteors  (Nichols.  Journ.,  1813);  On  a  Curious 
Property  of  vulgar  fractions  (Philos.  Mag.,  1816,  et 
Bull,  de  la  Soc.  philom.,  1816),  etc.  Il  a  en  outre 
collaboré  à  la  Rees's  Encyclopœdia.  Enfin  il  a  donné  à 
part  :  General  View  of  agriculture  and  minerais  of 
Derbyshire  (Londres,  1811-17,  3  vol.  in-8).        L.  S. 

Suites  de  Fàrey.  —  Si  l'on  se  propose  de  ranger  par 
ordre  de  grandeurs  croissantes  toutes  les  fractions  irré- 
ductibles à  termes  positifs,  dont  le  dénominateur  ne  sur- 
passe pas  un  nombre  donné,  on  obtient  des  suites  consi- 
dérées par  Farey,  qui  a  énoncé  ce  théorème  :  «  Dans  une 
suite  d'indice  donné,  toutes  les  fractions  irréductibles, 
comprises  entre  0  et  1 ,  sont  telles  que  chacune  d'elles  est 
la  médiante  des  deux  qui  la  comprennent.  »  L'indice  est 
le  nombre  donné,  que  le  dénominateur  ne  doit  pas  sur- 
passer; la  médiante  des  deux  fractions  7  et  -  est  ,    .     ,. 

On  démontre  que  le  nombre  des  fractions  de  la  suite  de 
Farey  d'indice  p  est  égal  à  1  augmenté  de  la  somme  des 
indicateurs àesp  premiers  nombres.  Voici, à  titre  d'exemple, 
la  suite  de  Farey  d'indice  7  : 


011112123143 


3   4  5  6  1 


1765  4  73572753745671 
On  peut  remarquer  que  la  somme  des  fractions  équidis- 
tantes  des  extrêmes  est  toujours  1.  M.  Sylvester  a  publié 
plusieurs  mémoires  intéressants  sur  les  suites  de  Farey. 

A.  Làisant. 
Bibl.  :  Farey,  Bulletin  de  la  Soc.  philomathique,  1816. 
—  Ed.  Lucas,  Théorie  des  nombres,  t.  I,  p.  474.  —  Liste 
des  mémoires  dus  à  Farey  dans  le  Catalogue  of  scientific 
papers  de  la  Société  royale  ;  Londres,  1868,  t.  II,  in-4. 

FAREY  (John),  ingénieur  anglais,  fils  du  précédent,  né 
à  Lambeth  (Surrey)  le  20  mars  1791,  mort  à  Sevenoaks 
(Kent)  le  17  juil.  1854.  Il  fut  d'abord  dessinateur,  tra- 
vailla pour  diverses  publications  illustrées,  inventa  en 
1 807  un  instrument  pour  faciliter  l'établissement  des  des- 
sins de  perspective,  un  autre,  en  1813,  pour  le  tracé  des 
ellipses,  et,  après  un  séjour  de  trois  ^années  en  Russie 
(1819-21),  où  il  fonda  plusieurs  établissement  industriels, 
revint  exercer  à  Londres  la  profession  d'ingénieur  civil.  Il 
a  écrit:  A  Treatise  on  the  steam  engine  (Londres, 
1827,  lre  part.,  in-4).       #  L.  S. 

FAREZ  (Fénelon-Maximilien-Lycurgue),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Cambrai  le  6  févr.  1793,  mort  à  Douai 
le  1er  févr.  1862.  Avocat  à  Cambrai,  bâtonnier  de  l'ordre, 
colonel  de  la  garde  nationale,  il  fut  nommé  avocat  général 
à  la  cour  d'appel  de  Douai  au  début  de  la  révolution  de 
1848.  Le  23  avr.,  il  fut  nommé  représentant  du  Nordjt 
la  Constituante,  et  siégea  parmi  les  républicains  modérés. 


FAREZ  —  FARGUEIL 


_  12  — 


-r-  Son  père,  Maocimilien,  né  à  Villers-Plouich  (Nord)  le 
10  févr.  1769,  mort  à  Douai  le  20  juin  1841,  avocat  et 
professeur  de  belles-lettres,  fut  nommé  en  1806,  par  le 
Sénat  conservateur,  représentant  du  Nord  au  Corps  légis- 
latif. Il  fut  réélu  le  8  mai  1811  et  le  11  mai  1815.  La 
Restauration  lui  enleva  ses  fonctions  de  procureur  au  tri- 
bunal de  Cambrai.  Le  gouvernement  de  Juillet  le  nomma 
procureur  général  à  la  cour  de  Douai.  Il  est  l'auteur  d'un 
projet  de  loi  sur  la  responsabilité  ministérielle. 

FARFADET  (V.  Nain). 

FAR  FAR.  Oasis  d'Algérie,  au  S.  dudép.  deConstantine, 
dans  la  région  des  Ziban,  à  38  kil.  à  l'E.  de  Biskra,  et  à 
2  kil.  avant  d'arriver  à  la  grande  oasis  de  Tolga.  A  2  kil. 
à  FO.  se  trouvent  les  ruines  de  Zaatcha,  détruite  par  le 
siège  fameux  de  1849. 

FAR  FA  RI  A.  Nom  donné  par  les  indigènes  d'Algérie  à 
la  région  au  S.-E.  de  Biskra,  qui  forme  la  bordure  septen- 
trionale du  chott  Melr'ir  et  où  viennent  se  perdre  dans  les 
sables  et  la  vase  les  divers  oueds  qui  descendent  des  flancs 
de  l'Aurès.  Toute  cette  région,  inondée  après  la  pluie,  pa- 
raît être  au-dessous  du  niveau  de  la  mer. 

FARFUSOLA  (Bartolommeo),  peintre  de  l'école  véni- 
tienne, né  à  Vérone,  mort  en  1640.  Les  églises  de  sa 
ville  natale  possèdent  de  lui  plusieurs  ouvrages  ;  citons  no- 
tamment une  Sainte  Ursule,  dans  l'église  de  ce  nom. 

FARGES.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Gex,  cant. 
de  Collonges  ;  573  hab. 

FARGES  (Les).  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Sarlat,  cant.  de  Montignac  ;  259  hab. 

FARGES.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  et  cant. 
(N.)  de  Chalon-sur-Saône  ;  317  hab. 
-    FARGES.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de  Ma- 
çon, cant.  de  Tournus  ;  350  hab. 

FARGES-Allichamps.  Corn,  du  dép.  du  Cher,  arr.  et 
cant.  de  Saint-Amand-Montrond  ;  430  hab. 

FARGES-en-Septaine.  Corn,  du  dép.  du  Cher,  arr.  de 
Bourges,  cant.  de  Baugy  ;  1,780  hab. 

FARGES  (Pierre-Marie-Louis),  historien  français  con- 
temporain, né  à  Aurillac  le  12  oct.  1858.  Après  des  études 
faites  à  l'École  des  chartes  et  à  l'Ecole  des  hautes  études, 
il  entra  au  ministère  des  affaires  étrangères  où  il  est  sous-chef 
du  bureau  historique  (1893).  Outre  de  nombreux  mémoires 
sur  l'histoire  moderne,  dans  divers  recueils  et  notamment 
dans  la  Revue  historique  où  il  collabore  régulièrement,  au 
Bulletin  bibliographique,  on  lui  doit  la  publication  des 
deux  volumes  concernant  la  Pologne  (Paris,  1888,  in-8), 
dans  le  Recueil  des  instructions  données  aux  ambas- 
sadeurs et  ministres  de  France,  depuis  les  traités  de 
Westphalie  jusqu'à  la  Révolution,  publié  par  le  minis- 
tère des  affaires  étrangères,  et  Stendhal  diplomate  (Paris, 
1892,  in-12).  M.  Louis  Farges  est  collaborateur  de  la 
Grande  Encyclopédie. 

FARGIS  (Madeleine  de  Silly-Rochepot,  dame  du),  dame 
d'atours  de  Marie  de  Médicis,  morte  à  Louvain  en  sept. 
1639.  Elle  était  fille  d'Antoine  de  Silly,  comte  de  La 
Rochepot,  gouverneur  d'Anjou,  et  de  Marie  de  Lannoy. 
Après  des  aventures  galantes,  Madeleine  de  Silly  se  fit 
carmélite,  puis  rentra  dans  le  monde  et  épousa  du  Fargis 
d'Angennes  qui  fut  ambassadeur  en  Espagne.  A  son  retour, 
elle  fut  dame  d'atours  de  Marie  de  Médicis  et  se  livra  à 
des  intrigues  contre  Richelieu.  Elle  suivit  la  reine  dans 
l'exil,  fut  condamnée  à  mort  par  contumace  par  la  chambre 
de  l'Arsenal  et  exécutée  en  effigie  (1631).  G.  R. 

Bibl.  :  Journal  de  Monsieur  le  cardinal-duc  de  Riche- 
lieu, 1648,  in-18.  —  Aubery,  Histoire  du  cardinal-duc  de 
Ricjielieu,  1660,  pp.  136,  139  et  141,  in-fol. 

FA RG NIER.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Laon, 
cant.  de  La  Fère;  1,929  hab. 

FARGUé  (Louis-Jérôme),  ingénieur  français,  né  à  Ver- 
dun (Meuse)  le  20  mai  1827.  Inspecteur  général  dans  le 
corps  des  ponts  et  chaussées,  dont  il  est  l'une  des  lumières, 
M.  Fargue  est  principalement  connu  par  des  travaux  exé- 
cutés dans  la  Garonne  avec  le  plus  grand  succès.  Ces  tra- 


vaux ont  servi  de  démonstration  à  une  théorie  de  l'amélio- 
ration des  rivières  qui  constitue  un  progrès  considérable 
dans  cette  branche  de  la  science  de  l'ingénieur  et  que  l'on 
peut  résumer  de  la  manière  suivante  :  les  courbes  que 
forme  un  cours  d'eau  ne  sont  pas  compatibles  avec  de 
bonnes  profondeurs  dans  tout  le  thalweg,  si  leurs  longueurs 
sont  très  variables  ;  il  faut  donc  avant  tout  fixer  les  sinuosités 
des  rivières,  et  qu'on  ait  partout  le  même  développement, 
à  peu  près,  d'un  point  d'inflexion  au  suivant.  Mais  cela  ne 
suffit  évidemment  pas,  car  la  variation  des  largeurs  ne 
peut  être  arbitraire  ;  les  travaux  exécutés  dans  la  Garonne 
et  les  mémoires  de  M.  Fargue  montrent  qu'on  se  met  dans 
les  meilleures  conditions  en  adoptant  des  largeurs  maxima 
aux  points  où  le  courant  se  porte  contre  l'une  des  rives,  et 
des  largeurs  minima  aux  points  d'inflexion  où  le  courant 
ne  se  porte  pas  plus  d'un  côté  que  de  l'autre.  Ce  n'est  pas 
tout  encore  :  il  faut  que  les  courbures  des  rives  varient 
graduellement  et  qu'aux  points  d'inflexion  elles  soient 
convexes,  vues  de  l'axe  de  la  rivière,  sur  les  deux  rives. 
On  a  constaté  sur  la  Garonne  que  des  tracés  ration- 
nels avaient  eu  pour  conséquence  de  porter  de  0m75 
à  plus  de  2  m.  la  profondeur  minima  dans  le  thalweg.  — 
M.  Fargue  est  venu  trop  tard,  car  de  grands  travaux  ont 
été  faits  avant  lui  dans  la  Garonne  et  n'ont  produit  aucun 
résultat  ;  par  conséquent,  les  beaux  succès  obtenus  sur 
une  certaine  longueur  n'ont  qu'une  utilité  limitée. 

Une  conséquence  imprévue  des  travaux  de  M.  Fargue 
dans  la  Garonne  a  été  la  diminution  de  la  pente  superfi- 
cielle ;  on  conçoit  que  cela  devait  nécessairement  se  pro- 
duire à  la  suite  de  la  disparition,  ou  au  moins  de  l'écrête- 
ment  des  hauts  fonds.  Il  en  est  résulté  des  remaniements 
locaux  des  pentes  en  amont,  mais  la  Garonne  ayant  par 
endroits  des  fonds  infouillables  et  les  profondeurs  y  étant 
incompatibles  avec  une  navigation  sérieuse,  ces  désordres 
ne  se  sont  pas  propagés  très  loin  et  n'ont  eu  aucune  con- 
séquence grave,  si  ce  n'est  la  diminution  de  la  profon- 
deur sur  le  radier  de  l'écluse  d'embouchure  du  canal 
latéral  à  la  Garonne,  à  Castets.  —  Néanmoins,  ce  fait  de 
la  diminution  de  la  pente  après  le  règlement  des  courbures 
et  des  largeurs  doit  être  noté  comme  étant  d'une  impor- 
tance majeure  au  point  de  vue  des  projets  d'amélioration 
des  rivières.  Il  n'est  pas  possible  que  cette  diminution  se 
propage  indéfiniment  de  l'aval  à  l'amont,  car  (sans  parler 
de  la  durée  énorme  de  l'évolution)  il  en  résulterait  de  tels 
abaissements  du  lit,  que  les  rives  finiraient  par  s'effondrer. 
Il  faut  donc  soutenir  le  lit  de  distance  en  distance,  au 
moyen  de  barrages  de  soutènement  convenablement  placés. 
Supposons,  par  exemple,  que  la  diminution  de  pente  pré- 
vue soit  de  0m20  par  kil.,  et  qu'on  ne  puisse  admettre  plus 
de  2  m.  d'abaissement  de  l'étiage  ;  il  faudra  fixer  le  lit 
tous  les  10  kil.  Pour  se  rendre  compte  de  ce  qu'est 
devenue  la  science  des  rivières  dans  ces  derniers  temps,  il 
faudra  étudier  ces  questions  dans  les  deux  grands  mémoires 
publiés  par  M.  Fargue  dans  les  Annales  des  ponts  et  chaus- 
sées (1868  eUSS^etd-àïisVHydrauliquejluvialeiiSU). 

FARGUEIL  (Anaïs),  actrice  française,  née  à  Toulouse  le 
21  mars  1819.  Destinée  d'abord  au  chant,  celle  qui  devait 
devenir  une  des  premières  comédiennes  de  son  temps  fit 
de  bonnes  études  musicales  au  Conservatoire  de  Paris.  Elle 
y  obtint  un  second  prix  de  solfège  en  1833,  et,  en  1834, 
les  deux  premiers  prix  de  solfège  et  de  vocalisation.  En- 
gagée peu  de  temps  après  à  l' Opéra-Comique,  elle  y  débuta 
enfévr.  1835  sans  grand  succès.  Au  bout  d'une  année, 
elle  le  quitta  pour  entrer  au  Vaudeville.  Là,  dans  un  petit 
cadre,  avec  un  orchestre  restreint,  sa  voix,  conduite  avec 
un  goût  parfait,  reprenait  tous  ses  avantages.  Son  début 
au  Vaudeville,  dans  le  Démon  de  la  nuit,  le  11  mai 
1836,  lui  valut  un  succès  éclatant,  que  les  auteurs  s'em- 
pressèrent de  mettre  à  profit  en  lui  confiant  de  nouvelles 
créations.  Dans  l'espace  de  quelques  années,  elle  établit  sa 
réputation  d'une  façon  solide.  En  1842,  elle  quitta  le  Vau- 
deville pour  le  Palais-Royal,  puis,  deux  ans  après,  elle 
passa  de  ce  théâtre  à  celui  du  Gymnase,  où  elle  fit  de 


nombreuses  créations:  Sa  grâce,  sa  beauté,  son  talent  lui 
avaient  valu  des  succès  bruyants,  lorsque  tout  à  coup,  en 
1845,  elle  disparut  de  Paris  sans  aucune  raison  apparente. 
Son  absence  dura  sept  années,  pendant  lesquelles  elle  se  fit 
applaudir  dans  les  départements  et  à  l'étranger.  En  1852, 
elle  reparut  au  Vaudeville.  Son  talent  avait  pris  de  l'am- 
pleur ;  des  amoureuses  et  des  jeunes  premières  elle  passait 
aux  premiers  rôles,  et  la  transformation  de  ce  talent  se  ma- 
nifesta surtout  dans  trois  rôles  qui  lui  valurent  de  véritables 
triomphes  :  Marco,  des  Filles  de  marbre  ;  Louise,  du 
Mariage  d'Olympe,  et  Lucie,  de  Lucie  Didier*  La  jolie 
comédienne  était  devenue  une  actrice  de  drame  puissante 
et  pathétique,  aussi  remarquable  par  la  profondeur  que  par 
l'autorité  de  son  jeu  plein  de  mouvement  et  de  passion. 
Elle  se  fit  acclamer  dans  la  Vie  en  rose,  Dalila,  Rédemp- 
tion, les  Femmes  fortes,  Nos  Intimés,  Maison  neuve, 
Miss  Multon,  et  fit  courir  tout  Paris.  Elle  s'éloigna  pour- 
tant un  instant  de  ce  théâtre  pour  aller  créer  triomphale- 
ment à  la  Porte-Saint-Martin  Patrie,  de  M.  Sardou,  puis 
elle  y  revint  pour  se  faire  applaudir  dans  V Artésienne, 
les  Pattes  de  mouches,  V  Oncle  Sam.  En  1873,  Mlle  Far- 
gueil  créa  à  l'Ambigu,  avec  un  très  grand  succès,  le  rôle 
de  Rose  Michel  dans  le  drame  de  ce  nom  ;  elle  joua  deux 
autres  pièces  à  ce  théâtre,  puis,  en  1876,  elle  partit  pour 
la  Russie,  d'au  elle  revint  peu  de  mois  après.  Depuis  lors, 
elle  a  renoncé  définitivement  au  théâtre.  A.  P. 

FARGUES.  Corn,  du  dép.  des  Landes,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Sever;  392  hab. 

FARGUES.  Corn,  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors,  cant. 
de  Montcuq;  442  hab. 

FARGUES.  Gom.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Nérac,  cant.  de  Damazan  ;  735  hab. 

FARGUES  (Balthasar  de),  aventurier  français,  pendu 
le  27  mars  1665.  II  fut  d'abord  simple  soldat,  puis  em- 
ployé aux  vivres  où  il  se  rendit  coupable  de  nombreuses 
déprédations.  Devenu  major  du  régiment  de  Bellebrune, 
il  prit  parti  pour  la  Fronde,  s'empara  d'Hesdin  qu'il  vendit 
à  don  Juan  d'Autriche  et  en  toucha  le  prix  sans  lui  livrer 
la  place;  il  s'y  rendit  indépendant,  tira  sur  l'armée  du 
roi,  et  commit  toutes  sortes  d'excès.  Grâce  au  prince  de 
Condé,  il  sortit  de  la  ville  à  la  faveur  de  la  paix  des  Py- 
rénées, et  vint  étaler  à  Paris  son  luxe  orgueilleux  avec  le 
résultat  de  ses  pillages.  Louvois  le  fit  arrêter  comme  cou- 
pable de  prévarication  ;  de  Fargues  fut  jugé  souveraine- 
ment et  sans  appel  par  une  commission  et  condamné  à  être 
pendu.  G.  R. 

Bibl.  :  Saint-Simon,  Mémoires;  Paris,  1873,  p.  311.  — 
Lémontey,  Essai  sur  rétablissement  monarchique  de 
Louis  XIV,  1818,  in-8  (Pièces  justificatives,  n°  1). 

FARGUES-de-Langon.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde, 
arr.  de  Bazas,  cant.  de  Langon  ;  795  hab. 

FARGUES-Saint-Hllaire.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde, 
arr.  de  Bordeaux,  cant.  de  Créon  ;  548  hab. 

FARGUES  (Jean-Joseph  Méallet,  comte  de),  homme 
politique  français,  né  à  Vodables  le  12  mars  1777,  mort  à 
Lyon  le  21  avr.  1818.  Il  émigra  à  la  Révolution,  servit 
dans  l'armée  de  Condé,  et,  rentré  en  France  sous  l'Em- 
pire, devint  administrateur  des  hôpitaux  de  Lyon  et  adju- 
dant-major de  la  garde  nationale.  Il  favorisa  de  toute  son 
influence  la  Restauration,  et,  nommé  maire  de  Lyon, 
adhéra  pour  la  forme  au  gouvernement  des  Cent-Jours,  et 
reçut  fort  bien  Napoléon  à  son  passage.  Néanmoins,  il 
demeurait  l'agent  le  plus  actif  des  Bourbons,  entretenant 
une  correspondance  avec  le  duc  d'Angoulême  et  M.  de 
Chabrol.  Elu  député  du  Rhône  le  22  août  1815,  M.  de 
Fargues  fut  encore  réélu  le  4  oct.  1816  et  le  21  sept.  1817. 
Il  combattit  le  cabinet  Decazes,  et,  lors  des  troubles  de 
Lyon,  il  ne  fit  rien  pour  en  empêcher  la  répression  san- 
glante. Il  demeura  cependant  maire  de  Lyon  jusqu'à  sa 
mort.  Il  a  publié  pour  sa  défense  :  la  Vérité  sur  les 
événements  de  Lyon  (Lyon  et  Paris,  4 818,  in-8). 

FARGUES  (Joseph-Etienne-Charles),  homme  politique 
français,  né  à  Montréal  (Aude)  le  2  janv.  1786,  mort  à 


-  13  -  FARGUEIL  -  FARIA 

Montréal  le  25  avr.  1860.  Entré  dans  l'armée,  il  parvint 
au  grade  de  chef  de  bataillon  d'infanterie,  puis  démissionna. 
Après  deux  échecs  aux  élections  législatives  à  Carcassonne, 
en  1831  et  1834,  il  fut  élu  député  de  cette  circonscription 
le  28  août  1841.  Membre  du  tiers-parti,  il  fut  réélu  le 
9  juil.  1842  et  fut  battu  aux  élections  du  1er  août  1846. 

FARGUS  (Frederick-John),  littérateur  anglais,  plus 
connu  sous  son  pseudonyme  de  ttugh  Conway,  né  à  Bristol 
le  20  déc.  1847,  mort  à  Monte-Carlo  le  15  mai  1885. 
Passionné  pour  la  marine,  il  fit  des  études  spéciales  sur  la 
frégate-école  Conway,  mais  son  père  ne  lui  permit  pas  de 
suivre  cette  carrière  et  le  plaça  dans  une  maison  d'agents 
comptables  où  il  demeura  jusqu'en  1868,  date  à  laquelle  il 
succéda  à  la  charge  de  commissaire-priseur  de  son  père. 
Dès  sa  prime  jeunesse  il  avait  manifesté  de  rares  aptitudes 
littéraires,  et,  encore  sur  les  bancs  de  l'école,  il  avait  écrit 
une  pièce  burlesque  en  trois  actes,  Jason  or  the  Gloden 
Fleece,  qui  ne  manque  pas  d'agrément.  Il  mena  de  front 
sa  profession  et  la  carrière  des  lettres  et  s'acquit  un  égal 
renom  comme  connaisseur  d'art  et  comme  romancier.  Colla- 
borateur du  Blackwood's  Magazine,  du  Chambers's  Edin- 
burgh  Journal,  de  YEnglish  illustrated  Magazine  et 
autres  périodiques,  il  a  laissé  de  nombreuses  nouvelles  dont 
quelques-unes  ont  obtenu  un  succès  prodigieux  et  ont  été 
traduites  dans  toutes  les  langues.  Nous  citerons  :  A  Life*  s 
Idylls  and  other  Poems  (1879),  The  Daughter  ofthe 
stars  (1881)  ;  The  Secret  of  Stradivarius  (1881)  ;  The 
Bandmaris  Story  (1882);  Fleurette  (1883);  Called 
Back  (1883),  qui  se  vendit  à  plus  de  400,000  exemplaires 
et  dont  il  tira  un  drame  avec  la  collaboration  de  Comyns 
Carr  (200  représentations  an  Prince* s  Théâtre  en  1884)  ; 
My  First  Client  (1883)  ;  Miss  Rive f  s  Revenge  (1883)  ; 
Red  Hill  Mystery  (1883);  Paul  Vargas  (1884)  ;  Chewton 
Abbot(\%U)\  Dark  Day s (1884),  The  Bichwa  (1884); 
A  Dead  man's  face  (1884)  ;  Cariston's  Gift  (1885)  ;  The 
Story  of  a  sculptor  (1885),  Slings  and  Arrows  (1885)  ; 
Living  or  Dead  (1886),  Somebody's  Story  (1887),  etc. 

FARIA  (Manoel  Severim  de),  historien  et  archéologue 
portugais,  né  à  Lisbonne  en  1583,  mort  à  Evora  le  23  sept. 
1655.  Docteur  en  théologie,  il  fut  chantre  et  chanoine  de 
l'église  d'Evora  et  rendit  de  grands  services  patriotiques  à 
cette  cité.  Possesseur  d'une  bibliothèque  de  livres  précieux 
et  d'un  riche  musée,  il  consacra  ses  loisirs  à  l'étude  de 
l'histoire  et  des  antiquités  nationales.  On  lui  doit  :  Dis- 
cursos  varios  ;  vidas  de  Jodo  de  Barros,  Diogo  do 
Couto  e  Luiz  de  Camoês  (Evora,  4624,  in-4;  Lisbonne, 
1791  et  1805,  in-8)  ;  cette  dernière  biographie  a  servi  de 
base  à  toutes  celles  consacrées  an  grand  poète  ;  Relaçâo 
universal  do  que  succedeo  em  Portugal,  e  mais  pro- 
vincias  do  occidente  e  oriente  de  março  i625  até  todo 
setembro  de  J626  (Lisbonne,  1626,  in-4);  Discurso 
sobre  a  origem  e  grande  antiguedade  das  vestes  que 
usa  por  habit o  ecclestiastico  o  clero  de  Portugal;  dis- 
cursos  varios  (Evora,  1634,  in-4;  Lisbonne,  1791  et 
4805,  in-8)  ;  Noticias  de  Portugal  (Lisbonne,  1655, 
pet.  in-fol.  ;  1740,  pet.  in-fol.,  et  1791,  2  vol.  in-8), 
ouvrage  d'une  grande  érudition,  comprenant  la  géographie 
économique  et  politique,  l'histoire  nobiliaire,  la  numisma- 
tique et  une  série  d'éloges  d'hommes  illustres  de  Portugal. 
Il  laissa  d'autres  ouvrages  demeurés  inédits.      G.  P-i. 

FARIA  e  Souza  (Manoel  de),  célèbre  historien  portugais, 
né  à  Caravella,  près  de  Pombeiro,  le  18  mars  1590,  mort 
à  Madrid  le  3  juin  \  649.  Sa  vie  fut  entièrement  consacrée 
à  l'étude.  En  1631,  il  accompagna  le  marquis  de  Castel- 
Rodrigo  en  ambassade  à  Rome,  où  il  séjourna  environ 
quatre  ans,  et  il  vécut  ensuite  à  Madrid.  Extrêmement  labo- 
rieux, il  laissa  une  soixantaine  de  volumes,  écrits  presque 
exclusivement  en  espagnol  et  dont  dix-sept  seulement  furent 
imprimés.  Dans  l'histoire,  il  débuta  par  un  Epitome  de 
las  historias  portuguezas  (Madrid,  1628,  2  part,  in-4  ; 
Bruxelles,  1677,  in-fol.  et  1730,  in-fol.),  travail  qu'il 
développa  ensuite  en  un  vaste  ouvrage  comprenant  l'his- 
toire de  l'empire  portugais  dans  toutes  les  parties  du  monde, 


FARIA  -  FARINA 


-  44  — 


mais  qui  ne  vit  le  jour  qu'après  sa  mort  :  Europa  portu- 
gueza  (Lisbonne,  1667,  3  vol.  pet.  in-fol.  ;  -1678-80, 
3  vol.)  ;  Asia  portuguem  (Lisbonne,  4666-75,  3  vol.)  ; 
Africa  portugueza  (4681)  ;  le  volume  consacré  à  l'Amé- 
rique portugaise,  qui  fut,  dit-on,  achevé  par  l'auteur,  n'a 
point  paru.  Il  rédigea,  sur  les  matériaux  fournis  par  le 
P.  A.  Semmedo,  un  précieux  volume  sur  la  Chine  :  ira- 
perio  de  China  i  cultura  evangelica  en  él  (Madrid, 
1642,  in4),  et  il  traduisit  et  compléta  l'important  Nobi- 
liario  du  comte  de  Barcellos  (V.  ce  nom).  Ses  commen- 
taires sur  le  poème  de  Camoëns,  As  Lusiadas  (Madrid, 
4639,  3  vol.  in-fol. ),  lui  valurent  des  persécutions  du 
saint-office.  Faria  y  Souza  était  aussi  poète  lui-même,  et  la 
plupart  de  ses  compositions  ont  été  réunies  dans  deux 
recueils  :  Noches  claras  (Madrid,  4624-26,  2  vol.)  et  la 
Fuentede  Aganipe  (Madrid,  4644-46).  On  y  trouve  en- 
viron deux  cents  sonnets  et  d'autres  pièces  en  portugais, 
tandis  que  le  reste  est  en  castillan,  mais  la  richesse 
d'expressions  n'en  rachète  point  le  style  ampoulé  et  la  lour- 
deur des  idées.  G.  P-i. 

FARIBAULT.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Minnesota, 
sur  le  Cannon-River  ;  7,000  hab.  Hospices,  établissements 
industriels. 

FARIDPOUR.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de 
Bengale,  prov.  de  Dacca,  ch.-l.  de  district,  dans  le  delta 
du  Gange,  sur  le  Mara-Padma  qui  la  met  en  communication 
avec  le  fleuve;  40,000  hab.  environ.  —  Le  district  a 
6,425  kil.  q.  ;  632,000  hab.  environ  (58  °/0  Mahometans, 
42  %).  Presque  entièrement  submergé  lors  des  inonda- 
tions du  Gange,  ce  district  est  malsain  et  cependant  très 
peuplé,  produisant  beaucoup  de  riz  et  de  jute. 

.  FARILLON  (Pêche).  Réchaud  porté  à  l'extrémité  d'un 
long  bras,  et  dans  lequel  on  entretient  un  feu  clair  dans  le 
but  d'attirer  le  poisson. 

FARIN  (François),  historien  normand,  né  à  Rouen  le 
47  mai  4604,  mort  à  Rouen  le  8  sept.  4675.  Prêtre  habitué 
à  l'église  Saint-Godard  de  Rouen,  organiste  et  clerc  matri- 
culier  de  cette  paroisse,  Farin  s'attacha  à  recueillir  des 
documents  sur  l'histoire  de  sa  ville  et  de  sa  province 
natales.  On  lui  doit  :  la  Normandie  chrèstienne  ou  V His- 
toire des  archevesques  de  Rouen  qui  sont  au  catalogue 
des  saints.,,  avec  un  ample  discours  du  privilège  de 
saint  Romain  (Rouen,  4659,  in-4)  ;  Histoire  de  la  ville 
de  Rouen  (Rouen,  4668,  3  vol.  in-42;  réimpr.  en  4740 
et  en  4731).  Ch.-V.  L. 

Bibl.  :  N.-N.  Oursel, Nouvelle  Biographie  normande; 
Paris,  1886,  t.  I'r,  p.  348,  in-8. 

FARINA  (Porto)  (V.  Gàr  el  Meloh). 

FARINA  (Fabrizio),  sculpteur  toscan  de  la  fin  du 
xvie  siècle,  renommé  surtout  pour  son  habileté  à  travailler 
le  porphyre.  Il  participa  aux  travaux  faits  avec  cette  pierre 
dure  pour  la  chapelle  des  Médicis  à  San  Lorenzo  de  Flo- 
rence, et  il  exécuta  en  4640,  avec  RaffaelloCurrado,  d'après 
les  modèles  d'Orazzo  Mocchi,  les  images  en  porphyre  de 
Ferdinand  Ier  et  de  Cosme  II  qui  se  trouvent  au  palais 
Pitti. 

FARINA  (Pier  Francesco),  peintre  de  l'école  bolonaise, 
de  la  seconde  moitié  du  xvir9  siècle.  Elève  des  frères  An- 
tonio et  Giuseppe  Roli,  il  excella  dans  le  genre  ornemen- 
tal. Le  palais  de  Karlsruhe  et  diverses  églises  de  Bologne 
lui  doivent  leur  décoration. 

FARINA  (Fra  Ubaldo),  sculpteur  bolonais,  qui  exécuta, 
en  4746,  deux  Evangélistes  en  terre  cuite  qui  sont  dans 
l'église  San  Giovanni  in  Monte,  à  Bologne. 

FARINA  (Giovanni-Maria),  industriel  italien,  néàCrana, 
près  de  Santa  Maria  Maggiore  (prov.  de  Novare)  en 
4686,  mort  à  Cologne  en  4766.  Vers  4708  il  serait  venu, 
avec  ses  trois  frères  puînés  Giovanni-Battista,  Carlo- 
Geronimo  et  Giulio,  retrouver  à  Cologne  un  parent,  Gio- 
vanni-Paolo  Feminis,  de  Domo  d'Ossola,  qui  habitait  depuis 
longtemps  la  cité  rhénane  où,  à  un  commerce  de  denrées 
exotiques,  il  joignait  la  fabrication  de  l'essence  aujourd'hui 
appelée  eau  de  Cologne.  La  traditionjveut  que  ce  Feminis 


ait  tenu  sa  précieuse  recette  d'un  moine  d'Orient  de  passage 
à  Domo  d'Ossola.  N'en  révéla-t-il  le  secret  qu'à  son  retour 
à  Santa  Maria  Maggiore,  où  il  mourut  très  riche,  et  qu'au 
fils  seul  de  Carlo-Geronimo  Farina,  Giovanni- Antonio, 
parti  pour  Cologne  en  4748,  ou,  au  contraire,  les  quatre 
frères  Farina  la  connaissaient-ils  avant  leur  départ  d'Italie  ? 
Les  deux  versions  et  d'autres  encore  ont  cours,  entrete- 
nues par  des  rivalités  commerciales,  et  les  patientes  re- 
cherches des  archivistes  de  Cologne  qui  ont  reconstitué  la 
généalogie  des  Farina  n'ont  pas  encore  fait  la  lumière  sur 
ce  point.  En  tout  cas,  il  est  certain  que  Giovanni-Maria  et 
Giovanni-Battista  s'associèrent  à  Cologne  ;  que  Carlo-Ge- 
ronimo et  Giulio  allèrent  à  Dusseldorf,  mais  que  leurs  fa- 
milles, associées  et  alliées,  retournèrent  de  bonne  heure 
à  Cologne  ;  que  les  quatre  frères  tinrent  dès  le  début  des 
commerces  analogues  à  celui  de  Feminis  et  que  tous,  au 
milieu  du  xvme  siècle,  fabriquaient  la  fameuse  essence 
sous  les  dénominations  d'  «  acqua  de  regina  »,  d'  «  eau 
admirable  »,  d'  «  eau  médicinale  ».  Giovanni-Maria  ne 
laissa  pas  d'enfants  ;  ses  cadets  eurent  au  contraire  de 
nombreux  descendants  mâles,  tous  adonnés  à  l'exploitation 
de  la  recette  héréditaire,  et  la  plupart  prénommés,  comme 
leur  vieil  oncle  et  arrière-grand-oncle  paternel,  Johann- 
Maria.  Cette  dernière  particularité  et  les  cessions  de  droits 
faites  successivement  et  en  grand  nombre  à  des  personnes 
étrangères  expliquent  comment  tant  de  maisons  peuvent 
aujourd'hui  mettre  sur  leurs  enseignes  :  Johann-Maria 
Farina.  Léon  Sàgnet. 

FARINA  (Salvatore),  romancier  italien,  né  à  Sorso, 
près  de  Sassari,  dans  l'île  de  Sardaigne,  le  40  janv.  4846. 
C'est  un  des  rares  romanciers  italiens  qui  aient  réussi  à 
se  créer  un  public,  à  se  faire  lire  dans  un  pays  où  on  ne 
lit  pas,  où  la  littérature  ne  franchit  guère  un  cercle  étroit  ; 
et,  depuis  Bersezio,  c'est  le  seul  qui  ait  recueilli  quelque 
notoriété  à  l'étranger.  Ce  succès  il  le  doit  au  genre  bien 
spécial  de  son  talent  que  le  mot  anglais  humour  carac- 
térise bien.  Sans  imiter  Dickens,  il  l'a  parfois  transposé 
et  s'en  est  assimilé,  non  les  procédés,  ce  qui  serait  peu, 
mais  l'esprit,  cette  manière  de  badiner  avec  ses  personnages, 
de  n'avoir  pas  l'air  de  les  prendre  au  sérieux,  même  en 
leurs  plus  tragiques  aventures,  quitte  à  se  laisser  aller  tout 
d'un  coup,  et  souvent  mal  à  propos,  à  une  crise  de  sensi- 
bilité; tel  encore  M.  A.  Daudet,  dans  ses  premiers  romans. 
Si  donc  Salvatore  Farina  n'est  pas,  comme  on  l'a  dit,  un 
Dickens  italien,  ce  qui  serait  bien  surprenant,  il  apparaît 
néanmoins  comme  un  romancier  de  la  famille  littéraire,  de 
la  race  intellectuelle  des  humoristes  à  la  Dickens,  et  cette 
parenté  est  une  partie  de  son  originalité.  Il  a  des  qualités 
bien  personnelles,  le  don  de  l'observation  narquoise  par 
exemple,  et  aussi  l'art  de  rassembler  sur  un  seul  personnage 
mille  petits  faits  qui,  accumulés  comme  des  traits  de  burin, 
gravent  un  véritable  type  :  ainsi  son  Monsieur  Moi,  qui  est 
un  admirable  et  pourtant  amusaut  portrait  de  l'égoïste  naïf, 
presque  pas  méchant  et  d'autant  plus  cruel.  Ce  roman,  Il 
Signor  Io,  est  le  chef-d'œuvre  de  M.  Farina  et,  en  soi,  une 
œuvre.  Egalement  fort  intéressant  son  Don  Chisciottino, 
dont  le  titre  dit  assez  le  sujet;  c'est,  comme  Monsieur 
Pickwick,  une  variation  sur  le  thème  imaginé  par  Cervantes, 
mais  l'auteur,  en  cette  étude,  pleine  encore  de  qualités,  a 
manqué  un  peu  de  rigueur  logique.  Ses  autres  romans  prin- 
cipaux sont  :  Amorbendato,  où  il  fait  preuve  d'un  art 
singulier  dans  l'analyse  des  sentiments  les  plus  fins  ;  Capelli 
biondi,  excursion  dans  le  domaine  réaliste  ;  Oro  nascosto, 
roman  où  sont  combattues  les  thèses  de  la  philosophie  maté- 
rialiste ;  Il  Tesoro  di  Donnina,  le  plus  grand  succès  du 
romancier  :  Amore  a  cenfocchi,  étude  de  mœurs  sardes, 
très  attachante  et  qui  semble  aussi  vraie  que  les  romans 
italiens  les  plus  «  véristes  »  ;  Mio  Figlio,  monographie  de  la 
famille,  suite  de  tableautins  d'intérieur;  Caporal  Silvestro, 
où  l'observation  s'allie  à  une  sorte  de  fantastique  assez  neuf 
et  tout  psychologique.  Citons  encore,  romans,  nouvelles  ou 
recueils  de  nouvelles  :  Dalla  Spuma  del  mare;  Frutti 
proibiti;  Racconti  e  Scène;  Il  Marito  di  Laurina; 


-  15  - 


FARINA  —  FARINE 


V Intermezzo  e  la  pagina  nera  ;  Fra  le  corde  di  un 
contrabasso  ;  Il  Romanzo  di  un  vedovo;  enfin,  Per  la 
Vita  e  per  la  Morte  (1892).  M.  Farina  appartient  pour 
le  style  à  l'école  des  romanciers  qui  s'en  préoccupent  très 
peu.  Il  écrit  simplement,  sans  recherches,  ne  visant  que  la 
clarté  et  un  certain  pittoresque.  En  cela,  comme  presque 
en  tout,  d'ailleurs,  il  se  sépare  des  écoles  nouvelles,  des 
véristes,  qui  sont  les  naturalistes  d'au  delà  les  Alpes,  et 
de  ceux  que  M.  Pica  appelle  les  protagonistes  de  l'art  aris- 
tocratique et  dont  M.  d'Annunzio  est  l'un  des  plus  notoires. 
Cet  insouci  de  Y  «  écriture  »  et  un  goût  trop  marqué 
pour  le  sentimentalisme,  voilà  ce  que  l'on  peut  surtout 
reprocher  à  M.  Farina.  Ces  défauts  et  quelques  autres  sur 
lesquels  je  n'insiste  pas,  sont  graves,  sans  doute,  mais 
avoir  écrit  Monsieur  Moi,  c'est,  à  tous  les  reproches,  une 
péremptoire  réponse.  R.  de  Gouhmont. 

Bibl.  :  G.  Boglietti,  Scrittori  ilaliani  contemporanei  : 
Salvatore  Farina  ;  Florence,  1884,  in-8.  —  Nino-Petti- 
nati,  Salvatore  Farina,  dans  la  Gazzetta  Piemontese,  12- 
13  juil.  1884.  —  Marc-Monnier,  Un  Humoriste  italien, 
dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  1884.  —  R.  de  Gour- 
mont,  la  Littérature  contemporaine  en  Italie  ;  le  Roman 
de  la  Vie  intime;  Salvatore  Farina,  dans  la  Controverse  et 
le  Contemporain,  juil.  1884.  —  Du  même,  le  Roman  mo- 
derne a  l'étranger.  Italie  :  Salvatore  Farina,  dans  les 
Matinées  espagnoles,  mars  1885.  —  Contemporary  Re- 
view,  1885,  t.  1.  —  Mercure  de  France,  avril  1891. 

FARINACCI  (Prospero),  jurisconsulte  italien,  né  à 
Rome  le  30  oct.  1544,  mort  le  30  oct.  1618.  Il  étudia  le 
droit  à  Padoue  et  fut  avocat  à  Rome  ;  le  pape  Paul  V  le  fit 
son  procureur  fiscal,  charge  qu'il  exerça  avec  une  grande 
rigueur.  Il  fut  l'auteur  de  divers  traités,  assez  volumineuses 
compilations,  qui  lui  ont  valu  une  grande  réputation,  mais 
dont  la  valeur  est  discutable  et  a  été  diversement  appréciée. 
S'il  n'a  pas  fait  faire  de  progrès  notables  à  la  science  du 
droit,  il  a  eu  du  moins  le  mérite  de  laisser  une  œuvre 
systématique,  ne  manquant  ni  de  clarté  ni  de  méthode. 
Ses  principaux  traités  sont  :  Novissimœ  Decisiones  Rotœ 
romance;  Questiones  varice;  de  Testibus  (Lyon,  1589; 
Francfort,  1 606)  ;  Decisiones  Rotœ  romance  (Francfort, 
1606);  Praxis  et  Tlieorica  criminalis  (Lyon,  1616, 
4  vol.  in-fol.).  Les  œuvres  complètes  de  Farinaci  ont  été 
publiées  à  Anvers,  1620;  Lyon,  1634;  Venise,  1697; 
Nuremberg,  1686,  1723;  Francfort,  1597,  1606, 1622, 
1670-75.  G.  R. 

Bibl.  :  Albêric  Allard,  Histoire  delà  justice  criminelle 
au  xvie  siècle,  1868,  pp.  443-447.  —  Albert  du  Boys,  His- 
toire du  droit  criminel  de  la  France  depuis  le  xvie  jus- 
qu'au xixe  siècle,  1875, 1. 1,  pp.  336  à  343. 

FARINAT1  ou  FARINATO  (Rattista),  peintre  et  graveur 
italien,  né  à  Vérone  en  1532,  mort  en  1592.  Il  paraît  avoir 
eu  pour  premier  maître  son  oncle  Paolo  ;  puis  il  acheva  de  se 
former  à  l'école  dePaul  Véronèse,  qu'il  aida  dans  ses  fresques 
au  palais  délia  Soranza  à  Castelfranco  et  à  la  salle  du  Conseil 
des  Dix  à  Venise.  Il  peignit  ensuite  à  Vicence  la  façade  du 
Monte  délia  Pietà  ;  au  Dôme,  la  Chute  de  saint  Paul  et 
la  Pêche  des  apôtres,  puis,  au  Palais-Ducal,  à  Venise, 
les  Vertus  et  l'Etude,  et  des  fresques  à  la  villa  Obizzo  in 
Catajo. 

F  A  R  l  N  ATO  (Paolo) ,  peintre  italien ,  né  à  Vérone  en  1 524, 
ainsi  qu'il  résulte  de  la  signature  qu'on  lit  sur  l'un  de  ses 
tableaux,  mort  en  1606.  Farinato  passait  à  Vérone  pour 
un  descendant  de  la  famille  florentine  degli  Uberti.  C'est 
un  contemporain  de  Paul  Véronèse,  à  qui  il  ne  ressemble 
malheureusement  pas.  Les  livres  le  disent  élève  d'Antonio 
Radile  et  de  Mcolô  Giolfino  :  cette  dernière  indication  n'est 
pas  rigoureusement  prouvée.  Les  connaisseurs  qui  ont  fait 
une  étude  spéciale  du  talent  de  Farinato  signalent  chez  lui 
certaines  qualités  de  composition  et  de  dessin,  assez  ma- 
niéré cependant,  mais  se  déclarent  peu  satisfaits  de  son 
coloris  qu'encombrent  des  tons  bruns  de  mauvais  aloi,  pro- 
cédé facile  pour  obtenir  l'harmonie.  Il  paraît  avoir  fait  un 
voyage  à  Mantoue,  où  Jules  Romain  a  vécu  jusqu'en  1546  ; 
il  y  fit  quelques  peintures,  entre  autres  un  Saint  Martin 
pour  la  cathédrale  ;  il  séjourna  aussi  à  Venise,  où  son  pin- 
ceau laborieux  trouva  plusieurs  fois  occasion  de  s'em- 


ployer. Dans  la  seconde  édition  des  Minere,  publiée  en 
1674,  Roschini  inventorie  à  l'autel  de  l'église  vulgaire- 
ment appelée  S.  Marcuola  un  Raptême  de  J.-C,  dîpinto 
da  Paolo  Farinato.  Mais,  bien  qu'il  ait  été  un  instant 
Vénitien,  l'artiste  gardait  ses  meilleures  œuvres  pour  Vérone. 
On  n'a  que  quelques  dates  sur  la  vie  de  ce  grand  travailleur 
qui  faisait  à  la  fois  de  la  fresque  et  de  la  peinture  à  l'huile. 
Suivant  la  mode  du  pays,  il  a  souvent  décoré  de  ses  pein- 
tures les  façades  des  maisons  opulentes.  Les  biographes 
parlent  d'un  Ecce  Homo  qu'il  fit  pour  la  famille  Sangui- 
netti  en  1562.  On  attachait  plus  d'intérêt  à  une  œuvre  de 
sa  vieillesse,  la  Multiplication  des  pains,  composition  à 
nombreux  personnages  qui  existe  encore  à  San  Giorgio  in 
Rraida  et  où  l'on  relève  l'inscription  suivante  qui  fixe  la 
date  de  la  naissance  de  Farinato  :  A  D.  MDCIH  Paulus 
Farinatus  de  Hubertis  œtatis  suce  LXXIX.  Quoique  ce 
tableau  fût  très  admiré  au  xvme  siècle,  Cochin  le  déclare 
«  assez  mal  dessiné,  sans  effet  et  gris  ».  La  fatigue  y  est 
visible.  Farinato  n'était  pas  seulement  un  peintre  :  il  s'oc- 
cupait volontiers  d'architecture  ;  il  modelait  aussi  de  petites 
maquettes  en  cire.  Enfin,  il  dessinait  constamment,  multi- 
pliant les  croquis  à  la  plume  avec  une  facilité  dont  le  res- 
pect pour  la  nature  n'entravait  pas  l'abondante  éclosion . 
Les  œuvres  de  Farinato  sont  rares  dans  les  musées.  Le 
maître  est  naturellement  représenté  au  museo  Civico  de 
Vérone,  où  l'on  a  recueilli  les  tableaux  provenant  des 
églises  '  supprimées.  C'est  là  qu'on  peut  voir  la  Rataille 
des  Véronais  contre  Rarberousse,  dont  les  anciens  bio- 
graphes font  mention.  Au  musée  de  Rerlin,  on  voit  une 
Présentation  de  Jésus  au  temple.  Le  Louvre  n'a  aucune 
peinture  de  Paolo  Farinato,  mais  il  possède  dans  ses  porte- 
feuilles 85  dessins  qu'il  n'expose  pas  dans  les  galeries 
publiques.  P.  Mantz. 

Bibl.  :DALPozzo,Le  Vite  de"  pittori  Veronesi;  Vérone, 
1718.  —  C.  Bernasconi,  Studj  sopra  la  storia  délia  pittura 
italiana;  Vérone,  1864. 

FARINATO  ou  FARINATI  (Orazio),  peintre  et  graveur 
de  l'école  vénitienne,  fils  du  précédent,  né  à  Vérone  en 
1560.  Son  meilleur  tableau,  où  figure  son  propre  por- 
trait, est  une  Descente  du  Saint-Esprit  (1615)  qui  se 
trouve  dans  l'église  San  Spirito,  à  Vérone.  Il  a  gravé, 
d'après  son  père,  à  la  date  de  1599,  un  Passage  de  la 
mer  Rouge. 

FAR1N COURT.  Corn,  du  dép.  delà  Haute-Marne,  arr.  de 
Langres,  cant.  du  Fayl-Rillot  ;  246  hab. 

FARINE.  I.  Chimie  industrielle.  —  Sous  le  nom 
de  farine  on  désigne  généralement  le  produit  du  broyage 
des  grains  des  céréales  et  des  légumineuses,  débarrassé 
des  parties  ligneuses  qui  forment  l'enveloppe  externe  de 
ceux-ci  par  un  tamisage  plus  ou  moins  complet.  Nous 
retrouverons  donc  dans  les  farines  la  plus  grande  partie 
des  éléments  qui  constituent  la  graine;  seuls,  ceux  qui  ne 
sont  que  très  peu  assimilables  ne  devront  pas  s'y  rencon- 
trer; ces  matières  formeront  les  déchets  connus  sous  le 
nom  de  son,  qui,  bien  que  peu  propres  à  l'alimentation 
humaine,  ne  sont  pas  pour  cela  une  non-valeur  et  seront 
utilisés  pour  la  nourriture  des  animaux  domestiques.  Les 
principales  farines  dont  nous  faisons  usage  dans  l'écono- 
mie domestique  sont  :  les  farines  de  froment,  d'orge, 
de  seigle,  d'avoine,  de  maïs,  de  riz,  de  sarrasin,  des 
légumineuses  (haricots,  pois,  lentilles,  etc.). 

Farine  de  froment.  —  La  farine  de  froment  est  pour 
nous  la  plus  importante  ;  elle  est  la  base,  en  effet,  de  l'ali- 
ment fondamental  de  l'homme  civilisé,  le  pain.  Une  bonne 
farine  doit  réunir  les  caractères  suivants  :  sa  couleur  doit 
être  d'un  blanc  jaunâtre,  d'un  éclat  vif,  sans  points  rou- 
geâtres,  gris  ou  noirs;  elle  doit  être  douce  au  toucher, 
former  une  sorte  de  pelote  quand  on  la  serre  dans  la  main 
et  adhérer  aux  doigts.  La  valeur  d'une  farine  dépend  de  la 
manière  dont  elle  a  été  préparée,  de  l'espèce,  de  la  qua- 
lité et  de  la  provenance  des  grains.  Les  farines  des  blés 
durs,  par  exemple,  sont  plus  granulées,  moins  blanches 
que  les  farines  de  blés  tendres  ;  elles  se  conservent  plus 


FARINE  —  46  — 

facilement,  absorbent  plus  d'humidité  et  fournissent  plus 
de  pain. 

Les  farines  de  blé  demi-durs  sont  de  plusieurs  sortes  : 
1°  les  farines  de  première  qualité  qui  proviennent  de  la 
première  mouture  et  du  premier  blutage;  elles  servent  à 
la  fabrication  du  pain  blanc  et  pour  la  pâtisserie  ;  2°  les 
farines  de  deuxième  qualité  sont  obtenues  par  la  mouture 
des  deuxième  et  troisième  gruaux  et  des  blés  de  seconde 
qualité;  3°  les  farines  de  troisième  qualité,  mélangées 
souvent  avec  de  la  farine  d'orge  et  contenant  une  assez 
forte  proportion  de  son,  servent  à  la  préparation  du  pain 
bis  ;  4°  les  farines  de  quatrième  qualité  renferment  peu  de 
gluten  ;  on  les  utilise  dans  l'industrie  pour  la  préparation 
de  la  colle  de  pâte. 

Composition  de  la  farine  de  froment.  On  retrouve 
dans  la  farine,  nous  t'avons  dit  plus  haut,  tous  les  éléments 
constitutifs  du  grain  de  blé;  les  uns  intégralement,  les 
autres,  tels  que  la  cellulose,  qui  provient  de  l'enveloppe 
externe,  en  quantités  variables,  suivant  que  la  farine  a  été 
plus  ou  moins  blutée.  Ces  éléments  sont  :  une  certaine 
quantité  d'eau,  dont  une  grande  partie  est  unie  à  l'amidon 
et  forme  avec  lui  une  sorte  d'hydrate.  Chauffée  à  100°,  la 
farine  perd  rapidement  les  trois  quarts  de  l'eau  qu'elle 
renferme  ;  les  dernières  portions  ne  sont  chassées  que  dif- 
ficilement et  vers  415°.  La  farine  desséchée,  exposée  à 
l'air,  reprend,  en  très  peu  de  temps,  l'eau  qu'elle  a 
perdue.  Des  matières  azotées,  appartenant  à  la  classe  des 
matières  albuminoïdes,  la  plus  importante  est  le  gluten, 
corps  complexe  que  l'on  isole,  mais  toujours  à  l'état  im- 
pur, en  malaxant  la  farine  sous  un  mince  filet  d'eau,  pour 
éliminer  l'amidon,  et  que  Ritthausen  a  trouvé  être  composé 
de  matières  solubles  dans  l'alcool,  la  gluten- fibrine,  la 
gliadine  et  la  mucédine,  et  d'une  matière  insoluble  dans 
ce  liquide,  la  gluten-caséine.  Le  gluten  humide  se  pré- 
sente sous  l'aspect  d'une  masse  molle,  élastique  et  grisâtre  ; 
séché,  il  forme  des  écailles  jaunes  et  cassantes.  Dans  cet 
état,  sa  composition  moyenne  est  la  suivante  : 

gr 

Carbone - 52,6  % 

Hydrogène 7,0 

Azote 46,0 

Oxygène  et  traces  de  soufre 24,4 

On  trouve  encore,  dans  la  farine  de  froment,  une  autre 
matière  azotée,  Y  albumine  végétale.  Cette  substance  est 
soluble  dans  l'eau  ;  elle  se  coagule  quand  on  chauffe  la 
solution,  comme  l'albumine  de  l'œuf,  dont  elle  se  distingue 
fort  difficilement.  L'élément  le  plus 
important  de  la  farine  est  Y  amidon; 
elle  en  forme  environ  les  deux  tiers  en 
poids.  On  peut  facilement  l'extraire  en 
malaxant  la  farine  avec  de  l'eau  froide  ; 
le  gluten  reste  en  pelote  et  l'amidon 
est  entraînée  par  l'eau  ;  celle-ci  la  laisse 
déposer  après  quelques  instants  de 
%^^W  repos.  L'amidon  de  blé  se  présente 

sous  la  forme  d'une  poudre  blanche 
Amidon  de  blé.      formée  de  grains  arrondis  d'un  dia- 
mètre moyen  de  0mm0374.  Les  grains 
sont  formés  de  couches  concentriques  ;  les  couches  externes 
sont  plus  denses- que  les  couches  centrales,  mais  leur  com- 
position chimique  est  la  même. 
La  composition  de  l'amidon  est  : 

Carbone 44,44  °/0 

Hydrogène 6,47 

Oxygène 49,39 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  propriétés  générales  de 
l'amidon;  elles  ont  déjà  été  indiquées  (V.  Amidon).  La 
farine  de  froment  renferme  encore  des  sucres,  des  gommes 
et  une  petite  quantité  de  matières  grasses.  Celles-ci,  que 
Ton  isole  en  épuisant  la  farine  par  l'éther,  ont  une  couleur 
jaune  ;  elles  sont  solides  à  la  température  ordinaire,  et  ne 
fondent  qu'à  30°.  La  farine  incinérée  laisse  comme  résidu 


une  certaine  quantité  de  cendres  ;  celles-ci  ont  la  composi- 
tion suivante  : 

gr 

Acide  phosphorique 43,7  °/0 

Potasse» 31,8 

Magnésie 9,8 

Chaux 6,0 

Peroxyde  de  fer  et  alumine 4,3 

Silice 7,4 

La  composition  d'une  bonne  farine  première  de  froment  est  : 

Eau 43,g34°/0 

Matière  azotée 40,4 8 

Matière  grasse 0,94 

Amidon 74,75 

Cellulose 0,34 

Matières  minérales 0,48 

La  composition  moyenne  des  farines  de  qualités  plus 
ordinaires  est  : 

Eau 42^65  °/0 

Matière  azotée 1 4 ,82 

Matière  grasse 4 ,36 

Amidon 72,23 

Cellulose 0,98 

Matières  minérales 0,96 

Utilisation.  La  principale  utilisation  de  la  farine  de  fro- 
ment est,  nous  l'avons  dit,  la  préparation  du  pain  ;  en  outre, 
elle  sert  dans  la  pâtisserie  et  la  biscuiterie,  pour  la  préparation 
des  pâtes  alimentaires  et  à  quelques  usages  industriels.  On 
en  extrait  le  gluten  pour  la  préparation  d'un  pain  médicinal. 

Farine  d'orge.  —  La  farine  d'orge  est  jaunâtre ,  d'une 
odeur  et  d'une  saveur  agréables.  Elle  est  peu  employée 
pour  la  fabrication  du  pain  dans  les  pays  où  vient  le  fro- 
ment; les  contrées  de  l'extrême  nord,  la  Suède  et  la  Nor- 
vège en  font  au  contraire  grand  usage.  Les  éléments 
constitutifs  de  la  farine  d'orge  sont  à  peu  près  les  mêmes 
que  ceux  de  la  farine  de  froment.  Nous  trouvons,  parmi 
les  matières  azotées,  de  l'albumine  végétale,  les  substances 
qui  constituent  le  gluten,  à  l'exception  de  la  gliadine.  L'ab- 
sence de  celle-ci,  qui  est  une  véritable  colle,  explique  la 
raison  pour  laquelle  le  gluten  de  l'orge  n'a  pas  la  consis- 
tance de  celui  du  froment.  Les  éléments  non  azotés  sont  : 
l'amidon  qui  se  présente  sous  la  forme  de  grains  de  même 
forme  que  ceux  de  l'amidon  de  froment,  mais  dHm  diamètre 
plus  petit  (0mm0264);  des  matières  grasses,  une  gomme, 
des  sucres  et  des  matières  minérales. 

Farine  de  seigle.  —  La  farine  de  seigle  est  employée 
pour  là  fabrication  du  pain  dans  les  pays  à  sol  granitique,  où 
seule  cette  céréale  peut  donner  des  produits.  Dans  d'autres 
régions  plus  favorisées,  la  consommation  de  ce  pain  est 
l'exception  ;  on  le  recherche  pour  son  goût  spécial,  assez 
agréable.  Comme  l'orge,  le  seigle  ne  renferme  pas  de  glia- 
dine, et,  par  conséquent,  il  est  difficile  d'en  isoler  son  glu- 
ten, qui  est  visqueux  et  sans  consistance.  Tous  les  autres 
éléments  que  nous  avons  signalés  pour  les  deux  précédentes 
céréales  s'y  rencontrent.  L'amidon  de  seigle  se  présente, 
au  microscope,  sous  la  forme  de  petits  grains  plus  ou  moins 
arrondis,  dont  quelques-uns  ont  un  hile  en  croix  ou 
étoile;  leur  diamètre  moyen  est  de  0mm0396  à  0mm0528. 

La  composition  moyenne  de  la  farine  de  seigle  est  : 

gr 

Eau 44,24  % 

Matière  azotée 40,97 

Graisse 4 ,95 

Sucre 3,98 

Gomme  et  dextrine 7,43 

Amidon 58,73 

Cellulose 4.62 

Cendres 4 ,48 

Farine  d'avoine.  —  La  farine  d'avoine  n'a  qu'une  im- 
portance très  secondaire  pour  la  boulangerie  ;  on  n'en  fait 


17  — 


FARINE 


un  usage  régulier  que  dans  quelques  contrées  très  pauvres 
de  l'Allemagne,  de  la  Russie  et  de  l'Ecosse  ;  on  s'en  sert 
également  pour  la  préparation  de  certains  potages.  Elle  est 
grise,  douce  au  toucher  et  presque  inodore.  Les  matières 
azotées  de  la  farine  d'avoine  sont  :  la  caséine  végétale,  la 
gliadine  et  l'albumine  végétale.  Son  amidon  se  présente  sous 
la  forme  de  grains  polyédriques,  anguleux,  quelquefois 
piriiormes,  libres  ou  agglomérés  en  masses  arrondies  ou 
ovoïdes.  Leur  diamètre  est  à  peine  de  0mm0044.  La  com- 
position moyenne  de  la  farine  d'avoine  est  : 

Eau 4(T07  o/o 

Matière  azotée 14,29 

Graisse 5,65 

Sucre 2,25 

Gomme  et  dextrine 3,07 

Amidon 60,41 

Cellulose 2,24 

Cendres 2,02 

Farine  de  maïs.  —  La  farine  de  maïs  est  une  précieuse 
ressource  pour  les  pays  où  cette  plante  arrive  à  maturité, 
c.-à-d.  en  France,  pour  les  départements  du  bassin  du 
Rhône,  du  S.  de  la  Loire,  et  quelques-uns  du  centre.  On 
la  consomme  en  bouillie  ou  sous  forme  de  galettes;  elle 
entre  dans  la  préparation  d'une  boisson  alcoolique,  la 
chicha,  en  usage  dans  l'Amérique  du  Sud,  au  Chili  et  au 
Pérou.  Cette  matière  est  impropre  à  la  fabrication  du  pain, 

car  elle  ne  contient 
pas  de  gluten,  et  par 
conséquent  sa  pâte 
n'a  pas  de  cohésion; 
c'est  un  excellent  ali- 
ment pour  l'engrais- 
sement des  volailles 
et  aussi  des  bestiaux. 
La  farine  de  maïs  est 
une  poudre  jaune 
paille  clair  ;  elle  ren- 
ferme une  très  grande 
quantité  de  graisse; 
aussi  rancit-elle  faci- 
lement et  sa  conser- 
vation est  difficile.  Les  éléments  azotés  sont  :  la  fibrine  du 
maïs  analogue  à  la  glutenfibrine;  la  conglutine,  analogue 
à  la  caséine  végétale,  et  l'albumine  végétale.  L'amidon  du 
maïs  est  formé  de  grains  polyédriques  à  angles  arrondis, 
présentant  un  hile  punctiforme  ou  étoile,  dans  les  grains 
écrasés;  leur  diamètre  est  de  0mm0132  à  0mm0220.  La 
composition  moyenne  de  la  farine  de  maïs  est  : 

gr 

Eau 10,30  °/0 

Matière  azotée 9,81 

Graisse 8,80 

Sucre \  ,30 

Gomme  et  dextrine 10,60 

Amidon,  cellulose,  cendres 59,18 

Farine  de  riz.  —  La  farine  de  riz  est  une  poudre  très 
blanche,  légère,  sans  odeur,  et  presque  sans  saveur.  On  l'em- 
ploie pour  la  préparation  de  certains 
mets,  daiïs  la  parfumerie  et  la  pharma- 
cie. Son  amidon  est.  très  petit,  polyé- 
drique, anguleux;  il  possède  un  hile 
arrondi.  La  composition  moyenne  de 
la  farine  de  riz  est  : 

Eau 14Tl5°/0 

Matière  azotée 7,43 

Graisse 0,89 

Sucre 0,34 

Gomme 1,87 

Amidon,  cellulose,  cendres.  75,41 

Farine  de  sarrasin.  —  Le  sarrasin  (Fagopyrum  vul- 
gare,  polygonées)  fournit  une  farine  grisâtre,  sèche  et 
grande  encyclopédie.  —  XVII. 


Amidon  de  maïs. 


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Amidon  de 

riz. 

rude  au  toucher  ;  comme  la  farine  d'orge,  elle  remplace  le 
blé  dans  les  pays  pauvres.  En  Bretagne  où  cette  plante  est 
très  cultivée,  dans  le  Morvan  et  dans  quelques  régions 
granitiques  de  la  France,  on  la  consomme  sous  forme  de 
bouillie  ou  de  galettes.  Elle  est  impropre  à  la  préparation 
du  pain,  car  le  gluten  y  fait  défaut.  L'amidon  du  sarrasin 
est  formé  de  grains  polyédriques,  à  hile  arrondi  et  punc- 
tiforme. La  composition  moyenne  de  la  farine  de  sarrasin 
est  : 

Eau 14,27  0/o 

Matière  azotée . .  9,28 

Graisse \  ,89 

Sucre 1,06 

Gomme  et  dextrine 2,95 

Amidon 68,45 

Cellulose 0,89 

Cendres 1,21 

Farines  de  légumineuses.  —  Les  farines  de  légumi- 
neuses ne  sont  pas  panifiables  ;  elles  servent  principalement 
à  la  préparation  de  potages  et  de  purées.  Cependant  dans 
certaines  contrées  on  les  fait  entrer  dans  une  certaine  pro- 
portion dans  la  pâte  du  pain;  cette  addition  est  souvent 
faite  d'une  façon  frauduleuse.  Les  plus  importantes  sont 
les  farines  de  pois,  de  haricots,  de  lentilles.  Ces  farines 
varient  de  couleur,  suivant  les  espèces  :  la  farine  de  hari- 
cots est  blanchâtre,  ou  jaune  pâle,  la  farine  de  pois  ver- 
dâtre,  la  farine  de  lentilles  plus  ou  moins  brune. 
L'amidon  se  présente  sous  la  forme  de  grains  réniformes, 
ovales  ou  arrondis;  le  hile  est  une  fente  longitudinale 
linéaire,  souvent  fissurée  sur  les  bords;  il  est  entouré 
de  stries  d'hydratation.  La  farine  de  légumineuses  ^  est 
très  riche  en  matières  azotées  ;  elle  en  renferme  environ 
26  %  ;  aussi  a-t-elle  été  employée  très  souvent  pour  former 
la  base  de  préparations  reconstituantes,  telles  que  la  Rêva- 
lescière. 

Parmi  les  farines  alimentaires,  nous  citerons  encore 
la  farine  de  marrons,  la  farine  de  moutarde;  celle-ci 
sert  à  la  préparation  de  la  moutarde  et  aussi  pour  certains 
usages  médicinaux. 

Analyse  des  farines.  —  Falsifications.  L'analyse  des 
farines,  faite  au  point  de  vue  de  la  détermination  de  leur 
valeur  alimentaire,  comprend  les  dosages  et  déterminations 
suivants  :  le  dosage  de  l'humidité,  de  l'amidon,  des  ma- 
tières grasses,  des  matières  azotées,  de  la  cellulose,  de 
l'acidité  et  des  cendres  ;  le  dosage  du  gluten  et  la  détermi- 
nation de  sa  dilatation,  pour  la  farine  de  froment  ;  l'exa- 
men chimique  des  cendres  et  l'examen  microscopique.  Ces 
deux  dernières  opérations  ont  une  très  grande  importance 
au  point  de  vue  de  la  recherche  des  falsifications  et  des 
altérations. 

dosage  de  l'humidité.  On  pèse  pour  ce  dosage  5  gr. 
de  farine,  que  l'on  dessèche  dans  une  capsule  à  fond  plat, 
à  l'étuve  à  100°,  jusqu'à  ce  que  le  poids  ne  varie  plus. 

Dosage  de  V amidon.  On  prend  5  gr.  de  farine  sèche 
que  l'on  a  épuisée  par  l'éther  pour  enlever  les  matières 
grasses.  La  farine  est  placée  dans  un  flacon  de  125  centim. 
c.  dans  lequel  on  verse  ensuite  30  centim.  c.  d'une  disso- 
lution de  diastase  préparée  avec  de  l'orge  germée  ;  on  ajoute 
20  centim.  c.  d'eau.  Dans  un  autre  flacon  qui  servira  de 
témoin,  on  introduira  une  égale  quantité  de  diastase  et  d'eau. 
Les  deux  flacons  seront  chauffés  au  bain-marie,  à  la  tem- 
pérature maxima  de  68°,  jusqu'à  ce  que  le  résidu  inso- 
luble, traité  par  quelques  gouttes  de  solution  d'iode,  ne 
laisse  plus  déceler  d'amidon  au  microscope.  La  solution 
filtrée  est  additionnée  d'une  petite  quantité  d'acide  sulfu- 
rique,  et  chauffée  pendant  cinq  heures  au  bain-marie,  afin 
de  transformer  l'amidon,  solubilisé  par  la  diastase,  en  glu- 
cose; celui-ci  est  dosé  au  moyen  de  la  liqueur  de  Fehling. 
Le  contenu  du  flacon  témoin  est  traité  de  la  même  manière 
et  sert  à  corriger  les  résultats,  obtenus  avec  le  premier,  de 
l'erreur  provenant  de  l'amidon  contenu  dans  la  solution 

2 


Marine 


-  48  - 


d'orge  germé.  Lorsque  Fessai  ne  doit  pas  être  fait  d'une 
façon  très  rigoureuse,  on  peut  se  contenter  de  saccharifier 
l'amidon  par  une  liqueur  d'acide  sulfurique  à  2  %  en  poids. 

Dosage  des  matières  grasses.  Le  dosage  des  matières 
grasses  se  fait  sur  5  gr.  de  matière,  que  l'on  épuise  dans 
un  appareil  à  déplacement  par  l'éther  ou  par  le  sulfure  de 
carbone.  Le  dissolvant  est  ensuite  évaporé  et  la  matière 
grasse  séchée  à  4  00°  et  pesée. 

Dosage  du  gluten  et  des  matières  azotées.  Pour  doser 
le  gluten  dans  la  farine  de  blé,  on  pèse  30  ou  35  gr.  de 


bon  gluten  doit  être  d'au  moins  25  à  26°.  Le  dosage 
des  matières  azotées  totales  se  fait  sur  0sr5  ou  4  gr.  de 


Aleuromètre  de  Bolland  (modification  de  M.  Dupre 

farine  que  l'on  triture  avec  15  ou  17  centim.  c.  d'eau  dans 
un  mortier,  jusqu'à  ce  que  l'on  ait  une  pâte  homogène  ;  on 
en  fait  un  nouet  avec  un  linge  fin  et  on  le  malaxe  sous  un 
mince  filet  d'eau.  Lorsque  le  gluten  est  presque  complète- 
ment dépouillé  d'amidon,  on  l'en- 
lève du  linge,  et  on  le  malaxe 
fortement  dans  une  grande  quan- 
tité d'eau,  en  le  plaçant  dans  le 
creux  de  la  main,  dans  le  but  d'en- 
lever les  dernières  traces  d'ami- 
don. On  continue  à  pétrir  le  glu- 
ten dans  le  creux  de  la  main, 
jusqu'à  ce  qu'il  commence  à  adhé- 
rer aux  doigts  ;  il  ne  contient  plus 
alors  que  l'eau  qui  lui  est  com- 
binée. On  le  pèse,  et  du  poids 
trouvé  on  déduit  la  quantité  pour 
400  que  contient  la  farine.  Pour 
déterminer  le  pouvoir  de  dilata- 
tion du  gluten  on  se  sert  de 
l'aleuromètre  de  Bolland.  Cet  ap- 
pareil se  compose  d'un  cylindre 
en  métal  clans  lequel  se  meut  un 
piston  dont  la  tige  porte  une  gra- 
duation déterminée  d'une  façon 
empirique.  Ce  cylindre,  qui  est 
destiné  à  recevoir  le  gluten,  est 
chauffé  dans  un  bain  d'huile. 
Pour  la  détermination,  on  prend  7  gr.  de  gluten  que  l'on 
introduit  dans  le  cylindre  de  l'appareil,  dont  les  parois 
auront  été  préalablement  graissées.  La  dilatation  d'un 


Cylindre   de  l'aleuro 
mètre  de  Bolland. 


Disposition  du  cylindre 
dans'  le  bain  d'huile. 


Piston  du  cylindre  de 
Faleuromètre. 


matière,  par  le  procédé  Will  et  Warentrapp  ou  par  la  mé- 
thode de  Kjeldahl. 

Dosage  de  la  cellulose  brute.  On  ne  dose  la  cellulose 
brute  dans  les  farines  que  si  l'examen  microscopique  a 
décelé  la  présence  d'une  notable  quantité  de  son.  A  cet 
effet,  on  introduit  2  gr.  de  farine  avec  80  centim.  c.  d'acide 
sulfurique  à  2°/0  dans  un  flacon  de  425  centim.  c.  ;  on 
chauffe  quelques  instants  au  bain  de  sel,  sans  boucher  le 
flacon.  Lorsque  la  vapeur  d'eau  a  chassé  l'air,  on  met  un 
bon  bouchon  de  liège  que  l'on  fixe  au  moyen  d'un  fil  de 
cuivre.  On  continue  à  chauffer  pendant  deux  heures.  On 
filtre  le  liquide  sur  un  tampon  d'amiante^  on  lave  le  résidu 
solide  à  l'eau  chaude,  jusqu'à  élimination  complète  de 
l'acide.  Le  liquide  filtré,  amené  à  un  volume  déterminé, 
pourra  servir  au  dosage  en  bloc  de  l'amidon,  du  sucre, 
des  gommes  et  de  la  cellulose  saccharifiable.  Le  résidu 
resté  sur  l'entonnoir  et  l'amiante  sont  introduits  de  nou- 
veau dans  le  flacon  avec  80  centim.  c.  d'une  solution  de 
potasse  à  40  °/0;  on  chauffe  pendant  deux  heures  au  bain 
de  sel.  Les  matières  insolubles  sont  recueillies  sur  un  filtre 
taré,  lavées  à  l'eau  chaude  jusqu'à  disparition  complète 
de  l'alcalinité,  desséchées  et  pesées,  puis  calcinées.  Le 
premier  poids  trouvé,  diminué  de  celui  du  résidu  laissé  par 
la  calcination,  donne  la  quantité  de  cellulose  brute  con- 
tenue dans  la  farine. 

Dosage  de  V acidité.  Ce  dosage  se  fait  sur  une  infusion 
aqueuse  de  farine,  au  moyen  d'une  liqueur  titrée  d'acide 
sulfurique.  Pour  une  farine  de  blé  normale,  l'acidité  expri- 
mée en  acide  sulfurique  monohydraté  oscille  entre  0°r015 
et  0sr40%. 

Dosage  des  cendres.  On  incinère  le  résidu  du  dosage 
de  l'eau,  et  on  pèse  le  résidu.  Celui-ci  pourra  servir  à  la 
recherche  des  matières  minérales  ajoutées  frauduleusement; 
ce  sont  le  plus  souvent  le  sable,  la  craie,  l'alun,  le  phos- 
phate de  chaux,  le  sous-carbonate  de  magnésie,  le  sulfate 
de  cuivre  qui  peut  provenir  du  traitement  que  l'on  fait 
subir  aux  grains  destinés  à  être  semés. 

Examen  microscopique.  L'examen  microscopique  sert 
à  déceler  les  impuretés  qu'un  blutage  incomplet  a  laissées 
dans  les  farines  et  aussi  les  falsifications  qui  sont  pour  la 
plupart  des  additions  de  farines  d'un  prix  moins  élevé. 
Dans  les  farines  de  froment,  on  trouve  fréquemment  des 
farines  de  légumineuses,  principalement  de  féverolles  ;  nous 
avons  indiqué  les  caractères  qui  permettent  de  les  recon- 
naître. Il  nous  reste  à  donner  un  procédé  chimique  qui 
permet  de  déceler  facilement  la  farine  des  légumineuses.  Il 
consiste  à  saupoudrer  les  parois,  préalablement  humectées, 
d'une  grande  capsule  de  porcelaine,  avec  la  farine  sus- 
pecte, à  soumettre  celle-ci  à  l'action  des  vapeurs  de  l'acide 
azotique  fumant,  puis  à  celles  de  l'ammoniaque  ;  dans  ces 
conditions,  la  présence  de  farine  de  féverolles  sera  décelée 
par  la  présence  de  taches  rouges  dans  la  farine.  Les  alté- 
rations des  farines  qui  sont  dues  à  des  moisissures  seront 
décelées  également  par  le  microscope.  On  constatera  de  la 
même  façon  certains  acariens,  tels  que  Yacarus  de  la  farine 
(Tyroglyphus  farinœ).  Ch.  Girard. 


19  - 


FARINE 


Farine  d'arsenic  (V.  Arsénieux  [Acide]). 
Farine  lactée (V.  Conserve,  t.  XII,  p.  544). 
II.  Minéralogie.  —  Farine  fossile.  —  On  a  appelé 
autrefois  farine  fossile  plusieurs  substances  de  compo- 
sitions chimiques  très  différentes,  mais  présentant  la  con- 
sistance de  la  farine,  en  même  temps  que  la  couleur  blanche. 
Ce  nom  est  emprunté  aux  croyances  populaires  donnant  à 
ces  minéraux  la  réputation  d'être  alimentaires.  La  plus 
commune  de  ces  substances  est  une  variété  de  carbo- 
nate de  chaux,  légère  comme  du  coton  et  très  friable. 
Elle  est  assez  fréquente  comme  produit  secondaire  dans 
les  calcaires  sédimentaires  dont  elle  remplit  les  cavités  : 
on  la  trouve  notamment  en  abondance  dans  le  calcaire 
grossier  de  Nanterre,  près  de  Paris.  Une  autre  variété  de 
farine  fossile  est  voisine  du  tripoli  (débris  siliceux  de 
diatomées)  de  Santa  Fiora  en  Toscane.  Enfin,  la  farine  fos- 
sile des  Chinois  est  une  argile  magnésienne,  devant  son 
odeur  légèrement  aromatique  à  une  petite  quantité  de  ma- 
tières organiques.  A.  Lacroix. 

III.  Histoire. —  Guerre  des  farines.—  L'arrêt  du  con- 
seil du  43  sept.  1774,  rendu  sur  le  rapport  de  Turgot,  avait 
détruit  les  obstacles  que  subissaient  la  vente  et  la  circulation 
des  blés  à  l'intérieur  du  royaume.  Le  ministre  réformateur 
allait  moins  loin  queMachault  en  i  749,  que  L'Averdy  en  4  763 
et  1764  :  l'exportation  à  l'étranger  n'était  pas  autorisée. 
La  police  de  l'approvisionnement  de  Paris  était  également 
réservée.  Entre  le  monopole  maintenu  sous  l'abbé  Terray 
(V.  Famine  [Pacte  de]),  et  l'absolue  liberté  que  réclamaient 
les  économistes,  Turgot  s'était  résigné  à  ménager  une  tran- 
sition nécessaire.  Mais  le  préambule  de  l'arrêt,  véritable 
exposé  de  doctrine,  avait  une  portée  bien  plus  grande  que 
le  dispositif  lui-même.  C'était  une  critique  raisonnée  des 
maladroites  et  parfois  malhonnêtes  opérations  par  lesquelles 
le  règne  précédent  avait  essayé  de  suppléer  au  commerce. 
«  L'attention  du  gouvernement  (avouait  Louis  XVI  par  la 
plume  de  Turgot),  partagée  entre  trop  d'objets,  ne  peut 
être  aussi  active  que  celle  des  négociants,  occupés  de  leur 
seul  commerce.  Il  connaît  plus  tard,  il  connaît  moins 
exactement  et  les  besoins  et  les  ressources...  Les  agents 
qu'il  emploie,  n'ayant  aucun  intérêt  à  l'économie,  achètent 
plus  chèrement,  transportent  à  plus  grands  frais,  conservent 
avec  moins  de  précaution...  Ces  agents  peuvent  par  défaut 
d'habileté,  ou  même  par  infidélité,  grossir  à  l'excès  la  dé- 
pense de  leurs  opérations.  Ils  peuvent  se  permettre  des 
manœuvres  coupables  à  l'insu  du  gouvernement.  Lors 
même  qu'ils  en  sont  le  plus  innocents,  ils  ne  peuvent  évi- 
ter d'en  être  soupçonnés,  et  le  soupçon  rejaillit  toujours 
sur  l'administration  qui  les  emploie,  et  qui  devient  odieuse 
au  peuple,  par  les  soins  mêmes  qu'elle  prend,  pour  le 
nourrir.  »  Par  l'art.  3,  Louis  XVI  bornait  à  la  simple 
charité,  à  l'assistance  publique  comme  nous  dirions,  le 
rôle  de  l'Etat  :  «  Sa  Majesté  voulant  qu'il  ne  soit  fait  à 
l'avenir  aucun  achat  de  grains  ni  de  farines  pour  son 
compte,  fait  très  expresses  inhibitions  et  défenses  à  toutes 
personnes  de  se  dire  chargées  de  faire  de  semblables 
achats  pour  elle  et  par  ses  ordres.  »  Les  lettres  patentes 
du  2  nov.  1774,  registrées  en  Parlement,  sans  opposition, 
le  19  déc,  contenaient  un  mea  cnlpa  plus  formel  encore. 
Le  gouvernement  exprimait  son  regret  d'avoir  «  écarté  et 
découragé  le  commerce  »  et,  en  concentrant  la  vente  et 
l'achat  dans  un  petit  nombre  de  mains,  «  livré  le  prix  des 
grains  à  la  volonté  et  à  la  disposition  de  préposés  qui  les 
achetaient  de  deniers  qui  ne  leur  appartenaient  pas,  »  et 
par  suite,  augmenté  par  de  fausses  mesures  la  cherté  de 
la  denrée  indispensable  à  la  vie. 

Sans  doute  personne  n'était  nommé  ni  poursuivi  publi- 
quement parmi  les  agents  plus  ou  moins  connus  du  «pacte 
de  famine  »,  mais  plus  d'un  pouvait  se  croire  menacé 
dans  ses  gains  illicites.  D'autre  part,  l'ensemble  de  la  popu- 
lation n'était  nullement  convaincue  de  la  vérité  des  doc- 
trines économiques.  De  tout  temps  les  souverains,  les 
parlements,  les  magistrats  chargés  de  la  police,  les  Etats 
provinciaux,  avaient  pensé  qu'il  leur  appartenait  à  divers 


titres  d'assurer  les  approvisionnements,  de  décréter,  au 
besoin,  le  prix  du  pain.  Le  malheur  voulut  que  la  récolte 
de  1774  fût  médiocre,  sans  disette  réelle  toutefois.  L'opi- 
nion populaire,  sans  doute  excitée  sous  main  par  les  inté- 
ressés ou  par  les  fanatiques  de  FEtat-providence,  au  lieu 
d'accuser  le  ciel,  s'en  prit  à  Turgot.  Dès  le  20  avr.  1775, 
des  troubles  éclatèrent  à  Dijon  et  dans  les  environs.  Le  - 
moulin  d'un  propriétaire  «  monopoleur  »  fut  démoli  par 
les  paysans.  Un  conseiller  de  l'ex-parlement  Maupeou  fut 
accusé  d'accaparement  et  vit  sa  maison  saccagée.  Il  est 
peu  probable  que  le  commandant  militaire  de  Dijon,  La 
Tour  du  Pin,  ait  dit  aux  paysans  affamés  d'aller  brouter 
l'herbe  qui  commençait  à  pousser,  car  c'est  là  un  de  ces 
mots  en  quelque  sorte  traditionnels  que  l'on  retrouve 
reproduits  sous  une  forme  ou  sous  une  autre  dans  tous  les 
soulèvements  analogues.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'ordre  ne  fut 
rétabli  que  par  l'intervention  de  l'évêque. 

Telle  fut  comme  la  préface  de  la  guerre  des  farines.  En 
effet,  l'émeute  était  à  peine  calmée  en  Bourgogne  qu'elle 
éclata  aux  portes  mêmes  de  la  capitale,  à  Pontoise,  le 
1er  mai.  Des  «  brigands  »  partis  de  cette  localité  tra- 
versent la  campagne  en  bandes  farouches.  Ils  crient  à  la 
disette,  à  l'accaparement,  au  monopole.  Ils  envahissent 
les  marchés,  taxent  le  blé  et  la  farine  au-dessous  de  leur 
prix  normal,  à  l'aide  de  faux  arrêts  du  conseil.  Ces  pré- 
tendus affamés  ont  sur  eux  de  l'or  et  de  l'argent.  Au  lieu 
de  se  nourrir  des  denrées  qu'ils  volent,  ils  les  détruisent. 
Ils  coulent  à  fond  dans  la  Seine  des  bateaux  de  blé,  inter- 
ceptent les  arrivages,  brûlent  des  granges  et  des  fermes. 
Leur  dessein  avoué  est  de  demander  justice  au  roi,  de 
l'éclairer  sur  les  misères  du  peuple  et  les  fautes  des 
ministres.  Le  2  mai,  en  effet,  ils  se  présentèrent  en  armes 
à  Versailles,  pillèrent  les  dépôts  de  farines,  exigèrent  que 
le  roi  abaissât  le  prix  du  pain.  Louis  XVI,   après  avoir 
songé  à  partir  pour  Chambord,  eut  l'insigne  faiblesse  de 
céder  à  l'émeute,  et  ordonna  de  taxer  le  pain  à  deux  sous 
la  livre.  Ainsi  encouragés,  les  «  brigands  »  envahirent 
Paris  le  lendemain  (3  mai)  —  ce  qu'ils  n'auraient  pu 
faire  s'ils  n'avaient  eu  des  complices  haut  placés,  —  et  se 
mirent  à  piller  les  boulangeries.  La  troupe  avait  reçu 
l'ordre  formel  de  ne  pas  tirer  sur  ces  misérables.  L'inten- 
dant de  l'Ile-de-France  Bertier  (V.  ce  nom),  le  lieute- 
nant général  de  police  Lenoir,  ennemis  de  Turgot,  se 
croisaient  les  bras  non  sans  une  secrète  satisfaction.  Pen- 
dant que  se  poursuivait  la  répression,  Lenoir  fixait  même 
de  sa  propre  autorité  un  maximum  du  prix  du  pain  à 
Paris  :  «  Nous  ordonnons,  ce  requérant  le  procureur  du 
roi,  que  les  boulangers  auront  la  faculté  de  vendre  le  pain 
au  même  prix  qu'ils  Vont  vendu  les  mercredi  26  et 
samedi  29  avril  dernier.  »  Les  mots  en  italiques  étaient 
absolument  contraires  à  l'esprit  libéral  des  réformes  de 
Turgot.  Sur  la  minute  de  l'ordonnance  du  3  mai  1775 
(Arch.  nat.,  Y.  9499),  ces  mots  ont  été  rayés  et  rem- 
placés par  les  suivants  :  au  prix  courant.  Le  texte  pri- 
mitif, si  bien  fait  pour  prolonger  les  désordres,  explique- 
rait à  lui  seul  pourquoi  le  ministre  fut  obligé  dans  la  quin- 
zaine (14  mai  1775)  de  faire  remplacer  Lenoir,  qui  le 
trahissait  ou  du  moins  ne  le  comprenait  pas,  par  le  maître 
des  requêtes  Albert.  L'ordonnance  ainsi  rectifiée  continue 
par  d'expresses  inhibitions,  à  toutes  personnes,  de  vendre 
au-dessous  du  cours,  et  de  s'introduire  de  force  chez  les 
boulangers.  Le  guet  et  la  garde  de  Paris  sont  expressément 
chargés  de  saisir  et  arrêter  les  contrevenants.  —  Ces  me- 
sures de  justice  énergique  firent  éclater  le  caractère  fac- 
tice de  l'émeute  aux  yeux  du  peuple  parisien,  qui  ne  s'en 
mêla  point,  et  le  maréchal  de  Biron,  surnommé  à  ce  pro- 
pos Jean  Farine,  n'eut  que  peu  de  chose  à  faire  à  l'inté- 
rieur de  la  ville.  Il  occupa  les  carrefours,  multiplia  les 
patrouilles,  et,  vers  midi,  tout  était  terminé.  Turgot  avait 
s*ans  doute  pu  mettre  sous  les  yeux  du  roi  plus  d'une 
preuve  démontrant  que  cette  rébellion  n'avait  rien  de  po« 
pulaire.  Il  l'emporta  cette  fois  dans  l'esprit  du  maître,  et 
ne  laissa  point  passer  un  arrêt  du  Parlement  suppliant  ïe 


FARINE  —  FARINI 


_  20  — 


roi  de  diminuer  le  prix  du  pain.  Les  négociants  qui  sur  la 
foi  de  l'arrêt  du  13  sept.  4774  avaient  expédié  du  blé  sur 
Paris,  et  qui  avaient  vu  piller  leurs  chargements,  furent 
intégralement  indemnisés.  La  juridiction  prévôtale  fut,  le 
5  mai,  substituée  à  Faction  plus  indulgente  du  Parlement 
pour  la  répression  des  perturbateurs.  Enfin  un  corps  de 
20,000  hommes  commandé  par  Biron  fit  la  police  des  en- 
virons de  Paris  et  protégea  pendant  quelque  temps  les 
arrivages  de  la  Seine,  de  la  Marne,  de  l'Oise  et  de  l'Aisne  : 
cette  précaution  fut  ridiculisée;  elle  n'avait  pourtant  rien 
d'excessif,  car  la  cherté  des  grains  avait  aussi  été  le  pré- 
texte de  troubles  dans  la  région  du  Nord ,  à  Lille,  à 
Amiens.  L'ignorance  et  la  crédulité  du  peuple  auraient  fort 
bien  pu  consommer,  contre  Turgot  et  son  œuvre,  les  vio- 
lences que  la  perfidie,  l'intrigue  et  la  cupidité  des  ennemis 
du  bien  public  ne  purent  cette  fois  qu'inaugurer. 

Journée  des  farines.  —  Episode  du  siège  de  Paris  par 
Henri  IV.  Le  3  janv.  4591,  des  officiers  du  roi,  déguisés 
en  paysans  et  conduisant  des  charrettes  chargées  de  blé 
et  de  farine,  se  présentèrent  à  la  porte  qu'ils  devaient 
embarrasser  et  maintenir  ouverte  pour  faciliter  une  sur- 
prise. Ce  stratagème  fut  déjoué  par  la  vigilance  des  ligueurs. 

H.  Monin. 

Bibl.  :  Histoire.  —  V.  la  bibl.  de  Fart.  Turgot. 

FARINE  (Pierre- Joseph,  vicomte),  général  français,  né 
à  Damprichard  (Doubs)  le  2  oct.  4770,  mort  en  1833. 
Après  d'excellentes  études  faites  au  collège  de  Besançon, 
il  entra  avec  le  grade  de  sous-lieutenant  dans  le  2e  ba- 
taillon des  volontaires  du  Doubs  (9  oct.  4794).  Il  fut 
signalé  plusieurs  fois,  pour  sa  bravoure,  aux  affaires  de 
Kaiserslautern,  de  Nordlingen,  etc.  Lors  de  la  retraite  de 
Moreau,  Farine,  capitaine  d'état-major,  fut  chargé  de  ra- 
mener le  parc  de  l'armée  et  les  bagages  à  Huningue,  mais, 
attaqué  par  les  Autrichiens  en  force,  il  fut  blessé  et  fait 
prisonnier.  Rentré  de  captivité,  il  est  en  Italie  (1805)  et 
se  distingue  au  passage  du  Tagliamento.  Colonel  en  4809, 
il  passe  en  Espagne,  est  fait  prisonnier  et  parvient  à 
s'échapper.  Il  combat  de  nouveau  en  Russie  ;  promu  gé- 
néral après  le  siège  de  Dantzig  (1813),  il  fait  la  campagne 
de  4845  où  il  reçoit  plusieurs  blessures.  La  Restauration 
lui  accorda  le  titre  de  vicomte  (mai  4824),  le  nomma  ins- 
pecteur d'armes  pour  la  cavalerie  (4822)  et  le  mit  en  dis- 
ponibité  peu  après.  Ed.  Sergent. 

FARINE  (Charles),  magistrat  et  littérateur  français,  né 
à  Lyon  en  4848.  Avocat,' secrétaire  de  Jules  Favre,  il  fut 
substitut  à  Lyon  de  4848  à  4854.  Révoqué  au  début  de 
l'Empire,  il  redevint  substitut  à  Valence  en  4853  et,  après 
avoir  rempli  les  charges  de  procureur  à  Mauriac  (4858),  à 
Aix  (1860),  à  Toulon  (4863),  de  conseiller  à  Alger,  il  devint 
conseiller  à  la  cour  de  Bordeaux  en  4870.  On  a  de  lui  : 
Benjamin  Franklin  (Tours,  4  847,  in-4  2)  ;  Code  des  hôtels 
meublés  (Paris,  4849,  in-4 8);  Manuel  de  droit  pénal 
à  la  portée  de  la  jeunesse  (4861,  in-4  6);  Histoire  des 
Croisades  (4853,  in-8);  Jocrisse  (4864,  in-4 2);  A  Tra- 
vers la  Kabylie  (4865,  in-8)  ;  Deux  Pirates  au  xvie  siècle 
(1868,  gr.  in-8);  le  Coupeur  de  routes  (4869,  in-12); 
Jocrisse  soldat  (4879,  in-4 2);  Kabyles  et  Kroumirs 
(4884,  gr.  in-8),  etc.  Il  a  publié  encore  beaucoup  de 
petits  volumes  pour  les  enfants,  sous  le  pseudonyme  de 
René  de  Mont-Louis. 

FARINELLI,  chanteur  italien  (V.  Broscri  [Carlo]). 

FARINGDON.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Berks,  sur 
l'Ock;  3,400  hab.  Ancienne  résidence  des  rois  saxons. 

FARINGTON  (Joseph),  paysagiste  anglais,  né  à  Leigh 
le  21  nov.  4747,  mort  le  30  déc.  4824.  Ce  fut  un  d'es 
meilleurs  élèves  de  Richard  Wilson.  Après  avoir  exécuté 
quantité  de  dessins  pour  la  collection  Houghton,  il  s'adonna 
exclusivement  au  paysage.  Fixé  à  Londres  en  4784,  il  ne 
cessa  d'exposer  à  la  Royal  Academy  dont  il  devint  membre 
en  4  785  ;  il  y  joua  même  jusqu'à  sa  mort  un  rôle  très 
actif  et  influent.  Sa  peinture  est  large  et  ferme,  son  coloris 
ne  manque  pas  d'éclat,  mais  il  n'a  pas  d'imagination  et  ne 
sait  guère  composer.  Certains  de  ses  dessins  à  la  sépia  ou 


à  l'encre  de  Chine  sont  charmants.  Byrne,  Medland,  Poun- 
cey  et  autres  ont  gravé  plusieurs  de  ses  paysages  repré- 
sentant surtout  des  sites  du  Cumberland  et  du  Westmore- 
Iand.  F.  T. 

FARINGTON  (George),  peintre  anglais,  frère  du  précé- 
dent^ né  à  Warrington  en  4754,  mort  aux  Indes  en  4788. 
A  seize  ans,  lauréat  de  la  Société  des  arts,  il  étudia 
ensuite  sous  la  direction  de  Benjamin  West  R.  A.  et  obtint, 
en  4780,  une  médaille  à  la  Royal  Academy  pour  un 
tableau  représentant  Macbeth.  Il  fit  de  nombreux  dessins 
pour  la  collection  Houghton,  comme  son  frère,  et,  arrivé 
dans  les  Indes  en  4782,  il  ne  cessa  d'y  travailler  jusqu'à 
sa  mort.  F.  T. 

FARINI  (Luigi-Carlo),  homme  d'Etat  italien,  né  à  Russi, 
près  de  Ravenne,  le  22  oct.  4812,  mort  à  Nervi,  près  de 
Gênes,  le  4er  août  4866.  Etudiant  à  Bologne,  il  prit  part 
au  mouvement  de  4  834 .  Il  exerça  ensuite  la  médecine  à 
Montescudo,  Ravenne,  Osimo  et  Russi.  Affilié  aux  sociétés 
secrètes,  il  dut  s'exiler  en  4844  pour  échapper  aux  pour- 
suites du  gouvernement  pontifical.  Expulsé  de  la  Toscane 
sur  les  remontrances  du  pape,  il  vint  en  France.  En  4845, 
il  rédigea  le  Manifeste  des  populations  de  l'Etat  romain 
aux  grinces  et  aux  peuples  de  l'Europe,  qui  réclamait 
énergiquement  des  réformes  tout  en  respectant  la  souve- 
raineté du  pape,  et  dont  s'inspira  l'insurrection  éphémère 
de  Rimini.  Pendant  un  séjour  qu'il  fit  à  Turin,  il  se  lia 
avec  Cesare  Balbo  et  Massimo  d'Azeglio.  Il  accompagna 
comme  médecin  dans  plusieurs  voyages  le  prince  de  Mont- 
fort,  fils  aîné  de  Jérôme  Bonaparte.  C'est  seulement  en 
juin  1847,  longtemps  après  l'amnistie  accordée  par  PielX, 
qu'il  rentra  dans  son  pays.  En  mars  4848,  lors  de  la  for- 
mation du  ministère  qui  devait  inaugurer  un  régime  cons- 
titutionnel, Recchi,  ministre  de  l'intérieur,  appela  Farini  à 
Rome  et  le  prit  pour  substitut  (sous-secrétaire  d'Etat).  Le 
4er  mai,  il  fut  envoyé  en  mission  au  camp  de  Charles- 
Albert.  Elu  député  à  l'assemblée  romaine,  il  resta  ferme 
dans  le  parti  constitutionnel.  Au  mois  d'août,  il  alla  à  Bo- 
logne pour  y  rétablir  l'ordre  après  l'invasion  de  Welden. 
Pellegrino  Rossi,  devenu  ministre  le  46  sept.,  lui  donna 
la  direction  de  la  santé  publique,  des  hôpitaux  et  des  pri- 
sons. Quand  la  République  fut  proclamée,  Farini  refusa 
de  prêter  serment  comme  fonctionnaire  (5  mars  4849),  et, 
à  l'approche  de  l'expédition  française,  il  se  retira  à  Flo- 
rence. Rappelé  à  son  emploi  après  l'occupation  de  Rome, 
il  fut  destitué  par  les  trois  cardinaux  qui  vinrent  prendre 
possession  du  gouvernement  au  nom  du  pape.  En  no- 
vembre, il  s'établit  à  Turin,  où,  à  la  prière  de  Massimo 
d'Azeglio,  alors  président  du  conseil,  il  dirigea  le  petit 
journal  populaire  hFrasta.  L'année  suivante,  il  entra  au 
Risorgimento,  journal  de  Cavour,  dont  il  devint  un  des 
amis  les  plus  dévoués  et  les  plus  sûrs.  En  4854,  il  publia, 
d'abord  en  trois  volumes,  son  important  ouvrage  intitulé 
Ztf  Stato  Romano  dalVanno1815al  1850,  qui  fut  tra- 
duit en  anglais  par  M.  Gladstone  et  bientôt  réimprimé  à 
Florence  (4  vol.  in-42).  Les  jugements  qu'il  y  portait  sur 
le  parti  révolutionnaire  soulevèrent  de  vives  polémiques. 
Le  20  oct.  4854,  Azeglio  confia  à  Farini,  naturalisé  Pié- 
montais,  le  portefeuille  de  l'instruction  publique  dans  le 
cabinet  où  Cavour  était  entré  un  an  auparavant.  Le  col- 
lège de  Varazze  l'élut  alors  député.  Sorti  du  ministère 
(44  mai  4852)  en  même  temps  que  Cavour,  dont  il  avait 
été  le  seul  confident  dans  les  négociations  préparatoires  du 
connubio  (V.  Cavour),  il  n'y  rentra  pas  avec  lui.  Mais  il 
fut  son  principal  soutien  dans  la  presse.  Il  dirigea  d'abord 
le  Parlamento,  puis  fonda  le  Piemonte  (4854),  dans  le- 
quel il  défendit  avec  ardeur  la  participation  de  la  Sardaigne 
à  la  guerre  de  Crimée.  Entre  temps,  il  publiait  une  Storia 
oVltalia,  continuation  de  Botta.  Le  collège  de  Cigliano,  qui 
l'avait  adopté,  l'envoya  constamment  à  la  Chambre  jusqu'à 
la  fin  du  parlement  piémontais.  Le  43  juin  4859,  quand 
Modène  se  donna  au  Piémont  après  le  départ  du  duc, 
Cavour  y  envoya  Farini  en  qualité  de  commissaire  royal. 
C'est  avec  la  paix  de  Villafranca  (44  juil.)  que   corn- 


—  21  — 


FAR1NI  —  FARLÈDE 


mence  le  grand  rôle  politique  de  Farini.  Convaincu  qu'il 
fallait  aller  de  l'avant  atout  prix,  il  ne  se  troubla  pas  un 
instant.  A  la  fatale  nouvelle,  il  harangua  le  peuple  du  haut 
d'un  balcon  du  palais,  et  déclara  qu'il  resterait  à  son  poste, 
bien  que  rappelé  par  le  gouvernement  piémontais.  Acclamé 
par  la  foule,  il  prit  immédiatement  des  mesures  telles 
que  les  partisans  du  duc,  qui  attendait  à  la  frontière, 
s'abstinrent  de  toute  démonstration.  Cavour,  qui  venait  de 
résigner  le  pouvoir,  lui  télégraphia  (17  juil.)  :  «  Le  mi- 
nistre est  mort.  L'ami  vous  serre  la  main  et  applaudit  à  la 
décision  que  vous  avez  prise.  »  Nommé  dictateur  à  Mo- 
dène,  puis  à  Parme,  grâce  à  la  patriotique  abnégation  du 
gouverneur  Manfredi  (18  août),  Farini  s'empressa  de  réu- 
nir des  assemblées  qui  votèrent  successivement  l'union  de 
ces  provinces  au  royaume  de  Victor-Emmanuel  (21  août, 
12  sept.).  Il  leur  fit  adopter  toutes  les  lois  piémontaises, 
créa  une  milice  citadine,  organisa  quelques  régiments  et 
forma  une  ligue  militaire  avec  les  Romagnes  et  la  Toscane. 
Lorsque  le  comte  de  Reiset,  chargé  d'une  mission  extraor- 
dinaire par  Napoléon  III,  qui  s'efforçait  d'obtenir  la  res- 
tauration des  anciens  souverains,  vint  lui  transmettre  les 
conseils  et  même  les  menaces  de  l'empereur,  Farini  le  dé- 
concerta par  ses  plaisanteries  sur  la  diplomatie  et  ses  assu- 
rances sur  les  bonnes  dispositions  du  vainqueur  de  Ma- 
genta et  de  Solferino.  Le  8  nov.,  l'assemblée  de  Bologne 
investit  également  des  pleins  pouvoirs  en  Romagne  le  dic- 
tateur de  Modène  et  de  Parme.  Farini,  des  trois  provinces 
ainsi  gouvernées  par  lui,  constitua  celle  de  l'Emilie.  Il  eut 
alors  à  soutenir  une  lutte  violente  contre  Garibaldi,  qui, 
commandant  en  second  les  forces  de  la  ligue,  voulait  abso- 
lument envahir  les  Marches,  restées  au  pape.  La  fermeté 
de  Farini,  secondé  par  quelques  amis  communs,  vint  à 
bout  de  la  témérité  de  Garibaldi  qui  donna  sa  démission. 
La  fusion  de  l'Emilie  avec  la  Toscane  entrait  dans  les  plans 
de  Farini,  mais  Ricasoli  crut  plus  prudent  de  ne  pas  con- 
fondre les  destinées  des  deux  provinces  avant  l'annexion 
définitive.  Chacune  conserva  son  gouvernement  particulier, 
même  quand  Boncompagni  fut  envoyé  de  Turin  dans  l'Ita- 
lie centrale  comme  gouverneur  général.  Enfin,  après  de 
longues  négociations  avec  le  cabinet  des  Tuileries,  Cavour, 
revenu  au  pouvoir  (20  janv.  1860),  fit  procéder  dans  l'Ita- 
lie centrale  à  un  plébiscite  (11  et  12  mars),  et,  le  18,  le 
dictateur  de  l'Emilie  présenta  au  roi  le  résultat  du  vote 
presque  unanime  qui  prononçait  l'annexion.  Farini  reçut 
de  Cavour  le  portefeuille  de  l'intérieur.  On  peut  dire  que, 
par  son  audacieuse  initiative,  il  avait  sauvé  la  cause 
italienne. 

C'est  Farini  qui,  vers  la  fin  d'août,  alla  avec  le  général 
Cialdini  complimenter  Napoléon  III  à  Chambéry.  Toujours 
prêt  à  interpréter  favorablement  les  intentions  secrètes  de 
l'empereur  des  Français ,  il  rapporta  de  cette  entrevue  une 
impression  qui  décida  Cavour  à  faire  l'expédition  des 
Marches  et  de  l'Ombrie  (11  sept.).  Il  accompagna  Victor- 
Emmanuel  à  Naples  comme  ministre  responsable,  et,  en 
novembre,  laissant  le  portefeuille  de  l'intérieur  à  Min- 
ghetti,  il  fut  nommé  lieutenant  général  du  roi  dans  les 
provinces  napolitaines.  Mais,  dans  une  situation  rendue 
plus  difficile  encore  par  son  ancienne  querelle  avec  le  libé- 
rateur de  Naples,  abattu  par  la  mort  de  son  gendre  qui 
l'avait  suivi,  se  ressentant  peut-être  déjà  de  la  maladie  qui 
devait  assombrir  ses  dernières  années,  il  demanda  à  être 
relevé  de  son  poste  dès  les  premiers  jours  de  janv.  1861. 
Après  un  court  repos  dans  sa  campagne  de  Saluggia,  il 
reprit  sa  place  au  Parlement  comme  député  de  Crescentino 
(13  mars).  Il  assista  aux  derniers  moments  de  Cavour 
(6  juin).  Le  8  déc.  1862,  Farini  revint  au  pouvoir  comme 
président  du  conseil.  Mais  sa  vive  intelligence,  ébranlée  par 
tant  d'excitations,  avait  subi  d'irréparables  atteintes.  Une 
idée  fixe  s'empara  bientôt  de  lui  :  il  s'imaginait  que  Napo- 
léon III  avait  déclaré  la  guerre  à  la  Russie  pour  délivrer 
la  Pologne,  que  l'Italie  devait  le  soutenir,  et  que  le  roi  et 
les  princes  étaient  déjà  partis  avec  l'armée  ;  il  voulait  les 
rejoindre.  Le  23  mars  1863,  Minghetti  prit  la  présidence 


du  conseil.  Le  malheureux  Farini,  persuadé  qu'on  le  me- 
nait au  camp,  fut  conduit  à  la  Novalesa,  près  de  Suse  :  il 
se  croyait  en  Russie.  Malgré  de  nombreux  changements 
de  séjour,  il  ne  recouvra  ni  la  raison  ni  la  santé.  11  traîna 
ainsi  plus  de  trois  ans.  Le  Parlement,  en  1865,  avait  dû 
assurer  son  existence  et  celle  de  sa  famille.  Ravenne,  en 
1878,  lui  a  élevé  un  monument.  Félix  Henneguy. 

FARIN!  (Domenico),  homme  politique  italien,  fils  du 
précédent,  né  à  Montescudo,  en  Romagne,  le  2  juil.  1834. 
Il  suivit  son  père  à  Turin,  entra  à  l'Académie  militaire 
(1850)  et  en  sortit  sous-lieutenant  du  génie  (1855).  Il 
prit  part  à  la  guerre  de  1859  comme  capitaine,  rejoignit 
ensuite  son  père  à  Modène ,  fut  élu  député  de  Russi  à 
l'assemblée  de  Bologne  et  vota  la  déchéance  du  pape.  En 
1860,  il  assista  aux  sièges  d'Ancône  et  de  Gaëte.  Il  resta 
à  Naples  pendant  la  lieutenance  générale  de  son  père. 
Secrétaire  de  la  commission  de  revision  des  grades  de 
l'armée  méridionale  (1861),  il  fut  attaché  au  cabinet  du 
ministre  de  la  guerre  de  1862  à  1864.  Il  fit  la  campagne 
de  1866  comme  chef  d'état-major  du  général  Cosenz.  En- 
voyé au  Parlement  par  Ravenne  (1864),  il  siégea  au  centre 
gauche  et  fut  secrétaire  de  la  Chambre  dans  plusieurs  légis- 
latures. Il  remplit  différentes  missions  à  l'étranger,  no- 
tamment à  Bucarest  lors  de  l'avènement  du  roi  Humbert. 
En  mars  1878,  lorsque  Cairoli  arriva  au  pouvoir,  M.  Fa- 
rini, vice-président  de  la  Chambre  depuis  le  10,  fut  élevé 
à  la  présidence  le  27.  Il  acquit  dans  ce  poste  une  grande 
autorité  par  son  intelligence  et  son  impartialité.  Plusieurs 
fois  démissionnaire  à  la  suite  de  divers  incidents,  il  fut 
toujours  réélu.  Mais,  en  mars  1884,  il  refusa  de  revenir 
sur  sa  détermination.  Consulté  par  le  roi  dans  les  circons- 
tances difficiles,  il  coopéra  souvent  à  la  formation  des 
ministères  sans  jamais  consentir  à  en  faire  partie.  Entré  au 
Sénat,  M.  Farini  en  est  aujourd'hui  le  président.  F.  H. 
FA  R I N  O  S  y  Tortosa  (Felipe) ,  sculpteur  espagnol  contem- 
porain, né  à  Valence  en  1826.  Elève  des  cours  de  l'Aca- 
démie de  San  Carlos  et  du  sculpteur  Antonio  Marzo,  il  est 
l'auteur  des  vingt-deux  figures  de  saints  et  du  bas-relief 
qui  décorent  le  maître-autel  de  la  cathédrale  de  Valence  et 
de  divers  groupes  processionnels,  sculptés  en  bois  et  poly- 
chromes, appartenant  aux  églises  d'Orihuela  et  de  Hellin. 
Bibl.:  Ossorio  y  Bernard,  Galeria  biografia  de  av lis- 
tas espanoles  del  siglo  XIX;  Madrid,  1868. 

FARISSOL,  rabbin  français  (V.  Abraham  Farissol). 
FARJAT  (Benoît),  graveur  français  au  burin,  né  à  Lyon 
en  1646,  mort  vers  1720.  Elève  de  Guillaume  Château, 
qu'il  suivit  à  Rome,  où  il  se  maria.  On  a  de  lui  un  bon 
nombre  d'estampes  de  sainteté  et  des  portraits,  gravés  avec 
aisance  d'après  des  maîtres  italiens,  tels  que  les  Carrache, 
Pierre  de  Cortone,  Fr.  Albano,  Maratta,  etc.     G.  P-i. 

FARKAS  (André),  poète  hongrois  du  xvie  siècle.  Sa  vie 
est  peu  connue.  Son  poème  sur  la  nation  juive  et  la  nation 
magyare,  dont  il  compare  la  mission  et  les  malheurs,  a 
exercé  une  certaine  influence  sur  les  débuts  de  la  littérature 
nationale. 

FARLAT1  (Daniel),  historien  ecclésiastique,  né  à  San 
Daniele,  dans  le  Frioul,  en  1690,  mort  à  Padoue  le  23  avr. 
1773. 11  appartenait  à  l'ordre  des  jésuites  ;  en  1722,  il  fut 
appelé  à  Padoue  pour  collaborer  à  l'ouvrage  de  son  confrère 
P.  Riceputi,  Illyricum  sacrum.  Il  le  continua  après  la  mort 
de  Riceputi,  survenue  en  1742,  et  fit  de  nombreux  voyages 
pour  recueillir  des  matériaux.  Quand  il  mourut  lui-même, 
l'ouvrage  fut  continué  par  Coleti.  Le  1er  vol.  de  Ylllyri- 
cum  sacrum  %  paru  en  1751  à  Venise,  le  dernier  en  1819. 
L'ouvrage  forme  en  tout  8  vol.  m-4.  Il  est  fort  précieux 
pour  l'histoire  religieuse  de  la  Dalmatie  et  des  pays  envi- 
ronnants. Farlati  a  encore  écrit  DeArtis  criticœ  inscitia 
antiquitati  objecta  (Venise,  1777).  Une  analyse  sommaire 
de  Y  Illyricum  sacrum  se  trouve  dans  la  Bibliografla 
délia  Dalmazia  de  G.  Valentinelli  (V.  aussi  Memorie  di 
Religione;  Modène,  1830,  t.  XVI).  L.  L. 

FARLÈDE  (La).  Corn,  du  dép.  du  Var,  arr.  de  Toulon, 
cant.  de  Solliès-Pont  ;  923  hab. 


FARLEY  —  FAUNE 


—  .22  -* 


FARLEY  ou  FARLIE  (Robert),  écrivain  anglais,  né  en 
Ecosse,  florissait  au  xvir?  siècle.  On  a  de  lui  un  recueil  de 
poésies  latines  et  anglaises  sur  les  saisons,  intitulé  Kalen- 
darium  Hurnanœ  Vitœ (Londres,  4638,  pet.  in-8)  ;  Lych- 
nocausia,  sive  Moralia  Facium  Emblemata  (1638, 
in-12),  et  un  poème  latin  dédié  à  sir  Robert  Aytoun,  sous 
ce  titre  :  Naulogia,  sive  Inventa  Navis  (Londres,  in-4), 

FARLEY  (Charles),  acteur  et  auteur  dramatique  anglais, 
né  à  Londres  en  1771,  mort  à  Londres  le  28  janv.  1859. 
Entré  de  bonne  heure  au  Théâtre,  il  débuta  à  Covent  Garden 
dans  les  rôles  de  page  et  ne  tarda  pas  à  acquérir  une  cer- 
taine réputation  dans  le  mélodrame.  Mais  il  est  encore 
plus  connu  comme  machiniste  et  il  réalisa  à  Covent  Garden 
des  trucs  étonnants.  Collaborateur  de  Dibdin  pour  Harle- 
quin  and  Mother  Goose  (1806)  il  a  composé  seul  :  The 
Magic  Oak  (1799)  ;  Harlequin  and  Mother  Shipton,  joué 
en  1826,  Henri  IV  (part.  II)  (4821),  etc. 

FARLEY  (Harriet),  femme  de  lettres  et  philanthrope 
américaine  contemporaine,  née  à  Claremont  (New  Hamp- 
shire).  En  1841,  elle  fonda  une  publication  mensuelle  sous 
le  titre  de  The  Lowell  Offering,  entièrement  rédigée  par 
les  ouvrières  de  la  filature  de  Lowell  (Massachusetts).  Un 
volume  de  morceaux  choisis  dans  le  Lowell  Offering  a  été 
publié  à  Londres  (1849),  par  Charles  Knîght,  sous  le  titre  : 
Mind  among  the  Spinales,  et  fit  sensation  à  l'époque 
dans  toute  la  presse  européenne.  B.-H.  G. 

FARLEY  (James-Lewis),  économiste  anglais,  né  à  Dublin 
le  9  sept.  1823.  Il  fut  chargé,  en  1856,  d'organiser  la 
succursale  de  la  Banque  ottomane  à  Beyrout,  devint,  en 
1860,  agent  général  de  la  Banque  impériale  de  Constanti- 
nople,  et,  en  1870,  consul  de  Turquie  à  Bristol.  Membre 
de  plusieurs  sociétés  savantes,  collaborateur  du  Daily  News 
et  autres  journaux,  M.  Farley  a  beaucoup  écrit  sur  le 
commerce  et  les  finances  de  la  Turquie.  On  lui  doit  encore  : 
Iwo  Years  in  Syria  (i8§8),  The  Druses  and  Maronites 
(1861),  The  Resources  of  Turkey  (1862),  Banking  in 
Turkey  (1863),  lurkey  (1866),  Modem  Turkey  (1872), 
New  Biàgaria  (1880),  etc. 

FAR LO USE  (Ornith.).  Sous  le  nom  de  Farlouse  ou 
d'Alouette  des  prés,  on  désigne  vulgairement  une  espèce  de 


Le  Pipit  des  buissons. 

Pipit  (V,  ce  mot),  ou  à'Anthus,  Y Anthus  protensis  L., 
qui  est  assez  commun  dans  quelques-uns  de  nos  départe- 
ments et  qui  fait  son  nid  à  terre,  dans  les  champs  ense- 
mencés ou  dans  les  prairies.  E.  Oustalet. 

FARMER  (Hugh),  théologien  anglais,  non-conformiste, 
né  près  de  Shrewsbury  en  171  i,  mort  le  5  févr.  1787. 
D'abord  pasteur  dans  le  comté  d'Essex,  puis  prédicateur 
à  Londres  (depuis  1761),  il  jouissait  d'une  grande  répu- 
tation ;  ses  écrits  suscitèrent  de  vives  polémiques,  mais 
n'ont  plus  aujourd'hui  qu'un  intérêt  rétrospectif.  On  peut 
citer  :  An  Inquiry  into  the  Nature  and  Design  of  our 
Lord' s  Temptation,  etc.  (Londres,  1761)  ;  Dissertation 
on  Miracles,  etc.  (ibid.,  1771)  ;  The  General  Prevalence 
of  the  Worship  of-Human  Spirits,  etc.  (ibid.,  1783). 
Bibl.  :  M.  Dodson,  Memoirs  of  Hugh  F  armer;  Londres, 
1804 

FARMER  (George),  marin  anglais,  né  en  1732,  mort 
en  1779.  Il  débuta  de  bonne  heure  dans  la  marine  mar- 
chande ;  mais,  en  1759,  on  le  trouve  lieutenant  sur  la 


frégate  Aurora.  Après  un  séjour  de  quelques  années  à 
Norwich,  où  il  se  maria,  il  reprit  la  mer  sur  le  sloop  Swift 
et  croisa  dans  les  eaux  des  îles  Falkland  où  il  fit  nau- 
frage. Réfugié  à  Port  Egmont,  il  dut  capituler  devant  les 
Espagnols.  De  retour  en  Angleterre,  il  navigua  encore  sur 
plusieurs  bâtiments  et  finit  par  périr  dans  un  engagement 
avec  les  Français,  à  la  hauteur  d'Ouessant.  La  frégate 
Québec,  qu'il  commandait,  prit  feu  pendant  le  combat. 

FAR  NIER  (Richard),  érudit  et  critique  anglais,  né  à  Lei- 
cester  en  1735,  mort  à  Cambridge  en  1797.  Elevé  à  Emma- 
nuel Collège  (Cambridge),  il  y  fit  sa  carrière  et  y  devint 
successivement  tutor,  proctor  et  master  ;  en  1778,  il  fut 
élu  bibliothécaire  principal  de  l'université.  Plusieurs  dignités 
et  prébendes  ecclésiastiques  lui  furent  aussi  conférées.  Il 
avait  réuni  une  importante  collection  de  livres,  dont  la  vente 
se  fit  à  Londres  en  1798  et  rapporta  2,210  livres  sterling. 
Sa  réputation  de  science  et  d'esprit  était  très  grande. 
Cependant,  à  part  un  traité,  œuvre  de  jeunesse,  imprimé 
dans  YEuropean  Magazine  (1791),  sous  le  titre:  Direc- 
tions for  Studying  the  English  History,  et  un  sérieux 
Essay  in  the  Learning  of  Shakespeare  (Cambridge, 
1767,  in-8),  il  n'a  rien  produit.  Ceux  qui  le  connaissaient 
bien  disaient  de  lui  qu'il  aimait  par-dessus  tout  trois 
choses  :  le  vieux  vin,  les  vieux  vêtements  et  les  vieux 
livres  ;  et  qu'il  y  avait  trois  choses  qu'on  n'avait  jamais  pu 
l'amener  à  faire  :  se  lever  matin,  se  coucher  à  une  heure 
raisonnable  et  payer  ses  dettes.  B.-H.  G. 

FARMER  (John),  historien  américain,  né  à  Concord 
(New  Hampshire)  en  1789,  mort  en  1838.  On  lui  doit, 
outre  plusieurs  études  sur  des  sujets  d'histoire  locale,  le 
Genealogical  Register  of  the  First  Settlers  of  New 
England  (Lancaster,  mss.,  4829,  in-8),  et,  en  collabo- 
ration avec  J.-B.  Moore,  la  Gazetteer  ofNeiv  Hampshire 
(Concord,  1823,  in-12).  B.-H.  G. 

FARM VI LLE.  Petite  localité  des  Etats-Unis,  Etat  de  Vir- 
ginie, comté  de  Prince  Edward.  Stat.  du  chem.  de  fer  de 
Petersburg  à  Lynchburg.  C'est  là  que,  dans  la  journée  du 
7  avr.  1865,  le  général  Lee,  commandant  en  chef  des  débris 
de  la  Confédération  sudiste,  ayant  dû  évacuer  Petersburg 
et  Richmond,  et  s'efforçant  de  gagner  Danville  vers 
le  S.,  se  vit  enveloppé  par  plusieurs  des  corps  d'armée 
du  général  Grant  et  obligé  de  se  rejeter  à  l'O. ,  vers 
Appomatox  Station,  où  il  devait  capituler  le  surlende- 
main 9  avr.  Aug.  M. 

FARNABY  (Thomas),  instituteur  et  érudit  anglais,  né 
à  Londres  en  1575,  mort  le  12  juin  1647.  Il  étudia  d'abord 
à  Oxford,  puis  en  Espagne,  chez  les  jésuites,  accompagna 
Drake  et  Hawkins  dans  leur  dernier  voyage,  fit  la  guerre  dans 
les  Pays-Bas,  tint  une  école  à  Martock  (Somersetshire) ,  sous 
le  pseudonyme  de  Bainrafe,  puis  à  Londres  sous  son  véri- 
table nom.  Son  système  d'éducation,  dont  un  de  ses  élèves, 
sir  John  Bramston,  a  tracé  le  tableau  dans  son  Autobio- 
graphy,  était  animé  d'un  esprit  libéral  de  beaucoup  en 
avance  sur  son  temps.  Plus  tard,  il  transporta  son  établis- 
sement à  Sevenoakes.  Sa  réputation,  augmentée  par  un 
grand  nombre  d'éditions  de  classiques  excellemment  anno- 
tés et  par  plusieurs  ouvrages  de  grammaire,  de  lexicologie 
et  de  rhétorique,  était  européenne.  Charles  Ier  l'avait 
chargé  de  la  rédaction  d'une  grammaire  latine  qui  rempla- 
cerait celle  dont  on  s'était  jusqu'alors  servi  dans  les  écoles, 
mais  la  guerre  civile  lui  porta  un  coup  fatal.  Arrêté,  par 
le  parti  du  Parlement  en  1643,  il  ne  put  rentrer  à  Seve- 
noakes qu'en  1645  ;  il  y  mourut,  à  peu  près  ruiné.  B.-H.  G. 
FARNAY.  Corn,  du'dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Saint- 
Etienne,  cant.  de  Rive-de-Gier  ;  494  hab. 

FARNBOROUGH.  Bourg  d'Angleterre,  comté  de  Hauts, 
à  50  kil.  de  Londres,  près  de  l'Académie  militaire  de 
Sandhurst.  Stat.  du  South  Western  Railway. 

FARNBÛHL.  Station  balnéaire  de  Suisse,  cant.  de  Lu- 
cerne,  près  de  l'Emme,  à  704  m.  d'alt.  Source  carbonatée 
sodique  et  ferrugineuse  ;  climat  très  doux. 

FAR  NE  (Iles).  On  désigne  sous  ce  nom  dix-sept  îlots 
situés  à  une  lieue  et  demie  de  la  côte  orientale  de  l'Ansle- 


terre,  en  face  de  Bamborough  (Northumberland),  par  55° 
37'  lat.  N.  Le  pertuis  qui  sépare  cet  archipel  de  la  grande 
île  est  dangereux. 

FARNER  (Ulrich),  écrivain  suisse,  né  à  Oberstammheim 
(Zurich)  le  28  juil.  1835.  Successivement  commis  dans 
une  maison  de  soierie,  écrivain  militaire,  journaliste  et 
auteur  dramatique,  il  habite  depuis  4885  la  ville  de  Zo- 
fingue  (Argovie)  et  y  continue  son  activité  littéraire.  On  a 
de  lui  une  demi-douzaine  de  comédies  en  dialecte  zuricois, 
des  poèmes  satiriques,  des  romans  et  nouvelles  dont  plu- 
sieurs ont  atteint  rapidement  leur  quatrième  édition. 

FARNÈSE.  Célèbre  famille  italienne  qui  prit  son  impor- 
tance au  xvie  siècle,  grâce  à  son  membre  le  plus  illustre, 
Àlessandro  Farnèse,  devenu  pape  sous  le  nom  de  Paul  III. 
Elle  faisait  remonter  son  origine  jusqu'au  xme  siècle,  pro- 
venant du  château  de  Farneto,  près  d'Orvieto.  Paul  III  fit 
son  fils  naturel,  Pietro-Luigi,  duc  de  Castro  et  Ronciglione, 
puis  duc  de  Parme  et  Plaisance.  L'histoire  de  la  maison 
Farnèse  se  confond  dès  lors  avec  celle  de  ce  duché 
(V.  Parme).  Elle  s'éteignit  en  1731.  Elle  eut  à  Rome  plu- 
sieurs propriétés  fameuses,  qui  ont  conservé  son  nom  :  le 
palais  Farnèse  (V.  ci-dessous),  les  jardins  Farnèse 
(V.  Palatin)  et  la  villa  Farnèse  du  Trastevere  ou  Famé- 
sine  (V.  ce  mot);  des  objets  d'art  :  Hercule  Farnèse,  Tau- 
reau Farnèse,  etc. 

Palais  Farnèse.  — -  Célèbre  édifice  élevé  à  Rome  au 
xvie  siècle  pour  le  cardinal  Alessandro  Farnèse,  plus  tard 
pape  sous  le  nom  de  Paul  III.  Les  plans  furent  donnés  par 
Ant.  da  Sangallo  le  jeune  qui  commença  le  palais  end  530. 
Après  sa  mort,  Michel- Ange  le  continua  ;  il  fut  achevé  par 
Délia  Porta  en  1580.  La  grande  corniche,  la  fenêtre  cen- 
trale, la  cour  (sauf  les  arcades  inférieures)  sont  de  Michel- 
Ange,  la  loggia  (du  côté  du  Tibre)  est  de  Délia  Porta.  Le 
palais  Farnèse  est  une  des  constructions  les  plus  imposantes 
de  Rome  ;  il  a  l'allure  d'une  forteresse  comme  les  palais  de 
Florence.  La  forme  esCcelie  d'un  carré  parfait,  avec  cour 
intérieure.  Les  colonnes  qui  décorent  les  quatre  façades 
ont  été  empruntées  au  Colisée,  ainsi  que  le  principe  de  la 
superposition  des  trois  ordres.  «  Au-dessus  de  la  grande 
façade  presque  nue,  la  corniche  qui  fait  le  rebord  du  toit 
est  à  la  fois  riche  et  sévère,  et  son  encadrement  continu, 
si  bien  approprié  et  si  noble,  maintient  ensemble  toute  la 
masse,  en  sorte  que  le  tout  est  un  seul  corps.  Les  bossages 
énormes  des  encoignures,  la  variété  des  longues  files  de 
fenêtres,  l'épaisseur  des  murailles  entremêlent  sans  cesse 
l'idée  de  la  force  à  l'idée  de  la  beauté.  On  entre  par  un 
vestibule  sombre,  peuplé  d'arabesques,  solide  comme  une 
poterne,  étage  par  douze  colonnes  doriques,  trapues,  de  gra- 
nit rougeâtre.  Là  s'ouvre  l'admirable  cour  intérieure  qui 
est  le  chef-d'œuvre  de  l'édifice.  »  (Taine.)  Les  sculptures 
antiques  qui  décoraient  jadis  la  cour  ont  été  transportées 
à  Naples.  Dans  les  appartements  on  admire  encore  les 
fresques  fameuses  d'Annibal  Carrache  (V.  ce  nom),  celles 
de  Saiviati,  Vasari  et  Tad.  Zuccari. 

Le  palais  Farnèse  passa  aux  Bourbons  de  Naples  avec  le 
reste  de  la  succession  des  ducs  de  Parme  ;  il  est  encore 
leur  propriété.  Il  est  loué  par  l'ambassade  de  France  et 
l'Ecole  de  Rome. 

FARNÈSE  (Alexandre),  duc  de  Parme  (V.  Parme). 

FARNÈSE  (Elisabeth),  reine  d'Espagne  (V.  Elisabeth). 

FARNÉSINE(La),  ou  villa  FARNÈSE.  Villa  construite 
au  Trastevere  par  le  banquier  Ag.  Chigi,  d'après  les  des- 
sins de  Baltazzare  Peruzzi  (1509),  sous  les  règnes  de  Jules  II 
et  de  Léon  X.  Un  festin  magnifique  y  fut  donné  en  l'honneur 
de  ce  dernier.  Ce  palais  devint  plus  tard  la  propriété  des  ducs 
Farnèse,  puis  passa,  avec  les  biens  de  ces  derniers,  à  la 
famille  royale  de  Naples.  La  Farnésine  est  surtout  remar- 
quable par  ses  peintures.  On  y  voit  une  série  de  fresques 
représentant  V Histoire  de  Psyché,  exécutée  par  les  élèves 
de  Raphaël,  d'après  les  dessins  du  maître  ;  une  Galathée, 
peinte  par  Raphaël  lui-même,  et  des  fresques  de  Daniel  de 
Volterre,  de  Sebastiano  del  Piombo  et  de  Balt.  Peruzzi  ; 
enfin,  une  belle  tête  en  clair-obscur,  dessinée  par  Michel- 


—  23  -  FARNE  —  FARNWORTH 

Ange.  Le  premier  étage  est  orné  de  fresques  du  Sodoma, 
représentant  Y  Histoire  d'Alexandre. 

Bibl.  :  Foerster,  Farnesina  Studien  ;  Rostock,  1880.  — 
E.  MûiNTz,  Raphaël,  pp.  503  et  suiv.,  2e  éd.  —  Henri  Taine, 
Voyage  en  Italie;  Paris,  1867.  —.Stendhal,  Promenades 
dans  Rome;  Paris,  1828. 

FÂRNEWORTH  (Ellis),  traducteur  anglais,  mort  à  Car- 
sington,  dans  le  Derbyshire,  en  1763,  où  il  était  pasteur. 
On  a  de  lui  des  versions  anglaises  de  la  Vie  de  Sixte- 
Quint,  sur  Gregorio  Loti  (Londres,  1754,  in-fol.)  ;  des 
Guerres  civiles  de  France,  par  Davila  (1758,  2  vol.  in-4) 
et  des  Œuvres,  de  Machiavel  (1762,  2  vol.  in-4).  On  a 
encore  sous  son  nom  une  traduction  des  Mœurs  des  Israé- 
lites, par  l'abbé  Fleury  ;  mais  c'est  Thomas  Redfort  qui 
est  le  véritable  auteur  et  qui  lui  en  fit  don  pour  lui  venir 
en  aide.  Farneworth  a  aussi  donné  au  Gentleman' s  Maga* 
zine,  sous  le  pseudonyme  de  Philopyrphagus  Ashbur- 
niensis,  un  article  humouristique  sur  Powell,  le  «  mangeur 
de  feu  »  (févr.  1755).  B.-H.  G. 

FARNHAM.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Surrey,  sur  le 
Wey;  4,500  hab.  Ancienne  église;  château  des  évêques  de 
Winchester.  Non  loin  est  MoorPark  où  Sivift(Y.  ce  nom) 
connut  Stella. 

FARNHAM  (Richard),  fanatique  anglais,  mort  à  Londres 
en  janv.  1642.  Tisserand  à  Colchester,  il  vint  vers  1636 
à  Londres  où  il  se  mit  à  proclamer  qu'il  était  inspiré  et 
prophète  et  que  son  ami  John  Bull  l'était  également.  Tous 
deux  se  livrèrent  à  de  telles  excentricités  qu'ils  furent  ar- 
rêtés. Accusé  d'hérésie,  Farnham  fut  emprisonné  à  Newgate. 
Il  protesta  énergiquement,  assurant  qu'il  était  le  Christ  en 
personne,  et  adressa  à  Laud  pétitions  sur  pétitions  qui 
n'eurent  d'autre  résultat  que  de  le  faire  transférer  au 
Bethlehem  Hôpital.  En  1638,  reconnu  sain  d'esprit  par 
une  commission  médicale,  il  fut  incarcéré  à  Bridewell  pour 
avoir  épousé  une  femme  déjà  mariée.  Il  mourut  de  la  peste. 
Ses  sectateurs  prétendirent  qu'il  ressuscita  le  8  janv.  1642. 
L'aventure  de  Farnham  avait  fait  beaucoup  de  bruit  et 
donné  lieu  à  une  foule  d'écrits.  Nous  citerons  :  A  True 
Discourse  of  te  two  infamous  upstart  prophets  Richard 
Farnham  and  John  Bull  (1636);  A  Curb  for  sectaries 
and  bold  propheciers  (Londres,  1641)  ;  False  Prophets 
discovered  (Londres,  1642),  etc.  R.  S. 

FARNHAM  (Mrs),  femme  auteur  et  philanthrope  amé- 
ricaine ,  née  à  Rensselaerville  (  comté  d'Albany ,  New 
York)  le  17  nov.  1815,  morte  à  New  York  en  déc.  1864. 
Elisa  W.  Burhans  épousa  en  1835,  dans  l'Illinois,  où  elle 
séjournait,  Thomas  J.  Farnham,  avocat,  originaire  du  Ver- 
mont,  auteur  de  plusieurs  volumes  de  voyages  dans  FOré- 
gon  et  la  Californie  (1842-1845).  Mrs  Farnham,  revenue 
en  1841  à  New  York,  se  fit  connaître  par  de  nombreuses 
conférences  faites  devant  un  public  féminin  et  dont  le  prin- 
cipal sujet  était  la  réforme  du  système  pénitentiaire.  Nom- 
mée en  1844  directrice  de  la  prison  d'Etat  à  Sing  Sing 
(département  des  femmes),  puis  de  l'Institut  des  aveugles 
à  Boston,  elle  publia  divers  ouvrages,  notamment  une  édi- 
tion de  la  GriminaUurisprudence  de  Sampson,  passa  en- 
suite plusieurs  années  en  Californie  de  1848  à  1856  et  en 
rapporta  un  volume,  Galifornia,  Indoors  and  Out.  Sa 
principale  œuvre,  parue  en  1864  (2  vol.),  a  pour  titre  : 
Woman  and  her  Era,  essai  de  démonstration  scientifique 
du  principe  que  la  femme  est  la  meilleure  moitié  de  la  créa- 
tion, au  double  point  de  vue  de  la  constitution  physique  et 
intellectuelle.  Aug.  M. 

FARNSBOURG.  Les  ruines  de  ce  château  sont  *  situées 
sur  une  montagne  du  cant.  de  Bâle-Campagne,  d'où  l'on 
jouit  d'une  vue  magnifique  sur  le  Jura,  les  Alpes  et  la 
Forêt-Noire,  à  749  m.  d'alt.  Le  château  de  Farnsbourg, 
qui  appartenait  aux  comtes  de  Thierstein,  repoussa  le  siège 
que  les  Suisses  en  firent,  en  1444,  et  fut  détruit,  en 
1831,  pendant  la  guerre  civile  qui  éclata  entre  la  ville  de 
Bâle  et  la  campagne  (V.  Bàle). 

FARNWORTH.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Lancastre, 
à  2  kil.  S.  de  Bolton  ;  20,700  hab.  Cité  industrielle  où 
l'on  travaille  le  fer,  le  papier,  le  coton,  etc. 


FARO  -  FARQUHAR  -  24  - 

FARO.  Les  brasseurs  bruxellois  obtiennent  par  une  fabri- 
cation toute  spéciale  trois  catégories  de  bière  :  le  lambic 
(ou  lambick),  la  bière  de  mars  et  le  faro.  De  ces  trois 
types,  le  faro  est  celui  qui  entre  pour  la  plus  large  part 
dans  la  consommation  de  la  capitale  de  la  Belgique.  Ces 
trois  bières  dilïerentgrandement,  comme  composition,  comme 
préparation,  comme  aspect  et  comme  goût,  de  toutes  les 
bières  étrangères,  mais  elles  ont  une  très  grande  analogie 
entre  elles  ;  le  plus  souvent,  elles  sont  dues  à  un  brassin 
unique  et  résultant  des  différentes  cuvées  du  même  moût. 
La  bière  de  mars  et  le  lambic  sont  les  qualités  supérieures  ; 
le  faro  s'obtient  par  des  coupages  de  la  qualité  inférieure 
avec  les  premières  qualités.  Ce  qui  les  caractérise  toutes, 
c'est  en  premier  lieu  l'emploi  du  froment,  généralement 
associé  à  l'orge  pour  moitié  par  la  brasserie  belge,  en 
second  lieu  le  mode  de  fermentation. 

1°  Le  froment  passe  pour  donner  un  produit  plus  moel- 
leux et  capable  d'acquérir  avec  l'âge  une  grande  finesse, 
bien  que  de  conservation  moindre.  L'orge  seule  est  amenée 
à  l'état  de  malt,  c.-à-d.  soumise,  avant  d'être  moulue,  à 
la  germination,  puis  à  la  dessiccation  par  la  chaleur,  qui 
permet  d'en  éliminer  le  germe.  Le  froment,  sans  avoir  subi 
cette  préparation,  est  mêlé  directement  au  malt,  et  n'a  eu 
besoin  de  passer  ni  par  le  germoir  ni  par  le  séchoir.  La 
trituration  se  fait.  A  la  mouture  succèdent  les  manipula- 
tions multiples  du  brassage,  puis  la  cuisson  et  le  houblon- 
nage.  Il  y  est  procédé  d'après  les  diverses  méthodes  mises 
en  pratique  dans  la  brasserie.  2°  Mais  c'est  surtout  le  mode 
de  fermentation  qui  donne  à  la  bière  belge  son  goût  et  son 
bouquet  tranchés,  sa  coloration,  son  corps.  Le  bras- 
sin, une  fois  cuit  et  houblonné,  n'est  pas  mis  en  levain  ; 
autrement  dit,  on  n'en  active  pas  la  fermentation  par  des 
levures  étrangères,  mais  on  laisse  le  travail  se  faire  spon- 
tanément. Ce  sont  les  germes  contenus  dans  l'atmosphère 
qui,  trouvant  dans  le  moût  un  terrain  propice  à  leur  végé- 
tation, se'transforment  en  cellules  de  levure  ;  mais,  tandis 
qu'il  faut  à  la  levure  quelques  jours  seulement  pour  ame- 
ner le  moût  à  point,  la  bière  belge  livrée  à  elle-même 
réclame  un  travail  de  dix-huit  mois  et  plus.  Cependant 
elle  a  passé  en  partie  de  la  fermentation  alcoolique  à  la  fer- 
mentation acétique,  de  façon  que  l'alcool  non  détruit  se 
trouve  associé  à  l'acide  acétique  et  à  l'acide  lactique  ; 
l'amertume  du  houblon  se  modifie  pour  produire  de  la  vino- 
sité  ;  de  là  cette  saveur  et  ce  bouquet  si  goûtés  de  l'ama- 
teur belge.  Des  goûts  et  des  couleurs,  il  ne  faut  pas  dispu- 
ter ;  l'étranger  est  plus  ou  moins  disposé  à  partager  le 
fanatisme  du  Flamand  pour  les  produits  de  sa  brasserie  ;  le 
plus  souvent  il  se  prononce  en  faveur  des  bières  allemandes 
ou  anglaises,  dont  il  juge  les  combinaisons  chimiques  beau- 
coup plus  orthodoxes. 

*  Quoi  qu'il  en  soit,  le  faro  est  le  résultat  de  coupages  où 
le  troisième  et  le  quatrième  moût  n'entrent  que  pour  moi- 
tié, car  les  dernières  qualités  ne  sauraient  être  livrées  à  la 
consommation  sans  avoir  perdu  de  leur  àpreté,  de  leur 
amertume.  Quelques  fabricants  réunissent  dans  la  cuve 
guilloire  les  moûts  des  deux  premiers  brassages  et  ceux 
des  deux  derniers  ;  ils  les  font  fermenter  ensemble  ;  ils  ont 
de  plus  à  les  couper  toujours  avec  d'autres  brassins  de 
divers  âges,  et  à  y  ajouter  du  sucre  ou  de  la  cassonnade, 
ce  qui  a  lieu  du  reste  également  pour  la  bière  de  mars  et 
le  lambic,  lorsqu'on  les  traite  isolément  dans  leur  cuve.  La 
méthode  la  plus  répandue  consiste  à  faire  fermenter  sépa- 
rément et  à  ne  procéder  qu'ensuite  aux  coupages  par 
moitié.  Lescabaretiers  moins  consciencieux,  mais  fort  versés 
dans  l'art  de  rendre  potables  des  produits  défectueux,  se 
contentent  d'acheter  les  deux  cuvées  inférieures  et  se 
réservent  de  leur  donner  eux-mêmes  l'apprêt  définitif.  Des 
coupages  habilement  combinés  leur  permettent  d'écouler 
des  bières  acides,  amères,  souvent  altérées,  et  ils  excellent 
dans  ces  sophistications,  au  point  de  masquer  tout  mauvais 
goût  et  d'obtenir,  pour  le  faro  de  leur  cru,  l'uniformité  du 
bouquet.  L'alcoolisation  du  faro  est  de  4,9  %,  c.-à-d. 
égale  à  celle  de  nos  bonnes  bières,  moindre  que  celle  des 


fortes  bières  anglaises.  Les  connaisseurs,  ce  qui  arrive 
d'ailleurs  pour  toutes  les  bières,  font  de  grandes  différences 
entre  les  diverses  provenances  ;  c'est  aux  environs  de 
Bruxelles  que  sont  les  meilleures  brasseries  ;  ce  qu'on 
apprécie  surtout  dans  le  faro  bien  réussi,  c'est  la  finesse, 
la  fleur  du  bouquet,  la  franchise  de  la  vinosité.  La  con- 
sommation s'en  élève  à  sept  ou  huit  millions  d'hectolitres, 
si  bien  qu'on  peut  l'évaluer  pour  chaque  habitant  à  un  litre 
par  jour.  Sans  envier  aux  buveurs  flamands  la  lourde 
ivresse  dont  se  sont  tant  inspirés  leurs  peintres  de  kermesses 
et  de  tabagies,  il  y  a  lieu  de  regretter  que  bon  nombre  de 
Français  soient  encore  condamnés  au  régime  de  l'eau  pure, 
faute  d'une  boisson  nationale  dont  le  prix  modeste  puisse 
rendre  en  France  l'usage  aussi  général  que  l'est  en  Belgique 
celui  du  faro.  "  Marcel  Charlot. 

Bibl.  :  Lacambre,  Traité  de  la  fabrication  des  bières. 
—  Girard,  Rapport  de  la  commission  française  à  l'expo- 
sition de  1813. 

FARO.  Cap  situé  à  l'extrémité  N.-E.  de  la  Sicile  avec 
un  forfin  et  un  phare  qui  a  donné  son  nom  au  détroit  du 
Phare  de  Messine.  Les  anciens  y  avaient  construit  un 
temple  dédié  à  Neptune.  C'est  un  but  d'excursion  pour  les 
touristes  venant  de  Messine  qui  est  à  46  kil.  au  S. 

FARO.  Rivière  du  Soudan  occidental,  tributaire  du  Re- 
noué, dans  lequel  elle  se  jette  un  peu  à  l'E.  de  Yola  (Ada- 
maoua).  Le  Faro  paraît  venir  d'un  massif  montagneux 
situé  vers  le  6e  degré  de  lat.  N.  C'est  un  cours  d'eau  de 
montagne  dont  le  débit  est  médiocre  et  irrégulier.  Il  reçoit 
sur  sa  rive  gauche  le  Maobéli. 

FARO.  Ville  du  Portugal  méridional,  ch.-l.  de  la  pro- 
vince du  même  nom  (ancien  royaume  d'Algarve),  sur  l'océan 
Atlantique,  par  31H'$"  de  lat.  N.  et  40o43'40"delong.  0.; 
8,097  hab.  Son  port,  bien  protégé  de  la  houle  du  large 
par  une  grande  île  sablonneuse,  est  assez  sûr,  mais  d'une 
entrée  difficile  à  cause  des  bancs  de  sable  qui  se  découvrent 
à  marée  basse  ;  il  est  fermé  par  l'embouchure  de  la  belle 
rivière  de  Valfermosa.  La  ville  est  bien  bâtie  et  a  quelques 
monuments  curieux,  une  cathédrale  très  vaste,  une  belle 
église  paroissiale,  un  séminaire,  l'hôtel  des  douanes,  l'hô- 
pital militaire,  le  parc  d'artillerie.  La  campagne  alentour 
est  très  belle  et  très  fertile,  ce  qui  fait  que  Faro  est  un 
des  ports  actifs  du  Portugal,  surtout  pour  le  cabotage  : 
on  exporte  des  fruits,  des  huîtres,  du  sumac,  de  la  sparterie, 
des  poissons,  du  sel,  des  minerais  d'antimoine.  Une  partie 
de  la  population  vit  de  la  pèche.  E.  Cat. 

FARO B A.  Nom,  aux  Antilles,  de  la  pulpe  des  fruits  du 
courbaril  (V.  Hymen^a). 

FAROCHON  (Jean-Baptiste-Eugène),  graveur  en  mé- 
dailles et  statuaire  français,  né  à  Paris  le  40  mars  4812, 
mort  en  4869.  Il  fut  élève  de  David  d'Angers  et  entra  à 
l'Ecole  des  beaux-arts  le  5  oct.  4829.  Il  obtint  le  prix  de 
Rome  pour  la  gravure  en  médailles  en  4  835  et  devint  pro- 
fesseur à  l'Ecole  des  beaux-arts  en  4863.  Il  a  exposé  au 
Salon,  de  4833  à  1868,  de  nombreuses  médailles  et  des 
médaillons  en  plâtre,  des  projets  de  jetons,  un  modèle  en 
plâtre  du  Christ,  d'après  lequel  a  été  coulée  la  figure  qui 
fait  partie  de  la  décoration  de  l'église  de  Saint-Vincent-de- 
Paul.  Il  a  fait  plusieurs  statues  :  l'Intégrité,  Saint  Jean- 
Baptiste,  la  Fermeté,  une  statue  de  Saint  Remy  pour 
l'église  Sainte-Clotilde,  une  statue  de  Hugues  Gapet,  pour 
la  tour  de  Saint-Germain-l'Auxerrois,  un  Saint  Léon  et 
un  haïe  pour  l'église  Saint-Augustin.  J.-A.  Bl, 

FARON  (Saint),  évêquede  Meaux.  Il  occupa  lesiège  épis- 
copal  vers  626  et  mourut  le  28  oct.  672.  Il  était  le  frère 
de  sainte  Fare  et  contribua  à  fonder  avec  elle  l'abbaye  de 
Faremoutiers  (V.  ce  mot)  (cf.  Gallia  Christiana  , 
t.  VIII,  col.  4599-4600). 

FARON  VILLE.  Corn,  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de  Pithi- 
viers,  cant.  d'Outarville  ;  452  hab. 

FAROUCHE  (V.  Trèfle). 

FARQUHAR  (Iles).  Groupe  d'îlots  dépendant  des  Sey- 
chelles,  à  300  kil.  N.-E.  de  Madagascar.  Il  appartenait  à 


25  — 


FARQUHAR  -  FARRE 


l'Angleterre.  —  Lé  même  nom  est  donné  à  une  longue 
ligne  d'îlots  et  de  récifs  de  la  côte  N.-E.  d'Australie. 

FARQUHAR  (George),  auteur  dramatique  irlandais,  né  à 
Londonderry  en  1678,  mort  à  Londres  en  4707.  Il  débuta 
comme  acteur,  mais  un  accident  qui  lui  arriva  àansV  Indian 
Emperor  de  Dryden,  où  il  poignarda  réellement  l'acteur 
en  scène  avec  lui,  le  décida  à  renoncer  à  la  profession.  Sur 
les  conseils  de  Wilkes,  il  se  fit  auteur  et  produisit  plu- 
sieurs comédies  qui  réussirent.  En  voici  les  titres  :  Love 
and  a  Bottle  (1699)  ;  A  Constant  Couple  (1699)  ;  Sir 
Harry  Wildair  (il Oi);  The  Inconstant  (1702);  The 
Tivin-Rivals  (1702)  ;  The  Stage  Coach  (1704)  ;   The 
Recruiting    Officer  (1706)  ;   The  Beaux'  Stratagem 
(1707)  ;  The  Stage  Coach,  qui  n'est  qu'une  simple  farce 
en  un  acte,  fut  écrit  en  collaboration  avec  Motteux,  le  tra- 
ducteur de  Rabelais  et  de  Don  Quichotte,  Le  comte  d'Or- 
rery  le  gratifia  d'une  commission  de  lieutenant,  en  vertu 
de  laquelle  il  servit  probablement  en  Hollande  et  qu'il 
vendit  sur  les  conseils  du  duc  d'Ormonde,  qui  lui  promet- 
tait en  échange  un  brevet  de  capitaine,  mais  qui  différa 
tellement  l'exécution  de  sa  promesse  que  Farquhar,  dit-on, 
en  mourut  de  chagrin.  Il  avait,  dès  1699,  découvert,  dans 
la  taverne  où  elle  vivait  avec  sa  tante,  le  talent  d'Anne 
Oldfieid,  qui  devint,  plus  tard,  une  actrice  célèbre  et  ne 
se  montra  point  ingrate.  Venu  après  Wycherly  et  Con- 
greve,  Farquhar  peut  leur  être  comparé  pour  le  plan  de 
ses  comédies  aussi  bien  que  pour  la  vivacité  et  l'esprit  du 
dialogue  ;  mais  s'il  est  moins  licencieux  que  ses  prédéces- 
seurs, ses  caractères  sont  plus  superficiellement  étudiés  et 
son  style,  bien  que  brillant,  est  plus  creux  et  moins 
châtié.  Il  publia  aussi  un  petit  volume  de  Micellanies 
(1702)  contenant  des  poésies  assez  médiocres,  quelques 
lettres  et  un  Discours  sur  la  poésie,  au  point  de  vue  du 
théâtre  anglais.  Il  mourut  pauvre,  laissant  une  femme 
et  deux  filles  dans  un  -absolu  dénuement.  Leigh  Hunt  dit 
même  qu'une  de  celles-ci  dut  se  faire  servante.     R.-H.  G. 
FARQUHAR  (Arthur),  marin  anglais,  né  en  1772,  mort 
dans  le  comté  d'Aberdeen  le  2  oct.  1843.  Entré  dans  la 
flotte  en  1787,  il  servit  aux  Indes,  fit  la  guerre  avec  la 
France  dans  la  Méditerranée,  la  Raltique  et  la  mer  du 
Nord,  fut  pris  le  4  févr.  1805  après  une  défense  déses- 
pérée. Acquitté  par  la  cour  martiale  et  même  promu  com- 
mandant, il  fit  la  croisière  dans  la  Baltique  et  la  mer  du 
Nord  de  1806  à  1814.  Le  5  janv.  1814,  il  jouait  un  rôle 
prépondérant  dans  la  prise  de  Gluckstadt.  Il  servit  ensuite 
au  Gap  et  à  la  Jamaïque,  où  il  se  distingua  dans  la  répres- 
sion de  la  révolte  des  noirs.  Il  fut  nommé  contre-amiral 
en  1837. 

,  FARQUHAR  (Sir  Robert  Townsend),  homme  politique 
anglais,  né  le  14  oct.  1776,  mort  à  Londres  le  16  mars 
1830.  Résident  à  Amboyna,  gouverneur  de  Poulo-Pinang, 
commissaire  aux  Moluques,  il  devint  gouverneur  de  Mau- 
rice en  1812.  Très  expert  dans  les  affaires  des  colonies, 
il  rendit  de  grands  services  en  ces  divers  postes  et  sup- 
prima la  traite  des  esclaves  à  Maurice,  qu'il  quitta  en 
1823.  Le  bourg  de  Newton  l'envoya  à  la  Chambre  des 
communes  en  1825  ;  en  1826,  il  fut  élu  par  Hythe  qu'il 
représenta  jusqu'à  sa  mort.  Farquhar,  un  des  directeurs 
de  la  Compagnie  des  Indes,  a  publié  :  Suggestions  for 
counteracting  any  injurions  effects  upon  the  popula- 
tion of  the  West  India  colonies  from  the  abolition  of 
the  slave-trade  (1807),  et  dressé  une  carte  de  Mada- 
gascar et  de  l'archipel  de  Maurice. 

FARR.  Village  d'Ecosse,  comté  de  Sutherland,  entre 
les  caps  Farr  et  Strathy,  près  de  l'embouchure  du  Nave. 
Plus  de  2,000  hab.,  de  langue  gaélique. 

FARR  (William),  statisticien  anglais,  né  à  Kenley 
(Shropshire)  le  30  nov.  1807,  mort  le  14  avr.  1883.  II 
fit  des  études  médicales  à  Shrewsbury,  les  compléta  à  Paris 
et  à  Londres,  et  exerça  quelque  temps  dans  cette  dernière 
ville.  Il  ne  tarda  pas  à  abandonner  cette  carrière  pour  la 
statistique,  où  il  acquit  rapidement  une  réputation  consi- 
dérable. Ses  écrits  spéciaux  sont  innombrables.  Les  plus 


connus  sont  ses  lettres  sur  les  causes  de  mort  en  Angle- 
terre, et  ses  travaux  sur  les  tables  de  vie,  qui  servent 
aux  assurances. 

FARRAGUT  (David-Glasgow),  célèbre  amiral  américain, 
né  à  Campbeli's  Station,  près  de  Knoxville,  Etat  de  Ten- 
nessee (Etats-Unis),  le  5  juil.  1801,  mort  à  Portsmouth 
(New  Hampshire)  le  14  août  1870.  Sa  famille  était  d'ori- 
gine espagnole.  Mousse  à  neuf  ans,  il  prit  part  comme 
midshipman  sur  la  frégate  Essex  à  la  guerre  contre  l'An- 
gleterre (1812-1814).  Après  la  paix  de  Gand,  il  compléta 
ses  études  navales  et  fut  fait  lieutenant  de  vaisseau  en 
1821.  Il  exerça  divers  commandements,  reçut  le  grade  de 
capitaine  de  vaisseau  en  1855,  et  prit  parti  pour  le  Nord 
au  début  de  la  guerre  civile  (1861).  L'admirable  intrépi- 
dité avec  laquelle  il  força,  le  24  avr.  1862, les  passes  du 
Mississippi  et  détruisit  la  flottille  confédérée  devant  la  Nou- 
velle-Orléans (V.  Etats-Unis,  §  Guerre  de  la  Sécession), 
illustra  son  nom  et  lui  valut  (11  juil.  1862)  des  remercie- 
ments du  Congrès  et  le  grade  de  contre-amiral.  Un  exploit, 
peut-être  plus  brillant  encore,  fut  l'entrée  dans  la  baie  de 
Mobile  (5  août  1864)  défendue  par  des  torpilles,  des  forts 
et  des  navires  cuirassés.  Il  fut  fait  vice-amiral  en  déc.  1 864, 
et,  deux  ans  plus  tard,  amiral  et  commandant  en  chef  de 
toutes  les  forces  navales  des  Etats-Unis.  Il  visita  en  1867- 
1868  avec  une  escadre  américaine  les  principaux  ports 
d'Europe.  Son  fils,  Loyal  Farragut,  a  publié  :  The  Life 
and  Letters  of  David  Glasgow  Farragut  (New  York, 
1880).  Aug.  M. 

FARRAN  (Antoine- Jean) ,  homme  politique  français,  né 
à  Angers  le  23  sept.  1791,  mort  à  Angers  le  11  août  1872. 
Négociant,  membre  de  la  chambre  des  arts  et  manufactures 
d'Angers,  maire  de  cette  ville,  il  fut  élu  député  de  Maine- 
et-Loire  le  4  nov.  1837,  et  fut  réélu  successivement  le 
2  mars  1839,  le  9  juil.  1842,  le  1er  août  1846.  Il  siégea 
au  centre  gauche  et  appuya  généralement  de  ses  votes  le 
tiers-parti.  Il  représenta  encore  le  Maine-et-Loire  à  la 
Constituante  (23  avr.  1848)  et  à  la  Législative  (13  mai 
1849).  Il  joua  un  rôle  assez  obscur  dans  toutes  ces  assem- 
blées. Comme  maire  d'Angers,  il  a  créé  en  1839  le  musée 
David,  et,  en  1841,  le  musée,  d'archéologie. 

FARRAR  (Frederick  William),  philologue  et  théologien 
anglais,  né  à  Bombay  en  1831.  Fils  d'un  recteur,  il  entra 
dans  les  ordres  en  sortant  de  l'université  de  Cambridge  et 
professa  dans  divers  grands  établissements  scolaires. 
En  1858,  une  histoire  de  la  vie  de  collège,  Eric  ou  Little 
by  Little,  attira  sur  lui  l'attention.  L'année  suivante  pa- 
rurent Julian  Home  et  Lyrics  of  Life  et  en  1862  Saint 
Winifred  et  The  World  of  SchooL  En  même  temps,  il 
étudiait  la  philologie  :  Origin  of  Language;  Chapters 
onLanguage;  Greek  Grammar  Rules;  Greek  Syntax, 
Familles  of  Speech,  témoignent  de  ses  travaux,  mais  sa 
réputation  en  Angleterre  est  due  surtout  à  ses  œuvres  théo- 
logiques qui  succédèrent  en  1870  aux  livres  de  philologie. 
The  Life  of  Christ,  paru  en  1874,  est  peut-être  de  toutes 
les  publications  de  ce  genre  la  plus  estimée  dans  la  Grande- 
Bretagne.  En  1877,  alors  qu'il  occupait  les  postes  de  cha- 
noine^de  Westminster  et  de  recteur  d'une  paroisse,  il 
souleva  de  grandes  controverses  dans  le  monde  dévot  par 
une  série  de  sermons  publiés  sous  le  titre  Eternal  Hope, 
où  il  niait  la  damnation  éternelle.  Trois  autres  ouvrages 
théologiques  parurent  de  1879  à  1889  (The  Life  and 
Work  of  Saint  Paul;  Jhe  Early  Days  of  Christianiiy 
et  Lives  ofthe  Fathers).  Son  style,  que  l'on  peut  com- 
parer à  celui  de  Renan,  est  élégant,  poétique,  plein  d'images 
et  de  couleur.  Hector  France. 

FARRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Tour- 
non,  cant.  de  Saint -Félicien;  545  hab. 

FARRE  (Jean-Joseph-Frédéric-Albert),  général  français, 
né  à  Valence  (Drôme)  en  1816,  mort  à  Paris  le  24  mars 
1 887.  Il  fut  admis  en  1835  à  l'Ecole  polytechnique  et  entra 
comme  sous-lieutenant-élève  du  génie  à  l'école  de  Metz 
en  1837.  Chef  de  bataillon  en  1858,  il  fut  nommé  en  1859 
commandant  du  génie  du   corps  d'occupation  à  Rome. 


FARRE  —  FARS  —  2 

Promu  colonel  en  1868,  il  était  directeur  des  fortifications 
à  Lille,  lorsque  éclata  la  guerre  avec  la  Prusse.  Après  la 
révolution  du  4  sept.  1870,  il  fut  adjoint  à  M.  Testelin, 
commissaire  de  la  Défense  nationale.  Promu  général  de 
brigade  le  31  oct.  1870,  Farre  devint  chef  d'état-major 
du  général  Bourbaki,  commandant  supérieur  de  la  région 
du  Nord.  Après  le  départ  de  Bourbaki,  le  général  Farre 
exerça  par  intérim  le  commandement  de  l'armée  du  Nord 
avant  l'arrivée  du  général  Faidherbe  et  résista  brillamment 
aux  Allemands  qui  marchaient  sur  Amiens.  Le  27  nov.  1870, 
Farre  accepta  la  bataille  à  Villers-Bretonneux  et  ne  battit 
en  retraite  par  Corbie  et  par  Amiens  que  dans  la  nuit  du 
27  au  28  sans  que  les  Allemands,  commandés  par  Man- 
teuffel,  s'en  fussent  doutés.  Dans  cette  action  glorieuse, 
26,000  Français  avaient  tenu  tête  à  35,000  Allemands. 
Le  général  Faidherbe,  ayant  pris  le  commandement  en  chef, 
choisit  le  général  Farre  pour  chef  d'état-major  général  ;  le 
général  Farre  fut  alors  nommé  général  de  division.  Farre 
organisa  convenablement  les  troupes  de  l'armée  du  Nord  ; 
il  prit  part  avec  elles  aux  batailles  de  Pont-Noyelles,  de 
Bapaume  et  de  Saint-Quentin.  Remis  général  de  brigade 
après  la  guerre,  il  fut  nommé  en  1872  directeur  supérieur 
du  génie  de  l'Algérie.  En  1875,  Farre  fut  promu  général 
de  division;  en  févr.  1879,  il  fut  nommé  gouverneur  mili- 
taire de  Lyon  et  commandant  du  14e  corps  d'armée.  Farre 
obtint  le  portefeuille  de  la  guerre  le  27  déc.  1879,  dans 
le  cabinet  présidé  par  M.  de  Freycinet;  il  conserva  ce 
portefeuille  lorsque  M.  Jules  Ferry  remplaça  M.  de  Frey- 
cinet en  qualité  de  président  du  conseil.  Comme  ministre 
de  la  guerre,  le  général  Farre  organisa  l'expédition  de 
Tunisie  dans  de  prudentes  et  sages  conditions.  Sous  son 
ministère,  les  tambours  furent  supprimés  :  ils  furent  d'ail- 
leurs rétablis  peu  après  ;  les  capitaines  d'infanterie  furent 
montés.  Le  général  Farre  quitta  le  ministère  de  la  guerre 
le  14  nov.  4881  ;  il  avait  été  élu  sénateur  inamovible  le 
25  nov.  1880.  P.  Marin. 

FAR R ELLA  (Bryoz.).  Genre  de  Bryozoaires  créé  par 
Ehrenberg  et  appartenant  à  la  famille  des  Vesiculariidge, 
ordre  des  Gymnolsemes  Cténostomes.  Sa  zoœcie  présente 
un  orifice  bilabié,  elliptique  ;  le  polypide  est  dépourvu  de 
gésier  ;  le  zoarium  est  rampant.  L'espèce  Farrella  repens 
est  très  répandue  et  habite  sur  les  carapaces  de  crabes,  les 
coquilles,  les  algues.  L.  C. 

FAR  R  EN  (Elizabeth),  comtesse  de  Derby,  née  à  Cork 
vers  1759.,  morte  à  Knowsley  Park  (Lancashire)  le  23  avr. 
1 829.  Fille  d'un  pharmacien,  elle  manifesta,  dès  son  en- 
fance, beaucoup  de  goût  pour  le  théâtre  et  débuta  avec 
succès  à  Liverpool  à  l'âge  de  quinze  ans.  Colman  l'engagea 
à  Haymarket  où,  sous  le  nom  de  miss  Hardcastie,  elle  fut 
accueillie  très  favorablement  par  le  public.  Elle  tint  les 
rôles  de  Rosetta  dans  le  Bon  Ton  de  Garrick,  de  Rosine 
dans  le  Barbier  de  Sêville,  de  Nancy  Lovel  dans  le  Sui- 
cide de  Colman,  etc.  En  1778,  elle  débutait  à  Drury 
Lane  dans  les  West-Indian,  prenait,  en  1782,  la  succes- 
sion de  Mrs  Abington  et  jouait  tous  les  premiers  rôles  avec 
un  succès  croissant  jusqu'en  1797.  A  cette  date,  miss  Far- 
ren,  jolie,  gracieuse,  distinguée,  avec  les  plus  beaux  yeux 
bleus  du  monde,  épousa  Edward,  douzième  comte  de  Derby, 
qui  l'introduisit  dans  la  plus  haute  société  où  elle  ne  se 
trouva  point  déplacée.  On  a  son  portrait  peint  par  Laurence. 

Bibl.  :  Petronius  Arbiter,  Memoirs  of  the  présent 
countess  of  Derby,  late  miss  Farren  ;  Londres,  1797,  in-4. 
—  The  Testimony  of  truth  to  exalted  Merit,  or  a  Biogra- 
phical  sketch  of  the  Countess  of  Derby;  Londres,  1797, 
in-4.  —  Mrs  Mathews,  Tea-Tuble  Talk  ;  Londres,  1857. 

FA  R  R  E  N  C  (  Jacques-Hippolyte- Aristide  ) ,  professeur, 
critique  et  éditeur  de  musique,  né  à  Marseille  le  9  avr. 
1794,  mort  à  Paris  le  31  janv.  1865.  Il  se  fixa  en  1815 
à  Paris,  où  il  obtint  la  place  de  seconde  flûte  dans  l'orchestre 
du  Théâtre-Italien.  Deux  ans  après,  il  se  livrait  au  pro- 
fessorat et  à  la  composition  de  plusieurs  œuvres  pour  son 
instrument.  Doué  d'une  activité  infatigable,  Farrenc  fonda 
bientôt  une  maison  d'édition,  dont  il  garda  la  direction 
jusqu'en  1841.  En  même  temps,  il  faisait  d'intéressantes 


recherches  sur  l'histoire  de  Part.  Il  devînt  un  précieux  col- 
laborateur de  Fétis  pour  la  deuxième  édition  de  la  Bio- 
graphie universelle  des  musiciens,  Son  meilleur  titre  à 
la  reconnaissance  des  musiciens  est  la  publication  d'un 
magnifique  recueil,  le  Trésor  des  Pianistes,  collection 
des  oeuvres  choisies  des  maîtres  de  tous  les  pays  et  de 
toutes  les  époques,  depuis  le  xvie  siècle  jusqu'à  la  moitié 
du  xixe.  Ce  monument,  élevé  à  la  gloire  des  maîtres  du 
clavecin  et  du  piano,  a  été  achevé  par  Mme  Farrenc.  La 
collection  se  compose  de  vingt-trois  volumes.      Ch,  B. 

FARRENC  (Mme  Jeanne-Louise),  pianiste  et  compositeur 
de  musique,  née  à  Paris  le  31  mai  1804,  morte  à  Paris 
le  15  sept.  1875.  Elle  appartenait  à  une  famille  de  sculp- 
teurs célèbres  :  elle  était  fille  de  Jacques-Edme  Dumont  et 
sœur  d'Auguste  Dumont,  membre  de  l'Institut.  Elève  pour 
le  piano  de  Moschelès  et  de  Hummel,  elle  étudia  l'har- 
monie et  le  contrepoint  sous  la  direction  de  Reicha.  En 
1821,  elle  épousa  Aristide  Farrenc  et  entreprit  avec  lui 
plusieurs  voyages  artistiques  dans  le  nord  et  dans  le  midi 
de  la  France.  Elle  fut  nommée  en  1842  professeur  de  piano 
au  Conservatoire.  Elle  dirigea  sa  classe  jusqu'en  janv.  1873 
et  forma  pendant  ces  trente  ans  d'exercice  une  excellente 
école  de  pianistes.  Mme  Farrenc  était  un  compositeur  de 
talent.  Ses  œuvres,  écrites  dans  la  pure  forme  classique, 
obtinrent  le  suffrage  de  Schumann.  On  en  trouvera  rénu- 
mération complète  dans  la  Biographie  des  musiciens,  de 
Fétis.  Nous  citerons  une  ouverture  en  mi  bémol,  une 
symphonie  en  sol  mineur,  exécutées  en  1840  et  en  1849 
parla  société  des  concerts  du  Conservatoire;  deux  trios 
pour  piano,  violon  et  violoncelle  ;  un  trio  pour  piano,  flûte 
et  violoncelle  ;  un  nonetto.  Esprit  remarquable,  Mme  Farrenc 
a  exercé  une  grande  influence  sur  son  neveu  Ernest  Reyer, 
au  début  de  la  carrière  de  l'auteur  de  Sigurd.     Ch.  B. 

FARRERAS  (Le  P.  Pedro-Pascal),  moine  et  musicien 
espagnol,  né  à  Badalona  (province  de  Barcelone)  en  1775, 
mort  dans  les  derniers  jours  de  juin  1849.  Il  entra  à  l'âge 
de  seize  ans  dans  l'ordre  de  la  Merci,  au  couvent  de  la 
Berga  ;  il  apprit  à  jouer  de  divers  instruments,  et  ses  supé- 
rieurs le  mirent  à  la  tête  de  l'école  de  musique  qui  existait 
au  monastère  de  la  Merci  de  Barcelone.  Là,  en  enseignant, 
il  compléta  lui-même  son  éducation  musicale,  et  fit  repré- 
senter par  ses  élèves  des  drames  religieux  de  sa  composi- 
tion, VEnfant  prodigue,  le  Sacrifice  dlsaac.  L'Espagne 
doit  à  son  enseignement  beaucoup  de  bons  artistes  et  de 
professeurs  habiles.  A.  E. 

FARR1NGTON  (Sir  William),  diplomate  anglais  du 
xve  siècle.  Il  servit  en  Aquitaine,  devint  gouverneur  de 
Saintes,  fut  battu  à  Soubise,  vint  au  secours  de  Thouars, 
assiégé  par  les  Français,  puis  rejoignit  le  duc  de  Buckin- 
gham.  En  1376,  il  fut  enfermé  à  la  Tour  pour  avoir  laissé 
échapper  un  des  prisonniers  de  marque  faits  à  la  bataille 
de  Najera.  En  1381,  il  fut  chargé  d'une  mission  auprès  de 
Philippe  d'Artevelde  en  Flandre,  apporta,  en  1382,  en  An- 
gleterre, la  nouvelle  de  la  défaite  de  Rossbeck,  combattit  à 
Dunkerque  et  fut  assiégé  à  Bourbourg.  11  fut  ensuite  en 
Galicie  avec  le  duc  de  Lancastre.  Richard  II  l'envoya  en 
ambassade  en  Portugal  vers  1390.  Henri  IV  le  chargea 
d'une  mission  à  Paris  et  lui  confia,  en  1403,  le  comman- 
dement du  château  de  Fronsac.  Il  s'occupa  d'organiser  et 
de  surveiller  le  trafic  par  mer  entre  Bordeaux  et  l'Angle- 
terre et  devint,  en  1412,  commandant  du  château  de 
Bordeaux. 

FARS  ou  FÂRSISTÂN.  Province  du  S.  de  la  Perse  mo- 
derne, qui  représente  à  peu  près  l'ancienne  province  de 
Persis,  bornée  au  S.  par  le  Laristân,  au  N.-O.  le  Khou- 
zistan  ou  Suziane,  à  l'E.  les  déserts,  à  l'O.  le  golfe  Per- 
sique,  sur  lequel  se  trouve  le  port  de  Bouchir,  Villes 
principales  :  Istakhar,  Darabgird,  Chahpuor,  Chirâz,  Firou- 
zabad,  Kazeroun,  toutes  villes  célèbres  dans  l'antiquité 
et  par  les  découvertes  modernes.  Le  lac  Niris  ou  Bakhta- 
gan,  dans  lequel  tombe  le  fleuve  Kour,  fait  partie  de  cette 
province.  Pour  la  géographie  physique,  politique  et  écono- 
mique, l'histoire,  etc.,  V.  Perse.  Fars  est  la  forme  arabe 


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FARS  —  FASA 


du  mot  Pârça,  la  Perse  des  Achéménides  et  des  Sassanides. 
C'est  le  mot  employé  dans  les  poèmes  persans  et  encore 
aujourd'hui  pour  désigner  la  Perse  chez  tous  les  musulmans. 
La  mer  du  Fars  est  le  golfe  Persique.  E.  Dr. 

FARSAKH.  Nom  persan  delà  parasange  antique.  C'est 
l'unité  de  longueur  servant  à  désigner  les  distances  géo- 
graphiques. La  forme  du  mot  est  arabe  et  a  été  calquée 
sur  le  mot  grec  Hapaaây^-  Suivant  Ibn  Khordadbeh, 
Masoudi  et  la  plupart  des  anciens  auteurs  orientaux,  il  y 
avait  25  farsakhs  au  degré  terrestre  d'après  la  mesure  d'un 
degré  du  grand  cercle  effectuée  vers  820  de  J.-C.  sous  le 
khalife  abbâside  Al-Mamoun,  ce  qui  mettait  le  farsakh  à 
4  kil.  En  Perse  et  dans  tout  l'Iran  la  valeur  de  cette 
unité  de  longueur  était  plus  élevée  ;  encore  aujourd'hui  le 
farsakh  légal  est  de  5,760  m.,  ce  qui  correspond  à  peu 
près  à  la  parasange  d'Hérodote,  laquelle  était  de  30  stades 
ou  5,520  m.  Dans  les  anciens  itinéraires  arabes  on 
comptait  4  farsakhs  pour  le  relais  de  poste  (bérîd),  et 
6  f.  4/2  en  moyenne  pour  la  journée  de  marche.     E.  Dr. 

Bibl.  :  Ibn  Khordadbeh,  éd.  de  Goeje,  1889.  —  Sau- 
vaire,  Numism.  et  métrologie  rnusulm.,  dans  Journ. 
asiat.,  1887. 

FARS  AN.  Iles  de  la  mer  Rouge,  à  50  kil.  de  la  côte  de 
l'Yémen.  L'archipel  comprend  deux  îles  principales  :  Far- 
san el-Kebir  et  Farsan  el-Seghir,  une  douzaine  d'îlots  et 
de  récifs  coralliaires  ;  Farsàn  el-Kebir  a  40  kil.  de  long  ; 
Farsan  el-Seghir,  plus  au  N.,  en  a  30.  La  première  ren- 
ferme le  port  de  Chor-Farsan.  Dans  ces  îles  croissent  des 
dattiers  ;  on  y  trouve  des  gazelles,  des  tortues  ;  on  pêche 
autour  des  perles  et  du  corail. 

FARSCHWILLER  (Farswillers,  1244,  Warswilra, 
4332,  en  allem.  Farschweiler).  Corn,  delà  Lorraine  allem., 
cant.  et  arr.  de  Forbach,  sur  la  ligne  de  Sarreguemines- 
Beningen-Metz  ;  650  hab.  Tissage  de  soie,  fabrication  de 
chapeaux  de  paille,  carrières  de  pierres  calcaires,  belles 
forêts.  —  En  4681,  Farschwiller  faisait  partie  du  comté 
de  Puttelange,  fief  mouvant  du  roi  de  France.  —  A  4  kil. 
à  l'O.,  en  pleine  campagne,  s'élève  une  tour  ronde  à  trois 
étages,  du  xme  siècle,  qui  faisait  partie  d'anciennes  forti- 
fications. L.  W. 

Bibl.:  Bull.de  la  Soc.  oVavchéol,  et  d'hist.  de  la  Mos.,  III, 
pp.  211  et  suiv. 

FARSETTI  (Filippo),  prêtre  et  antiquaire  italien,  né  à 
Venise  le  43  janv.  4705,  mort  le  25  sept.  4774.  Il  fit 
mouler  en  plâtre  les  principaux  chefs-d'œuvre  de  la  sculp- 
ture antique  dispersés  dans  les  divers  musées  de  l'Italie  et 
fit  copier  les  plus  remarquables  peintures  des  maîtres  ita- 
liens de  la  Renaissance.  Le  musée  qu'il  forma  ainsi  fut 
ouvert  au  public  et  décrit  par  l'abbé  Lastesio  sous  ce  titre  : 
Lettre  h  V Académie  de  Cortone  (Venise,  4764,  in-4). 

FÂRS1STÂN  (V.  Fars). 

FARSKY  (François),  agronome  tchèque,  né  à  Ruprech- 
tice  (Bohême)  en  4846.  Il  étudia  la  chimie  à  Prague  et 
devint,  en  4876,  directeur  de  l'Ecole  d'agriculture  de  Tabor. 
Il  s'est  surtout  occupé  de  chimie  agricole  et  a  collaboré  à 
un  grand  nombre  de  recueils  spéciaux  tchèques  ou  alle- 
mands, notamment  aux  Mémoires  de  la  Société  royale  des 
sciences  de  Prague,  de  la  Société  zoologique  et  botanique 
de  Vienne,  etc.  L,  L. 

FARSUND.  Ville  de  Norvège,  district  de  Lister  et  Man- 
dai, à  l'E.  de  la  presqu'île  de  Lister,  sur  le  fjord  de  Far- 
sund  ;  4,500  hab.  ;  bon  port,  avec  une  flotte  de  45  voiliers 
déplaçant  2,300  tonnes.  Il  exporte  près  de  250,000  fr.  de 
poisson  annuellement. 

FARTHING.  Monnaie  anglaise  de  cuivre,  qui  vaut  le 
quart  d'un  penny,  soit  un  peu  plus  de  2  cent,  et  demi. 

FAR UKH ABAT  (V.  Farakarad). 

FARULLl  (Giorgio- Angelo),  historien  italien,  né  vers 
4650,  mort  en  4728.  Il  était  religieux  de  l'ordre  des  cal- 
maldules  et  vécut  principalement  à  Florence.  Ses  ouvrages, - 
très  importants,  intéressent  surtout  l'histoire  ecclésiastique 
et  hagiographique  :  Storia  cronologica  del  nobile  et  an- 
tico  monastero  degli  Angioli  di  Firenze  de  II'  ordine 
Calmaldolese  (Lucques,   4700,  20  vol.  in-4);  Annali 


e  Memone  délV  antica  e  nobile  città  di  San  Sepulcro 
(Foligno,  4743,  in-4);  Annali  di  Arezzo  in  Toscana 
(Foligno,  s.  d.,  in-4);  Vita  délia  B.  Elisabetta  Salviati 
(Bassano,  4723,  in-4).  R.  G. 

Bibl.:  Lombardi,  Storia  délia  letteratura  italiana  nel 
xvm6  secolo;  Modène,  1827-1830,  4  vol.  in-8. 

FARVACQUES  (François),  écrivain  ecclésiastique  belge, 
né  à  Lille  en  4622,  mort  à  Louvain  en  4689.  Il  entra  dans 
l'ordre  des  augustins,  enseigna  pendant  quelque  temps  la 
philosophie  à  Douai,  puis  devint  professeur  de  théologie  à 
l'université  de  Louvain.  Il  défendit  avec  beaucoup  d'érudi- 
tion la  thèse  de  l'infaillibilité  pontificale.  Ses  ouvrages 
théologiques,  Disquisitiones  theologicœ,  ont  longtemps 
fait  autorité  dans  les  séminaires  beiges.  E.  H. 

FARVARDIN  (littéralement  les  Fervers  ou  génies  tuté- 
laires).  Nom  du  premier  mois  de  l'année  persane,  com- 
mençant avec  une  grande  régularité  le  22  ou  le  23  mars 
grégorien.  Déjà  consacré  aux  bons  génies  dans  le  calen- 
drier zoroastrien,  il  a  été  maintenu,  comme  tous  les  autres 
noms  persans  ou  zends,  dans  le  nouveau  calendrier  (en 
4075),  le  Djelal-ed-din  (V.  ce  nom). 

FAR  WEST  (Grand  Ouest,  au  mieux  Ouest  lointain), 
dénomination  générale  qui  fut  appliquée  successivement  à 
diverses  parties  des  immenses  solitudes  de  l'O.  des  Etats- 
Unis,  selon  le  degré  de  peuplement  de  la  partie  orientale 
du  continent.  A  l'époque  coloniale,  le  Far  West  commen- 
çait aux  monts  Alleghanys  et  désignait  les  vastes  prairies 
arrosées  par  l'Ohio  et  ses  affluents  jusqu'au  Mississippi. 
Après  la  guerre  de  l'Indépendance,  lorsque  déjà  la  colo- 
nisation envahissait  les  prairies  du  Tennessee,  du  Ken- 
tucky,  de  l'Ohio  et  de  l'Indiana,  le  Far  West  comprit  la 
vallée  même  du  Mississippi.  Après  4800,  l'expédition  de 
Lewis  et  de  Clarke  fournit  aux  Américains  les  premières 
données  sur  la  nature  et  les  traits  caractéristiques  de 
l'énorme  domaine  que  Jefferson  venait  d'ajouter  au  terri- 
toire fédéral  par  l'acquisition  de  la  Louisiane.  Le  Far  West 
comprit  dès  lors  les  espaces  où  régnaient  les  Sioux,les  Co- 
manches  et  le  bison,  où  devaient  plus  tard  se  former  les 
Etats  de  Kansas,  de  Nebraska,  de  Texas,  puis  le  Territoire 
indien  et  plus  tard  encore  le  Colorado,  le  Wyoming,  le 
Montana  et  le  Dakota.  Après  4850,  on  comprit  sous  l'ap- 
pellation de  Far  West  la  région  entière  des  montagnes  Ro- 
cheuses, le  grand  plateau,  les  déserts  d'Utah,  de  Nevada, 
le  Nouveau-Mexique,  l'Arizona,  l'Idaho,  l'Orégon,  le  Was- 
hington et  la  Californie.  Aujourd'hui  encore,  malgré 
l'avance  constante  de  la  civilisation  et  les  progrès  du  peu- 
plement, le  Far  West  embrasse  plus  de  la  moitié  du  ter- 
ritoire des  Etats-Unis,  depuis  Bismark  et  Glendive  au  N. 
jusqu'à  Paso  del  Norte  etTucson  au  S.,  et  jusqu'à  Los  An- 
geles, San  Francisco  et  Tacoma  à  l'O.  Le  Far  West  n'est 
plus  maintenant  la  solitude  indéfinie  où  erraient  silencieux 
des  bandes  d'Indiens  sauvages,  réfractaires  à  toute  entente 
avec  les  blancs,  et  d'innombrables  troupeaux  de  buffles,  pays 
béni  des  sportsmen  aventureux.  C'est  le  désert  encore, 
mais  traversé  déjà  par  six  grandes  lignes  de  chemins  de 
fer,  courant  parallèlement  de  l'E.  à  l'O.,  et  animé  par  les 
cowboys  des  cattle  ranches,  dans  le  Texas,l'Arkansas  et 
le  Kansas,  par  les  mineurs  du  Colorado,  du  Nevada  et  du 
Montana,  par  le  peuple  mormon  de  l'Utah,  jalonné  de  gar- 
nisons fédérales  et  d'agences  indiennes.  La  Californie  est 
déjà  bien  trop  peuplée  et  civilisée  pour  faire  encore  partie 
du  Far  West,  limité  dans  cette  direction  par  la  sierra  Ne- 
vada. Le  Far  West,  avec  ses  solitudes,  ses  dangers,  ses 
aspects  grandioses,  ses  montagnes  magnifiques,  sa  nature 
gigantesque,  a  créé  toute  une  littérature  :  innombrables 
récits  de  voyages,  explorations  scientifiques,  aventures  de 
sport,  œuvres  d'imagination,  depuis  les  romans  de  Feni- 
more  Cooper  jusqu'aux  contes  de  Bret  Harte.        Aug.  M. 

FA  SA.  Ville  du  Fârsistân,  ou  de  la  Perside  propre- 
ment dite,  à  quatre  journées  à  l'E.  de  Chirâz,  appar- 
tenant au  district  de  Darabdjerd  qui  est  situé  à  33°  de 
lat.  boréale  et  56°  de  long.  E .  de  Paris.  Aujourd'hui,  la 
ville  semble  être  déchue  de  son  ancienne  importance  : 


FASÂ  —  FASCINATION 


—  28  — 


les  voyageurs  "modernes  signalent  pourtant  encore  une 
industrie  considérable  d'étoffes  en  brocart  doré,  en  soie- 
ries et  en  poils  de  chameaux.  Elle  passait  au  moyen  âge 
pour  Tune  des  villes  les  plus  jolies  de  la  Perse,  d'une 
étendue  aussi  grande  que  Chirâz,  mais  avec  des  rues  plus 
longues.  Les  maisons  sont  bâties  en  brique  et  en  bois  de 
cyprès.  Une  citadelle  domine  la  ville  qu'entoure  un  fossé  ; 
au  delà  une  enceinte  court  autour,  et  dans  cet  espace  sont 
contenus  les  marchés.  Une  vieille  tradition  dit  que  le  nom 
de  la  ville  serait  Basa,  ou  Pasâ  qui,  selon  les  Arabes,  signi- 
fierait vent  du  N.  Il  est  possible  que  non  loin  de  Fasâ  se 
trouvât  Pasargades,  la  ville  sainte  des  Perses,  où  les  rois 
furent  couronnés  et  qu'on  a  placée  à  tort  au  N.  de  Persé- 
polis,  bien  à  PO.  de  l'emplacement  que  cette  cité  occupait 
jadis.  Il  est  possible  même  que  le  nom  de  Pasârenne 
du  nom  de  Pasargades,  Paisyâuawâdâ,  à  prononcer  Pai- 
siakhada,  ou  bien  soit  celui  de  la  Pasarracha  de  Ptolémée. 
FASA  NO  (Tommaso),  peintre  de  l'école  napolitaine, 
mort  vers  1700.  Bien  qu'élève  distingué  de  Luca  Giordano, 
il  n'a  laissé  qu'un  petit  nombre  de  fresques.  11  s'est  complu 
et  a  excellé  surtout  dans  de  grandes  compositions  à  la 
détrempe,  destinées  pour  la  plupart  à  décorer  des  saints- 
sépulcres,  des  crèches,  des  expositions  de  saints-sacrements 
et  autres  sujets  d'apparat  religieux. 

FASCE  (Blas.).  Pièce  héraldique  de  première  classe, 
appelée  pièce  honorable  et  occupant  horizontalement  le 
tiers  de  l'écu.  La  maison  de  Béthune  porte  d'argent  à  la 
fasce  de  gueules.  Elle  symbolise  la  cuirasse  ou  la  cein- 
ture du  chevalier.  Une  fasce  peut  être  chargée  d'une  pièce 
ou  figure  quelconque,  accompagnée,  bandée,  frettée,  losan- 
gée,  échiquetée,  componée,  dentelée,  endentée,  engrelée, 
crénelée,  bastillée,  bretessée,  ondée,  vivrée,  etc.,  ce  qu'il 
faut  avoir  soin  d'indiquer  en  blasonnant.  Une  fasce  dimi- 
nuée de  largeur  se  nomme  divise  ou  trangle  ;  en  nombre 
au-dessus  de  quatre,  les  fasces  prennent  le  nom  de  bu- 
relles.  —  Un  écu  peut  être  fascé,  c.-à-d.  couvert  de  fasces. 
Le  fascé-contre-fascé  se  dit  d'un  écu  parti,  c.-à-d.  coupé 
en  deux  parties  égales  couvertes  de  fasces  dont  les  couleurs 
sont  opposées.  On  nomme  fasce-pal,  la  fasce  réunie  à  une 
moitié  de  pal,  c.-à-d.  une  croix  moins  la  partie  inférieure 
ou  supérieure.  D'argent  à  une  fasce-pal  de  gueules. 
FÂSCH  (Rémi),  ou  Feschius  (Remigius)  (V.F^sch). 
FASCH  (Johann-Friedrich),  musicien  allemand,  né  à 
Buttelstadt,  près  de  Weimar,  le  45  avr.  4688,  mort  à 
Zerbst  en  4759  ou  en  4758  (suivant  Zelter).  Il  fut  enfant 
de  chœur*  dans  la  chapelle  du  duc  de  Weissenfels,  puis 
apprit  le  clavecin,  l'orgue  et  l'harmonie  à  la  Thomasschule 
de  Leipzig.  Il  étudia  la  théologie  à  l'université  de  Leipzig 
et  continua  à  Darmstadt  son  instruction  musicale,  après  un 
voyage  en  Italie.  En  4745,  il  fut  greffier  de  la  chambre  à 
Géra,  en  4720  greffier  et  organiste  à  Zeitz.  En  4722,  il 
devint  maître  de  chapelle  du  prince  d'Anhalt-Zerbst  et  se 
fixa  à  Zerbst,  oîi  il  a  écrit  le  plus  grand  nombre  de  ses 
ouvrages.  Ses  compositions  consistent  en  oratorios,  Pas- 
sions, messes,  motets,  concertos  pour  divers  instruments 
(en  particulier  le  hautbois  et  la  flûte),  musique  pour  des 
cantates,  opéras  (entre  autres  Bérénice),  et  quarante-deux 
ouvertures  ou  symphonies.  On  vante  surtout  sa  messe  à 
quatre  voix,  avec  deux  violons,  alto,  violoncelle,  orgue, 
flûte,  trois  hautbois,  deux  cors  et  basson.  A.  E. 

FÂSCH  (Karl-Friedrich- -Christian),  fils  du  précédent,  né 
à  Zerbst  le  48  nov.  4736,  mort  à  Berlin  le  3  août  4800. 
11  était  faible  de  constitution,  et  ses  parents  le  dispen- 
saient de  tout  travail  ;  mais  ses  dispositions  naturelles  pour 
la  musique  se  manifestèrent  si  clairement  qu'on  dut  lui 
laisser  prendre  des  leçons  de  clavecin.  Il  prit  part  à  la 
musique  que  l'on  exécutait  dans  la  chapelle  du  prince 
d'Anhalt-Zerbst.  F.  Benda  le  fit  venir  à  Berlin  comme 
accompagnateur  claveciniste  et  musicien  de  la  chambre  de 
Frédéric  II.  Fasch  alternait  de  mois  en  mois  avec  Charles- 
Philippe-Emmanuel  Bach.  La  guerre  de  Sept  ans  ayant 
obligé  le  roi  à  réduire  les  pensions  qu'il  faisait  à  ses  musi- 
ciens, le  jeune  homme  dut  se  livrer  à  l'enseignement  et 


sa  santé  s'altéra  de  plus  en  plus.  De  plus,  mécontent  de 
lui-même,  il  détruisait  souvent  ses  manuscrits  à  peine 
terminés.  On  le  vit  s'occuper  de  questions  militaires  et 
navales,  imaginer  des  ruses  tactiques,  des  stratagèmes 
bizarres;  chaque  matin,  il  se  proposait  quelques  problèmes 
d'arithmétique  afin  d'apprécier  l'état  de  ses  facultés  et, 
parfois,  pour  une  seule  faute  de  calcul,  il  renonçait  aux 
travaux  les  plus  urgents.  Très  habile  en  son  art,  il  s'im- 
posait fréquemment  des  difficultés  considérables  qu'il  sur- 
montait avec  bonheur  (on  a  de  lui  un  remarquable  canon 
à  cinq  sujets  et  vingt-cinq  voix).  Sa  messe  à  seize  voix, 
d'un  style  à  la  fois  très  rigoureux  et  très  hardi,  très  serré 
d'écriture  et  très  modulant,  parut  inexécutable  aux  chan- 
teurs. C'est  pour  arriver  à  la  faire  apprendre  et  inter- 
préter que  Fasch  fonda  V Académie  de  chant  de  Berlin, 
dont  la  réputation  est  devenue  si  grande.  Fasch  a  composé 
un  opéra,  genre  pasticcio,  intitulé  Vasco  de  Gama;  des 
cantates  spirituelles  ;  douze  chorals  à  quatre,  cinq  et  six 
voix  ;  un  Requiem;  des  psaumes  ;  un  Miserere;  un  canon 
à  quinze  voix  ;  la  fameuse  messe  à  seize  voix,  etc.  Zelter 
fut  le  meilleur  élève  de  Fasch.  Alfred  Ernst. 

Bibl.  :  Zelter,  Karl-Friedrich-Christian  FascWs  Leben; 
Berlin,  1801,  in-4. 

FASCIA  (Anat.).  Terme  fréquemment  employé  pour  dé- 
signer certaines  aponévroses  (V.  ce  mot).  Les  principales 
sont  le  fascia  cribiformis,  portion  de  l'aponévrose  cru- 
rale recouvrant  le  triangle  de  Scarpa  ;  le  F.  iliaca,  apo- 
névrose recouvrant  les  muscles  psoas  el  iliaques  ;  le  F.  lata, 
portion  externe  très  épaisse  de  l'aponévrose  crurale,  qui 
se  continue  en  bas  par  le  ligament  fémoro-cutané  ;  le  F.  su- 
perficialis,  dénomination  parfois  employée  pour  le  tissu 
cellulaire  sous-cutané  ;  le  F.  transversale,  aponévrose  de 
la  face  postérieure  du  muscle  trans verse  de  l'abdomen,  con- 
courant à  la  formation  de  la  paroi  postérieure  du  canal 
inguinal  et  de  la  tunique  fibreuse  du  scrotum  ;  le  F.  umbi- 
licalis,  lame  épaissie  de  tissu  sous-péritoneal  formant  la 
paroi  postérieure  du  canal  de  la  veine  ombilicale  dont  la 
paroi  antérieure  est  formée  par  la  ligne  blanche.  DrL.  Hn. 
FASCIAT10N  (Bot.).  Déformation  des  tiges  et  des  ra- 
meaux qui  prennent  la  forme  aplatie  ou  rubanée  ;  cette 
anomalie  peut  aller  jusqu'à  la  séparation  verticale  ou  par- 
tition d'un  axe  en  deux  ou  plusieurs  parties  qui  se  com- 
portent alors  comme  un  axe  complet.  La  fasciation,  d'après 
Germain  de  Saint-Pierre,  s'applique  également  aux  organes 
appendiculaires,  de  sorte  que  la  partition  serait  aux  or- 
ganes axiles  ce  que  le  dédoublement  serait  aux  organes 
appendiculaires  (feuilles,  fleurs,  etc.).  C'est,  entre  autres, 
à  la  fasciation  qu'il  faut  rapporter  le  phénomène  des  fruits 
doubles  ou  multiples  qu'on  considérait  jadis  comme  soudés. 
FASCICULARIA,FASCICULIPORA(Paléont.)(V.FRON- 
dipora). 

FASC1CULÉES  (Colonnes)  (V.  Colonnes  en  faisceaux). 
FASCINAGE  (Génie).  On  désigne  ainsi  l'opération  qui 
consiste  à  transformer  les  branchages  fraîchement  coupés 
en  matériaux  divers,  fascines,  gabions,  etc.,  servant  à  im- 
proviser des  retranchements,  des  batteries,  des  ouvrages 
de  fortification  ou  des  abris.  Le  terme  fascinage  s'emploie 
aussi  de  ces  matériaux  eux-mêmes,  qui  se  divisent  en  fas- 
cines, en  saucissons,  en  gabions,  en  claies,  suivant  la 
grosseur  des  branchages  mis  en  œuvre  et  selon  les  besoins 
des  troupes  qui  les  confectionnent.  Une  modification  consi- 
dérable à  la  solidité  des  fascinages  tient  à  l'emploi  du  fil 
de  fer  pour  confectionner  les  harts  des  divers  fascinages. 
Les  dimensions  des  fascinages  réglementaires  usités  en 
France,  en  Angleterre,  en  Allemagne,  varient  quelque  peu 
suivant  les  armées  ;  en  France,  les  dimensions  du  gabion 
réglementaire  du  génie  sont  sensiblement  différentes  des 
dimensions  du  gabion  de  l'artillerie.  Le  particularisme  des 
deux  armes  s'affirme  dans  ces  détails  comme  dans  ceux  de 
l'uniforme  ;  les  principes  de  fabrication  sont  d'ailleurs  iden- 
tiques ;  ils  découlent  des  règles  élémentaires  de  l'art  du 
vannier.  P.  Marin. 

FASCINATION  (Méd.).  La  fascination,  d'après  une  défi- 


—  29  — 


FASCINATION  —  FASCIOLAIRE 


nition  toute  récente,  est  une  pratique  qui,  agissant  sur 
l'imagination,  crée,  avec  ou  sans  sommeil,  l'état  psychique 
de  suggestibilité  exaltée.  Considérée  d'une  manière  géné- 
rale, la  fascination  est  une  séduction,  un  éblouissement, 
un  enchantement,  un  charme  qui  empêche  de  voir  juste  et 
de  porter  un  jugement  sain.  Suivant  les  idées  de  nos  pères, 
«  la  fascination  était  un  charme  exercé  par  un  regard  sur 
un  autre  regard  et  doué  d'une  telle  puissance  que  celui  qui 
la  ressentait  ne  pouvait  s'y  soustraire  et  devait  nécessaire- 
ment rester  vaincu  ».  L'acte  en  lui-même  n'a  pas  changé  ; 
l'objet  exerçant  le  charme,  seul,  peut  être  variable  et,  s'il 
est  vrai  que  le  regard,  à  l'expression  duquel  nous  devinons 
parfois  ce  que  l'on  pense,  ce  que  l'on  désire  de  nous,  soit 
l'arme  par  excellence  de  la  fascination,  il  est  certain  que 
d'autres  parties  du  corps  peuvent  avoir,  quoique  à  un 
moindre  degré,  une  réelle  puissance  sur  certaines  imagi- 
nations. D'après  Bernheim,  la  suggestion  domine  l'hypnose  ; 
on  peut  faire  rentrer  dans  la  série  des  phénomènes  hypno- 
tiques toutes  les  pratiques  diverses  qui  agissent  sur  l'ima- 
gination, créant  avec  ou  sans  sommeil  l'état  psychique  de 
suggestibilité  exaltée,  et  la  fascination  est  l'une  d'elles.  On 
peut  être  fasciné  par  un  objet  brillant  ou  par  le  regard  ; 
c'est  le  mode  le  plus  usité.  Donato  l'a  employé  pour  la 
première  fois,  Brémaud  l'a  décrit,  Hansen  l'a  appliqué. 

Procédé,  Donato  ne  prend  le  plus  souvent  que  des 
jeunes  gens.  Il  prie  le  sujet  d'appliquer  la  paume  de  ses 
mains  sur  les  siennes  tendues  horizontalement  et  d'appuyer 
de  haut  en  bas  de  toutes  ses  forces.  Pendant  que  l'attention 
et  la  force  physique  entières  du  sujet  sont  absorbées  dans 
cette  manœuvre,  que  toute  son  innervation  pour  ainsi  dire 
concentrée  vers  cet  effort  musculaire  empêche  sa  pensée 
de  se  distraire,  le  magnétiseur  regarde  vivement  de  très 
près  et  brusquement  le  jeune  homme,  lui  enjoignant  par  le 
geste,  et  au  besoin  par  la  parole,  de  le  regarder  avec  toute 
la  fixité  dont  il  est  capable.  Alors  l'opérateur  reculant  et 
tournant  autour  du  sujet  en  continuant  à  le  fixer  et  à  le 
provoquer  du  regard,  celui-ci,  comme  attiré  et  fasciné, 
le  suit,  l'œil  grand  ouvert,  ne  pouvant  plus  se  détacher  du 
sien.  Une  fois  entraîné  par  une  première  expérience,  la 
simple  fixation  des  yeux  suffit  pour  dominer  le  sujet  ;  il 
n'est  plus  nécessaire  de  faire  appuyer  préalablement  sa 
main  sur  celle  de  l'opérateur.  Il  s'agit  ici  d'une  simple 
suggestion  par  le  geste.  Le  sujet  comprend  par  les  yeux  du 
magnétiseur  que  son  regard  doit  rester  attaché  au  sien  et 
le  suivre  en  tous  lieux  ;  il  se  croit  attiré  vers  lui  :  c'est 
une  fascination  suggestive  psychique  et  nullement  physique. 
Parmi  les  gens  ainsi  fascinés,  comme  parmi  les  sujets 
hypnotisés  par*  un  autre  procédé,  les  uns  subissent  Tin- 
fluence  sans  sommeil  ;  ils  sont  suggestionnés  à  l'état  de 
veille  ;  ils  se  rappellent  après  coup  ce  quils  ont  fait.  Ils  ne 
savent  pas  pourquoi  ils  n'ont  pu  s'empêcher  de  suivre  et 
de  fixer  leur  fascinateur.  Les  autres  ne  se  rappellent  plus 
rien  ;  un  souffle  sur  leurs  yeux  ou  la  simple  parole  a  fait 
disparaître  cet  état.  Ils  ont  été  en  somnambulisme  les 
yeux  ouverts  ;  on  peut  dans  cet  état  les  cataleptiser,  les 
halluciner.  Ils  peuvent  d'ailleurs  être  cataleptisés,  hallu- 
cinés par  la  parole,  le  geste,  l'attitude  qui  leur  est  com- 
muniquée sans  fascination  préalable. 

La  fascination  ne  crée  pas  un  état  spécial  ;  c'est  toujours 
l'hypnose,  la  suggestibilité  exaltée,  provoquée  par  une 
influence  exercée  sur  l'imagination  du  sujet.  Que  cette 
influence  arrive  au  sensorium  par  l'œil,  la  parole,  le  tact 
ou  par  toute  autre  voie,  l'état  psychique  obtenu  est  toujours 
le  même  et  le  degré  d'exaltation  de  la  suggestibilité  dépend 
moins  du  procédé  employé  que  de  l'impressionnabilité  de 
l'individu.  L'automatisme  est  plus  étendu  que  dans  l'hyp- 
notisme ordinaire,  en  ce  sens  que  la  personnalité  du  sujet 
peut  jouer  un  certain  rôle  dans  l'accomplissement  d'actes 
commandés  et  qui  pourraient  être  plus  complexes  que  dans 
la  suggestibilité  par  hypnotisme  ordinaire.  Cet  état  est 
moins  bien  défini  que  ceux  de  la  série  hypnotique  franche, 
et  l'on  peut  dire  que  la  fascination  est  à  la  catalepsie  ce 
que  le  charme  est  au  somnambulisme,  et,  à  l'inverse  de  ce 


qui  existe  dans  ces  deux  états  francs,  le  souvenir  est  per- 
sistant au  réveil.  Il  n'est  pas  possible  d'aller  plus  loin 
dans  l'étude  de  ces  phénomènes  mal  définis  sans  sentir  le 
terrain  s'effondrer  sous  ses  pieds.  On  trouvera  à  l'art. 
Hypnotisme  les  applications  médico-légales  qui  découlent 
de  cette  étude.  Dr  A.  Coustan, 

Bibl.  :  Bernheim,  De  la  Suggestion  et  de  ses  applica- 
tions à  la  thérapeutique;  Paris,  1888.  —  Gilles  de  La 
Tourette,  l'Hypnotisme  et  les  états  analogues  au  point 
de  vue  médico-légal;  Paris,  1887. 

FASCINE  (Fortif.).  On  désigne  sous  ce  nom  des  fagots 
exactement  cylindriques,  composés  de  menus  branchages, 
résidus  de  la  confection  du  gros  fascinage  (saucissons, 
gabions,  claies)  ;  on  exécute  souvent  les  fascines  à  20  centim. 
de  diamètre  et  à  2  m.  de  longueur,  liées  par  quatre  harts 
placés  à  égale  distance  l'un  de  l'autre.  Les  fascines  sont  le 
genre  de  fascinage  le  plus  aisé  à  confectionner,  tant  à  cause 
de  la  petitesse  des  branches  qui  peuvent  y  entrer  que  par 
leur  faible  volume  ;  c'est  aussi  le  plus  facile  à  mettre 
en  œuvre  à  cause  de  sa  légèreté.  C'est  enfin  le  moins 
solide  des  fascinages  et  le  moins  résistant.  On  emploie  les 
fascines  dans  les  batteries  de  siège  pour  couronner  les 
gabions  qui  revêtent  le  talus  intérieur  des  parapets.  On  se 
sert  encore  des  fascines  dans  le  cas  où  il  convient  de 
constituer  des  digues  pour  le  passage  des  fossés  pleins 
d'eau.  Quand  les  dimensions  des  branchages  composant 
la  fascine  sont  notables  et  quand  la  fascine  elle-même 
devenant  plus  longue  et  plus  grosse  cesse  de  pouvoir  être 
portée  aisément  par  un  seul  individu,  elle  change  de  des- 
tination :  on  lui  attribue  alors  de  préférence  la  désignation 
de  saucisson.  P.  Marin. 

Fascine  goudronnée  (V.  Artifices,  t.  IV,  p.  15). 
F  AS  G 1 0  LA  (Zool.) .  Ce  mot  a  été  employé  en  zoologie  pour 
désigner  un  grand  nombre  d'animaux  n'ayant  aucun  lien  de 
parenté  réelle  entre  eux.  Cependant,  ils  semblent  devoir 
être  rattachés  tous  aux  Turbellariés,  aux  Trématodes,  et 
quelquefois  aussi  aux  Némertes.  Ce  n'est  que  peu  à  peu 
que  l'on  est  arrivé  à  débrouiller  ce  chaos,  et  à  répartir 
selon  leurs  affinités  les  différents  types  qui  se  trouvaient 
confondus  sous  cette  vague  dénomination.  Pour  n'en  donner 
que  quelques  exemples,  nous  citerons  O.-F.  Millier,  qui 
désignait  sous  le  nom  de  Fasciola  terrestris  une  Planaire 
terrestre  (rangée  actuellement  dans  les  Turbellariés,  famille 
des  Geoplanidse),  puis  sous  le  nom  de  Fasciola  divers  Tré- 
matodes (actuellement  Distoma,  Douve  du  foie),  et,  tou- 
jours sous  le  même  nom,  une  Némerte  (du  genre  Cere- 
bratulus,  C.  marginatus  Renier).  On  voit  à  quel  degré 
d'hétérogénéité  en  était  arrivé  le  genre  Fasciola.  Aussi 
n'est-il  pas  étonnant  que  la  réaction  ait  été  extrême,  et  le 
démembrement  poussé  à  un  tel  point  qu'il  ne  reste  plus 
rien  de  ce  genre  autrefois  si  vaste.  Il  est  actuellement 
fort  difficile  de  préciser  à  qui  revient  historiquement  le 
nom  de  Fasciola  parmi  les  groupes  qui  viennentS^être 
cités ,  et  aussi  il  n'en  est  aucun  qui  ne  le  porte  sans 
conteste.  L.  Jourin. 

FASCIOLAIRE.  I.  Malacologie.  —  Genre  de  Mol- 
lusques Gastéropodes,  de  l'ordre  des  Prosobranches-Pecti- 
nibranches,  établi  par  Lamarck  en  1799,  pour  un  animal 
obtus  en  arrière,  à  siphon  peu  saillant,  à  corps  robuste 
supporté  par  un  pied  quadrilatéral,  à  tentacules  courts, 
portant  les  yeux  sur  un  renflement  basai;  coquille  de 
grande  taille,  fusiforme,  à  spire  élevée,  lisse  ou  tubercu- 
leuse. L'ouverture,  de  forme  ovale-oblongue,  se  termine 
en  avant  par  un  canal  de  longueur  variable,  un  peu  arqué  ; 
columelle  arquée,  munie  à  la  base  de  deux  à  trois  plis 
obliques;  bord  externe  strié  intérieurement.  —  Sections  : 
1°  Fasciolaria  {sensu  stricto)  :  coquille  de  taille  moyenne, 
à  surface  lisse. Ex.  :  Fasciolaria  tulipa  Linné;  2°  Pieu- 
ropoca  Fischer,  1884  :  coquille  épaisse,  plus  ou  moins 
carénée  et  munie  de  côtes  et  de  nodules.  Ex.  :  Fasciolaria 
trapezium  Linné.  Les  Fasciolaires  habitent  presque  toutes 
les  mers  ;  elles  ont  été  surtout  observées  en  Australie, 
dans  les  Antilles,  sur  les  côtes  de  l'Asie,  dans  la  Méditer- 
ranée. L  Mab. 


FASCIOLAIRE  -  FASSOLO 


-  30 


IL  Paléontologie  (V.  Fuseau  [Fusils]). 

FASCIPORA  (Paléont.)  (V.Frondipora). 

FASHION.  Mot  d'importation  anglaise,  synonyme  de 
mode.  C'est  le  mot  français  façon,  corrompu  dans  sa  pro- 
nonciation et  son  orthographe  et  pris  dans  une  acception 
restreinte.  Ce  retour  d'un  vocable,  défiguré  et  altéré  dans 
sa  signification,  à  la  langue  d'où  il  est  originaire,  est  un 
fait  philologique  assez  fréquent.  Les  moralistes  anglais  du 
xvme  siècle  sont  pleins  de  réflexions  critiques  sur  la  fashion 
et  de  portraits  satiriques  de  l'homme  fashionable.  L'homme 
fashionable  à  cette  époque  était  non  seulement  l'élégant, 
mais  encore  et  surtout  le  viveur  et  le  roué  du  grand 
monde,  de  ce  qu'on  a  appelé  plus  tard  le  high  life  (notons 
en  passant  que  cette  expression,  si  répandue  en  France, 
est  à  peine  usitée  chez  les  Anglais).  L'introduction  du  mot 
fashion  dans  notre  littérature  et  notre  langage  courant 
date  du  premier  quart  de  ce  siècle,  lorsque  Béranger  chan- 
tait {le  Bon  Français,  mai  4  84  4)  : 

Redoutons  l'anglomanie  ; 
Elle  a  déjà  gâté  tout, 

et  que  Frédéric  Soulié  caractérisait  assez  justement  «  cette 
manie  de  beaucoup  de  gens  qui,  ne  pouvant  pas  être  de 
leur  pays  parce  qu'ils  n'en  ont  ni  les  grâces,  ni  l'esprit, 
ni  le  savoir-vivre,  se  font  anglomanes  pour  être  quelque 
chose  »  [Mystères  de  province,  I).  C'était  le  temps  où 
le  beau  Brummel,  fuyant  ses  créanciers  de  Londres,  appor- 
tait en  France  les  traditions  du  dandysme,  que  représenta 
avec  tant  d'éclat  le  gendre  de  lady  Blessington,  le  fameux 
comte  d'Orsay,  et  dont  Barbey  d'Aurevilly,  qui  en  écrivit 
le  code,  fut  le  dernier  fidèle  parmi  nous.  On  donnait  aussi, 
vers  1838  et  jusque  sous  le  second  Empire,  le  nom  de  lions 
et  de  lionnes  aux  élégants  et  aux  élégantes  du  grand 
monde.  Cependant  Mme  de  Girardin,  dans  une  de  ses 
chroniques  qui  ont  rendu  célèbre  le  pseudonyme  de  vicomte 
de  Launay,  distingue  subtilement  le  lion  du  dandy '  :  «  Le 
dandy  est  celui  qui  veut  se  faire  voir,  le  lion  est  celui  qu'on 
veut  voir  ;  la  merveilleuse  est  celle  qui  cherche  tous  les 
plaisirs,  la  lionne  est  celle  que  toutes  les  fêtes  réclament 
et  sans  laquelle  il  n'est  point  de  plaisir.  »  Mais,  en  somme, 
beaux,  muguets,  incroyables,  merveilleux,  dandies, 
lions,  gommeux,  petits  crevés  et  boudinés  ne  sont  que 
des  variétés  du  fashionable  ;  car  tout  en  eux,  jusqu'aux 
dénominations  plus  ou  moins  bizarres  dont  on  les  étiquette, 
relève  de  la  mode,  qui  n'est  autre  que  la  fashion.  B.-H.  G. 
FASOGH  (V.  Férule). 

FASOLATO  (Agostino),  sculpteur  vénitien  du  xvne  siècle. 
Très  habile  à  tailler  et  à  fouiller  le  marbre,  il  s'est  appliqué 
principalement  à  exécuter  en  ce  genre  de  véritables  tours 
de  force  :  tel  est,  à  Padoue  (palais  Trento-Pappafava), 
son  fameux  groupe  de  la  Chute  des  anges,  composé  de 
60  figures  nues,  espèce  de  bloc  pyramidal  de  3  m.  de  haut, 
où  s'enchevêtrent  dans  les  poses  les  plus  extraordinaires 
une  quantité  de  corps,  de  têtes,  de  jambes,  de  bras,  et  où 
cependant  chacjue  personnage  se  détache  en  un  relief  à  part 
et  offre  un  fini  d'exécution  remarquable.  Outre  un  second 
groupe  de  même  sorte,  qui  fut  pris  en  mer  par  des  pirates 
barbaresques  et  dont  le  sort  est  resté  ignoré,  Fasolato  a 
exécuté  un  troisième  ensemble  de  figures  plus  grandes, 
V Enlèvement  des  Sabines,  où  se  retrouve  également  le 
goût  maniéré  du  temps.  E.  Gourdault. 

FASOLD  (Myth.  germ.).  Géant  des  vieilles  légendes 
allemandes  qui  succombe  avec  son  père  Ecke  devant 
Dietrich  de  Bern;  une  autre  version  en  fait  l'allié  du 
héros  contre  un  dragon. 

FASOLO  (Lorenzo),  ditLoRENzo  ou  FASOLO  da  Pavia, 
peintre  italien  de  l'école  lombarde,  né  à  Pavie,  mort  à 
Gênes  en  4520.  On  ignore  de  qui  il  fut  l'élève.  Il  travail- 
lait en  4490  à  Milan,  Il  y  a  de  lui,  au  Louvre,  une  Sainte 
famille,  portant  la  date  de  4543,  et,  à  Santa  Chiara,  de 
Chiavari,  une  Descente  de  croix,  de  4508. 

FASOLO  ou  FASSOLO  (Bernardino),-  peintre  italien  de 
la  première  moitié  du  xvie  siècle,  né  à  Pavie,  et  élève  de 
Léonard  de  Vinci.  Il  y  a  de  lui  au  Louvre,  où  elle  a  passé 


de  la  galerie  Braschi,  une  gracieuse  Madone  a  V enfant 
assise  sur  son  trône,  qui  porte  sa  signature  :  Bernardinus 
Faseolus  de  Papia,  avec  la  date  de  4548,  et  à  Berlin  une 
Sainte  Famille  également  remarquable. 

FASOLO  (Gian-Antonio),  peintre  italien,  né  à  Vicence  en 
1528,  mort  à  Vérone  en  4572.  Elève  de  Zeloti  et  de  Paul 
Véronèse,  mais  procédant  plutôt  de  ce  dernier,  il  a  excellé 
surtout  dans  les  sujets  allégoriques.  Il  y  a  de  lui,  à  San 
Rocco  de  Vérone,  une  œuvre  remarquable,  la  Piscine,  et, 
dans  la  galerie  royale  de  Dresde,  un  beau  portrait  :  Une 
Femme  vêtue  de  blanc. 

FASSA  (Val  de).  Vallée  du  Tirol.  Elle  fait  partie  de  la 
capitainerie  de  Cavalese;  elle  est  entourée  d'Alpes  dolomi- 
tiques  et  est  fort  riche  en  minéraux  intéressants.  Ses 
habitants  sont  des  Ladins.  La  principale  localité  est  le 
village  de  Vigo. 

FASSBIND  (Thomas),  historien  suisse,  originaire  de 
Schwytz,  né  en  4725,  mort  en  1824.  Il  fut  curé  de  Schwytz 
depuis  4803  jusqu'à  son  décès.  Bien  des  années  après  sa 
mort  (Schwytz,  4832-38),  le  curé  de  Gersau,  Caspar  Ri- 
gert,  fit  paraître  dans  sa  forme  définitive  en  5  vol.  son  His- 
toire du  canton  de  Schwytz  depuis  sa  fondation  jusqu'à 
V établissement  de  la  République  helvétique  en  1198. 

FASSETT  (Mme  Adèle),  peintre  américain  contemporain, 
née  à  Owasco  (New  York)  en  4834.  Cette  artiste,  dont 
la  spécialité  est  le  portrait,  étudia  l'aquarelle,  à  New  York 
sous  la  direction  de  l'Anglais  Bondesford  et  la  peinture  à 
l'huile  à  Paris,  sous  celle  de  Castigîione  et  de  Matthieu. 
Elle  passa  ensuite  deux  ans  à  Rome  et  revint  en  Amérique. 
Elle  s'établit  à  Chicago.  Pendant  vingt  ans  qu'elle  y  sé- 
journa, elle  fit  de  nombreux  portraits,  entre  autres  celui 
de  l'illustre  sculpteur  italien  Vincenzo  Vêla.  En  4875, 
elle  s'établit  à  Washington  ;  le  talent  précis  et  vigoureux 
de  cette  artiste  lui  a  valu  une  grande  renommée  locale.  Ad.  T. 

FASSETTI  (Giovanni-Battista),  peintre  de  l'école  mo- 
dernise, né  à  Reggio  (Emilie)  en  4686,  mort  après  4772. 
D'abord  au  service  de  Giuseppe  Dallamano  en  qualité  de 
simple  broyeur  de  couleurs,  il  n'aborda  qu'à  vingt-huit  ans 
la  carrière  artistique,  et,  au  contact  de  son  second  maître, 
Francesco  Bibbiena,  il  acquit  un  talent  remarquable  de 
décorateur. 

FASSI  (Guido,  ou  del  Conte),  peintre  italien,  né  en 
4584  à  Carpi,  près  de  Modène,  mort  en  4649,  inventa  le 
mélange  gypseux  dit  scagliola.  Il  y  a  de  lui  dans  sa  ville 
d'origine  deux  autels  de  sélénite  et  de  gypse  calcaire. 

FASSIN  (Nicolas-Henri- Joseph  de),  peintre  belge,  né  à 
Liège  le  20  avr.  4728,  mort  à  Spa  le  24  janv.  4844.  Il 
commença  par  exercer  le  métier  des  armes,  quoiqu'il 
aimât  beaucoup  la  peinture.  Son  père  était  bourgmestre  et 
échevin  de  sa  ville  natale.  Il  débuta  (4748)  comme  mous- 
quetaire gris  de  Louis  XV  et  fut  commandant  de  cavalerie. 
Mais  son  goût  pour  les  arts  l'emporta  (4754);  il  reprit  la 
palette,  quitta  Anvers  à  l'âge  de  quarante  ans,  après  avoir 
étudié  Rubens  et  Van  Dyck,  alla  en  Italie,  où  il  se  fami- 
liarisa avec  les  maîtres  italiens,  vint  se  fixer  à  Genève, 
fit  à  Ferney  le  portrait  de  Voltaire  et  rentra  à  Liège.  Il 
participa  à  la  création,  dans  cette  ville,  d'une  Académie  de 
dessin,  de  peinture  et  de  sculpture,  dont  on  le  nomma  di- 
recteur. Ce  poste  contenta  son  ambition.  Catherine  II 
voulut  le  lui  faire  abandonner  et  lui  offrit  les  conditions  les 
plus  avantageuses  pour  qu'il  s'installât  à  Saint-Péters- 
bourg. Fassin  refusa,  habita  successivement  Bruxelles  et 
Liège,  et  passa  les  dernières  années  de  son  existence  à  Spa. 
Ce  fut  un  remarquable  paysagiste,  ayant  de  l'originalité, 
de  la  variété  dans  les  compositions  et  un  dessin  correct. 
Malheureusement  son  coloris  laisse  fort  à  désirer,  et  n'est 
ni  chaud  ni  vigoureux.  Ses  tableaux  se  trouvent  principa- 
lement à  Liège.  On  cite  comme  des  chefs-d'œuvre  ses 
copies  de  Both  et  de  Berghem.  Chàllàmel. 

Bibl.:  Van  Hulst,  Notice  biographique  sur  Fassin; 
Liège,  1838,  in-8.  —  Becdelièvre-Hamal,  Biographie  lié' 
geoise. 

FASSOLO  (Bernardino)  (V.  Fasolo). 


—  31    - 


FASTER  —  FATALISME 


FASTER  (Pierre),  agitateur  tchèque,  né  à  Domazlice 
(Taus)  en  4801,  mort  à  Prague'  en  1864.  En  1848,  il 
tenait  à  Prague  le  Café  tchèque-slave  qui  fut  le  rendez- 
vous  des  patriotes.  Il  fit  partie  des  deux  députations  en- 
voyées à  Vienne  pour  réclamer  les  franchises  du  royaume 
de  Bohême  et  les  droits  de  la  nationalité  tchèque.  Il  devint 
ensuite  membre  du  comité  national  et  du  conseil  muni- 
cipal. Quand  survint  la  réaction  il  fut  jeté  en  prison.  Après 
1850,  il  reprit  son  métier  de  cafetier.  En  1849,  ses  com- 
patriotes lui  avaient  voté  une  récompense  nationale  qui  ne 
lui  fut  jamais  décernée.  L.  L. 

FASTES.  Nom  donné  par  les  Romains  aux  jours  (dies 
fasti)  où  il  était  permis  de  vaquer  aux  affaires  publiques, 
notamment  de  tenir  les  tribunaux  et  les  assemblées  poli- 
tiques ;  on  les  opposait  aux  jours  néfastes  ou  de  chômage. 
Le  motif  de  ces  distinctions  était  religieux.  Le  collège  des 
pontifes  (V.  ce  mot)  fut  chargé  de  dresser  la  liste  des  jours 
qualifiés  de  l'une  ou  l'autre  manière,  réservés  aux  fêtes 
religieuses,  laissés  aux  affaires,  etc.  Ce  catalogue  avait 
une  grande  importance  puisqu'il  réglait  la  vie  de  la  cité. 
Les  pontifes  établirent  des  catégories  précises,  distin- 
guant les  féeries  statives,  fêtes  revenant  chaque  année  à 
la  même  date  ;  les  féeries  indictives  ou  mobiles,  dont 
chaque  fois  un  magistrat  revêtu  de  Yimperium  détermi- 
nait la  date  ;  celles-ci  étaient  usuelles  (conceptivœ)  ou 
exceptionnelles  (imperativœ).  Tous  les  jours  fériés  étaient 
néfastes  ;  la  justice  ne  fonctionnait  pas.  On  distinguait  plu- 
sieurs catégories  de  jours  néfastes,  selon  qu'il  y  avait  ou 
non  des  fêtes  et  réjouissances  publiques.  De  plus,  certains 
jours  étaient  regardés  comme  funestes,  les  jours  des  morts 
(dies  religiosi),  les  anniversaires  fâcheux,  etc.  Le  public 
considérait  comme  tels  plusieurs  jours  dont  la  qualification 
n'était  pas  imposée  par  le  calendrier  officiel.  De  même,  on 
distinguait  parmi  les  jours  fastes  (dies  prof  asti)  :  les  jours 
comitiaux  (comitiales) ,  où  les  magistrats  pouvaient  tenir 
leur  tribunal  et  convoquer  les  assemblées  politiques  ;  les 
jours  fastes  ordinaires  où  l'on  ne  pouvait  qu'ouvrir  les  tri- 
bunaux ;  les  jours  scindés  (scissï),  fériés  le  matin  seule- 
ment, fastes  le  reste  du  temps  ;  les  jours  entrecoupés  (en- 
doter  cisï),  néfastes  le  matin  et  le  soir,  mais  fastes  dans 
l'intervalle.  Enfin  les  Nundines  étaient  dans  une  situation 
mal  définie.  On  trouvera  des  détails  complémentaires  dans 
l'art.  Fête. 

Le  nom  de  fastes  fut  étendu  au  catalogue  des  jours  fastes 
et  néfastes,  c.-à-d.  au  calendrier.  Pour  le  désigner,  fasti 
était  le  nom  officiel;  celui  de  calendarium,  qui  prévalut 
dans  l'usage,  vint  de  ce  que  le  programme  de  chaque  mois 
était  annoncé  aux  calendes.  Le  calendrier  pontifical  indi- 
quait les  dates  des  fêtes,  jeux,  sacrifices,  foires  périodiques, 
anniversaires,  etc.  ;  il  se  grossit  de  notices  relatives  à  ces 
événements,  aux  faits  historiques,  naissances,  décès,  au 
cours  des  astres,  etc.  En  particulier,  on  y  joignit  naturel- 
lement l'indication  des  magistrats  éponymes,  lesquels  à  Rome 
étaient  les  consuls,  puis  on  appliqua  le  nom  de  fastes  aux 
listes  des  magistrats  ayant  successivement  revêtu  les  ma- 
gistratures, consuls,  censeurs,  dictateurs,  prêtres.  Le  second 
sens  du  mot,  calendrier  religieux,  est  celui  où  le  prend 
Ovide,  dont  le  poème  des  Fastes  est  une  description  poé- 
tique de  la  première  moitié  de  l'année,  avec  détails  sur  le 
cours  des  astres,  le  caractère  de  chaque  jour,  l'origine  et 
la  nature  des  fêtes.  Plusieurs  fastes  ou  calendriers  gravés 
dans  les  pierres  ou  le  marbre  nous  ont  été  conservés.  Ils 
sont  imprimés  au  1. 1  du  Corpus  inscriptionum  latina- 
rum  (Berlin,  1863)  et  sont  analysés  dans  l'art.  Calendrier 
(t.  VIII,  pp.  904-906),  où  l'on  trouvera  la  reproduction  du 
principal,  le  Calendarium  Maffeianum;  les  autres  sont 
le  Calendarium  Prœnestinum  de  Verrius  Flaccus  (jan- 
vier, avril  et  décembre),  trouvé  en  1770  à  Preneste,  publié 
par  Foggini  en  1779;  Calendarium  Vaticanum  (mars, 
avril,  août),  Farnesianum  (février  et  mars),  Venusinum 
(mai,  juin),  Esquilinum  (mai  et  juin),  etc.,  sans  parler 
des  calendriers  administratifs  deDionysius  Philocalus  (ives. 
ap.  J.-C.)  et  de  Poîemius  Sylvius,  remanié  par  les  chrétiens. 


Les  listes  de  magistrats,  également  désignées  par  ce  mot 
de  fastes,  nous  ont  été  conservées  en  partie  par  des  ins- 
criptions :  les  fastes  consulaires  reproduits  à  l'art.  Consul 
(t.  XII,  pp.  742  et  suiv.),  les  fastes  dictatoriaux,  censo- 
riaux,  sacerdotaux,  la  nomenclature  des  triomphes  (Fasti 
triumphales).  Les  plus  importants  fragments  ont  été  dé- 
terrés à  Rome,  près  du  Forum,  auxvie°et  au  xixe  siècle  et 
sont  conservés  au  musée  du  Capitole,  d'où  l'appellation  de 
fastes  capitolins.  Edités  par  Borghèse  (Milan,  1818  et 
suiv.,  2  vol.),  par  Baiter  (Zurich,  1838),  par  Heuzen,  dans 
le  Corpus,  ils  ont  donné  lieu  à  de  nombreux  travaux,  no- 
tamment ceux  de  Boor  sur  les  Fasti  censorii  (Berlin,  1 873) , 
Wehrmann  sur  les  Fasti  prœtorii  (Berlin,  1875)  ;  Kauf- 
mann,  Die  Fasten  der  spœtern  Kaiserzeit  (Gœttingue, 
1874).  A.-M.  B. 

FASTI Dl US,  écrivain  ecclésiastique  de  la  première 
moitié  du  ve  siècle.  Tout  ce  qu'on  sait  de  sa  vie  provient 
d'une  phrase  de  Gennadius  (Catalog.  vir.  UL,  c.  lvi), 
dont  le  texte  est  controversé.  Suivant  ce  qui  paraît  être  la 
meilleure  leçon,  Fastidius  serait  un  Celte  anglais  (Brito), 
auteur  d'un  traité  De  Vita  christiana  et  de  viduitate  ser- 
vanda  ;  cet  opuscule,  d'abord  confondu  avec  les  œuvres  de 
saint  Augustin  (éd.  de  Louvain,  t.  IX,  p.  888),  a  été  édité 
par  L.  Holstenius  (Rome,  1663,  in-8).  Le  contenu  répond 
au  titre  ;  le  fond  doctrinal  est  teinté  de  pélagianisme.  — Le 
surnom  de  Priscus  et  le  titre  d'évêque  attribués  à  Fastidius 
reposent  sur  une  mauvaise  leçon  lue  différemment.  F. -H.  K. 
FASTI ER  (Pêche).  Nom  donné  au  bateau  qui  porte  un 
farillon  dans  la  pêche  aux  anchois  au  moyen  de  la  rissole 
(V.  ces  mots). 

FASTI  N G  (Claus),  littérateur  dano-norvégien,  né  à 
Bergen  en  1746,  mort  le  25  déc.  1791.  Après  avoir  vécu 
neuf  ans  à  Copenhague  comme  précepteur,  maître  de 
musique,  traducteur,  journaliste,  il  se  fixa  dans  sa  ville 
natale  (1777),  y  rédigea  d'une  plume  alerte  et  humoris- 
tique les  Provvndsialblade  (1778-81),  gazette  qui  a  plus 
contribué  à  faire  vivre  son  nom  qu'à  lui  procurer  le 
nécessaire.  Il  dut  entrer  au  magistrat  de  Bergen  (1783) 
et  y  devint  conseiller  (1787).  Admirateur  de  Voltaire  et 
nourri  de  la  littérature  française,  ifécrivit  sans  succès 
pour  le  théâtre  (la  Fête  de  Pan,  Bergen,  1770  ;  Her- 
mione,  Copenhague,  1772  ;  les  Actionnaires,  Bergen, 
1797,  et  d'autres  pièces  inédites);  des  Contes  origi- 
naux en  danois  (1772)  ;  mais  ses  meilleurs  titres  litté- 
raires sont  ses  remarquables  critiques  publiées  dans  divers 
journaux  et  ses  épigrammes  plus  spirituelles  que  mordantes 
et  qui  passent  pour  être  les  meilleures  des  littératures  sep- 
tentrionales. Un  choix  de  ses  écrits  avec  une  notice  sur 
lui,  a  été  publiée  parL.  Sagen  (Bergen,  1837).  B-s. 
FASTOLF  (V.  Falstaff). 

FASTOVO.  Ville  de  Russie,  dans  le  gouvernement  de 
Kiev  (district  de  la  Vasilkov),  sur  la  ligne  de  Kiev  à  Jme- 
rinka;  3,500  hab. 

FASTRADE,  femme  de  Charlemagne,  morte  à  Franc- 
fort le  10  août  794.  Originaire  de  la  Germanie,  elle 
avait  épousé  Charlemagne  à  Worms,  en  783,  après  la 
mort  d'Hildegarde.  L'historien  de  Charlemagne,  Eginhard, 
reproche  à  Fastrade  d'avoir  été  dure  et  hautaine  et  d'avoir 
exercé  sur  son  époux  une  funeste  influence.  Ce  serait  sa 
cruauté  qui  aurait  déterminé  contre  Charlemagne  divers 
complots  :  celui  du  comte  germain  Hardrad  en  786,  celui 
de  Pépin,  fils  du  roi,  en  792.  Fastrade,  jeune  encore,  fut 
ensevelie  dans  l'église  de  Saint-Alban  à  Mayence.  Théo- 
dulf,  évêque  d'Orléans,  composa  une  épitaphe  métrique 
pour  son  tombeau.  Charlemagne  avait  eu  de  Fastrade 
deux  filles  :  Théodrade,  qui  devint  abbesse  d'Argenteuil, 
et  Hiltrude.  C.  Bayet. 

FATA  Morgana  (V.  Mirage  etMoRGANE). 
^  FATALISME,  FATALITÉ.  On  appelle  fatalisme  le  sys- 
tème qui  soumet  tous  les  événements  du  monde  à  la  fata- 
lité; par  conséquent,  en  expliquant  ce  qu'on  entend  par 
fatalité,  nous  aurons  par  là  même  expliqué  ce  que  c'est 
que  le  fatalisme.  La  fatalité  est  le  nom  donné  par  les  anciens 


FATALISME  —  FATIGUE 


32  — 


à  la  force  supérieure  et  souveraine  qui,  d'après  eux,  pro- 
duisait tous  les  événements.  Cette  fatalité  était  l'œuvre 
propre  du  destin,  fatum,  et  par  conséquent,  pour  bien 
comprendre  sa  nature,  il  faut  se  rapporter  au  mot  Destin. 
La  fatalité  exprime  ainsi  la  dépendance  où  se  trouvent  vis- 
à-vis  du  destin  tous  les  phénomènes  de  l'univers,  et  c'est 
la  croyance  à  une  telle  fatalité  qui  constitue  le  fatalisme. 
Le  fatalisme  croit  donc  que  rien  dans  le  monde  n'est  au 
pouvoir  de  l'homme,  et  qu'une  puissance  supérieure  et 
mystérieuse  accomplit  tous  les  événements.  Le  fatalisme 
supprime  donc  le  libre  arbitre,  et,  par  là,  il  se  rapproche 
du  déterminisme.  Il  y  a  cependant  entre  le  fatalisme  et  le 
déterminisme  cette  différence  que  le  déterminisme  professe 
que  tout  phénomène  est  invariablement  lié  aux  phénomènes 
antécédents,  de  sorte  que  le  cours  de  la  nature  est  inva- 
riable, fixé  une  fois  pour  toutes  et  que  nulle  perturbation 
ne  peut  s'y  introduire  du  dehors,  tandis  que  le  fatalisme 
enseigne  qu'une  puissance  extérieure  aux  phénomènes  peut 
toujours  intervenir  de  façon  à  substituer  après  tel  ou  tel 
phénomène,  à  la  place  du  phénomène  qui  normalement 
devrait  se  produire  d'après  le  cours  ordinaire  de  la  nature, 
tel  ou  tel  autre  phénomène  impossible  à  déterminer  et  à  pré- 
voir. Le  déterminisme  change  le  sens  des  notions  morales, 
et  beaucoup  de  philosophes  soutiennent  qu'il  finit  par  les 
supprimer  ;  mais  du  moins  il  conserve  la  science.  L'ordre 
de  la  nature  étant  fixe  et  invariable,  on  peut  le  connaître 
et  prévoir  les  conséquents  lorsqu'on  connaît  les  antécédents. 
Mais  avec  le  fatalisme  il  en  va  tout  autrement.  Une  possi- 
bilité de  perturbation  menace  continuellement  l'ordre  natu- 
rel. On  ne  peut  plus  rien  connaître  ni  rien  affirmer.  Un 
phénomène  quelconque  peut  succéder  à  un  phénomène  quel- 
conque; toute  science  devient  impossible.  Cela  tient,  ainsi 
que  l'a  remarqué  justement  M.  Fouillée  (la  Liberté  et  le 
Déterminisme,  2e  édit.),  à  ce  que  le  fatalisme  ne  supprime 
le  libre  arbitre  dans  l'homme  que  pour  le  transporter  dans 
la  puissance  mystérieuse  qui  domine  et  régit  l'univers, 
s'en  sert  comme  d'un  jouet  et  le  fait  servir  à  tous  ses 
caprices.  G.  Fonsegrive. 

FAT-CHAN  ou  FO-CHAN.  Ville  de  Chine,  prov.  de 
Kouang-toung,  district  de  Nan-haï,  à  environ  16  kil.  de 
Canton;  après  cette  capitale,  la  plus  importante  de  la 
province.  Ce  grand  marché  se  trouve  sur  les  bords  d'un 
cours  d'eau,  animé  par  la  présence  d'un  nombre  considé- 
rable de  bateaux-fleurs,  qui  réunit  le  Si-kiang  au  Tchou- 
kiang,  par  le  bras  de  San-choui.  Grand  commerce  de  soies, 
de  nattes,  de  quincaillerie,  qui  a  fait  comparer  Fat-chan  à 
Shefîield  ;  de  poteries,  etc.  Le  P.  Bouvet  (1693)  dit  :  «  Envi- 
ron à  quatre  lieues  de  Quang-tcheou,  nous  passâmes  par 
Fochan,  un  des  plus  gros  bourgs  de  la  Chine,  où  l'on  pré- 
tend qu'il  y  a  plus  d'un  million  d'âmes.  Nous  y  avions  une 
église  et  une  chrétienté  d'environ  dix  mille  âmes,  que  le 
P.  Turcotti,  jésuite  milanais,  cultivoit  avec  un  grand  zèle.  » 
Plus  tard,  le  P.  Gaubil,  se  rendant  de  Canton  à  Péking  (janv. 
•1723),  écrit  :  «  Fo-chan  est  réputé  village,  mais  il  y  a  pres- 
que autant  de  monde  qu'à  Canton.  Il  y  a  un  nombre  infini 
de  gens  sur  les  barques,  comme  à  Canton.  C'est  un  des 
endroits  les  plus  considérables  de  la  Chine  pour  le  com- 
merce. Les  jésuites  portugais  y  ont  une  belle  église.  » 

En  1864  le  Dr  James  Legge,  en  passant  par  Fat- 
chan,interrogea  quelques  indigènes  qui  lui  répondirent  que 
cette  ville  contenait  de  2  à  300,000  hab.  On  en  compte 
généralement  500,000.  —  En  1847,  eut  lieu  l'affaire 
dite  de  la  rivière  de  Fat-chan;  quelques  Anglais  ayant 
été  attaqués  à  cet  endroit,  sir  John  Davis,  alors  gou- 
verneur de  Hong-kong  en  remplacement  de  sir  Henry 
Pottinger,  déclara  qu'il  «  exigeait  et  demandait  que  les 
sujets  britanniques  fussent  aussi  libres  de  vexations  et 
d'insultes  qu'ils  pouvaient  l'être  en  Angleterre  ».  Le  Com- 
modore Henry  Keppel  fut  envoyé  dans  la  rivière  de  Can- 
ton pour  châtier  les  coupables  ;  mais,  malgré  le  succès  de 
cette  expédition,  Davis,  loin  d'être  approuvé  par  son  gou- 
vernement, fut  obligé  de  rentrer  en  Europe  et  remplacé  par 
sir  George  Bonham.  Le  22  déc.  1884,  la  terrible  explosion 


d'une  poudrerie  près  de  Fat-chan  tua  plus  de  200  hab.  et 
fit  sauter  un  grand  nombre  de  jonques.     Henri  Cordier. 

FATEHPOUR.  I.  Ville.  -  Ville  de  l'Inde,  prov.  d'Al- 
lahabad,  à  115  kil.  N.-O.  de  la  ville  de  ce  nom,  ch.-l.  de 
district  entre  le  Gange  et  la  Djemma;  20,000  hab.  Stat. 
du  chem.  de  fer  de  Cawnpore  à  Allahabad.  Elle  renferme 
quelques  monuments  anciens. 

H.  District.  —  District  de  l'Inde  qui  s'étend  entre  le 
Gange  et  la  Djemma  ;  4,108  kil.  q.;  700,000  hab.  On  y 
trouve  le  manguier,  le  tamarin,  le  bananier,  la  canne  à 
sucre,  le  coton,  l'indigo,  le  pavot.  La  population  est  labo- 
rieuse et  s'adonne  avec  ardeur  à  l'agriculture.  Les  campa- 
gnes sont  délicieuses,  parsemées  de  charmants  villages. 

FATEHPOUR-Sikri.  Ville  de  l'Inde,  prov.  d'Agra,  à 
37  kil.  O.-S.-O.  de  la  ville  de  ce  nom,  sur  la  Bahnganga, 
affluent  de  la  Djemma  ;  7,000  hab.  environ.  Elle  possède 
de  beaux  monuments  datant  de  l'empire  mogol.  Elle  fut 
fondée  par  Akbar  le  Grand  qui  y  résida  (1560-1584),  et 
abandonnée  peu  de  temps  après.  Aujourd'hui,  elle  comprend 
deux  bourgades,  Fatehpour  et  Sikri,  habitées  par  des  culti- 
vateurs. Les  anciens  palais  d'Akbar  qui  sont  encore  debout 
servent  de  refuges  aux  singes  et  aux  bètes  féroces.  M.  d'E. 

FAT  ES  H.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Koursk,  au 
confluent  de  l'Ussofha  et  du  Fatesh;  6,000  hab.  environ. 
Cultures  maraîchères  développées;  marché  agricole;  cor- 
deries. 

FAT  H -Ali-Chah,  appelé  aussi  F  ET  H -Ali-Khan,  souve- 
rain de  la  Perse,  le  second  de  la  dynastie  des  Kadjars 
actuellement  régnante.  Il  était  le  neveu  du  sanglant  et 
cruel  Agha  Mohammed  auquel  il  succéda  en  1798.  Il  fut 
un  prince  modéré  et  doux  pour  ses  sujets,  mais  incapable 
dans  ses  entreprises  militaires;  il  chercha  à  s'emparer 
de  la  Géorgie  et  du  pays  d'Hérat,  mais  il  perdit  successi- 
vement le  Khorasan  oriental  qui  fut  pris  par  l'émir  d'Af- 
ghanistan, et  les  provinces  perses  et  arméniennes  du  Cau- 
case. A  la  suite  d'une  guerre  malheureuse  contre  la  Russie, 
dont  les  troupes  étaient  commandées  par  le  général  Paské- 
vitch,  il  fut  forcé  d'abandonner  définitivement  d'abord  la 
Géorgie  (en  1813),  puis  l'Arménie  (en  1828)  à  la  Russie. 
Fath-Ali-Chah  est  mort  err  1 834  ;  il  a  eu  pour  successeur 
Mohammed-Chah,  le  père  de  Nasr-ed-Dîn,  le  souverain 
actuel  de  la  Perse  depuis  1848.  E.  Drouin. 

FATIGUE  (Méd.).  La  fatigue  est  un  trouble  dans  l'acti- 
vité des  éléments  anatomiques,  causé  par  un  fonctionnement 
exagéré,  au  point  que  la  réparation  y  est  momentanément 
impossible  (Carrieu).  Elle  est  le  résultat  du  travail.  Des 
périodes  d'activité  fonctionnelle  alternent  invariablement 
avec  des  périodes  de  repos  durant  lesquelles  le  dégât  causé 
par  1|  exercice  de  la  fonction  est  réparé.  Poore,  dans  sa 
théorie  originale  des  vibrations  vitales,  pose  en  principe 
que  toute  notre  vie  consiste  en  une  série  de  vibrations, 
périodes  de  tension  alternant  avec  des  périodes  de  relâche- 
ment; ces  vibrations,  malgré  leur  immense  rapidité,  seraient, 
volontaires  ou  non,  méconnaissables  dans  tous  nos  actes. 
Le  taux  des  vibrations  du  cœur,  par  exemple,  est  de  72 
par  minute  et,  si  la  période  totale  de  chaque  vibration  pou- 
vait être  divisée  en  10  parties,  on  trouverait  que. 4  de  ces 
parties  sont  dues  au  processus  systolique,  qui  peut  être 
considéré  comme  du  travail  ;  3  sont  prises  par  la  diastole, 
qui,  comptant  à  peine  comme  travail,  n'en  constitue  pas 
moins  l'exercice  de  la  fonction,  et  les  3  autres  parties 
sont  occupées  par  la  pause,  durant  laquelle  le  cœur  jouit 
en  apparence  d'un  repos  absolu  qui  peut  être  considéré 
comme  une  condition  analogue  au  sommeil.  En  appliquant 
cette  théorie  à  nos  actes  de  la  vie  de  relation,  Poore  divise 
le  jour  de  24  heures  en  10  parties  égales  et  démontre 
qu'en  consacrant  4  de  ces  parties  à  un  travail  actif,  3  aux 
divers  exercices  fonctionnels  et  3  au  sommeil,  on  trouve 
que  9  h.  1/2  de  travail,  7  h.  1/4  de  détente  (relaxation), 
et  7  h.  1/4  de  sommeil  sont  tout  ce  qu'un  homme  à  l'état 
de  santé  peut  accomplir  sans  dommage. 

Ne  se  fait-il  pas,  d'ailleurs,  tous  les  sept  jours,  chez  les 
peuples  civilisés,  une  rémission  du  travail  par  le  repos 


—  33  - 


FATIGUE 


hebdomadaire  ?  C'est  que  la  répétition  monotone  du  même 
acte  est  une  très  puissante  cause  de  fatigue.  Au  point  de 
vue  physiologique,  ii  n'y  a  aucune  différence  entre  le  travail 
que  fournit  un  scieur  de  long,  un  soldat  qui  marche,  un 
sportsman  qui  chevauche.  Seulement,  celui-ci  fait  de  l'équi- 
tation  quand  il  veut,  y  passe  le  temps  qu'il  lui  plaît  et 
répare  ses  forces  comme  il  l'entend,  tandis  que  le  soldat 
marche  à  heure  fixe,  s'arrête  au  commandement  et  mange 
la  ration  réglementaire  ;  quant  au  scieur  de  long,  il  tra- 
vaille dès  l'aube,  finit  au  crépuscule  et  se  nourrit  comme 
il  peut.  Le  premier  a  pour  loi  son  bon  plaisir  ;  le  second,  la 
discipline  ;  l'autre,  le  besoin  de  vivre.  Tout  homme  (ouvrier 
ou  soldat,  athlète  ou  savant)  qui  veut  aller  au  delà  de  ce 
que  ses  forces  lui  permettent  s'expose  à  des  troubles  car- 
diaques, à  des  lésions  des  centres  nerveux,  à  d'autres 
affections  qu'il  pourrait  conjurer  en  faisant  une  meilleure 
balance  de  ses  recettes  et  de  ses  dépenses  physiologiques. 
Les  muscles  ne  travaillent  qu'en  se  contractant  ;  c'est 
l'excès  de  ces  contractions  qui  amène  d'abord  la  fatigue, 
puis  le  surmenage.  Le  suc  musculaire  passe  à  l'état  solide 
quand  la  température  monte  au-dessus  de  45°.  Certains 
acides,  l'acide  lactique  entre  autres,  le  coagulent.  Or, 
Merzbach  a  montré  que  l'exercice  musculaire  peut  élever 
la  température  de  2°  ;  le  travail  intellectuel  la  fait  égale- 
ment monter,  quoique  en  moindre  proportion.  La  chaleur 
est  indispensable  pour  que  le  muscle  se  contracte  facile- 
ment sans  efforts  et  sans  douleurs  ;  aussi  la  mise  en  train 
quelquefois  pénible  est-elle  souvent  précédée  d'une  période 
d'essai  :  prélude  des  musiciens,  mur  des  tireurs  d'épée, 
sortie  au  pas  dans  la  cavalerie,  etc.  D'autre  part,  des  exer- 
cices peu  violents  accomplis  par  des  hommes  malhabiles 
provoquent  des  contractures,  de  la  raideur  {contraction 
statique  des  soldats  immobiles  pendant  une  revue),  qui 
les  fatiguent  plus  que  les  contractions  dynamiques  accom- 
pagnées de  mouvements  auxquels  leurs  muscles  sont  sou- 
mis plus  tard  dans  des  exercices  quotidiens  et  qui,  cepen- 
dant, paraissent  plus  pénibles.  Si  la  chaleur  employée  pour 
activer  le  travail  musculaire  atteint  45°,  elle  détruit  le 
muscle  qui  ne  se  contracte  plus.  L'excès  de  travail  mus- 
culaire peut  amener  l'organisme  à  cette  température  à 
laquelle  le  corps  ne  peut  plus  vivre.  C'est  pourquoi  les 
animaux  meurent  quand  ils  sont  forcés,  le  rayonnement 
par  la  surface  du  corps  et  l'évaporation  des  liquides  de 
l'économie  n'ayant  pu  suffire  à  ramener  la  température  dans 
les  limites  compatibles  avec  la  vie.  Quand  l'animal  fait  des 
mouvements  violentSj.il  s'échauffe  beaucoup,  produit  beau- 
coup d'acide  carbonique,  consomme  beaucoup  d'oxygène  ; 
la  respiration  devient  alors  très  active,  et,  par  cette  ven- 
tilation plus  ou  moins  énergique,  le  sang  ne  dépasse  pas 
son  niveau  normal  de  température. 

La  fatigue  peut  être  générale  ou  locale,  et  les  deux 
formes  peuvent  être  aiguës  ou  chroniques.  Le  symptôme 
principal  de  la  fatigue  locale  est  la  perte  du  pouvoir  de 
contracter  plus  ou  moins  ses  muscles.  Le  tissu  muscu- 
laire, stimulé  outre  mesure,  s'épuise  et  refuse  de  ré- 
pondre aux  excitations  de  la  volonté  ;  l'exactitude  du 
mouvement  et  la  délicatesse  de  la  coordination  deviennent 
alors  impossibles  ;  c'est  pourquoi  le  tremblement  est  un 
symptôme  de  la  fatigue  locale  aiguë,  puis  vient  la  douleur 
musculaire.  La  crampe  des  écrivains,  le  torticolis,  le  nys- 
tagmus  des  mineurs,  dans  lesquels  on  constate  l'inégalité 
de  l'action  musculaire,  sont  dus  à  la  fatigue  chronique  des 
muscles  employés.  La  fatigue  survient  plus  souvent  et  plus 
vite  en  été  qu'en  hiver  ;  la  pression  barométrique,  l'état 
d'humidité  de  l'atmosphère,  de  luminosité  du  ciel,  l'état 
électrique  jouent  également  un  rôle  certain.  Le  cerveau 
intervient  activement  dans  le  mécanisme  de  la  fatigue  : 
c'est  ce  qui  explique  le  découragement,  le  peu  d'aptitude 
au  travail  chez  les  gens  minés  par  un  profond  chagrin,  la 
démoralisation  des  nombreux  traînards  exténués  qui  gênent 
la  marche  des  armées  en  retraite  sans  qu'on  puisse  expli- 
quer leur  état  de  fatigue  par  des  étapes  forcées.  Le  cer- 
veau a  faibli,  chez  eux,  avant  les  muscles. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —  XVII. 


Les  combinaisons  chimiques  qui  résultent  du  travail 
musculaire  sont  généralement  des  oxydations,  car  il  y  a 
des  combinaisons  avec  l'oxygène  qu'introduit  la  respiration 
dans  l'organisme,  et  qui  s'y  fixe.  Il  se  forme  pendant  la 
combustion  des  produits  d'oxydation  incomplète  et  des 
produits  ai' oxydation  complète.  L'acide  carbonique  et 
l'eau  sont  les  aboutissants  de  toutes  ces  oxydations  com- 
plètes des  tissus  hydrocarbonés,  et  l'urée  est  le  dernier 
terme  des  oxydations  complètes  pour  les  substances  azotées. 
L'acide  urique  est  un  des  nombreux  produits  d'oxydation 
incomplète  qu'on  appelle  déchets  de  combustion.  Il  existe 
encore  dans  l'organisme  après  le  travail  des  produits  de 
combustion  appelés  aussi  de  désassimilation,  parce  qu'ils 
ne  sont  plus  semblables  aux  tissus  organiques  dont  ils 
faisaient  auparavant  partie.  Impropres  à  la  vie,  ils  consti- 
tuent encore  un  danger  pour  l'organisme  ;  les  poumons,  les 
reins,  la  peau,  l'intestin  doivent  les  éliminer  sous  forme 
d'acide  carbonique,  d'alcaloïde  toxique  (Brown-Séquard  et 
d'Arsonval),  d'urée,  d'urates,  d'acide  lactique.  Quand  cette 
élimination  devient  impossible,  il  y  a  empoisonnement 
rapide  du  sang  par  l'auto-intoxication  que  provoque  leur 
accumulation.  L'analyse  chimique  les  y  a  retrouvés. 

V essoufflement  est  l'action  du  besoin  de  respirer  ;  il 
indique  un  trouble  profond  dans  le  fonctionnement  des 
organes  respiratoires.  Il  faut  interrompre  le  travail,  non 
pour  laisser  reposer  les  jambes,  mais  pour  reprendre  haleine. 
Dans  d'autres  cas,  au  contraire,  la  fatigue  arrive  avant 
l'essoufflement.  La  courbature  de  fatigue,  avec  ou  sans 
fièvre,  qui  suit  un  exercice  musculaire  prolongé,  est  due  à 
l'acide  lactique  (paralac tique,  selon  Moscatelli  etColasanti) 
qui,  produit  en  excès  dans  le  muscle  fatigué,  imprégnerait 
la  fibre  musculaire  en  lui  faisant  perdre  sa  puissance  con- 
tractile. Il  se  forme  en  même  temps  des  dépôts  dans  l'urine 
qui,  émise  claire,  devient  trouble  quelques  heures  après, 
lorsqu'elle  s'est  refroidie  ;  la  couche  de  sédiments  qui  appa- 
raît alors  indique  la  saturation  de  l'urine  par  les  substances 
solubles.  La  chaleur  lui  fait  reprendre  sa  limpidité  par 
dissolution  du  précipité.  Refroidie,  elle  redevient  encore 
trouble.  Ces  sédiments,  en  majeure  partie  urates,  alcalins 
et  ammoniacaux,  ont  été  appelés  par  Neubauër  sédiments 
uratiques.  Ils  constituent  un  élément  sérieux  de  contrôle 
de  la  fatigue  ou  de  son  imminence  sur  une  troupe  en 
marche,  qui  permet  de  prévenir  le  surmenage. 

Le  surmenage  est  le  degré  maximum  de  la  fatigue.  C'est 
l'accumulation  en  masse  dans  l'organisme  des  substances 
toxiques,  déchets  de  combustion  produits  par  le  travail. 
Les  fièvres  de  surmenage  (fever  of  overexertion)  sont 
constituées  par  un  processus  qui  revêt  toujours  Yétat 
typhoïde  avec  ou  sans  fièvre,  avec  ou  sans  lésions,  passa- 
gères ou  permanentes.  Depuis  Tite  Live,  les  hommes  de 
guerre  ont  toujours  compté  avec  la  fatigue,  cause  puissante 
de  maladies  dans  les  armées.  Un  consul  romain,  voulant 
rassurer  ses  soldats  au  sujet  de  la  vigueur  des  Gaulois 
contre  lesquels  ils  vont  combattre  en  Asie,  leur  dit  :  Si 
primum  impetum  quem  feruido  ingenio  et  cœca  via 
effundunt  sustineris,  fluunt  sudore,  et  lassitudine 
membra,  labant  arma;  mollia  corpora,  molles,  ubi 
ira  consedit,  animos  sol,  pulvis,  sitis  ut  ferrum  non 
admoveas,  prosternunt  (tit.  I,  liv.  38,  ch.  vu).  Alourdis, 
en  effet,  par  leurs  longues  chevelures,  de  larges  boucliers, 
de  longues  et  massives  épées,  ils  devaient  succomber  à  la 
fatigue  aussi  vite  que  le  soldat  romain  ;  mais  celui-ci, 
chargé  d'un  poids  de  90  livres,  se  faisait  suivre  de  cha- 
meaux et  d'éléphants  pendant  les  guerres  d'Afrique.  Con- 
sidéré longtemps  comme  un  facteur  normal  de  la  période 
d'initiation  militaire  en  paix,  ou  comme  un  fait  inéluctable 
en  guerre,  ce  mal  nécessaire  n'avait  jamais  été  l'objet 
d'études  spéciales,  car  l'on  passait  souvent  à  côté  de  cet 
état,  la  ponose,  comme  devant  une  figure  vulgaire,  connue, 
redoutée,  mais  sans  s'y  arrêter  autrement. 

Il  est  maintenant  avéré  que  la  fatigue  et  le  surmenage 
provoquent  la  fièvre  typhoïde,  soit  que  nous  la  supposions 
produite  par  auto-intoxication  à  l'aide  de  nos  propres  déchets 

3 


FATIGUE  -  FATOUVILLE 


34 


(ce  qui  n'est  pas  probable)  ;  soit  qu'elle  résulte  de  Yéber- 
thisation  du  bacterium  coli  commune,  commensal  inof- 
fensif du  tube  digestif,  devenant  agressif  dans  certaines 
conditions  ;  soit  enfin  que  nous  la  devions  à  l'entrée  en 
scène  du  bacille  d'Eberth,  caché  quelque  part  au  milieu  de 
nos  organes  (microbisme  latent),  ou  nous  guettant  dans 
une  zone  ambiante  intime,  pour  nous  attaquer  avec  succès 
lorsque  la  fatigue  nous  a  amenés  à  cet  état  de  dépression 
dit  de  moindre  résistance.  Ces  hypothèses  restreignent 
simplement  le  champ  et  l'exclusivisme  de  l'origine  hydrique 
de  la  fièvre  typhoïde  sans  en  diminuer  l'importance.  Ainsi 
s'explique  la  présence  de  ces  graves  épidémies  typhoïdes  au 
cours  de  toutes  les  campagnes  modernes,  coloniales  ou 
continentales.  Cette  maladie  n'était,  d'ailleurs,  pas  assez 
précisée  avant  1855  pour  pouvoir  être  décrite  sous  son 
vrai  nom  par  les  historiens  militaires.  Le  rôle  de  la  fatigue 
est  également  indéniable  dans  la  production  de  Y  embarras 
gastrique  fébrile,  diminutif,  pour  beaucoup  d'entre  nous, 
de  la  fièvre  typhoïde  :  elle  favorise  grandement'1'apparition 
du  coup  de  chaleur,  la  tendance  au  suicide  dans  les 
armées,  l'évolution  du  charbon  et  de  la  morve,  du  typhus, 
du  choléra,  de  la  peste,  de  la  dysenterie,  du  purpura, 
de  la  tuberculose,  du  moins  à  titre  de  cause  prédispo- 
sante capitale.  Elle  est  une  des  causes  du  rhumatisme; 
dans  l'ordre  intellectuel,  elle  amène  la  méningite  céré- 
bro-spinale, la  paralysie  générale,  Y  aliénation  men- 
tale. Le  cœur  forcé  est  la  conséquence  de  fatigues  pré- 
maturées ou  inopportunes.  Dans  l'ordre  chirurgical,  les 
varices,  les  ampoules  (éry thème  huileux),  les  synovites 
tendineuses,  la  tarsalgie,  la  périostite  externe,  Yos- 
téome  des  adducteurs  (cavaliers),  Y  ostéite  èpiphysaire, 
Y ostéo-myélite  infectieuse,  les  congélations  des  extré- 
mités sont  le  résultat  de  la  fatigue,  le  plus  souvent  locale. 

Quoi  d'étonnant,  d'ailleurs,  à  voir  tant  de  désordres 
dériver  de  la  fatigue  ?  si  l'on  se  rappelle  qu'un  bon  ouvrier 
fait  tous  les  jours  un  travail  dont  la  somme  évaluée  en  kilo— 
grammètres  représente  environ  300,000  kilogrammètres  ; 
le  travail  effectué  par  un  soldat  pesant  64  kilogr. ,  chargé 
de  32  kilogr.,  marchant  huit  heures,  à  raison  de  4  kil.  pour 
cinquante  minutes,  avec  dix  minutes  de  repos  par  heure,  soit 
31  kil.  en  terrain  plat,  au  pas  de  75  centim.),  ce  travail 
équivaudrait  à  768,000  kilogrammètres.  Le  même  travail, 
au  pas  accéléré  (pas  de  90  centim.),  à  1  kil.  toutes  les  onze 
minutes,  représenterait  606,000  kilogrammètres.  Ici,  il  y  a 
ralentissement  de  cadence.  Enfin,  un  homme  faisant  30  kil. 
en  douze  heures  et  s'élevant  à  1,800  m.  d'alt.  (du  poids 
de  64  kilogr.,  chargé  de  32  kilogr.)  fait  un  travail  égal  à 
1,453,392  kilogrammètres  (Baills).  Au  pas  gymnastique, 
en  dix  minutes,  un  homme  de  65  kilogr.,  chargé  en  guerre, 
fait  170  pas  par  minute  et  produit  dans  ce  temps  un  travail 
égal  à  40,187  kilogrammètres,  ce  qui  explique  l'essouffle- 
ment rapide  produit  par  cette  allure,  qui  ne  saurait  se  sou- 
tenir longtemps.  Dr  A.  Coustàn. 

Bibl.  :  F.Lagbange,  Physiologie  des  exercices  du  corps; 
Paris,  1888.— A.  Coustan,  De  la  Fatigue  dans  ses  rapports 
avec  les  maladies  des  armées  en  paix  et  en  campagne, 
dans  Arch.  de  mêd.  milit.;  Paris,  1889,  t.  IV. 

FATIKO.  Poste  égyptien  de  l'Afrique  équatoriale,  par 
3°  2'  delat.  N.,  à  70  kil.  N.-E.  de  l'extrémité  septentrio- 
nale du  lac  Mvoutan.  Fatiko  est  bâti  sur  un  plateau  de 
1,000  m.  d'alt.,  dans  une  région  d'une  admirable  fertilité, 
arrosée  par  les  affluents  de  droite  du  haut  Nil,  ou  Bahr 
el-Gebel.  Ce  poste  commande  toute  la  plaine  jusqu'à  Fabbo 
et  Faloro. 

FATI  ME  (V.Mohammed). 

FATI MITES.  Dynastie  arabe  qui  a  régné  pendant  envi- 
ron deux  cent  cinquante  ans,  d'abord  dans  l'Afrique  sep- 
tentrionale, puis  en  Egypte.  Elle  fut  fondée  vers  910  de 
J.-C.  par  Obeïd-Allâh  surnommé  El-Mahdi,  «  le  dirigé  » 
qui  prétendait  descendre  d'Ali  et  de  Fâtimah  et  à  ce  titre 
être  le  vrai  khalife  ou  successeur  de  Mahomet.  Voici  la 
liste  des  khalifes  fâtimites  :  Au  Maghreb  :  Obeïd-Allâh 
el-Mahdi,  910;  El-Qâim,  934;  El-Mansoûr,  945;  El- 
Mouïzz,  952.  En  Egypte  :  El-Mouïzz,  968  ;  El-Azîz,  975  ; 


El-Hâkim,  996;  Ed-Dhâhir,  1020;  El-Mostansir,  1035; 
El-Mostali,  1094;  El-Amir,  1101;  El-Hâfiz,  1130;  Ed- 
Dhâfir,  1149;  El-Fâïz,  1154;  El-Adhid,  1160-1171.  Le 
règne  des  Fâtimites  a  été  une  époque  brillante  pour  les 
arts  et  la  littérature  arabes  (V.  Egypte  musulmane). 

Bibl.  :  F.  Wûstenfeld,  Geschichte  der  Fatimiden- 
Chalifen;  Gœttingue,  1881. 

FATIMITES.  Nom  d'une  secte  arabe  qui  tirait  son  nom 
de  Fâtimah,  fille  d'Aboû  Moslim,  le  fondateur  des  Khor- 
rémites  qui  fut  tué  par  ordre  du  khalife  El-Mansoûr  en 
764  de  J.-C.  Les  Fâtimites,  ou  Khorrémites,  ou  encore 
Moslimites,  étaient  surtout  répandus  dans  le  Khorasân 
(Masoudi,  Prairies  d'or,  t.  VI,  tr.  Barbier  de  Meynard). 

FATI  NES.  Corn,  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  du  Mans, 
cant.  de  Montfort  ;  328  hab. 

FAT  10  (Pierre),  patriote  genevois  de  la  famille  du  ma- 
thématicien Fatio  de  Duiller,  né  à  Genève  en  1662,  mort 
le  6  sept.  1707.  Docteur  en  droit,  avocat,  il  devint 
en  1688  membre  du  conseil  des  Deux-Cents,  juge  du  cha- 
pitre de  Saint- Victor.  Bien  qu'aristocrate  de  naissance,  il 
fut  le  chef  du  parti  populaire.  Le  26  mai  1707,  ses  parti- 
sans prirent  les  armes,  mais  le  gouvernement  se  fit  envoyer 
de  Berne  et  de  Zurich  des  troupes  auxiliaires  pour  rétablir 
l'ordre.  Fatio  fut  arrêté,  condamné  à  mort  et  fusillé.  Une 
rue  de  Genève  porte  aujourd'hui  son  nom.  —  Son  fils 
Piewe  (1704-74),  militaire  au  service  de  la  France,  puis 
de  la  Sardaigne,  atteignit  le  grade  de  général. 

FATIO  de  Duiller  (Nicolas),  mathématicien  suisse,  né 
à  Bâle  le  16  févr.  1664,  mort  à  Maddersfield,  près  de 
Worcester  (Angleterre),  le  10  mai  1753.  Elevé  à  Genève 
et  reçu  en  1678  bourgeois  de  cette  ville,  il  entra  en  rela- 
tions avec  Cassini  dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  pour  des 
questions  d'astronomie  mathématique,  vint  en  1683  à  Paris, 
oii  il  eût  été  admis  à  l'Académie  des  sciences  s'il  eût  voulu 
abandonner  la  religion  protestante,  séjourna  en  Hollande 
où  il  fit  imprimer  (1686)  une  Lettre  à  Cassini  sur  la 
lumière  zodiacale.  Nommé  résident  suisse  à  Londres,  il 
fut  reçu  membre  de  la  Société  royale  et  se  fixa  en  Angle- 
terre. Il  publia  en  1699  des  recherches  sur  la  brachis- 
tochrone  et  le  solide  de  moindre  résistance;  il  dénia  les 
droits  de  Leibniz  à  l'invention  du  calcul  différentiel  et 
donna  ainsi  naissance  à  la  célèbre  querelle  de  priorité  entre 
Newton  et  Leibniz.  En  1704,  il  donnait  à  Genève  la  Des- 
cription d'une  pièce  d'horlogerie  très  rare  et  très  re- 
marquable (invention  du  trou  en  rubis).  Bientôt  après, 
l'exaltation  de  ses  opinions  religieuses  l'entraînait  au  pre- 
mier rang  dans  les  querelles  que  suscitèrent  à  Londres  en 
1706  les  prophètes  cévenols.  Son  fanatisme  exagéré  le  fit 
condamner  en  1707  à  la  prison  et  à  l'exposition  publique  ; 
loin  de  se  calmer,  il  forma  le  projet  de  convertir  les  mu- 
sulmans et  entreprit  un  voyage  en  Asie  dans  ce  but. 
Revenu  en  Angleterre,  il  y  passa  sa  vie  dans  la  retraite, 
sans  abandonner  ses  opinions  extrêmes  et  en  continuant 
à  s'occuper  de  sciences.  Il  a  laissé  en  mourant  un  grand 
nombre  de  travaux  manuscrits  qui  passèrent  entre  les 
mains  du  professeur  Le  Sage  de  Genève  et  qui  sont  restés 
inédits.  —  Son  frère  aîné,  Jean-Christophe,  s'occupa 
également  d'astronomie  et  de  physique.  T. 

FATIPOUR  (V.  Fatehpour). 

FATI  US,  écrivain  italien  du  xve  siècle  (V.  Fazio). 

FATOU-Hiva.  L'une  des  îles  Marquises,  longue  d'en- 
viron 14  kil.,  large  de  7  kil.,  située  vers  10°  25'lat.  S.  et 
141°  long.  0. 

FATOUVILLE-Grestain.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
de  Pont-Audemer,  cant.  de  Beuzeville,  près  de  l'embou- 
chure de  la  Seine  ;  531  hab.  Phare,  feu  fixe  blanc  à  éclats 
rouges,  destiné  à  faire  éviter  aux  navigateurs  le  banc  du 
Ratier.  Tourbe.  Scierie  de  marbre.  Papeterie  au  hameau 
de  Jobles.  L'église  de  Fatouville  a  conservé  une  porte  laté- 
rale du  xic  siècle.  A  Grestain,  restes  de  l'ancienne  abbaye 
bénédictine  (Beata  Maria  de  Grestano)  fondée  en  1040 
et  supprimée  en  1775  ;  il  n'en  subsiste  que  les  murs 
informes  avec  des  ruines  de  l'église. 


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FATOUVILLE  -  FAUGARDEMENT 


FATOU VILLE  (Nolànt  de),  auteur  dramatique  français 
du  xviic  siècle.  On  lui  doit  quinze  pièces  composées  pour 
l'ancien  théâtre  italien  :  Arlequin  chevalier  du  soleil, 
Arlequin  empereur,  Arlequin  protée,  Colombine  avo- 
cat pour  et  contre,  Colombine  vengée,  la  Fille  sa- 
vante, etc.  Ces  pièces  sont  imprimées  dans  le  Théâtre 
italien  de  Gherardi  (Paris,  1700,  6  vol.  in-12). 

FATRA.  Chaîne  de  montagnes  qui  se  rattache  au  système 
des  Karpates.  Elle  s'élève  dans  le  N.-O.  de  la  Hongrie,  à 
l'O.  des  monts  Tatra.  Ses  principaux  pics  sont  le  Grand 
Fatra  (1,776  m.)  et  la  Krîzna  (1,572  m.).  La  structure 
en  est  trachytique,  porphyrique  et  basaltique.  D'épaisses 
forêts  en  couvrent  les  pentes. 

FATS1A  (Fatsia  PL  et  Dcne)  (Bot.).  Genre  d'Aralia- 
cées  qui  ne  forme  plus  qu'une  section  du  genre  Aralia 
Tourn.  L'espèce  type ,  F.  Japonica  PL  et  Dcne,  [est  fré- 
quemment cultivée  dans  les  jardins  comme  ornementale.  Une 
autre  espèce,  F.  papyrifera  PL  et  Dcne,  est  un  arbuste 
de  l'île  Formose,  dont  la  moelle  sert,  en  Chine  et  au  Japon, 
à  fabriquer  du  papier  (V.  Aralie).  Ce  papier  est  importé 
en  Europe. 

FATTORE  (G.-F.),  peintre  italien  du  xvie  siècle  (V. 
Penni). 

FATTORI  (Giovanni),  peintre  italien,  né  à  Livourne 
le  25  sept.  1828.  Il  reçut  les  leçons  de  Costa  à  l'Acadé- 
mie de  Florence,  où,  plus  tard,  il  devint  professeur.  Le 
paysage,  les  animaux  et  les  scènes  de  bataille  constituent 
ses  trois  genres  de  prédilection.  Ses  principales  œuvres 
sont  :  à  la  galerie  des  beaux-arts  de  Florence,  la  Bataille 
de  Magenta  (1859);  les  Glaneuses  ;  Brunelleschi  expli- 
quant la  construction  de  la  coupole  du  Dôme;  à  l'hôtel 
de  ville  de  Livourne,  la  Bataille  de  la  Madonna  délia 
Scoperta;  au  palais  Brera  de  Milan,  son  tableau  du  Prince 
Amédée  blessé  à  Custozza.  Citons  aussi  son  Marché  aux 
chevaux  sur  la  place  Montanara,  à  Rome. 

FATTORI  NI  (Gabriele),  compositeur  de  l'école  romaine, 
vivait  au  commencement  du  xvne  siècle.  Il  a  publié  en 
1600,  à  Venise,  des  Sacri  Concerti  a  2  voci  commodi 
da  cantare  coVorgano.  Sous  son  nom,  on  trouve  encore 
dans  la  bibliothèque  du  lycée  de  Bologne  un  recueil  inti- 
tulé :  I  Sacri  Concerti  a  2  voci  col  basso  générale 
(1608),  et,  dans  la  bibliothèque  royale  de  Lisbonne,  des 
messes  à  quatre  et  cinq  voix,  des  psaumes  et  des  com- 
plies.  Il  a  écrit  aussi  d'excellents  RicercarL 

FATUM  (Myth.  rom.)  (V.  Destin). 

FATVA.  Ville  de  l'Inde,  prov.  de  Béhar,  à  16  kil.S.-E. 
de  Patna,  sur  le  Gange,  au  confluent  de  Pounpoun,  stat.  du 
chem.  de  fer  de  Calcutta  à  Allahabad;  12,000  hab.  en- 
viron. Fabriques  de  cotonnades.  Commerce  important. 

FAU  (Bot.)  (V.  Hêtre). 

FAU  (Le).  Corn,  du  dép.  du  Cantal,  arr.  de  Mauriac, 
cant.  de  Salers;  416  hab. 

FAU-de-Peyre  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Lozère,  arr. 
de  Marvejols,  cant.  d'Aumont  ;  584  hab. 

FAU  (Dr  Julien),  violoniste  distingué  et  collectionneur 
d'instruments  de  musique.  Sa  merveilleuse  collection,  très 
vantée  par  Viollet-le-Duc  dans  son  Dictionnaire  raisonné 
du  mobilier  français,  comprenait  une  centaine  de  pièces 
incomparables,  des  chefs-d'œuvre  de  la  lutherie  véni- 
tienne, un  tournebout  du  xvie  siècle,  de  superbes  cornets, 
des  timbales  de  cavalerie  du  temps  de  Louis  XIII,  etc.  En 
1874,  cette  riche  collection  fut  acquise  par  le  ministère 
des  beaux-arts  et  entra  au  musée  instrumental  du  Conser- 
vatoire de  musique. 

FAU  BEL  (Josef),  clarinettiste  allemand,  né  à  Aschaf- 
fenburg  le  12  juin  1801.  Il  reçut  les  premières  leçons  de 
son  père,  directeur  de  musique  militaire,  et  fit,  comme 
clarinettiste,  la  campagne  de  France  en  1814.  En  1816,  il 
obtint  ses  premiers  succès  de  virtuose  à  Francfort.  Deux 
ans  après,  il  était  admis  dans  la  musique  du  roi  à  Munich. 
Après  de  nombreuses  tournées  artistiques  en  Allemagne, 
en  Suisse,  en  Hollande  et  en  France,  il  se  fixa  à  Munich. 


Faubel  est  considéré  comme  un  virtuose  exceptionnel  sur 
la  clarinette.  Il  a  composé  des  variations  et  des  duos  pour 
son  instrument. 

FAUBERT  (Mar.).  Le  pont  d'un  navire,  ses  batteries 
même,  sont  mouillés  d'abord  tous  les  jours  par  le  lavage 
réglementaire  du  matin.  En  plus,  à  la  mer,  chaque  fois 
qu'il  pleut,  ou  qu'il  fait  gros  temps,  le  pont  est  encore 
inondé,  soit  par  la  lame  qui  embarque  à  bord,  soit  par  les 
embruns.  Or,  rien  n'est  funeste  pour  l'hygiène  comme 
l'humidité  persistante.  Il  a  donc  fallu  que  le  marin  avisât 
à  s'en  débarrasser  le  plus  possible,  en  usant  des  moyens 
mis  à  sa  disposition.  Il  y  a  à  bord,  pour  les  manœuvres,  des 
masses  de  filin  ou  de  corde.  Lorsqu'elles  sont  usées,  ou  ne 
présentent  plus  les  garanties  de  solidité  suffisantes,  on  les 
emploie  à  cet  usage  en  faisant  des  fauberts.  L'élément 
de  tout  filin  employé,  en  marine,  est  le  fil  de  caret  (V.  ce 
mot).  Les  filins,  suivant  leur  force,  sont  composés  de  plus 
ou  moins  de  fils  de  caret.  Ceci  posé,  prenons  pour  fixer 
les  idées  un  bout  de  filin  de  1  m.  de  long,  et  suffisamment 
gros.  On  le  décordera  en  autant  de  fils  qu'il  en  possède. 
Puis  au  milieu,  c.-à-d.  à  50  cent,  des  extrémités,  on  placera 
un  bout  d'un  autre  filin  non  décordé,  en  forme  de  boucle, 
qui  lui  servira  de  manche  pour  ainsi  dire.  On  rabattra  alors 
les  fils  de  caret  sur  eux-mêmes,  et  on  fera  un  amarrage 
sérieux  au  milieu  près  de  la  boucle.  Vous  avez  alors  un 
véritable  balai  en  corde.  A  l'usage,  le  fil  de  caret  achève 
de  se  transformer  en  étoupe,  et  en  laissant  tomber  le  fau- 
bert  ainsi  constitué  sur  un  endroit  mouillé,  l'eau  est  immé- 
diatement aspirée.  Il  n'y  a  plus  qu'à  tordre  le  faubert  le 
long  du  bord  et  à  faire  sécher.  La  durée  de  cette  sorte 
d'épongé  est  fort  longue,  peu  coûteuse,  et  elle  remplit  par- 
faitement le  but  pour  lequel  elle  a  été  créée. 

FAUBOURG.  Quartier  ou  dépendance  d'une  ville,  situé 
en  dehors  de  l'enceinte  de  celle-ci.  La  manière  dont  les  villes 
s^accroissent  par  la  formation  de  faubourgs  sur  leurs  prin- 
cipales routes  d'accès,  l'annexion  successive  des  faubourgs 
à  la  cité  centrale,  la  situation  respective  du  noyau  urbain 
et  de  ces  dépendances,  dans  les  villes  fortifiées,  munies 
d'octrois,  etc.,  seront  étudiées,  ainsi  que  les  conditions 
générales  d'existence  des  agglomérations  urbaines,  dans 
l'art.  Ville.  Pour  chaque  ville  en  particulier,  se  reporter 
à  l'art,  spécial  :  Paris,  Londres,  etc. 

FAUGARDEMENT  (Hydraul.).  Quand  un  canal  ou  un 
cours  d'eau  commence  à  être  envahi  par  les  plantes  aqua- 
tiques, il  faut  extirper  ces  plantes  au  trident  ;  cet  outil  est 
suffisant  quand  le  mal  n'est  qu'à  ses  débuts.  Mais  lorsque 
les  plantes  aquatiques  ont  pullulé,  les  racines  d'une  partie 
d'entre  elles  ont  pénétré  profondément  et  l'on  ne  peut 
plus  détruire  le  mal  ;  on  doit  se  résoudre  à  y  apporter 
remède  périodiquement,  à  l'aide  de  faux  à  main  ou  au 
moyen  du  faucard.  La  plupart  des  plantes,  une  fois  coupées, 
remontent  à  la  surface;  on  les  recueille  au  râteau.  Mais 
les  mousses,  bien  que  détachées  par  les  faux,  demeurent 
en  place  et  ne  remontent  pas.  «  On  n'en  sera  pas  étonné, 
dit  M.  Roussel  (Hydraulique  fluviale,  annexes,  p.  462), 
si  l'on  considère  que  la  mousse,  adhérant  au  lit  comme 
une  sorte  de  tapis,  garde  dans  ses  racines  si  serrées  et  si 
nombreuses  une  certaine  quantité  de  terre  qui  reste  sous 
la  plante  et  modifie  la  pesanteur  spécifique  de  la  masse.  » 

Lorsque  la  nature  du  sol  et  celle  des  eaux  se  réunissent 
pour  favoriser  la  végétation,  le  faucardement  doit  être 
renouvelé  plusieurs  fois,  de  mai  à  novembre,  dans  les 
canaux  navigables,  ce  qui  constitue  une  dépense  annuelle 
assez  importante.  L'opération  s'exécute  en  promenant  au 
fond  et  sur  les  berges  du  canal  une  chaîne  composée  de 
lames  de  faux  réunies  bout  à  bout  au  moyen  de  boulons 
à  clavettes  et  manœuvrée  par  des  hommes  placés  sur  les 
chemins  de  halage.  On  choisit  des  lames  d'une  grande 
longueur,  afin  de  diminuer  le  nombre  des  assemblages  ;  on 
arrondit  les  pointes  et  on  abat  les  talons  pour  qu'elles 
puissent  tourner  facilement  dans  tous  les  sens  ;  des  chaînes 
en  fer  fixées  à  quelques-unes  des  lames  servent  à  maintenir 
l'appareil  au  fond  de  l'eau.  Les  lames  extrêmes  sont  munies 


FAUCARDEMENT  —  FAUCHE 


—  36  -- 


d'un  anneau  dans  lequel  on  attache  deux  cordes  de  4  0  à  1 S  m . 
de  longueur,  avec  lesquelles  des  hommes  placés  sur  chaque 
banquette  impriment  à  la  chaîne  de  faux  un  mouvement  de 
va-et: vient,  en  avançant  lentement  contre  le  courant.  Pour 
enlever  les  herbes  coupées,  on  établit,  obliquement  en  travers 
du  canal,  un  barrage  volant  formé  par  une  perche  armée 
de  chevilles  verticales  ;  ce  barrage  permet  de  ramener  les 
herbes  du  côté  où  l'on  veut  les  retirer.  L'opération  du  fau- 
cardement  exige  ordinairement  de  deux  à  quatre  hommes 
pour  manœuvrer  la  chaîne  et  deux  hommes  pour  retirer 
les  herbes  et  les  déposer  sur  les  francs  bords.  La  longueur 
nettoyée  par  jour  de  travail  varie  de  500  à  1,000  m., 
suivant  l'abondance  des  herbes. 

FAUCCI  (Carlo),  graveur  italien,  néàFlorence  en  4729. 
11  reçut  les  leçons  de  Gregori,  quitta  son  pays  pour  se 
fixer  à  Londres,  où  il  fit  plusieurs  estampes  pour  Boydell. 
On  ne  sait  quand  il  mourut.  Ses  meilleurs  ouvrages  sont  : 
le  Couronnement  de  la  Vierge,  d'après  Rubens  ;  une  Nais- 
sance  de  la  Vierge,  l'Adoration  des  bergers,  d'après 
Pierre  de  Cortone  ;  le  Martyre  de  saint  André,  d'après 
Carlo  Dolci,  etc. 

FAUCH.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi,  cant.  de 
Réalmont  ;  661  hab. 

FAUCHAISON  (Agric).  La  fauchaison  est  l'époque  et 
l'ensemble  des  opérations  par  lesquelles  on  coupe  l'herbe  des 
prairies  naturelles  et  artificielles.  C'est  lorsque  la  plupart 
des  plantes  graminées  et  légumineuses  sont  sur  le  point 
de  fleurir  qu'il  faut  couper  les  prairies  naturelles.  Quand 
on  fauche  plus  tôt,  le  rendement  est  moindre  et  l'herbe 
est  difficile  à  sécher  ;  lorsqu'on  fauche  plus  tard,  on  gagne 
peut-être  en  quantité,  mais  on  perd  en  qualité,  car  les 
plantes  étant  plus  sèches  ont  perdu  une  partie  de  leurs 
principes  utiles.  Pour  les  prairies  artificielles,  on  fauche 
lorsque  les  plantes  sont  en  pleine  floraison  et  avant  que  les 
graines  se  forment  dans  les  premières  fleurs.  La  fau- 
chaison se  fait  soit  à  bras  avec  la  faux  ou  la  faucille,  soit 
à  la  machine,  à  l'aide  de  la  faucheuse  mécanique  (V.  ces 
mots).  Alb.  Larbalétrier. 

FAUCH  ART  (Arm.).  Arme  d'hast  en  usage  durant  le 
moyen  âge,  de  la  fin  du  xie  au  xve  siècle.  Avant  le  xve  siècle 
on  disait  plutôt  faussart.  C'est  une  sorte  de  faux  de 
guerre  ;  la  lame, large  et  forte,  a  un  seul  tranchant  opposé 
au  dos  qui  est  concave  ;  sur  ce  dos  se  dressent  un  ou  deux 
crochets  ;  la  pointe  est  parfois  droite,  plus  souvent  con- 
vexe et  répond  à  la  concavité  du  dos  qui  la  dégage.  Le 
fauchart,  suivant  Meyrick,  est  une  «  arme  en  forme  de 
serpe  avec  une  pointe  à  la  partie  supérieure  et  une  autre  à 
angle  droit  sur  le  dos  de  la  lame  ».  D'après  Gay,  le  fau- 
chart se  distingue  de  la  faux  de  guerre  «  par  le  renverse- 
ment de  sa  courbure  ».  «  La  faux,  dit  Viollet-le-Duc,  a  son 
tranchant  du  côté  de  la  concavité,  le  fauchart  du  côté  de 
la  convexité.  »  «  C'est,  dit  le  colonel  Robert,  l'arme  d'hast 
la  plus  terrible  contre  les  hommes  et  les  chevaux.  Le  fer, 
long  de  0m60  à  0m80,  large  de  0m06  à  0m08  avant  l'es- 
toc (pointe  droite),  est  à  dos  droit.  Son  tiers  inférieur 
donne  la  moitié  d'une  lame  de  vouge,  le  second  tiers  du 
côté  du  tranchant  a  la  forme  d'une  serpe...,  le  tiers  supé- 
rieur est  un  estoc  ;  enfin,  le  fer  porte  au  milieu  du  dos 
une  pointe  aiguë  et  deux  autres  au  talon.  L'arme  est  donc 
parfaite  à  tous  égards,  surtout  pour  couper,  faucher  les 
jarrets  des  chevaux.  »  Cette  dernière  description  est 
inexacte  et  nous  ne  saurions  nous  y  rallier  non  plus  qu'à 
cette  opinion  du  même  auteur  qui  fait  de  roncone,  de  gui- 
sarme,  des  synonymes  de  fauchart.  La  nomenclature  des 
armes  d'hast  est  déjà  assez  inextricable  sans  qu'on  vienne 
encore  l'embrouiller  comme  à  plaisir. 

Nous  figurons  un  fauchart  extrêmement  pur  de  forme  qui 
appartient  au  musée  d'armes  {Armeria  Realc)  de  Turin.  Il 
présente  bien  tous  les  caractères  distinctifs  de  cette  arme 
d'hast  ;  mais,  comme  c'est  là  une  arme  de  parement,  les 
pointes  latérales  sont  émoussées  et  prennent  la  forme  de 
petits  trèfles.  On  remarquera  que  c'est  une  sorte  de  grande 
serpe  dont  le  dos  présente  une  espèce  de  crochet  qui,  dans 


les  faucharts  de  guerre,  servait  à  accrocher  les  hommes 
par  la  saillie  de  l'armure.  Le  tranchant  se  recourbe  en  une 
pointe  horizontalement  inclinée.  Telle  fut  la  forme  la  plus 
pure  du  fauchart,  forme  naturellement  sujette  à  toutes  les 
modifications  que  pouvaient  apporter  les  gens  de  guerre  à 
un  engin  dont  les  ordonnances  n'établissaient  point  un 
modèle  immuable.  Sa  disposition 
a  cependant  peu  varié  à  travers  le 
temps,  et  jusqu'au  xve  siècle  le 
fauchart  s'éloigna  peu  de  ce  type. 
A  cette  époque,  on  s'en  servait 
surtout  dans  les  guerres  de  siège, 
dans  les  combats  d'approches.  Le 
couteau  de  brèche,  qui  est  une  mo- 
dification du  fauchart,  demeura  en 
usage  jusqu'au  xvne  siècle.  Lefau- 
chard  doit  donc  être  ainsi  défini  : 
une  arme  d'hast  employée  par  les 
piétons,  dont  le  long  fer,  fort  et 
large,  est  en  forme  de  serpe,  avec 
un  tranchant  du  côté  convexe  de 
la  lame.  Au  dos  se  dressent  des 
pointes  et  un  crochet  parfois  double. 
11  diffère  de  la  guisarme  en  ce  que 
celle-ci  prolonge  sa  lame  en  une 
forte  pointe  aiguë  comme  une  dague 
(V.  Guisarme). 

■  Le  couteau  de  brèche  est  une 
dérivation  du  fauchart.  La  soie  ou 
la  douille  par  laquelle  la  lame  se 
fixe  à  la  hampe  n'occupe  point  le 
milieu  du  talon,  de  telle  sorte 
que  le  tranchant  est  très  extérieur 
à  l'axe,  tandis  que  le  dos  est  dans 
la  continuation  de  l'axe  de  la 
hampe.  La  pointe  de  l'arme  est 
droite  et  formée  par  la  réunion  du 
dos  et  du  tranchant  qui  s'y  re- 
joignent après  avoir  été  très  diver- 
gents à  la  base.  Le  fauchart  diffère  de  la  faux  de  guerre 
(V.  Faux)  en  ce  que  son  tranchant  est  convexe,  et  du 
vouge  en  ce  que  celui-ci  a  une  lame  ordinairement  droite 
et  montée  en  dehors  de  l'axe  de  la  hampe,  dans  la  plupart 
des  cas.  Il  diffère  de  la  hallebarde  en  ce  qu'il  ne  présente 
ni  pointe  d'estoc  ni  hache  latérale.  Ses  différences  avec  le 
godendac,  la  pertuisane,  la  roncone  et  la  corsesque  sont 
encore  plus  grandes.  C'est  au  xive  siècle  que  le  fauchart 
fut  le  plus  en  honneur  ;  il  en  est  fait  mention  dans  le  récit  du 
combat  des  Trente.  La  taille  la  plus  ordinaire  de  cette  ter- 
rible arme  d'hast  était  de  2m50.  Le  fer  mesurait  environ 
2  pieds  de  long  et  la  lame  6.  En  Italie,  cette  arme  resta 
en  usage  jusqu'au  xvne  siècle,  servant  surtout  à  la  parade, 
étant  portée  par  les  officiers  des  régiments  étrangers  au 
service  des  princes  et  des  villes.       Maurice  Maindron. 

Bibl.  :  Meyrick,  History  of  ancient  armours  ;  Londres, 
1830,  3  vol.  in-4.  —  Maurice  Maindron,  les  Armes  ;  Paris, 
1890,  in-8.  —  Demmin,  Guide  de  V amateur  d'armes  ;  Paris, 
1879,  in-8.  —  Penguilly  L'Haridon,  Catalogue  du  musée 
d'artillerie;  Paris,  1862,  in-8.  —  A.  Angelucci,  Catalogo 
délia  Armeria  Reale  ;  Turin,  1890,  in-4.  —  Wendeiin 
Bœheim,  Handbuch  der  Waffenkunde  ;  Leipzig,  1890.  — 
Colonel  Robert,  Catalogue  des  collections  composant  le 
musée  d'artillerie;  Paris,  1891,  t.  III.—  Giraud,  Catalogue 
de  la  collection  Spitzer  ;  Paris,  1892  (Armes).  —  Specht, 
Geschichte  der  Waffen  ;  Leipzig,  1880,  4  vol.  in-8. 

FAUCHE  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Chaumont,  cant.  de  Saint-Blin;  127  hab.  _ 

FAUCHE  (Hippolyte),  orientaliste  français,  né  à  Auxerre 
le  23  mai  4797,  mort  à  Juilly  (Seine-et-Marne)  le  28  févr. 
4869.  Esprit  ardent  et  enthousiaste,  Fauche  s'était  épris 
de  la  poésie  sanscrite  qu'il  goûtait  d'ailleurs  avec  un  senti- 
ment souvent  fin  et  délicat,  et  il  s'était  assigné  la  tâche  de 
révéler  au  public  les  chefs-d'œuvre  d'une  littérature  trop 
peu  connue.  Il  dépensa  à  cette  besogne  l'énergie  patiente 
d'un  bénédictin,  et  il  ne  craignit  pas  d'engager  ses  res- 


Fauchart  du  xvi°  s., 
travail  vénitien. 


—  37  — 


FAUCHE 


sources  personnelles  dans  des  entreprises  de  librairie  où 
l'espoir  du  lucre  était  perdu  d'avance.  Il  s'essaya  d'abord 
à  des  poèmes  de  courte  haleine  :  le  Gîta-Govinda  et  le 
Ritou-Sanhara  (1850);  les  Centuries  de  Bhartrihari  et 
les  cinquante  stances  de  Tchaur u  (1852,  in-18).  Il  se  sentit 
alors  en  état  d'aborder  la  célèbre  épopée  de  Valmiki,  le  Ra- 
■mayana  ;  l'étendue  de  l'œuvre  ne  l'effraya  pas.  Les  neuf 
volumes  in-18  de  sa  traduction  parurent  de  1854  à  1858. 
Un  abrégé  de  cette  traduction  a  paru  en  2  vol.  in-8  (1869)  ; 
il  vient  d'en  être  publié  une  réduction  resserrée  en  1  vol. 
in-12  (Paris,  1892).  Vinrent  ensuite  :  les  Œuvres  complètes 
de  Kalidasa  (1859-1860,  2  vol.),  et  sous  ce  titre  bizarre  : 
Une  Tétrade,  quatre  ouvrages  de  genres  différents  :  la 
Mritchakatika,  drame  de  Soudraka  ;,  le  Daçakoumara- 
tcharita, roman  d'aventures deDandin;  hMahimnasstava, 
hymne  religieux  ;  le  Sisoupala-Vadha,  épopée  savante  de 
Magha  (1861-1863,  2  vol.).  Fauche  avait  rêvé  de  donner 
à  la  France  une  traduction  complète  du  Maha-Bharata,  la 
gigantesque  épopée  de  200,000  vers  où  l'Inde  a  recueilli 
tous  les  trésors  de  ses  légendes,  de  sa  mythologie,  de  ses 
spéculations  et  de  sa  morale.  La  mort  le  surprit  au  cours 
de  cette  œuvre  laborieuse  et  arrêta  l'entreprise  au  premier 
tiers  du  poème  (1863-1872,  10  vol.).  —  Avant  de  se 
vouer  avec  une  passion  exclusive  au  sanscrit,  Fauche  avait 
publié  le  Panthéon,  poème  théologique  en  cinq  chants, 
avec  introduction  et  notes  (1842,  in-18),  et  la  Sœur 
Gabrielle,  roman  (3  vol.  in-18).  Hippolyte  Fauche  n'a  pas 
obtenu  de  ses  contemporains  ni  de  ses  successeurs  l'estime 
qu'il  méritait.  Malgré  les  suffrages  considérables  d'un  Bar- 
thélémy Saint-Hilaire  ou  d'un  Michelet,  le  public  qu'il  visait 
est  resté  indifférent  à  ses  productions,  et  les  érudits  se  sont 
attachés  à  signaler  les  erreurs  de  détail  qui  fourmillent 
dans  ses  traductions  sans  lui  tenir  compte  des  difficultés  et 
des  obstacles  qu'il  avait  à  vaincre.  Il  faut,  pour  l'apprécier 
justement,  considérer  la  rareté  des  textes  et  la  faiblesse  des 
instruments  de  travail  dont  il  disposait,  les  conditions  défa- 
vorables où  il  vivait,  les  difficultés  pécuniaires  où  il  avait 
à  se  débattre,  le  manque  de  secours  officiels  et  la  mauvaise 
volonté  des  savants  en  place.  En  dépit  des  contresens  et 
des  fautes  les  plus  grossières,  malgré  la  servilité  traînante 
de  la  traduction,  un  sentiment  naïf  des  beautés  de  l'original 
perce  fréquemment  et  éclate  en  d'heureuses  trouvailles.  Sous 
leur  forme  étrange,  incorrecte,  indigeste,  les  traductions  de 
Fauche  sont  peut-être  les4plus  savoureuses  que  la  littéra- 
ture indienne  ait  produites  en  France.       Sylvain  Lévi. 

FAUCHE-Borel  (Louis),  agent  des  Bourbons  dans  la 
plupart  des  conspirations  ou  des  intrigues  royalistes  de  la 
période  révolutionnaire,  consulaire  et  impériale,  né  à  Neu- 
châtel  le  12  avr.  1762,  d'une  famille  de  protestants  franc- 
comtois  réfugiés,  mort  à  Neuchâtel  le  7  sept.  1829.  Son 
éducation,  à  en  juger  par  ses  écrits,  paraît  avoir  été  des 
plus  sommaires.  A  l'époque  de  la  Révolution,  il  exerçait  le 
métier  d'imprimeur.  Il  se  refusa,  dit-on,  à  imprimer  contre 
Marie-Antoinette  un  de  ces  scandaleux  pamphlets  qui  sor- 
taient pour  la  plupart  dessentines  de  la  cour  de  Versailles, 
ne  laissa  pas  ignorer  ce  petit  service,  reçut  quelques  mots 
de  remerciement,  et  depuis,  quoique  sujet  prussien  et  de  la 
religion  réformée,  s'attacha  de  cœur  et  d'ambition  à  la 
cause  politique  qu'il  ne  cessa  de  soutenir,  sans  aucun 
scrupule,  mais  sans  grand  effet,  durant  toute  son  existence. 
Les  émigrés  réfugiés  à  Neuchâtel  trouvèrent  dans  sa  mai- 
son un  grand  empressement,  des  secours  d'argent,  des 
moyens  de  publication  :  il  imprima  entre  autres  les  bro- 
chures du  Franc-Comtois  Fenouillot.  En  1793,  il  fut  banni 
pour  six  mois,  parce  qu'il  avait  édité  le  testament  de 
Louis  XVI.  Il  ne  tarda  pas  à  abandonner  tout  à  fait  sa  profes- 
sion et  sa  ville  natale.  En  1 795,  il  entra  pour  son  malheur 
en  relations  avec  le  prétendu  comte  de  Montgaillard(V  .ce 
nom),  qui  tour  à  tour  devait  servir  et  trahir  les  Bourbons 
et  Napoléon  Ier  dans  sa  longue  carrière  d'intrigues.  Fauche 
montra  plus  d'honnêteté  politique,  ou  plus  d'esprit  de 
suite  ;  mais  c'étaient,  pour  ses  débuts,  de  tristes  auspices. 
Chargé  de  communiquer  au  général  Pichegru  les  propositions 


du  prince  de  Condé,  il  reçut  les  promesses  les  plus  enga- 
geantes :  un  million  comptant,  le  cordon  de  Saint-Michel, 
la  direction  de  l'Imprimerie  royale,  s'il  persuadait  Piche- 
gru de  passer  avec  son  armée  au  service  de  Louis  XVII. 
Le  14  août  1795,  non  sans  de  longues  démarches  et  de 
véritables  dangers,  ce  pacte  de  trahison  était  signé   à 
Altkirch  ;  il  est  vrai  que  Pichegru  ajoutait  cette  réserve  : 
si  les  Autrichiens  secondaient  l'opération  projetée.  Fauche, 
après  avoir  fait  son   rapport  au  prince  de   Condé,  était 
venu  s'installer  à  Strasbourg  pour  suivre  l'affaire,  et,  afin 
de  mieux  se  dissimuler,  se  disposait  à  monter  une  impri- 
merie dans  cette  ville,  lorsque  le  Directoire,  ayant  reçu 
quelque  avis,  rappela  Pichegru  :  quant  à  Fauche,  il  fut 
arrêté  (21  nov.),  mais  relâché  faute  de  preuves.  Une  fois 
que  Pichegru  eut  été  élu  président  des  Cinq-Cents,  Fauche 
se  rendit  à  Paris;' mais  la  journée  républicaine  du  18  fruc- 
tidor (4  sept.  1797)  déjoua  les   intrigues   royalistes. 
Des  lettres  de  Fauche  à  Pichegru  avaient  été  saisies  dans 
les  équipages  du  général  Klinglin  :  Fauche  dut  se  cacher; 
mais,  de  sa  retraite  même,  il  parvint  à  entrer  en  relations 
avec  Barras  et  trouva  ce  directeur  tout  prêt  à  favoriser  la 
restauration  des  Bourbons,  à  condition  d'agir  en  chef  et 
d'en  avoir  le  principal  bénéfice.  Fauche  put  sortir  de  Paris 
grâce  à  un  faux  passeport  que  lui  fit  donner  Barras.  Il 
passa  en  Angleterre.  La  correspondance  de  Barras  avec 
Louis  XVIII  devait  suivre  un  chemin  des  plus  compliqués  : 
un  nommé  David   Monnier,   confident  de  Fauche,    était 
chargé  de  la  recevoir  à  Hambourg  et  de  la  faire  parvenir 
à  Londres,  .d'où  Fauche  devait  la  porter  à  Mittau.  Mais 
Monnier  crut  pouvoir  se  passer   de  Fauche,   qui  n'eut 
d'autre  consolation  que  «  de  serrer  dans  ses  bras  »,  en 
Angleterre,  «  son  admirable  Pichegru  »  ;  il  s'empressa  de 
l'informer  des  desseins  de  Barras.  Fauche  eut  deux  entre- 
vues avec  Louis  XVIII  à  Mittau  :  il  en  reçut  l'ordre  de 
s'établir  à  Wesel  pour  correspondre  avec  Monnier,  resté  à 
Paris  même  en  relations  avec  le  directeur.  Un  agent  de  ce- 
lui-ci, Guérin  de  Saint-Tropez,  vint  à  Wesel  et  reçut  des 
mains  de  Fauche  des  lettres  patentes  de  Louis  XVIII  en 
faveur  de  Barras.  C'est  le  18  brumaire  qui  mit  fin  à  ces 
négociations.  Fauche  eut  quelque  temps  l'idée  de  revenir 
à  ses  presses.  Mais  la  passion  de  l'intrigue  l'emporta.  Des 
royalistes  influents  le  prièrent  de  rapprocher  Moreau  et 
Pichegru,  alors  brouillés  ensemble,  et  il  réussit  d'autant 
plus  facilement  dans  cette  mission  que  Moreau  écoutait 
volontiers  tous  les  ennemis  du  premier  consul.  Toutefois 
Bonaparte  avait  alors  eu  le  temps  de  réorganiser  la  police, 
et  Fauche  fut  arrêté  et  emprisonné  au  Temple.  Il  y  fut 
interrogé  par  Desmarets,  par  Real  ;  on  le  laissa  s'évader  au 
bout  de  dix-huit  mois  afin  de  suivre  ses  démarches  (car  il 
n'avait  rien  voulu  avouer)  ;  mais  il  ne  se  compromit  pas, 
fut  remis  en  prison,  n'en  dit  pas  davantage.  C'est  ainsi  que 
Fauche-Borel  présente  les  choses  dans  ses  Mémoires,  Mais 
C.  Fauriel,  secrétaire  de  Fouché,  les  a  vues  ou  devinées 
autrement  :  «  Il  est  peu  ordinaire,  dit-il,  pour  l'homme  le 
plus  décidé  dans  ses  sentiments  et  ses  habitudes,  de  con-  < 
tinuer  dans  les  prisons  les  intrigues  qui  l'y  ont  fait  mettre. 
C'était  pourtant  ce  que  faisait  Fauche-Borel.  Sous  les  yeux 
et  sous  la  main  de  la  police,  il  s'occupait  de  projets  contre 
le  gouvernement  français  ;  ses  idées,  sur  cet  objet,  avaient 
trouvé  une  issue  hors  des  murailles  du  Temple  ;  son  neveu, 
nommé  Vitel,  qui  le  voyait  habituellement,  était  devenu  son 
messager,  et  c'était  à  Moreau  que  ce  messager  était  chargé 
de  faire  parvenir  les  insinuations  et  les  espérances  de 
Fauche-Borel  détenu  au  Temple.  S'il  eût  été  plus  pénétrant, 
il  aurait  senti  que  Fauche-Borel  ne  pouvait  agir  que  par 
Y  influence  même  qui  leretenait  dans  les  fers.  Ce  Fauche- 
Borel,  peu  de  temps  avant  la  mise  en  jugement  des  cons- 
pirateurs, s'est  évadé  du  Temple.  »  Il  est  vrai  qu'une  note 
au  crayon  (pas  de  la  main  de  Fauriel)  corrige  les  mots  par 
l 'influence  même  en  ajoutant  ou  du  moins  au  su,  et 
ajoute  :  «  Je  crois  qu'il  était  de  bonne  foi.  »  Ce  qui  semble  le 
démontrer,  c'est  qu'il  fut  repris  et  remis  en  prison.  Enfin, 
au  bout  de  dix- huit  autres  mois,  l'ambassadeur  de  Prusse 


FAUCHE  -  FAUCHER 


—  38  — 


Lucchesini  obtint  son  élargissement  ;  il  fut  d'ailleurs  immé- 
diatement conduit  à  la  frontière  et  jusqu'en  territoire  prus- 
sien, à  Wesel  :  le  baron  de  Hardenberg  lui  fit  défense  de 
retourner  à  Neuchâtel.  Il  partit  alors  pour  Berlin,  et  se  fit 
bien  venir  de  la  cour  par  les  renseignements  qui  ne  lui  man- 
quaient pas  sur  les  choses  et  sur  les  gens.  Sans  doute  il 
n'en  était  pas  à  ses  premières  confidences,  car  c'est  par 
le  ministre  prussien  Haugwitz  que  Sieyès  avait  connu  en 
1799  les  complots  de  Barras,  ce  qui  l'avait  décidé  à  se  jeter 
dans  les  bras  de  Bonaparte.  Fauche  continua  de  servir  au 
moins  deux  maîtres,  le  roi  de  Prusse  et  le  roi  de  France 
in  partibus.  En  1804,  il  imprima  et  répandit  la  protes- 
tation de  Louis  XVIII  contre  l'établissement  de  l'Empire. 
Vers  la  fin  de  1805,  Napoléon  exigea  son  extradition; 
averti  par  la  reine  de  Prusse,  il  revint  à  Londres  en  janv. 
1806.  Prévoyant  depuis  plus  d'un  an  la  guerre  de  Prusse, 
il  avait  conseillé  à  Frédéric-Guillaume  de  rappeler  Moreau 
des  Etats-Unis  et  de  lui  donner  un  commandement.  C'est 
vers  cette  époque  qu'il  devint  l'intermédiaire  de  la  corres- 
pondance qu'entretint  longtemps  Louis  XVIII  avec  Perlet, 
faux  royaliste  et  espion  aux  gages  de  l'empereur.   Il 
tomba  insensiblement  dans  l'absurde  et  le  romanesque.  Ne 
songea-t-il  pas  à  corrompre  le  maréchal  Berthier,  devenu 
prince  de  Neuchâtel?  Ne  prit-il  pas  au  sérieux  un  projet 
de  débarquement  du  duc  de  Berry  en  Bretagne,  machiné 
par  des  agents  bonapartistes?  Il  eut  du  moins  le  mérite, 
dans  cette  dernière  organisation,  de  s'informer  par  lui- 
même,  et  de  déconseiller  la  tentative.  —  Lorsque  les 
fautes  de  l'empereur  et  les  victoires  de  la  coalition,  bien 
plus  que  les  intrigues  des  conspirateurs,  eurent  ramené 
Louis  XVHI  sur  le  trône,  ce  prince  reconnut  fortmall'in- 
contestable  dévouement  de  Fauche-Borel.  Il  fut  écarté 
comme  importun  par  M.  de  Blacas,  et  lorsqu'il  suivit,  à  Gand, 
son  maître  fugitif,  il  se  vit  contraint  à  déguerpir  dans  les 
vingt-quatre  heures,  et  mis  au  cachot,  pendant  huit  jours, 
à  Bruxelles.  Revenu  à  Neuchâtel,  il  put  se  vanter  d'avoir, 
après  Waterloo,  hâté  l'occupation  de  la  Franche-Comté 
par  les  forces  étrangères  et  les  bandes  de  volontaires  roya- 
listes. Malgré  tout  son  zèle,  la  défiance  à  son  égard  sub- 
sista. Comme  il  avait  largement  dépensé,  largement  vécu, 
et  largement  emprunté,  ses  créanciers  étaient  las  d'attendre 
les  hautes  récompenses  dont  il  nourrissait  toujours  en  eux 
l'illusion.  Il  sortit  alors  de  son  rôle  de  conspirateur,  et  fit 
appel  au  public  par  le  Précis  historique  de  ses  missions. 
Il  y  maltraitait  bien  des  gens,  et  entre  autres  Perlet.  Les 
accusations  de  trahison  et  d'infidélité  qu'ils  se  renvoyaient 
l'un  à  l'autre  aboutirent  à  un  procès  à  la  suite  duquel 
Perlet  fut  condamné  comme  escroc  et  calomniateur  (juge- 
ment correctionnel  du  24  mai  1816).  Le  comte  d'Artois 
voulut  bien,  plus  tard,  accorder  sur  sa  cassette  un  traite- 
ment de  5,000  fr.  à  Fauche-Borel  ;    mais   ce  ne  fut 
qu'après  qu'il  eut  obtenu  quelque  chose  du  ministère  bri- 
tannique (on  ignore  pour  quel  service),  et  reçu  du  roi  de 
Prusse,  toujours  économe,  un  titre  de  noblesse  et  de  con- 
seiller d'ambassade.  C'était,  à  son  gré,  de  minces  com- 
pensations à  toute  use  vie  de  dangers  et  de  dévouement, 
et  d'ailleurs  ses  dettes  n'avaient  fait  que  s'accroître  ;  il 
avait  une  femme  et  six  enfants.  Il  fit  alors  rédiger  ses 
Mémoires  par  un  nommé  Beauchamp  :  mais  il  en  fut  pour 
ses  frais.  Il  revint  à  Neuchâtel  (juil.  1829),  honteux  de 
ses  sollicitations  inutiles  et  désespéré  de  sa  détresse  pécu- 
niaire. En  septembre,  après  avoir  recommandé  les  siens, 
par  testament,  à  Charles  X,  au  roi  de  Prusse  et  au  roi 
d'Angleterre,  il  se  jeta  par  la  fenêtre  et  expira  sur  le 
coup.  Les  journaux  royalistes  ne  pleurèrent  pas  cet  en- 
combrant et  compromettant  personnage  ;  et,  quant  aux  libé- 
raux, ils  commentèrent  à  l'occasion  de  cette  mort  tragique  le 
Nolite  confidere  principibus  terrœ,  si  souvent  applicable 
à  ceux  qui,  n'étant  pas  nés  dans  la  grandeur,  ont  servi  les 
grands  de  la  terre  avec  un  zèle  trop  passionné.    H.  Monin. 
Bibl.  :  Lombard,  Mémoire  pour  L.  Fauche-Borel,  contre 
Perlet,  ancien  journaliste;  Paris,   1816,   in-4  et  in-8.— 
Réponse  de  Fauche-Borel  à  M.  Riffé,  substitut  de  M.  le 
procureur  du  roi  ayant  porté  la  parole  dans   l'affaire 


contre  Perlet,  suivie  du  jugement  rendu  contre  ce  dernier; 
Paris,  1816,  in-8.  —  Fauche-Borel,  Mémoires  ;  Paris, 
1828,  4  vol.  in-8.  —  Du  même,  Notices  sur  les  généraux 
Pichegru  et  Moreau;  Londres,  1807,  in-8.  —  Précis  histo- 
rique des  différentes  missions  dans  lesquelles  M.  L.  Fauche- 
Bordel  a  été  employé  pour  la  cause  de  la  monarchie,  suivi 
de  pièces  justificatives;  Paris,  oct.  1815,  in-8  (les  pp.  37-38, 
96-97,  99-100  ont  été  cartonnées  par  la  censure  dans  la  plu» 
part  des  exemplaires). 

FAUCHER  (César  et  Constantin),  généraux  français, 
frères  jumeaux,  nés  à  La  Réole  (Gironde)  le  20  mars 
1759,  fusillés  à  Bordeaux  le  27  sept.  1815.  Il  existait 
entre  eux,  au  physique  et  au  moral,  une  ressemblance  par- 
faite, et  la  sympathie  étroite  qui  les  unissait  ne  se  démentit 
jamais.  Fils  d'un  ancien  commissaire  des  guerres,  ils 
entrèrent  à  quinze  ans  au  corps  des  chevau-légers  du 
roi,  d'où  ils  passèrent,  en  1780,  comme  officiers  dans  un 
régiment  de  dragons.  Après  s'être  fait  recevoir  ensemble 
avocats,  ils  quittèrent  le  service,  applaudirent  en  1789  à 
la  Révolution  et  furent,  deux  ans  plus  tard,  nommés,  le 
premier  président  du  district  de  La  Réole  et  commandant 
des  gardes  nationales  de  la  Gironde,  le  second  commissaire 
du  roi  et  chef  de  la  municipalité  de  sa  ville  natale.  En 
1793,  ils  partirent  tous  les  deux  comme  capitaines  dans 
le  corps  franc  des  Enfants  de  La  Réole,  allèrent  com- 
battre pour  la  République  en  Vendée,  où  ils  reçurent  de 
nombreuses  blessures  et  furent  élevés  le  même  jour  au 
grade  de  général  de  brigade.  Traduits  comme  partisans  des 
girondins  devant  le  tribunal  révolutionnaire  de  Rochefort 
(1er  janv.  1794),  ils  furent  condamnés  à  mort,  mais  le 
représentant  Lequinio  s'opposa  à  leur  exécution  et,  leur 
jugement  ayant  été  annulé,  ils  furent  remis  en  liberté  et 
recouvrèrent  leurs  commandements. 

Leur  santé  les  ayant  obligés  un  peu  plus  tard  de  se  re- 
tirer dans  leur  pays,  Constantin  fut,  après  le  18  brumaire, 
chargé  de  la  sous-préfecture  de  La  Réole  (3  avr.  1800) 
et  bientôt  (15  mai)  César  fut  nommé  membre  du  conseil 
général  de  la  Gironde.  Ils  se  démirent  ensemble  de  leurs 
fonctions  et  tentèrent  de  concert,  sans  beaucoup  de  succès, 
des  opérations  commerciales  à  Bordeaux.  En  1814,  ils 
étaient  de  nouveau  retirés  à  La  Réole,  qu'ils  essayèrent 
de  défendre  contre  les  Anglais,  ce  qui  leur  valut  de  vio- 
lentes rancunes  du  parti  royaliste.  Restés  fidèles  à  la  cause 
de  la  Révolution,  ils  offrirent  leurs  services  à  Napoléon 
pendant  les  Cent-Jours.  Attachés  à  l'armée  des  Pyrénées- 
Orientales  comme  maréchaux  de  camp  (14  juin  1815),  ils 
n'eurent  pas  le  temps  de  se  rendre  à  leur  poste.  César  était 
à  ce  moment  député  de  La  Réole  à  la  Chambre  des  repré- 
sentants. Il  courut,  après  la  dissolution  de  cette  assemblée, 
rejoindre  son  frère  qui,  comme  maire  et  commandant  de 
cette  ville,  s'était  mis  aux  ordres  du  général  Clausel. 
Obligés  le  21  juil.,  par  suite  du  retour  de  Louis  XVIII,  de 
résigner  toutes  fonctions  publiques  et  d'arborer  le  drapeau 
blanc,  ils  furent  accusés  de  l'avoir  laissé  insulter  le  22  par 
des  troupes  de  passage  qui  s'étaient  permis,  malgré  eux, 
cette  manifestation.  Assiégés  dans  leur  maison  par  les 
volontaires  royaux  de  la  Gironde ,  ils  furent  arrêtés  le 
30  juil.,  conduits  à  Bordeaux  et  traduits  devant  un  conseil 
de  guerre  (22  sept.).  Leur  vie  avait  toujours  été  un  mo- 
dèle de  désintéressement,  de  droiture,  de  bienfaisance. 
Mais  on  était  en  pleine  Terreur  blanche.  Ils  ne  trouvèrent 
pas  à  Bordeaux  un  seul  avocat  qui  osât  se  charger  de 
plaider  leur  cause.  Le  célèbre  Ravez,  leur  ancien  ami, 
leur  refusa  lui-même  son  office.  Le  conseil  de  guerre  passa 
outre,  et  ils  durent  se  défendre  mutuellement.  Condamnés 
à  mort  (25  sept.),  ils  virent  leur  sentence  confirmée  en 
revision  et  marchèrent  souriants  au  supplice  qu'ils  subirent 
debout  et  sans  avoir  permis  qu'on  leur  bandât  les  yeux. 

A.  Debidour. 
FAUCHER  (Léon),  journaliste,  économiste  et  homme 
politique  irançais,  né  à  Limoges  le  8  sept.  1803,  mort  à 
Marseille  le  14  déc.  1854.  Ses  parents  étaient  pauvres,  et, 
de  plus,  désunis.  Sa  mère  s'étant  séparée  de  son  père  l'em- 
mena à  Toulouse,  où  il  suivit  les  cours  du  collège  ;  son 
enfance  fut  rude  et  laborieuse  ;  la  nuit,  il  faisait  des  des- 


39  - 


FAUCHER 


sins  de  broderie  pour  gagner  quelque  argent.  Il  se  desti- 
nait à  renseignement.  Venu  à  Paris,  il  fut  employé  dans 
une  pension,  puis  précepteur  chez  M.  Dailly,  maître  de 
poste.  Admissible  à  l'agrégation  (1827),  il  ne  put  cepen- 
dant obtenir  une  place  dans  l'université.  Quelques  essais 
de  littérature  savante  et  d'archéologie  semblaient  annon- 
cer un  futur  érudit,  lorsque  survint  la  révolution  de  Juil- 
let. Faucher  entra  dans  le  journalisme,  pour  lequel  il 
n'était  cependant  pas  fait  :  comme  le  témoignent  les  ar- 
ticles de  philosophie  historique  qu'il  a  signés  dans  le 
Temps,  il  aimait  mieux  réfléchir  sur  les  événements  du 
passé  que  suivre  un  courant  ou  porter  un  drapeau.  Esprit 
généralisateur,  pondéré,  il  échoua  financièrement  dans  la 
création  d'un  organe  à  lui,  le  Bien  public,  feuille  hebdo- 
madaire ;  mais  il  eut  le  rare  mérite  de  rembourser  inté- 
gralement ses  bailleurs  de  fonds,  au  prix  du  travail  le 
plus  acharné  et  de  véritables  privations.  Il  obtint  la 
direction  du  Constitutionnel  (1833-1834),  en  sortit 
parce  qu'il  ne  voulait  pas  être  l'homme-lige  des  proprié- 
taires de  cette  feuille,  entra  au  Courrier  français  qu'il 
rédigea  en  chef  de  1839  à  1842.  Son  mariage  avec 
MUô  Alexandrine  Wolowska,  sœur  du  célèbre  économiste 
(1837),  avait  donné  à  sa  position  sociale  l'indépendance 
qu'il  méritait  si  bien  par  son  caractère.  Il  prit  parti  dans 
la  politique  militante,  d'abord  pour  la  coalition  qui  ren- 
versa le  ministère  Mole,  puis  pour  Thiers  contre  Guizot. 
Mais  il  se  consacra  de  plus  en  plus  aux  travaux  d'écono- 
mie politique.  Il  avait  déjà  publié  dans  la  Revue  des  Deux 
Mondes  un  article  sur  la  Colonie  des  Savoyards  à  Paris 
(1834),  et  un  travail  intitulé  Etat  et  tendance  de  la 
propriété  en  France  ;  du  système  électif  en  France 
(1836),  dans  lequel  la  formation  du  capital  dans  notre 
pays  et  le  régime  censitaire  étaient  curieusement  rappro- 
chés l'un  de  l'autre,  et  opposés  avec  mesure  et  discrétion. 
En  1838,  les  bases  d'un  système  pénitentiaire  pour  les 
prisons  de  la  France  étaient  l'objet  d'une  vive  discussion. 
Faucher  ne  chercha  la  solution  du  problème  «  ni  dans 
des  conceptions  abstraites  ni  dans  l'imitation  d'essais  ten- 
tés au  dehors  chez  des  nations  de  race,  de  mœurs,  d'état 
social  différents.  Il  se  demanda  ce  qu'une  telle  institu- 
tion devait  être  en  France  »  (Am.  Thierry).  Il  repousse 
l'emprisonnement  cellulaire.  Il  recommande  la  vie  et  le 
travail  en  commun  par  catégories  de  détenus.  Il  attache 
les  condamnés  des  campagnes  à  des  colonies  agricoles.  Il 
montre  le  péril  qui  consiste  à  faire  d'un  cultivateur  con- 
damné un  ouvrier  qui,  rejeté  après  sa  peine  dans  la  vie 
urbaine,  devient  presque  fatalement  un  récidiviste.  En 
1842,  il  prit  part  à  la  lutte  des  partisans  de  la  protection 
contre  ceux  du  libre-échange.  Sous  le  titre  (YUnio?i  du 
Midi,  il  publia  un  projet  d'association  douanière  irréali- 
sable politiquement,  si  désirable  qu'il  fût  économiquement, 
entre  la  France,  la  Belgique,  l'Espagne  et  la  Suisse  :  il 
s'agissait  de  créer  un  contrepoids  au  Zollverein  germa- 
nique. Les  Etudes  sur  l'Angleterre  (1845)  ont  été  cri- 
tiquées par  L.  Reybaud  comme  accordant  trop  d'impor- 
tance aux  circonstances  particulières  que  traversait  alors 
ce  pays  (discussion  des  lois  sur  les  blés,  de  l'income- 
tax,  etc.)  ;  mais  l'auteur  n'a  d'autre  prétention  que  de 
noter  ce  qu'il  a  vu  :  son  livre  a  dévoilé  à  nos  voisins  plus 
d'un  vice  de  leur  état  social,  «  et  la  France  peut  y  trou- 
ver tantôt  un  encouragement  à  des  réformes  salutaires, 
tantôt  un  préservatif  contre  des  engouements  irréfléchis  » 
(Am.  Thierry).  C'est  sur  le  modèle  de  la  ligue  anglaise 
pour  le  libre-échange  que  s'était  fondée  en  France  une 
association  dite  de  Bordeaux,  dont  Faucher  aurait  pu 
devenir  le  leader,  s'il  n'avait  en  toute  chose  redouté 
l'exagération.  En  1843,  il  lut  à  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques  des  recherches  sur  l'or  et  l'argent 
considérés  comme  étalons  de  la  valeur  ;  il  donna  un  grand 
nombre  d'articles  au  Journal  des  économistes.  Il  devint 
membre  du  conseil  d'administration  de  la  Compagnie  de 
chemins  de  fer  de  l'Est.  Après  deux  tentatives  inutiles,  et 
à  la  suite  d'une  élection  des  plus  disputées,  il  fut  nommé 


à  la  Chambre  des  députés  par  le  collège  de  Reims  (1847). 
Il  parla  sur  les  banques  ;  il  ne  put  obtenir  la  création  des 
billets  de  cent  francs,  les  plus  répandus  aujourd'hui.  Par- 
tisan de  la  réforme  électorale,  mais  par  des  moyens  stric- 
tement constitutionnels,  s'il  ne  put  refuser  à  ses  électeurs 
de  présider  le  banquet  de  Reims,  il  refusa  d'assister  à 
ceux  de  Paris  (1848).  Il  signa  l'acte  d'accusation  contre 
le  ministère  Guizot,  et  ne  fut  pas  peu  effrayé  des  consé- 
quences inattendues  de  cette  campagne  :  la  révolution  de 
Février  et  la  proclamation  de  la  République.  Il  n'eut  ce- 
pendant pas  d'abord  à  se  plaindre  du  suffrage  universel  : 
le  dép.  de  la  Marne  le  nomma  député  à  la  Consti- 
tuante de  1848.  Il  combattit  des  premiers  les  doctrines 
socialistes  dans  une  série  d'articles  sur  Y Organisation  du 
travail  (Revue  des  Deux  Mondes  du  1er  avr.  1848  et 
suiv.).  A  la  Chambre,  il  s'opposa  à  la  limitation  légale 
des  heures  de  travail,  à  l'émission  de  deux  milliards  de 
papier-monnaie,  à  la  création  puis  au  maintien  des  ateliers 
nationaux  de  Paris  :  il  proposa  d'employer  ceux  que  la 
politique  y  avait  embrigadés  à  des  travaux  de  terrasse- 
ments pour  les  voies  ferrées,  moyennant  un  crédit  de 
10  millions.  Il  repoussa  l'emprunt  forcé  de  200  millions 
(proposition  Pougeard).  Le  président  Bonaparte  l'appela 
au  ministère  des  travaux  publics  (20  déc.  1848)  ;  peu  de 
temps  après,  il  remplaça  comme  ministre  de  l'intérieur 
Léon  de  Maleville,  qui  s'était  refusé  à  remettre  entre  les 
mains  du  prince-président  certains  papiers  relatifs  à  l'affaire 
de  Boulogne  :  ils  furent  remis  alors  par  les  Archives  contre 
reçu  et  n'y  sont  pas  revenus.  Par  son  énergie  de  plus  en  plus 
réactionnaire,  il  fit  passer  la  proposition  Râteau,  acte 
d'abdication  de  la  Constituante  ;  il  remit  en  place  la  ma- 
jeure partie  du  personnel  administratif  de  la  royauté  bour- 
geoise ;  il  déjoua  (29  janv.  1849),  par  un  grand  déploie- 
ment de  forces  militaires,  une  journée  que  préparaient  les 
faubourgs.  Enfin,  à  la  veille  des  élections  de  1849,  il 
expédia  à  tous  les  préfets  une  dépêche  (datée  du  12  mai) 
portant  que  l'assemblée  avait  repoussé  le  vote  de  blâme 
proposé  par  Jules  Favre  contre  le  ministère,  à  propos  de 
la  question  italienne  :  «  Ce  vote,  ajoutait  le  ministre, 
consolide  la  paix  publique;  les  agitateurs  n'attendaient 
qu'un  vote  de  l'Assemblée  hostile  au  ministère  pour  cou- 
rir aux  barricades  et  renouveler  les  journées  de  juin. 
Paris  est  tranquille...  »  Suivait  la  liste  des  députés  qui 
avaient  voté  pour  ou  contre  le  gouvernement,  ou  qui 
s'étaient  abstenus.  C'était  là  une  impudente  manœuvre 
électorale.  Les  procédés  de  la  candidature  officielle  ne 
pouvaient  s'étaler  avec  plus  de  sans  façon  :  ils  eurent 
d'ailleurs  un  plein  succès.  Faucher  en  fut  quitte  pour  un 
vote  de  blâme  de  la  Constituante,  auquel  il  répondit  par 
sa  démission.  Il  fut  réélu  lui-même  à  une  grande  majorité 
par  le  dép.  de  la  Marne;  la  Législative  valida  et  son  élec- 
tion et  toutes  celles  qui  avaient  été  le  résultat,  du  moins 
partiel,  de  la  dépêche  du  12  mai  :  plusieurs  fois,  elle  fit 
de  l'auteur  son  vice-président.  Il  fut  membre  de  la  com- 
mission qui  prépara  la  loi  du  31  mai  1850,  restrictive  du 
suffrage  universel.  Il  continuait  à  donner  à  la  Revue  des 
Deux  Mondes  des  articles  sur  les  questions  financières 
et  sociales,  et  y  critiquait  les  budgets  de  1850  et  1851. 
Croyait-il  ou  ne  croyait-il  pas  à  la  possibilité  d'un  gou- 
vernement parlementaire  sous  la  présidence  de  Louis-Na- 
poléon? Sa  parfaite  probité  personnelle  (en  dehors  des 
faux  pas  inévitables  en  révolution)  rend  cette  appréciation 
vraisemblable.  Quoi  qu'il  en  soit,  rentré  dans  le  ministère 
en  avril  1 851 ,  il  n'y  resta  que  six  mois  et  se  retira  le  26  oct. 
parce  qu'il  ne  voulut  pas  renier  la  loi  du  31  mai.  Bonaparte 
avait  cependant  tout  fait  pour  le  gagner  :  lorsque,  comme 
ministre,  il  avait  posé  la  première  pierre  des  Halles  cen- 
trales, le  président  l'avait  nommé  commandeur  de  la  Lé- 
gion d'honneur  :  il  n'était  pas  encore  chevalier  !  Il  se 
retira  juste  à  temps  pour  dégager  sa  responsabilité  du 
crime  du  2  déc,  et  refusa  hautement  de  faire  partie  de  la 
commission  consultative  instituée,  immédiatement  après, 
par  le  président  de  la  République.  Il  se  sentit,  comme 


FAUCHER  —  FAUCHET 


—  40  — 


quelques  autres,  sinon  déshonoré,  au  moins  dupé  par  un 
coup  d'Etat  qu'il  avait  cependant,  sans  le  vouloir,  contri- 
bué à  rendre  possible.  Il  s'éloigna  entièrement  des  fonc- 
tions publiques.  Il  participa  à  la  création  du  Crédit  fon- 
cier. Il  devint  assidu  aux  séances  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques,  qui  l'avait  élu  en  4849 
comme  successeur  de  Rossi.  Il  donna  encore  à  la  Revue 
des  Deux  Mondes  de  remarquables  études  sur  l'état 
financier  de  la  France,  de  l'Angleterre  et  de  la  Russie, 
au  début  de  la  guerre  de  Crimée.  C'est  dans  les  Finances 
de  la  guerre  que  sont  pour  la  première  fois  analysées 
les  ressources  de  la  Russie.  Un  fonctionnaire  russe,  Ten- 
goborski,  fut  chargé  de  répondre  à  Faucher.  La  réplique 
de  celui-ci  (44nov.  4854)  est  son  dernier  écrit,  éloquent 
et  patriotique.  Plusieurs  fois,  déjà,  une  grave  maladie  de 
la  gorge  l'avait  obligé  à  séjourner  dans  le  Midi.  C'est  au 
cours  d'un  de  ces  voyages  forcés  qu'il  fut  enlevé,  à  Mar- 
seille, après  quinze  jours  d'agonie.  Ses  restes  furent  inhumés 
au  Père-Lachaise.  Sa  veuve,  sur  sa  recommandation,  fonda 
le  prix  Léon  Faucher  (triennal  de  3,000  fr.)  à  l'Académie 
des  sciences  morales  et  politiques.  H.  Monin. 

Bibl.  :  Institut  impérial  de  France...,  Funérailles  de 
M.  Léon  Faucher,  Discours  de  M.  Amédée  Thierry,  pro- 
noncé le  19  déc.  4854  ,*  Paris,  s.  d.,  in-4.  —  Revue  des 
Deux  Mondes,  livraisons  du  1er  janv.  1855  et  du  15  mai  1861 
(art.  de  Léonce  de  Lavergne). 

FAUCHERY  (Antoine),  publiciste  français,  mort  à 
Yokohama  le  27  avr.  4864.  Parti  en  Australie  pour  exploi- 
ter les  mines  d'or,  il  envoya  sur  ce  pays  une  série  de 
lettres  intéressantes  au  Moniteur,  En  4860,  il  suivit 
l'expédition  anglo-française  en  Chine  et  envoya  de  Pékin 
au  Moniteur  de  nouvelles  correspondances  qui  furent  re- 
marquées. Il  a  laissé  :  Lettres  d'un  mineur  en  Australie 
(Paris,  4857,  in-42). 

FAUCHET  (Agric).  Râteau  à  double  rang  de  dents  en 
bois,  emmanché  dans  une  fourche  dont  un  des  fourchons 
est  plus  court  que  l'autre  et  fait  avec  la  traverse  un  angle 
d'environ  60°  (V.  Râteau). 

FAUCHET  (Claude),  magistrat  et  érudit  français,  né  à 
Paris  le  3  juil.  4530,  mort  en  4604.  Attaché  au  cardinal 
de  Tournon,  il  l'accompagna  en  Italie  en  4554.  Rentré  en 
France,  il  devint  plus  tard  président  (4569),  puis  premier 
président  (4584)  à  la  cour  des  Monnaies,  mais  il  dut 
vendre  cette  charge,  en  4599,  pour  payer  ses  dettes. 
Henri  IV  lui  donna  le  titre  d'historiographe  de  France.  On 
a  de  lui  :  Recueil  de  l'origine  de  la  langue  et  poésie 
françoise,  ryme  et  romans,  plus  les  noms  et  sommaire 
des  œuvres  de  127  poètes  françois  vivans  avant  Van 
MCCC  (Paris,  4584);  Origines  des  dignitez  et  magis- 
trats de  France,  ouvrage  présenté  à  Henri  III  à  Saint- 
Germain-en-Laye  en  févr.  4584,  remanié  et  publié  par 
l'auteur,  avec  une  dédicace  à  Henri  de  La  Tour,  duc  de 
Bouillon,  le  45  janv.  4600;  Antiquitez  gauloises  et 
françoises,  important  recueil  en  douze  livres  (les  cinq  pre- 
miers, dédiés  à  Henri  IV,  parurent  en  4599;  les  trois 
suivants,  en  4604  ;  les  quatre  derniers,  après  la  mort  de 
l'auteur  en  4602),  qui  va  de  l'origine  à  l'an  987.  Quelques 
opuscules  moins  importants  se  trouvent  encore  dans  l'édi- 
tion de  ses  Œuvres  donnée  à  Paris  en  4640  en  2  vol. 
in-4.  Il  avait,  en  outre,  terminé  et  publié  en  4582  une 
traduction  française  de  Tacite,  commencée  par  Et.  de  La 
Planche.  Comme  historien,  Fauchet  n'a  ni  le  charme  ni 
l'autorité  d'Etienne  Pasquier.  Son  originalité  consiste  à 
avoir  remis  en  lumière  la  poésie  et  les  poètes  du  moyen 
âge  à  une  époque  où  l'on  ne  s'intéressait  guère  qu'aux 
littératures  de  l'antiquité,  mais  'son  Recueil  de  l'origine 
de  la  langue  et  poésie  françoise  n'a  guère  exercé  d'in- 
fluence, quoique  différents  auteurs  l'aient  utilisé,  sans  le 
citer,  pour  faire  parade  d'une  connaissance  superficielle  de 
la  littérature  du  moyen  âge.  Fauchet  avait  réuni  une  très 
belle  collection  de  manuscrits  qui  fut  pillée  quelques  années 
avant  sa  mort  (probablement  pendant  la  Ligue)  et  dont  la 
perte  lui  causa  de  vifs  regrets.  Beaucoup  de  ces  manuscrits 
passèrent  plus  ou  moins  légitimement  dans  la  bibliothèque 


de  Paul  Petau  et  se  trouvent  dispersés  aujourd'hui  dans  les 
bibliothèques  de  Rome,  de  Paris  et  de  Stockholm.  M.  P. 
Meyer  a  retrouvé,  dans  les  notes  de  Fauchet,  des  fragments 
importants  d'une  chanson  de  geste  perdue,  Doon  de  Nan- 
teuil  (Romania,  4884,  p.  4).  A.  Thomas. 

Bibl.  :  Simonnet,  le  Président  Fauchet,  sa  vie  et  ses 
ouvrages  ;  Paris,  1864.  —  Ernest  Langlois,  Quelques  Dis- 
sertations inédites  de  Claude  Fauchet,  dans  Etudes 
romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  ;  Paris,  1891. 

FAUCHET  (Claude),  ecclésiastique  et  homme  politique 
français,  né  à  Dornes  (Nièvre)  le  22  sept.  4744,  guillo- 
tiné à  Paris  le  34  oct.  4793.  Prêtre  de  la  communauté  de 
Saint-Roch,  il  devint  précepteur  des  enfants  du  marquis 
de  Choiseul,  grand  vicaire  de  l'archevêque  de  Bourges, 
Phélypeaux,  et  prédicateur  du  roi.  Il  tâcha  de  se  donner 
la  réputation  d'un  Fénelon  révolutionnaire,  et  ses  sermons 
furent  empreints  de  la  plus  ardente  philanthropie.il  fut  un 
des  acteurs  de  la  Révolution,  se  fit  remarquer  dans  l'as- 
semblée des  électeurs  de  4789,  et,  au  siège  de  la  Bastille, 
il  se  signala  parmi  les  assaillants  et  eut  sa  soutane  percée 
de  balles.  Le  5  août  4789,  à  Saint-Jacques,  il  prononça  une 
retentissante  oraison  funèbre  des  citoyens  morts  dans  la 
journée  du  44  juil.  et  fit  un  éloge  mystique  de  la  liberté. 
Membre  de  la  Commune  de  Paris,  du  48  sept.  4789  au 
8  oct.  4790,  il  en  fut  président  à  deux  reprises.  Journa- 
liste et  orateur,  il  était  l'âme  de  la  «  Société  des  Amis  de 
la  vérité  »,  qui  avait  pour  organe  une  feuille  mystique,  la 
Bouche  de  Fer,  rédigée  aussi  par  Bonneville.  Cette  Société 
fonda  un  cercle  social,  dont  les  deux  premières  séances 
eurent  lieu  au  cirque  du  Palais-Royal  les  43  et  22  oct. 
1790.  Fauchet  y  exposa  un  système  de  socialisme  chré- 
tien, fondé  sur  l'amour  universel,  système  auquel,  selon 
lui,    la  franc-maçonnerie  offrait  une  organisation  toute 
prête.  Sa  religiosité  ardente  lançait  l'anathème  aux  disci- 
ples de  Voltaire.  La  plupart  des  révolutionnaires  se  sépa- 
rèrent alors  de  lui,  et  peu  à  peu  sa  popularité,  d'abord 
éclatante,  s'éclipsa.  Dès  le  20  juin  4794,  il  se  montra 
républicain  tout  en  se  disant  ami  de  La  Fayette.  Le  dernier 
succès  du  procureur  de  la  vérité,  comme  il  s'intitulait, 
avait  été  un  sermon  à  Notre-Dame,  le  4  févr.  4794,  sur 
l'accord  de  la  religion  et  de  la  liberté,  où  il  revêtait  la 
doctrine  du  Cirque  des  formules  de  l'Eglise.  Elu  évêque 
constitutionnel  du  Calvados  en  avr.  4794,  il  y  combattit 
l'esprit  monarchique,  précéda  les  jacobins  de  Caen  et  fit 
abattre  la  statue  de  Louis  XIV.  Les  électeurs  du  Calvados 
l'envoyèrent  siéger  à  la  Législative.  Il  y  parla  avec  ardeur 
contre  les  prêtres  réfractaires  (26  oct.  4794)  et  demanda 
la  suppression  de  la  diplomatie  et  des  diplomates  (20  janv. 
4792).  La  popularité  lui  revint  alors  pour  un  instant  : 
mais  les  jacobins  le  discréditèrent  bientôt  en  l'accusant 
d'intriguer  avec  Mme  de  Staël,  et  d'avoir  demandé  un 
passeport  pour  M.  de  Narbonne.  Réélu  à  la  Convention, 
il  fut  envoyé  avec  Rovère  à  Sens  le  9  oct.  4792  pour  y 
assurer  la  libre  circulation  des  grains.  Dans  le  procès  de 
Louis  XVI,  tout  en  se  récusant  comme  juge,  il  vota  pour 
l'appel  au  peuple,  pour  la  réclusion  et  pour  le  sursis,  et 
protesta  contre  l'exécution  de  Louis  XVI  dans  le  Journal 
des  Amis  du  26  janv.  4793.  Le  22  févr.,  il  fut  dénoncé 
à  la  Convention  à  propos  d'un  mandement  où  il  interdisait 
aux  prêtres  mariés  de  son  diocèse  de  continuer  leurs  fonc- 
tions. Ses  liaisons  avec  les  girondins  lui  attirèrent  l'ani- 
mosité  du  peuple  de  Paris.  Au  2  juin,  il  se  suspendit 
volontairement  de  ses  fonctions  ;  mais,  sa  démission  n'ayant 
été  ni  acceptée  ni  refusée,  il  continua  à  siéger  jusqu'au 
44  juil.  suivant.  Ce  jour-là,  impliqué  avec  Deperret  dans 
l'attentat  de  Charlotte  Corday,  auquel  cependant  il  était 
resté  étranger,  accusé  surtout  de  complicité  avec  les  fédé- 
ralistes de  Caen,  il  fut  mis  en  arrestation,  puis  décrété 
d'accusation  le  28  juil.  suivant.  Traduit  au  tribunal  révo- 
lutionnaire avec  les  girondins,  il  périt  avec  eux.  Son  con- 
fesseur, l'abbé  Lothringer,  assura  qu'au  dernier  moment  il 
abjura  toutes  ses  «  erreurs  ».  Son  éloquence  rêveuse  et 
douce  ne  manquait  pas  d'originalité  et  il  fut  un  des  ora- 
teurs les  plus  remarquables  de  la  Révolution.  —  Le  Prus- 


—  41  — 


FAUCHET  —  FAUCHEUSE 


sien  Reichardt  qui  l'avait  vu  siéger  à  la  Législative,  a 
tracé  de  lui  ce  portrait  :  «  Fauchet  est  grand,  émacié, 
d'une  pâleur  maladive,  l'air  en  dessous;  en  un  mot,  c'est 
un  drôle  de  corps.  Il  est  tranquillement  assis  à  sa  place, 
écoutant  sans  en  avoir  l'air,  avec  un  vague  sourire  sur  les 
lèvres,  paraissant  sommeiller,  les  bras  croisés  sur  la  poi- 
trine. »  —  On  a  de  lui  des  discours,  des  oraisons  funèbres 
et  un  livre  sur  la  réforme  de  la  discipline  ecclésiastique 
et  les  rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  De  la  Religion 
nationale  (Paris,  1789,  in-8).  F.-A.  Aulard. 

Bibl.:  Dorimon,  l'Abbé  Claude  Fauchet,  membre  de  la- 
Commune  de  Paris,  dans  la  Revue  de  la  Révolution,  année 
1887.  —  F.-A.  Aulard,  les  Orateurs  de  la  Législative  et  de 
la  Convention,  t.  II,  pp.  107  et  suiv. 

FAUCHET  (Jean-Antoine-Joseph,  baron),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Saint-Quentin  le  31  août  1761,  mort 
à  Paris  le  13  sept.  1834.  Chef  de  bureau  dans  l'adminis- 
tration de  la  guerre  (1791),  secrétaire  de  la  mairie  de 
Paris  (1792),  et,  la  même  année,  secrétaire  du  pouvoir 
exécutif,  il  fut  envoyé  en  1793  aux  Etats-Unis  comme 
ministre  plénipotentiaire.  Partisan  zélé  de  Bonaparte,  il 
devint  en  l'an  VIIÏ  préfet  du  Var,  en  l'an  XIV  préfet  de  la 
Gironde,  et  fut  créé  baron  le  4  juin  1810.  Le  15  mars  1809, 
il  avait  occupé  la  préfecture  de  l'Arno.  Le  dép.  du  Var  le 
choisit  pour  représentant  à  la  Chambre  des  Cent-Jours 
le  24  mai  1815,  et  il  redevint  préfet  de  la  Gironde  jus- 
qu'à la  seconde  Restauration.  Il  rentra  ensuite  dans  la  vie 
privée. 

FAUCHEUR  (Entom.).  Nom  vulgaire  sous  lequel  on 
désigne  indistinctement  les  Arachnides  du  groupe  des  Pha- 
langides  (V.  Phalangium). 

FAUCHEUR  (Michel  Le),  prédicateur  huguenot,  né  à 
Genève  en  1585,  mort  à  Paris  le  1er  avr.  1657.  Il  fut 
reçu  ministre  dès  l'âge  de  dix-huit  ans  et  beaucoup  d'églises 
se  le  disputèrent  à  cause  de  son  talent  oratoire.  A  partir 
de  1612,  il  resta  vingt  ans  à  Montpellier;  de  1636  à  sa 
mort,  il  prêcha  à  Charenton.  Dans  l'intervalle,  il  avait  été 
réduit  au  silence  par  une  interdiction  de  Richelieu,  qui 
avait  voulu  le  gagner  à  la  cause  de  l'union  des  deux  reli- 
gions et  qui  avait  obtenu  un  refus  net.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs recueils  de  sermons,  et  un  Traité  de  l'action  de 
V orateur,  etc.,  publiée  par  Conrart  (Paris,  1657,  in-8), 
souvent  réimprimé  et  traduit  en  latin  par  Melch.  Schmidt 
(Helmstadt,  1690,  in-8).  F.-H.  K. 

FAUCHEUSE  mécanique.  Les  faucheuses  sont  des  ma- 
chines destinées  à  couper  les  herbes  des  prairies  pour  les 
convertir  en  foin  par  le  fanage.  C'est  à  l'Américain  Wood 
qu'appartient  l'honneur  d'avoir  le  premier  réalisé  le  type 
vraiment  pratique  de  la  faucheuse.  La  faucheuse  méca- 
nique construite  par  lui  a  servi  de  point  de  départ  pour  le 
plus  grand  nombre  de  celles  qui  ont  été  faites  après  par 
divers  constructeurs.  Une  faucheuse  se  compose,  en  prin- 
cipe :  de  l'organe  coupeur,  de  la  transmission  et  des  appa- 
reils de  support  et  de  règlement.  Dans  presque  toutes  les 
faucheuses,  fait  remarquer  M.  H.  Sagnier,  la  coupe  est 
faite  par  une  scie  soutenue  près  du  sol  latéralement  au  bâti 
de  la  machine  :  cette  scie  doit  tondre  les  herbes  aussi  près 
de  terre  que  possible  sans  s'engorger  et  sans  que  ses  dents 
mordent  le  sol.  Le  mouvement  est  donné  à  la  scie  par  un 
système  d'engrenages  mus  par  le  mouvement  même  de 
translation  de  la  machine.  Une  faucheuse  se  compose  tou- 
jours d'un  bâti  monté  sur  deux  roues  motrices,  dont  le 
diamètre  est  de  70  à  75  centim.  ;  extérieurement,  ces  roues 
sont  munies  de  cannelures  pour  mordre  sur  le  sol.  Le  bâti 
qu'on  faisait  autrefois  en  bois  est  construit  le  plus  souvent, 
aujourd'hui,  en  fer  ;  il  repose  sur  l'essieu  des  roues  mo- 
trices, autour  duquel  il  est  mobile;  concentriques  aux  roues 
motrices,  des  couronnes  A,  dentées  intérieurement,  tournent 
en  même  temps  qu'elles  (fig.  1).  Sur  chacune  de  ces  roues 
engrène  un  pignon  a.  L'axe  des  deux  pignons  porte  une 
roue  d'angle  B,  laquelle  commande  un  pignon  b.  A  l'extré- 
mité de  l'axe  de  ce  pignon,  un  petit  volant  c  est  entraîné 
dans  son  mouvement  rotatif.  Sur  ce  volant,  qui  forme  mani- 


velle, est  fixée  excentriquement  l'extrémité  d'une  bielle, 
qui  se  rattache  à  la  tête  de  la  scie.  On  comprend  facilement 
comment  cette  combinaison  d'engrenages  transforme  le 
mouvement  circulaire  continu  des  roues  motrices  en  un 


am 


Fig.  1.  —  Schéma  du  mécanisme  d'une  faucheuse. 

mouvement  rectiligne  alternatif,  grâce  auquel  la  scie  peut 
couper  les  herbes  des  prairies.  La  transmission  du  mouve- 
ment par  les  deux  roues  à  la  fois  augmente  la  force  ;  on 
peut  cependant  fonctionner  avec  une  seule  dans  le  cas  où 
un  accident  survient  aux  engrenages  de  l'une  des  roues. 
La  lame  de  scie  est  formée  de  dents  en  acier  triangulaires 
affûtées  sur  deux  bords  ;  chaque  dent  est  fixée  sur  une 
tringle  en  acier  par  deux  rivets  ;  cette  tringle  présente  à  sa 
partie  inférieure  une  rainure  pour  loger  la  tête  des  rivets. 
A  une  des  extrémités  est  un  boulon  auquel  s'articule  la 
bielle  qui  donne  le  mouvement  de  va-et-vient.  La  lame  de 
scie,  ainsi  constituée,  glisse  dans  une  rainure  pratiquée  à 
l'avant  d'une  pièce  d'acier  appelée  porte-lame.  Ce  dernier 
est  garni  de  dents  pointues  qui  forment  la  partie  fixe  de 
l'appareil  coupeur.  Le  porte-lame  est  placé  parallèlement  à 
l'axe  de  l'essieu.  A  l'extrémité  du  côté  de  la  commande,  il 
est  articulé  au  bâti  de  la  faucheuse  par  des  tiges  de  fer, 
de  sorte  qu'il  peut  décrire  un  angle  de  90°  ou  180°  dans 
le  plan  vertical,  suivant  le  mode  de  relevage  adopté.  Près 
de  l'articulation  se  trouve  l'appareil  de  réglage  de  la  hau- 
teur de  coupe,  qui  est  placé  au-dessus.  A  l'autre  extré- 
mité, le  porte-lame  est  muni,  en  avant,  d'un  sabot  en  fonte 
muni  d'une  roulette  qui  peut  se  hausser  à  volonté,  et,  en 
arrière,  d'une  sorte  de  versoir  avec  un  manche,  qui  rabat 
l'herbe  coupée  de  manière  à  la  disposer  en  andains.  Le 
bâti  de  la  faucheuse  est  entièrement  métallique,  en  fonte, 
en  fer  ou  en  acier  ;  il  est  monté  sur  les  roues  motrices  et 
supporte  la  transmission  du  mouvement  d'une  part,  et 
d'autre  part  le  siège  du  conducteur,  le  levier  de  réglage 
ainsi  que  les  brancards,  si  la  machine  est  à  un  cheval,  ou 
la  flèche,  si  elle  est  à  deux  chevaux.  La  commande  du  mou- 
vement des  roues  au  mécanisme  peut  s'interrompre  à  la 
volonté  du  conducteur,  grâce  à  un  pelit  débrayage  à  levier. 
Généralement  les  roues  porteuses  sont  munies  de  crochets 
à  ressorts  qui,  lors  du  recul  de  la  faucheuse,  empêchent 
toute  transmission  entre  l'axe  moteur  et  le  premier  pignon. 
Enfin  le  levier  de  manœuvre  peut  à  l'extrémité  de  la  course 
relever  complètement  la  scie  et  le  porte-lame  pendant  les 
tournées  de  l'instrument  ou  à  la  fin  du  travail.  L'inclinai- 
son des  dents,  d'ailleurs  très  variable  avec  la  nature  des 
récoltes  à  faucher,  peut  être  réglée  par  un  levier  spécial. 
Pour  obtenir  un  bon  travail  de  ces  machines,  il  est  essen- 
tiel (pie  la  lame  soit  toujours  bien  aiguisée.  Quand  on  s'est 
servi  d'une  lame  pendant  deux  heures  environ,  il  faut  la 
changer,  tant  pour  l'aiguiser  que  pour  enlever  la  terre  et 
la  crasse  qui  s'amassent  sur  les  dents  ;  c'est  pourquoi  les 
faucheuses  sont  toujours  munies  de  deux  lames  dont  on  se 
sert  alternativement.  La  marche  d'une  faucheuse  dépend 
surtout  du  conducteur  ;  il  lui  faut  un  certain  apprentissage, 
d'ailleurs  très  court  et  peu  difficile.  Le  point  essentiel  est 
de  prendre  le  travail  dans  le  sens  voulu,  suivant  le  terrain 
ou  bien  suivant  que  les  herbes  sont  droites  ou  couchées. 
Le  plus  souvent,  on  coupe  en  tournant  autour  de  la  pièce. 
Les  divers  types  de  faucheuses  sont  aujourd'hui  très 
nombreux,  mais  ils  ne  diffèrent  que  par  des  points  de 
détail  de  la  machine  de  Wood.  L'usine  de  W.  A.    Wood 


FAUCHEUSE 


—  m  — 


fabrique  aujourd'hui  près  de  50,000  faucheuses  par  an. 
Depuis  quelques  années  déjà  cette  maison  a  substitué  la 
faucheuse  dite  Favorite  à  l'ancienne  faucheuse  avec 
laquelle  elle  a  obtenu  sa  grande  réputation,  et  qui  a  fait 
d'elle  la  première  maison  du  monde  pour  la  fabrication  des 


machines  à  moissonner.  Dans  la  Favorite,  tous  les  engre- 
nages ont  été  réunis  dans  une  boîte  autour  de  l'essieu 
même  des  roues,  les  mettant  ainsi  à  l'abri  de  la  poussière  ; 
c'est  là  un  point  très  important  pour  une  machine  fonc- 
tionnant dans  les  champs  et  qui  est  toujours  apprécié  par 


Fig.  2,  —  Faucheuse  Atlas  (de  M,  Samuelson). 


quiconque  a  déjà  conduit  une  faucheuse.  Le  porte-lame  est 
construit  de  telle  façon  que,  pour  retirer  ou  remettre  la 
lame,  il  n'y  a  besoin  de  démonter  aucune  pièce  ni  de 
faire  agir  aucun  ressort.  Il  suffit  simplement  de  mettre  le 
porte-lame  dans  une  certaine  position  pour  que  la  bielle  se 


dégage  de  la  lame  sans  le  moindre  effort.  Le  porte-lame 
est  maintenu  en  place  par  deux  forts  étais  en  fer  (devant  et 
derrière  la  coupe)  qui  rendent  cette  pièce  absolument  rigide 
dans  le  sens  de  la  marche,  mais  aussi  très  flexible  verti- 
calement, afin  qu'elle  puisse  suivre  toutes  les  inégalités  du 


Fig.  3.  —  Faucheuse  Albion  (de  MM.  Harrisson,  Mac  Gregor  et  Cie). 


terrain.  Quand  la  machine  est  désembrayée,  il  n'y  a  abso- 
lument que  les  roues  motrices  qui  fonctionnent  ;  elles  sont 
rivées  sur  l'essieu.  Cette  faucheuse  existe  à  un  cheval  et  à 
deux  chevaux.  En  ce  qui  concerne  la  faucheuse  à  deux 
chevaux,  la  maison  Wood  fabrique  des  faucheuses  pour  la 
France  seule.  Les  machines  fabriquées  pour  l'Amérique 


sont  plus  légères  :  cela  provient  de  ce  qu'en  France  on 
désire  couper  très  ras,  tandis  qu'en  Amérique  cette  ques- 
tion n'a  pas  grande  importance.  On  construit  aussi  des 
faucheuses  pour  la  traction  par  les  bœufs.;  dans  celles-ci  le 
rapport  des  engrenages  est  modifié  pour  donner  plus  de 
vitesse  à  la  lame,  de  façon  qu'au  pas  ordinaire  des  bœufs, 


la  lame  fonctionne  aussi  vite  que  celle  de  la  faucheuse  ordi- 
naire au  pas  accéléré  des  chevaux.  Dans  la  faucheuse 
Samuelson,  dite  Atlas  (fig.  2),  ia  traction  se  fait  au  moyen 
d'une  chaîne  qui  passe  sous  le  bâti  de  la  machine  et  vient 
s'accrocher  sur  un  levier  à  l'extrémité  du  support  du  timon, 
de  sorte  que,  pendant  la  marche,  tout  le  poids  est  retiré  du 
collier  des  chevaux  ;  et,  si  la  machine,  rencontrant  un 
obstacle,  les  chevaux  donnent  un  coup  de  collier  trop  fort, 
la  barre  coupeuse  se  relève  et  franchit  l'obstacle  sans  dif- 
ficulté. En  effet,  dans  cette  machine,  la  barre  coupeuse  est 
mobile  horizontalement,  ce  qui  est  très  avantageux  pour  le 
fauchage  des  récoltes  versées,  et  pour  passer  les  rigoles 
qui  se  trouvent  dans  les  champs.  Dans  la  faucheuse  Y  In- 
vincible, de  la  maison  Johnson,  les  roues  motrices  sont 
d'un  grand  diamètre,  ce  qui  facilite  beaucoup  la  marche 
de  l'instrument  ;  le  porte-lame  est  fortement  articulé 
pour  permettre  un  bon  fonctionnement  sur  les  terrains 
accidentés  ;  le  tirage  se  fait  directement  sur  la  barre  du 
sabot  au  moyen  d'une  tringle  à  coulisse  aboutissant  au 
timon.  Ce  système  de  tirage,  qui  allège  de  beaucoup  le  bois 
du  timon,  ne  blesse  jamais  les  animaux  sur  le  garrot  et 
empêche  la  machine  de  bourrer  dans  un  passage  difficile. 
Dans  la  faucheuse  Massey,  les  engrenages  sont  réunis 
au  milieu  du  bâti  ;  les  arbres  sont  tous  en  acier  poli 
et  celui  du  plateau-manivelle  est  muni  de  coussinets  en 
bronze  ;  la  bielle  est  à  boule  ;  la  manœuvre  de  la  barre- 
coupeuse  permet  à  volonté  de  l'élever  à  l'intérieur  ou  à 
l'extérieur,  afin  de  parer  facilement  les  obstacles  que  l'on 
rencontre  ;  elle  est  indépendante  du  bâti  de  la  machine,  et 


43  -  FAUCHEUSE  -  FAUCIGNY 

avec  les  deux  leviers  qui  se  trouvent  à  sa  droite  le  con- 
ducteur en  est  absolument  maître.  Les  roues  ont  80  centim. 
de  diamètre  et  leur  écartement  est  de  lm10.  Enfin  dans  la 
faucheuse  Albion,  de  MM.  Harrisson,  Mac  Gregor  et  Cie 
(fig.  3),  une  des  plus  récentes  et  des  plus  perfectionnées, 
le  bâti  est  d'une  seule  pièce,  ce  qui  rend  le  moindre  déran- 
gement des  organes  impossible  et  assure  à  la  machine  la 
plus  grande  régularité  de  fonctionnement  ;  les  roues  motrices 
sont  très  hautes,  ce  qui  diminue  le  tirage  ;  ^  les  arbres 
tournent  dans  des  coussinets  en  bronze  ;  la  bielle  est  en 
acier  ;  la  disposition  des  engrenages  permet  d'équilibrer 
exactement  la  traction,  car  ils  sont  au  centre  du  bâti  prin- 
cipal ;  le  siège,  incliné  en  arrière,  est  muni  d'un  support 
en  acier  à  ressort  ;  le  levier  d'inclinaison  et  le  levier 
d'embrayage  sont  à  la  portée  du  conducteur  ;  enfin  la  barre- 
coupeuse  est  attachée  au  bâti  par  une  charnière  à  double 
joint;  elle  suit  toutes  les  ondulations  du  terrain  et  reste 
indépendante  du  mouvement  du  bâti  ;  la  largeur  de  coupe 
est  de  lm30  et  le  poids  de  l'instrument  de  335  kilogr. 

La  largeur  coupée  par  une  faucheuse  à  deux  chevaux  est 
quelque  peu  variable,  suivant  les  machines  ;  néanmoins  elle 
est  comprise  entre  lm20  et  lm35  ;  le  poids  de  ces  instru- 
ments oscille  entre  230  et  400  kilogr.  Une  faucheuse  à 
deux  chevaux  peut  faire  3  à  5  hect.  par  jour.  Le  tirage 
varie  dans  de  très  grandes  limites  ;  d'après  plusieurs  essais, 
on  peut  admettre  que  le  travail  mécanique  dépensé  pour 
faucher  un  mètre  carré  varie  de  75  à  135  kilogrammètres. 
Voici  quelques  chiffres  sur  les  essais  dynamométriques 
effectués  par  M.  Ringelmann  : 


DÉSIGNATION 

FAUCHEUSES 

A  UN  CHEVAL 

A   DEUX   CHEVAUX 

A   DEUX  BŒUFS 

Longueur  de  coupe  (en  mètres) 

0*98  à  1*07 
73  à  112  kilogr. 
289  à  350       — 

1*27  à  1*31 
81  à  125  kilogr. 
372  à  456      — 

1*27  à  1*29 
73  à    95  kilogr. 
384  à  458      — 

Traction  par  mètre  de  longueur  de  coupe 

Poids  total,  conducteur  compris 

A  peine  est-il  besoin  de  faire  remarquer,  en  terminant, 
que  la  coupe  des  herbes  avec  les  faucheuses  est  un  moyen 
à  la  fois  expéditif  et  économique.  Le  général  Morin  a  cal- 
culé qu'avec  la  faucheuse  Wood,  attelée  de  deux  chevaux 
et  servie  par  deux  hommes,  on  peut  en  un  jour  faucher 
2  hect.  sur  un  pré  rendant  de  30,000  à  35,000  kilogr.  de 
foin  par  hectare.  Le  travail  revient  alors  à  12  fr.,  tandis 
qu'à  la  faux  il  revient  à  près  de  28  fr.  Cependant  l'emploi 
des  faucheuses  mécaniques  n'est  à  conseiller  que  sur  de 
grandes  étendues.  Si  on  a  moins  de  40  hect.,  il  n'est  guère 
à  conseiller,  ainsi  que  le  montrent  les  chiffres  suivants  : 

Prix  du  fauchage 


meuuue 

à  bras 

à  la  machine 

20  hect. 

460  fr. 

217  fr. 

30    - 

240  — 

265  - 

40    — 

320  — 

313  — 

50    — 

400  - 

377  — 

60    — 

480  — 

425  - 

80    - 

640  — 

537  — 

120    — 

960  - 

745  - 

Il  existe  actuellement  en  France,  entre  les  mains  des 
cultivateurs,  environ  15,000  faucheuses  mécaniques, repré- 
sentant une  valeur  approximative  de  9,000,000  de  francs. 

Albert  Larbalétrier. 

Bibl.  :  M.  Ringelmann,  les  Machines  agricoles  ;  Paris, 
1887,  lre  série,  in-16.  —  J.  Buchard,  le  Matériel  agricole; 
Paris,  1891,  in-16. 

FAUCHON.  I.  Agriculture. —  Sorte  de  petite  faux  à 
manche  court,  employée  par  les  moissonneuses  et  nommée 
aussi  piquet,  sape  flamande  (V.  Sape). 

II.  Archéologie.  —  Ancienne  arme  de  main  qui  était 
une  sorte  de  sabre  assez  court,  légèrement  recourbé,  res- 
semblant presque  à  un  cimeterre,  mais  dont  la  lame  ne 


s'élargissait  pas  à  l'extrémité.  Il  en  est  fait  mention  dès  le 
xine  siècle.  Le  fauchon  est  une  arme  mal  définie  qui  doit 
rentrer  dans  la  catégorie  vague  de  tous  les  coutelas  et 
couteaux  courbes  à  armer  dont  se  servaient  les  gens  de 
pied.  Son  origine  est  sans  doute  orientale  ;  il  faut  remar- 
quer cependant  que  de  toute  antiquité  on  s'est  servi  de 
petits  sabres  (kopis,  acinaces)]  dont  la  tradition  s'est 
maintenue  chez  tous  les  peuples,  quoique  chez  les  Grecs, 
les  Romains,  comme  chez  les  Gaulois  et  les  Germains, 
l'arme  classique  et  noble  ait  toujours  été  l'épée  droite.  Les 
Anglais  connaissent  sous  ce  nom  de  fauchon  un  sabre  de 
moyenne  longueur,  recourbé,  assez  semblable  à  notre  bri- 
quet, et  dont  s'escrimaient  leurs  gladiateurs  sur  les 
théâtres  du  xvme  siècle.  On  combattait  soit  de  la  main 
droite  seule,  soit  un  fauchon  de  chaque  main.  C'est  ainsi 
que,  le  13  juil.  1709,  Georges  Gray  défiait  James  Harris, 
ancien  cavalier  dans  les  horse-guards,  à  un  assaut  public, 
dans  le  jardin  aux  Ours,  à  Hockley-in-the-Hole.  Ces  deux 
maîtres  d'armes  devaient  combattre  aux  armes  suivantes  : 
l'estramaçon;  l'épée  et  la  dague;  l'épée  et  le  bouclier  ; 
le  fauchon  et  la  paire  de  fauchons.  L'escrime  de  cette 
arme  se  rapprochait  fort  de  celle  de  coutelas  nommé 
dusack,  que  l'on  mania  en  Allemagne  jusqu'au  commence- 
ment du  xviie  siècle.  Maurice  Maindron. 

FAUCIGNY.  Ancien  pays  du  N.  de  la  Savoie  qui  forme 
aujourd'hui  l'arr.  de  Bonneville.  Son  nom  provient  du  châ- 
teau dont  les  ruines  dominent  la  route  de  Genève  à  Cha- 
mounix  et  la,  commune  actuelle  de  Faucigny  (V.  Savoie 
[Histoire]  et  Savoie  [Haute-]  [Dép.]). 

FAUCIGNY.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  et 
cant.  de  Bonneville;  414  hab. 

FAUCIGNY.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  arr. 
de  Sétif,  dans  la  corn,  de  plein  exercice  de  Aïn-Abessa  et 


FAUCIGNY  —  FAUCON 


_  44  —  • 


à  5  kil.  de  ce  centre,  dans  une  région  montueuse  que  do- 
mine le  Maghrin  (4 ,722  ni.).  Il  a  été  créé  par  une  colonie  de 
Savoisiens,  venus  du  Faucigny,  renforcée  depuis  par  un 
certain  nombre  d'Alsaciens-Lorrains.  E.  Càt. 

FAUCIGNY  de  Lucinge  (Louis-Charles- Amédée,  comte), 
homme  politique  français,  né  à  La  Motte-en-Bresse  (Ain) 
le  25  août  4755,  mort  à  Londres  le  29  déc.  4804.  Lieu- 
tenant-colonel au  régiment  de  Normandie,  il  fut  élu  député 
suppléant  de  la  noblesse  aux  Etats  généraux  par  le  bail- 
liage de  Bourg  (3  avr.  4789).  Il  prit  séance  à  l'Assemblée 
nationale  le  45  déc.  4789,  en  remplacement  de  Gaston  de 
La  Bevière,  démissionnaire.  Partisan  fougueux  de  la  royauté, 
il  joua  un  rôle  dans  la  fameuse  affaire  de  Frondeville 
(V.  ce  nom)  en  s'écriant  à  l'adresse  des  révolutionnaires  : 
«  Pour  en  finir,  il  n'y  a  qu'un  moyen,  c'est  de  tomber  à 
coups  de  sabre  sur  ces  gredins-là  !  »  Il  dut  présenter  ses 
excuses  à  l'Assemblée  pour  éviter  une  peine  disciplinaire. 
En  4794,  il  fut  cause  d'un  nouveau  tumulte  en  voulant, 
au  cours  d'un  appel  nominal,  forcer  le  secrétaire  à  l'appeler  : 
«  Monsieur  le  comte  Faucigny  de  Lucinge  ».  Menacé  de  la 
prison,  il  s'en  tira  encore  avec  une  sévère  réprimande.  Il 
émigra  à  la  fin  de  4794,  servit  quelque  temps  à  l'armée 
des  princes,  et  s'établit  ensuite  à  Londres,  où  il  s'occupa 
à  peindre  des  miniatures.  —  Le  prince  Charles-Marie 
Faucigny  de  Lucinge,  de  la  même  famille  que  le  précédent, 
né  le  46  août  4824,  fut  élu  député  conservateur  de  Guin- 
gamp  en  4876.  Invalidé,  il  fut  remplacé  par  son  concur- 
rent républicain  à  la  réélection  du  27  août  4876.  Réélu  le 
44  oct.  4877,  il  fut  encore  invalidé,  et  renonça  cette  fois 
à  se  présenter  contre  son  même  concurrent,  M.  Huon. 

FAUCILLE.  I.  Agriculture.  —  Instrument  à  main  ser- 
vant pour  la  moisson  des  céréales,  et  quelquefois  aussi  pour 
l'émondage.  La  faucille  est  formée  d'une  lame  courbée  à 
peu  près  en  demi-cercle  et  dont  la  base  est  emmanchée 
dans  un  manche  de  bois  formant  poignée.  La  lame,  en 
acier  ou  en  fer  aciéré,  est  pointue  à  son  extrémité  ;  le  tran- 
chant est  uni  ou  armé  de  dents  fines.  Pour  se  servir  de  la 
faucille,  on  saisit  une  poignée  de  céréales  ou  d'herbes  avec 
la  main  gauche,  et  on  coupe  à  la  base  en  tirant  avec  la 
faucille  d'un  mouvement  de  droite  à  gauche.  Si  la  lame  est 
dentée,  l'effort  doit  être  plus  considérable,  mais  alors  la 
paille  est  sciée  au  lieu  d'être  coupée.  Alb.  L. 

IL  Archéologie.  —  Dès  que  l'agriculture  a  été  con- 
nue et  pratiquée,  la  faucille  fut  un  des  outils  les  plus 
indispensables.  Aussi,  en  dépit  de  la  difficulté  que  pré- 
sentait sa  fabrication  avec  le  silex,  il  y  a  dans  les  collec- 
tions des  lames  courbes  de  cette  matière  qui,  plus  coupantes 
de  leur  côté  concave,  ont  été  employées  à  la  façon  d'une 
faucille.  Il  existe  aussi  une  lame  de  ce  genre  en  ardoise 
polie  (Norvège).  C'est  toutefois  avec  plusieurs  pièces  assem- 
blées qu'on  obtient  habituellement  des  faucilles.  Dans  le 
S.-E.  de  l'Espagne,  MM.  Siret  ont  recueilli  en  grand 
nombre  de  petits  silex  trapézoïdaux  à  trois  bords  dorsaux 
dont  ils  ont  fait  des  pointes  de  flèche.  Ils  ressemblent  à 
des  tronçons  de  lames  ou  de  couteaux  en  silex  brisés  à 
dessein.  Des  pièces  toutes  semblables  ont  été  ramassées 
un  peu  partout  en  Grèce,  et  E.  Burnouf  pensait  qu'elles 
avaient  servi  à  la  confection  de  herses  par  leur  fixation  à 
la  surface  de  lourdes  planches.  Schliemann  en  a  exhumé 
des  quantités  des  ruines  les  plus  anciennes  d'Hissarlick. 
Enfin  M.  Flinders  Pétrie,  en  fouillant  les  restes  de  la  ville 
de  Kahun,  créée  pour  les  constructeurs  de  la  pyramide 
d'Illahun  en  Egypte,  a  découvert,  parmi  les  outils  en 
cuivre  et  en  silex,  ces  derniers  souvent  admirablement 
travaillés  sur  le  modèle  de  ceux  en  métal,  une  faucille  en 
bois.  Le  tranchant  de  cet  outil  est  entièrement  formé  par 
ces  mêmes  petits  silex  trapézoïdaux,  fixés  sur  le  bois,  l'un 
contre  l'autre.  M.  Cartailhac,  qui  a  vu  ces  pièces,  ne  doute 
pas  que,  partout  où  on  les  trouve,  ils  aient  servi  à^  la 
confection  de  faucilles  en  bois  semblables.  La  pyramide 
d'Illahun  remonte  d'ailleurs  à  une  époque  (3300  av.  J.-C.) 
où  l'Europe  en  général  ne  connaissait  pas  encore  le  métal. 
Aussitôt  après  l'introduction  du  bronze,  les  faucilles  de 


métal  furent  très  répandues.  Leur  forme  a  peu  varié,  et, 
sous  ce  rapport,  elles  ne  diftèrent  pas  de  celles  de  nos 
jours.  C'est  leur  mode  d'emmanchement  qui  s'est  modifié 
avec  le  temps.  Les  plus  anciennes  sont  à  bouton  aplati 
transverse  ;  viennent  ensuite  celles  à  bouton  arrondi.  Ce 
n'est  qu'à  la  fin  de  l'âge  du  bronze  qu'apparaissent  les 
faucilles  à  douille,  les  plus  communes  en  Angleterre.  Les 
manches  des  faucilles  de  bronze  étaient  habilement  taillés 
pour  loger  le  pouce  et  les  doigts,  et  empêcher  la  main  de 
glisser  dans  le  mouvement  de  retour  imprimé  à  l'outil 
pour  couper  les  tiges  assemblées.  Le  bronze  a  été  rem- 
placé par  le  fer  dans  la  fabrication  des  faucilles,  dès  le 
premier  âge  du  fer.  Zaborowski. 

III.  Astronomie.  —  Suite  d'étoiles  de  sixième  grandeur 
affectant  la  forme  de  cet  instrument  et  placée  à  la  main 
droite  du  Bouvier  (V.  ce  mot). 

IV.  Zoologie  (V.  Coq). 

FAUCILLE  (La).  Passage  du  Jura,  reliant  le  pays  de 
Gex  à  la  vallée  de  la  Valserine,  traversé  par  la  route  de 
Genève  à  Paris;  le  point  culminant  est  à  4,323  m.  au- 
dessus  de  la  mer  (V.  Jura  [Dép.]). 

FAUCILLES  (Monts).  Chaîne  de  montagnes  ou  plutôt 
de  plateaux  et  de  collines,  dont  la  cime  la  plus  élevée 
n'atteint  pas  4,200  m.,  et  qui  s'étendent  du  plateau  de 
Langres  aux  Vosges.  Leur  importance  tient  à  ce  qu'ils  font 
partie  delà  longue  ligne  de  faîte  européenne  qui  sépare 
les  versants  océanien  et  méditerranéen  (V.  Marne  [Haute-] 
et  Vosges  [Dép.]). 

FAUCOGNEY  (Falconiacum).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Lure,  sur  le  Breuchin  ; 
4,097  hab.  Moulins,  tanneries,  tissages;  carrières  de  grès 
vosgien.  On  y  a  trouvé  des  bas-reliefs,  une  inscription  et 
plusieurs  objets  en  bronze  qui  confirment  ce  que  donne  à 
penser  l'étymologie  du  mot  Faucogney,  savoir  que  le  pays 
a  été  habité  dès  l'époque  romaine.  Le  château  qui  dominait 
la  ville  est  mentionné  dans  une  charte  du  xe  siècle  ;  Philippe 
le  Hardi,  duc  de  Bourgogne,  le  fit  réparer  et  lui  adjoignit 
une  tour  ,en  4386.  La  ville  elle-même  fut  fortifiée  au 
moyen  âge,  et  deux  tours  de  l'enceinte,  l'une  ronde,  l'autre 
carrée,  sont  encore  debout.  Elle  fut  en  proie  à  des  troubles 
populaires  en  4442.  Louis  XI  la  prit  en  4479,  la  perdit 
peu  après  et  la  reprit  en  4484  ;  mais  l'empereur  Maxi- 
milien  l'occupa  de  nouveau  en  4492.  Quand  Louis  XIV  fit 
la  conquête  de  la  Franche-Comté,  il  se  heurta  en  dernier 
lieu  à  la  résistance  de  Faucogney,  qui  ne  fut  pris  d'assaut 
qu'à  la  suite  de  plusieurs  jours  de  siège  (4  juil.  4674).  Les 
habitants  furent  massacrés,  les  maisons  brûlées  et  le  châ- 
teau démoli.  La  ville  fut  encore  détruite  par  un  incendie 
en  4745.  Les  capucins  s'y  étaient  établis  en  4654.  L'an- 
cien hôpital  sert  aujourd'hui  de  caserne  à  la  gendarmerie. 
La  seigneurie  appartint  à  l'origine  à  la  très  ancienne  famille 
de  Faucogney,  des  vicomtes  de  Vesoul,  dont  un  membre, 
Aymonin,  affranchit  les  habitants  en  4275,  et  dont  l'unique 
héritière,  au  milieu  du  xive  siècle,  épousa  Georges  de  La 
Trémoille,  seigneur  de  Jonvelle.  Celui-ci,  ayant  porté  les 
armes  contre  son  suzerain,  fut  dépouillé  de  la  terre,  qui 
passa  successivement  entre  les  mains  des  ducs  et  des  comtes 
de  Bourgogne,  des  archiducs  d'Autriche  et  des  rois  d'Es- 
pagne. Philippe  IV  la  céda  au  prince  Charles  d'Arenberg 
en  4664.  Elle  vint  ensuite  aux  de  Grammont  et  aux  de  Bauf- 
fremont.  Sur  la  montagne,  au  S.  de  Faucogney,  ancienne 
église  de  Saint-Martin.  Armes  de  la  ville  :  coupé  au  pre- 
mier, de  Bourgogne-Comté,  qui  est  d'azur  billeté  d'or, 
au  lion  couronné  de  même, armé  et  lampassé  de  gueules; 
cm  second,  d'argent  à  un  faucon  de  gueules  pillant 
une  perdrix  de  même.  Lex. 

Bibl.  :  J.  Finot,  les  Sires  de  Faucogney,  vicomtes  de 
Vesoul  ;  Paris,  1886,  in-8. 

FAUCOMP1ERRE.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et 
cant.  de  Bemiremont;  446  hab. 

FAUCON.  I.  Ornithologie.  —  Les  Faucons  (Falco  L.) 
sont  peut-être  de  tous  les  Rapaces  (V.  ce  mot)  ceux  qui 
sont  le  mieux  doués  sous  le  rapport  de  la  force  et  de  l'agi- 


-  45  — 


FAUCON 


lité.  Us  ont  le  corps  ramassé,  la  tête  solidement  attachée  aux 
épaules,  le  bec  court,  mais  vigoureux,  avec  la  mandibule 
supérieure  fortement  crochue  et  pourvue  sur  le  bord  d'une 
ou  même  de  deux  dents  très  saillantes  qui  sont  reçues  dans 
des  échancrures  de  la  mandibule  inférieure  ;  les  ailes  très 


Faucon  pèlerin. 

aiguës  et  assez  longues  pour  dépasser  d'ordinaire,  quand 
elles  sont  ployées,  l'extrémité  de  la  queue.  Celle-ci  est 
pourtant  bien  développée  et  formée  de  pennes  égales  et  de 
largeur  uniforme.  Au  contraire,  les  grandes  pennes  alaires, 
ou  rémiges,  sont  toujours  plus  ou  moins  échancrées  du  côté 
interne,   comme  chez  tous  les  oiseaux  de  haut  vol.  Les 
pattes,  relativement  courtes,  sont  emplumées  dans  leur 
tiers  supérieur   seulement  et    réticulées  ou  garnies  de 
scutelles  dans  le  reste  de  leur  étendue.  Elles  se  terminent 
par  des  doigts  souples  et  robustes,  munis  de  griffes  légè- 
rement rétractiles.  De  tous  ces  doigts,  le  médian  est  le  plus 
développé  ;  quelquefois  même  il  égale  en  longueur  le  tarso- 
métatarsien.  Les  yeux  sont  entourés  d'un  petit  espace 
dénudé,  généralement  teint  de  couleurs  vives,  rappelant 
celles  des  pattes  et  de  la  cire,  c.-à-d.  de  la  membrane  cou- 
vrant la  base  du  bec  et  dans  laquelle  sont  percées  les  narines. 
Comme  chez  la  plupart  des  Rapaces,  les  couleurs  et  le 
dessin  du  plumage  éprouvent,  chez  les  Faucons,  des  modi- 
fications profondes  suivant  l'âge,  le  sexe  et  la  saison.  Ainsi 
les  raies  et  les  barres  qui  existent  primitivement  sur  la  face 
inférieure   du   corps  sont   remplacées   d'ordinaire   chez 
l'adulte  par  des  stries  fines  ou  des  gouttelettes  ;  les  teintes 
grises  ou  rouges  du  manteau  s'avivent  au  printemps  ;  le 
blanc  envahit  parfois  les  parties  supérieures  ;  les  bandes 
transversales  de  la  queue  s'atténuent,  et  de  la  base  de  la 
mandibule  supérieure  se  détachent  deux  traits  noirs  qui 
dessinent  des  sortes  de  moustaches  et  qui  caractérisent  la 
plupart  des  Faucons  adultes. 

Les  Faucons  sont  hardis,  courageux  et  passionnés  dans 
la  poursuite  du  gibier  à  poil  et  à  plume  ;  aussi  l'homme 
a-t-il  mis  de  bonne  heure  à  profit  leurs  instincts  chasseurs 
pour  les  transformer  en  auxiliaires.  Ils  se  nourrissent  de 
petits  mammifères,  d'oiseaux  ou  d'insectes,  et  suivant  leur 
régime  méritent  d'être  considérés  tantôt  comme  des  oiseaux 
nuisibles,  tantôt  comme  des  oiseaux  utiles  à  l'agriculture. 
Ils  chassent  de  préférence  le  matin  et  le  soir,  et  vers  le  milieu 
du  jour  se  tiennent  immobiles  et  les  plumes  un  peu  hérissées, 
perchés  sur  un  rocher  ou  sur  un  arbre.  Grâce  à  la  puis- 
sance de  leur  vol,  ils  peuvent  franchir  d'immenses  espaces 
avec  une  rapidité  extraordinaire  ;  aussi  le  domaine  de  chaque 
couple,  ou,  pour  parler  plus  exactement,  son  terrain  de 
chasse,  est-il  très  étendu.  Toutefois  le  vol  des  Faucons  varie 
beaucoup  non  seulement  d'une  espèce  à  l'autre,  mais  en- 
core suivant  les  circonstances,  et  tantôt  ces  oiseaux  filent 
rapidement  en  battant  l'air  de  puissants  coups  d'ailes, 
tantôt  ils  décrivent  de  grands  cercles  ou  bien  encore  res- 
tent pendant  assez  longtemps  au  même  endroit,  en  agitant 
les  ailes,  pour  se  laisser  ensuite  tomber  brusquement  sur 
la  proie  qu'ils  ont  aperçue.  Quelques-uns  d'entre  eux  chan- 
gent seulement  de  cantons  à  certaines  époques  ;  d'autres 
effectuent  en  automne  et  au  printemps  de  véritables  mi- 


grations en  bandes  plus  ou  moins  nombreuses.  En  été,  au 
contraire,  les  Faucons  vivent  par  couples  :  ils  s'établissent 
d'ordinaire,  pour  nicher,  soit  sur  une  falaise  escarpée, 
soit  sur  le  sommet  d'un  arbre  ou  d'un  édifice  isolé,  et  on  ne 
les  voit  que  rarement  déposer  leurs  œufs  sur  le  sol  ou 
dans  la  cavité  d'un  vieux  tronc  d'arbre.  Les  œufs,  de 
forme  arrondie  et  généralement  marbrés  de  brun  sur  un 
fond  rouge  eu  rougeâtre,  sont  couvés  par  la  femelle  seule, 
mais  les  deux  parents  s'occupent  de  l'éducation  des  petits. 

On  connaît  actuellement  plus  de  soixante  espèces  de 
Faucons  qui  sont  répandues  sur  la  plus  grande  partie  de  la 
surface  du  globe.  Ces  espèces,  que  l'on  rattachait  autrefois 
à  une  vingtaine  de  genres  et  de  sous-genres,  peuvent,  en 
réalité,  être  toutes  attribuées  à  un  seul  et  même  genre, 
l'ancien  genre  Falco,  de  Linné,  qui  sera,  si  l'on  veut,  par- 
tagé, pour  la  commodité  de  l'étude,  en  sous-genres  :  Falco, 
Cerckneis  ou  Tinnunculus,  Hierofalco,  Hieracidea  et 
Harpagus.  Les  espèces  du  sous-genre  Falco  ou  Faucon 
proprement  dit  sont  de  taille  moyenne  et  ont  les  parties 
inférieures  du  corps  nettement  rayées  ou  mouchetées,  la 
tête  souvent  couverte  d'une  calotte  rousse,  les  joues  ornées 
de  moustaches  noires  et  le  doigt  externe  constamment  plus 
long  que  le  doigt  interne. 

Le  Faucon  commun  ou  pèlerin  (Falco  communis  ou 
peregrinus  L.),  qui  constitue  le  type  de  ce  groupe,  se 


Faucon  gerfaut. 

trouve  non  seulement  en  Europe,  mais  dans  l'Inde,  en 
Chine,  au  Japon  et  jusque  dans  l'Amérique  du  Nord.  Il 
porte,  à  l'âge  adulte,  un  manteau  gris,  maculé  de  noir, 
contrastant  avec  la  teinte  claire  des  parties  inférieures. 
Celles-ci  sont  d'un  blanc  jaunâtre,  passant  au  gris  rou- 
geâtre en  arrière  et  sont  marquées  de  stries  noirâtres, 
auxquelles  succèdent  des  raies  transversales.  Le  bec  est 
d'un  noir  bleuâtre,  la  cire  et  les  pattes  sont  d'un  jaune 
safran  et  les  yeux  bruns.  Les  couleurs  du  plumage  sont 
toujours  plus  claires,  et  la  taille  reste  notablement  plus 
faible  chez  le  mâle  que  chez  la  femelle.  Cette  espèce,  qui 
niche  sur  les  falaises  de  la  Manche  et  dans  les  clochers  des 
églises  de  différentes  villes  de  France  et  d'Allemagne,  fait 
une  chasse  active  aux  Pigeons,  aux  Perdrix,  aux  Oies,  aux 
Canards  et  aux  Corneilles.  Tout  à  côté  d'elle  se  placent  le 
Falco  minor  Bp.  de  l'Afrique  méridionale  et  de  Mada- 


FAUCON  —  FAUCONBERG 


-46  - 


gascar,  qui  ne  doit  être  considéré  que  comme  une  race  lo- 
cale, le  Falco  nigriceps  (Cass.)  de  l'Amérique  du  Nord, 
le  F.  melanogenys  (Gould)  d'Australie, le  F.  barbarush., 
le  F.  tanypterus  (Licht)  de  l'Afrique  septentrionale  et 
orientale,  le  F.  jugger  (Gr.)  de  l'Inde,  etc. 

Le  Faucon  hobereau  (Falco  subbuteo  L.),  que  Boie  avait 
pris  pour  type  de  son  genre  Hypotriorchis,  est  bien  plus 
petit  que  le  Faucon  commun  et  plus  foncé  en  couleur,  les 
parties  supérieures  de  son  corps  étant  d'un  bleu  noirâtre 
et  les  parties  inférieures  d'un  blanc  jaunâtre,  passant  au 
roux  vif  en  arrière  et  tacheté  longitudinalement  de  noir.  Il 
se  tient  de  préférence  dans  les  bois  peu  touffus  et  se  nourrit 
de  petits  Oiseaux,  tels  que  des  Hirondelles  et  des  Alouettes 
et  d'Insectes  de  différents  ordres,  mais  principalement  de 
Sauterelles  et  de  Libellules.  En  Australie,  en  Tasmanie  et 
aux  Moluques,  il  est  représenté  par  le  Falco  lunulatus 
(Lath);  en  Malaisie,  à  Célèbes  et  aux  Philippines,  par  le 
F.  severus  (Horsf.);  au  Brésil  et  au  Mexique,  par  le  F. 
aurantius  (Gm.)  et  le  F.  rufigularis  (Daud.). 

Les  Cresserelles  (Cerchneis  Boie)  ont  des  couleurs  plus 
vives  que  les  Faucons  ordinaires,  le  manteau  étant  coloré 
en  roux  plus  ou  moins  intense,  tirant  plus  ou  moins  au 
rouge  ;  leurs  ailes  sont  au  moins  aussi  pointues  ;  leur  queue 
est  relativement  plus  longue  ;  leurs  doigts  sont  plus  courts 
et  moins  aptes  à  lier  une  proie  ;  mais  en  réalité  ces  Ra- 
paces  ne  méritent  point  de  constituer  un  genre  distinct.  La 
Cresserelle  commune  (Falco  tinnunculus  L.),  lorsqu'elle 
est  adulte,  a  les  parties  supérieures  du  corps  d'un  ton 
d'ocre  rouge,  marqueté  de  noir,  le  sommet  de  la  tête  gris, 
finement  strié  de  noir,  et  les  parties  inférieures  d'un  blanc 
roussâtre,  strié  de  brun  sur  la  poitrine  et  orné  de  goutte- 
lettes de  même  couleur  sur  les  flancs.  Elle  est  répandue 
depuis  le  Japon  et  le  nord  de  la  Chine  jusque  dans  l'Eu- 
rope occidentale,  et  s'avance  même  en  Afrique  jusqu'au  cap 
de  Bonne-Espérance,  en  offrant,  il  est  vrai,  suivant  les 
régions,  quelques  variations  de  plumage.  Elle  se  nourrit 
surtout  de  petits  Rongeurs,  de  Reptiles  et  d'Insectes  et 
mériterait,  par  conséquent,  d'être  inscrite  dans  la  catégorie 
des  animaux  utiles. 

Tout  près  de  cette  espèce  se  place  la  Cresserine  ou  Cres- 
serellette  (Falco  cerchneis  Naum.)  qui  n'en  est,  pour 
ainsi  dire,  qu'un  diminutif,  et  dont  les  mœurs  sont  à  peu 
près  les  mêmes,  mais  dont  l'aire  d'habitat,  moins  étendue, 
ne  comprend  que  le  midi  de  l'Europe,  l'ouest  de  l'Asie  et 
le  nord  de.  l'Afrique. 

Les  Gerfauts,  qui  forment  le  sous-genre  Hiero falco  (Cm.) 
ont  les  pennes  primaires  moins  allongées  que  les  Faucons 
et  se  distinguent  de  ceux-ci  par  leurs  tarses  en  partie  em- 
plumés  et  finement  réticulés  en  avant,  par  leur  taille  tou- 
jours plus  forte  et  par  leur  plumage  fortement  mélangé  de 
blanc  et  passant  même  quelquefois  au  blanc  pur,  à  peine 
marqué  de  quelques  taches  noires.  Cette  dernière  livrée  est 
celle  des  individus  adultes  du  Falco  candicans  (Gm.)  ou 
Hierofalco  candicans  qui  habite  le  Groenland  et  le  La- 
brador et  qui  visite  dans  ses  migrations  les  contrées  sep- 
tentrionales de  l'Europe  et  de  l'Asie.  Il  niche  sur  les 
falaises  et  sur  ces  montagnes  où  des  oiseaux  de  mer  de 
toute  espèce  forment  d'innombrables  colonies  et  où  il  peut 
faire  une  chasse  fructueuse  aux  Mouettes,  aux  Sternes, 
aux  Guillemots  et  aux  Canards.  Ailleurs,  il  se  nourrit  de 
Lagopèdes  (V.  ce  mot)  ou  Perdrix  de  neige.  Tel  est  aussi 
le  régime  du  Gerfaut  d'Islande  (Falco  ou  Hierofalco  is- 
landicus  Gm.),  du  Gerfaut  de  Norvège  (F.  ou  H.  gyr- 
falco  L.),  qui  diffèrent  du  Gerfaut  blanc  par  les  teintes 
moins  pures  de  leur  plumage.  Ce  sont  ces  dernières  espèces 
qui  fournissaient  les  fameux  Gerfauts  que  les  rois  et  les 
grands  seigneurs  faisaient  jadis  venir  à  grands  frais  des 
pays  du  Nord  et  qu'ils  employaient  pour  voler  le  Héron, 
la  Grue,  la  Cigogne  et  la  Perdrix,  concurremment  avec  le 
Faucon  sacre  (Falco sacer  Gm.).  Cette  dernière  espèce,  qui 
habite  les  bords  de  la  Volga,  les  plaines  de  l'Asie  centrale 
et  le  nord-est  de  l'Afrique,  établit  du  reste  la  transition 
entre  les  Gerfauts  et  les  Faucons  ordinaires.  —  Non  loin 


des  Gerfauts  se  placent  les  Hieracidea  qui  ont  pour  patrie 
la  Nouvelle-Hollande  et  les  terres  avoisinantes  et  qui  rap- 
pellent à  la  fois  les  Hobereaux  par  les  teintes  générales  de 
leur  plumage  et  les  Harpagus  de  l'Amérique  tropicale. 
Enfin  la  série  des  Faucons  est  close  par  les  Polihierax  et 
les  Microhierax,  petits  Rapaces  de  l'Afrique  orientale  et 
de  l'Asie  méridionale,  dont  quelques-uns  méritent  le  nom 
de  Faucons-Moineaux,  vu  leur  taille  extrêmement  ré- 
duite. E.  Oustalet. 

IL  Art  héraldique.  —  Oiseau  de  chasse  très  hono- 
rablement employé  en  armoiries  et  symbolisant  un  attribut 
seigneurial.  Le  faucon  se  distingue  des  autres  oiseaux  par 
sa  longe,  son  grillet  ou  grelot,  son  chaperon  et  son  perche. 
Aussi  le  blasonne-t-on  longé,  grilleté,  chaperonné,  perché. 
Il  peut  être,  en  outre,  comme  les  autres  oiseaux,  becqué, 
membre,  armé,  etc.  Ce  qui  est  applicable  au  faucon  l'est 
également  à  l'épervier,  au  gerfaut  et  à  tous  les  oiseaux  de 
leurre  ou  de  poing. 

III.  Ordres.  —  Ordre  du  Faucon  blanc.  —  Créé  en 
Saxe,  le  2  août  1732,  par  Ernest- Auguste  de  Saxe,  dans 
le  dessein  de  récompenser  les  personnes  qui  se  distinguent 
par  leur  fidélité,  leur  talent  ou  leur  aptitude  à  remplir  des 
fonctions  publiques ,  il  fut  autorisé  par  l'empereur  d'Au- 
triche Charles  VI;  il  est  parfois  dénommé  ordre  de  la 
Vigilance.il  cessa  d'être  conféré  de  1795  à  1815,  mais  le 
grand-duc  Charles-Auguste  le  renouvela  le  18  oct.  1815  et 
le  destina  à  récompenser  le  mérite  civil  et  militaire.  Les 
statuts  furent  modifiés  en  1840.  Les  membres  sont  divisés 
en  cinq  classes,  grands-croix,  commandeurs  de  deuxième 
classe,  chevaliers  de  deuxième  et  de  troisième  classe.  Ruban 
rouge  foncé.  Gourdon  de  Genouillac. 

IV.  Artillerie.  —  On  a  appelé  faucon,  à  l'origine  de 
l'artillerie,  certaine  pièce  de  canon.  Du  reste,  on  avait  une 
tendance  marquée,  dans  le  principe,  à  donner  aux  pièces 
d'artillerie  des  noms  d'animaux  :  aspic,  basilic,  coule- 
vrine,  émérillon,  etc.,  suivant  leur  dimension  et  leur  calibre. 
L'ordonnance  de  Blois  (1572)  s'occupe  encore  du  faucon  et 
lui  assigne  une  longueur  d'une  toise  et  demie,  un  projectile 
de  7  livres  et  800  livres  comme  poids  total  de  la  pièce. 

Bibl.  :  Ornithologie.  —  J.  Gould,  Birds  of  Europa, 
1838;  Birds  of  Asia,  1851-1884,  et  Birds  of  Australia,  1848. 
—  Schlegel  et  Verster  van  Wulverhorst,  Traité  de 
Fauconnerie,  1846.  —  J.-C.  Chenu  et  O.  des  Murs,  Traité 
de  Fauconnerie,  1862. —  Degland  et  Gerbe,  Ornith.  europ., 
1867,  2«  éd.,  1. 1,  p.  71.  —  B.-B.  Sharpe,  Cat.  B.  Brit  Mus., 
1874, 1. 1,  Accipitres,  p.  374. 

FAUCON.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  et  cant. 
de  Barcelonnette,  sur  l'Ubaye  ;  408  hab.  Couvent  de  tri- 
nitaires.  Fabrique  de  draps.  Des  fouilles  ont  amené  à  plu- 
sieurs reprises  la  découverte  de  nombreux  vestiges  romains 
et  notamment  d'inscriptions.  Eglise  dont  certaines  parties 
passent  pour  remonter  à  l'époque  carolingienne  ;  clocher 
formé  d'une  ancienne  tour  carrée  formée  de  quatre  pans  à 
colonnades.  Tombeau  en  marbre  de  saint  Jean  de  Matha, 
fondateur  des  trinitaires,  né  à  Faucon. 

FAUCON  (Falco).  Corn,  du  dép.  de  Vaucluse,  arr. 
d'Orange,  cant.de  Vaison;  888  hab.  On  y  a  trouvé  à 
diverses  reprises  des  débris  romains  et  quelques  inscrip- 
tions. On  y  voit  également  les  restes  d'une  chapelle  du 
xiic  siècle,  dédiée  à  saint  Germain.  La  terre  de  Faucon 
dépendait  directement  du  saint-siège.  Elle  fut  en  partie 
inféodée  aux  Jouffroi,  de  Guiramand,  d'Ure  et  de  Blégier. 
Chaque  année,  le  jour  de  Saint-André,  la  communauté  de 
Faucon  devait  une  visite  aux  capitaine,  viguier  et  consuls 
de  Vaison.  Elle  exécutait  cette  obligation  par  deux  valets 
de  ville,  qui  se  rendaient  à  la  porte  de  ces  magistrats  où 
ils  tiraient  un  coup  de  fusil,  après  quoi  ils  faisaient  le 
tour  de  la  foire.  Cet  antique  usage  n'a  disparu  qu'à  la 
Révolution.  L.  Duhamel. 

FÂUCON-du-Caire.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr. 
de  Sisteron,  cant.  de  Turriers  ;  447  hab. 

FAUCONBERG  (Thomas  de),  homme  de  guerre  anglais, 
mort  au  château  de  Middleham  (Yorkshire)  le  22  sept. 
1471.  Fils   naturel  de  sir  William  Nevill,  baron  Fau- 


conberg  et  comte  de  Kent,  il  est  connu  historiquement 
sous  le  nom  de  Bâtard  de  Fauconberg  ou  plus  simplement 
de  Bâtard.  En  4  474 ,  il  était  au  service  du  comte  de  Warvvick 
qui  le  nomma  capitaine  de  sa  flotte  et  l'employa  en  faveur 
de  Henry  VI  qu'il  voulait  rétablir  sur  le  trône.  Après  la 
bataille  de  Tewkesbury,  qui  fut  désastreuse  pour  le  parti, 
le  Bâtard  reçut  l'ordre  de  lever  des  hommes  dans  le  Kent 
et  l'Essex.  Le  44  mai,  il  se  présentait  devant  Londres  et 
demandait  la  permission  d'y  passer.  Ayant  éprouvé  un 
refus,  il  mit  le  feu  aux  faubourgs.  Les  citoyens  se  lancè- 
rent à  sa  poursuite  jusqu'à  Stratford  et  firent  éprouver 
quelques  pertes  à  son  armée.  Le  Bâtard  essaya  d'atteindre 
le  roi  Edouard  IV  à  Kingston.  Il  avait  près  de  vingt  mille 
hommes  et  cette  entreprise  pouvait  réussir.  Mais  lord 
Scales,  le  gouverneur  de  Londres,  envoya  un  message  au 
Bâtard  pour  l'informer  qu'Edouard  allait  quitter  l'Angle- 
terre. Fauconberg  se  laissa  prendre  au  piège,  revint  à 
Blackheat,  puis  s'établit  à  Bochester  et  à  Sandwich.  Il  fut 
battu  par  Edouard  en  ce  dernier  point,  réussit  à  gagner 
Southampton,  où  le  duc  d'York  le  fit  prisonnier»  Il  fut 
décapité. 

FAUCONCOURT.Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  d'Epi- 
nal,  cant.  de  Rambervillers;  239  hab. 

FAUCON  1 ER  (Benoît-Constant),  pianiste  et  compositeur, 
né  à  Fontaine-l'Evêque  (Hainaut)  le  28  avr.  4846.  Il  entra 
à  dix-sept  ans  au  conservatoire  de  Bruxelles  où  il  apprit 
l'harmonie  et  le  contrepoint.  Marié  en  4839  à  une  canta- 
trice de  talent,  MUe  Sophie  Guelton,  il  traversa  avec  elle 
et  le  harpiste  Félix  Godefroid,  Liège,  Spa,  Francfort,  Mann- 
heim,  Darmstadt,  Karlsruhe,  et  les  concerts  qu'ils  donnèrent 
dans  ces  différentes  villes  eurent  beaucoup  de  succès.  En 
4840,  Fauconnier,  fixé  à  Paris,  s'y  livra  à  l'enseignement 
et  y  publia  ses  premières  compositions.  Il  devint  en  4843 
maître  de  chapelle  du  prince  de  Chimay.  On  remarque, 
parmi  ses  œuvres,  beaucoup  de  morceaux  pour  piano  : 
Trois  Méditations,  Souvenirs  de  Schubert,  Paillettes 
d'or,  Quatuor  pour  piano,  violon,  clarinette  et  violon- 
celle, Sextuor  pour  piano,  deux  violons,  violoncelle, 
clarinette  et  contrebasse,  des  Messes  solennelles,  deux 
cantates  exécutées  en  1838  et  4867  au  théâtre  de  la  Mon- 
naie de  Bruxelles,  un  opéra,  la  Pagode,  joué  en  4859  à 
Y  Opéra-Comique,  des  Méthodes  de  divers  instruments,  un 
Guide  des  chefs  de  sociétés  de  chœurs,  et  beaucoup  de 
morceaux  séparés  de  différents  genres.      Alfred  Ernst. 

FAUCONNEAU  (ArtilL).  Pièce  de  canon  primitive 
appelée  aussi  bombarde  allongée,  à  laquelle  on  assigne 
communément  une  longueur  d'une  toise  (2  m.)  et  une  balle 
d'un  poids  d'une  livre  (500  gr.)  à  6  livres  (3  kilogr.).  Le 
fauconneau  était  à  l'origine  porté  et  tiré  à  bras  d'homme. 
En  4536  on  trouve,  en  Italie,  des  fauconneaux  employés 
par  la  cavalerie  légère.  Dans  un  ouvrage  de  1546,  Tartaglia 
indique,  pour  le  fauconneau,  un  projectile  en  plomb  de 
3  livres,  5  pieds  pour  la  longueur  de  la  pièce  et  400  livres 
pour  son  poids.  Il  est  certain  qu'à  cette  époque  il  n'était  plus 
porté  par  l'homme.  Léonhard  Fronsperger,  dans  son  livre 
de  guerre  (4555),  indique  un  projectile  de  2  livres  de 
plomb  et  une  charge  d'une  livre.  D'après  l'ordonnance  de 
Blois  (4572),  le  fauconneau  a  un  demi  à  trois  quarts  de 
toise,  le  projectile  pèse  7  livres  et  la  pièce  de  200  à  400. 
Le  fauconneau  resta  en  usage  jusqu'au  xvnr3  siècle.  Il 
tenait  le  7e  rang  parmi  les  pièces  d'artillerie.      Ed.  S. 

FAUCONNEÂU-Dufresne  (Victor-Albain),  érudit  fran- 
çais, né  à  Châteauroux  en  1798.  Docteur  en  médecine  dans 
sa  ville  natale,  il  a  écrit  :  le  Premier  Bataillon  de  la 
garde  nationale  mobile  deVIndre  (Châteauroux,  1872, 
in-12);  Histoire  de  Déols  et  de  Châteauroux  (1873, 
2  vol.  in-8)  ;  Notice  sur  Crozant,  Chateaubrun  et  Gar- 
gilesse  (1881,  in-12),  etc.  On  lui  doit  aussi  un  certain 
nombre  de  traités  médicaux,  entre  autres  :  Précis  des 
maladies  du  foie  et  du  pancréas  (1856,  in-12)  ;  Traité 
de  V affection  calculeusedu  foie  et  du  pancréas  (1851, 
in-48),  etc. 

FAUCONNERIE.  ï.  Chasse»  —  La  chasse  au  vol  corn- 


47  —  rAUCONBERG  —  FAUCONNERIE 

prend  deux  classes  :  la  haute  volerie  dans  laquelle  les  fau- 
cons seuls  :  gerfaut,  sacre,  faucon  pèlerin,  alphanet, 
émérillon,  sont  employés.  Puis  la  basse  volerie  où  l'on  ne 
se  sert  que  des  autours  et  des  éperviers.  La  différence  dans 
les  deux  espèces  de  volerie  est  minime,  et  les  principes 
généraux  peuvent  s'appliquer  au  dressage  des  différents 
oiseaux.  Une  des  principales  distinctions  consiste  en  ceci, 
c'est  que  les  faucons  proprement  dits  sont  couverts  du  cha- 
peron, et  que,  dans  l'autourserie,  sauf  la  période  de  dres- 
sage, l'oiseau  n'a  pas  les  yeux  recouverts  de  son  capuchon. 
Pour  dresser  un  faucon,  quelle  que  soit  sa  taille,  sa  prove- 
nance, il  faut  toujours  être  armé  d'une  patience  à  toute 
épreuve  :  c'est  là  la  qualité  maîtresse  d'un  fauconnier.  Tous 
les  auteurs,  qui  ne  font  en  général  que  se  répéter  en  se 
copiant,  sont  unanimes  sur  ce  point.  Suivant  que  le  faucon 
était  pris  adulte  ou  sors,  ou  au  nid,  on  décrivait  deux 
modes  d'entraînement.  Le  dressage  de  l'oiseau  pris  au  nid 
ou  niais,  était  plus  facile,  mais  l'élève  était  moins  hardi, 
moins  vaillant.  Le  faucon  pris  adulte,  soit  voletant  de 
branche  en  branche  lors  de  sa  sortie  du  nid  :  faucon 
branchier  ;  soit  plus  âgé  encore  :  faucon  hagard,  demandait 
plus  de  soins  et  de  persévérance,  mais  alors  on  obtenait 
un  animal  complet  comme  moyens,  car  aux  instructions 
reçues  venait  s'ajouter  la  ruse  naturelle  que  lui  avait  pro- 
curée l'exercice  de  la  chasse  spontanée. 

Les  anciens  livres  de  fauconnerie  abondent  en  termes  su- 
rannés qui  seraient  déplacés  dans  cette  étude,  qui  ne  con- 
tiendra que  ce  qui  est  indispensable,  mais  suffisant,  pour 
permettre  à  n'importe  qui  de  se  procurer  le  plaisir  de  dresser 
n'importe  quel  oiseau  de  proie,  faucon  ou  autour,  en 
suivant  les  indications  suivantes  qui  sont  le  résumé  de  tous 
les  traités  publiés  sur  la  fauconnerie.  Schlegel,  dans  son 
merveilleux  ouvrage  dédié  au  roi  des  Belges,  a  condensé 
les  principes  de  la  fauconnerie,  que  d'autres  contempo- 
rains ont  ensuite  vulgarisé  dans  des  publications  plus  mo- 
destes. Une  fois  le  faucon  pris,  soit  au  filet,  soit  dans  son 
nid,  il  faut  Y  armer,  c.-à-d.  lui  passer  aux  jambes  les  jets, 
bracelets  en  cuir,  qui  sont  fixés  par  un  nœud  bouclé.  A  ces 
jets  ou  entraves,  on  fixe  un  double  anneau,  les  vervelles 
ou  tourillon,  qui  permettra  de  retenir  sur  son  billon  ou 
sur  sa  perche  l'oiseau  à  l'aide  d'une  lanière  de  cuir  nommée 
longe.  Un  grelot  léger  mais  sonore  est  fixé  au  tarse  et 
permettra  de  se  tenir  au  courant  des  faits  et  gestes  de 
l'oiseau  quand  il  se  sera  éloigné  dans  une  futaie.  Une 
coifie  en  cuir  dite  chaperon  empêche  l'animal  de  voir  et 
de  se  débattre.  Le  chaperon  simple  qui  sert  pendant  la  pé- 
riode d'instruction  est  sans  plumet  et  s'appelle  chaperon 
de  rust.  Il  permet  à  l'oiseau  de  manger  et  de  rejeter  les 
plumes  ou  pelotte  qui  faisaient  partie  de  ce  qu'on  lui  a 
présenté  pour  l'habituer  à  prendre  des  becquades, 

Quand  un  faucon,  un  autour  ou  un  épervier  adultes 
viennent  d'être  pris,  ils  sont  furieux  et  semblent  indomp- 
tables. Il  faut  de  suite  les  entraver,  leur  mettre  le  capu- 
chon et  nuit  et  jour,  pendant  au  moins  quarante-huit  heures, 
les  porter  sur  le  poing  sans  les  laisser  dormir.  Pendant  ce 
temps-là,  on  ne  cesse  de  les  caresser  soit  avec  la  main,  soit 
avec  une  aile  de  pigeon  :  c'est  le  frist  frast  des  Hollan- 
dais. Ce  contact  adoucit  l'oiseau  qui  se  débat  de  moins  en 
moins  et  finit  par  devenir  maniable.  Une  autre  caresse 
auquel  il  est  fort  sensible  est  le  chatouillement  des  pieds 
pratiqué  doucement.  Quand  le  captif  semble  moins  ému, 
moins  effarouché,  on  lui  présente  un  peu  de  viande,  le 
pât,  et  on  lui  en  laisse  tirer  quelques  becquades.  Les  autres 
jours  on  lui  donnera  le  matin  une  partie  tendineuse,  pour 
qu'il  s'acharne  après  elle  ;  ce  sera  le  tiroir.  Suivant  la  taille 
des  oiseaux,  les  progrès  dans  la  soumission  du  prisonnier 
seront  plus  ou  moins  rapides.  Le  gerfaut  demande  un  mois 
de  dressage,  tandis  que  l'émérillon  sera  préparé  en  quinze 
jours  :  tout  cela  varie  encore  suivant  le  caractère  de  l'oi- 
seau et  l'habileté  du  fauconnier. 

Une  fois  l'oiseau  habitué  à  ses  entraves,  au  chaperon  et 
à  la  compagnie  de  son  maître,  il  faut  l'accoutumer  à  venir 
sur  le  poing.  A  cet  effet  on  le  déchaperonne  ;  on  se  met  à 


FAUCONNERIE  —  48  — 

deux  ou  trois  pas  de  lui  et  on  lui  présente  sur  le  poing 
gauche,  revêtu  d'un  gant  épais,  le  pât.  Poussé  par  la  faim, 
l'oiseau  oublie  sa  défiance  naturelle  et  s'élance  sur  la  main  ; 
on  lui  laisse  prendre  deux  ou  trois  becquades,  puis  on  le 
replace  sur  le  billot  ;  on  s'éloigne  ensuite  d'une  plus  grande 
distance.  Après  quelques  jours  de  ces  exercices,  on  em- 
mène l'oiseau  en  plein  air  ;  il  est  retenu  par  une  longue 
corde  de  45  à  20  m.  ;  c'est  la  filière.  On  le  fait  venir  pro- 
gressivement sur  le  poing  de  plus  en  plus  loin  et  à  chaque 
fois  on  le  récompense  de  sa  docilité  en  lui  donnant  bonne 
gorge.  Pour  les  oiseaux  de  haut  vol,  on  se  sert  d'un 
leurre  pour  les  faire  venir.  Le  leurre  est  composé  d'une 
planchette  à  laquelle  sont  fixées  deux  ailes  de  pigeon. 
Au  milieu  on  attache  le  pât,  qu'on  laisse  manger  ainsi  au 
faucon.  Plus  tard,  quand  l'oiseau  sera  en  liberté  et  qu'on 
voudra  le  rattraper,  il  suffira  de  faire  tournoyer  le  leurre 
à  l'aide  d'une  corde  pour  voir  le  faucon  se  précipiter  des- 
sus et  venir  à  la  portée  de  la  main  de  son  maître. 

Les  oiseaux  de  basse  volerie,  les  autours,  les  éperviers, 
reviennent  directement  sur  la  main  ;  aussi  les  auteurs  en 
fauconnerie  distinguaient-ils  les  oiseaux  de  haut  vol  ou  de 
leurre  et  les  oiseaux  de  bas  vol  ou  de  poing.  On  jetait  les 
premiers  par  un  brusque  mouvement  de  l'avant-bras.  On 
lâchait  les  seconds  qui,  n'étant  pas  chaperonnés,  ne  pre- 
naient leur  essor  qu'au  moment  où  le  gibier  leur  partait  à 
portée.  Quand  l'oiseau  semble  absolument  obéissant,  on  lui 
montre  le  gibier  qu'il  est  destiné  à  poursuivre.  Pour  cela 
on  prend  des  hérons  dont  on  enveloppe  le  bec  dans  un  étui 
de  roseau  et  après  avoir  laissé  les  faucons  jeûner  vingt- 
quatre  heures,  on  les  lâche  sur  la  bête.  Pour  prendre  un 
héron  ou  un  milan,  on  avait  l'habitude  d'employer  trois 
faucons.  Le  premier  était  dit  le  hausse-pied;  le  second, 
qui  fatiguait  le  héron  et  l'empêchait  de  gagner  les  hauteurs, 
était  appelé  le  teneur;  enfin  on  lâchait  le  plus  expérimenté  : 
le  tombisseur  qui  fondait  comme  une  masse  sur  l'oiseau 
de  chasse  et  parfois  si  vivement,  qu'il  s'enferrait  sur  le  bec 
du  héron,  que  celui-ci  présentait  comme  une  scie  à  son  ad- 
versaire entraîné  par  son  attaque  impétueuse.  Toussenel,  le 
maître  écrivain  de  l'ornithologie  passionnelle,  cite  d'après 
un  de  nos  vieux  auteurs  de  fauconnerie  le  cas  où  le  tom- 
bisseur ayant  vu  un  de  ses  acolytes  blessé  par  le  héron, 
«  tomba  sur  icelui  si  roidement,  que  du  coup  lui  enleva  la 
tête  en  ses  serres  et  ains  fut  le  roy  privé  de  son  droit  ». 

Une  fois  le  gibier  pris,  il  était  d'usage  de  donner  gorge 
chaude  à  l'oiseau,  en  lui  présentant  soit  le  foie,  soit  le 
cœur  de  sa  victime.  C'était  suivant  l'expression  lui  faire 
courtoisie.  Quand  un  faucon  avait  ainsi  chassé  deux  ou 
trois  fois,  on  le  considérait  comme  bien  affaité  et  de 
bonne  affaire.  Une  des  déceptions  des  fauconniers,  c'était 
de  voir  leur  élève  partir  sans  retour.  //  emportait  ses 
sonnettes.  Pour  éviter  ce  contretemps,  il  ne  faut  pas  faire 
voler  les  faucons  au  temps  des  amours  et  par  la  pluie  ou 
la  trop  grande  chaleur.  La  plus  grande  intimité  doit  exister 
entre  le  fauconnier  et  ses  oiseaux.  Parmi  ceux-ci,  il  en  est 
qui  ont  le  caractère  ombrageux  ;  il  faudra  donc  les  accou- 
tumer le  plus  possible  avant  de  les  lâcher  au  bruit  des 
chevaux,  au  contact  des  personnes  et  de  la  vue  des  chiens. 

Aujourd'hui  la  fauconnerie  a  de  nombreux  adeptes  en 
Algérie,  en  Allemagne,  en  France  et  en  Angleterre.  Plu- 
sieurs manuels  sont  publiés  depuis  une  dizaine  d'années  et 
sont  la  preuve  que  la  chasse  à  l'oiseau  de  proie  reprend  de 
la  faveur  auprès  du  grand  public.  Après  Schlegel,  nous  cite- 
rons :  MM.  Chenu,  Belvalette,  Cerfon,  Roy,  qui  ont  con- 
densé les  principes  de  l'art  de  la  fauconnerie  dans  leurs 
écrits.  Les  Arabes,  grands  maîtres  experts  dans  la  faucon- 
nerie, ont  une  façon  barbare  de  les  dresser  et  qui  ne  sera 
citée  ici  que  pour  mémoire.  Une  fois  qu'ils  ont  capturé  le 
faucon,  le  terakel,  ils  lui  mettent  les  jets,  l'habituent  à 
venir  sur  le  poing,  puis  l'enferment  dans  une  pièce  avec  un 
agneau.  Bientôt  poussé  par  la  faim,  le  faucon  se  jette  sur  la 
tête  de  l'agneau ,  lui  crève  les  yeux  et  se  repaît  des  lambeaux  de 
chair  qu'il  enlève  à  la  malheureuse  bête.  Aussi,  quand  ils  sont 
lancés  sur  des  lièvres  ou  des  gazelles,  les  faucons  arabes 


se  mettent-ils  tout  de  suite  à  crever  les  yeux  de  ces  ani- 
maux, ce  .qui  permet  aux  chasseurs  d'accourir  et  de 
s'en  emparer.  Les  Kirghiz  et  les  Tatares  sont  parvenus  à 
dresser  l'aigle  doré  à  chasser  le  loup  et  l'antilope.  Mais  le 
grand  poids  de  cet  oiseau  et  son  caractère  difficile  n'ont 
pas  permis  de  vulgariser  cette  chasse  en  Occident.  Aujour- 
d'hui c'est  surtout  l'autour  et  l'épervier  qui  sont  les  plus 
mis  à  contribution,  caria  perdrix,  le  lapin  et  la  caille  sont 
chassés  par  eux  dans  la  perfection. 

Vautour  série  était  une  des  variétés  de  la  chasse  à  l'oi- 
seau de  proie  et  n'en  différait  qu'en  ceci  :  c'est  que  l'au- 
tour ne  chassait  que  le  gibier  comestible,  d'où  son  nom  de 
cuisinier.  La  chasse  au  gerfaut,  au  faucon  lanier,  au  fau- 
con sacre  exigeait  de  grands  frais  et  avait  surtout  comme 
objectif  la  prise  du  milan,  du  héron,  de  la  buse  et  servait 
plus  à  la  mise  en  scène  qu'au  profit.  L'autour  était  aussi 
très  recherché  pour  la  chasse  à  l'oie  sauvage,  au  canard, 
au  faisan.  Toussenel  dit  avoir  vu  en  Italie  des  éperviers 
prendre  plusieurs  douzaines  de  cailles  dans  une  journée. 
L'émérillon  est  sans  rival  pour  la  chasse  à  l'alouette.  C'est 
dire  combien  il  est  facile  à  peu  de  frais  de  se  procurer  un 
plaisir  qui  jadis  était  réputé  l'apanage  exclusif  des  grands 
et  des  nobles.  La  connaissance  des  principes  élémentaires 
contenus  dans  cette  notice  montre  qu'avec  un  peu  de 
constance  peut  devenir  fauconnier  qui  en  aura  le  temps  et 
la  volonté.  Le  point  essentiel  est  d'être  le  plus  souvent  pos- 
sible avec  l'oiseau  qu'on  tient  sur  le  poing  ganté.  Au  bout 
d'un  certain  temps,  le  faucon  finit  par  s'attacher  à  son 
maître  comme  le  ferait  le  chien  le  plus  fidèle.  Les  auteurs 
du  moyen  âge  sont  remplis  de  récits  touchants  à  propos 
des  témoignages  d'affection  donnés  à  leurs  maîtres  bu  maî- 
tresses par  les  faucons.  Au  moment  de  la  mue,  les  oiseaux 
ne  sont  plus  en  état  de  chasser  ;  on  les  laisse  alors  à  la 
perche.  Une  fois  leur  plumage  repoussé,  on  a  soin  de  les 
baigner  et  de  les  saupoudrer  de  poudre  de  pyrèthre  pour 
leur  enlever  les  insectes  auxquels  ils  sont  très  sujets  et  qui 
les  désolent.  Dr  Sam.  Ambrésin. 

II.  Histoire  des  institutions.  — La  fauconnerie  ne 
paraît  pas  avoir  été  connue  des  peuples  civilisés  de  l'anti- 
quité classique  ;  mais  elle  devait  pourtant  être  en  usage  en 
Perse  et  dans  l'Inde.  Ctésias,  médecin  et  historien  grec, 
contemporain  de  Xénophon,  rapporte  que  certaines  peu- 
plades de  l'Inde  passaient  de  son  temps  pour  chasser  le 
lièvre,  la  gazelle  et  le  renard  à  l'aide  d'oiseaux  de  proie 
dressés.  C'est  Julius  Firmicus  Maternus,  qui,  au  ive  siècle, 
fait  le  premier  mention  de  la  chasse  au  vol  d'une  manière 
un  peu  précise  ;  car  c'est  à  peine  si  l'on  peut  ajouter  foi  à 
certains  récits  qui  veulent  que  les  Chinois  aient  connu  ce 
mode  de  chasse  dès  l'an  690  avant  l'ère  chrétienne.  Il  est 
hors  de  doute  que  nos  premiers  Mérovingiens  ont  connu  et 
pratiqué  la  fauconnerie  telle  qu'elle  a  été  exercée  pendant 
le  moyen  âge.  Francs,  Burgondes  et  Visigoths  attachaient 
un  grand  prix  à  leurs  oiseaux  dressés  à  la  chasse,  si  l'on 
en  juge  par  les  peines  sévères  que  leurs  lois  prononçaient 
contre  ceux  qui  osaient  tuer  ou  voler  un  de  ces  oiseaux. 
Chez  les  Francs,  celui  qui  avait  volé  un  autour  était  frappé 
d'une  amende  de  3  sous  ;  si  l'oiseau  était  sur  sa  perche, 
l'amende  était  élevée  à  15  sous,  et  elle  n'était  pas  moindre 
de  40  sous,  si  l'autour  était  enfermé  sous  clef.  La  loi 
Gombette  est  encore  plus  menaçante  :  elle  ordonne  que  le 
voleur  devra  laisser  l'autour  volé  lui  manger  six  onces  de 
chair  sur  la  poitrine,  à  moins,  toutefois,  que  le  voleur  ne 
préfère  payer  6  sous  au  propriétaire  de  l'oiseau,  plus  2  sous 
d'amende.  Si  l'on  s'en  fie  aux  rares  textes  de  ces  époques 
lointaines,  il  semble  bien  que  jusque  vers  le  vme  siècle  on 
n'ait  pas  fait  grand  usage  des  oiseaux  qu'on  nomma  plus 
tard  les  oiseaux  de  haut  vol.  Dans  tous  ces  textes,  en  effet, 
il  n'est  jamais  question  que  des  oiseaux  de  bas  vol,  c.-à-d. 
des  éperviers  et  des  autours.  Mais  à  partir  de  cette  époque 
et  pendant  tout  le  moyen  âge  la  chasse  au  vol  est  à  son 
apogée  ;  elle  est  réglementée  et  considérée  par  un  grand 
nombre  de  hauts  seigneurs  comme  plus  noble  que  la  véne- 
rie elle-même.  Ce  débat  des  veneurs  et  des  fauconniers  sur 


—  49  — 


FAUCONNERIE  —  FAUCONNIER 


la  prééminence  de  leur  art  durera  jusqu'au  xvie  siècle  : 
l'auteur  du  livre  du  Roy  Modus,  Gaces  de  La  'Bigne,  Guil- 
laume Tardif  posent  la  question,  qui  devait  être  une  ques- 
tion à  la  mode,  et  la  discutent  sans  oser  la  résoudre.  Le 
Débat  de  deux  dames  sur  le  passe-temps  de  la  chasse 
aux  chiens  et  aux  oiseaux,  par  Guillaume  Crétin,  prouve 
que  fort  tard  encore  cette  question  était  restée  l'un  des 
sujets  de  dispute  favoris  parmi  les  gens  du  bel  air.  Jacques 
du  Fouilloux,  plus  hardi,  tranche  carrément  la  question  et 
donne  sans  hésiter  la  préférence  à  la  vénerie.  C'est  qu'à 
l'époque  où  écrivait  du  Fouilloux,  seconde  moitié  du 
xvie  siècle,  la  fauconnerie  semblait  destinée  à  disparaître 
bientôt.  Il  n'en  fut  pas  ainsi,  grâce  à  Louis  XIII  qui  essaya 
de  la  faire  renaître,  mais  qui  ne  réussit  qu'à  la  faire  pra- 
tiquer par  ses  courtisans  désireux  de  plaire  au  maître.  Dès 
le  règne  de  Henri  IV,  la  fauconnerie  était  morte  :  ce  n'était 
plus  qu'une  tradition  ;  ravivé  un  instant  par  le  goût  pas- 
sionné de  Louis  XIII,  cet  art  était  dès  lors  oublié  de  la 
noblesse.  Louis  XIV  ne  chassa  au  vol  que  parce  que  cette 
chasse  faisait  partie  de  l'étiquette.  Au  xvme  siècle,  Louis  XV 
montra  encore  pendant  sa  jeunesse  un  certain  goût  pour 
cet  exercice,  mais  il  l'abandonna  dès  qu'il  fut  parvenu  à 
l'âge  d'homme,  et  son  successeur  ne  prit  qu'une  seule  fois 
en  sa  vie  l'oiseau  sur  le  poing,  toujours  par  respect  de  la 
tradition.  Aujourd'hui  on  a  tenté  en  plusieurs  endroits  de 
remettre  en  honneur  ce  genre  de  sport  ;  des  fauconniers 
ont  été  formés  ;  de  grandes  chasses  ont  été  organisées  ; 
c'est  un  simple  passe-temps  d'amateurs.  La  fauconnerie  à 
notre  époque  est  plutôt  un  jeu  d'érudits  qu'une  véritable 
chasse.  Mais,  pendant  toute  la  durée  de  la  féodalité,  elle  a 
été  une  institution  pourvue  de  règles  fixes.  Le  droit  de 
posséder  des  faucons  était,  dans  presque  toutes  les  pro- 
vinces, réservé  aux  seuls  gentilshommes.  Chevaliers  et 
dames  portaient  dans  les  cérémonies  civiles  ou  religieuses 
leur  oiseau  sur  le  poing  en  signe  de  noblesse.  Les  bour- 
geois des  bonnes  villes  avaient  droit  seulement  à  l'autour, 
au  milan  et  à  l'épervier,  oiseaux  roturiers  ou  ignobles, 
c.-à-d.  non  nobles,  par  opposition  aux  faucons  des  diverses 
variétés  réputés  oiseaux  gentils  et  qui  devaient  être  traités 
par  tous  avec  les  plus  grands  égards.  Nous  aurions  de  la 
peine  à  nous  figurer  aujourd'hui  l'importance  des  moindres 
détails  de  l'art  de  fauconnerie,  art  dans  lequel  tout  était 
réglé  et  soumis  à  des  lois  d'étiquette  incompréhensibles 
pour  nous.  Chaque  oiseau  devait  avoir  son  nom  inscrit  sur 
le  bloc  qui  lui  servait  de  perchoir.  Un  bon  fauconnier 
devenait  un  personnage  dont  la  renommée  se  répandait 
au  loin  et  que  princes  et  seigneurs  se  disputaient.  La 
langue  des  fauconniers  demandait  aussi  une  véritable  étude  ; 
et  cette  langue  différait  encore  lorsqu'il  s'agissait  de  l'au- 
tourserie  qui  ne  devait  pas  être  confondue  avec  la  faucon- 
nerie proprement  dite.  Un  grand  nombre  de  mots  de 
cette  langue  spéciale  ont  survécu  à  l'institution  et  sont 
passés  aujourd'hui  dans  le  langage  courant.  La  médecine 
particulière  aux  oiseaux  de  chasse  avait  aussi  des  règles: 
ce  n'était  guère  qu'un  ramassis  de  recettes  empiriques  ou 
superstitieuses,  et  c'est  merveille  que  des  oiseaux  aient 
pu  supporter  sans  périr  de  pareils  traitements  ;  mais  c'était 
le  dogme,  et  les  anciens  traités  de  fauconnerie  sont  presque 
entièrement  composés  de  ces  recueils  de  recettes  étranges. 
Quant  à  l'éducation  des  oiseaux,  elle  était  faite  aussi 
suivant  des  principes  immuables,  mais  assez  raisonnables. 
—  Pendant  tout  le  moyen  âge  et  jusqu'au  xvir3  siècle,  les 
cadeaux  entre  princes  consistaient  presque  exclusivement  en 
faucons,  quelquefois  en  chiens,  mais  plus  rarement.  Sous 
Louis  XV  et  même  encore  sous  Louis  XVI,  le  roi  de  Dane- 
mark, le  duc  de  Courlande  et  l'ordre  de  Malte  envoyaient 
chaque  année  au  roi  de  France  des  faucons  qui  étaient  reçus 
par  celui-ci  avec  un  cérémonial  particulier.  Ce  n'est  qu'en 
1787  que  le  roi  de  Danemark  cessa  d'envoyer  à  Louis  XVI 
des  faucons  d'Islande.  Ce  n'était  pas  seulement  en  cadeaux 
qu'étaient  offerts  les  oiseaux  dressés  à  la  chasse  ;  souvent 
aussi  ils  étaient  donnés  à  titre  de  redevances  féodales.  Il 
n'est  pas  rare  non  plus  de  rencontrer  dans  les  cartulaires 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —    XVII. 


des  indications  qui  prouvent  que  des  vassaux  ou  des  com- 
munautés religieuses  étaient  soumis  à  l'obligation  de  nourrir 
les  faucons  du  seigneur.  Les  veneurs  et  les  fauconniers 
furent  toujours  ennemis  à  la  cour  des  rois  de  France,  et  il 
subsista  jusqu'au  xvie  siècle  une  coutume  assez  singulière. 
A  la  sainte  croix  de  mai,  les  veneurs,  tout  habillés  de  vert 
et  armés  de  gaules  vertes,  venaient  chasser  de  la  cour  les 
fauconniers  ;  quand  arrivait  au  contraire  la  sainte  croix 
d'hiver,  le  grand  fauconnier,  accompagné  de  ses  capitaines 
et  fauconniers,  mettait  hors  de  cour  les  veneurs.  Malgré 
cet  antagonisme,  la  fauconnerie  et  la  vénerie  (V.  ce  mot) 
ont  toujours  suivi  une  marche  si  parallèle  et  subirent  des 
modifications  si  semblables  que  l'histoire  de  leurs  institu- 
tions et  de  leurs  coutumes  a  toujours  été  à  peu  près  iden- 
tique. Henry  Martin. 

Bibl.  :  Chasse.  —  V.  les  ouvrages  de  Charles  d'Art- 
cussia,  Albert  le  Grand,  Jacques  de  Thou.  —  Har- 
mond,  Miroir  de  la  fauconnerie,  1635.  —  Saint-Aulaire 
de  La  Renaudie,  Traité  de  fauconnerie.  —  Le  Livre  du 
roi  Modus.  —  De  Moraix,  le  Véritable  Fauconnier,  1883. 

Histoire  des  institutions.  —  La  Curne  de  Sainte- 
Palaye,  Mémoi7*es  historiques  sur  la  chasse,  dans  Mé- 
moires sur  l'ancienne  chevalerie,  t.  III.  —  Baron  Du- 
noyer  de  Noirmont,  Histoire  de  la  chasse  en  France, 
1867,  3  vol.,  passim.  —  Magaud  d'Aubusson,  la  Faucon- 
nerie au  moyen  âge;  Paris,  1879.  —  Léon  Gautier,  la 
Chevalerie;  Paris,  1884. 

FAUCONNIER  (Grand).  «  Encores,  dit  du  Tillet,  que 
les  rois  de  France  de  tout  temps  ayent  esté  sur  tous  autres 
addonnez  à  la  chasse,  ces  deux  offices  (de  grand  veneur  et 
de  grand  fauconnier)  ne  sont  anciens.  »  La  charge  de  grand 
fauconnier  n'est  pas  antérieure  au  commencement  du 
xve  siècle  :  c'est  Eustache  de  Gaucourt,  dit  Tassin,  qui  en 
fut  le  premier  investi  en  1406.  Avant  lui  les  rois  de  France 
avaient  eu  des  fauconniers  et  des  maîtres  fauconniers  :  c'est 
ainsi  que,  suivant  Hincmar,  Charlemagne  entretenait  quatre 
veneurs  et  un  fauconnier,  qui  se  trouvaient  subordonnés 
aux  trois  principaux  officiers  de  la  maison  du  roi,  c.-à-d. 
au  sénéchal,  au  bouteiller  et  au  connétable.  Plus  tard,  on 
voit  apparaître  de  temps  en  temps  dans  les  comptes  de  la 
maison  du  roi  les  noms  de  quelques  fauconniers,  sans  qu'il 
soit  possible  d'en  conclure  qu'il  y  ail  eu,  au  moins  jus- 
qu'au xme  siècle,  une  véritable  charge  de  fauconnier  du 
roi.  En  4231,  on  trouve  mentionnés  deux  fauconniers 
royaux,  Gaufredus  et  Herricus  ;  mais  sous  ce  même 
saint  Louis  commence  la  série,  à  peu  près  ininterrompue, 
des  fauconniers  ou  maîtres  fauconniers  du  roi  :  ce  qui  ne 
veut  point  dire  que  nous  sachions  quelles  étaient  à  cette 
époque  les  attributions  de  ces  officiers.  Suivant  Gaces  de 
La  Bigne,  le  maître  fauconnier  jetait  son  faucon  le  premier, 
et  le  roi  ne  lançait  le  sien  qu'en  second  lieu.  Sous  Fran- 
çois Ier,  le  grand  fauconnier  n'avait  pas  sous  ses  ordres 
moins  de  cinquante  gentilshommes  et  de  cinquante  faucon 
niers  aides,  qui  tous  étaient  nommés  par  lui  ;  cet  officier 
pouvait  chasser  partout  où  bon  lui  semblait,  dans  toute 
l'étendue  du  royaume  ;  il  avait  aussi  le  droit  de  lever  un 
tribut  sur  tous  les  oiseleurs  de  France,  qui  ne  pouvaient 
vendre  un  seul  oiseau  sans  sa  permission,  sous  peine  devoir 
leur  marchandise  confisquée.  La  fauconnerie,  de  même  que 
la  vénerie,  suivait  le  roi  en  quelque  lieu  qu'il  se  rendît.  Au 
xviue  siècle  encore,  dans  les  cérémonies  officielles,  les  fau- 
conniers étaient  tenus  d'accompagner  le  roi,  le  faucon  sur 
le  poing.  A  cette  époque,  la  grande  fauconnerie  du  roi  se 
composait  de  neuf  vols  ou  équipages  de  vols  :  deux  pour 
milan,  un  pour  héron,  deux  pour  corneille,  un  pour  les 
champs,  un  pour  rivière,  un  pour  pie  et  un  pour  lièvre. 
Le  grand  fauconnier  était  le  premier  officier  de  la  grande 
fauconnerie  ;  il  devait  prêter  serment  entre  les  mains  du 
roi  et  avait  droit  de  nomination  à  toutes  les  charges  de 
chefs  de  vols.  Mais  il  faudrait  bien  se  garder  de  croire  que 
le  grand  fauconnier  eût  quelque  autorité  sur  la  fauconne- 
rie du  cabinet  du  roi  ;  cette  dernière,  tout  à  fait  indé- 
pendante de  la  grande  fauconnerie,  était  commandée  par  un 
capitaine  général  ;  elle  comprenait  cinq  vols  :  corneille,  pie, 
les  champs,  émériilon  et  lièvre.  A  chacun  de  ces  vols  étaient 
attachés  un  capitaine-chef,  un  lieutenant-aide,  un  maître 


FAUCONNIER  —  FAUGERES 


-  50 


fauconnier.  Quand  on  dit  que  le  grand  fauconnier  nommait 
tous  les  chefs  de  vols,  il  faut  donc  entendre  seulement  les 
chefs  de  vols  de  la  grande  fauconnerie  ;  il  n'avait  aucun 
droit  sur  les  chefs  des  oiseaux  du  cabinet  du  roi,  pas  plus 
que  sur  les  chefs  des  oiseaux  de  la  chambre. 

Voici  la  liste  des  maîtres  fauconniers  du  roi  et  grands  fau- 
conniers de  France  :  Jean  de  Beaune,  fauconnier  du  roi, 
de  1250  à  1258  ;  Etienne  Granche,  maître  fauconnier  en 
1274  ;  Simon  de  Champdivers,  mort  en  1316  ;  Pierre  de 
Montguignard  ou  Montguyard,  1313  et  1321  ;  Pierre  de 
Neuvy,  1325  ;  Jean  de  Gampdavaine,  1317  et  1337  ;  Phi- 
lippe Danvin,  1338,  1344,  1350  et  1353  ;  Jean  dePisse- 
leu,  1343  et  1354;  Eustache  de  Gechy  ou  Sissy,  1354, 
1367,  1371  ;  Nicolas  Thomas,  1371  ;  André  de  Humières, 
seigneur  de  Vaux,  dit  Drieu,  1372-1373-1378  ;  Enguer- 
rand  de  Dargies,  1380  et  1393  ;  Jean  de  Sorvillier,  1393- 
1404.  A  partir  de  1406  commence  la  série  des  grands 
fauconniers  :  Eustache  de  Gaucourt,  dit  Tassin,  1406, 
1410  et  1412  ;  Jean  Malet  de  Graville,  1415  ;  Nicolas  de 
Bruneval,  1416;  Guillaume  des  Prez,  1418  et  1419  ; 
Philippe  de  La  Chastre,  seigneur  de  Bruillebault,  1429- 
1452  ;  Georges  de  La  Chastre,  1452, 1455  et  1459  ;  Oli- 
vier Salart,  avant  1464;  Jacques  Odart,  seigneur  de 
Curzay,  1480  ;  Raoul  Vernon,  seigneur  de  Montreuil- 
Bonnin,  1514  ;  René  de  Cossé-Brissac,  1521  ;  Charles  de 
Cossé-Brissac,  maréchal  de  France,  1553  ;  Timoléon  de 
Cossé-Brissac,  tué  en  1569  ;  Charles  II  de  Cossé-Brissac, 
mort  en  1621  ;  Robert,  marquis  de  La  Vieuville,  1596; 
Charles,  duc  de  La  Vieuville,  mort  en  1653  ;  André  de 
Vivonne,  1612-1616  ;  Charles  d'Albert,  duc  de  Luynes, 
1616-1621  ;  Claude  de  Lorraine,  duc  de  Chevreuse,  mort 
en  1657  ;  Louis-Charles  d'Albert,  duc  de  Luynes,  1643- 
1650  ;  Nicolas  Dauvet,  comte  des  Marests,  1650-1672  ; 
Alexis-François  Dauvet,  1672-1688;  François  Dauvet, 
1688-1718  ;  François-Louis  Dauvet,  1718-1748  ;  Louis- 
César  de  La  Baume-le-Blane,  duc  de  La  Vallière,  1748-1780  ; 
Joseph-Hyacinthe-François-de-Paul e  Rigaud,  comte  de  Vau- 
dreuil,  1780,  émigré  en  1789,  mort  en  1817. 

Henry  Martin. 

Bibl.  :  V.  Fauconnerie. 

F  AU  COU  MB  A.  Ville  du  Fouta-Djallon  (Sénégambie), 
dans  la  région  montagneuse  d'où  sort  la  Falémé.  C'est  la 
ville  sainte  de  l'islamisme  dans  le  Fouta-Djallon. 

FAUCRE.  Arrêt  fixé  au  plastron  de  la  cuirasse,  à  hau- 
teur du  sein  droit,  dans  l'armure  du  gendarme,  et  servant 
à  maintenir  la  lance,  à  la  mettre  en  arrêt.  Cette  expres- 
sion de  faucre  est  moderne  et  ne  remonte  pas  au  delà  du 
milieu  du  xvne  siècle  ;  on  disait  auparavant  :  arrêt  ferme. 
Elle  vient  des  mots  fautre,  faire  ou  feutre  dont  il  est 
fait  mention  aux  xie,  xne  et  xme  siècles  pour  désigner  le 
revêtement  de  laine  ou  de  feutre  qui  habillait  cette  partie 
du  bois  de  la  lance,  qui  se  trouve  serrée  sous  le  bras  de 
l'homme  d'armes  quand  il  charge,  pour  l'empêcher  de 
glisser.  Plus  tard,  au  xive  siècle,  on  fixa  l'arrêt  de  la  lance 
au  plastron  de  la  cuirasse  et  on  y  appuyait  la  lance  au 
niveau  de  sa  grande  rondelle  de  garde.  Ce  faucre  était  une 
sorte  de  crochet  massif  et  fixé  à  demeure  ;  vers  le  milieu 
du  xve  siècle,  on  le  munit  d'une  charnière  et  d'un  ressort 
de  manière  à  pouvoir  le  relever  à  volonté  pour  pouvoir 
combattre  à  l'épée.  Dans  les  armures  de  joute,  le  faucre 
est  beaucoup  plus  développé  et  se  complique,  notamment 
au  xvie  siècle,  d'un  prolongement  d'arrière  en  forme  de 
copeau  enroulé  en  tire-bouchon  et  destiné  à  retenir  l'ex- 
trémité du  fût  de  la  lance.  Maurice  Maindron. 

Bibl.:  Giraud,  Notice  des  armes,  dans  Catalogue  de 
la  collection Spitzer;  Paris,  1892,  in-fol.—  Colonel  Robert, 
Catalogue  du  musée  d'artillerie;  Paris,  1890,  t.  II,  in-8.  — 
Penguilly  L/Haridon,  Catalogue  du  musée  d'artillerie  ; 
Paris,  1862,  in-8.  —  De  Belleval,  Du  Costume  militaire 
des  Français  en  lkkd;  Paris,  1872,  in-4. 

FAUD0AS.  Corn,  de  dép.  de  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Castelsarrazin,  cant.  deBeaumont;  617  hab. 

FAUEIT  (Hélène),  actrice  anglaise,  née  en  1816.  Fille 
de  comédiens,  elle  débuta  sur  la  scène  de  Covent  Garden 


le  5  janv.  1836,  dans  le  rôle  de  Julia,  du  Bossu.  Tantôt 
à  Covent  Garden,  tantôt  à  Drury  Lane,  elle  devint  l'une 
des  actrices  les  plus  renommées  de  la  troupe  du  fameux 
Macready,  se  distinguant  surtout  dans  le  répertoire  de 
Shakespeare  (Roméo  et  Juliette,  Macbeth,  Beaucoup  de 
bruit  pour  rien).  Elle  réussit  également  dans  le  réper- 
toire moderne,  en  mettant  son  talent  au  service  des  œuvres 
de  lord  Lytton,  Robert  Browning,  "Westland  Marston, 
Troughton,  etc.  Miss  Faueit,  qui  avait  largement  contribué 
au  succès  de  deux  adaptations  de  pièces  danoises  :  Anti- 
gone  et  la  Fille  du  roi  René,  dues  à  M.  Théodore 
Martin,  devint,  en  1851,  la  femme  de  cet  écrivain.  A 
partir  de  cette  époque  elle  quitta  le  théâtre,  non  sans  y 
reparaître  cependant,  à  deux  ou  trois  reprises,  mais  d'une 
façon  accidentelle  et  pour  un  petit  nombre  de  représen- 
tations. A.  P. 

FAUGA  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  de  Muret;  502  hab. 

FÂUGÈRE  (Armand-Prosper),  littérateur  français,  né 
à  Bergerac  le  10  févr.  1810,  mort  à  Paris  le  17  mars 
1887.  Chef  du  secrétariat  au  ministère  de  l'instruction 
publique  (12  mai  1839),  puis  sous-chef  au  cabinet  du  mi- 
nistre des  affaires  étrangères  (1er  juin  1840),  il  devint 
successivement,  au  même  département,  rédacteur  (1841), 
sous-directeur  (1852),  directeur  des  archives  et  de  la 
chancellerie  (28  oct.  1866)  et  prit  sa  retraite  le  23  janv. 
1880  avec  le  grade  de  ministre  plénipotentiaire  de  pre- 
mière classe.  En  1831,  il  avait  été  envoyé  en  mission  à 
Londres.  Collaborateur  de  plusieurs  journaux  et  pério- 
diques comme  le  Temps,  la  Revue  du  XIXe  siècle,  le  Cor- 
respondant, etc.,  fondateur,  en  1836,  du  Moniteur 
religieux,  Faugère  a  publié  sur  Pascal  une  série  d'études 
fort  distinguées  :  Eloge  de  Biaise  Pascal  (Paris,  1842, 
in-8)  ;  Génie  et  écrits  de  Pascal  (1847,  in-8)  ;  Lettres, 
opuscules  et  mémoires  de  Mme  Périer  et  de  Jacqueline, 
sœurs  de  Pascal,  et  de  Marguerite  Périer,  sa  nièce 
(1845,  in-8)  ;  Défense  de  Rlaise  Pascal,  Newton,  Gali- 
lée contre  les  faux  documents  de  M.  Chas  les  (1868, 
in-4)  ;  des  éditions  de  Y  Abrégé  de  la  vie  de  Jésus-Christ 
par  Pascal,  avec  le  Testament  du  même  (1846).  En  dehors 
de  ces  travaux  spéciaux  et  d'autres  éditions  :  Lettres  de 
la  mère  Arnauld  (1858,  2  vol.)  ;  Journal  du  voyage  à 
Paris  de  deux  jeunes  seigneurs  hollandais  en  1657- 
59  (1862,  in-8);  des  Mémoires  de  Madame  Roland 
(1864,  2  vol.  in- 18)  ;  des  Ecrits  inédits  de  Saint-Simon 
(1881  et  suiv.,  in-8),  il  a  écrit:  ta  Vie  et  les  bienfaits 
de  La  Rochefoucauld-Liancourt  (1835)  ;  Du  Courage 
civil  ou  l'Hôpital  chez  Montaigne  (1836)  ;  Eloge  de 
Gerson  (1838)  ;  Un  Mot  de  vérité  sur  la  crise  minis- 
térielle et  de  sa  solution  possible  (1839,  in-8)  ;  le  Zoll- 
verein  de  1819  à  1841  (1859,  in-8);  la  Vérité  vraie 
sur  la  publication  des  Mémoires  de  Madame  Roland 
(1864,  in-8)  ;  Fragments  de  littérature  morale  et  po- 
litique (1865,  2  vol.  in-12). 

FAUGÈRES.  Corn,  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Lar- 
gentière,  cant.  de  Joyeuse;  352  hab.  Terrain  calcaire. 
Vignes  et  mûriers.  En  996,  Etienne,  vicomte  de  Gévaudan, 
donna  à  l'abbaye  de  Saint-Chaffre,  avec  ses  terres  de  Lan- 
gogne,  la  villa  de  Felgerias,  dans  la  vicairie  de  Bauzon, 
en  Vivarais.  Les  prieurs  de  Faugères  étaient  seigneurs  de 
leur  paroisse.  Ils  dépendaient  du  prieuré  de  Langogne, 
lequel  relevait  lui-même  de  l'abbaye  mère  de  Saint-Chaffre 
ou  du  Monastier.  A.  Mazon. 

FAUGÈRES. Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  deBéziers, 
cant.  de  Bédarieux;  757  hab. 

FAUGERES  (Margaretta  Bleecker,  Mrs),  institu- 
trice et  femme  de  lettres  américaine,  née  dans  l'Etat  de 
New  ^ork  en  1771,  morte  en  1801.  Son  mari,  le  Dr  Petit 
Faugères,  ayant  dissipé  sa  fortune,  elle  fut  maîtresse 
d'école  successivement  à  New  Brunswick  et  à  Brooklyn. 
Outre  les  œuvres  posthumes  de  sa  mère,  Anne-Eliza 
Bleecker,  qu'elle  édita  en  y  ajoutant  quelques  productions 
en  vers  et  en  prose  (1793),  on  lui  doit  une  tragédie  en 


51  — 


FAUGERES  —  FAULCONNIER 


cinq  actes  et  en  vers  (Belisarius,  4795),  qui  n'a  jamais 
été  représentée.  B.-H.  G. 

FAU6NERNON.Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  et  cant. 
de  Lisieux  ;  221  hab. 

FAU6NER0LLES.  Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne, 
arr.  et  cant.  de  Marmande;  594  hab. 

FAU1LLET.  Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  de  Tonneins;  858  hab. 

FAUJAS  de  Saint-Fond  (Barthélémy),  géologue  français, 
né  à  Montélimar  le  17  mai  4741,  mort  à  Saint-Fond  le 
48  juil.  4849.  Avocat  à  Grenoble,  il  devint  vers  4765 
adjoint  naturaliste  au  Muséum  d'histoire  naturelle.  En  qua- 
lité de  commissaire  du  roi  pour  les  mines,  il  voyagea  en 
Angleterre,  en  Ecosse,  en  Hollande,  en  Allemagne,  en 
Bohême,  en  Italie.  Ses  observations  ont  formé  des  études 
géologiques  fort  remarquables.  Nommé,  en  4793,  profes- 
seur de  géologie  et  de  sciences  naturelles  au  Jardin  des 
Plantes,  il  occupa  cet  emploi  jusqu'en  1848.  Ses  écrits  sont 
très  nombreux.  Nous  citerons  :  Recherches  sur  la  pouz- 
zolane (Grenoble,  1778,  in-8);  Recherches  sur  les  vol- 
cans éteints  du  Vivarais  et  du  Velay  (1778,  in-fol.),  dans 
lesquelles  se  trouve  une  théorie  sur  la  formation  des  vol- 
cans ;  Histoire  naturelle  de  la  province  du  Dauphiné 
Paris,  4784-82,  4  vol.  in— 12)  ;  Minéralogie  des  volcans 
(4784,  in-8)  ;  Voyage  en  Angleterre,  en  Ecosse  et  aux 
îles  Hébrides  (4797,  2  vol.  in-8)  ;  Dictionnaire  des  mer- 
veilles de  la  nature  (4802,  3  vol.  in-8);  Essai  de  géo- 
logie (1803-1809,  2  vol.  in-8);  un  grand  nombre  de 
mémoires  dans  les  Annales  du  Muséum  d'histoire  na- 
turelle, etc. 

Bibl.  :  L.  de  Freycinet,  Essai  sur  la  vie,  les  opinions 
et  les  ouvrages  de  JB.  Faujas  de  Saint-Fond  ;  Valence, 
1820,  in-4. 

FAUKEEL  ou  FAUREL1US  (Herman),  théologien  pro- 
testant, né  à  Bruges  vers  1560,  mort  à  Middelbourg  en 
1625.  Il  suivit  les  cours  de  l'université  calviniste  de  Gand, 
puis  ceux  de  Leyde  et  s'occupa  spécialement  de  l'étude  des 
langues  orientales  sous  la  direction  de  Drusius.  Pasteur  à 
Middelbourg,  il  prit  parti  pour  les  gomaristes  et  exerça 
une  grande  influence  sur  les  délibérations  du  synode  de 
Dordrecht  en  1618-1619.  Faukeel  était  aussi  habile 
exégète  que  savant  théologien.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Traduction  (en  holl.)  du  Nouveau  Testament 
d'après  la  version  des  Septante  (Middelbourg,  1617, 
in-8)  ;  Babel  ou  la  Dispersion  des  anabaptistes  avec 
Vhistoire  de  cette  secte  (en  holl.)  (ibid,  ,  1621, 
in-8)  ;  Sermons  sur  le  psaume  XLV  (en  holl.)  (ibid., 
1628,  in-4)  ;  Sermons  sur  l'Incarnation  et  la  Passion 
du  Christ  (en  holl.)  (ibid.,  1633,  in-8).  Ces  deux  der- 
niers livres  furent  publiés  après  la  mort  de  Faukeel  par 
son  successeur  G.  Buis  et  le  professeur  Van  Laar.    E.  H. 

Bibl.  :  Ypey  et  Dermont,  Histoire  de  l'Eglise  réformée 
en  Hollande  (en  holl.)  ;  Breda,  1819,  10  vol.  in-4.  —  Bor- 
sius,  Faukelius,  sa  vie,  son  caractère  et  ses  mérites  litté- 
raires (en  holl.),  dans  Kist  et  Royaards,  Archives  pour 
l'histoire  de  l'Eglise  néerlandaise  (en  holl.),  111,  IV,  V.  — 
Glasius,  la  Néerlande  théologique  (en  holl.)  ;  Leyde 
1856,  in-8. 

FÂULGH0T  (Les).  Famille  de  maîtres  d'œuvre  français 
des  xve  et  xvie  siècles.  Le  plus  anciennement  connu,  Col- 
leçon  Faulchot,  travailla,  dès  1479,  avec  Jacquet  de  La 
Bouticle,  au  bâtiment  de  la  librairie  ou  bibliothèque,  aujour- 
d'hui une  des  sacristies  de  la  cathédrale  de  Troyes,  puis, 
en  1494,  à  la  grande  nef  de  cet  édifice,  avec  Garnache,  et, 
en  1502,  il  fit,  sur  la  demande  de  Martin  Chambiges,  des 
fouilles  pour  reconnaître  l'état  des  maçonneries  de  fonda- 
tion de  la  cathédrale.  —  Gérard  Ier  Faulchot,  fils  du  pré- 
cédent, fut  d'abord  occupé,  dès  1502,  avec  son  père,  aux 
travaux  de  la  cathédrale  ;  mais,  de  1517  jusqu'à  sa  mort, 
en  1540,  il  construisit  l'église  de  Montier-la-Celle  et,  avec 
Faucreau,  l'église  Saint-Nicolas  de  Troyes,  dont  il  devint, 
en  1533,  seul  maître  d'œuvre,  ayant  avec  lui  son  fils  Jean 
Faulchot  et  son  gendre  Claude  Malterra.  Gérard  Ier  fit,  de 
plus,  exécuter  d'importants  travaux  à  l'église  Saint-Pan- 
taléon  de  Troyes.  ~~  Jean  Faulchot*  fils  de  Gérard  Ier, 


maître  d'œuvre  et  expert  juré  de  la  ville  de  Troyes,  d'abord 
associé  aux  travaux  de  son  père,  lui  succéda,  en  1540, 
comme  maître  d'œuvre  des  églises  Saint-Pantaléon  et  Saint- 
Nicolas  de  Troyes,  et  les  comptes  do  la  fabrique  de  cette 
dernière  église  montrent  qu'il  y  sculpta  un  ciborium  et 
un  saint-sépulcre.  Jean  Faulchot  reconstruisit  vers  1555 
l'église  de  Saint-Martin-ès-Aires  et  mourut  en  1576.  — 
Gérard  II  Faulchot,  fils  de  Jean,  remplaça,  en  1677, 
Gabriel  Favereau  comme  maître  d'œuvre  de  la  cathédrale 
de  Troyes,  fonction  qu'il  occupa  jusqu'à  sa  mort  en  1607. 
Pendant  ces  trente  années,  il  reprit  les  travaux  de  la  tour 
Saint-Pierre  (celle  de  gauche  encore  existante),  refit  les 
arcs-boutants  de  l'abside  et  répara  les  voûtes.  De  plus, 
il  fut  occupé  aux  églises  Saint-Jean-au-Marché,  Saint-Remy, 
Saint-Nizier  et  Saint-Nicolas  de  Troyes  et,  de  même  que  son 
père,  se  décela,  par  la  nature  même  de  certains  de  ses 
travaux,  sculpteur  autant  qu'architecte.     Charles  Lucas. 

Bibl.  :  Vallet  de  Viriville,  les  Archives  hist.  du  dép. 
de  l'Aube;  Paris,  1841,  in-8.  —  Léon  Pigeotte,  Etude  sur 
les  travaux  de  la  cathédrale  de  Troyes  ;  Paris,  1870,  in-8. 

FAULC0N  de  La  Parisière  (Marie-Félix),  littérateur  et 
homme  politique  français,  né  à  Poitiers  le  14  août  1758, 
mort  à  Poitiers  le  31  janv.  1843.  Conseiller  au  présidial  de 
Poitiers,  il  fut  élu  député  suppléant  du  tiers  aux  Etats 
généraux  par  la  sénéchaussée  du  Poitou  le  27  mars  1789. 
Il  prit  séance  à  l'Assemblée  nationale  le  11  avr.  1790,  en 
remplacement  de  Filleau.  Il  y  joua  un  rôle  fort  effacé, 
et  considéré  comme  suspect  dut,  en  1793,  se  tenir  caché 
pour  éviter  d'être  arrêté.  Elu  député  de  la  Vienne  au  conseil 
des  Cinq-Cents  en  l'an  IV,  il  prit  souvent  la  parole  dans 
les  questions  judiciaires.  Réélu  en  l'an  VII,  il  se  montra 
partisan  du  coup  d'Etat  de  Brumaire,  et  fut  désigné  par  le 
Sénat  comme  représentant  de  la  Vienne  au  Corps  législatif. 
Il  présida  cette  assemblée  lors  de  l'importante  discussion 
du  code  civil.  En  1804,  il  fut  nommé  membre  du  conseil 
de  discipline  et  doyen  d'honneur  de  l'Ecole  de  droit  de 
Poitiers,  rentra  en  1808  au  Corps  législatif,  dont  il  devint 
vice-président.  Il  présidait  lorsque  cette  assemblée  adhéra 
à  la  déchéance  de  l'empereur.  Félix  Faulcon,  dont  les  opi- 
nions réactionnaires  s'étaient  fait  jour  à  plusieurs  reprises 
dans  le  cours  de  son  existence  politique,  accueillit  avec 
enthousiasme  la  Restauration.  Il  complimenta  le  comte 
d'Artois  le  14  avr.  1814,  à  la  tête  du  Corps  législatif,  et 
fut  un  des  membres  de  la  commission  chargée  de  rédiger 
la  charte  constitutionnelle.  Pourtant,  à  partir  de  1815,  il 
disparut  tout  à  fait  de  la  vie  publique.  Faulcon  avait  été 
nommé  membre  correspondant  de  l'Institut  (classe  d'histoire 
et  de  littérature  anciennes)  en  1803.  Il  a  laissé  quelques 
ouvrages  :  Pot-pourri  national  ou  Matériaux  pour 
servir  a  Vhistoire  de  la  Révolution  (Paris,  1790,  in-8)  ; 
Extraits  de  mon  journal  dédiés  aux  mânes  de  Mira- 
beau (1791,  in-8);  le  Robespierrisme,  poème,  suivi  du 
Maraiisme  et  de  quelques  épitaphes  révolutionnaires 
(Poitiers,  1795,  in-8);  Fruits  de  la  solitude  et  du 
malheur  (Paris,  1796,  in-8)  ;  Opinions  sur  le  divorce 
et  sur  les  ministres  des  cultes  (1797,  in-8);  Précis 
historique  de  rétablissement  du  divorce  (1800,  in-8); 
Mélanges  législatifs,  historiques  et  politiques  pendant 
la  durée  de  la  Constitution  de  Van  III  (Paris,  1801, 
3  vol.  in-8),  c'est  une  histoire  des  événements  qui  se  sont 
produits  pendant  toute  la  durée  du  conseil  des  Cinq-Cents  ; 
Voyages  et  Opuscules  (Paris,  1805,  in-8).  lia  aussi  col- 
laboré au  Journal  de  Paris,  à  YAlmanach  des  muses, 
à  la  Correspondance  patriotique,  à  YHistorien,  etc. 

FAULCON  de  Ris  (Charles),  sieur  deCharleval  (V.  ce 
nom). 

FAULCONNIER  (Pierre),  historien  belge,  né  à  Dun~ 
kerque,  mort  à  Dunkerque  en  1735.  Il  fut  successivement 
bailli  de  sa  ville  natale  et  président  de  la  chambre  de 
commerce.  Il  écrivit  une  Description  historique  de  Dun- 
kerque (Bruges,  1730,  2  vol.  in-fol.),  compilation  esti- 
mable où  l'on  rencontre  une  foule  de  détails  intéressants* 
mais  où  l'esprit  critique  fait  souvent  défaut,        E.  H. 

Bibl.  :  Paquot,  Mémoires  pour  servir  a  Vhistoire  litté- 


FAULCONNIER  —  FAUNUS 


52  — 


raire  des  XVII  provinces  des  Pays-Bas  ;  Louvain,  1765- 
1770,  3  vol.  in-fol. 

FAULENSEE.  Petit  lac  de  Suisse,  très  poissonneux,  à 
une  faible  distance  de  la  rive  gauche  du  lac  de  Thoune. 
Tout  près  se  trouvent  les  bains  du  même  nom,  pittoresque- 
ment  situés  sur  une  colline  qui  domine  le  lac  de  Thoune, 
en  face  du  Beatenberg. 

FAULHABER  (Johann),  mathématicien  et  ingénieur 
allemand,  né  à  Ulm  le  5  mai  1580,  mort  à  Ulm  en  1636. 
Fils  d'un  tisserand,  il  publiait  dès  l'âge  de  vingt-quatre 
ans  un  traité  d'algèbre  (Aritmetischer-cubicossischer 
Lustgarten,  mit  neuen  Inventiones  gepflanzet;  Tubin- 
gue,  1604);  il  enseigna  les  mathématiques  dans  sa  ville 
natale,  y  devint  inspecteur  des  poids  et  mesures  et  publia 
une  quinzaine  de  volumes  qui,  malgré  le  caractère  mystique 
de  quelques-uns,  lui  attirèrent  une  grande  réputation,  des 
récompenses  et  des  propositions  de  divers  princes  ou  villes 
pour  diriger  des  travaux  de  fortification.  Ses  écrits,  com- 
posés en  allemand,  ont  été  la  plupart  traduits  en  latin  dès 
leur  apparition.  VArithmetischer  Wegweiser  (Ulm, 
1614)  a  été  souvent  réimprimé.  T. 

FAULHORN.  Sommité  des  Alpes  bernoises,  entre  le  lac 
de  Brienz  et  la  vallée  de  Grindelwald.  On  jouit,  sur 
cette  montagne,  dont  l'altit.  au-dessus  de  la  mer  est  de 
2,683  m.,  d'une  vue  très  étendue;  c'est  une  des  plus 
renommées  de  la  Suisse.  Un  hôtel  confortable  est  à  la 
disposition  des  ascensionnistes. 

FAULKNER  (George),  libraire  anglais,  né  à  Dublin 
vers  1699,  mort  à  Dublin  le  30  août  1775.  Apprenti  chez 
un  libraire  de  Dublin,  employé  ensuite  chez  W.  Bowyer, 
il  ouvrit  une  maison  de  librairie  à  Dublin,  entra  en 
relations  avec  Swift  et  les  principaux  écrivains  du  temps 
et  acquit  une  réputation  considérable.  Parmi  ses  publica- 
tions, il  faut  citer  le  recueil  des  oeuvres  de  Swift,  une 
Ancient  universal  History  (1774,  7  vol.  in-fol.)  ;  il 
édita  aussi  un  journal  qui,  vers  1790,  devint  un  organe 
gouvernemental. 

FAULKNOR  (Robert),  marin  anglais,  né  en  1763,  mort 
en  1795.  D'une  vieille  famille  de  marins,  il  entra,  en 
1774,  au  collège  naval  de  Portsmouth,  servit  ensuite  sous 
les  ordres  de  Cornwallis,  assista  à  la  bataille  de  Grenade 
(1779),  fit  campagne  dans  la  Manche,  à  Gibraltar,  dans 
la  mer  du  Nord,  aux  Indes,  s'empara  en  1794  (20  mars) 
de  Fort-Royal  (Martinique),  se  distingua  brillamment  à  la 
prise  de  Sainte-Lucie,  à  la  conquête  de  La  Guadeloupe.  Le 
4  janv.  1795,  il  livra,  dans  les  parages  de  Pointe-à-Pitre, 
un  combat  acharné  à  la  frégate  française  la  Pique, 
combat  au  cours  duquel  il  fut  tué.  Il  avait  alors  le  grade 
de  capitaine. 

FAULLA1N  de  Banville  (V.  Banville). 

FAULQ  (Le).  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Pont- 
l'Evêque,  cant.  de  Blangy  ;  246  hab. 

FAU  LQUEMONT  (Fa/coms  mon  s,  1119,  enallem.  Fal- 
kenberg).  Ch.-l.  de  cant.  delà  Lorraine  aliem.,  arr.  de 
Boulay,  sur  la  Nied  allem.  et  le  ch.  de  fer  de  Metz  à  Sar- 
rebriick;  1,164  hab.  Bonneterie  feutrée,  tannerie,  menui- 
serie à  vapeur,  fours  à  chaux,  moulins;  église  de  1764  ;  au 
milieu  du  cimetière,  la  vieille  église  de  Saint-Vincent  avec 
chœur  du  xve  siècle;  hôtel  de  ville  du  xvie  siècle.  Faul- 
quemont,  autrefois  fortifié,  fief  d'abord  des  évêqûes  de 
Metz,  puis  des  ducs  de  Lorraine,  était  le  siège  d'une  sei- 
gneurie érigée  en  comté  en  \  337  et  en  marquisat  au  com- 
mencement du  xve  siècle.  En  1638,  les  Suédois,  après 
avoir  pris  la  ville,  en  détruisirent  les  fortifications.  Faul- 
quemont  portait  d'or  à  la  croix  de  gueules,  au  franc 
quartier  d'argent  chargé  d'un  lion  de  sable  armé  et 
lampassé  de  gueules  et  couronné  d'or.  L.  W. 

Bibl.:  Mém.  de  VAcad.  de  Metz,  XXII,  pp.  155  et  suiv.; 
XXXIV,  pp.  299  et  suiv. 

FAU LX.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Nancy,  cant.  de  Nomény  ;  785  hab. 

FAU  IV!  ON  T.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Douai,  cant. 
d'Orchies;  1,545  hab. 

FAUNA  (Myth.).  Antique  divinité  des  Latins,  appelée 


encore  Fatua  et  la  Bonne  Déesse.  La  légende  en  fait  ou 
la  sœur  ou  la  femme  de  Faunus  (V.  ce  nom)  et  lui  prête, 
à  ces  deux  titres,  diverses  aventures  qui  sont  marquées 
au  coin  de  la  poésie  populaire  la  plus  naïve.  Elle  est,  pour 
les  femmes,  le  même  génie  secourable  et  bienfaisant  que 
Faunus  est  pour  les  hommes  ;  son  surnom  de  Fatua  indique 
ses  facultés  prophétiques  (de  fari).  Lorsque  l'hellénisme 
transforma  la  vieille  religion  romaine,  l'être  primitif  de 
Fauna-Fatua  fut  altéré  par  toutes  sortes  d'éléments 
étrangers  ;  les  femmes  célébrèrent  en  son  honneur  des  mys- 
tères d'où  les  hommes  étaient  exclus  et  qui,  s'il  en  faut 
croire  Juvénal  (Sat.,  VI,  v.  314  et  suiv.),  dégénérèrent  en 
orgies.  Sa  personnalité  est  mêlée  à  l'histoire  primitive  du 
Latium  en  ce  qu'elle  s'unit  à  Hercule  et  met  au  monde 
Latinus,  le  premier  roi  du  pays.  Elle  fut  en  réalité  une 
divinité  agricole  qui,  sous  des  vocables  divers,  était  honorée 
chez  toutes  les  peuplades  de  l'Italie  centrale.     J.-A.  H. 

FAUNE.  I.  Mythologie  (V.  Faunus  et  Satyre). 

II.  Zoologie  et  Paléontologie. —  On  désigne  sous  ce  nom, 
en  zoologie,  l'ensemble  des  animaux  qui  habitent  un  pays 
ou  une  région  donnée  dont  les  limites  peuvent  être  ou  con- 
ventionnelles (comme  le  sont  les  limites  politiques  d'un 
Etat),  ou  naturelles,  comme  celles  d'une  région  définie 
soit  par  sa  nature  physique  (îles,  continents),  soit  par  les 
caractères  de  sa  faune  elle-même.  —  En  géologie  et  en 
paléontologie,  on  désigne  sous  ce  nom  l'ensemble  des  ani- 
maux fossiles  qui  caractérisent  une  époque,  un  étage  ou  un 
gisement  particulier  (V.  Géographie  zoologique  et  pour 
les  faunes  des  grandes  régions  zoologiques  les  mots  Afrique, 
Amérique,  Asie,  Europe,  etc.).  E.  Trt. 

FAU  NT  (Arthur),  jésuite  anglais,  né  en  1554,  mort  à 
Vilna  le  28  févr.  4591.  Après  avoir  fait  ses  études  à 
Oxford  et  au  collège  des  jésuites  à  Louvain,  il  entra  dans 
la  Compagnie  de  Jésus,  résida  à  Paris,  à  Munich,  puis  à 
Rome,  où  il  gagna  la  faveur  de  Grégoire  XIII  et  enfin  fut 
nommé  recteur  du  collège  des  jésuites  de  Posen  (1581). 
Très  versé  dans  les  littératures  anciennes,  il  a  laissé  un 
grand  nombre  d'ouvrages  théologiques.  Nous  citerons  : 
Assertiones  theologicœ  de  Christi  in  terris  Ecclesia 
(Posen,  1580,  in-4);  Assertiones  Rhetorieœ  ac  Philo- 
sophicœ  (1582,  in-4)  ;  Doctrina  catholica  de  Sanctorum 
invocatione et  veneratione  (Paris,  1584,  in-4),  etc. 

FAU  N  US.  I.  Mythologie.  —  Dieu  italien  et  particulière- 
ment latin  ;  c'était  apparemment,  dans  la  conception  primi- 
tive, un  génie  ou  divinité  protectrice  des  campagnards  ; 
l'étymologie  de  son  nom  semble  lui  attribuer  ce  caractère 
bienveillant  ;  la  racine  serait  la  même  que  pour  le  verbe 
faveo,  le  Favonius,  doux  vent  du  printemps,  Faustus,  etc. 
Dieu  de  populations  rurales,  Faunus,  dont  le  culte  paraît 
avoir  été  à  peu  près  général  dans  l'Italie  centrale,  fut  avant 
tout  un  protecteur  des  champs  et  des  troupeaux.  En  rai- 
son même  de  son  caractère  et  de  l'esprit  des  religions  ita- 
liques (V.  Mythologie  et  Religion),  le  type  de  Faunus 
n'était  pas  nécessairement  unique  ;  les  paysans  concevaient 
aussi  bien  plusieurs  Faunes.  Leur  foi  était  très  enracinée, 
car,  au  temps  de  l'Empire,  les  gens  de  la  campagne  romaine 
étaient  persuadés  apercevoir  souvent  dans  leurs  champs 
leur  bon  dieu  Faune.  —  Celui-ci  fut  également  regardé 
comme  un  dieu  des  bois  ;  mais  cette  conception  paraît  s'être 
développée  surtout  quand  Faunus  fut  identifié  avec  le  dieu 
grec  Pan.  Il  expropria  alors  Silvanus,  au  moins  dans  l'ima- 
gination des  lettrés.  Lorsque  les  mythographes  groupèrent 
les  cultes  et  les  divinités  italiques  en  un  petit  nombre  de 
types,  Faunus  fut  identifié  avec  Inuus,  dieu  de  la  fécon- 
dité des  troupeaux  ;  avec  Lupercus,  qui  écarte  les  loups  ; 
probablement  ces  dieux  étaient  parfois  confondus  avec  lui, 
comme  il  arrive  dans  les  religions  populaires  oîi  les  per- 
sonnalités divines  sont  confuses,  où  les  désignations  sont 
tantôt  des  surnoms  appliqués  à  une  divinité,  tantôt  des 
noms  propres,  sans  que  l'adorateur  lui-même  discerne 
bien  clairement.  Lorsque  Faunus  eut  été  identifié  avec  Pan, 
son  nom  devint  une  dénomination  générale  appliquée  aux 
génies  des  bois  ;  les  Faunes  furent  les  Satyres  ou  les 


—  53  — 


FAUNUS  —  FAUQUES 


Silènes  des  Grecs  ;  on  les  associa  aux  nymphes  ;  les  poètes 
leur  appliquèrent  tous  les  traits  de  la  mythologie  grecque, 
les  figurèrent  à  l'image  des  Satyres,  avec  leur  nez  recourbé, 
leurs  cornes  et  pieds  de  boucs,  décrivirent  leurs  ébats, 
leurs  danses  dans  les  clairières,  etc.  Cet  anthropomor- 
phisme est  loin  des  conceptions  primitives  des  Latins. 

Une  autre  confusion  plus  ancienne,  qui  semble  avoir  son 
origine  dans  le  langage  lui-même,  est  celle  de  Fa  un  us  avec 
les  voix  mystérieuses  qui  sortent  des  bois,  s'élèvent  dans 
le  silence  de  la  nuit  ou  le  tumulte  des  combats;  au  radical 
fari  se  rattache  le  nom  ou  surnom  de  Fatuelus,  Fatuus, 
dieu  prophétique  ;  on  lui  en  assimila  d'autres,  tels  que 
Vaticanus.  Dans  cette  acception,  Faunus  devient  un  des 
dieux  les  plus  importants,  fréquemment  consulté  ;  il  a  ses 
oracles,  c.-à-d.  les  lieux  où  il  a  coutume  de  communiquer 
avec  les  hommes.  Tandis  que  le  culte  du  dieu  des  pasteurs 
et  des  laboureurs  se  célèbre  dans  les  champs,  dans  des 
petits  bois  sacrés,  au  pied  d'arbres  sacrés,  comme  l'olivier 
sauvage  de  la  côte  de  Laurente,  le  dieu  prophète  se  mani- 
feste soit  dans  l'épaisseur  de  ces  bois  (près  de  Laurente, 
au  pied  de  PAventin,  etc.),  soit  au  voisinage  des  solfatares, 
près  d'Ardée,  près  de  Laurente;  Albunée,  près  de  Tibur, 
semble  avoir  été  le  plus  renommé  de  ces  oracles.  Les  rites 
étaient  ceux  delà  divination  parles  songes  (V.  Divination). 
Ils  ont  été  décrits  par  Virgile  (/En.,  VII,  79-85),  par  Ovide 
(Fast.,  III,  291  et  suiv.,  et  IV,  644  et  suiv.).  On  immole 
à  Faunus  un  ou  plusieurs  moutons  ;  le  consultant  se  couche 
sur  leurs  peaux  et  s'y  endort  ;  durant  la  nuit,  il  entend 
des  voix  qui  répondent  à  ses  questions  ou  assiste  à  des 
apparitions  dont  l'interprétation  lui  révèle  les  secrets  divins. 
Le  véritable  procédé  du  dieu  est  évidemment  de  parler  à 
ses  consultants  ;  c'est  une  voix  tombant  du  haut  des  arbres 
qui  défend  à  Latinus  de  marier  sa  fille  à  Turnus.  Les  héros 
de  ces  consultations  décrites  par  les  poètes  sont  les  vieux 
rois  mythiques,  Latinus  et  Numa.  Celui-ci  réussit  par  un 
stratagème  à  s'emparer  de  Faunus  et  de  Picus  et  leur 
aurait  arraché  le  moyen  de  faire  descendre  l'éclair  et  de 
purifier  les  lieux  qu'il  a  frappés.  Dans  cette  acception  de  dieu 
prophétique,  à  Faunus  est  associée  Fauna  (V.  ce  nom), 
dont  le  culte  est  parallèle  au  sien.  —  Le  dieu  se  manifes- 
tant dans  les  songes  est,  d'autre  part,  assimilé  à  Incubus, 
et  par  extension  les  Faunes  sont  assimilés  aux  Incubes, 
esprits  nocturnes  qui  visitent  l'homme  dans  ses  rêves. 

Faunus,  dieu  prophétique,  fut  transformé  par  les  histo- 
riens pragmatistes  ou  évhéméristes  (V.  Mythologie)  en  un 
législateur  mythique,  ancien  souverain  du  Latium.  On  lui 
composa  toute  une  légende,  qui  en  fit  le  fils  de  Picus,  petit- 
fils  de  Saturne,  et  troisième  roi  des  Aborigènes  ou  de  Lau- 
rente ;  protecteur  de  l'agriculture  et  du  pâturage,  chasseur 
émérite  ;  de  plus,  organisateur  de  la  religion,  précurseur 
de  Numa  pour  la  réglementation  des  cultes  et  la  fondation 
de  corporations  sacerdotales  ;  il  aurait  notamment  mis 
Picus  au  rang  des  dieux  ;  uni  à  la  nymphe  Marica,  il  aurait 
engendré  Latinus,  roi  éponyme  des  Latins.  Pendant  son 
règne,  l'Arcadien  Evandre  et  Hercule  auraient  abordé  dans 
le  Latium.  Evandre,  accueilli  par  le  roi  des  Aborigènes 
dans  sa  demeure  du  mont  Palatin,  consacra  au  Pan  du 
Lycée  la  grotte  où  les  Romains  vénéraient  le  dieu  sous  le 
nom  de  Lupercus  (V.  Evandre  et  Lupercus).  Hercule,  me- 
nacé d'être  immolé  à  Mercure,  tua  Faunus  qui  fut  rem- 
placé par  Latinus. 

Le  culte  de  Faunus  était  surtout  répandu  dans  les  cam- 
pagnes ;  en  dehors  de  ses  oracles  dont  il  a  été  question, 
on  peut  citer  ses  temples  de  Rome  :  temple  rond  à  colonnes 
du  mont  Caelius  et  temple  édifié  en  496  dans  l'île  du  Tibre, 
où  l'on  sacrifiait  au  dieu  aux  ides  de  février,  anniversaire 
du  désastre  des  Fabius  sur  les  bords  du  Crémère.  Les 
paysans  offraient  à  Faunus  des  sacrifices  annuels  ou  même 
mensuels.  Le  sacrifice  annuel  doit  être  celui  des  nones  de 
décembre,  décrit  par  Horace  (Od.,  III,  18)  avec  des  rémi- 
niscences grecques.  A.-M.  B. 

IL  Zoologie  (V.  Melania). 

F  AU  QUE  de  Jonquières  (Jean-Philippe-Ernest  de),  ma- 


thématicien et  marin  français,  né  à  Carpentras  le  3  juil.  1 820. 
Entré  dans  la  marine  en  1835,  lieutenant  de  vaisseau  en 
1841,  il  siégea  en  1848  au  conseil  d'amirauté,  fut  promu 
capitaine  de  vaisseau  en  1865  et,  chef  d'état-major  de  l'ami- 
ral de  La  Grandière  en  Cochinchine,  organisa  à  Saigon  la  pre- 
mière exposition  agricole  et  industrielle.  Il  entra  ensuite  au 
conseil  des  travaux  de  la  marine,  fut  promu  contre-amiral 
le  17  déc.  1874,  vice-amiral  le  1er  oct.  1879,  fut  préfet 
maritime  à  Rochefort  et  fut  chargé,  en  1883,  de  la  direc- 
tion du  dépôt  des  cartes  et  plans  de  la  marine.  Il  prit 
sa  retraite  en  1885.  Savant  mathématicien,  l'amiral  de 
Jonquières  a  été  élu  membre  libre  de  l'Académie  des 
sciences  le  24  mars  1884  en  remplacement  de  Bréguet. 
Parmi  ses  travaux,  nous  citerons  :  Mélanges  de  géomé- 
trie pure  (Paris,  1856,  in-8)  ;  Essai  sur  la  génération 
des  courbes  géométriques  (1859,  in-4)  ;  Note  sur  les 
systèmes  de  courbes  et  surfaces  (Saigon,  1865,  in-4)  ; 
Propriétés  diverses  des  surfaces  d'ordre  Quelconque 
(Paris,  1864,  in-4);  Théorèmes  fondamentaux  sur  les 
séries  de  courbes  et  de  surfaces  d'ordre  quelconque 
(Saigon,  1865,  in-4),  etc.  Il  a  donné  aussi  des  traductions 
d'Horace  (Art  poétique  et  Epîtres). 

FAUQUEMBERGUES.  Ch.-l.  de  cant.  dudép.  du  Pas- 
de-Calais,  arr.  de  Saint-Omer,  sur  l'Aa  ;  997  hab.  Pape- 
terie, clouterie,  distilleries,  tannerie,  fabrique  de  tuyaux 
de  drainage.  Fauquembergues  était  au  moyen  âge  le  chef- 
lieu  d'un  comté  dont  les  possesseurs  furent  pendant  long- 
temps les  châtelains  de  Saint-Omer.  De  l'ancien  château 
féodal  subsistent  des  ruines  sur  une  motte  factice  et  de 
vastes  et  profonds  souterrains.  Eglise  à  trois  nefs  surmon- 
tée d'une  haute  flèche  ;  c'est  un  édifice  de  diverses  époques, 
xne,  xme  et  xve  siècles. 

FAUQUES  (Marianne- Agnès  Pillement,  dame  de)  ou, 
selon  Mercier  de  Saint-Léger,  FALQUES,  femme  de  lettres 
française,  née  dans  le  comtat  d'Avignon  vers  1728,  morte 
à  Paris  en  nov.  1773.  Sœur  du  peintre  ornemaniste  Pille- 
ment, elle  épousa  un  agent  de  change  de  Lyon,  nommé 
Falques,  pendu  pour  crime  de  faux.  Elle  l'aurait  précé- 
demment abandonné,  d'ailleurs,  après  avoir  eu  de  lui  une 
fille,  pour  vivre  à  Paris  sous  un  nom  d'emprunt,  et  se  serait 
remariée  à  un  mousquetaire  noir,  nommé  Clermont-Blètre, 
qui,  à  son  tour,  l'abandonna  pour  suivre  à  Cayenne  le  che- 
valier de  Turgot,  son  parent.  Mme  Fauques  vint  alors  à 
Londres,  où  elle  eut  pour  protecteur  le  célèbre  orientaliste 
William  Jones,  puis  à  Paris,  sous  les  noms  de  comtesse  de 
Clermont  ou  de  comtesse  de  Vaucluse,  menant  une  existence 
fort  irrégulière.  Elle  finit,  toujours  suivant  Mercier,  par 
obtenir  de  la  ville  de  Lyon  une  «  pension  d'aumône  »  de 
600  livres  et  périt  soit  volontairement,  soit  par  hasard,  en 
tombant  d'une  fenêtre  de  sa  maison  qu'elle  habitait  au  car- 
refour de  Buci.  Mme  Fauques  a  écrit  un  certain  nombre 
de  romans  :  le  Triomphe  de  l'Amitié,  ouvrage  prétendu 
traduit  du  grec  (1751,  in-12)  ;  Abassaï,  histoire  orien- 
tale (1753,  3  vol.  in-12)  ;  Contes  du  sérail,  traduits  du 
turc  (1753,  3  vol.  in-12)  ;  les  Préjugés  trop  bravés  et 
trop  suivis  (1755,  2  parties  in-12),  remis  ensuite  sous 
un  autre  titre  :  le  Danger  des  préjugés  ou  Mémoires 
de  Mlle  oVOran  (1774,  2  parties  in-1 2)  ;  la  Dernière 
Guerre  des  bêtes,  fable  pour  servir  à  l'histoire  du 
xvme  siècle  (1758,  in-12),  etc.  Tous  sont  oubliés  aujour- 
d'hui, mais  deux  autres  des  publications  qui  lui  sont  attri- 
buées ont  droit  à  une  mention  spéciale  :  Histoire  de 
Mme  la  marquise  de  Pompadour  (Londres,  1759,  2  par- 
ties, petit  in-8)  et  les  Zélindiens  (1762,  in-1 2).  V His- 
toire de  Mme  de  Pompadour,  d'abord  écrite  en  anglais, 
puis  traduite,  fut  aussitôt  saisie  en  Hollande  par  les  soins 
de  M.  d'Affry,  ministre  de  France  ;  mais  un  exemplaire 
échappé  à  la  destruction  servit  à  deux  réimpressions  et  à 
de  nouvelles  traductions  en  anglais  et  en  allemand  ;  une 
autre  réimpression  en  a  été  donnée  de  nos  jours  par 
M.  Lucien  Faucou  dans  le  Moniteur  du  bibliophile  (1879, 
in-4).  Quant  aux  Zélindiens,  c'est  un  pamphlet  assez 
insignifiant,  mais  devenu,  comme  V Histoire  de  Mme  de 


FAUQUES  —  FAURE  -  54  — 

Pompadour,  d'une  extrême  rareté.  Diderot,  dans  un  frag- 
ment de  dialogue  intitulé  Lui  et  Moi,  l'attribue  à  un 
nommé  Rivière  qu'il  avait  obligé,  mais  Grimm  et  d'autres 
contemporains  le  restituent  à  Mme  Fauques.        M.  Tx. 

Bibl.  :  La  Porte,  Histoire  littéraire  des  femmes  fran- 
çaises. —  Mme  Briquet,  Dictionnaire  historique  et  biblio- 
graphique des  Françaises.  —  Grimm,  Correspondance 
littéraire.  —  Diderot,  Œuvres  complètes  (éd.  Assézat), 
t.  XVII.  —  Quérard,  France  littéraire,  t.  XI. 

FAUQUIER  (Francis),  économiste  anglais,  né  vers  4704, 
mort  à  Williamsburg  en  avr.  4768.  Directeur  de  la  South 
Sea  Company  (1754),  gouverneur  de  la  Virginie  (4758), 
il  avait  été  élu  membre  de  la  Société  royale  en  4753.  Son 
principal  écrit  est  :  An  Essay  on  xvays  an  means  of 
raising  money  for  the  support  of  the  présent  war 
ivithout  increasing  the  public  Debts  (4756). 

FAUR,  littérateur  français,  né  vers  4755,  mort  après 
4845.  Secrétaire  du  duc  de  Fronsac,  il  recueillit  dans 
sa  conversation  ou  dans  ses  papiers  les  éléments  d'une 
Vie  privée  du  maréchal  de  Richelieu  (4790,  3  vol. 
in-8  ;  1792,  3  vol.  in-42),  où  les  romanciers  et  les 
auteurs  ont  amplement  puisé,  mais  qui  n'a  guère  plus  de 
valeur  historique  que  les  Mémoires  fameux  rédigés  par 
Soulavie.  Faur  a  écrit  un  certain  nombre  de  pièces,  dont 
quelques-unes  obtinrent  du  succès  :  Mo?itrose  et  Amélie, 
drame  en  quatre  actes  (4783,  in-42)  ;  Isabelle  et  Fer- 
nand,  opéra-comique,  musique  de  Champein  (1783)  ; 
V Amour  à  V épreuve,  comédie  en  un  acte  et  en  vers 
(4784)  ;  la  Prévention  vaincue,  comédie  en  cinq  actes  et 
en  prose  (4786)  ;  la  Veuve  anglaise,  comédie  en  un  acte 
(4  786);  VIntrigant  sans  le  vouloir,  opéra-comique  (4 794)  ; 
le  Confident  par  hasard,  comédie  en  quatre  actes  et  en 
vers  (1804,  in-8)  ;  Arlequin  dans  Vile  de  la  Peur,  vau- 
deville (4842),  avec  Désaugiers,  etc.  M.  Tx. 

FAURE  (Antoine),  écrivain  ecclésiastique  français,  né  à 
Grandmont  (Haute-Vienne)  en  1628,  mort  à  Paris  le 
30  nov.  4689.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Paris  comme 
boursier  du  collège  Saint-Michel,  il  fut  reçu  docteur  en 
Sorbonne  dès  4658.  Nommé  principal  du  collège  Saint- 
Michel  en  4664,  il  y  trouva  l'abbé  Le  Tellier,  qui,  devenu 
plus  tard  archevêque  de  Reims,  se  souvint  de  son  ancien 
maître  et  lui  obtint  plusieurs  faveurs.  En  4674,Faure  fut 
chargé  d'examiner  les  trois  mémoires  par  lesquels  dom  Ma- 
billon  et  dom  Germain  attribuaient  à  Gerson  le  livre  de 
Ylmitation  de  Jésus-Christ.  On  ignore  quelles  furent  ses 
conclusions.  Chanoine  de  Reims  depuis  4670,  il  représenta 
en  4684  et  4683  la  province  de  ce  nom  aux  assemblées 
du  clergé.  —  On  a  de  lui  :  une  édition  du  Tractatus  de 
modo  generalis  concilii  celé  brandi  per  Guillelmum 
Durandum  (Paris,  4674);  Preuves  de  la  censure  de  la 
faculté  de  théologie  de  Paris  contre  le  livre  de  Jac- 
ques Vernaut,  carme  (Paris,  1665);  Instruction  sur 
l'affaire  des  quatre  évêques  (Paris,  1666).  La  Biblio- 
thèque critique  lui  attribue  le  dessein  d'une  édition  des 
œuvres  de  saint  Cyprien  qui  n'a  pas  été  publiée.  Faure  a 
aussi  collaboré  à  la  Summa  christiana  de  l'oratorien  Bon 
de  Herbes  (4683).  A.  Leroux. 

Bibl.:  Biographie  des  hommes  illustres  du  Limousin, 
1854,  t.  I. 

FAURE  (Pierre-Joseph-Denis-Guillaume),  homme  poli- 
tique français,  né  au  Havre  (Seine-Inférieure)  le  47  août 
4726,  mort  au  Havre  le  7  oct.  4848.  Avocat  et  juge  au 
tribunal  du  Havre,  il  fut  élu,  le  7  sept.  4792,  député  de 
la  Seine-Inférieure  à  la  Convention.  Lors  du  procès  de 
Louis  XVI,  il  proposa  de  lui  laisser  la  vie  (28  nov.  4792) 
et  de  le  faire  juger  par  une  haute  cour  (28  déc.  4792)  et 
finalement  vota  pour  la  détention  pendant  la  durée  de  la 
guerre.  Il  signa  la  protestation  contre  la  journée  du  31  mai 
4793,  fut  décrété  d'arrestation,  se  déroba  aux  poursuites 
et  rentra  à  la  Convention  le  48  frimaire  an  III.  Après  la 
session,  il  reprit  sa  place  de  juge  au  Havre  et  fut  anobli 
par  Louis  XVIII.  Il  a  laissé,  deux  ouvrages  :  Réflexions 
d'un  citoyen  sur  la  marine  (4759,  in-42)  et  Paralèlle 


de  la  France  et  de  l'Angleterre  à  l'égard  de  la  marine 
(1779,  in-8),  Etienne  Chàravay. 

FAURE  (Henri  de),  chevalier  des  Chaberts,  général 
français,  né  je  7  sept.  4738.  Entré  au  service  comme 
cadet  volontaire  dans  le  régiment  d'infanterie  Guyenne,  il 
fit  toutes  les  campagnes  de  la  guerre  de  Sept  ans  au 
Canada.  Rentré  en  France  en  4769,  il  fut  fait  lieutenant. 
Il  émigra  en  1794,  servit  dans  l'armée  du  duc  de  Bourbon 
et  commanda  les  avant-postes  pendant  la  campagne  de 
4792.  Il  passa  ensuite  et  resta  jusqu'à  son  licenciement 
dans  l'armée  de  Condé.  Rentré  en  France  à  la  suite  de 
Louis  XVIII,  il  fut  fait  maréchal  de  camp  en  janv.  4845 
pour  prendre  rang  du  43  nov.  4809.  Ed.  S. 

FAU  R  E  (Balthazar),  homme  politique  français,  né  en  4  746, 
mort  le  45  avr.  4805.  Homme  de  loi  à  Yssingeaux  avant 
la  Révolution,  président  du  tribunal  de  cette  ville,  il  fut 
élu,  le  4  sept.  4792,  député  de  la  Haute-Loire  à  la  Con- 
vention. Il  siégea  parmi  les  montagnards,  vota  la  mort 
de  Louis  XVI  et  remplit  dans  le  dép.  de  la  Meurthe 
une  mission  pour  laquelle  il  reçut  des  pouvoirs  illimités 
(14  brumaire  an  II).  Il  se  prononça  contre  Robespierre 
au  9  thermidor,  entra  au  conseil  des  Cinq-Cents  comme 
député  de  la  Meurthe  le  23  vendémiaire  an  IV  et  repré- 
senta la  Haute-Loire  au  conseil  des  Anciens  le  22  germi- 
nal an  VI.  Il  se  rallia  à  Bonaparte,  entra  au  Corps  légis- 
latif le  4  nivôse  an  VIII  et  y  siégea  jusqu'en  4803.  Il 
devint  greffier  de  la  justice  de  paix  de  Toul  et  mourut  gref- 
fier du  tribunal  de  première  instance  de  Saint-Jean-de- 
Losne  (Côte-d'Or).  Etienne  Chàravay. 

FAURE  (Louis- Joseph),  magistrat  et  homme  politique 
français,  fils  de  Pierre-Joseph  (V.  ci-dessus),  né  au  Havre  le 
5  mars  4760,  mort  à  Paris  le  42  juin  4837.  Avocat  au  parle- 
ment de  Paris  en  4784,  il  devint  accusateur  public  près  le 
tribunal  du  IIIe  arrondissement  le  4er  janv.  4794  et  commis- 
saire du  roi  près  le  3e  tribunal  provisoire  en  mars  suivant. 
Elu  substitut  de  l'accusateur  public  le  45  juin  4794,  il 
remplit  ensuite  les  fonctions  de  commissaire  national  près  le 
tribunal  du  Ier  arrondissement  le  34  mars  4793,  d'accusateur 
public  près  le  tribunal  de  la  Seine  le  45  janv.  4795,  déjuge 
au  tribunal  civil  de  la  Seine  le  3  fév.  4797  et  de  commis- 
saire du  Directoire  près  le  même  tribunal  le  26  févr.  4799. 
Député  de  la  Seine  au  conseil  des  Cinq-Cents,  le  45  avr. 
4799,  il  adhéra  au  coup  d'Etat  du  48  brumaire  et  entra 
au  Tribunat  le  24  déc.  4799.  Il  prit  part  à  la  discussion 
du  code  civil,  appuya  fortement  la  proposition,  faite  par 
son  collègue  Curée,  de  confier  le  gouvernement  de  la  Répu- 
blique à  un  empereur  et  désapprouva  Carnot  de  s'y  oppo- 
ser. Napoléon,  reconnaissant,  le  nomma  successivement 
légionnaire  le  45  juin  4804,  conseiller  d'Etat  le  44  août 
4807,  chevalier  de  l'Empire  le  3  juin  4808,  membre  de 
la  commission  appelée  à  gouverner  les  villes  hanséatiques 
en  4840,  officier  de  la  Légion  d'honneur  le  6  avr.  4843. 
Ces  faveurs  n'empêchèrent  pas  Faure  de  se  rallier  à 
Louis  XVIII,  qui  le  fit  entrer  dans  son  conseil  d'Etat  le 
5  juil.  4844,  S'étant  tenu  à  l'écart  pendant  les  Cent-Jours, 
il  conserva  sa  place  sous  la  Restauration,  fut  élu  député 
par  l'arr.  du  Havre  le  25  févr.  4824,  siégea  jusqu'en  4827 
et  fut  enfin  récompensé  de  ses  services  par  le  poste  de 
conseiller  à  la  cour  de  cassation  le  42  nov.  4828.  Il  adhéra 
au  gouvernement  de  Louis-Philippe,  qui  l'éleva  au  grade 
de  commandeur  de  la  Légion  d'honneur  le  45  janv.  4837, 
cinq  mois  avant  sa  mort.  Etienne  Chàravay. 

Bibl.:  Etienne  Chàravay,  Assemblée  électorale  de  Paris 
en  1190  ;  le  Tribunat  et  la  Cour  de  cassation,  1879,  in-8. 

FAURE  (Jean),  poète  français,  né  à  Chabottes  (Hautes- 
Alpes)  en  4776.  Notaire,  puis  secrétaire  général  de  la  pré- 
fecture des  Hautes- Alpes  (1845-4847),  il  devint  sous- 
préfet  de  Sisteron  en  4822  et  fut  destitué  en  4830.  Ce 
fonctionnaire  royaliste  a  écrit  :  le  Banc  des  officiers  (Gap, 
4825,  in-8),  poème  héroï-comique  en  six  chants;  Vlbé- 
riade  (Digne,  4828,  in-8),  poème  en  dix  chants,  suivi  de 
«  quelques  pièces  fugitives  consacrées  à  > l'auguste  famille 
des  Bourbons  »  ;  la  Tallariade  (Gap,  4819,  in-8),  poème 


—  55 


FAURE 


en  huit  chants,  œuvres  qui  n'ont  guère  d'autre  mérite  que 
leur  rareté.  —  Un  autre  Jean  Faure,  horloger  dans  la 
cour  du  Palais  à  Paris,  est  l'auteur  d'une  tragédie  en  cinq 
actes  et  en  vers,  Manlius  Torquatus  (Paris,  4662),  où 
se  trouve,  entre  autres  curiosités,  cette  exclamation  d'un 
des  personnages  empressé  de  secourir  Sulpice  évanouie  : 

Ariste,  au  nom  des  dieux,  qu'on  me  donne  de  Feau  ! 

FAURE  (Joseph-Désiré-Félix),  homme  politique  fran- 
çais/né  à  Grenoble  le  18  mai  4780,  mort  à  Paris  le 

28  janv.  4859.  Conseiller  auditeur  à  la  cour  de  Grenoble 
en  4814,  substitut  du  procureur  général  en  4847,  avocat 
général  en  4848,  conseiller  à  la  cour  en  4819,  président 
de  chambre  en  4828,  il  vit  sa  carrière  entravée  par  ses 
opinions  libérales.  Le  24  avr.  4828,  il  était,  par  contre, 
élu  député  de  Vienne.  Membre  du  parti  constitutionnel,  il 
se  fit  remarquer  comme  orateur  d'affaires  et  signa  l'adresse 
des  224.  Réélu  le  23  juin  4830  et  le  48  févr.  4834,  il 
s'occupa  avec  talent  des  questions  de  droit  électoral  et 
d'organisation  municipale.  Après  avoir  refusé,  en  4829,  la 
place  de  premier  président,  au  début  de  4830  celle  de  pro- 
cureur général,  il  se  décida  à  accepter  celle  de  premier 
président  à  la  cour  de  Grenoble  le  22  déc.  4830,  et  il  fut 
créé  pair  de  France  le  44  oct.  4832*  Il  entra  à  la  cour  de 
cassation  le  42  juil.  4836,  et  se  tint  dans  la  vie  privée 
après  la  révolution  de  4848. 

Bibl.  :  Notice  sur  le  p7*ésident  Félix  Faure;  Grenoble, 
1859,  in-8. 

FAURE  (Ambroise),  mathématicien  français,  né  à  Cha- 
bottes  (Hautes-Alpes)  en  4795.  Il  était  membre  de  l'Aca- 
démie de  Caen.  Ses  importants  travaux  sur  les  quantités 
imaginaires  marquent  une  étape  entre  ceux  de  Mourey  et 
de  Beilavitis  ;  les  résultats  s'en  trouvent  résumés  dans  son 
Essai  sur  la  théorie  et  V interprétation  des  quantités 
dites  imaginaires  (Paris,  4845,  in-8).  On  lui  doit  en 
outre  :  Traité  de  statique,  d'après  le  principe  des 
vitesses  virtuelles  (Paris,  4842,  in-42);  Eléments  de 
géométrie  (Paris,  4844,  in-8;  2e  éd.,  4848);  Exercices 
de  calcul  à  l'usage  des  écoles  normales  et  de  renseigne- 
ment primaire  (Paris,  4849,  in-42);  Théorie  de  la 
spiritualité  ou  Examen  approfondi  de  la  nature  et  de 
la  substance  pesante  (Gap,  4859,  in-8).  L.-S. 

FAURE  (Pascal- Joseph),  homme  politique  français,  né 
à  Remollon  (Hautes-Alpes)  le  3  mars  4799,  mort  à  Gap  le 

29  juil.  4864.  Avocat  à  Gap,  il  se  fit  remarquer  par  son 
libéralisme  et  fut  élu,  le  5  juil.  4834,  député  des  Hautes- 
Alpes.  Il  était  candidat  de  la  gauche.  En  4832,  il  signale 
compte  rendu  de  l'opposition.  Réélu  en  4834,  il  fut  battu 
en  4837  par  le  candidat  du  gouvernement.  Représentant 
des  Hautes-Alpes  à  la  Constituante  (23  avr.  4848),  et  à 
la  Législative  (43  mai  4849),  il  appuya  d'abord  Cavaignac, 
puis  se  rallia  au  gouvernement  de  Napoléon,  qui  soutint  sa 
candidature  au  Corps  législatif  le  29  févr.  4852  et  le 
23  juin  4857.  En  4863,  Faure  fut  battu  par  M.  Garnier, 
et  rentra  dans  la  vie  privée. 

FAURE  (Eugène),  peintre  français,  né  à  Seyssinet, 
près  de  Grenoble,  en  4822,  mort  en  févr.  4879.  Venu  de 
bonne  heure  à  Paris,  il  entra  d'abord  dans  l'atelier  de 
David  d'Angers,  qu'il  quitta  bientôt  pour  celui  de  Rude. 
Au  bout  de  trois  ans  d'études,  de  4843  à  4846,  il  retourna 
en  Dauphiné,  et  débuta  au  Salon  de  4847  par  un  paysage  qui 
figure  aujourd'hui  au  musée  de  Grenoble.  Il  fit  en  Italie  un 
séjour  de  deux  années,  consacrées  à  de  fortes  études,  puis 
vint  se  fixer  à  Paris  où  ses  portraits  de  femme,  ainsi  que 
ses  tableaux  empreints  d'un  certain  sentiment  poétique  dont 
l'académisme  n'excluait  pas  une  certaine  originalité  vigou- 
reuse, obtinrent  bientôt  beaucoup  de  vogue.  Faure  exposa 
en  4857  une  allégorie,  les  Rêves  de  la  Jeunesse;  en 
4859,  l'Education  de  V Amour,  aujourd'hui  en  Russie, 
et  le  Découplé,  grand  tableau  de  chasse  qui  représente  la 
meute  au  moment  où  le  piqueur  détache  les  chiens;  en 
4864,  les  Premiers  Pas  de  V Amour,  au  musée  de  Gre- 
noble ;  en  4864,  une  Eve  qui  fut  achetée  par  M.  de  Morny  ; 
une  Vénus  (en  4865)  ;  une  Négresse,  panneau  décoratif 


(4866);  Chloé  (4869)  ;  Italienne  (4870)  ;  Portraits  de 
Mme  X...  et  de  Mme  Z...  (4872);  Daphnis  et  Chloé 
(4873)  ;  enfin  une  Source  (4877).  V.  Ch. 

Bibl.:  Ch.  Clément,  dans  le  Journal  des  Débats  du 
22  févr.  1879.  —  V.  Champier,  Année  artistique,  t.  II,  p.  467. 
FAURE  (Henri- Auguste),  mathématicien  français,  né  à 
Angoulêmele  42  août  4825,  mort  à  Lyon  le  22  févr.  4894. 
Fils  d'un  examinateur  d'admission  à  l'Ecole  de  Saint-Cyr, 
il  entra  à  l'Ecole  polytechnique,  fut  sous-lieutenant  d'ar- 
tillerie en  4847,  lieutenant  en  4849,  capitaine  en  4855, 
chef  d'escadron  en  4874,  et  prit  sa  retraite  en  4884.  Il 
avait  professé  les  mathématiques  dans  plusieurs  écoles  ré- 
gionales d'artillerie.  Outre  de  nombreux  mémoires  parus 
depuis  4845  dans  les  Nouvelles  Annales  de  mathéma- 
tiques, il  a  écrit  :  Recueil  de  théorèmes  relatifs  aux 
sections  coniques  (Paris,  4867,  in-8);  Théorie  des  in- 
dices (Paris,  4878,  in-8).  L.  S. 

FAURE  (Emile-Valentin-César),  publiciste français,  né  à 
Orpierre  le  5  avr.  4826.  Avocat  à  Marseille,  il  vint  à  Pa- 
ris en  4857  et  se  lança  dans  le  journalisme.  Collaborateur 
au  Figaro,  à  la  Gazette  de  Paris,  à  la  Presse  théâtrale, 
au  Soleil  où  en  4867  un  de  ses  articles  le  fit  condamner 
à  deux  mois  de  prison  pour  excitation  à  la  haine  des  citoyens 
entre  eux,  au  Corsaire,  à  la  France,  au  Paris- Journal, 
à  Y  Echo  universel,  etc.,  il  écrivit  tantôt  sous  son  nom, 
tantôt  sous  les  pseudonymes  de  Louis  d'Arcis,  d'Henri 
Hoche,  etc.  En  4876,  il  était  devenu  secrétaire  de  la  librai- 
rie Dentu.il  a  écrit  :  le  Confessionnal  (Paris,  4868,  in-42) 
en  collaboration  avec  Thomas  Puech;  le  Peuple  et  la 
Place  publique  (4869,  in-42)  avec  Fontaine  ;  Histoire 
anecdotique  de  la  Révolution  de  1848  avec  Lermina  ; 
Histoire  de  Deux  ans  (1870-1871)  avec  d'Aunay  ;  les 
Contes  d'amour  (4882,  in-4);  les  Grandes  Viveuses 
(4886,  in-42);  Grands  Seigneurs  et  Comédiennes  (4887 , 
in-42),  etc. 

FAURE  (Constance-Caroline  Lefebvre,  épouse),  canta- 
trice scénique  française,  née  à  Paris  le  21  déc.  4828. 
Admise  au  Conservatoire,  elle  y  fit  son  éducation  musicale 
dans  la  classe  de  Banderali  pour  le  chant  et  dans  celle  de 
Moreau-Sainti  pour  l'opéra-comique.  Elle  en  sortit  en 
4849,  après  avoir  remporté  aux  concours  les  deux  pre- 
miers prix  de  ces  cours  d'études,  et  le  42  oct.  de  cette 
même  année  elle  débutait  avec  succès  à  l'Opéra-Comique 
dans  le  rôle  de  Carlo  de  la  Part  du  Diable.  Douée  d'une 
voix  charmante  et  qui  brillait  plus  par  la  souplesse  que  par 
la  puissance,  d'une  physionomie  piquante  et  distinguée, 
d'une  grâce  séduisante,  avec  cela  pleine  de  finesse  et  d'es- 
prit, M119  Lefebvre  fournit  à  l'Opéra-Comique  une  carrière 
brillante  et  fut  pendant  quinze  ans  l'une  des  artistes  les 
plus  originales  et  les  plus  aimées  de  ce  théâtre.  On  la  vit 
d'abord  dans  un  assez  grand  nombre  d'ouvrages  du  réper- 
toire :  la  Sirène,  la  Fée  aux  roses,  Jeannot  et  Colin, 
Joseph,  VEpreuve  villageoise,  Joconde,  le  Pré  aux 
Clercs,  le  Petit  Chaperon  rouge,  Haydée,  les  Mousque- 
taires de  la  Reine,  où  elle  déployait  les  qualités  d'un 
talent  fin,  délicat  et  plein  de  distinction.  Puis  bientôt  les 
auteurs  lui  confièrent  des  créations  importantes,  et  c'est 
ainsi  qu'elle  eut  sa  part  de  succès  dans  Madelon,  la  Croix 
de  Marie,  la  Chanteuse  voilée,  Miss  Fauvette,  Psyché, 
le  Songe  d'une  nuit  d'été,  Raymond  ou  le  Secret  de  la 
reine,  le  Chien  du  Jardinier,  etc.  Peu  de  temps  après 
avoir  épousé  M.  Faure,  son  camarade  de  théâtre,  en  4863, 
Mme  Faure-Lefebvre  quitta  l'Opéra-Comique  pour  le  Théâtre- 
Lyrique,  où  elle  resta  deux  années  environ.  On  l'y  revit 
dans  l'Epreuve  villageoise,  qui  avait  été  un  de  ses  grands 
succès  à  la  salle  Favart,  après  quoi  elle  fit  diverses  créa- 
tions dans  Peines  d'amour,  Mireille,  le  Mariage  de 
Don  Lope,  Régaiements  d'amour,  Lisbeth,  Puis,  dans 
toute  la  force  de  la  jeunesse  et  toute  la  grâce  de  son  talent 
plein  de  charme  et  de  distinction,  elle  quitta  la  scène  pour 
n'y  plus  jamais  reparaître.  A.  Pougin. 

FAURE  (Jean-Baptiste),  chanteur  dramatique  français, 
né  à  Moulins  (Allier)  le  45  janv.  4830.  Il  eut  une  enfance 


FAURE 


—  56 


difficile,  ayant  perdu  son  père  à  l'âge  de  sept  ans,  et  sa 
mère  ayant  trois  enfants  .à  élever.  La  petite  famille  était 
alors  fixée  à  Paris,  et  dès  l'âge  de  neuf  ans  le  jeune  Faure 
s'essayait  à  gagner  sa  vie.  Tour  à  tour  souffleur  d'orgue  à 
Notre-Dame,  enfant  de  chœur  à  Saint-Nicolas-des-Champs 
et  à  la  Madeleine,  choriste  au  Théâtre-Italien,  il  eut  enfin 
la  chance  de  rencontrer  en  la  personne  de  Trévaux,  maître 
de  chapelle  de  la  Madeleine,  un  protecteur  qui  s'intéressa 
à  lui,  qui  en  fit  son  élève  et  qui  lui  prodigua  les  soins  les 
plus  affectueux.  L'enfant  était  parvenu  à  se  faire  une  petite 
position  lorsqu'un  événement  naturel,  l'époque  de  la  mue, 
vint  tout  faire  écrouler.  La  jolie  voix  de  soprano  qu'il  pos- 
sédait s'évanouit  pour  ne  laisser  place  qu'à  des  sons  rauques 
et  qui  n'avaient  plus  rien  de  musical.  Heureusement,  il 
était  courageux  et  ne  manquait  pas  d'initiative.  Ne  pouvant 
plus  chanter,  il  se  mit,  tout  en  continuant  l'étude  du  piano, 
à  travailler  la  contrebasse,  et  bientôt  fut  en  état  de  rem- 
plir une  place  dans  un  orchestre,  d'abord  dans  un  bal  de 
barrière,  le  Grand  Vainqueur,  puis  au  théâtre  de  l'Odéon. 
Sur  ces  entrefaites,  la  voix  lui  était  revenue,  avec  un  beau 
timbre  de  baryton,  sonore  et  velouté.  C'est  alors  qu'il 
commença  à  s'appliquer  sérieusement  à  l'étude  du  chant, 
et  qu'il  se  fit  admettre  au  Conservatoire,  où  il  devint  élève 
de  Ponchard  pour  le  chant  proprement  dit  et  de  Moreau- 
Sainti  pour  Fopéra-comique.  Ses  progrès  furent  rapides,  et 
au  bout  de  sept  mois  de  classe,  en  1851,  il  obtenait  au 
concours  un  accessit  d'opéra-comique,  pour  se  voir  dé- 
cerner, l'année  suivante,  les  deux  premiers  prix  de  chant 
et  d'opéra-comique. 

Ce  succès  d'école  le  fit  engager  aussitôt  à  l'Opéra- 
Comique,  où  il  débuta  fort  heureusement  le  20  oct.  1852, 
dans  Galathée.  Mais  il  trouvait  à  ce  théâtre  deux  chefs 
d'emploi  pour  lui  barrer  le  chemin,  Bussine  et  Battaille, 
tous  deux  dans  tout  l'éclat  de  leur  talent  et  peu  disposés  à 
lui  faciliter  la  carrière.  M.  Faure  sut  se  faire  remarquer 
pourtant  dans  quelques  rôles  du  répertoire,  notamment 
dans  le  Chalet  et  le  Caïd,  et  bientôt  il  se  vit  confier  plu- 
sieurs créations  qui  le  familiarisèrent  avec  la  scène  et  le 
firent  bien  venir  du  public.  Encore  un  peu  lourd  physi- 
quement, un  peu  inexpérimenté  comme  comédien,  il  n'en 
donna  pas  moins  la  preuve  de  ses  aptitudes  dans  Jenny 
Bell,  la  Tonelli,  le  Chien  du  jardinier,  et  surtout  dans 
un  opéra  d'Auber,  Manon  Lescaut,  où  il  remporta  son 
premier  vrai  succès.  C'est  à  ce  moment  que,  la  double  re- 
traite de  Battaille  et  de  Bussine  lui  laissant  la  place  libre, 
il  put  donner  la  mesure  de  sa  valeur.  Il  reprit  alors,  suc- 
cessivement, plusieurs  rôles  importants,  dans  Haydée, 
l'Etoile  du  Nord,  Joconde,  et  ce  dernier  surtout  montra 
tout  ce  qu'on  pouvait  attendre  de  lui  sous  le  rapport  de  la 
largeur  et  de  la  beauté  du  style.  Enfin  deux  créations 
éclatantes,  celles  de  Crèvecœur  dans  Quentin  Durward 
et  d'Hoël  dans  le  Pardon  de  Ploërmel,  mirent  en  relief 
toutes  ses  belles  qualités  et  le  placèrent  au  nombre  des 
meilleurs  chanteurs  de  Paris,  en  attendant  qu'il  fût  reconnu 
le  premier. 

Le  triomphe  que  M.  Faure  avait  remporté  dans  le  Pardon 
de  Ploërmel  avait  attiré  sur  lui  l'attention  de  la  direction 
de  l'Opéra.  Ce  n'est  cependant  qu'au  bout  de  près  de  deux 
années  qu'il  signa  un  engagement  avec  ce  théâtre,  où  il 
débuta,  vers  la  fin  de  1861,  dans  Pierre  de  Médicis, 
après  quoi  il  se  montra  dans  Guillaume  Tell  et  dans  la 
Favorite.  Dès  ses  premiers  pas  sur  cette  scène  illustrée 
par  tant  de  grands  artistes,  où  il  déployait  dans  tout  leur 
éclat  les  qualités  d'un  talent  vraiment  magistral,  M.  Faure 
conquit  les  faveurs  et  toute  la  sympathie  d'un  public  dont 
l'affection  pour  lui  ne  fit  que  grandir  jusqu'au  terme  de  sa 
brillante  carrière.  Sa  superbe  création  de  Nélusko  dans 
l'Africaine  mit  le  comble  à  sa  renommée,  et  dès  lors  il 
ne  cessa  d'exercer  une  influence  considérable  sur  les  des- 
tinées de  l'Opéra  ;  on  peut  affirmer  que,  depuis  la  retraite 
de  M.  Duprez,  aucun  artiste  n'avait  joui  d'un  tel  crédit  et 
d'une  telle  autorité.  D'ailleurs,  on  peut  presque  dire  que 
M.  Faure  ne  cessait  de  progresser,  et  chez  lui  le  talent  de 


comédien,  comme  celui  de  chanteur,  semblait  s'affirmer 
d'une  façon  plus  complète  et  prendre  plus  d'ampleur  à 
chacune  de  ses  nouvelles  créations.  C'est  ainsi  qu'il  mar- 
qua de  son  empreinte  les  rôles  qui  lui  furent  confiés  dans 
Don  Carlos,  Hamlet,  Faust,  la  Coupe  du  roi  de  Thulé 
et  Jeanne  d'Arc.  M.  Faure,  qui  ne  voulut  jamais  s'expa- 
trier, et  qui  refusa  toujours,  pour  rester  à  Paris,  les  bril- 
lants engagements  qu'on  lui  offrait  en  Russie  et  en  Amé- 
rique, allait  cependant  chaque  année  passer  quelques 
semaines  à  Londres,  où  il  était  l'objet  de  l'admiration  géné- 
rale et  où  on  le  voyait  dans  des  ouvrages  où  le  public 
parisien  ne  put  jamais  l'applaudir  :  Mignon,  la  Som- 
nambula,  les  Noces  de  Figaro,  VElisire  dïamore,  Il 
Guarany,  etc.  A  Bruxelles  aussi,  il  obtint  d'éclatants 
triomphes.  En  dépit  de  ses  succès,  pourtant,  M.  Faure 
songea  de  bonne  heure  à  la  retraite.  Il  voulait  faire  ses 
adieux  au  public  dans  tout  l'éclat  d'un  talent  pour  lequel 
nul  autre  ne  pouvait  lui  être  comparé,  et,  le  13  mai  1876, 
il  se  montrait  pour  la  dernière  fois  à  l'Opéra,  dans  ce  rôle 
ri'Hamlet,  qui  avait  été  peut-être  sa  création  la  plus  curieuse, 
la  plus  brillante  et  la  plus  complète.  Depuis  lors,  il  ne 
reparut  jamais  à  la  scène,  et  on  ne  put  l'entendre,  de  loin 
en  loin,  que  dans  quelques  concerts,  où  il  retrouvait  les 
succès  et  les  applaudissements  d'autrefois. 

Ces  succès  étaient  mérités.  Voix  merveilleuse,  d'une  grande 
étendue  et  d'une  étoffe  superbe,  admirablement  posée  et  d'une 
justesse  rare,  avec  une  étonnante  égalité  dans  les  registres  ; 
style  magistral,  articulation  remarquable  par  son  ampleur, 
phrasé  plein  de  netteté,  de  grandeur  et  d'élégance,  diction 
irréprochable,  unité  parfaite  de  sonorité  :  telles  étaient  les 
facultés  et  les  qualités  du  chanteur.  Si  l'on  ajoute  à  cela 
un  talent  de  comédien  presque  égal,  souple  et  nerveux,  vi- 
vant et  coloré,  un  physique  plein  d'élégance  et  un  rare 
sentiment  de  la  plastique,  on  comprendra  que  le  public  ait 
pu  vouer  son  affection  la  plus  complète  à  un  tel  artiste  et 
passer  condamnation  sur  certains  défauts  secondaires  que 
quelques-uns  ont  pu  lui  reprocher  non  sans  raison,  mais 
qui  prouvent  simplement  que  l'absolue  perfection  n'est  pas  de 
ce  monde.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  le  talent  de  M.  Faure 
fait  le  plus  grand  honneur  à  l'art  français,  et  que  son  nom 
a  sa  place  marquée  dans  l'histoire  de  cet  art.  M.  Faure  a 
voulu  se  produire  aussi  comme  compositeur,  et  il  a  publié 
un  grand  nombre  de  mélodies  vocales,  dont  on  a  déjà  formé 
quatre  recueils.  Il  a  aussi  publié  un  excellent  ouvrage  sur 
le  chant.  Arthur  Pougin. 

FAU  RÉ  (Justin-François),  député  français,  né  à  Lombez 
(Gers)  le  3  janv.  1840,  substitut  à  Lectoure,  révoqué  le 
4  sept.  1870.  Il  représente  l'arr.  de  Lombez  à  la  Chambre 
des  députés  depuis  1876.  Il  appartient  à  l'opinion  bona- 
partiste. 

FAURE  (François-Félix),  homme  politique  français,  né 
à  Paris  le  30  janv.  1841.  Armateur  au  Havre,  ancien  con- 
sul de  Grèce  dans  cette  ville,  ancien  adjoint  au  maire, 
membre  et  président  de  la  chambre  de  commerce,  juge  au 
tribunal  de  commerce.  Pendant  la  guerre  de  4870-71,  il 
commanda  le  6e  bataillon  de  gardes  mobiles  de  son  dépar- 
tement. En  1881,  il  fut  élu  député  de  la  3e  circonscription 
du  Havre  comme  républicain  modéré  et  s'occupa  surtout 
des  questions  intéressant  la  marine  marchande  et  les  rela- 
tions commerciales  avec  l'étranger.  Partisan  de  la  politique 
opportuniste,  il  fut,  lors  de  la  formation  du  cabinet  Gam- 
betta,  en  nov.  1881,  nommé  sous-secrétaire  d'Etat  au  minis- 
tère du  commerce  et  des  colonies  et  abandonna  son  porte- 
feuille à  la  chute  du  ministère  le  26  janv.  1882.  Le  22  sept, 
de  la  même  année,  il  fut  nommé  au  sous-secrétariat  de  la 
marine  et  des  colonies  dans  le  dernier  cabinet  Ferry.  Il 
s'associa  alors  à  la  direction  donnée  aux  affaires  coloniales, 
et  fut  remplacé  par  M.  Rousseau,  sous  le  cabinet  Brisson, 
6  avr.  1885.  Aux  élections  générales  de  1885,  il  fut  porté 
sur  la  liste  opportuniste  de  la  Seine-Inférieure,  et  réélu 
avec  180,000  suffrages.  Il  siégea  à  l'Union  des  gauches, 
fit  partie  en  1888  et  1889  de  la  commission  du  budget, 
continua  à  soutenir  de  ses  votes  la  politique  opportuniste 


et  reprit  son  poste  de  sous-secrétaire  d'Etat  quand  l'amiral 
Krantz  succéda  à  M.  de  Mahy  au  ministère  de  la  marine  et 
des  colonies. 

A  la  suite  d'un  vote  de  la  Chambre  rejetant  à  égalité  de 
voix  le  crédit  de  20  millions  qui  représentait  la  subvention 
annuelle  au  Tonkin,  M.  Faure  quitta  l'administration  des 
colonies  et  fut  remplacé  par  M.  de  La  Porte  (févr.  4888). 
A  la  fin  de  la  législature,  M.  Félix  Faure  s'est  associé  aux 
votes  de  la  majorité  républicaine  contre  le  boulangisme  ;  il 
s'est  abstenu  sur  l'ajournement  indéfini  de  la  re vision  de 
la  Constitution  (chute  du  ministère  Floquet).  Aux  élections 
de  4889,  M.  Félix  Faure  a  été  élu  dans  la  2e  circonscrip- 
tion du  Havre  par  8,000  suffrages  contre  M.  Raoul  Ancel, 
monarchiste.  Réélu  aux  élections  de  4889,  M.  Félix  Faure 
a  fait  partie  des  commissions  du  budget  en  4892  et  4893. 
Il  a  pris  part  aux  discussions  qui  ont  eu  lieu  sur  les  bud- 
gets de  4894  et  4892,  sur  le  tarif  général  des  douanes, 
sur  l'acte  de  la  conférence  de  Bruxelles  et  sur  la  fraude  des 
vins.  Il  est  rapporteur  du  projet  de  loi  concernant  les  rela- 
tions commerciales  avec  la  Grèce  et  du  budget  des  travaux 
publics  pour  la  partie  relative  aux  études  et  travaux  des 
chemins  de  fer.  M.  Félix  Faure  qui  s'est  fait  une  spécialité 
des  questions  économiques,  maritimes  et  de  chemins  de 
fer,  a  pris  en  4883  l'initiative  d'une  proposition  tendant 
à  fixer  la  responsabilité  des  patrons  dans  les  accidents  sur- 
venus aux  ouvriers  et  d'une  autre  proposition  concernant 
l'hygiène  industrielle;  il  a  été  le  promoteur  du  conseil  supé- 
rieur des  colonies,  des  conseils  généraux  à  la  Nouvelle- 
Calédonie  et  à  Tahiti.  Enfin  il  a  publié  le  Budget  de  la 
France  et  des  principaux  pays  d'Europe  depuis  1888, 
ouvrage  couronné  par  l'Académie.  Renoult. 

FAURÉ  (Gabriel),  compositeur  français,  né  à  Pamiers 
(Ariège)  le  43  mai  4845.  Il  fit  ses  études  musicales  à 
l'école  de  Niedermeyer  sous  la  direction  de  Saint-Saëns, 
dont  il  devint  l'élève  de  prédilection.  A  sa  sortie  de  l'école, 
il  fut  envoyé  à  Rennes  comme  organiste  de  Saint-Sauveur. 
Quatre  ans  après,  il  revenait  à  Paris,  où  il  remplit  les 
fonctions  d'organiste  successivement  à  Notre-Dame  de  Cli— 
gnancourt,  à  Saint-Honoré,  au  chœur  de  Saint-Sulpice. 
Depuis  4877,  il  est  maître  de  chapelle  à  la  Madeleine.  Mer- 
veilleusement doué  pour  la  musique  pure  et  les  œuvres  d'un 
caractère  intime,  M.  Fauré  débuta  par  une  Sonate  en  la 
majeur  pour  piano  et  violon  (1876),  très  hardie  et  déjà 
très  personnelle,  qui  fut  signalée  par  un  article  enthousiaste 
de  Saint-Saëns  et  éditée  par  Breitkopf.  Plus  tard,  deux 
Quatuors  pour  piano  et  instruments  à  cordes  (4882  et 
4887)  ont  placé  M.  Fauré  au  premier  rang  des  composi- 
teurs modernes  de  musique  de  chambre.  Les  nombreuses 
mélodies  de  M.  Fauré  ne  sont  pas  moins  appréciées  (Au 
bordde  Veau,  les  Berceaux,  le  Secret, Clair  de  lune,  etc.). 
Son  œuvre  de  piano  (Nocturnes,  Impromptus,  Barca- 
rolles,  Ballade,  etc.)  continue  avec  des  qualités  originales 
la  belle  tradition  de  Chopin  et  de  Schumann.  Parmi  les 
œuvres  les  plus  importantes  de  M.  Fauré  nous  devons  citer: 
une  Symphonie  en  ré  mineur  pour  orchestre  (4885), 
exécutée  aux  concerts  du  Châtelet,  une  Messe  de  requiem, 
des  compositions  chorales  (la  Naissance  de  Vénus,  les 
Djinns,  le  Ruisseau,  Madrigal),  Caligula,  musique  de 
scène  pour  le  drame  de  Dumas,  exécutée  au  théâtre  de 
l'Odéon,  aux  concerts  du  Châtelet  et  au  Conservatoire, 
Shylock,  musique  de  scène  pour  la  comédie  de  M.  Harau- 
court,  exécutée  à  l'Odéon,  une  Elégie  pour  violoncelle, 
une  Berceuse  pour  violon,  etc.  M.  Fauré  a  été  nommé 
inspecteur  du  chant  dans  les  conservatoires  et  écoles  du 
gouvernement  en  4892.  Charles  Bordes. 

FAURE  (Maurice-Louis-Emile,  dit  Maurice),  publiciste 
et  homme  politique  français,  né  à  Saillans  (Drôme)  le 
47  janv.  4850.  D'une  famille  alliée  à  celle  de  Barnave,  son 
frère  fut  une  victime  du  Deux-Décembre,  Maurice  Faure 
débuta  très  jeune  dans  le  journalisme,  et  fonda  dès  1869, 
à  Alais,  une  société  républicaine  qui  lutta  énergiquement 
contre  la  candidature  officielle  et  le  plébiscite,  collabora  à 
plusieurs  journaux,  notamment  l'Indépendant  du  Midi, 


57  —  FAURE 

le  Sifflet,  V Avenir,  et  plus  tard  l'Evénement.  Nommé  en 
4870  rédacteur  au  ministère  de  l'intérieur,  parla  déléga- 
tion de  Bordeaux,  il  devint  chef  du  cabinet  et  du  personnel 
de  la  direction  pénitentiaire,  et  fut  pendant  ce  temps  l'un 
des  promoteurs  de  la  création  de  la  Société  pour  le  patro- 
nage des  libérés.  En  4885,  il  fut  nommé  député  en  tête  de 
la  liste  radicale  de  la  Drôme  ;  il  siégea  à  gauche  et  prit 
une  part  très  active  aux  travaux  parlementaires  il  fit 
déclarer  l'urgence  sur  le  projet  de  loi  tendant  à  l'expulsion 
des  princes;  il  fit  partie  de  nombreuses  commissions. C'est 
lui  qui,  en  4887,  proposa  de  rendre  un  hommage  public  à 
la  mémoire  de  Danton  à  l'occasion  du  Centenaire  de  4889, 
et  déposa  lors  de  la  crise  sur  les  cuivres  un  ordre  du  jour 
motivé  qui  fut  admis  à  une  majorité  de  339  contre  242. 
Membre  du  bureau  de  la  gauche  radicale,  il  vota  contre 
les  ministères  Rouvier  et  Tirard,  et  il  vota  l'amnistie,  les 
poursuites  contre  trois  membres  de  la  Ligue  des  patriotes 
et  les  poursuites  contre  le  général  Boulanger.  Renommé 
aux  élections  de  4889,  M.  Maurice  Faure  a  déposé  au 
cours  de  la  cinquième  législature  une  proposition  concer- 
nant les  administrateurs  de  chemins  de  fer.  Il  a  pris  la 
parole  dans  la  discussion  du  budget  de  4894  (cultes,  ma- 
rines, instruction  publique)  et  dans  la  discussion  concer- 
nant le  travail  des  femmes  et  des  enfants  et  les  justices  de 
paix.  M.  Maurice  Faure  est  conseiller  général  de  la  Drôme 
pour  le  cant.  de  Saint-Jean-de-Royan.  Journaliste  et  litté- 
rateur, il  est  membre  de  l'Association  syndicale  de  la 
Presse  républicaine  et  l'un  des  fondateurs  de  la  célèbre 
société  de  littérateurs  méridionaux  la  Cigale.      Renoult. 

FAURE  (André-Bertrand-Pierre-Fernand),  avocat  et 
homme  politique  français,  néàRibérac(Dordogne)  le46mars 
4853.  Il  fit  ses  études  de  droit  à  Bordeaux  et  s'inscrivit  au 
barreau  de  cette  ville  en  nov.  4  873.  Reçu  docteur  et  agrégé, 
il  fut  chargé  en  4877  du  cours  d'économie  politique  à  la 
faculté  de  droit  de  Douai,  puis  à  celle  de  Bordeaux  en  4880. 
L'un  des  fondateurs  et  vice-président  de  la  Société  d'éco- 
nomie politique  de  Bordeaux,  vice-président  du  Comité 
girondin  de  la  ligue  de  l'enseignement,  il  fut  porté  sur  la 
liste  opportuniste  de  la  Gironde  en  4885  et  élu  le  3e  sur 
44  au  scrutin  de  ballottage.  Il  siégea  à  gauche  et  prit  une 
part  très  active  aux  travaux  parlementaires  ;  il  se  fit  remar- 
quer par  une  compétence  particulière  en  matière  de  ques- 
tions de  finances,  notamment  dans  la  discussion  du  budget 
de  4887.  Deux  fois  membre  de  la  commission  du  budget, 
il  fut  également  rapporteur  du  budget  du  ministère  des 
finances.  En  4888,  il  fit  un  discours  très  remarquable  sur 
la  limitation  légale  de  la  journée  de  travail  pour  les  ouvriers. 
Dans  la  dernière  législature,  M.  Fernand  Faure  a  sou- 
tenu de  ses  votes  les  ministères  Rouvier  et  Tirard,  s'est 
prononcé  pour  l'ajournement  indéfini  de  la  revision  de  la 
Constitution  (chute  du  ministère  Floquet),  et  .s'est  associé 
d'une  façon  générale  aux  votes  de  la  majorité  républicaine 
contre  le  parti  boulangiste.  Aux  élections  générales  de  4889 
il  échoua  dans  la  3e  circonscription  de  Bordeaux  contre 
M.  Jourde,  candidat  boulangiste.  Il  fut  nommé  professeur 
à  la  faculté  de  droit  de  Paris.  Renoult. 

FAU  RE-Conàc  (Gilbert-Amable),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Vidaiilat  (Creuse)  le  5  avr.  4755,  mort  à  Ché- 
nérailles  (Creuse)  le  44  févr.  4849.  Il  appartenait  à  la 
marine  et  était  administrateur  de  la  Creuse  quand  il  fut 
élu  par  ce  département,  le  7  sept.  4792,  premier  député 
suppléant  à  la  Convention.  Il  fut  appelé,  le  25  frimaire 
an  II,  à  remplacer  Guyès,  décédé,  et  s'occupa  exclusive- 
ment des  questions  maritimes.  Le  47  août  4794,  il  remplit 
avec  Treilhard,  à  Brest  et  à  Lorient,  une  mission  qui  dura 
jusqu'en  avr.  4795.  Il  combattit,  le  43  thermidor  an  II, 
la  proposition  de  Gouly  sur  l'organisation  d'un  corps  d'ar- 
tilleurs marins  et  fut  élu,  le  21  vendémiaire  an  IV,  député 
de  la  Creuse  au  conseil  des  Cinq-Cents.  Il  donna  sa  démis- 
sion le  8  ventôse  an  V  pour  servir  dans  une  division  de  la 
marine.  Sous  l'Empire,  il  devint  commandant  de  l'Ecole  de 
marine  de  Brest  (4  janv.  4844).       Etienne  Charavay. 

FAURE  d'Ere  (Bertrand-Marie),  homme  politique  fran- 


FAURE  —  FAURIEL 


58 


çais,  né  à  Bouillac  (Tarn-et-Garonne)  le  4  nov.  1787, 
mort  au  château  d'Ere  le  20  oct.  1852.  Conseiller  audi- 
teur à  la  cour  de  Toulouse  en  1811,  il  demeura  fidèle  à 
Napoléon  pendant  les  Cent- Jours,  et  fut  destitué  en  1816. 
Il  s'occupa  alors  d'exploitation  agricole.  En  1828,  il  fut 
nommé  juge  au  tribunal  civil  de  Montauban,  et,  partisan 
du  gouvernement  de  Juillet,  fut  nommé  en  1830  conseiller 
à  la  cour  de  Toulouse.  Le  5  juil.  1834 ,  il  était  élu  député  de 
Tarn-et-Garonne.  Membre  de  la  gauche,  il  signa  le  compte 
rendu  de  l'opposition  en  1832,  fut  réélu  le  21  juin  1834, 
s'affilia  au  tiers-parti,  et  échoua  aux  élections  de  1837. 
Deux  ans  après,  il  était  réélu  et  siégeait  au  centre  gauche. 
Représentant  de  Tarn-et-Garonne  à  la  Constituante  (1848), 
il  appartint  à  la  droite  de  cette  assemblée,  où  il  se  fit  peu 
remarquer,  et  il  ne  se  représenta  pas  aux  élections  pour 
la  Législative. 

FAUREI.  Village  de  Roumanie,  district  de  Braïla,  arr. 
de  Vademi.  Tête  de  la  ligne  de  chemin  de  fer  Faurei- 
Fetesti  (district  de  Jalomita). 

FAURIE  (La).  Com.  du  dép.  des  Hautes-Alpes,  arr.de 
Gap,  cant.  d'Aspres-sur-Biïech  ;  538  hab. 

FAURIEL  (Claude-Charles),  philologue,  historien  et 
critique  français,  né  à  Saint-Etienne  le  21  oct.  1772, 
mort  à  Paris  le  15  juil.  1844.  Il  appartenait  à  une 
famille  d'industriels  aisée  et  instruite  ;  il  fut  élevé  au  col- 
lège des  oratoriens  de  Tournon,  puis  à  Lyon.  De  retour 
dans  sa  ville  natale  vers  le  début  de  la  Révolution,  il  ne 
se  pressa  point  d'embrasser  une  carrière  et  ne  montra  pas 
plus  de  goût  pour  l'action  politique.  Cependant  il  fut  , 
d'une  société  patriotique;  suivant  un  récit  qu'il  fit  un 
jour  à  Guizot,  ses  camarades  et  lui  se  plaisaient  à  mettre 
en  scène  les  séances  de  la  Constituante;  tel  faisait  Necker, 
tel  autre  Mirabeau.  «  Vous,  Fauriel,  je  sais  bien  ce  que 
vous  faisiez,  »  interrompit  Guizot.  —  «  Et  quoi  donc  ?  » 
—  «  Vous  donniez  votre  démission.  »  Fauriel  était  loin 
cependant  d'être  un  indifférent  ;  il  devint  et  demeura 
toute  sa  vie  républicain  ;  mais  la  République  était  à  ses 
yeux  un  idéal,  une  Béatrice  ;  c'est  pour  le  sentiment  et 
pour  la  pensée  qu'il  était  né,  et  non  pour  la  lutte  contre 
les  choses  et  contre  les  hommes  d'un  siècle  agité.  Les 
occasions  de  se  produire  dans  la  vie  publique  ne  lui  man- 
quèrent cependant  point.  Ce  fut  d'abord  la  levée  en  masse 
de  1793  :  d'emblée  il  fut  nommé  sous-lieutenant,  par  le 
ministre  Beurnonville,  au  4e  bataillon  d'infanterie  légère 
de  la  légion  des  montagnes,  en  garnison  à  Perpignan  :  il 
servit  aux  côtés  du  savant  et  intrépide  La  Tour-d'Auvergne. 
Le  général  Dugommier  le  prît  comme  secrétaire.  Mais  au 
bout  d'un  an  de  service,  il  envoya  sa  démission  au  ministre 
Bouchotte.  A  Paris,  il  put  se  mettre  en  rapports,  bien 
fugitifs,  avec  quelques  personnages  connus,  et  rendit 
visite  à  Robespierre  :  simple  curiosité  sans  doute.  Sa  ville 
natale  le  choisit  comme  officier  municipal  :  il  se  démit  de 
cette  charge  aussitôt  après  le  9  thermidor,  et  se  classa 
ainsi  nettement  parmi  les  partisans  fidèles  de  la  Révolu- 
tion :  car  le  courage  passif,  si  l'on  peut  dire,  ne  lui  man- 
quait pas.  Pendant  cinq  ans,  il  travailla  silencieusement  et 
dans  tous  les  sens  où  l'entraînait  sa  passion  de  savoir  et  de 
comprendre,  tantôt  à  Saint-Etienne,  tantôt  à  Paris,  où  le 
Dauphinois  Français  de  Nantes  le  produisait  dans  la  meil- 
leure société  de  l'époque.  Ses  premiers  essais,  dans  la 
Décade  philosophique,  le  placèrent  très  haut,  malgré  leur 
brièveté,  dans  l'opinion  de  Cabanis,  de  Volney,  de  Destutt 
de  Tracy,  de  Mme  de  Staël.  Aussi  lent  à  rédiger  qu'il  était 
ardent  à  l'étude,  «  reculant  toujours  devant  le  pénible 
travail  de  la  composition  »  (E.  Renan),  il  ne  pouvait  guère 
voir  une  carrière  dans  la  littérature.  C'est  sans  doute  ce 
qui  le  décida  à  entrer  dans  les  bureaux  de  Fouché,  ministre 
de  la  police  et  ex-oratorien,  dont  il  devint  le  secrétaire  ; 
dès  l'été  de  1801  il  prit  un  congé,  et  en  1802,  il  résigna 
définitivement  sa  fonction.  On  ne  saurait,  cette  fois,  le  lui 
reprocher.  S'il  put  avec  sa  bonté  et  sa  finesse  habituelles 
prévenir  plus  d'une  iniquité  et  rendre  plus  d'un  service 
aux  victimes  désignées  du  régime  consulaire,  il  n'eut  pas 


la  force,  et  cela  l'honore,  de  résister  au  dégoût  que  le  ré- 
gime et  l'homme  lui  inspiraient.  «  L'indignation  que  lui 
donna  le  triste  spectacle  des  palinodies,  des  bassesses  et 
des  violences  qui  se  déroulaient  chaque  jour  sous  ses  yeux, 
le  besoin  irrésistible  d'exhaler  sa  profonde  douleur  de  la 
liberté  perdue  »  (L.  Lalanne),  nous  ont  valu  un  document 
historique  de  première  main  et  de  main  de  maître,  long- 
temps enfoui  dans  les  papiers  de  son  amie,  Mme  de  Con- 
dorcet,  sans  titre  général,  sans  signature,  et  que  M.  L. 
Lalanne  lui  a  restitué  en  1886,  par  la  comparaison  des 
autographes.  Les  Derniers  Jours  du  Consulat  (Paris, 
1886,  in-8)  comprennent  deux  chapitres  :  Esquisse  his- 
torique des  pi*ognostics  de  la  destruction  de  la  Répu- 
blique à  dater  du  18  brumaire,  et  Notes  sur  les 
principaux  événements  de  la  conspiration  anglaise 
antérieurement  à  l'arrestation  de  Moreau.  Sur  le  18 
brumaire,  «  cette  journée  fameuse  dont  se  repentirent,  le 
lendemain,  presque  tous  ceux  qui  y  avaient  concouru  »  ; 
sur  les  progrès  d'un  despotisme  qui  ne  devait  même  pas 
«  garantir  à  la  France  le  seul  bien  des  peuples  esclaves, 
le  repos  »  ;  sur  les  manœuvres  de  Bonaparte  pour  tourner 
contre  la  nation  la  souveraineté  nationale,  au  moyen  des 
plébiscites  ;  sur  le  rétablissement  de  la  police  de  l'ancien 
régime  «  autorité  bizarre,  aveugle  et  passionnée»,  violente 
et  perfide,  sans  scrupule  dans  l'emploi  des  moyens  ;  sur 
le  rôle  des  agents  provocateurs  qui  amenèrent  Moreau,  le 
seul  rival  possible  du  premier  consul,  à  se  compromettre 
avec  Georges  Cadoudal  et  avec  Pichegru;  enfin  sur  tout 
ce  qu'il  avait  vu  et  ressenti,  Fauriel  a  laissé  des  mots  et 
des  portraits  dignes  de  Tacite,  des  faits  observés  que  l'on 
ne  trouve  nullepart  ailleurs.  Car  en  aucun  temps  la  police 
n'a  témoigné  un  grand  respect  pour  ses  propres  archives  I 
Si  Fauriel  laissa  inachevé  cet  ouvrage,  s'il  ne  fondit  pas 
les  notes  qu'il  avait  pu  réunir  concernant  l'assassinat  du 
duc  d'Enghien,  c'est  qu'il  ne  pouvait  songer  à  publier  ses 
impressions,  et  qu'il  n'était  plus  le  seul  qu'il  pût  com- 
promettre :  son  intime  liaison  avec  Mme  de  Condorcet  date 
en  effet  du  printemps  de  1802  ;  c'est  alors  qu'il  alla  s'éta- 
blir avec  elle  aux  environs  de  Meulan,  à  la  Maisonnette. 
Il  songea  sans  doute  encore  à  la  liberté  et  ne  parvint  pas, 
comme  le  lui  reprochait  en  4803  le  médecin  Pariset,  «à 
ce  calme  que  donne  le  désespoir»  ;  mais  il  se  consacra 
surtout  à  l'amour,  à  l'amitié  et  à  la  science.  Au  grec, 
au  latin,  aux  principales  langues  vivantes  qu'il  connaissait 
parfaitement,  il  ajouta  l'arabe  et  le  sanscrit.  Il  recueillit 
des  matériaux  considérables  sur  le  bas-breton,  le  gaëlic, 
le  vieil  allemand,  le  basque.  Son  premier  ouvrage  (en 
dehors  des  articles)  fut  une  traduction  des  idylles  du  Da- 
nois Jean  Baggesen  (1810),  pour  lequel  il  avait  beaucoup 
d'affection.  Le  discours  préliminaire  contient  une  classifi- 
cation toute  nouvelle  des  genres  poétiques.  Lié  dès  1806 
avec  Manzoni,  il  exerça  sur  ce  grand  poète,  alors  jeune  et 
obscur,  la  plus  utile  influence  ;  il  le  débarrassa  des  for- 
mules, lui  apprit  la  simplicité,  l'engagea  «  à  composer 
des  tragédies  historiques,  indépendamment  de  toute  règle 
factice,  en  combinant  l'étude  sévère  et  la  passion,  la  fidé- 
lité à  l'esprit,  aux  mœurs  et  aux  caractères  particuliers 
de  l'époque,  et  les  sentiments  humains  généraux  s'expri- 
mant  dans  un  langage  digne  et  naturel  »  (Sainte-Beuve) . 
Aussi  Manzoni  dédia-t-il  son  Carmagnola  à  Fauriel,  qui 
en  donna  la  traduction .  C'est  dans  l'introduction  en  prose 
dirigée  contre  le  dogme  littéraire  des  trois  unités,  qu'il 
faut  lire  le  véritable  manifeste  du  romantisme.  —  Nul 
doute  qu'il  n'ait  en  partie  inspiré  à  Cabanis  cette  méthode 
d'impartialité  historique  appliquée  à  l'exposé  des  doctrines 
de  la  philosophie,  et  qui,  pratiquement  comprise,  deviendra 
plus  tard  l'éclectisme.  D'autre  part,  c'est  dans  la  société 
d'Auteuil  que  Fauriel  conçut  le  projet  d'une  histoire  du  stoï- 
cisme, dont  les  matériaux,  enterrés  pendant  la  campagne  de 
1814  dans  un  jardin  à  la  campagne,  périrent  entièrement. 
Le  premier  écrit  qui  fit  connaître  Fauriel  au  grand  public, 
ce  furent  les  Chants  populaires  de  la  Grèce  moderne 
(Paris,  1824-1825,  2  vol.  in-8),  qui  procuraient  à  Pau- 


—  59 


FAURIEL  —  FAUSBOELL 


teur  la  double  satisfaction  de  mettre  en  valeur  la  force  et 
la  simplicité  de  la  poésie  populaire,  et  de  servir  la  cause  de 
l'indépendance  grecque.  Il  sut  le  premier  se  garder  de  cette 
élégance  de  convention  qui  chez  tant  de  traducteurs  affadit 
l'impression  première  et  naïve.  Cet  esprit  raffiné,  encyclo- 
pédique, savait  s'extasier  devant  la  poésie  populaire  comme 
devant  «  le  cours  d'un  fleuve,  l'aspect  d'une  montagne,  une 
masse  pittoresque  de  rochers,  une  vieille  forêt  ».  Il  défi- 
nissait le  génie  inculte  de  l'homme  «  un  des  phénomènes, 
un  des  produits  de  la  nature  ».  Par  l'exemple  comme  par 
la  théorie,  il  montrait  que  si  un  peu  de  science  éloigne  de 
la  simplicité,  beaucoup  de  science,  de  science  vraie  et  de 
première  main,  y  ramène  invinci clément.  Toutefois,  il  y 
avait  peut-être  de  sa  part  un  peu  d'innocente  coquetterie  à 
semer  ainsi  tant  d'idées  neuves  et  personnelles  dans  des 
préfaces  ou  dans  des  notes  de  traductions.  Fauriel  s'était 
cependant  donné  à  lui-même  un  grand  sujet  historique,  l'his- 
toire du  midi  de  la  Gaule,  tout  en  continuant  ses  études  de 
langues  orientales  et  en  participant  à  la  fondation  de  la 
Société  asiatique.  Il  commença  par  publier  la  2e  partie  : 
Histoire  de  la  Gaule  méridionale  sous  la  domination 
des  conquérants  germains  (Paris,  1836,  4  vol.  in-8),  et 
n'acheva  jamais  les  deux  autres  parties,  la  période  romaine 
et  la  période  du  moyen  âge  proprement  dit  jusqu'à  saint 
Louis.  Le  mérite  d'un  historien  ne  saurait  être  exagéré, 
lorsqu'il  est  obligé  de  dégager  la  vérité  et  la  vie  de  récits 
et  de  documents  aussi  pauvres,  aussi  incertains,  aussi 
légendaires  et  aussi  remplis  de  contradictions  que  ceux  au 
milieu  desquels  Fauriel  eut  à  se  débrouiller.  De  4823 
à  1826  il  avait  vécu  en  Italie.  Toujours  «  inépuisable  en 
savoir  et  en  bonté  »,  c'est  le  mot  de  Mme  de  Staël,  il 
semblait  n'aspirer  à  rien.  Après  juil.  1830,  au  moment 
de  la  curée,  il  fallut  que  Guizot  lui  fît  une  sorte  de  vio- 
lence pour  qu'il  acceptât  à  la  Sorbonne  la  chaire  de  litté- 
rature étrangère.  L'enseignement  lui  apprit  à  douter  un 
peu  moins  de  lui-même;  dès  1818,  Guizot  lui  reprochait 
«  de  recommencer  sans  cesse  ce  qui  est  bien  »,  de  «  passer 
sa  vie  à  sacrifier  l'action  à  l'espoir  de  la  perfection.  Tan- 
dis que  vous  vous  satisfaites  en  cherchant  le  mieux,  le  bien 
de  ce  que  vous  avez  trouvé  ne   profite  à  personne.  » 
Sans  l'aiguillon  d'un  public  aussi  avide  de  science  qu'en- 
thousiaste de   pensée  libre   et  féconde,   nous  n'aurions 
peut-être  eu  ni  l'Histoire  de  la  Gaule  méridionale  sous 
la  domination  des  conquérants  germains  ni,  dans  la 
collection  de  documents  inédits  sur  l'histoire  de  France, 
V Histoire  de  la  Croisade  contre  les  hérétiques  albigeois 
écrite  en  vers  provençaux  par  un  poète  contemporain 
(Paris,  1837,  in-4),  dont  l'introduction  jette  un  jour  si 
vif  sur  le  Midi  du  moyen  âge.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que 
nous  devons  à  Pacte  décisif  de  Guizot  Y  Histoire  de  la 
poésie  provençale  (Paris,  1846,  3  vol.  in-8),  et  Dante 
et  les  origines  de  la  langue  et  de  la  littérature  ita- 
liennes (Paris,  1854,  2  vol.  in-8).  Le  premier  de  ces 
ouvrages  est  en  effet  le  cours  professé  en  1831-1832  : 
Fauriel  y  revendiquait  pour  les  Provençaux  l'originalité 
épique  jusque-là  exclusivement  attribuée  aux  poètes  de  la 
langue  d'oïl.  Il  s'était  surtout  préoccupé  d'approfondir  les 
origines  «  de  ces  idées  d'honneur,  d'amour  exalté,  de  ga- 
lanterie, en  un  mot  de  ces  sentiments  chevaleresques  qui 
ont  si  complètement  modifié  les  mœurs  de  l'Europe  au 
moyen  âge,  et  qui  ont  exercé  sur  tous  les  peuples  une 
influence  régénératrice  »  (article  de  P.  Mérimée  dans  le 
Constitutionnel  du  16  févr.  1846).  Quant  à  Dante,  c'est 
le  cours  de  1833  et  1834,  incomplètement  publié  par 
M.  J.  Mohl  sur  les  manuscrits  de  Fauteur.  Pendant  quatorze 
ans,  Fauriel  écrivit  toutes  ses  leçons  :  mais  il  les  prêtait  à 
qui  les  lui  demandait,  et  négligeait  de  les  réclamer.  «  Plus 
d'un  de  ses  auditeurs,  dit  M.  Léo  Joubert,  n'eut  besoin  que 
d'une  bonne  mémoire  pour  se  créer  des  titres  littéraires 
sérieux  ;  ce  fut  le  sort  de  Fauriel  d'inventer  sans  cesse  dans  le 
vaste  champ  de  la  littérature  et  de  laisser  à  d'autres  le  bé- 
néfice de  ses  créations.  »  —  «  Fauriel,  dit  M.  Renan,  sans 
avoir  beaucoup  écrit,  est  sans  contredit  l'homme  de  notre 


siècle  qui  a  mis  en  circulation  le  plus  d'idées,  inauguré  le 
plus  de  branches  d'études,  aperçu  dans  l'ordre  des  travaux 
historiques  le  plus  de  résultats  nouveaux.  »  {Revue  des 
Deux  Mondes,  livr.  du  15  déc.  1855.)  Il  ne  fut  élu 
membre  de  l'Académie  des  inscriptions  que  le  25  nov. 
1836  ;  membre  de  la  commission  de  Y  Histoire  littéraire 
de  France,  il  fournit  de  savants  articles  sur  des  écrivains 
du  xme  siècle  :  miettes  précieuses  de  la  connaissance  uni- 
verselle qu'il  avait  acquise  de  cette  époque.  Il  mourut  à 
soixante-douze  ansf  prématurément,  tant  il  laissait  de  pro- 
jets après  lui.  M.  Mohl  et  sa  femme  (miss  Clarke),  ses 
héritiers,  ont  laissé  à  la  bibliothèque  de  l'Institut,  en 
1883,  les  brouillons,  notes,  papiers  de  toute  sorte  que 
leur  état  matériel  ou  les  circonstances  n'avaient  pas  per- 
mis de  publier.  H.  Monin. 

Bibl.  :  Institut  royal  de  France...  Funérailles  de  M.  Fau- 
riel. Discours  de  M.  Guigniaut,  prononcé  le  16  juil.  4844  ; 
Paris.,  s.  d.  in-4.  (A  la  suite  se  trouve  le  discours  de  M.  Vic- 
tor Leclerc).  —  Guigniaut,  secrétaire  perpétuel  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres  :  Notice  historique 
sur  la  vie  et  les  travaux  de  M.  G.  Fauriel  ;  Paris,  1862,  gr. 
in-8.  —  Sainte-Beuve,  Portraits  contemporains,  t.  II.  — 
Ozanam,  Discours  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  dans  le 
Correspondant  du  10  mai  1845  (avec  une  bibliographie 
complète  des  travaux  publiés  du  vivant  de  Fauriel). 

FAURILLES,  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Bergerac,  cant.  d'Issigeac;  428  hab. 

FAU  R I S  de  Saint- Vincens  (Jules-François-Paul) ,  archéo- 
logue français,  né  à  Aix  en  Provence  en  1718,  mort  en 
1798.  Il  fut  président  au  Parlement  d'Aix  et  associé  libre 
de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Il  écrivit 
en  1786  un  mémoire  pour  démontrer  que  la  tour  située 
dans  l'enceinte  du  palais  du  parlement  d'Aix  était  un  tom- 
beau antique,  comme  l'avait  présumé  Peiresc.  On  lui  doit 
encore  des  Observations  sur  des  mosaïques  trouvées  a 
Aix  (1790)  ;  Tables  des  monnaies  de  Provence  (Aix, 
1770,  in-4)  ;  Mémoire  sur  les  monnaies  et  les  monu- 
ments des  anciens  Marseillais  (1771,  in-4)  ;  Mémoire 
sur  les  monnaies  qui  eurent  cours  en  Provence  depuis 
la  fin  de  V  empire  d'Occident  jusqu'au  xvie  siècle,  inséré 
dans  Y  Histoire  de  Provence  de  Papon  (t.  II  et  III).  Sa 
vie  a  été  écrite  par  son  fils  dans  le  Magasin  encyclopé- 
dique (1798,  t.  IV,  p.  461).  J.-A.  Bl. 

FAU  RIS  de  Saint-Vincens  (Alexandre-Jules-Antoine), 
archéologue  français,  fils  du  précédent,  né  à  Aix  le  3  sept. 
1750,  mort  le  15  nov.  1819.  Il  devint,  en  1789,  président  à 
mortier  du  parlement  d'Aix  et  perdit  sa  place  en  1793.  En 
1809,  il  fut  nommé  membre  du  Corps  législatif;  en  1811, 
second  président  de  la  cour  impériale  des  Bouches-du-Rhône, 
puis  associé  libre  de  l'Académie  des  inscriptions  en  1816. 
Ce  savant  n'avait  cessé  depuis  son  enfance  de  recueillir^  et 
d'étudier  les  antiquités.  Il  a  publié  de  nombreux  travaux, 
parmi  lesquels  :  Monnaies  qui  ont  eu  cours  en  Provence 
sous  les  comtes  (Aix,  an  IX,  in-4)  ;  Notice  sur  les  mo- 
numents antiques  conservés  dans  le  muséum  de  Mar- 
seille (Marseille,  1805)  ;  Mémoire  sur  la  position  de 
l'ancienne  cité  d'Aix  (Paris,  1812,  et  Aix,  1816)  ;  Notice 
sur  les  lieux  où  les  Cimbres  et  les  Teutons  ont  été 
défaits  par  Marins  et  sur  le  séjour  et  la  domination 
des  Goths  en  Provence  (Paris,  1814)  ;  Mémoire  sur 
Vétat  des  lettres  et  arts  et  sur  les  mœurs  et  usages 
suivis  en  Provence  dans  le  xvie  siècle  (Paris,  1814)  ; 
Mémoire  sur  les  bas-reliefs  des  murs  et  des  portes 
extérieures  de  Notre-Dame  de  Paris  (Paris,  1815,  et 
Aix,  1816)  ;  Mémoire  sur  les  antiquités  et  curiosités 
delà  ville  d'Aix  (Aix,  1818).  J.-A.  Bl. 

FAU  ROUX.  Com.  du  dép.  de  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Moissac,  cant.  de  Bourg-de-Visa  ;  444  hab. 

FAUSBŒLL  (Michael-Viggo) ,  savant  linguiste  danois, 
né  à  Hove  près  de  Lemvigle  22  sept.  1821.  Attaché  à  la 
bibliothèque  de  l'université  de  Copenhague  (1861)  et  pro- 
fesseur de  langues  indo-orientales  (1878),  il  a  surtout 
étudié  les  manuscrits  palis  de  Copenhague  et  de  Londres, 
et  édité  le  Dhammapadam,  avec  traduction  et  commen- 
taire en  latin  (Copenhague,  1855).  Après  avoir  donné  le 


FAUSBOELL  —  FAUSSE 


60  - 


texte,  avec  traduction  anglaise  de  Five  Jdtakas  (1861), 
Tiuo  Jâtakas  (4870),  The  Dasaraiha  Jâtaka(lffll), 
Ten  Jâtakas  (1872),  il  en  publia  un  recueil,  avec  com- 
mentaire anglais,  en  six  volumes  dont  quatre  ont  paru 
(The  Jâtakas;  Londres,  1877-1887).  On  lui  doit  aussi  : 
Historiettes  orientales  d'après  le  persan  (1852)  ;  Dic- 
tionnaire de  la  langue  des  rues  (1866),  sous  le  pseudo- 
nyme de  V.  Kristiansen,  et  des  éditions  <T His toriettesdes 
Molbos  ou  Béotiens  du  Jutland  (1862),  ainsi  que  des  Chants 
des  veilleurs  ou  gardes  de  nuit  (1862).  B-s. 

FAUSSE  attaque  (Art  milit.).  Attaque  simulée  sur 
un  point  du  front  de  l'ennemi  plus  ou  moins  éloigné  de 
celui  où  l'on  a  l'intention  de  faire  l'attaque  véritable,  pour 
donner  le  change  à  l'adversaire  et  l'amener  à  diviser  ses 
forces.  Cette  ruse  de  guerre,  dont  l'utilité  n'a  pas  besoin 
d'être  démontrée,  est  d'un  emploi  très  fréquent  dans  toutes 
les  guerres,  et  elle  est  vieille  comme  le  monde.  On  comprend 
qu'il  n'est  nul  besoin  d'y  employer  ses  meilleures  troupes, 
et  Cessac  nous  apprend  qu'on  y  employait  parfois  des  valets 
revêtus  d'uniformes,  quand  une  armée  en  possédait  un 
assez  grand  nombre  pour  tromper  l'ennemi.  Notre  règle- 
ment de  manœuvres  actuel  (1892)  s'exprime  ainsi  au  sujet 
des  fausses  attaques  :  «  L'attaque  simulée  doit  être  faite 
avec  peu  de  monde  ;  la  fraction  qui  en  est  chargée  doit  se 
montrer  tantôt  sur  un  point,  tantôt  sur  un  autre  ;  si  elle 
obtient  des  avantages,  elle  les  poursuit.  Cette  attaque  peut 
réussir  alors  que  la  véritable  échoue  ;  dans  ce  cas,  le  capi- 
taine modifie  rapidement  ses  dispositions  et  appuie  l'attaque 
simulée.  »  Ed.  S. 

FAUSSE  baie  (Archit.).  Arcade,  porte  ou  fenêtre  si- 
mulée dont  l'encadrement  et  aussi  le  tableau  imitent  de  la 
façon  la  plus  complète  l'encadrement  et  le  tableau  d'une 
autre  baie  à  laquelle  la  fausse  baie  fait  répétition  ou  sert 
de  pendant.  Dès  l'antiquité,  les  fausses  baies  ont  fourni 
d'intéressants  motifs  symboliques  à  l'architecture  funé- 
raire, témoin  les  représentations  des  portes  sur  les  tom- 
beaux étrusques  de  Castel  d'Àsso  et  les  fenêtres  simulées 
dans  la  pierre  de  l'édifice  connu  sous  le  nom  de  tombeau 
de  Théron,  près  d'Agrigente.  Dans  l'architecture  contem- 
poraine, on  emploie  trop  souvent,  pour  éviter  le  manque 
de  symétrie,  les  fausses  baies  même  dans  les  édifices  d'uti- 
lité publique  où  parfois  on  les  accuse  en  remplissant  leurs 
vides  par  de  la  brique  lorsque  leurs  encadrements  sont  de 
pierre  ;  mais  cet  emploi  se  justifie  pour  les  édifices  comme 
les  musées  où  la  nécessité  de  chercher  la  lumière  à  la  partie 
supérieure  fait  disposer  les  fausses  baies  seulement  comme 
motifs  décoratifs  et  où  elles  sont  utilisées  aussi,  comme 
à  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Paris,  pour  recevoir  des  frag- 
ments de  sculpture.  Charles  Lucas. 
FAUSSE  braie  (V.Braie). 

FAUSSE  clef  (Dr.  crim.).  L'art.  398  du  C.  pén. 
qualifie  fausses  clefs  «  tous  crochets,  rossignols,  passe- 
partout,  clefs  imitées  ou  contrefaites,  altérées,  ou  qui 
n'ont  pas  été  destinées  par  le  propriétaire,  locataire,  au- 
bergiste ou  logeur,  aux  serrures,  cadenas,  ou  aux  ferme- 
tures quelconques  auxquelles  le  coupable  les  aura  em- 
ployés ».  La  simple  possession  de  fausses  clefs  n'est  pas 
un  délit  ;  l'emploi  seul  tombe  sous  le  coup  de  la  loi,  et 
en  tant  qu'acte  d'exécution  d'un  vol.  L'usage  de  fausses 
clefs  est  une  circonstance  aggravante  du  vol  dont  cet 
usage  a  aidé  la  perpétration  ;  comme  tel,  il  a  pour  effet 
d'entraîner  la  transformation  des  peines  du  vol  simple  en 
travaux  forcés  à  temps  ou  en  travaux  forcés  à  perpétuité, 
suivant  que  l'usage  de  fausses  clefs  est  isolé  ou  qu'il  est 
en  concours  avec  d'autres  circonstances  aggravantes  du 
vol  (C.  pén.,  art.  381  et  384).  — -  La  contrefaçon  ou  l'al- 
tération d'une  clef  est  un  délit  puni  d'un  emprisonnement 
de  trois  mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  25  fr.  à 
150  fr.  Si  le  coupable  est  un  serrurier  de  profession,  le 
fait  devient  un  crime  puni  de  la  réclusion.  Le  tout  sans 
préjudice  de  plus  fortes  peines,  en  cas  de  complicité  de 
crime  (C.  pén.,  art.  395).  Mais  le  simple  fait  d'avoir 
altéré  ou  contrefait  des  clefs  ne  suffit  pas  pour  constituer 


le  délitfou  le  crime  en  question  :  la  criminalité  de  l'acte 
n'apparaît  que  par  le  concours  d'une  intention  coupable, 
laquelle,  'en  l'espèce,  consiste  dans  le  but  que  s'est  pro- 
posé le  coupable,  ou  dans  la  connaissance  ou  la  prévision 
qu'il  avait  de  l'usage  frauduleux  auquel  la  clef  serait  em- 
ployée ;  il  n'y  a  point,  par  exemple,  fait  punissable  dans 
la  fabrication  d'une  clef  contrefaite  sur  la  demande  même 
du  propriétaire.  Louis  André. 

FAUSSE  côte(V.  Côte). 

FAUSSE  couche  (V.  Avortement). 

FAUSSE  coupe  (Constrc).  Dans  une  voûte,  un  claveau 
est  en  fausse  coupe  lorsque  l'un  'de  ses  joints  de  tête  est 
oblique  par  rapport  à  l'intrados  de  cette  voûte.  En  terme 
de  charpente,  la  fausse  coupe  est  un  assemblage  à  tenon  et 
mortaise,  dans  lequel  la  pièce  portant  la  mortaise  est  dé- 
versée ou  délardée  par  rapport  à  l'autre. 

FAUSSE  duite  (Tiss.).  La  duite  est  fausse  lorsqu'elle 
est  insérée  dans  un  mauvais  angle  d'ouverture  des  fils  de 
chaîne;  ce  dernier  défaut  provient,  soit  d'un  marchage 
mal  observé,  soit  d'un  dérangement  dans  le  réglage  de  la 
mécanique  Jacquard,  soit  enfin  d'une  erreur  de  lecture 
dans  le  carton  qui  sert  à  opérer  cette  fouie. 

FAUSSE  équerre  (Constr.).  Instrument  employé  en 
charpente  et  surtout  dans  les  constructions  navales  pour 
mesurer  les  angles  dièdres.  La  fausse  équerre  consiste  en 
deux  règles  de  bois  ou  de  métal,  assemblées  comme  les 
deux  branches  d'un  compas  et  pouvant  s'ouvrir  ou  se 
fermer  sous  un  angle  quelconque  :  l'une  des  règles  est 
double,  c.-à-d.  formée  de  deux  règles  égales  réunies  par 
une  de  leurs  extrémités  et  recevant  entre  elles  une  troi- 
sième règle  qui  s'y  loge  comme  une  lame  de  couteau  dans 
son  manche  ;  d'où  le  nom  de  manche  donné  à  la  règle 
double  et  celui  de  lame  à  la  règle  simple  (V.  Chanterelle). 

FAUSSE  monnaie  (V.  Monnaie). 

FAUSSE  page  (Typogr.).  On  dit  qu'on  tombe  en  fausse 
page  lorsque  le  texte  qui  précède  certaines  grandes  divi- 
sions devant  tomber  en  page  impaire  ne  se  prolonge  pas 
jusque  sur  le  verso,  et  le  laisse  en  blanc. 

FAUSSE  position  (Math.).  Tout  problème  à  une  incon- 
nue peut  se  résumer  ainsi  :  en  faisant  subir  à  l'inconnue 
une  suite  d'opérations  déterminées,  on  trouve  un  nombre 
connu;  trouver  l'inconnue.  La  traduction  en  langage  algé- 
brique de  ce  problème  est  l'équation  f(x)  —  a;  pour  trouver 
x  on  essaye  deux  nombres  a  et  p  et  l'on  calcule  /(a)  et 
f  ((3).  Si  l'une  de  ces  quantités  était  égale  à  a  le  problème 
serait  résolu,  mais,  le  plus  souvent,  ni  /"(a),  ni  f($)  ne 
sont  égaux  à  a  ;  alors  on  fait  la  supposition  suivante  en 
général  fausse  :  la  différence  f  (a)  —  f([3)  est  proportion- 
nelle à  a  —  p,  en  sorte  que 

A*)  —  Aa)_#  — a 


m) 

ou  bien 
a  —  f(ot)   x —  a 


■ft«)~~P-« 


=7 d'où#- 


-((3- a). 


■/» 


ïm~-n*)~? -«""""'     rw  "~7(»-A«)' 

Il  arrive  quelquefois  (dans  les  problèmes  choisis  tout  exprès), 
que  cette  méthode  donne  pour  x  une  valeur  exacte  ;  quand 
la  méthode  est  bien  dirigée,  elle  donne  le  plus  souvent  une 
valeur  approchée  de  x.  Pour  que  cela  ait  lieu,  il  faut,  autant 
que  possible,  que  a  et  [3  soient  déjà  des  valeurs  approchées 
de  l'inconnue  x;  l'application  de  la  méthode  de  fausse 
position  revient  à  procéder  comme  si  la  courbe  représentée 
par  y  =zf(x)  était  une  ligne  droite,  ou,  si  l'on  veut,  à 
remplacer  la  fonction  f(x)  par  une  fonction  interpolatrice 
du  premier  degré.  C'est  en  définitive  la  méthode  de  fausse 
position  que  l'on  applique  quand  on  calcule  log  (n  -+-  h), 
lorsque  h  étant  inférieur  à  1 ,  on  prend  log  n  et  log  (n  -+-  1) 
dans  les  tables,  et  quand  on  fait  usage  des  parties  propor- 
tionnelles. H.  L. 

FAUSSE  quinte  (V.  Harmonie). 

FAUSSE  relation  (V.  Harmonie). 

FAUSSE  sortie  (Art  milit.)  (V.  Sortie). 


—  61  — 


FAUSSERGUES  —  FAUST 


FAUSSERGUES.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi, 
cant.  de  Valence  ;  642  hab. 

FAUSSES  décrétales  (V.  Décrétales). 

FAUSSET  (Mus.).  Ce  terme  désigne,  en  musique,  la 
voix  de  tête,  qui  se  produit  quand  on  fait  vibrer  les  cordes 
supérieures  du  larynx,  qui  donnent  le  registre  de  tête  ou 
fausset,  tandis  que  la  vibration  des  cordes  inférieures 
donne  le  registre  de  poitrine  (V.  Voix). 

FAUST,  ou  Doctor  Johannes  Faustus,  est  un  nom 
légendaire  sous  lequel  se  sont  groupées  toutes  sortes  d'aven- 
tures merveilleuses  ou  bizarres,  attribuées  à  divers  doc- 
teurs du  moyen  âge  que  T'en  croyait  doués  de  facultés  sur- 
naturelles. Il  n'est  nullement  prouvé  qu'un  personnage  de 
ce  nom  ait  jamais  vécu.  Les  textes  les  plus  anciens  où  il 
est  fait  mention  de  lui  remontent  aux  premières  années  du 
xvie  siècle  ;  on  les  trouvera  réunis  dans  la  2e  éd.  refondue 
de  l' Histoire  de  la  poésie  allemande  de  Gœdeke  (Grund- 
risz  zur  Geschichte  der  deutschen  Dic£/m?i#,  II,  p.  562). 
Plus  tard,  on  essaya  de  constituer  à  Jean  Faust  une  bio- 
graphie avec  les  éléments  de  la  légende  plus  ou  moins 
simplifiée.  Il  était  né,  selon  les  uns,  à  Knittlingen  dans  le 
Wurtemberg,  selon  les  autres  à  Roda  près  de  Weimar.  Il 
était,  disait-on,  l'un  des  hommes  les  plus  savants  de  son 
temps,  mais  il  étudia  de  préférence  les  sciences  occultes,  et 
il  profita  surtout  de  son  savoir  pour  s'enrichir.  On  le  con- 
fondit quelquefois  avec  l'imprimeur  Fust  de  Mayence.  Quoi 
qu'il  en  soit  du  Faust  plus  ou  moins  historique,  la  tradi- 
tion légendaire  personnifia  en  lui  la  révolte  contre  la  doc- 
trine de  l'Eglise  et  contre  la  science  de  l'Ecole.  Tel  est 
l'esprit  du  livre  populaire  qui  parut,  en  1587,  chez  l'impri- 
meur Jean  Spies  de  Francfort-sur-le-Main  :  Historia  von 
D.  Johann  Fausten,  dem  weitbeschreyten  Zauberer 
und  Schioartzkûnstler,  etc.  L'auteur  inconnu  de  ce  livre 
nous  apprend  d'abord  qu'il  est  le  premier  à  faire  connaître 
en  entier  l'histoire  de  Faust,  que  cette  histoire  lui  a  été 
communiquée  par  un  ami  bien  informé,  et  qu'elle  est  certi- 
fiée par  des  personnes  qui  ont  encore  vu  et  connu  le  héros  ; 
il  ajoute  même  que  certains  renseignements  sont  pris  dans 
les  propres  écrits  de  Faust,  sans  se  douter  que  tous  ces 
témoignages  sur  lesquels  il  s'appuie,  loin  de  confirmer  son 
récit,  sont  plutôt  faits  pour  mettre  le  lecteur  en  défiance . 
Le  livre  raconte  ensuite  que  Faust  était  le  fils  d'un  honnête 
paysan  de  Roda,  qu'il  étudia  la  théologie  à  Wittenberg  et 
fut  reçu  docteur,  qu'ensuite  il  se  tourna  vers  la  médecine 
et  l'astrologie,  mais  qu'il  ne  vit  dans  la  science  qu'un  moyen 
de  satisfaire  une  vaine  curiosité  ou  des  passions  coupables. 
Ayant  dépensé  tout  son  avoir,  il  fit  un  pacte  avec  le  démon, 
qui  lui  associa  un  esprit  de  l'enfer,  Méphostophilès,  avec 
ordre  de  le  servir  pendant  vingt-quatre  ans  pour  prix  de 
son  âme.  Ce  terme  expiré,  Faust  invita  ses  amis  à  un  der- 
nier banquet  dans  un  village  de  la  Saxe  ;  à  minuit,  après 
que  les  convives  se  furent  retirés,  une  tempête  horrible  se 
déchaîna  sur  la  maison,  et  le  lendemain  on  trouva  les  murs 
de  la  chambre  tachés  de  sang  et  le  corps  de  Faust  étendu 
sur  un  fumier  dans  la  cour.  Le  nom  de  Méphostophilès, 
celui  qui  n'aime  pas  la  lumière,  est  assez  maladroite- 
ment formé  du  grec.  L'épisode  d'Hélène,  le  type  de  l'éter- 
nelle beauté,  évoquée  du  sein  des  ombres  et  rendue  à  la 
vie  pour  tromper  les  ardentes  convoitises  de  Faust,  est  une 
autre  réminiscence  classique  bizarrement  mêlée  à  la  tradi- 
tion chrétienne.  Hélène  donne  le  jour  à  un  fils,  Justus 
Faustus,  et,  le  jour  de  la  mort  de  Faust,  la  mère  et  le  fils 
s'évanouissent.  Le  livre  de  Spies  fut  souvent  réimprimé  au 
xvie  siècle  ;  il  a  été  reproduit  dans  les  temps  modernes  par 
A.  Kiïhne  (Das  œlteste  Faustbuch,  Wortgetreuer  Ab- 
druck  der  editio  princeps  des  Spies' schen  Faustbuches 
vom  Jahre  1587  ;  Zerbst,  1868).  Mais  déjà  ce  livre  ne 
suffisait  plus  à  la  curiosité  des  lecteurs  ;  Georg  Rudolff 
Widman  le  remania  et  l'amplifia  douze  ans  après.  Son  ou- 
vrage contient  trois  parties,  où  il  traite  longuement  des 
Histoires  véridiques  et  des  horribles  péchés  du  célèbre 
nécromancien  Docteur  Johannes  Faustus,  sans  oublier 
ses  disciples  Ghristophorus  Wagner  et  Jacobus  Scholtus 


(Hambourg,  1598-1599).  Widman  prétend  naturellement 
donner  la  version  authentique  de  l'histoire  que  Wagner, 
dit-il,  avait  mise  par  écrit  sur  l'ordre  de  son  maître. 

Un  siècle  se  passa  ;  Opitz  essaya  de  fonder  en  Allemagne 
une  littérature  nouvelle  à  l'imitation  de  la  France  ;  la 
gothique  histoire  de  Widman  parut  longue,  peut-être  fas- 
tidieuse à  des  lecteurs  pour  lesquels  on  traduisait  Corneille 
et  Racine.  Jean  Nicolas  Pfitzer  en  fit  un  abrégé:  Das 
cergerliche  Leben  und  schreckliche  Ende  desz  vielbe- 
rùchtigten  Ertz  Schwartzkûnstlers  Johannis  Fausti 
(Nuremberg,  1695).  Pfitzer  ne  prétend  modifier  en  rien  le 
fond  du  récit,  mais  l'intention  didactique  est  plus  apparente 
chez  lui  que  chez  ses  devanciers.  Son  édition  est  accompa- 
gnée de  dissertations  en  forme  sur  la  magie  et  les  sorti- 
lèges, et  il  présente  Faust  «  en  exemple  et  en  avertissement 
au  monde  pervers  ».  Au  moment  où  cette  nouvelle  rédac- 
tion parut,  la  légende  s'était  déjà  répandue  à  l'étranger. 
Elle  ne  paraît  pas  avoir  eu  beaucoup  d'écho  en  France  ; 
ce  n'est  qu'en  1 603  que  Palma  Cayet  publia  son  Histoire 
prodigieuse  et  lamentable  du  docteur  Fauste,  d'après 
Widman  (reproduite  dans  la  traduction  du  Faust  de  Gœthe, 
de  Gérard  de  Nerval  ;  Paris,  1868).  Mais  déjà  l'ancienne 
version  de  Spies  avait  provoqué  en  Angleterre  une  série 
d'imitations.  Dès  l'année  1588,  on  signale  une  ballade,  A 
Ballade  of  the  Life  and  Death  of  Doctor  Faustus.  Le 
récit  en  prose,  The  History  of  the  Damnable  Life  and 
Deserved  Death  of  Doctor  Johannes  Faustus,  est  sans 
date,  mais  c'est  sans  doute  cet  ouvrage  qui  servit  de  modèle 
au  drame  de  Marlowe,  Tragical  History  of  the  Life  and 
Death  of  Doctor  Faustus,  joué  en  1594,  mais  probable- 
ment composé  quelques  années  auparavant  (traduction  fran- 
çaise de  François-Victor  Hugo,  Paris,  1858;  traductions 
allemandes  de  Wilhem  Muller,  Berlin,  1818;  de  Adolf 
Bôttger,  Leipzig,  1 857  ;  de  Friedrich  Bodenstedt  dans  son 
ouvrage  sur  les  Contemporains  de  Shakespeare,  Berlin, 
1860,  et  de  Alfred  von  der  Velde,  Breslau,  1870).  L'œuvre 
de  Marlowe,  apportée  en  Allemagne'  par  les  comédiens 
anglais,  devint  à  son  tour  le  type  de  îa  pièce  de  marionnettes, 
qui,  à  partir  du  milieu  du  xvn9  siècle,  circula  dans  plu- 
sieurs versions  peu  différentes  entre  elles,  et  qui  a  été  souvent 
imprimée  dans  les  temps  modernes  (éditions  du  colonel  von 
Below,  Gœttingue,  1832  ;  de  K.  Simrock,  Francfort-sur- 
le-Main,1848;  de  W.  Hamm,  Leipzig, 4 850  ;  de  0.  Schade 
dans  les  Weimarer  Jahrbûcher,  \  856  ;  de  C.  Engel,  Olden- 
bourg, 1874;  de  A.  Bielschowsky,  Brieg,  1882;  de  R. 
Kralik  et  J.  Winter,  Vienne,  1885).  L'un  des  éditeurs, 
Karl  Simrock,  estime  que  la  pièce  de  marionnettes  est,  après 
le  poème  de  Gœthe,  l'ouvrage  le  plus  remarquable  qui  ait 
été  composé  sur  le  sujet.  En  tout  cas,  elle  a  pour  nous  le 
mérite  d'avoir  conservé  la  légende  sous  sa  forme  primitive 
et  débarrassée  des  longueurs  qui  obstruent  le  roman  en 
prose. 

Les  ouvrages  dont  il  a  été  question  jusqu'ici  ne  diffèrent 
que  par  la  forme  extérieure  ou  par  le  choix  des  détails  ; 
ils  s'accordent  sur  le  sens  de  la  légende  :  Faust  est  un 
révolté,  égaré  par  son  orgueil  dans  les  voies  de  l'erreur 
et  du  vice,  et  qui  expie  son  péché  dans  les  flammes  éter- 
nelles. Vers  le  milieu  du  xvme  siècle,  le  ton  change  :  ce 
siècle  n'était  pas  fait  pour  condamner  les  audaces  de  la 
pensée,  ni  pour  prendre  la  défense  des  autorités  mécon- 
nues. Ce  qui  autrefois  faisait  le  crime  de  Faust  fera 
désormais  sa  grandeur  ;  il  devient  le  représentant  de  la 
pensée  humaine  qui  poursuit  son  but  sans  se  lasser,  et  qui 
trouve  sa  noblesse  dans  l'effort  même.  Lessing  fut  le  pre- 
mier à  comprendre  le  parti  que  l'on  pouvait  tirer  .de  la 
légende  ainsi  renouvelée.  Une  imitation  de  l'ancienne  pièce 
de  marionnettes  qu'il  vit  jouer  à  Berlin  en  1753  lui  donna 
l'idée  de  mettre  le  sujet  au  théâtre,  et  ce  projet  ne  cessa  de 
l'occuper,  quoiqu'il  en  retardât  longtemps  l'exécution.  On 
trouve  dans  sa  correspondance,  à  la  date  du  27  sept. 
1767,  une  lettre  où  il  recommande  à  son  frère  de  lui  en- 
voyer la  Clef  de  Salomon,  un  livre  de  magie  dont  il  veut 
profiter,  dit-il,  pour  la  scène  du  pacte.  Lorsqu'en  1775  il 


FAUST  -  FAUSTINI 


—  62  — 


accompagna  le  duc  de  Brunswick  dans  un  voyage  en  Italie, 
il  confia  le  manuscrit  à  un  libraire,  qui  l'égara.  Il  reste 
de  l'ouvrage  un  prologue  et  quatre  scènes.  Le  drame,  dans 
son  ensemble,  ne  s'écartait  pas  de  la  légende  ;  mais  Les- 
sing  composa  plus  tard  un  autre  plan,  auquel  il  ne  put 
donner  suite,  et  qui  différait  du  premier  par  la  conclusion  : 
Faust  était  délivré,  par  les  anges,  des  mains  de  Satan.  C'est 
la  conclusion  à  laquelle  arrivera  aussi  un  poète  plus  jeune 
que  Lessîng,  et  qui  déjà  s'occupait  du  sujet  en  même  temps 
que  lui,  Gœthe.  Ce  qui  est  curieux  encore,  c'est  que  les 
deux  auteurs  puisèrent  d'abord  à  la  même  source.  «  La 
remarquable  pièce  de  marionnettes,  dit  Gœthe  dans  Vérité 
et  Poésie,  résonnait  et  bourdonnait  dans  ma  tête  sur  tous 
les  tons.  Comme  Faust,  j'avais  parcouru  tout  le  cercle  du 
savoir  humain,  et  j'en  avais  reconnu  de  bonne  heure  la 
vanité.  J'avais  pris  la  vie  par  tous  les  côtés,  et  j'étais  tou- 
jours revenu  de  mes  tentatives  plus  mécontent  et  plus 
tourmenté.  Ces  choses  et  beaucoup  d'autres  me  préoccu- 
paient sans  cesse,  et  j'en  faisais  mes  délices  dans  mes 
heures  solitaires,  sans  toutefois  rien  mettre  par  écrit.  » 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  parler  en  détail  de  la  composition 
du  poème  de  Gœthe,  ni  des  modifications  que  son  plan 
subit  dans  son  esprit.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  que  plus 
d'un  demi-siècle  s'écoula  entre  l'année  1774,  où  il  écrivit 
les  premières  scènes,  et  le  mois  de  janv.  1831,  où  il  scella 
le  manuscrit  du  second  Faust  ;  ce  fut,  à  vrai  dire,  l'œuvre 
de  sa  vie.  Gœthe  ne  se  borne  pas  à  sauver  Faust,  il  réha- 
bilite Méphistophélès  lui-même.  Faust  et  Méphistophélès, 
«  l'âme  qui  aspire  toujours  plus  haut  »  et  «  l'esprit  qui 
nie  sans  cesse  »,  sont,  pour  lui,  les  deux  éléments  indis- 
pensables de  toute  vie  humaine  et  les  deux  facteurs  néces- 
saires de  l'histoire.  Ce  qui  appartient  en  propre  à  Gœthe, 
et  ce  qui  rattache  le  plus  étroitement  son  poème  à  la  réa- 
lité, c'est  le  drame  de  Marguerite.  A  côté  de  Gœthe  ou 
après  lui,  quelques  écrivains,  romanciers  ou  dramaturges, 
se  contentèrent  de  répéter  la  vieille  légende  ;  les  princi- 
paux sont  le  peintre  Mùiler  (Faust' s  Leben  ;  Mannheim, 
111 8),  \i\mger  (Faust' s  Leben,  Thaten  und  Hœllenfahrt; 
Pétersbourg  et  Leipzig,  1791),  le  comte  de  Soden  (Doc- 
tor  Faust,  ein  Volksschauspiel  ;  Augsbourg,  1797), 
Schink  (Johann  Faust,  dramatische  Phantasie  nach 
einer  Sage  des  XVI.  Jahrhunderts  ;  Berlin,  1804)  et 
Klingemann  (Faust,  ein  Trauerspiet  ;  Leipzig,  1815). 
Lenau  seul,  dont  le  Faust  parut  en  1836,  renouvela  une 
dernière  fois  le  sujet.  De  même  que  Lessing  et  Gœthe 
s'étaient  faits  les  interprètes  d'une  époque  ardente  à  la 
lutte  et  confiante  dans  la  victoire,  de  même  Lenau  person- 
nifia dans  son  héros  les  défaillances  du  romantisme  mou- 
rant, auxquelles  s'ajoutait  son  propre  désespoir.  Il  semble 
qu'il  y  ait  une  sorte  d'affinité  secrète  entre  le  sujet  de 
Faust  et  le  génie  allemand,  qui  s'y  est,  pour  ainsi  dire, 
incarné  à  toutes  les  phases  de  son  développement.  Un  cri- 
tique allemand  a  dit  :  «  Hamlet,  c'est  l'Allemagne  »  ;  il  serait 
plus  juste  de  dire  :  «  l'Allemagne,  c'est  Faust  ». 

Les  artistes,  peintres  ou  musiciens,  se  sont  occupés  de 
Faust  presque  autant  que  les  poètes.  Une  belle  eau-forte 
de  Rembrandt  montre  le  docteur  dans  son  cabinet  de  tra- 
vail, tenant  un  livre  de  magie  ouvert  devant  lui,  et  se  levant 
pour  regarder  le  signe  de  l'Esprit  qui  lui  apparaît  dans  une 
lumière.  Après  le  succès  universel  du  Faust  de  Gœthe, 
ce  fut  de  lui  surtout  que  l'on  s'inspira.  Pierre  de  Corné- 
lius, le  premier,  lui  emprunta  le  sujet  de  douze  gravures 
(1810)  ;  Eugène  Delacroix  publia,  en  1828,  dix-sept  litho- 
graphies pour  la  traduction  française  d'Albert  Stapfer  ;  Ary 
Scheffer,  dans  une  série  de  tableaux,  s'attacha  surtout  à  re- 
produire les  scènes  où  figure  Marguerite.  Parmi  les  œuvres 
musicales,  inspirées  par  le  poème  de  Gœthe,  il  faut  citer 
surtout  une  suite  de  compositions  de  Schumann,  la  Damna- 
tion de  Faust  de  Berlioz,  les  opéras  de  Spohr  et  de  Gounod 
et  une  ouverture  de  Richard  Wagner.         A.  Bossert. 

Bibl.  :  Dûntzer,  Die  Sage  von  Dr.  Johannes  Faust  ; 
Sttutgart,  1846.  —  Peter,  Die  Litteratur  der  Faustsage; 
Leipzig,  1857,  3°  éd.  —  Hauffe,  Die  Faustsage  und  der 
historische   Faust;    Luxembourg,  1862.   -    Creizenach, 


Versuch  einer  Geschichte  des  Volksschauspiels  von  Doc- 
tor  Faust  ;  Halle,  1878. 

FAUSTA  (V.  Cornelia  [Gens]). 

FAUSTA  (Flavia-Maxima),  impératrice  romaine  du 
ive  siècle,  morte  en  327  ap.  J.-C,  fille  de  Maximien  et 
seconde  femme  de  Constantin,  mère  de  Constant,  Constance 
et  Constantin  IL  Certains  auteurs  lui  attribuent  la  mort 
de  son  beau-fils  Crispus,  né  de  la  première  femme  de 
Constantin,  Minervina.  Elle  même  fut  ensuite,  à  l'instiga- 
tion de  l'impératrice  mère  Hélène,  étouifée  dans  un  bain. 

FAUSTIN.  A  la  mort  de  Libère  (366),  il  était  prêtre  en 
l'Eglise  de  Rome,  prit  parti  pour  Ursicinus  contre  Damase 
et  fut  exilé  (V.  Damase  Ier).  Faustin  s'était  aussi  attaché 
au  parti  de  Lucifer,  évêque  de  Cagliari,  qui  s'était  séparé 
de  tous  les  évêques  qui  avaient  admis  à  la  communion  ou 
même  à  la  pénitence  ceux  de  leurs  collègues  qui  avaient 
pactisé  avec  l'arianisme.  Les  lucifériens  persécutés  char- 
gèrent Faustin  et  Marcellin  de  présenter  aux  empereurs 
Valentinien  et  Théodose  une  pétition  (Libellus  precum) 
demandant  protection.  Par  un  rescrit  adressé  au  préfet 
Cynégius,  Théodose  fit  droit  à  leur  plainte.  Outre  les  Libel- 
lus precum,  document  important  pour  l'histoire  de  l'élec- 
tion de  Damase  et  pour  celle  du  schisme  luciférien,  il  reste 
de  Faustin  un  traité  D#  Trinitateseu  de  fide  contra  aria- 
nos,  adressé  à  l'impératrice  Flacilla  (non  Galia  Placidia, 
comme  on  le  trouve  encore  dans  l'édition  de  Migne),  et  une 
confession  de  foi  dans  laquelle  l'auteur  se  défend  devant 
l'empereur  Théodose,  contre  ceux  qui  l'accusent  de  sabel- 
lianisme  (Fides  Theodosio  oblata).  Ces  ouvrages  ont  été 
réimprimés  dans  la  Patrologie  de  Migne,  t.  XIII.  E.-H.V. 

FAUSTIN,  empereur  haïtien  (V.  Haïti  et  Soulouque). 

FAUSTIN  Hélie,  jurisconsulte  français  (V.  Hélie). 

FAUST! NE.  Nom  de  deux  impératrices  romaines  du 
11e  siècle,  la  mère  et  la  fille:  4°  Annia  Galeria  Faus- 
tina,  distinguée  de  sa  fille  par  l'épithète  de  senior,  femme 
de  l'empereur  Antonin  le  Pieux,  morte  en  140.  Fille  de 
M.  Annius  Verus,  préfet  de  la  ville,  elle  épousa  Antonin 
vers  142  ou  115.  A  l'avènement  de  son  mari  au  trône,  elle 
reçut  du  Sénat  le  titre  à'Augusta.  Après  sa  mort,  on  lui 
décerna  les  honneurs  de  l'apothéose  impériale.  Un  temple, 
encore  debout,  lui  fut  élevé  au  Forum,  dans  lequel  son 
mari  fut  plus  tard  associé  à  son  culte.  Elle  donna  à  Anto- 
nin deux  fils  et  deux  filles.  V Histoire  Auguste  dit  qu'on 
parla  beaucoup  d'elle  à  cause  de  sa  grande  liberté,  et 
qu'Antonin  refoula  tous  ces  bruits  dans  son  âme,  non  sans 
en  souffrir.  —  2°  Annia  Faustina,  dite  junior,  fille  de 
la  précédente  et  d'Antonin,  morte  en  175.  Fiancée  d'abord 
par  Adrien  au  futur  empereur  L.  Verus,  elle  fut  mariée  par 
son  père  vers  145  à  son  cousin  et  frère  adoptif  Marc-Aurèle. 
VHistoire  Auguste  rend  le  pire  témoignage  de  ses  mœurs 
et  l'accuse  d'avoir  trempé  dans  la  conspiration  d'Avidius 
Cassius.  Elle  donna  à  Marc-Aurèle  onze  enfants,  dont  l'em- 
pereur Commode.  Appelée  de  son  vivant  Augusta  et  mater 
castrorum,  elle  devint  diva  après  sa  mort.  De  nombreuses 
médailles  et  des  bustes  ont  conservé  les  traits  des  deux 
Faustine.  G.  L.-G. 

Bibl.  :  E.  Renan,  Examen  de  quelques  faits  relatifs  à 
l'impératrice  Faustine,  femme  de  Marc-Aurèle,  dans  les 
Comptes  rendus  de  VAcad.  des  inscr.  et  b.-lettres,  1867. 
—  G.  Lacour-Gayet,  Antonin  le  Pieux  et  son  temps,  1888; 
ch.  xi  et  appendice  À. 

FAUSTIN!  (Modesto),  peintre  italien  contemporain,  né 
à  Brescia  en  4859.  Resté  orphelin  en  très  bas  âge,  il  fut 
placé  à  l'orphelinat  de  sa  ville  natale;  il  apprit  ensuite  le 
métier  de  charpentier  et  l'exerça  jusqu'à  vingt  ans. 
M.  Dallola,  nommé  directeur  de  l'orphelinat,  devina  la 
vocation  deFaustini  et  lui  fit  apprendre  le  dessin.  En  1861, 
celui-ci  entra  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Milan  et, 
en  1869,  une  bourse  d'études  qu'il  obtint  au  concours  lui 
permit  d'aller  compléter  ses  études  à  Rome.  Les  principales 
œuvres  de  M.  Faustini  sont  :  Une  Conjuration  au 
xvne  siècle  (exposée  à  Florence  en  1867)  ;  Saint  Fran- 
çois d'Assise,  miracle  des  roses  (Rome,  1875);  Arres- 
tation de  Luisa  SanFelice(i87§),  le  chef-d'œuvre  de 


—  63  - 


FAUSTINI  —  FAUTE 


l'artiste,  où  se  retrouvent  toutes  les  qualités  de  l'école 
italienne  moderne,  composition  habile,  touche  spirituelle 
et  adroite  au  dernier  point,  coloris  chatoyant.  Citons 
encore,  avec  les  mêmes  éloges,  Janghen  Var,  sujet  inspiré 
par  le  Constantinopoli  de  M.  de  Amicis.  Ad.  T. 

FÂUSTLE  (Johann  von),  homme  politique  bavarois,  né 
à  Augsbourg  le  28  déc.  4828,  mort  à  Munich  le- 18  avr. 
1887. 11  fit  sa  carrière  dans  la  magistrature,  devint  ministre 
de  la  justice  en  1871,  membre  du  conseil  fédéral  en  1872 
et  conserva  ces  fonctions  jusqu'à  sa  mort. 

FAUSTULUS.  Nom  du  berger  qui,  dans  les  antiques 
légendes  du  Latium,  recueille  les  frères  jumeaux,  Romulus 
et  Remus,  allaités  par  la  louve,  et  qui  pourvoit  à  leur  édu- 
cation. Sa  femme  s'appelait  Acca  Larentia  (V.  ce  nom)  ; 
ayant  précisément  mis  au  monde  un  enfant  mort,  elle 
devient  leur  nourrice.  L'un  et  l'autre  étaient  au  service 
d'Amulius,  roi  d'Albe  la  Longue.  Les  érudits  grecs  qui 
s'emparèrent  pour  les  altérer  des  vieilles  traditions  du 
peuple  romain,  firent  de  Faustulus  un  Arcadien,  venu  dans 
le  Latium  avec  Evandre  ;  ils  le  mêlèrent  à  la  lutte  qui 
s'éleva  plus  tard  entre  les  deux  frères  et  racontèrent  qu'il 
y  trouva  la  mort  :  on  montrait  son  tombeau  sur  le  Forum. 
Le  nom  de  Faustulus  se  rattache  au  même  radical  que 
celui  de  Faunus;  les  deux  personnages  ne  faisaient  sans 
doute  qu'un  dans  la  fable  primitive.  Aux  temps  historiques, 
la  cabane  où  il  recueillit  les  fondateurs  de  Rome  existait 
encore  à  l'angle  S.-O.  du  Palatin.  Diverses  œuvres  d'art 
ont  perpétué  le  souvenir  des  faits  auxquels  Faustulus  était 
mêlé  ;  la  plus  complète  est  un  bas-relief  provenant  d'un 
autel  de  Casale.  J.-A.  H. 

FAUST  US  le  Semipélâgien,  abbé  de  Lérins,  puis  évêque 
de  Riez  (Régi,  Reghium)  en  Provence,  né  en  Bretagne, 
mort  vers  490.  Ce  prélat,  de  mœurs  austères,  très  versé 
dans  les  Ecritures,  renommé  pour  sa  piété  et  la  sagesse  de 
son  administration,  est  l'un  des  représentants  les  plus  émi- 
nents  du  semipélagianisme.  Il  adhéra,  avec  le  groupe  des 
Massiliens,  Vincent  de  Lérins,  Gennadius  et  Arnobe  le 
Jeune,  à  la  réaction  organisée  dans  un  couvent  de  Mar- 
seille par  le  moine  Cassien,  à  la  fois  contre  la  doctrine 
pélagienne  de  l'indépendance  de  la  volonté  humaine  et 
contre  la  théorie  augustinienne  de  la  prédestination,  La 
doctrine  semipélagienne ,  suivant  laquelle  la  liberté  de 
l'homme  et  la  grâce  divine  s'unissent  pour  collaborer  à  des 
fins  communes,  fut  exposée  par  Faustus  au  synode  d'Arles 
(47  o)  qui  la  sanctionna.  Cet  exposé  fut  l'origine  de  l'ou- 
vrage capital  de  Faustus  (De  gratia  Dei  et  humanœ 
mentis  arbitrio),  qui  fut  condamné,  en  520,  par  un  synode 
d'évêques  réunis  en  Sardaigne.  Faustus  avait  écrit  en  outre 
un  grand  nombre  de  traités  portant  sur  des  questions  de 
dogme  et  de  discipline,  des  sermons,  des  homélies.  Ses 
œuvres  se  trouvent  dans  la  Bibl.  Patr.  magn.  (V,  m,  500 
et  suiv.).  Les  Sermons  ont  été  publiés  par  les  PP.  Mar- 
tenne  et  Durand  (Paris,  1733,  t.  IX).      Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  Sidoine  Apollinaire,  Epist.,  IX,  3  et  9.  —  Gen- 
nadius, De  Viris  illustribus,  LXXXV.  —  Ceillier,  Hist.- 
des  auteurs  sacrés  et  ecclés.,  XV,  p.  157  et  suiv.  —  Simon 
Bartel,  Apol.  de  Fauste,  à  la  fin  de  YHistoire  chronolo- 
gique des  évêques  de  Riez. 

FAUTE.  I.  Droit  romain.  —  La  faute,  culpa,  est  un 
acte  ou  une  omission  contraire  au  droit  d'autrui,  mais  qui 
ne  suppose  pas  chez  son  auteur  l'intention  de  tirer  parti  du 
préjudice  qu'elle  cause.  En  cela,  elle  se  distingue  du  dol 
(V.  ce  mot).  Mais,  si  elle  est  moins  grave,  elle  ne  peut  rester 
impunie  :  le  préjudice  qu'elle  a  occasionné  doit  être  réparé. 
Le  droit  romain  s'est  trouvé  conduit  à  distinguer  à  ce  sujet 
deux  ordres  d'hypothèses  où  le  mode  de  réparation  et  le  mode 
d'appréciation  de  la  responsabilité  de  l'auteur  sont  diffé- 
rents. Il  peut  se  faire  qu'entre  la  personne  coupable  de 
faute  et  la  personne  lésée  il  n'y  ait  eu,  avant  la  faute, 
aucun  lien  de  droit.  C'est  la  faute  qui  va  alors  créer  ce 
lien  et  donner  naissance  à  une  obligation  délictuelle  sanc- 
tionnée par  une  obligation  ex  delicto  spéciale  (action  de 
la  loi  Aquilia,  De  effusis,  De  posiiis)  ou  à  l'action  in 
factum  generalis  destinée  à  suppléer  aux  lacunes  de 


l'action  legis  Aquilice.  Ici,  d'ailleurs,  il  n'y  a  pas  à  con- 
sidérer le  plus  ou  moins  de  gravité  de  la  faute.  Toute 
faute,  aussi  légère  qu'elle  soit,  oblige  la  personne  qui  l'a 
commise.  Mais  il  n'en  est  ainsi  que  des  fautes  qui  dérivent 
d'un  fait  actif,  culpa  in  commitendo.  La  faute  par 
omission,  culpa  in  omittendo,  ne  peut  être  imputable  à 
quelqu'un  qui,  n'étant  pas  obligé,  ne  s'est  pas  engagé  à 
faire  quelque  chose  au  profit  d'autrui.  Tout  autres  sont  les 
principes  lorsque  l'auteur  de  la  faute  était  déjà,  avant 
cette  faute,  tenu  d'une  obligation  envers  la  personne  à  qui 
la  faute  a  occasionné  un  préjudice,  et  lorsque  cette  faute 
constitue  précisément  un  manquement  à  cette  obligation. 
La  faute,  appelée  ici  faute  contractuelle,  consiste  à  faire  ce 
qu'on  ne  devait  pas  faire  ou  à  omettre  ce  qu'on  devait 
faire.  Aussi  ne  distingue-t-on  pas  la  culpa  in  commit- 
tendo  et  la  culpa  in  ommitendo.  L'une  comme  l'autre 
est  imputable  au  débiteur.  Toutefois,  il  est  des  obligations 
dont  l'objet  est  tel  qu'il  n'y  peut  être  question  de  faute. 
Ce  sont  celles  qui  ont  pour  objet  une  somme  d'argent  ou 
toute  autre  quantité  de  choses  déterminées  seulement  par 
leur  genre.  Ici,  en  effet,  la  seule  faute  que  puisse  commettre 
le  deb'teur  consiste  à  ne  pas  exécuter  son  obligation  au 
temps  convenu.  Or  ce  retard,  mora,  est  considéré  par  le 
droit  romain  comme  un  genre  de  faute  à  part,  régi  par  des 
règles  propres.  Il  faut  donc  envisager  une  obligation  ayant 
pour  objet,  soit  une  dation  de  corps  certain,  soit  un 
simple  fait  d'action  ou  d'abstention.  Ainsi  limitée  dans  son 
application,  la  théorie  des  fautes  contractuelles  a  trait  soit 
aux  obligations  résultant  d'un  contrat  de  bonne  foi  ou  en 
général  d'un  negotium  bonœ  fidei,  soit  aux  obligations 
résultant  d'un  contrat  stricti  juris.  Lorsqu'il  s'agit  d'une 
obligation  de  bonne  foi,  comme  la  responsabilité  du  débi- 
teur est  appréciée  ex  œquo  et  bono,  la  question  de  savoir 
s'il  y  a  faute  n'est  pas,  semble-t-il,  susceptible  de  recevoir 
une  solution  générale.  Tout  dépend,  en  effet,  des  circons- 
tances et  de  l'appréciation  du  juge.  Néanmoins,  de  l'en- 
semble des  décisions  d'espèce  ont  fini  par  se  dégager 
quelques  principes  d'une  portée  générale  : 

1°  On  distingue  deux  degrés  dans  la  faute:  la  faute  lourde, 
culpa  lata,  celle  qui  suppose  une  négligence  tellement  gros- 
sière qu'on  l'assimile  au  dol,  magna  culpa  do  lus  est,  et  la 
faute  ordinaire,  culpa,  ou  faute  légère,  culpa  levis,  qui  con- 
siste à  ne  pas  apporter  à  l'accomplissement  de  l'obligation  la 
diligentia  exigée  d'un  bon  père  de  famille  (V.  Bon  père 
de  famille,  Custodia,  Diligentia)  :  eam  diligentiam... 
quam  debent  homines  frugi  et  diligentes  prœstare. 
2°  L'étendue  de  la  responsabilité  du  débiteur  est  calculée 
en  raison  de  l'avantage  qu'il  retire  du  contrat.  Il  n'est 
tenu  que  de  la  culpa  lata,  lorsqu'il  ne  retire  du  contrat 
aucun  avantage,  comme  c'est  le  cas  pour  le  dépositaire. 
Mais  il  y  a  exception  pour  les  mandataires,  tuteurs,  cura- 
teurs, tenus  plus  sévèrement  et  responsables  de  la  culpa 
levis.  Dans  les  contrats,  et  ce  sont  les  plus  nombreux,  où 
le  débiteur  retire  un  avantage  de  l'opération,  il  est  tenu 
de  sa  faute  légère,  culpa  levis.  Toutefois,  il  en  est  où, 
pour  apprécier  s'il  y  a  faute,  le  juge  ne  doit  pas  se  référer 
à  la  diligentia  du  bon  père  de  famille,  mais  simplement 
examiner  si  le  débiteur  s'est  comporté  comme  il  en  a  l'ha- 
bitude dans  la  gestion  de  ses  propres  affaires.  C'est  se 
montrer  moins  sévère.  Car  le  bon  père  de  famille  est  le 
type  idéal  du  bon  administrateur,  et  le  juge  sera  naturelle- 
ment tenté  de  s'en  faire  un  portrait  trop  flatté.  Les  cas  où 
le  débiteur  ne  répond  que  des  fautes  qu'il  n'eût  pas  com- 
mises dans  l'administration  de  ses  affaires  sont  en  général 
ceux  où  tout  en  faisant  l'affaire  d'autrui,  le  débiteur  fait 
la  sienne  propre,  par  exemple  en  cas  de  société  ou  d'indi- 
vision. 

La  théorie  des  fautes  n'a  d'application  dans  les  con- 
trats de  droit  strict  que  lorsqu'il  s'agit  d'une  stipulation 
de  faire  où  le  débiteur  est  tenu  alors  de  sa  culpa  levis,  et 
lorsqu'il  s'agit  de  la  stipulation  de  donner  un  corps  certain, 
où  la  responsabilité  du  débiteur  se  mesure  exactement  sur 
ce  qu'il  a  promis  de  donner  et,  par  conséquent,  ne  com^ 


FAUTE 


—  64  — 


prend  pas  les  omissions  ou  négligences  qu'il  a  pu  com- 
mettre dans  la  garde  de  la  chose. 

Telle  est,  exposée  dans  ses  grandes  lignes,  cette  théorie 
des  fautes  dégagée  de  toutes  les  controverses  qui  l'obscur- 
cissaient autrefois  et  qui  sont  aujourd'hui  abandonnées. 
Deux  observations  la  complètent.  Un  pacte  adjoint  au  con- 
trat pouvait  modifier  les  règles  du  droit  commun,  sup- 
primer, diminuer,  augmenter  la  responsabilité  du  débiteur 
en  matière  de  culpa  levis.  Comme  les  agissements  du 
débiteur  peuvent  constituer  à  la  fois  une  faute  et  un  délit 
tombant  sous  le  coup  de  la  loi  Aquilia,  le  créancier  a  le 
choix  entre  l'action  du  contrat  et  Yactio  legis  Aquiliœ 
pour  obtenir  indemnité.  G.  May. 

II.  Ancien  droit.  —  Les  anciens  jurisconsultes  avaient 
fondé  sur  les  textes  du  droit  romain  une  théorie  qu'ils 
avaient  présentée  comme  ayant  été  celle  de  cette  législation 
et  qui  a  eu  cours  dans  notre  jurisprudence  pendant  plu- 
sieurs siècles  ;  elle  était  encore  suivie  lors  de  la  promul- 
gation du  code.  Distinguant  trois  degrés  de  faute,  la  faute 
lourde,  la  faute  légère  et  la  faute  très  légère,  ils  avaient 
posé  des  règles  pour  déterminer  dans  quels  contrats  et 
quasi-contrats  on  devait  être  responsable  de  chacune  de 
ces  sortes  de  fautes.  Le  contrat  n'intervenait-il  que  dans 
l'intérêt  du  créancier,  comme  le  dépôt,  le  débiteur  n'était 
tenu  que  de  la  faute  lourde.  Le  contrat  intéressait-il  à  la 
fois  le  créancier  et  le  débiteur,  ce  dernier  était  tenu  de  la 
faute  légère;  il  en  était  ainsi  du  vendeur  qui  n'a  pas 
encore  fait  la  tradition,  du  créancier  qui  reçoit  un  gage, 
du  locataire  qui  détient  la  chose  louée.  Enfin,  si  le  contrat 
ne  concernait  que  l'utilité  du  débiteur,  celui-ci  était  tenu 
de  la  faute  très  légère  ;  tel  était  l'emprunteur  dans  le  prêt 
à  usage.  Cette  doctrine  que  jamais  le  droit  romain  n'avait 
connue,  avait  été  celle  de  la  plupart  des  romanistes  an- 
ciens, Accurse,  Alciat,  Cujas,  Duaren,  Avezan,  Vinnius, 
Heineccius,  Antoine  Favre;  Pothier  l'avait  également 
suivie.  Mais  déjà,  dans  l'ancien  droit,  elle  avait  été  vive- 
ment attaquée.  Jacques  Godefroy  avait  admis  une  division 
tripartite  des  fautes,  mais  il  les  avait  distinguées  autre- 
ment. Don  eau  et  Thomasius  avaient  entrepris  de  prouver 
que  l'on  ne  devait  reconnaître  que  deux  degrés  de  fautes. 
Un  avocat  du  parlement  de  Paris,  Le  Brun,  qu'il  ne  faut 
pas  confondre  avec  l'auteur  du  Traité  des  successions^ 
repoussant  la  division  tripartite  des  fautes,  soutint  aussi 
qu'il  n'y  avait  que  deux  espèces  de  diligence,  Tune  se  me- 
surant sur  celle  qu'un  homme  attentif  à  ses  affaires  a  cou- 
tume d'y  apporter,  l'autre  sur  celle  que  le  débiteur  apporte 
à  ses  propres  affaires.  Le  débiteur,  dans  ce  système,  était 
obligé  à  la  première  espèce  de  diligence,  lorsque  la  chose 
qui  fait  l'objet  du  contrat  appartenait  entièrement  ou  était 
due  entièrement  à  celui  à  qui  le  débiteur  est  tenu  de  la 
rendre  ou  de  la  donner  ;  tels  étaient  l'emprunteur,  le  loca- 
taire, le  mandataire.  Au  contraire,  lorsque  les  choses  qui 
font  l'objet  du  contrat  appartiennent  en  commun  aux  par- 
ties, celles-ci  ne  seraient  tenues,  les  unes  à  l'égard  des 
autres,  que  de  la  seconde  espèce  de  diligence  -;  c'est  ce  qui 
aurait  lieu  entre  associés  et  co-partageants.  C'est  cette 
division  bipartite  qui  a  été  reprise  plus  tard  par  Hasse, 
professeur  à  Kœnigsberg. 

III,  Droit  actuel.  —  On  a  traité  au  mot  Délit  de  la 
faute  délictuelle,  c.-à-d.  de  celle  qui  ne  suppose,  avant  le 
moment  où  elle  est  commise,  aucun  lien  de  droit  entre  la 
personne  coupable  de  faute  et  la  personne  lésée.  Il  ne  sera 
donc  question  ici  que  de  la  faute  contractuelle.  Elle  consiste 
dans  un  défaut  de  soin  et  de  prévoyance,  qui  est  le  fait  du 
débiteur  et  dont  il  y  a  lieu  de  le  rendre  responsable  vis-à- 
vis  du  créancier.  Elle  se  distingue  du  dol,  qui  suppose  l'in- 
tention de  nuire  au  créancier,  et  du  cas  fortuit,  qui  est  un 
fait  non  imputable  au  débiteur  (V.  Dol  et  Cas  fortuit). 
La  faute  contractuelle  est  visée  par  l'art.  1437  du  C.  civ. 
d'après  lequel  l'obligation  de  veiller  à  la  conservation  d'une 
chose  jusqu'à  la  livraison  soumet  celui  qui  en  est  chargé 
à  y  apporter  tous  les  soins  d'un  bon  père  de  famille.  Ces 
expressions,  qui  ont  un  sens  traditionnel,  désignent   la 


diligence  qu'un  homme  attentif  et  soigneux  apporte  com- 
munément à  l'administration  de  ses  affaires.  On  s'accorde  à 
reconnaître  que  cet  article  contient  une  règle  générale  sur 
la  prestation  des  fautes,  applicable  à  toutes  les  obligations 
qui  dérivent  des  contrats,  qu'elles  aient  pour  objet  de  faire 
ou  de  ne  pas  faire,  ainsi  qu'aux  obligations  ayant  leur 
source  dans  des  quasi-contrats.  La  loi  le  dit  expressément 
pour  la  gestion  d'affaires  dans  l'art.  4374.  On  applique 
donc  la  règle  non  seulement  dans  les  hypothèses  pour  les- 
quelles elle  a  été  rappelée  explicitement  ou  implicitement 
par  la  loi,  mais  aussi  dans  toutes  celles  où  elle  ne  se 
trouve  pas  modifiée  par  une  disposition  exceptionnelle. 
C'est  ainsi  qu'on  étend  l'art.  804  à  l'associé  qui  gère, 
sans  mandat  spécial  et  exprès,  les  affaires  sociales,  et  à 
l'héritier  qui  administre  une  succession  indivise. 

Le  degré  de  responsabilité  du  débiteur  est  fixé  dans 
l'art.  1137  par  une  règle  unique  ;  le  débiteur  n'est  tenu 
que  des  fautes  que  ne  commettrait  pas  un  bon  père  de 
famille,  soit  que  la  convention  n'ait  pour  objet  que  l'uti- 
lité de  l'une  des  parties,  soit  qu'elle  ait  pour  objet  leur 
utilité  commune.  Le  second  alinéa  ajoute  seulement  que 
cette  obligation  est  plus  ou  moins  étendue  relativement  à 
certains  contrats.  En  principe,  le  débiteur  est  donc  tenu 
de  ce  qu'on  appelait  autrefois  la  culpa  levis  in  abstracto, 
et  il  semble  bien  que  l'on  ait  voulu  rejeter  par  là  les 
anciennes  distinctions  des  interprètes  et  notamment  la  divi- 
sion tripartite  des  fautes.  C'est  ce  qui  résulte  d'ailleurs  des 
travaux  préparatoires  (Locré,  XII,  pp.  326  et  431).  Les 
auteurs  ne  sont  cependant  pas  d'accord  sur  le  sens  du  code. 
Les  uns,  comme  Toullier,  ont  admis  que  le  code  avait 
bien  abrogé  la  théorie  ancienne,  mais  que  le  débiteur  est 
aujourd'hui  tenu  de  toute  faute,  même  de  la  faute  très 
légère  ;  c'est  faire  une  fausse  application  aux  contrats  et 
aux  quasi-contrats  des  art.  \  382  et  1 383  qui  ne  concer- 
nent que  les  délits  et  quasi-délits.  D'autres,  comme  Prou- 
dhon  et  Duranton,  ont  soutenu,  en  se  fondant  sur  le  second 
alinéa  de  l'art.  1137,  que  la  division  tripartite  des  fautes 
avait  été  maintenue.  Quelques-uns  ne  distinguent  que  la 
faute  grave  appréciée  in  concrète-,  et  la  faute  légère 
appréciée  in  abstracto.  Enfin  la  majorité  des  auteurs  re- 
pousse aujourd'hui  avec  raison  ces  divers  systèmes,  mais 
il  existe  entre  eux  quelques  divergences.  On  doit  dire, 
croyons-nous,  que  l'art.  M  37  établit  un  niveau  moyen  de 
responsabilité  qui  constitue  la  règle,  puis  il  ajoute,  à  titre 
d'exception,  que  l'obligation  du  débiteur  pourra  être  plus 
ou  moins  étendue  pour  certains  contrats  dont  le  code  par- 
lera plus  loin.  Les  mots  plus  ou  moins  étendue  veulent 
dire  que  la  responsabilité  du  débiteur  pourra  avoir  des 
degrés,  mais  non  que  son  obligation  pourra  être  plus 
étendue  que  celle  d'un  bon  père  de  famille  ;  les  exceptions 
annoncées  au  second  alinéa  ne  peuvent  avoir  pour  objet 
que  de  tempérer  la  rigueur  de  la  règle  posée  dans  le  pre- 
mier. On  peut  dire,  il  est  vrai,  que  l'art.  1882  aggrave, 
dans  le  cas  qu'il  prévoit,  la  situation  faite  au  débiteur  par 
l'art.  1137,  mais  nous  ne  croyons  pas  qu'il  décide  sur  une 
question  de  faute  ;  il  impose  plutôt  à  l'emprunteur  une  obli- 
gation spéciale  dont  l'exécution  meta  sa  charge  le  cas  fortuit. 
Les  cas  où  la  responsabilité  est  moins  rigoureuse  sont  ceux 
de  mandat  gratuit  (art.  1992)  et  de  dépôt  (art.  1927). 
D'après  cet  article,  le  dépositaire  doit  apporter,  dans  la 
garde  de  la  chose  déposée,  les  mêmes  soins  qu'il  apporte 
dans  la  garde  des  choses  qui  lui  appartiennent.  Quant  à 
Fart.  1928,  il  ne  fait  que  revenir  à  l'art.  1137  sans 
excéder  sa  rigueur.  L'art.  1374,  al.  2,  permet  aussi  au 
juge,  d'après  les  circonstances  qui  ont  conduit  un  gérant 
à  se  charger  de  l'affaire,  de  modérer  les  dommages  et 
intérêts  qui  résulteraient  de  ses  fautes  ou  de  sa  négligence. 
Le  débiteur  qui  n'a  pas  complètement  rempli  son  engage- 
ment peut  prouver  que  l'inexécution  provient  d'un  cas 
fortuit  ou  de  force  majeure.  C'est  ce  que  prévoit  l'art.  1733 
pour  l'hypothèse  où  le  feu  a  pris  chez  un  locataire  ;  il  en 
est  de  même  des  voituriers  (art.  1784)  et  des  aubergistes 
(art.  1954).  Au  contraire,  celui  qui  veut  obtenir  desdom- 


mages  et  intérêts  en  invoquant  une  faute  délictuelle  et  non 
plus  en  se  prévalant  d'un  contrat,  doit  faire  la  preuve  de 
la  faute. 

Le  capitaine,  lié  par  une  sorte  de  contrat  de  mandat 
envers  le  propriétaire  ou  l'armateur  du  navire,  est  respon- 
sable aussi  de  ses  fautes  d'après  la  règle  générale  de 
l'art.  1137  du  C.  civ.  L'art.  221  du  C.  de  corn,  ne  fait 
que  l'appliquer  quand  il  dit  :  «  Tout  capitaine,  maître  ou 
patron,  chargé  de  la  conduite  d'un  navire  ou  autre  bâtiment, 
est  garant  de  ses  fautes,  même  légères,  dans  l'exercice  de 
ses  fonctions.  »  C'est  la  même  règle  que  pour  le  mandat 
(C.  civ.,  art.  1992,  1er  al.).  Le  capitaine  est  responsable 
aussi  envers  les  affréteurs  en  vertu  de  l'art.  222.  Confor- 
mément au  droit  commun,  le  capitaine,  s'il  prétend  qu'il 
n'y  a  pas  faute  de  sa  part,  aura  à  prouver  la  force  ma- 
jeure pour  se  décharger  de  sa  responsabilité  vis-à-vis  de 
ceux  envers  qui  il  est  tenu  par  un  contrat  ;  il  n'en  serait 
plus  de  même  si  on  invoquait  contre  lui,  non  plus  un  con- 
trat, mais  l'art.  1382  du  C.  civ.        G.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Droit  romain.  —  44,  pr.  Dig.;  Ad  leg.  Aquil.,  IX, 
2.—  1,  §  1,  Dig.,  Si  mens.,  XI,  6  ;  223  et  226  :  Dig.,  De  Verb. 
signif.,  L.  16.  —  11,  Dig.,  De  Peric.  etcom.,  XVIII,  6.  —  24, 
§  5,  Dig.,  Solut.  mat.,  XXIV,  3  ;  25,  §  16,  Dig.,  Fam.  herc, 
X,  2;  23,  Dig.,  De  Diu.reg.juï\,  L.  17;  5,  §2,  Dig.,  Commod., 
XIII,  6.  —  17,  §  2,  Dig.  De  Praesc,  verb.,  XIX,  5.-  137,  §§  2, 
3,  Dig.,  De  Verb.  obligat.,  XLV,  1.  —  Accarias,  Précis  de 
droit  romain;  Paris,  1886-1891,  t.  II,  n°  662,  2  vol.  in-8, 4e éd. 
—  Mainz,  Cours  de  droit  romain  ;  Bruxelles,  1876,  t.  II, 
§§  172, 173,  174,  3  vol.  in-8,  4a  éd.  —  Gaston  May,  Eléments 
de  droit  romain; ;  Paris,  1889-1890,  t.  II,  n°  362,  2  vol.  in-8, 

1^  éd. 

Ancien  droit.  —  Potiiier,  Traité  des  obligations, 
et  en  appendice  à  ce  traité  :  De  la  Prestation  des  fautes 
(Œuvres  de  Polhier,  éd.  Bugnet,  t.  11).  —  Le  Brun,  Essai 
sur  la  prestation  des  fautes  (ajouté  au  t.  II  de  Pothier,  éd. 
Bugnet).  —  Doneau,  Commentarium  juris  civilis,  liv.  XVI, 
ch.  vu  et  xiii.  —  Thomasius,  De  Usupractico  doctrinœ  de 
culparum  prsestatione  in  contractibus. 

Droit  actuel.  —  J.-C.  Hasse,  Die  Guipa  des  rômi- 
schen  Rechts;  Kiel,  1815.  — Blondeau,  Dissertation  (The- 
mis,  II,  pp.  349  à  374).  —  Alban  d'Hauthuille,  De  la  Pres- 
tation des  fautes,  dans  Rev.  de  lêgisl.  et  de  jurisprudence, 
II,  pp.  269  et  342.  —  Marcadé,  Explication  du  Code  civil, 
t.  IV,  pp.  433-435.  —  Demolombe,  Traité  des  contrats  ou 
des  obligations  conventionnelles,  1. 1,  pp.  382-395.—  Colmet 
de  Santerre,  Cours  analytique  de  CodeciviU  t.  V,  pp.  66- 
71.  —  Aubry  et  Rau,  Cours  de  Code  civil  français,  4e  éd., 
t.  IV,  §  308.  —  Laurent,  Principes  de  droit  civil,  t.  XVI, 
pp.  273-296.  —  Arntz,  Cours  de  droit  civil  français; 
Bruxelles,  1879,  2»  éd.,  t.  III,  p.  34.  —  Lyon-Caen  et  Re- 
nault, Précis  de  droit  commercial,  1884-85,  t.  II. 

FAUTEUIL.  Le  fauteuil  est  un  siège  à  dossier  et  à  bras 
qui  a  remplacé  les  chaires  (chaières)  du  moyen  âge  et  de  la 
Renaissance.  Dès  cette  époque,  le  faudesteuil  était  mobile 
et  il  se  prêtait  mieux  à  tous  les  déplacements  de  la  vie 
intérieure  que  la  chaire  condamnée  par  ses  dimensions  et 
par  sa  lourdeur  à  rester  fixée  au  même  endroit.  On  peut 
retrouver  son  origine  dans  la  chaise  curulequi,  après  avoir 
été  le  siège  distinctif  des  consuls  et  des  sénateurs  de  Rome, 
fut  adoptée  par  les  monarques  des  premiers  temps  du  moyen 
âge,  non  sans  avoir  subi  des  modifications  de  forme  et  de 
décoration.  Au  xive  siècle,  les  rois  de  France  possédaient 
des  faus  testeurs  ou  faldistoires  en  métal  enrichis  de 
pierres  précieuses  ou  en  bois  sculpté  et  revêtu  de  velours 
richement  décoré  d'armoiries  peintes  par  les  artistes  valets 
de  chambre  de  la  maison  royale.  Quelques-uns  de  ces  sièges 
étaient  disposés  à  charnières  qui  permettaient  de  les  plier 
en  deux  pour  les  transporter  plus  facilement  dans  les  voyages, 
comme  ceux  dont  on  se  sert  actuellement  dans  les  jardins 
et  sur  les  plages  des  bains  de  mer.  Cette  forme  de  pliant 
fut  pendant  longtemps  fabriquée  dans  la  Haute-Italie,  et  il 
nous  est  parvenu  des  fauteuils  en  bois  de  cèdre  incrustés 
de  marqueterie  d'os  et  de  métal  qui  sont  de  charmants 
spécimens  du  mobilier  connu  sous  le  nom  à'alla  certosina. 
D'autres  fauteuils  italiens  étaient  sculptés  dans  le  bois  et 
enrichis  de  dorures.  La  Renaissance  française  connut  sur- 
tout les  fauteuils  à  dossier  droit  et  revêtu  d'arabesques  et 
de  figures  entaillées  dans  le  bois.  Ce  ne  sont  à  proprement 
parler  que  des  chaises  caqueteuses  auxquelles  on  a  joint 
deux  bras  pour  servir  d'appui  ;  mais  la  sculpture  en  est 
généralement  traitée  avec  un  grand  soin. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   "XY1T. 


—  65  —  FAUTE  -  FAUTEUIL 

L'invasion  des  modes  hollandaises  en  France,  vers  la  fin 
du  xvie  siècle,  multiplia  le  nombre  de  ces  sièges  qui  étaient 


Faudesteuil  en  bronze,  xne  siècle. 

relativement  rares  pendant  la  Renaissance.  Les  fauteuils 
nouveaux  étaient  terminés  par  des  dossiers  peu  élevés 
s'élevant  à  angle  droit,  avec  des  bras  offrant  une  disposition 
rectiligne.  Ces  meubles,  qui  nous  paraissent  aujourd'hui 
d'un  usage  peu  confortable,  étaient  revêtus  de  cuir  repoussé 
et  doré  ou  de  tapisseries  au  point.  On  en  trouve  de  nom- 
breux spécimens  dans  les  recueils  de  gravures  d'Abraham 
Bosse,  si  curieuses  à  consulter  pour  connaître  la  société 
française  du  règne  de  Louis  XIII.  Ce  mobilier  un  peu  rudi- 
mentaire  ne  s'accordait  plus  avec  les  richesses  décoratives 
des  palais  de  Versailles  et  de  Marly.  Lebrun  et  les  dessina- 
teurs du  cabinet  du  roi  Louis  XIV  composèrent  alors  de 
larges  fauteuils  à  dossier  renversé,  à  bras  gracieusement 
recourbés  et  à  pieds  hardiment  sculptés,  qui  répondaient 
mieux  avec  leur  garniture  de  velours  et  de  lampas  au  luxe 
somptuaire  du  nouveau  règne.  Il  reste,  dans  les  palais 
nationaux  et  dans  les  magasins  du  mobilier  national, 
nombre  de  ces  sièges  qui  sont  des  chefs  -d'œuvre  de  goût, 
et  il  n'est  pas  rare  d'en  voir  certains  spécimens  atteindre  des 
prix  considérables  quand  ils  passent  en  vente  publique. 

La  somptuosité  inaugurée  par  Louis  XIV  lui  survécut 
jusqu'à  l'époque  de  la  Révolution.  Ce  sont  des  types  de 
goût  que  les  fauteuils  de  la  Régence  et  que  ceux  du  règne 
de  Louis  XV.  S'ils  sont  moins  majestueux  que  ceux  du 
xvne  siècle,  ils  présentent  une  grâce  de  formes  et  une 
légèreté  de  décoration  que  leurs  prédécesseurs  ne  connais- 
saient pas.  Mais  il  fallait  la  fantaisie  et  le  goût  fran- 
çais pour  dissimuler  ce  cjue  leurs  ornements  de  style  rocaille 
présentaient  de  chimérique  et  de  contraire  aux  vrais  prin- 
cipes de  l'art.  Partout  ailleurs,  en  Italie  aussi  bien  qu'en 
Allemagne,  rien  n'est  plus  incohérent  et  plus  lourd  que  les 
sièges  à  bras  du  xvme  siècle.  Il  faut  ajouter  que  les  manu- 
factures des  Gobelins  et  de  Beauvais  exécutaient  à  l'envi 
des  garnitures  de  sièges  représentant  des  scènes  pastorales, 
des  fables  et  des  bouquets  de  fleurs  qui  sont  des  merveilles 
de  fabrication.  Sous  Louis  XVI,  le  fauteuil  reprit  une  forme 
plus  rationnelle.  Les  cartouches  à  coquilles  et  à  enroule- 

5 


FAUTEUIL  —  FAUVELET 


66 


ments  furent  remplacés  par  un  dossier  à  médaillon  arrondi, 
surmonté  d'une  couronne  de  roses  et  relié  au  siège  par  deux 
bras  évasés  pour  donner  plus  d'espace  au  corps.  La  sculp- 
ture y  atteignit  les  dernières  limites  de  la  délicatesse  ;  ce  ne 
sont,  sur  tous  les  montants,  que  rais  de  cœur,  cordons  de 
perles,  feuilles  d'acanthe  et  pieds  cannelés,  avec  garni- 
tures de  bergers  et  de  bouquets  de  fleurs  tissées  en  basse- 
lisse.  Les  meilleurs  modèles  de  cette  époque  se  voient  dans 
la  suite  des  gravures  de  de  La  Londe. 

L'époque  révolutionnaire  ressuscita  les  fauteuils  et  les 
sièges  en  acajou  copiés  sur  les  bas-reliefs  antiques,  mais 
ce  fut  pour  peu  de  temps.  Percier  tenta  de  trouver  un  style 
réunissant  à  la  fois  les  ornements  de  la  Rome  ancienne 
avec  ceux  de  la  Renaissance.  Il  échoua  dans  son  entreprise 
qui  ne  produisit  que  des  créations  hybrides  où  les  sièges 
des  fauteuils  sont  soutenus  par  des  pilastres  à  gaines  ou 
par  des  cornes  d'abondance  s'entre-croisant.  D'autres  rap- 
pellent les  monuments  égyptiens,  mais  la  plupart  se  rap- 
prochent plus  ou  moins  de  la  chaise  curuie  à  pieds  droits. 
Si  lourd  que  fût  ce  mobilier,  il  s'épaissit  encore  sous  la 
Restauration,  en  perdant  les  qualités  de  bonne  exécution 
qu'il  conservait  encore,  grâce  à  la  présence  des  anciens 
menuisiers-ébénistes  qui  survivaient.  Eux  disparus,  le 
fauteuil  ne  présenta  plus  aucun  caractère  d'art  et  il  devint 
un  simple  travail  industriel.  Pendant  près  de  trente  ans  la 
mode  se  contenta  de  fauteuils  à  bras  terminés  en  spirales 
remplaçant  les  cols  de  cygne  ou  les  faisceaux  de  l'Empire, 
qui  atout  le  moins  montraient  une  préoccupation  artistique, 
bien  qu'elle  fût  mal  dirigée. 

Depuis  que  les  études  esthétiques  et  le  goût  de  l'art  se 
sont  réveilles  en  France,  on  a  reconnu  la  nécessité  de 
renouer  la  chaîne  avec  notre  ancienne  école,  qui  avait  été 
interrompue  pendant  plus  d'un  demi-siècle.  Les  critiques, 
les  dessinateurs,  les  fabricants  se  sont  occupés  à  la  fois  de 
toutes  les  époques  anciennes,  suivant  que  leur  tempérament 
ou  le  goût  de  leurs  clients  les  y  poussait.  Aux  uns  il  fallait 
le  fauteuil  Henri  II,  tandis  que  les  autres  préféraient  le 
siège  d'apparat  de  Louis  XIV,  ou  la  bergère  de  Louis  XV. 
Cette  confusion  de  style  que  l'on  constate  dans  toutes  les 
productions  de  l'ameublement  actuel  et  qui  lui  enlève  une 
partie  de  son  originalité,  n'a  pas  été  cependant  sans 
produire  de  bons  résultats.  Elle  a  appris  à  nos  fabricants 
à  retourner  aux  traditions  de  bonne  exécution  qu'ils 
avaient  perdues  ;  elle  leur  a  enseigné  en  outre  les  règles 
du  goût  qui  sont  si  longues  à  acquérir  et  si  difficiles  à 
conserver.  Il  suffit  parfois  d'un  détail  qui  passe  inaperçu 
dans  le  dessin  d'un  modèle,  pour  enlever  à  un  meuble  le 
caractère  d'harmonie  qui  lui  est  indispensable  pour  plaire. 
Les  fabricants  parisiens  ne  se  sont  pas  bornés  à  l'état  de 
simples  copistes  et  ils  composent  chaque  jour  des  fauteuils 
bien  construits  et  bien  travaillés. 

La  forme  des  fauteuils  est  variée  à  l'infini.  On  peut  dire 
que  chaque  pays  et  que  chaque  classe  d'individus  la  choisit 
à  sa  ressemblance.  Les  gravures  du  dernier  siècle  en  con- 
tiennent une  suite  très  variée.  Parmi  celles  que  l'on  emploie 
le  plus  souvent,  nous  citerons  :  le  fauteuil  à  la  Voltaire, 
le  fauteuil  américain  ou  anglais,  le  crapaud,  le  confortable 
ou  brougham,  le  fauteuil  gondole,  la  bergère,  le  fauteuil 
confessionnal,  le  fauteuil  confident,  le  fauteuil  mécanique,  le 
fauteuil  à  porter  et  le  fauteuil  roulant.  A.  de  Champeaux. 
Fauteuil  académique  (V.  Académie). 
Fauteuil-Lit  (Chem.  de  fer)  (V.  Coupé). 
FAUVEAU  (Mlle  Félicie  de),  sculpteur,  née  à  Florence, 
de  parents  français,  en  4803.  Au  Salon  de  4827,  elle 
exposa  deux  groupes  :  l'Abbé,  sujet  tiré  du  roman  de 
"Walter  Scott  ;  Christine  et  Monaldeschi.  Deux  bronzes 
exposés  en  4842,  Saint  Georges  et  le  Martyre  de  Sainte 
Dorothée  lui  valurent  une  première  médaille.  Légitimiste 
ardente,  Mlle  de  Fauveau  prit  une  part  active  à  l'insurrec- 
tion de  Vendée.  Saisie,  emprisonnée,  puis  acquittée,  elle 
ne  cessa  pas  pour  cela  de  conspirer.  Condamnée  par  contu- 
mace, elle  se  réfugia  en  Belgique,  puis,  traversant  la 
France  sous  un  déguisement,  elle  s'établit  à  Florence  en 


4835.  Là,  l'étude  des  maîtres  primitifs  devint  sa  pas- 
sion ;  elle  parvint  à  s'assimiler  quelques-unes  de  leurs 
qualités,  tout  en  exagérant  leurs  défauts.  Au  Salon  de  4842, 
elle  envoya  une  Judith,  représentée  sous  les  traits  de  la 
duchesse  de  Berry  ;  la  tête  d'Holopherne  rappelait  ceux 
du  roi  Louis-Philippe.  Parmi  les  nombreuses  œuvres  de 
MUe  de  Fauveau,  on  peut  citer  :  une  Sainte  Geneviève  en 
marbre  ;  un  monument  à  la  mémoire  de  Dante,  avec  un 
bas-relief  représentant  la  Mort  de  Françoise  de  Rimini. 
En  4852,  le  Combat  de  Jarnac.  En  4855,  un  Crucifix 
et  une  Fontaine.  En  4860,  Mlle  de  Fauveau  exécuta  à 
Florence  le  Mausolée  d'une  jeune  fille.  —  Dans  les 
figures  un  peu  fluettes,  sculptées  par  Mlle  de  Fauveau,  la 
science  est  insuffisante,  mais  elle  réussit  parfois  à  sauver 
la  faiblesse  de  la  forme  par  la  grâce  de  l'idée  et  l'esprit  de 
l'invention. 
Bibl.  :  V.  Gaz.  des  beaux-arts,  juin  1887. 

FAUVEL  (André-Joseph),  dit  l'Aîné,  violoniste  français, 
né  à  Bordeaux  en  4756.  Il  fut  le  maître  de  Rode  (V.  ce 
nom).  Fixé  à  Paris  depuis  4787,  Fauvel  y  vivait  encore  en 
4844,  retraité  de  sa  place  d'alto  à  l'orchestre  de  l'Opéra. 
Il  a  publié  sept  œuvres  de  duos,  trios,  quatuors  et  études 
pour  le  violon  et  a  laissé  en  manuscrit  de  nombreuses 
œuvres  instrumentales.  M.  Br. 

FAUVEL  (Sulpice-Antoine),  médecin  français,  né  à 
Paris  le  7  nov.  4843,  mort  à  Paris  le  5  nov.  4884.  In- 
terne des  hôpitaux  de  la  promotion  de  4835,  médaille 
d'argent  au  concours  des  internes,  docteur  en  médecine  en 
4840,  chef  de  clinique  de  la  Faculté  en  4842,  il  avait  été 
nommé  médecin  du  bureau  central  des  hôpitaux  en  4845. 
En  4847,  l'institution  des  médecins  sanitaires  venait  d'être 
définitivement  organisée,  Fauvel  fut  désigné  pour  le  poste 
de  Constaritinople.  Arrivé  à  la  fin  de  ladite  année,  il  con- 
serva ses  fonctions  jusqu'en  4868,  époque  à  laquelle  il  fut 
appelé  à  succéder  à  Métier  comme  inspecteur  général  des 
cordons  sanitaires.  Pendant  vingt  années,  Fauvel  a  étudié 
sur  place  les  grandes  épidémies  de  choléra  qui  ont  sévi  à 
Trébizonde,  à  Constantinople,  en  4848,  et  pendant  la 
guerre  de  Crimée,  en  4854.  On  reconnaît  qu'il  a  su 
déployer  assez  d'énergie  et  de  ténacité,  malgré  les  opposi- 
tions de  toute  nature,  pour  protester  contre  le  passage  des 
troupes  par  Varna  où  le  fléau  était  dans  toute  sa  force.  Il 
ne  déploya  pas  moins  de  courage  et  d'humanité  lors  des 
épidémies  de  typhus  de  4859  et  de  4863,  et  c'est  à  lui  que 
l'on  doit  l'organisation  de  la  conférence  internationale  de 
Constantinople  réunie  pour  la  première  fois  à  Constanti- 
nople le  43  févr.  4866.  Fauvel  avait  été  nommé  membre 
du  conseil  supérieur  de  santé  de  l'empire  ottoman  en  4  848 
et  professeur  de  pathologie  médicale  à  l'école  impériale  de 
médecine  de  Constantinople  en  4849.  Il  fut  l'un  des  fon- 
dateurs de  la  Société  de  médecine  et  de  la  Gazette  médicale 
d'Orient,  de  cette  ville.  Dès  son  retour  en  France,  Fauvel 
reprit  son  service  à  l'Hôtel-Dieu  ;  l'Académie  de  médecine 
l'appelait  dans  son  sein  en  4  867  et  il  était  vice-président  de 
la  compagnie  lorsque  la  mort  le  surprit.  Toutes  les  publica- 
tions et  rapports  de  ce  savant  épidémiologiste  se  trouvent 
insérés  dans  le  Recueil  du  Comité  consultatif  d' hygiène 
et  dans  le  Bulletin  de  l'Académie  de  médecine  de  1848 
à  1884.  Dr  A.  Bureau. 

FAUVELET  (Jean-Baptiste),  peintre  français  contempo- 
rain, né  à  Bordeaux  en  4849.  Elève  de  Delacour,  il  vint 
jeune  à  Paris  et  se  fit  remarquer  dès  son  début  au  Salon 
de  4845  avec  un  Jeune  Homme  lisant,  et,  en  4848,  avec 
son  tableau  Nonchalance.  L'œuvre  de  M.  Fauvelet,  com- 
posé presque  exclusivement  de  scènes  de  genre,  peintes  en 
très  petites  dimensions,  montre  un  fini  précieux  dans  les 
figures,  mais  sans  sécheresse,  sans  dureté  ;  la  couleur  en 
est  fine,  souple,  harmonieuse.  Ses  sujets  sont  du  genre 
gracieux,  galant,  féminin.  On  peut  citer  comme  ses  meil- 
leures toiles  :  Un  Ciseleur  (S.  4850,  mus.  du  Luxem- 
bourg); les  Jeunes  Mères;  Deux  Musiciens  (S.  4855, 
appartient  à  l'Etat)  ;  l'Amateur  (S.  4857)  ;  la  Partie  de 
piquet  (S.  4862)  ;  les  Plaideurs  (S.  4864,  mus.  de  Mar» 


seille)  ;  la  Lecture  interrompue  (S.  4867).  Depuis  1870, 
M.  Fauvelet  a  cessé  d'exposer.  Ad.  T. 

FAUVELET  de  Bourrienne  (V.  Bourrienne). 

FAUVELET  du  Toc  (Antoine),  historien  français  du 
xviie  siècle.  Il  était  secrétaire  des  finances  de  Monsieur, 
frère  de  Louis  XIV.  Il  a  écrit  Y  Histoire  des  secrétaires 
d'Etat,  contenant  l'origine,  le  progrès  et  V établisse- 
ment de  leurs  charges,  avec  des  éloges,  armes,  blasons 
et  généalogies  de  ceux  qui  les  ont  possédées  (Paris, 
4668,  in-4).  On  lui  doit  aussi  la  publication  de  Y  Histoire 
de  Henri,  duc  deRohan,  pair  de  France  (Paris,  4666, 
in-12;  Cologne,  4667,  in-12);  mais  il  a  seulement  signé 
l'épître  dédicatoire  de  cet  ouvrage  dont  l'auteur  est  resté 
inconnu,  et  il  en  a  retouché  le  style.  G.  R. 

Bibl.:  Dubuisson-Aubenay,  Journal  des  guerres  civiles, 
1648-52,  publ.  par  Gustave  Saige,  1883-85,  2  vol.  in-8. 

FAUVERNEY.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte  d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  de  Genlis;  503  hab. 

FAUVETTE  (Ornith.).  Les  Fauvettes,  qui  doivent  sans 
doute  leur  nom  aux  couleurs  fauves,  ou  plutôt  roussâtres, 
de  leur  plumage,  constituent,  dans  l'ancien  groupe  des 
Passereaux  dentirostres  de  Cuvier  (V.  Passereau),  une 
famille  naturelle,  celle  des  Sylviidés,  correspondant  en 
partie  à  l'ancien  genre  Syluia,  de  Linné.  Ce  sont  des 
oiseaux  de  petite  taille,  aux  formes  sveltes,  à  la  tête 
arrondie  en  dessus,  au  bec  droit,  souvent  un  peu  aplati 
vers  la  base  qui  est  garnie  de  quelques  poils  rigides,  et 
comprimé  vers  la  pointe,  près  de  laquelle  on  distingue,  sur 
le  bord  de  la  mandibule  supérieure,  cette  dent  que  l'on 
retrouve  chez  beaucoup  d'insectivores.  Les  pattes,  revêtues 
en  avant  de  grandes  scutelles,  le  long  du  tarse,  se  termi- 
nent par  des  doigts  courts,  aux  ongles  faibles,  mais  assez 
fortement  recourbés.  Les  narines,  de  forme  oblongue,  se 
trouvent  recouvertes  par  un  opercule;  les  yeux  restent 
toujours  plus  petits  que  chez  les  Merles  et  les  Rouges-Gorges, 
et  les  ailes,  plutôt  arrondies  que  pointues,  atteignent  au 
repos  à  peu  près  la  moitié  de  la  longueur  de  la  queue. 
Celle-ci  est  formée  de  douze  pennes  qui  sont  tantôt  égales 
et  de  couleur  uniforme  comme  chez  les  Fauvettes  pro- 
prement dites  (Sylvia),  tantôt  étagées  et  plus  ou  moins 
tachetées  à  l'extrémité  comme  chez  les  Rousserolles,  les 
Locustelles,les  Aedon,  les  Cisticoles,  etc.  Le  plumage  est 
généralement  mou  et  de  teintes  modestes,  le  gris  verdâtre, 
ou  roussâtre,  le  fauve,  le  roux  étant  les  couleurs  domi- 
nantes sur  lesquelles  se  détachent  quelques  dessins  blancs, 
noirs  ou  bruns.  Parfois  même  la  livrée  est  presque  uni- 
colore. 

Les  Fauvettes  proprement  dites  (genre  Sylvia  des  au- 
teurs modernes)  vivent  à  la  lisière  des  bois,  dans  les  ver- 
gers et  les  jardins  et  font  pendant  toute  la  belle  saison  une 
chasse  active  aux  insectes  qui  forment  le  fond  de  leur 
nourriture  et  auxquels  elles  joignent  tout  au  plus  en 
automne  quelques  fruits  et  quelques  baies.  Ce  sont  donc 
des  oiseaux  éminemment  utiles,  qui  mériteraient  d'être 
protégés  et  qui  se  recommandent  en  outre  par  leur  gentil- 
lesse, par  la  grâce  de  leurs  allures  et  la  douceur  de  leur 
chant.  Certaines  espèces,  comme  la  Fauvette  à  tête  noire, 
sont  même  très  recherchées  comme  oiseaux  de  volière,  à 
cause  de  leurs  facultés  musicales.  Cette  Fauvette  à  tête 
noire  (Sylvia  atricapilla  L.)  est  assez  répandue  dans  nos 
départements  du  Nord,  du  Centre,  de  l'Est  et  de  l'Ouest 
durant  la  belle  saison,  et  passe  l'hiver  sur  les  bords  de  la 
Méditerranée.  Elle  doit  son  nom  à  la  présence  chez  le  mâle 
d'une  calotte  noire  qui  est  remplacée  chez  la  femelle  par 
une  calotte  d'un  roux  brunâtre.  Au  contraire,  chez  la 
Fauvette  des  jardins  (Sylvia  hortensis  Gm.),  qui  habite 
aussi  toute  l'Europe  tempérée,  le  sommet  de  la  tête  est  de 
la  même  couleur  que  le  dos,  c.-à-d.  d'un  gris  olivâtre. 

La  Fauvette  babillarde  (Sylvia  garrule  Briss.),  la  Fau- 
vette orphée  (S.  orphea  Tem.),  la  Fauvette  grisette 
(S.  cinerea  Briss.),  la  Fauvette  subalpine  (S.  subalpina 
Bonelli),la  Fauvette  à  lunettes  (S.  conspiscillata  Marm.), 
la  Fauvette  épervière  (5.  nisoria  Bechst.),  la  Fauvette 


Fauvette  babillarde. 


M  —  FAUVELET  —  FAUX 

mélanocéphale  (S.  melanocephala  Gm.  )  et  quelques 
autres  espèces  ont  les  unes  à  peu  près  le  même  habitat  que 
la  Fauvette  des  jardins,  tandis  que  les  autres  se  rencon- 
trent plutôt  dans  le  nord  de  l'Afrique,  en  Asie,  ou  dans  le 
midi  de  l'Europe.  Elles  se  tiennent  Àe  préférence  dans  les 
haies  et  les 
broussailles  et 
se  font  remar- 
quer par  la  viva- 
cité de  leurs 
allures.  Elles 
se  distinguent 
aussi  par  la  pré- 
sence de  taches 
blanches  plus  ou 
moins  étendues 
sur  leurs  pennes 
caudales  ex- 
ternes et  par 
certaines  dif- 
férences de 
nuances  dans  les 
livrées  des  deux 

sexes.  Aussi  certains  naturalistes  se  sont-ils  autorisés  à  ran- 
ger ces  Fauvettes  dans  un  genre  spécial,  le  genre  Curruca, 
mais  cette  subdivision  n'est  nullement  justifiée.  En  revanche, 
on  peut  conserver  les  genres  Phylloscopuson  Pouillot  (V.  ce 
mot),  Hypolais  (V.  ce  mot),  Acrocephalus  ou  Calomo- 
dyta  (V.  ces  mots  et  les  mots  Rousserolle  et  Phragmite), 
Locustelle,  Aedon,  Cettia  ou  Bouscarle,  Amnicole,  Cis- 
ticole  (V.  ces  mots)  et  Regulus  ou  Roitelet  (V.  ce  mot), 
qui  comptent  tous  des  représentants  dans  la  faune  euro- 
péenne, plus  les  genres  Ortkotomus,  Prinia,  Dry- 
moica,  etc.,  qui  renferment  des  espèces  exotiques  et  que 
certains  ornithologistes  modernes  croient  d'ailleurs  devoir 
distraire  de  la  famille  des  Sylviidés  pour  les  rapporter  à 
celle  des  Timéliidés  (V.  ce  mot).  E.  Oustalet. 

Bibl.:  Degland  et  Gerbe,  Ornith.  europ.,  1867,  t.  I, 
p.  471,  2°  éd.  —  H.  Seebhom,  Cal.  B.  Brit.  Mus.;  1885,  t.  V. 
—  R.-B.  S  harpe,  Cat.  B.  Brit.  Mus.,  1885,  t.  VII.  —  F.  de 
Sghaeck,  les  Fauvettes  d'Europe,  dans  Mém.  Soc.  zool. 
de  France,  1890,  t.  IIL 

FÂUV1LLE.  Coin,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  et  cant.  (S.) 
d'Evreux;  402  hab. 

FAUVILLE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  d'Yvetot;  1,345  hab.  Eglise  en  partie  romane, 
remaniée  au  xme  siècle  et  postérieurement. 

FA UV RADE  (Pêche).  On  désigne  sous  ce  nom,  sur  les 
côtes  de  Provence,  une  enceinte  de  filets  établie  près  de  la 
côte  pour  y  renfermer  les  thons  capturés  au  moyen  de 
l'engin  nommé  seinche  (V.  ce  mot). 

FAUVRE  La  Brunerie  (Charles-Benoît),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Touchay  (Cher)  en  1750,  mort  à 
Touchay  en  1823.  Administrateur  du  Cher  (1790),  il  fut 
élu  à  la  Convention  par  ce  département  le  6  sept.  1792, 
et  prit  rang  parmi  les  montagnards.  Il  vota  la  mort  du 
roi  et  fut  envoyé  en  mission  dans  les  dép.  du  Cher,  de 
l'Allier  et  de  la  Nièvre.  Malgré  l'intransigeance  de  ses  opi- 
nions, il  prit  rarement  la  parole  dans  l'Assemblée.  Le 
4  brumaire  an  IV,  il  fut  élu  au  conseil  des  Anciens,  devint 
secrétaire  de  celte  assemblée,  et,  réélu  par  le  Cher  le 
22  germinal  an  VI,  il  rentra  tout  à  fait  dans  la  vie  privée 
après  le  coup  d'Etat  de  brumaire,  contre  lequel  il  protesta 
vainement.  En  1816,  expatrié  comme  régicide,  il  passa  en 
Suisse. 

FAUX.  I.  Technologie.  —La  faux  est  un  instrument  à 
bras  servant  à  couper  l'herbe  des  prairies  naturelles  ou 
artificielles  et  les  céréales.  Elle  se  compose  d'une  lame  L 
et  d'un  manche  M.  La  lame  est  courbée  en  arc  de  cercle 
allongé  se  terminant  en  pointe  ;  elle  se  compose  du  tran- 
chant t,  du  dos  d  et  du  talon  l;  au  talon  est  fixée  une 
douille  D  pour  recevoir  l'extrémité  du  manche,  ou  bien 
un  crochet  qui  entre  dans  un  anneau  porté  par  le  manche; 
de  cette  manière,  on  peut  régler  l'angle  formé  par  la  lame 


FAUX 


-  68 


et  le  manche,  c.-à.-d.  le  grand  angle  de  la  faux.  En 
outre,  la  lame  est  inclinée  par  rapport  au  plan  dans  lequel 
se  trouve  le  manche,  suivant  un  angle  aigu  appelé  petit 
angle  de  la  faux.  Le  règlement  de  ces  deux  angles  a  une 
grande  importance  pour  le  coupage  ;  la  règle  est  celle-ci  : 
pendant  le  travail,  le  talon  doit  être  parallèle  au  sol.  Plus 
les  herbes  sont  tendres,  plus  le  petit  angleest  ouvert.  Le 
manche  de  la  faux  est  en  bois  ;  il  est  garni  vers  le  milieu 
de  sa  longueur  d'une  poignée  P  que  le  faucheur  saisit  de 
la  main  droite,  tandis  que  de  la  gauche  il  en  tient  l'extré- 
mité. Le  plus  souvent,  le  manche  est  droit  ;  en  Belgique, 
et  surtout  dans  le  Brabant,  la  faux  à  manche  courbe  est 
très  répandue  ;  en  outre,  ce  manche  est  garni  à  son  extré- 
mité libre  d'une  pièce  de  bois  en  forme  de  béquille  que 
l'ouvrier  passe  sous  son  bras.  Quel  que  soit  le  modèle  de  . 
faux  adopté,  ce  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  c'est  que 
la  bonne  qualité  de  la  lame  est  une  condition  essentielle 
pour  le  bon  fonctionnement  de  l'instrument.  Aujourd'hui, 
la  plupart  des  lames  sont  en  acier  ;  d'ailleurs  le  tranchant 
doit  être  affûté  de  temps  à 
^  autre.  Dans  la  coupe  des 
1  céréales,  où.  il  faut  soute- 
nir les  tiges  coupées  pour 
les  disposer  en  javelles 
lorsque  leur  quantité  est 
suffisante,  on  emploie  la 
faux  armée,  c.-à-d.  munie 
d'une  armature  consistant 
en  une  pièce  de  bois  légère 
qu'on  fixe  perpendiculai- 
rement à  la  lame  dans  une 
mortaise  pratiquée  sur  le 
manche,  et  qu'on  assujettit 
par  un  bâton  courbe  qui 
part  de  l'extrémité  de  cette 
pièce  pour  rejoindre  le 
manche  ;  ce  bâton  est  ren- 
forcé par  une  seconde  pièce 
de  bois  parallèle  au  premier 
montant  ;  le  montant  est 
garni  de  quelques  branches 
en  osier  auxquelles  on  donne  la  même  direction  et  la  même 
courbure  qu'à  la  lame  de  la  faux.  Le  fauchage  des  céréales 
est  beaucoup  plus  facile  et  bien  plus  expéditif  que  celui  des 
prairies,  car  point  n'est  besoin  de  couper  aussi  ras;  d'ail- 
leurs l'état  de  siccité  des  chaumes  facilite  la  coupe.  On 
compte  qu'un  bon  faucheur  peut  couper  par  jour  30  à  35  ares 
de  prairie  ordinaire  ;  pour  les  céréales,  il  peut  atteindre  et 
parfois  même  dépasser  45  ares.         A.  Larbalétrier. 

Fabrication.  La  longueur  des  lames  de  faux  se  mesure 
sur  le  dos  et  varie  de  0m60  à  lm20.  Aujourd'hui,  les 
lames  se  fabriquent  de  deux  façons  :  en  acier  naturel  non  mal- 
léable de  Styrie  et  en  acier  fondu  donnant  les  lames  dites  faux 
anglaises  ;  ces  dernières  sont  plus  dures  et,  par  conséquent, 
plus  cassantes  que  les  premières  et  s'affûtent  sur  la  pierre. 
Les  faux  qui  se  fabriquent  en  France,  dans  les  environs 
de  Saint-Etienne,  sont  à  tranchant  d'acier  malléable,  bien 
moins  fragiles  que  les  précédentes  ;  lorsqu'elles  rencon- 
trent un  obstacle,  le  tranchant  se  fausse  et  peut  se  rebattre 
au  marteau  qui  ne  fait  que  réparer  les  petits  accidents.  On 
donne  leur  forme  aux  lames  au  martinet  ou  même  au  mar- 
teau-pilon. On  a  constaté  que  les  faux  affilées  sur  la  pierre 
ont  un  tranchant  plus  vif  et  plus  résistant  que  celles  qui 
sont  rebattues.  Pour  affûter  les  faux,  on  emploie  une  pierre 
trempée  dans  l'eau,  et  aux  environs  de  Paris  un  morceau 
de  bois  blanc  saupoudré  de  grès  ;  ce  dernier  procédé  est 
mauvais.  On  emploie  aussi  un  petit  ciseau  en  acier  très 
dur  fixé  dans  une  monture  de  rabot.  Dans  les  fabriques,  le 
tranchant  est  donné  à  la  meule  de  grès.  L.  K. 

IL  Art  militaire.  —  Dès  la  plus  haute  antiquité,  la 
faux  a  été  employée  dans  les  batailles,  soit  qu'elle  fût 
maniée  à  bras  par  le  soldat,  soit  qu'elle  servît  à  garnir  les 
chars  de  guerre  qui  passaient  d'une  allure  désordonnée  à 


Faux 


travers  les  rangs  ennemis,  en  coupant  tout  ce  qui  se  trou- 
vait sur  leur  passage.  La  faux,  comme  se  trouvant  à  portée 
de  la  main  des  paysans,  a  toujours  été  l'arme  des  émeutes 
et  des  guerres  civiles.  Les  Jacques  au  moyen  âge,  les 
Vendéens  à  la  fin  du  siècle  dernier,  les  Polonais  des  in- 
surrections de  ce  siècle-ci  en  ont  fait  un  usage  des  plus 
meurtriers,  le  plus  souvent  après  l'avoir  fait  redresser  par 
un  forgeron,  afin  qu'elle  pût  être  ajustée  dans  le  prolon- 
gement de  la  hampe,  et  former  ainsi  une  arme  à  pointe  et 
à  tranchant  des  plus  redoutables.  Ed.  S. 

III.  Pèche.  —  Filet  de  2  à  3  m.  de  profondeur.  Il  est 
monté  sur  un  grand  cerceau  composé  de  plusieurs  morceaux 
de  bois  joints  de  manière  à  former  une  portion  de  cercle 
très  surbaissée;  une  corde  s'étend  d'une  extrémité  de  l'arc 
à  l'autre.  Pour  se  servir  de  cet  engin,  deux  hommes  le 
prennent  chacun  par  une  extrémité  de  l'ouverture,  et, 
entrant  dans  l'eau,  le  présentent  au  courant  de  la  marée; 
dès  qu'un  poisson  est  entré  dans  le  filet,  au  moyen  d'un 
mouvement  brusque,  on  le  fait  tomber  dans  le  fond,  où  il 
s'emmaille.  E.  Sauvage. 

FAUX.  I.  Droit  civil.  —  Toute  partie  qui  se  prévaut  d'un 
droit  doit  le  prouver,  s'il  ne  résulte  pas  de  la  loi  même.  La 
preuve  par  excellence  c'est  la  preuve  littérale,  c'est  l'écrit 
contenant  la  reconnaissance  du  droit  émanant  de  la  partie 
contre  qui  on  l'invoque.  Deux  catégories  d'écrits  constituent 
la  preuve  littérale  :  les  actes  privés  ou  sous  seing  (signa- 
ture) privée  et  les  actes  publics  ou  authentiques.  Ce  que 
relate  l'acte  privé  est  placé  sous  la  simple  garantie  de  la 
signature  des  parties  ;  la  sincérité  de  l'acte  public  est  garantie 
par  la  signature  d'un  officier  public  compétent  pour  l'authen- 
tiquer, un  préfet,  un  maire,  un  notaire,  un  officier  minis- 
tériel, etc.  En  principe,  tout  acte  fait  foi  de  ce  qu'il  con- 
tient, puisqu'il  a  été  rédigé  précisément  pour  fournir  de 
l'opération  un  témoignage  moins  fugitif  que  le  souvenir  de 
ceux  qui  y  ont  concouru  :  Verba  volant,  scripta  ma- 
nent.  Mais  on  conçoit  que,  à  un  premier  point  de  vue, 
l'attestation  de  l'écrit  ne  peut  pas  s'imposer  à  tout  le  monde 
avec  la  même  autorité  ;  aussi  la  règle  est-elle  que  les  con- 
ventions n'ayant  d'effet  qu'entre  les  parties  contractantes 
(C.  civ.,  art.  4165),  les  écrits  qui  les  constatent,  qu'ils 
soient  sincères  ou  faux,  sont  indifférents  aux  tiers  qui  n'ont 
intérêt  à  les  critiquer  qu'autant  qu'ils  seraient  faits  pour 
préjudicier  à  leurs  droits  (V.  Fraude,  Simulation).  Mais  entre 
les  parties  elles-mêmes  nous  constatons  des  différences  con- 
sidérables entre  ces  deux  genres  d'écrits,  en  ce  qui  concerne 
leur  sincérité  et  les  conséquences  à  en  tirer.  Dans  l'acte 
public,  entre  les  parties,  il  y  a  un  témoin  autorisé  entre 
tous,  le  témoin  de  la  loi,  l'officier  public  qui  atteste  que 
les  parties  lui  ont  déclaré  faire  tel  contrat,  par  exemple. 
L'acte  privé  n'a  pas  de  témoin;  il  est  son  propre  témoin,  et 
celui  qui  le  produit  ne  présente  d'autre  garant  de  sa  sin- 
cérité que  la  signature  qu'il  prétend  être  celle  de  son  adver- 
saire, signature  qui  n'est  pas  plus  certaine  que  le  corps  du 
contrat  lui-même  et  ce  qu'il  relate.  En  réalité  donc,  son 
écrit  ne  prouve  rien  puisqu'il  suffit  à  celui  à  qui  on  l'oppose 
de  méconnaître  sa  signature  pour  obliger  le  demandeur  à 
en  prouver  la  sincérité,  ce  qui  se  fait  au  moyen  d'une  pro- 
cédure spéciale  à  l'acte  privé,  appelée  vérification  d'écri- 
ture ;  nous  ne  l'indiquons  ici  que  pour  la  distinguer  de  la 
procédure  de  faux.  Si  la  partie  reconnaît  son  écriture,  ou 
ne  la  méconnaît  pas,  ce  qui  est  le  plus  fréquent,  quand  elle 
est  produite  en  justice,  l'acte  est  alors  tenu  pour  reconnu  ; 
il  fait  la  même  foi  que  l'acte  authentique  (art.  4322)  et  ne 
peut  plus  être  attaqué  que  de  la  même  façon  que  lui.  Mais 
la  foi  de  l'acte  authentique,  comme  celle  de  l'acte  privé 
reconnu,  n'est  pas  absolue  ;  ce  n'est  qu'une  présomption 
de  vérité  pouvant  céder  à  la  preuve  contraire;  cependant 
cette  présomption  est  si  énergique  que,  pour  la  détruire, 
il  faut  s'attaquer  à  l'acte  lui-même,  démontrer,  non  pas 
qu'il  constate  un  fait  faux,  mais,  plus  encore,  qu'il  est 
faux  lui-même  dans  sa  substance  propre,  comme  le  serait  un 
bijou  de  strass  présenté  comme  un  diamant.  Qu'est-ce  donc 
maintenant  qu'un  acte  faux  ? 


—  69  — 


FAUX 


Dans  le  langage  du  monde,  on  entend  par  faux  tout  ce 
qui  est  contraire  à  la  vérité  ;  en  droit,  le  faux  est  l'altéra- 
tion, la  contrefaçon  matérielle  ou  la  supposition  fraudu- 
leuse d'écrits  authentiques  ou  privés  commises  en  vue  d'en 
tirer  un  avantage  ou  un  profit  illicite.  La  loi,  dit  Bon- 
cenne,  moins  rigide  que  la  morale,  ne  donne  point  au 
mensonge  et  à  la  simulation  le  caractère  du  faux  propre- 
ment dit.  Par  exemple,  dissimuler  dans  un  acte  de  vente 
une  portion  du  prix,  c'est  mentir,  ce  n'est  pas  commettre 
un  faux  ;  c'est  une  fraude  que  les  tiers  peuvent  déjouer  par 
des  moyens  plus  simples  que  d'arguer  la  pièce  de  faux. 
Constater,  d'accord,  par  un  écrit,  qu'une  convention  a  eu 
lieu  alors  qu'il  n'en  est  rien,  c'est  aussi  un  mensonge, 
peut-être  une  fraude,  ce  n'est  pas  encore  un  faux.  Mais  il 
y  a  faux  quand  un  écrit  a  été  créé,  fabriqué  de  toutes 
pièces  à  l'insu  de  la  personne  qui  est  censée  l'avoir  fait,  ou 
que  dans  les  énonciations  d'un  écrit  auquel  elle  a  réelle- 
ment concouru  on  a  exprimé,  augmenté,  effacé  ou  modifié 
quelque  stipulation  à  son  insu  ou  à  l'insu  de  toutes  les 
parties.  11  faut  donc  se  garder  de  confondre  le  faux  avec 
la  simulation  (V.  ce  mot).  Dire  qu'un  écrit  est  faux,  c'est 
s'attaquer  à  l'écrit  lui-même  pour  atteindre  l'opération 
qu'il  constate,  mais  non  pas  prendre  directement  à  partie 
l'opération  elle-même  pour  prétendre  qu'elle  n'a  pas  eu 
lieu.  Du  moment  qu'un  écrit  existe,  l'opération  qu'il  cons- 
tate est  prouvée.  Pour  détruire  cette  preuve,  il  faut  détruire 
d'abord  l'écrit  qui  en  est  l'instrument,  parce  que  la  loi  ne 
permet  aucune  preuve  contre  et  outre  ce  qui  est  contenu 
dans  un  acte  écrit,  autrement  qu'en  prouvant  qu'il  est 
faux.  Mais,  comme  cet  écrit  n'a  d'effet  qu'entre  les  parties 
contractantes,  les  tiers,  s'ils  y  ont  intérêt,  sont  admis  à 
démontrer  que  l'acte  contient  une  simulation,  c.-à-d.  qu'il 
constate  une  opération  différente  de  celle  qui  a  réellement 
eu  lieu  ;  par  exemple,  il  a  l'apparence  d'une  vente  et  c'est 
en  réalité  une  donation  qui  a  été  faite. 

La  loi  pénale  classe  les  actes  faux  en  trois  catégories,  d'après 
le  degré  de  culpabilité  qu'elle  leur  attribue  :  faux  en  écri- 
ture authentique,  de  commerce  on  privée;  cette  distinc- 
tion est  indifférente  en  droit  civil.  Le  faux  civil  est  un  ; 
toutefois  l'écrit  authentique  présente  cette  particularité  que 
n'a  pas  l'écrit  privé,  qu'il  a  deux  manières  d'être  faux. 
L'acte  peut  avoir  été  rédigé  par  un  officier  public,  mais 
cet  officier  a  affirmé  mensongèrement  comme  s'étant  ac- 
compli devant  lui  un  acte  qui  n'a  pas  eu  lieu.  Il  se  peut 
aussi  que  la  pièce  n'ait  que  l'apparence  d'un  acte  authen- 
tique, qu'elle  ait  été  fabriquée  par  un  particulier  qui,  en 
y  constatant  des  faits  imaginaires,  lui  a  donné  la  forme 
d'un  acte  public. 

Le  même  nom  de  faux  sert  à  exprimer  l'action  de  fabri- 
quer un  écrit  faux  et  cet  écrit  lui-même,  d'où  il  suit  que 
le  faux  peut  être  l'objet  de  deux  procédures  d'instruc- 
tion différentes,  quoique  tendant  également  à  démontrer  la 
fausseté  de  l'écrit,  suivant  qu'il  s'agit  seulement  de  prouver 
cette  fausseté  ou  de  démontrer  la  culpabilité  du  faussaire  : 
d'où  la  distinction  en  faux  principal,  ou  criminel,  et  faux 
incident,  ou  civil.  Il  est  principal  lorsque  l'action  est 
portée  directement  devant  la  juridiction  répressive  par  le 
ministère  public  contre  l'auteur  présumé  du  faux  ;  il  est 
incident  quand  une  pièce  prétendue  fausse  étant  produite 
dans  un  procès  civil,  la  partie  contre  qui  elle  est  produite 
s'inscrit  en  faux  contre  elle.  Alors  s'ouvre  une  procédure 
dirigée  contre  l'écrit,  abstraction  faite  de  son  auteur;  elle 
est  incidente  à  Faction  principale  et  en  suspend  le  cours  ;  du 
reste,  Faction  criminelle  s'ouvrant  au  cours  et  à  l'occasion 
d'un  procès  civil  produit  aussi  cet  effet  :  elle  est  en  réalité, 
à  ce  point  de  vue,  également  incidente  à  ce  procès,  et  elle 
en  suspend  le  cours  par  application  de  la  règle  :  le  criminel 
tient  le  civil  en  état.  Mais  voici  la  différence  capitale  entre 
les  deux  procédures,  et  nous  venons  de  la  faire  pres- 
sentir :  pour  que  Faction  criminelle  puisse  s'ouvrir,  il 
faut  que  l'auteur  présumé  du  crime  soit  connu  et  qu'il 
y  ait  contre  lui  des  indices  suffisants  ;  mais  il  n'en 
est  pas  toujours  ainsi  :  le  faussaire  reste  souvent  inconnu, 


ou  il  n'y  a  contre  lui  que  des  soupçons,  ou  bien  la  culpa- 
bilité est  douteuse,  ou  bien  encore  plus  de  dix  ans  se  sont 
écoulés  depuis  la  fabrication  du  faux  et  l'action  criminelle 
est  prescrite.  Un  plaideur  peut,  de  très  bonne  foi,  d'ail- 
leurs, produire  dans  un  procès  un  acte  dont  il  ignore  le 
vice.  Dans  toutes  ces  conditions  et  autres  semblables  où  la 
poursuite  criminelle  ne  peut  pas  avoir  lieu,  la  voie  du 
faux  civil  reste  seule  ouverte.  Dans  ce  cas,  ce  n'est  même 
pas  à  celui  qui  produit  la  pièce  arguée  de  faux  que  le 
procès  est  fait,  c'est  à  la  pièce  elle-même,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  et  dans  un  intérêt  purement  civil;  les 
seules  parties  en  présence  sont  le  demandeur  en  faux  et  le 
défendeur  à  l'incident  s'il  croit  devoir  défendre  la  sincérité 
de  la  pièce.  Le  procès  criminel  peut  bien  naître  à  propos 
de  la  production  d'un  écrit  dans  un  procès  civil  et  à  la 
suite  de  la  prétention  émise  par  la  partie  que  cet  écrit  est 
entaché  de  faux.  Mais  alors  l'action  publique  prend  le  pas 
sur  l'action  civile,  qui  se  trouve  suspendue  comme  nous 
l'avons  vu  ;  elle  n'en  forme  point  un  incident,  comme  l'ins- 
cription de  faux,  parce  qu'elle  se  poursuit  au  principal 
devant  une  autre  juridiction,  la  juridiction  criminelle. 

Pour  que  l'inscription  de  faux  soit  admissible,  il  faut 
que  le  faux  soit  vraisemblable  ;  il  est  même  des  cas  où  elle  ne 
peut  être  accueillie  qu'autant  que  cette  vraisemblance  s'ap- 
puie sur  un  commencement  de  preuve  par  écrit  ou  des 
présomptions  légales  de  fausseté  ;  c'est  ce  qui  a  lieu  dans 
les  questions  de  filiation  (C.  civ.,  art.  323).  A  l'inverse, 
l'inscription  de  faux  n'est  pas  toujours  indispensable  pour 
faire  écarter  d'un  procès  civil  une  pièce  arguée  de  faux, 
s'agît-il  même  d'un  acte  authentique,  parce  que  l'acte  peut 
être  écarté  par  d'autres  moyens  sans  en  incriminer  la  sincé- 
rité, ou  bien  parce  que  la  falsification  est  tellement  écla- 
tante qu'elle  s'aperçoit  à  une  simple  inspection  de  l'écrit. 
Les  juges  ont  à  cet  égard  un  pouvoir  d'appréciation  très 
étendu  ;  ils  peuvent  se  déterminer  par  tous  les  moyens 
propres  à  former  leur  conviction,  pourvu  qu'en  écartant  la 
pièce  ils  fondent  leur  décision  sur  l'altération  manifeste 
qu'ils  ont  constatée  et  qu'ils  doivent  affirmer,  car  ce  n'est 
que  par  cette  déclaration  que  la  foi  due  à  l'acte  peut  être 
infirmée.  C'est  pourquoi  l'inscription  en  faux  civil  est  très 
rare  et  aussi  parce  que  la  loi  en  a  entouré  la  procédure  de 
formalités  et  de  difficultés  peu  faites  pour  l'encourager. 

E.  Dramàrd. 

IL  Droit  criminel.  —  Au  point  de  vue  de  la  loi  pénale, 
le  faux  consiste  dans  une  altération  frauduleuse  de  la  vérité 
au  préjudice  d'autrui.  Pris  dans  sa  plus  large  acception,  il 
peut  être  commis  de  trois  façons  différentes  :  par  des 
actions,  par  des  paroles,  par  des  écrits.  Dans  la  première 
catégorie  rentre  la  fabrication  de  fausse  monnaie  et  la  con- 
trefaçon des  sceaux  de  l'Etat  (V.  Sceau),  dans  la  seconde 
le  faux  témoignage  (V.  Témoin)  et  le  faux  serment  (V.  ce 
mot),  dans  la  troisième  le  faux  en  écriture  qui  fait  l'objet 
des  art.  145  à  462  du  C.  pénal  et  qui  constitue  plus  spé- 
cialement le  faux  en  droit  criminel. 

Le  code  pénal  ne  donne  pas  de  définition  du  faux  en 
écriture  ;  c'est  la  jurisprudence  qui  a  dû  en  déterminer  les 
éléments  constitutifs.  Trois  conditions  sont  nécessaires 
pour  qu'il  y  ait  faux  criminel.  La  première  est  l'altération 
ou  la  suppression  matérielle  de  la  vérité  :  c'est  la  base 
même  du  crime.  Cette  première  condition  en  comporte 
elle-même  trois  autres  :  il  faut  que  cette  altération  ait 
lieu  dans  un  écrit,  qu'elle  porte  sur  des  faits  que  cet  écrit 
avait  pour  but  de  constater,  qu'elle  soit  commise  suivant 
l'un  des  procédés  déterminés  par  la  loi.  La  seconde  con- 
dition est  la  volonté  frauduleuse  de  la  part  du  coupable, 
c.-à-d.  la  volonté  de  procurer  à  soi  ou  à  d'autres  un  béné- 
fice illégitime.  Il  faut  enfin  que  le  faux  soit  de  nature  à 
porter  préjudice  à  autrui.  S'il  n'est  pas  apte  à  nuire  à 
quelqu'un,  le  faux  n'existe  pas  à  l'égard  de  la  loi  pénale, 
mais  il  n'est  pas  indispensable  que  le  préjudice,  réel  ou 
éventuel,  atteigne  une  personne  déterminée  ;  il  suffit  qu'il 
lèse  les  intérêts  généraux  de  la  société  :  c'est  ainsi  qu'il 
a  été  jugé  qu'il  y  avait  crime  de  faux  dans  le  fait  d'un 


FAUX 


—  70  - 


officier  de  l'état  civil  mentionnant  dans  un  acte  de  mariage 
que  les  publications  avaient  été  faites,  la  violation  des 
prescriptions  de  la  loi  étant  une  atteinte  portée  à  la  société. 
La  jurisprudence  est,  on  le  voit,  très  large  dans  l'appré- 
ciation de  la  nature  du  préjudice.  Ce  préjudice  peut  être 
matériel  ou  moral.  Le  faux  existe  aussi  bien  quand  c'est 
la  réputation  d'une  personne  qui  doit  en  souffrir  que 
lorsque  ce  doit  être  sa  fortune.  Il  suffit  d'ailleurs  que  le 
préjudice  puisse  exister,  sans  qu'il  soit  besoin  qu'il  ait  été 
réellement  causé  :  ainsi,  commet  le  crime  de  faux  l'indi- 
vidu qui  fabrique  un  billet  à  ordre  en  y  apposant  fausse- 
ment la  signature  d'un  autre  individu,  encore  qu'il  n'ait 
pas  fait  usage  de  ce  billet. 

Nous  avons  dit  que,  pour  que  le  faux  existe,  il  devait 
être  perpétré  suivant  un  des  modes  prévus  parla  loi.  Il  est, 
à  ce  point  de  vue,  divisé  en  deux  grandes  catégories  :  le 
faux  intellectuel  et  le  faux  matériel.  Le  faux  intellectuel 
consiste  dans  le  fait  de  fausser  le  sens  d'un  acte,  lors  de 
sa  rédaction,  sans  qu'il  y  ait  aucune  contrefaçon  d'écri- 
ture. C'est  le  cas  prévu  par  l'art.  146  qui  punit  tout  fonc- 
tionnaire ou  officier  public  qui,  «  en  rédigeant  des  actes 
de  son  ministère,  en  aurait  frauduleusement  dénaturé  la 
substance  ou  les  circonstances,  soit  en  écrivant  des  con- 
ventions autres  que  celles  tracées  ou  dictées  par  les  parties, 
soit  en  constatant  comme  vrais  des  faits  qui  ne  l'étaient 
pas  »  ;  et  que  l'art.  147,  sans  le  prévoir  aussi  spéciale- 
ment, punit  lorsque,  par  exemple,  des  particuliers  font  de 
fausses  déclarations  devant  un  officier  public,  ou  insèrent 
dans  un  acte  privé  de  fausses  déclarations  sans  qu'il  y  ait 
d'altération  d'écritures.  Le  faux  matériel  consiste,  ou  dans 
l'altération  d'un  titre  existant  de  telle  façon  que  les  con- 
ventions qui  s'y  trouvent  soient  modifiées  au  préjudice 
d'une  des  parties,  ou  dans  la  création  d'un  titre  nouveau  : 
il  peut  ainsi  se  commettre  par  voie  d'addition,  de  modifi- 
cation ou  de  soustraction. 

Le  faux  est  toujours  un  crime,  sauf  l'exception  spéciale 
dont  parlent  les  art.  149  et  152,  et  toujours  puni, 
en  dehors  des  peines  corporelles,  d'une  amende  propor- 
tionnée au  préjudice  pécuniaire  causé.  Au  point  de  vue  du 
taux  de  la  peine,  le  code  pénal  distingue  le  faux  en  plu- 
sieurs catégories,  et,  pour  les  établir,  il  se  place  à  deux 
points  de  vue  différents  :  il  considère  d'une  part  la  qualité 
de  l'agent,  d'autre  part,  la  nature  du  faux  en  lui-même. 
Le  faux  est  commis,  soit  par  des  fonctionnaires  ou  officiers 
publics,  soit  par  des  particuliers.  Lorsque  l'auteur  appar- 
tient à  la  première  catégorie,  de  quelque  façon  que  le  crime 
ait  été  commis,  quelle  qu'en  soit  la  nature,  le  code  pro- 
nonce une  seule  et  même  peine  :  les  travaux  forcés  à  per- 
pétuité (art.  145  et  146).  Le  législateur  a  justement  pensé 
qu'il  fallait,  à  raison  de  la  confiance  que  peuvent  inspirer 
ces  personnes,  de  la  nature  de  leurs  fonctions,  et  de  la  faci- 
lité avec  laquelle  elles  pourraient  en  abuser,  réprimer  le 
plus  sévèrement  possible  les  fautes  dont  elles  se  rendraient 
coupables  dans  l'exercice  même  de  ces  fonctions.  Mais, 
cette  aggravation  de  sévérité  n'ayant  d'autre  but  que  de 
garantir  la  société  contre  les  abus  que  peuvent  commettre 
les  fonctionnaires,  les  faux  commis  par  ceux-ci  en  dehors 
de  leurs  fonctions  sont  considérés  comme  commis  par  de 
simples  particuliers  et  ne  tombent  plus  sous  le  coup  des 
pénalités  édictées  par  les  art.  145  et  146.  Lorsque  le  cou- 
pable est  un  simple  particulier,  la  sanction  pénale  varie  sui- 
vant la  nature  du  faux.  Le  code  en  établit  deux  classes  :  1°  le 
faux  en  écriture  authentique  et  publique,  en  écriture  de 
commerce  ou  de  banque  (art.  147)  ;  2°  le  faux  en  écriture 
privée  (art.  150).  Le  législateur  a  réprimé  par  des  peines 
plus  sévères  les  faux  de  la  première  catégorie,  qu'il  punit 
des  travaux  forcés  à  temps,  que  ceux  de  la  seconde  qui  sont 
punis  de  la  réclusion.  Les  actes  publics  sont  tous  ceux  qui 
émanent  d'un  fonctionnaire  ou  d'une  autorité  publique 
(V.  Acte);  ils  touchent  à  des  intérêts  plus  généraux,  ins- 
pirent une  confiance  plus  étendue  que  les  actes  privés  et, 
par  cela  même,  devaient  être  plus  spécialement  protégés. 
Le  législateur  a  cru  devoir  leur  assimiler  les  actes  de  com- 


merce, et  les  actes  de  banque,  qui  ne  sont  eux-mêmes  autre 
chose  que  des  actes  de  commerce,  sans  toutefois  définir  le 
caractère  de  ces  écrits  ;  la  jurisprudence  se  réfère,  à  ce 
point  de  vue,  aux  dispositions  du  code  de  commerce 
(V.  Acte).  Les  raisons  de  cette  assimilation  se  trouvent 
dans  l'exposé  des  motifs  du  code  pénal  :  «  La  sûreté  et  la 
confiance,  y  est-il  dit,  sont  les  bases  du  commerce,  et  ses 
actes  présentent  aussi  de  grands  points  de  ressemblance 
dans  leur  importance  et  dans  leurs  résultats  avec  les  actes 
publics  :  la  sûreté  de  leur  circulation,  qui  doit  être  néces- 
sairement rapide,  demande  une  protection  particulière  de 
la  part  du  gouvernement.  Ces  motifs  et  la  facilité  de  com- 
mettre des  faux  sur  les  effets  de  commerce  ont  déterminé 
la  gravité  de  la  peine  qui  a  pour  objet  leur  altération.  » 
Tous  les  autres  faux  qui,  commis  dans  des  actes  n'ayant 
le  caractère  ni  authentique  ni  public  et  qui  ne  sont  ni  actes 
de  commerce,  ni  actes  de  banque,  sont  de  nature  à  causer 
un  préjudice  quelconque,  constituent  le  faux  en  écriture 
privée,  prévu  par  l'art.  150  duC.  pénal  et  puni  de  la  peine 
de  la  réclusion. 

Le  code  admet,  à  la  théorie  générale  qui  fait  du  faux  un 
crime,  une  exception  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 
L'art.  152  dit  :  «  Sont  exceptés  des  dispositions  ci-dessous 
les  faux  certificats  de  l'espèce  dont  il  sera  ci-après  parlé  »; 
et,  dans  les  articles  suivants  (153  à  162),  le  code  donne 
une  énumération  qui  comprend  les  passeports,  les  permis 
de  chasse,  les  feuilles  de  route,  les  certificats  de  maladie, 
de  bonne  conduite,  d'indigence.  Les  faux  commis  dans  ces 
différents  actes  ne  sont  plus  punis  que  de  peines  correc- 
tionnelles variant  de  quinze  jours  à  quatre  ans  de  prison, 
le  législateur  ayant  pensé  qu'ils  n'offraient,  à  des  degrés 
différents,  qu'une  gravité  restreinte  et  un  danger  social  peu 
important.  —  Dans  tous  les  cas,  le  code  pénal  punit  le  faux, 
alors  même  qu'il  n'en  a  été  fait  aucun  usage.  Mais  d'un 
autre  côté  il  punit  celui  qui  en  a  fait  usage,  comme  l'auteur 
lui-même  (art.  148  et  151),  à  condition  toutefois  que  celui 
qui  s'est  servi  de  la  pièce  fausse  ait  su  qu'elle  était  fausse. 
Une  seule  exception  à  ce  principe  consiste  en  ce  que  l'usage 
du  faux  en  écriture  authentique  et  publique  n'est  jamais 
puni  que  des  travaux  forcés  à  temps,  même  lorsque  le  faux 
est  le  fait  d'un  fonctionnaire  public,  alors  que  ce  dernier 
est  passible  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  L.  Levasseur. 

Bibl.  :  Droit  civil. —  V.  tous  les  traités  et  commen- 
taires du  Code  civil  sous  les  art.  1317  et  suiv.,  1322  du 
Code  civil  et  les  traités  et  commentaires  de  procédure 
civile  sous  les  art.  214  et  suiv.  —  Dalloz,  Répertoire, 
v°  Obligations. 

Droit  criminel.  —  Dalloz,  Répertoire  de  jurispru- 
dence, t.  XXIV,  pp.  490  et  suiv.  —  Chauveau  et  Hélie, 
Théorie  du  Code  pénal,  t.  II,  chap.  xxn  et  suiv.  —  Gar- 
raud,  Traité  théorique  et  pratique  du  Code  pénal  français, 
t.   III,  n09  53  et  suiv. 

FAUX  (Porte  à)  (Archit.).  Partie  supérieure  de  cons- 
truction qui  ne  s'élève  pas  directement  sur  la  partie  infé- 
rieure et  à  son  aplomb,  mais  qui  est  portée,  soit  en  saillie 
ou  en  encorbellement,  comme  les  étages  supérieurs  des 
maisons  de  bois  du  moyen  âge  ;  soit  en  retraite,  comme 
le  dernier  étage  de  certaines  constructions  modernes.  Les 
architectes  des  deux  derniers  siècles  ont  excellé  aussi  à 
élever  des  encoignures  ou  des  pans  coupés,  parfois  des 
parties  circulaires,  en  porte  à  faux,  soit  au-dessus  d'assises 
en  encorbellement,  soit  au-dessus  de  voûtes  en  trompe.  — 
On  dit  encore  d'un  trumeau  qu'il  est  en  porte  à  faux  lors- 
qu'il ne  s'élève  pas  dans  l'axe  même  d'un  trumeau  ou 
d'une  baie  tout  en  étant  à  leur  aplomb  et  que,  ainsi,  la 
charge  se  répartit  irrégulièrement  sur  les  points  d'appui 
placés  au-dessous.  Charles  Lucas. 

FAUX  acacia  (V.  Robinier). 

FAUX  aubier  (Sylvie).  Altération  du  bois  des  arbres 
sur  pied  sur  une  ou  plusieurs  couches  concentriques.  Les 
couches  altérées  ont  une  couleur  plus  claire  que  celle  du 
bois  sain  ;  leurs  tissus  sont  mous,  souvent  spongieux.  Cette 
altération  déprécie  beaucoup  la  valeur  du  bois.  On  l'attri- 
bue aux  gelées  qui  surprennent  le  bois  lorsqu'il  est  encore 
imparfaitemennt  aoûté.  G.  Boyer. 


—  71 


FAUX  —  FAVA 


FAUX-Bourdon  (Mus.).  Ce  mot,  dont  l'étymologie  est 
très  incertaine,  désigne  en  musique  une  espèce  de  contre- 
point vocal,  note  contre  note,  réalisé  généralement  sur  un 
plain-chant  sy  lia  bique  d'après  les  règles  harmoniques  en 
usage  à  l'époque  où  il  a  été  composé.  L'apparition  du  faux- 
bourdon  remonte  à  l'époque  des  premières  manifestations 
de  l'harmonie.  Les  chanteurs  d'Avignon  l'introduisirent  en 
Italie  quand  la  cour  pontificale  revint  à  Rome.  Très  som- 
maire, il  se  composait  le  plus  souvent  de  trois  parties 
marchant  diatoniquement  et  disposées  de  la  manière  sui- 
vante :  la  partie  aiguë  faisait  le  chant,  la  partie  intermé- 
diaire accompagnait  à  la  quarte  et  la  partie  grave  à  la 
sixte.  La  conclusion,  en  consonance  parfaite,  se  composait 
de  l'octave  et  de  la  quinte.  Quelquefois  l'une  des  parties 
était  fleurie  d'une  ligalure  accusant  la  cadence.  Plus  tard, 
le  faux-bourdon  se  complique  sous  l'influence  de  l'école  de 
contrepoint  vocal  des  xvie  et  xvne  siècles.  La  mélopée 
grégorienne,  la  plupart  du  temps  respectée,  y  était  en- 
châssée dans  des  parties  chargées  de  formules,  d'agréments 
laissés  souvent  à  l'inspiration  des  chanteurs.  Quelques 
faux-bourdons,  réalisés  par  les  maîtres,  sont  parvenus 
jusqu'à  nous  et  constituent  de  véritables  contrepoints  à 
quatre,  cinq,  .six  et  même  huit  parties.  D'autres,  écrits 
note  contre  note,  n'en  étaient  pas  moins  fleuris  «  alla 
mente  »  par  les  exécutants.  On  chantait  ainsi  à  la  Sixtine 
les  Miserere  célèbres  de.Baï,  d'Allegri,  de  Dentice.  Sur 
l'exécution  de  ce  dernier  Miserere,  Francesco  Severi,  chan- 
teur du  pape  au  xvne  siècle,  a  écrit  un  ouvrage  fort  curieux 
publié  à  Rome  par  Nicolo  Borboni  en  l'an  1615,  dont  on 
trouvera  le  titre  complet  dans  le  Dictionnaire  de  Plain- 
Chant  de  d'Ortigue  à  l'art.  Faux-Bourdon.  Citons,  parmi 
les  faux-bourdons  des  maîtres  anciens,  ceux  de  Viadana, 
de  Palestrina,  de  Vittoria.  L'usage  des  faux-bourdons  s'est 
maintenu  dans  les  maîtrises  jusqu'à  nos  jours  pour  l'ac- 
compagnement de  la  psalmodie.  Mais  les  innovations  har- 
moniques l'ont  considérablement  modifié.        Ch.  Bordes. 

FAUX  ébénier  (V.  Cytise). 

FAUX  entrait  (Charp.).  Pièce  de  bois  horizontale  des- 
tinée, soit  à  maintenir  l'écartement  des  arbalétriers  dans 
un  comble  à  deux  égouts  de  grande  hauteur,  soit  à  recevoir 
les  solives  d'un  faux  plancher  dans  un  comble  à  la  Mansart. 

FAUX  incident  civil  (Procéd.).  Lorsque,  au  cours  d'un 
procès,  la  partie  contre  laquelle  une  pièce  est  produite,  sou- 
tient que  cette  pièce  est  fausse  ou  falsifiée,  elle  est  admise 
à  établir  la  fausseté  de  la  pièce,  en  suivant  une  procédure 
spécialement  organisée  pour  ce  cas  par  les  art.  214  à  251 
du  C.  de  procéd.  civ.  et  qui  s'appelle  la  procédure 
du  faux  incident  civil.  La  loi  ne  prévoit  ainsi  l'action 
civile  en  faux  que  sous  la  forme  incidente.  Quelques  auteurs 
estiment  qu'elle  statue  simplement  sur  le  plerumque  fit  et 
que  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'on  introduise  au  civil,  lorsque 
l'action  criminelle  est  éteinte,  une  action  principale  en  faux. 
Mais  la  jurisprudence  décide  au  contraire  qu'on  ne  peut  pas 
se  pourvoir  par  action  principale,  et  elle  se  base,  pour 
admettre  cette  solution,  sur  l'art.  1319  du  C.  civ.,  qui 
statue  sur  la  plainte  en  faux  contre  les  actes  authentiques 
et  dont  la  teneur  implique  que  l'action  en  faux  principal 
ne  peut  avoir  lieu  qu'en  cas  de  poursuite  criminelle.  Quoi 
qu'il  en  soit,  l'espèce  prévue  par  les  art.  214  et  suiv.  est 
celle  d'une  demande  introduite,  au  cours  d'un  procès,  par 
une  des  parties  en  cause,  c.-à-d.  par  voie  incidente,  en  vue 
d'établir  qu'une  pièce  à  elle  signifiée  ou  simplement  pro- 
duite contre  elle  par  l'adversaire  est  fausse  ou  falsifiée, 
sans  cependant  dénoncer  l'adversaire  comme  l'auteur  de  ce 
faux  ou  de  cette  falsification  (V.  Faux).  La  procédure  du 
faux  incident  civil  peut  se  diviser  en  trois  parties  ou  périodes 
distinctes,  aboutissant  chacune  à  un  jugement  spécial.  La 
première  comprend  les  formalités  qui  précèdent  le  juge- 
ment statuant  sur  l'inscription  de  faux  ;  la  seconde  com- 
prend les  formalités  qui  précèdent  le  jugement  ordonnant 
la  preuve  du  faux  ;  la  troisième  est  relative  à  la  preuve  ou 
à  l'instruction  de  faux  et  au  jugement  qui  statue  sur  cette 
instruction.  Georges  Lagrésille. 


FAUX  monnayeur  (V.  Monnaie  et  Garantie). 

FAUX  plancher  (Charp.).  Plancher  haut  du  dernier 
étage  d'une  maison.  Dans  les  constructions  ordinaires,  le 
faux  plancher  est  composé  de  pièces  de  bois  de  faible  équar- 
rissage  et  n'ayant  pas  de  charge  à  supporter. 

FAUX  pont  (V.  Pont). 

FAUX  sommets  (Math.).  Faux  côtés  d'un  quadrilatère 
(V.  Quadrilatère). 

FAUX  témoignage  (V.  Témoin). 

FAUX  titre.  Le  faux  titre  est  la  première  page  d'un 
livre.  Il  ne  contient  que  le  simple  énoncé  du  sujet  et  la 
tomaison  du  volume  si  l'ouvrage  en  forme  plusieurs  et 
se  supprime  dans  les  ouvrages  peu  considérables,  toutes 
les  fois  que  sa  présence  nuit  à  la  combinaison  du 
nombre  exact  des  pages  nécessaires  pour  former  une  ou 
plusieurs  feuilles.  Le  nom  de  l'imprimeur  se  place  derrière 
le  faux  titre,  à  la  partie  correspondante,  au  milieu  des 
lignes  dont  il  est  formé  ou  au  bas  de  la  page.  —  On  donne 
aussi  le  nom  de  faux  titres  aux  sous-titres  qui,  dans  le 
cours  d'un  livre,  sont  placés  au  recto  d'un  feuillet  blanc. 

FAUX  tournis  (Méd.).  Les  larves  de  l'OEstre  du  Mouton 
(OEstrus  ovis  Linné)  se  développent  dans  les  cavités  nasales 
du  Mouton  et  dans  les  sinus  communiquant  avec  celles-ci. 
La  présence  de  ces  parasites  passe  souvent  inaperçue; 
mais,  s'ils  sont  nombreux,  on  voit  apparaître  divers  acci- 
dents. Quand  les  larves  siègent  dans  les  sinus  frontaux, 
le  Mouton  est  atteint  d'un  vertige  particulier  :  ses  yeux 
sont  rouges  et  larmoyants,  une  sérosité  plus  ou  moins 
abondante  s'écoule  de  ses  narines  ou  d'une  seule  narine. 
Dans  les  cas  graves,  la  mort  peut  s'ensuivre.  Cette  maladie 
est  le  faux  tournis  ou  vertige  d' œstres  :  on  la  dis- 
tingue aisément  du  vrai  tournis  (V.  ce  mot),  causé  par 
la  présence  de  Cœnures  dans  l'encéphale,  à  ce  que  les 
animaux  malades  ne  tournent  pas  en  cercle  et  rejettent  des 
mucosités  par  les  narines.  R.  Bl. 

FAUX.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Rethel, 
cant.  de  Novion-Porcien  ;  79  hab. 

FAUX.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Bergerac, 
cant.  d'Issigeac;  717  hab. 

FAU  X-Fresnay.  Corn,  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  d'Epernay, 
cant.  de  Fère-Champenoise  ;  672  hab. 

FAUX-la-Montagne.  Corn,  du  dép.  de  la  Creuse,  arr. 
d'Aubusson,  cant.  de  Gentioux  ;  1 ,847  hab.  Le  chef -lieu  de 
la  commune  est  de  beaucoup  le  plus  peuplé  de  tout  le  canton 
et  il  s'y  tient  des  foires  très  importantes.  Autrefois  centre 
de  l'importante  seigneurie  de  La  Feuillade  (V.  ce  mot). 

FAUX-Mazuras.  Com.  du  dép.  de  la  Creuse,  arr.  et 
cant.  de  Bourganeuf  ;  597  hab. 

FAUX-sur-Coole.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de 
Vitry-le-François,  cant.  de  Sompuis;  78  hab. 

FAUX-Villecerf.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de 
Nogent-sur-Seine,  cant.  de  Marcilly-le-Hayer  ;  271  hab. 

FAVA  (Pietro-Ercole,  comte),  peintre  italien  de  l'école 
bolonaise,  né  à  Bologne  en  1699,  mort  en  1744.  Il  prit 
les  leçons  de  Lorenzo  Pasinelli,  et,  avec  le  concours  de 
Donato  Creti  et  d'Ercole  Graziani,  son  élève,  il  exécuta  de 
grands  tableaux  où  se  révèle  un  talent  remarquable.  Sa 
Vierge  de  douleur  a  disparu  de  la  cathédrale  d'Ancône, 
mais  il  reste  de  lui,  dans  le  chœur,  une  Résurrection  du 
Christ,  sur  l'autel  de  Sainte-Palatie,  une  Adoration  des 
Mages,  et  une  Madone  dans  l'église  San  Tommaso  del 
Mercato  à  Bologne.  Ses  études  d'après  les  Carrache  sont 
très  appréciées.  Gourdault. 

FAVA  (Amand- Joseph),  évêque  de  Grenoble,  né  à  Evin- 
Malmaison  (Pas-de-Calais)  le  10  févr.  1826.  Il  était 
évêque  de  Saint-Pierre  et  Fort-de-France  (Martinique) 
lorsqu'il  fut  promu  au  siège  de  Grenoble  (8  août  1875). 
Ayant  obtenu  du  pape  une  bulle  qui  érigeait  en  basilique 
l'église  Notre-Dame  de  la  Salette  (V.  Eglise,  t.  XV, 
p.  615),  il  mit  cette  bulle  à  exécution  sans  l'avoir  fait 
enregistrer  et  fut,  en  conséquence,  poursuivi  par  appel 
comme  d'abus  (sept.  1879).  Depuis  lors,  il  a  acquis  de 
nouveaux  titres  à  la  notoriété  par  de  nouvelles  bravades 


FA  VA  -  FAVARIIS 


— -  72  — 


à  rencontre  du   pouvoir  civil  et   surtout   par   l'ardeur  | 
bruyante  avec  laquelle  il  a  entrepris  de  constituer  les 
catholiques  en  parti  politique,  et  de  soumettre  ce  parti  à 
la  direction  des  évèques  (V.  France  ecclésiastique). 

FAVALELLO.  Corn,  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de  Corte, 
cant.  de  Sermano  ;  72  hab. 

FAVAND  (Etienne-Edouard-Charles-Eugène),  homme 
politique  français,  né  à  Alais  le  6  avr.  1793,  mort  à 
Alais  le  43  mars  1854.  Entré  dans  l'armée,  il  fit  les  cam- 
pagnes de  4843  et  4844,  et  rentra  dans  la  vie  privée  après 
la  Restauration.  Le  gouvernement  de  Juillet  le  promut  chef 
de  bataillon  (4830).  D'opinions  démocratiques  accentuées, 
il  fut  élu  représentant  du  Gard  à  la  Constituante,  le 
23  avr.  4848,  combattit  la  politique  de  l'Elysée,  et,  réélu 
à  la  Législative  le  43  janv.  1850,  protesta  contre  le  coup 
d'Etat  du  2  déc.  —  Son  fils,  Auguste-Edouard,  né  à 
Alais  le  20  juil.  4826,  mort  à  Paris  le  8  mai  4884,  suivit 
comme  lui  la  carrière  militaire,  et  prit  sa  retraite  avec  le 
grade  de  major  d'infanterie.  Comme  son  père,  il  était 
d'opinions  fort  avancées,  et,  après  avoir  échoué  aux  élec- 
tions du  8  févr.  1874  pour  l'Assemblée  nationale  et  du 
20  févr.  4876  pour  la  Chambre  des  députés,  il  fut  élu 
député  d' Alais  le  3  mars  4878.  Membre  de  l'extrême 
gauche,  il  appuya  constamment  la  politique  radicale,  et, 
mort  au  cours  de  la  législature,  fut  remplacé  par  M.  Des- 
morts  (V.  ce  nom). 

FAVAN NE  (Henri  de),  peintre  français,  né  à  Londres  en 
4668,  mort  à  Paris  le  27  avr.  4752.  Favanne  est  un  de  ces 
académiciens  qui  n'ont  laissé  qu'une  faible  trace  dans  l'his- 
toire de  Part.  C'est  par  hasard  qu'il  est  né  en  Angleterre. 
Son  père,  Antoine,  était  Français,  mais,  comme  il  avait  fait 
une  étude  spéciale  des  mystères  de  la  chasse,  Charles  II  le 
prit  à  son  service  et  l'attacha  à  sa  maison  à  titre  de  veneur. 
Jacques  II  conserva  à  Favanne  fils  la  fonction  dont  son 
père  avait  été  honoré  et,  tout  jeune  encore,  il  l'envoya  en 
France  pour  y  apprendre,  sous  de  bons  maîtres,  les  der- 
nières finesses  du  métier.  Le  roi  lui  accordait  un  petit  sub- 
side dans  l'espérance  qu'il  reviendrait  en  Angleterre  avec 
les  qualités  d'un  veneur  accompli  et  qu'il  saurait  parfaite- 
ment sonner  de  la  trompe.  Favanne  avait  d'autres  visées  : 
il  négligea  l'étude  du  cor  de  chasse  et  il  apprit  la  peinture. 
Il  fut  l'élève  de  R.-A.Houasseetprit  part  aux  concours 
de  l'Académie  royale.  Après  avoir  obtenu  des  succès  dans 
les  exercices  de  l'école,  il  conquit  le  grand  prix  de  pein- 
ture le  29  août  1693.  Par  suite  de  la  pénurie  du  Trésor, 
il  ne  fut  pas  envoyé  à  Rome.  Il  fit  le  voyage  à  ses  frais, 
mais  il  était  bien  vu  du  surintendant,  M.  de  Seignelay,  et, 
en  1695,  il  obtint  une  pension  du  roi  qui  lui  permit  de 
continuer  ses  études.  Il  est  souvent  question  de  Favanne 
dans  les  lettres  que  le  directeur  La  Teulière  adresse  au 
surintendant.  Dès  le  4er  août  1696,  il  travaillait  avec  les 
pensionnaires  de  l'Académie  de  France.  Il  copiait  Raphaël 
à  la  Farnésine  et,  plus  tard  au  Vatican,  où  Y  Attila  lui 
donna  beaucoup  de  mal.  En  1699,  il  quitta  l'Académie, 
mais  il  resta  à  Rome  jusqu'en  1700.  On  voit  par  une  lettre 
de  Vleughels  qu'il  avait  été  un  pensionnaire  exceptionnel, 
car  pendant  son  séjour  à  l'Académie,  peuplée  alors  de 
jeunes  célibataires,  il  était  marié. 

De  retour  à  Paris,  il  montra  son  savoir-faire  et  il  fut 
agréé  le  29  janv.  1701.  Il  fit  attendre  longtemps  son  mor- 
ceau de  réception  ;  enfin,  le  23  août  1704,  il  s'inspira 
d'un  événement  qui  avait  beaucoup  occupé  Versailles  et, 
ayant  donné  une  pompeuse  allégorie,  V Espagne  offrant  la 
couronne  au  duc  d'Anjou,  il  fut  reçu  académicien.  Ce 
tableau,  inventorié  par  Guérin  dans  la  Description  de 
l'Académie,  n'est  pas  perdu.  On  le  retrouve  à  Versailles 
dans  le  salon  de  Mercure  :  il  est  placé  au-dessus  de  la 
porte  du  salon  d'Apollon.  Cette  peinture  attira  sur  Favanne 
l'attention  bienveillante  du  nouveau  roi  d'Espagne.  Appelé 
à  Madrid  par  Philippe  V,  il  travailla  à  la  cour  jusqu'à  la 
disgrâce  de  la  princesse  des  Ursins,  qui  l'honorait  de  sa 
protection  (1714).  Revenu  en  France,  il  trouva  à  s'em- 
ployer au  château  de  Chanteloup  que  possédait  M.  d'Aubi- 


gny,  ancien  secrétaire  de  la  princesse  des  Ursins.  Il  peignit 
au  plafond  la  Chute  de  Phaëton  et,  dans  la  chapelle,  plu- 
sieurs morceaux  relatifs  à  l'histoire  de  la  Vierge.  M.  d'Au- 
bigny  avait  pour  lui  les  plus  grands  égards,  mais  il  le  paya 
mal  et  le  biographe  de  Favanne,  M.  Hulst,  nous  apprend 
que,  par  suite  de  l'insuffisance  de  son  salaire,  l'artiste  fut 
«  mal  à  son  aise  pour  le  restant  de  sa  vie  ».  Ces  peintures 
de  Chanteloup  n'avaient  cependant  pas  passé  inaperçues. 
Elles  eurent  même  du  succès.  Lafont  de  Saint-Yenne  en 
parle  encore  avec  éloge  dans  un  livre  publié  en  1747. 
L'auteur  vante  aussi  les  paysages  que  le  vieux  peintre  avait 
exposés  au  Salon  de  1746.  Académicien  plus  zélé  que  glo- 
rieux, H.  de  Favanne  prit  part  plusieurs  fois  aux  exposi- 
tions du  Louvre.  Son  nom  figure  au  catalogue  depuis  1704 
jusqu'en  1750.  Il  peignait  des  sujets  de  la  fable  et  aussi 
des  paysages  dans  lesquels  il  introduisait  volontiers  des 
figures  nues.  Nous  en  avons  vu  passer  quelques-uns  dans 
les  ventes  publiques,  et  il  nous  souvient  d'une  baigneuse 
où  la  morbidesse  attendrie  des  chairs  révélait  un  contem- 
porain et  un  adhérent  de  Raoux.  P.  Mantz. 

Bibl.  :  Mémoire  pour  servir  à  la  vie  de  M.  de  Favanne; 
Paris,  1753.  —  Lafont  de  Saint-Yenne,  Réflexions  sur 
l'état  présent  de  la  peindre,  1747.— Notice  de  Hulst,  dans 
les  Mémoires  sur  les  académiciens,  1854,  t.  II.  — A.  de 
Montaiglon,  Correspondance  des  directeurs  de  l'Acadé- 
mie de  France,  1888,  t.  II. 

FAVÂRA.  Ville  d'Italie,  prov.  de  Girgenti  (Sicile), 
à  10  kil.  E.  de  cette  ville  et  à  15  kil.  de  la  mer,  avec  un 
château  des  Chiaramonti.  Dans  le  voisinage  sont  des  car- 
rières de  marbre  et  les  plus  riches  mines  de  toute  l'Italie. 
Pop.  agglomérée,  15,983  hab.  en  1881  (ville)  ;  16,051 
pour  la°  commune. 

FAYARD  de  Langlade  (Guillaume- Jean,  baron),  juris- 
consulte français,  né  à  Saint-Floret  (Puy-de-Dôme)  le 
4  avr.  1762,  mort  à  Paris  le  14  nov.  1831.  Il  fut  en 
1785  avocat  au  parlement  de  Paris,  en  1792  commissaire 
national  près  le  tribunal  d'Issoire,  en  1795  et  en  1799 
membre  du  conseil  des  Cinq-Cents.  Il  fut  membre  du  Tri- 
bunat  du  1er  janv.  1800  au  17  août  1807,  et  prit  une 
part  active  à  la  rédaction  du  code  civil,  du  code  de  procé- 
dure civile  et  du  code  de  commerce.  En  1804,  il  vota  pour 
l'établissement  de  l'Empire.  A  la  suppression  du  Tribunat 
en  1807,  Favard  devint  membre  du  Corps  législatif  et  pré- 
sida la  section  de  l'intérieur.  Juge  à  la  cour  de  cassation 
en  1809  et  mattre  des  requêtes  au  conseil  d'Etat  en  4813, 
il  conserva  ces  places  sous  la  première  Restauration.  Pen- 
dant les  Cent-Jours,  il  fit  partie  de  la  Chambre  des  repré- 
sentants et  resta  conseiller  à  la  cour  de  cassation  ;  il  ne 
perdit  pas  davantage  sa  situation  après  le  retour  du  roi. 
Il  fut  nommé  conseiller  d'Etat  en  1817  et  président  de  la 
chambre  des  requêtes  à  la  cour  de  cassation  le  17  mai 
4828.  Favard  de  Langlade  fut  député  du  Puy-de-Dôme  de 
1807  à  1809  et  de  1816  à  1831.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Code  civil  des  Français,  suivi  de  V exposé  des 
motifs  [sur  chaque  loi  (1804-21, 12  vol.  in-12,  4e  éd. 
revue  par  M.  Poncelet,  1838,  2  vol.  in-8);  Conférence  du 
Code  civil  avec  la  discussion  particulière  du  Co7iseil 
d'Etat  et  du  Tribunat  (Paris,  an  XIII  [1805],  8  vol. 
in-12  et  in-8);  Répertoire  de  la  législation  du  notariat 
(1807,  in-4;  2e  éd.,  1830,  2  vol.  in-4);  Code  de  procé- 
dure civile,  suivi  des  motifs  (1808,  2  vol.  in-12,  sans 
nom  d'auteur);  Code  d'instruction  criminelle  avec  l'ex- 
posé des  motifs  (1810,  in-12,  sans  nom  d'auteur);  Code 
pénal,  suivi  de  l'exposé  des  motifs  (1810,  2  vol.  in-12); 
Manuel  pour  l'ouverture  et  le  partage  des  successions 
(1811,in-8);  Traité  des  privilèges  et  hypothèques  (1812, 
in-8);  Répertoire  de  la  nouvelle  législation  civile,  corn- 
merciale  et  administrative  (1823-24,  5  vol.  in-4).  G.  R. 

Bibl.:  Camille  Mars,  le  Baron  Favard  de  Langlade 
(discours  de  rentrée  à  la  cour  de  Riom,  3  nov.  1876).  —  Le 
Tribunat  et  la  cour  de  cassation,  notices  sur  le  personnel  ; 
Paris,  1879,  pp.  154, 177, 187, 196,  530. 

FAVARIIS  (Jacques  de),  maître  d'œuvre  français   du 
xive  siècle.  Originaire  de  Narbonne,  J.  de  Favariis  fut 
è,  vers  1320,  lors  de  la  mort  de  son  compatriote, 


-  73  - 


FAVARIIS  -  FAVART 


maître  Henry  de  Narbonne,  à  lui  succéder  dans  la  direc- 
tion des  travaux  de  la  cathédrale  de  Gérone  (Espagne). 
Nous  savons,  par  les  archives  du  chapitre  de  cette  cathé- 
drale (Curia  del  vicariato  de  Gerona,  etc.,  fol.  48),  que, 
moyennant  250  sous  de  traitement  annuel,  J.  de  Favariis 
devait  venir  six  fois  par  ans  de  Narbonne  à  Gérone  pour 
surveiller  les  travaux  et  en  remettre  tous  les  dessins  d'exé- 
cution. Charles  Lucas. 

FAVARO  (Antonio),  mathématicien  italien,  né  à  Padoue 
le  24  mai  4847.  Il  a  fait  ses  études  à  l'université  de 
Padoue,  à  l'Ecole  d'application  des  ingénieurs  de  Turin  et 
à  l'Ecole  polytechnique  de  Zurich.  Successivement  aide, 
docent,  suppléant  et  chargé  de  cours  à  l'université  de 
Padoue,  il  y  fut  nommé  en  4872  professeur  extraordinaire 
de  statique  graphique.  Professeur  ordinaire  dix  ans  après, 
il  avait  dès  4878  ouvert  sur  l'histoire  des  mathématiques 
un  cours  qu'il  a  depuis  continué  sans  interruption.  Ses 
premiers  travaux  ont  concerné  l'art  de  l'ingénieur  (ses 
Leçons  de  statique  graphique,  4877,  ont  été  traduites 
en  français  en  4  879-4885),  mais  il  se  laissa  bientôt  atti- 
rer par  l'histoire  des  sciences  et  devint  l'un  des  plus  actifs 
collaborateurs  du  Bullettino  Boncompagni  (V.  Boncom- 
pagni).  Depuis  4879,  il  s'est  presque  exclusivement  con- 
sacré à  l'étude  de  Galilée  et,  en  4887,  il  a  été  chargé  de 
l'édition  nationale  italienne  des  œuvres  du  grand  réno- 
vateur, travail  immense,  dont  les  premiers  volumes  parus 
jusqu'à  présent  peuvent  faire  apprécier  toute  l'importance. 
M.  Favaro  a  publié  plus  de  200  mémoires  ou  volumes 
(dont  40  particulièrement  importants  sur  Galilée).    T. 

FAVARS.  Corn,  du  dép.  de  la  Gorrèze,  arr.  et  cant.  (N.) 
de  Tulle  ;  627  hab.  Favars  est  nommé  dès  le  ixe  siècle 
dans  les  cartulaires  limousins.  Cette  localité  était  comprise 
dans  le  pays  d'Issandon  et  la  vicairie  d'Uzerche.  Son 
église,  consacrée  en  997,  relevait  de  l'abbaye  deBeaulieu- 
sur-Ménoire.  Elle  a  été  complètement  rasée,  il  y  a  peu 
d'années,  puis  reconstruite.  Au  xie  siècle,  la  seigneurie  de 
Favars  appartenait  aux  barons  de  Malemort  ;  au  xvne  siècle, 
elle  était  aux  mains  de  Henri  de  Bourbon,  marquis  de  Ma- 
lauze,  après  la  mort  de  qui  elle  passa  à  la  famille  de  Mé- 
rigonde  qui  la  conserva  jusqu'à  la  Révolution.  En  4790,  il 
se  produisit  à  Favars  des  actes  de  violence  qui  trouvèrent 
écho  au  sein  de  l'Assemblée  constituante.     A.  Leroux. 

Bibl.:  Melon  de  Pradou,  Monographie  de  la  commune 
de  Favars  (avec  gravures  et  pièces  justificatives),  dans  le 
Bull,  de  la  Soc.  des  lettres  de  Tulle,  1884,  t.  VI, 
pp.  436-491. 

FAVART  (Théâtre)  (V.  Opéra-Comique). 

FAVART  (Charles-Simon),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  le  48  nov.  4740,  mort  à  Belleville  (Seine)  le 
42  mai  4792.  Fils  d'un  pâtissier  à  qui  l'on  doit,  dit-on, 
l'invention  des  échaudés  ou  des  oublies,  il  put  néanmoins 
suivre  les  cours  du  collège  Louis-le-Grand  jusqu'au  jour  où 
la  mort  de  son  père  l'obligea  à  reprendre  le  tablier  et  la 
lardoire.  Tourmenté  dès  l'enfance  de  velléités  littéraires  que 
ses  parents  avaient  d'ailleurs  encouragées,  il  prit  part,  en 
1733,  aux  concours  de  l'académie  des  Jeux  floraux  et 
obtint  une  violette  d'argent  pour  un  poème  sur  la  France 
délivrée  par  la  Pucelle  d'Orléans,  mais  ses  véritables 
débuts  datent  de  son  premier  opéra-comique,  les  Deux 
Jumelles  (4734),  représenté  sur  le  théâtre  de  la  rue  de 
Buci  et  qui  fut  suivi  d'une  vingtaine  de  pièces  toutes  ano- 
nymes et  pour  la  plupart  non  imprimées,  dont  la  Cher- 
cheuse d'esprit  (Il  4  \)  est  restée  le  chef-d'œuvre.  La  vogue 
qu'il  avait  procurée  à  un  théâtre  jusqu'alors  toléré  en  raison 
de  son  peu  d'importance,  excita  la  jalousie  des  comédiens 
français  et  italiens  qui  finirent  par  obtenir  sa  suppression 
(4744).  Mais  Favart  fut  alors  chargé  par  le  directeur  de 
l'Opéra,  de  qui  dépendait  l'Opéra-Comique,  de  recruter  le 
personnel  de  ce  théâtre,  et  c'est  ainsi  qu'il  fit  connaissance 
de  Mlle  Duronceray,  devenue  peu  après  sa  femme  légitime 
(V.  ci-après).  Nommé  en  4746  par  Maurice  de  Saxe  direc- 
teur de  la  troupe  de  comédiens  dont  il  se  faisait  suivre,  même 
en  campagne,  Favart  assista  aux  opérations  qui  précédèrent 
la  victoire  de  Lawfeld  et  concourut  à  entretenir,  par  ses 


couplets  et  ses  à-propos,  la  confiance  de  l'armée  dans  son 
chef  ;  mais  la  faveur  dont  il  jouissait  auprès  de  celui-ci 
cessa  lorsque  Maurice  de  Saxe,  éperdument  épris  de 
Mme  Favart,  voulut  en  faire,  bon  gré  mal  gré,  sa  maî- 
tresse. Les  détails  de  cet  épisode  sont  à  la  fois  trop  com- 
pliqués et  trop  connus  pour  qu'il  soit  nécessaire  d'insister. 
La  persécution  dont  Favart  et  sa  femme  payèrent  leur  ré- 
sistance ne  cessa  qu'à  la  mort  même  du  maréchal  (4750). 
Il  ne  saurait  pas  davantage  entrer  dans  le  plan  de  cette 
notice  de  donner  la  liste  complète  des  pièces  de  Favart 
représentées  depuis  cette  époque,  et  il  suffira  de  rappeler  le 
titre  des  principales  d'entre  elles  :  le  Caprice  amoureux  ou 
Ninette  à  la  cour,  mus.  de  Ciampi  (4753,  3  actes  ;  ré- 
duit à  2  actes,  4756);  l'Anglais  à  Bordeaux  (1  acte, 
4763),  l'un  des  grands  succès  de  l'auteur;  le  Procès  et 
la  Plaideuse  (3  actes,  mus.  de  Duni,  4762);  les  Fêtes 
de  la  Paix,  mus.  de  Philidor  (4763);  Isabelle  et  Ger- 
trude  ou  les  Sylphes  supposés,  mus.  de  Biaise  (1  acte, 
4765);  la  Fée  Urgèle,  mus.  de  Duni  (4  actes,  4765);  les 
Moissonneurs,  mus.  de  Duni  (3  actes,  4786)  ;  V Amant 
déguisé  ou  le  Mariage  supposé,  mus.  de  Philidor  (4  acte, 
4769);  la  Rosière  de  Salency,  mus.  de  Philidor,  Mon- 
tigny  et  Van  Swieten  fils  (3  actes,  4769);  les  Trois  Sul- 
tanes, mus.  de  Gilbert  (3  actes,  1877),  dont  la  Comédie- 
Française  a  donné  une  reprise  en  4892,  etc.  Favart  avait 
rassemblé,  au  moyen  de  titres  factices,  son  Théâtre 
(4763-4772,  42  vol.  in-8).  Il  en  a  été  publié  depuis  divers 
choix  (1810,  3  vol.  in-8;  4843,  3  vol.  in-48  ;  4853, 
in-48,  sous  le  titre  à'OEuvres  de  M.  et  Mme  Favart).  De 
1759  à  4763,  Favart  avait  entretenu  avec  le  directeur  des 
théâtres  de  Vienne,  le  comte  Durazzo,  une  correspondance 
à  la  fois  dramatique  et  littéraire,  publiée  sous  le  titre  par- 
faitement impropre  de  Mémoires  (4808,  3  vol.  in-8)  et 
sur  des  textes  fautifs  ou  mal  lus  ;  une  nouvelle  édition, 
préparée  par  son  petit-fils,  n'a  pas  vu  le  jour.  La  biblio- 
thèque spéciale,  nombreuse  et  choisie,  formée  par  Favart, 
mise  en  vente  en  4793,  ne  fut  définitivement  dispersée 
qu'en  4864.  Maurice  Tourneux. 

Bibl.:  Favart,  Fragments  autobiographiques,  en  tête 
des  Mémoires.  —  Dumollard,  Notice  en  tête  du  même 
livre#  —  Grimm,  Correspondance  littéraire.  —  G.  Des- 
noiresterres,  Epicitriens  et  Lettrés,  1879,  in-18. —  Sainte- 
Beuve,  Nouveaux  Lundis,  1867.,  t.  XI  (à  propos  du  maré- 
chal de  Saxe). 

FAVART  (Marie-Justine-Benoîte  Duronceray,  épouse), 
actrice  et  chanteuse  française,  née  à  Avignon  le  45  juin 
4727,  morte  à  Belleville,  près  de  Paris,  le  24  avr.  4772. 
Elle  fut  l'une  des  gloires  de  l'ancienne  Comédie-Italienne,  et 
l'une  des  actricesles  plus  accomplies  et  les  plus  charmantes 
que  la  France  ait  jamais  possédées.  Fille  d'un  musicien  et 
d'une  chanteuse  qui  appartenaient  l'un  et  l'autre  à  la  cha- 
pelle du  roi  de  Pologne  Stanislas,  elle  fut  prise  en  affec- 
tion par  ce  prince  qui,  voyant  les  dispositions  qu'elle  mon- 
trait pour  le  théâtre  et  pour  la  musique,  prit  soin  lui-même 
de  son  éducation  et  lui  donna  des  maîtres  qui  la  formèrent 
pour  le  chant,  la  danse  et  différents  instruments,  car  elle 
jouait  bien  de  la  harpe  et  du  clavecin.  Sa  mère  ayant  obtenu 
du  roi,  en  4744,  un  congé  pour  venir  à  Paris,  elle  y  amena 
sa  fille  qui  débuta  à  l'Opéra-Comique  de  la  foire  Saint- 
Germain,  en  4745,  sous  le  nom  de  «  M119  Chantilly,  pre- 
mière danseuse  du  roi  de  Pologne  »,  dans  une  pièce  nou- 
velle intitulée  les  Fêtes  publiques,  faite  à  l'occasion  du 
mariage  du  dauphin.  Elle  y  obtint  un  triple  succès  d'ac- 
trice, de  chanteuse  et  de  danseuse.  La  Comédie-Italienne, 
jalouse  alors  de  la  vogue  de  l'Opéra-Comique,  ayant  réussi 
à  faire  fermer  ce  théâtre,  Favart,  qui  en  était  le  directeur, 
obtint  d'ouvrir  un  spectacle  de  pantomime  à  la  foire  Saint- 
Laurent,  y  transporta  sa  troupe,  et  y  fit  jouer,  entre  autres, 
une  pantomime  intitulée  les  Vendanges  de  Tempe,  dont 
le  succès  fut  assuré  par  le  jeu  charmant  de  Mlles  Chantilly 
et  Gobé. 

Favart  était  devenu  amoureux  de  sa  pensionnaire,  à  qui 
il  était  loin  de  déplaire  ;  MUe  Chantilly  devint  Mme  Favart 
au  mois  de  déc.  4745,  et  presque  aussitôt  suivit  son  mari 


FAVART 


74  — 


à  Bruxelles,  où  il  était  chargé  de  la  direction  du  théâtre 
qui  devait  suivre  les  troupes  du  maréchal  de  Saxe.  On  sait 
de  quelles  indignes  persécutions  Mme  Favart  fut  l'objet  de 
la  part  de  ce  grand  capitaine,  qui  s'était  violemment  épris 
d'elle  et  qui,  pour  venir  à  bout  de  ses  résistances,  alla 
jusqu'à  la  faire  enfermer  dans  un  couvent  et  à  obliger  son 
mari  à  se  cacher  comme  un  criminel.  Mme  Favart  put 
cependant  débuter  à  la  Comédie-Italienne,  et  d'une  façon 
brillante,  le  5  août  4  749  ;  mais  aussitôt  les  persécutions 
du  maréchal  recommencèrent,  et  elle  dut  s'éloigner  de  ce 
théâtre.  Elle  put  néanmoins  y  rentrer,  et  d'une  façon  défi- 
nitive, le  26  août  1754  ;  son  succès  comme  comédienne, 
comme  chanteuse  et  comme  danseuse,  fut  tel  que  dès  l'an- 
née suivante  elle  était  reçue  sociétaire  à  part  entière.  A 
partir  de  ce  moment,  elle  devint  l'actrice  favorite  de  ce 
théâtre,  et  pendant  vingt  ans  elle  ne  cessa,  on  peut  le  dire, 
d'être  l'idole  du  public,  grâce  à  un  talent  dont  la  variété, 
le  charme  et  la  souplesse  enchantaient  tous  les  spectateurs. 
«  Propre  à  tous  les  caractères,  disait  un  contemporain,  elle 
les  rendait  avec  une  vérité  surprenante.  Soubrettes,  amou- 
reuses, paysannes,  rôles  naïfs,  rôles  de  caractère,  tout  lui 
devenait  propre  ;  en  un  mot,  elle  se  multipliait  à  l'infini 
et  l'on  était  étonné  de  lui  voir  jouer  le  même  jour,  dans 
quatre  pièces  différentes,  des  rôles  entièrement  opposés.  » 
Mme  Favart  contribua  aux  grands  succès  de  la  Comédie- 
Italienne,  non  seulement  par  son  talent  personnel,  mais  par 
son  intelligence  des  besoins  du  théâtre  et  son  souci  des 
plaisirs  du  public.  C'est  surtout  à  son  influence  qu'on  doit 
le  commencement  de  la  transformation  de  ce  théâtre  en  une 
scène  lyrique,  et  c'est  elle  qui  encouragea  les  traductions 
des  premiers  intermèdes  italiens  qui  y  furent  représentés  : 
la  Servante  maîtresse  et  le  Maître  de  musique,  de  Per- 
golèse,  le  Chinois,  la  Bohémienne,  bientôt  suivis  de  véri- 
tables opéras-comiques  français.  C'est  elle  aussi,  qui,  la 
première,  s'occupa  d'une  réforme  rationnelle  du  costume 
et  osa  paraître  en  paysanne  avec  une  robe  de  laine,  les 
bras  nus  et  des  sabots,  alors  que  ses  rôles  étaient  joués 
d'ordinaire  avec  d'énormes  paniers,   des  diamants  dans 
les  cheveux  et  des  gants  montant  jusqu'aux  coudes.  Le 
nombre  de  ses  créations  est  considérable ,  et  chacune  d'elles 
lui  valait  un  nouveau  succès.  Dans  Ninette  à  la  cour, 
Annette  et  Lubin,  les  Moissonneurs,  Nanette  et  Lucas, 
elle  était  charmante  de  candeur  et  d'ingénuité  ;  dans  les 
Sultanes,  la  Servante  maîtresse,  elle  se  montrait  pétil- 
lante d'esprit,  de  malice  et  de  gaieté  ;  il  faut  citer  encore 
Mazet,   le    Triomphe  de  l'intérêt,    l'Embarras    des 
richesses,  Bastien  et  Bastienne,  les  Vœux  accomplis, 
les  Amours  champêtres,  les  Fêtes  de  la  paix,  la  Fée 
.    Urgèle,  la  Nouvelle  Troupe,  Isabelle  et  Gertrude,  Je 
ne  sais  quoi,  les  Indes  galantes,  etc.  Mme  Favart  ne  se 
bornait  pas  toujours  à  jouer  les  pièces  des  autres  ;  elle  en 
faisait  elle-même  et  prit  une  part  importante  de  collabora- 
tion aux  six  suivantes  :  Annette  et  Lubin  (avec  son  mari), 
les  Amours  de  Bastien  et  Bastienne  (avec  Harny),  les 
Ensorcelés  (avec  Guérinet  Harny),  la  Fortune  au  village 
(avec  B...),   la  Fête  d'amour  (avec  Chevalier),  enfin, 
seule,  la  Fille  mal  gardée.  Excellente  musicienne,  il  lui 
arrivait  souvent  aussi  de  composer  et  d'écrire  la  musique 
des  couplets  contenus  dans  tel  ou  tel  vaudeville.  C'était, 
en  un  mot,  une  artiste  accomplie  et  douée  par  la  nature  de 
la  façon  la  plus  généreuse.  Arthur  Pougïn. 

FAVART  (Charles-Nicolas-Joseph-Justin),  acteur  et  au- 
teur dramatique  français,  né  à  Paris  en  4749,  mort  à  Paris 
le  4er  févr.  4806.  Il  était  le  fils  aîné  de  Favart  et  de 
Mme  Favart,  qui  furent,  chacun  en  leur  genre,  la  gloire  et 
l'honneur  de  la  Comédie-Italienne.  Il  n'était  pourtant  point 
destiné  au  théâtre,  et  ce  ne  fut  qu'à  l'âge  de  trente  ans,  et 
sept  ans  après  la  mort  de  sa  mère,  que  les  nécessités  de 
l'existence  l'obligèrent  à  embrasser  cette  carrière.  Il  débuta 
à  la  Comédie-Italienne  le  2  sept.  4779,  dans  l'emploi  des 
pères,  par  le  rôle  de  Cassandre  du  Tableau  parlant  et 
celui  de  Mathieu  des  Trois  Fermiers.  Il  fut  accueilli  favo- 
rablement et  même  reçu  sociétaire  l'année  suivante,  grâce 


surtout  au  nom  qu'il  portait,  car,  bien  que  soigneux  et 
intelligent,  il  ne  fut  jamais  qu'un  comédien  médiocre.  Il 
prit  sa  retraite  vers  4795.  Mais  il  n'était  pas  seulement 
comédien  ;  il  se  fit  connaître  aussi  comme  auteur  drama- 
tique. Tout  d'abord  il  se  produisit  sous  ce  rapport  par 
divers  compliments  de  clôture,  qui  étaient  généralement 
ingénieux  et  intéressants  ;  puis  il  donna  à  la  Comédie-Ita- 
lienne les  ouvrages  suivants  :  le  Diable  boiteux  ou  la 
Chose  impossible  (1782)  ;  le  Déménagement  d'Arlequin 
marchand  de  tableaux  (4783) ;  les  Trois  Folies{ll$6) ; 
le  Mariage  singulier  (4787)  ;  la  Famille  réunie  (4790)  ; 
la  Suite  des  Solitaires  de  Normandie  (4790)  ;  au  théâtre 
Feydeau,  avec  son  père,  la  Vieillesse  d  Annette  et  Lubin 
(4794)  ;  au  théâtre  des  Jeunes- Artistes,  la  Sagesse  hu- 
maine ou  Arlequin  Memnon  (4797)  ;  Joseph  ou  h  Fin 
tragique  de  Mme  Angot  (4797).  Favart  fils,  dont  les  qua- 
lités morales  étaient  dignes  de  la  plus  profonde  estime,  fut, 
après  sa  retraite  du  théâtre,  employé  à  la  bibliothèque  du 
Tribunat  et  devint  maire  de  Belleville.  A.  P. 

FAVART  (Antoine-Pierre-Charles),  littérateur  français, 
né  à  Paris  le  6  oct.  4780,  mort  à  Paris  le  28  mars  4867, 
parent  du  précédent.  Il  fut  secrétaire  du  duc  de  Caraman, 
ambassadeur  à  Vienne  (4845),  du  duc  de  Polignac,  mi- 
nistre des  affaires  étrangères  (4830)  et  fut  chargé  de  di- 
verses missions  diplomatiques.  Il  fut  aussi  quelque  temps 
consul  à  Mons.  Il  a  publié  les  Mémoires  de  son  grand- 
père  (4808, 3  vol.  in-8)  et  il  a  collaboré  avec  Dumolard  au 
Rival  par  amitié,  avec  Dupin,  aux  Six  Pantoufles  ou  la 
Revue  des  Cendrillons  et  avec  Gentil  à  la  Jeunesse  des 
Favart  (représentée  au  Vaudeville  en  4808).  Favart  fut 
un  peintre  amateur  d'assez  de  talent.  Au  temps  où  il  était 
attaché  à  la  légation  de  France  à  Vienne,  il  peignit  un  Cou- 
ronnement de  l'impératrice  d'Autriche  qui  fut  remarqué. 

FAVART  (Pierrette-Ignace  Pingaud,  connue  sous  le  nom 
de  Marie),  actrice  française,  née  à  Beaune  le  46  févr.  4833. 
Nièce  et  fille  adoptive  d'un  descendant  de  la  famille  théâ- 
trale des  Favart,  elle  en  porte  légalement  le  nom.  Amenée 
de  bonne  heure  à  Paris,  Mlle  Favart  montra  dès  son  enfance 
un  goût  prononcé  pour  le  théâtre.  Admise  au  Conserva- 
toire, dans  la  classe  de  Samson,  elle  y  obtient  au  concours 
de  4847,  à  peine  âgée  de  quatorze  ans,  un  accessit  de  tra- 
gédie et  un  second  prix  de  comédie.  On  la  voit  débuter  à 
la  Comédie-Française  Tannée  suivante,  le  49  mai,  dans 
Valérie,  puis  dans  le  joli  rôle  de  Chérubin  du  Mariage  de 
Figaro  (plus  tard  elle  joua  Suzanne,  puis  la  comtesse,  dans 
le  même  ouvrage).  Elle  y  demeure  trois  années,  puis  un 
caprice  la  fait  s'en  éloigner,  et,  le  45  nov.  4854,  elle  se 
montre  aux  Variétés  dans  Mignon,  et  ensuite  dans  la  Petite 
Fadette  et  la  Vie  de  Bohême,  Elle  rentre  enfin  à  la  Comé- 
die-Française en  4852,  y  est  reçue  sociétaire  le  4er  juil. 
4854,  et  alors  commence  pour  elle  cette  carrière  brillante, 
presque  glorieuse,  qui  devra  se  prolonger  pendant  plus  de 
vingt-cinq  ans.  Douée  d'une  beauté  remarquable  et  pleine 
d'élégance,  d'un  organe  séduisant,  joignant  à  la  grâce  et  à 
la  pureté  de  la  diction  un  puissant  sentiment  pathétique  et 
les  accents  de  la  passion  la  plus  ardente,  Mlle  Favart  fut 
bientôt  l'un  des  plus  nobles  soutiens  de  notre  grande  scène 
littéraire,  où  durant  longtemps  elle  occupa  légitimement 
l'une  des  premières  places. 

Bien  qu'elle  se  soit  montrée  remarquable  à  plus  d'une 
reprise  dans  la  tragédie,  en  jouant  tour  à  tour  Andro- 
maque,  Polyeucte,  Mithridate,  Phèdre,  Esther,  la  Mort 
de  Pompée,  c'est  surtout  dans  la  comédie,  et  particulière- 
ment dans  la  comédie  et  le  drame  modernes,  que  le  talent 
si  pur,  si  élevé  de  M1Ie  Favart  a  brillé  de  son  plus  vif  éclat. 
Tout  en  reprenant  un  grand  nombre  de  rôles  importants 
du  répertoire  dans  A  drienne  Lecouvreur \Marion  Delorme, 
Rernani,  Bertrand  et  Raton,  la  Camaraderie,  Une 
Chaîne,  la  Fin  du  roman,  elle  faisait  de  non  moins  nom- 
breuses créations  et  prouvait  toute  la  souplesse  de  ses 
facultés  dans  Sullivan,  Romulus,  le  Sage  et  le  Fou, 
MUe  de  La  Seiglière,  le  Fils  de  Giboyer,  le  Supplice 
d'une  femme,  Fantasio,  le  Fils,  Galilée.  Quelques-unes 


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FAVART  —  FAVE 


de  ces  créations  furent  pour  Mlle  Favart  de  véritables 
triomphes,  et  il  faut  citer  surtout  le  Supplice  d'une  femme 
pour  sa  puissance  dramatique,  On  ne  badine  pas  avec 
l'amour,  pour  son  admirable  sentiment  pathétique,  Paul 
Forestier,  Julie,  les  Faux  Ménages.  Dans  ces  divers, 
ouvrages  sa  renommée  fut  portée  à  son  comble,  et  le  public 
lui  manifestait  avec  enthousiasme  le  plaisir  qu'elle  lui  pro- 
curait. Parmi  ceux  au  succès  desquels  elle  contribua  ainsi 
d'une  façon  puissante,  il  faudrait  signaler  encore  Jean 
Baudry,  Dolorès,  Lions  et  Renards,  Maître  Guérin,  le 
Gendre  de  M,  Poirier,  les  Ennemis  de  la  maison,  la 
Considération,  V Aventurière,  etc. 

Cependant,  après  tant  et  de  si  éclatants  succès,  après 
une  carrière  si  active,  si  étonnamment  laborieuse  et  si  bien 
remplie,  Mlle  Favart  se  vit  tout  à  coup  en  butte  à  des 
intrigues,  a  des  injustices  qui  finirent  par  l'abreuver  de 
dégoût  et  par  lui  inspirer  le  désir  de  s'éloigner  d'un 
théâtre  où  l'on  oubliait  ses  services  et  la  haute  situation 
qu'elle  y  avait  si  glorieusement  occupée.  Au  mois  dejanv. 
1881,  alors  que  depuis  vingt-neuf  ans  qu'elle  y  était  ren- 
trée elle  était  restée  constamment  sur  la  brèche,  MQe  Fa- 
vart cessa  d'appartenir  à  la  Comédie-Française.  Depuis  lors 
elle  paraît  s'être  confinée  dans  une  retraite  absolue.  On  l'a 
vue  reparaître  une  seule  fois  à  la  scène,  en  1887,  pour 
créer,  à  l'Odéon,  le  rôle  de  Mme  Le  Quesnoy  dans  Numa 
Roumestan  de  M.  Alphonse  Daudet.     Arthur  Pougin. 

FAVART  d'Herbigny  (Nicolas-Remi),  général  français, 
né  à  Reims  en  1735,  mort  à  Paris  le  5  mai  1800.  Admis 
dans  le  corps  du  génie  en  1756,  il  était  employé  à  Lorient 
en  avr.  1761,  lorsque  l'amiral  Keppel  vint  débarquer 
10,000  hommes  à  Belle-Isle  dans  le  dessein  d'emporter  la 
petite  ville  du  Palais.  La  place  était  très  faible.  Favart  par- 
vint à  s'y  introduire  malgré  la  croisière  ennemie,  impro- 
visa quelques  retranchements  et  s'y  détendit  près  de  deux 
mois.  Il  n'en  sortit  que  par  la  brèche  et  avec  les  honneurs 
de  la  guerre.  Envoyé  à  la  Martinique  en  1763,  il  y  séjourna 
plusieurs  années.  A  son  retour  en  France,  on  le  chargea 
de  la  construction  du  fort  du  Château-Neuf,  près  de  Saint- 
Malo.  En  1782,  il  prit  part  à  la  petite  expédition  dirigée 
contre  Genève  :  ce  fut  lui  qui  dirigea  les  travaux  d'ap- 
proche, dont  la  seule  exécution  suffit  à  faire  capituler  la 
ville.  Favart  était  alors  considéré  comme  l'un  des  ingé- 
nieurs les  plus  distingués  de  l'armée.  Il  fut  fait  maréchal 
de  camp  le  9  mars  1788.  En  1792,  il  commandait  le  camp 
et  la  place  de  Neuf-Brisach,  lorsque  éclata  parmi  les  troupes 
une  insurrection  qui  risquait  d'ouvrir  l'Alsace  à  l'ennemi 
(4-7  juin).  Sa  conduite  en  cette  circonstance  lui  valut  les 
félicitations  de  l'Assemblée  législative.  On  l'envoya  ensuite 
commander  à  Thionville,  puis  en  1793  à  Lille.  Sur  ces 
entrefaites  il  fut  promu  général  de  division.  A  Lille,  il  eut 
avec  Custine,  commandant  de  l'armée  du  Nord,  un  léger 
différend  qui  fit  beaucoup  de  bruit  à  l'époque.  Custine 
retira  de  Lille,  malgré  les  observations  de  Favart,  soixante- 
seize  pièces  de  canon  qui  servirent  à  armer  les  camps  de 
César  et  de  la  Madeleine.  Les  adversaires  de  Custine  en 
profitèrent  pour  l'accuser  d'avoir  dégarni  la  place  à  des- 
sein, dans  le  but  de  la  faire  tomber  entre  les  mains  des 
alliés .  Ce  grief  n'avait  aucun  fondement  ;  ce  fut  cependant 
l'un  de  ceux  qui  contribuèrent  le  plus  à  faire  monter  le 
malheureux  général  sur  l'échafaud.  Sous  le  Directoire, 
Favart  d'Herbigny  devint  inspecteur  général  du  génie.  Il  a 
publié  des  Mémoires  sur  la  défense  des  côtes  et  les 
reconnaissances  militaires,  Ch.  Gràndjeàn. 

FAVÉ  (Ildephonse),  général  et  écrivain  militaire  fran- 
çais, né  à  Dreux  le  12  févr.  1812.  Admis  à  l'Ecole  poly- 
technique en  1830,  sous-lieutenant  d'artillerie  en  1832, 
Favé  se  fit  connaître  de  bonne  heure  par  d'importantes 
études  sur  l'histoire  et  la  théorie  des  armes  savantes. 
Après  avoir  publié,  en  1841,  un  Nouveau  Système  de 
défense  des  places  fortes  rempli  de  vues  originales,  il 
donna  successivement,  de  1845  à  1848,  sept  autres  ou- 
vrages qui  lui  valurent  une  haute  réputation  dans  l'armée. 
Sur  ces  entrefaites,  la  révolution  de  Février  ayant  rappelé 


en  France  Louis-Napoléon  Bonaparte,  Favé,  alors  simple 
capitaine,  se  lia  avec  lui  d'une  amitié  qui  devait  exercer 
une  grande  influence  sur  la  suite  de  sa  carrière.  On  sait 
que  Louis-Napoléon  s'était  occupé  dans  sa  jeunesse  de 
recherches  sur  la  construction  des  bouches  à  feu.  Il  avait 
publié,  en  1846,  un  volume  à' Etudes  sur  le  passé  et 
V avenir  de  l'artillerie  ;  on  lui  attribuait  même  l'inven- 
tion d'un  nouveau  modèle  de  pièces  de  campagne  dont  ses 
partisans  faisaient  grand  bruit.  Devenu  président  de  la 
République  et  toujours  préoccupé  des  questions  d'artillerie, 
Louis-Napoléon  prit  le  capitaine  Favé  pour  collaborateur. 
Il  le  chargea  d'abord  d'exposer  au  public  militaire  les 
avantages  du  nouveau  système  de  bouches  à  feu  dont  on  le 
disait  l'inventeur  et  qui  finit  par  être  adopté  pour  le  ser- 
vice des  troupes  en  1852.  Puis,  après  le  rétablissement  de 
l'Empire,  il  lui  confia  le  soin  d'instituer  des  expériences 
qui  avaient  pour  but  d'apporter  de  nouveaux  perfectionne- 
ments au  matériel  de  campagne.  Enfin,  il  lui  donna  la 
mission  de  réunir  des  matériaux  en  vue  de  publier  une 
suite  aux  Etudes  sur  le  passé  et  V  avenir  de  l'artillerie. 
Ce  dernier  travail,  sur  lequel  nous  reviendrons  plus  loin, 
occupa  Favé  pendant  près  de  vingt  ans.  Il  a  été  l'occasion 
de  recherches  et  de  découvertes  qui  ont  puissamment 
contribué  aux  modernes  transformations  des  armes  à  feu. 

En  1855,  Favé  fut  nommé  professeur  d'art  militaire  à 
l'Ecole  polytechnique;  son  talent  de  professeur  était  remar- 
quable à  tous  égards.  Colonel  le  2  juil.  1859,  il  devint  la 
même  année  officier  d'ordonnance  de  l'empereur.  Napo- 
léon III  le  fit  attacher  peu  après  au  dépôt  central  d'artillerie 
où  il  rendit  de  précieux  services.  Le  13  août  1865,  il 
reçut  le  grade  de  général  de  brigade  et,  quelques  mois 
plus  tard,  le  commandement  de  l'Ecole  polytechnique. 
Après  la  guerre  de  1870,  à  laquelle  il  prit  une  part  hono- 
rable, le  gouvernement  lui  confia  le  commandement  de 
l'artillerie  du  14e  corps  d'armée,  poste  qu'il  conserva  jus- 
qu'à son  passage  dans  le  cadre  de  réserve  (28  févr,  1874). 
Depuis  cette  époque,  il  a  publié  différents  travaux  sur  les 
questions  militaires  à  l'ordre  du  jour  et  deux  ouvrages 
historiques  d'une  certaine  importance.  Le  10  juil.  1876, 
l'Académie  des  sciences  l'a  choisi  pour  un  de  ses  membres 
libres.  Il  s'est  fait  admettre  à  la  retraite  le  27  déc.  1877. 

On  trouvera  ci-après  la  liste  des  écrits  du  général  Favé 
par  ordre  chronologique.  L'un  d'eux  mérite  une  mention 
spéciale  :  c'est  celui  qui  forme  la  suite  des  Etudes  sur  le 
passé  et  l'avenir  de  l'artillerie  publiées  en  1846  par 
Louis-Napoléon.  Le  t.  II  de  cet  ouvrage,  rédigé  sur  des 
notes  recueillies  par  le  prince,  parut  en  1861  sans  nom 
d'auteur.  Les  t.  III  à  VI,  fruit  des  recherches  personnelles 
de  Favé,  ont  été  imprimés  sous  son  nom  à  des  dates 
diverses,  de  1862  à  1872.  Ces  derniers  volumes  sont  con- 
sacrés à  YHistoire  des  progrès  de  Vartillerie,  C'est 
l'œuvre  la  plus  savante  qui  ait  été  écrite  sur  ce  sujet  ;  en 
certaines  de  ses  parties  on  peut  la  considérer  comme  un 
travail  définitif. 

Les  ouvrages  de  Favé  sont  :  Nouveau  Système  de  défense 
des  places  for  tes  (Paris,  1841,  in-8,  avec  atlas  in-fol.  de 
3  pi.)  ;  Histoire  et  tactique  des  trois  armes  et  plus 
particulièrement  de  Vartillerie  de  campagne  (Paris, 
1845,  in-8,  avec  atlas  in-4  de  48  cartes);  Bu  Feu  grégeois, 
des  feux  de  guerre  et  des  origines  de  la  poudre  à  ca- 
non (Paris,  1845,  in-8,  avec  atlas  in-4  de  48  cartes, 
publié  en  collaboration  avec  M.  Reinaud)  ;  Des  Nouvelles 
Carabines  et  de  leur  emploi.  Notice  historique  des 
progrès  effectués  en  France  depuis  quelques  années 
dans  r accroissement  des  portées  et  dans  la  justesse 
de  tir  des  armes  à  feu  portatives  (Paris,  1847^  in-8)  ; 
Projet  de  loi  sur  le  recrutement  de  Vannée  (Paris, 
1848)  ;  Nouveau  Système  d'artillerie  de  campagne  du 
prince  Louis-Napoléon  Bonaparte  (Paris,£1850,  in-8); 
Etudes  sur  le  passé  et  V avenir  de  Vartillerie,  t.  III  et 
IV  de  l'ouvrage  publié  sous  ce  titre  par  le  prince  Louis- 
Napoléon  (1862-63,  2  vol.  in-4,  avec  37  et  40  pi.)  ;  la 
Décentralisation  (Paris,  1870,  in-8);  Nos  Revers  (Paris, 


FAVÉ  —  FAVERNEY 


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4874,  in-8)  ;  Etudes  sur  le  passé  et  l'avenir  de  V ar- 
tillerie, t.  V  et  YI  (Paris,  4874-72,  2  vol.  in-8)  ;  Deux 
Combats  d'artillerie  sous  les  forts  de  Pains  :  Champi- 
gny  et  Ville-Evrard  (Paris,  4  874,  in-8);  M.  le  duc 
d' Audiffret-Pasquier  et  la  réforme  administrative  du 
département  de  la  guerre  (Paris,  4874,  in-8)  ;  De  la 
Réforme  administrative  de  V armée  française,  avec  un 
projet  de  loi  (Paris,  1875,  in-8);  V Armée  française 
depuis  la  guerre  (Paris,  4875,  in-8)s  Cours  d'art  mili- 
taire professé  a  V Ecole  polytechnique  (Paris,  4877, 
in-42)  ;  l'Ancienne  Dôme,  sa  grandeur  et  sa  décadence 
expliquées  par  les  transformations  de  ses  institutions 
(Paris,  4880,  in-8)  ;  l  Empire  des  Francs  depuis  sa 
fondation  jusqu'à  son  démembrement  (Paris,  4888, 
in-8).  —  Indépendamment  des  ouvrages  qui  précèdent,  le 
général  Favé  a  publié,  en  les  annotant,  les  travaux  de 
différents  écrivains  militaires,  savoir  :  Traité  de  la  dé- 
fense des  places  fortes,  avec  application  à  la  place  de 
Landau,  rédigé  en  4723  par  Hue  de  Caligny  (Paris, 
4846,  in-8);  Mémoires  militaires  de  Vaiiban  et  des 
ingénieurs  Hue  de  Caligny  (Paris,  4847,  in-8,  av.  3  pi.); 
Relation  de  la  défense  de  Schweidnitz...  depuis  le 
20  juil.  jusqu'au  9 oct.1762 (Paris,  4847,  in-8, av.  pi.); 
Expériences  sur  les  Schrapnels,  par  le  major-général 
prussien  Ch.  de  Decker,  trad.  de  l'allemand  avec  la  collabo- 
ration de  M.  Terquem  (Paris,  4847,  in-8).  Ch.  Grandjean. 

FAVENTIA  (Géogr.  anc.)(V.  Barcelone  et  Faenza). 

FAVERAN  (J.  de),  architecte  et  sculpteur  (V.  Favariis). 

FAVERAYE.  Corn,  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr. 
d'Angers,  cant.  de  Thouarcé  ;  783  hab. 

FÂVERDINES.  Corn,  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Saint- 
Amand-Montrond,  cant.  de  Saulzais-le-Potier  ;  375  hab. 

FAVEREAU  (Jacques),  poète  français,  né  à  Cognac  en 
4590,  mort  en  mai  4638.  Avocat  à  Paris,  conseiller  à  la 
cour  des  aides  (464  7).  Très  lié  avecPasquier  et  avec  l'abbé 
de  Marolles,  il  est  l'auteur  de  quelques  ouvrages  spirituels  : 
Mercurius  redimvus  (Poitiers,  4613,  in-4);  la  France 
consolée  (Paris,  4625,  in-8);  Icon  Ludovici  A7JJ(4634, 
m-4).  On  lui  attribue  la  satire  contre  Richelieu  connue 
sous  le  nom  de  la  Miliade  (4633,  in-8,  plus,  éd.)  dont  le 
vrai  titre  est  le  Gouvernement  présent  ou  Eloge  de  Son 
Eminence, 

FAVER ELLES.  Corn,  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de  Gien, 
canton  de  Briare  ;  452  hab. 

FAVERGES.  Com.&du  dép.  de  l'Isère,  arr.  et  cant.  de 
La-Tour-du-Pin  ;  4,205  hab. 

FAVERGES.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie, 
arr.  d'Annecy  ;  2,784  hab.  Petite  ville  industrielle  dont  la 
prospérité  remonte  au  moyen  âge.  Dès  le  xue  siècle  elle 
était  connue  par  ses  ateliers  de  cuivre  et  de  fer.  Filature 
de  soie  et  manufacture  de  soieries.  Ancien  château,  restauré 
et  converti  en  manufacture.  Sur  le  territoire  de  la  commune, 
dans  une  gorge  pittoresque,  ancienne  abbaye  de  Tamié, 
fondée  en  4432,  supprimée  à  la  Révolution  et  occupée 
aujourd'hui  par  un  couvent  de  trappistes. 

FAVERNEY  (Favriniacus,  Faberniacum).  Corn,  du 
dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Yesoul,  cant.  d'Amance; 
4,426  hab.  Stat.  de  la  ligne  de  ch.  de  fer  d'Epinal  à 
Vesoul,  sur  la  Lantenne.  Moulins,  tanneries,  fours  à  plâtre  ; 
carrières  de  sable.  Dépôt  de  remonte  de  l'armée.  Faverney 
est  qualifié  de  villa  en  607  et  de  castrum  en  722.  Au 
vme  siècle,  il  y  fut  fondé  un  monastère,  dont  l'abbé, 
Pierre  III,  affranchit,  en  4260,  les  habitants;  mais  les 
charges  qui  continuèrent  à  peser  sur  ces  derniers  susci- 
tèrent de  leur  part,  en  4  355,  un  soulèvement  à  la  suite 
duquel  ils  furent  obligés  de  réparer  les  murs  de  la  ville  et 
ceux  de  l'abbaye.  Ils  eurent  à  subir  ensuite  plusieurs  sièges 
menés  par  un  seigneur  français  (1357),  par  Nicolas  de 
Diesbach,  par  Georges  de  La  Trémoille,  sire  de  Craon, 
et  par  René  de  Lorraine  (4474).  En  4545,  l'enceinte 
fut  refaite,  mais  les  reîtres  commandés  par  le  duc  de 
Deux-Ponts  s'emparèrent  du  bourg  et  l'incendièrent  en 
4569.  D'Haussonville,  lieutenant  de  Tremblecourt,  y  entra 


en  4595.  En  4624,  nouvelle  insurrection  de  la  ville  contre 
l'abbaye.  Puis,  la  peste  réduisit  la  population  presque  à 
rien  (4635-4636)  ;  aussi  les  Allemands  et  les  Français 
purent-ils  sans  difficulté  prendre,  perdre,  reprendre  et 
dévaster  Faverney  (4636,  4637,  4638  et  4641).  En  1668, 
Turenne  dirigea  lui-même  l'attaque  de  la  place,  qu'il  em- 
porta d'assaut.  Les  fortifications  furent  rasées  en  4674. 
Des  incendies  ruinèrent  en  partie  la  ville  en  1726,  4753  et 
4845.  L'ancienne  église  de  Saint-Bénigne,  qui  occupait 


Eglise  abbatiale  de  Faverney  (monument  historique). 

l'emplacement  actuel  des  halles,  a  disparu,  et  l'abbatiale  est 
devenue  paroissiale  en  4840.  Cet  édifice  est  classé  comme 
monument  historique.  Il  est  roman,  à  trois  nefs  voûtées 
d'arêtes  et  séparées  par  deux  rangs  de  gros  piliers  ronds, 
carrés  et  octogones  ;  après  l'incendie  de  4569,  on  répara 
les  voûtes  de  la  nef,  qui  cachent  le  triforium  primitif,  et 
celles  du  collatéral  droit  ;  le  clocher  fut  rebâti,  les  cloches 
refondues  et  de  nouvelles  stalles  sculptées.  Il  mesure  en 
longueur  54m95,  en  largeur  45m70  dans  la  nef  et  25m92 
dans  le  transept.  On  y  remarque  le  tombeau  de  Jean  de 
Bourgogne  (4372)  et  plusieurs  dalles  funéraires  d'abbés 
(xive-x vme  siècles)  ;  on  y  conserve  aussi  un  ostensoir  d'argent 
aux  armes  de  l'abbé  Guy  de  Lambrey  (xve-xvie  siècles), 
qui  passe  pour  être  resté  pendant  trente-trois  heures  sus- 
pendu avec  deux  hosties  qu'il  contenait,  au  milieu  des 
flammes,  dans  un  incendie  survenu  en  4608.  La  chapelle 
dite  du  Miracle  fut  ajoutée  à  l'église  en  4626.  Caserne 
(4754).  Pont  (4788).  Faverney  a  été  le  chef-lieu  d'un 
canton  pendant  la  Révolution. 

Abbaye  de  Faverney.  —  Cette  abbaye  a  été  fondée  au 
diocèse  de  Besançon,  sous  le  vocable  de  Notre-Dame,  par 
sainte  Gude,  au  commencement  du  vme  siècle.  Elle  fut 
dévastée  par  les  Normands  en  888.  Aux  religieuses  on 


—  77  — 


FAVERNEY  —  FAVIER 


substitua,  en  1433,  des  bénédictins  venus  de  La  Chaise- 
Dieu.  Ils  entreprirent  la  reconstruction  de  l'église  et  y  éta- 
blirent, en  1396,  une  confrérie  de  la  Conception  qui  acquit 
bientôt,  dans  toute  la  Franche-Comté,  une  importance 
extraordinaire.  Incendiée  en  partie  par  le  duc  de  Deux- 
Ponts  en  1569,  l'abbaye  fut  ensuite  restaurée.  Le  palais 
abbatial,  relevé  en  1597,  détruit  par  un  tremblement  de 
terre  en  1682,  fut  réèdifié  en  1687,  et  les  bâtiments  du 
monastère  totalement  reconstruits  en  1714.  Ils  ont  été 
vendus  nationalement  sous  la  Révolution.  Lex. 

Bibl.  :  Petremant,  Histoire  de  Faverney,  1771,  in-8. 
—  J.  Boyvin,  Relation  du  miracle  du  Saint-Sacrement 
arrivé  à  Faverney  en  1608, 1839,  in-8.  —  F.  De  Poïnctes- 
Gevigaey,  Faverney  et  sa  Sainte  Hostie,  1862,  in-18-  — 
E.  Mamtelet,  Histoire  politique  et  religieuse  de  Faver- 
ney, 1865,  in-8.  —  Abbé  J.  Morey,  Notice  historique  sur 
Faverney  et  son  double  pèlerinage,  1878,  in-18.  —  Dom 
Kermann,  Mémoire  sur  l'abbaye  de  Faverney,  1731,  in-12. 
FAVER01S.  Corn,  du  territoire  de  Belfort,  cant.  de 
Délie;  4-24  hab. 

FAVEROLLE  (V.  Fèverolle). 
FAYEROLLES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Sois- 
sons,  cant.  de  Villers-Colterets  ;  504  hab. 

FAVEROLLES.  Corn,  du  dép.  du  Cantal,  arr.  de  Saint- 
Flour,  cant.  de  Ruines  ;  885  hab.  La  seigneurie  a  appartenu 
successivement  aux  maisons  de  Murât,  d'Apchier,  de  Pon- 
sonnailles  et  de  Lastic.  Eglise  romane  sous  le  vocable  de 
saint  Martin.  Sources  d'eaux  minérales  et  ruines  du  châ- 
teau de  Montchanson  (xme  siècle). 

FAVEROLLES.  Corn,  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de 
Dreux,  cant.  de  Nogent;  475  hab. 

FAVEROLLES.  Coin,  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de  Châ- 
teauroux,  cant.  de  Valençay  ;  864  hab. 

FAYEROLLES.  Corn,  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de 
Blois,  cant.  de  Montrichard,  sur  un  affluent  du  Cher  ; 
784  hab.  Eglise  du  xne  siècle  (mon.  hist.). 

FAVEROLLES.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr. 
et  cant.  de  Langres  ;  304  hab. 

FAYEROLLES.  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Argen- 
tan, cant.  de  Briouze  ;  523  hab. 

FAVEROLLES.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  et  cant. 
de  Montdidier;  167  hab. 

FAVEROLLES-et-Coémy.  Com.  du  dép.  de  la  Marne, 
arr.  de  Reims,  cant.  de  Ville-en-Tardenois  ;  314  hab. 

FAVEROLLES-la-Campagne.  Com.  du  dép.  de  l'Eure, 
arr.  d'Evreux,  cant.  de  Conches;  149  hab. 

FAVEROLLES-lès-Lucey.  Com.  du  dép.  de  la  Côtc- 
d'Or,  arr.  de  Châtiilon-sur-Seine ,  cant.  de  Reeey-sur- 
Ource ;  97  hab. 

FAVEROLLES-les-Mâres.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
de  Bernay,  cant.  de  Thiberville;  446  hab. 

FAVERSHAM.  Ville  et  port  d'Angleterre,  comté  de  Kent, 
au  fond  de  l'estuaire  du  Swale  ;  8,000  hab.  Stat.  du 
London-Chatham-Dover  Raihvay.  Le  mouvement  du  port 
de  Faversham,  qui  est  celui  de  Canterbury  et  de  toute  la 
vallée  de  Stour,  dépasse  500,000  tonnes.  11  y  a  des  chan- 
tiers de  constructions  maritimes.  Ch.-V.  L. 

FAVEUR  (Art  décor.).  Ruban  étroit  et  léger  dont  on  se 
sert  communément  pour  nouer  des  boîtes  de  bonbons  ou 
des  paquets  légers.  Au  xvue  siècle,  les  touffes  de  faveur 
devinrent  très  à  la  mode  dans  le  costume  des  courtisans  et 
des  dames  de  qualité,  en  nœuds  de  souliers,  de  corsages 
et  d'aiguillettes.  On  fit  aussi  servir  les  faveurs "pour  com- 
pléter la  garniture  des  sièges  et  des  lits  brodés,  en  les 
employant  comme  passementerie  ou  comme  dentelle  d'en- 
tourage. Il  y  avait  un  ameublement  de  ce  genre  dans  le 
grand  appartement  du  roi  à  Versailles.  A.  de  Ch. 

FAVIA  (Zool.  etPaléont.).  Genre  de  Polypiers  (Zoan- 
thaires),  créé  par  Oken  et  devenu  le  type  d'un  petit  groupe 
(Faviciceœ)  caractérisé  par  une  reproduction  par  scissipa- 
rité :  les  nouveaux  calices  s'isolent  de  très  bonne  heure 
et  se  groupent  irrégulièrement  en  un  polypier  astréoïde. 
Ce  genre  s'étend  du  jurassique  à  l'époque  actuelle.  Nous 
citerons  Favia  caryophylloides  du  coralrag  d'Europe.  Les 
genres  Goniastrœa,  Lamellastrœa,  Mœandrastœa  appar- 


tiennent au  même  groupe.  Ce  dernier  n'est  connu  que  dans 
le  crétacé.  E.  Trt. 

FAVIER   (Jean-Louis),  publiciste   et  agent  politique 
français,  né  à  Toulouse,  probablement  en  1711,  mort  à 
Paris  le  2  avr.  1784.  IL  fut,  par  délibération  des  Etats 
du  Languedoc  (20  fév.  1727),  pourvu  de  la  survivance 
de  l'emploi  de  son  père  auquel  il  succéda  comme  syndic 
général  de  la  province  le  9  déc.  4732.  Il  se  démit  peu 
après  de  cette  charge  et  reçut  la  gratification,  ordinaire  en 
pareil  cas,  de  24,000  livres.  Il  devint  secrétaire  de  La 
Chétardie,  ambassadeur  en  Savoie,  et  acquit  en  matière 
diplomatique  de  vastes  connaissances  théoriques  et  pra- 
tiques. Il  s'attacha  aux  idées  et  à  la  fortune  du  comte 
d'Argenson,  pour  lequel  il  rédigea  un  mémoire  contre  le 
traité  signé  en  1 756  entre  la  France  et  l'Autriche  contre 
la  Prusse  et  l'Angleterre.  Mais  le  «  parti  autrichien  »  l'em- 
porta, d'Argenson  fut  disgracié,  et  Favier,  dont  le  mérite 
était  reconnu,  ne  fut  plus   employé  qu'en    secret  par 
Louis  XV.  Il  fut  chargé  de  diverses  missions  en  Espagne, 
en  Russie.  C'est  sur  l'ordre  même  du  roi  qu'il  lui  arrivait 
de  contrecarrer  les  négociations  du  principal  ministre, 
Choiseul  ;  celui-ci  obtint  pourtant  contre  lui  une  lettre  de 
cachet.  Mais  Louis  XV  fit  avertir  son  agent  secret,  aux 
prévisions  duquel  la  triste  paix  de  Paris  ne  donna  que 
trop  raison  (1763).  Après  cette  paix,  Favier  qui  ne  pou- 
vait rien  espérer  du  duc  de  Choiseul,  s'exila  volontairement, 
vécut  à  La  Haye,  à  Bruxelles,  à  Francfort,  diplomate 
amateur,  c.-à-d.  nouvelliste,  publiciste,  et  surtout  intri- 
gant. Il  se  fit  apprécier  du  prince  Henri  de  Prusse,  frère 
de  Frédéric  le  Grand,  et  partisan,  comme  Favier,  de  l'al- 
liance franco-prussienne  :  il   en  reçut   quelque  argent 
comme  correspondant  politique.  Il  contribua  ensuite,  au 
service  et  sans  doute  aux  gages  du  duc  d'Aiguillon,  à  mi- 
ner le  crédit  de  Choiseul.  Le  duc  d'Aiguillon,  arrivé  à  ses 
fins,  s'empressa  d'oublier  un  allié  qui  ne  tirait  pas  à  con- 
séquence. Mais  Louis  XV  avait,  surtout  relativement  aux 
affaires  de  Pologne,  une  diplomatie  secrète  dont  seul  il 
tenait  —  ou  ne  tenait  pas  —  les  fils  souvent  rompus  et 
toujours  fort  embrouillés.  Le  comte  de  Broglie  y  avait  été 
employé.  Louis  XV  lui  demanda  dans  les  premiers  mois  de 
1773  un  exposé  de  la  situation  politique  et  des  remèdes 
qu'elle  comportait.  Pour  répondre  à  cet  ordre,  de  Broglie 
se  fit  aider  par  Favier  «  celui  des  agents  diplomatiques 
français  d'ordre  inférieur  qui  passait  pour  le  mieux  con- 
naître l'état  de  l'Europe  »  ;  il  est  vrai  que  ses  dettes,  les 
désordres  de  sa  vie  privée  avaient  servi  de  prétexte  à  Ber- 
nis  et  à  Choiseul  pour  le  tenir  en  disgrâce.  Mais  il  n'avait 
subi  ni  révocation  ni  punition.  «  Le  vrai  grief  qui  l'avait 
perdu  à  leurs  yeux,  c'est  qu'il  avait  rédigé  en  1756  un 
petit  écrit  fort  goûté  des  connaisseurs,  intitulé  Doutes  et 
questions,  où  l'excellence  du  traité  de  Versailles  était 
contestée  »  (De  Broglie,  le  Secret  du  Roi,  t.  II,  p.  402). 
Favier  comprit,  au  subside  qu'il  reçut,  que  le  comte  de 
Broglie  ne  lui  demandait  pas  une  simple  leçon  de  diplo- 
matie, et  que  son  travail  était  destiné  à  être  mis  sous  les 
yeux  du  roi.  Il  l'intitula  :  Considérations  raisonnées 
sur  l'état  de  l'Europe.  «  Cet  exposé,  nourri  de  iaits, 
appuyé  sur  les  documents  les  plus  sûrs,  relevé  par  des 
vues  saines  et  fines,  est  encore  le  document  le  plus  ins- 
tructif que  puisse  consulter  l'historien  qui  veut  connaître 
la  vraie  situation  du  continent  européen  à  la  veille  de  la 
Révolution  française  »  (ibid.,  p.  404).  Favier  y  blâmait 
crûment  l'abandon  de  l'alliance  prussienne.  Le  comte  de 
Broglie,  qui  n'avait  regretté  de   l'alliance  autrichienne 
que  l'exécution,  et  non  le  principe,  essaya  sans  trop  de 
succès,  soit  par  un  commentaire  justificatif,  soit  plus  tard 
quand  il  rendit  compte  de  sa  conduite  aux  commissaires 
de  Louis  XVI,  de  rejeter  sur  la  tête  de  Favier  la  respon- 
sabilité d'une  critique  injurieuse  pour  tout  le  règne  de 
Louis  XV.  —  La  même  année,  Dumouriez  reçut  du  roi 
lui-même   la  mission    secrète   de  débarquer   en   Suède 
6,000  hommes  recrutés   à  Hambourg,  afin  de  soutenir 
Gustave  III  contre  la  Prusse  et  l'Autriche.  Favier,  confident 


FAVÏER  —  FAVIÈRES 

de  Dumouriez,  informa  le  comte  de  Broglie  de  ce  nouveau 
mystère  diplomatique.  En  même  temps,  il  mit  Dumouriez 
en  relations  avec  le  prince  Henri  de  Prusse  en  le  présen- 
tant comme  attaché  aux  vrais  principes  :  mais  il  ne  réussit 
pas  à  rapprocher  Dumouriez  du  comte  de  Broglie,  qui 
n'aimait  pas  les  créatures  du  duc  de  Choiseul.  Dumouriez 
ne  prit  pas  au  sérieux  sa  mission,  voyagea  à  petites  jour- 
nées et  noua  intrigues  sur  intrigues  ;  sa  correspondance 
avec  Favier  fut  interceptée,  et  tous  deux  furent  mis  à  la 
Bastille.  Favier  se  défendit  avec  habileté  ;  sans  nier  ses 
ressentiments  à  l'égard  du  duc  d'Aiguillon,  il  n'eut  pas  de 
peine  à  démontrer  qu'entre  le  travail  dont  le  comte  de 
Broglie  l'avait  chargé  et  la  mission  de  Dumouriez  il  n'y 
avait  aucun  rapport.  Il  n'en  fut  pas  moins  transféré  au 
fort  de  Doullens,  afin  que  le  «  secret  du  roi  »  ne  fût  pas 
compromis.  Le  comte  de  Broglie  eut  à  se  justifier,  après 
la  mort  de  Louis  XV,  d'avoir  été  l'agent  de  la  politique 
personnelle  de  ce  roi  mystificateur.  Sans  obtenir  de 
Louis  XVI  une  faveur  qu'il  ne  méritait  pas,  il  reçut  des 
commissaires  royaux  du  Muy  et  de  Vergennes  les  attesta- 
tions les  plus  honorables.  «  Avant  que  l'examen  de  la 
procédure  de  la  Bastille  ne  fût  terminé,  Favier  fut,  sur  sa 
demande  instante,  rendu  à  la  liberté  »  et  gratifié,  comme 
les  principaux  agents  «  qui  avaient  pu  rendre  un  service 
ou  qui  pouvaient  avoir  un  secret  à  révéler,  d'un  traitement 
annuel  de  6,000  livres  »  (ibid.,  p.  548).  Il  reçut  de 
plus,  du  comte  de  Vergennes,  40,000  livres  pour  payer 
ses  dettes.  Son  indépendance,  l'intempérance  de  sa  langue 
l'empêchèrent  de  donner  toute  sa  mesure  dans  une  société 
où  l'on  ne  pouvait  avoir,  comme  homme  public,  que  l'es- 
prit de  sa  condition.  Choiseul,  revenu  de  Chanteloup,  lui 
dit  un  jour  très  haut,  dans  la  galerie  de  Versailles  :  «  Fa- 
vier, vous  avez  écrit  contre  moi.  »  —  «  C'est  vrai,  Mon- 
sieur le  duc,  répondit-il,  mais  vous  étiez  encore  ministre.  » 
Louis  XVI  ne  pouvait  voir  d'un  mauvais  œil  un  homme 
qui,  aussi  conservateur  en  matière  sociale  qu'en  matière 
internationale,  avait  écrit  contre  Diderot,  et  s'était  permis 
de  blâmer  Malesherbes  de  sa  tolérance,  comme  directeur 
de  la  librairie,  pour  les  écrits  philosophiques.  Cepenrlant 
il  ne  fut  plus  que  consulté.  Toujours  prodigue  et  viveur, 
il  finit  par  se  confiner  dans  les  plaisirs  de  la  table,  et 
mourut  d'une  attaque  d'apoplexie. 

Favier  a  publié  :  le  Spectateur  littéraire  sur  quelques 
ouvrages  nouveaux  (Paris,  1746,  in-12)  ;  Essai  histo- 
rique et  politique  sur  le  gouvernement  présent  de  la 
Hollande  (Paris,  4748,  2  vol.  in-12)  ;  le  Poète  réformé 
ou  Apologie  pour  la  Sémiramis  de  Voltaire  (Amster- 
dam, 4748,  in-8)  ;  Doutes  et  questions  sur  le  traité 
de  Versailles,  entre  le  roi  de  France  et  l'impératrice 
reine  de  Hongrie  (Londres,  4794,  in-8,  2e  éd.)  ;  la  pre- 
mière édition  (4778,  in-8)  est  anonyme.  Il  a  traduit  de 
l'anglais  les  Mémoires  secrets  de  Bolingbroke  (V.  ce 
nom).  Au  nombre  des  manuscrits  trouvés  dans  le  cabinet 
de  Louis  XVI,  et  publiés  par  Roussel,  avocat,  sous  le  titre 
de  Politique  de  tous  les  cabinets  de  l'Europe  pendant 
les  règnes  de  Louis  XV et  de  Louis  XVI  (Paris,  4793, 
2  vol.  in-8),  il  y  a  deux  mémoires  importants  de  Favier. 
Une  seconde  édition  du  même  ouvrage,  par  L.-P.  Ségur 
l'aîné,  ex -ambassadeur  (Paris,  4801,  3  vol.  in-8),  con- 
tient de  plus  les  Conjectures  raisonnées  sur  la  situa- 
tion actuelle  de  la  France  dans  le  système  politique 
de  l'Europe,  ouvrage  dirigé  par  le  comte  de  Broglie, 
exécuté  par  Favier,  et  remis  à  Louis  XV  le  16  avril 
1113.  H.  Monin. 

Bibl.  :  Duc  de  Broglie,  le  Secret  du  roi,  t.  II,  pp.  402, 
406,  et  les  chap.  ix  etx,  passim  ;  2°  édit.,  Paris,  1878,  in-8. 
—  Correspondance  littéraire,  etc.  (édition  M.  Tourneux), 
t.  I,  pp.  142,  279;  II,  340. 

FAVIER  (Louis-Joseph),  ingénieur  français,  né  à  Paris 
le  44  nov.  4776,  mort  à  Paris  le  24  sept.  1855.  Elève 
de  l'ancienne  Ecole  des  ponts  et  chaussées  (1694),  il  entra 
à  l'Ecole  polytechnique  en  1796,  fut  attaché  en  1798  à 
l'expédition  d'Egypte,  reçut  le  brevet  d'ingénieur  ordinaire 
des  ponts  et  chaussées  en  décembre  de  la  même  année  et 


78  - 


fut  chargé  de  la  voirie  du  Caire,  puis  attaché  à  l'avant- 
garde  de  l'armée  de  Syrie,  «  où  il  paya  brillamment  de  sa 
personne  »,  dit  Tarbé  de  Saint-Hardouin  dans  ses  Notices 
sur  les  ingénieurs.  —Il  fut  attaché  plus  tard  aux  travaux 
de  navigation  dans  le  dép.  du  Pas-de-Calais,  puis  aux  tra- 
vaux ordinaires  dans  divers  départements  et  devint  ingé- 
nieur en  chef  en  1812  (dép.  de  Jemappes).  Après  avoir 
occupé  divers  postes,  Favier  devint  inspecteur  général 
en  1843;  mais  ce  qui  assure  à  son  nom  une  notoriété 
durable  est  son  Essai  sur  les  lois  du  mouvement  de 
traction,  avec  application  au  tracé  des  voies  de  com- 
munication. Cet  Essai  a  été  le  point  de  départ  de  nom- 
breux travaux,  qui  ont  peut-être  plus  de  valeur  pratique; 
mais  le  rôle  d'initiateur  appartient  à  Favier  et  place  son 
nom  au  premier  rang  (V.  Routes  et  chemins  vicinaux, 
par  Léon  Durand-Claye,  dans  Y  Encyclopédie  des  travaux 
publics).  M.-C.  L. 

FAVIER  du  Boulay  (Henri),  écrivain  français,  né  à 
Paris  en  1670,  mort  à  Paris  le  31  août  4753.  Bénédictin 
de  Cluny,  prieur  de  Sainte-Croix  de  Provins,  ce  fut  un 
prédicateur  distingué.  Il  a  laissé  :  Lettre  d'un  abbé  à  un 
académicien  sur  le  discours  de  Fontenelle  relatif  à 
la  prééminence  entre  les  anciens  et  les  modernes 
(Paris,  4699,  in-12)  ;  Oraison  funèbre  du  duc  de  Berry 
(1714,  in- 4);  Oraison  funèbre  de  Louis  X/F(Metz,  1715, 
in-4)  ;  Epures  en  vers  à  Racine  fils  au  sujet  de  son 
poème  de  la  Grâce  (Paris,  17^4,  in-8);  Trois  Lettres 
au  sujet  de  choses  surprenantes  arrivées  à  saint  Mé- 
dard  en  la  personne  de  V abbé  Bescherancl  (1731,  in-4), 
et  une  traduction  estimée  de  YHistoire  universelle  de 
Justin  (1733,  2  vol.  in-12). 

FAVIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Poligny, 
cant.  de  Nozeroy;  112  hab. 

FAVIERES.  Coin,  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de  Dreux, 
cant.  de  Châteauneuf-en-Thimerais  ;  269  hab. 

FAVIÈRES  (ecclesia  ad  Faverias,  1051).  Com.  du 
dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de  Toul,  cant.  de  Co- 
lombey,  sur  le  ch.  de  fer  de  Toul  à  Mirecourt;  872  hab. 
Fabriques  de  boutons  de  nacre,  de  poteries  vernissées  et 
de  machines  à  battre  ;  truffes.  Ruines  d'un  ancien  château 
des  comtes  de  Vaudémont  ;  dans  les  environs,  substructions 
considérables  provenant  d'une  résidence  des  rois  méro- 
vingiens. L.  W. 

FAVIÈRES.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Melun,  cant.  de  Tournan  ;  780  hab. 

FÂVIÈRES-sur-Mer.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Abbeville,  cant.  de  Rue;  605  hab. 

FAVIÈRES  (Edme-Guilla  urne-François  de),  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Paris  vers  1755,  mort  à  Paris  le 
18  mars  1837.  Conseiller  au  Parlement  de  Paris.  Il  a 
fait  jouer  :  1°  au  théâtre  des  Variétés  :  le  Seigneur  sup- 
posé (1789),  comédie  en  deux  actes;  Mauvaise  Tête  et 
bon  cœur  (1789),  comédie  en  trois  actes;  2°  au  théâtre 
Italien  :  les  Espiègleries  de  garnison  (1790),  les  Deux 
Sous-Lieutenants  (1791),  opéras-comiques  en  un  acte, 
musique  de  Berton;  Paul  et  Virginie  (1791),  comédie 
lyrique  en  trois  actes,  musique  de  Kreutzer,  son  plus 
grand  succès;  Jean  et  Geneviève  (1792),  opéra-comique 
en  un  acte,  musique  de  Solié;  le  Coin  du  feu  (1793), 
opéra-comique  en  un  acte,  musique  de  Jadin;  Lisbeth 
(1797),  comédie  en  trois  actes,  musique  de  Grétry;  en 
collaboration  avec  Morel  de  Vindé  :  Primerose  (1797), 
comédie  lyrique  en  trois  actes ,  musique  de  Dalayrac  ; 
Eliska  ou  ï Amour  maternel  (1798),  comédie  lyrique  en 
trois  actes,  musique  de  Grétry  ;  Fanny  Morna  ou  l'Ecos- 
saise (1799),  comédie  lyrique  en  trois  actes,  musique  de 
Solié;  en  collaboration  avec  Marsollier  :  le  Concert  inter- 
rompu (1802),  opéra-comique  en  un  acte,  musique  de 
Berton;  en  collaboration  avec  Vial  :  Aline,  reine  de  Gol- 
conde  (1803),  comédie  lyrique  en  trois  actes,  musique  de 
Berton, demeurée  au  répertoire;  3°  au  Théâtre-Français  : 
f  Aimable  Vieillard  (1801),  comédie  en  cinq  actes  en 


vers;  Eerman  et  Verner  ou  les  Militaires  (1804), 
comédie  en  trois  actes  en  prose.  Citons  encore  de  lui  :  le 
Grand-Père  (Paris,  4806,  in-8);  les  Trois  Hussards 
(1804,  in-8),  et  plusieurs  pièces  de  poésies  latines  parues 
dans  les  Amusements  du  cœur  et  de  l'esprit  (t.  XIV). 

FAVIGNANA.  Ile  d'Italie,  l'ancienne  Myusa,  la  plus 
considérable  du  groupe  des  Muâtes  (V.  ce  mot),  situées  à 
l'O.  de  la  Sicile.  Elle  a  environ  30  kil.  de  tour  et  une 
population  de  5,000  à  6,000  hab.  adonnés  surtout  à  la 
pêche  du  thon  et  de  l'anchois.  La  commune  de  Favignana 
(5,615  hab.)  est  un  petit  port  de  la  côte  septentrionale, 
défendu  par  les  forts  de  San  Giacomo,  de  San  Leonardo 
et  de  Santa  Catarina  ;  ce  dernier  servait  de  prison  d'Etat 
au  temps  des  Bourbons  de  Naples.  On  a  trouvé,  sur  les 
rivages  de  Favignana,  plusieurs  grottes  avec  des  armes  et 
ustensiles  de  l'âge  de  pierre.  «  Dans  ce  labyrinthe  de  terres, 
de  récifs  et  de  bancs  qui  s'avance  au  large  de  la  Sicile, 
entre  la  mer  Tyrrhénienne  et  la  mer  d'Afrique,  se  heurtent 
souvent  les  vents  contraires.  La  force  des  vagues  y  est 
tout  particulièrement  redoutable;  en  outre,  des  phénomènes 
irréguliers  de  marée  ou  peut-être  des  pressions  inégales  de 
l'atmosphère  déterminent  dans  ces  parages  la  formation  de 
courants  périlleux.  Les  brusques  dénivellations  des  eaux, 
connues  dans  l'archipel  sous  le  nom  de  marubia  ou  mer 
ivre,  ont  souvent  causé  des  naufrages.  »  (E.  Reclus.)    H.  V. 

FAVILA,  second  roi  des  Asturies,  fils  de  Pelayo  le  Con- 
quistador, auquel  il  succéda  en  737.  Favila  mourut  à  la 
chasse,  la  seconde  année  de  son  règne.  Ayant  attaqué  un 
ours,  il  périt  étouffé  par  l'animal  et  fut  enterré  dans 
l'église  de  Santa  Cruz  qu'il  avait  fait  construire.  Comme  il 
ne  laissait  pas  d'enfants,  les  Visigoths  d'Asturie  procla- 
mèrent roi  un  gendre  de  Pelayo,  Alonso  Ier,  surnommé  le 
Catholique,  époux  d'Herménésinde.  L.  D. 

u  FAVOLUS  (Favolus  Pal.  Beauv.)  (Bot.).  Genre  de  Cham- 
pignons-Polyporés,  à  chapeau  coriace,  souvent  dimidié; 
les  pores  alvéolés  sont  disposés,  à  la  face  inférieure,  en 
séries,  comme  les  lamelles  d'un  agaric  qui  se  seraient 
anastomosées.  Plusieurs  espèces  de  Favolus  ont  été  pla- 
cées dans  les  genres  Hexagona  et  Polyporus,  de  sorte 
que  ce  genre  n'est  représenté  en  Europe  que  par  le  F. 
Europœus,  du  midi  de  la  France  ;  les  autres  espèces  sont 
dispersées  en  Amérique  et  dans  les  Indes.  Elles  sont  toutes 
épixyles.  Dr  L.  Hn. 

FAVONIUS.  Nom  latin  du  vent  d'ouest,  que  les  Grecs 
appelaient  zéphyr  os.  Il  se  rattache  étymologiquement  à 
f avère,  comme  fournis,  parce  qu'il  désignait  le  vent  doux 
qui  souffle  surtout  au  printemps.  Les  poètes  l'appellent 
serenus,  lents,  et  Catulle  l'a  bien  caractérisé  par  cette 
périphrase  :  Aura  tepidi  feeunda  Favoni  (64,  282). 

FAVONIUS  (Marcus),  homme  politique  romain,  mis  à 
mort  à  Philippes  en  4C2  av.  J.-C.  Imitateur  de  Caton  d'Utique, 
dont  il  n'avait  pas  l'énergie  et  les  fermes  principes,  il  joua 
un  certain  rôle  dans  les  discordes  civiles  de  son  temps. 
Orateur  d'un  talent  moyen,  très  passionné,  il  a  été  enve- 
loppé dans  le  jugement  porté  sur  L.  Postumius  par  le  pseudo- 
Salluste,  qui  déclare  qu'ils  jouaient  dans  le  parti  aristo- 
cratique le  rôle  de  lest  inutile  (quasi  maynœ  navis 
supervaciia  onera).  Il  paraît  en  61  comme  adversaire  de 
Clodius  et  du  consul  Pison;  en  60,  il  accuse  Metellus  Scipion 
Nasica  que  défend  Cicéron  ;  en  59,  il  fut  le  dernier  à  com- 
battre la  loi  agraire  de  César  ;  en  57,  il  combattit  la  pro- 
position de  pouvoirs  extraordinaires  en  faveur  de  Pompée  ;  il 
accusa  Ptolémée  Aulète  qui  avait  fait  assassiner  les  envoyés 
des  Alexandrins  à  Rome.  Il  combattit  avec  Caton  la  motion 
de  Trebonius  prolongeant  de  cinq  ans  le  proconsulat  de 
César  en  Gaule  et  attribuant  pour  le  même  temps  l'Espagne 
à  Pompée,  la  Syrie  à  Crassus.  Il  fut  élu  édile  grâce  à  l'in- 
tervention de  Caton  (53);  durant  sa  magistrature,  le  tribun 
A.  Pomponius  Rufus  le  fit  emprisonner.  11  tenta  de  faire 
acquitter  Milon  après  le  meurtre  de  Clodius  ;  il  fut  préteur 
probablement  en  49.  Quand  éclata  la  guerre  civile,  ce  per- 
pétuel opposant  railla  Pompée,  mais  se  rangea  de  son  côté 
avec  le  reste  du  parti  des  nobles  ;  adversaire  résolu  de 


—  79  —  FAVIÈRES  —  FAVORINUS 

toute  transaction,  il  passa  en  Grèce;  en  Macédoine,  il  com- 
mandait huit  cohortes  et  se  laissa  surprendre  par  Domitius 
Calvinus.  Après  la  défaite  de  Pharsale,  Favonius  se  montra 
très  dévoué  à  Pompée,  l'accompagna  jusqu'au  bout.  César 
lui  pardonna  et  Favonius  accepta  franchement  la  monarchie. 
Il  n'entra  pas  dans  le  complot  des  meurtriers  du  dictateur; 
mais  ensuite  il  se  rallia  à  eux  pour  se  rendre  au  Capitole. 
Il  suivit  Brutus  et  Cassius  et  fut  mis  hors  la  loi  avec  eux 
par  la  loi  Pedia.  Son  esprit  d'opposition  le  faisait  paraître 
importun  aux  républicains,  et  Brutus  le  malmena.  Fait  pri- 
sonnier à  Philippes,  il  invectiva  violemment  Octave,  lui 
reprochant  les  proscriptions.  Il  eut  le  sort  de  ses  amis. 

FAVORI  (V.  Monarchie). 

FAVORINUS,  orateur  latin,  dont  Aulu-Gelle  (XV,  8)  a 
conservé  un  fragment  de  discours  prononcé  en  faveur  de  la  loi 
Licinia  de  sumtu  minuendo,  vers  110  ou  104  av.  J.-C. 

FAVORINUS  ou  PHAVORINUS,  philosophe  grec,  né  à 
Arles.  On  ne  peut  fixer  qu'approximativement  les  dates  de 
sa  naissance  et  de  sa  mort  (80  à  90  et  150  ap.  J.-C).  Il 
eut  pour  maîtres  Dion  Chrysostome  et  peut-être  Epictète, 
contre  lequel  il  écrivit  plus  tard  un  livre.  Il  séjourna 
quelque  temps  à  Athènes,  où  il  se  lia  d'amitié  avec  le  phi- 
losophe Démonax  et  avec  Hérode  Atticus  :  il  vécut  surtout 
à  Rome,  où  il  ouvrit  une  école,  et  eut  pour  disciple  Aulu- 
Gelle,  qui  parle  souvent  de  lui  avec  la  plus  vive  admira- 
tion. Plutarque  fut  aussi  de  ses  amis  et  lui  dédia  un  de  ses 
livres.  Il  fut  en  faveur  auprès  de  l'empereur  Adrien,  et  on 
dit  qu'il  discutait  souvent  avec  lui.  Favorinus  était  eunuque 
ou  hermaphrodite,  ce  qui  lui  valut  plus  d'une  cruelle  rail- 
lerie, comme  on  peut  le  voir  dans  le  Demonax,  de  Lucien. 
On  nous  le  représente  le  front  dégarni,  les  joues  molles  et 
tombantes,  le  cou  grêle,  les  jambes  épaisses,  la  voix  effé- 
minée, les  membres  et  les  articulations  privés  de  toute 
vigueur,  comme  relâchés.  Malgré  ces  désavantages  phy- 
siques, il  obtint  de  grands  succès  auprès  de  ses  contem- 
porains. Il  fut  célèbre  et  on  se  pressait  pour  l'entendre.  Il 
était  beau  parleur,  également  habile  à  manier  la  langue 
latine  et  la  grecque,  capable  de  discourir  longtemps  à  la 
manière  des  sophistes,  et,  selon  la  mode  de  l'époque,  sur 
tous  les  sujets,  même  les  plus  ténus.  Il  tenait  beaucoup  à 
se  faire  passer  pour  un  philosophe,  bien  qu'au  fond  il  ne 
fût  qu'un  rhéteur.  On  nous  le  donne  parfois  comme  très 
attaché  à  Aristote,  et  peut-être  avait-il  commencé  par 
défendre  les  doctrines  de  ce  philosophe  ;  mais,  plus  tard, 
il  se  décida  pour  la  nouvelle  académie  ou  pour  le  pyrrho- 
nisme,  sans  qu'on  puisse  dire  avec  précision  à  laquelle  de 
ces  deux  écoles  il  faut  le  rattacher.  Il  avait  écrit  un  livre 
sur  les  Tropes  pyrrhoniens,  où  se  trouvaient  exposés  les 
dix  tropes  d'iEnésidème,  et  il  nous  est  attesté  qu'il  admi- 
rait fort  Pyrrhon.  Mais,  d'autre  part,  il  a  écrit  un  livre 
Sur  la  Représentation  comprehensive  (des  stoïciens) 
dont  le  titre  semble  plutôt  rappeler  la  manière  des  nou- 
veaux académiciens  ;  il  y  soutenait  que  le  soleil  même  ne 
peut  être  perçu;  il  avait  écrit  aussi  sur  Plutarque  et 
l'Ecole  académique.  Son  habileté  à  user  et  abuser  de  la 
dialectique,  sa  manie  de  discourir  sur  tout  sans  jamais  rien 
affirmer,  ses  arguments  contre  l'astrologie,  qui  rappellent 
ceux  de  Carnéade,  et  aussi  sa  discussion  contre  le  fatalisme 
stoïcien,  semblent  le  rapprocher  davantage  de  la  nouvelle 
académie.  Peut-être,  après  tout,  essayait-il  de  concilier  les 
deux  écoles.  Il  n'a  d'ailleurs  rien  ajouté  à  la  doctrine  des 
maîtres.  Ses  principaux  ouvrages  étaient,  outre  ceux  que 
nous  avons  cités  :  V  Histoire  variée  (consacrée  peut-être 
à  l'histoire  de  la  philosophie)  ;  les  Souvenirs;  un  traité 
Sur  la  Philosophie  d'Homère.  Nous  n'en  avons  rien  con- 
servé, et  Favorinus  est  surtout  connu  par  les  nombreux 
passages  où  son  disciple  Aulu-Gelle  l'a  célébré.        V.  Br. 

Bibl.:  Marres,  De  Fav.  Arel.Vita,  Studiis  et  Scriptis; 
Utrecht,  1853.—  Bâhr,  Reale  Encycl.  f.  d.  class.  AUerth., 
III,  440.  —  Muller,  Fmqm.  hist.  Gvsec,  111,577.  —  Nietz- 
sche, Rh.  Mus.  N.  F.,  XIII,  648.  —  Wilamowitz- 
Môllendorff,  PhiloL  Unters.,111,  145.  —  Freudenthal, 
Rh.  Mus.  N.  F:,  XXXV,  108.  —  Brochard,  les  Scep- 
tiques grecs,  p.  328. 


FAVORITE  —  FAVRAS  —  80  — 

FAVORITE  (Bataille  de  la).  Livrée  par  Bonaparte  aux 
Autrichiens  le  16  janv.  1797.  Le  général  autrichien 
Wurmser  était  parvenu  à  se  jeter  dans*  Mantoue  assiégée, 
avec  des  renforts  qui  devaient  permettre  à  la  garnison  de 
battre  les  environs  de  la  place  pour  y  ramasser  des  subsis- 
tances. Bonaparte  résolut  de  la  refouler  derrière  les  mu- 
railles du  corps  de  place.  Il  appela  à  lui  toutes  ses  forces 
disponibles,  fit  porter  Augereau  de  Legnago  sur  Mantoue 
le  14  janv.,  avec  ordre  de  se  diriger  sur  le  faubourg  Saint- 
Georges,  pendant  que  Masséna  marcherait  sur  Castellaro 
et  Sahuguet  sur  la  Favorite.  Les  premières  attaques  tour- 
nèrent en  faveur  des  Autrichiens;  mais,  le  16,  Wurmser, 
sorti  de  Mantoue  pour  nous  faire  face,  ayant  dégarni  son 
centre,  le  vit  enfoncer  par  Bonaparte  qui  repoussa  ainsi  les 
Autrichiens  dans  la  place  en  leur  faisant  2,000  prisonniers 
et  en  leur  enlevant  25  pièces  de  campagne  attelées.  Ed.  S. 

FAV0R1TI  (Agostino),  poète  italien,  né  à  Lucques  en 
1624,  mort  le  13  nov.  1682.  II  était  considéré  comme  un 
des  meilleurs  poètes  latins  de  son  temps  et  désigné  parmi 
les  sept  de  la  Pléiade  alexandrine,  lesquels  s'illustrèrent 
grandement  (gloire  bien  abolie)  sous  le  pape  Alexandre  VII 
par  de  savants  vers  latins.  Ils  ont  tous  été  recueillis  dans 
le  volume  intitulé  :  Septem  illustrium  virorum  Poe- 
mata  (Amsterdam,  1672).  R.  G. 

Bibl.  :  Tiraboschi,  Storia  délia,  lelteratura  italîana  / 
Modène,  1787-1794,16  vol.  in-4. 

FAVOSITES  (Paléont.).  Genre  de  Polypiers  (Zoan- 
thaires)  créé  par  Lamarck  et  devenu  le  type  de  la  famille 
des  Favositidœ  qui  fait  partie  des  H exaco?*a lia  (ïï&ckQÏ). 
Les  caractères  sont  :  Polypier  massif  sans  cœnenchyme. 
Polypiérites  allongés,  prismatiques,  divisés  en  étages  par 
des  planchers  nombreux.  Murailles  soudées  entre  elles  sur 
toute  leur  longueur  et  percées  de  pores.  Cloisons  peu  nom- 
breuses (6  ou  12),  courtes,  réduites  parfois  à  de  simples 
stries  verticales.  Le  genre  Favosites  est  du  silurien,  du 
dévonien  et  du  calcaire  carbonifère.  Un  grand  nombre 
d'autres  genres,  dont  Alvéolites  (V.  ce  mot),  font  partie 
de  la  même  famille.  E,  Trt. 

FAVRAS  (Thomas  de  Mahy,  marquis  de),  né  à  Blois 
le  26  mars  1744,  pendu  en  place  de  Grève  le  19  févr. 
1790.  La  noblesse  de  sa  famille,  dontil  était  l'aîné,  re- 
montait au  xive  siècle  :  il  lui  restait  au  xvme  siècle  des 
droits  seigneuriaux  sur  le  marquisat  de  Favras  et  sur  le 
bourg  de  Cormeray,  érigé  en  baronnie  par  Louis  XV 
(1747)  :  le  frère  puîné  de  Thomas  porta  le  titre  de  baron 
de  Gormeré  (sic).  Sommairement  élevé,  plus  riche  de 
titres  que  d'écus,  mousquetaire  à  onze  ans  (1755),  capi- 
taine de  dragons  du  régiment  de  Chapt  à  dix-sept  ans 
(1761),  capitaine  aide-major  à  dix-neuf  ans  (1763),  le 
marquis  de  Favras  prit  part  à  la  fin  de  la  guerre  de  Sept 
ans.  Soubise,  le  triste  héros  de  Rossbach,  passe  même 
pour  avoir  donné  asile,  dans  le  Luxembourg,  à  la  prin- 
cesse d'Anhalt  que  son  mari  avait  chassée,  et  dont  la  fille 
Caroline-Edwige  devint,  on  ne  sait  par  quelles  circonstances, 
marquise  de  Favras.  Ce  mariage  fut  en  tout  cas  parfaite- 
ment régulier,  car  il  existe  un  jugement  de  la  cour  aulique 
(21  nov.  1776)  rendu  par  Joseph  II  contre  le  prince 
d'Anhalt-Schauenbourg,  et  lui  enjoignant  de  servir  à  sa 
fille  légitime,  marquise  de  Favras,  une  pension  annuelle 
de  1,000  florins.  Quatre  ans  auparavant,  Favras  était 
devenu,  peut-être  à  l'occasion  de  ce  mariage  princier, 
premier  lieutenant  des  Suisses  du  comte  de  Provence  : 
c'était  l'équivalent  du  grade  de  colonel.  Mais  le  traitement 
n'était  que  de  1,200  livres  et  ne  fut  pas  augmenté  lorsque 
le  comte  de  Provence  devint  premier  prince  du  sang  par 
l'avènement  de  Louis  XVI.  Favras  ne  pouvait  tenir  son 
rang  :  il  se  fit  attacher  à  la  suite  et  alla  loger  place 
Royale,  21  (aujourd'hui,  4).  Ambitieux  sans  moyens  pécu- 
niaires ou  intellectuels,  mais  d'une  bravoure  à  toute 
épreuve,  il  fut  autorisé  à  lever,  en  1787,  une  «  légion 
patriotique  »  destinée  à  secourir  les  Hollandais  contre  la 
Prusse.  Il  n'aboutit  pas  à  temps  :  c'est  alors  que,  pour  son 
malheur,  il  se  mit  en  relations  avec  l'officier  racoleur 


Turcati.  En  1789,  il  publia  sous  son  nom  deux  écrits  très 
sérieux,  mais  très  utopiques,  relatifs  aux  finances  publiques 
et  à  l'usage  modéré  que  l'on  pouvait  faire  des   biens  du 
clergé  comme  garantie  de  la  dette  publique  (Bib.   nat., 
Lb39,  1630  et  2520).  Le  5  oct.,  toujours  à  l'affût  des 
occasions,  il  se  trouve  à  Versailles,  au  château,  propose 
au  comte  de  Saint-Priest  un  plan  de  résistance,  froide- 
ment écarté  par  le  ministre.  Quand  La  Fayette  se  présenta 
en  tardif  libérateur,  quelqu'un  lui  cria  dans  l'OEil-de-bœuf  : 
«  Voilà  Cromwell  !  »  C'est  sans  aucune  preuve  que  cette 
apostrophe  est  attribuée  à  Favras  par  M.  A.  de  Valon 
{Revue  des  Deux  Mondes,  année  1851,  p.  1091).  Il  sui- 
vit à  peu  de  distance  le  carrosse  du  roi  obligé  de  revenir 
définitivement  aux  Tuileries,  et  nota  l'attitude  éplorée  d'un 
lieutenant   de   grenadiers  du    faubourg   Saint-Antoine, 
Pierre  Marquier.  Il  rêva  dès  lors  de   sauver  la  famille 
royale,  suivant  l'expression  familière  aux  contre-révolu- 
tionnaires, c.-à-d.  de  lui  constituer  une  garde  fidèle  pour 
la  faire  sortir  de  Paris.  Rien  n'eût  d'ailleurs  été   plus 
facile  au  roi,  s'il  l'avait  réellement  voulu  :  Mirabeau  tra- 
vaillait alors  dans  le  même  sens,  mais  avec  d'autres  vues. 
C'est  à  son  ancien  maître,  au  comte  de  Provence,  que 
Favras  s'adressa.  Il  ne  fut  sans  doute  ni  avoué,  ni  désa- 
voué. En  novembre,  à  une  représentation  de  Charles  IX, 
Favras  s'ouvrit  de  ses  projets  à  Turcati  et  à  Morel  (pré- 
senté par  Turcati),  et  tous  deux  retrouvèrent  Marquier. 
Celui-ci  déclina  ses  propositions  ;  quant  aux  deux  autres, 
confidents  bien  mal  choisis,  ils  se  firent  agents  provoca- 
teurs, espions,  et  délateurs  du  naïf  et  généreux  marquis. 
La  Fayette  avait  d'ailleurs,  sur  d'autres  indices,  fait  atta- 
cher à  la  surveillance  de  Favras,  outre  l'exempt  de  police 
Joffroy,  son  propre  aide  de  camp ,  Masson  de  Neuville. 
Alors  parut  un  pamphlet  anonyme,  souvent  attribué  au 
duc  de  Biron,  parce  qu'il  faisait  appel  aux  gardes  fran- 
çaises^  :  il  était  intitulé  Ouvrez  donc  les  yeux  !  Pour 
s'expliquer  sans  parler,  Favras  en  avait  remis  un  exem- 
plaire à  Marquier,  devant  Morel,  en  cornant  la  page  51  : 
«  Les  gardes  françaises  ont  été  trompés,  ils  en  conviennent, 
et  leur  repentir  se  manifeste  chaque  jour;  ils  sont  prêts  à 
rentrer  dans  le  devoir  pour  n'en  jamais  sortir.  Il  ne  leur 
manque  qu'un  homme  qui  sache   les  ramener  dans  les 
voies  qu'ils  suivaient  autrefois.  Eh  bien  !  soldats,  c'est  à 
vous,  gardes  françaises,  que  je  parle,  vous  en  trouverez, 
un,  c'est  moi.  Je  me  lie  à  vous  :  je  sais  les  risques  que  je 
cours,  mais  vous  me  défendrez,  et  si  l'on  m'assassine,  vous 
vengerez  ma  mort;  j'aurai  sauvé  la  patrie,  et  je  mourrai 
content.  Je  me  ferai  connaître  dès  que  vous  le  désirerez.  » 
Evidemment,  il  n'est  pas  impossible  que  Favras  ait  lui- 
même  rédigé  ce  violent  appel.  V Appel  aux  fidèles  Picards, 
Y  Adresse  aux  provinces,  se  rapportaient  aux  mêmes  des- 
seins. Ce  qui  distingue  «  l'affaire  Favras  »,  c'est  qu'il  y 
eut   commencement  d'exécution.    Un   projet    d'emprunt 
de  2  millions,  négocié  par  Favras  avec  les  banquiers  Schau- 
mel  et  Sartorius,  fut  ratifié  par  le  comte  de  Provence  : 
on  lut  au  procès  une  lettre  de  Schaumel  demandant  des 
garanties  positives  «  de  la  part  de  deux  personnes  distin- 
guées^ surtout  de  la  première,  qui  seule  peut  assurer  les 
opérations  et  les  récompenses  ».  Ni  LaFerté,  trésorier  gé- 
néral du  comte,  ni  LaChastre,  son  premier  gentilhomme,  ni 
Monsieur  lui-même,  ne  nièrent  le  projet  d'emprunt  ;  ils  se 
contentèrent  de  le  colorer  de  faux  prétextes,  dont  pas  un 
n'expliquait  la  nécessité  ou  l'utilité  d'un  intermédiaire  tel 
que  Favras.  Il  y  eut  aussi,  de  Favras  à  Schaumel,  une  lettre 
non  signée  (24  déc.)  où  il  ne  s'agissait  que  d'un  acompte  de 
300,000  livres,  et  qui  contenait  ces  mots  :  «Tout  est  dis- 
posé pour  conclure  aujourd'hui.  »  Rien  nefut  conclu.  Mais  il 
n'est  pas  démontré  que  Schaumel  ait  joué  ni  trahi  Favras,  ar- 
rêté le  jour  même  (24  déc),  au  moment  où  il  sortait  de 
chez  M.  de  La  Ferté,  —  eh  même  temps  que  la  marquise  sa 
femme,  place  Royale,  à  leur  commun  domicile.  Le  lende- 
main, jour  de  Noël,  un  billet  imprimé,  signé  d'un  pseudo- 
nyme, jetait  l'alarme  dans  la  ville  et  surtout  au  Luxembourg, 
où  habitait  le  frère  aîné  du  roi.  En  voici  l'exacte  copie  :  «  Le 


81  - 


FAVRAS 


marquis  de  laveras  a  été  arrêté  avec  Mme  son  épouse,  la 
nuit  du  24,  pour  un  plan  qu'il  avait  fait,  de  faire  soulever 
30,000  hommes  pour  faire  assassiner  M.  de  La  Fayette  et 
le  maire,  et  ensuite  de  nous  couper  les  vivres.  Monsieur, 
frère  du  roi,  était  à  la  tète.  A  Paris,  ce  25.  Signé  Barauzz.  » 
Cet  écrit  fut  saisi  entre  les  mains  de  Jouve,  valet 
de  chambre,  au  club  du  duc  d'Orléans.  Le  Comité  des 
recherches  de  la  municipalité  l'interrogea  le  26  déc. 
ainsi  que  Potel,  maître  tailleur,  et  d'autres  témoins.  Le 
28  déc.  la  Commune  offrit  500  louis  de  récompense  à  qui  ferait 
connaître  l'auteur  de  cet  avis  «  par  lequel  le  frère  du  roi 
était  calomnié  ».  L'information  contre  Jouve  et  Potel  fut 
faite  par  le  conseiller  au  Châtelet  Jean-Nicolas  Quatremère 
le  5  janv.  1790.  Je  n'ai  trouvé  trace  ni  du  coiffeur  Briche- 
mier,  qui  d'après  M.  de  Valon  aurait  été  impliqué  dans 
l'incident,  ni  du  jugement,  sans  doute  soustrait  avec  les 
autres  pièces  relatives  à  l'affaire  Favras.  Le  Châtelet  ad- 
mit, croit-on,  que  Jouve  et  Potel  avaient  agi  par  manière 
de  plaisanterie.  L'on  fit  disparaître  ces  comparses  d'une 
comédie  qui  précédait  le  drame.  A  la  date  du  27  déc,  le 
ministre  américain  Gouverneur-Morris  note  dans  son  Mé- 
morial, tenu  au  jour  le  jour  :  «  Après  dîner,  La  Fayette 
nous  conduit,  Short  et  moi,  dans  son  cabinet.  Là,  il  nous 
dit  que  depuis  longtemps  il  avait  connaissance  d'un  com- 
plot ;  qu'il  l'a  suivi  à  la  trace,  qu'il  a  enfin  arrêté  M.  de 
Favras,  qu'on  a  trouvé  sur  lui  une  lettre  de  Monsieur, 
laquelle  semblait  prouver  que  Monsieur  n'y  était  que  trop 
impliqué;  qu'il  s'était  rendu,  muni  de  cette  lettre,  chez 
Monsieur,  et  la  lui  avait  remise  en  lui  disant  qu'elle  n'était 
connue  que  de  lui  et  de  M.  Bailly  ;  qu'en  conséquence, 
Monsieur  ne  serait  pas  compromis  ;  que  Monsieur  avait 
été  enchanté  de  cette  assurance  ;  que  cependant  il  était 
allé  ce  matin  à  la  Commune  prononcer  un  discours  con- 
seillé sans  doute  par  Mirabeau,  que  lui,  La  Fayette,  con- 
sidère comme  un  misérable.  »  Aussitôt  averti  de  l'écrit 
Barauzz,  le  comte  de  Provence  avait  écrit  au  maire  : 
«  Je  vous  prie,  Monsieur,  de  demander  à  MM.  les  repré- 
sentai de  la  Commune  une  assemblée  extraordinaire 
pour  ce  soir,  désirant  communiquer  avec  eux  sur  une 
affaire  qui  m'intéresse.  Soyez  bien  persuadé,  Monsieur, 
de  tous  mes  sentimens  pour  vous.  Louis-Stanislas-Xavier.  » 
Le  maire  et  la  Commune  furent  très  flattés.  Monsieur 
fut  applaudi  à  son  entrée.  Il  affirma  n'avoir  pas  parlé  à 
Favras  depuis  1775.  Il  reconnut  qu'il  l'avait  chargé,  sans 
lui  écrire,  de  négocier  pour  sa  maison  obérée  un  emprunt 
de  2  millions.  Il  s'indigna  contre  le  factum  et  en  géné- 
ral contre  les  calomnies  «  qui  peuvent  faire  aisément  con- 
fondre les  meilleurs  citoyens  avec  les  ennemis  de  la  Révo- 
lution »,  rappela  son  attitude  libérale  à  la  seconde  assem- 
blée des  notables.  Il  n'avait  pas  cessé  de  croire  qu'une 
grande  révolution  était  prête.  Le  roi  devait  en  être  le  chef. 
L'autorité  royale  n'était-elle  pas  «  le  rempart  de  la  liberté 
nationale  ;  la  liberté  nationale,  la  base  de  l'autorité 
royale  »?  Cette  phrase  avait  été  dictée  par  Mirabeau. 
Bailly  répondit  en  appelant  Monsieur  le  premier  citoyen 
du  royaume,  etc.  La  Fayette  déclara  que  les  auteurs  (ou 
copistes)  du  factum  étaient  arrêtés,  et  Monsieur  termina 
onctueusement  :  «  Ma  bouche  ne  doit  plus  s'ouvrir  que 
pour  demander  la  grâce  de  ceux  qui  m'ont  offensé.  »  Et 
il  sortit  en  élevant  les  mains,  en  signe  de  supplication. 
C'était  là,  ou  un  acte  singulier  d'humilité,  ou  plutôt  un 
coup  d'audace  nécessaire.  Louis  Blanc,  après  Regnault- 
Warin  et  après  Dulaure,  a  reproduit  par  deux  fois  dans 
son  Histoire  de  la  Révolution  une  lettre  soi-disant 
adressée  par  le  comte  de  Provence  à  Favras,  et  débutant 
ainsi  :  «  Je  ne  sais,  Monsieur,  à  quoi  vous  employez  votre 
temps  et  l'argent  que  je  vous  envoie.  »  Regnault-Warin 
tenait  cette  pièce,  suivant  Dulaure,  du  Directoire.  L'un  et 
l'autre  lui  donnent  la  date  du  ier  nov.  1789.  Mais  Louis 
Blanc,  qui  se  flatte  d'avoir  copié  l'original  écrit  à  l'encre 
sympathique  et  appartenant  alors  à  M.  Monkton-Milnes, 
a  imprimé  :  le  Ier  nov.  1790.  Est-ce  un  lapsus?  La  lettre 
est-elle  authentique?  A-t— elle  été  adressée  à  Monsieur? 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


La  question  reste  douteuse,  mais,  ce  qui  ne  l'est  pas,  c'est 
la  complicité  du  comte  de  Provence  et  de  Favras.  Le  mar- 
quis et  sa  femme  furent  d'abord  emprisonnés  «  sous  le  même 
toit  »,  à  l'Abbaye;  le  7  janv.  1791,  Favras  fut  transféré 
au  Châtelet.  Mais  les  deux  époux  purent  correspondre  : 
les  lettres  de  Favras  furent  plus  tard  publiées  par  de 
Mahy-Savonnière  (Bib.  nat.  Lb39  3010,  s.  1.  n.  d., 
107  pages)  :  c'est  la  seule  édition  authentique.  La  famille 
eut  à  désavouer  une  odieuse  contrefaçon  qui  contenait 
trois  lettres  delà  dernière  violence  contre  les  juges,  Bailly 
et  La  Fayette.  Il  subsiste  d'ailleurs  des  lettres  autographes, 
une,  entre  autres,  très  touchante  et  très  ferme,  dans  la 
collection  de  M.  Etienne  Charavav.  Le  procès  fut  long 
(du  26  déc.  1789  au  18  févr.  1790)  et  compliqué  d'in- 
vraisemblables accusations.  Morel  parla  d'un  recrutement 
de  200,000  hommes  ;  il  se  donna  cyniquement  comme 
confident  du  projet  d'assassiner  La  Fayette  et  Bailly.  Favras 
protesta  hautement  contre  ce  rôle  de  coupe-jarret  qui  lui 
était  attribué.  La  presse,  même  révolutionnaire,  traîna 
les  délateurs  dans  la  boue  :  Turcati  ne  s'accorda  pas  du 
reste  avec  Morel.  Ni  Bailly,  ni  La  Fayette  ne  chargèrent 
Favras  outre  mesure  (dépositions  du  24  janv.).  Mais,  le  26, 
il  y  eut  une  tentative  d'émeute  dirigée  contre  le  Châ- 
telet par  les  bataillons  du  Centre  (royalistes).  La  Fayette 
la  réprima.  Il  l'explique  dans  ses  Mémoires  par  l'intérêt 
que  la  cour  et  Monsieur  avaient  d'en  finir.  Besenval,  ar- 
rêté pour  les  faits  du  12  au  14  juil.,  ayant  été  élargi  le  29, 
la  fureur  du  peuple  fut  portée  au  comble  ;  et  bien 
que  le  premier  jugement  rendu  dans  l'affaire  Favras 
(30  janv.)  eût  conclu  à  un  supplément  d'information,  les 
colporteurs  reçurent  l'ordre  de  crier  «  le  grand  juge- 
ment de  Favras  »,  afin  de  faire  diversion.  Favras  avait 
dû  ce  répit  à  la  courageuse  plaidoirie  de  son  avocat 
Thilorier,  car  le  procureur  Deflandre  de  Brunville  avait 
conclu  à  la  mort.  Favras,  énergiquement  résolu  à  «  se 
rappeler  ce  qu'il  se  devait  à  lui-même  »,  c.-à-d.  à  ne 
compromettre  en  rien  le  roi  ni  le  frère  du  roi,  écrivit 
toutefois  un  mémoire  défensif  qui  ne  parut  jamais,  car  on 
lit  dans  une  lettre  authentique  du  18  févr.  :  «  Cet  impri- 
meur est  un  cruel  homme...  Il  a  été  gagné  par  quelqu'un... 
Il  a  encore  deux  feuilles  pleines  en  arrière.  »  Or,  c'est 
le  même  jour,  qu'après  une  nouvelle  plaidoirie  de  Thilorier, 
assisté  par  le  baron  de  Cormeré,  et  sur  le  rapport  de  Qua- 
tremère, la  sentence  capitale  fut  prononcée.  Le  titre 
n'énonce  que  vaguement  les  motifs  : 

Jugement  en  dernier  ressort,  rendu  publiquement 
à  V audience  du  -parc  civil  du  Châtelet  de  Paris,  la 
compagnie  assemblée,  qui  condamne  Thomas  deMahy 
de  Favras  a  faire  amende  honorable  devant  la  prin- 
cipale porte  de  V église  de  Paris,  où  il  sera  conduit 
par  V exécuteur  de  la  haute  justice  dans  un  tombe- 
reau, ensuite  conduit  à  la  place  de  Grève  pour  y  être 
pendu  et  étranglé  jusqu'à  ce  que  mort  s'ensuive,  pour 
avoir  conspiré  contre  l'Etat  en  formant  et  communi- 
quant à  des  militaires,  banquiers  et  autres  per- 
sonnes et  tenté  de  mettre  à  exécution  un  projet  de 
contre-révolution  en  France. 

Lorsque  le  rapporteur  vint  lire  au  condamné,  dans  la 
chambre  de  la  question,  cet  inique  jugement,  il  ajouta  : 
«Monsieur,  votre  vie  est  un  grand  sacrifice  que  vous  de- 
vez à  la  sûreté  et  à  la  tranquillité  publiques.  »  —  «  Mon- 
sieur, répartit  Favras,  il  est  heureux  que  votre  choix  soit 
tombé  sur  moi  :  je  saurai  montrer  à  vos  Parisiens  com- 
ment sait  mourir  un  gentilhomme.  »  Il  fut  confessé  par  le 
curé  de  Saint-Paul,  Louis  Bossu.  Il  remit  sa  croix  de 
Saint-Louis,  non  entre  les  mains  du  greffier,  mais  entre 
celles  du  sergent-major  Bruyant.  Le  19,  à  trois  heures, 
on  le  vit  sortir  du  Châtelet,  les  mains  liées,  malgré  ses 
protestations,  et  vêtu  de  blanc.  L'écriteau  portait  :  Cons- 
pirateur contre  l'Etat.  Au  parvis  Notre-Dame,  il  dit  : 
«  Peuple,  écoutez  l'arrêt.  Je  suis  innocent  comme  il  est 
vrai  que  je  vais  paraître  devant  Dieu.  Je  ne  fais  qu'obéir 
à  la  justice  des  hommes.  »  Conduit  à  l'Hôtel  de  ville  à 

6 


FAVRAS  —  FAVRE  —  82  — 

quatre  heures,  il  y  dicta  et  y  corrigea  minutieusement 
son  testament  de  mort.  Il  y  pardonnait  à  ses  ennemis,  se 
déclarait  dévoué  au  roi,  parlait  «  d'une  main  invisible  qui 
avait  tramé  sa  perte  »,  recommandait  à  ses  amis  et  parents 
son  corps,  sa  femme,  son  fils  et  sa  fille.  Ce  document  assez 
long,  qui  fut  publié  le  lendemain,  lui  demanda  quatre 
heures  :^  il  espérait,  on  espérait  peut-être  autour  de  lui 
quelque  intervention  puissante.  Il  écrivait  une  lettre  d'adieu 
à  sa  femme  lorsque  les  cris  de  colère  et  d'impatience  de  la 
populace  se  firent  entendre.  Il  faisait  nuit;  un  bataillon 
carré  entourait  le  gibet  ;  il  y  avait  des  lampions  partout, 
jusque  sur  la  potence.  Le  condamné  se  livra  en  disant  : 
«  Devant  Dieu,  je  suis  innocent.  Faites  votre  office.  »  Pen- 
dant que  son  corps  long  et  maigre  se  débattait  aux  prises 
avec  la  mort,  une  voix  cria  :  «  Saute,  marquis  !  »  D'autres  : 
«  Bis  !  bis  !  »  C'était  la  première  application  de  l'égalité  des 
peines.  C'était  le  premier  noble  pendu  par  arrêt  de  justice. 
On  eut  grand'peine  à  défendre  le  cadavre  contre  un  peuple 
en  délire  et  qui  voulait  s'assurer  de  l'identité  de  la  victime. 
Il  fut  enterré  au  cimetière  de  Saint-Jean-en-Grève.  — 
Cependant  Mme  de  Favras,  qui  avait  subi  à  l'Abbaye  une 
détention  absolument  arbitraire,  et  qui  ne  fut  pas  citée 
au  procès,  fut  délivrée  de  sa  prison  :  elle  y  était  tombée 
à  la  renverse  en  apprenant,  par  un  crieur  des  rues,  la 
mort  de  son  mari.  Elle  avait  une  fille,  Caroline,  et  un  fils 
Charles,  qui  fut  pourvu  d'une  lieutenance.  Des  mémoires 
au  roi  furent  adressés,  et  signés,  par  le  frère  du  marquis. 
La  marquise  fut  pensionnée  par  Louis  XVI,  dès  1791, 
croit-on,  mais  on  ignore  quel  fut  le  prix  du  sang.  Elle 
émigra.  Charles  de  Favras  vécut  à  Lamotte-Tilly  (près  de 
Nogent-sur-Seine),  pendant  la  Restauration,  d'une  petite 
pension  octroyée  par  l'ex-comte  de  Provence,  devenu 
Louis  XVIII.  Suivant  une  note  de  Forneron  (Histoire  des 
émigrés,  I,  87),  M.Fr.  von  Stillfried-Ratenic,  qui  a  publié 
en  4881  un  ouvrage  en  allemand  sur  Favras,  «  est  le  petit- 
fils  de  Favras,  dont  la  veuve  se  fit  Autrichienne  ».  La 
descendance  masculine  est  éteinte.  H.  Monin. 

Bibl.  :  Maurice  Tourneux,  Bibliographie  de  l'histoire 
de  Paris  pendant  la  Révolution  française  ;  Paris,  1890,  in-4, 
t.I,  n08  1527  à  1661.  —  Fr.  von  Stillfried-Ratenic,  Tho- 
mas de  Mahy,  marquis  de  Favras,  und  seine  Gemahline  ; 
Wien,  1881,  iu-8.  —  Al.  Tuetey,  Répertoire  général  des 
sources  manuscrites  de  l'histoire  de  Paris  pendant  la 
Révolution  française;  Paris,  1890,  in-4:  t.  I,  n09 1137,  1163 
1271,  1337,  1520  à  1530,  3475  à  3478.  —  Le  dossier  de  Favras 
faisait  partie  des  procédures  instruites  au  Châtelet  pour 
crime  de  lèse-nation.  11  a  entièrement  disparu.  M.  Tuetey 
a  publié  l'inventaire  des  pièces  dressé  par  le  greffier  Drié 
et  remis  par  lui,  en  dernier  lieu,  au  greffe  delà  chambre 
du  conseil  :  ce  sont  24  titres  dont  la  sécheresse  ne  peut 
rien  nous  apprendre.  —  Une  lettre  de  Monsieur,  du  28  déc, 
annonçant  à  la  Constituante  qu'il  avait  porté  ses  plaintes 
à  la  Commune  contre  les  calomnies  du  prétendu  Barauzz, 
publiée  par  Bûchez  et  Roux  dans  leur  Histoire  parlemen- 
taire {t.  IV,  p.  50),  n'est  plus  aux  Archives  nationales,  où  elle 
devait  être  cotée  C.  33,  n°  287.  D'après  La  Fayette,  et 
d'après  l'historien  Droz  qui  s'appuie  d'un  témoignage 
anonyme,  mais  sans  doute  sincère,  tous  les  «  papiers  du 
vrai  complot  »  auraient  été  remis  à  Louis  XVIII  par  l'ex- 
lieutenant  civil  Talon.  Ce  bruit  n'aurait-il  pas  été  répandu 
pour  pallier  la  soustraction  du  dossier  opérée  par  auto- 
rité royale  ? 

FAVRAY  (Antoine  de),  peintre  français,  né  à  Bagnolet 
en  1706,  mort  à  Malte  en  4791.  Bien  que  Favray  ait  été 
Félève  de  Jean-François  de  Troy,  il  ne  sacrifia  pas  au  même 
idéal  et  s'abstint  de  faire  comme  son  maître  de  grandes 
machines  décoratives.  Sans  ambition  et  sans  panache,  il 
resta  un  peintre  de  genre  et  surtout  un  voyageur  curieux 
des  mœurs  étrangères  et  des  costumes.  Lorsque  de  Troy 
fut  nommé  directeur  de  l'Académie  de  France  à  Rome, 
c.-à-d.  en  1738,  il  emmena  avec  lui  son  jeune  élève  à  qui 
il  fit  obtenir  une  pension  du  roi.  Il  nous  donne  souvent  de 
ses  nouvelles  dans  les  lettres  administratives  qu'il  adresse 
au  directeur  des  bâtiments.  On  voit  dans  cette  correspon- 
dance qu'en  1739  Favray  étudiait  Raphaël  et  qu'il  copiait 
au  Vatican  Y  Incendie  du  Borgo.  C'est  aussi  de  Troy  qui 
écrit  le  1er  juil.  1744  :  «  Le  sieur  Favray  vient  de  partir 
pour  Malte.  Il  a  de  l'esprit,  de  l'habileté  et  de  la  con- 
duite. »  Pourquoi  ce  voyage  en  dehors  des  habitudes  de 


l'école  ?  Favray  avait  rencontré  à  Rome  plusieurs  cheva- 
liers de  Malte  ;  il  voulait  voir  le  monde  et  il  consentit  à  les 
suivre  dans  leur  île.  Une  fois  arrivé,  il  montra  ses  tableaux 
au  grand  maître  de  l'ordre  qui  le  nomma  «  chevalier  ma- 
gistral ».  Il  fit  ensuite  une  excursion  dans  le  Levant,  région 
qui  paraît  l'avoir  intéressé  beaucoup.  Favray  était  à  Cons- 
tantinople  lorsque  l'Académie  royale  eut  à  s'occuper  de  lui 
en  1762.  Pour  montrer  son  savoir-faire,  il  avait  envoyé 
plusieurs  peintures,  entre  autres  les  Dames  maltaises  se 
faisant  visite,  qu'on  retrouve  aujourd'hui  au  Louvre. 
Dans  la  séance  du  30  oct.,  le  chevalier  de  Favray  fut 
agréé  et  immédiatement  reçu  académicien,  comme  «  peintre 
dans  le  genre  des  figures  vêtues  à  la  moderne  ».  On  ne 
sait  combien  dura  son  séjour  à  Constantinople  ;  mais,  en 
1771,  on  le  vit  reparaître  à  Marseille.  Il  n'y  resta  pas  ; 
il  résolut  de  retourner  à  Malte  où  il  avait  conservé  des 
amis.  On  croit  qu'il  y  est  mort  en  1791.  Ses  tableaux,  peu 
nombreux,  ont  été  exposés  aux  Salons  de  1763,  1771  et 
1779,  et  Diderot  vante  le  coloris  dans  la  grande  composi- 
tion qui  représentait  Y  Audience  donnée  par  le  Grand 
Seigneur  à  l'ambassadeur  Saint-Priest,  Sa  peinture 
du  Louvre,  les  Dames  maltaises,  est  signée  A.  Favray 
à  Malte  i75I,  et  c'est  un  type  authentique  qui  pourrait 
servir  à  reconnaître  ses  œuvres.  L'artiste  voyageur  pei- 
gnait aussi  des  portraits.  On  trouvera  dans  la  salle  Lacaze 
un  portrait  de  femme  maltaise  où  l'on  croit  voir,  à  la  suite 
de  la  signature,  une  date  peu  lisible  (1760).  On  ne  sait  ce 
qu'est  devenu  un  tableau  qu'il  avait  peint  à  Malte  et  qui 
reproduisait  avec  un  grand  souci  de  l'exactitude  la  céré- 
monie qu'on  célébrait  chaque  année  à  l'église  Saint-Jean 
pour  remercier  Dieu  delà  délivrance  de  l'île  (S.  de  1763). 
Antoine  de  Favray  n'était  pas  un  peintre  maladroit.  Les 
amateurs  français  le  connaissent  mal  ;  les  experts  l'ignorent. 
Beaucoup  de  petits  tableaux  qu'on  lui  attribue  et  qui  gardent 
le  souvenir  des  costumes  italiens,  comme  ceux  que  Gaucherel 
a  gravés,  doivent  être  restitués  à  Barbault.     P.  Mantz. 

Bibl.  :  Villot,  Catalogue  du  Louvre  {Ecole  française), 
1855.  —  Lecoy  de  La  Marche,  l'Académie  de  France  à 
Rome,  1878. 

FAVRE  ou  LE  FÈVRE  (Pierre),  Faber,  jésuite,  né  à 
Villaret  (diocèse  de  Genève)  en  1506,  mort  en  1546. 
Lorsque  Ignace  de  Loyola  vint  à  Paris  pour  continuer  les 
études  qu'il  estimait  nécessaires  au  succès  de  l'œuvre  qu'il 
rêvait,  Favre  lui  fut  donné  comme  répétiteur,  au  collège  de 
Sainte-Barbe;  Ignace  en  fit  son  premier  disciple  et  l'un 
des  plus  fervents.  Cinq  autres  s'unirent  bientôt  à  eux  : 
François  Xavier,  Jacques  Laynès,  Alphonse  Salmeron, 
Nicolas  Alphonse,  surnommé  Babadilla,  Simon  Rodriguez 
d'Azévédo.  Le  15  août  1534,  les  sept  allèrentdans  une  cha- 
pelle souterraine  de  l'église  de  Montmartre  prononcer  le 
célèbre  vœu  qui  fut  le  germe  de  Tordre  des  jésuites  ;  Favre, 
qui  était  déjà  prêtre,  donna  la  communion  à  ses  compagnons. 
Ce  fut  lui  qui  parfit  le  nombre  dix,  en  recrutant  trois  nouveaux 
adeptes  parmi  les  théologiens  de  Paris,  pendant  qu'Ignace 
était  en  Espagne  :  Claude  Le  Jay,  Jean  Codure  et  Pasquier- 
Brouet.  Quand  la  Compagnie  de  Jésus  fut  définitivement 
constituée,  il  mit  à  son  service  des  qualités  qui  se  trouvent 
rarement  réunies,  mais  qu'il  réunissait  et  portait  à  un 
degré  éminent  :  l'enthousiasme,  l'austérité  et  le  savoir  ;  il 
connaissait  le  grec  et  parfaitement  le  latin  :  il  parlait  avec 
facilité  l'allemand,  l'italien,  l'espagnol  et  le  portugais.  Il 
remplit  avec  grand  succès  plusieurs  missions  fort  impor- 
tantes en  Allemagne  ;  il  fonda  pour  son  ordre  à  Cologne 
(1544),  à  Coïmbre  et  à  Valladolid  (1546)  des  collèges  qui 
devinrent  florissants  en  quelques  mois.  —  Quelques-unes 
de  ses  lettres  ont  été  publiées  avec  celles  de  Canisius.  De 
celles  qui  sont  restées  inédites  dans  les  archives  du  Gesù, 
Crétineau-Joly  (Histoire  de  la  Compagnie  de  Jésus,  1. 1, 
p.  137)  a  extrait  des  indications  fort  intéressantes  sur  les 
causes  du  succès  des  réformateurs  :  «Je  m'étonne  qu'il  n'y 
ait  pas  deux  ou  trois  fois  plus  d'hérétiques,  et  cela  parce 
que  rien  ne  conduit  si  rapidement  à  l'erreur  dans  la  foi 
que  le  désordre  dans  les  mœurs.  Ce  ne  sont  ni  les  fausses 


—  83 

interprétations  de  l'Ecriture,  ni  les  sophismes  des  luthé- 
riens qui  font  apostasier  tant  de  peuples  et  mettent  en 
révolte  contre  l'Eglise  romaine  tant  de  villes  et  de  pro- 
vinces ;  tout  le  mal  vient  de  la  vie  scandaleuse  des  prê- 
tres... La  partie  du  troupeau  qui,  par  devoir,  serait  tenue 
de  ramener  les  infidèles  dans  le  bercail  est  celle-là  même 
qui,  par  ses  mœurs  dissolues,  invite  et  pousse  les  catho- 
liques à  se  faire  luthériens.  »  E.-H.  Vollet. 

FAVRE  (Antoine),  jurisconsulte  français  (V.  Faber). 

FAVRE  ou  FABRE  (Jean-Baptiste),  poète  languedocien, 
né  vers  1728,  mort  à  Celleneuve  (Hérault)  le  6  mars  1783. 
Bibliothécaire  et  aumônier  du  marquis  d'Aubais,  prieur-curé 
de  Celleneuve.  Il  a  composé  en  patois  du  Languedoc  d'ai- 
mables et  spirituelles  poésies  qui  ont  été  recueillies  et 
publiées  par  J.  Brunier  (Montpellier,  1815,  2  vol.  in-12), 
sous  le  titre  de  Recul  d'uvras  patoisas,  et  rééditées  d'une 
manière  plus  complète  par  Virenque  (Montpellier,  1839, 
4  vol.  in-18).  On  a  encore  de  lui  un  petit  poème  écrit  en 
français  :  Acidalie  ou  la  Fontaine  de  Montpellier  et  de 
nombreux  ouvrages  demeurés  en  manuscrit  à  la  biblio- 
thèque de  Montpellier.  Les  poésies  de  l'abbé  Favre  con- 
tinuent d'être  goûtées  de  nos  jours.  On  a  réimprimé  son 
Histoire  de  Jean-Vont-pris  (Paris,  1883,  in-18),  son 
Siège  de  Caderousse  (Montpellier,  1858,  in-12,  et  Avi- 
gnon, 1877,  in-18),  etc.,  et  deux  nouveaux  recueils  de  ses 
œuvres  :  Obras  languedoucianas  (Montpellier,  1 877 ,  in-4); 
Œuvres  complètes  languedociennes  et  françaises  (Mont- 
pellier, 1878-83,  2  vol.  in-8). 

FAVRE  (Guillaume),  érudit  et  historien  genevois,  né  à 
Marseille  le  1er  juin  1770,  mort  à  Genève  le  27  févr.  1851. 
Voué  d'abord  au  commerce  dans  sa  ville  natale,  il  vint  à 
Genève  avec  sa  famille  et  y  fut  incarcéré  plusieurs  mois 
lors  de  la  Terreur  de  1794.  Il  se  retira  dans  le  pays  de 
Vaud  et  ne  revint  à  Genève  que  lors  de  la  domination  fran- 
çaise :  il  se  livra  alors  à  ses  recherches  linguistiques, 
archéologiques  et  littéraires,  et  rassembla  une  collection 
remarquable  de  classiques  anciens  et  modernes.  Mme  de 
Staël  l'appelait  son  érudit,  avide  de  connaissances  et  avare 
de  publications.  Après  sa  mort,  on  a  réuni  en  deux  volumes 
ses  Mélanges  d'histoire  littéraire,  sympathiquement  sa- 
lués par  Sainte-Beuve.  E.  Kuhne. 

FAVRE  (Ferdinand),  homme  politique  français,  né  à 
Couvet  (Suisse)  le  28  févr.  1779,  mort  à  Paris  le 
16  juil.  1867.  Engagé  dans  la  garde  nationale  de  Nantes, 
il  fit  la  campagne  de  Vendée.  Partisan  du  gouvernement  de 
Juillet,  il  fut  nommé  par  lui  maire  de  Nantes,  où  il  diri- 
geait une  grande  raffinerie.  Il  joua  un  rôle  dans  l'arres- 
tation de  la  duchesse  de  Berry  (V.  ce  nom).  Le  23  avr.  1848, 
il  fut  élu  représentant  à  la  Constituante  par  la  Loire-Infé- 
rieure, et  siégea  à  droite.  Réélu  le  13  mai  1849  à  la  Légis- 
lative, il  accentua  encore  ses  opinions  réactionnaires,  et  fit 
partie  de  la  commission  consultative  après  le  coup  d'Etat  du 
2  déc.  Elu  député  au  Corps  législatif  le  29  févr.  1852  contre 
M.  Waldeck-Rousseau,  il  appuya  constamment  le  gouverne- 
ment impérial  jusqu'à  son  entrée  au  Sénat  (9  juin  1857), 
où  il  continua  de  voter  avec  la  majorité  dynastique. 

FAVRE  (Adolphe),  littérateur  français,  né  à  Lille  le 
1er  mai  1808,  mort  à  Paris  le  15  janv.  1886.  Il  a  laissé 
des  poésies,  des  romans  et  quelques  vaudevilles.  Nous  cite- 
rons :  V Amour  d'un  ange  (Paris,  1854,  in-16),  poésie; 
le  Carrefour  de  la  Croix  (1854,  2  vol. in-8);  l  Amour 
et  V Argent  (1855, 2  vol.  in-8)  ;  le  Capitaine  des  archers 
(1859,  2  vol.  in-8);  V  Œuvre  du  démon  (1863,  in-12); 
la  Coupe  maudite  (1865,  in-12)  ;  Comment  un  fils  se 
marie  (1868,  in-12);  Comment  meurent  les  femmes 
(1875, in-12);  VEpée de  saint  Bernard  (1872,  in-12); 
la  Fausse  Route  (1868,  in-12);  Maître  Guillaume  (1858, 
in-12)  ;  le  Remouleur  (1868,  in-12)  ;  les  Lettres  d'or,  sa- 
tires en  vers  et  contre  tout  (1885,  in-16) .  Parmi  ses  pièces 
de  théâtre  mentionnons  :  la  Porte  Saint-Denis,  drame 
en  cinq  actes,  représenté  à  Beaumarchais  en  1866  ;  V En- 
lèvement au  bouquet  (Menus-Plaisirs,  1867),  vaudeville 
en  un  acte;  Déborah  (Théâtre-Lyrique,  1867),  opéra  en 


FAVRE 

trois  actes;  le  Pan  de  robe  (1875),  comédie  en  un  acte; 
Tristapatte  et  Duraflé  (1875),  vaudeville  en  un  acte; 
Un  Monsieur  qui  a  perdu  son  mouchoir  (1866,  in-12), 
vaudeville . 

FAVRE  (Gabriel-Claude-Jules),  homme  politique  et  avo- 
cat français,  né  à  Lyon  le  21  mars  1809,  mort  à  Versailles 
le  28  janv.  1880.  Fils  d'un  commerçant  de  Lyon  dont  la 
famille  était  originaire  de  la  Savoie,  il  se  destina  de  bonne 
heure  au  barreau  et,  après  de  brillantes  études  classiques, 
vint  faire  son  droit  à  Paris  (1826),  où  il  assista  et  prit 
personnellement  part  à  la  révolution  de  Juillet.  Il  retourna 
vers  la  fin  de  1830  dans  sa  ville  natale,  où  les  opinions 
républicaines  qu'il  émit  dans  le  journal  le  Précurseur 
lui  valurent  une  poursuite  en  cour  d'assises  suivie  d'acquit- 
tement et  où,  comme  avocat,  il  gagna,  dès  ses  débuts, 
une  notoriété  qui  ne  fit  que  grandir.  Grâce  à  une  puis- 
sance de  travail  et  de  volonté  inouïe,  Jules  Favre  parvint, 
en  quelques  années,  à  dompter  et  à  assouplir  un  organe 
d'abord  un  peu  rebelle,  acquit  une  facilité  de  parole  mer- 
veilleuse et,  jeune  encore,  fit  admirer  cette  éloquence  aca- 
démique et  pure,  relevée  d'ironie  et  de  sarcasme,  à  la- 
quelle il  dut  tant  de  triomphes  dans  sa  longue  vie  oratoire. 
Après  avoir  défendu,  au  bruit  de  l'émeute  qui  ensanglan- 
tait Lyon  (1834),  les  ouvriers  mutuellistes  poursuivis 
pour  association  illicite,  il  prit  part,  en  1835,  devant  la 
cour  des  pairs,  au  grand  procès  des  accusés  d'avril,  dont 
il  soutint  presque  seul  la  charge  écrasante  durant  près  de 
trois  mois  et  au  cours  duquel  il  eut  maintes  fois  l'occasion 
de  faire  sa  profession  de  foi  politique. 

Encourage  par  les  suffrages  de  l'opinion  publique,  il  se 
fit  bientôt  inscrire  au  barreau  de  Paris  (1836)  et  y  prit 
rapidement  une  place  considérable.  Le  nombre  de  causes 
civiles,  criminelles  ou  politiques,  qu'il  plaida  depuis  cette 
époque  jusqu'à  1848,  est  tel  qu'il  ne  semble  pas  qu'il  pût 
lui  rester  le  temps  d'écrire.  Cependant  on  le  voit,  en  1837, 
entreprendre  une  grande  Biographie  contemporaine, 
trois  ans  plus  tard  fonder  avec  George  Sand  et  Anselme 
Petetin  le  journal  la  Mode,  collaborer  très  activement  au 
Droit,  au  Monde  et  au  National.  Quand  la  révolution  de 
Février  éclata,  il  était  mûr  depuis  longtemps  pour  la  vie 
publique.  Attaché  comme  secrétaire  général  au  ministère 
de  l'intérieur  sous  Ledru-Rollin,  c'est  lui  qui  rédigea  les 
vigoureuses  circulaires  adressées  par  ce  dernier  aux.  com- 
missaires du  gouvernement  provisoire  dans  les  départe- 
ments ,  et  il  en  revendiqua  hautement  la  responsabilité. 
Elu  représentant  de  la  Loire  (le  septième  sur  onze,  par 
34,260  voix)  à  l'Assemblée  constituante,  il  se  hâta  de 
renoncer  à  ses  fonctions  administratives.  Il  est  vrai  que, 
fort  peu  après,  il  accepta  le  sous-secrétariat  d'Etat  des  af- 
faires étrangères.  Mais  il  s'en  démit  le  2  juin,  à  la  suite  de 
l'insuccès  du  rapport  dont  il  avait  été  chargé  par  la  com- 
mission chargée  d'examiner  la  demande  de  poursuites 
contre  Louis  Blanc  pour  sa  conduite  pendant  la  journée  du 
15  mai  (ce  rapport  concluait  aux  poursuites). 

Très  fermement  républicain,  mais  fort  éloigné  du  radi- 
calisme et  surtout  du  socialisme,  Jules  Favre  s'associa 
dans  l'Assemblée  constituante  à  certains  votes  de  la  droite 
(notamment  en  ce  qui  concernait  les  attroupements,  les 
clubs,  les  incompatibilités,  l'impôt  du  sel,  etc.).  En 
revanche,  il  se  prononça  comme  la  gauche  contre  le  cau- 
tionnement des  journaux,  contre  la  peine  de  mort,  pour 
l'impôt  progressif.  Après  l'élection  du  10  déc,  il  combattit 
de  toutes  ses  forces  la  politique  de  l'Elysée  et,  après 
avoir  eu  la  naïveté  de  voter  les  premiers  crédits  pour  l'ex- 
pédition romaine,  protesta  hautement  contre  la  perfidie  de 
Louis-Napoléon,  qui  l'avait  détournée  de  son  but  en  atta- 
quant une  République.  A  l'Assemblée  législative,  où  il 
entra  par  suite  d'une  élection  partielle  comme  représen- 
tant du  Rhône,  il  fut,  avec  Michel  de  Bourges,  l'orateur 
le  plus  puissant  du  parti  républicain.  Infatigable,  toujours 
sur  la  brèche,  il  ne  put  être  réduit  au  silence  que  par  le 
coup  d'Etat  du  2  déc.  1851,  contre  lequel  il  essaya,  avec 
plus  de  courage  que  de  bonheur,  de  réagir,  en  organisant, 


FAVRE 


-  84  - 


avec  Victor  Hugo,  Schœlcher  et  quelques  autres  de  ses 
collègues,  la  résistance  dans  les  rues  de  Paris. 

Après  le  triomphe  de  Louis-Napoléon,  la  proscription 
dont  il  était  menacé  lui  fut  épargnée  grâce  à  l'intervention 
du  conseil  de  l'ordre  des  avocats,  qui  obtint  du  garde  des 
sceaux  qu'il  ne  serait  pas  inquiété.  Elu  membre  des  conseils 
généraux  du  Rhône  et  de  la  Loire,  il  refusa  le  serment 
prescrit  par  la  nouvelle  constitution  et  rentra  dans  la  vie 
privée  (1852),  d'où  il  ne  devait  sortir  que  six  ans  plus 
tard.  Il  reprit  sa  place  au  barreau  où,  à  côté  de  Berryer 
vieilli  et  fatigué,  il  occupa  bientôt  et  sans  conteste  la 
première  place.  Aussi  fut-il  élu  bâtonnier  de  Tordre  à 
Paris  en  1860  et  obtint-il  sans  peine,  l'année  suivante, 
le  renouvellement  de  son  mandat.  Mais,  à  cette  époque,  il 
avait  déjà  depuis  quelque  temps  reparu  avec  éclat  sur  la 
scène  politique.  Les  procès  de  Y  Opéra-Comique  (1853)  et 
du  capitaine  Doineau  (1857),  où  il  avait  joué  comme  avocat 
un  rôle  important,  avaient  ramené  vers  lui  l'attention  du 
grand  public.  Sa  candidature  à  la  députation,  posée  à 
Lyon  en  1857,  avait,  malgré  la  pression  admininistrative 
qui  paralysait  alors  la  liberté,  réuni  sur  son  nom,  sans  lui 
donner  la  majorité,  un  nombre  considérable  de  suffrages. 
En  févr.  1858,  son  plaidoyer  retentissant  dans  l'affaire  Or- 
sini  (V.  ce  nom)  fit  de  lui,  pour  quelque  temps,  l'homme 
le  plus  populaire  de  Paris.  Aussi  fut-il  envoyé  fort  peu  après 
par  les  électeurs  de  la  Seine  au  Corps  législatif,  où  il  fut, 
jusqu'en  1863,  le  chef  de  ce  vaillant  groupe  des  Cinq, 
dont  la  brillante  et  tenace  opposition  à  l'Empire  provoqua 
en  France  le  réveil  de  l'opinion  libérale  et  républicaine. 

Après  avoir  applaudi  à  la  révolution  italienne  déchaînée 
avec  tant  d'inconséquence  par  l'auteur  de  l'expédition 
romaine  de  1849  et  qui  devait  lui  être  si  funeste  (1859- 
1860),  il  fit  un  merveilleux  usage  du  décret  du  24  nov.  1860 
qui,  en  rétablissant  le  droit  d'adresse,  donnait  au  Corps 
législatif,  jusque-là  privé  de  toute  initiative,  la  faculté 
d'exprimer  au  moins  une  fois  chaque  année,  et  publique- 
ment, son  avis  motivé  sur  la  politique  intérieure  et  exté- 
rieure du  gouvernement  impérial.  Pendant  les  sessions  de 
1861,1862,  1863,  ses  discours  sur  la  liberté  individuelle, 
la  liberté  de  la  presse,  la  liberté  de  reunion,  la  question 
romaine,  les  affaires  de  Pologne  et  surtout  l'expédition  du 
Mexique,  dont  il  dévoila  avec  une  vigoureuse  netteté  les 
inavouables  mobiles,  eurent  dans  toute  la  France  un  im- 
mense retentissement.  De  là  résulta  un  mouvement  d'opi- 
nion qui,  lors  des  élections  générales  du  31  mai  1863, 
lui  valut  un  double  triomphe  à  Paris  et  à  Lyon,  et,  aux 
élections  complémentaires  de  1864,  fit  entrer  au  Palais- 
Bourbon,  à  côté  de  Marie  et  de  Garnier- Pages,  ex-mem- 
bres du  gouvernement  provisoire,  les  chefs  des  anciens 
partis,  Thiers  et  Berryer.  Ceux-ci  rivalisèrent  d'élo- 
quence avec  Jules  Favre  pour  saper  et  renverser  le  second 
Empire.  Son  rôle  et  son  influence  se  trouvèrent,  par  suite, 
un  peu  amoindris  à  partir  de  cette  époque,  bien  que  son 
zèle  pour  la  liberté  (le  Moniteur  en  fait  foi)  ne  se  ralentit 
nullement.  Il  joua  comme  avocat  le  principal  rôle,  tant 
en  première  instance  qu'en  appel,  au  procès  des  Treize 
(1864),  poursuivit  avec  éclat  au  Corps  législatif  sa  cam- 
pagne contre  le  régime  issu  du  Deux-Décembre,  se  fit  remar- 
quer notamment  dans  les  discussions  relatives  à  la  Pologne 
et  au  Danemark  (1864),  aux  coalitions  d'ouvriers  (4864), 
aux  affaires  d'Allemagne  et  du  Luxembourg  (1866-1867), 
aux  libertés  intérieures  (1864-1868),  à  l'Algérie  (1868) 
et  fut  l'adversaire  le  plus  infatigable  du  ministre  d'Etat 
Rouher,  comme  il  avait  été  jadis  celui  de  son  prédécesseur 
Billault.  L'Empire,  grâce  à  lui  et  à  ses  amis,  se  désagré- 
geait, se  dissolvait  peu  à  peu,  commençait  à  s'abandonner 
lui-même. 

Une  nouvelle  loi  sur  la  presse  lui  permit  de  fonder,  en 
1868,  avec  ses  collègues  Ernest  Picard  et  Hénon,  le  jour- 
nal r Electeur  (plus  tard  l'Electeur  libre),  qui  eut  quel- 
que temps  un  grand  succès,  mais  dont  les  hardiesses  ne 
tardèrent  pas  à  être  dépassées  de  beaucoup.  Il  s'était 
formé  depuis  quelques  années  une  génération  nouvelle, 


dont  les  chefs,  jeunes,  ardents  (Rochefort,  Gambetta,  par 
exemple),  gagnaient  rapidement  en  popularité,  à  force 
d'audace  et  d'intransigeance  vis-à-vis  de  l'Empire,  ce  que 
perdaient  les  vieux  lutteurs  parlementaires  de  48,  un  peu 
refroidis  par  l'âge  et  les  désillusions.  Le  socialisme,  dure- 
ment traité  par  la  seconde  République,  commençait  à  rele- 
ver la  tête.  La  liberté  philosophique  revendiquait  aussi 
hautement  ses  droits.  Jules  Favre,  qui  venait  d'être  admis 
à  l'Académie  française  en  remplacement  de  Cousin,  avait, 
dans  son  discours  de  réception  (23  av.  1868),  fait  une 
profession  de  foi  nettement  spiritualiste  et  antiradicale. 
On  peut  dire  que  de  ce  jour  date  le  déclin  de  son  autorité 
personnelle  dans  le  parti  républicain  français.  Aux  élec- 
tions générales  de  1869,  il  commit,  par  excès  de  confiance 
en  lui-même,  la  faute  de  laisser  poser  à  la  fois  dans  une 
quinzaine  de  circonscriptions  sa  candidature  à  la  députa- 
tion. Il  ne  fut  tout  d'abord  élu  nulle  part,  et,  s'il  finit  par 
triompher  au  second  tour  de  scrutin  (nov.  1869),  dans  la 
7e  circonscription  de  Paris,  où  il  avait  pour  concurrent 
Henri  Rochefort,  ce  ne  fut  que  grâce  à  l'appui  manifeste 
d'un  certain  nombre  de  conservateurs,  qui  aimèrent  mieux 
voter  pour  lui  que  pour  l'auteur  de  la  Lanterne. 

Cependant,  son  énergique  attitude  vis-à-vis  du  ministère 
Ollivier  (1870)  et  le  souvenir  des  patriotiques  efforts 
qu'il  avait  faits  avec  Thiers  pour  empêcher  la  déclaration 
de  guerre  à  la  Prusse,  lui  valurent,  au  moment  de  la 
chute  de  l'Empire,  un  regain  de  popularité.  A  la  nou- 
velle du  désastre  de  Sedan,  Jules  Favre  demanda  formel- 
lement au  Corps  législatif  «  la  déchéance  de  Louis-Napo- 
léon Bonaparte  et  de  sa  famille  et  la  nomination  d'une 
commission  de  gouvernement  ayant  pour  mission  expresse 
de  résister  à  outrance  à  l'invasion  et  de  chasser  l'ennemi 
du  territoire  ».  Quelques  heures  plus  tard,  le  peuple  enva- 
hissait le  Palais-Bourbon  ;  le  Corps  législatif  était  dissous 
et  le  gouvernement  de  la  Défense  nationale  s'installait  à 
l'Hôtel  de  ville  (4  sept.  1870).  Jules  Favre  en  fut  élu 
vice-président  (la  présidence  était  exercée  par  le  général 
Trochu)  et  se  fit  attribuer  le  ministère  des  affaires  étran- 
gères. Il  ne  justifia  pas,  malheureusement,  comme  homme 
d'Etat,  les  espérances  qu'il  avait  fait  concevoir  à  son  parti 
comme  orateur  d'opposition.  Sans  doute  on  ne  peut  lui 
reprocher  l'engagement  téméraire  qu'il  prenait  au  nom  de 
la  France,  dans  sa  fameuse  circulaire  du  6  sept.,  de  ne 
céder  «  ni  un  pouce  de  notre  territoire  ni  une  pierre  de 
nos  forteresses  ».  Le  pays  tout  entier  y  applaudit  et  ne 
lui  aurait  pas  permis,  à  cette  époque,  de  parler  autrement. 
Il  ne  pécha  aussi  que  par  naïveté  en  allant  à  Ferrières 
(18-19  sept.)  proposer  la  paix  moyennant  une  simple 
indemnité  de  guerre,  à  M.  de  Bismarck  qui,  dès  cette 
époque,  lui  signifia  l'immuable  résolution  de  la  Prusse  de 
ne  la  faire  que  contre  la  cession  de  F  Alsace-Lorraine,  et 
en  envoyant  dans  toute  l'Europe,  à  la  poursuite  d'alliances 
irréalisables,  M.  Thiers  qui,  malgré  son  incontestable  pa- 
triotisme, ne  travailla,  en  somme,  efficacement,  que  pour 
lui-même  (sept.-oct.  1870). 

Il  commit  des  fautes  plus  graves  en  déterminant  le  gou- 
vernement de  la  Défense  nationale  à  ne  pas  quitter  Paris, 
où  il  allait  être  bloqué  et  réduit  à  peu  près  à  l'impuissance, 
et  surtout  en  faisant  retarder  indéfiniment  l'élection  d'une 
Assemblée  nationale  qui  eût  eu,  en  France  et  vis-à-vis  de 
l'étranger,  une  tout  autre  autorité  que  la  délégation  dicta- 
toriale de  Tours  et  de  Bordeaux.  Après  le  départ  de  Gam- 
betta pour  la  province,  il  prit  par  intérim  le  ministère 
de  l'intérieur,  qui,  pour  ne  pouvoir  être  exercé  que  dans 
les  limites  de  la  capitale,  n'en  était  pas  moins  fort  pénible 
(l'insurrection  communaliste  du  31  oct.,  dont  le  gouverne- 
ment de  la  Défense  nationale  ne  triompha  qu'à  grand'peine 
en  est  la  preuve).  La  négociation  d'armistice  par  laquelle 
M.  de  Bismarck  l'amusa  quelque  temps  (lui  et  M.  Thiers), 
échoua  piteusement  le  6  nov.  Dès  lors,  Jules  Favre,  malgré 
son  titre,  ne  joua  qu'un  rôle  assez  effacé  dans  le  gou- 
vernement, attendant,  d'une  part,  les  armées  de  province 
qui  ne  venaient  pas,  et  de  l'autre  ne  pouvant  déterminer 


Trochu,  qui  n'avait  jamais  cru  au  succès,  à  tenter  un  eflort 
sérieux  pour  débloquer  Paris.  Tl  résulte  de  sa  correspon- 
dance, et  notamment  d'une  lettre  adressée  par  lui  à  Gam- 
betta  le  21  janv.  1871,  qu'il  aurait  bien  voulu  voir  ce 
général  remplacé  par  un  autre,  plus  hardi  et  plus  confiant, 
mais  qu'il  n'osa  jamais  prendre  à  cet  égard  une  décision 
énergique.  D'un  autre  côté,  invité  le  12  janv.  1871  à  se 
rendre  à  la  conférence  internationale  de  Londres  où  de- 
vaient être  discutées  les  questions  relatives  au  traité  de 
Paris  de  1856,  récemment  dénoncé  par  la  Russie,  il  ne 
voulut  pas  quitter  la  capitale,  pour  n'avoir  pas  l'air  de  fuir 
une  ville  bombardée  et  menacée  des  plus  grands  malheurs. 
C'était  là  de  sa  part  un  scrupule  fort  respectable  sans  doute, 
mais  à  coup  sûr  excessif  et  tout  à  fait  impolitique  ;  car  il 
est  manifeste  qu'il  eût  pu  à  ce  moment  beaucoup  mieux 
servir  la  France  à  Londres  qu'à  Paris. 

Après  les  combats  de  Buzenval  et  de  Montretout 
(19  janv.  1871),  après  l'échauffourée  du  22  janv.,  la  dou- 
leureuse  mission  de  traiter  avec  nos  vainqueurs  lui  incom- 
bait naturellement,  puisqu'il  était  toujours  ministre  des 
affaires  étrangères.  Il  la  remplit  avec  une  dignité  triste  et 
touchante ,  mais  non  sans  porter  dans  d'aussi  graves 
affaires  une  inadvertance  qui  fut  bien  funeste  à  son  pays. 
L'armistice  du  28  janv.,  qu'il  conclut  avec  M.  de  Bismarck, 
ne  fut  pas  seulement  fort  onéreux  et  fort  humiliant  pour 
Paris.  Il  paralysa  aussi  et  réduisit  à  l'impuissance  la  déléga- 
tion de  Bordeaux,  au  nom  de  laquelle  (dans  l'ignorance  où 
il  était  de  ses  ressources  et  de  la  situation  de  ses  armées) 
il  semble  qu'il  n'aurait  pas  dû  traiter.  La  délimitation  des 
territoires  que  devaient  occuper  les  parties  belligérantes 
pendant  la  suspension  des  hostilités  fut  arrêtée  sans  qu'au- 
cun représentant  des  armées  de  province  eût  été  appelé  à 
y  prendre  part,  et,  par  une  aberration  inconcevable,  Jules 
Favre  oublia  d'informer  Gambetta  que  notre  armée  de  l'Est 
n'était  pas  comprise  dans  l'armistice,  ce  qui  nous  la  fit 
perdre  tout  entière  en  deux  jours. 

Bien  des  douleurs  lui  étaient  encore  réservées.  Envoyé 
à  l'Assemblée  nationale,  le  8  févr.  1871,  par  six  départe- 
ments (Seine,  Bas-Rhin,  Seine-et-Oise,  Ain,  Aisne  et 
Rhône),  il  résigna  d'abord  ses  pouvoirs  comme  membre 
du  gouvernement  de  la  Défense  nationale.  Mais  Thiers, 
nommé  chef  du  pouvoir  exécutif  de  la  République  française 
(17  févr.),  le  prit  pour  ministre  des  affaires  étrangères,  et 
il  n'osa  se  dérober  au  pénible  devoir  de  négocier  avec  lui 
les  préliminaires  de  paix  de  Versailles  (26  févr.),  puis, 
avec  Pouyer-Quertier,  le  traité  de  Francfort  (10  mai)  qui, 
comme  on  sait,  en  fut  l'aggravation.  Le  vote  de  l'Assem- 
blée qui  renvoyait  au  ministère  la  pétition  des  évêques 
demandant  une  intervention  en  faveur  du  pouvoir  tempo- 
rel du  pape  lui  servit  peu  après  de  prétexte  pour  résigner 
son  portefeuille  (2  août).  Les  chagrins  politiques  n'étaient 
pas  les  seuls  dont  il  fût  à  ce  moment  accablé.  Trahi  par  son 
ancien  ami  Laluyé,  qui  l'avait  violemment  et  publiquement 
attaqué  dans  sa  vie  privée  en  révélant  par  la  voie  de  la 
presse  une  situation  de  famille  irrégulière  où  il  s'était  mis 
depuis  bien  des  années,  il  poursuivit  son  diffamateur  en 
justice  et,  s'il  le  fit  condamner,  ne  réussit  guère,  en 
somme,  qu'à  donner  plus  d'éclat  et  de  publicité  à  la  diffa- 
mation (sept.  1871). 

A  la  suite  de  cette  triste  affaire,  il  demeura  quelque 
temps  dans  une  sorte  de  retraite,  consacrant  la  plus  grande 
partie  de  son  temps  à  écrire  l'histoire  des  événements  poli- 
tiques auxquels  il  venait  d'être  mêlé.  Cependant,  il  prit 
une  part  importante,  en  mars  1872,  à  la  discussion  de  la 
loi  relative  &  Y  Internationa  le  (V.  ce  mot),  et,  en  1873, 
à  celles  qui  eurent  pour  objet  les  marchés  de  Lyon  et  la 
transportation  en  Nouvelle-Calédonie.  Il  soutint  constam- 
ment de  ses  votes  le  gouvernement  de  Thiers,  et,  après  sa 
chute  (24  mai  1873),  combattit  de  toutes  ses  forces  celui 
de  X ordre  moral,  contribua  au  renversement  du  cabinet 
de  Broglie  (mai  1874)  et,  en  1875,  concourut  par  d'élo- 
quents discours  à  l'organisation  et  à  l'affermissement  du 
régime  républicain  (V.  notamment  ceux  qu'il  prononça 


—  85  —  fAVRE 

sur  les  lois  constitutionnelles,  sur  l'état  de  siège,  sur  l'en- 
seignement supérieur,  sur  la  députation  de  l'Algérie,  etc.). 
Il  reparut  au  barreau  comme  à  la  tribune  et  plaida  encore 
avec  éclat  de  nombreuses  causes,  notamment  celle  des  hé- 
ritiers Naundorff  en  1873  et  celle  du  général  de  Wimpffen 
(contre  M.  Paul  de  Cassagnac)  en  1875.  Envoyé  au  Sénat 
par  le  dép.  du  Rhône  le  30  janv.  1876,  il  eut  encore  la 
force  de  concourir  à  la  résistance  légale  du  parti  républi- 
cain à  la  politique  réactionnaire  du  16  mai  1877.  Mais  après 
le  triomphe  de  la  cause  constitutionnelle  (oct.-déc.  1877), 
il  ne  parut  plus  que  rarement  au  Sénat.  Il  souffrait  d'une 
maladie  de  cœur,  à  laquelle  il  finit  par  succomber.  Il  avait 
épousé  en  1874  Mlle  Julie  Velten  (V.  ci-après). 

Jules  Favre  a  laissé  de  nombreux  écrits,  parmi  lesquels, 
sans  parler  d'un  volume  de  vers  de  jeunesse  intitulé  TFuy  rj 
et  d'un  proverbe,  le  Trait  d'union,  qui  fut  joué  chez  lui 
en  1865,  nous  citerons  :  De  la  Coalition  des  chefs  d'ate- 
lier de  Lyon  (Lyon,  1833,  in-8)  ;  Sixième  Procès  du 
Précurseur,  plaidoyer  de  M.  Jules  Favre  (Lyon,  1833, 
in-8)  ;  Anathème  (Lyon,  1833,  in-8);  Affaire  Ladvo- 
cat  et  Boullenois  (Paris,  1837,  in-8)  ;  la  Liberté  de  la 
presse  (Paris,  1849,  in-8)  ;  Mémoire  pour  M.  et 
Mme  Mongruel,  somnambules  (Paris,  1850,  in-8)  ;  Notes 
pour  M.  L  de  Rovère  (Paris,  1852,  in-8)  ;  Discours  du 
bétonnât,  défense  de  Félix  Orsini  (Paris,  1866,  in-18)  ; 
Discours  sur  la  seconde  expédition  de  Home  (Paris, 

1868,  in-8);  Discours  de  réception  h  V  Académie  fran- 
çaise (Paris,  1868,  in-8)  ;  De  V Amour  de  sa  profession 
(Paris,  1869,  in-12)  ;  Ce  que  veut  Paris,  discours  (Paris, 

1869,  in-12);  les  Libertés  intérieures  (Paris,  1869, 
in-18);  De  l'Influence  des  mœurs  sur  la  littérature 
(Paris,  1869,  in-18);  Rome  et  la  République  française 
(Paris,  1871,  in-8);  le  Gouvernement  de  la  Défense 
nationale  (Paris,  1871-1875,  3  vol.  in-8)  ;  Conférences 
et  discours  littéraires  (Paris,  1873,  in-12);  Confé- 
rences faites  en  Belgique  (Paris,  1874,  in-12);  Plai- 
doirie devant  la  cour  d'appel  de  Paris  pour  les  héri- 
tiers de  feu  Charles-Guillaume  Naundorff  (Paris, 
1874,  in-12);  De  la  Réforme  judiciaire  (Paris,  1876, 
in-8)c  II  faut  joindre  à  cette  énumération  ses  œuvres  pos- 
thumes, publiées  depuis  1880  par  sa  veuve  et  ses  amis  : 
Conférences  et  Mélanges  (Paris,  1880,  in-12)  ;  Discours 
parlementaires  (Paris,  1881,  4  vol.  in-8);  Mélanges 
politiques,  judiciaires  et  littéraires  (Paris,  1882,  in-8); 
Plaidoyers  politiques  et  judiciaires  (Paris,  1882,  2  vol. 
in-8).  A.  Debidour. 

FAVRE  (L'abbé  Paul),  orientaliste  français,  né  à  Joinville 
(Eure-et-Loire)  en  1812,  mort  en  1886.  Il  étudia  au  sémi- 
naire d'Orléans  et  prit  les  ordres  en  1838.  Dévoré  de  la 
passion  évangélique,  il  partit  quatre  ans  plus  tard  pour 
l'Indo-Chine,  et,  seize  ans  durant,  il  prêcha  l'Evangile  aux 
peuplades  de  la  péninsule  malaise,  fonda  des  églises  et  des 
écoles.  Les  fatigues  de  la  tâche  et  du  climat  ayant  épuisé 
sa  santé,  il  fut  obligé  de  revenir  en  France  en  1850;  en 
retour  des  enseignements  qu'il  avait  portés  en  Asie,  il  rap- 
portait une  connaissance  profonde  des  langues  malaises, 
et  le  reste  de  sa  carrière  se  passa  à  faire  profiter  le  monde 
savant  des  trésors  qu'il  avait  amassés.  Chargé,  en  1862, 
du  cours  de  malais  et  de  javanais  à  l'Ecole  des  langues 
orientales,  titulaire  de  la  chaire  deux  ans  plus  tard,  l'abbé 
Favre  professa  jusqu'à  la  veille  de  sa  mort.  Il  publia  une 
Grammaire  javanaise  (Paris,  1866);  un  Dictionnaire 
javanais  (Paris,  1870),  un  Dictionnaire  malais  (Paris, 
1875),  une  Grammaire  malaise  (Paris,  1876),  un  Dic- 
tionnaire français-malais  (Paris,  1879),  œuvres  impor- 
tantes qui  forment  toute  une  encyclopédie  linguistique  des 
deux  langues  principales  de  l'archipel  ;  Y  Incendie  de  Fin- 
gapour  en  1828,  poème  malais  de  Abdullâh  ben  Abd 
el-Kader  (Mélanges  orientaux  publiés  par  l'Ecole  des 
langues  orientales;  Paris,  1883);  Entretien  de  Moïse 
avec  Dieu  sur  le  mont  Sinaï  (Nouveaux  Mélanges; 
Paris,  1886).  Paul  R-e. 

FAVRE  (Pierre-Antoine),  physicien  et  chimiste  français, 


FAVRE 


86  - 


né  à  Lyon  le  20  févr.  1813,  mort  à  Saint-Barthélémy,  près 
de  Marseille,  le  17  févr.  1880.  Favre  fut  successivement 
docteur  en  médecine  (1835),  préparateur  au  laboratoire 
de  M.  Peligot  (1840),  agrégé  de  la  faculté  de  médecine 
de  Paris  (1843);  chef  de  laboratoire  à  l'Ecole  centrale 
(1851),  docteur  es  sciences  physiques  (1853),  professeur 
de  chimie  à  la  faculté  des  sciences,  d'abord  à  Besançon 
(1854),  puis  à  Marseille  (1855),  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  sciences  (1863),  lauréat  de  l'Académie  en  1869 
(prix  Jecker)  et  en  1875  (prix  Lacaze).  Les  travaux  de 
Favre  sont  relatifs  à  la  physique  et  à  la  chimie.  En  chimie, 
il  a  publié  des  recherches  sur  l'équivalent  du  zinc,  sur  la 
mannite,  sur  quelques  carbonates  doubles  et  surtout  de 
nombreuses  recherches  sur  les  chaleurs  de  combustion  ou 
de  formation  d'un  très  grand  nombre  de  corps.  Bien  cjue 
ces  nombres  aient  été  en  partie  modifiés  par  suite  de  l'im- 
perfection de  l'appareil  qu'il  employait  (thermocalorimètre 
à  mercure),  ils  constituent  un  travail  d'ensemble  très 
important.  L'existence  d'équivalents  calorifiques  et  de  mo- 
dules thermiques  propres  aux  corps  simples  et  permettant 
de  calculer  les  chaleurs  de  formation  des  corps  composés 
qu'il  avait  cru  pouvoir  admettre  comme  conclusion  de  ses 
expériences,  est  maintenant  abandonnée.  Parmi  ses  recher- 
ches de  physique,  une  des  plus  intéressantes  est  relative  à 
la  chaleur  dégagée  dans  les  piles.  Favre  a  montré  que  si 
l'on  mesure  la  chaleur  dégagée  dans  une  pile  électrique  et 
si  l'on  y  ajoute  la  chaleur  dégagée  dans  le  reste  du  circuit 
électrique,  on  obtient  une  quantité  de  chaleur  égale  à  celle 
que  dégagent  les  réactions  qui  se  passent  dans  la  pile  et 
que  la  thermochimie  permet  de  calculer.  En  outre,  si  dans 
le  circuit  de  la  pile  on  introduit  un  voltamètre,  on  trouve 
que  la  somme  des  quantités  de  chaleur  mesurées  dans  tout 
le  circuit  doit  être  augmentée  de  la  chaleur  que  peuvent 
dégager  l'oxygène  et  l'hydrogène  mis  en  liberté  dans  le 
voltamètre  en  se  recombinant  pour  qu'elle  soit  égale  à  la 
quantité  de  chaleur  que  fait  prévoir  la  thermochimie.  De 
même,  si  au  lieu  d'un  voltamètre,  c'est  un  petit  moteur 
électrique  que  l'on  introduit  dans  le  circuit,  il  disparaît 
une  quantité  de  chaleur  équivalente  à  la  quantité  de  travail 
produit.  Cette  expérience,  très  intéressante  au  point  de 
vue  de  la  théorie  mécanique  de  la  chaleur,  permet  même 
de  déterminer  l'équivalent  mécanique  de  la  chaleur,  et  le 
nombre  trouvé  ainsi  par  Favre  est  assez  voisin  de  celui  que 
donnent  des  méthodes  plus  précises.  A.  Joannis. 

FAVRE  (Léopold),  imprimeur  français,  né  à  Mareuil  en 
1817,  mort  à  Niort  en  1892.  Ancien  directeur  du  Moni- 
teur des  connaissances  utiles  et  rédacteur  en  chef  de  la 
Revue  de  r Ouest,  il  a  laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages 
parmi  lesquels  nous  citerons  :  Histoire  des  principales 
villes  de  France  (Niort,  1852,  in-8)  ;  Trois  Epoques  de 
r  histoire  de  France  (Paris,  1852,  in  -8)  ;  Faits  mémo- 
rables de  l'histoire  d' Angleterre  (1852,  in-8)  ;  Dugues- 
clin  et  Jeanne  d'Arc  (Niort,  1853,  gr.  in-8)  ;  la  Russie 
et  la  Turquie  anciennes  et  modernes  (Paris,  1854,  in-8); 
Histoire  de  la  guerre  entre  la  Russie  et  la  Turquie  (Niort, 
1878,  in-8);  Dictionnaire  des  connaissances  utiles  et 
pratiques  (1860-1862,  in-8)  ;  Histoire  politique  de  Van- 
née 1811  (Niort,  1878,  2  vol.  in-8)  ;  le  16  mai,  la 
dissolution,  les  élections (1878, in-8);  Histoire  de  l'In- 
ternationale et  du  socialisme  (1879,  2  vol.  in-8)  ;  His- 
toire de  la  ville  de  Niort  (1880,  in-8)  ;  Parabole  de 
V enfant  prodigue  en  divers  dialogues,  patois  de  la 
France  (1879,  in-8),  etc.  Il  est  surtout  connu  pour  ses 
belles  éditions  du  Dictionnaire  historique  de  l'ancien 
langage  français  de  La  Curne  de  Sainte-Palaye  ;  du  Dic- 
tionnaire des  termes  du  vieux  français  de  Pierre  Borel  ; 
du  Glossarium  de  Ducange  ;  du  Glossaire  du  droit  fran- 
çais de  Ragueau,  et  par  son  Glossaire  du  Poitou,  de  la 
Saintonge  et  de  l'Aunis  (Niort,  1868,  in-8)  et  Supplé- 
ment aux  glossaires  du  Poitou,  publiés  jusqu'à  ce  jour 
(1881,  in-8). 

FAVR  E  (François),  publiciste  français,  né  à  Lyon  le  9  oct. 
1819.  D'abord  employé  dans  l'administration  des  hôpitaux 


de  Paris,  il  démissionna  en  1848  et  se  jeta  dans  le  journa- 
lisme. Collaborateur  du  Peuple,  de  la  Voix  du  Peuple,  du 
Peuple  de  1850,  il  se  trouva  impliqué  dans  le  complot  de 
Lyon  et  fut  mis  en  liberté  sans  même  passer  en  jugement. 
Condamné  à  quinze  mois  de  prison  et  6,000  fr.  d'amende 
pour  infraction  à  la  loi  sur  la  signature  des  articles  de  jour- 
naux, il  passa  en  Belgique,  écrivit  dans  la  Nation,  rentra  en 
France  en  1 854  et  collabora  à  la  Revue  de  Paris,  à  Y  Avenir 
national,  à  la  Morale  indépendante,  au  Réveil.  Maire  du 
XVIIe  arrondissement  de  Paris,  en  1870,  il  exerça  ses  fonc- 
tions municipales  jusqu'à  la  Commune,  écrivit  dans  la  Nation 
souveraine,  le  Rien  public,  la  Presse,  collabora  à  la  Ga- 
zette des  architectes,  à  YEncyclopédie  d'architecture,  à 
la  Grande  Encyclopédie,  etc.  Nommé  en  1879  commis- 
saire du  gouvernement  au  ministère  de  l'agriculture,  il  est 
devenu,  en  1880,  bibliothécaire  du  Conservatoire  des  arts 
et  métiers.  On  a  de  lui  :  Hautes  Œuvres  de  Louis  Rona- 
parte  (Bruxelles,  1852)  ;  Ronnes  Paroles  d'un  proscrit 
français  à  ses  concitoyens  (1853)  ;  la  Politique  nou- 
velle (Paris,  1871,  in-12)  ;  Documents  maçonniques 
(4869,  in-8).  Il  avait  créé,  en  1858,  avec  Louis  Ulbach,  un 
journal  spécial,  le  Monde  maçonnique. 

FAVRE  (Louis-Abraham),  écrivain  suisse,  né  à  Boudry 
(Neuchâtel)  le  17  mars  1822.  Directeur  du  gymnase  can- 
tonal de  Neuchâtel  et  président  de  la  Société  cantonale 
d'histoire,  Favre  a  beaucoup  fait  pour  la  création  du 
Musée  neuchâtelois,  revue  où  il  a  inséré  beaucoup  de 
travaux  biographiques,  artistiques  et  littéraires.  A  côté 
d'un  volume  de  vulgarisation  scientifique  sur  les  Champi- 
gnons, il  a  écrit  nombre  de  petits  romans  de  mœurs  des 
montagnes  neuchâtéloises,  fort  goûtés  dans  la  Suisse  ro- 
mande pour  leur  saveur  de  terroir.  Les  principaux  sont  : 
Nouvelles  jurassiennes,  André  le  Graveur,  le  Robinson 
de  la  Tène,  A  vingt  ans,  Récits  neuchâtelois. 

FAVRE  (Louis),  littérateur  français,  né  à  Lyon  le  2  mars 
1824,  frère  de  François.  Secrétaire  du  chancelier  Pasquier 
(1849-1862),  attaché  aux  grandes  commissions  de  l'Assem- 
blée nationale  (1872-1875),  chef  du  cabinet  du  duc  d'Audif- 
fret- Pasquier,  président  de  cette  assemblée,  il  devint 
archiviste  du  Sénat  en  1876.  Il  a  écrit  plusieurs  études 
historiques  d'un  vif  intérêt  et  pleines  de  documents  curieux  : 
Etienne-Denis  Pasquier,  chancelier  de  France.  Sou- 
venirs de  son  dernier  secrétaire  (Paris,  1869,  in-8)  ;  le 
Luxembourg,  récits  et  confidences  sur  un  vieux  palais 
(Paris,  1882,  in-8);  la  Ribliothèque  du  palais  du 
Luxembourg,  son  origine,  son  histoire  (Paris,  4892, 
in-8).  C'est  lui  qui  fut  chargé  de  rédiger  les  rapports  des 
grandes  commissions  de  l'Assemblée  nationale,  notamment 
celui  de  la  commission  d'enquête  sur  les  conditions  du 
travail  en  France. 

FAVRE  (Julie  Velten,  Mme  Jules),  écrivain  français,  née 
à  Wissembourg  en  1833.  Elle  avait  épousé  Jules  Favre  en 
1874.  Après  la  mort  de  son  mari,  elle  fut  nommée  direc- 
trice de  l'Ecole  normale  supérieure  d'enseignement  secon- 
daire pour  les  jeunes  filles  à  Sèvres.  Outre  la  publication 
des  Discours  el  Plaidoyers  de  Jules  Favre,  on  lui  doit  : 
une  traduction  de  Y  Histoire  du  peuple  suisse  de  Daen- 
dliker  (Paris,  1879)  ;  de  la  Fraternité  humaine  de  Vigano 
(1880);  de  Y  Education,  de  J.-P.  Richter,  et  une  série 
d'ouvrages  d'enseignement  comme  :  la  Morale  des  Stoï- 
ciens (Paris,  1887,  in-42);  Montaigne,  moraliste  et 
pédagogue  (1887,  in-12)  ;  la  Morale  de  Socrate  (4888, 
in-12)  ;  la  Morale  d'Aristote  (1889,  in-12)  ;  la  Morale 
de  Cicéron  (1890,  in-12),  et  une  apologie  de  la  con- 
duite de  Jules  Favre  sous  le  titre  de  :  la  Vérité  sur  les 
désastres  de  l'armée  de  l'Est  et  sur  le  désarmement  de 
la  garde  nationale  (Paris,  1883,  gr.  in-8). 

FAVRE  (Camille),  écrivain  suisse,  petit-fils  de  Guil- 
laume, né  à  Genève  le  19  oct.  4845.  Il  étudia  à  Genève, 
puis  à  Paris  à  la  Sorbonne  et  à  l'Ecole  des  chartes.  On  lui 
doit  :  Un  Voyage  en  Cilicie  (Rulletin  de  la  Société  de 
géographie  de  Paris,  4878),  une  étude  sur  les  passages 
italo-suisses  du  Haut-Valais  et  l'édition  d'un  roman  du 


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FAVRE  -  FAVUS 


xvy  siècle,  le  Jouvencel,  de  Jean  de  Bueil,  édité  avec 
M.  Lecestre  dans  les  publications  de  la  Société  d'histoire 
de  France.  M.Favre  est  colonel  dans  l'armée  fédérale.  E.  K. 

FAVRE  (Edouard),  historien  suisse,  né  à  Genève  le 
6  juil.  4855,  fils  du  géologue  Alphonse  Favre.  Reçu  doc- 
teur à  l'université  de  Leipzig  en  1878  avec  une  étude 
historique  sur  ia  Suisse  au  xvie  siècle,  intitulée  la  Confé- 
dération des  VIII  cantons.  Elève  de  l'Ecole  des  hautes 
études  de  Paris,  il  collabora  assidûment  à  la  Revue  histo- 
rique et  à  la  Revue  critique  d'histoire  et  de  littérature. 
Secrétaire,  puis  président  de  la  Société  d'histoire  de 
Genève,  il  a  consacré  à  l'activité  des  cinquante  premières 
années  de  cette  association  (1838-88),  un  Mémorial  pré- 
cieux pour  les  chercheurs.  Il  prépare  depuis  un  ouvrage  sur 
le  règne  de  Eudes,  roi  de  France  (888-898).     E.  Kuhne. 

FAVRESSE.  Corn,  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Vitry- 
le-François,  cant.  de  Thiéblemont;  297  hab. 

FAVREU I L.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  d'Arras, 
cant.  de  Bapaume  ;  346  hab. 

FAVRIEUX.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Mantes,  cant.  de  Bonnières  ;  hO  hab. 

FAVRIL  (Le).  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Bernay, 
cant.  de  Thiberville  ;  358  hab. 

FAVRIL  (Le).  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de 
Chartres,  cant.  de  Courville;  582  hab. 

FAVRIL.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes,  cant. 
de  Landrecies  ;  560  hab. 

FAVU  LA  RI  A  (Bot.).  Genre  de  Sigillaires,  établi  par  Stern- 
berg,  et  correspondant  à  l'un  des  types  (Favularides)  dans 
lesquels  se  subdivise  le  grand  genre  Sigillaria  (V.  ce  mot). 

FAVUS  (Bot.  et  dermat.).  Le  favus  (de  favus,  rayon 
de  miel)  ou  teigne  faveuse,  tinea  favosa  de  Lorry,  por- 
rigo  favosa  de  Willan,  porrigo  lupinosa  et  favosa  de 
Bateman,  est  une  maladie  cutanée  parasitaire  et  conta- 
gieuse, pouvant  affecter  l'homme  et  les  animaux  (rat, 
souris,  chat,  chien,  lapin,  poule,  cheval,  bœuf).  Elle  est 
caractérisée,  dit  Lailler,  à  sa  période  d'état  par  l'appari- 
tion sur  le  cuir  chevelu  ou  quelque  autre  partie  du  corps 
de  croûtes  sèches  d'un  beau  jaune  soufre,  plus  ou  moins 
épaisses  et  larges  suivant  leur  ancienneté,  croûtes  forte- 
ment enchâssées  dans  le  derme,  déprimées  en  godets, 
offrant  sur  leur  cassure  un  aspect  franchement  pulvéru- 
lent. Tantôt  ces  godets  émergent  de  la  peau  qui  est  rouge 
et  leur  forme  comme  une  auréole  qui  se  détache  nette- 
ment sur  le  godet  d'un  jaune  d'or,  tantôt  les  croûtes 
faviques  sont  mêlées  à  des  croûtes  purulentes  et  à  des 
masses  squameuses  qui  témoignent  d'une  irritation  pro- 
duite par  le  parasite  ou  par  les  grattages  (Lailler). 

Le  mot  favus  a,  depuis  l'antiquité,  été  presque  toujours 
employé  pour  désigner  les  diverses  affections  du  cuir  che- 
velu, et  il  faut  arriver  à  Alibert  pour  lui  voir  acquérir  sa 
signification  actuelle.  C'est  aussi  à  un  Français,  Mahon 
jeune,  que  revient  l'honneur  d'avoir  vu  le  premier  que  le 
favus  n'était  pas  seulement  constitué  par  des  pustules 
desséchées,  mais  qu'il  constituait  une  affection  contagieuse, 
susceptible  d'une  médication  rationnelle  (1829).  La  nature 
végétale  du  parasite,  entrevue  par  Remak  en  1837,  fut 
confirmée,  en  1841,  par  Schônlein  (de  Berlin),  qui  la 
rapporta  au  genre  oïdium.  En  1845,  Remak,  sur  les  indi- 
cations de  Linck,  démontra  que  le  champignon  devait 
former  un  genre  distinct  des  oïdium  et  il  lui  a  donné  le 
nom  d'Achorion  Schônleinii  qu'il  porte  aujourd'hui.  De- 
puis cette  époque,  les  travaux  successifs  de  Gruby,  Lebert, 
Montagne,  Robin,  Bazin,  Lailler  ont  éclairé  l'histoire  du 
parasite.  Dans  ces  dernières  années,  Balzer  (1881)  a 
ajouté  aux  connaissances  que  l'on  possédait  déjà  sur  la 
question  beaucoup  de  données  nouvelles,  puis  Duclaux  a 
fait  (1886)  les  premières  cultures  pures  de  l'Achorion. 
Malgré  cela,  et  bien  que  l'on  possède  des  documents  nom- 
breux sur  la  morphologie  de  l'Achorion,  il  semble  préma- 
turé de  vouloir  lui  assigner,  dès  aujourd'hui,  une  place 
dans  la  classification,  et  c'est  trop  hâtivement  qu'on  l'a 
rangé  dans  les  Périsporiacées  (Ascomycètes).  L'examen 


microscopique  du  champignon  fournit  à  l'étude  un  mycé- 
lium et  des  spores.  Pour  le  pratiquer,  il  suffit  de  dissocier 
sur  une  lamelle,  dans  une  goutte  d'ammoniaque  ou  d'eau 
pure  additionnée  d'acide  acétique,  une  très  faible  partie 
des  croûtes  ou  de  la  poussière  qui  en  provient.  En  se  ser- 
vant d'un  grossissement  de  306  à  500  diamètres,  on  voit 
que  les  éléments  du  champignon  (mycélium  et  spores)  sont 
réunis  par  une  substance  visqueuse,  amorphe  et  hpline, 
remplie  de  granulations  mobiles,  de  bâtonnets,  désignée  en 
botanique  sous  les  noms  de  glaire,  de  stroma,  de  gangue 
amorphe  ou  de  blastème.  Elle  agglutine  les  filaments  du 
mycélium  déjà  réunis  intérieurement  par  un  feutrage  étroit. 
Ce  mycélium,  abondant,  comprend:  1°  des  tubes  cylin- 
driques, flexueux,  simples  ou  ramifiés  en  fourches,  sans 
cloisons  ni  articulations,  ayant,  chez  les  animaux,  en  gé- 
néral, de  1  à  3  (jl  (millièmes  de  millimètres)  de  diamètre, 
tandis  que,  chez  l'homme,  ce  diamètre  varie  de  3  à  11  p.  ; 
2°  des  tubes,  dits  tubes  à  spores,  réceptacles  ou  sporo- 
phores,  distincts  des  précédents  par  leur  forme  droite  ou 
peu  flexueuse,  généralement  un  peu  plus  gros,  tantôt  vides, 
tantôt  renfermant  dans  leur  cavité  de  vraies  spores  qui 
leur  donnent  un  aspect  cloisonné  et  moniliforme.  Les 
spores,  très  nombreuses,  sont  des  corpuscules  arrondis, 
plus  souvent  ovoïdes  que  régulièrement  sphériques  ;  elles 
sont  isolées  ou  réunies  en  chaînettes  par  trois  ou  quatre. 
De  même  que  pour  les  tubes,  leur  volume  est  inférieur 
chez  les  animaux  (où  elles  ont,  les  rondes,  un  diamètre 
ordinaire  de  2  {jl  ;  les  ovoïdes,  de  3  à  6  (x  de  long  sur  2 
à  4  de  large)  à  celui  qu'elles  affectent  chez  l'homme,  soit 
de  3  à  7  et  même  11  p..  Ces  spores  ont  un  double  contour 
qui,  pour  beaucoup  d'auteurs,  indique  un  noyau  central. 
En  général,  il  y  a  prédominance  des  filaments  sur  les 
spores.  D'après  Balzer,  «  le  mycélium  est  plus  abondant 
dans  les  parties  du  godet  en  contact  avec  le  corps  muqueux 
que  dans  les  parties  plus  superficielles  et  plus  centrales, 
constituées  par  des  éléments  plus  anciens  arrivés  à  la  fruc- 
tification depuis  longtemps.  Ces  parties  sont  donc  plus 
riches  en  spores.  »  Le  parasite  envahit  les  poils  eux-mêmes 
après  avoir  irrité  leur  gaine  et  il  détermine  leur  chute. 
Pour  étudier  cet  envahissement,  il  suffit,  après  avoir  dé- 
graissé un  fragment  de  poil  dans  l'éther,  de  le  dissocier 
dans  une  solution  de  soude  caustique  ou  de  potasse.  Si 
l'on  veut  obtenir  une  désagrégation  rapide  du  poil,  il  suffit 
de  chauffer  légèrement  la  préparation.  On  la  traite  ensuite 
par  l'ammoniaque  et  on  l'examine  dans  la  glycérine.  On 
peut  reconnaître  que  le  parasite  peut  se  rencontrer  dans 
une  grande  étendue  du  poil  et  qu'il  n'est  pas  limité  à  sa 
racine,  comme  le  pensent  certains  auteurs.  Dans  la  grande 
majorité  des  cas,  le  bulbe  pileux  est  complètement  indemne 
de  parasite,  et  c'est  bien  moins  par  la  base  du  follicule  que 
par  l'irritation  latérale  que  se  fait  la  pénétration. 

Le  favus  est  très  contagieux,  mais  c'est  surtout  chez 
les  enfants,  dans  les  classes  pauvres,  et  dans  les  campagnes 
chez  les  sujets  sales  et  débilités  que  se  produit  le  plus  faci- 
lement la  contamination.  La  propagation  se  fait  directe- 
ment par  inoculation  ou  indirectement  par  les  coiffures, 
les  objets  de  toilette.  Elle  a  lieu  aussi  des  animaux  à 
l'homme  et  c'est,  comme  l'a  écrit  Lailler,  vraisemblable- 
ment dans  la  contagion  de  l'animal  à  l'homme  qu'il  faut 
chercher  la  raison  de  l'extrême  fréquence  du  favus  à  la 
campagne  et  de  sa  rareté  à  la  ville. 

Au  point  de  vue  clinique,  il  faut  envisager  le  favus  des 
régions  pileuses  et  celui  des  régions  glabres.  Dans  le  favus 
des  régions  pileuses,  il  y  a  d'abord  une  première  période, 
où  l'on  constate  de  la  desquamation,  une  rougeur  érythé- 
mateuse  et  une  légère  desquamation  pityriasique.  Puis. le 
parasite  trahit  plus  nettement  sa  présence,  sous  forme  d'un 
petit  point  jaune,  autour  d'un  poil,  qui  atteint,  en  quelques 
semaines,  les  dimensions  d'une  lentille  et  constitue  alors 
un  disque  d'un  jaune  soufré,  sous-épidermique,  ombiliqué. 
Le  godet  favique  est  constitué,  et  il  peut  atteindre  de  grandes 
dimensions,  jusqu'à  un  centimètre  de  diamètre  ;  sa  matière, 
en  proliférant,  finit  par  rompre  l'enveloppe  épidermique  et 


FAYUS  —  FAWCETT 


se  répandre  à  l'air  libre  pour  former  des  croûtes  d'un  blanc 
jaunâtre,  parfois  teintées  de  brun  par  le  sang,  qui  se  réu- 
nissent souvent  entre  elles  en  constituant  des  saillies,  des 
dépressions,  etc.  Elles  exhalent  une  odeur  de  souris  qui 
est  vraiment  caractéristique  et  constitue  un  bon  élément 
de  diagnostic.  Au-dessous  d'elles,  le  derme  est  d'un  rouge 
foncé  et  présente  des  dépressions  déterminées  par  la  pré- 
sence du  parasite.  Les  poils  sont  altérés,  atrophiés,  déco- 
lorés et  ne  tardent  pas  à  tomber,  d'où  une  alopécie  par- 
tielle ou  complète,  passagère  ou  définitive,  suivant  l'étendue 
et  le  plus  ou  moins  d'ancienneté  de  la  lésion.  La  forme 
que  nous  venons  de  signaler  constitue  le  favus  urcéolaire. 
On  en  décrit  plusieurs  autres  :  le  favus  scutiforme  ou 
en  écu,  en  groupes,  en  cercles,  etc.;  les  points  d'attaque 
du  champignon  sont  si  nombreux  que  le  godet  semble  ne 
pas  exister  et  que  la  croûte  jaunâtre  se  produit  d'emblée, 
large,  étalée,  traversée  par  des  poils  ;  le  favus  squar- 
reux,  dans  lequel  la  matière  favique  semble  se  développer 
sur  la  tige  des  poils,  d'où  des  saillies  irrégulières,  quel- 
quefois considérables,  séparées  par  des  anfractuosités  plus 
ou  moins  profondes  :  ces  formes  n'ont  qu'une  importance 
médiocre  au  point  de  vue  du  diagnostic  ;  au  contraire, 
dans  le  favus  miliaire,  le  cuir  chevelu,  totalement  pris, 
est  rouge,  sec  et  luisant,  recouvert  de  lamelles  d'un  blanc 
jaunâtre,  qui  agglutinent  les  cheveux,  ou  d'une  pous- 
sière grise,  furfuracée,  qui  desquame  sans  cesse,  et  l'on 
pourrait  confondre  l'affection  avec  certaines  variétés  de 
psoriasis  et  surtout  d'eczéma  sec  (Brocq).  Mais  on  évi- 
tera l'erreur  en  se  basant  sur  l'aspect  des  cheveux,  la 
présence  sous  les  squames  de  petits  godets  miliaires,  enfin 
l'odeur  spéciale.  D'ailleurs,  dans  ces  cas  comme  dans  tous 
ceux  où  le  diagnostic  est  en  suspens,  il  faut  toujours  re- 
courir à  l'appui  du  microscope. 

Le  favus  des  régions  glabres  se  constate  parfois  isolé, 
mais  la  plupart  du  temps  il  se  rencontre  sur  le  corps  des 
sujets  qui  ont  été  tout  d'abord  atteints  de  favus  du  cuir 
chevelu.  Il  siège  surtout  au  visage,  au  nez,  aux  sourcils, 
sur  le  dos  et  les  épaules,  la  face  externe  des  membres. 
L'aspect  des  godets  est  le  plus  souvent  typique.  Ils  sont 
réguliers  et  rarement  confluents,  d'un  beau  jaune  soufre. 
Leur  chute  laisse  souvent,  en  raison  de  leur  longue  persis- 
tance, des  dépressions  plates  analogues  à  des  cicatrices. 
On  en  débarrassera  les  malades  en  les  ramollissant  par  des 
bains  savonneux,  puis  en  appliquant  à  leur  lieu  d'insertion 
des  substances  parasiticides  et,  en  particulier,  de  la  tein- 
ture d'iode. 

Une  troisième  localisation  de  l'Achorion  se  rencontre 
sur  les  malades  qui  s'inoculent  par  le  grattage  le  parasite 
dans  la  rainure  unguéale.  L'ongle  est  peu  ou  point  altéré, 
il  est  déraciné,  soulevé  sur  ses  bords.  Le  champignon  pro- 
lifère vers  la  matrice  et  se  trahit  par  des  dépôts  d'un 
blanc  jaunâtre  ou  d'un  jaune  brun,  puis  l'ongle  pourrit,  se 
flétrit,  se  strie  longitudinalement  et  s'exfolie  en  présen- 
tant des  zones  épaisses  et  amincies.  Cette  localisation  aux 
ongles  présente  surtout  un  intérêt  particulier  du  fait  de  la 
survivance  du  favus  unguéal  au  favus  du  cuir  chevelu  et 
de  sa  persistance  durant  de  longues  années,  après  que  la 
maladie  du  cuir  chevelu  est  éteinte  et  oubliée.  J'ai  relaté 
l'observation  d'une  famille  de  la  banlieue  parisienne  dont 
les  enfants,  au  nombre  de  cinq,  âgés  de  huit  à  seize  ans, 
étaient  tous  atteints  d'onychomycose  favique  démontrée 
par  le  microscope,  le  favus  ayant,  depuis  longtemps,  com- 
plètement disparu  du  cuir  chevelu  par  un  traitement  appro- 
prié. Ce  traitement,  lorsqu'on  ne  veut  pas  recourir  au 
procédé  radical,  c.-à-d.  à  l'arrachement  de  l'ongle,  consiste 
dans  l'application  d'emplâtres  hydrargyriques,  de  teinture 
d'iode,  après  macération  par  les  cataplasmes  ou  mieux  le 
caoutchouc. 

Le  traitement  du  favus  des  régions  pileuses  est  beau- 
coup plus  compliqué.  Il  faut  tout  d'abord  nettoyer  la  tête 
du  malade,  faire  tomber  les  croûtes  en  les  ramollissant  par 
des  applications  de  glycérine,  d'huile  d'amandes  douces, 
d'huile  d'olive,  de  ricin,  pures  ou  mieux  additionnées 


d'une  substance  antiseptique.  Si  les  croûtes  sont  trop 
épaisses,  on  peut  recouvrir  la  tête  du  malade  d'une  calotte 
de  caoutchouc  pendant  toute  la  nuit.  La  tête  une  fois  net- 
toyée, on  aura  recours  à  Vépilation  (V.  ce  mot)  faite 
méthodiquement.  Les  parasiticides  seront  employés  con- 
curremment avec  l'avulsion  des  cheveux.  On  se' servira, 
par.  exemple,  de  la  pommade  au  turbith  au  30e,  au  sulfate 
ou  acétate  de  cuivre  au  30e  ou  au  60e,  au  naphtol,  au 
calomel,  à  l'acide  pyrogallique,  à  l'ichthyol.  Mais  les  pa- 
rasiticides, employés  seuls,  ne  peuvent  amener  la  guérison 
de  la  maladie.  Le  favus,  dit  M.  E.  Besnier,  ne  se  guérit 
pas  avec  une  pommade  ou  une  lotion,  car  il  constitue  tou- 
jours un  état  pathologique  complexe  qui  réclame  un  en- 
semble de  moyens  logiquement  coordonné  et  régulièrement 
suivi.  Aussi,  tout  en  laissant  à  chaque  praticien  le  choix  de 
sa  formule,  M.  Besnier  insiste-t-il  sur  ce  qui  est  pour  lui 
le  traitement  obligatoire,  à  savoir  l'épilation  bien  conduite, 
aidée  par  de  fréquents  savonnages,  et  l'usage  d'une  onction 
grasse.  Henri  Fournier. 

FAVYN  (André),  écrivain  héraldiste  français  et  avocat 
au  Parlement,  né  à  Paris  vers  1560.  Il  s'attacha  à  l'étude 
des  antiquités  et  particulièrement  de  celles  relatives  à  la 
noblesse.  Il  est  l'auteur  de  :  Théâtre  d'honneur  et  de  la 
chevalerie  ou  Histoire  des  ordres  militaires,  duels, 
joutes  et  tournois  (Paris,  4620  ;  en  anglais  en  1623, 
sous  le  titre  Theater  of  honour  and  knighthood,  or  a 
Compendious  Chronicle  and  historié  of  the  wole 
Christian  World,  in-fol.)  ;  Traictez  des  premiers  offi- 
ciers de  la  Couronne  de  France  soubs  noz  Roys  de  la 
première,  seconde  et  troisième  lignée  (Paris,  1613- 
161 5,  trois  parties  en  1  vol.  in-8).  Ces  livres,  peu  considérés 
lors  de  leur  publication,  sont  aujourd'hui  très  recherchés. 

FAWCETT  (John),  auteur  dramatique  anglais,  né  le 
29  août  1768,  mort  en  1837.  Fils  d'un  acteur,  il  monta  lui- 
même  sur  les  planches  à  dix-huit  ans  et  après  avoir  obtenu 
sur  diverses  scènes  de  province,  notamment  dans  le  York- 
shire,  un  succès  considérable,  il  débuta  à  Covent  Garden  le 
21  sept.  1791.  Sa  réputation  ne  fit  que  s'accroître  et  fut 
définitivement  consacrée  par  les  rôles  que  lui  confia  Cole- 
man  dans  la  plupart  de  ses  pièces.  On  a  de  lui  quelques 
œuvres  dramatiques  :  Obi,  pantomime  (1 800)  ;  Perouse 
(1801);  Brazen  Mask  (1802);  Fairies  Revel  (1802); 
The  Enchanted  lsland  (1804),  ballet;  Secret  Mine 
(1812)  qui  furent  représentées  au  Haymarket  ou  à  Covent 
Garden. 

FAWCETT  (Joshua),  publiciste  anglais,  né  vers  1802, 
mort  à  Low  Moor  le  21  déc.  1864.  Ordonné  en  1830,  il 
occupa  diverses  cures  et  fut  nommé,  en  1833,  curé  de 
la  Sainte -Trinité  de  Low  Moor,  en  1860,  chanoine  de 
Ripon.  Il  a  laissé:  A  Harmony  of  the  Gospels  (Londres, 
1836,  in-12)  ;  A  Brief  History  of  the  book  of  common 
prayer  (Londres,  1844,  in-12)  ;  A  Mémorial,  historical 
and  architectural  of  the  parish  Church  of  S.  Peter's, 
Bradford  (Bradford,  1845,  in-8);  Church  rides  in 
the  neighbourhood  of  Scarborough  (Londres,  1848, 
in- 16),  etc.  Il  édita  un  organe  ecclésiastique  :  The  Village 
Churchman,  qui  devint  par  la  suite  The  Churchmaris 
Magazine  (Londres,  1838-1845,  8  vol.  in-12). 

FAWCETT  (Henry),  économiste  et  homme  d'Etat  anglais, 
né  à  Salisbury  en  1833,  mort  à  Cambridge  en  1884.  Fils 
d'un  magistrat,  il  commençait  ses  études  de  droit  à  Londres, 
à  sa  sortie  de  l'université  de  Cambridge,  lorsque  dans  une 
partie  de  chasse  son  père  lui  envoya  par  mégarde  une 
charge  de  plomb  dans  les  yeux.  Instantanément  aveugle, 
il  se  consacra  à  l'économie  politique,  dictant  des  essais 
envoyés  aux  Magazines  et  aux  revues.  En  1863,  il  publia 
un  Manuel  d'économie  politique,  ce  qui  lui  valut,  malgré 
sa  cécité  et  ses  opinions  radicales,  la  chaire  d'économie  poli- 
tique à  l'université  de  Cambridge,  poste  qu'il  garda  jusqu'à 
sa  mort.  Après  trois  échecs  successifs,  il  fut  envoyé  au 
Parlement  en  1865  par  les  électeurs  de  Brighton,  qu'il 
représenta  jusqu'aux  élections  générales  de  1874,  où  l'un 
des  quartiers  de  Londres,  Hackney,  le  choisit.  Il  refusa, 


—  89  ~ 


FAWCETT  -  FAY 


par  principe,  à  chaque  élection,  de  payer  aucun  frais  en 
dehors  des  obligatoires  et  absolument  nécessaires  ;  d'ail- 
leurs l'exiguïté  de  ses  revenus,  qui  ne  dépassaient  pas 
500  livres  sterling  l'eût  empêché  de  participer  aux  rui- 
neuses dépenses  des  batailles  électorales.  11  fut  un  ardent 
avocat  des  droits  des  femmes,  des  revendications  des  ou- 
vriers des  champs,  s'opposa  avec  succès  au  bill  de  4873 
des  universités  irlandaises  à  cause  de  son  programme  into- 
lérant et  étroit,  défendit  enfin  toutes  les  mesures  libérales. 
La  question  des  Indes  fut  une  de  ses  études  spéciales  ; 
dès  son  entrée  dans  la  carrière  parlementaire,  il  s'occupa 
des  réformes  à  faire  dans  l'administration  financière  de 
celte  magnifique  colonie,  mise  systématiquement  à  sac. 
Les  articles  envoyés  sur  ce  sujet  au  Nineteenth  Century 
parurent  en  un  volume  sous  le  titre  Indian  Finances,  et 
nombre  des  abus  signalés  ont  cessé  d'être.  En  1880,  sous 
le  second  cabinet  de  Gladstone,  il  fut  nommé  Post-master 
gênerai  et,  pendant  le  peu  d'années  qu'il  occupa  ce  poste, 
il  introduisit  de  nombreuses  réformes  et  d'importantes 
innovations  :  le  système  des  Money  Orders,  mandats- 
poste  payables  à  vue  sur  simple  présentation,  des  Savings 
Bank,  caisse  d'épargne  où  l'on  reçoit  les  plus  petites 
sommes,  depuis  un  timbre  d'un  penny,  les  annuités,  les 
assurances  sur  la  vie,  les  Reply  post-cards,  les  Parcels 
Post,  etc.  En  4883,  il  fut  élu  lord  recteur  de  l'université 
de  Glasgow.  Fawcett  appartenait  à  la  vieille  école  radicale. 
Disciple  de  Cobden,  partisan  du  laissez  faire,  l'influence 
de  John  Stuart  Mill  est  visible  dans  la  plupart  de  ses  écrits. 
Outre  les  ouvrages  cités,  Ton  a  de  lui  :  Economie  Posi- 
tion ofthe  British  Labourer  (1865)  ;  Pauperism  (1871)  ; 
un  volume  de  Speeches  (1873)  ;  Free  Trade  and  Pro- 
tection (1878).  —  Sa  femme,  qui  lui  prêta  un  grand  appui 
dans  sa  carrière,  est  l'auteur  de  Political  Economy  for 
Beginners  (1870)  et  de  Taies  in  Political  Economy 
(1874).  Hector  France. 

FAWCETT  (Edgar),  littérateur  américain,  né  à  New 
York  en  1847.  Son  œuvre,  divisée  en  romans  et  poésies, 
est  considérable.  Il  débuta  en  1871  par  Short  Poems  for 
Short  People,  et  depuis  n'a  cessé  de  produire.  Parmi  ses 
romans,  il  faut  citer  :  Purple  and  Fine  Linen  (1873); 
Ellen  Story  (1876)  ;  A  Hopeless  Case  (1881)  ;  A  Gent- 
leman ofLeisure  (1882)  ;  An  Ambitions  Woman(i  883)  ; 
TheAdventuresofa  Widow (1 884) ;  Rutherford (1884); 
Revery  (1886)  ;  The  House  at  high  Bridge  (1887),  etc.  ; 
en  outre,  plusieurs  volumes  de  vers,  des  pièces  de  théâtre 
et  un  libretto  d'opéra.  Hector  France. 

FAWKES  (Guy  ou  Guido),  conspirateur  anglais,  né 
en  1570,  mort  le  31  janv.  1606.  D'une  très  bonne  famille 
d'York,  protestante,  Guy  fut  élevé  dans  la  maison  du  second 
mari  de  sa  mère,  Dionis  Baynbrigge  de  Scotton,  catholique 
zélé.  Après  avoir  liquidé  son  patrimoine,  il  s'engagea  comme 
soldat  de  fortune  dans  l'armée  espagnole  des  Flandres.  Il 
assista  en  1595  à  la  prise  de  Calais  par  les  Espagnols,  et, 
grâce  à  la  protection  de  sir  William  Stanley,  le  plus  con- 
sidéré des  catholiques  anglais  émigrés  dans  les  Flandres,  fut 
envoyé  en  1603  à  Madrid  pour  supplier  Philippe  III  en 
faveur  de  ses  coreligionnaires.  Dès  que  Jacques  Ier  se  fut 
affirmé  comme  partisan  de  la  législation  anticatholique,  une 
conspiration  s'organisa  contre  lui.  Fawkes  en  fit  partie.  Il 
s'agissait  de  faire  sauter  le  palais  du  Parlement  pendant 
que  le  roi  serait  à  la  Chambre  des  lords.  Fawkes  fut  choisi 
pour  garder  la  maison  dans  la  cave  de  laquelle  des  barils 
de  poudre  furent  déposés,  et  pour  allumer  la  mèche  ;  mais 
le  complot  fut  découvert  (4  nov.  1605).  Fawkes  fut  ar- 
rêté à  la  porte  de  la  cave,  et  la  torture  lui  arracha,  le 
9  nov.,  l'histoire  de  la  conspiration  avec  les  noms  de  ses 
complices.  Il  fut  jugé  et  exécuté  à  Westminster.  —  On 
voit  à  la  bibliothèque  Bodléienne  d'Oxford  une  lanterne 
sourde,  donnée  à  l'Université  en  1641,  qui  passe  pour  être 
celle  que  Fawkes  tenait  à  la  main  quand  il  fut  arrêté  par  sir 
Thomas  Knyvett  dans  la  cave  de  Westminster.  En  mémoire 
de  l'heureuse  découverte  de  la  conspiration  des  poudres, 
l'usage  s'établit  de  promener  le  5  nov.,  par  les  rues  de 


Londres  et  de  beaucoup  d'autres  villes,  un  mannequin  de 
paille  habillé  en  officier;  on  le  saluait  des  cris  No  popery! 
et  on  le  livrait  aux  flammes.  Ce  mannequin  est  censé  repré- 
senter Guy  Fawkes  et,  en  raison  de  son  apparence  gro- 
tesque, on  applique  souvent  le  sobriquet  de  Guy  Fawkes 
à  un  homme  vêtu  d'une  manière  ridicule.  En  1850,  la  fête 
populaire  du  5  nov.  dut  un  regain  de  vogue  à  l'hostilité 
contre  les  catholiques  (V.  Wiseman).  Ch.-V.  L. 

FAWKES  (Francis),  poète  et  èrudit  anglais,  né  en  1720, 
mort  en  1777.  Il  entra  de  bonne  heure  dans  les  ordres, 
mais  son  humeur  joviale  et  mondaine  nuisit,  paraît-il,  à 
son  caractère  ecclésiastique  et  il  mourut  simple  curate, 
c.-à-d.  pasteur  suppléant  d'une  petite  paroisse.  Il  a  laissé 
des  traductions  en  vers  d'Anacréon,  de  Sapho,  de  Brun, 
de  Mpschus,  de  Musée  (1760),  de  Théocrite  (1767)  et 
d'Apollonius  de  Rhodes  :  celle-ci  ne  fut  publiée  qu'après 
sa  mort  (1780).  Il  fut  un  des  collaborateurs  de  Duncombe 
pour  sa  traduction  d'Horace  (1767,  4  vol.).  Il  dirigea,  avec 
William  Woty,  la  publication  du  Poetical  Calender,  re- 
cueil de  vers  destiné  à  faire  suite  à  la  collection  de  Dodsley 
(1764,  12  voL)  et  du  Poetical  Magazine,  qui  paraissait 
tous  les  mois,  mais  qui  ne  dura  que  de  janv.  à  juin  1764. 
On  lui  doit  aussi,  entre  autres  œuvres,  un  volume  intitulé 
Original  Poems  and  Translations  (1761).  La  chanson 
The  Broiun  Jug  (la  Cruche  brune),  dont  il  est  l'auteur, 
est  encore  populaire  en  Angleterre.  B.-H.  G. 

FAWKES  (Walter-Ramsden),  homme  politique  anglais, 
né  à  Hawksworth  (Yorkshire)  en  1769,  mort  à  Londres  le 
24  oct.  1825.  Membre  actif  du  parti  whig,  il  représenta 
au  Parlement  le  comté  d'York  de  1802  à  1807  ;  il  prit  une 
part  importante  au  mouvement  contre  l'esclavage.  Il  fut 
nommé  haut  sheriff  du  Yorkshire  en  1823.  On  a  de  lui: 
The  Chronology  ofthe  history  of  modem  Europe  (1810); 
Speech  on  parliamentary  reform  (1812);  TheEnglish- 
man's  Manual  or  a  dialogue  between  a  Tory  and  a 
Reformer  (1837).  D'un  esprit  très  cultivé  et  doué  d'un 
goût  très  vif  pour  les  arts,  Fawkes  fut  un  des  premiers 
protecteurs  de  Turner,  dont  il  collectionna  les  meilleures 
œuvres.  Il  est  un  des  fondateurs  de  YOtley  agricultural 
Society. 

FAY.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Nogent-sur-Seine, 
cant.  de  Marcilly-le-Hayer  ;  185  hab. 

FAY.  Corn,  du  dép.  de  la  Drôme.  arr.  de  Valence,  cant. 
de  Saint-Valiier;  286  hab. 

FAY  (Le).  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de 
Louhans,  cant.  de  Beaurepaire;  1,243  hab. 

FAY.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  et  cant.  (3e)  du 
Mans;  564  hab. 

FAY.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Péronne, 
cant.  de  Chaulnes;  187  hab. 

FAY-aux-Loges.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  d'Orléans, 
cant.  de  Châteauneuf-sur-Loire  ;  1,810  hab. 

F  A  Y-de-Bretagne.  Com.  du  dép.  de  la  Loire-Inférieure, 
arr.  de  Saint-Nazaire,  cant.  de  Blain;  3,644  hab. 

FAY-le-Froid  (Faynum).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de 
la  Haute-Loire,  arr.  du  Puy;  1,219  hab.  Le  village  est 
assis  sur  une  butte  volcanique  d'un  aspect  très  pittoresque, 
à  1,250  m.  d'alt.  Les  barons  de  Fay,  dont  les  mar- 
quis de  La  Tour-Maubourg  sont  une  branche,  étaient  les 
plus  puissants  de  la  contrée  ;  parmi  leurs  donations,  il 
faut  noter  celle  du  lac  de  Saint-Front  aux  chartreux  de 
Bonnefoy.  Aujourd'hui  Fay-le-Froid,  centre  d'une  contrée 
essentiellement  pastorale,  est  renommé  surtout  par  ses 
foires  et  par  son  commerce  de  bestiaux,  de  beurre  et  de 
fromage.  Il  y  a  aussi  des  fabriques  de  dentelles,  des  tui- 
leries et  des  briqueteries.  Quelques  carrières  de  pierre  de 
taille  sont  exploitées  dans  les  environs.         A.  Mazon. 

FAY-les-Etangs.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Chaumont;  245  hab.  Château. 

FAY-lès-Nemoors.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Fontainebleau,  cant.  de  Nemours;  243  hab. 

FAY-Saint-Quentin.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Nivillers  ;   468  hab.  Les  moines  de 


FAY 


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Saint-Quentin  de  Beauvais  étaient  seigneurs  du  lieu  et  pa- 
trons de  l'église  depuis  le  xie  siècle.  Ils  y  avaient  établi  un 
prieuré.  L'église  est,  en  grande  partie,  de  la  seconde  moi- 
tié du  xe  siècle,  remaniée  à  l'intérieur  au  xvie.  C'est  une 
des  plus  anciennes  de  toute  la  région.  Fabrique  de  bros- 
serie. C.  St-A. 

FAY  (en  latin  de  Fayno).  Ancienne  famille  noble.  Ce 
nom,  très  fréquent  dans  le  Haut-Languedoc,  a  été  commun 
à  diverses  maisons  qui  se  sont  regardées  comme  ayant  la 
même  origine,  mais  aucune  n'a  réussi  à  dissiper  les  ténè- 
bres des  siècles  antérieurs  au  xive.  On  trouve  des  Fay  aux 
époques  les  plus  reculées  et  dans  diverses  provinces.  Il  y  a 
une  maison  de  Fay,  originaire  de  Picardie  et  transplantée 
en  Bretagne,  dont  un  membre  fut  gouverneur  de  Dinant, 
qui  s'est  éteinte  au  xvne  siècle.  Une  autre  famille  de  Fay 
en  Normandie  a  donné  plusieurs  baillis  à  Rouen  et  plu- 
sieurs conseillers  au  parlement  de  Rouen.  Mais  les  Fay  les 
plus  connus,  et  peut-être  les  plus  anciens,  sont  ceux  du 
Haut-Languedoc,  qui  ont  eu  pour  berceau  la  seigneurie  de 
Fay  (aujourd'hui  Fay-le-Froid,  dans  la  Haute-Loire).  Pons 
de  Fay,  qui  avait  épousé  une  fille  du  vicomte  de  Polignac, 
partit  avec  ses  deux  fils  pour  la  première  croisade,  après 
avoir  vendu  une  terre  à  l'abbaye  du  Monastier  pour  sub- 
venir aux  frais  de  l'expédition.  'Un  de  ses  fils  fut  accom- 
pagné par  sa  femme  en  Palestine  et  eut  un  enfant  qui, 
ayant  été  baptisé  dans  les  eaux  du  Jourdain,  porta  le  nom 
de  Guillaume  Jourdain.  C'est  lui  qui  fonda  la  chartreuse 
de  Bonnefoy,  au  pied  du  Mézenc,  en  4156.  Sa  petite-fille, 
Philippa  de  Fay,  épousa  en  1239  Aymar  de  Poitiers,  et 
c'est  ainsi  que  les  seigneuries  de  Fay,  du  Mézenc  et  des 
Estables  passèrent  aux  comtes  du  Valentinois.  On  trouve 
au  xive  siècle  :  un  Guillaume  du  Fay,  grand  bailli  du 
Vivarais  et  du  Forez  sous  Charles  VI,  tué  en  1382  dans 
une  bataille  contre  les  Turcs  ;  un  Antoine  de  Fay,  com- 
mandant au  Puy  en  1 358  ;  un  Guillaume  de  Fay,  tué 
par  les  routiers  à  la  bataille  de  Brignais  (1361),  enfin  un 
Artaud  de  Fay  qui,  s'étant  distingué  dans  la  guerre  contre 
les  Bourguignons,  fut  fait  chevalier  par  le  Dauphin  en 
1420  et  devint  plus  tard  (1444)  chambellan  de  Charles  VIL 
Un  autre  Fay,  marquis  de  Peyraud,  se  signala  parmi  les 
capitaines  protestants  au  xvie  siècle.  Il  s'empara  du  châ- 
teau d'Andance  en  1574,  mais  les  catholiques  de  Lyon 
arrivèrent  bientôt  sous  les  ordres  de  Mandelot  et  prirent  le 
château  de  Peyraud.  Ce  Fay  avait  épousé  une  fille  naturelle 
du  duc  de  Montmorency  et  de  Charlotte  des  Essarts,  maî- 
tresse de  Henri  IV.  Il  fut  nommé  sénéchal  de  Nîmes  et  de 
Beaucaire.  Trois  Fay  ont  été  évêques  :  à  Langres,  Poitiers 
et  Uzès.  Ce  dernier  fut  député  aux  Etats  généraux  de 
1614.  Les  deux  seules  branches  encore  vivantes  de  cette 
illustre  maison  sont  les  Fay  de  Solignac  qui  habitent  près 
de  Tournon  (Ardèche),  et  les  Fay  de  Latour-Maubourg  qui 
habitent  la  Haute-Loire  (V.  Latour-Maubourg).  A.  Mazon. 
Bibl.:  Cartulaires  de  Saint-Chaffre  et  de  Pébrac.  —  Col- 
lection du  Languedoc,  à  la  Bibl.  Nat.,  Mss.  t.  CV.  —  Du 
Solier,  Généalogies  du  Vivarais,  Mss.  —  Truchard- 
Dumolin,  la  Baronnie  du  Mézenc. 

FAY  (Guillaume  du)  (V.  Dufay). 

FAY  (Charles-Gérôme  de  Cisternay  du) ,  bibliophile  fran- 
çais, né  à  Paris  le  2  juil.  1662,  mort  le  24  juil.  1723. 
Lieutenant  aux  gardes,  il  quitta  le  service  après  avoir  eu 
la  jambe  emportée  d'un  coup  de  canon  au  bombardement 
de  Bruxelles  en  1695  et  s'adonna  à  son  goût  pour  les 
livres.  Un  catalogue  de  sa  bibliothèque,  curieuse  surtout 
pour  les  romans  de  chevalerie,  a  été  publié  par  le  libraire 
G.  Martin,  sous  le  titre  de  Bibliotheca  Fayana  (1725,  in-8). 

FAY  (Jean-Hector  et  Marie-Hector  de) ,  marquis  de  Latour- 
Maubourg  (V.  Latour-Maubourg). 

FAY  (Etienne),  chanteur  scénique  et  compositeur  fran- 
çais, né  à  Tours  en  1770,  mort  à  Versailles  le  6  déc.  1845. 
Elève  de  la  maîtrise  de  la  cathédrale  de  Tours,  il  débuta  à 
Paris,  au  théâtre  Louvois(1790).  Dès  l'année  suivante,  il 
s'y  produisit  comme  compositeur  avec  un  opéra-comique 
en  trois  actes,  Flora,  qui  obtint,  du  succès.  En  1792,  il  prit 
en  double  l'emploi  des  premiers  ténors  au  théâtre  Favart 


d'où  il  passa,  vers  1795,  au  théâtre  Feydeau,  pour  partager 
cet  emploi  avec  Gaveaux,  autre  chanteur-compositeur.  Là 
il  trouva,  comme  acteur  et  comme  chanteur,  des  succès  plus 
complets  que  ceux  qu'il  avait  obtenus  jusqu'alors,  et  ces  suc- 
cès se  maintinrent  jusqu'en  1801.  Il  fit  représenter  à  cette 
époque  :  le  Projet  extravagant ,  un  acte,  théâtre  Louvois 
(1792);  le  Bon  Père,  même  théâtre  (1792)  ;les  Rendez- 
vous  espagnols,  trois  actes,  théâtre  Favart  (1793)  ;  l'In- 
térieur d'un  ménage  républicain,  théâtre  Favart  (1794)  ; 
Emma  ou  le  Soupçon,  trois  actes,  théâtre  Feydeau  (1793); 
Clémentine  ou  la  Belle-Mère,  théâtre  Feydeau  (1795)  ; 
la  Famille  savoyarde,  théâtre  Feydeau  (1800).  Lors  de 
la  réunion,  en  1801,  des  deux  troupes  Favart  et  Feydeau 
en  un  seul  théâtre  qui  prit  définitivement  le  titre  d'Opéra- 
Comique,  Fay  ne  fut  pas  réengagé.  Il  écrivit  alors  un  opéra- 
comique  intitulé  la  Bonne  Aventure,  qu'il  fit  représenter 
en  1802  an  petit  théâtre  des  Jeunes-Elèves,  puis  alla  pas- 
ser quelque  temps  à  Bruxelles.  De  retour  à  Paris,  il  donna 
à  l'Opéra-Comique,  en  1805,  avecSpontini,  son  dernier 
ouvrage,  Julie  ou  le  Pot  de  fleurs.  Il  repartit  pour  la  pro- 
vince,* où  il  tint  son  emploi  pendant  une  quinzaine  d'an- 
nées dans  plusieurs  grandes  villes,  reparut  durant  quelques 
mois  à  l'Opéra-Comique  en  1819,  alla  faire  une  saison  en 
Hollande  en  1820,  fit  une  courte  apparition  l'année  sui- 
vante au  théâtre  du  Gymnase,  retourna  ensuite  à  Bruxelles 
où  il  resta  jusqu'en  1826  et  enfin  dit  adieu  à  la  scène  et 
revint  se  fixer  définitivement  à  Paris.  —  Il  avait  épousé  une 
cantatrice  de  grand  talent,  Mlle  Jeanne  Rousselois  (née  en 
1781),  qui  appartint  pendant  quelque  temps  au  théâtre 
Feydeau,  puis  au  théâtre  Favart,  l'accompagna  dans  ses 
voyages,  joua  en  1818  à  l'Opéra-Comique,  puis  à  l'Opéra. 
Il  en  eut  deux  filles,  Léontine  et  Elisa,  qui  furent  au 
théâtre  deux  enfants  prodiges  et  qui  devinrent  plus  tard 
des  comédiennes  de  grand  talent.  L'aînée  fut  Mme  Volnys 
et  la  seconde  Mme  Génot.  Arthur  Pougin. 

FAY  (André),  littérateur  hongrois,  né  à  Kohâny  le  30  mai 
1786,  mort  le  26  juil.  1 864.  Sa  longue  carrière  bien  remplie 
se  présente  sous  deux  aspects  différents.  Ses  Bouquets  de 
poésies  (180$,  1818),  ses  Fables  (1820),  ses  romans  humo- 
ristiques et  ses  comédies,  œuvre  de  sa  verve  de  jeune  homme 
en  1824,  1832,  ou  de  sa  verve  de  vieillard  en  1855,  mon- 
trent en  lui  le  plus  jovial  sans  contredit  de  tous  les  écri- 
vains magyars.  D'autre  part,  Fay  a  été  un  patriote  libéral 
en  politique  et  un  bienfaiteur  de  son  pays,  où  il  a  introduit 
les  caisses  d'épargne,  les  sociétés  d'assurance.  Il  a  travaillé 
aux  progrès  de  l'instruction  publique  comme  à  la  concorde 
intérieure  des  églises  protestantes.  E.  Sayous. 

Bibl.  :  Toldy,  Magyar  Irodalom  Kézikœnyve.  ~ 
Schwicker,  Geschichte  der  ungarischen  Litteratur. 

FAY  (Théodore),  diplomate  et  écrivain  américain,  né  à 
New  York  au  commencement  du  xixe  siècle.  Il  fut  nommé, 
en  1837,  secrétaire  de  la  légation  des  Etats-Unis  à  Berlin 
et,  en  1853,  ministre  des  Etats-Unis  en  Suisse.  Il  a  publié 
Dreams  and  Rêveries  of  a  Quiet  Man  (1832),  un  journal 
de  voyages,  The  Minute  Book,  et  plusieurs  romans,  parmi 
lesquels"  The  Countess  Ida  (1840),  Hoboken,  a  Romance 
ofNew  York  (1843),  et  Ulric,  or  the  Voices  (1851). 

FAY  (Joseph),  peintre  allemand  d'histoire  et  de  genre, 
né  à  Cologne  le  10  août  1813,  mort  à  Dusseldorf  le 
27  juil.  1875.  Il  épousa  la  sœur  du  paysagiste  Albert  Arnz. 
Elève  de  l'Académie  de  Dusseldorf  (1833-41)  et  de  P.  Dela- 
roche.  Ses  premiers  tableaux,  la  Fontaine  de  Saint- 
Gangolf  (1837),  Geneviève  (1838),  furent  suivis  de 
Dalila  et  de  Cléopâtre,  qui  lui  valurent  la  mission  de 
décorer  la  salle  des  séances  de  l'Hôtel  de  ville  d'Elberfeld 
(1840-44).  Ces  fresques  ont  péri  dans  les  travaux  de 
restauration  de  l'édifice,  mais  il  reste  la  plupart  des  car- 
tons (Mort  de  Varus,  Forêt  de  Teutberg,  Danse  des 
épées,  etc.),  qui  ont  figuré  à  Paris  à  l'Exposition  de  1855. 
Après  avoir  exécuté  un  certain  nombre  de  sujets  roman- 
tiques :  Thisbé,  Roméo  et  Juliette  (1846),  Marguerite 
en  prison  (1847),  Fay,  qui  avait  fait  des  séjours  répétés 
en  Italie,  se  mit  à  reproduire  des  scènes  de  la  vie  populaire 


au  delà  des  monts,  avec  des  arrière-plans  de  paysages  et 
d'architecture  qui  révèlent  une  grande  habileté  de  pinceau 
unie  à  un  coloris  brillant. 

FA  Y  (Charles-Alexandre),  général  français,  né  à  Saint- 
Jean-Pied-de-Port  le  23  sept.  1827.  Elève  de  Saint-Cyr 
(4845),  élève  de  l'Ecole  d'état-major  (1847),  il  prit  part 
aux  travaux  géographiques  de  la  carte  des  Pyrénées,  servit 
en  Afrique,  eut  un  cheval  tué  sous  lui  à  la  prise  de  Laghouat 
(1852)  et,  promu  capitaine  (1853),  fit  partie  de  l'état-major 
du  général  Bosquet.  Il  combattit  brillamment  à  l'Aima,  à 
Inkermann,  à  l'assaut  du  Mamelon-Vert.  En  1864,  il  fut  pro- 
mu chef  d'escadrons  et  lieutenant-colonel  en  1 870.  En  1 874, 
il  fut  chargé  d'organiser  au  ministère  de  la  guerre  les  bu- 
reaux de  l'état-major  général.  Colonel  le  12  nov.  1874,  il 
devint  général  de  brigade  le  14  janv.  1879  et  général  de 
division  le  24  juil.  1885.  Il  exerça  successivement  les  fonc- 
tions de  sous-chef  de  l'état-major  général  et  conseiller 
d'Etat  en  service  extraordinaire  (1879),  de  commandant  de 
la  27e  division  d'infanterie  du  14e  corps  et  de  la  4e  du 
2e  corps,  et  fut  nommé  commandant  du  11e  corps  d'armée 
(Nantes)  le  1er  févr.  1890.  Admis  à  la  retraite  après 
les  grandes  manœuvres  de  1892,  il  s'est  présenté  sans 
succès  le  16  oct.  dans  le  dép.  du  Calvados  à  une  élection 
partielle  pour  le  Sénat.  En  1868  et  1869,  il  avait  rempli 
en  Allemagne  diverses  missions  militaires.  On  lui  doit 
une  série  d'ouvrages  spéciaux  et  fort  estimés  :  Souve- 
nirs de  la  guerre  de  Crimée  (Paris,  1 867,  in-8)  ;  Etude 
sur  la  guerre  d'Allemagne  en  1866  (1867,  in-8)  ; 
Etude  sur  les  opérations  militaires  en  Bohême  en 
1866  (1869,  in-8)  ;  De  la  Loi  militaire  (1870,  in-8)  ; 
Journal  d'un  officier  de  F  armée  du  Rhin  (Bruxelles, 
1871)  ;  Marches  des  armées  allemandes  du  21  juil.  au 
1er  sept.  1810  (1889,  in-4)  ;  Projet  de  réorganisation 
de  V armée  française  (1871,  in-8)  ;  Projet  d'organisa- 
tion et  de  mobilisation  de  V armée  française  (1873, 
in-8)  ;  De  la  Géographie  de  l'Allemagne  (1872,  in-18)  ; 
De  l'Organisation  militaire  de  l'Allemagne  (1872, 
in-18),  etc. 

FAYAL  (Ile)  (V.  Açores). 

FAYARD  (V.  Hêtre). 

F AY A  R  D  (Ennemond-Dominique-Nicolas) ,  magistrat  fran- 
çais, né  à  Saint- Vallier  en  1816.  Avocat,  puis  vice-prési- 
dent du  tribunal  civil  de  Lyon,  il  devint  conseiller  à  la  cour 
d'appel  du  même  siège.  Parmi  ses  nombreux  écrits  nous 
citerons  :  Rapport  sur  l'amélioration  de  l'œuvre  des 
enfants  trouvés  (Lyon,  1854,  in-8)  ;  Histoire  de  l'œuvre 
des  enfants  trouvés,  abandonnés  et  orphelins  de  Lyon 
(1859,  in-8)  ;  Du  Dépôt  de  mendicité  d'Albigny  (1860, 
in-8)  ;  Essai  sur  l'assistance  publique  et  l'extinction 
de  la  mendicité  à  Lî/ow(1862,  in-8);  Hospices  et  hôpi- 
taux civils  de  Lyon  (1861,  in-8)  ;  Etudes  sur  les  an- 
ciennes juridictions  lyonnaises  (1863,  in-8)  ;  Essai  sur 
l'établissement  de  la  justice  royale  à  Lyon  (1866,  in-8)  ; 
Souvenirs  des  entrées  des  souverains  de  France  dans 
la  ville  de  Lyon  (1860,  in-8)  ;  Des  Enfants  assistés  à 
Paris  et  à  Lyon  (1867,  in-8)  ;  Aperçu  historique  sur 
le  parlement  de  Paris  (1877-1878,  3  vol.  in-8)  ;  Prost 
de  Royer,  sa  vie  et  ses  œuvres  (1886,  in-8)  ;  Histoire 
des  tribunaux  révolutionnaires  de  Lyon  et  de  Feurs 
(1888,  gr.  in-8)  ;  Journal  de  la  cour  d'appel  de  Lyon 
(1890,  gr.  in-8),  etc. 

FAYARD  (Joseph- Albin),  homme  politique  français,  né  à 
Metz  le  2  avr.  1816.  Républicain  militant,  il  fut  exilé  à  la 
suite  du  coup  d'Etat  du  2  déc.  1851 .  Conseiller  général  de 
la  Drôme,  il  fut  élu  sénateur  de  ce  département  le  25  janv. 
1885  au  second  tour  de  scrutin.  Il  réclamait  dans  son  pro- 
gramme l'élection  de  la  Chambre  haute  par  le  suffrage 
universel.  M.  Fayard  vota  l'expulsion  des  princes  et  se 
prononça  contre  le  boulangisme. 

FAY  AU  (Joseph-Pierre-Marie),  dit  des  Rretinières, 
homme  politique  français,  né  à  Roche-Servière  (Vendée) 
le  25  mars  1766,  mort  à  Roche-Servière  le  28  mars  1799 . 
Avocat  avant  la  Révolution,  administrateur  de  la  Vendée, 


—  91  —  FAY  —  FAYE 

il  fut  élu  par  ce  département  député  à  la  Convention  le 
5  sept.  1792.  Ardent  montagnard,  membre  du  club  des 
Jacobins,  il  vota  la  mort  de  Louis  XVI.  Il  remplit  une 
mission  en  Vendée  en  sept.  1793,  fut  blessé  au  combat  de 
la  Châtaigneraye  le  30  de  ce  mois  (cf.  rapport  de  Wester- 
mann  du  1er  oct.  dans  le  Moniteur,  XVIII,  92).  Rentré  à 
la  Convention,  il  proposa,  le  17  brumaire  an  II,  les  me- 
sures les  plus  violentes.  «  On  n'a  point  assez  incendié  dans 
la  Vendée.  La  première  mesure  à  prendre  est  d'y  envoyer 
une  armée  incendiaire.  Il  faut  que  pendant  un  an  nul 
homme,  nul  animal,  ne  trouve  de  subsistance  sur  son 
sol.  »  Le  2  ventôse  an  II  il  compara,  dans  une  allocution 
fameuse,  les  aristocrates  aux  loups  et  aux  renards  qu'il 
fallait  détruire.  Après  la  chute  de  Robespierre,  il  demeura 
fidèle  au  parti  jacobin  et  s'éleva  contre  les  tendances  rétro- 
grades de  la  Convention.  Le  17  fructidor  an  II,  il  attaqua 
devant  la  Société  des  Jacobins  trois  des  principaux  ther- 
midoriens, Tallien,  Lecointre  et  Fréron,  et,  le  25  vendé- 
miaire an  III,  il  fit  l'apologie  des  sociétés  populaires.  Le 
1er  prairial  an  III,  il  fut  décrété  d'arrestation  avec  les  der- 
niers montagnards  et  remis  en  liberté  par  l'amnistie  du 
4  brumaire  an  IV.  Il  se  retira  dans  sa  ville  natale,  où  il 
mourut  quatre  ans  plus  tard.  Etienne  Charavay. 

Bibl.  :  Moniteur.  —  Inventaire  de  la  collection  Benja- 
min Fillon,  n08  571  et  572. 

FAYCELLES.  Corn,  du  dép.  du  Lot,  arr.  et  cant.  de 
Figeac;  1,077  hab. 

FAYDEL  (Jean-Félix),  homme  politique  français,  né  à 
Cahors  (Lot)  le  9  sept.  1744,  mort  à  Cahors  le  26  juin 
1827.  Avocat  dans  sa  ville  natale,  il  fut  député  aux  Etats 
généraux  par  le  tiers  état  de  la  sénéchaussée  du  Quercy 
le  24  mars  1789.  Il  devint  secrétaire  le  28  sept,  et,  en 
toutes  circonstances,  se  fit  remarquer  par  son  opposition 
aux  idées  nouvelles.  Après  la  session,  il  se  mit  à  l'écart 
et  ne  reparut  que  sous  l'Empire  comme  conseiller  de  pré- 
fecture du  Lot  (10  janv.  1804).  II  entra,  comme  député 
du  Lot,  au  Corps  législatif  le  10  août  1810,  adhéra  à  la 
déchéance  de  Napoléon  et  fit  partie  de  la  Chambre  introu- 
vable (22  août  1815).  Et.  Ch. 

FAY  D'HERBE  (Luc),  architecte  et  sculpteur  belge,  né 
à  Malines  en  1617,  mort  à  Malinesle  31  déc.  1697.  Elève 
de  Rubens,  il  exécuta  pour  l'illustre  peintre  des  statuettes 
d'ivoire  qui  passèrent  dans  la  galerie  de  l'électeur  palatin. 
Il  se  fixa  à  Malines  où  il  fit  de  nombreuses  statues  pour  les 
églises  de  cette  ville.  Citons  notamment,  à  Notre-Dame- 
d^Hauswyck,  une  Nativité  de  Jésus  et  un  Portement  de 
Croix;  à  Saint-Rambaut,  un  Saint  Joseph,  Sainte  Anne  et 
la  Vierge;  à  l'église  du  Grand-Béguinage,  Dieu  le  Père  et 
Sainte  Catherine.  Architecte  de  talent,  Fayd'herbe  con- 
struisit en  1678  Notre-Dame-d'Hauswyck  à  Malines.  Des 
œuvres  de  cet  artiste  sont  disséminées  dans  toute  la  Belgique. 
FAY  DIT  (Pierre-Valentin),  abbé,  controversiste  et  cri- 
tique français,  né  à  Riom  vers  1640,  mort  en  1709. 
D'abord  prêtre  de  l'Oratoire,  il  fut  renvoyé  de  cette  con- 
grégation, en  1671,  pour  avoir  écrit  en  faveur  de  Des- 
cartes un  ouvrage  intitulé  :  De  Mente  humana.  Il  prêcha 
contre  Innocent  V  lors  de  la  querelle  de  ce  pape  avec 
la  cour  de  France  ;  son  sermon  a  été  imprimé  à  Maastricht 
(1687)  et  réimprimé  à  Liège  (1689)  sous  le  titre  de  Con- 
formités des  Eglises  de  France  avec  celles  d'Asie  et  de 
Syrie  du  ne  et  du  111e  siècle,  dans  leur  différend  avec 
Rome.  Un  Traité  sur  la  Trinité  lui  valut  d'être  enfermé 
à  Saint-Lazare,  en  1696.  Il  put  ensuite  se  retirer  à  Riom 
où  il  a  continué  à  écrire  des  ouvrages  souvent  ridicules  et 
de  mauvais  goût.  On  cite  notamment  :  Mémoires  contre  les 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  ecclésiastique  de 
M.  de  Tillemont  (1695);  la  Télémachomanie  (1700, 
1713,  in-12),  satire  grossière  du  Télémaque  de  Fénelon. 
On  estime  davantage  ses  Remarques  sur  Virgile,  sur 
Homère  et  sur  le  style  poétique  de  l'histoire  sainte 
(Paris,  1705-1710,  2  vol.  in-l0^).  G.  R. 

FAYE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de 
Ruffec,  cant.  de  Villefagnan  ;  705  hab. 


FAYË 


-  92  - 


FAYE.  Com.  du  dép.  du  Loir-et-Cher,  arr.  de  Vendôme, 
cant.  de  Selommes  ;  304  hab. 

FAYE.  Com.  du  dép.  du  Maine-et-Loire,  arr.  d'Angers, 
cant.  de  Thouarcé;  1,216  hab. 

FAYE-en-Montagne.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  et 
cant.  de  Poligny;  209  hab. 

FAYE-l'Albesse.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr,  et 
cant.  de  Bressuire  ;  1,157  hab.  Le  village  est  situé  sur  le 
Thouaret,  affluent  du  Thouet. 

FA  Y  E-la- Vineuse.  Com.  du  dép.  d'Indre-et-Loire,  arr. 
de  Chinon,  cant.  de  Richelieu;  604-  hab.  C'était  au  moyen 
âge  la  capitale  d'une  seigneurie  qui  fut  acquise  au  xvie  siècle 
par  la  famille  de  Richelieu.  L'église  Saint-Georges  (mon. 
hist.)  est  une  ancienne  collégiale  fondée  au  xie  siècle.  Dans 
son  état  actuel  c'est  un  bel  édifice  du  xne  siècle,  sauf  la 
porte  occidentale  refaite  au  xvie  et  une  chapelle  ajoutée  au 
xme.  Une  crypte  très  curieuse  du  xie  siècle  reproduit  la 
disposition  de  l'église  supérieure  ;  elle  a  conservé  de  curieux 
chapiteaux  et  le  tombeau  qui  servait  primitivement  d'autel. 

FAYE-sur-Ardin.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr. 
de  Niort,  cant.  de  Coulonges;  575  hab. 

FAYE  (Jacques),  seigneur  d'EspEissES,  homme  d'Etat  et 
jurisconsulte  français,  né  à  Paris  en  1543,  mort  à  Senlis 
le  30  oct.1590.  Sa  famille  était  originaire  du  Lyonnais,  et 
il  était  fils  du  jurisconsulte  Barthélémy  Faye,  conseiller  au 
parlement  de  Paris.  Après  avoir  étudié  le  droit,  il  fut 
attaché  au  duc  d'Anjou,  depuis  Henri  III,  comme  maître 
des  requêtes,  et  l'accompagna  en  Pologne.  A  la  nouvelle  de 
la  mort  de  Charles  IX,  il  fut  envoyé  en  France  pour  an- 
noncer le  prompt  retour  du  duc  d'Anjou  et  remettre  à 
Catherine  de  Médicis  des  lettres  de  régence.  Celle-ci,  vou- 
lant conserver  le  royaume  de  Pologne  à  son  fils,  renvoya 
Faye  dans  ce  pays  pour  lui  gagner  l'appui  des  palatins 
polonais;  malgré  son  habileté,  il  ne  put  faire  triompher 
la  cause  de  Henri,  et  celui-ci  le  chargea  d'aller  proposer  le 
trône  de  Pologne  au  duc  de  Ferrare.  Le  zèle  de  Faye  fut 
récompensé  par  la  place  de  maître  des  requêtes  au  conseil 
d'Etat.  Peu  après,  il  acheta  la  charge  d'avocat  général  au 
parlement  de  Paris;  il  s'y  fit  remarquer  par  son  éloquence. 
Il  se  signala  aussi  par  son  dévouement  pour  le  roi  et  pour 
les  libertés  de  l'Eglise  gallicane,  notamment  aux  Etats  de 
Blois.  Il  suivit  le  roi  à  Tours  et  fut  nommé  conseiller 
d'Etat,  puis  président  à  mortier.  Grâce  à  son  énergie,  il  put 
reconstituer  le  parlement  à  Tours,  et  il  en  fut  le  président. 
Il  usa  de  son  influence  sur  le  roi  pour  le  rapprocher  de  Henri 
de  Navarre,  et,  après  l'assassinat  de  Henri  III,  il  s'attacha 
à  Henri  IV  qu'il  suivit  au  siège  de  Paris.  On  a  de  lui  : 
Avertissement  sur  la  réception  et  la  publication  du 
concile  de  Trente  (4583).  Ses  Négociations  politiques 
sont  conservées  en  manuscrit  à  la  Bibl.  nat.  (6  vol. 
in-fol.).  Gustave  Begelsperger, 

Bibl.:  Edouard  Faye  le  Brys,  Trois  Magistrats  fran- 
çais du  xvi°  siècle  ;  Paris,  1844. 

FAYE  (Antoine  et  Jean-Elie  de  La)  (V.  La  Faye). 

FAYE  (Le  chevalier  Bogne  de)  (V.  Bogne  de  Faye). 

FAYE  (Andréas),  écrivain  norvégien,  né  à  Bragernaes 
(Drammen)  le  5  oct.  1802,  mort  le  5  mai  1869.  Après  avoir 
cumulé  les  fonctions  de  pasteur  de  Holt  (1833)  et  de 
directeur  et  premier  maître  de  l'école  normale  du  diocèse  de 
Christianssand  (1839),  il  fut  pasteur  de  Sande  (1860)  et 
prévôt  de  Nord-Jarlsberg  (1864).  Quoiqu'il  eût  formé 
une  importante  collection  de  manuscrits  et  documents  qui 
furent  achetés  par  les  Archives  nationales,  il  n'écrivit  guère 
que  d'utiles  ouvrages  de  vulgarisation  ou  de  bonnes  mono- 
graphies, entre  autres  :  Histoire  de  Norvège  (Christiania, 
(1831  ;  4e  édit.,  Laurvig,  1856;  en  allemand,  Leipzig, 
1 851);  Traditions  norvégiennes  (Arendal,  1833;  2e édit. , 
Christiania,  1844)  ;  Histoire  des  prêtres  et  du  pastorat 
d'OEiestad(im)  ;  Guerre  de  Norvège  en  1808  (1  861)  ; 
la  Norvège  en  i8i4  (1 863-64)  ;  Histoire  du  diocèse  de 
Christianssand  (1867);  Charles  XII en  Norvège  (1868), 
et  des  biographies  de  :  Severin  Lœvenskjold  (1857)  ; 
Peder  Claussœn  (1858)  ;  Jœrgen  Erichson  (1859). 


FAYE  (Hervé- Auguste- Etienne -Albans),  astronome 
français,  né  à  Saint-Benoît-du-Sault  (Indre)  le  1er  oct.  1814. 
Fils  d'un  ingénieur  des  ponts  etchaussées,  il  entra  en  1832 
à  l'Ecole  polytechnique,  en  sortit  avant  la  fin  de  sa 
deuxième  année  d'études,  essaya  de  l'industrie,  mais  aban- 
donna cette  carrière  dès  1836  et,  sur  la  recommandation 
d'Arago,  se  fit  admettre  comme  élève  à  l'observatoire  de 
Paris  où  il  montra  tout  de  suite  les  plus  brillantes  dispo- 
sitions et  où  il  découvrit,  le  22  nov.  1843,  la  comète  pério- 
dique qui  porte  son  nom  (V.  t.  XII,  p.  20).  L'Académie 
des  sciences  le  récompensa  l'année  suivante  par  le  prix  La- 
lande  et  l'élut  membre  le  18  janv.  1847,  en  remplacement 
de  Damoiseau.  Chargé  de  1848  à  1854  du  cours  de  géo- 
désie à  l'Ecole  polytechnique,  puis  nommé  successivement 
recteur  à  l'académie  de  Nancy  et  professeur  d'astronomie 
à  la  faculté  des  sciences  de  cette  ville  (1854),  inspecteur 
général  de  l'enseignement  secondaire  (1857),  membre  du 
Bureau  des  longitudes  (1862),  professeur  d'astronomie  à 
l'Ecole  polytechnique  (1873),  président  du  Bureau  des 
longitudes  (1876),  inspecteur  général  de  l'enseignement 
supérieur  (1877),  il  se  porta,  aux  élections  législatives 
d'oct.  1877,  candidat  du  maréchal  de  Mac-Mahon  dans  le 
XVIe  arrondissement  de  Paris  ;  il  n'obtint  que  2,808  voix 
contre  4,269  à  M.  Marmottan,  l'un  des  363,  mais  fut,  un 
mois  après,  ministre  de  l'instruction  publique  dans  le  ca- 
binet du  général  de  Bochebouët  (23  nov. -13  déc.  1877). 
Depuis  ce  court  et  obscur  passage  aux  affaires,  il  a  renoncé 
à  la  politique  militante.  En  1889,  il  a  été  mis  adminis- 
trativement  à  la  retraite,  conservant  sa  chaire  à  l'Ecole 
polytechnique,  la  présidence  effective  du  Bureau  des  longi- 
tudes et  celle  du  conseil  de  l'Observatoire  de  Paris.  L'Aca- 
démie des  sciences,  dont  il  est  demeuré  l'un  des  membres 
les  plus  actifs,  l'a  d'ailleurs  délégué  pour  la  seconde  fois 
au  conseil  supérieur  de  l'instruction  publique  aux  élections 
d'avr.  1892. 

Ses  remarquables  travaux  ont  porté  sur  toutes  les  par- 
ties de  la  science  astronomique.  Ils  comprennent  des 
observations  aussi  rigoureuses  que  nombreuses,  des  cal- 
culs d'éléments,  des  déterminations  de  périodes  cométaires, 
des  mesures  de  parallaxes,  des  études  de  mouvements 
stellaires  et  planétaires,  des  perfectionnements  de  méthodes 
et  d'instruments,  enfin  plusieurs  théories  tout  originales, 
mais  aussi  très  vivement  controversées,  parmi  lesquelles 
il  faut  plus  particulièrement  signaler  celles  relatives  à  la 
nature  et  à  la  figure  des  comètes,  aux  étoiles  filantes,  aux 
aurores  boréales,  à  la  constitution  physique  du  soleil  et 
à  ses  taches,  à  l'origine  du  monde.  Il  a  fourni  depuis  1843 
aux  Astronomische  Nachrichten,  aux  Monthly  Notices 
de  la  Royal  Astronomical  Society ,  au  Cosmos,  aux 
Mondes  et  surtout  aux  Comptes  rendus  de  V Académie 
des  sciences  de  Paris  plus  de  quatre  cents  mémoires  et 
notes  dont  on  trouvera  la  liste,  pour  les  années  1843  à 
1884,  dans  le  Catalogue  ofscienti  fie  paper s  delà  Société 
royale  de  Londres  (V.  ci-dessous  Bibl.).  Citons  seulement  : 
Parallaxe  dhme  étoile  anonyme  de  la  Grande  Ourse 
(1846)  ;  Construction  d'un  nouveau  collimateur  zéni- 
thal (1846)  ;  Mémoire  sur  Vanneau  de  Saturne  (1848)  ; 
Sur  les  Déclinaisons  absolues  (1850)  ;  Sur  une  Mé- 
thode nouvelle  proposée  par  M.  de  Littrow  pour  déter- 
miner en  mer  l'heure  et  la  longitude  (1864)  ;  Sur  les 
Cyclones  solaires  (1 87 3);  Sur  la  Formation  des  nuages 
et  de  la  grêle  (187 '5),  etc.  Il  a  en  outre  fait  paraître  à 
part  :  une  traduction,  en  collaboration  avec  Ch.  Galusky, 
du  Cosmos  d'Alex.  deHumboldt  (Paris,  1846-59,  4  vol. 
in-8);  Leçons  de  cosmographie  (Paris,  1852,  in-8; 
2e  édit.  1854);  Cours  d'astronomie  nautique  (Paris, 
1880,  in-8)  ;  Cours  d'astronomie  de  l'Ecole  polytech- 
nique (Paris,  1881-83,  2  vol.  in-8);  Sur  l'Origine  du 
monde  (Paris,  1884,  in-8  ;  2e  éd.,  1885),  ouvrage  dans 
lequel  l'auteur  développe  un  système  cosmogonique  nota- 
blement différent  de  celui  de  Laplace  ;  Sur  les  Tempêtes 
(Paris,  1887,  in-8)  ;  Pour  le  Bureau  des  longitudes 
(Paris,  1888,  in-4).  Léon  Sagnet. 


93  — 


FAYE  —  FAYL 


Bibl.  :  Note  sur  les  travaux  astronomiques  de  H.  Faye; 
Paris,  1847,  in-4.  —  Moigno,  Annuaire  du  Cosmos  ;  Paris, 
1860, t.  Il,  in-8.—  Catalogue  of  scientifîc  papers  ofthe  Royal 
Society  ;  Londres,  1868,  1877  et  1891,  t.  Il,  VII  et  IX,  in-4. 
FAYE  (Etienne-Léopold),  homme  politique  français,  né 
à  Marmande  le  16  nov.  1828.  Avocat  à  Marmande,  maire 
de  cette  ville  (1870-1873),  il  se  présenta  sans  succès  aux 
élections  du  8  févr.  4874  pour  l'Assemblée  nationale  dans 
le  Lot-et-Garonne,  mais  fut  élu  par  ce  département  lors 
d'une  élection  complémentaire,  le  2  juil.  4874.  Il  siégea  à 
gauche,  s'occupa  beaucoup  de  questions  de  droit  adminis- 
tratif et  présenta  notamment  une  proposition  relative  aux 
élections  des  conseils  généraux  qui  fut  repoussée.  Elu  dé- 
puté par  Marmande  le  20  févr.  4876,  il  devint  questeur 
de  la  Chambre  et  fut  nommé  sous-secrétaire  d'Etat  au  mi- 
nistère de  l'intérieur  le  46  mai  4876,  en  remplacement  de 
M.  de  Marcère,  devenu  ministre  du  même  département. 
Tombé  avec  le  cabinet,  le  3  déc.  4876,  il  fit  partie  des  363 
et  fut  réélu  avec  eux  le  44  oct.  1877.  Le  5  janv.  4879, 
il  était  nommé  sénateur  de  Lot-et-Garonne,  et  devenait,  le 
28  mai  4879,  conseiller  maître  à  la  cour  des  comptes.  Lors 
du  conflit  entre  les  deux  Chambres  relativement  à  leurs 
prérogatives  en  matières  financières,  M.  Faye  proposa  le 
système  suivant  :  «  Les  crédits  affectés  à  la  dotation  des 
services  publics  constitués  en  vertu  de  lois  ou  de  décrets 
ayant  force  de  lois,  ne  pourront  être  supprimés,  diminués 
ou  augmentés  que  par  un  vote  conforme  de  la  Chambre  et 
du  Sénat.  La  suppression  ou  la  diminution  de  tous  crédits 
autres  que  ceux  ci-dessus  spécifiés  ne  restera  définitive 
qu'après  un  second  vote  émis  par  celle  des  deux  Chambres 
qui  aura  proposé  cette  suppression  ou  cette  diminution. 
L'augmentation  de  ces  derniers  crédits  n'aura  lieu  que  sur 
un  vote  conforme  des  deux  Chambres.  »  On  sait  que  le  Par- 
lement finit  par  écarter  cette  question  de  l'ordre  du  jour  du 
Congrès  de  4884  et  que  le  statu  quo  fut  maintenu.  Le 
42  déc.  4887,  M.  Faye  fut  nommé  ministre  de  l'instruc- 
tion publique  et  des  cultes  dans  le  premier  cabinet  formé 
par  M.  Carnot.  Il  se  prononça  pour  le  maintien  de  la  cen- 
sure dramatique.  Il  démissionna  avec  le  cabinet  le  30  mars 
4888.  Il  avait  été  réélu  sénateur  lors  du  renouvellement 
triennal  du  5  janv.  4888.  H  vota  l'expulsion  des  princes, 
se  prononça  contre  le  boulangisme,  entra  le  22  févr.  4889 
dans  le  cabinet  Tirard  comme  ministre  de  l'agriculture,  et 
fut  renversé  avec  lui  le  43  mars  4890  par  un  vote  hostile 
du  Sénat,  Renoult. 

FAYEL  (Le  Faiel,  le  Fay).  Corn,  du  dép.  de  l'Oise, 
arr.  de  Compiègne,  cant.  d'Estrées-Saint-Denis  ;  434  hab. 
La  seigneurie  du  Fayel  appartint  successivement  à  dif- 
férentes familles  jusqu'en  4627  qu'elle  passa  à  la  maison 
de  La  Mothe-Houdancourt.  Elle  fut  érigée  en  duché  en  fa- 
veur du  maréchal  de  ce  nom  en  4653  et  appartient  encore 
à  des  descendants  parles  femmes  de  cette  illustre  maison. 
Le  château  remonte  au  milieu  du  xvtie  siècle  et  sa  cons- 
truction est  attribuée  à  Mansard.  Un  parc  de  400  hect., 
tracé  par  Le  Nôtre,  est  joint  au  château  ;  ce  parc  affecte  à 
peu  près  la  forme  d'un  cœur  et  on  prétend  que  c'est  en 
souvenir  de  l'aventure  tragique  de  la  dame  du  Fayel, 
Gabrielle  de  Vergy,  dont  certains  auteurs  placent  ici  le 
théâtre.  Mais  si  ce  drame  n'est  pas  tout  simplement  le 
produit  de  l'imagination  de  quelque  poète,  il  est  probable 
qu'il  s'est  passé  à  Fayel  ou  Fayet,  près  de  Coucy  et  non 
ici.  En  4656,  Louis  XIV  et  la  reine  Christine  de  Suède  se 
rencontrèrent  au  château  de  Fayel.  L'église,  reconstruite 
en  4642,  contient  les  restes  des  deux  maréchaux  de  La 
Mothe-Houdancourt  et  de  leur  famille.  C.  St-A. 

FAY  EN  (Jean),  médecin,  versificateur  et  géographe  fran- 
çais, né  à  Limoges  vers  4530-4540,  mort  à  Limoges  vers 
4612.  Comme  médecin,  il  composa  un  Traité  sur  les  se- 
crets thérapeutiques,  resté  manuscrit  ;  comme  poète,  des 
poésies  latines  et  françaises  dont  quelques-unes  ont  été 
conservées.  Comme  géographe,  il  est  l'auteur  de  la  pre- 
mière carte  connue  du  Limousin,  qu'il  dédia  à  Annet  de 
Lévis  de  Ventadour,  gouverneur  du  Limousin  (4594).  Elle 
figure  dans  le  Théâtre  français,  de  Maurice  Bouguereau, 


et  a  été  très  souvent  reproduite,  tant  en  France  qu'à 
l'étranger,  pendant  la  première  moitié  du  xvne  siècle.  Cette 
carte  est  le  principal  titre  de  l'auteur  à  l'estime  de  la  pos- 
térité. M.  Ludovic  Drapeyron  lui  a  consacré  une  étude 
complète  qui  paraîtra  (1893)  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
archéologique  du  Limousin.  A.  Leroux. 

FAYENCE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Var,  arr.  de 
Draguignan;  4,702  hab.  Moulins  à  huile,  tanneries,  faïen- 
ceries, verreries.  Ancienne  chapelle  Notre-Dame  (xne  siècle). 
FAYET.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr  de  Saint-Quen- 
tin, cant.  de  Vermand,  entre  la  Somme  et  l'Omignon  ; 
427  hab.  Château  au  milieu  d'un  beau  parc  célèbre  dans 
la  légende  par  les  amours  de  la  dame  du  Fayel  (ancien 
nom  de  Fayet)  avec  le  châtelain  de  Coucy. 

FAYET.  Corn,  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  de  Saint- 
Affrique,  cant.  de  Camarès  ;  955  hab. 

FAYET.  Corn,  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de  Clermont- 
Ferrand,  cant.  de  Saint-Dier;  724 hab. 

FAYET-Ronnàye.  Corn,  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr. 
d'Ambert,  cant.  de  Saint-Germain-l'Herm  ;  1,008  hab. 

FAYET  (Jean- Jacques),  évêque  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Mende  le  29  juil.  4786,  mort  à  Paris  le  4  avr. 
4849.  Après  avoir  fait  ses  études  au  séminaire  Saint-Sul- 
pice,  il  fut  ordonné  prêtre  et  exerça  les  fonctions  de  vicaire 
de  Quezac,  puis  de  principal  du  collège  de  Mende.  Lors  de 
la  première  Restauration,  il  fit  preuve  d'un  dévouement 
bruyant  à  la  famille  royale,  se  signala  par  l'arrestation  du 
sous-préfet  de  Florac  et  fut,  en  récompense  de  ce  haut  fait, 
décoré  par  le  duc  d'Angoulême.  Il  participa  avec  la  même 
activité  à  l'œuvre  des  missions,  puis  à  la  fondation  du  Con- 
servateur^ fut  nommé  grand  vicaire  à  Rouen,  puis  inspec- 
teur général  des  études.  En  4  841 ,  il  était  curé  de  Saint- 
Roch  et,  en  4842,  évêque  d'Orléans.  Le  23  avr.  4848,  il 
fut  élu  représentant  à  la  Constituante  par  le  dép.  de  la 
Lozère.  Cette  élection  donna  lieu  à  une  enquête,  puis  fut  va 
lidée.  Mgr  Fayet  se  fit  à  la  Chambre  une  réputation  d'esprit; 
c'est  lui  qui  fut  chargé  d'officier  à  la  cérémonie  commémo- 
rative  pour  les  victimes  des  journées  de  Juin  (juin  4848). 
Il  mourut  du  choléra.  On  a  ses  Sermons,  discour  s  et  man- 
dements (Paris,  4857,  2  vol.  in-8). 

Bibl.  :  Dassance,  Notice  historique  sur  Mgr  Fayet,  en 
tête  de  l'édition  des  Sermons. 

FAYET  (Antoine),  littérateur  français,  né  à  Arfeuille 
(Allier)  en  4845.  11  fut  professeur  de  rhétorique  et  cha- 
noine honoraire  de  Moulins.  Citons  parmi  ses  œuvres  : 
Biographie  de  M.  de  Genoude  (Paris,  4844,  in-8)  ;  les 
Beautés  de  la  poésie  ancienne  et  moderne;  Poésie 
hébraïque  (Moulins,  4864,  in-8);  Poésie  allemande 
(1862,  in-8)  ;  Lettres  à  un  rationaliste  sur  la  philo- 
sophie et  la  religion  (4864,  in-8)  ;  De  V Esprit  national 
(Paris,  4850,  in-4 2);  le  Poème  de  V espérance  (Moulins, 
4865,  in-18)  ;  le  Poème  de  la  foi  (4864,  n>18)  ;  De  la 
Paix  perpétuelle,  étude  historique  et  critique  (4869, 
in-42). 

FAYETTE  (La)  (V.  La  Fayette). 
FAYETTEVILLE.  Ville  des  Etats-Unis,  comté  de  Cunv 
berland  (Caroline  du  Nord),  sur  la  rivière  Cape  Fear,  à 
225  kil.  de  son  embouchure  ;  important  marché  de  bois  et 
de  résine  ;  4,000  hab.  en  4880.  —  Petite  ville  de  l'Arkan- 
sas,  sur  la  White  River,  dans  le  voisinage  de  mines  de 
houille,  de  fer  et  de  plomb;  siège  de  l'université  de  l'Etat, 
fondée  en  4875.  Aug.  M. 

FAYL-Billotou  FAYS-le-Billot.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
de  la  Haute-Marne,  arr.  de  Langres  ;  2,248  hab.  Brasserie, 
vannerie,  fabrique  de  chaises,  de  faux,  confiserie.  —  Cette 
localité  est  fort  ancienne;  des  antiquités  gallo-romaines, 
fragments  de  statues,  vestiges  de  constructions  diverses,  ont 
été  trouvées  à  diverses  reprises  sur  son  territoire.  Le  bourg, 
couronné  jadis  par  un  château  fort  dès  le  xive  siècle,  était 
le  siège  d'une  importante  baronnie  qui  appartint  successi- 
vement aux  maisons  de  Châtillon,  de  La  Beaume-Monrevel, 
de  Neufchâtel,  d'Argouges,  d'Imécourt,  d'Attricourt,  etc. 
En  4324,  les  habitants  de  Fayl-Billot  obtinrent  une  charte 


FAYL  —  FAYOUM 


—  94  — 


d'affranchissement  de  Guy  de  Châtillon,  comte  de  Porcien. 
Le  14  sept.  1636,  les  Impériaux,  commandés  par  Galas, 
vinrent  établir  leur  quartier  général  à  Fayl- Billot,  y 
séjournèrent  six  semaines  et  ne  laissèrent  derrière  eux 
que  des  ruines.  Au  mois  de  juillet  suivant,  les  troupes  de 
Mercy  dévastèrent  de  nouveau  la  contrée.  Aux  maux  de  la 
guerre  s'adjoignirent,  dans  le  cours  du  même  siècle,  ceux 
de  la  lamine  (1652)  et  de  l'incendie  (1668  et  1687);  par 
deux  fois  le  bourg  tout  entier  fut  réduit  en  cendres.  — 
Belle  église  moderne.  A.  Tausserat-Radel. 

Bibl.  :  Briffaut,  Histoire  de  Fayl-Billot  et  notices  sur 
les   villages  du  canton;  Besançon,  1860,  in-8,  avec  pi. 

FAYMONT.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Lure,  canton  de  Yillersexel  ;  437  hab. 

FAYMOREAU.  Com.  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  de  Fon- 
tenay-le-Comte,  cant.  de  Saint-Hilaire-des-Loges  ;  679  hab. 

FAYN  (Etienne),  architecte  et  graveur  belge  de  la  seconde 
moitié  du  xvme  siècle.  Liégeois  de  naissance,  Etienne  Fayn 
continua,  en  1763,  l'abbaye  d'Orval,  commencée  par 
Dewez;  il  donna,  en  1664,  les  dessins  de  l'illumination  de 
Liège,  rectifia  les  plans  des  jardins  du  château  de  Seraing 
appartenant  au  prince-évêque  et  fit  construire  l'église  et  le 
monastère  du  val  Saint-Lambert  (aujourd'hui  détruits). 
Fayn  a  gravé  nombre  de  portraits  de  ses  compatriotes, 
parmi  lesquels  celui  de  Fabry,  bourgmestre  de  Liège  en 
1790,  ainsi  que  des  vues  de  sa  ville  natale  et,  entre  autres 
compositions,  le  diplôme  de  la  Société  libre  d'émulation  de 
Liège.  Charles  Lucas. 

Bibl.  :  Acad.  royale  de  Belgique,  Biographie  nationale  : 
Bruxelles,  1878,  t.  VI,  in-8. 

FAYN  de  Rochepierre.  Ancienne  famille  noble  du 
Yivarais.  Un  de  ses  membres  était  suppléant  du  syndic  du 
Vivarais  aux  Etats  généraux  de  Blois  (1  576)  et  devint  peu 
après  syndic.  Ses  descendants  parvinrent  à  rendre  le  syn- 
dicat héréditaire  dans  leur  famille,  ce  qui  amena  de  fré- 
quents démêlés  entre  eux  et  les  barons  du  Yivarais.  Cette 
famille  s'est  fondue,  au  commencement  du  xvme  siècle, 
dans  celle  des  Rochemore.  A.  Mazon. 

FAYOLIA  (Bot.).  Genre  d'Angiospermes  primitifs,  décrit 
par  Renault  et  Zeiller  (Compt.  rend.  Acad.  des  se,  juin 
1884)  sur  des  échantillons  provenant  des  houillères  de 
Commentry.  Ce  sont  des  corps  ovoïdes,  lancéolés,  longs  de 
8  à  12  centim.,  semblables,  à  première  vue,  à' des  stro- 
biles  de  pin,  constitués  par  deux  valves  opposées,  soudées 
par  leur  bord  et  contournées  en  hélice  ;  les  sutures  de  ces 
valves  forment  deux  carènes  hélicoïdales,  légèrement  sail- 
lantes, dont  chacune  décrit,  de  la  base  au  sommet,  6  à 
7  tours  de  spire.  Ce  genre  offre  des  affinités  avec  le  genre 
Spirangium  (V.  ce  mot)  et,  comme  dans  celui-ci,  les  valves 
ont  dû  circonscrire  une  cavité  interne  renfermant  des  graines 
de  petites  dimensions;  on  n'a  pu  découvrir  de  traces  de 
ces  graines.  Les  espèces  décrites  sont  :  F.  dentata  et 
F.  grandis.  Dr  L.  Hn. 

FAYOLLE  (Jean-Raymond),  homme  politique  et  magis- 
trat français,  né  à  Saint-Paul-les-Romans  (Drôme)  le  23  déc. 
1746,  mort  à  Grenoble  le  7  mai  1821.  Receveur  des  con- 
tributions à  Romans  avant  la  Révolution,  membre  de  la 
municipalité  de  cette  ville,  président  du  directoire  du  dis- 
trict, accusateur  public  près  le  tribunal  criminel  de  la 
Drôme  le  8  oct.  4791,  il  fut  élu  député  de  la  Drôme  à  la 
Convention  le  10  sept.  1792.  Il  vota  la  détention  du  roi 
et  demanda  la  mise  en  arrestation  de  tous  les  suspects 
(12  août  1793).  Signataire  de  la  protestation  du  6  juin 
contre  la  journée  du  31  mai,  il  fut  décrété  d'arrestation  le 
3  oct.  1793.  Il  rentra  à  la  Convention  le  18  frimaire  an  III, 
et  fut  envoyé  au  conseil  des  Cinq-Cents  par  le  dép.  de  la 
Drôme  le  22  vendémiaire  an  IV.  Arrêté  au  18  fructidor 
et  enfermé  au  Temple,  il  fut  mis  en  liberté  le  lendemain . 
Juge  au  tribunal  d'appel  de  Grenoble  le  12  prairial  an  VIII, 
conseiller  à  la  cour  le  17  avril  1811,  il  se  rallia  à  la  Res- 
tauration et  mourut  dans  l'exercice  de  ses  fonctions. 

Etienne  Charavay. 
Bibl.  :  Moniteur.  —  Ad.  Rochas,  Biographie  du  Dau- 
phiné. 


FAYOLLE  (François-Joseph-Marie),  littérateur  français, 
né  à  Paris  le  15  août  1774,  mort  à  l'asile  de  Sainte- 
Périne  le  2  déc.  1852.  Elève  du  collège  de  Juilly  et  de 
l'Ecole  polytechnique,  il  ne  sut  pas  conserver  la  fortune 
que  son  père  avait  gagnée  dans  la  profession  de  dentiste, 
vécut  à  Londres  de  1818  à  1829  du  produit  de  ses  leçons 
de  français  et  demeura  longtemps  pensionnaire  de  la  mai- 
son de  refuge  où  il  s'éteignit.  Fayolle  a  publié,  avec  Choron, 
un  Dictionnaire  historique  des  musiciens  (1810-1812, 
2  vol.  in-8)  et  préparé  sur  la  musique  et  ses  interprètes 
d'autres  travaux  restés  inédits  ou  à  l'état  de  fragments.  A 
part  quelques  poésies  et  brochures  de  circonstance,  il  s'est 
surtout  fait  connaître  comme  éditeur  et  compilateur.  On 
lui  doit  une  Acanthologie  ou  Dictionnaire  épigram- 
matique  (1817,  in-12),  un  Cours  de  littérature  en 
exemples  (1822,  2  vol.  in-12);  les  tomes  II-XII  (1805- 
1809)  des  Quatre  Saisons  du  Parnasse,  accompagnés  de 
notes  et  de  notices;  un  Esprit  de  Riuarol  (1808,  in-12), 
et  un  Esprit  de  Sophie  Arnould  (1813,  in-12),  des 
Mélanges  littéraires,  composés  de  morceaux  inédits  de 
Diderot,  Caylus,  Thomas,  Rivarol,  André  Chénier,  etc. 
(1816,  in-12);  Pour  et  contre  Delille,  ou  Recueil  de 
divers  jugements  portés  sur  ses  ouvrages  (1816, 
in-8),  etc.  Il  a  également  collaboré  à  un  certain  nombre 
de  journaux.  M.  Tx. 

FAYOLLE  (M]le),  actrice  française.  Elève  de  Beauvallet, 
elle  se  montra  d'abord  au  théâtre  Cluny,  puis  au  Vaude- 
ville, et  débuta  à  la  Comédie-Française  le  18  sept.  1876, 
par  le  rôle  de  Gabrielle  dans  Gabrielle  d'Emile  Augier. 
Elle  joua  ensuite  dans  la  Joie  fait  peur,  l'Ecole  des  Maris, 
et  se  rendit  fort  utile  en  tenant  avec  soin  et  dignité  un 
emploi  secondaire  dans  la  tragédie.  C'est  ainsi  qu'on  la  vit 
dans  Aricie  de  Phèdre,  Sabine  des  Horaces,  Albine  de 
Britannicus,  Phœdime  de  Mithridate,  Zacharie  à'Athalie, 
Elvire  du  Cid,  Stratonice  de  Polyeucte,  etc.  Depuis  quel- 
ques années,  elle  a  pris,  quoique  jeune  encore,  l'emploi 
des  duègnes  et  des  caractères,  dans  lequel  elle  fait  preuve 
d'un  véritable  talent.  A.  P. 

FAYOT  (Alfred-Charles-Frédéric),  littérateur  français, 
né  à  Paris  le  25  déc.  1797,  mort  près  de  Montmorency  en 
mai  1861.  Employé  dans  le  bureau  du  ministère  des  affaires 
étrangères,  il  abandonna,  en  1828,  l'administration  pour 
le  journalisme.  Collaborateur  du  Livre  des  Cent  et  un,  de 
l'Encyclopédie  des  gens  du  monde  et  autres  publications, 
il  a  laissé  :  Essai  historique  sur  Thadee  Kosciusko  (Paris, 
1820,  in-8)  ;  Conjuration  de  quatre-vingt-seize  gentils- 
hommes polonais,  écossais,  suédois  et  français  contre 
le  gouvernement  russe,  etc.  (Paris,  1821,  in-8)  ;  His- 
toire de  France  depuis  1793  jusqu'à  V avènement  de 
Charles  X  (1830,  16  vol.  in-18)  ;  Histoire  de  la  Révo- 
lution de  Juillet  1830  (1830-1831,  4  vol.  in-18);  His- 
toire de  Pologne  (1831-1832,  3  vol.  in-18);  Précis  histo- 
rique sur  le  duc  de  Reichstadt  (1832,  in-18).  Il  a  rédigé 
le  Mémorial  de  Sainte-Hélène  du  comte  Las  Cases,  pris 
part  aux  romans  de  la  comtesse  Mole,  etc. 

FAYOT1ER  (Bot.)(V.  Agatï). 

FAYOUM.  Province  de  la  Moyenne-Egypte.  Le  Fayoum 
occupe,  à  l'O.  de  la  vallée  du  Nil,  le  vaste  bassin  ellip- 
tique où  vient,  après  avoir  franchi  la  chaîne  libyque,  au 
seuil  d'El-Lahoun,  se  jeter  le  bras  occidental  du  Nil  appelé 
Bahr  Youssef.  Nous  avons  donné  au  mot  Egypte  la  des- 
cription physique  de  ce  bassin,  ainsi  que  sa  superficie. 
Ajoutons,  pour  compléter  ces  renseignements,  que  les 
deux  contreforts  entre  lesquels  s'engage  le  Bahr  Youssef 
portent  les  noms  de  Sidimant  et  de  Gisr  el-Gadala,  et  que 
l'assise  d'El-Lahoun  qui  les  relie  s'élève  à  10  m.  au-dessus 
du  niveau  des  terres  de  la  vallée  les  plus  rapprochées.  Du 
seuil  d'El-Lahoun  au  Taksim  el-Miah,  bassin  de  répartition 
des  eaux  d'où  partent  les  canaux  de  distribution,  il  n'y  a 
pas  moins  de  19  kil.  Le  Bahr  Youssef  court  d'abord  à 
l'O.  dans  une  vallée  de  1,500  m.  jusqu'à  Awarat-el- 
Makta,  à  8  kil.  d'El-Lahoun  —  en  ce  point  une  digue  em- 
pêche ses  eaux  de  se  jeter  dans  le  Bahr  bela-Mâ, — puis  une 


95  - 


FAYOUM  —  FAYPOULT 


fois  entré  dans  la  plaine  se  dirige  vers  le  N.,  non  sans  dé- 
river de  chaque  côté  d'importantes  ramifications,  lesquelles 
coulent  au  pied  de  la  ceinture  montagneuse,  arrosant  ainsi 
le  pourtour  du  Fayoum,  pendant  que  les  dérivations  du 
Taksim  rayonnent  sur  toute  la  région  centrale.  Afin  de 
régler  les  recettes  d'eau,  dit  M.  Chélu  (le  Nil,  le  Soudan, 
V Egypte,  p.  382),  le  seuil  d'El-Lahoun  fut  complété  par 
un  double  barrage.  Celui  d'amont  a  subi,  à  diverses  époques, 
de  graves  dommages  qui  ont  nécessité  le  renforcement  par 
des  enrochements  de  celui  d'aval,  lequel  supporte  mainte- 
nant la  plus  forte  poussée  des  eaux.  Au  delà  du  seuil,  on 
rencontre  plusieurs  grands  ouvrages  de  construction  an- 
cienne comme  celle  des  barrages  précédents.  Le  premier, 
sur  la  rive  droite,  sert  à  la  fois  de  régulateur  à  la  prise 
du  Bahr  Sélah  et  de  berge  aux  eaux  du  Bahr  Youssouf, 
au-dessus  du  Bahr  bela-Ma,  c'est  la  digue  d'Awarat-el- 
Makta.  Le  second,  plus  à  l'O.  et  sur  la  rive  droite,  clôtu- 
rait à  Minieh-el-Haït  (village  de  la  Muraille)  le  plus  grand 
bassin  d'inondation  du  Fayoum,  régularisait  les  recettes 
d'eau  du  Bahr  Nazleh  et,  passant  en  aqueduc  au-dessus  de 
ce  dernier,  il  alimentait  le  canal  Abou-Nour. 

Nous  avons  dit  que  le  sol  du  Fayoum  s'étageait  trois 
fois  de  l'O.  à  l'E.  Le  premier  plateau  finit,  à  l'O.,  à  Me- 
dineh  avec  une  pente  kilométrique  de  0m60  ;  le  second  va 
jusqu'à  Senhourès  avec  une  pente  de  0m95.  De  ce  point 
jusqu'au  Birket  Keroun,  la  pente  s'accentue  brusque- 
ment et  atteint  près  de  7  m.  par  kil.  Primitivement,  le 
Fayoum  était  inondé  par  le  système  des  bassins  (V.  Egypte, 
§  Irrigation) ,  depuis  le  creusement  du  canal  Ibrahimieh  qui 
permet  de  tenir  en  eau  le  Bahr  Youssef  toute  l'année,  le 
Fayoum,  à  l'exception  du  bassin  d'El-Toyour  (8,000  fed- 
dans)  est  irrigué  par  le  mode  dit  séfi.  On  trouvera  au  mot 
Egypte  (§  Inondation  par  canaux)  le  chiffre  du  débit  du 
Bahr  Youssef  au  moyen  des  canaux  qui  rayonnent  du 
Taksim  el-Miah.  Si  la  quantité  des  eaux  ainsi  distribuées 
suffit  très  largement  aux  nécessités  agricoles  de  la  province, 
il  n'en  est  pas  de  même  de  leur  qualité.  «  Passant  par 
l'Ibrahimieh,  dit  M.  Chélu,  les  eaux  du  Bahr  Youssef  s'y 
dépouillent  partiellement  de  leur  limon  ;  celles  qu'il  reçoit 
des  bassins  d'inondation  du  N.  d'Assiout  et  de  Minieh  ont 
séjourné  pendant  près  de  deux  mois  dans  les  hods  où  elles 
se  sont  clarifiées  ;  les  infiltrations  de  l'Ibrahimieh  et  les 
egouttements  des  cultures  séfi  de  la  Moyenne-Egypte  n'ont 
pas  jusqu'à  présent  d'autre  colateur  que  son  lit.  Même  dans 
les  périodes  les  plus  favorables,  par  suite  de  son  long  par- 
cours et  de  son  faible  courant,  ses  eaux  se  décantent  avant 
d'avoir  franchi  le  seuil  d'El-Lahoun,  de  sorte  que  les  nom- 
breuses dérivations  ne  fournissent  aux  terres  de  la  province 
que  des  eaux  de  qualité  inférieure.  »  L'irrigation  y  est  dite 
malak,  nous  apprend  le  même  auteur,  lorsqu'elle  couvre 
une  superficie  égale  à  celle  de  l'inondation  et  cela  en  tout 
temps  de  l'année  ;  rawaleb,  lorsqu'elle  dessert  des  cultures 
de  rotation  (irrigation  séfi  proprement  dite)  ;  miskawieh, 
lorsqu'elle  donne  les  quantités  d'eau  suffisantes  à  la  con- 
sommation. Pour  l'étendue  des  cultures,  V.  le  passage  sus- 
mentionné de  notre  art.  Egypte.  Le  Fayoum  produit  le 
blé,  les  fèves,  le  maïs,  l'orge,  le  riz,  la  canne  à  sucre  et 
le  coton.  On  y  cultive  aussi  le  rosier  et  la  vigne.  Ses  prin- 
cipales industries  sont  l'égrenage  du  coton,  le  décorticage 
du  riz,  le  pressage  de  l'huile,  la  vannerie  et  la  sparterie, 
la  distillation  des  roses. 

La  population  du  Fayoum  dépasse  200,000  hab.(228,709, 
recensement  de  1882)  répartis  dans  plus  de  quarante  villes 
ou  villages.  Le  chef-lieu  de  la  province  est  Medinet-el- 
Fayoum,  ville  de  plus  de  25,000  hab.  située  sur  le  Bahr 
Youssef,  à  17  kil.  de  la  prise  d'eau  d'El-Lahoun.  On  y 
remarque  un  long  bazar  couvert,  de  beaux  jardins  et 
quelques  mosquées  dont  la  plus  intéressante  est  celle  du 
sultan  Kaït  Bey.  Medinet-el-Fayoum  est  à  la  fois  le  grand 
marché  et  l'entrepôt  de  la  contrée.  C'est  là  que  le  voya- 
geur pourra  admirer  les  roses  si  vantées  du  Fayoum.  Après 
medinet,  les  localités  les  plus  importantes  sont  Sannourès, 
Tobhar,  Sanhour,  Biahmou,  Begig  ou  Ebgig,  El-Manacheh, 


Abou-Dongach,  Abouqiss,  qui  a  une  usine  à  sucre,  et 
Nesleh. 

Le  Fayoum  forma  primitivement  le  nome  de  Shodou, 
puis  plus  tard  le  nome  Arsinoïtes,  du  nom  d'Arsinoé,  la 
femme  de  Ptolémée  Philadelphe.  Son  ancienne  capitale, 
dont  nous  ne  connaissons  que  le  nom  grec  Crocodilopolis, 
prit  alors  le  nom  d'Arsinoé.  Il  semble  que  ce  soit  à  partir 
de  cette  époque  que  l'élément  indigène  de  sa  population 
rurale,  ne  pouvant  s'habituer  à  cette  nouvelle  désignation, 
lui  donna  celui  de  Pîom  (le  pays  de  l'eau),  qui  nous  a  été 
conservé  par  les  Arabes.  A  quelle  époque  remontent  les 
premiers  travaux  de  canalisation  qui,  en  permettant  au  Nil 
de  franchir  le  seuil  d'El-Lahoun,  fertilisèrent  cette  région 
perdue  pour  l'agriculture  ?  Peut-être  sous  le  règne  de 
Mena,  auquel  la  tradition  attribuait  la  création  de  la  digue 
de  Kocheicha,  laquelle,  en  réglant  le  débit  des  deux  bras 
du  fleuve  en  aval  de  la  prise  d'El-Lahoun,  devait  forcément 
élever  les  eaux  au  niveau  voulu  pour  permettre  l'inonda- 
tion de  cette  oasis.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  pharaon  qui 
s'appliqua  le  plus  particulièrement  à  cette  œuvre  grandiose, 
ce  fut  Amenemhat  III  (XIIe  dyn.).  C'est  à  ce  roi  qu'il  con- 
vient de  reporter  tous  les  bienfaits  que  les  Grecs  attribuè- 
rent au  légendaire  Mœris.  Le  Fayoum  se  partageant  avec 
le  Delta  le  fâcheux  privilège  de  cacher,  sous  les  alluvions, 
les  débris  de  constructions  plus  éprouvées  que  dans  tout 
le  reste  de  l'Egypte,  il  faudra  se  livrer  à  des  fouilles  mé- 
thodiques pour  faire  sortir  de  terre  l'histoire  de  cette  région 
qui  avait  tant  émerveillé  les  Grecs.  Ce  qu'il  nous  est  per- 
mis d'entrevoir,  c'est  que  le  Fayoum  ne  fut  pas  négligé  au 
temps  des  Bubastites,  et  que  Crocodilopolis,  agrandie  par 
Osorkon  Ier,  devint,  ainsi  que  nous  l'apprend  la  stèle  de 
Piankhi,  la  ville  d'Osorkon.  Si  nous  en  croyons  les 
Grecs,  le  Labyrinthe  (V.  ce  mot)  était  employé,  sous  la 
XXVIe  dynastie,  comme  lieu  d'assemblée  par  les  grands 
vassaux  des  princes  de  Sais.  Actuellement,  les  seuls  restes 
antiques  qui  puissent  être  interrogés  par  les  archéologues 
sont  les  suivants  :  Mit-Farès  (anc.  Crocodilopolis),  ruines 
d'époques  romaine  et  chrétienne,  mine  de  papyrus  grecs 
et  démotiques.  C'est  là  que  Mariette  trouva  la  partie  supé- 
rieure d'une  statue  colossale  présentant  tous  les  caractères 
des  monuments  hycsos  ;  Medinet-el-Fayoum  (à  2  kil.), 
restes  d'un  grand  temple  avec  représentations  d'Amene- 
mhat  Ier  et  de  Bamsès  II  ;  Begig,  obélisque  de  granit  au 
nom  d'Ousirtasen  Ier  ;  Biahmou,  restes  de  deux  pyra- 
mides (celles  qu'on  a  identifiées  avec  les  pyramides  du  lac 
Mœris)  ;  El-Lahoun,  restes  d'une  pyramide  ;  Awarat-el- 
Makta,  pyramide  dont  Flinder-Petrie  a  découvert  l'entrée 
et  dans  laquelle  il  a  trouvé,  outre  deux  sarcophages  vides 
et  sans  inscription,  un  fragment  de  vase  d'albâtre  au  nom 
d'Amenemhat  III  ;  ruines  de  palais  ou  de  ville  (en  brique 
crue)  dans  lesquelles  Lepsius  a  relevé  le  nom  d'Amene- 
mhat III,  de  Makherourâ  (Amenemhat  IV)  et  de  la  reine 
Sewekneferou,  tous  ces  noms  appartenant  à  la  XIIe  dynas- 
tie. Ce  sont  ces  ruines  qui  ont  été  identifiées  par  Lepsius 
avec  le  Labyrinthe  (V.  ce  mot).  Birket-Keroun,  ruines 
au  S.-E.  de  ce  lac,  à  El-Hammami,  et  au  Kasr-Keroun  (Dio- 
nysias?),  époque  romaine.  Kasr-el-Brint,  débris  de  cons- 
tructions en  briques  crues  ;  Kharab-el-Yahoud  (id.).  Les 
dernières  fouilles  au  Fayoum  ont  surtout  mis  au  jour  des 
objets  de  basse  époque  romaine  (sarcophages),  des  terres 
cuites  et  des  bronzes  grecs  de  l'époque  alexandrine  ;  enfin 
de  la  céramique  de  style  mycénien.  G.  Bénédite. 

FAYPOULT  (Guillaume-Charles), chevalier  de  Maison- 
celle,  diplomate  et  administrateur  français,  né  en  Cham- 
pagne en  1752,  mort  à  Paris  en  oct.  4817.  Ancien  élève 
de  l'Ecole  du  génie  de  Mézières ,  il  quitta  le  service  mili- 
taire comme  capitaine  en  1780,  se  livra  pendant  plusieurs 
années  à  l'étude  approfondie  des  sciences,  adopta  les  prin- 
cipes de  la  Révolution  en  1789  et  entra  au  ministère  de 
l'intérieur,  où  il  fut  chef  de  division  sous  Roland  (1792) 
et  secrétaire  général  sous  Garât  (1792-1793).  Obligé, 
comme  ex-noble,  de  quitter  Paris,  il  y  reparut  après  la 
Terreur,  fut  appelé  au  ministère  des  finances  par  le  Direc- 


FAYPOULT  —  FAZY 


—  96  - 


toire  (oct.  4795),  puis  alla  représenter  la  République 
française  à  Gênes  (avril  4796),  où  il  sut  déjouer  avec 
beaucoup  de  fermeté  les  intrigues  de  rémigration,  de  l'Au- 
triche et  de  l'Angleterre,  et,  de  concert  avec  Bonaparte, 
renversa  le  gouvernement  oligarchique  en  4797.  Un  peu 
plus  tard,  il  alla  organiser  la  République  romaine  (avril 
5  798),  seconder  l'ambassadeur  Trouvé  auprès  de  la  Répu- 
blique cisalpine  (août-nov.)  et  fut  pendant  quelques  mois 
commissaire  du  Directoire  auprès  de  la  République  par- 
thénopéenne  à  Naples,  d'où  il  fut  rappelé  en  mai  i  799  par 
suite  de  ses  démêlés  avec  les  généraux  Championnet  et 
Bonamy .  Tenu  quelque  temps  en  disgrâce,  il  fut,  à  la  suite  du 
48  brumaire,  appelé  à  la  préfecture  du  dép.  de  l'Escaut  et, 
après  plus  de  huit  années  de  sage  administration,  fut  des- 
titué en  4808  pour  n'avoir  pas  su  prévenir  une  inondation 
désastreuse.  Un  essai  malheureux  dans  l'industrie  le  déter- 
mina en  1809  à  accepter  les  offres  du  roi  Joseph,  qui  lui 
confia  en  Espagne  le  portefeuille  de  le  guerre,  puis  celui 
des  finances.  Après  Vittoria  (4843),  Faypoult,  de  retour 
en  France,  fut  chargé  par  Napoléon  d'une  mission  auprès 
de  Murât,  demeura  sans  emploi  pendant  la  première  Res- 
tauration, fut,  pendant  les  Cent-Jours,  préfet  de  Saône- 
et-Loire,  défendit  Mâcon  contre  les  Autrichiens  après 
Waterloo,  alla  vivre  quelque  temps  à  Gand,  où  il  fut  bien 
reçu,  et  rentra  à  Paris  en  4816.  A.  Debidour. 

FAYS.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Troyes,  cant. 
deBouilly;  479  hab. 

FAYS.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  et  cant. 
de  Wassy;  447  hab. 

FAYS.*  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  d'Epinal,  cant. 
de  Bruyères;  256  hab. 

FAYSSAC.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  et  cant.  de 
Gaillac;  330  hab. 

FAYT  (Le  Grand-).  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant. 
d'Avesnes;  563  hab. 

FAYT  (Le  Petit-).  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant. 
d'Avesnes;  355  hab. 

FAYTHORNE  (William)  (V.  Faithorne). 

FAZAKERLEY  (Nicholas),  jurisconsulte  et  homme  poli- 
tique anglais,  mort  en  4767.  Il  s'acquit  une  grande  répu- 
tation comme  avocat  dans  les  procès  politiques,  comme 
celui  du  libraire  Richard  Francklin  (1734),  poursuivi  pour 
avoir  publié  dans  le  Craftsman  la  fameuse  «  Lettre  de 
La  Haye  »  attribuée  à  lord  Bolingbroke.  De  4732  jusqu'à 
sa  mort,  il  représenta  au  Parlement  le  bourg  de  Preston  ; 
il  appartenait  au  parti  tory  et  ne  tarda  pas  à  s'y  faire 
remarquer  par  la  logique  de  son  argumentation  et  par  son 
énergie  dans  toutes  les  discussions  où  il  intervenait.  La 
ville  de  Preston  lui  avait  aussi  conféré  les  fonctions  de 
recorder,  ou  conseil  légal.  B.-H.  G. 

FAZIO  ou  FACIO  ou  FATIO  (Bartolomeo),  en  latin 
Facius,  historien  italien,  né  à  La  Spezia,  près  de  Gênes, 
vers  4400,  mort  en  4457.  Il  résida  presque  toute  sa  vie  à 
Naples,  où  il  rédigea  les  ouvrages  suivants,  qui  passent 
pour  assez  impartiaux  et  d'une  très  élégante  latinité  :  De 
Bello  Veneto  Clodiano  liber  (Lyon,  4558);  De  Humanœ 
Vitœ  felicitate  seu  summi  boni  fruitione  liber  (Anvers, 
4556);  De  Rébus  gestis  ab  Alphonso  primo  Neapoli- 
tanorum  rege  commentariorum  libri  decem  (Lyon, 
4560);  Ad  Carolum  Vintimilium  de  Origine  belli  inter 
Gallos  et  Britannos  (dans  la  Bibliothèque  de  Chaccon); 
De  Viris  œvi  sui  illustribus  liber  (Florence,  4745),  re- 
cueil d'importantes  notices  sur  des  personnages  du  xve  siècle  ; 
Arriani  Nicomediensis  novi  Xenophontis  appellati  de 
rébus  gestis  Alexandri  Magni  libri  octo,  B.  Faccio 
interprète  (Pise,  4508);  enfin  un  traité  fort  rare  :  De 
Differentiis  Verborurn  latinorum  (Rome,  4494).    R.  G. 

Bibl.:  Abbé  Méhus,  Vita  di  B.  Fazio{en  tête  de  l'édition 
de  Florence  du  De  Viris  œvi  sui  illustribus  liber).  —  Voigt, 
Die  Wiederbelebung  des  classischen  Alterthums. 

FAZIO  (Eugenio),  écrivain  scientifique  italien,  né  a 
Carpinone  en  4849.  Il  est  professeur  d'hygiène  à  l'univer- 
sité de  Naples.  Parmi  ses  publications  :  La  Donna,  studii 


di  fisiologia  ed  antropologia  (Naples,  4870);  UUomo 
nel  suo  passato,  présente  ed  avvenire  (Naples,  4874)  ; 
Gli  Idealisti  ed  i  Materialisti  avanii  la  critica  (Naples, 
4874);  VVbbriachezza  e  le  sue  forme  (Naples,  4875); 
Il  Tatuaggio  (Salerne,/1876);  Le  Trasmissioni  ereditarie 
(Milan,  4879);  Storia  e  progressi  délia  psichiatria 
(Naples,  4879),  etc. 

FAZOKL  (Dàr).  Pays  de  la  Nubie,  au  S.  du  Sennaar, 
à  l'O.  de  l'Abyssinie,  sur  le  cours  moyen  du  Bahr  el-Azrak 
(ou  Nil  bleu)  et  sur  celui  de  son  affluent  le  Tumat.  Entre 
les  deux  rivières  s'élève  à  840  m.  le  mont  Fazokl,  comme 
un  promontoire  isolé.  Au  pied  est  le  village  de  Fazokl, 
ancien  centre  du  pays  et  résidence  de  ses  princes.  Le  chef- 
lieu  actuel  est  le  bourg  fortifié  de  Famaka,  à  droite  aja 
Nil  bleu.  Le  pays  montagneux  et  boisé,  sillonné  de  torrents, 
a  les  mêmes  productions  que  le  Sennaar,  gomme,  miel, 
séné,  ivoire,  etc.  La  population  est  formée  de  Foundji,  au 
nombre  d'environ  500,000;  les  chefs  sont  musulmans.  Le 
Fazokl  a  été  conquis  par  les  Egyptiens  en  4821. 

FAZY  (Jean-Jacob,  dit  James),  publiciste  et  homme 
politique  suisse,  né  à  Genève  le  42  mai  4796,  mort  à 
Genève  le  6  nov.  4878.  D'une  famille  du  Dauphiné  réfu- 
giée pour  cause  de  religion,  il  assiste  à  Paris  à  l'entrée 
des  alliés  en  4844,  se  lance  dans  l'économie  politique, 
publie  une  brochure  sur  le  privilège  de  la  Banque  de 
France  et  d'autres  volumes  qui  lui  valurent  l'éloge  de 
J.-B.  Say.  Il  s'affilie  alors  au  carbonarisme.  En  4826, 
nous  le  retrouvons  dans  sa  ville  natale  où  il  fonde  le  Jour- 
nal de  Genève,  qu'il  abandonne  bientôt  et  qui  devint  plus 
tard  son  ennemi  le  plus  acharné.  Fazy  est  de  nouveau  à 
Paris  vers  la  fin  du  règne  de  Charles  X  ;  il  est  rédacteur 
à  la  France  chrétienne,  au  Mouvement,  à  la  Révolu- 
tion :  c'est  comme  rédacteur  de  ce  dernier  journal  qu'il 
signe  la  protestation  des  journalistes  qui  eut  des  consé- 
quences funestes  pour  le  gouvernement  de  la  Restauration. 
Ses  articles  trop  bouillants  en  faveur  de  la  souveraineté 
populaire  le  brouillèrent  vite  avec  le  gouvernement  de  Juillet. 
Plusieurs  fois  condamné,  il  se  décida  en  4837  à  se  fixer 
définitivement  à  Genève  où  il  s'occupa  de  littérature, 
publia  un  roman  historique,  Jean  d'Ivoire  au  bras  de 
fer,  la  première  partie  d'un  Récit  d'histoire  de  Genève, 
un  journal  d'opposition,  la  Revue  de  Genève,  etc.  —  Fazy 
fut  le  principal  promoteur  de  la  révolution  genevoise  du 
7  oct.  4846  qui  renversa  le  gouvernement  conservateur  et 
le  remplaça  par  le  régime  radical.  Il  fut  chef  du  nouveau 
gouvernement  de  4847  à  4853  et  de  4855  à  4864  et, 
pendant  toute  cette  période  jusqu'en  1864  à  la  chute  du 
régime  radical,  l'histoire  politique  de  Fazy  n'est  autre 
que  celle  de  son  canton.  Les  détails  de  cette  histoire  nous 
entraîneraient  trop  loin  (V.  à  ce  sujet  James  Fazy,  sa  vie 
et  son  œuvre,  par  Henri  Fazy  ;  Genève,  4887).  Disons 
seulement  que  Genève,  débarrassée  par  lui  de  son  enceinte 
fortifiée,  lui  doit  sa  transformation  en  ville  moderne.  — 
Dans  le  domaine  fédéral,  la  carrière  de  Fazy  a  aussi  été 
importante  à  l'époque  du  Sonderbund  :  comme  député  à  la 
Diète,  il  a  beaucoup  coopéré  à  la  rédaction  de  la  constitu- 
tion fédérale  de  4848  ;  il  soutint  vigoureusement  le  prin- 
cipe, encore  appliqué  aujourd'hui,  des  deux  Chambres 
(conseil  national  et  conseil  des  Etats).  —  Les  dernières 
années  de  Fazy  sont  tristes  ;  successivement  évincé  de  tous 
les  conseils,  ayant  perdu  toute  sa  fortune  et  n'ayant  plus 
pour  vivre  que  son  maigre  traitement  de  professeur  de  droit 
constitutionnel,  son  influence  même  finit  par  devenir  nulle 
lorsque,  les  questions  confessionnelle  sayant  pris  le  dessus, 
ses  anciens  alliés  les  catholiques  furent  rejetés  parmi  les 
adversaires  du  radicalisme.  Il  mourut  triste  et  isolé;  mais, 
en  reconnaissance  de  son  passé,  on  lui  fit  des  funérailles 
solennelles  aux  frais  de  l'Etat.  Polémiste  brillant,  orateur 
écouté,  individualité  forte  et  puissante,  James  Fazy,  dont  la 
vie  accidentée,  alternativement  brillante  et  misérable,  mé- 
riterait une  étude  détaillée,  a  été  décrit  en  quelques  lignes 
par  Marc  Monnier.  C'était,  a-t-il  dit,  un  «  tribun  gentilhomme 
qui  était  le  maître  du  peuple  et  qui  vivait  en  patricien, 


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FAZY  —  FÉAUTÉ 


dépensant  sa  vie  et  son  argent  comme  sa  pensée  et  sa  doc- 
trine avec  une  prodigalité  de  grand  seigneur...  beau  joueur 
quand  il  avait  beau  jeu  et,  même  à  la  fin  de  sa  vie,  quand 
il  eut  tout  perdu,  plus  jeune  et  plus  vert  d'esprit,  plus 
confiant  en  lui-même  et  en  son  œuvre  que  ses  vainqueurs 
devenus  maîtres  absolus  de  Genève  ».  E.  Kuhne. 

FAZY  (Henri),  historien  suisse,  né  à  Berne  le  31  janv. 
1842,  petit-cousin  du  précédent.  Venu  fort  jeune  à  Genève 
dont  sa  famille  était  originaire,  il  entra  dans  l'enseigne- 
ment, puis  dans  la  politique,  devint  député  au  grand  con- 
seil et  enfin  conseiller  d'Etat.  Depuis  1885,  il  est  directeur 
des  archives  de  Genève.  Il  s'est  occupé  tout  spécialement 
de  l'histoire  de  cette  ville  :  Genève  sous  la  domination 
romaine  (1868);  la  Saint -Barthélémy  et  Genève; 
Genève,  le  parti  huguenot  et  le  traité  de  Soleure  (1883)  ; 
Procédures  et  documents  du  xvie  siècle  (1886)  ;  James 
Fœzy,  sa  vie  et  son  œuvre  (1887)  ;  la  Constitution  de 
Genève  (1890),  etc.  E.  K. 

FEA  (Carlo),  archéologue  italien,  né  à  Pigna  (Piémont) 
le  2  févr.  1753,  mort  à  Rome  le  18  mars  1834.  Après 
être  entré  dans  les  ordres,  il  s'adonna  à  l'étude  de  l'anti- 
quité et  édita  une  traduction  de  V Histoire  de  l'art  de 
Winckelmann  (Rome,  1783  et  1786).  Il  était  biblio- 
thécaire du  prince  Chigi,  membre  de  l'Académie  romaine 
d'archéologie  et  de  celle  des  Arcadi.  Il  a  publié  de  nom- 
breux travaux  :  Miscellanea  filologico-critica  ed  anti- 
quaria  (Rome,  1790  et  1835)  ;  Llnlegrità  del  Panteone 
di  Marco  Agrippa  (Rome,  1801)  ;  Relazione  d'un  viaggio 
ad  Ostia  ed  alla  villa  di  Plinio  (1802)  ;  une  excellente 
édition  des  œuvres  d'Horace  (Rome,  1811)  ;  Délia  Statua 
di  Pompeio  Magno  del  palazzo  Spada  (Rome, M 81 2)  ; 
Iscrizionidi  monumenti pubblichi  trovate  nelVattuali 
escavazioni  (Rome,  1813);  Descrizione  di  Roma  e  dei 
contorni,  con  vedute  (Rome,  1822;  Milan,  1824),  etc. 

J.-A.  Bl. 

FEAR  River  (Cape)  (V.  Cape  Fear). 

FEARN  ou  HUNTER.  Ile  isolée  de  l'océan  Pacifique,  au 
S.  de  la  Polynésie,  par  169° 40'  long.  E.  et22°30/lat.S., 
à  528  kil.  E.  de  la  Nouvelle-Calédonie  et  780  kil.  E.  de 
la  petite  île  Matthew  (V.  ce  mot).  C'est  un  cône  volca- 
nique de  plus  de  300  m.  de  haut.  Elle  fut  découverte  en 
1 793  par  le  capitaine  Fearn,  montant  le  navire  le  Hunter. 

FEARN  (John),  écrivain  anglais,  né  en  1768,  mort  à 
Chelsea  le  3  déc.  1837.  Il  servit  quelque  temps  dans  la 
marine.  Il  a  écrit  une  série  d'ouvrages  philosophiques  dont 
le  retentissement  n'a  pas  été  considérable.  Nous  citerons  : 
An  Essay  on  Consciousness  (Londres,  1810,  in-4);  A 
Review  of  First  Principles  of  Berkeley,  Reid  and 
Stewart  (1813,  in-4)  ;  An  Essay  on  Immortality  (1814, 
in -8);  A  Démonstration  of  JSecessary  Connection 
(1815,  in-4)  ;  First  Lines  of  the  Human  Mind  (1820, 
in-8)  ;  A  Manual  ofthe  Physiology  ofMind  (1829,  in-8)  ; 
The  Human  Sensorium  investigated  as  to  Figure  (1832, 
in-8),  etc. 

FEARN  E  (Charles),  jurisconsulte  anglais,  né  en  1742, 
mort  en  1794,  fils  du  magistrat  qui  présidait  le  tribunal 
où  fut  jugé  l'amiral  Byng.  Son  esprit  était  plus  porté  vers 
les  inventions  industrielles  que  vers  le  droit;  mais,  y  ayant 
tout  d'abord  dépensé  beaucoup  d'argent  sans  résultats  appré- 
ciables, il  résolut  de  n'y  chercher  désormais  qu'une  dis- 
traction dans  ses  heures  de  loisir  et  se  consacra  tout  entier 
à  sa  profession,  où  il  acquit  une  grande  réputation,  et,  par 
suite,  une  clientèle  considérable.  Il  n'en  était  pas  moins 
réduit,  par  ses  habitudes  d'imprévoyance  et  de  prodigalité, 
à  un  état  voisin  de  l'indigence  lorsqu'il  mourut.  Fearne  a 
laissé  des  ouvrages  de  jurisprudence  qui  ont  encore  de  la 
valeur,  et  parmi  lesquels  il  faut  citer  :  A  Historical  legi- 
graphical  Chart  of  Landed  Property  in  England{\  769) 
et  An  Essay  on  the  Learning  of  Contingent  Remain- 
ders  and  Executory  Devises  (1772),  livre  qui  a  eu  beau- 
coup d'éditions  et  qui  est  resté  classique.  Les  œuvres  pos- 
thumes de  Charles  Fearne  ont  été  publiées  par  les  soins  de 
Thomas-Mitchell  Shadwell,  en  1797.  B.-H.  G. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII- 


FEARN LEY  (Thomas),  paysagiste  norvégien,  né  à  Fre- 
derikshald  le  27  déc.  1802,mortàMunichlel6janv.  1842. 
Destiné  d'abord  à  l'état  militaire,  puis  au  commerce,  il  entra, 
à  dix-neuf  ans,  à  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Christiania,  d'où 
il  passa  à  l'Académie  de  Copenhague.  Une  Vue  de  cette  der- 
nière ville  lui  ayant  valu  la  faveur  d'Oscar  de  Suède,  il 
alla  à  Stockholm  où  il  resta  six  années.  De  là  il  se  rendit 
à  Dresde,  où  il  profita  de  l'enseignement  de  Dahl,  puis  à 
Munich,  où  ses  scènes  de  la  nature  du  Septentrion  (Ma- 
rumelf,  Glacier  de  Justedal,  etc.)  attirèrent  vivement 
l'attention.  Le  reste  de  sa  vie  s'écoula  en  voyages  artis- 
tiques, à  Rome,  à  Naples,  en  Sicile  (1832),  en  Suisse 
(1835),  où  il  s'occupa  de  l'étude  des  glaciers,  à  Paris, 
en  Hollande,  en  Angleterre,  en  Norvège.  Ses  œuvres 
principales  (Cime  du  Romsdal,  Cascade  près  oVun 
moulin  à  scie,  Vues  des  Vindhellen,  de  Gudwangen, 
de  Castellammare,  de  Sorrente,  etc.)  qui  se  trouvent  à 
Stockholm,  à  Saint-Pétersbourg,  à  Ratisbonne  (chez  le 
prince  de  Tour-et- Taxis),  chez  les  comtes  d'Arco,  décèlent 
une  conception  originale,  jointe  à  un  profond  sentiment  de 
la  vérité  et  à  un  coloris  plein  d'expression  et  d'harmonie. 

FEARN  LEY  (Carl-Frederik) ,  astronome  norvégien,  frère 
du  précédent,  né  à  Frederikshald  le  19  déc.  1818,  mort 
en  août  1890.  Après  avoir  visité  les  principaux  observa- 
toires de  l'Europe  (1849-52),  suppléé  Hansteen  (1856)  et 
refusé  la  chaire  d'astronomie  à  Copenhague  (1857),  il  fut 
nommé  lecteur  (1857),  puis  professeur  d'astronomie  (1865), 
à  l'université  de  Christiania.  Il  observa  en  Espagne  l'éclipsé 
solaire  du  18  juil.  1860  et,  lors  de  son  décès,  il  travaillait 
avec  Geelmuyden  à  déterminer  la  différence  de  longitude 
entre  Hammerfest  et  Christiania.  Il  rédigea  VAlmanach  à 
partir  de  1863  et  publia  :  Beschreibung  und  Lage  der 
Universitœts  Sternwarte  in  Christiania,  avec  Hansteen 
(1849)  ;  DieBasis  auf  Egeberg  bei  Christiania  und  die 
Basis  auf  Rindenleret  bei  Levanger  1882)  ;  Zur  Théo- 
rie  der  terrestrischen  Refraction  (1884);  Zonebeobach- 
tungen  der  Sterne  zwischen  64°ô0  und  70°10'  N. 
Deklination  avec  Geelmuyden  (1888);  et  un  grand 
nombre  de  mémoires  dans  des  recueils  norvégiens  et  alle- 
mands. B-s. 

FÉAS.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  d'Oloron- 
Sainte-Marie,  cant.  d'Aramits  ;  479  hab. 

FEATHER  River  (ou  Plumas).  Rivière  des  Etats-Unis, 
Etat  de  Californie.  Elle  prend  sa  source  dans  la  sierra 
Nevada,  au  N.-E.  de  l'Etat,  près  du  mont  Lassen,  coule 
du  N.-E.  au  S.-O,  reçoit  sur  sa  rive  gauche  le  Yuba, 
arrose  à  son  confluent  avec  cette  rivière  les  villes  de  Marys- 
ville  et  Yuba  City  et  se  réunit  un  peu  plus  loin  au  Sacra- 
mento.  Comme  toutes  les  rivières  de  la  vallée  du  Sacra- 
mento,  la  Feather  River,  dont  les  graviers  et  les  sables 
charriaient  de  l'or,  eut  son  heure  de  célébrité  au  moment 
de  la  fièvre  qui  porta  les  mineurs  en  foule  dans  cette  région. 

FEÂTHERST0N  (Isaac,  comte),  homme  d'Elat  de  la 
Nouvelle-Zélande,  né  dans  le  comté  de  Durham  le  21  mars 
1813,  mort  le  19  juin  1876.  Après  des  études  de  médecine 
à  l'université  d'Edimbourg,  il  émigra  en  1840  à  la  Nouvelle- 
Zélande  où  il  s'établit  à  Wellington.  Il  se  fit  l'avocat  des 
colons,  fonda  la  Settlers  Constitutional  Association  (1849), 
lutta  énergiquement  pour  obtenir  l'octroi  d'une  constitution 
et  lorsqu'elle  fut  octroyée  (1853)  fut  élu  surintendant  de 
la  province  de  Wellington.  Il  fit  aussi  partie  de  l'assemblée 
générale  où  il  représenta  Wanganui,  puis  Wellington.  11 
s'y  signala  comme  le  défenseur  des  Maoris  et  par  son 
influence  réussit  à  empêcher  les  indigènes  de  la  province 
de  Wellington  de  se  joindre  à  l'insurrection  de  1863.  Il 
prit  encore  une  part  importante  à  l'établissement  et  au 
développement  de  la  navigation  à  vapeur  entre  l'Australie 
et  la  Nouvelle-Zélande.  En  1871 ,  il  fut  nommé  agent  général 
pour  la  Nouvelle-Zélande,  charge  qu'il  conserva  jusqu'à  sa 
mort. 

FÉAUTÉ  (Ane.  dr.).  On  appelait  féauté,  dans  le  duché 
de  Lorraine,  un  tribunal  qui  statuait  sur  les  contestations 
entre  voisins,  relativement  à  la  propriété  foncière,  aux 


FÉAUTÉ  —  FEBVRE 


-  98 


limites  des  héritages  et  à  l'abornement  des  chemins.  La 
féauté  était  une  juridiction  organisée  par  paroisse  et  indé- 
pendante des  juridictions  ducales,  seigneuriales  et  munici- 
pales ;  tous  les  paroissiens,  qu'ils  fussent  ou  non  les  sujets 
d'un  même  seigneur,  avaient  le  droit  de  rendre  la  justice 
dans  la  circonscription  de  la  paroisse  sur  certaines  ques- 
tions foncières.  Les  féautiers ,  du  latin  fidelis,  étaient 
ceux  qui  professaient  la  même  foi,  et  la  féauté  le  groupe 
d'individus  qui  célébraient  publiquement  le  même  culte 
dans  la  même  église  :  d'où  ce  mot  a  désigné  la  juridiction 
paroissiale  foncière.  La  féauté  se  réunissait,  soit  à  des 
époques  fixes  qui  variaient  d'une  localité  à  l'autre,  soit  sur 
réquisitions  ;  dans  ce  second  cas,  l'annonce  en  était  faite 
par  un  officier  seigneurial  et  par  le  curé  au  prône  du 
dimanche.  Les  défaillants  encouraient  une  amende.  Les 
parties  comparaissaient  volontairement  ou  sur  assignation 
et  débattaient  contradictoirement  leurs  prétentions  devant 
la  féauté.  A  l'origine,  l'assemblée  entière  se  transportait 
sur  les  lieux  litigieux,  conduite  par  divers  personnages, 
échevins,  bailli,  prévôt  ou  curé  ;  plus  tard,  dans  certaines 
localités,  elle  déléguait  des  personnages  qui  visitaient  les 
lieux  litigieux,  recevaient  les  réclamations  des  parties  et 
mettaient  ensuite  la  communauté  au  courant  de  ce  qu'elles 
avaient  vu  et  appris.  Cette  instruction  faite  sur  les  lieux 
avait  fait  donner  à  la  féauté,  dans  le  pays  de  Remiremont, 
la  dénomination  expressive  de  cherche.  L'ensemble  des 
paroissiens  prononçait  la  sentence.  La  féauté  statuait  tantôt 
en  premier,  tantôt  en  dernier  ressort.  La  juridiction  n'était 
gratuite  nulle  part,  et  les  frais  du  procès  étaient  souvent 
assez  élevés.  M.  Ed.  Bonvalot  regarde  la  féauté  lorraine 
comme  un  débris  des  anciennes  institutions  franques  et 
pense  qu'elle  descend  soit  du  tribunal  du  centenier  où  les 
hommes  de  la  centaine  décidaient  en  qualité  de  concilia- 
teurs les  causes  de  minime  importance,  soit  du  tribunal 
arbitral  des  voisins  qui  fonctionnait  à  l'époque  de  Charle- 
magne  chez  les  Saxons  et  les  Espagnols.  G.  R. 

Bibl.  :  Ed.  Bonvalot,  les  Féantés  en  Lorraine,  dans 
Nouvelle  Revue  historique  du  droit  français  et  étranger, 
13°  année,  1889,  p.  235. 

FEBBRAR1  (Giovanni-Battista),  sculpteur  italien,  né  à 
Crémone  vers  1700.  Il  a  exécuté,  en  collaboration  avec  le 
Vénitien  G.-B.  Gasparini,  les  belles  stalles  de  Saint-Do- 
minique de  Crémone.  On  lui  doit  aussi  l'autel  de  bois 
doré  de  l'église  collégiale  de  Saint-Barthélémy,  à  Busseto, 
bourg  du  Parmesan. 

FEBBRARI  (Giuseppe),  sculpteur  sur  bois,  fils  du  pré- 
cédent, né  à  Crémone  en  1725, mort  en  1785.11  eut  pour 
maître  son  père  qu'il  paraît  avoir  surpassé.  Ses  œuvres 
les  plus  prisées  sont  :  sa  statue  de  San  Gaetano  Tiene, 
à  San  Abbondio,  de  Crémone,  ses  quatre  statues  adossées 
aux  piliers  de  l'église  de  Santa  Maria  del  Campo,  près  de  la 
même  ville,  et  son  groupe  de  la  Sainte  Trinité,  dans  l'ora- 
toire de  Saint-Nicolas,  à  Busseto. 

FEBRE  (Valentin),  peintre  et  sculpteur  flamand  (V.  Le- 
fèvre)  . 

FEBRIER(Mosan),  trouvère  catalan  du  xve  siècle,  dont 
il  y  a  quelques  pièces  éparses  dans  les  cancioneros.  On 
sait  par  la  fameuse  lettre  du  marquis  de  Santillane  au 
connétable  Pierre  de  Portugal  qu'il  avait  traduit  Dante. 

FEBRIFUGES  (Thérap.).  On  appelait  ainsi  dans  l'an- 
cienne thérapeutique  tous  les  médicaments  qui  étaient 
aptes  à  combattre  la  fièvre.  Actuellement  cette  dénomina- 
tion est  peu  employée  depuis  que  nos  connaissances  sur  la 
nature  de  la  fièvre  ont  progressé.  Les  fébrifuges  com- 
prennent aujourd'hui  deux  catégories  de  médicaments,  les 
antithermiques,  tels  que  l'antipyrine,  et  les  antipyrétiques 
antiseptiques,  tels  que  la  quinine  et  l'acide  salicylique , 
les  premiers  faisant  tomber  la  fièvre  ou  plutôt  la  tempéra- 
ture par  suite  de  leur  action  sur  le  sang  et  sur  les  centres 
thermiques,  les  seconds  s'adressant  à  la  cause  même  de  la 
fièvre,  à  la  pullulation  des  agents  infectieux  qu'ils  entravent. 
Cette  variété  de  médicaments  est  celle  qui  mérite  le  mieux 
d'être  appelée  fébrifuge,  car  c'est  la  seule  qui  soit  capable 


non  seulement  d'abaisser  la  température,  mais  aussi  d'em- 
pêcher le  retour  des  accès  fébriles.  Comme  fébrifuges 
de  ce  genre,  il  faut  citer  surtout  la  quinine,  l'arsenic, 
l'acide  salicylique,  le  salol.  D1'  Georges  Lemoine. 

FEBRONIAN1SME  (V.  Hontheim). 
FEBRONIUS  (V.  Hontheim). 
FEBRUA.  Fête  romaine  (V.  Fête  et  Février). 
FÉBURIER  (Charles- Aristide),  ingénieur  français,  né  à 
Rennes  le  26  nov.  1799,  mort  en  1870.  Il  était  inspec- 
teur divisionnaire  des  ponts  et  chaussées.  On  a  de  lui, 
dans  les  Annales  de  ce  corps  :  Résistance  des  entre- 
toises (1852);  Mortiers  à  la  mer,  deux  mémoires,  l'un 
en  1852,  l'autre  en  1853. 

FEBVIN-Palfart.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
de  Saint-Omer,  cant.  de  Fauquembergues  ;  812  hab.  Eglise 
à  trois  nefs  du  xve  siècle,  restaurée  en  1856. 

FEBVRE  (Alexandre-Frédéric),  acteur  français,  né  à 
Paris  en  1835.  Il  avait  étudié  d'abordfla  musique,  et  était, 
tout  jeune,  chef  d'orchestre  d'un  petit  théâtre  de  société, 
lorsqu'un  jour,  comme,  un  des  acteurs  étant  absent,  on  ne 
savait  comment  donner  le  spectacle  annoncé,  M.  Febvre, 
qui  est  doué  d'une  grande  mémoire,  propose  de  jouer  le 
rôle  au  pied  levé.  Son  offre  est  acceptée,  et  à  partir  de  ce 
moment  il  abandonne  l'orchestre  pour  la  scène.  Engagé  au 
Havre,  il  y  passe  une  année ,  de  retour  à  Paris  paraît  à 
l'Ambigu  dans  un  ou  deux  petits  rôles,  puis  entre  au 
théâtre  Beaumarchais,  où  il  se  fait  remarquer  dans  quelques 
drames:  Pauld'Artenay,  André  le  Mineur,  le  Mauvais 
Gas.  Engagé  à  la  Porte-Saint-Martin,  il  ne  fait  qu'y  passer, 
puis,  en  1855,  entre  à  laGaîté,  où  il  joue  le  Médecin  des 
Enfants,  Henri  III  et  sa  cour,  le  Juif  errant,  et  est 
engagé  en  1858  à  l'Odéon.  Il  crée  là  plusieurs  rôles  impor- 
tants dans  le  Rocher  de  Sysiphe,  Daniel  Lambert,  le 
Testament  de  César  Girodot,  en  même  temps  qu'il  se 
montre  dans  le  répertoire  classique,  Turcaret,  le  Men- 
teur, le  Chevalier  à  la  mode,  etc.  De  l'Odéon  il  va  créer 
*à  l'Ambigu  Picolet  dans  le  Pont  Notre-Dame,  puis  entre 
au  Vaudeville  où  il  débute,  en  1861,  dans  Un  Mariage 
de  Paris,  et  crée  successivement  Maurice  de  Nos  Intimes, 
Richard  à' Un  Homme  de  rien,  Mirabeau  de  la  Jeunesse 
de  Mirabeau,  Didier  de  la  Famille  Benoîton,  puis 
encore  les  Brebis  dePanurge,  leDrac,  les  Deux  Sœurs, 
ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'aller  à  la  Gaîté,  en  1864,  établir 
le  rôle  de  Bernard  dans  la  Maison  du  Baigneur. 

M.  Febvre  avait  acquis  la  réputation  et  l'autorité;  il 
était  devenu  l'un  des  jeunes  premiers  les  plus  brillants  de 
Paris.  Appelé  à  la  Comédie-Française,  il  y  débuta,  au 
mois  de  sept.  1866,  par  le  rôle  de  Philippe  II  dans  Don 
Juan  d'Autriche,  joua  Par  droit  de  conquête  et  Made- 
moiselle de  La  Seiglière,  et  le  1er  mai  '1867,  huit  mois 
seulement  après  ses  débuts,  était  reçu  sociétaire.  La  car- 
rière de  M.  Febvre  sur  notre  grande  scène  littéraire  a  été 
aussi  active  que  brillante.  Avec  quelques  incursions,  peu 
nombreuses  toutefois,  dans  le  répertoire  classiqne  (Tartufe, 
les  Femmes  savantes,  les  Jeux  de  V amour  et  du 
hasard,  les  Fausses  Confidences,  le  Barbier  de  Séville), 
il  faut  signaler  les  rôles  nombreux  qu'il  a  repris  dans  le 
répertoire  moderne  :  le  Gendre  de  M.  Poirier,  le  Demi- 
Monde,  Mademoiselle  de  Belle-Isle,  le  Chandelier,  Da- 
lila,  Bataille  de  Dames,  Mercadet,  V Aventurière,  les 
Effrontés,  les  Pattes  de  mouche,  \Henri  III  et  sa  cour. 
Mais  M.  Febvre  a  été  surtout  l'un  des  soutiens  les  plus 
précieux  des  auteurs  pour  les  pièces  jouées  depuis  vingt- 
cinq  ans  à  la  Comédie-Française,  et  l'on  peut  s'en  rendre 
compte  par  la  longue  liste  des  créations  faites  par  lui  dans 
les  ouvrages  suivants  :  le  Baiser  anonyme,  la  Valise  de 
Molière,'" A  Deux  de  jeu,  la  Parisienne^  Julie,  les 
Enfants,  Christiane,  l'Etrangère,  le  Sphinx,  le  Lion 
amoureux,  VAmi  Fritz,  Petite  Pluie,  Daniel  Rochat, 
la  Princesse  de  Bagdad,  les  Corbeaux,  le  Roi  s'amuse, 
Smilis,  Antoinette  Rigaud,  Chamillac,  Francillon, 
Raymonde,  Pepa,  Margot.  —  M.  Febvre,  qui  n'est  pas 
sans  quelque  prétention  à  tous  les  arts,  s'est  produit  comme 


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FEBVRE  —  FÉCAMP 


compositeur  en  publiant  quelques  morceaux  légers  de 
piano,  et  il  a  voulu  s'essayer  à  la  littérature  en  donnant 
un  volume  dont  le  titre  est  un  calembour  :  Au  Bord  de  la 
scène  (1889),  et  dont  l'intérêt  est  mince.  Il  a  épousé  une 
fille  de  Brindeau,  l'un  de  ses  prédécesseurs  à  la  Comédie- 
Française,  Mme  veuve  Harville,  qui  fut  elle-même  une 
comédienne  distinguée.  A.  Pougin. 

FEBVRE  d'Etaples  (Le)  (V.  Lefebvre). 

FÉCAMP.  Gh.-l.  de  cant.  dudép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  du  Havre,  sur  la  Manche,  à  l'embouchure  de  la  rivière 
de  Fécamp  ;  43,577  hab.  La  ville  s'étend  sur  une  longueur 
de  plus  de  3  kil.  dans  la  vallée  assez  étroite  enserrée  entre 
le  port  et  des  collines  incultes.  Stat.  du  chem.  de  fer  de 
l'Ouest,  embranchement  de  Beuzeville-Bréauté  à  Fécamp, 
Ecole  d'hydrographie.  Bibliothèque  publique  (catal.  des 
mss.  au  t.  II  du  Catalogue  gén.  des  mss.  des  bibl.  de 
France).  Quartier  maritime  du  sous-arr.  du  Havre;  com- 
missariat de  l'inscription  maritime  ;  syndicat  maritime  ; 
bureau  de  douanes  ;  chambre  de  commerce  ;  dock-entre- 
pôt; consulats  d'Angleterre,  Autriche,  Danemark,  Espagne, 
Suède  et  Norvège,  Pays-Bas  et  Portugal;  établissement  de 
bains  de  mer.  Le  port  auquel  on  a  fait  depuis  1880  d'im- 
portantes améliorations  est  le  premier  de  la  France  pour 
les  armements  destinés  à  la  pêche  de  la  morue  (à  Terre- 
Neuve  et  en  Islande),  du  hareng  et  du  maquereau.  Le  che- 
nal, compris  entre  deux  longues  jetées  qui  retiennent  le 
galet  qui  viendrait  l'obstruer,  aboutit  à  un  avant-port  rec- 
tangulaire bordé  de  quais  de  trois  côtés  d'un  développe- 
ment de  580  m.  Du  côté  0.  est  un  plan  incliné  qui  se  rac- 
corde avec  des  chantiers  de  construction.  Il  donne  accès  au 
bassin  Bérigny  qui  peut  recevoir  des  bâtiments  calant  jus- 
qu'à 6  m.,  et  dont  les  quais  (750  m.  de  développement) 
sont  reliés  à  la  gare  par  une  voie  ferrée  ;  il  communique 
avec  le  bassin  Gayant,  accessible  seulement  aux  barques 
de  pêche,  qui  forme  la  partie  aval  du  bassin  de  retenue  où 
se  jette  la  rivière  de  Fécamp.  Les  principales  importations 
consistent  en  houille  et  bois  du  Nord  ;  les  exportations,  en 
bois  ouvrés  et  en  machines  pour  les  constructions  navales. 
Fécamp  possède  des  chantiers  de  construction  de  navires, 
des  fabriques  d'ancres  de  navire,  de  machines  agricoles,  de 
forges,  fonderies  de  fer  et  de  cuivre,  scieries  et  serrureries 
mécaniques,  des  filatures  de  coton,  des  tissages,  des  mou- 
lins à  huile  et  à  tan,  des  minoteries,  des  tanneries,  des 
mégisseries,  des  corderies,  des  fabriques  de  filets,  des  éta- 
blissements de  salaisons,  des  distilleries  et  notamment  celle 
de  la  liqueur  dite  Bénédictine  de  V abbaye  de  Fécamp. 

Histoire.  —  La  découverte  d'un  cimetière  gallo-romain 
dans  le  vallon  qui  borde  la  route  du  Havre  témoigne  que 
la  contrée  était  habitée  pendant  la  domination  romaine  ; 
mais  la  ville  de  Fécamp  ne  doit  son  origine  qu'à  la  fonda- 
tion de  l'abbaye  de  femmes,  établie  en  658,  par  saint  Wa- 
ninge,  à  l'endroit  où,  suivant  la  légende,  s'était  échoué  un 
tronc  de  figuier  contenant  la  relique  du  «  précieux  sang  » 
recueilli  par  Joseph  d'Arimathie  sur  les  plaies  de  J.-C.  Les 
invasions  normandes  ruinèrent  ce  monastère,  comme  tous 
ceux  de  la  contrée  ;  il  fut  relevé  par  le  duc  Guillaume 
Longue-Epée,  qui  fit  aussi  construire  dans  le  voisinage  un 
château  fort  où  son  fils  Richard  Ier  naquit.  Celui-ci  agran- 
dit le  monastère  et  reconstruisit  l'église.  Aux  nonnes  furent 
substitués,  d'abord  des  chanoines  réguliers  en  990,  puis, 
un  peu  plus  tard,  des  moines  de  Saint-Benoît.  C'est  proba- 
blement aux  ducs  que  l'on  dut  la  construction,  pour  défendre 
la  vallée,  d'une  muraille  transversale,  dont  on  retrouve 
quelques  vestiges  auprès  des  corderies,  et  en  avant  de 
laquelle  s'élevait  la  tour  de  la  Vicomte  qui  a  subsisté  jusqu'en 
1811  et  dont  quelques  ruines  informes  ont  seules  résisté 
aux  vents  et  à  la  mer.  Sous  les  ducs  de  Normandie,  qui 
en  firent  souvent  leur  résidence,  la  ville  de  Fécamp  devint 
prospère,  mais  cette  prospérité  cessa  avec  la  conquête 
française.  Pendant  la  guerre  de  Cent  ans,  elle  fut  à  plu- 
sieurs reprises  saccagée  par  les  Anglais  et  fut  reconquise 
par  les  Français  en  1450.  Les  guerres  de  religion  ne  l'épar- 
gnèrent pas  ;  elle  fut  prise  et  pillée  par  les  calvinistes  en 


1560  ;  l'abbaye  toutefois  put  leur  résister.  Peu  après,  Vil- 
lars,  gouverneur  de  la  Normandie  pour  la  Ligue,  s'empara 
de  Fécamp  et  fit  construire,  en  1589,  au  N.  de  la  ville,  sur 
le  sommet  d'une  falaise  haute  de  126  m.,  le  fort  de  N.-D. 
de  Bourg-Baudouin  dont  Biron  réussit  à  s'emparer,  en  1591 , 
au  nom  du  roi  de  Navarre.  Mais,  l'année  suivante,  il  fut 
repris  par  une  escalade  d'une  audace  extraordinaire  par  le 
capitaine  ligueur  Gautimesnil  de  Boisrozé.  En  1594,  après 
un  siège  de  quinze  mois  soutenu  contre  les  ligueurs,  Fécamp 
fut  définitivement  soumis  à  la  domination  royale. 

Monuments.  —  De  l'ancienne  abbaye  bénédictine  de  la 
Trinité,  il  subsiste,  avec  l'église,  une  partie  d'un  dortoir, 
l'office,  la  salle  capitulaire,  monuments  des  xme  et  xive 
siècles,  occupés  par  diverses  administrations,  et  des  débris 
de  l'enceinte  romane.  L'église  (mon.  hist.),  aujourd'hui 
paroissiale,  est  l'un  des  plus  beaux  monuments  de  la  pro- 
vince. Dans  son  état  actuel  elle  remonte  à  la  reconstruction 


Portail  de  l'église  de  la  Sainte-Trinité  à  Fécamp 
(d'après  une  photographie). 

qui  fut  faite  après  un  incendie,  de  1170  à  1200  ;  le  chœur 
a  été  remanié  au  xive  siècle,  et  la  façade  refaite  à  la  fin 
du  xvne  dans  le  goût  du  temps.  A  l'intérieur,  la  nef,  longue 
de  130  m. ,  est  restée  telle  qu'à  l'époque  de  la  construction  ; 
elle  est  traversée  par  un  transept,  à  l'intersection  duquel 
s'élève  une  tour-lanterne  haute  de  64  m.  Le  chœur  où  l'on 
a  conservé  quelques  parties  de  l'édifice  primitif  du  xie  siècle 
a  été  remanié  vers  1300.  En  face  de  la  chapelle  absidale, 
un  tabernacle  en  marbre  blanc,  œuvre  italienne  du  xvie  siècle, 
renferme  la  fameuse  relique  du  précieux  sang,  qui  attire 
à  Fécamp  un  grand  nombre  de  pèlerins.  Les  bas  côtés  sont 
dépourvus  de  chapelles,  mais  les  deux  bras  du  transept 
ont  été  aménagés  en  chapelles  dont  l'une,  celle  du  Sud, 
renferme  un  curieux  groupe  représentant  la  mort  de  la 
Vierge,  sculpté  au  commencement  du  xvie  siècle  par  le 
moine  Robert  Chardon.  Celles  du  chœur  sont  closes  de 
jolies  balustrades  en  pierre,  délicatement  sculptées  à  l'époque 
de  la  Renaissance  ;  plusieurs  d'entre  elles  contiennent  des 
œuvres  d'art  intéressantes.  Dans  le  jardin  du  presbytère  se 
trouvent  quelques  ruines  de  l'ancien  château  des  ducs  de 
Normandie.  La  mairie,  le  télégraphe,  la  justice  de  paix, 
une  école  de  garçons,  une  salle  d'asile,  le  musée  et  la  biblio- 
thèque occupent  les  anciens  bâtiments  de  l'abbaye.  L'église 
Saint-Etienne  est  un  édifice  inachevé  du  xvie  siècle  qui  n'a 


FÉCAMP  —  FECHNER 


100 


guère  d'intéressant  que  son  portail  latéral,  de  style  gothique, 
orné  de  statuettes.  Le  musée  a  été  créé  en  1879  par  sous- 
criptions volontaires  ;  il  contient  environ  2,000  tableaux, 
des  objets  d'art  et  de  curiosité.  Un  autre  musée  a  été  éta- 
bli dans  les  bâtiments  de  la  distillerie  de  la  Bénédictine  ;  il 
se  compose  surtout  de  meubles  et  d'objets  provenant  de 
l'abbaye.  De  belles  halles  ont  été  construites  en  1860. 
Fécamp  a  conservé  quelques  anciennes  maisons,  l'une  (mai- 
son de  saint  Waninge)  a  conservé  une  porte  du  xme  siècle, 
une  autre  (rue  de  Mer) ,  du  xvie  siècle,  est  flanquée  de  deux 
tourelles  en  pierre  ;  enfin  une  maison  moderne  a  été  déco- 
rée avec  les  débris  du  jubé  de  l'église  abbatiale  (xvie  siècle) 
démoli  au  commencement  du  siècle. 

L'établissement  des  bains  de  mer  s'élève  sur  une  vaste 
plage  de  galets  ;  il  se  compose  d'hôtels  et  d'un  casino  qui 
contient  des  salles  de  bal,  de  spectacle,  de  concert,  de  lec- 
ture, de  jeu,  de  conversation,  etc.  Dans  un  parc  de  9  hect. 
environ,  qui  occupe  le  versant  de  la  falaise  au  bas  de  laquelle 
est  le  casino,  sont  de  nombreux  chalets.  Un  autre  établis- 
sement de  bains  dit  du  Morillon  est  situé  au  N.  du  pre- 
mier ;  un  établissement  de  bains  de  mer  chauds  (bains 
Vaudry),  rue  du  Petit-Moulin,  reste  ouvert  toute  l'année. 
Bibl.  :  Leroux  de  Lincv,  Essai  hist.  et  litt.  sur  l'abbaye 
de  Fécamp  ;  Paris,  1839,  in-8.  —  B.-L.  Fallue,  Histoire 
de  la  ville  et  de  l'abbaye  de  Fécamp;  Fécamp,  1841,  in-8. 
—  H.  Gourdon  de  Genouillac,  Hist.  de  l'abbaye  de  Fé- 
camp et  de  ses  abbés  ;  Fécamp,  1875,  in-8.  —  -Renaud, 
Notices  sur  les  ports  de  Fécamp,  d'Yport  et  d'Etretat  ; 
Paris,  1874,  in-4.  —  E.  de  Busserole,  Recherches  histo- 
riques sur  Fécamp  ;  Fécamp,  1859,  in-16. 

FÉCHAIN.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Douai,  cant. 
d'Arleux;  1,378  hab. 

FECHNER  (Gustav-Theodor),  célèbre  physicien  et  phi- 
losophe allemand,  né  à  Gross-Sârchen,  près  de  Niederlausitz, 
le  19  avr.  1801,  mort  à  Leipzig  le  48  nov.  1887. 11  fit 
ses  premières* études  à  Sarau,  à  Dresde,  puis  à  l'université 
de  Leipzig  où  il  se  livra  spécialement  à  des  recherches 
d'histoire  naturelle,  et  devint,  dès  1834,  professeur  de 
physique.  Ses  premières  leçons  portèrent  sur  le  galvanisme 
et  sur  les  courants  électro -chimiques.  Une  maladie  le 
força  à  suspendre  ses  travaux  (1839-43);  depuis  cette 
époque,  il  se  consacra  de  préférence  à  des  études  de  phi- 
losophie naturelle  et  d'anthropologie  sans  cesser  d'ailleurs 
d'occuper  la  chaire  de  physique  de  Leipzig  où  il  enseigna 
jusqu'à  un  âge  avancé.  On  aurait  tort  de  ne  voir  dans 
Fechner  qu'un  physicien  et  un  psychologue.  Il  se  donnait 
pour  un  disciple  de  Schelling  et  développa  dans  un  grand 
nombre  d'ouvrages  tout  un  système  de  métaphysique,  sys- 
tème bizarre  qui  rappelait  à  plus  d'un  égard  les  concep- 
tions à  demi  scientifiques,  à  demi  mystiques  des  théosophes 
de  la  Renaissance.  Il  considérait  le  monde  comme  une 
hiérarchie  d'unités  de  conscience  réparties  en  groupes  de 
plus  en  plus  vastes  et  compréhensifs.  Au  sommet  de 
l'échelle  est  l'unité  consciente  de  l'esprit  divin  qui  relie 
entre  elles  toutes  les  consciences  inférieures  ;  au-dessous 
viennent  les  corps  célestes  et  la  terre  même  qui  ont  une 
conscience  propre  dans  laquelle  s'unissent  les  consciences 
de  toutes  les  créatures  qui  vivent  à  leur  surface.  L'âme 
humaine  est  elle-même  composée  d'atomes  inétendus  et 
imperceptibles  ;  elle  n'est  point  d'ailleurs  substantielle- 
ment distincte  du  corps  :  âme  et  corps  sont  deux  aspects 
irréductibles  d'une  même  réalité,  comme  le  sont  le  côté 
concave  et  le  côté  convexe  d'une  même  circonférence.  On 
peut  concevoir,  dès  lors,  «  une  théorie  exacte  des  rapports 
entre  l'âme  et  le  corps,  et,  d'une  manière  générale,  entre 
le  monde  physique  et  le  monde  psychique  ».  Cette  théorie, 
Fechner  la  détacha  de  bonne  heure  de  la  métaphysique,  et 
il  en  fit  une  science  spéciale  dont  il  est  l'inventeur  original 
et  qui  demeure  son  véritable  titre  de  gloire,  la  psycho- 
physique (V.  ce  mot). 

Le  but  de  Fechner  est  de  donner  à  la  science  de  l'esprit 
un  caractère  scientifique,  en  y  introduisant,  comme  en  phy- 
sique, le  calcul  et  la  mesure.  Dans  ce  dessein,  il  s'est 
attaché  à  l'étude  du  seul  problème  des  rapports  de  l'exci- 
tation et  de  la  sensation.  L'expérience  la  plus  simple  nous 


apprend  que  nos  sensations  ne  diffèrent  pas  seulement  en 
qualité,  mais  en  intensité,  et  que,  d'une  manière  générale, 
l'intensité  de  la  sensation  croît  et  décroît  avec  Fintensité 
de  l'excitation  qui  en  est  la  cause.  Déjà  E.-H.  "Weber, 
dans  des  articles  célèbres  du  Handwôrterb .  der  Physiol. 
(III,  2e  partie,  pp.  559  et  suiv.),  avait  établi  d'une  ma- 
nière scientifique  que  la  plus  petite  différence  perceptible 
entre  deux  excitations  de  même  nature  est  toujours  due  à 
une  différence  réelle  qui  croît  proportionnellement  avec  ces 
excitations  mêmes.  Mais  quelle  est  la  mesure  de  ce  rapport 
entre  l'excitation  et  la  sensation?  Ce  rapport  n'est  pas 
simple,  car  l'expérience  montre  qu'une  même  excitation  ne 
produit  pas  la  même  sensation  selon  qu'elle  ébranle  seule 
l'organisme  ou  qu'elle  s'ajoute  à  d'autres  excitations  déjà 
fortes  ;  on  entend  dans  le  silence  de  la  nuit  le  tic-tac 
d'une  pendule  dont  on  ne  s'aperçoit  pas  pendant  le  jour. 
En  thèse  générale,  on  constate  que  l'intensité  de  la  sensa- 
tion croît  non  pas  exactement  comme  l'intensité  de  l'exci- 
tation qui  la  provoque,  mais  plus  lentement  qu'elle.  Dès 
lors  se  pose  cette  question  :  De  quelle  quantité  l'accroisse- 
ment de  la  sensation  est-il  inférieur  à  l'accroissement  de 
l'excitation  ?  Des  expériences  précises  ont  permis  à  Fechner 
d'établir  que,  toutes  les  fois  que  les  sensations  de  poids,  de 
lumière,  de  température,  de  son  et  d'effort  musculaire 
croissent  d'une  manière  continue,  en  deçà  de  certaines 
limites,  par  l'addition  des  plus  petites  différences  percep- 
tibles à  la  conscience,  il  y  a  dans  l'excitation  correspon- 
dante un  accroissement  qui  est  une  quantité  aliquote, 
toujours  la  même,  de  l'excitation  totale.  D'autres  expé- 
riences l'ont  conduit  à  déterminer,  en  chiffres,  pour 
chacun  de  ces  sens,  les  plus  petites  différences  perceptibles 
de  sensations.  D'autre  part,  la  valeur  quantitative  de  l'ex- 
citation et  de  ses  accroissements  peut  être  déterminée.  On 
obtient  ainsi  deux  séries  quantitatives,  et  il  devient  possible 
de  déterminer  le  rapport  existant  entre  les  différences 
d'excitation  qui  croissent  progressivement  et  les  différences 
de  sensation  qui  croissent  uniformément,  et  d'exprimer 
ainsi  la  sensation  en  fonction  de  l'excitation.  En  s'appuyant 
sur  le  raisonnement  mathématique,  Fechner  est  arrivé  à 
cette  formule  fameuse  qui  porte  le  nom  de  loi  psycho- 
physique ou  de  loi  de  Fechner  :  la  sensation  croît  comme 
le  logarithme  de  l'excitation.  Cette  loi,  demeurée  très 
hypothétique,  fut  très  vivement  contestée  du  vivant  même 
de  Fechner  par  Von  Helmholtz,  Hering,  Langer,  etc.  Des 
polémiques  s'engagèrent  dans  lesquelles  Fechner  ne  cessa 
de  soutenir  sa  théorie  avec  la  plus  grande  énergie. 

Parmi  les  nombreux  ouvrages  de  Fechner,  nous  cite- 
rons :  Massbestimmungen  ûb.  die  galvanische  Kette 
(1831);  Repertorium  der  Neuesten  Entdeckungen 
(1830-34,  5  vol.  in-8);  Bas  Bûchlein  vom  Leben  nach 
d.  Tod  (Leipzig,  1836;  3e éd.,  1887);  Ueb.  das  hôchste 
Gut  (id.,  1846);  JSanna,  od.  ûb.  das  Seelenleben  der 
Pflanzen  (id.,  1848);  Zend-Avesta,  od.  ûb.  die  Dinge 
des  Rimmels  u.  des  Jenseits  (id.,  1851);  Ueb.  die  phy- 
sikal.  u. philos.  Atomenlehre  (id.,  1855;  2e  éd.,  1864); 
Elemente  der  Psychophysik,  l'ouvrage  capital  de  Fechner 
(id.,  1860,  2  part.);  Ueb.  die  Seelenfrage,  ein  Gang 
durch  die  sichtbare  Welt,  um  die  unsichtbare  %u 
finden  (id.,  1864);  Die  drei  Motive  u.  Grûnde  des 
Glaubens  (id.,  1863);  Zur  experimentalen  Aesthetik 
(id.,  1871);  Einige  Ideen  zur  Schôpfungs  und  Ent- 
wickelungsgesch.  der  Organismen  (id.,  1873);  Vor- 
schule  der  JEsthetïk(id.,  1876, 2  part.);  In  Sachen  der 
Psychophysik,  ouvrage  de  polémique  (id.,  1877);  Die  Ta- 
gesansicht  gegenûb.  der  Nachtansicht  (zVZ.,  1879)  ; 
Revision  der  Hauptpunkte  der  Psychophysik  (id., 
1882)  ;  Ueber  die  psychischen  Massprincipien  und 
das  weber sche  Gesetz,  dans  les  Philos.  Stud.  (1887, 
t.  IV,  2e  fasc).  Fechner  avait  encore  écrit,  sous  le  pseu- 
donyme de  Dr  Mises,  un  certain  nombre  d'ouvrages  humo- 
ristiques qui  furent  longtemps  goûtés  en  Allemagne  : 
Beweisdass  derMond  aus  Iodine besteht  (1821  ;  2e  éd., 
1832);  Panegyricus  der  jetz.  Medicin  (1822);  Stapelia 


mixta  (1824);  Vergleichende  Anatomie  der  Engel 
(182&);  ces  opuscules  furent  réunis  et  réédités  sous  le 
titre  de  Kleine  Schriften  (Leipzig,  4875);  Hdthselbilch- 
lein  (id.,  1878).  Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  Hering,  Ueb.  Fechners  psycfiophys.  Gesetz; 
Vienne,  1875.  —  Delbœuf,  dans  Etude  psychophysique  ; 
Bruxelles,  1873.  —  Du  même,  la  Loi  psychophysique,  dans 
la  Revue  philosophique,  1877,  t.  III,  et  1878,  t.  V.  —  Langer, 
Grundlagen  der  Psychophys.;  Iéna,  1876.  —  James  Ward, 
An  Attempt  to  interpret  Fechners  Law  ;  Mind,  1876,  p.  452. 

—  Georg-Elias  Mùller,  Zur  Grundlegung  der  Psycho- 
physik  ;  Berlin,  1878.  —  Th.  Ribot,  la  Psychologie  allem. 
contemp.;  Paris,  1879,  pp.  155  et  suiv.  —  Ferd.-Aug. 
Mûller,  Das  Axiom  der  Psychophysik  ;  Marbourg,  1882. 

—  Ad.  Elsas,  Ueb.  d.  Psychophysik,  physik.  u.  erkennt- 
nisstheoret .  Betrachtungen  ;  Marbourg ,  1886.  —  Otto 
Cas  part,  Die  psychophys.  Bewegung  ;  Leipzig,  1869.  — 
Kuntze,  G.  Th.  Fechner  ;  Leipzig,  1862. 

FECHT  (La)  {Fachina,  772).  Rivière  de  la  Haute-Alsace. 
Ses  sources  forment  deux  groupes  :  celui  de  la  grande 
vallée,  dont  les  affluents  naissent  des  hauteurs  s'étendant 
du  Wissort  au  Hohneck  et  celui  de  la  vallée  de  Stoss- 
wihr,  dont  les  tributaires  prennent  leur  origine  depuis  le 
Hohneck  jusqu'aux  Hautes-Chaumes  et  dont  l'un  des  bras 
sort  du  lac  de  Daaren  (V.  ce  mot).  Toutes  ces  sources 
forment  en  amont  de  Munster  un  immense  éventail.  Plu- 
sieurs d'entre  elles  sont  recueillies  dans  des  réservoirs, 
récemment  construits  aux  frais  de  l'Etat,  qui  retiennent 
et  déversent  Feau  suivant  les  besoins  de  nombreux  établis- 
sements industriels  alimentés  par  la  Fecht.  A  partir  de 
Munster,  où  la  grande  vallée  se  réunit  à  celle  de  Stosswihr, 
la  rivière  se  dirige  vers  l'E.  jusqu'à  Tùrkheim,  de  là  vers 
le  N.-E.  pour  recevoir  la  Weiss  et  le  Strengbach,  et  se 
jette  dans  1*111  près  d'Illhaeusern  après  un  parcours  de 
43  kil.  A  1  kil.  en  amont  de  Tùrkheim,  la  Fecht  envoie 
vers  l'E.  un  canal  usinier,  appelé  Logelbach,  qui  traverse 
Colmar  et  se  réunit  à  la  Lauch.  Malgré  les  importants  tra- 
va  ux  d'endiguement  et  de  correction,  la  Fecht  cause  sou- 
vent de  grands  ravages  par  ses  débordements.    L.  W. 

Bibl.  :  Rev.  d'Aisace,11850,  478-535.  —  Delbos  et  Koech- 
lin,  Description  géol.  du  H.-Rhin,  I,  26.  —  Ch.  Grad, 
Améliorations  agricoles  et  aménagements  des  eaux;  Stras- 
bourg, 1885. 

FECHT  ou  FECHTEN  (Petrus-Michaelis),  théologien 
suédois,  mort  en  nov.  1576.  Après  avoir  étudié  à  Witten- 
berg  (1558-64),  il  entra  à  la  chancellerie  et  devint  secré- 
taire du  roi  Johan  ÏÏI  et  inspecteur  de  l'imprimerie 
(1573).  Ayant  été  ordonné  prêtre,  il  fut  chargé  par  le  roi 
de  ménager  une  réconciliation  avec  l'Eglise  catholique  et 
de  rédiger  un  supplément  à  Y  Ordonnance  ecclésiastique 
de  i57i,  connu  sous  le  nom  à'Ordinantia  et  approuvé 
par  le  synode  de  Stockholm  en  1574;  et  une  nouvelle  Litur- 
gie (1576),  aussi  appelée  le  Livre  rouge  (Rœdboken  et 
imprimée  à  Stockholm  en  1576  et  1588.  En  se  rendant  à 
Rome  pour  négocier  avec  le  pape,  il  périt  dans  un  nau- 
frage près  de  l'île  de  Bornholrn.  B-s. 

FECHTER  (Charles-Albert),  acteur  français,  né  à  Belle- 
ville  (Paris)  le  23  oct.  1824,  mort  à  New  York  en  1879. 
Après  avoir  étudié  d'abord  la  sculpture,  dont  il  ne  cessa 
jamais  complètement  de  s'occuper,  il  s'adonna  au  théâtre, 
s'essaya  sur  une  petite  scène  d'élèves  aujourd'hui  dis- 
parue, la  salle  Molière,  ne  fit  que  passer  au  Conservatoire, 
où  il  resta  quelques  semaines  à  peine,  puis  s'engagea  dans 
une  troupe  française  qui  parcourait  l'Italie.  De  retour  à 
Paris  au  bout  d'une  année,  il  entra  à  la  Comédie-Fran- 
çaise; mais,  la  position  très  secondaire  qu'il  y  occupait 
lui  convenant  peu,  il  accepta  un  engagement  pour  le 
théâtre  français  de  Berlin.  En  1847,  if  fit  une  courte 
apparition  au  Vaudeville,  alla  passer  ensuite  une  saison  à 
Londres,  puis,  revenant  à  Paris,  commença  à  se  faire 
connaître  avantageusement,  dans  l'emploi  des  amoureux 
et  des  premiers  rôles,  sur  les  divers  théâtres  des  boule- 
vards, au  Théâtre-Historique  d'Alexandre  Dumas,  à  l'Am- 
bigu, et  surtout  à  la  Porte-Saint-Martin,  où  il  se  fit 
grandement  remarquer  dans  le  Diable,  Claudie,  la  Sang- 
Mêlé,  le  Fils  de  la  Nuit  et  la  Belle  Gabrielle.  Entre 
temps,  il  avait  été  créer  au  Vaudeville  le  rôle  d'Armand 


—  101  —  FECHNER  —  FECIAUX 

Duval  dans  la  Dame  aux  Camélias,  qui  mit  le  comble 
à  sa  réputation.  Il  était  alors  considéré  comme  un  des 
premiers  comédiens  de  Paris.  Vers  1857  il  entra  à  FOdéon, 
d'abord  comme  acteur  et  en  reprenant  avec  succès  le  rôle 
de  Georges  dans  V Honneur  et  l'Argent,  créé  précédem- 
ment par  Laferrière,  puis  comme  associé  à  la  première 
direction  de  La  Rounat.  En  1859,  il  reparut  au  Vaudeville, 
et  deux  ans  après  partit  pour  l'Angleterre.  Parlant  Fanglais 
aussi  purement  et  aussi  correctement  que  le  français,  il  se 
fit  applaudir  à  Londres,  pendant  plusieurs  années,  en  jouant 
Hamlet,  Othello,  et  même  un  certain  nombre  de  pièces 
«  adaptées  »,  entre  autres  l'Auberge  des  Adrets,  donnée 
sous  le  titre  de  The  Radside  Inn ,  et  dans  laquelle  il 
remplit  le  rôle  de  Robert  Macaire  avec  une  originalité 
saisissante.  En  1863,  il  prit  la  direction  du  Lyceum 
Théâtre,  mais  il  y  fit  de  mauvaises  affaires  et  fut  forcé  de 
vendre  son  matériel.  On  le  vit  alors  reparaître  un  instant 
au  Vaudeville,  où  il  dirigea  en  1868  les  répétitions  d'un 
drame  de  Charles  Dickens,  V Abîme.  L'année  suivante  il 
repartait  pour  Londres,  et  donnait  au  théâtre  Adelphi  un 
drame  écrit  par  lui  avec  M.  Wilkie  Collins,  Noir  et  Blanc. 
Enfin,  en  1870,  il  s'embarquait  pour  l'Amérique,  où  il 
allait  continuer  de  jouer  la  comédie  en  anglais.  C'est  là 
qu'il  est  mort,  à  peine  âgé  de  cinquante-cinq  ans.  — 
Fechter  avait  épousé  une  actrice  de  talent,  MUe  Rabut, 
dont  la  carrière  a  été  courte.  A.  P. 

FÉCIAUX  (Antiq.rom.).  Les  féeiaux  (fetiales)  formaient 
l'une  des  grandes  corporations  religieuses  de  l'ancienne 
Rome.  On  en  faisait  remonter  l'origine  à  Numa  ouà  Ancus 
Martius;  ils  durèrent  jusqu'à  la  fin  du  ive  siècle  de  notre 
ère.  Composés  de  vingt  membres  qui  se  recrutaient  eux- 
mêmes,  ils  étaient  les  gardiens  et  les  interprètes  d'un  droit 
spécial,  le  jus  f étiole,  qui  donnait  la  consécration  reli- 
gieuse aux  relations  internationales;  leur  concours  était 
requis  toutes  les  fois  qu'il  s'agissait  de  déclarer  une_  guerre 
ou  de  conclure  un  traité,  pour  assurer  l'exécution  des 
formalités  religieuses.  En  cas  de  guerre,  le _  collège  des 
féeiaux  est  chargé  d'examiner  de  quel  côté  vient  la  pro- 
vocation ;  si  c'est  du  côté  de  Rome ,  il  exige  que  les 
coupables  soient  livrés  à  l'ennemi  par  la  deeditio  ou 
extradition  ;  si  c'est  du  côté  de  l'ennemi,  il  procède  à 
la  déclaration  solennelle  de  guerre  par  la  cérémonie  de  la 
clarigatio.  A  cet  effet,  une  délégation  temporaire  du  col- 
lège, composée  de  deux  à  quatre  membres,  sous  la  con- 
duite de  l'un  dieux  qui  prend  pour  la  circonstance  le  titre 
de  pater  palratus  populi  romani,  va  cueillir  sur  le  Capi- 
tole  la  verveine  sacrée,  puis  se  rend  en  grande  pompe  à  la 
frontière  du  peuple  agresseur  ;  elle  réclame  l'extradition 
des  coupables.  Si  elle  l'obtient,  l'affaire  ne  va  pas  plus 
loin;  sinon,  elle  procède,  trente  jours  plus  tard,  à  une 
nouvelle  sommation;  enfin,  la  guerre  étant  inévitable,  elle 
se  transporte  une  fois  encore  à  la  frontière  du  pays  ennemi, 
prononce  une  formule  sacramentelle,  et  lance  sur  le  terri- 
toire ennemi  un  javelot  ensanglanté.  Tous  les  détails  de 
ces  cérémonies  sont  rapportés  par  Tite  Live  (I,  32),  à 
propos  de  la  guerre  entre  Rome  et  Albe.  Quand  les  con- 
quêtes de  Rome  s'étendirent  de  tous  les  côtés,  il  ne  fut 
plus  possible  de  procéder  à  ce  cérémonial  compliqué  :  on 
le  remplaça  par  quelques  fictions  symboliques,  ainsi  par  le 
jet  d'un  javelot  au  delà  de  la  frontière  fictive  du  pome- 
rium  clans  la  direction  du  peuple  ennemi.  Jusque  sous 
l'Empire,  encore  à  l'époque  de  Mare-Aurèle,  il  n'y  avait 
pas  de  déclaration  de  guerre  sans  ce  cérémonial.-1  L'autre 
raison  d'être  du  collège  est  d'accomplir  les  rites  religieux 
qui  donnent  un  caractère  irrévocable  aux  traités  de  paix 
ou  d'alliance  {f cédera).  Dans  ce  cas,  le  pater  palratus, 
après  qu'on  a  procédé  à  la  lecture  du  traité,  frappe  avec 
un  silex,  conservé  dans  le  temple  de  Jupiter  Férétrien,  le 
porc  qui  doit  être  immolé  à  cette  occasion;  il  prononce  en 
même  temps  les  formules  sacramentelles  (Tite  Live,  I,  24)  : 
de  là  l'expression  fœdus  ferire.  Après  la  cérémonie,  le 
texte  du  traité  est  confié  à  la  garde  du  collège.  Il  arriva 
que  la  députation  du  collège  se  transportât  dans  le  pays 


FÉCIAUX  —  FÉCONDATION 


-  102 


ennemi  pour  procéder  à  cette  cérémonie  ;  ainsi,  en  201,  les 
féciaux  allèrent  en  Afrique  pour  ratifier  la  paix  conclue 
avec  Carthage.  Mais  presque  toujours  les  rites  religieux 
s'accomplissaient  à  Rome,  en  présence  de  représentants  de 
la  partie  adverse.  En  un  mot,  le  collège  des  féciaux  était 
chargé  de  placer  tous  les  actes  des  relations  extérieures  du 
peuple  romain  sous  la  protection  de  la  divinité  ;  il  créa 
ainsi  les  principes  du  droit  international.         G.  L.-G. 

Bibl.  :  Wetsels,  De  Fetialibus  ;  Groningue,  1854.  — 
Weiss,  le  Droit  fétial  et  les  fétiaux  à  Rome  ;  Paris,  1883.  — 
Marquardt  et  Mommsen.  Manuel  des  antiquités  romaines 
(trad.  Humbert). —  Bouché-Leclercq,  Manuel  des  institu- 
tions romaines,  pp.  541-544. 

F  E  C  K  E  RT  (Gusta  ve-Henri-Gottlob) ,  lithographe  et  peintre 
berlinois,  né  à  Kottbus  (Basse-Lusace)  en  1820.  Il  apprit 
la  lithographie  à  Berlin,  chez  Albert  Remy,  et  à  l'Académie 
de  cette  ville,  dont  il  devint  plus  tard  membre.  En  1857, 
il  fit  un  séjour  à  Paris.  Médaillé  successivement  à  Berlin 
(1859),  à  Cologne  (1864),  à  Munich  (1876),  cet  artiste 
se  distingue,  comme  lithographe,  par  la  façon  dont  il  entre 
dans  l'esprit  de  l'original,  comme  par  la  perfection  et  la 
fidélité  de  son  rendu.  Ses  principales  œuvres  en  ce  genre 
sont  :  Musiciens  slaves,  d'après  Gallait,  Portrait  de 
L.  Ravené,  d'après  Knaus;  le  Fils  noyé  du  pêcheur, 
d'après  Ritter  ;  les  Tisseurs  silésiens,  d'après  Hiibner. 
Feckert  a  peint  aussi  beaucoup  de  portraits,  fort  appréciés, 
à  l'huile,  au  pastel  et  à  l'aquarelle. 

FÉCOCOURT.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Toul,  cant.  de  Colombey;  404  hab. 

FÉCONDATION.  I.  Physiologie  végétale.  —  Il  ne 
sera  question  ici  que  de  la  fécondation  des  plantes  phanéro- 
games, celle  des  cryptogames  étant  étudiée  aux  mots  Algues, 
Champignons,  Lichens,  Equisétacées,  Fougères,  etc.,  etc. 
La  fécondation  a  pour  résultat,  en  général,  la  formation  du 
fruit  et  de  la  graine.  Celle-ci  est  précédée  de  la  formation 
de  l'œuf  due  à  la  fusion  dij  grain  de  pollen  avec  la  cellule 
femelle  ou  oosphère.  La  fécondation  comprend  donc  deux 
phases  :  1°  la  'pollinisation,  le  transport  du  pollen  sur  le 
stigmate;  2°  la  fécondation  proprement  dite,  c.-à-d.  la 
germination  du  pollen  et  le  développement  du  tube  polinique 
qui  amène  le  protoplasma  mâle  au  contact  de  l'oosphère. 
1°  Pollinisation»  La  pollinisation  est  directe  ou  indi- 
recte ;  elle  est  directe  lorsqu'elle  s'effectue  entre  les  éta- 
mines  et  le  stigmate  de  la  même  fleur  ; ;  il  y  a  alors  auto- 
fécondation; elle  est  indirecte  lorsqu'il  y  a  transport  du 
pollen  d'une  fleur  sur  le  stigmate  d'une  autre  fleur;  il  y 
a  alors  fécondation  croisée.  La  fécondation  ne  saurait 
être  que  croisée  pour  les  plantes  unisexuées  et  pour  celles 
des  plantes  hermaphrodites  dont  les  organes  mâles  et  fe- 
melles ne  mûrissent  pas  simultanément.  On  a  du  reste 
constaté  chez  beaucoup  de  plantes  hermaphrodites  que, 
même  lorsque  les  étamines  et  le  stigmate  mûrissent  simul- 
tanément, la  pollinisation  directe  n'amène  pas  la  féconda- 
tion de  la  fleur  ;  du  moins  y  a-t-il  toujours  une  différence 
considérable  entre  les  graines  résultant  de  l'autoféconda- 
tion  et  celles  résultant  de  la  fécondation  croisée.  Dans  le 
premier  cas,  le  nombre  et  le  poids  des  graines  sont  infé- 
rieurs et  les  plantes  qui  en  proviennent  sont  plus  faibles 
et  produisent  moins  de  graines  que  celles  qui  ont  levé  de 
graines  résultant  de  la  fécondation  croisée.  La  pollinisation 
indirecte  est  donc  toujours  plus  favorable  à  la  conservation 
de  l'espèce  que  la  pollinisation  directe. —  Quoi  qu'il  en  soit, 
dans  un  grand  nombre  de  plantes,  la  fécondation  directe  est 
presque  inévitable  ;  ainsi  chez  les  Solanum  les  anthères 
longues  et  conniventes  forment  une  colonne  qui  entoure 
le  style  et  le  stigmate,  et  le  pollen  sort  de  pores  placés  à 
leur  sommet.  Dans  la  Rue,  le  Berberis,  etc.,  les  étamines 
s'infléchissent  pour  déverser  le  pollen  sur  le  stigmate. 
Enfin,  dans  les  fleurs  cleistogames ,  c.-à-d.  fécondées 
avant  Téclosion,  la  pollinisation  est  nécessairement  directe 
(V.  Cleistogames). 

La  pollinisation  indirecte  s'accomplit  par  divers  méca- 
nismes ;  par  le  vent  chez  les  plantes  anémophiles  qui 
fleurissent  généralement  au  printemps  ;  c'est  le  cas  de  la 


plupart  de  nos  arbres  indigènes  à  feuilles  caduques  (Bou- 
leau, Noisetier,  Tremble,  Peuplier,  Orme,  Chêne,  etc.) 
dont  les  fleurs  apparaissent  généralement  avant  les  feuilles. 
Chez  les  plantes  anémophiles,  la  quantité  de  pollen  est 
généralement  très  considérable  et  une  seule  fleur  en  pro- 
duit de  quoi  fertiliser  plus  de  mille  ovaires;  les  grains  de 
pollen  sont  secs  et  ne  peuvent  s'agglutiner  ;  les  fleurs  sont 
placées  de  manière  à  être  exposées  au  vent  le  plus  possible 
(haute  taille  des  arbres  et  extrême  mobilité  des  chatons)  ; 
épillets  très  mobiles  de  certaines  graminées  ;  fleurs  portées 
sur  un  long  et  mince  pédoncule  :  Oseille,  Epinard,  Rhu- 
barbe, Chanvre,  etc.  ;  anthères  dépassant  de  beaucoup 
les  périanthes  :  Thalictrum  minus,  Triticum  vul- 
gare,  etc.)  ;  le  stigmate  est  large,  velu,  ou  les  stigmates 
petits  sont  groupés  en  grand  nombre  pour  former  une 
large  surface  :  Peuplier,  Sparganium,  lypha  angus- 
tifolia,  etc.  ;  le  stigmate  se  projette  en  dehors  du  pé- 
rianthe,  soit  à  l'extrémité,  soit  latéralement  (Graminées)  ; 
beaucoup  de  plantes  anémophiles  sont  dioïques  ;  toutes  ces 
dispositions  favorisent  la  fécondation  croisée  chez  les 
plantes  anémophiles  ;  il  en  est  de  même  de  la  dichogamie 
(V.  ce  mot). 

Chez  quelques  espèces,  le  transport  du  pollen  s'effectue 
par  l'eau  ;  ainsi  dans  le  Vallisneria  spiralis,  plante  dioïque, 
les  fleurs  femelles,  pourvues  de  longs  pédicules,  viennent 
s'épanouir  à  la  surface  de  l'eau  ;  les  fleurs  mâles,  qui  sont 
submergées,  se  détachent  de  la  plante,  viennent  flotter  à 
la  surface  et  s'épanouissent;  le  courant  les  entraîne  vers 
les  fleurs  femelles  qu'elles  fécondent. 

Enfin,  chez  le  plus  grand  nombre  des  plantes,  le  trans- 
port du  pollen  a  lieu  par  des  animaux,  particulièrement 
par  des  insectes  (plantes  entomophiles)  ;  le  corps  plus  ou 
moins  visqueux  des  insectes,  en  frôlant  les  anthères,  se 
charge  de  pollen  qu'ils  vont  déposer  sur  le  stigmate  d'une 
autre  fleur  de  même  espèce  en  le  frôlant;  c'est  que  ces 
fleurs  renferment  les  matériaux  nécessaires  à  la  nutrition 
de  l'insecte  qui  est  évidemment  inconscient  du  rôle  qu'il 
joue.  Les  fleurs,  par  leur  couleur,  leur  odeur,  les  matières 
nutritives  qu'elles  élaborent,  le  nectar  qu'elles  sécrètent, 
la  forme  et  la  position  de  leurs  parties,  etc.,  se  trouvent 
adaptées  à  la  pollinisation  par  les  insectes  ;  il  est  des 
plantes  entomophiles  chez  lesquelles  l'autofécondation  se- 
rait absolument  impossible  ;  ce  sont  les  plantes  dioïquos, 
les  plantes  dichogames  (chez  les  plantes  entomophiles  c'est 
la  protandrie  qui  domine,  chez  les  anémophiles,  la  proto- 
gynie)  (V.  Dichogamie),  les  plantes  dimorphes,  qui  pré- 
sentent deux  sortes  de  fleurs  différentes  (V.  Dimorphisme). 
D'autres  plantes  présentent  des  dispositions  pour  empêcher 
les  insectes  de  visiter  leurs  fleurs  ;  odeur,  couleur  (surtout 
pourpre  sombre),  aiguillons,  épines,  sécrétions  visqueuses, 
poils.  Prenons  comme  exemple  le  Lychnis  nutans  qui 
offre  des  dispositions  propres  à  attirer  les  insectes  désirables 
et  à  en  exclure  d'autres  ;  ainsi  les  insectes  aptères  sont 
retenus  d'une  part  par  la  viscosité  de  la  tige,  d'autre 
part,  par  les  poils  glanduleux  du  calice  et  du  pédoncule 
floral.  Mais,  s'il  y  a  adaptation  des  fleurs  à  la  pollinisation 
par  les  insectes,  il  y  a  réciproquement  adaptation  des  in- 
sectes à  la  pollinisation  des  fleurs.  De  tous  les  insectes,  ce 
sont  les  Coléoptères,  les  Lépidoptères,  les  Diptères  et  les 
Hyménoptères  qui  prennent  la  plus  grande  part  à  la  pollini- 
sation des  fleurs  ;  tous  ils  présentent  des  particularités  phy- 
siques leur  permettant  de  remplir  ce  rôle,  rôle  double  qui 
consiste  à  retirer  des  fleurs  le  nectar  qu'elles  contiennent 
et  à  y  porter  le  pollen.  Ainsi  les  Papillons,  au  moyen  de 
leur  trompe  qu'ils  déroulent,  atteignent  le  nectar  de  la 
fleur,  en  même  temps  que  les  poils  des  palpes  labiaux  se 
chargent  de  pollen  ;  cet  exemple  nous  suffira.  Ajoutons  que 
les  oiseaux  jouent  un  rôle  analogue  ;  ce  sont  particulière- 
ment les  Colibris  en  Amérique,  les  Cynnyrides  en  Afrique. 
Nous  n'insisterons  pas  sur  tous  ces  moyens  de  pollinisa- 
tion indirecte  qui  ont  été  particulièrement  étudiés  par  Dar- 
win, Lubbock,  Behrens,  etc. 

2°  Fécondation  et  formation  de  l'œuf.  Une  fois  le 


103  - 


FECONDATION 


// 


Fig.  1.  —  Grain  de  pollen  sur 
le  point  de  subir  la  divi- 
sion. N,  noyau  ;  n ,  nu- 
cléole. 


P 


>ct 


Fig.  2.  —  Noyau  du  grain  de  pollen  en 
voie  de  bipartition,  sd,  sd,  sphères 
directrices  ;  p,  plaque  nucléaire. 


pollen  transporté  sur  le  stigmate,  il  y  est  retenu  par  les  cel- 
lules de  celui-ci  transformées  en  papilles  sécrétant  un 
liquide  visqueux,  sucré,  ou  encore  en  poils  (Blé)  ;  trouvant 
là  un  terrain  favorable,  on 
JV  voit  germer  les  grains  de 
pollen,  qui  se  trouvent  dans 
un  état  dévie  ralentie,  comme 
le  prouve  la  faible  propor- 
tion de  protoplasma  qu'ils 
renferment.  A  ce  moment, 
parfois  avant,  le  noyau  unique 
du  grain  (fig.  4),  noyau  qui 
ne  renferme  plus  que  la  moitié 
des  segments  chromatiques 
du  noyau  de  la  cellule  mère 
du  pollen  (V.  ce  mot),  se 
divise  en  deux  noyaux  (fig.  2) 
suivant  le  mode  normal  de 
la  division  indirecte  (V.  Cel- 
lule), et  il  se  forme  entre  les  deux  une  cloison  en  forme 
de  verre  de  montre  qui  constitue  la  séparation  d'une  grande 
cellule  appelée  végétative  et  d'une  petite  cellule  appelée 

génératrice  (  fig. 
J  3)  ;  cette  cloison, 
-S®  de  nature  pro- 
téique  chez  les 
Angiospermes  et 
destinée  à  dispa- 
raître chez  elles 
avant  la  forma- 
tion du  tube  pol- 
linique,est  déna- 
ture cellulosique 
et  persistante  chez 
les  Gymnosper- 
mes; du  reste,  chez  ces  dernières,  la  différenciation  qui 
s'établit  dès  la  première  bipartition  chez  les  Angiospermes 
exige  parfois  plusieurs  divisions  successives.  Quoi  qu'il  en 

soit,  la  cellule 
fi  ,  génératrice  de- 

/  /  vient  libre  dans 

le  grain  de  pol- 
len et  prend  la 
forme  d'une  len- 
tille ou  d'un 
croissant  dont  le 
noyau  occupe  le 
centre.  Au  con- 
tact de  chaque 
noyau,  on  re- 
marque les  deux 
sphères  dites 
attractives  dé- 
couvertes dans 
les  végétaux  par 
Guignard  et 
nommées  par  lui 
sphères  direc- 
trices. Dans  le 
protoplasma  de 
la  cellule  génératrice,  elles  occupent,  le  plus  souvent, 
l'une  des  extrémités  du  noyau.  De  plus,  le  noyau  de 
la  cellule  génératrice  et  celui  de  la  cellule  végétative  pos- 
sèdent chacun  un  nombre  de  segments  chromatiques  égal 
à  celui  du  noyau  dont  ils  dérivent,  car  les  segments  de 
ce  dernier  se  sont  divisés  longitudinalement  en  deux  par- 
ties égales  ;  le  cytoplasme  se  partage  inégalement  et  prend 
dans  chaque  cellule  des  propriétés  différentes. 

Or,  au  moment  de  la  germination  du  grain  de  pollen, 
son  protoplasma  absorbe  du  liquide,  se  gonfle  et  fait  saillie 
à  l'extérieur  au  niveau  d'un  pore  ou  d'un  pli  en  refou- 
lant la  couche  cellulosique  d'enveloppe  du  grain.  Ce  tube 
s'allonge,  et  on  y  voit  entrer  à  mesure  le  protoplasma 


Nv- 


Cm 


-JVm 
sd 


Fig.  3.  —  Division  du  grain  de  pollen  en 
cellule  mâle  Cm  et  cellule  végétative  Cv 
(d'après  Guignard).  JVm,  noyau  mâle; 
sd,  sphères  directrices  ;  Nv,  noyau  vé- 
gétatif ;  e,  exine  ;  i,  intine. 


avec  les  réserves  alimentaires  (matières  azotées,  huile,  ami- 
don, sucre,  etc.)  et  les  deux  noyaux,  le  plus  gros  ou  noyau 
mâle  d'abord,  ensuite  le  plus  petit  ou  noyau  végétatif; 
parfois  cependant  le  noyau  végétatif  passe  devant  (fig.  4). 
Du  reste  il  disparaît  souvent  de  bonne  heure  dans  le  pro- 
toplasma du  tube;  d'autres  fois  il  persiste  jusqu'au  mo- 
ment de  la  fécondation.  Le  noyau  de  la  cellule  génératrice 
se  divise  en  général  dans  le  tube  pollinique,  mais,  excep- 
tionnellement, cette  bipartition  précède  la  germination  du 

;  2  .3 


Fig.  4.  —  Pollen  du  Lis  martagon  et  sa  germination  dans 
de  l'eau  albuminée  (d'après  Guignard).  1,2,3,  états  suc- 
cessifs^, p,  p,  grains  de  pollen;  tp,  tube  pollinique 
avec  bouchons  de  cellulose;  Nm,  noyau  mâle,  avec  sa 
gaine  protoplasmique;  Nv,  noyau  végétatif;  N'm,  noyau 
mâle  stérile  résultant  de  la  division  du  noyau  mâle  pri- 
mitif. J  F 

grain  de  pollen;  elle  a  toujours  lieu  par  division  indirecte 
et  avec  bipartition  longitudinale  des  éléments  chromatiques, 
de  sorte  que  les  deux  nouveaux  noyaux  générateurs  pos- 
sèdent chacun  le  même  nombre  de  ces  éléments  qui  cor- 
respond exactement  à  la 
moitié  de  ceux  que  pos- 
sède le  noyau  de  la  cel- 
lule mère  du  pollen.  Il 
est  du  reste  facile  de 
compter  ces  segments 
avant  et  pendant  la  pé- 
riode de  la  plaque  nu- 
cléaire ;  les  deux  nou- 
veaux noyaux  se  rendent , 
en  sens  inverse,  aux 
extrémités  du  fuseau  en 
entraînant  une  portion 
du  protoplasma  de  la 
cellule  génératrice.  Il  y 
a  alors  deux  cellules 
génératrices  libres  dans 
le  tube  (fig.  4,  3),  et 
dont  les  noyaux  vont  en 
grossissant.  La  forma- 
tion de  ces  deux  noyaux 
générateurs  est  compa- 
rable à  celle  des  pronu- 
cléus  chez  les  animaux. 
Pour  pénétrer  dans  le 
stigmate,  le  tube  polli- 
nique s'atténue;  il  suit 

le  tissu  conducteur  du  style  dont  il  se  nourrit  après 
avoir  épuisé  les  réserves  de  son  propre  protoplasma, 
puis  pénètre  dans  la  cavité  ovarienne  et,  guidé  par  un 
sillon  spécial,  gagne  l'ouverture  micropylaire  de  l'ovule; 
il  s'y  engage  et  vient  s'appliquer  sur  le  sommet  du  sac 
embryonnaire,  après  s'être  frayé  un  passage  à  travers  les 
cellules  du  nucelle  (fig.  7);  d'autres  fois  le  sac  embryonnaire 
vient  à  sa  rencontre  en  résorbant  le  sommet  du  nucelle  et 
s'insinuant  dans  le  canal  micropylaire  au  point  de  faire 
quelquefois  saillie  au  dehors.  Chaque  ovule  reçoit  ainsi  un 
tube  pollinique.  Le  temps  que  le  tube  pollinique  met  à  faire 
son  trajet  est  très  variable  ;  chez  le  Crocus  vernus,  dont 


■~sd 


Fig.  5.  —  Sac  embryonnaire  au 
premier  stade  de  'la  division. 
N,  noyau  primaire  du  sac  em- 
bryonnaire avec  striation  ra- 
diaire  du  cytoplasme  tout  au- 
tour ;  nt  nucléole  ;  sd,^  sphères 
directrices  (chez  le  Lis  marta- 
gon, selon  Guignard). 


FÉCONDATION 


—  104 


id 


le  style  a  5  à  10  centim.  de  long,  on  compte  de  vingt-quatre 
à  soixante-douze  heures  ;  chez  Y  Arum,  quoique  le  chemin 
à  parcourir  du  stigmate  sessile  à  l'ovule  ne  soit  que  de 
3  millim.,  il  faut  cinq  jours  ou  plus;  chez  les  Orchidées, 
dix  jours  à  plusieurs  semaines,  et  même  plusieurs  mois. 
Cela  tient  à  ce  que  la  maturation  des  ovules  ne  coïncide 
pas  toujours  avec  la  pollinisation  ou  même  que  les  ovules 
ne  se  forment  qu'après  la  pollinisation. 

Le  plus  souvent  l'ovule  est  mûr  au  moment  où  le  tube 
pollinique  arrive  au  contact  avec  le  sac  embryonnaire.  Voici 
les  principaux  phénomènes  dont  ce  sac  est  le  siège.  Son  gros 
noyau  primaire  subit  la  division  indirecte  (fig.  5)  ;  seule- 
ment ici,  comme  pour  la  cellule  mère  du  pollen,  on  observe 
la  réduction  de  moitié  des  segments  chromatiques  ;  au  mo- 
ment de  la  formation  du  sac,  le  noyau  reçoit  %i  segments, 
mais  lors  de  sa  division  il  n'offre  plus  que  n  segments. 
Ces  segments  se  groupent  régulièrement  pour  former  la 
plaque  nucléaire,  après  que  les  deux  sphères  directrices  se 
sont  transportées  suivant  l'axe  longitudinal  de  sac  pour  for- 
mer   les    pôles 
du    fuseau    ou 
asters   (fig.  6). 
Les  segments  se 
divisent  longitu- 
dinalementetles 
segments  secon- 
daires vont  aux 
deux     pôles 
faire  partie  des 
deux  nouveaux 
noyaux,    d'a- 
bord  absolu- 
ment identiques 
comme  struc- 
ture et  comme 
réactions  ;  mais 
en     s'éloignant 
du  centre  du  sac, 
le  noyau   infé- 
rieur grossit  da- 
vantage,   puis 
les  nouveaux 
noyaux  se  divi- 
sent à  leur  tour, 
soit    dans  des 
plans  différents , 
soit  dans  le  même  plan.  Seulement  le  nombre  des  segments 
chromatiques  qui  reste  invariable  dans  le  noyau  supérieur 
dans  toutes  ces  bipartitions,  augmente  dans  les  divisions  du 
noyau  inférieur  ;  un  ou  deux  vacuoles  se  forment  dans  l'espace 
intermédiaire  et  bientôt  on  remarque  une  tétrade  à  chaque 
extrémité  du  sac.  L'un  des  quatre  noyaux  supérieurs  appar- 
tiendra à  l'oosphère  (fig.  7  et  8).  Nous  voyons,  d'après  ce 
qui  précède,  que  non  seulement  il  renfermera  le  même 
nombre  de  segments  n  que  le  noyau  primaire  au  moment 
de  sa  bipartition,  mais  encore  que  le  noyau  mâle  auquel  il 
doit  s'unir.  Ainsi,  chez  le  Lis  martagon,  qui  a  servi 
aux  recherches  de  Guignard,  le  noyau  mâle  renferme 
12  segments,  le  noyau  femelle  également  12  segments; 
l'œuf  renfermera  24  segments.  Des  trois  noyaux  de  la  tétrade 
supérieure,  autres  que  le  noyau  femelle,  deux  appartien- 
dront aux  cellules  appelées  synergides,  le  troisième,  libre, 
appelé  noyau  polaire,  continuera  à  former  le  noyau   se- 
condaire du  sac  par  son  union  avec  le  noyau  polaire  de  la 
tétrade  inférieure  qui  vient  le  rejoindre  en  haut.  Les  trois 
autres  noyaux  de  la  tétrade  inférieure,  ou  noyaux  des  anti- 
podes, se  désagrègent  avant  la  différenciation  complète  de 
l'appareil  sexuel  et  la  fusion  des  deux  noyaux  polaires.  Le 
noyau  de  l'oosphère,  à  la  maturité,   est  un  peu  plus  gros 
et  plus  chromatique  que  ceux  des  synergides  et  possède 
un  ou  plusieurs  nucléoles  inégaux. 

Quant  à  l'acte  de  la  fécondation,  voici  en  quoi  il  con- 
siste. Le  tube  pollinique,  une  fois  arrivé  sur  le  sommet  du 


\d 


_  -  Noyau  du  sac  embryonnaire 

en  voie  de  "bipartition.  N,  noyau;  n, 
nucléole;  n',  nucléolules;  sd,  sd, 
sphères  directrices. 


sac,  renfle  son  extrémité  en  massue  ou  en  ampoule,  et  re- 
foule la  membrane  de  ce  dernier  en  s'avançant  à  l'inté- 
rieur, soit  en  ligne  droite,  soit  obliquement  ;  plus  rarement 
il  s'étale  (Orchis  latifolia,  Monotropa  hypopitys).  Ace 
moment  il  n'est  plus  pos- 
sible de  distinguer  la  mem- 
brane du  sac  de  celle  de 
l'extrémité  renflée  du  tube 
pollinique.  Que  la   péné- 
tration du  tube  ait  lieu  entre 
les  deux  synergides  (fig.  8) 
ou  à  travers  une  synergide, 
le  tube   n'en   envoie  pas 
moins    directement ,   dans 
l'oosphère,  sans  temps  d'ar- 
rêt, celui  des  deux  noyaux 
générateurs  qui  doit  opérer 
la  fécondation  ;   le   noyau 
mâle  s'accole  aussitôt  au 
noyau   de  l'oosphère.    Le 
deuxième  noyau  générateur 
arrive   le  plus  souvent  à 
l'extrémité  du  tube  et  il 
en   traverse  la  membrane 
ou  se  fond  dans  le  proto- 
plasma du  tube  ;  les  syner- 
gides ne  tardent  pas  alors 
à  se  désagréger.  Le  noyau 
mâle  grossit  et  renferme 
des  nucléoles,  mais   reste 
toujours  plus  petit  que  le 
noyau    femelle    au-dessus 
duquel  il  est  placé.  Il  arrive  que  le  second  noyau  générateur 
pénètre  également  dans  l'oosphère  et  prend  les  caractères 
de  l'autre,  mais  il  ne  s'unit  pas  au  noyau  femelle,  sauf 
exceptionnellement  chez  le  Monotropa.  Si  pareil  phéno- 
mène survient 
chez   les  a  ni-  J]J 

maux,    il   en         ;// y''  y  Jy/71 

résulte  des  ano-  ^ 

malies  de  déve- 
loppement. 

Avant  la  dé- 
couverte des 
sphères  directri- 
ces, on  croyait 
que  la  féconda- 
tion consis- 
tait essentielle- 
ment dans  la 
conjugaison  de 
deux  noyaux. 
Or,  au  moment 
où  le  noyau  mâle 
traverse  l'extré- 
mité ramollie  et 


-  Arrivée  du  tube 
pollinique  Ip,  émis  par  le 
grain  de  pollenpo,  à  l'ovule. 
m,  micropyle;  nv,  noyau 
végétatif;  Nm,  noyau  mâle 
fertile;  N'm,  noyau  mâle 
stérile  ;  sy,  synergides  ;  Oo, 
oosphère;  nu,  nucelle;  p, 
primine  ;  a,  cellules  anti- 
podes (chez  le  Lis  marta- 
gon, d'après  Guignard). 


gonflée  du  tube  Fig. 


Pénétration  du  noyau  fertile 


Nm  avec  ses  sphères  directrices  sdm 
dans  l'oosphère  contre  le  noyau  Nf  de 
laquelle  il  s'applique,  sdf,  sphères  di- 
rectrices du  noyau  femelle  ;  v,  v,  va- 
cuoles ;  Ns,  noyau  secondaire  ;  N'm, 
noyau  mâle  stérile;  tp,  tuhe  pollinique  ; 
m,  micropyle  (chez  le  Lis  martagon, 
d'après  Guignard). 


pollinique ,  les 
deux  sphères , 
qui  le  précèdent, 
sont  encore  si- 
tuées côte  à 
côte,  accolées  au 
noyau  et  précé- 
dées d'une  mince  couche  de  protoplasma,  provenant  proba- 
blement de  la  cellule  génératrice  ;  ce  protoplasma,  s'il  ne 
joue  pas  un  rôle  essentiel  dans  la  fécondation,  n'en  sert 
pas  moins  de  substratum  au  noyau  et  aux  sphères  direc- 
trices ;  celles-ci,  du  reste,  représentent  l'élément  protoplas- 
mique  de  la  cellule  mâle.  Au  moment  de  la  pénétration  dans 
l'oosphère,  les  deux  sphères  vont  s'accoler  à  celles  qui  sur- 
montent le  noyau  de  l'oosphère,  de  manière  à  former  deux 
couples  constitués  chacun  par  deux  éléments  d'origine  dif- 


-  105  - 


FECONDATION 


férente,  el  cette  formation  précède  l'union  des  noyaux  mâle 
et  femelle.  Les  couples  s'écartent  l'un  de  l'autre,  et  peu  à 
peu  vont  se  placer  à  l'extrémité  d'une  ligne  sensiblement 
parallèle  au  grand  axe  de  l'oosphère,  c.-à-d.  verticale;  ils 
forment  chacun,  par  leur  fusion,  une  sphère  unique  d'un 
volume  double  de  l'une  des  sphères  primitives  (fig.  9).  Alors 
seulement  les  asters  apparaissent  et  déterminent  la  forma- 
tion des  fils  du  fuseau. 

Tout  d'abord  le  noyau  femelle  présente  les  caractères 
d'un  noyau  au  repos,  caractères  que  le  noyau  mâle  acquiert 
peu  à  peu  à  son  tour,  La  ligne  de  démarcation  entre  les 
deux  noyaux  est  encore  visible  lorsque  déjà  se  manifestent 
les  phénomènes*,  ci-dessus  décrits,  de  la  prophase  de  la 
division  ultérieure.  Lorsque  les  membranes  limitantes  dis- 
paraissent, les   sucs  nucléaires  fusionnent,  mais  il  n'y  a 


Më 


Fig.  9.  —  Première  division  de  l'œuf.  Fm,  filaments  issus 
du  noyau  mâle;  Ff,  filaments  issus  du  noyau  femelle; 
aZb,  albumen  se  formant  à  la  suite  de  la  division  répétée 
du  noyau  secondaire  ;  Nalb,  l'un  des  noyaux  de  l'albu- 
men résultant  de  la  division  du  noyau  secondaire  et  lui- 
même  en  voie  de  division  ;  s'y,  sy,  synergides  ;  p,  primine  ; 
s,secondine  (chez  le  Lis  martagon,  d'après  Guignard). 

pas  fusion  entre  les  éléments  chromatiques  figurés.  La 
masse  se  contracte  de  plus  en  plus  ;  les  segments  s'orientent 
pour  former  une  plaque  nucléaire,  composée  de  In  éléments, 
dont  n  apportés  parle  noyau  mâle,  n  par  le  noyau  femelle; 
dorénavant  on  ne  peut  plus  distinguer  la  provenance  de  ces 
segments.  Ces  segments  subissant  la  bipartition  longitudi- 
nale, les  deux  noyaux  nouveaux,  qui  ne  sont  autre  chose 
que  les  deux  premiers  noyaux  de  l'embryon,  possèdent 
in  segments.  Une  cloison  cellulosique  sépare  les  deux  pre- 
mières cellules  embryonnaires  dont  l'inférieure  est  toujours 
plus  petite.  Le  nombre  des  segments  chromatiques  varie  à 
un  moment  donné,  c.-à-d.  n'est  plus  nécessairement  égal 
à  2w,  mais  ce  phénomène  ne  paraît  se  produire  qu'après  la 
formation  du  ou  des  cotylédons  ;  on  n'a  pas  encore  de 
données  précises  à  cet  égard  (V.  OEuf). 

Le  noyau  secondaire  du  sac  embryonnaire,  formé, 
comme  nous  l'avons  vu,  par  la  fusion  des  noyaux  polaires 
des  tétrades  opposées  du  sac  embryonnaire,  produit,  par 
sa  segmentation,  les  noyaux  de  l'albumen  ;  cette  segmen- 
tation commence  dès  que  le  noyau  mâle  pénètre  dans  l'oos- 
phère. La  formation  de  l'albumen  précède  donc  notable- 
ment la  division  du  noyau  résultant  de  la  fusion  des  noyaux 
sexuels  ;  chez  VAgraphis  cernua,  par  ex.,  on  remarque 
déjà  8  noyaux  d'albumen  avant  que  cette  fusion  ne  soit 
effectuée.  Le  nombre  des  segments  chromatiques  varie 
dans  la  segmentation  des  noyaux  de  l'albumen,  ce  qui 
s'explique  par  le  rôle  essentiellement  transitoire  que  joue  ce 
tissu,  tandis  que  les  noyaux  sexuels  sont  chargés  de  trans- 
mettre au  nouvel  individu  les  caractères  spécifiques  héré- 
ditaires de  la  plante. 

Chez  les  Gymnospermes  et  les  Cryptogames  archégo- 


niées,  les  choses  se  passent  essentiellement  de  même  ;  la 
position  des  éléments  peut  varier,  mais  à  un  moment  donné 
les  deux  couples,  formés  chacun  par  deux  sphères  direc- 
trices d'origine  différente,  n'en  prennent  pas  moins  la  même 
position  définitive  avant  la  bipartition  du  noyau  de  l'œuf 
fécondé,  puisque  l'axe  du  fuseau  nucléaire  est  toujours 
parallèle  à  l'axe  de  l'archégone  ou  de  l'oosphère.  Par  suite, 
après  la  fécondation,  le  premier  cloisonnement  de  l'œuf 
est  transversal  dans  tous  les  cas...  «  Au  total,  la  partie 
fondamentale  dans  l'étude  morphologique  de  la  fécondation 
paraît  résolue.  Ce  phénomène  n'est  pas,  comme  on  avait 
cru  pouvoir  l'admettre  jusqu'ici,  de  nature  purement  nu- 
cléaire; il  ne  consiste  pas  simplement  dans  l'union  de  deux 
noyaux  d'origine  sexuelle  différente,  mais  aussi  dans  la  fu- 
sion de  deux  corps  protoplasmiques  dont  les  éléments 
essentiels  sont  les  sphères  directrices  de  la  cellule  mâle  et 
de  la  cellule  femelle.  Si  les  noyaux  n'en  ont  pas  moins  une 
grande  importance  dans  la  transmission  des  propriétés 
héréditaires,  la  présence  permanente  des  sphères  directrices 
dans  les  cellules  sexuelles  chromatiques,  et  surtout  leur 
fusion  au  moment  de  la  fécondation,  nous  obligent  à  resti- 
tuer au  protoplasma  le  rôle  primordial  dans  l'accomplisse- 
ment du  phénomène.  Cette  fusion  appartient  à  l'essence 
même  de  la  fécondation  ;  elle  est  nécessaire  pour  la  for- 
mation et  l'évolution  ultérieure  de  l'œuf.  »  (Guignard.) 

Dr  L.  Hahn. 
II.  Physiologie  animale.  —  La  fécondation  consiste 
essentiellement  en  la  fusion  de  deux  éléments,  l'un  mâle, 
l'autre  femelle,  d'où  résulte  la  production  d'un  individu  nou- 
veau. Elle  se  présente,  sous  des  formes  variées  et  à  des  degrés 
divers,  dans  tout  le  règne  animal,  et,  si  elle  ne  mérite  point, 
aux  échelons  inférieurs  de  l'animalité,  de  porter  ce  nom,  à 
s'en  tenir  strictement  à  la  définition  qui  précède,  il  n'en 
existe  pas  moins  entre  les  phénomènes  qu'offrent  les  ani- 
maux inférieurs  et  ceux  que  présentent  les  êtres  les  plus 
élevés  toute  une  série  de  gradations  qui  font  reconnaître 
l'identité  de  nature.  Les  protozoaires  ne  présentent  point 
la  fécondation  telle  qu'elle  vient  d'être  définie.  Et  comment 
le  pourraient-ils  d'ailleurs?  Organismes  unicellulaires,  ils 
n'ont  point  d'organes  ;  ils  ne  peuvent  que  se  diviser  en  de 
petits  fragments  qui,  en  grossissant,  ressembleront  exacte- 
ment à  leurs  parents.  Et  pourtant  il  y  a  chez  eux  un 
phénomène  qui  rappelle  la  fécondation.  Un  naturaliste, 
M.  Maupas,  a,  en  effet,  constaté  que,  si  tel  infusoire,  le 
Stylonichia  pustulata,  par  exemple,  semble  pouvoir  se 
reproduire  indéfiniment  par  division  ou  fragmentation,  ce 
n'est  là  qu'une  apparence.  Sans  doute,  on  obtiendra  20, 
400,  150,  200  générations  de  suite  par  ce  procédé  ;  mais 
il  vient  un  moment  où  la  division  ne  se  fait  plus  :  l'espèce 
s'en  va  ;  elle  va  disparaître  si  les  individus  survivants 
n'arrivent  point  à  se  conjuguer,  c.-à-d.  à  se  fondre  avec 
un  de  leurs  pareils,  et  encore  faut-il  que  ce  pareil  soit  de 
souche  différente  et  non  de  mêmes  parents  que  l'individu 
considéré  ;  à  ce  prix-là,  l'espèce  reprend  ses  dimensions 
normales  ;  le  noyau  se  développe,  et  la  dégénérescence  qui 
se  manifestait  dans  une  mesure  inquiétante  est  écartée  :  la 
mort,  qui  était  imminente,  n'est  plus  à  craindre.  Ce  n'est 
point  une  fécondation  véritable,  que  cette  fusion  ;  mais, 
entre  ce  processus  et  la  fécondation  vraie,  il  y  a  tous  les 
passages  et  il  nous  faut  le  considérer  comme  le  rudiment 
de  celle-ci.  —  Je  ne  ferai  que  citer  rapidement  ces  formes. 
Au  bas  de  l'échelle,  nous  avons  le  processus  de  la  forma- 
tion d'un  plasmodium.  C'est  celui  qui  vient  d'être  rap- 
pelé :  il  consiste  en  ce  que  des  individus  isolés  se  rap- 
prochent les  uns  des  autres  et  se  fondent  en  une  masse 
commune  où  tous  se  mêlent  sans  qu'on  puisse  les  distin- 
guer les  uns  des  autres  ;  plus  tard,  ce  plasmodium  se 
désagrège  en  un  grand  nombre  d'organismes  semblables  à 
ceux  qui  l'ont  formé  et,  dans  cette  conjugaison,  des  forces 
nouvelles  ont  été  communiquées  aux  éléments  qui  y  ont 
pris  part,  comme  le  montrent  les  recherches  de  M.  Maupas. 
La  conjugaison  multiple,  où  plusieurs  individus  se  fondent 
aussi  en  un  seul,  représente  un  processus  très  similaire  au 


FÉCONDATION 


—  406  — 


précédent.  Dans  la  conjugaison  ordinaire,  les  phéno- 
mènes sont  autres.  Ici,  deux  individus  seulement  se  con- 
juguent ou  se  fondent  en  un  seul,  et,  quelque  temps  après, 
la  masse  commune  se  divise  en  deux  individus  qui  com- 
prennent chacun  évidemment  une  partie  des  éléments  de 
chacun  des  individus  primitifs.  Un  progrès  ou  une  compli- 
cation s'observe  dans  la  conjugaison  dimorphe  :  ici,  il  y 
a  fusion  de  deux  individus  de  même  espèce,  mais  mor- 
phologiquement, extérieurement,  différents  :  l'un  est  petit, 
agile,  l'autre  est  gros,  paresseux,  lent  ;  l'un  peut  être 
regardé  comme  mâle,  l'autre  comme  femelle.  Les  quatre 
cas  qui  précèdent  ne  s'observent  que  chez  les  proto- 
zoaires et  les  métazoaires;  chez  les  animaux  poly cellulaires, 
les  métazoaires,  c.-à-d.  chez  tous  les  animaux  autres  que 
les  protozoaires,  il  y  &  fécondation,  c.-à-d.  fusion  d'une 
cellule  mâle  avec  une  cellule  femelle,  toutes  deux  mises 
en  liberté  par  des  individus  différents  de  même  espèce.  Et 
la  fécondation  a  ceci  de  caractéristique  que,  sans  elle, 
l'œuf  demeure  stérile  (sauf  dans  quelques  cas  de  parthéno- 
genèse) ;  qu'il  faut  et  il  suffit  qu'un  seul  spermatozoïde  y 
pénètre  (si  plusieurs  y  pénètrent,  on  a  un  développement 
monstrueux)  ;  que  les  noyaux  de  ces  deux  éléments  se 
fondent  en  un  seul  qui  se  subdivise  ensuite,  chacune  de  ses 
divisions  renfermant  à  la  fois  une  partie  du  noyau  mâle  et 
une  partie  du  noyau  femelle. 

Tels  sont  les  faits  fondamentaux  de  la  fécondation  ani- 
male. Nous  considérerons  maintenant  tour  à  tour  Yœuf,  le 
spermatozoïde  (cellules  femelle  et  mâle),  leur  formation 
et  leur  physiologie,  et  les  phénomènes  qui  assurent  leur 
rencontre. 

Vœuf  ou  cellule  reproductrice  femelle.  Il  ne  s'agit 
pas  ici  d'entrer  dans  les  détails  de  i'ovogenèse  :  ils  seront 
donnés  au  mot  OEuf  ;  encore  faut-il  rappeler  rapidement 
où  et  comment  l'œuf  se  forme.  La  découverte  de  l'œuf  et  de 
sa  nature  cellulaire  est  toute  récente.  On  croyait  encore  au 
siècle  dernier,  et  même  au  début  du  siècle  actuel,  que 
l'œuf  était  un  organisme  en  miniature.  Es  gibt  hein  wer- 
den,  disait  Haller,  «  il  n'y  a  pas  de  devenir  »,  c.-à-d. 
«  il  ne  se  forme  rien  de  nouveau  ».  Tel  était  l'axiome  de 
la  «  théorie  de  l'évolution  »,  comme  on  l'appelait  alors, 
entendant  par  là  l'antipode  exact  du  sens  que  rationnelle- 
ment nous  donnons  aujourd'hui  à  ce  terme.  Il  serait  plus 
exact  de  l'appeler  théorie  de  la  préformation.  Elle  suppo- 
sait que  l'œuf  renferme  en  petit  tous  les  organes  et  tissus 
de  Tadulte  avec  la  forme  et  la  position  conformes.  Cette 
miniature  n'avait  qu'à  croître,  à  grossir,  pour  former  l'or- 
ganisme ;  il  ne  s'y  développait  rien  de  nouveau  ;  le  sque- 
lette tout  entier  y  existait,  jusqu'au  moindre  os  ;  les  muscles, 
les  glandes,  les  viscères,  rien  n'y  manquait,  et  on  se  dis- 
pensait de  prouver  la  chose  en  disant  simplement  que  tout 
cela  est  si  petit  que  nul  microscope  ne  saurait  le  montrer 
à  l'œil.  La  théorie  de  la  préformation  comportait  une  con- 
séquence difficile  à  accepter.  Mais  Leibniz  et  Haller  ne  se 
laissèrent  pas  arrêter  pour  si  peu.  Du  moment  où  il  n'y  a  pas 
de  «  devenir  »,  il  faut  que  tout  germe  renferme  en  lui-même 
le  germe  de  chacun  de  ses  descendants.  C'était  la  théorie  de 
V emboîtement  des  germes  :  l'œuf  que  voici  ne  renferme 
pas  seulement  la  miniature  d'un  organisme,  mais  dans 
cette  miniature  il  y  a  un  ou  plusieurs  œufs  renfermant 
eux  aussi  des  miniatures  qui,  elles-mêmes,  en  contiennent 
d'autres,  et  ainsi  de  suite  à  l'infini.  Bref,  les  œufs  de  notre 
mère  Eve,  qui  n'étaient  sans  doute  pas  beaucoup  plus  gros 
que  ceux  des  femmes  actuelles  (deux  dixièmes  de  millim. 
de  diamètre),  devaient  à  ce  compte  renfermer  au  moins 
200,000,000  de  germes  emboîtés,  et,  plus  encore,  puis- 
qu'il devait  s'y  trouver  les  miniatures  de  tous  les  hommes 
qui  ont  vécu  jusqu'ici,  de  tous  ceux  qui  vivent,  et  de  tous 
ceux  qui  vivront  jusqu'à  la  fin  du  monde.  Il  était  toutefois 
une  difficulté  que  la  théorie  de  la  préformation  n'écartait 
point.  Les  naturalistes,  et  le  public  sans  doute,  savaient 
que,  pour  la  reproduction,  il  est  besoin  du  concours  des 
deux  sexes.  Mais  pourquoi  ce  concours  ?  A  quoi  bon,  du 
moment  où  le  germe  est  préformé?  Les  uns,  les  ovistes, 


tenaient  pour  la  préformation  pure  et  simple,  sans  expli- 
quer le  rôle  de  la  copulation  ;  les  animalculistes  préten- 
dirent que  le  véritable  germe  est  non  l'œuf,  mais  bien  le 
spermatozoïde  qui,  à  les  en  croire,  renferme  la  véritable 
miniature  de  l'organisme,  des  os,  des  nerfs,  etc.,  l'œuf 
n'étant  qu'un  amas  de  substances  alimentaires  dont  se 
nourrit  la  miniature.  On  eût  pu  discuter  une  éternité 
durant,  si  Gaspard-Frédéric  Wolff  n'avait,  en  1759,  for- 
mulé la  théorie  de  Yépigenèse,  qui  mérite  mieux  le  nom 
de  théorie  de  l'évolution,  et  qui  se  résume  en  ceci  :  il  n'y  a 
rien  de  préformé  dans  le  germe  mâle  ou  femelle  ;  ce  germe 
n'est  que  de  la  matière  vivante,  douée  sans  doute  de  pro- 
priétés particulières  et  qui  s'organise  graduellement  en  tissus 
et  organes  différenciés.  De  la  sorte,  la  formation  de  l'em- 
bryon est  un  iverden  au  sens  le  plus  strict  du  mot.  La 
science  a  démontré  l'exactitude  de  la  théorie  de  Wolff,  ce 
qui  ne  lui  eût  pas  été  facile  avec  les  ressources  dont  on 
disposait  alors  ;  aujourd'hui,  elle  est  assise  sur  des  bases 
solides.  L'œuf  et  le  spermatozoïde  ne  sont  que  deux  cellules 
vivantes  qui,  après  fusion,  se  divisent  en  d'autres  cellules 
selon  des  lois  très  précises,  lesquelles  font  de  même,  et 
donnent  de  la  sorte  naissance  à  tous  les  tissus  et  organes 
progressivement  et  successivement  :  la  formation  de  l'em- 
bryon est  une  des  merveilles  de  la  nature  par  sa  simpli- 
cité en  même  temps  que  par  sa  complexité. 

Passons  maintenant  aux  résultats  acquis  :  l'œuf  est  la 
cellule  la  plus  volumineuse  du  corps  :  il  a,  chez  la  femme, 
deux  dixièmes  de  millimètre  de  diamètre,  et  le  mot 
«  volumineux  »  a  ici  un  sens  tout  relatif.  Cette  cellule 
est  ronde  :  son  contenu  porte  le  nom  de  vitellus  ;  sa 
membrane  d'enveloppe,  celui  de  membrane  vitelline  ; 
son  noyau  s'appelle  vésicule  germinative ,  et  ses  nu- 
cléoles, taches  germinatives.  Le  vitellus  est  du  proto- 
plasme qui  renferme  des  matières  de  réserve,  grasses  ou 
albuminoïdes,  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  deutoplasme  : 
il  sert  à  la  nutrition  du  futur  embryon.  On  a  établi  une 


^^pÊÊm ,/ 


Fig.  10.  —  Œuf  de  lapin,  zp,  zone  pellucide;  cf,  cellules 
i'olliculeuses  ;  cl,  granulations  deutoplasmiques  ;  vg, 
vésicule  germinative  ;  m,  réseau  nucléaire  \  tg,  tache 
germinative. 

classification  des  œufs  basée  sur  le  mode  de  répartition  du 
protoplasme  et  du  deutoplasme  ;  mais  ceci  n'a  point  d'in- 
térêt spécial  au  point  de  vue  qui  nous  occupe  ;  je  renvoie 
pour  les  détails  au  mot  OEuf,  et  il  suffira  de  rappeler  ici 
que  l'œuf  de  la  femme  est  surtout  formé  de  protoplasme 
avec  des  gouttelettes  de  graisse  qui  le  rendent  assez  opaque, 
et  qu'il  ressemble  beaucoup  à  celui  des  autres  mammi- 
fères. Fondamentalement,  il  ne  diffère  point  de  l'œuf  d'une 
grenouille,  d'un  poisson,  d'un  mollusque,  d'un  ver  ou  d'un 
zoophyte  ;  il  n'existe  que  des  différences  secondaires.  Chez 
la  femme  et  les  animaux  supérieurs,  cet  œuf  se  forme  dans 
un  organe  spécial,  l'ovaire,  par  une  sorte  de  germination 
ou  bourgeonnement  des  vésicules  de  Graaf  (V.  Ovaire).  Il 


—  407 


s'en  forme  en  nombre  variable  ;  ici  il  ne  s'en  forme  qu'un, 
là  des  centaines.  Mais  prenons  le  cas  de  la  femme.  Géné- 
ralement il  ne  s'en  détache  qu'un  à  la  fois  ;  il  crève  les 
parois  de  l'organe  et  se  détache  :  c'est  Y  ovulation  que  l'on 
considère  généralement  comme  coïncidant  avec  la  mens- 
truation qui  serait  l'indice  extérieur  de  la  ponte  de  l'œuf  ; 
mais  il  peut  se  former  deux,  trois,  quatre  œufs  à  la  fois, 
comme  le  démontrent  les  grossesses  doubles,  triples,  etc. 
La  rupture  des  parois  de  la  vésicule  déterminent  une 
hémorragie  légère,  mais  le  sang  menstruel  provient  en 
réalité,  non  de  l'ovaire,  mais  de  l'utérus  qui  est  fortement 
congestionné  à  ce  moment.  La  corrélation  de  l'ovulation  et 
de  la  menstruation  n'est  pas  chose  certaine  ;  en  effet,  il 
peut  y  avoir  ovulation  (et  grossesse)  en  l'absence  de  mens- 
truation, après  la  ménopause,  et  la  menstruation  peut  per- 
sister malgré  l'absence  d'ovulation  (ovariotomie  double). 
Une  fois  formé,  que  devient  l'œuf?  Son  sort  est  très 
variable.  Chez  beaucoup  d'animaux  inférieurs  (où  il  se 
produit  par  un  processus  bien  plus  simple  et  sans  mens- 
truation :  celle-ci  est  spéciale  aux  mammifères,  semble-t-il), 
.  ils  sont  entraînés  au  dehors  et  tombent  à  l'eau  si  l'animal 
est  aquatique  ;  chez  les  vertébrés  inférieurs,  comme  les 
poissons,  ils  sont  expulsés  au  dehors,   en  pleine  mer  ; 
chez  les  grenouilles,  ils  sont  déposés  dans  une  mare,  et,  à 
mesure  que  l'on  considère  des  animaux  plus  élevés,  la 
migration  de  l'œuf  se  fait  de  façon  plus  compliquée.  Il  y  a 
des  canaux  spéciaux  pour  conduire  l'œuf  au  dehors  et  sou- 
vent pour   le  revêtir   d'une  coquille   calcaire  (reptiles, 
oiseaux);  chez  les  mammifères,  il  se  joint  à  ces  canaux  une 
poche  spéciale  que  l'œuf  traverse  s'il  n'est  point  fécondé  ; 
mais  où  il  séjourne,  se  fixe,  et  se  développe  s'il  est  fécondé  : 
cette  poche  est  l'utérus.  Chez  la  femme  donc,  l'œuf  tombe, 
par  un  mécanisme  encore  mal  élucidé,  dans  la  trompe  de 
Fallope  qu'il  traverse  lentement,  pour  arriver  au  bout  de 
huit  ou  dix  jours  dans  l'utérus  qu'il  traverse  aussi,  entraîné 
par  le  sang  qui  sourd  des  parois  de  cet  organe.  L'ovula- 
tion et  la  menstruation  de  la  femme  correspondent  exacte- 
ment au  rut  des  femelles  des  animaux  supérieurs. 

Voici  un  des  éléments  de  la  fécondation  en  place  ;  voyons 
comment  se  comporte  l'autre. 

Le  spermatozoïde  ou  cellule  reproductrice  mâle. 
Comme  l'œuf,  le  spermatozoïde  est  une  simple  cellule  ; 
mais  c'est  une  très  petite  cellule,  comparée  à  l'œuf.  Il  se 
présente  en  abondance  dans  le  liquide  spermatique .  C'est 
une  cellule  allongée  qui  a  généralement  la  forme  d'un 
têtard,  une  extrémité  renflée  portant  une  sorte  de  longue 
queue  très  mince.  Hamm,  étudiant  de  Leyde,  a  été  le 
premier  à  en  signaler  l'existence  en  1677.  Les  spermato- 
zoïdes furent  assez  longtemps  considérés  comme  des  para- 
sites ;  ce  fut  l'opinion  de  certains  naturalistes  jusque  vers 
4840,  et  Jean  Millier,  le  physiologiste,  déclarait  ne  savoir 
si  ce  sont  des  parties  de  l'organisme  ou  bien  des  orga- 
nismes parasitaires.  On  sait  maintenant  que  ce  sont  des 
cellules  vivantes  produites  dans  le  testicule,  emmagasinées 
dans  les  vésicules  séminales,  et  qui  sont  expulsées  au  dehors 
durant  l'accouplement  avec  un  liquide  muqueux  dont  tout 
le  rôle  consiste  à  les  protéger  et  à  en  faciliter  la  sortie.  Ce 
sont  les  seuls  agents  de  la  fécondation  ;  le  sperme  est 
inactif  (Reichert),  et  même  le  spermatozoïde  n'est  efficace 
que  s'il  est  mûr,  s'il  a  acquis  la  motilité.  Cette  petite  cel- 
lule est  en  effet  pleine  d'activité.  Elle  se  meut  rapidement 
dans  le  sperme,  à  la  façon  d'un  têtard,  et  jouit  d'une  vita- 
lité considérable.  Elle  peut  vivre  des  mois  dans  les  vési- 
cules séminales,  et,  même  dans  les  organes  femelles,  il  leur 
arrive  de  persister  fort  longtemps.  Chez  les  chauve-souris, 
ils  demeurent  tout  l'hiver  dans  l'utérus  de  la  femelle  en 
conservant  leur  vitalité  ;  chez  la  poule,  ils  restent  au  moins 
dix-huit  jours  vivants,  et  peut-être  peuvent-ils  conserver 
la  vie  durant  des  semaines  dans  l'utérus  de  la  femme.  Ils 
sont  fort  résistants  aux  agents  de  destruction  ;  la  congé- 
lation temporaire  ne  les  tue  pas  même  chez  l'homme  (Go- 
dard), mais  les  milieux  acides  leur  sont  très  nuisibles  et 
la  dessiccation  les  tue.  On  peut  conserver  vivants  les  sper- 


FÉCONDATION 

matozoïdes  des  poissons  à  l'air  libre,  à  condition  qu'ils 
restent  humectés  (Balbiani,  Coste,  etc.),  et  ces  éléments 
conservent  leur  vitalité  même  dans  le  corps  mort,  jusqu'à 
84  heures  après  la  mort.  L'homme  peut  encore  donner  la 
la  vie  après  qu'il  l'a  perdue.  Les  spermatozoïdes  des  animaux 
aquatiques  jouissent  d'une  vitalité  considérable  ;  le  contact 


Fig.  11.—  Spermatozoïdes  de  divers  animaux.  1,  écrevisse; 
2,  homard;  3,  crabe;  4,  ascaride;  5,  moina  ;  6,  homme  ; 
7,  raie,  8,  rat;  9,  cobaye;  10,  scarabée;  11,  éponge. 

de  l'eau,  salée  ou  non,  ne  les  tue  pas,  et  ils  se  meuvent 
dans  ce  milieu  45,  20,  40  heures  et  peut-être  plus.  Chez 
l'homme,  le  nombre  des  spermatozoïdes  varie  beaucoup  ; 
ils  manquent  parfois,  d'où  stérilité  (41  cas  sur  78  sujets, 
Mantegazza)  ;  ils  commencent  à  se  former  dès  la  puberté 
et,  chez  les  vieillards,  il  en  existe  encore  (37  fois  sur 
51  cas,  d'après  Duplay  ;  41  cas  sur  105,  d'après  Dieu) 
sur  des  hommes  ayant  de  soixante  à  quatre-vingts  ans.  Je 
rappellerai  que  le  testicule  ne  forme  des  spermatozoïdes 
que  s'il  est  descendu  dans  le  scrotum  ;  quand  il  reste  dans 
le  ventre,  le  sperme  reste  infécond. 

Au  point  de  vue  chimique,  la  constitution  du  sperma- 
tozoïde rappelle  celle  de  l'œuf  (surtout  du  jaune  de  l'œuf 
d'oiseau,  car  le  blanc  est  un  élément  accessoire,  surajouté); 
on  y  trouve  de  la  nucléine,  de  la  lécithine,  de  la  cholesté- 
rine,  de  l'albumine,  de  la  graisse,  etc.,  et  on  remarquera 
en  passant  l'analogie,  mise  en  lumière  par  Gobley,  entre 
la  composition  chimique  du  spermatozoïde  et  celle  du  cer- 
veau. Ceci  dit  sur  les  deux  éléments  sexuels,  voyons  com- 
ment ils  sont  mis  en  présence. 

Fécondation  ou  fusion  des  éléments  sexuels.  Dans 
le  cas  le  plus  simple,  chez  les  invertébrés  aquatiques  et 
même  les  poissons,  les  produits  sexuels  sont  expulsés  à  la 
même  époque,  au  printemps,  par  les  animaux  en  âge  re- 
producteur. Les  œufs  s'échappent  delà  femelle,  et  les  sper- 
matozoïdes du  mâle,  et  c'est  en  grande  partie  le  hasard 
qui  leur  permet  de  se  rencontrer.  Dans  beaucoup  de  cas, 
toutefois,  et  ceci  s'observe  chez  les  poissons  en  particu- 
lier, le  mâle  ne  laisse  échapper  ses  spermatozoïdes,  sur 
lesquels  il  a  sans  doute  quelque  contrôle,  que  lorsqu'il  a 
rencontré  des  œufs  d'une  femelle  de  même  espèce,  dépo- 
sés sur  une  plante  aquatique,  ou  un  rocher,  ou  simple- 
ment dans  une  dépression  où  l'eau  est  peu  agitée  et  où 
les  œufs  ne  sont  pas  immédiatement  dispersés.  Il  se  pose 
au-dessus  ou  au  milieu  des  œufs,  et  laisse  _  échapper  son 
sperme  :  les  spermatozoïdes  (laitance)  par  milliers  et  mil- 
lions tournent  autour  des  œufs,  et  par  une  sorte  d'ins- 
tinct inexpliqué  (car  la  raison  de  l'attraction  exercée 
sur  eux  par  les  œufs  est  encore  inconnue)  s'effor- 
cent de  pénétrer  dans  les  œufs.  L'imagination  peut  se 
donner  libre  carrière  sur  l'énorme,  sur  l'incalculable  pro- 
duction d'œufs  et  de  spermatozoïdes  qui  a  lieu  au  prin- 
temps, sur  le  prodigieux  nombre  des  éléments  sexuels  de 
toute  sorte  qui  à  ce  moment  s'échappent  dans  les  eaux 
partout  où  il  y  a  des  êtres  vivants,  et  font  de  la  mer  et 
des  eaux  douces  une  énorme  masse  de  liquide  fécondant, 
de  sperme,  en  même  temps  que  le  théâtre  d'un  accouple- 
ment formidable,  le  lit  nuptial  de  la  plus  grande  partie  de 
la  nature.  A  côté  de  cette  fécondation  externe,  sans 
accouplement  des  individus,  il  y  a  le  cas  moins  répandu  de 


FÉCONDATION 


108  - 


la  fécondation  interne  propre  à  l'homme  et  aux  ani- 
maux supérieurs,  mais  que  l'on  rencontre  aussi  chez  des 
invertébrés,  comme  les  mollusques  gastéropodes  chez  qui 
il  y  a  accouplement,  —  et  souvent  accouplement  double, 
réciproque,  les  individus  possédant  les  deux  sexes,  et  s'ac- 
couplant  à  la  fois  comme  mâle  et  comme  femelle,  —  et 
fécondation  interne.  Entre  ces  deux  modes  extrêmes,  il  y  a 
d'ailleurs  toute  une  série  de  formes  de  passage  :  chez  les 
grenouilles,  par  exemple,  il  y  a  enlacement  prolongé,  mais 
la  fécondation  est  externe  ;  il  n'y  a  pas  introduction  d'or- 
ganes mâles  dans  les  parties  femelles  ;  les  œufs  sont  fécon- 
dés à  mesure  qu'ils  sont  expulsés  ;  ils  sont  fécondés  exté- 
rieurement. 

Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  ce  qui  vient  d'être  dit  au 
sujet  de  la  fécondation  externe,  mais  il  convient  de  rap- 
peler brièvement  les  phénomènes  qui  précèdent  la  féconda- 
tion interne.  Dans  ce  cas,  en  effet,  la  mise  en  présence  des 
éléments  sexuels  ne  peut  s'effectuer  sans  d'importants  actes 
physiologiques  dont  l'en  semble  porte  le  nom  d'accouple- 
ment. Ils  consistent  essentiellement  en  l'introduction  dans 
les  organes  femelles,  et  en  particulier  dans  leur  vestibule, 
dans  le  vagin,  de  l'organe  mâle.  Cette  introduction  n'est 
possible  que  grâce    à  l'érection    de  l'organe  mâle   qui 
acquiert,  par  l'afflux  sanguin,  la  turgescence,  la  rigidité 
nécessaires.  Quand  cette  érection  ne  peut  avoir  lieu,  il 
y  a  impuissance.  Impuissance,  on  le  voit,  n'est  nullement 
synonyme  de  stérilité.  Elle  n'est  parfois  que  temporaire. 
L'impuissant  a  le  plus  souvent  un  sperme  fécond,  mais  il 
ne  peut  l'utiliser,  au  lieu  que  le  stérile  a  bien  le  sperme 
et  l'érection;  il  a  tout,  sauf  la  fécondité  :  le  sperme  est 
privé  de  spermatozoïdes,  et  c'est  un  liquide  albumineux 
incapable  de  féconder  un  œuf.  D'ailleurs,  il  peut  y  avoir 
impuissance  en  même  temps  que  stérilité  :  c'est  l'absence 
absolue  de  sexualité.  Du  côté  de  la  femelle,  il  y  a  bien,  le 
plus  souvent,  une  certaine  érection  du  vagin  qui  facilite 
l'introduction  de  l'organe  mâle,  et  elle  s'accompagne  d'une 
certaine  hypersécrétion  muqueuse  qui  est  aussi  un  adju- 
vant utile  :  mais  tout  ceci  n'est  point  indispensable.  La 
fécondation  s'effectue,  du  moment  où  les  deux  individus 
sont  féconds,  aussi  bien  dans  le  viol  (je  prends  le  cas  de 
l'espèce  humaine)  et  dans  l'accouplement  sans  amour  que 
dans  l'union  la  plus  passionnée,  la  plus  réciproquement 
désirée  :  l'amour  et  le   plaisir  qui  accompagne  l'union 
sexuelle  n'ont  rien  à  faire  ici,  et  ni  l'œuf  ni  le  spermato- 
zoïde ne  prennent  part  aux  sentiments,  à  l'état  cérébral  ou 
psychique  des  individus  temporairement  unis.  L'accouple- 
ment s'étant  opéré,  de  gré  ou  de  force  de  la  part  de  la 
femelle,  il  y  a  expulsion  d'une  certaine  quantité  de  liquide 
mâle  qui,  grâce  à  l'action  de  muscles  spéciaux,  est  projeté 
le  plus  loin  possible  dans  le  vagin,  vers  l'orifice  de  l'utérus. 
L'individu  a  fait  tout  ce  qu'il  pouvait  :  a  peu  près  tout, 
car  il  est  des  cas  où  l'art  peut  venir  en  aide  à  la  nature  et 
où  la  fécondation  artificielle  (V.  le  §  ci-dessous)  est  néces- 
saire en  raison  de  quelque  malconformation  du  mâle  ou  de  la 
femelle,  qui  s'oppose  à  la  rencontre  de  l'œuf  et  des  sper- 
matozoïdes, pour  mettre  les  éléments  sexuels  en  présence. 
Et  maintenant,  si  les  individus  sont  normaux,  bien  con- 
formés, c'est  à  ces  éléments  d'achever  l'œuvre,  et  de  par- 
courir, grâce  à  leurs  propres  ressources,  la  petite  distance 
qui  les  sépare  encore  l'un  de  l'autre.  L'œuf  est  dans  l'utérus 
ou  l'oviducte,  les  spermatozoïdes  dans  le  vagin;  les  sper- 
matozoïdes courent  au-devant  de  l'œuf  qui,  de  son  côté, 
arrive  lentement,  poussé  par  les  cils  vibratiles  de  l'épithé- 
lium.  L'œuf,  nous  l'avons  dit,  met  un  temps  très  variable 
à  aller  de  l'ovaire  à  l'utérus  :  4  jours  chez  le  lapin, 
6  chez  le  chien,  8  chez  la  brebis  d'après  Coste,  3  mois 
chez  le  chevreuil  d'après  Packels  et  Ziegler,  5  ou  6  heures 
chez  la  poule,  8  ou  10  jours  chez  la  femme,  approximati- 
vement. Aussi  la  fécondation  s'opère-t-elle  plus  ou  moins 
vite,  selon  le  point  où  se  trouve  l'œuf  :  en  tous  cas,  même 
dans  les  cas  les  plus  favorables,  elle  ne  s'opère  jamais 
immédiatement!  :  à  supposer  que  l'œuf  soit  déjà  dans 
l'utérus,  il  faut  encore  que  les  spermatozoïdes  aient  le 


temps  d'arriver  à  le  joindre,  car  sans  un  contact  matériel 
absolu,  il  n'y  a  pas  de  fécondation,  et  la  théorie  de  l'im- 
prégnation à  distance,  de  Y  aura  seminalis,  est  abandonnée 
à  jamais  :  s'il  n'y  a  pas  toujours  fécondation  après  le  con- 
tact du  sperme  et  de  l'œuf,  il  ne  peut  y  avoir  de  féconda- 
tion que  par  pénétration  d'un  spermatozoïde  dans  ce  der- 
nier. Le  plus  souvent,  les  spermatozoïdes  vont  assez  loin 
chercher  l'œuf,  jusque  dans  la  trompe  de  Fallope  qui  unit 
l'ovaire  à  l'utérus,  et  c'est  plusieurs  heures  après  l'accou- 
plement qu'a  lieu  la  fécondation,  dix,  quinze,  vingt  heures 
peut-être,  chez  la  femme.  Us  y  vont  grâce  à  leur  motilité 
propre,  grâce  aux  mouvements  spontanés  de  progression 
par  eux  exécutés,  bien  que  dans  quelques  cas  il  semble  se 
joindre  d'autres  causes.  Pourquoi  se  dirigent-ils  vers 
l'œuf?  On  ne  sait.  Se  dirigent-ils  réellement  vers  lui,  et 
la  rencontre  n'est-elle  pas  en  réalité  purement  acciden- 
telle ?  On  ne  le  saura  que  quand  on  aura  montré  que  les 
spermatozoïdes  se  portent  en  beaucoup  plus  grand  nombre 
dans  la  direction  de  l'œuf  que  dans  les  autres  directions  ; 
et  même  en  ce  cas,  avant  de  parler  d'une  attraction  de  l'œuf 
exercée  sur  les  spermatozoïdes,  —  telle  qu'il  en  semble 
exister  entre  l'anthérozoïde  et  les  zoospores  des."  algues  — 
il  faudra  prouver  qu'il  n'existe  pas  d'autres  causés  poussant 
les  spermatozoïdes  vers  les  points  où  se  trouve  l'œuf,  et 
que  ceux-ci  ne  se  dirigent  pas  vers  les  points  où  pourrait 
se  trouver,  mais  où  ne  se  trouve  pas,  ce  dernier.  En  réa- 
lité, il  est  probable  que  les  spermatozoïdes  se  dirigent  un 
peu  dans  tous  les  sens,  et,  comme  ils  sont  très  nombreux, 


Fig.  12.  —  Spermatozoïdes  d'Asterias  glacialis  s'eflbrçant 
cle  pénétrer  dans  l'œuf.  En  a,  le  coin  d'attraction  se  des- 
sine et  s'avance  vers  te  spermatozoïde  le  plus  voisin; 
en  b,  il  y  a  début  de  fonction  ;  en  c,  la  tête  a  pénétré  dans 
l'œuf. 

il  arrive  le  plus  souvent  qu'un  d'eux  parvienne  à  joindre 
l'œuf.  Cette  jonction  peut  s'opérer  un  peu  partout,  dans 
les  organes  femelles.  On  a  longtemps  cru  qu'elle  s'effectue 
dans  l'utérus  :  mais  c'est  une  erreur.  Les  grossesses  extra- 
utérines prouvent  assez  que  la  fécondation  peut  avoir  lieu 
dans  la  trompe,  voire  même  dans  l'ovaire,  et  c'est  le  plus 
souvent  dans  la  trompe  qu'elle  se  fait.  Il  semblerait  même 
que  la  fécondation  ne  peut  se  faire  bien  que  dans  ce  con- 
duit, chez  la  poule  du  moins,  car  l'œuf  parvenu  dans  la 
partie  inférieure  de  son  oviducte  est  déjà  en  voie  de  dé- 
sorganisation. Quoi  qu'il  en  soit,  le  spermatozoïde  arrivé 
auprès  de  l'œuf  pénètre  dans  celui-ci,  et  c'est  cette  péné- 
tration qui  marque  le  début  de  la  période  de  fécondation. 
On  constate  fort  aisément  le  phénomène  en  recueillant, 
dans  un  verre  de  montre  contenant  de  l'eau  de  mer,  quel- 
ques œufs  d'oursin  ou  d'étoile  de  mer  par  exemple,  et  en 
y  ajoutant  un  peu  de  sperme.  Les  spermatozoïdes  s'agitent 
et  s'empressent  autour  de  chaque  œuf,  un  grand  nombre 
s'accole  à  l'enveloppe,  mais  un  seul  y  pénètre  (fig.  42).  Au 
point  où  il  arrive  en  contact  avec  l'œuf,  celui-ci  se  soulève  en 
forme  de  petit  mamelon,  parfois  effilé,  qui  semble  aller  à 
la  rencontre  du  spermatozoïde,  et  c'est  dans  ce  mamelon 
que  ce  dernier  s'enfonce  peu  à  peu,  en  agitant  son  extré- 
mité libre,  filiforme.  Dès  qu'il  y  est  entré,  on  voit  se  for- 
mer sur  la  surface  du  vitellus  une  membrane  mince  et 
fine  qui,  débutant  au  cône  ou  mamelon  d'attraction, 
s'étend  peu  à  peu  et  entoure  tout  le  vitellus,  de  telle 
sorte  qu'un  autre  spermatozoïde  ne  pourrait  s'introduire 
dans  l'œuf.  Il  peut  bien  s'en  engager  dans  l'enveloppe  gela- 


—  409  - 


FÉCONDATION 


tineuse  de  ce  dernier,  mais  ils  ne  peuvent  pénétrer,  ou  du 
moins  cela  n'a  lieu  que  rarement,  et  on  considère  généra- 
lement que  la  sur  fécondation  ou  polyspermie  détermine 
un  développement  anormal,  la  formation  d'un  embryon 
plus  ou  moins  monstrueux.  On  peut  d'ailleurs  déterminer 
la  surfécondation  en  lésant  l'œuf  par  la  chaleur  ou  le 
froid,  ou  par  différents  poisons,  ou  encore  d'une  façon  mé- 
canique ;  dans  ces  œufs  ainsi  maltraités,  il  pénètre  plusieurs 
spermatozoïdes  et  le  développement  est  anormal. 

Le  processus  de  la  fécondation,  tel  qu'il  a  été  observé 
chez  les  échinodermes,  et  tel  qu'il  vient  d'être  résumé, 
occupe  dix  minutes  environ,  et,  d'une  façon  générale,  il 
s'opère  rapidement,  du  moment  où  l'œuf  et  le  spermato- 
zoïde sont  mûrs.  Cette  question  de  la  maturation  sera  exa- 
minée à  l'art.  OEuf  :  ici,  le  point  principal  à  rappeler  de 
ce  processus  est  la  formation  avant,  et  quelquefois  pen- 
dant la  fécondation,  des  globules  polaires.  A  un  certain 
moment  (avant  la  fécondation  dans  la  majorité  des  cas)  on 


Fig.  13.  —  Formation  des  cellules  polaires  chez  VAsterias 
glacialis.  Sp, fuseau  nucléaire;  vk1,  mamelon  puis  cellule 
polaire;  rk2,  deuxième  cellule  polaire;  e&,  pronucléus 
femelle. 


/>/-■ 


,pm 


Fig.  14. —  Œuf  d'échinoderme.  p?n,  pro- 
nucléus mâle  ;  pf,  pronucléus  femelle, 
se  portant  à  la  rencontre  l'un  de  l'autre. 


voit  le  noyau  ou  vésicule  germinative  se  résoudre  en  frag- 
ments très  petits  qui  ne  tardent  pas  à  se  rassembler  en 
deux  amas,  l'un,  plus  profond,  l'autre,  très  superficiel, 
et  qui  soulève  la  membrane  de  l'œuf  et  s'en  coiffe,  en  fai- 
sant hernie  au   dehors.    La  base  de  cette  petite  saillie 
s'étrangle,  se  resserre,  se  coupe,  et  la  petite  saillie  forme 
dès  lors  un  corpuscule  globulaire,  situé  hors  de  l'œuf,  indé- 
pendant de  lui  (fig.  1 3) .  L'amas  plus  profond  de  l'œuf  se  divise 
encore  une  fois  de  la  même  manière,  et  de  la  sorte  deux 
corpuscules  sont  expulsés  au  dehors.  Ces  corps  sont  ce  que 
l'on  a  appelé  les  globules  polaires  et  on  a  beaucoup  discuté 
sur  la   signification  et  l'utilité  de  ce  singulier  proces- 
sus (V.  en  par- 
ticulier Weis- 
mann ,  Essais 
sur  V  Héré- 
dité, trad.  H. 
de  Varigny, 
1891).  Ce  qui 
semble  acquis, 
c'est  que  la  for- 
mation et  l'ex- 
pulsion des  glo- 
bules   polaires 
s'observent 
dans    tous  les 
œufs.  On  avait  cru  remarquer  que  les  œufs  parthénogéné- 
tiques,  qui  se  développent  sans  fécondation,  n'en  forment 
qu'un  seul;  mais  des  observations  récentes  semblent  indi- 
quer que  c'est  là  une  erreur.  On  a  encore  acquis  ce  fait 
capital  que  l'œuf  encore  pourvu  de  sa  vésicule  germinative, 
n'ayant  point  encore  subi  la  transformation  de  celle-ci  en 
un  noyau  qui  persiste  sous  le  nom  de  pronucléus  et  qui 
est  le  noyau  véritable  de  l'œuf  et  en  un  ou  deux  globules 
polaires  qui  sont  expulsés,  n'est  point  apte  à  la  féconda- 
tion. En  quoi  l'expulsion  des  globules  polaires  rend-elle 


Fig.  15.  —  Œuf  d'échinoderme.  pf,  pro- 
nucléus femelle  ;  pra,  pronucléus  mâle  : 
ils  arrivent  à  se  fusionner. 


l'œuf  fécondable;  que  lui  enlève-t-elle ?  Nous  ne  savons, 
mais  le  fait  est  là.  Donc  l'œuf  devient  mûr  par  la  réduc- 
tion subie  de  la  façon  qui  vient  d'être  indiquée.  J'ajouterai 
qu'il  semble  exister  une  réduction  similaire  chez  le  sperma- 
tozoïde dont,  au  moment  de  la  fécondation,  une  partie  serait 
également  expul- 
sée hors  de  l'œuf, 
de  telle  sorte 
que  les   noyaux 
ou    pronucléus 
mâle  et  femelle 
ne    seraient 
qu'une  partie  de 
l'œuf  et  du  sper- 
matozoïde, et  la 
fécondation  con- 
siste en  la  fusion 
de  ces  deux  pro- 
nucléus. Ils  vont 

à  la  rencontre  l'un  de  l'autre,  le  pronucléus  mâle  ou  résidu 
du  noyau  du  spermatozoïde  se  déplaçant  avec  le  plus  de 
rapidité  ;  ils  se  joignent,  s'accolent  et  se  fondent  en  un 
seul  corps  qui  est  le  noyau  de  segmentation.  Ce  noyau  ne 
tarde  pas  à  se  diviser  en  deux  ;  chacun  de  ceux-ci  se  sub- 
divise à  son  tour,  et  c'est  la  segmentation  de  l'œuf  qui 
commence;  grâce  à  elle,  la  cellule  initiale  unique  forme 
graduellement  par  ses  divisions  successives  la  totalité  des 
cellules  si  variées  de  forme  et  de  fonction  dont  se  compose 
l'organisme.  Mais  nous  n'avons  point  à  nous  occuper  ici  de 
ces  phénomènes  :  il  en  sera  question  au  mot  OEuf. 

Le  processus  de  la  fécondation  est  identique  dans  des 
lignes  maîtresses  chez  toutes  les  formes  animales  :  il  s'agit 
du  processus  intime,  cela  va  de  soi,  car  les  phénomènes 
extérieurs  qui  prépa- 
rent la  fécondation 
sont  au  contraire  très 
variables,  comme 
nous  l'avons  déjà  fait 
remarquer  en  passant. 
11  peut  bien  y  avoir  de 
petites  différences 
dans  l'acte  essentiel 
de  la  fécondation , 
mais  c'est  peu  de 
chose.  Par  exemple, 
certains  œufs  ont  une 
enveloppe  épaisse  et 

présentent  de  petits  orifices  pour  permettre  l'entrée  des 
spermatozoïdes  (micropyles);  par  exemple  encore,  cer- 
tains œufs  ne  présentent  le  phénomène  de  la  formation  et 
de  l'expulsion  des  globules  polaires  qu'après  la  pénétration 
du  spermatozoïde,  etc.  Ce  sont  là  des  variantes  de  peu 
d'importance.  Il  reste  acquis  que  la  fécondation  consiste 
essentiellement  en  l'union,  ou  fusion,  de  deux  organes  ou 
pronucléus,  mâle  et  femelle. 

Ces  noyaux  sont  bien  peu  de  chose  assurément  ;  leurs 
dimensions  sont  bien  restreintes,  et,  pourtant,  c'est  d'eux 
que  procédera  l'embryon  et  l'organisme  tout  entier,  non 
point  dans  son  anatomie  seulement,  mais  avec  ses  parti- 
cularités héréditaires,  psychiques  ou  physiques,  parfois  si 
minutieuses  ;  c'est  par  ces  fragments  microscopiques  de 
matière  que  se  transmettent  non  seulement  les  caractères 
spécifiques  —  les  caractères  de  l'espèce, homme,  lion,  poule 
ou  huître  —  mais  les  aptitudes  ou  les  défauts  caractéris- 
tiques des  procréateurs  (V.  Hérédité). 

11  nous  reste  à  noter  un  fait  bien  singulier  à  l'égard  de 
la  fécondation  :  c'est  l'influence  qu'exerce  souvent  la  pre- 
mière fécondation  sur  les  suivantes,  et  la  sorte  d'impré- 
gnation de  l'organisme  femelle  qui  en  résulte.  C'est  ainsi 
qu'une  jument  ayant  été  fécondée  une  fois  par  un  couagga, 
ses  produits  ultérieurs,  après  fécondation  par  un  pur  sang, 
rappelèrent  avec  une  netteté  frappante  la  coloration  carac- 
téristique du  premier  fécondateur.  Pareillement,  il  est  très 


■/!$ 


16.  —  Œuf  cVéchinoderme.  ns, 
noyau  de  segmentation  résultant 
delà  fusion  des  deux  pronucléus. 


FÉCONDATION  —  FÉCULE 


440 


imprudent  de  laisser  une  chienne  de  race  s'accoupler  pour 
la  première  fois  avec  un  chien  abâtardi  :  plus  tard,  après 
fécondation  par  un  chien  de  race,  elle  donnera  souvent  des 
produits  très  inférieurs.  Les  exemples  de  ce  genre  abon- 
dent, et  on  en  trouve  même  dans  l'espèce  humaine.  A  quoi 
tient  cette  influence  du  premier  fécondateur  sur  les  fécon- 
dations où  il  n'a  point  part?  On  n'en  sait  rien.  Comment  une 
femme  blanche,  mariée  d'abord  à  un  nègre,  engendre-t-elle 
plus  tard,  après  un  mariage  avec  un  blanc  qui  la  féconde,  des 
enfants  portant  des  traces  évidentes  de  sang  nègre  ?  Cela 
est  ;  on  en  peut  citer  des  cas,  mais  on  ne  les  explique 
point  (pour  la  question  de  la  production  des  sexes  à  volonté, 
V.  Sexualité).  IL  de  Vamgny. 

Fécondation  artificielle.— On  désigne  sous  ce  nom  toute 
opération  dont  le  but  est  de  mettre  en  contact  les  éléments 
ovulaires  et  spermatiques  sans  le  secours  de  la  copulation. 
C'est  une  pratique  ordinaire  en  pisciculture  où  la  féconda- 
tion s'obtient  en  faisant  évacuer  dans  un  même  vase  les 
œufs  de  la  femelle  et  la  laitance  du  mâle,  évacuation  qu'on 
amène  par  des  pressions  graduelles  sur  l'abdomen  de  ces 
animaux.  En  4780,  l'abbé  Spallanzani  en  fit  l'application 
scientifique  sur  une  chienne.  Dans  l'espèce  humaine,  l'opé- 
ration est  plus  récente  ;  elle  fut  pratiquée  pour  la  première 
fois  et  fort  heureusement  par  le  docteur  Girault  en  1838, 
puis  par  Marion  Sims,  par  le  docteur  Gigon  d'Angoulême. 
Depuis,  elle  est  entrée  dans  la  pratique,  peut-être  même 
un  peu  abusivement.  C'est  qu'en  effet,  opération  d'excep- 
tion, la  fécondation  artificielle  ne  doit  être  proposée  que 
quand  tous  les  moyens  thérapeutiques  dirigés  contre  la 
stérilité  ont  échoué  et  que  par  ailleurs  toutes  les  conditions 
essentielles  de  la  conception  existent.  Dr  Donon. 

Bibl.  :  Physiologie  végétale.  —  Behrens  et  Hérail, 


Traité  de  botanique.  —  Stràsburger,  Neue  Unlersuch. 
ûb.den  Befruchtungsvorgang  beiden  Phanerogamen,  1884; 
Ueber  Kern-und  Zelltheilung,  1888.—  Guignard,  Phénom. 
morphol.  de  la  fécondation  (Congrès  de  bot.,  1889;  Bull. 
Soc.  bot.,  XXXVI);  Sur  laConstitut.des  noyaux  sexuels 
chez  les  végétaux,  dans  Compt.  rend.  Acad.  d.  se,  11  mai 
1891  ;  Nouv.  Etudes  sur  la  fécondation,  dans  Ann.  se.  nat. 
(Bot.),  1891,  t.  XIV,  79  sér.  —  Les  traités  de  botanique  en 
général. 

FÉCULE  (ïndustr.).  On  donne  le  nom  de  fécule  à  cette 
matière  pulvérulente  amylacée,  qu'on  extrait  des  tiges  sou- 
terraines de  la  pomme  de  terre,  de  l'igname,  du  manioc, 
du  palmier,  des  orchis,  etc.  Le  nom  de  fécule  est  parfois 
confondu  avec  le  nom  d'amidon,  car  tous  deux  ont  la  même 
composition  chimique  et  tous  deux  jouissent  du  même  degré 
d'importance  dans  l'alimentation,  mais  celui  de  fécule  s'ap- 
plique surtout  aux  produits  de  la  pomme  de  terre,  tandis 
que  celui  d'amidon  s'applique  aux  produits  des  fruits,  des 
céréales,  des  légumineuses,  etc.  (V.  Amidon,  t.  II,  p.  743). 
L'industrie  de  la  fécule  aété  créée  enl810  par  N.-C.  Bloch. 
qui  a  ainsi  puissamment  contribué  à  la  propagation  de  la 
culture  de  la  pomme  de  terre  ;  ses  descendants  ont  orga- 
nisé à  Tombelaine  une  féculerie  de  premier  ordre.  Dans  la 
fabrication  delà  fécule  de  pomme  de  terre,  le  premier  point 
c'est  la  réception  et  la  conservation  des  tubercules.  Il  faut 
donner  la  préférence  aux.  espèces  récoltées  dans  les  ter- 
rains sablonneux  ;  elles  sont  toujours  plus  riches  en  fécule. 
La  différence  de  rendement  en  fécule  est  tellement  grande, 
qu'elle  peut  varier  de  12  à  20  °/0.  L'industriel  possède 
plusieurs  moyens  pour  reconnaître  la  qualité  de  la  pomme 
de  terre  (V.  Féculomètre)  ;  s'il  a  recours  aux  méthodes 
basées  sur  la  densité,  il  n'a  qu'à  consulter,  une  fois  la  den- 
sité obtenue,  les  tables  qui  donnent  immédiatement  la  ri- 
chesse en  fécule  et  en  matière  sèche  : 


POIDS 

de  5  kilogrammes 

de  tubercules 

DENSITÉ 

MATIÈRES 

SÈCHES    P.    °/0 

FÉCULE 
p.  % 

POIDS 

de  5  kilogrammes 
de  tubercules 

DENSITÉ 

MATIÈRES 

SÈCHES    P.   % 

FÉCULE 

p.  % 

dans  Te au 

dans  Teau 

375 

1,080 

19,7 

13,0 

535 

1,120 

28,3 

22,5 

380 

1,081 

19,9 

14,1 

540 

1,121 

28,5 

22,7 

385 

1,083 

20,3 

14,5 

545 

1,123 

28,9 

23,1 

390 

1,084 

20.5 

14,7 

550 

1,124 

29,1 

23,3 

395 

1,086 

20,9 

15,1 

555 

1,125 

29,3 

23,5 

400 

1,087 

21,2 

15,4 

560 

1,126 

29,5 

23,7 

405 

1,088 

21,4 

15,6 

565 

1,127 

29,8 

24,0 

410 

1,089 

21,6 

15,8 

570 

1,129 

30,2 

24,4 

415 

1,091 

22,0 

16,2 

575 

1,130 

30,4 

24,6 

420 

1,092 

22,2 

16,4 

580 

1,131 

30,6 

24,8 

425 

1,093 

22,4 

16,6 

585 

1,132 

30,8 

25,0 

430 

1,094 

22,7 

16,9 

590 

1,134 

31,3 

25,5 

435 

1,095 

22,9 

17,1 

595 

1,135 

31,5 

25,7 

440 

1,097 

23,3 

17,5 

600 

1,136 

31,7 

25,9 

445 

1,098 

23,5 

17,7 

605 

1,138 

32,1 

26,3 

450 

1,099 

23,7 

17,9 

610 

1,139 

32,3 

26,5 

455 

.   1,100 

24,0 

18,2 

615 

1,140 

32,5 

26,7 

460 

1,101 

24,2 

18,4 

620 

1.142 

33,0 

27,2 

465 

1,102 

24,4 

18,6 

625 

1,143 

33,2 

27,4 

470 

1,104 

24,8 

19,0 

630 

1,144 

33,4 

27,6 

475 

1,105 

25,0 

19,2 

635 

1,146 

33,8 

28,0 

480 

1,106' 

25,2 

19,4 

640 

1,147 

34,1 

28,3 

485 

1,107 

25,5 

19,7 

645 

1,148 

34,3 

28,5 

490 

1,109 

25,9 

20,1 

650 

1,149 

34,5 

28,7 

495 

1,110 

26,1 

20,3 

655 

1,151 

34,9 

29,1 

500 

1,111 

26,3 

20,5 

660 

1,152 

35,1 

29,3 

505 

1,112 

26,5 

20,7 

665 

1,153 

35,4 

29,6 

510 

1,113 

26,7 

20,9 

670 

1,155 

35,8 

30,0 

515 

1,114 

26,9 

21,1 

675 

1,156 

36,0 

30,2 

520 

1,115 

27,2 

21,4 

680 

1,157 

36,2 

30,4 

525 

1,117 

27,4 

21,6 

685 

1,159 

36,4 

30,6 

530 

1.119 

28,0 

22,2 

Le  fabricant  de  fécule,  bien  fixé  sur  la  qualité  de  la 
pomme  de  terre,  peut  calculer  son  prix  d'achat.  Pour  pré- 
server les  tubercules  de  diverses  altérations  spontanées,  on 
doit  les  placer  dans  un  lieu  dont  la  température  soit  assez 
basse  et  peu  variable  ;  il  faut  éviter  de  mettre  en  magasin 
des  pommes  de  terre  détériorées,  meurtries,  écrasées  ou 
atteintes  de  la  maladie  spéciale,  et  choisir,  pour  les  emma- 
gasiner, un  lieu  qui  ne  "soit  ni  excessivement  humide,  ni 


accessible  aux  eaux  pluviales  ou  à  la  gelée.  L'emmaga- 
sinage de  la  pomme  de  terre  se  fait  ordinairement  à  l'air 
libre  dans  des  silos,  dans  des  hangars  ou  dans  des  caves. 
L'emmagasinage  à  l'air  libre  doit  être  rejeté  ;  le  soleil,  la 
pluie,  la  gelée,  la  maladie,  y  produisent  souvent  des  dégâts 
importants.  L'emmagasinage  en  silos  longtemps  en  usage 
doit  l'être  également,  car  la  pomme  de  terre  est  exposée  à 
la  maladie  qui  s'y  développe  et  à  la  pourriture.  L'emma- 


—  111  — 


FECULE 


gasinage  dans  des  hangars  couverts  supprime  presque  tous 
ces  inconvénients,  sauf  ceux  de  maladie  ;  mais  cet  incon- 
vénient à  lui  seul  est  très  grave,  puisqu'un  amas  de  1  mil- 
lion de  kilogr.  dans  ces  conditions  est  fatalement  destiné 
à  une  perte  de  10  à  20  °/0,  car,  si  le  foyer  de  la  maladie 
se  déclare  au  milieu  du  tas,  il  faut  préalablement  enlever 
ce  qui  l'entoure  et,  lorsque  enfin  on  a  atteint  le  foyer,  la 
destruction  est  déjà  complète.  Les  installations  de  hangars 
varieront  suivant  la  disposition  de  l'usine,  l'emplace- 
ment, etc.  Une  bonne  installation  se  compose  d'un  maga- 
sin en  maçonnerie  recouvert  d'une  charpente  ;  dans  la 
longueur  est  creusé  un  canal  présentant  une  pente  de 
2  centim.  par  mètre  et  qui  servira  à  laver  les  tubercules 
lors  de  leur  emploi  :  en  dehors  de  l'emmagasinage  de  la 
pomme  de  terre,  il  faut  encore,  avant  de  commencer  le  tra- 
vail, se  rendre  compte  des  eaux  qu'on  a  à  sa  disposition, 
pour  produire  la  qualité  de  marchandise  compatible  avec 
ces  eaux.  Si  l'eau  est  pure,  sans  souillures  quelconques, 
si  elle  ne  contient  pas  de  sels,  on  peut  monter  une  fécu- 
lerie  pour  produire  les  fécules  extra-supérieures.  C'est 
grâce  à  cette  eau  que  les  matières  jouant  le  rôle  de  mor- 
dants sont  fixées  sur  la  fécule  et  fixent  à  leur  tour  la 
couleur  même  du  jus  de  pomme  de  terre  sur  la  fécule  qui 
devient  alors  plus  ou  moins  jaunâtre.  Si  l'on  n'a  à  sa  dis- 
position qu'un  cours  d'eau  ordinaire  ou  une  source  chargée 
de  sels,  il  est  plus  prudent  de  ne  fabriquer  que  de  la  fécule 
dite  première.  Les  opérations  se  subdivisent  en  :  trem- 
page des  pommes  de  terre,  lavage,  épierrage,  râpage,  ta- 
misage de  la  pulpe,  dessablage  de  la  fécule,  épuration, 
tamisage  fin,  égouttageet  déposage,  séchage,  écrasage,  blu- 
tage, emploi  des  pulpes,  emploi  des  eaux.  Suivant  les  cir- 
constances, on  peut  multiplier  une  ou  plusieurs  de  ces  opé- 
rations, pour  avoir  des  résultats  plus  complets.  Ainsi,  si 
l'on  a  à  sa  disposition  beaucoup  de  force,  on  peut  râper  la 
pulpe  à  plusieurs  reprises  pour  en  augmenter  la  division  ; 
on  peut  tamiser  plusieurs  fois  la  fécule  à  travers  des  toiles 
de  plus  en  plus  fines  ;  passer  plusieurs  fois  sur  les  tables, 
agiter  la  fécule  à  plusieurs  reprises  pour  séparer  les  im- 
puretés entraînées  dans  le  tamisage,  pour  blanchir  la  fécule 
ou  pour  la  dessabler.  Nous  n'allons  pas  donner  une  dispo- 
sition générale  d'une  féculerie,  mais  simplement  décrire 
les  différents  appareils  employés  dans  cette  industrie. 

Les  pommes  de  terre  des  sols  argileux  doivent  être,  avant 
le  lavage,  immergées  dans  l'eau  pendant  quelques  heures, 
afin  de  délayer  la  terre  et  les  corps  étrangers  adhérents 
qui  deviennent  alors  plus  faciles  à  enlever.  Le  trempage  se 
fait  dans  de  grandes  cuves  en  bois  ou  dans  des  bassins  en 
maçonnerie,  munis  de  bondes  pour  le  départ  des  eaux  sales 
et  de  vannes  pour  la  vidange  des  pommes  de  terre.  Dans 
les  petites  féculeries,  on  lave  la  pomme  de  terre  dans  des 
auges  où  un  courant  d'eau  est  établi  ;  un  homme  prend  les 
tubercules  avec  une  pelle  en  bois.  D'ordinaire  on  emploie 
le  laveur  mécanique  :  c'est  un  tambour  à  jour  composé  de 
deux  plateaux  circulaires  en  fonte,  montés  sur  un  arbre 
en  fer  et  réunis  pour  former  le  tambour  par  des  tringles 
de  fer  rond  de  0m013  de  diamètre,  ne  laissant  entre  elles 
que  0m01  de  vide  pour  l'échappement  des  cailloux.  Plus  de 
jeu  entre  les  tringles  laisserait  passer  les  petites  pommes 
de  terre.  Le  tambour  du  laveur  plonge  un  tiers  de  sa  hau- 
teur dans  l'eau,  et  les  douze  tours  par  minute  qu'il  fait  avec 
un  diamètre  de  0m80  forcent  la  pomme  de  terre  à  sauter 
sur  chaque  tringle  de  fer  et  la  nettoient  parfaitement.  L'eau 
du  laveur  est  renouvelée  au  moins  deux  ou  trois  fois  par 
jour,  au  moyen  d'un  trou  d'homme  permettant  en  même 
temps  d'enlever  la  terre  qui  peut  se  trouver  au  fond  du 
bassin  du  laveur.  Un  tour  d'hélice  en  bois  ou  en  métal, 
fixé  sur  l'axe  à  l'extrémité  du  laveur,  prend  la  pomme  de 
terre  pour  la  jeter  en  dehors.  Du  premier  laveur,  on  fait 
passer  la  pomme  de  terre  au  second  ;  du  second  elle  tombe 
sur  une  grille  en  bois  qui  la  conduit  à  la  râpe  où  un  enfant 
la  pousse  à  la  main,  en  ayant  soin  de  ne  laisser  passer  au- 
cun caillou;  précaution  essentielle  pour  ne  pas  mettre  les 
lames  de  la  râpe  hors  de  service.  Pour  l'épierrage,  on 


fait  passer  les  pommes  de  terre  dans  une  auge  demi-cylin- 
drique remplie  d'eau,  où  un  arbre  armé  de  bras  les  remue 
constamment  ;  les  pierres  tombent  ainsi  au  fond.  Dans 
l'opération  du  râpage,  plusieurs  tentatives  ont  été  faites  pour 
remplacer  les  râpes  à  dents  extérieures  par  celles  à  dents 
intérieures  ou  centrifuges.  Ces  sortes  de  râpes  n'ont  pas 
donné  de  résultatparceque,  si  la  vitesse  devient  trop  grande, 
la  pression  comprime  la  pomme  de  terre  et  la  division  est 
grossière  ;  si  la  vitesse  diminue,  le  travail  est  faible.  Pour 
le  même  travail,  les  râpes  centrifuges  exigent  une  force  re- 
lativement plus  grande  que  les  râpes  ordinaires.  De  bons 
résultats  ont  été  obtenus  avec  les  râpes  ordinaires  à  lames 
extérieures  très  fines.  Les  râpes-meules  sont  certainement 
ce  qu'il  y  aurait  de  mieux,  si  la  dépense  de  la  force  em- 
ployée n'était  pas,  à  peu  de  chose  près,  égale  à  l'avantage 
obtenu.  Il  existe  diverses  machines  employées  pour  repasser 
la  pulpe,  comme  celles  de  MM.  Bloch,  Camus,  etc.  La 
râpe  ou  cylindre  dévorateur  est  un  tambour  en  fonte  de 
0m50  à0m60  de  diamètre  et  0m27  à  0m32  de  largeur,  armé 
sur  toute  sa  circonférence  de  lames  de  scies  fines,  espacées 
de  0m010  pour  obtenir  un  râpage  plus  fin.  Ce  tambour 
tourne  sur  un  axe  porté  solidement  sur  des  paliers  fixés 
sur  un  bâti  de  fonte.  Au-dessus  du  tambour  est  une  ca- 
pote mobile  en  tôle,  retenue  par  des  clavettes,  et  au-des- 
sous, dans  le  sens  où  le  mouvement  entraîne  la  pomme  de 
terre,  est  une  auge  inclinée  qui  entraîne  la  pulpe  dans  une 
chaîne  à  godets,  laquelle  la  conduit  dans  un  tamis  cylin- 
drique. Un  levier  placé  à  la  main  permet,  si  un  caillou 
venait  à  passer  inaperçu  dans  la  râpe,  de  faire  sauter  les 
ressorts  qui  pressent  le  poussoir  contre  le  cylindre  et  d'avoir 
ainsi  le  temps  de  dégrener  la  râpe  au  moyen  de  la  poulie 
folle.  Un  robinet  fait  couler  de  l'eau  sur  la  râpe  en  quan- 
tité suffisante  pour  délayer  la  pulpe.  Une  râpe  faisant  de 
700  à  900  tours  par  minute  pourra  broyer  au  besoin 
25  hectol.  de  pommes  de  terre  par  heure.  Le  tamisage  a 
pour  but  de  séparer  la  fécule  de  la  pulpe  ;  il  s'opère  méca- 
niquement d'une  façon  continue  et  suit  l'action  de  la  râpe. 
On  emploie  plusieurs  systèmes  de  tamisage  :  les  hacheuses 
des  moulins  ;  les  cylindres  à  farine,  plus  solidement  cons- 
truits et  garnis  de  toiles  métalliques  ;  les  auges  demi- 
cylindriques  fines  et  garnies  de  toiles  métalliques,  dans 
lesquelles  tourne  un  agitateur  mécanique.  Tous  ces  tamis 
exigent  une  quantité  d'eau  suffisante  pour  entraîner  toute 
la  fécule  en  liberté  dans  la  pulpe.  Les  tissus  des  toiles  mé- 
talliques sont  graduellement  plus  serrés  à  partir  du  haut  ; 
ainsi,  les  premières  toiles  sont  du  n°  30,  les  dernières  du 
n°  50.  Ces  numéros  indiquent  le  nombre  des  fils  parallèles 
existant  dans  ces  toiles,  sur  une  largeur  de  27  millim. 

L'eau  et  la  fécule  étant  parvenues  dans  des  cuves,  on 
procède  au  dessablage,  opération  qui  doit  éliminer  le  sable 
et  les  matières  terreuses.  A  cet  effet,  on  agite  et  l'on  met 
en  suspension  la  fécule  dans  l'eau,  puis  on  laisse  reposer 
quelques  minutes.  Les  matières  les  plus  denses  se  déposent; 
on  décante  le  liquide  qui  surnage  et  entraîne  en  suspen- 
sion la  fécule  épurée.  La  décantation  se  fait  à  l'aide  d'un 
gros  siphon  ou  d'un  robinet  placé  un  peu  au-dessus  du  fond 
des  cuves.  Après  le  dessablage,  on  laisse  déposer  la  fécule 
dans  d'autres  cuves  et  l'on  décante  le  liquide  éclairci  :  il 
s'est  formé,  à  la  superficie  du  dépôt,  une  couche  grisâtre  que 
l'on  enlève  à  l'aide  de  racloirs  et  qui  est  délayée  à  part  et 
passée  au  tamis  de  soie  afin  d'en  extraire  une  partie  de  la 
fécule  blanche  qu'elle  contient.  La  fécule  débarrassée  de 
cette  couche,  que  l'on  nomme  gras  de  fécule,  est  remise  en 
suspension  dans  l'eau  claire  et  passée  dans  un  tamis  de  soie 
ou  toile  métallique  du  n°  90.  On  se  sert,  pour  faire  déposer 
la  fécule,  soit  de  tonneaux  défoncés  d'un  côté,  soit  de  cuves, 
soit  de  citernes  cimentées.  Le  déposage  sur  des  plans  incli- 
nés donne  des  résultats  très  avantageux.  Ce  sont  des  tables 
de  1  m.  de  large,  dont  la  longueur  varie  de  6  à  20  m., 
les  bords  ayant  0m20.  Elles  peuvent  être  en  maçonnerie 
cimentée  ou  en  madriers  bitumés  ;  on  donne  une  pente  de 
0m01  par  mètre  et  on  laisse  couler  très  doucement  l'eau 
chargée  de  fécule;  cette  dernière,  en  vertu  de  sa  densité, 


FÉCULE  —  FÉCULOMÈTRE 


—  112  — 


se  dépose  dans  le  parcours,  aussi  bien  que  dans  les  cuves, 
et  l'eau  entraîne  le  petit  son  qu'aura  retenu  la  fécule. 
La  fécule  épurée  est  facilement  égouttée  dans  le  tambour 
d'un  hydro-extracteur  ;  il  ne  reste  alors  que  0,30  d'eau 
d'hydratation  et  interposée  qu'il  suffit  de  réduire  à  0,1 8  par 
le  séchage  à  l'air  ou  directement  à  Fétuve,  pour  obtenir 
la  fécule  commerciale  dite  sèche,  qui  retient  en  général 
quatre  équivalents  d'eau  ou  18  °/0.  Le  séchoir  à  air  libre 
doit  être  autant  que  possible  à  l'abri  de  la  poussière  et 
pour  ce  motif  éloigné  des  grandes  routes.  Lorsque  la 
fécule  est  destinée  à  la  fabrication  de  la  glucose,  on  l'em- 
ploie souvent  à  l'état  humide.  On  la  désigne  alors  dans  le 
commerce  sous  le  nom  de  fécule  verte;  elle  contient  les 
2/3  de  son  poids  de  fécule  dite  sèche.  On  a  pu  même 
conserver  la  fécule  plus  humide  en  masses  considérables 
mouillée  avec  de  l'acide  sulfurique  faible  à  0,01  et  accu- 
mulée dans  des  citernes,  pour  le  travail  durant  une  année. 
Au  bout  de  trois  ou  quatre  jours  d'exposition  dans  le  sé- 
choir ou  directement  après  l'égouttage  forcé,  on  porte  la 
fécule  dans  Fétuve  à  courant  d'air  chaud.  Il  faut  éviter 
d'élever  subitement  la  température  à  60°  et  au-dessus, 
car  la  fécule  contient  parfois  encore  assez  d'eau  inter- 
posée pour  donner  à  cette  température  un  empois  épais 
qui  pourrait  souder  entre  eux  un  grand  nombre  de  grains 
et  former  des  grumeaux.  Les  étuves  peuvent  être  à  feu 
nu  ou  à  la  vapeur  ;  la  dessiccation  à  la  vapeur  est  plus  éco- 
nomique, lorsqu'on  en  possède  en  quantité  suffisante.  Dans 
ce  cas,  on  emploie  Fétuve  continue  à  plateaux,  système 
Touaillon,  ou  Fétuve  à  volettes  chauffées  à  la  vapeur. 
Lorsque  la  fécule  a  été  séchée,  on  écrase  les  morceaux 
légèrement  agglomérés  à  l'aide  d'un  rouleau  en  fonte  ou 
entre  des  cylindres  de  bronze,  puis  on  refait  passer  au  blu- 
toir, opération  après  laquelle  elle  est  prête  à  être  vendue 
sous  le  nom  de  fécule  sèche,  bien  qu'elle  contienne  environ 
18  °/0  d'eau. 

On  emploie  aujourd'hui  la  fécule  à  de  nombreux  usages. 
La  plus  blanche  sert  au  collage  des  pâtes  à  papier,  à  la 
préparation  des  sirops  blancs  de  glucose,  aux  apprêts  et 
à  la  fabrication  de  la  dextrine  blanche,  à  confectionner 
quelques  pâtisseries  légères.  Les  qualités  inférieures  s'ap- 
pliquent aux  produits  analogues  moins  blancs  et  moins 
purs  et  en  outre  à  l'encollage  des  fils  de  chaîne  pour  les 
tissus,  à  la  confection  des  pâtes,  vermicelle  et  semoule,  à 
la  fabrication  du  pain,  lorsque  les  prix  des  farines  sont 
élevés,  à  la  préparation  de  l'amidon  grillé,  des  gruaux  imi- 
tant le  tapioca,  le  sagou,  etc.  M.  Rouy  a  fait  une  applica- 
tion heureuse  de  la  fécule  en  substituant  cette  substance 
au  poussier  de  charbon  de  bois  pour  saupoudrer  les  moules 
des  fondeurs  en  bronze.  On  emploie  la  fécule  pour  une 
foule  d'expériences  dans  les  laboratoires  :  Fessai  des 
vinaigres,  des  sels  ammoniacaux,  des  eaux  sulfureuses,  la 
recherche  de  l'iode  et  des  iodures.  Dans  les  préparations 
alimentaires,  la  fécule  de  pommes  de  terre  présente  l'in- 
convénient de  développer  une  légère  odeur  désagréable  due 
à  l'huile  essentielle  particulière  qui  l'accompagne  toujours. 
M.  Martin  est  parvenu  à  enlever  presque  complètement  cette 
odeur  caractéristique,  en  lavant  la  fécule  avec  un  centième 
de  son  poids  de  carbonate  de  soude  dissous  dans  50  parties 
d'eau  et  avec  un  excès  d'eau  pure. 

La  pulpe,  un  des  résidus  importants  de  la  féculerie,  est 
presque  toujours  employée  directement  pour  la  nourriture 
des  bestiaux.  Quand  t'usine  ne  se  trouve  pas  dans  le  voi- 
sinage d'une  grande  ville  ou  d'une  exploitation  agricole,  il 
est  utile  de  conserver  ce  résidu  qui  ne  peut  être  consommé 
à  mesure  de  sa  production.  Un  des  meilleurs  moyens  sera 
assurément  la  dessiccation  ;  ce  procédé,  généralement  trop 
coûteux  pour  s'appliquer  à  un  produit  d'une  valeur  aussi 
minime,  est  cependant  employé  parfois  après  une  expression 
sur  une  toile  sans  fin,  passant  entre  deux  cylindres  et  qui 
élimine  environ  50  %  d'eau.  La  pulpe  desséchée  et  broyée 
forme  un  excellent  fleurage  pour  les  boulangeries,  donnant 
à  la  croûte  inférieure  des  pains  le  goût  et  l'odeur  agréable 
des  pommes  de  terre  légèrement  torréfiées.  On  parvient  à 


retarder  suffisamment  les  altérations  de  la  pulpe  en  la  tas- 
sant fortement  dans  des  silos  en  maçonnerie,  sortes  de 
citernes  cylindriques  ou  rectangulaires  et  la  recouvrant 
d'un  peu  de  paille,  puis  de  terre  bien  foulée.  Les  petites 
quantités  d'alcool  et  d'acides  acétique  et  lactique  qui  s'y 
développent  ne  nuisent  en  rien  à  ses  qualités  alimentaires 
pour  les  bestiaux.  On  doit  d'ailleurs  ajouter  dans  les  ra- 
tions des  aliments  moins  aqueux  et  plus  riches  en  matières 
azotées,  grasses  et  salines.  La  pulpe  humide,  mais  égouttée, 
forme  environ  les  65  %  du  poids  des  tubercules  ;  elle  ren- 
ferme 12  de  matière  sèche  contenant  7  de  fécule.  En 
râpant  les  pulpes  fermentées,  on  peut  obtenir  une  nouvelle 
qualité  de  fécule  dite  fécule  repassée.  Suivant  M.  Bloch, 
dans  les  contrées  où  Feau  est  légèrement  alcaline,  le  tra- 
vail de  repassage  est  impossible  ;  la  fermentation  devient 
butyrique  et  répand  alors  une  odeur  désagréable  pour  les 
voisins.  Les  eaux  qui  proviennent  de  la  pomme  de  terre 
servent  à  irriguer  les  prairies  ;  elles  sont  très  fertilisantes. 
Elles  contiennent  une  certaine  quantité  d'azote,  de  phos- 
phore et  de  potasse  ;  à  défaut  de  prairies,  il  faut  diriger 
ces  eaux  dans  de  grandes  citernes  pour  les  laisser  déposer 
avant  de  les  faire  écouler  à  la  rivière,  et  les  saturer  si  elles 
sont  acides,  sous  peine  de  contraventions.  L'écoulement 
de  ces  eaux  doit  donc  entrer  en  ligne  de  compte  dans  le 
choix  de  l'emplacement  d'une  féculerie.  Les  réservoirs  sont 
vidés  chaque  année  ;  au  fond  on  trouve  un  dépôt  de  ma- 
tières organiques  et  terreuses  qui,  séché  à  l'air  et  employé 
comme  engrais,  est  désigné  sous  le  nom  de  poudrette  végé- 
tale. Outre  la  fécule  de  pommes  de  terre,  on  trouve  dans 
le  commerce  plusieurs  autres  fécules  alimentaires,  dont 
nous  rappellerons  seulement  les  noms,  renvoyant  pour 
leur  description  aux  articles  spéciaux  qui  leur  sont  consa- 
crés. La  fécule  d'arrow-root  est  fournie  par  la  Maranta 
arundinacea;  celle  du  sagou  est  préparée  avec  la  moelle 
du  Sagus  farinifera  ;  celle  du  salep  provient  des  tubercules 
de  diverses  orchidées  exotiques,  et  celle  du  manioc  est 
obtenue  avec  les  racines  du  Jatropha  manihot.  L.  Knab. 
FÉCULOMÈTRE  (Techn.).  La  valeur  commerciale  des 
pommes  de  terre  destinées  à  la  féculerie,  à  la  distillerie,  à 
l'alimentation  du  bétail,  dépend  de  leur  richesse  en  fécule, 
et  c'est,  par  conséquent,  d'après  cette  richesse  que  leur  prix 
devrait  être  fixé.  Plusieurs  moyens  sont  employés  pour  re- 
connaître la  qualité  de  la  pomme  de  terre  :  1°  le  râpage  à 
la  râpe  de  cuisine  et  la  pesée  de  la  fécule  étuvée  ;  2°  la  den- 
sité ;  3°  le  solanomètre.  Le  premier  de  ces  moyens  est  trop 
primitif  pour  mériter  la  discussion  ;  le  râpage  est  grossier, 
la  dessiccation  est  variable  et  ne  peut  indiquer  le  degré  de 
la  fécule  obtenue.  Cette  méthode  peut  donner  des  résultats 
approximatifs  de  5  à  10  °/0  près;  il  faut  donc  la  rejeter. 
Le  poids  spécifique  des  tubercules  est  en  raison  directe  de 
leur  teneur  en  fécule  ;  on  peut  déterminer  ce  poids  au 
moyen  de  deux  méthodes  :  la  méthode  indirecte  et  la  mé- 
thode directe.  La  méthode  indirecte  consiste  à  prendre  le 
poids  spécifique  d'un  liquide  rendu  égal  à  celui  du  corps 
solide.  On  se  sert  d'une  solution  saturée  de  sel  marin,  dont 
on  met  environ  2  litres  dans  un  vase  d'une  capacité  de  5  à 
6  litres.  On  fait  un  échantillon  moyen  de  21  à  30  tuber- 
cules et,  une  fois  ceux-ci  dans  l'eau  salée,  on  verse  de  Feau 
pure  en  agitant  jusqu'à  ce  que  la  moitié  des  pommes  de 
terre  flotte  quand  le  reste  tombe  au  fond.  On  prend  alors 
la  densité  du  liquide  avec  un  aréomètre  ordinaire,  ou  celui 
spécial  de  Krocker,  puis  on  consulte  les  tables  (V.  Fécule), 
qui  donnent  immédiatement  la  richesse  en  matière  sèche  et 
en  fécule.  Les  méthodes  indirectes  sont  basées  sur  l'emploi 

de  la  formule  d  =  -  dans  laquelle p  est  le  poids  des  tuber- 
cules et  v  celui  de  Feau  déplacée.  Les  pommes  de  terre  sont 
essuyées  après  nettoyage  et  mouillées  pour  éviter  l'adhé- 
rence de  bulles  d'air.  On  se  sert  soit  de  l'appareil  de  Stoh- 
mann  ou  de  Schertler,  soit  de  balances  hydrostatiques.  Dans 
le  premier  procédé,  on  emploie  un  vase  gradué  en  verre 
contenant  un  volume  donné  d'eau  ;  on  y  met  un  poids  quel- 


conque  de  pommes  de  terre  et  Ton  remplit  d'eau  jusqu'à 
un  niveau  marqué.  La  différence  entre  le  poids  de  l'eau 
nécessaire  pour  atteindre  la  graduation  et  celui  ajouté  quand 
les  tubercules  étaient  dans  le  vase  donne  le  résultat  cherché. 
Dans  la  pratique,  on  se  sert  de  balances  à  panier  dites 
balances  de  Hurtzig  (peson),  de  Sehwarze  (romaine)  ou  de 
Reimann.  MM.  Aimé  Girard  et  Fleurent  ont  pensé  qu'il 
serait  possible  d'adopter  des  dispositions  simples  et  d'établir 
pour  la  mesure  de  la  densité  d'un  lot  de  pommes  de  terre  un 
appareil  d'un  prix  modeste  et  cependant  d'une  exactitude  suf- 
fisante. Le  féculomètre  comprend  principalement  un  seau  en 
fer-blanc  de  5  litres  environ  de  capacité,  portant  à  la  partie 
supérieure  une  hausse  évasée,  et  à  l'intérieur  duquel  peut 
être  logé  un  panier  métallique  mobile  et  d'une  légèreté  aussi 
grande  que  possible.  C'est  dans  ce  seau  que  les  pommes 
de  terre,  préalablement  placées  dans  le  panier,  sont  descen- 
dues, et  c'est  par  la  mesure  du  volume  d'eau  que  les  tuber- 
cules déplacent  alors  que  doit  avoir  lieu  l'appréciation  de 
la  densité.  Pour  éviter  les  erreurs  qu'apporterait  nécessai- 
rement à  la  mesure  de  ce  volume  la  grande  surface  de 
liquide  contenu  dans  le  seau,  MM.  Aimé  Girard  et  Fleurent 
ont  disposé  latéralement  un  tube  de  verre  de  8  millim.  de 
diamètre  intérieur  destiné  à  rendre  l'observation  plus  pré- 
cise ;  ce  tube  porte  un  trait  d'affleurement  placé  un  peu 
au-dessus  de  l'orifice  du  robinet  par  lequel  a  lieu  l'écoule- 
ment de  l'eau.  Dans  le  même  but,  ils  ont  donné  à  ce  robinet 
une  longueur  très  faible  en  même  temps  qu'un  bec  hori- 
zontal pour  atténuer  les  effets  de  la  capillarité.  Enfin,  pour 
mesurer  la  quantité  d'eau  écoulée,  ils  emploient  un  ballon 
jaugé  dont  le  col  porte  une  graduation  correspondant  à  des 
richesses  comprises  entre  12  et  25  °/0  de  fécule  et  d'autant 
plus  grandes  que  la  quantité  d'eau  évaluée  est  moins  abon- 
dante. 

La  méthode  parle  solanom être,  imaginée  par  MM.  Bloch, 
donne  des  résultats  satisfaisants.  Cette  méthode  est  basée 
sur  l'extraction  absolue  de  la  fécule  dosée  à  l'état  humide 
et  à  son  maximum  d'hydratation.  L'instrument  a  deux  gra- 
duations :  l'une  indique  combien  100  kilogr.  de  pommes  de 
terre  donnent  de  fécule  à  82°,  l'autre  combien  de  pommes 
de  terre  donnent  de  fécule  à  75°.  Il  consiste  en  un  vase  en 
fer  ou  en  verre,  de  la  forme  d'une  allonge,  terminé  par  un 
tube  gradué  ;  le  degré  indiqué  par  le  dépôt  de  fécule  indique 
directement  la  richesse  de  la  pomme  de  terre.  Pour  faire 
un  essai,  on  passe  un  petit  emporte-pièce  au  travers  de  la 
pomme  de  terre,  on  prend  10  gr.  du  cylindre  obtenu 
que  l'on  use  sur  une  petite  meule  dont  l'auge  est  remplie 
d'eau  jusqu'au  tiers  ;  les  parties  échappées  à  la  meule  sont 
broyées  dans  un  mortier  et  le  tout  est  jeté  sur  un  tamis  en 
soie  posé  sur  un  vase  à  robinet.  On  lave  à  grande  eau  et, 
pour  isoler  la  fécule,  on  fait  passer  le  liquide  tout  douce- 
ment sur  un  plan  incliné  de  2m30  de  long  sur  0m06  de 
large.  On  incline  ensuite  le  plan  incliné  et  l'on  chasse  la 
fécule  par  un  courant  d'eau  dans  le  solanomètre.  Après  un 
repos  suffisant,  on  lit  le  nombre  de  divisions  qui  donne  la 
richesse  pour  100  kilogr.  de  pommes  de  terre. 

Les  féculomètres  ont  aussi  pour  but  d'apprécier  prompte- 
ment  la  quantité  de  fécule  et  celle  de  l'eau  que  contient 
une  fécule  verte  et  sèche  du  commerce.  Différents  procédés 
peuvent  permettre  d'obtenir  ce  résultat.  MM.  Bloch  ont 
imaginé  un  petit  instrument  basé  sur  la  propriété  que  pos- 
sède la  fécule  sèche  de  former  un  hydrate  défini  à  volume 
constant,  bien  qu'il  soit  dans  une  grande  quantité  d'eau.  Ce 
féculomètre  est  constitué  par  un  tube  de  35  centim.  de  lon- 
gueur, dont  la  moitié  est  divisée  en  100  parties  ;  il  est 
fermé  par  un  bouchon  à  l'émeri.  Pour  faire  un  essai, 
on  pèse  10  gr.  de  fécule,  soit  sèche,  soit  verte;  on  les 
introduit  dans  le  tube  ;  on  agite  avec  de  l'eau  après  avoir 
remis  le  bouchon.  On  abandonne  au  repos  jusqu'à  ce  que 
la  fécule  ne  se  meuve  plus  en  renversant  le  tube.  Une  fécule 
de  bonne  qualité  se  dépose  au  bout  d'une  heure,  tandis 
qu'une  mauvaise  fécule  exige  six  heures.  Après  le  repos 
complet^  on  lit  le  nombre  des  divisions  occupées  par  la 
fécule.  Cette  lecture  donne  le  titre  de  la  fécule  en  cen- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


—  113  —  FÉCULOMÈTRE  —  FEDER 

tièmes,  c.-à-d.  que,  si  le  chiffre  75  est  indiqué,  les  100  kilogr. 
de  fécule  contiennent  75  kilogr.  de  fécule  réelle  et  25  kilogr. 
d'eau.  Une  fécule  sèche  du  commerce  doit,  si  elle  est  de 
bonne  qualité,  marquer  75  °/0  au  minimum  et  82  °/0  au 
maximum.  L.  K. 

FEDCHENKO  (Alexis),  savant  naturaliste  et  voyageur 
russe,  né  à  Irkoutsk  en  1844,  mort  sur  le  mont  Blanc  le 
15  sept.  1873.  Il  s'établit  de  bonne  heure  à  Moscou  et 
s'adonna  à  l'étude  des  sciences  naturelles.  Jeune  encore, 
il  effectua  plusieurs  voyages  en  Asie,  notamment  dans  le 
khanat  de  Khokand  qu'il  explora  durant  les  années  1869 
à  1871.  On  lui  doit  de  nombreuses  études  d'histoire  natu- 
relle sur  diverses  régions  de  l'Asie  centrale,  publiées  dans 
des  recueils  russes,  allemands  et  français.  Son  grand  ou- 
vrage, Voyage  au  Turkestan,  qui  devait  comprendre  une 
dizaine  de  volumes  in-4,  est  resté  inachevé.  En  1873,  il 
voulut  faire  une  ascension  au  mont  Blanc  afin  d'étudier  de 
près  la  flore  alpestre  et  la  comparer  à  celle  de  l'Asie  cen- 
trale. Abandonné  par  ses  guides  au  milieu  de  la  montée, 
il  fut  retrouvé  quelques  jours  après,  mort  de  froid. 

FED  DAN.  Mesure  agraire  égyptienne  ;  elle  vaut  400  kas- 
sabehs  carrés,  soit  environ  59  ares  29  centiares.  Le 
feddan  qui  sert  de  base  à  l'impôt  ne  mesure  que  44  ares 
59  centiares. 

FEDDERSEN,  née  Çollett  (Ditlevine),  poétesse  norvé- 
gienne, née  à  Christiania  le  19  juil.  1722,  morte  à  Copen- 
hague le  18  nov.  1803.  Mariée  à  Nie.  Feddersen  (1699- 
1769),  magistrat  fort  lettré,  elle  écrivit,  en  partie  sous 
le  pseudonyme  de  Dori?ide,  un  grand  nombre  de  poésies 
et  traduisit  l'Ecossaise  de  Voltaire  et  Pamela  de  Goldoni. 

FÊDÉ.  Pays  du  Soudan  central,  qui  n'est  qu'une  longue 
dépression  ou  vallée  dirigée  du  S.-E.  au  N.,  de  la  pointe 
S.-E.  du  lac  Tchad  auBodelé.  Elle  a  peut-être  servi,  à  une 
époque  relativement  récente,  de  déversoir  au  lac  Tchad.  Les 
Arabes  l'appellent  le  Bahr  el-Ghazal.  Le  Fêdé  a  une  lon- 
gueur d'environ  550  kil.  ;  il  présente  une  ligne  continue  de 
végétation  forestière.  La  différence  de  niveau  entre  les  deux 
pointes  extrêmes,  suivant  Nachtigall,  n'atteindrait  pas 
50  m.  Partout  on  trouve  l'eau  à  une  faible  profondeur  et 
les  indigènes  ne  font  pas  remonter  le  dessèchement  du 
fleuve  dont  le  Fêdé  fut  le  lit  à  plus  de  quatre  ou  cinq  géné- 
rations. Les  pâturages  du  Fêdé  sont  l'objet  des  disputes  les 
plus  vives  entre  les  peuplades  pastorales  du  Kanem,  de 
l'Egaï  et  du  Bodelé. 

FEDE  (Annunzio  ou  Monzio),  peintre  italien  de  l'école 
milanaise  de  la  fin  du  xvie  siècle,  né  à  Trente.  Il  exerçait 
son  art  à  Milan  en  1593,  et  se  distingua  surtout  comme 
miniaturiste.  —  Sa  fille,  Galizia,  née  à  Trente  ou  à  Milan, 
eut  son  père  pour  premier  maître  et  inspirateur,  puis 
se  rapprocha  de  la  manière  des  peintres  de  l'école  bolo- 
naise antérieure  aux  Carrache  ;  il  y  a  d'elle,  dans  les  églises 
et  les  galeries  de  Milan,  plusieurs  tableaux  d'une  exécu- 
tion très  soignée. 

FÉDÉGOSSE  (Racine  de)  (V.  Casse). 

FEDELE  (Cassandra)  (V.  Mapelli). 

FEDELI  (Francesco),  architecte  italien  du  xve siècle.  Né 
à  Corne,  Fedeli  fut  appelé  vers  1479  à  Sienne  et  y  fit  éle- 
ver, sur  ses  dessins,  après  1482,  la  petite  église  de  Fonte 
Giusta  consacrée  en  souvenir  d'une  victoire  des  Siennois 
sur  les  Florentins.  Cet  édifice,  adossé  au  mur  d'enceinte, 
au  N.  et  non  loin  de  la  promenade  de  la  Lissa,  conserve 
des  ex-voto  de  Christophe  Colomb.  Ch.  L. 

FEDER  (Lac).  Petit  lac  du  Wurttemberg,  cercle  du  Da- 
nube, au  N.  de  Buchau;  256  hect.,  à  575  m.  d'alt.  C'est 
le  résidu  d'un  lac  très  vaste  qui  couvrait  une  grande  partie 
des  plaines  voisines,  encore  marécageuses  ;  il  avait  encore 
1,100  hect.  au  début  du  siècle. 

FEDER  (Johann-Georg-Heinrich),  philosophe  allemand, 
né  à  Schornweisach,  près  de  Bayreuth,  le  15  mai  1740, 
mort  à  Hanovre  le  22  mai  1821.  Il  fit  ses  études  au  gym- 
nase de  Neustadt,  puis  à  l'université  d'Erlangen.  Pré- 
cepteur des  enfants  du  baron  de  Wôllwarth,  il  se  mit  à 

8 


FEDER  —  FEDERALISME 


—  114 


étudier  les  théories  toutes  récentes  de  Rousseau  sur  l'édu- 
cation, et  c'est  sous  l'influence  de  ce  philosophe  qu'il 
écrivit  sa  dissertation  inaugurale,  Homo  natura  non  férus 
(Erlangen,  4764),  et  l'un  de  ses  premiers  ouvrages,  Der 
neue  Emit  oder  von  der  Erziehung  nach  bewâhrten 
Grundsdlzen  (id.,  1768-71).  Il  devint,  en  1765,  pro- 
fesseur de  grec  et  d'hébreu  au  gymnase  de  Cobourg,puis, 
en  1768,  professeur  de  philosophie  à  l'université  de  Gœt- 
tingue.  Son  enseignement,  dans  lequel  il  simplifiait  la  phi- 
losophie de  Wolff  et  donnait  aux  questions  métaphysiques 
des  solutions  d'ordre  pratique,  eut  un  très  vif  succès, 
ainsi  que  les  ouvrages  qu'il  publia  à  cette  époque  :  Grun- 
driss  der  philos.  Wissenschaften  (Cobourg,  1767-69); 
Lehrbuch  der  Logik  und  i¥^toj?%5^(Go3ttingue,1799; 
8e  éd.,  1794),  rédigé  ensuite  en  latin  sous  le  titre  à'Ins- 
titutiones  Logicœ  et  Metaphysicœ  {id.,  1777;  4e  éd., 
1797);  Lehrbuch  der  praktischen  Philos,  (id.,  1770  ; 
4e  éd.,  1776).  Ces  ouvrages  servirent  longtemps  de  ma- 
nuels classiques  de  philosophie  dans  toute  l'Allemagne. 
Les  Untersuchungen  ûb.  den  menschl.  Willen  (id., 
1779-93,  4  vol.)  et  les  Grundlehren  zur  Kenntniss  des 
menschl.  Willens  und  der  natûrl.  Gesetze  des  Piechts- 
verhaltens  (1783)  ont  plus  de  valeur.  L'attitude  que  prit 
Feder  à  l'égard  de  la  philosophie  kantienne  fut  malheu- 
reuse. Il  ne  comprit  rien  à  la  signification  véritable  de  la 
philosophie  critique  et  prit  part  à  la  recension  de  la 
Critique  de  la  Raison  pure,  publiée  par  Garve  dans  les 
Gôttihg.  gelehrt.  Anzeigen  (1782);  il  tenta  le  premier 
d'établir  un  parallèle  entre  l'idéalisme  kantien  et  l'idéa- 
lisme berkeleyien  contre  lequel  Kant  protesta  vivement 
dans  les  Prolégomènes  (1783).  Feder  défendit  sa  thèse 
dans  son  ouvrage  :  Ueb.  Piaum  und  Causalitât,  zur 
Prûfung  derkantisch.  Philos.  (Gœttingue,  1787)  et  s'unit 
avec  Meiners  pour  publier  contre  Kant  la  Philosophische 
Bibliothek  (1778,4  vol.).  Il  publia  encore  Ueb.  das  moral. 
Gefûhl  (1792)  ;  Ueb.  die  allgemeinsten  Grundsâtze  der 
praktisch.  Philos.  (1793);  Grundsâtze  der  Log.  und 
Metaph.  Mais  sa  popularité  avait  baissé.  Il  fut  nommé,  en 
1797,  directeur  du  gymnase  du  Hanovre,  auquel  il  se  con- 
sacra très  activement  jusqu'au  jour  (1811)  où  il  renonça  à 
ces  fonctions  pour  vivre  dans  la  retraite.     Th.  Ruyssen. 

Bibjl.;  Feder's  Leben,  Natur  und  Grundsâtze,  autobio- 
graphie publiée  par  le  fils  de  Feder;  Darmstadt,  1825.  — 
Putter,  Gelehrtengescliichte  von  Gôttingen,  II,  pp.  165 
et  suiv. 

FEDER  (Johann-Michael),  théologien  catholique,  né  à 
Oellingen  (Franconie)  le  25  mai  1764,  mort  à  Wurzbourg 
le  6  juil.  1824.  Il  traduisit  en  allemand  des  fragments 
patristiques,  dirigea  une  revue  savante  de  1788  à  1792 
et  une  revue  scolaire  de  1791  et  1797  et  découvrit,  en 
1806,  dans  un  palimpseste  de  Wurzbourg,  où  il  était  pro- 
fesseur et  bibliothécaire  de  l'université  (depuis  1805), 
des  fragments  du  Pentateuque  et  des  Prophètes  dans  une 
version  de  la  Bible  latine  antérieure  à  celle  de  Jérôme. 
E.  Ranke  les  a  éditées  depuis  dans  Par  palimpsestorum 
Wirceburg.  (Vienne,  1871,  in-4). 

FÉDÉRALISM  E.  I.  L'Etat  fédératif  est  une  forme  d'Etat 
composé  (par  opposition  à  l'Etat  simple,  unitaire),  qu'il 
importe  de  soigneusement  distinguer  des  autres  formes 
voisines.  La  Suisse  est  un  Etat  fédéral;  l'Autriche-Hon- 
grie  offre  un  autre  type  d'Etat  composé;  la  Cisleithanie, 
considérée  à  part,  est  un  autre  type  encore. 

La  confédération  d'Etats  est  une  association  entre  Etats 
souverains  ;  elle  repose  sur  une  base  contractuelle  ;  elle  a 
pour  origine  un  vinculum  juris.  Tout  amendement  au 
pacte  initial  doit  être,  pour  être  valable,  adopté  par 
l'unanimité  des  contractants  souverains  ;  s'il  ne  se  ren- 
contre qu'une  majorité  pour  l'adopter,  la  minorité  a  le 
droit  de  se  retirer  de  l'association  (droit  de  sécession) .  — 
Les  Etats-Unis  d'Amérique,  qui  sont  aujourd'hui  un  Etat 
fédératif,  étaient  une  confédération  avant  la  mise  en 
vigueur  de  la  constitution  du  17  sept.  1787. 

L'Etat  fédératif  est  un  Etat  souverain,  composé  d'Etats- 
membres,  dépourvus  du  droit  de  sécession,  qui  :  1°  coo- 


pèrent, dans  une  mesure  et  suivant  des  procédés  variables, 
à  la  formation  de  la  volonté  fédérale,  et  2U  jouissent  d'une 
certaine  autonomie  législative.  — La  Cisleithanie  n'est  pas 
un  Etat  fédératif,  car,  bien  que  les  diverses  provinces  delà 
monarchie  autrichienne  jouissent  d'une  certaine  autonomie 
législative,  elles  ne  coopèrent  pas,  en  tant  qu'individualités 
distinctes,  à  la  formation  de  la  volonté  de  l'Etat  cisleithan. 
Le  second  critérium,  à  lui  seul,  ne  suffirait  pas;  l'absence 
du  premier  exclut  du  nombre  des  Etats  fédératifs,  non 
seulement  la  Cisleithanie,  mais  l'union  islando-danoise, 
l'union  finlando-russe,  etc. 

Nous  excluerons  encore  de  la  liste  des  Etats  fédératifs 
le  Dominion  du  Canada,  bien  qu'il  satisfasse  aux  deux  cri- 
tériums précités.  De  par  le  British  America  Act,  en  effet 
(30  et  31  Vict.,  c.  3  ;  29  mars  1867),  le  Dominion  se 
compose  de  six  provinces  qui  :  1°  jouissent  d'une  large 
autonomie  législative,  et  2°  participent  à  l'exercice  du 
pouvoir  suprême  (cf.  Bourinot,  Fédéral  Government 
in  Canada,  1891).  Mais,  si  le  Dominion  aune  organisa- 
tion fédérale,  il  n'a  pas  Y  indépendance,  troisième  condi- 
tion essentielle  de  l'Etat  fédéral.  Ses  autorités  fédérales 
n'agissent  en  effet  que  sous  réserve  de  l'agrément  de  la 
reine  d'Angleterre.  —  Les  Grisons  avant  1854,  le  Valais 
avant  1844,  avaient  aussi  une  organisation  fédérale,  sans 
souveraineté. 

Les  Etats  fédératifs  qui  existent  présentement  sont  :  la 
Confédération  suisse,  l'empire  allemand,  les  Etats-Unis  de 
l'Amérique  du  Nord,  ceux  du  Mexique,  ceux  du  Brésil, 
ceux  de  Venezuela,  la  République  Argentine. 

La  Confédération  suisse  est  régie  par  la  constitution  du 
29  mai  1874,  dont  voici  l'art.  3  :  «  Les  cantons  sont 
souverains,  autant  que  leur  souveraineté  n'est  pas  limitée 
par  la  constitution  fédérale  ;  et,  comme  tels,  ils  exercent 
tous  les  droits  qui  n'ont  pas  été  transférés  au  pouvoir 
fédéral.  »  —  D'autre  part,  ces  cantons,  qui  jouissent,  dans 
de  certaines  limites,  de  l'autonomie  législative,  concourent 
à  l'exercice  du  pouvoir  fédérai  suprême  :  1°  par  la 
faculté  de  provoquer  le  référendum  populaire  en  matière 
législative  ordinaire  ;  2°  par  la  nomination  de  députés  au 
conseil  des  Etats,  deux  par  canton  ;  3°  par  le  vote  sur  les 
revisions  constitutionnelles. 

L'empire  allemand  est  un  Etat  fédéral  établi  par  la 
constitution  du  16  avr.  1871.  Vingt-cinq  Gliedstaaten, 
autonomes,  sont  représentés  au  conseil  fédéral  qui  est 
l'organe  suprême  de  l'empire,  et  dont  le  titulaire  de  la 
couronne  de  Prusse  est  le  président  perpétuel. 

Aux  Etats-Unis  (constitution  du  17  sept.  1787),  les 
Etats-membres,  dont  le  champ  d'activité  législative  est 
considérable,  concourent  comme  organes  fédéraux  à  l'exer- 
cice du  pouvoir  suprême  :  1°  en  nommant  les  sénateurs 
(2  par  Etat);  2°  ils  ont  le  droit  de  demander  la  revision 
constitutionnelle.  Comme  en  Allemagne  et  en  Suisse,  l'or- 
gane suprême  de  l'Etat  collectif  est  le  peuple,  qui  nomme 
ici  non  seulement  la  Chambre  des  représentants,  mais 
encore  le  président  de  la  République. 

Les  Etats-Unis  du  Mexique  présentent  cette  particula- 
rité curieuse  d'un  Etat  primitivement  unitaire  qui  s'est 
transformé  en  Etat  fédératif.  La  constitution  unitaire  de 
1822  a  été  remplacée  au  Mexique  par  une  constitution  fé- 
dérative,  le  4  févr.  1857,  copiée  sur  celle  des  Etats-Unis 
de  l'Amérique  du  Nord. 

La  constitution  fédérale  du  27  mai  1874  a  fondé  au  Ve- 
nezuela un  Etat  souverain,  composé  de  treize  Etats  fédérés. 
«  Les  Etats  participent  à  la  création  de  la  volonté  natio- 
nale en  envoyant  chacun  deux  délégués  au  Sénat.  En  outre, 
la  constitution  fédérale  ne  peut  être  revisée  par  les  Cham- 
bres qu'à  la  demande  des  deux  tiers  des  Etats  et  seulement 
sur  les  points  indiqués  par  eux.  Chaque  Etat  a  un  prési- 
dent, un  Sénat,  une  Chambre  des  députés  et  exerce  toutes 
les  attributions  non  réservées  au  pouvoir  central.  » 

La  constitution  de  la  République  Argentine,  qui  date  de 
1853,  est  calquée  sur  celle  des  Etats-Unis  de  l'Amérique 
du  Nord. 


—  415  — 


FÉDÉRALISME 


La  constitution  des  Etats-Unis  du  Brésil  est  en  voie  de 
formation. 

II.  La  théorie  de  l'Etat  fédératif  n'a  été  que  de  nos 
jours  l'objet  d'études  scientifiques.  E.-A.  Freemana  entre- 
pris d'écrire  l'histoire  de  la  «  période  fédérale  de  l'histoire 
grecque  »  (History  of  fédéral  g  overnment,  from  thefoun- 
dation  of  the  Achaian  league  to  the  disruption  of  the 
United  States;  Londres  et  Cambridge,  1863,  1. 1,  in-8); 
mais  les  amphictyonies  et  les  ligues  de  l'antiquité  n'ont 
point  amené  la  création  d'un  droit  fédéral  régulier.  Les 
plus  anciens  monuments  de  la  littérature  juridique  sur  cette 
question  ne  remontent  pas  au  delà  du  xvne  siècle;  ils 
furent  naturellement  élevés  par  des  jurisconsultes  suisses, . 
allemands,  hollandais,  pour  lesquels  le  problème  de  la  sou- 
veraineté fédérale  offrait  un  intérêt  pratique.  L.  Hugo  et 
J.-E.  Putter  soutinrent  la  thèse  de  la  souveraineté  de  l'Em- 
pire sur  ses  membres  ;  Puffendorf,  celle  de  l'indépendance 
des  Etats  allemands,  dont  la  paix  de  Westphalie  avait  pro- 
clamé la  souveraineté.  Ces  travaux  ne  sont  plus,  du  reste, 
consultés  aujourd'hui  que  par  les  historiens.  Le  bibliogra- 
phie relative  à  la  question  des  rapports  entre  l'Etat  fédé- 
ratif et  ses  membres,  qui  est  immense,  est  presque  tout 
entière  moderne  ;  l'existence  de  trois  grands  Etats  fédéraux 
(Suisse,  Allemagne,  Etats-Unis),  l'existence  de  tendances 
plus  ou  moins  vagues  à  l'organisation  fédéraliste  en  France 
et  en  Angleterre  (dont  il  sera  question  plus  loin),  en  expli- 
quent suffisamment  l'abondance. 

Les  principaux  systèmes  ont  été  mis  en  avant  au  cours 
du  xixe  siècle,  par  de  Tocqueville,  Calhoun,  Laband,  Jelli- 
nek,  Gierke  et  E.  Borel. 

Tocqueville,  commentant  la  constitution  américaine  de 
1787,  remarque  que  l'Etat  fédéral  américain  s'appuie 
directement  sur  l'ensemble  de  tous  les  citoyens  de  l'Union. 
«  Il  a  son  administration,  ses  tribunaux,  son  armée, 
comme  un  Etat  simple.  »  Mais,  à  la  différence  de  ce  qui  se 
passe  dans  les  Etats  unitaires,  «  l'Etat  fédéral,  dit  Toc- 
queville, n'agit  que  dans  un  cercle  restreint  »;  il  repose 
sur  le  principe  du  fractionnement  de  la  souveraineté.  «  Les 
Etats,  dans  la  sphère  qui  leur  est  réservée,  restent  souve- 
rains et  indépendants.  »  La  compétence  de  l'Etat  fédéral 
est  l'exception  ;  celle  des  Etats  particuliers  est  et  doit  être 
la  règle.  Cette  doctrine  a  été  adoptée,  généralisée  et  popu- 
larisée par  le  jurisconsulte  allemand  Waitz  :  «  L'Etat  fé- 
dératif est  la  forme  politique  dans  laquelle  une  partie  des 
buts  de  l'Etat  est  en  commun,  tandis  que  l'autre  appar- 
tient séparément  aux  Etats  confédérés  en  leur  qualité 
d'Etats  indépendants.  Ce  système  implique  une  double  or- 
ganisation du  peuple,  tantôt  en  un  tout,  tantôt  en  parties 
indépendantes.  »  —  Elle  est  apparue  vers  1850,  cette  doc- 
trine de  la  souveraineté  partagée,  comme  un  moyen  de 
conciliation  entre  les  idées  fédéralistes  et  les  tendances 
unitaristes,  notamment  en  Suisse  ;  de  là  son  immense  suc- 
cès ;  elle  a  été  adoptée  par  la  grande  majorité  des  auteurs 
suisses. 

John  Calhoun  a  été  le  théoricien  de  la  sécession  des 
Etats  du  Sud  de  l'Union  américaine.  Les  Etats  fédératifs, 
selon  Calhoun,  ont  été  créés  par  des  contrats  conclus  entre 
plusieurs  Etats  ;  ceux-ci  ont  donc  conservé  le  droit  de  sé- 
cession en  cas  de  modification  du  contrat;  les  pouvoirs  fé- 
déraux ne  sont  que  les  représentants  des  Etats  particu- 
liers ;  ce  ne  sont  pas  les  organes  d'une  nation.  —  Mais 
nous  avons  distingué  plus  haut  l'Etat  fédératif  de  la  confé- 
dération d'Etats  ;  cette  distinction  dispense  de  réfuter  plus 
longuement  les  idées  de  Calhoun,  auxquelles  l'issue  de  la 
guerre  de  la  Sécession  a  infligé  du  reste  un  si  sanglant 
démenti. 

Laband,  Jellinek,  Gierke  et  E.  Borel  sont  des  juristes 
de  profession  ;  ils  se  sont  livrés  à  de  subtiles  considéra- 
tions logiques  sur  la  nature  des  rapports  qui  existent  entre 
l'Etat  collectif  fédéral  et  ses  Etats-membres.  Ils  admettent, 
comme  point  de  départ  commun,  un  postulat  sur  l'idée 
de  souveraineté,  que  le  plus  radical  d'entre  eux  formule 
en  ces  termes  :  «  La  souveraineté  est  par  essence  une, 


indivisible,  exclusive,  absolue.  »  Ils  professent  tous  en 
conséquence  que  la  souveraineté,  attribut  de  l'Etat  fédé- 
ratif central,  celui-ci  ne  saurait  la  partager  avec  ses 
membres  ;  ils  estiment  que  «  la  doctrine  qui  fonde  l'Etat 
fédératif  sur  le  partage  de  la  souveraineté  est  une  contra- 
diction avec  les  lois  de  la  logique».  «Dans  l'Etat  composé, 
ainsi  que  clans  toutes  les  formations  que  peut  adopter  une 
association  d'Etats,  il  n'y  a  pas  d'autre  alternative  que 
celle-ci  :  ou  bien  la  souveraineté  appartient  en  entier  aux 
membres,  et  alors  la  collectivité  n'est  pas  souveraine,  ou 
bien  elle  appartient  en  entier  à  l'ensemble,  et  alors  les 
membres  ne  sont  pas  souverains.  »  (E.  Borel.)  —  Laband, 
Jellinek  et  Gierke  affirment  donc  la  souveraineté  de  l'Etat 
fédératif  central  et  s'accordent,  contre  Tocqueville  (et 
contre  les  textes  positifs  des  constitutions),  à  nier  celle  de 
ses  membres.  Mais  il  y  a  d'ailleurs  entre  leurs  doctrines 
des  différences  notables.  Ils  ont  inventé  chacun  des  artifices 
juridiques  différents  pour  concilier  leur  idée  théorique  de 
la  ^  souveraineté  indivisible  avec  les  constitutions  réelles 
qui  sanctionnent,  en  fait,  le  partage  entre  l'Etat  collectif 
et  ses  Etats-membres  de  la  souveraineté  législative. 

Laband  avance  que  «  la  notion  juridique  de  l'Etat 
fédératif,  telle  qu'elle  est  réalisée  par  la  constitution  de 
l'empire  allemand  »,  c'est  que  cet  Etat  est  une  république 
d'Etats  qui  exercent  collectivement  la  souveraineté  fédérale. 
L'empire  allemand  est  une  république  de  vingt-cinq  Etats  ; 
ce  n'est  pas  un  empire  de  quarante  millions  de  sujets.  «  La 
fondation  de  l'empire  a  été  plutôt  l'érection  d'un  pouvoir 
public  au-dessus  des  Etats  ;  ces  derniers  sont  les  membres 
de  l'empire  et  forment  la  base  de  sa  personnalité  juri- 
dique. »  Ainsi,  il  n'existe,  selon  Laband,  aucun  lien  direct 
entre  le  peuple  et  l'Etat  collectif  ;  l'empire  allemand  ne 
s'appuie  pas  sur  le  sol  allemand  ;  c'est  comme  une  coupole 
posée  sur  vingt-cinq  Etats,  qui  les  abrite  et  les  relie.  Cette 
théorie  ne  s'applique  qu'à  la  seule  constitution  allemande, 
car  si,  en  Allemagne,  la  souveraineté  fédérale  est  bien 
réellement  exercée  par  la  collectivité  des  Etats  confédérés, 
en  Suisse,  en  Amérique,  c'est  l'ensemble  des  citoyens  de 
tous  les  Etats  réunis  qui  forme  le  suprême  pouvoir  fédé- 
ral. La  médiatisation  du  citoyen  de  l'Etat  fédératif,  pré- 
conisée par  Laband,  a  été  rejetée  par  l'unanimité  des 
auteurs  non  allemands. 

L'Autrichien  Jellinek,  auquel  on  doit  d'excellentes  consi- 
dérations sur  la  genèse  de  l'Etat  fédératif,  admet  l'existence 
d'un  lien  direct  entre  le  peuple  et  le  pouvoir  central  et  la 
souveraineté  exclusive  de  l'Etat  collectif.  Mais  il  enseigne 
que  les  membres  de  l'Etat  fédératif  sont  véritablement 
des  Etats,  quoique  non  souverains,  parce  qu'ils  tiennent  des 
constitutions  fédérales  elles-mêmes  le  caractère  de  pouvoirs 
publics  indépendants.  «  L'Etat  fédératif,  dit-il  en  résumé, 
est  un  Etat  dans  lequel  le  pouvoir  public  souverain  établit, 
de  par  la  constitution,  un  partage  de  ses  fonctions  entre 
lui  et  les  Etats  particuliers.  Le  pouvoir  souverain  s'en 
réserve  une  quantité  déterminée  et  remet  les  autres  à  ses 
membres  en  les  laissant  libres  de  fixer  les  lois  relatives  à 
ces  fonctions  et  le  mode  de  les  exécuter.  Cette  liberté  n'est 
soumise  à  aucun  contrôle  de  la  part  de  l'Etat  central  qui 
l'a  accordée,  pourvu  que  les  limites  constitutionnelles 
soient  respectées,  et  c'est  cette  exonération  qui  donne  aux 
fonctions  attribuées  par  la  constitution  fédérale  aux  Etats 
particuliers  la  qualité  des  pouvoirs  publics  indépendants.  » 

Gierke  s'est  proposé  de  même  de  découvrir  un  biais 
pour  conserver  aux  membres  de  l'Etat  fédératif  la  qualité 
juridique  d'Etats.  «  Nous  ne  pouvons  pas  abandonner, 
dit-il,  la  notion  généralement  admise  que  les  membres  des 
Etats  fédératifs  sont  eux-mêmes  des  Etats.  Il  nous  faut 
donc  absolument  trouver  quelque  chose  qui  les  distingue 
toto  génère  des  communes  et  autres"  collectivités  infé- 
rieures du  droit  public.  »  Ce  quelque  chose  que  Gierke, 
préoccupé  de  garder  aux  Etats  de  l'empire  allemand  leur 
dignité  traditionnelle  d'Etats,  cherche  à  trouver  absolu- 
ment, il  le  trouve  dans  une  distinction  subtile  entre  la 
substance  et  Y  exercice  de  la  souveraineté.  En  substance, 


FÉDÉRALISME 


116  — 


la  souveraineté  appartient  exclusivement  à  la  communauté 
formée  par  l'Etat  fédéral  et  ses  membres  ;  l'exercice  de  la 
souveraineté  est  partagé,  au  contraire,  entre  l'Etat  collectif 
et  les  Etats  confédérés  «  qui  ont  ainsi  un  pouvoir  public 
propre  qu'ils  exercent  d'une  manière  indépendante  ». 
D'ailleurs,  «  dans  l'Etat  fédératif,  l'Etat  central  forme, 
avec  ses  membres,  une  communauté  qui  détient  le  pouvoir 
public  suprême,  et  c'est  cette  participation  à  la  substance 
même  (non  seulement  à  l'exercice)  de  ce  pouvoir  qui,  en 
donnant  aux  Etats  particuliers,  aussi  bien  qu'à  l'Etat  col- 
lectif, le  caractère  juridique  d'Etats,  distingue  les  premiers 
toto  génère  des  communes  et  explique  les  honneurs  sou- 
verains reconnus  à  leurs  monarques  (en  Allemagne)  par 
le  droit  international  ». 

Quant  à  E.  Borel,  dont  l'ouvrage  {Etude  sur  la  souve- 
raineté et  VEtat  fédératif;  Berne,  1886,  in-8)  est 
utile  en  raison  du  résumé  qu'il  présente  de  la  littérature 
antérieure,  sa  doctrine,  très  cohérente,  pousse  à  l'extrême 
les  conséquences  de  l'indivisibilité  théorique  du  droit  de 
souveraineté.  La  souveraineté,  dit-il,  est  indivisible,  et  la 
notion  de  souveraineté  est  essentielle  à  la  notion  de  l'Etat. 
Il  n'y  a  donc  pas  d'Etats  non  souverains.  Les  Etats- 
membres  de  l'Etat  fédératif  «  ne  sont  plus  des  Etats  dans 
le  sens  juridique  du  mot  ».  Mais  quoi  !  dira-t-on,  s'il  en 
est  ainsi,  quelle  différence  entre  les  Etats  non  souverains 
de  l'Etat  fédératif  et  les  provinces,  les  communes  de  l'Etat 
unitaire  ?  Quelle  différence  entre  l'Etat  fédératif  comme 
l'Allemagne,  et  l'Etat  unitaire  comme  l'Italie,  produits  tous 
deux  par  de  grands  mouvements  nationaux?  Certains 
juristes  (J.  de  Held,  par  exemple)  refusent  en  effet  à  l'Etat 
fédératif  une  place  à  part  dans  leurs  classifications,  entre 
l'Etat  unitaire  et  la  confédération  d'Etats.  Tel  n'est  pas, 
cependant,  l'avis  de  Borel.  Suivant  cet  auteur,  la  distinction 
entre  l'Etat  unitaire  et  l'Etat  fédératif,  difficile  en  théorie, 
est  manifeste  historiquement.  Dans  les  Etats  unitaires,  c'est 
par  une  concession  gracieuse  de  l'Etat  que  les  collectivités 
inférieures  jouissent  aujourd'hui  des  bienfaits  du  self 
government.  Dans  les  Etats  fédératifs,  tels  que  la  Suisse, 
«  l'Etat  n'a  pas  eu  besoin  de  se  créer  un  nouveau 
système  de  collectivités  inférieures,  parce  qu'il  en  a  trouvé 
qui,  non  seulement,  étaient  tout  organisées,  mais  encore 
qui  étaient  établies  sur  une  vieille  tradition  historique 
et  reposaient  sur  l'affection  de  leurs  ressortissants  ».  De  plus, 
l'unité  suisse,  l'unité  américaine  se  sont  faites  jadis,  avec 
la  coopération  directe,  effective,  des  Etats  ou  cantons  con- 
fédérés ;  l'unité  italienne,  l'unité  française  ont  été  opérées 
par  un  Etat  qui  s'en  est  annexé  d'autres,  en  dépit  des  ré- 
sistances de  leurs  gouvernements.  Disons  donc  que,  dans 
l'Etat  fédératif,  «  les  Etats  ayant  servi  comme  organes  de 
la  nation  lors  de  la  création  du  nouvel  Etat,  on  leur  a 
conservé  cette  qualité  d'organes  de  la  nation,  en  leur  attri- 
buant une  certaine  participation  à  l'exercice  du  pouvoir 
public  suprême  »,  participation  refusée  aux  collectivités 
inférieures  de  l'Etat  unitaire.  Cette  coopération  des  Etats 
confédérés  à  la  volonté  fédérale  peut  être  plus  ou  moins 
large,  mais  tous  doivent  y  participer  à  un  degré  quelconque. 
Cesse-t-elle  ?  l'Etat  fédératif  se  transforme  ipso  facto  en 
Etat  unitaire.  Contrairement  à  l'opinion  émise  par  Laband, 
si  l'Etat  fédératif  dépouille  un  des  Etats  fédérés  de  compé- 
tences qu'il  laisse  aux  autres,  il  ne  commet  là  qu'une  injus- 
tice matérielle  ;  il  n'est  pas  en  dehors  des  limites  de  son 
droit  strict  ;  mais  «  s'il  enlève  à  un  de  ses  membres  la 
participation  à  la  volonté  souveraine,  il  prive  par  là  tous 
les  autres  également  de  leur  qualité  de  collectivités  pu- 
bliques coopérant  comme  telles  à  cette  formation  ;  il  change 
de  nature  et  passe  à  l'Etat  unitaire  ». 

Sans  nous  attarder  à  discuter  en  détail  celte  doctrine, 
ingénieuse  in  abstracto,  mais  qui  se  heurte,  en  pratique, 
à  des  textes  positifs,  contentons-nous  d'observer  en  quoi 
elle  diffère  essentiellement  de  celle  qui  a  été  énoncée  dans 
le  §  1  ci-dessus.  «  L'Etat  fédératif,  conclut  Borel,  est  un 
Etat  dans  lequel  une  certaine  participation  à  la  formation 
de  la  volonté  publique  suprême  est  accordée  à  des  collec- 


tivités publiques  inférieures,  quelle  que  soit,  du  reste,  la 
mesure  de  leur  coopération.  Ainsi  sont  distinguées  ces 
collectivités  des  simples  communes  ou  divisions  adminis- 
tratives de  l'Etat  unitaire.  »  C'est  là  le  premier  terme  du 
critérium  adopté  plus  haut,  et,  jusque-là,  tout  va  bien. 
Mais  le  second  terme  du  critérium  (autonomie  législative) 
est  rejeté  par  l'auteur  suisse.  «  L'Etat  fédératif,  dit-il, 
cesse  d'exister  comme  tel  et  devient  Etat  unitaire  le  jour 
où  sa  participation  à  la  formation  de  la  volonté  publique 
suprême  est  supprimée.  »  Il  faudrait  ajouter  «  si  l'autono- 
mie législative  des  collectivités  publiques  inférieures  est  sup- 
primée aussi  »,  car  cette  autonomie,  consacrée  par  le  texte 
des  constitutions  et  par  le  long  usage,  est  aussi  une  des 
caractéristiques  primordiales  de  l'Etat  fédératif. 

Quels  sont  donc  les  symptômes  qui  accuseront  l'évolution 
de  l'Etat  fédératif  vers  l'Etat  unitaire?  —  Suivant  la 
majorité  des  auteurs,  suivant  le  sens  commun,  le  plus 
frappant  symptôme  d'une  telle  évolution  serait  la  tendance 
de  l'Etat  fédératif  à  unifier  la  législation  civile,  à  multiplier 
les  organismes  centralisés  d'ordre  administratif  ou  judi- 
ciaire, à  restreindre,  par  des  revisions  constitutionnelles, 
l'autonomie  législative  des  Etats-membres.  Tel  n'est  pas, 
on  le  devine,  l'avis  de  Borel  ;  son  critérium  incomplet, 
étroit  et  formaliste,  le  mène  à  considérer  de  pareilles  ten- 
dances comme  sans  danger  :  «  Ce  n'est  pas,  dit-il,  dans 
l'étendue  des  compétences  particulières,  dans  le  degré  de 
centralisation  ou  de  décentralisation  qu'il  faut  chercher  la 
différence  entre  l'Etat  fédératif  et  l'Etat  simple  »  ;  tant 
que  l'extension  des  compétences  laisse  intact  le  grand 
principe  de  la  coopération  des  Etats-membres  à  la  création 
de  la  volonté  nationale,  rien  n'est  compromis  ;  «  mais  le 
jour  où  la  Confédération  suisse,  par  exemple,  enlèverait  à 
ses  membres  et  leur  représentation  au  conseil  des  Etats  et 
leur  droit  de  vote  en  matière  de  revision  constitutionnelle, 
ce  jour-là  elle  serait  un  Etat  unitaire  ». 

On  s'explique  très  bien  que  la  doctrine  ci-dessus  résumée 
trouve  quelques  partisans  en  Suisse.  Elle  donne,  en  effet, 
un  point  d'appui  juridique  d'apparence  solide  à  ceux  qui 
souhaitent  l'extension  de  la  compétence  législative  de  l'Etat 
collectif  aux  dépens  des  autonomies  locales,  extension  qui, 
d'ailleurs,  a  été,  en  fait,  bienfaisante  en  ces  derniers  temps. 
Elle  est  dirigée  contre  les  défenseurs  obstinés  et  trop  sou- 
vent aveugles,  de  l'indépendance  traditionnelle  des  Etats- 
membres,  contre  les  gens  dont  on  a  pu  dire  :  «  Ils  se  figurent 
en  toute  candeur  que  chaque  acte  de  la  Confédération 
est  un  empiétement  sur  le  domaine  des  Etats  qui  la  com- 
posent, une  violation  de  leurs  droits,  une  menace  adressée 
à  leur  existence,  et  que  toute  la  politique  doit  consister  à 
défendre  les  cantons  contre  cet  ennemi  qui  cherche  à  les 
engloutir.  Aussi,  voyons-nous,  dans  chaque  application 
du  référendum  populaire,  des  citoyens  rejeter  la  loi  fédé- 
rale qui  leur  est  soumise,  non  parce  qu'ils  la  trouvent 
mauvaise  en  elle-même,  mais  parce  qu'ils  envisagent  qu'il 
faut  sauver  à  tout  prix  la  souveraineté  cantonale  et  l'exis- 
tence des  cantons.  » 

Il  n'est  pas  dans  notre  sujet  d'examiner  les  tendances  à 
la  centralisation  qui  se  sont  manifestées  ou  qui  se  mani- 
festent dans  les  Etats  fédéraux.  Remarquons  seulement  que 
le  temps  est  encore  très  éloigné  où  l'autonomie  législative 
des  Etats-membres  sera  réduite,  dans  les  Etats  fédéraux 
actuels,  à  des  proportions  insignifiantes. 

III.  On  a  cité  plus  haut  l'exemple  du  Mexique  et  du 
Brésil,  Etats  qui,  de  la  forme  unitaire,  ont  passé  à  la  forme 
fédérative.  Ces  exemples  sont  isolés.  Mais  pareille  évolution 
a  failli  se  produire,  en  France,  pendant  la  Révolution.  Depuis 
la  réunion  de  la  Convention  jusqu'au  31  mai,  Paris  et  ses 
départements  furent  constamment  aux  prises  ;  or,  les  mon- 
tagnards parisiens  ont  flétri  du  nom  de  fédéralistes  les 
députés  des  départements  qui,  par  crainte  du  joug  de  la  capi- 
tale, songeaient,  s'il  faut  en  croire  leurs  adversaires,  à  diviser 
la  France.  Les  Girondins  se  sont  hautement  défendus  de  tra- 
vailler à  la  dissociation  des  provinces  encore  mal  soudées 
de  la  France  monarchique  ;  «  A-t-on,  disait  Barbaroux 


117  — 


FEDERALISME 


a-t-on,  dans  la  Convention  nationale,  soutenu  quelque  opi- 
nion en  faveur  de  la  république  fédérative?  Les  députés 
de  quelques  départements  ont-ils  reçu  mandat  de  voter 
pour  cette  sorte  de  gouvernement  ?  Les  tribunes  des  so- 
ciétés populaires  ont-elles  retenti  de  cette  erreur  politique? 
Enfin,  a-t-on  soutenu  publiquement,  ou  même  dans  des 
sociétés  particulières,  ce  système  de  désorganisation  ?  Non, 
rien  de  tout  cela  n'est  arrivé.  On  criait  aux  portes  de  l'As- 
semblée que  nous  voulions  un  gouvernement  fédératif,  et 
la  Convention  nationale  tout  entière  se  levait  pour  décréter 
l'unité  de  la  République.  »  Mais  le  31  mai  1793,  c.-à-d. 
le  triomphe  de  Paris-capitale  sur  la  Gironde  provinciale, 
provoqua  des  coalitions  armées  dans  toutes  les  régions  de 
la  France  situées  au  S.  du  cours  de  la  Seine,  en  Bretagne 
particulièrement,  cette  «  forteresse  du  fédéralisme  ».  «  Le 
lendemain  du  31  mai,  les  départements  opposants  retrou- 
vèrent sans  peine  leurs  affinités  de  la  veille.  Ils  se  grou- 
pèrent naturellement  dans  les  limites  des  provinces  dont 
ils  venaient  à  peine  d'être  détachés.  »  Ces  mouvements  fé- 
déralistes dont  M.  Wallon  (la  Révolution  du  Si  mai  et 
le  Fédéralisme  en  179 S;  Paris,  1886,  2  vol.  in-8)  a  ra- 
conté l'histoire  furent  bientôt  écrasés  par  la  Montagne  ; 
et  la  France  fut  transmise  par  la  République  à  l'Empire 
plus  «  une  »  encore  que  la  monarchie  ne  l'avait  laissée. 
Jamais,  depuis  lors,  l'esprit  fédéraliste  ne  s'est  réveillé 
chez  nous,  car  le  vague  fédéralisme  intercommunal  pro- 
posé par  les  hommes  de  la  Commune  de  1871  dans  leur 
Déclaration  du  19  avr.  (V.  Commune,  t.  IX,  p.  1144, 
c.  1)  ne  saurait  être  pris  au  sérieux. 

Le  fédéralisme,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la 
décentralisation,  n'a  guère  de  chances,  pour  des  raisons 
historiques,  de  s'acclimater  jamais  en  France  ;  mais,  dans 
les  pays  anglo-saxons,  ce  mode  d'organisation  politique 
semble  promis  à  une  grande  fortune.  On  a  déjà  vu  que 
le  Dominion  du  Canada  serait  dès  maintenant  un  Etat 
fédéral,  comme  les  Etats-Unis,  s'il  possédait  la  souve- 
raineté. Quand  les  colonies  anglaises  d'Australie,  longtemps 
isolées  et  faibles,  ont  senti  le  besoin  de  former  une  nation 
forte,  elles  ont  pensé  à  se  fédérer,  en  vue  d'une  Austra- 
lasian  Fédération.  Sir  Henry  Parkes,  premier  ministre 
de  New  South  Wales,  fut,  en  mars  1890,  le  promoteur  de 
la  réunion  d'une  convention  fédérale  australienne  à  Syd- 
ney. Les  débats  de  cette  convention  ont  offert  le  plus  vif 
intérêt  à  ceux  qui  s'intéressent  au  droit  fédéral.  Sir  Henry 
Parkes  recommandait  le  système  américain  des  State 
rights,  c.-à-d.  la  rétention  par  les  différentes  colonies  de 
tous  les  droits  qui  ne  seraient  pas  expressément  conférés 
au  gouvernement  fédéral.  M.  Munro,  délégué  de  Victoria, 
préférait  au  contraire  le  système  canadien  qui  ne  laisse  aux 
gouvernements  provinciaux  que  les  pouvoirs  à  eux  limita- 
tivement  conférés  par  la  constitution.  Les  difficultés  étaient 
nombreuses.  La  compétence  en  matière  de  douanes  appar- 
tiendait-elle  à  l'Etat  fédératif  comme  le  voulait  sir  H.  Parkes  ? 
Les  protectionnistes,  plus  riches,  mais  moins  nombreux 
que  les  provinces  libre-échangistes,  ne  le  voulaient  pas,  de 
peur  de  voir  leurs  intérêts  compromis  par  la  majorité  fédé- 
rale. Comment  serait  composé  le  Sénat  de  la  législature 
fédérale  :  toutes  les  provinces  seraient-elles  représentées 
également,  ou  d'une  manière  proportionnelle  à  leur  popu- 
lation ?  Les  colonies  les  moins  peuplées  et  les  plus  pauvres 
(Australie  du  Sud,  Queensland,  Nouvelle-Zélande)  dési- 
raient que  le  futur  gouvernement  fédéral  endossât  leurs 
dettes  particulières,  et  il  était  de  l'intérêt  manifeste  de  Vic- 
toria et  New  South  Wales  de  s'y  opposer.  —  La  Conven- 
tion de  Sydney  s'est  heurtée  à  trop  de  difficultés  ;  elle  n'a 
pas  abouti  ;  mais  la  fédération  australasienne  est  toujours 
à  l'ordre  du  jour  et  sera  certainement  réalisée  un  jour.  — 
V.  sur  cette  question  :  E.  Jenks ,  The  Government  of 
Victoria  (Australia)  ;  Londres,  1891,  in-8  ;  sir  H.  Parkes, 
The  Fédéral  Government  of  Australasia;  Sydney,  1890; 
le  même  vient  de  faire  paraître  (1892)  un  ouvrage,  en  2  vol. , 
sous  ce  titre  :  Fifty  Years  in  the  making  of  Australian 
History. 


L'Australie,  le  Canada,  l'Afrique  du  Sud  sont  on  seront 
un  jour  de  grands  organismes  fédéraux.  Rompront-ils,  à 
l'exemple  des  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord,  le  lien 
qui  les  attache  à  la  métropole,  et  deviendront-ils,  à  pro- 
prement parler,  en  enlevant  à  la  couronne  anglaise  sa  sou- 
veraineté théorique,  des  Etats  fédéraux?  De  nouveaux 
schismes  se  produiront-ils  dans  la  «  Plus  Grande-Bre- 
tagne »?  On  le  croit  d'ordinaire,  par  analogie  :  «  On  ré- 
pète sans  cesse,  comme  si  la  chose  était  indiscutable,  que 
la  sécession  des  colonies  américaines  à  la  fin  du  xvme  siècle 
était  la  conséquence  fatale  de  la  loi  naturelle  qui  pousse 
toute  colonie,  quand  elle  atteint  sa  maturité,  à  se  détacher 
et  à  s'établir  à  son  compte.  »  Mais  M.  J.-R.  Seeley  a  très 
bien  montré  (l'Expansion  de  l 'Angleterre /Paris,'  1885, 
in-12)  que  l'analogie  n'est  pas  probante.  «  La  sécession 
des  colonies  américaines  était  peut-être  inévitable,  mais 
seulement  parce  que,  et  en  tant  que,  elles  étaient  tenues 
sous  le  joug  de  l'ancien  système  colonial.  »  Avec  le  régime 
très  libéral  dont  l'Angleterre  use  aujourd'hui  avec  ses  co- 
lonies, une  révolution  analogue  à  celle  de  1787  n'est  pas 
imminente.  —  Quelles  seront  donc  les  relations  des  futures 
Angleterres  fédérales  d'outre-mer  (Canada,  Australie, 
Afrique  du  Sud)  avec  la  mère  patrie  ?  Grandies,  émanci- 
pées, ces  nobles  filles  Rallieront  avec  leur  métropole,  tel 
est  l'avis  développé  par  sir  Charles  Dilke  dans  son  livre 
Problems  of  Gr eater  Britain ,paru  en  1891.  Sir  Charles 
Dilke  ne  croit  pas  au  rêve  de  la  «  fédération  impériale  », 
c.-à-d.  à  la  création  d'un  Etat  fédératif  formé  par  l'union 
de  l'Angleterre  et  de  ses  colonies  lointaines.  «  L'Australie, 
dit-il,  aura  bientôt  une  intense  vie  nationale  ;  l'alliance 
entre  elle  et  l'Angleterre  pourra  durer  longtemps  ;  mais 
toute  tentative  pour  remplacer  le  système  de  l'alliance  par 
le  lien  singulièrement  plus  serré  d'une  fédération  entre 
elle  et  la  Grande-Rretagne  européenne  serait  inutile  et 
dangereuse.  »  —  Le  projet  d'une  «  fédération  impériale  » 
n'en  est  pas  moins  très  populaire  chez  nos  voisins  ;  il  a  des 
partisans  convaincus  parmi  les  hommes  d'Etat  les  plus 
éminents,  comme  lord  Roseberry.  «  L'Angleterre,  dit 
T.-H.-S.  Escott,  doit  choisir  entre  la  fédération  impériale 
ou  sa  chute  au  rang  de  puissance  européenne  de  troisième 
ordre  :  to  be  a  second  Holland  or  a  Gr  eater  Britain. 
Certains  symptômes  annoncent  que  le  second  parti  sera 
adopté.  Il  faudra  bien,  en  tout  cas,  que  le  problème  fédérai 
soit  officiellement  posé  et  discuté  avant  longtemps.  Both 
in  colonies  and  in  England  herself  the  idea  is  gaining 
ground  that  a  sentiment  of  imperialism,  existing 
hitherto  in  the  région  of  aspiration,  should  find  some 
more  formai  expression  and  develop  into  something 
more  than  a  mère  sentiment.  Les  partisans  du  fédé- 
ralisme impérial  pensent  qu'il  existe  dans  toutes  les  pos- 
sessions de  la  couronne  anglaise  un  «  patriotisme  impé- 
rial »,  comme  il  y  avait  dans  les  divers  Etats  allemands  un 
patriotisme  allemand  avant  1871 .  Mais  il  faut  que,  comme 
en  Allemagne,  une  union  formelle  soit  réalisée,  qui  dé- 
couvre et  consolide  l'unité  latente.  Un  conseil  fédéral  re- 
présentatif, siégeant  à  Londres,  chargé  de  discuter  les 
questions  d'intérêt  «  impérial  »,  tel  serait  l'organe  essen- 
tiel de  l'Etat  fédéral  futur,  dont  le  titulaire  de  la  couronne 
d'Angleterre  serait  en  quelque  sorte  le  président,  comme  le 
roi  de  Prusse  est  le  président  de  l'Etat  fédéral  allemand 
depuis  1871. 

L'émancipation  des  provinces  prêtes  à  se  détacher  d'un 
Etat  unitaire,  leur  incorporation  à  titre  de  membres  dans 
le  même  Etat,  transformé  en  Etat  fédéral,  voilà  l'artifice 
auquel  le  Mexique  et  le  Rrésil  ont  recouru  naguère  pour  ne 
point  voir  se  dissoudre  leur  existence  nationale;  voilà  l'ar- 
tifice que  les  partisans  de  la  fédération  impériale  recomman- 
dent aux  membres  disjoints  de  la  «  Plus  Grande-Bretagne  ». 
Mais  ce  même  artifice  ne  pourrait-il  servir  à  résoudre  le 
grave  problème  des  rapports  de  l'Angleterre  avec  l'Irlande? 
L'Irlande,  où  le  parti  «nationaliste»  est  si  fort,  réclame 
le  home  rule,  l'autonomie,  cette  autonomie  dont  jouissent 
déjà  les  nouvelles  Angleterres  d'outre-mer.  Sous  le  régime 


FÉDÉRALISME  —  FEDI 


—  118  - 


unitaire  actuel,  ses  aspirations  particularistes  sont  un  dan- 
ger permanent.  Qu'à  ce  régime  unitaire  soit  substitué  le 
régime  fédéral  ;  que  l'Irlande,  le  pays  de  Galles,  l'Ecosse, 
l'Angleterre,  ces  quatre  Etats  liés  ensemble  par  l'histoire, 
mais  non  pas  soudés  intimement,  comme  nos  provinces  fran- 
çaises, par  la  vie  commune,  recouvrent  leur  individualité, 
une  part  d'autonomie  législative,  et  participent  désormais, 
comme  organes  fédéraux,  à  la  «  création  de  la  volonté  natio- 
nale ».  Beaucoup  d'Anglais,  attachés  au  principe  de  l'intégrité 
du  royaume,  sont  passionnément  opposés  aux  revendications 
et  aux  tendances  des  home-rulers  d'Irlande,  d'Ecosse  et  de 
Galles.  Mais,  si  Y  «unionisme  »  perdait  un  jour  du  terrain, 
on  verrait  sans  doute  se  produire  entre  les  quatre  grandes 
sections  historiques  de  l'archipel  britannique  une  fédération 
analogue  à  la  fédération  canadienne  ou  australasienne,  qui 
se  fédérerait  elle-même  avec  celles-ci.  —  C'est  une  loi  de 
nature  que  l'Etat  unitaire  ne  peut  pas  s'accroître  indéfini- 
ment ;  quand  il  est  devenu  trop  vaste,  il  se  divise.  L'Union 
américaine  a  montré  au  contraire  «le  grand  exemple  d'un 
système  sous  lequel  un  nombre  indéfini  de  provinces  est 
maintenu  solidement  en  un  seul  Etat,  sans  aucun  inconvé- 
nient ».  Ce  système  est  le  système  fédératif  qui  concilie 
les  deux  excellents  principes  de  l'unité  nationale  et  de  l'in- 
dépendance des  groupes  historiques  vivants.  C'est  celui  de 
l'avenir.  C'est  pourquoi  les  controverses  des  jurisconsultes 
qui  l'ont  étudié  présentent  un  vif  intérêt  pratique;  on 
trouvera  la  liste  de  leurs  principaux  écrits  dans  la  biblio- 
graphie ci-jointe.  Ch.-V.  L. 

Bibl.  :  À.  de  Tocqueville,  De  la  Démocratie  en  Amé- 
rique ;  Paris,  1836,  2  vol.  —  G.  Waitz,  ÏJber  das  Wesen 
des  Blindes staats,  dans  Allgemeine  Monatsschrift  fur 
Wissenschaft  und  Litleratur,  1853.  —  J.-C.  Calhoun, 
Works; New  York,  1854-1856,  6  vol.  in-8.  -  M.  Seydel, 
Der  Bundesstaatsbegriff,   dans   le   Tùbinger  Zeitschrift, 

1872.  —  Du  même,  Die  neuesten  Gestaltungen  des  Buncles- 
staatsbegriffes,  dans  les  Annalen  des  deutschen  Reiches 
de  Hirth,  1816.  —  P.  Laband,  Das  \Slaatsrecht  des  deut- 
schen Reiches  ;  Tubingue,  1876-1882,  3  vol.  in-8.—  H.  Mar- 
quardsen,  Handbuch  des  ôffentlichen  Rechts  der  Gegen- 
-wart  in  Monographien  (notamment  le  vol.  de  von  Holst, 
Das  Staatsrechtder  vereinigten  Slaatenvon  Nord  Amerika). 
—  G.  JellIiNek,  Die  Lehre  von  den  Staatenverbindungen  ; 
Vienne,  1882,  in-8.  —  0.  Gierke,  dans  le  Jahr bûcher  fur 
gesetzgebung  ...im  deutschen  Reiche  de  G.  Schmoller,1883, 
Vil.  —  Bake,  Beschouwingen  over  den  Statenbondin  den 
Bondsstaat ;  Amsterdam,  1881.  —  Blumer  et  Morel, 
Handbuch  des  sch'weizerischen  Bondesstaatsrechts,  1877- 
1880,2  vol.  —  Œuvres  diverses  de  Bluntschli. —  S.  Brie, 
Zur  Lehre  von  den  Staatenverbindungen,  dans  la  Zeits- 
chrift fur  das  Privât  und  ôffentlicheRechtderGegenwart 
de  Grûnhut,  1884,  XL  —  A.-B.  Hart,  Introduction  to  the 
study  of  fédéral  government,  1891.  —  C.  Hilty,  Die 
Bundesverfassungen  der  schweiz.  Eidgenossenschaft , 
1891.  —  G.  Liebe,  dans  la  Tùbinger  Zeitschrift,  1882.  — 
R.  de  Mohl,  Das  deutsche  Reichsstaatsrecht  ;   Tubingue, 

1873.  —  Rosin,  dans  les  Annalen,  1883.  —  Rùttimann, 
Das  nordamerikanische  Bvndesstaatsrecht,  verglichen 
mit  den  politischen  Einrichtungen  der  Schweiz  ;  Zurich, 
1867-1876,  3  vol.  in-8.  —  H.  de  Treitschke,  Bund  und 
Reich,  dans  Preussische  Jahrbucher,  XXXIV.  —  J.-M. 
Vincent,  State  and  fédéral  government  in  Svfitzerland 
{John  Hopkins  University.  Studies  in  history  and  politics, 
extra-vol.  VIII).  —  Westerkamp,  Staatenbund  und  Bun- 
destaat.  Untersuchungen  ûber  die  Praxis  und  das  Rechl 
der  modernen  Blinde;  Leipzig,  1892,  in-8.  —  Ph.  Zorn, 
Das  Staatsrechtdes  deustchen  Reiches;  Berlin  et  Leipzig, 
1880,  et  dans  les  Annalen,  1884  (Neue  Beitrage  zur  Lehre 
vom  Bundesstaate). —  J.  Bryge,  American  Commonwealth  ; 
Londres,  1889,  t.  I.  —  Et  les  ouvrages  cités  au  cours  de 
Parti  cle. 

FEDERATION  (Fête  de  la)  (V.   Fête). 

FÉDÉRAUX,  FÉDÉRÉS.  On  a  appliqué  notamment  ces 
noms  aux  Nordistes  des  Etats-Unis  dans  la  guerre  de  la 
Sécession,  et  aux  insurgés  parisiens  de  la  Commune  de 
1871. 

FEDERICl  (Placido),  bénédictin  italien,  né  à  Gênes  en 
1739,  mort  en  1785.  Il  fut  vicaire  général  de  l'abbaye  de 
Volterra.  On  lui  doit  :  Rerum  Pomposianarum  Historia 
monumentis  illustrata  (Rome,  1781,   in-4). 

FEDERICl  (Domenico-Maria),  historien  et  antiquaire 
italien,  né  à  Vérone  en  1739,  mort  à  Trévise  en  déc.  1808. 
Il  était  dominicain  et  professa  avec  distinction  la  théologie 
à  Udine,  Padoue  et  Trévise.  On  lui  doit  :  Storia  de'  cava- 


lieri  Gaudenti  (Venise,  1787,  2  vol.  in-4);  Memorie 
trevigiane  sulle  opère  di  disegno  (Venise,  1803,  2  vol. 
in-4)  ;  Memorie  trevigiane  sulla  tipografia  del  secolo 
XV  (Venise,  1805,  in-4),  où  il  soutient  que  la  ville  de 
Feltre  fut  le  berceau  de  l'imprimerie;  Esame  critico- 
apologetico  délia  letteratura  trevigiana  del  secolo  XVIII 
(Venise,  1807,  in-8).  —  L'abbé  Louis  Federici,  son  neveu, 
lui  a  consacré  une  notice  dans  les  Elogi  istorici  de'  pin 
illustri  ecclesiastici  veronesi  (Vérone,  1819,  t.  III). 

FEDERICl  (Vicente),  compositeur  de  musique,  né  à 
Pesaro  en  1764,  mort  à  Milan  le  26  sept.  1826.  Il  apprit 
à  jouer  du  piano  avec  un  maître  bolonais,  Angelo  Gadani; 
et,  parti  à  seize  ans  pour  Livourne  après  la  mort  de  son 
père,  il  passa  de  là  à  Londres  où  il  vécut  en  donnant  des 
leçons  de  musique.  Ayant  formé  son  style  sur  celui  des 
compositeurs  alors  en  vogue,  Sarti,  Paisiello,  Cimarosa, 
il  débuta  par  l'opéra  de  YOlimpiade  en  1790.  Cette  œuvre 
fut  suivie  de  Demofoonte,  de  Zenobia,  de  Ninetti,  de 
Didone  et  de  beaucoup  d'autres,  composées  pour  les  théâtres 
de  Londres.  Revenu  en  Italie  en  1803,  il  écrivit  à  Milan 
Castore  e  Polluce,  Il  Giudizio  di  Numa,  Oreste  in  Tau- 
ride,  A  Turin  en  1805,  il  composa  Sofonisbe,  que  sui- 
virent Idomeneo  e  Zaïra  (1806),  La  Conquista  délie  In- 
die  (1808),  Ifigenia  in  Aulide  (1809).  Il  obtint  alors 
du  prince  Eugène  de  Beauharnais  la  place  de  professeur  de 
contrepoint  au  conservatoire  de  Milan.  En  1812,  il  donna 
à  Paris  avec  succès  La  Locandiera  Scaltra.  De  retour  à 
Milan,  il  y  devint  censeur  du  Conservatoire  l'année  même 
de  sa  mort.  Alfred  Ernst. 

FEDERIGHI  (Antonio),  surnommé  dei  Tolomei,  célèbre 
architecte  et  sculpteur  italien  du  xve  siècle,  né  à  Sienne, 
mort  à  Sienne,  en  1490.  Cet  artiste  compte  parmi  les 
plus  laborieux  de  son  temps.  Comme  architecte,  on  lui 
doit,  entre  autres,  la  Loggia  del  Papa>  construite  aux 
frais  du  pape  Pie  II  (1460-1462)  et  la  chapelle  du  Pa- 
lazzo  dei  Diavoli  ;  comme  sculpteur,  les  bénitiers  de  la 
cathédrale,  d'un  style  maniéré,  et  une  partie  des  bas- 
reliefs  et  des  statues,  plus  robustes,  de  la  Loggia  dei 
Nobili.  Il  composa  en  outre  un  certain  nombre  de  cartons 
pour  le  fameux  pavement  de  la  cathédrale.  —  Federighi 
résume  avec  distinction  ce  que  l'on  peut  appeler  le  style 
siennois  du  xve  siècle,  c.-à-d.  un  compromis  entre  le 
moyen  âge  et  la  Renaissance. 

Bibl.:  Milanesi,  Documenti  par  la  storia  delV  Arte  se- 
nese.  —  Burckhardt  et  Bode,  Le  Cicérone. —  E.  Mûntz, 
les  Arts  à  la  cour  des  papes,  1. 1.  —  Du  même,  Histoire  de 
Vart  pendant  la  Renaissance,  1. 1. 

FEDERI60  (Prince)  (V.  Cesi). 

FED  H  Â LA.  Petit  port  sur  la  côte  occidentale  du  Maroc. 
Il  n'est  plus  fréquenté  de  nos  jours  et  sert  de  résidence  au 
caïd  des  Zenata;ilest  situé  par  33°  46'  00"  lat.  N.,  9°44/ 
24"  long.  0.  Paris,  à  quatre  heures  de  marche  au  N.  de 
Casablanca  et  sur  l'ouad  Mellah.  Le  mouillage  est  étroit, 
ouvert  au  N.-O.,  mais  protégé  de  l'océan  par  une  langue 
de  terre  derrière  laquelle  les  corsaires  salétins  avaient 
jadis  coutume  de  s'abriter.  Fedhâla  fut  fondée  en  1773, 
peut-être  sur  l'emplacement  d'un  poste  romain,  et  pour 
l'exportation  des  céréales,  mais  elle  ne  tarda  pas  à  être 
délaissée  par  les  Européens  avant  même  d'être  achevée,  le 
gouvernement  chérifien  ayant  retiré  les  privilèges  accor- 
dés. H.-M.-P.  de  La  Martinière. 

FEDI  (Pio),  sculpteur  italien,  né  àViterbe  en  1815.  Elève 
d'un  orfèvre  de  Florence  et  de  l'Académie  de  Vienne,  il  fut 
d'abord  graveur  ;  il  apprit  la  sculpture  à  Florence  et  à  Rome 
et  fut  employé,  à  partir  de  1846,  par  le  grand-duc  Léo- 
pold  II.  Il  fit  pour  les  Offices  les  statues  de  Nie.  Pisano  et 
d'A.  Cisalpino  ;  un  tombeau  de  la  fille  du  général  Swov 
(1852),  le  monument  du  marquis  P.  Torrigiano  dans  le  jar- 
din de  sa  famille  (1856)  ;  une  Toscane,  en  l'honneur  de 
l'annexion  au  royaume  de  Savoie  (1860).  Citons  encore  de 
lui  un  bon  nombre  de  statues  maniérées  :  l'Espérance 
nourrissant  V Amour  (1861)  ;  V Amour  relevant  PAme, 
r  Amour  dominateur  de  Jupiter  et  de  la  Terre;  la  Poé- 


—  41t9  — 


FEDI  —  FÉE 


sie  sacrée  (musée  de  Vérone).  Son  chef-d'œuvre  qui  prit 
place  dans  la  Loggia  dei  Lanzi  est  un  Sacrifice  de  Po- 
lyxène  (1860-65). 

FEDJ-el-àrbâ.  Localité  d'Algérie,  dép.  de  Constan- 
tine, arr.  de  Sétif,  sur  la  route  de  Djidjelli  à  Gonstantine, 
à  73  kil.  de  la  seconde  de  ces  villes,  au  pied  du  djebel 
Dahmous  (1,280  m.)  et  près  d'un  défilé  pittoresque.  Il  y 
a  là  un  caravansérail  et  une  maison  de  commandement. 

FEDJ-M'zala.  Bordj  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  à 
72  kil.  0.  de  Constantine,  dans  la  région  montagneuse  du 
Ferdjiouna.  Il  s'appelait  autrefois  Bordj -bou-Akkaz,  du 
nom  d'un  chef  du  pays  qui  gouverna  pour  nous  avec  au- 
torité et  justice.  C'est  aujourd'hui  le  chef-lieu  d'une  im- 
portante commune  mixte  de  l'arr.  de  Constantine  qui  sur 
142,780  hectares  a  70,662  hab.  dont  620  Français.  On 
y  a  créé  plusieurs  centres  de  colonisation;  les  principaux 
sont  Rouached  et  Tiberguent.  E.  Cat. 

FEDJ  EDJ  (ChottEl-).  Partie  orientale  du  chott  El-Djerid, 
longue  de  110  kil.,  large  de  5  à  20  kil.  (V.  Djerid). 

FEDKOVITCH  (Joseph-Horodenek),  poète  petit-russien 
contemporain,  né  en  1834  dans  la  Bukovine,  d'une  famille 
de  paysans.  Il  a  été  pendant  quelque  temps  inspecteur  des 
écoles.  lia  publié  des  poésies  (Lemberget  Kolomea,  1864-7 7, 
3  vol.)  et  des  nouvelles  (Kiev,  1876)  qui  lui  ont  assuré  dans 
les  pays  petits-russiens  une  popularité  considérable.  L.  L. . 

FÉDOR  (forme  russe  de  Théodore)  ou  FÉODOR 
(Ivanovitch),  tsar  de  Russie,  né  en  1557,  mort  en  1598. 
Il  était  fils  d'Ivan  IV  dit  le  Terrible  et  succéda  à  son  père 
à  l'âge  de  vingt-sept  ans.  Il  était  d'un  caractère  timide  et 
d'une  santé  délicate.  11  se  montra  incapable  de  gouverner 
par  lui-même;  ce  fut  d'abord  son  oncle  maternel  Nikita 
Romanov  qui  exerça  le  pouvoir.  Ce  fut  ensuite  le  beau- 
frère  du  souverain,  Boris  Godounov.  Tous  les  événements 
qui  se  sont  passés  sous  le  règne  de  Fedor  sont  racontés  à 
Fart.  Boris  Godounov  (t.  VII,  p.  423).  Fedor  mourut  sans 
enfants  et  eut  Boris  pour  successeur.  C'est  le  dernier  prince 
de  la  dynastie  normande  de  Rurik.  L.  L. 

FÉDOR  (Alexiévitch),  tsar  de  Russie,  né  en  1661,  mort 
le  28  avr.  1689.  Il  succéda  en  1676  à  son  père  Alexis. 
Il  avait  alors  quinze  ans  et  était  d'une  faible  complexion. 
La  régence  fut  exercée  par  sa  sœur  aînée,  la  princesse 
Sophie.  Les  parents  maternels  du  jeune  tsar,  lesMiloslavsky, 
qui  représentaient  les  anciennes  traditions  russes,  profi- 
tèrent de  l'avènement  du  jeune  souverain  pour  faire  exiler  le 
boïar  Matvieev  qui  représentait  les  idées  nouvelles  et  la 
civilisation  occidentale.  Le  règne  de  Fédor  fut  marqué  par 
la  soumission  de  la  Petite-Russie  (défaite  de  Thetman 
Dorochenko)  et  la  défaite  des  Turcs  qui  furent  vaincus  à 
Tchigirine  (1678).  En  1681,  il  envoya  une  ambassade  à 
Louis  XIV.  Il  s'efforça  de  déraciner  l'un  des  abus  les  plus 
graves  de  la  société  russe,  le  miestnitchestvo,  c.-à-d.  les 
prétentions  des  boïars  au  sujet  des  préséances.  Il  fit  brûler 
le  Livre  des  rangs,  source  principale  de  ces  prétentions 
et  fit  établir  à  la  place  un  livre  de  généalogie,  tout  en 
déclarant  que  les  services  rendus  passeraient  désormais 
avant  la  naissance.  Il  fonda  l'Académie  grecque-slave  de 
Moscou,  supprima  certaines  formes  de  torture,  diminua  le 
nombre  des  fonctionnaires  et  des  impôts.  Ce  fut  en  somme 
un  prince  doux  et  éclairé.  Il  a  été  marié  deux  fois  :  la 
première  à  une  Polonaise,  Gruszecka,  la  seconde  fois  à  une 
Apraxine  qui  obtint  de  lui  la  grâce  de  Matvieev.  Il  ne  laissa 
point  d'enfants.  '  L.  Léger. 

Bibl.  :  V.  Pierre  le  Grand. 

FEDOR  A  (Bryoz.).  Genre  de  Bryozoaires  de  la  famille 
des  Escharidae,  ordre  des  Gymnolœmes  Cheilostomes.il  a  été 
créé  par  J.  Jullien  qui  lui  assigne  les  caractères  suivants  : 
zoœcies  subhexagonales  à  orifice  circulaire  épais  non  sail- 
lant, échancré  sur  quart  postérieur  où  il  est  mince,  enfin 
placé  au  centre  de  la  zoœcie  dont  il  occupe  le  tiers  du  dia- 
mètre environ  ;  ovicelle  non  saillant  indiqué  extérieurement 
par  un  ruban  lisse,  formant  un  angle  obtus  dont  le  sommet 
est  tourné  vers  l'orifice.  Aviculaires  non  constants,  situés 
sur  les  côtés  et  en  dehors  de  l'orifice.  L.  C. 


FÉDOROV  (Ivan-Fedorovitch) ,  imprimeur  russe  du 
xvie  siècle,  né  vers  1520,  mort  à  Lwôw  (Lemberg)  en 
1583.  Il  était  né  dans  le  gouvernement  actuel  de  Rolouga. 
On  peut  le  considérer  comme  le  véritable  introducteurde 
l'art  typographique  en  Russie.  En  1564,  il  fit  paraître  à 
Moscou  les  Actes  des  apôtres,  le  premier  livre  imprimé  en 
Russie  ;  l'année  suivante,  un  Livre  d'heures.  La  nouvelle 
invention  fut  mal  accueillie  :  accusé  d'hérésie,  Fédorov 
fut  obligé  de  quitter  sa  patrie.  Il  se  réfugia  en  Lithuanie 
avec  son  associé  Timofieev  ;  protégé  par  le  grand  hetman 
Chodkiewicz,  il  imprima  à  Zabloudovun  Evangile  (1569), 
un  Psautier  et  un  Livre  d'heures  (1570).  Il  se  retira 
ensuite  à  Lwôw  (Lemberg)  et  y  publia  en  1574  les  Actes 
des  apôtres  ;  ce  volume  est  accompagné  d'un  épilogue  qui 
fournit  d'intéressants  détails  sur  la  vie  du  maître  imprimeur. 
Tombé  dans  la  misère,  Fédorov  fut  réduit  à  mettre  en  gage 
son  matériel  typographique.  En  1580,  on  le  retrouve  à  Ostrog 
en  Volhynie.  Protégé  par  le  prince  Constantin  d'Ostrog,  il 
imprima  dans  cette  ville,  en  1580,  un  Nouveau  Testament 
et  un  psautier  et  la  fameuse  Bible  d'Ostrog,  la  première 
Bible  imprimée  tout  entière  en  slavon  (1581).  Fédorov  quitta 
ensuite  Ostrog  et  retourna  à  Lwôw  où  il  mourut  dans  la 
misère.  On  voit  encore  dans  cette  ville  la  pierre  de  son 
tombeau  :  elle  porte  cette  inscription  :  «  Ci-gît  Ivan  Fédorov, 
imprimeur  moscovite,   qui  par  son  labeur  a  renouvelé 

l'imprimerie  négligée imprimeur  de  livres  qu'on  n'avait 

pas  vus  avant  lui.  »  L.  Léger. 

Bibl.  :  Petruchevitgh,  les  Commencements  de  l'im- 
primerie en  Russie  (en  petit-russe)  ;  Lwôw,  1884.  —  Pta- 
sayeki,  Mémoires  de  l'Académie  de  Cracovie,  1884,  t.  XI. 

FÉDOROV  (Vasili-Mikhaïlovitch),  auteur  dramatique 
russe.  Il  a  fait  jouer  un  grand  nombre  de  pièces  dans  les 
premières  années  du  xixe  siècle,  aujourd'hui  oubliées  :  le 
Soldat  russe  (1803);  le  Prodigue  bienfaisant  (1807)  ; 
la  Vérité  pique  les  yeux  (1821);  l'Heureuse  Fraude 
(1824),  etc.  L.  L. 

FÉDRY.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Gray, 
cant.  de  Dampierre-sur-Salon,  sur  la  Saône  ;  356  hab. 
Carrières  de  pierres  de  taille.  Stations  préhistoriques.  Voie 
romaine.  Tour  féodale.  Eglise  gothique  avec  dalles  tumu- 
laires  du  xvie  au  xvnr3  siècle.  Deux  seigneuries,  l'une 
laïque,  aux  Tavannes  et  aux  Henrion,  l'autre  ecclésiastique, 
à  l'abbaye  de  la  Charité  et  au  prieuré  de  Fouvent. 

Bibl.  :  A.  Milliard,  l'Age  de  la  pierre  à  Fédry;  Vesoul, 
1883,m-8. 

FÉE.  Les  fées  forment  une  des  catégories  les  plus  impor- 
tantes de  ces  divinités  d'ordre  inférieur  qui  survécurent 
assez  longtemps  à  l'établissement  du  christianisme,  et  dans 
la  conception  desquelles  s'étaient  perpétués  et  amalgamés  de 
très  anciens  souvenirs  mythologiques  de  provenances  diver- 
ses. Elles  ne  sont  pas  différentes,  au  fond,  de  ces  êtres  fan- 
tastiques qu'on  retrouve  dans  toutes  les  religions  primi- 
tives et  dans  lesquels  l'homme  personnifie  l'émotion  ou  la 
terreur  que  lui  inspire  la  vue  de  certains  lieux  :  nos 
«  femmes  des  bois  ou  des  eaux  »  n'ont  pas  une  autre  ori- 
gine que  les  Oréades  ou  les  Nymphes  de  la  mythologie 
grecque.  Le  caractère  de  ces  sortes  de  divinités,  d'abord 
extrêmement  indéterminé,  s'est  peu  à  peu  précisé  diverse- 
ment suivant  les  différentes  religions.  Les  fées,  dans  les 
croyances  populaires  des  pays  romans,  sont  des  êtres  fan- 
tastiques possédant,  outre  une  habileté  et  (le  plus  souvent) 
une  beauté  merveilleuses,  le  pouvoir  de  revêtir  différentes 
formes,  le  don  de  divination  et  une  grande  influence  sur  la 
destinée  des  hommes.  Cette  conception,  dont  les  détails  peu- 
vent du  reste  varier,  semble  s'être  formée  de  souvenirs  em- 
pruntés aux  mythologies  latine,  celtique  et  germanique. 

L.'étymologie  du  mot  est  latine  :  dans  la  croyance  du 
peuple,  l'idée  abstraite  du  fatum  s'était  précisée  et  en 
même  temps  morcelée  en  un  certain  nombre  de  personnes 
divines.  Ausone  (ive  siècle),  à  côté  des  trois  Grâces,  nomme 
les  tria  fata  que  nous  retrouvons  dans  Procope  (vie  siè- 
cle). Quand  la  notion  du  genre  neutre  disparut,  on  attri- 
bua à  ces  divinités  le  sexe  masculin  ou  féminin  :  mais, 
comme  leur  caractère  les  rapprochait  sans  doute  davantage 


FEE  —  FEER 


—  120  — 


de  la  nature  féminine,  les  fati  (iî  est  déjà  question  dans 
Pétrone  d'un  malus  fatus)  disparurent  assez  vite,  tandis 
que  les  fatce  passaient  dans  la  mythologie  de  tous  les  peu- 
ples romans  (ital.  fata,  esp.  hada,  portug.  fada,  prov. 
fada,  fr.  fée).  L'idée  de  destinée  qu'elles  représentaient 
et  qui  restait  sensible  dans  leur  nom  même  les  fit  rappro- 
cher des  trois  Parques,  autres  personnifications  de  la 
même  idée,  et  ainsi  on  fut  amené  à  leur  attribuer  une 
certaine  influence  sur  le  cours  de  la  vie  humaine.  Cette 
attribution  en  vint  à  prendre,  probablement  par  suite  d'une 
iufluence  germanique,  une  importance  particulière  :  les 
Nornes,  sœurs  germaniques  des  Parques  latines,  ne  prési- 
daient pas  seulement,  comme  celles-ci,  d'une  façon  toute 
générale,  à  la  vie  et  à  la  mort  ;  elles  avaient  le  pouvoir 
d'annoncer  leur  destin  aux  hommes  et  même  d'influer  sur 
celui-ci  dans  une  grande  mesure  :  des  trois  Nomes,  deux 
étaient   considérées   comme   bienveillantes,   la  troisième 
comme  redoutable.  Ce  caractère  passa  à  nos  fées,  dont  le 
nombre  ne  fut  point  exactement  déterminé,  mais  qu'on  se 
représentait  souvent  comme  apparaissant  par  groupe  de 
trois  ;  nous  trouvons  dans  les  plus  anciens  textes  (dans  les 
troubadours  du  xne  siècle  par  exemple,  Guillaume  IX  et 
Marcabrun)  la  trace  de  cette  croyance  que  les  fées,  aux 
premières  heures  de  la  vie  de  l'enfant,  le  douent  à  leur 
guise  et  déterminent  ainsi  sa  destinée  ;  on  rencontre  même 
de  bonne  heure  (au  xme  siècle  dans  Adam  de  La  Halle)  la 
mention  de  la  fée  jalouse  ou  malveillante  qui  vient  gâter 
l'ouvrage  de  ses  sœurs.  Les  Nornes,  de  même  que  les 
Parques,  étaient  représentées  comme  des  fileuses  ou  des 
tisseuses  très  habiles,  probablement  parce  qu'elles  tenaient 
entre  leurs  mains  le  fil  de  la  vie,  et  non,  comme  on  l'a 
soutenu,  parce  qu'elles  étaient  des  divinités  du  foyer  ;  de 
là  vient  sans  doute  que  les  fées  sont  souvent  réputées  mer- 
veilleusement adroites  dans  les  ouvrages  féminins.  Les 
Parques  latines  n'étaient  point  censées  intervenir  dans  le 
cours  ordinaire  des  événements  :  il  n'en  était  pas  de  même 
des  divinités  congénères  dans  les  mythologies  germanique 
et  celtique,  où  nous  les  voyons  se  mêler  volontiers  aux 
hommes,  le  plus  souvent  dans  un  esprit  de  bienveillance 
ou  d'équité,  pour  les  tirer  d'embarras  ou  réparer  les  injus- 
tices dont  ils  souffrent  :  on  sait  que  les  fées  jouent  aussi  ce 
rôle  dans  maint  conte  populaire.  —  Il  semble  que  ce  soit 
surtout  dans  les  pays  celtiques  que  la  croyance  aux  fées 
ait  été  la  plus  répandue  et  la  plus  vivace.  Là,  dans  l'an- 
cienne Irlande  notamment,  on  se  les  représentait  comme  des 
esprits  aériens  intervenant  continuellement  dans  les  affaires 
des  hommes  :  un  trait  qui  n'est  point  propre  à  la  mythologie 
celtique,  mais  qui  y  est  beaucoup  phis  apparent  que  dans 
celle  des  races  germaniques  (il  avait  dû  se  trouver  à  l'ori- 
gine dans  celle  des  Grecs,  comme  le  prouve  la  fable  de 
Calypso),  est  que  les  fées  peuvent  éprouver  de  l'amour  pour 
les  hommes,  qu'elles  épousent  en  dissimulant  leur  nature 
(V.  les  fables  de  Mélusine  et  de  la  Femme-Cygne  dans  le 
Dolopathos)   ou  qu'elles  attirent  dans  de  mystérieuses 
retraites,  où  ils  sont  comblés  de  voluptés,  mais  d'où  ils  ne 
peuvent  sortir  :  ce  dernier  trait  se  trouve  dans  plusieurs 
romans  de  la  Table  ronde  (V.  un  thème  analogue  dans  les 
lais  de  Lanval  et  de  Graelent  et  dans  la  Légende  ita- 
lienne de  Liombruno).  Enfin  l'épisode  de  la  vengeance  d'une 
fée  dont  un  homme  a  dédaigné  l'amour  se  trouve  égale- 
ment dans  plusieurs  romans  bretons  et  il  forme  le  fond 
d'une  chanson  populaire  dont  les  pays  romans  ne  possèdent 
qu'une  rédaction  altérée  (Jean  Renaud)  où  le  thème  pri- 
mitif est  presque  méconnaissable  (V.  Revue  crit.,  I,  30). 
La  mention  des  fées  est  très  ancienne  dans  notre  littéra- 
ture. Cette  mention  ne  prouve  nullement,  comme  on  l'a  dit 
parfois,  une  influence  celtique  ;  elle  se  trouve  en  effet  dès 
une  époque  où  cette  influence  était  nulle  sur  les  œuvres 
littéraires,  dans  le  Voyage  de  Charlemagne  par  exemple,  à 
la  fin  du  xie  siècle.  Cependant,  c'est  dans  la  littérature 
d'inspiration  celtique  que  la  mention  des  fées  est,  comme  on 
pouvait  s'y  attendre,  le  plus  fréquente  :  leur  intervention 
est  un  des  lieux  communs  les  plus  habituels  des  romans 


bretons  en  vers  et  en  prose  :  c'est  de  là  qu'elles  ont  passé 
dans  les  chansons  de  geste  de  la  deuxième  époque,  dans 
leurs  suites  ou  remaniements,  où  l'on  voit  divers  person- 
nages primitivement  historiques  transportés  en  pays  de 
faerie  pour  y  devenir  les  héros  d'extraordinaires  et  d'inter- 
minables aventures  (V.  par  exemple  les  Suites  à'Ogier  le 
Danois,  à'Huon  de  Bordeaux,  la  Bataille  Loquifer, 
Brun  de  la  Montagne,  etc.).  C'est  là  enfin  qu'ont  été  les 
chercher,  en  Italie,  Boïardo,  l'Arioste  et  leurs  imitateurs, 
et  en  Angleterre,  Shakespeare,  qui  leur  ont  donné  aux  xve 
et  xvie  siècles  un  si  brillant  regain  de  fortune  et  grâce  à 
qui  elles  ont  passé  dans  certains  genres  de  composition 
où  nous  les  voyons  encore  reparaître  tous  les  jours  (livrets 
d'opéras,  etc.). 

A  la  fin  du  xvir3  siècle,  les  fées,  ramenées  en  France  par 
Perrault,  y  obtinrent  une  vogue  extraordinaire  (V.  Conte). 
Quatre-vingts  ans  plus  tard  (car  l'impulsion  se  ralentit 
sans  s'arrêter  au  xvme  siècle),  la  production  avait  été  assez 
abondante  pour  remplir  les  quarante  et  un  volumes  in-8  du 
Cabinet  des  Fées  (1785-89).  Ce  genre  aimable  n'a  pas 
cessé  d'être  cultivé  :  il  continue  à  fleurir  dans  les  collections 
enfantines,  et  d'ingénieux  écrivains  comme  Nodier  lui  ont 
dû  quelques-unes  de  leurs  plus  jolies  pages  (la  Fée  aux 
miettes,  Trilby,  etc.).  A.  Jeanroy. 

Bibl.  :  Walkenaër,  Lettres  sur  les  Contes  des  Fées  attri- 
bués à  Perrault  et  l'origine  de  la  féerie,  1826.  —  Wolf, 
Mythologie  des  fées  et  des  elfes,  1828.—  Leroux  de  Lincy, 
le  Livre  des  Légendes,  Introduction,  1836. —  H.  Schreiber, 
Die  Feen  in  Europa;  Freiburg,  1842.  —  A.  Maury,  les 
Fées  au  moyen  âge,  1843.—  J.  Grimm,  Deutsche  Mytholo- 
gie,  1875,   4e  éd.,  ch.  xvi. 

FÉE  (Antoine-Laurent- Apollinaire),  médecin  natura- 
liste et  homme  de  lettres  français,  né  à  Ardentes  (Indre) 
le  7  nov.  4789,  mort  à  Paris  le  21  mai  1874.  Pharma- 
cien militaire,  membre  de  l'Académie  de  médecine  (1824), 
démonstrateur  à  l'hôpital  militaire  d'instruction  de  Lille 
(1825),  il  remplaça  en  1833  Nestler  dans  la  chaire  de  bo- 
tanique de  la  faculté  de  médecine  de  Strasbourg  et  fut 
nommé  pharmacien  en  chef  de  l'hôpital  militaire  de  cette 
ville.  Il  a  laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages  et  de  mono- 
graphies remarquables  sur  la  botanique  et  la  zoologie,  ainsi 
que  des  travaux  de  littérature,  de  philologie,  de  philo- 
sophie, etc.  Dr  L.  Hn. 

FEER  (Johann),  astronome  suisse,  né  le  3  janv.  1763, 
mort  le  14  sept.  1823.  Sa  carrière  scientifique  se  passa  à 
Gotha  auprès  de  Zach,  puis  à  Zurich.  Ses  œuvres  se  trou- 
vent dans  les  recueils  spéciaux  publiés  par  Bode  et  par  Zach. 

FÉER  (Léon),  orientaliste  français,  né  à  Rouen  le 
22  nov.  1830.  Il  succéda,  en  1864,  à  M.  Foucaux  dans 
la  chaire  de  langue  tibétaine,  créée  à  la  Bibliothèque  na- 
tionale et  transférée,  en  1865,  comme  cours  complémen- 
taire, à  l'Ecole  des  langues  orientales;  en  1869,  il  passait 
au  Collège  de  France  comme  chargé  d'un  cours  annexe  de 
tibétain  et  de  mongol;  entré,  en  1872,  à  la  Bibliothèque 
nationale  (département  des  manuscrits),  M.  Féer  y  obtint, 
en  1880,  le  titre  de  bibliothécaire.  L'érudition  solide  au- 
tant que  variée  de  M.  Féer  lui  a  valu  une  juste  autorité 
dans  le  triple  domaine  de  l'indianisme,  du  tibétain  et  du 
mongol.  Ses  principales  publications  sont  :  les  Ruines  de 
Ninive  (1864)  ;  la  Puissance  et  la  civilisation  mon- 
goles au  xme  siècle  (1861)  ;  République  et  Royauté 
(1871,  in-12)  ;  Analyse  du  Kandjour  (1881,  in-4,  t.  II 
des  Annales  du  musée  Guimet)  ;  le  Sûtra  en  quarante- 
deux  articles  (1878,  in-18)  ;  Contes  indiens:  les  trente- 
deux  récits  du  trône  (1883,  in-18)  ;  Avadânaçataka  : 
Cent  Légendes  bouddhiques  (1891,  in-4,  t.  XVIII  des 
Annales  du  musée  Guimet).  Chargé  par  la  Société  des 
textes  pâlis  d'éditer  la  compilation  intitulée  Samyutta- 
nikâya,  il  en  a  déjà  donné  trois  volumes  (Sagâtha,  Ni- 
dâna,  Khandha;  Londres,  1884-1890).  La  Revue  con- 
temporaine, la  Revue  des  Deux  Mondes,  la  Revue 
chrétienne,  la  Revue  des  cours  publics,  la  Revue  bleue, 
le  Bulletin  de  la  Société  de  l  histoire  du  protestan- 
tisme français  l'ont  compté  parmi  leurs  collaborateurs. 


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FEER  —  FÉERIE 


Une  longue  série  d'articles,  publiés  depuis  4866  dans  le 
Journal  asiatique,  presque  tous  sous  la  dénomination 
générale  à' Etudes  bouddhiques,  ont  enrichi  d'aperçus  et 
de  faits  nouveaux  l'histoire,  la  littérature  et  la  doctrine 
du  bouddhisme  septentrional  et  du  bouddhisme  cinghalais. 
La  Grande  Encyclopédie  le  compte  parmi  ses  collabo- 
rateurs. Sylvain  Lévi. 

FEER-Herzog  (Charles),  économiste  et  homme  politique 
suisse,  né  à  Rixheim  (Alsace)  le  2  oct.  4820,  mort  le 
46  janv.  4880.  Industriel  à  Aarau,  homme  politique  écouté, 
il  représenta  la  Suisse,  depuis  4865  jusqu'à  sa  mort,  aux 
conférences  de  l'Union  monétaire  latine.  On  lui  doit  plusieurs 
ouvrages  sur  cette  question  :  Unification  monétaire  in- 
ternationale ;  la  France  et  ses  alliés  monétaires,  etc.; 
Or  et  Argent  (4873).  E.  K. 

FÉERIE  (Théâtre).  Ce  qu'on  appelle  féerie,  en  matière 
de  théâtre,  est  une  pièce  à  grand  spectacle,  dont  l'action 
repose  toujours  sur  un  sujet  fantastique  et  surnaturel  et 
qui  emprunte  son  importance,  sinon  son  intérêt,  à  l'élément 
merveilleux.  Les  sorcières  et  les  magiciens,  les  fées  et  les 
génies,  les  gnomes,  les  lutins,  les  sylphes,  tous  ces  per- 
sonnages fictifs  et  légendaires  créés  par  l'imagination  popu- 
laire ou  par  la  rêverie  des  poètes  trouvent  naturellement 
leur  place  dans  les  inventions  de  ce  genre.  «  Si  Peau 
d'âne  m'était  conté,  disait  le  fabuliste,  j'y  prendrais  un 
plaisir  extrême.  »  Le  public,  lui,  aussi  prend  un  plaisir 
extrême  à  ces  contes  en  action  ;  il  adore  la  féerie  et  il  y 
court  en  foule,  même  alors  qu'elle  n'a  pas  le  sens  commun, 
ce  dont,  il  faut  le  dire,  elle  abuse  parfois  plus  que  de 
raison.  La  féerie  serait  pourtant  un  spectacle  exquis  si  elle 
était  aux  mains  d'un  vrai  poète,  se  laissant  entraîner  libre- 
ment au  caprice  de  ses  rêves  et  de  sa  fantaisie,  de  façon 
tout  à  la  fois  à  charmer  l'esprit  de  ses  auditeurs  et  à 
émerveiller  leurs  yeux.  Grâce  à  l'élément  merveilleux  dont 
je  parlais,  qui  lui  permet  de  ne  compter  ni  avec  la  logique 
des  faits  ni  avec  celle  des  idées  ;  elle  a  toute  faculté  de  se 
mouvoir  à  son  aise  et  à  sa  guise  dans  un  monde  et  dans 
un  milieu  conventionnels,  sans  prendre  souci  de  la  vrai- 
semblance, n'ayant  à  s'occuper  que  du  charme  qu'elle  peut 
répandre  autour  d'elle,  de  la  grâce  qu'elle  peut  commu- 
niquer à  tout,  n'ayant  d'autre  objectif  que  de  s'entourer 
de  tout  le  prestige,  de  toute  l'illusion,  de  toute  la  puissance 
que  peuvent  lui  prêter  le  luxe  de  la  mise  en  scène,  la 
splendeur  du  décor,  la  richesse  du  costume,  les  grâces  de 
la  danse,  le  charme  de  la  musique,  les  surprises  de  la 
mécanique,  le  ruissellement  des  lumières,  en  un  mot  tout 
ce  que  le  déploiement  scénique  le  plus  fastueux,  le  plus 
étrange,  le  plus  varié  et  le  plus  imprévu  peut  réunir  pour 
surprendre,  éblouir  et  enchanter  les  regards  du  spectateur. 
Le  malheur  est  que  les  auteurs  font,  la  plupart  du 
temps,  trop  de  fond  sur  la  beauté  du  spectacle  matériel,  et 
que  celui-ci  ne  fait  trop  souvent  que  servir  de  passeport 
aux  facéties  les  plus  grossières,  aux  fables  les  plus  sottes, 
racontées  dans  une  langue  dont  rougirait  le  dernier  des 
ravaudeurs  littéraires  ou  soi-disant  tels.  Le  temps  n'est 
plus  où  Shakespeare  déroulait  les  enchantements  de  la 
Tempête  et  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  où  Carlo  Gozzi 
écrivait  le  Roi  des  génies,  la  Dame-Serpent,  Turandot, 
princesse  de  la  Chine,  et,  sous  ce  rapport,  le  public  est 
bien  obligé  de  se  contenter  des  rapsodies  ayant  cours. 

On  semble  croire,  en  France,  que  le  genre  de  la  féerie 
est  chez  nous  d'une  exploitation  presque  récente,  et  l'on 
suppose  volontiers  qu'il  a  pris  naissance  sur  les  anciens 
théâtres  de  notre  ancien  boulevard  du  Temple.  C'est  une 
erreur  complète,  car  voici  près  de  deux  cent  cinquante  ans 
que  le  peuple  parisien,  ami,  comme  tous  les  peuples,  du 
fantastique  et  du  merveilleux,  a  donné  des  preuves  de  sa 
grande  sympathie  pour  les  pièces  de  ce  genre.  Bien  avant 
que  Gozzi  songeât  à  charmer  les  Vénitiens  avec  son  «  théâtre 
nabesque  »,  et  dès  le  milieu  du  xvne  siècle,  notre  vieux 
théâtre  du  Marais  se  rendait  fameux  par  le  luxe  et  la 
magnificence  qu'il  déployait  dans  ses  grandes  «  pièces  à 
machines  »,  lesquelles  n'étaient  autre  chose  que  des  féeries, 


mais  des  féeries  dans  lesquelles  les  dieux  de  l'Olympe 
tenaient  la  place  des  fées  et  des  enchanteurs  qu'on  vit  leur 
succéder  plus  tard.  Avant  même  que  Pierre  Corneille  eût 
fait  représenter  Andromède  et  la  Toison  d'or,  qui  sont 
de  simples  féeries  (et  qui  ne  comptent  point  parmi  ses 
chefs-d'œuvre),  l'abbé  Boyer  avait,  dès  4648,  donné  au 
Marais  sa  grande  tragédie  «  à  machines  »  intitulée  Ulysse 
dans  l'île  de  Circé  ;  c'est  au  même  théâtre  qu'il  donna 
les  Amours  de  Jupiter  et  de  Sémélé,  et  que  de  Visé;  le 
rédacteur  du  Mercure  galant,  fit  jouer  successivement 
plusieurs  pièces  du  même  genre  :  les  Amours  de  Vénus 
et  d'Adonis  (4670),  les  Amours  du  Soleil  (4674),  le 
Mariage  de  Bacchus  (4672).  Enfin,  la  Psyché  de  Cor- 
neille et  Molière  est  une  féerie,  mais  une  féerie  exquise, 
celle-là,  et  l'on  en  peut  dire  autant  de  tous  les  opéras  de 
Quinault  et  Lully,  qui  constituaient  des  féeries  extrême- 
ment compliquées,  entre  autres  Persée,  Phaéton,  Belle- 
rophon  et  Proserpine.  On  voit  donc  que  lorsque,  aux 
environs  de  4798,  le  gentil  théâtre  des  Jeunes- Artistes 
offrait  à  son  public  Arlequin  dans  un  œuf,  les  Vingt- 
quatre  Heures  d'Arlequin,  lorsque,  un  peu  plus  tard,  la 
Gaîté  mettait  tout  Paris  en  rumeur  et  en  joie  avec  son 
légendaire  Pied  de  mouton,  l'un  et  l'autre  ne  faisaient 
que  renouer  une  tradition  seulement  interrompue. 

Ce  bienheureux  Pied  de  mouton,  qui  rendit  le  nom  de 
son  auteur,  Martainville,  presque  aussi  célèbre  que  son 
fameux  journal  légitimiste  le  Drapeau  blanc,  fit  la  joie 
des  Parisiens  pendant  tout  un  quart  de  siècle  et  ne  fut 
détrôné  dans  leur  affection  que  par  les  Pilules  du  diable, 
dont  le  succès,  après  tantôt  soixante  ans,  n'est  pas  encore 
épuisé,  bien  qu'il  se  traduise  par  près  de  2,000  repré- 
sentations. Il  est  vrai  que  celle-ci  peut  passer  pour  le 
modèle  des  féeries,  et  qu'avec  un  spectacle  prodigieux  elle 
offre,  chose  rare,  une  pièce  vraiment  amusante  et  d'une 
gaieté  pleine  de  franchise.  Mais,  depuis  le  commencement 
de  ce  siècle,  tous  nos  théâtres  de  drame,  qui  avaient  aussi 
le  monopole  de  la  féerie,  ont  monté  une  foule  de  pièces  de 
ce  genre  ;  c'était  à  qui  d'entre  eux  :  Porte-Saint-Martin, 
Gaîté,  Ambigu,  Cirque-Olympique  (aujourd'hui  Châtelet), 
ferait  les  plus  grands  efforts  pour  éblouir  le  public.  A 
la  Porte-Saint-Martin,  on  voyait  la  Biche  au  bois,  les 
Sept  Merveilles  du  monde,  l'Arbre  de  Noël;  à  la 
Gaîté,  la  Queue  de  lapin,  la  Fête  du  diable,  Peau 
d'âne,  le  Marquis  de  Carabas,  Biquet  à  la  houppe, 
Ali-Baba,  Barbe-Bleue,  le  Petit  Homme  rouge,  les 
Quatre  Eléments,  les  Trois  Talismans,  les  Sept  Châ- 
teaux du  diable,  le  Voyage  dans  la  lune,  le  Chat  botté, 
le  Petit  Poucet;  au  Cirque-Olympique,  les  Pilules  du 
diable,  Za-ze-zi-zo-zu,  Fisch-Ton-Khan,  la  Corde  de 
pendu,  Cri-Cri,  le  Sac  à  malices,  Rothomago,  la 
Chatte  blanche,  les  Quatre  Parties  du  monde  ;  au  Châ- 
telet, la  Belle  au  bois  dormant,  les  Mille  et  une  Nuits, 
les  Aventures  de  M.  de  Crac,  Cendrillon  ;  à  l'Ambigu 
enfin,  le  Monstre  et  le  Magicien,  les  Contes  de  la  mère 
l'Oie,  la  Queue  du  chat,  la  Fille  du  diable,  etc. 

En  somme,  le  public  parisien  fait  une  très  grande  con- 
sommation de  féeries,  bien  que  ce  genre  de  pièces  ne  puisse 
se  jouer  que  sur  de  grands  théâtres,  vastes,  machinés 
d'une  façon  toute  particulière,  où  les  changements  à  vue, 
les  métamorphoses,  les  travestissements,  les  trucs  de  tout 
genre,  les  apothéoses  puissent  se  produire  avec  facilité.  Il 
est  arrivé  pourtant,  mais  très  exceptionnellement,  que  de 
petites  scènes,  assez  médiocrement  aménagées  sous  ce  rap- 
port, se  donnaient  le  luxe  d'une  féerie  ;  c'est  ainsi  que  les 
Folies-Dramatiques  obtinrent  jadis  un  énorme  succès  avec 
la  Fille  de  l'air,  et  les  Variétés  avec  les  Bibelots  du 
diable  ;  mais  ceci,  je  le  répète,  est  tout  à  fait  exceptionnel. 
D'autre  part,  la  féerie  trouvant  dans  la  musique  une  aide 
puissante  et  tout  à  fait  naturelle,  il  est  arrivé  qu'en  France, 
comme  à  l'étranger,  les  théâtres  lyriques  ont  représenté, 
souvent  des  opéras  féeriques.  On  en  compte  un  grand 
nombre  à  notre  Opéra,  sans  parler  même  des  ouvrages  de 
Lully,  déjà  signalés  plus  haut.  Zoroastre,  de  Rameau, 


FÉERIE  —  FEI 


Aline i  reine  de  Golconde,  de  Monsigny,  Aladin  ou  la 
Lampe  merveilleuse,  de  Nicolo,  le  Lac  des  Fées,  d'Auber, 
même  Faust,  de  M.  Gounod,  sont  de  véritables  féeries.  Il 
en  était  de  même  à  l'Opéra-Comique,  de  Cendrillon  (Ni- 
colo), de  la  Clochette  (Herold),  du  Cheval  de  bronze 
(Auber),  de  la  Fée  aux  roses  (Halévy).  La  Flûte  en- 
chantée, de  Mozart,  et  Oberon,  de  Weber ,  sont  des  sortes 
de  féeries,  et  l'on  sait  que  l'élément  fantastique  et  féerique 
occupe  une  place  extrêmement  importante  dans  la  plupart 
des  opéras  de  Richard  Wagner,  principalement  dans  sa 
Tétralogie. 

On  peut  donc  dire  que  tous  les  publics,  les  plus  délicats 
comme  les  plus  populaires,  les  plus  raffinés  comme  les  plus 
naïfs,  ont  un  goût  égal  et  particulier  pour  la  féerie  ;  on 
peut  croire,  par  conséquent,  que  celle-ci  est  indispensable 
à  leurs  plaisirs,  et  il  est  permis  d'affirmer  qu'elle  vivra  aussi 
longtemps  que  le  théâtre  lui-même.      Arthur  Pougin. 

FÉES  (Grotte  aux).  Grande  excavation  dans  le  flanc  du 
chaînon  du  Jura  qui  forme  la  vallée  de  Vallorbe,  dans  le 
cant.  de  Vaud;  elle  se  compose  de  plusieurs  cavernes 
reliées  par  des  galeries.  La  longueur  de  la  grotte  aux  Fées 
est  d'environ  150m.  ;  la  hauteur  atteint  par  places  40  m. 

FÉGATELLA  (Bot.).  Genre  d'Hépatiques  (tribu  des 
Marchandées,  famille  des  Marchantiacées),  à  sporogones 
groupées  à  la  face  inférieure  d'un  chapeau  pédiceilé,  à 
spores,  à  chlorophylle  et  à  exospores  incolores  et  très 
minces.  Ces  spores  subissent  leur  premier  cloisonnement 
à  l'intérieur  même  du  sporange  et  constituent  à  leur  sortie 
un  corps  pluricellulaire  ovoïde.  L'une  de  leurs  extrémités 
s'allonge  en  un  poil  absorbant  pendant  que  le  thalle  dérive 
de  la  cellule  terminale  située  à  l'autre  extrémité.  Le  tissu 
du  thalle,  dont  le  développement  a  lieu  par  dichotomie,  est 
formé  de  séries  longitudinales  de  cellules  dont  la  mem- 
brane d'abord  s'épaissit,  puis  se  gélifie.  Les  stomates  pré- 
sentent comme  particularité  leur  ouverture  en  canal  bordé 
de  séries  de  cellules,  quatre  au  moins.  H.  F. 

FEGERSHEIM  (Vegersheim,  1312). Corn,  de  la  Basse- 
Alsace,  arr.  d'Erstein,  cant.  deGeispolsheim,  au  confluent 
de  l'Andlau  et  de  l'Ill  et  sur  le  chem.  de  fer  de  Strasbourg 
à  Bàle;  1,799  hab.  Tabac,  houblon  ;  toiles  de  chanvre  et 
de  coton  ;  restes  de  l'ancien  château  de  la  famille  de 
Landsberg  ;  voie  romaine.  Fegersheim,  autrefois  ch.-l. 
d'une  seigneurie,  a  appartenu  successivement  aux  familles 
d'Ochsenstein,  de  Rathsamhausen,  de  Deux-Ponts,  de 
flanau-Liehtenberg  et  de  Hesse-Darmstadt. 

Bibl.  :  Grandidier,  Œuvres  historiques,  V,  412-415. 

FÉGRÉAC.  Corn,  dudép.  de  la  Loire-Inférieure,  arr.  de 
Saint-Nazaire,  cant.  de  Saint-Nicolas;  3,073  hab. 

FEHLING  (Heinrich-Christoph),  peintre  allemand,  né  à 
Sangershausen  (Thuringe)  en  1654  selon  les  uns,  en  1658 
selon  les  autres,  mort  à  Dresde  en  1725.  Neveu  de  Samuel 
Bottschildt,  qui  occupait  une  situation  importante  comme 
peintre  de  cour  à  Dresde,  il  se  forma  sous  sa  conduite, 
l'accompagna  en  Italie  et  y  séjourna  avec  lui  quelques 
années;  puis,  de  retour  à  Dresde,  fut  également  nommé 
peintre  de  cour,  directeur  d'une  école  de  dessin,  d'où 
devait  sortir  plus  tard  l'Académie  des  beaux-arts,  et  enfin, 
après  la  mort  de  Bottschildt,  inspecteur  de  la  galerie  de 
peinture.  Il  reste  de  lui  quelques  fresques,  des  plafonds  au 
palais  du  Grand- Jardin,  à  Dresde.  Ceux  qu'il  avait  peints 
au  Zwinger  furent  badigeonnés  au  commencement  de  ce 
siècle.  Le  Musée  historique  de  Dresde  possède  un  portrait 
de  sa  main,  celui  du  colonel  Kaspar  von  Klengel.  Grand 
homme,  peintre  officiel,  il  a  laissé  à  peine  un  souvenir.  Sa 
gloire  fut  toute  en  viager.  P.  L. 

FEHLING  (Hermann  von),  chimiste  allemand,  néàLu- 
beck  le  9  juin  1812,  mort  à  Stuttgart  le  2  juil.  1885.  Il 
fut  d'abord  élève  pharmacien,  s'adonna  bientôt  presque 
exclusivement  à  la  chimie,  suivit  de  1835  à  1837  les  cours 
de  l'université  d'Heidelberg,  fut  préparateur  de  Liebig,  à 
Giessen,  de  Dumas,  à  Paris,  et  occupa  de  1839  à  1882 
la  chaire  de  chimie  de  l'Ecole  polytechnique  de  Stuttgart. 
Ses  nombreux  travaux  ont  surtout  porté  sur  la  chimie 


industrielle  ;  on  lui  doit  en  particulier  la  solution  cupro- 
potassique  connue  sous  le  nom  de  liqueur  de  Fehling, 
qui  est  employée  pour  le  dosage  du  glucose  dans  les  sucres. 
Ses  écrits  comprennent  :  une  soixantaine  de  mémoires  pa- 
rus de  1838  à  1881  dans  le  Journal  de  pharmacie,  dam 
les  Annales  de  Liebig,  dans  le  Polytechnisches  Journal  ; 
plusieurs  chapitres  du  grand  traité  de  chimie  organique  de 
Kolbe  ;  deux  nouvelles  éditions  du  Handwôrterbuch  fur 
Chemie  (Brunswick,  2e  éd.,  1856  et  suiv.,  in-8;  3e  éd., 
1871  et  suiv.,  in-8).  L.  S. 

Bibl.:  Liste  des  mémoires  dus  à  Fehling  dans  le  Cata- 
logue of  scientific  papers  de  la  Société  royale,  t.  II  et  VII  ; 
Londres,  1868  et  1877,  in-4. 

FEHMARN.  Géographie.  —  Ile  allemande  delà  mer  Bal- 
tique, royaume  de  Prusse,  prov.  de  Slesvig-flolstein,  en 
face  de  la  pointe  N.-E.  du  Holstein,  dont  la  sépare  un  dé- 
troit de  320  m.  de  large.  Elle  a  185  kil.  q.  et  9,800  hab. 
Elle  est  plate,  déboisée,  très  fertile  ;  elle  renferme  la  petite 
ville  de  Burg. 

Histoire.  — ■ •  Au  moyen  âge,  cette  île,  qui  s'appelait  aussi 
Tmre,  appartenait  aux  comtes  de  Holstein  qui  y  bâtirent 
au  S.  la  forteresse  de  Glambeck,  que  le  roi  de  Danemark 
Eric  démolit.  En  1580,  Fehmarn  passa  à  la  branche  de 
Holstein-Gottorp,  en  1773  au  Danemark.  Elle  fut  conquise 
par  les  Allemands  dans  la  nuit  du  14  au  15  mars  1864. 
Elle  conserve  une  certaine  autonomie.  Sa  coutume  rédigée 
en  1326  fut  renouvelée  en  1558. 

FEHRBELLIN.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse, 
prov.  de  Brandebourg,  district  de  Potsdam,  sur  le  Rhin, 
au  centre  des  marécages  du  Havelland  ;  2,000  hab.  C'est 
là  que  le  grand  électeur  Frédéric-Guillaume  remporta  une 
mémorable  victoire  sur  les  Suédois  le  28  juin  J  675.  Ceux-ci 
avaient  pénétré  jusqu'à  la  Havel  inférieure  ;  un  échec  à 
Rathenow  (25  juin)  les  coupa  ;  W.  Wrangel,  qui  était  dans 
le  Brandebourg,  se  retira  vers  le  N.,  pour  rejoindre  son 
frère  le  feld-maréchal  G.  Wrangel.  Il  avait  4,000  cava- 
liers, 7,000  piétons  et  38  canons;  les  Brandebourgeois 
comptaient  5,700  cavaliers,  mais  seulement  13  canons.  Ils 
atteignirent  les  Suédois  dans  le  défilé  de  Fehrbellin  entre 
les  marécages  du  Rhin  et  de  la  Havel  ;  la  bataille  eut  lieu 
près  de  Hakenberg;  les  Brandebourgeois  occupèrent  une 
hauteur  sur  le  flanc  droit  de  leurs  ennemis,  dont  l'infanterie 
ne  put  enlever  la  position  ;  Wrangel  se  retira  avec  une  perte 
de  2,100  hommes  sur  Fehrbellin  ;  le  lendemain,  quand  il 
y  fut  poursuivi,  son  armée  se  débanda  et  entraîna  dans  sa 
déroute  celle  du  maréchal  Wrangel.  Le  grand  électeur  n'avait 
perdu  que  500  hommes .  Cette  victoire  est  la  première  des 
armées  prussiennes  et  fonda  leur  réputation.  Trois  monu- 
ments la  commémorent. 

Bibl.  :  Schottmûller,  Fehrbellin  ;  Berlin,  1875. 
FEHRMAN  (Daniel),  médailleur  suédois,  né  à  Stockholm 
le  12  janv.  1710,  mort  le  8  juin  1780.  Elève  de  Hedlin- 
ger,  il  le  suivit  en  Danemark  (1732)  et  en  Russie  (1735- 
37),  et  le  suppléa  pendant  un  nouveau  voyage  (1739), 
enfin  lui  succéda  (1745)  comme  médailleur  à  la  Monnaie 
royale.  On  lui  doit  environ  trente  médailles,  entre  autres: 
la  Mort  de  Fredrik  Ier;  le  Couronnement  d'Ado  If  Fre- 
drik;  le  Mariage  du  prince  Gustaf(IIl),  et  quatre-vingts 
jetons  qui  sont  ses  meilleures  œuvres.  Le  modèle  en  est 
vigoureux  et  élégant,  les  cheveux  et  le  costume  soignés.  Il 
eut  pour  élèves  K.-F.  Wikman,  G.  Ljungberger  et  son 
propre  fils,  Carl-Gustaf,  né  à  Stockholm  en  1746,  mort 
le  24  déc.  1798.  Quoique  celui-ci  fût  assez  avancé  dès 
1764  pour  le  remplacer  pendant  une  longue  maladie,  il 
alla  se  perfectionner  à  Paris  (1774)  et  à  Rome  (1775-78). 
Il  succéda  à  Ljungberger  comme  médailleur  royal  (1787) 
et  fut  en  même  temps  nommé  professeur  à  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Stockholm.  Il  exécuta  beaucoup  de  médailles 
historiques  et  commémoratives,  ainsi  que  des  jetons.  Le 
travail  en  est  bon,  mais  les  portraits  trop  joufflus.  B-s. 
FEI  (Alessandro),  dit  del  Barbiere,  peintre  italien,  né 
à  Florence  en  1543,  mort  vers  J  600.  Ce  Florentin  de  la 
décadence  n'intéresse  que  les  curieux  qui  trouvent  plaisir 
à  savoir  comment  les  écoles  finissent.  Il  fut  élève  de  Ridolfo 


123  — 


FEI  —  FEILDING 


Ghirlandaio,  de  Piero  Francia  et  de  Tomaso  di  San  Friano. 
C'est  dire  qu'il  appartenait  à  un  temps  fort  troublé.  Vasari 
l'a  connu  et  l'a  associé  à  des  travaux  décoratifs,  aux 
peintures  qu'il  improvisait  pour  les  fêtes  de  la  cour  des 
Médicis.  Dans  sa  notice  sur  les  Accademici  ciel  Designo, 
il  parle  d'Alessandro  del  Barbiere  comme  d'un  jeune  homme 
de  vingt-cinq  ans  qui  donnait  les  plus  belles  espérances. 
Ces  prédictions  ne  se  réalisèrent  pas  tout  à  fait.  Fei  eut 
cependant  plus  d'une  fois  l'occasion  d'utiliser  son  pinceau. 
En  1588,  lors  du  mariage  de  Ferdinand  111  de  Médicis, 
grand-duc  de  Toscane,  avec  Christine  de  Lorraine,  il  prit 
part  à  l'édification  des  arcs  de  triomphe  et  des  luxueux 
échafaudages  qui  furent  dressés  sur  les  principaux  points 
de  la  ville  et  dont  les  parois  s'embellissaient  de  peintures 
allégoriques.  De  ces  belles  inventions,  il  ne  reste  plus  qu'un 
vague  souvenir,  et  les  œuvres  d'Alessandro  ont  presque 
complètement  disparu.  Les  annotateurs  de  Vasari  (édition 
de  Florence)  nous  parlent  d'une  Vierge  tenant  l'Enfant, 
qui  décorerait  le  grand  autel  de  l'ancienne  église  des 
religieuses  de  San  Girolamo,  aujourd'hui  établissement  de 
charité,  et  qui  serait  signée  Alex0  Fei  F  F  ann°  1578. 
C'est  presque  le  seul  tableau  de  Fei  qu'on  ait  quelque 
chance  de  retrouver,  car  on  ignore  le  sort  de  ceux  que 
citent  Bocchi  et  Cinelli  dans  les  Bellezze  di  Firenze 
(1677),  savoir  :  une  Flagellation  à  Santa  Croce  et  une 
Résurrection  à  S.  Pier  Maggiore.  Le  musée  des  Offices  et 
le  palais  Pitti  ne  possèdent  rien  d'Alessandro  Fei,  dont  les 
travaux  décoratifs  n'ont  duré  qu'un  jour.  Lanzi  explique 
assez  bien  les  transformations  que  le  talent  de  l'artiste  a 
subies.  11  le  montre  d'abord  comme  un  maître  d'un  tem- 
pérament énergique  et  presque  rude,  mais  Fei  s'adoucit 
peu  à  peu,  et,  surtout  dans  ses  dernières  années,  il  prouva 
qu'il  n'avait  pas  assisté  impunément  aux  succès  de  Cigoli 
et  de  Cristoforo  Allori.  Il  commençait  même  à  rechercher 
la  couleur,  quand  il  mourut,  comme  dit  Ticozzi,  sul  decli- 
nare  del  16e  secolo.  P.  Mantz. 

Bibl.  :  Vasari,  Le  Vite  de'  pittori.  —  Lanzi,  Storia  pit- 
torica;  Bassano,  1818. 

FEI  A.  Lagune  du  Brésil,  prov.  de  Rio-de-Janeiro,  près 
de  l'océan  Atlantique,  à  20  kil.  S.  de  Campos  ;  500  kil.  q. 
Peu  profonde,  elle  est  alimentée  parle  Macabu ;  elle  se  relie 
à  d'autres  lagunes,  communiquant  avec  la  mer  au  S.,  avec 
le  Parahyba  au  N.  On  y  pêche  beaucoup  de  poisson. 

FEI D  (El).  Région  d'Algérie,  prov.  de  Constantine,  au 
N.  du  chott  Melghir,  sur  l'oued  Ei-Arab  ;  les  terres  seraient 
très  fertiles  si  on  y  amenait  de  l'eau. 

FEID.  Ville  d'Arabie,  près  du  Nedjd,  dans  le  Chômer, 
au  S.  du  djebel  Selma  et  à  80  kil.  S.  de  Haïl,  sur  la  route 
de  Bagdad  à  Médine,  dans  un  pays  sablonneux,  avec  de 
beaux  jardins. 

FEIGE  (Théophile),  violoniste  allemand,  né  à  Zeitz  en 
1751,  mort  à  Breslau  le  24  mai  1822.  Il  choisit  l'état 
militaire,  mais,  dès  1775,  à  Dantzig,  où  il  était  sous-offi- 
cier, on  appréciait  son  talent  sur  le  violon.  En  1788,  il 
eut  son  congé  et  se  livra  avec  ardeur  à  ses  études  musi- 
cales. Il  fut  directeur  de  musique  à  Riga  (1797)  et  maître 
de  concerts  à  Mittau.  Il  reprit  du  service  en  1806,  fut 
trompette  dans  un  régiment  de  cuirassiers,  et  sauva  la  vie 
à  Blucher,  à  la  bataille  d'Auerstsedt,  en  lui  donnant  son 
cheval.  La  guerre  finie,  il  revint  à  sa  profession  de  vir- 
tuose. En  1810,  il  fut  premier  violon  au  Théâtre  national 
de  Breslau;  en  1813,  Blucher  le  voulut  pour  trompette  en 
chef  de  Pétat-major.  En  1815,  Feige  se  fixa  définitivement 
à  Breslau.  Ses  compositions  n'ont  pas  été  publiées,  et  il  a 
été  connu  surtout  pour  son  rare  mérite  d'exécutant.  —  Son 
frère,  Jean-Théophile,  né  à  Zeitz  en  1748,  mort  dans  les 
premières  années  de  ce  siècle,  a  été  violoniste,  chanteur, 
directeur  du  théâtre  de  la  Cour  à  Strelitz,  etc.  Il  a  com- 
posé deux  opérettes,  Der  Frilhling  et  Die  Kermess,  sur 
les  textes  de  Kellner.  A.  E. 

FEIGÈRES.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  et 
cant.  de  Saint-Julien;  725  hab. 

FEiGNEUX.  Corn. du  dép.  de  l'Oise,  arr,  de  Sentis,  cant 


de  Crépy-en-Valois  ;  318  hab.  On  a  trouvé  en  ce  lieu 
beaucoup  d'antiquités  romaines.  L'église,  des  xi6,  xve  et 
xvme  siècles,  contient  de  beaux  vitraux  du  xvie.  L'ancienne 
coin,  de  Morcourt  avait  un  château  qui  appartint  long- 
temps à  la  maison  de  Nanteuil.  La  seigneurie  passa  ensuite, 
avec  celle  de  Feigneux,  à  la  famille  de  Yillegagnon.  L'an- 
cien manoir  à  tourelles  est  aujourd'hui  converti  en  ferme. 
L'église,  tombée  en  ruine  depuis  la  suppression  de  la  com- 
mune en  1825,  est  gothique  des  xve  et  xvie  siècles.    C.  St-A. 

FE1GN1ES.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes, 
cant.  de  Bavai,  sur  un  affluent  de  la  Sambre;  2,652  hab. 
Stat.  du  chein.  de  fer  du  Nord,  ligne  de  Maubeuge  à  Mons. 
Bureau  de  douanes  ;  poteries  ;  distillerie.  Vestiges  d'un 
ancien  château.  Eglise  des  xve  et  xvi°  siècles,  dont  le  clo- 
cher est  une  tour  carrée  massive  du  xne  siècle. 

FEUA  ou  FEIDJÂ.  Immense  plaine  ou  vaste  désert  de 
l'extrême  Sud  marocain,  au  N.  del'ouad  Draaetqui  s'étend 
entre  le  Petit  Atlas  et  le  Barri.  Le  sol  en  est  de  sable  par- 
faitement plat  ;  un  grand  nombre  de  rivières  et  de  ruis- 
seaux tous  à  sec  le  sillonnent.  On  n'y  rencontre  pas 
d'autres  végétations  que  des  gommiers  de  2  à  3  m.  de 
haut  ;  c'est  un  passage  des  plus  redoutés,  car  il  est  sans 
cesse  parcouru  par  les  pillards  des  Beraber,  des  Ida  ou 
Belal  et  des  Oulad-Iahia.  Le  désert  d'El-Feija  se  termine 
au  djebel  Bani,  à  l'oasis  de  Tanzida,au  Foum  Tisint,  pas- 
sage étroit  qui  donne  accès  dans  le  Sahara  marocain  ;  il  a 
été  visité  par  de  Foucault  en  1884  et  par  Rohlfs  en  1864  ; 
ce  dernier  voyageur  ne  l'a  traversé  que  dans  la  pointe 
orientale.  H. -M. -H.  de  La  Martinière. 

FEIL  (Charles),  chimiste  et  industriel  français,  né  à 
Paris  le  25  oct.  1824,  mort  à  Choisy-le-Roi  (Seine)  le 
19  janv.  1887.  Petit -fils  de  Henri  Gainand  (V.  ce  nom), 
dont  il  fut  l'associé  (1842),  puis  le  successeur  (1848),  il 
fit  faire  de  grands  progrès  à  l'industrie  du  verre,  particuliè- 
rement à  celle  du  flint  et  du  crown  glass,  et  fabriqua 
pour  les  grandes  lunettes  des  observatoires  de  Vienne,  de 
Poulkova,  de  Nice  et  du  mont  Hamilton  (Californie)  des 
objectifs  dépassant  en  dimension  et  en  puissance  tout  ce 
qui  avait  encore  été  fait  (celui  de  la  lunette  du  mont  Hamil- 
ton a  0m97  de  diam.).  Le  strass  et  autres  imitations  de 
pierres  précieuses  furent  également  l'objet  de  ses  recher- 
ches et,  en  1873,  il  présenta  à  l'Académie  des  sciences  de 
Paris  une  remarquable  série  de  quarante-quatre  échantil- 
lons de  substances  cristallines  ou  cristallisées  obtenus  par 
la  voie  sèche  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences, 
1873,  LXXVI,  p.  871).  Il  parvint  même,  un  peu  plus  tard, 
à  produire  des  marbres  artificiels  d'une  très  grande  dureté 
et  de  toute  beauté.  Enfin  l'émaillerie  lui  doit  plusieurs  for- 
mules précieuses ,  entre  autres  celle  du  rouge  flammé 
des  Chinois  (1872)  et  celle  d'un  émail  sans  plomb  très  bril- 
lant et  inaltérable.  Sa  maison  de  verrerie  de  Paris,  que 
dirige  depuis  sa  mort  M.  Mantois,  jouit  d'une  réputation 
universelle.  L.  S. 

FE1LBERG  (Henning-Frederik),  lexicographe  et  démo- 
mathe  danois,  né  à  Hillerœd  (Sèlande)  le  6  août  1831. 
Pasteur  de  Valsbœl  (1859)  et  de  Store- Vi  en  Slesvig 
(1862),  il  fut  expulsé  par  les  Prussiens  (1864),  enseigna 
quelques  années  à  Odense  et  devint  pasteur  cle  Brœrup 
(1869)  et  de  Darum  (1876)  dans  le  diocèse  de  Ribe. 
Formé  à  l'école  du  linguiste  E.-H.  Hagerup  dont  il 
avait  été  chapelain,  et  vivant  au  milieu  du  peuple,  il  en  a 
observé  les  mœurs  et  le  caractère  qu'il  a  peints  avec  fidé- 
lité et  un  vrai  talent  dans  scènes  De  la  Lande  (1863)  et 
Vie  rurale  en  Danemark  (1889).  Son  Dictionnaire  du 
patois  jullandais,  en  cours  de  publication  (Copenhague, 
1886-92,  fasc.  I-VI,  A-H)  est  un  des  meilleurs  qui  aient 
paru  en  Scandinavie,  B-s. 

FEILDING  (Robert),  gentilhomme  anglais,  né  vers  1651, 
mort  le  12  mai  1712.  Il  appartenait  à  la  famille  des  Den- 
bigh.  Il  obtint  un  régiment  de  Jacques  II,  qu'il  suivit  en 
Irlande  après  s'être  converti  au  catholicisme,  représenta 
Gowran  au  Parlement  irlandais  de  1689.  En  1696,  il  fut 
enfermé  à  Newgate.  En  1706,,  il  est  poursuivi  pour  biga- 


FEILDING  —  FËIRAN 


—  124  — 


mie,  condamné,  puis  relâché.  Il  servit  ensuite  dans  la  flotte. 
Le  beau  Feilding,  comme  on  l'appelait,  est  surtout  célèbre 
par  ses  nombreux  succès  féminins  à  la  cour  de  Charles  II 
et  par  ses  excentricités.  On  a  de  lui  deux  portraits  par 
Lely  et  un  par  Wissing. 

Bibl.  :  Historical  Account  of  that  celebrated  beau  hand- 
some  Feilding  ;  Londres,  1707.  —  Th.  Lucas,  Memoirs  of 
Gamesters,  1712.  —  Cases  of  divorce  for  several  causes, 
1723. 

FEILITZEN  (Carl-Fredrik-Johan  von),  écrivain  sué- 
dois, né  à  Slaka  (OEstergœtland)  le  22  sept.  1802,  mort 
à  Stockholm  le  T  nov.  4876.  Après  avoir  servi  dans  l'ar- 
mée (4818-1830),  il  cultiva  les  lettres  tout  en  faisant 
valoir  son  domaine  de  Haddorp.  Ses  poésies  ont  paru  dans 
des  journaux  et  à  part  :  le  Bouclier  de  Helmfried  (1824) 
et  VEpée  vengeresse  (1861).  —  Son  frère,  Otlo-Theo- 
dor-Fabian,  né  à  Skeda  le  22  avr.  1820,  mort  le 
3  sept.  1889,  fut  archiviste  de  l'Etat  (1878-1885)  pour 
lequel  il  édita  :  Ordonnances  ecclésiastiques  d'avant 
i686  (lre  division,  1872;  2e,  1881-88).  Dans  Luxe  et 
Misère  (1868);  Piétisme,  rationalisme.  Eglise  de 
VEtat  et  lié  forme  (1869);  Ecole  savante  et  instruction 
civique  (1871),  il  traita  diverses  questions  sociales,  reli- 
gieuses et  scolaires.  On  lui  doit  en  outre  six  nouvelles  et 
récits  populaires,  qui  ont  eu  plusieurs  éditions  et  qu'il  a 
réunis  sous  le  titre  de  Traits  détachés  de  la  vie  du 
peuple  suédois  (1890).  La  plupart  ont  été  traduits  en 
allemand,  en  danois  et  en  finnois.  —  Leur  neveu,  0 lof- 
Otto- Urban,  né  en  1834,  capitaine  dans  la  garde  (1880), 
a  publié  une  nouvelle  (Erik  Werner ,  1874),  des 
conférences  (le  Culte  de  Marie  dans  le  protestantisme, 
1874);  Ibsen  et  la  question  du  mariage  (1882),  et 
des  caractéristiques  de  Bœckstrœm  dans  Vâr  tid  (1875)  ; 
F.  Rydberg  (ibid.,  1877),  et  des  matériaux  statistiques 
pour  l'étude  de  la  question  agraire  (Domestique,  jour- 
nalier et  fermier,  1890-91).  —  Un  autre  membre  de  !a 
même  famille,  O lof-Otto-Hugo,  né  en  1854,  mort  le 
19  janv.  1887,  fut  docent  à  Upsala  (1883).  Dans  de  longs 
voyages,  il  avait  profondément  étudié  les  langues  romanes. 
Il  publia  :  les  Ecoles  des  Chartes  et  les  Archives  en 
Italie,  dans  Historisk  Tidskrift  (1882);  Li  Ver  del 
juïsse,  sermon  en  vieux  français  (1883)  et  Dialogues 
français-suédois  (1885  ;  2e  édit.,  1891).       Beàuvots. 

FEILLÉE  (François  de  La)  (V.  La  Feuillée). 

FEILLENS.  Corn,  du  dép.  deFAin,  arr.  de  Bourg,  cant. 
de  Bâgé-le-Châtel;  2,553  hab. 

FEILLET  (Alphonse),  littérateur  et  historien  français, 
né  à  La  Ferté-Macé  (Orne)  en  1824,  mort  à  Paris  le  6  févr. 
1872.  D'abord  professeur  d'histoire,  il  collabora  à  la  Bio- 
graphie universelle  et  au  Dictionnaire  de  la  conversa- 
tion ainsi  qu'à  un  grand  nombre  de  journaux  et  de  recueils 
périodiques,  notamment  le  Censeur,  la  Revue  de  Paris, 
la  Gazette  des  Beaux- Arts,  la  Revue  historique  de 
droit,  etc.  En  1856,  il  quitta  l'Université  et  prit  la  direc- 
tion d'un  cours  d'éducation  pour  les  jeunes  filles  à  l'usage 
desquels  il  composa  des  abrégés,  des  manuels,  des  précis 
aujourd'hui  oubliés  et  publia  des  éditions  et  des  traductions 
d'auteurs  célèbres.  Il  ne  cessa  néanmoins  de  s'occuper 
d'histoire  et  publia  en  1862  un  ouvrage  excellent,  la 
Misère  au  temps  de  la  Fronde,  qu'il  améliora  encore  dans 
plusieurs  éditions  successives  (4e  et  dernière  édition  ;  Paris, 
1868,  in-8). 

FEILLUNS.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
de  Prades,  cant.  de  Sournia;  128  hab. 

FEI-LOUAN-TOU.  Baie  delà  mer  de  Chine  (appelée  à 
tort  Sam-sah),  prov.  de  Fo-kien,  au  N.  Elle  forme  une 
vaste  rade  de  120  kil.  de  long,  40  de  large,  abritée  par  une 
longue  presqu'île  sauvage  qui  ne  laisse  qu'un  étroit  goulet 
d'accès  ;  aux  abords  et  dans  la  baie  sont  de  nombreux  îlots  ; 
elle  serait  très  facile  à  défendre. 

FE1N  (Eduard),  jurisconsulte  allemand,  né  à  Brunswick 
le  22  sept.  1813,  mort  près  d'Eisleben  le  28  oct.  1858. 
Après  avoir  étudié  le  droit  à  Heidelberg  sous  Mitter- 
maier,  Thibaut  et  Zacharise,  il  fut  avocat  à  Brunswick 


en  1834.  Il  passa  ensuite  plusieurs  années,  tantôt  à  Berlin, 
tantôt  à  Heidelberg,  pour  se  préparer  à  l'enseignement  qui 
l'attirait  davantage.  Il  fut  privat-docent  à  Heidelberg 
en  1843,  professeur  de  droit  romain  à  Zurich  en  1844 
et  à  Iéna  en  1845  ;  il  fut  appelé  à  Tubingue  en  1852 
pour  y  professer  les  Pandectes.  Ses  écrits  sont  :  Das 
Recht  der  Collation  (Heidelberg,  1842);  Chrestomathie 
der  Beweistellen  %u  Puchtà's  Pandekten  (Zurich,  1845); 
Beitrâge  zur  Lehre  von  der  Novation  und  Délégation 
(Iéna,  1850);  Das  Recht  der  Kodizille  (Erlangen,  1851- 
1853).  Cette  monographie  forme  les  tomes  XLV  et  XL VI 
de  l'ouvrage  de  Gluck,  Ausfûhrlichen  Erlàuterung  der 
Pandekten.  G.  R. 

FEINGS.  Corn,  du  dép.  du  Loir-et-Cher,  arr.  de  Blois, 
cant.  de  Contres;  607  hab. 

FEINGS.  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  et  cant.  de 
Mortagne  ;  568  hab. 

FEINS.  Com.  du  dép.  dllle-et-Vilaine,  arr.  de  Rennes, 
cant.  de  Saint-Aubin-d'Aubigné  ;  1,103  hab. 

FEINS.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de  Gien,  cant. 
de  Briare;  175  hab. 

FEINT  (Archit.).  Tout  motif  d'architecture,  moulure, 
table  ou  baie  et  même  tout  ensemble  de  motifs  d'architec- 
ture simulés,  soit  en  relief  et  à  l'aide  d'une  construction 
réelle,  soit  en  imitation  et  à  l'aide  de  peinture,  dans  un 
but  de  symétrie  et  de  décoration.  Il  n'est  pas  rare,  dans  les 
villes  où  les  constructionss  ont  enchevêtrées  les  unes  dans 
les  autres,  de  voir  des  parties  d'architecture  ainsi  feintes 
servant  à  décorer  des  murs  élevés  en  retour  d'une  maison 
d'habitation,  murs  sur  lesquels  on  répète  les  bandeaux, 
les  corniches  et  les  chambranles  des  baies  de  la  maison  voi- 
sine afin  de  servir  comme  d'encadrement  et  d'accompagne- 
ment à  cette  dernière  et  surtout  d'atténuer  la  tristesse  que 
cause  un  mur  plein  et  nu.  Charles  Lucas. 

FEINTE.  I.  Musique.  —  Ce  terme  désignait  dans  la  mu- 
sique ancienne  l'altération  d'une  note  ou  d'un  intervalle  par 
un  dièse  ou  un  bémol.  C'était  le  nom  commun  et  générique 
du  dièse  et  du  bémol  accidentels.  Il  n'était  déjà  plus  en  usage 
à  la  tin  du  xvme  siècle  (V.  le  Dictionnaire  de  musique  de 
J.-J.  Rousseau).  On  appelait  aussi  feintes,  sur  l'orgue  et  le 
clavier,  les  touches  chromatiques  servant  aux  dièses  et  aux 
bémols. 

IL  Escrime.  —  La  feinte  est  le  simulacre  du  coup.  Elle 
a  pour  but  d'amener  l'adversaire  à  prendre  une  parade 
qu'on  se  tient  prêt  à  tromper.  Les  feintes  doivent  toujours 
se  faire  le  bras  allongé,  et  on  doit  allonger  le  bras  à  la 
première  feinte.  Il  y  a  encore  cependant  certains  maîtres 
qui  ne  le  font  allonger  que  progressivement  (V.  Escrime). 

FEIRAN  ou  FIRAN.  L'un  des  principaux  ouadys  de  la 
péninsule  sinaïtique;  mais  l'on  donne  plus  particulièrement 
ce  nom  à  la  partie  de  cet  ouady  qui  forme  au  pied  du 
gebel  Serbâl  et  au  N.  de  cette  montagne  la  plus  grande  oasis 
de  la  péninsule.  Arrosé  en  tout  temps  par  des  ruisseaux 
limpides,  noyé  même  pendant  une  partie  de  l'hiver  par  de 
véritables  torrents,  le  sol  argileux  de  cette  oasis  est  cou- 
vert d'une  épaisse  végétation  buissonnante  d'où  émergent 
des  bouquets  de  tamarix  et  de  palmiers.  Sur  un  rocher 
isolé,  nommé  El-Maharrad,  s'élèvent  les  ruines  du  monas- 
tère de  Pharan.  Au  pied  du  mamelon,  du  côté  du  N., 
gisent  les  débris  d'une  église.  L'ancienne  ville  de  Pharan 
(V.  ce  mot)  s'étageait  sur  la  pente  opposée.  Quelques 
habitations  en  pierre,  qui  existent  encore  aujourd'hui,  fai- 
saient sans  doute  partie  de  l'ancienne  ville.  Les  cultiva- 
teurs sédentaires  sont  presque  tous  des  Bédouins  de  la 
tribu  des  Gebeliyehs,  auxquels  la  terre  est  affermée  par 
des  propriétaires  appartenant  à  d'autres  tribus.  Le  Feiran 
est,  chaque  année,  après  la  récolte,  le  théâtre  d'une  fête 
religieuse  à  laquelle  prennent  part  des  envoyés  de  toutes 
les  tribus  ;  cette  fête  comprend  le  sacrifice  d'un  chameau 
au  prophète,  mais  célébré  selon  un  rite  qui  nous  fait 
remonter  aux  temps  préislamiques.  Pour  les  souvenirs  his- 
toriques et  religieux  relatifs  au  Feiran,V.  Pharan  et  Sinaï. 

G.  Bénédite. 


—  125  — 


FEISSAL  ^-  FELBER 


FEISSAL.Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  et  cant. 
de  Sisteron  ;  44  hab. 

FEISSONS-sous-Briançon.  Corn,  du  dép.  de  la  Savoie, 
arr.  et  cant.  de  Moutiers;  812  hab. 

FEISSONS-sur-Salins.  Corn,  du  dép.  de  la  Savoie, 
arr.  de  Moutiers,  caut.  de  Bozel  ;  235  hab. 

FEISTENBERGER  (A.),  peintre  français  (V.  Faisten- 
berger). 

FEISTMANTEL  (Otakar),  naturaliste  tchèque,  né  près 
de  Beroun  en  1848.  Il  fut  attaché  en  1868  au  musée  du 
royaume  de  Bohême  ;  il  passa  ensuite  à  l'Institut  géolo- 
gique de  Vienne  et  à  l'université  de  Breslau.  En  1874,  il 
devint  secrétaire  du  Geological  Survey  de  Calcutta.  En 
1883,  il  revint  en  Europe  et  fut  nommé  professeur  à  l'uni- 
versité tchèque  de  Prague.  Il  a  collaboré  à  un  grand  nombre 
de  recueils  techniques,  tchèques,  allemands  ou  anglais, 
notamment  aux  Palœontographica  (qui  se  publient  à 
Cassel)  ;  il  a  publié  en  anglais  Flora  of  the  Gondwana 
System  in  India  (Calcutta,  1876-1886,  4  fasc.)  et  écrit 
en  tchèque  Huit  Années  dans  l'Inde  (Prague,  1884). 

FEISTRITZ  (en  shv  e  Bystrica).  Rivière  de  l'Autriche. 
Elle  arrose  la  Carniole  et  se  jette  dans  la  Save.  —  Une 
autre  Feistritz  arrose  la  Styrie,  pénètre  en  Hongrie  et  se 
jette  dans  la  Raab.  Sa  longueur  est  de  100  kil. 
FEITH  (Rhynvis)  (V.  Feyth). 
FEITH  (Everard),  antiquaire  et  helléniste  hollandais,  né 
à  Elburg  vers  1597,  disparu  à  La  Rochelle  vers  1625. 
Après  avoir  étudié  le  grec,  l'hébreu  et  la  philosophie,  il 
vint  professer  la  langue  grecque  en  France  et  se  lia  avec 
Isaac  Casaubon,  Jacques- Auguste  de  Thou  et  Pierre  Du  Puy. 
Henri  Bruman,  son  petit-neveu,  a  publié  :  Everhardi 
Feithii  Antiquitatum  Homericarum  libri  IV  (Leyde, 
1677;  Amsterdam,  1726;  Strasbourg,  1743,  et  dans  le 
t.  VI  du  Thésaurus  Antiquit.   Grœc.  de  Gronovius). 

FEÏZABAD.  Ville  de  l'Asie  centrale,  ch.-l.  des  Badak- 
cham,  sur  le  Koktcha,  tributaire  de  l'Amou-Daria,  à  1554  m. 
d'alt.  Détruite  par  le  khan  de  Koundouz  en  1820,  elle  a 
repris  un  peu  d'importance. 

FEÏZABAD.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  dans  l'Aoudh,  sur 
la  rive  droite  du  Gogra  ;  40,000  hab.  Non  loin  sont  les 
ruines  d'Ayvdhyâ.  Feizabad  fut  la  capitale  des  rois  musul- 
mans du  XVIIIe  s.  (V.  Aoudh). 

FEJER  (Georges),  érudit  hongrois,  né  à  Kesthely  en 
1766,  mort  à  Pest  en  1851.  Professeur,  puis  chanoine  et 
bibliothécaire  universitaire,  il  a  consacré  une  grande  partie 
de  sa  vie  à  un  travail  digne  de  nos  bénédictins,  le  Codex 
diplomaticus  Eungariœ  (40  vol.,  Bude,  1829-44).  Malgré 
certaines  lacunes,  cette  collection  a  rendu  d'immenses  ser- 
vices :  elle  a  fait  passer  les  études  historiques  hongroises 
dans  le  domaine  de  l'érudition  sérieuse  et  documentée. 
FEJER  Koerœs  (V.  Koeroes). 
FEJERVAR.  Nom  magyar  de  Belgrade. 
FEJERVARY  de  Komlos-Keresztes  (Geza,  baron),  mi- 
litaire hongrois,  né  à  Josephstadt  le  15  mars  1833.  Elève 
de  l'Académie  militaire  de  Neustadt,  lieutenant  (1851),  ca- 
pitaine d'état-major  (1859),  il  se  distingua  à  Solferino  et 
fut  anobli;  major  et  aide  de  camp  de  l'empereur  (1865), 
colonel  dans  la  landwehr  hongroise  (1872)  et  secrétaire 
d'Etat  au  ministère  de  la  défense  nationale  ;  il  fut  mis  en 
1884  à  la  tête  de  ce  ministère,  dans  le  cabinet  Tisza  et 
garda  son  portefeuille  dans  le  cabinet  Szapary. 

FEJFALIK  (Jules),  savant  autrichien,  né  en  Moravie  en 
1835,  mort  à  Vienne  en  1862.  Il  s'est  particulièrement 
occupé  de  la  littérature  allemande  et  de  la  littérature 
tchèque  du  moyen  âge.  Il  a  publié  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences  de  Vienne  un  certain 
nombre  de  mémoires  importants  :  liber  Kœnig  Wenzel 
von  Bœhmen  als  deutscher  Liederdichter ;  Zwei  bœhm. 
Volksbùcherzur  Sage  von  Reinhart  von  Braunschweig  ; 
Untersuchungen  ûber  altbœhmischer  vers  und  Reim 
Kunst;  en  1860  il  fit  paraître  à  Vienne  une  brochure, 


Uber  die  Kœniginhofer  Handschrift,  qui  souleva  en 
Bohême  de  vives  polémiques.  L.  L. 

FEKETE  (François),  légiste  et  archéologue  hongrois,  né 
à  Almaszeg  en  1839.  Il  a  écrit  des  ouvrages  sur  les  Pan- 
dectes  (1864)  et  sur  le  droit  hongrois  (1865).  Président 
du  tribunal  de  Déva,  il  y  a  fondé  en  1880  une  société 
archéologique,  à  laquelle  il  a  fait  lui-même  des  communi- 
cations sur  les  migrations  des  Valaques.  E.  S. 

FEK  ETE  Koeroes.  Nom  magyar  de  la  branche  dite  noire 
de  la  rivière  Kœrœs  (V.  ce  mot). 

F  EL.  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Argentan,  cant. 
d'Exmes  ;  276  hab. 

FEL  (Marie),  cantatrice  scénique  française,  née  à  Bor- 
deaux le  24  oct.  1713,  morte  après  1789.  Fille  d'un  or- 
ganiste de  Bordeaux,  douée  d'une  beauté  pleine  de  grâce, 
de  délicatesse  et  d'élégance,  d'une  voix  souple  et  charmante 
qu'elle  dirigeait  avec  un  goût  exquis,  elle  vint  débuter  à 
l'Opéra  en  1733,  dans  les  Eléments,  et  pendant  un  quart 
de  siècle  elle  fournit  à  ce  théâtre  une  carrière  brillante, 
presque  glorieuse,  et  dont  le  souvenir  se  conserva  long- 
temps. Rameau  lui  confia  les  rôles  principaux  de  Darda- 
nus,  Castor  et  Pollux,  les  Indes  galantes,  Hippolyte 
et  Aride,  Zoroastre,  Platée,  Zaïs,  les  Fêtes  de  Polym- 
nie;  Mouret,  ceux  des  Amours  des  Dieux,  les  Grâces, 
les  Fêtes  de  Thalie,  le  Ballet  des  Sens,  le  Temple  de 
Gnide,  les  Amours  de  Ragonde;  Mondon ville,  ceux  de 
Titan  et  l'Aurore,  Isbé,  le  Carnaval  du  P  amasse  y 
Daphnis  et  Alcimadure.  Elle  créa  aussi  nombre  d'ou- 
vrages de  Campra,  Salomon,  Baptistin,  Rebel  et  Fran- 
cœur,  Boismortier,  Colin  de  Blamont,  Niel,  Montéclair. 
L'un  de  ses  succès  les  plus  éclatants  fut  celui  qu'elle 
remporta  dans  le  joli  rôle  de  Colette  du  Devin  du  village 
de  Jean-Jacques  Rousseau.  Mlle  Fel  quitta  l'Opéra  en  1758, 
avec  une  pension  de  1,500  livres,  mais  elle  continua  jus- 
qu'en 1770  défaire  partie  de  la  musique  delà  chambre  du 
roi,  avec  un  traitement  de  5,000  livres.  Cette  femme  sé- 
duisante inspira  de  nombreuses  et  ardentes  passions,  entre 
autres  au  trop  fameux  baron  Grimm  et  au  poète  Cahuzac. 
On  connaît  sa  liaison  avec  le  célèbre  pastelliste  La  Tour, 
qui  fit  d'elle  un  merveilleux  portrait,  exposé  par  lui  en 
1757,  et  qu'on  trouve  aujourd'hui  au  musée  de  Saint- 
Quentin,  ville  natale  du  peintre.  Arthur  Pougin. 

FELANIA  (Le  Felan,  Adanson)  (Malac).  Genre  de  Mol- 
lusques-Lamellibranches, de  l'ordre  des  Lucinacés,  établi 
par  Recluz  en  1851,  pour  une  coquille  offrant  les  carac- 
tères suivants  :  coquille  de  petite  taille,  suborbiculaire, 
équivalve,  équilatérale,  recouverte  par  un  épiderme  mince; 
charnière  composée  sur  chaque  valve  de  deux  dents  api- 
cales  divergentes,  dont  la  postérieure  sur  la  valve  droite 
et  l'antérieure  sur  la  valve  gauche,  bifides  et  canaliculées  ; 
une  rainure  sur  chacun  des  côtés  de  la  lame  cardinale, 
tenant  la  place  des  dents  latérales  ;  ligament  externe,  al- 
longé ;  impressions  musculaires  ovales,  oblongues,  la  pos- 
térieure plus  étendue  que  l'antérieure  ;  ligne  paliéale  simple. 
Ex.  Felania  rosea  Recluz.  Les  Félanies  habitent  les  côtes 
de  l'Afrique  et  en  particulier  le  Sénégal.  J.  Mab. 

FELAN  1TX.  Ville  d'Espagne,  île  de  Majorque,  distr.de 
Manacor,  à  50  kil.  E.-S.-E/de  Palma,  sur  les  pentes  d'une 
colline  couverte  de  cactus,  au  milieu  d'une  région  fertile  ; 
11,018  hab.  E.  Cat. 

FELA PTO  N  (Log.) .  Terme  qui  désigne  un  mode  de  la  troi- 
sième figure  du  syllogisme  (V.  ce  mot),  où  la  majeure  est 
universelle  négative  (E),  la  mineure  universelle  affirmative 
(A),  et  la  conclusion  particulière  négative  (O).  Ex.  :  Nulle 
injure  n'est  agréable  ; —  toute  injure  doit  être  pardonnée; 
—  donc  quelque  chose  qui  doit  être  pardonné  n'est  point 
agréable.  La  lettre  F  indique  que,  pour  être  prouvé,  ce  mode 
doit  être  ramené  au  mode  ferio  de  la  première  figure  ;  la 
lettre  P  indique  que  cette  opération  devra  se  faire  en  con- 
vertissant par  accident  la  mineure. 

FELBER  (Hans),  architecte  allemand,  né  à  Ulm.  Il 
était  en  1416  à  Augsbourg.  De  1427  à  1429,  il  fut  codirec- 
teur des  travaux  de  l'église  Saint-Georges  à  Nordlingue.  — 


FELBER  —  FELDSPATH 


\%  — 


Un  autre  Felber,  son  fils  probablement,  construisit  en 
1488  l'église  de  Waiblingen. 

FELB1GER  (Jean-Ignace  de),  prélat  catholique,  réfor- 
mateur des  écoles  en  Silésie  et  en  Autriche,  au  xvnr3  siècle, 
né  à  Gross-Glogau  (Silésie)  en  1724,  mort  à  Presbnurgen 
1788.  Il  étudia  la  théologie  à  Breslau,  entra  dans  les 
ordres,  et  fut  nommé  en  1760  abbé-prélat  de  Sa,;  r_.  Dési- 
reux d'améliorer  l'enseignement  populaire,  il  s'employa  à 
cette  œuvre  avec  la  plus  grande  activité,  fondant  des  écoles 
sur  le  modèle  de  la  première  Piealschule  instituée  à 
Berlin  par  Hecker,  répandant  la  «  méthode  des  tableaux  et 
des  lettres  »  de  Hâhn.  Chargé  officiellement  par  le  gou- 
vernement prussien  de  réorganiser  les  écoles  en  Silésie,  il 
rédigea  le  «  Règlement  pour  les  écoles  catholiques  du 
duché  de  Silésie  et  du  comté  de  Glatz  »  du  3  nov.  1765. 
Le  succès  des  réformes  de  Felbiger  fut  tel  que  Marie- 
Thérèse  l'appela  en  1774  à  Vienne  et  lui  donna  le  titre  de 
directeur  général  des  écoles  des  Etats  autrichiens.  La  même 
année  parut  le  «  Règlement  scolaire  général  pour  les 
écoles  allemandes  normales  et  élémentaires  des  Etats  héré- 
ditaires de  l'impératrice  et  reine  ».  Ce  règlement  rendit 
l'instruction  obligatoire,  fixa  dans  tous  ses  détails  le  plan 
d'études  de  l'école  primaire  élémentaire,  de  l'école  primaire 
supérieure  et  de  l'école  normale,  et  prescrivit  l'emploi  de 
manuels  uniformes.  A  l'avènement  de  Joseph  II,  Felbiger 
tomba  en  disgrâce  et  se  retira  dans  le  prieuré  de  Pres- 
bourg  que  lui  avait  donné  Marie-Thérèse.  Il  avait  résumé 
ses  idées  pédagogiques  dans  un  petit  livre  intitulé  Ei- 
genschaften,  Wissenschaften  und  Bezeigen  recht- 
schaffener  Schulleute,  um  nach  dem  in  Schlesien  fur 
die  Rômisch-Katholischen  bekannt  gemachten  Land- 
schulreglement  der  Jugend  nûtzlichen  Unterricht  zu 
geben.  Il  y  recommandait  de  s'adresser  à  l'intelligence  des 
enfants  plutôt  qu'à  leur  mémoire,  d'éveiller  la  réflexion, 
d'exercer  les  élèves  au  moyen  de  demandes  et  de  réponses, 
et  d'alléger  le  programme  de  toute  surcharge  inutile.  Mais 
à  côté  de  ces  idées  toutes  modernes,  il  préconisait  un  sys- 
tème artificiel  de  mnémotechnie  universelle,  c.-à-d.  la  mise 
en  tableaux  clairs  et  méthodiques  de  toutes  les  matières  de 
l'enseignement  scolaire.  On  trouvera  la  liste  complète  des 
très  nombreux  ouvrages  de  Felbiger  dans  le  Lexikon  der 
von  J.  J750-i80  verstorbenen  Schriftsteller  (t.  III, 
pp.  297  etsuiv.).  Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  Salzmann,  Denkwiirdigkeit  aus  dem  Leben 
ausgez.  Teutschen;  Schnepfenthaï,  1802,  p.  330,  in-8.— 
Journal  von  u.  fur  Teutschland,  1785,  part.  XI,  p.  469.  — 
F.  Schlosser,  Gqsch.  des  18  Jahrhundert  und  des  19, 
bis  zum  Sturze  des  franzôs.  Kaiserreichs ;  Heidelberg. 
1844,  t.  IV,  p.  430,  in-8. 

FELCE.  Corn,  du  dép.  delà  Corse,  arr.  de  Corte,  cant. 
de  Valle-d'Alessani  ;  440  hab. 

FELD-maréchal  (Art  milit.).  Grade  qui  répondait  au 
xviie  siècle,  dans  les  armées  allemandes,  à  notre  grade  de 
chef  d'état-major  d'une  armée,  et  qui  est  devenu  depuis  l'ana- 
logue de  celui  de  maréchal  de  France.  Il  y  a  depuis  plus 
d'un  siècle  des  feld-maréchaux,  non  seulement  en  Prusse 
et  en  Autriche,  pays  de  langue  allemande,  mais  encore  en 
Angleterre,  en  Russie,  etc. 

FELDBERG.  Village  de  Suisse,  cant.  des  Grisons,  sur 
la  rive  gauche  du  Rhin  ;  528  hab.  Il  a  subi  déjà  plusieurs 
éboulements  de  la  montagne  au  pied  de  laquelle  il  est  situé 
et  se  trouve  continuellement  menacé  d'être  écrasé,  per- 
spective malgré  laquelle  les  habitants  ne  peuvent  se  décider 
à  quitter  leurs  foyers. 

FELDKIRCH/Ville  de  l'empire  d'Autriche,  dans  le 
Vorarlberg,  sur  la  ligne  du  chem.  de  fer  de  l'Arlberg  ; 
3,564  hab.  C'est  un  ch.-l.  de  capitainerie  de  cercle.  Un 
combat  y  fut  livré  en  1799  entre  les  Autrichiens  et  les 
Français  commandés  par  Masséna.  Les  Français  l'occupèrent 
en  1805.  L.  L. 

FELDSPATH*  La  famille  des  feldspaths  constitue  en 
minéralogie  un  groupe  très  important,  non  seulement  à 
cause  des  intéressantes  propriétés  des  types  qui  le  consti- 
tuent, mais  encore  en  raison  du  rôle  considérable  qu'ils 


jouent  daus  la  composition  des  roches  les  plus  diverses.  Les 
feldspaths  sont  des  silicates  d'alumine  et  d'une  base  mo- 
noxyde  (potasse,  soude,  chaux  ou  plus  rarement  baryte)  ;  une 
de  leurs  propriétés  caractéristiques  consiste  dans  l'existence 
de  deux  clivages  faciles,  l'un  suivant/?,  l'autre  suivant*?1, 
clivages  faisant  entre  eux  un  angle  de  90°  dans  les  felds- 
paths monocliniques,  ou  un  angle  voisin  seulement  de  90° 
dans  les  feldspaths  tricliniques,  que  l'on  désigne  parfois 
sous  le  nom  de  plagioclases.  Les  feldspaths  monocli- 
niques sont  potassiques  (orthose)  ou  barytiques  (hyalo- 
phane).  Quant  aux  feldspaths  tricliniques,  les  uns  sont 
potassiques  ou  sodopotassiques  (microcline  et  anorthose) 
et  très  voisins,  comme  propriétés,  de  l'orthose  ;  les  autres, 
au  contraire,  sodiques,  calciques  ou  calcosodiques,  s'en 
éloignent  davantage  et  constituent  les  feldspaths  tricliniques 
proprement  dits. 

Feldspaths  potassiques  et  sodopotassiques.  —  Orthose 
{Kkm^ialbic^O^dlilO^m^h^m0!'; 
mm  =i  118°  48/.—  Les  formes  les  plus  habituelles  sont  : 
p,  r/1,  g2,  ai,  a1'2,  b1'2,  e^2,  etc.  Il  existe  plusieurs 
macles  très  fréquentes  :  1°  macle  de  Carlsbad,  avec  gi 
pour  face  d'association  et  axe  de  rotation  parallèle  à  l'axe 
vertical  ;  2°  macle  de  Baveno,  avec  eil2  pour  face  d'asso- 
ciation et  axe  de  rotation  perpendiculaire  ;  3°  macle  de 
Manebach  ou  de  Four~la~Brouque,  avec/?  pour  face  d'asso- 
ciation et  axe  de  rotation  perpendiculaire  ;  4°  macle  de 
Valbite^  avec  g1  pour  face  d'association  et  axe  de  rotation 
perpendiculaire.  Dans  l'orthose  monoclinique,  l'axe  perpen- 
diculaire à  g1  étant  un  axe  de  symétrie  binaire,  cette  macle 
n'est  apparente  que  grâce  à  une  ligne  de  suture  sur  le  cris- 
tal résultant.  11  n'en  est  plus  de  même  pour  V anorthose  et 
le  microcline,  qui  sont  tricliniques  (pg1^  90°  16' dans  le 
microcline  et  90°  29'  dans  l'anorthose).  La  macle  de  l'albite 
s'y  montre  répétée  un  très  grand  nombre  de  fois  :  elle  est 
associée  d'une  façon  constante  dans  le  microcline,  assez  sou- 
vent dans  l'anorthose,  aune  autre  macle,  celle  de  la  péri- 
cline,  dont  il  sera  question  plus  loin.  Ces  macles  sont 
visibles  au  microscope  grâce  aux  propriétés  optiques. 

Dans  l'orthose,  le  plan  des  axes  optiques  est  perpendi- 
culaire à  g1,  et,  dans  cette  face,  la  bissectrice  aiguë  néga- 
tive fait  un  angle  de  5°  (d'avant  en  arrière  dans  l'angle 
obtus  de  ph1)  avec  la  trace  de  p.  M.  des  Cloizeaux  a  montré 
que  si  l'on  chauffe  une  plaque  d'orthose,  taillée  perpendi- 
culairement à  la  bissectrice  négative,  on  voit  les  axes 
optiques,  primitivement  disposés  perpendiculairement  à  g1, 
se  rapprocher,  se  réunir,  puis  s'ouvrir  à  nouveau  dans  un 
pian  parallèle  à  g1.  Cette  dernière  disposition  reste  perma- 
nente quand  la  température  a  atteint  900°  ;  elle  s'observe 
normalement  dans  quelques  cristaux  naturels  d'orthose 
[orthose  déformé),  tandis  que  la  plupart  de  ceux-ci  pos- 
sèdent  la  première  orientation  {orthose non  déformé), 

L'anorthose  et  le  microcline  présentent  des  propriétés 
optiques  voisines  de  celles  de  l'orthose  non  déformé  ;  le  plan 
des  axes  optiques  y  est  presque  perpendiculaire  à  gi;  mais, 
tandis  que  dans  l'anorthose  les  extinctions  sont  de  1°  envi- 
ron dans  p  et  de  9°  dans  gi  par  rapport  à  l'arête^1,  elles 
sont  de  !5°  dans;;  et  de  5°  dans  g1  pour  le  microcline.  Dans 
ce  dernier  feldspath,  en  outre,  les  macles  de  l'albite  et  de  la 
péricline  se  pénètrent  d'une  façon  extrêmement  intime  et 
donnent  dans  les  plaques  p,  examinées  en  lumière  polarisée 
parallèle,  un  quadrillage  très  caractéristique.  Le  microcline 
présente  très  souvent  des  interpénétrations  de  fines  bande- 
lettes de  quartz,  d'albite  :  certaines  variétés  où  elles  sont 
très  abondantes  ont  été  désignées  sous  les  noms  de  perthite, 
de  microperthite.  La  densité  de  l'orthose  et  du  microcline  est 
de  2,53  à  2,59,  celle  de  l'anorthose  de  2,57  à  2,60.  Leur 
dureté  est  de  6.  Les  feldspaths  potassiques  sont  transpa- 
rents ou  translucides  ;  quand  ils  présentent  des  colorations 
vertes,  rouges  ou  jaunes,  ils  les  doivent  à  des  produits 
d'altération.  On  a  donné  le  nom  à'adulaire  aux  variétés 
d'orthose,  toutà  fait  hyalines,  celui  de  sanidine,  à'eisspath 
à  l'orthose  des  roches  volcaniques  présentant  un  éclat  vitreux 
et  de  nombreuses  craquelures,  très  caractéristiques  ;  les 


-  427 


FELDSPATH  —  FELETZ 


sanidines  sont  souvent  riches  en  soude  et  passent  à  Vanor- 
those;  la  pierre  de  lune  est  une  variété  d'orthose  à  reflets 
nacrés  ;  la  pierre  des  amazones  un  microcline  coloré  en 
vert. 

Le  hyalophane  estunorthose  barytique([Ba,K]AI'2Si6016) 
possédant  toutes  les  propriétés  cristallographiques  et  optiques 
de  l'orthose  purement  potassique. 

Tous  ces  minéraux  sont  inattaquables  par  les  acides  ;  au 
chalumeau,  ils  fondent  difficilement  en  un  verre  buileux. 
Les  feldspaths  potassiques  ont  une  grande  tendance  à  se 
décomposer,  donnant  alors  naissance  à  des  produits  micacés 
ou  à  des  substances  complètement  dépourvues  d'alcalis 
(kaolin).  Le  kaolin,  ainsi  que  l'orthose  intact,  est  employé 
pour  la  fabrication  de  la  porcelaine.  La  pierre  de  lune,  la 
pierre  des  amazones  sont  utilisées  par  la  joaillerie. 

L'orthose  et  le  microcline  se  rencontrent  dans  les  gneiss, 
les  granulites  et  les  pegmatites  en  bons  cristaux  ou  en 
masses  ;  l'orthose  est  le  feldspath  dominant  des  granités, 
syénites,  microgranulites  et  porphyres  :  on  le  trouve  soit  en 
grands  cristaux,  soit  en  microlites  dans  les  trachytes,  dont 
il  constitue  le  feldspath  caractéristique.  Dans  les  syénites 
néphéliniques,  les  phonolites  et  les  leucitophyres,  il  est 
accompagné  ou  remplacé  par  l'anorthose. 

Feldspaths  sodiques,  calciqueset  calcosodiques. —  On 
distingue  généralement  les  types  suivants  dans  les  groupes 
des  feldspaths  tricliniques,  différant  les  uns  des  autres  par 
leur  teneur  en  silice  et  par  la  nature  du  protoxyde  domi- 
nant : 

Bases         -  Rapports 

dominantes.  d'oxygène. 

Albite Soude.  4  :  3  :  42 

Oligoclase  ....     Soude  et  chaux.     1  :  3  :  10  à  4  :  o  :  9 

Andésine Soude  et  chaux.  4  :  3  ;  8. 

Labrador Chaux  et  soude.     4  :  3  :  7  à  4  :  3  :  6 

Anorthite Chaux.  4  :  3  :  4. 

Ces  divers  types  présentent,  de  l'albite  à  l'anorthite,  des 
caractères  variant  d'une  façon  continue.  Leurs  angles  son* 
voisins  et  à  mesure  que  l'on  descend  dans  la  série,  ces  mi- 
néraux deviennent  plus  fusibles  et  plus  attaquables  par  les 
acides  (l'anorthite  est  seule  complètement  décomposée  par 
l'acide  chlorhydrique) .  La  densité  varie  de  2,54  (albite)  à 
2,75  (anorthite)  en  passant  par  les  valeurs  de  2,62  à  2,65 
pour  l'oligoclase,  de  2,65  à  2,68  pour  l'andésine  et  de 
2,68  à  2,74  pour  le  labrador.  Frappé  de  tous  ces  faits,  le 
minéralogiste  autrichien  Tschermak  a  proposé  (Théorie  de 
Tsctiermak)  de  considérer  tous  les  feldspaths  tricliniques 
non  comme  des  espèces  définies,  mais  comme  des  mélanges 
isomorphes  d'albite  et  d'anorthite.  Le  volume  moléculaire  de 
l'albite  est  exactement  égal  à  celui  (doublé)  de  l'anorthite. 
Max  Schuster  a  montré  que  l'angle  d'extinction  en  lumière 
polarisée  parallèle  était  fonction  de  la  composition  chi- 
mique ;  M.  Mallard  a  fait  voir  en  outre  que  ces  angles  d'ex- 
tinction pouvaient  être  calculés  à  l'aide  des  formules  qu'il 
a  établies  pour  les  mélanges  isomorphes,  les  divers  felds- 
paths possédant  des  propriétés  physiques  qui  sont  en  quelque 
sorte  la  moyenne  arithmétique  des  propriétés  similaires  des 
éléments  constituants.  Cet  isomorphisme  n'exclut  pas  du 
restela  prédominance  de  certains  types  privilégiés,  dont  nous 
avons  énuméré  les  noms  plus  haut.  Cette  théorie  a  donné 
lieu  à  de  nombreuses  controverses. 

Le  caractère  distinctif  des  feldspaths  tricliniques  réside 
dans  l'existence,  sur  la  face;?,  de  fines  cannelures  ou  stries, 
correspondant  à  la  macle  polysynthétique  suivant  la  loi  de 
l'albite  :  cette  macle  se  traduit  dans  les  lames,  examinées 
en  lumière  polarisée  parallèle,  par  des  bandelettes  hémi- 
tropes  souvent  répétées.  Les  feldspaths  tricliniques  présen- 
tent toutes  les  autres  macles,  signalées  à  l'occasion  de  l'or- 
those, avec  en  outre  une  macle  souvent  polysynthétique  à  la 
faconde  celle  de  l'albite,  c'estlamacle  delà  péricline.  Elle  a 
pour  face  d'association  une  face  de  la  zone  ^/i*  (variable  dans 
les  divers  types  feldspathiques)  plus  ou  moins  voisine  de  p 
avec  axe  de  rotation  perpendiculaire. 
Les  différences  caractéristiques  existant  entre  les  divers 


feldspaths  tricliniques  résident  dans  l'obliquité  plus  ou 
moins  grande  des  deux  clivages  p  et  g1  et  dans  les  angles 
d'extinction  sur  ces  deux  faces.  En  voici  le  tableau  d'après 
les  travaux  de  M.  des  Cloizeaux  (les  extinctions  dans  gi 
sont  dites  positives  quand  elles  se  font  d'avant  en  arrière 
dans  l'angle  obtus  pli1  et  négatives  dans  le  cas  contraire)  : 


Angle  pgl 

IV\UUCUOIl 

dans  p 

juximcuo 
dans  g1 

Albite 

93°  35' 

5o 

+  20° 

Oligoclase . . 

93°50/ 

4° 

+    5° 

Andésine. . . 

93«  w 

0° 

0° 

Labrador. . . 

93°  20' 

90 

—  24° 

Anorthite  . . 

94°  W 

37° 

—  37° 

Dans  les  feldspaths  tricliniques,  le  plan  des  axes  optiques 
n'est  plus  perpendiculaire  à  gL  comme  dans  l'orthose,  mais 
l'indice  maximum  est  toujours  plus  ou  moins  oblique  sur 
cette  face.  La  bissectrice  aiguë  est  positive  dans  l'albite  et 
le  labrador,  négative  dans  les  autres  feldspaths  tricliniques. 

Quant  aux  formes  dominantes  ce  sont  les  suivantes  :  m, 
t,  g*-,  g2  et  %  p,  a1,  a^p11*,^  eil2,  z172;  les  cris- 
taux sont  très  souvent  aplatis  suivant  g1. 

Les  cristaux  nets  sont  très  fréquents  dans  l'albite,  beau- 
coup plus  rares  dans  les  autres  types.  Les  cristaux  d'albite 
se  rencontrent  dans  les  druses  des  roches  éruptives  an- 
ciennes ou  métamorphiques  ;  la  variété  péricline  consti- 
tue de  gros  cristaux  blancs  laiteux,  présentant  souvent  la 
macle  qui  a  pris  son  nom  ;  on  trouve  aussi  de  beaux  cris- 
taux d'albite  dans  les  calcaires  métamorphiques  des  Alpes 
et  des  Pyrénées  :  ils  y  présentent  parfois  une  macle  spé- 
ciale, différente  de  celles  qui  ont  été  énumérés  plus  haut. 
Les  cristaux  distincts  des  autres  feldspaths  se  trouvent  en 
général  engagés  dans  diverses  roches  ;  ceux  d'anorthite  se 
rencontrent  surtout  dans  les  blocs  calcaires  métamorphisés, 
rejetés  par  la  Somma.  La  bytonnite  est  un  feldspath  in- 
termédiaire entre  le  labrador  et  l'anorthite. 

L'importance  jouée  par  les  feldspaths  tricliniques  dans  la 
constitution  des  roches  est  considérable.  Ils  se  trouvent 
subordonnés  à  l'orthose  dans  les  roches  qui  ont  été  énumé- 
rées  à  l'occasion  de  ce  dernier  feldspath  ;  elles  forment  le 
feldspath  dominant  des  gneiss  basiques,  des  Montes ,  dia- 
bases,  gabbros,  norites,  etc.,  on  les  trouve  en  grands 
cristaux  ou  en  microlites  dans  un  très  grand  nombre  de 
roches  microlitiques  (andésites,  labradorites,  basaltes, 
tephrites,  leucoléphrites).  C'est  sur  la  nature  des  micro- 
lites feldspathiques  qu'est  basée  la  classification  des  roches 
microlitiques  dans  la  nomenclature  de  MM.  Fouqué  et  Mi- 
chel Lévy.  A.  Lacroix, 

II.  Industrie  (V.  Albite  et  Minéralogie). 

FELEBA.  Pays  du  Soudan  occidental,  région  sénégam- 
bienne,  compris  entre  le  Gangaran  au  S.,  le  Fouladougou 
au  S.-É.,  le  Dialafara  au  N.;  au  confluent  des  deuxBakhoy. 
Le  Feleba  est  habité  par  les  Malinkés. 

FÉLEGYHAZA.  Ville  de  Hongrie  qui  était  avant  4876  le 
chef-lieu  du  "district  de  la  Petite-Coumanie,  et  qui  est  aujour- 
d'hui réunie  au  comitat  de  Pest-Pilis.  Ses  habitants,  pour 
la  plupart  magyars  et  catholiques,  sont  adonnés  à  la  cul- 
ture d'une  plaine  fertile  en  blé,  en  vins,  en  fruits,  et  à 
l'élève  du  bétail. 

FELETZ  (Charles-Marie  Dorimond,  abbé  de),  littérateur 
français,  né  près  de  Brive-la-Gaillarde  le  3  janv.  4767, 
mort  à  Paris  le  44  févr.  4850.  Maître  de  conférences  de 
philosophie  et  théologie  au  collège  Sainte-Barbe,  il  fut 
ordonné  prêtre  en  4792  par  un  évêque  insermenté,  fut 
persécuté  pour  refus  du  serment  constitutionnel,  empri- 
sonné à  Rochefort  sur  un  ponton  et,  relâché  au  bout  de 
dix  mois,  se  cacha  en  province.  En  4804,  il  revint  à  Paris, 
entra  dans  la  rédaction  du  Journat  des  Débats  où  il 
tint,  jusqu'en  4829,  le  sceptre  de  la  critique  littéraire. 
En  4809,  il  devint  conservateur  de  la  bibliothèque  Maza- 
rine,  collabora  au  Mercure  de  France,  fit  partie  de  la  com- 
mission des  livres  classiques  de  l'université  (4842),  fut 
nommé  inspecteur  de  l'académie  de  Paris  (4820)  et  fut  élu 


FELETZ  —  FÉLIBRIGE 


128  — 


membre  de  l'Académie  française  en  1826.  Outre  sa  colla- 
boration aux  Débats,  qui  lui  a  valu  la  réputation  d'un  des 
bons  critiques  littéraires  du  temps,  l'abbé  de  Feletz  a  eu 
part  au  Plutarque  français,  à  Y  Encyclopédie  des  gens 
du  monde,  aux  Lettres  champenoises,  a  traduit  Horace 
pour  la  collection  Panckoucke,  etc.  On  a  réuni  ses  articles 
de  critique  sous  les  titres  suivants  :  Mélanges  de  philo- 
sophie, d'histoire  et  de  littérature  (Paris,  1828,  6  vol. 
in-8),  et  Jugements  historiques  et  littéraires  sur  quelques 
écrivains  et  quelques  écrits  du  temps  (Paris,  1840, 
in-8).  Il  a  donné  à  la  Biographie  universelle  les  vies  de 
Mme  du  Deffand,  de  La  Fontaine,  de  Geoffroy,  de  Palissot, 
de  Sénecé.  R.  S. 

Bibl.  :  Villemain,  M.  de  Feletz  et  quelques  salons  du 
temps,  dans  Souvenirs  contemporains,  t. 1.  —  Paul  Des- 
jardins, Hoffmann  et  de  Feletz,  dans  le  Livre  du  cente- 
naire du  journal  des  Débats  ;  Paris,  1889,  in-4. 

I  FEL6ENHAUER  (Paul),  théosophe  et  mystique,  né  à 
Pucvic  (Bohême)  vers  la  fin  du  xvie  siècle,  mort  en  1660. 

II  se  signala  dans  sa  patrie  par  des  écrits  mystiques  dès 
1620.  Quand  les  protestants  furent  persécutés  en  Bohême, 
il  dut  se  réfugier  à  Amsterdam  (1623).  De  là,  de  nouveaux 
écrits,  publiés  chez  Janson  et  critiquant  vivement  l'Eglise 
établie,  se  répandirent  en  Allemagne.  On  demanda  son 
expulsion;  en  1657,  il  fut  arrêté  et  emprisonné  à  Suhlin- 
gen  (Hanovre)  ;  relaxé,  il  alla  à  Hambourg,  où  Ton  perd 
ses  traces. 

Bibl.  :  J.-F.  Adelung,  Geschichte  der  menschlichen 
Narrheit  ;  Leipzig,  1787,  t.  IV.  On  trouvera  aux  pp.  400  et 
suiv.  les  46  titres  des  ouvrages  de  Felgenhauer. 

FÉLIBIEN  (André),  sieur  des  Avaux  et  de  Javercy, 
architecte  et  historiographe  français,  né  à  Chartres  en 
mai  1619,  mort  le  11  juin  1695.  Après  avoir  étudié  à 
Paris,  il  alla  à  Rome  comme  secrétaire  de  notre  ambassa- 
deur, le  marquis  de  Mareuil,  et  là,  tout  en  traduisant 
(1647)  le  manuscrit  italien  de  la  Vie  de  Pie  V,  du  car- 
dinal Barberini  (Paris,  1672,  in-12),  il  se  lia  avec  Le 
Poussin,  dont  les  conseils  le  décidèrent  à  s'adonner  aux 
arts.  De  retour  à  Chartres,  il  se  maria  et  vint  se  fixer  à 
Paris,  où,  grâce  à  la  protection  de  Fouquet,  puis  de  Col- 
bert,  il  devint  en  1666  historiographe  des  bâtiments,  en 
1671  secrétaire  de  l'Académie  d'architecture,  et,  en  1673, 
garde  du  Cabinet  des  antiques.  Tout  en  s'acquittant  de 
ces  emplois,  il  continua  de  se  livrer  aux  études  artistiques 
et  littéraires,  et  cultiva  même  la  poésie  (le  Songe  de  Phi- 
lomathe,  1688).  Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  nous 
citerons  :  Paraphrases  des  lamentations  de  Urémie, 
du  Cantique  des  Cantiques  et  du  Miserere  (1646,  in-12); 
Relation  de  la  disgrâce  du  comte-duc  Olivarès,  traduit 
de  l'italien  de  Camille  Guido  (Paris,  1650,  in-8  ;  Amster- 
dam, 1660,  in-12)  ;  Origine  de  la  peinture  (1660,  in-4); 
Entretiens  sur  la  vie  et  les  ouvrages  des  plus  excel- 
lents peintres  anciens  et  modernes  (Paris,  1666, 1672, 
1679,  1685,  1688;  Amsterdam,  1706,  5  vol.  in-fol.)  ; 
Conférences  de  l'Académie  de  peinture  (Paris,  1669, 
in-4);  le  Château  de  l'Ame,  traduit  de  l'espagnol  de 
sainte  Thérèse  (1870,  in-12);  Description  de  l'abbaye 
de  La  Trappe  (Paris,  1671-1689,  in-12),  de  la  Grotte 
de  Versailles  (Paris,  1672,  in-4),  du  Château  de  Ver- 
sailles (Paris,  1674;  Amsterdam,  1703),  des  Tableaux, 
statues  et  bustes  des  maisons  royales  (Paris,  1677, 
in-4)  ;  Principes  de  V architecture,  de  la  sculpture,  de 
la  peinture  et  des  arts  qui  en  dépendent  (Paris,  1676- 
1690,  in-4);  puis  plusieurs  œuvres  inédites,  entre  autres 
Etude  sur  les  habits  et  vêtements  antiques.  Il  y  a,  en 
outre,  quelques  lettres  de  lui  dans  la  Correspondance  de 
l'abbé  Nicaise. 

FÉLIBIEN  (Jean-François),  fils  du  précédent, architecte 
français,  né  vers  1658,  mort  le  23  juin  1733.  Il  devint 
secrétaire  de  l'Académie  d'architecture,  trésorier  de  celle 
des  inscriptions,  et  conseiller  du  roi.  Ses  principaux  écrits 
sont  :  Recueil  historique  de  la  vie  et  des  ouvrages  des 
plus  célèbres  architectes  (Paris,  1687,  in-4);  Plans  et 
dessins  de  deux  maiso?is  de  campagne  de  Pline,  avec 


remarques  et  dissertations  concernant  l'architecture 
antique  et  gothique  (Paris,  1699,  in-12);  Description 
de  la  nouvelle  église  des  Invalides,  avec  plans  (Paris, 
1702,  lre  édit.,  in-12). 

FÉLIBIEN  (Michel),  religieux  bénédictin  de  Saint-Ger- 
main-des-Prés,  frère  du  précédent,  né  à  Chartres,  où  il  fut 
baptisé  le  14  sept.  1666,  mort  le  25  sept.  1719.  Il  s'adonna 
de  bonne  heure  à  l'étude  de  l'histoire  et  publia,  en  1706, 
une  Histoire  de  l'abbaye  royale  de  S.  Denys  en  France, 
qui  est  encore  aujourd'hui  très  appréciée.  Le  succès  de  cet 
ouvrage  attira  sur  son  auteur  l'attention  de  Jérôme  Bignon, 
alors  prévôt  des  marchands,  qui,  en  1711,  lui  confia  la 
rédaction  d'une  histoire  de  Paris,  conçue  de  même  sur 
l'étude  des  documents  originaux.  Le  savant  bénédictin  se 
mit  à  l'œuvre,  et,  en  1713,  il  publiait  une  sorte  de  pro- 
gramme de  l'œuvre  à  laquelle  il  se  consacrait  et  qui  ne 
devait,  avec  le  texte  des  pièces  justificatives,  former  que 
2  vol.  in-fol.  Il  mourut  avant  d'en  avoir  rien  publié,  mais 
en  laissant  le  manuscrit  conduit  jusqu'à  l'année  1661. 
Dom  Alexis  Lobineau,  également  bénédictin,  reprit  le  tra- 
vail à  cette  date,  et,  après  l'avoir  considérablement  aug- 
menté, le  publia  en  1725.  h' Histoire  de  la  Ville  de  Paris 
forme  5  vol.  in-fol.,  dont  3  de  Preuves;  c'est  un  des 
instruments  de  travail  indispensables  à  ceux  qui  s'occu- 
pent d'histoire  parisienne.  F.  B. 

FÉLIBRE  (V.  Félibrige). 

FÉLIBRIGE.  Association  régionaliste  d'écrivains  et  d'ar- 
tistes du  midi  de  la  France,  fondée  en  1854.  L'étymolo- 
gie  du  mot  félibre  trouvé  par  Mistral  dans  un  vieux  can- 
tique provençal  (la  Vierge  rencontre  Jésus  dans  le  temple 
«  parmi  les  sept  félibres  de  la  loi  »)  est  encore  mal  expli- 
quée. On  a  proposé  :  le  latin  felibris  ou  fellebris,  nour- 
risson, d'après  Ducange  (de  fellare,  teter,  d'où  filius)  ;  le 
grec  ^iXcjSpouoç,  ami  de  l'hébreu,  appliqué  dans  les  syna- 
gogues aux  docteurs  de  la  loi,  ou  ^tXappo;,  ami  du  beau  ; 
l'irlandais  filea,  barde,  et  ber,  chef,  etc. 

Le  statut  du  Félibrige,  rédigé  lors  de  sa  constitution 
définitive  en  1876,  en  expliquait  ainsi  le  but  :  «  Le  Féli- 
brige est  établi  pour  rapprocher  dans  une  ardeur  commune 
les  hommes  dont  les  œuvres  sauvent  la  langue  des  pays  d'oc, 
et  les  savants  et  les  artistes  qui  étudient  et  travaillent  dans 
l'intérêt  ou  au  regard  de  ces  contrées.  »  Longtemps,  il 
n'avait  été  qu'un  allègre  bataillon  de  volontaires  pour  la 
restauration  d'une  littérature  et  d'un  parler  déchus.  Mais 
peu  à  peu,  cette  langue  devenant  «  la  naturelle  incarnation 
de  la  patrie,  de  l'indépendance  et  des  droits  sentiments  », 
il  enseigna  que  le  premier  devoir  d'un  Méridional  patriote, 
en  dehors  des  partis,  était  de  maintenir  la  dignité  de  race 
et  l'honneur  de  son  peuple.  Peu  à  peu,  il  s'enhardit  jus- 
qu'à murmurer  contre  l'oppression  administrative  des  pro- 
vinces, et  fraterniser  avec  les  Catalans,  ses  frères  d'idiome, 
pour  réclamer  comme  eux  plus  de  liberté.  Le  regret  poé- 
tique et  traditionnel  des  grands  jours  du  passé  suscitait 
parmi  ses  adhérents  un  mouvement  scientifique  autant  que 
social.  S'il  s'accentuait  chez  quelques-uns  jusqu'à  se  tra- 
duire par  des  vœux  de  fédéralisme,  jugés  par  d'autres  exces- 
sifs, la  plupart  du  moins  ne  cessaient  de  protester  contre 
la  rigueur  d'une  prédominance  parisienne  qui  réduit  les 
énergies  locales  à  néant.  On  lira  plus  loin  l'évolution  de 
cette  palingénésie  provençale. 

Le  libre  développement  naturel  des  forces  vives  de  la 
race  et  du  sol,  de  leur  personnalité  séculaire,  voilà  ce  que 
réclament  les  félibres.  Ce  qu'ils  veulent  tous,  c'est  qu'un 
Provençal,  un  Languedocien,  un  Gascon  ait  le  droit  de  con- 
naître et  d'aimer  son  pays  natal,  avec  la  liberté  de  ne  pas 
renier  ses  ancêtres  en  faveur  d'un  patriotisme  si  abstrait 
qu'il  le  dénationalise.  Ils  protestent  contre  un  enseigne- 
ment uniformitaire  qui  réduit  l'histoire  de  la  France  à  celle 
des  agrandissements  de  la  monarchie.  Et  au-dessous  de  sa 
métropole  nationale,  ils  lui  souhaitent  autant  de  centres 
régionaux  que  d'anciens  chefs-lieux  historiques.  Si  toutes 
les  provinces,  en  secret  agitées  contre  ce  vampire  politique, 
la  centralisation,  doivent  faire  triompher  une  tendance  au- 


—  129  - 


FELIBRIGE 


jourd'hui  générale  à  l'affranchissement,  elles  se  souvien- 
dront qu'elle  doit  son  impulsion  première  au  Félibrige. 

Les  précurseurs.  —  Vers  la  fin  du  xur3  siècle,  quand, 
après  la  désastreuse  croisade  «  albigeoise  »  qui  arrêta  dans 
sa  croissance  la  civilisation  du  Midi  pour  en  déplacer  l'épa- 
nouissement, la  domination  capétienne  fut  bien  établie  sur 
la  Provence  après  Toulouse,  la  langue  des  troubadours, 
abandonnée  de  la  faveur  officielle,  commença  de  déchoir. 
Peu  à  peu,  ce  provençal,  consacré  jadis  par  les  princes 
comme  l'expression  du  gai  savoir,  fut  remplacé  par  le  fran- 
çais dans  les  cours  méridionales.  Entraîné  dans  le  courant 
de  la  littérature  triomphante,  que  la  restauration  toulou- 
saine du  xive  siècle  ne  parvint  pas  à  détourner,  il  perdit, 
relégué  dans  le  peuple,  jusqu'à  son  orthographe  naturelle, 
avant  de  tomber  au  rang  des  patois.  Cependant,  il  n'avait 
cessé  d'avoir  des  interprètes,  et  nous  le  trouvons  très  vivant 
toujours,  sous  sa  transformation  récente,  en  1539,  quand 
François  Ier  en  interdit  l'usage  dans  les  actes  publics.  Cet 
édit  le  discrédita  sans  qu'une  altération  nouvelle  s'ensuivit. 
C'est  même  alors  que  se  manifeste  un  premier  réveil  des 
lettres  provençales.  Mais  les  précurseurs  du  Félibrige  ne 
datent  réellement  que  du  commencement  de  notre  siècle. 
Avant  d'en  aborder  l'histoire  sommaire,  nous  énumérerons 
leurs  principaux  ancêtres. 

Et  d'abord  le  Grassois  La  Bellaudière  (1  532-88) ,  un  Marot 
provençal,  dont  l'œuvre  posthume  publiée  par  son  émule 
et  ami  Pierre  Paul,  manqua  de  provoquer  à  Marseille  une 
renaissance,  un  premier  Félibrige  en  4595.  Vers  le  même 
temps,  Augié  Gaillard,  le  fameux  charron  de  Rabastens, 
avait  réveillé  facétieusement  les  Muses  d'Aquitaine,  aux- 
quelles la  renommée  française  de  Du  Bartas,  qui  rima  aussi 
de  nobles  strophes  gasconnes,  rendait  la  considération.  Au 
siècle  suivant,  Pierre  Goudelin,  de  Toulouse  (1579-1649), 
un  lyrique  du  plus  haut  vol,  s'élevait  jusqu'à  la  gloire.  En 
Provence,  le  noëlliste  Saboly  gagnait  une  popularité  qui  ne 
l'a  pas  quitté  après  deux  siècles.  Sous  Louis  XV,  le  Lan- 
guedoc tout  entier  riait  avec  le  joyeux  prieur  de  Celleneuve, 
l'abbé  Favre,  et  le  Béarn  souriait  aux  grâces  des  idylliques 
chansons  de  Despourrins.  Ainsi  l'idiome  méridional  n'avait 
jamais  manqué  d'interprètes.  Mais  ses  poètes  et  ses  conteurs, 
souvent  inconnus  l'un  à  l'autre,  s'étaient  transmis  le  flam- 
beau, sans  s'inquiéter  d'où  venait  la  lumière.  Ce  n'est  qu'aux 
premières  années  de  notre  siècle  qu'on  vit  poindre,  parmi 
les  écrivains  de  langue  d'oc,  le  souci  de  la  dignité,  sinon 
encore  du  relèvement  de  leur  instrument  littéraire.  Scien- 
tifique chez  les  uns,  apostolique  chez  les  autres,  ce  senti- 
ment devait  aboutir  à  la  réhabilitation  définitive  des  lettres 
méridionales.  C'est  en  Languedoc  qu'il  se  traduisit  le  plus 
généralement  sous  la  forme  de  l'esprit  critique.  La  plupart 
des  écrivains  notables  de  cette  région  ont  laissé  des  recher- 
ches philologiques  ou  le  glossaire  de  leur  parler,  tels,  au 
premier  rang,  Fabre  d'Olivet  (1767-1825),  penseur  origi- 
nal, polygraphe,  qui  eut  des  parties  de  lyrique  puissant, 
et  le  marquis  de  Lafare-Alais  (1791-1846),  le  savoureux 
et  pittoresque  descripteur  des  Castagnados  de  son  pays 
nabal  ;  puis  l'anacréontique  Aubanel,  de  Nîmes,  l'érudit  Mo- 
quin-Tandon  et  Jacques  Azaïs,  le  jovial  et  verveux  biter- 
rois.  Leurs  renommées  modestes  furent  éclipsées  par  la 
gloire  de  l'Agenais  Jacques  Jasmin  (4798-1864),  à  qui 
n'aura  manqué  qu'un  peu  de  culture,  sous  son  émotion  gé- 
niale, pour  devenir  classique. 

De  l'autre  côté  du  Rhône,  dans  le  premier  tiers  de  ce  siècle, 
on  était  moins  soucieux  d'érudition.  Comme  les  anciens 
troubadours,  les  Provençaux  ne  chantaient  guère  que  pour 
chanter.  Depuis  Toussaint  Gros,  leur  meilleur  poète  du 
xvme  siècle,  toute  une  floraison  d'insouciants  troubaïres, 
comme  ils  se  nommaient,  s'épanouissait  de  la  Drôme  à  la 
mer  de  Nice.  L'Avignonnais  Hyacinthe  Morel,  le  Niçois  Ran- 
cher,  l'Arlésien  M.  de  Truchet,  le  Marseillais  Bellot,  l'Aixois 
Diouloufet,  l'Aptésien  Seymard,  le  Beaucairois  Pierre  Bou- 
net,  populaires  à  divers  titres,  mais  poètes  sans  profon- 
deur, facilitaient  la  germination  d'une  littérature  facile  et 
obstinément  patoise.  Trois  Marseillais,  Chailan,  le  poète  du 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


Gangui  ;  Benedit,  l'auteur  de  Chichôis,  l'historien  topique 
des  Nèrvi,  et  le  grand  lyrique  réaliste  Gelu,  qui  mérite- 
raient une  place  à  part,  gardaient  leurs  muses  pittoresques 
de  toutes  prétentions  à  l'art  littéraire  et  à  la  dignité  de  la 
langue.  Mais  du  grand  nombre  des  rimeurs  comme  de  la 
sociabilité  de  la  race,  devaient  surgir  les  premières  tenta- 
tives de  groupement  des  écrivains  provençaux,  qui,  plus 
que  les  restitutions  savantes  des  Languedociens,  provoque- 
raient l'éclosion  d'une  renaissance  littéraire.  Déjà  en  1823 
les  frères  Achard,  de  Marseille,  et  sept  autres  «  troubaïres  » 
avaient  donné  un  recueil  collectif  de  leurs  vers.  Il  convient 
d'ajouter  qu'en  1839  la  Société  archéologique  de  Béziers, 
présidée  par  J.  Azaïs,  avait  ouvert  ses  concours  aux  com- 
positions de  langue  d'oc,  la  première  entre  toutes  ces  aca- 
démies méridionales  fondées  pour  l'encouragement  exclusif 
du  français.  Cette  même  année,  deux  rimeurs  en  vogue, 
Pierre  Bellot  (1783-1855),  qui  régnait  sans  conteste  sur 
le  Parnasse  patois,  et  l'abondant  Tarasconais  Désanat  (1 796- 
1873),  convenaient  de  publier  un  journal  populaire.  Celui- 
là  le  voulait  bilingue,  celui-ci  uniquement  provençal.  Il 
en  parut  deux  :  Lou  Tambourinaire  et  le  Ménestrel 
(1841-42),  de  Bellot  et  Louis  Mery  (pour  le  français), 
Lou  Bouil-Abaisso,  de  Désanat  (1841-42,  1844-46).  La 
plupart  des  écrivains  patois  d'alors  et  les  premiers  félibres 
collaborèrent  à  ces  deux  journaux.  Une  impulsion  était  don- 
née qui  permettait  de  pressentir  un  mouvement  d'ensemble. 
Parmi  ceux  qui  faisaient  œuvre  d'art  dans  ce  concert  touffu 
et  discordant,  les  sympathies  des  mieux  doués  allaient  à  un 
modeste  fabuliste,  interprète  savoureux  de  La  Fontaine,  le 
Dr  Léon  d'Astros,  frère  du  cardinal.  Il  fut  choisi  pour  prési- 
der les  deux  premières  assemblées  des  poètes  de  langue  d'oc. 

Le  premier  Félibrige.  —  Le  29  août  1852,  un  «  Con- 
grès des  troubadours  provençaux  »  se  réunit  à  Arles.  Il  était 
dû  à  l'autorité  naissante  de  Joseph  Roumanille,  de  Saint- 
Remy,  très  estimé  déjà  pour  deux  petits  livres  de  poésie,  Li 
Margarideto  (1847),  et  Li  Sounjarello  (1851),  d'un  atti- 
cisme  suave  inconnu  jusque-là  dans  sa  langue,  et  plus  encore 
pour  des  pamphlets  politiques  du  plus  sain  réalisme  indigène 
(Li  Clube,  Li  Capelan,  Li  Partejaïre,  etc.).  Comme  pour 
préparer  cette  réunion  de  chanteurs,  il  venait  de  publier, 
avec  le  concours  de  deux  jeunes  amis,  Frédéric  Mistral  et 
Anselme  Mathieu,  les  premiers  confidents  de  ses  projets,  un 
recueil  collectif  des  poètes  vivants  du  Midi,  Li  Prouven- 
çalo  (1852).  Depuis  près  de  deux  ans,  il  avait  battu  le 
rappel  des  traditions  artistiques  de  la  langue  natale,  et 
groupé  ses  meilleurs  interprètes  dans  un  journal  d'Avignon, 
la  Commune.  Et  ce  volume,  lancé  maintenant  avec  un 
instructif  avant-propos  de  l'érudit  Saint-René  Taillandier, 
attirait  l'attention  de  la  critique  sur  cette  résurrection 
inattendue.  Pierre  Bellot  et  Jasmin  n'avaient  mérité  les 
éloges  de  Nodier,  de  Villemain,  de  Sainte-Beuve,  qu'à  titre 
d'accidents  isolés  de  la  perpétuation  de  leur  idiome.  C'était 
un  commencement  de  littérature  qui  surgissait.  Car,  moins 
qu'à  rallier  à  eux  tous  leurs  frères,  ce  premier  essai  avait 
permis  à  Roumanille  et  à  son  groupe  de  rassembler  les  élé- 
ments d'une  restauration  linguistique  et  orthographique, 
base  du  relèvement  qu'ils  rêvaient  pour  le  provençal.  Le 
double  succès  d'un  tel  recueil  affranchi  des  grossièretés 
d'expression  et  d'écriture  où  piétinaient  jusque-là  les  écri- 
vains «  patois  »,  et  de  l'assemblée  d'Arles  qu'il  avait  pro- 
voquée, suscita  un  2e  congrès  des  écrivains  méridionaux. 
Il  se  réunit  à  Aix  (1853),  sous  l'initiative  de  J.-B.  Gaut, 
auxiliaire  de  Roumanille  pour  le  premier,  poète  et  journa- 
liste, réformateur  lui  aussi,  mais  dans  une  mesure  qui  le 
reléguait  encore  à  la  suite  de  Bellot  parmi  les  troubaïres. 
Le  succès  fut  grand  :  65  chanteurs  assistèrent  au  congrès 
d'Aix,  et  un  recueil  collectif,  Lou  Roumavàgi  deis  Trou- 
baïres le  suivit  (1854). 

Cependant,  le  groupe  avignonnais  dont  Roumanille  et  Mis- 
tral étaient  l'âme  poursuivait  ses  réformes  et  se  constituait 
en  école  littéraire  pour  en  assurer  l'avenir.  Le  21  mai  1854, 
sept  poètes  provençaux,  assemblés  au  castelet  de  Font- 
Ségugne  (Vaucluse)  sous  le  nom  de  félibres  qu'ils  s'étaient 

9 


FÉLIBRIGE 


—  130 


donné,  résolurent  solennellement  de  restaurer  l'édifice  de 
leur  parler  national.  Les  sept  fondateurs  du  Félibrige  appar- 
tiennent désormais  à  la  légende.  C'étaient  Joseph  Rouma- 
nille  (1818-91),  Paul  Giera  (1816-61),  Jean  Brunet  (né 
en  1822),  Alphonse  Ta  van  (né  en  1833),  Anselme  Mathieu 
(né  en  1828),  Théodore  Aubanel  (1829-86)  et  Frédéric 
Mistral  (né  en  1830).  Leur  premier  soin  fut  de  décréter 
la  publication  d'un  almanach  de  langue  vulgaire,  qui  devait 
répandre  au  loin  la  bonne  nouvelle  avec  de  beaux  vers  et 
de  jolis  contes,  et  la  bonne  semence  d'un  idiome  désormais 
fixé,  dans  les  couches  natives  du  peuple  qui  le  maintenait. 
VArmana  prouvençaa  per  lou  bel  an  de  Dieu  1855 
inaugura  cette  admirable  encyclopédie  familière  qui  compte 
aujourd'hui  38  vol.  Les  tendances  apostoliques  et  éduca- 
trices  de  ce  petit  livre  du  peuple  sont  très  sensibles  dans 
les  premières  années.  VArmana  de  Noël  est  comme  un 
évangile  de  la  Provence  chrétienne,  messager  de  son  patrio- 
tisme ressuscité.  Les  contes  joyeux  de  Roumanille,  pro- 
fonds et  sains  croquis  de  mœurs,  ont  fait  sa  première  popu- 
larité. Avec  lui,  avec  les  Sept  de  Font-Ségugne,  d'autres 
conteurs,  d'autres  poètes,  Castil-Blaze,  Gaut,  Bourrelly, 
Chalvet,  Crousillat,  Reboul,  Adolphe  Dumas,  Aug.  Boudin, 
le  Dr  Poussel,  amis  et  un  peu  précurseurs  des  félibres ,  de 
nouveaux  venus,  Mme  d'Arbaud,  Bonaventure  Laurens, 
Autheman,  Thouron,  Legré,  Ch.  Poney,  Martelly,  et,  du 
Languedoc  provençal,  J.  Azaïs,  Roumieux,  Floret,  Canonge, 
Gaidan,  exaltaient  par  leur  enthousiasme  le  goût  des  choses 
du  foyer,  l'amour  de  la  Provence.  Mais  Mistral,  mieux  que 
tout  autre,  avait  compris  la  tâche  assumée  par  le  Félibrige. 
Tandis  que  la  plupart  se  contentaient  de  chanter,  il  com- 
mençait à  dire  dans  VArmana  tout  ce  que  doit  savoir  un 
Provençal.  Il  entendait  déjà  son  rôle  de  chef  d'un  peuple. 
De  grands  traits  d'histoire,  des  leçons  élémentaires  de  bota- 
nique et  d'astronomie,  des  conseils  moraux  et  jusqu'à  des 
recettes  de  cuisine,  entre  une  cascareleto  réjouissante  et 
un  chapitre  de  la  Bible,  à  côté  d'un  divin  poème  comme  la 
Communioun  di  Sant  et  un  chef-d'œuvre  d'humour  et 
d'observation,  comme  Lou  Megede  Cucugnan  :  voilà  VAr- 
mana provençau  des  premières  années. 

Cette  première  époque  du  Félibrige,  son  âge  de  forma- 
tion, est  dominée  par  Roumanille.  Encore  casanière,  la  lit- 
térature naissante  s'occupe  surtout  du  présent.  Quand  elle 
regarde  en  arrière,  elle  ne  chante  que  la  seule  Provence, 
catholique  et  grecque  et  deux  fois  romaine,  des  saintes 
Maries-de-la-Mer  et  de  la  Vénus  d'Arles,  des  papes  d'Avi- 
gnon et  de  Marius,  vainqueur  des  barbares.  Cette  période 
se  termine  avec  l'apparition  de  Mireille  (1859). 

Extension  du  Félibrige  (1859-1876).  —  «  Je  vais 
vous  raconter  aujourd'hui  une  bonne  nouvelle  :  Un  grand 
poète  épique  est  né...,  un  poète  de  vingt-cinq  ans  qui,  du 
premier  jet,  laisse  couler  de  sa  veine,  à  flots  purs  et  mé- 
lodieux, une  épopée  agreste  où  les  scènes  descriptives  de 
V Odyssée  d'Homère  et  les  scènes  innocemment  passionnées 
de  Daphnis  et  Chloé,  mêlées  aux  saintetés  et  aux  tris- 
tesses du  christianisme,  sont  chantées  avec  la  grâce  de 
Longus  et  la  majestueuse  simplicité  de  l'aveugle  de  Chio...  » 
On  connaît  les  merveilleuses  pages  des  Entretiens  de  La- 
martine, qui  saluèrent  l'avènement  de  Mireille,  Du  coup, 
Mistral  était  célèbre,  et  tous  les  regards  se  tournaient  vers 
la  jeune  littérature  d'où  était  sorti  le  chef-d'œuvre.  Le 
Félibrige  entrait  dans  sa  période  d'affirmation.  En  sept  ans, 
ce  fut  une  rare  efflorescence  de  talents  nouveaux  :  Théo- 
dore Aubanel,  —  celui-là  était  génial,  —  le  profond  pas- 
sionné, le  peintre  au  coloris  puissant  de  la  Miôugrano 
entreduberto  (1861),  un  Intermezzo  chrétien;  Anselme 
Mathieu,  dont  la  Farandoulo  ressuscitait  l'âme  amou- 
reuse, insouciante  et  fine  des  anciens  troubadours  ;  Louis 
Roumieux,  avec  sa  comédie  :  Quau  voii  prendre  doits 
lèbre...,  premier  symptôme  d'un  théâtre  provençal  épuré 
des  épices  traditionnelles.  Après  eux,  Fr.  Vidal,  qui,  par 
son  Tambourin  en  claire  prose  aixoise,  préludait  à  la  résur- 
rection de  l'instrument  national  ;  le  Salonnais  Ant. -Biaise 
Crousillat,  le  poète  contemplatif  de  la  Crau,  où  il  avait 


recueilli  le  miel  classique  de  sa  Bresco  ;  trois  félibresses  : 
Mme  d'Arbaud,  dont  tout  le  Comtat  goûtait  les  Amouro  de 
Ribas, Mme  R.-A,  Roumanille,  l'héroïne  des  fêtes  de  Sainte- 
Anne-d'Apt  (1862),  première  consécration  populaire  du  Féli- 
brige en  Provence,  et  Antoinette  de  Beaucaire,  à  qui  ses  frères 
les  poètes  élevèrent  un  «  tombeau  »  magnifique  et  touchant 
pour  abriter  ses  Belugo  posthumes  ;  un  Irlandais  conquis  à 
la  jeune  Renaissance  et  devenu  un  de  ses  maîtres,  William- 
Bonaparte  Wyse,  le  trouvère  nomade  des  Parpaioun  blu 
et  des  Piado  de  la  Princesso,  dont  l'original  esprit  et  la 
culture  cosmopolite  «  élargit  par  delà  les  Alpilles  natales  » 
les  horizons  du  Félibrige  ;  combien  d'autres  encore  qui 
éclorent  au  soleil  fécond  de  ces  années  enthousiastes. 

Roumanille  avait  réuni  en  deux  recueils  ses  Oubreto  en 
prose  et  en  vers  (1859-64).  Avec  Mistral,  il  avait  réédité 
Saboly,  le  premier  aïeul  vénéré  des  félibres,  l'abbé  Favre, 
Hyacinthe  Morel,  puis  les  poésies  éparses  de  quelques  pré- 
curseurs comme  ce  bon  Reboul  qui  leur  avait  fait  connaître 
à  Nîmes  les  délices  du  premier  triomphe  (1859).  Enfin, 
Mistral  donna  son  poème  de  Calendau  (déc.  1866),  couvé 
sept  ans  comme  Mireille  et  qui  achevait  de  le  consacrer 
poète  national  de  la  Provence.  Dans  ces  deux  idylles  épiques, 
il  en  avait  chanté  les  deux  natures,  le  pays  du  Rhône  et  des 
plaines,  la  région  des  montagnes  et  de  la  mer...  Il  a  eu 
tort  de  croire  à  un  insuccès  relatif  de  cette  œuvre  :  la  chro- 
nique moutonnière  Fa  répété  et  la  foule  y  est  moins  venue 
qu'à  Mireille.  Mais  l'action  de  Calendau  fut  décisive  sur 
les  jeunes  patriotes  méridionaux  pour  lesquels,  d'ailleurs, 
il  semblait  écrit.  La  profondeur  autochtone  de  sa  poésie  et 
sa  fière  éloquence  au  nom  des  revendications  de  la  race  fai- 
saient présager  une  orientation  nouvelle  de  la  «  Cause  ». 
Dans  cette  période  de  son  évolution,  que  nous  conduirons 
jusqu'en  1876,  le  Félibrige  ne  se  borna  donc  pas  à  une 
affirmation  littéraire.  Un  triple  courant  ethnique,  scienti- 
fique et  autonomiste  s'y  développa  qui  aboutit  à  une  affir- 
mation sociale.  J'en  dirai  les  étapes  sommaires.  S'il  n'avait 
fait  présager  d'abord  qu'une  littérature  de  chanteurs,  le 
Félibrige  démontra  peu  à  peu  la  nécessité  d'une  éducation 
nationale  plus  conforme  à  l'histoire  et  aux  traditions.  Il  en 
vint  à  prouver  l'existence  d'une  race  méridionale,  entité 
aux  parties  solidaires,  dont  le  cœur  a  toujours  battu  quelque 
part  sur  une  des  terres  de  sa  domination.  On  les  reconnaît 
à  leur  idiome  fraternel  de  la  langue  d'oc.  C'est  à  Mistral 
qu'il  appartient  d'avoir  mis  en  lumière  ce  sentiment  de  la 
race  plus  puissant  que  les  frontières  politiques  pour  rap- 
procher ou  éloigner  les  cœurs.  Toute  son  œuvre  en  témoigne^ 
depuis  VOde  aux  Catalans  (1861)  jusqu'au  Chant  de  la 
Coupe  et  au  Sirvente  devant  le  bronze  de  Jasmin  ;  son 
épopée  de  Calendau  n'est  qu'un  hymne  à  la  race,  comme 
tous  ses  discours  de  Cavoulié.  Quelques-uns  des  cris  du 
poète  ont  fait  interpréter  son  particularisme  en  mauvaise 
part.  L'odieux  mot  de  séparatisme  a  été  prononcé.  La  meil- 
leure réponse  est  dans  ces  lignes  de  M.  Paul  Meyer,  à  propos 
d'une  ode  mal  interprétée  à  Paris  :  «  L'inspiration  qui  a 
produit  la  Comtesse  est  celle  d'un  poète  qui,  considérant 
la  différence  de  l'état  présent  de  son  pays  à  l'état  ancien, 
s'écrierait  volontiers  avec  un  troubadour  du  xme  siècle  : 
«  Hélas  !  quel  je  vous  ai  vu,  et  quel  je  vous  vois  !  »  (Re- 
vue critique,  1, 185.)  Mais  Mistral,  dès  cette  époque,  avait 
répondu  d'avance  à  toutes  les  suspicions  : 

Sian  de  la  grando  Franco,  e  ni  court  ni  coustié  I 

D'autres  tendances  sont  venues  se  greffer  sur  les  siennes, 
les  horizons  s'étant  multipliés  avec  les  hommes.  En  voici 
brièvement  la  genèse.  En  1860,  un  poète  de  Figueras, 
Damaso  Calvet,  venait  raconter  aux  félibres  la  restauration 
solennelle  des  Jeux  floraux  de  Barcelone.  Mistral,  dans  VAr- 
mana, ne  tardait  pas  à  exposer  le  côté  mystérieux  de  ce 
réveil  de  la  langue  d'oc  dans  ses  diverses  branches  et  à 
saluer  les  Catalans  d'un  poème  superbe  qui  rappelait  la 
commune  grandeur  historique  des  deux  peuples.  Peu  après, 
un  proscrit  espagnol,  Victor  Balaguer,  datait  de  Narbonne 
un  appel  poétique  où  il  demandait  l'amitié  des  Provençaux 


434  — 


FELIBRIGE 


pour  la  jeune  Catalogne.  On  le  reçut  en  triomphe  ;  le  sou- 
venir de  la  triple  fête  donnée  par  Bonaparte  Wyse  à  Font- 
Ségugne,  Vaucluse  et  Avignon,  et  à  laquelle  prirent  part 
quatre  écrivains  de  Barcelone  ;  le  voyage  que  bientôt  quatre 
lelibres  (Mistral,  Roumieux,  Wyse  et  Paul  Meyer)  firent 
en  Catalogne  préparèrent  une  définitive  alliance  qui  fut 
scellée  à  Saint-Remy  en  1869,  en  présence  des  sommités 
littéraires  de  Paris.  Le  Félibrige  avait  passé  le  Rhône,  pro- 
pagé par  Roumieux  et  Albert  Arnavielle,  un  boute-en-train 
et  un  apôtre.  Il  eut  bientôt  des  affiliés  jusqu'à  Toulouse  et 
en  Gascogne.  La  jeune  littérature,  qui  depuis  Mireille  avait 
la  sanction  de  tous  les  amis  du  beau,  provoqua  la  création 
à  Montpellier  d'une  Société  des  langues  romanes  qui  la 
justifia  scientifiquement.  Son  premier  fauteur,  le  baron 
Ch.  de  Tourtoulon,  comme  historien  de  Jacques  le  Conqué- 
rant, les  philologues  Boucherie  et  Mon  tel,  et  les  deux  futurs 
maîtres  du  provençalisme  en  France,  Camille  Chabaneau 
(principal  rédacteur  de  la  Revue  des  langues  romanes, 
créé  en  4870)  et  Paul  Meyer  (fondateur,  avec  M.  Gaston 
Paris,  de  la  Romania,  Paris,  4872)  et  avec  eux,  d'autres 
félibres  érudits,  comme  glossateurs  et  éditeurs  des  anciens 
poètes,  enfin  Mistral  lui-même,  par  la  publication  succes- 
sive de  son  Trésor  du  Félibrige,  l'admirable  encyclopédie 
des  dialectes  d'oc,  rattachèrent  la  littérature  nouvelle  à  la 
tradition  romane. 

Du  jour  où  Catalans  et  Provençaux  avaient  fraternisé, 
l'«  idée  latine  »  était  apparue  aux  félibres.  Elle  allait 
s'affirmer  dans  une  manifestation  internationale.  Un  lettré 
de  premier  ordre,  M.  de  Berluc-Pérussis  avait  fait  naître 
de  son  «  Académie  des  sonnettistes  »  le  centenaire  de 
Pétrarque  à  Avignon.  Aidé  de  MM.  Guillibert,  d'Aix, 
et  Doncieux,  préfet  de  Vaucluse,  il  donna  à  la  fête  une 
extension  inattendue.  A  côté  du  français,  de  l'italien  et  du  cata- 
lan, le  provençal  témoigna  pour  la  première  fois  de  sa  dignité 
d'idiome  vivant.  MM.  Mézières,  Nigra,  Conti  et  de  Quin- 
tara  furent  entendus  tour  à  tour  avec  Aubanel,  Félix  Gras, 
Mistral.  Les  quatre  langues  latines,  qu'avait  également  con- 
nues Pétrarque,  s'associaient  pour  son  triomphe  (4874). 
L'année  suivante,  la  Société  romane  ayant  ouvert  à  Mont- 
pellier un  grand  concours  philologique  et  littéraire,  l'Ins- 
titut de  France  apportait  au  Félibrige  sa  première  adhé- 
sion :  Mistral  le  présidait  avec  Egger,  assisté  de  Mila  y 
Fontanals,  Michel  Bréal  et  G.  Paris.  Ce  dernier,  frappé  de 
l'interprétation  sociale  que  cet  événement  provoquait  à 
l'étranger,  écrivait  dans  le  Journal  des  Débats  :  «  Des 
politiques  à  courte  vue  peuvent  seuls  négliger  de  pareils 
symptômes.  Il  y  a  dans  l'histoire  bien  des  événements  con- 
sidérables qui  ont  eu  une  origine  analogue.  » 

Nous  avions  laissé  en  4867  le  développement  littéraire  du 
Félibrige,  pour  l'exposé  de  ses  manifestations  extérieures. 
Ici,  les  proportions  nouvelles  du  mouvement  ne  nous 
permettent  plus  qu'un  tableau  restreint.  Dès  que  la  renais- 
sance provençale  eut  pénétré  en  Languedoc,  elle  y  propa- 
gea l'incendie.  L'ardent  Albert  Arnavielle,  d'Alais,  éveil- 
lait les  Cévennes  avec  ses  Gants  de  VAubo,  de  noble  et 
tendre  inspiration  ;  Roumieux,  populaire  de  Beaucaire  à 
Nîmes,  réhabilitait  la  chanson  provençale  dans  son  recueil 
de  la  Rampelado  ;  Lucien  Mengaud  et  Paul  Barbe,  à  Tou- 
louse, le  conteur  Chastaneten  Périgord,  le  lyrique  et  savant 
Gabriel  Azaïs  à  Béziers,  le  fabuliste  Castela  à  Montauban, 
surtout  Achille  Mir,  le  Roumanille  de  Carcassonne,  fin  chan- 
sonnier et  savoureux  humoriste  en  prose,  entretenaient  le 
culte  du  parler  natal,  tandis  que  Montpellier,  la  vieille 
capitale  scientifique,  révélait  deux  maîtres  poètes,  Octavien 
Bringuier  (4830-75),  dont  la  Prouvença  et  le  Roumiéu 
promettaient  le  plus  fier  essor  classique  et  patriote,  etLan- 
glade  (né  en  4823),  le  grand  peintre  idyllique  des  landes 
palestiniennes  du  Bas-Languedoc.  En  Provence,  la  même 
période  voyait  naître  d'innombrables  chanteurs.  Mention- 
nons brièvementAlphonse  Michel,  un  Béranger  champêtre, 
l'auteur  du  Flasquet;R.  Marcelin  etL.  Geoffroy,  les  déli- 
cats rêveurs  de  Long  dôu  Camin  et  de  Met  Veiado  ;  puis 
un  fabuliste,  un  noèlliste  et  un  sonnettiste  du  temps  des 


troubaïres,  Bourrelly,  Lambert  et  Gaut...  Mais  c'est  parmi 
les  nouvelles  recrues  de  VArmana  qu'apparaissent  les  plus 
artistes.  Paul  Arène  y  fait  ses  débuts  littéraires  avec  un 
chapelet  d'odelettes,  luisantes  de  rayons  de  soleil.  Daudet 
y  donne,  en  provençal,  ses  premières  Lettres  de  mon 
Moulin.  Léon  de  Berluc-Pérussis,  qui  apporte  au  Félibrige 
son  érudition  d'humaniste  et  ses  idées  sur  la  décentralisa- 
tion, prélude  à  ses  précieux  sonnets,  mi-partis  de  grâce 
et  d'humour.  D'autres  talents  les  avoisinent  :  Pierre  Ma- 
zière,  Marius  Girard,  Jean  Monné  et  Auguste  Verdot,  un 
pur  attique,  mort  avant  moisson  faite. 

Mais  voici  surgir,  avec  une  épopée  en  42  chants,  Li  Car* 
bounié  de  Félix  Gras,  cette  révélation  majeure  :  que  la 
génération  de  Font-Ségugne  n'a  pas  épuisé  le  fonds  créa- 
teur et  natif.  Quelques  mois  plus  tôt,  Mistral  avait  réuni  le 
recueil  de  ses  œuvres  lyriques  en  un  livre  magistral  :  Lis 
Isclo  d'or,  où  il  s'affirmait  chef  d'une  littérature  et  repré- 
sentant d'un  peuple. 

Etat  actuel  (4876-4893).—  Le  24  mai  4876,  le 
Félibrige,  désireux  de  resserrer  et  d'élargir  ses  rangs,  s'as- 
sembla pour  se  reconstituer.  Cinquante-quatre  de  ses  mem- 
bres étant  réunis  dans  la  grande  salle  des  Templiers  d'Avi- 
gnon, sous  la  présidence  de  Mistral,  assisté  du  poète  catalan 
Albert  de  Quintana,  votèrent  le  Statut  qui  régit  désormais 
la  société.  J'en  donnerai  plus  loin  les  bases.  C'est  en  une  vaste 
confédération  littéraire  de  patriotes  provinciaux,  dont  le  ter- 
ritoire correspond  au  glorieux  Midi  du  xne  siècle,  que  s'était 
constitué  le  Félibrige.  Formé  et  affirmé  depuis  vingt-deux  ans, 
il  lui  restait  à  s'organiser.  Nous  conduirons  jusqu'à  ce  jour 
(4893)  cette  troisième  période  de  son  évolution.  —  L'auto- 
rité de  la  Loi  nouvelle  favorisa  singulièrement  les  tendances 
sociales  dont  j'ai  exposé  les  origines.  De  solennelles  Fêtes 
latines  furent  célébrées  à  Montpellier  en  4878.  L'inspirateur 
en  était  A.  de  Quintana,  le  président  Mistral,  et  le  lauréat 
Vasile  Alecsandri,  poète  national  des  Roumains  (f  1890), 
qui  fut  un  ami  fervent  du  Félibrige.  L'organisateur  de  ces 
fêtes,  le  baron  de  Tourtoulon,  fondait  peu  après  la  Revue 
du  Monde  latin  (1883).  Les  rapports  fraternels  de  Cata- 
lans à  Provençaux  s'affirmaient  de  nouveau  en  des  hom- 
mages rendus  à  Paris  et  à  Montpellier  (4885-86)  aux 
poètes  Balaguer  et  Jacinto  Verdaguer,  les  deux  plus  hauts 
représentants  de  la  renaissance  catalane.  Une  députation 
de  Languedociens  prenait  part  (4887)  aux  Jeux  floraux  de 
Barcelone,  présidés  par  la  reine  régente  et  pélerinait  aux 
Baléares.  La  Société  des  Félibres  de  Paris  (fondée  en  4879 
par  MM. ^  Maurice  Faure,  Baudouin  et  de  Ricard)  continuait 
la  tradition  en  faisant  présider  ses  grandes  assises,  depuis 
4883,  par  les  plus  célèbres  partisans  de  la  fraternité  latine  : 
Aubanel,  Mistral,  Balaguer,  Castelar,  Alecsandri,  Ruys 
Zorilla  et  Jules  Simon.  Enfin,  en  4890,  une  ambassade 
était  envoyée  par  le  Félibrige  en  Italie,  aux  fêtes  provoquées 
par  M.  de  Gubernalis  pour  le  centenaire  de  Béatrix,  et 
reçue  avec  honneur  par  le  municipe  florentin. 

Tandis  que  les  Félibres  se  multipliaient  en  Languedoc, 
à  la  faveur  du  romanisme  scientifique  et  de  l'idée  latine, 
quelques-uns  d'entre  eux  s'y  distinguaient  par  un  accent 
inattendu.  Inspirée  par  un  grand  écrivain  protestant,  Na- 
poléon Peyrat,  le  Michelet  des  Albigeois  et  de  l'Inquisi- 
tion, la  petite  secte  se  réclamait  des  libertés  de  la  pensée 
romane,  comme  de  la  langue  des  troubadours.  Un  poète, 
Auguste  Fourès,  et  un  théoricien  Louis-Xavier  de  Ricard, 
l'auteur  du  Fédéralisme,  furent  les  porte-parole  du  cénacle, 
déjà  très  éloigné  de  l'école  catholique  d'Avignon.  Sans 
continuer  lestraditions  joyeuses  et  populaires  du  premier 
Félibrige,  maintenues  en  Languedoc  par  Roumieux,  Arna- 
vielle et  Langlade,  ceux-là  entonnèrent  des  sirventes  de 
deuil  et  de  sang.  «  Toute  Renaissance  suppose  une  mort, 
un  martyr  qui  se  réveille  dans  son  tombeau.  Or  cette  grande 
et  sainte  martyre,  c'est  l'Aquitaine  »,  avait  dit  Napoléon 
Peyrat.  Après  sa  magistrale  épopée  en  prose,  plus  éloquente 
que  scientifique,  l'idéal  nouveau  devait  susciter  des  œuvres 
vaillantes  comme  les  Grilhs  de  Fourès  et  Toloza,  la  geste 
provençale  de  Félix  Gras.  Mais  nos  jeunes  Languedociens 


FÉLIBRIGE 


—  132  — 


ne  bornaient  pas  à  cet  archaïsme  leurs  innovations.  Quel- 
ques-uns d'entre  eux  se  proclamaient  républicains  fédéra- 
listes, et  rassemblaient  tous  les  adeptes  provençaux,  italiens 
et  catalans  de  ces  idées,  dans  un  almanach  littéraire  et 
radical  qui  fit  grand  bruit,  La  Lauseto  (l'alouette)  (1877- 
78-79  et  4885).  L'avant-garde  marseillaise  et  socialiste  du 
Félibrige  devait  les  suivre  dans  la  voie  du  fédéralisme,  avec 
Jean  Lombard,  l'auteur  de  l'Agonie  (f  4891),  le  député 
Antide  Boyer  et  les  poètes  Pierre  Bertas  et  Auguste  Marin. 
Le  voyage  des  Félibres  à  Florence  fut  une  occasion  nou- 
velle de  manifester  ces  tendances.  Le  délégué  officiel ,  M .  Paul 
Mariéton,  y  célébra  «  l'idéale  Fédération,  embrassant  les 
provinces  fraternelles  dans  les  Etats  arbitralement  unis  ». 
Mais  ces  souhaits  fédéralistes,  admis  d'une  grande  partie  des 
félibres,  étaient  repoussés  par  quelques-uns,  le  statut  de 
la  société  excluant  d'ailleurs  toute  théorie  qui  puisse  enga- 
ger la  collectivité.  On  s'en  aperçut  bien  le  jour  où,  profitant 
d'une  visite  duCapoulié  aux  félibres  de  Paris  (févr.  4892), 
MM.  Fred  Amouretti  et  Ch.  Maurras  lurent,  au  nom  du 
jeune  Félibrige,  une  déclaration  nettement  fédéraliste  qui 
ouvrit  le  débat  actuel  entre  les  félibres  simplement  décen- 
tralisateurs et  ceux  qui  réclament  un  régionalisme  affir- 
mé par  l'action.  Au  premier  rang  de  ces  régionalistes 
d'avant  le  fédéralisme,  figurait  de  longue  date  M.  de  Ber- 
luc-Pérussis.  Amené  au  Félibrige,  comme  bien  d'autres, 
par  le  double  courant  des  Congrès  archéologiques  du  comte 
de  Caumont  et  de  la  Réforme  sociale  de  Leplay,  qui 
avaient  rendu  à  la  province  le  goût  de  ses  monuments 
et  de  ses  traditions,  il  en  arrivait  à  demander  «  la  dispa- 
rition du  gouvernement  anonyme  des  bureaux,  et  la  ruine 
de  cette  vieille  Bastille  de  la  centralisation  ». 

Tandis  que  s'agitaient  les  politiciens  du  Félibrige,  de  nou- 
veaux érudits  y  prenaient  place,  qui  appliquaient  leurs  con- 
naissances à  sa  propagande,  tels  Fépigraphiste  V.  Lieutaud 
et  le  médiéviste  A .  Roque-Ferrier ,  rares  poètes  F  un  et  l'autre, 
dans  le  même  goût  d'archaïsme.  Avec  eux,  d'autres  patriotes, 
chacun  dans  sa  région,  le  comte  de  Toulouse-Lautrec,  le 
marquis  de  Villeneuve,  Ch.  Ratîer,  de  Gautelme-d'Ille,  etc., 
«  organisaient  la  victoire  ».  L'auteur  de  la  Grammaire 
provençale,  le  frère  Savinien,  d'Arles,  se  faisait  l'apôtre 
de  l'enseignement  primaire  du  français  par  les  dialectes, 
comme  les  poètes  Ant.  Perbosc,  en  Quercy,  et  l'abbé  Pascal 
à  Gap.  M.  Maurice  Faure,  l'âme  du  Félibrige  de  Paris,  se 
faisait  l'initiateur  de  ces  pèlerinages  des  Méridionaux  aux 
grands  souvenirs  de  la  terre  natale  (4877,  4888,  4890, 
4891)  qui  popularisaient  la  Cause  dans  son  berceau.  Un 
romaniste,  M.  Constans,  donnait  à  Aix  et  à  Marseille  des 
cours  publics  de  littérature  provençale  ancienne  et  moderne. 
Et  Mistral  achevait  de  publier  son  dictionnaire,  vrai  tré- 
sor linguistique  de  sa  race  et  de  son  pays.  Avec  la  Revue 
félïbréenne,  franco-provençale,  fondée  à  Paris  en  4885 
par  M.  Paul  Mariéton,  qui  archive  et  apprécie  les  manifes- 
tations de  la  renaissance  méridionale,  la  critique  et  l'anna- 
lisme  étaient  entrés  dans  le  Félibrige.  M.  Donnadieu  écrivait 
l'histoire  de  ses  Précurseurs  (4800-4855),  des  Langue- 
dociens en  particulier  ;  M.  Chabaneau  recueillait  les  traces 
des  innombrables  poètes  provençaux  du  xvie  au  xvme  siècle. 
Enfin,  la  Terre  provençale,  de  M.  P.  Mariéton  (4890), 
traçait  le  tableau  de  l'histoire  politique  et  littéraire  duMidi, 
dans  un  journal  de  route  embrassant  toute  la  contrée  du 
Rhône  et  du  littoral. 

De  nombreux  journaux  de  langue  d'oc,  quelques-uns  déjà 
anciens,  répandaient  graduellement  la  semence  de  Font- 
Ségugne,  des  Pyrénées  aux  Alpes  :  Lou  Félibrige  de  M.  Jean 
Monné,  à  Marseille;  YAiôli  d'Avignon  (où  écrit  Mistral), 
dirigé  par  M.  Folco  de  Baroncelli  ;  la  Gigolo  d'or  et  la 
Campana  de  Magalouna  de  MM.  Roumieux,  Arnavielle  et 
Marsal,  à  Montpellier  ;  le  Gril,  de  M.  Visner  et  le  Lengo 
doucian  de  M.  de  Ricard,  à  Toulouse  ;  Lou  Calel  de  M.  Del- 
bergé,  à  Villeneuve-sur-Lot;  la  Sartan  de  Marseille; 
Lou  Cascavel  d'Alais,  Lou  Viro-Souléu  de  Paris,  etc., 
avec  quelques  organes  franco-provençaux  ;  VOccilania  de 
M.  Roque-Ferrier,  à  Montpellier  ;  la  Cornemuse  de  M.  Jos. 


Gautier  à  Marseille;  les  Echos  de  Tamaris  de  M.  Coffi- 
nières  ;  le  Mois  Cigalier  rédigé  par  M.  Alb.  Tournier  à  Paris 
et  bien  d'autres.  D'autre  part,  le  succès  croissant  de  YAr- 
mana  prouvençau  inspirait  des  publications  similaires  :  à 
Draguignan,  Lou  Franc-Prouvençau  (47e  année),  à  Avi- 
gnon Lou  Cacho-Fiô  (44e  année),  puis  les  almanachs  dôu 
Lengadô,  Garounenc,  Lemouzi,  de  VAriejo,  Vivarés, 
Doufinen,  etc.,  enfin  et  surtout  YArmana  Marsihés 
(5e  année)  du  poète  Aug.  Marin  qui  a  fait  accepter  à  Mar- 
seille, d'un  public  fidèle  aux  troubaïres,  les  réformes 
graphiques  des  félibres. 

Depuis  1876,  les  productions  littéraires  s'étaient  infini- 
ment multipliées  ;  quelques-unes  atteignaient  l'universelle 
célébrité.  Parmi  les  plus  remarquables  :  Amour  e  plour 
d'Alphonse  Tavan,  le  livre  des  tendresses  et  de  la  douleur 
patiente  ;  Nerto  de  Mistral,  exquise  chronique  rimée  du 
temps  des  papes  d'Avignon,  digne  del'Arioste...  ou  de  Ca- 
lendau;\e  Romencero  Provençal,  de  Félix  Gras  (4886), 
légendaire  et  populaire,  son  plus  beau  livre  ;  Li  Fiho  d'Avi- 
gnoun  d'Aubanel  (f  1886),  où  s'affirmait  tout  son  génie, 
ardent,  plastique  et  tendre  ;  la  Chansou  Lemouzina  de 
l'abbé  Roux  (l'auteur  des  Pensées),  magnifiques  fresques 
épiques,  retraçant  les  grands  épisodes  du  pays  des  grands 
troubadours;  les  Debis  Gascons  d'Isidore  Salles,  initiateur 
dans  son  pays  landais,  poète  ingénieux  et  traditionniste  ;  les 
Cantsdou  Soulelh  de  Fourès  (f  4891),  le  dernier  Albigeois, 
recueil  lyrique,  très  varié,  d'un  artiste  et  d'un  patriote  ;  Dal 
brès  a  la  toumbo,  de  l'abbé  Justin  Bessou,  le  Brizeux  du 
Rouergue,  pieuse  épopée  villageoise  de  l'âge  d'or;  les  Can- 
soun  arlatenco  de  Ch.  Rieu,  le  populaire  Charloun,  du 
Paradou,  peintre  natif  des  mœurs  du  pays  d'Arles;  la  Pau- 
riho  de  Valère  Bernard,  fière  suite  d'eaux-fortes  d'un  réa- 
lisme vengeur  et  attendri...  Comment  à  ces  poètes  de  talent 
consacré  ne  pas  ajouter  parmi  les  plus  récents,  Mme  J.  Gau- 
tier, l'exquise  félibresse  Brémonde,  MM.  Louis  Astruc, 
l'auteur  des  Cacio,  Eug.  Pianchud,  Pascal  Cros,  Aug.  Marin, 
Clovis  Hugues,  Boissière,  Ch.  Boy,  Marius  André,  Raim- 
bault,  Giraud,  pour  la  Provence;  Perbosc,  A.  Blavet,  Pros- 
per  L'Eté,  J.  Félicien  Court  pour  le  Languedoc,  etc. 

Mais  la  lyrique  n'était  plus  seule  cultivée.  Un  théâtre 
provençal  entrait  dans  les  desiderata  des  félibres.  Je  dois 
citer  brièvement  :  le  drame  shakespearien  d'Aubanel,  Lou 
Pan  don  Pecai,  représenté  à  Montpellier  (4878)  et  à  Paris 
(traduit  par  P.  Arène)  ;  la  comédie  de  Roumieux,  LaBisco, 
jouée  à  Montpellier,  et  la  tragédie  lumineuse  de  Mistral,  La 
Rèino  Jano  (4890),  promise  au  théâtre  antique  d'Orange. 
Enfin  la  prose,  longtemps  dédaignée  en  dehors  des  alma- 
nachs et  des  journaux,  eut  tout  un  bataillon  d'interprètes. 
Roumanille,  son  premier  artisan,  donnait  un  recueil  de  ses 
Contes  prouvençau  (4883),  modèles  d'observation  humo- 
ristique, pour  la  plupart  déjà  célèbres  sous  les  versions 
d'Alph.  Daudet,  Pontmartin,  Em.  Blavet,  etc.  Le  facétieux 
La  Sinso  (Ch.  Senès,de  Toulon)  publiait  ses  Scènes  de  la 
vie  provençale,  instantanés  prodigieux  du  grossier  langage 
du  peuple  des  villes,  que  d'imbéciles  préjugés  entravent 
dans  le  libre  usage  de  son  idiome.  Un  jeune  prémontré,  le 
P.  Xavier  de  Fourvières,  qui  faisait  école  de  félibres  dans  le 
clergé  militant,  par  ses  conférences  toutes  publiées,  popu- 
larisait la  langue  classique.  Ses  deux  volumes  de  la  Créa- 
tioun  dôu  Mounde  sont  de  vrais  monuments  religieux  de 
l'éloquence  provençale.  Moins  mystique,  Félix  Gras  contait 
en  coloriste  finement  ingénu,  dans  les  Papalino,  la  légende 
gaillarde  de  l'Avignon  des  cardinaux  et  du  saint  Père.  Mais 
finissons  avec  trois  récents  prosateurs,  exemples  typiques 
de  la  franchise  du  mouvement  :  Baptiste  Bonnet  dans  ses 
Memôri  dun  gnarro,  savoureuse  et  documentaire  auto- 
biographie d'un  valet  de  ferme  ;  Louis  Foucard,  comédien 
de  talent,  auteur  de  très  pittoresques  chroniques  (Lou  Pa- 
langre)  et  l'instituteur  Louis  Funel  dans  d'artistes  tableaux 
de  nature  et  de  mœurs,  Li  Masajan  :  trois  maîtres  de  la 
langue,  qui,  après  les  moralistes, 'les  orateurs  et  les  lettrés 
du  Félibrige,  achèvent  de  prouver  sa  pénétration  populaire 
et  ses  tendances  à  l'universalité. 


133  — 


FÉLIBRIGE  —  FËLICIANO 


...  Devant  les  proportions  de  son  accroissement  et  en 
présence  des  graves  réformes  que  ne  cessent  de  réclamer 
quelques-uns  des  siens  dans  le  domaine  administratif,  que 
faut-il  présager  de  son  avenir  ?  Une  quatrième  période,  celle 
de  l'action,  est-elle  venue  pour  le  Félibrige  ?  Nous  ne  con- 
clurons pas,  sinon  en  constatant  que  rien  ne  faisait  pré- 
voir, en  4854,  l'épanouissement  d'aujourd'hui. 

Organisation.  —  Le  Félibrige  d'après  ses  statuts  se  di- 
vise en  4  maintenances  correspondant  aux  grands  dialectes 
d'oc  :  Provence,  Languedoc,  Aquitaine  et  Catalogne,  et 
relevant  d'un  consistoire  central.  Le  consistoire  est  com- 
posé du  corps  des  majoraux  (50  pour  le  midi  de  la  France, 
50  pour  la  Catalogne),  choisi  parmi  les  mainteneurs,  de 
nombre  illimité.  Ils  siègent  chaque  année  à  l'assemblée  gé- 
nérale du  Félibrige  (Sainte-Estelle)  dont  la  date  et  le  lieu 
varient,  règlent  les  rapports  des  maintenances,  remplacent 
les  majoraux  défunts,  et  tous  les  trois  ans  nomment  le 
bureau.  Le  bureau  du  consistoire  se  compose  du  Capoulié, 
grand  maître  du  Félibrige,  de  ses  4  assesseurs  et  des  syn- 
dics (présidents)  des  4  maintenances,  du  chancelier  et  du 
vice-chancelier. 

Les  maintenances  se  divisent  en  écoles  présidées  par  un 
cabiscol.  Les  plus  actives  sont,  par  date  de  fondation  : 
YEscolo  dôu  Florège  (Avignon)  ;  de  Lar  (Aix)  ;  dôu 
Parage  (Montpellier)  ;  de  la  Mar  (Marseille)  ;  dis  Aup 
(Forcalquier) ;  de  laMountagno  (Gap);  de  Lerin (Cannes); 
et  les  trois  plus  récentes  :  Audenco  (Carcassonne)  ;  Moun- 
dino  (Toulouse);  Limousino  (Tulle).  La  maintenance  de 
Catalogne  s'administre  elle-même  depuis  1886.  La  Société 
des  Félibres  de  Paris,  jusqu'ici  indépendante,  répartit  ses 
membres  dans  les  maintenances  méridionales.  Les  grands 
maîtres  du  Félibrige  ont  été  jusqu'à  ce  jour  MM.  Frédéric 
Mistral  (1876-1888),  Joseph  Roumanille  (4888-1891)  et 
Félix  Gras,  depuis  1891.  La  Société  des  Félibres  de  Paris 
a  été  présidée  tour  à  tour  par  MM.  le  baron  de  Tourtoulon, 
Jasmin  fils,  Paul  Arène  et  Sextius  Michel. 

Les  4  maintenances  ont  leurs  réunions  et  leurs  concours 
annuels,  indépendamment  de  la  Sainte -Estelle  qui  les  ras- 
semble. Tous  les  sept  ans  coïncident  avec  elle  les  Grands 
Jeux  floraux  du  Félibrige  où  sont  couronnés  un  poète  et  un 
prosateur  de  langue  d'oc,  avec  un  propagandiste.  Les  Sainte- 
Estelle  ont  été  célébrées  depuis  1876  :  à  Avignon,  Mont- 
pellier, Avignon,  Roque favour,  Marseille,  Albi,  Saint-Ra- 
phaël, Sceaux,  Hyères,  Gap,  Cannes,  Avignon,  Montmajour, 
Montpellier,  Martigues,  Les  Baux.  Les  Grands  Jeux  du  sep- 
tennaire  félibréen  ont  été  tenus  aux  fêtes  latines  de  Mont- 
pellier (1878),  à  Hyères  (1885),  et  sur  l'Acropole  vénérable 
de  la  Provence  féodale,  à  la  ville  des  Baux  (1892). 

Paul  Mariéton. 

Bibl.  :  L'Armana  prouvencau  (389  année);  Avignon, 
1854-1892.  —  La  Revue  félibréênne  (8e  année)  ;  Paris,  1885- 
1892.  —  Paul  Mariéton,  la  Terre  provençale  (journal  de 
route  :  cf.,  4e  partie  l'influence  prov.);  Paris,  1890.  —  DrNou- 
let,  Histoire  littéraire  des  patois  du  midi  de  la  France  ; 
Toulouse,  1859  et  1872  (Ier  vol.  duxve  au  xvip  siècle;  2°  vol., 
xviii»  siècle).  —  Li  Prouvençalo;  Avignon,  1852. —  Saint- 
René  Taillandier,  Etudes  littéraires  ;  Paris,  1881,  (3  ar- 
ticles sur  la  renaissance  provençale).  —  Le  Parnasse  du 
P.  Bougerel,  publié  et  augmenté  par  C.  Chabaneau;  Paris, 
1884.  —  F.  Donnadieu,  les  Précurseurs  des  félibres  (1800- 
1855);  Paris,  1887.  —  Occitania  a 888-1889)  et  le  Félibrige 
latin  (1890-92)  ;  Montpellier.  —  Paul  Mariéton,  Monogra- 
phies de  W. Bonaparte  Wyse,Fourès,Jos.  Roux,Aubanel, 
Mistral  prosateur,  l'Idée  latine,  le  Félibrige  devant  V Ecole; 
Lyon,  1882-84.  —  A.  Roque-Ferrier,  Eludes  méridio- 
nales ;  Paris,  1892.  —  Poètes  provençaux,  Prosateurs  pro- 
vençaux contemporains,  avec  introduction  de  Paul  Marié- 
ton  ,  Nouvelle  Bibliothèque  populaire  (n08  97  et  150); 
Paris,  1887-1890.  —  Le  Voyage  des  Félibres  sur  le  Rhône 
et  le  littoral  (  7-16  août  1891  ),  récits  et  documents  ;  Pa- 
ris, 1892. 

FÉLICE  (Fortuné-Barthélémy  de),  publiciste  suisse, 
d'origine  italienne,  né  à  Rome  le  24  août  1723,  mort  à 
Yverdon  (Vaud)  le  7  févr.  1789.  Elevé  par  les  jésuites,  il 
prit  goût  à  la  philosophie  et  aux  mathématiques  et  devint 
en  1746  professeur  honoraire  de  physique  à  Naples.  C'est 
là  cpi'il  composa  ses  premiers  écrits  qui  fondèrent  sa  répu- 
tation et  le  firent  considérer,  malgré  sa  jeunesse,  comme 


l'homme  le  «  mieux  savant  »  de  toute  l'Italie.  Le  roi  de 
Naples  lui  offrit  un  évêché  qu'il  refusa.  Une  passion  vio- 
lente pour  une  jeune  Romaine,  la  comtesse  Panzutti, 
changea  le  cours  de  sa  vie.  Il  enleva  la  jeune  femme,  mais 
les  fugitifs  furent  arrêtés  à  Gênes.  Acquitté  par  le  tribunal 
ecclésiastique,  il  trouva  néanmoins  plus  sage  de  passer  en 
Suisse.  Il  s'établit  d'abord  à  Berne,  où  il  connut  Haller,  et 
embrassa  la  Réforme,  puis  il  passa,  en  1762,  à  Yverdon.  Il  y 
établit  une  imprimerie  bientôt  célèbre,  y  fonda  un  pension- 
nat très  connu,  devint  bourgeois  de  cette  ville  et  y  séjourna 
jusqu'à  sa  mort.  Compilateur  sérieux  et  travailleur  acharné, 
de  Félice  laissait  de  nombreux  ouvrages,  des  traductions 
en  italien  de  la  Méthode  de  Descartes,  du  discours  préli- 
minaire de  Y  Encyclopédie  de  d'Alembert,  etc.  ;  un  Ta- 
bleau raisonné  de  l'histoire  littéraire  du  xvme  siècle, 
des  ouvrages  de  philosophie  et  d'éducation,  et  surtout  son 
Encyclopédie  ou  Dictionnaire  universel  raisonné  des 
connaissances  humaines  (Yverdon,  1770-75,  42  vol. 
in-4,  suivi  d'un  supplément  [6  vol.]  et  de  10  vol.  de 
planches).  Cet  ouvrage  considérable,  dédié  à  Albert  de 
Haller  et  pour  lequel  de  Félice  a  eu  de  nombreux  collabo- 
rateurs, est  une  refonte  sur  un  plan  nouveau  de  V Ency- 
clopédie avec  de  nombreuses  additions  et  beaucoup  d'ar- 
ticles originaux.  E.  Kuhne. 

FÉLICE  (Guillaume- Adam  de),  professeur  et  doyen  de  la 
faculté  de  théologie  protestante  de  Montauban,  né  à  Otters- 
berg,  dép.  du  Mont-Tonnerre,  en  1803,  mort  à  Lausanne 
le  23  oct.  1871.  Il  étudia  la  théologie  à  Strasbourg  (1821- 
1825);  puis,  comme  pasteur  à  Bolbec,  collabora  à  divers 
journaux  religieux  ;  enfin,  il  occupa  la  chaire  de  morale  et 
d'éloquence  sacrées  à  Montauban  de  1838  à  1870.  Parmi 
ses  ouvrages  assez  nombreux,  il  faut  citer  Y  Histoire  des 
synodes  nationaux  de  l'Eglise  réformée  (Paris,  1864, 
in-12),  Y  Histoire  des  Protestants  de  France  (Paris, 
1850,  in-12;  7e  éd.  à  Toulouse,  1880)  et  un  volume  de 
Sermons  (Paris,  1873).  F.-H.  K. 

FELICETO.  Corn,  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de  Calvi, 
cant.  de  Muro  ;  561  hab. 

FELICIÂ  (Astron.).Nomdu  294e  astéroïde  (V.  ce  mot). 

FËLICIANO  (Félice),  antiquaire  italien,  vivait  à  Vérone 
dans  le  cours  du  xve  siècle.  Il  fut  un  des  premiers  à 
recueillir  des  antiquités  grecques  et  romaines  pour  en 
former  un  musée,  d'où  on  le  surnomma  V Antiquaire. 
Malheureusement  s'étant  adonné  en  même  temps  à  l'alchi- 
mie, il  perdit  sa  fortune  et  dut  se  faire  imprimeur  pour 
gagner  sa  vie.  Il  a  imprimé  les  Uomini  famosi  de  Pé- 
trarque, et  il  avait  laissé  divers  manuscrits  dont  quelques 
fragments  seuls  ont  été  publiés  par  Maffei,  dans  sa  Verona 
illustrata,  part.  IL  E.  Babelon. 

FËLICIANO  (Porfirio),  poète  italien,  né  dans  le  pays 
de  Vaud  en  1562,  mort  à  Foligno  le  2  oct.  1632.  Il  était 
ecclésiastique,  fut  secrétaire  du  cardinal  Salviati,  puis  du 
pape  Paul  V,  qui  le  nomma  évèque  de  Foligno.  Fort  sa- 
vant en  philosophie,  jurisprudence,  mathématiques,  très 
bon  lettré,  il  jouissait  d'une  grande  réputation.  Outre  un 
volumineux  recueil  de  Lettres  latines  et  italiennes,  on  a  de 
lui  :  Rime  diverse,  morali  e  spirituali  (Foligno,  1630). 
Bibl.  :  J.-Nicius  ERYTHRAE\]s,Pinacothecavirorum  illus- 
trium. 

FËLICIANO,  de  son  nom  latinisé Felicianus  Hispanen- 
sis,  théologien  espagnol  de  Séville,  de  l'ordre  des  capu- 
cins, mort  vers  1735.  Il  a  écrit  de  nombreux  ouvrages 
de  théologie  :  Instructio  vitce  spiritualis  brevis  et  clara 
(Séville,  1696,  in-8);  Cantiones  spirituales  de  obliga- 
tionibus  christianis  et  adversus  cantica  vitiosa  (Sé- 
ville, 1698-1705,  3  vol.  in-8);  De  Angelis  principi- 
bus  Empyrei  (Séville,  1704,  in-8)  ;  Cymbaleumigneum, 
id  est  De  Suffragiis  pro  animis  defunctorum  (Séville, 
\  704,  in-4)  ;  Sol  increatus,  Deus  trinus  et  unus,  ubi 
cultus  devotioque  fidelis  excitatur  (Cadix,  1707,  in-4); 
Lux apostolica  (Cadix,  1716,  in-8);  Canystrum  mysti- 
cum  offerendum  puero  Jesuin  suo  sacro  natali  (Cadix, 
1719,  in-8).  E.  Cat. 


FELICIATI  -,  FELIX 


—  434 


FELICIATI  (Lorenzo),  peintre  italien,  né  à  Sienne  en 
1732,  mort  en  1779.  Il  y  a  des  tableaux  de  lui  dans  plu- 
sieurs édifices  religieux  de  sa  ville  natale,  notamment  à 
San  Pellegrino,  au  couvent  des  Observatins,  aux  confréries 
des  Saints-Clous  et  de  Saint-Sébastien,  puis  un  Saint  Just 
dans  l'église  de  San  Casciano,  un  Saint  Etienne  dans  celle 
de  Cerreto,  et  une  Vierge  à  la  villa  dell'Agazzara,  près 
de  Sienne. 

FEL1CISSIMUS,  diacre  de  Carthage.  Il  ne  remplissait 
encore  aucun  office  dans  l'Eglise  lorsque  Cyprien  fut  élu 
évêque  de  Carthage  (248)  ;  mais  il  semble  qu'il  appartenait 
déjà  au  parti  opposé  à  cette  élection.  Novatus  l'associa  à 
F  administration  de  son  district  presbytéral,  appelé  Mons, 
et  lui  procura  ainsi  les  moyens  d'être  consacré  diacre  ;  il 
n'est  pas  bien  démontré  qu'il  ait  procédé  lui-même  à  cette 
consécration.  L'un  et  l'autre  persistèrent  dans  leur  oppo- 
sition contre  Cyprien  et  résistèrent  à  l'immixtion  de  cet 
évêque  dans  la  gestion  des  choses  appartenant  à  leur  dia- 
conie.  Excommuniés  pour  ce  fait,  ils  s'unirent  aux  mécon- 
tents qui,  estimant  excessives  les  conditions  imposées  à  la 
réintégration  des  lapsi  dans  l'Eglise,  se  donnèrent  Fortu- 
natus  pour  évêque  ;  et  ils  allèrent  à  Rome,  pour  induire 
Corneille  à  reconnaître  cette  élection.  Corneille  soutenant 
Cyprien,  ils  s'attachèrent  au  parti  qui  élut  l'antipape  No- 
vatien  (V.  ce  nom  et  Corneille  [Pape]).        E.-H.  V. 

FELICITAS  ou  FÉLICITÉ  (Àstron.).    Nom  du  109e 
astéroïde  (V.  ce  mot). 

FÉLICITÉ  et  PERPÉTUE  (Saintes)  (V.  Perpétue). 
FÉLICITÉ  (Sainte)  et  ses  enfants,  martyrs.  La  fête  des 
enfants  est  célébrée  le  10  juil.  ;  celle  de  leur  mère,  le 
23  nov.  Félicité,  dame  romaine  de  haute  lignée,  avait  sept 
fils  :  Janvier,  Félix,  Philippe,  Sylvain,  Alexandre,  Yital  et 
Martial.  Après  la  mort  de  son  mari,  elle  consacra  à  Dieu 
sa  chasteté,  et  vécut  avec  ses  fils  dans  une  constante  pra- 
tique des  vertus  chrétiennes  ;  vaquant  jour  et  nuit  à  la 
prière,  elle  était  le  modèle  des  veuves  et  l'édification  de 
l'Eglise.  Or,  les  prêtres  des  faux  dieux,  remarquant  que 
l'odeur  de  sa  sainteté  attirait  plusieurs  personnes  à  Jésus- 
Christ,  la  dénoncèrent  à  l'empereur  Antonin.  L'empereur 
ordonna  à  Publius,  préfet  de  Rome,  d'apaiser  par  des  vic- 
times les  dieux  offensés,  et  de  contraindre,  par  tous  les 
moyens.  Félicité  et  ses  enfants  à  leur  rendre  le  culte  qui 
leur  était  dû.  Publius  n'y  réussit  ni  par  flatteries,  ni  par 
promesses,  ni  par  menaces,  Félicité  exhortant  ses  enfants 
au  martyre  :  Regardez,  leur  disait-elle,  ce  ciel  si  beau  et 
si  élevé  ;  c'est  là  que  Jésus-Christ  vous  attend  pour  vous 
couronner.  Ses  enfants  furent  ensuite  pressés  séparément, 
mais  ils  persévérèrent  tous  et  périrent  dans  des  tourments 
de  différents  genres,  en  l'an  160,  suivant  les  Actes;  152, 
suivant  M.  de  Rossi  ;  202,  suivant  M.  Aube.  Leur  mère 
fut  décapitée  trois  mois  après.  —  Les  Actes  de  ces  martyrs 
présentent  une  ressemblance  caractéristique  avec  le  récit  du 
livre  des  Macchabées  ;  d'autre  part,  ils  montrent  Antonin 
le  Pieux  comme  ayant  personnellement  ordonné  le  supplice 
de  Félicité  et  de  ses  enfants,  tandis  que  l'histoire  atteste, 
non  seulement  qu'aucune  persécution  ne  fut  édictée  sous 
son  règne,  mais  même  que  cet  empereur  protégeait  les 
chrétiens.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Norkgote,  Allàrd,  Rome  souterraine  ;  Paris, 
1877,  in-8.  —  Aube,  Histoire  des  persécutions  de  l'Eglise; 
Paris,  1876-1885,  4  vol.  in-8. 

FÉLIN  (Didier  et  Jehan  de)  (V.  Defélin). 
FÉLINE  (La).  Com,  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  Gannat, 
cant%  de  Saint-Pourçain  ;  621  hab. 

FÉLINE  (Le  Père),  missionnaire  de  Bayeux  de  la  fin  du 
xvme  siècle.  Il  est  l'auteur  d'un  petit  livre  très  curieux  : 
le  Catéchisme  des  gens  mariés  (s.  1.  n.  d.,  in- 12, 
53  p.;  Caen,  4782).  Parmi  d'excellents  conseils  moraux 
se  trouvent  les  détails  les  plus  naïvement  obscènes.  L'au- 
torité ecclésiastique  le  censura  et  en  fit  supprimer  tous  les 
exemplaires  qu'on  put  trouver  chez  l'imprimeur.  De  là  la 
rareté  et  le  prix  des  exemplaires  de  l'édition  originale,  fort 
recherchés  des  bibliophiles.  A.  Gasté. 


FÉLINE  (Edmond-Jules),  ditRoMANY,  ingénieur  fran- 
çais, né  à  Paris  le  31  mars  1806,  mort  le  46  mai  1878. 
Il  était  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées  et  a 
contribué  pour  une  grande  part  aux  travaux  des  ponts  de 
Paris  pendant  le  second  Empire.  On  a  de  lui,  dans  les 
Annales  des  ponts  et  chaussées  :  Notice  historique  sur 
le  pont  métallique  Saint-Louis,  à,  Paris  (1863);  No- 
tice historique  sur  les  ponts  de  Paris  (1864);  Cons- 
truction d'une  arche  d'essai  (1866);  Notice  sur  la  vie 
et  les  travaux  de  Michal  (1875).  M.-C.  L. 

FÉLINES.  Corn,  du  dép.  de  l'Ardèche, arr.  de  Tournon, 
cant.  de  Semer  es;  740  hab. 

FÉLI N  ES.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcassonne, 
cant.  de  Monthoumet;  219  hab. 

FÉLINES.  Com.  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Die, 
cant.  de  Bourdeaux;  236  hab. 

FÉLINES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  de 
Brioude,  cant.  de  La  Chaise-Dieu;  1,007  hab. 

FÉLINES-d'Hautpoul.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr. 
de  Pons,  cant.  d'Olonzac  ;  716  hab. 

FELINSKA  (Eve),  écrivain  polonais,  née  en  Lithuanie 
en  1793,  morte  en  Volynie  en  1859.  Elle  fut  déportée 
pendant  quelques  années  en  Sibérie.  Son  principal  ouvrage 
est  intitulé  Souvenirs  d'un  voyage  en  Sibérie  et  d'un 
séjour  a  Berezov  (Wilna,  1850;  2e  édit.,  1853).  Il  a 
été  traduit  en  anglais  par  Lach  Szyrma  et  en  français  par 
Mme  Olympe  Chodzko  dans  le  Tour  du  Monde  (1852).  On 
lui  doit  en  outre  des  romans  :  Hersylija  (Wilna,  1849)  ; 
Monsieur  le  Député  (ib.,  1582);  la  Tante  et  la  Nièce 
(4b.,  1853),  et  des  Souvenirs  fort  intéressants  (ib.,  18 56- 
4860).  —  Elle  fut  la  mère  de  Sigismond  Felinski,  né 
en  1824,  qui  devint  en  1862  archevêque  de  Varsovie  et 
fut  peu  de  temps  après  exilé  dans  l'intérieur  de  la  Russie 
pour  avoir  écrit  à  l'empereur  une  lettre  où  il  protestait 
contre  certaines  mesures  du  gouvernement  russe.      L.  L. 
Bibl.  :  Estreicher,  Bibliogr.  polonaise  du  xix9  siècle. 
FELINSKI  (Alois),  poète  polonais,  né  à  Osssov,  près 
de  Luck   (Volynie),  en  1771,  mort  à  Krzemieniec  le 
23  févr.  1820.  Il  fut  d'abord  avocat  à  Lublin.  Il  servit 
sous  Kosciuszko  et  remplit  auprès  de  lui  les  fonctions  de 
secrétaire  pour  la  langue  française.  Après  la  ruine  de  la 
Pologne  il  se  retira  à  la  campagne  et  se  consacra  entière- 
ment aux  lettres.  En  1819,  il  devint  directeur  du  gymnase 
de  Krzemieniec  où  il  enseigna  la  langue  polonaise.  Il  a 
beaucoup  traduit  ou  imité  des  poètes  français.  En  1817,  il 
fit  jouer  à  Varsovie  un  drame  en  vers,  Barbara  Bazdiwil- 
lowna,  qui  obtint  un  grand  succès  et  qui  a  été  plusieurs 
fois  réimprimé.  Ses  œuvres  ont  été  publiées  à  Varsovie  en 
1816-1821  età  Breslau  (1840,  2  vol.).  Sa  vie  a  été  écrite 
par  M.  Clément  Kantecki  dans  l'ouvrage  intitulé  Deux 
Professeurs  de  Krzemieniec  (Dwaj  Krzemienczanie  ; 
Lwow,  1879).  L-  L- 

FEL1P  (J.-R.-J.),  peintre  espagnol  (V.  Rivellis). 
FELIS,  FÉLIENS  (Zool.)  (V.  Chat). 
FÉLIX  (Antonius),  procurateur  de  la  Judée.  Il  succéda 
à  Cumanus  dans  ce  commandement  probablement  en  l'an  52 
de  notre  ère  et  l'occupa  jusqu'en  l'an  60.  Il  nous  est  connu 
par  les  Actes  des  Apôtres,  par  Josèphe,  Tacite  et  Suétone. 
Frère  du  célèbre  affranchi  Pallas,  on  mentionne  ses  trois 
mariages  avec  des  femmes  appartenant  à  des  familles 
princières.  Sous  le  rapport  politique,  il  y  a  lieu  de  noter  ses 
rapports  avec  la  jeune  Eglise  chrétienne,  particulièrement 
avec  saint  Paul,  lequel  aurait  été  déféré  devant  son  tri- 
bunal à  Césarée  ;  mais  Félix,  au  témoignage  des  Actes, 
après  avoir  commencé  l'instruction  de  cette  affaire  et  donné 
à  l'apôtre  prisonnier  quelques  marques  de  bienveillance, 
l'aurait  laissée  traîner  à  dessein  pour  éviter  des  complica- 
tions avec  les  Juifs  ;  il  en  résulta  que  saint  Paul  était 
encore  en  prison  quand  Félix  fut  remplacé  lui-même  dans 
sa  charge  par  Festus.  Comme  administrateur,  Félix  semble 
responsable,  en  une  grande  mesure,  de  la  tournure  de  plus 
en  plus  grave  que  prirent  les  affaires  juives  et  qui  devait 


-  135  - 


FÉLIX 


aboutir  à  une  révolte  ouverte.  Le  mécontentement  général, 
causé  par  des  mesures  blessantes,  se  traduit  par  des 
émeutes;  les  répressions,  à  la  fois  maladroites  et  cruelles, 
auxquelles  le  procurateur  a  recours  pour  y  mettre  un 
terme,  provoquent  une  agitation  permanente;  le  gouverne- 
ment romain  se  trouve  avoir  affaire  dans  les  zélotes  et  les 
sicaires  à  des  adversaires  résolus,  prêts  à  affronter  le  mar- 
tyre plutôt  qu'à  faire  le  sacrifice  de  leur  foi  et  des  pratiques 
traditionnelles.  Félix,  accusé  à  Rome  par  les  Juifs,  fut 
renvoyé  indemne.  M.  Vernes. 

Bibl.  :  E.  Schûrer,  Geschichte  des  jùdischen  Volkes  im 
Zeitalter  J.  C,  1890,  2«  édit.,  1"  part.,  pp.  478-481. 

FÉLIX,  proconsul  de  Judée,  sous  l'empereur  Décius 
(249-251  ap.  J.-C.).  Pour  gagner  les  faveurs  de  son 
maître,  il  se  signala  par  de  sanglantes  persécutions  contre 
les  chrétiens  et  fit  même  périr  son  beau-fils  Polyeucte, 
victime  de  sa  foi.  Nous  retrouvons  le  personnage  de  Félix 
dans, la  tragédie  de  Corneille  {Polyeucte).  G.  G. 

FÉLIX,  grammairien  du  vie  siècle  ap.  J.-C,  dont  le  nom 
se  trouve  sur  certains  manuscrits  (Horace),  accompagné  de 
ce  titre  orator  urbis  Bomœ;  il  est  donné  comme  ayant 
aidé  pour  la  collation  du  texte,  son  disciple  Mavortius,  qui 
fut  consul  en  527  (V.  Mavortius). 

FÉLIX  1er  (Saint),  27e  pape.  La  date  de  son  élection  est 
généralement  rapportée  au  28  ou  au  29  déc.  269,  celle  de 
sa  mort  au  22  déc.  274  ;  mais,  des  indications  du  catalogue 
Libérien  (354)  il  semble  bien  résulter  qu'il  fut  élu  le 
5  janv.  269  et  qu'il  mourut  le  30  déc.  274.  Le  calendrier 
romain  inscrit  sa  fête  au  30  mai  et  lui  donne  le  titre  de 
martyr.  Quoique  ce  titre  soit  mentionné  dans  les  actes  du 
concile  d'Ephèse  (431),  chez  Cyrille  d'Alexandrie,  chez 
Vincent  de  Lerins  et  dans  le  catalogue  Félicien  (530),  il 
est  très  sérieusement  contesté,  parce  qu'il  n'y  eut  aucune 
persécution  à  Rome,  en  l'année  où  Félix  mourut,  et  que, 
dans  une  liste  d'évêques  et  de  martyrs  remontant  aux  envi- 
rons de  310,  sa  mort  est  placée  parmi  celle  des  évêques 
(Depositiùnes  episcoporum),ï\on  des  martyrs.  On  suppose 
qu'il  a  été  confondu  avec  Félix  II  ou  un  autre  Félix,  martyr 
africain.  —  D'après  le  Liber  pontificalis,  ce  serait  Félix  Ier 
qui  aurait  établi  l'usage  de  célébrer  les  saints  mystères  sur 
les  tombeaux  des  martyrs.  —  Après  avoir  déposé  Paul  de 
Samosate  (V.  ce  nom)  et  l'avoir  remplacé  par  Domnus,  le 
concile  d'Antioche  fit  part  de  ces  mesures  à  tous  les  évêques 
catholiques.  A  cette  occasion,  Félix  adressa  au  clergé  d'An- 
tioche une  lettre  dont  des  extraits  ont  été  reproduits  dans 
Y  Apologétique  de  Cyrille  d'Alexandrie  et  dans  les  actes  du 
concile  d'Ephèse.  Paul  refusant  de  céder  la  place  à  Domnus, 
le  cas  fut  soumis  à  l'empereur  Aurélien,  qui  se  trouvait 
alors  à  Antioche,  après  sa  victoire  sur  Zénobie.  Cet  empe- 
reur décida  que  le  siège  d'Antioche  appartiendrait  à  celui 
qui  serait  reconnu  par  les  évêques  d'Italie  et  de  Rome.  Ils 
se  prononcèrent  contre  Paul.  —  Les  trois  décrétales  attri- 
buées à  ce  pape  sont  fausses.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Lïpsius,  Chronologie  der  rômischen  Bischôfe  ; 
Kiel,  1869.  —  Northcote,  Allard,  Rome  souterraine  ; 
Paris,  1877.  —  J.  Bryce,  art.  Félix  Ior,  dans  le  Dictionary 
of  Christian  biography  de  W.  Smith  et  de  H.  Wace  : 
Londres,  1877-1887,  4  vol.  in-8. 

FÉLIX  II.  Sur  la  liste  officielle  reproduite  chaque  année 
dans  la  Gerarchia  cattolica,  Félix  II  est  inscrit  comme 
trente-huitième  pape,  né  à  Rome,  élu  en  363,  mort  en  365, 
après  un  pontificat  de  un  an,  trois  mois  et  deux  jours.  Sur 
le  Calendrier  romain,  il  est  mis  au  rang  des  martyrs  :  fête 
le  29  juil.  Au  contraire,  suivant  bon  nombre  d'auteurs  très 
orthodoxes  et  très  vénérés,  parmi  lesquels  saint  Athanase, 
saint  Hilaire,Rufin,  saint  Augustin,  saint  Optatus,Eutychius, 
Sozomen  et  Théodoret,  Félix  n'aurait  été  ni  martyr,  ni  saint, 
ni  pape,  mais  antipape  suspect  d'arianisme  ou  au  moins 
complice  des  ariens.  De  là,  une  controverse  qui  agite  des 
questions  fort  désagréables  pour  les  adversaires  obstinés  de 
l'infaillibilité  des  papes  et  fort  difficiles  pour  l'historien  qui 
veut  discerner  la  vérité  parmi  des  documents  contradictoires. 
La  difficulté  provient  de  ce  que  le  pontificat  de  Félix  est 
intercalé  dans  le  pontificat  de  Libère,  qui  fut  élu  le  22  mai 


352  et  mourut  le  24  sept.  366.  —  Dans  les  lignes  affectées 
au  pontificat  de  Libère,  le  Liber  pontificalis  rapporte  que, 
après  l'exil  de  ce  pape  et  sur  son  conseil,  le  clergé  de  Rome 
élut  pour  le  remplacer  Félix,  prêtre  vénérable.  Dans  un  con- 
cile composé  de  dix-huit  évêques,  Félix  excommunia  les  ariens 
Ursace  etValens  (V.  Arianisme,  t.  III,  p.  892,  col.  2).  Ceux- 
ci  sollicitèrent  alors  et  obtinrent  de  l'empereur  le  rappel  de 
Libère,  à  certaines  conditions  favorables  àl'arianisme.  Libère 
accepta  ces  conditions  (V.  Arianisme,  t.  III,  p.  893,  col.  1), 
revint  d'abord  s'établir  dans  le  cimetière  de  Saint-Agnès  et 
finalement  rentra  dans  Rome,  où  il  tint  un  concile  d'évêcjues 
hérétiques  qui  expulsa  Félix.  Il  s'ensuivit  une  persécution  ; 
plusieurs  membres  du  clergé  orthodoxe  furent  martyrisés 
clans  leurs  églises.  Félix  se  retira  dans  une  ferme  qui  lui 
appartenait  et  y  mourut  en  paix  le  29  juil.  Au  nom  de  Félix, 
le  même  Liber  pontificalis  le  présente  pareillement  comme 
un  pape  légitime  et  zélé  pour  l'orthodoxie  ;  mais  cette 
deuxième  notice  contient  des  détails  qui  contredisent  la  pre- 
mière et  que  dément  l'histoire  de  l'Eglise.  Félix  aurait  été 
évêque  de  Rome  seulement  pendant  un  an  et  deux  mois.  II 
aurait  dénoncé  Constantin  comme  hérétique  et  comme  ayant 
été  baptisé  une  seconde  fois  par  Eusèbe  de  Nicomédie.  En 
conséquence,  il  aurait  été  condamné  à  mort  par  l'empereur 
et  décapité  secrètement  avec  d'autres  fidèles.  Le  Liber  pon- 
tificalis confond  ici  Constantin  avec  Constance  et  commet 
une  erreur  grossière  sur  l'époque  de  la  mort  de  Constantin 
et  de  celle  de  Eusèbe  de  Nicomédie.  Il  convient  de  remar- 
quer, en  outre,  qu'après  avoir  laissé  Félix  mourir  paisible- 
ment dans  sa  ferme,  le  Liber  pontificalis  le  fait  décapiter 
par  ordre  de  l'empereur.  —  A  part  quelques  différences 
dans  les  dates,  les  Actes  de  saint  Félix  s'accordent  avec  le 
Liber  pontificalis.  D'après  les  Actes  de  saint  Eusèbe,  ins- 
crit aussi  sur  le  Martyrologe  romain  (44  août),  ce  saint 
confesseur,  qui  était  prêtre  à  Rome,  prêchait  contre  Libère 
et  contre  Constance,  qu'il  accusait  d'arianisme.  Le  parti 
orthodoxe,  que  soutenait  Félix,  ayant  été  chassé  des  églises, 
Eusèbe  continua  à  célébrer  le  service  divin  dans  sa  propre 
maison.  Amené  devantle  pape  et  devant Fempereur,  il  leur 
reprocha  courageusement  leur  hérésie.  L'empereur  le  fit 
enfermer  dans  une  étroite  prison,  où  il  mourut  de  langueur 
sept  mois  après.  —  Les  Bollandistes  (Acta  sanctorum) 
défendent  longuement  l'orthodoxie  et  la  sainteté  de  Félix 
et  d' Eusèbe  ;  ce  qui  implique  la  chute  do  Libère. 

Dans  une  pétition  (Libellus  precum)  adressée  aux  em- 
pereurs Valentinien  et  Théoclose,  Marcellin  et  Faustin(V.  ce 
nom),  prêtres  romains,  rapportent  que,  aussitôt  après  l'exil 
de  Libère,  l'archidiacre  Félix  jura  devant  le  peuple,  avec 
tout  le  clergé  de  Rome,  qu'il  n'accepterait  aucun  autre 
évêque  avant  la  mort  de  Libère.  Néanmoins  le  clergé  finit 
par  élire  Félix  ;  mais  le  peuple  protesta  en  s'abstenant  de 
prendre  part  à  l'élection.  Lors  de  la  consécration  de  Félix, 
à  laquelle  trois  évêques  hérétiques  procédèrent  dans  le  pa- 
lais impérial,  le  peuple  ne  fut  représenté  que  par  trois 
eunuques  de  l'empereur.  Trois  ans  après,  Libère,  qui  s'était 
soumis  aux  conditions  imposées  par  Constance,  rentra  à 
Rome;  le  peuple  l'accueillit  avec  joie.  Félix  fut  chassé  de 
la  ville  ;  il  y  revint  quelque  temps  après,  rappelé  par  le 
clergé  qui  l'avait  élu,  et  s'établit  dans  une  basilique  au  delà 
du  Tibre  ;  mais  la  multitude  des  fidèles  l'en  expulsa  igno- 
minieusement. Il  mourut  le  22  nov.  Les  histoires  de  Sozo- 
men et  de  Théodoret  concordent  avec  l'ensemble  de  ce 
témoignage  contemporain,  auquel  elles  ajoutent  divers  dé- 
tails. Cependant,  à  la  mort  de  Libère,  comme  Damase  dut 
son  élection  aux  partisans  de  Félix,  il  semble  bien  que 
ceux-ci  étaient  plus  nombreux  que  ne  prétendent  leurs  ad- 
versaires. Un  est  pas  invraisemblable  de  supposer,  comme 
le  fait  Lipsius,  que  la  soumission  de  Libère  à  l'arianisme 
avait  diminué  son  parti  et  que  Félix  périt  dans  un  con- 
flit entre  les  deux  factions  rivales,  mort  qui  aurait  été 
considérée  comme  un  martyre  par  ses  adhérents. —  Lorsque 
Grégoire  XIII  fit  reviser  le  martyrologe  romain  (1582), 
Baronius  proposa  d'en  exclure  Félix  et  il  composa  un  traité 
exposant  amplement  les  motifs  de  cette  exclusion.  Le  car- 


FÉLIX 


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dinal  Sanctorius  prit  la  défense  de  Félix.  Pendant  ce  débat, 
on  découvrit  fort  à  propos,  sous  un  autel  de  l'église  Saint- 
Cosme  et  Saint-Damien,  un  cercueil  portant  cette  inscrip- 
tion :  Corpus  sancti  Felicis,  papœ  et  martyris,  qui 
damnavit  Constantium.  Convaincu  par  cette  exhibition, 
Baronius  se  rétracta.  Félix  garda  sa  place  dans  le  marty- 
rologe ;  mais  le  titre  de  pape  lui  fut  retiré  plus  tard  dans 
la  prière  du  bréviaire  romain.  Pour  justifier  l'inscription  de 
Félix  sur  la  liste  officielle  des  papes  et  la  concilier  avec  la 
durée  généralement  assignée  au  pontificat  de  Libère,  Bel- 
larmin  (De  Romanis  pontificibus)  suppose  que,  après  l'exil 
de  Libère,  Félix  fut  légitimement  élu  et  que,  après  la  mort 
de  Félix,  Libère  fut  rétabli  par  une  nouvelle  élection.  Il  est 
impossible  de  trouver  dans  l'histoire  la  moindre  trace  de 
cette  seconde  élection.  —  Deux  fausses  décrétâtes  ont  été 
attribuées  à  ce  pape  ou  antipape.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Dôllinger,  Papstfabeln  ;  Munich,  1863.  — Lip- 
sius,  Chronologie  der  rômischen  Bischôfe  ;  Kiel,  1869.  — 
Hefele,  Conciliengeschichte  ;  Fribourg,  1873.  —  Duchesne, 
Etudes  sur  le  Liber  pontificalis  ;  Paris,  1877.  —  J.  Barmby, 
art.  FélixII,  dans  le  Dictionary  of  Christian  Biography  de 
W.  Smith  et  H.  Wace  ;  Londres,  1877-1887,  4  vol.  in-8. 

FÉLIX  III  (Saint)  ou  FÉLIX  11,  pour  les  historiens  qui 
classent  Félix  II  parmi  les  antipapes.  50e  pape,  élu  le 
2  mars  483,  mort  le  24  févr.  492.  Fête  le  25  févr.  Il 
était  fils  d'un  prêtre  romain,  nommé  aussi  Félix.  Son  élec- 
tion est  remarquable,  à  cause  d'un  incident  qui  doit  être 
noté  en  l'histoire  de  la  papauté.  Prétendant  que  Simplicius, 
le  pape  défunt,  l'avait  conjuré,  avant  de  mourir,  de  ne 
point  permettre  que  l'élection  de  son  successeur  eût  lieu 
sans  son  consentement,  et  ce  afin  de  prévenir  des  troubles 
et  d'extirper  des  abus  préjudiciables  à  l'Eglise,  Odoacre, 
alors  maître  de  l'Italie,  fit  intervenir  dans  l'élection  le  pré- 
fet Basile,  et  obtint  de  l'assemblée  une  décision  interdisant 
au  pape  qui  serait  élu  et  aux  papes  futurs  d'aliéner  tes 
propriétés  de  l'Eglise,  et  prononçant  l'anathème  contre  les 
aliénateurs  et  les  acquéreurs  de  ces  propriétés. 

Le  premier  schisme  qui  rompit  la  communion  entre  le 
siège  de  Rome  et  les  patriarchats  de  l'Orient  commença 
sous  ce  pontificat.  Il  dura  trente-cinq  ans  et  fut  déterminé, 
en  partie,  par  tes  dissensions  théologicpies  excitées  par  la 
question  des  deux  natures,  en  partie  et  peut-être  sur- 
tout, par  les  prétentions  de  Félix  à  une  juridiction  souve- 
raine sur  toutes  les  églises.  Après  la  mort  de  Timothée  So- 
lofacialus,  patriarche  orthodoxe  d'Alexandrie,  l'empereur 
Zenon  et  Acace,  patriarche  de  Constantinople,  consentirent 
à  reconnaître  la  réélection  de  Pierre  Mongus,  patriarche 
monophysite,  précédemment  déposé,  mais  qui  s'était  rallié 
à  VHénoticon  de  Zenon  (V.  ce  mot),  formule  de  foi  con- 
ciliatrice, édictée  par  cet  empereur,  pour  mettre  fin  aux 
divisions  produites  par  les  définitions  dogmatiques  du  con- 
cile œcuménique  de  Chalcédoine  (V.  ce  mot).  Jean  Ta- 
laias,  élu  par  le  parti  orthodoxe,  pour  remplacer  Timothée, 
fut  expulsé  et  se  retira  à  Rome  ;  il  y  obtint  la  protection 
de  Simplicius,  alors  pape,  qui  écrivit  en  sa  faveur  des  lettres 
pressantes  à  Zenon  et  à  Acace.  Dans  un  concile  tenu  à  Rome, 
Félix,  continuant  ce  que  son  prédécesseur  avait  commencé, 
excommunia  P.  Mongus  et  condamna  VHénoticon.  En  adres- 
sant ces  décisions  à  Constantinople,  Félix  y  joignit  deux 
messages  :  par  l'un,  il  sommait  Acace  de  comparaître  de- 
vant un  synode  qui  se  tiendrait  à  Rome  et  d'y  répondre 
tant  à  l'accusation  d'avoir  dédaigné  les  injonctions  de  Sim- 
plicius, qu'aux  griefs  allégués  contre  lui  par  J.  Talaias. 
Dans  l'autre,  il  se  plaignait  à  Zenon  de  l'usurpation  de 
P.  Mongus,  réclamait  réparation  et  accusait  Acace.  En  même 
temps  il  encourageait  tes  intrigues  et  les  accusations  des 
moines  de  Constantinople  contre  leur  patriarche.  L'empe- 
reur et  le  patriarche  répondirent  que  J.  Talaias  avait  été 
justement  déposé  pour  parjure,  puisqu'il  avait  accepté  le 
siège  d'Alexandrie,  après  avoir  juré  de  le  refuser.  Quant 
à  P.  Mongus,  il  avait  prouvé  son  orthodoxie  en  signant  les 
articles  de  Nicée,  lesquels  étaient  le  fondement  des  déci- 
sions du  concile  de  Chalcédoine;  d'ailleurs,  il  acceptait 
même  les  canons  de   ce    dernier  concile.  Déjà  Acace, 


d'accord  avec  Zenon,  avait  rétabli  secrètement  le  nom  de 
P.  Mongus  sur  les  diptyques  de  l'Eglise  de  Constantinople. 
Désormais  ce  nom  fut  lu  publiquement  au  service  divin. 

Félix  convoqua  à  Rome  un  concile  auquel  assistèrent 
soixante-six  évêques  italiens.  Ce  concile  renouvela  l'excom- 
munication de  P.  Mongus  et  prononça  contre  Acace  lui- 
même  une  sentence  irrévocable  de  déposition  et  d'excom- 
munication. Parmi  les  faits  relevés  comme  motivant  cette 
condamnation  se  trouvent  des  actes  que  Acace  avait  accom- 
plis très  légitimement,  en  vertu  de  la  suprématie  que  te 
concile  de  Chalcédoine  avait  attribuée  au  siège  de  Cons- 
tantinople sur  les  églises  d'Orient,  et  tout  spécialement  les 
diocèses  de  Pont,  d'Asie  et  de  Thrace.  Mais  les  évêques  de 
Rome,  tout  en  se  prévalant,  contre  leurs  adversaires,  des 
canons  dogmatiques  de  ce  concile,  en  réprouvaient  les  ca- 
nons disciplinaires  qui  leur  portaient  ombrage.  Au  fond, 
te  grief  principal  était  te  dédain  avec  lequel  Acace  avait 
accueilli  la  citation  qui  lui  avait  été  adressée  de  comparaître 
à  Rome,  pour  y  répondre  aux  accusations  portées  contre 
lui.  Le  concile  de  Nicée,  souvent  invoqué  par  les  papes  pour 
justifier  leurs  prétentions,  ne  leur  a  reconnu  aucune  juri- 
diction de  ce  genre.  Ici  et  dans  leur  conflit  avec  les  églises 
d'Afrique,  ils  ont  confondu  le  concile  œcuménique  de  Nicée 
avec  te  concile  de  Sardique,  que  les  Orientaux  n'ont  jamais 
reconnu.  Et  même,  quelque  favorables  que  les  dispositions 
de  ce  dernier  concile  paraissent  pour  le  siège  de  Rome, 
elles  ne  concernent  que  la  procédure  d'appel  et  n'impliquent 
nullement  un  droit  de  citation  directe.  —  La  sentence 
parvint  à  Acace,  au  moment  où  il  s'apprêtait  à  officier  dans 
l'église  :  il  célébra  le  service  sans  s'émouvoir.  Quand  il 
eut  fini,  il  ordonna,  d'une  voix  calme  et  claire,  d'effacer 
des  diptyques  de  l'Eglise  le  nom  de  Félix,  évéque  de 
Rome  (1er  août  484).  L'empereur  et  la  grande  majorité 
des  évêques  d'Orient  prirent  parti  pour  Acace.  Dès  lors 
et  pendant  trente-cinq  ans,  les  patriarchats  d'Alexandrie, 
d'Antioche,  de  Jérusalem,  comme  celui  de  Constantinople 
rompirent  toute  communion  avec  l'église  de  Rome.  Félix 
s'efforça  de  soulever  les  moines  de  Constantinople  et  deBi- 
thynie  contre  Acace  ;  mais  celui-ci  resta  paisiblement  en 
possession  de  son  siège  jusqu'à  sa  mort  (489).  Les  dispo- 
sitions conciliantes  de  ses  successeurs  furent  rendues  inu- 
tiles par  tes  exigences  de  Félix.  Ils  offrirent  de  rayer  des 
diptyques  te  nom  de  P.  Mongus,  mais  Félix  persistant  à 
réclamer  aussi  la  radiation  d'Acace,  le  schisme  continua.  — 
Il  reste  de  ce  pape  seize  lettres.  Gratien  lui  attribue  un  dé- 
cret relatif  aux  causes  ecclésiastiques.    E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Thiel,  Epistolœ  Romanorum  pontificum; 
Braunsberg,  1869.  —  Hefele,  Conciliengeschichte  ;  Fri- 
bourg, 1873.  —  J.  Barmby,  art.  Félix  III,  dans  le  Dictio- 
nary of  Christian  Biography  de  W.  Smith  et  H.  Wace; 
Londres,  1877-1887,  4  vol.  in-8. 

FÉLIX  IV  (Saint)  ou  FÉLIX  III,  56e  pape,  nommé  le 
24  juil.  526,  mort  en  oct.  530.  Jean  Ier  étant  mort  à  Ra- 
venne,  emprisonné  par  Théodoric,  roi  des  Ostrogoths,  ce 
prince,  sans  attendre  l'élection  qui  devait  être  faite  par  le 
clergé  et  par  te  peuple,  désigna  Félix  pour  lui  succéder. 
Après  quelque  résistance,  tes  Romains  se  soumirent  à  cette 
nomination.  Le  Liber  pontificalis  rapporte  que  ce  pape 
fit  construire  la  basilique  de  Saint-Gosme  et  de  Saint-Da- 
mien et  restaurer  celle  de  Saint-Saturnin,  endommagée  par 
un  incendie.  Des  trois  lettres  qui  lui  sont  attribuées,  une 
seule  est  authentique,  celle  qui  est  adressée  à  Césaire 
d'Arles  ;  elle  prescrit  un  examen  des  candidats  au  ministère, 
avant  leur  ordination.  —  Le  Catalogue  Félicien,  si  sou- 
vent mentionné  en  l'histoire  de  la  papauté,  est  ainsi  nommé 
parce  qu'il  se  termine  avec  la  vie  de  Félix  IV.     E.-H.  V. 

FÉLIX  V,  antipape  (V.  Savoie  [Amédée  VIII,  premier 
duc  de]). 

FÉLIX,  évéque  d'Urgel  (V.  Adoptianisme,  1. 1,  p.  901, 
col.  4). 

FÉLIX,  évéque  d'Aptunga  (V.  Donatisme). 

FÉLIX  (Pierre-Félix-Alexandre-Ursule  Cellerier,  dit), 
acteur  français,  né  à  Alexandrie  (Piémont)  le  18  sept.  4807, 
mort  à  Paris  le  14  oct.  4870.  Il  avait  déjà  sans  doute 


commencé  sa  carrière  en  province  lorsqu'il  vint  débuter 
au  Vaudeville,  le  1er  juil.  1828,  dans  Léonide  ou  la  Vieille 
de  Suresnes;  en  4829,  on  le  retrouve  à  Bordeaux,  qu'il 
quitte  en  1 833  pour  aller  à  Rouen  où  il  reste  jusqu'en  1 840  ; 
il  revient  débuter,  le  13  juil.,  au  Vaudeville, cette  fois  d'une 
façon  plus  favorable,  car  il  y  reste  jusqu'à  sa  mort.  Dans 
l'emploi  des  jeunes  premiers,  puis  dans  celui  des  premiers 
rôles,  Félix  fut  pendant  trente  ans  l'un  des  acteurs  lès 
plus  populaires  de  Paris,  de  ceux  qui  exerçaient  sur  le 
public  Faction  la  plus  décisive.  Pendant  sa  longue  carrière, 
il  créa  un  grand  nombre  de  rôles,  dans  lesquels  il  montra 
de  la  verve,  de  l'aplomb,  du  mordant  et  une  certaine  am- 
pleur. Marie  et  les  Mémoires  du  diable  avaient  établi 
sa  réputation;  elle  ne  fit  que  se  consolider  dans  Roger 
Bontemps,  le  Cabaret  de  la  Pomme  de  pin,  la  Joie  de 
la  maison,  les  Vivacités  du  capitaine  Tic,  le  Troisième 
Mari,  Aux  crochets  d'un  gendre,  les  Parisiens,  les 
Filles  de  marbre,  les  Faux  Bonshommes,  les  Petites 
Mains,  les  Brebis  de  Panurge,  la  Clef  de  Metella,  le 
Mariage   d'Olympe,  la  Famille  Benoîton,  etc.  Félix 
était  un  comédien  de  plus  de  naturel  que  d'étude,  et  qui 
ne  laissait  pas  que  de  tomber  parfois  dans  la  monotonie  ; 
mais  son  aplomb  sauvait  tout,  et  même  à  la  fin  de  sa  vie 
son  autorité  sur  le  public  n'était  guère  amoindrie.  —  La 
femme  de  cet  artiste,  Flore-Léontine  Mélotte,  née  à  Paris 
le  27  mars  1815,  mourut  à  Paris  le  18  juin  1860.  Elle 
avait  épousé  son  mari  à  Rouen,  en  1836,  lorsque  tous 
deux  faisaient  partie  de  la  troupe  du  théâtre  des  Arts. 
Elle  fut  engagée  à  l' Opéra-Comique  lorsque  lui-même  fut 
engagé  au  Vaudeville,  et,  après  avoir  tenu  à  ce  théâtre 
l'emploi  des  dugazons,  elle  se  confina  dans  celui  des 
duègues.  Elle  se  faisait  appeler  alors  Mme  Félix -Mélotte. 
FÉLIX  (Le  P.  Célestin-Joseph),  célèbre  prédicateur  fran- 
çais, né  à  Neuville-sur-1'Escaut  le  28  juin  1810,  mort  à 
Lille  le  4  juil.  1891.  Professeur  de  rhétorique  au  sémi- 
naire de  Cambrai,  ii  entra  dans  la  Compagnie  de  Jésus  en 
1837.  Il  professa  quelque  temps  la  rhétorique  au  collège  de 
Rrugelette,  au  juvénat  de  Saint-Acheul,  au  collège  de  la 
Providence  à  Amiens  et,  en  1851,  vint  prêcher  à  Paris. 
Ses  débuts  à  Saint-Thomas-d'Aquin  et  à  Saint-Germain- 
des-Prés  furent  éclatants.  En  1853,  il  obtint  la  chaire  de 
Notre-Dame,  où  il  fit  des  conférences  extrêmement  suivies 
pendant  près  de  dix  ans.  Supérieur  de  la  maison  des  jésuites 
à  Nancy,  il  occupa  les  mêmes  fonctions  à  Paris  en  1 871 , 
puis  résida  à  Lille,  où  il  est  mort.  Les  conférences  du 
P.*  Félix  ont  été  imprimées  ;  nous  citerons  :  Progrès  par 
le  christianisme  (Paris,  1856-1871,  16  vol.  in-8)  ;  le 
Socialisme  devant  la  société  (1878,  in-8);  Christianisme 
et  socialisme  (1879,  in-8).  Quelques  sermons  ont  été  im- 
primés à  part:  la  Voix  de  la  cloche  (1869,  in— 18)  ;  la 
Parole  et  le  livre  (1867,  in-18)  ;  la  France  devant  le 
Sacré-Cœur  (1873,  in-8)  ;  les  Campagnes  (1864,  in-12)  ; 
VObservation  du  repos  du  dimanche  (1856,  in-18)  ;  le 
Travail,  loi  de  la  vie  et  de  V éducation  (1856,  in-18)  ; 
Devoirs  des  catholiques  envers  VEglise  (1872,  in-8)  ; 
la  Paternité  pontificale  devant  V ordre  social  (1875, 
in-8);  la  Destinée  (1887,  in-12);  l'Eternité  (1888, 
in-12)  ;  les  Passions  (1890,  in-12)  ;  le  Châtiment  (1890, 
in-12).  En  dehors  des  sermons  et  des  conférences,  on  peut 
encore  mentionner  quelques  œuvres  de  polémique  ou  de 
circonstance  :  V Athéisme  à  la  porte  de  V Académie  (1  863, 
in-8)  ;  Discours  au  congrès  de  Matines  (1864,  in-8)  ; 
les  Églises  non  catholiques  devant  le  progrès  (1869, 
in-12)  ;  le  Prince  Adam  Czartoryski  (1862,  in-12)  ;  les 
Quatre  Types  de  l'autorité  (1853,  in-12);  Quelques  Mots 
sur  le  livre  de  la  Vie  de  Jésus  (1863,  in-8)  ;  Renan  et 
sa  Vie  de  Jésus  (1863,  in-8)  ;  la  Guerre  aux  jésuites 
(1878,  in-18);  Qu'est-ce  que  la  Révolution?  (1879, 
in-18);  l'Article  7  devant  la  raison  et  le  bon  sens 
(1880,  in-8);  le  Charlatanisme  social  (1884,  in-8); 
Notre-Dame-du-Cénacle  (1886,   in-8)  ;  Paternité  et 
maternité  dans  l'éducation  (1887,  in-12),  etc. 
FÉLIX  (Sophie,  dite  Sarah),  actrice  française,  née  le 


—  137  —  FELIX 

2  févr.  1819,  morte  à  Paris  le  12  janv.  1877.  Elle  était 
l'aînée  de  cette  famille  Félix,  qui,  outre  la  grande  tragé- 
dienne Rachel,  a  donné  au  théâtre  plusieurs  artistes 
distingués.  Toutefois  elle  était  peut-être,  sous  ce  rapport, 
la  moins  bien  douée  d'entre  tous,  et  elle  ne  dut  sans  doute 
un  semblant  de  situation  et  de  réputation  qu'à  l'appui  et  à 
la  renommée  de  son  illustre  sœur.  Elle  commença  sa  car- 
rière sur  les  théâtres  des  boulevards,  en  se  montrant  dans 
quelques  drames  populaires.  De  là  elle  fut  engagée  à  l'Odéon, 
où  elle  s'attacha  à  l'étude  du  répertoire  classique,  recevant 
à  cette  époque  des  leçons  et  des  conseils  de  Mme  Desmous- 
seaux.  Son  ambition  était  d'arriver  à  la  Comédie-Française. 
Elle  y  parvint,  grâce  à  l'influence  de  Rachel,  et  elle  fit  ses 
débuts  à  ce  théâtre  dans  Elmire  de  Tartufe,  dans  Mm®  de 
Clainville  de  la  Gageure  imprévue,  et  dans  une  pièce 
moderne,  les  Droits  de  l'homme,  de  Jules  de  Prémaray.  Elle 


à  renoncer  à  une  carrière  pour  laquelle  elle  n'était  pas  faite. 
Elle  quitta  donc  la  scène  pour  se  livrer  à  des  spéculations 
industrielles  et  inventa,  ou  tout  au  moins  répandit,  une 
«  Eau  des  Fées  »,  dite  aussi  «  Eau  Sarah  Félix  »,  qui  jouit 
d'une  certaine  vogue  et  qui,  disaient  les  prospectus,  était 
souveraine  pour  la  régénération  de  la  chevelure.       A.  P. 

FÉLIX  (Rachel)  (V.  Rachel). 

FÉLIX  (Lia),  actrice  française,  née  en  1830.  Elle  fut  la 
troisième  sœur  et  l'élève  de  la  grande  tragédienne  Rachel. 
Elle  s'était  à  peine  essayée,  en  dehors  du  grand  public, 
lorsque  le  hasard  la  fit  appeler  à  créer,  pour  son  véritable 
début,  le  rôle  féminin  important  de  l'unique  drame  écrit 
par  Lamartine,  Toussaint  Louverture,  qui  fut  joué  à  la 
Porte-Saint-Martin  le  6  avr.  1850.  L'ouvrage  n'eut  point 
de  succès,  mais  la  jeune  actrice  fut  remarquée,  et  aussitôt 
plusieurs  autres  créations  importantes  lui  furent  confiées  à 
ce  théâtre,  dans  Jenny  l'ouvrière,  Claudie,  la  Poissarde, 
Richard  III,  les  Noces  vénitiennes.  Sa  grâce  élégante, 
sa  beauté  pure,  sa  diction  nette  et  précise,  son  grand  sen- 
timent pathétique  la  mirent  hors  de  pair  et  la  firent  bientôt 
considérer  comme  l'une  des  meilleures  comédiennes  de 
Paris.  Lorsque  Rachel  entreprit  ce  voyage  en  Amérique 
qui  devait  lui  être  si  fatal  et  dont  elle  devait  revenir  mou- 
rante, elle  emmena  sa  sœur  Lia  pour  lui  servir  de  parte- 
naire, et  celle-ci  joua  avec  elle  Aricie  dans  Phèdre,  Junie 
dans  Britannicus,  Catarina  dans  Angelo  et  nombre 
d'autres  rôles  importants,  qui  développèrent  encore  son 
talent,  auquel  ne  furent  pas  non  plus  inutiles  les  conseils 
et  l'exemple  de  l'admirable  tragédienne.  De  retour  à  Paris, 
Mlle  Lia  Félix  fut  engagée  à  f  Ambigu  pour  y  créer  un 
drame  nouveau,  les  Orphelines  de  la  Charité,  puis  elle 
rentra  à  la  Porte-Saint-Martin,  où  elle  joua  Richard 
d'Arlington,  la  Closerie  des  genêts  et  la  Tireuse  de 
cartes.  Elle  passa  ensuite  plusieurs  années  à  la  Gaité, 
créa  à  ce  théâtre  André  Gérard,  la  Fille  du  paysan,  le 
Château  de  Pontalec,  la  Maison  du  baigneur,  le  Mous- 
quetaire du  roi,  le  Hussard  de  Bercheny,  puis,  l'état 
précaire  de  sa  santé  toujours  chancelante  sembla  l'obliger 
à  renoncer  pour  toujours  à  la  scène.  Son  silence  fut  long 
en  effet,  et  elle  ne  le  rompit  qu'au  bout  de  plusieurs  années 
pour  venir  faire  à  ce  théâtre  dans  un  drame  de  M.  Jules 
Rarbier,  Jeanne  d'Arc,  une  dernière  création  qui  fut 
pour  elle  un  éclatant  triomphe.  Elle  déploya  dans  ce  rôle 
un  talent  plein  tout  à  la  fois  de  fierté,  de  chasteté  et  de 
grandeur,  qui  mit  le  comble  à  sa  renommée  et  qui  lui 
valut  un  succès  immense.  Ce  fut,  malheureusement,  la 
dernière  fois  que  le  public  put  l'applaudir,  et  depuis  lors 
elle  n'a  plus  reparu  à  la  scène.  Arthur  Pougin. 

FÉLIX  (Eugène),  peintre  autrichien,  né  le  27  avril 
1836.  Il  fut  élève  de  Waldmùller,  étudia  ensuite  à  Paris, 
où  il  s'assimila  la  manière  de  Cogniet,  et,  après  une  série 
de  voyages,  vint  s'établir  en  1868  à  Vienne.  Il  a  abordé 
tous  les  genres  :  épisodes  religieux,  tableaux  de  la  vie 
intime  (le  Premier  Ami,  l'Atelier  du  peintre),  scènes 


FELIX  —  FELLER 


—  138  - 


mythologiques  (Pan  et  les  Bacchantes),  études  de  cheval, 
portraits  (Duc  Philippe  de  Wurttemberg) ,  témoignant, 
dans  ces  diverses  représentations,  d'une  conception  vigou- 
reuse et  saine,  alliée  à  la  délicatesse  des  formes  et  à  un 
coloris  remarquable. 

FÉLIX  (Dinah)  (V.  Dinah  Félix). 

FÉLIX  Alamin,  théologien  espagnol  de  la  fin  du  xvne  siècle 
et  de  la  première  moitié  du  xvme  siècle.  Il  appartenait  à 
l'ordre  des  capucins  et  a  écrit  de  nombreux  ouvrages.  On 
cite  de  lui  :  Espejo  de  la  verdadera  é  de  la  falsa  con- 
templation (Madrid,  1691,  in-4);  De  los  Enganos  de 
los  demonios  éde  los  vicios  (Madrid,  1693, 2  vol.  in-4; 
réimprimé  en  1694  et  1714,  in-fol.)  ;  El  Retrato  de  uno 
verdadero  sacerdote  é  el  manual  de  sus  obligaciones 
(Madrid,  1704,  in-fol.)  ;  De  la  Beatitud  natural  é  sobre- 
natural  del  hombre  (Madrid,  1723,  in-fol.)  ;  La  Puerta 
del  salud  é  espejo  de  la  verdadera  é  de  la  falsa  con- 
fession (Madrid,  1724,  in-fol.)  ;  Exortacionâ  la  exacta 
observation  del  decâlogo  (Madrid,  1714,  in-fol.);  El 
Tesoro  de  los  beneficios  escondos  en  simbolo  de  los 
Apostoles  (Madrid,  1727,  in-8);  Los  Judios  mahometa- 
nos  é  los  hereticos  combates  (ibid.),  E.  Cat. 

FÉLIX  de  Prato,  hébraïsant  italien,  né  à  Prato  (Toscane), 
mort  à  Rome  en  1557  ou  1539.  Fils  de  rabbin  et  rabbin 
lui-même,  il  se  convertit  au  christianisme  et  se  fit  augustin 
(avant  1506).  A  Venise,  il  initia,  vers  1515,  l'imprimeur 
I).  Bomberg  (V.  ce  nom)  à  la  connaissance  de  l'hébreu 
et  dirigea  l'édition  de  la  première  Biblia  rabbinica  Bom- 
bergiana  (Venise,  1517-18,  4  part,  in-fol.).  Félix 
séjourna  à  Rome  depuis  1518.  Il  avait  publié  une  traduc- 
tion de  psautier  qui  rendit  de  grands  services  à  cette  époque 
à  cause  de  son  littéralisme  :  Psalterium  ex  Hebrœo  dili- 
gentissime  ad  verbum  fere  translatum  (V enise,  1515, 
in-4;  réimprimé  à  Haguenau  en  1522,  in-4;  à  Râle, 
1514  ;  puis  dans  le  Psalterium  septuplex  à  Lyon,  1530, 
in-8,  et  à  Strasbourg,  en  1545,  in-8).  F.-H.  K. 

FELIX  Minutius  (V.Minutius  Félix). 

FELKA.  Village  de  Hongrie,  comitat  de  Zips.  Le  petit 
lac  de  Felka,  dans  le  haut  Tâtra,  est  à  1,667  m.  d'alt. 

FELL  (Thomas),  homme  politique  anglais,  né  àHawkes- 
well  en  1598,  mort  à  Swarthmore  le  8  oct.  1658.  Inscrit 
au  barreau  de  Londres  en  1631,  il  remplit  diverses  fonc- 
tions dans  le  Lancashire  et  fut  élu  au  Parlement  par  Lan- 
castre  en  1645.  En  1648,  le  Protecteur  le  nomma  commis- 
saire de  la  sûreté  du  Lancashire;  en  1649,  vice-chancelier 
de  ce  comté.  A  partir  de  1650,  il  fit  la  tournée  d'assises 
dans  le  Chester  et  le  North-Wales,  et  il  fit  partie  de  plusieurs 
commissions  judiciaires.  Désapprouvant  vers  la  fin  de  sa 
vie  la  politique  de  Cromwell,  il  se  tint  obstinément  dans  la 
vie  privée  malgré  les  instances  du  Protecteur.  Il  fut  un  des 
partisans  du  quakerisme,  ce  qui  le  rendit  fort  impopulaire 
dans  sa  province. 

FELL  (John),  prélat  anglais,  né  à  Longworth  en  1625, 
mort  en  1 686.  Encore  étudiant  à  Oxford,  il  prit  les  armes  pour 
la  cause  royale,  et  plus  tard,  entré  dans  les  ordres,  il  fut 
de  ceux  qui,  pendant  toute  la  durée  du  Protectorat,  main- 
tinrent le  culte  anglican.  Il  en  fut  récompensé,  à  la  Res- 
tauration, par  un  canonicat  à  Christ  Church  et  les  fonctions 
de  chapelain  du  roi.  Il  joua  dès  lors  un  rôle  important  dans 
l'université  d'Oxford,  dont  il  devint  vice-chancelier  en  1666. 
Il  ne  porta  pas  seulement  son  attention  sur  la  discipline  et  la 
régularité  des  études  ;  mais  il  donna  une  impulsion  nouvelle 
à  la  production  des  ouvrages  d'érudition  et  à  leur  bonne 
exécution  typographique  sur  les  presses  de  l'Université.  En 
1675,  il  fut  promu  au  siège  èpiscopal  d'Oxford,  On  a  de  lui 
des  écrits  assez  nombreux  sur  des  sujets  différents  tels  que  : 
The  Interest  of  England  stated  (1659)  ;  The  Life  of 
Dr  Henry  Hammoncl  (1661)  ;  Grammatica  Piationis  sive 
Institutions  Logicœ  (1673);  The  Vanity  of  Scoffmg 
(1674),  des  éditions  critiques  remarquables  d'Aratus 
(1672),  de  Cyprien  (Oxford,  1682),  et  d'autres  écrivains 
latins  et  grecs.  R.-H.  G. 

FELL  (Elizabeth),  femme  poète  anglaise  du  xvme  siècle, 


à  qui  l'on  doit  :  Fables,  Odes  and  Miscellaneous  Poems 
(Londres,  1771)  ;  Poem  on  the  Times  (1774)  et  un 
volume  d'autres  Poems  (1777). 
FELLAH  (V.  Egypte). 
FELLATHA  ou  FOULLA  (V.  Peul). 
FELLENBERG  (Philippe. -Emmanuel  de),  agronome  et 
philanthrope  suisse,  né  à  Berne  le  27  juin  1771,  mort  le 
2hnov.  1844.  «  Les  grands  ont  assez  d'amis,  lui  avait  dit  sa 
mère,  arrière-petite-fiîle  de  l'amiral  hollandais  Van  Tromp, 
sois  celui  des  déshérités.»  Fellenberg  promit  et  tint  parole. 
Après  d'excellentes  études  universitaires,  de  Fellenberg  par- 
courut les  parties  de  la  Suisse,  du  Tirol  et  de  l'Allemagne  les 
plus  importantes  au  point  de  vue  agricole.  Persuadé  que  le 
meilleur  moyen  d'élever  le  niveau  matériel,  intellectuel  et 
moral  des  populations  rurales  est  d'unir  l'éducation  pro- 
fessionnelle à  celle  de  l'esprit  et  du  cœur,  il  fonde  succes- 
sivement à  Hofwyl  (près  de  Berne)  une  école  d'agriculture 
et  de  travail  pour  les  paysans  pauvres  (1804),  une  école 
industrielle,  un  institut  agronomique  supérieur  pour  les 
fils  des  riches  propriétaires,  et  enfin  une  école  normale 
destinée  à  former  des  instituteurs  qui  devaient  répandre 
non  seulement  l'instruction,  mais  aussi  les  meilleures  mé- 
thodes de  culture  indiquées  par  l'expérience  et  l'observa- 
tion. Après  la  mort  de  Fellenberg,  les  établissements 
d'Hofwyl,  dont  la  célébrité  était  européenne,  périclitèrent. 
De  nos  jours,  on  semble  s'être  inspiré  en  partie  de  l'idée 
de  Fellenberg  dans  l'élaboration  des  récents  programmes 
scolaires  de  divers  pays.  Son  principal  ouvrage  est  :  Vues 
relatives  à  V agriculture  de  la  Suisse  et  aux  moyens  de 
la  perfectionner  (Genève,  1808).  P.  Duproix. 

FELLER  (François-Xavier  de),  prêtre  et  polémiste  belge, 
né  à  Bruxelles  le  18  août  1735,  mort  à  Ratisbonne  le  23  mai 
1802.  Il  entra  dans  l'ordre  des  jésuites  en  1754  et  fut  suc- 
cessivement professeur  de  rhétorique  à  Luxembourg,  à  Liège 
et  à  Nivelles.  Il  voyagea  ensuite  en  Allemagne,  en  Autriche, 
en  Pologne  et  en  Italie,  puis  il  revint  dans  son  pays  natal, 
et,  après  la  suppression  de  la  Compagnie  de  Jésus  en  1773, 
il  se  voua  tout  entier  à  la  carrière  de  publiciste.  Il  attaqua 
avec  vigueur  les  théories  des  encyclopédistes  et  se  déclara 
l'ennemi  irréconciliable  des  réformes  que  Joseph  II  (Y.  ce 
nom)  voulait  introduire  dans  les  Pays-Bas.  A  chaque  édit 
impérial  qui  paraissait,  Feller  répondait  par  une  brochure 
ou  par  des  articles  insérés  dans  son  Journal  historique  ; 
il  trouvait  détestables  et  nulles  au  point  de  vue  juridique 
toutes  les  ordonnances  du  prince  réformateur,  même  les 
plus  utiles,  telles  que  l'interdiction  des  sépultures  dans 
les  villes,  l'abolition  de  la  torture  et  la  tolérance  des  cultes 
dissidents.  Le  public  ne  prêta  d'abord  que  peu  d'attention 
aux  polémiques  de  l'ex-jésuite  ;  mais,  quand  l'empereur 
entreprit  des  réformes  politiques,  administratives  et  judi- 
ciaires, la  masse  de  la  nation  s'émut  et  se  tourna  vers 
l'abbé  de  Feller  comme  vers  le  défenseur  le  plus  éner- 
gique des  libertés  du  pays.  Dès  ce  moment,  il  devint  une 
véritable  puissance  et  ne  se  borna  plus  à  attaquer  Joseph  IL 
Lorsque,  après  la  chute  du  gouvernement  autrichien,  les 
vonckistes  (V.  Vonck)  voulurent  introduire  quelques  amé- 
liorations dans  la  constitution  du  pays,  Feller  appela  sur 
eux  toutes  les  rigueurs  du  pouvoir  et  leur  dénia  même  le 
droit  d'être  jugés  régulièrement  :  «  Les  formes  judiciaires, 
écrivait-il  dans  son  Journal  historique  (juin  1790, 
p.  313),  sont  respectables  sans  doute  quand  elles  assurent 
la  vie  des  citoyens  ;  mais  quand  elles  compromettent  la  vie 
de  tous,  qu'elles  encouragent  la  scélératesse  et  la  félonie, 
elles  sont  détestables  :  salus  populi  suprema  lex  esto.  » 
A  l'approche  des  armées  françaises,  Feller  se  retira  d'abord 
à  Paderborn,  puis  à  Ratisbonne  où  il  mourut.  Les  connais- 
sances de  Feller  étaient  vastes  autant  que  variées,  mais 
c'était  un  homme  passionné  et  brouillon.  Un  écrivain  ultra- 
montain  (Verhaegen,  Histoire  du  cardinal  de  Franken- 
berg,  p.  124)  reconnaît  que  si  les  intentions  de  Feller 
étaient  bonnes,  il  fut  «  presque  toujours  léger  dans  ses  juge- 
ments et  injuste  dans  ses  appréciations  ».  La  liste  des  nom- 
breux   ouvrages  de  Feller  figure  dans  le  tome  I  de  la 


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FELLER  —  FELLMAN 


Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
parles  PP.  de  Backer.  En  voici  les  plus  importants  :  Caté- 
chisme philosophique  (Liège,  4772,  in-8)  ;  ce  livre  eut 
plus  de  trente  éditions  et  fut  traduit  en  allemand,  en 
anglais,  en  hollandais  et  en  italien  ;  Journal  historique 
et  littéraire  (Luxembourg  et  Liège,  1774-4794,  60  vol. 
in-4  2)  ;  on  y  trouve  beaucoup  d'articles  intéressants  sur 
divers  points  de  théologie,  d'histoire,  de  géographie  et  de 
littérature;  Dictionnaire  historique  (Àugsbourg,  4784, 
6  vol.  in-8),  reproduction,  en  très  grande  partie  du 
moins,  du  dictionnaire  de  dom  Chaudon;  Dictionnaire 
géographique  (Augsbourg,  4782,  2  vol.  in-8)  ;  Recueil 
des  représentations,  protestations  et  réclamations 
faites  à  Joseph  II  par  les  représentants  des  provinces 
des  Pays-Bas  (Liège,  4787-90,  47  vol.  in-8).    E.  H. 

Bibl.  :  Desdoyarts,  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  l'abbé  de  Feller;  Liège,  1810,  in-8.  — Borgnet,  Histoire 
des  Belges  à  la  fin  dttxvni9  siècle  ;  Liège,  1861,  2  vol.  in-8. 

—  Discailles,  les  Pays-Bas  sous  le  règne  de  Marie-Thé- 
rèse; Bruxelles,  1873,  in-8.  —  Piot,  le  Règne  de  Marie- 
Thérèse  dans  les  Pays-Bas  autrichiens;  Louvain,  1874. 

—  Juste,  la  Révolution  brabançonne  et  la  république 
belge  ;  Bruxelles,  1884,  2  vol.  in-8.  —  E.  Hubert,  Etude  sur 
la  condition  des  protestants  en  Belgique  depuis  Charles- 
Quint  jusqu'à  Joseph  II  ;  Bruxelles,  1882,  in-8. 

FELLER  (Franz),  facteur  d'orgues,  né  à  Kœnigswald 
(Bohême)  en 4 785,  mort  à  Osseq (Bohême) le  4 er  juin  4843. 
Il  a  construit  dans  cette  dernière  ville,  pour  l'abbaye  de 
l'ordre  de  Cîteaux,  un  orgue  qui  a  consacré  sa  renom- 
mée. Il  fut  aidé  dans  les  combinaisons  de  cet  instrument 
par  le  P.  Athanase  Bernard,  directeur  du  chœur  de  l'ab- 
baye. Ce  qui  donne  un  caractère  particulier  à  l'orgue 
construit  par  Feller,  c'est  que,  bien  que  composé  de  34  jeux, 
répartis  sur  3  claviers,  dont  4  de  46  pieds  et  4  de  32,  il 
n'a  qu'un  seul  jeu  d'anches,  qui  est  un  trombone  de  8  pieds 
dans  la  pédale.  Les  sons  ont  une  puissance  et  une  douceur 
singulières,  mais  les  combinaisons  de  timbres  sont  peu 
variées.  Au  point  de  vue  des  oppositions  de  sonorité,  la 
facture  moderne  a  réalisé  de  grands  progrès  depuis  la 
construction  de  Forgue  d'Osseq.  Ch.  B. 

FELLERIES.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant. 
d'Avesnes;  4,955  hab. 

FELLETIN.  Ch.-L  de  cant.  du  dép.  de  la  Creuse,  arr. 
d'Aubusson,  sur  une  colline  au  pied  de  laquelle  coule  la 
Creuse  ;  3,379  hab.  Tète  de  ligne  d'un  embranchement 
du  chem.  de  fer  de  Montluçon  à  Saint-Sulpice-Laurière,  qui 
doit  être  prolongé  d'une  part  sur  Ussel  (Corrèze),  de  l'autre 
sur  Bourganeuf.  Industrie  assez  active,  tanneries,  fila- 
tures, etc.,  et  surtout  fabriques  de  tapis,  au  nombre  de 
trois,  dont  les  produits  se  confondent  avec  ceux  des  fabriques 
voisines  d'Aubusson,  plus  nombreuses  et  plus  importantes 
(V.  Tapisserie).  Chambre  consultative  des  arts  et  manu- 
factures. Marchés  (le  vendredi)  et  foires  très  fréquentées. 
Petit  séminaire  du  diocèse  de  Limoges.  —  Felletin  n'ap- 
paraît dans  les  documents  qu'au  moyen  âge  :  c'était  une 
possession  des  vicomtes  d'Aubusson,  qui  édifièrent  un  châ- 
teau au  sommet  de  la  colline  (faubourg  de  Beaumont).  Au 
commencement  du  xne  siècle,  le  monastère  de  Chambon  y 
établit  un  prieuré.  Lorsque  la  vicomte  d'Aubusson  eut  été 
achetée  par  les  comtes  de  la  Marche  (vers  4260),  Felletin 
resta  quelque  temps  entre  les  mains  d'Alengart,  fille  du 
dernier  vicomte  et  femme  du  connétable  de  France,  Imbert 
de  Beaujeu,  puis  de  Guillaume  de  Bochedagout.  C'est  cette 
dame  de  Felletin  qui  accorda  une  charte  de  commune  à  la 
ville,  charte  dont  on  ne  connaît  que  quelques  articles.  Dès 
4278,  Felletin  était  incorporé  au  comté  de  la  Marche  et  devint 
le  siège  d'une  importante  châtellenie,  cédée  par  Louis  XIV 
au  duc  de  La  Feuillade.  Au  xve  et  au  xvie  siècle,  Felletin 
paraît  avoir  été  la  ville  la  plus  peuplée  et  la  plus  riche  de 
toute  la  Marche,  et  elle  disputa  longtemps  à  Guéret  le  titre 
de  capitale.  Charles  IX  y  établit  un  tribunal  consulaire  par 
lettres  patentes  de  juin  4567.  Un  collège  (aujourd'hui  petit 
séminaire)  y  fut  fondé  par  un  prêtre  de  la  ville,  François 
Durand,  en  4589.  Les  deux  derniers  siècles  et  la  plus 
grande  partie  de  celui-ci  ont  été  pour  Felletin  une  période 


de  décadence,  dont  les  récents  bienfaits  du  chemin  de  fer  lui 
permettront  sans  doute  de  se  relever.  L'église  dite  du  Moutier 
a  un  clocher  et  un  portail  remarquables,  style  gothique 
flamboyant.  Dans  le  cimetière,  curieuse  lanterne  des  morts 
du  xme  siècle  (mon.  hist.).— Felletin  est  la  patrie  du  général 
de  Nalèche,  du  peintre  Murât,  de  l'helléniste  Courtaud-Diver- 
neresse,  auquel  on  a  élevé  récemment  un  buste.  Une  tradition 
sans  autorité  y  fait  naître  Quinault,  et  son  buste  surmonte 
une  fontaine  monumentale  de  la  ville.         A.  Thomas. 

Bibl.  :  Abbé  Pataux,  Felletin,  xvii0  et  xviip  siècles  ' 
Limoges,  1880. 

FELLINI  (Giulio-Cesare) ,  peintre  italien,  de  l'école 
bolonaise,  né  dans  les  dernières  années  du  xvie  siècle, 
mort  vers  4674.  Elève  de  Gabriele  Ferrantini  et  d'Annibal 
Carrache.  Ainsi  que  son  frère  et  collaborateur  Marc-An- 
tonio, il  excella  dans  la  représentation  des  chevaux,  des 
figures,  et  surtout  dans  le  genre  ornemental. 

FELLINUS  (Maria-Sandeus),  jurisconsulte  canoniste  ita- 
lien, né  à  Felina,  dans  le  diocèse  de  Beggio,  en  4444,  mort 
à  Lucques  en  4503.  Fellinus  fut  professeur  à  Beggio,  puis 
à  Ferrare  (4465).  N'ayant  pas  osé  se  commettre  avec  le 
jurisconsulte  Philippe  Decius  qui  l'avait  provoqué  à  dis- 
puter sur  le  titre  de  Probationibus,  il  laissa  sa  chaire 
pour  aller  enseigner  le  droit  canon  à  Pise  (4486),  En  4488, 
le  pape  Innocent  VIII  le  fit  auditor  rotœ  et  lui  donna 
diverses  distinctions  en  récompense  de  ses  services  ;  il 
avait  en  effet  défendu,  par  ses  écrits,  les  droits  du  saint- 
siège  contre  ceux  de  Ferdinand  Ier,  roi  de  Naples,  et 
Charles  VIII,  roi  de  France.  Il  fut  nommé  évêque  de  Penna 
et  Atri  (4495),  puis  de  Lucques  (4499).  Fellinus  légua  au 
chapitre  de  la  cathédrale  de  Lucques  son  importante  biblio- 
thèque. Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Commentarii  in  \ 
libros  Decretalium  (Venise,  4497-1499,  3  vol.  in-fol.  ; 
Bâle,  4567  ;  Lyon,  4549,  4535,  4587,  3  vol.  in-fol.);  De 
Piegibus  Siciliœ  et  Apuliœ  (Milan,  4495,  in-4;  Hanovre, 
4604,  in-4)  ;  Consilia  (Lyon,  4553,  in-fol.).      G.  B. 

Bibl.  :  De  Savigny,  Histoire  du  droit  romain  au  moyen 
âge,  trad.  par  Charles  Guenoux,  1839,  t.  IV,  p.  272.  —  Von 
Schulte,  Die  Geschichte  des  Quellen  und  Litteratur  des 
Ganonischen  Rechts  ;  Stuttgart,  1875-1880,  vol.  11,  p.  350. 

FELLMAN  (Esaias-Mansueti),  missionnaire  finlandais, 
mort  à  Kemijservi  (Laponie)  en  4697.  Il  fut  le  premier 
prêtre  sédentaire  d'Enare  (4648)  et  le  second  de  Kemi- 
jaervi  (4664),  succursales  de  la  paroisse  de  Kemi.  Il  y 
baptisa  ceux  des  Lapons  qui  étaient  encore  païens  et  apprit 
à  lire  à  beaucoup  d'entre  eux  dont  les  descendants  le  regar- 
dent comme  un  saint.  —  Son  petit-fils  Nils  (4718-4799) 
fut  pasteur  de  Sodankylse  (4764),  d'Ouleâborg  (4768)  et 
de  Liminko  (4779).  Il  écrivit  une  relation  de  l'annexe  de 
de  Kemijaervi  (4748)  et  un  mémoire  sur  l'origine  et  l'état 
des  paroisses  du  Kemi-Lappmark  (4751).  —  Le  petit-fils 
de  ce  dernier,  Jacob,  né  à  Rovaniemile  25  mars  4795, 
mort  à  Lappaj servi  le  8  mars  4875,  fut  ordonné  prêtre 
en  4845  et  devint  pasteur  d'Utsjoki  (4849).  Il  étudia  le 
dialecte  de  cette  paroisse  de  Laponie  et  se  l'assimila  au 
point  de  pouvoir  s'en  servir  pour  prêcher  et  pour  traduire  : 
l'Evangile  de  saint  Matthieu  (dont  il  publia  deux  cha- 
pitres à  Abo,  4825),  partie  de  celui  de  saint  Marc  et  le 
Catéchisme  de  Mœller  (4860).  Non  moins  versé  dans  la 
connaissance  de  la  nature  du  pays,  il  traita  en  latin  de  la 
botanique  de  la  Laponie  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
des  naturalistes  de  Moscou  (t.  III,  4831 ,  et  VIII),  et  pu- 
blia en  suédois  :  Notes  sur  mon  séjour  en  Laponie 
(Borgâ,  4844),  ainsi  que  divers  mémoires  sur  l'agricul- 
ture du  nord  de  la  Finlande,  dans  Suomi  (4845,  4858), 
sur  la  faune  de  la  Laponie  (ibid.,  4848),  sur  les  paroisses 
du  Kemi-Lappmark  (ibid.,  4846),  sur  les  restes  de  l'âge 
de  pierre  en  OEsterbotten,  dans  Annales  d'archéologie 
septentrionale  (Copenhague,  4845).  Il  laissa  en  outre  de 
précieux  recueils  manuscrits.  En  1834,  il  avait  dû  quitter 
la  Laponie  pour  cause  de  santé  et  il  fut  nommé  pasteur  de 
Lappajservi  (4832).  —  Son  fils,  Nils-Isak,  né  en  4844, 
entré  dans  la  magistrature  en  4873,  est  membre  du  Sénat 
depuis  4887.  Il  a  publié  :  Plantœ  vasculares  in  Lappo- 


FELLMAN  —  FÉLONIE 


—  140 


nia  orientali  sponie  nascentes  (1864,  1869)  ;  Plantœ 
arcticœ  exsiccatœ  in  Lapponia  orientali  collectée 
(1864,  fasc.  I-IV)  et  des  articles  de  droit  dans  la  Revue 
de  l'association  juridique  (1874,  1876).     Beauvois. 

FELLNER  (Ferdinand,  baron  de),  dessinateur  et  peintre 
allemand,  né  à  Francfort-sur-le-Main  le  12  mai  1799,  mort 
à  Stuttgart  le  14  sept.  1859.  Il  étudia  d'abord  le  droit  à 
Heidelberg  et  à  Gœttingue,  fut  reçu  docteur  et  avocat,  puis, 
en  1825,  il  se  tourna  vers  l'art,  et,  après  s'être  formé  à 
Munich,  il  alla  en  1831  s'établir  à  Stuttgart,  et  s'adonna 
surtout  à  l'illustration.  Parmi  ses  œuvres  en  ce  genre,  nous 
citerons:  Don  Quichote  (en  16  dessins),  Faust,  Tell, 
Wallenstein,  Macbeth,  Roméo  et  Juliette,  Obéron,  etc., 
puis  des  poèmes  du  moyen  âge,  Gudrun  (7  dessins), 
Gottfried  de  Strasbourg,  des  légendes  et  scènes  histo- 
riques, et  sa  collection  de  costumes.  Il  s'essaya  aussi,  mais 
avec  moins  de  succès,  dans  la  peinture.  Il  y  a  de  lui,  au 
Kaisersaal  de  Francfort,  une  représentation  de  l'empe- 
reur Conrad  Ier  et  de  Frédéric  le  Beau,  et  à  Burgberg, 
une  Sainte  Famille,  et  un  retable,  ce  dernier  fait  en  col- 
laboration avec  Pilgram. 

FELLOW.  Terme  universitaire  anglais,  signifiant  com- 
pagnon, collègue.  Les  fellows  sont  les  membres  d'une 
sorte  de  corporation  jouissant  des  revenus  attachés  à  un 
collège  et  provenant  soit  des  biens  de  la  fondation,  soit  de 
dons  successifs  faits  par  des  particuliers.  Il  est  plusieurs 
sortes  de  fellowships  variant  suivant  les  dispositions  des 
fondateurs  et  des  donateurs.  Dans  les  unes,  le  nombre 
de  membres  est  limité  ;  dans  d'autres,  la  corporation  peut 
s'adjoindre  de  nouveaux  confrères  pris  exclusivement  parmi 
les  gradués  du  collège  de  la  fellowship.  Chaque  collège 
a  la  sienne,  mais  quelquefois  on  y  admet,  par  l'élection 
et  après  un  examen,  des  gradués  de  différents  collèges  et 
même  de  toute  l'Université.  Dans  certains  cas,  les  fellows 
doivent  appartenir  à  la  famille  du  fondateur  ;  dans  d'autres, 
être  natifs  d'un  certain  comté.  Ces  règles  prescrites  par  le 
fondateur  sont  souvent  modifiées  par  les  statuts  des  collèges. 
En  général,  les  fellowships  sont  spéciales  aux  membres  du 
clergé  qui  souvent  occupent  les  fonctions  de  pasteurs  des 
paroisses  des  universités,  mais  des  laïques  peuvent  obtenir 
la  fellowship.  Les  allocations  sont  très  diverses  ;  elles  varient 
de  30  livres  à  250  et  même  davantage.  Elles  confèrent  le 
droit  d'un  appartement  au  collège  et  certains  autres  privi- 
lèges. Elles  sont  pour  la  vie,  mais  retirées  au  cas  où  le 
titulaire  se  marie,  fait  un  héritage  dépassant  le  bénéfice  ou 
encore  accepte  une  charge  ecclésiastique  qui  constituerait 
un  cumul.  Hector  France. 

FELLOW  ES  (Robert),  philosophe  et  publiciste  anglais, 
né  en  1771,  mort  en  1847.  Un  legs  considérable  qu'il 
hérita  de  son  ami  Francis  Maseres  lui  permit  de  se  con- 
sacrer à  l'étude  désintéressée  des  questions  religieuses  et  à 
la  pratique  de  la  philanthropie.  Il  fut  un  des  promoteurs  de 
l'Université  de  Londres.  On  lui  doit,  entre  autres  ouvrages  : 
A  Picture  of  Christian  Philosophy  (1798);  Morality 
united  with  Policy  (1800);  Religion  without  Cant 
(1801)  ;  A  Body  of  Theology  (1807),  et  The  Religion  of 
the  Universe  (1836),  où  il  fait  preuve  d'une  largeur  d'es- 
prit remarquable.  Il  a  aussi  laissé  un  volume  de  Poems 
(1806).  De  1804  à  1811,  il  dirigea  la  Critical  Review. 

FELLOWS  (Charles),  voyageur  et  archéologue  anglais, 
né  à  Nottingham  en  août  1799,  mort  à  Londres  le  8  nov. 
1860.  En  1827,  il  fit  l'ascencion  du  mont  Blanc  dont  il 
publia  la  relation  ;  en  1832,  il  commença  à  voyager  en 
Italie,  en  Grèce  et  dans  le  Levant.  Le  12  févr/1838,  il 
partit  de  Smyrne  pour  explorer  l'intérieur  de  l'Asie 
Mineure;  l'ancienne  Lycie  surtout  fut  l'objet  de  ses 
recherches  archéologiques  ;  il  découvrit  les  ruines  de  Xan- 
thos  et  de  Tlos,  et  revint  en  Angleterre  où  il  publia  le 
Journal  de  son  voyage  en  Asie  Mineure  (Londres,  1839). 
A  la  fin  de  1839,  il  partit  de  nouveau  pour  la  Lycie  avec 
George  Scharf,  et  ses  découvertes  révélèrent  au  monde 
savant  une  quantité  considérable  de  monnaies,  d'inscrip- 
tions, de  sculptures  lyciennes,  publiées  en  1841  sous  le 


titre  :  An  Account  of  Discoveries  in  Lycia.  En  1842  et 
en  1844,  Fellows  entreprit  deux  nouvelles  explorations  de 
la  Lycie,  et  les  sculptures  remarquables  qu'il  rapporta  de 
ses  voyages  comptent  parmi  les  plus  précieux  monuments 
du  Musée  britannique  :  elles  proviennent  principalement  des 
ruines  de  Xanthus,  Pinara,  Patara,Tlos,  Myra  et  Olympus, 
Outre  les  ouvrages  déjà  cités,  on  lui  doit  :  A  Narrative  of 
an  Ascent  to  the  summit  of  Mont-Blanc  (1827)  ;  Lycia, 
Caria,  Lydia,  illustrated  by  G.  Scharf  (1847);  An 
Account  of  the  Ionic  Trophy  monument  excavated  at 
Xanthus  (1848);  Travels  and  Researches  in  Asia  Mi- 
nor,  more  particulary  in  Lycia  (1852);  Coins  of 
ancient  Lycia  (1855,  in-8).  E.  Babelon. 

FELLTHAM  (Owen)  (V.  Feltham). 

FELMÉRl  (Louis),  philosophe  hongrois,  néàUdvarhély 
en  1840.  D'abord  professeur  à  Sarospatak,  il  y  fonda,  à  la 
suite  d'un  voyage  en  Italie,  un  musée  esthétique.  En  1872, 
il  est  devenu  professeur  à  l'université  de  Kolozsvâr.  Après 
un  voyage  en  Angleterre,  il  a  publié  un  ouvrage  en  deux 
volumes  sur  l'instruction  publique  dans  ce  pays  :  ce  livre  a 
produit  beaucoup  d'effet  en  Hongrie  et  a  été  couronné  en 
1884.  E.  Sayous. 

FELOAGA  y  Ozcoide  (Antonio),  jurisconsulte  espagnol 
du  xviie  siècle,  né  à  Pampelune,  mort  à  Madrid  en  1658. 
Il  enseigna  le  droit  canon  à  Salamanque,  devint  fiscal  du 
conseil  des  Indes  et  chevalier  de  l'ordre  de  Santiago.  Il  a 
laissé  plusieurs  ouvrages  parmi  lesquels  :  Phénix  juridico. 

FÉLON  (V.  Félonie). 

FÉLON.  Corn,  du  territoire  de  Belfort,  cant.  de  Fon- 
taine; 167  hab. 

FÉLON  (Joseph),  peintre,  sculpteur  et  lithographe  fran- 
çais contemporain,  né  à  Bordeaux  en  1818.  Cet  artiste 
n'eut  pas  de  maîtres  pour  les  divers  genres  qu'il  a  cultivés, 
et  c'est  à  sa  verve,  à  la  vigueur  de  son  imagination,  tou- 
jours à  la  recherche  de  nouvelles  formules,  qu'il  doit  son 
talent.  En  raison  même  de  la  diversité  de  ses  travaux, 
il  n'est  arrivé  dans  aucun  genre  à  une  réelle  supériorité,  et 
parmi  ses  nombreuses  expositions  annuelles,  il  n'a  reçu 
de  médaille  qu'au  Salon  de  \  861 ,  pour  son  bas-relief  de 
la  Mère  du  Sauveur  (église  Sainte-Perpétue,  à  Nîmes),  et 
un  rappel  de  médaille  en  1863  pour  sa  statue  de  Sigebert, 
roi  oVAustrasie  (à  la  cathédrale  de  Nancy).  Après  ces 
œuvres  principales,  on  peut  citer,  parmi  ses  innombrables 
travaux  :  Portrait  de  V auteur,  peinture  (S.  1840,  début), 
Mort  de  Mgr  Affre,  peinture  (S.  1849  ;  musée  de  Saumur), 
cartons  pour  les  verrières  de  l'église  Sainte-Perpétue,  à 
Nîmes  (S.  1861)  ;  Andromède,  stat.  marbre  (S.  1867)  ; 
Gerson,  statue  pierre  (S.  1874;  façade  de  la  Sorbonne)  ; 
VEeure  durepos,  statue  plâtre  (S.  1881);  Nymphe  chas- 
seresse (musée  de  Bordeaux)  ;  le  Baron  Gros,  buste  marbre 
(S.  1887  ;  musée  du  Luxembourg)  ;  la  Musique,  bas- 
relief  pierre,  pour  l'escalier  d'honneur  de  l'Hôtel  de  Ville 
de  Paris  (S.  1887).  Depuis  1881,  M.  J.  Félon  a  cessé 
d'exposer  dans  la  section  de  peinture.  Ad.  T. 

FÉLONGNE  (Bot.)  (V.  Chélidoine). 

FÉLONIE.  On  entendait  par  là,  dans  le  droit  féodal, 
toute  déloyauté  ou  offense  grave,  commise  par  le  vassal 
envers  son  seigneur  ou  par  le  seigneur  envers  son  vassal, 
et  qui  entraînait  la  rupture  du  contrat  de  fief.  Le  mot 
félon,  dont  l'origine  est  incertaine,  mais  dont  la  significa- 
tion la  plus  ancienne  est  celle  de  traître  et  rebelle,  appa- 
raît sous  sa  forme  latine  (felo),  au  ixe  siècle,  dans  un 
capitulaire  de  Charles  le  Chauve,  et  sous  sa  forme  française 
(fel,  felun),  au  xie  siècle,  dans  la  Chanson  de  Roland. 
Ce  mot  n'entra  qu'assez  tard  dans  la  langue  juridique,  et 
jusqu'au  xme  siècle  on  qualifiait  de  forfaitures  (V.  ce 
mot)  plutôt  que  de  félonies  les  offenses  réciproques  du 
seigneur  et  du  vassal.  A  côté  de  ce  sens  étroit,  spécial  aux 
matières  féodales,  le  mot  félonie  avait  aussi,  surtout  dans 
la  langue  littéraire,  le  sens  large  de  crime  par  lequel  on 
attente  à  la  personne  d'autrui  (rapt,  homicide,  trahi- 
son, etc.).  —  Suivant  l'usage  général  des  fiefs,  le  vassal 


—  141 


FÉLONIE  —  FELTON 


était  coupable  de  félonie  toutes  les  fois  qu'il  manquait  à  la 
fidélité  jurée,  c.-à-d.  quand  il  offensait  son  seigneur  dans 
sa  personne  ou  dans  celle  d'un  membre  de  sa  famille  (in- 
jures, voies  de  fait,  tentative  de  meurtre,  séduction  de  sa 
femme  ou  de  sa  fille,  etc.);  quand  il  violait  un  des  devoirs 
qui  lui  étaient  personnellement  imposés  par  le  contrat  de 
fief  (refus  d'hommage,  de  service  militaire,  de  comparution 
devant  la  cour  des  pairs,  révolte  et  guerre  ouverte,  déser- 
tion, trahison,  aliénation  ou  abrègement  du  fief  sans  l'au- 
torisation du  seigneur,  etc.)  ;  quand  il  contrevenait  for- 
mellement aux  lois  et  règlements  établis  par  la  cour 
seigneuriale,  ou  qu'il  commettait  dans  le  ressort  de  la 
seigneurie  des  actes  de  brigandage  ou  des  crimes  de  droit 
commun.  La  félonie  du  vassal  avait  pour  conséquence  la 
perte  de  son  fief  qui  revenait  au  seigneur  par  droit  de  com- 
mise ou  confiscation  ;  en  outre,  elle  entraînait  habituelle- 
ment une  peine  personnelle,  telle  que  la  mort,  le  bannis- 
sement, l'amende,  suivant  la  gravité  de  l'offense  ;  quand 
le  vassal  était  chevalier  (ce  qui  était  le  cas  ordinaire),  il 
perdait  cette  qualité  à  la  suite  d'une  dégradation  solennelle. 
La  confiscation  du  fief  n'avait  pas  lieu  de  plein  droit,  mais 
devait,  comme  la  peine  qui  l'accompagnait,  être  prononcée 
par  la  cour  des  pairs,  à  la  requête  du  seigneur.  C'est  pour- 
quoi si  le  seigneur  ne  se  plaignait  pas  de  l'offense  qu'il 
avait  reçue,  il  était  censé  l'avoir  pardonnée  à  son  vassal, 
et  nul  autre  que  lui,  même  ses  héritiers  après  sa  mort,  ne 
pouvait  intenter  de  ce  chef  aucune  poursuite  contre  ce 
dernier.  —  Le  seigneur  était  coupable  de  félonie  envers 
son  vassal  quand  il  avait  manqué  au  devoir  de  loyale  pro- 
tection que  la  coutume  féodale  lui  imposait  envers  celui 
qui  lui  avait  juré  fidélité  :  par  exemple  dans  le  cas  de  vio- 
lences, d'outrages  contre  sa  personne  ou  celle  des  siens, 
d'abandon,  de  trahison,  etc.  Sa  félonie  devait  être,  comme 
celle  du  vassal,  prononcée  en  justice  par  la  cour  du  suze- 
rain ;  elle  devait  être  prouvée  par  cinq  témoins  notables  et 
sans  reproches.  Elle  faisait  perdre  au  seigneur  l'hommage 
du  vassal  outragé  et  la  mouvance  de  son  fief  ;  désormais  le 
vassal  était  placé  sous  la  dépendance  directe  et  le  fief  dans 
la  mouvance  immédiate  du  suzerain  de  celui  par  qui  la  fé- 
lonie avait  été  commise.  Ch.  Mortet. 

Bibl.  :  V.  la  Bibliographie  générale  des  mots  Fief  et 
Féodalité. 

FELOUPS,  nègres  de  la  Sênégambie  (V.  ce  mot). 

FELOUQUE  (Mar.).  Nom  d'un  petit  bâtiment  dont  on 
voit  encore  quelques  rares  spécimens  dans  la  Méditerranée, 
et  qui  était  autrefois  fort  usité  chez  les  pirates  barbares- 
ques,  à  cause  de  sa  légèreté  et  de  sa  vitesse.  La  felouque 
était  une  sorte  de  petite  galère  à  guibre  ou  taille-mer  très 
incliné,  à  marche  rapide,  par  suite  assez  étroite  au  maître- 
couple,  et  qui  allait  à  la  rame  et  à  la  voile.  Elle  avait  deux 
mâts  légèrement  inclinés  sur  l'avant,  portant  des  voiles 
latines  à  grandes  antennes,  telles  qu'en  ont  encore  les 
tartanes.  Le  grand  mât  s'appelait  arbre  de  mestre  ;  le  mât 
de  misaine,  arbre  de  trinquet.  Elle  armait  de  douze  à  vingt 
avirons  de  chaque  bord.  Son  artillerie  se  composait  de 
deux  gros  canons  tirant  en  chasse  devant,  et  d'autant  de 
petites  pièces  de  cuivre  appelées  pierriers,  tirant  alors 
sur  les  flancs,  qu'on  en  pouvait  mettre.  Avec  un  équipage 
relativement  nombreux  et  son  faible  tirant  d'eau,  elle  pou- 
vait s'approcher  des  côtes,  entrer  dans  toutes  les  baies  et 
était  éminemment  propre  à  la  course  ou  à  la  piraterie,  sa 
vitesse  lui  permettant  de  se  dérober  rapidement  devant  des 
bâtiments  supérieurs  en  force. 

FELS  ou  FOLLIS.  Le  follis  est  le  nom  de  la  pièce  de 
cuivre  dans  le  Bas-Empire.  L'expression,  quoique  remon- 
tant à  Dioclétien,  paraît  avoir  été  employée  plus  spéciale- 
ment à  partir  d'Ànastase,  pour  désigner  une  bourse  (follis) 
remplie  de  petites  pièces  de  cuivre  et,  par  extension,  la 
monnaie  de  bronze  elle-même.  Le  follis  et  ses  multiples 
constituaient  les  Nummi  follares  des  auteurs  latins.  Sa 
valeur  était,  à  l'époque  de  Justinien,  de  210  au  solide  d'or, 
soit  environ  45  cent,  de  la  monnaie  de  France.  Le  follis 
fut  adopté  par  les  Arabes  et  le  mot  devint  fouis  ou  fels 


(plur.  foulons).  C'est  le  terme  employé  pour  désigner 
la  monnaie  de  cuivre,  comme  dirhem  (drachma)  pour 
la  monnaie  d'argent  et  dinar  (denarius)  pour  la  mon- 
naie d'or.  Le  plus  ancien  fels  arabe  avec  mention  de  ce 
nom  est  de  l'an  90  de  l'hég.  (711  de  J.-C).  Le  fels  était 
encore  usité  en  Algérie  comme  monnaie  de  compte  avant  la 
conquête  française.  E.  Drouin. 

Bibl.:  Mommsen,  Die  Follarmùnzen.  —  Seek  dans 
Zeitschr.  fur  Numism.,  1890.  ' 

FELSI N  A.  Ancien  nom  de  la  ville  de  Bononia  (Bologne). 

FELS1NG  (Georg-Jakob) ,  graveur  allemand,  né  à 
Darmstadt  le  22  juil.  1802,  mort  à  Darmstadt  le  9  juin 
1883.  Elève  de  son  père,  Johann-Konrad  (1766-1819), 
puis  de  Giuseppe  Longhi,  à  l'Académie  de  Milan,  où  il 
obtint  le  grand  prix  de  gravure  en  1828,  avec  son  estampe 
le  Christ  au  Jardin  des  oliviers,  d'après  C.  Dolce.  Après 
dix  ans  de  séjour  en  Italie,  où  il  exécuta  de  belles  planches, 
il  retourna  en  1832  dans  sa  ville  natale.  Dès  lors,  il  a 
gravé  de  préférence  d'après  des  peintres  allemands  contem- 
porains et  est  devenu  l'un  des  premiers  burinistes  de  son 
pays.  Parmi  ses  gravures,  il  y  a  à  signaler  :  le  Joueur  de 
violon,  d'après  Raphaël  (galerie  Sciarra  Colonna  à  Rome)  ; 
la  Sainte  Famille,  d'après  Overbeck  (1839)  ;  la  Poésie  et 
l'Amour,  d'après  Kaulbach  (1844);  Jésus  disputant  avec 
les  docteurs,  d'après  Léonard  de  Vinci  (4847).      G.  P-i 

FELSINOTHERIUM  (V.  Lamantin  [Paléont.]). 

FELSÔ  Banya  (V.  Bànya). 

FELSOPHYNE(V.  Porphyre). 

FELSZTYN  (Sébastien  de)  ou  FELSZTYNSKI,  compo- 
siteur et  théoricien  polonais,  né  vers  1490,  mort  vers  1550. 
Il  était,  vers  1530,  professeur  à  l'université  de  Cracovie. 
Il  fut  le  premier  à  y  enseigner  la  théorie  musicale.  Il  a 
publié  deux  traités  élémentaires  de  plain-chant  et  de  mu- 
sique sous  le  titre  tfOpusculum  musicœ  (Cracovie,  1519) 
et  Opusculum  musices (iSM),  une  édition  des  écrits  sur 
la  musique  de  saint  Augustin  et  un  recueil  d'hymnes  de 
sa  composition.  Huit  morceaux  de  Felsztynski  ont  été  réim- 
primés par  Surzynski  dans  ses  Monumenta  musices  sacrœ 
in  Polonia  (Posen,  1886).  M.  Br. 

FELT  (Rév.  Joseph  B.),  historien  américain,  né  à  Salem 
(Massachusetts)  en  1789.  On  a  de  lui  quelques  ouvrages 
estimés  d'histoire  locale,  tels  que  les  Annales  de  Salem 
(1827),  une  Histoire  dlpswich,  d'Essexet  de  Hamilton 
(1833),  et  des  travaux  de  statistique,  comme  flfistorical 
Account  of  Massachusetts  Currency  (1839),  et  Collec- 
tions for  the  American  Statistical  Association  on 
Towns,  Population,  and  Taxation  (1847).     B.-H.  G. 

FELT  EN  (Georges),  architecte  russe,  né  dans  la  pre- 
mière moitié  du  xvme  siècle,  mort  en  1801.  Il  était  d'ori- 
gine allemande  suivant  les  uns,  anglaise  selon  les  autres, 
et  s'établit  en  Russie  vers  1770.  Il  fut  directeur  de  l'Aca- 
démie des  beaux-arts.  On  lui  doit  entre  autres  la  façade  et 
l'escalier  de  cette  académie  et  le  palais  d'Hiver.     L.  L. 

FELTHAM  (Owen),  écrivain  anglais,  né  en  1610,  mort 
en  1677,  connu  spécialement  des  chercheurs  des  antiquités 
littéraires  de  la  Grande-Bretagne  par  un  curieux  recueil, 
Résolves,  contenant  des  traités  de  piété  et  de  morale,  par- 
fois comparés  aux  Essais  de  Bacon.  Le  volume  X  de  la 
Rétrospective  Review  donne  un  excellent  compte  rendu 
et  de  nombreux  extraits  de  ce  livre.  H.  France. 

FELTON  (Sir  Thomas),  sénéchal  anglais  d'Aquitaine, 
mort  le  2  avr.  1381.  C'était  le  deuxième  fils  de  sir  John, 
gouverneur  d'Alnwick  en  1314.  Il  fit  partie  de  l'expédi- 
tion qui,  sous  les  ordres  d'Edouard  III,  envahit  la  France 
en  1346.  Felton  était  à  la  bataille  de  Crécy  ;  on  le  trouve 
aussi  à  celle  de  Poitiers  en  1355,  aux  côtés  du  prince 
Noir.  Il  fut  un  des  commissaires  qui  signèrent  le  traité  de 
Brétigny.  Quand  le  prince  Noir  fut  requis  par  Pierre  de 
Castille  de  l'aider  contre  Henri  de  Transtamare,  Felton, 
contre  l'avis  de  Chandos,  conseilla  d'écouter  le  prétendant. 
Il  commandait  l'avant-garde  à  Navarette  (1357),  où  il  fut 
pris.  Racheté,  il  guerroya  pendant  plusieurs  années  en 


FELTÔN  —  FELTRE 


—  14$  - 


Aquitaine,  sous  le  duc  de  Lancastre.  Fait  prisonnier  de 
nouveau  par  les  Français,  près  de  Bordeaux  (nov.  1377), 
il  ne  fut  relâché  qu'en  1380.  Ch.-V.  L. 

FELTON  (John),  assassin  anglais,  né  vers  1595,  mort 
le  28  nov.  4628.  Il  était  d'une  famille  originaire  du  Suf- 
folk  et,  par  sa  mère,  petit-fils  d'un  maire  de  Durham.  D'un 
caractère  morose,  il  ne  se  fit  pas  aimer  de  ses  camarades 
dans  l'armée,  où  il  entra  de  bonne  heure  en  qualité  d'of- 
ficier. Il  fit  partie,  comme  lieutenant,  de  l'expédition  de 
Cadix  en  1625.  En  1627,  il  demanda  une  compagnie;  le 
duc  de  Buckingham,  qui  semble  avoir  eu  un  parti  pris 
contre  lui,  lui  refusa  durement  toute  espèce  d'avancement. 
Felton  vint  à  Londres  réclamer  l'arriéré  de  sa  paye  ;  et, 
très  pauvre,  de  plus  en  plus  sombre,  il  se  mit  à  fortifier 
sa  rancune  privée  contre  Buckingham  par  la  lecture  des 
pamphlets  du  temps.  Le  23  août  1628,  il  arriva  à  Ports- 
mouth,  sous  prétexte  de  reprendre  du  service  dans  l'armée 
que  Buckingham,  grand  amiral,  réunissait  en  vue  d'une 
expédition  contre  la  France.  Il  tua  d'un  coup  de  couteau 
le  célèbre  favori.  Cet  acte  excita  dans  toute  l'Angleterre 
l'enthousiasme  populaire  ;  on  but  à  la  santé  du  «  nouveau 
David  »  ;  les  prédicants  puritains,  le  comte  d'Arundel  et 
lord  Maltravers,  allèrent  le  réconforter  dans  sa  prison. 
Quand  il  eut  été  pendu  à  Tyburn,  sans  torture  préalable, 
toute  une  littérature  d'épitaphes  et  de  ballades  célébra  sa 
mémoire  :  elle  a  été  recueillie  et  publiée  en  1850,  par 
F.-W.  Fairholt  pour  la  Percy  Society  (Poems  and  songs 
relating  to  Buckingham  and  his  assassination).  Le 
couteau  dont  Felton  se  servit,  un  couteau  acheté  dix  sous 
à  Tower  Hill,  est  en  la  possession  du  comte  de  Denbigh, 
à  Newnham  Paddox  (Warwickshire).  Ch.-V.  L. 

FELTON  (Henry),  écrivain  et  prédicateur  anglais,  né 
à  Londres  en  1679,  mort  en  1740.  Il  publia  en  1706  une 
brochure  contre  les  presbytériens  de  Colebrooke  qui  fit 
quelque  bruit,  et,  en  1711,  Dissertation  on  reading  the 
classics  and  forming  a  just  style,  qui  eut  plusieurs  édi- 
tions. Vinrent  ensuite  Character  of  a  good  Prince;  The 
Scripture  Doctrine  in  the  Books  of  Moses  and  Job. 
Mais  il  était  connu  surtout  comme  prédicateur  et  en  1781, 
son  fils,  le  révérend  "William  Felton,  publia  ses  sermons 
précédés  d'une  Vie  de  l'auteur.  L'un  d'entre  eux,  The 
Christian  Faith  againts  Deists,  Arians  and  Socians, 
avec  une  préface  sur  Light  and  Law  of  Nature  and  the 
Expediency  and  Necessity  of  Bevelalion,  passe  dans 
tout  ce  fatras  pour  son  meilleur  ouvrage.     Hector  France. 

FELTON  (Cornelius-Conway),  professeur  et  littérateur 
américain,  né  à  West  Newbury  (Massachusetts,  Etats-Unis) 
le  6  nov.  1807,  mort  en  Pennsylvanie  le  26  févr.  1862. 
Elevé  à  l'université  de  Harvard,  où  il  eut  pour  maîtres 
Everett  et  Bancroft,  Felton  s'adonna  à  l'enseignement  des 
lettres  classiques,  professa  dès  1829  à  Harvard  et  succéda 
en  1834  à  Everett  dans  la  chaire  de  littérature  grecque. 
Helléniste  distingué,  orateur,  écrivain,  critique,  érudit,  il 
occupa  dignement  son  poste  jusqu'en  1860,  et  n'interrom- 
pit son  enseignement  que  durant  une  année  (avr.  1 853  à 
mai  1854)  consacrée  à  un  voyage  en  Europe.  Il  visita  l'An- 
gleterre, l'Allemagne,  la  France,  la  Suisse,  l'Italie,  la  Tur- 
quie, la  Grèce  surtout  où  il  séjourna  cinq  mois.  En  1860 
il  fut  nommé  président  de  l'université  et  garda  ces  fonc- 
tions jusqu'à  sa  mort.  Les  écrits  de  Felton  sont  en  tel 
nombre  qu'on  ne  saurait  citer  que  les  principaux.  En 
dehors  de  travaux  de  tous  genres  publiés  dans  la  North 
American  Beview  et  quantité  d'autres  magazines,  essais 
littéraires,  notes  critiques,  séries  de  «  lectures  »  à  l'insti- 
tut Lowell  et  dans  d'autres  établissements  analogues,  il  a 
laissé  :  une  édition  de  Ylliade,  annotée,  avec  les  illus- 
trations de  Flaxman,  une  traduction  de  la  Littérature  alle- 
mande de  Menzel,  un  choix  de  morceaux  tirés  des  auteurs 
grecs  (prose  et  poésie),  des  éditions  des  Nuées,  d'Aristo- 
phane, du  Panégyrique,  d'Isocrate,  de  YAgamemnon, 
d'Eschyle,  des  Niebelungen,  de  Longfellow,  etc.,  un  livre 
sur  les  études  classiques,  un  autre  sur  des  conférences 
faites  à  Boston  en  français  par  Arnold  Guyot,  un  choix  de 


morceaux  d'auteurs  grecs  modernes,  des  Lettres  familières 
d'Europe,  etc.,  etc.  Aug.  M. 

FELTRE.  Arme  défensive  ancienne.  C'était  une  sorte 
de  cuirasse  faite  de  laine  foulée  que  l'on  avait  trempée  dans 
le  vinaigre  pour  arrêter  les  armes  tranchantes.  Elle  était 
en  usage  chez  les  Romains. 

FELTRE.  Ville  d'Italie,  prov.  de  Bellune  (Vénétie), 
sur  la  Colmeda,  sous-affluent  de  la  Piave  et  à  10  kil.  de 
la  frontière  autrichienne;  12,345  hab.  Située  au  pied  des 
Alpes  Cadoriques,  sur  la  route  de  Bellune  à  Bassano  et  à 
peu  de  distance  du  val  de  Levico,  cette  ville  fut  souvent 
assiégée  et  prise.  De  1805  à  1814,  elle  fut  un  chef-lieu 
d'arrondissement  du  dép.  de  la  Piave.  Le  général  Clarke, 
ministre  de  la  guerre  de  Napoléon  Ier,  portait  le  titre  de 
duc  de  Feltre. 

FELTRE  (Henri-Jacques-Guillaume,  duc  de)  (V.Clàrke). 

FELTRE  (Charles-Marie-Augustin  de  Goyon,  duc  de), 
général  et  homme  politique  français,  né  à  Nantes  le 
13  sept.  1803,  mort  à  Paris  le  17  mai  1870.  Sorti  de 
Saint-Cyr,  il  fit  la  campagne  d'Espagne  (1823),  servit  dans 
les  hussards  et  dans  les  dragons,  et,  promu  en  1845 
colonel  du  2e  régiment  de  cette  arme,  eut  à  repousser  l'in- 
surrection de  juin  1848.  Le  15  avr.  1850,  il  était  nommé 
général  de  brigade  et  commandant  en  chef  de  l'Ecole  de 
Saumur.  Partisan  du  coup  d'Etat  du  2  déc,  il  servit  d'aide 
de  camp  à  Louis-Napoléon  et  l'accompagna  dans  ses  diverses 
tournées  dans  les  départements.  Générai  de  division  en 
1853,  le  comte  de  Goyon  commanda  le  camp  de  Lunéville, 
puis  fut  chargé  du  commandement  de  l'armée  d'occupation 
de  Rome  (1856).  Le  25  mai  1862,  il  fut  créé  sénateur  et 
obtint,  en  1864,  le  droit  de  relever  le  titre  de  duc  de 
Feltre.  Il  exerça  encore  le  commandement  du  6e  corps 
d'armée,  de  1867  à  1868.  —Son  fils,  Charles-Marie- 
Michel,  né  à  Chantenay  (Loire-Inférieure)  le  14  sept.  1844, 
attaché  d'ambassade  à  Madrid  (1867),  à  Londres  (1868), 
attaché  à  la  direction  politique  du  ministère  des  affaires 
étrangères,  s'engagea  dans  les  guides  au  début  de  la  guerre 
franco-allemande.  Fait  prisonnier  à  Metz,  il  s'échappa  et 
servit  dans  un  régiment  de  hussards.  En  1875,  il  se  pré- 
senta sans  succès  dans  les  Côtes-du-Nord,  à  une  élection 
partielle;  le  20  févr.  1876,  il  était  élu  député  de  Guin- 
gamp.  Invalidé,  il  fut  réélu  le  21  mai.  Membre  du  parti 
impérialiste,  il  appuya  le  gouvernement  du  16  mai,  fut 
réélu  le  14  oct.  1877,  combattit  le  cabinet  Dufaure  et  la 
politique  opportuniste.  Réélu  encore  en  1881,  il  échoua  en 
1885.  —  Son  frère,  le  comte  de  Goyon  (V.  ce  nom),  a 
été  élu  député  de  Guingamp  en  1889. 

FELTRE  (Alphonse  Clàrke,  comte  de),  musicien  fran- 
çais, troisième  fils  du  maréchal  duc  de  Feltre,  né  à  Paris 
le  27  juin  1806,  mort  à  Paris  le  3  déc.  1850.  Il  fut  élève 
à  l'Ecole  militaire  des  pages  du  roi  (1824-1826),  sous- 
lieutenant  aux  cuirassiers  de  Berry  où  servaient  ses  deux 
frères,  et  donna  sa  démission  d'officier  en  1829.  Reicha 
fut  son  professeur  et  il  reçut  aussi  des  conseils  de  Boïel- 
dieu.  Il  a  écrit  pour  le  théâtre  :  Une  Aventure  de  Saint- 
Foix,  opéra-comique  (inédit),  sur  un  livret  d'Alexandre 
Duval,  déjà  traité  par  Tarchi;  la  Garde  de  Nuit  (1831), 
opéra-comique  accompagné  par  le  piano  et  les  instruments 
à  cordes,  représenté  chez  la  princesse  de  Vaudémont  ;  le 
Fils  du  prince  (1834),  joué  au  théâtre  de  l'Opéra-Co- 
mique  ;  Vïncendio  diBabilonia  (1841),  demeuré  inédit  ; 
le  Capitaine  Albert,  version  augmentée  et  instrumentée 
pour  orchestre  de  la  Garde  de  nuit  (cet  ouvrage,  mis  en 
répétition  à  l'Opéra-Comique  en  1844,  fut  retiré  par  l'au- 
teur) ;  et  enfin  une  partie  delà  Valérie  de  Scribe  etMéles- 
ville.  On  lui  doit  de  nombreux  morceaux  pour  piano  seul, 
piano  et  violon,  piano  et  instruments  à  cordes  ou  à  vent, 
ou  pour  cordes  et  instruments  à  vent  seuls,  tels  que  sonates, 
rondos,  trios,  quatuors,  quintettes,  airs  variés,  valses, 
suites,  etc.  Il  a  également  composé  beaucoup  de  musique 
vocale,  nommément  :  cinq  duos  bouffes  pour  soprano  et 
basse  ;  les  Chasseurs,  duo  pour  ténor  et  basse  ;  Ave  Maria; 
Hymne  a  la  Vierge;  des  airs  et  scènes  sur  les  Médita- 


—  143  — 


FELTRE  —  FEMME 


tions  de  Lamartine  ;  trois  Dernières  Pensées;  trois  recueils 
de  mélodies  :  les  Femmes,  Un  Premier  Amour,  Un 
Roman  de  jeune  fille  ;  plus  de  cent  vingt  romances,  chan- 
sonnettes, mélodies  séparées,  entre  autres  :  l'Ame  du  Pur- 
gatoire, Pietro,  la  Peur  de  l'orage,  Printemps  d'amour. 
Une  partie  seulement  de  ces  diverses  compositions  a  été 
publiée.  A.  E. 

FELTRINI  ou  FELTRINO  (Andréa),  peintre  italien,  né 
à  Florence  en  1477,  mort  en  1548.  Au  nom  d'Andréa  di 
Cosimo,  qu'il  porta  d'abord  en  l'honneur  de  son  premier 
maître,  Cosimo  Rosselli,  il  substitua  celui  de  Feltrino,  lors- 
qu'il se  fut  initié  sous  le  Vénitien  Morto  da  Feltro  à  la  pein- 
ture d'arabesques,  qui  resta  son  genre  de  prédilection  et 
dont  il  répandit  le  goût  à  Florence.  Artiste  d'une  imagi- 
nation brillante,  il  employa  surtout  son  talent  à  décorer  les 
édifices,  les  façades,  les  murs,  toits,  frises  et  lambris.  Il 
excella  surtout  dans  les  sgraffites.  Il  avait  épousé  une  sœur 
du  Sansovino,  et  eut  pour  élèves  et  aides  Mariotto  et 
Raffaele  Mettidoro.  Gourd ault. 

Bibl.  :  Vasari,  Le  Vite. 
FELTRO  (Morto  da)  (V.  Morto). 
FELU  (Charles),  peintre  belge,  né  en  1820.  Etant  privé 
de  bras,  il  parvint,  grâce  à  une  application  extraordinaire, 
à  se  servir  de  son  pied  droit  pour  dessiner  et  pour  peindre. 
Outre  un  certain  nombre  de  portraits  que  l'on  dit  fort 
remarquables,  il  a  exécuté  une  foule  de  croquis  d'après  les 
maîtres. 

FELZINS.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  et  cant.  de  Figeac, 
716  hab. 

FEMEIÔT  (Mar.).  On  appelle  femelot  ou  conassière  un 
piton  placé  sur  l'arrière  d'une  penture  à  deux  branches 
appliquée  sur  les  faces  latérales  de  l'étambot  arrière  où 
elles  sont  fixées  par  de  grandes  vis  à  bois.  Ce  piton  reçoit 
Faiguillot  ou  vitonnière  du  gouvernail  et  sert  à  supporter 
ce  dernier.  Les  femelots  sont  au  nombre  de  quatre  ou  cinq, 
en  nombre  égal,  naturellement,  aux  aiguiilots.  La  succes- 
sion des  femelots  forme  la  charnière  autour  de  laquelle 
tourne  le  gouvernail.  —  Dans  les  nouvelles  constructions, 
avec  le  système  de  gouvernails  compensés,  les  femelots 
n'existent  plus.  Le  gouvernail  pivote  sur  une  crapaudine 
placée  sur  une  semelle  en  bronze  qui  est  en  quelque  sorte 
le  prolongement  de  la  quille  après  l'étambot  arrière. 

FÉMININ  (Gram.).  Le  féminin  est  l'un  des  genres 
(V.  ce  mot)  que  le  langage  attribue  au  substantif.  Sa 
fonction  est  de  marquer  qu'un  objet  est  considéré  comme 
un  être  animé  du  sexe  féminin.  Par  suite,  tous  les  noms 
qui  désignent  des  êtres  animés  du  sexe  féminin  sont  du 
féminin  :  femme,  sœur,  vache,  etc.  Le  féminin  comprend 
encore  une  série  de  noms  qui  ne  désignent  pas  des  êtres 
animés.  C'est  alors  le  plus  souvent  l'analogie  de  la  termi- 
naison qui  a  déterminé  le  genre.  Ainsi  en  grec  tous  les 
noms  de  la  première  déclinaison  qui  n'ont  pas  le  génitif 
en  ou  sont  du  féminin  ;  en  latin,  il  n'y  a,  dans  la  même 
déclinaison,  que  les  noms  d'êtres  animés  du  sexe  masculin 
qui  ne  soient  pas  du  féminin.  Toutefois,  la  notion  de  genre 
n'est  pas  en  règle  générale  attachée  aux  désinences.  Mais 
il  y  a  des  suffixes  qui  servent  exclusivement  à  former  des 
noms  féminins,  comme  d'autres  des  noms  masculins,  etc. 
Cela  vient  ou  de  ce  que  le  suffixe  a  été  pour  la  première 
fois  considéré  comme  tel  dans  un  mot  qui  servait  à  dési- 
gner un  individu  du  sexe  féminin,  ou  que  le  premier  subs- 
tantif de  la  série  a  été  d'abord  un  adjectif  construit  avec 
un  substantif  féminin  dont  il  a  gardé  le  genre  (patria 
[terra]  àepatrius,  a,  um).  On  s'explique  ainsi  pourquoi 
montagne  est  du  féminin,  tandis  que  mont  est  du  mas- 
culin, pourquoi  le  neutre  latin  mirabïlia  devenu  substantif 
de  la  première  déclinaison  a  donné  le  féminin  français 
merveille. 

Dans  les  adjectifs,  le  féminin  doit  être  considéré  comme 
une  forme  spéciale  destinée  à  marquer  le  rapport  de  l'ad- 
jectif avec  un  substantif  féminin  {bonne  à  côté  de  bon, 
bona  à  côté  de  bonus  et  de  bonum).  Quand  cette  forme 


n'existe  pas,  l'adjectif  n'a  pas  de  féminin,  comme  en  an- 
glais, où  l'adjectif,  étant  invariable,  n'a  pas  de  genre, 
comme  en  français  dans  les  adjectifs  terminés  par  un  e 
muet,  comme  en  latin  dans  le  nominatif  prudens  qui  sert 
pour  les  trois  genres,  etc.  Dans  certaines  langues  le  féminin 
existe  même  dans  les  verbes  ;  il  faut  le  définir  alors  la 
forme  spéciale  que  prend  le  verbe  pour  marquer  le  rap- 
port à  un  sujet  du  féminin.  C'est  ce  qui  a  lieu  dans  les 
langues  sémitiques.  Ethiopien  :  gabarca,  tu  es  fort  ;  ga- 
barci,  tu  es  forte.  Hébreu:  k'dlaltem(masc),  k'dlalten 
(fém.),  vous  êtes  en  train  de  tuer.  Le  féminin  n'existe  pas 
dans  les  langues  dites  isolantes  ou  agglutinantes,  qui  n'ont 
pas  de  genre  du  tout.  D'autres,  au  contraire,  comme  le 
cafre,  où  l'on  rencontre  jusqu'à  dix-sept  catégories  de  subs- 
tantifs répondant  à  autant  de  genres  différents,  en  ont 
plusieurs  pour  notre  seul  féminin.         Paul  Giqueaux. 
FEM1N1S  (Giovanni-Paolo)  (V.  Farina  [Giovanni-Maria]. 
FEMME.  ï.  Anthropologie  et  Physiologie. —  Envi- 
sagée au  point  de  vue  de  l'anthropologie  et  de  la  physiologie, 
c.-à-d.  au  point  de  vue  purement  zoologique,  la  femme  ne 
peut  se  définir  que  comme  étant  la  femelle  de  l'homme. 
Assurément,  la  phrase  n'est  point  galante;  mais  ni  l'anthro- 
pologie ni  la  zoologie  n'ont  l'art  des  périphrases  atténuantes 
ou  des  métaphores  qui  déguisent  la  pensée.  Acceptons 
donc  simplement  la  définition  dans  sa  brutalité,  et  envi- 
sageons la  femme  au  point  de  vue  strictement  physiolo- 
gique. Le  rôle  est  quelque  peu  ingrat  sans  doute  :  c'est 
celui  du  numismatiste  auquel,  d'une  médaille,  il  ne  serait 
permis  de  considérer  que  le  revers  ;  mais  encore  faut-il 
tenir  compte  de  ce  revers,  et  peut-être  le  numismatiste  infor- 
tuné dont  il  s'agit  préférera- 1— il  encore  son  sort  à  celui 
de  son  confrère  qui  ne  voit  ni  revers  ni  endroit...  Est-ce 
légende  ancienne,  est-ce  simple  boutade,  je  ne  sais  :  mais 
on  a  dit  qu'en  réalité  la  femme  n'est  point  la  femelle  de 
l'homme  actuel  ;  qu'autrefois,  elle  avait  un  compagnon 
plus  semblable  à  elle,  mais  que  ce  compagnon  fut  graduelle- 
ment exterminé  par  une  race  plus  vigoureuse  et  plus  gros- 
sière, — -  les  petits-enfants  de  quelque  anthropoïde  mieux 
armé  pour  la  lutte  pour  l'existence,  sans  doute  —  et  cette 
race,  ce  serait  celle  de  l'homme  actuel.  C'est  appuyer, 
sous  une  forme  métaphorique,  sur  la  différence  qui  existe 
entre  l'homme  et  la  femme  considérés  au  point  de  vue  de 
l'intelligence,  de  l'émotivité  et  de  la  volonté.  Cette  diffé- 
rence est  considérable  à  coup  sûr,  mais  elle  n'est  sans  doute 
pas  d'ordre  surnaturel  :  elle  s'explique  par  les  dissem- 
blances qui  séparent  les  deux  sexes.  C'est  de  ces  dissem- 
blances qu'il  nous  faut  parler  ici,  et  nous  les  énumérerons 
en  ordre,  en  nous  attachant  non  seulement  aux  caractères 
anatomiques,  mais  aux  particularités  d'ordre  physiologique 
et  à  leur  retentissement  sur  l'organisme  de  la  femme. 

Caractères  anatomiques.  —  On  peut,  j'imagine,  le  dire 
sans  blesser  la  femme,  et  sans  rien  lui  faire  perdre  de  son 
charme  et  de  sa  puissance  sur  l'homme  :  elle  est,  anato- 
miquement,  moins  bien  organisée  ;  elle  est  moins  résistante, 
moins  vigoureuse.  Cette  infériorité  anatomique  incontes- 
table se  traduit  dans  tous  les  appareils,  dans  tous  les 
tissus,  dans  toutes  les  fonctions  :  je  ne  parle,  cela  va  de 
soi,  que  des  tissus,  appareils  et  fonctions  communes  aux 
deux  sexes. 

Sa  taille  est  moins  élevée  que  celle  de  l'homme  :  la 
stature  masculine  l'emporte  en  moyenne  de  8,  40  et 
12  cent.,  et  c'est  là  un  caractère  constant  :  on  l'observe 
aussi  bien  chez  les  Patagons  que  chez  les  Parisiens,  ou, 
pour  prendre  un  type  de  beauté  virile  moins  contestable, 
chez  les  Normands  ;  on  l'observe  dès  le  début  comme  à  la 
fin  de  la  vie  :  le  nouveau-né  masculin  est  plus  long  que  le 
nouveau-né  féminin.  Même  différence  à  l'égard  du  poids: 
l'homme  moyen  pèse  47  kilogr.,  d'après'  Quételet  —  ce 
chiffre  est  un  peu  faible  —  et  la  femme  42  kilogr.  1/2  ; 
le  nouveau-né  masculin  l'emporte  d'environ  350  gr.  sur  le 
nouveau-né  féminin.  Ce  dernier  fait  est  général,  mais  la 
différence  dans  le  poids  des  deux  sexes,  à  la  naissance,  peut 
être  plus  grande  comme  elle  peut  être  aussi  moins  considé- 


FEMME 


—  144  — 


rable.  Le  squelette  de  la  femme  est,  au  poids  total  du  corps 
1 1  8,5  :  100,  au  lieu  que  chez  l'homme  le  rapport  est  10,5  : 
100.  Elle  a  donc  le  squelette  plus  léger.  Chez  elle  encore,  les 
empreintes  osseuses  et  les  saillies  où  viennent  s'attacher  les 
muscles  sont  moins  développées  ;  les  tubérosités  du  radius 
—  pour  le  biceps  —  et  du  tibia  —  pour  le  triceps  fémoral  — 
n'ont  pas  à  beaucoup  près  le  volume  qu'elles  offrent  chez 
l'homme.  L'humérus  (os  du  bras)  offre  une  torsion 
moindre  que  chez  l'homme  ;  à  l'extrémité  inférieure  du 
même  os  on  rencontre  plus  souvent  que  dans  le  squelette 
masculin  la  perforation  olécranienne  qui  est  un  caractère 
d'infériorité,  un  caractère  fréquent  chez  le  gorille  et 
l'orang-outang,  et  plus  fréquent  chez  les  races  inférieures 
que  chez  les  races  supérieures.  Un  autre  caractère  d'infé- 
riorité se  trouve  encore  dans  la  clavicule,  qui  est  plus 
longue  chez  la  femme  que  chez  l'homme,  et  qui  est  habi- 
tuellement plus  longue  chez  les  races  inférieures  que  chez 
les  races  supérieures.  Le  fémur  est  plus  oblique  chez  la 
femme  —  en  raison  de  la  forme  du  bassin  —  et  c'est  là 
une  conformation  désavantageuse  au  point  de  vue  de  la 
locomotion  ;  le  radius,  de  même  que  chez  les  races  infé- 
rieures, est  plus  long  chez  la  femme.  Notons  enfin  que  le 
bassin  de  la  femme  est  moins  ample;  sa  capacité  est 
moindre  ;  s'il  est  plus  large,  il  est  moins  haut  que  chez 
l'homme  :  mais  ceci  ne  peut  être  considéré  comme  un 
caractère  d'infériorité.  Les  différences  qui  viennent  d'être 
signalées  pour  quelques-uns  des  os  se  retrouvent  dans  la 
plupart  des  éléments  du  squelette  :  elles  vont  même  plus 
loin  et  on  les  retrouve  dans  la  constitution  intime,  dans  la 
constitution  chimique  des  os  homologues  considérés  tour  à 
tour  chez  l'homme  et  la  femme.  D'ailleurs,  pareils  faits 
s'observent  tout  aussi  nettement  chez  les  animaux.  Prenez 
deux  squelettes,  masculin  et  féminin,  du  même  âge  et  de 
même  race,  et  faites-en  l'analyse  chimique  :  il  y  a  des 
différences  considérables,  comme  dans  l'exemple  que  voici  : 

Femmes  Hommes 

Phosphate  de  chaux 62,15  58,32 

Carbonate  de  chaux 4,52  9,98 

Matières  organiques 33,33  31,78 

Matières  inorganiques 66,67  68,30 

Chez  la  femme  donc,  il  y  a  une  différence  quantitative 
qui  n'est  pas  à  son  avantage,  car  le  carbonate  de  chaux 
est  plus  utile  que  le  phosphate,  et  son  squelette  en  ren- 
ferme moins  que  celui  de  l'homme. 

Son  système  musculaire  est  moins  développé,  comme 
chacun  sait  :  il  est  moins  volumineux,  il  est  plus  faible 
que  celui  de  l'homme  d'un  tiers;  ses  mouvements  enfin  sont 
moins  rapides  et  moins  précis.  Par  contre,  le  système  adi- 
peux est  plus  développé,  et  c'est  ce  qui  donne  à  ses  formes 
leur  rondeur  et  leur  grâce  :  à  l'autopsie  de  la  femme  en 
apparence  la  plus  maigre,  on  est  souvent  surpris  de  voir 
combien  il  persistait  encore  de  tissu  adipeux,  et  les  sujets 
féminins  «  gras  »  épouvantent  par  l'épaisseur  de  l'enve- 
loppe de  graisse  jaune  qui  se  dépose  entre  la  peau  et  les 
muscles.  Le  pied  de  la  femme  est  plus  plat,  moins  cambré 
que  celui  de  l'homme,  et  c'est  encore  ici  un  caractère 
d'infériorité  :  les  races  les  moins  élevées  ont  le  pied  plus 
plat  que  les  races  supérieures.  Si  de  l'extérieur  nous 
passons  à  l'intérieur,  mêmes  différences.  Les  reins,  le 
thymus ,  la  glande  thyroïde  sont  plus,,  développés 
et  plus  lourds  chez  la  femme  que  chez  l'homme  ;  mais 
l'urine  est  moins  riche  en  urée  (19,1  °/0o  au  lieu  de 
28,8  chez  l'homme);  ce  dernier  caractère  toutefois  est  inhé- 
rent non  au  rein,  mais  à  la  différence  dans  les  processus 
de  nutrition  et  de  dénutrition.  Le  cœur  est  plus  petit, 
plus  léger  (240  gr.  au  lieu  de  300  gr.  en  moyenne)  et  ceci 
suffirait  à  prouver,  s'il  en  était  besoin,  que  le  volume  de 
cet  organe  n'a  rien  à  faire  avec  les  capacités  affectives  ;  le 
pouls  est  plus  fréquent  (de  10,  12,  44  pulsations  par 
minute,  comparé  à  celui  de  l'homme),  comme  cela  a  lieu 
d'ailleurs  chez  la  femelle  des  animaux  supérieurs  :  lion,  60 , 
lionne,  68  ;  taureau,  46,  génisse,  66  ;  bélier,  63,  bre- 


bis, 80  ;^  etc.  ;  la  tension  artérielle  est  plus  faible.  Le 
sang  lui-même  diffère  sensiblement,  non  seulement  en 
quantité,  ce  qui  est  tout  naturel  en  raison  de  la  différence 
de  dimensions,  mais  en  qualité.  Le  sérum  contient  moins 
de  sels  (0,81  °/0  au  lieu  de  0,88)  et  Quételet  a  vu  que  la 
proportion  des  sels  du  sang  diffère  de  la  façon,que  voici 
aux  âges  différents  : 

Hommes         Femmes 

1  an 14,2  13,3 

10  ans 37,1  34,4 

30  ans 98,9  78,4 

Le  fer  est  probablement  plus  abondant  dans  le  sang 
masculin,  car,  chez  les  animaux  domestiques,  Boussingauit 
a  relevé  des  différences  notables  (bœuf  0,48  °/0,  vache 
0,35  °/o)-  H  doit  en  être  de  même  pour  le  sel  marin  :  le 
coq  est  plus  salé  que  la  poule.  Le  sang  de  la  femme  con- 
tient moins  d'hémoglobine,  et  la  proportion  des  globules 
rouges  est  moindre  aussi  (300  pour  700  de  plasma,  au 
lieu  de  350  ou  400  pour  600  de  plasma;  3,500,000  glo- 
bules rouges  par  millimètre  cube,  au  lieu  de  4,500,000). 
Par  contre,  les  globules  blancs  sont  plus  abondants  chez 
elle  (1  pour  250  globules  rouges  au  lieu  de  1  pour  300), 
mais  c'est  là  un  signe  d'infériorité  physiologique. 

Les  différences  sont  également  sensibles  en  ce  qui  con- 
cerne l'appareil  respiratoire  :  la  capacité  thoracique  est 
moindre  ;  la  capacité  pulmonaire  est  d'un  demi-litre  infé- 
rieure à  celle  de  l'homme  (3  lit.  au  lieu  de  3m5  en 
moyenne),  la  respiration  est  un  peu  plus  fréquente,  mais 
l'absorption  d'oxygène  et  le  dégagement  d'acide  carbonique 
sont  moindres  :  l'homme  brûle  llsr2  de  carbone  par 
heure  et  la  femme  6sr4.  Aussi  la  température  de  la 
femme  est-elle  moindre  que  celle  de  l'homme  ;  elle  produit 
moins  de  chaleur,  et  pourtant  elle  en  perd  moins  que 
l'homme,  en  raison  de  son  enveloppe  de  graisse.  Du  côté 
de  l'appareil  digestif,  il  n'y  a  guère  à  signaler  que  la  fré- 
quence plus  grande  de  la  faim  —  bien  que  la  femme  mange 
moins  que  l'homme,  —  la  préférence  pour  les  légumes,  les 
sucreries,  la  gourmandise  :  mais  ce  sont  là  des  caractères 
insignifiants  à  côté  de  ceux  que  la  tête  et  le  cerveau  nous 
offrent  à  considérer.  La  tête  de  la  femme  est,  à  tous  les 
âges,  plus  petite  que  celle  de  l'homme,  et  le  plus  souvent 
le  crâne  de  la  femme  présente  un  ensemble  de  caractères 
qui  le  font  aisément  distinguer  de  celui  de  l'homme.  Cette 
infériorité  de  volume  est  un  caractère  qui  s'accuse  d'autant 
mieux  que  l'on  étudie  le  crâne  de  nations  plus  civilisées  : 
le  crâne  de  l'homme  s'accroît  sensiblement,  tandis  que 
celui  de  la  femme  reste  petit  :  il  ne  s'accroît  pas  dans  la 
même  proportion  que  celui  du  sexe  masculin  :  il  bénéficie 
donc  moins  des  avantages  de  la  civilisation  :  la  femme,  à 
cet  égard,  se  perfectionne  moins  que  l'homme  (G.  Le  Bon) 
et  à  peine  a-t-elle  le  crâne  plus  volumineux  que  ses  sœurs 
préhistoriques.  C'est  là  un  fait  important  sur  lequel  nous 
reviendrons.  Naturellement  le  volume  ou  la  capacité  du 
crâne  est  moindre  chez  la  femme  ;  le  rapport  entre  le  vo- 
lume des  crânes  féminin  et  masculin  est  celui  de  85  à  100  ; 
la  différence  est  naturellement  aussi  d'autant  plus  grande 
qu'il  s'agit  de  races  plus  élevées.  Notons  encore,  à  propos 
du  crâne,  la  persistance  plus  fréquente  chez  la  femme  de 
l'os  intermaxillaire  (caractère  d'infériorité)  et  le  progna- 
thisme plus  grand  du  maxillaire  inférieur. 

Du  côté  du  cerveau,  il  y  a  des  différences  également 
marquées  :  le  poids  est  de  1,100-1,300  gr.,  au  lieu  de 
l,200-d,400  gr.  chez  l'homme  ;  il  est  de  l/40e  du  poids 
du  corps  chez  l'homme  et  de  l/44e  chez  la  femme.  La  dif- 
férence varie  selon  les  âges,  devenant  plus  grande  à  l'âge 
où  le  cerveau  doit  être  le  plus  développé  :  *étant  de  7  % 
de  21  à  30  ans,  et  de  11  °/0  de  31  à  40  ans,  en  faveur 
de  l'homme,  même  en  tenant  compte  de  la  différence  du 
poids  du  corps  entier.  En  outre,  le  cerveau  féminin  est 
moins  plissé,  les  circonvolutions  sont  moins  belles,  moins 
amples,  et  se  détachent  avec  moins  de  relief;  c'est  là  un 
caractère  d'infériorité  très  positif.  Il  y  a  plus  de  symétrie 
que  chez  le  cerveau  humain,  plus  d'égalité  de  poids,  plus 


145  - 


FEMME 


de  similitude  dans  les  plis  et  sillons.  La  densité  de  la 
substance  grise  est  différente  :  tandis  que  chez  l'homme  et 
la  femme  la  densité  de  la  substance  blanche,  purement 
conductrice,  ne  varie  point,  celle  de  la  substance  grise, 
qui  est  la  partie  active,  la  partie  formée  de  cellules,  la 
partie  véritablement  intelligente,  active  et  émotive,  diffère 
chez  les  deux  sexes  ;  elle  est  moindre  chez  les  femmes 
(1,034  au  lieu  de  1,036  ou  1,037,  d'après  Crichton- 
Browne)  et  cette  différence  s'observe  dans  la  substance 
grise  de  toutes  les  parties  du  cerveau.  On  remarquera 
encore  que  les  différentes  parties  du  cerveau  n'ont  pas  chez 
la  femme  le  même  développement  que  chez  l'homme.  Chez 
ce  dernier,  les  lobes  frontaux  —  ceux  où  l'on  est  d'accord 
pour  placer  l'organe  des  opérations  intellectuelles  et  des 
fonctions  psychiques  supérieures,  sont  prépondérants  :  ils 
sont  d'autant  plus  beaux  et  volumineux  qu'il  s'agit  de 
races  plus  civilisées.  Chez  les  femmes,  ce  sont  les  lobes 
occipitaux  qui  sont  les  plus  développés  et  ont  plus  d'im- 
portance, et  ce  sont  ceux  où  la  physiologie  localise  les 
centres  émotifs  et  sensitifs.  Ceci  est  d'ailleurs  bien  d'accord 
avec  les  caractères  psychologiques  des  deux  sexes,  le  sexe 
masculin  ayant  plus  d'intelligence  ou  de  puissance  intellec- 
tuelle, tandis  que  la  femme  est  douée  d'une  plus  grande 
sensibilité.  Enfin,  nous  remarquons  que  l'irrigation  san- 
guine du  cerveau  de  la  femme  est  moins  satisfaisante  que 
chez  l'homme.  Crichton-Browne  et  S.  Martin  ont  noté  que 
le  calibre  de  la  carotide  est  plus  petit  chez  la  femme,  et  il 
en  est  de  même  pour  les  vaisseaux  qui  apportent  le  sang 
à  la  région  antérieure  du  cerveau,  au  lieu  que  les  vais- 
seaux qui  arrosent  la  partie  postérieure,  occipitale,  du  cer- 
veau, ont  chez  l'homme  un  calibre  moindre  que  chez  la 
femme.  Chez  celle-ci  donc,  il  y  a  développement  plus  con- 
sidérable de  la  région  sensitive  du  cerveau,  et  irrigation 
sanguine  meilleure  ;  chez  l'homme,  les  régions  motrice  et 
intellectuelle  sont  plus  développées  et  mieux  pourvues  de 
sang. 

Enfin,  si  nous  considérons  les  organes  des  sens,  nous 
constatons  quelques  différences  évidentes.  L'odorat  de  la 
lemme  est  inférieur  à  celui  de  l'homme,  d'après  des  expé- 
riences récentes  (Nichols  et  Bailey).  La  femme  ne  sent 
l'essence  de  citron,  par  exemple,  qu'à  dose  double  de  celle 
où  l'homme  en  signale  la  présence  ;  la  femme  ne  sent  pas 
l'acide  prussique  au  1 /20000e,  tandis  que  l'homme  le  sent 
encore  au  l/100000e.  Du  reste,  la  femme  témoigne  chaque 
jour  de  son  infirmité  au  point  de  vue  de  l'olfaction; 
elle  se  parfume  avec  excès,  au  goût  de  la  plupart  des 
hommes,  et  cela  vient  probablement,  non  seulement  de 
l'habitude,  mais  de  ce  que  la  même  quantité  de  par- 
fum produit  sur  elle  moins  d'effet  qu'elle  en  produit  sur 
l'homme.  Une  différence  analogue  semble  exister  pour 
les  autres  sens  :  la  femme  a  le  goût  moins  fin  que 
l'homme;  elle  apprécie  moins  bien  les  différences  de 
saveur  des  mets  et  des  vins  ;  les  dégustateurs  de  profession 
sont  toujours  des  hommes  ;  de  même  pour  les  trieurs  de 
laine,  les  accordeurs  de  piano,  etc.  Toutefois  des  recherches 
systématiques  satisfaisantes  sur  ce  point  font  encore  défaut. 
Enfin,  au  point  de  vue  de  la  sensibilité  à  la  douleur,  la 
femme  semble  jouir  d'une  véritable  supériorité,  en  ce  qu'elle 
ressent  moins  la  douleur  que  l'homme  ;  supériorité,  si  l'on 
veut,  car  elle  témoigne  d'une  insensibilité  relative.  Beau- 
coup de  chirurgiens  affirment  que  la  femme  supporte  mieux 
la  douleur,  et  qu'en  cas  d'opération  nouvelle  à  essayer,  il 
Yaut  mieux  opérer  sur  le  sexe  féminin,  moins  sensible  et 
par  cela  même  plus  résistant.  Toutefois,  il  est  à  noter  qu'en 
certains  cas  la  femme  paraît  plus  sensible  que  l'homme.  Les 
manifestations  extérieures  de  la  douleur  sont  plus  vives.  Mais 
y  a-t-il  là  véritablement  douleur  plus  grande?  Ne  faut-il  pas 
plutôt  admettre  qu'il  y  a  incitabilitè  plus  grande  à  Yirri- 
tabilité  et  non  de  la  sensibilité  ?  ce  qui  est  tout  différent. 
Ce  point  de  vue,  récemment  développé  par  Sergi  et  Lom- 
broso,  semble  juste  :  en  tous  cas,  il  faut  convenir  que 
la  discussion  est  bien  difficile  et  demeurera  telle  tant 
qu'on  ne  pourra   appliquer  à  la   douleur   une  mesure 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


précise.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  souscrirai  volontiers  à  ces 
lignes  de  Lombroso  :  «  Cette  insensibilité  relative  de  la 
femme  est  bien  heureuse  pour  l'humanité,  car  c'est  grâce 
à  elle  que  les  femmes  retombent  si  facilement  dans  la  gros- 
sesse malgré  les  douleurs  de  l'enfantement  et  malgré  le 
peu  de  part  qu'elles  prennent  aux  plaisirs  de  l'amour. 
L'homme,  avec  sa  sensibilité,  n'en  ferait  pas  autant.  » 

Caractères  physiologiques.  —  Les  caractères  dont  il 
s'agit  ici,  en  dehors  de  ceux  qui  viennent  d'être  signalés  à 
propos  des  organes  anatomiques,  sont  les  caractères  sexuels 
essentiels  :  la  menstruation,  la  lactation  et  la  grossesse. 
Des  deux  derniers  je  ne  dirai  rien  ici,  la  question  étant 
traitée  spécialement  aux  mots  correspondants  :  quelques 
mots  sont  toutefois  nécessaires  à  l'égard  de  la  première 
de  ces  fonctions,  bien  qu'elle  soit  également  l'objet  d'un 
article  spécial.  La  menstruation  est,  à  n'en  pas  douter,  le 
rut  de  la  femme,  comme  le  rut  est  la  menstruation  —  ou 
plutôt  l'ensemble  des  phénomènes  accompagnant  la  mens- 
truation—  des  animaux.  Il  est  plus  fréquent  chez  elle  que 
chez  les  femelles  des  animaux  supérieurs,  qui  d'habitude 
n'entrent  en  rut  que  une,  deux,  quatre  ou  cinq  fois  par 
an  :  il  a  lieu  une  fois  par  mois  à  partir  de  l'âge  de  douze, 
quatorze  ou  quinze  ans,  quelquefois  plus  tôt,  à  six  ans,  à 
trois  ans  —  cela  dépend  des  races  et  des  climats  — jusqu'à 
l'époque  critique  ou  ménopause,  époque  de  cessation  de  la 
menstruation,  qui  survient  vers  quarante-cinq  ou  cinquante 
ans.  La  menstruation  est  une  hémorragie  utérine  qui 
accompagne  la  production  des  œufs  et  leur  chute  hors  de 
l'ovaire,  et  c'est  un  phénomène  sexuel  important,  en  ce 
sens  que,  pendant  et  surtout  immédiatement  après  cette 
hémorragie,  il  y  a  tendance  plus  vive  à  l'activité  sexuelle. 
Chez  l'homme,  cette  tendance  ne  subit  guère  de  modifica- 
tion selon  les  époques  d'un  même  mois,  par  exemple,  mais 
chez  la  femme  elle  est  certainement  plus  prononcée  tout 
de  suite  après  la  cessation  de  l'écoulement  menstruel.  Cette 
hémorragie  ne  s'effectue  point  sans  retentir  à  des  degrés 
variables  d'ailleurs  sur  l'organisme  entier  de  la  femme. 
Même  dans  les  cas  où  le  retentissement  est  réduit  au  mi- 
nimum, chez  la  femme  bien  portante,  bien  équilibrée  de 
corps  et  d'esprit,  vivant  dans  un  milieu  physiquement  et 
moralement  sain,  dépourvue  des  excitations  factices  des 
grandes  agglomérations  humaines   qui  sont  la  source  de 
tant  de  maux  —  on  ne  le  dira  jamais  assez,  —  l'organisme 
féminin  est,  durant  un  temps  assez  long,  dans  un  état  de 
souffrance  et  de  faiblesse.  Avant  que  ne  s'établisse  l'hé- 
morragie, il  y  a  de  la  pesanteur  et  de  la  chaleur  de  la 
région  pelvienne  et  de  l'abdomen,  dues  à  la  congestion  qui 
s'y  fait,  le  cœur  bat  plus  fort,  la  respiration  est  plus  rapide, 
et  il  y  a  de  la  lassitude  générale  qui  nécessite  souvent  un 
repos  absolu,  en  même  temps  qu'une  excitabilité  nerveuse 
et  mentale  parfois  inquiétante.  L'hémorragie  s'établit  et 
il  survient  une  détente  relative  ;  la  femme  perd  de  100  à 
200  gr.  de  sang  (c.-à-d.  plus  d'un  litre,  et  parfois  deux 
litres  et  demi,  ou  plus  encore,  par  an),  et  durant  cette 
période  qui  dure  de  trois  à  cinq  jours  en  moyenne,  elle 
demeure  affaiblie  de  corps,  plus  excitable,  moins  équilibrée, 
et  ne  se  reprend  peu  à  peu  que  quelques  jours  après  la  fin 
de  l'écoulement  sanguin.  Si  beaucoup  de  femmes  ne  sont 
réellement  dans  un  état  anormal  que  pendant  huit  ou  dix 
jours  par  mois,  il  en  est  un  grand  nombre  pour  qui  cet  état 
dure  quinze  jours  et  plus,  et,  pour  celles-là,  on  peut  même 
dire  qu'il  a  une  durée  plus  longue  :  elles  sont  en  quelque 
sorte  dans  une  condition  de  faiblesse  irritable  constante, 
qui  leur  fait  envisager  la  vie  sous  les  couleurs  les  plus 
sombres  et  leur  enlève  toute  force,  tout  courage.  Des  soins 
intelligents  et  énergiques  sont  nécessaires,  car  sans  eux 
l'existence  entière  de  la  femme  peut  être  littéralement  gâ- 
chée. Durant  la  période  menstruelle,  donc,  la  femme,  sur- 
tout dans  les  villes ,  est  une  malade,  une  blessée,  et  son 
mal  retentit  nécessairement  sur  son  être  tout  entier,  et  la 
place,  de  la  sorte,  pour  un  temps,  dans  une  condition  d'in- 
fériorité physique  et  mentale  incontestable  par  rapport  à 
elle-même  et  par  rapport  à  l'homme  dont  la  vie  sexuelle 

10 


FEMME 


446 


ne  connaît  point  de  modifications  sensibles  autres  que  celles 
qu'apporte  l'âge.  Mais  il  faut  bien  se  dire  aussi  que  c'est 
sa  sexualité  qui  fait  la  femme,  et  que  c'est  à  son  organisa- 
tion sexuelle  qu'il  faut  rapporter  la  plus  grande  partie  de 
ses  caractères  moraux  et  mêmes  physiques.  Avant  la  pu- 
berté et  après  la  ménopause,  elle  diffère  moins  de  l'homme, 
et  les  opérations  qui  portent  atteinte  à  sa  sexualité,  à  sa 
fonction  sexuelle  pour  mieux  dire,  atténuent  également  la 
différence.  L'ovariotomie  double,  complète,  conduit  géné- 
ralement (car  il  y  a  des  exceptions,  peut-être  dues  à  ce 
que  l'opération  n'a  pas  été  complète)  à  la  ménopause,  et  à 
l'effacement  de  certains  caractères  sexuels  secondaires, 
bien  que  l'appétit  sexuel  ne  soit  point  invariablement 
détruit.  La  castration  de  la  femme  fait  disparaître  en  par- 
tie les  allures  féminines  qui  sont  remplacées  par  un 
habitus  rappelant  celui  de  l'homme  ;  des  poils  apparaissent 
à  la  lèvre  supérieure,  au  menton,  parfois  à  la  poitrine  ; 
les  seins  perdent  leur  volume  et  s'atrophient,  la  voix 
devient  plus  grave,  le  corps  devient  plus  vigoureux,  plus 
musculaire,  moins  gras;  la  peau  perd  sa  finesse,  et  la 
femme,  dans  les  cas  extrêmes,  devient  l'être  difficile  à  clas- 
ser qui  se  nomme  communément  une  virago.  Dans  les  pays 
où  la  castration  de  la  femme  se  pratique  en  dehors  des  cas 
de  maladies  —  castration  des  femmes  qui  gardent  le  sérail, — 
on  observe  la  même  modification  des  caractères  sexuels 
secondaires,  surtout  si  l'opération  a  été  faite  avant  la 
puberté.  Cette  corrélation  du  caractère  féminin  avec  la 
fonction  sexuelle  ou  du  moins  l'aptitude  totale  à  l'exercice 
complet  de  cette  fonction,  est  encore  démontrée  par  les 
modifications  qu'apporte  la  puberté  auxquelles  il  a  été  fait 
allusion.  C'est  à  l'apparition  de  la  fonction  menstruelle  que 
l'être  féminin  commence  à  devenir  réellement  femme  : 
jusque-là,  les  caractères  féminins  sont  peu  marqués.  On  le 
voit  bien  non  seulement  par  les  phénomènes  dont  nous 
sommes  les  témoins  quotidiens,  dans  l'établissement  nor- 
mal de  la  puberté,  mais  encore  et  surtout  par  les  cas  où 
cette  dernière  s'établit  à  une  époque  plus  précoce  qu'il 
n'est  habituel.  Ces  cas  ne  sont  pas  rares,  et  on  a  vu  des 
enfants  de  six  ans,  quatre  ans,  et  moins  encore,  acquérir 
la  sexualité  et  les  caractères  extérieurs  qui  l'accompagnent. 
Le  Dictionnaire  des  sciences  médicales,  du  début  de  ce 
siècle,  en  renferme  un  qui  est  très  net.  Il  s'agit  d'une  petite 
fille  de  trois  mois,  dont  on  voyait  grossir  les  seins  d'une 
façon  anormale .  «  Cette  inquiétude  devint  plus  grande  lors- 
qu'on vit  les  parties  génitales  se  couvrir  de  poils  noirs, 
crépus,  épais,  et  les  aisselles  offrir  la  même  particularité. 
Bientôt  les  règles  coulèrent  comme  chez  une  femme  bien 
formée,  et  elles  ont  reparu  avec  régularité  jusqu'à  présent, 
à  l'âge  de  vingt-sept  mois.  Le  Dr  Comarmond  l'a  vue  pour  la 
première  fois  à  l'âge  de  vingt-sept  mois  ;  il  fut  étonné  de  l'ex- 
pression du  visage,  dont  les  traits  étaient  prononcés  et  n'a- 
vaient rien  d'enfantin,  et  surtout  de  la  vivacité  des  yeux  qui 
semblaient  exprimer  des  désirs.  La  gorge  a  continué  à 
prendre  du  développement  ;  elle  est  ferme  et  bien  placée  ; 
en  un  mot,  cette  petite  fille  présente,  à  son  âge  actuel  de 
vingt-sept  mois,  tous  les  signes  physiques  de  la  puberté 
qui  ont  commencé  à  se  manifester  après  la  naissance.  » 

Les  cas  de  puberté  normale,  de  puberté  précoce,  et  de 
castration,  enfin,  sont  donc  concordants,  et  contribuent  à 
démontrer,  comme  l'a  dit  Virchow,  que  «  la  femme  n'est 
femme  que  par  les  ovaires  ;  toutes  les  propriétés  spécifiques 
de  son  corps  ou  de  son  esprit,  de  sa  nutrition  ou  de  sa 
sensibilité  nerveuse,  la  délicatesse  ou  la  rondeur  de  ses 
membres,  etc.,  tout  cela  et  les  autres  qualités  caractéris- 
tiques de  la  femme  sont  sous  la  dépendance  de  son 
ovaire  ».  Il  y  aurait  erreur  manifeste  à  dire  que  toute  la 
femme  est  dans  son  ovaire  :  l'ovariotomie  n'enlève  point 
absolument  tous  les  caractères  sexuels  secondaires  de  la 
femme  ;  mais,  plus  la  sexualité  de  celle-ci  est  réduite,  et 
moins  elle  est  féminine;  moins  elle  est  sexuée,  moins  elle 
est  fonctionnellement  sexuelle,  et  plus  elle  se  rapproche  de 
l'homme  ;  et  ce  qui  est  vrai  de  la  femme  l'est  autant  des 
femelles  des  animaux. 


On  remarquera  que  les  caractères  sexuels  secondaires 
de  la  femme,  forme,  rondeur  des  membres,  absence  de 
barbe,  etc.,  etc.,  sont  certainement  moins  prononcés  que 
les  mêmes  caractères  chez  beaucoup  d'animaux.  Chez  ceux- 
ci,  en  effet,  il  existe  parfois  des  différences  énormes  de 
forme  et  de  volume  entre  les  deux  sexes  ;  il  existe  encore 
des  différences  dans  la  parure  chez  les  oiseaux  et  les  in- 
sectes en  particulier,  et  à  coup  sûr  les  mâles  et  femelles  de 
ces  animaux  diffèrent  infiniment  plus  comme  anatomie 
sexuelle  secondaire  et  comme  physiologie,  que  ne  le  font 
l'homme  et  la  femme.  C'est  là  un  point  sur  lequel  il  con- 
vient de  s'arrêter  en  terminant.  Nous  venons  d'énumérer 
les  différences  qui  séparent  les  sexes  humains,  et  sur  ces 
différences  très  réelles,  sans  doute,  a  été  édifiée  notre 
conception  de  la  société  et  des  rapports  réciproques  de 
l'homme  et  de  la  femme,  et  du  rôle  de  chacun  d'eux  dans 
les  groupes  sociaux,  famille  et  organisme  social.  L'homme 
civilisé  a  assigné  à  la  femme  une  place  particulière,  un 
rôle  déterminé  ;  il  le  lui  a  assigné  en  vertu  de  son  droit  du 
plus  fort.  A-t-ii  agi  logiquement  et  en  conformité  avec  les 
lois  de  la  nature?  L'origine  animale  de  l'homme  est  trop 
claire,  ses  relations  avec  l'animalité  sont  trop  évidentes 
pour  qu'il  nous  soit  interdit  de  chercher  des  exemples  et 
des  enseignements  dans  1  échelle  zoologique.  Si  donc  nous 
interrogeons  l'histoire  naturelle,  nous  nous  trouvons  en 
présence  de  deux  cas  bien  distincts  :  le  cas  des  espèces 
vivant  indépendantes,  et  celui  des  espèces  sociales  consti- 
tuées en  républiques  ou  en  agglomérations,  où  chaque  caté- 
gorie d'individus  a  son  rôle  spécial,  comme  les  fourmis  et 
les  abeilles,  par  exemple.  Ce  dernier  cas  ne  peut  nous  ser- 
vir :  en  effet,  l'organisation  sociale  y  possède  un  caractère 
tout  particulier,  la  prépondérance  d'un  élément  qui  n'existe 
pas  dans  l'espèce  humaine,  la  prépondérance  des  ouvrières 
ou  individus  non  sexués  qui  sont,  en  réalité,  la  grande 
majorité,  qui  sont  la  force  et  le  nombre.  Reste  le  cas  des 
espèces  vivant  indépendantes.  Parfois,  il  est  vrai,  elles  se 
réunissent  volontiers  en  troupeaux  et  obéissent  ou  semblent 
obéir,  dans  certaines  circonstances,  à  un  chef;  mais  il  n'y 
a  pas  là  de  société  véritable  au  sens  où  nous  l'entendons. 
Chez  ces  espèces,  la  femelle  vit  de  ses  propres  ressources  : 
elle  n'est  point  dépendante  du  mâle,  elle  ne  lui  est  pas 
soumise. 

Au  temps  de  la  reproduction,  sans  doute,  les  deux 
sexes  se  rejoignent,  et,  pour  un  temps,  partagent  le  même 
nid,  le  même  terrier;  pour  un  temps  aussi,  il  se  forme  une 
association  dont  le  mâle  s'institue  le  chef  et  le  protecteur  : 
mais  une  fois  les  petits  élevés  et  dispersés,  ce  dernier 
renonce  à  son  rôle  ;  il  va  de  son  côté  et  la  femelle  du  sien, 
ne  comptant  désormais  que  sur  elle-même  pour  lutter 
contre  la  faim  et  la  mort  ;  chacun  pour  soi.  Est-ce  à  dire 
qu'il  en  devrait  être  de  même  dans  l'espèce  humaine,  et 
que  le  renard,  l'éléphant  ou  le  chien  sont  proposés  en 
exemple  à  l'homme  ?  Non,  assurément  :  il  n'y  a  déjà  que 
trop  de  renards,  et  nos  sociétés  n'ont  pas  besoin  d'être 
encouragées  dans  la  voie  de  l'amour  libre  et  de  l'abandon 
pur  et  simple  de  la  femme  séduite  et  devenue  mère,  c.-à-d. 
doublement  encombrante  aux  yeux  des  amateurs  de  plaisir 
économique.  Mais  il  est  permis  de  se  demander  si  l'homme 
a  fait  réellement  à  la  femme  la  place  qu'elle  mérite,  si, 
après  l'avoir  traitée  en  bête  de  somme  et  en  bétail  de 
labour  et  de  trait,  et  en  chair  à  plaisir,  et  en  créature 
pleine  d'agréments  sans  doute,  mais  d'ordre  inférieur, 
sans  intelligence  ni  raison  —  quelque  chose  comme  un 
animal  de  prix,  mais  capricieux  et  malfaisant,  selon  la 
conception  de  tel  soi-disant  moraliste  contemporain  — 
il  n'arrivera  point  un  jour  à  lui  laisser  plus  d'indépen- 
dance. Il  ne  s'agit  pas  ici  de  savoir  si  la  femme  doit  ou 
non  acquérir  des  droits  politiques  ou  civils  ;  cela  est  de 
peu  d'importance  au  regard  du  problème  moral  qui  se 
pose;  il  s'agit  seulement  de  savoir  si  l'homme  n'a  pas, 
de  par  sa  force,  opprimé  et  dévoyé  la  femme,  s'il  n'en  a 
pas  fait  un  être  inférieur  à  ce  qu'elle  peut  devenir,  et  s'il 
ne  Fa  pas  engagée  dans  une  voie  fausse,  en  même  temps. 


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FEMME 


Il  est  assez  naturel  qu'il  l'ait  opprimée  ;  elle  est  plus  faible  ; 
mais  avec  les  progrès  de  la  civilisation,  s'il  a  allégé  quel- 
que peu  le  joug  qui  pesait  sur  elle,  il  est  permis  de  se 
demander  s'il  ne  Fa  pas  trop  exclusivement  considérée  au 
simple  point  de  vue  sexuel,  et  si  elle  ne  méritait  pas 
mieux.  Il  n'a  point  cherché  à  la  cultiver  et  à  la  perfec- 
tionner au  point  de  vue  intellectuel;  il  n'a  point  voulu 
l'émanciper  de  la  tutelle  où  il  la  tenait  ;  il  a  voulu  qu'elle 
fût  sa  chose. 

Après  cela,  est-il  bien  dans  son  droit  quand  il  clame 
l'infériorité  de  la  femme  ?  Et  qui  donc  l'a  faite,  cette  infé- 
riorité? Qui  donc  a  fait  la  femme,  si  ce  n'est  l'homme  ?  Et 
qu'on  remarque  à  quel  point  est  ancrée  cette  notion  de 
l'infériorité  originelle  et  nécessaire  de  la  femme  ;  qu'on 
écoute  les  plaintes  amères  poussées  par  l'homme  à  qui  la 
femme  fait  concurrence  dans  les  administrations,  dans  l'in- 
dustrie, dans  toutes  les  professions  où  elle  se  glisse  peu  à 
peu  :  c'est  une  clameur  qui  va  chaque  jour  grandissant.  Il 
semble  que  l'homme  moyen  et  médiocre  ne  puisse  pas 
supporter  l'idée  de  voir  la  femme  son  égale  ;  égale  à  lui  par 
la  fonction,  il  se  la  voit  supérieure,  naturellement,  de  toute 
la  hauteur  dont  il  se  la  figurait  inférieure,  et  le  coup  lui 
est  dur.  Ces  récriminations,  toutefois,  ne  peuvent  inspirer 
qu'un  sentiment  de  répugnance  à  quiconque,  interrogeant 
l'histoire  naturelle,  se  persuade  aisément  que  la  femme 
n'est  point  nécessairement  inférieure  à  l'homme.  Ses 
forces  physiques  sont  moindres,  sans  doute  ;  ses  forces 
intellectuelles  aussi.  On  ne  peut  guère  changer  les  pre- 
mières, mais  on  peut  beaucoup  pour  les  dernières,  et,  à  la 
vérité,  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  la  femme  n'occuperait 
pas  un  jour,  à  l'égard  de  l'homme,  la  situation  libre  et 
indépendante  qu'occupe  la  femelle  à  l'égard  de  la  plupart 
des  animaux  supérieurs.  A  coup  sûr,  il  y  a  un  grand  obs- 
tacle :  c'est  l'exacerbation  de  la  sexualité  qui  caractérise 
les  singes  supérieurs  et  l'homme,  c'est  l'intensité,  c'est  la 
durée,  c'est  la  fréquence  de  la  passion  sexuelle  qui  mettent 
l'homme  et  la  femme  en  un  contact  beaucoup  plus  intime 
et  constant  que  cela  n'a  lieu  chez  la  plupart  des  animaux. 
Cet  obstacle,  toutefois,  ne  saurait  empêcher  certains  pro- 
grès ;  il  ne  saurait  empêcher  la  femme  de  se  conquérir  une 
place  plus  indépendante,  plus  honorable  et  plus  digne 
d'elle.  Ses  imperfections  relatives  et  dont  l'homme  est  en 
grande  partie  responsable,  ne  doivent  point  empêcher  de 
distinguer  les  admirables  qualités  dont  elle  fait  preuve, 
chaque  heure,  malgré  la  condition  qui  lui  a  été  faite. 
L'homme  s'est  notablement  perfectionné  :  il  n'y  a  pas  de 
raison  pour  que  la  femme  n'en  fasse  pas  autant,  ou  à  peu 
près  autant,  malgré  certaines  infériorités  anatomiques  et 
physiologiques.  Mais  l'homme  le  permettra-t-il  et  la  femme 
saura-t-elle  le  vouloir  ?  Henry  de  Varigny. 

II.  Psychologie.-—  La  vie  mentale  des  femmes  est  régie 
par  les  lois  générales  de  la  psychologie,  comme  leur  vie 
organique  par  les  lois  de  la  physiologie  :  en  ce  sens,  la  psy- 
chologie de  la  femme  n'est  pas  une  étude  à  part.  C'est  ce 
qui  explique  qu'elle  n'ait  jamais  été  traitée  d'une  manière 
complète  et  systématique  :  elle  n'est  pas  même  regardée 
comme  une  branche  distincte  de  la  psychologie  scienti- 
fique. En  revanche,  les  moralistes,  les  prédicateurs,  les 
théoriciens  de  l'éducation,  le  roman,  le  drame,  la  comédie, 
ont  de  tout  temps  observé  et  dépeint  d'une  manière  plus 
ou  moins  profonde,  mais  avec  une  sorte  de  prédilection, 
les  traits  de  la  nature  féminime  :  traits  bien  distincts,  en 
somme,  et,  au  moral,  presque  aussi  nettement  caractéris- 
tiques du  sexe  que  le  sont,  au  physique,  les  formes  et  les 
fonctions.  Ce  qui  empêche  ces  observations,  si  souvent 
justes  et  fines,  de  former  une  vraie  science  du  caractère 
féminin,  ce  n'est  pas  seulement  le  fait  qu'elles  sont  éparses 
et  décousues,  c'est  qu'elles  sont  diverses  jusqu'à  en  être 
contradictoires,  qu'elles  sont  restées  purement  empiriques, 
et  qu'enfin  l'impartialité  y  fait  presque  toujours  défaut, 
l'amour  ou  la  satire  ayant  le  plus  souvent  inspiré  les  obser- 
vateurs. Si  bien  que,  lorsqu'on  a  voulu  recueillir  et  coor- 
donner ces  innombrables  témoignages,  le  double  caractère 


qu'ils  offraient  a  dicté  jusqu'aux  titres  de  ces  recueils  :  le 
Bien  qu'on  a  dit  des  femmes;  le  Mal  qu'on  a  dit  des 
femmes  (Emile  Deschanel).  Pourtant,  il  y  a  bien  autre 
chose  que  de  l'ironie  ou  de  la  galanterie,  que  des  malices 
ou  des  fadaises  dans  ce  qu'un  La  Bruyère,  par  exemple, 
ou  un  Fénelon  a  écrit  sur  les  femmes,  dans  les  admi- 
rables pages  de  Mme  Necker  de  Saussure  sur  le  même 
sujet.  A  grouper  méthodiquement  tant  de  remarques  péné- 
trantes, après  les  avoir  passées  au  crible  de  la  critique  et 
en  les  reliant,  d'une  part  aux  données  de  la  physiologie,  de 
l'autre  à  celles  de  la  psychologie  générale,  on  constituerait 
une  psychologie  de  la  femme  d'une  valeur  théorique  indé- 
niable et  d'une  haute  utilité  pratique.  Ce  ne  serait  pas  une 
science  à  part  :  on  les  multiplie  un  peu  trop  facilement,  de 
nos  jours;  mais  ce  serait  un  chapitre  de  psychologie  com- 
parée qui  jetterait  une  vive  lumière  sur  la  nature  humaine. 
Car  s'il  est  vrai  qu'en  dépit  des  particularités  infinies,  il  y 
a  quelque  chose  de  général  dans  les  caractères  psycholo- 
giques qui  distinguent  le  sexe  féminin,  et  si  surtout  ces 
caractères  distinctifs  sont  liés  et  subordonnés  entre  eux  ou 
à  d'autres  selon  des  lois,  ce  sont  là  les  éléments  essen- 
tiels d'une  recherche  et  d'une  interprétation  scientifiques  : 
connaître  la  femme  de  la  sorte,  ce  serait  connaître  l'homme 
pour  moitié.  Quant  à  l'utilité  de  cette  étude,  elle  serait 
grande  pour  résoudre  les  questions  relatives  à  l'éducation 
des  filles  et  à  la  condition  des  femmes  dans  nos  sociétés 
modernes.  Il  est  évident,  en  effet,  que  la  façon  dont  il  faut 
élever  la  femme  et  la  place  qu'il  convient  de  lui  faire  dé- 
pendent de  l'opinion  qu'on  a  de  sa  nature. 

Mais  cette  nature,  à  son  tour,  n'est  pas  un  fait  sans 
cause,  une  donnée  absolue  sans  lien  avec  le  passé  histo- 
rique. Ce  qu'est  la  femme  psychologiquement,  elle  l'est 
devenue  par  suite  de  3eux  causes  fondamentales  :  sa  cons- 
titution et  ses  fonctions  physiologiques,  facteur  constant, 
sensiblement  le  même  partout  ;  sa  condition  sociale,  fac- 
teur variable.  Les  traits  psychiques  qu'on  s'accorde  à  peu 
près,  à  lui  reconnaître  sont  fixes  dans  la  mesure  où  ils 
tiennent  directement  à  la  sexualité  même  ;  ils  sont  douteux 
ou  varient  dans  la  mesure  où  ils  n'en  dérivent  qu'indirec- 
tement par  l'intermédiaire  des  mœurs.  Par  exemple,  la 
fonction  essentielle  de  la  femme,  c'est  la  maternité.  On 
peut  regarder  à  priori  comme  essentiellement  féminins,  et 
l'on  vérifie  comme  tels,  en  effet,  dans  l'immense  majorité 
des  cas,  tous  les  caractères  psychiques  impliqués  dans  la 
fonction  maternelle.  La  sensibilité  est  le  premier,  du  moins 
cette  sensibilité  spéciale,  faite  de  tendresse,  de  soins,  de 
protection  pour  la  faiblesse  de  l'enfant.  Ce  mode  d'al- 
truisme, le  plus  fort  qui  soit  et  le  plus  pur,  est  si  naturel 
à  la  femme  que  celle  qui  n'en  offre  pas  trace,  même  en 
dehors  de  la  maternité  effective,  apparaît  comme  une  sorte 
de  monstre  :  on  dit  d'elle  que  ce  n'est  pas  une  femme.  Au 
contraire,  on  en  a  fait  la  remarque  bien  souvent,  dans 
l'affection  de  toute  femme,  dès  qu'elle  aime  profondément, 
on  retrouve  quelque  chose  de  l'instinct  maternel.  Le  dévoue- 
ment, le  besoin  de  sacrifice,  je  ne  sais  quoi  de  délicat  dans 
la  pitié  et  d'ingénieux  dans  la  bienfaisance,  un  courage 
parfois  à  toute  épreuve,  tout  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  dans 
le  caractère  féminin,  et  qui  le  rend  sublime  à  l'occasion 
semble  venir  de  là  et  porter  cette  marque. 

D'autre  part,  en  raison  de  sa  fonction  même,  de  l'infé- 
riorité physique  qui  en  résulte  pour  elle,  et  du  rapport  de 
subordination  dans  lequel  elle  la  met  vis-à-vis  de  l'homme, 
la  femme  s'est  trouvée  dès  l'origine  et  partout  plus  ou 
moins,  dans  une  situation  sociale  qui  a  profondément  agi 
sur  sa  nature.  Instrument  de  travail  ou  de  plaisir,  rudoyée 
ou  adulée,  il  n'y  a  guère  eu  de  milieu  pour  elle  entre  une 
dure  servitude  et  une  royauté  de  convention  lui  attirant 
plus  de  frivoles  hommages  que  de  respect.  Le  respect,  c'est 
ce  qui  lui  a  le  plus  manqué,  et  des  droits  équivalents,  je 
ne  dis  pas  identiques,  à  ceux  de  l'homme.  Ne  s'appartenant 
pas,  n'ayant  d'avantages  en  ce  monde  et  n'existant,  pour 
ainsi  dire,  que  par  la  volonté  d'un  maître,  plaire  ou  tromper 
devenaient  des  nécessités  pour  elle.  Nécessités  presque 


FEMME 


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également  démoralisantes,  quand  il  faut  plaire  non  à  la 
raison  mais  à  la  passion  d'un  juge  peu  délicat  lui-même  sur 
les  moyens.  De  là  sans  doute  ce  que  la  satire  attribue  si 
largement  aux  femmes,  sans  qu'on  ose  dire  pourtant  que 
ce  soit  à  tort,  d'habileté  à  dissimuler,  d'ardeur  à  rivaliser 
entre  elles,  d'esprit  de  ruse  et  d'intrigue,  de  coquetterie, 
de  besoin  de  plaire,  de  partialité  pour  qui  leur  plaît,  de 
cruauté  pour  qui  leur  porte  ombrage.  Sur  tous  ces  points 
sans  doute,  chacun  sait  comme  La  Fontaine,  «  bon  nombre 
d'hommes  qui  sont  femmes  »  ;  tandis  que  telle  femme,  in- 
versement, est,  dans  toute  la  force  du  terme,  un  honnête 
homme.  Mais  en  moyenne,  on  peut,  je  crois,  le  dire  sans 
injustice,  il  est  plus  méritoire  aux  femmes  et  plus  difficile, 
vu  leurs  conditions  de  vie  tant  de  fois  séculaires,  l'édu- 
cation et  les  exemples  qu'elles  se  donnent  les  unes  aux 
autres*,  d'avoir  cette  générosité  qui  tient  au  mépris  des 
petits  avantages  et  des  petits  moyens,  cet  esprit  de  large 
équité  et,  comme  on  dirait  aujourd'hui,  cette  objectivité  de 
jugement  qui  tient  aux  habitudes  d'initiative  [et  d'indé- 
pendance, ce  sérieux  sans  étroitesse,  cette  ampleur  sans 
complication,  ce  goût  actif  des  choses  générales  et  do  la 
vérité  abstraite,  qui  sont  déjà  si  rares  dans  l'autre  sexe. 
L'éducation  pourra  changer  bien  des  choses,  surtout  aidée 
de  la  sélection  sexuelle,  le  jour  où  les  hommes  voudraient 
tout  de  bon  chez  les  femmes  les  qualités  dont  il  leur  repro- 
chent de  manquer;  car  l'hérédité  n'étant  pas  unilatérale 
ne  doit  pas  être  ici  un  facteur  prépondérant.  Mais  en  atten- 
dant on  peut,  semble-t-il,  tenir  pour  générales  les  différences 
psychiques  que  voici,  au  triple  point  de  vue  des  sentiments, 
de  l'intelligence  et  de  la  volonté,  parce  qu'on  les  constate, 
en  fait,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  et  que  la  physio- 
logie ou  l'histoire  de  la  condition  des  femmes  ou  les  deux 
réunies  en  rendent  compte. 

Le  sentiment,  c'est  le  triomphe  delà  femme.  Parla  ma- 
ternité et  tout  ce  qui  y  confine,  elle  s'élève  sans  peine  au 
plus  haut  degré  de  l'amour  et  du  dévouement.  Dévouement 
aux  personnes  plutôt  qu'à  un  principe  ou  à  une  cause.  Il  y 
a  dans  son  amour  plus  de  profondeur  que  de  largeur, 
comme  il  y  a  dans  son  égoïsme  plus  de  vanité  que  d'or- 
gueil, et  dans  son  sentiment  esthétique  plus  de  goût  que 
de  puissance  créatrice.  Sur  l'honneur  féminin,  voir  les  fines 
analyses  de  Schopenhauer  (Sagesse),  qui  prétend  que  les 
femmes,  sentant  d'instinct  qu'il  n'y  a  pour  elles  que  le 
mariage,  se  mettent  à  haut  prix  et  forment  une  franc- 
maçonnerie  entre  elles  pour  forcer  les  hommes  à  capituler. 
—  L'esprit  de  la  femme,  merveilleusement  souple,  est  sur- 
tout plastique  et  imitateur  :  elle  s'assimile  vite  le  concret 
et  les  détails,  mais,  comme  les  enfants,  répugne  à  l'abs- 
trait, généralise  au  hasard,  ne  pense  que  par  cas  parti- 
culiers. Quelques  femmes  pourtant  ont  excellé  dans  les 
mathématiques  pures,  preuves  qu'aucune  étude  ne  leur  est 
nécessairement  fermée.  Ce  qui  leur  manque,  c'est  surtout 
le  sens  de  la  causalité  naturelle,  de  la  loi.  Dans  l'ordre 
physique  même,  dans  les  choses  morales  surtout,  où  elles 
poussent  pourtant  si  loin  l'esprit  de  finesse,  l'exception 
leur  paraît  toute  simple,  le  miracle  n'a  rien  qui  les  étonne. 
Il  y  a  là  des  indications  dont  il  faut  tenir  compte  dans  la 
manière  de  les  instruire  si  l'on  veut,  par  la  culture,  cor- 
riger leurs  défauts,  non  les  pousser  du  côté  où  elles  pen- 
chent.—Quant  à  l'action,  elles  y  apportent  leurs  qualités  de 
cœur  et  d'esprit,  mais  plus  de  vivacité  que  de  suite,  plus 
de  courage  passif  que  d'initiative.  L'indépendance  calme  et 
mesurée  n'est  pas  leur  fait  :  où  en  auraient-elles  fait  l'ap- 
prentissage ?  Naturellement  conservatrices,  gardiennes  des 
traditions,  esclaves  de  l'opinion  et  de  la  coutume,  elles 
n'en  secouent  le  joug  ni  volontiers  ni  sans  risques  :  les 
meilleures  avouent  leur  besoin  d'être  gouvernées,  leur  peu 
de  goût  pour  les  responsabilités.  Affaire  d'éducation  et 
d'habitude.  La  question  seulement  est  de  savoir  dans  quelle 
mesure  il  convient  de  modifier  ces  tendances.  En  tout  cas, 
il  importe  d'en  tenir  compte  aussi  longtemps  qu'elles  sub- 
sistent. Rien  ne  serait  plus  hasardeux  pour  nos  sociétés 
libres  que  l'identification  inconsidérée  des  prérogatives  des 


deux  sexes,  au  mépris  de  leur  dualisme  évident  et  en 
partie  sans  doute  irréductible.  H.  Marion. 

Iïï.  Sociologie.—  La  situation  des  femmes  dans  les  so- 
ciétés humaines,  leur  rôle  dans  les  groupements  primitifs, 
dans  la  famille,  dans  l'Etat,  leurs  fonctions  et  leur  vie  sociale 
sont  étudiées  ailleurs  (V.  surtout  les  art.  Esclavage,  Etat, 
Famille,  Industrie).  Les  rapports  entre  les  deux  sexes 
sont  exposés  dans  l'art.  Famille  ;  les  causes  qui  leur 
assignent  des  fonctions  différentes  le  sont  dans  les  para- 
graphes précédents  du  présent  article.  Nous  n'avons  donc 
ici  qu'à  résumer  quelques  considérations  essentielles.  Le 
fait  capital  est  l'infériorité  physique  de  la  femme  encore 
aggravée  par  la  maternité  ;  presque  impropre  à  la  guerre, 
vaincue  d'avance  si  elle  luttait,  elle  a  dans  les  groupes  pri- 
mitifs le  sort  des  faibles  qui  sont  à  la  merci  des  forts.  La 
subordination  des  femmes  dans  les  tribus  sauvages  fut  pro- 
bablement la  première  forme  de  Y  esclavage  (Y.  ce  mot). 
La  première  division  du  travail  se  fit  au  désavantage  de  la 
femme,  précisément  en  raison  de  sa  faiblesse  ;  asservie  à 
l'homme,  elle  se  vit  imposer  presque  tout  le  travail  de  pro- 
duction. C'est  encore  ainsi  que  les  choses  se  passent  chez 
les  nègres  africains  et  chez  la  plupart  des  sauvages  des 
pays  tropicaux.  La  vie  pastorale,  au  contraire,  suppose  que 
l'homme  travaille  autant  et  plus  que  la  femme  ;  il  en  est 
de  même  en  général  dans  les  pays  tempérés  ou  froids  où  la 
nature  est  plus  rude,  où  l'effort  total  des  membres  du  groupe 
humain  est  nécessaire  pour  assurer  la  subsistance,  tandis 
que  dans  les  pays  tropicaux  où  la  nourriture  est  aisée  à  se 
procurer,  par  exemple  dans  les  plaines  ou  les  plateaux  fer- 
tiles de  l'Afrique,  l'homme  fait  travailler  la  femme,  même 
à  la  terre.  Il  n'en  est  pas  ainsi  chez  les  peuples  qui  ont  passé 
par  la  phase  pastorale  ;  les  habitudes  prises  se  conservent 
dans  la  phase  agricole  ;  l'homme  travaille  la  terre  et  y  uti- 
lise les  animaux  domestiques. 

Les  rapports  entre  les  sexes  et  la  condition  des  femmes 
avant  la  constitution  de  la  famille  sont  indiqués  dans  l'art. 
Famille  ;  on  y  verra  également  tout  ce  qui  concerne  la 
femme  mariée  ou  veuve,  la  dépendance  de  la  fille  et  de  la 
femme  vis-à-vis  de  leur  clan  ou  de  leur  famille,  de  leur 
père  ou  de  leur  mari.  La  situation  de  la  femme,  misérable 
aux  débuts  de  la  vie  sociale,  ne  s'améliore  pas  forcément 
avec  le  progrès  ;  un  état  social  supérieur  peut  comporter 
son  plus  grand  assujettissement  qu'un  état  inférieur  ;  c'est 
le  cas  pour  Je  régime  patriarcal  comparé  au  régime  polyan- 
drique  ou  à  certaines  formes  du  matriarcat.  D'autre  part,  la 
prépondérance  accordée  à  la  filiation  féminine  n'implique  pas 
toujours  une  plus  haute  conception  du  rôle  des  femmes  et 
des  droits  plus  étendus  pour  elles  (V.  Famille,  §  Filiation 
maternelle,  t.  XVI,  p.  1149).  D'une  manière  générale  l'amé- 
lioration progressive  de  la  condition  des  femmes  ne  résulte 
pas  d'une  évolution  spontanée  du  groupe  familial,  mais 
d'influences  latérales,  en  quelque  sorte,  celles  du  régime  de 
la  propriété  et  de  l'organisation  sociale.  L'esclavage  amé- 
liora beaucoup  leur  sort,  en  particulier  l'esclavage  domes- 
tique. Chez  les  sauvages,  avons-nous  dit,  les  charges  sont 
en  proportion  inverse  de  la  force  :  l'homme  fait  travailler 
sa  femme  ;  en  revanche,  dans  les  sociétés  fondées  sur 
l' esclavage,  les  charges  sont  en  proportion  directe  de  la  force 
(parmi  les  esclaves)  ;  par  le  maître,  les  femmes  sont  plus 
ménagées  que  les  hommes  ;  la  division  du  travail  est  plus 
rationnelle  et  à  leur  avantage.  Quand  la  hiérarchie  des 
classes  s'est  établie  (V.  Etat),  les  femmes  bénéficient  du 
prestige  et  des  droits  de  la  classe  sociale  à  laquelle  elles 
appartiennent.  L'institution  de  la  propriété  individuelle  leur 
profite  également,  et  ce  qu'on  leur  refuse  comme  personnes 
elles  l'obtiennent  comme  propriétaires.  De  nos  jours  encore 
et  dans  les  sociétés  européennes  les  plus  avancées,  nous  le 
constaterons,  de  même  que  chez  les  Touaregs,  les  anciens 
Egyptiens  ou  dans  la  société  féodale.  D'autre  part,  si  dans 
les  sociétés  plus  civilisées,  où  la  famille  est  fortement  orga- 
nisée, la  femme  paraît  plus  assujettie,  elle  bénéficie  de  la 
division  du  travail,  échappant  aux  plus  lourdes  fatigues  ; 
spécialisée  dans  les  travaux  domestiques,  elle  devient  plus 


449 


FEMME 


délicate  et  d'autant  plus  faible  relativement  ;  la  différence 
physique  s'accentue  avec  le  progrès,  à  tel  point  que  voyant 
la  blanche  si  dissemblable  du  blanc,  bien  plus  que  la  né- 
gresse du  nègre,  l'Indienne  de  l'Indien,  le  Chinois  de  la  Chi- 
noise, certains  anthropologistes  se  sont  demandé  si  dans 
notre  race  mâles  et  femelles  ne  seraient  pas  d'origine  dif- 
férente, les  hommes  ayant  conquis  les  femmes  d'une  race 
plus  élégante,  dont  ils  auraient  exterminé  les  mâles.  Cette 
naïve  hypothèse  montre  combien,  dans  les  races  les  plus 
civilisées,  la  femme  quoique  subordonnée  a  gagné  au  pro- 
grès social  ;  on  peut  observer  d'ailleurs  que,  dans  les  cam- 
pagnes, l'analogie  est  bien  plus  grande  entre  l'homme  et  la 
femme  au  point  de  vue  de  la  manière  de  vivre,  des  occu- 
pations, du  costume,  de  la  psychologie,  de  l'aspect  physique. 
Riehl  (Die  Famille,  Stuttgart,  488y2)  a  bien  indiqué  la 
manière  dont  les  sexes  se  différencient  de  plus  en  plus  dans 
le  processus  de  la  civilisation.  C'est  dans  la  vie  urbaine  et 
dans  la  classe  capitaliste  (noble  ou  bourgeoise)  que  la  sépa- 
ration est  le  plus  tranchée.  Mais  ici  la  subordination  de  la 
femme,  qui  persiste,  n'est  plus  fondée  et  maintenue  par  la 
force  matérielle,  mais  par  la  tradition  et  les  coutumes  héré- 
ditaires, par  les  mœurs  et  la  législation  que  fortifient  des 
théories  plus  ou  moins  spécieuses.  Elles  sont  examinées, 
ainsi  que  la  position  et  le  rôle  des  femmes  dans  les  sociétés 
civilisées,  au  cours  de  cet  article.  À. -M.  B. 

ÏV.  Egyptologie.  —  Le  témoignage  des  auteurs  an- 
ciens s'accorde  avec  les  monuments  à  nous  prouver  que  la 
femme  était  bien  loin  d'avoir  dans  l'Egypte  antique  la 
situation  inférieure  qui  lui  a  été  dévolue  dans  l'Egypte 
moderne  par  l'islamisme.  Les  représentations  des  tombes, 
notamment,  sont  importantes  à  consulter  sur  ce  point.  On 
sait  que  ce  sont  ces  représentations  qui  nous  ont  conservé 
l'image  la  plus  fidèle  de  la  vie  privée  dès  les  temps  les  plus 
anciens  dans  la  vallée  du  Nil.  A  l'inverse  de  ce  qui  a  lieu 
pour  l'Assyrie,  où  l'on  n'a  relevé  jusqu'à  présent  qu'une 
seule  image  de  femme  sur  un  bas-relief  d'Assourbanipal,  il 
n'est  pour  ainsi  dire  pas  de  tableau  peint  ou  gravé' sur  les 
parois  des  hypogées  qui  ne  nous  mette  en  présence  de  femmes 
de  toutes  les  conditions.  La  femme  n'y  est  pas  représentée 
comme  prenant  la  même  part  qu'aujourd'hui  aux  travaux 
agricoles  ;  elle  paraît  plus  spécialement  réservée  pour  les 
travaux  faits  à  l'intérieur,  tels  que  le  tissage,  preuve  que 
l'homme  ne  la  tenait  pas  encore  comme  une  sorte  de  bête 
de  somme  affectée  par  destination  irrévocable  aux  plus 
lourdes  charges.  Au  contraire,  elle  est  représentée  comme 
la  compagne  de  ses  plaisirs,  prend  sa  place  aux  banquets, 
où  elle  charme  les  convives  par  sa  beauté  toujours  très 
apprêtée,  la  grâce  de  sa  parure  qui  consiste  en  énormes 
bijoux  et  en  fleurs,  et  enfin  les  chants  qu'elle  accompagne 
elle-même  sur  la  mandoline.  Les  tableaux  relatifs  à  la  vie 
de  famille  nous  la  montre  ainsi  placée  sur  un  pied  de  par- 
faite égalité  avec  l'homme,  toujours  assise  à  ses  côtés  et 
prenant  sa  part  aux  offrandes  et  à  la  vénération  des  en- 
fants. Rien  dans  l'examen  des  légendes  hiéroglyphiques  ne 
vient  détruire  cette  impression.  Nous  y  voyons,  en  effet, 
que  la  filiation  s'institue  par  la  femme  autant  que  par 
l'homme.  Si  l'on  a  une  mère  d'un  sang  illustre,  on  a  soin 
de  s'intituler  toujours  fils  d'une  telle  et  non  d'un  tel. 
Dans  les  maisons  royales,  c'est  la  femme  qui  légitime:  une 
fille  née  de  la  principale  épouse  a  le  pas  sur  des  frères  nés 
d'une  concubine.  Les  grands  prêtres  d'Amon  ne  purent 
supplanter  définitivement  les  rois  Ramessides  qu'en  légiti- 
mant leur  usurpation  par  des  mariages  avec  les  princesses 
de  l'ancienne  maison  régnante.  Une  autre  preuve  de  l'im- 
portance de  la  situation  sociale  de  la  femme  est  encore  le 
fait  qu'elle  n'est  pas  tenue  en  dehors  de  la  religion.  Des 
sacerdoces  lui  étaient  réservés,  d'abord  des  déesses  (dès  la 
IVe  dynastie),  puis  aussi  de  certains  dieux.  Enfin,  l'étude 
des  contrats  démotiques  apporte  une  dernière  confirmation 
en  nous  montrant  que  le  mari  n'avait  aucun  droit  sur  sa 
femme  et  qu'au  point  de  vue  juridique  il  y  avait  complète 
égalité  entre  les  deux  sexes.  G.  Bénédite. 

V.  Droit  grec.  —  Ce  qui  caractérisait  la  condition 


de  la  femme  dans  l'ancienne  Grèce,  c'était  son  état  de 
perpétuelle  minorité.  Il  n'y  avait  pas  un  moment  de  son 
existence  où  elle  eût  la  pleine  jouissance  des  droits  civils 
du  citoyen;  elle  avait  toujours  au-dessus  d'elle  un  maître, 
ou,  comme  on  disait,  un  xuptoç.  Jeune  fille,  c'était  de 
son  père  qu'elle  dépendait;  mariée,  c'était  de  son  mari; 
veuve,  c'était  de  ses  parents  ou  de  son  fils.  Le  ma- 
riage n'avait  pas  pour  objet  de  créer  entre  deux  personnes 
égales  une  communauté  de  sentiments  et  d'intérêts  ;  son 
but  à  peu  près  exclusif  était  d'assurer  la  continuité  de  la 
famille.  La  femme  n'était  guère  qu'une  machine  à  produire 
des  enfants  ;  on  ne  consultait  pas  ses  goûts  quand  il  s'agis- 
sait de  l'établir,  et  le  divorce  était  beaucoup  plus  difficile 
à  obtenir  pour  elle  que  pour  son  mari.  Il  n'était  pas  rare 
qu'un  individu,  de  son  vivant  ou  par  testament,  cédât  sa 
femme  à  un  tiers,  et  dans  ce  cas  elle  était  légalement 
forcée  d'obéir.  Elle  ne  pouvait  accomplir  d'elle-même  aucun 
acte  juridique  ;  pour  acheter,  pour  vendre,  pour  donner, 
il  fallait  qu'elle  fût  assistée  de  son  y.6pio<;  ;  la  loi  ne  l'au- 
torisait à  s'obliger  pour  son  propre  compte  que  jusqu'à  la 
concurrence  de  la  valeur  d'un  demi-hectolitre  d'orge.  Les 
moeurs,  il  est  vrai,  corrigeaient  dans  une  certaine  mesure 
ce  que  la  loi  avait  de  trop  rigoureux.  Il  est  visible,  par 
exemple,  que  la  participation  du  xtfptoç  aux  contrats  où  la 
femme  était  partie  devint  de  plus  en  plus  une  pure  for- 
malité et  qu'elle  n'entravait  guère  sa  liberté.  Si  l'on  en 
juge  par  les  peintures  des  poètes  et  par  quelques  anecdotes 
éparses  dans  les  historiens,  on  remarque  que  la  femme  avait 
souvent  dans  la  maison  une  autorité  considérable.  Des 
personnages  de  comédie  se  plaignent  volontiers  de  s'être 
donné,  en  se  mariant,  non  pas  une  femme,  mais  une  maî- 
tresse impérieuse.  Thémistocle  disait  en  plaisantant  que  son 
fils,  tout  jeune  encore,  était  le  plus  puissant  de  tous  les 
Grecs  :  «  Les  Athéniens  commandent  aux  Grecs,  moi  je 
commande  aux  Athéniens,  sa  mère  me  commande,  et  lui 
commande  à  sa  mère.  »  Dans  son  traité  de  Y  Economique, 
Xénophon  nous  décrit  un  mariage  athénien,  tel  qu'il  le 
conçoit.  Il  veut  que  la  femme  soit  souveraine  dans  son  in- 
térieur, qu'elle  ait  la  direction  des  esclaves,  qu'elle  règle 
à  son  gré  les  dépenses  de  la  famille.  Mais  tous  ses  efforts 
pour  rehausser  sa  condition  n'aboutissent,  en  somme,  qu'à 
la  transformer  en  une  bonne  gouvernante.  Sauf  peut-être 
à  Sparte,  il  n'est  pas  douteux  que  les  femmes  en  Grèce 
eurent  un  rôle  assez  effacé.  Ignorantes  pour  la  plupart, 
timides,  confinées  dans  un  logis  d'où  elles  ne  sortaient  pas, 
résignées  à  la  sujétion  qui  pesait  sur  elles,  souvent  délais- 
sées par  leurs  maris  qui  préféraient  chercher  leurs  distrac- 
tions dans  la  société  des  hommes  ou  des  courtisanes,  elles 
menaient  généralement  une  vie  calme,  monotone  et  obscure, 
où  les  futilités  avaient  plus  de  place  que  les  occupations  sé- 
rieuses, et  qui  n'était  faite  ni  pour  développer  leur  esprit  ni 
pour  leur  donner  un  peu  de  ressort  moral.  P.  Guiraud. 
VI.  Droit  romain.  —  La  condition  juridique  faite  à 
la  femme  par  le  droit  romain  a  varié  avec  les  époques.  Au 
début,  comme  dans  toutes  les  législations  antiques  qui 
admettent  l'organisation  patriarcale  de  la  famille,  la  femme 
est  tenue  dans  une  perpétuelle  sujétion.  Non  mariée,  elle 
est  sous  la  puissance  de  son  pater,  et,  lorsqu'elle  en  sort, 
elle  tombe  pour  tout  le  reste  de  sa  vie  sous  la  tutelle  de 
ses  agnats.  Mariée,  elle  est  placée  sous  la  manus  du  mari 
ou  du  pater  du  mari.  Cette  condition  toujours  subordonnée, 
legs  des  institutions  antiques,  a  persisté  longtemps  avec 
son  caractère  archaïque  et  ses  conséquences  rigoureuses. 
Aussi  a-t-elle  frappé  les  historiens  anciens  eux-mêmes. 
Dans  le  discours  qu'il  prête  à  Caton  parlant  contre  l'abro- 
gation de  la  loi  Oppia,  Tite  Live,  en  termes  énergiques  et 
précis,  dépeint  la  dépendance  incessante  de  la  femme  qui 
ne  fait  que  passer  d'une  puissance  sous  une  autre,  nun- 
quam...  exuitur  servitus  muliebris  (liv.  XXXIV,  %  7). 
Les  mœurs  rudes  des  premiers  temps,  l'impérieuse  et  éner- 
gique tendance  de  l'esprit  romain  s'accommodait  facilement 
de  cette  infériorité  légale.  L'orgueil  de  la  souveraineté 
familiale  non  partagée  trouvait  sa  justification  dans  une  idée 


FEMME 


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toujours  toute-puissante  sur  l'esprit  romain  :  le  respect  des 
mores  majorum.  Plus  tard,  lorsque  les  mœurs  anciennes 
s'altèrent,  la  faiblesse  de  la  femme,  l'irrémédiable  incapa- 
cité dont  on  croit  frappé  son  jugement,  seront  les  motifs 
qui  serviront  à  expliquer  la  persistance  et  le  maintien  des 
institutions  d'autrefois.  Dès  avant  les  juristes  classiques, 
Cicéron  et  Tacite  parlent  de  Yinfirmitas  consilii,  de 
ïimbecilkim  sexum  natura  invalidum. 

Toutefois,  les  mœurs,  plus  fortes  que  les  lois,  tendaient 
à  donner  à  la  femme  une  influence  d'autant  plus  prépon- 
dérante qu'elle  était  cachée,  d'autant  plus  active  qu'elle 
s'exerçait  dans  l'intérieur  de  la  famille,  en  dehors  de  l'action 
des  lois.  Un  temps  vint  où  la  décadence  des  institutions 
anciennes  se  traduisit  effectivement  dans  le  domaine  juri- 
dique par  la  disparition  rapide  de  la  m$nus,  par  l'affai- 
blissement graduel  de  la  tutelle  perpétuelle.  Ainsi  allait 
s'accentuant  dans  le  droit  le  mouvement  d'émancipation  qui 
tendait  à  soustraire  la  femme  aux  divers  pouvoirs  qui  pesaient 
sur  elle.  Les  politiques  attachés  aux  anciennes  traditions, 
soucieux  de  maintenir  intactes  les  mœurs  qui  avaient  fait 
la  grandeur  romaine,  comprirent  les  dangers  de  pareils 
changements.  Les  mœurs  transformées  étaient  impuissantes 
à  maintenir  les  femmes  sous  le  joug.  Des  lois  nouvelles 
furent  jugées  nécessaires  pour  les  replacer  sous  l'antique 
dépendance.  A  cette  tentative  de  retour  en  arrière  se  rat- 
tache avant  tout  la  célèbre  loi  Yoconia  et  la  jurisprudence 
qui  en  étendit  l'application. 

Plus  tard,  les  édits  d'Auguste  et  de  Claude  qui  défendent 
aux  femmes  mariées  tfintercedere  pro  viris  suis,  et  le 
sénatus-consulte  Velléien  qui  généralise  cette  incapacité, 
sont  des  dispositions  légales  également  inspirées  par  cet 
esprit  de  réaction.  La  période  impériale  et  les  progrès  du 
droit  gui  la  signalent  n'ont  pas  par  conséquent  amélioré  la 
condition  faite  à  la  femme.  Malgré  la  désuétude  où  est  tombée 
la  loi  Voconia,  la  femme  reste,  aussi  bien  en  droit  privé 
qu'en  droit  public,  dans  une  condition  inférieure,  et  Papinien 
peut  écrire  sans  exagération  :  in  multis  juris  nostri  arti- 
culis  deterior  est  conditio  ferminarùm  quant  mascu- 
lorum(9,  Dig.  De  Stat.  homin.,  1, 5).  Les  principales  dif- 
férences sont  les  suivantes.  La  femme  ne  peut  être  investie 
de  la  puissance  paternelle  ;  sui  juris  elle  est  à  elle  seule, 
le  premier  et  le  dernier  membre  de  sa  famille  :  familiœ 
suœ  et  caput  et  finis.  Elle  ne  peut  être  tutrice,  si  ce  n'est 
dans  des  cas  exceptionnels.  Il  lui  est  interdit  de  postulare 
pro  aliis.  Enfin  l'incapacité  dHnter  céder  e  proclamée  parle 
Velléien  persiste,  un  peu  modifiée,  il  est  vrai,  jusque  dans 
le  dernier  état  du  droit.  Cette  incapacité  est  sans  doute  une 
mesure  de  protection,  et  il  en  est  de  même  delà  règle  sui- 
vant laquelle  l'erreur  de  droit  est  considérée  comme  plus 
facilement  excusable  chez  la  femme  que  chez  l'homme.  Mais 
ces  minimes  avantages  sont  encore  une  conséquence  de 
l'infériorité  qui  continue  à  peser  sur  elle.     Gaston  May. 

VII.  Ancien  droit  français.  —  Chez  les  Gaulois,  la 
polygamie  n'avait  pas  entièrement  disparu,  surtout  dans  la 
caste  des  nobles.  La  femme  était  sous  la  puissance  du  mari, 
qui  avait  sur  elle  le  droit  de  vie  et  de  mort,  et  sa  situation 
était  très  inférieure.  Il  est  croyable  que  le  mari  avait  le  pri- 
vilège de  la  répudier.  César  nous  apprend  qu'à  la  mort  d'un 
chef  on  pouvait,  soumettre  les  femmes  au  jugement  des  parents 
du  mari  et  leur  faire  subir  la  torture  comme  aux  esclaves 
s'il  y  avait  des  doutes  sur  les  causes  du  décès.  L'usage  de 
jeter  la  femme  au  bûcher  avec  le  cadavre  du  mari  paraît 
avoir  régné  chez  les  anciens  Celtes.  Au  point  de  vue  pécu- 
niaire, il  n'est  pas  question  dans  César  d'achat  de  la  femme  ; 
c'est  elle  qui  apporte  une  dot,  fournie  par  sa  famille,  et  le 
mari  y  ajoute  une  valeur  équivalente.  On  a  cru  à  tort  y 
trouver  l'origine  de  la  communauté  entre  époux.  Chez  les 
Francs,  de  même  que  chez  les  Germains  du  Nord,  le  ma- 
riage a  pu,  à  l'origine,  se  contracter  par  un  achat  de  la 
femme,  mais  cet  achat  n'a  plus  été,  de  très  bonne  heure, 
que  symbolique,  et  encore  le  mari  achetait-il  plus  exacte- 
ment le  mundiurifi  sur  la  femme.  Le  prix  d'achat  s'était 
transformé  en  une  libéralité  faite  à  la  femme  sous  le  nom 


de  dot  ;  le  mari  y  ajoutait  souvent  aussi  une  autre  donation 
facultative  pour  lui,  le  morgengab.  La  femme  recevait  gé- 
néralement en  outre  de  son  père  une  autre  dot,  et  cet  apport 
ne  recevait  pas  le  nom  de  dot,  mais  celui  de  faderfium. 
La  femme  n'était  donc  pas  la  propriété  de  son  mari  ;  elle 
était  elle-même  propriétaire.  Elle  n'avait  pas,  sur  la  dot 
apportée  par  son  mari,  un  simple  droit  de  survie,  mais  un 
droit  de  propriété  effective.  Aussi  était-elle  considérée  comme 
l'associée  de  son  mari  ;  il  y  avait  entre  eux  une  sorte  de  col- 
laboration, de  communauté.  Au  cas  de  prédécès  du  mari, 
la  veuve  rentrait  dans  sa  famille  ;  il  n'en  aurait  pas  été 
ainsi  si  elle  avait  été  achetée  par  le  mari.  La  femme  pou- 
vait aussi  acquérir  par  succession,  avec  cette  seule  excep- 
tion qu'elle  était  écartée  par  les  héritiers  mâles  de  la 
succession  à  la  terre  salique.  La  femme  germaine  était 
incapable  parce  qu'elle  était  impuissante  à  porter  les  armes  ; 
aussi  son  incapacité  avait-elle  pour  but  de  protéger  et  de 
consacrer  ses  droits  ;  non  mariée,  qu'elle  fût  majeure  ou 
mineure,  elle  était  en  tutelle  ;  mariée,  elle  passait  sous 
le  mundium  de  son  mari.  La  femme  avait  une  situation 
meilleure  dans  la  famille,  chez  les  Germains  et  chez  les 
Francs,  que  chez  les  Gaulois.  Le  mari  avait  bien  sur  elle 
les  droits  les  plus  rigoureux,  mais  il  ne  les  exerçait  que 
dans  les  circonstances  exceptionnelles.  Le  divorce  existait 
toujours  au  profit  du  mari,  mais  la  femme  pouvait  aussi 
laisser  son  mari  dans  des  cas  graves  et  déterminés.  La 
femme  adultère  était  sévèrement  châtiée.  Chez  les  barbares 
du  Midi  surtout,  comme  les  Visigoths,  les  institutions  se 
mêlèrent  de  droit  romain  et  plus  tard  de  droit  canonique. 
C'est  ainsi  que  la  dot  germanique  dégénère  chez  les  Visi- 
goths en  [une  sorte  de  donatio  pr opter  nuptias.  Cette 
double  influence  se  fit  même  sentir  chez  les  Burgondes.  Le 
droit  canonique  s'était  emparé  de  toutes  les  questions  ayant 
trait  au  mariage  ;  il  s'attaqua  au  divorce  et  s'efforça  de 
le  rendre  plus  rare.  L'action  de  l'Eglise  est  visible  dans 
les  capitulaires  qui  déclarent  le  mariage  indissoluble,  ainsi 
que  dans  les  additions  faites  par  Charlemagne  à  la  loi  lom- 
barde ;  cette  influence  fut  définitive  au  xne  siècle  et  releva 
la  situation  de  la  femme. 

Mais,  en  même  temps,  la  constitution  de  la  féodalité 
apportait  de  grandes  modifications  dans  la  situation  de  la 
femme.  Le  régime  féodal,  où  les  droits  de  possession  d'un 
fief  étaient  fondés  sur  la  possibilité  de  fournir  le  service 
militaire,  n'était  pas  propre  à  développer  les  prérogatives 
et  l'influence  des  femmes.  Elles  furent  naturellement  décla- 
rées incapables  de  prendre  part  à  la  propriété  féodale,  et  il 
en  fut  ainsi  tant  que  le  fief  ne  fut  qu'une  simple  jouissance 
soumise  à  l'unique  condition  du  service  militaire.  Lorsque 
les  fiefs  devinrent  héréditaires  et  patrimoniaux,  le  domaine 
féodal  fut  accessible  à  la  femme.  Il  y  eut  des  dames  de 
fief,  et  les  femmes  purent  même  exercer  le  droit  de  juri- 
diction attaché  au  fief.  La  loi  civile,  n'étant  plus  contrariée 
par  la  coutume  féodale,  obligea  le  frère  à  indemniser  ses 
sœurs  en  les  établissant.  C'est  ce  qu'explique  très  bien  le 
Miroir  de  Saxe  (I,  14).  Nos  coutumiers  des  xme  et 
xive  siècles  assurèrent  même  aux  sœurs  une  légitime.  Mais, 
en  même  temps,  l'esprit  aristocratique  avait  introduit,  avec 
le  droit  d'aînesse,  celui  de  masculinité,  qui  prévalut  en 
droit  coutumier,  comme  l'attestent  les  Assises  de  Jérusalem, 
les  Etablissements  de  saint  Louis  et  les  autres  textes  de  la 
même  époque.  Par  suite  des  mêmes  considérations,  les 
filles,  une  fois  mariées,  furent  censées  avoir  touché  avec 
la  dot  leur  part  de  succession  ;  on  avait  même  l'usage  de 
les  faire  renoncer  par  contrat  de  mariage  à  la  succession 
paternelle,  n'eussent-elles  reçu  d'ailleurs  en  dot  qu'un 
chapel  de  roses.  Mais  le  fief  devenu  à  certains  égards  un 
patrimoine,  contrairement  à  sa  destination  originaire,  n'en 
conservait  pas  moins  le  caractère  d'une  concession  faite  à 
charge  de  service  militaire.  Alors  une  difficulté  se  présen- 
tait :  qui  devait  remplir  ce  service,  quand  le  fief  était  échu 
à  une  femme  non  mariée  ?  Le  droit  féodal  l'emporta  à  cet 
égard.  La  femme  était-elle  mineure,  le  seigneur  en  avait, 
comme  d'ailleurs  pour  un  enfant  mâle,  la  tutelle  féodale 


—  451  - 


FEMME 


ou  garde  noble,  moyennant  la  jouissance  du  fief  et  de  ses 
autres  biens,  qu'il  exerçait  lui-même  ou  qu'il  cédait  à  un 
chevalier  chargé  de  remplir  le  service  militaire.  Etait-elle 
majeure,  le  suzerain  avait  le  droit  de  la  marier  et,  de  son 
côté,  elle  ne  pouvait  se  marier  sans  son  consentement.  D'après 
les  Assises  de  Jérusalem,  le  seigneur  pouvait  contraindre  sa 
vassale  au  mariage  dès  qu'elle  avait  atteint  sa  majorité, 
c.-à-d.  douze  ans.  Il  en  était  ainsi  de  la  fille  et  même  de 
la  veuve,  jusqu'à  l'âge  de  soixante  ans,  à  moins  qu'elle 
n'abandonnât  le  fief.  Les  rois  usèrent  souvent  de  ce  droit 
de  mariage  dans  l'intérêt  de  leur  puissance.  Quelquefois  le 
contrat  d'inféodation  réglait  le  droit  pour  le  seigneur  d'in- 
tervenir dans  le  mariage  de  ses  vassales.  Le  fief  n'étant 
pas  un  véritable  patrimoine,  la  femme  ne  pouvait  avoir  de 
droit  de  communauté  sur  celui  apporté  par  le  mari.  C'est 
de  la  femme  noble  que  l'on  disait:  Non  proprie  est  soda, 
sed  speratur  fore.  Son  seul  droit  possible  pouvait  être 
le  douaire,  souvenir  de  l'ancienne  dot  germanique  et  du 
morgengab  (V.  Douaire).  Mais  la  femme  pouvait  avoir 
droit  à  la  dissolution  du  mariage,  à  prendre  une  partie  des 
meubles  et  acquêts,  en  générai  la  moitié.  Il  y  avait  là  tout 
au  moins  en  germe  la  communauté.  Le  droit  de  renoncia- 
tion aurait  été  primitivement  introduit  en  faveur  des 
femmes  nobles.  Les  anciennes  coutumes  n'enlevaient  pas 
à  la  femme  remariée  le  douaire  et  les  avantages  nuptiaux, 
mais  l'édit  des  secondes  noces,  en  1560,  limita  les  avan- 
tages nuptiaux  que  la  femme  pouvait  faire  à  son  second  mari. 

La  femme  serve  aurait  du,  semble-t-il,  échapper  aux 
vexations  qui  résultaient  pour  la  femme  noble  des  carac- 
tères du  fief.  Mais  les  mainmortables  devant,  comme  on 
disait  alors,  «  de  grands  services  de  corps  et  de  bras  », 
qui  excédaient  les  forces  de  la  femme,  celle-ci  fut  exclue 
de  toute  succession  aux  biens  de  mainmorte.  Le  mundium 
appartenait  au  maître  du  domaine  sur  toutes  les  personnes 
libres  ou  non  qui  vivaient  sous  sa  protection.  D'où  le  droit 
de  formariage,  empêchant  les  femmes  serves  de  se  marier 
avec  une  personne  d'autre  condition  ou  en  dehors  du  terri- 
toire du  seigneur.  Les  petites  communautés  rurales  ont  pu 
être  l'origine  de  la  communauté  entre  époux  serfs.  Les 
bourgeoises  et  les  roturières  avaient  aussi  le  même  genre 
de  communauté  entre  époux  qui  différait,  à  quelques  égards, 
de  la  communauté  entre  époux  nobles.  Il  ne  faut  pas 
oublier  que,  dans  les  pays  de  droit  écrit,  c'était  toujours  le 
régime  de  la  dot  romaine  qui  était  appliqué.  La  veuve 
avait  souvent  un  droit  de  survie  appelé  augment  de  dot 
(V.  ce  mot).  Dans  ces  mêmes  pays,  le  mariage  n'était  pas 
pour  la  femme  une  cause  d'émancipation.  Il  ne  pouvait  en 
être  de  même  dans  les  pays  de  coutume  ;  le  mari  devenant 
seigneur  et  maître  de  la  communauté,  la  femme  ne  pouvait 
rester  dans  sa  famille. 

Lorsque  le  service  du  fief  se  trouva  uniquement  réduit 
à  des  prestations  pécuniaires,  il  devint  possible  à  la  femme 
de  les  fournir,  et  sa  situation  changea  entièrement.  Le 
droit  pour  le  seigneur  de  marier  sa  vassale  n'avait  plus  de 
raison  d'être.  La  tutelle  féodale  disparut  aussi  graduelle- 
ment, comme  avait  auparavant  disparu  la  tutelle  du  droit 
germanique.  Déjà  la  femme  avait  conquis  la  capacité 
civile,  car  la  tutelle  des  femmes  avait  été  abolie,  et  dans 
presque  toutes  les  chartes  des  xne  et  xui9  siècles,  le  mun- 
dium, pour  la  fille  comme  pour  la  veuve,  avait  disparu. 
Mais  il  en  était  autrement  de  la  femme  mariée.  Celle-ci 
resta  en  puissance  et  elle  demeura  frappée  d'incapacité 
féodale  tout  comme  d'incapacité  civile.  L'incapacité  féodale 
entraînait  cet  effet  que  le  mari  recevait  l'investiture  et 
portait  le  fief  à  la  place  de  sa  femme.  L'incapacité  civile 
lui  interdisait  de  faire  aucun  acte  juridique  sans  le  con- 
sentement du  mari.  C'était  la  conséquence  de  l'autorité 
maritale;  mais  les  coutumes,  qui  généralement  l'admet- 
taient, en  avaient  pris  le  principe  dans  le  mundium  ger- 
manique plutôt  que  dans  la  manus  romaine.  L'autorisation 
maritale  était  nécessaire  pour  tous  les  actes  judiciaires  et 
extrajudiciaires  en  général  ;  elle  relevait  la  femme  de  son 
incapacité  et  la  rendait  aussi  capable  que  si  elle  n'avait  pas 


été  mariée.  Il  est  à  remarquer  que  certaines  des  législa- 
tions du  moyen  âge  avaient  accordé  à  la  femme  marchande 
publique,  même  mariée,  l'entière  capacité  civile  ;  il  en 
était  ainsi  dans  les  Etablissements  de  saint  Louis  (I,  153), 
et  même  auparavant  dans  la  coutume  d'Anjou.  Dans  les 
pays  de  droit  écrit,  la  puissance  maritale  ne  ressemblait  en 
rien  an  mundium;  elle  ne  frappait  pas  tous  les  biens  et  ne 
s'exerçait  que  sur  la  dot.  De  plus,  le  régime  dotal  entraîna 
d'une  façon  presque  inévitable  l'application  à  la  femme  de 
l'incapacité  résultant  du  sénatus-consulte  Velléien  (V.  ce 
mot),  incapacité  qui  survécut  même  à  l'abolition  de  cette 
législation.  En  droit  coutumier,  au  contraire,  l'application 
de  sénatus-consulte,  bien  qu'elle  ait  été  faite,  était  en 
opposition  avec  les  principes  de  la  communauté  et  dut  être 
forcément  limitée.  Les  règles  relatives  à  l'incapacité  de  la 
femme  mariée  sont  d'une  façon  générale  restées  à  peu  près 
les  mêmes  aujourd'hui  que  dans  nos  anciens  pays  coutumiers. 
Les  ordonnances  des  rois  de  France  avaient  en  général 
tendu  à  mettre  les  femmes  sur  le  même  pied  que  les  héri- 
tiers mâles  dans  les  successions  ab  intestat.  Cependant,  un 
édit  de  1567,  l'édit  de  Saint-Maur,  connu  sous  le  nom 
d'édit  des  mères,  avait  diminué  le  droit  de  la  mère  dans  la 
succession  de  ses  enfants  ;  cet  édit  fut  abrogé  par  Louis  XV 
en  1729.  Le  droit  intermédiaire  en  abolissant  les  droits 
féodaux,  les  privilèges  des  mâles  et  toutes  les  inégalités 
qui  résultaient  des  tenures  diverses  des  terres,  en  appli- 
quant dans  le  décret  du  8  avr.  1791  et  dans  la  loi  du 
17  nivôse  an  II  le  principe  de  l'égalité  en  matière  succes- 
sorale, a  préparé  la  situation  faite  à  la  femme  dans  notre 
droit  actuel.  Gustave  Regelsperger. 

VIII.  Droit  actuel.  —  La  femme  en  dehors  du 
mariage.  —  Sous  l'empire  de  notre  législation  moderne, 
la  femme,  au  point  de  vue  du  droit  civil,  est  à  peu  près 
assimilée  à  l'homme.  En  principe,  l'égalité  civile  des  deux 
sexes  a  donc  été  consacrée,  et,  si  la  femme  est  soumise, 
lorsqu'elle  se  marie,  à  une  sorte  d'incapacité  temporaire, 
il  s'agit,  suivant  la  juste  remarque  d'un  des  jurisconsultes 
les  plus  distingués  de  notre  époque,  M.  Paul  Gide,  d'une 
sorte  d'incapacité  «  qui  n'est  pas  inhérente  au  sexe,  qui 
n'a  point  sa  cause  dans  la  nature  physique  ou  morale  de 
la  femme,  mais  dans  la  puissance  maritale,  c.-à-d.  dans 
un  fait  extérieur  et  accidentel  ».  Ce  sont  les  lois  françaises 
modernes  qui  ont  réalisé  pour  la  femme  cette  précieuse 
conquête.  Dans  la  plupart  des  législations  européennes, 
la  femme,  même  à  l'heure  actuelle,  est  souvent  loin  d'avoir 
obtenu  cette  égalité  civile  avec  l'homme,  et,  dans  l'an- 
cienne France,  à  la  veille  même  de  la  Révolution,  elle  était, 
notamment  en  ce  qui  concerne  les  droits  héréditaires, 
soumise  à  une  sorte  d'infériorité  des  plus  marquées.  La 
suppression  des  droits  d'aînesse  et  de  masculinité,  par 
la  loi  des  8  et  15  avr.  4  791,  assure  aux  filles  des  droits 
égaux  à  ceux  de  leurs  frères  dans  la  famille.  La  loi  du 
1 7  nivôse  an  II  et  le  code  civil  viennent  à  la  fois  complé- 
ter et  consolider  cette  situation  nouvelle  faite  à  la  femme  ; 
l'égalité  dans  les  droits  héréditaires  des  deux  sexes  est  éta- 
blie. Les  art.  791  et  1389  mettent  fin  à  l'usage  des  renon- 
ciations aux  successions  futures,  tandis  que  l'art.  1050 
frappe  toute  substitution  qui  ferait  revivre  entre  les  enfants 
les  distinctions  d'âge  ou  de  sexe  de  l'ancien  droit,  d'une 
prohibition  absolue  (V.  les  lois  sur  les  substitutions  et 
majorats  des  17  mai  1826,  12  mai!835,  7-11  mai  1849). 
Par  suite,  les  droits  de  la  femme  étaient  désormais  sérieu- 
sement garantis  par  les  dispositions  de  la  loi  positive  elle- 
même.  Avec  sa  part  conquise  et  assurée  dans  la  fortune  de 
sa  famille,  la  femme  a  vu  le  droit  d'en  jouir  et  d'en  dispo- 
ser librement  également  assuré  et  reconnu  par  nos  codes. 
Désormais,  la  voilà  munie  de  la  même  capacité  civile  que 
l'homme  ;  elle  peut  faire  le  commerce,  tenir  une  maison  de 
banque,  comparaître  devant  la  justice,  soit  comme  partie, 
soit  comme  témoin  ;  elle  plaide  sa  cause  elle-même.  Enfin, 
elle  peut  agir  devant  les  tribunaux  comme  mandataire  et 
s'engager  pour  autrui.  La  voilà  désormais  affranchie  de 
;  l'édit  de  postulando,  des  derniers  vestiges  du  sénatus- 


FEMME 


—  452  — 


consulte  Velléien,  des  virilia  officia  dans  le  domaine 
des  relations  civiles,  en  un  mot  de  toutes  les  chaînes  plus 
ou  moins  lourdes  inventées  par  le  droit  romain,  et,  de  nos 
jours  encore,  souvent  respectées  dans  certains  pays  du 
Midi.  Lorsque  la  contrainte  par  corps  existait  encore  dans 
nos  codes,  la  femme  non  commerçante  en  était  affranchie. 
C'est  Là  la  seule  disposition  de  l'ancien  droit  qui  soit  passée 
dans  les  lois  modernes.  Le  code  civil  et  la  loi  de  l'an  YI 
conformément  à  cette  tradition  coutumière  avaient  prohibé 
la  contrainte  par  corps  contre  le  vieillard,  le  mineur  et 
la  femme,  sauf  dans  le  cas  de  stellionat  (loi  du  13  ger- 
minal an  VI,  tit.  I,  art.  5  ;  C.  civ.,  art.  2066).  La  femme 
jouit  encore  de  deux  autres  privilèges  refusés  à  l'homme  : 
4°  elle  peut  se  marier  à  l'âge  de  quinze  ans  révolus  ;  2°  elle 
n'a  besoin  pour  le  mariage  du  consentement  de  ses  ascen- 
dants que  jusqu'à  l'âge  de  vingt  et  un  ans.  Mais  en  revanche 
elle  est  frappée  d'une  double  in  capacité  à  laquelle  l'homme 
n'est  pas  soumis  :  4°  la  femme  ne  peut  être  témoin  ni  dans 
un  acte  de  l'état  civil,  ni  dans  un  testament  ;  2°  elle  ne 
peut  être  tutrice  ni  membre  d'un  conseil  de  famille,  sauf 
lorsqu'elle  est  mère  ou  ascendante  de  l'enfant  en  tutelle. 

La  femme  en  puissance  de  mari.  —  Sa  situation  juri- 
dique est  absolument  métamorphosée.  La  femme  mariée  est 
frappée  d'incapacité  juridique;  l'art»  4424  du  C.  civil  l'a 
fait  figurer  au  nombre  des  incapables.  Mais  cette  incapa- 
cité n'est  pas  absolue  en  ce  sens  qu'elle  entraîne  une  nullité 
relative  de  contracter  et  non  une  nullité  absolue.  Une  nullité 
relative,  suivant  la  remarque  pleine  de  justesse  de  M.  Lau- 
rent, implique  qu'elle  n'est  pas  établie  pour  un  motif  d'inté- 
rêt général  ;  dès  lors,  il  convient  de  dire  qu'elle  est  établie 
pour  sauvegarder  les  intérêts  de  ceux  qui  peuvent  se  pré- 
valoir de  ladite  nullité.  Tandis  que  dans  l'ancien  droit 
l'incapacité  de  la  femme  n'était  fondée  que  sur  la  puis- 
sance du  mari,  dans  le  droit  moderne,  au  contraire,  elle 
est  plutôt  fondée  sur  l'idée  de  protection  qui  est  due  à  la 
femme,  et  de  protection  qui  est  due  dans  l'intérêt  de  la 
famille  qui  se  confond  lui-même  avec  celui  de  la  femme. 
Par  principe,  l'incapacité  de  la  femme  étant  fondée  sur  le 
mariage,  il  en  résulte  cette  importante  conséquence  qu'elle 
est  d'ordre  public,  puisque  le  mariage  est  lui-même  d'ordre 
public.  Dès  lors  (art.  4388),  la  femme  ne  peut  reconquérir 
par  les  conventions  matrimoniales  la  capacité  qu'elle  perd 
en  se  mariant.  Ladite  incapacité  subsiste  pendant  toute  la 
durée  du  mariage. 

Actes  extra  judiciaires.  —  On  lit  dans  l'art.  247:  «La 
femme,  même  non  commune  ou  séparée  de  biens,  ne  peut 
donner,  aliéner,  hypothéquer,  acquérir,  à  titre  onéreux  ou 
gratuit.  »  L'incapacité  de  la  femme  mariée  étant  générale, 
il  est  de  principe  qu'elle  ne  peut  faire  aucun  acte  juridique 
sans  autorisation  du  mari  :  c'est  donc  dire  que  cette  énumé- 
ration  de  l'art.  247  n'est  pas  restrictive.  Cette  incapacité 
s'applique  à  toute  espèce  d'actes,  sans  qu'il  y  ait  lieu  de 
distinguer  s'ils  sont  à  titre  gratuit  ou  à  titre  onéreux. 
Même  pour  accepter  une  donation,  la  femme  a  besoin  de 
l'autorisation  du  mari.  Elle  est  incapable  de  s'obliger  par 
convention  ;  bref,  elle  est,  en  principe,  incapable  de  faire 
un  acte  juridique  quelconque.  Examinons  dès  lors  les  excep- 
tions aux  principes  que  nous  venons  de  poser.  La  femme, 
comme  tous  les  incapables,  peut  faire,  sans  autorisation  ni 
assistance,  les  actes  conservatoires.  L'incapacité  de  lafewme 
tient,  il  est  vrai,  à  la  puissance  maritale  ;  mais  la  loi  elle- 
même  y  déroge.  Nous  lisons,  en  effet,  dans  l'art.  940  du 
C.  civ.  que  la  femme  peut  procéder  sans  autorisation  à  la 
.  transcription  des  donations  qui  lui  sont  faites.  Il  en  est  ainsi 
pour  le  testament.  De  même  (art.  4096),  elle  peut  révoquer 
une  donation  faite  entre  époux  pendant  le  mariage  sans 
aucune  autorisation.  De  même  encore  l'art.  935  permet  à 
la  mère  d'accepter  une  donation  faite  à  son  enfant  mineur. 
«  Par  cela  même,  dit  à  juste  titre  M.  Laurent,  elle  le  peut 
sans  autorisation  ;  si  la  loi  avait  entendu  exiger  l'autori- 
sation, il  eût  été  inutile  de  dire  que  les  père  et  mère  peuvent 
accepter  pour  le  mineur.  Il  y  a  cependant  ceci  de  singulier, 
c'est  qu'un  incapable  est  appelé  à  couvrir  l'incapacité  d'un 


autre  incapable.  »  La  femme  sans  aucun  doute  est  aussi 
tenue  de  ses  délits  et  de  ses  quasi-délits.  L'art.  4340  proclame 
ce  principe  pour  le  mineur,  à  fortiori  doit-il  en  être  de 
même  pour  la  femme.  En  cas  de  gestion  d'affaires,  la  femme 
est  obligée,  comme  toute  autre"  personne,  par  le  fait  du 
gérant  si  c'est  l'affaire  personnelle  de  ladite  femme  qui  est 
gérée.  Mais  la  femme  ne  peut  sans  autorisation  gérer 
l'affaire  d'autrui  puisqu'il  s'agit  d'un  fait  personnel  de  sa 
part.  Enfin  elle  est  tenue  de  restituer  le  payement  de  l'indu 
en  tant  qu'elle  s'est  enrichie.  Mais  la  femme  peut -elle 
reconnaître  un  enfant  naturel  sans  autorisation  ?  Il  s'agit, 
cela  va  sans  dire,  d'un  enfant  naturel  qu'elle  aurait  eu  avant 
son  mariage.  La  jurisprudence  et  la  grande  majorité  des 
interprètes  se  prononcent  pour  l'affirmative.  Enfin  elle  peut 
être  mandataire  sans  autorisation  (C.  civ.,  art.  4990). 

Actes  judiciaires.—  La  femme  ne  peut  plaider,  ni  comme 
demanderesse  ni  comme  défenderesse,  sans  être  autorisée, 
«  quand  même,  dit  l'art.  215,  elle  serait  marchande  pu- 
blique ».  La  jurisprudence  admet  qu'il  n'est  pas  nécessaire 
que  l'autorisation  soit  accordée  avant  le  commencement  de 
l'instance,  qu'il  suffit  qu'elle  soit  obtenue  avant  le  juge- 
ment définitif. 

Exceptions.  —  4°  En  matière  civile.  D'après  la  cour 
de  cassation,  l'on  ne  peut,  en  cettematière,  admettre  d'autres 
exceptions  que  celles  qui  sont  formellement  établies  par  la 
loi  (arrêt  du  24  janv.  4845;  Dalloz,  4845,  4,  97).  Par 
exemple,  la  femme  qui  demande  la  nullité  de  son  mariage 
pour  vice  de  consentement  doit  être  autorisée  de  son  mari. 
Mais  si  la  femme  prétendait  qu'il  n'y  a  jamais  eu  mariage, 
la  question  et  par  suite  la  solution  à  lui  donner  seraient 
absolument  différentes.  Alors  la  femme  n'agit  pas  comme 
femme  mariée;  par  conséquent,  elle  n'a  pas  besoin  d'auto- 
risation. Aussi  la  cour  suprême  a-t-elle  à  juste  titre  décidé 
que  la  femme  qui  s'inscrit  en  faux  contre  l'acte  de  célé- 
bration de  son  mariage  ne  doit  pas  être  autorisée  de  son 
mari.  Contrairement  à  la  doctrine  de  plusieurs  interprètes, 
la  jurisprudence  admet  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'autoriser  la 
femme,  lorsqu'une  poursuite  en  expropriation  est  dirigée 
contre  elle. 

2°  En  matière  criminelle.  Lorsque  la  femme  est  pour- 
suivie en  matière  criminelle  ou  de  police,  l'autorisation  du 
mari  n'est  pas  nécessaire  (art.  246).  Par  suite,  on  rentre- 
rait, dans  la  règle,  et  il  serait  besoin  de  l'autorisation  si 
c'était  la  femme  qui  exerçait  la  poursuite.  Mais  que  faut-il 
décider  de  l'action  civile  qui  naît  du  délit?  La  femme  doit 
être  munie  de  l'autorisation  maritale,  lorsque  l'action  est 
intentée  devant  les  tribunaux  civils.  On  est  en  effet  en 
présence  d'une  action  en  dommages  et  intérêts,  par  con- 
séquent d'une  action  purement  civile.  Si,  au  contraire, 
c'est  par  devant  les  tribunaux  criminels  que  l'action  civile 
est  intentée,  il  faut  faire  une  distinction.  Les  interprètes 
reconnaissent  tous  qu'il  n'est  besoin  d'aucune  autorisation 
lorsque  le  ministère  public  poursuivant,  la  partie  lésée  se 
porte  partie  civile.  L'action  civile  est  alors  l'accessoire  de 
l'action  publique  ;  la  femme  est  donc  poursuivie  en  matière 
criminelle  ;  donc  on  se  trouve  dans  l'hypothèse  prévue  par 
l'art.  246.  Mais  la  dispute  s'élève  entre  les  interprètes, 
quand  la  partie  lésée  intente  son  action  directement  devant 
le  tribunal  correctionnel  ou  de  police.        V.  Saverot. 

Autorisation  maritale  (V.  Autorisation  maritale,  t.  IV, 
p.  777). 

IX.  Législation  comparée.  —  Les  législations  euro- 
péennes modernes  ont  fondu,  dans  des  proportions  variables, 
les  notions  juridiques  empruntées  au  droit  romain  avec  les 
préceptes  du  christianisme  et  les  règles  coutumières  d'ori- 
gine germanique.  Jusqu'à  une  époque  toute  contemporaine, 
on  y  rencontrait,  et  l'on  y  rencontre  encore  aujourd'hui, 
par-ci  par-là,  de  choquantes  inégalités  entre  les  deux  sexes. 
D'après  le  code  civil  suédois,  une  femme  non  mariée  reste 
jusqu'à  la  fin  de  ses  jours  en  tutelle,  comme  un  mineur. 
Il  en  était  de  même  en  Toscane  et  dans  les  Etats  du  saint- 
siège  ;  en  Espagne,  la  femme  ne  pouvait  se  porter  caution  ; 
ce  n'est  que  depuis  la  promulgation  du  code  civil  italien  de 


453 


FEMME 


1867  et  du  code  espagnol  de  1889  que,  dans  les  deux  pénin- 
sules, les  femmes  ont  été  relevées  des  incapacités  qui 
pesaient  sur  elles  à  raison  de  leur  sexe.  Dans  une  assez 
grande  partie  de  l'Europe,  la  loi  des  successions  est  encore 
faite  de  manière  à  favoriser  les  héritiers  mâles  :  en  Angle- 
terre, les  filles  sont  exclues  par  les  fils  dans  la  succession 
aux  immeubles  délaissés  par  le  père  ;  en  Russie,  chaque 
fille,  en  concours  avec  des  fils,  n'a  droit  qu'à  un  huitième 
des  meubles  et  un  quatorzième  des  immeubles  ;  tout  ré- 
cemment encore,  à  Zurich,  la  fille  ne  prenait  que  4,  là  où 
le  fils  prenait  5  et  pouvait  en  outre  réclamer  les  immeubles 
paternels  à  prix  réduit. 

Le  contraste  entre  l'incapacité  de  la  femme  mariée  et  la 
capacité  de  la  femme  fille  ou  veuve  est  un  des  traits  les  plus 
originaux  du  droit  moderne.  Dans  les  deux  anciennes  législa- 
tions d'où  émanent  nos  divers  codes,  ce  contraste  n'existait 
point  encore  :  on  ne  le  retrouve  ni  dans  la  jurisprudence 
romaine,  ni  dans  les  coutumes  barbares.  Dans  la  loi  moderne, 
au  contraire,  à  l'étranger  comme  en  France,  ce  n'est  plus  la 
femme  qui  est  incapable,  c'est  l'épouse  :  l'incapacité  du  sexe 
ne  commence  qu'avec  le  mariage  et  elle  finit  avec  lui.  La 
femme  mariée  estcomplètementplacée  sous  la  dépendance  du 
mari  et  ne  peut  faire  sans  son  autorisation  le  plus  mince  acte 
de  la  vie  civile.  Malgré  les  protestations  éloquentes  qu'il  a 
parfois  soulevées,  cet  état  de  choses,  qui  se  retrouve  chez  les 
peuples  les  plus  divers  de  mœurs  et  de  tempérament,  au 
nord  comme  au  midi,  s'explique  et  se  justifie  par  des  con- 
sidérations sérieuses  :  partout  où,  en  droit  ou  en  fait,  les 
époux  supportent  ensemble  les  charges  du  ménage  et  le 
mari  administre  l'avoir  commun,  —  c'est  le  cas  de  presque 
toute  l'Europe,  —  il  est  logique  et  nécessaire  que,  si  les 
deux  individus  associés  par  le  mariage  dans  un  même  but 
ne  parviennent  pas  à  s'entendre,  le  dernier  mot  soit  laissé 
à  l'homme,  chef  de  la  famille,  nourricier  de  la  famille,  res- 
ponsable de  son  entretien  et  de  sa  prospérité,  et  que  la 
femme  ne  puisse  engager  le  patrimoine  de  la  famille  qu'avec 
l'assentiment  de  celui  qui  l'administre.  Ces  lois  sont  faites 
en  vue  des  situations  normales.  Elles  peuvent  devenir 
iniques  si  le  mari  abuse  de  ses  droits  ou  manque  à  ses 
devoirs.  Les  législateurs  prévoient,  pour  ce  cas,  des  remèdes 
divers  :  divorce,  séparation  de  biens,  suppression  ou  sus- 
pension de  l'autorité  maritale.  On  a  essayé  dernièrement, 
en  Angleterre,  d'un  système  plus  radical  et  moins  compli- 
qué qu'une  action  judiciaire  en  séparation  de  corps  ou  de 
biens.  D'après  une  loi  de  1882  qui  complète  une  réforme 
commencée  en  1870  et  1874,  la  femme  conserve  personnel- 
lement la  propriété  et  la  libre  disposition  de  tous  les  biens 
qu'elle  possède  au  moment  du  mariage,  ou  qu'elle  acquiert 
plus  tard  par  droit  d'héritage,  dans  l'exercice  d'un  métier 
ou  d'une  profession,  ou  par  ses  talents  artistiques  ou  litté- 
raires ;  elle  est  libre  de  s'obliger  par  contrat  jusqu'à  con- 
currence de  ces  biens  ;  elle  peut  plaider  comme  demande- 
resse ou  comme  défenderesse  ;  si  elle  exerce  un  commerce 
indépendamment  de  son  mari,  elle  peut  être  mise  en  faillite 
comme  une  femme  non  mariée.  La  loi  anglaise  a  été  inspi- 
rée parle  désir  d'assurer  la  liberté  d'allures  delà  femme, 
mariée  à  un  homme  paresseux,  ivrogne  ou  prodigue  qui 
voudrait  vivre  à  ses  dépens  ;  elle  constitue,  dans  le  droit 
européen,  une  innovation  hardie.  Il  serait  téméraire  de 
vouloir  indiquer  dès  maintenant  les  fruits  de  cette  réforme  : 
à  première  vue,  il  ne  semble  pas  impossible  de  corriger  ce 
que  nos  lois  restrictives  de  l'indépendance  des  femmes 
mariées  ont,  à  certains  égards,  d'excessif,  sans  aller  jusqu'à 
cette  complète  émancipation,  fort  difficile  à  concilier  avec 
les  nécessités  de  l'association  conjugale  bien  comprise  : 
mariage  et  dualisme  sont  deux  termes  contradictoires. 

Ernest  Lehr. 
X.  Politique.  —  La  situation  des  femmes  dans  la  so- 
ciété varie  selon  les  sociétés  et  les  époques  ;  ce  problème  a 
été  résolu  de  manières  très  diverses,  ainsi  qu'on  a  pu  s'en 
rendre  compte  (V.  ci-dessus  et  Famille)  ;  mais  jusqu'aux 
temps  modernes  et  presque  jusqu'à  la  période  contempo- 
raine, ce  problème  n'a  pas  été  envisagé  comme  une  ques- 


tion politique  distincte.  La  situation  de  la  femme  a  résulté 
des  mœurs,  de  la  religion,  de  l'état  social,  du  régime  écono- 
mique; on  ne  l'a  pas  discutée  au  nom  de  théories.  La  ques- 
tion des  droits  des  femmes  qui  passionne  un  grand  nombre 
de  personnes  en  Europe  et  en  Amérique  est  donc  une  ques- 
tion nouvelle.  Le  rationalisme  des  idéologues  du  xvnr9  siècle, 
fondant  l'organisation  sociale  et  la  législation  sur  le  droit 
naturel,  a  déterminé  le  mouvement  des  esprits  en  faveur 
de  l'émancipation  des  femmes.  La  transformation  radicale 
des  conditions  économiques  et  sociales  dans  les  temps  mo- 
dernes, et  particulièrement  depuis  un  siècle,  a  donné  à  ces 
débats  une  grande  importance.  Néanmoins  ils  restent  sur- 
tout théoriques,  et  c'est  au  nom  de  la  justice,  des  prin- 
cipes de  la  inorale  et  du  rationalisme  philosophique  qu'on 
a  plaidé  la  cause  des  femmes  et  obtenu  de  considérables 
améliorations  dans  leur  condition.  La  question  féminine  est 
une  partie  de  la  question  sociale  et  elle  se  pose  principale- 
ment (comme  la  question  sociale  dans  son  ensemble)  par  la 
contradiction  entre  l'organisation  actuelle  des  sociétés  euro- 
ropéennes  et  l'idéal  d'une  organisation  rationnelle.  La  pré- 
tention des  réformateurs  est  de  régler  conformément  à  la 
logique  la  situation  des  femmes  vis-à-vis  des  hommes  et 
d'effectuer  des  progrès  applicables  à  notre  société,  mais 
aussi  définitifs  et  conformes  à  la  nature  et  à  l'idéal  absolu. 
Ils  condamnent  l'état  existant,  moins  en  raison  de  ses  incon- 
vénients pratiques  qu'au  nom  de  la  justice.  Le  caractère 
idéaliste  de  cette  agitation  est  très  marqué,  d'autant  qu'il 
ne  peut  être  parlé  ici  de  conflit  entre  les  parties  en  pré- 
sence ;  non  seulement  la  faiblesse  des  femmes  rendrait  cette 
hypothèse  absurde,  mais  elle  est  en  contradiction  avec  la 
solidarité  familiale,  et  d'ailleurs  on  trouverait  autant,  sinon 
plus  d'hostilité  aux  réformes  parmi  les  femmes,  qui  sont 
censées  devoir  en  bénéficier,  que  parmi  les  hommes.  Ces 
réformes  sont  fort  étendues,  naturellement,  et  s'appliquent 
à  toutes  les  formes  de  la  vie  sociale,  aux  relations  écono- 
miques comme  aux  mœurs,  au  droit  privé  comme  à  la  poli- 
tique. 

Le  mouvement  dont  nous  parlons  étant  déterminé  par  des 
conceptions  théoriques,  il  convient  de  passer  en  revue  ra- 
pidement les  idées  que  se  sont  faites  sur  le  rôle  de  la  femme 
les  sociétés  dont  procède  la  nôtre  ;  dans  quelle  mesure  fut- 
elle  jugée  assimilable  à  l'homme  ?  Pour  ce  qui  touche  sa 
condition  réelle,  nous  renvoyons  à  l'art.  Famille  et  aux 
autres  paragraphes  du  présent  article.  Il  ne  s'agit  ici  que 
des  théories.  Les  Hébreux  ont,  comme  les  autres  peuples  de 
l'Asie  (ce  que  nous  appelons  l'Orient),  admis  la  subordi- 
nation totale  et  l'infériorité  complète  de  la  femme  ;  cette 
idée  concorde  avec  le  régime  de  l'Etat  et  de  la  famille. 
Soustraite  aux  yeux  de  l'étranger,  enfermée  dans  la  mai- 
son ou  soigneusement  voilée,  elle  est  soumise  à  une  tutelle 
perpétuelle.  La  femme  juive  n'a  pas  droit  à  l'instruction, 
même  religieuse.  Autant  vaudrait  enseigner  l'impiété  à  la 
femme  que  lui  enseigner  la  loi.  Ce  mépris  se  retrouve  dans 
la  généralité  des  pays  musulmans.  La  femme  n'a  de  place 
que  dans  la  famille.  De  plus,  la  légende  religieuse  de  la 
Bible  porte  contre  elle  une  accusation  terrible  ;  c'est  par  sa 
faute  que  le  mal  est  entré  dans  le  monde  et  que  l'homme 
est  déchu.  Cette  vieille  fable  asiatique  a  été  également 
transmise  aux  Grecs  et,  dans  la  mythologie  hésiodique,  Pan- 
dore joue  le  rôle  d'Eve;  c'est  par  cette  femme,  parée  de  toutes 
les  séductions,  qu'est  ouverte  la  boîte  fatale  d'où  sortent 
tous  les  maux  qui  désormais  désoleront  l'univers.  Dans  les 
primitives  époques  de  la  Grèce,  la  femme,  bien  que  très 
honorée,  n'a  de  place  que  dans  la  famille,  comme  l'esclave. 
Les  progrès  de  l'esprit  philosophique  font^concevoir  l'éga- 
lité entre  les  hommes,  et,  comme  l'esclave,  la  femme  en 
profite.  Platon  se  plaint  de  voir,  dans  la  démocratique 
Athènes,  les  esclaves  mâles  et  femelles  aussi  libres  que  les 
maîtres  qui  les  avaient  achetés  et,  chose  non  moins  révol- 
tante, les  femmes  égales  à  leurs  maris.  Cependant  lui-même 
la  rapproche  de  l'homme  dans  sa  République.  Xénophon, 
dans  son  petit  traité  d'économie  domestique,  est  favorable 
aux  femmes,  dont  il  décrit  la  position  abaissée.  «  Ce  qu'il 


FEMME 


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dit,  remarque  M.  Havet,  témoigne  à  la  fois  de  ce  que  la 
constitution  de  la  société  avait  encore  de  mauvais  et  des 
habitudes  nouvelles  qui  élevaient  les  mœurs.  La  femme, 
tenue  dans  une  condition  dont  aujourd'hui  même  elle  n'est 
pas  encore  assez  relevée,  était  mariée  enfant,  sans  être  con- 
sultée, puis  enfermée  dans  sa  maison,  presque  comme  en 
Asie,  et  menacée  de  n'y  être  comptée  pour  rien  dès  qu'elle 
aurait  vieilli.  «  Il  n'y  a  guère  personne  avec  qui  son  mari 
«  ait  moins  de  conversation  qu'avec  elle.  »  La  philosophie 
lui  tend  la  main,  comme  fera  plus  tard  la  religion,  et  l'ap- 
pelle à  la  dignité  en  l'appelant  à  la  sagesse  et  à  la  vertu. 
Elle  la  déclare  associée  à  l'homme  par  les  devoirs  mêmes 
que  la  divinité  les  invite  tous  deux  à  remplir.  Ils  ont  cha- 
cun les  leurs,  mais  il  en  est  un  qui  leur  est  commun,  celui 
de  la  pureté  des  mœurs,  et  Xénophon  ajoute  d'une  manière 
bien  délicate  que  celui  des  deux  qui  vaudra  le  mieux  est  à 
même  de  se  faire,  de  ce  côté-là,  le  plus  d'honneur.  Et  il 
montre  la  femme  assurée,  par  ses  vertus  mêmes,  non  seu- 
lement de  l'amour  des  siens,  mais  de  leur  respect.  «  Ce 
«  sera  ta  plus  grande  joie  que  de  te  montrer  meilleure  que 
«  moi  et  de  faire  de  moi  ton  serviteur.  »  Mais  nous  sommes 
encore  loin  de  l'égalité,  et  pour  bien  se  rendre  compte  des 
sentiments  des  penseurs  et  de  l'aristocratie  grecque  envers 
les  femmes,  il  faut  se  souvenir  de  leur  prédilection  pour 
les  amours  masculines.  Platon,  qui  les  condamne  dans  ses 
lois,  a  écrit  ailleurs  que  «  l'amour  des  femmes  est  un  amour 
«  inférieur,  bon  pour  les  hommes  vulgaires,  qui  ne  sont  tou- 
«  chés  que  du  corps  ;  l'autre  passion  est,  au  contraire,  la 
«  marque  des  âmes  d'élite  ;  elle  est  faite  pour  les  vrais  philo- 
«  sophes  qui  ne  se  soucient  pas  du  mariage  ».  Sur  ce  point, 
l'austérité  des  mœurs  des  Hébreux  contraste  avec  la  dé- 
pravation des  autres  peuples  de  l'Orient  et  de  l'antiquité. 
Ils  condamnent  résolument  ces  amours  contre  nature.  Sans 
insister,  nous  observons  qu'ils  coïncident  avec  un  grand  mé- 
pris de  la  femme.  Dans  les  cités  grecques,  tous  les  faibles 
se  sentaient  opprimés  par  l'oligarchie.  Aristotenous  dit  que 
«  les  esclaves  aiment  les  démocraties  et  les  tyrannies,  c.-à-d. 
«  tout  ce  qui  menace  la  cité  aristocratique!  Mais  ce  qui  est 
«  bien  remarquable,  c'est  qu'il  a  dit  la  même  chose  des 
«  femmes,  nous  faisant  voir  par  là  que  les  femmes  aussi, 
«  dans  la  cité,  étaient  opprimées  et  mécontentes.  »  (Havet.) 
Aristote  a  sans  doute  écrit  :  «  Les  femmes  sont  la  moitié 
de  la  cité  »,  mais  il  les  déclare  très  inférieures  à  l'homme, 
en  raison  surtout.  «  Le  bonheur  est  chose  placée  au-des- 
sus de  l'esclave,  et  peut-être  même  la  ^vertu  ;  mais  les 
femmes  n'étant  que  sujettes,  la  vertu  leur  est  permise  ; 
seulement,  c'est  une  vertu  à  leur  mesure,  qui  reste  néces- 
sairement inférieure  à  celle  de  l'homme.  »  En  revanche, 
Aristote  rejette  les  amours  grecques  avec  un  sang-froid 
méprisant,  comme  un  moderne.  Sa  doctrine  sur  la  morale 
politique  (que  le  christianisme  lui  emprunta)  est  extrême- 
ment favorable  à  la  femme  ;  il  affirme  que  la  société  repose 
sur  l'amour  plus  même  que  sur  la  justice,  et  que  la  justice 
suprême  est  amour.  Epurée  par  la  philosophie,  la  morale 
devient  plus  délicate.  Dans  les  poèmes  alexandrins  appa- 
raissent les  héros  romanesques  qui  respectent  la  vierge  en- 
levée par  eux,  voulant  l'amener  d'abord  chez  leur  père  et 
l'épouser. 

Dans  la  société  romaine,  la  femme  est  franchement  as- 
sociée à  la  vie  de  l'homme.  «  La  matrone  est  un  caractère 
romain  ;  fille  comme  Virginie,  femme  comme  Lucrèce, 
mère  comme  Véturie,  elle  est  également  imposante.  Où  est 
le  Romain,  dit  Cornélius  Nepos,  chez  qui  la  mère  de  famille 
n'occupe  dans  la  maison  l'appartement  d'honneur  et  n'y 
tienne  sa  cour  ?  Rome  n'avait  donc  à  apprendre  de  personne 
la  dignité  de  la  femme.»  Cependant  les  hommes  les  plus 
éclairés  ne  croient  guère  pouvoir  associer  les  femmes  à  la 
haute  vie  intellectuelle.  Elles  ne  philosophent  pas,  et  on 
ne  philosophe  pas  pour  elles  ;  on  leur  laisse  la  religion. 
Mais  l'organisation  de  la  propriété  avait,  dès  le  premier 
siècle  av.  J.-C,  préparé  et  même  réalisé  l'émancipation  de 
la  femme,  dans  la  classe  riche  s'entend.  La  facilité  et  la 
multiplicité  des  divorces  à  Rome  n'ont  jamais  été  égalées 


depuis  (V.  Divorce).  On  a  pu  blâmer  ces  mœurs  au  point 
de  vue  d'une  stricte  morale  ;  elles  n'en  sont  pas  moins, 
pour  le  sociologue,  bien  supérieures  à  celles  de  la  famille 
patriarcale,  respectueuse  de  la  liberté  individuelle,  faisant 
reposer  le  mariage  sur  la  perpétuité  de  l'accord  volontaire, 
en  tous  cas,  bien  plus  avantageuses  pour  les  femmes.  On 
sait  d'ailleurs  que  la  société  d'alors  avait,  autant  que  les 
nôtres,  le  respect  de  la  chasteté,  que  la  veuve  qui  restait 
fidèle  au  souvenir  de  son  époux  était  très  considérée  ; 
femme  d'un  seul  mari  était  son  titre  d'honneur.  Properce 
et  Virgile  l'attestent  et  les  inscriptions  funéraires.  Sénèque 
le  père  pense  qu'une  femme  est  bien  assez  défendue  par 
son  austérité  contre  les  sollicitations  libertines.  Mais  la  mo- 
destie, la  timidité  qu'il  exige  d'elle  nous  reportent  aux 
écrits  des  Pères  de  l'Eglise  et  à  la  morale  de  l'Arnolphe  de 
Molière.  Les  stoïciens  romains  affirment  résolument  l'éga- 
lité de  l'homme  et  de  la  femme.   Nous  avons  perdu  le 
livre  de  Sénèque  sur  le  mariage,  mais  nous  savons  qu'il 
écrit  autre  part  :  «  Il  est  d'un  malhonnête  homme  d'exiger 
de  ta  femme  qu'elle  soit  chaste,  tandis  que  tu  vas  cor- 
rompre les  femmes  des  autres.  Il  ne  t'est  pas  plus  permis 
d'avoir  une  maîtresse  qu'à  elle  d'avoir  un  amant.  »  Déjà 
Platon  avait  condamné  sévèrement  le  concubinat  domes- 
tique ;  mais  il  n'énonçait  pas  si  vigoureusement  l'identité 
des  droits  et  des  devoirs.  Les  stoïciens  pensent  que  la  phi- 
losophie est  faite  aussi  bien  pour  les  femmes  que  pour  les 
hommes  ;  Sénèque  l'atteste.  Les  choses  ont  changé  depuis 
le  temps  de  Cicéron.  La  philosophie  appelle  les  femmes 
tout  comme  les  hommes.   «  Et  comment  ne  l'aurait-elle 
pas  fait  quand  elle  devenait  une  religion  ?  Le  père  des  Sé- 
nèque, fidèle   aux  vieilles  mœurs  romaines,  n'avait  pas 
voulu  que  leur  mère  philosophât  ;  son  fils  le  désavoue  là- 
dessus  avec  respect  dans  un  livre  adressé  à  cette  mère  elle- 
même.  Un  autre  de  ses  livres  est  adressé  à  une  autre  femme. 
Vers  le  même  temps,  un  philosophe  un  peu  plus  jeune, 
Musonius,  traitait  cette  question  ex  professo.  On  nous  a 
conservé  le  discours  où  il  montre  que  les  femmes  ont  droit 
à  la  vérité   puisqu'elles  ont  droit  à  la  vertu.  »  Le  monde 
romain  était  donc  parvenu  à  la  nature  de  l'égalité  des  deux 
sexes  dans  la  vie  intellectuelle  comme  dans  la  vie  matérielle. 
Au  moment  où  la  société  antique  rehaussait  le  plus  la 
dignité  de  la  femme,  en  faisait  de  tout  point  l'égale  de 
l'homme,  elle  conspirait  à  sa  ruine.  Le  christianisme  n'eut 
pas  de  propagandistes  plus  dévoués  que  les  femmes,  et  c'est 
par  elles  qu'il  conquit  le  monde.  Il  ne  leur  en  fut  guère 
reconnaissant  et  elles  perdirent  plus  qu'elles  ne  gagnèrent 
à  son  triomphe.  Louis  Ménard  a  écrit  sur  ce  sujet  de  très 
belles  pages.  «  L'importance  du  rôle  des  femmes  dans  l'éta- 
blissement des  religions  est  attestée  par  les  traditions 
grecques  sur  les  Péléiades  deDodone,  les  Pythies  de  Delphes, 
les  M'ainades  qui  forment  le  cortège  de  Dionysos.   Ne  pou- 
vant tourner  leur  activité  vers  la  politique,  les  femmes  se 
rejetaient  sur  la  religion.  Leur  nature  nerveuse  les  entraî- 
nait surtout  vers  les  cultes  mystiques,  où  la  mort  et  la 
résurrection  d'un  dieu  étaient  célébrées  par  des  alterna- 
tives de  douleur  bruyante  et  de  joie  passionnée.  Pendant 
plusieurs  siècles,  les"  femmes  avaient  préparé  l'avènement 
du  christianisme  ;  elles  prirent  une  part  active  à  sa  propa- 
gation. L'Evangile  a  conservé  les  noms  de  quelques-unes 
de  celles  qui  se  sont  associées  au  renouvellement  des 
croyances.  «  C'étaient,  dit  saint  Luc,  des  femmes  que  Jésus 
«  avait  délivrées  des  malins  esprits  et  guéries  de  leurs  mala- 
«  dies  ;  Marie  appelée  la  Magdalène,  de  laquelle  étaient  sortis 
«  sept  démons,  et  Jeanne,  femme  deChusa,  intendant  d'Hé- 
«  rode,  et  Suzanne  et  beaucoup  d'autres  qui  l'aidaient  de  leur 
«  argent.  »  Elles  le  suivaient  au  désert,  suspendues  à  sa  grave 
parole,  car  il  n'avait  pas  voulu  condamner  la  femme  adul- 
tère, et  il  pardonnait  beaucoup  à  celle  qui  avait  beaucoup 
aimé.  Au  jour  de  sa  passion  et  de  sa  mort,  vendu  par  un  de 
ses  apôtres,  renié  par  un  autre,  abandonné  de  tous  ses  dis- 
ciples et  de  tous  ses  amis,  il  vit  des  femmes  en  pleurs  sur 
le  chemin  de  son  supplice  ;  elles  embrassaient  la  croix  et 
buvaient  le  sang  de  la  régénération.  Quand  elles  revinrent 


—  155  — 


FEMME 


aux  premières  lueurs  du  matin  et  qu'elles  trouvèrent  le 
sépulcre  vide,  ce  fut  à  elles  qu'il  apparut  d'abord,  et  avant 
toutes  les  autres,  à  celle  de  laquelle  il  avait  chassé  sept  dé- 
mons. Elle  fut  la  première  à  saluer  le  nouveau  dieu  du 
monde,  et  le  monde  crut  à  sa  parole  et  répéta  après  elle  : 
«  Le  Christ  est  ressuscité  !  »  Que  leur  a-t-il  donné  pour 
prix  de  leur  dévotion  à  son  culte  ?  On  dit  aujourd'hui  que 
le  christianisme  a  affranchi  la  femme;  il  y  avait  longtemps 
que  cela  n'était  plus  à  faire.  L'hellénisme  avait  élevé  la 
femme  à  la  dignité  morale  de  mère  de  famille,  de  maîtresse 
de  maison,  selon  l'expression  d'Homère.  Des  déesses  siégeaient 
dans  l'Olympe  à  côté  des  dieux  ;  il  y  avait  des  prêtresses 
dans  les  temples,  et  les  oracles  divins  étaient  rendus  par 
des  femmes.  Mais  le  dieu  du  christianisme  s'incarne  sous 
la  forme  d'un  homme,  et  le  féminin  n'a  pas  de  place  dans 
la  Trinité.  La  femme  est  l'instrument  du  démon  et  la  source 
de  la  damnation  du  monde.  Ses  mains  ne  sont  pas  assez 
pures  pour  offrir  le  sacrifice,  sa  bouche,  pleine  de  men- 
songes, ne  peut  annoncer  au  peuple  les  paroles  divines.  Elle 
est  exclue  du  sacerdoce,  la  plus  haute  fonction  dans  l'ordre 
moral,  repoussée  au  pied  des  autels,  elle  s'agenouille  devant 
le  prêtre,  confesse  ses  fautes  et  implore  son  pardon.  L'homme 
revêtu  d'un  caractère  sacré  l'interroge  comme  un  juge,  lui 
impose  la  pénitence  expiatoire,  éclaire  sa  conscience  obscure 
et  dirige  tous  les  actes  de  sa  vie.  Et,  cependant,  sur  les 
débris  de  la  dernière  église,  la  femme  viendra  prier.  C'est 
que  le  christianisme  a  bien  mieux  fait  que  de  l'affranchir, 
il  l'a  conquise.  Ce  n'est  pas  la  liberté  qu'elle  demande,  c'est 
l'amour  qui  la  choisit  et  qui  la  dompte.  Sa  religion  n'est 
pas  la  justice,  c'est  la  grâce  ;  sa  morale  n'est  ni  le  droit 
ni  le  devoir,  c'est  la  charité.  Elle  n'a  nul  souci  de  la  patrie 
et  des  religions  républicaines  ;  il  lui  faut  un  dieu  enfant 
à  bercer  dans  ses  bras,  un  dieu  mort  à  inonder  de  ses 
larmes.  Elle  n'a  que  faire  d'être  déesse,  pouvu  qu'elle  soit 
la  mère  de  dieu,  son  lis  immaculé,  son  épouse  élue,  enve- 
loppée dans  sa  lumière  ;  elle  lave  les  plaies,  elle  détache  la 
couronne  d'épines,  savourant  ses  douleurs  bénies,  le  cœur 
percé  du  glaive,  mais  le  front  couronné  d'étoiles,  ravie, 
transportée,  défaillante  dans  le  nimbe  radieux  des  assomp- 
tions.  Et  la  mère  du  dernier  dieu  règne  à  jamais  dans  le 
ciel  de  son  fils,  au  fond  du  bleu  mystique,  les  pieds  sur  le 
croissant  de  la  lune,  écrasant  la  tête  du  serpent.  —  Si  le 
Saint-Esprit  avait  été  du  féminin  comme  en  hébreu,  ou 
plutôt  si  les  Alexandrins  avaient  pris  le  mot  <j>uyjj  au  lieu 
du  mot  7sveu[xa,  la  troisième  personne  de  la  Trinité  eût  été 
tout  naturellement  représentée  par  la  Vierge  ;  mais  une 
occasion  perdue  ne  se  retrouve  jamais.  Le  féminin,  exclu  de 
la  Trinité  au  nom  de  l'orthodoxie,  dut  se  réfugier  dans  le 
culte  et  dans  la  légende.  La  conscience  populaire  plaça  la 
Vierge  au  plus  haut  du  ciel  et  toujours  plus  près  de  son  fils. 
Elle  n'a  jamais  cessé  d'être  le  type  de  prédilection  de  l'art 
chrétien,  et,  de  nos  jours,  sa  dignité  vient  de  recevoir  une 
consécration  éclatante  dans  le  dogme  de  l'Immaculée  Concep- 
tion. —  Dans  la  famille  chrétienne,  l'autorité  morale  n'ap- 
partient plus  au  père,  mais  au  prêtre,  seul  représentant  de 
Dieu.  C'est  lui  qui  dirige  la  conscience  de  l'enfant  et  celle 
de  l'épouse  ;  il  connaît  les  pensées  que  la  femme  n'ose  avouer 
à  son  mari,  que  la  fille  n'ose  avouer  à  sa  mère.  Que  sont 
les  liens  du  sang,  auprès  de  ce  lien  d'universelle  charité 
qui  est  le  royaume  de  Dieu  ?  Dans  l'idéal  chrétien,  la  chas- 
teté de  l'épouse  est  bien  au-dessous  de  la  virginité.  La  vie 
est  mauvaise,  pourquoi  la  multiplier  ?  Pourquoi  préparer 
une  moisson  à  la  mort  ?  La  naissance  est  une  chute  et  la 
conception  une  souillure  :  la  pudeur  nous  rappelle  le  sou- 
venir de  la  tache  originelle  et  la  honte  de  notre  incarnation. 
Heureuses  les  vierges,  les  pâles  fleurs  du  paradis,  les  fian- 
cées voilées  du  céleste  époux  !  »  Ce  fut  en  effet  une  des 
profondes  transformations  apportées  par  le  christianisme 
médiéval  au  sort  de  la  femme  que  cette  exaltation  de  la  vir- 
ginité ;  ce  ne  sont  plus  quelques  prêtresses,  quelques  ves- 
tales que  l'on  réserve  pour  le  culte,  mais  des  troupeaux  de 
religieuses,  des  milliers,  des  centaines  de  milliers  de  femmes 
qui  se  réunissent  dans  le  cloître,  enlevées  à  la  vie  de  famille, 


à  ses  douceurs,  à  ses  charges,  à  ses  devoirs.  Très  discu- 
table et  peut-être  nuisible  au  point  de  vue  social,  l'ins- 
titution monastique  conserva  aux  femmes  une  certaine 
autonomie  que  la  religion  chrétienne  leur  déniait  ailleurs. 
Originaire  d'un  pays  oriental,  empruntant  aux  Juifs  une 
grande  partie  de  ses  livres  sacrés,  le  christianisme  fut  défa- 
vorable à  la  femme,  et  le  contraste  est  marqué  entre  les 
mœurs  des  peuples  où  il  s'implante,  Latins  ou  Germains, 
bien  disposés  pour  la  femme,  et  les  textes  religieux  sur 
lesquels  s'appuient  les  prêtres  et  les  doctes  pour  l'abaisser. 
Au  début,  dans  les  pays  helléniques,  les  diaconesses  sont 
nombreuses;  elles  ont  leur  place  dans  l'église,  jusqu'auprès 
de  l'autel  ;  sur  quelques  points  la  tradition  se  perpétua, 
par  exemple  chez  les  chartreuses  de  Salette  en  Dauphiné  et 
dans  l'abbaye  de  Saint-Pierre  de  Lyon.  Mais  la  règle,  pré- 
cisée par  le  concile  de  Carthage,  c'est  que  la  femme  ne  peut, 
si  instruite  qu'elle  soit,  ni  enseigner,  ni  baptiser,  ni  prêcher, 
ni  s'approcher  de  l'autel,  ni  toucher  les  vases  sacrés,  ni  en- 
censer, etc.  ;  il  ne  lui  est  pas  permis  de  parler,  mais  simple- 
ment de  se  soumettre.  L'idée  qu'on  se  fait  de  la  femme  est 
gouvernée  par  la  Genèse.  C'est  une  créature  subalterne, 
tirée  d'une  côte  de  l'homme  ;  elle  est,  par  nature,  son  acces- 
soire. Fait  plus  grave,  c'est  elle  qui  l'a  fait  déchoir.  Ter- 
tullienle  lui  dit:  «  Femme,  tu  es  la  porte  du  Diable  ;  c'est 
toi  qui,  la  première,  as  touché  à  l'arbre  et  déserté  la  loi  de 
Dieu  ;  c'est  toi  qui  as  persuadé  celui  que  le  Diable  n'osait 
attaquer  en  face  ;  c'est  à  cause  de  toi  que  le  fils  de  Dieu 
même  a  dû  mourir  !  Tu  devrais  toujours  t'en  aller  en  deuil 
et  en  haillons,  offrant  aux  regards  tes  yeux  pleins  de  larmes 
de  repentir  pour  faire  oublier  que  tu  as  perdu  le  genre 
humain.  »  Saint  Ambroise  formule  l'opinion  qui  passera  dans 
le  Décret  :  «  Adam  a  été  perdu  par  Eve  et  non  Eve  par 
Adam.  Celui  que  la  femme  a  induit  au  péché,  il  est  juste 
qu'elle  le  reçoive  comme  souverain,  afin  d'éviter  qu'il  ne 
tombe  de  nouveau  par  la  faiblesse  féminine.  »  Les  théolo- 
giens sont  implacables  dans  leur  hostilité.  Le  concile  de 
Mâcon  se  demande  si  la  femme  a  une  âme  ou  si  elle  ne  doit 
pas  être  classée  parmi  les  brutes  plutôt  que  parmi  les  êtres 
raisonnables.  Il  ordonne  aux  prêtres  de  fuir  tout  contact 
avec  les  femmes,  même  leurs  parentes.  Hantés  de  cette  ter- 
reur de  la  corruptrice,  s'efforçant  de  maintenir  la  chasteté 
sacerdotale,  les  théologiens  affirment  obstinément  l'infério- 
rité de  la  femme.  L'évolution  favorable  à  ses  droits,  qui  avait 
été  fort  avant  dans  l'empire  romain,  fut  donc  complètement 
enrayée  par  le  christianisme. 

L'invasion  des  Barbares  et  l'effondrement  de  l'Empire 
eurent,  au  point  de  vue  qui  nous  occupe,  une  conséquence 
curieuse.  Les  Barbares,  même  leurs  chefs,  n'ont  pas  la 
notion  de  l'Etat  ;  ils  ne  s'élèvent  pas  à  la  conception  de  la 
fonction  publique,  alors  que  dans  la  cité  antique  l'homme 
seul  avait  part  aux  affaires  de  l'Etat  ;  lorsque  la  vie  privée 
et  la  vie  officielle,  la  relation  personnelle  et  la  relation  pu- 
blique se  confondent,  la  ligne  de  démarcation  entre  les 
fonctions  des  deux  sexes  devient  moins  nette.  Le  rôle  que 
les  femmes  avaient  eu  accidentellement  dans  la  monarchie 
impériale,  elles  le  retrouvent  dans  les  monarchies  barbares  ; 
mais,  de  plus,  quand  s'organise  la  féodalité,  liant  la  sou- 
veraineté à  la  propriété,  la  femme,  bien  que  n'ayant  dans 
les  sociétés  barbares  que  des  propriétés  bien  moindres  que 
celles  dont  elle  avait  pu  s'emparer  en  Egypte  ou  à  Rome, 
acquit  une  part  de  l'autorité  publique.  Elle  devenait  presque 
l'égale  de  l'homme  dans  une  société  religieuse  et  militaire 
où  elle  était  pourtant  exclue  de  l'Eglise  comme  de  l'armée. 
En  même  temps,  par  contraste  avec  les  brutalités  de  la 
guerre  perpétuelle,  se  développent  les  délicatesses  parfois 
raffinées  de  la  chevalerie  (V.  ce  mot).  Un  véritable  culte 
de  la  femme  est  institué,  particulièrement  dans  la  France 
méridionale.  La  littérature,  dont  le  thème  principal  est 
l'amour,  contribue  à  l'adoucissement  des  mœurs  et  à  l'exal- 
tation de  la  femme.  Mais  la  société  féodale  s'affaisse,  la 
monarchie  reconstitue  la  plénitude  de  la  souveraineté.  Quand 
reparaît,  en  partie  sous  l'influence  du  droit  romain,  la  notion 
distincte  de  la  fonction  publique,  les  femmes  en  sont  exclues. 


FEMME 


-  156 


«  Par  suite  de  ce  double  mouvement  dans  l'ordre  des  faits 
et  des  idées,  la  femme  est  en  train  d'être  irrévocablement 
reléguée  dans  la  sphère  du  droit  privé,  dans  le  coin  qu'on 
lui  a  abandonné.  Mais  la  Révolution  française  arrive.  Elle 
n'apporte  pas  du  premier  coup  de  changement  dans  la  con- 
dition de  la  femme  ;  c'est  même  elle  qui  achève,  d'un  trait 
ineffaçable,  la  séparation  entre  le  droit  privé  et  le  droit 
public  ;  mais  c'est  elle  aussi  qui  intronise  dans  le  monde 
le  droit  naturel  ;  dans  ce  droit,  toute  créature  humaine 
trouvera  les  titres  qu'il  lui  faut  pour  appuyer  ses  revendi- 
cations légitimes  ;  ce  droit  lui  permettra  d'écarter,  par  la 
question  préalable,  les  objections  tirées  du  passé,  des  mœurs, 
des  traditions  consacrées  par  des  siècles.  Après  la  Déclara- 
tion des  droits  de  l'homme  et  du  citoyen,  la  Déclaration  des 
droits  de  la  femme  viendra  comme  suite  logique.  Elle  vient  ; 
elle  est  mal  accueillie.  Mais  le  droit  naturel  n'est-il  pas 
éternel  et  les  revendications  basées  sur  ce  droit  ne  sont-elles 
pas  imprescriptibles  ?  En  effet,  la  revendication  des  droits 
des  femmes  recommence  ;  elle  passe  la  Manche,  puis  l'Océan. 
L'agitation  croît  et,  de  plus  en  plus  bruyante,  elle  force 
l'attention  publique  ;  les  hommes  d'Etat,  les  chefs  de  gou- 
vernement lui  prêtent  l'oreille  ;  le  législateur  lui-même  se 
iaisse  fléchir.  Dans  le  jeu  politique  de  certains  pays,  les 
droits  politiques  des  femmes  deviennent  comme  une  valeur 
négociable  à  la  Bourse  ;  on  les  cote,  on  spécule  sur  eux  ; 
les  uns  avec  l'espérance,  les  autres  avec  la  crainte  qu'ils 
feront  bientôt  la  loi  du  marché.  »  (Ostrogorski.)  Après  une 
pause  de  quinze  siècles,  le  rationalisme  philosophique,  pré- 
valant sur  les  législations  traditionnelles  et  religieuses,  a 
repris  en  main  la  cause  de  la  femme. 

L'origine  du  mouvement  pour  l'émancipation  des  femmes 
remonte  à  la  Révolution  française.  D'emblée,  au  nom  du 
droit  naturel,  on  revendiqua  pour  elle  l'égalité  complète 
des  deux  sexes,  dans  le  droit  public  et  privé.  Après  la 
déclaration  d'Olympe  de  Gouges  (V.  ci-dessous),  on  vit  les 
femmes  dans  les  clubs  se  mêler  aux  discussions  politiques  ; 
elles  eurent  leurs  clubs  et  leurs  journaux  ;  mais,  quand  les 
protagonistes  invitèrent  leurs  compagnes  à  adopter  l'habil- 
lement masculin  pour  effacer  toute  dissemblance  extérieure 
entre  les  sexes,  l'opinion  publique  se  prononça  contre  elles. 
La  Convention  ferma  leurs  clubs  et  leur  interdit  toute  agi- 
tation politique.  Après  1830,  la  question  fut  soulevée  de 
nouveau  à  l'instigation  des  saint-simoniens  et  des  précur- 
seurs du  socialisme  français.  Saint-Simon  préconisait  le 
communisme,  mais  accordait  une  place  émérite  à  la  femme 
libre.  En  1848,  les  socialistes  revendiquèrent  faiblement 
l'égalité  politique  pour  les  femmes.  L'agitation  avait  gagné 
l'Angleterre;  elle  y  prit  une  importance  extrême;  on  ne 
s'y  contenta  pas  de  théorie,  on  lit  les  premiers  pas  dans  la 
voie  de  la  réalisation  pratique.  Des  associations  furent 
créées  pour  revendiquer  les  droits  de  la  femme  ;  elles  fon- 
dèrent des  écoles  commerciales  et  professionnelles,  des 
bureaux  de  placement,    s'efforçant  d'améliorer  de  toute 
manière  le  sort  des  femmes.  Dans  le  droit  privé,  on  obtint 
beaucoup,  puisqu'un  acte  de  1882  a  donné  à  la  femme 
mariée  des  droits  fort  étendus  (V.  ci-dessus  le  §  Législa- 
tion comparée).  Nulle  part,  la  question  de  l'octroi  de 
l'égalité  politique  ne  paraît  plus  près  d'une  solution  favo- 
rable, ce  qui  s'explique,  car  l'Angleterre  a  gardé  le  prin- 
cipe féodal  qui  fait  reposer  les  droits  politiques  sur  la 
propriété  et  non  sur  la  personne.  En  Allemagne,  on  est 
plus  arriéré,  sauf  en  matière  d'éducation  ;  il  s'est  créé  des 
associations  tant  pour  cet  objet  que  pour  l'amélioration  de 
la  situation  économique  des  femmes.Les  socialistes,  à  Berlin 
spécialement,  gagnent  à  la  fois  à  leur  cause  les  femmes  et 
les  hommes,  et  c'est  une  de  leurs  grandes  forces.  En  Suède, 
le  gouvernement  a  fait  beaucoup  en  faveur  des  femmes. 
En  Russie,  au  contraire,  après  avoir  accepté  des  mesures 
.très  libérales,  on  rétrograde.  Aux  Etats-Unis,  depuis  le 
milieu  du  xixe  siècle,  les  débats  sur  l'émancipation  des 
femmes  sont  à  l'ordre  du  jour.  Cette  démocratie  rationaliste 
est  peu  encombrée  de  préjugés  traditionnels;  de  plus, 
comme  dans  tous  les  pays  de  colonisation,  les  femmes  y 


sont  en  minorité,  dans  les  Etats  neufs  surtout,  et  par  suite 
très  considérées.  Dans  la  vie  économique,  le  contraste  est 
frappant  avec  la  vieille  Europe.  Affranchie  des  formes  les 
plus  dures  du  travail  journalier,  les  femmes  ont  une  large 
part  aux  catégories  moyennes  du  salariat,  emplois  privés 
ou  publics.  Les  deux  tiers  des  instituteurs  publics  sont  des 
femmes.  Au  département  fédéral  de  Washington  sont  atta- 
chés plus  de  1,300  femmes  avec  des  appointements  de 
900  à  1,800  dollars.  De  grands  efforts  ont  été  tentés  pour 
conquérir  les  droits  de  vote  et  d'éligibilité  ;  le  succès  paraît 
plus  facile  dans  les  pays  neufs  du  Far  West  que  dans  les 
autres.  Nous  traiterons  tout  à  l'heure  de  ces  questions  avec 
détail.  En  somme,  les  revendications  politiques  des  femmes 
ont  un  double  objet  et  visent  une  double  inégalité  entre  les 
sexes.  On  propose  d'identifier  les  situations  juridiques  vis- 
à-vis  du  droit  privé  et  vis-à-vis  du  droit  public.  En  ce  qui 
regarde  le  droit  privé,  il  y  a  beaucoup  à  faire,  mais  les 
théoriciens  sont  généralement  d'accord,  et,  malgré  les  résis- 
tances des  juristes,  le  succès  final  est  certain.  11  s'agit 
d'accorder  aux  femmes  et  particulièrement  aux  femmes 
mariées,  les  plus  déshéritées  actuellement,  le  droit  de 
témoigner  au  même  titre  que  les  hommes,  d'exercer  la 
tutelle,  de  gérer  la  fortune  commune,  etc.  Le  principe  est 
admis,  mais  on  est  loin  de  sa  complète  application.  Visant 
les  droits  individuels  des  femmes,  ces  progrès  sont  de 
beaucoup  les  plus  importants,  et  sont  très  désirables,  sur- 
tout dans  les  classes  pauvres.  Quant  à  l'égalité  politique, 
elle  ne  répond  à  aucune  revendication  réelle  de  l'immense 
majorité  des  femmes.  Réclamée  au  nom  des  principes,  bien 
plus  qu'au  nom  des  besoins,  elle  est  très  contestée,  même 
par  les  esprits  les  plus  libéraux  qui  volontiers  s'en  tien- 
draient à  la  formule  ancienne  :  l'homme  au  forum,  la 
femme  au  foyer.  Ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que  si  les  femmes 
souhaitaient  vivement  cette  égalité  politique,  elles  l'obtien- 
draient facilement. 

Après  cet  exposé  succinct  des  opinions  successives  sur  les 
droits  respectifs  des  hommes  et  des  femmes,  il  nous  faut 
aborder  l'examen  des  faits  et  dire  ce  qu'a  été  et  ce  qu'est 
la  position  de  la  femme  en  regard  du  droit  public.  «  En 
interrogeant  le  droit  des  divers  pays  sur  la  condition  des 
femmes  au  point  de  vue  de  l'exercice  des  droits  politiques 
ou  publics,  on  peut  saisir  les  phases  que  le  mouvement  en 
faveur  des  droits  des  femmes  a  parcourues  et  apercevoir 
les  limites  que  la  conscience  du  monde  civilisé  lui  a  pro- 
visoirement assignées.  »  L'ordre  historique  et  l'ordre 
logique  s'accordant  assez  bien,  nous  adopterons  la  mé- 
thode suivante.  En  premier  lieu  nous  examinerons  ce 
qui  concerne  la  souveraineté  politique  et  son  exercice  par 
un  individu  ou  par  la  collectivité  ;  en  second  lieu,  les  faits 
relatifs  à  l'autonomie  collective,  au  gouvernement  local; 
en  troisième  lieu,  l'autonomie  politique  individuelle,  enfin 
l'exercice  des  fonctions  et  charges  publiques. 

La  souveraineté  individuelle.  —  Bien  que  l'exercice 
de  la  souveraineté  individuelle,  concentrant  aux  mains  d'une 
seule  personne  les  pouvoirs  de  l'Etat,  doive  paraître  le 
terme  extrême  des  revendications  féminines,  c'est  là  ce 
qu'elles  ont  atteint  le  plus  tôt.  La  cause  en  est  au  régime 
monarchique,  lequel,  sous  sa  forme  la  plus  stable,  comporte 
l'hérédité.  De  même  que  pour  l'héritage  privé,  la  femme  a 
eu  sa  part  de  l'héritage  monarchique,  non  pas  égale  à 
celle  de  l'homme,  mais  souvent  encore  importante.  Dans 
les  monarchies  despotiques  de  l'Orient,  où  nul  n'a  de  droits 
vis-à-vis  du  maître,  les  femmes  qui  entourent  celui-ci  ont 
fréquemment  exercé  sous  son  nom,  ou  par  son  intermédiaire, 
le  pouvoir  absolu  ;  c'est  la  conséquence  de  la  vie  de  palais 
(V.  Monarchie).  Il  n'y  a  guère  d'exemple  de  femme  ayant 
régné  sous  leur  propre  nom,  sauf  peut-être  en  Egypte.  La 
légende  de  Sémiramis  ne  s'est  pas  confirmée  quand  l'éru- 
dition moderne  a  vérifié  les  assertions  des  conteurs  grecs. 
Mais  elle  prouve  du  moins  que,  dans  les  idées  des  Grecs  et 
des  Orientaux  hellénisés  du  ve  siècle  avant  notre  ère,  la 
souveraineté  d'une  femme  ne  semblait  pas  absurde.  En 
Egypte  et  peut-être  en  Lydie,  la  légitimité  fut  transmise  à 


157  — 


FEMME 


des  dynasties  nouvelles  par  des  mariages  avec  les  femmes 
de  la  dynastie  précédente.  L'attachement  à  certaines  familles, 
fortifié  par  la  croyance  à  une  sorte  d'investiture  religieuse, 
pouvait  conduire  à  la  royauté  d'une  femme.  Mais  il  n'était 
même  pas  besoin  de  causes  si  profondes  ;  l'essence  même 
du  régime  monarchique,  où  le  pouvoir  est  indépendant  de 
l'aptitude  personnelle  de  celui  qui  en  est  investi,  comporte 
parfaitement  le  règne  d'une  femme.  On  le  vit  bien  dès  le 
ier siècle  de  l'empire  romain  (V.  Empire,  t.  XV,  p.  963  et  964) 
où  Agrippine  participa  au  pouvoir  impérial,  non  seulement 
en  fait,  mais  en  droit.  Caligula  avait  désigné  pour  lui  suc- 
céder sa  sœur  Drusilla  ;  d'autres  impératrices  furent  divi- 
nisées comme  leurs  époux.  À  la  fin  du  second  siècle,  sur 
16  dieux  impériaux,  il  y  avait  6  femmes.  Au  siècle  suivant 
nous  voyons  les  impératrices  de  la  famille  de  Sévère  sou- 
veraines; puis  à  Palmyre,  Zénobie  héritant  de  la  monarchie 
fondée  par  Odénat.  Plus  tard,  dans  le  Bas-Empire,  Irène 
usurpa  aussi  la  monarchie.  Dans  les  monarchies  barbares, 
fondées  sur  les  débris  de  l'empire  romain,  la  royauté  étant 
d'abord  un  commandement  militaire,  la  femme  n'en  put 
être  investie  ;  l'Eglise  n'eut  jamais  songé  à  lui  donner  sa 
consécration.  Toutefois,  parmi  les  Germains  orientaux,  de 
la  souche  gothique,  Ostrogoths,  Visigoths,  Lombards,  on  vit 
la  couronne  se  transmettre  par  des  femmes,  surtout,  semble- 
t-il,  à  cause  de  rattachement  aux  familles  royales.  Tel 
n'est  pourtant  pas  le  cas  de  la  Bavaroise  Théodelinde,  reine 
des  Lombards,  qui  exerça  une  si  grande  influence  sur  les 
destinées  de  ce  peuple.  Ici  il  faut  bien  admettre  que  son 
ascendant  personnel  fut  la  cause  principale.  Non  seulement 
elle  transmit  la  couronne  à  son  second  mari,  mais,  durant 
un  siècle,  on  tint  à  prendre  les  rois  dans  sa  famille.  Chez 
les  Francs,  l'histoire  de  Frédégonde  et  de  Brunehaut  prouve 
le  rôle  personnel  des  reines,  même  en  ces  temps  sauvages. 
Quand  vint  l'époque  féodale,  que  la  succession  dynastique 
fut  consolidée  dans  la  monarchie  comme  dans  le  fief,  le 
seigneur  put  appeler  ses  filles  à  lui  succéder.  Malgré  son 
hostilité  pour  la  femme,  la  coutume  germanique  laissa  faire, 
par  respect  pour,  la  propriété  et  de  l'hérédité,  fidèle  au 
principe  que  la  condition  de  la  terre  l'emportait  sur  celle 
de  la  personne.  On  vit  donc  plusieurs  fois  des   femmes 
exercer  dans  toute  leur  étendue,  par  mandataires  ou  per- 
sonnellement, le  pouvoir  attaché  aux  terres,  levant  des 
troupes,    rendant  la  justice,  battant  monnaie.  Mais  au 
xive  siècle  on  réagit.  Le  système  de  la  succession  privée 
appliqué  aux  fiefs  en  amenait  le  morcellement  à  l'infini;  les 
principautés  s'émiettaient  ;  il  fallut  établir  des  règles  fixes 
pour  la  transmission  des  fiefs.  Ce  fut  un  des  principaux 
objets  de  la  Bulle  d'or  (V.  ce  mot)  de  4356.  Elle  stipula 
que  les  fiefs  tenus  immédiatement  de  l'empereur  ne  seraient 
transmissibles  qu'aux  héritiers  mâles.  Quant  aux  monar- 
chies absolues  qui  se  constituèrent  au  xve  siècle,  elles  furent 
généralement  défavorables  à  la  succession  féminine,  mais 
pas  toujours  radicalement,  de  sorte  qu'il  s'établit  des  usages 
divers,  selon  les  pays.  On  peut  les  répartir  en  trois  groupes  : 
dans  le  premier,  les  femmes  sont  absolument  exclues  de 
l'hérédité  du  trône  ;  c'est  le  système  français,  dit  de  la  loi 
salique;  dans  le  second,  la  couronne  passe  aux  femmes  à 
défaut  de  mâles  de  la  maison  souveraine  ;  c'est  le  système 
autrichien,  ou  de  la  pragmatique  sanction  ;  dans  le  troisième, 
les  femmes  succèdent  concurremment  aux  mâles  ;  c'est  le 
système  espagnol  ou  de  la  règle  castillane. 

En  France,  on  n'admit  jamais  la  succession  des  femmes 
au  trône,  depuis  les  rois  francs  mérovingiens  :  nulle 
exception  à  cette  règle.  11  y  eut  quelques  fiefs  féminins, 
mais  jamais  dans  l'ile-de-France  où  toujours  les  mâles 
succédèrent  exclusivement.  Cette  coutume,  qu'on  désigna 
sous  le  nom  impropre  de  loi  salique,  reposait  sur  l'idée  de 
la  supériorité  des  mâles,  Froissart  le  dit  formellement. 
«  Le  royaume  de  France  est  de  si  grande  noblesse  qu'il  ne 
doit  mie  par  succession  aller  à  la  femelle.  »  Dutillet  le 
confirme  :  «  Mesdames  filles  de  France  sont  perpétuelle- 
ment exclues  de  la  couronne  par  coutume  et  loi  particulière 
de  la  maison  de  France,  fondée  sur  la  magnanimité  des 


Français  ne  pouvant  souffrir  être  dominés  par  femmes  ni 
de  par  elles.  »  La  question  se  posa  à  la  mort  de  Louis  le 
Hutin,  dont  le  frère  Philippe  le  Long  fut  préféré  à  la  fille. 
Edouard  III  d'Angleterre  prétendit  que  l'exclusion  était 
personnelle  et  ne  s'étendait  pas  aux  descendants  mâles  des 
femmes,  lesquels  héritaient  de  leurs  droits,  et  revendiqua 
la  couronne  de  France  contre  Philippe  de  Valois.  Ce  fut  la 
cause  de  la  guerre  de  Cent  ans.  Le  résultat  confirma  défi- 
nitivement la  loi  salique,  qu'on  osa  à  peine  contester  à  la 
mort  de  Henri  III.  L'opinion  du  xvie  au  xvnr3  siècle  était 
qu'à  défaut  de  constitution  écrite  la  monarchie  française 
avait  quelques  lois  fondamentales  qui  en  tenaient  lieu,  et 
au  premier  rang  la  loi  salique.  Celle-ci  fut  confirmée  par 
l'Assemblée  nationale  constituante  qui  en  rédigea  le  texte. 
Dans  la  séance  du  27  août  1789,  avant  de  discuter  les 
articles  de  la  constitution  relatifs  à  la  monarchie,  on  fit 
observer  qu'ils  étaient  préexistants  dans  l'esprit  de  tous  les 
Français,  qu'il  était  impossible  de  résister  à  l'évidence  de 
ces  principes.  L'exclusion  des  femmes  fut  spécialement 
mentionnée  par  Petion,  comme  nécessaire  au  bien  du  peuple 
français,  Le  15  sept.  1789,  l'Assemblée  reconnut  par  accla- 
mation et  déclara  à  l'unanimité  des  voix  comme  lois  fon- 
damentales de  la  monarchie  française  que  la  personne  du 
roi  est  inviolable  et  sacrée,  que  le  trône  est  indivisible, 
que  la  couronne  est  héréditaire  dans  la  race  régnante,  de 
mâle  en  mâle,  par  ordre  de  primogéniture,  à  l'exclusion 
perpétuelle  et  absolue  des  femmes.  Les  constitutions  impé- 
riales de  1804,  1852,  1870  reproduisent  ces  clauses 
qui    ne  figurent  pas  dans  les  chartes  de  1814  et  1830. 
La  loi  salique  est  appliquée  en  Belgique,  en  Italie,  en 
Suède,  en  Norvège,  en  Danemark,  dans  le  grand-duché 
de  Luxembourg,  en  Roumanie  (V.  Constitution).  On  sait 
que  c'est  à  cause  de  cela  que  le  grand-duché  de  Luxem- 
bourg a  été  séparé  en  1890  de  la  monarchie  des  Pays-Bas, 
laquelle  admet  la  succession  cognatique.  Le  contrat  de 
famille  des  Nassau,  en  date  du  30  juin  1783,  stipulait 
que,  pour  le  Luxembourg,  la  succession  agnatique  serait 
maintenue   comme  dans  les  autre  .  fiefs   immédiats  du 
Saint-Empire.  Les  traités  de  Vienne  (1815)  et  de  Londres 
(i  867)  préservèrent  les  droits  des  agnats,  et  ceux-ci  les 
exercèrent  à  la  mort  du  roi  et  grand-duc  Guillaume  III, 
dernier  mâle  de  la  branche  d'Orange-Nassau.  Le  Luxem- 
bourg passa  à  l'autre  branche,  Hesse-Nassau.  Les  consti- 
tuais ou  lois  fondamentales  de  Belgique,  de  Suède  (loi 
du  26  sept.  1810  sur  l'ordre  de  succession  au  trône),  de 
Norvège,  de  Danemark  (loi  du  31   juil.  1853),  de  Rou- 
manie, du  Piémont,  appliquées  à  l'Italie,  excluent  complè- 
tement du  trône  les  femmes  et  leurs  descendants.  Enfin  la 
Prusse  paraît  bien  être  dans  le  même  cas,  quoique  cela  ait 
été  contesté,  notamment  par  L.  de  Rœnne  (Das  Staats- 
recht  der  preussische?i  Monarchie).  L'art.   53   de  la 
constitution  dit  :  «  La  couronne  est,  en  conformité  des  lois 
de  la  maison  royale,  héréditaire  dans  la  descendance  mâle 
par  ordre  de  primogéniture  et  suivant  la  succession  agna- 
tique directe  ».  En  cas  d'extinction  des  mâles,  des  pactes 
de  fraternité  appelleraient  au  trône,  à  défaut  des  Hohenzol- 
lern,  les  princes  des  maisons  de  Saxe  et  de  Hesse.  Ce 
régime  est  celui  des  électorats  de  la  succession  desquels 
les  femmes  étaient  exclues  sans  réserve,  et  on  ne  peut  lui 
objecter  la  coutume  admise  par  les  autres  principautés  qui 
accordaient  aux  femmes  un   droit   subsidiaire,    en   cas 
d'extinction  totale  des  mâles. 

Ce  système  est  celui  qu'établit  pour  l'Autriche  l'empereur 
Charles  VI  par  sa  pragmatique  sanction  et  qui  donna  lieu 
à  la  guerre  dite  de  la  succession  d'Autriche.  Elle  appelait 
au  trône,  à  défaut  d'héritiers  du  sexe  masculin,  les  archi- 
duchesses filles  du  dernier  empereur,  en  passant  par-dessus 
les  princesses  des  branches  aînées.  Faite  en  faveur  de  la 
fille  de  Charles  VI,  cette  loi  assura  en  effet  le  trône  à 
Marie-Thérèse.  Elle  règle  encore  la  succession  de  toute  la 
monarchie  autrichienne  et  des  nombreuses  couronnes  réunies 
sur  la  tête  des  Habsbourg.  Les  Etats  de  l'Allemagne  du  Sud 
ont  inséré  dans  leurs  constitutions  des  articles  appelant  au 


FEMME 


—  458  — 


trône,  à  défaut  des  descendants  mâles,  les  femmes  ;  la  Saxe 
et  le  Wurttemberg  sans  plus  de  détails.  La  Bavière  a  prévu 
le  cas  où  la  princesse  héritière  serait  mariée  à  un  souverain 
étranger  :  en  ce  cas,  elle  lui  impose  l'obligation  de  nommer 
un  vice-roi  lequel  devra  résider  dans  le  royaume  ;  à  la 
mort  de  la  princesse,  la  couronne  reviendra  à  son  second 
fils.  Dans  le  grand-duché  de  Bade,  on  n'admet  cjue  la  lignée 
féminine,  mais  non  les  femmes  ;  à  défaut  d'héritiers  mâles, 
ce  sont  les  descendants  mâles  par  les  femmes  qui  montent 
sur  le  trône  (loi  du  4  oct.  4817).  Dans  le  royaume  de 
Grèce,  l'art.  45  de  la  constitution  dit  simplement  que  la 
préférence  appartient  aux  héritiers  mâles  sans  distinction 
de  ligne. 

Les  monarchies  qui  admettent  la  succession  féminine, 
concurremment  avec  la  succession  masculine,  sont  l'Es- 
pagne, le  Portugal,  la  Grande-Bretagne,  la  Russie,  les 
Pays-Bas.  Trois  de  ces  monarchies  sont  actuellement  déte- 
nues par  des  reines.  Les  règles  ne  sont  pas  exactement  les 
mêmes  dans  tous  les  pays.  On  peut  seulement  remarquer 
qu'aucun  n'admet  l'égalité  absolue  des  femmes  et  des 
hommes,  en  appliquant  le  droit  d'aînesse  rigoureux,  la  sœur 
aînée  précédant  le  frère  cadet;  dans  les  lois  les  plus  favo- 
rables aux  femmes,  elles  sont  toujours  primées  par  les 
hommes  dans  le  même  degré  de  parenté.  La  Russie  et  les 
Pays-Bas  accordent  même  une  préférence  plus  accentuée 
aux  mâles.  Nous  avons  dit  que  d'une  manière  générale  la 
succession  féminine,  combinée  à  la  succession  masculine, 
est  désignée  sous  le  nom  de  règle  castillane,  parce  qu'elle 
fut  la  loi  du  royaume  de  Castille.  Voici  comment  la  règle 
la  constitution  espagnole  qui  a  repris  l'ancienne  règle. 
«  La  succession  au  trône  aura  lieu  dans  l'ordre  régulier  de 
la  primogéniture  et  par  représentation,  la  ligne  antérieure 
étant  toujours  préférée  aux  lignes  postérieures;  dans 
la  même  ligne,  le  degré  le  plus  proche  sera  préféré  au 
degré  le  plus  éloigné  ;  dans  le  même  degré,  l'homme  à  la 
femme,  et,  à  égalité  de  sexe,  la  personne  la  plus  âgée  à 
celle  qui  l'est  le  moins.  Si  les  lignes  des  descendants  mâles 
du  roi  Alphonse  XII  étaient  éteintes,  ses  sœurs  lui  succé- 
deraient, puis  sa  tante,  sœur  de  sa  mère,  et  enfin  ses  oncles, 
les  frères  de  Ferdinand  VII.  On  sait  que  les  descendants 
de  ces  oncles  contestent  la  valeur  de  cette  loi  et  prétendent 
rétablir  la  loi  salique,  loi  de  la  famille  des  Bourbons,  à 
laquelle  ils  appartiennent.  Don  Carlos  a  soutenu  ses  pré- 
tentions les  armes  à  la  main  et  à  deux  reprises  les  carlistes, 
partisans  de  la  succession  masculine,  ont  allumé  de  terribles 
guerres  civiles.  C'est  le  roi  de  Castille  Alphonse  X  qui,  en 
4260,  fit  écrire  au  livre  de  Las  Siete  Partidas  que  la 
succession  au  trône  passerait  toujours  en  ligne  directe,  et 
qu'à  défaut  d'enfant  mâle  la  fille  aînée  hériterait.  Philippe  V 
établit  en  Espagne  par  loi  du  40  mai  4713 la  loi  salique; 
cet  auto  accordado  fut  mis  en  question  par  Charles  IV  ; 
d'accord  avec  les  Cortès  de  4789,  il  résolut  de  remettre  en 
vigueur  l'ancienne  loi  des  Siete  Partidas;  mais  le  roi 
demanda  aux  Cortès  le  secret  absolu  jusqu'à  la  promulga- 
tion. Il  ne  promulgua  jamais  sa  pragmatique;  l'éphémère 
constitution  de  4812  proclama  la  loi  ancienne,  mais  ensuite 
il  semblait  qu'on  fût  revenu  à  la  loi  salique  et  à  la  succes- 
sion masculine,  lorsque,  en  4830,  Ferdinand  VII,  qui 
n'avait  qu'une  fille,  Isabelle,  promulgua  l'acte  de  4789. 
Son  frère,  don  Carlos,  contesta  le  droit  qu'il  avait  d'exhumer 
au  bout  de  quarante  années  une  loi  qui  n'avait  pas  été  mise 
en  vigueur.  Les  constitutions  et  en  dernier  lieu  celle  de 
4876  confirmèrent  les  droits  des  femmes. 

La  constitution  portugaise  a  calqué  ses  dispositions  sur 
celles  de  la  constitution  espagnole. 

Dans  le  royaume  uni  de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande, 
le  droit  constitutionnel  anglais  a  validé  des  règles  ana- 
logues à  celles  de  l'Espagne.  Aucun  texte  écrit  ne  règle  la 
succession  au  trône,  laquelle  est  simplement  assurée  par 
Y Act  of  seulement  du  12  juin  1701,  aux  descendants 
de  la  princesse  Sophie  de  Hanovre.  Le  droit  commun  règle 
l'hérédité  du  trône.  Dès  le  xvie  siècle,  des  femmes  y  furent 
appelées  :  Marie  Tudor,  puis  Elisabeth,  en  même  temps 


que  sa  rivale,  Marie  Stuart,  en  Ecosse  ;  à  la  fin  du  xvne, 
Marie,  fille  de  Jacques  II,  puis  sa  nièce  Anne.  Si,  dans  la 
même  ligne,  il  n'y  a  pas  d'héritiers  mâles,  la  succession 
revient  à  l'aînée  des  princesses,  lesquelles  passent  avant 
les  princes  des  ligues  cadettes.  Guillaume  IV  n'ayant  pas 
laissé  d'enfants,  la  fille  de  Faîne  de  ses  frères,  le  duc  de 
Kent,  Victoria,  lui  succéda,  excluant,  comme  représentant 
de  la  ligne  aînée,  le  second  frère  de  Guillaume  IV,  son 
oncle  à  elle,  le  duc  de  Cumberland. 

En  Russie,  pendant  tout  le  xvme  siècle,  l'empire  appar- 
tint à  des  femmes.  La  monarchie  étant  absolue,  il  n'y  avait 
pas  de  règles  fixes  pour  la  succession,  et  Pierre  le  Grand 
déclara  que  le  roi  pouvait  en  disposer  comme  il  l'entendait. 
En  fait,  il  en  résulta  une  série  de  révolutions  de  palais, 
faisant  monter  sur  le  trône  des  héritiers  de  diverses  bran- 
ches. On  finit,  en  1797,  par  régler  la  succession.  Dans  ce 
statut,  qui  devint  l'art.  5  des  lois  fondamentales  de  l'em- 
pire des  tsars,  il  est  dit  que  «  l'un  et  l'autre  sexe  ont 
droit  à  la  succession  au  trône,  mais  ce  droit  appartient  de 
préférence  aux  mâles,  dans  l'ordre  de  primogéniture  ».  La 
loi  détermine  ensuite  l'ordre  de  succession  féminine  d'une 
manière  assez  compliquée.  Nous  en  empruntons  le  résumé 
au  savant  travail  de  M.  Ostrogorski  (La  Femme  au  point 
de  vue  du  droit  public,  1892)  :  «  Dans  la  même  ligne, 
tant  qu'il  y  a  des  héritiers  mâles  directs,  descendants  des 
princes  du  sexe  masculin,  les  mâles  excluent  les  femmes 
absolument  ;  à  défaut  des  mâles  ci-mentionnés,  la  couronne 
passe  aux  cognats  descendants  du  dernier  empereur  en 
premier  lieu,  de  ses  fils  en  second  lieu  et  de  ses  filles  en 
troisième  lieu,  la  branche  masculine  étant  toujours  préférée 
à  la  branche  féminine  ;  mais,  dans  la  branche  elle-même, 
les  mâles  excluent  les  femmes  seulement  dans  même  degré, 
de  sorte  qu'un  frère  cadet  exclut  sa  sœur  aînée,  mais  la 
sœur  aînée  non  mariée  exclut  les  fils  de  sa  sœur  cadette,  » 

Dans  le  royaume  des  Pays-Bas,  la  constitution,  revisée 
en  1887,  a  organisé  un  système  analogue  à  celui  de  l'em- 
pire russe.  A  défaut  de  descendants  mâles  de  fils  en  fils, 
la  couronne  passe  aux  filles  du  dernier  roi,  après  elles  aux 
filles  de  la  ligne  masculine  descendantes  de  lui,  puis  aux 
ligues  féminines  descendantes.  En  somme,  la  Russie  et  les 
Pays-Bas  ont  plus  restreint  les  droits  des  princesses  que 
l'Espagne  et  l'Angleterre,  puisqu'elles  n'héritent  que  lorsque 
toute  la  descendance  masculine  est  épuisée,  tandis  que  dans 
les  monarchies  anglaise  et  espagnole  leur  tour  arrive  dès 
qu'il  n'y  a  plus  de  descendants  mâles  dans  le  degré  auquel 
revient  le  trône. 

Si  de  nombreux  Etats  ont  accordé  aux  femmes  la  pos- 
session du  pouvoir  monarchique  en  les  acceptant  comme 
souveraines,  de  plus  nombreux  la  leur  ont  accordée  (avec 
des  restrictions,  il  est  vrai)  sous  la  forme  de  la  régence, 
suppléance  du  roi  mineur,  malade  ou  absent.  Celle-ci  est 
réglée  généralement  selon  les  usages  du  droit  commun  pour 
la  gestion  des  biens,  soit  par  un  testament  ou  une  dési- 
gnation expresse  du  roi,  soit  par  l'attribution  aux  membres 
de  la  famille  royale  dans  l'ordre  fixé  par  la  coutume  ou  les 
lois  fondamentales,  soit  par  les  représentants  de  la  nation. 
Le  dernier  système  implique  qu'on  conçoit  la  monarchie  et 
la  régence  comme  une  magistrature  politique,  déléguée  par 
la  nation.  D'une  manière  générale,  la  régence  fut  bien  plus 
souvent  accordée  aux  femmes  que  la  royauté.  Même  dans 
les  pays  régis  par  la  loi  salique,  elles  y  eurent  facilement 
accès.  Comme  il  s'agissait  d'une  délégation  temporaire  et 
ordinairement  tempérée  par  le  pouvoir  des  grands  person- 
nages du  royaume,  on  ne  voyait  pas  grand'inconvénient  à 
le  confier  à  une  femme.  Celle-ci  étant  presque  toujours  la 
mère  du  jeune  roi,  lorsqu'il  s'agit  d'un  mineur,  on  n'a  rien 
à  craindre  de  son  ambition,  d'autant  moins  qu'elle  ne  peut 
pas  elle-même  ceindre  la  couronne.  On  applique  les  règles 
de  la  tutelle.  «  La  reine  mère,  tutrice  légale  de  son  enfant, 
réunissait  par  suite  de  plein  droit  à  la  garde  de  la  personne 
du  roi  mineur,  la  garde  de  ses  biens,  de  son  royaume.  Ce 
n'est  que  quand  la  Révolution  française  a  mis  fin  à  la  con- 
fusion du  droit  public  avec  le  droit  privé  qu'une  distinc- 


—  159  - 


FEMME 


tion  fut  introduite  entre  la  tutelle  du  roi  et  le  gouverne- 
ment du  royaume  en  son  lieu.  »  D'autre  part,  dans  le  cas 
d'empêchement  temporaire,  le  roi  a  plus  de  confiance  en 
sa  mère,  sa  femme  ou  sa  sœur,  qu'en  nul  autre  pour  le 
suppléer  et  gouverner  conformément  à  ses  intérêts  et  à  ses 
plans.  L'adjonction  à  la  reine  tutrice  d'un  conseil  de  ré- 
gence fut  usuelle  jusqu'aux  temps  de  la  monarchie  absolue. 
Elle  disparut  alors,  mais  toujours  la  régente  dut  tenir 
grand  compte  des  princes  du  sang  et  des  grands  person- 
nages, spécialement  des  chefs  des  différentes  factions. 

En  France,  on  compta,  jusqu'en  1789,  vingt-quatre  ré- 
gentes, dont  vingt  et  une  mères,  deux  grand'mères  et  une 
sœur.  Le  plus  souvent  désignées  par  les  rois  leurs  maris, 
les  régentes  eurent  souvent  à  lutter  contre  les  parents 
mâles  et  les  grands.  Elles  avaient  d'ordinaire  à  côté  d'elles 
un  conseil  où  siégeaient  ceux-ci  et  où  étaient  représentées 
les  principales  factions.  Cependant,  une  présomption  finit 
par  s'établir  en  leur  faveur  et  lorsque  Louis  XIII  adjoignit 
à  Anne  d'Autriche  un  conseil  et  le  duc  d'Orléans  comme 
lieutenant  général  du  royaume,  son  testament  fut  cassé 
par  le  Parlement.  Quand  la  France  entra  dans  la  période 
constitutionnelle,  on  régla  autrement  la  régence.  L'Assem- 
blée constituante  distingua  la  tutelle  du  roi  mineur  de  la 
régence  et  les  sépara.  La  tutelle  fut  attribuée  à  la  mère 
et  la  régence  au  parent  mâle  le  plus  proche  suivant  l'ordre 
d'hérédité.  Les  femmes  en  étaient  exclues.  Voici  comment 
le  rapporteur  du  comité  de  constitution,  Thouret,  motivait 
ces  décisions  :  «  Comme  ce  n'est  pas  dans  l'intérêt  parti- 
culier du  roi  et  de  sa  famille  que  la  nation  leur  a  délégué 
la  royauté  héréditaire,  de  même  ce  n'est  pas  pour  l'intérêt 
du  roi  mineur  que  la  régence  est  déléguée  ;  de  même  aussi 
la  régence  n'est  pas  un  droit  inhérent  à  la  famille  ;  c'est 
par  là  que  cette  fonction  diffère  essentiellement  de  la  tu- 
telle ;  celle-ci  n'a  pour  objet  que  l'intérêt  du  mineur  ;  la 
régence  est  instituée  dans  l'intérêt  du  peuple.  Le  comité 
propose  de  déléguer  la  régence  en  ligne  directe  au  parent 
majeur  le  plus  proche  par  les  mâles.  Il  est  inutile  de  déve- 
lopper les  raisons  par  lesquelles  les  femmes  doivent  être 
exclues  absolument  de  la  régence  ;   vous  avez  décrété 
expressément  qu'elles  seraient  exclues  de  la  royauté.  » 
Les  femmes  ne  furent  défendues  que  par  l'extrême  droite 
au  nom  de  la  tradition.  L'abbé  Maury  s'en  fit  l'interprète  : 
«  Il  serait  peut-être  imprudent  de  déférer  à  jamais  la 
régence  aux  mères  des  rois,  mais  n'y  aurait-il  aucun  incon- 
vénient à  les  en  exclure  à  jamais?  Un  usage  confirmé  par 
tant  d'exemples  mérite  de  grands  égards.   »  Ciermont- 
Tonnerre  invoqua  la  loi  salique,  qu'il  juge  applicable  ici  : 
«  La  loi  salique,  qui  exclut  les  femmes  du  trône,  paraît 
aussi  leur  défendre  en  quelque  sorte  de  s'y  asseoir  momen- 
tanément. De  plus  une  longue  expérience  nous  a  appris 
combien  de  maux,  combien  d'injustices,  combien  de  fai- 
blesses accompagnent  ordinairement  cette  espèce  de  domi- 
nation. »  Malgré  un  dernier  effort  de  Cazalès,  l'Assem- 
blée vota  l'exclusion  des  femmes  de  la  régence  ;  puis  elle 
décida  :  «  La  régence  du  royaume  ne  confère  aucun  droit 
sur  la  personne  du  roi  mineur.  La  garde  du  roi  mineur 
sera  confiée  à  sa  mère,  ou,  s'il  n'a  pas  de  mère  ou  si  elle 
s'est  remariée  au  temps  de  l'avènement  de  son  fils  au  trône, 
ou  si  elle  se  marie  pendant  la  minorité,  la  garde  sera 
déférée  par  le  Corps  législatif.  Ne  peuvent  être  élus  pour  la 
garde  du  roi  mineur  le  régent  et  ses  descendants,  ni  les 
femmes.  »  Quand,  après  la  Révolution  française,  la  mo- 
narchie despotique  fut  rétablie  dans  la  famille  des  Bona- 
parles,  le  sénatus-consulte  organique  du  20  floréal  an  XII, 
qui  forme  la  première  constitution  impériale,  maintint 
l'exclusion  des  femmes  de  la  régence.  Mais  au  moment  de 
la  crise  décisive  de  son  empire,  Napoléon  fit  modifier  ces 
dispositions  et  régler  à  nouveau  la  régence  par  le  sénatus- 
consulte  du  5  févr.  1813.  On  revint  à  l'ancien  usage  : 
«  Le  cas  arrivant  où  l'empereur  mineur  monte  sur  le  trône 
sans  que  l'empereur  son  père  ait  disposé  de  la  régence  de 
l'Empire,  l'impératrice  mère  réunit  de  plein  droit  à  la  garde 
de  son  fils  mineur  la  régence  de  l'Empire.  »  Elle  était 


assistée  d'un  conseil  de  régence  et  ne  pouvait  se  remarier 
sans  abdiquer.  Les  chartes  de  1814  et  de  1830  sont 
muettes  sur  la  régence.  On  s'en  occupa  après  la  mort  du 
duc  d'Orléans.  La  loi  du  30  août  1842  reproduisit  l'exclu- 
sion des  femmes,  laissant  à  la  mère  non  remariée  ou  à 
l'aïeule  paternelle  non  remariée  la  garde  et  la  tutelle  du 
roi  mineur.  Sous  le  second  Empire,  la  régence  fut  réglée 
par  un  sénatus-consulte  du  17  juil.  1856  conformément  à 
celui  de  1813  ;  régence  dative  (par  désignation  du  souve- 
rain) et,  à  son  défaut,  l'impératrice  mère  la  recevant  de 
plein  droit.  Par  lettres  patentes  du  1er  févr.  1858,  Napo- 
léon III  déféra  la  régence  à  l'impératrice  Eugénie.  On  sait 
qu'en  1870  elle  l'exerça  quand  il  partit  pour  l'armée  et 
que  les  résultats  en  furent  désastreux. 

Dans  les  pays  étrangers,  on  peut  distinguer  deux  cas 
principaux,  selon  que  la  régence  s'acquiert  de  plein  droit 
ou  qu'une  loi  spéciale  soit  votée  dans  chaque  cas.  Les 
clauses  relatives  à  l'accès  des  femmes  à  la  régence  sont 
assez  diverses.  Là  où  elles  sont  admises  à  la  succession 
concurremment  avec  les  agnats,  elles  peuvent  recevoir  la 
régence  dans  les  mêmes  conditions  ;  c'est  le  cas  en  Espagne, 
en  Portugal  et  en  Russie.  En  Espagne,  la  régence  appar- 
tient au  père  et  à  la  mère  du  roi  ;  à  leur  défaut,  au  parent 
le  plus  proche  héritier  de  la  couronne.  En  Portugal,  la 
régence  est  attribuée  au  plus  proche  parent  du  roi  dans 
l'ordre  de  succession  au  trône.  A  défaut  d'héritiers,  le  ré- 
gent est  nommé  par  les  Cortès  ;  en  attendant,  le  gouver- 
nement est  exercé  par  une  régence  provisoire,  sous  la 
présidence  de  la  reine  veuve.  En  Russie,  la  régence  est 
déférée  par  désignation  de  l'empereur  ;  à  défaut  de  celle-ci. 
elle  revient  de  plein  droit  au  plus  proche  parent  de  l'em- 
pereur. On  peut  observer  que  cette  clause  qui  place  le  roi 
sous  la  garde  de  la  personne  directement  intéressée  à  sa 
disparition  est  peu  prudente,  même  dans  l'état  actuel  de 
nos  mœurs.   L'exemple  de  Richard  III  d'Angleterre  est 
célèbre.  En  Italie,  où  règne  la  loi  salique,  la  régence  re- 
vient à  la  reine  mère  à  défaut  d'agnats  capables  de  la 
prendre.  En  Prusse  et,  par  suite,  pour  l'empire  allemand, 
dans  le  Luxembourg,  les  femmes  sont  exclues  de  la  régence 
comme  du  trône.  Elles  le  sont  de  même  dans  des  pays  où 
pourtant  elles  ont  accès  au  trône  à  défaut  d'héritiers  mâles, 
comme  l'Autriche;  même  exclusion  en  Saxe,  en  Hesse,  en 
Mecklembourg.  D'autres  Etats  allemands  les  admettent  à 
défaut  d'agnats  ;  c'est  le  système  de  la  Bavière,  du  Wurt- 
temberg,  du  Brunswick,  de  l'Oldenbourg,  etc.  La  consti- 
tution bavaroise  dit  qu'à   défaut  d'agnats  capables  de 
recevoir  la  régence,  celle-ci  revient  à  la  reine  veuve  ;  on 
peut  supposer  que  la  reine  veuve  ne  reçoit  la  régence  que 
si  elle  est  mère  du  roi  mineur;  mais,  d'autre  part,  si 
celui-ci  n'est  pas  fils  du  dernier  roi,  sa  mère  n'aurait  nul 
droit  à  la  régence.  Le  texte  est  donc  peu  clair.  La  consti- 
tution wurttembergeoise   attribue  la  régence,   à  défaut 
d'agnats,  à  la  reine  mère,  puis  à  l'aïeule  paternelle  du  roi. 
On  trouvera  d'amples  détails  sur  la  régence  dans  les  Etats 
allemands  dans  l'ouvrage  d'OEsfeld  (Zur  Frage  der  Re- 
gentschaft  bel  eintretender  Herrschaftsunfœhigkeit 
des  regierenden  Monarchen  nach  deutschem  Ver f as- 
sungsrecht;  Hambourg,  1887). 

Dans  la  plupart  des  monarchies  constitutionnelles,  la 
régence  ne  s'acquiert  pas  par  désignation  du  souverain 
précédent,  ni  de  plein  droit.  Chaque  fois  qu'il  y  a  lieu  à 
une  suppléance  de  ce  genre,  pour  cause  de  minorité  ou 
d'empêchement  temporaire  du  roi,  on  vote  une  loi  spéciale 
qui  pourvoit  à  la  régence.  C'est  le  régime  de  l'Angleterre, 
des  Pays-Bas,  de  la  Suède  et  de  la  Norvège,  du  Danemark, 
de  la  Belgique,  de  la  Roumanie,  de  la  Serbie,  de  la  Grèce. 
Dans  les  royaumes  Scandinaves,  les  femmes  sont  exclues;  la 
loi  danoise  du  M  féyr.  1871  stipule  que  le  régent  doit 
être  un  homme;  la  loi  de  1810  sur  l'ordre  de  succession 
en  Suède  exclut  les  femmes  et  leurs  descendants  aussi  bien 
du  gouvernement  que  de  la  couronne.  Dans  les  autres  pays, 
nulle  exclusion  spéciale  n'est  édictée  ;  pour  la  Belgique  et 
la  Roumanie,  où  les  femmes  ne  peuvent  régner,  on  peut 


FEMME 


—  160  — 


admettre  que  les  Chambres  ne  les  appelleraient  pas  à  la 
régence.  Au  contraire,  en  Angleterre  et  dans  les  Pays-Bas, 
qui  ont  eu  des  reines,  la  régence  d'une  femme  semble  chose 
naturelle;  particulièrement  dans  l'hypothèse  où  le  souve- 
rain mineur  est  une  reine,  il  est  tout  indiqué  de  confier  la 
régence,  comme  la  tutelle,  à  sa  mère.  C'est  ainsi  que  la 
loi  du  2  août  1884  a  statué  pour  les  Pays-Bas  où  la  reine 
Emma  fut  appelée  à  la  régence,  durant  son  veuvage,  pour 
le  compte  de  sa  fille  mineure.  Elle  l'exerce  depuis  1890. 
En  Angleterre,  la  princesse  douairière  de  Galles  fut  désignée 
éventuellement  sous  George  II,  puis,  sous  Guillaume  IV,  la 
duchesse  de  Kent,  en  prévision  de  la  minorité  de  sa  fille, 
la  reine  Victoria. 

Des  cas  nombreux  où  les  femmes  ont  exercé  la  souve- 
raineté dans  une  monarchie  absolue  ou  constitutionnelle, 
on  ne  peut  rien  conclure  contre  elles.  Les  régences  féminines 
ont  peu  réussi  en  France,  mais  c'est  le  cas  de  toutes  les 
régences  ;  dans  la  péninsule  ibérique  les  règnes  des  femmes 
ont  été  très  troublés,  surtout  pendant  les  minorités  ;  au  con- 
traire, en  Angleterre,  Elisabeth  et  Victoria  ont  été  peut-être 
les  souverains  les  plus  glorieux  de  la  monarchie  despotique 
et  de  la  monarchie  constitutionnelle  ;  en  Russie,  le  règne  de 
Catherine  II  peut  supporter  toutes  les  comparaisons  ;  celui 
de  Marie-Thérèse,  en  Autriche,  ne  fut  pas  sans  gloire.  Il 
semble  donc  que,  pour  l'exercice  de  la  souveraineté  indi- 
viduelle, les  femmes  ne  le  cèdent  en  rien  aux  hommes. 

La  souveraineté  collective.  —  Le  droit  monarchique, 
par  une  extension  des  règles  de  succession  et  du  droit 
familial,  a  appelé  des  femmes  à  la  direction  des  plus  grands 
Etats.  Lorsque  le  droit  populaire  a  été  reconnu,  que  la 
souveraineté  a  été  rendue  en  tout  ou  en  partie  à  la  nation 
et  exercée  par  ses  mandataires,  quelle  place  fit-on  aux 
femmes  ?  Aucune  à  l'origine  et  presque  aucune  jusqu'à  nos 
jours.  Dans  le  système  du  gouvernement  représentatif  on 
leur  refuse  aussi  bien  l'électorat  que  l'éligibilité.  On  ne 
les  consulte  pas  et  on  ne  les  admet  pas  à  l'exercice  du 
mandat  politique.  La  souveraineté  collective,  qu'elle  soit 
reconnue  à  tous  les  citoyens  majeurs  ou  à  une  fraction  de 
censitaires  ou  de  capacitaires,  est  déniée  aux  femmes.  Elles 
n'ont  pas  de  place  dans  le  suffrage  universel,  du  moins 
dans  l'immense  majorité  des  cas.  Pourtant  depuis  un  siècle 
on  a  commencé  à  revendiquer  le  vote  politique  des  femmes, 
dont  la  conséquence  directe  est  leur  éligibilité.  Cette 
question,  qui  ne  passionne  d'ailleurs  pas  beaucoup,  est  à 
l'ordre  du  jour  dans  plusieurs  des  principaux  pays  d'Europe 
et  d'Amérique.  Nous  retracerons  ici  l'historique  des  ten- 
tatives faites  pour  conquérir  le  vote  politique  des  femmes, 
c.-à-d.  leur  participation  à  la  souveraineté  collective,  soit 
par  voie  législative,  soit  par  l'interprétation  extensive  des 
lois  existantes. 

Ce  qui  complique  le  problème  et  a  fourni  aux  avocats 
du  suffrage  des  femmes  de  forts  arguments,  c'est  que  la 
notion  des  pouvoirs  attribués  aux  assemblées  politiques,  aux 
représentants  du  peuple,  s'est  complètement  transformée 
dans  les  temps  modernes.  Nous  leur  attribuons  aujourd'hui 
la  souveraineté  politique,  alors  qu'au  moyen  âge  il  s'agis- 
sait seulement  de  représentation  d'intérêts  corporatifs. 
Aussi  le  moyen  âge  paraît-il  d'abord  plus  libéral  que  l'époque 
actuelle.  Par  une  application  des  principes  qui  réglaient  la 
propriété,  les  femmes  jouissaient  dans  plusieurs  seigneuries 
des  prérogatives  du  pouvoir  public  ;  et  dans  les  élections 
aux  Etats  généraux  on  voit  des  femmes  roturières  prendre 
part  aux  assemblées  électorales  ;  on  a  cité  l'exemple  de  Fer- 
rières,  près  de  Beaulieu  (Touraine),  pour  les  villes  qui  délé- 
guèrent aux  Etats  de  Tours  en  1308  ;  des  femmes  y  votèrent 
en  leur  nom.  Pour  les  Etats  de  1560  et  1576,  on  vit  encore 
des  veuves  et  des  filles  propriétaires  participer  à  la  rédac- 
tion des  cahiers.  De  souveraineté  politique  il  n'était  pas 
auestion,  puisque  le  monarque  la  concentrait  tout  entière. 
Il  est  vrai  qu'en  revanche  l'influence  féminine  était  immense; 
le  roi  fut  souvent  dirigé  par  des  femmes,  à  la  fin  du  règne 
de  Louis  XIV,  et  sous  Louis  XV  le  rôle  politique  des  maî- 
tresses royales  fut  très  grand.  La  question  précise  des  droits 


politiques  des  femmes  fut  posée  par  les  philosophes  du 
xvme  siècle.  L'honneur  en  revient  à  Condorcet  qui  définit 
le  problème  et  réclama  l'égalité  avec  une  grande  fermeté. 
Son  plaidoyer  demeure  le  plus  solide  qui  ait  été  pro- 
noncé en  leur  faveur  ;  et  il  est  difficile  d'y  répondre.  Il 
figure  dans  les  Lettres  d'un  bourgeois  de  Newhaven  à 
un  citoyen  de  Virginie  (1787).  Condorcet  écrit  :  «  Nous 
voulons  une  constitution  dont  les  principes  soient  unique- 
ment fondés  sur  les  droits  naturels  de  l'homme,  antérieurs 
aux  institutions  sociales.  Nous  pensons  que  celui  de  voter 
sur  les  intérêts  communs,  soit  par  soi-même,  soit  par  des 
représentants  librement  élus,  est  un  de  ces  droits.  N'est-ce 
pas  en  qualité  d'êtres  sensibles  capables  de  raison,  ayant 
des  idées  morales,  que  les  hommes  ont  des  droits  ?  Les 
femmes  doivent  donc  avoir  absolument  les  mêmes.  Aucun 
individu  de  l'espèce  humaine  n'a  de  véritables  droits 
ou  tous  ont  les  mêmes,  et  celui  qui  vote  contre  le  droit 
d'un  autre,  quels  que  soient  sa  religion,  sa  couleur  ou  son 
sexe,  a  dès  lors  abjuré  les  siens.  Vous  admettez  sans  doute 
le  principe  des  Anglais  qu'on  n'est  légitimement  assujetti 
qu'aux  taxes  qu'on  a  votées,  au  moins  par  ses  représen- 
tants, et  il  suit  de  ce  principe  que  toute  femme  est  en 
droit  de  refuser  de  payer  les  taxes  parlementaires.  Je  ne 
vois  pas  de  réponse  solide  à  ces  raisonnements,  du  moins 
pour  les  femmes  veuves  ou  non  mariées.  Quant  aux  autres, 
on  pourrait  dire  que  l'exercice  du  droit  de  citoyen  suppose 
qu'un  être  puisse  agir  par  sa  volonté  propre.  Mais  alors 
je  répondrai  que  les  lois  civiles  qui  établiraient  entre  les 
hommes  et  les  femmes  une  inégalité  assez  grande  pour 
qu'on  pût  les  supposer  privées  de  l'avantage  d'avoir  une 
volonté  propre,  ne  seraient  qu'une  injustice  de  plus.  »  Si 
probants  que  paraissent  les  arguments  de  Condorcet,  et 
bien  que  la  Révolution  de  1789  ait  été  faite  au  nom  des 
principes  sur  lesquels  il  s'appuyait,  la  question  du  droit 
des  femmes  fut  tranchée  par  la  négative. 

Au  moment  des  élections,  l'agitation  qui  n'était  encore 
que  théorique  parut  favorable  aux  revendications  féminines, 
tant  politiques  que  sociales.  Une  brochure  demande  qu'on 
les  admette  aux  Etats  généraux  et  proteste  contre  une  assem- 
blée d'où  reste  exclue  la  moitié  de  la  nation  ;  dans  deux 
cahiers  des  Etats  sont  réclamés  les  droits  politiques  des 
femmes.  On  demande  surtout  l'égalité  sociale  et  les  bienfaits 
de  l'éducation.  On  adresse  au  roi  une  pétition  des  femmes 
du  tiers  état  qui  demandent  qu'on  leur  réserve  le  mono- 
pole de  leurs  métiers  :  couture,  broderie,  modes.  Elles 
ajoutent  :  «  Nous  demandons  à  être' éclairées,  à  posséder 
des  emplois,  non  pour  usurper  l'autorité  des  hommes,  mais 
pour  en  être  plus  estimées,  pour  que  nous  ayons  les  moyens 
de  vivre  à  l'abri  de  l'infortune.  »  Puis,  le  mouvement  se 
propage,  l'enthousiasme  général  gagne  les  femmes.  Elles 
présentent  une  requête  à  l'Assemblée  nationale,  un  projet 
de  loi  libellé  comme  suit  :  «  1°  Tous  les  privilèges  du  sexe 
masculin  sont  entièrement  et  irrévocablement  abolis  dans 
toute  la  France  ;  2°  le  sexe  féminin  jouira  toujours  de  la 
même  liberté,  des  mêmes  avantages,  des  mêmes  droits  que 
le  sexe  masculin  ;  3°  le  genre  masculin  ne  sera  plus  re- 
gardé dans  la  grammaire  comme  le  plus  noble,  attendu  que 
tous  les  genres,  tous  les  êtres  doivent  être  et  sont  égale- 
ment nobles,  etc.  »  Puis  Olympe  de  Gouges  prend  la  direc- 
tion et  publie  sa  Déclaration  des  droits  de  la  femme, 
pastiche  amusant  de  la  fameuse  Déclaration  des  droits  de 
r homme  et  du  citoyen.  «  La  femme  naît  libre  et  égale  à 
l'homme  en  droit.  Le  principe  de  toute  souveraineté  réside 
essentiellement  dans  la  nation,  qui  n'est  que  la  réunion  de 
la  femme  et  de  l'homme.  La  liberté  et  la  justice  consistent 
à  rendre  tout  ce  qui  appartient  à  autrui.  Ainsi,  l'exercice 
des  droits  naturels  de  la  femme  n'a  de  bornes  que  la 
tyrannie  perpétuelle  que  l'homme  lui  oppose.  La  loi  doit 
être  égale  pour  tous.  Toutes  les  citoyennes  et  tous  les  citoyens 
étant  égaux  à  ses  yeux  doivent  être  également  admissibles 
à  toutes  les  dignités,  places  et  emplois  publics,  selon  leur 
capacité  et  sans  autres  distinctions  que  celles  de  leurs  vertus 
et  de  leurs  talents.  La  femme  a  le  droit  de  monter  à  l'écha- 


faud,  elle  doit  avoir  également  celui  de  monter  à  la  tri- 
bune. »  La  plupart  des  hommes  politiques  refusèrent  d'ac- 
cepter ces  conclusions  ;  Sieyès  était  bien  disposé  pour  les 
femmes,  mais  celles-ci  trouvèrent  contre  elles  Mirabeau  et 
Robespierre.  Mirabeau,  dans  son  Travail  sur  l'éducation 
publique,  publié  après  sa  mort  par  Cabanis,  prend  le  contre- 
pied  delà  thèse  de  Gondorcet.  Son  argumentation  est  encore, 
à  peu  de  choses  près,  celle  des  adversaires  du  suffrage  poli- 
tique féminin  :  «  L'homme  et  la  femme  jouant  un  rôle 
entièrement  différent  dans  la  nature  ne  pouvaient  jouer  le 
même  rôle  dans  l'ordre  social,  et  l'ordre  éternel  des  choses 
ne  les  faisait  concourir  à  un  but  commun  qu'en  leur  assi- 
gnant des  places  distinctes.  Enlever  ces  êtres  modestes  et 
dont  la  pratique  retenue  fait  le  plus  grand  charme  au  cercle 
des  habitudes  domestiques  qui  font  éclore  ou  du  moins  per- 
fectionnent toutes  leurs  aimables  qualités  ;  les  transporter 
au  milieu  des  hommes  et  des  affaires,  les  exposer  aux  périls 
d'une  vie  qu'elles  ne  pourraient  apprendre  à  supporter 
qu'en  dénaturant  leur  constitution  physique,  c'est  vouloir 
oblitérer  cette  exquise  sensibilité  qui  constitue  pour  ainsi 
dire  leur  essence  et  devient  le  garant  de  leur  aptitude  à 
remplir  les  fonctions  inférieures  qu'un  bon  ordre  social  leur 
attribue  ;  c'est  tout  confondre  ;  c'est,  en  voulant  les  flatter 
par  de  vaines  prérogatives,  leur  faire  perdre  de  vue  les 
avantages  dont  elles  peuvent  embellir  leur  existence  ;  c'est 
les  dégrader  et  pour  elles-mêmes  et  pour  nous  ;  c'est,  en 
un  mot,  sous  le  prétexte  de  les  associer  à  la  souveraineté, 
leur  faire  perdre  tout  leur  empire.  Sans  doute,  la  femme 
doit  régner  dans  l'intérieur  de  sa  maison,  mais  elle  ne  doit 
régner  que  là  ;  partout  ailleurs  elle  est  comme  déplacée.  » 
Les  terribles  préoccupations  clés  années  révolutionnaires  ne 
laissèrent  pas  le  temps  de  s'occuper  des  femmes.  Le  petit 
groupe  des  politiciennes  discrédita  leur  cause.  On  finit  par 
les  trouver  gênantes  et,  en  4793,  on  mit  un  terme  à  leurs 
manifestations.  Le  28  brumaire,  elles  avaient  envahi  la  salle 
du  conseil  général  de  la  Commune  ;  Chaumette  les  invectiva, 
les  accusant  d'abjurer  leur  sexe,  de  se  faire  hommes.  Sur 
la  proposition  du  comité  de  Sûreté  générale,  la  Convention 
décréta  la  suppression  des  clubs  et  sociétés  de  femmes  et 
leur  interdit  tout  rassemblement.  Comme  le  disait  Amar, 
l'opinion  universelle  repoussait  l'idée  que  les  femmes  pussent 
exercer  des  droits  politiques  et  s'immiscer  dans  les  affaires 
du  gouvernement. 

Les  saints-simoniens  reprirent  l'agitation  en  faveur  des 
droits  politiques  des  femmes.  Après  le  maître,  Enfantin, 
dans  son  appel  à  la  femme,  Bazard,  puis  Pierre  Leroux  et 
Fourier  embrassèrent  la  cause  de  l'égalité  des  sexes  ;  Fou- 
rier  voulait  même  que  toute  fonction  fût  remplie  conjointe- 
ment par  un  homme  et  une  femme.  En  1848,  les  socialistes 
portèrent  la  question  devant  le  pouvoir  législatif  et  Consi- 
dérant invita  la  commission  qui  élaborait  le  projet  de  cons- 
titution à  y  inscrire  les  droits  politiques  des  femmes.  Quand 
la  démocratie  eut  prévalu  sous  la  troisième  République, 
quelques  personnes  recommencèrent  l'agitation.  Des  péti- 
tions furent  adressées  aux  Chambres  et  au  Congrès,  sans 
nul  résultat.  Alors,  s'inspirant  de  l'exemple  des  pays  étran- 
gers, les  femmes  portèrent  la  question  devant  les  tribunaux, 
s' efforçant  de  faire  prévaloir  la  réforme  par  une  simple 
interprétation  des  textes.  Ces  débats  ont  un  réel  intérêt, 
parce  qu'ils  montrent  combien  peu  de  chose  il  suffirait  de 
changer  aux  textes  pour  donner  aux  femmes  l'électorat  et 
l'éligibilité  politique.  En  1880,  à  Paris,  lors  de  la  revi- 
sion annuelle  des  listes  électorales,  des  femmes  se  pré- 
sentèrent aux  mairies  et  demandèrent  leur  inscription,  elle 
leur  fut  refusée  ;  alors  elles  protestèrent  et  refusèrent 
l'impôt,  «  laissant  aux  hommes  qui  s'arrogent  le  privilège 
de  gouverner,  d'ordonner,  de  s'attribuer  le  budget,  le  pri- 
vilège de  payer  les  impôts  qu'ils  votent  ret  répartissent  à 
leur  gré  ».Le  conseil  de  préfecture  les  condamna,  déclarant 
que  si  la  loi  du  21  avr.  1 832  impose  la  contribution  per- 
sonnelle et  mobilière  à  tout  habitant  français  et  étranger 
de  chaque  sexe  jouissant  de  ses  droits  et  non  réputé  indi- 
gent, les  mots  «  jouissant  de  ses  droits  »  ne  peuvent  être 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


164  —  FEMME 

entendus  des  droits  politiques.  En  1885,  nouvelle  tenta- 
tive ;  le  litige  fut  porté  devant  les  juges  de  paix  et  en  appel 
devant  la  cour  de  cassation  par  M1Ie  Barberousse.  Elle 
invoquait  le  caractère  d'universalité  des  lois  électorales  ; 
peu  importait  que  les  lois  n'eussent  pas  nommément  dési- 
gné les  Françaises  comme  appelées  à  l'exercice  du  droit 
électoral,  attendu  que  le  mot  «  les  Français  »  englobait  les 
deux  sexes,  ainsi  que  cela  se  fait  dans  le  code  civil  et  con- 
formément à  l'adage  latin  :  pronunciatio  sermonis  in 
sexu  masculino  ad  utrumque  sexum  plerumque  por- 
rigitur.  La  cour  de  cassation,  par  arrêté  du  5  mars  4885, 
rejeta  le  pourvoi.  Nous  reproduisons  ses  considérants. 
«  Attendu  qu'aux  termes  de  l'art.  7  du  C.  ciy.,  l'exercice 
des  droits  civils  est  indépendant  de  la  qualité  decitoyen, 
laquelle  confère  seule  l'exercice  des  droits  politiques,  et 
ne  s'acquiert  que  conformément  à  la  loi  constitutionnelle  ; 

—  attendu  que  si  les  femmes  jouissent  des  droits  civils 
dans  la  mesure  déterminée  par  la  loi,  suivant  qu'elles  sont 
célibataires  ou  mariées,  aucune  disposition  constitution- 
nelle ou  légale  ne  leur  a  conféré  la  jouissance  et  par  suite 
l'exercice  des  droits  politiques  ;  —  attendu  que  la  jouis- 
sance de  ces  derniers  droits  est  une  condition  essentielle 
de  l'inscription  sur  les  listes  électorales  ;  —  attendu  que 
la  constitution  du  4  nov.  1848,  en  substituant  le  régime 
du  suffrage  universel  au  régime  du  suffrage  censitaire  ou 
restreint,  dont  les  femmes  étaient  exclues,  n'a  point  étendu 
à  d'autres  qu'aux  citoyens  du  sexe  masculin,  qui  jusqu'alors 
en  étaient  seuls  investis,  le  droit  d'élire  les  représentants 
du  pays  aux  diverses  fonctions  électives  établies  par  les 
constitutions  et  les  lois;  que  cela  résuite  manifestement 
non  seulement  du  texte  de  la  constitution  de  4848  et  des 
lois  du  44  mars  4849,  2  févr.  4852,  7  juil.  4874  et  5  avr. 
4884,  mais  plus  encore  de  leur  esprit,  attesté  par  les  tra- 
vaux et  discussions  qui  les  ont  préparés,  et  aussi  par 
l'application  ininterrompue  et  jamais  contestée  qui  en  a  été 
faite  depuis  l'institution  du  suffrage  universel,  lors  de  la 
formation  première  ou  de  la  revision  annuelle  des  listes 
électorales  ;  —  d'où  il  suit  qu'en  déclarant  que  la  demoiselle 
L.  B.  ne  devait  pas  être  inscrite  sur  les  listes  électorales, 
le  jugement  attaqué,  loin  de  violer  les  dispositions  de  la 
loi  invoquée  par  le  pourvoi,  en  a  fait  une  juste  application; 

—  rejette,  etc.  »  L'argumentation  des  magistrats  de  la  cour 
suprême  n'est  pas  très  forte  ;  elle  ne  réfute  pas  le  mémoire 
de  la  demanderesse  ;  elle  affirme  que,  n'étant  pas  admises  par 
une  loi  formelle  à  l'exercice  des  droits  politiques,  les  femmes 
en  sont  exclues  :  c'est  précisément  ce  qui  est  en  question; 
si  l'on  applique  le  système  d'interprétation  en  usage  pour 
le  code  civil  ce  serait  le  contraire,  car  le  code  civil  indique 
expressément  les  cas  d'incapacité  des  femmes,  et  toutes  les 
fois  qu'il  ne  dit  pas  le  contraire  la  femme  est  réputée 
capable.  Si  l'on  accepte  le  même  raisonnement  pour  les 
droits  politiques  que  pour  les  droits  civils,  il  s'ensuivrait 
que  la  loi  accorde  aux  femmes  le  droit  de  vote  ;  il  ne  suffit 
pas  d'opposer  l'esprit  des  lois  de  1848.  M.  Ostrogorski 
qui  a  repris  toute  cette  discussion  juridique  a  bien  mis  en 
lumière  les  vrais  points  de  vue  du  grand  principe  que  les 
incapacités  ne  se  présument  pas  ;  il  oppose  le  principe  fon~ 
damental  de  la  jurisprudence  que  dans  le  doute  on  doit 
s'attacher  plus  à  la  matière  du  débat  et  à  la  qualité  de 
l'affaire  qu'aux  formules  verbales.  «  Cette  règle,  l'âme  de 
l'interprétation  juridique,  est  surtout  dans  le  domaine  du 
droit  politique,  car  le  droit  public  ne  formule  que  les 
grandes  catégories  de  la  pensée  d'un  peuple,  en  ce  qui 
touche  à  l'Etat  ;  il  procède  souvent  par  des  généralisations 
latentes  dans  la  conscience  nationale.  L'avènement  de  la 
liberté  dans  le  monde  moderne  a  produit  un  double  effet 
dans  les  rapports  de  l'individu  avec  l'Etat  :  il  a  garanti  à 
l'homme  la  jouissance  de  ses  droits  personnels,  de  sa 
liberté  individuelle  dans  toutes  ses  manifestations,  et  en 
même  temps  il  a  appelé  le  citoyen  à  participer  au  gouver- 
nement de  l'Etat.  Les  droits  que  le  nouveau  régime,  nommé 
vulgairement  constitutionnel,  est  venu  prendre  sous  sa 
sauvegarde  sont,  par  leur  nature,  inséparables  de  la  pér- 
il 


FEMME 


162  - 


sonnalité  humaine,  étant  indispensables  au  plein  épanouis- 
sement de  ses  forces  matérielles  et  morales.  La  libre 
jouissance  de  ces  droits  individuels,  d'ordre  public  ou 
privé,  ne  doit  avoir  pour  borne  que  celle  d'autres  individus. 
Tout  autre  est  la  participation  au  gouvernement  du  pays. 
Supposant  des  conditions  de  capacité,  et  n'étant  pas  indis- 
pensable au  développement  de  la  personnalité,  elle  n'est 
pas  un  droit  absolu,  mais  plutôt  relatif.  Tandis  que  les 
droits  du  premier  ordre  sont,  pour  ainsi  dire,  préexis- 
tants à  la  loi  qui  n'intervient  que  pour  régler  leur  exercice, 
l'autre  est  un  droit  conféré  par  la  loi.  En  conséquence, 
toutes  les  fois  que  la  jouissance  d'un  droit  politique  est 
mise  en  question,  elle  se  décide,  dans  le  premier  cas,  selon 
qu'il  y  a  une  loi  qui  restreint  ce  droit,  dans  le  second  cas 
selon  qu'il  y  a  une  loi  qui  le  confère.  Voilà  la  règle  fon- 
damentale de  l'herméneutique  du  droit  public. 

«  Appliquée  à  la  capacité  électorale,  cette  règle  nous 
fournira  le  brocard  suivant  :  la  jouissance  et  l'exercice 
des  droits  d'électeur  n'appartiennent  qu'à  ceux  qui  sont 
expressément  désignés  par  la  loi.  Les  femmes,  n'étant  pas 
désignées  expressément  dans  la  législation  électorale,  qui 
ne  parle  que  de  Français  et  de  citoyens  et  non  de  Fran- 
çaises et  de  citoyennes,  sont  eo  ipso  exclues  du  suffrage. 
Le  terme  «  tout  Français  »,  s'il  s'applique  par  extension 
aux  deux  sexes  dans  le  droit  civil,  ne  se  prête  point  à  une 
interprétation  extensive  dans  le  droit  politique.  Elle  ne 
pourrait  y  être  admise  qu'en  vertu  d'une  dérogation  expli- 
cite, établie  soit  par  le  droit  écrit,  soit  par  le  droit  non 
écrit,  par  l'usage.  Mais,  dans  l'espèce,  la  loi  positive  s'est 
abstenue  de  le  faire,  et,  quant  à  l'usage,  il  a  été  et  il  est 
encore  hostile  à  l'admission  des  femmes  au  pouvoir  poli- 
tique; leur  exclusion  du  pouvoir,  comme  s'est  exprimé 
l'orateur  de  la  Constituante,  était  un  des  principes  «  pré- 
«  existants  dans  l'esprit  de  tous  les  Français  ».  La  consé- 
quence est  que,  au  point  de  vue  du  droit  politique  en  vigueur, 
les  femmes  ne  peuvent  pas  se  faire  inscrire  sur  les  listes 
électorales  selon  la  loi  du  30  nov.  1875,  ni  faire  la  décla- 
ration de  candidature  exigée  par  la  loi  du  47  juil.  4  889. 
L'agitation  recommencée  à  la  fin  de  l'année  4892  en 
faveur  des  candidatures  féminines  se  heurtera  donc  à  une 
fin  de  non-recevoir. 

En  Angleterre,  la  question  paraît  plus  avancée  qu'en 
France.  Le  point  de  départ  est  sensiblement  le  même. 
A  l'époque  féodale,  les  femmes  exerçant  les  droits  attachés 
à  la  terre,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'elles  purent 
prendre  part  à  l'élection  des  membres  de  la  Chambre  des 
communes.  Cela  est  démontré  pour  quelques  endroits  au 
xve,  au  xvie,  et  même  au  xvne  siècle,  spécialement  dans  les 
bourgs  à  patrons.  En  1572,  dans  le  bourg  d'Aylesbury,  le 
patron  du  bourg,  électeur  unique,  étant  mineur,  sa  mère  Do- 
rothée Pakinhton  nomma  deux  députés  en  qualité  de  lady 
of  the  manor.  En  1628,  des  femmes  votèrent  au  bourg  de 
Gatton.  Dans  un  débat,  en  1739,  le  président  de  la  cour 
observa  que  le  jurisconsulte  Hackewell  citait  un  arrêt  judi- 
ciaire d'après  lequel  une  femme  possédant  une  propriété 
à  tenure  franche  (freehold)  pouvait  voter  pour  l'élection  des 
membres  du  Parlement,  si  elle  était  mariée  son  mari  votait 
pour  elle.  Pourtant  il  paraît  que  ce  n'étaient  là  que  des 
exceptions.  Le  grand  jurisconsulte  du  xvie  et  xvne  siècle, 
Edward  Coke,  dit  expressément  que  les  femmes  sont  liées 
par  les  actes  du  Parlement  bien  qu'elles  ne  prennent  en 
aucun  cas  part  aux  élections,  qu'elles  aient  ou  non  une 
propriété  franche.  La  cour  décida  en  1739  que,  quels  que 
fussent  les  précédents,  les  femmes  n'avaient  certainement 
plus  le  droit  de  vote,  attendu  que  «  le  choix  des  membres 
du  Parlement  exige  une  intelligence  développée  que  les 
femmes  ne  sont  pas  censées  posséder  ».  Néanmoins  les 
grandes  compagnies  coloniales  qui  administraient  les  Indes, 
les  territoires  nord-américains,  étant  organisées,  comme 
des  sociétés  commerciales,  sur  la  représentation  des  inté- 
rêts, admettait  le  vote  des  femmes. 

Vaincues  sur  le  terrain  du  droit  traditionnel,  les  femmes 
reprirent  la  lutte  sur  celui  du   droit  naturel  ;   ce  fut  le 


contre-coup  de  la  Révolution  française  et  des  doctrines  de 
J.-J.  Rousseau  et  de  l'Assemblée  constituante.  En  1792, 
Mary  Wollston  Craft  publia  sa  fameuse  Vindication  of 
the  rights  of  women,  dédiée  à  Talleyrand.  Des  clubs  de 
femmes  se  créèrent,  comme  à  Paris.  La  réaction  vint  vite, 
mais  au  xixe  siècle  le  germe  déposé  leva.  Dans  les  agitations 
démocratiques,  incessantes,  les  femmes  jouèrent  un  rôle, 
et  l'école  radicale,  s'inspirant  des  principes  de  la  morale, 
revendiqua  leurs  droits  ainsi  que  ceux  de  tous  les  autres 
opprimés.  Leur  plus  illustre  champion  fut  Stuart  Mill.  En 
toute  occasion  il  revendiqua  les  droits  de  la  femme.  Il  dé- 
molit complètement  l'argument  tiré  de  l'antiquité  séculaire, 
de  l'injustice  des  rapports  entre  les  sexes.  Sur  ce  point 
son  langage  est  irréfutable.  «  C'est  une  loi  politique  natu- 
relle que  ceux  qui  subissent  un  pouvoir  d'origine  ancienne 
ne  commencent  jamais  à  se  plaindre  du  pouvoir  lui-même, 
mais  seulement  de  ce  qu'on  l'exerce  d'une  manière  oppres- 
sive. Il  y  a  toujours  eu  des  femmes  pour  se  plaindre  des 
mauvais  traitements  de  leurs  maris.  Il  y  en  aurait  eu  bien 
davantage  si  la  plainte  n'était  pas  la  plus  grave  des  pro- 
vocations qui  appellent  un  redoublement  de  mauvais  trai- 
tements. On  ne  peut  à  la  fois  maintenir  le  pouvoir  du 
mari  et  protéger  la  femme  contre  ses  abus  ;  tous  les  efforts 
sont  inutiles  ;  voici  ce  qui  les  déjoue.  La  femme  est  la 
seule  personne  qui,  les  enfants  exceptés,  après  avoir 
prouvé  devant  les  juges  qu'elle  a  souffert  une  injustice, 
soit  replacée  sous  la  main  du  coupable.  Aussi  les  femmes 
n'osent-elles  guère,  même  après  les  mauvais  traitements 
les  plus  odieux  et  les  plus  prolongés,  se  prévaloir  des  lois 
faites  pour  les  protéger,  et  si,  dans  l'excès  de  leur  indi- 
gnation ou  cédant  à  des  conseils,  elles  y  recourent,  elles 
ne  tardent  pas  à  faire  tout  pour  ne  dévoiler  que  le  moins 
possible  de  leurs  misères,  pour  intercéder  en  faveur  de 
leur  tyran,  lui  éviter  le  châtiment  qu'il  a  mérité.  Toutes 
les  conditions  sociales  et  naturelles  concourent  à  rendre 
à  peu  près  impossible  une  rébellion  générale  des  femmes 
contre  le  pouvoir  des  hommes.  Leur  position  est  bien  dif- 
férente de  celle  des  autres  classes  de  sujets.  Leurs  maîtres 
en  attendent  plus  que  leurs  services.  Les  hommes  ne  se 
contentent  pas  de  l'obéissance  des  femmes  ;  ils  s'arrogent 
un  droit  sur  leurs  sentiments.  Tous,  à  l'exception  des  plus 
brutaux,  veulent  avoir  dans  la  femme  qui  leur  est  plus 
étroitement  unie,  non  seulement  une  esclave,  mais  une 
favorite.  En  conséquence,  ils  ne  négligent  rien  pour  asser- 
vir son  esprit.  Les  maîtres  des  autres  esclaves  comptent 
pour  maintenir  l'obéissance  sur  la  crainte  qu'ils  inspirent 
eux-mêmes,  ou  qu'inspire  la  religion.  Les  maîtres  des 
femmes  veulent  plus  que  l'obéissance  ;  aussi  ont-ils  tourné 
au  profit  de  leur  dessein  toute  la  force  de  l'éducation. 
Toutes  les  femmes  sont  élevées  dès  l'enfance  dans  la 
croyance  que  l'idéal  de  leur  caractère  est  tout  le  contraire 
de  celui  de  l'homme.  Elles  sont  dressées  à  ne  pas  vouloir 
par  elles-mêmes,  à  ne  pas  se  conduire  d'après  leur  volonté, 
mais  à  se  soumettre  et  à  céder  à  la  volonté  d'autrui.  Si 
nous  considérons  d'abord  l'attraction  naturelle  qui  rap- 
proche les  deux  sexes,  puis  l'entier  assujettissement  delà 
femme  à  l'autorité  du  mari,  de  la  grâce  duquel  elle  attend 
tout,  honneurs  et  plaisirs,  et  enfin  l'impossibilité  où  elle  est 
de  rechercher  et  d'obtenir  le  principal  objet  de  l'ambition 
humaine,  la  considération  et  tous  les  autres  biens  de  la 
société,  autrement  que  par  lui,  nous  voyons  bien  qu'il 
faudrait  un  miracle  pour  que  le  désir  de  plaire  à  l'homme 
ne  devînt  pas,  dans  l'éducation  et  la  formation  du  carac- 
tère de  la  femme,  une  sorte  d'étoile  polaire.  Une  fois  en 
possession  de  ce  grand  moyen  d'influence  sur  l'esprit  des 
femmes,  les  hommes  s'en  sont  servi,  avec  un  égoïsme  ins- 
tinctif, comme  du  moyen  suprême  de  les  tenir  assujetties; 
ils  leur  représentent  leur  faiblesse,  l'abnégation,  l'abdica- 
tion de  toute  volonté  dans  les  mains  de  l'homme  comme 
l'essence  de  la  séduction  féminine.  »  Stuart  Mill  s'appuie 
sur  une  des  lois  fondamentales  de  la  sociologie  et  de  la 
politique  des  temps  modernes,  à  savoir  que  la  réglemen- 
tation par  le  gouvernement  des  vocations  et  capacités  de 


—  463  - 


FEMME 


chacun  est  un  procédé  condamné  par  l'expérience  ;  il  y  a 
abus  de  pouvoir  à  décider  d'avance  que  certains  individus  sont 
incapables  de  faire  telle  ou  telle  chose  ;  il  n'y  a  pas  besoin 
de  faire  de  loi  pour  que  les  forgerons  aient  tous  les  bras 
vigoureux  ;  la  liberté  et  la  concurrence  suffisent.  Les  in- 
capacités de  la  femme  sont,  avec  la  royauté,  Tunique 
exemple  où  les  lois  et  les  institutions  prennent  des  per- 
sonnes à  leur  naissance,  et  décrètent  qu'elles  ne  seront 
jamais,  leur  vie  durant,  autorisées  à  concourir  pour  certaines 
positions.  «  La  subordination  sociale  des  femmes  surgit 
comme  un  fait  isolé  au  milieu  des  institutions  sociales 
modernes  ;  c'est  une  lacune  unique  dans  leur  principe  fon- 
damental; c'est  le  seul  vestige  d'un  vieux  monde  intellec- 
tuel et  moral  détruit  partout,  mais  conservé  en  un  seul 
point,  celui  qui  présente  l'intérêt  le  plus  universel.»  Ce 
que  Stuart  Mill  veut  réaliser  d'un  seul  coup  c'est  donc 
l'égalité  complète  et  tout  d'abord  en  ce  qui  concerne  la 
souveraineté  politique,  car  de  là  dépend  et  découlera  tout 
le  reste. 

Lorsque  le  philosophe  fut  entré  à  la  Chambre  des  com- 
munes, l'agitation  politique  en  faveur  du  vote  des  femmes 
prit  une  grande  importance.  Lors  de  la  discussion  du  bill 
de  1867,  qui  allait  appeler  au  droit  de  suffrage  de  nou- 
velles couches  d'électeurs,  Mill  prit  la  parole  pour  défendre 
un  amendement  substituant  au  mot  homme  le  mot  per- 
sonne. Toutes  les  femmes  propriétaires  hors  mariage 
payant  en  leur  nom  l'impôt,  occupant  une  maison,  eussent 
été  qualifiées  pour  l'électorat  parlementaire  ;  83  voix  se 
prononcèrent  pour  l'amendement,  196  contre.  Les  réfor- 
mateurs portèrent  alors  la  lutte  sur  le  terrain  juridique. 
Ils  invoquaient  l'acte  de  lord  Brougham  qui  décidait  que  dans 
tous  les  actes  les  mots  indiquant  le  genre  masculin  seront 
censés  comprendre  les  femmes,  à  moins  d'une  disposition 
expresse  en  sens  contraire  ;  en  outre,  ils  citaient  les  précé- 
dents ;  des  femmes  avaient  exercé  le  droit  de  suffrage  plusieurs 
siècles  avant,  et  aucun  acte  ne  le  leur  avait  retiré.  A  Man- 
chester, une  femme  inscrite  par  erreur  sur  les  listes  électo- 
rales se  présenta  et  vota.  Aussitôt,  dans  beaucoup  de  villes, 
les  femmes  jouissant  du  cens  électoral  demandèrent  leur 
inscription  sur  les  listes.  Les  inspecteurs  de  paroisse,  fort 
embarrassés,  refusèrent  en  général,  mais  un  bon  nombre 
inscrivirent  des  femmes,  au  moins  à  titre  d'essai  pour  que  la 
question  pût  être  plaidée.  Les  reviseurs  et  les  «  cours  de 
registration  »  des  districts  rayèrent  en  général  les  femmes. 
Cependant,  quelques-uns  leur  reconnurent  le  droit  de  vote, 
et  finalement  230  femmes  se  trouvèrent  inscrites  sur  les 
listes  électorales.  A  Manchester,  5,000  s'étaient  pourvues 
devant  la  cour  des  plaids  contre  les  décisions  des  reviseurs 
(revising  barristers)  qui  leur  refusaient  le  droit  de  vote. 
Leur  avocat  est  devenu  depuis  le  lord  chief  justice, 
c.-à-d.  juge  suprême.  Son  prédécesseur  rejeta  la  prétention 
des  demanderesses,  parce  que  depuis  des  siècles  les  femmes 
ne  votaient  plus;  le  bill  de  1832  avait  formellement  limité 
la  franchise  électorale  dans  les  bourgs  aux  personnes 
mâles,  et,  depuis  lors,  notamment  lors  du  vote  de  la  loi 
de  1867,  l'incapacité  des  femmes  était  reconnue  comme 
un  fait  de  l'assentiment  général  ;  cette  loi  avait  simplement 
étendu  les  franchises  existantes  et  ne  leur  en  avait  pas 
substitué  de  nouvelles;  l'acte  de  lord  Brougham  était  donc 
inapplicable  en  l'espèce,  car  cette  loi  devait,  d'après  son 
propre  libellé,  se  combiner  avec  celle  de  1832.  Les  autres 
juges  adhérèrent  à  ces  conclusions.  La  question  reprise  au 
nom  d'une  loi  du  xve  siècle  conférant  le  vote  aux  francs 
tenanciers  fut  tranchée  de  même  par  la  cour  qui  déclara 
son  précédent  arrêt  applicable  non  seulement  aux  bourgs, 
mais  à  la  capacité  des  femmes  d'élire  des  membres  du 
Parlement. 

Après  cet  échec,  il  fallut  en  revenir  à  la  procédure 
législative;  plusieurs  années  de  suite,  à  partir  de  1870, 
la  proposition  de  conférer  le  vote  aux  femmes  fut  présentée 
et  chaque  fois  rejetée.  Cependant  elles  l'avaient  obtenu 
dans  les  élections  locales,  ce  qui  devint  un  argument 
sérieux.  Elles  faisaient  valoir  que  la  base  de  la  représen- 


tation dans  le  royaume  étant  une  qualification  de  propriété, 
tant  pour  le  gouvernement  impérial  (du  pays)  que  pour  le 
gouvernement  local,  il  y  avait  anomalie  et  injustice  à  voir 
que,  dans  le  cas  où  la  propriété  appartenait  à  une  femme, 
la  franchise  qui  y  était  attachée  devenait  caduque  vis-à-vis 
du  gouvernement  impérial  ;  que  le  vote  impérial  était  plus 
important  que  le  vote  local,  attendu  que  le  Parlement 
réglant  les  questions  générales  relatives  aux  sexes  dans 
leur  ensemble  et  à  leurs  rapports,  les  femmes  s'y  trou- 
vaient exposées  à  des  injustices,  tandis  que  le  gouver- 
nement local  ne  traite  les  habitants  que  comme  contri- 
buables, donc  sur  le  pied  d'égalité  ;  que  les  inégalités 
légales  dont  les  femmes  étaient  affligées  étaient  plus 
grandes  et  plus  sensibles  que  celles  auxquelles  étaient 
sujettes  les  autres  classes  de  la  nation  avant  qu'elles  n'aient 
obtenu  le  pouvoir  politique.  En  effet,  les  femmes  avaient 
à  se  plaindre  de  l'insuffisance  des  moyens  d'éducation,  des 
restrictions  à  la  liberté  qu'elles  possédaient  d'embrasser 
des  professions  honorables  et  lucratives,  de  la  difficulté  de 
gagner  leur  vie,  du  manque  de  sécurité  dans  la  jouissance 
de  leurs  biens  et  de  leurs  revenus,  une  fois  qu'elles  étaient 
mariées,  de  la  privation  du  droit  de  tutelle  sur  leurs 
enfants,  de  la  négation  des  droits  de  la  mère,  etc.  Ces 
griefs  et  plusieurs  autres  qui  venaient  directement  de  la 
législation  en  vigueur  étaient  autant  d'exemples  de  l'infé- 
riorité où  la  loi  maintenait  les  femmes.  La  seule  garantie 
de  bon  gouvernement  pour  les  hommes,  de  même  que  pour 
les  femmes,  consistait  à  consulter  tous  les  gouvernés  sur 
le  choix  des  gouvernants  et  la  confection  des  lois. 

L'effet  de  ces  protestations  fut  d'attirer  l'attention  sur 
la  situation  des  femmes  et  de  faire  voter  une  série  de  me- 
sures par  lesquelles  on  leur  donna  satisfaction  sur  plusieurs 
points.  Quant  à  la  question  fondamentale  du  suffrage  poli- 
tique, elle  n'est  peut-être  pas  loin  d'une  solution  favo- 
rable. La  dernière  fois  qu'un  vote  a  été  rendu,  iln'yaplus 
eu  qu'une  vingtaine  de  voix  de  majorité  contre  les  femmes 
et,  dans  les  deux  grands  partis  qui  se  divisent  l'Angleterre, 
la  majorité  semble  acquise  à  la  réforme.  Le  parti  libéral 
faillit  la  réaliser  en  1884,  lors  de  la  nouvelle  extension 
des  droits  électoraux  ;  Gladstone  s'y  opposa  de  crainte  de 
compromettre  le  succès  du  bill  ;  mais  Disraeli,  lord  Car- 
narvon  et  à  leur  suite  le  gros  du  parti  conservateur  se  sont 
depuis  lors  prononcés  pour  l'admission  des  femmes  à  l'élec- 
torat politique.  Toutefois,  lorsqu'ils  ont  eu  la  majorité, 
ils  ont  usé  de  subterfuges  pour  empêcher  la  discussion  du 
bill  ;  il  paraît  établi  que  le  jour  où  viendra  un  nouveau 
débat  public,  il  sera  impossible  de  former  une  majorité 
contre. 

Dans  la  petite  île  de  Man  (V.  ce  mot),  où  la  population 
celtique  a  conservé  ses  anciennes  institutions,  les  droits 
politiques  des  femmes  ont  été  reconnus  ;  c'est  le  seul  coin 
d'Europe  où  ils  soient  en  vigueur.  Le  Parlement  de  l'île 
(Tynwald  Court)  comprend  deux  Chambres  ;  un  conseil  de 
neuf  hauts  dignitaires  et  une  Chambre  (House  ofKeys)  élue 
par  des  citoyens  censitaires.  Les  lois  votées  par  ce  Parle- 
ment sont  sanctionnées  par  la  reine  d'Angleterre,  mais  en 
dehors  du  Parlement  de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande.  Il 
s'agit  donc  bien  d'un  pouvoir  politique.  Une  loi  du  31  janv. 
1881  a  accordé  l'électorat  aux  femmes  propriétaires  de 
biens  réels  d'une  valeur  locative  annuelle  de  100  fr.  ; 
la  franchise  électorale  est  plus  restreinte  que  pour  les 
hommes;  ce  n'est  pas  l'égalité  complète,  parce  que  la  Chambre 
haute  de  l'île  de  Man  s'y  est  opposée . 

Dans  les  colonies  de  l'empire  britannique  l'extension  du 
droit  de  vote  aux  femmes  a  été  réclamée,  mais  sans  succès, 
au  Canada  et  dans  les  principales  législatures  de  l'Austra- 
lasie  (Victoria.  Nouvelles-Galles  du  Sud,  Australie  du  Sud, 
Nouvelle-Zélande).  Les  anciennes  colonies  anglaises  de 
l'Amérique  du  Nord,  qui  ont  formé  le  grand  peuple  des 
Etats-Unis,  sont  plus  avancées. 

Les  premiers  colons  des  futurs  Etats-Unis,  puritains 
imbus  des  idées  bibliques,  étaient  naturellement  très  mal 
disposés  pour  les  droits  politiques  des  femmes.  Ils  pensaient, 


FEMME 


—  464  — 


comme  leur  livre  sacré,  que  dans  l'assemblée  la  femme  n'a 
d'autre  droit  que  de  se  taire.  Dans  les  chartes  et  les  cons- 
titutions coloniales,  on  désigne  les  électeurs  comme  habi- 
tants ou  francs-tenanciers,  sans  préciser  le  sexe  ;  mais,  en 
fait,  il  semble  bien  que  l'électorat,  quoique  lié  à  la  propriété, 
fût  réservé  aux  hommes.  Quand  on  rédigea  après  l'affran- 
chissement, les  constitutions  des  Etats  dans  une  langue 
plus  juridique  on  inséra  le  mot  mâle  dans  les  textes  rela- 
tifs aux  électeurs.  Cela  ne  changeait  rien  à  l'état  existant. 
On  cite  une  exception,  celle  du  New  Jersey,  où  la  consti- 
tution de  4776  donna  le  droit  de  vote  à  tous  les  habitants 
réunissant  certaines  conditions  de  cens,  sans  distinction  de 
sexe.  Mais  en  4807  on  exclut  les  femmes  et  les  gens  de 
couleur.  Les  auteurs  de  la  constitution  du  Massachusetts 
(4780)  qui  instituait  le  suffrage  universel,  motivèrent  l'ex- 
clusion des  femmes  en  ces  termes  :  «  Les  femmes,  quel  que 
soit  leur  âge,  sont  aussi  (comme  les  mineurs)  considérées 
comme  n'ayant  pas  acquis  assez  de  discrétion,  non  par 
manque  de  capacités  intellectuelles,  mais  à  cause  de  la  ten- 
dresse et  de  la  délicatesse  naturelles  de  leur  esprit,  de  leur 
manière  de  vivre  retirée  et  de  leurs  devoirs  domestiques 
variés.  Tout  cela  réuni  entrave  les  rapports  avec  le  monde 
extérieur  qui  seraient  nécessaires  pour  les  rendre  capables 
de  s'acquitter  du  devoir  d'électeur.  »  Ce  n'est  pas  par  une 
évolution  naturelle  de  leurs  conceptions  particulières  que 
les  Etats-Unis  ont  vu  grandir  l'agitation  en  faveur  du  vote 
politique  des  femmes .  C'est  par  une  application  des  théories 
sur  le  droit  naturel  importées  d'Europe.  La  campagne  abo- 
litionniste  mit  ces  questions  à  l'ordre  du  jour  en  signalant 
à  l'attention  de  tous  l'égalité  fondamentale  entre  tous  les 
humains  quels  que  fussent  les  différences  physiques.  Les 
chefs  des  abolitionnistes  se  rallièrent  de  bonne  heure  au 
droit  des  femmes.  En  1  848,  fut  tenue  à  Seneca  (Etat  de 
New  York)  une  convention  de  femmes  qui  revendiqua  l'éga- 
lité politique  comme  corollaire  de  la  déclaration  des  droits 
naturels  insérée  par  les  fondateurs  de  la  République  dans  la 
proclamation  de  l'indépendance.  Lorsque  la  guerre  de  la 
Sécession  eut  procuré  le  droit  de  vote  aux  nègres,  les  femmes 
réclamèrent  avec  une  énergie  croissante.  Elles  s'adressèrent, 
comme  en  Angleterre,  au  pouvoir  judiciaire.  Le  refus  de 
payer  l'impôt  ne  servit  de  rien.  On  soutint  que  les  consti- 
tutions des  Etats  qui  réservaient  le  droit  électoral  aux 
citoyens  mâles  étaient  en  contradiction  avec  l'amende- 
ment XIV  adopté  en  4868  pour  garantir  aux  nègres  la  jouis- 
sance des  droits  civiques.  Cet  amendement  porte  (V.  Cons- 
titution, §  Etats-Unis)  que  toutes  les  personnes  nées  ou 
naturalisées  sont  citoyens  des  Etats-Unis  et  de  l'Etat  dans 
lequel  elles  résident  ;  qu'aucun  Etat  ne  pourra  rendre  de 
loi  restreignant  leurs  droits.  Le  débat  fut  d'abord  porté 
devant  la  cour  suprême  du  district  fédéral  de  Columbia  (où 
se  trouve  la  capitale  Washington).  Le  tribunal  rejeta  la 
requête,  répondant  que  le  droit  de  vote  reposait  sur  les  lois 
politiques;  quant  au  droit  naturel,  il  déclara  carrément  que 
«  la  revendication  du  droit  naturel  de  tous  les  citoyens  au 
suffrage  universel  implique,  dans  l'état  actuel  des  lumières, 
la  destruction  dii  gouvernement  civilisé  »,  et  fulmina  contre 
le  suffrage  universel  un  blâme  violent,  concluant  que  l'état 
de  choses  dans  les  grandes  villes  américaines  «  démontre 
que  le  droit  de  vote  ne  doit  pas  être  et  n'est  pas  un  droit 
absolu.  Le  fait  seul  que  le  fonctionnement  pratique  de  ce 
prétendu  droit  serait  destructif  de  la  civilisation,  décide  que 
ce  droit  n'existe  pas  »  (oct.  4874).  Dans  l'Etat  de  New 
York,  quatorze  femmes  se  présentèrent  pour  voter  aux  élec- 
tions présidentielles  de  4872  et  leurs  votes  furent  reçus. 
L'autorité  fédérale  intervint,  les  fit  emprisonner  ainsi  que 
les  inspecteurs  qui  avaient  accepté  leurs  bulletins.  On  pour- 
suivit la  plus  ardente,  Suzanne  Anthony,  qui  fut  condamnée 
à  l'amende  ainsi  que  les  inspecteurs  d'élection.  En  4874, 
une  citoyenne  de  l'Etat  de  Missouri  s'adressa  à  la  cour 
suprême  des  Etats-Unis.  Celle-ci  décida  que  l'expression 
citoyens  des  Etats-Unis  s'appliquait  aux  femmes,  mais  que 
la  qualité  de  citoyen  n'impliquait  pas  la  jouissance  du  droit 
électoral  ;  que  l'Union  n'avait  d'autre  corps  électoral  que 


les  électeurs  des  Etats;  que,  dans  ceux-ci,  le  droit  de  suf- 
frage ne  coïncidait  pas  nécessairement  avec  le  droit  de 
citoyen  et  que  l'amendement  XIV  ne  s'y  appliquait  pas  ;  en 
conséquence,  dans  tous  les  Etats  réservant  le  droit  électo- 
ral aux  citoyens  mâles  des  Etats-Unis,  les  femmes  n'avaient 
pas  le  droit  de  voter.  Les  partisans  de  la  cause  féminine 
ne  furent  pas  convaincus  et  persistent  à  croire  que  la  cons- 
titution des  Etats-Unis  donne  aux  femmes  le  droit  de  vote, 
mais  il  fallut  s'incliner  devant  la  décision  de  fait  et  s'adres- 
ser aux  législatures  des  Etats. 

Dans  les  anciens  Etats,  il  n'y  avait  nulle  chance  de  succès. 
On  en  trouva  davantage  dans  les  territoires  derniers  venus 
de  la  famille  politique  de  l'Union.  Ceux-ci  élisent  leurs 
législatures  dont  le  Congrès  des  Etats-Unis  peut  casser  les 
décisions.  En  4868,  fut  créé  le  «  territoire  de  Wyoming, 
qui  avait  à  cette  époque  une  population  de  5,000  âmes, 
réunie  dans  quelques  villes  le  long  du  chemin  de  fer  trans- 
continental. La  première  session  de  la  première  législature 
du  nouveau  territoire  n'était  pas  encore  finie,  quand  une 
proposition  fut  déposée  à  l'effet  d'accorder  le  suffrage  à 
toutes  les  femmes  ayant  dix-huit  ans  révolus.  On  l'accueillit 
comme  une  plaisanterie  et  les  amendements  proposés  au 
bill  étaient  plus  facétieux  l'un  que  l'autre  ;  un  législateur 
demandait  de  substituer  au  mot  «  femmes  »  le  terme 
«  femmes  de  couleur  et  peaux-rouges  »  ;  un  autre  préférait 
le  mot  «  dames  »  ;  un  troisième  suggérait  de  reculer  la 
limite  d'âge  à  trente  ans,  en  expliquant  que,  si  cet  amen- 
dement était  adopté,  le  suffrage  des  femmes  resterait  lettre 
morte.  Le  bill  fut  adopté  au  milieu  des  rires  par  l'une  et 
l'autre  Chambre  et  finalement  approuvé  par  le  gouverneur 
le  42  déc.  4869.  D'après  l'un  des  anciens  gouverneurs  du 
Wyoming,  le  vote  aurait  été  enlevé  par  un  stratagème  d'un 
membre  malin  de  la  législature.  Mais  il  paraît  que  ses  col- 
lègues mirent  de  la  bonne  volonté  à  se  laisser  tromper  ;  ils 
auraient  adopté  le  suffrage  des  femmes  en  vue  de  faire  de 
la  réclame  au  Wyoming  qui  en  avait  besoin  pour  attirer 
des  émigrants  et  des  capitaux.  Dès  que  le  gouverneur  eût 
apposé  sa  signature  au  bill,  on  fit  télégraphier  la  nouvelle 
dans  toutes  les  directions,  et  le  territoire,  dont  le  nom 
n'était  pas  même  connu,  acquit  subitement  la  notoriété 
voulue.  Ce  fut  en  effet  là  que  pour  la  première  fois  le  droit 
de  suffrage  complet  fut  accordé  aux  femmes.  La  loi  en 
question,  intitulée  An  Act  to  grant  to  the  women  o\ 
Wyoming  territory  the  right  of  suffrage  and  to  holà 
office,  prit  place  dans  le  code  de  Wyoming,  sous  le  chap.  50, 
dans  les  termes  suivants  :  «  Toute  femme  de  l'âge  de 
vingt  et  un  ans  résidant  dans  le  territoire  pourra  voter  à 
toute  élection  qui  aura  désormais  lieu.  Et  ses  droits  à  la 
franchise  électorale  et  aux  emplois  seront  les  mêmes  sous 
les  lois  électorales  du  territoire  que  ceux  des  autres  élec- 
teurs. »  La  législature  suivante  vota  l'abrogation  de  la  loi  ; 
mais  le  gouverneur  du  territoire  mit  son  veto.  Dans  l'ex- 
posé des  motifs  qu'il  eut  à  fournir,  il  insista  longuement 
sur  le  droit  des  femmes  de  prendre  part  au  gouvernement 
de  leur  pays,  et  sur  les  excellents  résultats  qu'aurait 
donné  l'exercice  du  suffrage  par  les  femmes  dans  le  Wyo- 
ming. Comme  à  la  nouvelle  délibération  nécessitée  par  le 
veto,  le  bill  annulant  l'acte  de  1869,  ne  réunit  pas  les 
deux  tiers  des  voies  réglementaires,  le  veto  eut  son  plein 
effet  et  le  suffrage  fut  maintenu  aux  femmes.  En  4890,  le 
territoire  de  Wyoming  fut  admis  comme  Etat.  En  faisant 
sa  demande,  il  a  dû,  selon  la  règle  établie,  «  soumettre  à 
l'approbation  préalable  du  Congrès  la  constitution  du  futur 
Etat,  élaborée  dans  une  convention  spécialement  élue  à 
cet  effet  par  le  peuple.  Le  projet  de  constitution  consacrait 
le  suffrage  des  femmes,  et,  soumis  en  bloc  à  la  ratification 
populaire,  il  fut  approuvé.  Le  Congrès  des  Etats-Unis  de 
son  côté  n'a  pas  fait  d'objection  à  la  clause  relative  au 
vote  des  femmes,  a  admis  le  territoire  postulant,  et  reconnu 
ainsi  que  l'exercice  du  vote  politique  par  les  femmes  n'était 
pas  incompatible  avec  la  constitution  des  Etats-Unis.  » 
(Ostrogorski.)  Depuis  lors,  aux  élections  de  4892,  le  poste 
de  procureur  général  a  été  conféré  à  une  femme  par  le 


465  — 


FEMME 


suffrage  populaire.  L'Etat  de  Wyoming  continue  donc  de 
marcher  à  la  tête  du  mouvement. 

Dans  le  territoire  de  l'Utah,  les  Mormons  ont  fait  voter 
une  loi  (12  févr.  1870)  conférant  le  droit  de  vote  aux 
femmes.  La  persécution  dirigée  contre  cette  secte  qui  a 
créé  l'Utah  a  privé  les  femmes  de  leurs  droits.  Le  Congrès 
a  commencé  par  priver  des  droits  électoraux  tous  les 
polygames  des  deux  sexes  (22  mars  1882).  Une  autre  loi 
fédérale  (févr.  1887)  a  complètement  supprimé  le  suffrage 
des  femmes.  —  Dans  le  territoire  de  Washington,  c'est  à 
l'esprit  routinier  de  la  magistrature  que  la  réforme  s'est 
heurtée.  Une  loi  du  22  nov.  1883  avait  établi  le  suffrage 
des  femmes  ;  en  1887,  la  cour  suprême  du  territoire  l'an- 
nula pour  vice  de  forme,  à  la  suite  du  pourvoi  d'un 
condamné  en  cour  d'assises  se  plaignant  delà  présence  des 
femmes  dans  un  jury  où  ne  devaient  siéger,  d'après  la  loi, 
que  des  électeurs.  La  législature  vota  une  nouvelle  loi 
(18  janv.  1888)  confirmant  le  droit  des  femmes;  la  cour 
l'annula  de  nouveau,  par  un  véritable  abus  de  pouvoir, 
sous  prétexte  que  l'acte  organique  du  territoire  (1853)  ne 
comprenait  pas  les  femmes  parmi  les  citoyens  des  Etats- 
Unis  qui  devaient  former  le  corps  électoral.  Les  législa- 
teurs du  Washington  se  lassèrent  et,  quand  leur  territoire 
fut  érigé  en  Etat,  ils  n'inscrivirent  pas  l'électorat  des 
femmes  dans  leur  projet  de  constitution.  Dans  d'autres 
Etats,  les  législatures  ont  accordé  le  vote  aux  femmes,  dans 
le  Colorado,  l'Orégon,  le  Nebraska,  l'Indiana,  le  Dakotah 
du  Sud;  mais  dans  un  Etat  il  faut  à  une  nouvelle  loi  cons- 
titutionnelle la  sanction  du  peuple  directement  consulté. 
Or,  les  électeurs  ont:toujours  rejeté  le  vote  politique  des 
femmes.  Dans  le  Dakotah  du  Sud  on  les  consulta  simulta- 
nément sur  l'octroi  de  la  franchise  électorale  aux  Peaux- 
Rouges  civilisés  et  aux  femmes  ;  ils  l'accordèrent  aux  pre- 
miers par  38,676  voix  contre  29,593;  mais  la  refusèrent 
aux  secondes  par  45,682  voix  contre  22,972.  Pourtant,  le 
mouvement  se  généralise  et  gagne  les  grands  Etats.  En 
1893,  il  est  question  d'élire  une  femme  pour  représenter 
le  Kansas  au  Sénat  fédéral.  En  même  temps  qu'elles 
s'adressent  aux  législatures  des  Etats,  les  femmes  tentent 
d'obtenir  une  loi  fédérale,  un  seizième  amendement, 
semblable  au  quinzième  qui  conféra  les  droits  politiques 
aux  nègres.  Mais  jusqu'à  présent  ni  le  Sénat  ni  le  Congrès 
ne  se  sont  laissés  convaincre.  Néanmoins  c'est  aux  Etats- 
Unis  que  la  situation  des  femmes  tant  au  point  de  vue  social 
qu'au  point  de  vue  politique  est  la  meilleure. 

Dans  le  royaume  des  Pays-Bas,  en  1883,  une  femme 
demanda  son  inscription  sur  les  listes  électorales  ;  la  cour 
suprême  décida  que  le  vote  des  femmes  était  contraire  aux 
intentions  et  aux  principes  fondamentaux  de  la  constitution. 
Lors  de  la  revision  de  la  constitution,  en  1887,  on  eut 
soin  de  mettre  le  mot  mâle  dans  tous  les  paragraphes 
relatifs  à  l'électorat  et  à  l'éligibilité. 

Si  les  femmes  n'ont  pas  eu  jusqu'à  présent  grand  succès 
dans  leur  tentatives  pour  obtenir  le  vote  politique  dans  les 
mêmes  conditions  que  les  hommes,  elles  ont  du  moins 
conquis  ou  conservé  un  droit  de  vote  indirect  dans  plusieurs 
pays.  En  Autriche,  les  diètes  provinciales  partagent  le 
pouvoir  législatif  avec  le  Parlement  impérial  (V.  Constitu- 
tion et  Parlementarisme)  ;  les  électeurs  des  diètes  élisent 
les  députés  à  ce  Parlement.  Or,  dans  ces  diètes  on  a  or- 
ganisé la  représentation  des  intérêts  ;  le  système  résulte 
d'un  amalgame  des  vieilles  idées  féodales  et  des  principes 
modernes.  Dans  la  classe  de  la  grande  propriété  le  droit 
électoral  est  territorial  ou  réel  et  non  pas  personnel  ;  quelle 
que  soit  la  personnalité  du  propriétaire,  il  est  invariable; 
seulement  la  loi  a  stipulé  que,  pour  l'exercice  de  ce  droit, 
lorsque  les  électeurs  seraient  réputés  incapables,  ils  seraient 
suppléés  par  des  mandataires,  les  mineurs  par  des  majeurs, 
les  militaires  par  des  civils,  les  femmes  par  des  hommes. 
Celles-ci  ne  votent  donc  pas,  mais  elles  désignent  quelqu'un 
pour  voter  en  leur  nom.  La  loi  électorale  (du  2  avr.  1873) 
pour  le  Parlement  central  est  libellée  comme  suit  :  «  En 
général  le  droit  électoral  appartient  à  tout  citoyen  autri- 


chien du  sexe  masculin,  jouissant  de  ses  droits  et  ayant 
vingt-quatre  ans  révolus.  Seulement  dans  la  classe  électorale 
de  la  grande  propriété  (en  Dalmatie,  des  plus  imposés),  les 
femmes,  si  elles  jouissent  de  leurs  droits  d'une  manière 
indépendante,  si  elles  sont  âgées  de  vingt-quatre  ans  au 
moins  et  non  privées  de  leur  droit  électoral,  sont  considérées 
comme  possédant  le  droit  d'élire.  »  Elles  l'exercent  de  la 
manière  déterminée  pour  son  exercice  aux  élections  des 
diètes.  En  Bohême,  la  femme  ne  peut  déléguer  son  droit 
qu'à  un  électeur  de  la  même  classe;  en  Galicie,  l'époux 
vote  pour  sa  femme  ;  hors  mariage  la  femme  désigne  son 
mandataire.  En  Moravie,  dans  la  Silésie,  le  Tirol,  le  pays  de 
Salzbourg,  le  droit  électoral  des  femmes  n'est  pas  limité  à 
la  classe  de  la  grande  propriété  ;  elles  le  possèdent  égale- 
ment dans  les  classes  des  villes  et  des  communes  rurales, 
mais  seulement  à  titre  de  censitaires,  car  on  ne  les  admet  pas 
à  titre  de  capacitaires  ;  la  cour  suprême  l'a  décidé  pour  les 
institutrices  ;  elles  exercent  leur  droit  par  l'intermédiaire 
de  leur  mari,  ou,  si  elles  n'en  ont  pas,  de  mandataires.  Dans 
le  Vorarlberg,  pas  de  grande  propriété;  les  femmes  ont 
leur  droit  de  vote  indirect  dans  les  autres  classes  (villes 
et  communes  rurales).  Dans  les  autres  provinces  de  la 
Cisleithanie,  les  hommes  seuls  ont  le  droit  de  vote  (sauf 
toujours  dans  la  classe  de  la  grande  propriété).  Nulle  part 
et  à  aucun  titre  les  femmes  ne  sont  éligibles. 

En  Suède,  les  femmes  jouissent  de  l'électorat  indirect  ;  la 
Chambre  haute  représente  les  intérêts  et  est  élue  au  second 
degré  par  les  corps  locaux  (V.  Constitution  et  Parlemen- 
tarisme) ;  la  base  du  droit  électoral  est  non  le  chiffre  de  la 
population  des  impôts,  non  la  personne,  mais  la  propriété. 
Tous  les  propriétaires  en  jouissent  donc,  les  femmes  comme 
les  mineurs.  Elles  sont  admises  à  voter  au  premier  degré 
pour  la  formation  des  collèges  municipaux  d'électeurs, 
lesquels  élisent  les  corps  d'où  émane  la  Chambre  haute; 
celle-ci  est  donc  issue  au  troisième  degré  dans  les  communes 
rurales,  au  deuxième  dans  les  villes  du  suffrage  féminin. 

Une  dernière  question  se  pose  dans  les  pays  où  la  femme 
n'a  pas  de  droit  de  vote,  même  indirect  ou  par  mandataire. 
Dans  un  régime  censitaire,  «  peut-elle  communiquer  les  qua- 
lifications de  propriété  qui  constituent  le  corps  électoral  ?  » 
On  l'a  concédé  en  France.  Dès  la  Restauration,  on  jugea 
que  les  contributions  foncières  payées  par  une  veuve  se- 
raient comptées  à  celui  de  ses  fils,  à  défaut  de  fils  à  celui 
des  petits-fils,  à  défaut  de  petits-fils  à  celui  de  ses  gendres 
qu'elle  désignerait  (loi  du  29  juin  1820).  La  loi  du  19  avr. 
1831  étendit  un  peu  ce  droit  électoral  très  indirect  ;  il  laissa 
à  la  femme  toute  liberté  pour  choisir  entre  ses  fils  (même 
adoptifs),  petits-fils,  gendres  et  petits-gendres,  celui  à  qui 
elle  attribuerait  le  droit  de  profiter  de  son  cens  pour  voter  ; 
on  étendit  encore  ce  droit  de  la  veuve  à  la  femme  divorcée 
ou  séparée  de  corps.  L'Italie  a  introduit  ces  dispositions, 
mais  en  les  restreignant,  dans  sa  loi  électorale.  Celle  du 
24  sept.  1882  dit  que  les  contributions  foncières  payées  par 
une  femme  veuve  ou  légalement  séparée  de  son  mari  peuvent 
être  comptées  à  un  de  ses  fils,  petit-fils  ou  arrière-petit-fils 
désigné  par  elle.  Une  clause  analogue,  introduite  dans  la 
législation  luxembourgeoise  en  1857,  a  été  supprimée  en 
1879.  Dans  beaucoup  de  pays  censitaires,  les  taxes  payées 
par  la  femme  ou  ses  biens  sont  comptés  au  mari,  en  Bel- 
gique, en  Luxembourg,  en  Prusse,  en  Italie,  en  Roumanie, 
dans  l'Etat  de  Rhode  Island  jusqu'en  1872,  en  Angleterre 
et  en  Ecosse  jusqu'en  1882.  Mais  ceci  ne  peut  vraiment  pas 
être  considéré  comme  un  droit  de  la  femme  ;  ce  serait  plutôt 
l'inverse. 

En  somme,  le  seul  pays  où  l'on  reconnaisse  à  la  femme 
les  mêmes  droits  politiques  personnels  qu'à  l'homme  est 
l'Etat  de  Wyoming.  Dans  plusieurs  pays  européens,  où  le 
droit  électoral  repose  sur  la  propriété,  la  femme  en  a  le 
bénéfice  ;  directement  dans  l'île  de  Man  et  presque  au  même 
titre  que  l'homme  ;  indirectement  en  Suède  ;  en  l'exerçant 
par  mandataire  dans  plusieurs  des  pays  de  l'empire  d'Au- 
triche ;  enfin,  en  Italie,  elle  peut  dans  quelques  cas  délé- 
guer ses  taxes  pour  parfaire  le  cens  électoral  d'un  membre 


FEMME 


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de  sa  famille.  Il  résulte  de  là  que,  sauf  dans  un  Etat  amé- 
ricain de  100,000  hab.,  l'égalité  personnelle  de  la  femme 
et  de  l'homme  n'est  encore  admise  nulle  part  en  ce  qui  con- 
cerne la  souveraineté  politique. 

Le  gouvernement  local.  L'énorme  prépondérance  prise 
dans  les  sociétés  modernes,  et  particulièrement  en  France 
par  l'Etat  centralisé,  a  privé  de  la  plupart  de  leurs  attri- 
butions les  communautés  plus  petites  ;  celles-ci  ont  été 
évincées  peu  à  peu  par  les  agents  de  l'administration  cen- 
trale ;  cependant  presque  partout  elles  ont  conservé  quelque 
autonomie  pour  la  gestion  des  intérêts  économiques  locaux. 
L'exemple  de  l'Angleterre  a  prouvé  le  grand  avantage  du 
self-government,  de  l'administration  locale  exercée  par 
les  représentants  directs  de  la  société  et  non  par  des  agents 
d'une  bureaucratie  centralisée  (V.  Etat).  «  Le  type  premier 
du  self-government,  la  communauté  de  village  au  moyen 
âge  avait,  pour  origine,  pour  base  et  pour  raison  d'être,  la 
gestion  des  biens  communs.  C'était  une  association  natu- 
relle, spontanée,  sans  caractère  public.  Avec  toute  l'auto- 
nomie qu'elle  avait  réussi  à  acquérir,  ses  libertés  tenaient 
si  peu  de  l'ordre  politique  qu'elle  put  vivre  sous  les  régimes 
les  plus  despotiquement  organisés.  »  Elle  se  retrouve  dans 
l'Inde  moderne,  comme  dans  la  Russie  et  dans  l'Europe  où 
elle  coexistait  avec  le  servage.  Elle  procède  du  régime  de 
la  propriété  collective  et  se  maintient  pour  la  gestion  des 
biens  indivis,  des  communaux,  allmenden,  etc.  «  Non 
qu'elle  s'élève  à  la  notion  de  la  personne  ;  au  contraire, 
lès  villageois  ne  distinguent  pas  la  commune  indépendam- 
ment des  individus  qui  l'habitent.  Les  affaires  communales 
ne  leur  paraissent  pas  pouvoir  être  décidées  autrement  que 
par  tous  et  chacun  ;  pour  que  la  commune  fasse  quelque 
chose,  il  faut,  d'après  eux,  que  chacun  de  ses  membres  lève 
le  bras  ;  pour  qu'elle  marche  dans  telle  ou  telle  direction, 
que  chacun  allonge  le  pied.  »  De  là  leur  extrême  répu- 
gnance à  admettre  la  loi  des  majorités.  Dans  presque  tous 
les  pays,  l'Etat  se  décharge  sur  les  pouvoirs  locaux  d'une 
partie  de  sa  tâche  ;  l'Egypte  ptolémaïque,  l'empire  romain, 
la  France  moderne  sont  presque  les  seuls  Etats  où  les  choses 
aient  fini  par  se  passer  autrement.  Il  en  résulte  qu'à  peu 
près  partout  les  organes  du  gouvernement  local  ont  un 
caractère  et  une  compétence  qui  tiennent  à  la  fois  de  l'ordre 
privé  et  de  l'ordre  public. 

Voilà  pourquoi  nous  voyons  les  femmes  y  prendre  place. 
Dans  les  assemblées  de  village  de  la  France  «  où  venait 
qui  voulait,  qui  devait,  qui  pouvait  »,  voisins  et  voisines 
(dans  le  sens  du  mot  latin  vicinus),  les  femmes,  filles, 
veuves  se  rendent  aussi  bien  que  les  nommes  ;  leur  consen- 
tement, remarque  Babeau,  augmentait  la  validité  du  contrat, 
qui  n'obligeait  pas  ceux  qui  n'y  étaient  pas  mentionnés. 
C'est  une  conséquence  du  droit  de  propriété;  en  Bourgogne, 
en  Bigorre,  on  cite  plusieurs  exemples  de  la  participation 
dès  femmes  à  ces  assemblées  ;  toutefois  ce  fut,  semble-t-il, 
l'exception.  La  Convention,  par  décret  du  i\  juin  4793, 
décida  que,  pour  les  délibérations  relatives  aux  biens  com- 
munaux, tout  individu  de  tout  sexe  ayant  droit  au  partage 
et  âgé  de  vingt  et  un  ans,  aurait  droit  de  voter.  L'établis- 
sement du  suffrage  universel  a  dépouillé  les  femmes  de  ce 
dernier  droit,  de  même  que  la  réorganisation  de  la  France 
par  les  révolutionnaires  avait  tout  absorbé  dans  les  droits 
politiques,  fondant  les  communautés  de  village  dans  la 
commune.  Vainement  le  saint-simonien  Pierre  Leroux 
proposa  d'accorder  aux  femmes  l'électorat  municipal;  l'As- 
semblée législative  rejeta  son  amendement  (24  nov.  4851). 
Il  en  résulte  que  la  France,  avec  l'Espagne  et  le  Portugal, 
est  de  tous  les  pays  celui  qui  élimine  le  plus  radicalement 
les  femmes  de  la  vie  publique. 

C'est  la  conséquence  de  ce  principe  auquel  tout  a  été 
sacrifié  :  le  droit  personnel.  Partout  où  le  vote  communal  a 
conservé  sa  base  réelle,  se  fonde  sur  la  propriété,  posses- 
sion de  biens  ou  payement  de  taxes,  les  femmes  en  béné- 
ficient comme  les  nommes.  Partout  où  il  a  perdu  son  carac- 
tère d'ordre  privé,  surtout  sous  le  régime  du  suffrage 
universel  où  il  se  confond  avec  le  vote  politique,  les  femmes 


en  sont  exclues.  Notre  civilisation  moderne  est  une  civili- 
sation urbaine.  M.  Ostrogorski  montre  que  les  nouveaux 
besoins  qu'elle  a  créés  dans  les  villes  y  ont  multiplié  et 
compliqué  les  attributions  publiques  à  un  tel  degré  que, 
réunies  à  celles  déléguées  par  le  pouvoir  central,  elles 
donnent  au  gouvernement  local  des  villes  un  caractère  qui 
le  fait  approcher  de  l'Etat.  Le  vote  municipal  y  confine  au 
vote  politique  ;  en  conséquence,  le  vote  communal  des 
femmes  est  généralement  limité  aux  communes  rurales. 

En  Angleterre,  il  existe  un  très  grand  nombre  d'organes 
de  gouvernement  local  (V.  Angleterre,  Paroisse,  Ville, 
Comté,  Bourg,  etc.).  Dans  les  paroisses,  pour  la  répartition 
des  taxes,  l'élection  du  conseil  (vestry),  on  vote  en  raison 
de  la  propriété,  les  femmes  comme  les  hommes.  Dans  les 
unions  de  paroisses  administrées  par  un  board  of  guar- 
dians, les  femmes  votent  pour  l'élection  de  ces  guardians. 
Le  vote  a  lieu  à  domicile.  Dans  les  assemblées  plénières, 
les  femmes  viennent  comme  les  hommes.  Elles  peuvent 
aussi  prendre  part  aux  réunions  de  l'assemblée  de  la 
paroisse  ecclésiastique,  mais  on  cherche  à  y  restreindre  leur 
intervention.  Elles  sont  éligibles  aux  fonctions  paroissiales, 
spécialement  à  celles  de  guardians  et  peuvent  être  nom- 
mées à  celles  d'inspecteurs  (de  la  taxe  des  pauvres,  les 
mêmes  que  les  inspecteurs  d'élection).  Si  nous  passons  aux 
agglomérations  urbaines,  nous  voyons  que,  dans  les  bourgs 
municipaux,  la  loi  de  4835  a  réservé  l'électorat  aux  per- 
sonnes mâles;  mais,  en  4869,  Bright  le  fit  aux  femmes, 
se  fondant  sur  ce  que,  dans  les  «  villes  non  incorporées  », 
municipalités  en  formation,  on  le  leur  avait  conservé.  Le 
statut  municipal  de  4882,  codifiant  la  législation  antérieure, 
porte  :  «  Pour  toutes  les  fins  relatives  au  droit  de  vote 
dans  les  élections  municipales,  les  mots  indiquant  dans  cet 
acte  le  genre  masculin  comprennent  les  femmes.  »  Mais 
cette  franchise  ne  s'étend  qu'à  la  femme  hors  mariage  et 
payant  l'impôt  ;  la  femme  mariée,  même  séparée,  en  est 
privée.  Pourtant,  lorsqu'en  4884  on  étendit  le  vote  muni- 
cipal des  femmes  à  l'Ecosse,  on  le  concéda  à  la  femme 
séparée.  L'éligibilité  n'a  pas  été  donnée  aux  femmes  dans 
les  villes.  —  Mais,  quand  on  organisa  les  institutions  sco- 
laires (4870),  on  attribua  l'élection  des  schools  boards 
aux  électeurs  municipaux,  femmes  comprises,  et  les  femmes 
y  furent  déclarées  éligibles.  —  Enfin,  en  4888  et  4889, 
quand  furent  établis  des  conseils  de  comté  élus  pour  l'An- 
gleterre et  l'Ecosse,  on  adopta  les  conditions  de  l'électorat 
municipal  ;  l'éligibilité  fut  refusée  aux  femmes.  Elles  pro- 
testèrent et,  grâce  à  l'appui  du  parti  radical,  deux  d'entre 
elles  furent  élues  au  conseil  du  comté  de  Londres,  la  fille 
de  Cobden  et  lady  Sandhust;  le  conseil,  désignant  un  tiers 
de  ses  membres  par  cooptation,  élut  une  troisième  femme. 
L'élection  de  lady  Sandhust  fut  annulée  par  les  tribunaux  ; 
le  lord  chief  justice,  qui  avait  plaidé  en  4868  pour  le  suf- 
frage parlementaire  des  femmes,  dut,  en  présence  du  texte 
formel  de  l'acte  de  4882,  se  prononcer  contre  elles.  Dans 
l'acte  de  4889  pour  l'Ecosse,  le  Parlement  inséra  une 
clause  déclarant  les  femmes  inéligibles  aux  conseils  de 
comté.  —  En  Irlande,  les  femmes  n'ont  aucun  droit  élec- 
toral ni  dans  les  comtés,  ni  dans  les  municipalités,  ni  dans 
les  paroisses. 

Dans  les  pays  Scandinaves  (Suède,  Norvège,  Danemark, 
Islande,  Finlande),  les  règles  suivies  sont  diverses.  En 
Danemark,  les  femmes  sont  exclues  du  gouvernement  local. 
—  En  Norvège,  elles  le  sont  aussi,  excepté  pour  l'adminis- 
tration 'scolaire;  la  loi  de  26  juin  4889  leur  a  conféré 
l'éligibilité  aux  comités  scolaires  ;  elles  peuvent  (si  elles 
ont  des  enfants)  voter  pour  l'élection  des  inspecteurs  ;  voilà 
pour  les  villes.  Dans  les  communes  rurales,  elles  sont 
admises  aux  assemblées  de  district  qui  votent  le  budget 
scolaire,  décident  les  affaires  scolaires  et  élisent  les  inspec- 
teurs ;  elles  sont  éligibles  aux  fonctions  d'inspecteur.  — 
En  Islande,  les  magistrats  des  communes  (krapper)  et  dis- 
tricts (sysler)  sont  élus  par  des  électeurs  censitaires  ;  la 
loi  du  42  mai  4882  admet  à  voter  les  veuves  et  autres 
femmes  non  mariées  qui  ont  leur  propre  ménage  ou 


467 


FEMME 


occupent  d'une  autre  manière  une  situation  indépendante. 
Elles  peuvent  aussi  prendre  part  à  l'assemblée  paroissiale 
qui  gère  les  affaires  ecclésiastiques.  —  En  Suède,  dans 
les  assemblées  plénières  des  contribuables  des  communes 
rurales,  comme  pour  l'élection  des  conseils  municipaux,  les 
femmes  non  mariées  peuvent  voter  personnellement  ou  par 
délégation,  comme  les  hommes.  Elles  votent  de  même  pour 
élire  les  conseils  provinciaux  (landstings).  Les  femmes 
ne  sont  éligibles  qu'aux  comités  municipaux  d'assistance 
publique  et  au  comité  scolaire  de  Stockholm.  —  En  Fin- 
lande, la  loi  du  6  févr.  1865  a  donné  aux  femmes  l'électo- 
rat  communal  à  peu  près  dans  les  mêmes  conditions  qu'en 
Suède  ;  elles  ne  sont  éligibles  qu'aux  bureaux  d'assistance 
des  pauvres. 

En  Allemagne,  les  femmes  jouissent  du  droit  de  suffrage 
municipal  dans  les  communes  rurales,  mais  jamais  dans  les 
villes.  Nous  avons  expliqué  pourquoi  ;  les  communes  rurales 
sont  essentiellement  des  corporations  privées,  des  associa- 
tions pour  des  fins  économiques,  auxquelles  un  minimum 
d'attributions  publiques  a  été  délégué  par  des  nécessités 
géographiques.  Elles  n'ont  pas  de -juridiction  de  police. 
Dans  les  six  provinces  orientales  de  la  Prusse,  dans  la 
Westphalie,  les  lois  du  14  avr.  et  du  J9  mars  1856  ont 
consacré  le  vote  des  personnes  du  sexe  féminin  qui  pos- 
sèdent des  immeubles  donnant  droit  au  vote  ;  elles  doivent 
se  faire  représenter,  les  femmes  mariées  par  leur  mari, 
les  autres  par  un  des  électeurs  du  sexe  masculin.  De 
même  dans  le  Slesvig-Holstein  (loi  du  22  sept,  1867). 
Dans  la  Province  rhénane,  la  législation  française  subsiste 
en  grande  partie  et  les  femmes  sont  exclues.  Pour  les 
assemblées  cantonales  ou  de  cercles  (Kreistag),  les  femmes 
non  mariées  votent  par  représentants  dans  le  groupe  de  la 
grande  propriété.  On  sait  que  les  diètes  des  cercles  élisent 
les  assemblées  provinciales.  —  Dans  le  Brunswick,  les 
femmes  non  mariées  délèguent  leur  droit  de  vote  dans  les 
communes  rurales  (loi  du  17  mars  1850).  —  En  Saxe,  le 
vote  communal  est  accordé  aux  femmes  comme  aux  hommes  ; 
non  mariées  ou  séparées  elles  votent  en  personne  ;  mariées, 
elles  délèguent  leur  droit  au  mari.  En  aucun  cas  les 
femmes  ne  sont  éligibles. 

En  Autriche,  dans  les  communes,  parmi  le  groupe  des 
contribuables,  les  femmes  votent  par  représentation.  Il  est 
question  de  leur  accorder  le  vote  personnel  ;  la  diète  de 
la  Basse- Autriche  l'a  proposé  en  janv.  1891.  Elles  sont 
exclues  du  vote  municipal  dans  les  villes  et  de  toute  éligi- 
bilité. 

En  Russie,  dans  le  mir  ou  communauté  de  village, 
l'assemblée  se  compose  des  chefs  de  ménage  ;  la  femme 
veuve  ou  celle  dont  le  mari  est  absent  y  vient  et  exerce 
les  mêmes  droits  que  les  hommes.  Wallace  présente  à  ce 
sujet  les  observations  suivantes  qui  sont  assez  curieuses 
(Russia,  Londres,  1887).  «  Sur  des  questions  relatives 
aux  affaires  générales  de  la  communauté  elles  parlent 
rarement,  et  si  elles  se  hasardaient  à  énoncer  leurs  opi- 
nions dans  de  pareilles  occasions,  elles  auraient  peu  de 
chance  d'être  écoutées  ;  car  les  paysans  russes  ne  sont  pas 
encore  imbus  des  doctrines  modernes  sur  l'égalité  des 
femmes,  et  ils  expriment  leur  sentiment  sur  l'intelligence 
féminine  par  l'adage  peu  gracieux  «  femme  a  le  cheveu 
long,  mais  l'esprit  court  ».  Selon  un  proverbe,  sept  femmes 
n'ont  ensemble  qu'une  âme;  et,  d'après  un  autre  dicton, 
encore  moins  galant,  elles  n'ont  point  d'âme  du  tout,  mais 
seulement  de  la  vapeur  à  la  place.  Donc,  la  femme,  comme 
femme,  ne  mérite  pas  beaucoup  de  considération.  Mais 
une  femme  en  particulier,  comme  chef  de  ménage,  a  droit 
de  parler  sur  toutes  les  questions  qui  affectent  directement 
le  ménage  dont  elle  a  charge.  Si,  par  exemple,  il  était 
question  d'augmenter  ou  de  diminuer  la  part  au  sol  ou  les 
charges  de  son  ménage,  on  la  laisserait  parler  sur  le  sujet 
librement  et  même  se  livrer  quelque  peu  à  des  invectives 
personnelles  contre  ses  contradicteurs  mâles.  Elle  s'expose, 
il  est  vrai,  à  des  observations  peu  flatteuses;  mais,  si  elle 
en  reçoit,  elle  les  rendra  probablement  avec  intérêt,  en 


s'en  prenant  avec  une  virulence  pertinente  aux  affaires 
domestiques  de  ceux  qui  l'attaquent.  Quand  les  raisons  et 
les  invectives  n'auront  pas  porté,  elle  essayera  l'effet  d'un 
appel  pathétique  accompagné  de  larmes  abondantes,  mé- 
thode de  persuasion  à  laquelle  le  paysan  russe  est  singu- 
lièrement insensible.  »  —  Pour  les  assemblées  territoriales 
de  district  élues  par  les  propriétaires  d'immeubles  imposés, 
les  femmes  votent  par  mandataires  ;  elles  peuvent  désigner 
à  leur  choix  leurs  père,  mari,  fils,  beau-fils,  petit-fils, 
frère  ou  neveu;  de  même  pour  les  conseils  municipaux, 
elles  choisissent  leur  mandataire  entre  leurs  père,  mari,  fils, 
beau-fils  et  frère,  mais  aussi  parmi  des  étrangers,  pourvu 
que  ces  derniers  aient  le  cens  municipal.  Dans  l'ordre  de 
noblesse,  la  femme  peut  de  même  transmettre  son  droit  de 
vote  à  son  mari,  fils  'ou  beau-fils  et,  à  leur  défaut,  à  un 
étranger.  Le  fait  caractéristique  du  système  russe  c'est 
l'émancipation  de  la  femme  mariée;  nulle  part,  sauf  en 
Moravie,  nous  ne  l'avions  constaté  en  Europe. 

Hors  d'Europe,  le  gouvernement  local  a  été  institué  dans 
les  colonies  anglaises,  et  la  question  de  la  participation  des 
femmes  s'y  est  posée.  Les  femmes  indépendantes,  payant 
les  taxes  municipales,  ont  obtenu  le  droit  de  vote,  lequel  est 
attaché  à  la  possession  ou  à  l'occupation  des  biens  réels. 
Au  Canada,  la  province  française  de  Québec,  le  Nouveau- 
Brunswick,  l'île  du  Prince-Edouard  écartent  les  femmes  ; 
la  province  anglaise  d'Ontario  a  concédé  aux  femmes  le 
droit  de  vote  aux  élections  municipales,  aux  plébiscites 
municipaux,  aux  commissions  scolaires  et  les  éligibilités 
corrélatives,  mais  seulement  aux  femmes  non  mariées  ou 
veuves.  Dans  le  territoire  du  Nord-Ouest,  toutes  les  femmes 
jouissent  de  ces  droits  ;  dans  le  Manitoba  et  la  Colombie 
britannique,  les  femmes  mariées  majeures  ;  dans  la  Nou- 
velle-Ecosse, celles  seulement  dont  les  maris  n'ont  pas  le 
droit  de  vote.  Dans  l'Australasie,  toutes  les  colonies  ont 
accordé  le  suffrage  municipal  aux  femmes  dans  les  condi-^ 
tions  de  la  franchise  paroissiale  en  Angleterre,  subordonné 
à  la  possession  ou  à  l'occupation  de  biens  réels  et  gradué 
selon  le  montant  des  impôts  ;  le  vote  est  conféré  sans  dis- 
tinction de  sexe. 

Aux  Etats-Unis,  les  femmes  n'ont  pas  plus  l'électorat  et 
l'éligibilité  municipale  que  politique,  parce  que  dans  ces  pays 
de  suffrage  universel  les  deux  se  confondent  presque.  Les 
Etats  de  la  Nouvelle-Angleterre  y  sont  particulièrement 
opposés.  Le  Wyoming  a  donné  le  droit  de  vote  aux  femmes 
dans  la  commune  comme  dans  l'Etat  ;  le  Kansas  leur  a 
donné,  en  1887,  l'électorat  et  l'éligibilité  aux  fonctions 
municipales  et  scolaires.  Une  exception  a  pourtant  été  faite 
en  beaucoup  de  lieux  ;  elle  est  relative  aux  écoles  primaires 
publiques.  On  a  concédé  d'abord  aux  femmes  l'éligibilité 
aux  comités  scolaires  :  Pennsylvanie,  1873;  Illinois,  1874; 
Iowa,  1876;  Louisiane,  1879  ;  Californie,  1880  ;  Indiana, 
1881;  Maine,  1883,  et  Rhode-Island.  Le  Massachusetts, 
qui  l'avait  accordé  en  1874,  en  induisit  que  les  femmes 
pourraient  voter  pour  l'élection  de  ces  comités  (1879). 
Depuis,  une  quinzaine  d'Etats  ont  fait  la  même  concession  : 
Colorado,  Dakotah  du  Nord  et  du  Sud,  Idaho,  Michigan, 
Minnesota,  Monutana,  New  Hampshire,  New  Jersey,  New 
York,  Oregon,  Vermont,  Washington,  Wisconsin,  plus  le 
territoire  d'Arizona;  ajoutez  le  Kentucky  (1887)  et  le 
Nebraska  (1889)  qui  n'ont  accordé  aux  femmes  que  l'élec- 
torat sans  l'éligibilité,  mais  seulement  aux  femmes  qui  ont 
des  enfants  d'âge  scolaire  ;  les  étrangers  ont  les  mêmes 
droits. 

La  délégation  du  cens  pour  l'électorat  communal  est  per- 
mise à  la  femme  en  Italie  et  en  Belgique,  en  faveur  de  ses 
fils  ou  gendres  ;  en  Roumanie,  en  faveur  des  fils,  gendres, 
père  ou  frères. 

En  résumé,  dans  la  sphère  du  gouvernement  local,  les 
femmes  ont  l'électorat  en  Grande-Bretagne  et  dans  ses 
colonies,  dans  les  Etats  de  Wyoming  et  Kansas,  en  Suède, 
Islande,  Finlande  et  Russie,  dans  les  communes  rurales  de 
Prusse,  Saxe,  Brunswick  et  d'Autriche.  Elles  ont  le  vote 
scolaire  dans  un  bon  nombre  d'Etats  de  l'Union  américaine 


FEMME 


—  168  — 


et  en  Norvège.  Elles  ont  l'éligibilité  aux  postes  d'adminis- 
tration scolaire  dans  la  moitié  des  Etats-Unis,  en  Grande- 
Bretagne,  en  Norvège  et  à  Stockholm  ;  aux  postes  d'assis- 
tance publique  en  Angleterre,  en  Suède,  en  Finlande  ;  à 
toutes  les  fonctions  municipales  au  Wyoming  et  au  Kansas. 
Elles  votent  personnellement  partout,  sauf  en  Russie,  en 
Autriche  et  en  Prusse. 

Le  contraste  que  l'on  observe  entre  le  monde  latin  où 
la  femme  n'a  pas  d'électorat  municipal  et  le  monde  anglo- 
saxon,  germanique  ou  slave,  où  elle  l'a  généralement,  tient 
surtout  à  ce  que,  dans  les  pays  latins,  on  a  réalisé  le  progrès 
qui  attribue  la  participation  au  gouvernement  local  au 
citoyen,  tandis  que  dans  les  autres  elle  est  déterminée  par 
les  biens,  par  l'attache  au  sol  ;  nous  retrouvons  ici,  comme 
dans  tout  le  cours  de  l'étude  sur  la  condition  de  la  femme, 
cette  loi  fondamentale  que  les  progrès  dans  le  sort  des 
femmes  se  sont  accomplis  essentiellement  par  le  droit  de 
propriété. 

Les  droits  publics  individuels.  —  Les  droits  politiques 
dont  nous  avons  parlé  jusqu'à  présent  sont  relatifs  à  la 
souveraineté  et  à  la  vie  collective  ;  mais,  à  côté  de  ceux-là, 
et  plus  essentiels,  sont  les  libertés  individuelles  dont  l'or- 
ganisation sociale  ne  doit  limiter  l'exercice  que  dans  la 
mesure  strictement  nécessaire.  Ce  sont  ces  droits  qui  ont 
été  proclamés  par  la  déclaration  de  1789  comme  primor- 
diaux, antérieurs  et  supérieurs  aux  droits  positifs  dérivant 
du  droit  naturel,  la  liberté  individuelle,  l'inviolabilité  du 
domicile,  la  liberté  de  conscience,  la  liberté  de  parole  et 
avec  elle  la  liberté  de  la  presse,  la  liberté  de  réunion,  la 
liberté  d'association.  Les  constitutions  françaises  et,  à  leur 
exemple,  celles  des  autres  pays  (V.  Constitution),  les  ont 
consacrés  sous  le  titre  de  droits  publics  individuels.  L'exis- 
tence des  gouvernements  emporte  limitation  plus  ou  moins 
étroite  de  ces  droits.  Il  nous  faut  examiner  encore  si  là 
encore  nous  retrouverons  une  inégalité  entre  les  sexes.  Le 
principe  juridique  est  ici  inverse  de  celui  qui  règle  les  droits 
politiques  ;  toutes  les  fois  que  la  loi  n'édicte  pas  à  ren- 
contre des  femmes  exclusion  ou  restriction  d'un  droit  pu- 
blic individuel,  elles  sont  censées  le  posséder,  tandis  que, 
pour  les  droits  politiques  dérivés  de  l'Etat  social,  la  capacité 
ne  se  présume  pas  à  défaut  d'autorisation  formelle  de  la 
loi.  Il  faut  distinguer  deux  catégories  :  les  droits  humains, 
comme  la  liberté  individuelle  ou  la  liberté  de  conscience 
qui  ne  comportent  nulle  différence  d'âge,  de  sexe  ou  de 
nationalité,  et  les  droits  publics  proprement  dits  par  lesquels 
l'individu  sort  de  son  moi,  agit  sur  la  collectivité,  liberté 
de  pétition,  de  réunion,  d'association,  de  la  presse. 

Le  droit  de  pétition  n'est  pas  un  véritable  droit  ;  c'est 
une  faculté  dont  aucun  pouvoir  politique  n'a  refusé  l'exer- 
cice à  ses  sujets;  seulement,  on  a  établi  dans  les  pays 
libres  des  règles  touchant  la  manière  dont  il  s'exerce  et 
les  suites  qu'il  peut  espérer.  Cela  est  naturel  en  ce  qui 
touche  surtout  les  pétitions  collectives.  En  Angleterre,  les 
femmes  ont  le  même  droit  que  les  hommes  en  cette  ma- 
tière. En  France,  on  proposa  de  le  limiter,  c.-à-d.  de 
déclarer  irrecevables  les  pétitions  des  femmes  et  des  mi- 
neurs. L'Assemblée  législative  faillit  enlever  aux  femmes 
le  droit  de  pétition;  les  orateurs  de  la  gauche  et  notam- 
ment Schœlcher  le  leur  firent  maintenir. 

Le  droit  de  réunion,  confondu  d'abord  avec  celui  d'asso- 
ciation, fut  exercé  dans  les  premières  années  de  la  Révo- 
lution française  par  les  femmes.  Elles  en  abusèrent 
incontestablement.  Leur  participation  aux  sociétés,  aux 
séances  des  clubs,  aux  manifestations  révolutionnaires,  fut 
une  cause  efficace  de  désordre  matériel  et  moral.  La  Con- 
vention décréta  la  suppression  des  clubs  et  sociétés  do 
femmes  le  9  brumaire  an  II,  après  une  vive  discussion  où 
Amar  et  Bazire  démontrèrent  qu'elles  étaient  funestes  à  la 
tranquillité  publique.  On  mit  en  cause  les  aptitudes  poli- 
tiques des  femmes  qui  furent  révoquées  en  doute  ;  vaine- 
ment Charlier  soutint  qu'on  ne  pouvait  les  priver  d'un 
droit  commun  à  tout  être  pensant.  L'année  suivante, 
le  4  prairial  an  III,  la  Convention  dépouilla  également  les 


femmes  du  droit  de  réunion  en  les  excluant  de  toute  assem- 
blée politique,  leur  interdisant  provisoirement  l'entrée  de 
ses  tribunes  et  interdisant  tout  attroupement  de  plus  de 
cinq  femmes.  —  Quand  la  seconde  République  eut  restauré 
le  droit  de  réunion,  les  femmes  en  profitèrent  sur-le-champ  ; 
mais,  dès  le  28  juil.  1848,  un  décret  les  exclut  des  clubs. 
—  La  législation  actuelle  permet  aux  femmes  d'assister 
aux  réunions  publiques,  sauf  aux  réunions  électorales, 
mais  elles  ne  peuvent  faire  la  déclaration  préalable.  Elles 
n'ont  pas  plus  que  les  hommes  la  liberté  d'association; 
leur  régime  est  le  même  :  l'autorisation  officielle.  —  En 
Allemagne,  elles  sont  exclues  des  associations  et  réunions 
politiques  ;  de  même  en  Autriche. 

La  liberté  de  la  presse  est  limitée  par  la  responsabilité 
du  gérant.  En  France,  les  femmes  peuvent  exercer  la 
gérance  depuis  la  loi  de  1881,  sauf  autorisation  maritale, 
s'il  y  a  lieu.  En  Allemagne  et  en  Autriche,  de  même,  le 
rédacteur  responsable  peut  être  une  femme  indépendante. 
En  Espagne,  en  Bulgarie,  elles  sont  exclues.  En  Russie  et 
en  Finlande,  le  gouvernement  les  admet. 

Quelques  libertés  sont  intermédiaires  entre  les  droits 
individuels  d'ordre  privé  (liberté  de  conscience)  et  d'ordre 
public  (liberté  de  réunion)  ;  leur  exercice  fait  dépasser  au 
citoyen  la  sphère  de  sa  vie  intime,  mais  son  activité  garde 
le  caractère  privé.  Il  s'agit  de  la  liberté  d'instruction  et  de 
la  liberté  des  professions.  La  liberté  d'instruction  n'est 
réellement  en  jeu  que  pour  l'enseignement  supérieur  ;  pour 
les  autres  formes,  les  restrictions  adoptées  dans  l'ensei- 
gnement public  ou  privé  résultent  simplement  de  la  néces- 
sité de  séparer  les  sexes.  L'enseignement  supérieur  est 
donné  à  un  âge  où  ces  difficultés  n'existent  plus  guère 
parce  qu'il  s'agit  d'adultes  responsables  d'eux-mêmes. 
Mais  dans  cet  enseignement  il  y  a  eu  une  grande  répu- 
gnance à'  admettre  les  femmes.  La  question  fut  tranchée 
d'emblée  en  leur  faveur  en  France  où  on  les  laissa  suivre 
les  cours  de  l'enseignement,  lequel  est  public,  et  conquérir 
les  grades  universitaires.  Quant  à  l'usage  à  faire  de  ces 
grades  pour  l'exercice  d'une  profession  ou  d'une  fonction 
publique,  c'est  une  autre  question  qui  se  règle  d'après 
d'autres  principes.  En  Suède,  les  femmes  furent  admises 
aux  universités  en  1870.  En  Norvège,  on  les  assimila  aux 
étudiants  mêmes  pour  les  bourses  en  1884.  En  Danemark, 
on  leur  accorda  l'entrée  aux  cours  et  l'accès  aux  grades, 
sauf  dans  la  faculté  de  théologie.  En  Italie  (1876),  en 
Suisse,  elles  ont  aussi  forcé  la  porte  des  universités. 
Celles-ci  restent  fermées  en  Allemagne  et  en  Autriche.  La 
Russie  leur  a  ouvert  des  instituts  spéciaux,  de  même 
l'Italie  et  l'Angleterre,  où  d'ailleurs  l'université  de  Londres 
et  l'université  Victoria  les  admettent  et  leur  décernent  des 
grades  académiques;  aux  Etats-Unis,  elles  sont  encore 
exclues  de  quelques  universités  libres. 

Dans  les  professions  en  dehors  des  fonctions  publiques, 
quelques-unes  sont  réglées  par  la  loi,  par  exemple  lors- 
qu'on exige  un  diplôme  qui  prouve  la  capacité.  Le  principe 
est  celui  de  la  liberté  absolue  ;  les  mœurs  régleront  la  part 
des  femmes  ;  c'est  le  cas  pour  la  médecine  et  la  pharmacie 
spécialement,  professions  ouvertes  aux  femmes  en  France, 
par  exemple.  Dans  d'autres  pays  on  a  cru  devoir  les  auto- 
riser formellement,  en  raison  du  préjugé  contraire,  en 
Angleterre  (1876),  aux  Pays-Bas  (1870),  en  Belgique 
(1876),  en  Suède,  en  Russie  (1890)  ;  dans  les  pays  ger- 
maniques, Allemagne  et  Autriche-Hongrie,  elles  sont 
exclues  des  professions,  puisqu'elles  ne  peuvent  recevoir 
l'enseignement  supérieur  ni  conquérir  ses  diplômes. 

En  dernier  lieu,  il  nous  faut  traiter  ici  de  droits  atta- 
chés à  la  capacité  civile,  bien  qu'ils  relèvent  de  l'activité 
privée,  parce  qu'en  raison  de  leur  caractère  quasi  public, 
les  législateurs  en  ont  privé  les  femmes  ;  c'est  là  une  fidé- 
lité déplorable  aux  règles  du  droit  romain  fait  pour  une 
société  toute  différente.  Nous  parlons  ici  des  fonctions  de 
témoin  instrumentaire  et  de  tuteur  d'où  le  code  civil  a 
exclu  les  femmes.  En  Italie,  à  l'île  Maurice,  au  Canada 
(Québec),  on  leur  a  rendu  le  droit  de  témoignage  ;  elles  en 


-  169  — 


FEMME 


demeurent  privées,  comme  de  la  tutelle,  en  France,  en  Es- 
pagne, en  Autriche  (sauf  exceptions),  en  Allemagne.  Au 
contraire,  en  Russie,  leur  droit  reste  intact. 

Les  fonctions  et  charges  publiques.  —  Nous  avons  vu 
quelle  part  minime  était  laissée  aux  femmes  dans  la  souve- 
raineté politique,  comment  non  seulement  leurs  droits  col- 
lectifs, mais  leurs  droits  publics  individuels  étaient  res- 
treints. Il  nous  reste  à  voir  dans  quelle  mesure  elles  sont 
associées  à  l'exercice  de  la  puissance  publique,  investies 
d'une  délégation  de  l'Etat.  Dès  le  début  nous  indiquerons 
le  double  aspect  de  la  question  :  l'Etat  a  des  serviteurs  de 
catégories  bien  différentes  ;  les  uns  sont  investis  d'une  part 
de  la  puissance  publique,  les  autres  sont  simplement  des 
employés  comme  ceux  dont  un  propriétaire  privé  utiliserait 
et  rémunérerait  les  services.  Il  faut  distinguer  entre  les  offi- 
ciers publics  et  les  employés.  En  qualité  d'employés  pour 
les  postes,  par  exemple,  pour  l'enseignement  public,  il  n'y 
a  aucune  raison  d'exclure  les  femmes  ;  ce  sont  des  profes- 
sions qui  n'ont  pas  de  caractère  public  intrinsèque  ;  ce  carac- 
tère résulte  simplement  de  la  qualité  du  patron  ;  on  pour- 
rait en  dire  autant  de  la  bureaucratie,  même  centrale,  de 
la  comptabilité,  des  menus  emplois  auxiliaires  de  l'adminis- 
tration, lesquels  sont  pourtant  réservés  aux  hommes,  mais 
pourraient  bien  ne  pas  l'être  longtemps.  Quant  aux  fonc- 
tions politiques  proprement  dites  aux  offices  publics,  ils  sont 
presque  partout  réservés  aux  hommes,  exactement  comme 
l'électorat  politique.  La  magistrature  suprême  a  été  déférée 
à  des  femmes  par  l'hérédité  dans  les  monarchies  ;  de  même 
celles-ci  purent,  notamment  en  Angleterre,  hériter  de 
grandes  charges  de  l'Etat,  haut  connétable,  grand  chambel- 
lan, champion  au  couronnement,  sheriff,  etc.  ;  mais  elles 
les  ont  toujours  déléguées  à  des  hommes,  sauf  la  comtesse 
Anne  de  Pembroke  qui  remplit  en  personne,  au  début  du 
xvii*  siècle,  l'office  de  sheriff  de  Westmoreland.  Mais  les 
modernes  ont  distingué  complètement  le  droit  privé  du  droit 
public,  et  la  fonction  publique  ne  peut  plus  être  exercée  que 
dans  l'intérêt  de  l'Etat.  Aucune  fonction  judiciaire  ne  peut 
être  conférée  à  une  femme  sauf  dans  l'Etat  de  Wyoming, 
où  elles  ont  l'égalité  complète,  et  dans  celui  de  Kansas  où 
elles  peuvent  être  juges  de  paix.  Exclues  par  nature  de 
l'état  militaire,  les  femmes  le  sont  de  cette  hiérarchie,  mal- 
gré quelques  singularités  comme  celles  des  sœurs  Fernig, 
lieutenants  de  cavalerie  sous  Dumouriez,  de  Geneviève  Pre- 
noy,  lieutenant  dans  le  régiment  de  Condé,de  Marie  Schel- 
link  qui  avança  jusqu'au  grade  de  sous-lieutenant  dans 
l'armée  de  Napoléon.  Ce  sont  là  des  bizarreries  sans  con- 
séquence. Reste  l'ordre  administratif  qui  n'est  pas  comme 
l'ordre  judiciaire  une  délégation  immédiate  de  la  souverai- 
neté. Les  femmes  peuvent  être  nommées  à  des  postes  de 
l'ordre  administratif  inférieurs  à  ceux  qui  n'impliquent  que 
l'exécution  d'ordres  transmis  d'en  haut,  l'application  de 
règles  tracées  par  les  supérieurs.  Tout  dépend  ici  des  con- 
sidérations de  service  et  d'ordre  pratique  dont  les  chefs  des 
administrations  sont  seuls  juges.  Il  ne  peut  donc  pas  être 
tracé  de  ligne  de  démarcation  précise.  Certains  Etats  de 
l'Union  américaine  ont  fait  la  distinction  en  réservant  les 
fonctions  supérieures  aux  hommes  ;  mais,  tant  dans  les  Etats 
que  pour  le  service  public  fédéral,  on  emploie  très  largement 
les  femmes.  Les  détails  et  les  statistiques  seront  données 
dans  l'art.  Industrie  où  nous  réunirons  tout  ce  qui  est 
relatif  aux  professions  exercées  par  les  femmes.  Celles-ci 
ont  accès  aux  Etats-Unis  à  l'enseignement  public,  aux  fonc- 
tions médicales,  à  l'administration  municipale  ou  générale, 
aux  postes  et  télégraphes,  à  l'inspection  du  travail  et  des 
prisons  des  femmes,  aux  bibliothèques  publiques,  même  au 
secrétariat  des  chefs  militaires,  etc.  En  Europe,  l'enseigne- 
ment leur  est  ouvert,  sauf  l'enseignement  supérieur  où  elles 
ne  sont  parvenues  qu'exceptionnellement  à  Stockholm  et  à 
Pise,  sans  que  dans  d'autres  pays  il  y  ait  impossibilité  légale 
à  leur  nomination  à  une  chaire  de  faculté.  En  Russie,  on  a 
pris  en  1874  un  règlement  général  qui  admet  les  femmes 
dans  l'enseignement  public,  les  emplois  subalternes  du  ser- 
vice médical,  les  bureaux  des  télégraphes,  la  comptabilité 


de  l'enseignement  féminin,  mais  l'interdit  dans  tous  les 
autres  services  publics.  En  France,  on  les  emploie  large- 
ment dans  l'enseignement,  les  postes,  les  télégraphes^  On 
les  admet  encore  à  quelques  emplois  secondaires,  à  l'ins- 
pection des  prisons,  etc.  Elles  sont  électrices  et  éligibles  au 
conseil  supérieur  de  l'instruction  publique  et  ont  plusieurs 
sièges  réservés  au  conseil  départemental.  Ces  conseils,  sur- 
tout le  premier,  ont  des  pouvoirs  de  juridiction  administrative. 
Les  tribunaux  de  commerce,  élus  par  une  catégorie  de 
citoyens,  les  commerçants,  sont  fermés  aux  femmes,  les- 
quelles ne  sont  ni  éligibles  ni  électeurs.  En  1883,  lors 
de  la  réforme  qui  étendit  le  suffrage  à  tous  les  commerçants 
patentés ,  Mme  Maria  Deraismes  pétitionna  en  faveur  du 
droit  des  femmes.  La  Chambre  des  députés,  favorable  à 
l'amendement  qui  les  assimilait  aux  hommes,  ne  l'écarta 
que  pour  hâter  le  vote  de  la  loi.  En  1889  elle  vota  un 
projet  de  loi  introduisant  parmi  les  électeurs  les  commer- 
çantes (5  juil.)  ;  le  Sénat  n'a  pas  statué.  En  mars  1892, 
le  gouvernement  a  proposé  la  même  assimilation  pour  les 
élections  aux  conseils  des  prudhommes. 

Nulle  part  les  femmes  ne  sont  admises  à  faire  partie 
du  jury,  même  dans  les  Etats  de  Wyoming  et  de  Washington 
où  elles  eurent  ce  droit  pendant  quelques  années. 

Les  officiers  ministériels  qui  prêtent  leur  concours  à 
l'exercice  de  la  justice  sont  réglementés  par  l'Etat,  de  qui 
ils  tiennent  leur  fonction  directement  (greffiers)  ou  indi- 
rectement (notaires,  etc.).  Dans  toute  l'Europe,  les  femmes 
sont  exclues  de  ces  offices,  spécialement  du  notariat  qui 
est  le  principal  et  souvent  le  seul.  Aux  Etats-Unis,  elles  y 
sont  arrivées  dans  quelques  Etats,  les  règles  variant  de 
l'un  à  l'autre;  ceux  d'Ohio  et  de  Wisconsin  ont  fait  des 
lois  spéciales  (1879  et  1883)  pour  admettre  les  femmes 
aux  fonctions  de  notaire  public. 

La  profession  d'avocat  est  liée  à  l'ordre  judiciaire  de 
telle  sorte,  qu'au  moins  clans  les  pays  où  elle  constitue  un 
monopole  elle  a  quelque  chose  du  caractère  public.  Peut- 
elle  être  accessible  aux  femmes  ?  La  question  est  à  l'ordre 
du  jour.  Le  droit  romain  leur  est  opposé.  Elles  étaient 
admises  d'abord  an  forum  à  Rome,  mais  (vers  l'an  40  av. 
J.-C.)  C.  Afrania  aurait,  par  son  attitude  scandaleuse, 
déterminé  le  préteur  à  interdire  aux  femmes  de  postuler 
pour  autrui.  Le  code  Théodosien  les  laisse  plaider  pour 
elles-mêmes;  le  code  Justinien  exclut  absolument  les 
femmes  de  tout  office  civil  ou  public,  des  fonctions  de 
juge,  de  magistrat,  et  leur  interdit  de  paraître  en  justice. 
Le  droit  coutumier  du  moyen  âge  conserve  ces  interdic- 
tions. Dans  quelques  cas,  des  femmes  furent  autorisées  à 
plaider  leur  propre  cause.  Depuis  un  quart  de  siècle,  les 
femmes  ont  essayé  de  s'ouvrir  la  profession  d'avocat.  Aux 
Etas-Unis,  à  partir  de  1869,  les  tribunaux  admirent  fré- 
quemment des  femmes  à  prêter  le  serment  d'avocat,  et  par 
suite  à  entrer  au  barreau  ;  mais  l'admission  n'était  valable 
que  pour  le  tribunal  qui  l'accordait  et  des  dissidences  se 
produisirent  surtout  dans  les  tribunaux  supérieurs. 

La  cour  suprême  décida  que  c'était  aux  tribunaux  ou 
aux  législatures  de  chaque  Etat  à  édicter  les  conditions. 
Dans  les  Etats  de  l'Ouest,  les  femmes  furent  aisément  accep- 
tées ;  dans  ceux  de  l'Est,  la  magistrature  résistait;  les 
législatures  de  nombreux  Etats  autorisent  les  femmes  à 
exercer  la  profession  d'avocat  (Californie,  Illinois,  Iowa, 
Massachusetts,  Minnesota,  New  York,  Ohio,  Wisconsin). 
Une  loi  fédérale  du  15  févr.  1879  décida  que  toute  femme 
qui  aurait  été  durant  trois  ans  membre  du  bureau  de  la 
cour  suprême  d'un  Etat  ou  territoire  pourrait  exercer 
devant  la  cour  suprême  des  Etats-Unis.  —  En  Russie,  où 
la  profession  d'avocat  était  libre  avant  1874,  des  femmes 
l'exerçaient,  mais  depuis  qu'elle  est  réglementée,  l'empereur 
a  décidé  (7  janv.  1876)  que  les  femmes  en  sont  exclues 
comme  des  autres  services  publics.  —  Dans  les  pays  où  les 
femmes  ne  peuvent  prendre  les  grades  juridiques,  elles  sont 
ipso  facto  écartées  du  barreau.  Dans  ceux  où  il  n'y  a  pas 
de  barreau  organisé,  on  paraît  devoir  les  admettre  en  Suède, 
on  les  a  écartées  en  Suisse.  En  Roumanie,  la  cour  de  Bu- 


FEMME  —  FEMORALE 


—  170  — 


carest  a  reçu  une  femme  a  prêter  le  serment  d'avocat. 
En  France,  la  question  n'a  pas  été  posée,  mais  elle  a  été 
tranchée  contre  les  femmes  dans  les  pays  voisins  qui  ont  la 
même  organisation,  en  Italie  et  en  Belgique.  En  Italie, 
Lydie  Poët  fut  reçue  par  le  conseil  de  l'ordre  des  avocats, 
mais  exclue  par  la  cour  d'appel  et  la  cour  de  cassation. 
Celle-ci  développa  les  arguments  suivants  (cf.  Santoni  de  Sio, 
La  donna  e  î'avvocatura,  Rome,  4884).  «  La  profession 
d'avocat  ne  peut  se  comparer  à  aucune  des  autres  profes- 
sions, pour  l'exercice  desquelles  il  suffit  d'avoir  accompli  un 
cours  d'études  et  obtenu  un  diplôme  ;  les  fonctions  d'avocat 
constituent  plus  qu'une  profession  ;  elles  sont  une  sorte 
d'office  public  et  nécessaire,  et  tandis  que  ceux  qui  exercent 
d'autres  professions  sont  libres  de  prêter  le  concours  qui 
leur  est  réclamé,  les  avocats  ne  peuvent  refuser  le  leur, 
notamment  dans  le  cas  où  le  magistrat  l'ordonne.  Les  con- 
sidérant comme  auxiliaire  de  la  justice,  la  loi  italienne  les 
a  organisés  en  collèges  ayant  une  représentation  légale, 
leur  a  attribué  des  titres  spéciaux  pour  parvenir  à  la  magis- 
trature, pour  être  nommés  préteurs,  juges,  conseillers 
d'appel  et  de  cassation  après  l'exercice  de  la  profession 
d'avocat  pendant  une  certaine  période  de  temps.  Si  les 
femmes  étaient  admises  au  barreau,  elles  pourraient  aussi 
exercer  ces  charges  de  judicature  ;  mais  telle  n'a  pu  être 
la  pensée  du  législateur.  La  profession  d'avocat  étant  ainsi 
un  office  public,  ou  tout  au  moins  une  sorte  d'office  public, 
il  ne  suffit  pas,  pour  admettre  les  femmes  à  son  exercice, 
de  dire  que  dans  la  législation  actuelle  aucune  disposition 
ne  prononce  leur  exclusion.  Il  faudrait  se  trouver  en  pré- 
sence d'un  texte  qui  déclarât  la  femme  capable  d'occuper 
tous  les  offices  et  charges  tant  publics  que  civils.  »  —  En 
Belgique,  en  4888,  Mlle  Popelin  fut  écartée  par  la  cour 
de  Bruxelles,  conformément  aux  conclusions  du  procureur 
général  qui  invoqua  le  droit  romain,  l'esprit  de  la  législation 
et  le  fait  que  l'avocat  exerce  une  fonction  judiciaire.  Les 
conseils  de  la  demanderesse  invoquaient  l'équité,  le  fait 
que  l'avocat  n'est  pas  un  fonctionnaire,  mais  un  citoyen 
privé.  La  question  est  très  controversée,  en  raison  du  carac- 
tère mixte  de  la  profession  d'avocat  ;  mais  les  tendances 
relativement  routinières  de  la  magistrature  laissent  peu  de 
chance  aux  femmes  d'entrer  au  barreau  autrement  qu'en 
vertu  d'un  texte  législatif  précis. 

En  résumé,  nous  voyons  que,  sauf  de  rares  exceptions,  la 
femme  est  écartée  des  fonctions  publiques  et  même  des  offices 
connexes  partout  où  elle  l'est  de  la  souveraineté  politique, 
mais  qu'on  lui  ouvre  largement  les  emplois  administratifs 
secondaires.  Cela  vérifie  une  fois  de  plus  notre  remarque 
que  l'amélioration  de  la  condition  sociale  de  la  femme  ren- 
contre bien  moins  d'obstacles  que  l'amélioration  de  sa 
situation  politique.  Comme  dans  la  société  féodale,  il  se 
pourrait  que  l'une  entraînât  l'autre.  Il  se  peut  aussi  que 
les  théoriciens  de  l'école  radicale  réussissent  par  la  seule 
force  de  l'idée  de  justice  à  faire  passer  dans  la  loi  l'égalité 
complète  de  l'homme  et  de  la  femme.  A.-M.  B. 

XI.  Industrie.  —  Le  rôle  économique  des  femmes, 
l'amélioration  de  leur  situation  dans  la  société  contempo- 
raine, les  professions  qui  leur  sont  ouvertes  ou  fermées 
par  les  mœurs  ou  les  lois,  les  conditions  spéciales  où  elles 
se  trouvent  dans  les  fabriques,  l'influence  de  leur  travail 
sur  la  vie  domestique,  etc.,  toutes  ces  questions  sont  trop 
étroitement  liées  au  problème  de  la  division  du  travail,  de 
l'organisation  moderne  de  la  grande  industrie,  de  la  régle- 
mentation du  travail  et  de  la  protection  des  salariés  par 
l'Etat,  etc.,  pour  qu'il  n'y  ait  pas  avantage  à  traiter  l'en- 
semble du  sujet  dans  l'art.  Industrie. 

XII.  Pédagogie  (V.  Filles  [Education  des]). 

XIII.  Musique  (V.  Voix). 

Bibl.  :  Egyptologie.  —  Maspero,  Cours  du  Collège  de 
France,  1887.  —  E.  Révillout,  Cours  de  droit  égyptien. 

Droit  grec.  —  Lallier,  De  la  Condition  de  la  femme 
dans  la  famille  athénienne  ;  Paris,  in-8.  —  Lewy,  De  Civili 
Conditione  mulierum  Grsecarum,  1885. 

Droit  romain.  —  Gide,  Etude  sur  la  condition  privée 
de  la  femme;  Paris,  1885,  2e  éd.,  par  Esmein,  pp.  98-163, 
in-8.  —  Mainz,  Cours  de  droit  romain  ;  Bruxelles,  1876, 


1. 1,  §  13,  p.  403, 3  vol.  in-8, 4« éd.  —  Laboulaye,  Recherches 
sur  la  condition  civile  et  politique  des  femmes  ;  Paris, 
1843,  pp.  11-76,  in-8.  —  Marquardt,  la  Vie  privée  des 
Romains,  trad.  Henry;  Paris,  1892,  t.  I,  pp.  69  et  suiv., 
2  vol.  in-8.  —  Fustel  de  Coulanges  ,  la  Cité  antique; 
Paris,  1876,  p.  96,  in-12,  6e  éd.  —  Gaston  May  et  Henri 
Becker,  Précis  des  institutions  du  droit  privé  de  Rome; 
Paris,  1892,  pp.  80,  196,  in-12. 

Droit  français.  —  Laboulaye,  Recherches  sur  la 
condition    civile   et  politique  des   femmes  ;  Paris,   1843. 

—  Giraud,  Essai  sur  l'histoire  du  droit  français  au  moyen 
âge  ;  Paris,  1846,  t.  1er.  —  Laferrière,  Histoire  du  droit 
civil  de  Rome  et  du  droit  français  ;  Paris,  1846-58,  6  vol. 
in-8.  —  Kœnigswarter,  Histoire  de  l'organisation  de  la 
famille  en  France;  Paris,  1851,  in-8.  —  E.  Glasson,  le 
Mariage  civil  et  le  divorce  ;  Paris,  1880,  2a  éd.  (t.  I  des 
Etudes  de  législation  comparée).  —  Laferrière,  Essai 
sur  l'histoire  du  droit  français,  nouv.  édit.  publ.  par 
M.  Ed.  Laferrière  ;  Paris,  1885,  2  vol.  in-8.—  Paul  Gide, 
Etude  sur  la  condition  privée  de  la  femme  ;  Paris,  1885, 
2e  éd.,  avec  additions  et  notes,  par  A.  Esmein,  in-8. —  Paul 
Viollet,  Précis  de  l'histoire  du  droit  français  ;  Paris, 
1886,  in-8.  —  Pardessus,  Loi  salique;  Paris,  1843,  in-4. 

—  Paul  Viollet,  les  Etablissements  de  saint  Louis,  1. 1, 
introduction, p.  143.  —  Pothier,  Traité  de  la  puissance  du 
mari.  —  Rathery.  Recherches  sur  Vhistoire  du  droit  de 
succession  des  femmes,  dans  Revue  de  législ.  et  dejurispr., 
1843,  t.  XVIII. 

Politique.  —  Bebel,  Die  Frau  in  der  Vergangenheit, 
Gegenwart  und  Zukunft  ;  Zurich,  1883.  —  Bridel,  la 
Femme  et  le  Droit  ;  Lausanne,  1884.  —  Cosson,  la  Condi- 
tion des  femmes  ;  Paris,  1883.  —  Gabba,  Délia  Condizione 
giuridica  délia  donna;  Turin,  1881,  2Ô  éd.  —  S.  Mill,  l'As- 
sujettissement des  femmes,  trad.  Cazelles;  Paris,  1876, 
2e  éd.—  Stanton,  The  Woman  Question  in  Europe; New 
York,  1884.  —  M.  Ostrogorski,  la  Femme  au  point  de 
vue  du  droit  public;  Paris,  1892.—  L.  Giraud,  la  Condition 
des  femmes  au  point  de  vue  de  V exercice  des  droits  publics 
et  politiques  ;  Paris,  1892.  —  J.  Chauvin,  les  Professions 
accessibles  aux  femmes;  Paris,  1892. 

FÉMORALE.  1°  Aponévrose  fémorale.  L'aponévrose 
fémorale  ou  crurale  est  un  large  manchon  fibreux  qui  entoure 
les  muscles  de  la  cuisse.  Très  épaisse  en  dehors,  elle 
constitue  là  ce  que  l'on  a  appelé  le  fascia  lata.  —  Sa  face 
superficielle  répond  à  la  peau.  Au-dessous  du  pli  de  Faine 
(triangle  de  Scarpa)  elle  est  percée  d'un  grand  nombre 
de  petits  trous  vasculo-nerveux  :  c'est  pour  cette  raison 
qu'on  a  donné  le  nom  de  fascia  eribriformis  à  cette 
portion  de  l'aponévrose  fémorale.  A  1  ou  3  centim.  au- 
dessous  de  l'arcade  de  Fallope,  elle  est  traversée  par  la 
veine  saphène  interne  sous  laquelle  elle  forme  un  pli  falci- 
forme  appelé  repli  d1  Allan  Burns  on  ligament  deHey. 
—  De  sa  face  profonde  se  détachent  deux  cloisons  épaisses 
qui  vont  se  fixer  aux  lèvres  interne  et  externe  de  la  ligne 
âpre  du  fémur  pour  constituer  les  cloisons  intermusculaires 
interne  et  externe  qui  partagent  la  cuisse  en  deux  loges 
musculaires,  l'une  antérieure, l'autre  postérieure.  De  cette 
même  face  proviennent  enfin  d'autres  cloisons  plus  mipces 
qui  constituent  des  gaines  aux  muscles  (gaines  musculaires) 
et  aux  vaisseaux  (gaine  des  vaisseaux  fémoraux).  La  gaine 
des  vaisseaux  est  étroitement  unie  aux  vaisseaux,  excepté 
au  niveau  du  triangle  de  Scarpa  où  elle  prend  la  forme 
d'un  entonnoir  et  se  confond  avec  les  parois  du  canal 
crural  (V.  Crural  [Canal]). 

2°  Arcade  fémorale.  L'arcade  fémorale,  arcade  crurale, 
ligament  de  Fallope  ou  de  Poupart,  est  une  bandelette 
fibreuse  étendue  obliquement  de  l'épine  iliaque  antérieure 
et  supérieure  à  l'épine  du  pubis.  Elle  limite  avec  le  bord 
antérieur  de  l'os  coxal  un  espace  qui  établit  une  large 
communication  entre  l'abdomen  et  la  cuisse.  Cet  espace  est 
lui-même  subdivisé  en  deux  canaux  par  une  bandelette 
fibreuse,  la  bandelette  iléo-pectinée,  qui  s'étend  de  l'arcade 
à  l'éminence  iléo-pectinée  du  pubis.  Dans  le  canal  interne 
passent  les  vaisseaux  fémoraux  ;  dans  l'externe  le  muscle 
psoas-iliaque  et  le  nerf  crural  ;  le  premier  constitue  l'an- 
neau crural,  le  second  le  canal  iliaque  de  Velpeau.  L'ar- 
cade crurale  détache  en  dedans,  sous  le  nom  de  portion 
réfléchie,  une  lamelle  triangulaire  qui  s'attache  sur  la 
crête  pectinéale  et  constitue  le  ligament  de  GimbernaL 
L'arcade  fémorale  est  une  sorte  d'intersection  fibreuse  entre 
les  aponévroses  de  l'abdomen  et  de  la  cuisse.  ,Par  sa  face 
supérieure,  elle  reçoit  l'insertion  des  muscles  petit  oblique 
et  trans verse  de  l'abdomen  dans  son  tiers  externe,  et  se  creuse 


—  171  — 


FÉMORALE  -  FÉMUR 


en  gouttière  dans  ses  deux  tiers  internes  pour  constituer 
la  paroi  inférieure  du  canal  inguinal  (V.  Inguinal  [Canal])  ; 
son  bord  antérieur  se  confond  avec  l'aponévrose  du  grand 
oblique  et  l'aponévrose  fémorale  ;  à  son  bord  postérieur  se 
fixe  le  fascia  transversalis  .en  dedans  et  le  fascia  iliaca  en 
dehors. 

3°  Artère  fémorale  (V.  Crurale  [Artère],  t.  XIII, 
p.  516).  Ch.  Debierre. 

FÉM  U  R.  I.  Anatomie.  —  L'os  de  la  cuisse,  intermédiaire 
au  bassin  et  à  la  jambe,  est  le  type  des  os  longs.  Chargé 
de  supporter  le  poids  du  corps  et  de  le  transmettre  à  la 
jambe  dans  la  station  bipède,  c'estchez  l'homme  qu'il  acquiert 
son  maximum  de  développement.  Entouré  d'une  forte  épais- 
seur de  chairs,  il  est  divisé,  pour  l'étude,  en  un  corps  ou 
diaphyse  et  deux  extrémités,  supérieure  et  inférieure,  sa 
direction  étant  oblique  de  haut  en  bas  et  de  dehors  en 
dedans,  en  même  temps  que  d'avant  en  arrière.  Le  corps 
est  une  colonne  sensiblement  incurvée,  à  concavité  posté- 
rieure, et,  de  plus,  légèrement  tordue  sur  son  axe.  Examiné 
à  sa  partie  moyenne,  il  présente  une  surface  de  section  qui 
affecte  la  forme  d'un  triangle  à  base  antérieure,  à  angles 
latéraux  arrondis,  à  sommet  postérieur.  C'est  reconnaître  au 
corps  fémoral  trois  faces  et  trois  bords.  La  face  antérieure  est 
arrondie,  plus  large  en  bas  qu'en  haut.  La  face  interne  est 
plane  et  s'élargit  inférieurement  en  devenant  postérieure. 
La  face  externe  plus  étroite  s'excave  légèrement.  Les  bords 
externe  et  interne  sont  arrondis.  Sur  le  bord  postérieur, 
rugueux  et  plus  ou  moins  saillant,  d'où  le  nom  de  ligne 
âpre  qui  lui  a  été  donné,  se  distinguent  deux  lèvres  sé- 
parées par  un  interstice,  où  s'insèrent  des  muscles.  La 
ligne  âpre  se  bifurque  en  haut  ;  la  branche  externe  de  la 
bifurcation  s'allonge  jusqu'à  une  saillie  que  nous  décrirons 
plus  bas  appelée  grand  trochanter,  tandis  que  la  branche 
interne  rejoint  une  saillie  moindre  {'petit  trochanter).  La 
ligne  âpre  se  divise  de  même  inférieurement,  et  la  branche 
interne  de  cette  division,  interrompue  pour  le  passage  de 
l'artère  fémorale,  s'allonge  jusqu'à  une  éminence  très  pro- 
noncée, destinée  à  l'insertion  du  tendon  du  muscle  grand 
adducteur.  L'intervalle  compris  entre  les  deux  branches  de 
la  bifurcation  inférieure  de  la  ligne  âpre  s'appelle  espace 
poplité,  du  nom  des  vaisseaux  qui  lui  répondent.  C'est  sur 
la  ligne  âpre  que  siègent  les  trous  nourriciers  de  l'os. 

A  l'extrémité  supérieure  du  fémur,  insérée  obliquement 
sur  la  diaphyse,  on  décrit  :  une  tête,  un  col  et  deux 
éminences,  les  grand  et  petit  trochanter  s,  La  tête  repré- 
sente les  deux  tiers  d'une  sphère  régulière  limitée  par 
une  ligne  sinueuse.  Un  peu  au-dessous  et  en  arrière  du 
centre  de  sa  surface,  elle  offre  une  dépression  destinée  à 
donner  insertion  au  ligament  interarticulaire.  Le  col  du 
fémur,  support  de  la  tète,  aplati  d'avant  en  arrière,  est 
obliquement  dirigé,  de  manière  à  faire  avec  le  corps  fémo- 
ral un  angle  ouvert  en  bas  et  en  dedans,  d'une  ouverture 
variable  suivant  les  sexes,  les  âges  et  les  individus.  Sa 
base  est  limitée  en  arrière  et  en  haut  par  le  grand  tro- 
chanter, en  arrière  et  en  bas  par  le  petit  trochanter,  réu- 
nis postérieurement  par  une  crête  saillante  à  laquelle  s'in- 
sère le  muscle  carré  de  la  cuisse.  En  avant,  la  base  du  col 
fémoral  est  limitée  par  une  ligne  rugueuse  qui,  partie  du 
grand  trochanter,  passe  au-dessous  du  petit  trochanter  et 
va  rejoindre  la  ligne  âpre.  Situé  à  la  partie  postéro-externe 
de  l'extrémité  supérieure  du  fémur,  le  grand  trochanter, 
qui  apparaît  immédiatement  sous  la  peau  à  la  région  supé- 
rieure et  externe  de  la  cuisse,  fournit  un  important  point 
de  repère  anthropométrique  et  chirurgical.  Quadrilatère, 
aplati  de  dehors  en  dedans,  il  offre  une  face  externe  convexe 
fournissant  insertion  au  moyen  fessier  et  terminée  infé- 
rieurement par  une  crête  saillante  où  s'attache  le  muscle 
vaste  externe  ;  une  face  interne,  creusée  d'une  excavation 
(cavité  digitale)  où  s'insère  le  muscle  obturateur  externe  ; 
un  bord  supérieur,  surface  d'attache  des  muscles  petit 
fessier,  pyramidal  et  obturateur  interne;  un  bord  antérieur 
où  s'attache  le  muscle  vaste  externe,  et  enfin  un  bord  pos- 
térieur destiné  à  l'insertion  du  carré  de  la  cuisse.  Le  petit 


trochanter  est  situé  en  dedans,  en  arrière  et  en  bas  de  la 
base  du  col  du  fémur  ;  il  donne  insertion  au  tendon  du 
muscle  psoas  iliaque. 

Quant  à  l'extrémité  inférieure  du  fémur,  son  volume  est 
considérable.  Plus  large  dans  le  sens  transversal,  elle  est 
aplatie  d'avant  en  arrière  et  présente  deux  renflements  plus 
prononcés  en  arrière,  convexes,  les  condyles  du  fémur, 
offrant  chacun  une  surface  articulaire.  L'un  d'eux,  externe, 
situé  à  peu  près  sur  le  prolongement  du  corps  de  l'os,  est 
séparé  du  condyle  interne,  très  saillant  en  dedans,  par  une 
échancrure  postérieure  profonde  (échancrure  intercon- 
dy tienne).  Antérieurement,  au  contraire,  les  condyles  ne 
se  distinguent  que  par  une  gorge  où  se  loge  la  rotule.  A 
cbacun  des  condyles  on  décrit  :  une  facette  inférieure, 
articulaire,  convexe,  plus  arrondie  en  arrière,  répondant  à 
des  surfaces  articulaires  du  tibia  et  de  la  rotule.  La  facette 
inférieure  du  condyle  interne  est  plus  saillante  en  arrière 
que  celle  du  condyle  interne.  En  outre,  le  condyle  externe 
possède  une  facette  interne,  et  le  condyle  interne  une  fa- 
cette externe  fortement  excavées  donnant  insertion  aux 
ligaments  croisés  de  l'articulation  du  genou.  Enfin  il  existe 
pour  le  condyle  interne  une  facette  externe,  et  pour  le 
condyle  externe  une  facette  interne,  munies  chacune  d'un 
renflement  ou  tubérosité.  La  tubérosité  interne,  dont  il  a 
été  fait  mention  plus  haut,  plus  saillante,  supporte  le  tuber- 
cule du  grand  adducteur.  Sur  la  tubérosité  externe  se  remar- 
quent deux  dépressions,  dont  l'une,  inférieure,  en  forme  de 
gouttière,  donne  insertion  au  tendon  du  muscle  poplité. 

Le  fémur  est  intéressant  à  étudier  à  plus  d'un  titre.  Le 
docteur  Manouvrier  l'a  choisi  pour  comparer  son  poids  avec 
le  poids  du  crâne.  Les  anthropologistes  étudient  sur  lui  un 
certain  nombre  de  caractères  morphologiques  (fémurs  à 
pilastres,  indices  de  section,  angles  diaphysaire,  cervico- 
diaphysaire)  dont  la  description  appartient  à  la  préhistoire, 
et  susceptibles  d'être  mesurés  exactement  et  soumis  au 
calcul  (application  de  la  méthode  des  moyennes). 

On  emploie  à  cet  effet  un  appareil  fort  simple  (ostéo- 
mètre)  composé  de  deux  planchettes  assemblées  à  angle 
droit.  Sur  la  plus  longue  des  planchettes,  horizontale  et 
convenablement  graduée,  on  applique  le  fémur  de  manière 
à  ce  que  les  deux  condyles  soient  tangents  à  la  seconde. 
On  mesure  ainsi  les  projections  de  la  hauteur  totale  du  fé- 
mur par  rapport  au  point  le  plus  élevé  de  sa  tête,  la  hauteur 
du  grand  trochanter  au-dessus  du  plan  sous-condylien,  etc. 
D'autres  mesures  linéraires  sont  prises  à  l'aide  du  compas- 
glissière.  Les  angles  sont  mesurés  à  l'aide  d'un  rappor- 
teur à  aiguille.  —  La  hauteur  totale  du  fémur  est  de  40  à 
50  centim.  en  moyenne. 

En  représentant  par  sa  projection  sur  le  plan  horizontal 
de  l'ostéomètre  l'axe  de  direction  de  la  diaphyse,  on  déter- 
mine facilement  l'angle  que  cet  axe  fait  avec  la  verticale, 
par  abréviation  angle  diaphysaire,  mesure  de  l'obliquité 
du  corps  de  l'os  par  rapport  au  plan  médian  antéro-posté- 
rieur  du  squelette.  L'angle  cervico-diaphysaire  est  celui 
que  font  ensemble  l'axe  de  la  diaphyse  et  l'axe  du  col  du 
fémur.  L'obliquité  de  la  diaphyse  étant  plus  prononcée  en 
général  chez  les  femmes,  à  cause  de  l'écartement  plus 
grand  des  cavités  cotyloïdes,  lié  à  la  fonction  de  parturition, 
la  mensuration  de  l'angle  diaphysaire  constitue  un  carac- 
tère anatomique  intéressant  pour  le  diagnostic  du  sexe, 
surtout  s'il  concorde  avec  des  dimensions  linéaires  res- 
treintes. Dr  G.  Kuhff. 

IL  Pathologie.  —  Le  fémur  qui  constitue  le  squelette  de 
la  cuisse  s'articule  en  haut  avec  la  cavité  cotyloïde  de  l'os 
iliaque  pour  former  l'articulation  coxo-fémorale  et  en  bas 
avec  le  tibia  avec  lequel  il  forme  l'articulation  du  genou. 
Laissant  de  côté  les  maladies  des  deux  extrémités  de  l'os 
(ostéites  diverses  du  tissu  spongieux)  qui  ont  des  rapports 
trop  intimes  avec  les  maladies  de  t  ces  articulations  pour 
que  nous  puissions  les  en  distraire,  nous  n'étudierons  que 
les  fractures  du  fémur.  Quant  aux  ostéites  dia-épiphysaires, 
maladies  infectieuses  favorisées  par  l'âge  du  sujet  dont  le 
épiphyses  n'ont  pas  encore  terminé  leur  soudure  avec  le 


FÉMUR  —  FENAISON 


\n  - 


diaphyses  ;  quant  aux  nécroses  consécutives  et  à  l'interven- 
tion qu'elles  exigent  ;  quant  aux  tumeurs  des  os  (ostéo- 
sarcomes  observés  souvent  au  fémur,  tumeurs  à  myélo- 
plaxes,  chondromes,  cysto-chondromes,  kystes  simples  ou 
hydatiques  des  os,  tumeurs  pulsatiles  des  os,  etc.),  elles  ne 
sont  point  différentes  au  fémur  de  ce  qu'on  les  observe  ail- 
leurs et,  renvoyant  à  ces  mots,  nous  ne  nous  en  occu- 
perons pas. 

Fractures  du  fémur.  Les  fractures  du  fémur  se  divisent 
naturellement  en  fractures  du  corps  et  des  deux  extrémités. 
Les  fractures  de  l'extrémité  supérieure  présentent  deux  va- 
riétés très  importantes  :  les  fractures  intra-capsulaires  pour 
lesquelles  la  consolidation  osseuse  est  l'exception  et  les  frac- 
tures extra- capsulaires  pour  lesquelles  la  consolidation  os- 
seuse est  la  règle.  Le  diagnostic  différentiel  de  ce  sortes 
de  fractures  a  fait  l'objet  de  recherches  très  importantes 
d'A.  Cooper  et  de  Malgaigne.  S'il  est  vrai,  ainsi  que  nous 
venons  de  le  dire,  que  la  fracture  intra-capsulaire  ne  se  con- 
solide presque  jamais  par  un  cal  osseux,  ils  jugeaient,  avec  in- 
finiment de  raison,  qu'il  est  inutile  de  maintenir  au  lit,  pour 
un  résultat  impossible  à  atteindre,  les  malades,  ordinairement 
des  vieillards,  exposés,  de  ce  fait,  à  divers  accidents  et  à  la 
mort.  Mais  les  auteurs  plus  modernes  ont  démontré  que  ce 
diagnostic  différentiel  est  impossible  ;  on  arrive  à  des  pré- 
somptions, jamais  à  la  certitude.  Dès  lors  la  douleur,  l'im- 
potence du  membre,  son  raccourcissement,  son  renverse- 
ment en  dehors  de  façon  à  coucher  sur  le  lit  le  membre 
inférieur  tout  entier  par  sa  face  externe,  quelquefois  la 
crépitation  et  la  mobilité  anormale  qu'il  faut  chercher  avec 
précaution  afin  de  ne  pas  détruire  les  engrènements,  les 
pénétrations  des  fragments,  ayant  fait  le  diagnostic  de  la 
fracture  et  donné  quelques  indications  sur  la  variété,  il 
n'y  a  plus  qu'à  se  préoccuper  de  l'âge  du  sujet.  Est-il  fort 
âgé  et  par  suite  est-il  dangereux  de  le  tenir  couché  et 
n'est-il  ni  possible  ni  indispensable  de  songer  à  une  con- 
solidation osseuse,  alors  la  conduite  à  tenir  se  borne  à 
prescrire  le  séjour  au  lit  pendant  le  temps  nécessaire  à  la 
guérison  des  accidents  inflammatoires.  Bientôt  il  faudra 
faire  marcher  le  malade  avec  des  béquilles  en  augmentant 
graduellement  la  durée  de  la  marche  et  l'amplitude  du 
mouvement.  Le  sujet  est-il  plus  apte  à  supporter  le  décu- 
bitus, on  prescrira  le  séjour  sur  un  lit  dur  en  appliquant 
une  longue  attelle  externe.  On  ne  pensera  pas  à  l'extension 
continue  si  mal  supportée  par  les  vieillards.  Si  le  sujet  est 
encore  vigoureux  et  modérément  âgé,  il  y  a  lieu  de  songer 
à  rétablir  les  fonctions  en  diminuant  les  déformations  et  le 
raccourcissement.  La  gouttière  de  Bonnet  à  laquelle  on 
ajoute  la  traction  continue  avec  des  bandes  de  diachylon 
formant  une  anse  à  laquelle  s'adapte  une  bande  de  caout- 
chouc ou  des  poids,  constitue  un  appareil  convenable  ;  la 
contre-extension  est  faite  simplement  par  le  poids  du  corps 
mis  en  situation  déclive  en  soulevant  les  pieds  du  lit  et 
plus  ou  moins  maintenu  par  une  alèse  entourant  la  racine 
du  membre  et  venant  se  fixer  au  chevet  du  lit.  L'appareil 
d'Hennequin,  en  maintenant  le  membre  inférieur  en  demi- 
flexion,  en  abduction  et  en  laissant  au  malade  la  latitude 
de  s'asseoir  sur  son  lit  est  une  modification  heureuse  de  la 
gouttière  de  Bonnet  avec  extension  et  contre-extension. 

Fractures  de  la  diaphyse.  Elle  peut  siéger  dans  tous 
les  points  de  la  diaphyse  et  être  produite  par  des  causes 
directes  (coup  de  pied  de  cheval ,  roues  de  voiture,  balles) 
ou  par  des  causes  indirectes  (chute  ;  quelquefois,  mais  rare- 
ment, contraction  musculaire).  Les  plaies  par  cause  directe, 
surtout  celles  par  balle  ou  éclat  d'obus,  peuvent  se  com- 
pliquer de  plaies  des  parties  molles  ;  elles  acquièrent  alors 
toute  la  gravité  des  fractures  ouvertes,  augmentée  encore 
en  raison  des  grands  fracas  de  l'os,  des  fissures  diaphy- 
saires  qui  les  accompagnent. 

En  raison  de  l'épaisseur  du  périoste  chez  l'enfant  et 
aussi  chez  les  vieillards,  les  fractures  du  fémur  peuvent  se 
produire  sans  lésion  de  cette  membrane  et  par  suite  sans 
déplacement,  mais  chez  l'adulte  le  périoste  est  ordinaire- 
ment rompu  et,  par  suite,  ne  porte  aucune  entrave  aux 


déplacements  que  nous  allons  décrire.  Le  trait  de  fracture 
est  quelquefois,  mais  rarement,  presque  transversal  et 
dentelé;  d'autres  fois,  et  plus  souvent,  il  est  oblique  en 
bas  et  en  avant  ou  en  bas  et  en  dedans  ;  on  a  observé  au 
fémur  des  fractures  en  spirale.  Le  déplacement  existe 
presque  toujours  ;  il  se  fait  de  telle  sorte  que  le  fragment 
supérieur  se  porte  en  dehors  et  en  avant,  formant  un  angle 
à  sommet  antéro-externe  avec  le  fragment  inférieur  qui  subit 
la  rotation  en  dehors  par  suite  du  poids  du  membre.  Le 
raccourcissement  du  membre  constaté  à  la  vue  ou  par  la 
mensuration,  l'impotence  fonctionnelle,  la  mobilité  anor- 
male, la  crépitation  sont  les  signes  habituels  de  la  fracture 
qui  s'accompagne  souvent  d'hydarthrose  précoce  du  genou 
par  entorse  consécutive  au  traumatisme  fracturant.  La  durée 
du  traitement  est  de  20  jours  chez  l'enfant,  de  35  à  60 
chez  l'adulte  qui  ne  reprend  d'ailleurs  l'intégrité  de  ses 
fonctions  qu'après  six  mois  ou  un  an.  Le  pronostic,  malgré 
la  possibilité  de  raideurs  articulaires  trop  souvent  obser- 
vées, est  bénin  aujourd'hui  où  l'on  n'a  plus  à  craindre  les 
énormes  raccourcissements  notés  par  les  anciens  chirur- 
giens. Le  traitement  de  ces  fractures  a  fait  de  grands 
progrès  avec  l'emploi  de  l'appareil  à  bandelettes  de  dia- 
chylon et  à  traction  continue,  dit  appareil  américain,  qui 
assure  et  maintient  la  réduction  sans  douleur  et  sans  enve- 
loppement du  membre.  L'appareil  d'Hennequin  a  délivré 
définitivement  les  chirurgiens  du  cauchemar  des  raccour- 
cissements exagérés,  et  rendu  supportable  pour  le  malade 
la  cure  d'une  fracture,  autrefois  si  pénible  et  si  aléatoire. 

Fractures  de  V extrémité  inférieure.  Les  fractures  de 
l'extrémité  inférieure  du  fémur  présentent  les  variétés  sus- 
condyliennes,  à  trait  transversal  au-dessus  des  condyles; 
intra-condy tiennes,  le  fragment  supérieur  ayant  pénétré 
entre  les  condyles  qu'il  a  fait  éclater  et  qu'il  tient  parfois 
séparés  ;  enfin  la  fracture  isolée  d'un  condyle,  ou  fracture 
condy tienne.  Ces  fractures  sont  très  rares  ;  elles  tirent 
surtout  leur  gravité  des  complications  articulaires  et  des 
lésions  vasculaires  qui  peuvent  les  accompagner.  La  mobi- 
lité anormale,  la  crépitation  convenablement  recherchée,  le 
déplacement  des  fragments  feront  le  diagnostic.  La  traction 
continue  avec  l'appareil  américain  ou  celui  d'Hennequin 
constitue  le  meilleur  traitement. 

A  côté  de  la  fracture  sus-condylienne  et  lui  ressemblant 
beaucoup  se  place  la  divulsion  de  l'épiphyse  observée  quel- 
quefois sur  les  jeunes  gens  de  moins  de  vingt  ans.  Nous 
ne  faisons  que  la  mentionner.  Dr  S.  Morer. 

Bibl.  :  Pathologie. —  Beaunis  et  Bouchard,  Nouveaux 
Eléments  d'anatomie  descriptive  et  d'embryologie;  Paris, 
1862.  —  Tillaux,  Traité  d'anatomie  topographique,  3e  éd. 
—  FoLLiNetDuPLAY,  Traité  élémentaire  de  pathologie  ex- 
terne; Paris,  1868-1888.  —  Bouilly,  Manuel  de  pathologie 
externe;  Paris,  1885,  t.  IV.  —  Forgue  et  Reglus,  Traité 
de  thérapeutique  chirurgicale;  Paris,  1892. 

FÉMY  (François  ou  Franz),  dit Fémy  VAîné,  violoniste, 
né  à  Gand  le  4  oct.  4790,  fils  aîné  du  musicien  belge 
Ambroise  Fémy.  Il  fut  élève  de  Kreutzer  pour  le  violon, 
au  Conservatoire  de  Paris,  où  il  obtint  les  premiers  prix 
de  violon  et  d'harmonie.  Il  a  fait  partie  de  l'orchestre  des 
Variétés  et  a  voyagé  en  Allemagne,  en  France,  en  Hollande. 
On  lui  doit  un  opéra  allemand,  Der  Raugraf;  un  opéra- 
comique,  les  Trois  Hussards  ;  quatre  symphonies  ;  trois 
concertos  pour  violon  et  orchestre,  dont  le  plus  connu  a 
pour  titre  le  Quart  d'heure  ;  trois  quatuors  pour  violons, 
alto  et  basse  ;  un  quatuor  concertant  ;  quatre  recueils  de 
duos  (au  nombre  de  21),  écrits  pour  deux  violons;  des 
variations  pour  violon  principal  avec  accompagnement  de 
quatuor  à  cordes  sur  Joseph  ;  la  romance  et  les  couplets 
de  Cendrillon,  et  l'air  connu  :  Que  ne  suis-je  la  fougère. 
Fixé  en  Hollande,  Fémy  l'Aîné  y  a  été  considéré  comme  un 
virtuose  sans  rival  sur  le  violon.   •  A.  E. 

FENAÏA  (V.  Fenaya). 

FENAIN.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Douai,  cant. 
de  Marchiennes;  2,546  hab. 

FENAISON  (Agric).  La  fenaison  ou  fanaison  est  l'opé- 
ration qui  consiste  à  récolter  l'herbe  des  prairies  et  à  la 


—  173  — 


FENAISON  —  FÉNELON 


convertir  en  foin.  Elle  comprend  d'abord  la  fauchaison 
qui  s'effectue  à  la  faux  ou  à  la  faucheuse  mécanique 
(V.  ces  mots);  puis  le  fanage,  qui  consiste  à  éparpiller  et 
soulever  l'herbe  qui  a  été  fauchée  dans  le  but  de  la  sécher  ; 
ce  fanage  se  pratique  avec  des  fourches  en  bois  avec  les- 
quelles on  soulève  et  on  éparpille  l'herbe,  d'autres  fois  le 
fanage  s'effectue  avec  la  faneuse  mécanique  (V.  ce  mot). 
Une  fois  l'herbe  desséchée,  on  la  réunit  en  tas  au  moyen 
de  râteaux  à  main  ou  mécaniques,  enfin  on  procède  au 
bottelage  (V.  ce  mot).  Alb.  L. 

FENAROLI  (Fedele),  musicien  italien,  né  à  Lanciano, 
dans  les  Abruzzes,  probablement  en  l'année  1732,  mort  à 
Naples  le  1er  janv.  1818.  Elève  de  Durante  au  conserva- 
toire de  Loreto,  à  Naples,  il  devint  professeur  au  conser- 
vatoire de  la  Pietà  de'  Turchini.  Son  enseignement,  peu 
profond,  était  du  moins  très  clair,  et  il  a  formé  de  bons 
élèves.  On  lui  doit  un  petit  traité  d'harmonie  intitulé  Piegole 
per  i  principianti  di  Cembalo,  qui  a  été  traduit  en  fran- 
çais. Dans  un  Principe  de  composition  des  écoles  d'Italie, 
Choron  a  introduit  un  certain  nombre  de  basses  chiffrées 
(partimenti)  empruntées  au  livre  de  Fenaroli.  Fenaroli  a 
également  écrit  des  études  de  contrepoint,  des  cantates  à 
deux  voix  et  beaucoup  de  morceaux  de  musique  religieuse, 
entre  autres  douze  motets,  des  leçons,  des  répons,  deux 
Te  Deum,  quatre  messes  solennelles,  un  Requiem,  un 
Veni  Creator,  un  hymne  pour  la  fête  de  saint  Michel,  etc. 
FENAY.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Dijon, 
cant.  de  Gevrey-Chambertin  ;  569  hab. 

FENAY  A  ou  F  EN  AÏ  A.  Tribu  berbère  d'Algérie,  dép.  de 
Constantine,  arr.  de  Bougie,  habitant  sur  la  rive  gauche 
de  l'oued  Sahel  les  pentes  des  montagnes  qui  se  rattachent 
au  Djurdjura.  Elle  s'adonne  surtout  à  la  culture  des  oliviers 
et  à  la  fabrication  du  charbon,  et  comprend  4,200  indi- 
vidus répartis  dans  une  vingtaine  de  villages,  qui  sont 
compris  dans  la  commune  mixte  de  l'Oued-Soummam.  Sur 
le  territoire  de  Fenaya  se  trouvent  les  ruines  remarquables 
de  Tiklat,  l'ancien  oppidum  romain  du  temps  d'Auguste, 
appelé  Tubusuptus.  E.  Cat. 

FENDEILLE.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  et  cant.  de 
Castelsarrazin  ;  487  hab. 

FENDERIE(Métall.).Pour  obtenir  la  verge  carrée  avec 
laquelle  on  faisait  autrefois  les  clous  forgés  à  la  main,  on 
se  servait  des  trains  de  fenderie.  Le  fer  laminé  sous  forme 
de  plat,  dont  l'épaisseur  était  égale  au  côté  du  carré  qu'on 
se  proposait  d'obtenir,  était  passé  entre  deux  cylindres  can- 
nelés qui  le  fendaient  en  autant  de  verges  que  l'on  avait 
disposé  de  cannelures  tranchantes.  Ce  découpage  à  chaud 
d'une  seule  passe  ne  donnait  pas  des  arêtes  bien  vives  ;  il 
restait  souvent  une  faible  bavure  et,  de  plus,  les  deux  faces 
supérieure  et  inférieure  étaient  généralement  un  peu  espacées 
parce  que  le  fer  ne  remplissait  pas  toujours  le  fond  de  la 
cannelure.  Actuellement,  ce  genre  de  laminage  tend  à  dis- 
paraître en  même  temps  que  le  forgeage  des  clous  à  la 
main  ;  on  lui  substitue  la  verge  laminée  au  train  de  ser- 
pentage.  Pour  résister  au  travail  de  la  fenderie,  le  fer  devait 
avoir  certaines  qualités  de  résistance  à  chaud  qui  le  fai- 
saient rechercher  par  les  cloutiers,  tandis  que  le  laminage 
carré  donne  des  surfaces  d'autant  plus  nettes  et  des  arêtes 
d'autant  plus  vives  que  le  fer  est  plus  malléable  à  chaud, 
mais  aussi  plus  fragile  à  froid.  La  qualité  à  chaud  et  à  froid 
n'existe  que  dans  les  fers  tout  à  fait  supérieurs  et  dans  les 
aciers  doux.  Les  fenderies  ne  sont  pas  toujours  destinées 
uniquement  au  travail  du  fer  ;  on  les  emploie  dans  la  fabri- 
cation du  fil  à  chevilles  de  laiton  pour  fendre  en  lanières 
les  bandes  de  laiton  obtenues  au  laminage  ;  ces  lanières 
passent  ensuite  dans  des  filières  appropriées  au  travail.  On 
a  souvent  employé  des  machines  analogues  pour  découper 
les  matières  employées  dans  la  fabrication  des  chapeaux  de 
bois.  A  cet  effet,  le  bois  réduit  d'abord  en  lames  très 
minces  par  des  varlopes  mécaniques  était  ramolli  par  un 
mouillage  convenable,  puis  livré  à  la  fenderie  qui  le  divi- 
sait en  filets  d'une  certaine  finesse.  L.  K. 
FENDI  (Peter-Franz),  peintre  et  graveur  autrichien,  né 


à  Vienne  le  4  sept.  1796,  mort  le  28  août  1842.  Fils  d'un 
maître  d'école,  il  entra  dès  l'âge  de  quinze  ans  à  l'Académie 
des  beaux-arts,  où  il  eut  pour  maîtres  Fischer,  Maurer  et 
Campi,  et  devint  en  1818  dessinateur  et  graveur  en  titre 
du  cabinet  des  Monnaies  et  des  Antiques,  dont  il  s'occupa 
dès  lors  de  reproduire  les  œuvres  avec  un  art  infini.  Il  fut 
en  outre  un  peintre  de  genre  vigoureux.  Dès  1821,  il  était 
allé  à  Venise  et  avait  obtenu  une  médaille  d'or  pour  son 
tableau  de  la  Grotte  de  Corgnole.  Il  s'était  initié  tout 
jeune  au  genre  réaliste  des  Hollandais,  et  ses  scènes  de  la 
vie  quotidienne  et  populaire,  rendues  avec  beaucoup  de 
coloris  et  de  lumière,  plurent  par  leur  nouveauté  autant 
que  par  leur  valeur  intrinsèque,  et  inaugurèrent  la  pein- 
ture de  genre  de  l'école  viennoise.  Bossu  et  laid,  il  vécut 
solitaire.  Au  nombre  de  ses  élèves  les  plus  éminents  figurent 
Treml  et  les  frères  Schindler.  Parmi  ses  œuvres,  très  nom- 
breuses dans  les  palais  impériaux  et  les  galeries  publiques 
et  privées  de  Vienne,  nous  citerons  :  la  Jeune  Fille  à  la 
poste  aux  lettres,  la  Veuve  de  P  Officier,  la  Saisie,  la 
Laitière,  la  Mouleuse  de  figures  en  plâtre,  l'Inonda- 
tion, la  Prière  du  matin,  la  Famille  impériale  en  i 834, 
groupe  de  portraits,  et  beaucoup  d'aquarelles  et  de  dessins 
à  la  main.  Gourdault. 

FENDUE  (V.  Galerie  [Mines]). 
FENELON    (Bertrand    de  Salignac,  seigneur  de  La 
Mothe-),  né  à  une  date  incertaine,  mort  sans  alliance 
le  13  août  1599.  Il  fit  ses  premières  armes  sous  les  ordres 
du  duc  François  de  Guise,  dans  Metz  assiégé  par  Charles- 
Quint  (1552),  puis  accompagna  Henri  II  dans  cette  cam- 
pagne de  1554  en  Flandre  qui  se  termina  par  la  victoire 
de  Benty.  A  cette  époque,  les  carrières  militaire  et  diplo- 
matique n'étaient  point  encore  distinctes.  On  ne  peut  donc 
dire  qu'il  changea  de  voie  le  jour  où  il  accepta  de  repré- 
senter son  roi  à  l'étranger.  Mais  le  fait  est  qu'il  ne  parut  plus 
désormais  aux  armées.  Sa  fortune,  non  plus  que  sa  gloire, 
n'y  perdit  rien.  Certes  il  fût  peut-être  devenu  un  grand  capi- 
taine :  sa  renommée  sur  les  champs  de  bataille  aurait  eu 
peine  cependant  à  égaler  celle  qu'il  acquit  sur  le  terrain  non 
moins  brûlant  de  la  cour  d'Angleterre  (1570-1574).  Tirant 
un  parti   inespéré  des  moindres   incidents,  il  parvint, 
après  la  Saint-Barthélémy,  non  seulement  à  désarmer  la 
colère  que  ressentit  la  reine  Elisabeth  à  la  nouvelle  du 
massacre,  non  seulement  à  éveiller  ses  susceptibilités  contre 
les  réfugiés  protestants,  le  comte  de  Montgomery  en  par- 
ticulier, et  à  la  dissuader  par  là  de  fournir  aux  assiégés 
de  La  Rochelle  les  secours  qu'ils  attendaient  d'elle,  voire 
de  laisser  ses  sujets  leur  en  fournir  librement,  mais  même 
à  assurer  à  la  France  l'alliance  anglaise.  Sa  mission  prit 
fin  avec  le  règne  de  Charles  IX.  On  ne  sait  rien  de  lui 
sous  ceux  de  Henri  III  et  de  Henri  IV,  si  ce  n'est  qu'il 
fut  à  chacun  de  ses  princes  immuablement  fidèle  :  qualité 
bien  rare  à  toutes  les  époques,  mais  combien  plus  au  mi- 
lieu des  troubles  de  la  Ligue  !  Il  y  joignait  un  esprit  de 
justice,  une  tolérance,  une  humanité  même,  qui  achèvent 
d'en  faire  une  des  belles  figures  de  son  temps.  Les  relations 
qu'il  a  laissées  du  siège  de  Metz  et  de  l'expédition  de 
Flandre  :  le  Siège  de  Metz  en  MDLII  (Paris,  1552,  in-4  ; 
réimprimé  dans  toutes  les  grandes  collections  de  Mémoires 
sur  l'histoire  de  France  ;  Voyages  du  roi  au  Pays-Bas 
de    V Empereur  en  MDLIIII,    brefvement  récité  par 
lettres  missives  que  Bernard  (sic)  de  Salignac  escri- 
voit  du  camp  du  roy  à  Monseigneur  le  cardinal  de 
Ferrares  (Paris,  1554,  in-4),  ainsi  que  la  collection  de 
ses  lettres  diplomatiques  (Correspondance  diplomatique, 
publ.  par  Purton-Cooper;  1838-1840,  7  vol.  in-8),  le 
sacrent,  en  outre,  écrivain  de  mérite,  comme  s'il  n'avait 
dû  manquer  à  cette  physionomie  trop  peu  connue  aucun 
des  traits  qui,  au  siècle  suivant,  donnèrent  un  si  lumineux 
éclat  à  celle  de  son  arrière-petit-neveu,  l'immortel  arche- 
vêque de  Cambrai.  Léon  Marlet. 

Bibl.  :  Comte  de  La  Ferrière,  les  Projets  de  mariage 
de  la  reine  Elisabeth;  Paris,  1885.  in-18. —  Léon  Marlet, 
le  Comte  de  Montgomery  ;  Paris,  '1890,  in-8. 


FÉNELON 


—  474  — 


FÉNELON  (François  de  Sàltgnac  de  Là  Mothe-),  fils  de 
Pons  de  Salignac  et  de  Louise  de  La  Cropte  de  Saint-Abre, 
né  au  château  de  Fénelon,  dans  le  Périgord,  près  de  Sarlat, 
le  6  août  4651,  mort  à  Cambrai  le  7  janv.  4715.  Sa  fa- 
mille, noble  et  ancienne,  apparentée  de  longue  date  à  tout 
ce  qu'il  y  avait  d'illustre  dans  la  province,  ne  manquait 
que  de  l'éclat  que  donne,  à  défaut  de  la  fortune,  la  gran- 
deur des  services  rendus.  Aussi,  parmi  ses  ancêtres,  ne 
trouvons-nous  guère  à  citer  qu'un  arrière-grand-oncle,  Ber- 
trand de  Salignac  (Y.  ci -dessus).  On  peut  toutefois 
nommer  encore  un  de  ses  oncles  propres,  à  qui,  si  l'on 
en  croit  M.  de  Bausset,  dans  son  style  un  peu  empha- 
tique, «  la  religion,  l'église  et  l'humanité  seraient  rede- 
vables des  vertus  et  des  grandes  qualités  de  l'archevêque 
de  Cambrai  »  :  c'est  le  marquis  Antoine  de  Fénelon.  Duel- 
liste fameux  au  temps  de  sa  première  jeunesse,  le  marquis 
de  Fénelon,  converti  brusquement,  était  devenu  l'un  des 
auxiliaires  laïques  de  M.  Olier,  le  fondateur  du  séminaire  de 
Saint-Sulpice,  et,  comme  tel,  on  peut  admettre  que,  s'il  ne 
détermina  pas  la  vocation  de  son  neveu,  son  exemple,  ses 
conseils,  sa  direction  ne  furent  pas  pour  y  nuire. 

I.  Nous  avons  peu  de  renseignements  sur  la  jeunesse  de 
Fénelon.  On  sait,  ou  l'on  croit  savoir,  qu'il  commença  ses 
études  au  château  paternel,  qu'il  les  continua  à  Cahors,  et 
qu'il  vint  les  achever  à  Paris,  au  collège  du  Plessis.  Mais 
on  ignore  la  date  précise  de  son  entrée  au  séminaire  de 
Saint-Sulpice,  et  M.  de  Bausset,  en  la  mettant  en  1665,  a 
confondu  le  futur  archevêque  avec  l'un  de  ses  frères,  qui 
portait  comme  lui  le  prénom  de  François.  On  ne  sait  pas 
non  plus  avec  exactitude  l'année  de  son  ordination.  Et  on 
ne  connaîtrait  enfin  presque  rien  de  ses  débuts  dans  le 
monde,  si  ce  n'étaient  quatre  ou  cinq  lettres,  dont  encore 
les  dates  sont  incertaines,  et  le  destinataire  même  de  la 
plus  curieuse  douteux  ou  inconnu.  Nous  voulons  parler  de 
la  lettre,  souvent  citée,  où  l'on  a  cru  longtemps  qu'il  faisait 
part,  soit  à  Bossuet,  soit  à  M.  de  Beauvilliers,  de  son  des- 
sein de  se  consacrer  aux  missions  du  Levant  : 

Arva,  beata 
Petamus  arva,  clWites  et  insulas... 

Il  suffit  cependant  de  la  lire  avec  un  peu  d'attention 
pour  n'y  voir  qu'un  pur  jeu  d'esprit,  et,  comme  qui  dirait 
un  agréable  exercice  de  rhétorique  épistolaire.  On  achè- 
vera de  s'en  convaincre  en  la  rapprochant  d'une  autre 
lettre,  datée  du  22  mai  4681,  et  adressée  à  la  marquise 
de  Laval,  sa  cousine.  Plus  naturellement,  avec  moins  d'ef- 
forts, mais  d'un  style  aussi  galant  que  celui  de  Fléchier 
dans  ses  Mémoires  sur  les  Grands  Jours  d'Auvergne, 
Fénelon  y  fait  le  récit  de  sa  pompeuse  entrée  à  Carenac  en 
Quercy,  où  il  était  venu  prendre  possession  d'un  prieuré 
que  lui  avait  résigné  l'un  de  ses  oncles,  l'évêque  de  Sarlat. 
«  Me  voilà  à  la  porte  déjà  arrivé,  et  les  consuls  commencent 
leur  harangue  par  la  bouche  de  l'orateur  royal  !...  Qui  pour- 
rait dire  quelles  furent  les  grâces  de  son  discours  ?  Il  me  com- 
para au  soleil  ;  bientôt  après  je  fus  la  lune  ;  tous  les  autres 
astres  les  plus  radieux  eurent  ensuite  l'honneur  de  me 
ressembler  ;  de  là  nous  vînmes  aux  éléments  et  aux  mé- 
téores, et  nous  finîmes  heureusement  par  le  commence- 
ment du  monde.  Alors  le  soleil  était  déjà  couché,  et  pour 
achever  la  comparaison  de  lui  à  moi,  j'allai  dans  ma 
chambre  pour  me  préparer  à  en  faire  de  même.  »  Ni  Bos- 
suet, ni  Pascal  —  moins  grands  seigneurs,  à  la  vérité  — 
n'ont,  à  ma  connaissance,  rien  écrit  de  ce  ton  ;  et  c'est 
l'occasion  de  noter  un  premier  trait  du  caractère  de  Féne- 
lon. Il  y  a  du  bel-esprit  en  lui,  et  il  y  en  aura  toujours. 
Un  peu  de  préciosité  ne  l'effrayera  jamais  ni  un  peu  même 
de  singularité.  Les  opinions  rares  ou  paradoxales,  en  théo- 
logie comme  en  littérature,  l'attireront  et  le  retiendront. 
Il  regrettera  sincèrement  que  les  poètes  soient  astreints  en 
français  à  l'obligation  de  la  rime.  Il  plaindra  l'orateur 
sacré  d'être  obligé  de  compasser  son  discours  sur  un  texte, 
et  de  se  soumettre  à  l'usage  de  le  diviser  en  trois  points. 
Il  introduira  jusque  dans  la  piété,  sous  les  espèces  du  quié- 
tisme,  des  raffinements  de  dilettante.  Et  tout  cela,  ce  sera 


toujours  en  lui  l'effet  de  la  même  cause  :  la  défiance,  le 
dédain,  l'horreur  des  idées  communes. 

Il  n'était  pas  toutefois  tellement  chimérique,  il  ne  vivait 
pas  tellement  dans  les  nuages  qu'il  ne  songeât  aussi  à  sa 
fortune  ;  car  il  savait  bien  qu'un  grand  nom  n'est  après 
tout  qu'un  embarras  pour  celui  quf  le  porte,  si  l'éclat  de 
sa  situation  publique  ne  répond  pas  en  quelque  manière  à 
l'illustration  de  sa  race.  On  avait  fait  de  lui,  en  4678,  un 
directeur  ou  supérieur  des  Nouvelles  Catholiques.  L'objet 
de  cette  institution,  fondée  en  4634  par  Jean-François  de 
Gondi,  était  de  «  procurer  aux  jeunes  protestantes  des  re- 
traites salutaires  contre  les  persécutions  de  leurs  parents  », 
et  Turenne  converti  l'avait  honorée,  dit-on,  de  sa  protec- 
tion. Fénelon,  convaincu  avec  toute  la  France,  ou,  pour 
mieux  dire,  avec  l'Europe  entière  de  son  temps,  que  la  réali- 
sation de  l'unité  religieuse,  étant  de  l'intérêt  de  l'Etat,  était 
conséquemment  du  droit  du  prince  et  du  devoir  de  l'Eglise, 
avait  sans  scrupule  accepté  des  fonctions,  [où  les  qualités 
de  disputeur  subtil,  de  directeur  d'âmes,  de  dominateur  ou 
de  charmeur  des  volontés,  qui  étaient  déjà  les  siennes,  trou- 
vaient une  occasion  toute  naturelle,  et  utile,  de  s'exercer. 
Mais  on  conçoit  aisément  qu'il  rêvât  d'autre  chose.  Est-ce 
peut-être  alors  qu'il  noua  les  intrigues  dont  parle  Saint- 
Simon  ;  et  qu'on  le  vît,  changeant  de  brigue  au  gré  de  ses 
intérêts  supposés,  courtiser  d'abord  les  jésuites,  avec  les- 
quels «  il  n'aurait  pas  pris  »  ;  passer  des  jésuites  aux  jan- 
sénistes, qui  l'auraient,  eux,  trouvé  «  trop  fin  »  ;  et  reve- 
nir aux  sulpiciens?  Il  ne  faut  jamais  croire  légèrement 
Saint-Simon.  En  réalité,  Fénelon,  prêtre  de  Saint-Sulpice, 
logé  chez  le  marquis  Antoine,  dont  nous  avons  dit  les 
liaisons  avec  M.  Olier,  et  vivant  en  partie  de  la  vie  de  son 
oncle,  a  bien  pu,  il  a  même  dû  côtoyer  les  jansénistes  ; 
mais,  adroit  et  politique,  ambitieux  comme  il  était,  on  ne 
voit  pas  quel  espoir  de  fortune  il  eût  pu  fonder  sur  des 
gens  «  avec  lesquels,  depuis  longtemps,  il  n'y  avait  à  par- 
tager que  des  plaies  ».  Grâce  à  son  nom,  d'autre  part,  il 
avait  dès  lors  contracté  des  amitiés  plus  illustres  que 
celles  des  sulpiciens,  et  il  s'était  assuré  jusqu'en  cour  des 
patrons  plus  puissants  que  ne  l'étaient  en  ce  temps-là  les 
jésuites.  Il  connaissait  le  duc  de  Beauvilliers,  et,  par  le 
duc,  il  était  entré,  sinon  dans  l'intimité,  du  moins  dans  ce 
que  l'on  pourrait  appeler  la  clientèle  des  Colbert.  Il  con- 
naissait également  Bossuet,  dont  il  s'était  fait  l'un  des  flat- 
teurs presque  outrés,  et,  par  Bossuet,  il  avait  pénétré  dans 
le  cercle,  assez  étendu,  dont  le  précepteur  du  dauphin  était 
le  centre  à  la  cour.  Connaissait-il  peut-être  aussi  Mme  de 
Maintenon  —  qui  n'était  rien  encore,  ou  peu  de  chose  — 
mais  dont  quelques  initiés  aux  secrets  du  harem  voyaient 
grandir  insensiblement  la  faveur,  la  fortune,  et  l'autorité  ? 
Le  supérieur  des  Nouvelles  Catholiques  était  donc  sur  le 
chemin  des  grâces,  s'il  n'en  était  pas  à  la  source  ;  et,  en 
attendant  que  le  maître  répandît  sur  lui  ses  faveurs,  il 
n'avait  nulle  part  à  chercher  des  recommandations  plus 
efficaces,  ni  des  amis  plus  dévoués. 

Après  cela,  ce  qui  n'en  demeure  pas  moins  du  récit  de 
Saint-Simon,  c'est  l'idée  du  personnage  ;  et  on  peut  discuter 
sur  les  détails  du  portrait,  mais  la  ressemblance  y  est. 
Rarement  homme  fut  plus  souple,  plus  ondoyant,  plus 
fuyant  que  Fénelon,  et  jamais  esprit  plus  complexe,  plus 
énigmatique  à  soi-même  peut-être,  plus  naturellement  in- 
sincère. Non  qu'il  n'y  ait  en  Fénelon,  comme  on  le  verra 
tout  à  l'heure,  un  principe  de  rigidité,  quelque  chose  même, 
tout  au  fond,  d'imployable  et  de  cassant.  Ni  les  terribles 
colères  du  petit  duc  de  Bourgogne,  ni  plus  tard  l'éloquente 
véhémence  de  Bossuet  n'auront  raison  de  ce  qui  se  cache 
d'inflexibilité  sous  son  apparente  douceur.  Mais  il  a,  dès 
qu'il  le  veut,  une  aptitude  incomparable  à  entrer  ou  à 
feindre  d'entrer  dans  les  opinions  des  autres,  en  réservant 
toujours  la  sienne.  On  reconnaît  la  même  et  rare  souplesse 
dans  la  variété  de  son  œuvre.  Le  même  homme  est  capable 
de  s'abaisser  jusqu'aux  petits  enfants,  dans  ses  Fables  ou 
dans  ses  dialogues  des  Morts;  et  de  s'élever,  dans  la 
seconde  partie  du  Traité  de  l'Existence  de  Dieu,  par 


—  475  — 


FÉNELON 


exemple,  ou  dans  la  Réfutation  du  système  du  P.  Maie- 
branche,  aux  plus  hautes  spéculations  de  la  métaphysique 
et  de  la  théologie.  Mais  faut-il  enfin  se  faire  tout  à  tous, 
s'accommoder  tour  à  tour  aux  «  personnes  les  plus  puis- 
santes »,  ou  au  «laquais  et  à  l'ouvrier  »,  s'insinuer  pour 
ainsi  dire  en  eux,  et  comme  y  substituer  sa  conscience  à 
la  leur,  Fénelon  en  est  capable  encore  ;  et  là  sans  doute  est 
l'explication  de  ce  qu'il  a  inspiré  de  dévouements  passionnés. 
C'est  eux-mêmes  en  effet  que  ses  amis  ont  aimé  en  lui, 
parce  que  c'est  lui  qu'il  a  mis  en  eux.  S'étonnera-t-on  après 
cela  qu'il  ait  paru  plus  d'une  fois  manquer  de  loyauté  ? 
qu'il  en  ait  manqué  même,  au  sens  ordinaire  du  mot  ?  et 
qu'il  en  ait  manqué  presque  sans  le  vouloir  ou  sans  le 
savoir  ?  Comme  y  a  des  hommes  en  effet  dont  le  naturel  est 
de  n'en  pas  avoir  ;  qui  sont,  pour  ainsi  dire,  naturellement 
composés,  artificiels  et  guindés  ;  dont  la  simplicité,  si  par 
hasard  ils  y  prétendaient,  ferait  l'effet  d'une  recherche  ;  il 
y  en  a  qui  naissent  ennemis  de  la  franchise,  ou  plutôt  de 
l'affirmation  ;  qui  ne  croient  jamais  pouvoir  mettre  assez  de 
nuances,  de  distinctions,  de  restrictions,  de  corrections, 
assez  de  «  repentirs  »  dans  l'expression  de  leur  pensée  ;  et 
ainsi  qui  sont  sincèrement  insincères.  Tel  fut  bien  Fénelon. 
Mais  de  telles  gens  ne  sauraient  se  reconnaître  dans  les 
traductions  qu'on  donne  de  leurs  idées  ;  on  les  trahit  tou- 
jours ;  et  parce  qu'ils  sont  seuls  à  s'apercevoir  de  la  tra- 
hison, ils  paraissent  manquer  de  franchise. 

Louis  XIV  lé  sentait-il,  et  faut-il  voir  là  l'une  au  moins 
des  raisons  du  peu  de  goût  qu'il  montra  toujours  pour 
Fénelon?  Il  ne  lui  demanda  point  de  prêcher  à  la  cour. 
Et  cependant,  si  Fénelon,  nous  le  savons,  n'eût  assuré- 
ment pu  rivaliser  dans  la  chaire  chrétienne  ni  d'éloquence 
et  de  force  avec  Bossuet,  ni  de  solidité  avec  Bourdaloue, 
deux  au  moins  de  ses  sermons,  — le  sermon  pour  la  fête  de 
VEpiphanie  et  le  sermon  pour  le  sacre  de  l'Electeur 
de  Cologne,  —  sont  là  qui  nous  attestent  qu'il  y  eût  porté 
d'autres  qualités,  d'abondance  et  d'onction,  par  exemple, 
d'élégance  et  de  séduction.  Le  sermon  pour  la  fête  de 
l'Epiphanie  est  de  4685.  Par  Seignelay,  d'ailleurs,  et  par 
Bossuet,  Louis  XIV  savait  sans  doute  aussi  le  succès  des 
missions  de  Saintonge  et  de  Poitou,  1  686-1687.  Pourquoi 
donc  n'a-t-il  jamais  fait  monter  Fénelon  dans  la  chaire  de 
Versailles?  L'influence  de  M.  de  Harlay,  l'archevêque  de 
Paris,  qui  n'aimait  pas,  lui  non  plus,  l'abbé  de  Fénelon, 
était-elle  assez  grande  pour  balancer  dans  l'esprit  du  roi 
l'influence  de  Bossuet?  Toujours  est-il  qu'en  1686,  Féne- 
lon ayant  été  proposé  pour  i'évêché  de  Poitiers,  le  roi  ne 
l'y  nomma  point:  et  qu'en  1687,  l'évèque  de  La  Rochelle 
l'ayant  demandé  pour  coadjuteur,  on  ne  le  lui  donna  pas 
davantage.  Le  Traité  de  VEducation  des  filles  parut, 
sans  avancer  la  fortune  de  Fénelon,  puis  le  Traité  du 
ministère  des  Pasteurs;  et  Fénelon  demeurait  toujours 
supérieur  des  Nouvelles  Catholiques.  Il  approchait  de  la 
quarantaine.  Evidemment  le  maître  gardait  ses  préven- 
tions. Ce  fut  le  duc  de  Beauvilliers  qui  réussit  enfin  à  les 
dissiper,  aidé  de  Mme  de  Maintenon —  dont  la  nature  d'es- 
prit n'était  pas  sans  quelques  affinités  avec  celle  de  Fénelon 
—  et,  nommé  gouverneur  du  duc  de  Bourgogne  le  16  août 
1689,  il  faisait  dès  le  lendemain  même  agréer  au  roi  le  choix 
de  Fénelon  comme  précepteur  des  enfants  de  France. 

Assez  d'historiens,— depuis  l'abbé  Proy  art  jusqu'à  Miche- 
let,  dans  son  histoire  de  France,  —  ont  loué  l'habileté  su- 
périeure dont  Fénelon  fit  preuve  dans  cette  éducation,  et 
tout  le  monde  sait  comment,  d'un  prince  «  né  terrible,  dur, 
colère,  impétueux  avec  fureur,  incapable  de  souffrir  la 
moindre  résistance,  il  en  fit  un  «  affable,  doux,  humain, 
modéré,  patient,  humble  et  austère,  tout  appliqué  à  ses 
obligations  et  les  comprenant  immenses  ».  Ce  n'est  pas 
d'ailleurs  le  lieu  d'examiner  s'il  ne  dépassa  pas  peut-être  la 
mesure,  et,  à  force  de  le  ployer,  s'il  ne  brisa  pas  chez  son 
royal  élève  le  ressort  de  la  volonté.  Les  contemporains  ne 
virent  que  le  prodige  du  changement  opéré  sous  leurs  yeux 
par  l'adresse  d'un  homme  ;  et  nous,  le  duc  de  Bourgogne 
n'ayant  pas  subi  cette  épreuve  du  pouvoir  qui  seule  juge 


les  princes,  nous  pouvons  accepter  l'opinion  des  contem- 
porains. Ce  qu'il  nous  faut  seulement  constater,  c'est  que 
Fénelon  ne  se  borna  point,  comme  autrefois  Bossuet,  à 
instruire  le  prince  de  ses  devoirs  en  général.  Mais  il  lui  en 
fit  des  leçons  plus  particulières,  plus  précises,  plus  pra- 
tiques, des  leçons  applicables  aux  réalités  prochaines  ;  des 
leçons  de  politique  autant  que  de  morale.  Il  se  considéra 
comme  investi  de  la  mission,  non  seulement  d'élever  le 
prince,  mais,  par  lui  et  avec  lui,  de  réformer  l'Etat.  Son 
ambition,  jusque-là  confuse  et  comme  indéterminée,  je 
veux  dire  incertaine  de  son  véritable  objet,  le  reconnut 
enfin.  Les  courtisans  semblèrent  admettre  que  le  succès  de 
l'éducation  du  duc  de  Bourgogne  pronostiquait  celui  des  plans 
de  gouvernement  de  l'heureux  précepteur.  Et  soutenu  qu'il 
était  de  la  faveur  de  Mme  de  Maintenon,  —  elle  voulut  même 
un  moment  faire  de  lui  son  directeur,  —  nul  ne  peut  dire  ce 
que  l'avenir  réservait  à  Fénelon,  quand  l'affaire  du  quiétisme 
survint  pour  briser  sa  fortune,  et  comme  anéantir   en 
quelques  mois  les  fruits  de  tant  d'années  de  patience,  de 
persévérance,  et  de  prudente  ambition.  A  peine  est-il  ici 
besoin  de  rappeler  comment  une  visionnaire  ou  une  illu- 
minée, —  pour  ne  pas  dire  une  névropathe,  —  Jeanne 
Bouvières  de  La  Mothe,  plus  connue  sous  le  nom  de 
Mme  Guyon,  s'était  emparée  de  l'esprit  de  Fénelon,  non 
point  du  tout,  comme  on  l'a  prétendu  quelquefois,  par 
aucun  des  attraits  naturels  d'une  amitié  féminine,  mais  par 
le  seul  prestige  de  son  éloquence  et  de  sa  «  spiritualité  ». 
Leur  sublime  à  tous  deux  s'était  amalgamé,  selon  le  mot 
de  Saint-Simon,  et  le  précepteur  des  enfants  de  France, 
avec  le  goût  naturel  qu'il  avait  des  opinions  rares,  s'était 
fait  à  Versailles  le  répondant  delà  doctrine  de  Mme  Guyon. 
Sur  sa  parole,  Mme  de  Maintenon  avait  ouvert  l'accès  de 
Saint-Cyr  à  celle  qu'il  appelait  un  «  prodige  de  sainteté  », 
et,  comme  on  le  peut  croire,  dans  ce  milieu  très   appro- 
prié, le  nouveau  mysticisme  avait  fait  de  rapides  progrès. 
Un  fort  honnête  homme,  de  sens  droit  et  d'esprit  sain, 
n'avait  pas  tardé  cependant  à  s'en  inquiéter.  C'était  l'évèque 
de  Chartres,  Godet  des  Marais,  «  profond  théologien  », 
directeur  de  Saint-Cyr  et  de  Mme  de  Maintenon.  Il  s'était 
d'abord  défié  d'une  doctrine  qui,  sous  le  prétexte  séduisant 
d'épurer   l'amour  de  Dieu  de  tout  intérêt  personnel  et 
même  de  la  considération  du  salut,  «  invitait  ses  adeptes 
à  ne  se  gêner  en  rien,  à  s'oublier  entièrement,  à  n'avoir 
jamais   de  retour  sur  eux-mêmes  »  ;   et  sans  interdire 
encore  la  lecture  des  livres  de  Mme  Guyon  ni  condamner 
formellement  sa  personne,  il  lui  avait  fermé  l'accès  habi- 
tuel de  Saint-Cyr.  Il  avait  alors  examiné  de  plus  près 
les  ouvrages  de  la  prophétesse,  —  le  Moyen  court,  le 
Cantique  des  Cantiques,  les  Torrents,  —  et  les  ayant 
trouvés  remplis  d'  «  erreurs  dangereuses  et  de  nouveautés 
suspectes  »,  il  avait  exigé  que  Mme  de  Maintenon  cessât 
désormais   toutes    relations  avec  Mme  Guyon.    Fénelon 
n'avait  point  protesté.   Même,  sans  rien  retrancher  de 
l'entière  confiance  qu'il  lui  témoignait,  et  sans  rien  abjurer 
des  opinions  qui  lui  demeuraient  communes  avec  elle,  il  avait 
consenti  que  Mme  Guyon  demandât  des  commissaires  pour 
juger  de  l'orthodoxie  de  ses  écrits;  et  sa  conduite  enfin, 
dans  toute  cette  affaire,  avait  si  bien  paru  d'une  victime 
des  erreurs  ou  des  imprudences  de  son  amie,  que  l'arche- 
vêché de  Cambrai  ayant  vaqué  sur  ces  entrefaites,  il  y 
était  nommé  le  4  février  1695.  Tout  semblait  terminé  par 
là.  Comment  donc  et  pourquoi  tout  à  coup  la  querelle 
s'envenima- t-elle  ?  ou  pourquoi  tout  à  coup,  comme  s'il 
n'eût  attendu  que  sa  nomination  pour  se  révéler  tout  entier, 
Fénelon  changea-t-il  d'attitude  ?  A  peine,  en  effet,  avait-il 
adhéré  aux  Articles  d'Issy,  entre  sa  nomination  et  son 
sacre,  que  sans  retirer  son  adhésion,  —  ce  n'était  pas  sa 
manière,  —  il  commençait  de  biaiser,  de  distinguer,  de 
disputer,  jusqu'à  ce  qu'enfin  il  se  révoltât,  et  qu'au  mois  de 
janv.  1697,  pressé  par  Bossuet  d'approuver  son  Instruc- 
tion sur  les  Etats  d'oraison,  non  seulement  il  s'y  refu- 
sât, mais  qu'encore  il  y  opposât  son  Explication  des 
Maximes  des  Saints. 


FÉNELON 


—  176 


La  réponse  est  facile.  Tandis  qu'autour  de  lui,  depuis 
Tévêque  de  Chartres  jusqu'à  l'évêque  de  Meaux,  tout  le 
monde,  sans  excepter  le  plus  ancien  de  ses  maîtres, 
M.  Tronson,  le  supérieur  du  séminaire  de  Saint-Sulpice, 
condamnait  la  doctrine  de  Mme  Guyon,  Fénelon,  lui,  con- 
tinuait de  l'approuver  dans  le  secret  de  son  cœur,  et  de 
prendre  en  pitié  l'ignorance  de  ses  adversaires,  leur  inex- 
périence des  «  voies  intérieures  »,  et  leur  acharnement. 
Or,  voici  maintenant  qu'on  lui  demandait  de  condamner  à 
son  tour  ce  qu'il  n'avait  cessé  ni  ne  voulait  cesser  de  croire  ; 
et,  bien  plus,  on  le  sommait  de  déclarer  qu'il  avait  été 
cinq  ou  six  ans  durant,  la  dupe  d'une  illusion  ou  d'une 
fantasmagorie  de  piété.  Le  sacrifice  était  au-dessus  de  ses 
forces.  Il  voulait  bien  se  taire,  —  ce  qui  lui  coûtait  d'autant 
moins  qu'il  n'avait  pas  encore  parlé,  —  mais  il  voulait  aussi 
que  l'on  se  tût.  Et  il  ne  voulait  pas  surtout  qu'après  avoir 
séparé  sa  cause  de  celle  de  Mme  Guyon,  on  prétendît, 
l'obliger  de  porter  les  derniers  coups  lui-même  à  la  femme 
qu'il  avait  inutilement  défendue.  D'un  autre  côté,  si  l'on 
avait  obtenu  de  l'abbé  de.  Fénelon  des  soumissions  toutes 
naturelles,  en  tant  que  commandées  par  la  discipline  de 
l'Eglise,  il  lui  paraissait  excessif,  ou  contraire  même  aux 
droits  de  la  hiérarchie,  qu'on  les  exigeât  de  l'archevêque  de 
Cambrai.  Son  sacre,  tout  récent  qu'il  fût,  ne  l'avait-il  pas 
rendu  l'égal  de  quelques-uns  de  ses  adversaires  et  le  supé- 
rieur même  des  autres,  de  Bourdaloue,  par  exemple,  ou  de 
M.  Tronson?  Leur  céder  sans  combat,  c'était  compro- 
mettre en  soi  la  dignité  du  titre  épiscopal,  c'était  recon- 
naître à  leurs  décisions  en  matière  de  doctrine  une  auto- 
rité qu'elles  n'avaient  point,  c'était  admettre  qu'en  matière 
de  théologie,  les  raisons  se  comptent  et  ne  se  pèsent  pas. 
A  quoi  si  nous  ajoutons  que  la  querelle,  sous  son  appa- 
rence purement  religieuse,  était  politique  en  partie,  ou  du 
moins  qu'elle  Tétait  devenue  proraptement,  et  qu'en  divi- 
sant toute  la  cour  en  deux  camps,  elle  avait  posé,  pour  ainsi 
dire,  la  question  du  gouvernement  futur  de  la  France  entre 
la  coterie  du  dauphin,  fils  de  Louis  XIV,  et  la  cabale  de 
son  propre  fils,  l'élève  de  Fénelon,  la  violence  de  la  lutte 
achèvera  de  s'expliquer.  En  s'abandonnant  lui-même, 
Fénelon  a  pu  craindre  que  tout  un  grand  parti  ne  fût 
entraîné  dans  sa  ruine,  et  que  le  désastre  de  ses  doctrines 
ne  fût  aussitôt  suivi  de  l'anéantissement  de  ses  ambitions. 
On  ne  saurait  sans  doute  le  lui  reprocher  ;  non  plus  qu'à 
Bossuet  d'autre  part  d'avoir  vu  percer  l'ambition  du  poli- 
tique dans  les  défenses  du  théologien,  et,  pensant  différem- 
ment, d'avoir  essayé  d'abattre  dans  son  adversaire  le  théo- 
logien et  le  politique  à  la  fois. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  ce  qui  suivit.  Pendant,  deux 
ans,  de  4697  à  4699,  Bossuet  et  Fénelon  firent  assaut  de 
science  et  d'éloquence,  et  leurs  Ecrits  sur  le  Quiétisme 
ne  remplissent  pas  moins  de  dix  ou  douze  volumes  de  leurs 
œuvres.  C'est  beaucoup,  si  Y  Instruction  sur  les  états 
d'oraison  et  la  Relation  sur  le  Quiétisme  en  sont  les 
seuls,  ou  à  peu  près,  qui  survivent.  La  matière  est  pour 
nous  trop  subtile;  et  nous  avons  certainement  tort,  pour 
plus  d'une  raison,  mais  nous  ne  nous  inquiétons  guère 
aujourd'hui  des  nuances  qui  séparent  Y  amour  purement 
servile  de  Y  amour  de  pure  concupiscence,  celui-ci  de 
Yamour  d'espérance,  Yamour  d'espérance  de  Y  amour 
de  charité  mélangée,  et  ce  dernier  à  son  tour  de  Yamour 
pur  ou  de  parfaite  charité.  Bornons-nous  donc  à  dire, 
qu'après  un  long  et  scrupuleux  examen  du  fond  de  la  con- 
troverse, la  cour  de  Rome,  par  un  bref  daté  du  \  2  mars  1 699, 
condamna  solennellement  le  livre  des  Maximes  des  Saints, 
et  mit  ainsi  fin  à  la  dispute.  Déjà  Louis  XIV,  au  commen- 
cement de  la  même  année,  avait  retiré  à  Fénelon  sa  pension 
et  son  titre  de  précepteur  des  enfants  de  France.  Au  reçu 
du  bref,  il  envoya  l'ordre  à  tous  les  archevêques  de  réunir 
leurs  assemblées  métropolitaines  pour  homologuer  en  quel- 
que sorte  publiquement  la  condamnation  de  Fénelon.  Enfin 
des  lettres  patentes,  «  données  en  forme  de  déclaration  » 
et  enregistrées  le  14  août  1699,  prononcèrent  la  suppres- 
sion «  de  tous  écrits  composés  pour  la  défense  du  livre 


des  Maximes  des  Saints  ».  C'était  la  disgrâce,  une  dis- 
grâce complète,  une  disgrâce  retentissante,  qui  témoignait 
sans  doute  autant  de  l'irritation,  ou  de  la  colère  même,  que 
de  la  piété  du  prince.  Fénelon  l'accepta  fièrement,  sans 
ostentation,  mais  aussi  sans  fausse  humilité.  Si  l'on  ne 
peut  pas  dire,  en  effet,  qu'un  homme  nouveau  fût  né  en 
lui,  son  caractère  du  moins  avait  achevé  de  se  tremper  au 
cours  de  cette  longue  épreuve.  Loin  de  plier,  c'est  alors 
qu'il  se  redressa.  Et  non  sans  quelque  crainte  ou  quelque 
appréhension  d'un  côté,  mais  non  sans  quelque  espérance 
de  l'autre,  c'est  alors  que,  de  l'ancien  Fénelon,  souple  et 
aimable  ,  adroit  et  flatteur,  insinuant,  souriant,  cares- 
sant, on  vit  sortir  et  se  dégager  l'héritier  de  sa  race, 
l'aristocrate,  le  grand  seigneur. 

Notons  ce  trait,  qui  complète  l'homme,  et  qu'il  est  sur- 
prenant qu'on  n'ait  pas  plus  souvent  signalé.  Fénelon  a 
tout  d'un  aristocrate,  —  et  d'abord  le  sentiment  d'être  une 
autre  espèce  d'homme  que  ses  rivaux  de  gloire  ou  de  répu- 
tation, séparé  d'eux  par  ses  origines,  d'une  autre  et  plus 
rare,  ou  plus  fine  essence,  que  Fléchier,  le  fils  de  l'épicier 
de  Pernes,  que  Massillon,  le  fils  du  notaire  d'Hyères,  que 
Bossuet,  le  fils  du  conseiller  de  Metz.  Reportez-vous  au 
Télémaque  ou  aux  Tables  de  Chaulnes.  Lisez  encore  le 
récit  que  l'abbé  Ledieu,  dans  ses  Mémoires,  nous  a  laissé 
de  sa  visite  à  l'archevêché  de  Cambrai.  L'ancien  secrétaire 
et  confident  de  Bossuet,  —  qui  peut-être  eût  pu  se  passer 
d'aller  faire  sa  cour  à  Fénelon,  —  se  sent  comme  qui  dirait 
transporté  dans  un  autre  monde.  Tentures  de  velours  cra- 
moisi, galons  et  franges  d'or,  cheminée  de  marbre  jaspé, 
vaisselle  d'argent  «  bien  pesante  et  à  la  mode  »,  service 
de  table,  tout  ce  que  peut  parcourir  son  regard  circulaire 
de  valet  l'émerveille  ;  et  il  ne  le  dit  pas,  mais  on  sent  la 
comparaison  qu'il  fait  de  l'intérieur  négligé  de  Bossuet 
avec  ce  cadre,  avec  ces  accessoires  luxueux  et  coûteux,  qui 
sont  comme  l'obligatoire  accompagnement  du  nom  restauré 
de  Salignae  et  du  titre  de  prince  de  l'Empire.  Ajoutons  que 
si  Fénelon  a  les  goûts  naturels  d'un  grand  seigneur,  bien  plus 
encore  en  a-t-il  la  hauteur  d'esprit,  l'avidité  de  domination, 
l'impertinence  au  besoin,  l'obstination  dans  son  sens  propre. 
Il  en  a  également  les  dédains,  l'indifférence  aux  préjugés 
vulgaires,  le  mépris  inné  de  l'opinion.  Rien  de  plus  curieux 
à  cet  égard,  —  s'il  n'y  a  rien  de  plus  libre,  de  plus  éloigné 
de  pédant,  déplus  agréablement  mondain,  —  que  la  manière 
dont  il  a  traité  dans  son  Télémaque  les  passions  de  l'amour. 
François  de  Sales  avait  eu  de  ces  audaces,  dans  son  Intro- 
duction à  la  vie  dévote,  mais  François  de  Sales  était 
aussi  une  façon  de  grand  seigneur.  Dirai-je  enfin  qu'on 
retrouverait  ce  signe  de  race  et  cette  marque  d'aristocratie 
jusque  dans  une  Lettre,  trop  peu  connue,  sur  la  Lecture 
de  l'Ecriture  sainte  en  langue  vulgaire  ?  «  J'ai  vu  des 
gens  tentés  de  croire  qu'on  les  amusait  par  des  contes 
d'enfants  quand  on  leur  faisait  lire  les  endroits  de  l'Ecri- 
ture où  il  est  dit  que  le  serpent  parla  à  Eve  pour  la 
séduire  ;  qu'une  ânesse  parla  au  prophète  Balaam  ;  que 
Nabuchodonosor  paissait  l'herbe »  Et  la  lettre  con- 
tinue longtemps  encore  sur  ce  ton.  Bossuet  ne  l'eût  jamais 
écrite.  Avec  la  meilleure  intention  du  monde,  il  y  a  là  une 
liberté  réelle  d'esprit,  une  conviction  de  la  sottise  des 
hommes,  une  confiance  en  soi-même  qui  sont  sans  doute 
ce  qu'il  y  a  de  plus  aristocratique  au  monde.  Si  l'abbé  de 
Fénelon,  au  temps  de  sa  jeunesse,  avait,  non  pas  certes 
oublié,  mais  négligé  pour  ainsi  dire,  ce  qu'il  devait  à  son 
nom,  l'archevêque  de  Cambrai  s'en  est,  lui,  souvenu,  et  si 
l'on  veut  le  bien  comprendre,  c'est  un  trait  de  sa  physio- 
nomie morale  sur  lequel  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  trop 
appuyer. 

II.  —  Son  œuvre  est  considérable,  et,  comme  elle  est 
assez  difficile  à  manier,  nous  en  donnons  d'abord  ici  le 
détail  d'après  les  éditions  Lebel  et  Adrien  Leclère.  La 
première  forme  22  vol.  contenant  les  Œuvres  proprement 
dites,  et  ainsi  divisés  :  Première  classe.  Ouvrages  de 
théologie  et  de  controverse.  Première  section  (t.  I,  II,  III); 
Ouvrages  sur  divers  sujets  de  métaphysique  et  de  théo- 


177  — 


FÉNELON 


logie,  dont  les  principaux  sont  :  le  Traité  de  V existence 
et  des  attributs  de  Dieu,  publié  pour  la  première  fois  en 
1712-1718,  et  la  Réfutation  du  système  du  P.  Maie- 
branche  sur  la  Nature  et  la  Grâce,  qui  n'a  paru  qu'en 
1820.  Deuxième  section  (t.  IV,  V,  VI,  VII,  VIII,  IX) 
Ecrits  relatifs  au  Quiétisme.  Le  t.  IV  est  précédé  d'une 
excellente  analyse  de  la  controverse  du  quiétisme.  Troisième 
section  :  Ouvrages  sur  le  jansénisme  (t.  X,  XI,  XII, 
XIII,  XIV,  XV,  XVI).  —  Deuxième  classe.  Ouvrages 
de  morale  et  de  spiritualité  (t.  XVII  et  XVIII).  Le 
premier  de  ces  volumes  contient  le  Traité  de  V éduca- 
tion des  filles;  sept  Sermons,  qui  sont  tout  ce  qui 
nous  est  parvenu  de  l'œuvre  oratoire  de  Fénélon  ;  et  une 
vingtaine  de  Plans  de  sermons.  —  Troisième  classe. 
Mandements  (t.  XVIII).  —  Quatrième  classe.  Ouvrages 
de  littérature  (t.  XIX,  XX,  XXI,  XXII,  de  1  à  263). Les 
principaux  de  ces  ouvrages  sont,  comme  l'on  sait  :  les  Dia- 
logues des  Morts  (XIX);  le  Télémaque  (XX);  les  Dia- 
logues sur  V éloquence,  et  la  Lettre  sur  les  occupations 
de  r Académie  française  (XXI).  Les  Dialogues  des  Morts 
et  le  Télémaque  ont  seuls  paru  du  vivant  de  l'auteur.  — 
Cinquième  classe.  Ecrits  politiques  (t.  XXII,  de  264  à  la 
fin).  L'édition  Leclère  contient  12  vol.  uniquement  con- 
sacrés à  la  Correspondance,  distribuée  de  la  manière 
suivante  :  1°  Correspondance  avec  le  duc  de  Bourgogne 
(t.  I),  dont  le  titre  plus  exact  est  Correspondance...., 
avec  le  duc  de  Bourgogne,  les  ducs  de  Beauvilliers  et 
de  Chevreuse,  et  leurs  familles  ;  2°  Correspondance 
de  famille  et  Lettres  diverses  (t.  II,  III,  IV)  ;  3°  Lettres 
spirituelles  ou  de  direction  (t.  V  et  VI);  4°  Correspon- 
dance relative  au  quiétisme  (t.  VI,  VII,  VIII,  IX,  X, 
XI).  Le  t.  XII  contient  les  Tables  de  la  Correspondance 
et  des  OEuvres,  précédées  d'une  fort  bonne  Revue  de  quel- 
ques ouvrages  de  Fénelon. 

Le  classement,  on  le  voit,  n'a  rien  de  chronologique  ou 
seulement  de  logique,  et  c'est  ce  <jui  rend  la  lecture  de 
ces  trente-trois  volumes  assez  laborieuse.  Sans  examiner  à 
ce  propos  s'il  n'y  aurait  pas  quelques  moyens  d'améliorer 
la  disposition  des  matières  dans  les  éditions  des  OEuvres 
complètes  de  nos  polygraphes,  comme  on  les  appelle  dans 
les  catalogues,  mais  surtout  sans  demander,  avec  de  cer- 
tains érudits,  qu'on  s'astreigne  à  toute  la  rigueur  de  la 
chronologie,  ce  qui  ne  pourrait  aboutir  qu'au  plus  effroyable 
désordre,  il  y  a  donc  lieu  d'indiquer  aux  curieux  une  ma- 
nière de  s'y  prendre,  et,  par  exemple,  de  les  avertir  qu'en 
ce  qui  regarde  Fénelon,  c'est  par  la  lecture  de  sa  Corres- 
pondance que  l'on  apprend  d'abord  à  le  connaître.  «  Très 
différentes,  en  effet  —  nous  l'avons  dit  et  nous  le  répétons 
—  des  lettres  de  Bossuet,  qui  sont  surtout  des  lettres  d'af- 
faires, fort  utiles  sans  doute,  mais  non  pas  indispensables 
à  la  connaissance  de  son  caractère,  les  lettres  de  Fénelon, 
sans  en  excepter  ses  lettres  de  direction  ou  de  spiritualité, 
sont  vraiment  l'homme  même,  et  l'homme  tout  entier.  Qui 
ne  les  a  pas  lues  peut  avoir  lu  toute  son  œuvre,  il  ne  con- 
naît pas  Fénelon,  et,  réciproquement,  quiconque  les  a  lues 
pourrait  presque  se  passer  d'en  lire  davantage.  Il  connaît 
Fénelon  autant  qu'on  le  puisse  connaître.  »  Nous  ajoute- 
rons que,  sous  ce  rapport,  Fénelon  est  déjà  du  xviue  siècle. 
C'est  sa  personne  qu'on  cherche  dans  son  œuvre,  et  déjà 
ses  idées  nous  intéressent  moins  en  tant  que  vraies  qu'en 
tant  que  siennes.  Il  faut  donc  lui-même  le  connaître  avant 
que  de  le  lire,  et,  si  les  Mémoires  ou  les  Correspondances 
du  temps  en  sont  un  bon  moyen,  la  sienne  en  est  sans  doute 
un  meilleur.  Sans  compter  que,  s'il  est  tout  entier  dans  sa 
Correspondance,  il  n'engage  au  contraire  qu'une  partie  de 
lui-même  dans  ses  OEuvres  proprement  dites,  et  l'on  se 
méprendrait  gravement,  si  l'on  voulait  conclure  du  caractère 
de  son  style  à  celui  de  sa  personne.  Facile  et  riant,  sinueux 
pour  ainsi  dire,  fluide,  aimable  et  parfois  légèrement  épi— 
grammatique,  le  style  des  Dialogues  des  Morts,  ou  celui  du 
Télémaque,  ou  celui  de  la  Lettre  sur  les  occupations  de 
V Académie  ne  nous  rend  que  quelques  aspects  de  la 
physionomie  de  l'archevêque  de  Cambrai.  Ses  Ecrits  sur  le 

GRANDE  ENCYCLOPEDIE.    —    XVII. 


Quiétisme  ou  sur  le  Jansénisme,  il  est  vrai,  nous  en  rendent 
un  autre,  et  la  vivacité  d'ironie  qui  s'y  joue  ne  fait  nullement 
songer  d'un  «  cygne  ».  J'en  dis  autant  de  l'auteur  de  la 
Lettre  à  Louis  XIV.  C'est  un  autre  homme  encore  qu'il 
semble  que  l'on  voie  paraître  dans  ses  Ecrits  politiques,  et 
même,  en  dépit  de  sa  réputation,  tout  à  fait  le  contraire  d'un 
rêveur,  dans  ses  Mémoires  sur  la  guerre  de  la  succession 
d'Espagne.  Mais  quelque  chose  en  échappe  toujours,  et 
quand  on  a  noté  soigneusement,  quand  on  a  rassemblé  tous 
les  traits,  qu'on  les  a  pour  ainsi  dire  corrigés,  compensés, 
modifiés  les  uns  par  les  autres,  c'est  à  la  Correspondance 
qu'il  faut  que  l'on  revienne,  pour  y  chercher  le  moyen  d'en 
fondre  les  disparates  et  de  les  ramener  à  l'unité.  Disons 
maintenant  quelques  mots  de  celles  des  œuvres  de  Fénelon 
qui  sont  demeurées  classiques  pour  nous.  Ce  sont,  entre 
toutes,  le  Traité  de  V Education  des  filles,  Télémaque,  et 
la  Lettre  sur  les  occupations  de  V Académie  française. 
1°  La  grande  nouveauté  du  Traité  de  l'Education  des 
filles,  qui  parut  pour  la  première  fois  en  1688,  était  alors 
dans  son  titre  ou  dans  son  dessein  même.  A  la  vérité,  Fé- 
nelon n'avait  point  destiné  ce  petit  ouvrage  au  public.  Il  ne 
l'avait  écrit  qu'à  la  prière  de  Mme  de  Beauvilliers  et  pour 
elle.  Mais  enfin  il  le  laissa  paraître,  et  c'était  dans  le  temps 
où  l'opinion  commune  était  celle  que  Molière  avait  expri- 
mée dans  ses  Femmes  savantes.  Bossuet  lui-même  opi- 
nait à  exclure  les  femmes  des  sciences,  parce  que,  disait-il, 
«  quand  elles  pourraient  les  acquérir,  elles  auraient  trop 
de  peine  à  les  porter  »,  et  il  leur  recommandait  de  s'en- 
fermer dans  le  cercle  de  leurs  devoirs  domestiques.  Féne- 
lon est  plus  hardi.  Il  pose  en  principe  (ch.  i)  que  l'éduca- 
tion des  filles  est  un  objet  d'intérêt  général  ou  public,  de 
la  même  importance  au  moins  que  l'instruction  des  garçons  ; 
et,  à  cette  importance,  il  oppose  (ch.  n)  le  dédain  fâcheux 
et  inintelligent  dont  témoignent  les  éducations  ordinaires. 
Aussi,  comme  les  garçons,  faut-il  commencer  à  instruire 
les  filles  dès  leur  plus  tendre  enfance  (ch.  m),  par  des 
leçons  de  choses,  à  l'occasion  d'un  moulin  qu'on  voit  dans 
la  campagne  ou  d'un  objet  qu'on  achète  au  marché.  Ne 
leur  donnons  que  de  bons  modèles  (ch.  îv).  Point  de  pré- 
cipitation ni  de  hâte  ;  point  trop  d'exigences  ni  de  sévérité. 
Mêlons,  si  nous  le  pouvons,  l'instruction  et  le  jeu,  ou  mieux 
encore,  tâchons  de  rendre  l'instruction  agréable.  Dévelop- 
pons, mais  avec  prudence,  l'émulation  et  la  sensibilité 
(ch.  v) .  Le  temps  est  alors  venu  d'étudier  en  forme  :  nous 
commençons  par  l'histoire  sainte  (ch.  vi)  et  nous  continuons 
par  la  religion,  dont  nous  assurons  les  bases  naturelles  ou 
rationnelles  (ch.  vu)  avant  de  parler  de  mystères  ni  de 
miracles.  Nous  pouvons  de  là  passer  à  Jésus-Christ,  «  le 
centre  de  toute  la  religion  »,  et  de  Jésus-Christ  à  l'Église 
(ch.  vm).  Ces  conseils  conviennent  à  l'éducation  des  gar- 
çons comme  à  celle  des  filles,  mais,  avec  les  années,  les 
défauts  de  chaque  sexe  apparaissent,  et  il  y  faut  pourvoir 
(ch.  ix).Les  femmes  sont  bavardes,  elles  sont  artificieuses, 
elles  sont  timides,  et  ce  sont  autant  de  dispositions  qu'il 
faut  s'efforcer  de  vaincre  ou  de  régler  en  elles.  Elles  sont 
aussi  coquettes,  et  volontiers  elles  jouent  au  bel  esprit 
(ch.  x).  Si  nous  pouvons  les  en  désabuser,  comme  aussi 
d'une  fausse  délicatesse  qui  contribue  à  les  écarter  de  la 
connaissance  des  «  choses  qui  sont  les  fondements  de  la 
vie  humaine  »,  alors,  formons-les  au  gouvernement  de  la 
famille  et  de  la  maison.  Apprenons-leur  le  prix  de  l'ordre 
et  de  l'économie,  celui  de  la  propreté  (ch.  xi),  l'art  de  se 
faire  servir  et  de  tenir  un  ménage.  Avec  cela  la  lecture, 
l'écriture,  les  quatre  règles  ;  un  peu  de  droit,  voire  de  droit 
féodal,  si  leur  condition  l'exige  ;  un  peu  d'histoire, — histoire 
grecque,  histoire  romaine,  histoire  de  France  ;  —  un  peu  de 
géographie;  un  peu  de  latin,  si  on  le  veut,  la  connais- 
sance des  «  ouvrages  d'éloquence  et  de  poésie  »,  un  peu  de 
peinture  et  un  peu  de  musique,  tel  est  le  «  programme  » 
de  Fénelon  (ch.  xn).Il  termine  en  ajoutant  (ch.  xm)  quel- 
ques considérations  sur  le  choix  d'une  gouvernante,  et  par 
la  reproduction,  si  je  puis  ainsi  dire,  du  portrait  que  l'au- 
teur du  livre  des  Proverbes  a  tracé  de  la  femme  forte.  Pas  de 

12 


FÉNELON 


—  178  — 


prétention  didactique,  on  le  voit,  dans  ce  petit  ouvrage,  ni 
de  plan  régulier,  ni  rien  peut-être  au  fond  qui  ne  soit 
devenu  banal  pour  nous.  Aussi  le  prix  en  est-il  surtout 
dans  le  détail.  Des  observations  piquantes,  une  élégante 
familiarité  de  style,  une  sagesse  souvent  hardie  en  rendent 
la  lecture  agréable,  facile,  presque  amusante  parfois.  Le 
Traité  de  l'Education  des  filles  est  à  bon  droit  devenu 
classique,  et  pour  l'avoir  écrit,  il  y  a  déjà  plus  de  deux 
cents  ans,  c'est  à  bon  droit  également  que  l'on  a  placé 
sous  l'invocation  de  Fénelon  l'un  des  premiers  lycées  de 
jeunes  filles  qu'on  ait  organisés  en  France.  Je  n'oserais 
répondre  qu'il  en  eût  approuvé  les  programmes. 

2°  Pour  le  Télémaque,  une  fortune  tout  à  fait  singulière 
a  voulu  qu'en  même  temps  que  l'un  des  livres  les  plus 
vantés,  les  plus  lus,  les  plus  connus  de  notre  littérature, 
il  en  demeurât,  sous  plusieurs  rapports,  l'un  des  plus  dif- 
ficiles à  juger,  des  plus  énigmatiques,  et  des  plus  ambi- 
gus. C'est  ainsi  que  d'abord  on  n'a  jamais  tout  à  fait 
éclairci  le  mystère  de  sa  publication.  Composé,  selon  toute 
apparence,  en  4693  ou  4694,  «  par  morceaux  détachés 
et  à  diverses  reprises  »,.  on  sait  que  le  Télémaque  parut 
pour  la  première  fois  chez  la  veuve  Barbin,  en  4699, 
«  avec  privilège  »,  mais  ce  que  l'on  ignore,  c'est  la  part 
que  Fénelon  eut  ou  n'eut  pas  dans  la  publication.  A  la  vé- 
rité, dans  un  Mémoire  sur  ce  sujet,  que  nous  ïie  connais- 
sons que  par  quelques  extraits,  il  dit  bien  «  que  l'ouvrage 
lui  a  échappé  par  l'infidélité  d'un  copiste  »,  et,  de  ce  genre 
d'accident  ou  d'aventure,  puisqu'on  en  citerait  vingt  autres 
exemples  alors,  il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  lieu  de  douter. 
On  ne  saurait  seulement  s'empêcher  de  faire  observer  que 
Fénelon  a  joué  de  malheur  en  affaires  de  librairie.  Déjà,  en 
4697,  le  zèle  indiscret  du  duc  de  Chevreuse  avait  hâté  la 
publication  des  Maximes  des  Sam£s.N'ai-je  pas  lu  aussi 
que,  quelques  années  auparavant,  c'était  d'après  une  copie 
dérobée  dans  les  papiers  du  directeur  des  Nouvelles  Catho- 
liques, qu'on  avait  imprimé  le  sermon  de  Bossuet  pour  la 
profession  de  MUe  de  La  Vallière?  Et  même  encore  après 
la  mort  de  Fénelon,  c'est  sous  son  nom  que  paraîtra, 
en  4722,  la  première  édition  du  Traité  de  la  connais- 
sance de  Dieu.  Mais  voici  qui  est  plus  étrange.  Dans 
le  Mémoire  que  nous  venons  de  citer,  Fénelon  constate 
lui-même  que  le  texte  imprimé  du  Télémaque  n'est  pas 
conforme  à  son  original,  et  il  ajoute  «  qu'il  a  mieux 
aimé  le  laisser  paraître  informe  et  défiguré  que  de  le 
donner  tel  qu'il  Va  fait».  C'est  ce  qu'on  aurait  déjà  peine 
à  comprendre  si  le  Télémaque  avait  passé  comme  ina- 
perçu. Mais  il  en  avait  paru  jusqu'à  vingt  éditions,  dit-on, 
dans  la  même  année  4699,  et,  raconte  un  contemporain, 
qui  s'en  indignait  d'ailleurs,  «  on  jetait  les  louis  d'or  à  la 
tête  des  libraires  »,  pour  enlever  le  roman  de  M.  de  Cam- 
brai. D'autre  part,  les  évêques  en  général  ne  cachaient  pas 
leur  désapprobation  de  la  manière  un  peu  vive  dont  Féne- 
lon avait  dépeint  les  amours  de  Télémaque  et  de  la  nymphe 
Eucharis.  Les  «  politiques  »,  de  leur  côté,  dans  de  certains 
chapitres,  n'avaient  pas  de  peine  à  trouver  des  allusions, 
des  traits  de  satire,  une  intention  générale  de  critique  dont 
le  roi  même  avait  quelque  droit  de  se  sentir  atteint.  On 
s'explique  mal  que,  dans  ces  conditions,  Fauteur  ait  mieux 
aimé  «  laisser  son  livre  paraître  informe  »  que  «  de  le  don- 
ner tel  qu'il  l'avait  fait  »,  et  on  s'explique  encore  moins 
que  seize  ans  durant,  il  ait  permis  la  circulation  de  ce  livre 
ainsi  défiguré.  La  première  édition  authentique  du  Télé- 
maque n'a  paru  en  effet  qu'en  4747  seulement,  par  les 
soins  du  marquis  de  Fénelon.  Elle  ne  diffère  pas  autant 
qu'on  le  pourrait  croire  des  éditions  furtives. 

Il  n'est  pas  plus  facile  de  préciser  les  vraies  intentions 
de  Fénelon.  Qu'a-t-il  voulu  faire  ?  Ne  s'est-il  vraiment 
proposé  que  d'amuser  le  duc  de  Bourgogne,  et  de  «  l'ins- 
truire en  l'amusant  »,  comme  il  l'a  dit  lui-même  ?  Il 
régnerait  sans  doute  alors,  dans  tout  son  livre,  un  air  de 
volupté  dont  je  ne  voudrais  pas  sans  doute  exagérer,  mais 
dont  il  ne  faut  pas  non  plus  que  l'on  nie  les  dangers.  Féne- 
on  semble  en  vérité  prendre  trop  de  plaisir  à  développer 


toutes  ces  fictions  païennes,  et  l'amour  a  trop  de  part  à 
l'éducation  de  son  duc  de  Bourgogne.  Bien  en  prend  à  Té- 
lémaque d'être  accompagné  constamment  de  Minerve,  car 
s'il  ne  l'était  que  de  Mentor,  on  craindrait  trop  pour  sa 
vertu.  Et  le  conseil  de  «  dégoûter  les  enfants  des  romans  », 
qu'était-il  devenu?  Car  Fénelon  y  avait  appuyé  dans  son 
Education  des  filles.  Mais,  nous  l'avons  dit,  Fénelon  atta- 
chait peu  d'importance  à  toutes  ces  bagatelles  ;  et  son  ca- 
ractère, qui  ne  l'embarrassait  pas  quand  il  faisait  traduire 
à  son  royal  élève  les  Dédicaces  de  La  Fontaine  à  Mme  de 
Montespan  :  ad  dominam  Montespanam,  ne  le  gênait 
pas  davantage  pour  écrire  Télémaque.  Quelle  est  encore 
dans  son  roman  la  portée  des  allusions  ou  des  intentions 
satiriques  ?  peut- on  le  traiter  comme  un  livre  à  clef?  Son 
Philoclès  et  son  Protésilas,  son  Adraste  et  son  Idoménée, 
son  Eucharis  et  sa  Calypso,  sont-ils  ou  non  des  portraits? 
Est-ce  à  Sésostris,  ou  à  Louis  XIV,  qu'il  reproche*  et  son 
amour  de  la  guerre,  et  l'étalage  de  son  faste,  et  la  tyrannie 
de  son  pouvoir  ?  Quand  les  contemporains  se  disputaient 
son  livre,  y  lisaient-ils  entre  les  lignes  beaucoup  de  choses 
peut-être  que  nous  n'y  voyons  pas  ?  que  l'auteur  n'y  avait 
pas  mises?  qu'il  était  Je  premier  surpris  qu'on  y  lût?  L'ex- 
pression désintéressée  d'une  utopie  de  justice  et  d'équité  se 
tourne  toujours  aisément  en  satire  ;  et  comment  célébrerait- 
on  les  arts  de  la  paix,  par  exemple,  sans  avoir  un  peu 
l'air  de  maudire  la  guerre?  ou  le  bonheur  de  la  médiocrité 
sans  paraître  insulter  la  fortune  ?  C'est  ce  que  l'on  pour- 
rait dire,  je  crois,  du  Télémaque  et  de  sa  portée  politique 
en  son  temps.  Comme  elle  s'amusait  à  revivre  les  fictions 
païennes,  certainement  sans  songer  à  mal,  ou  même  en 
essayant  d'en  dégager  une  signification  morale,  ainsi,  l'ima- 
gination de  Fénelon  se  complaisait  à  rêver  d'une  organi- 
sation sociale  dont  la  vertu  serait  le  principe  et  la  fin.  Ce 
n'est  pas  sa  faute,  après  cela,  si  l'on  ne  voit  guère  dans  le 
monde  que  des  ombres  de  vertu  ;  si  les  hommes  en  général 
sont  moins  bons  qu'il  ne  se  les  représente  ;  et  si  le  pané- 
gyrique de  l'équité  offense  enfin  toujours  ceux  qui  ne  la 
pratiquent  pas.  Mais  ce  qu'il  faut  dire  aussi,  c'est  que  cette 
supposition  même,  et  la  facilité  que  l'on  en  a  d'en  faire  une 
contraire,  prouvent  la  duplicité  d'intention  du  livre  ;  —  et 
que  Fénelon  n'a  pas  vu  parfaitement  clair  dans  son  propre 
dessein. 

Il  n'y  a  pas,  aussi  bien,  jusqu'à  la  valeur  littéraire  du  livre 
qui  ne  forme  une  espèce  dé  problème  à  son  tour,  et  dont  on  ne 
puisse  décider  qu'à  force  de  distinctions.  «  Il  y  a  de  l'agré- 
ment dans  ce  livre,  écrivait  Boileau,  le  40  nov.  4699,  à 
son  scoliaste  Brossette,  et  une  imitation  de  YOdyssée  que 
j'approuve  fort.  »  C'est  cette  «  imitation  »  même  que  nous 
approuvons  moins  aujourd'hui.  Nous  pourrions  encore  nous 
en  accommoder  si  le  Télémaque  était  purement  satirique, 
je  veux  dire,  si  la  peinture  des  mœurs  du  xvne  siècle  y 
perçait  constamment  sous  la  transparence  du  déguisement 
grec,  comme  dans  les  Lettres  persanes,  ou  comme  dans 
un  conte  de  Voltaire.  Mais  l'imitation  est  trop  fidèle,  et 
le  pastiche  trop  consciencieux.  Voltaire  en  dit  trop  quand 
il  dit  que  «  Télémaque  a  l'air  d'un  poème  grec  traduit  en 
prose  française  »,  et  il  prouve  par  là  que,  depuis  YOdyssée 
jusqu'aux  Ar g onau tiques,  l\  a  lui-même  lu  peu  de  poèmes 
grecs.  Mais,  dans  cette  prose  française,  il  a  raison  s'il 
veut  dire  que  les  noms,  que  les  personnages,  que  les  lieux, 
que  les  faits  n'ont  rien  de  national  ni  d'assez  contempo- 
rain. Idoménée  gêne  le  lecteur,  et  nous  nous  sentons 
dépaysés  dans  S'alente.  En  d'autres  termes,  le  genre  est 
faux  ;  et  l'art  de  Fénelon,  tout  habile  qu'il  soit,  n'a  qu'à 
moitié  triomphé  de  cette  erreur  première.  Et  cependant,  et 
malgré  cela,  —  pour  ne  pas  dire  peut-être  à  cause  de  cela,  — 
si  l'on  réussit  soi-même  à  triompher  de  la  première  impres- 
sion, le  charme  opère,  on  s'y  abandonne,  on  s'y  laisse  aller 
tout  entier.  Mentor  prêche  "beaucoup  sans  doute,  et  sa  mo- 
rale est  parfois  ennuyeuse  :  Et  quandoque  bonus  dormi- 
tat  Homerus.  C'est  qu'en  ces  moments-là  Fénelon  songe  à 
son  petit  prince.  Mais  bientôt  reparaissent  l'humaniste  et 
l'artiste,  après  le  moraliste  ;  la  grâce  et  l'ingéniosité  des 


—  179 


FENELON 


fictions  de  la  mythologie  renaissent  sous  sa  plume  ;  il  en 
subit  lui-même  la  séduction  à  sa  manière.  Des  ressouve- 
nus de  Virgile  et  d'Homère  chantent  à  son  oreille  :  la 
descente  d'Ulysse  aux  enfers,  les  imprécations  de  Didon. 
Il  traduit  un  vers,  il  en  transpose  un  autre,  et,  à  la  vé- 
rité, rien  de  tout  cela  n'est  très  latin  ni  très  grec,  n'est 
tout  à  fait  ancien  ni  tout  à  fait  moderne,  n'est  vraiment 
de  la  poésie  ni  vraiment  de  la  prose,  mais  n'en  est  pas 
moins  d'une  élégance  et  d'une  distinction  rares,  unique 
peut-être  en  son  espèce,  et  un  peu  au-dessous,  mais  pas 
trop  éloigné  de  la  tragédie  de  Racine.  C'est  qu'évidemment, 
pour  n'avoir  pas  compris  ni  senti  l'antiquité  comme  nous, 
Fénelon  ne  Ta  pas  moins  sentie.  S'il  ne  croit  pas  aux  récits 
de  la  Fable,  il  croit  au  plaisir  qu'ils  lui  font,  et  quelque 
chose  de  ce  plaisir,  en  passant  dans  le  roman,  Fa  comme 
animé  de  l'étincelle  de  vie.  C'est  ce  qui  l'assure  de  durer 
autant  que  la  langue  française.  Quand  on  en  aura  fait  toutes 
les  critiques  qu'on  en  peut  faire,  —  et  on  en  peut  faire 
beaucoup,  qui  s'étendraient,  si  on  le  voulait,  jusqu'au  détail 
du  style,  —  il  restera  toujours  aussi  que  dans  le  Télé- 
maque,  poème  ou  roman,  satire  ou  traité  de  politique,  on 
retrouve  beaucoup  de  Fénelon  lui-même,  et  longtemps  encore 
c'est  ce  qui  suffira. 

3°  La  Lettre  à  M.  Dacier,  sur  les  occupations  de  l'Aca- 
démie française  est  presque  le  dernier  des  écrits  de  Féne- 
lon. Il  l'écrivait,  en  effet,  en  1714.  Il  y  propose  à  l'Académie 
des  moyens  d'occuper  des  séances  qu'elle  ne  savait  comment 
remplir,  depuis  qu'en  1694  elle  avait  donné  la  première 
édition  de  son  Dictionnaire.  Elle  en  préparait  une  seconde, 
qui  devait  paraître  en  1718,  mais  elle  avait  du  temps  de 
reste  encore.  Pourquoi  ne  l'emploierait-elle  pas  à  rédiger 
une  Grammaire  française?  Et  en  effet  on  peut  dire 
qu'alors  il  n'y  en  avait  pas.  Elle  pourrait  aussi  chercher 
à  enrichir  la  langue,  mais  ici,  en  en  formant  le  vœu, 
Fénelon  a  oublié  d'indiquer  les  moyens  de  le  réaliser.  L'Aca- 
démie pourrait  ensuite  essayer  de  composer  une  Rhétorique 
où  Ton  rassemblerait  «  tous  les  plus  beaux  préceptes  d'Aris- 
tote,  de  Cicéron,  de  Quintilien,  de  Lucien,  de  Longin  », 
et,  à  ce  propos,  Fénelon  esquisse  rapidement  sa  théorie 
de  l'éloquence.  De  la  Rhétorique  il  passe  à  la  Poétique, 
et  c'est  là  qu'imbu  des  idées  de  quelques  fâcheux  novateurs 
de  son  temps,  il  fait  le  procès  de  la  rime  ou  plus  généra- 
lement des  lois  de  la  versification  française.  Au  projet 
d'une  Poétique  succède  celui  d'un  Traité  sur  la  Tragédie, 
puis  celui  d'un  Traité  sur  la  Comédie.  Le  jugement  qu'à 
cette  occasion  il  porte  sur  Molière  est  demeuré  célèbre  :  «  En 
pensant  bien,  il  parle  souvent  mal...  D'ailleurs, il  a  outré 
souvent  les  caractères...  Enfin,  il  a  donné  un  tour  gra- 
cieux au  vice,  avec  une  austérité  odieuse  et  ridicule  à  la 
vertu.  »  C'est  la  question  à  la  fois  du  Misanthrope  et  du 
Tartufe.  Mais  le  Projet  d'un  Traité  sur  V Histoire  est 
peut-être  la  partie  plus  neuve  de  l'opuscule  de  Fénelon.  Il  y 
exprime  cette  idée,  si  j'ose  me  servir  de  ce  mot,  que  toute 
histoire  est  une  évolution,  et  que  l'objet  de  l'historien  doit 
être  d'en  ressaisir  et  d'en  retracer  les  phases.  Mais  les 
auteurs  de  ces  Traités  voudront-ils  bien  se  soumettre  à  la 
censure  de  l'Académie?  Fénelon  répond  à  cette  Objection, 
et  il  termine  enfin  par  une  digression  Sur  les  Anciens  et 
les  Modernes.  La  position  qu'il  prend  dans  la  querelle  est 
moyenne  ou  intermédiaire;  mais,  s'il  inclinait  finalement 
d'un  côté,  ce  serait  plutôt  du  côté  des  anciens.  On  joindra 
d'ailleurs,  pour  avoir  toute  sa  pensée  sur  ce  point,  à  la 
Lettre  sur  les  occupations  de  l'Académie  sa  courte 
Correspondance  avec  La  Mothe. 

Mais  encore  une  fois,  dans  cette  Correspondance  comme 
partout,  et  quelles  que  soient  les  idées  de  Fénelon,  ce  qu'on 
y  trouvera  de  plus  intéressant,  c'est  lui-même  ;  nous  dirions 
aujourd'hui,  c'est  ce  qu'il  laisse  paraître  de  son  moi  dans 
ses  œuvres.  Sans  avoir  l'air  presque  de  s'en  douter,  il  a 
une  manière,  qui  n'appartient  qu'à  lui,  d'intervenir  de  sa 
personne  dans  les  sujets  qu'il  traite,  et  de  solliciter  pour 
l'amour  de  lui  notre  acquiescement  aux  idées  qu'il  avance. 
Il  nous  donne  le  sentiment  que,  d'oser  disputer  contre  lui 


nous  lui  ferions  de  la  peine,  nous  l'affligerions,  nous  ré- 
pondrions mal  au  désir  qu'il  a  de  nous  plaire.  «  Ce  n'est 
pas,  a-t-on  dit,  la  vérité  qui  persuade,  ce  sont  ceux  qui 
la  disent.  »  Si  jamais  écrivain  a  mérité  que  ce  mot  fût 
inventé  pour  lui,  c'est  assurément  Fénelon.  Et,  avant  de 
nous  arrêter  de  parler  de  ses  œuvres,  il  importait  d'en 
faire  la  remarque,  pour  deux  raisons  :  la  première,  pour 
achever  de  montrer  que  ce  n'est  pas  la  Correspondance 
de  Fénelon  qui  doit  servir  à  commenter  ses  Œuvres,  mais 
au  contraire  ses  Œuvres  qui  seraient  bien  plutôt  le  com- 
mentaire de  sa  Correspondance;  et  la  seconde,  pour  bien 
marquer  sa  place  dans  notre  histoire  littéraire,  entre  Bos- 
suet  et  Voltaire. 

III.  C'est  ce  que  l'on  verra  mieux  si,  du  rapide  examen 
de  son  œuvre,  nous  passons  maintenant  à  tâcher  de  pré- 
ciser son  rôle  et  la  nature  de  son  influence.  Car  les  cir- 
constances ont  bien  pu,  comme  nous  l'avons  dit,  l'empê- 
cher de  jouer  en  politique  le  grand  rôle  qu'il  avait  rêvé, 
mais,  nous  l'avons  dit  aussi,  du  fond  de  son  exil,  son  action 
n'a  pourtant  pas  laissé  de  se  faire  sentir,  et  il  est  demeuré 
l'âme  de  la  cabale  du  duc  de  Bourgogne.  La  preuve  en  est 
dans  les  dates  mêmes  de  ses  Mémoires  relatifs  a  la 
guerre  de  la  succession  d'Espagne,  et  encore  plus  dans 
leur  contenu.  Le  premier  est  daté  du  28  août  1701  :  Sur 
les  Moyens  de  prévenir  la  guerre;  les  derniers  sont  de 
1712  et  de  1713,  postérieurs  par  conséquent  à  la  mort 
même  du  prince.  Il  y  traite  un  peu  de  tout,  avec  des  vues 
d'homme  d'Etat,  guerre  et  finances,  politique  et  adminis- 
tration :  il  y  parle  aussi  beaucoup  des  hommes,  sur  quel- 
ques-uns desquels  il  porte  de  curieux  jugements,  Vendôme 
et  Villars  entre  autres.  Mais  ses  lettres  particulières  sont 
encore  plus  caractéristiques.  Elles  nous  assurent  en  effet 
que,  si  ses  Mémoires  n'ont  point  passé  sous  les  yeux  du  roi 
même,  le  duc  de  Beauvilliers  s'en  est  du  moins  comme  appro- 
prié la  substance.  Nous  y  voyons  également  le  témoignage 
du  pouvoir  qu'il  a  conservé  sur  son  ancien  élève,  jusqu'à 
prétendre  intervenir  dans  ses  rapports  avec  la  duchesse  de 
Bourgogne.  A  peine  le  Dauphin,  fils  de  Louis  XIV,  est-il 
mort,  le  14  avr.  1711,  que  l'ancien  précepteur  trace  tout 
un  programme  au  duc  de  Bourgogne.  «  Le  temps  est  venu, 
lui  écrit-il,  de  se  faire  aimer,  craindre,  estimer.  Il  faut  de 
plus  en  plus  tâcher  de  plaire  au  roi,  de  s'insinuer,  de  lui 
faire  sentir  un  attachement  sans  bornes,  de  le  ménager, 
de  le  soulager  par  des  assiduités  et  des  complaisances  con- 
venables, il  faut  devenir  le  conseil  de  Sa  Majesté,  le  père 
des  peuples,  la  consolation  des  affligés,  la  ressource  des 
pauvres,  l'appui  de  la  nation,  le  défenseur  de  l'Eglise,  l'en- 
nemi de  toute  nouveauté.  »  Puis,  sans  tarder,  et  de  con- 
cert avec  le  duc  de  Chevreuse,  il  s'occupe  de  rédiger  les 
Plans  de  Gouvernement  qu'on  désigne  quelquefois  sous 
le  nom  de  Tables  de  Chaulnes.  Citons-en  quelques  articles: 
«  Lois  somptuaires  comme  les  Romains...  Retranchement 
de  tout  ouvrage  par  le  roi  ;  laisser  fleurir  les  arts  par  les 
riches  particuliers  et  par  les  étrangers...  » 

«  Composition  des  Etats  généraux  :  de  l'évêque  de  chaque 
diocèse;  d'un  seigneur  d'ancienne  et  haute  noblesse,  élu 
par  les  nobles  ;  d'un  homme  considérable  du  tiers  état, 
élu  par  le  tiers  état...  » 

«  Education  des  nobles.  Cent  enfants  de  haute  noblesse 
pages  du  roi...  Mésalliances  défendues  aux  deux  sexes... 
Anoblissement  défendu,  excepté  les  cas  de  service  signalés 
rendus  à  l'Etat.  Ordre  du  Saint-Esprit...  Ordre  de  Saint- 
Michel...  ni  l'un  ni  l'autre  pour  les  militaires  sans  nais- 
sance proportionnée.  » 

«  Grand  choix  des  premiers  présidents  et  des  procu- 
reurs généraux.  Préférence  des  nobles  aux  roturiers,  à  mé- 
rite égal,  pour  les  places  de  présidents  et  de  conseillers.  » 

Le  grand  seigneur,  on  le  voit,  reparaissait  dans  ces 
plans,  où,  sans  doute,  quelques  idées  plus  libérales  se  mê- 
laient à  cette  intention  de  commencer  la  réforme  de  l'Etat 
par  la  réintégration  de  l'aristocratie  dans  quelques-uns  des 
privilèges  qu'elle  n'avait  d'ailleurs  perdus  que  pour  avoir 
manqué  aux  devoirs  dont  ils  étaient  le  payement  par  avance. 


FÉNELON 


-180  - 


Et  ni  le  duc  de  Bourgogne,  ni  Fénelon  n'eurent  le  temps 
de  les  mettre  à  exécution.  Mais  on  les  avait  certainement 
divulgués  ;  ils  étaient  connus  de  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
«  haute  noblesse  »  en  France  ;  on  essayera,  au  cours  du 
xvme siècle, d'en  réaliser  quelque  chose;  et  Fénelon  a  ainsi 
sa  part  de  responsabilité  dans  cette  division  de  la  France 
contre  elle-même  qui  devait  aboutir,  soixante  ans  plus  tard, 
à  la  Révolution. 

Elle  est  plus  grande  encore  dans  les  mesures  de  persé- 
cution que  Louis  XIV,  dans  ses  dernières  années,  a  prises 
contre  le  jansénisme,  et  personne,  plus  ou  autant  que  Fé- 
nelon, n'a  travaillé,  dix  ans  durant,  pour  anéantir  un  parti 
qui  n'était  rien  de  moins  que  la  substance  morale  de  la 
France.  De  même  que  Louis  XIV  avait  cru  compenser  la 
Déclaration  des  libertés  de  l'Eglise  gallicane  par  la  ré- 
vocation de  l'édit  de  Nantes,  Fénelon  a-t-il  cru  rétablir  à 
la  cour  la  pureté  de  son  orthodoxie,  compromise  par  la 
condamnation  du  livre  des  Maximes  des  Saints?  On  peut 
poser  la  question,  sans  avoir  à  soupçonner  pour  cela  l'en- 
tière et  absolue  sincérité  de  Fénelon.  Je  crois  qu'il  a  cru 
que  le  jansénisme  était  une  doctrine  également  dangereuse 
pour  l'Eglise  et  pour  l'Etat.  Mais  ce  qui  est  certain,  c'est 
qu'emporté  par  son  zèle,  il  a  mis  à  poursuivre  les  débris 
du  jansénisme  bien  plus  d'acharnement  qu'autrefois  Bos- 
suet  n'en  avait  témoigné  contre  les  fauteurs  du  quiétisme. 
Il  a  recouru  aussi  à  des  moyens  qui  font  plus  d'honneur 
à  la  sincérité  de  ses  convictions  qu'à  la  sévérité  de  sa  cons- 
cience. Mémoires  secrets  au  confesseur  du  roi,  clam  le- 
genda,  dénonciations  nominatives,  insinuations  perfides  et 
mensongères,  propositions  de  renouveler  contre  une  héré- 
sie «  plus  redoutable  »  que  celle  même  de  Calvin,  tout  ce 
que  l'on  avait  pris  contre  les  protestants  de  mesures  vexa- 
toires,  iniques  et  violentes,  Fénelon  n'a  rien  négligé  ni  re- 
culé devant  rien.  Cela  est  plus  grave,  peut-être,  qued'avoir, 
comme  Pascal,  attribué  par  inadvertance  à  Escobar  ou  à 
Sanchez  des  décisions  de  Diana,  qui  n'était  qu'un  simple 
théatin,  ou,  comme  Bossuet,  que  d'avoir  un  jour  failli  enve- 
lopper dans  la  condamnation  des  erreurs  de  Mme  Guyon 
les  rêveries  sacrées  de  Tauler  ou  de  Ruysbrock.  Mais 
cela  surtout  peut  servir  à  donner  une  idée  de  la  tolérance 
de  Fénelon,  et  à  rectifier  l'idée  que  les  philosophes  du 
xvme  siècle  en  ont  transmise  à  la  plupart  des  biographes' 
de  l'archevêque  de  Cambrai.  Rien  ne  lui  ressemble  moins 
que  le  portrait  qu'en  a  tracé  La  Harpe  dans  son  Eloge,  si 
ce  n'est  l'espèce  de  caricature  que  nous  en  a  donnée  Marie- 
Joseph  Chénier  dans  une  tragédie  niaisement  sentimentale  ; 
et  l'original  eut  lui-même  refusé  de  s'y  reconnaître.  Humain 
sans  doute,  comme  on  l'était  ou  comme  on  pouvait  l'être  en 
son  temps,  Fénelon  a  d'ailleurs  été  le  moins  tolérant  des 
hommes,  si  le  commencement  de  la  tolérance  est  de  savoir 
supporter  la  contradiction,  et  son  humanité  n'a  été  le  plus 
souvent  que  de  la  politique.  «  Un  coup  d'autorité  comme 
celui  qu'on  vient  de  faire  à  Port-Royal,  écrivait-il  en  1710, 
à  son  ami  le  duc  de  Chevreuse,  ne  peut  qu'exciter  la  com- 
passion publique  pour  ces  filles  et  l'indignation  contre  les 
persécuteurs.  »  Et  c'est  dans  le  même  sens  qu'il  écrivait 
trente  ans  auparavant  au  marquis  de  Seignelay  :  «  Pen- 
dant que  nous  employons  ici  la  charité  et  la  douceur  des 
instructions,  il  est  important,  si  je  ne  me  trompe,  que  les 
gens  qui  ont  l'autorité  le  soutiennent,  pour  faire  mieux 
sentir  aux  peuples  le  bonheur  d'être  instruits  doucement.  » 
Telle  est  exactement  la  mesure  de  sa  tolérance.  Protestants 
ou  jansénistes,  quand  il  a  cru  pouvoir  utilement  user  en- 
vers eux  de  douceur,  et  les  convertir  ou  se  les  concilier 
par  le  moyen  de  la  persuasion,  il  l'a  fait,  mais  quand  il  a 
cru  qu'il  convenait  de  recourir  à  d'autres  procédés,  il  n'a 
pas  hésité  davantage,  au  nom  de  l'Etat  et  de  la  religion. 
Ni  l'obliquité  des  voies,  ni  la  rigueur  des  mesures  les  plus 
tyranniques  ne  lui  ont  répugne  quand  il  les  a  crues  effi- 
caces. Et,  à  cet  égard,  non  seulement  il  n'a  point  devancé 
ses  contemporains,  comme  on  le  dit  quelquefois  encore, 
mais  il  est  plutôt  en  arrière  de  quelques-uns  d'entre  eux, 
Bayle,  par  exemple,  ou  Fontenelle.  Comment  d'ailleurs  ne  | 


l'eut-il  pas  clé,  si,  comme  Louis  XIV,  il  était  surtout  un 
politique,  et  si  toutes  les  formes  d'opposition  offensaient 
bien  moins  la  pureté  de  sa  foi  qu'elles  n'irritaient  son  or- 
gueil et  qu'elles  ne  contrariaient  ses  desseins  ? 

Le  politique  domine  tellement  en  lui  le  chrétien,  et  le 
moraliste  même,  qu'il  n'a  pas  soupçonné  les  conséquences 
prochaines  de  son  acharnement  contre  les  jansénistes.  Il 
ne  s'est  pas  rendu  compte,  ou,  s'il  s'en  est  rendu  compte,  alors 
il  ne  s'est  pas  soucié  que  la  bulle  Unigenitus  fût  en  quelque 
manière  la  consécration  du  pouvoir  de  la  Société  de  Jésus, 
l'apologie  de  la  casuistique,  la  revanche  et  la  condamnation 
des  Lettres  provinciales.  Il  n'a  pas  voulu  voir  que,  s'ils 
étaient  hérétiques  pour  s'écarter  des  opinions  de  Lessius  et  de 
Molina  sur  la  grâce,  les  jansénistes  avaient  du  moins  cet  avan- 
tage sur  leurs  adversaires  d'enseigner  une  morale  infiniment 
plus  pure,  et  plus  étroite  peut-être,  mais  d'autant  plus  haute 
et  surtout  plus  chrétienne.  En  essayant  d'anéantir  en  eux 
le  principe  de  résistance  et  d'opposition  qu'ils  représen- 
taient, il  a  oublié,  s'il  l'a  jamais  su,  que,  selon  le  mot  cé- 
lèbre, on  ne  s'appuie  que  sur  ce  qui  résiste,  et  qu'il  ris- 
quait d'énerver,  ou  plutôt  de  détruire  le  ressort  même  de 
la  moralité.  Dans  la  mesure  où  il  a  réussi,  ce  philosophe  n'a 
rien  épargné  pour  bien  faire  sentir  l'incompatibilité  de  la 
raison  et  de  la  foi.  A  la  religion  raisonnable  de  Nicole  et 
d'Arnauld,ce  grand  chrétien  a  fait  ce  qu'il  a  pu  pour  subs- 
tituer la  dévotion  sentimentale  et  mystique  de  Mme  Guyon. 
Marie  Alacoque  peut  maintenant  venir  :  Fénelon  lui  a  frayé 
les  voies.  Mais,  en  même  temps,  ce  politique  a  soulevé  contre 
la  religion  tous  ceux  qui  voudront  se  réserver  contre  ses 
empiétements  une  part  de  liberté.  Pour  avoir  prétendu  la 
faire  essentiellement  consister  en  ce  qu'elle  a  de  plus 
incompréhensible  et  de  plus  rare,  de  plus  éloigné  de  l'usage 
commun,  de  plus  subtil  et  de  plus  mystérieux,  il  fa 
exposée,  non  seulement  aux  attaques  de  la  philosophie, 
mais  aux  railleries  même  des  mondains,  et  tôt  ou  tard  aux 
lourdes  dérisions  du  vulgaire.  Il  lui  a  donné  la  forme  qu'il 
fallait  pour  qu'elle  irritât  le  bon  sens.  Il  n'a  pas  vu,  du 
fond  de  son  exil,  que  le  jansénisme  était  la  seule  barrière 
qui  s'opposât  encore  dans  les  dernières  années  du  grand 
règne  aux  débordements  du  «  libertinage  ».  Et  ce  qu'il  a 
moins  vu  peut-être,  c'est  ce  qu'il  fournissait  lui-même  de 
secours  aux  «  libertins  »  par  la  nature  de  son  argumen- 
tation contre  le  jansénisme. 

D'où  vient  en  effet  que  les  philosophes  du  xvme  siècle 
aient  généralement  fait  étalage  pour  Fénelon  d'une  indul-  - 
gence  ou  d'une  partialité  qu'au  contraire  nous  voyons  qu'ils 
refusent  constamment  à  Pascal  ou  à  Bossuet?  Sont-ils 
peut-être  reconnaissants  à  ce  très  grand  seigneur  de  s'être 
fait  l'un  d'eux,  homme  de  lettres  comme  eux,  d'avoir  écrit 
comme  eux  des  «  romans  »  et  des  fables  ?  Soyons  bien  con- 
vaincus au  moins  que,  pour  Voltaire,  Fénelon  ne  serait  pas 
Fénelon,  s'il  n'était  pas  avant  tout  de  La  Mothe-Salignac. 
On  lui  a  su  gré  aussi  de  sa  prétendue  tolérance,  et  à  ce 
propos  il  faut  dire  que,  pour  décider  ce  qu'il  en  devait 
penser,  le  xvme  siècle  n'a  pas  eu  sous  les  yeux  ce  que  nous 
avons  aujourd'hui  de  documents  qui  la  démentent.  On  n'a 
pas  été  non  plus  insensible  à  cette  espèce  de  libéralisme 
ou  d'indépendance  d'esprit  dont  nous  avons  nous-mêmes, 
chemin  faisant,  donné  plus  d'un  curieux  témoignage. 
L'auteur  des  Dialogues  des  Morts  est  fort  au-dessus  de 
bien  des  préjugés;  et  il  y  a  plaisir,  dans  la  Lettre  sur  les 
occupations  de  V Académie,  à  entendre  ce  prêtre  parler 
de  théâtre.  Sa  manière  est  effectivement  très  éloignée  de 
celle  de  Bossuet.  Enfin,  dans  son  Télémaque  et  ailleurs,  il 
s'est  expliqué  sur  le  despotisme  en  général  avec  une  cer- 
taine véhémence,  et  sans  examiner  là-dessus  si  son  gou- 
vernement, ou  celui  du  duc  de  Bourgogne,  son  élève,  n'eût 
pas  eu  quelque  chose  peut-être  de  plus  tyrannique  encore 
que  celui  de  Louis  XIV,  on  ne  s'est  souvenu  que  de  ses 
critiques.  Mais,  après  cela,  ce  que  le  xvme  siècle  a  le  plus 
goûté  en  Fénelon,  c'est  le  principal  adversaire  de  Bossuet 
et  de  Pascal.  Là,  pour  Voltaire,  par  exemple,  est  son  titre  de 
gloire.  Les  deux  grands  écrivains  dont  Voltaire  a  soixante 


—  481  — 


FÉNELON 


ans  combattu  l'influence,  et  tâché  par  tous  les  moyens  de 
renverser  l'autorité,  il  s'est  toujours  souvenu  que  Fénelon 
les  avait  attaqués  l'un  et  l'autre,  et  il  lui  en  est  toujours 
demeuré  reconnaissant.  Rousseau,  de  son  côté,  s'il  fond 
en  larmes,  comme  on  l'a  dit,  au  seul  nom  de  Fénelon, 
c'est  qu'il  a  retrouvé  dans  la  philosophie  de  l'archevêque 
de  Cambrai  son  idée  de  la  bonté  de  la  nature.  Et,  en  effet, 
en  haine  du  jansénisme,  dont  la  conviction  de  la  perversité 
de  l'homme  fait  en  quelque  sorte  le  premier  fondement, 
Fénelon,  lui,  semble  incliner  à  croire  que  nos  instincts 
nous  ont  été  donnés  pour  en  jouir.  L'auteur  deY Emile  ne 
s'y  est  pas  trompé.  Nous  pourrions  d'ailleurs,  si  c'en  était 
le  lieu,  montrer  entre  eux  plus  d'un  trait  de  ressemblance 
encore.  C'est  ainsi  qu'ils  ont  l'un  et  l'autre  abondé,  comme 
l'on  dit,  dans  leur  sens  propre,  tout  au  rebours  de  Pascal 
ou  de  Bossuet;  et  l'un  et  l'autre,  ils  ont  sans  doute  magni- 
fiquement célébré  la  raison,  mais  ils  ont  surtout  écouté 
les  suggestions  du  sentiment.  Sans  en  dire  ici  davantage, 
bornons-nous  à  constater  qu'étant  déjà  du  xvme  siècle  par 
tant  de  côtés  de  son  talent  ou  de  son  caractère,  Fénelon 
l'est  enfin  par  cet  esprit  d'utopie  qui  le  distingue  si  pro- 
fondément de  ses  contemporains .  Précisément  parce  qu'il 
ne  croit  pas  la  nature  aussi  corrompue  qu'on  l'enseignait 
à  Port-Royal,  ou  même  généralement  dans  la  chaire  chré- 
tienne, ayant  ainsi  quelque  chose  de  plus  laïque,  il  a  sem- 
blé à  nos  encyclopédistes  qu'il  y  avait  en  lui  quelque  chose 
de  plus  philosophique.  Si  c'était  une  erreur,  elle  était  excu- 
sable alors.  Elle  le  serait  moins  aujourd'hui,  que  nous 
pouvons  reviser  le  jugement  des  hommes  du  xvme  siècle, 
et  après  avoir  vu  ce  qu'il  y  avait  de  commun  entre  eux  et 
Fénelon,  préciser  avec  exactitude  ce  qui  le  distingue  pro- 
fondément d'eux. 

C'est  qu'il  y  avait  en  lui,  sinon  l'étoffe  —  nous  n'en  savons 
rien  —  mais  quelque  chose  des  aptitudes,  et  certainement  des 
aspirations  d'un  Mazarin  ou  d'un  Richelieu.  Etait-il  vrai- 
ment né  pour  le  gouvernement  et  pour  la  politique?  C'est 
ce  que  nous  ne  saurons  jamais.  Mais  il  croyait  l'être,  et  si 
nous  l'admettons  un  moment  avec  lui,  toutes  ses  actions, 
toute  sa  vie,  tout  son  caractère  en  sont  comme  éclairés 
d'une  lumière  nouvelle.  Alors,  ce  qu'il  y  a  de  douteux  ou 
d'équivoque  dans  quelques-unes  de  ses  démarches  s'explique 
par  le  besoin  de  se  ménager  l'avenir,  comme  aussi  ce  que 
l'on  trouverait  autrement  d'excessif  et  de  trop  passionné 
dans  quelques-unes  de  ses  manœuvres.  On  comprend  l'obsti- 
nation de  sa  résistance  dans  l'affaire  du  quiétisme  ;  on  com- 
prend son  attitude  dans  l'affaire  du  Télémaque  ;  on  com- 
prend la  violence  de  son  acharnement  dans  l'afiaire  du 
jansénisme.  Pour  la  gouverner  un  jour,  demain  peut-être, 
sous  le  nom  de  son  élève,  on  se  rend  compte  qu'il  lui  fallait, 
comme  politique,  une  certaine  France,  organisée  d'une  cer- 
taine manière,  déjà  prête  à  recevoir  l'impulsion  qu'il  se 
proposait  de  lui  donner.  Et  sans  doute  cela  ne  le  justifie 
ni  ne  l'excuse  même  de  l'emploi  de  certains  moyens,  mais 
c'est  une  raison  d'y  regarder  de  plus  près  et  de  peser  plus 
soigneusement  les  termes  du  jugement  qu'on  en  porte.  On 
ne  le  traite  communément  que  comme  un  homme  d'Eglise  : 
il  serait  juste  aussi  d'en  parler  quelquefois  comme  d'un  homme 
d'Etat.  L'a-t-on  bien  assez  fait  ?  Nous  posons  la  question 
sans  vouloir  aujourd'hui  la  résoudre.  Mais  ce  que  nous  pou- 
vons au  moins  dire,  c'est  que  si  l'on  se  plaçait  à  ce  point 
de  vue  pour  étudier  le  drame  intérieur  de  ses  dernières 
années,  il  en  prendrait  un  air  nouveau  de  grandeur  et  de 
beauté  tragique. 

Pendant  plus  de  quinze  ans  en  effet  qu'a  duré  son 
exil,  jusqu'à  sa  mort,  et  que,  bien  loin  d'abdiquer 
aucune  de  ses  espérances,  il  s'est  cru  tous  les  jours  au 
moment  de  les  voir  se  réaliser,  son  ambition  même  est 
devenue  la  source  de  ses  plus  rares  vertus,  et  son  orgueil 
a  fait  en  lui  de  plus  heureux  effets  que  son  humilité. 
Quelque  autre  eût  gémi,  récriminé,  crié,  supplié,  prié 
peut-être,  laissé  voir  sa  blessure,  demandé  à  ses  anciens 
amis  l'aumône  de  leur  compassion  ;  lui,  non  seulement  il  n'a 
point  ployé,  mais,  sans  trahir  le  secret  de  son  cœur,  il  a  con- 


tinué du  fond  de  son  exil  à  diriger,  à  guider,  à  conseiller,  à 
reprendre,  à  gourmander  les  siens.  Supérieur  aux  besoins 
naturels,  entièrement,  absolument  dépouillé  de  ses  sens, 
maître  en  tout  de  lui-même,  comme  rarement  homme  l'a 
été,  de  sa  parole  et  de  sa  plume,  de  ses  actions  et  de  ses 
pensées,  attentif  à  ses  moindres  devoirs,  il  a  quinze  ans 
nourri  sa  chimère,  sans  en  rien  laisser  voir  au  dehors  et  y 
rapportant  tout,  comme  nous  le  savons  aujourd'hui,  mais  n'y 
sacrifiant  aucune  de  ses  obligations,  pas  même  celle  d'amu- 
ser les  neveux  qu'il  aimait  à  réunir  dans  son  palais  de 
Cambrai.  Comment  cependant  conciliait-il  avec  cette  âpreté 
d'ambition  des  vertus  moins  laïques,  ou  comment  sa  charité 
chrétienne  avec  des  espérances  qu'il  fallait  bien  qu'il  fondât 
sur  deux  morts  au  moins  :  celle  de  Louis  XIV  et  du  Dauphin? 
C'est  le  secret  qu'il  n'a  dit  à  personne,  et  que  peut-être  il  n'a 
pas  su  lui-même  !  Mais  sous  ce  calme  apparent,  entre  deux 
lettres  où  reparaît  l'enjouement  de  sa  première  jeunesse,  entre 
deux  Mandements  où  il  attaque  le  jansénisme,  entre  deux 
courriers  de  Versailles  qui  lui  apportent  des  nouvelles  du  roi, 
quels  orages,  sans  doute,  quelles  alternatives  d'espérance  et 
de  dégoût  de  tout,  quels  combats  de  l'ambitieux  et  du  chré- 
tien, quelle  pitié,  quelle  horreur  de  lui-même,  quelles  dé- 
faites et  quelles  victoires  ?  On  essayerait  en  vain  de  se  l'ima- 
giner. Ce  que  nous  pouvons  supposer  seulement,  c'est  que 
la  violence  même  de  ces  luttes  intérieures  n'allait  pas  sans 
quelque  compensation,  si,  de  chacune  de  ces  crises,  Fénelon 
sortait  plus  maître  encore  de  lui,  plus  digne  ou  plus  capable 
du  rôle  qu'il  rêvait  toujours.  Aussi  devine-t-on  quel  coup 
fut  pour  lui  la  mort  du  duc  de  Bourgogne,  au  mois  de 
févr.1712,  quelle  ruine  de  ses  dernières  espérances,  et  quel 
deuil,  quelle  leçon  aussi  pour  le  chrétien  :  «  Hélas  !  mon 
bon  duc,  écrivait-il  à  M.  de  Chevreuse,  le  27  févr.,  Dieu 
nous  a  ôté  toute  espérance  pour  l'Eglise  et  pour  l'Etat.  Il 
a  formé  ce  jeune  prince  ;  il  l'a  orné  ;  il  l'a  préparé  pour  les 
plus  grands  biens  ;  il  l'a  montré  au  monde  et  aussitôt  il  l'a 
détruit.  Je  suis  saisi  d'horreur  et  malade  de  saisissement 
sans  maladie...  »  C'était  le  dernier  cri  de  cette  longue  et 
patiente  ambition  que  l'espérance  avait  jusqu'alors  entre- 
tenue dans  le  cœur  de  Fénelon,  et,  cinq  jours  plus  tard,  il 
écrivait  au  duc  de  Chaulnes  :  «  Je  ne  puis,  mon  bon  duc, 
résister  à  la  volonté  de  Dieu  qui  nous  écrase.  Il  sait  ce  que 
je  souffre,  mais  c'est  sa  main  qui  nous  frappe  et  nous  le 
méritons.  Il  n'y  a  qu'à  se  détacher  du  monde  et  de  soi- 
même  ;  il  n'y  a  qu'à  s'abandonner  sans  réserve  aux  des- 
seins de  Dieu.  Nous  en  nourrissons  notre  amour-propre 
quand  ils  flattent  nos  désirs,  mais  quand  ils  n'ont  rien  que 
de  dur  et  de  détruisant,  notre  amour-propre  hypocrite  et 
déguisé  en  dévotion  se  révolte  contre  la  croix...  Ô  mon  cher 
duc,  mourons  de  bonne  foi.  »  Et,  à  partir  de  ce  moment, 
il  continua,  puisqu'il  avait  commencé,  d'écrire  contre  les 
jansénistes  et  de  hâter  de  ses  vœux  l'expédition  de  la  Bulle 
si  longtemps  attendue  ;  il  essaya,  pour  se  distraire  lui- 
même  de  son  inconsolable  chagrin,  de  se  reprendre  à  ses 
occupations  longtemps  abandonnées,  et  c'est  alors  qu'il 
écrivit  la  Lettre  sur  les  occupations  de  V Académie  fran- 
çaise; mais  les  trois  années  qui  lui  restaient  à  vivre  ne 
furent  plus,  si  l'on  peut  ainsi  dire,  qu'une  préparation  pas- 
sionnée à  la  mort.  Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  ses 
Lettres  spirituelles,  animées  et  comme  soulevées,  pour 
ces  années  1712,  1743,  1714,  selon  l'expression  de  l'un 
de  ses  biographes,  «  d'un  souffle  de  foi  plus  ardent  et  plus 
simple  qu'autrefois  ».  S'il  avait  attendu  que  le  monde  le 
quittât  pour  le  quitter  lui-même,  le  détachement  était  complet 
désormais  et  l'heure  suprême  pouvait  venir.  Elle  vint,  comme 
on  sait,  au  commencement  de  1715,  après  six  jours  seule- 
ment de  maladie,  pendant  lesquels,  dit  Saint-Simon,  «  il 
parut  insensible  à  tout  ce  qu'il  quittait  et  uniquement  occupé 
de  tout  ce  qu'il  allait  trouver  avec  une  tranquillité  et  une 
paix  qui  n'excluait  que  le  trouble  et  qui  embrassait  la  péni- 
tence, le  détachement,  le  soin  unique  des  choses  spirituelles 
de  son  diocèse,  enfin  une  confiance  qui  ne  faisait  que  surnager 
à  la  crainte  et  à  l'humilité  ».  Il  expira  le  7  janv.  à  cinq 
heures  et  un  quart  du  matin.  F.  Brunetière. 


FÉNELON  -  FENESTELLA 


—  182 


Bibl.  :  Nous  avons  décrit  dans  le  corps  même  de  cet 
article  la  principale  et  la  meilleure  édition  qu'il  y  ait  des 
œuvres  de  Fénelon.  On  fera  seulement  attention  qu'elle 
ne  contient  pas  le  livre  des  Maximes  des  Saints  ;  et  on  y 
joindra  quelques  recueils  de  Lettres  inédites,  publiées  eh 
volumes,  sous  les  dates  de  1850,  1853,  1863,  1874,  ou  dans 
les  recueils  de  plusieurs  Sociétés  de  province  et  de  Tétran- 
ger,  sous  les  dates  de  1849,  1859,  etc.  Les  dernières,  dont 
l'authenticité  n'est  pas  tout  à  fait  démontrée,  mais  paraît 
infiniment  probable,  ont  étépubliéesparM.  Eugène  Ritter, 
le  savant  professeur  de  l'université  de  Genève  dans  les 
livraisons  du  15  JL.il.  et  du  15  sept,  de  l'année  1892  de  la 
Revue  internationale  de  V Enseignement  supérieur.  Elles 
sont  tirées  de  la  collection  des  Œuvres  de  Mma  Guyon. 
Enfin,  pour  les  éditions  particulières  du  Traité  de  VEdu- 
cation  des  filles  ou  du  Traité  de  l'Existence  de  Dieu, 
comme  du  Télémaque  ou  de  la  Lettre  à  M.  Dacier,  elles  sont 
innombrables. 

Sur  l'histoire  de  Fénelon  lui-même,  il  serait  inutile  de 
remonter  au  delà  de  l'Histoire  de  FéneZon,  par  le  cardinal 
de  Bausset,  dont  il  y  a  plusieurs  éditions.  On  y  joindra 
comme  un  complément  et  un  correctif  indispensables  le 
volume  de  Tabaraud,  Supplément  aux  Histoires  de  Bos- 
suetetde  Fénelon,  Paris,  1822,  et  l'Histoire  littéraire  de  Fé- 
nelon, par  l'abbé  Gosselin;  Paris,  1843.  —  V.  encore  A.  Bok- 
nel,  la  Controverse  de  Bossuet  et  de  Fénelon  sur  le  Quié- 
tisme;  Mâcon,  1850.—  0.  Douen,  l'Intolérance  de  Fénelon, 
Paris,  1875,  2e  édit.  —  Algar  Griveau,  Etude  sur  la 
condamnaAion  du  livre  des  Maximes  des  Saints  ;  Paris, 
1878.  —  Guerrier,  Mmo  Guyon,  sa  vie,  sa  doctrine  et  son 
influence  ;  Paris,  1881.  —  Emmanuel  de  Broglie,  Fénelon 
à  Cambrai;  Paris,  1884.  —  Paul  Janet,  Fénelon,  dans  la 
collection  des  Grands  Ecrivains  français  ;  Paris,  1892.  — 
Albert  Le  Roy,  la  France  et  Rome  de  1 100  à  1715;  Paris,  1892. 
Pour  les  Etudes  littéraires,  on  n'en  finirait  pas  de  les 
signaler.  Il  convient  cependant  de  mentionner  au  moins 
parmi  les  plus  intéressantes  :  VEloge  de  La  Harpe,  1771  ; 
le  chapitre  de  Nisard,  1846,  dans  son  Histoire  de  la  Litté- 
rature française,  et  trois  articles  de  Sainte-Beuve,  Cause- 
ries du  Lundi,  1850  et  1854,  t.  II  et  X. 

FÉNELON  (Gabriel- Jacques  de  Salignac,  marquis  de), 
général  et  diplomate  français,  né  le  25  juil.  4688,  mort  près 
deRaucoux  le  11  oct.  1746.  Entré  au  service  comme  mous- 
quetaire en  1704,  Fénelon  assista  en  1706  à  la  bataille  de 
Ramillies  et  obtint,  la  même  année,  une  compagnie  au 
régiment  royal  des  cuirassiers.  De  1707  à  1708,  il  servit 
à  l'armée  du  Rhin  sous  Rerwick  et  Villars  et,  colonel  du 
régiment  d'infanterie  deRigorre  en  1709,  commanda  ensuite 
en  Dauphiné  sous  Rerwick.  De  1710  à  1712,  il  servit  à 
l'armée  de  Flandre  et  se  trouva  aux  prises  de  Douai,  du 
Quesnoy  et  de  Rouchain.  Nommé  inspecteur  général  de  l'in- 
fanterie le  20  oct.  171 8, brigadier  lelerfévr.  1719, il  obtint, 
le  6  mars  de  la  même  année,  la  charge  de  colonel  du  régi- 
ment de  Poitou.  Durant  la  campagne  d'Espagne,  il  assista 
aux  sièges  de  Fontarabie,  de  Saint-Sébastien,  d'Urgel  et 
de  Rosas.  Le  31  mai  1724,  Fénelon  fut  envoyé  comme 
ambassadeur  en  Hollande.  Ce  poste  n'avait  plus  la  même 
importance  qu'au  temps  de  Louis  XIV,  mais  il  exigeait  de 
celui  auquel  on  le  confiait  des  qualités  particulières  de  sou- 
plesse et  de  fermeté,  en  même  temps  que  des  connaissances 
étendues.  Fénelon  remplit  encore  une  autre  mission  diplo- 
matique ;  il  fut  nommé  le  31  août  1737  ambassadeur 
extraordinaire  au  congrès  de  Soissons.  Ces  diverses  missions 
n'interrompirent  point  sa  carrière  militaire.  Fait  maréchal 
de  camp  le  1er  août  1734  et  gouverneur  du  Quesnoy  le 
23  avr.  1735,  il  devint  lieutenant  général  le  1er  mars 
1738,  conseiller  d'Etat  d'épée  le  26  sept,  de  la  même 
année  et  chevalier  des  ordres  du  roi  le  2  févr.  1740.  Pen- 
dant la  guerre  de  la  succession  d'Autriche,  il  servit  d'abord 
à  l'armée  des  Pays-Ras  sous  le  maréchal  de  Saxe  (1744), 
puis  à  eelle  du  Rhin  sous  Conti  (1745).  Il  était  en  passe 
d'obtenir  le  bâton  de  maréchal  quand  il  fut  blessé  à  mort 
à  Raucoux.  Il  a  laissé  des  Mémoires  sur  ses  missions  diplo- 
matiques, et  c'est  à  lui  qu'on  doit  la  mise  au  jour  de  la 
première  édition  complète  des  Aventures  de  Télémaque 
(1717).  Louis  Farges. 

Bibl.  :  Tinard,  Chron.  historique  militaire. 
FÉNELON  (François-Louis  de  Salignac,  marquis  de), 
littérateur  français,  fils  du  précédent,  né  le  7  nov.  1722, 
mort  au  château  d'Aschères,  près  d'Orléans,  le  10  oct.  1767. 
Il  fut  successivement  brigadier  d'infanterie  (1747),  maré- 
chal de  camp  (1749),  lieutenant  général  (1762),  gouver- 
neur de  la  Martinique  et  des  îles  du  Vent  (1763).  Il  a  écrit 


une  tragédie,  Alexandre  (Paris,  1761,  in-8),  et  donné  une 
réédition  de  la  vie  de  Fénelon  sous  le  titre  de  Nouvelle 
Histoire  de  messire  F.  de  Salignac  de  La  Mothe  Féne- 
lon, archevêque-duc  de  Cambrai  (La  Haye,  1747,  in-8). 

FÉNELON  (J.-R.-A.  Salignac  de  La  Mothe-),  de  la 
famille  des  précédents,  né  à  Saint-Jean-d'Estissac  en  1714, 
exécuté  à  Paris  le  7  juil.  1794.  Aumônier  de  Marie  Leczinska, 
il  s'établit  en  1758  dans  son  prieuré  de  Saint-Sernin-du- 
Rois,  près  d'Autun,  et  répandit  des  bienfaits  sur  tout  son 
voisinage.  Il  vint  ensuite  à  Paris  où  il  dirigea  l'œuvre  des 
Savoyards.  Arrêté  comme  suspect,  il  fut  traduit  devant  le 
tribunal  révolutionnaire. 

FÉNÉRIFE  ou  VOUHIMASINE.  Ville  maritime  de  Ma- 
dagascar, sur  la  côte  E.,  prov.  de  Retsimaraka.  La  rade  est 
peu  sûre.  C'est  un  des  centres  d'exportation  du  riz. 

FÉNÉRY.  Corn,  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  et  cant. 
de  Parthenay;  465  hab. 

FENESTELLA.  L  Rotanique. —  Genre  de  Champignons 
Sphériacés,  à  périthèces  agrégés,  munis  d'un  col,  à  asques 
cylindriques,  à  grandes  spores  colorées  et  offrant  un  cloison- 
nement qui  lui  donne  l'aspect  feutré.  Habitat  :  rameaux 
d'aunes,  de  saules,  d'aubépine,  etc.  H.  F. 

II.  Paléontologie.  —  Genre  de  Rryozoaires  fossiles 
créé  par  Lonsdale  et  devenu  le  type  de  la  famille  des  Fe- 
nestellidœ  (King),  qui  présente  les  caractères  suivants: 
colonie  libre  en  forme  d'entonnoir,  d'éventail,  de  lamelle  ou 
de  branche  d'arbre,  fixée  par  une  plaque  basale  commune 
et  portant  les  cellules.  Rameaux  réticulés  s'anastomosant 
ou  reliés  par  des  ponts  transversaux.  Ouvertures  des  cel- 
lules d'un  seul  côté  de  la  colonie.  —  Ces  Rryozoaires  res- 
semblent aux  Polypiers  cornés  du  groupe  des  Alcyonaires 
(Gorgones),  avec  lesquels  les  anciens  les  confondaient  sous 
le  nom  de  Gorgonia.  Tous  sont  de  l'époque  paléozoïque. 
Fenestella  s'étend  du  Silurien  au  carbonifère.  De  nom- 
breux genres,  dont  Archimedes  (V.  ce  mot),  appar- 
tiennent à  la  même  famille.  E.  Trt. 

FENESTELLA,  historien  latin  du  temps  d'Auguste, 
mort  à  l'âge  de  soixante-dix  ans,  en  19  ap.  J.-C, 
suivant  saint  Jérôme,  vers  36  seulement  d'après  Pline 
l'Ancien  (Hist.  nat.,  XXXIII,  52).  On  ne  connaît 
que  son  surnom,  son  nom  et  son  prénom  n'étant 
cités  nulle  part.  Il  composa  des  Annales  et,  comme 
Varron,  les  résuma  lui-même  ;  les  livres  II,  III,  et  XXII 
sont  cités  par  Nonius.  Un  grand  nombre  de  citations  ont 
trait  à  des  questions  de  droit  civil  ou  pontifical  (la  pro- 
vocatio,  les  questeurs,  les  quindecimviri,  les  lois  Aurélia, 
les  jours  festi  et  profesti,  le  calendrier  romain,  les  jeux 
du  cirque,  les  livres  sibyllins,  etc.)  ou  à  différents  usages 
relatifs  à  la  vie  privée,  ou  à  la  littérature  (sur  Térence  et 
Cicéron).  Pline  l'Ancien  le  cite  parmi  ses  auteurs,  au  sujet 
des  éléphants,  des  animaux  aquatiques,  des  arbres  frui- 
tiers, des  métaux,  de  la  peinture.  Ces  citations  apparte- 
naient-elles aux  Annales,  ou  sont-elles  tirées  d'un  ouvrage 
spécial  sur  les  coutumes  et  le  droit?  On  n'en  sait  rien. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  jouit  d'une  grande  autorité,  quoi- 
qu'Asconius  et  Aulu  Gelle  lui  reprochent  des  erreurs; 
Suétone,  par  exemple,  s'appuie  sur  lui  au  début  de  la 
Vie  de  Térence.  Lactance  l'appelle  diligentissimus  scrip- 
tor  (Inst.  div.,  I,  6,  14)  et  le  place  à  côté  de  Varron 
en  les  nommant  tous  les  deux  maximi  auctores.  Suivant 
la  chronique  de  saint  Jérôme  (à  l'année  772  de  Rome); 
Fenestella  avait  aussi  composé  des  poésies  ;  mais  rien  ne 
confirme  ce  renseignement  ;  peut-être  le  passage  est-il 
altéré  et  faut-il  lire  annalium  au  lieu  de  carminum. 
Au  xvie  siècle,  on  imprima  plusieurs  fois  sous  son  nom 
deux  livres,  DeMagistratibus  et  Sacerdotiisromanorum, 
où,  parmi  les  sacerdotia,  se  trouvent  les  évêques  et  les 
archevêques.  Cet  ouvrage  est  en  réalité  d'un  prêtre  mort 
en  1452,  Andr.  Don.  Fiocchi,  et  fut  publié  en  1561  sous 
le  nom  de  son  véritable  auteur  (Floccus).        A.  Waltz. 

Bibl.:  J.  Pœth,  De  Fenestella  historiarum  scriptore  et 
carminum;  Bonn,  1849. —  H.  Peter,  Historicorum Roma- 
norum  fragmenta  ;  Leipzig,  1883, 


—  183  — 


FENESTRAGE  —  FENÊTRE 


FENESTRAGE  (Archit.).  Terme  désignant  aussi  bien 
l'ensemble  des  fenêtres  d'un  édifice  et  leur  disposition  gé- 
nérale qu'une  série  de  fenêtres  très  rapprochées  les  unes 
des  autres  et  seulement  séparées  par  des  meneaux  de 
pierre  ou  de  bois  de  peu  de  largeur  comme  on  en  voit  dans 
de  nombreux  édifices  du  moyen  âge  ou  de  la  Renaissance. 
—  On  appelle  aussi  fenestrage  le  remplissage,  par  des  ner- 
vures en  maçonnerie  recevant  les  vitraux,  des  grandes  baies 
des  édifices  religieux  de  l'époque  gothique  ;  tandis  que,  de 
nos  jours,  on  se  sert  de  ce  même  terme  de  fenestrage,  en 
construction,  pour  désigner  les  châssis  de  menuiserie  vitrés 
ou  croisées  qui  garnissent  les  baies  d'un  édifice.   Ch.  Lucas. 

FENESTRELLES.  Rourg  d'Italie,  prov.  de  Turin,  à 
4,454  m.  d'alt.,  près  du  Clusone,  affl.  de  gauche  du  Pô; 
4,238  hab.  La  route  du  mont  Genèvre,  la  meilleure  des 
routes  entre  la  France  et  l'Italie,  et  qui  vient  de  Rriançon, 
se  bifurque  à  Césanne  :  l'une  des  branches,  la  plus  acces- 
sible, se  dirige  par  Oulx  et  Exilles-sur-Suze  ;  l'autre  passe  par 
le  col  de  Sestrières  sur  Fenestrelles.  «  La  route  du  Clusone  est 
barrée  à  Fenestrelles,  à  36  kil.  du  mont  Genèvre,  par  une 
série  d'ouvrages  reliés  par  un  retranchement.  Le  fort  prin- 
cipal ou  fort  inférieur  est  armé  de  60  pièces  environ  ;  le  fort 
supérieur  porte  une  vingtaine  de  pièces.  La  garnison  peut 
être  de  4,000  hommes.  »  (Col.  Niox.)  Entre  Exilles  et  Fe- 
nestrelles se  développent  les  positions  célèbres  de  Y  Assiette. 
Fenestrelles  a  servi  de  prison  à  Xavier  de  Maistre  qui  y  a 
écrit  le  Voyage  autour  de  ma  chambre.  Cette  vallée  est 
une  des  vallées  vaudoises.  Les  Vaudois  établis  depuis  le 
moyen  âge  y  opposèrent  une  résistance  acharnée  à  toutes 
les  persécutions.  La  langue  généralement  parlée  est  le  fran- 
çais. Cependant  l'italien  y  fait  de  notables  progrès.  Fenes- 
trelles appartenait  au  Rriançonnais  (Dauphiné)  et  par  suite 
à  la  France.  Elle  fut  cédée  à  la  Savoie  par  le  traité  d'Utrecht. 
Le  fort  élevé  en  4696  et  pris  parles  Savoyards  en  1708, 
devint  une  des  plus  fortes  places  delà  région.  Les  Français 
le  rasèrent  en  4796. 

FÉNÉTRANGE  (Filistenges ,  1070,  Phylostanges , 
1222,  en  allem.  Finstingen).  Ch.-l.  de  cant.  delà  Lorraine 
allem.,  arr.  de  Sarrebourg,  sur  la  Sarre  et  le  chem.  de  fer 
de  Sarrebourg  à  Sarreguemines  ;  1,429  hab.  Rrasseries, 
tanneries,  filature  de  laine,  carrières.  Eglise  collégiale  à 
trois  nefs,  beau  monument  historique  du  xve  siècle.  Restes 
de  deux  châteaux  forts,  dont  l'un  sert  d'école  ;  des  forti- 
fications on  voit  encore  quelques  murailles  avec  deux  tours 
rondes  et  une  porte  flanquée  de  deux  tours,  qui  sert  d'hô- 
tel de  ville  ;  pont  sur  la  Sarre  à  trois  arches  construit  au 
milieu  du  xvme  siècle  ;  restes  gallo-romains.  Fénétrange, 
dès  le  xie  siècle  domaine  du  chapitre  de  Remiremont,  qui 
y  avait  un  atelier  monétaire,  devint  plus  tard  le  chef-lieu 
d'une  seigneurie  importante,  et  possédait  dès  le  xive  siècle, 
un  castel  avec  donjon  et  forteresse.  D'abord  fief  des  évèques 
de  Metz,  puisbaronnie  libre  de  l'Empire,  la  terre  de  Féné- 
trange passa  successivement  aux  maisons  d'Havray,  de 
Croy,  de  Vaudémont,  de  Lorraine  et  de  Salm,  et  à  cer- 
taines époques  elle  avait  plusieurs  seigneurs  à  la  fois.  En 
1782,  la  baronnie  de  Fénétrange  fut  donnée  par  Louis  XIV 
au  duc  de  Polignac,  au  moyen  d'une  vente  simulée  que 
l'Assemblée  constituante  annula  en  1791.  Fénétrange 
porte  d'azur  a  la  fasce  d'argent.  L.  W. 

Bibl.  :  Benoit,  Répert.  archéol.  dudép.  delà  Meurthe; 
Nancy,  1862, 5. —  Du  même,  les  Corporations  de  Fénétrange; 
Nancy,  1864;  plusieurs  articles  dans  Mém.  de  la  Soc.  d'ar- 
chéol.  lorr.t  1861  et  1868. 

FENÊTRE.  I.  Technologie  (V.  Croisée). 

IL  Architecture.  —  Raie  ou  ouverture  pratiquée  dans 
le  mur  extérieur  d'une  construction  pour  donner  du  jour  et 
de  l'air  à  l'intérieur.  Comme  tout  élément  important  dans 
la  structure  et  pour  l'usage  des  édifices,  les  fenêtres  ont, 
suivant  les  climats,  suivant  les  matériaux  mis  en  œuvre  et 
surtout  suivant  la  destination  des  édifices,  reçu  des  dimen- 
sions, des  formes,  des  dispositions  et  des  décorations  diffé- 
rentes. En  outre,  le  style  et  la  richesse  d'architecture 
d'une  époque,  exerçant  leur  influence  sur  la  décoration 
des  chambranles  ou  encadrements  extérieurs  des  fenêtres, 


assurent  à  ces  dernières  une  place  souvent  considérable  et 
quelquefois  prépondérante  dans  l'ornementation  et  par  suite 
dans  le  caractère  monumental  des  édifices. 

On  ne  peut  douter  que  les  anciens  n'aient  connu  l'usage 
des  fenêtres,  et  an  certain  nombre  de  celles-ci,  datant  d'épo- 
ques bien  différentes,  mais  remontant  à  plus  de  dix-huit 
siècles,  existent  encore  de  nos  jours,  en  partie  ruinées  il 
est  vrai,  dans  les  édifices  élevés  par  les  Egyptiens,  les 
Grecs  et  les  Romains.  Cependant  le  climat  des  bords  de  la 
mer  Méditerrannée  étant  plus  chaud  que  le  climat  des  con- 
trées du  N.-O.  de  l'Europe  ;  la  vie  des  anciens  Egyptiens, 
des  Grecs  et  des  Romains,  étant  plus  extérieure  que  la 
nôtre,  cette  vie  se  passant,  beaucoup  plus  que  la  vie  de 
nos  jours,  sur  la  place  publique  ou  sous  les  portiques  sur 
lesquels  s'ouvraient  aussi  bien  les  portes  des  temples  et 
des  autres  édifices  publics  que  celles  des  chambres  des  riches 
maisons  ;  enfin  les  rites  des  différentes  religions  égyp- 
tienne, grecque  ou  romaine,  ne  permettant  l'accès  de  l'in- 
térieur des  temples  qu'à  un  petit  nombre  d'initiés  ;  toutes 
ces  circonstances  réunies  ont  fait  que,  jusqu'au  commence- 
ment de  notre  ère,  les  fenêtres  n'ont  occupé  qu'une  place 
assez  restreinte  dans  la  construction  et  par  suite  dans  la 
décoration  des  édifices.  —  Dans  l'ancienne  Egypte,  les  py- 
lônes, placés  à  l'entrée  des  temples,  montrent  encore  les 
petites  fenêtres,  assez  irrégulièrement  disposées  et  sembla- 
bles à  des  meurtrières,  qui  éclairaient  des  chambres  à  l'in- 
térieur de  ces  pylônes  et  permettaient  aussi  aux  gens  de 
service  d'amarrer  solidement  les  mâts  et  de  hisser  les  dra- 
peaux que  l'on  y  faisait  flotter  les  jours  de  fête  ;  de  plus, 
certaines  grandes  salles  hypostyles  présentaient,  à  leur 
partie  supérieure  el  grâce  à  la  différence  de  hauteur  de  la 
nef  centrale  et  des  nefs  latérales,  des  fenêtres  s'ouvrant 
entre  les  terrasses  couvrant  ces  nefs,  fenêtres  qui  n'étaient 
autres  que  des  vides  réservés  dans  la  construction  et  fer- 
més par  des  grillages  de  pierre  ou  claustra;  enfin,  sur  les 
représentations  peintes  ou  sculptées  de  palais  ou  de  maisons 
que  nous  ont  conservées  les  tombeaux,  figurent  de  véri- 
tables fenêtres  souvent  divisées  par  des  meneaux  en  plu- 
sieurs ouvertures  rectangulaires  et  encadrées  d'un  cham- 
branle dont  les  pieds-droits, reposant  sur  un  appui, s'inclinent 
vers  l'intérieur  et  diminuent  de  largeur  à  mesure  qu'ils 
s'élèvent  vers  leur  couronnement,  lequel  consiste  assez  sou- 
vent en  une  gorge  avec  au-dessus  un  simple  filet.  Mais, 
dans  les  ruines  de  Thèbes,  au  pavillon  royal  de  Médinet- 
Abou,  appelé  aussi  pavillon  de  RamsèsIII,  du  nom  du  pha- 
raon qui  le  fit  construire  environ  quinze  siècles  avant  notre 
ère,  existent  encore  deux  types  différents  de  fenêtres  :  l'un, 
dont  la  baie  est  plus  large  que  haute,  offrant  un  chambranle 
formé  par  la  saillie  des  assises  entre  lesquelles  s'ouvre 
cette  baie  et  couvert,  sur  ses  parties  montantes,  de  hiéro- 
glyphes tandis  que  la  partie  supérieure  est  décorée  d'un 
globe  ailé,  et  l'autre  dont  le  chambranle  est  orné  de  même, 
mais  a  un  très  fort  relief,  ce  qui  en  forme  comme  un  pe- 
tit monument  séparé,  et  est,  de  plus,  couronné  d'une  gorge 
décorée,  elle  aussi,  d'un  globe  ailé  et  surmontée  de  car- 
touches entourés  et  reliés  par  des  ornements  en  forme  de 
guirlandes.  —  La  Grèce  ancienne  offre,  moins  encore  peut- 
être  que  l'Egypte,  des  exemples  de  fenêtres  éclairant,  soit 
l'intérieur  des  temples  et  des  édifices  publics,  soit  l'inté- 
rieur des  maisons  :  cependant  un  bas-relief  antique  montre 
une  fenêtre  plus  large  que  haute,  sur  le  côté  d'un  temple; 
des  fenêtres,  ouvertes  à  même  le  mur  et  sans  chambranle, 
se  voient  aux  portes  de  Messène,  et  la  cella  de  Pandrose, 
dans  l'Erechthéion  d'Athènes,  sorte  de  corridor  étroit  lon- 
geant le  côté  occidental  du  corps  principal  de  l'édifice,  a 
conservé,  dans  les  entre-colonnements  de  sa  façade,  trois 
fenêtres  destinées  à  donner  du  jour  dans  cette  partie  du 
monument.  Nous  reproduisons  (fig.  1)  l'ensemble  d'une 
de  ces  fenêtres  ainsi  que  le  détail  de  la  moulure  en  for- 
mant le  chambranle,  fenêtre  et"  chambranle  qui  remontent  à 
la  reconstruction  de  l'Erechthéion  après  les  guerres  médi- 
ques,  c.-à-d.  à  la  plus  belle  époque  de  l'art  grec.  —  Quoique 
les  Romains  ne  se  servaient  pas  beaucoup  plus  que  les 


FENÊTRE 


—  484  — 


Grecs  de  fenêtres  pour  éclairer  leurs  temples  et  leurs  mai- 
sons, nous  connaissons  un  certain  nombre  de  types  de  fe- 
nêtres romaines,  types  bien  différents  dans  leurs  disposi- 
tions et  leur  décoration,  suivant  la  destination  des  édifices 


Fig.  1.  —  Elévation  de  la  fenêtre  de  la  cella  de  Pandrose 
à  l'Erechthéion  d'Athènes,  et  coupe  de  la  moulure 
du  chambranle. 

dont  les  ruines  nous  les  ont  conservés.  C'est  ainsi  que  les 
fenêtres  du  temple  de  la  Fortune,  à  Prœneste  (Italie) 
(fig.  2),  avec  leurs  crossettes  qui  élargissent  le  cham- 
branle à  la  hauteur  de  l'appui  et  du  linteau  et  avec  leurs 
fines  consoles  portant  une  corniche  de  couronnement,  offrent 
un  bel  exemple  emprunté  au  style  gréco-romain,  tandis  que 

dans  les  grands  am- 
phithéâtres, le  Co- 
tisée de  Rome  ou 
l'amphithéâtre  d  e 
Pola  (Istrie),  les 
fenêtres  sont  de 
simples  baies,  car- 
rées ou  rectangu- 
laires, ménagées 
dans  la  construc- 
tion de  l'étage  su- 
périeur et  dépour- 
vues de  cham- 
branles saillants  ; 
en  revanche,  les 
salles  de  réunion 
des  vastes  ensem- 
bles d'édifices  con- 
stituant les  Ther- 
mes des  empereurs 
étaient  éclairées  par 
de  larges  arcades 
remplies  par  des 
claustra,  et  dans 
les  maisons  de  Pom- 
péi,  qui  n'avaient 
que  rarement  des 
fenêtres  ouvrant 
sur  la  voie  publique, 
ces  fenêtres,  peu 
importantes,  souvent  plus  larges  que  hautes,  étaient  per- 
cées à  même  la  décoration  du  mur,  et  on  peut  en  outre 
constater  que,  dans  la  maison  dite  du  Poète  tragique, 
qui,  chose  exceptionnelle,  a  six  fenêtres  à  rez-de-chaussée, 
les  appuis  de  ces  ^"fenêtres  sont  plus  élevés  au-dessus  du 
sol  des  pièces  que  ne  le  seraient  à  notre  époque,  avec  les 
règlements  de  voisinage,  les  appuis  de  jours  de  souffrance  ; 
car  ces  appuis  de  fenêtres  de  Pompéi  sont  à  plus  de  six 
pieds  (2  m.)  au-dessus  du  sol.  C'est  encore  à  Pompéi, 


Fig.  2.  —  Elévation  de  la  fenêtre  du 
templ 
(Italie).* 


temple  de  la  Fortune,  à  Preeneste 
"'alie 


dans  une  salle  intérieure  de  la  maison  dite  de  Plinius  Ru- 
fus,  que  l'on  voit  un  chambranle  de  fenêtre  avec  crossettes 
encadrant  une  surface  de  mur  rectangulaire  creusée  en 
biseau  et  dont  une  toute  petite  partie  seulement  est  percée 
de  part  en  part  afin  de  former  une  meurtrière,  tant  dans 
les  climats  chauds  et  dans  les  maisons  romaines  antiques 
les  fenêtres  jouaient  un  rôle  différent  de  celui  qu'elles  rem- 
plissent dans  nos  climats  souvent  froids  et  dans  nos  maisons 
modernes  du  N.  de  l'Europe.  —  Les  Romains  imposèrent 
aux  peuples  qu'ils  avaient  conquis  leur  architecture,  et,  au 
moyen  des  légionnaires  cantonnés  aux  extrémités  de  l'Em- 
pire, ils  firent  adopter  dans  toute  la  partie  du  monde  sou- 
mise à  leur  domination  leurs  types  et  leurs  procédés  de 
construction  :  cependant  il  est  intéressant  de  mentionner 
ici  la  seule  représentation  connue  d'une  petite  fenêtre, 
bien  simple,  de  forme  reclangulaire,  percée  à  même  la  clô- 
ture de  bois  d'une  hutte  circulaire  gauloise,  fenêtre  qui  se 
voit  dans  le  bas-relief  romain,  encadré  dans  le  piédestal 
de  la  statue  de  Melpomène  au  musée  du  Louvre  et  repré- 
sentant un  Gaulois  défendant  sa  maison  contre  un  légion- 
naire romain  au  temps  de  la  conquête  de  la  Gaule  par  Jules 
César. 

Dans  l'architecture  latine  et  dans  l'architecture  byzan- 
tine, pendant  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  les  fenê- 
tres continuèrent,  comme  à  l'époque  romaine,  à  être  ou 
rectangulaires  ou  cintrées  par  le  haut,  et,  si  elles  furent 
plus  nombreuses  que 
dans  les  siècles  pré- 
cédents, leurs  ou- 
vertures furent  tou- 
jours ,  ou  laissées 
béantes  ou  garnies  de 
claustra  de  pierre, 
de  marbre,  de  bois 
ou  de  métal,  claus- 
tra dont  parfois  les 
vides  étaient  garnis 
de  morceaux  de 
verre.  En  effet,  les 
anciens  connais- 
saient le  verre  ;  mais 
ils  ne  le  fabriquaient 
pas,  comme  on  le 
fabrique  de  nos 
jours ,  en  grandes 
surfaces,  pour  l'em- 
ployer à  des  usages 
courants.  Jusqu'au  xne  siècle,  nombre  d'églises  romanes 
eurent  leurs  fenêtres  dans  les  mêmes  conditions,  mais 
avec  un  large  ébrasement  intérieur,  ainsi  qu'on  peut 
le  voir  sur  le  plan  (fig.  3)  qui  accompagne  l'élévation 
d'une  fenêtre  de  l'église"  de  Savenières,  sur  la  rive  droite 
de  la  Loire,  église  dont  on  fait  remonter  au  vme  siècle  la 
partie  de  façade  latérale  à  laquelle  est  empruntée  cette  fe- 
nêtre. L'ouverture  extérieure  en  est  de  petites  dimensions, 
4m10  de  hauteur  sur  0m60  intérieurement,  et  est  ornée 
d'une  archivolte  et  de  pieds-droits  formés  de  briques  et  de 
morceaux  detuffeau  blanc,  tranchant  heureusement,  comme 
coloration,  avec  la  maçonnerie  de  petit  appareil  et  d'un  ton 
noirâtre  du  reste  du  monument.  Au  reste,  les  fenêtres  de 
l'ère  romane  primitive  présenteraient  peu  d'intérêt,  à  cause 
de  leur  peu  de  variété,  si  parfois,  comme  dans  certains 
monuments  carolingiens  de  l'E.  de  la  France,  plusieurs  fe- 
nêtres n'étaient  rapprochées  l'une  de  l'autre,  formant  ainsi 
une  fenêtre  double,  triple  et  même  quadruple  dont  la  re- 
tombée intérieure  des  archivoltes  ou  les  joints  des  linteaux 
reposaient  sur  des  colonnettes  assez  rudimentaires  comme 
bases  et  comme  chapiteaux,  mais  ne  manquant  pas  pourtant 
d'une  certaine  élégance  de  proportions.  En  outre,  dans  les 
fenêtres  groupées  par  trois,  celle  du  milieu  avait  parfois 
une  plus  grande  hauteur,  surtout  quand  la  fenêtre  était 
placée  à  la  partie  supérieure  d'un  pignon,  et  souvent  aussi 
un  arc  en  décharge,  placé  au-dessus  de  la  fenêtre  et  bien 


Fig.  3.  —  Plan  et  élévation  d'une 
fenêtre  de  l'église  de  Savenières 
(France). 


485 


FENÊTRE 


appareillé,  venait,  comme  à  l'église  Saint-Front  de  Périgueux, 
reporter  le  poids  de  la  construction  supérieure  sur  les  parties 
de  mur  à  droite  et  à  gauche  de  la  fenêtre,  en  même  temps 
qu'il  tranchait  par  sa  courbe  sur  les  assises  horizontales  de 
l'appareil  du  pignon.  Avec  l'ère  de  transition  du  roman 
au  gothique,  les  formes  des  fenêtres  devinrent  plus  va- 
riées, et  les  parties  supérieures  des  bras  de  la  croisée  de  la 
cathédrale  de  Noyon,  véritables  transepts  bâtis  sur  un  plan 
circulaire,  vers  1150,  sont  éclairées  par  de  longues  fenê- 
tres jumelles  plein  cintre  qui  s'ouvrent  sur  une  galerie 
extérieure  passant  à  travers  les  contreforts  butant  les 
arêtes  des  voûtes  (V.  fig.  4,  le  plan,  et  fig.  5,  la  vue  pers- 


Fig.  4. —  Plan! d'une  fenêtre  des  transepts  circulaires 
Çïî£%&  de  la  cathédrale  de  Noyon. 

pective  d'une  de  ces  fenêtres).  Comme  le  plan  l'indique, 
dans  ces  fenêtres,  des  feuillures  intérieures  pouvaient  ser- 
vir aussi  bien  à  les  abriter  du  vent  qu'à  pourvoir  à  leurs 
réparations  possibles  ;  en  outre,  fenêtre,  galerie,  contre- 
forts et  grand  arc  de  décharge  entre  les  contreforts,  au- 
dessus  de  la  claire-voie  de  la  galerie,  forment  un  heureux 
contraste  par  leurs  proportions  différentes,  et  produisent, 
sur  cette  façade  circulaire,  une  grande  variété  de  jeux  de 
lumière  et  d'ombres.  A  la  fin  du  xne  siècle  et  pendant  la 
première  moitié  du  xme  siècle,  les  fenêtres  devinrent  de 
plus  en  plus  larges  à  mesure  que  les  édifices  devenaient 

plus  vastes,  et 
le  système  des 
meneaux  se  gé- 
néralisa, créant 
ainsi  une  clôture 
de  pierre  large- 
ment ajourée  à 
l'intérieur  des 
baies  ;  souvent 
même,  au-dessus 
de  deux  fenêtres 
jumelles  fut  dis- 
posé un  œil-de- 
bœuf,  ressouve- 
nir de  YociUus 
des  basiliques  la- 
tines, mais  divisé 
par  des  réduits 
de  pierre  en  plu- 
sieurs lobes 
rayonnant  au- 
tour d'une  ou- 
verture centrale. 
Parmi  les  plus 
belles  fenêtres  de 
ce  genre,  il  faut 
citer  les  fenêtres 
de  l'église  haute 
de  la  Sainte- 
Chapelle  du  Pa- 
lais de  Justice  de 
Paris (V.  fig.  6,  le  plan  et  l'élévation  d'une  de  ces  fenêtres). 
Le  vide  est  divisé  en  deux  par  un  meneau  central  portant 
deux  arcs  brisés  et  une  rose;  mais  -les  deux  fenêtres 
jumelles  ainsi  produites  sont  divisées  à  leur  tour  par  des 
meneaux  plus  petits  qui  portent  aussi  des  arcs  brisés  et 


hig.  5.  —  Vue  perspective  d'une  fenêtre 
des   transepts 
Noyon. 


une  rose,  ce  qui  diminue  les  dimensions  des  espaces  à 
vitrer  et  forme  entre  l'appui  de  la  baie,  les  contreforts 
l'encadrant  et  l'arc  de  décharge  portant  le  pignon,  une 
claire- voie  ajourée  du  plus  heureux  effet.  Malheureuse- 
ment, avec  la  fin  du  xme  et  le  commencement  du  xive  siècle, 
se  multiplient  les  meneaux,  et  les  divisions,  d'abord  de 
formes  géométriques   (arcs  brisés  et  roses),  des  claires- 


Fig,  g.  —  Plan  et  élévation  d'une  fenêtre  de  l'église 
haute  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris. 

voies,  prennent  des  formes  contournées,  ressemblent  à 
des  cœurs  allongés,  à  des  ailes,  à  des  flammes,  ce  qui 
motive  le  nom  de  gothique  flamboyant  donné  à  cette  phase 
de  l'architecture  ogivale.  —  On  ne  saurait  nier  que,  dans 
les  édifices  civils,  les  fenêtres  n'aient  suivi  les  mêmes  trans- 
formations que  dans  les  édifices  religieux  et  n'aient,  elles 
aussi,  présenté,  après  les  formes  simples  de  l'ère  romane 
et  de  l'ère  de  transition,  les  formes  plus  sveltes  de  la  pre- 
mière période  ogivale  et  enfin  les  formes  tourmentées  du 
style  gothique  flamboyant,  et  l'on  en  pourrait  citer  de  nom- 
breux exemples,  surtout  dans  les  couronnements  de  lucarnes 
des  édifices  civils  élevés  à  la  fin  du  xve  siècle;  cependant 
la  nécessité  d'obéir  à  des  exigences  plus  restreintes  et 
aussi  plus  nettement  définies  maintint  les  formes  et  les 
divisions  des  fenêtres  des  édifices  civils  dans  des  données 
moins  fantaisistes,  et  l'on  peut  rappeler,  comme  exemple 
de  fenêtre  d'un  édifice  civil  de  la  fin  du  xve  siècle,  la 
fenêtre  encore  existante  de  la  grande  salle  du  palais  des 
Comtes,  à  Poitiers,  fenêtre  surmontant  une  cheminée  à 
trois  foyers  dont  le  passage  des  tuyaux  de  fumée  a  forcé 
d'aveugler  une  partie  des  travées  du  vitrage  (V.  Cheminée, 
t.  X,  p.  1053,  fig.  1). 

L'époque  de  la  transition  entre  le  moyen  âge  et  la  Re- 
naissance amena,  en  France  particulièrement,  des  fenêtres 
des  formes  les  plus  variées  et  dont  la  partie  supérieure  fut 
tantôt  formée  par  un  arc  surbaissé  et  tantôt  couronnée 
par  un  arc  en  accolade  ;  mais,  avec  la  Renaissance,  repa- 
rurent, pour  les  fenêtres  comme  pour  les  autres  parties  des 
édifices,  tous  les  éléments  de  l'architecture  antique.  Dès  la 
fin  du  xve  siècle,  les  palais  de  l'Italie  présentèrent  des  fe- 
nêtres à  plates-bandes  ou  cintrées,  avec  claveaux  appa- 
reillés, encadrées  par  des  assises  disposées  régulièrement 
et  souvent  taillées  en  bossages,  avec  des  moulures  formant 
chambranles,  et  ces  derniers  souvent  couronnés  de  frontons 


FENÊTRE 


186  — 


aigus  ou  circulaires.  Il  en  fut  de  même  en  France  ;  seule- 
ment, fidèles  aux  traditions  du  moyen  âge,  les  fenêtres  y 
conservèrent  plus  longtemps, même  dans  les  édifices  civils, 
la  division  en  meneaux,  lesquels  formaient  une  croix  à  un 
ou  plusieurs  croisillons  dans  lesquels  des  feuillures  rece- 
vaient des  châssis  vitrés  indépendants  les  uns  des  autres. 
On  peut  citer,  comme  un  bel  exemple  appartenant  à  la  Re- 
naissance française,  les  fenêtres  du  premier  étage  de  la 
cour  du  Louvre,  dans  la  partie  due  à  Pierre  Lescot  et  à 
Jean  Goujon  (V.  fig.  7,  une  de  ces  fenêtres  empruntée  à  un 


Fig.  7.  —  Fenêtre  du  premier  étage  de  la  cour  du  Louvre. 

des  avant-corps  et  surmontée  de  lions  affrontés  mais  sépa- 
rés par  une  tête  de  femme,  tandis  que  les  fenêtres  des 
arrière-corps  ont  pour  couronnement,  au-dessus  de  la  cor- 
niche, un  fronton  aigu  ou  circulaire).  Dans  ces  fenêtres, 
on  remarquera  de  plus  le  contre-chambranle  recevant  la 
riche  console  qui  porte  la  saillie  de  la  corniche  et  a  per- 
mis de  sculpter  au-dessus,  en  haut  relief,  les  lions  et  la  tête 
de  femme,  et  on  remarquera  aussi  que,  la  partie  supérieure 
du  chambranle  proprement  dit,  formant  architrave,  l'en- 
semble de  l'encadrement  de  la  baie  renferme  tous  les  élé- 
ments :  architrave,  frise  et  corniche  d'un  entablement 
complet.  Au  reste,  les  fenêtres  ainsi  traitées,  de  même  que 
les  portes,  doivent  obéir,  dans  les  édifices  dont  le  style  d'ar- 
chitecture est  imité  de  l'antique,  à  des  règles  concernant 
les  proportions  et  la  richesse  de  leurs  divers  éléments,  règles 
qu'elles  ont  de  commun  avec  les  ordres  (V.  ce  mot)  qui 
décorent  les  édifices  et  qu'a  formulées  le  plus  ancienne- 
ment Vitruve  dans  le  livre  IV  de  son  Cours  d'architecture 
au  chap.  vi  :  de  la  proportion  des  portes  des  temples  et  de 
leurs  chambranles.  La  fig.  8  donne  l'élévation  d'une  fe- 
nêtre, sinon  plus  riche  que  la  précédente,  mais  dans  laquelle 
des  colonnes  corinthiennes,  placées  à  droite  et  à  gauche  de 
la  baie,  supportent,  au-dessus  de  cette  baie,  un  entablement 
couronné  par  un  fronton  alternativement  aigu  ou  circu- 
laire. Cette  fenêtre  appartient  au  deuxième  étage  de  la  fa- 
çade des  «  Procuratie  nuove  »,  sur  la  place  Saint-Marc,  à 
Venise,  édifice  construit  à  la  fin  du  xvie  siècle  sur  les  des- 
sins de  V.  Scamozzi  et  qui  passe  pour  l'œuvre  la  plus  re- 


Fig.  8.  —  Elevât  à[  ne 
fenêtre  avec  me.zzaniune 
de  l'étage  supérieur  des 
«  Procuratie  nuove  »,  à 
Venise. 


marquable  de  cet  architecte.  L'ensemble  de  l'encadrement 
de  la  baie,  dont  les  colonnes  sont  portées  sur  des  piédes- 
taux entre  lesquels  régnent  la  balustrade  et  l'appui  de  la 
fenêtre,  est  étudié  suivant  les 
règles   formulées    par  les 
maîtres  du  xvie  siècle  et  par 
Scamozzi  lui-même  pour  l'or- 
dre corinthien,  et  les  mou- 
lures de  l'entablement  profi- 
lées à  droite  et  à  gauche  de 
la  fenêtre  indiquent  la  sépa- 
ration en  deux  étages,  dont 
un  peu  important,  situé  à  la 
partie  supérieure  et  éclairé 
par  des*  mezzanines  (V.  ce 
mot),  du  deuxième  étage  des 
«  Procuratie  nuove  ».— Après 
la  Renaissance  et  pendant  les 
deux    derniers   siècles,    les 
fenêtres,  obéissant  comme  par 
le  passé  aux  styles  dominants 
en  architecture,  furent  géné- 
ralement  rectangulaires    au 
xviie  siècle  pour  prendre  une 
forme  cintrée  et  souvent  sur- 
baissée au  xviii6  ;    les  me- 
neaux disparurent  ;  les  cham- 
branles, d'un  certaine  sobriété 
sous  Louis  XIII,  prirent  une 
allure    magistrale    sous 
Louis  XIV  et  suivirent  tous 
les  caprices  de  la  mode  sous 
Louis  XV  jusqu'à  ce  que,  sous 
Louis  XVI  et  le  premier  Empire,  se  produisît  une  réaction 
empreinte  de  froideur  et  de  classicisme  et  inspirée  par  une 
trop  méticuleuse  imitation  de  l'antiquité  encore  peu  connue 
et  mal  interprétée.  —  Enfin,  de  nos  jours,  les  fenêtres 
rappelant,  comme  les  édifices  dans  lesquelles  elles  s'ou- 
vrent, les  différents  styles  des  époques  précédentes,  mais 
offrant  parfois  des  motifs  d'une  originalité  de  bon  aloi, 
font  souvent  appel  au  métal,  non  seulement  pour  la  fer- 
meture de  la  baie,  mais  encore  pour  les  divisions  de  la 
croisée  (V.  ce  mot)  et  ont  souvent  leurs  chambranles  ornés 
de  terre  cuite  et  de  faïence  émaillée. 

Les  fenêtres  offrant  dans  leurs  dispositions,  dans  leurs 
formes  et  dans  leurs  encadrements,  les  variétés  les  plus 
grandes,  il  y  a  lieu  de  rappeler  les  principales  dénomina- 
tions données  aux  fenêtres  avec  les  quelques  explications 
sommaires  que  comportent  ces  dénominations.  —  Fenêtre 
à  balcon.  Fenêtre  dont  l'ouverture  descend  de  niveau  ou 
presque  avec  le  plancher  de  l'appartement  et  dont  l'appui 
est  supporté  par  des  balustres  ou  des  entrelacs  de  pierre, 
de  bois  ou  de  métal.  —  Fenêtre  à  fer  maillé  et  à  verre 
dormant.  Fenêtre  qui,  obéissant  aux  prescriptions  de 
l'art.  676  du  C.  civ.,  sur  les  jours  ouverts  dans  un  mur 
non  mitoyen  joignant  immédiatement  l'héritage  du  voisin, 
est  garnie  extérieurement  d'un  treillis  de  fer  à  mailles 
d'un  décimètre  d'écartement  et  intérieurement  d'un  châssis 
ne  pouvant^  s'ouvrir  (V.  Vue).  —  Fenêtre  a  V italienne. 
Fenêtre  divisée  en  trois  parties  dans  le  sens  de  la  largeur 
et  dont  la  partie  médiane,  toujours  plus  haute  et  souvent  plus 
large  que  les  autres,  est  fermée  par  des  colonnettes  recevant 
la  retombée  d'un  arc  dont  l'imposte  prolongée  de  droite  et 
de  gauche  forme  les  linteaux  des  deux  ouvertures  latérales. 
—  Fenêtre  a  meneaux  et  à  croisée.  Fenêtre  divisée 
dans  sa  largeur  et  souvent  aussi  dans  sa  hauteur  par  des 
meneaux  de  pierre,  de  bois  ou  de  métal  formant  des  com- 
partiments recevant  des  châssis  différents.  Lorsque  la  fe- 
nêtre est  divisée  par  deux  meneaux,  l'un  vertical  et  l'autre 
horizontal  formant  une  croix,  la  fenêtre  est  dite  à  croisée, 
et,  s'il  y  a  deux  meneaux  verticaux,  à  double  croisée  : 
dans  ces  dernières  fenêtres,  l'espace  compris  entre  les  deux 
I  meneaux  horizontaux  sert  parfois  à  masquer  le  passage,  à 


487 


FENÊTRE  —  FENGER 


travers  la  baie,  d'un  plancher  divisant  l'étage  ou  une  partie 
de  l'étage  en  deux  étages  dont  un  entresol.  —  Fenêtre 
atticurge.  Fenêtre  rétrécie  par  le  haut,  c.-à-d.  dont  le 
linteau  est  moins  large  que  l'appui  et  dont  les  montants  ou 
pieds-droits  sont  inclinés  obliquement  l'un  vers  l'autre. 
Cette  fenêtre  doit  son  nom  à  sa  ressemblance  avec  la  porte 
appelée  par  Vitruve  atticurge.  —  Fenêtre  avec  ordre  ou 
fenêtre  d'ordre  toscan,  dorique,  etc.  Fenêtre  qui,  outre 
un  chambranle,  comprend  un  contre-chambranle,  un  pilastre 
ou  une  colonnette  rappelant,  par  ses  éléments  décoratifs, 
un  ordre  d'architecture  antique,  et  cette  fenêtre  est,  déplus, 
surmontée  par  un  entablement  soumis  aux  règles  de  cet 
ordre.  Les  fenêtres  ainsi  décorées  prennent  le  nom  de 
l'ordre  auquel  appartiennent  les  détails  d'architecture  qui 
les  encadrent.  —  Fenêtre  biaise.  Fenêtre  dont,  en  vue 
de  faciliter  l'introduction  de  la  lumière,  les  tableaux  enca- 
drant la  baie  ne  sont  pas,  quoique  parallèles  entre  eux,  tail- 
lés en  retour  d'équerre  avec  le  mur  de  face.  —  Fenêtre 
bombée.  Fenêtre  dont  la  fermeture  est  formée  d'une  por- 
tion d'arc  de  cercle  ou  d'une  demi-ellipse.  —  Fenêtre  car- 
rée. Fenêtre  souvent  employée  dans  lès  étages  d'attique  et 
dont  la  hauteur  est  égale  à  la  largeur.  —  Fenêtre  cintrée. 
Fenêtre  dont  la  fermeture  est  une  demi-circonférence 
de  cercle.  —  Fenêtre  d'encoignure.  Fenêtre  qui  s'ouvre 
dans  un  pan  coupé  ou  dans  l'arrondissement  d'un  angle.  — 
Fenêtre  dormante  ou  condamnée.  Fenêtre  dont  le  châs- 
sis est  fixé  à  demeure,  de  façon  à  ne  pouvoir  s'ouvrir, 
mais  qui  complète  l'illusion  d'une  véritable  fenêtre.  —  Fe- 
nêtre droite.  Fenêtre  d'une  régularité  parfaite,  dont  les 
tableaux  sont  d'équerre  avec  le  mur  de  face  et  dont  la 
fermeture  est  un  linteau  horizontal.  —  Fenêtre  ébrasée. 
Fenêtre  dont  les  tableaux,  au  lieu  d'être  parallèles,  for- 
ment au  dehors  une  large  embrasure  qui  facilite  l'intro- 
duction de  la  lumière.  —  Fenêtre  en  abat- jour.  Fenêtre 
dont  l'appui  ou  le  linteau  et  parfois  tous  les  deux  forment 
au  dedans  une  embrasure  donnant  plus  de  passage  à  la  lu- 
mière. —  Fenêtre  en  angle.  Fenêtre  disposée  sur  une 
façade  tellement  près  de  l'angle  rentrant  formé  par  un  autre 
corps  de  bâtiment  qu'il  n'y  a  pas  place  de  ce  côté  pour  la 
partie  de  chambranle  encadrant  la  baie.  —  Fenêtre  en 
embrasure.  Fenêtre  dont  l'embrasure  intérieure  est  très 
ébrasée  ou  largement  ouverte.  —  Fenêtre  en  tour  creuse. 
Fenêtre  circulaire  en  plan,  concave  au  dehors  et  convexe 
en  dedans,  tandis  que  la  fenêtre  en  tour  ronde,  égale- 
ment circulaire  en  plan,  est  convexe  au  dehors  et  concave 
au  dedans.  —  Fenêtre  en  tribune.  Fenêtre  s'ouvrant, 
comme  la  fenêtre  en  balcon,  jusqu'au  niveau  du  plancher 
de  l'appartement,  mais  dont  le  balcon  fait  une  assez  forte 
saillie  au-devant  de  la  façade.  Généralement,  les  fenêtres  en 
tribune,  placées  au  bel  étage  ou  étage  d'honneur  et  au  mi- 
lieu de  la  façade  d'un  édifice,  se  distinguent  des  autres 
fenêtres  de  cet  étage  autant  par  les  plus  grandes  propor- 
tions de  leur  baie  que  par  la  richesse  de  leur  ornementa- 
tion dans  laquelle  entre  souvent  un  ordre  d'architecture. 
—  Fenêtre  feinte  ou  fausse  fenêtre.  Fenêtre  peinte  sur 
une  muraille  en  répétition  d'une  véritable  fenêtre,  ou  en- 
core fenêtre  dont  l'embrasure  existe,  mais  dont  le  châssis 
dormant  est  appliqué  sur  un  remplissage  en  maçonnerie 
légère  de  la  baie.  —  Fenêtre  gisante.  Fenêtre  plus  large 
que  haute,  appelée  par  ies  Italiens  fenêtre  mezzaninée,  ser- 
vant à  éclairer  un  étage  d'attique  ou  d'entresol  et  souvent 
ouverte  dans  la  hauteur  de  la  frise  d'un  entablement.  — 
Fenêtre  en  œil-de-bœuf  ou  fenêtre  ronde.  Fenêtre  cir- 
culaire, véritable  oculus,  dont  la  baie  forme  un  cercle  par- 
fait. —  Fenêtre  ovale.  Fenêtre  ou  œil-de-bœuf  de  forme 
ovale,  soit  dans  le  sens  de  son  grand  axe  ou  de  son  petit 
axe.  —  Fenêtre  rampante.  Fenêtre  dont  l'appui  n'est 
pas  horizontal,  le  plus  souvent  parce  que  cet  appui  suit 
l'inclinaison  de  l'emmarchement  d'un  escalier.  —  Fenêtre 
rustique.  Fenêtre  dont  l'encadrement  est  formé  ou  tout  au 
moins  entrecoupé  de  bossages  faisant  saillie.  Ch.  Lucas. 
III.  Mathématiques.  —  Fenêtre  de  Viviani.  C'est  la 
voûte  carrable  (V.  ce  mot). 


Bibl.  :  Architecture.  —  J.  Gailhabaud,  Monuments 
anciens  et  modernes  ;  Paris,  1850, 1. 1,  Il  et  IV,  in-4,  pi.  — 
G.  Perrot  et  Ch.  Chipiez,  Histoire  de  l'Art  dans  l'anti- 
quité, Egypte  ;  Paris,  1882,  t.  I,  in-8,  pi.  et  flg.  —  P.  Pla- 
nât, Encyclopédie  de  l'Architecture  ;  Paris,  t.  IV,  in-8  (en 
cours  de  publication). 

FENf.1).  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  d'Angers, 
cant.  de  Briollay  ;  4,363  hab.  Châteaux  de  Sautray,  de 
Vauléard,  de  Montriou  (chapelle  des  xve  et  xvie  siècles). 
Fontaine  ferrugineuse  au  hameau  de  Varennes. 

FENEYROLS.  Com.  du  dép.  de  Tarn-et-Garonne,  arr. 
de  Montauban,  cant.  de  Saint- Antonin  ;  627  hab. 

FENGER  (Peter-Àndreas),  théologien  et  écrivain  danois, 
né  à  Christianshavn  le  16  févr.  1799,  mort  le  8  févr.  1878. 
Pasteur  de  Slotsbjsergby,  près  de  Slagelse(1827),'puisdela 
paroisse  du  Sauveur  à  Christianshavn  (1855),  il  combattit 
le  rationalisme,  mais  parla  et  écrivit  pour  la  liberté  civile 
et  religieuse,  notamment  pour  l'abolition  du  lien  parois- 
sial. Après  avoir  édité  les  Psaumes  de  Kingo  (1827),  il 
remit  en  honneur  les  anciennes  productions  de  ce  genre 
dans  son  Supplément  au  Psautier  (1857  ;  9e  éd.,  1882). 
Il  publia  aussi  des  Chants  du  matin  et  du  soir  (1858  ; 
4e  éd.,  1884)  ;  un  Catéchisme  (1841),  dont  la  13e  éd. 
remaniée  (1868)  fut  interdite  dans  les  écoles  (1874)  ;  un 
projet  de  nouveau  rituel  (1 874) ,  et  une  traduction  danoise 
(1863)  de  la  Vie  de  saint  Ânsgarius  par  Rimbert.  Des 
notices  sur  lui  (1878)  ont  été  données  par  C.-J.  Brandt, 
Fr.  Nielsen  et  Fr.  Barfod.  —  Son  fils,  Ludvig-Peter,  né  à 
Slotsbjsergby  le  7  juil.  1833,  est  membre  de  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Copenhague  depuis  1871  et  architecte  de  cette 
ville  (1886).  Parmi  les  nombreux  édifices  élevés  sous  sa  direc- 
tion, il  faut  citer  :  la  Bourse  (1877-82),  les  églises  de  Saint- 
Jacques  (1876-78),  de  Saint-Mathieu  (1877-80),  l'église 
anglicane  de  Copenhague  (1886-87)  et  l'église  deHyby  en 
Skanie.  Il  a  publié  Dorische  Polychromie  (Berlin,  1886)  et 
des  mémoires  architectoniques  dans  divers  recueils.     B-s. 

FENGER  (Johannes-Ferdinand),  écrivain  danois,  frère 
du  précédent,  né  à  Christianshavn  le  30  mars  1805, 
mort  le  9  mai  1861.  S'étant  préparé  par  de  sérieuses 
thèses  latines  sur  la  Démonologie  des  anciens  Pères 
(1827)  et  sur  Celse  (1828);  par  l'étude  du  syriaque  (Du 
Schisme  nestorien,  1833)  ;  et  par  un  voyage  de  quatre 
ans  (Des  Grecs  modernes  et  de  leur  langue,  1832),  il 
concourut  avec  éloge,  mais  sans  succès,  pour  un  lectorat 
en  théologie  (1833),  et  devint  pasteur  de  Lynge  (1833), 
puis  de  Hœje-Taastrup  (1854).  Le  zèle  avec  lequel  il  rem- 
plit ses  fonctions  ne  l'empêcha  pas  de  poursuivre  ses  tra- 
vaux historiques .  Il  contribua  à  la  fondation  de  la  Société 
d'histoire  ecclésiastique  (1848)  et  publia  une  bonne  His- 
toire de  la  mission  en  Trankebar  (Copenhague,  1843  ; 
en  allemand  par  E.  Francke,  Grimma,  1845)  ;  des  recueils 
de  Psaumes  (1845-46),  de  Prêches  (1846),  et  de  nom- 
breux articles  de  revue.  Il  fut  l'un  des  éditeurs  du  Psau- 
tier de  1 850.  —  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  son  parent 
Hans-Mathias Fenger ,  né  à  Nordgaard,  près  de  Ringsted ,  le 
9  août  1850,  chapelain  à  Copenhague,  qui  a  publié  d'utiles 
Contributions  à  l'Histoire  de  Hans  Egede  et  de  la 
mission  en  Grœnland,  1721-1760  (Copenhague,  1879). 
FENGER  (Carl-Emil),  médecin  et  homme  politique 
danois,  frère  des  précédents,  né  à  Christianshavn  le 
9  févr.  1814,  mort  le  21  sept.  1884.  Lecteur  (1843),  pro- 
fesseur (1850)  à  l'université  de  Copenhague,  il  fut  dans 
son  pays  l'un  des  premiers  à  propager,  tant  par  son  ensei- 
gnement que  comme  médecin  en  chef  de  l'hôpital  Frederik 
(1851),  la  méthode  exacte  et  rationnelle  de  la  médecine 
moderne.  Comme  membre  duFolkething  (1849-52,  1861- 
76)  et  duRigsraad  (1856),  il  fut  président  de  la  commis- 
sion du  budget,  et  il  géra  les  finances  avec  autant  d'ordre 
que  d'économie  dans  quatre  ministères  (Hall,  mai  à  déc. 
1859  ;  Rotwitt,  puis  Hall,  24  févr.  1860  au  31  déc.  1863  ; 
etHolstein-Holsteinborg,  du  28  mai  1870  au  26  juin  1872). 
A  partir  de  1856,  il  fut  directeur  de  la  haute  école  d'agri- 
culture. Outre  deux  thèses  latines  sur  l'influence  morbide 
de  l'âge  et  des  saisons  (1840)  et  sur  l'érysipèle  ambulant 


FENGER  —  FENMLL 


—  188  - 


(1842)  et  de  volumineuses  Communications  sur  Vhôpi-  < 
toi  Frederik  (1856),   on  lui  doit  des  mémoires  estimés 
dans  divers  recueils.  B-s. 

FEN1ANS  (Hist.  moderne).  Ce  vieux  nom  celtique  fut 
adopté  vers  le  milieu  de  ce  siècle  par  la  fraction  extrême  du 
parti  nationaliste  irlandais.  Les  premiers  fenians  furent  des 
Irlandais  émigrés  en  Amérique,  des  réfugiés  de  1848.  L'un 
d'eux,  James  Stephens,  de  retour  en  Irlande,  s'aboucha, 
en  1858,  à  Skibbereen,  avec  le  chef  d'une  société  locale, 
Jeremie  O'Donovan  (Rossa),  dont  le  nom  a  acquis  une  ter- 
rible célébrité  (V.  O'Donovan).  Ces  deux  hommes  organi- 
sèrent une  propagande  active  dans  les  comtés  du  Sud-Ouest 
en  vue  d'une  insurrection  violente.  La  conspiration  fut 
découverte,  mais  les  conspirateurs  furent  jugés,  cette  pre- 
mière fois,  trop  peu  redoutables  pour  mériter  un  châtiment 
sévère.  La  propagande  irlando- américaine  continua.  La 
grande  guerre  de  la  Sécession  vint  lui  donner  tout  à  coup  une 
impulsion  considérable,  car  beaucoup  d'Irlandais  établis  en 
Amérique  prirent  en  cette  occasion  le  goût  et  la  pratique 
des  armes.  L'un  des  hommes  de  1848,  Térence  Beliew 
MacManus,  échappé  d'Australie,  étant  mort  à  San  Fran- 
cisco, son  corps  fut  transféré  de  San  Francisco  en   Ir- 
lande avec  une  émouvante  solennité  ;  Dublin  lui  fit ,  le 
10  nov.  1861,  des  funérailles  terribles  auxquelles  prirent 
part  100,000  hommes.  Cet  incident  redoubla  le  zèle  des 
agitateurs  fenians.  Vers  1865,  le  fenianisme  comptait,  rien 
que  dans  les   régiments  irlandais  casernes  en  Irlande, 
15,000  adhérents.  Des  officiers  irlandais,  licenciés  par  suite 
de  la  fin  des  hostilités  en  Amérique,  retournèrent  en  foule 
dans  la  mère  patrie.  L'orage  semblait  près  d'éclater.  Mais 
le  gouvernement  veillait.  Le  journal  Irish  People,  organe 
des  révolutionnaires,  fut  saisi  le  15  sept.  1865.  O'Donovan 
Rossa,  O'Leary,  Luby,  Stephens  furent  arrêtés,  et,  après 
l'évasion  du  dernier,  Y  habeas  corpus  fut  suspendu.  Les  juges, 
notamment  le  plus  impopulaire  de  tous,  considéré  comme  un 
renégat  de  la  cause  nationale,  le  juge  Keogh,  frappèrent 
sévèrement  les  coupables,  —  non  sans  succès,  car  le  soulè- 
vement général,  solennellement  annoncé  pour  1866,  n'eut 
pas  lieu.  Il  n'y  eut  que  des  échauffourées  locales,  facilement 
et  rudement  apaisées,  et  des  attentats  individuels  contre  les 
personnes.  Un  fenian,  le  général  Burke,  ayant  été  empri- 
sonné à  Clerkenwell,  les  affiliés  essayèrent  de  le  délivrer 
en  faisant  sauter,  avec  un  baril  de  poudre,  les  murs  de  sa 
prison  ;  cette  absurde  tentative,  qui  coûta  la  vie  à  1  2  per- 
sonnes et  qui  en  mutila  120,  sans  endommager  la  prison, 
n'eut  d'autre  résultat  que  la  pendaison  d'un  certain  Bar- 
rett,  le  13  déc.  1867.  Deux  principaux  chefs  de  l'organi- 
sation feniane,  le  colonel  Kelly  et  le  capitaine  Deasy,  furent 
arrêtés  vers  le  même  temps  à  Manchester,  où  ladite  orga- 
nisation était  très  forte.  Le  18  sept.  1867,  la  voiture  cellu- 
laire qui  les  conduisait  à  la  prison  de  Salford  fut  attaquée 
par  30  fenians  ;  le  policeman  Brett  fut  tué  ;  les  accusés 
prirent  la  fuite  ;  mais  William-Philip  Allen,  Michael  Lar- 
kin,  Thomas  Maguire,  Michael  O'Brien  et  Edward  O'Meara 
Condon,  qui  étaient  parmi  les  trente,  ne  réussirent  pas  à 
s'échapper.  Ils  furent  condamnés  à  mort  pour  le  meurtre 
du  sergent  Brett,  au  milieu  du  déchaînement  des  passions 
politiques  les  plus  violentes.   Trois  d'entre  eux,  Allen, 
Larkin  et  O'Brien  furent  effectivement  pendus,  le  23  nov., 
devant  la  prison  de  Salford.  La  mort  des  tsois  «  martyrs 
de  Manchester  »  suscita  dans  toute  l'Irlande  une  douleur 
patriotique.  T.-D.  Sullivan  composa  un  poème,  la  Mar- 
seillaise des  Irlandais,  dont  il  emprunta  le  refrain  :  God 
save  Ireland,  à  la  péroraison  du  discours  de  Condon  devant 
le  tribunal.  C'est  l'indignation  causée  par  cette  triple  exécu- 
tion qui  jeta,  dit-on,  Parnell,  alors  jeune  squire  campa- 
gnard, dans  le  parti  nationaliste.  —  Les  fenians  se  sont 
trop  souvent  déshonorés  par  des  crimes  de  droit  commun  : 
incendies  et  guet-apens  contre  les  landlords  et  leurs  agents. 
Parnell  (V.  ce  nom)  était  justement  l'homme  qui  devait  faire 
rentrer  dans  la  légalité  l'opposition  irlandaise.  Les  home 
rulers  parlementaires  ont  mieux  servi  que  les  fenians  la 
cause  commune.  Ch.-Y.  L. 


FÉNIERS.  Corn,  du  dép.  de  la  Creuse,  arr.  d'Aubusson, 
cant.  de  Gentioux,  sur  un  plateau  au  pied  duquel  la  Creuse 
prend  sa  source  ;  426  hab.  Foires  importantes.  Ancienne 
commanderie  de  Saint-Jean-de-Jérusalem.        Ant.  T. 

FEN1L  (Constr.  agric.)  (V.  Bâtiments  ruraux,  t.  V, 
p.  788). 

FENIL1  (Francesco-Paolo),  littérateur  italien,  né  à  Pa- 
ïenne en  1833.  Il  a  écrit  des  romans,  des  poésies  :  V Or- 
fana  torinese  (1864)  ;  Irène  (1864)  ;  Pellegrinaggio 
in  Sicilia  (1870)  ;  Il  Mal  Sentier o  (1873)  ;  I  Sempre- 
vivi  (1865)  ;  Medico  e  marito  (1866)  ;  Dopo  la  bufera 

(1871)  ;  Le  Conseguenze  di  un  bacio  (1871)  ;  Il  Dia- 
rio  di  un  giovane  alla  moda  (1872)  ;  In  Cappella 

(1872)  ;  Il  Crimine  di  santa  Gertrude  (1873)  ;  une 
comédie,  que  joua  Rossi  :  Un  Colpo  di  Stato  (1863)  ;  des 
traductions  de  E.  Bulwer  Lytton  :  Saggi  sopra  la  vita  ; 
La  Letteratura  e  i  costumi  (Naples,  4864,  2  vol.);  de 
J.  Stuart  Mill  :  Il  Governo  rappresentatiuo  (Turin, 
1865),  etc. 

FENIN  (Pierre  de),  chroniqueur  du  xve  siècle.  On  ne 
connaît  pas  d'une  manière  certaine  l'auteur  de  la  Chro- 
nique de  Fenin,  On  a  cru  longtemps  que  c'était  P.  de 
Fenin,  sire  de  Grincourt,  en  Artois,  pannetier  du  roi,  pré- 
vôt d'Arras  en  1424,  et  mort  en  '1433.  Mlle  Dupont,  qui 
a  publié,  en  1837,  les  Mémoires  de  Fenin  pour  la  Société 
de  l'histoire  de  France,  a  montré  par  des  arguments  con- 
vaincants que  leur  auteur  ne  peut  être  le  prévôt  d'Arras, 
et  elle  les  attribue  à  un  autre  P.  de  Fenin,  sire  de  Grin- 
court, mort  en  1506.  M.  de  Beaucourt,  le  savant  historien 
de  Charles  VII,  se  rallie  à  cette  opinion,  qui  ne  repose 
d'ailleurs  sur  aucune  preuve  matérielle.  Les  Mémoires  de 
Fenin  rapportent  surtout  les  faits  relatifs  à  la  rivalité  des 
Armagnacs  et  des  Bourguignons,  depuis  le  meurtre  de 
L.  d'Orléans  (25  nov.  1407)  jusqu'en  1427.  Les  éditions 
de  D.  Godefroy  (1653),  de  Perrin  (1785)  et  de  Petitot 
(1839)  s'arrêtent  à  1422.  Le  t.  II  de  la  Collection  Michaud 
et  Poujoulat,  qui  était  sous  presse  quand  parut  l'édition 
Dupont,  contient  aussi  la  partie  qui  s'étend  de  1422  à 
1427.  D'ailleurs,  on  n'a  peut-être  pas  la  fin  de  cette  chro- 
nique. Fenin  se  rapproche  de  Monstrelet,  qu'il  complète 
quelquefois,  mais  sans  l'égaler  en  intérêt.    E.  Cosneàu. 

Bibl.  :  Mlle  Dupont,  Mémoires  de  P.  Fenin,  préface  et 
notice.  —  De  Beaucourt,  Hist.  de  Charles  VII,  t.  I, 
p.  lvii.  —  U.  Chevalier,  Bibliogr.  du  moyen  âge,  p.  725. 

FENIOUX.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
de  Saint- Jean-d'Angély,  cant.  de  Saint-Savinien  ;  303  hab. 
Elégante  lanterne  des  morts  du  xne  siècle.  Eglise  avec  un 
clocher  du  xue  siècle  (mon.  hist.). 

Bibl.  :  R.  P.  Lesson,  Lettres  historiques  et  archéologiques 
sur  la  Saintonge  et  sur  l'Aunis,  1840,p.  101.— Recueil  de  la 
commission  des  arts  et  monuments  historiques  de  la  Cha- 
rente-Inférieure, 1888,  3a  série,  t.  II,  p.  180. 

FENIOUX.  Corn,  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de  Niort, 
cant.  de  Coulonges-sur-1'Autise  ;  1,616  hab. 

FENN  (Sir  John),  antiquaire  anglais,  né  à  Norwich  le 
26  nov.  1739,  mort  le!4  févr.  1794.  Il  publia  avec  grand 
soin  des  documents.  Son  ouvrage  principal  est  intitulé 
Original  Letters  written  during  the  reigns  of  Henry  VI, 
Edward  IV,  Richard  III,  and  Henrij  VII,  by  varions 
persons  of  rank  and  conséquence,  and  by  members  of 
the  Paston  family.  Quatre  volumes  étaient  publiés  en 
1789;  un  cinquième,  complétant  l'ouvrage,  fut  publié,  après 
la  mort  de  Fenn,  par  son  neveu,  Serjeant  Frère.  Fenn  avait 
été  sheriff  de  Norfolk.  J.-A.  Bl. 

FENNEC  (Zool.)  (V.  Chien,  t.  XI,  p.  6). 
F  EN  N  ELL  (James),  acteur  et  auteur  dramatique  anglais, 
né  en  1766,  mort  en  1816.  Après  avoir  dissipé  son  patri- 
moine, il  s'engagea  au  théâtre  royal  d'Edimbourg  sous  le 
pseudonyme  de  Cambrey,  en  souvenir  deFénelon,  dont  il 
trouvait  que  le  nom  ressemblait  au  sien.  Il  eut  du  succès 
dans  le  drame,  principalement  dans  le  rôle  d'Othello.  A 
Londres,  et  plus  tard  en  Amérique,  il  mena  une  vie  aven- 
tureuse, tantôt  jouant  sur  différents  théâtres,  tantôt  faisant 
des  conférences,  tentant  des  entreprises  industrielles,  fon- 


—  1É 

dant  des  écoles,  se  louant  comme  manœuvre,  mais  toujours 
besogneux  et  plus  d'une  fois  emprisonné  pour  dettes.  On 
a  de  lui  une  comédie  :  Linda  and  Clara,  or  the  British 
Officer  (1791)  ;  des  souvenirs  d'un  voyage  en  France,  A 
Review  of  the  Proceedings  at  Paris  during  last  sum- 
mer  (1792)  et  An  Apology  for  the  Life  of  James  Fen- 
nell  (Philadelphie,  1814).  B.-H.  G. 

FENNER  de  Fenneberg  (Daniel),  homme  politique  alle- 
mand, né  à  Trente  (Tirol)  en  1820,  mort  dans  un  asile 
d'aliénés,  près  de  New  York,  le  15  févr.  1863.  Officier  de 
l'armée  autrichienne,  il  démissionna  en  1843,  quitta  l'Au- 
triche après  avoir  publié  une  violente  attaque  contre  son 
armée  (OEsterreich  und  seine  Armée,  1847),  y  rentra 
lors  de  l'insurrection  de  1848  et  mit  ses  talents  au  service 
des  insurgés.  Il  échappa  et  devint  le  chef  de  l'armée  du 
Palatinat  ;  battu  devant  Landau,  il  dut  se  réfugier  en  Suisse 
d'où  il  passa  en  Amérique. 

FENNEVILLER.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Lunéville,  canl.  de  Badonvilier;  256  hab. 

FENNI.  Nom  latin  d'un  peuple  que  Tacite  place  à 
l'extrémité  N.-E.  de  sa  Germanie.  On  ne  sait  au  juste  si 
c'étaient  les  ancêtres  des  Lapons  ou  des  Jsemes,  leurs  cou- 
sins, ancêtres  des  Mahravas  de  l'usthonie  et  des  Tavastes 
ou  Haemœlaeis  de  Finlande.  B-s. 

FENNOMANES  (V.  Finlande  [Histoire]). 
F  E  N  0  G  H 1 M .  Oasis  du  Touât  (Sahara  occidental) ,  à  22  kil . 
S.-O.  de  Tamentît.  Le  principal  village  est  El-Mansour. 
FENOLLAR  (Bernardo),  poète  catalan  du  xve  siècle, 
né  à  Valence.  11  devint  chanoine  dans  sa  ville  natale  et 
composa  des  pièces  de  vers  très  goûtées.  Il  était  l'ami  du 
fameux  poète  Ausias  March  et  fut  le  secrétaire  d'un  tour- 
noi poétique  célébré  à  Valence  le  25  mars  1474  et  qui 
produisit  le  recueil  intitulé  Certamen  poetich  en  lohor  de 
la  Concecio  (Valence,  1474,  in-4)  ;  il  s'y  trouve  plusieurs 
pièces  de  Fenollar.  Ce  volume  est  le  plus  ancien  livre  im- 
primé en  Espagne  avec  une  date  certaine.  C'est  aussi  à 
Fenollar  qu'est  dû  principalement  le  recueil  de  poésies  :  Lo 
Procès  de  los  olives  e  disputa  dell  Jovens  y  délie  Vells 
(Valence,  1497,  in-fol.  [très  rare],  réimprimé  à  Valence, 
1561,  in-8).  On  indique  de  lui  un  autre  ouvrage  extrême- 
ment rare  :  Historia  de  la  Pasio  de  nostre  Senyor  Deu 
Jesu  Christ  (Valence,  1494).  Fenollar  est  remarquable 
plus  par  Fhabileté  et  la  richesse  de  la  versification  que  par 
le  talent.  E.  Cat. 

FENOLS.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Gaillac,  cant. 
de  Cadalen  ;  271  hab. 

FENOREN.  Petite  oasis  du  Sahara  central,  dans  une 
vallée  du  pays  d'Aïr,  au  N.-N.-E.  et  à  50  kil.  environ  du 
mont  Tîn-Dourdouren.  Stat.  de  caravanes  sur  la  route  de 
Ghât  à  Tîn-Telloust  (Air). 

FENOU  S  L.  I.  Botanique. —  (Fœniculum  Adans.).  Genre 
de  plantes  de  la  famille  des  Ombellifères  et  du  groupe  des 
Peucédanées.  L'espèce  type,  F.  capillaceum  Gilib.  (F.  offi- 
cinale Ali.  ,  Anethum  Fœniculum  L.)  ou  Fenouil  commun, 
F.  officinal,  est  une  herbe  bisannuelle,  dont  la  souche  épaisse 
donne  naissance  à  plusieurs  tiges  dressées,  glaucescentes 
et  striées,  portant  de  grandes  feuilles  engainantes,  dé- 
composées en  lobes  capillaires  très  allongés,  et  à  leur  partie 
supérieure,  des  ombelles  composées,  très  amples,  dépour- 
vues d'involucres  et  d'involucelles.  Les  fleurs,  de  couleur 
jaune,  ont  une  corolle  de  cinq  pétales  entiers,  à  sommet 
involuté,  cinq  étamines  et  des  stylopodes  entiers,  en  forme 
de  cône  épais.  Le  fruit,  ovoïde  ou  oblong,  est  formé  de 
deux  méricarpes  semi-cylindriques,  munis  chacun  de  cinq 
côtes  saillantes,  entre  lesquelles  se  trouvent  des  vallécules 
très  étroites,  à  un  seul  canal  résinifère.  Le  carpophore  est 
bipartite  et  la  gaine  est  parcourue  par  des  sillons  longitu- 
dinaux. —  Le  Fenouil  croît  spontanément  dans  l'Europe 
occidentale  et  dans  la  région  méditerranéenne  jusqu'en 
Asie  Mineure  et  en  Perse.  En  France,  on  le  rencontre 
assez  fréquemment  dans  les  carrières  et  sur  les  coteaux 
secs  des  terrains  calcaires;  il  est  aussi  cultivé  dans  les 
jardins  et  dans  les  vignes.  On  en  connaît  plusieurs  formes 


—  FENNELL  —  FENOUIL 

ou  variétés  que  certains  auteurs  considèrent  comme  des 
espèces  distinctes  ;  tels  sont  notamment  le  Fœniculum 
vulgare  Gaertn.,  dont  les  fruits  constituent  le  Fenouil 
amer  ou  F.  d'Allemagne  ;  le  F.  piperitum  DC.  ou  Fenouil 
d*âne  {Finacchio  d'asino,  des  Siciliens),  à  fruits  acres  et 
poivrés;  puis  le  F.  dulce  C.  Bauhin,  qu'on  appelle  vul- 
gairement Fenouil  doux,  F.  de  Malte,  F.  de  Florence, 
F.  des  vignes  et  dont  les  fruits  constituent  VAnette  doux 
ou  Anis  de  Paris. 

Le  nom  de  Fenouil  est  donné,  dans  le  langage  vulgaire, 
à  plusieurs  autres  plantes  de  la  famille  des  Ombellifères. 
Ainsi,  on  appelle  :  F.  annuel,  VAmmi  visnaga  Lamk; 
F.  d'eau,  le  Phellandrium  aquaticum  L.;  F.  de  porc,  le 
Peucedanum  alsaticum  Poir.;  F.  d'ours  ou  F.  des  Alpes, 
le  Meum  athamanticum  Jacq.;  F.  marin,  le  Crithmum 
maritimumL.;  F.  puant  ou  F.  bâtard,  Y  Anethum  gra- 
veolens  L.;  F.  sauvage,  le  Conium  maculatum  L.; 
F.  tortu,  le  Seseli  tortuosum  L.  Ed.  Lef. 

IL  Horticulture.  —-  On  cultive  le  Fenouil  pour  ses 
fruits  utilisés  dans  la  fabrication  de  liqueurs  et  surtout 
comme  légume.  Le  Fenouil  est  peu  répandu  en  France  dans 
les  potagers  ;  il  mérite  cependant  d'être  recommandé.  La 
saveur  douce  et  aromatique  de  ce  légume  surprend  d'abord, 
mais  on  s'y  habitue  bien  vite.  Le  Fenouil  se  plaît  dans 
une  terre  légère,  fertile.  Dans  le  Midi  et  en  Italie,  on 
peut  le  semer  en  tout  temps,  mais  c'est  surtout  pendant 
les  mois  de  février  et  d'août  que  se  font  les  semis.  Sous 
un  climat  moins  chaud  on  le  sème  en  mars.  Le  jeune 
plant  est  repiqué,  à  0M35  en  tous  sens,  sur  un  terrain 
bien  préparé.  On  arrose  copieusement  et  on  bine  pendant 
la  végétation.  Quinze  jours  ou  trois  semaines  avant  de 
consommer  le  Fenouil,  on  le  butte  légèrement.    G.  Boyer. 

III.  Economie  domestique.  —  La  graine  de  fenouil  n'est 
guère  employée  en  France  que  dans  la  préparation  de  cer- 
taines liqueurs  (V.  Anisette)  et  comme  plante  médicinale 
(V.  ci-après  §  Thérapeutique).  Mais  en  Italie  on  en  fait 
une  grande  consommation.  Le  fenouil  sucré  {Fœniculum 
dulce)  est  très  usité  comme  plante  potagère.  Les  pétioles 
des  feuilles,  renflées  à  la  base  en  une  masse  de  la  grosseur 
du  poing,  sont  mangés  crus  ou  cuits  à  la  manière  des  arti- 
chauts. On  en  garnit  aussi  la  volaille,  la  viande  rôtie,  les 
ragoûts.  Il  entre  encore  dans  la  préparation  du  macaroni. 
Avant  de  l'employer  dans  ces  différents  mets,  on  le  fait 
cuire  dans  l'eau  avec  un  assaisonnement  composé  qui  ajoute 
à  sa  saveur  aromatique.  Dans  le  midi  de  la  France,  on  en 
nourrit  les  lapins  quelques  jours  avant  de  les  tuer  et  on 
donne  ainsi  à  leur  chair  un  goût  relevé  très  agréable.  On 
peut  aussi  envelopper  avec  des  tiges  de  fenouil  les  poissons 
qui  se  mangent  grillés,  tels  que  les  maquereaux,  etc. 

IV.  Chimie.  —  Essence  de  fenouil.  Le  fenouil  doit  son 
arôme  à  une  essence  qu'on  trouve  dans  les  fruits,  dans  la 
proportion  de  3  ou  4  °/0.  —  Comme  la  plupart  des 
essences  naturelles,  elle  est  surtout  constituée:  1°  par  un 
hydrocarbure  liquide,  un  térébenthène  qui  passe  à  la 
distillation  vers  190°(Cahours);  2°  par  un  produit  concret 
qui  se  dépose  à  basse  température  et  qui  n'est  autre 
chose  que  Yanéthol  (V.  ce  mot).  —  On  trouve  dans  le 
commerce  trois  variétés  d'essences  de  fenouil  :  1°  l'es- 
sence de  fenouil  doux,  produit  par  le  Feniculum  dulce, 
qu'on  cultive  dans  le  midi  de  la  France  ;  elle  dévie  à  droite 
le  plan  de  polarisation  de  29°8  (Flùckiger)  ;  c'est  l'espèce 
la  plus  estimée  ;  2°  l'essence  de  fenouil  amer,  qui  ne  dévie 
à  droite  que  de  4°8  (F.)  ;  3°  l'essence  allemande  ou  de 
Saxe,  préparée  par  les  distillateurs  de  Dresde  et  de  Leipzig. 
Elle  dévie  à  droite  de  9°1  (F.).  Le  pouvoir  rotatoire  est  dû 
au  térébenthène,  car  l'anéthol  est  dépourvu  de  pouvoir 
rotatoire.  Ed.  Bourgoin. 

V.  Thérapeutique.  —  Les  anciens  employaient  l'huile 
retirée  de  la  plante  au  pansement  des  plaies  et  des  ulcères 
mous.  Le  fenouil  a  des  propriétés  galactagogues  marquées, 
mais  son  action  emménagogue  est  problématique  ;  il  est  sur- 
tout utile  dans  les  dyspepsies  atoniques  et  flatulentes.  On 
emploie  généralement  la  poudre  de  semence  (1  à  3  gr.) 


FENOUIL  -  FENTON 


—  190 


en  infusion  (15  à  20  gr.  par  litre  d'eau),  ou  encore  la 
racine  à  la  même  dose.  On  prépare  un  vin  de  fenouil 
(2  à  6  cuillerées  par  jour)  et  une  teinture  (1  à  2  gr.).  Le 
fenouil  fait  partie  du  sirop  des  cinq  racines,  de  la  thériaque, 
du  mithridate,  du  diaphœnix,  etc.  Dr  L.  Hn. 

FENOU1LLÈDES  (Fenoledesium).  Petit  pays  du  Lan- 
guedoc. Le  nom  de  cette  circonscription  détachée  du  pagus 
Redensis  ou  Razès,  paraît  dès  le  milieu  du  vme  siècle  ; 
au  siècle  suivant,  il  a  titre  de  comté.  Il  est  dès  966  aux 
mains  du  comte  de  Barcelone,  passe  ensuite  aux  maisons 
de  Cerdagne,  puis  de  Besalù,  dont  l'héritage  revient  en 
1111  aux  comtes  de  Barcelone.  Le  Fenouillèdes  est  ensuite 
donné  en  apanage  au  comte  de  Roussillon,  Sanche,  frère 
d'Alphonse  II,  comte  de  Barcelone  et  roi  d'Aragon,  et 
transmis  par  Sanche  à  son  fils  Nunes-Sanche  (f  1242). 
Lors  de  son  arrivée  dans  le  Midi,  Louis  VIII  émet  la  pré- 
tention de  confisquer  le  pays,  les  vicomtes  de  Fenouillèdes 
ayant  pris  le  parti  des  Albigeois.  Nunes-Sanche,  comte  de 
Roussillon,  résiste,  et  le  roi  finit  par  lui  inféoder  les  pays 
de  Fenouillèdes  et  de  Pierrepertusès  ;  à  la  mort  de  Nufies, 
en  1242,  les  officiers  royaux  l'occupent  et  Jacques  d'Ara- 
gon reconnaît  en  1258  les  droits  de  la  couronne  de  France 
lors  du  fameux  traité  de  Corbeil.  Compris  dès  lors  dans  la 
sénéchaussée  de  Carcassonne,  le  Fenouillèdes  reste  terre 
frontière  jusqu'à  la  conquête  du  Roussillon  par  Louis  XIII; 
depuis  1288,  il  formait  une  viguerie,  comprenant  au 
xive  siècle  cinquante-deux  communautés  (Pyrénées-Orien- 
tales et  Aude).  A.  Molinier. 

Bibl.  :  Hist.  de  Languedoc,  nouv.  éd.,passzm.  et  prin- 
cipalement t.  XII,  note  sur  la  géographie  du  Languedoc. 

FENOUILLER(Le).Com.du  dép.  delà  Vendée,  arr.  des 
Sables-d'Olonne,  cant.  de  Saint-Gilles-sur- Vie  ;  838  hab. 

FENOUILLET.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,' arr.  de  Limoux, 
cant.  d'Alaignes;  238  hab. 

FENOUILLET.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  et  cant.  (N.)  de  Toulouse  ;  858  hab. 

FENO  U 1 LLET.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
de  Perpignan,  cant.de  Saint-Paul-de-Fenouillet;151  hab. 

FENOUILLOT  (Jean),  publiciste  français,  né  à  Salins 
en  1748,  mort  à  Besançon  le  27  mai  1826.  Avocat  du  roi 
au  bureau  des  finances  de  Besançon,  inspecteur  de  la  librairie 
pour  la  Franche-Comté,  il  se  déclara  contre  la  Révolution 
et  prit  violemment  à  partie  les  clubs  de  son  département. 
Aussi  fut-il  obligé  de  passer  en  Suisse  où  il  s'établit  dans 
le  cant.  de  Neufchâtel.  Il  y  connut  Fauche  Borel  (V.  ce 
nom),  fut  mis  en  relation  avec  le  prince  de  Condé  qui  l'en- 
voya en  mission  en  Franche-Comté  pour  y  étudier  la  dispo- 
sition des  esprits.  En  1802,  il  rentra  en  France  et  exerça 
à  Lyon,  avec  de  brillants  succès,  la  profession  d'avocat. 
En  1811,  il  fut  nommé  conseiller  à  la  cour  de  Besançon. 
On  a  de  Fenouillot  une  foule  de  brochures  politiques  et 
satiriques.  Citons:  le  Dîner  du  grenadier  à  Brest  (Paris, 
1792,  in-8)  ;  la  Table  d'hôte  de  Provins  (1792,  in-8)  ; 
Précis  historique  de  la  vie  de  Louis  XVI  et  de  son  mar- 
tyre (Neufchâtel,  1793,  in-8)  ;  la  Rencontre  imprévue 
(1793,  in-8)  ;  le  Meilleur  des  almanachs  pour  1794 
(1794,  in-4)  ;  les  Fruits  de  l'arbre  de  la  liberté  fran- 
çaise (1798,  in-8)  ;  Adresse  de  remerciement  des  re- 
quins de  la  Méditerranée  au  Directoire  exécutif ^  (Cons- 
tance, 1798,  in-8);  la  France  à  ses  enfants  (Bâle 
[Besançon],  1814,  m-8)  ;  le  Cri  de  la  vérité  sur  les  causes 
de  la  révolution  de  1815  (Besançon,  in-8). 

FENOUILLOT  de  Falbaire  (V.  Falbàire). 

FÉNOUX  (Victor-Marie-Alexandre-Joseph),  ingénieur 
français,  né  à  Boulogne-sur-Mer  le  5  févr.  1831.  inspec- 
teur général  des  ponts  et  chaussées,  il  est  l'un  des  ingé- 
nieurs qui  ont  marqué  dans  les  travaux  de  chemins  de  fer 
(viaduc  de  Morlaix)  et  dans  les  travaux  maritimes  (phares 
dans  le  Finistère),  etc. 

FENS  (Marais).  On  désigne  sous  ce  nom  la  région  basse 
de  l'Angleterre  qui  comprend  une  partie  des  comtés  de 
Cambridge,  Huntingdon  et  Lincoln,  autour  de  l'estuaire 
du  Wash  (V.  Grande-Bretagne). 


FENTES  branchiales  (Anat.  et  pathol.)  (V.  Branchie 
et  Embryon). 

FENTON.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Stafford,  fau- 
bourg de  Stoke-upon-Trent;  15,000  hab.  Fabriques  de 
machines,  de  matériel  des  chemins  de  fer,  de  faïence,  de 
porcelaine,  etc. 

FENTON  (Edward),  marin  anglais,  mort  en  1603  , 
D'un  caractère  aventureux,  il  vendit  fort  jeune  son  patri- 
moine pour  s'engager  dans  l'armée.  Il  servit  en  Irlande 
où  il  combattit  la  rébellion  de  Shane  O'Neil  (1566).  En 
1577,  il  suivit  la  seconde  expédition  de  Frobisher  dans 
les  mers  du  Nord,  puis  la  troisième  (1578),  servit  de  nou- 
veau en  Irlande  et  en  1582  fut  chargé  par  le  comte  de  Lei- 
cester  de  diriger  une  expédition  commerciale  aux  Moluques  et 
en  Chine  par  la  voie  du  cap  de  Bonne-Espérance.  Le  25  sept, 
il  abordait  au  Brésil,  livrait  le  24  janv.  1583  un  combat 
sans  résultats  à  trois  vaisseaux  espagnols  et  s'en  retour- 
nait en  Angleterre  sans  avoir  rien  fait.  Aussi  fut-il  dis- 
gracié. En  1588,  pourtant,  on  lui  confia  le  commandement 
d'un  vaisseau  de  la  flotte  réunie  contre  l'Armada.  On  a  de 
lui  une  fort  curieuse  traduction  :  Certaine  Secrète  Won- 
ders  of  nature  (Londres,  1569,  in-4),  traduit  de  l'ouvrage 
de  Pierre  Boaistuau  :  Histoires  prodigieuses  extraites  de 
plusieurs  fameux  auteurs  grecs  et  latins,  sacrés  et  pro- 
fanes (Paris,  1567,  in-8),  et  en  manuscrit  (Cotton.  mss.) 
le  journal  de  son  voyage  de  1582-83.  R.  S. 

FENTON  (Sir  Geffrey) ,  frère  du  précédent,  homme 
d'Etat  et  écrivain  anglais,  né  vers  1539,  mort  à  Dublin 
le  19  oct.  1608.  Il  résida  quelque  temps  en  France; 
mais  les  détails  de  sa  vie  sont  peu  connus  jusqu'en 
1580,  époque  où  il  suivit  son  frère  aîné  en  Irlande.  Il  ne 
tarda  pas  à  y  être  promu  au  poste  important  de  secré- 
taire d'Etat  auprès  du  «  Lord  Deputy  »  ou  gouverneur, 
avec  lequel  il  ne  craignit  pas  d'entrer  en  lutte  pour  mieux 
servir  les  intérêts  de  la  couronne.  Sa  conduite  ne  le  ren- 
dit pas  populaire  en  Irlande  ;  mais  elle  lui  valut  les  faveurs 
de  la  reine  Elisabeth,  qui  le  créa  chevalier  en  1590.  Pen- 
dant la  première  partie  de  sa  vie,  il  s'était  livré  à  des  tra- 
vaux littéraires  et  avait  publié  notamment  :  Certaine  Tra- 
gicall  Discourses  written  oute  of  Frenche  and  Latine, 
tirés  de  Boaistuau,  Belleforest  et  Bandello  (1567)  ;  A 
Discourse  of  the  Civile  Warres  and  late  Troubles  in 
France  (1570)  et  surtout  une  traduction  du  grand  ouvrage 
de  Guichardin,  sous  le  titre  de  History  ofthe  Wars  of  Italy 
(1579).  B.-H.  G.  U 

FENTON  (Ehjah),  poète  anglais,  né  à  Shelton  le  20  mai 
1683,  mort  le  13  juil  1730.  Pope  lui  trouva  assez  détalent 
pour  lui  faire  traduire  les  livres  I,  IV,  XIX  et  XX  de  son 
Odyssée.  On  a  encore  de  lui  un  recueil  de  poésies  (1717), 
une  tragédie  intitulée  Marianne  (1723),  une  édition  des 
Poems  de  Milton  (1727),  accompagné  d'une  excellente 
biographie,  et  une  édition  des  œuvres  d'Edmund  Walier. 
(1729)  On  a  publié  une  édition  collective  de  ses  écrits  à 
Londres  en  1793  (in-4).  B.-H.  G. 

FENTON  (Lavinia),  duchesse  de  Bolton,  actrice  an- 
glaise, née  en  1708,  morte  le  24  janv.  1760.  De  fort  basse 
extraction,  elle  eut,  dit-on,  pour  père  naturel  un  lieutenant 
de  vaisseau  nommé  Beswick,  mais  elle  porta  le  nom  d'un 
sieur  Fenton  que  sa  mère  épousa  peu  après  sa  naissance. 
Douée  d'une  voix  charmante  et  d'une  oreille  très  juste,  elle 
témoigna  d'heureuses  dispositions  pour  la  musique  qu'un 
vieux  comédien  se  plut  à  cultiver.  En  1726,  elle  débuta  à 
Haymarket  dans  Orphans  d'Otway  ;  elle  était  bientôt  en- 
gagée au  théâtre  de  Lincoln 's  Inn  Fields  où  elle  obtint  un 
succès  considérable.  Ce  succès  atteignit  des  proportions 
énormes  lorsqu'elle  tint  le  rôle  dePolly  Peachum  dans  l'opéra 
de  Gay,  TheBeggar  (1728).  Fort  épris  de  sa  beauté,  le  duc 
de  Bolton  l'enleva  au  théâtre  et  l'épousa  en  1751  après  la 
mort  de  sa  femme,  lady  Anne  Vaughan.  On  a  le  portrait  de 
Lavinia  Fenton  par  Hogarth.  R.  S. 

Bibl.:  The  Life  of  Lavinia  Beswick,  alias  Fenton,  alias 
Polly  Peachum; Londres,  1728,  in-8. 

FENTON.  (Edward-Dyne),  écrivain  anglais,  mort  à  Scar- 


19JL— 


FENTON  —  FEODALITE 


borough  le  27  juil.  1880.  Entré  dans  l'armée  en  4847,  il 
devint  capitaine  dans  le  86e  régiment  de  ligne  et  tint  gar- 
nison à  Gibraltar  durant  plusieurs  années.  Il  pritsaretraile 
en  1870.  On  a  de  lui  :  Sorties  from  Gibraltar  in  quest 
of  sensation  and  sentiment  (Londres,  1872,  in-8), 
récits  de  courses  en  Espagne  très  lestement  tournés  ;  Mili- 
tary  Men  1  hâve  met  (Londres,  1872,  in-8),  esquisses 
pleines  d'humour;  Eve* s  Daughters  (1873,  in-8)  ;  B.  an 
autobiography  (1874,  in-8).  R.  S. 

FENU-Grec  (V.  Trigonelle). 

FENWICK  (Sir  John),  homme  politique  anglais,  né  en 
1579,  mort  vers  1658.  D'une  vieille  famille  du  Northum- 
berland  où  il  possédait  des  domaines  immenses  et  une  in- 
fluence considérable,  il  commanda  le  château  de  Tynemouth 
et  représenta  Northumberland  au  Court  Parlement  (1623- 
24)  puis  au  Long  Parlement.  En  1644,  il  fut  exclu  de  la 
Chambre  des  communes  pour  adhésion  au  parti  du  roi  et, 
fait  prisonnier  par  les  parlementaires  en  déc.  de  la  même 
année,  fit  sa  paix  avec  eux  et  fut  nommé  haut  sheriff  du 
Northumberland  et  réintégré  aux  Communes  le  26  juin  1646. 
—  Un  de  ses  fils,  M»,  colonel  de  dragons  dans  l'armée 
royale,  périt  au  combat  de  Marston  Moor  le  3  juil.  1644. 

FENWICK  (George),  homme  politique  anglais,  né  vers 
\  603,  mort  le  15  mars  1 657.  Inscrit  au  barreau  de  Londres 
en  1631,  il  s'occupa  fort  activement  de  la  colonisation  du 
Connecticut,  s'établit  en  1 639  en  ce  pays  où  il  commanda 
le  fort  de  Saybrook.  De  retour  en  Angleterre  en  1645,  il 
fut  élu  membre  du  Long  Parlement  par  Morpeth.  Parlemen- 
taire décidé,  il  commanda  un  régiment  de  la  milice  du  Nord, 
reprit  le  château  de  Fenham  et  fut  nommé  gouverneur  de 
Berwick.  Il  fit  partie  de  la  commission  qui  jugea  le  roi, 
suivit  Cromwell  dans  l'expédition  d'Ecosse  (1650),  devint 
gouverneur  de  Leith  et  du  château  d'Edimbourg  et  s'em- 
para du  château  de  Hume  en  1650.  Membre  de  la  com- 
mission du  gouvernement  d'Ecosse,  il  représenta  Berwick 
aux  deux  Parlements  de  1654  et  1656.  R.  S. 

FENWICK  (Sir  John),  conspirateur  anglais,  né  vers 
1645,  mort  le  28  janv.  1697.  Entré  jeune  dans  l'armée, 
il  était  major  général  en  1688.  Membre  du  Parlement  pour 
Northumberland  en  1677  et  en  1685,  il  était  un  des  par- 
tisans les  plus  dévoués  de  Jacques  II.  Après  l'avènement 
de  Guillaume  d'Orange,  il  ne  cessa  de  fomenter  des  cons- 
pirations contre  lui.  Arrêté  en  1689  et  enfermé  à  la  Tour, 
il  fut  relâche  après  cinq  mois  de  détention.  En  1695  il  com- 
plota la  mort  du  roi.  Arrêté  le  13  juin,  il  offrit  de  révéler 
ce  qu'il  savait  des  complots  jacobites.  Ces  prétendues  révé- 
lations n'eurent  d'autre  but  que  de  nuire  à  ses  ennemis 
politiques, Marlborough,  Godolphin,Russellet  Shrewsbury. 
En  fait,  Shrewsbury  et  Godolphin  ne  s'en  relevèrent  jamais, 
bien  que  la  Chambre  des  communes  eût  jugé  l'accusation 
fausse  et  scandaleuse.  Les  Chambres  rendirent  contre  Fen- 
wick  un  bill  d'attainder  après  des  débats  orageux  :  il  fut 
décapité  sur  le  Tower  Hill  après  avoir  protesté  contre  la  pro- 
cédure de  son  jugement  :  aux  Communes,  le  bill  n'avait 
été  voté  que  par  189  voix  contre  152  et  à  la  Chambre 
des  lords  par  68  contre  61.  R.  S. 

FÉNYES  (Alexius),  géographe  et  statisticien  hongrois, 
né  à  Csokay  (comitat  de  Bihâr)  le  7  juil.  1807,  mort  le 
23  juil.  1876.  Il  fut  d'abord  avocat,  siégea  à  la  diète  de 
Presbourg  en  1830,  puis  s'adonna  aux  études  géogra- 
phiques et  écrivit  les  premiers  ouvrages  de  statistique 
publiés  en  langue  hongroise.  Fixé  à  Pest  à  partir  de 
1836,  il  y  dirigea  plusieurs  sociétés  et  y  fonda  deux  jour- 
naux industriels.  En  1848,  il  fut  nommé  chef  du  bureau 
de  statistique  au  ministère  de  l'intérieur  et,  en  1849, 
président  du  tribunal  militaire.  Il  rentra  dans  la  vie  privée 
à  l'issue  de  la  guerre  de  l'Indépendance.  Ses  principaux 
ouvrages,  tous  en  hongrois,  ont  pour  titres  :  Etat  de  la 
Hongrie  et  des  pays  limitrophes  au  point  de  vue  géo- 
graphique et  statistique  (Pesth,  1836-39,  6  vol.  in-8); 
Statistique  hongroise  (Pesth,  1842-43,  3  vol.  in-8); 
Atlas  manuel  et  classique  (Pesth,  1845);  Description 
de  la  Hongrie  (Pesth,  1847,  2  vol.  in-8).  L.  S. 


FENZ0NI(V.  Fanzoni). 

FEO  (Francesco),  compositeur  italien,  né  à  Naples  en 
1699.  Elève  de  Gizzi  et  Pitoni.  Il  fit  jouer  à  Rome,  non 
sans  succès,  ses  opéras  Ipermnestra,  Arianna,  Andro- 
■macca,  Arsace.  Revenu  à  Naples  (1740),  il  dirigea  l'école 
de  chant  fondée  par  Gizzi,  composa  des  psaumes,  un  ora- 
torio, des  litanies,  un  requiem,  etc.;  il  était  un  des  meil- 
leurs compositeurs  napolitains  de  son  temps. 

FÉODALITÉ.  Ce  mot  désigne  ordinairement  l'ensemble 
des  institutions  publiques  et  privées  qui  ont  régi  la  France 
ainsi  que  les  autres  nations  de  l'Europe  occidentale  pen- 
dant le  moyen  âge,  et  dont  la  plus  caractéristique,  celle 
qui  explique  toutes  les  autres,  était  l'inféodation  ou  con- 
trat de  fief.  Mais  dans  une  acception  plus  large  et  plus 
générale,  le  mot  féodalité  doit  s'entendre,  sans  distinction 
de  temps  ni  de  pays,  de  tout  régime  politique,  écono- 
mique et  social  où  se  retrouvent  en  fait,  sous  quelque 
nom  que  ce  soit,  les  caractères  essentiels  de  celui  qui  pré- 
valait alors  en  Europe.  On  sait,  en  effet,  que  cette  forme 
de  société  et  de  gouvernement  s'est  produite  en  d'autres 
pays  et  à  d'autres  époques  :  en  Chine,  au  Japon,  dans 
l'Egypte  ancienne,  dans  l'empire  byzantin,  dans  l'empire 
turc,  au  Mexique,  elle  a  régné  pendant  de  longs  siècles  ; 
elle  subsiste  encore  actuellement  dans  l'Abyssinie  et  chez 
les  Hovas  de  Madagascar,  dans  la  Polynésie  et  dans 
quelques  parties  de  la  Nouvelle-Calédonie.  Le  régime  féo- 
dal est  donc,  comme  la  monarchie  despotique  ou  comme  la 
démocratie  républicaine,  «  un  des  types  généraux  d'après 
lesquels  les  sociétés  humaines  tendent  à  se  constituer  spon- 
tanément dans  des  milieux  et  sous  des  conditions  déter- 
minées ».  A  vrai  dire,  le  régime  féodal  ne  fut  pas  en  tous 
lieux  semblable  à  lui-même.  Il  serait  facile  de  constater  de 
nombreuses  différences  entre  la  féodalité  française  et  la 
féodalité  allemande,  ou  bien  entre  les  diverses  féodalités 
européennes  et  celles  du  Japon,  du  Mexique  ou  de  l'Abys- 
sinie. Mais  si  les  formes  locales  varient  à  l'infini,  il  y  a  un 
certain  nombre  de  traits  généraux  qui  se  retrouvent  par- 
tout et  qui  distinguent  le  régime  féodal  des  autres  types 
d'organisation  sociale  et  politique. 

L'exposé  qui  va  suivre  comprendra  :  1°  une  partie  socio- 
logique, dans  laquelle  nous  définirons  les  caractères  essen- 
tiels de  la  féodalité,  et  nous  rechercherons  les  causes  géné- 
rales qui  en  amènent  la  formation  ou  la  destruction  ;  2°  une 
partie  historique  dans  laquelle  nous  étudierons  en  détail 
le  type  féodal  qui  nous  intéresse  le  plus  et  que  nous  con- 
naissons le  mieux,  c.-à-d.  la  féodalité  française.  Quant 
aux  autres  types  de  la  féodalité,  nous  nous  bornerons  à 
renvoyer  à  l'art.  Classes  sociales  et  aux  articles  spéciaux 
consacrés  à  l'histoire  et  aux  institutions  de  chacun  des 
pays  où  ce  régime  s'est  établi. 

I.  SOCIOLOGIE  GÉNÉRALE.  —  L  Caractères  essen- 
tiels de  la  féodalité.  —  Comme  un  organisme  vivant,  qui 
pénètre  le  corps  entier  jusque  dans  s*es  parties  les  plus  pro- 
fondes et  réagit  sur  toutes  ses  fonctions  vitales,  le  régime 
féodal,  établi  dans  une  société,  en  modifie  toutes  les  condi- 
tions d'existence  ;  il  détermine  à  la  fois  l'état  des  personnes, 
l'état  des  biens  etTorganisation  des  pouvoirs  publics.  Mais 
pour  le  saisir  dans  sa  complexité,  il  faut  d'abord  analyser 
séparément  chacun  de  ses  caractères  distinctifs. 

Toute  société  féodale  présente  les  trois  caractères  sui- 
vants :  1°  elle  vit  sous  le  régime  agricole;  le  sol  se  com- 
pose en  partie  de  propriétés  collectives  réservées  pour 
l'usage  commun,  en  partie  de  domaines  ruraux  appartenant 
en  propre  à  des  familles  ou  à  des  individus  et  dont  la  cul- 
ture forme  le  principal  élément  de  la  richesse  publique  ; 
le  commerce  et  l'industrie  n'ont  qu'un  rôle  très  secondaire  ; 
2°  c'est  une  société  guerrier e,  c.-à-d.  que  la  condition 
des  personnes  et  l'attribution  des  biens,  au  lieu  d'être  fon- 
dées sur  le  travail  et  la  justice,  y  sont  le  plus  souvent 
déterminées  par  la  force  et  l'oppression,  et  qu'une  grande 
partie  de  ses  membres  sont  constamment  armés,  soit  pour 
la  défendre  contre  les  agressions  du  dehors,  soit  pour 
maintenir  à  l'intérieur  l'état  de  choses  établi  contre  les 


FÉODALITÉ 


192  — 


résistances  des  mécontents  ou  les  entreprises  des  ambi- 
tieux ;  3°  c'est  une  société  aristocratique,  c.-à-d.  que 
ses  membres  se  répartissent  en  classes  distinctes,  inégales, 
les  unes  jouissant  de  privilèges,  les  autres  grevées  de 
charges  ou  frappées  de  déchéances.  Il  y  a  diverses  formes 
d'aristocratie  :  une  classe  privilégiée  peut  tirer  sa  supério- 
rité soit  d'une  race  conquérante  dont  elle  descend,  soit  de 
la  richesse  mobilière  ou  immobilière  qu'elle  seule  détient, 
soit  de  la  profession  religieuse,  civile  ou  militaire  qu'elle 
exerce  à  l'exclusion  des  autres  classes  ;  souvent  elle  doit 
son  origine  et  la  solidité  de  son  pouvoir  à  plusieurs  de  ces 
causes  réunies.  Dans  une  société  féodale,  la  classe  aristo- 
cratique n'est  constituée  ni  par  la  profession  civile,  ni  par 
la  fortune  mobilière  ;  elle  n'appartient  pas  non  plus  habi- 
tuellement à  une  race  ou  à  une  religion  distincte,  bien  que 
ce  caractère  se  rencontre  quelquefois.  Elle  tire  sa  préémi- 
nence de  deux  causes  principales  :  c'est  elle  seule  qui  est 
maîtresse  de  la  terre,  c.-à-d.,  dans  une  civilisation  agricole, 
de  la  richesse  publique;  c'est  elle  seule  qui  porte  les  armes 
et  fait  la  guerre.  En  deux  mots,  elle  est  essentiellement 
terrienne  et  militaire.  Ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'elle 
soit  exclusivement  composée  de  guerriers  (car  dans  la  plu- 
part des  sociétés  féodales,  la  classe  privilégiée  comprend 
aussi  des  gens  d'Eglise,  des  corporations  d'arts  et  métiers 
et  des  communautés  bourgeoises)  ;  mais,  pour  jouir  plei- 
nement des  mêmes  privilèges  que  les  gens  d'épée,  ceux-ci 
doivent  non  seulement  posséder  des  terres  ou  des  droits 
immobiliers,  mais  aussi  faire  acquitter  par  des  repré- 
sentants le  service  de  guerre.  Quant  aux  inférieurs,  dans 
une  société  ainsi  organisée,  ils  se  composent  d'esclaves 
attachés  à  la  terre,  de  cultivateurs  ou  d'artisans  participant 
plus  ou  moins  à  la  condition  servile,  d'hommes  libres  dont 
les  droits  civils  sont  fort  limités  et  les  charges  fort  lourdes. 
Ce  sont  eux  qui,  par  leur  travail,  pourvoient  aux  .besoins 
économiques  de  la  société  tout  entière  ;  mais,  comme  ils 
n'ont  pas  de  terre  en  propre,  comme  ils  n'ont  ni  armes  ni 
mœurs  guerrières,  ils  doivent  solliciter  de  la  classe  aristo- 
cratique, au  prix  de  services  personnels  ou  de  redevances 
pécuniaires,  la  concession  de  terres  cultivables  et  la  pro- 
tection nécessaire  à  leurs  travaux  ;  c'est  ainsi  qu'ils  vivent 
dans  sa  dépendance  et  à  sa  merci. 

Ce  triple  caractère  se  retrouve  dans  toutes  les  sociétés 
féodales  ;  mais  il  ne  suffit  pas  pour  les  différencier  d'autres 
sociétés  aristocratiques  :  car  il  y  a  eu  dans  l'antiquité,  en 
Grèce  et  à  Rome,  puis,  après  les  invasions  barbares,  chez 
les  Francs  et  d'autres  peuples  germains,  des  nations  agri- 
coles et  guerrières,  où  la  force  militaire  et  la  propriété  du 
sol  étaient  concentrées  aux  mains  d'une  classe  dominante 
au  profit  de  laquelle  travaillaient  des  cultivateurs  libres  et 
des  esclaves,  et  où  cependant  la  féodalité  n'existait  pas.  Ce 
qui  caractérise  essentiellement  la  féodalité,  c'est  le  rôle 
prépondérant  que  joue  la  terre  dans  les  relations  sociales 
et  qui  résulte  de  conditions  économiques  toutes  particu- 
lières. Dans  les  sociétés  modernes,  c'est  à  l'argent  qu'ap- 
partient ce  rôle.  La  vie  sociale  se  compose  d'un  incessant 
échange  de  services,  les  uns  d'ordre  privé,  les  autres 
d'ordre  public  ;  or,  en  général,  ces  services  ne  s'échangent 
pas  directement  contre  d'autres  services,  mais  contre  une 
valeur  conventionnelle,  en  numéraire  ou  en  papier-monnaie, 
qui  sert  de  commune  mesure.  C'est  en  argent  que  chacun 
paye  les  services  domestiques,  les  objets  de  consommation 
ou  les  produits  industriels  dont  il  a  besoin  ;  c'est  par  des 
honoraires,  un  traitement,  une  solde,  que  l'Etat  rémunère 
les  fonctionnaires  de  tout  ordre  qu'il  emploie  à  un  service 
public.  Mais  dans  les  sociétés  féodales  où  la  culture  du  sol 
est  la  source  à  peu  près  unique  de  la  richesse,  où  le  com- 
merce et  l'industrie  sont  très  peu  développés,  où  la  fortune 
mobilière  est  mal  protégée  et  peu  appréciée,  l'argent  n'in- 
tervient qu'accessoirement  dans  les  relations  économiques  ; 
c'est  la  terre  qui  fait  alors  la  fonction  de  l'argent  et  qui 
sert  de  rémunération  à  la  plupart  des  services  d'ordre  privé 
et  même  d'ordre  public.  Un  propriétaire  veut-il  obliger 
pour  l'avenir  un  homme  des  classes  inférieures  à  lui  four- 


nir périodiquement  les  produits  d'un  métier,  un  certain 
travail  corporel  ou  intellectuel  :  au  lieu  d'argent,  il  lui  con- 
cède la  jouissance  d'une  terre  pour  tout  le  temps  pendant 
lequel  le  service  sera  acquitté.  Veut-il  obtenir  d'un  homme 
de  sa  propre  classe  un  engagement  de  fidélité  et  d'assis- 
tance, la  promesse  qu'il  combattra  avec  lui,  se  soumettra 
à  sa  justice,  lui  payera  certains  tributs  en  nature  ou  en 
argent  :  il  lui  confère,  sous  ces  conditions,  la  pleine  pos- 
session d'un  domaine  plus  ou  moins  vaste  avec  tous  les 
droits  qu'il  a  lui-même  sur  les  habitants  de  ce  domaine. 
Dans  les  concessions  de  la  première  catégorie,  la  terre  est 
échangée  contre  des  services  privés;  dans  celles  de  la 
deuxième  catégorie  contre  des  services  d'ordre  public,  ana- 
logues à  ceux  d'un  citoyen  envers  l'Etat.  La  terre  est  donc 
alors,  entre  les  mains  des  privilégiés  qui  la  possèdent,  non 
seulement  une  source  de  richesse,  mais  un  instrument  de 
domination  :  au  moyen  de  la  terre,  on  ne  pourvoit  pas 
seulement  aux  besoins  de  la  vie  matérielle  et  sociale,  on 
acquiert  sur  d'autres  hommes  des  droits  de  souveraineté  ; 
on  n'est  pas  seulement  un  propriétaire  servi  par  des  fer-  \ 
miers,  des  cultivateurs,  des  artisans,  on  est  un  seigneur 
assisté  de  vassaux  et  maître  d'un  petit  Etat.  Pendant  le 
moyen  âge,  les  terres  qui  étaient  ainsi  concédées  à  charge 
de  service  d'ordre  public  et  qui  établissaient  entre  les  deux 
contractants  les  relations  de  seigneur  à  vassal,  portaient, 
dans  toute  l'Europe,  le  nom  de  fiefs  (feoda)  ;  elles  ont 
donné  leur  nom  au  régime  tout  entier  dont  elles  forment 
l'institution  la  plus  originale.  Mais  ce  qui  est  surtout 
remarquable,  c'est  que  le  contrat  par  lequel  la  terre 
s'échange  contre  ces  services  divers  n'est  pas  un  simple 
engagement  personnel  ne  liant  entre  elles  que  les  parties 
contractantes  ;  il  y  entre  un  élément  réel,  fixe  et  perma- 
nent, qui  est  la  terre  elle-même.  Car  c'est  comme  posses- 
seur de  la  terre  concédée  (propter  rem)  que  l'un  des 
contractants  doit  acquitter  ces  services  ;  c'est  comme  pos- 
sesseur du  domaine  d'où  cette  terre  avait  été  détachée  que 
l'autre  a  le  droit  de  les  exiger.  Il  y  a  ainsi  un  rapport 
établi  non  seulement  entre  deux  personnes,  maïs  entre 
deux  terres,  et  qui  subsiste,  lorsque  les  contractants  origi- 
naires viennent  à  disparaître,  à  la  charge  ou  au  profit  des 
nouveaux  possesseurs  quels  qu'ils  soient.  On  peut  donc  dire 
que  les  services  stipulés  sont  imposés  à  une  terre  plutôt 
qu'à  un  homme;  ils  constituent  une  charge  inhérente  au 
sol,  une  servitude  foncière  qui  subsiste  tant  qu'un  nouveau 
contrat  ne  vient  pas  modifier  le  rapport  établi.  Inverse- 
ment, ces  services  sont  dus  moins  au  propriétaire  ou  au 
seigneur  qui  les  a  stipulés  qu'à  son  domaine  auquel  ils 
restent  attachés  comme  des  droits  réels,  aliénables  et  trans- 
missibles  avec  le  domaine  lui-même. 

De  cet  état  de  choses  découlent  deux  conséquences  im- 
portantes qui  sont  également  caractéristiques  des  sociétés 
féodales:  1°  La  condition  des  personnes  'se  trouve  déter- 
minée d'une  manière  à  peu  près  exclusive  par  4e  régime 
des  terres  qu'elles  habitent.  L'initiative  individuelle,  qui 
est  si  puissante  dans  les  sociétés  démocratiques  et  qui  per- 
met à  chacun  d'être  le  principal  artisan  de  sa  condition 
sociale,  n'a  ici  qu'une  influence  secondaire.  Ce  que  vaut  et 
ce  que  peut  l'homme  dans  les  sociétés  féodales,  il  le  doit 
surtout  à  la  terre  dont  il  est  le  détenteur,  car  c'est  le  titre 
en  vertu  duquel  il  tient  cette  terre  ;  c'est  la  concession 
faite  à  ses  ancêtres  ou  à  lui-même,  qui  détermine  ses  droits, 
ses  obligations,  sa  fonction  sociale.  Si  un  homme  est  le 
supérieur  ou  le  subordonné  d'un  autre  homme,  c'est  que 
la  terre  possédée  par  le  premier  est  suzeraine  ou  dépen- 
dante de  la  terre  possédée  par  le  second;  s'il  est  noble, 
roturier  ou  serf,  c'est  que  la  tenure  est  noble,  roturière 
ou  servile  ;  pour  changer  de  condition,  pour  échapper  aux 
déchéances  et  aux  charges  qui  pèsent  sur  les  classes  infé- 
rieures, pour  conquérir  les  privilèges  de  la  classe  aristo- 
cratique, il  n'a  qu'un  moyen,  c'est  d'obtenir  une  concession 
nouvelle  qui  modifie  le  titre  de  sa  tenure.  Mais  générale- 
ment chacun  reste  attaché  au  sol,  c.-à-d.  au  manoir  dont 
il  est  le  seigneur,  au  champ  qu'il  cultive,  à  la  ville  où  il 


—  198  — 


FÉODALITÉ 


exerce  sa  profession.  Peu  importe  que  le  sol  passe  d'un 
seigneur  à  un  autre  par  héritage  ou  par  cession,  la  condi- 
tion de  ceux  qui  l'habitent  reste  la  même  tant  que  leurs  rap- 
ports avec  la  terre  qu'ils  détiennent  ne  sont  pas  changés.— 
2°  Les  conditions  économiques  dans  lesquelles  vit  la  société 
féodale  donnent  à  la  propriété  foncière  une  forme  nouvelle, 
intermédiaire  entre  le  régime  de  la  propriété  collective, 
qui  règne  dans  les  sociétés  primitives,  et  le  régime  de  la 
propriété  libre  et  absolue,  qui  domine  dans  les  sociétés 
modernes.  Cette  forme  est  la  tenure  perpétuelle  ou  de 
longue  durée,  dont  le -fief  est  le  type  le  plus  remarquable. 
Ce  qui  la  caractérise,  c'est  que  le  propriétaire  n'a  sur  sa 
terre  qu'un  droit  conditionnel  et  limité,  analogue  à  celui 
du  locataire  ou  du  fermier.  Ce  caractère  résulte  de  ce 
que  les  relations  économiques  et  sociales  se  ramènent, 
comme  on  l'a  vu,  à  des  concessions  de  terres  à  charge  de 
services  et  que,  par  conséquent,  si  l'on  excepte  Je  petit 
nombre  de  domaines  exempts  de  toute  charge  par  suite 
de  circonstances  particulières  (alleux),  la  grande  majorité 
des  terres  est  grevée  de  servitudes  qui  mettent  cha- 
cune d'elles  dans  la  dépendance  d'une  autre  terre  et  ne 
permettent  jamais  au  détenteur  actuel  d'en  disposer  seul 
et  de  son  plein  gré.  La  règle  générale,  c'est  que  nul 
homme,  qu'il  soit  seigneur,  vassal,  tenancier  ou  serf,  ne 
possède  de  terre  qu'en  vertu  d'une  concession  et  à  charge 
de  services  dus  au  concédant.  Or,  celui  qui  cède  une  terre, 
à  titre  gratuit  ou  onéreux,  ne  se  dessaisit  jamais  complète- 
ment :  il  retient  par  devers  lui  une  partie  des  droits  dont 
se  compose  la  pleine  propriété  (domaine  direct,  émment) 
et  n'abandonne  que  la  possession  et  la  jouissance  (domaine 
utilej";  en  vertu  des  -droits  qu'il  retient  et  qui  comptent 
dans  son  patrimoine,  il  peut,  à  défaut  des  services  dus, 
parfois  même  au  gré  de  ses  caprices,  reprendre  la  terre 
qu'il  avait  concédée.  Les  possesseurs  du  sol,  n'ayant  ainsi 
qu'un  titre  précaire,  ne  peuvent  en  disposera  leur  volonté  ; 
souvent,  leur  droit  n'esf  que  viager,  personnel  et  après 
eux  fait  retour  au  concédant;  mais  même  lorsque  leur  droit 
est  héréditaire,  s'ils  peuvent  le  transmettre  à  leurs  héri- 
tiers naturels,  ils  ne  peuvent  le  léguer  à  d'autres  ni  le 
vendre  sans  le  consentement  du  seigneur  de  qui  ils  le  tien- 
nent. Ces  étroites  limites  imposées  à  la  propriété  foncière 
ont  pour  conséquence  de  rendre  les  droits  incertains  et  les 
contestations  fréquentes,  d'empêcher  le  morcellement  du 
sol,  d'arrêter  la  libre  initiative  des  individus  et  par  suite 
le  progrès  économique. 

Après  avoir  analysé  iesjjlèifîsnts  essentiels  du  régime 
féodal,  ih  convient  de  nnontrer,  par  une  synthèse  rapide, 
de  quelle  façon,  chez  les  peuples  qui  vivent  sous  ce  régime, 
s'opèrent  le  groupement  social  et  l'organisation  politique. 
On  comprendra  mieux  encore  le  rôle  capital  de  la  propriété 
foncière  dans  ces  sociétés,  lorsqu'on  aura  vu  comment  la 
terre  féodale  par  excellence,  le  fief,  est  à  la  fois  le  centre 
de  la  vie  sociale  et  celui  de  la  vie  politique. 

1°  Le  groupement  des  personnes  sous  le  régime  féodal 
ne  diffère  pas  moins  du  clan  familial  sur  lequel  repose  l'or- 
ganisation des  sociétés  primitives  que  de  Fassociation  libre 
pratiquée  par  les  peuples  modernes  (V.  Classes  sociales). 
Il  est  fondé  sur  les  liens  de  subordination  qu'établit,  non 
seulement  entre  les  classes  inférieures  et  la  classe  aristocra- 
tique, mais  encore  entre  les  divers  membres  de  cette  dernière 
classe,  une  série  de  concessions  de  terres  à  charge  de  ser- 
vices. Car  chaque  seigneur,  puissant  par  l'étendue  de  son- 
domaine  et  le  nombre  de  ses  hommes  d'armes,  n'a  pas  seu- 
lement pour  clients  les  roturiers  et  les  serfs  qui  cultivent  ses 
terres,  mais  aussi  d'autres  seigneurs,  trop  pauvres  ou  trop 
faibles  pour  se  défendre  eux-mêmes  aux  époques  de  troubles 
et  de  violences,  qui  viennent  se  placer  sous  sa  protection, 
lui  font  hommage  de  leurs  personnes  et  de  leurs  biens,  et, 
en  retour,  reçoivent  de  lui  des  fiefs  à  raison  desquels  ils 
deviennent  ses  vassaux.  Il  arrive  ainsi  que  le  pays  tout 
entier  se  trouve  partagé  entre  les  principaux  membres  de 
la  classe  aristocratique,  maîtres  chacun  d'un  territoire  plus 
ou  moins  vaste  dont  les  habitants  forment  sous  son  auto- 

GRÀNDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XYIt. 


rite  un  groupe  distinct  et  dépendent  tous  de  lui,  mais  à  des 
titres  divers.  Chaque  puissant  seigneur  a  sur  ses  domaines 
propres  des  tenanciers  appartenant  aux  classes  inférieures, 
les  uns  de  condition  libre,  les  autres  de  condition  servile  ; 
sur  les  fiefs  qu'il  a  concédés  et  dont  il  est  le  seigneur,  il 
a  des  vassaux,  appartenant  comme  lui  à  la  classe  privilé- 
giée, ayant  eux-mêmes  sous  leur  autorité  les  hommes  libres 
/et  les  serfs  du  fief  qui  est  devenu  leur  domaine  propre.  Des 
tenanciers,  il  n'exige  que  des  prestations  pécuniaires  ou 
corporelles,  sous  forme  de  redevances  et  de  corvées  ;  des 
vassaux,  il  réclame  la  fidélité  et  l'assistance  personnelle, 
sous  forme  de  services  de  guerre,  de  justice  ou  d'argent. 
A  l'égard  des  premiers,  il  a  les  droits  d'un  propriétaire 
sur  ses  fermiers  ou  d'un  maître  sur  ses  valets  ;  à  l'égard 
des  seconds,  il  a  les  pouvoirs  d'un  chef  d'Etat  sur  ses  su- 
jets. «  Un  groupe  ainsi  organisé  n'est  pas  isolé  des  groupes 
voisins  ;  le  seigneur  qui  en  est  le  chef_peut  entrer  lui- 
même,  à  titre  de  vassal,  dans  un  autre  groupe  de  même 
nature,  dont  le  seigneur-chef  est  d'ordinaire  plus  puissant 
que  lui-même  ;  dès  lors  ses  propres  terres  relèvent  directe- 
ment de  ce  seigneur  à  titre  de  fief,  et  les  terres  de  ses  vas- 
saux en  relèvent  indirectement  à  titre  d'arrière-fiefs.  Plu- 
sieurs groupes  peuvent  être  ainsi  rattachés  à  un  groupe 
supérieur,  et  celui-ci  dépendre  d'un  autre  encore  plus  élevé .» 
Tel  est  dans  ses  traits  essentiels  le  groupement  particulier 
des  personnes  dans  la  société  féodale  ;  comme  on  l'a  vu  plus 
haut,  la  cause  de  ce  groupementr"fe4îeii  qui  unit  le  sei- 
gneur aux  vassaux  nobles  et  aux  gens  des  classes  inférieures 
qui  dépendent  directement  de  lui,  ne  consiste  pas  dans  un 
simple  engagement  personnel,  mais  dans  un  contrat  réel, 
dans  la  concession  effective  d'une  terre  à  charge  de  ser- 
vices. Pour  devenir  vassal,  l'hommage  ne  suffit  pas  ;  pour 
devenir  vilain  ou  serf  d'un  seigneur,  ce  n'est  pas  assez  d'un 
engagement  pris  d'homme  à  homme  :  il  faut,  de  plus,  dans 
le  premier  cas,  la  concession  d'un  fief,  dans  le  second,  celle 
d'une  tenure  roturière  ou  servïle.  Si  le  vassal,  si  le  tenan- 
cier sont  liés  envers  le  seigneur  par  les  obligations  précé- 
demment énumérées,  c'est,  avant  tout,  à  cause  de  la  tenure 
qu'ils  ont  reçue  ;  s'ils  veulent  se  dégager  de  ces  obligations, 
ils  doivent  renoncer  à  leur  tenure  ;  s'ils  négligent  de  les 
remplir,  c'est  par  la  perte  de  leur  tenure  qu'ils  sont 
punis. 

2°  Lorsque,  chez  un  peuple,  l'état  social  dont  on  vient 
d'indiquer  les  traits  essentiels  est  devenu  général  et  per- 
manent, il  produit  nécessairement  une  forme  nouvelle  de 
gouvernement.  Ce  qui  la  caractérise,  c'est  que  la  souve- 
raineté, au  lieu  de  résider  dans  la  nation  tout  entière  ou 
dans  la  personne  d'un  souverain  unique,  est  dispersée  entre 
les  mains  des  innombrables  chefs  de  groupes  féodaux  qui 
se  partagent  le  sol,  et  que  ce's  chefs  sont  unis  entre  eux, 
non  point  par  des  liens  fédératifs,  mais  par  une  hiérarchie 
particulière  qui,  à  certains  égards,  les  subordonne  les  uns 
aux  autres,  à  d'autres  égards,  les  laisse  pleinement  indé- 
pendants. Dans  toute  société  organisée,  les  droits  de  l'Etat 
consistent  à  exiger  des  individus  les  services  personnels  et 
pécuniaires  dont  l'ensemble  compose  la  puissance  sociale  ; 
ses  devoirs  consistent  à  assurer  aux  individus,  au  moyen 
de  cette  force  sociale,  la  protection,  la  justice  et  la  liberté 
d'action  qui  leur  sont  nécessaires.  Dans  un  Etat  centra- 
lisé, gouverné  par  un  chef  électif  ou  héréditaire,  c'est  à  ce 
chef  unique  ou  aux  fonctionnaires  qui  le  représentent  que 
chaque  individu  fournit  ces  services  et  demande  cette  pro- 
tection :  dans  un  Etat  féodal,  c'est  au  seigneur  de  qui 
dépend  directement  la  terre  où  il  réside  ;  car  il  ne  connaît 
que  lui,  n'a  de  devoirs  qu'envers  lui,  ne  doit  attendre  que 
de  lui  assistance  et  justice.  Chaque  groupe  féodal  forme 
donc,  dans  cette  société,  comme  un  petit  Etat  muni  d'un 
gouvernement  propre  et  capable  d'accomplir  toutes  les 
fonctions  essentielles  d'un  grand  Etat  :  grâce  au  service  de 
guerre,  de  justice  et  de  conseil,  que  lui  doivent  ses  vas- 
saux, le  seigneur  possède  une  armée,  une  cour  judiciaire, 
un  conseil  de  gouvernement  ;  grâce  aux  tributs  de  ses  vas- 
saux et  aux  redevances  pécuniaires  de  ses  autres  tenan- 

43 


FÉODALITÉ 


—^494  — 


ciers,  il  a  un  trésor  ;  grâce  aux  services  de  corps  que  lui 
doivent  les  serfs  et  souvent  aussi  les  hommes  libres  éta- 
blis sur  ses  domaines,  il  dispose  des  bras  d'un  grand 
nombre  de  cultivateurs  et  d'artisans.  Mais,  comme  on  l'a 
vu  plus  haut,  les  groupes  féodaux  ne  sont  pas  isolés  les 
uns  des  autres  ;  ils  sont  rattachés  entre  eux  par  les  liens 
de  la  vassalité  et  forment  une  vaste  hiérarchie  remontant 
de  groupes  inférieurs  à  des  groupes  supérieurs  de  moins  en 
moins  nombreux,  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à  un  seigneur 
qui  ne  reconnaît  pas  de  supérieur,  qui  ne  tient  ses  droits 
de  personne  «  hormis  Dieu  et  son  épée  ».  A  la  vérité,  la 
présence  d'un  chef  unique,  d'un  suzerain  suprême  à  la 
tête  de  la  hiérarchie  féodale  n'est  pas  essentielle  à  ce 
régime.  Il  semblerait  même  que,  dans  une  forme  de  gou- 
vernement où  tous  les  grands  propriétaires  de  fiefs  s'attri- 
buent, chacun  dans  ses  domaines,  l'exercice  des  pouvoirs 
publics,  l'institution  monarchique,  c.-à-d.  la  création  d'un' 
pouvoir  central  et  supérieur,  fût  un  élément  étranger  et 
même  hostile.  Cependant,  en  fait,  sous  l'influence  de  cir- 
constances diverses  qui  ont  varié  suivant  les  temps  et  les 
pays,  partout  où  la  féodalité  s'est  constituée,  l'un  des  sei- 
gneurs terriens  a  dominé  les  autres  et  centralisé  en  sa  per- 
sonne toute  la  hiérarchie  féodale.  Ce  seigneur  souverain 
porte  habituellement  le  titre  de  roi  ou  d'empereur  ;  il  a  sous 
lui,  disposés  comme  par  échelons,  tous  les  fiefs  et  toutes 
les  tcnures  du  royaume,  qui  sont  censés  être  une  émana- 
tion directe  ou  indirecte  de  sa  puissance.  En  fait,  son  auto- 
rité sur  ses  vassaux  est  quelquefois  réelle,  le  plus  souvent 
fictive  :  tantôt,  s'ils  sont  peu  puissants  ou  divisés  par  des 
rivalités  personnelles,  il  les  tient  dans  sa  main,  distri- 
buant et  reprenant  à  son  gré  les  fiefs  et  les  dignités  sui- 
vant le  degré  d'obéissance  dont  ils  font  preuve  ;  tantôt, 
s'ils  sont  puissants  et  unis,  il  doit  composer  avec  eux,  se 
heurte  à  de  fréquentes  résistances  et  n'obtient  que  de  leur 
bon  vouloir  une  obéissance  précaire  et  intéressée.  Mais, 
dans  tous  les  cas,  il  faut  bien  remarquer  que  son  autorité 
ne  s'exerce,  en  dehors  de  son  domaine  propre,  que  sur  la 
personne  de  ses  vassaux  directs  et  jamais,  en  principe,  sur 
celle  des  arrière-vassaux  ou  des  tenanciers  qui  dépendent 
de  ces  vassaux  ;  il  n'a  pour  sujets  que  les  premiers  ;  il  peut 
les  forcer  à  mettre  en  mouvement  pour  lui  leurs  vassaux  et 
les  hommes  de  leurs  fiefs,  mais  il  ne  peut,  sauf  exception, 
requérir  directement  aucun  service  de  ces  vassaux  et  de 
ces  hommes  qui  ne  sont  pas  sous  sa  dépendance.  Ainsi  à 
tous  les  degrés  de  la  hiérarchie  féodale,  chaque  seigneur  est 
à  la  fois  souverain  et  dépendant  :  souverain  dans  son  fief, 
dont  les  terres  et  les  gens  ne  relèvent  que  de  lui  ;  dépendant 
de  son  suzerain  immédiat,  envers  lequel  il  est  tenu  de 
devoirs  féodaux. 

Si  tel  est  le  caractère  essentiel  du  régime  politique  propre 
aux  sociétés  féodales,  parmi  quelles  formes  de  gouverne- 
ment peut-on  le  ranger  ?  Il  faut  d'abord  écarter  les  formes 
démocratiques  (république  fédérative,  militaire,  représen- 
tative), puisque  une  société  féodale  est,  par  définition, 
incompatible  avec  tout  régime  politique  dans  lequel  le 
peuple  se  gouverne  par  lui-même  ou  par  des  représen- 
tants. La  féodalité  peut  être  classée  parmi  les  gouverne- 
ments aristocratiques,  puisque  le  pouvoir  est  aux  mains 
d'un  petit  nombre  d'hommes  pris  dans  une  classe  privilé- 
giée, qui  seule  possède  la  terre  et  porte  les  armes.  Mais  elle 
peut  être  aussi  classée  parmi  les  gouvernements  monar- 
chiques, puisque  les  membres  de  la  classe  gouvernante 
forment  une  hiérarchie  placée  sous  l'autorité  réelle  ou  fic- 
tive d'un  chef  unique.  La  monarchie  féodale  est  tantôt  élec- 
tive, tantôt  héréditaire,  mais  toujours  patrimoniale,  c.-à-d. 
que  son  chef  exerce  le  pouvoir,  non  par  mandat  de  ses 
subordonnés  (monarchie  représentative)  ou  par  autorité 
surnaturelle  (monarchie  théocratique),  mais  en  son  propre 
nom,  comme  il  use  de  ses  biens  personnels,  et  qu'à  tous 
les  degrés  de  la  hiérarchie  aucun  droit  politique  ne  se  mani- 
feste que  sous  la  forme  patrimoniale  d'un  fief  ou  d'une 
seigneurie.  Toutefois  la  monarchie  féodale  n'est  point  despo- 
tique :  si  dans  ses  propres  domaines,  sur  certaines  caté- 


gories de  personnes  et  de  biens,  l'autorité  du  roi  est 
presque  absolue,  dans  les  terres  et  sur  la  personne  de  ses 
vassaux,  il  n'a  qu'une  autorité  fort  limitée,  subordonnée 
au  contrat  féodal  qui  les  unit  à  lui.  En  résumé,  on  peut 
définir  la  féodalité,  en  tant  que  régime  politique,  une  com- 
binaison de  l'aristocratie  terrienne  et  militaire  avec  la 
monarchie  patrimoniale.  Mais  c'est  l'élément  aristocra- 
tique qui  l'emporte  ;  les  privilégiés  ne  sont  pas  seulement 
la  classe  dominante,  ils  sont  la  classe  souveraine  ;  le  mo- 
narque n'est  lui-même  qu'un  seigneur  placé  au-dessus  des 
autres  et  n'ayant  pas  de  supérieur.  Aussi  emploie-t-on  quel- 
quefois l'expression  de  régime  seigneurial  comme  syno- 
nyme de  régime  féodal.  La  première  expression  est  peut-être 
plus  large  et  plus  intelligible,  car  elle  indique  bien  un 
régime  dans  lequel  les  véritables  maîtres,  au  point  de  vue 
politique  comme  au  point  de  vue  social,  sont  les  seigneurs. 
Toutefois,  c'est  la  seconde  qui  a  prévalu  dans  l'usage,  sans 
doute  parce  qu'elle  marque  précisément  ce  qu'il  y  a  de  plus 
original  et  de  plus  caractéristique  dans  ce  régime,  l'inféo- 
dation  ou  concession  de  fief,  par  laquelle  s'explique  la  su- 
prématie sociale  et  politique  des  seigneurs. 

IL  Causes  qui  amènent  la  formation  et  la  des- 
truction du  régime  féodal,— Quelque  variés  que  soient 
dans  leur  succession  et  dans  leur  enchaînement  les  faits 
particuliers  dont  l'ensemble  forme  l'histoire  de  l'humanité, 
il  y  a  certains  états  sociaux  et  certains  régimes  politiques 
que  l'on  voit,  chez  tous  les  peuples  qui  ont  une  histoire, 
régulièrement  apparaître  sous  l'influence  des  mêmes  cir- 
constances, se  succéder  dans  le  même  ordre  et  constituer  en 
quelque  sorte  les  phases  essentielles  de  toute  évolution  his- 
torique. C'est  ainsi  qu'au  sortir  de  l'anarchie  primitive,  le 
clan  familial  paraît  avoir  été  partout  le  premier  type  d'asso- 
ciation ;  rapprochés  par  des  affinités  ou  des  nécessités  com- 
munes, les  clans  ont  formé  des  tribus,  puis  des  nations. 
C'est  ainsi  qu'au  point  de  vue  politique,  le  régime  rudimen- 
taire  de  la  tribu  libre  est  partout  remplacé,  à  quelques 
exceptions  près,  par  le  gouvernement  despotique,  puis, 
chez  les  races  les  plus  civilisées,  par  le  gouvernement 
parlementaire  (V.  Etat). 

Mais  autour  de  ces  types  fondamentaux  qui  sont  en  très 
petit  nombre  et  fort  simples,  apparaissent  de  nombreuses 
variétés,  dues  à  la  configuration  du  sol,  au  climat,  aux 
besoins  économiques,  aux  croyances,  au  hasard  des  guerres, 
et  qui  tantôt  donnent  à  chacun  de  ces  types  un  caractère 
particulier  et  individuel,  tantôt  forment  entre  chacun  d'eux 
des  états  intermédiaires.  Telles  sont  par  exemple,  au  point 
de  vue  social,  l'organisation  démocratique  ou  la  division 
en  classes  dont  les  unes  sont  asservies  aux  autres  ;  au 
point  de  vue  du  gouvernement,  la  forme  républicaine,  aris- 
tocratique ou  monarchique  de  la  tribu,  la  forme  héréditaire 
ou  élective,  théocratique  ou  militaire  de  la  monarchie  des- 
potique, la  forme  unitaire  ou  fédérative,  républicaine  ou 
monarchique  du  gouvernement  parlementaire.  Telle  est  aussi 
la  féodalité.  On  ne  saurait  voir  dans  ce  régime  une  phase 
nécessaire  de  l'évolution  historique,  car  il  y  a  des  peuples 
à  qui  ce  type  d'organisation  est  toujours  resté  étranger 
(par  exemple,  les  anciens  Grecs,  les  Romains,  les  Slaves). 
Mais  c'est  une  forme  transitoire,  qui  se  produit  communé- 
ment, chez  la  plupart  des  peuples,  à  des  moments  divers 
de  leur  développement  social  et  politique.  Combinaison  par- 
ticulière de  l'aristocratie  et  du  régime  monarchique,  on  la 
rencontre  aussi  bien  dans  les  tribus  à  demi  sauvages  que 
dans  les  grands  Etats  civilisés.  On  peut  ramener  à  quatre 
cas  principaux  les  circonstances  qui  lui  donnent  naissance  : 
4°  tantôt  le  régime  féodal  apparaît  comme  une  des  phases 
normales  de  l'évolution  qui  fait  passer  peu  à  peu  une  tribu 
ou  une  nation  du  gouvernement  démocratique  au  gouver- 
nement monarchique  ;  2°  tantôt  il  se  produit  spontanément 
dans  la  désorganisation  d'une  grande  monarchie,  et  sert 
de  transition  plus  ou  moins  rapide  vers  un  autre  type  de 
gouvernement  monarchique  ;  3°  tantôt  il  est  violemment 
importé  chez  un  peuple  vaincu  par  un  peuple  conquérant 
qui  vivait  déjà  lui-même  sous  ce  régime  ;  4°  tantôt  enfin 


-  198 


FEODALITE 


il  est  volontairement  constitué  par  le  souverain  d'un  grand 
Etat  monarchique,  dans  les  provinces  les  plus  éloignées  de 
son  empire,  comme  un  régime  transactionnel  mieux  appro- 
prié à  ces  provinces  que  l'administration  directe  par  le  gou- 
vernement central.  — Examinons  successivement  ces  quatre 
hypothèses. 

4°  Le  régime  féodal  est  inconnu  aux  sociétés  primitives, 
même  lorsque,  abandonnant  la  vie  pastorale,  elles  se  fixent 
dans  une  région  déterminée  pour  en  cultiver  les  terres. 
Les  chefs  de  famille,  unis  par  les  liens  d'une  même  des- 
cendance', vivent  d'abord  sous  un  régime  démocratique 
qui  a  pour  caractère  distinctif  la  communauté  des  terres 
et  l'égalité  politique.  Mais  cet  état  social,  dont  on  retrouve 
des  traces  à  l'origine  de  tous  les  peuples,  n'a  subsisté  que 
par  exception  dans  quelques  tribus  (Kabyles  de  l'Algérie, 
Peaux-Rouges  de  l'Amérique)  et  dans  quelques  provinces 
ou  petits  Etats  de  l'Europe  (en  Suisse,  en  Frise,  dans  le 
district  des  Dithmarschen  [Holstein],  au  val  d'Andorre,  en 
Serbie).  H.  Sumner  Maine  et  E.  de  Laveleye ,  dans 
leurs  recherches  sur  les  sociétés  primitives  et  sur  les 
formes  anciennes  de  la  propriété,  ont  montré  comment, 
partout  ailleurs,  l'égalité  avait  disparu  avec  la  com- 
munauté des  terres;  comment  ces  démocraties  primitives, 
à  mesure  que  se  développait  la  propriété  individuelle, 
s'étaient  changées  en  aristocraties  foncières  et  s'étaient 
acheminées  plus  ou  moins  lentement  vers  le  régime  féo- 
dal. D'abord,  à  côté  des  terres  communes  périodiquement 
partagées  entre  chacun  des  membres  de  la  tribu,  il  se 
forma  quelques  domaines  indépendants  :  l'homme  qui  clô- 
turait un  terrain  vague  ou  un  coin  de  la  forêt  commune 
pour  le  cultiver,  en  devenait  propriétaire  exclusif  et  héré- 
ditaire ;  et  la  terre  ainsi  défrichée  (bifang,  porprisa,  pour- 
pris)  échappait  au  partage  (ager  exsors) ,  Quelques  familles 
qui,  dans  la  croyance  populaire,  représentaient  la  descen- 
dance directe  de  l'ancêtre  commun  et  chez  lesquelles  le  sang 
était  réputé  plus  pur,  étaient  mieux  traitées  que  les  autres 
dans  les  partages  communs  ;  étant  plus  riches,  ayant  plus  de 
serviteurs,  elles  pouvaient  plus  facilement  se  créer,  par  les 
défrichements,  un  domaine  exclusif.  C'était  aussi  parmi 
les  membres  de  ces  familles  que  l'on  choisissait  d'ordinaire 
les  chefs  des  expéditions  militaires  ;  c'était  à  eux  que  reve- 
nait, en  cas  de  succès,  la  plus  grosse  part  des  terres  con- 
quises, du  butin  ou~4.es  esclaves  ;  c'était  à  eux  qu'en  temps 
de  paix  on  recourait  plus  volontiers  pour  obtenir  assistance 
et  protection.  Aussi  dans  chaque  tribu,  l'égalité  des  biens 
fut-elle  rompue  de  bonne  heure  au  profit  de  quelques 
familles  riches  et  puissantes,  qui  formèrent  une  sorte  d'aris- 
tocratie et  qui,  à  la  faveur  des  guerres  fréquentes  provoquées 
par  l'humeur  querelleuse  de  ces  petites  sociétés,  acquirent 
rapidement  sur  les  autres  membres  de  la  tribu  un  pouvoir 
prépondérant.  Déjà  le  chef  de  chacune  d'elles  avait  sous 
son  autorité  les  serviteurs  par  lesquels  il  faisait  cultiver  ses 
domaines,  ou  qu'il  avait  établis  comme  colons  dans  une 
terre  inculte,  défrichée  par  son  ordre.  Il  s'entoura  en 
outre  d'une  clientèle  d'hommes  libres,  dont  il  fit  ses  su- 
bordonnés en  leur  concédant,  soit  une  partie  de  son  bétail 
pour  exploiter  leurs  propres  terres,  soit  une  partie  de  ses 
domaines  pour  les  cultiver  à  sa  place  :  en  retour  de  cette 
concession,  il  stipulait  d'eux  certains  services  personnels 
ou  certaines  redevances  pécuniaires,  qui  les  mettaient 
dans  sa  dépendance,  soit  à  titre  de  clients,  soit  à  titre  de 
fermiers,  soit  à  titre  de  tenanciers.  Quant  à  lui,  assez 
riche  pour  vivre  sans  travailler,  il  cessait  de  cultiver 
personnellement  la  terre,  et  ne  pratiquait  que  le  métier 
des  armes,  la  chasse  et  la  guerre;  auprès  de  lui  il 
avait  des  compagnons  d'armes,  qui  vivaient  à  sa  table,  à 
qui  il  donnait  une  part  de  son  butin  ou  de  ses  terres,  et 
qui  lui  rendaient  en  retour  divers  services  domestiques.  A 
cette  autorité  qu'il  exerçait  sur  ses  gens  et  sur  tous  ceux 
à  qui  il  avait  concédé  une  parcelle  de  son  domaine,  s'ajouta 
bientôt  le  gouvernement  de  tous  les  hommes  libres  de  la 
région  au  centre  de  laquelle  était  son  manoir.  A  mesure 
que  la  communauté  s'accroissait  et  que  la  culture  des  terres 


se  compliquait,  la  participation  des  chefs  de  famille  aux 
affaires  publiques  devenait  pour  chacun  une  charge  plus 
lourde  et  plus  gênante.  Peu  à  peu  les  plus  pauvres  s'en  dé- 
sintéressèrent ;  les  plus  riches,  dont  les  terres  étaient  culti- 
vées par  des  serviteurs  ou  des  tenanciers,  eurent  seuls  le 
loisir  de  s'en  occuper;  c'est  à  eux,  de  préférence,  que 
furent  confiées  les  fonctions  instituées  dans  l'intérêt  géné- 
ral de  la  communauté.  On  s'habitua  ainsi  à  considérer 
l'exercice  des  pouvoirs  publics  comme  étant  à  la  fois  la 
charge  naturelle  et  le  privilège  exclusif  de  la  propriété 
foncière,  et  les  chefs  des  principales  familles  aristocra- 
tiques héritèrent  des  droits  administratifs  et  judiciaires 
primitivement  exercés  par  les  assemblées  d'hommes  libres. 
Ils  gouvernèrent  d'abord  en  qualité  de  présidents  élus  par 
elles,  puis  en  leur  propre  nom  et  de  leur  seule  autorité, 
sans  le  concours  de  ces  assemblées.  De  même,  ils  figurèrent 
seuls  dans  les  réunions  générales  où  chaque  communauté 
particulière  envoyait  des  délégués  pour  délibérer  sur  les 
affaires  de  la  tribu  ou  de  la  nation.  C'est  ainsi  qu'au  sein 
de  la  communauté  libre,  les  grands  propriétaires  se  trans- 
formèrent en  seigneurs;  que  leurs  domaines,  investis  de 
droits  souverains,  devinrent  des  terres  seigneuriales.  Par 
des  empiétements  successifs,  chacun  d'eux  s'empara  des 
biens  et  des  droits  communaux,  dont  il  gardait  le  domaine 
éminent  et  concédait  l'usage,  au  prix  de  redevances  et  de 
corvées.  Beaucoup  de  domaines  privés  et  de  droits  indi- 
viduels, qui  appartenaient  en  propre  à  des  hommes  libres, 
tombèrent  aussi  en  son  pouvoir  ;  car  le  plus  souvent  ceux- 
ci  n'obtenaient  sa  protection,  n'échappaient  à  ses  vexa- 
tions, qu'en  lui  faisant  hommage  de  leurs  terres,  pour  les 
recevoir  ensuite  de  lui  à  titre  de  vassaux  et  moyennant 
quelque  service.  L'autorité  du  seigneur  s'étendait  ainsi 
peu  à  peu  à  toutes  les  terres  et  à  toutes  les  personnes  de 
la  communauté,  qui  finissait  par  être  englobée  tout  entière 
dans  le  groupement  féodal.  Les  divers  groupes  seigneu- 
riaux qui  se  formaient  de  la  sorte  chez  un  même  peuple 
ne  restaient  pas  isolés  les  uns  des  autres  ;  mais  il  était 
rare  qu'ils  s'entendissent  pour  former  une  sorte  d'Etat 
fédératif;  les  ambitions,  les  rivalités,  les  querelles  divi- 
saient entre  eux  les  seigneurs.  Après  une  période  de  lutte 
et  d'anarchie  plus  ou  moins  longue,  les  plus  faibles  tom- 
baient de  gré  ou  de  force  dans  la  dépendance  des  plus 
forts,  qui  devenaient  leurs  suzerains,  et,  parmi  ces  der- 
niers, le  plus  habile  ou  le  plus  puissant  ne  tardait  pas  à 
faire  reconnaître  par  les  autres  sa  suprématie  sous  le  nom 
de  royauté.  Ainsi  se  trouvait  constituée,  dans  ses  éléments 
essentiels,  la  monarchie  féodale.  C'est  l'histoire  de  l'Alle- 
magne, antérieurement  au  xe  siècle,  qui  offre  le  plus  remar- 
quable exemple  de  cette  évolution  graduelle  d'une  démocratie 
primitive  vers  le  régime  féodal.  En  Angleterre,  pen- 
dant la  même  période,  l'évolution  fut  plus  lente,  et  le 
régime  féodal  était  encore  en  voie  de  formation,  lorsque 
la  conquête  normande  l'imposa  violemment  à  la  population 
indigène.  Dans  quelques  parties  de  l'Afrique  et  de  l'Océa- 
nie,  à  Madagascar,  en  Nouvelle-Calédonie,  dans  les  archi- 
pels de  la  Polynésie,  où  elle  existe  à  l'état  rudimen taire, 
on  retrouve  les  traces  encore  vivantes  d'une  évolution 
analogue  à  celle  qui  vient  d'être  décrite.  /• 

2°  Le  régime  féodal  peut  s'établir  également  dans  des 
circonstances  tout  opposées  aux  précédentes,  non  plus  à  la 
naissance,  mais  au  déclin  des  civilisations.  C'est  lorsqu'une 
grande  monarchie  tombe  en  décadence  et  que  les  groupes 
d'hommes  qui  la  composent  différant  entre  eux  de  race  ou 
d'intérêts,  rejettent  le  joug  commun  pour  chercher,  chacun 
sous  l'autoritéde  chefs  régionaux,  une  forme  nouvelle  d'or- 
ganisation sociale  et  politique.  C'est  ainsi  que  s'est  développé 
le  régime  féodal  en  France,  en  Italie  et  en  Espagne  pen- 
dant le  moyen  âge.  L'étude  spéciale  qui  sera  faite  ultérieu- 
rement de  la  féodalité  française  montrera  par  une  analyse 
!  détaillée  comment  ce  régime  est  sorti  de  la  dissolution  de  la 
monarchie  carolingienne.  Il  suffira  d'indiquer  en  quelques 
traits  généraux  la  marche  que  suit  habituellement  cette  évo- 
lution sociale  aux  époques  de  décadence.  Les  Etats  dans 


FÉODALITÉ  —  496  — 

lesquels  elle  se  produit  sont  généralement  de  vastes  monar- 
chies, telles  que  l'empire  de  Charlemagne,  formées  de  peuples 
que  la  conquête  a  violemment  rapprochés  et  qui  ne  sont 
pas  unis  par  un  même  sentiment  national,  mais  seulement 
par  une  organisation  administrative,  lien  plus  apparent 
que  réel.  Lorsque  la  faiblesse  ou  l'incapacité  du  souverain 
expose  l'Etat  aux  attaques  d'un  ennemi  extérieur,  aux 
querelles  intestines  des  factieux,  l'organisme  administratif 
se  relâche  et  l'Etat  commence  à  se  dissoudre.  Mais  la  vie 
qui  abandonne  le  pouvoir  central  se  réfugie  dans  chaque 
province,  dans  chaque  groupe  d'hommes  unis  par  des 
affinités  communes,  et  l'instinct  de  conservation  crée  dans 
chacun  de  ces  groupes  un  nouvel  organisme  social.  La 
puissance  publique  qui  jusque-là  résidait  tout  entière  dans 
la  personne  du  monarque  se  divise  en  une  foule  de  sou- 
verainetés locales  au  profit  de  ceux  qui  dans  chaque  région 
possèdent  les  plus  riches  domaines  et  le  plus  grand  nombre 
de  clients,  c.-à-d.  au  profit  des  hauts  fonctionnaires  de 
la  monarchie  qui  tombe  et  des  principaux  propriétaires 
fonciers.  C'est  à  eux  que  les  petits  propriétaires,  les  arti- 
sans, les  cultivateurs  s'adressent,  au  milieu  du  désordre 
et  de  l'anarchie  qui  éclatent  partout,  pour  obtenir  la  jus- 
tice et  la  protection  que  le  pouvoir  central  ne  leur  assure 
plus  ;  c'est  à  eux  et  non  plus  au  pouvoir  central  qu'ils 
apportent,  en  retour,  leurs  services  personnels  et  leur 
travail.  Ils  les  reconnaissent  pour  seigneurs  et  se  déclarent 
leurs  vassaux  ou  leurs  hommes.  Mais  dans  le  contrat  d'as- 
surance mutuelle  qui  intervient  alors,  ce  n'est  pas  seule- 
ment à  la  personne  du  protecteur  que  s'attachent  les  pro- 
tégés, c'est  surtout  à  sa  terre,  cause  et  signe  apparent  de 
sa  puissance.  Ils  ne  se  sentent  réellement  défendus  contre 
les  troubles  et  l'instabilité  de  la  vie  sociale  que  si  le  sei- 
gneur les  établit  sur  ses  domaines  en  leur  concédant  la 
jouissance  d'une  de  ses  terres,  et  en  même  temps  cette 
terre  concédée  est  pour  le  seigneur  la  meilleure  garantie 
de  l'acquittement  régulier  des  services  et  redevances  qu'il 
a  stipulés  en  retour.  Les  groupes  féodaux  ainsi  formés 
sont  d'abord  isolés  les  uns  des  autres  pendant  une  période 
d'anarchie,  puis  s'unissent,  comme  dans  l'évolution  pré- 
cédemment décrite,  par  des  liens  de  subordination  et  de 
suzeraineté  réciproques.  Il  ne  tarde  pas  à  s'élever  parmi 
eux  une  seigneurie  prépondérante,  qui  restaure  peu  à  peu 
à  leurs  dépens  le  pouvoir  monarchique,  mais  en  l'adap- 
tant aux  nécessités  du  nouvel  état  social,  en  l'exerçant 
dans  les  formes  féodales. 

3°  Au  lieu  de  se  développer  naturellement  chez  un  peuple 
par  le  libre  jeu  des  éléments  sociaux,  la  féodalité  peut 
lui  être  imposée  par  une  contrainte  extérieure,  telle  que 
l'invasion  d'étrangers  qui  s'établissent  chez  lui  en  conqué- 
rants. Le  cas  se  présente  lorsque  la  nation  victorieuse  est 
elle-même  déjà  organisée  féodalement  et  soumet  le  peuple 
vaincu  à  ses  propres  institutions.  C'est  ce  qui  est  arrivé 
pour  le  Japon,  conquis  plusieurs  siècles  avant  l'ère  chré- 
tienne par  les  Chinois,  et  pour  l'Angleterre  conquise  au 
xie  siècle  par  les  Normands.  Le  chef  vainqueur  confisque 
les  terres  des  vaincus,  mais,  comme  il  n'a  déterminé  ses 
vassaux  et  ses  compagnons  d'armes  à  entreprendre  l'ex- 
pédition qu'en  leur  promettant  une  large  part  du  butin,  il 
ne  garde  pour  lui-même  qu'une  portion  du  territoire  et 
des  biens  confisqués  et  distribue  le  reste  à  ses  lieutenants 
et  à  ses  soldats,  à  titre  de  fiefs,  c.-à-d.  à  charge  de  service 
militaire  et  d'autres  services  personnels.  Quelquefois,  par 
calcul  politique,  il  laisse  aux  -anciens  possesseurs  une  par- 
tie des  terres,  mais  à  la  condition  qu'ils  deviendront  ses 
vassaux  et  lui  fourniront  les  mêmes  services.  Chaque  vas- 
sal fait  à  son  tour  des  concesssions  semblables  aux  hommes 
d'armes  qui  l'ont  accompagné  et  aux  indigènes  dont  il 
a  besoin.  Ainsi  s'établit  par  une  spoliation  méthodique 
toute  une  hiérarchie  féodale,  ayant  au  sommet  le  chef 
victorieux ,  limité  dans  sa  puissance  par  les  droits  qu'il 
a  dû  reconnaître  à  ses  vassaux,  et,  à  la  base,  toute 
la  population  vaincue,  réduite  au  rang  de  colons  ou  de 
serfs  et  pourvoyant  par  son  travail  aux  besoins  de  l'aris- 


tocratie territoriale  et  militaire  que  la  conquête  lui  a 
imposés. 

Lorsque  le  pays  où  le  régime  féodal  est  ainsi  implanté 
se  trouve  déjà  dans  un  état  social  voisin  de  ce  régime  au 
moment  de  la  conquête  (ce  qui  est  arrivé  pour  l'Angle- 
terre), lorsque  dans  la  condition  des  terres  et  celle  des 
personnes  il  s'est  déjà  produit  des  inégalités,  des  subordi- 
nations, des  groupements  locaux  qui  indiquent  une  lente 
évolution  vers  l'aristocratie  féodale,  l'assimilation  se  fait 
rapidement  entre  les  institutions  des  vainqueurs  et  celles 
des  vaincus  ;  et,  au  bout  de  très  peu  de  temps,  le  nouveau 
régime  est  aussi  solidement  assis  que  s'il  s'était  développé 
naturellement.  Souvent  même  il  garde  des  circonstances 
dans  lesquelles  il  est  né  un  caractère  plus  rigoureux  et 
une  hiérarchie  plus  sévère  :  car  la  nécessité  de  défendre 
leur  conquête  contre  les  revendications  des  vaincus  oblige 
les  vainqueurs  à  conserver  longtemps  intacte  leur  organi- 
sation militaire  et  à  exiger  impitoyablement  la  stricte  exé- 
cution des  services  féodaux. 

4°  Enfin  l'introduction  du  régime  féodal  chez  un  peuple 
peut  être  une  création  administrative  ;  ce  qui  arrive  prin- 
cipalement dans  deux  cas  :  1°  lorsque  par  calcul  ou  par 
nécessité  politique  le  souverain  d'une  grande  monarchie 
renonce  à  administrer  directement  certaines  de  ses  pro- 
vinces et  en  concède  le  gouvernement  à  un  ou  plusieurs 
chefs  responsables,  sous  l'obligation  du  service  militaire 
et  de  tributs  en  argent  ou  en  nature  ;  2°  lorsque  dans  un 
état  monarchique  le  relâchement  des  liens  administratifs 
et  les  résistances  locales  rendent  difficile  la  levée  des 
troupes  et  que  le  souverain  est  obligé,  pour  recruter  une 
armée,  d'intéresser  à  cette  opération  les  fonctionnaires  ou 
les  personnages  les  plus  influents  du  pays  en  achetant  leur 
concours  au  prix  de  concessions  de  terres.  Dans  les  deux 
cas,  le  monarque  garde,  à  titre  de  suzerain,  le  domaine 
éminent  des  provinces  ou  des  terres  ainsi  concédées  en 
fiefs.  Ceux  qu'il  en  investit  en  reçoivent,  à  titre  de  vas- 
seaux,  le  domaine  utile,  avec  tous  les  droits  et  les  pou- 
voirs qu'il  comporte.  Eux-mêmes  concèdent  à  leur  tour 
une  partie  de  ces  terres  à  des  vassaux  subalternes,  à  des 
tenanciers,  des  colons  ou  des  serfs,  et  ainsi  se  constitue 
une  véritable  hiérarchie  féodale.  Ces  créations  de  fiefs  par 
acte  du  pouvoir  central  ne  sont  point  rares  dans  l'histoire 
des  Etats  européens.  On  en  trouve  un  exemple  mémorable 
dans  l'empire  byzantin,  qui,  au  xe  siècle,  ne  se  défendit 
contre  les  invasions  du  dehors  et  les  résistances  intérieures 
qu'en  admettant  à  titre  de  vassales  les  provinces  occupées 
par  les  Slaves  et  les  Bulgares,  ou  en  concédant  à  des 
étrangers  des  fiefs  militaires,  au  centre  même  de  l'Empire. 
De  même,  dans  l'empire  des  Turcs  Ottomans,  les  sultans 
créèrent  au  xive  siècle,  au  profit  de  leurs  compagnons 
d'armes  (sipahis)  des  fiefs  militaires  (ziamets,  timars) 
qui  leur  conféraient  une  véritable  autorité  seigneuriale  sur 
les  rayas,  cultivateurs  du  sol  :  ces  fiefs,  qui  formaient  la 
base  de  l'organisation  civile  et  militaire  de  l'empire  otto- 
man, ont  subsisté  jusqu'à  la  réforme  de  4858.  De  même 
encore,  quand  les  Turcs  conquirent  l'Egypte  en  1517,  ils 
y  établirent  des  fiefs  analogues  au  profit  des  officiers  (mul- 
tezims)  et  des  mamelucks  de  qui  relevait  directement  la 
population  agricole  des  fellahs. 

Après  avoir  passé  en  revue  les  principales  causes  qui 
amènent  dans  une  société  l'établissement  du  régime  féodal, 
il  y  a  lieu  de  rechercher  comment  la  féodalité  disparaît  et 
par  quels  régimes  elle  est  habituellement  remplacée. 

On  a  vu  précédemment  qu'on  ne  pouvait  la  classer  parmi 
les  types  normaux  et  permanents  d'organisation  sociale, 
mais  parmi  les  types  de  transition.  Comme  les  circonstances 
diverses  qui  lui  donnent  naissance  ne  durent  qu'un  certain 
temps,  il  arrive  un  moment  où  cette  forme  organique  ne 
correspond  plus  aux  besoins  de  la  société  qui  y  est  soumise. 
On  ne  peut  nier  que,  dans  certaines  crises  de  l'évolution 
sociale,  le  régime  féodal  n'ait  été  un  réel  bienfait  pour  le 
peuple  chez  lequel  il  s'établissait.  Sans  doute,  lorsqu'il  suc- 
cède au  régime  démocratique  des  sociétés  primitives  ou  qu'il 


—  497 


FEODALITE 


est  violemment  imposé  par  une  armée  conquérante  à  une 
nation  libre,  il  amène  une  déchéance  dans  la  condition  des 
individus  comme  dans  le  fonctionnement  des  forces  sociales. 
Mais  lorsqu'il  succède  à  un  régime  despotique  ou  à 
une  période  d'anarchie,  il  réalise,  à  ce  double  point  de 
vue,  un  véritable  progrès.  Pour  les  classes  inférieures, 
le  progrès  est  dans  la  sécurité  que  leur  procure  la  protec- 
tion du  guerrier  sur  la  terre  duquel  elles  vivent  ;  pour  la 
classe  dirigeante,  il  est  dans  l'indépendance  et  la  dignité 
morale  qu'assure  à  chacun  de  ses  membres  la  souveraineté 
dont  il  jouit  sur  ses  domaines;  pour  tous,  il  est  dans  la 
prédominance  du  système  contractuel,  souvent  onéreux 
aux  faibles,  mais  toujours  préférable  à  la  violence  et  à 
l'arbitraire.  —  Toutefois,  si  le  régime  féodal  est  quelque- 
fois bienfaisant,  il  ne  peut  longtemps  fonctionner  sans  ré- 
véler de  telles  imperfections,  sans  engendrer  tant  d'abus 
et  d'injustices,  qu'il  suscite  contre  lui  les  haines  et  les 
révoltes  les  plus  justifiées.  La  protection  seigneuriale  de- 
vient promptement  oppressive  :  le  seigneur  abuse  de  sa 
force  pour  pressurer  ceux  qui  se  sont  mis  sous  sa  tutelle  ; 
il  usurpe  les  biens,  asservit  les  personnes,  les  grève,  au 
mépris  des  conventions,  de  charges  ruineuses  et  vexatoires  ; 
même  quand  il  n'opprime  pas  ses  tenanciers,  il  les  exploite, 
et  la  plupart  des  services  qu'il  exige  d'eux  tournent  à  son 
profit  personnel  ou  à  la  satisfaction  de  ses  ambitions  de 
famille.  Les  liens  réels  qui  attachent  l'homme  à  la  terre, 
les  dangers  auxquels  s'expose  quiconque  sort  des  domaines 
de  son  seigneur,  la  division  de  la  société  en  classes  fer- 
mées, sont  autant  d'obstacles  au  développement  du  com- 
merce et  de  l'industrie,  au  progrès  économique.  L'insuffi- 
sance des  liens  féodaux  pour  établir  l'ordre  dans  une  société 
qui  n'admet  que  des  droits  individuels,  les  mœurs  vio- 
lentes de  l'aristocratie  qui  ne  connaît  que  le  métier  des 
armes,  entretiennent  en  permanence  les  guerres  privées, 
qui  ont  pour  conséquence,  le  servage,  le  dépeuplement  des 
terres,  la  dévastation  des  villes  et  des  campagnes.  Enfin, 
un  Etat  féodal,  où  la  souveraineté  est  partagée  en  une 
foule  de  mains,  ne  peut  avoir,  au  point  de  vue  de  l'admi- 
nistration intérieure  et  des  relations  internationales,  la 
cohésion  et  la  puissance  d'un  Etat  centralisé.  Ces  imper- 
fections, les  abus  et  les  maux  qui  en  résultent  provoquent 
plus  ou  moins  rapidement  une  double  réaction  contre  le 
régime  féodal.  L'une  vient  des  classes  inférieures  :  partout 
où  l'isolement  ou  la  dégradation  morale  ne  les  réduit  pas  à 
l'impuissance,  les  opprimés,  libres  ou  serfs,  s'unissent, 
s'organisent  par  petits  groupes,  et,  forts  de  leur  union, 
obtiennent  peu  à  peu,  soit  de  gré,  soit  de  force,  des  con- 
cessions qui  limitent  l'arbitraire  du  seigneur  et  leur  garan- 
tissent un  certain  nombre  de  droits  et  de  privilèges  collectifs. 
En  même  temps  leur  condition  économique  s'améliore  ;  plus 
libres,  elles  s'enrichissent  par  le  commerce,  l'industrie  et 
les  arts  ;  elles  achètent  la  terre,  et  avec  elle  la  puissance 
sociale.  Un  certain  nombre  de  groupes  arrivent  ainsi  à  se 
faire  une  place  dans  la  classe  privilégiée,  à  conquérir  non 
seulement  des  droits  municipaux,  mais  une  véritable  souve- 
raineté politique  qui  leur  permet  de  traiter  d'égal  à  égal 
avec  les  seigneurs  féodaux.  L'autre  réaction  vient  du  chef 
suprême  qui,  sous  le  nom  de  roi  ou  d'empereur,  occupe 
dans  la  société  féodale  le  sommet  de  la  hiérarchie  aristo- 
cratique. La  maison  seigneuriale  qui  s'est  emparée,  par  la 
force  ou  l'intrigue,  de  cette  souveraine  dignité,  fait  consister 
toute  sa  politique  à  étendre  ses  domaines,  ses  droits  et  ses 
prérogatives  aux  dépens  des  autres  maisons  seigneuriales  ; 
s' alliant  suivant  ses  intérêts  avec  les  chefs  de  la  société 
religieuse,  avec  les  communautés  urbaines  ou  rurales, 
avec  les  petits  seigneurs  qu'elle  cherche  à  soustraire  à  la 
suzeraineté  des  grandes  seigneuries  pour  les  faire  entrer 
dans  sa  vassalité  immédiate,  elle  conquiert,  confisque  ou 
rachète  la  majeure  partie  des  fiefs,  ressaisit,  pour  s'en 
attribuer  l'usage  exclusif,  les  droits  régaliens  que  chaque 
seigneur  exerce  dans  ses  domaines,  et  par  le  rétablissement 
progressif  de  l'unité  politique  et  de  la  centralisation  admi- 
nistrative, donne  satisfaction  à  la  fois  à  ses  ambitions  per- 


sonnelles et  aux  intérêts  généraux  de  la  nation.  —  Eman- 
cipation des  classes  populaires,  transformation  de  la  vie 
économique,  reprise  par  le  pouvoir  central  de  tous  les  droits 
souverains  :  tel  est  le  résultat  de  cette  double  réaction. 
Dès  lors  le  fief  cesse  d'être  le  centre  de  la  vie  sociale  et  de 
la  vie  politique  ;  le  régime  féodal,  atteint  et  ruiné  dans  son 
principe  même,  entre  en  pleine  décadence.  Mais  la  lutte 
est  généralement  longue  et  la  résistance  des  privilégiés  opi- 
niâtre. De  toutes  les  formes  d'organisation  aristocratique, 
la  féodalité  est  celle  qui  tient  par  les  racines  les  plus  pro- 
fondes à  la  société  où  elle  s'est  établie,  puisque  la  supré- 
matie de  la  classe  dirigeante  et  la  subordination  des  classes 
inférieures  reposent,  comme  on  l'a  vu,  sur  un  état  parti- 
culier de  la  propriété  foncière  qui  ne  peut  se  modifier 
que  très  lentement.  Aussi,  même  détruite,  en  tant  que 
pouvoir  politique,  subsiste-t-elle  encore  longtemps  sous 
forme  de  droits  fonciers  et  de  privilèges  personnels ,  au 
profit  d'une  noblesse  asservie  à  la  royauté,  mais  odieuse 
au  peuple  sur  lequel  elle  pèse  sans  acquitter  aucun  ser- 
vice public. 

Des  deux  forces  sociales  sous  l'action  desquelles  suc- 
combe le  régime  féodal,  le  peuple  et  la  royauté,  c'est  la 
seconde  qui  est  d'ordinaire  la  mieux  armée  et  la  plus  puis- 
sante ;  et  c'est  un  régime  monarchique  qui  partout  succède 
immédiatement  à  la  féodalité.  Mais  tantôt  c'est  la  forme  de 
la  monarchie  absolue  qui  prévaut,  tantôt  c'est  celle  de  la 
monarchie  représentative.  —  Le  premier  cas  (qui  fut  celui 
de  la  France  et  de  la  plupart  des  Etats  de  l'Europe  à  la 
fin  du  moyen  âge)  se  présente  lorsque,  dans  sa  lutte  contre 
la  féodalité,  le  pouvoir  royal  a  réussi,  par  la  faveur  des 
circonstances  ou  par  l'habileté  de  sa  politique,  à  détourner 
à  son  profit  toutes  les  forces  vives  de  la  nation,  lorsque, 
sous  couleur  de  restaurer  l'unité  politique  et  l'ordre  admi- 
nistratif, il  a  non  seulement  dépouille  les  seigneurs  de 
leurs  prérogatives  souveraines,  mais  aussi  détruit  ou  con- 
fisqué tous  les  autres  pouvoirs  indépendants,  toutes  les 
franchises  locales  que  les  classes  populaires  avaient  péni- 
blement conquises.  Voici  dès  lors  à  quoi  se  réduit  la  trans- 
formation sociale  et  politique  qui  s'opère.  L'inégalité  des 
droits  et  des  richesses  est  moins  grande  entre  l'aristocratie 
et  les  classes  inférieures.  Mais  toutes  les  classes  subissent 
le  joug  commun  que  leur  impose  le  monarque  absolu.  Au 
lieu  d'une  foule  de  petits  Etats  seigneuriaux  et  d'oligarchies 
municipales  jouissant,  sous  la  réserve  des  obligations  féo- 
dales, d'une  indépendance  presque  complète,  il  n'y  a  plus 
qu'un  seul  Etat,  plus  puissant,  muni  d'une  administration 
plus  régulière  et  mieux  armé  au  dehors  pour  l'action  diplo- 
matique ou  militaire.  Mais  au  fond  la  constitution  poli- 
tique demeure  la  même;  concentrée  en  une  seule  main,  la 
souveraineté  reste  patrimoniale,  comme  lorsqu'elle  était 
partagée  entre  plusieurs  ;  le  roi  s'attribue  sur  les  biens  et 
les  personnes  du  royaume  entier  les  mêmes  droits  que 
chaque  seigneur  exerçait  sur  ses  domaines  ;  au  lieu  d'être 
exploité  par  plusieurs  maisons  seigneuriales,  l'Etat  n'est 
plus  exploité  que  par  un  seul  homme  au  profit  de  ses  inté- 
rêts privés  et  de  ses  ambitions  dynastiques.  —  Le  second 
cas  se  produit  lorsque  les  classes  populaires,  tout  en  échap- 
pant à  l'oppression  féodale,  ont  su  se  prémunir  en  même 
temps  contre  le  despotisme  monarchique  :  c'est  en  parti- 
culier ce  qui  est  arrivé  pour  l'Angleterre.  Après  la  con- 
quête normande,  le  pouvoir  seigneurial,  quoique  solidement 
établi  dans  chaque  fief  et  fortifié  par  une  hiérarchie  sévère, 
n'avait  pas  détruit  ou  absorbé  tout  autre  pouvoir.  La 
royauté  y  était  restée,  dès  les  premiers  temps  de  la  période 
féodale,  plus  puissante  que  partout  ailleurs  :  le  roi  possé- 
dait les  plus  riches  et  les  plus  nombreux  domaines  ;  il  avait 
conservé  tous  les  droits  régaliens,  gardé  les  anciennes  di- 
visions administratives  ;  il  tenait  dans  sa  dépendance  non 
seulement  le  clergé  établi  et  doté  par  lui,  mais  aussi  la 
plupart  des  seigneurs  laïques  qui  étaient  ses  vassaux  directs 
et  dont  il  ne  respectait  pas  toujours  les  biens  ni  les  privi- 
lèges. Les  classes  populaires,  sur  qui  pesait  le  régime  féo- 
dal, avaient  autant  à  craindre  de  l'arbitraire  du  roi  que  de 


FEODALITE 


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l'oppression  de  l'aristocratie  laïque  ou  ecclésiastique  :  pour 
faire  reconnaître  leurs  droits  et  conquérir  des  franchises, 
elles  n'avaient  pas  intérêt  à  invoquer  l'appui  du  pouvoir 
royal,  mais  bien  plutôt  à  demander  ces  concessions  comme 
prix  du  concours  qu'elles  pouvaient  prêter  aux  nobles  et  au 
clergé  contre  les  empiétements  de  la  royauté.  Aussi,  le 
plus  souvent,  dans  l'histoire  d'Angleterre,  ne  voit-on  pas 
les  artisans  des  villes  et  les  tenanciers  des  campagnes  lutter 
contre  l'aristocratie  laïque  ou  ecclésiastique,  mais  s'unir  à 
elle  pour  résister  par  une  action  commune  aux  prétentions 
et  aux  entreprises  royales.  Après  de  longues  vicissitudes, 
le  résultat  de  cette  politique  fut  d'abord  de  maintenir  l'équi- 
libre entre  les  diverses  forces  sociales,  d'atténuer  les  pou- 
voirs seigneuriaux  sans  restaurer  une  monarchie  despotique, 
de  laisser  ainsi  les  franchises  populaires  se  développer  entre 
les  privilèges  de  l'aristocratie  et  les  prérogatives  du  mo- 
narque. Ce  fut  ensuite  de  modifier  profondément  la  cons- 
titution des  pouvoirs  publics  :  non  seulement  dans  les  mains 
des  seigneurs,  mais  aussi  dans  les  mains  du  roi,  l'autorité 
cessa  d'être  un  bien  patrimonial  dont  on  dispose  à  son  gré, 
pour  devenir  un  dépôt  conditionnel  dont  on  est  responsable. 
Les  principaux  membres  de  l'aristocratie  laïque  et  du  clergé, 
unis  aux  représentants  des  corporations  et  des  villes,  for- 
mèrent, sous  le  nom  de  Chambre  des  communes,  une 
assemblée  représentative  de  la  nation  tout  entière,  qui  in- 
tervenait dans  les  affaires  générales  du  royaume  pour  con- 
trôler le  pouvoir  central  ;  le  roi  ne  pouvant  lever  d'impôts 
sans  l'approbation  de  cette  assemblée,  dut  tenir  compte, 
dans  l'exercice  de  son  autorité,  des  vœux  et  des  besoins 
de  chaque  classe  de  la  société  ;  il  devint  donc,  dans  la 
gestion  des  affaires  publiques,  le  mandataire  suprême  de 
la  nation.  Ainsi  le  régime  contractuel,  qui  était  l'essence 
même  de  la  féodalité,  loin  de  disparaître,  recevait  une  plus 
grande  extension  ;  il  ne  s'appliquait  plus  seulement  aux 
relations  féodales,  corporatives  ou  municipales,  mais  à 
l'ensemble  des  rapports  des  gouvernants  avec  les  gou- 
vernés ;  en  un  mot,  la  monarchie  féodale  se  transformait 
en  monarchie  représentative. 

IL  LA  FÉODALITÉ  FRANÇAISE.  —  L'étude  historique 
du  régime  féodal  en  France  comporte  naturellement  trois 
grandes  divisions  :  4°  origine  et  formation  de  ce  régime 
(ve-xe  siècle)  ;  2°  description  de  l'organisme  féodal  et  de 
ses  principales  fonctions  (xie-xme  siècle)  ;  3°  décadence  et 
abolition  du  régime  féodal  (xiv8-xvme  siècle).  De  ces  trois 
périodes,  c'est  la  première  qui  exigera  les  plus  longs  déve- 
loppements, parce  que  c'est  à  la  fois  la  plus  complexe  et 
celle  que  l'érudition  moderne  a  le  plus  étudiée  pour  en 
éclaircir  les  points  obscurs. 

I.  Origine  et  formation  du  régime  féodal  (ve- 
xe  siècle). —  Dans  la  région  de  l'Europe  qui  correspond  à  la 
France  actuelle,  le  régime  féodal  ne  s'est  pas  établi  avant 
la  fin  du  ixe  siècle.  Plusieurs  historiens  ont  cependant  sou- 
tenu qu'il  existait  déjà  à  une  époque  beaucoup  plus  reculée, 
et  l'ont  fait  remonter,  les  uns  jusqu'aux  temps  celtiques 
(Montlosier,  Laferrière,  de  Courson),  les  autres  jusqu'à 
la  domination  romaine  (Ducange,  Perreciot,  Sumner-Maine), 
d'autres  aux  invasions  germaniques  du  ve  siècle  (Boulain- 
villiers,  Montesquieu,  Guizot),  d'autres  enfin  à  la  révo- 
lution qui  substitua  vers  le  milieu  du  vnr3  siècle  la 
dynastie  carolingienne  à  celle  des  Mérovingiens  (Roth).  Il 
est  certain  que  chez  les  Celtes  de  la  Gaule,  comme  chez 
ceux  de  l'Irlande,  il  existait,  à  côté  des  relations  politiques 
qui  subordonnaient  les  membres  de  chaque  civitas  à  leurs 
chefs  respectifs,  des  liens  de  protection  et  de  dépendance 
individuelles  entre  les  membres  de  la  classe  noble  et  leurs 
clients  (soldurii,  ambacti)  dont  les  uns  étaient  des 
compagnons  de  guerre,  les  autres  des  fermiers  ou  des 
serviteurs.  Mais  on  ne  saurait  voir  dans  cet  état  social 
une  forme  de  la  féodalité  :  car  si  l'on  y  retrouve  l'un  des 
éléments  essentiels  du  groupement  féodal,  l'engagement 
de  la  personne,  il  y  manque  un  autre  élément  non  moins 
essentiel,  la  concession  de  la  terre.  C'était  uniquement  par 
le  don  ou  le  prêt  de  bétail  et  d'objets  mobiliers  que  les 


nobles  gaulois  attiraient  à  eux  des  clients  et  récompen- 
saient leur  dévouement,  et  cela  s'explique  par  le  caractère 
collectif  qu'avait  encore  à  cette  époque  la  propriété  immo- 
bilière et  qui  ne  permettait  pas  aux  individus  de  disposer 
du  sol  en  guise  de  salaire  pour  payer  des  services  person- 
nels. —  C'est  pour  le  même  motif  qu'on  ne  peut  recon- 
naître dans  les  institutions  importées  en  Gaule  par  les 
conquérants  germains  les  caractères  constitutifs  de  la  féo- 
dalité. Les  liens  individuels  qui  unissaient  les  fidèles 
(comités,  antrustiones,  buccellarii,  gasindi,  vassi)  à 
leur  chef  ou  à  leur  patron  (senior)  ne  résultaient  que  d'en- 
gagements personnels  et  ne  reposaient  pas  sur  un  certain 
état  de  la  propriété  foncière.  Sans  doute  le  fidèle,  en  retour 
de  son  assistance,  pouvait  recevoir  une  terre  aussi  bien  que 
des  objets  mobiliers  ;  mais  la  concession  de  la  terre  n'était 
alors  que  l'accessoire  des  rapports  établis  entre  les  per- 
sonnes, tandis  que,  dans  le  régime  féodal,  c'est,  comme 
on  l'a  vu,  cette  concession  même  qui  crée  le  lien  person- 
nel. —  L'élément  réel,  qui  fait  défaut  dans  la  clientèle 
celtique  et  dans  le  compagnonnage  germanique,  se  retrouve 
au  contraire  dans  les  abandons  de  terre  à  titre  héréditaire 
(bénéficia)  faits  par  les  empereurs  romains  du  me  et  du  ive 
siècle  à  des  vétérans  ou  à  des  lètes  sous  la  charge  de  ser- 
vice militaire.  Mais  ces  bénéfices  (V.  ce  mot)  n'avaient 
avec  les  fiefs  qu'une  ressemblance  superficielle  ;  d'ailleurs 
ils  n'étaient  établis  que  sur  les  frontières  de  l'Empire  dont 
ils  devaient  assurer  la  défense,  et  ne  survécurent  pas  en 
Gaule  aux  invasions  du  ve  siècle  ;  ils  ne  furent  ni  assez 
répandus  ni  assez  durables  pour  avoir  pu  modifier  l'état 
social  de  la  Gaule  romaine  :  on  ne  saurait  donc  faire 
remonter  jusqu'à  eux  la  première  manifestation  du  régime 
féodal  dans  notre  pays.  —  Il  y  aurait  plus  de  raisons  pour 
faire  dater  ce  régime  du  milieu  du  vme  siècle,  si  l'on  ne 
voyait  dans  la  féodalité  qu'un  état  social  où  dominent  les 
liens  de  protection  et  de  dépendance  individuelles,  fondés 
sur  des  concessions  de  terres  à  charge  de  services.  Mais 
elle  n'est  vraiment  constituée  que  lorsque  l'évolution 
sociale  a  entraîné  après  elle  une  évolution  politique,  lorsque 
la  souveraineté  qui  résidait  dans  le  pouvoir  centrai  est  pas- 
sée aux  mains  des  propriétaires  fonciers  et  s'est  morcelée 
en  d'innombrables  seigneuries.  Or  au  milieu  du  vme  siècle, 
au  début  de  la  période  carolingienne,  cette  profonde  trans- 
formation n'était  pas  encore  réalisée,  comme  on  le  verra 
bientôt. 

Si  l'on  ne  peut  établir  que  la  féodalité  soit  devenue,  avant 
le  xe  siècle,  le  régime  social  et  politique  de  la  France,  il  y 
aurait  une  égale  erreur  à  prétendre* qu'elle  s'est  alors  formée 
brusquement,  spontanément,  sans  préparation  antérieure. 
Les  institutions  sur  lesquelles  elle  repose  sont  au  contraire 
le  résultat  d'une  longue  évolution  et  se  rattachent  à  des 
causes  lointaines,  plus  ou  moins  visibles,  qu'il  faut  recher- 
cher non  seulement  sous  les  premiers  Carolingiens,  non 
seulement  sous  la  monarchie  mérovingienne,  mais  jusqu'à 
l'époque  gallo-romaine  et  même  jusqu'aux  temps  celtiques. 
S'il  est  impossible  d'admettre,  en  leurs  conclusions  beau- 
coup trop  absolues,  les  théories  précédemment  indiquées 
qui  font  remonter  jusqu'à  l'une  de  ces  époques  reculées  la 
constitution  du  régime  féodal,  il  faut  toutefois  reconnaître 
que  chacune  d'elles  contient  au  moins  une  part  de  vérité,  en 
ce  qu'elle  signale  et  met  en  lumière  l'une  des  origines  d'où 
ce  régime  devait  plus  tard  sortir.  —  On  a  souvent  comparé 
les  sociétés  humaines  à  des  corps  organisés  qui  fonctionnent 
et  se  développent  suivant  des  lois  analogues  aux  lois  phy- 
siologiques et  qui  subissent  de  temps  à  autre  certaines  crises 
dans  lesquelles  l'organisme  se  modifie  et  se  renouvelle  pour 
s'adapter  à  des  besoins  ou  à  des  milieux  nouveaux.  Mais 
comme  ces  transformations  s'opèrent  en  pleine  vie,  sans 
que  le  corps  social  cesse  d'agir  et  d'accomplir  ses  fonctions 
essentielles,  il  faut  que  les  nouveaux  organes  se  préparent 
et  se  forment  lorsque  ceux  qu'ils  doivent  remplacer  sont 
encore  en  activité  ;  il  faut,  pour  ainsi  dire,  que  deux  orga- 
nismes coexistent  pendant  quelque  temps,  l'un  apparent, 
l'autre  caché,  l'un  s'affaiblissant  et  se  désagrégeant  de  plus 


199 


FÉODALITÉ 


en  plus,  tandis  que  l'autre  s'étend  et  se  fortifie  sans  cesse, 
accélérant  par  sa  croissance  la  destruction  du  premier. 
L'historien  qui  étudie  les  phases  de  cette  transformation 
doit  donc  examiner  d'abord  comment  était  constitué  l'orga- 
nisme ancien,  y  distinguer  les  éléments  hétérogènes  qui 
devaient  donner  naissance  à  l'organisme  nouveau  et  recher- 
cher comment  ils  se  sont  développés  à  l'état  latent  pendant 
que  le  corps  social  vivait  encore  sous  son  ancien  régime,  puis 
montrer  par  suite  de  quelles  circonstances  l'ancien  orga- 
nisme, affaibli  et  miné  depuis  longtemps,  s'est  tout  à  coup 
décomposé,  et  comment,  dans  cette  crise  suprême,  les  nou- 
veaux organes  ont  apparu,  déjà  formés,  attirant  à  eux  toutes 
les  forces  vitales,  éliminant  tout  ce  qui  était  atteint  de  mort, 
se  coordonnant  et  s'accommodant  les  uns  aux  autres,  de  façon 
à  former  un  organisme  complet,  grâce  auquel  la  vie  du  corps 
social  se  trouvait  renouvelée.  On  ne  saurait  donc  com- 
prendre comment  s'est  établi  le  régime  féodal,  qu'à  la  con- 
dition de  tracer  d'abord  un  tableau  succinct  du  régime  qui 
l'a  précédé  ;  puis  d'énumérer  les  éléments  divers  qui,  au 
sein  même  de  ce  régime,  préparaient  déjà  la  féodalité,  soit 
en  affaiblissant  les  anciennes  institutions,  soit  en  fondant 
les  nouvelles  ;  enfin,  d'indiquer  comment  s'est  produite  la 
crise  définitive  pendant  laquelle  le  nouveau  régime  s'est 
substitué  à  l'ancien. 

A.  Le  régime  féodal  a  succédé  à  la  monarchie  franque, 
qui  s'établit  dans  les  Gaules  après  les  invasions  du  ve  siècle, 
et  dont  les  institutions  reposaient  sur  un  petit  nombre  de 
principes  qui  ont  persisté,  sauf  quelques  modifications  de 
détail,  depuis  le  début  de  la  période  mérovingienne  jusqu'à 
la  fin  de  la  période  carolingienne.  La  société,  formée  d'un 
mélange  de  Gallo-Romains,  de  Francs  et  d'autres  Ger- 
mains, était  une  société  aristocratique.  Mais  les  inégalités 
n'étaient  pas  fondées  sur  des  différences  de  races  ;  car,  au 
point  de  vue  politique,  Gallo-Romains  et  Germains  avaient 
les  mêmes  droits  et  les  mêmes  charges  et,  au  point  de  vue 
de  la  législation  civile,  la  personnalité  des  lois  répondait  à 
des  nécessités  pratiques,  sans  créer  aucun  privilège.  Les 
distinctions  sociales  venaient  de  la  naissance  ou  delà  for- 
tune :  il  y  avait  des  esclaves,  des  hommes  demi-libres  (colons, 
lètes,  affranchis)  ;  enfin  des  hommes  libres,  de  rangs  iné- 
gaux, à  la  tête  desquels  figurait  une  noblesse  de  fait,  com- 
posée de  tous  ceux  qui  exerçaient  une  fonction  publique 
importante  ou  qui  possédaient  de  grandes  propriétés  (opti- 
mates,  proceres,  potentes).  —  Au  point  de  vue  de  la  con- 
dition des  terres,  la  monarchie  franque  se  rapprochait  beau- 
coup plus  de  la  société  romaine  que  de  la  société  germanique. 
On  n'y  trouvait  que  par  exception  des  traces  de  l'ancienne 
propriété  collective  que  les  Germains  pratiquaient  avant  leur 
établissement  ;  le  régime  foncier  qui  avait  partout  prévalu, 
sans  distinction  de  races,  était  celui  de  la  propriété  indi- 
viduelle et  héréditaire,  conforme  au  type  romain.  En  prin- 
cipe, tout  propriétaire  avait  sur  son  domaine  des  droits 
absolus  ;  cependant,  certaines  pratiques,  dont  il  sera  bientôt 
question,  tendaient  à  établir  entre  les  terres  des  conditions 
diverses  et  à  subordonner  les  unes  aux  autres.  —  Au  point 
de  vue  politique,  le  gouvernement  était  une  monarchie 
despotique,  se  rattachant  à  certains  égards  aux  coutumes 
germaniques,  à  d'autres  aux  traditions  de  l'Empire  romain. 
La  royauté  était  héréditaire  et  absolue,  revêtue  par  l'Eglise 
d'un  caractère  sacré  qui  impliquait  une  mission  divine. 
Le  roi  avait  droit  de  vie  et  de  mort  sur  ses  sujets,  les 
convoquait  à  la  guerre,  leur  imposait  sous  peine  d'amende 
ses  règlements  et  ses  ordres,  rendait  la  justice  aux  per- 
sonnes et  dans  les  causes  qu'il  lui  plaisait  d'évoquer  à  son 
tribunal  ;  comme  gage  de  soumission,  il  exigeait  périodi- 
quement de  tous  les  hommes  adultes  un  serment  de  fidélité. 
Il  était  assisté  dans  son  palais  par  des  officiers  empruntés 
à  l'administration  romaine  (referendarins,  cancellarius) 
ou  par  des  serviteurs  préposés  à  la  fois  aux  services  de  la 
maison  et  à  la  direction  des  affaires  publiques  (senescalcus, 
cornes  stabuli,  cornes  palatii,  major  domus)  ;  il  était 
représenté  dans  l'administration  des  provinces  par  des  comtes 
ou  ducs  qui  réunissaient,  chacun  dans  sa  circonscription, 


l'ensemble  des  pouvoirs  royaux,  ayant  à  la  fois  des  attri- 
butions judiciaires,  financières  et  militaires  ;  puis  par  des 
envoyés  extraordinaires  (missi)  chargés  de  contrôler  an- 
nuellement la  gestion  des  comptes.  Contrairement  à  la  con- 
ception romaine  d'après  laquelle  l'empereur,  représentant 
de  l'Etat,  exerçait  le  pouvoir  au  nom  et  dans  l'intérêt  de 
tous,  le  monarque  franc  considérait  le  pouvoir  royal  comme 
son  bien  propre,  son  patrimoine  privé  :  il  en  résultait  que 
le  pouvoir  se  transmettait  et  se  partageait,  comme  le  patri- 
moine, d'après  les  règles  du  droit  privé,  que  le  roi  disposait 
à  son  gré  de  ses  droits  régaliens  au  profit  des  personnes 
ou  des  établissements  qu'il  voulait  gratifier.  Les  ressources 
matérielles  du  roi  étaient  peu  considérables  :  produits  de 
ses  domaines,  profits  de  justice  (fredum,  bannus),  réqui- 
sitions en  nature,  dons  offerts  par  les  sujets,  impôt  direct 
(census  regius),  péages  locaux.  Mais  ces  revenus  ser- 
vaient principalement  aux  dépenses  personnelles  du  roi  et 
à  l'entretien  de  sa  maison  ;  ils  n'avaient  pas  de  destina- 
tion publique,  «  car  les  services  de  l'Etat  n'étaient  pas  rétri- 
bués :  les  hommes  libres  devaient  venir  à  l'armée  sans  solde 
et  à  leurs  frais  ;  les  travaux  publics  étaient  exécutés  par 
voie  de  corvées  ;  les  comtes  n'avaient,  en  guise  d'appointe- 
ments, qu'une  part  des  amendes  ».  —  En  face  de  ce  pou- 
voir monarchique,  en  apparence,  du  moins,  si  fortement 
organisé,  il  n'existait  aucune  institution  légale.  Les  assem- 
blées populaires,  composées  de  tous  les  hommes  libres  en 
âge  de  porter  les  armes,  qui,  dans  les  anciennes  commu- 
nautés germaniques,  délibéraient  et  statuaient  sur  toutes  les 
affaires  importantes,  avaient  cessé  d'exister  ;  les  réunions 
des  champs  de  Mars  ou  de  Mai  n'étaient  que  des  revues  • 
militaires,  et  quant  aux  plaids  que  le  roi  ou  les  missi  con- 
voquaient à  des  époques  plus  ou  moins  régulières,  c'étaient 
des  assemblées  de  fonctionnaires  laïques  ou  ecclésiastiques 
appelés  à  donner  leur  avis  sur  les  projets  de  guerre,  les 
règlements  législatifs,  ou  les  détails  de  l'administration 
locale. 

B.  Telles  étaient,  dans  leurs  traits  les  plus  saillants,  les 
institutions  régulières  de  la  monarchie  franque.  Mais  celui 
qui  ne  jugerait  que  d'après  elles  l'état  social  et  politique  du 
royaume,  surtout  sous  les  Carolingiens,  s'en  ferait  une  idée 
fausse  ou  du  moins  fort  incomplète.  Il  faut  tenir  compte  en 
même  temps  de  quelques  institutions  moins  visibles,  mais 
tout  aussi  importantes;  d'un  certain  nombre  de  faits  sociaux 
nettement  accentués,  qui  donnaient  à  la  société  une  physio- 
nomie tout  autre,  à  la  vie  publique  une  direction  bien  diffé- 
rente et  qui  constituaient  les  précédents  immédiats  de  la 
féodalité  :  ce  sont  la  vassalité  et  le  séniorat,  les  concessions 
de  terres  à  titre  de  bénéfices,  les  chartes  d'immunité,  les  juri-, 
dictions  privées  organisées  dans  les  grands  domaines,  la 
territorialité  du  service  militaire,  l'attribution  de  certains 
services  publics  aux  seniores  et  aux  dignitaires  ecclésias- 
tigues,  enfin,  l'appropriation  des  pouvoirs  royaux  par  les  « 
comtes  et  les  autres  fonctionnaires. 

Le  caractère  de  ces  institutions  ou  de  ces  faits,  leur 
importance  au  point  de  vue  de  la  formation  du  régime  féo- 
dal ont  été  et  sont  encore,  .entre  les  historiens  et  les  juristes, 
l'objet  de  vives  controverses  dans  l'exposé  desquelles  on  ne 
saurait  entrer  ici.  Il  suffira  de  faire  remarquer  que  les 
erreurs  ou  les  exagérations  que  la  critique  a  relevées  dans 
la  plupart  des  systèmes  relatifs  aux  origines  de  la  féodalité 
viennent  principalement  du  caractère  exclusif  de  chacun 
d'eux.  Certains  historiens  ont  été  frappés  surtout  par  l'im- 
portance de  la  vassalité  et  du  séniorat,  d'autres  par  celle 
du  lien  réel  qui  naissait  des  concessions  de  terres,  d'autres 
par  les  graves  conséquences  qui  résultaient  des  immunités, 
de  l'appropriatiou  des  fonctions  publiques,  du  rôle  prépon- 
dérant accordé  aux  propriétaires  fonciers  dans  l'organisa- 
tion militaire  et  judiciaire  de  la  monarchie  carolingienne. 
De  cette  analyse  incomplète,  il  est  résulté  que  les  uns  ont 
attribué  à  la  féodalité  une  origine  exclusivement  germa- 
nique ;  que  les  autres  la  rattachent  aux  institutions  romaines 
plus  ou  moins  modifiées  sous  l'influence  des  besoins  nou- 
veaux ;  que  d'autres  enfin  l'expliquent  par  un  concours  de 


FÉODALITÉ 


—  200  — 


circonstances  accidentelles,  où  la  faiblesse  des  rois,  l'ambi- 
tion des  hauts  fonctionnaires  et  des  grands  propriétaires 
ont  joué  le  principal  rôle.  Ces  systèmes  exclusifs,  qui  ne 
contiennent  chacun  qu'une  partie  de  la  vérité,  doivent  être 
corrigés  et  complétés  l'un  par  l'autre.  «  La  formation  du 
régime  féodal  est  un  événement  trop  complexe  pour  qu'on 
puisse  le  faire  découler  d'une  seule  source  et  le  rattacher 
à  un  fait  unique  ;  il  a  fallu  pour  le  produire  une  longue  suite 
de  faits  et  la  coïncidence  des  causes  les  plus  diverses.  » 
I.  Vassalité  et  séniorat. — Dès  l'époque  mérovingienne, 
mais  surtout  sous  les  Carolingiens,  il  existait  entre  un 
grand  nombre  d'hommes  libres  des  liens  réciproques  de 
dépendance  et  de  protection  qui  mettaient  une  partie  de  la 
société  sous  le  patronage  de  l'autre.  Ces  liens  ne  pouvaient 
se  confondre  ni  avec  la  dépendance  de  l'esclave  à  l'égard 
du  maître  ou  de  l'affranchi  à  l'égard  du  patron,  ni  avec  la 
soumission  que  tout  sujet  doit  au  souverain  :  ils  consistaient 
dans  la  subordination  volontaire  d'un  homme  à  un  autre,  le 
premier  s'engageant  à  obéir,  le  second  à  protéger  ;  ils 
avaient  pour  raison  d'être  le  besoin  qu'éprouve  dans  toute 
société  troublée  l'homme  faible  ou  pauvre  de  s'adresser  à 
l'homme  fort  ou  riche  pour  obtenir  de  lui,  au  prix  d'une 
partie  de  sa  liberté,  la  protection  que  les  pouvoirs  publics 
ne  lui  assurent  pas.  Cette  institution  n'était  pas  nouvelle 
dans  la  société  franque  ;  elle  n'était  pas  non  plus  spéciale  à 
l'une  des  races  qui  avaient  concouru  à  former  cette  société. 
On  a  vu  précédemment  que  le  patronage  existait  chez  les 
Celtes  ;  il  existait  aussi  chez  les  Romains,  sous  les  noms 
de  clientèle  comitatus,  amicitia.  Pratiqué  sous  la  Répu- 
blique et  sous  l'Empire,  à  Rome  comme  dans  les  provinces, 
non  seulement  par  les  particuliers,  mais  par  les  empereurs 
qui  choisissaient  parmi  leurs  clients  {comités)  la  plupart 
des  fonctionnaires  administratifs,  le  patronage  avait  pris  au 
ive  siècle  une  extension  considérable,  surtout  en  dehors  des 
cités,  parmi  le  peuple  des  campagnes  ;  chaque  grand  pro- 
priétaire (potens)  avait  pour  clients  (suscepti)  tous  ceux 
qui,  autour  de  lui,  voulaient  échapper  aux  taxes  fiscales  ou 
trouver  protection  contre  les  magistrats  provinciaux,  et  les 
constitutions  impériales  étaient  impuissantes  à  réprimer  ces 
tutelles  privées  (patrocinia)  qui  faisaient  concurrence  à 
celle  de  l'Etat.  Enfin,  chez  les  Germains,  les  chefs  de  famille 
avaient  sous  leur  autorité  (mundium)  non  seulement  ceux 
qui  leur  étaient  unis  par  le  sang,  mais  aussi  des  gens  qui, 
n'ayant  personne  pour  les  assister  et  les  défendre  (étran- 
gers, orphelins,  etc.),  demandaient  à  entrer  dans  leur  famille 
à  titre  de  clients  (leti,  liti)  et  donnaient  leurs  services  en 
retour  de  la  protection  qu'ils  recevaient  ;  en  outre,  les  chefs 
militaires  (duces)  et  les  principaux  magistrats  élus  par  la 
nation  (principes)  s'entouraient  d'un  certain  nombre  de 
compagnons  (comités,  buccellarii,  gasindi)  qu'ils  nour- 
rissaient et  équipaient  à  leurs  frais,  et  qui  leur  devaient, 
spécialement  à  la  guerre,  un,  dévouement  absolu  (obse- 
quium, trustem  et  ftdelitatem).  Ces  usages,  communs 
aux  trois  races  qui  avaient  peuplé  la  Gaule,  étaient  fré- 
quemment pratiqués  sous  la  monarchie  mérovingienne.  Le 
patronage  des  grands  propriétaires,  plus  nécessaire  que 
jamais  dans  une  société  décomposée,  était  reconnu  par  les 
coutumes  rédigées  à  cette  époque.  Le  roi  était  entouré  dans 
son  palais  d'un  groupe  de  comités  qui  portaient  les  noms 
caractéristiques  tfantrustiones,  de  convivœ  régis,  qui 
jouissaient  de  certains  privilèges  et  qui,  liés  par  un  serment 
spécial,  étaient  tenus  à  une  fidélité  et  à  une  obéissance  plus 
étroites  que  les  autres  sujets  (trustem,  obsequium)  ;  il 
étendait,  en  outre,  son  patronage  (mundeburdis,  verbum 
régis)  sur  tous  ceux  qui,  dans  le  royaume,  n'avaient  pas 
de  protecteur  naturel,  veuves,  orphelins,  étrangers,  com- 
munautés ecclésiastiques.  —  Mais  c'est  surtout  sous  la 
monarchie  carolingienne  que  ces  liens  de  dépendance -per- 
sonnelle se  généralisent  et  prennent  un  caractère  précis  en 
revêtant  une  forme  unique,  celle  de  la  vassalité. 'Les  guerres 
civiles  du  vne  siècle  et  l'inertie  des  derniers  Mérovingiens 
avaient  porté  une  grave  atteinte  à  l'autorité  du  pouvoir  cen- 
tral :  encore  toute-puissante  là  où  elle  pouvait  s'exercer, 


l'action  du  roi  ne  se  faisait  pas  sentir  sur  bien  des  points 
du  royaume,  et  la  plupart  des  provinces  étaient  livrées  sans 
défense  aux  vexations  des  fonctionnaires  locaux  ou  aux 
entreprises  de  l'aristocratie  foncière.  Les  faibles  et  les 
opprimés  cherchèrent  partout,  dans  la  protection  indivi- 
duelle, la  sécurité  qu'ils  ne  trouvaient  plus  dans  la  protec- 
tion du  roi.  A  partir  du  vme  siècle,  dans  les  chroniques, 
les  chartes  et  les  capitulaires,  il  est  fréquemment  question 
de  personnes  appelées  seniores  qui  exercent  sur  d'autres 
hommes  appelés  vassi,  vassalli,  une  autorité  reconnue  par 
la  loi.  Les  seniores  (c.-à-d.  les  anciens,  par  extension, 
ceux  à  qui  on  doit  le  plus  d'égards)  étaient  des  personnages 
riches  et  influents,  mais  de  conditions  diverses  :  fonction- 
naires royaux,  abbés,  évêques,  propriétaires  fonciers.  Les 
vassi ,  dont  le  nom  dérivé  du  celtique  gwas  s'appliquait  à 
l'époque  mérovingienne  à  des  serviteurs  non  libres,  parti- 
culièrement à  des  valets  d'armée  (famuli,  pueri,  vassi  ad 
ministerium^  ministeriales),  étaient  presque  toujours  à 
l'époque  carolingienne  des  hommes  libres,  mais  astreints  à 
certains  services  personnels,  comme  précédemment  î?s  sus- 
cepti gallo-romains  et  les  comités  germaniques.  Ils  se  liaient 
envers  leur  senior  par  un  engagement  spécial,  la  recomman- 
dation (commendatio),  qu'ils  contractaient  sous  la  foi  du 
serment,  en  mettant  leur  main  dans  la  sienne,  et  par  lequel 
ils  s'obligeaient  «  à  le  servir  et  à  l'assister  comme  il  con- 
vient à  un  homme  libre  »  (ingenuili  ordine  servitium  vel 
obsequium  im^endere).  Il  ne  s'agissait  donc  pas  de  ser- 
vices précis,  déterminés  à  l'avance,  mais  d'un  dévouement 
constant,  qui  devait  se  manifester  en  toute  occurrence,  au 
gré  du  seigneur,  et  qui  pouvait  consistera  garder  sa  maison, 
à  le  suivre  dans  ses  déplacements,  à  le  défendre  en  cas 
d'attaque.  La  recommandation  attribuait  au  senior  sur  le 
vassus  un  droit  général  de  commandement  (potestas,  mun- 
deburdis) et  lui  imposait  en  même  temps  l'obligation  de  le 
protéger  (tutela,  defensio),  soit  en  intervenant  pour  lui 
en  justice,  soit  en  lui  fournissant  de  quoi  vivre  ;  mais  il  est 
très  douteux  qu'elle  lui  conférât,  comme  on  l'a  soutenu, 
une  juridiction  spéciale,  régulièrement  organisée  et  rempla- 
çant à  l'égard  du  vassus  les  tribunaux  de  droit  commun. 
L'association  de  défense  personnelle  ainsi  contractée  entre 
ces  deux  hommes  les  liait  d'ordinaire  pour  la  durée  de  leur 
vie  et  ne  pouvait  être  rompue  sans  griefs  sérieux.  —  Ce 
groupement  des  vassi  autour  des  seniores  était  si  général 
et  répondait  à  de  si  pressantes  nécessités  que  la  royauté 
carolingienne  ne  chercha  pas  à  l'entraver  ;  elle  se  résigna 
à  l'accepter,  à  lui  donner  une  sanction  légale  en  reconnais- 
sant à  tout  homme  libre  le  droit  de  se  choisir  un  senior, 
en  lui  interdisant  d'en  changer  sans  cause  légitime  (capit. 
de  787,  805,  807,  801-813).  Rien  plus,  elle-même  suivit 
le  mouvement  général  et,  à  l'exemple  des  grands  proprié- 
taires fonciers,  en  concurrence  avec  eux,  le  monarque  caro- 
lingien s'entoura  de  vassi  qui  s'engageaient  dans  la  même 
forme  que  les  autres  et  qui,  indépendamment  de  la  fidélité, 
du  service  militaire  et  des  contributions  pécuniaires  que  lui 
devait  tout  sujet,  étaient  tenus  de  lui  donner  aide  à  toute 
réquisition,  de  remplir  les  missions  dont  il  les  chargeait, 
de  comparaître  à  son  tribunal  dont  ils  devenaient  justi- 
ciables. En  cela,  sans  aucun  doute,  il  suivait  la  tradition  de 
la  précédente  dynastie,  et  les  va$si  regales  ou  dominici 
de  la  seconde  race  étaient,  à  bien  des*  égards,  sous  un  autre 
nom,' les  successeurs  des  antrustiones  et  des  convivœ  du 
palais  mérovingien.  Mais  leur  nombre  était  beaucoup  plus 
considérable  ;  au  lieiî  de  former  un  petit  groupe  attaché  à  la 
"personne  du  roi,  ils  étaient  répandus  dans  tout  le  royaume  ; 
ils  ne  comprenaient  pas  seulement  les  familiers  du  palais  et 
Jes  gens  sans  défense  sur  qui  s'étendait  précédemment  le 
*  mundium  royal  :  les  rois  carolingiens  s'efforçaient  visible- 
ment d'attirer  tous  les  personnages  influents  dans  les  liens 
de  leur  vassalité,  croyant  sans  doute  fortifier  leur  autorité 
de  souverain  en  y  ajoutant  celle  de  senior.  Charlemagne 
alla  jusqu'à  vouloir  transformer  en  serment  de  vassalité  le 
serment  de  fidélité  que  tout  homme  libre  devait  périodique- 
ment prêter  au  roi  (serment  de  802)  ;  il  prétendit  être  le 


—  201  — 


FEODALITE 


senior  de  tous  ses  sujets,  sinon  au  point  de  vue  des  ser- 
vices acquittés,  du  moins  au  point  de  vue  de  la  foi  jurée  : 
tentative  dangereuse  qui  faisait  disparaître  le  souverain  der- 
rière le  senior,  le  sujet  (fidelis)  derrière  le  vassus,  et  hâtait 
ainsi  l'avènement  de  la  féodalité. 

IL  Bénéfices  et  précaires.  — En  même  temps  que  ces 
liens  de  protection  et  de  dépendance  réciproques  se  formaient 
entre  les  personnes,  entre  les  terres  s'établissait  aussi 
des  rapports  de  prééminence  et  de  subordination.  A  mesure 
que  l'on  avance  dans  la  période  qui  va  du  ve  au  ixe  siècle, 
les  terres  possédées  en  pleine  propriété  deviennent  plus 
rares  et  sans  cesse  augmente  le  nombre  de  celles  qui  ne 
sont  détenues  qu'à  titre  conditionnel  et  pour  un  temps 
limité.  Cette  transformation  tenait  à  deux  causes  :  d'abord 
à  la  disparition  graduelle  de  la  petite  propriété  qui,  mal 
protégée  par  les  pouvoirs  publics,  ruinée  par  les  exi- 
gences fiscales  et  les  réquisitions  militaires,  abdiquait  au 
profit  des  grands  propriétaires  fonciers,  notamment  du  roi, 
des  églises  et  des  fonctionnaires  royaux  ;  puis  à  l'usage 
de  plus  en  plus  fréquent  des  concessions  de  domaines 
faites  par  ces  grands  propriétaires  à  titre  de  bénéfice.  On 
trouvera  sous  ce  dernier  mot  un  exposé  complet  des  ori- 
gines, du  caractère  juridique  et  des  modifications  succes- 
sives de  l'institution  bénéficiaire  ;  il  suffira  de  rappeler  ici 
les  traits  essentiels.  A  l'époque  mérovingienne,  on  consi- 
dérait comme  étant  faite  ex  bene/icio  toute  concession  de 
terres  qui  avait  lieu  à  titre  gratuit  ou  moyennant  une  très 
faible  redevance,  et  qui  ne  conférait  à  la  personne  gratifiée 
qu'un  droit  d'usufruit  ou  un  droit  de  propriété  révocable 
et  temporaire.  Les  concessions  en  usufruit,  usitées  surtout 
par  l'Eglise  sous  le  nom  de  precaria,  se  rattachaient  his- 
toriquement soit  au  precarium,  convention  privée  fré- 
quemment employée  par  les  Romains,  soit  aux  contrats 
administratifs  par  lesquels  le  fisc  impérial  affermait  ses 
terres  (emphytéose  perpétuelle,  baux  de  cinq  ans).  Les 
concessions  en  propriété,  qui  émanaient  toutes  de  la  royauté, 
étaient  faites,  semble-t-il,  sous  l'influence  de  l'idée  fré- 
quemment exprimée  dans  les  lois  germaniques,  qu'une  dona- 
tion doit  toujours  être  révocable  et  limitée  à  la  vie  du  dona- 
taire. A  partir  de  l'époque  carolingienne,  et  notamment  des 
actes  de  sécularisation  par  lesquels  Charles-Martel,  Pépin 
et  ses  successeurs  attribuèrent  à  leurs  fidèles  une  partie 
des  précaires  ecclésiastiques,  toutes  les  concessions  bénéfi- 
ciaires, qu'elles  fussent  émanées  du  roi,  de  l'Eglise  ou  des 
propriétaires  laïques,  furent  ramenées  à  un  type  unique, 
celui  de  la  cession  en  usufruit  ;  elles  n'eurent  plus  seule- 
ment pour  objet  des  terres  ou  d'autres  biens  immobiliers, 
mais  les  droits  les  plus  divers,  tels  qu'une  délégation  d'im- 
pôts sur  un  territoire  déterminé,  une  fonction  publique  ou 
un  emploi  domestique.  D'ailleurs,  à  toute  époque,  ces  con- 
cessions ne  furent  le  plus  souvent  gratuites  qu'en  apparence 
et  presque  toujours  eurent  un  but  intéressé.  Tantôt  c'était 
le  prix  de  services  personnels  ;  tantôt  c'était  un  moyen  de 
mettre  en  valeur  les  grands  domaines  où  les  propriétaires 
attiraient  des  cultivateurs  par  l'appât  d'une  cession  quasi- 
gratuite  ;  tantôt  c'était  la  contre-partie  d'une  donation  en 
propriété  faite  d'abord  par  celui-là  même  qui  recevait  le 
bénéfice  :  car  il  arrivait  souvent  qu'un  homme  libre  aban- 
donnait la  propriété  de  son  petit  domaine  à  un  autre  homme 
plus  puissant  que  lui,  sous  la  condition  que  celui-ci  lui  en 
rendrait  immédiatement  la  possession  sous  forme  de  con- 
cession bénéficiaire  et  lui  en  garantirait  la  jouissance  jus- 
qu'à la  fin  de  ses  jours.  —  Celui  qui  recevait  un  bénéfice 
n'avait,  en  principe,  sur  le  bien  concédé  qu'un  droit  d'usu- 
fruit, personnel  et  temporaire,  qui  prenait  fin  soit  à  sa  mort, 
soit  à  ceile  du  concédant,  soit  à  l'expiration  du  feerme  fixé  ; 
mais  cette  rigueur  était  adoucie  par  les  conventions  ou  par 
l'usage  ;  le  bénéfice  subsistait  souvent,  malgré  la  mort  du 
concédant,  pendant  toute  la  vie  du  concessionnaire,  et,  même 
après  sa  mort,  il  était  quelquefois  transmissible  à  sa  femme 
et  à  ses  enfants.  En  outre,  la  concession  était  révocable 
dans  certains  cas  déterminés  par  l'usage,  notamment  quand 

le  bénéficiaire  manquait  à  ses  obligations.  Ce  dernier  devait 


en  effet,  comme  tout  usufruitier,  entretenir  le  bien  en  bon 
état  et  le  restituer  à  la  fin  de  la  jouissance,  payer  un  cens 
très  modique,  qui  était  la  constatation  matérielle  des  droits 
du  propriétaire,  enfin  acquitter  les  services  particuliers  qui 
avaient  pu  être  stipulés  dans  la  concession.  Etait-il  tenu  en 
outre,  à  cause  de  son  bénéfice  et  indépendamment  de  tout 
engagement  formel,  d'un  devoir  particulier  de  fidélité  et 
d'assistance  envers  le  concédant?  Cela  est  probable,  quoique 
l'opinion  contraire  ait  été  soutenue  avec  beaucoup  de  force. 
Mais  la  question  perd  presque  tout  intérêt  pour  les  béné- 
fices de  l'époque  carolingienne  ;  car,  dès  le  vme  siècle, 
les  liens  de  vassalité  qui  se  forment  de  tout  côté  viennent 
souvent,  dans  les  conventions  privées,  se  mêler  aux  rap- 
ports purement  bénéficiaires.  Tantôt  un  vassus  recevait  du 
senior,  à  qui  il  avait  engagé  sa  personne  et  ses  services, 
la  concession  d'un  bénéfice  ;  tantôt  l'homme  libre  qui  aban- 
donnait à  un  grand  propriétaire  son  domaine  patrimonial 
pour  n'en  garder  que  la  jouissance  à  titre  de  bénéfice, 
promettait  en  même  temps  de  le  servir  à  titre  de  vassus z 
afin  d'être  plus  sûrement  couvert  par  sa  protection.  Aussi 
est-il  souvent  difficile  de  distinguer  si  les  services  dus  à  la 
personne  du  senior  provenaient  de  la  vassalité  ou  du  lien 
bénéficiaire.  Au  ixe  siècle,  cette  confusion  s'accentue  ;  le 
bénéfice  se  distingue  de  plus  en  plus  des  contrats  d'exploi- 
tation rurale  (précaire,  emphytéose,  bail  à  ferme,  etc.) 
dans  lesquels  une  concession  de  terre  est  faite  à  des  per- 
sonnes de  la  classe  inférieure  à  charge  de  services  domes- 
tiques et  de  redevances  ;  il  perd  peu  à  peu  sa  fonction  éco- 
nomique pour  devenir  un  instrument  de  domination,  un 
moyen  politique  par  lequel  le  roi  ou  le  senior  recrute  des 
vassaux  dans  tous  les  rangs  de  la  société.  En  fait,  on  n'ac- 
cordait plus  guère  de  bénéfice  qu'à  celui  qui  prêtait  un 
serment  de  recommandation  et,  réciproquement,  nul  n'en- 
gageait ses  services  et  sa  fidélité  s'il  n'obtenait  en  échange 
une  concession  bénéficiaire.  La  qualité  du  bénéficier  se  con- 
fondait avec  celle  de  vassal  (vassallus  casatus)  ;  la  terre 
était  devenue  le  prix  de  l'engagement  personnel  et  four- 
nissait une  sanction  indirecte  aux  obligations  du  vassal  : 
car  le  maintien  de  la  concession  était  subordonné  à  l'ac- 
complissement de  ces  obligations  et,  en  cas  de  manquement 
grave,  ^t  révocation  du  bénéfice  pouvait  être  prononcée  en 
justice  au  profit  du  senior. 

On  vient  de  voir  comment,  dans  la  monarchie  franque,  à 
côté  de  la  dépendance  générale  des  sujets  à  l'égard  du  roi, 
s'étaient  formés  entre  divers  groupes  de  personnes  des  liens 
de  dépendance  individuelle  fondés  à  la  fois  sur  des  enga- 
gements personnels  et  sur  des  concessions  territoriales.  Le 
pouvoir  central  en  était  notablement  affaibli  ;  mais  il  l'était 
bien  davantage  encore  par  la  perte  des  principaux  attributs 
de  sa  souveraineté,  justice,  pouvoir  militaire,  pouvoir  finan- 
cier, que  des  concessions  ou  des  usurpations  firent  passer 
peu  à  peu  aux  mains  de  l'aristocratie  foncière.  Parmi  ces 
concessions,  il  faut  ranger  les  chartes  d'immunité,  la  tolé- 
rance de  juridictions  privées  dans  les  grands  domaines,  le 
service  militaire  lié  à  la  propriété  foncière,  l'attribution  de 
certains  services  publics  aux  seniores  et  aux  dignitaires 
de  l'Eglise  ;  parmi  ces  usurpations,  la  plus  grave  fut  l'ap- 
propriation des  pouvoirs  royaux  par  les  comtes  et  les  autres 
fonctionnaires. 

III.  Chartes  d'immunité.  —  Déjà  sous  les  Mérovingiens, 
plus  fréquemment  encore  sous  les  Carolingiens,  les  établis- 
sements ecclésiastiques  et  parfois  aussi  les  grands  pro- 
priétaires laïques  avaient  obtenu  des  immunités  (immuni- 
tates),  c.-à-d.  des  chartes  par  lesquelles  le  roi  interdisait 
à  tous  ses  agents  (judices)  de  pénétrer  dans  les  domaines 
de  ces  propriétaires  soit  pour  y  rendre  la  justice,  soit  pour 
y  lever  des  impôts,  soit  pour  y  exercer  aucune  réquisition, 
aucun  acte  de  contrainte  ou  d'autorité.  Cet  étrange  privi- 
lège s'explique  par  les  actes  d'oppression  administrative 
que  les  agents  du  pouvoir  royal,  investis  de  pouvoirs  illi- 
mités, commettaient  trop  souvent  dans  les  provinces.  Pour 
y  échapper,  les  personnages  les  plus  influents  sollicitaient 
du  roi,  comme  une  faveur,  de  dépendre  directement  de  lui 


FÉODALITÉ 


—  202  — 


et  non  plus  de  ses  agents  ;  ils  demandaient  que  leurs  terres 
fussent  assimilées  aux  domaines  du  roi  (fisci),  dont  l'admi- 
nistration était  soustraite  à  l'autorité  des  comtes  et  confiée 
à  des  intendants  particuliers.  Mais  il  était  bien  difficile  que 
Faction  directe  du  roi  s'exerçât  sur  ces  domaines  plus  ou 
moins  éloignés  du  palais.  En  fait,  il  s'opérait  entre  le  roi 
et  l'immuniste  un  partage  d'autorité  :  le  premier  convo- 
quait seul  au  service  militaire  les  habitants  de  l'immunité  ; 
le  second  percevait  seul  à  son  profit  tous  les  impôts  ; 
quant  à  la  justice,  elle  appartenait  en  général  à  l'immu- 
niste, excepté  dans  les  causes  criminelles  et  quelques 
autres  que  leur  importance  avait  fait  réserver  au  tribunal 
du  comte.  Pour  garantir  aux  églises  et  aux  abbayes  le 
bénéfice  de  l'immunité  dont  il  les  avait  gratifiées,  le  roi 
plaçait  auprès  de  chacune  d'elles  un  représentant  de  son 
autorité,  un  avoué  (advocatus,  defensor),  qui  devait  pro- 
téger son  domaine  contre  l'intrusion  des  autres  fonction- 
naires royaux,  et  qui  avait  en  même  temps  pour  mission 
d'assurer  la  comparution  de  l'immuniste  et  de  ses  hommes 
devant  le  tribunal  du  roi  ou  celui  du  comte,  dans  les  cas 
où  ils  étaient  justiciables  de  ces  tribunaux.  L'immunité 
était  un  privilège  personnel,  qui,  par  conséquent,  devait 
prendre  fin  à  la  mort  du  roi  qui  l'avait  concédé  ou  du  per- 
sonnage qui  l'avait  obtenu  ;  mais,  comme  il  était  presque 
toujours  renouvelé,  en  fait  il  devenait  perpétuel. 

ÎV.  Juridictions  privées.  —  Les  grands  propriétaires 
laïques  (potentes)  n'obtenaient  que  rarement  l'immunité 
dont  les  rois  étaient  si  prodigues  à  l'égard  des  commu- 
nautés ecclésiastiques.  Mais  ceux  qui  ne  jouissaient  pas  de 
cette  faveur  exceptionnelle  avaient,  du  moins,  dans  l'éten- 
due de  leurs  domaines,  le  droit  de  rendre  eux-mêmes  la 
justice  aux  hommes  qui  y  habitaient.  Ce  privilège  n'était 
pas  nouveau  :  déjà  sous  l'empire  romain,  au  ive  et  au 
ve  siècle,  les  terres  des  potentes,  situées  à  l'écart  des 
villes,  constituaient  des  lieux  d'asile  et  de  franchise  sous- 
traits à  l'action  des  magistrats  municipaux  et  provinciaux  ; 
indépendamment  de  ses  droits  légaux  sur  ses  esclaves,  le 
maître  avait,  sur  les  colons  et  les  clients  libres  qui  habi- 
taient ses  terres,  un  pouvoir  de  police  et  de  juridiction  que 
les  lois  impériales  n'avaient  pas  reconnu,  mais  qu'il  exer- 
çait en  fait,  librement,  par  l'intermédiaire  de  ses  Inten- 
dants. Ce  qui  n'était  alors  qu'un  fait  général  devint,  sous 
la  monarchie  franque,  un  droit  consacré  par  la  coutume  et 
par  les  capitulaires  :  l'édit  de  644  reconnaissait  formelle- 
ment ces  juridictions  privées ,  que  l'on  nommait  potestates, 
ainsi  que  les  domaines  sur  lesquels  elles  s'étendaient.  Il  y 
avait  ainsi  dans  le  royaume  une  foule  d'enclaves  devant 
lesquelles  s'arrêtait,  comme  devant  les  immunités,  Fac- 
tion des  magistrats  royaux . 

V.  Territorialité  du  service  militaire.  —  Ce  n'étaient 
pas  seulement  des  droits  de  justice,  mais  aussi  des  privi- 
lèges militaires  qui  étaient  attachés  par  la  royauté  elle- 
même  à  la  possession  des  domaines  fonciers.  Dans  le  cours 
du  vme  siècle,  l'armée  franque  avait  subi  une  transforma- 
tion notable  :  la  cavalerie,  dont  les  armées  sarrasines 
avaient  révélé  aux  Francs  toute  la  valeur,  était  devenue 
l'arme  principale,  et  l'infanterie  n'avait  plus  gardé  qu'un 
rôle  secondaire.  Le  recrutement  de  l'armée  devint  par  là 
plus  difficile,  car  si  la  levée  en  masse  de  tous  les  hommes 
libres,  qui  était  le  régime  en  vigueur  sous  les  Mérovin- 
giens, suffisait  pour  avoir  des  fantassins,  il  fallait,  pour 
se  procurer  des  cavaliers,  dont  l'équipement  était  beaucoup 
plus  coûteux,  recourir  à  d'autres  mesures.  Cette  nécessité 
fut  sans  doute  la  cause  principale  de  la  sécularisation  des 
précaires  ecclésiastiques  opérée  par  Charles-Martel  et  par 
ses  successeurs  ;  pour  s'assurer  une  élite  de  cavaliers  bien 
équipés,  ils  concédèrent  ces  terres  ecclésiastiques  à  un 
certain  nombre  de  leurs  fidèles  ou  vassi,  sous  forme  de 
bénéfices,  à  la  condition  qu'ils  seraient  spécialement  astreints 
au  service  de  cavalerie.  Ces  bénéficiers  à  cheval  concédè- 
rent, à  leur  tour,  de  petits  bénéfices  à  leurs  propres  vassi 
qui  devaient  être  également  montés.  Mais  cette  mesure  ne 
suffit  pas,  et  Charlemagne  en  vint  à  faire  du  service  à 


cheval  la  charge  exclusive,  non  seulement  des  bénéficiers 
royaux,  mais  de  tous  les  propriétaires  fonciers  du  royaume; 
ceux  qui  possédaient  quatre  manses  (capit.  de  803)  ou 
seulement  trois  manses  (capit.  de  807)  devaient  s'équiper 
eux-mêmes  et  servir  en  personne  ;  ceux  qui  avaient  moins 
s'associaient  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  suivant  leur 
fortune,  et  les  uns  allaient  à  l'armée,  tandis  que  les  autres 
contribuaient  en  argent  à  l'équipement  des  premiers.  Tou- 
tefois, une  différence  subsista  entre  eux  et  les  bénéficiers 
du  roi  :  les  premiers  ne  devaient  se  rendre  à  l'armée  qu'à 
une  époque  déterminée  et  pour  un  temps  limité,  les  seconds 
devaient  marcher  à  toute  réquisition.  Mais  ce  qu'il  importe 
de  remarquer,  c'est  que  les  uns  comme  les  autres  étaient 
désormais  astreints  au  service  militaire,  non  point  comme 
sujets,  mais  à  cause  de  la  terre  qu'ils  possédaient  ;  le  droit 
et  le  devoir  de  porter  les  armes,  les  titres  de  miles  et  de 
caballarius,  dès  lors  synonymes,  étaient  attachés  à  la 
possession  d'un  bénéfice  royal  ou  d'un  domaine  foncier  ; 
la  force  armée,  fixée  ainsi  à  la  terre,  échappait  en  grande 
partie  au  roi. 

VI.  Services  purlics confiés  aux  seniores.  —La royauté 
carolingienne,  qui  avait  dû  accepter  comme  une  nécessité 
sociale  et  sanctionner  de  son  autorité  l'institution  du  sé- 
niorat,  crut  faire  acte  de  bonne  politique  en  s'en  servant 
comme  d'un  moyen  de  gouvernement.  En  principe,  les 
vassi  d'un  senior  continuaient,  malgré  la  recommandation 
qui  les  liait  envers  ce  dernier,  à  être  soumis  à  l'autorité 
du  roi  et  de  ses  comtes  ;  ils  demeuraient  astreints  aux 
mêmes  services  et  prestations  que  les  autres  sujets  (capit. 
de  786,  807,  808).  Mais  il  arrivait  souvent,  dans  cette 
société  mal  réglée,  que  les  officiers  royaux  n'obtenaient 
qu'avec  peine  leur  présence  à  Farmée  ou  leur  comparution 
en  justice;  et  comme  le  senior  avait  sur  eux,  en  vertu  de 
la  recommandation,  un  pouvoir  plus  direct,  une  action 
personnelle  incontestée,  le  roi  eut  recours  à  son  interven- 
tion, comme  à  un  moyen  commode  et  sûr,  pour  assurer 
l'acquittement  des  services  qui  lui  étaient  dus.  Il  char- 
gea les  seniores,  sous  leur  responsabilité  personnelle,  de 
convoquer  et  de  conduire  leurs  hommes  à  l'armée  (capit. 
de  811),  de  les  faire  comparaître,  en  cas  de  procès,  au 
tribunal  du  pagus  (capit.  de  8o3,  855,  883),  bref,  de 
remplir  en  partie,  à  l'égard  de  leurs  vassi,  l'office  dont  le 
comte  ne  pouvait  s'acquitter  aussi  efficacement  qu'eux.  Les 
seniores  acceptèrent  volontiers  cette  charge  qui  les  inves- 
tissait d'une  part  de  l'autorité  publique.  Mais  le  profit 
immédiat  que  la  royauté  retirait  de  leur  concours  dissimu- 
lait un  grave  péril  :  en  se  servant  des  seniores,  elle  se 
mettait  en  réalité  à  leur  discrétion  ;  un  jour  vint  où,  pour 
assurer  le  fonctionnement  des  services  publics,  le  comte 
fut  impuissant;  le  seul  pouvoir  effectif  fut  celui  du  senior, 
et  ses  hommes,  ne  connaissant  plus  d'autre  autorité  que 
la  sienne,  s'habituèrent  à  le  considérer,  non  seulement 
comme  leur  patron,  mais  comme  le  seul  chef  à  qui  appar- 
tint dans  l'Etat  le  droit  de  commander,  au  nom  du  roi 
d'abord,  plus  tard  en  son  propre  nom. 

VIL  Privilèges  de  l'Eglise.  —  Il  y  avait  enfin  dans  la 
monarchie  franque  toute  une  classe  de  personnes  qui 
jouissaient  d'une  situation  privilégiée,  et  dont  les  principaux 
dignitaires  étaient  investis  par  la  faveur  royale  de  quelques- 
uns  des  attributs  de  la  souveraineté  :  c'étaient  les  clercs. 
L'Eglise  des  Gaules  ne  formait  pas  seulement  une  associa- 
tion religieuse  ;  elle  avait  une  véritable  organisation  poli- 
tique, déjà  ancienne,  et  qui,  dans  la  ruine  de  la  puissance 
romaine,  s'était  conservée  intacte  :  une  hiérarchie  complète 
de  magistrats,  d'immenses  biens,  une  législation  et  des 
tribunaux  particuliers.  Elle  avait  accepté  la  tutelle  de  la 
royauté  franque,  mais  au  prix  de  nombreux  privilèges.  Si 
le  roi  choisissait  ses  principaux  dignitaires,  légiférait  pour 
elle,  disposait  même  parfois  de  ses  biens  pour  suppléer  à 
l'insuffisance  de  ses  propres  domaines,  en  retour  il  lui 
assurait  une  protection  et  une  faveur  toute  spéciale.  C'est 
ainsi  que  chaque  église  avait  le  droit  de  percevoir  à  son 
profit  un  véritable  impôt  sur  toutes  les  propriétés  foncières, 


—  203 


FEODALITE 


la  dîme  ou  dixième  de  leur  revenu  (capit.  de  779).  C'est 
ainsi  qu'en  vertu  d'une  tradition  confirmée  expressément 
par  le  pouvoir  royal  (capit.  de  850,  864),  les  évêques 
exerçaient,  non  seulement  une  juridiction  générale  sur  tous 
les  clercs,  mais  encore  une  juridiction  arbitrale  et  disci- 
plinaire sur  les  laïques  de  leur  diocèse  ;  dans  leurs  tour- 
nées pastorales,  ils  convoquaieut  tous  les  fidèles  à  des 
assises  ou  synodes,  dans  lesquels  devaient  leur  être  dénon- 
cées toutes  les  personnes  coupables  de  fautes  publiques, 
notamment  d'infractions  aux  règles  canoniques  sur  le  ma- 
riage ;  les  accusés  qui  n'arrivaient  pas  à  se  disculper  étaient 
frappés  de  peines  disciplinaires.  Cette  juridiction  était  sou- 
vent exercée  sur  l'invitation  formelle  du  pouvoir  royal, 
tantôt  pour  renforcer  la  répression  civile,  tantôt  pour  la 
prévenir,  en  faisant  cesser  le  désordre  avant  que  l'interven- 
tion de  l'autorité  civile  fût  devenue  nécessaire.  A  ces  pri- 
vilèges spéciaux,  les  évêques  et  les  abbés  joignaient  ceux 
qui  pouvaient  leur  appartenir  à  titre  de  propriétaires  fon- 
ciers, d'immunistes  ou  de  seniores  ;  en  cette  dernière 
qualité,  ils  étaient  astreints  par  les  capitulaires  de  744,  de 
809  et  811  à  conduire  eux-mêmes  leurs  hommes  à  l'armée 
royale.  On  voit  qu'à  bien  des  égards  les  dignitaires  du 
clergé  avaient  le  droit  de  se  substituer  aux  fonctionnaires 
royaux  dans  l'exercice  des  pouvoirs  publics. 

VIII.  Appropriation  des  pouvoirs  publics  par  les  fonc- 
tionnaires royaux.  —  Tandis  que  la  royauté  abandonnait 
ainsi  volontairement  une  part  de  son  autorité  aux  immu- 
nistes,  aux  grands  propriétaires  fonciers,  aux  seniores  et 
aux  dignitaires  ecclésiastiques,  elle  en  perdait  une  autre 
part  en  laissant  ses  propres  fonctionnaires  transformer  en 
un  bien  patrimonial  les  pouvoirs  publics  qu'ils  exerçaient 
en  son  nom.  Sous  les  Mérovingiens,  les  officiers  royaux, 
ducs  et  comtes,  n'avaient  qu'une  délégation  temporaire, 
qui  pouvait  être  renouvelée,  mais  qui  restait  toujours  révo- 
cable. Sous  les  Carolingiens,  dans  la  première  moitié  du 
ixe  siècle,  ils  étaient  fréquemment  investis  de  leurs  fonc- 
tions pour  la  durée  de  leur  vie,  et  souvent  le  fils  succédait 
au  père  dans  le  même  emploi  ;  dans  la  deuxième  moitié  de 
ce  siècle,  c'était  devenu  la  règle,  et  le  capitulaire,  deKiersy- 
sur-Oise  (877)  l'admettait  comme  chose  normale  et  équi- 
table. Les  fonctions  publiques  furent  ainsi  peu  à  peu  appro- 
priées par  ceux  qui  en  étaient  les  dépositaires.  Tantôt  ce  fut 
le  résultat  d'une  usurpation  véritable  commise  par  des  fonc- 
tionnaires qui  se  rendaient  indépendants,  comme  le  firent 
les  comtes  bretons  et  les  ducs  d'Aquitaine.  Tantôt,  le  plus 
souvent,  ce  fut  la  conséquence  des  pratiques  administratives 
suivies  par  la  royauté  pour  la  rémunération  de  ses  fonc- 
tionnaires. Les  princes  carolingiens  concédaient  souvent  à 
leurs  comtes  ou  à  leurs  ducs,  en  guise  de  traitement,  des 
bénéfices  pris  sur  les  domaines  royaux  de  la  circonscrip- 
tion qu'ils  administraient.  Ces  bénéfices,  qui  étaient  l'acces- 
soire d'une  dignité  (honor),  en  prirent  le  nom  et  furent 
appelés  honores,  surtout  dans  la  région  occidentale  de 
l'empire  franc.  Peu  à  peu,  on  considéra  la  fonction  comme 
inséparable  du  bénéfice,  comme  entrant  avec  lui  dans  le 
patrimoine  du  fonctionnaire,  et  quand,  sous  la  pression 
des  circonstances,  la  clause  qui  perpétuait  la  concession 
après  le  décès  du  bénéficiaire  au  profit  de  ses  enfants  devint 
habituelle  dans  les  bénéfices  royaux  comme  dans  les  autres, 
les  offices  publics  se  transmirent  héréditairement  avec  la 
terre  qui  en  était  la  dotation.  C'est  ainsi  que,  par  la  tolé- 
rance royale,  les  fonctions  de  comte  et  celles  de  duc  se 
transformèrent  partout  en  bénéfices  héréditaires  et  les  fonc- 
tionnaires en  vassi  du  roi.  Mais  cette  tolérance  ne 
résulta  jamais  que  d'actes  individuels  ou  de  mesures  de 
circonstances  ;  il  n'y  eut  aucun  règlement  général  établis- 
sant en  droit  l'hérédité  et  l'irrévocabilité  des  offices  royaux, 
car  c'est  à  tort  que  l'on  a  longtemps  attribué  ce  caractère 
au  célèbre  capitulaire  de  Kiersy-sur-Oise  (V.  Bénéfice). 
C.  De  l'analyse  qui  précède,  il  résulte  qu'au  ixe  siècle 
la  monarchie  franque  n'était  plus  qu'en  apparence  un  Etat 
centralisé.  En  réalité,  la  plupart  des  forces  vives  de  la 
société  échappaient  à  l'action  du  pouvoir  royal  ;  elles  agis- 


saient et  se  coordonnaient  en  dehors  de  lui,  désorganisant 
ainsi  l'Etat,  mais  préparant  par  un  travail  latent  et  con- 
tinu les  éléments  constitutifs  d'un  nouvel  organisme  social. 
Commencée  au  vne  siècle,  la  dissolution  de  la  monarchie 
franque  se  poursuivit  presque  sans  interruption  jusqu'à  la 
fin  du  ixe.  La  puissante  main  de  Charlemagne  l'arrêta 
quelque  temps.  Ne  pouvant  ressaisir  toute  l'autorité  que 
ses  prédécesseurs  avait  abandonnée  par  d'imprudentes  con- 
cessions, il  essaya,  comme  on  l'a  vu,  de  rattacher  le  sénio- 
rat  à  l'administration  centrale  et  de  faire  ainsi  converger 
vers  l'Etat  les  forces  déjà  groupées  autour  de  l'aristocratie 
foncière.  Mais  cette  tentative  n'eut  pour  effet  que  de  forti- 
fier ces  pouvoirs  privés  en  les  revêtant  de  la  sanction 
publique,  et  après  lui  la  désorganisation  du  pouvoir  cen- 
tral continua,  favorisée  au  ixe  siècle  par  la  faiblesse  et 
l'incapacité  de  ses  premiers  successeurs,  devenue  irrémé- 
diable au  xe,  malgré  l'énergie  que  déployèrent  les  derniers 
Carolingiens  dans  leur  lutte  contre  l'aristocratie.  Au  milieu 
du  désordre  qui  éclatait  partout,   des  usurpations,  des 
pillages,  des  incursions  de  pirates,  la  royauté  essayait  en 
vain  de  rétablir  la  paix,  d'imposer  «  dés  concordes  »  ;  elle 
était  devenue  absolument  impuissante  à  remplir  sa  mission 
de  justice  et  de  protection.  En  théorie,  elle  gardait  son 
caractère  absolu  et  ses  hautes  prétentions  ;  en  fait,  elle 
avait  perdu  à  peu  près  toute  autorité  sur  ses  fonctionnaires 
dont  les  charges  étaient  devenues  patrimoniales,  sur  ses 
vassi  dont  les  bénéfices  étaient  déjà  presque  tous  héré- 
ditaires et  irrévocables,  sur  l'Eglise  à  qui  la  protection 
royale  était  souvent  plus  nuisible  qu'utile  et  qui  opposait 
au  roi  lui-même  l'immunité  dont  ses  principaux  chefs 
jouissaient  à  l'égard  des  officiers  royaux,  sur  les  petits 
propriétaires  et  les  paysans  qui  ne  sentaient  plus  venir  d'en 
haut  d'autre  action  que  celle  des  pouvoirs  locaux  dont 
ils  dépendaient  directement.  A  partir  de  Charles  le  Chauve, 
les  rois  n'administrent  plus,  en  réalité,  leur  royaume  :  ce 
sont  moins  des  monarques  que  des  chefs  de  fidèles  ;  leur 
règne  se  passe  à  recueillir  des  serments  de  fidélité,  à  re- 
nouveler des  concessions  de  comtés  ou  de  bénéfices,  à 
traiter  sans  cesse  pour  ressaisir  les  derniers  restes  d'une 
autorité  partout  méconnue.  Comme  ils  ne  gouvernent  plus 
qu'au  moyen  de  la  fidélité  personnelle  et  que  cette  fidélité 
ne  s'obtient  que  par  des  promesses  et  des  concessions,  ils 
tombent  dans  la  dépendance  de  leurs  propres  vassi,  qui 
portent  leurs  hommages  d'une  famille  à  l'autre,  suivant 
leur  intérêt,  et  rendent  élective  en  fait,  à  partir  de  879, 
l'ancienne  monarchie  héréditaire.  —  Mais  depuis  longtemps 
déjà,  tous  ceux  qui,  dans  la  société,  avaient  besoin  de  sécu- 
rité, ne  la  trouvant  plus  dans  le  pouvoir  central,  l'avaient 
demandée  aux  membres  de  l'aristocratie.  Les  petits  pro- 
priétaires, les  cultivateurs,  les  artisans  s'étaient  tournés 
vers  les  grands  propriétaires,  les  évêques,  les  abbés,  les 
officiers  royaux,  vers  quiconque  exerçait  auprès  d'eux  un 
pouvoir  réel  et  avait  assez  de  force  matérielle  ou  d'autorité 
morale  pour  les  défendre  ;  ils  s'étaient  recommandés  à  lui 
et  l'avaient  reconnu  pour  seigneur  [senior).  D'autre  part, 
si  les  faibles  avaient  besoin  de  trouver  un  protecteur,  les 
forts  avaient  un  égal  besoin  de  trouver  des  soldats,  des 
serviteurs,  des  cultivateurs,  pour  exploiter  leurs  terres  et 
les  défendre  contre  les  entreprises  de  leurs  voisins.  Partout, 
malgré  les  prohibitions  royales  (édit  de  864),  le  sol  s'était 
couvert  de  châteaux  forts  (castra,  castella),  de  fertés  (fir- 
mitâtes),  où  les  paysans,  les  gens  sans  armes,  venaient 
chercher  un  refuge  au  moment  du  péril  et  prendre  part 
à  la  défense.  Il  s'était  ainsi  formé  entre  les  uns  et  les 
autres  une  infinité   de   groupements   et  d'associations, 
soumises  aux  conditions  les  plus  variées,  mais  qui  avaient 
toutes  pour  objet  d'assurer  la  protection  des  faibles  et 
la  puissance  des  forts  en  plaçant  les  premiers  sous  la 
dépendance  des  seconds.  Et  ce  n'étaient  pas  seulement 
les  faibles  et  les  pauvres  qui  s'étaient  ainsi  placés  sous 
le  patronage  d'un  seigneur  ;  les  puissants  et  les  riches  re- 
cherchaient eux  aussi  la  protection  de  ceux  qui  étaient 
plus  puissants  ou  plus  riches  qu'eux.  On  se  recomman- 


FÉODALITÉ 


204 


dait  à  un  seigneur,  mais  lui-même  se  recommandait  à 
un  autre  ;  on  lui  livrait  sa  terre,  on  lui  promettait  sa 
fidélité,  et  lui-même  livrait  ses  domaines,  engageait  sa  foi 
à  un  autre  seigneur.  «  C'était  une  chaîne  d'engagements 
où  toutes  les  classes  d'hommes  trouvaient  leur  place.  » 
Quelques-uns  seulement,  assez  forts  pour  se  défendre 
eux-mêmes  dans  leurs  alleux,  restèrent  indépendants  : 
entourés  de  leurs  tenanciers,  de  leurs  domestiques  et 
de  leurs  serfs  qu'ils  armaient  au  besoin,  retranchés  dans 
leurs  fermes  fortifiées,  derrière  les  murailles  et  les  fos- 
sés de  leurs  châteaux  forts,  ils  surent,  sans  recourir  à 
la  protection  d'un  autre,  tenir  tète  aux  entreprises  des 
officiers  royaux  comme  aux  attaques  des  aventuriers';  mais 
c'étaient  là  des  cas  exceptionnels. — Or,  quand  la  défaillance 
du  pouvoir  central  fut  complète,  il  vint  un  moment  où 
toute  la  vie  sociale  fut  réduite  à  ces  rapports  de  dépendance 
et  de  protection  ;  où  l'Etat,  au  lieu  de  former  une  société 
unique,  constituée  par  un  organisme  général,  ne  se  com- 
posa plus  que  d'une  foule  de  sociétés  particulières,  vivant 
de  leur  vie  propre  ;  où  l'autorité  publique,  jadis  incarnée 
dans  le  pouvoir  royal,  se  fractionna  entre  ces  groupes  pour 
devenir  dans  chacun  d'eux  le  patrimoine  d'un  seigneur, 
l'attribut  d'une  terre  seigneuriale.  C'est  ainsi  que  dans  ce 
corps  décomposé,  les  organes  de  la  vie  se  reconstituaient 
sous  une  autre  forme,  sous  la  forme  féodale. 

Pour  se  bien  rendre  compte  de  l'évolution  sociale  qui  s'opéra 
alors,  il  faut  examiner  successivement  :  1°  comment  se  for- 
mèrent ces  groupements  féodaux  ;  2°  comment  la  puissance 
publique  entra  dans  le  patrimoine  de  chacun  de  leurs  chefs. 

1°  Les  groupements  féodaux  furent  déterminés  par  trois 
causes  principales  :  ou  bien  une  convention  volontaire,  ou 
bien  l'exercice  prolongé  par  la  même  personne  de  pouvoirs 
publics  et  privés  sur  un  groupe  de  gens  ou  sur  un  terri- 
toire déterminé,  ou  bien  une  contrainte  violemment  exercée 
sur  les  faibles  par  les  plus  forts. —  La  convention  la  plus 
importante  était  le  contrat  de  fief,  dans  lequel  la  recom- 
mandation se  combinait  avec  la  concession  bénéficiaire.  On 
a  vu  comment  ces  deux  institutions  s'étaient  développées 
parallèlement  et  comment,  au  ix6  sièele,  elles  se  lièrent 
l'une  à  l'autre  de  façon  à  ne  former  qu'un  même  contrat. 
Ce  qu'il  importe  de  remarquer  ici,  c'est  que  ce  nouveau 
contrat  présentait  deux  caractères  essentiels  qui  le  distin- 
guaient à  la  fois  de  la  recommandation  et  du  bénéfice.  En 
premier  lieu,  la  dépendance  du  vassus  on,  pour  employer 
la  forme  qui  prévalut,  du  vassallus,  du  vassal,  cessa  de  re- 
poser sur  un  engagement  purement  personnel.  «  Le  seigneur 
qui  voulait  trouver  un  fidèle,  qui  avait  besoin  de  son  assis- 
tance, ne  lui  demandait  plus  au  préalable  sa  parole,  sa 
fidélité,  l'engagement  de  ses  services.  Il  lui  offrait  une 
valeur  appréciable  en  argent,  un  fonds  de  terre,  des  serfs, 
des  droits  à  redevance  ou  à  impôt.  C'est  sur  cette  dona- 
tion que  se  greffait  l'obligation  du  vassal.  »  Réciproque- 
ment, l'homme  qui  offrait  à  un  seigneur  sa  fidélité  et  ses 
services  demandait  en  retour  plus  qu'une  simple  promesse 
de  protection  ;  il  ne  se  considérait  comme  lié  que  s'il  rece- 
vait une  concession  de  terres  ou  de  droits  pécuniaires.  Le 
contrat  qui  intervenait  était  donc  un  contrat  réel,  au  sens 
juridique  du  mot.  A  cette  époque  d'anarchie  et  de  violence, 
où  la  parole  donnée  n'était  plus  une  garantie  suffisante 
parce  qu'il  n'y  avait  plus  d'autorité  publique  pour  la  faire 
respecter,  l'hommage  et  le  serment,  qui  étaient  autrefois 
l'élément  essentiel  du  contrat,  devinrent  secondaires  ;  la 
tradition  réelle  ou  symbolique  du  fief  concédé  devint  l'élé- 
ment prépondérant  ;  «  elle  assura  le  respect  de  la  foi  jurée 
et  l'acquit  des  services  ;  elle  tint  lieu  de  la  sanction  royale  ». 
En  second  lieu,  les  relations  que  le  contrat  de  fief  créait 
entre  le  seigneur  et  le  vassal  n'avaient  plus  seulement  un 
caractère  privé  ;  elles  étaient  aussi  d'ordre  public.  Non 
seulement  le  vassal  était  tenu,  comme  le  recommandé,  du 
devoir  général  de  fidélité  et  d'assistance,  mais  il  devait,  en 
outre,  se  soumettre  à  sa  justice  et  combattre  pour  lui 
chaque  fois  qu'il  en  était  requis.  C'était  là  une  conséquence 
logique  du  nouvel  état  de  choses,  car  si  la  protection  du 


seigneur  remplaçait  pour  le  vassal  celle  de  l'Etat,  il  était 
juste  que  le  vassal,  de  son  côté,  acquittât  envers  son  sei- 
gneur les  obligations  dont  un  sujet  est  normalement  tenu 
envers  l'Etat.  Historiquement,  cette  extension  donnée  aux 
devoirs  du  vassal  s'explique  par  deux  faits  qui  ont  été 
précédemment  signalés  :  d'une  part,  au  vme  siècle,  la 
création  de  bénéfices  royaux  à  charge  de  service  militaire  ; 
d'autre  part,  la  tentative  faite  par  Charlemagne  pour  asso- 
cier les  senior  es  à  l'administration  publique  en  les  char- 
geant de  convoquer  leurs  vassaux  à  l'armée  et  de  les  con- 
duire au  tribunal  du  comte.  «  Un  jour  le  senior  trouva 
qu'il  était  plus  simple  de  faire  venir  ses  hommes  à  une 
armée  qui  serait  la  sienne  et  à  un  tribunal  qui  serait  aussi 
le  sien,  et  les  hommes,  que  la  loi  elle-même  avait  plies  à 
cette  dépendance  du  senior,  pour  qui  le  senior  était  le  chef 
et  le  maître  connu,  qui  d'ailleurs  rencontraient  chez  lui  la 
protection  parce  que  chez  lui  était  la  force...,  ces  hommes 
allèrent  tout  naturellement  à  l'armée  et  au  tribunal  du 
seigneur.  »  A  côté  du  contrat  de  fief,  il  y  avait  toute  une 
série  d'autres  conventions  qui  tendaient  au  même  but, 
mais  dont  les  conditions  étaient  très  variables.  C'étaient 
les  contrats  de  précaire,  de  censive,  de  main  ferme,  de 
bail  à  comptant,  dans  lequel  le  seigneur  concédait  un 
fonds  de  terre,  non  point  à  charge  de  vassalité,  mais  en 
échange  de  prestations  en  nature  et  en  argent  ;  le  contrat 
de  commande,  de  garde  ou  de  sauve  ment,  où  le  seigneur 
n'accordait  que  sa  protection  personnelle  en  retour  de  ser- 
vices de  corps  et  de  redevances  ;  enfin,  Y  asservissement 
volontaire  (obnoxiatio),  où  l'homme  se  donnait  tout  entier, 
corps  et  biens,  pour  avoir  la  vie  sauve.  —  En  dehors  de 
toute  convention  expresse,  des  liens  de  dépendance  et  de 
protection  se  formèrent  aussi  très  souvent,  d'une  manière 
tacite,  par  là  seule  force  de  l'habitude,  entre  les  fonction- 
naires royaux  ou  les  propriétaires  fonciers,  d'une  part,  et, 
d'autre  part,  les  gens  qui  vivaient  depuis  de  longues  années 
sous  leur  autorité  directe  (pagenses,  manentes,  homines 
proprii).  La  puissance  que  les  uns  exerçaient  au  nom  du 
roi,  les  autres  en  vertu  de  leurs  droits  et  de  leurs  privi- 
lèges de  propriétaires,  la  soumission  que  les  pagenses 
devaient  aux  officiers  royaux  par  suite  de  leur  serment  de 
fidélité,  les  manentes  et  les  homines  proprii  à  leur 
patron  ou  à  leur  maître  par  suite  de  leur  résidence  sur  ses 
terres,  avaient  créé  entre  les  uns  et  les  autres  des  habi- 
tudes de  protection  et  de  dépendance  qui  ressemblaient, 
en  fait,  aux  liens  résultant  d'un  contrat  défini,  qui  souvent 
se  confondirent  avec  eux  et  comme  eux  suppléèrent  à 
l'inaction  du  pouvoir  central.  —  Enfin,  il  faut  faire  la  part 
de  la  force  brutale  et  de  l'oppression  ;  bien  des  groupe- 
ments féodaux  ne  prirent  naissance  ni  dans  une  libre  con- 
vention, ni  dans  l'exercice  traditionnel  d'une  autorité 
légitime,  mais  dans  une  série  d'actes  de  violence  ou  d'inti- 
midation par  lesquels  un  aventurier  imposait  sa  loi  aux 
habitants  d'une  région  et  que  peu  à  peu  l'intérêt  commun 
de  l'oppresseur  et  des  opprimés  transformait  en  un  état 
de  choses  régulier. 

2°  Dans  les  innombrables  associations  de  défense  indivi- 
duelle dont  se  composait  la  société  du  xe  siècle,  ce  qui 
faisait  la  force  du  chef  de  groupe,  ce  qui  lui  permettait 
d'assurer  sa  protection  à  ceux  qui  lui  avaient  promis  fidé- 
lité, ce  n'est  point  seulement  qu'il  était  propriétaire  d'une 
certaine  étendue  de  terres  et  maître  ou  patron  d'un  cer- 
tain nombre  d'hommes  ;  c'est  aussi  qu'à  ces  droits  privés 
il  joignait  souvent  (ce  serait  une  erreur  de  dire  toujours) 
des  droits  de  souveraineté,  qui  lui  donnaient  sur  ses  terres 
et  sur  ses  gens,  dans  une  mesure  plus  ou  moins  large,  des 
pouvoirs  analogues  à  ceux  d'un  chef  d'Etat.  Cette  souve- 
raineté, qui,  ainsi  fractionnée  entre  les  individus,  prenait 
le  nom  de  seigneurie ,  comment  s'était-elle  formée  ? 
Comment  des  mains  du  monarque  était-elle  passée  dans 
celles  de  l'aristocratie  foncière  ?  On  a  déjà  pu  l'entrevoir 
par  ce  qui  précède,  mais  il  importe  ici  de  mettre  en  lu- 
mière ce  point  délicat  exposé  d'une  manière  incomplète 
ou  inexacte  par  la  plupart  des  historiens  de  la  féodalité. 


—  205 


FEODALITE 


Pour  bien  poser  la  question,  il  faut  d'abord  définir  ce 
qu'on  entend  au  juste  par  souveraineté  ou  seigneurie,  et 
pour  cela  distinguer  les  droits  proprement  seigneuriaux 
des  droits  féodaux  et  des  droits  fonciers,  auxquels  ils 
se  trouvaient  souvent  unis  et  mélangés.  Les  droits  fon- 
ciers étaient  ceux  qui  naissaient  de  l'amodiation  de  la 
terre,  sous  ses  formes  les  plus  diverses  (contrat  de 
censive,  de  précaire,  de  complant,  etc.)  et  qui  formaient 
le  loyer  du  sol,  payé  par  les  tenanciers,  soit  en  nature, 
soit  en  argent,  soit  en  services  corporels.  Les  droits  féo- 
daux étaient  ceux  qui  résultaient  du  contrat  de  fief  et  qui 
conféraient  au  seigneur  un  certain  pouvoir  sur  la  personne 
et  les  biens  de  ses  vassaux;  ces  droits,  comme  on  l'a  vu, 
étaient  à  la  fois  d'ordre  privé  (assistance  personnelle)  et 
d'ordre  public  (service  militaire,  service  de  justice).  Les 
droits  seigneuriaux  étaient  ceux  qui  ne  dérivaient  ni  d'un 
contrat  de  fief,  ni  d'un  contrat  d'exploitation  foncière,  et 
que  le  seigneur  exerçait  sur  ses  terres  et  sur  ses  hommes 
comme  le  roi  les  aurait  exercés  si  le  pouvoir  central 
n'avait  fait  place  au  pouvoir  du  seigneur.  C'étaient,  d'une 
manière  générale,  le  droit  de  rendre  la  justice  et  de  faire 
des  règlements  législatifs,  celui  de  lever  des  troupes,  celui 
de  battre  monnaie  et  de  percevoir  des  revenus  fiscaux  sous 
forme  de  redevances  ou  de  corvées.  Ces  droits  pesaient  moins 
sur  la  terre  que  sur  les  personnes,  et  parmi  les  personnes  ne 
frappaient  guère  que  les  gens  des  classes  inférieures,  arti- 
sans, cultivateurs  libres  ou  serfs  :  les  membres  de  l'aristo- 
cratie terrienne  ou  militaire,  engagés  d'ordinaire  dans  les 
liens  de  la  vassalité,  n'étaient  soumis  qu'aux  droits  féo- 
daux. Or,  il  y  avait  dans  la  société  féodale  des  groupes 
dont  le  chef  ne  possédait  que  des  droits  fonciers  :  alleutiers 
ou  vassaux  qui  n'avaient  disposé  de  leurs  domaines  que 
par  des  concessions  roturières,  censives,  précaires,  etc.  Il 
y  en  avait  d'autres  dont  le  chef  ne  pouvait  exercer  que  des 
vassaux  féodaux  ;  c'était  le  cas  d'une  foule  d'alleutiers  et 
nobles  qui  avaient  sous-inféodé  à  des  tiers  une  partie  de 
leur  propre  terre.  Mais  dans  les  groupes  les  plus  im- 
portants, dans  ceux  qui  constituaient  ce  qu'on  appela  plus 
tard  des  seigneuries  par  opposition  aux  simples  fiefs,  le 
chef  avait,  indépendamment  des  droits  fonciers  et  des  droits 
féodaux,  des  droits  de  souveraineté  plus  ou  moins  larges  ; 
on  n'était  un  seigneur,  dans  la  pleine  acception  du  mot, 
qu'à  la  condition  d'exercer,  en  totalité  ou  en  partie,  le 
pouvoir  administratif  et  le  pouvoir  judiciaire  qui  apparte- 
naient jadis  à  l'Etat  ou  à  ses  délégués. 

Pour  expliquer  la  naissance  des  droits  seigneuriaux,  il 
ne  suffit  pas  de  dire,  comme  on  l'a  fait,  que  le  régime  sei- 
gneurial est  sorti  d'une  fusion  de  la  propriété  et  de  la  sou- 
veraineté et  que  cette  fusion  s'est  produite  de  deux  ma- 
nières, tantôt  parce  que  le  propriétaire  du  sol  avait  reçu 
ou  usurpé  des  droits  souverains  sur  toute  l'étendue  de  son 
domaine,  tantôt  parce  que  le  fonctionnaire  investi  de  la 
souveraineté  était  devenu  propriétaire  du  sol  soumis  à  son 
autorité.  En  réalité,  les  choses  ne  se  sont  point  passées 
aussi  simplement  ni  aussi  logiquement.  Les  droits  de  sou- 
veraineté provenaient  de  causes  fort  diverses,  qu'on  peut 
ramener  à  quatre  types  principaux  :  concession  expresse 
ou  tacite  de  la  royauté,  usurpation  de  pouvoirs  délégués, 
accord  intervenu  entre  le  seigneur  et  ses  hommes,  domi- 
nation imposée  par  surprise  ou  violence. 

a.  Comme  exemples  de  concession  royale,  il  suffit  de 
rappeler  ici  les  nombreuses  immunités  judiciaires  et  fiscales 
concédées  aux  églises  et  quelquefois  aux  propriétaires 
laïques,  les  abandons  d'impôts  faits  à  des  particuliers  à 
titre  de  faveur  ou  de  rémunération,  la  reconnaissance  offi- 
cielle des  justices  privées  exercées  par  les  grands  proprié- 
taires sur  leurs  domaines,  les  capitulaires  carolingiens  de 
803  et  807  qui  investissaient  ces  mêmes  propriétaires  d'un 
véritable  pouvoir  militaire  sur  les  terres  possédées  par  eux. 
Il  faut  ajouter  que,  dans  les  derniers  temps  de  la  monar- 
chie, les  privilégiés  qui  avaient  été  gratifiés  de  ces  conces- 
sions royales  en  élargissaient  la  portée,  soit  en  faisant 
insérer  des  clauses  nouvelles  dans  les  confirmations  arra- 


chées à  la  faiblesse  du  souverain,  soit  en  empiétant  avec 
une  audace  qui  restait  impunie  sur  les  droits  que  celui-ci 
s'était  réservés.  C'est  ainsi  que  les  immunistes  préten- 
daient à  l'indépendance  complète,  non  seulement  à  l'égard 
des  officiers  royaux,  mais  à  rencontre  du  roi  lui-même. 

b.  Très  souvent  aussi,  les  droits  de  souveraineté  prove- 
naient d'usurpations  de  pouvoir  commises  par  les  fonc- 
tionnaires royaux.  Les  grands  officiers  du  palais,  les  ducs, 
les  comtes,  tout  en  gardant  le  titre  de  leur  fonction  pu- 
blique, étaient  devenus  en  fait  des  seigneurs  indépendants 
et  exerçaient  en  leur  propre  nom,  à  titre  héréditaire  et 
patrimonial,  les  droits  de  souveraineté  qu'ils  tenaient  de  la 
royauté.  Dans  la  plupart  des  provinces  de  l'empire  caro- 
lingien «  le  comte  est  devenu  héréditaire  ;  il  a  continué  à 
administrer  son  comté  comme  par  le  passé  ;  mais,  n'étant 
plus  surveillé  par  les  missi  dominici  que  le  roi  ne  peut 
plus  déléguer,  il  l'administre  pour  son  propre  compte.  Il 
a  toujours  sous  lui  les  mêmes  officiers  qu'autrefois  ;  plus 
que  jamais,  il  les  choisit  parmi  ses  fidèles  ;  les  dignités, 
les  offices  qu'ils  tiennent  de  lui,  il  les  leur  abandonne  à 
titre  héréditaire,  mais  toujours  moyennant  la  recomman- 
dation, qui  bientôt  devient  l'hommage.  Ces  mêmes  fidèles 
viennent  aux  plaids  qui  continuent  à  se  tenir  comme  autre- 
fois, y  remplissent  les  fonctions  de  juges  ou  de  scabins, 
y  assistent  en  qualité  de  jurés  (probi  homines).  Quant  aux 
droits  utiles,  quant  aux  impôts  dont  il  envoyait  jadis  le 
produit  au  roi,  le  comte  les  garde  pour  lui  et  en  confie  la 
perception  à  des  officiers  portant  les  mêmes  noms,  decani, 
villici,  choisis  comme  les  autres  parmi  ses  recommandés... 
Le  comte  possède  les  anciens  domaines  royaux  ;  il  en  dis- 
pose à  sa  volonté,  les  distribue  à  ses  fidèles,  en  fait  aumône 
aux  églises  ;  il  chasse  dans  les  garennes  (for estai),  habite 
les  villœ  royales,  lève  les  anciens  péages,  en  crée  de  nou- 
veaux, exerce  en  un  mot  toutes  les  prérogatives  du  pouvoir 
souverain.  Mais  bientôt,  à  la  faveur  des  guerres  conti- 
nuelles, les  liens  se  relâchent  entre  le  comte  et  ses  fidèles, 
comme  ils  s'étaient  relâchés  entre  le  comte  et  le  roi.  C'est 
alors  que  naissent  les  petites  seigneuries,  que  les  viguiers, 
les  centeniers  deviennent  des  seigneurs,  des  barons.  Chacun 
usurpe  dans  la  mesure  de  ses  forces,  et  les  anciens  comtés 
de  l'époque  carolingienne  ne  sont  plus  que  des  cadres  trop 
étroits  dans  lesquels  tiennent  à  peine  les  milliers  de  sei- 
gneuries qui  s'y  pressent.  »  Toutefois,  chacun  de  ces  fonction- 
naires ne  réussit  pas  à  garder  intacts  tous  les  droits  réga- 
liens qu'il  avait  ainsi  usurpés  :  beaucoup  leur  échappèrent, 
soit  par  des  aliénations  et  des  inféodations  volontaires,  soit 
par  l'intervention  d'un  senior  qui  s'interposait  entre  eux 
et  leurs  subordonnés.  A  l'exemple  des  officiers  royaux,  les 
évêques,  que  la  monarchie  avait  souvent  chargés  d'admi- 
nistrer, de  juger  et  de  surveiller  les  provinces  en  qualité 
de  missi,  qu'elle  avait  même  parfois  revêtus  du  titre  de 
comtes,  s'approprièrent  souvent  ces  pouvoirs  et  devinrent 
ainsi  seigneurs  de  la  circonscription  administrative  soumise 
à  leur  autorité,  comme  ils  l'étaient  déjà  de  leurs  propres 
domaines  en  vertu  de  l'immunité. 

c.  La  seigneurie  pouvait  se  former,  indépendamment  de 
toute  concession  ou  de  toute  usurpation ,  par  un  simple 
accord  de  volontés.  Ainsi,  lorsqu'un  fonctionnaire  royal 
ou  un  grand  propriétaire  cédait  à  prix  d'argent  ou  inféodait 
à  charge  de  vassalité,  soit  une  terre,  soit  une  partie  de  la 
souveraineté  qu'il  possédait  sur  cette  terre  (droits  de  jus- 
tice, droits  fiscaux),  l'acheteur  ou  le  vassal  acquérait  par 
contrat  des  droits  seigneuriaux  sur  la  terre  cédée  et  sur  les 
habitants.  De  même  la  seigneurie  résultait  souvent  d'un 
contrat  de  commande,  par  lequel,  sans  obtenir  de  con- 
cession de  terres,  des  hommes  se  mettaient  sous  la  pro- 
tection d'un  propriétaire,  au  prix  de  services  corporels  et 
pécuniaires  qui  les  réduisaient  à  la  condition  de  sujets.  De 
même  encore  lorsqu'une  région,  dévastée  par  les  invasions 
ou  les  guerres  privées,  était  devenue  entièrement  déserte, 
comme  il  arriva  souvent  auixe  et  au  xe  siècle,  et  qu'un  sei- 
gneur laïque  ou  ecclésiastique  y  appelait  pour  la  défricher  et 
la  repeupler  des  colons  et  des  hôtes,  un  accord  intervenait 


FEODALITE 


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entre  eux  et  lui,  non  seulement  pour  régler  l'accensement 
de  la  terre,  mais  aussi  pour  fixer  les  droits  seigneuriaux 
auxquels  ils  seraient  soumis  (service  militaire,  justice, 
droit  de  gîte,  réquisitions,  corvées).  Parfois  le  contrat 
était  tacite,  et  les  nouveaux  arrivants  se  conformaient  aux 
coutumes  en  vigueur  dans  le  reste  de  la  seigneurie  ou  dans 
la  région  circon voisine. 

dr  Enfin,  un  grand  nombre  de  droits  seigneuriaux 
n'eurent  d'autre  origine  que  la  volonté  oppressive  ou  l'ha- 
bileté frauduleuse  d'un  puissant  seigneur  ou  d'un  aventu- 
rier redouté.  Tantôt  le  seigneur  arrivait  par  surprise  ou 
par  force  à  percevoir  certaines  taxes  nouvelles,  à  obtenir 
des  services  de  corps  auxquels  ses  hommes  n'étaient  pas 
astreints  jusque-là;  et  alors,  invoquant  ce  précédent,  il  les 
exigeait  comme  des  droits  établis  par  la  coutume  (consue- 
tudines)  ;  une  convention  imposée  après  coup  régularisait 
quelquefois  ces  usurpations.  Tantôt  l'aventurier,  qui  s'était 
emparé  par  un  hardi  coup  de  main  d'une  terre  ou  d'un 
château,  obtenait  de  gré  ou  de  force  des  habitants  de  la 
région  un  serment  de  fidélité  avec  la  promesse  d'acquitter 
des  taxes  et  des  services  seigneuriaux  ;  au  bout  de  quelques 
années,  il  faisait  souche  de  comte  ou  de  baron  «  par  la 
grâce  de  Dieu  »,  et  sa  puissance  allait  de  pair  avec  celle 
des  seigneurs  les  plus  authentiques. 

On  voit  combien  étaient  variées  les  origines  des  seigneu- 
ries féodales  et  quelle  large  place  il  faut  faire,  pour  les 
expliquer,  aux  conventions  privées,  à  l'initiative  des  per- 
sonnes et  au  hasard  des  circonstances.  On  conçoit  aisément 
qu'entre  des  seigneuries'ainsi  constituées  il  ait  régné,  surtout 
pendant  les  premiers  temps  de  la  féodalité,  la  plus  grande 
inégalité  de  droits  et  de  pouvoirs.  Un  bien  petit  nombre 
jouissaient  de  la  plénitude  des  droits  souverains  ;  on  les 
appellera  plus  tard  baronnies,  hautes  justices.  Mais  la  plu- 
part n'avaient  qu'une  souveraineté  incomplète,  démem- 
brée, morcelée,  variant  sans  cesse  par  suite  de  concessions, 
d'inféodations,  d'usurpations  lentes  ou  de  spoliations  bru- 
tales. Ainsi  les  droits  fiscaux  changeaient  de  seigneurie  à 
seigneurie  ;  la  justice  n'était  pas  toujours  unie  au  fief,  soit 
que  le  seigneur  suzerain  l'eût  cédée  séparément,  soit  qu'il 
l'eût  retenue  en  inféodant  la  terre,  soit  que  lui-même  ou 
un  tiers  l'eût  usurpée  ultérieurement  sur  le  vassal.  Ce 
qu'il  importe  aussi  de  remarquer,  c'est  que,  pendant  les 
premiers  temps  de  la  féodalité,  si  grand  que  fût  le  rôle 
joué  par  la  propriété  foncière  dans  les  nouvelles  relations 
sociales,  la  seigneurie  n'eut  pas,  comme  on  pourrait  le 
penser,  un  caractère  exclusivement  territorial  ;  elle  était 
souvent  personnelle  et  s'étendait  sur  des  groupes  d'indivi- 
dus plutôt  que  sur  un  domaine  nettement  déterminé.  La 
plupart  des  seigneuries,  grandes  ou  petites,  qui  figurent, 
au  xe  siècle,  dans  la  carte  de  la  France  féodale,  étaient 
loin  d'avoir  un  territoire  compact,  sur  lequel  la  souverai- 
neté du  seigneur  pouvait  s'exercer  d'une  manière  uniforme 
et  régulière.  Les  droits  des  comtes  ou  des  ducs,  qui  descen- 
daient d'anciens  officiers  royaux,  étaient  singulièrement 
amoindris  par  ceux  que  s'arrogeaient  leurs  vicomtes,  que 
revendiquaient  les  immunistes  ecclésiastiques  et  les  grands 
propriétaires  qui  avaient  des  domaines  dans  leur  comté  ou 
leur  duché  ;  eux-mêmes  souvent  les  restreignaient  en  con- 
cédant des  immunités  ou  en  inféodant  des  droits  de  justice. 
Ils  n'avaient  vraiment  de  suprématie  territoriale  que  sur 
les  domaines  dont  ils  étaient  en  même  temps  propriétaires  ; 
ailleurs,  leur  autorité  s'exerçait  moins  sur  le  territoire  que 
sur  les  personnes  qui  leur  étaient  liées  par  un  serment  de 
vassalité  ou  de  fidélité  ;  elle  s'entre-croisait  donc  en  tous 
sens  avec  celle  de  seigneurs  rivaux.  La  situation  des  grands 
propriétaires  d'alleux  n'était  pas  meilleure;  ils  voyaient 
leurs  propres  agents  (villici,  majores,  judices,  prœpo- 
siti)  s'emparer  de  leurs  terres  ;  ils  durent  souvent  céder 
ou  inféoder  une  partie  de  leurs  droits  pour  sauvegarder  les 
autres.  La  souveraineté  territoriale  des  immunités  ecclé- 
siastiques pouvait  sembler  mieux  assise,  car  elle  était 
mieux  défendue  que  tout  autre  par  les  armes  spirituelles 
dont  disposaient  les  évèques  et  les  abbés  ;  mais  ils  rencon- 


traient souvent  un  redoutable  adversaire  dans  leur  propre 
avoué  qui  s'attribuait  ou  se  faisait  concéder,  à  titre  de 
seigneurie  distincte,  une  partie  de  leurs  droits  de  justice 
et  de  police.  Enfin,  bien  des  seigneurs  avaient  des  droits 
de  juridiction  personnelle  qui  s'étendaient,  en  dehors  de 
leur  fief,  sur  les  hommes,  libres  ou  serfs,  des  fiefs  voi- 
sins :  cela  arrivait  notamment  lorsque  ces  hommes,  se  sen- 
tant mal  défendus  ou  opprimés  par  leur  propre  seigneur  et 
ne  pouvant  quitter  leur  résidence,  se  recommandaient  à  un 
seigneur  plus  puissant  ou  plus  juste  pont  ils  devenaient  ainsi, 
à  distance,  les  justiciables  et  les  protégés.  —  Comme  on  le 
voit,  le  caractère  territorial  des  droits  de  souveraineté,  qui, 
au  xine  siècle,  était  devenue  la  règle  commune  des  fiefs-sei- 
gneuries, était,  au  contraire,  exceptionnel  au  xe  siècle.  Il 
ne  s'est  accentué  et  généralisé  que  plus  tard,  au  xie  et  au 
xne  siècle,  de  deux  manières  différentes  :  tantôt  parce  que 
le  seigneur,  dont  le  domaine  était  entrecoupé  d'enclaves 
territoriales  ou  de  justices  personnelles,  les  avait  peu  à  peu 
rachetées,  ressaisies  ou  extirpées  ;  tantôt  parce  que  le  sei- 
gneur, qui  avait  une  souveraineté  personnelle  sur  une 
partie  des  habitants  d'un  fief,  avait  étendu  ses  droits  par 
convention  ou  par  usurpation  jusqu'à  soumettre  à  son  auto- 
rité ce  fief  tout  entier.  Cette  évolution  est  marquée  d'une 
façon  sensible  par  la  transformation  des  titres  que  por- 
taient, à  ces  différentes  époques,  les  principaux  seigneurs 
du  royaume.  Au  xe  siècle,  ils  s'intitulent  d'une  manière 
absolue  ducs  ou  comtes,  sans  joindre  à  cette  qualification 
un  nom  de  terre  ou  de  fief;  au  xie,  ils  y  ajoutent  habi- 
tuellement le  nom  des  habitants  de  la  région  où  leur 
souveraineté  est  prépondérante  (dux  Aquitanorum,  Nor- 
mannorum,  Burgundionum ,  cornes  Andegavorum, 
Trecensium).  C'est  seulement  au  xne  siècle  que  le  nom  du 
pays  se  substitue  définitivement  à  celui  du  peuple  {dux 
Aquitaniœ,  Normanniœ,  Burgundiœ,  cornes  Andega- 
viœ,  Trecarum  ou  Campaniœ). 

Parmi  les  groupes  féodaux  ainsi  constitués  en  seigneu- 
ries, un  petit  nombre  étaient  restés  isolés  et  indépendants: 
c'étaient  ceux  qui  s'étaient  formés  autour  d'un  alleutier, 
c.-à-d.  d'un  de  ces  propriétaires  fonciers  qui  avaient,  par 
leur  énergique  résistance,  échappé  à  la  suzeraineté  d'un 
seigneur  quelconque,  qui  avaient  gardé  leur  alleu  libre  de 
tout  service,  de  toute  redevance,  de  tout  pouvoir  supérieur 
de  justice  ou  de  police,  qui  étaient,  en  un  mot,  restés  seuls 
souverains  chacun  dans  son  domaine.  Mais  la  plupart  des 
seigneuries  étaient,  comme  on  l'a  vu,  liées  à  d'autres  sei- 
gneuries par  des  relations  de  suzeraineté  ou  de  vassalité  ; 
le  même  seigneur  était  souvent,  pour  le  fief  qu'il  détenait, 
le  vassal  d'un  seigneur  plus  puissant  ;.  pour  ceux  qu'il 
avait  concédés,  le  suzerain  de  seigneurs  moins  puissants. 
Toutefois,  il  ne  faut  pas  se  figurer  la  société  féodale  comme 
ayant  été,  dès  le  principe,  organisée  et  encadrée  dans  une 
hiérarchie  régulière  ;  ce  qui  la  caractérise,  au  contraire, 
pendant  le  xe  et  le  xie  siècle,  c'est  la  variété  et  l'incerti- 
tude des  liens  sociaux,  l'absence  de  régularité.  La  préémi- 
nence d'une  seigneurie  sur  l'autre  ne  s'établit  souvent  qu'à 
la  longue,  après  des  vicissitudes  nombreuses,  au  hasard 
des  circonstances.  Les  offices  royaux  les  plus  importants, 
duchés  ou  comtés,  qui,  par  l'effet  de  concessions  forcées  ou 
d'usurpation,  s'étaient  transformées  en  seigneuries  patrimo- 
niales, occupèrent  souvent,  mais  non  point  d'une  manière 
uniforme  et  nécessaire,  les  premiers  rangs  dans  la  hiérarchie 
féodale  ;  on  vit  s'élever  au  rang  de  ducs  et  de  comtes  (V.  ces 
mots)  des  immunistes  ecclésiastiques,  des  officiers  subal- 
ternes (vicomtes  ou  châtelains),  des  chefs  de  bande  arrivés 
à  une  haute  fortune  par  la  violence  ou  l'habileté.  D'ailleurs 
les  titres  honorifiques  n'avaient  pas  alors,  au  point  de  vue 
du  rang,  l'importance  que  leur  attribuèrent  plus  tard  les 
feudistes  du  xme  siècle  :  tel  seigneur  s'intitulait  indiffé- 
remment dans  ses  chartes  duc,  comte  ou  marquis;  tel 
vicomte  avait  des  comtes  pour  vassaux.  Ce  qui  déterminait 
la  prééminence  d'un  seigneur,  ce  n'était  pas  le  titre  de 
son  ancienne  dignité,  c'était  sa  puissance  réelle  et  actuelle, 
l'étendue  de  son  fief,  l'importance  de  ses  revenus,  le 


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FEODALITE 


nombre  de  se  vassaux.  Les  plus  forts  amenaient  à  leur 
hommage  les  plus  faibles,  qui  restaient  dans  leur  vassalité 
tant  que  les  y  retenait  la  force  ou  l'intérêt.  A  ce  point  de 
vue,  on  peut  distinguer,  dès  les  premiers  temps  de  la  féo- 
dalité, deux  classes  de  seigneuries  :  d'une  part,  les  grandes 
seigneuries  laïques  ou  ecclésiastiques,  au  nombre  d'une 
quarantaine,  presque  tous  duchés,  comtés  ou  vicomtes, 
gouvernées  par  de  puissantes  familles,  jouissant  de  tous 
les  droits  régaliens  et  formant  par  leur  étendue  et  leur 
organisation  de  véritables  Etats  féodaux  (il  suffit  de  citer 
les  duchés  de  Normandie,  de  Bourgogne  et  d'Aquitaine,  les 
comtés  de  Flandre,  de  Champagne,  de  Bretagne,  d'Anjou, 
de  Blois  et  Chartres,  de  Toulouse,  de  Provence,  de  Dau- 
phiné,  les  vicomtes  de  Limoges,  de  Carcassonne,  les  arche- 
vêchés ou  évêchés  de  Laon,  Reims,  Beauvais,  Châlons, 
Langres,  Le  Puy,  Mende,  Viviers,  Lyon,  Narbonne)  ; 
d'autre  part,  les  petites  seigneuries,  très  nombreuses, 
pour  la  plupart,  châtellenies,  vicomtes,  vidamies  et  avoue- 
ries,  dont  les  chefs  n'avaient  que  des  terres  peu  étendues 
et  des  pouvoirs  limités.  C'est  autour  des  grandes  seigneu- 
ries et  sous  leur  suzeraineté  immédiate  ou  médiate  que  se 
rangèrent  de  gré  ou  de  force,  pendant  le  cours  du  xe  siècle, 
les  petites  seigneuries,  ainsi  que  les  fiefs  et  les  terres  ro- 
turières qui  ne  participaient  point  à  la  souveraineté.  C'est 
ce  premier  groupement  hiérarchique,  très  instable  d'ailleurs, 
souvent  contesté,  sans  cesse  modifié  par  les  guerres,  les 
successions  ou  les  conventions,  qui  arrêta  le  morcellement 
des  terres  et  la  dispersion  des  forces  sociales,  qui  ébaucha 
l'organisation  politique  du  régime  féodal. 

Dans  ce  nouvel  état  de  choses,  la  royauté  n'avait  natu- 
rellement aucune  place,  puisque  c'était  contre  elle  et  à  ses 
dépens  que  cet  état  se  constituait.  Pendant  tout  le  xe  siècle, 
bien  que  devenue  impuissante  en  fait,  elle  garda  en  droit 
son  caractère  traditionnel  de  monarchie  absolue,  hérédi- 
taire, romaine  et  ecclésiastique,  et  resta  par  conséquent  en 
antagonisme  complet  avec  les  prétentions  féodales.  Tous  les 
rois,  qu'ils  appartinssent  à  la  dynastie  carolingienne  ou  à 
la  famille  de  Robert  le  Fort,  cherchèrent  avec  une  énergie 
variable,  mais  avec  un  égal  insuccès,  à  maintenir  contre 
le  développement  croissant  de  la  féodalité  les  prérogatives 
de  l'autorité  monarchique.  Si,  malgré  son  impuissance  ra- 
dicale, malgré  le  caractère  électif  qu'elle  avait  en  fait  et 
qui  la  mettait  à  la  discrétion  de  ses  adversaires,  elle  sub- 
sista cependant,  ce  fut  tantôt  par  la  force  delà  tradition, 
tantôt  par  des  raisons  toutes  personnelles  :  «  Les  grands 
élisaient  un  Robertien,  parce  qu'ils  voyaient  en  lui  un  chef 
capable  de  les  défendre  contre  les  ennemis  du  dehors  ou 
un  riche  propriétaire  dont  il  y  avait  beaucoup  à  espérer  ; 
ils  élisaient  un  Carolingien  par  un  reste  d'attachement  à  la 
famille  de  Charlemagne  et  aux  souvenirs  glorieux  qu'évo- 
quait ce  grand  nom.  »  Ils  savaient  fort  bien  que  leur  élu, 
devenu  roi,  agirait  comme  avait  agi  son  prédécesseur  et 
revendiquerait  contre  eux  les  droits  imprescriptibles  du 
pouvoir  central  ;  mais  ils  se  sentaient  assez  forts  pour  le 
réduire  alors  à  l'impuissance  ou  pour  faire  tourner  au 
profit  de  leurs  intérêts  de  famille  les  gages  d'obéissance  et 
de  fidélité  qu'ils  consentiraient  à  lui  donner.  L'organisation 
féodale  se  poursuivit  donc  pendant  le  xe  siècle  en  face  de  la 
monarchie,  mais  sans  elle  et  malgré  ses  résistances.  — 
Cet  antagonisme  cessa-t-il  au  xie  siècle  par  suite  de  l'élec- 
tion au  trône  de  Hugues  Capet?  Faut-il  voir  dans  l'avène- 
ment de  la  maison  capétienne  l'inauguration  d'une  monar- 
chie nouvelle  en  harmonie  avec  le  nouvel  état  social,  en  un 
mot  d'une  monarchie  féodale?  Cette  manière  de  voir  a 
été  soutenue  par  quelques  historiens  de  notre  droit  public; 
ils  ont  cherché  à  montrer  qu'il  y  eut  en  987  une  véritable 
révolution,  opérée  par  les  grands  pour  concilier  l'unité  du 
royaume  avec  le  morcellement  de  la  souveraineté,  et  à  la 
suite  de  laquelle  le  pouvoir  royal  transformé,  placé  en 
haut  de  la  hiérarchie  des  fiefs,  serait  devenu  l'élément 
essentiel  et  comme  la  clef  de  voûte  de  tout  l'édifice  féoda  . 
D'après  cette  théorie,  la  souveraineté  politique  des  sei- 
gneurs aurait  été  légalement  reconnue  par  le  nouveau  roi 


et  légitimée  par  son  avènement  ;  celui-ci  n'aurait  été  que 
le  suzerain  général  du  royaume,  «  le  chef-seigneur  »  ;  il  n'y 
aurait  eu  désormais  entre  lui  et  les  grands  du  royaume 
que  les  relations  ordinaires  du  seigneur  avec  ses  vassaux. 
Cette  théorie,  séduisante  par  sa  simplicité,  n'est  pas  con- 
forme à  la  vérité  historique.  Croire  que  les  seigneurs 
contemporains  de  Hugues  Capet  avaient  besoin,  vis-à-vis  de 
leurs  propres  vassaux,  d'un  chef  ou  d'un  suzerain  suprême, 
sans  lequel  la  hiérarchie  n'aurait  pu  être  constituée,  c'est 
transporter  au  xe  siècle  l'édifice  politique  de  forme  régu- 
lière et  symétrique  que  décrivent,  au  xine  siècle,  les  théo- 
riciens de  la  féodalité.  «  Dans  le  groupement  des  fiefs,  qui 
s'accomplit  au  déclin  de  la  maison  carolingienne,  la  hié- 
rarchie pouvait  s'arrêter  aux  dix  ou  douze  grandes  princi- 
pautés entre  lesquelles  se  partageaient  les  terres  françaises 
et  laisser  au  dehors  l'institution  monarchique  comme  un 
élément  étranger  et  même  hostile,  sans  que  le  nouveau 
régime  eût  à  en  souffrir.  Il  semble  même  que  l'absence  de 
roi  pouvait  seule  logiquement  donner  pleine  satisfaction 
aux  intérêts  féodaux  devenus  prépondérants.  »  L'élection  de 
Hugues  Capet  ne  fut  pas  une  révolution  politique  et  sociale, 
assurant  le  triomphe  de  la  féodalité  ;  ce  fut  un  changement 
dynastique,  inspiré  et  réalisé  surtout  par  l'Eglise,  pour 
restaurer,  par  les  mains  d'une  puissante  famille  féodale, 
la  monarchie  romaine  et  ecclésiastique  des  Carolingiens. 
Elle  réussit,  malgré  les  résistances  d'un  bon  nombre  de 
seigneurs,  parce  que  la  tradition  romaine  d'unité  et  de 
centralisation,  incarnée  dans  les  institutions  impériales, 
reprise  et  continuée  par  la  royauté  franque ,  était  restée 
vivace  à  la  fin  du  xe  siècle,  non  seulement  parmi  les  membres 
de  l'Eglise,  mais  dans  les  classes  inférieures  et  même  dans 
une  partie  de  l'aristocratie  laïque. 

Ainsi,  par  sa  nature  et  par  ses  traits  essentiels,  la  royauté 
capétienne  ne  faisait  que  continuer,  en  pleine  société  féo- 
dale, la  royauté  carolingienne.  C'était,  comme  elle,  une 
monarchie  de  droit  divin,  revêtue  par  le  sacre  d'un  carac- 
tère sacerdotal,  absolue  en  principe,  concentrant  et  confon- 
dant dans  une  seule  main  tous  les  pouvoirs  et  toutes  les 
prérogatives.  Aussi  bien  que  les  rois  du  xe  siècle,  Hugues 
Capet  et  ses  successeurs  parlaient  et  agissaient  en  chefs 
du  royaume,  chargés  de  défendre  le  territoire  national 
contre  toute  prétention  ou  toute  attaque  de  l'étranger,  d'y 
faire  régner  l'ordre,  la  paix  et  la  justice,  de  protéger  par- 
ticulièrement l'Eglise  et  ses  membres.  Ils  continuaient  à 
réclamer  le  serment  de  fidélité,  l'ancien  leudesamium, 
des  gens  d'Eglise,  des  bourgeois  et  des  vilains,  toutes  les 
fois  que  la  hiérarchie  féodale  ne  s'interposait  pas  entre  eux 
et  lui.  Enfin  ils  invoquaient,  comme  le  faisaient  les  Caro- 
lingiens, le  principe  monarchique  de  l'hérédité  de  la  cou- 
ronne, qui,  depuis  un  siècle,  avait  été  si  souvent  méconnue, 
et  ils  réussirent,  malgré  les  tentatives  contraires  de  l'aris- 
tocratie, à  le  faire  prévaloir  en  fait,  grâce  à  la  précaution 
qu'ils  eurent  d'associer  au  trône,  de  leur  vivant,  leur 
héritier  présomptif.  —  Mais  si  les  caractères  fondamen- 
taux de  l'institution  royale  restèrent  les  mêmes,  on  ne 
peut  nier  que  les  conditions  extérieures  dans  lesquelles 
s'exerçait  désormais  le  pouvoir  ne  fussent  notablement  mo- 
difiées par  l'avènement  au  trône  de  l'une  des  plus  puis- 
santes familles  de  l'aristocratie  foncière.  Placé  par  sa  haute 
mission  en  dehors  et  au-dessus  de  la  féodalité,  le  roi  était 
en  même  temps,  par  sa  qualité  de  seigneur,  par  ses  rela- 
tions officielles  ou  privées  avec  l'aristocratie,  profondément 
engagé  dans  le  régime  féodal.  Non  seulement,  dans  ses 
domaines  patrimoniaux,  il  était  seigneur  direct  de  ses 
tenanciers  libres  ou  serfs  et  suzerain  immédiat  d'un  cer- 
tain nombre  de  petits  vassaux  qui  lui  rendaient  hommage 
pour  leur  comté  ou  leur  châtellenie  ;  non  seulement  les 
grands  offices  de  la  couronne  et  les  charges  des  prévôts 
qui  administraient  ses  domaines  avaient  subi  l'influence  du 
mouvement  général  qui  imposait  la  forme  de  fief  à  toute 
fonction  comme  à  toute  propriété  ;  mais,  en  dehors  de  son 
domaine,  à  l'égard  des  comtes,  des  ducs  et  des  autres  pos- 
sesseurs de  grands  fiefs,  il  exerçait  ou  prétendait  exercer 


FEODALITE 

une  suzeraineté  générale.  Il  est  vrai  que  cette  suzeraineté  fut 
longtemps  plus  théorique  que  réelle  :  car  la  plupart  des 
chefs  de  ces  Etats  féodaux  «  n'étaient  pas  liés  envers  lui  par 
un  hommage  précis  et  rigoureux,  mais  par  un  devoir  assez 
vague  de  fidélité,  qui  les  mettait  dans  la  situation  d'alliés  ou 
de  confédérés  plutôt  que  de  vassaux  proprement  dits  ».  C'est 
'  en  ce  sens  et  seulement  dans  cette  mesure  que  la  monar- 
chie capétienne  se  trouvait  associée  au  régime  seigneurial 
et  en  subissait  l'influence.  A  aucun  moment  elle  ne  fut 
purement  féodale  ;  mais,  dès  le  début,  elle  réunit  le  double 
caractère  de  monarchie  traditionnelle  de  droit  divin  et 
de  suzeraineté  générale  d'ordre  féodal.  Le  premier 
aspect  de  l'institution  se  montrait  surtout  dans  les  formules 
des  actes  royaux,  dans  les  rapports  de  la  royauté  avec 
l'Eglise  et  avec  les  classes  populaires  ;  le  second  se  mani- 
festait dans  les  relations  du  roi  avec  la  noblesse  féodale, 
mais  d'une  façon  intermittente,  car,  suivant  son  intérêt  ou 
son  pouvoir,  le  prince  agissait  avec  les  seigneurs  tantôt  en 
suzerain,  tantôt  en  roi.  Au  xie  et  au  xne  siècle,  c'est 
la  prérogative  royale  qu'invoquèrent  surtout  les  Capé- 
tiens, parlant  et  agissant  en  successeurs  des  Carolingiens, 
au  nom  du  droit  monarchique  où  ils  puisaient  leurs  droits 
les  mieux  justifiés  et  les  moins  contestables.  Ce  fut  seule- 
ment au  xine  siècle  que  leur  caractère  féodal  s'accentua, 
que  leur  rôle  de  suzerain  général  fut  reconnu,  de  gré  ou 
de  force,  par  tous  les  grands  feudataires  ;  ce  fut  alors 
seulement  que  la  royauté  fit  vraiment  partie  intégrante  de 
l'édifice  féodal  dont  elle  devint  la  clef  de  voûte.  Elle  en  tira 
le  plus  grand  avantage,  car  cette  suzeraineté  fut  justement, 
comme  on  le  verra,  «  le  point  de  départ  de  ses  plus  impor- 
tantes conquêtes  sur  la  féodalité  dans  Tordre  territorial 
comme  dans  l'ordre  politique  ». 

Telle  fut  dans  ses  traits  essentiels,  suivant  les  con- 
jectures les  plus  autorisées  de  l'érudition  moderne,  d'après 
les  recherches  de  Roth ,  Waitz ,  Fustel  de  Coulanges  , 
Flach,  Luchaire,  À.  Molinier,  Ed.  Beaudouin,  H.  Brun- 
ner,  Lamprecht  et  d'autres,  la  formation  du  régime 
féodal  en  France  pendant  le  xe  siècle.  S'il  y  eut  un  ré- 
gime qui  ne  fut  ni  préparé  systématiquement  ni  créé 
d'une  seule  pièce,  c'est  bien  celui-là.  11  sortit  naturel- 
lement de  la  longue  série  d'efforts  plus  ou  moins  cons- 
cients par  lesquels  plusieurs  générations,  ne  trouvant  plus 
dans  l'état  social  et  dans  l'organisation  administrative  de 
la  monarchie  franque,  ni  sécurité  matérielle  ni  appui  moral, 
avaient  cherché  l'un  et  l'autre  dans  le  patronage  des  grands 
propriétaires.  «  On  ne  saurait  donc  nier  que  l'organi- 
sation féodale  ne  répondît  tout  d'abord ,  dans  toutes  les 
classes  de  la  société,  à  un  besoin  réel  de  sécurité  et  de 
protection.  Dans  le  nouveau  groupement  des  personnes  et 
des  terres,  sous  les  formes  et  les  conditions  les  plus 
diverses,  on  retrouve  toujours  l'association  instinctive  et 
doublement  intéressée  du  faible  et  du  fort,  du  pauvre  et  du 
riche.  »  A  cette  époque  de  désordre  universel,  le  seigneur 
était  presque  toujours  un  bienfaiteur  et  un  sauveur  ; 
chaque  forteresse  seigneuriale  était  la  sauvegarde  d'un  can- 
ton. Mais  pour  exercer  longtemps  un  rôle  salutaire,  la 
protection  a  besoin  de  contrepoids,  sans  quoi  elle  devient 
despotisme  et  tyrannie.  Sous  l'empire  de  la  nécessité,  les 
seigneurs  avaient  remplacé  le  roi  comme  protecteur  de  la 
masse  du  peuple  ;  mais,  entre  eux  et  leurs  protégés,  la 
situation  n'était  pas  égale.  Le  protecteur  était  facilement 
tenté,  par  le  sentiment  même  de  sa  force  et  de  son  indé- 
pendance, de  se  transformer  en  maître,  de  s'emparer  des 
biens,  de  confisquer  la  liberté  des  personnes  ;  les  faibles 
avaient  à  peine  rencontré  un  défenseur  qu'ils  trouvaient  en 
lui  un  oppresseur.  Si  le  besoin  de  protection  individuelle 
explique  en  grande  partie  la  formation  du  régime  féodal,  il 
faut  reconnaître  aussi  que  l'histoire  de  la  société  féodale 
est  surtout  faite  des  injustices,  des  vexations  et  des  vio- 
lences qu'engendra  l'abus  du  droit  de  protection.  Les  vas- 
saux nobles,  détenteurs  de  fiefs,  étaient,  en  général,  assez 
bien  défendus  contre  l'oppression  de  leur  suzerain  par  la 
solennité  du  contrat  de  fief,  qui  déterminait  rigoureuse- 


208  — 

ment  les  droits  et  les  devoirs  réciproques  des  deux  parties 
par  l'intervention  des  «  pairs  de  fief  »  qui  composaient  la 
cour  seigneuriale,  au  besoin  même  par  la  force  armée  dont 
ils  disposaient  individuellement.  Mais  les  tenanciers  libres, 
les  artisans  des  villes,  les  paysans,  colons  ou  serfs,  sou- 
vent aussi  les  églises  et  les  monastères,  étaient  plus  ou 
moins,  en  dépit  des  conventions  et  des  serments,  à  la 
merci  du  seigneur  dont  ils  dépendaient.  Tantôt,  gardant 
les  apparences  du  droit,  celui-ci  se  bornait  à  exploiter  ses 
hommes,  comme  il  exploitait  ses  terres,  en  leur  faisant 
rendre  tout  ce  qu'il  pouvait  en  tirer  sans  les  épuiser  ;  à 
raison  de  la  protection  qu'il  exerçait,  il  se  faisait  payer 
par  ses  justiciables  des  droits  de  toute  nature  (justitiœ, 
expleta),  qui  formaient  le  principal  revenu  de  la  seigneurie 
et  qui  devenaient  d'autant  plus  lourds  et  plus  vexatoires  qu'il 
les  aliénait  ou  les  inféodait  à  des  tiers  ;  ou  bien,  détour- 
nant de  leur  destination  normale  les  impôts,  les  taxes,  les 
réquisitions  en  nature,  les  corvées,  les  charges  militaires, 
en  un  mot,  tous  les  services  établis  autrefois  dans  l'inté- 
rêt de  l'Etat  et  dont  il  s'était  emparé  en  promettant  de 
les  appliquer  à  l'intérêt  commun  de  la  région  dont  il  était 
le  seigneur,  ^  il  en  faisait  des  droits  personnels,  exclusive- 
ment destinés  à  pourvoir  à  ses  propres  dépenses  ou  à  satis- 
faire ses  ambitions  privées.  Tantôt  l'abus  prenait  les  formes 
de  l'usurpation  ou  de  la  violence  :  il  suffit  de  citer  les 
audacieuses  entreprises  des  avoués,  s'emparant  des  biens 
et  des  droits  des  églises  dont  ils  étaient  les  défenseurs 
attitrés  ;  les  exactions  des  châtelains  à  qui  un  duc  ou  un 
comte  avaient  confié  la  garde  d'une  forteresse  et  qui  abu- 
saient de  leur  autorité  pour  intercepter  les  routes,  piller 
les  campagnes,  grever  les  habitants  de  la  région  de  taxes 
exorbitantes  ;  les  vexations  et  les  tyrannies  exercées  par  la 
plupart  des  seigneurs  sur  les  hommes  libres  de  leurs  do- 
maines pour  les  réduire  à  une  sujétion  voisine  du  servage. 
Contre  ces  actes  d'exploitation  et  d'oppression,  la  foi  jurée, 
l'honneur  chevaleresque,  les  anathèmes  religieux,  les  ré- 
sistances individuelles  n'étaient  que  de  faibles  défenses.  La 
meilleure  sauvegarde  était  encore  l'asile  que  les  églises  et  * 
les    monastères  ^  donnaient  aux  faibles  et  devant  lequel 
s'arrêtait  ordinairement  la  violence  des  seigneurs  laïques  ; 
mais,  pour  jouir  pleinement  de  la  protection  de  l'Eglise, 
il  fallait  lui  abandonner  ses  biens  en  forme  de  précaire  ou 
renoncer  à  la  liberté  en  faisant  «  oblation  »  de  sa  per- 
sonne. Oppression  d'un  côté,  asservissement  de  l'autre, 
telle  était  donc  l'alternative  qui  s'offrait  aux  gens  des  classes 
inférieures,  déçus  dans  les  espérances  qu'avait  éveillées, 
au  déclin  de  la  monarchie  carolingienne,  l'établissemeut  du 
régime  seigneurial.  Le  xe  siècle  fut  une  époque  de  désordre 
effrayant  :  où  la  petite  propriété  acheva  de  disparaître,  où 
le  servage  s'accrut  démesurément,  où  partout  triompha  la 
force  mise  au  service  des  intérêts  privés.  —  Aussi  vers  la 
fin  de  ce  siècle,  la  grande  masse  de  la  nation,  n'ayant  pas 
trouvé  dans  la  protection  seigneuriale  la  sécurité  dont  elle 
avait  besoin,  se  mit-elle  à  la  chercher  ailleurs,  soit  dans 
l'association  communale,  soit  dans  la  protection  des  rois 
capétiens.  D'une  part,  on  voit  les  faibles  et  les  petits 
s'associer  entre  eux,  dans  les  villes  et  les  villages,  d'abord 
par  quartiers,  paroisses,  métiers  ou  confréries,  puis  par 
communautés  urbaines  ou  rurales,  et,  devenus  ainsi  une 
force  sociale,  obliger  peu  à  peu  leur  seigneur  à  compter 
avec  eux,  à  limiter  ses  propres  droits  par  une  charte  de 
franchise,  à  leur  concéder  même  par  une  charte  de  com- 
mune des  droits  de  souveraineté  pareils  aux  siens.  D'autre 
part,  on  voit  l'Eglise,  qui  avait  provoqué  la  révolution 
dynastique  de  987  et  qui  soutenait  de  tout  son  pouvoir  la 
royauté  capétienne,  lui  demander  en  retour  de  la  défendre 
contre  l'oppression  seigneuriale  ;  c'est  aussi  à  la  royauté 
que  font  souvent  appel  les  communautés  bourgeoises  dans 
leur  lutte  avec  le  seigneur  dont  elles  dépendent.  Répon- 
dant à  ce  double  appel,  les  rois  capétiens  devaient  peu  à 
peu  ressaisir  dans  le  royaume  le  rôle  de  protecteurs  souve- 
rains et  de  grands  justiciers,  que  leurs  prédécesseurs 
avaient  perdu  en  fait,  mais  dont  la  tradition  s'était  con- 


—  209  — 


FEODALITE 


servée  dans  le  droit  monarchique.  C'est  ainsi  qu'à  peine 
constitué,  le  régime  féodal  engendrait  ou  développait,  par 
les  abus  inhérents  à  sa  nature,  les  deux  institutions  qui 
devaient,  plus  tard,  le  détruire  :  les  communes  et  laroyauté. 
II.  Description  de  l'organisme  féodal  et  de  ses 
principales  fonctions  (xi-xme  siècle).  —  Il  peut  sembler 
téméraire  de  tracer  un  tableau  d'ensemble  du  régime  féodal 
français  ;  car,  dans  l'histoire  de  notre  pays  comme  dans 
celle  des  autres  contrées  de  l'Europe,  il  n'y  a  point  d'époque 
où  l'état  social  et  les  institutions  politiques  aient  présenté 
plus  de  diversités  locales,  plus  de  nuances  particulières. 
Même  après  la  constitution  définitive  de  ce  régime,  auxir3 
et  au  xme  siècle,  l'individualisme  domine  partout;  les  rap- 
ports privés  d'homme  à  seigneur,  de  vassal  à  suzerain,  se 
sont  partout  substituées  aux  relations  publiques  des  parti- 
culiers avec  l'Etat.  Point  de  lois  fixes,  générales,  obliga- 
toires pour  tous  :  «  le  contrat  d'homme  à  homme  avec  la 
force  comme  principale  sanction,  la  coutume  locale  non 
écrite  et  mobile  au  gré  de  l'arbitraire,  ce  sont  là  les 
déterminantes  essentielles  qui  règlent  la  marche  de  la  so- 
ciété ».  Aussi  la  méthode  la  plus  sûre,  pour  connaître  exac- 
tement les  institutions  féodales,  consiste-t-elle  à  les  étudier 
géographiquement,  sous  forme  de  monographies  locales  ;  à 
reprendre  un  à  un,  région  par  région,  domaine  par  do- 
maine, les  innombrables  contrats  privés  qui  ont  survécu, 
à  les  rapprocher  des  coutumes,  des  chroniques,  des  pro- 
ductions artistiques  ou  industrielles,  pour  reconstituer  par 
une  série  d'études  fragmentaires  l'infinie  diversité  de  cette 
civilisation.  Toutefois,  on  s'aperçoit  bien  vite  que,  sous  la 
variété  des  détails,  il  y  a  un  certain  nombre  de  traits  gé- 
néraux qui  reparaissent  avec  une  persistance  significative, 
non  seulement  dans  une  même  région,  mais  à  la  fois  dans 
toutes  les  parties  du  royaume.  Les  usages  locaux  étaient 
en  grande  partie  empruntés  aux  législations  précédentes 
(lois  germaniques,  droit  romain,  capitulaires  royaux),  qui 
étaient  d'une  application  générale  et  avaient  laissé  en  bien 
des  lieux  des  traces  identiques.  Les  pratiques  ou  les  ins- 
titutions nouvelles  qui  ne  provenaient  pas  de  cette  source 
s'étaient  formées  presque  partout  sous  l'influence  des 
mêmes  'besoins,  sous  l'empire  des  mêmes  nécessités  ;  et 
soit  qu'il  y  eût  coïncidence  naturelle,  soit  qu'il  y  eût  imi- 
tation, les  ressemblances  étaient  fréquentes.  Enfin,  princi- 
palement au  xme  siècle,  la  rédaction  par  écrit  d'un  grand 
nombre  de  coutumes  privées  et  de  chartes  communales, 
les  compilations  et  les  traités  élaborés  par  les  juristes  pour 
les  besoins  de  la  pratique,  la  jurisprudence  suivie  par  la 
cour  du  roi  et  par  les  principales  cours  féodales,  quelques 
règlements  et  ordonnances  rendus  par  les  premiers  Capé- 
tiens ou  par  les  grands  feudataires,  avaient  contribué  à 
introduire  dans  les  matières  les  plus  importantes  un  cer- 
tain nombre  de  règles  générales  qui  s'étendaient  à  tout  le 
royaume.  Il  y  a  donc,  à  côté  d'usages  particuliers  à  cer- 
taines localités,  des  institutions  communes  à  toute  la  France 
féodale,  qui  ont  fonctionné  plus  ou  moins  régulièrement 
pendant  tout  le  moyen  âge,  et  que  l'on  peut  légitimement 
présenter  sous  une  forme  synthétique.  Il  faut  seulement 
se  rappeler  que  cette  synthèse  ne  contient  que  les  principes 
essentiels  et  les  usages  les  plus  généraux,  et  que,  dans 
leur  application  à  une  localité  déterminée,  ils  recevaient 
souvent  des  modifications  notables,  que  peut  seule  révéler 
la  connaissance  des  histoires  particulières  ou  l'analyse  des 
documents  privés.  —  Dans  l'exposé  qui  va  suivre,  il  ne 
saurait  être  question  de  suivre  dans  toutes  les  phases 
de  leur  évolution,  du  xe  au  xme  siècle,  les  diverses  insti- 
tutions dont  se  compose  le  régime  féodal.  Pour  trouver 
un  historique  complet  de  chacune  d'elles,  on  devra  se  repor- 
ter aux  articles  spéciaux  qui  leur  sont  consacrés.  Elles  ne 
seront  décrites  ici  que  sous  leur  forme  la  plus  caractéris- 
tique, au  terme  de  leur  développement;  mais  on  aura 
soin  de  montrer,  d'une  part,  comment  un  lien  logique 
les  rattache  les  unes  aux  autres  et  fait  de  leur  assemblage 
un  organisme  complet,  d'autre  part,  combien  sous  ces  ins- 
titutions en  apparence  régulières,  il  y  avait,  en  réalité,  de 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —    XVII. 


désordre  et  d'anarchie.  On  étudiera  d'abord  Vètat  social, 
c.-à-d.  la  condition  des  terres  et  celle  des  personnes,  puis 
le  régime  politique,  c.-à-d.  d'une  part  le  gouvernement 
des  seigneurs  dans  leurs  rapports  avec  les  hommes  de  leur 
domaine  et  avec  leurs  vassaux,  d'autre  part  les  relations 
des  seigneuries  entre  elles  et  avec  le  roi. 

Etat  social.  —  A  l'époque  féodale,  le  caractère  aris- 
tocratique de  la  société  était  beaucoup  plus  accentué  qu'à 
l'époque  franque.  La  distance  s'était  considérablement 
accrue  entre  la  classe  noble,  qui  n'était  pas  seulement  pri- 
vilégiée mais  souveraine  et  les  classes  inférieures  qui  dé- 
pendaient de  la  première;  toutefois  elle  était  moins  grande 
dans  le  midi  de  la  France  (Languedoc)  que  dans  le  centre 
et  dans  le  nord.  Les  inégalités  sociales  qui  séparaient  les 
classes  étaient  liées  à  l'état  économique  du  pays  :  la  qualité, 
les  droits  et  les  obligations  des  personnes  dépendaient  en 
grande  partie  du  titre  auquel  elles  détenaient  les  terres. 
Il  importe  donc  de  faire  connaître  la  condition  des  terres 
avant  d'exposer  celle  des  personnes. 

a.  Conditions  des  biens.  La  forme  commune  de  la  pro- 
priété foncière  à  l'époque  féodale  était  la  tenure  par  con- 
cession. La  plupart  de  ceux  qui  possédaient  la  terre 
n'avaient  point  sur  le  sol  un  droit  de  propriété  complet 
et  absolu,  suivant  le  type  romain;  ils  n'en  jouissaient  que 
sous  la  réserve  de  certains  droits  et  à  charge  de  certains 
services,  qui  les  mettaient  dans  la  dépendance  d'une  autre 
personne  ou  d'une  autre  terre;  ils  n'avaient  donc  sur  leurs 
domaines  qu'un  pouvoir  limité  et  conditionnel.  C'est  qu'ils 
tenaient  ou  étaient  censés  tenir  leurs  droits  d'une  conces- 
sion, et  que  les  anciens  propriétaires  qui  étaient  ou  passaient 
pour  être  les  auteurs  de  cette  concession,  ne  s'étaient  pas 
complètement  dessaisis;  ils  avaient  retenu  par  devers  eux, 
comme  garantie  des  services  personnels  ou  pécuniaires  qu'ils 
stipulaient,  une  partie  des  droits  dont  se  compose  la  pleine 
propriété,  et  n'avaient  abandonné  que  la  possession  et  la 
jouissance  ;  ils  pouvaient,  en  vertu  des  droits  ainsi  réservés, 
interdire  au  possesseur  de  disposer  de  la  terre  à  son  gré,  ils 
pouvaient  même  la  lui  reprendre,  si  les  services  dus  n'étaient 
pas  régulièrement  acquittés.  Souvent,  comme  on  l'a  vu,  la 
concession  avait  été  réelle  ;  souvent  aussi  elle  avait  été 
fictive.  Pressé  par  la  force  ou  le  besoin  de  protection,  le 
tenancier  avait  dû  reconnaître  qu'il  tenait  d'un  autre  la 
terre  dont  il  avait  été  jusque-là  le  libre  propriétaire.  Mais 
dans  tous  les  cas,  à  l'origine  de  chaque  tenure,  il  y  avait 
eu  une  convention  ou  un  acte  unilatéral  déterminant  les 
conditions  auxquelles  la  terre  serait  désormais  possédée  ; 
puis  soit  que  la  concession  eût  été  plusieurs  fois  renouvelée 
dans  les  mêmes  termes,  soit  que,  d'abord  temporaire  et 
personnelle,  elle  fût  devenue  perpétuelle  et  héréditaire,  les 
conditions  de  la  tenure  avaient  fait  corps  avec  la  terre  elle- 
même;  elles  en  étaient  devenues  l'attribut  réel,  le  titre  per- 
manent qui  se  transmettait  avec  elle  et  qui  lui  servait  en 
quelque  sorte  de  marque  extérieure.  C'est  ainsi  que,  suivant 
l'étendue  des  droits  concédés  et  la  nature  des  services  im- 
posés, la  terre  était  réputée  noble,  roturière  ou  servi  le, 
qu'elle  était  qualifiée  de  fief,  de  censive,  de  champart, 
d'hôtise,  etc. 

De  tous  ces  modes  de  tenures,  le  plus  important  et  le 
plus  caractéristique  était  le  fief  (feodum,  feudum,  fevum) . 
Ce  mot  était  même,  au  xie  et  au  xne  siècle,  avec  son  syno- 
nyme beneficium,  le  terme  général  par  lequel  on  dési- 
gnait toute  concession  à  charge  de  service,  sans  distin- 
guer si  elle  avait  pour  objet  une  terre  ou  un  autre  bien, 
si  le  service  stipulé  était  noble  ou  vulgaire  (V.  Fief).  Mais 
à  partir  du  xme  siècle,  les  tenures  roturières  ayant  reçu 
un  nom  spécial  (vilenages,  rotures)  on  réserva,  du  moins 
dans  la  France  du  Nord,  le  mot  fief "(fief  noble,  franc-fief) 
pour  désigner  les  tenures  foncières,  dans  lesquelles  le  con- 
cessionnaire devait  au  concédant  des  services  réputés  nobles 
ou  honorables,  tels  que  le  service  militaire.  La  convention 
réelle  ou  supposée  qui  lui  donnait  naissance  était  le  contrat 
de  fief  ou  l'inféodation  (hominium,homagiu?n),  qui  déri- 
vait à  la  fois,  comme  on  l'a  vu,  de  la  recommandation  et 

14 


FÉODALITÉ 


210  — 


du  bénéfice,  et  par  lequel  un  homme,  après  avoir  promis  à 
un  autre  la  foi  et  l'hommage,  recevait  de  lui  en  retour 
l'investiture  d'une  terre.  Dès  lors,  le  premier  devenait  le 
vassal  ou  le  feudataire  du  second  (vassallus,  homo)  ;  le 
second  devenait  le  seigneur  du  premier  (senior,  dominus). 
Le  vassal  était  tenu  envers  le  seigneur,  à  raison  de  son  hom- 
mage, de  l'obligation  générale  de  fidélité  et  spécialement  du 
service  militaire  (ost  et  chevauchée),  du  service  de  conseil, 
du  service  de  justice  ou  de  cour  ;  il  devait  le  recevoir  et  le 
défrayer  en  toutes  circonstances  et  lui  payer  dans  certains 
cas  exceptionnels  les  aides  féodales.  Réciproquement,  le 
seigneur  était  tenu  envers  son  vassal  de  lui  faire  justice  et 
de  lui  garantir  la  possession  de  la  terre  dont  il  l'avait 
investi.  La  sanction  de  ces  obligations  réciproques  était, 
pour  le  vassal  qui  ne  les  remplissait  pas,  la  saisie  temporaire 
ou  la  confiscation  définitive  du  fief,  pour  le  seigneur  qui  les 
violait,  la  rupture  du  lien  féodal  (V.  ci-dessous).  A  la  condi- 
tion d'acquitter  les  services  précités,  le  vassal  acquérait,  sur 
la  terre  qui  lui  était  ainsi  concédée  en  fief,  tous  les  avan- 
tages de  la  possession  et  de  la  pleine  jouissance  ;  mais  il  était 
loin  d'avoir  un  droit  complet  de  propriété.  Le  iief,  dans  sa 
forme  première,  lorsqu'il  se  confondait  encore  avec  le  bé- 
néfice carolingien,  était  viager  et  inaliénable  ;  cela  résultait 
logiquement  du  caractère  personnel  de  la  concession,  qui 
dans  l'intention  du  seigneur  était  destinée  au  vassal  seul 
et  ne  pouvait  passer  ni  profiter  à  un  tiers.  Sans  doute,  ces 
deux  principes  se  modifièrent  peu  à  peu  sous  l'influence  de 
la  coutume  :  dès  la  fin  du  xie  siècle,  la  plupart  des  fiefs 
étaient  devenus  héréditaires,  et  le  caractère  viager  ne  sub- 
sistait dans  toute  sa  rigueur  que  pour  les  fiefs  concédés 
par  les  hauts  barons  ou  par  les  rois  de  France  à  leurs  sol- 
dats (bénéficia  militaria);  au  xme  siècle,  tous  étaient  de- 
venus aliénables  (V.  Fief).  Mais  le  droit  qu'avait  primitive- 
ment le  seigneur  d'interdire  au  vassal  toute  aliénation  et  de 
reprendre  le  fief  à  sa  mort,  laissa  des  traces  qui  durèrent 
aussi  longtemps  que  le  régime  féodal  lui-même.  L'aliéna- 
tion à  titre  onéreux  n'était  possible  qu'avec  l'approbation 
du  seigneur,  qui  percevait  comme  compensation  une  partie 
du  prix  (quint,  lods  et  ventes),  qui  pouvait  même  empê- 
cher la  vente,  en  reprenant  le  fief  pour  son  propre  compte 
sous  la  condition  de  restituer  le  prix  convenu  (retenue  ou 
retrait  féodal).  L'aliénation  à  titre  gratuit  ou  la  transmis- 
sion héréditaire  n'était  également  possible  qu'avec  l'assen- 
timent du  seigneur,  auquel  le  donataire,  le  légataire  ou 
les  héritiers  naturels  devaient  demander  l'investiture,  et 
qui  percevait  à  cette  occasion  une  partie  du  revenu  du  fief, 
sous  le  nom  de  relief  ou  rachat.  De  même  et  pour  les 
mêmes  raisons,  le  vassal  ne  pouvait,  sans  l'autorisation  de 
son  seigneur,  diminuer  ou  abréger  son  fief  par  des  sous- 
inféodations,  des  concessions  de  tenures  roturières,  des 
affranchissements  de  serfs,  etc.  On  voit  par  ce  qui  précède 
que,  sur  la  terre  concédée  en  fief,  coexistaient  deux  droits 
distincts  :  d'une  part  celui  du  vassal  qui  avait  la  plupart 
des  avantages  de  la  propriété  ;  d'autre  part  celui  du  sei- 
gneur, qui  non  seulement  retirait  du  fief  des  services  régu- 
liers ou  des  profits  éventuels,  mais  cjui  pouvait,  le  cas 
échéant,  rentrer  dans  la  pleine  propriété  de  sa  terre  par 
l'exercice  de  la  commise  ou  du  retrait.  Les  légistes  du 
xiie  siècle,  empruntant  la  terminologie  du  droit  romain, 
appelèrent  le  premier  domaine  utile,  le  second,  domaine 
direct  ou  éminenl.  Le  seigneur  a  qui  appartenait  le  do- 
maine éminent  d'un  fief  était  lui-même  le  plus  souvent  3e 
vassal  d'un  autre  seigneur  et,  à  ce  titre,  possédait  le  do- 
maine utile  d'un  autre  fief,  auquel  se  rattachait,  comme  qua- 
lité et  appendice,  le  domaine  éminent  du  premier.  On  disait 
alors  que  le  premier  fief  était  dans  la  mouvance  du  second, 
dont  il  constituait  l' arrière-fief.  La  majorité  des  fiefs  ne 
conféraient  pas  au  vassal  d'autres  avantages  que  les  droits 
réels  de  possession  et  de  jouissance  indiqués  plus  haut. 
Mais  il  y  en  avait  aussi  un  assez  grand  nombre  auxquels 
étaient  attachés  des  droits  de  souveraineté  :  c'étaient  ceux 
que  l'on  qualifiait  de  seigneuries.  On  a  vu  précédemment 
par  suite  de  quelles  circonstances  la  seigneurie  s'était  incor- 


porée à  la  terre  ;  il  suffira  de  rappeler  ici  que  le  vassal  à 
qui  était  concédée  en  fief  une  de  ces  seigneuries,  acquérait, 
non  seulement  sur  la  terre  les  droits  fonciers,  mais  sur 
les  habitants  les  pouvoirs  administratifs  et  judiciaires  qui 
appartenaient  au  suzerain  avant  la  concession.  Toutefois 
il  pouvait  arriver  que  le  suzerain  retînt  par  devers  lui  la 
totalité  ou  une  partie  de  ces  droits  souverains  ;  c'est  ce  qui 
arrivait  souvent  pour  les  droits  de  justice  ou  pour  les 
droits  fiscaux  que  le  suzerain  tantôt  se  réservait  personnel- 
lement, tantôt  inféodait  séparément  à  un  tiers. 

A  partir  du  xne  siècle,  on  opposait  généralement  à  la 
tenure  noble,  qui  était  le  fief, te.  tenure  roturière  qui  s'ap- 
pelait vilenage  ou  roture.  Toutefois  cette  opposition  n'était 
pas  également  tranchée  dans  toutes  les  provinces  :  en  Nor- 
mandie, en  Bretagne  et  surtout  dans  le  Languedoc,  beau- 
coup de  terres  roturières  étaient  encore  au  xme  siècle 
désignées  par  l'expression  de  fief  vilain  ou  simplement  fief. 
Les  vilenages  présentaient  des  combinaisons  nombreuses  et 
variées  ;  les  principales  étaient  la  censive,  le  champart, 
la  rente  féodale,  Yhôtise  (Y.  ces  mots).  Chacune  de  ces 
tenures  dérivait  d'un  contrat  réel  ou  fictif  (mainferme, 
bail  à  comptant  ou  à  miplant,  bail  à  cens,  bail  à  rente) 
dont  l'objet  n'était  plus,  comme  dans  le  contrat  de  fief,  l'as- 
sociation de  deux  personnes  en  vue  du  service  militaire, 
mais  l'exploitation  d'un  domaine  rural  ou  d'un  terrain  bâti. 
Toutefois,  dans  quelques  régions,  la  différence  avec  le  fief 
était  moins  tranchée  :  dans  le  Languedoc ,  on  trouvait 
fréquemment  des  terres  roturières  grevées  du  service  mi- 
litaire. Aussi,  les  tenanciers  ne  prêtaient-ils  ni  te  foi  ni 
l'hommage,  et  les  services  dus  par  eux  consistaient-ils  exclu- 
sivement (sauf  quelques  exceptions  locales,  par  exemple  dans 
le  Languedoc)  en  redevances  pécuniaires  ou  en  produits  du 
sol;  le  lien  personnel  était  peu  apparent  :  c'était  la  terre  qui 
devait  plutôt  que  l'homme.  —  Dans  le  vilenage  comme  dans 
le  fief,  la  propriété  foncière  était  divisée  en  deux  fractions  : 
le  domaine  direct  et  le  domaine  utile.  Le  seigneur  censier  à 
qui  appartenait  le  domaine  éminent  avait,  comme  voie  d'exé- 
cution contre  le  tenancier,  une  sorte  de  saisie  privée  ana- 
logue à  la  saisie  féodale.  Viagères  et  inaliénables,  à  l'ori- 
gine, les  tenures  roturières  devinrent  patrimoniales  comme 
les  fiefs,  sous  la  réserve  des  droits  qui  étaient  payés  au  sei- 
gneur en  cas  d'aliénation  ou  de  transmission  héréditaire  et 
qui  se  réduisirent  finalement  aux  lods  et  ventes. 

Enfin,  il  y  avait  des  tenures  serviles  (mansi  serviles), 
qui  présentaient  une  assez  grande  analogie  avecjes  tenures 
roturières,  car  les  services  dus  par  les  tenanciers  étaient 
les  mêmes  de  part  et  d'autre.  Mais  elles  en  différaient 
par  deux  traits  importants  :  d'abord,  dans  la  tenure 
servile,  l'origine  de  la  concession  n'était  pas  un  contrat, 
mais  une  simple  grâce  du  concédant  qui  pouvait  à  son  gré 
modifier  et  aggraver  les  charges  du  tenancier;  puis  la 
tenure  servile  ne  devint  jamais  héréditaire  ni  aliénable,  et 
le  consentement  du  seigneur  fut  toujours  nécessaire  pour 
que  la  concession  passât  aux  mains  d'un  autre  que  le  tenan- 
cier primitif. 

Si,  dans  la  société  féodale,  les  tenures  par  concession 
étaient  la  forme  ordinaire  du  domaine  foncier,  cependant 
la  propriété  libre  et  absolue  n'avait  pas  entièrement  dis- 
paru. Elle  avait  subsisté  à  titre  exceptionnel,  d'une  part, 
sous  le  nom  à' alleu,  d'autre  part,  sous  le  nom  de  franche- 
aumône.  On  sait  combien  le  sens  du  mot  alleu  a  varié  : 
après  avoir  désigné  à  l'époque  franque  la  terre  héréditaire 
par  opposition  aux  précaires  et  bénéfices  viagers ,  il  fut 
employé  à  l'époque  féodale  pour  désigner  tantôt  la  terre 
libre  par  opposition  aux  terres  concédées  à  charge  de  ser- 
vices, tantôt  (notamment  dans  le  Midi)  le  domaine  éminent 
du  seigneur  par  opposition  au  domaine  utile  du  vassal, 
tantôt  les  terres  patrimoniales  par  opposition  aux  acquêts, 
tantôt  même  certaines  terres  de  concession  qui  ne  paraissent 
avoir  été  grevées  d'aucun  service,  mais  qui  ne  pouvaient  être 
aliénées  sans  l'autorisation  du  seigneur  par  qui  elles  avaient 
été  concédées.  Toutefois  l'acception  qui  prévalut  fut  celle  de 
terre  franche,  qui  n'était  chargée  d'aucun  service  ni  rede- 


vance,  et  dont  le  propriétaire  pouvait  disposer  à  son  gré. 
La  terre  allodiale  était  même  beaucoup  plus  indépendante 
que  la  propriété  romaine,  puisque  non  seulement  elle  n'était 
limitée  par  aucun  droit  privé,  mais  qu'elle  n'était  soumise 
à  aucune  charge  publique,  à  aucun  impôt,  à  aucun  pouvoir 
supérieur  de  justice  ou  de  police,  puisque  enfin  le  plus  sou- 
vent l'alleutier  y  exerçait  les  droits  de  justice  et  les  autres 
droits  souverains.  Bien  plus,  cette  terre  pouvait  devenir  le 
centre  d'un  groupe  féodal;  le  propriétaire  pouvait,  en  tout 
ou  en  partie,  concéder  sa  terre  à  titre  de  fief  et  de  censive  ; 
il  devenait  par  ce  fait  seigneur  féodal  ou  censier,  et  c'était 
un  seigneur  qui  n'avait  pas  de  suzerain.  Ces  terres  libres, 
qui  formaient  déjà  l'exception  au  début  de  la  période  féodale, 
devinrent  de  moins  en  moins  nombreuses  à  mesure  que  l'on 
s'éloignait  du  xe  siècle  ;  elles  étaient  comme  un  élément 
étranger  dans  l'organisme  féodal  qui,  réagissant  de  toute 
sa  force,  parvint  à  en  assimiler  une  partie  en  les  réduisant 
en  fiefs  et  en  censives  ;  mais  elles  résistèrent  à  l'absorption 
totale  et  subsistèrent  isolément  dans  la  France  septentrio- 
nale et  centrale,  en  nombre  relativement  considérable  dans 
la  France  méridionale.  Toutefois,  presque  partout,  elles 
perdirent  vers  le  xme  siècle  leur  franchise  absolue  ;  les 
alleutiers  qui  exerçaient  la  justice  furent  réputés  la  tenir 
en  fief  d'un  seigneur  ou  du  roi  ;  ceux  qui  ne  l'avaient  pas 
devinrent  les  justiciables  du  seigneur  dans  les  domaines 
duquel  étaient  situées  leurs  terres  ;  puis  un  certain  nombre 
d'alleux  furent  grevés  de  services  qui  rapprochaient  leur 
condition  de  celle  des  fiefs.  Dès  lors,  les  juristes,  faisant 
rentrer  cette  catégorie  de  terres  dans  la  hiérarchie  féodale, 
en  vinrent  à  distinguer  les  alleux  libres  ou  francs-alleux 
«  que  l'on  tenait  de  Dieu  seulement  »  et  les  alleux  non 
libres  qui  relevaient  d'une  autre  terre  ;  les  alleux  nobles 
qui  étaient  pourvus  de  droits  de  justice  ou  qui  avaient  dans 
leur  mouvance  des  tenures  féodales  et  les  alleux  roturiers 
qui  ne  présentaient  pas  l'un  de  ces  caractères»  — La  seconde 
espèce  de  terre  libre  était  V aumône  (franche -aumône, 
tenure  par  aumône  ou  par  divin  service),  c.-à-d.  la  terre 
donnée  aux  églises  ou  aux  abbayes  ad  Deo  serviendum. 
Cette  terre,  libre  de  toute  redevance,  était  censée,  comme 
le  franc-alleu,  «  ne  relever  que  de  Dieu  ».  Toutefois,  si 
elle  ne  devait  aucun  service  et,  à  ce  point  de  vue,  méritait 
le  nom  de  terre  libre,  elle  fut  rattachée  de  bonne  heure  à 
la  hiérarchie  féodale  par  un  double  lien  ;  quand  l'aumône 
avait  pour  objet  une  fondation,  on  admit  au  xme  siècle  que 
le  donateur  et  ses  héritiers  conserveraient  sur  le  bien 
aumône  le  droit  seigneurial  de  patronage,  c.-à-d.  le  droit 
de  présenter  l'ecclésiastique  qui  devait  desservir  cette  fon- 
dation ;  puis  tout  droit  de  justice  annexé  à  une  franche 
aumône  fut  soumis  à  la  règle  du  ressort  féodal,  comme  cela 
avait  eu  lieu  pour  l'alleu  laïque. 

Toute  terre  à  l'époque  féodale  appartenait  à  l'un  des 
types  de  propriété  foncière  qui  viennent  d'être  énumérés. 
Mais  il  ne  faudrait  pas  croire  qu'il  y  ait  eu  à  une  époque 
déterminée  un  classement  définitif,  que  la  condition  des 
terres,  après  avoir  varié  suivant  les  conventions  indivi- 
duelles, eût  été  fixée,  comme  on  Fa  dit,  au  commencement 
du  xue  siècle  par  une  série  de  cadastres  locaux ,  et  que  dès  lors 
les  terres  fussent  restées  à  jamais  dans  la  classe  où  on  les 
avait  placées.  Au  contraire,  la  condition  des  terres  subit 
pendant  toute  la  période  féodale  d'incessantes  variations. 
L'inféodation,  c.-à-d.  la  transformation  de  la  propriété  en 
tenure  féodale,  loin  d'être  terminée  au  xne  siècle,  continua 
pendant  le  xme  et  le  xive.  De  petits  propriétaires  d'alleux, 
inquiétés  par  leurs  voisins  et  obligés  de  recourir  à  la  pro- 
tection d'un  seigneur,  acceptaient  la  vassalité  et  transfor- 
maient leurs  terres  en  fiefs  (receptio  infeodum);  des  sei- 
gneurs déjà  feudataires  pour  la  partie  principale  de  leurs 
domaines  cédaient  à  prix  d'argent  leurs  alleux  à  leur  suze- 
rain pour  les  recevoir  de  lui  à  titre  d'augmentation  de  fief 
(in  augmentum  feodi)  ;  des  barons  laïques  ou  ecclésias- 
tiques, fidèles  à  la  tradition  carolingienne,  continuaient  à 
détacher  des  parcelles  de  leur  domaine  direct  pour  les  don- 
ner en  fiefs  héréditaires  aux  nobles  dont  ils  voulaient  oble- 


—  ^11  —  FÉODALITÉ 

nir  la  fidélité  et  les  services.  De  même,  il  ne  fut  point  rare 
de  voir  des  terres  roturières  transformées  en  tenures  nobles 
par  un  contrat  de  fief  qui  intervenait  à  la  place  d'un  simple 
contrat  d'exploitation.  Pour  savoir  exactement  quel  était  à 
un  moment  donné  la  condition  d'une  terre,  on  recourait  à 
divers  moyens  de  preuve  :  tantôt  à  la  production  d'actes 
privés  (aveux  et  hommages,  pour  les  fiefs  de  formation 
ancienne;  reprises  ou  reconnaissances  féodales,  pour  les 
fiefs  de  création  récente);  tantôt  à  des  dénombrements  gé- 
néraux (recognitiones  feudorum),  faits  par  le  seigneur 
pour  tout  le  territoire  qui  dépendait  de  lui,  et  à  l'occasion 
desquels  devaient  comparaître  devant  ses  officiers  tous  les 
habitants  de  la  seigneurie,  détenteurs  de  fiefs  ou  d'alleux, 
nobles  et  vilains,  bourgeois  et  ecclésiastiques.  Pour  les 
terres  dont  la  condition  était  incertaine  faute  de  titres,  on 
recourait  à  des  présomptions  qui  variaient  suivant  les  ré- 
gions ;  dans  les  pays  de  coutumes,  la  présomption  était  gé- 
néralement en  faveur  de  l'inféodation  des  terres  (nulle  terre 
sans  seigneur)  ;  dans  les  pays  de  droit  écrit,  elle  était  plu-  - 
tôt  en  faveur  de  Fallodialité  (nul  seigneur  sans  titre), 

b.  Etat  des  personnes.  Dans  la  société  féodale,  il  y 
avait  symétrie  entre  la  condition  des  terres  et  l'état  des 
personnes.  Aux  trois  classes  de  tenures  correspondaient 
trois  classes  sociales  :  les  nobles,  les  roturiers,  les 
serfs  (en  comprenant  dans  cette  dernière  catégorie  tous 
ceux  dont  la  condition  est  intermédiaire  entre  le  servage 
et  la  liberté);  et  de  même  qu'il  existait  à  côté  des  tenures 
proprement  dites  des  terres  libres  rattachées  par  certains 
liens  à  la  hiérarchie  du  fief,  de  même,  à  côté  de  ces  trois 
classes  de  personnes,  il  y  avait  une  classe  privilégiée, 
l'Eglise,  qui,  par  certains  côtés,  constituait  une  société  dis- 
tincte, par  d'autres  était  plus  ou  moins  engagée  dans  la 
société  féodale  (V.  Classes  sociales). 

4°  Classe  noble.  On  a  vu  précédemment  comment  s'était 
formée  la  noblesse  féodale,  au  déclin  de  la  monarchie  ca- 
rolingienne. Tout  homme,  quelle  que  fût  sa  naissance,  qui 
au  plus  fort  de  l'anarchie  s'était  senti  capable,  par  sa  for- 
tune territoriale  ou  par  son  courage  personnel,  de  protéger 
un  groupe  d'autres  hommes,  était  par  là  même  devenu  un 
noble.  La  noblesse  féodale  eut  ainsi  dès  l'origine  pour  ca- 
ractère distinctif  d'être  à  la  fois  terrienne  et  militaire  : 
pour  être  gentilhomme,  il  fallait  d'abord  posséder  une  terre 
francher  comme,  l'alleu^  ou  grevée  seulement  de  services 
nobles,  comme  le  fief;  il  fallait  ensuite  se  vouer  au  métier 
des  armes  en  devenant  chevalier  (miles,  caverius).  La 
chevalerie  (V.  ce  mot)  était  une  vaste  confrérie,  sans 
cadres  fixes,  dont  les  membres  se  soumettaient  à  certaines 
règles  de  conduite  et  à  certains  devoirs  professionnels.  On 
n'y  était  admis  qu'après  une  initiation  particulière,  un 
stage  assez  long  et  certaines  épreuves  personnelles,  aux- 
quelles s'ajoutèrent  au  xme  siècle  des  cérémonies  reli- 
gieuses. Recevoir  la  chevalerie,  c'était  pour  le  noble  faire 
constater  qu'il  était  apte  à  s'acquitter  honorablement  du 
métier  des  armes.  Un  troisième  caractère  distinguait  aussi 
la  noblesse  des  autres  classes  ;  c'est  qu'elle  jouissait  d'un 
certain  nombre  de  privilèges  juridiques  ou  fiscaux  :  droit 
de  n'être  jugé  que  par  ses  pairs  dans  la  cour  féodale  du 
suzerain,  régime  particulier  en  matière  de  succession,  de 
mariage  et  de  minorité,  exemption  des  tailles  et  de  toutes 
les  taxes  indirectes  que  payaient  les  roturiers  et  les  serfs. — 
Une  fois  constituée,  la  noblesse  féodale  transmit  héréditai- 
rement ses  titres  et  ses  privilèges.  La  qualité  de  gen- 
tilhomme passa  du  père  aux  enfants  (quelquefois  même, 
comme  en  Champagne,  de  la  mère  aux  enfants);  on  fut 
noble  par  la  naissance,  sans  être  chevalier  ni  possesseur 
d'aucune  terre,  mais  avec  l'aptitude  à  devenir  l'un  et  l'autre. 
Toutefois  la  noblesse  ne  resta  pas  un  corps  fermé  ;  indé- 
pendamment de  la  naissance,  on  continua  d'acquérir  comme 
à  l'origine  la  qualité  de  gentilhomme  de  deux  façons  :  par 
la  concession  d'une  terre  noble  et  par  l'admission  dans  la 
chevalerie.  Beaucoup  de  roturiers  entrèrent  ainsi  dans  la 
noblesse,  au  xieet  au  xne  siècle,  en  récompense  de  services 
de  guerre  ou  autres  qu'ils  avaient  rendus  à  leur  seigneur. 


FÉODALITÉ 


212  — 


Mais,  au  cours  du  xme  siècle,  l'accès  de  cette  classe  leur  fut 
presque  entièrement  fermé  par  une  double  restriction  ; 
d'une  part  la  coutume  s'établit  que,  pour  être  fait  cheva- 
lier, il  fallait  être  noble  dej)ar  son  père,  et  que  seuls  les 
hauts  barons  et  le  roi  pouvaient  déroger  à  cette  règle  par 
un  acte  souverain.  D'autre  part,  lorsque  l'usage  eut  per- 
(  mis  au  vassal  d'aliéner  librement  son  fief  et  que  les  rotu- 
riers purent  ainsi  acquérir  une  terre  noble  sans  le  consen- 
tement du  suzerain,  à  la  seule  condition  de  payer  le  droit 
de  francs-fiefs  ou  de  nouveaux  acquêts,  conformément  à 
l'ordonnance  de  1275  (V.  Fief),  les  cours  féodales  s'ému- 
rent de  voir  la  noblesse  devenir  chose  vénale  et  refusèrent 
peu  à  peu  d'appliquer  l'ancienne  règle,  d'après  laquelle  le 
roturier  devenait  noble  par  l'acquisition  d'un  fief;  mais 
cette  nouvelle  jurisprudence  ne  fut  transformée  en  loi  pré- 
cise et  générale  qu'au  xvie  siècle  par  l'ordonnance  de  1579. 
Il  y  avait  dans  la  noblesse  féodale  différents  degrés.  Il 
faut  d'abord  distinguer  les  nobles-chevaliers  de  ceux  qui 
ne  l'étaient  pas  encore  et  qui,  sous  le  nom  d'écuyers,  valets, 
damoiseaux,  restaient  pendant  quelques  années,  quelque- 
fois toute  leur  vie,  attachés  au  service  d'un  chevalier.  11 
faut  ensuite  distinguer  les  nobles  qui  ne  possédaient  pas  de 
terres,  de  ceux  qui  détenaient  une  terre  noble,  et,  parmi 
ces  derniers,  ceux  qui  n'avaient  aucun  droit  souverain,  de 
ceux  qui  étaient  investis  d'une  seigneurie.  Les  nobles  qui 
ne  possédaient  pas  de  terres  étaient  ceux  qui,  descendant 
d'une  famille  pauvre,  remplissaient  toute  leur  vie  les  fonc- 
tions subalternes  d'écuyers  ou  de  valets  auprès  de  nobles 
plus  fortunés,  ou  bien  ceux  qui  avaient  reçu  en  fief,  au  lieu 
d'une  terre,  soit  un  office  seigneurial  de  rang  noble,  soit 
une  pension  viagère  ou  une  rente  perpétuelle  à  toucher  sur 
le  trésor  de  leur  seigneur  (V.  Fief).  Les  nobles  pourvus 
d'une  terre  sans  seigneurie  étaient  les  plus  nombreux  : 
ils  devaient  à  leur  suzerain  les  devoirs  du  vassal  et,  s'ils 
avaient  sous-inféodé  une  partie  de  leur  terre,  pouvaient  en 
même  temps  exercer,  à  titre  de  suzerains,  des  droits  féodaux 
sur  leurs  propres  vassaux.  Enfin  les  nobles  dont  la  terre 
(alleu  ou  fief)  était  assortie  d'une  seigneurie  formaient 
l'élite  de  la  classe.  Entre  ces  derniers,  la  hiérarchie  des 
titres  et  des  rangs  a  souvent  varié  de  région  à  région,  du 
xie  au  xme  siècle,  et  l'on  ne  peut  établir  de  classification 
qui  ait  une  valeur  générale  et  permanente.  Voici,  comme 
exemple,  d'après  le  plus  ancien  registre  de  Philippe-Au- 
guste, la  liste  des  différentes  catégories  de  seigneurs  qui 
relevaient  du  roi  de  France  au  commencement  du  xmc  siècle: 
1°  les  ducs  et  les  comtes;  2°  les  barons,  qui  comprenaient 
des  vicomtes  et  des  seigneurs  non  titrés  (domini);  3°  les 
châtelains;  4° les  chevaliers bannerets  (milites  vexillarii, 
bannerii);  5°  les  va vasseurs,  hobereaux  de  condition  infé- 
rieure, dont  on  peut  rapprocher  les  sergents  fieffés  (ser- 
vientes),  les  voyers  ou  viguiers  tenant  fief  (viarii,  vicarii), 
les  bacheliers  (bacalarii).  Indépendamment  de  ces  classi- 
fications particulières,  on  donnait  d'une  façon  générale, 
depuis  le  xnc  siècle,  le  titre  de  barons  ou  encore  de  pairs 
de  fief  (pares  infeodo)  à  tous  les  seigneurs  possédant  un 
fief  important,  qui  relevaient  immédiatement  du  même  su- 
zerain, quel  que  fût  d'ailleurs  le  titre  spécial  de  leur  sei- 
gneurie respective. — La  noblesse  féodale  se  composait  prin- 
cipalement de  seigneurs  ou  de  nobles  laïques  ;  mais  elle 
comprenait  aussi,  comme  on  le  verra  un  peu  plus  loin,  des 
seigneurs  ecclésiastiques  et  même  certaines  communautés 
de  bourgeois  érigées  en  seigneuries. 

2°  Classe  roturière.  Toutes  les  personnes  de  condition 
libre  qui  ne  faisaient  point  partie  de  la  noblesse  par  leur 
naissance  ou  à  un  autre  titre,  composaient  la  classe  rotu- 
rière. Les  unes  étaient  libres  de  naissance  (quand  elles 
étaient  issues  d'un  père  libre  ou  serf,  mais  d'une  mère 
libre)  ;  les  autres  étaient  d'anciens  serfs  qui  avaient  acquis 
la  liberté,  soit  par  un  affranchissement  exprès,  soit  par  un 
acte  qui,  fait  au  vu  et  au  su  de  leur  maître,  constituait  un 
affranchissement  tacite  (séjour  d'une  année  dans  une  ville 
de  commune  ou  de  bourgeoisie,  dix  ans  de  clergie,  mariage 
d'une  serve  avec  un  homme  libre).  La  personne  libre  non  pri- 


.  vilégiée  (franc  homme,  homme  depoeste),  avait  «  franche 
poeste  de  faire  ce  qu'il  lui  plaisait,  excepté  les  vilains  cas 
et  méfaits  qui  sont  défendus  entre  chrétiens  »  ;  elle  pouvait 
notamment  choisir  son  domicile,  se  marier,  acquérir  deste- 
nures  roturières  (les  tenures  nobles  lui  étaient  même  acces- 
sibles sous  certaines  conditions  précédemment  indiquées), 
enfin  disposer  de  ses  biens  suivant  les  règles  établies  par 
la  coutume  qui  la  régissait.  Mais  si  tel  était  le  droit  théo- 
rique, en  fait  leur  indépendance  dans  les  actes  de  la  vie 
civile  était  souvent  limitée  et  gênée  par  la  subordination 
politique  que  leur  imposait  la  classe  noble.  Si  l'on  excepte 
le  petit  nombre  de  ceux  qui  possédaient  des  alleux,  ils  dé- 
pendaient tous  d'un  seigneur,  soit  comme  tenant  de  lui  une 
terre  roturière,  soit  comme  habitant  ses  domaines,  soit 
comme  s'étant  placés  sous  son  avouerie  ;  et  tant  qu'ils  res- 
taient isolés,  ils  étaient  à  la  merci  de  son  autorité  arbi- 
traire, souvent  oppressive.  Ils  ne  commençaient  à  jouir  d'une 
certaine  indépendance  à  son  égard  que  lorsqu'ils  faisaient 
parti^  d'une  association  marchande,  industrielle  ou  reli- 
gieuse, et  surtout  quand  ils  étaient  membres  d'une  com- 
munauté municipale.  A  cet  égard,  la  condition  des  hommes 
libres  des  campagnes  (vilains)  était  bien  moins  favorable 
que  celle  des  hommes  libres  des  bourgs  ou  des  villes  (bour- 
geois). Les  premiers,  le  plus  souvent  groupés  en  petites 
communautés  rurales,  avaient  peine  à  résister  à  l'arbitraire 
de  leur  seigneur  ;  soumis  aux  mêmes  droits  seigneuriaux  que 
les  serfs,  ils  n'étaient  guère  plus  libres  qu'eux  dans  les  actes 
de  la  vie  civile.  Au  contraire,  les  hommes  libres  des  villes, 
bourgs  et  villages  qui  avaient  obtenu  la  franchise  ou  bour- 
geoisie, et  à  plus  forte  raison  ceux  des  villes  de  commune  et 
des  villes  consulaires,  trouvaient  dans  la  charte  octroyée  par 
leur  seigneur,  non  seulement  un  certain  nombre  de  privi- 
lèges administratifs,  fiscaux  ou  politiques,  mais  aussi  la 
garantie  de  leurs  droits  civils  (V.  Commune).—  Les  roturiers, 
considérés  individuellement,  pouvaient,  sous  certaines  res- 
trictions précédemment  indiquées,  devenir  nobles  soit  par 
l'acquisition  d'un  fief,  soit  par  l'entrée  dans  la  chevalerie. 
Considérés  collectivement,  c.-à-d.  groupés  en  communautés 
municipales,  ils  formaient  dans  certains  cas  une  véritable 
seigneurie,  qui  prenait  rang  dans  la  classe  noble.  C'est  ce 
qui  arriva  pour  les  villes  de  commune  et  les  villes  consu- 
laires au  xne  siècle  :  ces  seigneuries  collectives,  représen- 
tées par  leurs  magistrats  municipaux,  possédaient  tous  les 
attributs  et  privilèges  de  la  noblesse,  détenaient  des  fiefs, 
avaient  une  milice,  acquittaient  les  devoirs  de  la  vassalité, 
exerçaient  sur  le  territoire  communal  les  pouvoirs  législa- 
tif, judiciaire,  administratif  et  militaire  (V.  Commune). 

3°  Classe  servile.  Très  nombreuse  au  début  de  la  période 
féodale,  elle  comprenait  la  plus  grande  partie  de  la  popula- 
tion ouvrière.  En  elle  s'étaient  fondues  toutes  les  classes 
inférieures  delà  monarchie  franque  :  esclaves  attachés  à  la 
personne  ou  à  la  terre,  lètes,  colons,  affranchis,  coliberts; 
elle  comprenait  aussi  des  personnes  libres  de  naissance,  qu'un 
fait  postérieur  avait  réduites  à  la  condition  servile.  On 
n'était  donc  pas  seulement  serf  de  naissance;  on  l'était  aussi 
(très  souvent  au  xie  et  au  xne  siècle,  rarement  au  xme) 
par  le  séjour  d'une  année  sur  une  tenure  servile,  par  l'effet 

,  d'une  condamnation  en  justice,  ou  par  suite  d'une  aliéna- 
tion volontaire  de  la  liberté  (oblatio).  Quelle  que  fût  leur 
origine  ou  leur  dénomination  locale  (servus,  homo  de  ca- 
pile,  homo  de  corpore,  nativus,  Ugius),  la  condition  de 
tous  les  serfs  était  la  même  en  un  point  essentiel  :  ils  avaient 
la  personnalité  juridique,  par  conséquent  pouvaient  avoir  une 
famille  et  un  patrimoine  ;  c'est  là  ce  qui  les  distinguait  des 
anciens  esclaves.  Mais  sur  eux  pesaient  de  nombreuses  in- 
capacités et  de  lourdes  charges,  qui  variaient  de  nom,  de 
forme  "et  d'étendue  suivant  les  localités,  et  dont  voici  les 
principales.—  1  °  Ils  étaient  généralement  attachés  à  un  do- 
maine ou  au  territoire  d'une  seigneurie  et  pouvaient  être 
légués,  vendus,  échangés  et  partagés  avec  la  terre,  au 
même  titre  que  le  bétail  et  les  instruments  de  culture.  Tou- 
tefois le  lien  qui  les  attachait  à  la  terre  était  plus  ou  moins 
étroit  :  les  uns,  appelés  serfs  de  corps  et  de  poursuite,  y 


6243  — 


FEODALITE 


étaient  fixés  à  perpétuelle  demeure  et,  s'ils  allaient  résider 
au  dehors,  leur  maître  avait  le  droit,  dans  le  délai  d'an  et 
jour,  de  les  poursuivre  et  de  les  reprendre  en  tous  lieux  ; 
les  autres  pouvaient  aller  habiter  un  domaine  voisin,  mais 
à  la  condition  qu'ils  continueraient  à  payer  au  seigneur  ori- 
ginaire toutes  les  redevances  et  prestations  corporelles  dont 
ils  étaient  tenus  par  leur  condition  servile  ;  d'autres  enfin 
n'étaient  serfs  que  propter  rem,  à  raison  de  la  tenure  ser- 
vile qu'ils  possédaient,  et  par  conséquent  pouvaient  échap- 
per au  servage  en  abandonnant  cette  tenure,  avec  tout  ou 
partie  de  leurs  autres  biens.  A  côté  des  serfs-paysans  atta- 
chés à  la  terre,  il  y  avait  aussi  les  serfs-domestiques  {ver- 
naculi)  qui  remplissaient,  au-dessous  des  serviteurs  de 
condition  libre,  les  plus  bas  offices  dans  la  maison  seigneu- 
riale, étaient  soumis  aux  plus  mauvais  traitements  et  rap- 
pelaient encore  par  bien  des  traits  les  esclaves  de  la  période 
franque.  —  2°  Les  serfs  ne  pouvaient,  sans  le  consentement 
de  leur  seigneur,  se  formarier  (foris  maritarë),  c.-à-d. 
épouser  une  personne  de  franche  condition,  ou  une  personne 
de  condition  servile  dépendant  d'une  autre  seigneurie,  car 
leur  seigneur  éprouvait  un  préjudice  matériel  en  perdant 
les  enfants  issus  de  ces  unions,  qui,  suivant  les  cas,  nais- 
saient libres  ou  bien  serfs  d'un  autre  seigneur.  Pour  obtenir 
cette  autorisation,  les  serfs  devaient  payer,  à  titre  d'indem- 
nité, le  droit  de  formariage  ;  s'ils  se  mariaient  sans  auto- 
risation, ils  encouraient  une  amende  ou  la  confiscation  de 
tous  leurs  biens.  Pour  atténuer  les  effets  rigoureux  de  ce 
principe,  on  recourait  auxme  siècle  à  divers  procédés,  no- 
tamment aux  mariages  par  échanges,  un  seigneur  permet- 
tant à  l'un  de  ses  serfs  de  se  marier  dans  une  seigneurie 
voisine,  sous  la  condition  de  réciprocité.  —  3°  Les  serfs 
étaient  mainmortables,  c.-à-d.,  selon  les  coutumes  plus  sé- 
vères, incapables  de  disposer  de  leurs  biens  de  quelque 
manière  que  ce  fût,  par  vente,  donation  ou  testament  ;  à  leur 
mort,  tout  ce  qu'ils  possédaient  revenait  au  seigneur,  leur 
seul  héritier.  Toutefois  de  bonne  heure  cette  rigueur  s'adou- 
cit ;  au  xme  siècle  on  distinguait,  à  côté  des  mainmortables 
de  corps  qui  étaient  frappés  d'une  incapacité  absolue,  les 
mainmortables  d'héritage,  dont  les  immeubles  seuls  étaient 
indisponibles,  les  mainmortables  de  meubles  qui  n'étaient 
incapables  que  pour  leurs  biens  mobiliers.  Dans  le  midi  de 
la  France,  on  admit  facilement  que  les  biens  du  serf  pas- 
seraient à  ses  héritiers  en  ligne  directe,  parfois  même  à  ses 
collatéraux,  moyennant  une  indemnité.  Dans  d'autres  ré- 
gions, notamment  en  Auvergne  et  dans  le  Nivernais,  où  la 
règle  primitive  fut  maintenue,  on  la  tourna  au  moyen  des 
communautés  tacites  ou  taisibles  (V.  ce  mot)  :  on  admit 
que  la  famille  du  serf  dont  tous  les  membres  vivaient  sous 
le  même  toit,  «  à  un  même  pain  et  pot  »,  formaient  une 
personne  civile,  seule  propriétaire  des  biens  communs  et 
qui  se  perpétuait  tant  que  durait  la  famille  ;  la  mort  d'un 
de  ses  membres  n'ouvrait  donc  aucune  succession  dont  le 
seigneur  pût  tirer  profit.  —  4°  Enfin  les  serfs-paysans 
étaient  grevés  de  redevances  nombreuses,  dont  les  princi- 
pales étaient  le  chevage  (capitalis  census),  faible  somme 
que  le  serf  payait  tous  les  ans  pour  reconnaître  sa  dépen- 
dance, la  taille,  qui  était  tantôt  «  à  merci  »,  tantôt  limitée 
à  une  somme  fixe,  et  les  corvées  (corporis  operœ,  corro- 
perœ).  —  De  la  condition  des  serfs  on  doit  rapprocher  celle 
que  la  société  féodale  faisait  aux  aubains  (V.  ce  mot),  qui 
devenaient  mainmortables  de  la  seigneurie  où  ils  avaient 
séjourné  un  an  et  un  jour  et  aux  Juifs  (V.  ce  mot)  qui, 
depuis  les  croisades,  étaient  soumis  à  un  certain  nombre 
de  taxes  spéciales,  d'incapacités  civiles  et  de  formalités  ad- 
ministratives. 

4°  V Eglise  avait  une  place  à  part  dans  la  société  féo- 
dale. Au  milieu  de  l'anarchie  du  ixe  et  du  xe  siècle,  elle  avait, 
par  sa  forte  organisation,  par  son  autorité  spirituelle,  con- 
quis dans  la  société  une  influence  considérable,  qui  lui  avait 
permis  non  seulement  de  garder,  mais  d'élargir  et  d'exercer, 
avec  une  pleine  indépendance,  les  privilèges  dont  elle 
jouissait  déjà  dans  la  monarchie  franque.  De  toutes  parts 
les  faibles  avaient  eu  recours  à  sa  protection,  lui  offrant 


leurs  personnes  ou  leurs  biens.  Ses  tribunaux,  généralement 
préférés  aux  justices  séculières,  avaient  étendu  leur  juri- 
diction, non  seulement  sur  toutes  les  affaires  qui  concer- 
naient les  clercs,  mais  sur  une  foule  de  questions  intéres- 
sant les  laïques,  en  matière  criminelle  (crimes  d'hérésie  et 
de  sacrilège,  délits  d'usure  et  d'adultère) ,  comme  en  matière 
civile  (causes  matrimoniales,  filiation,  testaments,  contrats 
confirmés  par  serments).  Ses  églises  et  ses  communautés 
régulières  avaient  considérablement  accru  leurs  domaines 
et  souvent  acquis,  sur  les  habitants  de  leurs  nouvelles 
terres,  des  droits  de  souveraineté  temporelle  analogues  à 
ceux  qu'ils  exerçaient  déjà  dans  leurs  anciennes  immunités. 
Ses  conciles  s'assemblaient  et  légiféraient  en  pleine  liberté. 
Enfin,  individuellement,  les  clercs  avaient  deux  privilèges 
principaux  :  celui  de  n'être  justiciables  en  matière  civile  et 
criminelle  que  des  tribunaux  ecclésiastiques  {privilegium 
fori)  ;  celui  d'être  exempts  de  la  taille  et  généralement  de 
toute  taxe  personnelle  ;  ce  qui  rendait  leur  condition  supé- 
rieure à  celle  des  roturiers.  —  Mais  si  l'Eglise  formait,  à 
ces  divers  points  de  vue,  une  classe  distincte  et  indépen- 
dante, en  même  temps,  par  les  vastes  propriétés  foncières 
qu'elle  possédait,  elle  se  trouvait  profondément  engagée 
dans  les  liens  du  régime  féodal.  Les  établissements  ecclé- 
siastiques devinrent  le  centre  de  groupes  féodaux  ;  les  abbés 
et  les  évêques,  au  nom  des  églises  et  des  couvents,  con- 
cédèrent des  fiefs,  des  tenures  roturières  et  eurent  des 
vassaux  et  des  tenanciers.  Il  se  constitua  ainsi,  à  côté  de 
la  noblesse  laïque,  une  noblesse  ecclésiastique,  composée  : 
1°  d'archevêques  et  d'évêques,  qui  étaient,  comme  à  Reims 
et  à  Beauvais,  ducs  ou  comtes  de  la  cité  dans  laquelle  ils  exer- 
çaient leur  fonction  épiscopale,  ou  bien  qui  partageaient 
dans  cette  cité  le  pouvoir  seigneurial  avec  un  comte  laïque, 
comme  à  Nantes  et  à  Chartres  ;  2°  de  chapitres  cathédraux 
et  d'abbés,  gouvernant  les  biens  temporels  de  l'église  qu'ils 
desservaient  ou  du  monastère  dont  ils  étaient  les  chefs.  Leurs 
titres  nobiliaires  et  leurs  privilèges  étaient  les  mêmes  que 
ceux  de  la  noblesse  laïque  ;  seulement,  au  lieu  de  se  trans- 
mettre héréditairement  de  père  en  fils,  la  qualité  de  noble 
était  attachée  à  la  fonction  ecclésiastique  et  passait  succes- 
sivement, avec  le  bénéfice  temporel  qui  en  formait  la  do- 
tation, à  tous  les  titulaires  élus  canoniquement  ou  désignés 
par  leur  supérieur  spirituel.  Mais,  en  fait,  le  haut  clergé  se 
recrutait  d'ordinaire  parmi  les  plus  puissantes  familles  de 
la  noblesse  laïque,  qui  recherchaient  pour  leurs  cadets  ces 
dignités  ecclésiastiques  ;  de  sorte  que  les  seigneuries  épis— 
copales  et  abbatiales  se  perpétuaient  souvent  dans  les  mêmes 
familles.  Pris  dans  l'aristocratie  laïque,  mêlés  aux  luttes  et 
aux  intrigues  qui  divisaient  les  membres  de  cette  classe,  les 
abbés  et  les  évêques  gardaient  les  mœurs  séculières,  gou- 
vernant eux-mêmes  leurs  terres  et  leurs  hommes,  prenant 
à  leur  solde  des  hommes  d'armes,  fortifiant  leurs  demeures, 
endossant  même  le  haubert  dans  les  guerres  féodales.  —-Si 
par  son  entrée  dans  la  noblesse,  l'Eglise  augmentait  sa  puis- 
sance temporelle,  en  revanche  les  usages  féodaux  et  les 
exigences  de  la  hiérarchie  la  soumettaient  à  des  obligations 
et  à  des  charges  qu'elle  n'avait  pas  connues  antérieurement. 
En  même  temps  que  seigneurs,  les  dignitaires  ecclésias- 
tiques étaient  aussi  vassaux  et  devaient  à  ce  titre,  par  eux- 
mêmes  ou  par  un  représentant,  tous  les  services  féodaux. 
Souvent  même,  les  grands  feudâtaires  dont  ils  dépendaient 
pour  leurs  terres  prétendaient  exercer  sur  eux,  à  titre  de 
protection,  les  droits  qui  avaient  autrefois  appartenu  à  la 
royauté  (garde,  régale,  investiture).  L'inféodation  s'était 
étendue  aux  fonctions  ecclésiastiques,  comme  aux  droits  tem- 
porels des  églises,  et  souvent  les  dîmes,  les  prébendes,  les  bé- 
néfices passaient  ainsi  aux  mains  des  laïques,  avoués,  vidâmes 
ou  autres  barons.  Enfin  comme  l'acquisition  des  tenures  féo- 
dales par  des  communautés  qui  ne  mouraient  pas  et  qui  n'alié- 
naient pas  leurs  biens  lésait  les  seigneurs  suzerains,  en  les 
privant  des  droits  de  mutation  qui  étaient  un  de  leurs  prin- 
cipaux revenus,  les  taxes  d'amortissement,  partout  établies 
par  les  coutumes  féodales,  restreignirent  notablement  la 
liberté  avec  laquelle  l'Eglise  avait  accru  son  patrimoine. 


FÉODALITÉ 


—  214  — 


Régime  politique;  —  Au  point  de  vue  politique,  la 
différence  entre  la  monarchie  franque  et  les  temps  féodaux 
est  encore  plus  frappante  qu'au  point  de  vue  social.  A 
l'époque  franque,  c'est  la  royauté  qui  était  le  centre  du  gou- 
vernement, c'est  d'elle  qu'émanait  toute  souveraineté,  c'est 
elle  qui,  en  apparence  du  moins,  dirigeait  toutes  les  forces 
sociales.  A  l'époque  féodale,  la  souveraineté  s'est  partagée, 
comme  on  l'a  vu,  entre  d'innombrables  seigneurs  ;  chaque 
groupe  seigneurial  forme  un  organisme  politique,  vivant  de 
sa  vie  propre,  ne  se  rattachant  aux  autres  que  par  les  liens 
de  la  hiérarchie  féodale  ;  il  y  a  autant  de  gouvernements 
distincts  que  de  seigneuries.  Le  roi  lui-même  n'est  qu'un 
seigneur,  plus  élevé  en  dignité,  mais  parfois  moins  puis- 
sant que  les  autres  :  par  son  caractère  sacré,  par  ses  pré- 
rogatives honorifiques,  par  la  mission  que  lui  impose  la 
tradition  monarchique,  il  domine  la  société  féodale  ;  par  les 
conditions  matérielles  de  son  pouvoir,  par  ses  moyens  d'ac- 
tion, par  la  composition  de  son  domaine,  il  appartient  à  la 
féodalité.  La  conséquence  est  que,  pour  connaître  lerégime 
politique  de  la  France  à  cette  époque,  ce  n'est  point  le  gou- 
vernement royal  qu'il  faut  étudier,  mais  le  gouvernement 
seigneurial,  dont  toutes  les  institutions  portent  alors  la 
profonde  empreinte.  L'administration  du  domaine  royal  fut, 
jusqu'au  xme  siècle,  si  fidèlement  calquée  sur  celle  des 
grands  fiefs,  que,  lorsqu'une  de  ces  terres  était  réunie  à  ce 
domaine,  la  personne  du  suzerain  changeait  seule  ;  la  condi- 
tion des  habitants  et  les  formes  du  gouvernement  restaient 
généralement  les  mêmes.  Lorsque  les  villes  de  communes 
et  les  villes  consulaires  obtinrent  au  xne  siècle  l'autonomie 
politique,  ce  fut  également  sous  la  forme  seigneuriale  qu'elles 
exercèrent  leurs  droits  et  leurs  privilèges  ;  dans  le  gouver- 
nement intérieur  comme  dans  les  relations  avec  leur  suze- 
rain ou  avec  le  roi,  elles  imitèrent  fidèlement  les  seigneu- 
ries féodales  qui  les  entouraient. 

Dès  que  le  pouvoir  politique  eut  été  ainsi  partagé  entre 
les  membres  de  la  classe  privilégiée,  le  caractère  patrimo- 
nial, que  la  souveraineté  avait  déjà  dans  les  mains  des  mo- 
narques francs,  s'accentua  encore  et  devint  plus  saisissant. 
La  justice,  le  droit  de  lever  des  troupes,  de  battre  mon- 
naie, de  percevoir  des  impôts  n'était  plus  seulement  la  pro- 
priété d'un  seul  homme,  qui  en  usait  arbitrairement,  mais 
en  qui  se  personnifiait  du  moins  l'intérêt  général  :  disper- 
sés en  une  foule  de  mains,  inégalement  répartis  et  souvent 
démembrés,  cédés,  vendus,  légués  avec  les  terres  auxquelles 
ils  étaient  incorporés  ou  quelquefois  séparément  exercés  en 
vue  d'intérêts  privés,  tous  ces  droits  souverains  étaient  de- 
venus des  objets  de  commerce,  des  sources  de  profits,  des 
biens  identiques  à  tous  ceux  qui  composaient  le  patrimoine 
d'une  famille  ou  d'un  individu.  Il  en  résulta  une  confusion 
complète  entre  les  règles  du  droit  public  et  celles  du  droit 
privé  ;  le  gouvernement  collectif  des  personnes  ne  se  régla 
plus  que  par  les  usages  ou  les  contrats  qui  régissaient  la 
propriété  foncière  et  les  relations  individuelles  ;  il  varia 
par  conséquent  suivant  les  localités  ou  suivant  les  classes. 
Les  coutumes  locales  ou  régionales,  les  chartes  de  com- 
munes, les  ordonnances  seigneuriales  avaient  pour  objet  de 
régler  aussi  bien  la  condition  politique  et  administrative  que 
la  condition  civile  des  personnes  ou  des  biens  qu'elles  con- 
cernaient. 

Il  importe,  précisément,  à  cause  de  cette  confusion  de 
l'ordre  public  et  de  l'ordre  privé,  de  bien  définir  ce  qu'on 
doit  entendre  par  régime  politique  dans  la  société  féodale. 
Tout  seigneur,  que  ce  fût  un  alleutier  ou  un  feudataire, 
possédait  un  certain  nombre  de  droits  qu'il  exerçait,  dans 
les  limites  d'un  territoire  plus  ou  moins  étendu,  sur  di- 
verses classes  de  personnes.  Le  territoire  d'une  seigneurie, 
aussi  bien  lorsqu'il  était  compact  que  lorsqu'il  était  mor- 
celé et  coupé  d'enclaves,  se  composait  ordinairement  de 
trois  catégories  de  terres  :  les  unes  que  le  seigneur  habi- 
tait avec  sa  famille  et  ses  gens,  qui  comprenaient  son  châ- 
teau et  ses  résidences  diverses,  avec  leurs  dépendances  en 
maisons,  jardins,  prés,  terres  arables,  vignobles,  et  qui 
formaient  les  propriétés  seigneuriales  (dominicum,  terra 


indominicata)  ;  les  autres  qui  étaient  occupées  par  ses  te- 
nanciers urbains  ou  ruraux,  mais  dont  il  avait  gardé  l'ad- 
ministration directe  et  qui  formaient  son  domaine  propre 
(dominium)  ;  d'autres  enfin  dont  il  avait  concédé  la  jouis- 
sance et  les  droits,  utiles  à  ses  vassaux,  sous  l'obligation 
d'hommage  et  de  service  noble,  et  qui  formaient  ses  fiefs 
(feoda) .  Dans  chacune  de  ces  catégories  de  terres,  il  y  avait 
des  nobles,  des  gens  d'Eglise,  des  bourgeois  et  des  vilains, 
des  serfs  et  d'autres  mainmortables.  Sur  la  plupart  de  ces 
personnes  le  seigneur  avait  des  droits,  qui  variaient  non  seu- 
lement d'après  leur  condition  sociale,  mais  d'après  la  na- 
ture des  services  exigés  d'elles.  Une  partie  de  ces  droits 
n'avaient  pour  objet  que  des  services  d'ordre  privé  (travaux 
de  culture,  travaux  industriels,  fermages  en  nature  ou  en 
argent)  ;  ils  résultaient  de  contrats  individuels  ou  d'usages 
locaux  relatifs  à  l'exploitation  des  terres;  ils  représentaient 
le  prix  de  la  jouissance  du  sol  concédé  aux  cultivateurs, 
artisans  ou  tenanciers  ;  c'étaient  des  droits  fonciers,  qui 
au  fond  n'avaient  rien  de  féodal,  car,  en  les  exerçant  dans 
ses  propriétés  seigneuriales  et  dans  son  domaine  privé,  le 
seigneur  faisait  acte  de  propriétaire  ou  de  patron.  D'autres 
droits  avaient  pour  objet  des  services  qui,  bien  que  deve- 
nus patrimoniaux,  étaient  a  l'origine  d'ordre  public  :  le  ser- 
vice de  guerre,  la  comparution  en  justice,  le  payement 
d'impositions  fiscales,  etc.  ;  au  lieu  de  se  rattacher  à  l'ex- 
ploitation économique  des  terres,  ces  droits  se  justifiaient 
par  la  protection  que  devait  à  ses  subordonnés  celui  qui  en 
était  investi  ;  en  les  exerçant,  le  seigneur  faisait  acte  de 
gouvernant.  Tantôt  ces  droits  naissaient  librement  du  con- 
trat de  fief  par  lequel  un  noble  s'engageait  à  acquitter  ces 
services  au  prix  d'une  concession  de  terres  ou  de  biens  in- 
féodables  ;  c'étaient  alors  des  droits  féodaux.  Tantôt  ils 
étaient  imposés  aux  gens  de  la  classe  roturière  par  un  usage 
traditionnel  dont  l'origine  remontait  à  une  ancienne  con- 
cession royale,  à  une  usurpation  de  pouvoirs  régaliens,  à 
un  acte  de  soumission  volontaire  on  à  un  abus  de  la  force  ; 
c'étaient  alors  des  droits  seigneuriaux.  Ces  deux  dernières 
catégories  de  droits,  correspondant  à  des  services  d'ordre 
public,  constituaient  seules,  à  l'exclusion  des  droits  fon- 
ciers, le  pouvoir  politique  d'un  seigneur.  A  la  vérité,  la  ligne 
de  démarcation  n'était  pas  toujours  nette  entre  ces  diffé- 
rents droits.  Surtout  lorsqu'il  s'agit  de  prestations  person- 
nelles et  de  redevances  pécuniaires  :  il  n'est  pas  toujours 
aisé- de  distinguer  celles  qui  avaient  un  caractère  foncier 
de  celles  qui  avaient  un  caractère  seigneurial  ;  dues  le  plus 
souvent  par  la  même  personne  au  même  seigneur,  elles 
étaient  facilement  confondues  en  pratique,  surtout  à  partir 
du  xme  et  du  xive  siècle.  Mais,  si  délicate  qu'elle  soit,  la 
distinction  n'en  est  pas  moins  importante,  et  apparaît  dans 
tout  son  jour  chaque  fois  que  le  seigneur  cède  ses  terres 
en  se  réservant  tout  ou  partie  de  son  droit  de  souverai- 
neté ;  il  retient  alors  les  prestations  et  les  redevances 
qui  sont  exclusivement  ou  principalement  seigneuriales; 
il  abandonne  celles  qui  représentent  le  fermage  ou  la  rente 
du  sol. 

Chaque  seigneur  exerçait  le  pouvoir  politique,  comme  on 
vient  de  le  voir,  sous  la  double  forme  de  droits  féodaux 
et  de  droits  proprement  seigneuriaux.  Il  l'exerçait  sous 
la  première  forme  :  1°  à  l'égard  des  nobles  laïques  ou  ec- 
clésiastiques à  qui  lui-même  ou  ses  prédécesseurs  avaient 
concédé  en  fief  des  terres  ou  des  droits  immobiliers  ;  2°  à 
l'égard  de  ceux  qui,  sans  être  investis  d'une  terre,  avaient 
reçu  de  lui,  à  charge  de  vassalité,  soit  un  office  adminis- 
tratif, judiciaire  ou  industriel,  soit  une  rente  ou  une  pen- 
sion en  argent,  soit  quelque  droit  démembré  de  la  seigneu- 
rie, soit  quelque  dîme  ecclésiastique  ;  3°  dans  ses  rapports 
avec  les  villes  ou  villages  qui,  ayant  obtenu  de  lui  une  charte 
communale  ou  consulaire,  avaient  été  ainsi  érigées  en  sei- 
gneuries vassales.  Il  exerçait  son  pouvoir  politique  sous  la 
seconde  forme  à  l'égard  de  la  nombreuse  population  de  ro- 
turiers et  de  serfs  qui  habitaient  les  villes  ou  les  campagnes 
de  son  domaine  propre.  Quant  à  ceux  qui  habitaient  sur  les 
fiefs  de  ses  vassaux,  ils  échappaient  à  son  pouvoir  seigneu- 


rial  pour  tomber  sous  celui  du  feudataire  dont  ils  dépen- 
daient directement;  toutefois,  il  arrivait  souvent  qu'il  se 
réservât  par  le  contrat  de  fief,  une  partie  ou  même  la  to- 
talité de  ses  droits  de  justice  ou  de  ses  autres  droits  sei- 
gneuriaux sur  le  fief  concédé,  et  alors,  dans  les  limites  de 
cette  réserve,  les  roturiers  et  les  serfs  des  terres  inféodées 
restaient  sous  son  gouvernement  direct.  Il  pouvait  arriver 
enfin  que  son  pouvoir  seigneurial  s'étendît,  non  seulement 
hors  de  son  domaine  propre,  mais  jusque  sur  les  terres  d'un 
seigneur  qui  n'était  point  son  feudataire,  par  exemple  quand 
il  avait  des  droits  de  juridiction  personnelle  sur  les  bour- 
geois ou  les  vilains  d'une  seigneurie  étrangère  qui  s'étaient 
recommandés  à  lui  et  placés  sous  son  avouerie.  Mais  c'étaient 
là  des  cas  exceptionnels  ;  en  règle  générale  les  droits  sei- 
gneuriaux ne  s'exerçaient  que  sur  les  gens  du  domaine 
propre  et  c'est  pourquoi  les  feudistes  leur  ont  souvent  donné 
le  nom  de  droits  domaniaux.  —  C'est  aussi  sous  la  forme 
de  droits  seigneuriaux  que  se  manifestait  la  protection  sou- 
vent oppressive  des  seigneurs  laïques  sur  les  églises  et  les 
communautés  religieuses  de  leur  domaine. 

Les  droits  féodaux  ayant  une  origine  contractuelle  étaient 
d'ordinaire  librement  consentis  ;  le  gouvernement  de  la  classe 
noble,  fondé  sur  ces  droits,  était  (au  moins  en  principe),  un 
gouvernement  libre,  où  les  pouvoirs  du  chef  étaient  définis, 
soit  par  un  contrat  individuel,  soit  parla  coutume  ;  ses  droits 
étaient  atténués  par  des  devoirs  correspondants;  il  devait, 
pour  garder  son  autorité,  gouverner  avec  l'aveu  de  ses  vas- 
saux et  dans  leur  intérêt.  Au  contraire,  les  droits  seigneu- 
riaux ou  domaniaux  avaient  un  caractère  despotique  et  sou- 
vent arbitraire.  La  plupart  étaient,  comme  leur  nom  et  leur 
objet  l'indique  ordinairement,  des  restes  du  système  doma- 
nial que  les  propriétaires  gallo-romains  appliquaient  dans 
leurs  villœ  à  la  population  de  serfs  ou  de  colons  qui  l'ex- 
ploitaient, ou  des  débris  du  pouvoir  administratif  et  fiscal 
que  les  fonctionnaires  de  la  monarchie  franque  exerçaient, 
avec  une  âpreté  toute  romaine,  sur  les  hommes  libres 
soumis  à  leur  autorité.  Sans  doute,  entre  les  mains  des  pro- 
priétaires du  ixe  et  du  xe  siècle,  ces  droits  antiques  s'étaient 
souvent  modifiés,  mais  leur  caractère  primitif  avait  persisté  : 
ils  étaient  établis  dans  l'intérêt  exclusif  du  gouvernant  et 
ne  profitaient  directement  qu'à  lui  et  à  ses  agents  admi- 
nistratifs. En  les  exerçant,  le  seigneur  exploitait  ses 
gens,  comme  il  exploitait  ses  terres  en  exerçant  ses  droits 
fonciers. 

a.  Gouvernement  féodal.  Tout  vassal,  en  faisant  hom- 
mage et  en  jurant  fidélité  à  son  seigneur,  lui  promettait 
service,  aide  et  conseil  (auxilium  et  consilium).  Mais  il 
ne  faudrait  pas  en  conclure  que  les  devoirs  des  vassaux  et 
les  droits  correspondants  du  seigneur  fussent  toujours  et 
partout  les  mêmes  ;  ils  variaient  suivant  la  nature  du  bien 
concédé  (terre,  office  ou  pension)  et,  pour  la  même  nature 
de  biens,  les  conditions  particulières  de  chaque  contrat  dif- 
féraient selon  les  exigences  du  seigneur,  la  puissance  du 
vassal  ou  les  habitudes  de  la  région.  Toutefois,  en  ce  qui 
concerne  les  obligations  essentielles,  il  s'était  formé  de 
bonne  heure,  grâce  à  la  jurisprudence  des  cours  féodales  et 
à  quelques  règlements  seigneuriaux,  des  usages  communs 
que  l'on  trouve  universellement  appliqués  au  xme  siècle, 
et  il  ne  subsista  de  différences  que  pour  les  obligations  ac- 
cessoires ou  pour  la  durée,  la  fréquence  et  la  quotité  des 
services.  Afin  de  simplifier  l'exposé  qui  va  suivre,  on  pren- 
dra pour  type  la  concession  féodale  la  plus  fréquente  et  la 
plus  caractéristique,  celle  qui  avait  pour  objet  un  fief  de 
chevalier  ou  fief  de  haubert  (feodum  loricœ)  ;  les  particu- 
larités les  plus  saillantes  des  autres  types  seront  signalées 
au  mot  Fief. 

Le  service  primordial  et  essentiel  de  vassal-chevalier  était 
le  service  militaire,  car  c'était,  avant  tout,  pour  avoir  des 
hommes  d'armes  que  les  seigneurs  concédaient  des  fiefs.  Ce 
service  comprenait  d'une  manière  générale  :  1°  l'ost  et  la 
chevauchée  (exercitus  et  cavalcata),  c.-à-d.  l'obligation 
de  se  rendre  à  l'armée  du  seigneur  et  de  le  suivre  dans  ses 
expéditions  militaires  toutes  les  fois  qu'on  était  régulière- 


—  215  —  FÉODALITÉ 

ment  «  semons  »  ou  convoqués;  2°  la  reddition  des  châ- 
teaux (castra  jurabilia  et  reddibilia)  toutes  les  fois  que 
le  seigneur  l'exigeait  pour  organiser  la  défense  du  fief  ou 
par  précaution  contre  un  vassal  dont  il  se  défiait;  3°  la 
garde  du  château  seigneurial  (custodia,  estage).  Mais  tous 
les  vassaux  n'étaient  pas  également  tenus  de  ces  trois 
obligations  et  n'y  étaient  pas  astreints  dans  les  mêmes 
conditions.  Les  uns  ne  devaient  l'ost  et  la  chevauchée  que 
quarante  jours  par  an,  aux  frais  du  seigneur,  tantôt  seuls, 
tantôt  avec  une  escorte  de  chevaliers  qui  variait  suivant  l'im- 
portance du  fief.  Les  autres  (ceux  qui  étaient  engagés  par 
l'hommage  lige)^  devaient  l'ost,  à  leurs  frais,  aussi  long- 
temps que  durait  la  guerre  entreprise  par  leur  seigneur. 
D'autres  n'étaient  tenus  qu'à  l'estage;  d'autres  même  pou- 
vaient se  dispenser  de  servir  en  personne,  moyennant  une 
subvention  en  argent,  proportionnelle  au  nombre  de  che- 
valiers qu'ils  devaient  fournir.  A  partir  du  xme  siècle, 
comme  le  service  des  vassaux  détenteurs  de  fiefs  en  terres 
était  devenu  insuffisant,  la  plupart  des  seigneurs  multi- 
plièrent les  concessions  de  fiefs  en  argent,  par  lesquels  ils 
obtenaient  des  nobles  de  leur  seigneurie  (et  surtout  de  ceux 
qui  dépendaient  d'une  seigneurie  étrangère),  moyennant  une 
rente  ou  une  pension  viagère,  un  service  permanent  d'au- 
tant mieux  assuré  qu'il  était  soldé.  —  En  second  lieu,  le 
vassal  devait  le  service  de  justice  ou  de  «  cour  »,  c.-à-d. 
qu'il  était  obligé,  d'une  part,  de  venir  siéger,  lorsqu'il  en 
était  requis,  à  la  cour  de  justice  du  seigneur,  et  d'autre 
part  de  se  soumettre,  lorsqu'il  était  lui-même  mis  en  cause, 
au  jugement  de  cette  cour.  Ce  qui  explique  comment  le  vas- 
sal pouvait  être  mandé  à  la  même  cour,  tantôt  comme  juge, 
tantôt  comme  justiciable,  c'est  le  principe  féodal,  rigoureu- 
sement appliqué  aux  nobles  et  quelquefois  étendu  aux  ro- 
turiers, que  chacun  devait  être  jugé  par  ses  pairs  (V.  Cour 
des  pairs).  La  cour  de  justice  du  seigneur  était  donc 
formée  par  la  réunion  de  ses  vassaux,  pares  in  feodo;  ce 
n'était  pas  lui,  c'étaient  eux  qui  instruisaient  l'affaire  et 
rendaient  la  décision  ;  il  se  bornait  à  les  convoquer  et  à  les 
présider.  Lorsqu'un  de  ces  vassaux  était  cité  en  justice, 
soit  par  un  covassal,  soit  par  le  seigneur  lui-même,  il 
comparaissait  devant  le  tribunal  formé  de  ses  pairs,  dont  il 
pouvait  accepter  ou  fausser  le  jugement  (V.  Appel).  Le 
service  de  cour  n'était  dû  habituellement  que  trois  fois  par 
an,  et,  dans  plusieurs  cas  prévus  par  la  coutume,  on  pou- 
vait s'en  faire  dispenser  par  une  essoineou  un  contremand. 
Le  plus  souvent,  le  seigneur  ne  convoquait  à  la  fois  qu'un 
petit  nombre  de  vassaux;  quatre,  trois  et  même  deux  suf- 
fisaient pour  rendre  valable  la  composition  de  sa  cour.  — 
Outre  ces  deux  services,  le  vassal  devait  aussi  «  conseil  » 
à  son  seigneur,  c.-à-d.  qu'il  était  tenu  de  venir  lui  donner 
son  avis  dans  les  circonstances  importantes  où  le  seigneur 
jugeait  à  propos  de  le  requérir,  soit  qu'il  s'agît  d'affaires 
privées,  soit  qu'il  s'agît  d'une  question  administrative  ou 
politique  intéressant  la  seigneurie.  La  réunion  des  vassaux 
mandés  ainsi  pour  le  conseil  se  confondait  en  fait  avec  la 
cour  de  justice,  et  le  plus  souvent  le  seigneur  les  convo- 
quait à  la  fois  pour  juger  et  pour  conseiller.  C'est  dans  ces 
conseils  de  vassaux  que  s'élaboraient  les  ordonnances  gé- 
nérales du  suzerain,  qui,  pour  être  appliquées  dans  tousses 
fiefs  placés  en  sa  mouvance,  devaient  être  approuvés  par 
l'ensemble  ou  au  moins  par  une  partie  du  corps  féodal.  — 
Enfin  le  vassal  devait,  sous  le  nom  d'aide  (auxilium,  tal- 
lia),  des  secours  en  argent,  proportionnés  à  l'importance  de 
son  fief  et  exigibles  seulement  dans  certains  cas  détermi- 
nés par  la  coutume,  notamment  quand  le  seigneur  mariait 
sa  fille  ou  armait  son  fils  chevalier,  quand  il  était  fait  pri- 
sonnier et  devait  payer  sa  rançon,  quand  il  partait  pour  la 
croisade,  quand  il  allait  a  l'ost  du  roi,  quand  il  achetait 
une  terre  nouvelle,  etc.  De  plus,  le  seigneur  percevait  sur 
son  vassal,  au  moment  de  l'hommage,  un  droit  d'investi- 
ture (cens  féodal)  ;  à  chaque  mutation  sucessorale  dans  la 
tenure  du  fief,  un  droit  de  relief,  rachat  ou  acapte;  à  chaque 
aliénation,  des  droits  de  lods  et  ventes,  de  quint  et  requint 
ou  d'amortissement.  Il  avait  aussi  le  droit  de  se  faire 


FEODALITE 


-  216  - 


défrayer,  lui  et  ses  gens,  par  tous  les  vassaux  dont  il  traver- 
sait les  terres  (gîte,  procuration,  albergue)  ;  c'était  une 
lourde  charge  que  la  coutume  limita  généralement  à  trois 
gites  par  an,  et  qui  était  fréquemment  convertie  en  contri- 
bution pécuniaire. 

L'acquittement  par  les  vassaux  des  obligations  qui  viennent 
d'être  énumérées  procurait  au  seigneur  la  plupart  des  ser- 
vices nécessaires  au  fonctionnement  d'un  Etat  :  une  armée, 
des  tribunaux,  un  conseil  de  gouvernement,  des  revenus 
en  argent.  Pour  en  assurer  l'exécution,  la  coutume  féodale 
avait,  d'une  part,  attribué  au  seigneur  d'énergiques  moyens 
de  coercition,  d'autre  part,  introduit  dans  le  régime  succes- 
soral diverses  règles  destinées  à  maintenir  la  perpétuité  et 
l'intégrité  des  services.  Les  moyens  de  coercition  étaient  la 
commise  ou  confiscation  du  fief  et  la  saisie  temporaire. 
Lorsque  le  vassal  se  rendait  coupable  de  félonie  envers  le 
seigneur,  soit  en  lui  refusant  l'hommage,  le  service  militaire, 
la  comparution  en  justice,  soit  en  prenant  les  armes  contre 
lui,  soit  en  commettant  des  actes  de  brigandage  dans  la  sei- 
gneurie, la  commise  était  prononcée  par  la  cour  féodale  et 
exécutée  de  vive  force  par  le  seigneur.  Lorsqu'il  s'agissait 
de  manquement  simple  à  quelque  service,  le  seigneur  se 
contentait  de  saisir  le  fief  du  vassal  négligent  et  d'en  per- 
cevoir les  revenus  ;  la  commise  n'intervenait  que  si  l'irré- 
gularité se  prolongeait  au  delà  d'un  délai  fixé,  ordinaire- 
ment Tan  et  jour.  A  ces  moyens  de  coercition  établis  par 
la  coutume,  le  seigneur  ajoutait  quelquefois  par  prudence, 
des  sûretés  conventionnelles  (securitates)  qui  consistaient 
en  simples  garants  (plegii)  ou  en  otages  (obsides,  ostaticï)  : 
ceux-ci  s'engageaient,  en  cas  où  le  vassal  manquerait  à  ses 
serments,  à  payer  une  somme  déterminée  et  à  se  mettre 
personnellement  à  la  disposition  du  seigneur.  —  Le  service 
militaire  et  les  autres  services  féodaux,  qui  étaient  dus  par 
chaque  vassal  proportionnellement  à  l'importance  de  son 
fief,  ne  pouvaient  être  pleinement  remplis  qu'à  la  double 
condition  que  ce  fief  restât  indivisible  et  que  le  vassal  fût 
par  son  sexe  et  son  âge  en  état  de  porter  les  armes.  Or, 
depuis  que  la  transmission  héréditaire  des  fiefs  était  deve- 
nue la  règle  universelle,  trois  circonstances  compromet- 
taient l'acquittement  intégral  et  régulier  de  ce  service  : 
c'était  d'abord  quand  le  vassal  mourait  en  laissant  plusieurs 
héritiers,  puis  quand  il  laissait  pour  héritier  une  fille  ou  un 
fils  mineur.  —  4°  Dans  le  premier  cas,  la  règle  du  partage 
égal  des  biens  entre  les  enfants  avait  été  modifiée,  vers  la 
fin  du  xne  siècle  pour  les  fiefs  des  chevaliers  et  au  xme 
siècle  pour  tous  les  fiefs  territoriaux,  par  l'établissement 
du  droit  d'aînesse  en  ligne  directe.  Ce  droit,  né  dans  les 
coutumes  anglo-normandes,  fut  appliqué  avec  rigueur  dans 
tous  les  grands  fiefs  du  royaume  et  même  dans  les  petits 
fiefs  de  l'Anjou,  de  la  Touraine,  de  la  Bretagne,  de  la  Nor- 
mandie :  l'aîné  prenait  la  totalité  du  fief  et  restait  seul 
chargé  des  devoirs  féodaux  ;  les  puînés  ne  recevaient  que 
des  pensions  ou  apanages.  Mais  dans  la  plupart  des  autres 
provinces,  l'aîné  n'eut  qu'un  préciput,  composé  du  manoir 
paternel  et  de  la  moitié  ou  des  deux  tiers  du  fief  ;  le  reste 
était  partagé  entre  les  puînés.  Sans  doute  alors  le  fief  se  di- 
visait; mais,  pour  laisser  intacts  les  droits  du  seigneur,  on 
eut  recours  à  deux  moyens;  l'un,  usité  dans  les  pays  cou- 
tumiers,  était  la  tenure  en  parage  ou  frérage,  l'autre,  fré- 
quent dans  les  pays  de  droit  écrit,  était  l'association  des 
cohéritiers  :  tous  deux  avaient  pour  conséquence  la  cosei- 
gneurie.  Dans  le  parage,  le  fief  était  réputé,  au  regard  du 
seigneur,  être  resté  indivis  entre  les  cohéritiers  ;  le  vassal 
était  une  personne  collective  formée  par  leur  réunion  et 
représentée  par  l'aîné  (chef  parageur)  qui  rendait  seul  les 
devoirs  féodaux  pour  la  totalité  du  fief;  les  cadets  (apara- 
geurs)  n'avaient  aucun  rapport  de  vassalité  avec  le  seigneur, 
mais  ils  indemnisaient  l'aîné,  au  prorata  de  leur  part  héré- 
ditaire, des  frais  que  lui  imposait  l'acquittement  des  de- 
voirs féodaux.  Dans  l'association  entre  cohéritiers,  il  y  avait 
administration  commune  du  fief,  et  les  coseigneurs,  pairs 
entre  eux  {parierii) ,  s'entendaient pouracquitter  collective- 
ment ou  alternativement  les  services  féodaux  dont  ils  étaient 


tenus  (V.  Aînesse,  Cadet,  Coseigneur).  —  2°  Il  arrivait 
fréquemment  que  l'héritier  d'un  fief  n'était  point  le  fils,  mais 
la  fille  de  l'ancien  vassal,  car  le  privilège  de  masculinité,  en 
vigueur  dans  les  pays  germaniques,  n'avait  pas  prévalu  dans 
la  France  féodale,  et  n'avait  laissé  de  traces  au  xme  siècle 
que  dans  les  successions  collatérales  où,  à  degré  égal, 
les  femmes  étaient  exclues  par  les  hommes.  Les  droits  du 
suzerain  n'étaient  pas  diminués  par  cette  circonstance  : 
les  services  que  la  femme  vassale  ne  pouvait  acquitter  elle- 
même  étaient  remplis  par  un  représentant.  Mais  nul  ne 
semblait  mieux  qualifié  pour  ce  rôle  que  son  mari,  et  le 
suzerain,  intéressé  à  ce  qu'elle  ne  restât  point  fille  et  à  ce 
qu'elle  épousât  un  bon  chevalier,  avait,  suivant  plusieurs 
coutumes,  le  droit  d'intervenir,  soit  pour  la  contraindre  à 
se  marier,  soit  pour  écarter  un  prétendant.  —  3°  Enfin 
quand  la  succession  s'ouvrait  au  profit  d'un  mineur  qui  ne 
pouvait  servir  le  fief,  le  seigneur  reprenait  la  terre  en  sa 
«  garde  »  et  l'administrait  comme  son  domaine  propre  jus- 
qu'à la  majorité  du  vassal,  ordinairement  fixée  à  vingt  et 
un  ans  pour  les  hommes,  à  quinze  ans  pour  les  filles.  Au 
xmesiècle,  la  garde  seigneuriale  fut  généralement  remplacée 
par  le  «  bail  »  du  plus  proche  parent,  c.-à-d.  que  le  père,  la 
mère  ou  un  collatéral  du  mineur  fut  investi,  en  qualité  de 
baillistre,  de  la  jouissance  du  fief,  à  charge  d'acquitter  les 
obligations  féodales  (V.  Bail). 

On  vient  de  voir  comment,  par  l'exercice  des  droits  féo- 
daux, le  seigneur  obtenait  de  ses  vassaux  les  divers  services 
qu'un  chef  d'Etat  requiert  de  ses  sujets.  Mais  ce  n'était 
point  pour  son  profit  exclusif  qu'il  disposait  de  ces  pouvoirs  ; 
c'était  aussi  pour  le  profit  de  ses  vassaux,  envers  qui  le 
contrat  de  fief  lui  imposait  des  obligations  définies  par  la 
coutume.  Il  devait  avant  tout  garantir  à  chacun  d'eux  la 
possession  du  fief  dont  il  l'avait  investi,  en  employant 
au  besoin,  pour  le  défendre,  toute  la  force  du  groupe  féodal. 
Il  leur  devait  aussi  la  justice  et  était  tenu,  en  cas  de  plainte 
dirigée  contre  lui-même,  de  soumettre  le  procès  au  jugement 
de  sa  cour.  Outre  ces  devoirs  positifs,  il  était  encore  tenu, 
pour  ne  pas  violer  la  foi  du  contrat,  de  respecter  l'honneur 
de  son  vassal,  de  ne  pas  lui  imposer  de  redevances  nou- 
velles, de  ne  pas  lui  enlever  frauduleusement  ses  hommes, 
de  ne  pas  construire  de  forteresses  sur  son  fief  sans  son 
consentement,  enfin  de  ne  pas  aliéner  sa  propre  sei- 
gneurie sans  l'agrément  de  ses  vassaux  réunis.  Toute 
déloyauté  commise  par  le  seigneur  avait  pour  conséquence 
la  rupture  du  contrat  de  fief;  le  vassal  devait  alors  porter 
directement  son  hommage  au  suzerain  du  seigneur  félon 
(V.  Félonie). 

Dans  le  tableau  sommaire  qui  vient  d'être  tracé  du  gou- 
vernement féodal,  on  a  supposé  qu'il  s'agissait  de  seigneurs 
et  de  vassaux  laïques.  Les  règles  féodales  étaient  les  mêmes, 
en  principe,  quand  il  s'agissait  de  seigneurs  ou  de  vassaux 
ecclésiastiques;  les  mêmes  aussi,  quand  la  seigneurie  suze- 
raine ou  vassale  était  une  ville  de  commune  ou  une  ville 
consulaire.  Seulement  les  évêques  et  les  abbés  acquittaient 
d'ordinaire  par  représentants  (vidâmes  ou  avoués)  les  ser- 
vices dont  ils  étaient  tenus,  notamment  le  service  de  guerre, 
et,  dans  les  communes,  c'étaient  les  magistrats  municipaux 
qui  étaient  chargés  de  ce  soin. 

Les  contrats  féodaux  qui  avaient  pour  objet  la  concession 
d'un  domaine  foncier  ou  d'un  droit  réel  (fiefs-terre)  et 
ceux  qui  consistaient  dans  l'assignation  d'une  rente  ou  pen- 
sion pécuniaire  (fiefs-argent)  étaient  principalement  desti- 
nés à  procurer  au  seigneur  la  force  militaire  dont  il  avait 
besoin  pour  la  sécurité  et  la  puissance  de  sa  seigneurie. 
C'est  pourquoi  l'obligation  essentielle  du  vassal  était  alors 
le  service  de  guerre.  Mais  d'autres  concessions  féodales 
(fiefs-offices)  n'avaient  pour  objet  que  de  procurer  au  sei- 
gneur les  fonctionnaires  d'ordre  administratif,  judiciaire  ou 
financier  dont  il  avait  besoin  pour  le  gouvernement  des 
gens  de  son  domaine  ou  de  ses  vassaux  :  car  la  tendance, 
qui  imposait  alors  à  toute  propriété  la  forme  féodale,  s'éten- 
dait aussi  à  tout  office,  à  toute  délégation  d'autorité 
(V.  Fief).  Dans  ce  genre  de  fief,  l'obligation  principale  du 


—  217  — 


FÉODALITÉ 


vassal  n'était  point  le  service  militaire  ;  c'était  l'accomplis- 
sement de  la  fonction  concédée ,  et  quand  l'objet  de  cette 
fonction  était  réputé  honorable  et  noble  (ce  qui  avait  lieu 
pour  tous  les  agents  de  l'administration  supérieure),  le  titu- 
laire jouissait  des  mêmes  prérogatives  que  les  autres  vas- 
saux, faisait  partie  de  la  cour  des  pairs,  en  devenait  justi- 
ciable et  se  trouvait  soumis  à  toutes  les  aides  féodales  ;  il 
pouvait  même,  en  cas  de  nécessité,  être  astreint  à  contri- 
buer de  sa  bourse,  sinon  de  sa  personne,  au  service  de  guerre. 
b.  Gouvernement  seigneurial  ou  domanial.  S'il  n'y 
avait  pas  uniformité  dans  les  droits  qu'un  seigneur  avait 
sur  ses  vassaux  en  vertu  du  contrat  féodal  conclu  avec 
chacun  d'eux,  la  diversité  était  plus  grande  encore  pour  les 
droits  seigneuriaux  qu'il  exerçait  sur  les  roturiers,  sur  les 
serfs  et  à  certains  égards  sur  les  communautés  ecclésias- 
tiques qui  dépendaient  de  lui,  soit  dans  son  domaine  propre 
soit  en  dehors.  Ces  droits  variaient  suivant  la  coutume 
locale  et  suivant  le  hasard  des  circonstances  qui  avaient 
amené  la  formation  de  chaque  seigneurie.  La  plupart  des 
seigneurs  n'avaient,  comme  on  l'a  montré  précédemment, 
qu'une  souveraineté  incomplète,  formée  de  droits  épars, 
inégaux  ou  partagés.  Ceux  qui  avaient  la  pleine  seigneurie 
formaient  l'exception  :  c'étaient  quelques  alleutiers,  les 
grands  feudataires  du  royaume  et  un  certain  nombre  de 
vassaux  de  moyenne  importance,  titrés  ou  non,  auxquels 
on  donnait  le  titre  de  barons,  pour  indiquer  cette  pléni- 
tude de  souveraineté  ;  «  cascuns  barons,  dit  Beaumanoir, 
est  souvrains  en  se  baronnie  ».  Ces  seigneuries  complètes 
avaient,  pour  marque  extérieure  de  leur  puissance  militaire, 
le  donjon,  tour  fortifiée  qui  dominait  le  château  seigneu- 
rial ;  pour  signes  matériels  de  leur  puissance  civile  et  ad- 
ministrative, les  fourches  patibulaires  et  le  pilori  dressés 
pour  l'exécution  des  criminels,  le  sceau  et  la  monnaie  por- 
tant l'effigie  du  seigneur.  Si  l'on  prend  l'une  d'elles  comme 
type,  pour  étudier  le  gouvernement  seigneurial,  on  voit  en 
effet  que  les  droits  dont  elle  était  composée  se  rapportaient  : 
1°  au  pouvoir  législatif  et  réglementaire  ;  2°  au  pouvoir 
judiciaire;  3°  au  pouvoir  fiscal;  4°  au  pouvoir  militaire. 
En  outre,  il  s'y  joignait  ordinairement  un  certain  pouvoir 
ecclésiastique. 

1°  Pouvoir  législatif  et  réglementaire.  Par  des  ordon- 
nances qui  portaient,  comme  autrefois  les  mandements  des 
rois  et  des  comtes  francs,  le  nom  général  de  ban  (ban- 
num,  proclamation  publique  et  solennelle),  le  seigneur 
réglait  de  son  autorité  privée  et  sans  contestation  possible 
tout  ce  qui  concernait  la  police  de  son  domaine,  l'adminis- 
tration domaniale,  l'usage  des  bois,  des  pâturages,  des 
eaux,  des  immeubles  et  des  objets  d'intérêt  commun  (bana- 
lités), la  tenue  des  foires,  l'époque  des  moissons  et  des  ven- 
danges (banvin),  la  vente  et  le  taux  des  denrées  de  première 
nécessité,  parfois  même  la  condition  civile  des  habitants. 
2°  Justice.  Les  seigneurs  dont  la  compétence  était  la 
plus  étendue  avaient  le  droit  de  juger  souverainement  et 
sans  appel,  au  civil,  tous  les  procès  relatifs  aux  personnes 
et  aux  biens  des  roturiers  ou  des  serfs  de  son  domaine  ; 
au  criminel,  tous  les  délits  commis  sur  le  territoire  de  ce 
domaine,  soit  par  les  roturiers  et  les  serfs  qui  l'habitaient, 
soit  par  les  aubains  qui  s'y  trouvaient  accidentellement. 
Ces  larges  pouvoirs  prenaient  le  nom  de  haute  justice 
(justitia  major,  jus  spatœ,  jus  sanguinis)  ;  on  y  oppo- 
sait la  basse  justice  qui  appartenait  seule  à  la  plupart 
des  petits  seigneurs,  et  qui  ne  leur  donnait  que  le  droit  de 
connaître  des  affaires  les  moins  importantes,  c.-à-d.  des 
délits  qui  n'entraînaient  pas  de  peine  afflictive  et  des  pro- 
cès civils  où  la  duel  judiciaire  ne  pouvait  être  employé 
comme  moyen  de  preuve.  La  haute  justice  du  baron  était 
souvent  limitée,  non  seulement  par  les  droits  de  basse  jus- 
tice locale  qu'il  en  détachait  pour  les  inféoder  à  ses  vas- 
saux, mais  aussi  par  les  droits  de  justice  personnelle  que 
d'autres  seigneurs  laïques  ou  ecclésiastiques  avaient  acquis 
par  avouerie  sur  les  roturiers  de  son  domaine  ;  en  revanche, 
il  pouvait  avoir  pour  justiciables  hors  de  son  domaine,  dans 
les  fiefs  de  ses  vassaux  ou  dans  d'autres  fiefs,  les  hommes 


qui  se  plaçaient  sous  son  avouerie  personnelle.  A  la  justice 
seigneuriale  du  baron  se  trouvaient  souvent  réunis,  indé- 
pendamment de  la  juridiction  féodale  qui  lui  appartenait 
sur  ses  vassaux  nobles,  des  droits  de  justice  foncière  sur 
ses  tenanciers  non  nobles,  car  le  principe  féodal,  d'après 
lequel  tout  seigneur  par  qui  est  concédée  une  tenure  immo- 
bilière retient  par  devers  lui,  avec  le  domaine  éminent,  le 
droit  exclusif  de  connaître  de  toutes  les  actions  relatives  à 
cette  tenure,  s'appliquait  non  seulement  aux  fiefs,  mais 
aussi  aux  censives  et  autres  terres  roturières.  Lorsque  la 
tenure  concédée  à  un  roturier  émanait,  comme  c'était  le 
cas  ordinaire,  du  seigneur  même  dont  il  était  déjà  le  justi- 
ciable, la  confusion  était  possible  entre  la  juridiction  fon- 
cière et  la  juridiction  seigneuriale,  exercées  toutes  deux  au 
même  tribunal  et  sur  la  même  personne  ;  mais  ces  deux 
justices  se  distinguaient,  en  fait  comme  en  droit,  lorsque  le 
seigneur  de  qui  émanait  la  concession  avait  pour  une  rai- 
son quelconque  perdu  sa  juridiction  seigneuriale  sur  le  te- 
nancier, ou  réciproquement  lorsque  celui-ci  devait  sa  tenure 
non  pas  à  son  seigneur  naturel,  mais  à  un  seigneur  étran- 
ger.—  Les  droits  de  justice  étaient  exercés  sur  les  roturiers 
tantôt  par  la  cour  féodale  du  seigneur,  tantôt  par  le  tribu- 
nal de  son  bailli  ou  de  son  sénéchal.  Celui-ci  siégeait  avec 
l'assistance  d'un  conseil  ordinairement  composé  de  notables 
ou  de  praticiens  choisis  par  lui,  et  non  des  pairs  de  la 
partie  mise  en  cause.  C'est  seulement  par  exception  que  les 
roturiers  pouvaient  invoquer  le  jugement  de  leurs  pairs, 
par  exemple  dans  les  localités  où  la  coutume  avait  établi 
cette  règle  pour  les  causes  relevant  de  la  justice  foncière, 
et  dans  celles  où  une  charte  municipale  leur  avait  reconnu 
ce  privilège.  Quant  aux  serfs,  ils  étaient  jugés  à  merci  par 
le  prévôt  du  seigneur.  —  La  justice  seigneuriale  n'avait 
aucunement  le  caractère  d'un  service  public  rendu  aux  jus- 
ticiables ;  c'était  un  droit  patrimonial  dont  l'unique  objet 
était  l'intérêt  du  seigneur,  l'exploitation  de  ses  subordon- 
nés (expletabiles)  ;  c'était  une  source  abondante  de  revenus 
pécuniaires,  et  le  caractère  lucratif  de  la  fonction  s'était 
accentué  au  point  que  le  sens  ordinaire  du  mot  justitia, 
au  moyen  âge,  n'était  pas  celui  de  juridiction,  mais  de  pro- 
fit de  justice. 

3°  Pouvoir  fiscal.  De  tous  les  pouvoirs  seigneuriaux, 
c'était  le  plus  important  et  celui  qui  prenaitjes  formes 
les  plus  variées.  Il  comprenait  d'abord  le  droit  de  battre 
monnaie,  d'imposer  à  tous  les  gens  du  domaine  l'usage  ex- 
clusif des  espèces  fabriquées  dans  les  ateliers  seigneuriaux 
et  de  modifier  à  son  gré  le  titre  de  ces  espèces  pour  béné- 
ficier du  change.  Il  comprenait  ensuite  le  droit  de  prélever 
sur  les  tenanciers  libres  et  serfs,  en  taxes  et  réquisitions 
(exactiones),  une  portion  considérable  de  leur  avoir  en 
argent  ou  en  nature,  et  d'exiger  en  corvées  (servitia)  une 
part  non  moins  grande  de  leur  travail.  Toutefois,  il  ne  fau- 
drait pas  englober,  comme  on  le  fait  ordinairement,  dans  la 
catégorie  des  droits  seigneuriaux  tous  les  revenus  pécu- 
niaires et  tous  les  services  corporels  que  le  seigneur  exi- 
geait de  ses  tenanciers.  Comme  on  l'a  déjà  remarqué,  une 
partie  de  ces  revenus  et  de  ces  services  avaient  le  caractère 
de  droits  fonciers,  c.-à-d.  de  loyers  ou  de  fermages  :  tels 
étaient  les  cens,  les  champarts,  terrages  ou  agriers,  les  com- 
plants  et  vinages,  les  redevances  sur  l'habitation  (masna- 
gium)  ou  sur  les  troupeaux  (bovagium,  porcagium,  etc.), 
que  devaient  périodiquement  au  seigneur  les  possesseurs 
de  tenures  roturières  ou  de  manses  serviles  ;  tels  étaient 
encore  les  divers  travaux  (corvées  de  labour,  de  moisson, 
de  fenaison,  de  charroi,  d'entretien  des  bâtiments)  faits 
par  eux  sur  la  partie  du  domaine  réservée  au  seigneur 
(indominicatum) .  Ces  droits,  calculés  sur  la  valeur  de  la 
terre  exploitée,  étaient  l'équivalent  de  la  jouissance  concé- 
dée au  tenancier.  D'autres  droits  avaient  eu  à  l'origine  le 
même  caractère,  mais  s'étaient  peu  à  peu  altérés  ou  exagé- 
rés, au  point  de  faire  disparaître  l'exiguïté  du  service  rendu 
au  tenancier  sous  Ténor  mité  de  l'exigence  fiscale  :  tels 
étaient  les  banalités,  c.-à-d.  le  droit  d'obliger  les  gens  du 
domaine  à  se  servir  des  fours,  moulins  et  pressoirs  du  sei- 


FÉODALITÉ 

gtieur  et  d'en  payer  l'usage  (furnagium,  molta,  presso- 
raticum),  le  monopole  de  la  vente  du  sel  {gabelle),  les 
droits  correspondant  aux  concessions  de  jouissance  dans 
les  forêts,  les  pâturages  ou  les  eaux  (forestagium,  pas- 
cuagium,  piscagium),  les  droits  de  banvin  (bannum 
vint)  ;  tels  encore  les  droits  sur  les  foires  et  marchés  où 
le  seigneur  louait  ses  boutiques  et  ses  halles  (jus  mercati, 
feriœ),  les  péages  et  douanes  (pedagium,  teloneum) 
établis  d'abord  pour  subvenir  à  l'entretien  des  voies  de 
communication,  mais  qui  étaient  promptement  devenus  des 
impôts  sur  la  circulation  des  voyageurs  et  des  marchan- 
dises. Enfin,  il  y  avait  des  droits  (et  c'était  le  plus  grand 
nombre)  dont  le  caractère  était  exclusivement  fiscal,  qui 
se  justifiaient  en  apparence  par  la  protection  du  seigneur, 
mais  .dans  lesquels  on  ne  doit  voir  que  des  formes  de 
l'exploitation  administrative.  On  peut  les  ranger  en  plusieurs 
catégories:  d°  taxes  établies  directement  sur  les  personnes: 
taille  ordinaire  (tallia,  questa,  exaciio),  taille  extraordi- 
naire ou  éventuelle,  analogue  à  l'aide  féodale  (tallia,  auxi- 
liwri),  chevage  et  formariage  perçus  seulement  sur  les 
serfs  (capitalis  census,  forismaritagium)  ;  2°  droits  de 
mutation  :  lods  et  ventes  (laudationes,  ventœ),  quint 
(quintus  denarms),  relief  ou  rachat  (relevium,  retroa- 
capita),  mainmorte  sur  les  successions  serviles  (manus 
rnortua),  droits  sur  les  successions  des  aubains  et  des 
bâtards  (albanagium,  bastardagium) ,  sur  les  biens  va- 
cants) escaduta,  eschoites)  ;  3°  droits  sur  l'industrie  et 
sur  le  commerce  :  hauban  (halbannum),  droits  sur  la  vente 
des  maîtrises,  des  denrées,  des  vêtements  et  ameublements, 
sur  le  commerce  de  l'argent,  etc.  ;  4°  droits  administratifs 
et  de  police  :  sceau,  greife  et  tabellionat  (sigillatus,  tabel- 
lionatus),  sauvegarde  et  commandise  (custodia,  salva- 
mentum,  commendatio,  conductus)  ;  5°  droits  de  jus- 
tice :  amendes  pour  crimes  et  délits  (forisfacta,  leges, 
emendœ),  confiscations  (commissum),  frais  de  procédure 
(expleta)  ;  6°  prestations  diverses  ;  hospitalité  forcée  due 
au  seigneur,  à  ses  gens  et  à  ses  bêtes  (gistum,  procura- 
tion cœna,  pastus)  ;  droit  de  prise  exercé  sur  les  objets 
dont  le  seigneur  avait  besoin  dans  ses  résidences  ordi- 
naires (prisia,  exactio)  ;  7°  droits  de  chasse  sur  les  terres 
cultivées  et  autres  réserves  (forestœ,  garennes)  ;  8°  enfin 
toutes  les  corvées  qui  n'avaient  point  le  caractère  de  droits 
fonciers  :  services  personnels  (manoperœ),  services  de 
transport  (carroperœ).  Toutes  les  ressources  qu'il  tirait 
de  ces  revenus  divers,  le  seigneur  les  appliquait  à  son  profit 
exclusif,  à  la  culture  de  ses  terres,  à  ses  dépenses  person- 
nelles, à  ses  guerres  ou  à  ses  plaisirs.  Il  ne  les  affectait  à 
quelque  dépense  d'intérêt  général  (construction  de  routes, 
de  ponts,  d'églises,  etc.)  que  s'il  y  trouvait  un  profit  direct 
(V.  Corvée). 

4°  Pouvoir  militaire.  Bien  que  les  roturiers  n'eussent 
pas  le  droit  déporter  les  armes  en  temps  ordinaire,  l'inté- 
rêt supérieur  de  la  défense  du  fief  ou  même  les  exigences 
d'une  guerre  offensive  amenaient  souvent  le  seigneur  à 
requérir  d'eux  le  service  militaire,  et  il  paraît  certain  qu'il 
en  était  de  même  pour  les  serfs  dans  certaines  localités. 
Comme  le  service  militaire  des  nobles,  celui  des  roturiers 
consistait  principalement  dans  l'ost  et  la  chevauchée  ;  mais 
comme  ce  n'était  pour  eux  qu'une  obligation  secondaire, 
ils  pouvaient  toujours  se  faire  représenter  par  un  serviens 
idoneus,  et  parfois  obtenir  leur  exemption  à  prix  d'argent. 
En  outre,  ils  devaient  faire  le  service  de  guet  (guaita, 
escarguaita)  dans  les  châteaux  et  les  enceintes  fortifiées, 
et  travailler  à  la  réparation  des  murs  ou  payer  le  droit  cor- 
respondant (muragium). 

Pendant  le  xe  et  le  xie  siècle,  les  pouvoirs  qui  viennent 
d'être  énumérés  furent  presque  partout  exercés  par  les 
seigneurs  de  la  façon  la  plus  arbitraire;  la  coutume,  qui 
leur  donnait  quelque  régularité,  ne  liait  le  seigneur  qu'au- 
tant qu'il  le  voulait.  Toutefois,  lorsqu'il  entendait  bien  son 
intérêt,  il  n  usait  pas  de  son  pouvoir  avec  trop  de  rigueur, 
et  «  relâchait  par  degrés  les  mailles  du  rets  où  ses  vilains 
et  ses  serfs  travaillaient  mal,  parce  qu'ils  étaient  trop  ser- 


218  — 


rés  ».  Par  exemple,  au  lieu  d'exiger  les  tailles  à  volonté  et 
à  merci  (ad  misericordiam),  il  consentait  à  ne  les  lever 
qu'à  des  époques  fixes  (ex  consuetudine),  ou  même  les 
transformait  en  redevances  régulières  et  fixes,  dont  les 
vilains  et  les  serfs  pouvaient  s'acquitter  par  abonnement, 
ou  qu'ils  pouvaient  racheter  au  prix  d'un  capital  une  fois 
payé.  D'autre  part,  auxne  siècle,  les  habitants  des  villes  et 
villages  qui  avaient  réussi  à  se  grouper  en  communautés 
municipales,  acquirent  ainsi  une  force  collective  qui  leur 
permit  démettre  un  terme  à  l'arbitraire  en  se  faisant  concé- 
der des  chartes  de  franchises.  Ces  chartes,  que  les  seigneurs 
octroyèrent  par  calcul  ou  vendirent  à  la  plupart  des  com- 
munautés urbaines  et  à  bon  nombre  de  communautés  ru- 
rales, avaient  pour  objet  principal  de  fixer  invariable- 
ment et  souvent  de  réduire  les  pouvoirs  seigneuriaux  à 
l'égard  des  membres  de  la  communauté.  Au  milieu  d'infi- 
nies variétés,  voici  les  clauses  qui  revenaient  habituelle- 
ment. En  matière  fiscale,  on  substituait  les  redevances 
réglées  ou  abonnées  aux  taxes  arbitrairement  perçues  et 
aux  services  corporels  ;  on  supprimait  souvent  les  tailles, 
les  corvées  et  les  prestations;  on  diminuait  les  redevances 
directes  en  argent  et  en  nature  ;  mais  les  péages,  les  douanes, 
les  banalités,  les  droits  sur  les  métiers  et  les  ventes  étaient 
plutôt  multipliés.  En  matière  judiciaire,  létaux  des  amendes 
était  abaissé;  une  partie  delà  juridiction  (ordinairement  la 
basse  justice)  était  abandonnée  aux  officiers  municipaux. 
En  matière  militaire,  le  service  était  réduit  dans  sa  durée 
et  pouvait  être  converti  en  taxe.  Ces  mêmes  privilèges  se 
retrouvaient  dans  les  chartes  de  fondation  des  villes  neuves. 
Ainsi,  à  l'égard  des  bourgeois  de  ces  villes,  l'exploitation 
seigneuriale  se  trouvait  en  droit,  sinon  toujours  en  fait, 
notablement  limitée  et  adoucie.  Elle  ne  gardait  un  carac- 
tère rigoureux  et  arbitraire  qu'à  l'égard  des  vilains  non 
privilégiés  et  des  serfs  ;  encore  y  avait-il  beaucoup  d'at- 
ténuations locales  ou  individuelles.  Enfin,  lorsque  sur  le 
territoire  d'une  baronnie,  une  ville  parvenait  à  s'ériger  en 
commune,  le  baron  ne  se  bornait  plus  à  reconnaître  aux 
habitants  de  cette  ville  un  certain  nombre  de  franchises  ; 
il  abandonnait  à  la  communauté,  considérée  comme  per- 
sonne collective,  une  partie  de  la  souveraineté  ;  elle  deve- 
nait, elle  aussi,  une  seigneurie,  vassale  de  celle  dont  elle 
était  détachée.  Mais  ce  partage  delà  souveraineté  s'accom- 
plissait, suivant  les  régions,  dans  les  conditions  les  plus 
variées  :  tantôt  la  commune  devenait  pleinement  indépen- 
dante; maîtresse  de  son  sol,  investie  de  tous  les  pouvoirs 
souverains,  c'est  elle  qui,  représentée  par  ses  magistrats 
élus,  exerçait  sur  ses  habitants,  à  l'exclusion  du  baron,  le 
pouvoir  législatif,  judiciaire,  fiscal  et  militaire.  Tantôt,  au 
contraire,  le  baron  gardait  une  partie  de  ces  droits  souve- 
rains, notamment  des  droits  de  justice  et  le  droit  de  battre 
monnaie  (V.  Commune). 

Jusqu'à  présent  il  n'a  été  question  du  gouvernement  sei- 
gneurial que  dans  les  rapports  du  seigneur  avec  les  rotu- 
riers et  les  serfs  de  ses  domaines.  Mais  ce  gouvernement 
s'étendait  aussi  à  certains  égards  sur  les  gens  d'Eglise. 
Considérés  individuellement,  les  clercs,  qui  étaient  exempts 
du  service  militaire,  libres  d'impositions,  justiciables  des 
tribunaux  ecclésiastiques,  échappaient  à  l'autorité  des  ba- 
rons. Mais  sur  les  églises  et  les  monastères,  les  princi- 
paux seigneurs  laïques  prétendaient  exercer,  chacun  dans 
les  limites  de  sa  seigneurie,  les  pouvoirs  ecclésiastiques 
qui  avaient  autrefois  appartenu  à  la  royauté  franque. 
Les  hauts  feudataires,  dans  le  duché  ou  le  comté  desquels 
était  situé  un  évêché,  s'arrogeaient  le  droit  de  nommer 
l'évêque  ou  au  moins  de  le  désigner  au  choix  des  chapitres  ; 
le  droit  de  l'investir  de  sa  fonction  ou  de  son  bénéfice  sous 
la  condition  d'un  hommage  spécial,  qui  n'établissait  pas 
entre  eux  un  lien  proprement  féodal,  mais  qui  imposait  à 
l'évêque  la  fidélité  personnelle;  enfin  le  droit  d'exercer 
à  sa  mort  la  régale  sur  le  temporel  de  l'évêché.  De 
même  la  plupart  des  barons  revendiquaient  le  droit  de 
nommer  et  d'investir  les  abbés  des  monastères  situés  sur 
leurs  terres,  d'exercer  sur  l'abbaye  le  droit  de  garde,  qui 


—  249 


FEODALITE 


donnait  lieu  à  un  cens  annuel,  et  le  droit  de  gîte.  Enfin  bien 
des  seigneurs  possédaient,  soit  en  vertu  de  leur  avouerie  ou 
de  leur  patronage,  soit  par  suite  d'une  inféodation,  le  droit 
de  percevoir,  sur  une  partie  des  églises  de  leurs  domaines, 
les  dîmes  et  autres  revenus  paroissiaux.  La  réforme  du 
clergé  régulier  et  du  clergé  séculier,  entreprise  par  les 
papes  du  xie  et  du  xne  siècle,  eut  pour  effet  de  limiter  à 
certains  égards,  mais  non  de  supprimer  le  pouvoir  des 
barons  en  matière  ecclésiastique. 

c.  Evolution  politique  et  organisation  administra- 
tive des  grandes  seigneuries.  On  a  déjà  remarqué  combien 
étaient  inégalement  partagées  entre  les  seigneuries  la  puis- 
sance territoriale  et  les  prérogatives  souveraines,  et  l'on  a 
vu  que  dès  les  premiers  temps  de  la  féodalité  un  classement 
de  fait  s'était  opéré  entre  les  grandes  baronnies  laïques  et 
ecclésiastiques  jouissant  de  tous  les  droits  régaliens  (duchés, 
comtés,  vicomtes  de  premier  ordre),  et  les  petites  seigneuries 
beaucoup  plus  nombreuses,  mais  n'ayant  que  des  pouvoirs 
limités  (châtellenies,  vicomtes  de  second  ordre,  vigueries, 
vidamies  et  avoueries).  Ce  n'est  pas  seulement  au  point  de 
vue  du  groupement  féodal  et  des  rapports  de  dépendance  et 
de  protection  réciproques  que  cette  distinction  avait  de  l'im- 
portance, c'est  aussi  au  point  de  vue  de  l'évolution  politique 
et  de  l'organisation  administrative  de  chaque  seigneurie. 

1°  Les  grandes  baronnies,  quelle  que  fût  leur  origine,  ap- 
partenaient au  xue  siècle  à  de  puissantes  familles  féodales, 
solidement  établies  dans  les  provinces,  qui  avaient  assuré 
l'indivisibilité  de  leur  pouvoir  et  de  leur  domaine  par  l'éta- 
blissement du  droit  d'aînesse,  la  perpétuité  de  leur  dynastie 
par  l'habitude  d'associer  d'avance  l'héritier  présomptif  à 
l'exercice  du  pouvoir  ducal  ou  comtal.  Toutefois,  dans  l'in- 
térieur de  leurs  domaines,  ces  barons  avaient  affaire  à  un 
grand  nombre  de  vassaux  puissants  et  riches,  souvent  tur- 
bulents et  rebelles,  dont  ils  se  faisaient  difficilement  obéir. 
Au  xie  siècle,  la  plupart  d'entre  eux  n'avaient  d'autorité  réelle 
que  là  où  ils  possédaient  un  comté  et  un  domaine  direct. 
Mais,  au  xne  siècle,  il  se  produisit  dans  presque  toutes 
les  baronnies  et  principalement  dans  les  groupes  laïques 
de  premier  ordre  (duchés  de  Normandie,  de  Bourgogne, 
d'Aquitaine  ;  comtés  de  Flandre,  de  Champagne,  de  Bretagne, 
d'Anjou,  de  Toulouse)  une  sorte  de  centralisation  politique. 
Les  ducs  et  les  comtes  essayèrent  de  restaurer  à  leur  profit, 
dans  les  limites  de  leur  suzeraineté,  l'unité  de  gouverne- 
ment que  leurs  ancêtres  avaient  travaillé  à  détruire  dans  le 
royaume  carolingien.  Ils  accrurent  leur  domaine  propre  par 
des  conquêtes  ou  des  achats,  transformèrent  en  un  terri- 
toire compact  leurs  possessions  dispersées,  établirent  des 
règlements  généraux,  firent  la  police  l'épée  à  la  main, 
détruisirent  les  châteaux  des  feudataires  qui  se  refusaient 
aux  devoirs  de  la  vassalité,  s'appuyèrent  contre  eux  sur  le 
clergé  et  les  communautés  populaires,  s'acquittèrent  en  un 
mot,  dans  leur  seigneurie,  de  la  tâche  qu'un  siècle  plus 
tard  la  royauté  remplira  à  son  profit  dans  tout  le  royaume. 
Il  en  résulta  qu'à  la  fin  du  xne  siècle  toutes  ces  grandes 
baronnies  formaient  de  véritables  Etats  féodaux,  des  unités 
provinciales,  où  le  pouvoir  politique  fonctionnait  avec  plus  de 
régularité  que  partout  ailleurs  et  qui  étaient  pourvus  d'une 
organisation  administrative  dont  voici  les  traits  essentiels. 

Elle  se  composait,  comme  toute  administration  monar- 
chique, de  fonctionnaires  chargés  du  gouvernement  central 
et  d'agents  préposés  au  gouvernement  local.  Les  uns  et  les 
autres  exerçaient  d'ailleurs  à  l'égard  des  vassaux  aussi  bien 
que  des  gens  du  domaine  le  pouvoir  qui  leur  était  délégué  ; 
ils  représentaient  le  baron  à  la  fois  dans  le  gouvernement 
féodal  et  dans  le  gouvernement  domanial.  —  L'administra- 
tion centrale  se  confondait,  comme  à  la  cour  des  souverains 
carolingiens  et  capétiens,  avec  l'intendance  de  la  maison 
seigneuriale.  Elle  était  partout  confiée  à  quatre  ou  cinq 
grands  officiers  (ministeriales)  :  le  sénéchal,  le  conné- 
table, le  chambrier,  le  bouteiller  et  le  chancelier  (V.  ces 
mots).  Le  sénéchal  avait  ordinairement  l'office  le  plus  im- 
portant ;  il  représentait  le  baron  dans  l'exercice  de  tous 
ses  pouvoirs,  dirigeait  la  justice  et  l'administration  locale, 


commandait  l'armée,  exerçait  la  haute  police  du  fief,  avait 
la  surveillance  des  domaines  privés  et  présidait  aux  services 
domestiques  de  la  maison  seigneuriale.  Les  autres  officiers 
pouvaient  aussi  être  chargés  exceptionnellement  de  ces 
attributions  générales,  mais  ils  étaient  plus  spécialement 
préposés,  le  connétable  à  l'armée,  le  chambrier  à  la  garde 
du  trésor,  le  bouteiller  au  service  de  la  table  et  à  l'entre- 
tien des  vignobles,  le  chancelier  à  la  garde  du  sceau  et  à 
la  direction  des  notaires,  chapelains  et  clercs.  Les  quatre 
premiers  offices  se  distinguaient  du  dernier  à  plusieurs 
égards  :  ils  étaient  toujours  tenus  par  des  barons  laïques 
(tandis  que  le  cancellariat  était  confié  à  un  clerc,  ordinai- 
rement au  premier  chapelain  du  seigneur)  ;  ils  étaient  con- 
cédés sous  forme  de  fiefs  pour  lesquels  les  titulaires  prê- 
taient hommage  ;  ils  conféraient  à  ceux  qui  en  étaient 
revêtus  la  propriété  de  certains  domaines  et  la  jouissance 
de  droits  utiles,  à  prélever  notamment  sur  les  corporations 
et  les  communes  ecclésiastiques  ;  ils  étaient  devenus  le  plus 
souvent  héréditaires  dans  la  même  famille.  Indépendam- 
ment de  leurs  fonctions  comme  agents  de  l'administration 
seigneuriale,  les  grands  officiers  faisaient  partie  de  la  cour 
féodale,  au  même  titre  que  les  vassaux  dont  ils  étaient 
réputés  les  pairs,  et  prenaient  part  avec  eux  aux  délibéra- 
tions politiques  et  judiciaires  de  la  cour  (V.  Cour  des  pairs). 
Souvent  même,  dans  les  baronnies  où  dominaient  les  ten- 
dances autoritaires,  et  où  les  cours  plénières  étaient  rare- 
ment convoquées,  ils  formaient  avec  quelques  vassaux 
dévoués  une  sorte  de  conseil  privé,  qui  prenait  sous  l'ins- 
piration directe  du  seigneur  les  principales  mesures  d'ad- 
ministration générale  et  s'efforçait  de  les  imposer  au  corps 
féodal  tout  entier. 

Au  point  de  vue  de  l'administration  locale,  l'ensemble 
du  territoire  (domaine  propre  et  fiefs)  était  divisé  en  un 
certain  nombre  de  circonscriptions  urbaines  ou  rurales,  à 
chacune  desquelles  était  préposé  un  représentant  du  sei- 
gneur. Ces  officiers  portaient,  suivant  les  régions,  des 
noms  variés,  parmi  lesquels  dominent  celui  de  prévôt  (prœ- 
positus)  pour  la  France  du  Nord,  celui  de  baile  (bajulus) 
pour  la  France  du  Midi.  On  les  appelait  plutôt  châtelains 
en  Champagne  et  en  Bourgogne,  vicomtes  en  Normandie, 
baillis  ou  châtelains  en  Flandre,  baillis  ou  sénéchaux  en 
Bretagne  et  en  Dauphiné ,  viguiers  en  Béarn  et  dans  le 
comté  de  Toulouse  :  dans  ces  pays,  il  importe  de  ne  pas 
confondre  ces  agents  administratifs  avec  les  petits  sei- 
gneurs féodaux  qui  portaient  les  mêmes  titres,  et  qui  étaient 
les  héritiers  plus  ou  moins  authentiques  des  agents  subal- 
ternes anciennement  établis  dans  les  comtés  carolingiens. 
Les  prévôts,  bailes  et  autres  officiers  analogues  étaient, 
dans  le  principe,  de  simples  fermiers  des  revenus  du  do- 
maine, des  intendants  chargés  de  percevoir,  en  retenant 
une  quote-part  pour  leur  profit,  les  aides,  reliefs,  cens, 
redevances,  tonlieux,  péages  et  autres  revenus  féodaux  ou 
domaniaux,  qui  constituaient  l'actif  du  budget  seigneurial. 
Mais  leurs  droits  fiscaux  entraînaient,  par  voie  de  consé- 
quence, le  droit  de  veiller  à  la  bonne  exploitation  des  terres, 
ainsi  qu'à  la  police  des  chemins,  cours  d'eau,  foires  et 
marchés  où  se  percevait  la  plus  grande  partie  des  revenus, 
le  droit  de  contraindre  par  les  voies  de  rigueur  les  récal- 
citrants qui  refusaient  de  payer,  enfin  le  droit  de  disposer 
des  forces  militaires  pour  assurer  l'exécution  de  leurs 
ordres  et  de  leurs  sentences.  Ils  joignaient  ainsi  partout,  à 
la  ferme  des  revenus,  des  attributions  administratives, 
judiciaires  et  militaires,  qui  s'étendaient  facilement  au  delà 
de  ce  qu'exigeaient  les  perceptions  fiscales  et  qui  faisaient 
d'eux,  à  tous  les  points  de  vue,  les  représentants  directs 
de  l'autorité  baronniale.  Leur  office  affectait,  comme  celui 
des  grands  officiers,  la  forme  féodale  et  leur  était  concédé, 
à  charge  d'hommage  s'ils  étaient  nobles,  à  charge  de  fidé- 
lité s'ils  étaient  roturiers  ;  souvent,  malgré  la  résistance 
du  seigneur,  il  était  devenu  héréditaire  dans  la  même  fa- 
mille. A  la  fois  fermiers  et  feudataires,  presque  seigneurs 
eux-mêmes,  les  prévôts  et  les  bailes  abusaient  volontiers 
de  leur  pouvoir  illimité  ;  indépendamment  de  leur  part  dans 


FÉODALITÉ 


—  220  — 


les  revenus  seigneuriaux,  ils  exigeaient  des  gens  du  do- 
maine des  redevances  supplémentaires,  des  taxes  ou  des 
corvées  arbitraires,  qui  rendaient  plus  lourde  et  plus 
odieuse  encore  l'exploitation  domaniale  (V.  Domaine 
royal).  Au-dessous  de  ces  officiers  et  sous  leurs  ordres,  il 
y  avait  un  nombre  variable  d'agents  subalternes,  eux  aussi 
fermiers  inamovibles,  qui  représentaient  l'autorité  seigneu- 
riale dans  les  villages  ou  les  petits  domaines  ruraux  (doyens, 
maires,  voyers,  sergents,  bedeaux,  messiers,etc),  ou  qui 
étaient  chargés  de  services  spéciaux  (gruyers,  forestiers, 
monnayers,  receveurs  de  péages,  gardes  des  foires,  cla- 
vaires, etc.). 

A  la  fin  du  xne  siècle  et  au  commencement  du  xme, 
quand  les  domaines  seigneuriaux  se  furent  agrandis  et  que 
le  gouvernement  se  compliqua,  ce  système  d'administration 
locale  devint  insuffisant.  Entre  l'administration  centrale 
et  les  sujets  répartis  dans  les  prévôtés,  il  n'y  avait  pas  de 
lien,  et  le  haut  baron  était  obligé,  pour  contrôler  ses 
agents,  de  parcourir  sans  cesse  ses  domaines.  Le  sénéchal 
et  autres  grands  officiers  qui  pouvaient  le  remplacer  dans 
ce  rôle,  lui  inspiraient  souvent  une  défiance  justifiée.  Enfin 
les  abus  de  pouvoir  et  les  actes  d'indépendance  que  com- 
mettaient les  prévôts,  surtout  quand  ils  étaient  devenus 
inamovibles,  rendaient  une  réforme  nécessaire.  Cette  ré- 
forme fut  partout  réalisée,  probablement  à  l'exemple  de  ce 
qui  se  passa  dans  le  domaine  royal  sous  Philippe-Auguste, 
par  la  création  d'une  nouvelle  série  d'officiers  adminis- 
tratifs, hiérarchiquement  supérieurs  aux  prévôts,  chargés 
de  contrôler  chacun  les  affaires  d'un  certain  nombre  de 
prévôtés  et  de  rattacher  ainsi  ces  circonscriptions  au  centre 
de  la  seigneurie.  Ces  officiers,  pris  d'ordinaire  dans  la  pe- 
tite noblesse,  s'appelaient  baillis  dans  la  plupart  des 
régions,  sénéchaux  dans  l'Anjou,  le  Poitou,  la  Guyenne 
et  le  Languedoc.  Investis  de  pouvoirs  étendus  pour  la  po- 
lice des  domaines,  la  surveillance  des  prévôts,  la  centra- 
lisation des  revenus,  la  conduite  de  l'armée,  la  tenue  des 
assises  judiciaires,  ils  dirigeaient  toute  l'administration 
locale,  à  l'exclusion  du  sénéchal  et  des  autres  grands  offi- 
ciers, dont  les  pouvoirs  devinrent  ainsi  honorifiques  pour 
tout  ce  qui  ne  concernait  pas  les  services  de  la  maison 
seigneuriale.  Délégués  temporairement  dans  leurs  fonc- 
tions et  toujours  amovibles,  les  baillis  et  sénéchaux  restaient 
sous  l'autorité  effective  et  sous  la  main  du  baron. 

2°  De  l'évolution  politique  et  de  l'organisation  adminis- 
trative des  petites  seigneuries,  il  y  a  peu  de  choses  à  dire. 
Chacune  d'elles  se  trouvant  placée  dans  des  conditions  dif- 
férentes, eut  son  développement  particulier.  On  peut  seule- 
ment remarquer  que  les  vidamiesetles  châtellenies,  établies 
dans  les  villes  épiscopales  ou  dans  celles  qui  s'érigèrent  en 
communes,  furent  au  xne  siècle  vigoureusement  combattues 
parles  évèques  ou  par  les  bourgeois  dont  la  seigneurie  était 
rivale  de  la  leur,  et  depuis  cette  époque  allèrent  en  décli- 
nant. Il  en  fut  de  même  des  vicomtes  de  second  ordre  qui, 
enclavées  dans  de  grandes  seigneuries,  furent  souvent  absor- 
bées par  elles  ;  et  l'on  voit  des  vicomtes  devenir  les  offi- 
ciers subalternes  du  haut  baron  qui  les  avait  dépouillés  de 
leur  souveraineté.  Quant  aux  avoués,  dont  on  connaît  le 
rôle  oppressif  et  les  usurpations,  ils  tombèrent  en  pleine 
décadence  au  xme  siècle  ;  tantôt  les  abbés  rachetèrent  leur 
avouerie  ;  tantôt  les  hauts  barons  et  le  roi  de  France,  s'attri- 
buant  d'une  manière  exclusive  la  protection  des  abbayes, 
enlevèrent  aux  avoués  les  droits  et  les  possessions  dont  ils 
s'étaient  abusivement  emparés.  Pour  l'administration  de 
leurs  terres,  les  petites  seigneuries  suivaient,  toute  propor- 
tion gardée,  le  système  pratiqué  par  les  barons  dans  leurs 
grands  domaines,  c.-à-d.  qu'ils  les  affermaient  à  des  pré- 
vôts, sergents  ou  autres  agents  subalternes,  chargés  de 
percevoir  les  revenus  et  d'exercer  les  autres  droits  de  leur 
seigneur  sur  les  petits  vassaux  et  les  tenanciers  de  ces 
terres. 

d.  Rapports  des  seigneuries  entre  elles  et  avec  le  roi. 
Jusqu'à  présent  on  a  étudié  le  régime  politique  de  la  société 
féodale  en  considérant  chaque  seigneurie  comme  un  petit 


Etat,  isolé  des  autres  et  se  suffisant  à  lui-même,  puisqu'il 
était  pourvu  des  organes  essentiels  à  un  gouvernement  régu- 
lier. Il  s'agit  maintenant  de  voir  quels  liens  et  quels  rap- 
ports de  hiérarchie  rattachaient  entre  elles  les  nombreuses 
seigneuries  dont  se  composait  la  France  féodale.  Il  semble 
tout  d'abord  qu'il  n'y  ait  point  de  question  plus  simple  à 
résoudre.  De  deux  choses  Tune,  en  effet:  ou  bien  les  sei- 
gneuries étaient  des  alleux,  c.-à-d.  des  terres  franches  ne 
dépendant  d'aucun  pouvoir  supérieur,  et  alors  elles  restaient 
politiquement  isolées  des  autres  terres  souveraines  n'ayant 
avec  elles  que  des  rapports  analogues  aux  rapports  inter- 
nationaux. Ou  bien  les  seigneuries  étaient  des  fiefs,  rele- 
vant, chacun  sous  les  conditions  ordinaires  de  la  vassalité, 
d'une  seigneurie  suzeraine,  et  alors  le  lien  politique  qui  les 
unissait  à  cette  dernière  n'était  autre  que  le  contrat  féodal 
dont  on  connaît  les  éléments  essentiels.  Dans  ce  dernier 
cas  (qui  était  de  beaucoup  le  plus  fréquent)  chaque  seigneur 
était  à  la  fois  souverain  dans  ses  rapports  avec  ses  feuda- 
taires  et  Jes  gens  de  son  domaine,  vassal  dans  ses  rapports 
avec  son  suzerain  immédiat.  Sur  les  premiers  il  exerçait 
les  droits  féodaux  et  domaniaux  ;  envers  ce  dernier,  il  était 
tenu  de  remplir  les  obligations  vassaliques  et  de  mettre 
à  son  service,  dans  la  limite  de  ces  obligations,  toute  la 
puissance  dont  il  disposait  sur  ses  propres  domaines.  Les 
fiefs  étaient  ainsi  rattachés  les  uns  aux  autres,  non  par  des 
liens  fédératifs,  mais  par  des  liens  de  subordination  réci- 
proque, et  formaient  une  vaste  hiérarchie  remontant  des 
fiefs  inférieurs  aux  fiefs  supérieurs  qui  eux-mêmes  relevaient 
du  roi.  Les  rangs  supérieurs  de  cette  hiérarchie  étaient  occu- 
pés par  les  duchés,  les  marquisats  et  les  comtés,  puis 
venaient  les  vicomtes,  les  baronnies,  les  châtellenies,  les  fiefs 
de  chevaliers,  enfin,  en  dernière  ligne, les  fiefs  non  titrés. 
Il  en  résultait  une  organisation  politique  ayant  pour  carac- 
tère particulier,  que  chaque  suzerain  (et  par  conséquent  le 
roi  qui  était  le  suzerain  supérieur)  n'exerçait  en  dehors  de 
son  domaine  d'autorité  directe  que  sur  la  personne  de  ses 
vassaux  immédiats,  et  non  sur  celle  des  tenanciers  nobles 
ou  roturiers  qui  dépendaient  de  ces  derniers.  Tel  est  le 
système  qui  semble  résulter  logiquement  des  principes  féo- 
daux, et  qui  fut  effectivement  érigé  en  doctrine  par  les  juristes 
du  xme  siècle  (V.  le  Livre  de  jostice  et  de  plet). 

Mais,  en  fait,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  l'organisation 
féodale,  surtout  avant  le  xme  siècle,  ait  été  aussi  simple 
et  aussi  régulière.  D'abord  entre  les  alleux  et  les  fiefs  le 
contraste  n'était  pas,  au  point  de  vue  de  l'indépendance 
politique,  aussi  tranché  qu'on  pourrait  le  croire.  Si  les 
alleutiers  échappaient  à  l'action  du  seigneur  dans  le  terri- 
toire duquel  leurs  alleux  sont  situés,  ils  étaient  soumis  dans 
une  certaine  mesure  au  suzerain  régional,  roi,  duc  ou  comte, 
à  qui  ils  devaient,  non  pas  l'hommage,  mais  la  fidélité,  dont 
ils  reconnaissaient  la  haute  juridiction,  et  qui  pouvait  parfois 
exiger  d'eux  un  service  militaire  restreint.  —  En  ce  qui 
concerne  les  fiefs,  la  subordination  réelle  des  terres  ne  cor- 
respondait pas  le  plus  souvent  à  l'ordre  des  titres  que  l'on 
vient  d'indiquer,  et  c'était  la  puissance  effective  de  chaque 
seigneur,  bien  plutôt  que  sa  qualification  nobiliaire,  qui 
déterminerait  son  rang  dans  la  hiérarchie  féodale.  Ainsi 
les  comtes  de  Flandre,  de  Toulouse  ou  de  Poitiers  mar- 
chaient de  pair  avec  les  ducs  de  Bourgogne  ou  de  Norman- 
die ;  le  vicomte  de  Carcassonne  avait,  parmi  les  vassaux  du 
comte  de  Toulouse,  un  rang  supérieur  à  celui  du  comte  de 
Foix  ;  et  les  sires  de  Bourbon  avaient  des  comtes  pour 
vassaux.  C'est  seulement  au  xme  siècle  que  l'on  voit  appa- 
raître dans  quelques  recensements  de  vassaux,  qui  ont  sub- 
sisté pour  la  Champagne  et  la  Normandie,  un  commencement 
de  hiérarchie  régulière.  —  D'autre  part,  les  rapports  féo- 
daux présentaient  fréquemment  les  complications  et  même 
les  contradictions  les  plus  étranges.  Un  grand  feudataire, 
comme  le  duc  de  Bourgogne  dîne  comte  de  Toulouse,  pouvait 
être,  pour  l'une  de  ses  terres,  le  vassal  d'un  seigneur  de  second 
ou  de  troisième  rang,  quelquefois  même  de  celui  qui  était 
pour  d'autres  terres  son  propre  vassal.  Un  même  seigneur 
possédait  bien  souvent  des  fiefs  en  terre  ou  en  argent  qui 


—  221 


FEODALITE 


relevaient  de  plusieurs  suzerains  différents,  et  pour  pouvoir 
concilier,  notamment  en  temps  de  guerre,  les  devoirs  féo- 
daux qu'il  s'engageait  à  remplir  envers  chacun  d'eux,  dans 
chaque  hommage  successif  il  réservait  les  droits  qu'avaient 
déjà  sur  lui  ses  suzerains  antérieurs.  —  Ce  qui  augmen- 
tait encore  la  complexité  des  relations  féodales,  c'est  qu'elles 
n'avaient  rien  de  fixe.  Dans  presque  toutes  les  régions 
françaises,  les  transformations  d'alleux  en  fiefs,  les  par- 
tages et  aliénations  de  tenures  féodales,  les  concessions 
nouvelles,  les  ligences  multipliées  modifiaient  sans  cesse, 
non  seulement  l'étendue  et  les  limites  territoriales  des  sei- 
gneuries, mais  aussi  l'ordre  des  mouvances.  La  rupture 
du  contrat  de  fief  amenait  le  même  résultat,  et  elle  se 
produisait  souvent,  soit  qu'elle  fût  prononcée  par  une  cour 
féodale,  pour  félonie  du  vassal  ou  du  suzerain,  soit  qu'elle 
fût  volontairement  provoquée  par  le  vassal  qui  déguerpis- 
sait son  fief  ou  qui  désavouait  son  seigneur  naturel  pour 
en  avouer  un  autre.  Enfin,  sur  les  frontières  du  royaume 
(notamment  près  des  terres  d'Empire)  et  sur  les  limites 
de  quelques  grandes  seigneuries  (comtés  de  Flandre  et  de 
Toulouse),  l'incertitude  de  certaines  mouvances  était  telle 
que  des  propriétaires  de  fief  pouvaient  transporter  leur 
hommage  d'un  seigneur  à  l'autre  au  gré  de  leurs  caprices 
ou  de  leur  intérêt,  parfois  même  se  dispenser  de  tout 
hommage.  Toutes  ces  causes  rendaient  tellement  instable 
le  territoire  des  seigneuries  et  leurs  rapports  de  subor- 
dination qu'il  est  impossible  de  tracer  avec  exactitude, 
pour  une  période  de  quelque  durée,  la  carte  géographique 
de  la  France  féodale. 

Non  seulement  les  cadres  de  la  hiérarchie  étaient  indécis 
et  flottants,  mais  les  rapports  féodaux  entre  les  seigneuries 
n'étaient  point  réglés  avec  la  rigueur  et  la  logique  que  les 
théoriciens  du  droit  féodal  y  ont  introduit.  Si  en  principe 
le  suzerain  ne  devait  avoir  de  rapports  qu'avec  ses  vassaux 
directs  et  jamais  avec  ses  arrière-vassaux,  en  fait  cette 
règle  recevait  des  atténuations  nombreuses  et  souvent  même 
était  ouvertement  violée.  D'abord,  dans  un  certain  nombre 
de  cas  la  coutume  établissait  des  rapports  légaux  entre  le 
suzerain  et  l'arrière-vassal.  En  cas  de  danger  menaçant 
toute  la  région,  le  suzerain  avait  le  droit  de  lever  non  seu- 
lement le  ban,  mais  l'arrière-ban  de  ses  fiefs,  c.-à-d.  de 
convoquer  à  son  ost  ses  arrière- vassaux,  par  l'intermédiaire 
des  vassaux  du  premier  degré.  Il  pouvait  dans  certains  cas 
(mais  ce  fut  admis  seulement  vers  la  fin  du  xmc  siècle) 
lever  directement  sur  ses  arrière- vassaux  l'aide  féodale  votée 
à  son  profit  par  sa  cour.  L'arrière- vassal  avait  le  droit,  quand 
la  cour  judiciaire  de  son  seigneur  ne  fonctionnait  pas  faute 
de  pairs,  de  recourir  à  celle  du  suzerain  ;  dans  le  cas  de 
déloyauté  commise  par  son  seigneur,  de  transporter  au 
suzerain  son  hommage  et  son  fief.  Profitant  de  ces  cir- 
constances légales  et  exploitant  habilement  leurs  droits, 
beaucoup  de  hauts  suzerains  réussirent  à  immédiatiser, 
c.-à-d.  à  rattacher  directement  à  eux  un  grand  nombre 
d'arrière-fiefs.  Ils  y  avaient  tout  intérêt,  car  ils  accrois- 
saient ainsi  leurs  forces  militaires,  le  chiffre  de  leurs  re- 
venus et  l'importance  politique  de  leur  seigneurie;  et  les 
arrière-vassaux  y  trouvaient  aussi  leur  compte,  attendant 
une  protection  plus  efficace  et  moins  tracassière  d'un  suze- 
rain puissant  et  éloigné  que  d'un  petit  seigneur  trop  voisin 
de  leurs  terres.  Les  procédés  les  plus  fréquemment  em- 
ployés pour  atteindre  ce  résultat  consistaient  à  obtenir 
l'hommage  direct  des  arrière-vassaux,  en  leur  donnant  en 
fief  une  terre  ou  une  pension  impliquant  ligence,  et  à  faire 
peu  à  peu  prévaloir  cette  ligence  sur  celle  du  seigneur 
intermédiaire;  ou  bien  à  acheter  les  droits  de  ce  dernier  ; 
ou  bien  à  attirer  personnellement  les  hommes  de  ses  vas- 
saux en  les  prenant  sous  sa  protection  au  moyen  de  la 
commande  ou  de  l'avouerie. 

C'est  surtouten  ce  qui  concerne  les  rapports  des  seigneuries 
féodales  avec  la  royauté  qu'il  faut  faire  des  réserves  à  la 
théorie  des  légistes  du  xme  siècle,  et  se  garder  de  l'appliquer 
aux  deux  premiers  siècles  de  la  féodalité.  On  a  montré 
précédemment  en  étudiant  la  formation  de  la  féodalité  que 


la  monarchie  capétienne  n'avait  pas  été  dès  le  début  une 
monarchie  proprement  féodale,  mais  une  continuation  de 
la  monarchie  carolingienne;  qu'au  lieu  d'être  dès  le 
xie  siècle  le  chef  suprême  de  la  féodalité,  le  roi  capétien 
n'eut  longtemps  aucune  autorité  directe  ni  indirecte  sur 
la  plupart  des  seigneuries  de  son  royaume  ;  qu'il  n'était 
vraiment  seigneur  et  suzerain  que  sur  les  gens  de  son 
domaine  propre  et  sur  les  petits  vassaux  qui  s'y  trouvaient 
englobés,  et  qu'en  dehors  de  ce  domaine,  la  plupart  des 
grands  feudataires  et  des  seigneurs  de  second  ordre  n'étaient 
pas  liés  envers  lui  par  un  hommage  précis  et  rigoureux, 
mais  par  un  vague  devoir  de  fidélité,  souvent  méconnu. 
Aussi  pendant  le  xie  et  le  xne  siècle  les  rois  capétiens,  bien 
qu'issus  de  l'aristocratie  féodale,  cherchèrent-ils  à  combattre 
le  régime  nouveau  au  nom  des  traditions  monarchiques 
dont  ils  avaient  recueilli  l'héritage  à  leur  avènement.  Dans 
leurs  rapports  avec  les  seigneuries,  toutes  les  fois  qu'ils 
étaient  assez  forts  pour  imposer  leur  volonté  ou  assez  habiles 
pour  traiter  de  gré  à  gré,  ils  n'invoquaient  pas  les  droits 
et  les  prérogatives  du  suzerain,  mais  ceux  du  monarque. 
C'est  au  nom  du  droit  monarchique  qu'à  l'exemple  des 
derniers  Carolingiens  ils  contestèrent  jusqu'à  la  fin  du 
xue  siècle  l'hérédité  des  grands  fiefs,  exerçant  quand  ils  le 
pouvaient  le  droit  de  retrait  sur  ceux  qui  tombaient  en 
déshérence  ou  dont  les  possesseurs  étaient  convaincus  d'avoir 
manqué  à  la  fidélité.  C'est  au  nom  de  ce  droit  qu'ils  se 
mirent  souvent  en  rapport  direct  avec  les  vassaux  des 
grandes  seigneuries,  réclamant  d'eux  non  l'hommage,  mais 
le  serment  de  fidélité;  que,  dans  leurs  cours  plénières,  ils 
convoquèrent  non  seulement  les  vassaux  de  leurs  domaines, 
mais  tous  les  nobles  laïques,  les  dignitaires  ecclésiastiques 
et  même  les  bourgeois  notables  qui,  sur  un  point  quelconque 
du  royaume,  s'étaient  déclarés  leurs  fidèles.  C'est  au  nom 
des  anciennes  prérogatives  de  la  monarchie  sur  l'Eglise  et 
en  vertu  de  l'union  étroite  et  traditionnelle  du  roi  avec  le 
clergé  national,  que  les  premiers  Capétiens  exercèrent  sur 
les  évêques  et  les  abbés  restés  immédiatement  sujets  de 
la  couronne,  les  droits  de  garde,  d'élection,  d'investiture, 
de  régale,  d'amortissement;  qu'ils  étendirent  sur  eux  la 
juridiction  de  leur  cour;  qu'ils  purent  souvent  convoquer 
les  milices  ecclésiastiques,  percevoir  sur  les  terres  d'Eglise 
des  décimes,  des  gîtes  et  des  dons  annuels,  et  suppléer 
ainsi  à  l'insuffisance  de  leurs  ressources  domaniales.  — 
Mais  à  partir  du  xme  siècle,  à  mesure  que  la  monarchie 
devenait  plus  forte  et  plus  influente,  ses  relations  avec 
l'aristocratie  seigneuriale  prirent  un  caractère  différent. 
Moins  par  calcul  politique  que  sous  la  pression  irrésis- 
tible des  idées  et  des  formes  propres  à  la  féodalité,  elle 
s'adapta  peu  à  peu  à  la  hiérarchie  complexe  de  ce  régime. 
«  Sans  renoncer  à  leur  rôle  de  monarques  traditionnels, 
les  rois  du  xme  siècle  agirent  en  suzerains  beaucoup  plus 
souvent  que  ne  l'avaient  fait  leurs  prédécesseurs  ;  ils 
réussirent  à  se  faire  reconnaître  comme  tels  par  tous  les 
grands  feudataires;  ils  approprièrent  à  leur  usage  les 
habitudes  et  les  règles  féodales,  les  poussant  pour  en  béné- 
ficier jusqu'à  leurs  conséquences  extrêmes.  »  Dès  lors  les 
relations  des  hauts  seigneurs  avec  le  roi  furent,  conformé- 
ment à  la  théorie  des  feudistes,  celles  des  vassaux  avec  leur 
suzerain;  telle  fut  notamment  la  politique  pratiquée  par 
Louis  IX,  qui  lût  en  France  le  type  parfait  du  roi  féodal. 
—  Cette  politique  fut  facilitée  par  l'extension  soudaine 
qu'avait  prise  le  domaine  royal  (V.  ce  mot).  Les  fiefs  les 
plus  importants  du  royaume  :  Normandie,  Anjou,  Langue- 
doc, etc.,  étaient  tombés  dans  la  main  du  roi,  soit  par  suc- 
cession, soit  par  mariage,  soit  par  confiscation  ou  con- 
quête ;  ceux  qui  ne  furent  pas  directement  rattachés  à  la 
couronne  furent  dévolus,  à  titre  d'apanages,  à  des  dynas- 
ties issues  de  la  famille  royale  et  qui  y  firent  prévaloir  l'in- 
fluence monarchique  ;  de  sorte  qu'à  la  fin  du  xme  siècle, 
les  grands  fiefs  indépendants  ne  formaient  plus  que  l'excep- 
tion. Devenus  maîtres  de  cette  grande  puissance  territo- 
riale, les  rois  de  France  eurent  l'autorité  nécessaire  pour 
imposer  partout  leur  suzeraineté.  Louis  IX  et  Philippe  III 


FEODALITE 


—  222  — 


lèvent  des  aides  féodales,  non  seulement  dans  les  domaines 
de  leurs  vassaux  directs,  mais  dans  ceux  de  leurs  arrière- 
vassaux  ;  ils  convoquent  en  cas  de  guerre  le  ban  et  l'ar- 
rière-ban  féodal  ;  ils  font  accepter  leur  monnaie  dans  les 
grandes  seigneuries,  concurremment  à  celle  du  baron 
(ord.  de  4263).  Ils  font  prévaloir  le  principe  «que  toute 
juridiction  laïque  est  tenue  du  roi  en  fief  et  en  arrière-fief  », 
obligent  tous  leurs  vassaux  directs  à  comparaître  devant 
leur  cour,  même  quand  elle  est  en  majorité  composée  de 
grands  officiers  de  la  couronne,  et  y  jugent  en  appel  tous 
les  arrière-vassaux  qui  se  plaignent  d'un  faux  jugement  ou 
d'an  déni  de  justice.  Les  ordonnances  générales  rendues 
par  leur  cour  deviennent  exécutoires,  même  dans  les  fiefs 
dont  le  baron  n'y  a  pas  personnellement  consenti.  Enfin, 
ils  usent  largement  de  tous  les  procédés  d'immédiatisation 
mis  en  pratique  dans  les  hautes  baronnies  :  par  des  con- 
trats de  ligence,  des  pensions  en  argent,  ils  font  entrer 
dans  leur  vassalité  directe  beaucoup  d'arrière-vassaux  ;  par 
des  lettres  de  commande,  d'avouerie,  de  sauvegarde,  ils 
attirent  à  eux  et  prennent  sous  leur  protection  des  nobles,  des 
bourgeois,  des  communautés  ecclésiastiques,  qui  échappent 
ainsi  à  la  juridiction  de  leur  seigneur  pour  ne  dépendre  que 
de  la  justice  royale.  Dans  cette  œuvre,  ils  sont  puissam- 
ment aidés  par  leurs  agents  administratifs,  baillis  et  prévôts, 
dont  les  circonscriptions  embrassent  tout  le  royaume,  y 
compris  les  grands  fiefs,  qui  surveillent  de  près  vassaux  et 
arrière-vassaux,  et  dont  le  zèle  actif  et  peu  scrupuleux 
outrepasse  souvent  les  prescriptions  royales. 

e.  Anarchie  et  guerre.  Le  tableau  du  régime  poli- 
tique de  la  féodalité  française  ne  serait  ni  complet,  ni 
entièrement  vrai,  si  à  la  description  des  rapports  légaux 
établis  par  les  coutumes  ou  par  les  contrats  entre  seigneurs 
et  feudataires,  on  ne  joignait  celle  des  rapports  violents  et 
des  abus  de  la  force  qui,  en  fait,  se  substituaient  trop 
souvent  aux  premiers.  A  ne  considérer  que  les  textes 
juridiques  et  les  documents  officiels,  on  serait  tenté  croire 
que  si  dans  leurs  rapports  avec  les  roturiers  et  les  serfs  de 
leur  domaine,  les  seigneurs  exerçaient  moins  un  gouverne- 
ment régulier  qu'une  exploitation  arbitraire  et  oppressive, 
du  moins,  dans  leurs  rapports  avec  leurs  vassaux  ou  avec 
leur  suzerain,  les  stipulations  du  contrat  féodal  et  les  liens 
de  la  hiérarchie  conciliaient  heureusement  les  exigences  de 
l'ordre  public  avec  la  liberté  des  individus.  A  étudier  les 
faits  dans  les  chroniques  et  dans  les  documents  privés,  on 
s'aperçoit  qu'en  réalité  «  c'est  la  force  matérielle  qui  domine 
tout.  Les  obligations  féodales  ne  sont  remplies,  les  con- 
trats de  fief  respectés,  les  règles  coutumières  observées, 
que  lorsque  le  suzerain  est  assez  fort  pour  obtenir  l'obéis- 
sance. »  Dans  cette  société  où  il  n'existait  pas  de  pouvoir 
politique  assez  puissant  pour  imposer  à  tous  une  loi  commune, 
où  les  droits  souverains  étaient  dispersés  entre  les  mains 
de  seigneurs  à  mœurs  violentes  et  à  idées  étroites,  exclu- 
sivement voués  au  métier  des  armes,  ce  n'étaient  point  les 
relations  pacifiques  qui  pouvaient  dominer,  c'était  la  guerre 
privée  sous  toutes  ses  formes,  d'homme  à  homme,  de 
groupe  à  groupe,  de  seigneurie  à  seigneurie.  La  crainte 
religieuse,  le  respect  de  la  parole  donnée,  l'honneur  cheva- 
leresque, refrénaient  parfois  la  brutalité  des  instincts;  mais 
le  plus  souvent  «  les  habitudes  invétérées  d'une  race  mili- 
taire, la  haine  de  l'étranger  et  du  voisin,  le  choc  des  droits 
mal  définis,  des  intérêts  et  des  convoitises,  aboutissaient  à 
des  luttes  sanglantes  ».  Tantôt  la  guerre  se  faisait  en 
violation  du  droit  :  c'était  lorsqu'au  mépris  de  la  foi  jurée, 
sans  cause  légitime,  par  rancune  ou  cupidité,  le  vassal 
prenait  les  armes  contre  son  suzerain,  ou  le  suzerain  contre 
un  de  ses  vassaux.  Tantôt  (et  c'était  là  le  trait  caracté- 
ristique de  la  féodalité)  la  guerre  devenait  une  voie  légale, 
reconnue  et  approuvée  par  la  coutume.  Ainsi,  quand  le 
vassal,  ayant  manqué  à  ses  devoirs  était  condamné  par  la 
cour  de  ses  pairs  et  n'obéissait  pas  à  la  sentence,  le 
seigneur,  à  la  tête  de  l'armée  féodale,  envahissait  son  fief, 
détruisait  ses  châteaux,  dévastait  ses  terres,  emmenait  des 
prisonniers  et  des  otages.  De  même,  lorsqu'un  différend 


éclatait  entre  vassaux  du  même  suzerain,  ou  lorsque  des 
questions  d'héritage  divisaient  les  membres  de  la  même 
famille  noble,  celui  qui  se  prétendait  lésé  avait  le  choix 
entre  deux  voies  parallèles  :  la  procédure  judiciaire  ou  la 
guerre  privée,  plaider  ou  combattre.  Ou  bien  la  querelle 
se  vidait  devant  la  cour  du  suzerain,  et  là,  comme  la  preuve 
se  faisait  le  plus  souvent  par  le  duel  judiciaire,  «  par 
bataille  »,  le  procès  n'était  souvent  qu'un  combat  restreint 
aux  deux  adversaires  ;  ou  bien,  repoussant  l'intervention 
de  la  cour  de  justice,  les  parties  préféraient  la  guerre,  et 
alors  le  suzerain  d'ordinaire  laissait  agir  les  belligérants, 
quitte  à  leur  faire  conclure  une  trêve  si  les  hostilités 
traînaient  en  longueur.  De  même  enfin,  lorsqu'en  dehors 
des  questions  relatives  aux  tenures  féodales,  un  conflit  se 
produisait  entre  des  seigneurs  qui  ne  relevaient  pas  du 
même  suzerain  et  pour  qui  n'existait  par  conséquent 
aucune  juridiction  commune,  le  seul  moyen  légal,  la  seule 
voie  possible  pour  résoudre  le  conflit,  c'était  la  guerre.  Ce 
droit  de  se  faire  justice  soi-même  par  les  armes  rappelait 
l'ancienne  faida  germanique,  la  vengeance  privée  usitée 
dans  toutes  les  sociétés  primitives  ;  nul  autre  trait  ne  révèle 
mieux  le  caractère  profondément  anarchique  de  la  société 
féodale. 

Elevée  au  rang  d'institution  légale,  la  guerre  privée 
avait  été  soumise  par  la  coutume  à  certaines  règles,  dont 
la  plupart  étaient  dues  à  l'influence  de  la  chevalerie  et 
qui  formaient  une  sorte  de  droit  des  gens.  L'agresseur 
devait,  sous  peine  de  félonie,  adresser  à  son  adversaire, 
avant  tout  acte  d'hostilité,  un  défi,  c.-à-d.  une  déclaration 
de  guerre,  solennellement  proclamée  par  un  héraut  d'armes. 
Entre  le  défi  et  les  premières  hostilités,  l'usage  laissait 
ordinairement  une  période  de  préparation  d'une  ou  deux 
semaines.  En  vertu  de  la  solidarité  familiale,  tous  les 
parents  des  deux  adversaires,  jusqu'au  quatrième  degré, 
étaient  impliqués  dans  la  guerre,  mais  ils  pouvaient  se 
tenir  à  l'écart  de  la  lutte  en  faisant  une  déclaration  for- 
melle de  neutralité  ;  on  ne  devait  attaquer  ni  les  femmes, 
ni  les  mineurs,  ni  les  clercs,  ni  les  pèlerins  ;  le  héraut 
d'armes  qui  apportait  la  déclaration  de  guerre,  le  chevalier 
qui  se  hasardait  dans  le  château  ou  dans  le  camp  de  son 
ennemi,  sous  la  garantie  de  sa  parole,  était  inviolable.  La 
guerre  était  souvent  suspendue  par  une  trêve  (treuga), 
convenue  par  les  adversaires  ou  imposée  par  le  suzerain, 
et  que  l'on  ne  pouvait  rompre  avant  le  terme  fixé  sans  se 
rendre  coupable  d'un  crime  relevant  de  la  haute  justice. 
Elle  se  terminait  régulièrement  par  un  traité  de  paix, 
conclu  sous  la  foi  du  serment.  Le  droit  de  faire  la  guerre, 
qui  dans  le  principe  était  ouvert  à  tous,  nobles  et  rotu- 
riers, avait  peu  à  peu  été  réservé  aux  nobles,  comme  un 
privilège,  et  au  xme  siècle  les  roturiers  n'étaient  plus 
admis  à  vider  leurs  différends  ailleurs  que  devant  le  tri- 
bunal de  leur  seigneur. 

Malgré  les  obstacles  que  ces  règles  pouvaient  mettre 
aux  débordements  de  la  force  brutale,  les  guerres  privées 
causaient  de  tels  ravages  que  de  bonne  heure  la  société 
féodale  chercha  à  réagir  contre  elle.  La  réaction  vint  sur- 
tout des  classes  populaires  qui  en  étaient  les  premières 
victimes,  et  de  l'Eglise  qui  possédait  alors  la  seule  autorité 
générale  au  nom  de  laquelle  la  paix  pût  être  imposée.  Dans 
le  sud-ouest  de  la  France,  puis  dans  les  autres  régions,  il 
se  produisit  vers  la  fin  du  xe  siècle  un  mouvement  à  la  fois 
populaire  et  religieux,  qui  aboutit  d'abord  à  l'institution  de 
la  trêve  de  Dieu,  suspension  d'armes  obligatoire  qui  s'éten- 
dait tantôt  du  mercredi  soir  au  lundi,  tantôt  seulement  du 
samedi  au  lundi  de  chaque  semaine.  Mais  cette  interdiction 
temporaire  des  hostilités,  qui  n'avait  d'autre  sanction  que 
l'excommunication,  ne  suffit  pas  pour  arrêter  les  guerres 
privées.  «  Dans  la  seconde  moitié  du  xie  siècle,  chaque  dio- 
cèse devint  le  centre  d'une  association  ou  ligue  de  paix, 
dirigée  par  l'évêque,  munie  de  statuts  réguliers,  pourvue 
d'un  trésor,  d'un  tribunal  de  paix  (judices  pacis)  et  d'une 
force  armée  qui  était  composée  des  milices  paroissiales 
enrégimentées  sous  la  bannière  de  l'évêque.  »  L'objet  de  ces 


223  — 


FEODALITE 


associations  qui  devinrent  générales  à  partir  du  concile  de 
Clermont  (1095),  était  d'établir  la  Paix  de  Dieu,  c.-à-d. 
de  soustraire  en  tout  temps  aux  ravages  des  guerres  privées 
certaines  personnes  (clercs,  agriculteurs,  voyageurs,  mar- 
chands, femmes)  et  certains  objets  (biens  ecclésiastiques, 
moulins,  animaux  de  labour),  qui  étaient  déclarés  neutres 
et  inviolables.  Dans  quelques  régions,  surtout  au  midi  et  au 
centre  de  la  France,  ce  résultat  fut  atteint  dès  le  xue  siècle; 
mais,  dans  la  majorité  des  cas,  les  milices  ecclésiastiques 
«  étaient  insuffisantes  pour  contraindre  les  violateurs  de  la 
paix  à  poser  les  armes,  et  les  seigneurs  qui  faisaient  partie 
des  associations  de  paix  refusaient  d'entrer  en  lutte  contre 
leurs  pareils  pour  les  punir  d'actes  que  l'opinion  féodale 
ne  désapprouvait  pas  ». 

Au  xiie  siècle,  les  essais  de  pacification  ne  vinrent  plus 
seulement  de  l'Eglise.  Le  roi  de  France  dans  son  domaine, 
les  principaux  seigneurs  dans  leurs  seigneuries,  cherchèrent, 
à  mesure  que  leur  autorité  devenait  plus  grande  sur  leurs 
vassaux,  à  diminuer  le  nombre  et  l'atrocité  des  guerres 
privées  qui  causaient  à  leurs  hommes  et  à  leurs  terres  d'in- 
calculables dommages.  Le  moyen  le  plus  efficace  consista  à 
encourager  la  pratique  de  V  asseurement  (assecuratio). 
On  nommait  ainsi  la  promesse  solennelle  qu'une  personne 
donnait  à  une  autre  de  s'abstenir  de  toutes  violences  envers 
elle  ;  la  violation  de  cet  engagement  constituait  un  crime 
capital.  Pendant  longtemps  cette  sorte  d'assurance  mutuelle 
contre  la  guerre  ne  put  résulter  que  du  libre  consentement 
des  deux  intéressés.  Puis  on  admit  que  l'une  des  parties 
pouvait,  pour  prévenir  ou  faire  cesser  la  guerre,  requérir 
son  seigneur,  roi  ou  baron,  de  citer  en  justice  son  adver- 
saire et  de  l'obliger  à  conclure  avec  elle  un  asseurement  : 
le  refus  de  la  partie  adverse  était  assimilé  à  la  rupture 
d'un  asseurement  conclu  et  entraînait  la  même  peine.  Enfin 
quand  le  seigneur  était  assez  puissant  pour  être  obéi,  il 
citait  de  sa  propre  autorité  les  deux  adversaires  devant  sa 
cour  et  les  forçait,  au  besoin  par  la  saisie  de  leurs  personnes 
ou  de  leurs  biens,  à  se  donner  asseurement  réciproque. 
Mais  ce  n'est  qu'au  xm8  siècle  que  l'asseu rement  put  être 
ainsi  rendu  obligatoire,  et  encore  à  cette  époque  ni  le  roi, 
ni  les  hauts  barons  ne  réusissaient  toujours  à  l'imposer.  A 
la  même  époque,  Philippe-Auguste  établit  dans  le  domaine 
royal  la  quarantaine  le  roi  :  confirmant  sans  doute  une 
coutume  antérieure,  il  décida  que  les  actes  de  guerre  ne 
seraient  licites  contre  les  parents  de  chaque  belligérant  que 
quarante  jours  après  l'ouverture  des  hostilités.  Louis  IX 
alla  plus  loin,  et,  en  4257,  défendit  absolument  toutes 
guerres  privées  dans  le  domaine  de  la  couronne  ;  mais 
cette  prohibition  radicale  ne  fut  pas  observée.  En  somme, 
l'habitude  de  la  guerre  était  trop  profondément  enracinée 
dans  la  société  féodale  pour  que  ces  tentatives  de  pacifi- 
cation aboutissent  à  un  résultat  sérieux  et  définitif.  La 
guerre  privée  et  l'anarchie  ne  devaient  disparaître  que  le 
jour  où  disparaîtrait,  par  le  triomphe  du  pouvoir  royal,  la 
puissance  politique  de  la  féodalité. 

IÏÏ.  Décadence  et  abolition  de  la  féodalité  (xive- 
xvm°  siècle).  —  C'est  dans  la  première  moitié  du  xme  siècle 
que  la  féodalité  française  atteignit  son  apogée.  A  partir  de 
la  seconde  moitié  de  ce  siècle,  son  déclin  commence  ;  mais 
il  faut  remonter  plus  haut  pour  en  déterminer  la  cause. 
On  a  vu  quelles  nécessités  impérieuses  avaient  donné  nais- 
sance aux  institutions  féodales,  et  comment,  au  x°  et  au 
xi°  siècle,  elles  avaient  répondu,  dans  toutes  les  classes 
de  la  société,  à  un  besoin  réel  de  sécurité  et  de  protection. 
Mais  une  fois  la  crise  passée  et  la  société  raffermie  sur  de 
nouvelles- bases,  les  vices  que  renfermaient  ces  institutions, 
ainsi  que  les  mœurs  brutales  des  hommes  qui  les  mettaient 
en  pratique,  avaient  engendré  des  abus  et  des  désordres 
sans  nombre.  Les  services  qu'avait  pu  rendre  la  classe 
noble,  cette  «  gendarmerie  à  demeure  »,  étaient  trop  chè- 
rement payés  par  l'oppression  qu'elle  faisait  peser  sur  ses 
protégés,  par  les  ravages  incessants  que  causaient  les 
guerres  féodales.  D'ailleurs  cette  classe  de  soldats  proprié- 
taires, indépendants  et  oisifs,  n'ayant  de  goût  que  pour  les 


armes,  vivant  aux  dépens  des  roturiers  et  des  serfs  qui 
cultivaient  ses  terres,  n'était  pas,  à  vraiment  parler,  une 
classe  de  gouvernants.  Ce  qu'on  appelle  le  gouvernement 
domanial  n'était  qu'une  exploitation  :  «  exploitation  vexa- 
toire,  parce  qu'elle  pèse  sur  tous  les  actes  et  se  renouvelle 
sous  mille  formes  ;  arbitraire,  parce  qu'il  est  impossible  de 
tout  régler,  et  que  l'usage  ne  lie  le  seigneur  qu'autant  qu'il 
veut  se  laisser  lier  ;  tyrannique,  parce  qu'elle  s'exerce  par 
le  moyen  d'agents  inférieurs  établis  tout  près  du  paysan, 
sans  contrôle  ni  appel  régulier  ;  odieuse,  parce  qu'elle 
prend  le  plus  clair  des  revenus  et  ne  rend  en  échange  aucun 
service  ».  Ce  qu'on  appelle  le  gouvernement  féodal  mérite 
à  peine  ce  nom  ;  car  on  sait  combien  les  liens  de  la  vassa- 
lité et  ceux  de  la  hiérarche  étaient,  en  fait,  insuffisants 
pour  assurer  l'ordre  général  et  le  respect  des  droits  indi- 
viduels. Aussi,  dès  la  fin  du  xie  siècle,  la  grande  masse  de 
la  nation,  ne  trouvant  pas  dans  le  régime  seigneurial  la 
sécurité  et  la  justice  dont  elle  avait  besoin,  les  avait  ins- 
tinctivement cherchés  ailleurs,  soit  dans  l'association  muni- 
cipale, soit  dans  la  protection  directe  d'un  haut  suzerain, 
tel  que  le  roi  de  France  ou  le  chef  de  l'une  des  grandes 
baronnies  du  royaume.  L'association  municipale,  —  tantôt 
combattue  par  les  seigneurs,  tantôt  acceptée  à  prix  d'or, 
mais  presque  partout  victorieuse  dès  la  fin  du  xnc  siècle, 
favorisée  par  les  progrès  du  commerce  et  de  l'industrie 
qui  enrichissaient  la  population  urbaine,  et  par  les  expé- 
ditions en  Terre  sainte,  dont  les  coûteuses  dépenses  déter- 
minaient beaucoup  de  petits  seigneurs  à  faire  argent  de 
leurs  droits,  — ■  aboutit,  comme  on  le  sait,  à  un  double 
résultat  :  tantôt  à  la  concession  de  chartes  de  franchises 
par  lesquelles  le  seigneur  limitait  ou  abandonnait  partiel- 
lement ses  pouvoirs  domaniaux,  tantôt  à  l'érection  d'une 
seigneurie  communale  ou  consulaire  dont  la  souveraineté 
devenait  l'égale  et  souvent  la  rivale  de  la  sienne.  Le  recours 
à  la  protection  directe  du  haut  suzerain  aida  presque  par- 
tout ce  dernier  à  faire  rentrer  dans  l'obéissance  ses  vassaux 
rebelles,  à  immédiatiser  ses  arrière-vassaux  :  elle  eut  ainsi 
pour  résultat  la  constitution,  dans  les  grandes  seigneuries 
régionales  et  dans  le  domaine  de  la  couronne,  d'un  pouvoir 
central  assez  fort,  d'une  administration  assez  régulière  pour 
soustraire  les  habitants  de  ces  régions  à  beaucoup  de  vio- 
lences et  de  tyrannies  locales.  En  même  temps  les  coutumes 
féodales  perdaient  en  partie  leur  rigueur  primitive;  les 
services  personnels  et  notamment  le  service  militaire  étaient 
moins  impérieusement  exigés  et  souvent  transformés  en 
prestations  pécuniaires  ;  les  fiefs,  déjà  héréditaires,  deve- 
naient aliénables  et,  par  conséquent,  accessibles  aux  rotu- 
riers ;  la  condition  civile  des  classes  inférieures  devenait 
moins  dure,    et  beaucoup  de  seigneurs  trouvaient  leur 
profit  à  affranchir  leurs  serfs  pour  en  faire  des  travailleurs 
libres,  ou  du  moins  à  régulariser  les  prestations  serviles 
par  l'abonnement  des   corvées  et  des  tailles.  Enfin  les 
guerres  féodales  prenaient  un  caractère  moins  barbare  sous 
l'influence  de  la  chevalerie  et  devenaient  plus  rares,  grâce 
aux  associations  de  paix  dirigées  par  l'Eglise. 

Ces  divers  correctifs  apportés  au  régime  féodal  atténuèrent 
notablement  une  partie  de  ses  abus  et  lui  communiquèrent, 
du  milieu  du  xne  au  milieu  du  xme  siècle,  une  force  et  une 
prospérité  nouvelles.  Mais  ce  régime  avait  des  vices  inhérents 
à  sa  constitution  même  et  qui  ne  pouvaient  disparaître 
qu'avec  lui.  Or,  depuis  trois  siècles,  la  société  française 
avait  accru  son  bien-être  matériel,  était  plus  éclairée,  avait 
pris  une  conscience  plus  claire  de  ses  droits  et  de  ses  inté- 
rêts ;  elle  cherchait  une  forme  d'organisation  sociale  et 
politique  qui  répondît  mieux  que  le  régime  féodal  à  ses 
besoins  nouveaux.  Elle  crut  la  trouver  dans  la  monarchie  des 
Capétiens.  Pendant  le  cours  du  xnc  siècle,  la  royauté  avait 
pris  dans  la  France  féodale  une  situation  prépondérante. 
Louis  VI,  Louis  VII  et  Philippe-Auguste  avaient,  peu  à 
peu,  fait  reconnaître  leur  autorité,  non  seulement  par  les 
petits  seigneurs  de  leur  domaine  propre,  mais  aussi  par  la 
plupart  des  hauts  barons  du  royaume.  Grâce  à  l'appui  moral 
et  aux  ressources  matérielles  qu'elle  trouvait  dans  les  sei- 


FÉODALITÉ 


-  224 


gneuries  ecclésiastiques  du  nord  et  du  centre  de  la  France, 
la  royauté  avait  pu  vaincre  les  résistances  locales,  étendre 
et  grouper  ses  domaines,  réunir  autour  d'elle  des  forces 
suffisantes  pour  justifier  sa  prétention  au  gouvernement 
général  du  royaume.  Dans  la  personne  de  Philippe-Auguste 
et  de  Louis  IX,  le  roi  apparaissait  aux  classes  populaires, 
à  l'Eglise,  à  une  partie  de  la  noblesse  elle-même,  comme 
le  protecteur,  le  justicier  suprême  auquel  devaient  recourir 
tous  ceux  qui  souffraient  de  l'oppression  seigneuriale,  tous 
ceux  qui  ne  voyaient  de  garantie  pour  la  sécurité  et  la 
paix  publique  que  dans  la  restauration  d'un  pouvoir  cen- 
tral, imposant  son  autorité  effective  à  toutes  les  seigneuries 
du  royaume.  C'est  pourquoi  à  partir  du  milieu  du  xme  siècle 
toutes  les  forces  vives  de  la  nation  se  détournent  de  plus 
en  plus  de  la  féodalité  pour  se  tourner  vers  la  monarchie 
capétienne,  qui  d'ailleurs  ne  néglige  aucun  moyen  de  les 
attirer  à  elles  et  de  se  les  assimiler. 

Le  principal  ennemi  de  la  féodalité  fut  donc  le  pouvoir 
royal.  La  lutte  qui  s'engagea  ouvertement  entre  ces  deux 
puissances  à  la  fin  du  xme  siècle  dura  longtemps,  car  la 
féodalité  tenait  par  de  profondes  racines  à  la  société  où 
elle  était  établie  depuis  quatre  siècles.  Mais  la  royauté, 
forte  à  la  fois  des  ressources  qu'elle  puisait  dans  son  do- 
maine et  de  l'appui  qu'elle  trouvait,  hors  de  ce  domaine, 
auprès  des  bourgeois,  des  clercs  et  même  d'une  partie  des 
vassaux  nobles  des  grandes  seigneuries,  apportant  à  la 
société  française  une  forme  de  gouvernement  mieux  appro- 
priée à  ses  besoins  et  à  ses  aspirations,  devait  nécessairement 
triompher.  —  Toutefois,  il  importe  de  le  remarquer,  ce 
que  les  rois  combattirent  dans  la  féodalité,  ce  fut  exclusi- 
vement son  pouvoir  politique  ;  ce  qu'ils  lui  enlevèrent,  ce  fut 
la  part  de  souveraineté  qu'elle  détenait  au  détriment  de 
leur  propre  autorité.  Mais  ils  respectèrent,  ils  accrurent 
même  la  plupart  de  ses  privilèges  sociaux  ;  ils  lui  laissèrent 
la  plupart  des  droits  administratifs  qu'elle  exerçait  dans 
ses  domaines  ;  en  un  mot  ils  la  firent  descendre  du  rang 
de  classe  gouvernante,  mais  ils  la  maintinrent  au  rang  de 
classe  privilégiée.  C'est  que  la  monarchie  capétienne,  issue 
comme  le  régime  féodal  d'une  société  aristocratique,  en 
acceptait  toutes  les  inégalités,  quand  elles  ne  mettaient  pas 
obstacle  à  l'exercice  de  son  autorité  despotique.  Le  but 
que  poursuivirent  successivement  les  rois  du  xme  au 
xvie  siècle  n'était  pas,  à  proprement  parler,  de  détruire  les 
institutions  féodales,  mais  de  se  substituer  à  tous  les  sei- 
gneurs féodaux  dans  l'exercice  de  leurs  droits  souverains, 
d'absorber  en  eux-mêmes  toutes  les  seigneuries  locales  ou 
régionales,  pour  en  composer  un  pouvoir  unique,  dont  la 
nature  au  fond  restait  la  même,  c.-à-d.  patrimnoiale.  Ce  but 
atteint,  ils  ne  se  préoccupèrent  de  réformer,  ni  l'état  particu- 
lier de  la  propriété  foncière,  ni  les  inégalités  de  classes  qui 
avaient  caractérisé  la  société  féodale  et  dont  les  nobles  con- 
tinuaient à  bénéficier.  La  féodalité,  détruite  en  tant  que 
pouvoir  politique,  subsista  donc,  en  tant  que  régime  social, 
jusqu'à  la  fin  de  l'ancienne  monarchie.  Ce  fut  seulement  la 
Révolution  de  1789  qui,  en  affranchissant  les  terres,  en 
décrétant  l'égalité  civile  des  personnes,  abolit  définitivement, 
avec  ce  régime,  ce  qui  subsistait  encore  de  la  féodalité. 

I.  Destruction  du  pouvoir  politique  de  la  féodalité. — 
La  première  atteinte  sérieuse  portée  par  la  royauté  au 
pouvoir  politique  de  la  féodalité  française  ne  date  que  du 
milieu  du  xme  siècle.  Bien  que  la  principale  préoccupation 
des  Capétiens  de  cette  époque  fût  d'imposer  aux  grands 
vassaux  leur  souveraineté  effective,  ils  n'avaient  pas  renoncé 
à  invoquer  les  prérogatives  qui  leur  appartenaient  comme 
héritiers  de  la  monarchie  traditionnelle.  Au  contraire,  grâce 
à  la  renaissance  des  études  de  droit  romain  et  à  l'activité 
des  légistes,  «  l'ancien  droit  impérial,  remis  en  lumière  et 
en  honneur,  vint  renforcer  le  droit  monarchique  d'origine 
carolingienne,  et  pousser  la  royauté  dans  les  voies  du  pou- 
voir absolu  ».  En  vertu  de  sa  mission  de  grand  justicier 
du  royaume  et  de  l'omnipotence  que  lui  conférait  cette 
mission  (d'après  la  doctrine  de  l'Eglise  comme  d'après  celle 
des  légistes),  toutes  les  fois  que  le  salut  de  la  nation  ou 


son  «  commun  profit  »  était  en  jeu,  le  roi  de  France  n'hésita 
pas  à  restreindre  ou  à  supprimer,  quand  il  était  assez  fort 
pour  le  faire,  les  droits  souverains  des  seigneurs.  Louis  IX 
et  Philippe  III,  tout  rois  féodaux  qu'ils  étaient,  entrèrent 
déjà  dans  cette  voie  ;  Philippe  le  Bel  et  ses  successeurs  y 
marchèrent  résolument.  Ils  cherchèrent  à  limiter  le  droit 
de  guerre  privée,  d'abord  dans  leur  domaine  (prohibition 
absolue  par  Ford,  de  1257,  interdiction  des  représailles, 
asseurement  imposé  d'office),  puis  dans  tout  le  royaume, 
mais  seulement  à  titre  temporaire,  quand  le  roi  faisant  une 
guerre  nationale  avait  besoin  de  réunir  autour  de  lui  toutes 
les  forces  de  l'Etat  (ord.  de  1308).  Mais  leurs  efforts 
échouèrent  presque  partout  devant  les  résistances  féodales, 
et  plus  d'une  fois,  au  xive  siècle,  la  royauté  fut  obligée  de 
reconnaître  la  légitimité  des  guerres  privées,  et  de  les  tolérer 
lorsque  le  recours  en  justice  n'était  pas  requis  par  l'un  ou 
l'autre  des  belligérants  (ord.  de  1315,  1330).—  Ils  réus- 
sirent mieux  à  limiter  la  souveraineté  judiciaire  des  petits 
seigneurs  et  même  des  hauts  barons,  en  décidant  que  toutes 
les  sentences  de  leurs  juridictions  féodales  et  domaniales 
pourraient  être  portées  en  appel  devant  les  cours  des  baillis 
royaux,  puis  en  dernier  ressort  devant  la  cour  du  Parle- 
ment, et  là  réformées  à  la  suite  d'une  procédure  qui  excluait 
le  duel  judiciaire  et  n'admettait  que  l'enquête   (ord.   de 
1258  et  1278)  ;  en  instituant  la  «  prévention  »  qui  auto- 
risait la  justice  royale  à  se  saisir,  toutes  les  fois  qu'elle 
pouvait  devancer  la  cour  seigneuriale,  des  affaires  qui  étaient 
de  sa  compétence,  et  à  les  juger  si  les  parties  ne  réclamaient 
pas  immédiatement  la  juridiction  de  leur  seigneur;   enfin 
en  appliquant  la  théorie  des  «  cas  royaux  »,  qui  attribuait 
à  la  justice  royale  la  connaissance  exclusive  de  toutes  les 
affaires  «  touchant  le  roi  »  ;  et  dans  cette  vague  formule 
les  légistes  faisaient  entrer  tous  les  crimes  de  droit  commun 
qui  avaient  une  gravité  particulière,  toute  atteinte  à  l'auto- 
rité royale  et  à  la  paix  publique. —  Au  point  de  vue  fiscal, 
Philippe  le  Bel  et  ses  fils  interdirent  aux  seigneurs  de  per- 
cevoir sans  l'autorisation  royale  les  taxes  d'amortissement 
et  de  franc-fief,  les  droits  d'aubaine,  d'épaves  et  de  bâtar- 
dise ;  ils  contestèrent  ou  rachetèrent  à  la  plupart  des  barons 
le  droit  de  battre  monnaie,  qui  n'appartint  plus  en  1328 
qu'à  une  trentaine  de  feudataires.  De  même  le  droit  d'ano- 
blir les  roturiers  fut  dénié  aux  grands  feudataires  et 
attribué  au  roi  seul  (arrêt  du  Parlement  de  1280).  D'autre 
part,  l'habitude  qu'avaient  prise  les  villes  de  commune  dès 
le  xne  siècle  de  faire  confirmer  par  le  roi  leur  charte  de 
privilèges,  afin  de  trouver  dans  son  patronage  une  garantie 
plus  efficace  que  n'était  celle  de  leur  seigneur,  amena  peu 
à  peu  les  légistes  et  les  baillis  de  la  couronne  à  déclarer, 
dès  la  fin  du  xme  siècle,  que  le  roi  seul  pouvait  octroyer 
une  charte  de  privilèges,  et  à  faire,  de  toutes  les  communes 
déjà  établies,  des  villes  royales,  soustraites  ainsi  à  l'autorité 
de  leur  seigneur.  La  même  politique  tendit  à  enlever  aux 
barons  et  aux  avoués  féodaux  le  patronage  des  évêchés,  la 
garde  des  monastères  situés  sur  leurs  domaines,    pour 
attribuer  l'un  et  l'autre  au  roi  d'une  manière  exclusive, 
avec  les  droits  lucratifs  et  honorifiques  qui  s'y  rattachaient; 
à  la  fin  du  xmc  siècle,  la  théorie  de  Beaumanoir,  qui  fait 
du  roi  «  l'avoué  général  de  toutes  les  églises  du  royaume  », 
est  déjà  en  grande  partie  réalisée.  -—  Enfin  les  légistes 
commencent  à  propager  la  doctrine  qu'au  roi  seul  appar- 
tient dans  le  royaume  le  pouvoir  législatif;  mais  la  royauté 
n'est  pas  encore  assez  forte  pour  interdire  aux  barons  de 
légiférer  sur  leurs  domaines  ;  elle  se  borne  à  leur  imposer, 
toutes  les  fois  qu'elle  le  peut,  l'observation  des  ordonnances 
générales  délibérées  en  dehors  d'eux  par  ses  conseils  privés. 
Non  seulement,  à  la  fin  du  xiue  siècle,  la  noblesse  féo- 
dale voyait  la  plupart  de  ses  droits  souverains  menacés  ou 
atteints  par  la  prérogative  royale,  mais  ses  devoirs  de 
vassalité  envers  le  roi  étaient  peu  à  peu  modifiés  et  rap- 
prochés de  ceux  des  autres  sujets.  Les  services  de  conseil 
et  de  cour  n'étaient  plus  exigés  que  dans  des  circonstances 
exceptionnelles  et  à  titre  honorifique,  e depuis  que  la  légis- 
lation royale  s'élaborait  dans  des  conseils  restreints  et  que 


225  — 


FÉODALITÉ 


le  Parlement  et  les  cours  de  bailliages  se  recrutaient  sur- 
tout parmi  les  hommes  de  loi.  Le  service  militaire,  dont 
les  vassaux  s'acquittaient  avec  un  mauvais  vouloir  évident, 
fut  le  plus  souvent  converti  en  contribution  pécuniaire 
(aide  de  l'ost,  auxilium  exerciius),  qui  permit  au  roi 
d'organiser  son  armée  sur  des  bases  nouvelles,  d'en  ré- 
duire l'élément  féodal,  de  solder  des  troupes  mercenaires 
dont  le  service  était  permanent  et  la  docilité  certaine.  En 
revanche,  les  services  pécuniaires,  notamment  les  aides 
féodales,  furent  accrues,  multipliées,  et  prirent  peu  à  peu 
le  caractère  de  contributions  régulières  et  annuelles.  En- 
fin la  haute  et  la  basse  féodalité  subissaient  de  plus  en  plus 
sur  leurs  terres  l'influence  croissante  du  pouvoir  central 
dont  les  agents  surveillaient  activement  tous  leurs  actes, 
s'emparaient  de  tous  leurs  droits  contestables,  leur  enle- 
vaient leurs  hommes  pour  les  mettre  sous  la  sauvegarde  du 
roi,  faisaient  pénétrer  partout,  par  une  action  lente  mais 
continue,  les  principes,  les  pratiques  et  les  institutions  de 
la  monarchie. 

La  féodalité  laïque  n'était  pas  seule  atteinte  dans  ses 
droits  souverains.  La  féodalité  ecclésiastique,  que  des  liens 
étroits  avaient  toujours  rattachée  au  pouvoir  monarchique, 
que  les  entreprises  des  seigneurs  laïques  et  l'hostilité  des 
communes  avait  souvent  obligée  à  solliciter  l'intervention 
du  roi,  sentait  au  xme  siècle  la  tutelle  de  ce  dernier  peser 
lourdement  sur  elle  et  restreindre  son  indépendance. 
D'abord  le  roi  se  réserva  sur  les  évèchés  et  les  monastères 
qu'il  avait  soustraits  au  patronage  seigneurial,  comme  sur 
ceux  dont  il  était  de  longue  date  le  suzerain  ou  l'avoué, 
les  droits  personnels  d'élection,  de  présentation  et  d'inves- 
titure, les  droits  pécuniaires  de  régale,  d'amortissement,  de 
garde  ;  il  se  contenta  de  restituer  aux  églises  les  dîmes 
inféodées.  En  outre,  depuis  Philippe-Auguste  jusqu'à 
Philippe  de  Valois  (sans  'excepter  Louis  IX),  la  politique 
royale  tendit  constamment  à  subordonner  les  cours  sei- 
gneuriales des  évêques  et  des  abbés,  à  l'autorité  du  Parle- 
ment et  des  baillis  devant  lesquels  on  put  appeler  de  leurs 
sentences,  à  y  subordonner  même  leurs  cours  d'officialités, 
en  instituant  l'appel  comme  d'abus  (1 329)  contre  les  excès 
de  pouvoir  des  juges  d'Eglise,  et  en  autorisant  les  juges 
royaux  à  intervenir  à  défaut  de  ceux-ci  dans  la  répression 
des  délits  graves  commis  par  des  clercs.  Enfin  Philippe  le 
Bel  et  ses  successeurs  soumirent  toutes  les  églises  et  com- 
munautés ecclésiastiques  à  un  impôt  quasi  permanent,  en 
leur  imposant,  avec  ou  contre  le  gré  de  la  cour  pontificale, 
toutes  les  fois  que  l'exigeaient  les  besoins  de  l'Etat,  la  lourde 
charge  des  décimes,  douzièmes  et  centièmes.  Pour  diminuer 
la  puissance  des  seigneuries  ecclésiastiques,  les  agents  royaux 
n'hésitaient  pas  à  employer  souvent  la  duplicité  ou  la  vio- 
lence, profitant  de  la  garde  dont  ils  étaient  investis  ou  du 
traité  de  pariage  qui  associait  le  roi  à  une  abbaye,  pour 
empiéter,  comme  les  anciens  avoués,  sur  les  droits  et  les 
terres  qu'ils  avaient  mission  de  protéger. 

Les  seigneuries  communales  n'échappèrent  pas  plus  que 
les  autres  membres  du  corps  féodal  aux  envahissements  du 
pouvoir  royal.  Les  rois  du  xne  et  de  la  première  moitié  du 
xme  siècle  n'avaient  encouragé  ou  toléré  le  mouvement 
communal  que  lorsqu'ils  y  avaient  vu  le  moyen  d'accroître 
leurs  ressources  fiscales  et  militaires  ou  de  diminuer  la 
puissance  des  grands  feudataires.  Louis  IX  et  ses  succes- 
seurs s'attachèrent  obstinément  à  détruire  dans  tout  le 
royaume  la  souveraineté  politique  des  villes  de  commune 
et  des  villes  consulaires,  qu'ils  considéraient  comme  un  des 
plus  redoutables  obstacles  à  l'extension  du  pouvoir  monar- 
chique. Ils  leur  enlevèrent  l'indépendance  financière,  en 
leur  interdisant  de  lever  des  taxes,  d'aliéner  leurs  domaines, 
et  de  faire  des  emprunts  sans  autorisation,  en  soumettant 
leur  comptabilité  au  contrôle  de  la  chambre  des  comptes. 
Ils  leur  ôtèrent  l'indépendance  militaire,  en  subordonnant 
leurs  milices  aux  officiers  royaux,  l'indépendance  judiciaire 
en  restreignant  leur  compétence,  en  autorisant  le  Parlement 
et  les  baillis  à  réformer  en  appel  les  sentences  des  justices 
municipales.  Ils  les  ruinèrent  en  les  accablant  de  taxes 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


et  d'amendes,  et  profitèrent  des  luttes  que  ces  crises  finan- 
cières firent  éclater  presque  partout  entre  l'aristocratie 
bourgeoise  et  le  commun  peuple,  pour  intervenir  dans 
leurs  affaires,  supprimer  leurs  privilèges  et  leurs  droits 
souverains,  les  réduire  à  l'état  de  villes  prévôtales  (V. 
Commune). 

La  hardiesse  avec  laquelle  la  royauté  portait  la  main 
sur  des  seigneuries  de  tout  ordre  et  de  tout  rang,  qui  dis- 
posaient encore  d'une  puissance  considérable,  ne  pouvait 
manquer  de  provoquer  de  vives  réactions.  Elles  éclatèrent 
à  plusieurs  reprises  au  xive  siècle,  d'abord  à  la  mort  de 
Philippe  le  Bel,  puis  sous  Jean  II,  après  le  désastre  de 
Poitiers,  puis  sous  Charles  VI  pendant  la  régence  de  ses 
oncles.  Les  féodaux  laïques  et  ecclésiastiques,  les  repré- 
sentants des  seigneuries  communales,  groupés  en  associa- 
tions armées  ou  réunis  en  Etats  généraux  (1314, 1356-57, 
1403),  se  rapprochèrent  temporairement  pour  défendre  ce 
qui  restait  de  leur  souveraineté  politique  contre  les  envahis- 
sements de  l'autorité  royale.  Les  désordres  et  les  rébellions 
qui  aggravèrent  les  maux  de  la  guerre  de  Cent  ans  eurent 
presque  toujours  pour  origine  ces  résistances  de  la  féodalité. 
Heureusement  pour  la  royauté,  l'entente  ne  fut  jamais 
longue  entre  les  nobles  et  les  bourgeois.  Obéissant  à  des 
antipathies  et  à  des  rancunes  héréditaires,  ils  ne  surent 
pas,  comme  l'aristocratie  et  la  bourgeoisie  anglaises,  rester 
unis  au  prix  de  sacrifices  réciproques.  Plutôt  que  d'accepter 
une  part  dans  les  charges  publiques,  la  noblesse  et  le  clergé 
désertèrent  la  cause  commune  et  livrèrent  le  tiers  état  à 
l'arbitraire  des  taxes  royales.  Trahi  par  les  privilégiés,  le 
tiers  état  se  rapprocha  du  roi,  et,  plus  sensible  aux  vexa- 
tions féodales  qu'à  la  perte  de  ses  franchises  municipales, 
soutint  la  royauté  dans  toutes  ses  entreprises  contre  l'aris- 
tocratie laïque  et  ecclésiastique.  Aussi,  pendant  la  période 
qui  s'étend  du  milieu  du  xive  au  milieu  du  xve  siècle,  se  pour- 
suivit et  s'acheva  la  destruction  complète  du  pouvoir  politique 
de  la  féodalité.  Les  seigneurs  furent  dépossédés  par  Phi- 
lippe VI  et  Jean  II  du  droit  de  battre  monnaie  (1346- 
1361);  par  Charles  V,  du  droit  de  posséder  des  châteaux 
forts,  quand  ils  étaient  inutiles  à  la  défense  du  royaume, 
du  droit  d'accorder  des  chartes  communales  et  de  conférer 
la  noblesse,  des  droits  de  franc  fief  et  d'amortissement 
(1372-1373),  des  droits  d'aubaine  et  bâtardise  (dont  la 
royauté  n'eut  le  monopole  exclusif  qu'au  xvie  siècle)  ;  par 
Charles  VII,  du  droit  de  légiférer  dans  leurs  domaines, 
d'exiger  de  leurs  sujets  aucune  taxe  nouvelle  sans  l'auto- 
risation du  roi,  du  droit  de  lever  des  troupes,  exclusivement 
réservé  au  roi  par  l'ordonnance  de  1439,  du  droit  de 
guerre  privée,  déjà  suspendu  par  les  Etats  de  1357  et 
définitivement  interdit  en  1451.  En  même  temps,  la  royauté 
acheva  de  mettre  la  main  sur  la  féodalité  ecclésiastique  en 
la  soumettant  aux  ordonnances  générales  de  police,  en  lui 
interdisant  de  se  réunir  en  assemblées  ordinaires  ou  extraor- 
dinaires sans  son  autorisation  (1407),  en  enlevant  au 
pape  la  disposition  des  évêchés  et  des  abbayes  (pragmatique 
de  Bourges,  1438),  puis  en  supprimant  les  élections  cano- 
niques et  le  droit  de  patronage  des  seigneurs  (1463),  et  en 
disposant  seule  de  tous  les  bénéfices  d'Eglise  (concordats  de 
1470  et  surtout  de  1516).  Enfin,  Louis  XI  consomma  la 
ruine  des  seigneuries  communales  et  maintint  toutes  les 
villes  sous  une  tutelle  rigoureuse,  tout  en  leur  laissant 
l'apparence  de  leurs  anciens  privilèges  (justice,  milice)  et 
en  comblant  leurs  magistrats  de  titres  de  noblesse.  —  Dès 
lors,  la  royauté  a  reconquis  un  à  un  les  droits  régaliens 
qui  étaient  dispersés  entre  les  seigneuries  féodales  ;  à  l'excep- 
tion des  droits  de  justice  seigneuriale  et  ecclésiastique  qu'elle 
tolère  sous  le  contrôle  de  ses  propres  juridictions,  et  des 
droits  domaniaux  qu'elle  laisse  aux  seigneurs,  parce  qu'ils 
s'exercent  sans  préjudice  des  taxes,  impositions  et  pres- 
tations royales,  elle  a  seule  le  monopole  de  la  souveraineté. 
Le  pouvoir  politique  de  la  féodalité  est  détruit,  ou  plutôt 
toutes  les  souverainetés  individuelles  qui  ont  été  successi- 
vement arrachées  aux  membres  de  l'aristocratie  se  retrou- 
vent groupées  en  un  faisceau  unique,  mais  non  confondues, 

15 


FEODALITE 


—  226  — 


dans  la  main  royale.  Rattachés  les  uns  aux  autres  par  des 
institutions  communes  à  toute  la  monarchie,  tous  ces  droits 
souverains  se  coordonnent  pendant  les  trois  siècles  qui 
suivent,  mais  sans  perdre  complètement  le  caractère  de 
diversité  et  d'inégalité  qui  était  la  marque  distinctive  des 
pouvoirs  féodaux.  Jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime,  l'auto- 
rité monarchique  gardera,  malgré  la  centralisation  adminis- 
trative, l'empreinte  de  son  origine  féodale  (V.  Domaine 
royal). 

À  la  vérité,  depuis  la  fin  du  xve  siècle  jusqu'au  milieu 
du  xviie,  il  y  eut  de  la  part  de  l'aristocratie  bien  des  ten- 
tatives faites  pour  ressaisir  ce  pouvoir  politique,  bien  des 
ligues,  des  guerres,  des  révoltes  ou  des  intrigues  de  cour 
dirigées  par  elle  contre  le  pouvoir  royal  en  vue  de  ressaisir 
quelques  parcelles  de  sa  souveraineté  perdue.   Mais  la 
lutte  a  désormais  un  tout  autre  caractère  qu'aux  âges  pré- 
cédents. Les  Capétiens  directs  et  les  premiers  Valois  avaient 
eu  surtout  à  combattre  des  dynasties  féodales  plus  anciennes 
que  la  leur  et  qui  se  considéraient  comme  indépendantes. 
Ces  dynasties  avaient  fait   place  presque  partout  à  des 
dynasties  issues  de  la  famille  des  Capétiens,  que  ceux-ci 
avaient  eux-mêmes  établis  dans  les  provinces  en  prenant 
le  soin  de  ne  leur  attribuer  leur  comté  ou  leur  duché  qu'à 
titre  d'apanage,  et  en  limitant  à  certains  égards  leur  sou- 
veraineté (réserve  de  la  juridiction  d'appel  ou  ressort, 
clause  de  retour  en  cas  d'extinction  de  la  branche  mascu- 
line directe).  En  un  mot,  «  à  l'ancienne  féodalité  indépen- 
dante avait  succédé  peu  à  peu  la  féodalité  apanagée  (mai- 
sons  de  Bourbon,   d'Alençon,  d'Anjou,  de  Bourgogne, 
d'Orléans,  etc.).  Or,  les  nouveaux  maîtres  de  ces  grands 
fiefs    ne    pouvaient  combattre  le  principe  même   de  la 
royauté,  à  l'héritage  de  laquelle  ils  avaient  des  droits,  ni 
la  souveraineté  de  la  famille  capétienne  dont  eux-mêmes 
étaient  issus.  Aussi,  dès  la  fin  du  xive  siècle,  dans  les 
guerres  civiles  qui  éclatent  sous  Charles  VI  et  Charles  VII 
ne  s'agit-il  plus  pour  eux  de  détruire  ou  de  diminuer  le 
pouvoir  royal,  mais  de  l'exploiter  à  leur  profit.  »  Le  parti 
d'Orléans  (Armagnacs)  et  le  parti  de  Bourgogne  luttent  à 
qui  s'emparera  de  la  tutelle  de  Charles  VI  et  gouvernera 
le  royaume  en  son  nom.  Dans  leur  révolte  contre  Anne  de 
Beaujeu  (1488),  les  nobles  ont  à  leur  tête  l'héritier  pré- 
somptif du  trône,  le  duc  d'Orléans,  à  qui  ils  veulent  confier 
la  tutelle  du  jeune  roi.  Dans  leurs  révoltes  contre  Louis  XIII 
et  Richelieu,  ils  cherchent  à  porter  au  trône  le  frère  du 
roi,  Gaston  d'Orléans,  et  sans  changer  la  constitution  du 
royaume,  tentent  de  succéder  au  ministre  dans  la  faveur  du 
nouveau  roi.  Au  fond,  ils  poursuivent  leur  intérêt  parti- 
culier ,  et  voudraient  reprendre  une  partie  des  droits  qu'on 
leur  a  enlevés  ;  mais  ils  sentent  si  bien  la  faiblesse  de 
leurs  prétentions  qu'ils  se  couvrent  de  prétextes  spécieux, 
invoquant  le  bien  public  (ligue  de  1464),  l'intérêt  reli- 
gieux ou  la  liberté  de  conscience  (guerres  de  religion),  la 
défense  des  libertés  publiques  et  des  immunités  parlemen- 
taires (Fronde).—  Une  seule  fois,  dans  l'ardeur  des  pas- 
sions politiques  et  religieuses,  ils  attaquèrent  le  principe 
même  de  la  monarchie  :  ce  fut  pendant  la  Sainte  Ligue.  Les 
nobles  huguenots,  méconnaissant  la  royauté,  formulent  alors 
des  théories  républicaines  ;  les  catholiques  veulent  restaurer 
le  régime  féodal  ;  les  bourgeois  des  villes  rêvent  de  recons- 
tituer les  seigneuries  communales  sous  l'autorité  du  pape  ; 
tous  reprennent  les  droits  de  guerre,  de  justice,  de  finance, 
que  la  royauté  ne  sait  plus  défendre  ;  ils  font  appel  aux 
puissances  étrangères  (Anglais,  Espagnols,  Allemands, 
Suisses)  ;  les  agents  du  roi  se  retournent  contre  lui  et  se 
conduisent  en  souverains  indépendants  ;  les  chefs  de  bandes, 
les  châtelains  commettent  impunément  les  plus  hardis  bri- 
gandages.   Les  victoires  de  Henri  IV  mirent  seules  un 
terme  à  cette  anarchie  qui  rappelait  les  temps  les  plus 
troublés  de  la  féodalité  ;  et  il  lui  fallut  de  longues  années 
(1589-1602)  pour  faire  rentrer  dans  l'obéissance  les  gou- 
verneurs de  province,  pour  reconquérir  par  les  armes  ou 
racheter  à  prix  d'argent,  château  par  château,  ville  par 
ville,  province  par  province,  la  majeure  partie  de  son 


royaume,  pour  déjouer  et  punir  les  complots  dirigés  contre 
sa  personne  par  la  coalition  aristocratique. 

Contre  ces  soulèvements  politiques  de  la  féodalité,  la 
royauté  se  défendit  avec  énergie.  Elle  usa  des  sentences  de 
ses  parlements,  de  la  police  de  ses  agents  et  surtout  des 
forces  militaires  que  le  progrès  des  temps  avait  mises  à  sa 
disposition  (compagnies  d'ordonnance,  francs  archers, 
mercenaires,  artillerie,  etc.).  Elle  fut  sans  pitié  pour  les 
perturbateurs;  Charles  VII,  Louis  XI  emprisonnèrent  ou 
décapitèrent  les  principaux  représentants  de  la  noblesse 
hostile  ;  Henri  IV  et  Richelieu  multiplièrent  les  condam- 
nations à  mort,  prirent  de  sévères  mesures  contre  le  duel, 
dernier  vestige  de  l'ancien  droit  de  guerre  privée,  et  firent 
raser  un  grand  nombre  de  châteaux  féodaux,  Sous  Louis  XIII 
et  Louis  XIV,  les  gens  du  roi  tinrent  dans  les  provinces 
éloignées,  telles  que  l'Auvergne  et  le  Velay,  des  assises 
extraordinaires  (Grands  Jours),  où  furent  traduits  et  impi- 
toyablement condamnés  les  brigands  féodaux  qui  rançon- 
naient les  paysans  et  résistaient  à  la  maréchaussée. 
L'effet  de  ces  rigueurs  fut  de  pacifier  définitivement  l'aris- 
tocratie féodale,  qui,  à  partir  du  xvne  siècle,  est  générale- 
ment pliée  à  l'obéissance,  soit  qu'elle  vive  à  la  cour,  rem 
plissant  des  offices  domestiques,  soit  qu'elle  serve  dans 
l'armée,  où  elle  est  astreinte  à  l'ordre  du  tableau  et  à  la 
discipline  militaire,  soit  qu'elle  reste  confinée  dans  ses  fiefs, 
occupant  ses  loisirs  à  chasser,  à  pressurer  les  gens  de  ses 
terres  ou  à  défendre  ses  droits  contre  l'empiétement  des 
fonctionnaires  royaux. 

II.  Maintien  des  privilèges  sociaux  de  la  féodalité. — 
Dépouillée  de  tout  pouvoir  politique,  l'aristocratie  féodale 
gardait  encore  un  grand  nombre  de  droits  lucratifs  et  d'avan- 
tages sociaux  qui  la  maintenaient  au  rang  de  classe  privi- 
légiée dans  l'Etat.  Ses  membres,  laïques  ou  ecclésiastiques, 
n'étaient  plus  à  proprement  parler  des  seigneurs,  ou  du 
moins  le  mot  perdant  tout  sens  politique  ne  s'entendait  plus 
que  dans  le  sens  juridique  (dominus)  ;  mais  ils  étaient  tou- 
jours des  nobles,  presque  tous  des  propriétaires  de  fiefs  ou 
terres  nobles,  c.-à-d.  les  premiers  après  le  roi  dans  la 
société  aristocratique.  La  royauté  eut  même  l'habileté  de 
faire  de  ceux  qu'elle  avait  détrônés  de  leur  souveraineté 
des  serviteurs  fidèles  et  des  courtisans  dociles,  en  leur  con- 
cédant,  pour  compenser  l'indépendance  politique  qu'ils  avaient 
perdue,  de  nouveaux  privilèges  et  des  faveurs  de  cour.  Toute- 
fois, il  faut  bien  le  remarquer,  les  descendants  des  anciennes 
familles  féodales  ne  furent  pas  seuls  à  composer  cette  no- 
blesse monarchique  ;  ils  en  formaient  même  la  partie  la 
moins  nombreuse.  A  côté  d'eux,  jouissant  des  mêmes  pri- 
vilèges, il  y  avait  des  gentilshommes  d'épée  qui  tenaient  leur 
noblesse  d'une  concession  royale  plus  ou  moins  récente  ; 
des  nobles  d'office,  de  robe,  d'échevinage,  des  nobles  à  qui 
le  roi  avait  vendu  leur  titre  par  mesure  fiscale,  ou  qui 
l'avaient  acquis  en  achetant  une  terre  noble  et  en  payant  le 
droit  de  franc-fief  (V.  Noblesse). 

Les  droits  et  privilèges  que  la  noblesse  féodale  avait  gar- 
dés comme  débris  de  son  ancienne  seigneurie  étaient  encore 
à  la  fin  du  xvme  siècle  :  1°  Des  dioits  de  justice,  haute, 
moyenne  ou  basse  (quelquefois  les  trois  réunies)  sur  les  gens 
de  leurs  terres  ;  et  accessoirement  des  droits  de  gruerie 
(police  des  eaux  et  forêts)  et  des  droits  de  voirie  (police  des 
rues  et  chemins).  La  juridiction  devait  être  exercée  par  un 
juge  gradué  ou  bailli,  qui  ordinairement  était  aussi  gruyer 
et  voyer.  Le  bas  justicier  avait  en  outre  des  sergents  et  une 
prison  ;  le  moyen  justicier  un  procureur  fiscal,  le  haut  jus- 
ticier une  potence  devant  la  porte  de  son  château.  Subor- 
données aux  tribunaux  royaux  qui  jugeaient  leurs  sentences 
en  appel,  les  justices  seigneuriales  étaient  en  outre  surveil- 
lées par  les  intendants.  Il  s'y  rattachait  des  charges 
de  notaires  et  un  greffe  pour  la  perception  des  droits  d'actes 
et  des  amendes.  —  2°  Des  droits  fonciers  en  argent  ou 
en  nature  sur  les  terres  roturières  de  leur  fief  :  cens, 
rentes,  champart,  terrage,  etc.  —  3°  Des  droits  seigneu- 
riaux ou  domaniaux  sur  les  mêmes  terres  et  quelquefois 
sur  les  établissements  ecclésiastiques  qui  s'y  trouvaient 


m  — 


FÉODALITÉ 


situés  :  taxe  de  bourgeoisie,  droits  de  chasse,  de  pêche,  de 
colombier,  de  garenne,  de  blairie  ;  droits  d'épaves,  de  déshé- 
rence et  d'aubaine,  de  bordelage;  droits  de  péage,  de  bac, 
de  leide,  de  foires  et  marchés,  de  potages,  de  boucherie  ; 
lods  et  ventes  ;  banalités  de  moulins  et  de  fours,  ban  vin, 
corvées  de  charroi  ou  de  travail  personnel,  service  du  guet 
(ces  derniers  souvent  convertis  en  argent)  ;  dîmes  ecclésias- 
tiques, droits  honorifiques  à  l'Eglise.  Il  faut  y  joindre,  dans 
les  quelques  provinces  où  le  servage  avait  subsisté,  la  taille, 
les  droits  de  mainmorte  et  de  formariage,  auxquels  les 
^serfs  étaient  encore  assujettis.  —  4°  Des  droits  féodaux 
sur  les  terres  nobles  dépendant  de  leur  fief  :  ces  droits  se 
réduisaient  aux  reliefs  et  à  l'aide  perçue  quelquefois  en  cas 
d'admission  dans  un  ordre  de  chevalerie.  —  5°  L'exemption 
de  la  taille  royale  et  des  logements  militaires.  —  6°  Le  droit 
de  figurer  aux  Etats  généraux  et  aux  Etats  provinciaux,  les 
uns  dans  le  premier  ordre  de  la  nation  (nobles  ecclésias- 
tiques), les  autres  dans  le  second  (nobles  laïques). —  7° Le 
droit  d'invoquer  devant  les  tribunaux  une  législation  spé- 
ciale en  matière  de  succession,  de  tutelle  et  de  fiefs,  et  cer- 
tains privilèges  judiciaires  (lettres  de  committimus,  de  répit, 
de  surséance,  etc.). 

Les  prérogatives  nouvelles  que  la  politique  des  rois  avait 
conférées  à  la  noblesse  féodale  étaient  nombreuses.  A  la 
cour,  eux  seuls  avaient  le  droit  d'occuper  un  rang  hono- 
rable, de  remplir  les  emplois  de  la  maison  militaire  et  civile 
du  roi  ou  des  princes  du  sang.  Dans  les  provinces,  on  leur 
réservait  les  gouvernements,  les  lieutenances  générales, 
les  châtellenies.  Dans  l'armée  et  dans  la  marine,  eux  seuls 
avaient  droit  aux  grades,  aux  croix  des  ordres  royaux  (Saint- 
Esprit,  Saint-Louis,  Mérite  militaire).  Dans  l'Eglise,  les 
évêchés,  les  canonicats,  les  abbayes,  les  prieurés,  l'admis- 
sion dans  les  chapitres  nobles  n'étaient  que  pour  les  cadets 
de  familles  appartenant  à  la  vieille  noblesse.  Les  hautes 
charges  de  la  judicature  leur  étaient  le  plus  souvent,  mais 
non  pas  exclusivement,  réservées.  Dans  les  universités,  ils 
pouvaient  abréger  leur  temps  d'étude.  Enfin  la  noblesse 
féodale  composait,  avec  les  anoblis  de  nom  et  d'armes,  la 
noblesse  d'épée,  qui  se  groupait,  en  une  hiérarchie  rigou- 
reusement établie  par  les  feudistes  et  dont  l'ordre  était  le 
suivant  :  princes  du  sang  et  princes  légitimés  ;  ducs  et 
pairs,  ducs  non  pairs  mais  héréditaires,  ducs  à  brevets  ; 
marquis  et  comtes  ;  chevaliers  et  barons  ;  simples  gentils- 
hommes ouécuyers  (V.  Noblesse). 

Les  droits  exceptionnels  dont  jouissait  la  féodalité  laïque 
et  ecclésiastique  sur  les  terres  qu'elle  possédait,  les  privi- 
lèges sociaux  dont  elle  était  investie,  avaient  pu  paraître 
naturels  et  légitimes  au  moyen  âge,  lorsque  les  féodaux 
détenaient  une  partie  de  la  souveraineté.  Ils  justifiaient 
leur  pouvoir  et  leurs  privilèges  par  les  services  d'ordres 
divers  qu'ils  rendaient  à  la  société  (service  militaire,  jus- 
tice, services  religieux);  et  même  quand  ils  n'usaient  de 
leur  supériorité  sociale  que  pour  la  satisfaction  de  leurs 
intérêts  privés  et  l'oppression  des  inférieurs,  les  esprits  et 
les  mœurs  de  cette  époque  s'accommodaient  assez  facilement 
de  ces  inégalités  et  de  ces  abus,  si  énormes  qu'ils  fussent. 
—  Mais  au  xvir3  et  surtout  au  xvme  siècle,  la  situation 
n'était  plus  la  même.  Dépossédés  de  leur  souveraineté 
politique,  écartés  du  gouvernement  par  la  défiance  du  roi, 
gratifiés  de  charges  de  cour  ou  de  fonctions  honorifiques, 
de  grades,  d'évêchés,  d'abbayes,  les  anciens  féodaux  ne 
rendaient  dans  l'Etat  presque  aucuns  services  généraux  et 
recevaient  pour  leurs  sinécures  des  pensions  et  des  gratifi- 
cations énormes.  Ils  fournissaient  à  l'armée  ou  à  l'Eglise 
quelques  milliers  de  soldats  et  de  prêtres;  mais  le  tiers 
état  en  fournissait  des  centaines  de  mille.  S'ils  ne  rendaient 
pas  de  services  généraux,  ils  ne  rendaient  pas  davantage  de 
services  locaux.  Les  villes  et  les  villages  où  étaient  situées 
leurs  terres  étaient  administrés  par  les  officiers  royaux  ou 
municipaux  ;  eux-mêmes  n'avaient  aucune  part  à  la  gestion 
des  affaires  locales;  ils  ne  touchaient  à  l'administration 
publique  que  par  leur  droit  de  justice,  et  ce  droit  était  si 
limité,  qu'il  constituait  moins  un  pouvoir  qu'un  revenu. 


S'ils  voulaient  intervenir  à  titre  officieux,  l'intendant  ou  ses 
délégués  leur  imposaient  silence.  Le  seigneur  n'était,  en 
réalité,  sur  ses  terres,  qu'un  «  premier  habitant  »  que  des 
immunités  et  des  privilèges  séparaient  et  isolaient  de  tous 
les  autres.  Loin  de  défendre  ses  paysans,  c'est  à  peine  s'il 
pouvait  préserver  sa  personne,  sa  demeure,  ses  gens,  ses 
immunités,  sa  chasse  et  sa  pêche  contre  les  empiétements 
perpétuels  des  gens  du  roi.  Ajoutons  que,  le  plus  souvent, 
il  ne  résidait  pas  sur  ses  terres,  mais  à  la  cour,  à  la  ville, 
à  l'armée,  et  qu'il  abandonnait  ses  domaines  à  la  gestion 
d'un  régisseur  principalement  occupé  de  s'enrichir. 

Rien  ne  semblait  donc  justifier  les  privilèges  de  la  no- 
blesse féodale,  rien,  si  ce  n'est  la  tradition  et  le  bon  plaisir 
du  roi.  Et  cependant  ils  avaient  dans  la  société,  en  justice, 
à  l'armée,  en  matière  d'impôt,  des  avantages  dont  ne  jouis- 
saient ni  les  roturiers  ni  les  vilains  ;  bien  plus,  ils  pesaient 
sur  ces  roturiers  et  surtout  sur  ces  vilains  par  leurs  droits 
de  justice,  par  leurs  taxes  et  leurs  corvées  seigneuriales. 
A  la  vérité,  ces  droits  remontaient  haut  dans  le  passé  et  on 
aurait  pu  croire  qu'à  la  longue  la  tradition  les  avait  faits 
plus  tolérables.  Au  contraire,  deux  circonstances  rendaient 
au  paysan  le  pouvoir  seigneurial  plus  lourd  et  plus  blessant 
au  xvme  siècle  qu'il  ne  l'avait  été  au  xnr3.  D'abord,  c'est 
que  partout  s'étaient  établis,  avec  la  centralisation  monar- 
chique, d'innombrables  droits  royaux  qui  s'ajoutaient,  sans 
les  supprimer  ni  les  restreindre,  aux  droits  seigneuriaux. 
Sans  compter  la  dîme  que  percevait  l'Eglise,  le  cultivateur 
devait  acquitter  au  roi  taille,  capitation,  vingtièmes,  cor- 
vées, gabelles,  aides,  droits  de  justice  et  bien  d'autres  ;  et 
il  lui  fallait  encore  acquitter  à  son  seigneur  des  taxes  ana- 
logues. «  Il  payait  à  la  fois  deux  gouvernements  »,  l'un 
féodal,  qui  ne  rendait  plus  aucun  service  effectif;  l'autre 
monarchique,  qui  se  chargeait  de  toutes  les  affaires  ;  le 
premier  était  de  trop.  D'autre  part,  le  cultivateur,  autrefois 
serf,  fermier,  tenancier,  était  dans  la  plupart  des  régions 
devenu  propriétaire,  par  suite  de  la  transformation  écono- 
mique qui  avait  divisé  au  xvnr3  siècle  la  propriété  foncière. 
Aimant  la  terre  qu'il  avait  achetée  de  ses  épargnes,  il 
sentait  plus  vivement  que  jamais  les  charges  et  les  vexations 
innombrables  qui  le  gênaient  et  le  ruinaient.  Les  droits 
fonciers  et  les  droits  de  mutation  étaient  tolérables  quoique 
lourds,  mais  les  corvées,  les  péages,  les  banalités,  les  droits 
de  chasse,  de  colombier,  de  garenne  !  Que  l'on  ajoute  les 
exigences,  les  vexations  arbitraires  des  régisseurs,  des  pro- 
cureurs fiscaux,  des  créanciers  à  qui  le  seigneur  avait 
hypothéqué  ses  terres,  et  l'on  comprendra  quelles  misères 
et  quelles  hames  engendrait  à  la  fin  de  l'ancien  régime 
l'exercice  des  droits  seigneuriaux.  Le  progrès  du  bien-être 
dans  les  classes  supérieures  et  dans  la  riche  bourgeoisie, 
la  diffusion  des  nouvelles  doctrines  économiques  et  sociales 
rendaient  plus  vif  encore  le  sentiment  de  ces  maux  et  de 
ces  injustices.  Sans  doute,  il  y  avait  aussi  des  nobles 
s'occupant  de  leur  terre  avec  intelligence  et  de  leurs 
hommes  avec  sympathie,  des  nobles  dont  le  gouvernement 
paternel  était  payé  de  fidélité  et  d'attachement  ;  mais 
c'était  une  exception.  Le  plus  souvent  le  seigneur,  absent 
de  ses  terres,  n'avait  avec  ses  paysans  aucune  relation  per- 
sonnelle qui  atténuât  la  rigueur  de  l'exploitation  domaniale; 
ou  bien,  s'il  vivait  en  hobereau  sur  son  domaine,  il  était 
trop  pauvre  et  trop  âpre  au  gain  pour  ménager  ses  gens. 
Depuis  longtemps  la  bourgeoisie,  dans  les  cahiers  des 
Etats  généraux  de  4560,  1566,  1614,  les  jurisconsultes 
et  les  magistrats  les  plus  éminents,  dans  les  travaux  où 
ils  s'efforçaient  de  coordonner  et  d'unifier  la  législation 
civile,  les  philosophes  et  les  politiques  les  plus  éclairés  du 
xvme  siècle  (Voltaire,  Quosnay,  Mirabeau,  Turgot)  avaient 
réclamé  la  revision  et  la  réforme  de  tous  les  droits  qui 
pesaient  sur  la  propriété  foncière  et  sur  les  classes  agri- 
coles (V.  Droits  seigneuriaux).  Quelques-uns  même  en 
avaient  demandé  l'amortissement  général  par  voie  de  rachat, 
invoquant  le  généreux  exemple  que  donnait  alors  le  duc 
de  Savoie,  roi  de  Sardaigne,  dans  ses  édits  de  1762  à 
1773.  Mais  l'incurie  du  pouvoir  central,  l'aveuglement  des 


FÉODALITÉ 


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classes  privilégiées,  la  résistance  des  gens  de  loi  qui  vivaient 
de  ces  abus  invétérés,  mirent  obstacle  à  toute  réforme 
sérieuse.  Les  courageux  efforts  de  Turgot  et  de  ses  amis, 
les  tentatives  isolées  de  quelques  assemblées  provinciales 
n'aboutirent  qu'à  des  échecs.  Le  parlement  de  Paris  con- 
damna au  feu,  en  4776,  le  livre  où  Boncerf  dénonçait  les 
«  inconvénients  des  droits  féodaux  ».  Pendant  les  der- 
nières années  qui  précédèrent  la  Révolution,  la  seigneurie 
se  montra  presque  partout  plus  tenace  et  plus  avide  que 
jamais.  Comme  les  intendants  soutenaient  volontiers  les 
revendications  des  paysans  et  que  les  tribunaux  contestaient 
souvent  l'authenticité  des  titres  féodaux,  beaucoup  de  sei- 
gneurs remirent  en  état  leurs  archives  et  leurs  livres  ter- 
riers, exhumèrent  des  titres  anciens  ou  exigèrent  de  nou- 
velles reconnaissances.  Des  agents  d'affaires  sans  scrupule, 
rompus  à  la  chicane,  qu'on  appelait  commissaires  à 
terrier,  se  mirent  au  service  des  seigneurs,  compliquant 
les  procès,  entreprenant  des  recouvrements  à  forfait.  Il 
sortit  de  là  une  haine  nouvelle  des  paysans  contre  les 
archives  reconstituées,  qui  explique  les  violences  auxquelles 
ils  se  livrèrent  en  1789. 

III.  Abolition  définitive  du  régime  féodal.  —  Le  régime 
féodal  subsista,  comme  état  social,  aussi  longtemps  que  la 
monarchie  à  laquelle  il  était,  comme  on  l'a  vu,  étroitement 
lié,  et  ses  abus  contribuèrent  pour  une  large  part  à  la  ruine 
de  l'ancienne  société  et  de  son  gouvernement.  La  royauté 
n'ayant  pu  ou  n'ayant  voulu  entreprendre  les  réformes 
que  réclamait  l'opinion  publique,  on  sait  comment  éclata  la 
Révolution.  Aux  Etats  généraux  de  1789,  les  cahiers  du 
tiers  ordre,  rédigés  dans  les  paroisses  sous  forme  de 
plaintes  violentes  et  indignées,  conçus  en  termes  plus  mo- 
dérés dans  les  bailliages  (où  dominaient  les  gens  de  loi  et 
les  petits  propriétaires  qui  avaient  souvent  fiefs  et  censives) , 
furent  unanimes  pour  demander  la  suppression  des  privi- 
lèges de  la  noblesse  et  l'abolition  de  la  plupart  des  droits 
seigneuriaux. Toutefois  l'Assemblée  constituante,  préoccupée 
surtout  de  faire  prévaloir  contre  les  résistances  royales  le 
principe  de  sa  souveraineté  politique,  ne  réalisa  pas  immé- 
diatement ces  vœux.  L'explosion  soudaine  des  impatiences 
et  des  haines  populaires  précipita  les  choses  :  en  juillet 
1789,  dans  la  plupart  des  provinces,  surtout  dans  l'Est, 
depuis  l'Alsace  jusqu'en  Provence,  les  châteaux  furent 
pillés  et  brûlés,  les  titres  féodaux  détruits,  les  nobles  et 
leurs  intendants  maltraités  ou  mis  à  mort.  Pour  arrêter  ces 
désordres,  l'Assemblée  constituante,  dans  un  vote  una- 
nime où  les  nobles,  moitié  par  calcul,  moitié  par  entraîne- 
ment, se  joignirent  au  tiers  état,  se  hâta  de  proclamer, 
pendant  la  célèbre  nuit  du  4  août,  l'abolition  du  régime 
féodal.  Par  cette  déclaration,  tout  l'ancien  état  social, 
qui  reposait  sur  la  subordination  des  classes  roturières 
aux  deux  ordres  privilégiés,  lût  renversé  ;  les  lois  consa- 
crant l'inégalité  que  les  mœurs  avaient  établies  furent  mises 
à  néant.  «  L'homme  cessait,  en  droit,  d'être  soumis  à 
l'homme,  la  terre  à  la  terre  ;  il  n'y  eut  plus  de  terres 
nobles  et  non  nobles,  plus  de  fiefs  ni  de  droits  féodaux  ;  il 
n'y  eut  plus  de  seigneurs  ni  de  serfs,  de  noblesse  ni  de 
roture.  La  liberté  de  la  terre,  l'égalité  des  personnes  au 
point  de  vue  de  l'impôt,  de  la  justice,  du  service  militaire, 
de  l'accès  aux  grades  et  aux  emplois  devint  le  fondement 
de  la  société  nouvelle.  Il  ne  devait  plus  subsister  que  les 
inégalités  tenant  à  la  répartition  des  richesses,  c.-à-d.  à  la 
nature  et  au  fond  même  de  toutes  les  sociétés  humaines,  et 
les  lois  nouvelles  devaient  tendre  à  les  atténuer  autant  qu*il 
était  possible  de  le  faire  par  voie  législative.  » 

Mais  il  ne  suffisait  pas  d'abolir  en  principe  la  féodalité  ; 
il  fallait  aussi  l'abolir  en  fait.  La  suppression  des  privi- 
lèges d'ordre  militaire,  religieux,  financier  ou  judiciaire, 
celle  des  inégalités  dans  la  condition  civile  des  personnes 
pouvaient  être  aisément  réalisées  par  une  administration 
vigilante  imposant  à  tous  le  respect  des  lois  nouvelles. 
Mais  la  destruction  de  tous  les  droits  seigneuriaux  qui 
pesaient  sur  la  propriété  foncière  était  une  œuvre  bien 
plus  délicate,  car  aux  abus  évidents  se  mêlaient  des  inté- 


rêts légitimes;  aux  droits  strictement  seigneuriaux  étaient 
joints  partout  des  droits  fonciers,  qui  n'avaient  de  féodal 
que  la  forme.  Comment  concilier  à  la  fois  l'affranchissement 
de  la  terre,  qui  était  décrété,  et  le  respect  des  contrats 
réguliers  que  suppose  toute  exploitation  agricole  et  qui 
étaient  précédemment  intervenus  entre  nobles  et  paysans? 
La  solution  la  plus  raisonnable  et  la  plus  politique  sem- 
blait être  celle  que  demandaient  quelques  économistes, 
celle  que  le  duc  de  Savoie  avait  déjà  appliquée  à  ses 
Etats,  celle  que,  plus  tard,  devaient  adopter  d'autres  pays 
féodaux,  l'Angleterre,  l'Allemagne,  la  Russie,  c.-à-d.  le 
rachat  par  l'Etat  de  tous  les  droits  des  anciens  seigneurs, 
le  remboursement  de  leurs  créances  légitimes  au  moyen 
d'une  indemnité  dont  TEtat  tout  entier  devait  supporter  la 
charge.  La  Constituante  envisagea  autrement  le  problème 
et  s'engagea  dans  une  voie  dangereuse.  Elle  crut  faire 
œuvre  de  justice  en  distinguant,  parmi  les  droits  qu'avaient 
les  seigneurs  sur  la  terre  et  les  personnes,  ceux  qui  étaient 
le  résultat  de  l'asservissement  imposé  et  ceux  qui  avaient 
été  ou  avaient  pu  être  librement  consentis  entre  les  nobles 
et  les  roturiers.  Les  premiers,  qui  procédaient  de  la  féoda- 
lité dominante,  devaient  être  supprimés  sans  indemnité  ; 
les  seconds,  qui  procédaient  de  la  féodalité  contrac- 
tante, ne  devaient  être  abolis  que  moyennant  une  indem- 
nité payée  par  le  détenteur  actuel  à  l'ancien  noble  pro- 
priétaire. Dans  la  première  catégorie  furent  compris  le 
servage,  la  mainmorte ,  les  droits  de  chasse,  de  colombier, 
de  déshérence,  de  bâtardise,  d'aubaine,  d'épaves,  la  corvée 
et  la  taille  seigneuriale,  les  banalités,  les  péages  et  bien 
d'autres  droits"  seigneuriaux.  Dans  la  deuxième  catégorie 
figuraient  les  cens  et  rentes,  les  lods  et  ventes,  les  autres 
droits  de  mutation  et  quelques  banalités  que  l'on  présumait 
être,  sauf  preuve  contraire,  le  prix  d'une  ancienne  conces- 
sion (décrets  du  11  août  1789,  rapport  du  8  févr.  1790). 

En  obligeant  les  tenanciers  à  racheter  ces  derniers  par 
une  somme  d'argent  ou  par  une  rente  annuelle,  on  réta- 
blissait à  sa  charge,  sous  forme  de  droits  fonciers,  les  im- 
pôts les  moins  vexatoires  mais  les  plus  lourds  de  l'ancien 
régime  ;  on  grevait  ainsi  les  paysans  au  profit  du  propriétaire 
d'une  charge  qui  semblait  devoir  absorber  la  majeure  partie 
du  bénéfice  réalisé  par  ses  travaux  de  culture  :  c'était  perpé- 
tuer la  fortune  immobilière  aux  mains  de  l'ancienne  aristo- 
cratie. L'Assemblée  législative  réagit  en  sens  inverse  et 
déclara  abolis  sans  rachat  toutes  les  banalités,  tous  les  droits 
de  mutation  de  quelque  nom  qu'ils  fussent  désignés  ;  quant 
aux  cens  et  rentes,  elle  maintint  le  principe  du  rachat,  mais 
au  lieu  de  présumer  jusqu'à  preuve  contraire  que  ces  rede- 
vances résultaient  d'un  contrat,  elle  renversa  la  présomp- 
tion et  imposa  au  propriétaire  l'obligation  de  faire  cette 
preuve  pour  obtenir  le  rachat.  Comme  la  preuve  ne  pouvait 
résulter  que  de  l'acte  primordial  d'inféodation  etd'accense- 
ment,  elle  était  le  plus  souvent  impossible,  et  la  suppres- 
sion du  droit  avait  lieu  sans  rachat  (décrets  du  18  juin- 
16juii.  1792). 

Cette  solution,  favorable  au  paysan  dans  la  majorité  des 
cas,  paraissait  acceptable.  La  Convention  la  repoussa  et 
s'en  tint  à  une  solution  plus  radicale.  Elle  abolit  sans  retard 
tout  droit  ancien,  quand  même  il  eût  été  réellement  le  prix 
ou  la  condition  d'une  concession  de  terre  (17  juil.  1 793). 
C'était  condamner  en  bloc  et  sans  distinction  de  fait  ou  de 
droit  tout  ce  qui  était  l'œuvre  de  l'ancien  régime  ;  c'était 
par  une  réaction  haineuse,  mais  facilement  explicable  contre 
le  régime  féodal,  méconnaître  de  parti  pris  tout  ce  qui  avait 
pu  intervenir  de  régulier  et  de  normal  entre  l'ancien  proprié- 
taire noble  et  ses  vassaux  ou  ses  tenanciers  ;  c'était,  au  nom 
d'une  solidarité  que  justifie  le  droit  historique,  sinon  la 
morale  absolue,  faire  expier  par  les  derniers  propriétaires, 
innocents  ou  coupables,  les  longs  siècles  d'oppression  dont 
la  féodalité  s'était  rendue  responsable.  Pour  empêcher  que 
l'on  pût  jamais  revenir  sur  cette  abolition  définitive,  la 
Convention  avait  décrété  que  tous  les  titres  féodaux  seraient 
déposés  et  brûlés  au  greffe  des  municipalités.  Cette  déci- 
sion ne  fut  exécutée  que  partiellement,  et  beaucoup  de  titres 


—  229  — 


FÉODALITÉ  -  FÉODOR 


survécurent  (V.  Archives)  ;  un  décret  du  41  messidor 
an  II  autorisa  même,  dans  un  but  fiscal,  la  production  en 
justice  des  actes  qui  portaient  des  énonciations  féodales. 
Mais  l'esprit  qui  avait  inspiré  les  décrets  de  la  Convention 
subsista  sous  le  Directoire,  le  Consulat  et  l'Empire  dans  la 
jurisprudence  des  tribunaux  comme  dans  les  avis  du  conseil 
d'Etat,  chaque  fois  qu'il  y  eut  lieu  d'interpréter  des  actes 
privés  remontant  à  l'ancien  régime.  —  En  fait,  la  Con- 
vention, qui  avait  livré  gratuitement  le  sol  aux  paysans, 
avait  ainsi  assuré  le  triomphe  de  la  démocratie  française 
et  rendu  pour  longtemps  impossible  la  reconstitution  d'une 
aristocratie  féodale.  Ch.  Mortet. 

Bibl.  :  I.  Sociologie  générale.— Montesquieu,  De  l'Es- 
prit des  lois*,  1748,  éd.  Laboulaye,  1877.  —  Laboulaye, 
Histoire  du  droit  de  propriété  foncière  en  Occident,  1839. 

—  Reports  respecting  the  tenure  of  land  in  tlie  several 
countries  of  Europe,  presented  to  Houses  of  Parliamcnt, 
1869-70.  —  Hipp.  Passy,  Des  Formes  de  gouvernement  et 

des  lois  qui  les  régissent,  1870. E.  de  Laveleye,  De 

la  Propriété  et  de  ses  formes  primitives,  1877,  2e  édit.  — 
E.  Garsonnet,  Histoire  des  locations  perpétuelles  et  des 
baux  à  longue  durée,  1879.  —  H.  Sumner-Maine,  Etudes 
sur  l'histoire  des  institutions  primitives,  trad.  fr.,  1880; 
Etudes  sur  l'ancien  droit  et  la  coutume  primitive,  1866  ; 
Etudes  sur  l'histoire  du  droit,  1889.  —  H.  Spencer,  Prin- 
cipes de  Sociologie,  trad.  fr.,  1883.  —  Molinari,  l'Evolu- 
tion politique  et  la  Révolution,  1884.  —  Ch.  Letourneau, 
l'Evolution  politique  dans  les  diverses  races  humaines, 
1890  ;  l'Evolution  de  la  propriété,  1889  (Bibliothèque  anthro- 
pologique, t.  VIII  et  XI). 

II.  Féodalité  française.—  a.  Histoire  générale. —  Hau- 
teserre,  De  Origine  feudorum,  1643.  —  Galland,  Du 
Franc- Alleu  et  origine  des  droits  seigneuriaux,  1637.  — 
Chantereau-Lefèvre,  Traité  des  fiefs  et  de  leur  origine, 
1662.  —  De  La  Roque,  Traité  de  la  noblesse,  1678.  —  Loi- 
seau,  Traité  des  seigneuries,  1706.—  Brussel,  Nouvel 
Examen  de  l'usage  des  fiefs  en  France  pendant  les  xie- 
xiv9  siècles,  1725.  —  Dubos,  Histoire  critique  de  l'établis- 
sement de  la  monarchie  française,  1734.  —  Fr.  de  Bouta- 
ric,  Traité  des  droits  seigneuriaux  et  des  matières  féodales, 
1741.  —  De  Boulainvilliers,  Histoire  de  l'ancien  gou- 
vernement de  la  France,  1737.  —  Mably,  Observations 
sur  l'histoire  de  France,  1765  (1823,  éd.  Guizot).  —  Du  Buat, 
les  Origines  de  l'ancien  gouvernement  de  la  France,  de  l'Al- 
lemagne et  de  V  Italie,  \%1.—  RENAui.DON,Traité  historique 
et  pratique  des  droits  seigneuriaux,  1765. —  Guyot,  Traité 
des  fiefs,  1751  ;  Des  Droits  et  privilèges  annexés  à  chaque 
dignité,  1784. —  Perregiot,  De  l'Etat  civil  des  personnes  et 
de  la  condition  des  terres  dans  les  Gaules  jusqu'à  la  ré- 
daction des  coutumes,  1786.  —  Montlosier,  De  la  Monar- 
chie française  depuis  son  établissement  jusqu'à  nos  jours, 
1815.—  Mignet,  De  la  Féodalité  et  des  institutions  de  saint 
Louis,  1822.  —  Aug.  Thierry,  Lettres  sur  l'histoire  de 
France,  1827;  Essai  sur  l'histoire  du  tiers  état,  1850.  *- 
Guizot,  Essai  sur  l'histoire  de  France,  1824',  Histoire  de  la 
civilisation  en  France,  1830.  —  B.  Guérard,  Prolégomènes 
du  Polyptiquede  Vabbé  Irminon,  1836-44;  Introd.  aux  Car- 
tulaires  de  Sainl-Bertin,  1841  ;  Saint-Père  de  Chartres,  1840- 
41;  Notre-Dame  de  Paris,  1850;  Saint-Victor  de  Marseille, 
1857;  Saint  -Remy  de  Reims,  1856.  —  Ducange,  Glossa- 
rium  mediœ  etinfîmse  latinitalis,  et  Dissertations  sur 
l'histoire  de  saint  Louis,  éd.  Henschel,  1840-1850.— Lehue- 
rou,  Histoire  des  institutions  carlovingiennes ,  1842.  — 
Klimrath,  Travaux  sur  V histoire  du  droit  français,  1843. 

—  Mlle  de  Lézardière,  Théorie  des  lois  politiques  de  la 
monarchie  française,  1844.  —  Championnière,  De  la  Pro- 
priété des  eaux  courantes,  avec  l'exposé  complet  des  institu- 
tions seigneuriales,  1846.  —  Laferrière,  Histoire  du  droit 
français,  1846-58.  —  Pardessus,  Essai  sur  l'organisation 
judiciaire  en  France  jusqu'à  Louis  XII,  1851.  —  P.  Roth, 
Feudalilàt  und  Unlerthanverband,  1863.  —  Secret  an, 
Essai  sur  la  féodalité,  1858.  — Doniol,  Histoire  des  classes 
rurales  en  France,  1857.  —  Dareste  de  La  Chavanne, 
Histoire  des  classes  agricoles  en  France  depuis  saint  Louis 
jusqu'à  Louis  XIV,  1858,  2e  éd.  —  Levasseur,  Histoire 
des  classes  ouvrières  en  France,  1859. —  Boutaric,  la 
France  sous  Philippe  le  Bel,  1861  ;  Institutions  militaires 
de  la  France,  1863  ;  Des  Origines  et  de  l'établissement  du  ré- 
gime féodal,  dans  Revue  dès  questions  historiques,  t.  XVIII, 
1875.  —  F.  Faure,  Histoire  de  saint  Louis,  1866.  —  Semi- 
chon,  la  Paix  et  la  Trêve  de  Dieu,  1869,  2e  éd.  —  Bonne- 
mère,  Histoire  des  paysans  depuis  la  fin  du  moyen  âge, 
1874,  2°  éd.  —  Vuitry,  Etudes  sur  le  régime  financier  de 
la  France  (jusqu'à  la  fin  du  xiv9  siècle),  1877-1888.  — 
Warnkœnig  et  Stein,  Franzôsische  Staals-und  Rechts- 
geschichle,  1875,  2e  éd.  —  A.  de  Tocqueville,  V Ancien 
Régime  et  la  Révolution,  1877,  6e  éd.  —  Rocquain,  VEs- 
prit  révolutionnaire  avant  la  Révolution,  1878.  —  Balda- 
MUS,Das  Heerwesen  unter  den  spâteren  Karôlingern,  1879. 

—  BABEAu,Ze  Village  sous  l'ancien  régime,  1878;  la  Vie  ru- 
rale sous  l'ancien  régime,  1885, 2°  éd.;  la  Ville  sous  l'ancien 
régime,  1884, 2e  éd.;  les  Bourgeois  d'autrefois,  1886,  2e  édit. 

—  H.  Taine,  les  Origines  de  la  France  contemporaine; 


l'Ancien  Régime,  1880.  — H.  Beaune,  Introduction  à  l'étude 
historique  du  droit  coutumier  français,  1880;  la  Condition 
des  personnes,  1882;  la  Condition  des  biens,  1886;  les 
Contrats,  1889.  —  E.  Chénon,  les  Démembrements  de  la 
propriété  foncière  en  France  avant  et  après  la  Révolu- 
fion,  1881;  Etude  sur  l'histoire  des  alleux,  1888.  —Doniol, 
la  Révolution  française  et  la  Féodalité,  1883,  3e  édA—  Ta- 
non,  Histoire  des  justices  des  anciennes  églises  de  Paris, 
188,}.  —  Flammermont,  De  Concessu  Legis  et  auxilii, 
xiii0  sœculo,  1883.  —  A.  Giry,  les  Etablissements  de  Rouen, 
1883-85.  —  G.  Waitz,  Deutsche  Verfassungsgeschichte, 
1884,  t.  IV,  2°  éd.  —  P.  Allard,  Esclaves,  serfs  et  main- 
mortables,  1884.—  L.  Gautier,  la  Chevalerie,  1884.— Lon- 
gnon,  Allas  historique  de  la  France,  1884-89,  fasc  1  à  3. 

—  Chérest,  la  Chute  de  l'ancien  régime,  1884-86.  — 
E.  Bourgeois,  le  Capitulaire  de  Kiersy-sur-Oise,  1885. 

—  Pfister,  Etudes  sur  le  règne  de  Robert  le  Pieux,  1885.  — 
A.  Rambaud,  Histoire  delà  civilisation  française,  1885-87. 

—  J.  Flach,  les  Origines  de  l'ancienne  France;  le  régime 
seigneurial  (xa-xie siècle),  1886-1893,  1. 1  et  II.—  Ch.-V.  Lan- 
glois,  le  Règne  de  Philippe  III  le  Hardi,  1887.  —  Ad.  Beau- 
douin,  Etudes  sur  les  origines  du  régime  féodal;  la 
recommandation  et  la  justice  seigneuriale,  dans  Annales 
de  l'enseignement  supérieur  de  Grenoble,  1889, 1. 1.  —  Lam- 
precht,  Etude  sur  l'état  économique  de  la  France  pen- 
dant la  première  partie  du  moyen  âge,  trad.  fr.,  1889.  — 
E.  Glasson,  Histoire  du  droit  et  des  institutions  de  la 
France,  1889-1892,  t.  Iil  et  IV.  —  H.  d'Arbois  de  Jubain- 
ville,  Recherches  sur  l'origine  de  la  propriété  foncière 
et  des  noms  de  lieu  habités  en  France  (période  celtique  et 
période  romaine),  1890.  —  Imbart  de  La  Tour,  les  Elec- 
tions épiscopales  dans  l'Eglise  de  France  du  ixa  au  xiii0 
siècle,  1890.  —  Fustel  de  Goulanges,  Histoire  des  insti- 
tutions politiques  de  l'ancienne  France;  les  origines  du 
système  féodal,  1890;  les  Transformations  de  la  royauté 
pendant  l'époque  carolingienne,  1892.  ■—  A.  Luchaire, 
Histoire  des  institutions  monarchiques  de  la  France  sous 
les  premiers  Capétiens  (981-1180),  1890,  2°  édit.;  les  Com- 
munes françaises,  1890;  Manuel  des  institutions  françaises; 
période  des  Capétiens  directs,  1892.  — P.  Viollet,  Introd. 
aux  Etablissements  de  saint  Louis,  1881  ;  Histoire  du  droit 
français:  Droit  privé,  1886;  Droit  public,  1890,  t.  I.  — 
A.  Esmein,  Cours  élémentaire  d'histoire  du  droit  fran- 
çais, 1892.  —  H.  Brunner,  Deutsche  Rechtsgeschichte, 
1892,  t.  II.  —  Huberti,  Gottesfrieden  und  Landfrieden, 
1892,  1. 1.  —  V.  aussi  la  bibliographie  du  mot  Fief  et  du 
mot  France. 

b.  Histoire  locale  :  Luchaire,  Alain  le  Grand,  sire  d'Al- 
bret,  1877.  —  De  Lagrèze,  la  Féodalité  dans  les  Pyrénées, 
1864.—  Ch.  Seignobos,  le  Régime  féodal  en  Bourgogne  jus- 
qu'en 1360, 1883.—  A.  de  Courson,  Mémoire  de  V origine  des 
institutions  féodales  chez  les  Bretons  et  chez  les  Germains, 
dans  Revue  de  législation,  1847,  t.  II;  la  Bretagne  du  va  au 
xii9  siècle  (introd.  au  cartulairede  l'abbaye  de  Redon,  1863). 

—  A.  de  La  Borderie,  les  Grandes  Seigneuries  de  Bretagne, 
dans  Revue  de  Bretagne,  1889.  —  Cadier,  les  Etats  de  Béarn, 
1889.  —  A.  Molinier,  Etude  sur  l'administration  féodale 
en  Languedoc  ;  Etude  sur  l'administration  de  Louis  IX  et 
d'Alfonse  de  Poitiers (1226-1211);  Essai  sur  la  géographie 
historique  du  Languedoc  au  moyen  âge,  1879,  dans  lanouv. 
éd.  de  l'Histoire  de  Languedoc  de  D.  Vaissôte,1889,t.  VII  et 
XII.  —  Boutaric,  Saint  Louis  et  Alfonse  de  Poitiers,  1870. 

—  Mathieu,  l'Ancien  Régime  dans  la  province  de  Lorraine 
et  Barrois  (1698-1180),  1879.  —  L.  Delisle,  Etudes  sur  la 
condition  de  la  classe  agricole  en  Normandie  pendant  le 
moyen  âge,  1851;  Des  Revenus  publics  en  Normandie  au 
xine  siècle  (bibliothèque  de  l'Ecole  des  Chartes,  t.  X,  XI, 
XIII).  —  V.  pour  plus  de  détails  les  indications  bibliogra- 
phiques données  dans  les  ouvrages  précités  de  Glasson, 
t.  IV;  Flach,  t.  I  et  II;  Luchaire,  Manuel  des  institutions, 
et  la  bibliographie  des  mots  :  Anjou,  Auvergne,  Béarn, 
Berry,  Bourgogne,  Bretagne,  Champagne,  etc. 

FÉODOR  (V.  Fédor). 

FÉODOR  (Ivanovitch),  peintre  d'histoire  et  graveur, 
né  en  1765  dans  une  horde  kalmoucke  de  la  frontière 
russo-chinoise,  mort  à  Karlsruhe  en  4832.  Amené  dans 
cette  ville  par  la  princesse  héréditaire  Amélie  de  Bade,  à 
laquelle  l'impératrice  Catherine  de  Russie  l'avait  donné,  il 
y  prit  les  leçons  de  Melling  et  de  Becker  ;  il  alla  ensuite  à 
Rome,  où  il  passa  sept  années,  puis  en  Grèce,  où  il  dessina 
les  sculptures  du  Parthénon  pour  lord  Elgin,  et,  revenu 
par  l'Angleterre  à  Karlsruhe,  il  y  fut  nommé  en  1806 
peintre  de  la  cour.  Son  œuvre  principale,  le  Cycle  d'images 
en  camaïeu,  tirées  de  l'histoire  biblique  (église  protestante 
de  Karlsruhe),  décèle  un  dessinateur  habile  doublé  d'un 
anatomiste  profond,  avec  beaucoup  d'imagination  :  on  re- 
proche néanmoins  à  ses  figures  un  certain  manque  de  no- 
blesse et  de  grâce.  Parmi  ses  gravures,  on  cite  une  belle 
Descente  de  croix,  d'après  Daniel  de  Volterra,  et  une 
reproduction  en  douze  parties  des  portes  de  bronze  du  bap- 
tistère de  Saint- Jean-Baptiste,  à  Florence. 


FÉODOSIA  —  FER 


—  230  — 


FÉODOSIA  (V.  Kaffa). 

FÉPIN.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Rocroy, 
cant.  de  Fumay;  408  hab. 

FER.  I.  Minéralogie.  —  L'existence  du  fer  natif 
d'origine  terrestre  a  été  longtemps  considérée  comme  dou- 
teuse. En  1870,  cependant  M.  A.-E.  Nordenskiôld  a  trouvé 
à  Ovifak  (île  de  Disco,  sur  les  côtes  du  Groenland),  des  masses 
de  fer  métallique  atteignant  vingt  tonnes  :  la  même  substance 
se  rencontre  comme  partie  intégrante  d'un  basalte  à  struc- 
ture ophitique.  L'origine  de  ce  fer  a  soulevé  de  nombreuses 
controverses,  mais  tout  le  monde  est  aujourd'hui  d'accord 
pour  y  voir  du  fer  natif  et  non  du  fer  météorique.  Il  possède 
une  structure  cristalline,  contient  une  petite  quantité  de 
nickel,  de  cobalt,  de  cuivre,  de  carbone,  etc.  ;  toutes  ses 
propriétés  sont  celles  du  fer  métallique.  Peut-être  faut-il 
attribuer  une  même  origine  à  divers  fers,  tels  que  celui  de 
San  Catharina  (Brésil),  que  Ton  considère  généralement 
comme  météoriques.  Le  nom  dCawaruite  a  été  donné  récem- 
ment à  un  fer  nickelifère,  trouvé  dans  les  sables  aurifères  et 
platinifères  de  la  Nouvelle-Zélande  ;  il  semble  provenir  d'une 
péridotite.  Le  fer  cristallise  dans  le  système  cubique. 

Fer  arsenical.  —  Le  fer  arsenical  ou  mispickel  est  un 
sulfoarséniate  de  fer  (FeS2,  FeAs2),  orthorhombique  : 
a:  b  :  c  =  0,67726  :  1  :  1,48817.  mm  =  440°48'. 
Les  cristaux  blanc  d'argent  ou  gris  d'acier  ont  en  général 
des  formes  simples  :  m,  a1,  e1,  £4,  et  les  macles  suivant 
m  sont  fréquentes.  Il  existe  un  clivage  suivant  m.  Dureté, 
5,5  à  6.  Densité,  5,9  à  6,2.  Dans  le  tube  fermé,  le  mi- 
néral donne  d'abord  un  sublimé  rouge  de  réalgar,  puis  un 
enduit  noir  d'arsenic  ;  dans  le  tube  ouvert,  il  dégage  des 
vapeurs  sulfureuses,  puis  donne  un  sublimé  d'acide  arsé- 
nieux  ;  soluble  dans  l'acide  azotique  avec  dépôt  de  soufre. 
Le  mispickel  est  abondant  dans  les  roches  cristallines  ;  il 
accompagne  fréquemment  les  minerais  de  plomb,  d'argent, 
d'étain  ;  il  est  parfois  aurifère  (Nouvelle-Galles  du  Sud), 
cobaltifère  (Danaïtë),  ou  nickelifère.  La  crucite  est, 
d'après  M.  des  Cloizeaux,  une  pseudomorphose  de  fer 
arsenical.  Le  nom  de  lôllingite  ou  de  leucopyrite  a  été 
donné  à  un  arséniure  de  fer  (FeAs2),  ressemblant  beau- 
coup au  mispickel  comme  aspect  général  et  comme  forme 
cristalline.  Sa  densité  est  cependant  plus  forte  (7  à  7,4); 
son  clivage  se  produit  suivant  p.  Ses  caractères  au  chalu- 
meau sont  à  peu  près  ceux  du  mispickel,  mais,  dans  le  tube 
fermé,  il  donne  immédiatement  de  l'arsenic  métallique.  La 
lôllingite  renferme  souvent  du  bismuth  et  de  l'antimoine  ; 
elle  est  beaucoup  moins  abondante  que  le  mispickel;  elle 
accompagne  les  minerais  de  bismuth  de  Saxe,  ceux  de  nickel 
et  de  cobalt  en  Norvège,  etc.  La  geyérite  et  la  glauco- 
pyrite  en  sont  des  variétés. 

Fer  carbonate.— Le  fer  carbonate  ou  sidérose  (FeCO3) 
est  rhomboédrique  et  isomorphe  du  carbonate  de  magnésie. 
L'angle  du  rhomboèdre  est  de  107°0/.  Il  possède  toutes 
les  propriétés  physiques  des  carbonates  de  magnésie,  de 
chaux,  etc.,  c.-à-d.  clivage  facile  suivant  p,  biréfringence 
très  élevée,  avec  signe  négatif  de  l'axe  optique  unique,  etc. 
Dureté,  3,5.  Densité,  3,83  à  3,88.  Eclat  vitreux,  inclinant 
au  nacré.  Ce  minéral,  translucide  et  parfois  transparent, 
est  généralement  gris  cendré  ou  jaune,  parfois  brun.  Il 
prend  surtout  cette  couleur  en  se  transformant  en  limonite 
par  oxydation  et  hydratation  :  la  pseudomorphose  est  sou- 
vent complète.  A  peine  attaquable  par  l'acide  chlorhydrique 
froid,  le  minéral  se  dissout  avec  effervescence  dans  cet 
acide  bouillant.  11  fond  au  chalumeau  en  une  masse  noire. 
Le  fer  carbonate  se  rencontre  en  cristaux  nets,  en  masses 
clivables  ou  présente  une  structure  botroydale  et  fibreuse. 
Voligonite  en  est  une  variété  manganésifère,  la  sidéroplé- 
site  une  variété  magnésienne.  Le  fer  carbonate  est  exploité 
comme  minerai  de  fer  dans  un  grand  nombre  de  localités  et 
notamment  à  Allevard  (Isère),  en  Saxe,  etc.  On  le  trouve 
aussi  en  nodules  dans  les  mines  de  charbon  (Angleterre, 
plateau  central  de  la  France,  etc.).  Le  nom  de  sphéros  - 
dêrite  a  été  donné  à  de  petits  globules  fibreux  de  fer  car- 
bonate, tapissant  les  cavités  de  roches  éruptives  basiques. 


Fer  chromé  (V.  Chrome,  t.  X,  p.  291,  et  Chromte). 

Fer  météorique.  —  Le  fer  nickelé  fin  est  un  des  éléments 
constitutifs  des  météorites  (V.  ce  mot)  ;  certaines  d'entre 
elles  sont  exclusivement  métalliques  (holosidères),  tandis 
que  dans  d'autres  (syssidères),  le  fer  ne  forme  qu'une 
trame,  englobant  des  silicates  magnésiens,  ou  même  n'est 
distribué  au  milieu  d'eux  que  d'une  façon  sporadique. 
Lorsqu'on  traite  par  l'acide  azotique  étendu  une  surface 
polie  de  fer  météorique,  on  voit  apparaître,  d'une  façon 
plus  ou  moins  nette,  suivant  la  provenanca  de  l'échan- 
tillon, des  lignes  inégalement  corrodées,  se  coupant  suivant 
des  angles  de  60°  ou  de  90°  ;  ce  sont  les  figures  de  Wid- 
manstâtten,  qui  trahissent  la  nature  complexe  et  la 
structure  cristalline  des  fers  météoriques,  en  réalité  cons- 
titués par  le  mélange  de  plusieurs  alliages  de  fer  et  de 
nickel  (avec  de  petites  quantité  de  cobalt,  de  manga- 
nèse, etc.),  dont  la  composition  chimique  est  encore  impar- 
faitement connue  ;  ces  alliages  ont  été  désignés  sous  des 
noms  divers  :  kamacite ,  tœnite,  plessite,  octibbéhite 
lamprite,  etc.;  ils  présentent  des  propriétés  différentes; 
les  uns  offrent  une  forme  dominante  cubique  ,  d'autres 
octaédrique  ;  beaucoup  enfin  présentent  des  lamelles  hémi- 
tropes.  Les  fers  météoriques  renferment  souvent  des 
phosphures  de'  fer  et  de  nickel  (schreibersite,  rhabdite), 
des  carbures  des  mêmes  métaux  (cohénite,  etc.),  très 
rarement  du  diamant.  Les  diverses  associations  minéralo- 
giques  observées  dans  les  fers  météoriques  seront,  du  reste, 
étudiés  à  l'art.  Météorite. 

Fer  oligiste  (V.  Hématite). 

Fer  oxydé  (V.  Hématite). 

Fer  oxydé  hydraté.  —  Le  fer  oxydé  hydraté  se  trouve 
dans  la  nature  soit  à  l'état  cristallisé  (gœthite),  soit  à 
l'état  amorphe  ;  on  le  désigne  alors  sous  le  nom  de 
limonite. 

La  gœthite  (HFe204)  est  orthorhombique  ;  elle  forme 
soit  de  petits  cristaux  brun  noirâtre,  allongés  suivant  l'axe 
vertical  et  clivables  suivant  g1,  soit  de  petites  lamelles 
rougeàtres  (rubinglimmer) ,  des  masses  fibreuses  ou 
écailleuses  (lepidocrocite)  brun  rouge,  ou  enfin  des  masses 
mamelonnées  d'un  noir  de  poix  (eisenpecherz) .  Dureté, 
3,8  à  4,4.  Densité,  5  à  5,5.  Dans  le  tube  fermé,  la 
gœthite  donne  de  l'eau  et  se  transforme  en  sesquioxyde  de 
fer  ;  soluble  dans  les  acides.  La  gœthite  se  trouve  avec  les 
autres  oxydes  de  fer  et  particulièrement  la  limonite  et  le 
fer  oligiste, 

La  limonite  (H3Fe409)  a  une  dureté  de  5  à  5,5,  une 
densité  de  3,6  à  4.  Elle  forme  des  masses  concrêtionnées, 
mamelonnées,  stalactiformes,  à  surface  noire  et  luisante 
et  poussière  jaune  ;  on  la  trouve  aussi  en  grains  (constitués 
par  des  couches  concentriques),  de  la  grosseur  d'un  pois 
{limonite  pisolithique),  ou  d'un  grain  de  millet  (limo- 
niteoolithique),  ou  enfin  en  masses  terreuses  (ocre  jaune). 
La  limonite  est  un  des  minerais  de  fer  les  plus  répandus. 
Ses  propriétés  chimiques  sont  les  mêmes  que  celles  de  la 
gœthite.  Assez  fréquemment,  ce  minerai  est  riche  en  acide 
phosphorique.  Le  fer  des  marais  est  une  limonite  se  for- 
mant encore  à  l'époque  actuelle  dans  les  marais,  Yœtite  ou 
pierre  d'aigle  est  une  variété  de  limonite,  constituant  des 
nodules  creux  qui  contiennent  des  noyaux  mobiles. 

Fer  oxydulé.  —  Le  fer  oxydulé,  généralement  désigné 
sous  le  nom  de  magnétite,  est  du  Fe304  pur.  Il  est  cubique  : 
ses  formes  dominantes  sont  l'octaèdre  a1  et  le  dodécaèdre  bl. 
La  macle  du  spinelle  (V.  ce  mot)  n'est  pas  rare  :  il  existe 
parfois  un  clivage  octaédrique.  La  magnétite  est  opaque  et 
noire  de  fer  ;  sa  poussière  est  noire  ;  elle  est  toujours  ma- 
gnétique et  parfois  magnétipolaire  ;  elle  attire  alors  la 
limaille  de  fer  qui  vient  s'accumuler  aux  deux  pôles,  c'est 
la  pierre  d'aimant.  Dureté,  5,5  à  6,5  ;  densité,  5,17. 
Très  difficilement  fusible  au  chalumeau,  le  fer  oxydulé 
perd  son  action  magnétique  après  avoir  été  chauffé  au  feu 
oxydant  ;  il  est  soluble  dans  l'acide  chlorhydrique.  La  ma- 
gnétite se  trouve  comme  élément  constitutif  dans  un  nombre 
considérable  de  roches  éruptives  et  se  rencontre  toujours 


231  - 


FER 


dans  les  roches  basiques.  Dans  les  schistes  cristallins, 
elle  forme,  notamment  en  Scandinavie,  d'énormes  amas 
exploités  comme  minerai  de  fer  ;  elle  est  abondamment 
répandue  dans  les  gisements  d'émeri.  Quant  aux  beaux  cris- 
taux, ils  se  trouvent  dans  les  chloritoschistes  (Suède,  Tirol), 
dans  les  fissures  des  schistes  cristallins  (Binnenthal),  dans 
les  gisements  métallifères  (Travervella,  etc.).  La  magné- 
sie) ferrite  ou  magnoferrite  est  une  magnétite  dans  laquelle 
une  partie  du  FeO  est  remplacée  par  de  la  MgO.  On  peut 
rattacher  au  fer  oxydulé  la  franklinite  (Fe,  Zn,  Mn)0, 
(Fe,  Mn)203,  la  jacobsite  (Mn,  Mg)0,  (Fe,  Mn)203  cristal- 
lisant aussi  en  octaèdres  et  faisant,  comme  la  magnétite, 
partie  de  la  famille  des  spinelles. 

Fer  sulfuré  (V.  Pyrite). 

Fer  titane.  —  Le  fer  titane  a  reçu  de  nombreux  noms  : 
tlménite,  menaccanite,  washingtonite,  mohsite,  erich- 
tonite,  basanomelan^  etc.  La  proportion  du  titane  qu'il 
renferme  est  assez  variable  et  sa  formule  n'est  pas  défini- 
tivement établie  (Fe,  Ti)203  ou  (Fe,  Ti)03.  Ce  minéral  est 
rhomboédrique  et  hémièdre  (pp  =r  85°40'  à  SQ0^)  ;  ses 
cristaux  sont  tantôt  aplatis  suivant  la  base,  tantôt  consti- 
tués par  des  rhomboèdres  très  aigus,  comme  dans  la  crichto- 
nite  de  FOisans.  Faiblement  magnétique  :  noir  de  fer  avec 
poussière  de  même  couleur,  opaque.  Dureté  :  5  à  6  ;  den- 
sité: 4,3  à  4,9.  Infusible  au  chalumeau  ou  feu  oxydant, 
faiblement  attaqué  par  l'acide  chlorhydrique  bouillant  :  la 
solution  donne  la  réaction  du  fer  et  du  titane.  L'ilménite 
se  rencontre  comme  élément  constitutif  d'un  grand  nombre 
de  roches  éruptives  basiques  dans  les  gneiss,  etc.  Les 
beaux  cristaux  se  trouvent  surtout  dans  les  fissures  des 
schistes  cristallins  avec  quartz,  albite,  etc.  (Dauphiné,  Saint- 
Gothard),  dans  les  serpentines  (Etat  de  New  York),  dans 
les  gabbros,  norites,  les  filons  d'apatite  (Norvège),  etc. 
Le  nom  àHsérine  a  été  donné  au  fer  titane  que  l'on  ren- 
contre en  petits  cristaux  arrondis  ou  en  grains  dans 
les  sables  de  beaucoup  de  localités  volcaniques  (Auvergne, 
Calabre,  etc.).  Dans  les  roches  anciennes,  le  fer  titane  se 
transforme  souvent  en  sphène.  Ce  produit  de  transfor- 
mation a  été  pris  tout  d'abord  pour  un  minéral  spécial  et 
appelé  titanomorphite  et  leucoxène.        A.  Lacroix. 

il ^3. -Form.jE::::::::::  g 

Le  fer  est  le  plus  important  de  tous  les  métaux.  Il  est  très 
répandu  dans  la  nature,  mais  on  ne  le  rencontre  que  très 
exceptionnellement  à  l'état  natif,  si  ce  n'est  dans  les  mé- 
téorites, ce  qui  semble  indiquer  qu'il  est  disséminé  dans 
tout  l'univers  ;  il  s'unit  volontiers  aux  métalloïdes  et  aux 
métaux,  notamment  aux  corps  de  la  famille  de  l'oxygène. 
En  raison  de  la  facile  réductibilité  de  ses  oxydes  par  le 
charbon,  il  est  connu  dès  la  plus  haute  antiquité:  il  était 
connu  des  Chinois  plusieurs  siècles  avant  l'ère  chrétienne  ; 
et,  du  temps  d'Homère,  il  était  l'objet  de  travaux  métal- 
lurgiques très  avancés.  C'est  ainsi  que,  dans  YOdyssée,  un 
forgeron  trempe  une  hache  dans  l'eau  froide  pour  lui  donner 
de  la  dureté.  Le  fer,  retiré  de  ses  oxydes,  renferme  tou- 
jours de  petites  quantités  de  matières  étrangères,  comme  du 
carbone,  du  phosphore,  du  silicium.  Pour  l'obtenir  absolu- 
ment pur,  il  faut  réduire  son  sesquioxyde  et  son  chlorure 
par  l'hydrogène,  à  une  température  convenable,  ou,  encore, 
fondre  un  excellent  fer  du  commerce  avec  un  peu  d'oxyde 
de  fer  et  du  verre  pilé  ;  ce  dernier  corps  fait  l'office  de 
fondant,  tandis  que  le  premier  oxyde  le  carbone,  le  phos- 
phore et  le  silicium.  On  peut  encore  l'obtenir  pur  par  élec- 
trolyse,  mais  il  faut  le  chauffer  pour  enlever  les  gaz  qu'il 
contient. 

Propriétés  physiques.  Le  fer  pur  cristallise  dans  le 
système  cubique,  le  plus  souvent  en  cubes  ou  en  octaèdres  ; 
sa  couleur  blanche  se  rapproche  de  celle  de  l'argent  ;  sa 
densité  est  de  7,8439  ;  sa  ténacité  est  très  considérable, 
mais  il  est  plus  mou  que  le  fer  ordinaire.  Son  point  de 
fusion  est  situé  entre  1,500  et  4,600°  (Pouillet  :  1,550  ; 
Daniel  :  1,587).  Lorsqu'on  le  frotte,  il  développe  une 
odeur  particulière  et  possède  une  saveur  métallique  carac- 


téristique. Il  est  très  malléable,  mais  le  martelage  le  rend 
cassant,  et,  en  le  recuisant,  on  lui  rend  sa  malléabilité  ; 
fondu  m  lingots,  il  présente  une  cassure  grenue.  Les  effets 
mécaniques  prolongés,  comme  la  torsion  et  le  choc,  rendent 
sa  texture  cristalline  et  diminuent  sa  ténacité.  L'une  de 
ses  propriétés  physiques  les  plus  remarquables,  c'est  son 
magnétisme  :  il  s'aimante  par  influence  dans  le  voisinage 
d'un  aimant,  et  l'aimantation  disparaît  lorsqu'on  éloigne 
ce  dernier,  alors  qu'elle  persiste  dans  l'acier,  faits  sur 
lesquels  repose  la  télégraphie  électrique.  Il  est  à  noter  que 
cette  singulière  propriété  se  retrouve  dans  la  plupart  de 
ses  composés  et  qu'elle  tend  à  disparaître  sous  l'influence 
de  la  température  :  au  rouge,  le  fer  n'est  plus  attiré  par 
l'aimant.  Le  fer  possède  à  un  haut  degré  la  propriété  d'ab- 
sorber les  gaz,  ce  qui  explique  les  soufflures  dont  il  est 
parsemé  lorsqu'il  est  mal  aggloméré.  Cette  porosité  du  fer 
rend  compte  des  dangers  que  présentent  les  poêles  en 
fonte  qui  se  laissent  traverser  par  les  gaz  du  foyer,  notam- 
ment par  l'oxyde  de  carbone,  gaz  éminemment  délétère . 
Propriétés  chimiques.  Le  fer  ne  s'altère  pas  dans 
l'oxygène  ou  dans  l'air  sec  ;  à  l'air  humide,  il  est  rapide- 
ment attaqué  et  finit  par  se  transformer  en  rouille.  Chauffé 
graduellement,  il  prend  des  teintes  variables  avant  de 
s'oxyder  :  à  234°,  il  est  jaune  d'or  ;  vers  250°,  violet 
pourpre,  et  bleu  vers  300°  ;  à  400°,  toute  coloration  dis- 
paraît, puis  il  redevient  bleu  un  peu  avant  la  chaleur 
rouge,  température  d'oxydation.  Il  se  combine  avec  presque 
tous  les  corps  simples  :  avec  les  métaux  pour  former  des 
alliages,  dont  quelques-uns  sont  très  importants,  comme  le 
fer-blanc ,  le  fer  galvanisé  ;  avec  les  métalloïdes,  pour 
engendrer  des  composés  extrêmement  nombreux.  Il  s'unit 
aux  halogènes  dès  la  température  ordinaire  ;  le  brome  est 
tellement  actif  qu'il  attaque  le  fer  en  masse  ;  aussi  a-t-on 
proposé  ce  métalloïde  pour  faire  rapidement  l'analyse  des 
fers,  des  fontes  et  des  aciers.  Il  s'unit  à  l'azote  pour  donner 
lieu  à  un  azoture  de  fer  lorsqu'on  l'attaque  à  chaud  par  le 
gaz  ammoniac.  L'eau  pure  est  sans  action  sur  lui  ;  mais 
si  elle  est  aérée  et  si  elle  contient  un  peu  d'acide  carbo- 
nique, l'attaque  est  rapide  et  il  se  change  en  rouille.  Il  se 
forme  d'abord  du  carbonate  de  protoxyde  de  fer,  qui  passe 
ensuite  à  l'état  de  sesquioxyde  ;  le  point  attaqué  devient  un 
foyer  qui  permet  à  l'oxydation  de  se  propager  en  vertu 
d'une  action  électrique,  le  fer  et  son  oxyde  constituant  un 
couple  voltaïque  ;  il  y  a  en  même  temps  production  d'am- 
moniaque. Suivant  Kuhlmann,  l'extension  d'une  tache  de 
rouille  serait  le  résultat  d'un  emprunt  d'oxygène  au  peroxyde 
formé  en  premier  lieu  ;  ce  dernier  céderait  au  métal  le 
tiers  de  son  oxygène  pour  passer  à  l'état  de  protoxyde, 
lequel  se  peroxyderait  à  son  tour  en  fixant  directement 
l'oxygène  de  l'air.  Le  fer  est  préservé  de  l'oxydation  par 
les  alcalis,  le  borax,  les  huiles  siccatives,  par  une  couche 
d'étain  (fer-blanc),  par  le  zinc  (fer  galvanisé)  ou  lors- 
qu'il se  développe  à  la  surface  une  légère  couche  d'oxyde 
magnétique  ;  pour  les  usages  domestiques,  on  le  recouvre 
d'un  émail  ou  d'un  vernis  vitreux.  A  l'état  incandescent,  il 
décompose  l'eau  et  s'empare  de  son  oxygène  pour  former 
de  l'oxyde  de  fer  salin  ;  il  réduit  la  plupart  des  oxydes 
appartenant  aux  quatre  dernières  sections  ;  il  décompose, 
même  à  froid,  les  hydracides  en  dégageant  de  l'hydrogène. 
L'acide  sulfurique  concentré  l'attaque  à  chaud,  avec  pro- 
duction de  gaz  sulfureux  ;  étendu,  il  y  a  dégagement 
d'hydrogène.  L'acide  nitrique  exerce  une  action  spéciale 
qui  dépend  de  la  concentration  :  l'attaque  est  nulle  avec 
un  acide  qui  marque  de  35  à  42°  (Baume)  ;  chose  curieuse, 
ce  fer  immergé  n'est  plus  attaqué  immédiatement  par  un 
acide  plus  étendu,  alors  que  ce  dernier,  employé  directe- 
ment, donne  lieu  à  une  vive  oxydation.  On  dit  alors  que  le 
fer  est  passif.  D'après  Varenne,  la  passivité  est  due  à  la 
formation  d'une  couche  gazeuse  qui  enveloppe  le  métal  et 
l'isole  du  réactif  dans  lequel  il  est  plongé  ;  on  s'explique 
dès  lors  pourquoi  la  passivité  du  fer  cesse  dans  plusieurs 
circonstances,  notamment  lorsqu'on  expose  le  métal  dans 
le  vide,  lorsqu'on  frotte  sa  surface  avec  une  baguette  de 


FER 


232  — 


verre.  Du  fer  passif  est-il  plongé  dans  de  l'acide  ordinaire, 
il  n'y  a  pas  d'action  ;  mais,  si  on  le  soumet  à  un  choc 
contre  les  parois  du  vase,  l'attaque  se  produit  brusque- 
ment ;  il  en  est  de  même  lorsqu'on  projette  un  jet  d'eau 
sur  le  métal  immergé  ou  qu'on  lui  imprime  un  mouvement 
rapide  de  giration,  etc. 

Les  usages  du  fer  sont  innombrables  ;  on  peut  dire  que 
ses  applications  s'étendent  tous  les  jours  ;  les  navires,  les 
édifices,  les  constructions  de  toute  sorte  en  absorbent 
d'énormes  quantités  ;  de  là  l'importance  exceptionnelle  du 
fer  parmi  les  corps  simples.  Ne  pouvant  décrire  ici  ses 
nombreux  dérivés,  nous  nous  occuperons  seulement  de  ses 
combinaisons  avec  l'oxygène  : 

Oxydes  de  fer.  —  En  s'unissant  à  l'oxygène,  le  fer 
forme  plusieurs  combinaisons  :  un  sous-oxyde,  un  pro- 
toxyde,  un  sesquioxyde,  un  oxyde  magnétique,  un  acide 
ferrique. 

4°  Sous-oxyde.  Lorsqu'on  chauffe  le  fer  à  la  flamme  du 
chalumeau  oxyhydrique,  il  brûle  en  donnant  naissance  à 
un  composé  qui  n'est  pas  l'oxyde  salin,  comme  dans  le  cas 
où  l'on  opère  dans  l'oxygène  pur.  On  obtient  une  masse 
noire,  fusible,  un  peu  malléable,  qui  se  dissout  dans  l'acide 
chlorhydrique  en  dégageant  de  l'hydrogène.  Ce  corps  répond 
sensiblement  à  la  formule  Fe40  (Marchand).  D'après  Du- 
sard,  on  obtient  un  sous-oxyde,  Fe20,  dans  la  réduction 
ménagée  du  sesquioxyde  de  fer  par  l'hydrogène. 

2°  Protoxyde  de  fer,  FeO.  On  le  prépare  par  voie 
sèche  en  faisant  passer  sur  du  sesquioxyde  de  fer,  chauffé 
au  rouge  sombre,  un  mélange  à  volumes  égaux  d'acide 
carbonique  et  d'oxyde  de  carbone  (Debray).  C'est  un  corps 
peu  magnétique,  facilement  combustible,  transformable  à 
chaud  en  oxyde  magnétique,  dégageant  des  vapeurs  nitreuses 
avec  l'acide  azotique.  Il  se  dégage  à  l'état  d'hydrate  lors- 
qu'on verse  une  solution  de  potasse  dans  une  dissolution 
d'un  protosel  de  fer.  Il  passe  rapidement  du  blanc  au  gris 
verdâtre,  au  vert,  au  noir,  au  bleu,  enfin  au  jaune  brun 
lorsqu'il  est  en  contact  avec  l'oxygène  de  l'air  ;  le  chlore 
produit  immédiatement  ces  transformations.  Une  fois  sec, 
cet  hydrate  est  formé  d'une  masse  pulvérulente  ,  d'un 
vert  clair,  coloration  due  sans  doute  à  une  légère  oxydation 
(Gmelin).  Bouilli  avec  de  l'eau,  il  passe  à  l'état  d'oxyde 
salin  (Liebig  et  Wôhler).  Il  est  si  peu  soluble  dans  l'eau 
qu'il  en  exige  4/0000  p.  pour  le  dissoudre  (Bineau).  A 
l'état  anhydre,  le  protoxyde  de  fer,  obtenu  à  diverses  tem- 
pératures, paraît  pouvoir  se  présenter  sous  plusieurs  formes 
allotropiques  (Moissan). 

3°  Sesquioxyde  de  fer,  Fe203.  A  l'état  naturel,  c'est  le 
fer  oligiste  des  minéralogistes  ;  est-il  en  masses  amorphes, 
compactes,  rouges  et  sans  éclat,  il  prend  les  noms  de  san- 
guine, d'hématite  et  sert  à  polir  les  métaux  ;  hydraté,  il 
constitue  l'hématite  brune,  les  fers  limoneux  et  oolithiques, 
corps  qui  répondent  à  la  formule  (2Fe203).3HO.  A  l'état 
anhydre,  il  cristallise,  comme  l'alumine,  dans  le  système 
rhomboédrique  ;  il  est  dur,  brillant,  d'un  noir  foncé,  non 
magnétique  ;  il  donne  à  la  pulvérisation  une  poudre  d'un 
brun  rouge.  On  l'obtient  sous  forme  de  fer  oligiste  lors- 
qu'on chauffe  au  rouge  le  sesquioxyde  de  fer  dans  un  cou- 
rant de  vapeur  d'eau  ou  en  calcinant  un  mélange  de  sul- 
fate de  fer  hydraté  et  de  sel  marin  à  parties  égales.  L'hy- 
drate se  précipite  lorsqu'on  traite  par  l'ammoniaque  un  sel 
de  sesquioxyde.  Il  est  alors  sous  forme  d'une  matière 
brune,  ocreuse,  ayant  la  même  formule  que  la  rouille, 
2Fe203.3H0.  Bouilli  pendant  sept  à  huit  heures  avec  de 
l'eau,  il  se  transforme  en  une  poudre  rouge,  ayant  pour 
composition  Fe203H0  (Péan  de  Saint-Gilles),  corps  remar- 
quable par  son  insolubilité  dans  les  acides  azotique  et 
chlorhydrique.  La  même  transformation  s'opère  dans  l'eau, 
après  plusieurs  années  (Schiff). 

4°  Oxyde  magnétique,  Fe304  =  (FeO.  Fe203).  C'est  un 
excellent  minerai  de  fer,  constituant  les  aimants  naturels. 
Il  est  en  octaèdres  réguliers,  noir,  à  éclat  métallique, 
fusible  à  une  haute  température,  donnant  à  la  pulvérisation 
une  poussière  noire,  magnétique.  On  l'obtient  artificielle- 


ment en  faisant  passer  de  la  vapeur  d'eau  sur  du  fer 
chauffé  ou  rougi,  ou  encore  de  l'acide  chlorhydrique  sur 
de  l'oxyde  de  fer  amorphe.  Il  se  dépose  à  l'état  d'hydrate 
non  magnétique  lorsqu'on  dissout,  à  l'abri  de  l'air,  le  fer 
dans  de  l'acide  sulfurique  étendu  ;  on  transforme  les  deux 
tiers  en  sel  de  sesquioxyde  ;  on  les  chauffe  avec  de  l'acide 
azotique  ;  on  ajoute  ensuite,  après  refroidissement,  l'autre 
tiers  de  sel  de  protoxyde.  On  l'obtient  encore  en  cristaux 
octaédriques  lorsqu'on  chauffe  le  colcothar,  pendant  deux 
heures,  à  une  chaleur  blanche  (Sidot).  Chauffé  avec  du 
soufre,  il  se  transforme  en  protoxyde,  avec  dégagement 
d'acide  sulfureux.  Traité  par  l'acide  chlorhydrique,  en  quan- 
tité insuffisante,  il  fournit  du  protochlorure  de  fer  et  du 
sesquioxyde  de  fer.  C'est  une  base  faible,  susceptible  d'en- 
gendrer des  sels  avec  divers  acides  (Lefort).  Suivant  son 
mode  de  péparation,  il  peut  se  présenter  sous  diverses 
modifications  allotropiques  (Moissan).  En  résumé,  c'est  un 
ferrite  analogue  aux  combinaisons  que  le  sesquioxyde  de 
fer  forme  avec  divers  protoxydes,  comme  les  ferrites  de 
potassium,  de  soude,  de  chaux,  de  baryum,  de  magnésium, 
de  zinc,  de  manganèse  et  de  cuivre  (Fremy,  Pelouze,  Ebel- 
men). 

5°  Acide  ferrique,  FeO3.  Ce  composé  oxygéné,  décou- 
vert par  Fremy,  n'est  connu  qu'à  l'état  de  combinaison 
avec  les  bases.  Le  ferrate  de  potassium,  qui  est  le  sel  le 
plus  important,  se  prépare  :  4°  par  voie  sèche,  en  proje- 
tant du  salpêtre  dans  un  creuset  de  Hesse  chauffé  au  rouge 
et  contenant  de  la  limaille  de  fer  ;  2°  par  voie  humide,  en 
faisant  passer  un  courant  de  chlore  dans  de  la  potasse 
concentrée,  tenant  en  dissolution  de  l'hydrate  de  sesquioxyde 
de  fer  ;  ce  sel  se  dissout  peu  à  peu  et  donne  une  liqueur 
d'un  rouge  pourpre.  L'alcali  est-il  en  grand  excès,  il  se 
dépose  une  poudre  noirâtre  de  ferrate  potassique,  entraînant 
du  chlorure  de  potassium  ;  on  reprend  par  l'eau  et  on  pré- 
cipite par  une  lessive  concentrée  de  potasse.  C'est  un  sel  très 
soluble  dans  l'eau,  à  laquelle  il  communique  une  belle 
teinte  rouge  violacée  ;  cette  solution,  qui  est  peu  stable, 
se  décompose  immédiatement  à  l'ébullition  en  laissant  dépo- 
ser du  peroxyde  de  fer  ;  traitée  par  les  acides,  elle  dégage 
de  l'oxygène  et  donne  également  du  peroxyde,  la  liqueur 
se  décolorant  complètement  (Fremy). 

Caractères  des  sels  de  fer.  Le  sulfure  d'ammonium 
précipite  tous  les  sels  de  fer  en  noir,  réaction  qui  suffit 
pour  distinguer  le  fer  du  manganèse  et  des  métaux  alca- 
lino-terreux.  Les  moyens  indiqués  pour  distinguer  les  pro- 
tosels sont  nombreux.  Indiquons  seulement  les  suivants, 
qui  sont  les  plus  sûrs  et  les  plus  usités  : 


RÉACTIFS 

PROTOSELS 

PERSELS 

Potasse  caustique. 

Prussiate  jaune  de 
potassium 

Prussiate  rouge  de 

potassium 

Infusé  de  noix  de 
1      galle 

Précipité   blanc, 
qui   passe    au 
vert,  au  jaune. 

Précipité   blanc, 
qui     bleuit     à 
Pair. 

Précipité  bleu. 

Pas  de  réaction. 

Précipité  rouge 
brun. 

Précipité  d'un 
beau  bleu. 

Pas  de  précipité. 

Précipité  bleu 
noir  foncé. 

Ed.  Bourgoin. 

ÎII.  Archéologie  (V.  Age  du  fer). 

ÏV.  Thérapeutique. —  Le  fer  est  un  des  plus  vieux  et 
des  plus  habituels  agents  de  notre  thérapeutique.  Employé 
primitivement  d'une  façon  symbolique,  pour  l'idée  de  force 
que  ce  métal  a  toujours  exprimée  chez  tous  les  peuples,  il 
s'est  trouvé  que  ses  indications  comme  fortifiant  et  anti- 
chlorotique  étaient  pleinement  justifiées,  par  le  fait,  connu 
depuis  peu,  de  son  action  sur  la  multiplication  des  glo- 
bules sanguins  et  la  régénération  de  leur  matière  colorante. 
Les  travaux  de  M.  Hayem  tendent  à  repousser  la  première 


—  233  — 


FER 


partie  de  cette  proposition  qui  a  longtemps  eu  force  de  loi 
et  servi  à  échafauder  nombre  de  théories  sur  les  mérites 
relatifs  de  telles  ou  telles  préparations  patentées.  On  sait, 
aujourd'hui,  en  effet,  que  le  sang  décoloré  des  chlorotiques 
peut  contenir  un  chiffre  normal  de  globules.  C'est  donc 
moins  un  accroissement  des  globules  rouges  qui  signale  la 
reconstitution  du  sang  par  l'usage  du  fer,  qu'une  augmen- 
tation de  production  de  la  matière  colorante.  La  richesse 
du  sang  en  fer  est  toujours  proportionnelle  à  sa  richesse 
en  hémoglobine  :  de  là  l'utilité  de  l'emploi  de  la  méthode 
colorimétrique  de  Hayem,  pour  suivre  pas  à  pas,  pendant 
un  traitement  ferrugineux,  les  progrès  réels  de  la  médica- 
tion. Enfin,  le  rôle  du  fer  dans  l'hématose  est  amplement 
confirmé,  s'il  avait  besoin  de  l'être,  par  les  effets  vérita- 
blement merveilleux  obtenus  par  l'adjonction  des  inhala- 
tions d'oxygène  à  la  médication  ferrugineuse,  dans  le  trai- 
tement de  la  chlorose  et  de  l'anémie  rebelles. 

La  façon  d'administrer  le  fer  a  une  grande  importance 
pour  le  succès  de  la  médication.  Il  est  essentiel  de  donner 
une  préparation  absorbable.  Les  préparations  pilulaires, 
si  elles  sont  un  peu  anciennes,  effectuent  sans  perte  aucune 
la  traversée  du  tube  digestif  :  les  poudres,  les  solutions 
présenteront  donc  toujours  de  plus  grandes  garanties  d'ab- 
sorption. Rabuteau  a  montré  que  tous  les  sels  de  fer, 
quels  qu'ils  soient,  ne  pouvaient  être  absorbés  qu'à  l'état 
de  protochlorure,  par  suite  de  l'action  de  l'acide  chlorhy- 
drique  stomacal.  Il  a  donc  conseillé  l'emploi  du  protochlo- 
rure lui-même  :  ce  protochlorure  circule  dans  le  sang,  pense- 
t-on,  à  l'état  d'albuminate  :  on  admet  qu'il  y  a  formation 
d'un  coagulum,  au  premier  contact  du  sel  ferreux  avec  le 
sérum  sanguin,  puis  dissolution  de  l'albuminate  formé,  le 
milieu  étant  alcalin.  Certains  sels,  cependant,  tels  que  les 
ferro-cyanures,  traversent  toute  l'économie  sans  rien  céder 
d'eux-mêmes  et  sans  subir  aucune  transformation  :  on 
les  retrouve  intégralement  dans  les  urines.  Mais  la  plu- 
part sont  décomposés  et  abandonnent  aux  globules  une 
partie  de  leur  métal  ;  le  reste  est  éliminé  par  les  sécrétions 
diverses,  et  tout  particulièrement,  paraît-il,  par  la  bile  ; 
le  fer  revient  donc  dans  l'intestin  par  cette  voie,  et  sa  pré- 
sence dans  les  matières  fécales,  révélée  par  la  coloration 
noire  qu'il  leur  communique,  ne  prouve  pas  forcément, 
comme  on  l'a  dit  trop  souvent,  que  la  préparation  ferru- 
gineuse a  traversé  les  voies  digestives  sans  être  absorbée. 

Cette  absorption  est  lente  et  difficile,  c'est  un  fait  acquis; 
aussi,  même  pour  les  préparations  les  plus  solubles  et 
connues  comme  les  plus  facilement  assimilables,  est-il 
inutile  de  dépasser  dans  leurs  prescriptions  certaines  doses, 
toujours  très  faibles.  On  exposerait  autrement  le  malade  à 
des  troubles  digestifs  pénibles,  avec  toutes  les  consé- 
quences de  leur  retentissement  sur  l'état  général  qu'on 
voulait  précisément  amender.  En  règle  générale,  il  y  a  tou- 
jours avantage  à  employer  les  préparations  solubles  non 
acides,  telles  que  le  tartrate,  le  citrate,  le  lactate,  ou  les 
préparations  insolubles  facilement  attaquables,  comme 
le  fer  réduit  ou  le  protoxalate;  ce  dernier  sel,  suivi  de 
l'ingestion ,  quelques  minutes  après,  d'un  verre  de  limo- 
nade chlorhydrique,  est  peut-être  le  type  de  préparation  le 
plus  sûr  et  le  mieux  supporté.  Quant  aux  injections  sous- 
cutanées  (pyrophosphate  de  fer  citro-ammoniacal,  perchlo- 
rure  de  fer  adouci  par  la  peptonisation),  elles  sont  irri- 
tantes, et  le  danger  qu'elles  apportent  de  créer  des  caillots 
emboliques  est  trop  grand  en  comparaison  du  peu  d'avan- 
tages qu'elles  présentent,  la  nécessité  d'une  absorption 
aussi  prompte  de  la  préparation  étant  rare  ;  dans  l'anémie 
pernicieuse  rapide,  seul  cas  à  envisager,  il  est  établi  que 
le  fer  est  à  peu  près  impuissant. 

L'emploi  du  fer  a  aussi  ses  inconvénients  :  nous  avons 
parlé  des  troubles  gastriques  ;  il  faut  y  ajouter  celui,  tout 
à  fait  capital,  de  la  constipation  ;  les  sels  organiques  fer- 
rico-potassiques  (tartrate,  citrate,  etc.),  y  prédisposent 
moins,  et  l'on  peut  toujours  adjoindre  à  la  préparation 
choisie  un  laxatif  doux  quelconque,  manne,  rhubarbe,  etc. 
Les  préparations  solubles  noircissent  les  dents  ;  aussi  un 


lavage  soigné  de  la  bouche  doit-il  toujours  être  recom- 
mandé après  leur  emploi.  Autre  inconvénient  plus  grave  et 
d'ordre  général,  l'usage  prolongé  du  fer  tend  à  provoquer 
des  congestions  organiques  passives;  il  augmente  le  sang 
des  menstrues,  prédispose  aux  céphalées  congestives,  aux 
saignements  de  nez,  aux  hémorrhoides,  aidé  en  tout  cela  par 
la  constipation  qu'il  amène  avec  lui.  Mais  ce  qui  est  plus 
grave  encore,  c'est  qu'au  début  de  la  tuberculose,  alors 
qu'il  n'existe  que  de  l'hyperémie  du  tissu  pulmonaire  dans 
les  sommets,  l'emploi  inconsidéré  du  fer  accroît  cette  con- 
gestion passive  et  favorise  grandement  le  travail  patho- 
logique dont  ces  régions  sont  le  siège,  comme  le  révèle 
trop  souvent  l'apparition  d'abondantes  hémoptysies.  Nombre 
de  tuberculoses  ont  été  activées  ainsi  maladroitement  par 
l'emploi  des  ferrugineux  chez  des  adolescents  dont  la 
pseudo-anémie  n'était  qu'un  début  d'envahissement  par  le 
bacille.  Aussi,  doit-il  être  de  règle,  chez  les  jeunes  chloro- 
tiques, de  ne  jamais  prescrire  le  fer  sans  avoir  fait  préala- 
blement un  examen  minutieux  de  l'état  de  l'appareil 
pulmonaire  ;  au  moindre  soupçon,  on  remplacera  avec  tout 
profit  le  fer  par  l'arsenic. 

Le  fer,  en  raison  de  son  action  coagulante,  a  été  employé 
dès  longue  date  sous  forme  de  perchlornre,  pour  arrêter 
les  hémorragies  ;  on  tend  aujourd'hui  à  y  renoncer  de 
plus  en  plus.  Il  n'arrête  que  les  petites  hémorragies  capil- 
laires, et,  pour  peu  que  la  quantité  employée  soit  un  peu 
forte,  il  n'arrête  plus  rien  du  tout,  le  coagulum  formé  se 
dissolvant  dans  un  excès  de  perchlorure.  Il  noircit  fâcheu- 
sement les  plaies,  et,  chose  plus  grave,  il  les  infecte,  car 
la  solution  officinale  de  perchlorure  employée  d'habitude 
est  un  milieu  de  culture  dont  s'accommodent  fort  bien 
nombre  de  micro-organismes.  Pour  les  hémorragies  fortes, 
il  ne  dispense  pas  de  la  ligature  ou  de  la  compression.  Le 
perchlorure  de  fer  a  été  employé  aussi  à  l'intérieur  pour 
arrêter  les  hémorragies,  procédé  très  douteux  comme  effi- 
cacité et  pouvant  même  aller  à  l'encontre  de  ce  que  l'on 
se  propose.  Les  lavages  fréquents  avec  une  solution  éten- 
due de  perchlorure  de  fer  ont  été  préconisés  dans  le  traite- 
ment de  la  diphtérie  ;  le  procédé  date  de  Trousseau,  mais 
a  été  rajeuni  récemment  par  Goldschmitt,  Guelpa,  etc.  Le 
même  perchlorure  a  été  employé  au  traitement  médical  et 
généralement  incertain  de  l'ongle  incarné.  Le  sulfate  de  fer 
a  été  employé  en  injections  contre  la  blennorragie,  peut- 
être  imprudemment.  Enfin,  les  injections  coagulantes  de 
sels  ferreux  ont  été  tentées  dans  le  traitement  de  certains 
anévrysmes  et  même  des  paquets  variqueux  dans  quelques 
circonstances.  Dr  R.  Blondel. 

V.  Industrie.  —  L'histoire  du  fer  est  celle  de  la 
civilisation  ;  les  savants,  pour  la  plupart,  ont  admis 
que  le  bronze  devait,  avoir  été  connu  avant  le  fer.  Cela 
est  contestable.  En  effet ,  tandis  qu'avec  un  feu  de  char- 
bon de  bois,  on  obtient  rapidement ,  par  la  simple  réduc- 
tion de  minerais  de  fer  riches  et  convenablement  choisis, 
un  fer  forgeable  très  nerveux,  il  faut,  pour  fabriquer 
le  bronze,  obtenir  d'abord  deux  métaux  différents,  le 
cuivre  et  Fétain,  qui,  l'un  et  l'autre,  demandent  un  travail 
plus  difficile  que  celui  du  fer  dans  les  anciens  fourneaux, 
puis  il  faut  que  ces  deux  métaux  soient  fondus  ensemble  en 
proportions  convenables,  ce  qui  exige  des  creusets  réfrac- 
taires,  et  enfin  que  l'alliage  soit  coulé  dans  des  moules  pour 
recevoir  la  forme  qu'on  veut  lui  donner,  alors  que,  pour 
façonner  le  fer,  il  suffit  de  disposer  d'une  roche  comme 
enclume  et  d'une  pierre  comme  marteau.  On  a  trouvé  des 
objets  de  bronze  dans  des  dépôts  anciens,  où  les  objets  de 
fer  semblent  ne  pas  exister,  mais  on  comprend  que,  vu  la 
grande  facilité  avec  laquelle  le  fer  s'oxyde  dans  la  terre 
humide,  il  devait  se  transformer  en  une  masse  soluble  dont 
les  traces  ont  disparu.  Depuis  peu,  dans  ces  dernières  an- 
nées, on  a  appris  à  estimer  à  leur  juste  valeur  les  décou- 
vertes d'objets  en  fer  ;  le  nombre  de  ces  découvertes  s'est 
accru  d'une  façon  remarquable  :  on  a  même  rencontré  des 
armes  et  des  outils  en  fer  mêlés  à  des  objets  et  à  des 
ustensiles  en  pierre,  alors  qu'on  attribuait  cependant  à  ces 


FER 


—  234 


derniers  une  antiquité  supérieure  à  celle  du  bronze  lui- 
même. 

D'après  les  recherches  approfondies  de  L.  Simonin,  la 
fusion  du  minerai  se  faisait  jadis  au  foyer  d'affinage, 
comme  cela  se  pratique  encore  aujourd'hui  près  de  Naples 
et  en  Corse;  ces  foyers  étaient   établis,  soit  au  bord 
de  la  mer,  soit  sur  la    pente   des  montagnes.  On  se 
servait,  pour  les  activer,  de  la  force  naturelle  du  vent  ;  ils 
étaient  enfoncés  dans  la  terre,  entourés  d'un  mur  bas  en 
grès,  comme  le  montrent  les  morceaux  calcinés  et  en  partie 
scorifiés  que  l'on  a  rencontrés  dans  leur  voisinage.  Le  mi- 
nerai était  grillé  en  tas;  la  loupe  obtenue  à  l'aide  du 
charbon  de  bois  devait  constituer  un  fer  doux  ;  les  laitiers 
étaient  bien  fondus,  bulleux,  noirs,  cristallins.  Bien  que  la 
plupart  des  foyers  d'affinage  aient  été  soufflés  par  le  vent 
naturel,  il  est  cependant  hors  de  doute  que  les  Etrusques 
ont  connu  également  les  soufflets  mécaniques  ou  artificiels. 
La  conquête  de  la  Haute-Italie  soumit  à  la  domination  ro- 
maine tous  les  Celtes  cisalpins;  nous  y  voyons  fleurir 
encore  du  temps  des  empereurs  une  industrie  sidérurgique 
de  grande  importance  exercée  par  les  Séquanais,  notam- 
ment près  de  Bergame  et  de  Brixia.  Dans  la  Gaule  trans- 
alpine vivaient  une  foule  de  peuplades  de  race  celtique, 
également  très  expérimentées  dans  l'art  de  travailler  les 
métaux  ;  les  plus  importants  étaient  les  Eduens,  les  Bitu- 
riges,  les  Arvernes,  les  Vénètes  et  les  Carnutes.  Au  siège 
d'Alésia,  les  Arvernes  possédaient  tellement  de  fer  qu'ils 
purent  entourer  toute  la  forteresse  de  pieux  de  fer  enfoncés 
en  terre  les  uns  contre  les  autres  et  reliés  par  des  cram- 
pons du  même  métal.  D'après  Strabon,  les  Bituriges  n'avaient 
comme  rivaux  dans  la  fabrication  du  fer  que  les  Prétocoriens, 
habitants  du  Périgord  actuel.  On  rencontre  dans  le  Berry 
de  nombreuses  excavations  (mardelles),  avec  des  foyers  qui 
ont  peut-être  servi  à  la  réduction  des  minerais.  Les  Trévires, 
dont  le  territoire  s'étendait  depuis  le  Rhin  jusqu'au  delà 
del'Eifel,  fabriquaient  des  armes  célèbres,  et  l'on  rencontre 
dans  l'Eifel  de  nombreux  amas  de  scories  appartenant  à 
l'époque  celtique  ou  gallo-romaine  ;  les  environs  d'Aix-la- 
Chapelle  ont  donné  lieu  à  la  découverte  de  plus  de  cent 
foyers  anciens.  Les  Belges,  et  parmi  eux  les  Ner viens  et  les 
Bellovaques,  les  Helvètes,  travaillaient  le  fer,  comme  le 
prouvent  de  nombreuses  traces  de  foyer.  D'après  Tacite, 
les  Bretons  portaient  des  glaives  énormes  ;  César  trouva 
chez  eux  des  chars  à  deux  roues  armés  de  fer.  L'industrie 
du  fer  la  plus  ancienne  avait  son  siège  dans  les  forêts  du 
Sussex  et  du  Gloucestershire.  Il  semble  que  c'est  en  An- 
gleterre que  l'on  a  trouvé  les  premières  usines  à  fer 
romaines  ou  romano-celtiques  ;  d'après  Fairbairn,  les  four- 
neaux dont  on  s'était  servi  étaient  des  fourneaux  à  vent, 
de  construction  simple,  de  forme  conique,  dont  la  cuve, 
peu  élevée,  était  plus  large  en  haut  qu'en  bas.  Immédiate- 
ment au-dessus  du  sol,  ils  présentaient  de  petites  ouver- 
tures pour  l'introduction  du  vent  ;  aussi  étaient-ils  placés 
sur  les  sommets  ou  sur  la  pente  des  montagnes  exposées 
au  vent,  afin  que  celui-ci  y  eût  plus  facilement  accès,  en 
même  temps  que  leur  flamme  pouvait  s'échapper  par  leur 
large  gueulard.  Le  minerai  et  le  charbon  y  étaient  chargés 
par  lits  successifs  et  on  pouvait  régler  la  température  en 
fermant  ou  ouvrant  à  volonté  les  entrées  d'air.  Le  produit 
obtenu  était  une  loupe  impure,  mêlée  à  beaucoup  de  sco- 
ries; on  la  purifiait  en  la  cinglant  et  en  la  martelant 
plusieurs  fois.  Cependant  les  Romains  connaissaient  aussi 
les  soufflets  à  la  main  et  Ausone  décrit  des  soufflets  en 
cuir  avec  fond  de  bois,  munis  de  soupapes  pour  laisser 
entrer  et  sortir  le  vent  et  dont  les  joints  étaient  garnis  de 
bandes  de  laine.  En  Suisse  et  en  Carinthie,  on  exploitait  le 
fer  de  toute  antiquité  ;  on  a  trouvé  à  Erzberg  des  four- 
neaux à  vent  qui  étaient  enfoncés  dans  les  montagnes,, 
munis  d'un  canal  latéral  pour  le  vent. 

C'est  au  xve  siècle,  suivant  Karsten,  que  remonterait 
une  découverte  destinée  à  exercer  une  influence  décisive 
sur  la  civilisation,  la  fusion  du  fer  à  l'état  de  carbure.  En 
Allemagne,  les  connaissances  métallurgiques  font  les  plus 


grands  progrès  ;  on  y  rencontre  les  premiers  auteurs  qui 
aient  écrit  sur  ces  matières,  soit  pour  expliquer  les  pro- 
cédés en  usage,  soit  pour  les  raccorder  à  un  corps  de  doc- 
trine. En  tête  figure  J.-C.  Agricola  ;  ses  ouvrages,  au 
nombre  de  sept,  remontent  à  4530  et  constituent  l'en- 
semble le  plus  remarquable  de  la  science  technique  à  cette 
époque  ;  son  traité  De  Re  metallica,  où  sont  décrites  avec 
la  plus  grande  précision  les  opérations  métallurgiques  de 
son  temps,  a  été  regardé,  jusqu'au  siècle  dernier,  comme  le 
guide  le  plus  sûr.  A  partir  du  xvie  siècle,  le  fer  va  se 
répandre  peu  à  peu  et  prendre  le  rang  qu'il  conservera 
ensuite  sans  partage.  Suivant  Karsten,  c'est  aux  Pays-Bas 
qu'on  serait  redevable  des  fluss-ofen  ou  fourneaux  pour 
réduire  le  fer  avec  avantage  :  ils  s'introduisirent  peu  de 
temps  après  en  Suède  et  s'établirent  au  xvne  siècle  en  Saxe. 
La  découverte  de  la  fonte  des  minerais  ne  fut  pas  l'œuvre 
d'un  jour,  ni  le  résultat  d'appréciations  scientifiques  ;  elle 
fut  l'œuvre  patiente  d'efforts  individuels,  de  secrets  révélés 
et  transmis  par  une  simple  routine.  Modifiés  de  diverses 
manières,  suivant  les  pays,  les  bas  et  moyens. foyers  don- 
nèrent lieu  à  autant  de  manipulations  différentes,  connues 
sous  le  nom  de  méthodes  suédoise,  allemande,  styrienne, 
carinthienne,  corse,  catalane,  navarraise,  biscayenne,  etc., 
et  quoique  la  métallurgie  en  ait  plus  tard  perfectionné  quel- 
ques-unes, nous  les  considérons  comme  des  indices  de  la 
primitive  fabrication  du  fer.  Dans  les  procédés  oubliés,  dans 
les  méthodes  rajeunies,  dans  les  appareils  de  fondage 
actuels,  se  reproduit  invariablement  l'idée  appliquée  par 
les  peuples  anciens.  Nous  y  avons  seulement  adapté  les 
perfectionnements  de  la  mécanique  ;  nous  avons  accru  les 
dimensions  des  appareils  pour  traiter  des  masses  plus  con- 
sidérables. 

Vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  un  homme  de  génie, 
Henry  Cort,  chercha  en  Angleterre  une  solution  de  la  mé- 
tallurgie du  fer,  sans  mettre  en  contact  la  fonte  et  le 
combustible.  Il  employa  le  four  à  réverbère,  où,  dans  une 
chauffe  séparée  par  un  mur  en  maçonnerie, le  combustible 
développe  sa  chaleur,  transmise,  par  radiation  sur  une 
voûte,  à  la  matière  placée  sur  une  sole.  La  fonte  placée  en 
gueusets  passe,  avant  de  fondre,  par  un  état  semi-pâteux; 
en  y  faisant  pénétrer  un  outil  et  remuant  la  masse,  on 
facilite  le  contact  affinant  avec  le  courant  gazeux  toujours 
chargé  d'oxygène  libre,  et  peu  à  peu  le  carbone  de  la  fonte 
se  dégage  à"  l'état  d'oxyde  de  carbone.  Ce  gaz  brûle  à  la 
surlace  en  jets  bleuâtres  par  sa  transformation  en  acide 
carbonique.  Bientôt  toute  la  masse  est  à  l'état  de  fer  ;  on 
la  découpe  en  un  certain  nombre  de  balles  ou  loupes  spon- 
gieuses tout  imprégnées  de  scories.  On  les  porte  successi- 
vement sous  un  lourd  marteau  qui  serre  le  métal,  en 
exprime  la  scorie  et  donne  lieu  à  une  sorte  de  parallélipi- 
pède  ou  bloom.  Pour  activer  le  travail,  Cort  eut  l'idée  de 
substituer,  à  l'action  lente  du  marteau  mécanique  ou  mar- 
tinet, l'étirage  entre  deux  cylindres  portant  des  entailles 
ou  cannelures.  Nous  abrégeons  la  partie  historique  de  la 
fabrication  du  fer  pour  nous  étendre  un  peu  plus  longue- 
ment sur  les  procédés  eux-mêmes  de  fabrication. 

Le  premier  perfectionnement  apporté  à  la  métallurgie 
antique  du  fer  fut  la  méthode  catalane.  Ce  nom  lui  vient 
de  la  Catalogne,  cette  partie  du  versant  méridional  des 
Pyrénées  où  l'abondance  du  bois  et  des  minerais  riches  a 
permis,  de  nos  jours  encore,  l'installation  d'une  industrie 
importante  dont  les  produits  étaient  de  première  qualité. 
Cette  méthode,  que  l'on  retrouve  dans  les  vallées  méridio- 
nales des  Alpes,  en  Lombardie  et  en  Italie,  semble  avoir 
été  employée  par  les  Etrusques  ;  elle  a  dû,  vraisemblable- 
ment, fournir  aux  Romains  le  fer  dont  ils  se  servaient 
(V.  Forge).  Nous  ne  parlons  que  pour  mémoire  de  la  fa- 
brication du  fer  au  moyen  des  stuckofen  allemands ,_  ce 
procédé  n'étant  plus  employé.  La  méthode  de  fabrication 
du  fer  au  stuckofen  était  fondée  sur  les  réactions  et  opé- 
rations suivantes  :  dans  un  four  à  cuve  de  peu  de  hauteur, 
d  ou  6  m.  à  peine,  on  entassait  par  couches  successives 
du  minerai  de  fer,  du  charbon  de  bois  et  les  fondants  né- 


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FER 


cessaires,  puis  on  soufflait  avec  des  tuyères  inclinées.  On 
obtenait  ainsi  de  la  fonte  (V.  Fonte)  qui  se  réunissait 
dans  la  partie  inférieure  du  fourneau  ;  on  faisait  écouler  le 
laitier  ou  silicate  de  chaux  et  d'alumine  provenant  de  la 
gangue  et  on  continuait  de  souffler.  Sous  Faction  oxydante 
de  l'air  favorisée  par  l'inclinaison  des  tuyères,  on  brûlait 
la  totalité  du  carbone  combiné  avec  le  fer  dans  la  fonte. 
Comme  la  température  était  peu  élevée,  il  arrivait  un  mo- 
ment où  le  fer  décarburé  ne  pouvait  plus  rester  à  l'état 
liquide  et  il  se  formait  une  masse  métallique  solide  (stiick, 
en  allemand),  ce  qu'on  appelle  un  loup.  Cette  masse  était 
extraite  du  fourneau  par  un  orifice  que  l'on  pratiquait  à 
la  muraille  inférieure  ;  on  y  accrochait  des  tenailles  et  on 
le  traînait  sous  un  marteau  hydraulique  pour  le  marteler 
en  forme  de  barre.  On  refermait  ensuite  la  brèche  en  re- 
faisant la  muraille  du  four  et  on  continuait  de  souffler 
pour  obtenir  une  seconde  masse.  Pour  obtenir  l'affinage 
et  la  décarburation  de  la  fonte,  il  fallait  augmenter  l'in- 
clinaison des  tuyères,  mais  on  ne  pouvait  empêcher  que 
l'air,  qui  avait  traversé  le  bain  de  fonte  sans  agir,  ne  vînt 
brûler  le  combustible  qui  se  trouvait  au-dessus  ;  il  se  fai- 
sait de  la  fonte  pendant  l'affinage,  et  cette  fonte  venait 
troubler  par  sa  présence  l'opération  qui  devait  produire  le 
fer.  Le  métal  obtenu  était  peu  homogène  ;  de  plus,  les 
scories  très  ferrugineuses  que  l'on  obtenait  corrodaient  les 
parois  du  four  si  on  ne  les  faisait  pas  écouler  rapidement. 
La  démolition  d'une  des  parois  était  une  opération  pénible 
pour  les  ouvriers,  et  la  masse  de  fer  incandescente,  souvent 
d'un  poids  considérable,  était  difficile  à  manier.  On  re- 
nonça vite  à  ce  procédé  pour  arriver  à  une  division  logique 
du  travail.  Le  haut  fourneau  est  un  outil  merveilleux  pour 
la  production  de  la  fonte.  Le  minerai  de  fer,  chargé  à  la 
partie  supérieure,  est  réduit  peu  à  peu  par  le  gaz  oxyde 
de  carbone  que  dégage  le  combustible  en  se  brûlant  à  la 
partie  inférieure.  Le  fer,  réduit  en  carbure,  devient  fusible  : 
c'est  la  fonte  (V.  Fourneau  [Haut]).  Il  était  donc  lo- 
gique d'extraire  d'abord  le  fer  en  totalité  du  minerai  qui 
le  renfermait  et,  comme  cette  séparation  ne  peut  se  faire 
qu'avec  absorption  de  carbone,  d'éliminer  ensuite  ce  car- 
bone dans  une  opération  spéciale  qui  porte  le  nom  d'affi- 
nage. Désormais  le  fer  ne  se  fera  plus  qu'en  partant  de  la 
fonte  comme  matière  première.  La  fonte  renferme  de  3  à 
5  °/0  de  carbone,  suivant  les  conditions  de  température 
dans  laquelle  on  l'a  produite.  C'est  cette  proportion  de  car- 
bone qu'il  s'agit  d'éliminer. 

Dans  Y  affinage  au  bas  foyer,  on  soumet  à  l'action  affi- 
nante d'un  vif  courant  d'air,  de  la  fonte  que  l'on  liquéfie 
dans  un  feu  de  charbon  de  bois.  Le  vent  est  donné  par 
une  soufflerie  mue  ordinairement  par  une  chute  d'eau  et 
dont  la  conduite  générale  se  trouve  sur  toute  la  longueur 
de  l'atelier.  Nous  ne  décrirons  pas  toutes  les  variantes  que 
comporte  cette  méthode  d'affinage.  Nous  dirons  cependant 
que  l'on  peut  obtenir  à  volonté  du  fer  ou  du  fer  cédât,  du 
fer  aciéreux,  quand  les  fontes  sont  de  qualité  convenable.  En 
général,  on  place  la  gueuse  de  fonte  en  porte  à  faux  au- 
dessus  du  foyer  et  en  face  de  la  tuyère.  La  fonte  se  liquéfie 
peu  à  peu,  coule  goutte  à  goûte  et  se  rassemble  au  fond 
du  creuset  où  son  affinage  s'achève  au  contact  de  scories 
riches  en  fer  et  qui  proviennent  d'une  opération  précé- 
dente. Le  plus  ordinairement,  le  produit  ainsi  obtenu  n'est 
pas  assez  affiné;  il  faut  l'extraire  du  creuset  (c'est  ce  qu'on 
appelle  un  soulèvement),  et  lui  faire  subir  devant  le  cou- 
rant d'air  une  nouvelle  oxydation.  Lorsque  l'ouvrier  trouve 
que  l'affinage  est  terminé,  il  avale  la  loupe,  c.-à-d.  que, 
aidé  de  ses  camarades  des  foyers  voisins,  il  extrait  le  bloc 
de  fer  mélangé  de  scories  et  le  traîne  sous  un  marteau  des- 
tiné à  le  corroyer  et  l'étirer  en  barre.  Lorsqu'un  soulè- 
vement n'est  pas  suffisant,  on  en  fait  un  deuxième  et  l'uni- 
formité du  produit  est  alors  plus  grande.  L'affinage  au 
bas  foyer  n'est  plus  guère  employé  que  dans  les  pays  de 
montagnes  où  le  combustible  végétal  est  abondant ,  et  où 
l'on  rencontre  des  minerais  de  bonne  qualité.  On  le  trouve 
encore  en  Suède  où  l'on  emploie  la  variante  de  travail  appelée 


la  méthode  du  Lancashire,  du  nom  d'un  comte  d'Angle- 
terre, où  on  l'appliquait  au  commencement  de  ce  siècle. 
L'affinage  au  bas  foyer,  par  la  méthode  du  Lancashire, 
opère  sur  75  à  100  kilogr.  de  fonte  à  laquelle  on  fait  subir 
deux  fusions  et  par  conséquent  deux  soulèvements.  Le  dé- 
chet varie  de  40  à  20  °/0  suivant  les  fontes  et  suivant 
l'habileté  de  l'ouvrier.  La  consommation  de  charbon  de 
bois  est  de  3/4  à  1  m.  c.  pour  100  kilogr.  de  fer  obtenu. 
On  emploie  encore  l'affinage  au  bas  foyer  pour  la  fabrica- 
tion du  fer-blanc  ;  mais  on  tend,  de  plus  en  plus,  à  rem- 
placer ces  produits  coûteux  par  de  l'acier  doux,  plus  homo- 
gène, donnant  moins  de  rebuts  de  laminage  et  coûtant 
beaucoup  moins  cher  (V.  Fer-blanc). 

C'est  seulement  par  le  puddlage  (en  anglais  to  puddle, 
gâcher,  remuer)  que  la  métallurgie  du  fer  a  pris  son  vé- 
ritable essor.  Dans  cette  opération,  la  fonte  liquide  est 
soumise,  sur  la  sole  d'un  four  à  réverbère,  à  la  double 
action  oxydante  de  l'excès  d'air  renfermé  dans  les  produits 
de  la  combustion  et  des  scories  très  ferrugineuses  ajoutées. 
Le  tout  est  remué  d'une  manière  continue  par  un  ouvrier 
armé  d'un  ringard  ou  crochet  de  fer.  Primitivement,  la 
fonte,  avant  de  passer  au  four  à  puddler,  était  soumise 
préalablement  à  un  affinage  partiel  qui  portait  le  nom  de 
mazéage  et  se  fixait  dans  un  appareil  spécial  appelé  maze- 
rie  (V.  Mazéage).  Cette  opération  préalable  n'est  plus  guère 
employée  ;  on  puddle  maintenant  directement  les  fontes. 
Un  four  à  puddler  est  un  four  à  réverbère  généralement 


Four  à  puddler  (Coupes  longitudinale  et  horizontale),   ï 

chauffé  au  combustible  minéral.  Il  se  divise  en  deux  par- 
ties, le  foyer  et  la  sole.  Quelquefois  la  sole  est  double  ; 
dans  ce  cas,  il  y  a  en  réalité  deux  soles,  séparées  par 
un  mur  en  maçonnerie  réfractaire  du  four  et  entourées 
de  plaques  de  fonte  reliées  entre  elles  par  des  tenants 
et  des  montants  en  fonte  et  même  en  fer.  La  sole  en 
fonte,  sur  laquelle  se  fait  le  travail,  est  entourée  d'une 
circulation  d'air  ou  d'eau.  La  flamme  traverse  le  four  et  se 
rend  par  un  rampant  dans  une  cheminée  ou  sous  une  chau- 
dière. Il  y  a  deux  sortes  de  puddlage  pour  fer  :  le  pudd- 
lage en  sable  ou  puddlage  sec  ;  le  puddlage  bouillant. 
Dans  le  puddlage  en  sable,  on  prend  de  la  fonte  préala- 
blement mazée  ;  lorsqu'elle  s'est  ramollie  sous  la  chaleur 
du  four,  l'ouvrier  la  brise  avec  son  crochet  ;  elle  tombe 
alors  en  sable  et  se  transforme  peu  à  peu  en  fer,  à  me- 
sure que  l'ouvrier  renouvelle  les  surfaces  en  contact  avec 
le  courant  oxydant  qui  passe  par  la  porte  du  travail.  Le 
puddlage  gras  ou  en  four  bouillant  est  le  seul  employé 
actuellement.  La  fonte,  à  laquelle  on  n'a  fait  subir  aucune 
opération  préalable,  est  fondue  dans  le  four.  Tantôt  elle 
s'échauffe  sur  la  sole  du  petit  four  pendant  l'opération  pré- 
cédente et  n'a  plus  à  subir  qu'un  coup  de  feu  dans  le  grand 
four  pour  arriver  à  la  fusion  complète,  tantôt  les  gueusets 


FER 


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de  fonte  sont  placés  directement  dans  le  grand  four.  Les 
fours  à  double  sole  servent  principalement  à  l'affinage  des 
fontes  blanches  pour  fers  communs  ;  les  fours  à  une  sole 
sont  réservés  au  puddlage  des  fontes  très  grises  destinées 
à  produire  des  fers  fins.  Il  existe  aussi  des  fours  à  puddler, 
à  deux  portes  opposées,  où  deux  ouvriers  à  la  fois  peuvent 
travailler  le  fer.  Une  semblable  disposition  économise  le 
combustible,  mais  demande  beaucoup  d'entente  entre  les 
puddleurs  pour  que  le  travail  de  l'un  ne  nuise  pas  à  celui 
de  l'autre.  Les  fours  simples  sont  surtout  employés  en 
Angleterre,  les  fours  à  deux  soles  principalement  en  France 
et  les  fours  à  deux  portes  de  travail  aux  Etats-Unis.  La 
sole  dont  se  servait  Cort  était  primitivement  en  sable 
aggloméré  par  la  chaleur,  ce  qui  augmentait  inutilement  le 
déchet,  l'oxyde  de  fer  formé  se  combinant  très  facilement 
à  la  silice.  Un  premier  perfectionnement  important  fut 
l'emploi  de  soles  en  oxyde  de  fer  obtenu  par  la  combustion 
de  ferrailles  minces  en  riblons.  Le  four  étant  en  bonne 
chaleur,  on  introduit  sur  la  plaque  de  fonte  qui  constitue 
la  sole  une  quantité  assez  grande  de  rognures  de  tôle  et 
on  laisse  passer  de  l'air  par  la  porte.  Il  se  forme  un  oxyde 
fusible  qui  recouvre  la  sole  en  fonte  ;  l'oxyde  de  fer,  qui 
constitue  cette  sole,  se  réduit,  en  partie,  au  contact  du 
carbone  de  la  fonte  et  donne  lieu  à  la  production  de  fer 
métallique  qui  s'ajoute  à  celui  que  donne  la  charge.  Le  dé- 
chet est  diminué,  du  même  coup,  parce  que  la  quantité 
de  silice  du  bain  se  réduit  à  celle  qui  provient  de  l'oxy- 
dation du  silicium.  Dans  le  puddlage,  le  carbone  de  la 
fonte  se  transforme  en  oxyde  de  carbone,  soit  au  contact 
de  la  sole  riche  en  oxyde  de  fer,  soit  par  l'action  du  cou- 
rant d'air  qui  a  traversé  la  grille  et  qui  renferme  de 
l'oxygène  libre.  Cet  oxyde  de  carbone  amène,  par  son  dé- 
gagement, une  ébullition  ou  montée  de  la  fonte,  et  les 
bulles  de  ce  gaz  viennent  brûler  à  la  surface  du  bain  en 
produisant  des  flammèches  bleues  et  se  transformant  en 
acide 'carbonique.  Quand  la  décarburation  ainsi  obtenue 
et  qui  est  favorisée  par  l'agitation  et  le  renouvellement  des 
surfaces  sous  l'action  du  crochet  de  fer  que  manie  l'ou- 
vrier, ne  permet  plus  au  métal  de  rester  liquide,  toute  la 
masse  prend  l'état  solide.  Les  grumeaux  de  fer  se  soudent 
les  uns  aux  autres  et  prennent  un  aspect  spongieux,  en 
même  temps  que  la  scorie,  qui  imprègne  la  masse  métal- 
lique, s'écoule  grâce  à  sa  fluidité.  C'est  ainsi  que  les  sul- 
fures et  les  phosphures  de  fer,  qui  n'ont  pas  subi  d'alté- 
ration pendant  la  dé  carburation,  se  liquatent  en  se  séparant 
du  métal,  et  permettent  d'obtenir  du  fer,  relativement  pur, 
avec  des  fontes  qui  ne  le  sont  pas.  On  a  comparé  l'épura- 
tion qui  se  produit  au  puddlage  à  la  congélation  de  l'eau 
de  mer,  qui  donne  de  la  glace  formée  d'eau  presque  pure, 
tandis  que  les  sels  de  soude  et  de  magnésie  restent  en  dis- 
solution dans  l'eau  mère.  L'ouvrier  découpe,  avec  une 
palette,  la  masse  de  fer  obtenue  en  boules  ou  loupes  qu'il 
comprime  et  roule  dans  le  bain  pour  leur  donner  une  plus 
grande  cohésion.  Il  porte  alors  chacune  de  ces  boules  sous 
un  marteau-pilon  qui  en  exprime  les  scories  (V.  Marteau- 
pilon)  et  de  là,  le  bloom  prismatique  obtenu  est  laminé 
entre  des  cylindres  en  une  barre  plate  qui  est  le  fer  brut 
ou  puddlé.  Le  puddlage  présente  des  variantes  d'allure, 
suivant  la  nature  de  la  fonte  traitée.  Quand  la  fonte  a  été, 
au  préalable,  mazée  ou  passée  au  feu  de  finerie  (V.  Ma- 
zéage,  Finage,  Fine-Métal),  ce  qui  lui  enlève  la  presque 
totalité  de  son  silicium,  la  décarburation  commence  avant 
la  fusion  du  métal,  et  il  se  forme  rapidement  du  fer.  Quand 
la  fonte  est  blanche,  c.-à-d.  quand  tout  le  carbone  qu'elle 
contient  se  trouve  à  l'état  combiné,  la  décarburation  se 
fait  moins  rapidement.  Dans  la  pratique,  on  caractérise  la 
facilité  plus  ou  moins  grande  avec  laquelle  la  fonte  se  dé- 
carbure, par  le  nombre  de  crochets  ou  ringards  que  l'on 
peut  passer  dans  la  masse  avant  qu'elle  ne  soit  d'une  con- 
sistance trop  épaisse.  En  général,  une  fonte  blanche  peut 
supporter  le  passage  de  trois  crochets.  Quand  la  fonte  est 
grise,  la  décarburation  est  plus  lente,  parce  qu'elle  est 
retardée  par  la  présence  du  silicium.  Il  faut,  avant  que 


celle-ci  ne  commence,  que  la  majeure  partie  du  silicium 
soit  oxydée.  A  mesure  que  cette  élimination  du  silicium 
s'opère,  le  carbone  qui  se  trouvait  à  l'état  de  graphite  dans 
la  fonte  se  dissout  et  transforme  celle-ci  en  fonte  blanche. 
Il  faut  donc,  dans  le  puddlage  de  la  fonte  grise,  le  passage 
de  plusieurs  crochets,  pendant  que  la  masse  reste  parfai- 
tement liquide  ;  ce  n'est  que  plus  tard  qu'elle  se  comporte 
comme  le  fait  la  fonte  blanche.  Il  en  résulte  que  le  pudd- 
lage de  la  fonte  grise  est  beaucoup  plus  lent  que  celui  de 
la  fonte  blanche.  Si  le  passage  des  crochets  dans  la  masse 
liquide  est  moins  pénible  que  lorsque  celle-ci  devient  pâ- 
teuse, il  n'en  faut  pas  moins  un  plus  grand  travail  et  une 
plus  grande  consommation  de  combustible  dont  la  dépense 
est  sensiblement  proportionnelle  au  temps.  La  plus  grande 
durée  des  fontes  grises  permet,  en  même  temps,  une  plus 
grande  épuration  du  produit,  le  soufre  et  le  phosphore 
ayant  plus  de  temps  pour  passer  dans  la  scorie. 

Le  travail  du  puddlage  se  fait,  soit  avec  deux  hommes, 
soit  avec  trois  hommes  sur  un  même  four.  Dans  le  premier 
cas,  l'ouvrier  chef  ou  maîtr/e  puddleur  doit  développer  un 
effort  physique  considérable  et  qui  est  d'autant  plus  pé- 
nible que  la  température  à  laquelle  il  est  exposé,  devant 
la  porte  du  four,  tend  à  donner  de  l'atonie  à  ses  muscles. 
L'aide  s'occupe  du  garnissage,  de  la  grille,  du  passage  du 
premier  crochet  et  du  roulage  des  boules  au  pilon.  C'est 
l'organisation  du  travail  anglais.  Dans  le  travail  à  trois 
hommes,  usité  en  France  et  notamment  aux  forges  du 
Creusot  et  de  Bessèges,  la  production  par  four  est  plus 
grande  et  l'utilisation  du  combustible  meilleure,  sans  que 
le  travail  de  l'ouvrier  y  soit  plus  considérable.  On  s'est 
trouvé  bien  aussi  de  l'emploi  de  deux  portes  opposées  per- 
mettant à  deux  puddleurs  associés  de  travailler  ensemble 
avec  le  secours  de  deux  aides  ;  ce  système  est  peu  em- 
ployé en  France.  La  grosse  question  dans  le  puddlage  et 
qui  domine  la  quantité  produite,  c'est  le  rendement,  La 
perte  en  fer  dépend  de  la  qualité  et  de  la  nature  de  la  fonte  ; 
elle  dépend  aussi  des  additions  d'oxyde  de  fer  sous  forme 
de  battitures,  de  crasses  de  laminage  et  de  minerai  de  fer 
que  l'on  fait  à  la  charge.  En  moyenne,  dans  les  fours  à 
trois  hommes,  traitant  de  la  fonte  blanche,  chaude,  ordi- 
naire, prenant  nature  après  2  4/2  à  3  crochets,  une  charge 
de  225  kilogr.  rend  495  kilogr.  de  fer  brut  en  barre,  ce 
qui  équivaut  à  dire  que  pour  obtenir  4,000  kilogr.  de  fer 
brut,  il  faut  4,450  kilogr.  de  fonte  et  cela  sans  additions 
ferrugineuses  riches.  Dans  le  travail  de  la  fonte  grise  peu 
siliceuse,  il  faut  4,200  kilogr.  de  fonte  pour  une  tonne  de 
puddlé.  Le  nombre  de  charges  de  225  kilogr.  que  l'on 
peut  traiter  par  douze  heures  dans  un  four  à  puddler,  dé- 
pend de  la  nature  de  la  fonte  et  du  nombre  d'ouvriers  tra- 
vaillant sur  le  four.  Dans  un  four  simple,  à  deux  hommes, 
on  fait  6  à  7  charges  de  fonte  blanche,  soit  4,250  à 
4,300  kilogr.  de  fer  brut,  ou  k  à  5  charges  de  fonte 
grise,  soit  800  à  900  kilogr.  de  puddlé  fin.  Dans  un  four 
à  trois  hommes  ayant  une  sole  additionnelle  chauffant  la 
fonte  avant  de  la  traiter  sur  la  sole  de  travail,  on  fait 
12  charges  de  fonte  blanche  correspondant  à  2,350  kilogr. 
de  fer  et  8  à  9  charges  de  fonte  grise  donnant,  en 
moyenne,  4,600  kilogr.  de  fer  puddlé.  La  consommation 
de  houille  est  sensiblement  proportionnelle  au  temps  de 
l'opération  ;  elle  est  donc  constante  pour  le  travail  de  douze 
heures.  Il  en  résulte  qu'en  marche,  avec  fonte  blanche,  on 
emploie  800  à 4,000  kilogr.  de  houille  par  tonne  de  fer,  et 
qu'en  marche,  avec  fonte  grise,  cette  quantité  s'élève  à 
4.300  et  même  à  4,500  kilogr.  Un  des  grands  progrès 
réalisés,  dans  ces  dernières  années,  au  puddlage  pour  fer 
de  qualité,  c'est  l'introduction  au  mélange  de  fontes  man- 
ganésifères.  Cette  pratique,  originaire  de  la  Prusse  rhé- 
nane, où  les  fontes  à  5  et  à  40  °/0  de  manganèse  sont  à 
un  bas  prix  relatif,  s'est  répandue  de  là  en  Belgique  et  dans 
l'E.  de  la  France.  Des  fontes  blanches  ayant  4,5  °lq  de 
phosphore,  puddlées  à  la  manière  ordinaire,  donneraient 
du  fer  phosphoreux,  à  gros  grain  plat,  comme  le  puddlé 
pour  rails,  fer  mou  à  chaud,  se  laminant  bien  à  basse  tem- 


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FER 


pérature,  mais  supportant  mal  une  chaleur  un  peu  forte  ; 
d'ailleurs,  fer  fragile  à  froid  et  «ans  résistance  au  choc. 
En  les  mélangeant  avec  une  certaine  proportion  de  fonte, 
ayant  de  5  à  12  °/0  de  manganèse,  on  obtient,  au  contraire, 
avec  ces  mômes  fontes,  du  fer  à  grain  fin,  réellement  supé- 
rieur, résistant  à  froid  et  se  laminant  bien  à  toute  tempé- 
rature, de  la  nature  de  l'acier  puddlé.  La  teneur  en  phos- 
phore, dans  le  fer  brut  obtenu  avec  ces  fonles  blanches 
phosphoreuses  travaillées  seules,  aurait  été  de  5  à  6  mil- 
lièmes, tandis  que  cette  impureté  descend  aux  environs  de 
4/2  millième  quand  le  puddlage  a  eu  lieu  en  présence  d'une 
proportion  convenable  de  manganèse.  Il  suffit  généralement 
de  3  °/0  de  manganèse  pour  neutraliser  le  mauvais  effet 
de  1,5  °/0  de  phosphore  et  obtenir  d'excellents  produits. 
On  remarque  également  que,  outre  la  diminution  du  phos- 
phore dans  le  fer  brut,  il  y  a  élimination  de  la  majeure 
partie  de  la  scorie  interposée.  Naturellement,  le  puddlage 
d'un  mélange  de  fonte  renfermant  en  moyenne  : 

Carbone 3,5 

Silicium 1,0 

Phosphore 1,5 

Manganèse 2,5 

est  plus  lent  et  plus  pénible  qu'en  l'absence  du  manganèse, 
car  il  faut  procéder  à  l'élimination  totale  de  cet  élément 
supplémentaire  ;  mais  les  résultats  sont  tellement  supérieurs 
que  ce  produit  a  pris  une  grande  extension.  Il  est  assez 
difficile  d'expliquer  complètement  le  rôle  du  manganèse 
dans  cet  affinage.  Il  semble  cependant  établi  que  son  action 
est  multiple.  La  présence  du  manganèse  hâte  l'oxydation 
du  silicium  en  fournissant  à  la  silice,  qui  tend  à  se  pro- 
duire, une  base  énergique,  le  protoxyde  de  manganèse, 
tout  en  retardant  la  décarburation  ;  le  manganèse  commu- 
nique, par  son  oxydation,  une  grande  fluidité  à  la  scorie 
et  celle-ci  s'élimine  plus  facilement  de  la  masse  même  du 
fer.  Il  semble  aussi  que  l'oxydation  du  manganèse  et  du 
phosphore  soit  plus  facile  quand  ces  deux  corps  sont  mé- 
langés ensemble,  et  que  l'acide  phosphorique,  qui  tend  à 
se  produire,  trouve  à  sa  portée  une  base  pour  le  saturer. 
Le  chauffage  Siemens,  avec  récupération  de  chaleur,  a 
été  essayé  plusieurs  fois  au  puddlage,  avec  peu  de  succès 
cependant.  Ce  mode  rationnel  d'utilisation  du  combustible 
a  rencontré,  dans  le  puddlage,  une  difficulté  toute  spéciale 
dont  on  n'a  trouvé  l'explication  que  dans  ces  dernières 
années.  Il  se  forme,  dans  tout  four  à  puddler,  par  suite 
du  bouillonnement  qui  accompagne  la  décarburation,  un 
entraînement  de  particules  très  ténues  d'oxyde  de  fer  qui, 
s'aggiomérant  avec  les  cendres  du  combustible  en  suspen- 
sion dans  les  gaz  du  foyer,  viennent  encombrer  plus  ou 
moins  les  conduits  qui  mènent  à  la  cheminée  ou  aux  chau- 
dières. Ces  dépôts,  demi-métalliques,  portent  le  nom  de 
sarrazins  et,  dans  le  cas  où  l'on  emploie  le  four  Siemens, 
viennent  s'accumuler  dans  les  chambres  de  récupération, 
On  arrive  ainsi,  peu  à  peu,  à  une  obstruction  complète,  et 
le  fonctionnement  du  four  est  arrêté.  Un  ingénieur  fran- 
çais, M.  de  Langlade,  à  la  suite  d'essais  heureux  de  pudd- 
lage au  gaz  de  haut  fourneau  qu'il  avait  soumis  au  lavage 
pour  leur  enlever  la  poussière  dont  ils  sont  chargés,  a 
résolu  d'une  manière  satisfaisante  l'emploi  des  fours  Sie- 
mens au  puddlage.  En  sortant  du  gazogène,  les  gaz  sont 
lavés  et  dépouillés  des  globules  de  goudron  et  des  pous- 
sières qu'ils  pourraient  avoir  entraînés  ;  on  n'observe  plus 
alors  de  formation  de  dépôts  dans  les  chambres  de  récu- 
pération, et  le  four  fonctionne  avec  tous  les  avantages  du 
système  Siemens.  Contrairement  à  ce  qu'on  pourrait  croire, 
vu  l'élimination  des  hydrocarbures,  qui  semble  une  dimi- 
nution du  pouvoir  calorifique  des  gaz,  la  chaleur  est  plus 
élevée  dans  le  four.  Peut-être  le  lavage,  en  abaissant  la 
température  du  gaz,  condense-t-il  plus  de  vapeur  d'eau 
qu'il  n'introduit  d'humidité.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  faut  en 
conclure  que  la  formation  des  sarrazins  était  facilitée  par 
la  présence  du  goudron  et  des  poussières  dans  les  gaz  du 
foyer,  puisqu'ils  ne  se  produisent  plus.  Le  puddlage  à  bras 


d'homme  est,  nous  l'avons  dit,  une  opération  pénible,  et 
par  l'effort  physique  qu'il  faut  développer  pendant  un  temps 
assez  long,  et  par  la  température  amollissante  à  laquelle 
est  soumis  l'ouvrier  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  porte 
du  four.  Il  y  a  dans  le  puddlage,  quand  on  en  a  analysé 
les  diverses  phases,  des  conditions  physiques  et  chimiques 
qui  rendent  difficile  la  réalisation  mécanique  de  ce  travail. 
Il  faut  un  contact  intime  entre  la  fonte  et  les  agents  oxy- 
dants, que  ceux-ci  proviennent  de  la  sole  ou  des  courants 
gazeux,  et  ce  contact  ne  peut  a\oir  lieu  que  par  des  renou- 
vellements de  surface.  Il  faut,  enfin,  que  la  masse  affinée 
soit  mise  sous  une  forme  qui  facilite  le  cinglage  et  l'éli- 
mination des  scories.  On  a  cherché  une  demi-solution  dans 
le  passage  mécanique  des  crochets  de  ringards  et  l'on 
peut  dire  que  c'est  là  le  seul  résultat  obtenu  ;  mais  la 
complication  du  mécanisme  et  le  résultat  imparfait  n'ont 
pas  permis  au  procédé  de  se  répandre  d'une  manière  géné- 
rale. La  solution  complète  comprenant  l'affinage  et  k  for- 
mation d'un  bloc  de  fer  à  l'état  naissant  prêt  au  cinglage 
a  été  entrevue  en  Amérique,  mais  n'est  plus  appliquée 
nulle  part.  Le  four  Danks  avait  la  forme  d'un  tonneau  rou- 
lant horizontalement  sur  des  galets  au  moyen  d'une  cou- 
ronne dentée  et  d'un  moteur.  La  flamme  du  foyer  entrait 
par  l'une  des  faces  et  sortait  par  l'autre  qui  était  mobile, 
pour  permettre  la  sortie  de  la  masse  du  fer  quand  l'affi- 
nage était  terminé.  Le  cinglage  d'un  pareil  bloc  nécessitait 
un  outillage  spécial  et  se  faisait  entre  trois  cylindres.  La 
partie  délicate  était  le  garnissage  ;  on  se  servait  de  bon 
minerai  bien  aggloméré.  Le  four  Danks  présentait  sur  le 
travail  à  la  main  un  avantage  important,  c'est  qu'il  ren- 
dait plus  de  fer  que  l'on  ne  chargeait  de  fonte,  grâce  aux 
impuretés  que  celle-ci  renfermait  agissant  comme  un  ré- 
ducteur énergique  sur  l'oxyde  de  fer  du  garnissage,  grâce 
aussi  à  une  plus  faible  quantité  de  silice  en  présence,  le 
four  étant  tout  entier  garni  en  oxyde  de  fer.  Quoi  qu'il  en 
soit,  le  puddlage  est  une  opération  qui  nous  semble  con- 
damnée en  principe  et  dont  l'existence  est  appelée  à  dispa- 
raître devant  les  progrès  de  la  déphosphoration  (V.  ce  mot). 
Au  point  de  vue  économique,  il  convient  de  signaler  un 
travail  tout  particulier  :  c'est  l'utilisation  et  la  transforma- 
tion des  ferrailles  ou  riblons  du  commerce,  pièces  hors 
d'usage  que  les  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer 
mettent  au  rebut  "et  vieilles  matières  que  les  industriels  et 
les  particuliers  jettent  sur  le  marché.  Avec  de  telles  ma- 
tières premières,  il  est  possible  d'éviter  le  puddlage  de  la 
fonte  ;  c'est  ce  qui  permet  de  comprendre  comment  quelques 
usines  ont  pu  s'installer  dans  Paris  même  et  produire  an- 
nuellement, sans  fours  à  puddler,  un  total  de  30,000  à 
40,000  tonnes  de  fers  laminés,  principalement  de  fers  à 
planchers.  Quand  il  s'agit  de  tirer  parti  des  ferrailles  du 
commerce,  deux  cas  peuvent  se  présenter:  les  ferrailles 
sont  très  menues  ou  elles  sont  très  massives.  Dans  le 
premier  cas  se  rangent  les  tournures,  les  limailles  de  fer, 
les  débouchures,  les  découpures  de  tôles  très  minces.  Avec 
ces  matières,  on  produit  du  fer  de  ferraille  ;  on  les  charge 
dans  un  four  à  réverbère;  on  pousse  le  feu  pour  faire 
agglomérer  la  masse  en  grosse  boule  qu'un  ouvrier  tourne 
dans  tous  les  sens  ;  il  se  produit  du  laitier  qui  imprègne  la 
boule  et  complète  son  affinage.  La  boule  est  ensuite  portée 
sous  un  pilon  qui  en  forme  un  massiau  que  l'on  passe  au 
laminoir  pour  le  transformer  en  barres  plates  de  fer  brut. 
Un  petit  four  à  réverbère,  desservi  par  deux  ouvriers,  fait 
en  douze  heures  de  2,500  à  3,000  kilogr.  de  barres  brutes. 
Si  les  ferrailles  sont  massives,  vieux  rails,  tôles,  essieux, 
bandages  de  roues,  etc.,  il  faut,  pour  les  utiliser,  procéder 
au  paquetage.  La  longueur  et  la  section  des  paquets  varient 
avec  le  poids  et  le  profil  des  échantillons  que  l'on  se  pro- 
pose de  fabriquer.  Les  paquets,  appelés  aussi  masses,  sont 
chauffés  au  blanc  soudant  dans  un  four  à  réchauffer 
(V.  ce  mot)  et  engagés  ensuite  entre  les  cannelures  des 
cylindres  d'un  laminoir. 

Le  fer,  tel  qu'il  s'obtient  par  les  différents  procédés  de 
puddlage   que  nous  avons  énumérés,  se  classe,  suivant 


FER 


-  £38  - 


l'aspect  de  sa  cassure,  en  plusieurs  qualités  :  4°  fer  à  grain 
fin  :  c'est  le  fer  supérieur  qui  peut  même  prendre  la 
trempe  et  passer  alors  à  l'acier  puddlé,  quand  la  fonte  qui 
a  servi  à  le  produire  possède  une  certaine  composition  ; 
2°  fer  a  nerf:  c'est  le  fer  ordinaire  obtenu  avec  des  fontes 
peu  phosphoreuses  ;  3°  fer  à  gros  grains  :  c'est  celui  que 
l'on  obtient  avec  les  fontes  phosphoreuses  quand  on  les 
travaille  seules  ;  il  peut  contenir  jusqu'à  8  millièmes  de 
phosphore.  Le  fer  puddlé,  quand  il  sort  du  four,  est  à 
l'état  d'épongé  toute  imprégnée  de  scories,  dont  il  importe 
de  le  débarrasser  pendant  qu'elles  sont  encore  bien  liquides. 
Cette  opération  porte  le  nom  de  cinglage  et  a  pour  effet  de 
produire  des  lopins  de  fer  appelés  blooms,  qui  seront  en- 
suite étirés  par  les  cylindres  ébaucheurs  (V.  Cinglage, 
t.  XI,  p.  405).  Les  opérations  diverses  que  nous  avons 
succinctement  indiquées  pour  la  production  du  fer  s'appli- 
quent surtout  au  fer  brut,  c.-à-d.  incomplètement  dépouillé 
de  sa  scorie  interposée. 

Dans  la  méthode  anglaise,  par  le  puddlage,  celle  qui  est 
incontestablement  la  plus  répandue,  parce  qu'elle  est  la 
plus  économique,  la  proportion  de  matières  étrangères  res- 
tant dans  le  fer  brut,  quand  il  sort  des  cylindres  ébau- 
cheurs, peut  atteindre  4  à  5  °/0.  Il  faut  donc  procéder  à 
une  opération  dite  réchauffage  et  qui  a  pour  but  d'épurer 
le  fer  brut  tout  en  lui  donnant  la  malléabilité  nécessaire 
pour  qu'il  prenne  une  forme  définitive  sous  les  cylindres 
lamineurs.  Le  fer  brut,  ayant  la  forme  de  plats  à  bords 
plus  ou  moins  rugueux  et  déchiquetés,  est  coupé  par  de 
puissantes  cisailles  en  morceaux  d'égale  longueur  ;  il  est 
mis  ensuite  en  paquets  rectangulaires  que  l'on  chauffe  dans 
un  four  à  réchauffer.  De  là  le  fer  passe  aux  laminoirs  qui 
lui  donneront  l'aspect  et  la  nature  du  fer  marchand  (V.  La- 
minage) . 

Les  fers  que  l'industrie  métallurgique  livre  au  commerce 
reçoivent  certaines  dénominations,  suivant  les  formes  qui 
leur  sont  données.  Ces  diverses  variétés  de  fer  ouvré  se 
divisent  en  :  fers  marchands  ou  grosses  barres  de  fer 
plates,  carrées  ou  rondes  ;  fers  platinés  ou  barres  carrées, 
plates,  rondes  ou  de  diverses  sections,  mais  de  dimensions 
inférieures  à  celles  des  fers  marchands  ;  fers  spattés  ou 
bandelettes  étirées  au  cylindre,  dont  l'épaisseur  est  tou- 
jours très  petite  par  rapport  à  la  largeur,  et  qui  se  ven- 
dent par  bottes;  fers* étirés,  que  l'on  trouve  dans  le 
commerce  sous  une  grande  variété  de  formes,  portant  le 
nom  de  fers  à  T  simples  ou  doubles  pour  planchers,  fers  à 
équerreou  cornières,  fers  à  moulures,  à  vitrages,  à  châssis, 
fers  en  croix,  rails,  etc.  ;  fers  en  feuilles,  en  tôles,  fils  de 
fer,  etc.  Les  fers  plus  particulièrement  employés  dans 
l'industrie  du  bâtiment  comprennent  :  les  fers  marchands, 
fers  larges  plats,  fers  feuillards,  fers  spéciaux  et  tôles. 
Les  fers  marchands  se  divisent  en  quatre  classes  propre- 
ment dites  et  une  catégorie  particulière  dite  des  fers  hors 
classe.  Aux  quatre  classes  appartiennent  les  fers  carrés, 
de  5 à  110  millim.  d'épaisseur;  les  fers  ronds,  de  6  à 
110  millim.  de  diamètre;  les  fers  plats,  dont  la  largeur 
varie  de  20  à  165  millim.  et  l'épaisseur  de  3,5  à 41  millim.; 
les  bandelettes,  dont  la  largeur  est  comprise  entre  20  et 
30  millim.  et  l'épaisseur  entre  3,5  et  7,5  millim.;  les 
plate-bandes  demi-rondes,  de  27  à  80  millim.  sur  toutes 
les  épaisseurs  ;  les  fers  demi-ronds,  de  12  à  26  millim. 
sur  toutes  les  épaisseurs.  Dans  les  fers  hors  classe,  on 
distingue  :  les  aplatis,  dont  la  largeur  varie  de  30  à 
81  millim.  et  l'épaisseur  de  3  à  4,5  millim.;  les  gros 
ronds,  de  111  à  190  millim.  de  diamètre  sur  4  à  6  m.  de 
longueur  et  au-dessus.  Dans  les  fers  larges  plats,  on 
compte  six  classes  comprenant  des  fers  dont  la  largeur  est 
comprise  entre  170  et  600  millim.  et  l'épaisseur  entre  6  et 
11  millim.  Les  fers  feuillards  se  divisent  en  trois  caté- 
gories dans  lesquelles  la  largeur  des  fers  varie  entre  18  et 
100  millim.  et  l'épaisseur  entre  1  et  3  millim.  Les  fers 
spéciaux  présentent  sept  classes  et  une  catégorie  d'échan- 
tillons hors  classe.  On  y  trouve  :  les  fers  ordinaires  cintrés 
de  5  millim.  par  mètre  ;  les  fers  à  simples  ou  à  doubles  T 


de  toutes  dimensions,  à  ailes  ordinaires  ou  à  larges  ailes  ; 
les  cornières,  dont  la  section  offre  des  branches  égales  ou 
inégales  ;  les  fers  à  barreaux  de  grilles  de  55  à  100  millim. 
de  diamètre  ;  les  fers  à  vitrages,  les  fers  en  U,  etc.  Les 
fers  en  feuilles  comprennent:  les  tôles  puddlées  et  les 
tôles  striées,  livrées  au  commerce  en  feuilles  de  dimensions 
spéciales  (V.  Tôle).  Les  rails  ont  des  sections  et  des  lon- 
gueurs toutes  particulières  (V.  Rail).  Les  fils  sont  classés 
par  numéros  (V.  Fil  de  fer). 

Les  progrès  accomplis  dans  la  fabrication  du  fer,  de- 
venue régulière  et  scientifique,  ont  accru  les  exigences  de 
la  clientèle.  Les  compagnies  de  chemins  de  fer  et  les  ser- 
vices techniques  de  la  guerre  et  de  la  marine  ont  formulé 
ces  exigences  dans  des  cahiers  des  charges.  A  chaque  qua- 
lité de  métal  doivent  correspondre  des  propriétés  physiques 
et  mécaniques.  Les  fers  de  forge  sont  classés,  au  point 
de  vue  de  la  qualité  de  la  matière,  en  quatre  catégories, 
savoir  :  première  catégorie,  dite  fer  fin  ou  au  bois  ; 
deuxième  catégorie,  dite  fer  fort  supérieur;  troisième 
catégorie,  dite  fer  fort;  quatrième  catégorie,  dite  fer 
ordinaire.  Des  épreuves  à  froid  sont  faites  sur  des  mor- 
ceaux pris  dans  les  pièces  à  essayer,  forgés  ou  ajustés  en 
barreaux  ronds  ou  prismatiques  de  sections  carrées  ou 
rectangulaires.  Le  tableau  suivant  indique  la  charge  ini- 
tiale, la  charge  minima  que  doit  supporter  le  barreau, 
enfin  l'allongement  minimum . 


DESIGNATION 


DES    FERS 


Fer  fin  au  bois  . 
Fer  fort  supérieur. 

Fer  fort 

Fer  ordinaire. . . 


CHARGES  M  KILOGRAMMES 
pour-1  millim.  q. 

de  la 
section  primitive 


31 

30 

28 
26 


35 
34 
32 
30 


38 
37 
35 
33 


allongements 

en  fonction 

de  la  longueur 

des  barreaux 

essayés 


o 


0,220  !  0,250 
0,200  '  0,230 
0,150  ;  0,180 
0,100,0,120 


La  ductilité  du  métal  est  constatée  au  moyen  d'épreuves 
à  chaud,  épreuves  au  crochet,  des  trous,  des  rabattements, 
dont  la  description  nous  entraînerait  trop  loin.  Les  qualités 
du  fer  sont  habituellement  désignées  par  les  numéros  2, 
3,  4,  5  et  6,  le  n°  2  indiquant  la  qualité  la  plus  basse. 
Souvent  aussi,  surtout  dans  les  forges  anciennes,  il  existe 
des  noms  spéciaux  pour  chaque  qualité  principale. 

La  production  totale  des  fers  a  été,  en  1891,  de 
811,621  tonnes,  en  diminution  de  13,748  tonnes  sur 
1890.  Le  total  se  divise  en  664,023  tonnes  de  fer  puddlé, 
14,412  tonnes  de  fer  affmé  au  charbon  de  bois  et 
133,186  tonnes  de  fer  obtenu  par  réchauffage  de  vieux 
riblons  et  fers.  La  production  des  rails  en  fer  a  été  de 
514  tonnes  contre  388  tonnes  en  1890  et  1,027  tonnes  en 
1889.  La  production  des  fers,  en  1891,  représente  plus 
de  125  millions;  sur  ce  chiffre,  on  compte  les  tôles 
pour  25  millions  représentant  117,000  tonnes.  Il  y  a  eu 
176  usines  en  activité,  comprenant  646  fours  à  puddler, 
51  foyers  d'affinerie  en  activité  et  707  fours  à  réchauffer. 
Le  dép.  du  Nord,  dont  la  production  représente  un  peu 
plus  du  tiers  de  celle  de  la  France,  a  donné  308,000  tonnes  ; 
celui  de  Saône-et-Loire,  71,000  tonnes;  les  Ardennes, 
68,000  tonnes  ;  la  Haute-Marne,  66,000  tonnes;  la  Seine, 
54,000  tonnes  ;  Meurthe-et-Moselle,  42,000  tonnes  ;  la 
Loire,  37,000 tonnes;  l'Allier,  32,000  tonnes. 

La  métallurgie  du  fer  était  dignement  représentée  à 
l'Exposition  universelle  de  1889.  Chaque  forge  avait  tenté 
de  prouver,  par  sa  propre  exposition,  la  vitalité  de  l'indus- 
trie spéciale  du  fer,  vivement  battue  en  brèche  par  une 
industrie  voisine,  mais  rivale,  celle  de  l'acier.  En  1889, 


—  239  - 


FER 


le  fer  et  l'acier  tenaient  une  place  à  peu  près  égale  ;  cepen- 
dant la  suprématie  de  l'acier  commençait  à  se  faire  sentir. 
A  la  prochaine  exposition,  l'acier  tiendra  le  premier  rang 
et  le  tournoi  de  1889  restera  dans  le  souvenir  des  visiteurs 
comme  le  chant  du  cygne  de  la  métallurgie  du  fer. 

Bronzage  du  fer  (V.  Bronzage). 

Fer  battu.  —  Les  instruments  dits  en  fer  battu  sont 
faits  en  tôle  de  fer,  étamée,  émaillée  ou  vernie.  Ce  nom 
leur  a  été  donné  parce  que  dans  le  principe  on  les  obtenait 
par  le  battage  au  marteau.  L'industrie  qui  les  produit  s'ap- 
pelle casserie,  parce  que  les  premiers  ustensiles  furent  des 
casseroles,  des  cassés,  comme  on  les  appelle  dans  nombre 
de  localités.  C'est  aux  environs  de  1825  que  la  casserie  a 
pris  naissance  ;  elle  a  eu  pour  origine  des  essais  entrepris 
pour  remédier  aux  inconvénients  que  présentaient  les  mé- 
taux usuels  alors  employés  à  la  fabrication  des  ustensiles 
de  ménage.  On  sait  que  jusqu'en  1820  en  Angleterre, 
comme  en  France  et  en  Allemagne,  les  ustensiles  en  fer 
battu  étaient  martelés  à  la  main  et  que,  par  suite  de  ce 
procédé  de  fabrication,  les  moindres  traces  des  coups  de 
marteau  se  voyaient  à  leur  surface.  Ce  furent,  dit-on,  les 
frères  Japy,  de  Beaucourt,  qui  réussirent  à  les  obtenir  par- 
faitement lisses  en  remplaçant  le  martelarge  par  l'embou- 
tissage et  l'estampage,  invention  qui  devint  le  point  capital 
de  la  nouvelle  industrie.  Les  ustensiles  en  fer  battu  se 
fabriquent  aujourd'hui  partout  en  France.  Ils  se  font  géné- 
ralement par  l'emboutissage  à  froid,  ce  qui  oblige  à  n'em- 
ployer que  du  fer  de  première  qualité.  Comme  les  pièces 
finies  sont  le  plus  souvent  cylindriques  ou  coniques,  on 
commence  par  découper  mécaniquement  la  tôle  en  plaques 
rondes  convenables,  puis,  prenant  ces  plaques  l'une  après 
l'autre,  on  les  emboutit  sur  une  série  de  matrices,  au 
moyen  d'un  égal  nombre  de  poinçons  mus  par  des  presses, 
des  marteaux-pilons  ou  des  balanciers.  Quand  elles  ont  reçu 
ainsi  leur  forme  définitive,  on  les  porte  au  four  à  recuire 
pour  rendre  au  métal  la  malléabilité  que  l'écrasage  lui  a 
fait  perdre,  après  quoi  on  les  plane  pour  détruire  les  plis 
que  l'emboutissage  a  formés.  Cette  opération  s'effectue  sur 
des  tours  armés  de  roulettes  qui,  tournant  avec  rapidité  et 
appuyant  fortement  sur  les  pièces,  les  rendent  parfaitement 
lisses.  Quand  leplanage  est  achevé,  les  ustensiles  sont  livrés 
à  la  cisaille  qui  en  coupe  et  régularise  les  bords,  puis 
à  une  machine  qui  replie  ces  mêmes  bords,  enfin  à  une 
poinçonneuse  qui  perce  les  trous  destinés  à  river  ou  à 
visser  les  anses  et  les  queues.  Il  n'y  a  plus  alors  qu'à  les 
étamer,  vernir,  peindre  ou  émailler,  et  l'on  termine  en  y 
adaptant  les  anses  et  les  queues.  Dans  certains  pays,  en 
Allemagne  notamment,  on  fait  à  chaud  les  ustensiles  en  fer 
battu.  Ce  mode  de  fabrication  donne  des  objets  moins  coû- 
teux, mais  plus  disgracieux. 

Fer-blanc.  —  L'étamage  du  fer  produit  le  fer-blanc.  On 
sait  que  lorsque  la  tôle  de  fer,  ou  fer  noir,  est  exposée  au 
contact  de  l'air  humide,  elle  se  couvre  rapidement  d'une 
couche  d'oxyde  qui  augmente  peu  à  peu  et  finit  par  la 
trouer.  C'est  pour  remédier  à  cet  inconvénient  qu'on  a 
imaginé  de  la  recouvrir  d'une  mince  couche  d'étain.  Après 
cette  opérationnelle  a  la  couleur,  le  brillant  et  l'aspect  de 
l'étain  et,  ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  c'est  qu'elle  conserve 
son  éclat  mieux  que  l'étain  lui-même,  à  cause  de  l'action 
galvanique  qui  se  produit  entre  les  deux  métaux.  Toutefois, 
il  est  indispensable  que  la  couche  préservatrice  ne  présente 
aucune  solution  de  continuité,  où  la  moindre  fissure  ne  tar- 
derait pas  à  faire  naître  une  tache  de  rouille,  le  fer  étamé 
étant,  par  suite  de  cette  action  galvanique,  plus  facilement 
oxydable  que  le  fer  pur.  Le  fer-blanc  n'est  donc  en  réalité 
que  de  la  tôle  unie  et  étamée.  On  admet  généralement  que 
l'art  de  le  fabriquer  a  été  inventé  en  Bohême,  probablement 
au  xve  siècle  et  que  de  ce  pays  il  pénétra  en  Saxe  vers 
1620.  Une  cinquantaine  d'années  plus  tard,  un  nommé 
André  Yaranton  l'introduisit  en  Angleterre  ;  enfin ,  un 
peu  plus  tard  il  fut  apporté  en  France  par  des  ouvriers 
allemands  attirés  par  le  gouvernement  à  l'instigation  de 

Colbert.  Les  emplois  du  fer-blanc  sont  actuellement  très 


nombreux  et  ils  tendent  à  se  développer  encore.  On  en  fait 
des  boîtes  de  conserves,  des  emballages  pour  les  expéditions 
lointaines  et  mille  objets  usuels.  Depuis  quelques  années 
surtout,  l'usage  des  conserves  de  légumes,  de  fruits,  de 
viandes,  etc.,  s'est  considérablement  développé  dans  la  vie 
courante  et  a  amené  une  production  croissante  dans  la  fabri- 
cation du  fer-blanc.  L'Angleterre,  principalement  le  pays 
de  Galles,  est  le  pays  qui  fabrique  le  plus  de  fer-blanc. 
Elle  possède  une  centaine  d'étameries  avec  quatre  cents 
laminoirs  ;  la  production  atteint  400,000  tonnes.  La  France 
importe  une  certaine  quantité  de  fer-blanc,  principalement 
pour  l'industrie  des  boîtes  de  sardines;  cependant  elle 
s'affranchit  tous  les  jours  de  l'importation  des  produits 
étrangers. 

Les  premiers  fer-blancs  obtenus  en  Allemagne  au  siècle 
dernier  étaient  fabriqués  avec  des  fers  au  bois  de  première 
qualité,  que  Ton  étirait  en  tôle  avec  le  marteau.  On  arri- 
vait ainsi,  à  grands  frais,  à  produire  des  épaisseurs  diffi- 
cilement régulières,  surtout  pour  les  qualités  minces.  L'in- 
troduction du  laminoir  par  les  métallurgistes  anglais,  en 
1728,  a  donné  un  grand  essor  à  la  fabrication  des  tôles 
de  faible  épaisseur,  et  actuellement  l'emploi  du  marteau  a 
complètement  disparu  pour  cet  usage.  En  France,  jusqu'en 
ces  dernières  années  du  moins,  on  employait  des  feux  d'af- 
finerie  et  le  fer  au  bois  pour  la  fabrication  de  tôles  minces 
à  fer-blanc.  Il  existe  encore  des  usines  dans  le  Centre  qui 
emploient  ce  procédé  coûteux  qui  ne  tardera  pas  à  dispa- 
raître. Le  laminagede  la  tôle  à  fer-blanc  se  fait  au  moyen 
de  plats  appelés  bidons  ou  largets,  que  l'on  coupe  à  la 
longueur  que  doit  avoir  la  largeur  de  la  tôle  et  que  l'on 
passe  en  travers  pendant  tout  le  laminage.  Ces  bidons  ou 
largets  s'obtiennent  de  différentes  manières  que  nous  allons 
passer  en  revue.  Pour  obtenir  le  fer  au  bois,  on  affine  de  la 
fonte  au  bas  foyer,  en  présence  du  charbon  de  bois,  et  l'on 
forme  ainsi  une  loupe  que  l'on  martèle  et  que  l'on  casse 
en  plusieurs  morceaux,  après  l'avoir  aplatie  à  une  faible 
épaisseur  et  laissée  refroidir.  Ces  fragments  de  loupe  sont 
ensuite  mélangés  et  soudés  dans  un  bas  foyer  en  présence 
de  coke  et  on  forme  des  morceaux  qui  sont  forgés,  puis 
laminés  en  bidons  et  largets.  En  Angleterre,  les  fontes 
employées  pour  produire  la  qualité  de  fer-blanc,  dite  char- 
coal  (charbon  de  bois),  sont  des  marques  du  Cumberland, 
fonte  de  très  bonne  qualité.  En  France,  on  a  fait  long- 
temps usage  pour  le  fer-blanc  de  ferrailles  choisies,  trai- 
tées au  bas  foyer  en  présence  de  charbon  de  bois.  On 
obtenait  ainsi  une  bonne  qualité,  mais  qui  était  inférieure 
au  produit  de  l'affinage  du  Cumberland  avec  le  charbon  de 
bois  pur.  Les  loupes  obtenues  étaient  martelées  et,  dans  un 
second  réchauffage,  passées  au  laminoir.  En  Angleterre, 
pour  la  qualité  courante,  on  emploie  le  produit  du  pudd- 
lage des  fontes  un  peu  inférieures  en  qualité  à  celles  de 
Cumberland.  Ce  sont  des  fontes  grises,  à  moins  de  1  °/0de 
phosphore,  que  l'on  obtient  en  traitant  au  haut  fourneau 
les  minerais  de  Bilbao  mélangés  de  scories  anciennes  de 
puddlage  ou  de  réchauffage  et  d'un  peu  de  minerai  houiller, 
dans  certains  districts.  Le  1er  obtenu  est  martelé,  puis 
réchauffe  et  laminé  en  bidons.  En  France,  aucune  usine 
n'emploie  le  produit  direct  du  puddlage  de  la  fonte  ;  aussi 
nos  prix  de  revient,  de  ce  fait  seul,  ont-ils  toujours  été 
plus  élevés  qu'en  Angleterre  à  qualité  égale  du  métal  pour 
fer-blanc.  Ce  qui  se  rapproche  le  plus  de  la  fabrication  an- 
glaise, c'est  ce  qui  se  pratique  à  l'usine  de  Hennebont, 
près  de  Nantes  ;  on  y  puddle  des  fontes  grises  du  Cleveland 
à  1,5  °/0  de  phosphore,  mais  très  pures  au  point  de  vue 
du  soufre  ;  on  fait  ainsi  des  plats  dits  de  quatre  pouces  en 
fer  brut  qui  servent  d'enveloppe  à  des  paquets  de  bonne 
ferraille.  Le  voisinage  des  arsenaux  de  l'Etat  permet,  à  ce 
point  de  vue,  de  compter  sur  une  bonne  qualité.  Ces  pa- 
quets sont  chauffés,  martelés  avec  soin  et,  après  une  nou- 
velle chauffe,  ils  sont  martelés  en  largets.  Le  fer  brut,  qui 
est  phosphoreux,  donne  des  surfaces  bien  nettes  par  sa  bonne 
tenue  à  chaud,  mais  la  qualité  générale  est  surtout  donnée  par 
les  ferrailles  de  choix  des  ateliers  de  la  marine  à  Indret. 


FER 


—  240 


Le  fer-blanc  en  fer  tend  à  disparaître  de  plus  en  plus. 
En  Angleterre,  plus  de  la  moitié  des  usines  emploient 
maintenant  l'acier  doux.  On  trouve  de  grands  avantages 
dans  la  substitution  de  l'acier  doux  au  fer  ;  le  prix  n'est 
guère  plus  élevé  que  pour  la  qualité  coke,  et  le  métal  est 
bien  supérieur.  Il  supporte,  sans  gerçures,  les  emboutis- 
sages les  plus  difficiles  et  les  pliages  répétés.  Au  laminage, 
les  bords  des  feuilles  sont  plus  nets  ;  il  y  a  donc  moins  de 
rognures,  et  à  l'étamage,  le  métal  étant  plus  homogène, 
moins  spongieux,  la  consommation  d'étain  est  plus  faible 
pour  un  même  éclat  de  la  surface,  sans  compter  que  les 
seconds  choix  ou  wasks  sont  beaucoup  moindres  dans  le 
produit  fini.  Les  méthodes  pour  obtenir  l'acier  à  fer-blanc 
ne  présentent  rien  de  particulier  ;  il  suffît  de  les  énumérer  : 
ce  sont  jusqu'à  présent  le  procédé  Bessemer,  le  procédé 
Martin  avec  riblon  ;  l'ore-process  sur  sole,  la  déphos- 
phoration  au  convertisseur,  la  déphosphoration  sur  sole. 
La  fabrication  des  tôles  minces,  destinées  à  l'étamage,  donne 
lieu  à  une  grande  production  de  rognures,  et  le  procédé  qui 
emploiera  le  plus  facilement  ces  déchets  sera  certainement 
celui  auquel  il  faudra  donner  la  préférence,  quand  l'industrie 
de  l'acier  et  du  fer- blanc  sera  dans  les  mêmes  mains.  Les 
bidons,  coupés  à  la  longueur  voulue  pour  la  largeur  de  la 
tôle,  sont  chauffés  dans  des  fours  à  réverbère  et  laminés. 
Pour  éviter  l'oxydation,  il  est  préférable  d'employer  des 
fours  du  type  dormant  :  la  porte  qui  sert  au  charge- 
ment et  au  défournement  des  matières  est  placée  dans  la 
cheminée  ;  l'entrée  d'air  est  combattue  par  le  tirage  du 
foyer  qui  tend  à  faire  sortir  par  la  porte  les  produits  de  sa 
combustion.  Les  cylindres  qui  servent  au  laminage  des  tôles 
à  fer-blanc  sont  en  fonte  dure,  ou  fonte  trempée  et  blan- 
chie à  la  surface  ;  la  partie  trempée  doit  être  de  16  à  48 
millim.  d'épaisseur.  Le  laminage  se  fait  à  plusieurs  chaudes 
et  se  finit  à  plusieurs  épaisseurs  ensemble.  Pour  éviter  les 
grandes  longueurs,  on  préfère  replier  la  tôle  sur  elle-même, 
pendant  qu'elle  est  encore  chaude  et  on  reprend  le  lami- 
nage après  passage  au  four  à  réchauffer.  Quand  on  veut 
obtenir  un  laminage  plus  net,  la  tôle,  repliée  plusieurs  fois 
sur  elle-même,  forme  un  paquet  que  l'on  équarrit  à  la  ci- 
saille. Celle-ci  porte  un  rebord  qui  produit  le  repliage  de 
la  tôle,  opération  qui  se  faisait  encore  au  maillet  il  y  a 
quelques  années,  dans  la  plupart  des  usines  françaises,  et 
qu'il  convient  beaucoup  mieux  de  faire  mécaniquement. 
Pour  les  dimensions  moyennes  des  feuilles,  il  faut  compter 
les  frais  de  laminage  et  de  réchauffage  suivants,  par  tonne 
de  produits  prêts  à  l'étamage  :  1,400  kilogr.  bidons, 
4,700  kilogr.  houille  pour  chauffage  et  laminage,  main- 
d'œuvre,  entretien,  décapage,  etc.,  400  fr.  On  retrouve 
350  kilogr.  de  rognures  que  l'on  repasse  dans  la  fabrica- 
tion. En  France,  en  moyenne,  les  tôles  noires  prêtes  à 
l'étamage  reviennent  à  300  ou  350  fr.  ;  en  supposant  les 
largets  en  fer  ou  en  acier,  entre  460  et  200  fr.  On  com- 
prend qu'un  laminage  à  faible  épaisseur,  multipliant  beau- 
coup les  surfaces,  doive  amener  une  notable  oxydation 
superficielle.  Il  est  absolument  nécessaire,  pour  faire 
adhérer  l'étain,  de  procéder  à  un  décapage  complet,  pour 
faire  passer  au  blanc  d'argent  la  couleur  plus  ou  moins 
noire  de  la  surface.  On  emploie  pour  cela  l'acide  sulfurique 
ou  l'acide  chlorhydrique  étendu  d'eau,  pour  que  l'attaque 
ne  soit  pas  trop  rapide  et  puisse  être  surveillée.  L'empilage 
des  feuilles  a  lieu  sur  une  plaque  de  fer  portant  perpendi- 
culairement une  grande  quantité  de  tiges  destinées  à  isoler 
chaque  feuille  de  sa  voisine.  Comme  on  entasse  une  grande 
quantité  de  feuilles  à  la  fois,  il  faut  un  effort  assez  grand 
pour  enlever  et  agiter  ce  plateau  dans  le  bain  acide.  On 
équilibre  les  plateaux  aux  deux  extrémités  de  leviers,  pla- 
teau par  plateau.  On  arrive  à  travailler  ainsi  dix  à  douze 
caisses  à  la  fois,  soit  pour  les  plonger  dans  les  acides, 
soit  pour  les  passer  à  l'eau  de  lavage.  Le  mouvement  est 
communiqué  soit  directement  par  un  piston  à  vapeur,  soit 
indirectement  par  une  autre  disposition  facile  à  imaginer. 
Il  suffît,  en  général,  de  cinq  minutes  pour  un  bon  déca- 
page ;  aussi  de  semblables  machines  peuvent-elles  suffire  à 


une  grande  production.  Après  le  rinçage  à  l'eau,  les  tôles 
sont  essuyées  et  prêtes  à  l'opération  suivante.  On  fait  un 
triage  des  produits  du  décapage  et  on  procède  au  recuit 
des  pièces  bien  décapées  ;  cette  opération,  qui  se  fait  en 
vase  clos,  dure  de  huit  à  dix  heures.  On  emploie  des  caisses 
en  fonte,  en  tôle  ou  en  acier  coulé.  Les  boîtes  à  recuire 
ayant  été  retirées  du  feu  et  mises  à  refroidir,  on  procède 
au  laminage  à  froid,  qui  a  pour  but  de  polir  les  surfaces 
de  lôle  et  de  durcir  le  métal  pour  qu'il  absorbe  moins 
d'étain.  Les  laminoirs  que  l'on  emploie  pour  cette  opération 
sont  en  fonte  trempée,  mais  plus  dure  que  dans  le  cas  du 
laminage  à  chaud;  n'ayant  pas  à  subir  de  changements 
brusques  de  température,  ils  peuvent  être  plus  fragiles  et 
blanchis  de  25  à  30  millim.  d'épaisseur.  On  fait  subir  aux 
tôles  laminées  à  froid  une  deuxième  recuite  et  même  sou- 
vent un  deuxième  décapage,  après  quoi  il  n'y  a  plus  qu'à 
passer  à  l'étamage. 

On  emploie  généralement  pour  l'étamage  tout  ce  qu'il  y 
a  de  plus  pur  en  fait  d'étain  ;  on  obtient  ainsi  le  brillant.  Le 
terne  se  fabrique  avec  un  mélange  de  plomb  et  d'étain,  où  la 
proportion  de  ces  deux  éléments  varie  suivant  la  qualité  à 
obtenir.  Nous  supposerons  ici  qu'il  s'agit  de  la  fabrication  du 
fer-blanc  brillant  ;  on  se  sert  d'une  série  de  pots  en  fonte  pla- 
cés au-dessus  d'un  foyer  simple  et  on  y  plonge  successive- 
ment chaque  feuille.  Le  pot  n°  4  renferme  du  suif  fondu 
ou  même  de  l'huile  de  palme  ;  son  but  est  de  dépouiller  la 
tôle  de  toute  trace  d'humidité  et  de  porter  en  même  temps 
sa  température  au  degré  le  plus  convenable  pour  l'adhérence 
de  l'étain.  Le  pot  n°  2  contient  de  l'étain  fondu;  les  pots 
n°  3  et  4  renferment  également  de  l'étain,  et  servent  à 
absorber,  par  une  sorte  de  lavage,  l'excès  de  métal  qui 
s'est  rassemblé  sur  les  bords  de  la  feuille.  Le  pot  n°  5 
contient  de  la  graisse  fondue.  Entre  le  pot  n°  4  et  le  pot 
n°  5  se  trouve  un  jeu  de  cylindres  entre  lesquels  passe  la 
feuille  étamée.  La  surface  de  celle-ci  devient  régulière  et 
bien  dressée.  Les  pots  qui  contiennent  l'étain  fondu  con- 
tiennent de  la  graisse  qui  recouvre  le  métal  et  empêche 
l'oxydation  à  l'air  ;  ce  bain  de  graisse  exhale  des  vapeurs 
nauséabondes  ;  aussi  M.  Girard  a-t-il  proposé  de  le  rem- 
placer par  un  bain  de  chlorure  de  zinc  à  l'avant  des 
cylindres  et  à  l'autre  extrémité  un  bain  de  même  chlorure 
additionné  de  4  0  °/0  de  chlorure  de  potassium  ou  de  so- 
dium. Enfin,  on  termine  l'opération  par  un  lavage  dans 
une  eau  additionnée  d'un  peu  de  chlorure  d'étain.  On  a 
cherché,  dans  les  dernières  années,  à  rendre  automatique 
l'étamage,  et  parmi  les  méthodes  employées  nous  en  cite- 
rons une  seule  dont  le  fonctionnement  est  bon  ;  elle  est 
fondée  sur  le  principe  des  vases  communiquants  ;  un  vase  en 
forme  d'U  est  plein  d'étain  liquide  surmonté  dans  cha- 
cune des  branches  d'une  couche  de  graisse  fondue.  Des 
guides  servent  à  amener  chaque  feuille  jusqu'aux  rouleaux 
qui  arrivent  à  exprimer  l'excès  d'étain.  Chaque  feuille 
pousse  la  suivante,  et  comme  elle  éprouve  une  perte  de 
poids  notable  dans  l'étain  liquide,  l'effort  pour  entraîner 
tout  l'ensemble  est  insignifiant.  Les  guides  étant  doubles, 
les  feuilles  sont  croisées  et  se  poussent  par  un  point  de  leur 
tranche.  Un  étamage  de  bonne  qualité  doit  présenter  une 
couche  uniforme  d'épaisseur,  sans  laisser  le  fer  à  nu  dans 
aucun  point,  avec  un  certain  brillant  ;  on  emploie  de  4  30 
à  440  gr.  d'étain  au  mètre  carré  de  tôle.  Le  séjour  dans 
le  bain  est  d'environ  une  heure  et  demie,  de  façon  à  obte- 
nir non  seulement  une  couche  d'étain  sur  le  fer,  mais  tout 
d'abord  un  alliage  d  etain  et  de  fer  recouvert  d'étain.  Au 
sortir  de  l'étamage,  les  feuilles  sont  passées  dans  le  son  et 
dans  la  farine  et  frottées  à  la  peau  de  mouton  qui  leur 
donne  du  brillant.  Les  tôles  sont  triées  avec  soin  en  pleine 
lumière  et  classées  en  deux  choix  ;  puis  on  les  met  dans 
des  caisses  en  bois  par  50  kilogr.  environ,  généralement 
53  kilogr.  Les  frais  d'étamage  varient  avec  le  cours  de 
l'étain  et  l'épaisseur  des  feuilles.  En  prenant  2  kilogr.  à 
2ks50  par  caisse,  soit  4  à  5  °/0  d'étain,  il  faut  admettre 
200  à  250  ir.  la  tonne  pour  passer  de  la  tôle  noire  au  fer- 
blanc  en  caisse.  Le  polissage,  confié  à  des  femmes,  se  fait 


actuellement  en  frottant  le  métal  avec  du  vieux  drap  rouge 
de  troupe,  trempé  dans  un  peu  d'huile  additionnée  de 
poudre  à  polir  ;  grâce  à  la  teinture  de  la  garance,  ce  drap 
possède  une  certaine  raideur,  très  appréciée  chez  les  fer- 
blantiers. La  pièce  est  ensuite  séchée  par  des  frictions  au 
blanc  de  Meudon  et,  finalement,  le  brillant  lui  est  donné  à 
l'aide  de  chiffons  de  toile  et  de  coton.  Cette  dernière  opé- 
ration se  fait,  soit  à  la  main,  soit  en  plaçant  les  objets  fa- 
briqués,sur  un  tour  à  pédale. 

L'étain  est  une  matière  chère  ;  or,  dans  la  fabrication 
des  divers  objets  de  fer-blanc,  on  a  un  déchet  qui  atteint 
6  °/0.  Si  Ton  rapproche  ce  chiffre  de  ceux  représentant 
les  quantités  de  fer-blanc  employées  qui,  par  exemple, 
pour  la  seule  ville  de  Nantes  s'élèvent  annuellement  à 
4,000  tonnes  pour  la  fabrication  de  boîtes  à  conserves, 
on  voit  que  le  poids  de  ces  déchets  atteint  lui-même  des 
chiffres  considérables.  Il  ne  faut  pas  oublier,  d'autre  part, 
qu'une  grande  partie  des  objets  fabriqués,  comme  les  boîtes 
de  conserves,  sont  jetés  aux  déchets  peu  de  temps  après 
leur  fabrication.  On  comprend  donc  qu'on  peut  avoir  entre 
les  mains  des  matériaux  renfermant  de  l'étain  qu'il  est 
intéressant  de  pouvoir  extraire.  Le  procédé  le  plus  élé- 
mentaire consiste  à  réunir  ces  divers  matériaux  et  à  les 
chauffer  pour  en  retirer  l'étain  par  liquation.  Mais  ce  pro- 
cédé, bien  imparfait,  ne  permet  d'obtenir  qu'une  fraction 
de  l'étain  contenu.  Diverses  méthodes  ont  été  proposées  : 
action  de  l'acide  chlorhydrique  avec  intervention  d'un  cou- 
rant électrique,  action  du  chlore  gazeux,  etc.  Voici  un 
procédé  qui  donne  d'excellents  résultats  •  on  soumet  les 
déchets  de  toute  nature  à  un  grillage  oxydant  l'étain  et  le 
fer  à  la  fois  ;  ils  se  couvrent  d'une  couche  brune  que  l'on 
laisse  former  sur  un  dixième  environ  de  l'épaisseur  totale. 
Cette  croûte  est  formée  d'oxyde  d'étain  et  d'oxyde  de  fer  ; 
elle  se  détache  facilement  en  battant  ces  déchets.  La  poudre 
recueillie  est  broyée  entre  des  cylindres  et  traitée  par  l'acide 
sulfurique  qui  sépare  l'oxyde  de  fer  et  isole  l'étain.   Les 
rognures  restant  après  l'opération  forment  une  excellente 
ferraille  pour  la  métallurgie  du  fer.  Un  autre  procédé  con- 
siste à  faire  bouillir  les  rognures  dans  de  l'eau  additionnée 
d'un  mélange  d'acides  azotique  et  chlorhydrique,  jusqu'à 
ce  que  l'étain  soit  complètement  disparu,  puis  on  ajoute 
du  zinc  à  la  liqueur  qui  renferme  le  chlorure  de  fer  et 
d'étain.  Ce  dernier  métal  se  précipite  sur  le  zinc  sous  la 
forme  spongieuse  ;  on  le  lave,  puis  on  le  fond.  M.  Delau- 
rier  propose  de  faire  oxyder  complètement  les  rognures 
par  la  voie  humide  ;  on  obtient  de  l'hydrate  de  sexquioxyde 
de  fer  et  des  oxydes  d'étain  ;  ou  encore  par  la  voie  sèche, 
en  chauffant  ces  débris  au  rouge  et  avec  le  courant  de  l'air. 
Dès  1886,  M.  Beschardt,  de  Manchester,  et  M.  Montagne, 
de  Nantes,  indiquaient  la  méthode  suivante  :  les  copeaux 
de  fer  étamé  étaient  chauffés  dans  un  récipient  fermé  au 
moyen  de  vapeur  à  150°;  on  introduisait  ensuite  un  cou- 
rant d'acide  chlorhydrique  qui  convertissait  l'étain  en  pro- 
tochlorure, le  fer  restant  inattaqué.   Un  lavage  à  1  eau 
pure  entraînait  le  chlorure,  d'où  l'on  précipitait  l'étain 
à  l'état  cristallin  par  l'addition  de  rognures  de  zinc.  M.  Diggs 
a  imaginé  un  cylindre  métallique  garni  intérieurement  d'as- 
phalte et  pouvant  recevoir  un  mouvement  de  rotation;  on 
y  met  les  déchets  de  fer-blanc,  sur  lesquels  on    laisse 
tomber  lentement  de  l'acide  chlorhydrique  à  17°  Baume,  à 
la  température  de  95°;  M.  Edwards,  de   Londres,  et 
M.  Ramos  Garcia,  de  Paris,  ont  fait  breveter  l'emploi  d'un 
bain  d'acide  chlorhydrique  additionné  d'une  petite  quantité 
d'acide  nitrique  ou  de  perchlorure  de  fer.  En  y  plongeant 
le  fer  étamé,  surtout  si  l'on  chauffe  le  bain,  on  obtient 
rapidement  la  séparation  de  l'étain;  l'électrolyse  de  la 
solution  avec  des  cathodes  en  étain  donne  ce  métal  à  l'état 
de  pureté.  Quand  les  déchets  sont  soumis  à  l'action  de 
l'acide  chlorhydrique  sans  intervention  d'un  agent  oxydant, 
il  arrive  que  le  fer  est  aussi  attaquable  et  qu'il  se  produit 
un  mélange  de  chlorure  d'étain  et  de  fer.  M.  Luke,  de 
Londres,  et  M.  W.  Worth,  de  Francfort-sur-le-Main,  agi- 
tent ce  liquide  avec  de  la  craie  finement  divisée,  pour  pré- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


—  241  —  FER 

cipiter  l'étain  à  l'état  d'oxychlorure.  L'opération  s'exécute 
dans  des  récipients  fermés,  pour  empêcher  l'oxydation  du 
sel  de  fer  qui,  autrement,  se  précipiterait  a  vecl'ox  y  chlorure. 
Ce  dernier,  porté  ensuite  à  l'ébullition  en  présence  du  car- 
bonate de  chaux  ou  de  la  craie,  se  transforme  en  oxyde 
d'étain,  qui  peut^  être  réduit  à  l'état  métallique  par  le  char- 
bon. Les  produits  secondaires  des  réactions  peuvent  être 
traités  d'autre  part,  notamment  le  chlorure  de  calcium, 
pour  régénérer  l'acide  chlorhydrique.  On  n'a  donc  que 
l'embarras  du  choix  pour  utiliser  les  déchets  de  fer-blanc; 
il  reste  à  savoir  si  les  frais  de  fabrication  sont  assez  res- 
treints et  justifient  la  nécessité  d'une  usine  spéciale,  sans 
avoir  à  redouter  les  conséquences  d'une  diminution  du  prix 
du  métal.  L.  Knab. 

VI.  Construction  (V.  Constructions  métalliques  et 
Charpente  métallique)  . 

Fer  d'amortissement.  —  Armature  en  fer  continue, 
fixée  sur  un  faîtage  pour  y  maintenir  une  crête  en  métal 
ou  en  terre  cuite  ou  tout  autre  système  d'ornementation, 
et  aussi  simple  tige  de  fer  fixée  au  sommet  d'un  comble 
afin  d'y  recevoir  un  épi  de  couronnement.  Ch.  L. 

VII.  Ordres.  —  Ordre  du  Fer  d'or  et  du  Fer  d'ar- 
gent. —  Créé  par  Jean,  duc  de  Bourgogne,  en  1411.  Les 
statuts  contenaient  cette  singulière  clause  :  les  chevaliers 
s'engageaient  par  serment  à  se  signaler  dans  les  armes  et 
se  vouaient  au  service  des  dames.  Ils  devaient  se  battre  à 
outrance  et,  dans  le  cas  où  ils  n'avaient  pas  d'adversaires, 
ils  devaient  se  battre  entre  eux.  jLes  traités  chevaleresques 
du  moyen  âge  relatent  tous  cet  ordre  bizarre  qui  ne  dura 
pas  longtemps. 

VIII.  Art  héraldique.  —  Les  fers  de  lance,  de  dard, 
de  pique,  que  l'on  appelle  aussi  bocquets,  sont  toujours 
représentés  en  armoiries  la  pointe  en  haut.  Quant  aux  fers 
de  cheval,  ils  se  placent  selon  leur  position  naturelle  et 
représentent  ceux  des  pieds  de  devant  ;  ils  sont  dits  cloués 
quand  la  place  des  clous  est  d'un  émail  particulier. 

Fer  de  moulin.  —  Figure  artificielle,  assez  employée 
en  armoiries  parce  qu'elle  symbolise  l'attribut  seigneurial 
de  la  possession  d'un  moulin  où  les  vassaux  étaient  obligés, 
moyennant  redevance,  de  faire  moudre  leurs  grains.  Ce 
fer,  placé  au  milieu  de  la  meule,  est  formé  de  deux  branches 
courbes  réunies  séparément  à  une  pièce  carrée  et  ajourée. 
Cette  pièce  est  aussi  appelée  croix  de  moulin  à  cause  de  sa 
ressemblance  avec  une  croix  de  Saint-André. 

FER  a  cheval  (V.  Ferrure). 

FER  à  souder  (V.  Soudure). 

FER  froid  (V.  Reliure). 

FER  rouge  (Epreuve  du)  (V.  Epreuve). 

FER  (Ile  de).  L'une  des  îles  Canaries  (V.  ce  mot),  la 
plus  occidentale  et  la  plus  méridionale  de  l'archipel; 
278  kil.  q.  ;  5,000  hab.  De  forme  triangulaire,  elle  a 
29  kil.  de  long.  Son  rivage  très  escarpé  est  coupé  de 
criques  dont  les  principales^  sont  au  N.-O.  le  Golfo  et  à 
l'E.  le  Puerto.  Elle  n'a  rien  de  particulier,  et  pour  la  faune, 
la  flore,  l'archéologie  et  l'histoire  nous  renvoyons  à  l'art. 
Canaries.  Mais  envisagée  comme  la  terre  la  plus  occiden- 
tale du  vieux  continent  (à  tort,  d'ailleurs),  on  proposa  d'y 
placer  le  premier  méridien  à  partir  duquel  se  comptent  les 
degrés  de  longitude.  A  cet  effet,  le  25  avr.  1634,  Riche- 
lieu convoqua  à  Paris  un  congrès  international  de  mathé- 
maticiens dont  une  ordonnance  royale  ratifia  la  décision  le 
1er  juil.  On  admettait  qu'elle  était  à  20°  O.  de  Paris, 
et  les  cartes  qui  conservent  ce  méridien  continuent  d'adopter 
cette  position  théorique.  En  réalité,  la  pointe  occidentale 
de  l'île  est  à  20°31'  long.  0.  de  Paris.  Même  les  Allemands 
et  les  Espagnols  abandonnent  le  méridien  de  l'île  de  Fer. 

FER  (Cap  de).  Promontoire  de  la  côte  d'Algérie,  dép. 
de  Constantine  (V,  ce  mot). 

FER  (Nicolas  de),  graveur-géographe  français,  né  en 
1646,  mort  à  Paris  le  45  oct.  1720.  Il  exécuta  plus  de 
600  cartes  ou  plans,  comprenant  la  France  politique,  ad- 
ministrative,  ecclésiastique,  hydrographique,  orogra- 
phique, etc.,  ainsi  que  divers  pays  limitrophes,  cartes  qui 

16 


FER  —  FERAUD 


—  242 


brillent  plutôt  par  leur  côté  ornemental  et  le  pittoresque 
de  leurs  encadrements  historiés,  que  par  une  scrupuleuse 
exactitude.  Il  eut  le  titre  de  géographe  du  roi.      G.  P-i. 

FERA.  I.  Zoologie.  — Espèce  de  Corégone  (Coregonus 
fera  Art.)  qui  habite  les  eaux  profondes  des  grands  lacs 
de  la  Suisse  et  qui  récemment  a  été  trouvé  dans  les  eaux  du 
Doubs  (V.  Lavaret). 

II.  Pêche. —  Ce  poisson  se  pêche  avec  la  senne,  au  moyen 
de  deux  bateaux.  Au  moment  du  frai,  le  poisson  se  rap- 
prochant du  rivage,  on  amarre  Tune  des  extrémités  de 
la  senne  à  un  pieu  ou  à  un  gros  câble,  Fautre  extrémité 
étant  soutenue  à  bord  d'une  barque.  On  pêche  aussi  la 
nuit  avec  des  filets  dormants  placés  près  du  bord  et,  sur 
les  lacs  de  Zug  et  de  Lucerne,  au  feu,  à  l'aide  de  filets 
traînants,  très  légers. 

III.  Art  culinaire.  —  Ce  poisson,  dont  la  chair  est 
très  délicate,  subit  les  mêmes  préparations  culinaires  que 
la  truite  (V.  ce  mot). 

FERA  (Bernardino),  peintre  italien,  de  l'école  napoli- 
taine, qui  vivait  en  4700.  Elève  de  Solimena,  il  se  distin- 
gua surtout  par  ses  fresques  et  par  de  grandes  composi- 
tions à  la  détrempe.  Dominici,  dans  ses  Vies  des  peintres 
napolitains,  dit  qu'il  eut  un  frère  qui  reçut  les  leçons  du 
même  maître. 

FERABOSCO  (V.  Ferrabosco). 

FERy€  (Zool.).  Nom  qui,  dans  le  Systema  naturœ  de 
Linné,  désignait  l'ordre  de  la  classe  des  Mammifères  renfer- 
mant les  Carnassiers  de  Cuvier(V.  Carnassier  et  Carnivore). 

FERAGA  ou  FERRAGA.  Tribu  arabe  d'Algérie,  dép. 
et  arr.  d'Oran,  dans  la  région  de  Saint-Denis-du-Sig, 
divisée  en  deux  groupes  :  1°  les  Feraga  Tahta  ou  d'en 
bas,  dans  la  plaine  entre  le  Sig  et  l'Habra,  où  l'on  a  créé 
le  centre  de  colonisation  de  Bou-Henni  ;  2°  les  Feraga 
Fouaka  ou  d'en  haut,  sur  les  pentes  du  djebel  Bou-Ziri 
(700  m.).  Les  deux  fractions  comptent  ensemble  à  peu  près 
5,000  individus. 

FERAH.  Ville  de  l'Afghanistan,  sur  le  Ferah-Roud,  par 
59°  47'  long.  E.  et  32°  24'  lat.  N.;  10,000  hab.  C'est 
l'ancienne  Prophthana  de  Drangiane  ou  Phra. 

FERAH  (Béni).  Tribu  de  l'Aurès  (V.  Beni-Ferah). 

FERAH-Roud.  Rivière  de  l'Afghanistan  qui  descend  du 
Siah-Koh  et  coule  vers  le  S.  jusqu'au  lac  Hamoun.  Longue 
de  350  kil.,  elle  traverse  le  pays  de  Gour,  baigne  Ferah, 
Lach,  Djoouaïn.  A  sec  en  été,  elle  a  beaucoup  d'eau  au 
printemps  et  est  très  utile  pour  l'irrigation. 

FERAH  ABAD.  Ville  de  Perse,  prov.  de  Mazenderan,  sur 
la  mer  Caspienne,  à  l'embouchure  du  Tedjên.  Non  loin  sont 
les  ruines  du  palais  de  Chah-Abbas,  qui  y  mourut  (1628). 

FÉRAL  (Louis),  homme  politique  français,  né  à  Toulon 
'  le  13  déc.  1830,  mort  à  Paris  le  7  oct.  1889.  Avocat  à 
Toulouse,  conseiller  général  de  la  Haute-Garonne,  il  fut  élu 
sénateur  de  ce  département  le  29  août  1886  en  remplace- 
ment de  Laurent  Pichat,  inamovible  décédé.  Membre  de 
la  gauche  et  d'opinions  extrêmement  modérées,  il  s'occupa 
surtout  des  questions  agricoles  et  d'élevage.  Il  faisait  partie 
du  conseil  des  haras.  Réélu  le  5  janv.  1888,  il  se  prononça 
contre  le  boulangisme.  — -  Son  père,  Philippe  Ferai,  avocat 
très  distingué  à  la  cour  de  Toulouse,  bâtonnier  de  l'ordre, 
né  en  1795  à  Albi,  mort  à  Toulouse  en  1858,  a  laissé  des 
Œuvres  (Paris,  1859,  2  vol.  in-8). 

FERALIA  (Antiq.  rom.)  (V.Fête  et  Religion). 

FERANDINI  (Jean),  compositeur  dramatique  italien,  né 
a  Venise  dans  les  premières  années  du  xvme  siècle,  mort  à 
Munich  en  1793.  D'abord  hautboïste  à  la  cour  de  Munich, 
il  fit  imprimer  à  Amsterdam  en  1730  deux  sonates  de 
flûte.  On  lui  doit  la  musique  des  opéras  suivants  :  Bérénice 
(1730);  Adrianoin  Siria(il31)  ;  Demofoonte  (1737); 
Artaserse(1139); Catone in  Utica (1 753); Diana Placata 
(1758),  puis  un  Componimento  dramatico  pour  le  cou- 
ronnement du  prince  Charles- Albert,  un  moment  compé- 
titeur de  Marie-Thérèse.  Il  était  aussi  chanteur  excellent 
et  a  formé  de  remarquables  élèves.  A.  E. 

FERANDO(V.  Firando). 


FÉRAUD  (Jean-François),  lexicographe  français,  né  à 
Marseille  le  17  août  1725,  mort  à  Marseille  le  8  févr. 
1807.  Elève  des  jésuites,  il  fut  ordonné  prêtre  et  se  livra 
sans  aucun  succès  à  la  prédication.  Ses  travaux  lexicogra- 
phiques  valent  mieux  que  ses  sermons  :  Nouveau  Diction- 
naire des  sciences  et  des  arts  (Avignon,  1753,  in-8)  ; 
Dictionnaire  général  de  la  langue  française  (1761, 
in-8,  plusieurs  éditions)  ;  Dictionnaire  critique  de  la 
langue  française  (1787-1788).  Féraud  fut  membre  cor- 
respondant de  la  deuxième  classe  de  l'Institut. 

FÉRAUD  (Jean),  homme  politique  français,  né  à  Arreau 
(Hautes-Pyrénées)  le  21  mars  1764,  mort  à  Paris  le 
20  mai  1795.  Député  des  Hautes-Pyrénées  à  la  Conven- 
tion, Il  vota  la  mort  de  Louis  XVI  sans  appel  ni  sursis.  Il 
fut  envoyé  en  mission  à  l'armée  des  Pyrénées-Orientales, 
le  30  avr.  1793,  avec  Ysabeau,  Garrau  et  Chaudron- 
Roussau,  et  y  rendit  de  grands  services  par  son  énergie 
et  son  courage  personnel.  Au  9  thermidor,  il  fut  adjoint 
à  Barras  pour  commander  la  garde  nationale.  H  reçut  en- 
suite une  mission  aux  armées  du  Rhin  et  de  la  Moselle.  Il 
fut  assassiné  dans  la  journée  du  1er  prairial  an  III.  Voici 
comment  le  Moniteur  raconte  sa  mort  :  «  Féraud,  qui 
était  au  pied  de  la  tribune,  se  frappait  la  tête  et  s'arrachait 
les  cheveux.  Dans  le  même  moment,  vingt  fusils  couchent 
en  joue  le  président.  Féraud,  qui  s'en  aperçoit,  veut  esca- 
lader la  tribune  pour  l'aller  couvrir  de  son  corps.  Un 
officier  le  soutient  par  le  bras  pour  l'aider  à  monter.  L'un 
des  séditieux  le  tire  de  son  côté  par  son  habit.  L'officier, 
pour  lui  faire  lâcher  prise,  assène  à  cet  homme  un  coup  de 
poing  sur  la  poitrine.  Celui-ci,  pour  s'en  venger,  tire  un 
coup  de  pistolet  qui  atteint  Féraud.  Il  tombe  ;  on  s'en  em- 
pare, on  l'accable  de  coups,  on  le  traîne  par  les  cheveux 
jusque  dans  le  couloir  voisin.  »  Quelques  instants  après, 
«  une  tête  est  apportée  au  bout  d'une  pique...  C'est  celle 
du  malheureux  Féraud.  L'homme  qui  l'apporte  s'arrête 
devant  le  président.  La  multitude  rit  et  applaudit  long- 
temps. »  D'après  M.  Jules  Claretie  (les  Derniers  Monta- 
gnards, p.  153),  le  coup  de  pistolet  qui  tua  Féraud  avait 
été  tiré  par  une  folle  nommée  Aspasie  Carie  Migelli,  qui 
avait  pris  Féraud  pour  Fréron.  Le  14  prairial,  la  Con- 
vention célébra  solennellement  sa  mémoire,  et  Louvet  pro- 
nonça son  oraison  funèbre.  F. -A.  A. 

FÉRAUD  (Jean-Baptiste-Pi erre-Honoré),  architecte  fran- 
çais, né  à  Nice  en  1817,  mort  à  Paris  en  oct.  1884.  Elève 
de  l'Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures,  puis  de  Cons- 
tant-Dufeux  et  de  l'Ecole  des  beaux-arts  où  il  marqua  son 
passage  par  quelques  projets  originaux,  Féraud,  d'abord 
inspecteur  des  travaux  de  l'hôpital  de  Nantes  en  1845,  fut 
ensuite  nommé  architecte  de  la  ville  et  professeur  de  l'Ecole 
de  dessin  de  Valenciennes.  Après  1848,  il  commença  la 
construction,  malheureusement  interrompue,  de  l'Ecole 
régionale  d'agriculture  de  Riom-ès-Montagne  (Cantal)  et  fut 
appelé,  en  1852,  comme  architecte  diocésain  à  Alger  où  il 
fit  consolider  et  agrandir  l'ancienne  mosquée  des  Ketchaoua, 
devenue  la  cathédrale  d'Alger  ;  donna,  pour  l'église  Notre- 
Dame  d'Afrique,  un  projet  qui  fut  modifié,  lors  de  l'exé- 
cution, par  M.  Fromageau,  et  fit  élever,  de  1853  à  1856, 
le  grand  séminaire  de  Kouba,  aux  environs  d'Alger,  travail 
après  lequel  il  fut  atteint  d'une  complète  cécité.  Féraud  a 
dicté  une  Notice  de  Constant-Dufeux  qui  fut  insérée 
dans  la  Revue  générale  de  l'architecture  (1872, 
t.  XXIX).  Charles  Lucas. 

FÉRAUD  (François-Marie-Tiburce),  homme  politique 
français,  né  à  Arreau  (Hautes-Pyrénées)  le  18  avr.  1821, 
petit-neveu  de  Jean  (V.  ci-dessus).  Après  s'être  présenté  sans 
succès  dans  les  Pyrénées  aux  élections  pour  le  Corps  légis- 
latif le  29  févr.  1852  et  le  24  mai  1869  contre  M.  Jubi- 
nal,  candidat  officiel,  il  fut  nommé  préfet  du  même  dépar- 
tement le  8  mars  1871  et  devint  en  1875  trésorier-payeur 
général  de  l'Aude.  Révoqué  en  1885,  il  fut  élu  député  des 
Hautes-Pyrénées  le  4  oct.  1885,  siégea  à  droite,  vota 
contre  la  politique  coloniale,  contre  la  loi  militaire  et  sou- 
tint le  boulangisme.  Il  a  été  réélu  député  de  Bagnères  le 


us  - 


FERAUD  —  FERBER 


22  sept.  1889  par  10,867  voix  contre  8,435  à  son  con- 
current républicain  Raoul. 

FÉRAUD  (Laurent-Charles),  diplomate  français,  né  le 
5  févr.  18°29,  mort  en  1888.  D'abord  interprète  de  l'armée 
d'Afrique  (20  déc.  1845-19  févr.  1872),  puis  interprète 
principal  près  le  gouvernement  général  de  l'Algérie, 
M.  Féraud  fut  nommé  consul  de  première  classe  et  chargé 
du  consulat  général  de  France  à  Tripoli  de  Barbarie  le 
5  nov.  1878.  Créé  consul  général  dans  le  même  poste  le 
10  oct.  1881,'  il  fut  envoyé  au  Maroc  comme  ministre  plé- 
nipotentiaire le  4  déc.  1884  et  nommé  ministre  plénipo- 
tentiaire de  première  classe  hors  cadres  le  20  juil.  1887. 
M.  Féraud  connaissait  admirablement  la  langue,  les  mœurs 
et  les  usages  de  l'Afrique  musulmane  du  Nord  sur  laquelle 
il  a  écrit  plusieurs  brochures  et  articles  de  revue.  L.  Farges. 

FÉRAUD-Giraud  (Louis-Joseph-Delphin),  magistrat  et 
jurisconsulte  français,  né  à  Marseille  le  24  déc.  1819. 
D'abord  avocat  à  Aix,  il  fut  nommé  substitut  du  procu- 
reur du  roi  à^  Apt  le  13  févr.  1845.  De  1847  à  1878,  il 
suivit  sa  carrière  de  magistrat  à  Aix,  au  tribunal  civil, 
puis  à  la  cour  où  il  devint  président  de  chambre  ;  il  avait 
été  révoqué  en  1848  et  rétabli  dans  ses  fonctions  de 
substitut  en  1849.  En  1878,  M.  Féraud-Giraud  a  été 
nommé  conseiller  à  la  cour  de  cassation.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  Etudes  sur  la  législation  et  la  juris- 
prudence concernant  les  fouilles  et  extraction  de  ma- 
tériaux à  l'occasion  de  l'exécution  des  travaux  pu- 
blics (Aix,  1845,  in-8)  ;  Servitudes  de  voirie,  études 
de  législation  et  de  jurisprudence  (lre  part.,  1850, 
2  vol.  in-8  ;  2e  part.,  1852,  in-8)  ;  Législation  française 
concernant  les  ouvriers  (1856,  in-8)  ;  Jurisprudence  de 
la  cour  $  Aix  et  du  tribunal  de  commerce  de  Mar- 
seille, concernant  le  droit  maritime  de  1811  à  1815 
(1857,  in-8)  ;  De  la  Juridiction  française  dans  les 
échelles  du  Levant  et  de  Barbarie  (1858,  in-8;  2e  édit., 
1866,  2  vol.  in-8)  ;  Droit  international,  France  et  Sar- 
daigne  (1859,  in-8)  ;  Voies  rurales  publiques  et  privées, 
et  servitudes  rurales  de  passage  (1859,  in-8;  2e  édit., 
1868,  in-8)  ;  Police  des  bois,  défrichements  et  reboise- 
ments, commentaire  pratique  sur  les  lois  promulguées 
en  1859  et  1860  (1861,  in-8)  ;  Traité  de  la  grande 
voirie  et  de  la  voirie  urbaine  (1865,  in-12)  ;  Des 
Voies  publiques  et  privées  modifiées  par  suite  de  l'exé- 
cution des  chemins  de  fer  (1878,  in-8);  Code  des  trans- 
ports de  marchandises  et  de  voyageurs  par  chemin  de 
fer  (1883,  3  vol.  ;  2e  édit.,  1889,  3  vol.  in-18)  ;  les 
Justices  mixtes  (1884);  Traité^  des  voies  rurales,  pu- 
bliques et  privées  (1886,  2  vol.)  ;  Code  des  mines  et 
des  mineurs  (1887,  3  vol.)  ;  Droit  d'expulsion  des 
étrangers  (Aix,  1889,  in-8).  G.  R. 

Bibl.  :  Le  Tribunal  et  la  cour  de  cassation  ;  Paris,  1879, 
pp.  361  et  531. 

FÉRAUDY  (Dominique-Marie-Maurice  de),  acteur  fran- 
çais, né  à  Joinville-le-Pont  le  3  déc.  1859.  Elève  de 
M.  Got  au  Conservatoire,  il  débuta  à  la  Comédie-Française 
le  17  sept.  1880,  dans  l'emploi  des  comiques,  en  jouant 
Sosie  dans  Amphitryon.  Accueilli  avec  faveur,  il  ne  tarda 
pas  à  déployer  une  grande  activité  et  entra  vigoureusement 
dans  le  répertoire,  tant  dans  le  genre  classique  que  dans 
le  genre  moderne.  En  même  temps,  il  créait  un  certain 
nombre  de  rôles  dans  diverses  pièces  nouvelles  :  les  Cor- 
beaux, le  Député  de  Bombignac,  Une  Rupture,  Molière 
en  frison,  Chamillac,  Raymonde,  Pepa,  Camille,  Une 
Famille,  etc.  Il  fut  nommé  sociétaire  en  1887. 

FERAY  (Ernest),  homme  politique  français,  né  à  Paris 
le  29  mai  1804,  mort  le  29  janv.  1892.  Elève  de  l'Ecole 
polytechnique,  il  créa  à  Essonnes  une  série  d'établissements 
industriels  (filature,  papeterie,  fonderie,  ateliers  de  con- 
struction), qui  acquirent  une  importance  considérable. 
Maire  d'Essonnes  depuis  1848,  il  fut  élu  représentant  de 
Seine-et-Oise  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871.  Il 
réunit  autour  de  lui,  à  Bordeaux,  tousses  confrères  appar- 
tenant à  l'industrie  ou  au  grand  commerce.  Ce  groupe, 


connu  sous  le  nom  de  «  groupe  Feray  »,  eut  pour  programme 
la  reconstitution  du  pays  par  des  institutions  libérales  et 
sous  la  forme  républicaine  actuelle.  Il  soutint  M.  Thiers, 
et,  après  la  chute  de  cet  homme  d'Etat,  se  réunit  au 
centre  gauche,  qui  prit  alors  Feray  pour  président,  pour- 
suivit la  formation  du  gouvernement  républicain  et  lutta 
avec  persévérance  contre  toutes  les  tentatives  de  restaura- 
tion monarchique.  Le  30  janv.  1876,  M.  Feray  fut  élu 
sénateur  de  Seine-et-Oise.  Il  siégea  au  centre  gauche  et 
combattit  le  gouvernement  du  16  mai,  qui  le  révoqua  de 
ses  fonctions  de  maire  d'Essonnes.  En  1879,  il  devint  pré- 
sident du  centre  gauche.  Il  appuya  la  politique  opportuniste, 
combattit  le  boulangisme  et  prit  une  part  importante  aux 
discussions  économiques.  Il  avait  été  réélu  aux  élections  du 
8  janv.  1882  et  ne  s'était  pas  représenté  au  renouvelle- 
ment de  1891.  M.  Feray  était  membre  du  consistoire  de 
l'Eglise  réformée  de  Paris.  Il  fit  également  partie  du  conseil 
supérieur  du  commerce  et  du  conseil  supérieur  de  l'instruc- 
tion publique.  On  a  de  lui  :  Du  Traité  de  commerce  de 
1860  avec  l'Angleterre  (Paris,  1881,  in-8). 

FÉRAZDAQ  (Abôu  Firâs  Hammam  Ibn  Ghàlib  Ibn 
Saasaa,  surnommé  à  cause  de  sa  laideur),  c.-à-d.  morceau 
de  pâte,  très  célèbre  poète  arabe,  issu  d'une  des  plus 
nobles  familles  de  la  tribu  de  Tamim,  mort  à  Bassora  en 
110  de  l'hégire  (728  ap.  J.-C).  II  vécut  à  Bassora,  Mé- 
dine,  à  La  Mecque,  et  à  Damas  à  la  cour  des  Ommeyyades. 
Ses  aventures  avec  Naouâr,  sa  femme,  et  sa  rivalité  avec 
Djerir  sont  les  traits  les  plus  saillants  de  son  existence. 

—  Abusant  de  sa  situation  de  tuteur,  il  avait  épousé 
Naouâr  malgré  elle  et  par  surprise  ;  mais ,  dès  qu'elle 
s'aperçut  de  cette  supercherie,  elle  s'enfuit  à  La  Mecque 
auprès  d'Abd  Allah  Ibn  Zobéir  pour  lui  demander  de  rompre 
cette  union.  Férazdaq  l'y  suivit  et,  après  des  sollicitations 
incessantes,  il  parvint  à  se  faire  agréer  par  elle.  L'accord 
dura  peu  :  le  caractère  maussade  de  Naouâr,  qui  était  de 
plus  une  musulmane  austère,  s'accordait  mal  avec  le  tem- 
pérament enjoué  et  ami  du  plaisir  du  poète  ;  elle  finit  par 
obtenir  qu'il  la  répudiât.  Mais,  à  peine  le  divorce  prononcé, 
Férazdaq  s'en  repentit  amèrement  et  il  exhala  ses  regrets 
en  des  vers  demeurés  célèbres.  Une  partie  de  ses  poésies 
est  adressée  ou  consacrée  à  Naouâr.  —  Djerîr,  qui  mourut 
la  même  année  que  lui,  fut  l'objet  de  nombreuses  satires 
de  sa  part.  Les  épigrammes  et  les  traits  qu'ils  s'adressaient 
ont  été  réunis  en  un  volume  :  Al  Naqaïd,  c.-à-d.  les 
Ripostes  (inédit,  mais  dont  W.  Wright  avait  préparé  une 
édition).  Outre  les  pièces  déjà  mentionnées,  son  divan  com- 
prend d'autres  satires,  des  élégies  et  des  poésies  à  la 
louange  de  ses  contemporains.  L'élégance  et  la  force  de 
l'expression,  son  courage  en  ne  craignant  pas  de  manifester 
son  attachement  à  la  famille  d'Ali  et  sa  hardiesse  à  cribler 
de  ses  satires  de  puissants  personnages,  tels  qu'El-Hadj- 
djâdj,  le  mettent  au  premier  rang  des  poètes  arabes  et  en 
font  une  des  plus  curieuses  figures  des  premiers  temps  de 
l'islamisme.  Un  célèbre  grammairien,  Younous,  a  dit  : 
«  Sans  les  vers  de  Férazdaq,  le  tiers  de  la  langue  arabe 
serait  perdu.  »  Son  divan  a  été  publié  et  traduit  en  fran- 
çais par  R.  Boucher  (inachevé)  (Paris,  1870-1875).  Il  a 
été  également  imprimé  au  Caire  en  1876.     L.  Leriche. 

Bibl.  :  Caussin  de  Perceval,  Notice  sur  les  trois  poètes 
arabes  :  Ahhtal,  Djerîr,  Férazdaq,  dans  Journ.  asiate  1834. 

—  Ibn  Khallikân,  Biogr.  Dictionary,  III,  p.  612. 

FERBER  (Johann- Jacob),  minéralogiste  suédois,  né  à 
Karlskrona  (Suède)  le  9  sept.  1743,  mort  à  Berne  le  12  avr. 
1790.  D'abord  répétiteur  au  collège  des  mines  de  Stockholm 
(1763-65) ,  puis  professeur  de  physique  et  d'histoire 
naturelle  à  Mjtau  (1774)  et  à  Saint-Pétersbourg  (1783), 
il  fut  en  dernier  lieu  conseiller  des  mines  à  Berlin  (1786). 
Il  était  aussi  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  cette 
ville.  Il  accomplit  à  travers  toute  l'Europe  une  longue  série 
d'excursions  scientifiques  et  publia  sur  la  physique  générale, 
la  géologie,  la  minéralogie,  la  géographie  et  la  métallurgie 
un  nombre  considérable  de  traités  et  de  mémoires,  qui  ont 
contribué  aux  progrès  de  ces  sciences.  Les  principaux  ont 


FERBER  —  FERBLANTERIE 


pour  titres  :  Beitrcïge  zur  Nineralgeschichte  von  Boh- 
men  (Berlin,  1774);  Versuch  einer  Oryktographie  von 
Derbyshire  (Mitau,  4776);  Physikal.  metallurg.  Abhancl- 
lungen  (Berlin,  1780);  Minéral,  und  metall.  Bemer- 
kungen  (Berlin,  1789),  etc.  L.  S. 

FERBLANTERIE  (Techn.).  L'industrie  de  la  ferblanterie 
ne  s'occupe  pas  seulement  de  la  fabrication  des  objets  en  fer- 
blanc  ;  elle  embrasse  aussi  dans  une  certaine  mesure  celle 
des  objets  en  laiton  et  en  zinc.  Cette  fabrication  se  prati- 
quait autrefois  manuellement  ;  mais,  dans  ces  dernières 
années,  des  procédés  mécaniques  y  ont  été  introduits,  et 
l'emploi  de  machines  spéciales  à  chaque  objet  a  nécessité 
une  division  en  spécialités  de  produits.  Sauf  exception, 
tous  ces  produits,  principalement  ceux  devant  contenir  des 
liquides,  tels  que  les  cafetières,  les  bouilloires,  etc.,  se 
composent  d'un  certain  nombre  de  parties  préparées  à  part  ; 
chacune  d'elles,  découpée  à  l'aide  d'emporte-pièces  ou  de 
cisailles,  est  amenée  à  sa  forme  voulue  par  emboutissage  ou 
par  cintrage  ;  leur  assemblage  et  leur  soudure  se  font  en- 
suite comme  dernière  opération.  Nous  indiquerons  succinc- 
tement les  principales  opérations  du  ferblantier  :  couper  la 
feuille,  la  contourner,  la  souder  et  la  polir.  Les  anciens 
outils  à  tracer,  compas,  mètres,  règles,  ne  sont  plus  d'un 
usage  fréquent  ;  l'emporte-pièce  approprié  aux  divers  articles 
a  fait  disparaître  en  partie  cette  opération  du  traçage  et  ne 
Ta  laissé  subsister  que  pour  la  fabrication  de  pièces  s'écar- 
tant  des  modèles  courants.  Les  feuilles  de  fer-blanc  devant 
être  découpées  sur  une  certaine  longueur,  il  est  indispen- 
sable d'avoir  recours  aux  diverses  cisailles  ;  l'une  d'elles  a 
deux  couteaux  circulaires  et  permet  principalement,  à  l'aide 
d'un  chariot  sur  lequel  le  métal  est  fixé,  d'amener  celui-ci 
au  point  de  croisement  des  lames  en  lui  faisant  décrire  une 
ligne  droite  ou  un  arc  de  tel  rayon  que  Ton  voudra.  Ces 
mouvements  sont  réglés  au  moyen  de  tiges  de  fer  de  lon- 
gueur variable  ;  aussi,  pour  la  fabrication  d'objets  coniques 
ou  tronconiques,  cette  machine  fournit-elle,  avec  exactitude, 
les  développements  des  circonférences  et  rend-elle  d'impor- 
tants services  comme  rapidité  et  comme  travail.  D'autres 
cisailles  à  lame  servent  à  découper  le  fer-blanc  suivant  les 
deux  génératrices  de  raccordement  et  s'emploient  en  géné- 
ral pour  toute  coupure  rectiligne.  Si,  pendant  les  opérations 
précédentes  le  métal  a  subi  quelques  déformations,  il  est 
facile  d'y  remédier  en  le  dressant  à  l'aide  de  tas  et  de  mail- 
lets de  bois  ;  toutes  ces  pièces  découpées  sont  soumises  à 
la  brisure,  opération  qui  consiste  à  passer  et  repasser  le 
métal  sur  la  bigorne  pour  en  rompre  les  molécules  et  faci- 
liter ensuite  la  mise  aux  contours  ;  puis  ces  pièces  sont 
ensuite  moulurées,  bordées,  roulées  et  contournées  avant 
leur  assemblage.  L'opération  du  bordage,  faite  exclusive- 
ment autrefois  sur  des  tasseaux,  bordoirs,  grands  tas  ou 
pieds-de-biche  et  tranches,  se  fait  le  plus  souvent  aujourd'hui 
sur  le  bordoir  mécanique,  appareil  composé  de  deux  tôles 
entre  lesquelles  est  saisie  la  feuille  de  fer-blanc  que  l'ou- 
vrier laisse  dépasser  de  quelques  millimètres  et  qu'il  plie 
par  divers  procédés  ;  si  ]a  pièce  a  été  arrondie,  on  borde 
au  tour  ou  à  la  moleteuse.  Pour  le  sertissage,  le  fil  placé 
sur  un  dévidoir  est  attiré  par  les  deux  galets  de  la  mole- 
teuse, les  pièces  de  fer-blanc  accrochées  à  ce  fil  par  leur 
ourlet  sont  entraînées  sur  une  table  et,  par  leur  passage 
entre  ces  galets,  la  bordure  se  trouve  complètement  rabat- 
tue en  enveloppant  et  cachant  le  fer  ;  si  la  pièce  est  con- 
tournée avant  d'être  sertie,  l'ourlet  se  fera  au  tour.  L'opé- 
ration, qui  a  pour  but  de  mouler,  de  canneler  et  de  percer, 
se  fait,  soit  par  des  galets  moulurant  selon  la  forme  de 
leurs  joints,  soit  par  repoussage  au  tour  ou  même  mieux 
par  emboutissage.  Le  perçage  s'effectue  à  l'aide  de  machines 
à  percer  munies  de  poinçons,  si  les  bavures  doivent  être 
conservées,  ou  d'emporte-pièces  si  leur  disparition  est  néces- 
saire. Ces  pièces  ainsi  préparées  sont  contournées  au  moyen 
de  bigornes  et  d'enclumes  à  deux  pointes  s'il  y  a  moulures 
ou  cannelures,  ou  au  moyen  de  machines  à  cintrer  à  trois 
cylindres  dans  le  cas  contraire.  Les  machines  à  emboutir 
permettent  d'obtenir  en  une  passe  des  emboutis  lisses  ayant 


près  de  la  moitié  du  diamètre  du  fond.  Les  machines  sont 
munies,  pour  éviter  tout  accident,  d'un  rouage  automa- 
tique conduisant  le  frein  sous  l'outil  et  chassant  la  pièce 
emboutie,  et  d'un  frein  permettant  l'arrêt  instantané. 

L'objet  peut  se  monter  de  deux  manières  :  à  soudure 
simple,  si  le  vase  est  destiné  à  ne  pas  aller  au  feu  ou  à  se 
trouver  peu  employé;  à  agrafe,  s'il  doit  supporter  fréquem- 
ment l'action  de  la  flamme.  Pour  le  premier  procédé,  il 
suffit  de  rapprocher  les  deux  bords  pleins  du  métal,  de  les 
soutenir  à  l'aide  d'un  morceau  de  bois  plat  et  de  forme 
triangulaire,  appelé  appuyoir  et,  avec  un  pinceau,  de  re- 
couvrir les  parties  à  réunir  d'esprit  de  sel  préalablement 
mis  au  contact  du  zinc  jusqu'à  saturation  et  additionné  de 
son  volume  d'eau.  Le  métal  décapé,  l'ouvrier  muni  du  fer 
à  souder  prend  un  peu  d'un  alliage  d'étain  et  de  plomb 
(30  à  40  °/0  d'étain)  qu'il  porte  immédiatement  sur  le  joint 
et  dans  lequel  il  le  fait  pénétrer  ;  il  n'y  a  plus  qu'à  com- 
primer ce  joint  afin  de  faire  prendre  la  soudure  ;  quand  elle 
est  bien  prise  dans  un  endroit,  on  en  met  d'autre  à  la  suite 
en  la  faisant  prendre  également  au  moyen  du  fer  chaud  et 
de  l'appuyoir.  Voici  en  quoi  consiste  la  soudure  à  agrafe  : 
S'il  s'agit  d'assembler  un  flanc  et  un  bandeau,  le  rond  du 
fond  est  replié  de  diverses  manières,  mais  toujours  de  façon 
à  pouvoir  entourer  le  bord  du  flanc  relevé  lui-même  ;  on  fait 
entrer  le  repli  du  contour  dans  les  deux  du  fond,  on  les 
rabat  l'un  sur  l'autre,  puis  on  soude  avec  soin  en  procé- 
dant comme  ci-dessus.  Si,  au  contraire,  le  bandeau  est  à 
fermer  suivant  une  des  génératrices  du  cylindre  ou  du  tronc 
de  cône,  il  suffira  d'un  seul  pli  de  chaque  côté.  Une  des 
principales  applications  de  la  ferblanterie  est  la  fabrication 
des  boîtes  métalliques  (V.  Boîte,  t.  VIII,  p.  466). 

Les  ferblantiers  emploient  beaucoup  actuellement  les  fers- 
blancs  revêtus,  dont  nous  dirons  quelques  mots  :  les  fers- 
blancs  sont  revêtus  de  différentes  couleurs  par  les  procédés 
de  la  peinture,  du  vernissage  ou  de  l'impression  lithogra- 
phique. On  tire  ainsi  parti  de  la  cristallisation  naturelle  du 
fer-blanc  en  lui  faisant  produire  à  la  surface  des  objets  un 
nacrage  d'un  heureux  effet.  Ces  innovations  sont  surtout 
utilisées  par  les  fabricants  de  boîtes  de  conserves  alimen- 
taires et  autres,  et  constituent  l'industrie  des  tôles  et  fers- 
blancs  moirés  et  imprimés.  Lorsqu'on  plonge  le  fer-blanc 
dans  une  liqueur  acide,  on  dissout  la  couche  superficielle 
d'étain  et  sa  disparition  met  à  nu  les  couches  inférieures 
qui  montrent  des  cristallisations  très  variées  et  des  dessins 
chatoyants  d'un  bel  effet.  Le  fer-blanc  ainsi  modifié  constitue 
le  moiré  métallique.  Le  fer-blanc  destiné  à  la  préparation 
du  moiré  doit  être  fabriqué  avec  de  l'étain  pur  et  revêtu 
d'une  couche  de  ce  métal  plus  épaisse  que  celui  qui  le  re- 
couvre ordinairement,  si  l'on  veut  des  cristaux  d'assez 
grandes  dimensions.  On  chauffe  légèrement  les  feuilles  de 
fer-blanc,  puis,  à  l'aide  d'une  éponge,  on  y  passe  une 
couche  bien  égale  d'une  liqueur  acide  contenant  8  parties 
d'eau,  2  d'acide  azotique  et  3  d'acide  chlorhydrique,  ou 
bien  8  parties  d'eau,  1  d'acide  sulfurique  et  2  d'acide  chlo- 
rhydrique ;  on  voit  immédiatement  apparaître  les  cristaux 
et  on  arrête  l'action  des  acides  en  plongeant  le  fer-blanc 
dans  l'eau.  On  peut,  du  reste,  modifier  presque  à  volonté 
l'aspect  du  moiré  et  la  grandeur  des  cristaux  en  refroidis- 
sant lentement  le  fer-blanc  ou  en  le  refroidissant  avec  rapi- 
dité, mais  inégalement  vite  en  ces  différents  points.  On 
emploie  aussi  le  fer-blanc  terne  pour  le  moiré.  On  recherche 
d'abord  quelle  est  la  face  de  sa  feuille  qui  se  prête  le  mieux 
à  la  production  du  moiré  en  frottant  avec  un  chiffon  de 
laine  et  examinant  le  côté  où  la  cristallisation  se  montre  la 
plus  belle.  On  chauffe  cette  face  jusqu'à  ce  que  l'étain  jau- 
nisse ;  on  nettoie  avec  une  eau  formée  de  2  °/0  d'acide  sul- 
furique et  4  °/0  d'eau.  On  rince  à  l'eau  pure  et  on  applique 
l'acide  à  l'éponge  ou  au  tampon.  Les  cristaux  se  présentent 
alors  en  grandes  lames  fibreuses  dont  on  modifie  l'aspect  par 
une  série  d'artifices  divers  ;  nous  en  citerons  quelques- 
uns  :  si  l'on  projette  sur  la  feuille  chauffée  de  petites  gouttes 
d'eau  froide,  on  produit  une  cristallisation  spéciale  avec  des 
centres  correspondants  aux  points  mouillés  et,  par  le  trai- 


—  245  — 


FERBLANTERIE  —  FERDINAND 


tement  indiqué,  on  a  le  moiré  étoile.  Si  l'on  saupoudre  la 
feuille  chauffée  de  sel  ammoniac  et  qu'on  la  plonge  brus- 
quement dans  l'eau  froide,  on  produira  le  moiré  granité. 
Le  moiré  s'altère  à  l'air  et  doit  nécessairement  être  recou- 
vert d'un  enduit  protecteur  ;  on  lave  la  feuille  de  fer  moiré 
dans  une  lessive  alcaline  faible  pour  enlever  les  dernières 
traces  d'acide,  puis  à  l'eau  pure  ;  on  sèche  rapidement  et 
on  recouvre  d'un  vernis  qui  doit  être  assez  mince  pour  per- 
mettre à  la  lumière  de  jouer  sur  les  faces  des  cristaux.  Le 
vernis  au  copal  remplit  bien  ce  but.  Le  système  de  décora- 
tion du  fer-blanc  par  l'impression  a  ouvert  une  voie  nou- 
velle à  la  fabrication  du  fer-blanc  par  le  fait  des  nombreux 
avantages  qu'il  procure  à  un  grand  nombre  d'industries, 
parmi  lesquelles  nous  devons  d'abord  citer  celle  des  pro- 
duits alimentaires  qui  absorbe  à  elle  seule  près  de  la  moitié 
du  fer-blanc  fabriqué  en  France.  Pour  les  procédés  d'im- 
pression du  fer-blanc,  Y.  Boîte,  t.  VIII,  p.  166.  L.  Knàb. 

FERCÉ.  Corn,  du  dép.  de  la  Loire-Inférieure,  arr.  de 
Châteaubriant,  cant.  de  Rougé  ;  902  hab. 

FERCÉ.  Corn,  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  La  Flèche, 
cant.  de  Brûlon,  sur  la  Sarthe;  422  hab.  Mine  d'anthra- 
cite. Eglise  gothique.  Château  de  Vauloyé,  de  la  Renaissance. 

FERDINAND.  Les  personnages  historiques  du  nom 
de  Ferdinand  sont  classés  dans  V ordre  suivant  : 
i°  Allemagne  et  Autriche;  %°  Espagne  (Castille  et  Léon- 
Aragon);  S0  Portugal;  4°  Italie  (Naples  et  Sicile- 
Savoie-Toscane);  5°  Divers. 

Allemagne  et  Autriche. 
FERDINAND  Ier,  empereur  d'Allemagne  (4558-1564), 
roi  de  Bohême  (1526-1564)  et  de  Hongrie  (1526  ou  1 540- 
1564),  né  à  Alcala  de  Hénarès  (Nouvelle-Castille)  le 
10  mars  1503,  mort  à  Vienne  le  25  juil.  1564.  Second 
fils  de  Philippe  le  Beau,  héritier  de  l'Autriche  et  des  Pays- 
Bas,  et  de  Jeanne  la  Folle,  reine  de  Castille  et  héritière 
de  F  Aragon,  il  était  le  frère  cadet  de  Charles-Quint.  Après 
la  mort  de  son  père  (1506),  il  fut  élevé  en  Espagne  auprès 
de  son  grand-père  Ferdinand  le  Catholique,  qui  lui  desti- 
nait son  héritage.  L'ambition  du  frère  aîné  fit  échouer  ce 
plan  très  sage,  dont  la  réalisation  eut  épargné  bien  des 
désastres  à  l'Espagne,  aux  Pays-Bas  et  à  l'Italie.  Charles- 
Quint,  en  voulant  recueillir  l'héritage  entier  des  Habs- 
bourg et  des  rois  d'Espagne,  se  créa  des  difficultés  dont  il 
ne  put  triompher  ;  le  partage  se  fit  tout  de  même,  un 
demi-siècle  plus  tard,  dans  des  conditions  plus  avanta- 
geuses en  apparence  pour  l'Espagne  qui  reçut  les  Pays- 
Bas;  elle  n'y  gagna  que  d'être  impliquée  dans  toutes  les 
guerres  de  l'Europe,  où  elle  s'épuisa.  La  branche  cadette 
de  la  maison  de  Habsbourg,  fondée  par  Ferdinand,  eut 
une  tout  autre  fortune  et  créa  la  monarchie  austro-hon- 
groise, encore  vivace  et  florissante.  Quoi  qu'il  en  soit, 
Ferdinand,  élevé  à  l'espagnole  et  pour  régner  sur  la  pénin- 
sule, en  fut  congédié  à  la  mort  de  son  grand-père  par  son 
frère  qui,  prenant  la  double  couronne  d'Aragon  et  de 
Castille,  le  renvoya  aux  Pays-Bas.  Il  y  vécut,  là  et  en 
Allemagne,  recevant  les  leçons  d'Erasme.  En  janv.  1519, 
son  autre  grand-père,  l'empereur  Maximilien,  mourut,  et 
Charles-Quint,  recueillant  le  fruit  de  la  politique  nuptiale 
des  Habsbourg,  hérita  de  leurs  possessions  allemandes,  et, 
le  28  juin,  il  fut  élu  chef  du  Saint-Empire.  Il  sentit  la 
nécessité  de  faire  une  part  à  son  frère  Ferdinand  et,  lors 
de  la  première  diète  tenue  par  lui,  par  un  acte  daté  du 
28  avr .  1 521 ,  il  lui  abandonna,  à  titre  de  possessions  hérédi- 
taires, les  possessions  autrichiennes,  l'ancien  domaine  des 
Habsbourg,  c.-à-d.  l'archiduché  d'Autriche,  la  Styrie,  la  Car- 
niole,  le  Tirol  et  le  landgraviat  delà  Haute-Alsace.  Cet  acte  est 
l'acte  de  naissance  de  la  maison  de  Habsbourg-Autriche.  Le 
duché  de  Wurttemberg  acquis  par  Charles  (6  févr.  1520) 
fut  confié  à  l'administration  de  Ferdinandet,  quatre  années 
plus  tard,  il  lui  fut  cédé  en  toute  propriété  par  la  convention 
de  Madrid  (15  févr.  1525).  Il  fit  bientôt  une  autre  acquisi- 
tion, à  la  fois  beaucoup  plus  importante  et  beaucoup  plus 
durable,  celle  des  royaumes  de  Bohême  et  de  Hongrie. 


L'extinction  de  la  descendance  légitime  d'Hunyade  avait 
assuré  au  Jagellon  Vladislav  la  possession  complète  de  la 
couronne  de  Bohême  et  de  plus  celle  de  Hongrie  (1490). 
Le  prince  polonais,  mal  affermi  sur  son  double  trône,  me- 
nacé par  les  magnats  hongrois  et  leur  chef  Zapolya, 
préoccupé  d'assurer  sa  succession  à  son  jeune  fils,  conclut 
à  Vienne  (1515),  avec  l'empereur  Maximilien,  un  traité 
qui  décida  de  l'avenir  de  leurs  monarchies.  Un  double  ma- 
riage unissait  les  enfants  du  roi  de  Hongrie  aux  petits- 
enfants  du  Habsbourg  ;  les  royaumes  de  Bohême  et  de 
Hongrie  étaient  garantis  au  fils  de  Vladislav,  et,  au  cas 
où  il  mourrait  sans  enfants,  à  Pépoux  de  sa  fille  Anne.  Or 
celui-ci  était  l'archiduc  Ferdinand  ;  l'archiduchesse  Marie 
épousait  Louis  de  Hongrie.  Ce  double  mariage  ne  fut 
accompli  qu'en  1521.  Le  parti  national  hongrois  fit  de 
vains  efforts  pour  donner  le  pouvoir  à  Zapolya.  Quelques 
années  plus  tard,  l'incapable  Louis  s'engloutissait  dans  un 
marécage  en  fuyant  le  champ  de  bataille  de  Mohacs  (1526). 
Ferdinand  revendiqua  la  succession,  au  nom  du  traité  de 
Vienne  et  de  sa  femme  Anne.  Les  Etats  de  Bohême  l'ac- 
ceptèrent sans  difficulté  (24  oct.  4526),  et  les  pays  du 
royaume  de  saint  Venceslas  furent  réunis  aux  possessions 
territoriales  de  la  maison  d'Autriche  qui  furent  ainsi  plus 
que  doublées  par  l'annexion  de  la  Bohême,  de  la  Moravie, 
de  la  Silésie  et  de  la  Lusace.  Il  fut  beaucoup  plus  difficile 
de  recueillir  la  couronne  de  saint  Etienne.  Le  parti  de  la 
cour  et  le  palatin  Bathory  proclamèrent  Ferdinand  (16  déc. 
1526),  mais  le  parti  aristocratique,  dirigé  par  Etienne 
Verbœczy,  avait  proclamé  un  roi  national,  Jean  Zapolya, 
qui  fut  couronné  par  l'évêque  de  Neutra  (nov.  1526).  On 
arma  de  part  et  d'autre  ;  la  décision  était  aux  mains  du 
sultan  Suleiman,  véritable  maître  de  la  Hongrie.  Il  se 
prononça  pour  Zapolya  (févr.  1528).  Vainement  Ferdinand 
tenta  de  le  gagner.  Ses  ambassadeurs  furent  emprisonnés 
plusieurs  mois  et  lui-même  sommé  d'évacuer  Bude  et  la 
Hongrie.  Il  offrit  un  tribut  annuel  sans  obtenir  même  une 
trêve.  Le  sultan,  après  avoir  reçu  solennellement  l'hom- 
mage de  vassalité  de  Jean  Zapolya,  chassa  de  Budapest  la 
garnison  allemande  (août  1529)  et  installa  son  protégé 
dans  la  capitale.  Il  vint  ensuite  assiéger  Vienne  (oct. 
1529).  Tout  ce  que  put  faire  Ferdinand  fut  de  sauver  sa 
propre  capitale  et  ses  Etats  héréditaires.  La  guerre  contre 
les  Turcs  fut  dès  lors  la  grande  affairede  Ferdinand  ;  il  y 
engagea  non  seulement  ses  forces,  mais  celles  de  l'Alle- 
magne entière.  Après  l'héroïque  défense  de  Vienne,  celle 
de  la  bicoque  de  Gunz  arrêta  une  nouvelle  attaque  du  sul- 
tan (1532).  La  dévastation  de  la  Styrie  et  la  retraite  des 
Turcs,  déterminée  par  l'attaque  du  Péloponèse  par  Andréa 
Doria,  furent  les  seuls  faits  marquants  de  cette  campagne. 
Les  Allemands,  unis  seulement  contre  l'infidèle,  étaient 
peu  sympathiques  à  Ferdinand,  à  cause  de  son  intransi- 
geance religieuse,  et  ne  firent  rien  pour  lui  conquérir  la 
Hongrie.  Ferdinand  obtint  enfin  la  paix  ;  ses  envoyés, 
Hieronymus  de  Zara  et  Cornélius  Schepper,  signèrent  à 
Constantinople  un  traité  qui  lui  laissait  les  villes  et  districts 
de  Hongrie  qu'il  occupait  encore  (juil.  1533).  Cinq  ans 
plus  tard,  le  traité  de  Grosswardein,  conclu  avec  Zapolya, 
ratifia  ce  partage.  Les  deux  princes  gardaient  le  titre  de 
roi  de  Hongrie  (4538). 

La  guerre  continua  tout  de  même  à  la  frontière,  guerre 
d'escarmouches  et  de  razzias.  L'échec  de  Katzianei,  dans 
la  vallée  de  la  Drave,  et  son  emprisonnement  à  Vienne,  le 
déterminèrent  à  passer  aux  Osmanlis,  mais  il  fut  assas- 
siné en  trahison  par  le  comte  Nicolas  Zriny  qui  envoya  sa 
tête  à  Vienne  (oct.  1539).  Ce  sanglant  épisode  n'est  pas  le 
seul  de  ce  genre.  La  mort  de  Jean  Zapolya,  survenue  le 
21  juil.  1540,  raviva  les  hostilités.  Ferdinand  fit  de 
grands  efforts  pour  se  faire  reconnaître  roi  des  Magyars. 
xMais  la  faction  nationale,  dirigée  par  Martinuzzi,  évêque 
de  Grosswardein,  soutenait  le  fils  au  berceau  de  Zapolya 
et  d'Isabelle  (sœur  de  Sigismond-Auguste,  roi  de  Pologne), 
et  surtout  maintenait  le  principe  de  la  royauté  élective.  Les 
deux  partis  s'adressèrent  à  Suleiman  ;  malgré  l'habileté  de 


FERDINAND 


—  246 


l'aventurier  Laszki,  intermédiaire  attitré  des  Habsbourg, 
malgré  l'offre  d'un  tribut  annuel,  la  guerre  éclata  ;  Sulei- 
man  exigeait  une  vassalité  sans  réserves.  Le  sultan  vint 
camper  à  Bude  ;  les  régents,  au  nom  du  petit  Jean-Sigis- 
mond  Zapolya,  lui  firent  hommage,  et  le  royaume  de  Hongrie 
passa  sous  la  domination  directe  des  musulmans,  au  moins, 
disait-on,  jusqu'à  la  majorité  de  l'enfant  royal.  L'année  sui- 
vante, une  armée  allemande  fut  battue  devant  Budapest. 
En  1543,  l'occupation  de  Gran  et  de  Stuhlweissenburg  et  de 
Wissegrad  compléta  la  conquête  de  la  Hongrie  par  les  Turcs, 
dont  les  sipahi  furent  établis  sur  les  terres  du  Danube, 
autour  de  Gran  et  de  Bude.  La  diète  de  Spire  accorda  des 
ressources  suffisantes  pour  la  guerre.  La  paix  de  Crespy 
avec  la  France  rendit  disponibles  les  forces  de  Charles- 
Quint.  La  médiation  de  François  Ier  fit  accorder  par  le 
sultan  une  trêve  à  Ferdinand  (oct.  1545);  en  échange  des 
quelques  forteresses  qu'il  occupait  à  la  frontière,  il  s'en- 
gagea à  payer  un  tribut  annuel.  Après  la  victoire  deMuhl- 
berg,  le  pacte  fut  consolidé  pour  une  durée  de  cinq  ans, 
en  échange  d'un  tribut  annuel  de  30,000  ducats   (juin 
1547).  On  ne  fit  plus  de  grandes  campagnes,  mais  les 
conflits  ne  cessèrent  jamais  aux  frontières.  La  reine  Isa- 
belle, établie  avec  son  fils  Jean-Sigismond  Zapolya  en 
Transylvanie,  faisait  de  sa  cour  de  Lippa  un  foyer  d'in- 
trigues. Le  principal  tuteur  était  Martinuzzi  ;  il  négocia 
avec  Ferdinand  une  convention  aux  termes  de  laquelle 
Isabelle  serait  indemnisée  par  des  principautés  silésiennes 
de  son  abdication  en  Transylvanie  où  on  ferait  couronner 
Ferdinand  à  Klausenburg  par  les  Etats  (1551).  Suleiman, 
informé  de  ces  menées,  fit  emprisonner  l'ambassadeur 
autrichien  et  ordonna  au  beglerg-beg  de  Roumélie  d'envahir 
la  Transylvanie.  Martinuzzi,  qui  avait  été  récompensé  par 
le  chapeau  de  cardinal,  organisa  la  résistance  avec  l'aide 
du  général  autrichien  Castaldo,  prit  Lippa  et  chassa  les 
Osmanlis.   Mais  il  se  brouilla  avec  Castaldo,  qui  le  fit 
assassiner  sous  ses  yeux  (18  déc.  1551).  Le  mécontente- 
ment populaire  eut  pour  résultat  la  victoire  des  Turcs  qui 
reprirent  Lippa,  enlevèrent  Temesvar  et  le  Banat  et  ne 
furent  arrêtés  que  devant  Erlau  que  débloqua  Maurice  de 
Saxe.  Ferdinand  souhaitait  ardemment  d'obtenir  la  paix 
à  cause  des  complications  religieuses  en  Allemagne  ;  il 
multipliait  les  ambassades  à  Constantinople,  distribuant 
argent  et  pensions  aux  dignitaires  afin  d'obtenir  du  sultan 
la  concession  de  la  Transylvanie  et  du  lambeau  de  la 
Hongrie  qu'il  occupait.  Les  dévastations  se  prolongèrent  ; 
même  la  trêve  signée  en  1562  ne  fut  pas  observée  sérieu- 
sement. Le  protégé  de  la  Porte,  Jean-Sigismond,  grandis- 
sait et  demeurait  hostile  à  Ferdinand.  A  la  mort  de  celui- 
ci,  presque  toute  la  Hongrie  était  au  pouvoir  des  Turcs  ; 
il  n'avait  que  le  titre  nominal  de  roi.  Néanmoins,  il  avait 
acquis  et  conservé  ce  titre  et  le  transmit  à  ses  successeurs 
qui  surent  le  faire  valoir  lorsque  déclina  la  puissance  turque 
(V.  Hongrie). 

Dans  son  royaume  de  Bohême,  Ferdinand  ne  rencontra 
pas  les  mêmes  difficultés,  et  il  en  prépara  l'incorporation 
complète  à  la  monarchie  autrichienne.  Son  action  dans  les 
affaires  tchèques  fut  liée  à  celle  sur  les  affaires  générales 
de  l'Allemagne,  de  même  que  dans  le  Wurttemberg,  qu'il 
ne  put  annexer  définitivement. 

Dans  la  politique  générale  et  spécialement  en  Allemagne, 
Ferdinand  fut  longtemps  le  dévoué  serviteur  de  son  frère 
Charles-Quint  (V.  ce  mot).  Il  avait  une  puissance  person- 
nelle qu'il  mit  à  son  service.  A  l'assemblée  de  Ratisbonne, 
il  se  déclara  contre  la  Réforme  ;  il  la  proscrivit  dans  ses 
Etats  héréditaires,  expulsant  les  prédicateurs  des  idées 
nouvelles,  obligeant  par  la  force  les  villes  qui  les  toléraient 
à  les  chasser.  Cependant  il  était  assez  disposé  à  ruiner  la 
puissance  séculière  des  princes  ecclésiastiques.  Il  restrei- 
gnait leurs  droits  dans  le  Tirol,  essayait  de  séculariser 
î'évêché  de  Passau.  Il  tenta  de  profiter  de  la  guerre  des 
paysans  pour  asseoir  sa  domination  en  Souabe,  mais  vai- 
nement :  les  nobles  vainquirent  malgré  lui.  Dans  le  Tirol, 
il  dut  faire  aux  paysans  de  larges  concessions,  adoucir  les 


droits  féodaux  et  les  impôts.  En  Hongrie,  le  parti  papiste 
était  celui  de  Zapolya,  tandis  que  la  reine  Marie  entraînait 
les  novateurs  du  côté  de  son  frère  Ferdinand.  En  Bohême, 
les  utraquistes  étaient  très  influents  et  il  fallut  les  mé- 
nager, d'autant  que  le  duc  Guillaume  de  Bavière  était  le 
champion  des  papistes  pour  le  trône.  Ferdinand  dut  sanc- 
tionner les  Compactais  avant  que  les  Etats  de  Bohême  l'élus- 
sent roi  et  avant  qu'il  fût  couronné  à  Prague  (24févr.  1527). 
Aussi,  à  la  diète  de  Spire  de  1526,  il  se  montra  très  hési- 
tant, refusant  de  se  laisser  engager  d'un  côté  ou  de  l'autre. 
Il  jugeait  plus  prudent  de  laisser  faire.  Pourtant,  à  la  diète 
de  Spire  de  1529,  quand  se  produisit  la  rupture,  Ferdi- 
nand, qui  représentait  son  frère,  fut  d'accord  avec  la  ma- 
jorité pour  enrayer  Je  mouvement  ;  c'est  lui  qui,  le  19  avr. , 
déclara  acceptées  les  propositions  de  la  majorité  et  annonça 
que  l'empereur  allait  les  transformer  en  édit  ;  il  refusa  tout 
délai  aux  évangélistes  qui  rédigèrent  alors  leur  protesta- 
tion, Il  refusa  de  la  recevoir  et  rejeta  toute  transaction. 
Quand  la  diète  d'Augsbourg  anéantit  tout  espoir  d'entente, 
Ferdinand  dut  même  rendre  les  biens  ecclésiastiques  que 
le  pape  lui  avait  abandonnés.  Mais  sa  docilité  fut  large- 
ment récompensée  par  son  frère  qui  lui  assura  sa  succes- 
sion à  l'Empire. 

Charles-Quint,  absorbé  par  la  politique  générale,  par  les 
affaires  d'Espagne,  des  Pays-Bas,  d'Italie  et  sa  lutte  contre 
François  Ier,  ne  pouvait  pas  s'occuper  assez  des  affaires 
d'Allemagne  ;  il  sentait  la  nécessité  d'une  action  forte  et 
continue  pour  éviter  le  schisme  et  se  faire  obéir.  Après  la 
diète  d'Augsbourg,  la  guerre  civile  était  à  peu  près  inévi- 
table ;  on  ne  pouvait  compter  que  sur  la  force  pour  con- 
traindre les  protestants  à  l'observance  de  l'édit  impérial. 
La  diète  était  divisée,  la  Chambre  impériale  impuissante  ; 
dans  le  parti  catholique,  le  duc  Guillaume  de  Bavière  visait 
à  l'Empire.  Charles-Quint  conçut  donc  le  dessein  de  donner 
à  son  frère  un  pouvoir  suffisant  pour  qu'il  pût  le  suppléer 
complètement,  et,  en  même  temps  d'assurer  à  sa  maison  la 
couronne  impériale,  avant  de  s'engager  dans  une  période 
de  luttes  dangereuses.  Il  était  contraire  aux  précédents  et 
aux  lois  de  procéder  ainsi  à  l'élection  du  roi  des  Romains. 
Mais,  en  négociant  avec  les  électeurs  individuellement,  l'em- 
pereur s'assura  le  consentement  des  trois  électeurs  ecclé- 
siastiques, du  comte  palatin  et  du  margrave  de  Brandebourg  ; 
son  frère  avait  la  voix  de  Bohême  ;  restait  l'électeur  de  Saxe. 
11  fut  convoqué  comme  les  autres  à  Cologne  pour  procéder 
à  l'élection.  La  réponse  fut  la  ligue  de  Smalkalde  ;  mais  ni 
cette  ligue  ni  la  protestation  de  l'électeur  de  Saxe  n'empê- 
chèrent l'élection.  Elle  eut  lieu  le  3janv.  1531  ;  le  11  janv. 
Ferdinand  fut  couronné  à  Aix-la-Chapelle.  Il  s'engageait  à 
maintenir  l'édit  d'Augsbourg.  Bien  que  son  frère  Peut 
investi  de  tous  les  droits  de  sa  suppléance,  il  n'eut  pas 
grande  autorité.  Non  seulement  les  protestants,  mais  la  Ba- 
vière refusaient  de  reconnaître  deux  souverains  du  Saint- 
Empire.  Ils  négociaient  avec  Jean  Zapolya  contre  les  Habs- 
bourg, s'entendaient  avec  François  Ier  et  même  avec 
Henri  VIII.  L'alliance  des  Suisses  catholiques  des  cantons 
forestiers  était  une  insuffisante  compensation,  bien  qu'ils 
eussent  tué  Zwingli.  La  crainte  de  la  France  empêcha  Fer- 
dinand de  profiter  de  ce  succès  pour  écraser  les  évangéliques 
et  restaurer  la  prépondérance  autrichienne  en  Suisse.  Il 
désirait  ardemment  le  triomphe  de  l'orthodoxie  catholique, 
et  c'est  pour  avoir  les  mains  libres  qu'il  eût  fait  à  la  Tur- 
quie les  plus  grandes  concessions,  se  contentant  au  besoin 
d'une  expectative  de  succession  en  Hongrie.  A  ce  moment 
il  était  plus  acharné  que  son  frère  contre  les  réformés  et 
lui  déconseillait  tout  traité.  Il  fallut  bien  s'y  résigner 
(1532). 

Deux  années  plus  tard,  Ferdinand  perdit  le  Wurttemberg. 
Le  duc  Ulrich  avait  tenté  de  reconquérir  son  duché  avec  l'ap- 
pui des  paysans  ;  ceux-ci  avaient  succombé  et  leur  vainqueur, 
Georg  Truchsess,  fut  nommé  administrateur  du  Wurttem- 
berg pour  l'Autriche.  Quand  il  futmort,la  ligeu  de  Souabe 
ne  fut  pas  renouvelée.  Aussitôt,  le  landgrave  de  Hesse,  dé- 
voué au  duc  Ulrich,  protestant  comme  lui,  réunit,  avec 


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FERDINAND 


l'aide  des  subsides  du  roi  de  France,  une  armée  de  plus 
de  20,000  hommes,  à  la  tête  de  laquelle  il  le  ramena  en 
Wurttemberg  ;  l'armée  autrichienne  fut  écrasée  à  Laufen 
(près  de  Heilbronn) .  Stuttgart  ouvrit  sa  porte  à  son  prince 
national  et  le  duché  entier  le  reconnut  ;  en  trois  semaines 
tout  fut  fini.  Ferdinand  n'avait  eu  le  temps  de  rien  faire 
que  de  porter  plainte  à  la  Chambre  impériale  et  d'envoyer 
un  messager  au  pape  pour  solliciter  quelque  argent.  Il  deve- 
nait prudent  de  traiter.  La  paix  fut  conclue  à  Kadau  sur 
l'Eger  (1534).  Grâce  à  l'entremise  du  landgrave  de  Hesse, 
Ferdinand  obtint  une  concession.  Ulrich  consentit  à  tenir 
son  duché  à  titre  de  fief  du  souverain  autrichien  lequel  en 
avait  été  investi  par  l'empereur.  C'était  une  concession  de 
pure  forme,  car  Ulrich  garda  son  rang  comme  prince  d'Em- 
pire. Il  sollicita  solennellement  son  pardon  à  Vienne  (4535). 
Enfin  Ferdinand  obtint  d'être  reconnu  roi  des  Romains  par 
les  confédérés  de  Smalkalde  ;  même  le  duc  de  Saxe  y  con- 
sentit, sous  réserve  de  la  liberté  religieuse.  Les  ducs  de 
Bavière  firent  la  même  démarche  et  par  le  traité  de  Linz 
(11  sept.  1534)  se  lièrent  étroitement  à  l'Autriche,  leur 
politique  religieuse  étant  conforme  à  la  sienne. 

Les  années  suivantes  furent  relativement  calmes.  Quand 
les  guerres  de  France  et  de  Turquie  furent  terminées,  ou  du 
moins  suspendues,  Charles-Quint  se  tourna  .contre  les  ré- 
formés allemands.  Comme  il  visait  à  la  monarchie  univer- 
selle, son  frère  devenait  plus  froid.  Il  n'en  prit  pas  moins 
une  part  active  à  la  guerre.  En  1546,  il  entra  en  Saxe, 
d'accord  avec  Maurice.  Le  pays  fut  rapidement  soumis,  ce 
qui  décida  du  succès  de  l'empereur.  Celui-ci  avait  de  son 
côté  conquis  le  Wurttemberg  qui  fut  replacé  sous  la  domi- 
nation autrichienne.  Ferdinand  assistait  à  la  bataille  de 
Muhlberg  et  invectiva  l'électeur  prisonnier.  Il  profita  de  la 
victoire  pour  écraser  toute  résistance  en  Bohême.  Les  oppo- 
sants avaient  pris  les  armes  ;  ils  n'osèrent  combattre  ;  la 
ville  de  Prague,  puis  toutes  les  autres  durent  se  rendre  à 
merci  ;  elles  furent  dépouillées  de  leurs  privilèges,  les  pro- 
priétés converties  en  fiefs,  le  droit  d'élection  du  roi  enlevé 
aux  Etats,  sans  parler  des  exécutions,  des  emprisonnements, 
des  amendes  et  des  confiscations  individuelles.  La  réaction 
religieuse  fut  très  dure  ;  des  milliers  d'utraquistes  émi- 
grèrent.  La  domination  des  Habsbourg  fut  consolidée  en 
Bohême  et  l'autonomie  de  la  nation  tchèque  frappée  à  mort. 
Au  S.  de  l'Allemagne,  Ferdinand  s'empara  aussi  de  l'impor- 
tante ville  de  Constance  qui  avait  résisté  à  V Intérim  et 
l'annexa  à  ses  possessions.  L'excès  même  de  la  victoire 
faillit  devenir  fatal  à  Ferdinand  et  à  sa  lignée. 

Charles-Quint  triomphant  conçut  le  projet  de  faire  du 
Saint-Empire  romain  germanique  une  monarchie  hérédi- 
taire et  de  l'assurer  à  ses  descendants  directs.  Il  rêvait 
d'une  monarchie  universelle  embrassant  l'Europe  centrale 
et  occidentale,  Allemagne,  Pays-Bas,  Italie,  Espagne,  gou- 
vernant le  monde  chrétien  d'accord  avec  le  pape.  Son  plan 
était  de  perpétuer  l'état  de  choses  existant  depuis  1 531  ; 
le  chef  de  la  branche  aînée  des  Habsbourg  régnant  comme 
empereur  sur  l'ensemble  delamonarchie,le  chef  de  la  branche 
cadette  conservant  avec  le  titre  de  roi  les  Etats  héréditaires 
autrichiens.  Son  fils  Philippe  serait  devenu  empereur  ;  le 
fils  de  Ferdinand,  Maximilien,mariéà  Marie  (fille  de  Charles- 
Quint),  aurait  eu  le  titre  de  roi.  Pour  préparer  cet  arrange- 
ment, Philippe  fut  appelé  en  Allemagne  et  Maximilien  chargé 
de  le  remplacer  en  Espagne.  Ce  plan  devait  être  réalisé  à 
la  diète  d'Augsbourg  en  1550.  Mais  Ferdinand  ne  s'y  prêta 
nullement,  ni  Maximilien  revenu  en  toute  hâte  d'Espagne. 
Il  y  eut  entre  les  frères  et  les  cousins  des  scènes  violentes. 
Cependant  l'empereur  finit  par  imposer  sa  volonté  ;  Ferdi- 
nand promit  son  concours  pour  le  cas  où  il  survivrait  à 
son  frère,  et  tous  deux  s'entendirent,  spécialement  pour  agir 
sur  le  concile  et  réorganiser  l'Eglise  catholique.  La  résis- 
tance des  protestants  ajourna  les  décisions.  Ferdinand  ne 
pouvait  les  accepter  de  bon  cœur.  La  mésintelligence  gran- 
dissait entre  les  deux  branches  des  Habsbourg.  Le  roi  des 
Romains  ne  voulut  pas  sacrifier  son  fils  ;  celui-ci  ne  vou- 
lait pas  renoncer  à  l'Empire  qui  lui  avait  paru  destiné.  Il 


négocia  avec  Maurice  de  Saxe  pour  résister  aux  projets  de 
son  oncle.  En  1552,  Maurice,  allié  au  roi  de  France,  chan- 
gea subitement  la  face  des  choses  et  ruina  les  plans  de 
Charles-Quint.  Dès  qu'il  fut  arrivé  sur  le  Danube,  il  s'en- 
tendit avec  Ferdinand  ;  la  campagne  commença  en  mars  ; 
le  18  avr.,  Maurice  et  Ferdinand  eurent  une  entrevue  à  Linz 
et  jetèrent  les  bases  d'une  transaction,  convoquant  pour  le 
26  mai  à  Passau  une  réunion  des  princes  allemands  afin 
de  donner  satisfaction  aux  griefs  de  la  nation.  Quand  l'élec- 
teur de  Saxe  entra  à  Innsbruck,  tous  les  biens  des  bour- 
geois et  du  roi  Ferdinand  furent  respectés,  tandis  qu'on 
pillait  ceux  de  l'empereur,  de  l'Espagnol. 

Au  congrès  de  Passau,  les  affaires  d'Allemagne  furent 
réglées  entre  Maurice  et  Ferdinand  ;  l'empereur,  d'abord 
réfractaire  aux  préliminaires  de  Linz,  n'accorda  à  son  frère 
de  pleins  pouvoirs  qu'après  la  dissolution  du  concile  et 
quand  sa  propre  impuissance  fut  démontrée.  Le  congrès 
résolut  de  régler  les  affaires  nationales  entre  nationaux  ; 
même  Ferdinand  et  son  fils  n'assistèrent  pas  aux  délibéra- 
tions. Les  décisions  prises  parurent  inacceptables  à  Charles- 
Quint  ;  son  frère  vint  à  Villach  pour  le  convaincre,  mais 
sans  y  réussir  ;  l'empereur  ne  pouvait  souscrire  à  la  des- 
truction de  l'unité  religieuse.  Il  refusa,  mais  consentit  à 
une  combinaison  qui  réservait  son  avenir.  Il  donnerait  de 
pleins  pouvoirs  à  son  frère,  et  celui-ci  et  son  neveu  lui 
remettraient  un  écrit  constatant  qu'il  protestait  en  secret. 
Ferdinand  conclut  alors  avec  les  princes  allemands  un  arran- 
gement provisoire,  stipulant  la  paix  religieuse  jusqu'au 
traité  définitif,  déliant  Maurice  et  ses  alliés  de  YInterim 
(29  juil.  1552).  Maurice  avait  promis  à  Ferdinand  de  mar- 
cher avec  lui  contre  les  Turcs.  Charles-Quint  céda  aux 
instances  de  son  frère  et  ratifia  la  convention.  Mais  la 
désunion  se  prolongea  entre  les  Habsbourg.  Ferdinand  s'al- 
liait de  plus  en  plus  étroitement  à  Maurice  de  Saxe  ;  l'em- 
pereur voulait  diviser  les  protestants.  Comprenant  qu'il 
souhaitait  la  guerre,  les  Allemands  s'écartaient  de  plus  en 
plus  de  lui  et  Ferdinand  devenait  leur  roi  national.  Quand 
Maurice  de  Saxe  fut  tué  à  Sievershausen,  le  roi  autrichien 
entra  dans  la  ligue  des  neutres  formée  par  les  princes  de 
l'Allemagne  du  Sud  pour  maintenir  la  paix. 

Lorsque  se  réunit  à  Augsbourg  (5  févr.  1555)  la  diète 
prévue  par  le  traité  de  Passau,  Ferdinand  qui  la  présidait 
était  tout  à  fait  acquis  aux  idées  de  tolérance  religieuse. 
Toutefois  les  concessions  réclamées  lui  parurent  exces- 
sives ;  il  eût  voulu  ajourner  la  solution  à  une  autre  diète 
où  fût  venu  l'empereur.  Il  ne  voulait  rien  concéder  sur  le 
«  réservât  ecclésiastique  »,  n'admettant  pas  que  les  dignités 
et  principautés  religieuses  pussent  passer  à  des  protestants. 
Il  finit  par  offrir  la  transaction  qui  fut  acceptée  ;  on  inséra 
dans  l'édit  impérial,  d'une  part,  la  clause  du  réservât  ecclé- 
siastique avec  mention  que  les  évangélistes  n'y  souscriraient 
pas,  et,  d'autre  part,  on  convint,  sans  l'insérer  dans  l'édit, 
que  les  vassaux  des  princes  ecclésiastiques  pourraient  pra- 
tiquer la  confession  d'Augsbourg  ;  le  roi  le  garantit  par 
une  déclaration  personnelle.  Après  avoir  ainsi  présidé  à  la 
transformation  de  l'Allemagne,  Ferdinand  en  devint  le  sou- 
verain officiel.  Charles-Quint  avait  renoncé  à  ses  vastes 
projets  et  les  deux  frères  étaient  complètement  réconciliés. 
Ils  échangèrent  les  lettres  les  plus  amicales.  En  sept.  1556, 
avant  de  partir  pour  sa  retraite  d'Espagne,  Charles-Quint 
envoya  Guillaume  d'Orange  aviser  les  électeurs  allemands 
de  son  abdication. 

Les  Allemands  procédèrent  lentement,  afin  de  bien  assu- 
rer la  paix  qu'on  venait  de  conclure,  et  c'est  seulement  le 
1er  mars  1558  que  les  électeurs  réunis  à  Francfort  procla- 
mèrent Ferdinand  Ier  chef  du  Saint-Empire.  Ils  lui  avaient 
imposé  une  capitulation  soigneusement  rédigée  par  laquelle 
il  s'engageait  à  observer  la  paix  religieuse,  à  maintenir 
l'ordre  conformément  à  la  nouvelle  organisation,  à  gouver- 
ner d'accord  avec  les  États.  Les  électeurs  s'engageaient  de 
leur  côté  à  garantir  la  paix  et  à  ne  pas  souffrir  que  l'Em- 
pire sortît  de  la  nation  allemande.  L'empereur  et  la  nation 
i   allemande  prenaient  position  contre  le  pape  qui  rejetait  la 


FERDINAND 


-  248 


paix  d'Augsbourg  et  n'admettait  pas  qu'on  transmît  la  cou- 
ronne impériale  sans  son  aveu.  C'était  presque  une  nouvelle 
constitution  qu'on  établissait.  L'avantage  de  ces  décisions 
est  établi  par  ce  fait  qu'elles  assurèrent  à  l'Allemagne  un 
demi-siècle  de  tranquillité. 

Les  dernières  années  de  Ferdinand  furent  occupées  par 
les  questions  religieuses.  Il  restait  fermement  catholique, 
favorisait  les  jésuites,  les  autorisant  à  prêcher  et  enseigner 
dans  tous  ses  Etats  héréditaires  (1558),  à  fonder  des  col- 
lèges à  Prague,  Olmutz,  Brunn,  Tirnau,  Innsbruck  et  Hall. 
Mais,  en  même  temps,  il  souhaitait  des  réformes  dans 
l'Eglise  et  était  nettement  opposé  au  pape  Paul  IV,  l'ennemi 
des  Habsbourg.  Le  pape,  voyant  trois  électeurs  passés  à  la 
Réformation,  craignait  qu'une  nouvelle  conversion  ne  lui 
donnât  la  majorité  dans  le  collège  électoral  et  ne  déterminât 
l'élection  d'un  empereur  protestant.  Maximilien,  le  fils  de 
l'empereur,  était  sympathique  aux  idées  luthériennes,  cor- 
respondait avec  Melanchthon,  n'allait  pas  à  la  messe,  avait 
un  chapelain  marié.  Paul  IV  comparait  Ferdinand  Ier  à 
Elie,  qui  n'avait  pas  su  maintenir  ses  fils  dans  le  droit 
chemin.  La  cour  de  Vienne  devenait  hostile  au  pape  et  sui- 
vait une  politique  nationale,  cherchant  à  régler  les  affaires 
d'Allemagne  sur  la  base  de  la  transaction  conclue  à  Augs- 
bourg.  L'empereur  inclinait  vers  un  compromis  qui  aurait 
concédé  la  communion  sous  les  deux  espèces  et  des  réformes 
ecclésiastiques.  Il  prit  une  grande  part  à  la  troisième  réu- 
nion du  concile  de  Trente.  Il  eût  voulu  y  amener  les  pro- 
testants et  pour  cela  le  convoquer  à  Ratisbonne,  à  Cologne 
ou  à  Constance.  Quand  on  le  rappela  à  Trente,  il  désirait 
qu'on  l'envisageât  comme  un  nouveau  concile  ;  il  s'était  mis 
d'accord  avec  Catherine  de  Médicis,  mais  fut  abandonné  par 
elle.  Au  concile,  ses  délégués,  l'archevêque  de  Prague  et 
l'évêque  de  Funfkirchen,  réclamèrent  de  profondes  réformes 
dans  la  papauté  :  le  conclave,  le  collège  des  cardinaux, 
l'organisation  monastique,  le  mariage  des  prêtres,  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces,  le  chant  d'église  en  langue 
vulgaire,  l'amélioration  des  écoles,  etc.  Installé  à  Inns- 
bruck, l'empereur  suivait  les  débats.  On  sait  comment 
l'habile  Pie  IV  et  les  Italiens  profitèrent  des  rivalités  natio- 
nales pour  faire  avorter  toutes  les  réformes  (V.  Trente 
[Concile  de]).  Le  cardinal  Morone  persuada  à  Ferdinand  de 
s'en  remettre  au  pape.  Cependant  l'empereur  refusa  d'ac- 
cepter les  décisions  du  concile,  à  cause  du  refus  de  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces,  à  laquelle  il  tenait  particu- 
lièrement en  sa  qualité  de  roi  de  Bohême. 

De  plus  en  plus  Ferdinand  Ier  inclinait  à  la  tolérance, 
de  même  que  son  principal  conseiller  Seld,  le  vice-chance- 
lier de  l'Empire.  Il  laissait  ses  sujets  abolir  ou  modifier 
une  série  de  lois  religieuses  catholiques,  prendre  des  pas- 
teurs mariés  ;  les  partisans  de  la  confession  d'Augsbourg 
se  multipliaient  en  Autriche  parmi  les  nobles  comme  parmi 
les  paysans.  La  liberté  de  conscience  était  presque  com- 
plète. De  même  en  Hongrie  où  presque  toute  l'aristocratie 
avait  abandonné  le  catholicisme,  les  Allemands  devenant 
luthériens,  les  Magyars  calvinistes.  En  Transylvanie,  on  pro- 
clamait la  liberté  religieuse. 

Telle  était  la  situation  quand  mourut  Ferdinand  Ier,  très 
regretté  de  ses  sujets.  C'était  un  prince  également  pieux  et 
droit,  de  relations  agréables,  aimant  son  peuple  et  souhai- 
tant de  lui  conserver  la  paix.  D'un  caractère  vif  et  prompt, 
il  était  bon  et  ouvert,  sans  morgue,  généreux,  aimant  la 
société,  les  divertissements,  le  luxe,  de  mœurs  inatta- 
quables. Né  et  élevé  en  Espagne,  il  se  plia  peu  à  peu  aux 
mœurs  allemandes  ;  d'abord  serviteur  dévoué  de  son  frère, 
auquel  il  rendit  de  grands  services,  il  prit  un  rôle  person- 
nel à  cause  de  la  modération  de  son  caractère,  de  son  sen- 
timent des  besoins  du  peuple  allemand  ;  il  se  sépara  com- 
plètement de  Charles-Quint  lorsque  celui-ci  voulut  le  sacrifier 
lui  et  sa  famille  à  sa  chimère  de  monarchie  universelle.  Il 
rétablit  la  paix  en  Allemagne  et  lui  assura  un  demi-siècle 
de  calme  relatif.  Il  fut  le  fondateur  de  la  monarchie  terri- 
toriale qui  est  devenue  l'empire  d'Autriche.  Sans  doute, 
il  ne  put  occuper  la  Hongrie  ni  conserver  le  Wurttem- 


berg,  mais  il  réunit  définitivement  les  pays  de  la  couronne 
de  Bohême  à  ses  Etats  héréditaires  et  conserva  assez  de  prise 
sur  la  Hongrie  pour  réserver  l'avenir.  Sans  être  un  homme 
de  premier  ordre,  il  eut  donc  un  rôle  historique  considé- 
rable. A.-M.  B. 

Bibl.  :  V.  Allemagne  et  Autriche.  —  Bugholtz,  Ge- 
schichte  der  Regierung  Ferdinand  I  ;  Vienne,  1831-1838, 
9  vol.  —  Oberleitner,  Œsterreichs  Finanzen  und  Heer- 
wesen  unter  Ferdinand  I  ;  Vienne,  1859. 

FERDINAND  II,  empereur  d'Allemagne  (1649-1637), 
roi  de  Bohême  (1647)  et  de  Hongrie  (1648),  né  le  9  juil. 
4578,  mort  le  15  févr.  1637.  Fils  aîné  de  l'archïduc 
Charles  de  Styrie  et  de  Marie  de  Bavière  (fille  du  duc 
Albert  III),  petit-fils  de  l'empereur  Ferdinand  Ier,  il  fut 
élevé  dans  les  principes  catholiques  les  plus  rigoureux  ; 
envoyé  à  l'école  supérieure  d'Ingolstadt,  chez  les  jésuites, 
il  y  fut  le  condisciple  de  Maximilien  de  Bavière  ;  ils  de- 
vaient suivre  de  concert  une  politique  qui  causa  en  Alle- 
magne des  luttes  acharnées.  Dès  1596,  il  prit  le  gouver- 
nement des  archiduchés,  Styrie,  Carinthie  et  Carniole.  Il 
s'adonna  sur-le-champ  à  la  réaction  religieuse,  annula 
l'acte  de  tolérance  octroyé  par  son  père,  en  déclarant  qu'il 
n'était  valable  que  durant  la  vie  de  celui-ci,  expulsa  les 
pasteurs  protestants  et  en  peu  d'années  ramena  à  la  foi 
catholique  tous  ses  sujets.  Il  gagna  l'admiration  du  saint- 
siège  et  devint  l'espoir  du  parti  catholique.  En  avr.  1605, 
il  forma  avec  ses  cousins  Mathias,  Maximilien  et  Maximi- 
lien-Ernest  la  ligue  des  archiducs  contre  l'empereur 
Rodolphe  II.  L'objet  était  de  sauvegarder  les  intérêts  de  la 
maison  de  Habsbourg,  très  compromis,  particulièrement 
en  Hongrie  (V.  les  biographies  des  empereurs  Rodolphe  II 
et  Mathias).  Il  entra  dans  la  ligue  catholique  formée  par 
le  duc  de  Bavière  pour  la  défense  des  intérêts  catho- 
liques ;  on  avait  voulu  le  tenir  à  l'écart  pour  que  la  ligue 
ne  devînt  pas  un  instrument  des  Habsbourg,  mais  on  l'ac- 
cepta pour  s'assurer  l'aide  du  roi  d'Espagne.  La  querelle 
de  Rodolphe  et  de  Mathias  s'aggravant,  les  principaux 
princes  allemands  se  réunirent  à  Prague  pour  aviser  à 
réconcilier  les  frères  ennemis  et  régler  l'affaire  de  la  suc- 
cession de  Clèves  et  de  Juliers;  Ferdinand  de  Styrie  y  vint 
à  côté  des  électeurs  de  Saxe,  de  Mayence,  de  Cologne,  du 
landgrave  de  Hesse  et  du  duc  de  Brunswick.  Dès  que 
Mathias  fut  arrivé  à  l'Empire,  la  question  de  sa  succession 
se  posa.  Philippe  III  d'Espagne  la  revendiquait  (pour  lui, 
puis  pour  son  second  fils,  Carlos),  au  nom  de  sa  mère 
Anne,  fille  de  Maximilien  II  ;  ses  droits  primaient  tous 
ceux  de  la  bande  styrienne  issue  de  l'archiduc  Charles, 
frère  cadet  de  Maximilien  II.  Mais  les  Habsbourg  d'Alle- 
magne répugnaient  à  cette  combinaison  et  estimaient 
Ferdinand  de  Styrie  seul  capable  de  relever  leur  maison. 
Le  ^  roi  d'Espagne  se  borna  alors  à  demander  une  indem- 
nité territoriale,  le  Tiroî  et  l'Alsace,  pour  relier  ses  pos- 
sessions d'Italie  et  des  Pays-Bas.  Il  négocia  longtemps,  mais 
sans  succès,  malgré  la  nécessité  des  subsides  espagnols 
pour  Mathias.  L'archiduc  Maximilien  (frère  de  Mathias, 
mais  sans  héritier  lui-même)  appuyait  chaudement  son  cou- 
sin de  Styrie  ;  le  cardinal-évèque  de  Vienne,  Klesel,  tout- 
puissant  sur  l'empereur,  traînait  les  choses  en  longueur  ; 
les  électeurs  ecclésiastiques  étaient  dévoués  à  Ferdinand  ; 
de  même  l'électeur  de  Saxe,  client  fidèle  des  Habsbourg. 
L'archiduc  Maximilien  écrivit  qu'on  pourrait  se  contenter 
de  faire  l'élection  par  quatre  voix,  et  qu'en  tout  cas  il 
fallait  se  préparer  à  la  guerre  (févr.  1616).  Cette  lettre 
fut  publiée  ;  d'où  grand  remue-ménage.  Ferdinand  s'en- 
tendit avec  un  nouvel  ambassadeur  espagnol,  le  comte 
Onate,  et  signa  un  traité  secret,  promettant  au  roi  d'Es- 
pagne tout  fief  impérial  qui  deviendrait  vacant  en  Italie, 
de  plus,  l'Alsace  et  enfin  la  primauté  des  descendants  mâles 
de  Philippe  III  sur  la  descendance  féminine  de  Ferdinand 
pour  l'héritage  des  Habsbourg  d'Autriche. 

Il  s'assura  d'abord  la  couronne  de  Bohême  (5  juin  1617). 
Les  Tchèques  étaient  hostiles  au  champion  de  l'orthodoxie 
catholique, -mais  les  députés  des  villes  étaient  désignés 
par  les  municipalités  à  la  nomination  du  roi  ;  ceux  de  la 


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FERDINAND 


noblesse  et  les  hauts  fonctionnaires  étaient  en  majorité 
catholiques.  Ferdinand  fut  donc  accepté  sans  opposition, 
accepté  et  non  pas  élu,  car  on  ne  laissa  pas  restaurer 
l'ancien  droit  d'élection.  Il  monta  sur  le  trône  par  droit 
héréditaire.  Sur-le-champ,  il  manifesta  ses  sentiments,  ne 
confirma  qu'à  grand'peine  les  privilèges  des  Etats,  desti- 
tua ou  reçut  mal  les  dignitaires  opposants,  surtout  leur 
chef,  le  comte  de  Thurn.  —  L'année  suivante,  il  fut  pro- 
clamé roi  de  Hongrie  (16  mai  1648)  sans  qu'on  spécifiât 
si  c'était  en  vertu  de  l'élection  ou  de  l'hérédité.  Ce  der- 
nier titre  ne  lui  donnait  pas  grand  pouvoir.  Bethlen  Gabor 
était  maître  de  la  Transylvanie,  les  magnats  à  peu  près 
indépendants  dans  les  districts  que  n'occupaient  pas  les 
Turcs.  —  Quant  à  la  couronne  impériale,  Ferdinand  ne 
l'obtint  pas  si  aisément.  Le  cardinal  Klesel  retardait  toute 
décision.  Elle  fut  ajournée  par  l'insurrection  de  la  Bohême. 

Cette  insurrection  fut  provoquée  par  la  réaction  catho- 
lique ;  elle  était  hâtive  et  violente,  inconstitutionnelle, 
car  le  nouveau  roi  ne  tenait  nul  compte  des  «  lettres  de 
majesté  »  expulsant  des  domaines  royaux  les  habitants 
hérétiques,  confiant  toutes  les  charges  municipales  à  de 
fervents  catholiques,  anéantissant  les  libertés  de  Prague, 
se  préparant  à  enlever  aux  protestants  leurs  églises,  au 
mépris  du  pacte  conclu  en  1609.  La  destruction  du  temple 
de  Klostergrab  combla  la  mesure  (déc.  1617).  Les  défen- 
seurs convoquèrent  à  Prague  les  dignitaires  et  députés  des 
cercles  protestants.  Une  pétition  fut  adressée  aux  dix 
administrateurs,  puis  à  l'empereur  Mathias.  La  brutale 
réponse  de  celui-ci  exaspéra  les  chefs  du  mouvement  qui 
résolurent  de  se  débarrasser  des  Habsbourg.  Un  nouveau 
congrès  protestant,  dirigé  par  le  comte  de  Thurn,  aboutit 
à  la  défenestration  de  Prague  (23  mai  1618);  les  deux 
administrateurs  les  plus  intransigeants,  Martinitz  et 
Slavata,  furent  précipités  dans  les  fossés  du  château,  sans 
se  faire  aucun  mal  d'ailleurs.  Un  gouvernement  fut  orga- 
nisé par  Thurn  qui  s'avança  vers  la  frontière  autrichienne. 
Mathias  voulait  traiter.  Mais  Ferdinand  fit  enlever  son  mi- 
nistre Klesel,  qu'on  enferma  dans  un  château  de  Tirol 
(juil.  1618).  Le  faible  empereur  fut  alors  un  jouet  aux 
mains  de  son  successeur.  On  se  prépara  activement  à  la 
guerre;  sans  se  douter  qu'elle  durerait  trente  ans  et 
s'étendrait  à  l'Europe  entière,  on  en  pressentait  la  gravité. 
Louis  XIII  avait  l'imprudence  d'appuyer  la  maison  d'Au- 
triche à  cause  du  principe  de  légitimité.  De  même  le  roi  de 
Pologne,  beau-frère  de  Ferdinand,  celui  d'Espagne,  le 
pape  promettaient  des  troupes  ou  des  subsides.  En  Alle- 
magne on  se  tenait  sur  la  réserve  du  côté  de  l'union  évan- 
gélique  comme  de  la  ligue  catholique.  Des  Etats  héré- 
ditaires d'Autriche,  les  archiduchés  étaient  dévoués  à  leur 
maître,  sauf  celui  d'Autriche  où  les  Etats  étaient  très 
mécontents.  La  Hongrie  était  neutre,  mais  mal  disposée 
pour  les  Tchèques.  Ce  qu'il  y  eut  de  plus  grave  pour 
ceux-ci,  ce  fut  la  défection  de  la  Moravie,  où  le  loyalisme 
du  protestant  Charles  de  Zierotin  servit  efficacement  la 
cause  des  Habsbourg.  La  Silésie  marchait  d'accord  avec  la 
Bohême. 

Les  hostilités  commencèrent  en  août  1618.  Dirigés  par 
Mansfeld  et  Thurn,  les  Bohèmes  eurent  le  dessus  d'abord  ; 
l'armée  autrichienne  fut  tenue  en  échec,  puis  bloquée  à 
Budweiss  ;  Pilsen  pris  d'assaut  ;  l'Autriche  envahie  ;  mais 
l'attitude  des  Moraves  et  les  hésitations  de  la  Basse-Au- 
triche ne  permirent  pas  de  remporter  un  succès  décisif.  On 
négociait  quand  la  mort  de  Mathias  laissa  le  champ  libre  à 
Ferdinand.  Au  dehors,  les  protestants  de  Bohême  ne  pou- 
vaient compter  que  sur  l'alliance  de  la  Savoie  et  de  l'électeur 
palatin  à  qui  ils  offraient  la  couronne.  Néanmoins  la  situation 
de  Ferdinand  était  critique  ;  même  les  Etats  d'Autriche  vou- 
laient lui  refuser  obéissance  et  rappeler  des  Pays-Bas  son 
cousin  Albert,  frère  de  Mathias.  Le  comte  de  Thurn  conquit 
la  Moravie,  entraîna  l'adhésion  de  la  diète  de  Brunn  et  parut 
le  5  juin  1619  devant  Vienne.  Dans  la  ville,  les  députés 
protestants  voulaient  forcer  Ferdinand  à  céder  et  à  recon- 
naître leur  confédération  avec  la  Bohême.  Il  leur  opposa 


un  inaltérable  sang-froid  et  une  résistance  invincible,  don- 
nant une  preuve  éclatante  de  sa  fermeté  et  de  son  cou- 
rage. Cependant  en  Bohème  les  catholiques  prenaient 
l'avantage.  Bucquoy  défit  Mansfeld  à  Nettolitz  et  menaça 
Prague.  Thurn  battit  en  retraite. 

Ferdinand  put  alors  s'absenter  pour  se  faire  élire  em- 
pereur. Qu'en  ce  moment  de  conflit  imminent  les  électeurs 
protestants  l'aient  élu,  cela  paraît  invraisemblable  ;  il  eût 
été  essentiel  d'éviter  que  l'Empire  fût  engagé  dans  la  guerre 
commencée  en  Bohême.  On  offrit  la  couronne  impériale  au 
duc  de  Bavière  ;  mais  il  était  trop  dévoué  aux  intérêts  ca- 
tholiques pour  s'opposer  aux  Habsbourg  ;  il  refusa.  Les 
électeurs  ecclésiastiques  étaient  acquis  à  Ferdinand  ;  celui 
de  Saxe  se  rangea  de  son  côté  ;  on  lui  reconnut  la  voix  de 
la  Bohême  ;  le  comte  palatin  et  le  margrave  de  Brandebourg 
s'inclinèrent  devant  la  majorité  (28  août  1619).  La  désu- 
nion et  l'incapacité  des  adversaires  de  Ferdinand  II  as- 
suraient son  triomphe.  Deux  jours  avant  son  élection  à 
l'Empire,  il  avait  été  déposé  en  Bohême  où  l'on  avait  élu 
l'électeur  comte  palatin  Frédéric  V  (26  août).  Il  accepta. 
Dans  ces  conditions,  il  était  insensé  d'avoir  laissé  élever 
Ferdinand  à  l'Empire  ;  c'était  lui  assurer  un  prestige  et 
une  autorité  considérables,  s'exposer  au  reproche  de  félo- 
nie en  tentant  de  lui  enlever  un  de  ses  Etats  héréditaires. 
Les  circonstances  étaient  pourtant  critiques  pour  la  maison 
d'Autriche.  Bethlen  Gabor  avait  enlevé  Kaschau,  Presbourg 
et  fait  sa  jonction  sous  les  murs  de  Vienne  avec  le  comte 
de  Thurn  (24  oct.  1619).  L'année  suivante,  il  allait  se 
faire  couronner  roi  de  Hongrie,  grâce  à  l'appui  des  pro- 
testants (25  août  1620).  Mais  une  diversion  polonaise  et 
le  retour  de  l'empereur  sauvèrent  sa  capitale.  Bethlen  Gabor 
signa  une  trêve.  En  Bohême,  Frédéric  multipliait  les  fautes; 
par  fanatisme  calviniste,  il  supprimait  les  images,  les  cru- 
cifix, les  reliques  et  s'aliénait  le  peuple  ;  sa  prédilection 
pour  la  noblesse  palatine  mécontentait  les  Tchèques  et  les 
Allemands  de  Bohème.  L'Union  évangélique  ne  bougeait 
pas.  Au  contraire,  l'empereur  s'assurait  l'appui  de  la 
Ligue  catholique  en  engageant  la  Haute-Autriche  au  duc 
de  Bavière  et  lui  promettant  le  Palatinat  et  la  dignité  élec- 
torale; La  France  fit  conclure  à  Ulm  (3  juil.  1620)  une 
convention  par  laquelle  l'Union  et  la  Ligue  s'engageaient 
à  garder  la  paix,  sauf  en  Bohême.  L'armée  bavaroise  avait 
donc  le  champ  libre.  Tilly  la  conduisit  en  Bohême  par  le 
Sud,  tandis  que  l'électeur  de  Saxe  y  entrait  par  le  Nord, 
et  qu'une  armée  espagnole  envahissait  le  Palatinat  rhénan. 
Sous  les  murs  de  Prague,  à  la  Montagne-Blanche,  l'armée 
bavaroise,  plus  forte  de  moitié,  mit  en  déroute  celle  du 
palatin  (8  nov.  1620).  Les  gens  de  Prague  refusèrent  de 
continuer  la  lutte.  Frédéric  s'enfuit  à  Breslau,  mais,  dès 
janv.  1621,  la  Silésie  et  la  Lusace  se  soumirent  au  vain- 
queur. Mansfeld  se  maintint  en  Bohême  quelques  mois  en- 
core; trahi  par  ses  lieutenants,  il  se  retira.  En  mai  1621, 
la  résistamee  était  finie. 

La  réaction  catholique  fut  atroce;  le  malheureux  royaume 
auquel  on  proposa  comme  administrateur  le  prince  Charles 
de  Liechtenstein  fut  livré  aux  soldats.  Pillages,  confisca- 
tions, contributions  de  guerre,  brigandages  se  succédèrent. 
Les  chefs  du  parti  protestant,  qui  s'étaient  soumis  sur  la 
promesse  de  grâce,  virent  ce  que  valait  la  parole  impé- 
riale. Ils  furent  emprisonnés  en  masse,  condamnés  pour 
haute  trahison,  mis  à  mort,  bannis  ou  enfermés  pour  la 
vie  entière.  Ferdinand  penchait  pour  la  clémence,  mais  ses 
conseillers  jésuites,  son  confesseur  Lamormain,  les  catho- 
liques de  Bohême  le  décidèrent  à  se  montrer  impitoyable. 
Après  ces  répressions  violentes,  la  persécution  fut  organisée 
à  demeure.  Les  jésuites  furent  appelés  ;  on  leur  livra  l'uni- 
versité de  Prague.  Les  protestants  et  les  utraquistes  virent 
leurs  temples  fermés  ou  livrés  aux  catholiques ,  leurs 
pasteurs  et  leurs  instituteurs  suppliciés,  assassinés  ;  leurs 
livres  sacrés  brûlés  ;  des  commissaires  assistés  de  bandes 
armées  parcouraient  les  campagnes,  sévissant  contre  les 
hérétiques  ;  par  des  dragonnades,  on  les  contraignait  d'al- 
ler à  la  messe  et  à  confession.  D'année  en  année  la  corn- 


FERDINAND 


—  250 


pression  augmentait  jusqu'à  ce  qu'enfin  un  édit  décida 
l'expulsion  de  tous  les  hérétiques  (31  juii.  1627).  Beau- 
coup plièrent,  et  pourtant  36,000  familles  furent  chassées 
de  leurs  foyers.  Parmi  les  exilés  se  trouvaient  Amos  Corne- 
nius,  le  fameux  pédagogue,  et  Charles  de  Zierotin,  mal  récom- 
pensé de  son  loyalisme.  En  Moravie  et  en  Silésie,  comme 
en  Bohême,  la  foi  catholique  fut  ainsi  restaurée. 

L'empereur  n'eut  pas  plus  de  respect  pour  la  constitu- 
tion allemande  et  les  traités  qu'il  n'en  avait  eu  pour  les 
droits  de  ses  sujets  directs.  Vainement  l'Union  èvangélique 
protesta  contre  l'entrée  en  Allemagne  des  Espagnols  de  Spi- 
nola.  Aussitôt  après  sa  victoire  en  Bohême,  Ferdinand  II 
manifesta  son  projet  d'écraser  le  protestantisme.  Au  mé- 
pris de  toutes  les  formes,  sans  procès,  il  mit  au  ban  de 
l'Empire  l'électeur  palatin  et  ses  partisans  Christian  d'Anhalt , 
le  comte  de  Hohenlohe,  le  marquis  de  Jsegerndorf  (29  janv. 
1621).  Il  chargea  de  l'exécution  Maximilien  de  Bavière, 
afin  de  l'indemniser  de  ses  dépenses  pour  la  campagne  de 
Bohême  et  de  se  faire  rendre  la  Haute-Autriche  donnée  en 
gage,  en  lui  donnant  à  la  place  le  Palatinat.  L'Union  èvan- 
gélique, discréditée,  prononça  sa  propre  dissolution  (24  avr. 
1621).  Bethlen  Gabor  traita  et  renonça  à  la  couronne  de 
Hongrie  (paix  de  Nicolsburg,  oct.  1621).  M ansfeld  n'avait 
pu  défendre  le  Haut-Palatinat  où  l'on  fit  prêter  serment  au 
duc  de  Bavière  et  où  la  réaction  catholique  mit  sur-le-champ 
ses  procédés  à  l'œuvre.  Les  condottieri  Mansfeld  et  Chris- 
tian de  Brunswick  continuaient  la  guerre.  Mais,  en  1622, 
le  Palatinat  entier  était  conquis  et  livré  à  la  réaction  catho- 
lique. Il  devenait  évident  que  tout  progrès  des  armes  im- 
périales avait  pour  résultat  une  oppression  des  protestants. 
Le  triomphe  des  catholiques  fut  enfin  marqué  par  un  véri- 
table coup  d'Etat.  Au  congrès  des  princes,  réuni  à  Ratis- 
bonne,  l'empereur  transmit  à  la  Bavière  la  voix  électorale 
du  Palatinat,  la  faisant  passer  de  la  branche  aînée  à  la 
branche  cadette  des  Wittelsbach.  Les  délégués  de  la  Saxe 
et  du  Brandebourg  protestèrent  au  nom  du  droit  des  agnats  ; 
il  eût,  en  tout  cas,  fallu  une  diète  pour  valider  une  telle 
décision.  Cette  illégalité  rompait  au  profit  des  catholiques 
J'équilibre  dans  le  collège  électoral.  Elle  rendait  la  paix 
impossible. 

L'empereur  ne  la  désirait  pas  ;  maître  de  l'Allemagne  du 
Sud,  il  souhaitait  de  subjuguer  l'Allemagne  du  Nord  pour 
en  extirper  l'hérésie.  Pour  impossible  qu'elle  fût,  la  tâche 
ne  semblait  pas  surpasser  ses  forces.  Hors  quelques  bandes 
de  capitaines  d'aventures,  déjà  vaincus,  il  n'y  avait  pas  de 
force  armée  capable  de  lutter  contre  les  forces  impériales 
et  catholiques.  La  terreur  régnait  partout.  Le  cercle  de 
Basse-Saxe  expulsa  Christian  de  Brunswick,  dont  Tilly 
anéantit  l'armée  à  Stadtlohn  en  Westphalie  (août  1623). 
L'armée  catholique  occupa  les  cercles  de  Basse-Saxe  et  de 
Westphalie  qui  ne  tentèrent  nulle  résistance.  Tilly  appli- 
quait à  la  lettre  le  réservât  ecclésiastique  de  1555,  et,  repre- 
nant les  biens  sécularisés  depuis  lors,  bouleversait  l'Alle- 
magne du  Nord.  Toute  l'Europe  protestante  se  sentait 
menacée. 

Une  coalition  se  forma  entre  l'Angleterre,  la  Hollande 
et  le  Danemark  (traité  de  La  Haye,  déc.  1625)  contre  la 
prépondérance  impériale  dans  l'Allemagne  du  Nord.  Le  fils 
de  Christian  de  Danemark  était  coadjuteur  des  évêchés  de 
Brème,  Verden  et  Halberstadt  ;  le  roi  avait  donc  un  intérêt 
direct  en  jeu.  Lorsqu'il  se  vit  menacé  par  le  Danemark  au 
Nord,^ comme  il  l'était  constamment  à  FE.  par  Bethlen  Ga- 
bor, l'empereur  sentit  le  besoin  d'avoir  une  armée  à  lui. 
Jusqu'alors  il  avait  surtout  employé  celles  de  la  Ligue  ca- 
tholique ou  de  l'Espagne.  Wallenstein  (V.  ce  nom)  lui  en 
fournit  une.  En  quatre  semaines,  il  leva  20,000  hommes 
(juil.  1625),  avec  lesquels  il  occupa  les  évêchés  delagde- 
bourg  et  Halberstadt  ;  il  défit  Mansfeld  à  Dessau  (avr.  1 626)  ; 
le  roi  Christian  se  fit  battre  à  Lutter  par  Tilly.  Les  affaires 
marchaient  moins  bien  dans  les  Etats  héréditaires.  En 
Haute-Autriche,  les  paysans,  martyrisés  par  les  occupants 
bavarois,  s'étaient  soulevés  (mai  1625);  conduits  par  Etienne 
Fadinger,  ils  assiégèrent  Linz  et  tinrent  la  campagne  plus 


d'une  année  ;  il  fallut  de  grands  déploiements  de  forces  pour 
les  vaincre,  tant  l'oppression  politique  et  religieuse  exas- 
pérait ces  populations.  Bethlen  Gabor,  subventionné  par 
les  puissances  occidentales  (traité  de  La  Haye,  avr.  1626), 
combinait  ses  mouvements  avec  ceux  de  Mansfeld  et  de  Jean- 
Ernest  de  Weimar,  campés  en  Silésie.  Le  prince  transyl- 
vain et  Mansfeld  se  rencontrèrent  sur  le  Gran  avec  Wal- 
lenstein ';  mais  les  deux  armées  étaient  décimées  par  la 
maladie  ;  d'aucun  côté,  on  n'osa  engager  la  bataille.  Mans- 
feld alla  mourir  en  Bosnie.  Bethlen  Gabor  traita  une  fois 
de  plus.  La  mésintelligence  s'introduisait  entre  l'empereur 
et  les  catholiques  allemands  ;  ceux-ci  souffraient  de  la  guerre 
et  l'armée  impériale  ne  les  ménageait  pas  plus  que  les  pro- 
testants. Wallenstein  tranchait  en  maître,  donnant  à  Georges 
de  Luxembourg  l'héritage  de  Christian  de  Brunswick  de  sa 
propre  autorité.  Les  princes  de  la  Ligue  réclamaient  et  se 
plaignaient  à  Ferdinand  IL  Mais  celui-ci,  d'accord  avec  son 
ministre  Eggenberg,  tenait  bon  pour  son  redoutable  géné- 
ral. On  sentait  déjà  que  ce  n'était  pas  seulement  les  pro- 
testants qui  étaient  en  danger,  mais  l'autonomie  de  tous  les 
princes  allemands.  En  1627,  Wallenstein   soumit  la  Silé- 
sie, occupa  le  Brandebourg  que  sa  neutralité  ne  préservait 
d'aucun  pillage  ;  puis  il  envahit  le  Mecklembourg,  se  posant 
en  libérateur.  Vaincus  à  Aalborg,  les  Danois  perdirent  tout 
le  Jutland,  ne  trouvant  de  refuge  que  dans  les  îles.  La 
Poméranie  fut  également  occupée.  Les  impériaux  étaient 
maîtres  de  l'Allemagne  du  Nord  à  la  fin  de  l'année  1 627 . 
Dominant  sur  les  rivages  allemands  de  la  Baltique,  l'em- 
pereur voulut  mettre  à  exécution  un  vieux  rêve  des  Habs- 
bourg, celui  de  créer  une  grande  puissance  maritime.  Wal- 
lenstein, décoré  du  titre  de  général  des  mers  Baltique  et 
Océanique,  fut  chargé  d'équiper  une  flotte.  Depuis  long- 
temps, les  souverains  espagnols  souhaitaient  d'enlever  aux 
Hollandais  le  commerce  de  la  mer  du  Nord,  qui  était  si  im- 
portant pour  eux  (V.  Commerce).  Les  Habsbourg  voulaient 
se  servir  pour  cela  de  la  Hanse,  lui  rendre  son  ancienne 
puissance  en  la  mettant  à  leur  service.  Le  commerce  alle- 
mand eût  été  relevé,  sa  marine  bénéficiant  des  riches  dé- 
bouchés de  la  monarchie  espagnole.  A  la  grande  assemblée 
de  la  Hanse,  tenue  à  Lubeck  (févr.-marsc1628),  on  fit  le 
projet  d'un  traité  entre  l'Espagne  et  les  villes  allemandes 
n'autorisant  que  le  commerce  direct  ;  c'est  le  système  de 
l'acte  de  navigation  qui  réussit  si  bien  aux  Anglais.  Mais 
la  Hanse  était  trop  déchue,  profondément  divisée  ;  les  im- 
périaux assiégeaient  trois  de  ses  villes  (Stralsund,  Wis- 
mar,  Rostock)  ;  elle  ne  put  ou  ne  voulut  fournir  aux  Habs- 
bourg une  flotte.  La  puissance  impériale  resta  limitée  par 
la  mer  dont  les  Danois  et  Suédois  étaient  maîtres.  Ferdi- 
nand II  et  ses  conseillers   concevaient  alors  les  plans  les 
plus  vastes  :  transformation  de  l'Empire  en  une  monarchie 
héréditaire;  prépondérance  maritime  allemande;  soumission 
des  Pays-Bas  assurée  par  une  double  campagne  des  impé- 
riaux au  N.,  des  Allemands  au  S.  ;  démembrement  du  Da- 
nemark, dont  le  roi  de  Suède  recevrait  les  îles,  de  manière  à 
s'en  faire  un  allié  ;  puis  croisade  contre  les  Turcs,  conquête 
de  Constantinople  et  restauration  du  vieil  empire  romain. 
Ministres  et  capitaines  autrichiens  et  espagnols  discutaient 
sérieusement  ces  éventualités.  Restait  à  les  réaliser.  On 
comptait  sur  l'épée  de  Wallenstein.  En  Allemagne,  la  force 
primait  le  droit;  on  se  comportait  comme  en  pays  conquis, 
confisquant  les  biens  pour  les  distribuer  aux  soldats,  même 
les  terres.  L'exécution  du  palatin  fut  renouvelée  contre  les 
ducs  de  Mecklembourg  dont  Wallenstein  souhaitait  le  duché. 
Il  lui  fut  donné  en  gage  (1628),  puis  en  fief  héréditaire 
(16  juin  1629).  C'était  l'abolition  de  la  constitution  du 
Saint-Empire  ;  la  souveraineté  passait  du  corps  des  princes 
et  villes  à  l'empereur,  lequel  agissait  comme  les  rois  de 
France  ou  d'Angleterre  dans  leurs  royaumes  héréditaires. 
La  guerre  danoise  fut  rapidement  terminée.  On  ne  pouvait 
venir  à  bout  du  roi  Christian  sans  une  flotte.  La  résistance 
victorieuse  de  Stralsund  dont  il  fallut  lever  le  siège  au  bout 
de  six  mois,  le  débarquement  des  Danois  à  Wolgast,  un 
échec  à  Gluckstadt,  prouvaient  que  les  puissances  protes- 


tantes  maritimes  (Danemark,  Suède,  Angleterre,  Hollande) 
remettraient  toujours  en  question  la  prépondérance  sur  les 
côtes.  On  occupait  Gustave- Adolphe  en  entretenant  la  guerre 
de  Pologne  ;  on  traita  avec  Christian.  La  paix  de  Lubeck 
lui  restitua  ses  Etats  continentaux,  mais  il  s'engagea  à  s'abs- 
tenir de  toute  intervention  dans  les  affaires  allemandes  et 
se  désista  de  toute  prétention.  Il  avait  vainement  demandé 
la  garantie  de  la  liberté  religieuse  et  de  la  constitution  du 
Saint-Empire. 

La  guerre  semblait  terminée.  L'empereur  crut  le  mo- 
ment venu  de  prendre  des  dispositions  définitives  pour  assu- 
rer la  prépotence  des  catholiques.  Depuis  le  congrès  de 
Passau  (V.  Ferdinand  Ier)  la  question  du  réservât  ecclé- 
siastique divisait  l'Allemagne  ;  toutes  les  sécularisations 
accomplies  depuis  lors  étaient  jugées  illégales  par  les  ca- 
tholiques ;  ils  n'admettaient  pas  davantage  la  possession 
des  évêchés  par  des  administrateurs  protestants  et  voulaient 
les  exclure  des  diètes  ;  en  revanche,  ils  refusaient  d'obser- 
ver la  déclaration  de  Ferdinand  Ier  garantissant  aux 
vassaux  des  princes  ecclésiastiques  la  liberté  religieuse.  Ils 
soutenaient  qu'il  dépendait  de  l'empereur  de  régler  ces 
questions,  tandis  que  les  protestants  les  trouvaient  du  res- 
sort de  la  diète.  Ce  qui  était  incontestable,  c'est  que  la  res- 
titution de  fiefs  ecclésiastiques  sécularisés  ou  occupés  depuis 
cinquante,  soixante  ou  soixante-dix  ans  par  les  protestants 
entraînait  un  bouleversement  de  tout  le  régime  politique 
et  territorial,  du  régime  des  propriétés  dans  l'Allemagne 
entière  et  surtout  dans  l'Allemagne  du  Nord.  Il  donnait 
irrévocablement  à  la  guerre  le  caractère  d'une  guerre  reli- 
gieuse. Telle  fut  en  effet  la  conséquence  de  Médit  de  res- 
titution rendu  le  6  mars  4529  par  l'empereur  sur  la 
demande  des  électeurs  catholiques.  Il  déclarait  que  les 
catholiques  réclamaient  à  bon  droit  les  couvents  et  tous  les 
biens  ecclésiastiques  qui  étaient  encore  en  leur  possession 
au  temps  de  la  convention  de  Passau  ;  que  les  membres  de 
la  confession  d'Augsbourg  qui  occupaient  des  fiefs  ecclésias- 
tiques, des  évêchés  ou  des  principautés  ecclésiastiques  im- 
médiates ne  pouvaient  être  regardés  comme  évêques'ou 
prélats  et  ne  pouvaient  ni  siéger  à  la  diète  ni  réclamer 
l'hommage  ou  les  droits  régaliens;  enfin,  que  les  princes 
ecclésiastiques  pouvaient  imposer  leur  religion  dans  leurs 
possessions.  Il  avait  été  question  d'étendre  l'édit  de  resti- 
tution même  aux  biens  et  principautés  sécularisés  avant  le 
congrès  de  Passau,  mais  on  n'osait  encore.  La  mesure  prise 
était  une  victoire  des  princes  catholiques  plus  que  de  l'em- 
pereur. C'était  la  Ligue  catholique  qui  réalisait  son  pro- 
gramme. D'accord  sur  ce  point  avec  Ferdinand  II,  elle  ne 
l'était  pas  sur  les  autres.  Les  princes  catholiques,  comme  les 
autres,  étaient  effrayés  de  voir  le  Saint-Empire  dégénérer 
en  monarchie  absolue  sous  la  pression  de  l'armée  de  Wal- 
lenstein  ;  entre  le  parti  constitutionnel  catholique  et  le  parti 
absolutiste  militaire,  le  contraste  s'accentuait  maintenant 
que  les  hostilités  paraissaient  terminées.  On  se  plaignait  des 
allures  autocratiques  du  général  qui  faisait  des  levées 
d'hommes,  frappait  des  contributions,  s'installait  dans  les 
pays,  y  prenait  ses  quartiers  sans  tenir  nul  compte  du 
prince  légitime,  traitant  les  amis  comme  les  ennemis.  La 
constitution  du  Saint-Empire  était  journellement  violée  et 
l'existence  même  de  cette  armée  impériale  avec  son  chef 
usant  de  pouvoirs  dictatoriaux  était  en  contradiction  for- 
melle avec  la  constitution  et  les  usages  séculaires  de  l'Al- 
lemagne. 

Pour  appliquer  Fédit  de  restitution  il  fallait  encore  com- 
battre. On  en  chargea  l'armée  de  la  Ligue  catholique  et  son 
général  Tilly.  Commençant  par  le  cercle  de  Basse-Saxe, 
les  commissaires  impériaux  se  rendirent  à  Halberstadt,  le 
second  fils  de  l'empereur,  l'archiduc  Léopold-Guiilaume,  fut 
élu  évêque;  les  restitutions  imposées  s'accomplirent  sans 
résistance.  A  Magdebourg  il  en  fut  autrement.  Le  chapitre 
déposa  l'administrateur  brandebourgeois,  mais  élut  arche- 
vêque le  prince  Auguste  de  Saxe  (janv.  4628).  L'empereur 
refusa  de  le  reconnaître  et  désigna  en  vertu  du  droit  de 
«  provision  apostolique  »  son  fils  Léopold-Guiilaume.  La 


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population  protestante  ne  laissa  pas  faire  ;  au  bont  de  quel- 
ques mois,  Wallenstein  leva  le  siège(29  sept.  4629).  Ce 
ne  fut  pas  lui  qui  le  reprit  l'année  suivante. 

L'édit  de  restitution  faisait  passer  au  premier  plan  la  poli- 
tique de  la  Ligue  catholique  dirigée  par  le  duc  de  Bavière.  Il 
fallut  alors  que  Ferdinand  II  choisît  entre  les  vastes  plans  que 
proposait  Wallenstein  et  ceux  de  ses  alliés  catholiques.  La 
constitution  allemande  ne  fonctionnait  plus  ;  mais,  dès  qu'on 
se  rapprochait  du  régime  régulier,  il  fallait  se  départir  delà 
conduite  suivie  depuis  quelques  années.  L'empereur  jugea 
trop  dangereuse  une  brouille  avec  les  princes  catholiques. 
Il  s'occupait  en  Italie  de  l'affaire  de  la  succession  de  Man- 
toue,  qui  remettait  en  jeu  la  domination  de  sa  famille  en 
Italie.  Fidèle  à  la  politique  de  famille,  il  voulait  opérer, 
d'accord  avec  l'Espagne,  en  Italie,  aux  Pays-Bas,  faire  la 
guerre  à  la  France, "à  la  Hollande,  à  la  Suède.  Renonçant 
au  principe  de  Wallenstein  de  nourrir  la  guerre  par  la 
guerre,  il  lui  fallait  des  ressources;  il  voulait  l'appui  des 
princes  catholiques  ;  surtout  il  désirait  faire  élire  son  fils 
roi  des  Romains.  Il  n'osa  pas  réunir  une  diète  où  toutes 
les  oppositions  pouvaient  se  coaliser  et  convoqua  à  Ra- 
tisbonne  un  congrès  des  électeurs  (nov.  4630).  Seuls  les 
princes  catholiques  y  vinrent  et  ils  imposèrent  leur  poli- 
tique à  l'empereur.  Ils  se  souciaient  peu  des  querelles  in- 
ternationales ;  au  lieu  d'aider  les  Habsbourg  dans  leurs 
guerres,  ils  réclamaient  l'amoindrissement  de  l'armée  im- 
périale et  l'éloignement  de  son  formidable  général.  Un  con- 
grès préparatoire  tenu  par  les  chefs  de  la  Ligue  à  Mergen- 
theim,  au  printemps  de  1 630,  les  trouva  d'accord.  Apportant 
d'innombrables  plaintes  contre  les  exactions  des  soldats  de 
Wallenstein,  ils  faisaient  observer  que  son  armée  n'avait 
plus  de  caractère  catholique  ;  il  était  indispensable  d'écar- 
ter les  colonels  protestants  sur  lesquels  on  ne  pouvait 
compter  pour  appliquer  l'édit  de  restitution.  Subordonnant 
leur  appui  à  cette  condition,  les  princes  catholiques  firent 
céder  l'empereur.  Prévoyant  la  guerre  générale,  il  n'osa 
s'y  engager  seul.  Il  abandonna  ses  rêves  de  monarchie  ab- 
solue appuyée  sur  le  pouvoir  militaire  à  la  manière  des 
autres  rois  européens.  Il  était  arrivé  à  une  antinomie  ;  une 
rupture  avec  la  Ligue  catholique  pouvait  entraîner  sa  ruine; 
il  jugea  plus  prudent  de  céder  à  ses  exigences,  mais  fit 
preuve  d'une  médiocre  capacité  politique.  Il  n'obtint  rien; 
renvoyant  son  général  et  réduisant  son  armée  au  mo- 
ment où  la  guerre  générale  allait  éclater,  nommant  lieute- 
nant-général de  ses  troupes  le  général  de  la  Ligue,  Tilly, 
il  fut  ensuite  obligé  d'en  passer  par  où  voulait  le  duc  de 
Bavière  :  s'engager  à  ne  pas  faire  la  guerre  sans  l'aveu  des 
électeurs,  demander  aux  conseils  des  cercles  les  moyens 
pour  la  faire  ;  traiter  avec  la  France,  en  abandonnant  l'Es- 
pagne dans  l'affaire  de  Mantoue  dont  ses  troupes  s'étaient 
emparée  (4630);  renoncer  à  la  guerre  de  Hollande.  Il  n'ob- 
tint même  pas  l'élection  de  son  fils  comme  roi.  Tombant 
tout  à  fait  sous  la  dépendance  de  la  Ligue  catholique,  Fer- 
dinand II  compromit  même  l'intérêt  catholique  auquel  il 
sacrifiait  les  autres ,  car  les  protestants  allemands  réunis 
par  le  péril  commun  s'entendaient  avec  la  Suède  et  la 
France.  Avec  la  France,  le  conflit  pouvait  être  retardé,  non 
évité  ;  la  pacification  en  Italie  n'empêchait  pas  les  choses 
de  se  gâter  sur  la  frontière  de  FEst.  Depuis  4627  on  con- 
centrait des  troupes  impériales  sur  le  Rhin  ;  on  avait  songé 
à  jeter  de  ce  côté  l'armée  de  Wallenstein.  La  diplomatie 
française  par  ses  négociations  avec  les  électeurs  ecclésias- 
tiques et  la  Bavière  avait  menacé  si  directement  l'empereur 
qu'il  avait  jugé  nécessaire  de  céder  à  la  Ligue,  pour  éviter 
qu'elle  ne  s'alliât  au  roi  très  chrétien.  Mais  celui-ci,  ou 
plutôt  Richelieu,  négociait  simultanément  avec  la  Suède,  et 
tandis  que  Ferdinand  II  s'affaiblissait  pour  gagner  la  Ligue 
catholique,  il  se  voyait  attaqué  par  un  nouvel  adversaire. 
On  trouvera  le  récit  de  ces  faits  dans  les  art.  Louis  XIII, 
Richelieu,  Gustave-Adolphe.  Pour  maladroite  qu'ait  été 
la  politique  autrichienne,  il  n'est  pas  sûr  qu'elle  n'ait  pas 
embrassé  le  meilleur  parti  ;  c'était  en  tout  cas  le  plus  pru- 
dent, malgré  les  revers  qui  en  furent  la  conséquence. 


FERDINAND 


—  zm 


Lorsque  Ferdinand  II  congédia  Wallenstein,  il  y  avait 
un  mois  que  le  roi  de  Suède  avait  débarqué  en  Poméranie 
(44  juil.  4630).  Malgré  la  neutralité  de  la  Saxe  et  du  Bran- 
debourg, il  fit  de  rapides  progrès,  chassa  de  la  Poméranie 
les  impériaux.  Quand  l'entente  fut  complète  entre  la  Ligue 
et  l'empereur,  les  protestants  n'ayant  plus  à  espérer  le  rap- 
pel de  l'édit  de  restitution,  s'assemblèrent  à  Leipzig  sur 
l'invitation  de  l'électeur  de  Saxe,  afin  d'unir  leurs  forces 
pour  résister  au  parti  catholique.  Mais  ce  congrès  n'osa  rien 
(févr.-avr.  4634);  il  espérait  obstinément  ;  les  princes 
protestants  voulaient  rester  neutres,  jouer  le  rôle  de  média- 
teurs entre  le  roi  de  Suède  et  l'empereur.  Cette  attitude 
amena  la  chute  de  Magdebourg  (20  mai  463d).  L'horreur 
et  la  crainte  excitées  par  cette  catastrophe  favorisèrent  la 
cause  protestante.  Le  roi  de  Suède,  maître  de  la  Poméranie, 
du  Mecklembourg,  d'une  partie  de  la  Silésie,  obligea  le 
Brandebourg  à  une  alliance.  L'électeur  de  Saxe  se  joignit 
à  son  tour  au  champion  protestant,  et  l'armée  de  Tilly  fut 
détruite  à  Breitenfeld  (47  sept.  4634).  La  Ligue  catholique 
était  battue;  l'empereur  allait  reprendre  la  direction  de  la 
guerre  ;  mais  il  allait  aussi  en  supporter  le  poids,  ayant 
affaire  à  de  bien  autres  adversaires  qu'au  début. 

A  la  nouvelle  du  désastre  de  Breitenfeld,  Ferdinand  II 
s'adressa  à  Wallenstein.  Celui-ci,  qui  s'était  fait  fort  au- 
près du  roi  de  Suède  de  conquérir  les  pays  autrichiens  et 
de  chasser  l'empereur  en  Italie  si  on  lui  donnait  la  vice- 
royauté  de  Bohême,  refusa  net.  Mais  Gustave-Adolphe  ne 
s'entendant  pas  avec  lui,  il  se  rendit  à  de  nouvelles  solli- 
citations de  l'empereur.  Celui-ci  était  disposé  à  rappeler 
l'édit  de  restitution,  pour  pacifier  les  protestants  et  rega- 
gner d'abord  l'électeur  de  Saxe.  Mais  en  même  temps  il 
octroyait  à  Wallenstein  des  pouvoirs  immenses.  Généralis- 
sime du  Saint-Empire,  de  la  maison  d'Autriche  et  de  la  cou- 
ronne d'Espagne,  il  aurait  le  commandement  sur  tout  autre 
général  dans  l'Empire,  traiterait  selon  son  bon  vouloir  les 
pays  conquis,  exercerait  à  sa  fantaisie  les  plus  hautes  pré- 
rogatives de  la  souveraineté,  confiscation,  grâce.  Dans  le 
délai  de  trois  mois  qu'il  avait  fixé,  Wallenstein  eut  son  ar- 
mée (avr.  4632).  Les  protestants  avaient  divisé  leurs  forces, 
le  roi  de  Suède  opérant  contre  la  Ligue  catholique,  l'électeur 
de  Saxe  contre  l'empereur.  L'électeur  entra  en  Bohême, 
s'empara  de  Prague  où  il  ramena  le  comte  de  Thurn,  chef 
de  l'insurrection  de 4648  (nov.  4634).  Endéc.  4634,  Gus- 
tave-Adolphe entra  en  conflit  avec  la  garnison  espagnole 
de  Mayence  ;  malgré  ses  désirs  et  ses  déclarations,  il  ne 
pouvait  limiter  la  guerre  entre  l'empereur  et  lui.  Richelieu 
négociait  pour  isoler  l'empereur  et  diriger  sur  ses  Etals 
héréditaires  les  forces  de  la  Suède.  Mais  l'électeur  de  Ba- 
vière refusa  de  poser  les  armes.  La  situation  s'améliora 
pour  les  catholiques  en  4632.  La  campagne  triomphale  de 
Gustave-Adolphe  l'avait  conduit  en  Bavière  ;  après  la  soumis- 
sion des  vallées  du  Main  et  du  Rhin,  il  défit  les  forces  au- 
trichiennes venues  du  Brisgau  et  d'Alsace  ;  mais  l'inaction 
des  Saxons  en  Bohême  donna  le  temps  à  Wallenstein  de 
réunir  son  armée  et  en  un  mois  il  les  chassa  du  royaume. 
Il  ne  put  cependant  décider  l'électeur  à  faire  sa  paix  avec 
l'empereur,  bien  qu'il  lui  offrît  d'en  dicter  les  conditions. 
Quant  au  roi  de  Suède  il  voulait  entrer  dans  l'Empire  comme 
duc  de  Poméranie  et  y  créer  une  confédération  protestante 
(corpus  Evangelicorum)  dont  il  serait  le  chef.  Sur  le 
Rhin,  les  impériaux  d'Alsace  sous  Montecuculli  et  Ossa  joi- 
gnaient leurs  efforts  à  ceux  des  Espagnols  venus  des  Pays- 
Bas,  des  Bavarois  et  des  Lorrains  ;  les  Français  progres- 
saient, occupant  la  Lorraine  et  plusieurs  forteresses  de 
l'électorat  de  Trêves  ;  les  Suédois  grâce  à  ce  concours  purent 
se  maintenir.  Gustave-Adolphe,  mis  en  échec  devant  Nu- 
remberg par  Wallenstein,  songeait  à  entrer  dans  la  Haute- 
Autriche  où  les  paysans  se  soulevaient  à  son  instigation. 
Il  finit  par  suivre  son  adversaire  en  Saxe  où  il  fut  vain- 
queur, mais  tué  à  Lutzen  (46  nov.  4632). 

La  guerre  continua  ;  au  N.  la  Saxe  et  le  Brandebourg 
persistaient  dans  leur  attitude  hésitante  ;  mais  le  chance- 
lier suédois  Oxenstierna  forma  à  Heilbronn  une  ligue  des 


princes  et  villes  protestantes  des  quatre  cercles  de  la  Haute- 
Allemagne  (Franconie,  Souabe,  Haut  et  Bas-Rhin),  dont 
le  programme  était  la  restauration  des  libertés  et  de  la 
constitution  allemandes,  des  princes  protestants  dépossédés, 
et  une  satisfaction  convenable  pour  la  couronne  de  Suède. 
La  France  accentuait  son  concours,  mais  en  exigeant  des 
garanties  pour  la  religion  catholique.  Néanmoins  la  muti- 
nerie des  soldats  obligea  à  des  distributions  de  terres  et  de 
principautés.  Il  n'était  guère  question  du  respect  des  formes 
constitutionnelles,  pas  plus  dans  un  camp  que  dans  l'autre. 
Les  évêchés  de  Wurtzbourg  et  Bamberg  servirent,  à  créer 
un  duché  de  Franconie  pour  Bernard  de  Saxe-Weimar. 
Wallenstein  restait  immobile  en  Bohême,  réorganisant  soli- 
dement son  armée  et  s'efforçant  de  traiter  avec  la  Saxe. 
On  se  mit  d'accord  sur  l'égalité  religieuse,  la  restauration 
des  princes  dépossédés  et  de  l'électorat  palatin,  l'abandon 
de  l'édit  de  restitution.  La  cour  de  Vienne,  les  envoyés 
du  pape  et  de  la  Ligue  s'opposèrent  à  ces  clauses  ;  mais 
Wallenstein  était  décidé  à  passer  outre.  La  politique  espa- 
gnole compliqua  les  choses  en  remettant  sur  le  tapis  ses 
projets  d'établissements  sur  le  Rhin  pour  relier  ses  do- 
maines des  Pays-Bas  et  d'Italie.  D'autre  part,  la  France  et 
les  confédérés  d'Heilbronn  offraient  la  couronne  de  Bohême 
à  Wallenstein.  Celui-ci  n'osait  pas  rompre  avec  l'empereur, 
tout  en  ayant  l'attitude  d'un  prince  presque  autonome. 
Laissant  Horn  conquérir  l'Alsace,  Bernard  de  Saxe-Weimar 
s'emparer  de  Ratisbonne  et  menacer  Passau  et  l'Autriche, 
il  reconquit  la  Silésie  et  la  Lusace,  puis  revint  en  Bohème. 
Le  conseil  de  guerre  de  Vienne  l'invitait  vainement  à  mar- 
cher contre  Bernard;  il  conservait  l'obéissance  de  ses 
colonels,  mais  déjà  des  conflits  se  manifestaient  par  des 
ordres  contradictoires  émanant  de  Vienne  et  du  quartier 
général.  A  la  cour  impériale,  l'influence  des  princes  catho- 
liques, surtout  du  duc  de  Bavière,  appuyé  par  le  pape  et 
l'Espagne,  devenait  prédominante.  La  rupture  approchait  ; 
par  la  menace  de  sa  démission,  le  généralissime  faisait 
signer  à  ses  officiers  le  revers  de  Pilsen  (42  janv.  4634), 
par  lequel  ils  s'engageaient  à  le  soutenir  en  toute  hypo- 
thèse. Il  continuait  ses  négociations  pour  la  paix  avec  les 
protestants  de  l'Allemagne  du  Nord  et,  prévoyant  le  .cas 
d'un  refus  de  ratification  de  l'empereur,  projetait  d'unir 
ses  forces  à  celles  de  la  Saxe.  Mais  l'empereur  réussit  à 
détacher  du  général  ses  principaux  lieutenants  (Aldringer, 
Gallas,  Manadas,  Piccolomini,  Colloredo,  Gœtz,  Hatzfeld, 
Diodati)  ;  il  les  délia  de  leur  obéissance  envers  lui,  l'accu- 
sant de  conspirer  pour  enlever  à  Ferdinand  II  ses  Etats 
héréditaires,  puis  le  fit  assassiner  (25  févr.  4634).  Les 
détails  seront  donnés  dans  la  biographie  de  Wallenstein 
(V.  ce  nom).  La  cour  accueillit  avec  joie  la  nouvelle  de  la 
mort  du  redoutable  condottiere  ;  une  partie  de  ses  dé- 
pouilles fut  partagée  entre  les  meurtriers  :  Teplitz  à 
Aldringer,  Friedland  à  Gallas  ;  l'empereur  garda  la  plus 
grande  partie  (Sagan,  Glogau,  etc.).  On  poursuivit  avec 
une  rancune  inexpiable  tous  les  suspects,  mais  sans  presque 
rien  découvrir.  Après  le  traité  ds  Prague,  on  supplicia  son 
ami  le  brave  comte  silésien  Schaffgotch,  protestant  con- 
vaincu (juil.  4635),  et  l'insurrection  provoquée  en  Silésie 
par  cette  dernière  violence  fut  aisément  étouffée. 

Le  crime  réussit  à  l'empereur.  L'armée  de  Bohême  fut 
placée  sous  le  commandement  de  son  fils  Ferdinand,  roi  de 
Bohême  et  de  Hongrie,  renforcée  par  celle  qu'amenait 
d'Italie  le  cardinal -infant  Ferdinand  ,  gouverneur  des 
Pays-Bas  ;  elle  reconquit  la  Bavière  et  infligea  une  défaite 
complète  à  celle  des  protestants.  L'imprudence  de  Bernard 
de  Saxe-Weimar  causa  la  destruction  des  forces  suédoises 
à  Nordlingen  (6  sept.  4634).  L'Allemagne  du  Sud  retom- 
bait au  pouvoir  des  catholiques.  La  France  passait  au 
premier  plan.  Elle  occupa  la  Haute-Alsace  que  les  protes- 
tants renonçaient  à  détendre,  Colmar,  Schlestadt,  Philips- 
bourg,  etc.  (oct.  4634),  et  un  traité,  signé  à  Paris  avec  la 
Suède  le  4er  nov.  4364,  lui  cédait  l'Alsace  entière  avec 
Brisach  et  Constance.  Les  domaines  rhénans  de  la  maison 
d'Autriche  étaient  perdus.  Le  caractère  de  la  guerre  changea 


—  253 


FERDINAND 


complètement  ;  d'une  part,  les  Français  allaient  tenir  en 
échec  les  catholiques  sur  la  ligne  du  Rhin,  où  ceux-ci  ne 
purent  plus  reprendre  l'avantage.  D'autre  part,  la  paix  fut 
conclue  entre  l'empereur  et  la  Saxe  dans  des  termes  tels 
qu'on  espérait  voir  toute  l'Allemagne  protestante  accéder  à 
la  transaction. 

Le  traité  de  Prague  (30  mai  1635)  stipulait  que  les  Etats 
protestants  conserveraient  tous  les  bénéfices  et  biens  ecclé- 
siastiques sécularisés  avant  la  convention  de  Passau  ;  pour 
ceux  qui  l'avaient  été  depuis  et  pour  toutes  les  principautés 
ecclésiastiques  immédiates,  le  statu  guo  au  42  nov.  1627 
serait  continué  pendant  quarante  années  à  compter  depuis 
le  traité  ;  les  droits  de  siéger  et  de  voter,  attachés  à  ces 
principautés  immédiates,  seraient  suspendus.  Durant  le  délai 
fixé,  on  étudierait  des  arrangements  ;  au  terme  et  à  défaut 
de  transaction,  chacun  demeurerait  en  possession,  sauf  à 
faire  trancher  les  cas  douteux  par  un  tribunal  mixte.  Le  fils 
de  l'électeur  de  Saxe  gardait  Magdebourg,  celui  de  l'em- 
pereur, Halberstadt.  Seraient  compris  dans  le  traité  ceux  qui 
l'accepteraient  dans  un  délai  de  dix  jours.  Etaient  exclus  de 
l'amnistie  tous  les  personnages  impliqués  dans  les  affaires 
de  Rohême  et  du  Palatinat,  ceux  des  pays  autrichiens,  le 
duc  de  Wurttemberg,  le  margrave  de  Bade-Dourlach  et 
nombre  d'autres.  Les  Saxons  évacuèrent  la  Silésie  qu'ils 
occupaient  presque  entière.  La  plupart  des  princes  de  l'Alle- 
magne du  Nord  accédèrent  au  traité  :  le  cercle  de  la  Basse- 
Saxe,  l'électeur  de  Brandebourg,  les  ducs  de  Mecklem- 
bourg,  de  Weimar,  beaucoup  de  villes  impériales.  Les 
princes  exclus,  le  landgrave  de  Hesse-Cassel,  le  duc  de 
Lunebourg  et  d'autres  continuèrent  la  lutte,  jugeant  la 
transaction  trop  désavantageuse,  surtout  au  moment  où 
l'intervention  active  de  la  France  aggravait  le  péril  des 
Habsbourg.  Toutefois,  en  divisant  leurs  ennemis,  ceux-ci 
sauvaient  leur  prépondérance  en  Allemagne.  Même  après  de 
grandes  défaites  ils  la  conservèrent,  les  forces  antagonistes 
n'ayant  plus  dans  le  pays  un  point  d'appui  suffisant. 

Aux  frontières,  l'Autriche  semblait  prendre  le  dessus. 
Gallas  avait  passé  le  Rhin  ;  Jean  de  Werth  et  le  duc  de 
Lorraine  ravageaient  l'Alsace;  Piccolomini  secourait  les 
Espagnols  dans  les  Pays-Bas  ;  l'armée  française  de  La  Va- 
lette parut  bien  à  la  rive  droite  du  Rhin,  mais  fut  bientôt 
contrainte  à  une  retraite  désastreuse.  Les  Suédois  étaient 
très  menacés  jusqu'en  Poméranie  et  demandaient  la  paix  à 
l'empereur.  Mais  bientôt  la  face  des  choses  se  modifia  : 
Louis  XIII  vint  en  personne  chasser  les  impériaux  de  Lor- 
raine ;  le  comte  d'Avaux  fit  renouveler  pour  vingt-six  ans 
la  trêve  entre  la  Pologne  et  la  Suède  (traité  de  Stuhms- 
dorf,  12  sept.  1635).  Grâce  aux  subsides  français,  de  nou- 
velles armées  suédoises  furent  mises  sur  pied,  tandis  que 
celle  qui  occupait  la  Prusse  et  la  Livonie  devenait  libre 
avec  ses  chefs  Torstensson  et  Hermann  Wrangel.  Déjà  les 
Saxons  avaient  été  battus  à  Dœmitz  par  un  lieutenant  de 
Baner  (1er  nov.)  ;  ils  le  furent  de  nouveau  à  Kyritz  (47déc), 
et  le  Brandebourg  fut  réoccupé  par  les  Suédois.  Dans 
l'Allemagne  du  Sud,  Bernard  de  Saxe-Weimar  entra  à  la 
solde  du  roi  de  France  (traité  de  Saint-Germain,  27  oct. 
1635).  Les  Français  conservaient  l'Alsace  et  guerroyaient 
sur  le  Rhin  et  la  Lahn.  Liège  repoussait  les  troupes  de 
Jean  de  Werth  et  de  Charles  de  Lorraine.  La  campagne 
de  1636  n'apporta  aux  impériaux  que  des  succès  secon- 
daires :  prise  de  Coblentz,  conquête  de  la  Hesse,  campagne 
de  Picardie  où  Jean  de  Werth  menaça  Paris,  et  de  Bour- 
gogne où  Gallas  fut  arrêté  sur  la  Saône.  Les  Saxons  prirent 
Magdebourg,  mais  furent  vaincus  à  Wittstock  par  Baner  et 
perdirent  Erfurt. 

A  la  fin  de  cette  année  de  luttes  sanglantes,  Ferdinand  Iï, 
sentant  sa  fin  approcher,  fit  élire  roi  des  Romains  son  fils 
Ferdinand.  L'élection  eut  lieu  à  Ratisbonne  le  22  déc.  1636. 
Quelques  semaines  plus  tard,  l'empereur  mourut.  Peu 
d'hommes  ont  donné  lieu  à  des  jugements  plus  passionnés 
et  plus  contradictoires.  Vénéré  par  les  uns  presque  à  l'égal 
d'un  saint  pour  sa  piété,  sa  résolution,  sorte  de  héros 

catholique,  il  est  flétri  par  les  autres  pour  son  fanatisme, 


son  mépris  du  droit,  ses  attentats  contre  les  libertés  de  ses 
sujets  et  contre  la  constitution  allemande,  les  effroyables 
maux  qu'il  attira  en  déchaînant  la  guerre  de  Trente  ans. 
Le  bien  est  vrai  comme  le  mal  ;  ajoutons  que  Ferdinand  II 
fut  un  médiocre  politique  ;  hors  l'intérêt  de  l'Eglise  catho- 
lique, ses  ambitions  dynastiques  et  territoriales,  ses  ven- 
geances personnelles,  il  ne  concevait  rien.  Voulant  abuser 
de  ses  victoires,  il  en  perdit  le  fruit,  et  l'issue  de  la  lutte 
démontra  la  vanité  de  ses  efforts.  Il  eut  le  sort  des  tenants 
successifs  de  la  cause  catholique  dans  les  affaires  euro- 
péennes ;  Philippe  II,  Ferdinand  II,  Louis  XIV,  après  d'écla- 
tants succès,  s'épuisèrent  par  l'excès  de  leurs  prétentions. 
Dans  la  vie  privée,  Ferdinand  II  était  sympathique  ;  il  joi- 
gnait l'affabilité  des  Habsbourg  à  la  grandeur  et  au  faste 
des  Espagnols.  Malgré  sa  simplicité  personnelle,  il  était 
prodigue  jusqu'à  la  faiblesse  envers  ses  serviteurs.  Brave, 
laborieux,  aimant  également  la  musique  et  la  chasse,  il  obser- 
vait minutieusement  toutes  les  pratiques  du  culte,  assistant 
à  la  messe,  jeûnant,  suivant  les  processions  par  les  plus 
mauvais  temps.  Il  se  laissait  mener  par  ses  conseillers  ;  son 
confesseur,  le  Luxembourgeois  Lamormain,  qui  a  écrit  sa 
vie  dans  le  style  des  vies  de  saints,  était  l'homme  le  plus 
influent  de  la  cour  ;  ses  autres  conseillers  :  le  prince 
Eggenberg,  le  comte  Trautmannsdorf  ne  venaient  qu'en- 
suite. La  pensée  maîtresse  de  Ferdinand  II  fut  l'extirpa- 
tion de  l'hérésie  ;  il  la  poursuivit  dans  ses  Etats  hérédi- 
taires avec  un  acharnement  exceptionnel  même  à  cette 
époque.  Il  souhaitait  la  même  chose  dans  toute  l'Allemagne. 
Il  échoua,  mais  n'en  eut  pas  moins  une  action  considérable 
sur  l'avenir  de  son  pays.  C'est  lui  qui  isola  l'Autriche  de 
l'empire  allemand  et  prépara,  réalisa  presque  sa  constitu- 
tion en  grand  Etat  homogène.  La  conséquence  fut,en  face 
de  cet  Etat  catholique,  la  création  d'un  grand  Etat  protes- 
tant dans  l'Allemagne  du  Nord.  A.-M.  B. 

Bibl.  :  V.  Allemagne,  Autriche,  Trente  ans  (Guerre 
de).—  Khevenhuller,  Annalen  Ferdinands  II,  1716, 12  vol., 
2°  éd.  —  Hurter,  Geschichte  Ferdinands  II  ;  Schaf- 
fhouse,  1850-64,  12  vol. 

FERDINAND  III,  empereur  d'Allemagne  (1637-1657), 
roi  de  Bohême  et  de  Hongrie  (16%$)  né  à  Gratz  le  43  juil. 
1608,  mort  le  2  avr.  4657.  Son  père  lui  assura  de  bonne 
heure  les  couronnes  de  saint  Etienne  et  de  saint  Wences- 
las.  Après  le  meurtre  de  Wallenstein,  il  le  mit  à  la  tête  de 
son  armée  (avec  le  concours  de  Gallas  et  de  Piccolomini), 
laquelle  reprit  Donauwerth  et  Ratisbonne  et  remporta  la 
grande  victoire  de  Nordlingen  (1634).  Quand  il  fut  élu  roi 
des  Romains  après  de  longs  retards  (Ratisbonne,  4636), 
puis  aussitôt  appelé  à  succéder  à  son  père,  les  catholiques 
croyaient  s'être  donné  un  empereur  qui  prendrait  lui-même 
le  commandement  de  ses  armées.  Il  n'en  fut  rien.  Ferdi- 
nand III,  comme  son  père,  resta  dans  sa  capitale  et  se  fit 
remplacer  par  des  généraux.  Il  était  plus  modéré  que  son 
père,  inoins  dévoué  à  l'Espagne  et  aux  jésuites,  quoique  bon 
catholique.  Ses  tendances  étaient  pacifiques  et  il  ne  cessa 
de  travailler  au  rétablissement  de  la  paix.  Il  faut  dire  que  les 
défaites  de  ses  troupes  et  de  ses  alliés  devaient  l'y  disposer. 
Il  débuta  cependant  par  des  succès.  Jean  de  Werth  re- 
prit Hermannstein  (électorat  de  Trêves)  aux  Français  qui 
ralentissaient  leur  effort  ;  les  Suédois  durent  évacuer  la 
Saxe  ;  l'électeur  de  Brandebourg  s'allia  à  l'empereur  pour 
se  mettre  en  possession  de  la  Poméranie,  et  l'armée  impé- 
riale, commandée  par  Gallas,  refoula  les  Suédois  sur  la  côte 
de  la  mer  Baltique  ;  le  landgrave  Guillaume  de  Hesse,  mis 
depuis  longtemps  au  banc  de  l'Empire,  fut  chassé  de  ses 
Etats  et  mourut  ;  c'était  un  des  plus  fermes  défenseurs  de 
la  cause  protestante  ;  Bernard  de  Saxe-Weimar  ne  put  dé- 
busquer Jean  de  Werth  des  lignes  de  Wittenweier.  En  4  638, 
les  choses  changèrent.  Bernard  de  Saxe-Weimar  s'empara 
des  villes  forestières  du  Rhin,  infligea  aux  impériaux  devant 
Rheinfeld  une  défaite  complète  ;  leurs  généraux  furent  pris, 
notamment  Jean  de  Werth;  renforcé  par  Guébriant  et 
Turenne,  il  vainquit  Gœtz  à  Wittenweier  et  s'empara  de  la 
forte  place  de  Brisach  après  un  siège  mémorable.  D'autre 
part,  l'alliance  franco-suédoise  avait  été  renouvelée  et  la 


FERDINAND 


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guerre  reprise  avec  une  nouvelle  ardeur.  Au  N. ,  Baner  fit 
reculer  Gallas  et  menaça  la  Silésie;  puis  il  reparut  en  Saxe, 
écrasa  ses  adversaires  à  Chemnitz  (44  avr.  4639)  et  enva- 
hit la  Bohême.  Mais  le  sentiment  national  y  était  éteint. 
Baner  fut  arrêté  devant  Prague  et  ne  put  que  dévaster  la 
Bohème,  la  Moravie  et  la  Silésie  ;  de  Prague  on  vit  en  une 
nuit  les  flammes  des  incendies  de  cent  villages  ou  châteaux. 
Le  feld-maréchal  Hatzfeld,  qui  venait  de  battre  l'électeur 
palatin  à  Vlotho  en  Westphalie  (47  oct.  4638),  accourut 
en  Bohême  ;  mais  alors  Kœnigsmark  ravagea  tout  le  pays 
delà  Westphalie  à  la  Franconie.  L'archiduc  Léopold-Guil- 
laume,  frère  de  Ferdinand  III  (évêque  de  Passau,  Stras- 
bourg, Halberstadt,  Olmulz,  etc.),  prit  le  commandement 
supérieur  des  armées  autrichiennes  ;  Piccolomini  qui  venait 
de  battre  Feuquières  à  Thionville,  fut  aussi  appelé  ;  Baner 
les  combattit  autour  de  Perna.  La  mort  de  Bernard  de  Saxe- 
Weimar  (juil.  4639)  délivra  l'empereur  d'un  adversaire 
redoutable  qu'il  avait  vainement  essayé  de  gagner,  mais  fit 
passer  définitivement  aux  Français  les  possessions  rhénanes 
des  Habsbourg.  L'armée  weimarienne  passa  au  service  de 
la  France  qui  la  soldait.  Guébriant  et  Longueville  la  con- 
duisirent dans  le  Rheingauet  le  Palatinat  guerroyant  contre 
les  impériaux  de  Geleen  et  les  Bavarois  de  Mercy.  Le  land- 
grave de  Hesse  contracta  une  alliance  avec  la  France 
(4er  avr.  4640).  Baner  sortit  alors  de  la  Bohême  et  fit  sa 
jonction  avec  les  Brunswickois,  les  Hessois  et  l'armée  fran- 
çaise. Les  impériaux  n'osèrent  risquer  une  bataille.  L'em- 
pereur convoqua  une  diète  à  Ratisbonne  afin  de  délibérer 
sur  le  rétablissement  de  la  paix  (23  sept.  4640).  Baner, 
sortant,  à  l'improviste  de  ses  quartiers  d'hiver  de  Westpha- 
lie, faillit  enlever  la  diète  et  l'empereur  (janv.  4644)  ;  le 
dégel  du  Danube  les  sauva,  et  Baner,  poursuivi  par  Piccolo- 
mini et  Mercy,  passa  en  Saxe.  Il  y  mourut  bientôt  (mai 
4644),  mais  fut  remplacé  à  la  tête  de  l'armée  parle  para- 
lytique Torstensson  qui  surpassa  encore  la  célérité  de  ses 
mouvements.  L'archiduc  Léopold  fut  battue  Wolfenbuttel ; 
le  Brandebourg  signa  une  trêve  avec  la  Suède.  Au  bout  de 
treize  mois,  la  diète  de  Ratisbonne  conclut  ses  travaux 
(9  oct.  4644)  en  décidant  l'ouverture  de  négociations  avec 
les  puissances  étrangères,  les  congrès  devant  être  tenus  à 
Munster  et  Osnabruck  ;  l'empereur  n'exceptait  de  l'amnis- 
tie que  ses  pays  héréditaires,  l'affaire  palatine  et  Magde- 
bourg.  Pour  la  restitution  des  biens  ecclésiastiques,  on  s'en 
tenait  à  peu  près  aux  clauses  du  traité  de  Prague.  Les  bases 
d'une  entente  furent  arrêtées  à  Hambourg  entre  Lutzow, 
ambassadeur  impérial,  d'Avaux  pour  la  France  et  Salvius 
pour  la  Suède  (25  déc.  4  644).  L'empereur  rejeta  ces  prélimi- 
naires et  remplaça  Lutzow  par  Auersperg.  Mais  les  événe- 
ments militaires  de  4  642  le  rendirent  plus  transigeant.  On 
fixa  mars  4  643  pour  l'échange  des  pouvoirs,  le  congrès  devant 
s'ouvrir  en  juillet.  En  fait,  on  traîna  si  bien  en  longueur 
que  les  négociations  ne  commencèrent  qu'en  avr.  4645. 

L'année  4642  s'ouvrit  par  une  défaite  des  impériaux. 
Lamboy  et  son  armée  venus  des  Pays-Bas  furent  complè- 
tement battus  par  les  weimariens  de  Guébriant  à  Kempen, 
sur  le  Bas-Rhin;  le  duché  de  Juliers,  l'électorat  de 
Cologne  furent  soumis,  après  quoi  Guébriant  se  réinstalla 
dans  le  cercle  de  Basse-Saxe.  Torstensson  se  jeta  sur  la 
Silésie  dont  les  places  furent  vite  enlevées  ;  de  là  sur  la 
Moravie  où  il  prit  Olmutz  ;  puis  il  se  porta  à  la  rencontre 
de  l'année  de  l'archiduc  Léopold  et  de  Piccolomini  et  la 
détruisit  à  Leipzig.  La  Saxe  entière  fut  conquise.  La  cam- 
pagne de  4643 'eût  été  peu  importante  si,  à  la  fin  de 
novembre,  la  mort  de  Guébriant  n'eût  été  suivie  de  la  des- 
truction de  l'armée  weimarienne,  surprise  à  Tuttlingen 
par  Jean  de  Werth.  Gallas  et  Gœtz  opéraient  en  Silésie 
contre  Torstensson.  Le  prince  de  Transylvanie  Georges 
Rakoczy,  envahit  la  Haute-Hongrie  et  y  retint  Gallas. 
Celui-ci  suivit  de  loin  Torstensson  dans  sa  campagne  de 
Danemark  (4644),  se  laissa  cerner  à  Magdebourg  d'où  il 
échappa  péniblement  ;  Torstensson  le  suivit  en  Bohême  ; 
l'armée  autrichienne,  rassemblée  à  la  hâte  (corps  de  Gœtz, 
Hatzfeld,  Jean  de  Werth),  fut  écrasée  à  Jankowitz,  près 


de  Tabor  (6  mars  4645);  Gœtz  périt;  Hatzfeld  fut  pris. 
Sans  généraux  et  sans  soldats,  Ferdinand  III  voyait  l'Au- 
triche ouverte  ;  Rakoczy  y  pénétrait  par  l'Est  avec  ses 
bandes  féroces.  On  l'éloigna  par  un  traité,  et  la  résistance 
de  Brunn  arrêta  Torstensson  qui,  mécontent  d'être  laissé  à 
ses  seules  forces,  sans  pouvoir  en  finir,  démissionna.  L'élec- 
teur de  Saxe,  démoralisé,  avait  déposé  les  armes  (6  sept. 
4645).  La  guerre  touchait  à  sa  fin.  A  l'O.,  après  le  car- 
nage de  Fribourg  (3-5  août  4644),  Condé  s'empara  des 
villes  du  Rhin  (Philipsbourg,  Mannheim,  Worms,  Oppen- 
heim,  Mayence,  Bingen,  Kreuznach).  Mercy  Jet  Werth 
vainquirent  Turenne  à  Mergentheim  (5  mai  4645),  mais 
furent  battus  à  Nordlingen  par  Condé  et  Turenne.  L'ob- 
jectif poursuivi  depuis  si  longtemps  par  la  diplomatie 
française  allait  être  atteint  ;  le  duc  de  Bavière  songeait  à 
traiter  séparément.  Le  nouveau  général  suédois  Wrangel, 
repoussé  de  Bohême  par  l'archiduc  Léopold,  se  joignit  à 
Fritzlau  avec  Turenne,  lequel  venait  de  ramener  à  Trêves 
l'archevêque-électeur ,  relaxé  par  l'empereur  après  une 
captivité  de  dix  années.  L'invasion  de  la  Bavière  par  cette 
grande  armée  détermina  le  duc  à  signer  la  trêve  d'Ulm 
(44  mars  4647).  Abandonnés  par  leur  vieil  allié,  les  Au- 
trichiens furent  exaspérés.  Ils  s'entendirent  avec  Jean  de 
Werth,  qui  essaya  de  débaucher  l'armée  bavaroise  et  de 
la  faire  passer  au  service  de  l'empereur.  Il  n'y  réussit  pas. 
L'armée  impériale  avait  à  sa  tête  Melander  de  Holzapfel, 
ancien  général  hessois  demeuré  protestant.  La  cour  de 
Vienne  passait  là-dessus  à  cause  de  ses  talents  militaires. 
Accompagné  de  l'empereur,  Melander  marcha  contre  les 
Suédois  qui  venaient  de  prendre  Eger.  Un  progrès  des 
impériaux  en  Souabe  et  la  retraite  de  Turenne  qui  se  ren- 
dait aux  Pays-Bas  décidèrent  Maximilien  de  Bavière  (et  avec 
lui  l'archevêque  de  Cologne)  à  dénoncer  la  trêve  avec  la 
Suède;  mais  la  France  lui  refusa  de  la  continuer  isolément. 
Wrangel,  quittant  la  Bohême  devant  les  Austro-Bavarois, 
s'unit  à  Turenne,  et  les  Franco-Suédois  rentrèrent  en  Ba- 
vière. L'armée  catholique  fut  battue  et  Melander  tué  prés 
d'Augsbourg  (47  mai  4648).  La  dévastation  de  la  Bavière 
fut  terrible.  Une  crue  de  l'Inn  préserva  l'Autriche.  Picco- 
lomini et  Jean  de  Werth,  à  la  tête  de  la  dernière  armée 
impériale,  rentrèrent  en  Bavière  d'où  la  faim  chassait  les 
envahisseurs.  Mais  à  ce  moment,  Kœnigsmark  s'emparait 
de  la  petite  moitié  de  la  ville  de  Prague  (5  août)  ;  l'archi- 
duc Léopold  était  battu  à  Lens  par  Condé  (20  août).  Les 
armées  allaient  se  retrouver  en  présence  en  Bohème  sur  le 
premier  théâtre  de  la  guerre,  commencée  trente  ans  plus 
tôt,  lorsqu'on  apprit  que  la  paix  était  signée.  L'histoire 
des  négociations  et  les  conditions  de  ces  traités,  les  plus 
importants  du  xvne  siècle,  seront  contées  ailleurs  (V.  West- 
phalie [Traités  de]  et  Saint-Empire).  Rappelons  seule- 
ment que  Ferdinand  III  perdait  la  Haute  et  Basse-Alsace, 
le  Sundgau  et  Brisach,  que  la  nouvelle  organisation  du 
Saint-Empire  annihilait  les  pouvoirs  de  l'empereur.  En 
revanche,  il  n'avait  fait  aucune  concession  relativement  à 
ses  Etats  héréditaires,  n'y  accordant  ni  la  liberté  religieuse, 
ni  l'amnistie.  Le  fossé  se  creusait  entre  l'Autriche  et  le 
reste  de  l'Allemagne. 

Du  côté  de  la  Hongrie,  le  zèle  catholique  de  Ferdinand  Ht 
lui  aliéna  les  populations.  Dès  4625,  son  père  s'était  dé- 
chargé sur  lui  des  affaires  de  ce  royaume.  Il  y  introduisit 
les  jésuites  qui  travaillèrent  méthodiquement  à  rendre 
l'existence  impossible  aux  hérétiques.  En  4629,  à  la  mort 
de  Bethlen  Gabor,  son  successeur,  Rakoczy  Ier  (4  629-4  648) , 
d'accord  avec  les  Etats  de  Transylvanie,  fit  hommage  à  la 
Porte.  Il  profita  du  mécontentement  des  Hongrois  pour 
essayer  de  se  faire  reconnaître  roi  de  Hongrie,  du  moins 
dans  la  partie  occupée  par  les  Habsbourg.  Ferdinand  III 
avait  fait  déclarer  à  la  diète  de  Presbourg  (4637)  que  la 
paix  de  Vienne  qui  accordait  aux  réformés  le  libre  exercice 
de  leur  culte  ne  disait  rien  des  églises,  et,  en  conséquence, 
il  avait  affecté  celles-ci  aux  seuls  catholiques  partout  où 
ceux-ci  étaient  en  nombre.  En  4642,  Rakoczy  fit  élire  son 
fils  prince  par  les  Etats  de  Transylvanie.  En  4643,  celui-ci 


-  285  - 


FERDINAND 


épousa  l'héritière  des  Bathori  et  devint  le  plus  grand  pro- 
priétaire de  la  Hongrie.  Le  palatin  Esterhazy  écrivit  au 
roi  que  le  mécontentement  et  les  troubles  ne  pouvaient  être 
apaisés  que  s'il  revenait  au  respect  des  libertés  garanties 
par  les  traités  et  les  lois  du  royaume  ;  Ferdinand  III  vio- 
lait journellement  la  capitulation  qu'il  avait  souscrite  à  son 
avènement.  Une  révolution  était  à  craindre.  La  cour  de 
Vienne  ne  voulut  rien  entendre.  En  1644,  Rakoczy,  allié 
aux  Suédois  et  aux  Français,  envahit  la  Hongrie.  Il  y  fut 
accueilli  avec  joie  par  la  noblesse  protestante  et  salué 
prince  de  Hongrie  ;  il  promettait  de  restaurer  les  libertés 
politiques  et  religieuses.  Ferdinand  III ,  menacé  alors  par 
Torstensson,  s'efforça  de  traiter  avec  la  Transylvanie  et 
les  mécontents  hongrois  ;  Rakoczy  menacé  par  le  sultan 
Ibrahim  signa  la  paix  de  Linz  (sept.  1645)  laquelle  lui 
cédait  cinq  comitats  hongrois ,  concédait  aux  protestants 
plus  qu'aucun  des  pactes  antérieurs,  liberté  religieuse  com- 
plète pour  les  èvangélistes  et  les  calvinistes,  restitution  des 
quatre-vingt-dix  églises  qu'on  leur  avait  enlevées.  Après 
la  paix  de  Westphalie  et  l'avènement  de  Rakoczy  II,  tou- 
jours vassal  de  la  Porte,  Ferdinand  III  se  retourna  vers  la 
Hongrie.  L'influence  autrichienne  était  amoindrie  dans  l'Em- 
pire; il  voulait,  en  compensation,  accroître  son  autorité 
dans  ses  royaumes  ;  il  demanda  donc  à  la  diète  de  Pres- 
bourg  (1655)  de  renoncer  à  l'élection  et  de  reconnaître  la 
transmission  héréditaire  de  la  royauté  hongroise  dans  la 
maison  de  Habsbourg.  Les  Etats  refusèrent,  voyant  dans 
la  formalité  de  l'élection  et  la  capitulation  qui  y  était  jointe 
le  fondement  de  leurs  libertés  et  privilèges.  Léopold,  fils 
du  roi,  fut  d'ailleurs  choisi  sans  difficulté  et  couronné  le 
27  juin  1655. — La  dernière  année  de  sa  vie,  Ferdinand  III 
se  retrouva  en  guerre  avec  la  Suède.  Il  s'allia  au  roi  de 
Pologne  (qui  lui  faisait  entrevoir  sa  succession  pour  un 
jeune  prince  de  sa  maison)  contre  Charles  X  (1er  déc.  1656) 
et  une  armée  autrichienne  vint  soutenir  Jean-Casimir  contre 
le  roi  de  Suède  et  Rakoczy  II. 

Ferdinand  III  ne  joua  en  somme  qu'un  rôle  assez  effacé, 
continant  la  politique  de  son  père,  mais  avec  moins  d'éner- 
gie. Il  ne  rencontra  d'ailleurs  plus  les  mêmes  résistances 
dans  sa  politique  de  persécution  religieuse  ;  il  la  continua 
sans  la  modérer,  renouvelant  les  édits  contre  les  héré- 
tiques, les  rassemblements,  la  propagation  de  livres,  les 
infractions  au  jeûne,  interdisant,  même  aux  nobles,  le  ser- 
vice évangélique.  Les  violences  de  Ferdinand  II  et  la  longue 
compression  avaient  brisé  les  résistances,  et  ces  sévérités 
furent  subies  docilement.  Personnellement  Ferdinand  III 
était  un  homme  grand  et  vigoureux,  très  pieux,  bon  Alle- 
mand, aimant  les  arts  et  surtout  la  musique.  Il  fut  même 
compositeur;  Wolgang  Ebner,  organiste  de  la  cour,  a  fait 
imprimer  plusieurs  compositions  musicales  de  son  maître 
(Prague,  1648  ;  reproduites  dans  Allgem.  musik.  Zeitung 
de  Leipzig,  1826).  A.-M.  B. 

Bibl.  :  Koch,  Geschichte  der  Deutschen  Reichs  unter 
der  Regierung  Ferdinand  III;  Vienne,  1865-66,  2  vol. 

FERDINAND  IV,  roi  des  Romains  (1653-54),  roi  de 
Bohême  (1646)  et  de  Hongrie  (1647),  né  en  1634,  mort 
en  1654.  Fils  aîné  de  Ferdinand  III,  il  fut  désigné  pour 
lui  succéder,  et  fut  successivement  couronné  roi  de  Bo- 
hême (5  août  1646),  puis  de  Hongrie  (16  juin  1647).  La 
diète  de  Ratisbonne  l'élut  roi  des  Romains  ;  mais  il  mourut 
(de  la  petite  vérole)  avant  son  père ,  laissant  la  couronne 
à  son  frère  Léopold,  d'abord  destiné  à  l'Eglise. 

FERDINAND  Ier,  empereur  d'Autriche,  né  à  Vienne  le 
19  avr.  1793,  mort  à  Prague  le  29  juin  1875.  Comme  roi 
de  Bohême  et  de  Hongrie  il  porte  le  nom  de  Ferdinand  V.  Il 
était  fils  de  François  Ier  et  de  sa  seconde  femme,  Marie- 
Thérèse.  Il  fut  couronné  roi  de  Hongrie  en  1830  et  il 
épousa  en  1831  Anna,  fille  du  roi  de  Sardaigne,  Victor- 
Emmanuel.  L'année  suivante  il  échappa  à  l'attentat  dirigé 
contre  lui  par  le  capitaine  Reinolt.  Il  succéda  à  son  père  le 
2  mars  1835.  François  Ier  en  mourant  lui  recommanda 
Metternich  comme  son  plus  fidèle  ami  et  son  meilleur  ser- 
viteur. Ferdinand  était  d'une  constitution  délicate  :  il  était 


à  peu  près  incapable  de  gouverner  par  lui-même.  Il  fallut 
organiser  une  sorte  de  régence  :  Clam-Martinitz,  Metter- 
nich, Kolowrat,  les  archiducs  Louis  et  François-Charles 
constituèrent   la   Staaksconferenz   qui  fut  le  véritable 
organe  du  pouvoir  exécutif  (1836).  Le  règne  de  Ferdinand 
continua  la  politique  réactionnaire  inaugurée  par  son  pré- 
décesseur Il  réalisa  cependant  quelques  progrès  ;  la  cons- 
truction des  chemins  de  fer  fut  poussée  avec  activité  ;  le 
service  militaire  réduit  de  quatorze  ans  à  huit.  En  1847, 
fut  publiée  une  patente  qui  autorisait  les  paysans  à  se 
racheter  de  la  corvée.  La  même  année  fut  fondée  l'Acadé- 
mie des  sciences  de  Vienne.  En  1846,  sous  prétexte  de 
réprimer  un   mouvement  révolutionnaire ,    Cracovie  fut 
occupée  et  cette  occupation  fut  ratifiée  par  l'Europe.  Une 
terrible  jacquerie  éclata  en  Galicie.  La  fermentation  des 
esprits  dans  les  diverses  provinces,  notamment  en  Italie, 
en  Hongrie,  en  Bohême,  devait  nécessairement  aboutir  à 
une  révolution.  Elle  éclata  au  mois  de  mars  1848.    Le 
13  mars,  Metternich  dut  quitter  le  pouvoir  et  s'enfuir. 
L'empereur  dut  promettre  une  constitution,  accorder  un 
ministère  spécial  à  la  Hongrie,  promettre  des  réformes  à  la 
Bohême  (V.  Autriche,  t.  IV,  p.  798,  et  Bohême,  t.  VII, 
p.  77).  Les  troubles  de  Vienne  l'obligèrent  à  quitter  cette 
ville  (17  mai)  et  à  se  retirer  à  Innsbruck.  Il  y  fut  rejoint 
par  les  députés  de  la  Bohême  qui  réclamèrent  un  ministère 
responsable,  par  le  ban  Jellacich  qui  refusait  obéissance 
au  ministère  hongrois.  L'anarchie  était  à  son  comble  dans 
tout  l'Empire.  A  Prague,  les  Slaves  se  réunissaient  en  con- 
grès (juin).  Les  Hongrois  émettaient  des  idées  séparatistes. 
Au  mois  de  juillet,  une  diète  constituante  se  réunit  à 
Vienne.  Elle  invita  l'empereur  à  revenir  dans  la  capitale 
(12  août).  Il  y  rentra  en  effet;  mais,  au  mois  d'octobre, 
effrayé  par  les  émeutes  qui  éclataient  à  Vienne,  il  se  réfugia 
à  Olomoùc  (Olmutz).  Vienne    révoltée  fut  reprise  par 
Wendischgratz  (30  oct.).  La  diète  fut  transférée  à  Kro- 
merize  (Kremsier)  (15  nov.).  Le  2  déc.   elle  reçut  un 
message  de  l'empereur  annonçant  qu'il  avait  abdiqué  en 
faveur  de  son  neveu  François-Joseph.  Le  même  jour  Fer- 
dinand partit  pour  Prague  où  il  vécut  dans  la  retraite 
jusqu'à  sa  mort.  L.  Léger. 

FERDINAND,  archiduc  autrichien,  comte  de  Tirol  et 
landgrave  d'Alsace,  né  à  Linz  le  14  juin  1529,  mort  le 
24  janv.  1594.  Second  fils  de  l'empereur  Ferdinand  Ier 
et  frère  de  Maximilien  II,  il  reçut  en  1547  le  gouverne- 
ment de  la  Bohême,  commanda  en  1556  l'armée  envoyée 
contre  les  Turcs.  Il  eut  en  partage  à  sa  mort  le  comté  de 
Tirol  et  les  pays  rhénans  autrichiens.  Il  avait  épousé  secrè- 
tement, en  1557,  la  patricienne  d'Augsbourg,  Philippine 
Welser.  Son  père  reconnut  ce  mariage  (1559),  mais  à  titre 
morganatique;  les  enfants  reçurent  le  nom  «  d'Autriche  », 
mais  ne  pouvaient  être  appelés  à  succéder  qu'en  cas  d'extinc- 
tion totale  de  la  maison  de  Habsbourg.  Ferdinand  tra- 
vailla activement  à  la  réaction  catholique  dans  ses  Etats. 
Ami  des  arts,  il  a  fondé  la  collection  à' Ambras  (V.  ce  mot, 
t.  II,  p.  630).  Après  la  mort  de  sa  première  femme  (1580), 
il  épousa  (mai  1582)  Anne-Catherine  de  Gonzague,  dont  il 
eut  une  fille,  Anne,  mariée  à  l'empereur  Mathias.  A  sa 
mort,  le  Tirol  et  l'Alsace  passèrent  à  l'empereur  Rodolphe. 
Quant  aux  fils  de  Philippine  Welser,  Charles  dut  se  con- 
tenter du  margraviat  de  Burgau,  André  reçut  les  évêchés 
de  Constance  et  de  Brixen  et  le  chapeau  de  cardinal. 

Bibl.  :  Hirn,  Erzherzog  Ferdinand  von  Tirol;  Inns- 
bruck, 1885,  t.  I. 

FERDINAND  (Charles),  landgrave  de  Haute-Alsace,  né 
le  17  mai  1628,  mort  à  Innsbruck  le  30  déc.  1662.  Fils 
de  Léopold,  comte  de  Tirol  et  landgrave  d'Alsace  (frère  de 
Ferdinand  II),  et  de  Claudia  de  Medicis,  il  fut  indemnisé 
par  Louis  XIV  de  la  perte  de  son  héritage  ;  un  traité  du 
16  déc.  1660  lui  attribua  trois  millions  de  livres  tournois 
(V.  Alsace).  Marié  le  10  juin  1646  à  Anne  de  Médicis,il 
mourut  sans  enfants. 

FERDINAND  (Auguste),  prince  de  Prusse,  né  le  23  mai 
1730,  mort  à  Berlin  le  13  mai  1813.  Dernier  fils  de  Fré* 


FERDINAND 


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déric- Guillaume  Ier  et  de  Sophie-Dorothée,  il  prit  part  aux 
campagnes  de  4756  et  4757  ;  son  état  maladif  le  contrai- 
gnit à  la  retraite  ;  il  fut  maître  de  l'ordre  des  chevaliers 
Johannites  pour  le  Brandebourg  (1763-4841),  puis  grand 
maître  pour  l'ordre  prussien  reconstitué  en  4812. 

FERDINAND  (Charles-Antoine-Joseph),  archiduc  d'Au- 
triche, duc  de  Massa  et  de  Carrare,  né  le  1er  juin  1754, 
mort  le  24  déc.  1806.  Troisième  fils  de  l'empereur  d'Alle- 
magne François  Ier  et  de  Marie-Thérèse,  il  épousa  Béatrice 
d'Esté  (15  oct.  1771),  princesse  de  Massa  et  Carrare, 
héritière  du  duché  de  Modène  (V.  ce  mot).  Il  fut  nommé 
gouverneur  de  la  Lombardie.  Chassé  par  les  Français,  il 
reçut  au  traité  de  Lunéville  le  Brisgau  et  l'Ostenau,  refusés 
par  son  beau-père,  le  duc  de  Modène.  En  1805,  Napoléon 
les  lui  enleva.  Il  laissa  sept  enfants  :  Marie-Thérèse, 
épouse  de  Victor-Emmanuel,  roi  de  Sardaigne  ;  Marie- 
Léopoldine,  épouse  de  Charles-Théodore,  électeur  palatin  ; 
François  IV,  duc  de  Modène  en  1814  ;  Ferdinand  d'Esté 
(V.  ci-dessous)  ;  Maximilien,  qui  servit  dans  l'armée 
autrichienne;  Charles-Ambroise  (1785-1809);  Marie- 
Louise-Béatrice,  épouse  de  François  Ier,  empereur  d'Au- 
triche. 

FERDINAND  (Maximilien-Joseph-),  archiduc  d'Autriche, 
empereur  du  Mexique  (V.  Maximilien). 

FERDINAND  (Frédéric),  prince  d'Anhalt-Kœthen,  né 
à  Pless  le  25  juin  1769,  mort  le  23  août  1 830.  Fils  aîné  du 
prince  Frédéric-Erdmann  d'Anhalt-Plesss,  il  entra  au  ser- 
vice de  la  Prusse  (1786),  fit  les  campagnes  de  1792-94, 
de  1806,  se  jeta  en  Bohême  après  Iéna.  Il  se  retira  à  Pless, 
commanda  en  4813  la  landsturm  de  Silésie.  En  1818,  la 
mort  de  son  cousin  Louis  lui  transmit  la  principauté 
d'Anhalt-Kœthen  ;  il  céda  alors  Pless  à  son  frère  Henri.  Il 
se  convertit  au  catholicisme  avec  sa  seconde  femme,  Julie 
de  Brandebourg,  et  tracassa  ses  sujets  à  cette  occasion.  Il 
mourut  sans  enfants  et  son  frère  Henri  lui  succéda. 

FERDINAND  de  Bavière,  archevêque-électeur  de  Co- 
logne, prince-évêque  de  Liège,  né  le  7  oct.  1577,  mort  à 
Arnsberg  le  7  oct.  1650.  Fils  du  duc  Guillaume  V  de 
Bavière  et  de  Renée  de  Lorraine,  frère  puîné  du  duc  Maxi- 
milien, il  fut,  comme  lui,  élevé  par  les  jésuites  à  Ingolstadt. 
Fanatisé  par  eux,  il  devint,  en  1595,  coadjuteur  de  son 
oncle  Ernest,  électeur  de  Cologne;  il  lui  succéda  en  1612 
dans  son  archevêché  et  dans  les  trois  évêchés  de  Liège, 
Munster  et  Hildesheim;  il  y  ajouta  en  1618  celui  de  Pa- 
derborn.  Il  poursuivit  aveejacharnement  l'hérésie  dans  ses 
Etats  (au  mépris  de  la  déclaration  de  Ferdinand  Ier)  et 
dans  les  pays  voisins,  aida  de  tout  son  pouvoir  les  missions 
des  jésuites.  Il  voulait  faire  élire  à  l'Empire  son  frère 
Maximilien.  Quand  éclata  la  guerre  de  Trente  ans,  il  s'as- 
socia à  la  ligue  catholique  et  la  contint  par  tous  les 
moyens.  Grâce  à  l'alliance  des  Espagnols,  il  fut  en  sécu- 
rité jusqu'aux  victoires  de  Gustave-Adolphe  ;  mais  ensuite 
ses  évêchés  furent  effroyablement  dévastés.  Il  ne  put 
jamais  résider  longtemps  dans  aucune  de  ces  capitales  et 
son  règne  fut  des  plus  troublés,  surtout  à  Liège  où  le 
peuple,  tiraillé  en  tous  sens  par  les  discordes  civiles,  ne 
fut  jamais  aussi  misérable.  L'absence  continuelle  du  souve- 
rain fit  que  les  Liégeois  se  regardèrent  peu  à  peu  comme 
les  citoyens  d'une  république  autonome.  Méconnaissant  le 
caractère  de  ses  sujets,  Ferdinand  modifia  dans  un  sens 
réactionnaire  le  règlement  des  élections  magistrales.  Cette 
mesure  amena  des  troubles  qui  dégénérèrent  bientôt  en 
révolte  ouverte.  Deux  partis  se  formèrent  :  les  Chiroux 
aristocrates  et  les  Grignoux  populaires,  et  la  guerre 
civile  commença.  Les  chefs  des  Grignoux,  Beckman  et  La 
Ruelle,  n'hésitèrent  pas  à  appeler  l'étranger  pour  faire 
triompher  leurs  principes  révolutionnaires.  En  1635,  La 
Ruelle  fut  élu  bourgmestre  ;  il  exploita  habilement  contre 
l'évêque  l'indignation  provoquée  par  les  excès  des  soldats 
impériaux,  car  Ferdinand  avait  permis  à  Jean  de  Werth 
et  à  ses  brigands  croates  de  prendre  leurs  quartiers 
d'hiver  dans  la  principauté.  Eloquent  et  énergique,  le 
bourgmestre  entra  dans  tous  les  projets  de  la  France  et 


amena  le  peuple  liégeois  à  regarder  Richelieu  comme  un 
libérateur.  C'est  alors  que  Warfusée,  dans  l'espoir  de 
se  faire  bien  venir  de  l'évêque,  le  fit  assassiner  (16  avr. 
1637).  L'anarchie  suivit  ce  crime;  le  peuple  bannit  les 
Chiroux,  et  Ferdinand,  violant  la  neutralité  du  pays,  appela 
les  troupes  espagnoles  contre  les  Grignoux.  Les  magistrats 
liégeois  s'adressèrent  à  la  France  et  à  la  Hollande,  et  les 
menaces  de  ces  deux  puissances  décidèrent  l'évêque  à  négo- 
cier avec  Liège  le  traité  de  1640,  que  le  peuple  déçu 
appela  la  Paix  fourrée.  Mazarin  continua  la  politique 
corruptrice  de  Richelieu  et  les  Grignoux  rentrèrent  par  la 
violence  à  l'hôtel  de  ville.  Mais,  quand,  en  1648,  le  traité 
de  Munster  eut  mis  fin  aux  menées  de  la  France,  Ferdi- 
nand reparut  en  maître  et  édicta,  le  19  sept.  1649,  un 
règlement  qui  privait  les  Liégeois  de  la  plupart  de  leurs 
droits  politiques.  Aussi  le  nom  du  prince-évêque  fut-il 
maudit  comme  celui  d'un  détestable  oppresseur.  E.  H. 
Bibl.  :  De  Crassier,  Recherches  et  dissertations  sur 
l'histoire  du  pays  de  Liège  ;  Liège,  1845,  in-8.  —  Ennen, 
Frankreich  und  nieder  Rhein;  Cologne,  1855,  2  vol.  in-8. 
—  F.  Henaux,  Histoire  du  pays  de  Liège;  Liège,  1857, 
2  vol.  in-8.  —  Henrard,  Marie  de  Médicis  dans  les  Pays- 
Bas  ;  Bruxelles,  1876,  in-8.  — '  Daris,  Histoire  du  diocèse 
et  de  la  principauté  de  Liège  au  xvn9  siècle  ;  Liège,  1877, 
in-8.  —  H.  Lonchay,  la  Principauté  de  Liège,  la  France  et 
les  Pays-Bas  au  xvn»  et  au  xviii0  siècle  ;  Bruxelles,  1890, 
in-8.  ' 

FERDINAND  d'Esté  (Charles- Joseph-),  archiduc  d'Au- 
triche,^ à  Milan  le  25  avr.  1781 ,  mort  à  Ebenzweyer  (près 
de  Gmunden),  le  5  nov.  1850.  Second  fils  de  Charles-An- 
toine-Joseph, il  entra  dans  l'armée  en  1799,  reçut  en  1805 
le  commandement  du  3e  corps  autrichien  (80,000  hommes), 
avec  Mack  comme  chef  d'état-major;  son  armée,  établie 
entre  Ulm  et  Gunzburg,  sur  Fille,  fut  battue  par  Ney  à 
Gunzburg  (9  oct.)  et  coupée.  Tandis  que  Mack  était  enfermé 
dans  Ulm,  l'archiduc  échappa  avec  quelques  escadrons  de 
cavalerie  légère  ;  son  infanterie  fut  prise  sur  l'Altmuhl  par 
Murât  ;  lui-même  passa  en  Rohême.  Il  prit  le  commande- 
ment des  forces  autrichiennes,  organisa  la  landsturm,  tint 
les  Bavarois  en  échec  et  couvrit  avec  10,000  hommes  l'aile 
droite  de  l'armée  austro-russe  jusqu'à  Austerlitz.  En  1809, 
il  commandait  le  7e  corps,  fort  de  36,000  hommes,  et  entra 
dans  le  grand-duché  de  Varsovie  pour  soulever  les  Polo- 
nais ;  tenu  en  échec  à  Rajcyn  par  Poniatowski,  il  prit 
pourtant  Varsovie  (22  avr.)  et  attaqua  Thorn,  mais  Ponia- 
towski le  tournait,  occupant  Lublin,  Sandomir,  Leopol,  et, 
tandis  que  Dombrowski,  passant  la  Bzura,  forçait  les  Au- 
trichiens à  évacuer  Varsovie  (2  juin),  Poniatowski  lui 
enlevait  Cracovie  et  une  partie  de  la  Galicie.  L'archiduc 
dut  se  retirer  en  Hongrie.  En  1815,  Ferdinand  commandait 
la  réserve  (44,000  hommes)  et  passa  le  Pihin  avec  deux 
divisions.  En  1816,  il  reçut  le  commandement  supérieur 
de  la  Hongrie  ;  en  1830,  il  fut  nommé  gouverneur  général 
de  Galicie.  Il  se  laissa  tromper  par  la  noblesse  et  surprendre 
par  la  révolution  de  1846.  Il  vécut  ensuite  dans  la  retraite, 
de  préférence  en  Italie.  L.  L. 

Pour  les  autres  princes  allemands  du  nom  de  Fer- 
dinand, se  reporter  aux  articles  consacrés  à  chaque 
principauté  :  Bavière,  Brunswick,  Hesse,  Saxe,  Wurt- 

TEMBERG,  etc. 

Espagne. 

FERDINAND  ou  FERNANDO  Ier  le  Grand,  roi  de 
Castille  et  Léon,  mort  le  27  déc.  1065.  Il  était  le  second 
fils  de  Sancho  III,  roi  de  Navarre.  En  1032,  Sancho,  ayant 
attaqué  Bermudo  III,  roi  de  Léon,  l'avait  obligé  à  lui  aban- 
donner la  Castille.  Ferdinand  épousa  la  sœur  de  Bermudo, 
dofia  Sancha,  fille  d'Alonso  V,  fiancée  d'abord  au  comte 
Garci  Sanchez,  assassiné  le  jour  des  noces  par  les  Vêlas, 
dans  l'église  même.  A  la  mort  du  roi  de  Navarre  (1035), 
Bermudo  tenta  de  reprendre  les  terres  qu'il  avait  été  forcé 
de  céder,  mais  il  fut  vaincu  par  Ferdinand  et  son  frère 
Garcia  IV,  au  val  de  Tamaron,  près  du  rio  Carrion,  et  tué 
d'un  coup  de  lance  (1037).  Le  fils  de  Sancho,  déjà  roi  de 
Castille,  devint  par  cette  mort  souverain  de  Léon,  en  vertu 
des  droits  de  dofia  Sancha.  Avec  Bermudo,  qui  ne  laissait 


—  257  — 


FERDINAND 


point  de  fils,  s'éteignit  la  race  de  Pelayo,  descendant  des 
anciens  conquérants  visigoths.  Le  royaume  de  Ferdinand 
comprenait  près  d'un  tiers  de  l'Espagne  ;  ses  victoires 
l'agrandirent  encore.  Il  réforma  les  vieilles  lois  des  Goths 
et  convoqua,  en  1050,  une  assemblée  générale  à  Coyanza, 
moitié  Cortès,  moitié  concile  national,  composée  des  «  riches 
hommes  »  et  des  évêques.  On  soumit  tous  les  monastères  à 
la  règle  de  Saint-Benoit  ;  la  célébration  du  dimanche  fut 
imposée  sous  des  peines  sévères  ;  les  rapports  entre  juifs 
et  chrétiens  étaient  interdits,  les  fueros  d'Alonso  V  confir- 
més. Défense  était  faite  aux  prêtres  de  vivre  en  séculiers, 
de  porter  les  armes  et  fie  contracter  mariage.  (Cet  abus, 
dit-on,  existait  depuis  Wamba.  Fruela  Ier  aurait  vaine- 
ment essayé  de  l'abolir.)  Les  comtes  et  les  ducs  durent 
juger  leurs  sujets  suivant  le  droit  visigoth,  seul  reconnu 
en  Castille  et  Léon.  Pendant  que  Ferdinand  réformait  la 
législation,  son  frère  Garcia  IY,  roi  de  Navarre,  depuis  la 
mort  de  Sancho,  cherchait  par  jalousie  à  le  tuer.  Il  feignit 
d'être  mortellement  malade,  en  la  ville  de  Nâjera.  Un  mes- 
sager partit  pour  Burgos  annoncera  Ferdinand  qu'il  devait 
se  hâter  s'il  voulait  encore  le  trouver  en  vie.  Averti  à 
temps,  le  roi  put  échapper  aux  meurtriers  et  regagner  la 
Castille.  Garcia,  le  coup  manqué,  nia  la  trahison.  Quelques 
années  après,  le  Navarrais  vint  le  voir,  mais  fut  arrêté  et 
emprisonné  au  château  de  Céa.  Il  s'évada  et  commença  la 
guerre,  s'unit  aux  Arabes  et  s'avança  vers  Burgos.  Les 
deux  frères  se  rencontrèrent  à  Atapuerca.  Garcia  périt 
dans  la  bataille,  au  plus  épais  des  piques  où  il  s'était  pré- 
cipité en  enragé  (1053  ou  1054).  Les  Castillans  épar- 
gnèrent les  chrétiens;  les  musulmans  furent  traqués  et 
massacrés  sans  merci.  A  la  suite  de  cette  victoire,  le  roi 
de  Castille  saisit  tout  le  pays  au  delà  de  l'Ebre.  Le  reste 
de  la  Navarre  resta  à  Sancho  IV,  fils  de  Garcia. Ferdinand, 
profitant  des  guerres  civiles  qui  suivirent  le  démembre- 
ment du  khalifat  de  Cordoue,  envahit  le  Portugal,  et 
prit  d'assaut  Lamego  et  Viseo.  A  Viseo,  on  découvrit  l'ar- 
cher dont  la  flèche  avait  tué  Alonso  V  devant  ses  murs, 
en  1027.  Il  fut  torturé,  puis  exécuté.  Coïmbre  succomba. 
Les  musulmans  résistaient  bravement,  le  siège  traînait  en 
longueur,  les  vivres  manquaient.  Le  pieux  Ferdinand  cou- 
rut à  Compostelle,  en  Galice,  et  supplia  trois  jours  entiers 
le  patron  des  Espagnes,  agenouillé  dans  la  basilique. 
Coïmbre  capitula  grâce  à  l'apôtre  saint  Jacques,  rapporte 
le  moine  de  Silos  (1058).  Les  Arabes  furent  rejetés  au  delà 
du  Mondego.  San  Esteban  de  Gormaz,  Vado  del  Rey, 
d'innombrables  châteaux  ouvrirent  leurs  portes.  Ferdinand 
marcha  jusqu'à  Médina  Celi,  entra  dans  la  Nouvelle-Cas- 
tille,  conquit  Uceda,  Salamanque,  Guadalajara,  Alcalâ  de 
Henares,  Madrid  (1060).  Jamais  les  chrétiens  n'avaient  été 
si  loin.  Tout  fut  ravagé.  Al-Mamoun  de  Tolède  implora  la 
paix.  Dans  une  autre  expédition,  l'émir  de  Séville,  Ibn 
Abbad,  rendit  au  roi  de  Castille  les  précieuses  reliques  de 
saint  Isidore  (1063)  qui  furent  déposées  dans  l'église  de 
Saint-Jean-Baptiste  à  Léon,  construite  par  Ferdinand  pour 
recevoir  les  corps  saints  repris  aux  infidèles.  Au  retour  de 
ses  guerres,  tout  le  butin  était  distribué  aux  pauvres  et 
aux  couvents,  il  enrichissait  les  églises,  particulièrement 
celle  de  Saint- Jean  où  le  roi  venait  prier  de  préférence. 
Vers  la  fin  du  règne,  son  fils  don  Sancho  secourut  l'émir  de 
Saragosse,  tributaire  de  la  Castille,  contre  Ramiro  Ier,  un 
bâtard  du  grand  Sancho  de  Navarre.  Ramiro  périt  au 
combat  de  Grados  (1063).  Aux  environs  de  1054,  Ferdi- 
nand avait  pris  le  titre  d'empereur,  affirmant  ainsi  sa  su- 
prématie sur  les  autres  rois  de  la  péninsule.  L'empereur 
Henri  III  d'Allemagne,  qui  prétendait  à  la  domination  tem- 
porelle sur  la  chrétienté,  voulut  l'y  faire  renoncer  et  porta 
plainte  à  Rome.  Suivant  une  tradition  des  plus  douteuses, 
le  fameux  Cid  Ruy  Diaz  franchit  à  ce  propos  le  défilé 
d'Aspa  ;  les  Castillans  arrivèrent  jusqu'à  Toulouse,  où  le 
légat  du  pape  aurait  arrêté  leur  marche  victorieuse,  exa- 
miné le  différend  et  déclaré  l'Espagne  libre  de  tout  vasse- 
lage  envers  le  Saint-Empire.  La  dernière  guerre  de  Ferdi- 
nand fut  contre  Valence,  en  faveur  d' Al-Mamoun  de  Tolède, 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


son  allié.  (Les  historiens  musulmans  ne  disent  pas  un  mot 
de  cette  expédition,  pas  plus  que  des  précédentes.)  L'an- 
née d'après,  il  tomba  malade  à  Léon.  Sentant  venir  le 
dernier  jour,  il  déposa  pieusement  sur  l'autel  le  sceptre  et 
la  couronne,  supplia  Dieu  de  pardonner  à  son  âme,  revêtit 
le  froc,  répandit  des  cendres  sur  sa  tête,  et  expira,  entouré 
de  moines  et  d'évêques.  Avant  de  mourir,  il  avait  partagé 
ses  Etats  entre  ses  enfants  nés  de  doua  Sancha.  L'aîné, 
Sancho  II,  hérita  de  la  Castille,  Alonso  reçut  Léon,  Garcia 
la  Galice,  Urraca,  la  ville  de  Zamora,  Elvira,  celle  de  Toro. 
De  ce  fatal  démembrement  naquirent  d'atroces  guerres 
civiles.  Sancho  le  Vaillant  refit  l'unité  brisée,  par  le  parjure 
et  la  violence.  —  Ruy  Diaz  de  Vivar,  le  Cid  Campeador, 
naquit  sous  le  règne  de  Ferdinand  Ier.  Entre  tous  les  ex- 
ploits que  lui  attribuent  les  romances  à  cette  époque  de  sa 
vie,  un  seul  est  certain.  VHistoria  Roderici  Bidaci  et  le 
Linage  de  Rodrigo  Diaz  le  font  combattre  à  Grados, 
contre  Ramiro  d'Aragon,  pour  défendre  un  émir  de  Sara- 
gosse. Lucien  Doljlfus. 

Bibl.  :  Crônica  gênerai,  éd.  de  1541.  —  Mariana,  His- 
loria  gênerai  de  Espana  ;  Madrid,  1794,  10  vol.—  Pelagii, 
ovetensis  episcopi,  Chronicon  regum  ïegionensium,  dans 
Espana  sagrada,  éd.  de  Madrid,  1859,  t.  XIV.  —  Monachus 
Silensis,  Chronicon,  ibid.,  t.  XVII.—  Romancero  del  Cid; 
Leipzig,  1871. 

FERDINAND  11,  roi  de  Léon,  mort  en  1488.  Il  était  le 
deuxième  fils  d'Alonso  VII,  et  reçut  en  partage  le  royaume 
de  Léon  à  la  mort  de  son  père  (4157).  L'aîné,  Sancho  III 
ie  Désiré,  avait  hérité  de  la  Castille.  Quand  Sancho  mou- 
rut (4458)  laissant  un  fils  en  bas  âge,  Alonso  VIII,  Fer- 
dinand intervint  dans  la  querelle  des  Castro  et  des  Lara 
qui  se  disputaient  entre  eux  la  tutelle  du  prince  ;  il  entra 
en  Castille  et  s'empara  de  la  régence.  Après  de  longues 
guerres  civiles  dans  lesquelles  il  soutint  le  parti  des  Cas- 
tro, Ferdinand  épousa  dona  Teresa,  la  fille  du  comte 
Nufio,  le  chef  des  Lara.  Pour  contracter  ce  mariage,  il 
avait  répudié,  sous  prétexte  de  parenté,  sa  première  femme 
Urraca,  fille  d'Alphonse  Henriquez,  roi  de  Portugal.  Rien- 
tôt  après,  il  abandonnait  la  Castille.  Ses  propres  Etats 
venaient  d'être  attaqués.  Alphonse  Henriquez,  allié  du  roi 
de  Navarre,  s'était  emparé  de  Radajoz(M79).  Comme  les 
Léonais  approchaient  et  qu'il  sortait  de  la  ville,  le  Portu- 
gais tomba  de  cheval  en  franchissant  la  porte,  se  brisa  la 
jambe  et  fut  fait  prisonnier.  Traité  avec  courtoisie  et  remis 
en  liberté,  il  rendit  les  villes  conquises.  En  4484,  les 
Almohades  s'étaient  jetés  sur  le  Portugal  et  assiégeaient 
Santarem.  Sous  prétexte  d'aller  secourir  Alphonse  Henri- 
quez, Ferdinand  s'avança  jusqu'à  la  frontière,  prêt  à  profi- 
ter de  sa  défaite.  Mais,  les  musulmans  repoussés,  il  envoya 
féliciter  son  ancien  beau-père,  regrettant,  disait-il,  d'être 
arrivé  trop  tard  pour  vaincre  avec  lui.  Suivant  quelques 
historiens,  les  Almohades,  chassés  du  Portugal,  débordèrent 
sur  Léon  et  furent  défaits  devant  Ciudad  Rodrigo.  (Les 
annalistes  arabes  ne  disent  rien  de  cette  invasion.)  Les 
dernières  années  de  Ferdinand  ne  sont  signalées  pas  au- 
cune guerre  importante.  Son  fils,  Alonso  IX,  lui  succéda. 
Sous  ce  règne  fut  institué  l'ordre  monastique  et  militaire 
de  Santiago  ou  de  Saint-Jacques  de  l'Epée  (4475)  dont  le 
premier  grand  maître  fut  un  chevalier  léonais,  don  Pedro 
Fernandez  de  Puente  Encalada.  Il  était  soumis  à  la  règle 
de  Saint-Augustin  et  devait  protéger  contre  les  infidèles 
les  pèlerins  qui  se  rendaient  à  Saint-Jacques  de  Compos- 
telle, en  Galice.  Lucien  Dollfus. 

FERDINAND  III  le  Saint,  roi  de  Castille  et  Léon,  né 
en  4499,  mort  le  30  mai  4252.  Il  était  fils  d'Alonso  IX 
de  Léon  et  de  Rerenguela  (Bérengère)  de  Castille,  fille 
d'Alonso  VIII  le  Noble.  Son  éducation,  donnée  par  sa  mère, 
rappelle  celle  de  saint  Louis.  «  Cette  noble  reine  conduisit 
toujours  ce  sien  fils  D.  Fernando  vers  les  bonnes  coutumes 
et  bonnes  œuvres,  et  lui  donna  son  lait  et  F  éleva  très  dou- 
cement, de  telle  sorte  qu'encore  qu'il  fût  homme  accompli, 
la  reine  dona  Rerenguela,  sa  mère,  ne  cessait  pour  cela 
de  lui  enseigner  ardemment  toutes  choses  plaisantes  à  Dieu 
comme  aux  hommes.  »  (Chronique  générale.)  Après  la 

47 


FERDINAND 


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mort  d'Enrique  Ier,  elle  le  fît  venir  en  Castille  et  procla- 
mer roi  dans  Yalladolid,  lui  cédant  tous  ses  droits  au  trône 
(1217).  Il  fut  reconnu  par  la  noblesse  et  le  clergé;  les 
Lara  seuls  résistèrent.  Leur  chef,  Alvaro  Nunez,  "tombé 
entre  les  mains  du  roi,  fut  remis  généreusement  en  liberté, 
à  la  condition  de  restituer  toutes  les  forteresses  qu'occu- 
pait encore  son  parti.  Pendant  que  les  seigneurs  de  Cas- 
tille guerroyaient  entre  eux,  Aionso  IX  de  Léon  attaquait 
son  propre  fils  et  cherchait  à  lui  arracher  un  royaume 
qu'il  considérait  comme  devant  lui  revenir  en  vertu  de  son 
ancien  mariage  avec  l'infante  de  Castille,  dona  Berenguela 
(Innocent  III  avait  cependant  annulé  leur  union  en  1209). 
Cette  guerre  entre  le  père  et  le  fils  se  réduisit  à  des  sur- 
prises et  à  des  incursions  de  frontières  dans  lesquelles  le 
peuple  était  rudement  foulé  de  part  et  d'autre.  Le  pape 
Honorius  III  intervint  en  faveur  de  Ferdinand,  et  les  re- 
belles, menacés  d'excommunication,  se  soumirent  l'un 
après  l'autre  ;  Aionso  IX  renonça  à  ravager  la  Castille 
pour  attaquer  les  Mores,  Nuiîez  de  Lara  mourut,  et  Fer- 
dinand devint  roi  de  Léon  à  la  mort  de  son  père  (1230). 
Il  réunissait  ainsi  les  deux  glorieuses  couronnes  que  le 
temps  ne  devait  plus  séparer  dans  la  suite. 

Libre  enfin  du  côté  de  la  Castille  et  Léon,  il  porta  tous 
ses  efforts  contre  les  Mores,  divisés  entre  eux,  toujours 
en  lutte  les  uns  avec  les  autres.  Depuis  la  journée  de  Las 
Navas  de  Tolosa  (1212)  où  les  chrétiens  réunis  avaient 
brisé  la  puissance  almohade ,  l'islam  subissait  un  formi- 
dable recul.  Il  n'attaquait  plus,  mais  cherchait  seulement 
à  conserver  le  sud  de  l'Espagne.  Maintenir  la  frontière 
était  tout  ce  que  pouvaient  espérer  les  émirs  désunis  et 
sans  cesse  assaillis.  Jayme  d'Aragon,  le  roi  Conquistador, 
venait  de  prendre  Majorque  et  menaçait  Valence.  Pour  la 
première  fois,  la  lutte  était  égale.  Ferdinand  (Ferdeland, 
comme  l'appelaient  les  Mores)  entra  dans  le  royaume  de 
Cor  doue  ;  on  ravageait  les  champs  et  brûlait  les  villes.  Les 
Castillans  prirent  d'assaut  Balma  :  massacre  des  habitants. 
Alvar  Perez  de  Castro  poussa  jusqu'au  Guadaleté  où  jadis  fut 
vaincu  le  Visigoth  Roderic.  Poursuivi  par  Ben  Hud,  roi  de 
Cordoue,  il  s'arrêta,  cerné  par  l'armée  musulmane,  «  mul- 
titude qui  couvrait  les  monts  et  les  plaines  »  (Conde). 
Près  d'en  venir  aux  mains,  Alvar  Perez  dit  à  ses  quinze 
cents  hommes  :  «  La  mer  est  derrière  vous,  l'ennemi  en 
face  ;  point  d'autre  secours  que  le  ciel.  Allons  mourir  et 
nous  venger  !  »  Les  Castillans  massacrèrent  leurs  prison- 
niers et  s'ouvrirent  un  chemin  à  coups  d'épée  (1233).  Le 
ouali  d'Ubeda  rendit  la  ville  à  Ferdinand  ;  les  infidèles 
obtinrent  la  vie  (1235).  La  même  année,  les  Portugais 
reprenaient  les  châteaux  des  Algarves,  sans  que  les  mu- 
sulmans aient  pu  s'unir  pour  résister.  L'islam  était  pressé 
partout.  Les  garnisons  d'Ubeda  et  d'Andujar  apprirent  par 
des  prisonniers  que  l'ennemi  gardait  mal  Cordoue.  Trois 
chevaliers,  Domingo  Munoz,  Benito  de  Banos  et  Alvaro 
Codro,  avec  leurs  hommes,  escaladèrent  la  muraille  de 
nuit  et  s'emparèrent  d'un  faubourg  et  d'une  tour  (23  déc. 
1235).  Attaqués  à  l'aurore,  ils  se  maintinrent  et  repous- 
sèrent tous  les  assauts.  Un  messager  vint  annoncer  la 
nouvelle  à  Ferdinand,  comme  il  se  mettait  à  table,  en  la 
cité  de  Benavente,  au  royaume  de  Léon.  «  Quiconque  est 
mon  ami  et  bon  vassal  me  suive  »,  dit-il  aux  fidalgos  pré- 
sents. Sur  ces  mots,  il  monta  à  cheval  et  galopa  vers 
Cordoue.  Dans  tous  les  lieux  où  il  passait,  il  ordonnait  au 
peuple  de  marcher  à  sa  suite.  Il  franchit  ainsi  300 
milles,  en  plein  hiver,  à  travers  les  neiges  et  les  torrents. 
Calatrava,  Alcântara,  Santiago  accouraient.  Ben  Hud  arri- 
vait de  son  côté,  mais,  apprenant  à  Ecija  que  Ferdinand 
l'avait  devancé,  il  envoya  un  chevalier  galicien,  Lorenzo 
Suarez,  banni  de  Castille  pour  exactions,  reconnaître  les 
forces  de  l'ennemi.  Suarez  rapporta  que  l'armée  chrétienne 
était  innombrable  ;  l'émir  abandonna  Cordoue  et  partit 
arrêter  Jayme  d'Aragon  du  côté  de  Valence.  Les  Cordouans 
combattirent  sur  les  places  et  dans  les  rues,  soutenus  par 
l'espérance  d'être  secourus.  Ils  se  rendirent  enfin.  La  seule 
grâce  qu'ils  obtinrent  fut  d'avoir  la  vie  sauve.  Ils  durent 


quitter  leurs  maisons.  Leurs  biens  étaient  confisqués. 
(1236  ou  633  de  l'hégire).  La  mosquée  d'Abd-er-Rahman 
devint  cathédrale,  et  des  prisonniers  mores  rapportèrent  à 
Saint-Jacques  de  Compostelle  les  cloches  enlevées  jadis  par 
Al-Mansour,  en  994.  Baeza,  Almodovar,  Ecija  tombèrent 
aux  mains  des  Castillans.  Des  populations  entières,  chas- 
sées par  les  vainqueurs,  refluèrent  vers  Grenade  et  l'An- 
dalousie. Jamais,  depuis  la  prise  de  Tolède,  aux  jours 
d' Aionso  le  Brave,  l'islam  ibérique  n'avait  éprouvé  dé- 
sastre pareil. 

En  1238,  Ben  Hud  avait  été  traîtreusement  étranglé 
par  le  ouali  d'Almeria,  Abd-er-Rahman,  comme  il  allait 
secourir  Valence.  La  résistance  des  musulmans  faiblit. 
L'infant  don  Aionso,  fils  de  Ferdinand  (Alfonso  ben  Ferde- 
land),  s'empara  du  royaume  de  Murcie  (1242).  Les  habi- 
tants furent  traités  avec  douceur.  A  son  entrée  dans  la 
ville  de  Murcie,  nombre  d'alcaydes  et  d'oualis  l'accompa- 
gnaient et  lui  rendirent  hommage,  le  reconnaissant  ainsi 
pour  seigneur.  Carthagène,  Mula  et  Lorca  refusèrent  de  se 
soumettre.  Il  fallut  deux  ans  pour  les  réduire.  Cette  con- 
quête arrêtait  l'agrandissement  de  l'Aragon  vers  le  S. 
Pendant  ce  temps,  les  chrétiens  delà  frontière  pénétraient 
en  Andalousie,  pillaient  la  campagne  autour  de  Jaen  et 
s'emparaient  d'Arjona.  Ils  poussèrent  ensuite  jusque  de- 
vant Grenade,  sans  que  rien  pût  arrêter  leur  marche.  La 
Vega  fut  saccagée.  Trop  faibles  pour  entreprendre  un 
siège  et  manquant  de  machines,  ils  furent  repoussés  par 
Mohammed  ben  Alahmar,  qui  les  attaqua  avec  3,000  ca- 
valiers et  leur  reprit  l'immense  butin  qu'ils  avaient  fait. 
Malgré  ces  revers,  l'infatigable  Ferdinand  arriva  devant 
Jaen,  défendue  par  Abu-Omar  Ali  ben  Muza.  Durant  ce 
siège,  les  Castillans  détruisirent  tout  aux  environs.  Ils 
tuaient  ou  capturaient  les  infidèles.  Mohammed,  qui  cherchait 
à  secourir  la  place,  perdit  une  bataille  et  s'enfuit.  En 
dépit  des  pluies  et  de  l'acharnement  des  Mores,  la  cons- 
tance des  assiégeants  ne  faiblissait  pas.  C'est  alors  que  le 
roi  de  Grenade  se  présenta  tout  à  coup  devant  Ferdinand, 
livrant  au  vainqueur  sa  personne  et  ses  terres.  Il  lui  baisa 
les  mains  en  signe  d'obéissance  et  se  déclara  son  vassal. 
Le  Castillan  accepta  l'hommage  et  laissa  son  royaume  au 
vaincu  en  échange  d'un  tribut  annuel  de  50,000  pièces 
d'or.  Mohammed  devait  siéger  aux  Cortès  et  servir  son 
suzerain  avec  un  contingent  de  cavalerie.  Jaen  fut  occupée 
par  une  garnison  espagnole  (1245).  La  dernière  posses- 
sion des  Almohades,  Séville,  restait  encore  à  reconquérir. 
Sommé  de  tenir  les  engagements  pris,  Mohammed  vint 
aider  Ferdinand  à  la  tête  de  500  cavaliers  mores,  et  reçut 
en  don  la  première  ville  prise  dans  cette  guerre,  Alcalâ  de 
Guadaira.  On  arracha  les  vignes  et  les  oliviers  jusqu'aux 
environs  de  Jerez.  Les  musulmans  préférèrent  se  déclarer 
tributaires  de  leurs  ennemis  que  de  voir  détruire  les 
cultures  et  raser  les  huertas.  Carmona  et  Constantina 
forcèrent  leurs  oualis  à  demander  grâce.  Les  Grenadins 
obtinrent  la  soumission  de  Lorca.  Obligé  d'aider  lui-même 
à  la  ruine  de  l'islam,  Mohammed  chercha  du  moins  à 
rendre  la  lutte  moins  féroce.  Sur  sa  demande,  Ferdinand 
consentit  à  épargner  les  femmes  et  les  enfants  dans  les 
villes  emportées  par  l'épée  ;  la  vie  fut  accordée  à  quiconque 
mettrait  bas  les  armes.  L'émir  envoyait  sommer  les  forte- 
resses avant  l'assaut  ;  il  écrivait  aux  oualis  pour  les  enga- 
ger à  cesser  la  résistance  ;  maintes  places  furent  ainsi 
gagnées.  Devant  Alcalâ  del  Rio,  les  Castillans,  rompus 
dans  une  sortie  furieuse  des  assiégés,  durent  la  victoire 
aux  cavaliers  grenadins  ;  plus  agiles  sous  leur  haubert  de 
fines  mailles,  ils  chargèrent  les  Almohades,  dégagèrent  la 
lourde  chevalerie  chrétienne  et  rétablirent  le  combat. 
Grâce  aux  conseils  de  l'émir,  Alcalâ  del  Rio  se  rendit. 
Cette  guerre  de  sièges  et  de  dévastations  repoussait  lente-, 
ment  les  Almohades  vers  Séville;  toutes  les  garnisons  se 
repliaient  sur  la  capitale  qu'Abou-Hassan  se  préparait  à 
défendre  avec  les  secours  du  Maroc. 

Le  20  août  1247,  Ferdinand,  suivi  de  Mohammed  ben 
Alahmar,  commença  l'attaque-  de  Séville  par  terre  et  par 


mer.  Une  flotte  almohade  gardait  l'embouchure  duGuaclal- 
quivir  ;  les  vaisseaux  de  Ramon  Bonifaz  la  détruisirent  et 
rompirent  le  pont  de  bateaux  par  lequel  la  ville  communi- 
quait, avec  le  château  d'Atrayana  (Triana).  L'hiver  entier 
passa  en  combats  autour  des  murs.  Au  printemps,  l'infant 
doir*  Alonso  arriva  devant  Séville  a\ec  de  nouvelles  troupes, 
suivi  par  le  comte  d'Urgel  et  l'infant  de  Portugal.  Lopede 
Haro  amena  ses  Basques  ;  les  hommes  de  Galice  vinrent 
avec  l'archevêque  de  Saint-Jacques  ;  la  Catalogne  et  l'Ara- 
gon  envoyèrent  leurs  chevaliers    et  les  couvents  leurs 
moines.  Deux  faubourgs  furent  emportés  par  les  chrétiens 
après  une  horrible  tuerie.  Les  assiégés  n'en  résistèrent 
pas  moins  à  tous  les  assauts.  Leurs  engins  lançaient  des 
flèches  énormes  qui  traversaient  d'outre  en  outre  les  che- 
vaux couverts  de  fer.  On  assure,  mais  la  chose  est  dou- 
teuse, que  les  Almohades  se  seraient  servis  d'artillerie. 
(Les   historiens  arabes,    traduits   par    Antonio   Gonde, 
parlent  bien  de  machines  étranges,  mais  rien  ne  prouve 
qu'il  s'agisse  de  canons.)  Les  vivres  n'entraient  plus  depuis 
longtemps?  Les  alcaydes  vinrent  au  camp  chrétien  traiter 
avec  Ferdinand.  Abou-Hassan  lui  remit  les  clefs  (22  déc. 
4248).  Aux  termes  de  la  capitulation,  les  musulmans 
pouvaient  rester  dans  la  ville  et  conserver  tous  leurs  biens  ; 
ils  ne  devaient  dautre tribut  que  celui  qu'ils  payaient  à 
leurs   rois.    S'ils  désiraient  abandonner  le  pays,  ils  en 
étaient  libres  ;  on  leur  fournissait  même  des  vaisseaux  ou 
des  bètes  de  somme  pour  emporter  leur  avoir.  La  plupart, 
craignant  la  persécution,  quittèrent  Séville  et  s'établirent 
au  royaume  de  Grenade  ;  d'autres  s'embarquèrent  pour 
l'Afrique  avec  Abou-Hassan.  400,000   personnes  s'expa- 
trièrent, suivant  une  approximation  probablement  exagérée 
(100,000   seulement,  dit  Mariana).  Les   juifs  sortirent 
avec  les  Mores,  et  la  ville  resta  presque  dépeuplée.  Le 
triste  Mohammed  ben  Alahmar  reprit  le  chemin  de  Gre- 
nade :  il  avait  tenu  parole  et  combattu  contre  Allah.  Pour 
achever  la  conquête  de  l'Andalousie,  Ferdinand  s'empara 
de  toutes  les  villes  et  châteaux,  jusqu'à  Cadix  et  San  Lu- 
car.  Ramon  Bonifaz  vainquit  une  seconde  flotte  almohade 
(1251).  Victorieux  des  infidèles  en  Espagne,  Ferdinand 
songeait  déjà  à  les  poursuivre  en  Afrique,  quand  la  mort 
vint  arrêter  ses  projets.  Atteint  d'hydropisie,  le  pieux  ba- 
tailleur dépouilla  les  emblèmes  royaux,  s'étendit  en  péni- 
tent sur  un  lit  de  cendres,  et  reçut  les  derniers  sacrements, 
à  genoux,  la  corde  au  cou.  Il  fut  enterré  dans  l'église  de 
Santa  Maria,  à  Séville,  avec  la  corde  qu'il  portait  à  ses 
derniers  moments.  En  l'an  1357,  Pedro  Ier  le  Justicier,  à 
court  d'argent,  fit  enlever  les  ornements  qui  décoraient  les 
tombeaux  du  saint  roi,  de  dona  Beatriz  et  d'AIonso  X, 
leur  fils,  ne  voulant  pas,  disait-il  ironiquement,  laisser 
des  objets  aussi  précieux  exposés  à  la  cupidité  des  larrons. 
(Zûniga  donne  une  description  détaillée  des  tombes  et  des 
statues,  au  second  volume  de  ses  Annales  de  Séville.) 

—  La  première  idée  du  vaste  recueil  juridique  intitulé 
Code  des  sept  parties  (Côdigo  de  las  siete  partidas) 
appartient  à  Ferdinand  III.  Alonso  X,  sous  le  règne  du- 
quel il  fut  rédigé,  l'atteste  en  ces  mots  du  prologue  : 
«  Le  très  noble  et  bienheureux  roi  don  Fernando,  notre 
père,  l'eût  voulu  faire  s'il  eût  plus  vécu,  et  nous  ordonna, 
à  nous ,  de  le  faire.  »  La  Chronique  générale  est  plus 
précise  encore  à  ce  sujet.  «  Le  roi  don  Fernando,  son  père, 
avait  commencé  le  livre  des  sept  parties,  et  don  Alonso,  son 
fils,  le  fit  achever.  »  —  Ferdinand  avait  été  marié  deux 
fois  ;  d'abord  avec  Béatrice  de  Souabe,  fille  de  l'empereur 
Philippe  d'Allemagne,  en  1220,  puis  avec  Jeanne,  fille  du 
comte  de  Ponthieu,  arrière-petite-fille  de  Louis  VII  le 
Jeune  (1237).  Douze  enfants  naquirent  de  ces  deux  unions; 
l'ainé,  Alonso X  le  Sage  ouïe  Savant  (el  Sabio), lui  suc- 
céda. Une  de  ses  filles  épousa  Edouard  Ier  d'Angleterre. 

—  Sous  son  règne,  les  Albigeois  furent  persécutés  en 
Espagne  avec  acharnement.  Telle  était  la  haine  du  pieux 
roi  contre  les  hérétiques  qu'il  allumait  leurs  bûchers  de  ses 
propres  mains,  rapporte  Mariana.  Ferdinand  III,  l'un  des 
plus  grands  hommes  du  moyen  âge,  fut  canonisé  par  le 


—  289  —  FERDINAND 

pape  Clément  X,  en  1677.  On  l'honore  le  30  mai,  jour  de 
sa  mort.  —  L'ordre  de  Saint-Ferdinand  a  été  institué  par 
les  Cortès,  en  1811.  Ferdinand  VII  le  confirma  par  une 
ordonnance  du  19janv.  1815.  Il  existe  un  autre  ordre  de 
Saint-Ferdinand,  à  Naples,  créé  par  Ferdinand  IV,  roi  des 
Deux-Siciles,  en  1800.  Lucien  Dollfus. 

Bibl.  :  Crônica  gênerai,  éd.  de  1541.  —  Mariana,  His- 
torié gênerai  de  Espana;  Madrid,  1794, 10  vol.  —  Florez, 
Memorias  de  las  Reynas  catôlicas  ;  Madrid,  1790,  2  vol. 
—  Antonio  Conde,  Historia  de  la  dominacion  de  los 
Arabes  en  Espana;  Paris,  1840.  —  Hernan  Perez  de 
Guzman,  Claros  varones,  dans  Rimas  inéditas  de  D.Inigo 
Lopez  de  Mendoza,  etc.;  Paris,  1844. 

FERDINAND  IV  l'Ajourné,  roi  de  Castille  et  Léon, 
mort  le  17  sept.  1312.  Il  n'était  âgé  que  de  neuf  ans 
lorsqu'il  succéda  à  son  père  Sancho  IV  le  Rrave  (1295), 
sous  la  tutelle  de  la  reine  dona  Maria  de  Molina.  La  mi- 
norité du  jeune  roi  ne  fut  qu'une  longue  guerre  civile. 
Don  Juan,  son  oncle,  et  don  Enrique,  fils  d'AIonso  X,  se 
disputèrent  la  régence  et  la  personne  du  prince,  pendant 
que  Diego  de  Haro,  sire  de  Riscaye,  se  déclarait  indépen- 
dant. Les  Lara  s'armèrent  en  faveur  du  roi  pour  le  trahir 
aussitôt.  Diniz  de  Portugal  soutint,  puis  abandonna  l'infant 
don  Juan.  L'Aragon,  Grenade  et  le  Portugal  s'allièrent 
aux  seigneurs  révoltés  pour  démembrer  la  Castille.  Alfonso 
de  La  Cerda  (V.  ce  nom)  fut  proclamé  roi  dans  Saha- 
gun  ;  Jayme  II  s'empara  du  royaume  de  Murcie,  mais,  au 
siège  delayorga,  l'armée  confédérée  se  dispersa,  décimée 
par  l'épidémie,  après  avoir  tout  ravagé  aux  environs.  Le 
roi  Diniz  fit  la  paix,  Jayme  II  s'occupa  des  afîairesde  Sicile, 
La  Cerda  dut  renoncer  à  ses  prétentions  au  trône  en 
échange  d'une  rente  et  d'un  magnifique  apanage;  la  plupart 
des  grands  vassaux  se  soumirent  les  uns  après  les  autres. 
Malgré  son  tuteur  don  Enrique,  Ferdinand  épousa  dona 
Constanza,  fille  du  roi  de  Portugal,  et  l'ordre  se  rétablit 
peu  à  peu  (1302).  Dès  qu'il  put  songer  à  la  guerre  sainte, 
le  roi  de  Castille  envahit  le  royaume  de  Grenade,  où  ré- 
gnait alors  Abd-Allah  Mohammed  III.  Jayme  II  attaquait 
Almeria.  Repoussé  devant  Algesiras,  Ferdinand  s'empara 
cependant  de  Gibraltar,  grâce  à  Guzman  le  Brave.  Les 
Mores  perdirent  encore  les  villes  de  Quesada  et  de  Bedmar 
et  payèrent  5,000  doubles  d'or  (1309).  Lors  du  procès  des 
templiers,  le  roi  confisqua  leurs  biens,  en  vertu  d'une  bulle 
du  pape  Clément  V  ;  l'ordre  fut  aboli  en  Espagne,  comme 
dans  le  reste  de  la  chrétienté,  et  ses  dépouilles  enrichirent 
les  chevaliers  de  Calatrava.  Au  moment  où  il  allait  partir 
pour  une  nouvelle  expédition  contre  les  infidèles,  Ferdinand 
fit  mettre  à  mort  deux  fidalgos,  Alfonso  et  Pedro  Carvajal, 
accusés  de  meurtre  et  de  pilleries.  On  leur  trancha  les 
pieds  et  les  mains,  puis  leurs  corps  mutilés  furent  précipi- 
tés du  haut  de  la  Pena  de  Martos.  Les  suppliciés  avaient 
protesté  de  leur  innocence,  et  assigné  le  roi  devant  Dieu, 
dans  un  délai  de  trente  jours,  prenant  à  témoin  saint 
Pierre  et  saint  Paul,  et  l'apôtre  saint  Jacques  pour  greffier, 
dit  une  romance.  En  effet,  le  terme  accompli,  Ferdinand  IV 
fut  trouvé  mort,  dans  son  lit.  De  là  vint  son  surnom 
d'Ajourné  (Emplazado).  Il  eut  pour  successeur  son  fils, 
Alonso  XL  Lucien  Dollfus 

FERDINAND  Vie  Catholique,  roi  de  Castille  et  d'Ara- 
gon, né  le  10  mars  1452,  mort  le  23  janv.  1516,  àMa- 
drigalejo.  Il  était  fils  de  Juan  II,  roi  d'Aragon,  el  de  sa 
seconde  femme,  Juana  Enriquez,  fille  de  Fadrique  Enri- 
quez,  almirante  de  Castille.  Tout  jeune  encore,  Ferdinand 
seconda  son  père  contre  les  Catalans  révoltés,  après  la 
mort  de  son  frère  Carlos  de  Viana  (V.  ce  nom)  et  fut 
proclamé  roi  de  Sicile  et  héritier  d'Aragon  par  les  trois 
Etats,  réunis  à  Saragosse  (1468).  Pendant  que  la  guerre 
continuait  entre  Juan  II  et  ses  sujets  de  Catalogne,  les 
nobles  et  le  peuple  de  Castille  s'étaient  soulevés  contre 
leur  roi,  Enrique  IV,  dit  l'Impuissant,  refusant  de  prêter 
serment  à  sa  fille,  dona  Juana  (la  Beltraneja),  que  l'on 
prétendait  née  de  l'adultère  de  la  reine  avec  Beltran  de  La 
Cueva,  comte  de  Ledesma.  Dans  la  plaine,  sous  les  murs 
d'Avila,  l'jmage   d'Enrique  IV,   revêtue   des   ornements 


FERDINAND 


-  260 


royaux  et  placée  sur  une  estrade  élevée,  fut  solennellement 
dépouillée  du  sceptre  et  de  la  couronne,  puis  précipitée  du 
trône  (1465).  Les  rebelles  avaient  d'abord  acclamé  l'infant 
don  Alonso,  frère  du  roi  dégradé.  Gomme  il  mourut  peu 
après,  ils  forcèrent  l'Impuissant  à  déclarer  sa  sœur  Isa- 
belle, fille  du  roi  Juan  II  de  Castille,  héritière  du  royaume, 
au  détriment  de  dofia  Juana.  Dès  qu'on  apprit  qu'Isabelle 
serait  un  jour  reine  de  Castille,  Ferdinand  d'Aragon,  le  roi 
de  Portugal  et  le  duc  de  Guyenne,  frère  de  Louis  XI,  se 
disputèrent  sa  main.  Dans  cette  lutte,  Ferdinand  l'emporta. 
Isabelle  partit  secrètement  pour  Valladolid ,  avec  300 
hommes  d'armes,  en  dépit  du  marquis  de  Villena  qui  vou- 
lut l'arrêter  et  n'osa.  De  son  côté,  l'infant  Ferdinand  était 
venu  à  sa  rencontre,  déguisé  et  accompagné  de  quatre  che- 
valiers seulement.  L'archevêque  de  Tolède  se  hâta  de  les 
marier,  le  18  oct.  1469, sans  pompe,presque  en  cachette. 
Villena,  furieux  de  n'avoir  pu  empêcher  ce  mariage,  ex- 
torqua facilement  au  triste  Enrique  IV  une  déclaration  par 
laquelle  il  annulait  tous  les  droits  d'Isabelle  au  trône  de 
Castille  et  déclarait  son  héritière  Juana  la  Beltraneja.  On 
lui  fit  épouser  par  procuration  le  duc  de  Guyenne,  mais  les 
envoyés  de  Louis  XI  exigèrent  de  la  reine  un  étrange  ser- 
ment. Juana  de  Portugal  dut  affirmer  publiquement  que  sa 
fille  était  bien  l'enfant  du  roi,  non  celui  de  Beltran  de  La 
Cueva.  Le  mari  attestait  la  chose  à  son  tour.  Ce  mariage 
du  reste  ne  fut  jamais  consommé,  le  duc  de  Guyenne  étant 
mort  en  France  (1472)  sans  être  jamais  venu  en  Espagne. 
A  la  suite  d'une  réconciliation  entre  Ferdinand  d'Aragon 
et  le  roi  de  Castille,  celui-ci  mourut  à  Ségovie  le  12  déc. 
1474.  Isabelle  Fe  fut  proclamée  reine  de  Castille  et  Léon 
avec  son  époux  Ferdinand  V,  et  l'élection  confirmée  par  les 
Cortès.  Aussitôt,  le  fils  du  marquis  de  Villena  et  l'arche- 
vêque de  Tolède,  Alonso  Carrillo,  s'armèrent  en  faveur  de 
dona  Juana  et  appelèrent  à  leur  aide  le  roi  de  Portugal, 
Alphonse  V,  qui  entra  en  Castille  et  épousa  la  fille  d'En- 
riquelV,  à  Palencia  (1475).  Zamora  et  Toro  se  rendirent 
sans  résistance  ;  le  comte  de  Benavente  fut  v?incu  et  pris 
dans  Valtanas,  après  un  combat  désespéré  dans  les  rues  de 
la  ville  ;  la  plupart  des  nobles  abandonnèrent  la  cause  du 
roi.  Tandis  que  les  Portugais  attaquaient  la  Castille,  le 
maître  de  Santiago,  Alonso  de  Cârdenas,  et  le  duc  de 
Médina  Sidonia ,  pénétraient  chez  eux  et  ravageaient 
leur  pays.  Ferdinand,  qui  venait  de  secourir  Burgos 
et  de  reprendre  Zamora,  repoussait  Alphonse  V  vers 
Toro  et  le  battait  dans  les  plaines  de  Pelayo  Gonza- 
lez pendant  que  son  allié  Louis  XI  était  vaincu  devant 
Fontarabie  (1476).  Les  rebelles  se  soumirent,  sauf  l'ar- 
chevêque de  Tolède  qui  résista  longtemps  et  qu'il  fallut 
réduire  par  les  armes.  Enfin,  le  roi  de  Portugal,  après 
avoir  été  lui-même  en  France  implorer  vainement  le  secours 
de  Louis  XI,  renonça  au  titre  de  roi  de  Castille  aux  confé- 
rences d'Alcân tara  (sept.  1479).  Le  pape  retira  la  dispense 
accordée  pour  son  mariage,  et,  l'année  suivante,  dona  Juana 
prit  le  voile  au  couvent  de  Sainte-Claire,  à  Coïmbre.  Le 
19  janv.  1479,  le  vieux  Juan  II  était  mort,  et  Ferdinand, 
déjà  roi  de  Castille  et  Léon  du  fait  de  sa  femme,  était  de- 
venu souverain  de  Sicile  et  d'Aragon.  Ce  fut  le  premier  pas 
vers  l'unité  espagnole  qui  devait  s'achever  plus  tard  par 
l'expulsion  des  Mores  et  la  conquête  de  la  Haute-Navarre. 
Dès  que  Ferdinand  et  Isabelle  se  virent  affermis  sur  le 
trône,  ils  attaquèrent  la  féodalité,  le  brigandage  et  l'hé- 
résie. Aux  Cortès  de  1476,  tenues  en  la  ville  de  Madrigal, 
ils  avaient  institué  la  Santa  Hermandad  (Sainte-Confrérie) 
destinée  à  réprimer  les  voleurs  et  les  routiers  qui  infestaient 
leurs  royaumes.  Aucun  privilège  ne  pouvait  arrêter  cette 
terrible  juridiction.  Les  condamnés  étaient  mis  à  mort  à 
coups  de  flèches.  Non  content  de  rendre  les  barons  justi- 
ciables des  tribunaux  royaux,  Ferdinand  profita  de  la  con- 
quête de  Grenade  pour  réunir  à  la  couronne  la  grande 
maîtrise  des  trois  ordres  militaires  et  monastiques  de  Cala- 
trava,  Alcântara  et  Santiago.  En  1480,  Ferdinand  et 
Isabelle  réorganisèrent  l'Inquisition,  en  vertu  d'une  bulle 
du  pape  Sixte  IV,  datée  de  1478.  (Le  Saint-Office  existait 


déjà  en  Aragon  depuis  le  xme  siècle.  C'est  lui  qui  brûla 
les  Albigeois.  Au  xive  siècle,  Nicolas  Eymeiïch  composa 
un  manuel  de  procédure  inquisitoriale.  En  Castille,  les 
évêques  jugeaient  les  crimes  contre  la  foi.)  Les  premiers 
inquisiteurs  nommés  par  Ferdinand  furent  Miguel  de  Mo- 
rillo  et  Juan  San  Martin,  comme  assesseur  Juan  Ruiz  de 
Médina,  docteur  en  droit  canon.  Les  autodafés  commen- 
cèrent au  Quemadero  de  Séville  (janv.  1481).  Cordoue 
suivit.  La  nouvelle  Inquisition  rencontra  cependant  une 
assez  vive  résistance  au  N.  de  l'Espagne,  surtout  en  Ara- 
gon. Ce  n'était  pas  le  bûcher  qui  faisait  horreur,  mais  les 
confiscations  au  profit  de  l'Eglise  et  du  roi,  contraires 
aux  fueros.  Un  inquisiteur  ayant  été  massacré  à  Saragosse, 
Pedro  Arbués  (béatifié  eu  1664),  Ferdinand  châtia  dure- 
ment la  population  et  l'Aragon  se  soumit.  Sous  le  domini- 
cain Fray  Tomâs  de  Torquemada,  confesseur  d'Isabelle,  la 
persécution  redoubla.  De  1482  à  1498,  8,800  personnes 
furent  brûlées  vives,  6,500  en  effigie,  90,000  condamnées 
à  l'infamie,  à  l'amende  honorable,  à  la  prison  perpétuelle; 
6,000  manuscrits  arabes,  traitant,  disait-on,  de  judaïsme 
et  de  sorcellerie,  furent  détruits  par  les  flammes,  à  Sala- 
manque,  des  cadavres  déterrés,  des  ossements  jetés  à  la 
voirie.  Le  code  ou  recueil  des  instructions  inquisitoriales 
(1482)  contenait  à  l'origine  vingt-huit  articles;  onze  y 
furent  ajoutés,  en  1490,  et  quinze  autres,  en  1498.  «  L'uti- 
lité de  cette  institution,  dit  Mariana,  parlant  du  Saint- 
Office,  a  dépassé  de  beaucoup  les  espérances  qu'on  avait 
osé  concevoir...  »  Les  premières  victimes  de  l'Inquisition 
furent  presque  toutes  des  juifs;  ensuite  on  brûla  des  mu- 
sulmans relaps,  encore  en  petit  nombre,  des  protestants 
et  des  mystiques  catholiques  égarés  hors  de  l'orthodoxie 
romaine. 

Comme  les  trêves  faites  avec  les  Mores  venaient  d'expi- 
rer (1476),  le  roi  de  Grenade,  Mouley-Aboul-Hassan,  avait 
demandé  leur  renouvellement.  Ferdinand  voulut  exiger  que 
l'émir  se  déclarât  son  tributaire.  Le  Grenadin  répondit  aux 
envoyés  castillans  :  «  Allez,  et  dites  à  vos  maîtres  qu'ils 
sont  morts,  les  rois  qui  payaient  tribut  aux  chrétiens,  et 
qu'en  cette  ville  on  ne  forge  qu'alfanges  et  fers  de  lance 
pour  nos  ennemis.  »  La  guerre  n'éclata  pourtant  qu'en 
1481.  Par  une  nuit  d'orage,  les  Mores  surprirent  Zahara, 
en  pleine  paix  (27  déc).  L'année  suivante,  Alhama  était 
enlevée  par  le  marquis  de  Cadix,  Rodrigo  Ponce  de  Léon. 
Aboul-Hassan  essaya  vainement  de  la  reprendre,  mais  les 
chrétiens  furent  vaincus  sous  les  murs  de  Loja,  où  périt 
le  maître  de  Calatrava,  Ruy  Tellez  Giron,  atteint  d'une 
flèche  empoisonnée  (13  juil.  1482).  A  ce  moment,  le 
peuple  de  Grenade  se  souleva  ;  on  proclama  Mohammed 
Abou-Abdallah  (Boabclil),  le  fils  d'Aboul-Hassan,  et  le  roi 
détrôné  s'enfuit  dans  Malaga.  Malgré  la  guerre  civile,  les 
musulmans,  conduits  par  Reduan  ben  Egas,  défirent  encore 
le  marquis  de  Cadix,  le  maître  de  Santiago  et  le  comte  de 
Cifuentes,  dans  la  montagne,  aux  environs  de  Malaga 
(21  mars  1483).  Les  Espagnols  y  perdirent  plus  de 
1,500  hommes  et  le  lieu  s'appela  dès  lors  Côte  de  la 
Tuerie  (Cuesta  de  laMatanza).  Le  comte  de  Cabra,  don 
Diego  Fernandez  de  Côrdoba  et  Alonso  de  Aguilar  ven- 
gèrent cet  échec  :  ils  battirent  les  Mores  à  Lucena  et  firent 
prisonnier  Abou-Abdallah.  Aussitôt  Aboul-Hassan  reprit 
Grenade  et  rentra  dans  l'Alhambra  d'où  son  fils  l'avait 
chassé  peu  de  temps  auparavant.  Conseillé  par  sa  mère 
Aïcha  (Aixa)  ou  Zoraya,  comme  l'appelle  Antonio  Conde,  le 
lâche  Abdallah  se  reconnaissait  vassal  du  roi  d'Espagne, 
s'engageait  à  lui  payer  tribut,  à  l'aider  contre  les  musul- 
mans, à  siéger  aux  Cortès,  à  la  condition  qu'il  lui  rendît  la 
liberté  et  lui  prêtât  main-forte  pour  reconquérir  les  villes 
occupées  par  son  père.  Ferdinand  s'empressa  d'accepter, 
pensant  entretenir  ainsi  des  troubles  dont  il  profitait.  En 
effet,  le  roi  vaincu  rentra  dans  Grenade,  soutenu  par  les 
chrétiens,  et  la  guerre  civile  recommença.  On  combattit 
dans  les  rues,  avec  acharnement.  Enfin,  le  vieil  Aboul- 
Hassan  se  démit  du  pouvoir,  espérant  ainsi  sauver  l'islam, 
et  les  Grenadins  proclamèrent  émir  son  frère  Abd-Alla, 


264  — 


FERDINAND 


el-Zagal,  oualide  Malaga.  A  son  entrée  dans  Grenade,  une 
centaine  de  têtes  chrétiennes,  pendant  à  l'arçon  de  ses  ca- 
valiers, enthousiasmèrent  le  peuple  (4484).  Abdallah,  fils 
d'Aboul-Hassan,  refusa  d'abdiquer,  et  les  deux  partis  en 
vinrent  aux  mains  de  nouveau.  LesEspagnols  s'emparèrent 
de  Ronda  (4485).  Illora,  Moclin,  Loja,  Velez-Malaga  suc- 
combèrent. A  ce  siège,  un  musulman,  renommé  pour  sa  sain- 
teté, avait  pénétré  dans  le  camp  et  poignardé  un  seigneur 
portugais  qu'il  prenait  pour  le  roi.  Ferdinand  et  Isabelle 
prirent  Malaga  (4487).  El  Zagal  cependant  résista  brave- 
ment ;  il  vainquit  l'ennemi  devant  Taberna  et  reprit  même 
quelques  places  perdues.  Ferdinand  renouvela  son  traité 
avec  Abou-Abdallah  ;  le  roi  more  promettait  de  livrer  Gre- 
nade et  de  prêter  hommage  en  échange  d'une  principauté  en 
Andalousie,  à  la  condition  d'être  soutenu  contre  son  oncle. 
Baza,  assiégée  pendant  sept  mois,  se  défendit  héroïquement. 
Il  avait  fallu,  pour  arrêter  les  sorties  désespérées  des  assié- 
gés et  protéger  le  camp,  l'entourer  d'un  fossé  et  d'une  mu- 
raille garnie  de  tours,  construites  par  les  prisonniers  arabes. 
Vaincu  et  résigné  à  la  volonté  d'Allah,  El-Zagal  se  rendit 
auprès  du  vainqueur  et  lui  remit  toutes  les  villes  qu'il  pos- 
sédait encore  (4490).  Il  abdiqua,  partit  pour  l'Afrique  et 
s'établit  à  Tlemcen  où  il  mourut.  (Suivant  d'autres,  le  roi 
de  Fez  lui  aurait  fait  brûler  les  yeux.)  Resté  seul,  Abou- 
Abdallah  répondit  qu'il  ne  pouvait  obéir  aux  conditions  du 
traité  secret  sans  être  renversé  ou  massacré  par  son  peuple. 
Il  fit  partout  proclamer  la  guerre  sainte  ;  les  villes  occupées 
se  soulevèrent;  les  garnisons  espagnoles  furent  égorgées 
ou  chassées  ;  les  musulmans  reprirent  la  forteresse  d'Al- 
hendin,  défendue  par  Mendo  de  Quesada,  et  remportèrent 
quelques  avantages  à  Boloduy  et  à  Marchena.  Devant  Sa- 
lobrena,  Hernan  Perez  del  Pulgar  les  repoussa,  et  les 
Mores  durent  lever  le  siège.  Le  24  avr.  4494,  Ferdinand 
s'avança  vers  Grenade  et  pénétra  dans  la  Vega,  avec 
40,000  hommes  de  pied  et  10,000  chevaux.  (Un  décret 
daté  de  Séville,  40  févr.,  obligeait  lesjuifs  à  faire  en  grande 
partie  les  frais  de  cette  guerre.)  Tous  les  villages  des  en- 
virons furent  incendiés,  les  oliviers  coupés,  les  vignes 
arrachées,  les  huertas  ravagées  afin  d'empêcher  l'ennemi 
de  ravitailler  Grenade  assiégée.  Le  camp  était  entouré  de 
fossés  et  de  retranchements  formidables.  La  reine  Isabelle 
avait  rejoint  son  époux  et  veillait  aux  approvisionnements. 
Comme  les  tentes  prirent  feu  et  que  tout  fut  détruit  par  la 
flamme,  elle  fit  construire  une  ville  nouvelle,  en  face  de 
Grenade,  pour  affirmer  ainsi  son  dessein  de  ne  jamais  aban- 
donner le  siège;  on  la  nomma  Santa  Fé  (Sainte-Foi).  Ce 
travail  énorme  s'accomplit  en  deux  mois.  Quand  les  vivres 
commencèrent  à  manquer,  la  foule,  entassée  dans  Grenade, 
menaça  de  se  révolter;  Abou-Abdallah  dut  traiter.  Son 
vizir,  Aboul-Kassem  Abd-el-Melek  partit  pour  le  camp 
chrétien  où  il  conféra  avec  Gonzalve  de  Cordoue  et  Hernan 
de  Zafra.  Grenade  devait  se  rendre  si  elle  n'était  secourue 
par  terre  ou  par  mer  dans  l'espace  de  deux  mois.  Aucune 
armée  ne  vint  d'Afrique.  D'après  la  capitulation,  signée 
le  25  no v.  4494,  les  musulmans  conservaient  tous  leurs 
biens,  armes  et  chevaux  ;  ils  ne  livraient  que  leurs  canons. 
Ferdinand  leur  accordait  le  libre  exercice  de  leur  religion  ; 
ils  gardaient  leurs  mosquées  et  leurs  écoles,  pouvaient 
parler  leur  langue  et  porter  leur  costume  ;  ils  étaient  jugés 
par  les  cadis,  gouvernés  suivant  leur  loi  ;  ils  ne  devaient 
d'autres  impôts  que  ceux  qu'ils  payaient  à  leurs  anciens 
maîtres;  Abou-Abdallah  recevait  des  terres  dans  les  Alpu- 
jarras.  C'était  en  somme  les  mêmes  conditions  que  celles 
imposées  jadis  à  Séville,  à  Valence  et  à  Tolède.  En  vain 
Moussa,  qui  avait  héroïquement  défendu  Grenade,  déclara- 
t-il  au  conseil  que  les  Espagnols  victorieux  ne  tiendraient 
pas  longtemps  leurs  promesses,  que  les  musulmans  seraient 
un  jour  brûlés  comme  les  juifs.  Il  exhorta  les  Mores  à  la 
résistance  acharnée.  «  Si  la  terre  manque  pour  nous  ense- 
velir, le  ciel  du  moins  ne  manquera  pas  pour  nous  cou- 
vrir »,  s'écria— t-ii.  Chacun  pleurait,  silencieusement. 
Moussa  sortit  du  conseil,  et,  tout  armé,  sur  son  cheval,  il 
abandonna  la  ville.  Craignant  un  soulèvement  populaire, 


Abou-Abdallah  vint,  le  2  janv.  4492,  remettre  les  clefs 
à  Ferdinand  et  à  Isabelle  qui  l'attendaient,  au  front  de 
l'armée  rangée  en  bataille  au  bord  du  Génil.  Le  6,  ils 
firent  leur  entrée  et  montèrent  à  l'Alhambra.  Les  captifs 
chrétiens  les  entouraient,  montrant  leurs  chaînes  brisées. 
Le  farouche  Ximenez  de  Cisneros,  archevêque  de  Tolède, 
fit  un  autodafé  de  tous  les  livres  arabes.  Le  dernier  souve- 
rain de  l'Espagne  mahométane  vécut  d'abord  dans  les  Alpu- 
jarras,  vendit  bientôt  après  tout  ce  qu'il  possédait  dans  la 
vallée  de  Purchena  et  partit  pour  l'Afrique  avec  sa  famille 
(1493).  Il  mourut  en  combattant  pour  le  roi  de  Fez, 
Mouley  Ahmed  ben  Mérin,  à  la  bataille  du  gué  de  Bakouba, 
contre  les  Marocains.  C'est  à  l'occasion  de  leur  victoire 
sur  les  infidèles  que  le  pape  Innocent  VIII  accorda  le  titre 
de  rois  Catholiques  à  Ferdinand  d'Aragon  et  à  Isabelle  de 
Castille,  titre  qui  est  resté  depuis  à  tous  les  rois  d'Espagne. 
L'année  même  où  achevait  de  s'écrouler  la  domination  mu- 
sulmane, Christophe  Colomb  découvrait  l'Amérique  (4  3  oct.) 
et  débarquait  à  Palos,  le  3  août  4493  (V.  Colombo). 

Le  30  ou  34  mars  4492,  Ferdinand  et  Isabelle  rendaient 
à  Grenade  un  décret  d'expulsion  contre  tous  les  juifs  rési- 
dant en  Espagne,  à  moins  qu'ils  n'embrassassent  la  religion 
catholique.  Espérant  acheter  le  droit  de  séjourner  dans  le 
pays,  les  Israélites  offrirent  au  roi  de  lui  payer  30,000  du- 
cats. Ils  se  soumettaient  aux  règlements  les  plus  humi- 
liants :  ne  point  porter  de  souliers,  sinon  des  alpargates, 
encore  faites  de  sparterie,  nepoint  monter  un  cheval  sellé, 
ne  point  chevaucher  en  ville,  sous  aucun  prétexte,  mais  y 
entrer  toujours  à  pied.  Leurs  femmes  s'engageaient  à  sortir 
le  visage  découvert,  à  nepoint  avoir  des  coiffes  violettes,  etc. 
Ferdinand  et  Isabelle  hésitaient  entre  le  fanatisme  et  l'ava- 
rice, quand  Torquemada  l'Inquisiteur  saisit  le  crucifix,  le 
brandit  à  la  face  des  rois  Catholiques.  «  Judas  Iscariote, 
s'écria-t-il,  a  vendu  son  Dieu  pour  trente  deniers,  vous  allez 
le  vendre  pour  trente  mille.  Tenez  !  le  voici,  vendez-le  !  » 
Les  juifs  partirent  en  masse,  après  avoir  cédé  tous  leurs 
biens  à  vil  prix,  dans  le  délai  fixé  à  quatre  mois.  Ceux  qui 
s'embarquèrent  durent  encore  payer  deux  ducats  par  tête. 
Beaucoup  passèrent  en  Portugal  où  les  attendaient  la  per- 
sécution et  le  massacre.  Le  nombre  des  bannis  fut  de 
400,000,  d'après  Zurita,  de  plus  de  800,000,  prétend 
Mariana.  Prescott  ne  l'évalue  qu'à  460,000,  chiffre  ap- 
proximatif donné  par  Bernaldez.  Le  reste,  converti  en 
apparence,  préféra  rester  sous  l'œil  vigilant  du  Saint-Office. 
(Ils  étaient  35,000  environ.)  Une  nouvelle  pragmatique, 
du  5  sept.  4499,  condamnait  à  mort  tout  israélite  qui  ten- 
terait de  revenir  en  Espagne,  avec  confiscation  de  ses 
biens  au  profit  de  l'Etat.  Après  les  juifs,  vint  le  tour  des 
musulmans  ou  morisques.  L'archevêque  de  Grenade,  Fray 
Hernando  de  Talavera,  qui  procédait  par  la  douceur,  en 
avait  baptisé  3,000  en  un  seul  jour.  Malgré  ces  succès, 
Ferdinand  trouvait  que  la  conversion  des  infidèles  marchait 
avec  trop  de  lenteur  ;  il  envoya  pour  l'activer  Ximenez 
de  Cisneros,  alors  archevêque  de  Tolède  et  plus  tard  car- 
dinal (4499).  Dès  son  arrivée,  les  renégats  ou  fils  de  rené- 
gats, dont  le  nombre  était  considérable,  reçurent  Tordre  de 
rentrer  à  l'instant  dans  l'Eglise,  et  la  persécution  commença. 
Les  Mores  de  FAlbaicin  se  soulevèrent  ;  le  comte  de  Ten- 
dilla,  gouverneur  de  Grenade,  rétablit  l'ordre.  Des  bandes 
armées  couraient  la  campagne  et  les  sierras  d'Andalousie, 
massacrant  les  chrétiens.  Le  pillage  et  le  meurtre  vengeaient 
les  exécutions  du  Saint-Office.  Un  chef  de  brigands,  Arroba, 
aurait  assassiné  4,000  personnes,  prétend  Perez  de  Hyta. 
«  Beaucoup  de  chrétiens  étaient  mis  à  mort  et  coupés  en 
morceaux  secrètement  »,  affirme  le  même  historien.  Ces 
crimes  amenaient  des  représailles  atroces.  Les  révoltés  se 
retranchèrent  dans  la  sierra  Bermeja  ;  on  dut  les  attaquer. 
Un  frère  de  Gonzalve  de  Cordoue,  Alonso  de  Aguilar,  périt 
en  les  combattant  (4504).  Ferdinand  lui-même  réprima 
l'insurrection,  très  durement.  L'Inquisition  s'établit  à  Gre- 
nade, et  les  musulmans,  sommés  de  se  convertir,  quittèrent 
en  grand  nombre  l'Andalousie,  laissant  le  pays  sans  cul- 
ture et  les  villes  sans  habitants.  Vainqueur  de  l'islam  en 


FERDINAND 


—  262  — 


Espagne,  le  roi  Catholique  le  poursuivit  avec  acharnement 
jusqu'en  Afrique.  En  1505,  Diego  Hernandez  de  C6rdoba, 
alcayde  de  Los  Donceles,  et  Ramon  de  Cardona  s'empa- 
rèrent de  Mers-el-Kébir(Mazalquivir)  ;  Pedro  Navarro  prit 
la  forteresse  de  Penon  de  Vêlez  (1508).  Une  expédition 
dirigée  par  Ximenez  conquit  Oran,  en  1509.  Tripoli  et 
Bougie  furent  emportées  d'assaut  par  Pedro  Navarro  (1510); 
Tunis  et  Tlemcen  devinrent  un  instant  tributaires  de  l'Es- 
pagne. Alger  ne  trouva  pas  d'autre  moyen  d'échapper  à  la 
domination  castillane  que  de  se  donner  au  pirate  Horoudj 
qui  l'asservit. 

L'année  où  succombait  Grenade,  Ferdinand  et  Isabelle 
avaient  signé  avec  Charles  VIII  le  traité  de  Barcelone, 
par  lequel  ils  s'engageaient  à  ne  marier  aucun  de  leurs 
enfants  avec  les  rois  d'Angleterre  ou  les  princes  de  la 
maison  d'Autriche.  En  échange,  le  Roussillon  et  la  Cer- 
dagne,  si  laborieusement   acquis  par  Louis  XI,  étaient 
restitués  aux  rois  Catholiques.  Ce  traité  dura  peu.  Trois  ans 
après,  Charles  VIII  s'étant  emparé  du  royaume  de  Naples 
sur   Ferdinand  II,   un  descendant  d'Alonso  V  d'Aragon, 
Ferdinand  d'Espagne,  se  joignit  à  la  ligue  formée  par 
Maximilien  Ier  d'Allemagne,  le  pape  Alexandre  VI  et  les 
Etats  italiens.  Gonzalve  de  Cordoue  (Gonzalo  Fernandez 
de  Côrdoba)  débarqua  à  Messine  avec  5,000  fantassins  et 
600  chevaux  pour  aider  Ferdinand  de  Naples  à  chasser  les 
Français,  pendant  que  la  flotte  vénitienne  les  attaquait  par 
mer  (1495).  Les  Espagnols  reprirent  d'abord    quelques 
villes,,  mais,  à  Seminara,  d'Aubigny  les  battit,  par  la 
couardise  des  Napolitains  qui  s'enfuirent  dès  le  commen- 
cement du  combat.  Le  roi  de  Naples  réussit  cependant  à 
rentrer  dans  sa  capitale,  et  Gonzalve  enferma  le  vice-roi, 
Gilbert  de  Montpensier,  dans  Atella.  Celui-ci  capitula, 
trahi  par  les  lansquenets  ;  les  prisonniers  français,  entas- 
sés sur  les  vaisseaux,  moururent  presque  tous  parles  pri- 
vations et  l'épidémie  (1496).   D'Aubigny  rendit  Gaète; 
Gonzalve  reconquit  Ostie,  à  la  demande  d'Alexandre  VI  qui 
le  reçut  magnifiquement  à  Rome  (1497).  La  dernière  place 
occupée  par  les  Français,  Diano,  succomba  et  le  Grand  Ca- 
pitaine, comme  on  l'appelle  en  Espagne,  put  s'embarquer 
sans  laisser  un  seul  ennemi  derrière  lui  (1498).  —  La 
guerre  ne  tarda  pas  à  recommencer  en  Italie.  Charles'  VIII 
était  mort  en  1498.  Son  successeur  Louis  XII  s'unit  avec 
Ferdinand  par  le  traité  secret  de  Grenade  pour  dépouiller 
Frédéric  III  de  Naples  et  se  partager  entre  eux  son  royaume 
(1500).  Frédéric,  chassé  par  Gonzalve  de  Cordoue  qu'il 
avait  reçu  en  allié  dans  ses  forteresses,  se  rendit  au  roi  de 
France  (1501).  Cette  conquête  à  peine  terminée,  les  Fran- 
çais en  vinrent  aux  mains  avec  les  Espagnols.  Le  duc  de 
Nemours,  vice-roi  de  Louis  XII,  leur  reprit  presque  tout  le 
pays.  Gonzalve,  dont  les  troupes  étaient  inférieures  en 
nombre,  se  retira  dans  Barletta  (1502)  et  s'y  maintint  sept 
mois,  à  force  de  courage,  de  ruses  et  de  fausses  négociations, 
avec  une  armée  découragée  et  presque  affamée.  Dès  qu'il  eut 
reçu  les  renforts  envoyés  par  le  roi  Catholique,  il  reprit  la 
campagne  ;  d'Aubigny  fut  vaincu  à  Seminara,  La  Palice  fait 
prisonnier,  le  duc  de  Nemours  défait  et  tué  à  la  journée  de 
Cerignola(1503),  Naples  reprise  ;   les  châteaux  où  s'était 
réfugiée  la  garnison  ne  purent  résister  aux  mines  de  Pedro 
Navarro.  Une  invasion  du  maréchal  de  Rieux  en  Roussillon 
fut  repoussée.  La  même  année,  le  marquis  de  Saluées  était 
écrasé  dans  les  marais  du  Garigliano  où  les  Français  lais- 
sèrent 8,000  hommes  et  toute  leur  lourde  artillerie.  Gaëte 
capitula  et  Louis  d'Ars  sortit  de  Venosa,  sur  un  ordre  du 
roi  de  France,  avec  ce  qui  lui  restait  encore  de  soldats. 
L'ancien  allié  de  Louis  XII,  César  Borgia,  chassé  de  la 
Romagne  par  le  nouveau  pape  Jules  II,  après  la  mort 
d'Alexandre  VI,  fut  arrêté  à  Castel  Novo,  malgré  le  sauf- 
conduit  que  lui  avait  accordé  Gonzalve  de  Cordoue,  et  en- 
voyé prisonnier  en  Espagne  (1503),  «  car  ayant  tant  de 
fois  rompu  safoy  aux  uns  et  aux  autres,  Dieu  voulut  qu'on 
luy  en  fist  de  mesmes  »  (Brantôme).  S'étant  échappé  de 
Médina  del  Campo,  il  périt  dans  une  embuscade,  près  de 
Viana,  combattant  pour  le  roi  de  Navarre.  Le  12  oct.1505, 


Louis  XII  abandonnait  à  Ferdinand  tous  ses  prétendus 
droits  sur  le  royaume  de  Naples.  Celui  qui  l'avait  conquis 
par  son  habileté  autant  que  par  ses  victoires,  Gonzalve  de 
Cordoue,  mourut  en  disgrâce,  le  2  déc.  1515. 

Au  milieu  de  ces  triomphes,  Ferdinand  et  Isabelle  per- 
dirent successivement  plusieurs  enfants.  Leur  fils  unique, 
l'infant  don  Juan,  mourut  le  premier,  deux  mois  après  son 
mariage  avec  l'archiduchesse  Marguerite,  fille  de  l'empe- 
reur Maximilien  (1497).  Sa  sœur  Isabelle,  mariée  en  se- 
condes noces  à  Manuel  de  Portugal,  et  déclarée  héritière 
de  Castille  et  d'Aragon,  périt  en  mettant  au  monde  un  fils 
qui  ne  survécut  que  deux  ans  à  sa  mère  (1498).  Enfin, 
dona  Juana  qui  avait  épousé  Philippe  le  Beau,  fils  de  Maxi- 
milien et  de  Marie  de  Bourgogne,  devint  folle  vers  1503. 
La  reine  Isabelle  en  conçut  un  tel  chagrin  qu'elle  tomba 
malade  et  mourut  à  Médina  del  Campo,  le  26  nov.  1504. 
Par  son  testament,  sa  fille  dona  Juana  devait  régner  en 
Castille  et  Léon,  conjointement  avec  l'archiduc  Philippe. 
Ferdinand  était  chargé  de  la  régence  jusqu'au  jour  où  son 
petit-fils  don  Carlos  aurait  atteint  l'âge  de  vingt  ans,  au  cas 
où  l'aliénation  de   dona  Juana  la  rendrait  incapable  de 
gouverner.  Il  conservait  durant  sa  vie  la  grande  maîtrise 
des  trois  ordres,  Calatrava,  Santiago,  Alcântara,  et  recevait 
la  moitié  des  richesses  du  Nouveau-Monde.  Dès  qu'Isabelle 
eut  cessé  de  vivre,  la  noblesse,  courbée  longtemps  sous  une 
rude  main,  se  redressa;  chacun  courut  vers  l'archiduc. 
Presque  abandonné  par  les  Castillans,  Ferdinand  eut  re- 
cours à  son  ennemi  Louis  XII:  il  fit  la  paix  en  grande  hâte 
et  prit  pour  femme  une  nièce  du  roi  de  France,  Germaine 
de  Foix,  à  la  condition  de  laisser  le  royaume  de  Naples  aux 
enfants  qui  pourraient  naître  de  ce  mariage.  Il  avait  d'abord 
conçu  le  singulier  projet  d'épouser  la  Beltraneja,    alors 
religieuse  à  Coïmbre,  et  de  faire  valoir  à  son  profit  les 
droits  de  la  prétendue  fille  d'Enrique  IV,  jadis  tant  méprisée 
par  lui.  Quand  Philippe  le  Beau  débarqua  à  La  Corogne 
(28  avr.  1506)  et  vint  réclamer  son  royaume,  il  ne  put  ou 
n'osa  le  lui  disputer  par  les  armes.  Il  fallait  traiter.  Le 
beau-père  et  le  gendre  se  rencontrèrent  au  milieu  d'un 
bois  de  chênes,  dans  une  cabane  de  laboureur  nommée  le 
Remesal  :  l'archiduc,    superbement  vêtu,  à  la  tète  d'un 
pompeux  cortège   de  seigneurs    allemands,   espagnols  et 
flamands,  avec  2,000  piquiers  en  ordre  de  bataille,  le  roi 
Catholique,  vieilli,  chétif  comme  un  Louis  XI,  bien  pau- 
vrement  accompagné  de   200    fidèles  sans   armures  et 
montés  sur  des  mules  (1506).  A  la  suite  de  cette  entre- 
vue, tous  deux  se  séparèrent,  défiants  et  malcontents.  .Le 
27  juin,  Ferdinand  dut  plier  ;  il  abandonna  la  Castille,  re- 
nonça à  la  tutelle  du  prince  don  Carlos  et  se  retira  en 
Aragon,  puis  dans  le  royaume  de  Naples.  Trois  mois  après, 
Philippe  le  Beau,  premier  roi  de  la  maison  d'Autriche, 
mourait  de  la  fièvre,  à  Burgos,  le  25  sept.  1506.  Les  en- 
nemis de  Ferdinand  voulurent  empêcher  son  retour  en 
Castille  ;  il  réussit  cependant  à  ressaisir  la  régence  et  à 
gouverner  au  nom  de  son  petit-fils,  énergiquement  secondé 
par  Ximenez  de  Cisneros  qu'il  fit  nommer  cardinal  et  grand 
inquisiteur  en  récompense  de  ses  services  (1507).  Retour- 
nant en  Espagne,  le  roi  Catholique  s'arrêta  à  Savone  pour 
visiter  Louis  XII  qui  venait  de  soumettre  Gênes  révoltée. 
Le  roi  de  France  fit  grand  accueil  à  Gonzalve  de  Cordoue 
qui  accompagnait  son  maître,  l'invita  à  manger  à  sa  table 
et  remit  au  vainqueur  du  Garigliano  sa  propre  chaîne  d'or 
en  souvenir  de  cette  entrevue.  Ayant  brisé  toutes  les  résis- 
tances et  réuni  de  nouveau  la  Castille  à  l' Aragon,  le  roi 
d'Espagne   entra  dans  la  ligue  de  Cambrai,  formée  par 
Louis  XII,  Jules  II  et  Maximilien  pour  démembrer  la  répu- 
blique de  Venise  (1508).  Profitant  de  la  bataille  d'Agnadel 
(1509),  il  reprit  les  villes  de  Brindisi,  d'Otrante  et  de  Gal- 
lipoli,  cédées  jadis  aux  Vénitiens  par  le  roi  de  Naples  en 
échange  de  leurs  secours  contre  Charles  VIII.  Le  pape 
Jules  II,  qui  venait  d'humilier  Venise,  tourna  tous  ses  efforts 
contre  les  Français  et  fut  l'instigateur  de  la  Sainte  Ligue, 
dirigée  contre  eux.  Henri  VIII,  les  Suisses,  les  Vénitiens  et 
l'Espagne  s'unirent  pour  les  chasser  d'Italie  (1511).  Gas- 


263  — 


FERDINAND 


ton  de  Foix  vainquit  Ramon  de  Cardona  àRavenne  et  mou- 
rut dans  sa  victoire  avec  quinze  plaies,  du  front  au  menton. 
Pedro  Navarro  fut  pris.  L'infanterie,  fort  maltraitée,  se  re- 
tira fièrement,  à  petit  pas,  sans  qu'aucune  charge  pût  l'en- 
tamer. «  Oncques  gens  ne  firent  plus  de  deffense  que  les 
Espaignolz,  qui,  encores  n'ayant  plus  bras  ne  jambe  entière, 
mordoient  leurs  ennemys.  »  C'était  la  plus  rude  mêlée  qu'on 
eût  encore  vue  durant  les  guerres  d'Italie  (11  avr.  1512). 
Malgré  ce  sanglant  avantage,  les  Français  reculèrent, 
vaincus  par  les  troupes  de  la  Ligue  et  par  le  soulèvement 
des  villes  italiennes  ;  ils  perdirent  presque  tout  ce  qui  leur 
restait  encore  dans  la  péninsule.  Ferdinand,  qui  préparait 
une  attaque  en  Guyenne  de  concert  avec  Henri  VIII,  époux 
de  sa  fille  Catherine  d'Aragon,  fit  demander  au  roi  de  Na- 
varre Jean  d'Albret  et  à  Catherine  de  Foix  le  passage  à  travers 
leur  royaume.  Tous  deux  refusèrent  délaisser  entrer  l'ar- 
mée castillane.  Or  Jean  d'Albret  était  excommunié  depuis 
le  10  févr.  1 510,  comme  partisan  du  roi  de  France  et  de 
l'empereur  d'Allemagne,  comme  adhérent  au  concile  schis- 
matique  de  Pise,  ses  sujets  déliés  du  serment  de  fidélité, 
ses  terres  et  seigneuries  offertes  à  qui  pourrait  ou  voudrait 
s'en  emparer.  Appuyé  par  le  pape  et  soutenu  par  8,000 
Anglais  qui  venaient  de  débarquer  au  port  de  Pasajes 
(Guipûzeoa),  le  roi  Catholique  fit  envahir  la  Navarre,  en 
vertu  de  l'excommunication  de  Jules  II.  Le  duc  d'Albe, 
Fadriquc  de  Tolède,  franchit  la  frontière,  le  21  juil.  1512, 
marchant  sur  Pampelune.  Les  Navarrais,  chargés  de  défendre 
la  montagne,  s'enfuirent  presque  sans  combat.  Le  23,  il 
arrivait  à  deux  lieues  de  Pampelune,  s'emparait  du  château 
de  Garayon,  et  jurait,  au  nom  du  roi  son  maître,  le  main- 
tien des  libertés,  fueros  et  immunités  de  la  Navarre.  Pam- 
pelune se  rendit  (25  juil.)  et  les  autres  places  ouvrirent 
leurs  portes.  Jean  d'Albret  se  réfugia  en  Béarn.  Il  tenta 
vainement  de  reprendre  son  royaume,  secondé  par  Louis  XII 
qui  lui  fournit  une  armée  et  deux  vaillants  capitaines, 
Bayard  et  La  Palice.  Les  Français  s'avancèrent  jusqu'à 
Pampelune,  mais  levèrent  le  siège  en  grand  désordre  à 
l'approche  des  Espagnols  conduits  par  le  comte  de  Riba- 
gorza,  le  marquis  d'Aguilar  et  l'alcayde  de  Los  Donceles, 
Diego  Fernandez  de  Côrdoba.  Serrés  de  près,  affamés  (ils 
avaient  tout  ravagé  à  leur  entrée  dans  le  pays), les  envahis- 
seurs durent  abandonner  leur  belle  artillerie  au  passage 
des  Pyrénées.  (Suivant  les  mémoires  de  Robert  de  La  Mark, 
seigneur  de  Fleurange,  les  lansquenets  l'auraient  traînée  à 
travers  les  montagnes.)  Jean  d'Albret  réussit  cependant  à 
conserver  un  lambeau  de  royaume,  la  Basse-Navarre.  Tout 
le  reste  appartint  dès  lors  à  la  monarchie  espagnole.  Ainsi 
fut  achevée  l'unité  territoriale,  commencée  par  l'union  de 
la  Castille  et  de  F  Aragon,  continuée  par  la  prise  de  Gre- 
nade et  l'anéantissement  de  l'islam  ibérique,  complétée  par 
l'annexion  de  la  Haute-Navarre  et  l'abaissement  des  grands 
barons.  —  La  guerre  durait  toujours  en  Italie ,  mêlée 
de  négociations  et  de  marchés  honteux.  Louis  XII,  qui 
cherchait  encore  à  reprendre  le  Milanais,  s'était  allié  à  son 
ancienne  ennemie,  Venise,  contre  Léon  X,  successeur  de 
Jules  II,  et  le  roi  d'Espagne.  Ramon  de  Cardona  battit  le 
général  vénitien  Barthélémy  d'Alviano  à  Vicence  (1513)  et 
mit  tout  à  sac  jusqu'aux  lagunes.  En  1515,  quand  Fran- 
çois Ier,  vainqueur  à  Marignan,  descendit  en  Italie,  Ramon 
de  Cardona  dut  se  replier  sur  le  royaume  de  Naples  que  le 
roi  de  France  songeait  à  reconquérir.  Une  coalition  se  forma 
contre  lui.  Ferdinand,  Henri  VIII  et  Maximilien  s'unirent 
pour  l'expulser  du  duché  de  Milan.  Les  rois  d'Angleterre 
et  d'Espagne  fournissaient  de  l'argent  à  l'empereur  qui  s'en- 
gageait à  commencer  la  guerre.  C'est  au  milieu  de  ces  pré- 
paratifs que  Ferdinand  V  mourut  dans  un  misérable  village 
d'Estrémadure,  à  Madrigalejo,  où  il  s'était  arrêté,  comme 
il  se  rendait  à  Séville  avec  la  reine.  Il  était,  disait-on, 
tombé  malade  pour  avoir  pris  des  breuvages  aphrodisiaques 
dont  l'unique  effet  fut  de  ruiner  sa  santé.  Il  espérait  obtenir 
ainsi  un  héritier  de  sa  jeune  femme,  Germaine  de  Foix, 
afin  de  lui  léguer  à  sa  mort  les  royaumes  d'Aragon  et  de 
Navarre,  avec  la  Catalogne,  Naples  et  la  Sicile,  au  détri- 


ment du  prince  don  Carlos,  tant  était  grande  sa  haine 
contre  la  descendance  de  Philippe  le  Beau  et  de  Juana  la 
Folle.  Le  corps  du  roi  Catholique  repose  auprès  de  celui 
d'Isabelle  de  Castille,  clans  la  chapelle  royale  de  Grenade 
qu'ils  avaient  fait  construire,  la  destinant  à  leur  sépulture. 
Ferdinand  laissait  ses  couronnes  à  Carlos  Ier  (Charles- 
Quint).  Jusqu'à  l'arrivée  du  nouveau  monarque,  le  gouver- 
nement de  l'Espagne  était  confié  au  cardinal  Ximenez  de 
Cisneros.  "  Lucien  Dollfus. 

Bibl.  :  Hernando  del  Pulgar,  Claros  varones;  Alcalâ 
de  Henarès,  1524.  —  Hernando  Perez  del  Pulgar,  Su- 
mario  de  las  hazanas  del  Gran  Capitan;  Séville,  1527; 
réimp.  à  Madrid,  1834.  —  Gonzalo  de  Illescas,  Historia 
pontifical  ;  Barcelone,  1602.  —  Zurita,  Anales  de  la  Corona 
de  Aragon;  Saragosse,  1610-21,  7  vol.  —  ZûSiga,  Anales 
de  Sevilla;  Madrid,  1677.  —  Moret,  Anales  de  Navarra; 
Pampelune,  1684-1709,  5  vol.  —  Ferreras,  Historia  de 
Espana;  Madrid,  1700-27,  16  vol.  —  Cardonne,  Histoire 
de  l'Afrique  et  de  V Espagne  sous  la  domination  des 
Arabes;  Paris,  1765,  3  vol.  —  Mignot,  Histoire  des  rois 
catholiques  Ferdinand  et  Isabelle;  Paris,  1766.  —  Guio 
ciardini,  Istoria  d'Italia;  Florence,  1775-76.  —Hernando 
del  Pulgar,  Crônica  de  los  Reyes  catôlicos;  Valence, 
1780.  —  Florez,  Memorias  de  las  reynas  catôlicas;  Ma- 
drid, 1790,  2  vol.  —  Mariana,  Historia  gênerai  de  Espana  ; 
Madrid,  1794,  10  vol.  —  Llorente,  Historia  critica  de  la 
Inquisicion  de  Espana,  éd.  de  1817-18.  —  Prescott,  His- 
tory  of  the  reign  of  Ferdinand  and  Isabella,  éd.  de  1838. — 
Antonio  Conde,  Historia  de  la  dominacion  de  los  Arabes 
en  Espana;  Paris,  1840.  —  Ginès  Perez  de  Hita,  Guerras 
civiles  de  Granada;  Paris,  1847.—  Communes,  Mémoires, 
dans  la  collection  Michaud  et  Poujoulat;  Paris,  1854,  t.  IV. 
—  Guillaume  de  Villeneuve,  Mémoires,  ibid.  —  Le 
Loyal  Serviteur,  Histoire  du  bon  chevalier  Bayard, 
ibid.  —  Robert  de  La  Mark,  seigneur  de  Fleurange, 
Histoire  des  choses  mémorables,  etc.,  ibid.,  t.  V.  —  Bran- 
tôme., le  Roy  Ferdinand  d'Aragon,  le  duc  d'Albe,  le 
conquérant  de  Navarre,  Don  Gonsalvo  Hernandes  de 
Cordova,  Don  Pedro  de  Navarre,  etc.,  dans  les  Vies  des 
grands  capitaines  étrangers,  éd.  de  Paris,  1858,  t.  I.  — 
Francisco  de  Luque ,  Historia  de  Granada,  etc.;  Gre- 
nade, 1858.  —  La  Rigaudière,  Histoire  des  persécutions 
religieuses  en  Espagne;  Paris,  1860.  —  Quintana,  Vida 
del  Gran  Capitan,  dans  Vidas  de  Espanoles  célèbres  ; 
Paris,  1865.  —  Pour  tout  ce  qui  regarde  la  découverte  de 
l'Amérique,  V.  la  bibliographie  de  Fart.  Colombo. 

FERDINAND  VI  ,  roi  d'Espagne,  né  le  29  sept.  4713, 
mort  le  40  août  4759.  Il  était  fils  de  Philippe  V  et  de 
Louise-Marie  de  Savoie.  En  4746,  il  succédait  à  Philippe  V. 
D'un  caractère  faible  et  mélancolique,  il  ne  s'occupa  guère 
que  de  l'administration  et  des  réformes  intérieures,  renon- 
çant à  tout  agrandissement  au  dehors.  Il  signait  le  traité 
d'Aix-la-Chapelle  (4748)  et  mettait  ainsi  fin  à  la  lutte  en- 
treprise par  l'Espagne  en  Italie.  À  partir  de  ce  moment, 
Ferdinand  YI  se  consacra  entièrement  à  l'amélioration  du 
royaume.  Il  encouragea  le  commerce,  l'agriculture  et  la 
navigation,  fit  construire  de  nouveaux  vaisseaux,  élever  des 
manufactures,  tracer  des  routes  et  creuser  des  canaux; 
chaque  semaine  il  consacrait  deux  jours  à  écouter  les  ré- 
clamations de  ses  sujets.  La  guerre  ayant  recommencé,  en 
1756,  entre  l'Angleterre  et  la  France  à  propos  du  Canada, 
l'Espagne  refusa  d'y  prendre  part  et  de  faire  de  nouveaux 
sacrifices  dans  l'intérêt  de  Louis  XV  ;  ses  flottes  furent  em- 
ployées à  protéger  son  commerce.  En  4753,  le  roi  avait 
obtenu  de  la  cour  de  Rome  un  concordat,  en  vertu 
duquel  il  acquérait  le  droit  de  présenter  lui-même  les 
prêtres  de  son  choix  pour  les  dignités  et  bénéfices  ecclé- 
siastiques. Cinquante-deux  nominations  seulement  étaient 
réservées  au  saint-siège.  On  lui  doit  également  la  fonda- 
tion de  l'Académie  royale  de  San  Fernando,  destinée  à 
l'éducation  des  peintres,  architectes,  sculpteurs  et  graveurs, 
projet  préparé  déjà  sous  le  règne  de  Philippe  V.  Les  pen- 
sionnaires étaient  envoyés,  aux  frais  de  l'Etat,  à  Rome  ou 
à  Paris,  pour  continuer  leurs  études.  Ferdinand  YI  établit  un 
jardin  botanique  à  Madrid  et  encouragea  la  culture  des  plantes 
médicinales.  Il  fut  secondé  dans  toutes  ces  réformes  par 
Carvajal  et  par  son  ministre  des  finances,  La  Ensenacla.  Sous 
ce  règne  si  tranquille,  Lima  fut  détruite  par  un  tremble- 
ment de  terre  (4746)  ;  plus  tard,  Quito  s'écroulait,  l'année 
même  du  fameux  cataclysme  de  Lisbonne  (4755).  Le  27  août 
4758,  Ferdinand  YI  perdait  sa  femme,  Marie-Madeleine- 
Thérèse  de  Portugal,  avec  laquelle  il  était  uni  depuis  4729. 


FERDINAND 


—  264  — 


À  la  suite  de  ce  deuil,  sa  mélancolie  naturelle  augmenta; 
l'infortuné  devint  sujet  à  des  accès  de  démence  ;  son  seul 
plaisir  était  d'écouter  de  la  musique  et  d'entendre  la  voix 
du  chanteur  italien  Farinelli,  appelé  à  Madrid  par  Phi- 
lippe V,  créé  chevalier  de  Calatrava,  et  longtemps  favori 
delà  reine  défunte.  Ferdinand VI mourut  sans  laisser  d'en- 
fants. Il  eut  pour  successeur  son  frère  Charles  III,  roi  des 
Deux-Siciles.  Lucien  Dollfus. 

FERDINAND  VU,  roi  d'Espagne,  né  à  Saint-Ildefonse 
le  43  oct.  1784,  mort  à  Madrid  le  29  sept.  4833.  Il  était 
fils  de  Charles  IV  et  de  Louise-Marie  de  Parme  et  fut  pro- 
clamé prince  des  Asturies  en  4789,  à  l'âge  de  cinq  ans. 
Son  éducation  fut  confiée  au  duc  de  San  Carlos  et  au  cha- 
noine Escoiquiz.  Encouragé  par  eux,  le  jeune  prince  des 
Asturies  se  mit  à  la  tête  du  parti  opposé  à  Manuel  de  Godoy, 
prince  de  la  Paix,  qui  représentait  l'influence  française  en 
Espagne  et  gouvernait  Charles  IV  et  la  reine  dont  il  passait 
pour  être  l'amant.  Dans  cette  lutte  d'intrigue  et  de  ruse, 
Godoy  réussit  à  faire  éloigner  des  affaires  le  prince  des  As- 
turies et  voulut  l'obliger  à  épouser  Marie-Louise  de  Bourbon, 
sa  belle-sœur  (Ferdinand  était  alors  veuf  de  sa  première 
femme,  Marie-Antoinette-Thérèse  de Naples,  morte  en  4  806). 
Il  refusa  d'obéir  à  la  volonté  de  ses  parents  et  du  favori , 
abandonna  ses  amis  politiques  et,  conseillé  par  l'ambassa- 
deur de  France,  Beauharnais,  il  s'adressa  secrètement  à 
Napoléon,  et  lui  demanda  la  main  d'une  princesse  de  la 
famille  impériale.   Dénoncé  au  roi  par  les  espions  de  la 
reine,  il  fut  arrêté  sur  l'ordre  de  CharlesIV,  et  gardé  dans 
l'Escurial  (28  oct.  4807).  Les  papiers  saisis  révélèrent  la 
correspondance  secrète  avec  l'empereur.  Jugé,  le  prince  se 
reconnut  lui-même  coupable  de  tout  ce  dont  on  l'accusait  et 
livra  les  noms  de  'ses  complices  ;  il  fut  gracié,  Escoiquiz, 
San  Carlos  et  le  duc  de  l'Infantado  absous  par  les  juges. 
Aussitôt  Napoléon  écrivit  au  roi,  niant  avoir  jamais  reçu 
aucune  lettre  du  prince.  Cependant  les  Français  envahis- 
saient l'Espagne,  sous  prétexte  d'attaquer  le  Portugal  et  de 
repousser  un  prétendu  débarquement  des  Anglais;  toutes 
les  places  fortes  du  Nord  étaient  occupées  par  trahison  ou 
par  la  faiblesse  des  commandants  espagnols.  La  nation  com- 
prit enfin;  une  sédition  éclata  contre  Godoy,  accusé  d'atti- 
rer l'étranger.  Le  47  mars  4808,  son  palais  est  envahi  et 
pillé  par  la  foule;  quelques  jours  après,  Charles  IV  lui  reti- 
rait toutes  ses  dignités  et  envoyait  Ferdinand  apaiser  la 
multitude.  Fatigué  d'une  longue  lutte  et  sentant  son  impo- 
pularité grandissante,  le  roi  abdiqua  dans  Aranjuez  en  fa- 
veur du  prince  des  Asturies  qui  fut  proclamé  au  milieu  de 
l'enthousiasme  national.  Le  23  mars,  Murât  entrait  dans 
Madrid  avec  l'armée  française.  Le  même  jour,  Charles  IV 
et  la  reine,  conseillés  par  les  agents  de  l'empereur,  lui 
adressaient  une  protestation  contre  leur  abdication  forcée, 
disaient-ils,  et  le  suppliaient  de  sauver  Godoy  en  butte  à  la 
haine  du  peuple  et  du  nouveau  roi.  Ferdinand  VII  se  laissa 
persuader  par  Napoléon,  et  partit  pour  Bayonne  avec  Es- 
coiquiz (40avr.),  accompagné  par  Savary.  Arrivé  le  42  à 
Burgos,  au  milieu  des  troupes  françaises,  il  hésita,  mais  il 
était  déjà  impossible  de.  reculer.  Savary  d'ailleurs  protes- 
tait des  bonnes  intentions  du  maître.  Bessières  avait  reçu 
l'ordre  d'employer  la  force.  A  Vitoria,  le  peuple  essaya  de 
le  retenir;  Urquijo  le  supplia  de  retourner  en  arrière,  de 
se  méfier  des  héros.  Le  20,  il  franchissait  la  Bidassoa, 
entouré  par  la  cavalerie  française  :  il  était  prisonnier.  Pen- 
dant ce  temps,  Napoléon  faisait  venir  à  Bayonne  Charles  IV, 
la  reine  et  Godoy  ;  l'infant  don  Carlos  était  enlevé.  Sur  ces 
entrefaites  arriva  la  nouvelle  du  soulèvement  de  Madrid  et 
des  fusillades  atroces  ordonnées  par  Murât,  après  la  soumis- 
sion des  insurgés  (2  mai).  L'occasion  était  belle  pour  une 
scène  de  violence.  L'empereur  rendit  Ferdinand  responsable 
du  sang  versé,  le  somma  d'abdiquer,  le  menaça,  s'il  résis- 
tait, de  le  traiter  en  rebelle,  c.-à-d.de  le  faire  passer  par 
les  armes.  Enfin,  le  6  mai,  le  prince  terrifié  signait  une 
renonciation  au  trône  en  faveur  de  son  père,  et  le  40  une 
autre,  par  laquelle  il  cédait  à  Napoléon  tous  ses  droits  d'hé- 
ritier à  la  monarchie  espagnole.  Ferdinand  fut  dirigé  sur  le 


château  de  Valençayavec  son  oncle  don  Antonio  et  son  frère 
don  Carlos,  et  confié  aux  soins  de  Talleyrand.  Le  trajet  se 
fit  avec  une  escorte  d'honneur  de  quatre-vingts  gendarmes. 
En  échange  de  ses  droits,  Napoléon  daignait  lui  accorder 
une  rente  annuelle  de  800,000  fr.,  fort  irrégulièrement 
payée  du  reste. 

Ferdinand  VII  ne  quitta  Valençay  qu'en  mars  4844,  à 
la  suite  des  désastres  de  Napoléon  et  de  la  sublime  résistance 
du  peuple  espagnol  secondé  par  les  Anglo-Portugais.  A  son 
retour  en  Espagne  (24  mars), il  abrogea  toutes  les  mesures 
prises  en  son  absence,  et  déclara  nulle  la  constitution  de 
4812,  promulguée  par  les  Cortès,  dans  Cadix  assiégée.  Le 
décret  du  4  mai  rétablissait  l'ancien  état  de  choses.  Ferdi- 
nand VII  entendait  régner  en  monarque  absolu,  comme 
avaient  fait  ses  ancêtres.  Les  constituants  furent  emprison- 
nés, exilés,  pendus;  Calatrava,  Martinez  de  La  Rosa  en- 
voyés dans  les  presidios  d'Afrique,  le  comte  de  Toreno 
banni.  Des  insurrections  militaires  éclatèrent;  on  les  ré- 
prima avec  sévérité.  Porlier  avait  soulevé  les  troupes  du 
Ferrolet  de  La  Corogne:  il  fut  fusillé.  A  Barcelone,  Mina 
prit  la  fuite  après  une  tentative  semblable.  Richard,  Lacy 
et  Vidal  échouèrent  et  périrent  tous  les  trois.  Un  corps 
d'armée,  prêt  à  partir  pour  les  colonies  américaines  insur- 
gées, se  trouvait  aux  environs  de  Cadix.  Riego,  secondé 
par  le  colonel  Quiroga,  proclama  la  constitution  de  4842, 
et  la  firent  acclamer  par  les  régiments  (4cr  janv.  4820). 
Le  Ferrol  et  La  Corogne  se  prononcèrent  également. 
La  Révolution  est  aussitôt  sanctionnée  par  les  Cortès.  Fer- 
dinand VII,  forcé  de  renoncer  au  pouvoir  absolu  à  la  suite 
de  l'émeute  du  8  mars,  jure  à  contre-cœur  fidélité  à  la 
constitution.  Dès  lors,  le  pouvoir  était  aux  mains  de  l'as- 
semblée. Les  Cortès,  régnant  au  nom  du  roi,  abolirent  les 
majorats  et  l'Inquisition,  rappelèrent  les  exilés,  suppri- 
mèrent les  jésuites  et  les  droits  payés  au  saint-siège,  les 
maîtrises,  monopoles  et  privilèges,  réduisirent  les  dîmes,  etc. 
Les  absolutistes  s'émurent  ;  des  bandes  se  réunirent  sous  le 
nom  d'armée  de  la  foi  pour  défendre  la  religion  et  rendre 
au  roi  l'autorité  première.  Les  Basques,  dont  la  constitution 
menaçait  les  fueros,  s'insurgèrent.  Un  chef  de  guérilla, 
Antonio  Maranon  (le  Trappiste)  s'empara  de  Seo  d'Urgel  et 
tint  héroïquement  tête  aux  constitutionnels.  Mina  résistait 
aux  ultra-royalistes.  Des  atrocités  furent  commises  des  deux 
côtés.  La  guerre  civile  s'étendait  sur  le  pays;  les  colonies 
espagnoles  étaient  en  pleine  insurrection  ;  la  fièvre  jaune 
dévastait  la  Catalogne,  l'Aragon  et  l'Andalousie.  Riego 
venait  de  tenter  de  proclamer  la  République  à  Saragosse 
et  avait  été  destitué.  En  apprenant  la  prise  d'Urgel,  l'effer- 
vescence redoubla  à  Madrid.  On  se  battit  dans  les  rues. 
Les  gardes  du  corps  durent  mettre  bas  les  armes  devant 
les  miliciens.  La  révolution  devenait  anarchique. 

En  présence  des  troubles  et  de  la  situation  de  plus  en 
plus  menacée  du  roi  d'Espagne,-  le  gouvernement  de 
Louis  XVIII  se  décida  à  intervenir  en  faveur  de  Ferdi- 
nand VIL  L'armée  française  franchit  la  Bidassoa,  le  7  avr. 
4823.  Le  23  mai,  elle  entrait  sans  résistance  à  Madrid,  et 
le  8  août,  le  duc  d'Angouiême  rendait  l'ordonnance  d'An- 
dujar,  destinée  à  mettre  un  frein  aux  vengeances  des 
royalistes;  elle  défendait  aux  autorités  espagnoles  toute 
arrestation  illégale.  Les  Cortès  s'étaient  d'abord  réfugiées 
à  Séville,  à  l'approche  des  Français,  emmenant  le  roi  avec 
elles  ;  de  là,  elles  avaient  fui  jusqu'à  Cadix.  Mina  seul  lut- 
tait en  Catalogne.  Le  49  août,  la  tranchée  fut  ouverte  devant 
Cadix  ;  le  34 ,  le  fort  du  Trocadéro  était  emporté  d'assaut  ;  les 
premières  bombes  tombèrent  dans  la  place  et  l'on  préparait 
tout  pour  une  attaque  générale.  Les  Cortès  traitèrent.  Le  roi, 
mis  en  liberté,  put  enfin  se  rendre  au  camp  français.  Ferdi- 
nand VII  reprit  le  pouvoir.  Riego  fut  pendu  comme  traître 
(7nov.),  Ballesteros  et  Morillo  exilés;  Quiroga  et  d'autres 
purent  s'embarquer  à  temps  et  quitter  l'Espagne.  Le  souve- 
rain rentra  en  triomphe  dans  Madrid,  acclamé  par  ses  parti- 
sans, aussi  absolu  qu'autrefois  (43  nov.)  Son  premier  acte  fut 
de  déclarer  nul  tout  ce  qui  avait  été  accompli  depuis  l'émeute 
de  mars  4820,  comme  lui  ayant  été  arraché  par  la  force. 


—  265  — 


FERDINAND 


Délivré  des  Cortès  et  de  la  révolution,  Ferdinand  n'en 
subissait  pas  moins  une  autre  tutelle,  celle  des  absolutistes 
et  du  clergé,  à  la  tête  desquels  était  son  frère  don  Carlos. 
Recevant  les  félicitations  de  quelques  chefs  royalistes,  après 
son  rétablissement  :  «  Ce  sont  les  mêmes  chiens  avec 
d'autres  colliers  »,  dit-il.  Les  absolutistes  de  Catalogne  se 
soulevèrent,  sous  le  nom  de  carlistes ,  et  la  guerre  civile 
faillit  recommencer  (1827).  Les  negros  ou  libéraux  re- 
muèrent encore;  leurs  tentatives  échouèrent;  Torrijos  et 
ses  complices  furent  fusillés  (4831).  A  l'annonce  que  sa 
quatrième  femme,  Marie-Christine  de  Naples,  était  enceinte, 
Ferdinand,  qui  n'avait  pas  d'enfant  de  ses  trois  mariages 
précédents,  abolit  la  loi  salique  par  une  pragmatique  du 
29  mars  1830.  Comme  l'infante  Isabelle  naquitlelO  sept., 
ce  décret  dépossédait  don  Carlos  et  préparait  les  longues 
guerres  civiles  qui  désolèrent  l'Espagne  à  plusieurs  reprises. 
Gouverné  par  ses  ministres  et  dominé  par  son  entourage, 
le  roi  révoqua  sa  décision,  durant  une  maladie,  en  1832, 
mais  la  rétablit  à  sa  guérison.  Le  20  juin  1833,  il  faisait 
proclamer  Isabelle  princesse  des  Asturies  et  héritière  de  la 
monarchie.  Trois  mois  après,  Ferdinand  VII  mourait  d'un 
accès  de  goutte,  laissant  le  trône  à  sa  fille  Isabelle  II  et  la  ré- 
genceàla reine  Marie-Christine  de  Bourbon.  Lucien Dollfus. 

Bibl.  :  V.  sur  Ferdinand  VII,  outre  les  Histoires  de 
Napoléon  et  celles  de  la  Restauration,  Toreno,  Historia 
ciel  levantamiento,  guerra  y  revolucion  de  Espana;  Paris, 
1851,  3  vol.,  et  les  documents  officiels,  au  t.  X  de  V Histoire 
d'Espagne  de  Mariana,  avec  les  suites,  éd.  de  Barcelone, 
1839-40. 

FERDINAND  Ier  le  Juste,  roi  d'Aragon  et  de  Sicile, 
né  en  1373,  mort  le  2  avr.  1416.  Il  était  le  second  fils  du 
roi  de  Castille,  Juan  Ier,  et  de  Leonor  d'Aragon.  A  la  mort 
de  son  frère  aîné,  Enrique  III  le  Maladif  (25  déc.  1407), 
il  refusa  la  couronne,  mais  fut  chargé  de  la  tutelle  de  son 
neveu,  Juan  II,  avec  la  reine  mère  dona  Catalina.  Ferdi- 
nand repoussa  partout  les  incursions  des  Mores  grenadins, 
prit  Zahara  (1407),  ravagea   le  pays    jusqu'à   Malaga, 
vainquit    les    infidèles   auprès    d'Antequera,    leur    tua 
15,000  hommes,  assiégea  la  ville  et  s'en  empara  (1410). 
C'est  à  cette  occasion  que  l'infant  prit  le  nom  de  Ferdinand 
d'Antequera.  Le  roi  de  Grenade  vaincu  fit  la  paix  avec  la 
Castille.  A  la  mort  de  Martin  d'xAragon,  en  qui  finit  la 
maison  de  Barcelone  (1410),  les  Aragonais  offrirent  le 
trône  à  l'infant  de  Castille,  attirés  par  son  grand  renom  de 
vaillance  et  de  justice.  Les  neuf  arbitres,  nommés  par  les 
trois  Etats,  Aragon,  Catalogne  et  Valence,  se  réunirent  au 
château  de  Cespe,  et,  après  avoir  entendu  les  envoyés  des 
divers  prétendants  et  discuté   leurs  droits,    se  pronon- 
cèrent en  faveur  de  Ferdinand  d'Antequera.  Son  élection 
fut  annoncée  au  peuple  assemblé  par  le  dominicain  San 
Vicente  Ferrer  (1412).  Un  seul  des  compétiteurs  refusa  de 
reconnaître  la  décision  des  trois  Etats,  Jayme  II,  comte 
d'Urgel,  qui   n'avait  obtenu    que  deux  voix  seulement. 
Vaincu  dans  plusieurs  rencontres,  assiégé  dans  Balaguer, 
il  dut  se  rendre  à  merci  (1413)  et  mourut  prisonnier  au 
château  de  Jâtiva.  Ses  terres  étaient  confisquées  par  le  roi. 
Ferdinand  victorieux  fut  couronné  à  Saragosse  (i  1  févr. 
1414)  et  gouverna  sagement.  Blanca  de  Navarre,  régente 
de  Sicile,  avait  été  chassée  de  Palerme  par  Bernardo  Ca- 
prera  dont  elle  avait  refusé  la  main  ;  le  roi  d'Aragon  inter- 
vint,  la  rétablit  ;  Caprera  fut  banni  de  Sicile  et  forcé 
d'aller  se  justifier  en  Espagne.  Jusqu'au  concile  de  Cons- 
tance, l'Aragon    avait  reconnu   Benoît  XIII  (Aharo  de 
Luna),  le  pape  d'Avignon,  mais,  après  la  déposition  de 
Jean  XXIII  et  l'abdication  de   Grégoire  XII,  Ferdinand 
l'abandonna.  Il  avait  été  le  visiter  dans  Perpignan  en  même 
temps  que  l'empereur  d'Allemagne,  Sigismond,   espérant 
obtenir  de  lui  une  renonciation  qui  devait  mettre  fin  au 
schisme  et  rendre  la  paix  à  l'Eglise .  Benoît  XIII  fut  in- 
traitable et  le  menaça  de  la  colère  divine,  après  quoi  il 
s'enferma  dans  sa  forteresse  de  Pefiiscola.  Ferdinand  mourut 
au  retour  de  cette  entrevue,  à  Igualada,  près  de  Barcelone, 
au  moment  où  il  allait  partir  pour  la  Castille  et  chercher 
à  la  détourner  de  l'obéissance  qu'elle  avait  encore  pour  le 


pape  d'Avignon.  Ferdinand  laissait  quatre  fils  de  sa  femme 
Leonor  d'Albuquerque,  dont  deux  régnèrent,  Alonso  V  le 
Magnanime  qui  lui  succéda,  et  Juan  II,  d'abord  roi  de 
Navarre  par  son  mariage  avec  la  reine  Blanca,  puis  roi 
d'Aragon,  après  la  mort  de  son  frère  aîné.  —  Du  temps 
qu'il  n'était  qu'infant  de  Castille,  Ferdinand  avait  institué, 
à  Médina  del  Campo,  le  jour  de  l'Ascension  1403,  un 
ordre  de  chevalerie,  l'ordre  du  Vase  des  Lis,  en  l'honneur 
de  la  Vierge  Marie.  Cet  ordre  était  destiné  à  défendre  la 
religion  chrétienne  contre  lés  infidèles.   Lucien  Dollfus. 

Bibl.  :  Zurita,  Anales  de  la  Coronade  Aragon;  Sara- 
gosse, 1610-21,  7  vol.  —  Mariana,  Historia  gênerai  de 
Espana;  Madrid,  1794,  10  vol. 

FERDINAND!!,  roi  d'Aragon  (V.  Ferdinand  V  le  Catho- 
lique) . 

FERDINAND  d'Aragon,  mort  le  20  janv.  1475.  Fils 
d'un  bâtard  de  Ferdinand  le  Catholique,  il  fut  vice-roi 
d'Aragon  sous  Philippe  IL  II  a  écrit  plusieurs  ouvrages 
historiques  sur  l'Aragon,  tous  restés  manuscrits,  mais  uti- 
lisés par  les  historiens  :  La  Historia  de  los  Reyes  de 
Aragon;  Catalogo  de  todos  los  Prelados  de  Aragon; 
Nobiliario  de  las  casas  principales  de  Espana,  etc. 

FERDINAND  d'Espagne,  gouverneur  général  des  Pays- 
Bas,  fils  de  Philippe  III  d'Espagne,  né  à  Madrid  le  17  mai 
1609,  mort  à  Bruxelles  le  9  nov.  1641.  Archevêque  de 
Tolède,  puis  vice-roi  de  la  Catalogne,  il  conduisit  en  1634 
une  armée  en  Allemagne  et  contribua  à  la  victoire  de  Nord- 
lingue.  Il  prit  ensuite  en  mains  le  gouvernement  des  Pays- 
Bas  dans  des  circonstances  difficiles  :  un  corps  hollandais, 
commandé  par  Henri-Frédéric  d'Orange,  marchait  vers  la 
Meuse,  tandis  que  l'armée  française  des  maréchaux  de  Châ- 
tillon  et  de  Brezé  envahissait  le  Luxembourg.  Les  troupes 
espagnoles  furent  battues  à  Avennes  en  Hesbaye;  mais  bientôt 
Ferdinand  arrêta  les  envahisseurs  devant  Louvain  et  pour- 
suivit les  Français  jusqu'à  Pontoise.  En  1638,  il  fit  essuyer 
aux  Hollandais  une  sanglante  défaite  à  Cailoo.  Le  cardinal 
mourut  subitement  peu  de  temps  après  une  nouvelle  victoire 
remportée  sur  les  Français  à  Thionville.  Il  avait  fait  preuve 
d'une  grande  valeur  militaire  et  d'un  remarquable  talent 
d'administrateur.  C'est  à  sa  vaillance  et  à  son  habileté  que 
les  Pays-Bas  durent  de  n'être  pas  partagés  entre  la  France 
et  la  Hollande.  Il  eut  aussi  le  mérite  de  respecter  scrupu- 
leusement les  droits  et  privilèges  des  Belges.        E.  H. 

Bibl.  :  Courvoisier,  la  Vie  de  Ferdinand  d'Autriche. 
—  Henné  et  Wauters,  Histoire  de  la  ville  de  Bruxelles  ; 
Bruxelles,  1840,  3  vol.  in-8.  —  Namêche,  Cours  d'histoire 
nationale;  Louvain,  1860-1892,  30  vol. in-8. 

Portugal 

FERDINAND  Ier,  roi  dePortugal,néàCoïmbrele  31  oct. 
1345,  mort  à  Lisbonne  le  22  oct.  1383.  Fils  aîné  et  suc- 
cesseur de  Pierre  le  Justicier  (1367),  il  n'eut  aucune  des 
grandes  qualités  de  celui-ci.  Doué  de  tous  les  avantages 
physiques,  d'une  imagination  vive,  d'un  esprit  fécond  en 
ressources,  il  manquait  totalement  de  force  d'âme  et  de 
loyauté  de  caractère.  Il  hérita  d'un  royaume  extrêmement 
prospère,  et  il  le  conduisit  aux  abîmes.  Son  règne  se  passa 
pour  ainsi  dire  à  guerroyer  contre  Henri  de  Transtamare, 
puis  contre  Jean  Ier,  pour  soutenir  ses  propres  prétentions 
ou  celles  de  Jean,  duc  de  Lancastre,  à  la  couronne  de  Cas- 
tille. Trois  campagnes  entreprises  dans  ce  but  furent  désas- 
treuses pour  le  Portugal  qui  fut  saccagé  et  [rançonné  non 
seulement  par  l'ennemi,  mais  surtout  par  les  Anglais, 
alliés  du  roi.  Le  saint-siège  intervint  deux  fois  (1371  et 
1373)  pour  amener  la  paix  ;  la  troisième  guerre,  qui  dura 
trois  ans,  ne  fut  terminée  que  peu  de  temps  avant  la  mort 
de  Ferdinand,  par  le  mariage  de  sa  fille  unique  avec  le  roi 
de  Castille.  Il  l'avait  eue  de  son  mariage  (1371)  avec  l'ambi- 
tieuse et  perfide  Eléonore  (V.  ce  nom)  Tellez  de  Menezes, 
qui  le  dominait  entièrement  et  qui  fut  pour  beaucoup  dans 
les  malheurs  de  son  règne.  Ferdinand  fut  le  dernier  sou- 
verain de  la  branche  légitime  de  sa  maison.  Il  eut  pour 
successeur  son  frère  naturel,  le  célèbre  Jean  Ier,  fondateur 
de  la  dynastie  d'Aviz.  G.  Pawlowski. 

Bibl.  :  Fernâo  Lopez,  Cronica  d'el  rei  Fernando  ;  Lis- 
bonne, 1820.  —  Nunez  do  Liâo,  Cronicas;  Lisbonne,  1780. 


FERDINAND 


m 


FERDINAND  le  Saint  ou  le  prince  Constant,  né  à 
Santarem  le  29  sept.  1402,  mort  à  Fez  le  5  juin  4443. 
Huitième  fils  du  roi  Jean  Ier,  il  fut  nommé  grand  maître 
de  Tordre  d'Aviz.  Il  prit  part  à  l'expédition  de  son  frère 
dom  Henri  contre  Tanger.  Après  la  capitulation,  il  fut 
laissé  en  otage  avec  douze  compagnons  en  garantie  de  la 
cession  de  Ceuta.  Celle-ci  ayant  été  refusée  par  le  roi  de 
Portugal  et  les  Cortès,  l'infant  fut  traité  en  esclave  ;  il 
supporta  avec  une  admirable  constance  ce  long  martyre 
auquel  il  succomba  au  bout  de  six  années.  Son  corps, 
pendu  au-dessus  d'une  porte  de  Fez,  fut  ramené  en  1471 
et  enseveli  à  l'abbaye  de  Batalha.  Lui-même  fut  béatifié  en 
1470  et  les  bollandistes  ont  inséré  sa  vie  dans  leur  recueil. 
Son  biographe  fut  son  compagnon  de  captivité  Joam  Al- 
varez. Calderon  en  a  fait  le  héros  d'un  drame. 

FERDINAND,  duc  de  Bragance,  marquis  de  Villa- 
Viçosa,néenl403,  mort  à  Villa-Viçosa  le  1er  avr.  1478. 
Fils  d'Alphonse  Ier,  il  fut  connétable  dans  l'expédition 
de  1437  contre  Tanger,  gouverneur  de  Ceuta  en  1445, 
prit  part  aux  campagnes  d'Alphonse  V,  au  nom  duquel  il 
gouverna  le  Portugal  en  1471.  Il  eut  une  importante  cor- 
respondance avec  ce  roi. 

FERDINAND  (Auguste-François-Antoine-) ,  roi-régen t 
de  Portugal,  né  à  Vienne  le  29  oct.  1816,  mort  à  Lisbonne 
le  15  déc.  1885.  Fils  aîné  de  Ferdinand-Georges-Auguste, 
duc  de  Saxe-Cobourg-Gotha,  il  épousa  (9  avr.  1836)  la 
reine  de  Portugal,  Maria  da  Gloria,  après  la  mort  de  la- 
quelle (15  nov.  1853)  il  exerça  la  régence,  au  nom  de  leur 
fils  aîné,  dom  Pedro  V,  jusqu'au  16  sept.  1855.  Malgré  son 
origine  étrangère,  il  sut  gagner  les  sympathies  des  Por- 
tugais par  la  correction  de  son  attitude  politique,  et  sa 
popularité  devint  telle  qu'après  la  chute  de  la  reine  Isabelle, 
on  lui  offrit  la  couronne  d'Espagne  (1869),  qu'il  refusa. 
De  son  mariage  sont  issus  trois  fils,  dont  le  second  fut  le 
roi  Louis,  et  deux  filles.  Il  épousa  en  secondes  noces  Elisa 
Hensler,  qui  reçut  le  titre  de  comtesse  d'Edla.      G.  P-i. 

Italie. 
FERDINAND  Ier  (d'Aragon)  (en  ital.  Ferrante),  roi  de 
Naples  (1458-1494),  né  en  1423,  mort  le  25  janv.  1494. 
Fils  naturel  du  roi  d'Aragon  et  de  Sicile  Alphonse  V  et  d'une 
obscure  Castillane,  Carlina  Villardone,  son  père  qui  vivait  à 
Naples  lui  destina  le  royaume  de  Naples  ;  en  1443,  il  lui 
donna  le  titre  de  duc  de  Calabre  et  le  fit  reconnaître  par  le 
pape  Nicolas  V  comme  son  successeur  à  Naples  ;  en  1445,  il 
lui  fit  épouser  Isabelle  deChiaramonte,  fille  du  comte  Tristan 
de  Copertino.  Calixte  III  refusa  de  lui  donner  l'investiture  du 
royaume  à  cause  de  sa  bâtardise.  A  la  mort  d'Alphonse  V, 
son  frère  Jean  recueillit  F  Aragon,  la  Navarre  (au  nom  de  son 
fils  Charles,  prince  de  Viana),  la  Sardaigne  et  la  Sicile  ; 
Ferdinand  reçut  Naples.  Ses  sujets,  se  défiant  de  son  carac- 
tère sombre,  cruel  et  hypocrite,  étaient  mal  disposés.  Les 
Napolitains  offrirent  la  couronne  à  son  chevaleresque  cou- 
sin, le  prince  de  Viana,  qui  refusa  et  se  retira  en  Sicile. 
Le  pape,  suzerain  nominal,  ne  voulut  pas  le  reconnaître  et, 
par  une  bulle  du  12  juil.  1458,  déclara  le  royaume  de 
Naples  dévolu  au  saint -siège,  réclamant  l'obéissance  de 
tous  les  ordres  de  l'Etat.  Jean  d'Anjou,  qui  s'intitulait  aussi 
duc  de  Calabre,  vint  prendre  le  gouvernement  de  Gênes,  pour 
attendre  les  événements.  Mais  le  parti  aragonais  étant  le 
plus  fort,  les  barons  prêtèrent  serment  à  Ferdinand,  qui 
en  appela  du  pape  au  futur  concile.  Pie  II,  successeur  de 
Calixte,  le  reconnutroide  Naples,  «  sauf  le  droit  d'autrui», 
en  échange  du  payement  des  arrérages  du  cens,  de  la  res- 
titution de  Bénévent  et  Terracine.  Il  eut  bientôt  à  com- 
battre les  Angevins;  le  duc  de  Calabre  descendit  auprès  de 
Gaëte;  beaucoup  de  barons  se  déclarèrent  pour  lui  ;  au 
premier  rang  le  puissant  comte  de  Tarente  et  le  comte  de 
Rossano,  beau-frère  de  Ferdinand,  qui  avaient  d'abord  ap- 
pelé le  roi  Jean  II  d'Aragon.  Jean  de  Calabre  conquit  la 
Pouille  jusqu'au  Gargano  ;  sa  victoire  du  Sarno  (7  juil.  1 460) 
lui  livra  la  Campanie.  Ferdinand  échappa  avec  une  ving- 
taine de  cavaliers.  Mais  le  pape  et  le  duc  de  Milan  lui 


envoyèrent  des  secours.  Le  condottiere  Piccinino,  soudoyé 
par  Jean  de  Calabre,  fut  défait  par  les  alliés.  La  noblesse 
napolitaine  se  tint  alors  sur  la  réserve,  et,  quand  le  duc  de 
Milan  eut  garanti  une  amnistie  totale,  elle  se  rallia  àl'Ara- 
gonais.  Le  fameux  Scanderbeg  (Alexandre  Castriota)  re- 
quis par  le  pape  Pie  II,  vint  d'Albanie  à  son  secours.  La 
victoire  de  Troja  (août  1462)  fut  due  à  ce  concours.  Le 
comte  de  Tarente  et  Caracciolo,  duc  de  Melfi,  se  soumirent 
alors.  Peu  après  le  premier  fut  assassiné,  et  le  roi  s'em- 
para de  ses  immenses  richesses  ;  il  s'en  servit  pour  acheter 
le  fameux  Piccinino  (1463). Le  comte  de  Rossano,  qui  repro- 
chait à  Ferdinand  un  inceste,  la  séduction  de  la  comtesse, 
propre  sœur  du  roi,  s'était  soumis  sur  la  garantie  du  duc 
de  Milan;  il  fut  emprisonné  (1464).  Le  duc  de  Calabre, 
réduit  à  Ischia,  se  rembarqua.  Sa  mort  et  l'extinction  de 
la  dynastie  angevine  assurèrent  à  Ferdinand  Ier  la  tran- 
quille possession  du  trône.  C'était  un  vrai  prince  de  la 
Renaissance  italienne,  rusé,  déloyal,  vindicatif.  Il  attira 
dans  son  château  par  une  invitation  le  condottiere  Picci- 
nino qui  n'en  sortit  jamais  (août  1465).  Il  se  fortifia  en- 
suite par  tous  les  moyens  :  en  premier  lieu  un  mariage  de 
son  fils  avec  la  fille  du  duc  de  Milan.  Il  étonna  le  saint- 
siège  par  son  ingratitude,  lui  enlevant  le  duché  de  Sora, 
s' alliant  contre  lui  à  Malatesta  de  Rimini.  Politique  sans 
scrupules,  il  agit  contre  sa  turbulente  noblesse  avec  une 
énergie  féroce.  A  la  mort  de  sa  femme  Isabelle,  dont  la 
vaillance  lui  avait  rendu  de  grands  services,  il  épousa  la 
fille  de  Jean  II  d'Aragon,  sa  cousine  Juana.  Il  mariait  ses 
nombreux  enfants  dans  des  familles  influentes  ;  l'union 
d'une  fille  naturelle  avec  Léonard  de  La  Rovère,  neveu  de 
Sixte  IV,  lui  gagna  ce  pontife.  Très  amateur  du  luxe,  il 
tint  une  belle  cour,  appela  des  humanists  renommés,  Pon- 
tanus,  précepteur  de  son  fils  et  fondateur  de  l'Académie 
de  Naples;  Sannazar  ;  des  juristes  comme  M.  Riccio,  Paris 
de  Puteo,  J.-A.  Caraffa.  Il  favorisa  le  commerce  et  l'in- 
dustrie, subventionna  des  manufactures  de  soieries,  appela 
des  artisans  étrangers,  introduisit  l'imprimerie  dans  sa 
capitale  (1474).  La  surprise  d'Qtrante  par  les  Turcs 
(26  juil.  1480)  et  le  massacre  de  12,000  habitants,  la 
dévastation  des  cantons  voisins  terrifièrent  l'Italie;  mais 
Alphonse,  fils  duroi,  reprit  la  ville  avec  l'aide  de  contingents 
papistes,  espagnols  et  hongrois.  La  garnison  fut  réduite  en 
esclavage  au  mépris  de  la  capitulation.  Mais  le  vainqueur 
en  conçut  un  orgueil  insupportable.  Son  père  lui  laissant 
presque  tout  le  pouvoir,  il  se  fit  détester.  Il  créa  le  monopole 
du  blé,  du  vin  et  de  l'huile,  ce  qui  était  une  monstruosité.  Le 
roi  de  Naples  avait  pour  ennemis  déclarés  les  Vénitiens  ;  les 
Médicis  ne  l'aimaient  guère  ;  le  pape  Innocent  VIII  l'excom- 
munia et  le  déposa.  En  1485,  il  eut  à  combattre  un  nou- 
veau soulèvement  de  ses  barons.  Il  n'était  donc  pas  plus 
solide  à  la  fin  de  son  règne  qu'au  début.  Les  préparatifs  du 
roi  de  France,  Charles  VIII,  qui  revendiquait  les  droits  des 
Angevins,  faisaient  prévoir  sa  chute.  Il  mourut  avant.  Malgré 
son  astuce,  sa  sombre  férocité  l'avait  rendu  si  odieux  à  son 
peuple  que  sa  dynastie  ne  put  durer.  A.-M.  B. 

FERDINAND  M  (en  ital.  Ferrante),  roi  de  Naples 
(1495-96),  né  le  26  juil.  1469,  mort  le  7  sept.  1496,  petit- 
fils  du  précédent  et  fils  d'Alphonse  II,  était  un  prince  très  bien 
doué.  Duc  de  Calabre,  il  fut  envoyé  par  son  père  à  la  rencontre 
de  l'armée  de  Charles  VIII,  s'établit  en  Romagne,  auprès 
de  Faenza,  mais  dut  reculer  devant  d'Aubigny.  Il  se  replia  de 
Viterbe  sur  Rome  avec  Virginio  Orsini,  mais  le  pape  n'osa 
lutter,  et  l'armée  napolitaine  sortit  par  la  porte  Saint-Sébas- 
tien, tandis  que  l'armée  française  entrait  par  la  porte  del 
Popolo.  Alexandre  VI  promit  alors  à  Charles  VIII  l'investiture 
de  Naples.  La  dynastie  aragonaise  tomba  sans  combattre. 
Les  Abruzzes  et  Aquila  se  soulevèrent  arborant  le  drapeau 
français.  Alphonse  II  abdiqua  en  faveur  de  son  fils  (22  janv.) 
et  s'enfuit  en  Sicile.  Le  23  janv.  1495,  Ferdinand  II  fut 
sacré  dans  la  cathédrale  de  Naples,  puis  il  vint  camper  à 
San  Germano  d'où  Louis  d'Armagnac  le  débusqua.  Le  nou- 
veauroi,  trahi  par  son  entourage,  ne  put  résister.  A  Capoue, 
Jacopo  de  Triulzi  (Trivulce)  passa  aux  Français  ;  Virginio 


267  — 


FERDINAND 


Orsini  et  Pitigliano  furent  pris  à  Noie  ;  Ferdinand  II  s'em- 
barqua pour  la  Sicile  avec  sa  famille  ;  la  ville  de  Naples 
envoya  ses  clefs  au  roi  de  France  ;  les  châteaux  se  rendirent 
bientôt.  De  son  royaume,  l'Aragonais  ne  gardait  plus  qu'Is- 
chia.  Bientôt  il  reçut  les  secours  de  Ferdinand  le  Catholique 
amenés  par  le  célèbre  Gonzalve  de  Cordoue,  et,  appuyé  par 
une  flotte  vénitienne,  il  débarqua  en  Calabre.  Les  garnisons 
françaises  avaient  indisposé  les  indigènes.  D'Aubigny  bat- 
tit les  Aragonais  à  Seminara  et  les  rejeta  en  Sicile.  Ferdi- 
nand cingla  alors  droit  sur  Naples  ;  l'inconstante  population 
s'insurgea  en  sa  faveur  et  en  quelques  jours  les  châteaux 
affamés  durent  se  rendre  (janv.  1496).  Gonzalve  de  Cor- 
doue fit  le  reste.  L'armée  du  connétable  d'Aubigny  fut  usée 
en  Calabre  par  une  guerre  d'escarmouches;  San  Severino, 
chef  du  parti  angevin,  fut  tué.  Le  duc  de  Montpensier,  blo- 
qué dans  Atella,  fut  obligé  de  capituler.  Le  traité  ne  fut 
naturellement  pas  observé,  et  l'armée  française,  entassée  à 
Baïes  et  à  Pouzzoles,  fut  détruite  par  les  maladies.  La  mort 
subite  de  Ferdinand  ouvrit  les  voies  à  l'usurpation  espagnole. 
FERDINAND  111,  roi  de  Naples  (V.  Ferdinand  V  le  Ca- 
tholique, roi  d'Espagne). 

FERDINAND  1er  (ou  !V),roidesDeux-Siciles,néàNaples 
le  2  janv.  1751,  mort  à  Naples  le  4  janv.  1825.  Lorsque 
Charles  de  Bourbon  fut  appelé  à  régner  en  Espagne,  après  la 
mort  de  son  frère  Ferdinand  VI,  il  laissa  les  Deux-Siciles  à 
son  troisième  fils,  Ferdinand  (IV  à  Naples,  III  en  Sicile) ,  alors 
âgé  de  huit  ans  (6  oct.  1759).  Le  ministre  Tanucci,  qui  domi- 
nait dans  le  conseil  de  régence,  continua  l'œuvre  de  réformes 
civiles  et  d'affranchissement  en  matière  ecclésiastique  qu'il 
avait  commencée  sous  le  règne  précédent.  Mais,  en  1777, 
la  reine  Marie-Caroline  d'Autriche,  fille  de  l'impératrice 
Marie-Thérèse,  que  Ferdinand  avait  épousée  en  1768,  ré- 
clama le  droit,  stipulé  dans  son  contrat  de  mariage,  d'en- 
trer au  conseil  à  la  naissance  de  son  premier  enfant  mâle  : 
son  premier  acte  d'influence  fut  de  faire  congédier  Tanucci. 
Faible  d'esprit  et  grossier  de  goûts,  le  roi  ne  fut  plus  qu'un 
jouet  entre  les  mains  de  la  reine,  femme  cruelle  et  dissolue, 
qui,  gouvernée  elle-même  par  le  chevalier  Acton  (V.  ce 
nom),  engagea  la  cour  de  Naples  dans  une  longue  lutte 
contre  la  Révolution  française.  A  l'approche  du  général 
Championnet,  Ferdinand  se  retira  à  Païenne  (21  déc. 
1798).  Après  la  chute  de  la  République  parthénopéenne, 
ramené  à  Naples  parles  Anglais  (30* juin  1799),  il  auto- 
risa la  plus  impitoyable  réaction.  En  1806,  son  hostilité 
contre  Napoléon  lui  fit  perdre  de  nouveau  ses  Etats  déterre 
ferme,  que  l'empereur  donna  d'abord  à  Joseph  Bonaparte, 
puis  à  Joachim  Murât.  Ferdinand  conserva  la  Sicile,  que 
protégeait  la  flotte  anglaise.  Toujours  conduit  par  Marie- 
Caroline,  il  entretint  le  brigandage  sur  le  continent.  Dans 
l'île  même,  il  irrita  bientôt  ses  sujets,  dont  il  ne  respectait 
pas  les  antiques  franchises.  Sous  la  pression  de  lord  Ben- 
tinck,  il  dut  consentir  à  l'éloignement  de  sa  femme,  prendre 
son  fils  pour  vicaire,  et  donner  aux  Siciliens  la  constitution 
de  1812,  modelée  sur  la  constitution  anglaise.  Marie- 
Caroline  étant  morte  en  Autriche  (7  sept.  1814),  Ferdi- 
nand épousa  aussitôt -morganatiquement  Lucia  Migliaccio, 
veuve  du  prince  de  Partanna,  qu'il  fit  duchesse  de  Floridia. 
Restauré  à  Naples  après  la  chute  de  Murât  (1815),  il  se 
fit  appeler  Ferdinand  Ier,  roi  du  royaume  uni  des  Deux- 
Siciles,  et  mit  ainsi  fin  à  l'autonomie  sicilienne  (1816). 
Le  régime  inepte  et  brutal  auquel  il  soumit  ses  peuples 
amena  la  révolution  de  1820.  Ferdinand  déposa  alors 
l'autorité  entre  les  mains  de  son  fils,  nommé  vicaire  (6  juil.) , 
et  jura  la  constitution  de  1812  imposée  par  les  car- 
bonari.  Sous  prétexte  d'aller  défendre  le  nouvel  ordre 
de  choses,  il  se  rendit  au  congrès  de  Laibach.  Les  Autri- 
chiens intervinrent,  et  il  rentra  à  Naples  derrière  eux 
(1821).  Son  ministre  Canosa  exerça  des  vengeances  effré- 
nées. Le  système  ne  changea  point  avec  le  ministre  Medici. 
Ferdinand,  que  ses  peurs  superstitieuses  rendaient  pire 
chaque  jour,  mourut  enfin,  subitement.  F.  H. 

FERDINAND  II,  roi  des  Deux-Siciles  (1830-1859),  né 
à  Palerme  le  12  janv.  1810,  mort  à  Caserte  le  22  mai  1859. 


Fils  de  François  Ier  et  d'Isabelle-Marie  d'Espagne,  il 
succéda  à  son  père  le  8  nov.  1830.  Le  blâme  qu'il  infli- 
gea dans  son  premier  édit  à  ses  prédécesseurs  fit  espé- 
rer qu'il  allait  «  guérir  les  blessures  du  pays  ».  Mais  l'illu- 
sion ne  fut  pas  longue.  Aussi  astucieux  que  son  père  et 
son  aïeul,  mais  beaucoup  plus  résolu,  Ferdinand  II  aggrava 
le  régime  dégradant  qui  pesait  sur  ses  Etats.  Etranger  aux 
plaisirs,  il  n'aimait  que  l'argent  et  l'exercice  du  pouvoir. 
Donnant  l'exemple  de  la  rapine,  il  souffrait  le  vol  autour 
de  lui  pour  payer  d'autant  moins  ses  fonctionnaires.  L'in- 
fâme delcarretto  (V.  ce  nom),  investi  dès  1831  du  minis- 
tère de  la  police,  auquel  tous  les  autres  étaient  subordon- 
nés, fut  son  digne  agent.  Les  conspirations,  les  insurrec- 
tions, provoquées  par  l'excès  des  maux  publics,  furent 
étouffées  dans  le  sang.  Le  roi  traitait  ses  frères  aussi  dure- 
ment que  ses  sujets.  La  sainte  reine  Christine  de  Savoie, 
qu'il  avait  épousée  en  1832,  mourut  victime  de  ses  bruta- 
lités (31  janv.  1836).  Moins  d'un  an  après,  Ferdinand  II 
prit  pour  femme  l'archiduchesse  Marie-Thérèse  d'Autriche 
(9  janv.  1837).  Les  jésuites  étaient  les  maîtres  de  l'ensei- 
gnement ;  les  prêtres  et  les  moines  dominaient  partout  ; 
mais  le  roi  avait  soin  de  se  faire  un  instrument  servile  du 
haut  clergé.  Son  confesseur,  TPr  Code,  trafiquait  impu- 
demment de  l'autorité  royale,  comme  Delcarretto.  La  cor- 
ruption était  érigée  en  système.  La  férocité  des  sbires 
contenait  le  peuple.  On  sait  comment  échoua  la  tentative 
des  frères  Bandiera  (1844).  L'insurrection  de  Reggio  et 
de  Messine,  en  sept.  1847,  n'eut  pas  plus  de  succès.  En 
janv.  1848,  la  révolution  de  Sicile  parut  enfin  changer  les 
choses.  Ferdinand  II,  effrayé,  s'empressa  d'exiler  Delcar- 
retto, dont  il  donna  la  place  au  patriote  Poerio.  Il  promulgua 
une  constitution  (lOfévr.)  et  confia  au  général Pepe,  l'ancien 
chef  carbonaro  de  1820,1e  commandement  d'un  corps  expé- 
ditionnaire qui  devait  concourir  avec  l'armée  de  Charles-Al- 
bert à  l'expulsion  des  Autrichiens.  Mais  bientôt,  étant  par- 
venu à  opérer  dans  Naples  une  sanglante  contre-révolution 
(15  mai),  il  rappela  les  troupes  et  la  flotte,  prit  un  autre 
ministère,  prorogea  le  parlement,  et  tourna  ses  forces  contre 
la  Sicile.  L'horrible  bombardement  de  Messine  lui  valut  le 
surnom  de  roi  Bornéo,  (3-10  sept.).  Après  la  chute  de  Pa- 
lerme, son  joug  s'appesantit  de  nouveau  sur  les  Deux-Siciles 
(mai  1849).  Les  procès  commencèrent  :  Poerio  fut  envoyé 
au  bagne;  22,000  condamnations  politiques  furent  pro- 
noncées; le  roi  s'enrichit  des  biens  consfiqués.  Les  pro- 
testations indignées  de  M.  Gladstone  (1851),  la  rupture 
des  relations  avec  la  France  et  l'Angleterre  (1855) , 
l'attentat  du  soldat  Agesilao  Milano,  qui  blessa  le  roi 
d'un  coup  de  baïonnette  dans  une  revue  (8  déc.  1856), 
la  tentative  de  Pisacane  (juin  1 857)  et  l'interminable  affaire 
du  Cagliari  (V.  ce  mot),  la  mise  en  liberté  de  Poerio 
et  de  quelques  autres  condamnés  politiques  obtenue  à 
grand'peine  par  le  gouvernement  anglais  (1858) ,  signalèrent 
les  dernières  années  du  règne  de  Ferdinand  IL  II  mourut 
dans  d'affreuses  souffrances  le  22  mai  1859.  De  sa  pre- 
mière femme  il  eut  François  II,  son  successeur.  Remarié 
en  1837  avec  Marie-Thérèse,  fille  de  l'archiduc  Charles 
d'Autriche,  il  eut  neuf  fils  et  quatre  filles.  Parmi  ses  fils 
citons  :  Louis,  comte  de  Trani  (né  en  1838);  Alphonse^ 
comte  de  Caserte  (1841)  ;  Pasquale-Maria,  comte  deBari 
(1852).  F.  H. 

Bibl.  :  Nmco,FerdinandoIIedilsuo  regno;  Naples,  1884. 
FERDINAND,  duc  de  Calabre,  né  en  1487,  mort  en 
Espagne  en  1550,  fils  aîné  du  roi  de  Naples,  Frédéric  III, 
détrôné  par  Louis  XII.  Il  avait  été  mis  en  sûreté  àTarente. 
Gonzalve  de  Cordoue  vint  l'assiéger  ;  il  jura  sur  l'hostie 
qu'il  le  laisserait  libre,  mais,  dès  qu'il  l'eut,  il  se  fit  délier 
de  son  serment  et  l'expédia  à  son  maître  Ferdinand  le 
Catholique  qui  le  fit  interner  à  Zativa.  Il  refusa  en  1516 
la  couronne  d'Aragon.  Charles-Quint  le  rendit  à  la  liberté 
et  lui  fit  épouser  la  veuve  de  Ferdinand  le  Catholique  (nièce 
de  Louis  XII).  Devenu  veuf  dix  ans  après,  il  se  remaria 
avec  une  de  Mendoza  et  fut  le  dernier  de  sa  race. 

FERDINAND  Ier,  grand-duc  de  Toscane  (1587-1609), 


FERDINAND 


~  268  — 


né  en  4549,  mort  le  17  févr.  1609.  Quatrième  fils  de 
Cosme  Ier  de  Médicis  et  d'Ëléonore  de  Tolède,  il  fut  créé 
cardinal-diacre  dès  l'âge  de  quatorze  ans.  Il  s'établit  à  Home  ; 
il  s'entendait  mal  avec  son  frère  François-Marie,  grand-duc 
de  Toscane.  Aussi  lorsque  celui-ci  mourut,  en  même  temps 
que  sa  femme  Bianca  Capello,  on  accusa  le  cardinal  de  les 
avoir  fait  empoisonner.  Il  en  hérita,  et  devenu  grand-duc, 
sur  les  conseils  de  Catherine  de  Médicis,  reine  de  France, 
il  renonça  au  chapeau  et  se  maria  avec  Christine  de  Lor- 
raine (30  avr.  1589).  Ce  fut  un  excellent  souverain,  affable 
et  bienveillant,  plein  de  goût.  Il  développa  activement 
le  commerce,  l'agriculture,  continua  de  s'enrichir  par  la 
banque,  comme  son  père  et  son  frère,  et  gagna  beaucoup 
dans  ses  affaires  avec  les  Hollandais.  Il  fut  donc  le  plus 
riche  capitaliste  d'Europe,  tout  en  dépensant  beaucoup  à  sa 
cour  et  en  travaux  publics.  Pise  se  releva  et   Livournc 
grandit.  Les  juifs,  chassés  de  la  péninsule  ibérique,  vinrent 
s'y  réfugier.  Banquier  des  rois  d'Espagne  et  de  France, 
Ferdinand  avait  une  importance  politique  ;  il  la  maintint  en 
diplomate  avisé  sans  se  laisser  dominer  par  l'un  ou  l'autre 
de  ses  puissants  amis.  Il  s'entendit  bien  avec  Henri  IV, 
auquel  il  maria  sa  nièce,  Marie  de  Médicis.  Il  lui  prêta  de  l'ar- 
gent et  occupa  en  gage  les  îles  d'If  et  de  Pomègue  devant 
Marseille  ;  il  servit  d'intermédiaire  entre  le  pape  et  le  roi 
de  France,  ce  qui  irrita  Philippe  II.  Il  s'entendait  mal  avec 
l'empereur  et  négociait  avec  les  princes  protestants.  Le  roi 
d'Espagne  le  menaçait  de  son  frère  Pierre,  lequel  mourut 
en  1604.  A  l'intérieur,  Ferdinand  pacifia  la  Toscane  par  la 
capture  du  condottiere  Alfonso  Piccolomini,  duc  deMonte- 
Marciano,  qu'il  fit  pendre  (159/l).  Il  fit  la  chasse  aux  cor- 
saires barbaresques  et  turcs  avec  l'assistance  des  chevaliers 
de  l'ordre  de  Saint-Etienne,  attaqua  Famagourte  (1607)  et 
prit  Bône  (1608).  Il  mourut,  très  regretté  de  son  peuple, 
laissant  sept  enfants,  quatre  fils  et  trois  filles  :  Corne,  qui  lui 
succéda  ;  Charles,  cardinal  en  1615,  mort  en  1666  ;  Fran- 
çois, Laurent,  Eléonore,  Ca£/im>i£,quiépousaFerdinand, 
duc  deMantoue;  Claude,  qui  épousa  Frédéric  de  La  Rovère, 
puis  l'archiduc  Léopold  d'Autriche.  Sa  femme  mourut  le 
20  déc.  1636. 

FERDINAND  II,  grand-duc  de  Toscane  (1621-1670), né 
le  4  juil.  1610,  mort  le  23  mai  1670.  Fils  de  Côme  II  et 
de  Marie-Madeleine  d'Autriche,  il  régna  d'abord  sous  la  tu- 
telle de  son  aïeule  Christine  de  Lorraine  et  de  sa  mère. 
Son  avènement  marque  un  tournant  dans  l'histoire  de  la 
Toscane.  Elle  déchoit  de  la  prospérité  que  lui  avaient  con- 
servé les  premiers  grands-ducs  de  la  maison  de  Médicis.  Les 
deux  tutrices  du  jeune  prince  purent  bien  maintenir  quel- 
que temps  les  traditions,  mais  on  s'en  écarta  peu  à  peu. 
La  rivalité  des  deux  principaux  ministres  Pichena  et  Cioli 
fut  désastreuse.  L'éducation  du  jeune  prince  fut  délaissée 
et  tomba  aux  mains  des  prêtres.  Devenu  majeur,  Ferdi- 
nand II  abandonna  la  politique  de  bascule  entre  les  Bour- 
bons et  les  Habsbourg  qui  avait  sauvegardé  l'autonomie  de 
la  Toscane  et  les  intérêts  de  son  commerce.  Cédant  aux 
suggestions  de  sa  mère,  princesse  autrichienne,  il  pencba 
tout  à  fait  du  côté  de  l'Espagne  et  de  l'Autriche  et  puisa 
largement  dans  son  trésor  pour  les  besoins  de  ces  alliés 
besogneux.  Il  fut  flatté  par  l'Espagne  et  protégé  contre 
l'ambition  des  Barberini  mettant  à  leur  service  le  pouvoir 
du  saint-siège.  Il  intervint  dans  l'affaire  de  la  succession 
de  Mantoue  en  faveur  de  Charles  de  Nevers.  Marié  à  sa 
cousine  Vittoria  de  La  Rovère  (26  sept.  1631),  il  revendi- 
qua en  son  nom  le  duché  d'Urbin,  mais  ne  put  obtenir  que 
les  biens  allodiaux.  Son  trésor  passa  peu  à  peu  aux  Espa- 
gnols et  aux  Autrichiens.  Le  clergé  accrut  énormément  son 
influence;  des  fautes  économiques,  des  impôts  maladroits 
ruinèrent  le  commerce  des  grains  ;  l'agriculture  déclina  ; 
la  perte  et  quelques  mauvaises  récoltes  achevèrent  d'effacer 
la  richesse  du  grand-duché,  dont  le  souverain  était  inca- 
pable de  continuer  à  soutenir  le  commerce  et  la  politique 
financière  des  Médicis.  La  sécurité  intérieure  disparut; 
comme  dans  le  reste  de  l'Italie  le  brigandage  se  développa. 
Des  capitaux  considérables  furent  engloutis  dans  le  dessè- 


chement des  Maremmes,  qui  échoua.  L'achat  de  la  seigneurie 
de  Pontremoli  fut  une  piètre  compensation.  Personnelle- 
ment, Ferdinand  II  était  un  diplomate  assez  fin  ;  il  servit  de 
médiateur  entre  Louis  XIV  et  le  pape  dans  l'affaire  de  la 
garde  corse  et  les  réconcilia  (traité  de  Pise,  1 2  févr.  1664). 
Il  étudiait  les  sciences,  avait  un  laboratoire  et  fabriquait 
des  instruments  de  physique.  Il  favorisa  l'Académie  del 
Cimento,  fondée  par  son  frèrele  cardinal  Léopold  (juil. 1657). 
ïleutdeuxfils,  Cosme  III,  son  successeur,  et  François-Marie 
(mort  en  1711),  cardinal  en  1686,  qui  quitta  l'Eglise  en 
1700,  pour  épouser  Eléonore  de  Gonzague-Guastalla. 

FERDINAND  111,  grand-duc  de  Toscane,  né  à  Florence 
k6  mai  1769,  mort  "le  18  juin  1824.  Léopold,  devenu 
empereur  d'Allemagne,  céda  la  Toscane  à  son  second  fils, 
Ferdinand  (1791).  Celui-ci  s'efforça  de  garder  la  neutralité 
entre  la  Révolution  française  et  la  coalition.  Il  reconnut 
même  la  République.  Mais,  les  menaces  de  l'Angleterre 
l'ayant  entraîné  à  prendre  des  mesures  contraires  à  la 
France,  le  général  Bonaparte  passa  l'Apennin  (26  juin 
1796),  entra  àLivourne, s'empara  delà  factorerie  anglaise, 
et  laissa  garnison.  Le  grand-duc,  qui  le  reçut  magnifique- 
ment à  Florence,  s'excusa  sur  la  contrainte  qu'il  avait 
subie.  En  1798,  Ferdinand  III,  cédant  à  la  pression  de  la 
cour  de  Naples,  reçut  sur  son  territoire  les  troupes  napo- 
litaines qui  opéraient  contre  lesFrançais.  L'année  suivante, 
il  dut  quitter  la  Toscane,  occupée  par  le  général  Gauthier 
(27  mars  1799).  Il  prit  alors  un  commandement  dans  l'ar- 
mée autrichienne.  Après  diverses  vicissitudes,  il  perdit  défi- 
nitivement ses  Etats  à  la  paix  de  Lunéville  (9  févr.  1801). 
Il  reçut  en  dédommagement,  avec  le  titre  d'électeur,  la 
principauté  de  Salzbourg  (1803),  qu'il  dut  échanger  à  la 
paix  de  Presbourg  contre  le  duché  de  Wurtzbourg  (26  déc. 
1805).  Il  fit  partie  de  la  Confédération  du  Rhin.  En  1814, 
Ferdinand  III  recouvra  enfin  le  grand-duché  de  Toscane. 
S'il  supprima  les  institutions  françaises,  s'il  altéra  même 
les  anciennes  institutions  léopoldines,  sa  douceur  naturelle, 
bien  servie  par  le  scepticisme  tolérant  du  ministre  Fos- 
sombroni,  continua  du  moins  à  faire  de  la  Toscane  un  pays 
civilisé,  qui  contrastait  singulièrement  avec  le  reste  de  la 
péninsule.  F.  H. 

FERDINAND  de  Savoie  (Albert-Amédée),duc  de  Gênes, 
second  fils  du  roi  Charles-Albert,  né  le  15  nov.  1822, 
mort  le  10  févr.  4855.  En  4848,  grand  maître  de  l'artil- 
lerie, il  dirigea  les  opérations  du  siège  de  Peschiera  (avril- 
mai).  Le  5  juin,  il  prit  le  commandement  de  la  4e  division. 
Le  troisième  jour  de  la  bataille  de  Custoza  (25  juil.),  posté 
sur  les  hauteurs  de  Sommacampagna,  il  lutta  héroïquement 
jusqu'au  soir  contre  des  forces  quatre  fois  supérieures.  Le 
44  juil.,  le  parlement  sicilien  l'avait  élu  roi  sous  le  nom 
d'Albert- Amédée  :  le  jeune  prince  déclina  cet  honneur.  En 
4849,  il  se  distingua  encore  à  la  bataille  de  Novare 
(23  mars).  Après  la  paix,  il  s'occupa  de  réorganiser  l'ar- 
tillerie. En  4855,  il  aspirait  à  commander  le  corps  expédi- 
tionnaire de  Crimée  lorsqu'il  mourut.  —  Le  duc  de  Gênes 
avait  épousé,  le  22  avr.  4850,  la  princesse  Elisabeth  de 
Saxe,  dont  il  eut  deux  enfants  :  la  princesse  Marguerite, 
aujourd'hui  reine  d'Italie,  née  le  20  nov.  4851,  et  le  prince 
Thomas,  né  le  6  févr.  4 854,  qui  a  hérité  de  son  titre.  Sa 
veuve  s'est  remariée  morganatiquement  en  4856  avec  le 
marquis  Rapallo.  F.  H. 

Pour  les  autres  princes  italiens  du  nom  de  Ferdi- 
nand, V.  Guastalla,  Mantoue,  Parme,  etc. 

Divers. 

FERDINAND  (Philippe),  duc  d'Orléans  (V.  Orléans). 

FERDINAND,  prince  régnant  de  Bulgarie,  né  à  Vienne 
le  26  févr.  4864.  Il  est  fils  du  prince  Auguste  de  Saxe- 
Cobourg-Gotha,  mort  en  4884,  et  de  la  princesse  Marie- 
Clémentine,  fille  de  Louis-Philippe.  Il  servit  d'abord  dans 
l'armée  autrichienne,  puis  devint  lieutenant  de  honveds 
dans  l'armée  hongroise.  Quand  le  trône  de  Bulgarie  fut 
devenu  vacant  par  suite  de  l'abdication  du  prince  Alexandre 
de  Battenberg,  le  prince  Ferdinand  fut  élu  par  le  Sobranie 


—  269  — 


FERDINAND  —  FÈRE 


(7  juil.  1887).  Cette  élection  ne  fut  pas  confirmée  par  la 
Russie,  qui  déclara  nulles  les  opérations  du  Sobranié,  et 
parles  autres  puissances  signataires  du  traité  de  Berlin. 
Néanmoins,  le  prince  Ferdinand  accepta  et  prit  possession 
du  pouvoir  le  14  août  suivant.  Le  28  du  même  mois,  il 
fit  son  entrée  à  Sofia  ;  il  nomma  président  du  conseil  des 
ministres  M.  Stamboulov,  qui  avait  exercé  la  régence,  et 
qui  est  resté  depuis  cette  époque  à  la  tête  du  cabinet.  Le 
prince  Ferdinand  rencontra  d'abord  quelque  hostilité  chez 
le  clergé  orthodoxe;  la  Porte,  pour  être  agréable  à  la 
Russie,  déclara  à  deux  reprises  que  sa  présence  en  Bul- 
garie était  contraire  au  traité  de  Berlin,  mais  ne  fit  rien 
pour  l'obliger  à  quitter  ce  pays.  S'il  n'a  pu  arriver  à  se 
faire  reconnaître  officiellement  par  les  puissances,  le  prince 
Ferdinand  a  rencontré  des  témoignages  de  sympathie  peu 
dissimulée  chez  les  cabinets  austro-hongrois  et  anglais,  et 
auprès  de  la  Porte,  qui  tient  peu  à  voir  l'influence  russe 
s'établir  dans  la  péninsule  balkanique.  L'emprunt  bulgare 
a  été,  en  1889,  admis  à  la  cote  des  bourses  de  Vienne  et 
de  Budapest  ;  un  arrangement  commercial  a  été  conclu 
avec  l'Angleterre  et  l'Italie.  A  différentes  reprises,  des 
complots  ont  été  ourdis  contre  le  gouvernement  du  prince 
Ferdinand.  Ils  ont  été  vigoureusement  réprimés.  Le  plus 
important  avait  pour  chef  le  major  Panitsa  qui  fut  exécuté 
à  Sofia  le  28  juin  1890;  parmi  les  conjurés  figurait  un 
officier  russe  qui  fut  expulsé  de  la  principauté.  En  juin 
1890,  le  ministre  des  affaires  étrangères  Stransky  demanda 
à  la  Porte  la  reconnaissance  du  prince  Ferdinand  ;  il  ne 
put  l'obtenir,  mais  en  revanche  le  sultan  consentit  à 
nommer  trois  évêques  bulgares  en  Macédoine.  Au  mois  de 
septembre  de  la  même  année,  un  émissaire  russe  vint  à 
Sofia  pour  donner  à  entendre  que  le  prince  serait  reconnu 
s'il  consentait  à  placer  l'armée  bulgare  sous  le  commande- 
ment d'officiers  russes.  Cette  proposition  fut  refusée.  — 
En  1891,  le  ministre  Beltchev  fut  assassiné;  ce  meurtre 
donna  lieu  à  un  grand  procès  politique  à  la  suite  duquel 
quatre  des  accusés  furent  exécutés  et  d'autres,  parmi  les- 
quels l'ancien  régent  Karavélov,  condamnés  à  l'emprison- 
nement. Malgré  les  difficultés  de  la  situation  politique,  la 
Bulgarie  a  fait,  sous  le  règne  du  prince  Ferdinand,  de  sérieux 
progrès.  Une  école  supérieure  a  été  créée  à  Sofia;  une  ligne 
de  chemin  de  fer  a  été  créée  de  Iamboli  à  Bourgas,  une 
autre  commencée  de  Sofia  à  Varna  et  à  Roustchouk.  En 
1892,  une  exposition  internationale  a  eu  lieu  à  Philippo- 
poli.  Les  élections  pour  le  Sobranié,  qui  ont  eu  lieu  en 
sept.  1890,  ont  envoyé  263  députés  gouvernementaux 
contre  35  opposants.  A  diverses  reprises,"  le  prince  Ferdi- 
nand a  entrepris  en  Occident  des  voyages  auxquels  on  a 
prêté  un  sens  politique.  On  a  particulièrement  remarqué 
l'accueil  flatteur  qui  lui  a  été  fait  par  le  cabinet  et  la  cour 
de  Londres  au  mois  de  juin  1892.  Au  commencement  de 
l'année  1892,  à  la  suite  de  l'expulsion  d'un  journaliste 
français,  les  relations  ont  été  interrompues  entre  le  gou- 
vernement français  et  le  cabinet  bulgare  ;  mais  elles  ont 
été  reprises  peu  de  temps  après,  et  l'incident  n'a  pas  eu 
de  suites.  L.  L. 

FERDINAND  ( Victor- Al bert-Mainrad),  prince  de  Hohen- 
zollern,  héritier  présomptif  du  trône  de  Roumanie,  né  à 
Sigmaringen  le  24  août  1 865.  Fils  de  Léopold,  prince  de  Sig- 
maringen,  il  fut  désigné  par  son  oncle  paternel,  Charles  Ier, 
roi  de  Roumanie,  pour  son  successeur,  avec  l'assentiment 
de  la  nation.  11  épousa,  le  10  janv.  1893,  la  princesse 
Marie  d'Edimbourg.  G.  P-i. 

FERDINAND  (Jean  Labrunière  de  Médicis),  danseur  et 
mime  français,  né  à  Bordeaux  en  1795,  mort  en  1837. 
Il  aborda  la  scène  à  Montpellier,  passa  à  Marseille,  Lis- 
bonne, Madrid,  Bordeaux,  puis  fut  appelé  à  l'Opéra,  où 
il  débuta,  le  18  juin  1813,  dans  un  pas  ajouté  au  Devin 
du  village.  Le  public  parisien  le  prit  bientôt  en  très  grande 
affection  pour  la  vivacité,  la  grâce,  la  légèreté  et  la  pré- 
cision de  sa  danse.  Il  n'était  d'ailleurs  pas  moins  remar- 
quable comme  mime  que  danseur,  et  ses  qualités  de  comé- 
dien étaient  de  premier  ordre.  Il  quitta  l'Opéra  vers  1834. 


FERDINAND  de  Cordoue,  érudit  espagnol  du  temps  de 
Ferdinand  le  Catholique.  Célèbre  par  l'universalité  de  son 
savoir,  il  fut  regardé  comme  un  sorbier,  comme  l'ante- 
christ,  ce  qui  n'empêcha  pas  le  roi  de  lui  confier  des  mis- 
sions à  Rome  et  à  Paris  (1475).  Parmi  ses  nombreux  écrits, 
on  peut  citer  des  commentaires  de  YAlmageste  dePtolémée, 
de  Y  Apocalypse,  un  débat  sur  les  droits  temporels  des 
papes  et  les  annates,  etc. 

FERDINAND  de  Jésus,  théologien  espagnol,  né  à  Jaen 
en  1571,  mort  à  Grenade  en  1644.  Carme  réformé,  célèbre 
par  son  érudition  et  son  éloquence,  il  eut  de  grands  succès 
comme  prédicateur  dans  les  principales  villes  d'Espagne  ; 
il  a  laissé  une  cinquantaine  d'ouvrages  principalement  théo- 
logiques, 165  sermons,  etc. 

Bibl.  :  Le  P.  Martial  de  Saint-Jean-Baptiste,  Biblio- 
theca  scriptorum  carmelitaimm. 

FERDINAND  de  Sainte-Marie  (V.  Martinez  [Fer- 
nando]). 

FERDINAND  de  Santiago,  prédicateur  espagnol,  né  à 
Séville  vers  1541,  mort  à  Séville  en  avr.  1639.  De  l'ordre 
de  la  Merci,  il  eut  une  grande  réputation  et  fut  très  goûté 
des  rois  Philippe  II  et  Philippe  III.  Il  a  laissé  des  ouvrages 
théologiques  et  des  sermons. 

FERDINAND  de  Talavera,  théologien  espagnol,  né  à 
Talavera  de  La  Reyna  en  1445,  mort  à  Grenade  le  14  mai 
1507.  Hiéronymite,  il  fut  évêque  d'Avila  et  confesseur  des 
souverains  Isabelle  de  Castille  et  Ferdinand  le  Catholique. 
Il  les  poussa  à  conquérir  Grenade.  Il  a  laissé  de  nombreux 
ouvrages  théologiques. 

FERDINAND(Ordrede)(V.SAiNT-FERDiNAND[Ordrede]). 
FERD1NANDEA.  Ile  volcanique  émergée  en  juil.  1831 
dans  la  mer  Méditerranée  entre  la  Sicile'  et  Pantellaria,  à 
60  kil.  S.  de  la  grande  île,  disparue  en  déc.  1831.  C'est 
un  des  plus  curieux  exemples  de  phénomènes  volcaniques 
sous-marins.  L'éruption  se  manifesta  au  début  de  juillet  ; 
elle  fut  observée  par  le  géologue  Hoffmann  ;  les  déjections 
du  volcan  finirent  en  s'amoncelant  par  dépasser  le  niveau 
des  flots  et  former  une  île  qui  eut  60  m.  de  haut  et  2  kil. 
de  tour.  Un  capitaine  anglais  en  prit  possession,  ce  qui 
donna  lieu  à  une  querelle  diplomatique  entre  les  Deux- 
Siciles  et  l'Angleterre.  L'éruption  s'étant  calmée,  les  maté- 
riaux meubles  de  l'île  furent  emportés  par  les  vagues  ;  en 
décembre,  elle  était  démolie  complètement.  Son  emplace- 
ment est  signalé  par  un  haut  fond. 

FERDINANDIouFERNANDI  (Francesco),ditlMPERiALi, 
peintre  de  l'école  romaine,  qui  travaillait  à  Rome  en  1730. 
On  a  de  lui,  à  Saint-Eustache  de  Rome,  le  Martyre  de  ce 
saint  qui  est  d'un  bon  coloris.  Cet  artiste  dut  mourir  jeune, 
car,  sauf  un  Saint  Romuald  mourant,  on  ne  connaît 
aucun  tableau  de  lui  en  Italie. 

FERDJIOUA  (La)  (V.  Constantine,  t.  XII,  p.  595). 
FERDOUSI  (A.-C.  Mansour,  dit),  poète  persan  (V.  Fir- 

DOUSl). 

FER  DRU  PT.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Remi- 
remont,  cant.  de  Thillot;  1,132  hab. 

FÈRE  (La).  Ch.-i.  de  cant.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Laon,  au  confluent  de  la  Serre  et  de  l'Oise  ;  5,394  hab. 
Stat.  du  chem.  de  fer  du  Nord,  ligne  de  Tergnier  à  Laon. 
Place  de  guerre  ;  direction  d'artillerie  ;  école  d'artillerie  ; 
arsenal.  Théâtre  ;  musée  ;  hôtel-Dieu.  Huileries,  savonneries, 
tanneries,  meuneries,  scierie,  fabrique  de  limes,  martinets. 
Les  plus  anciens  documents  qui  mentionnent  La  Fère  re- 
montent à  l'époque  mérovingienne  ;  c'était  alors  un  domaine 
du  fisc  royal  qui  fut  donné  au  vie  siècle  à  l'église  de 
Reims,  puis  à  celle  de  Laon.  Les  évêques  y  avaient  au 
xie  siècle  un  châtelain.  Un  siècle  plus  tard,  La  Fère  dépen- 
dait de  la  seigneurie  de  Coucy  lorsque  Louis  le  Gros  y  mit 
le  siège  et  s'en  empara  ;  toutefois,  elle  fut  rendue  plus  tard 
à  cette  famille  dont  Fun  des  seigneurs  concéda  à  la  ville, 
au  commencement  du  xme  siècle,  une  charte  de  commune 
imitée  de  celle  de  Laon.  Ce  furent  également  les  seigneurs 
de  la  maison  de  Coucy  qui  firent  construire  le  château  dont 


FÈRE  —  FERENTAIRE 


—  270  — 


les  vestiges  se  retrouvent  dans  les  bâtiments, de  l'Ecole  d'ar- 
tillerie. Ce  château  fut  réparé  et  mis  en  état  de  défense  au 
xvie  siècle  par  le  connétable  de  Montmorency  qui  fit  de  la 
ville  une  place  importante.  Le  prince  de  Condé,  dans  le 
gouvernement  duquel  La  Fère  était  compris,  y  mit  en 
1574  une  garnison  protestante  que  vint  assiéger,  quelques 
mois  plus  tard,  le  maréchal  de  Matignon.  Les  ligueurs 
occupèrent  à  leur  tour  la  ville  en  4589,  après  l'avoir  sur- 
prise, et  la  livrèrent  aux  Espagnols.  Henri  IV  vint  y  mettre 
le  siège  en  4595  et  la  fit  capituler  sept  mois  après  (mai 
4596).  Lors  de  la  campagne  de  France  en  4844,  les  Prus- 
siens purent  facilement  occuper  la  place,  mais  l'année  sui- 
vante, après  la  bataille  de  Waterloo,  le  commandant  Ber- 
thier  réussit  à  résister  victorieusement  avec  une  faible 
garnison.  Pendant  la  guerre  de  4870,  Manteuffel,  en  mar- 
che sur  Amiens,  fit  investir  la  place  le  46  nov.  ;  elle 
capitula  le  26,  après  trente-six  heures  de  bombardement. 
Parmi  les  monuments  de  La  Fère,  il  n'y  a  guère  que 
l'église  dédiée  à  saint  Montain,  édifice  du  xve  siècle,  pré- 
cédé d'une  vilaine  façade  moderne  de  style  gothique.  A 
l'intérieur  on  remarque  le  monument  de  Marie  de  Luxem- 
bourg, morte  en  4546.  L'arsenal  a  été  construit  en  1666  ; 
les  bâtiments  de  l'Ecole  d'artillerie,  ainsi  que  les  casernes, 
sont  du  commencement  du  xvme  siècle. 

FÈRE-Champenoise  {Fara  Gam.paniensis).  Ch.-l.  de 
cant.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  d'Epernay  ;  2,424  hab. 
Stat.  du  ch,  de  fer  de  l'Est,  ligne  d'Epernay  à  Romilly. 
Bonneterie  ;  fabriques  de  toiles  communes  pour  sacs,  tuyaux 
et  sacs  à  incendie  ;  commerce  de  grains,  de  bestiaux  et  de 
vins  de  Champagne.  Cette  petite  ville,  agréablement  située 
sur  la  Vaure  ou  Pleurre,  est  mentionnée  dès  le  xne  siècle. 
Ce  fut  à  l'origine  un  fief  dépendant  de  la  maison  d'Anglure. 
Le  9  mai  4756,  Fère-Champenoise  fut  presque  entièrement 
ruinée  par  un  terrible  incendie  qui  consuma  plus  de  trois 
cents  maisons  et  les  deux  églises.  La  seule  qui  subsiste 
aujourd'hui,  réparée  à  la  suite  du  désastre  dans  un  style 
bâtard,  n'offre  d'intéressant  que  le  chœur  et  la  tour,  qui 
datent  du  xme  siècle  et  furent  épargnés  par  les  flammes. 
Autour  de  la  ville  se  voient  les  traces  des  fossés  qui  la  for- 
tifiaient jadis  contre  les  invasions  du  dehors.  Le  25  mars 
4814,  les  trois  armées  réunies  de  Russie,  d'Autriche  et  de 
Prusse  attaquèrent  près  de  Fère  les  troupes  françaises, 
commandées  par  les  généraux  Marmont  et  Mortier.  Celles- 
ci,  après  une  héroïque  résistance,  où  s'illustrèrent  les  jeunes 
conscrits  et  les  gardes  nationales  des  divisions  Pacthod  et 
Amey,  durent  battre  en  retraite,  laissant  ouverte  devant 
l'ennemi  la  route  de  Paris.  A.  T.R. 

Bibl.  .  Ad.  Guérard,  Statistique  historique  du  dépar- 
tement de  la  Marne  ;  Châlons,  1862,  in-8.  —  Henry  Hous- 
saye,  181k  ;  Paris,  1888,  in-8. 

FÈRE-en-Tardenois.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Aisne, 
arr.  de  Château-Thierry,  sur  l'Ourcq;  2,265  hab.  Bonne- 
terie, filatures  de  laine,  fonderie  de  fer,  mégisserie,  fa- 
brique de  sabots.  Ruines  d'un  château  féodal  du  xme  siècle 
(mon.  hist.)  flanqué  de  huit  tours.  Une  galerie  à  colonnes, 
ornée  de  sculptures,  a  été  élevée  au  xvie  siècle  sur  l'em- 
placement de  l'ancien  pont-levis. 

FÉRÉ  (Gharles-Octave),  littérateur  français,  né  à  Tours 
le  44  oct.  4845,  mort  à  Paris  le  24  avr.  4875.  Rédacteur 
de  divers  journaux  ministériels  à  Rouen  et  à  Dieppe  (4839- 
4849),  il  a  écrit  un  grand  nombre  de  romans  d'aventures 
parmi  lesquels  il  suffira  de  rappeler  les  Mystères  de  Rouen 
(4845,  2  vol.  in-8)  ;  les  Chevaliers  errants  (4854,  in-4) 
avec  Déaddé  Saint- Yves;  la  Chanteuse  de  marbre  (4857 ', 
in-8),  avec  le  même  ;  les  Mystères  du  Louvre  (4856,  6  vol. 
in-8);  la  Cour  des  Miracles  sous  Charles  VI  (1860); 
les  Invisibles  (4864,  in-4);  Jean  VEcorcheur  (4860, 
in-4)  ;  les  Quatre  Femmes  d'un  pacha  (1864,  5  vol. 
in-8),  etc.,  puis  des  récits  plus  spécialement  empruntés  à 
l'histoire  :  Légendes  et  traditions  de  la  Normandie 
(Rouen,  4845,  in-8)  ;  les  Maçons  de  Saint-Ouen,  chro- 
niques normandes  (Rouen,  4860,  in-8)  ;  Garibaldi,  aven- 
tures, expéditions,  voyages  (4860,  in-4),  etc.,  etc. 


FERE  (Charles-Samson),  médecin  français,  né  à  Auffray 
(Seine-Inférieure)  le  43  juin  4852.  Il  a  fait  ses  études 
médicales  à  Paris.  Interne  des  hôpitaux  (4877),  docteur 
en  médecine  (4882),  il  a  été  nommé  médecin  de  Bicêtre 
en  nov.  4884.  Il  est  l'auteur  d'une  thèse  sur  V Etude  des 
troubles  fonctionnels  de  la  vision  (4882)  et  de  plu- 
sieurs ouvrages  parmi  lesquels  nous  citerons  :  le  Magné- 
tisme animal  (4888),  en  collaboration  avec  M.  Binet; 
Dégénérescence  et  criminalité,  essai  physiologique 
(1889); 'ta  Distribution  de  la  force  musculaire  dans 
la  main  et  dans  le  pied  étudiée  au  moyen  d'un  nou- 
veau dynamomètre  analytique  (4889);  Du  Traitement 
des  aliénés  dans  les  familles  (4889);  les  Epilepsies  et 
les  Epileptiques  (1890).  Dr  A.  Dureau. 

FÈREBRIANGES  {Fara Breisangie) .  Corn,  du  dép.  de 
la  Marne,  arr.  d'Epernay,  cant.  de  Montmort  ;  305  hab. 
L'eghsef  gothique,  qui  domine  le  village,  est  surmontée 
d  une  élégante  flèche  qu'on  aperçoit  de  fortloin.  On  remarque 
à  l'intérieur  quelques  chapiteaux  sculptés  et  des  restes  de 
vitraux  du  xme  siècle.  D'importants  gisements  paléolithiques, 
une  nécropole  mérovingienne  ont  été  explorés  par  le  baron 
de  Baye  sur  le  territoire  de  Fèrebrianges,  dont  le  nom  pa- 
raît remonter  à  l'époque  franque.  A.  T.-R. 

FÉRÉE  (La).  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de 
Rocroi,  cant.  de  Rumigny;  635  hab. 

FÉREL.  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Vannes, 
cant.  de  La  Roche-Bernard  ;  2,023  hab.  L'église  a  con- 
servé de  très  beaux  vitraux  et  des  peintures  du  xvie  siècle. 

FERENCZY  (Etienne),  sculpteur  hongrois,  né  à  Ryma- 
Szombath  en  4792,  mort  à  Pesth  en  4856.11  commença  par 
êtresimple  serrurier,  puis  il  étudia  la  sculpture  à  l'Aca- 
démie de  Vienne  et  ensuite  à  Rome,  où  il  fut  élève  de 
Thorwaldsen.  En  4824,  il  revint  dans  son  pays  et  exécuta 
un  grand  nombre  d'œuvres  remarquables,  notamment  :  les 
bustes  des  poètes  Csokonay,  Kôlcseï  et  Kazynczy,  une 
statue  de  Saint  Etienne  pour  l'église  de  Gran.le  tombeau 
du  comte  Forray,  etc.  '     L.  L. 

FERENCZY  (Jacques),  écrivain  hongrois,  né  à  Pern, 
comitat  de  Gyôr,  en  4844.  Il  entra  dans  l'ordre  des  béné- 
dictins et  enseigna  la  langue  et  la  littérature  magyare  à 
Ponony  (Pressbourg)  de  4850  à  4856  ;  il  fut  ensuite  pro- 
fesseur au  gymnase  de  Gyôr  et  directeur  du  gymnase  d'Esz- 
tergorm  (Gran).  Il  a  publié  :  Biographie  des  écrivains 
hongrois  (Pesth,  1856)  ;  Histoire  de  la  littérature  hon- 
groise, Contribution  à  l'histoire  de  la  littérature  hon- 
groise, etc.  l#  l# 

FERENCZY  (Thérèse),  poétesse  hongroise,  née  en 4830 
àSzecsény,  morte  en  4853.  Douée  d'une  imagination  plus 
que  mélancolique  qui  lui  a  fait  donner  le  surnom  de  Cas- 
sandre,  elle  composa  des  chants  lyriques  remarquables, 
mais  qui  semblent  un  appel  à  la  mort.  Un  amour  malheu- 
reux la  conduisit,  toute  jeune,  au  suicide. 

FÉRENIAÏ,  Prov.  de  Madagascar,  sur  la  côte  S.-O., 
entre  le  pays  des  Sakalaves  au  N.  et  celui  des  Mahafalis 
au  S.  Elle  confine  àl'E.  aux  pays  hovas,  Ses  habitants,  les 
Andraivoulas,  congénères  des  Sakalaves,  ont  su  la  sous- 
traire à  la  domination  des  Hovas.  Le  port  principal  est 
Tolia,  à  30  kil.  N.  de  la  baie  de  Saint- Augustin.  Le  Féré- 
niaï  est  riche  en  gommes,  cire  et  soie.  Le  commerce  avec 
les  Européens  y  est  assez  actif. 

FERENTAIRE.  Soldat  de  pied  romain  qui  faisait  partie 
des  troupes  légères  et  lançait  le  javelot  court  avec  la  main 
droite,  le  bras  et  le  côté  gauche  protégés  par  le  bouclier. 
Mais  parfois  les  férentaires  dédaignaient  l'emploi  du  bou- 
clier. C'étaient  les  férentaires  qui,  placés  sur  les  ailes  de 
l'armée,  commençaient  le  combat.  Il  y  avait  aussi  des  féren- 
taires à  cheval  {équités  ferentarii)  qui  lançaient  de  même 
leurs  javelines  ou  traits  au  début  de  la  bataille  et  dans  la 
poursuite.  Dans  la  légion  telle  que  la  décrit  Tite  Live,  il  y 
avait  300  férentaires  de  dix-sept  à  vingt  ans  et  300  fron- 
deurs de  vingt  à  vingt-cinq  ans,  chacune  de  ces  classes 
comprenant  40  sections  de  30  hommes.  Parfois,  les  féren- 


—  274  - 


FERENTAIRE  -  FERCHANAH 


taires  combattaient  comme  frondeurs,  servant  les  30  ma- 
chines de  tir  et  de  jet  de  la  légion. 

FERENT1NÂ.  Déesse  des  Latins  ;  c'est  dans  le  bois  sacré 
et  auprès  de  la  source  qui  lui  étaient  consacrés  que  se 
réunissaient  les  assemblées  de  la  confédération  latine.  On 
place  ce  lieu  dans  les  monts  Albains. 

FERENTiNO.  Bourg  d'Italie,  prov.  de  Rome,  à  9  kil. 
N.-O.  de  Frosinone,  dominant  la  vallée  du  Savio,  affl.  de 
droite  du  Garigliano;  popul.,  40,042  hab.  ;  agglomérée, 
7,679. 

FERENTINUM  ou  FERENT1UM.  I.  Géographie.— 
Ville  d'Etrurie,  au  N.  de  la  forêt  Ciminienne,  à  8  kil.  de 
Viterbe  et  autant  du  Tibre,  colonisée  par  les  Romains,  mais 
gardant  la  qualité  de  municipe  ;  ce  fut  là  que  naquit  l'empe- 
reur Othon.  On  y  signale  un  temple  de  la  Fortune  (déesse 
étrusque  Nortia  ?) .  Elle  prospéra  sous  l'Empire.  Devenue 
cité  épiscopale,  elle  fut  détruite  par  Viterbe,  et  son  évêché 
disparut  au  xne  siècle.  L'emplacement  garde  le  nom  de 
Ferento  ;  il  est  inhabité.  On  y  voit  les  ruines  de  l'enceinte, 
d'un  théâtre,  etc. 

II.  Histoire.  —  Ferentinum  était  une  ville  des  Herniques, 
possédée  quelque  temps  par  les  Volsques  qui  la  perdirent 
après  leur  défaite  de  443  av.  J.-C.  Elle  fut  prise  d'assaut 
par  les  Romains  en  364  ;  depuis,  elle  leur  fut  fidèle,  ce 
qui  lui  valut  l'offre  du  droit  de  cité  romaine  que  ses  habi- 
tants déclinèrent.  Les  ruines  qui  subsistent  sont  curieuses  : 
une  enceinte  cyclopéenne  en  blocs  polygonaux  et  irrégu- 
liers, surmontée  par  endroits  de  maçonnerie  romaine  ;  au 
sommet  de  la  colline,  une  citadelle  sur  laquelle  s'élève  la 
cathédrale. 

FERENTUM.  Ville  de  l'Italie  ancienne  (Apulie),  située 
au  S.-E.  de  Venusia.  En  349  av.  J.-C,  elle  se  joignit  aux 
Samnites  pour  combattre  Rome,  mais  tomba  aux  mains  du 
consul  Cerretanus.  En  448,  les  Romains  la  colonisèrent. 
C'est  aujourd'hui  Forenza. 

FERÊNTZ  (Movila  Lui).  Colline  près  de  Jassy.  Une  croix 
de  pierre  la  surmonte.  C'est  là  qu'en  4717  Michel  Racovi- 
lia,  prince  de  Moldavie,  détruisit,  avec  l'aide  des  Tatares, 
un  corps  d'armée  autrichien  qui  avait  envahi  le  pays  sous 
le  commandement  d'un  certain  Ferentz.  Les  morts  furent 
enterrés  sous  la  colline  qui  garde  le  nom  du  capitaine. 

FÉRÉOL  (Louis  Second,  dit),  acteur  et  chanteur  fran- 
çais, né  vers  4790,  mort  à  Orléans  en  déc,  4870.  D'abord 
élève  de  l'école  de  Saint-Cyr,  il  renonça  à  la  carrière  mili- 
taire pour  s'adonner  au  théâtre,  et  il  arrivait  sans  doute 
de  province  lorsqu'il  vint  débuter  à  TOpéra-Comique,  dans 
le  Secret  et  Zémire  et  Azor,  le  9  juin  4848.  Ses  com- 
mencements furent  très  modestes  dans  l'emploi  des  trials, 
qu'il  devait  rendre  fameux,  grâce  à  ses  qualités  scéniques. 
Aussi,  dans  un  espace  de  près  de  vingt  ans,  lui  confia-t-on 
la  création  d'un  grand  nombre  de  rôles  dont  deux  surtout 
lui  firent  particulièrement  honneur,  ceux.de  Dickson  dans 
la  Dame  Blanche  et  de  Cantarelli  dans  le  Pré  aux  Clercs. 
En  4838,  il  entra  à  la  Renaissance,  qui  se  fondait  sous 
la  direction  d'Anténor  Joly.  Il  s'y  montra  dans  quelques 
opéras,  tels  que  Lady  Melvil  et  l'Eau  mer  veilleuse,  et 
créa  le  rôle  de  don  Guritan  dans  le  Ruy  Blas  de  Victor 
Hugo.  Quand  ce  théâtre  ferma,  Féréol  dit  adieu  à  la  scène 
et  se^  retira  à  Orléans,  qu'il  ne  quitta  plus.  A.  P. 

FÉRÉOL  (Louis-Henri-Félix  Second,  dit),  médecin  fran- 
çais, né  à  Paris  le  42  févr.  4825,  mort  à  Paris  le  5  déc. 
4891.  Fils  du  précédent,  allié  aux  Boutet  de  Monvel 
et  à  toute  une  pléiade  de  grands  artistes,  il  était  destiné 
au  barreau  et  fut  reçu  avocat  en  4847;  il  se  fit  inscrire 
à  Orléans  où  résidait  sa  famille.  Mais  les  idées  de  liberté 
n'avaient  point  laissé  Féréol  indifférent  ;  républicain  con- 
vaincu et  honnête,  il  prit  une  part  active  et  militante 
aux  événements  de  4854,  fut  arrêté  et  mis  en  demeure 
de  quitter  la  ville.  A  l'instigation  de  ses  proches,  plu- 
sieurs étaient  médecins,  il  se  mit  à  étudier  la  médecine, 
et  nous  le  trouvons  interne  des  hôpitaux  au  concours  de 
4854,  docteur  en  médecine  en  4859,  médecin  du  bureau 
central  en  4865.  Nommé  membre  de  l'Académie  de  méde- 


cine en  1883,  il  en  était  devenu  le  secrétaire  annuel  en 
4889,  et  la  mort  est  venue  le  frapper  alors  qu'il  remplis- 
sait, avec  le  zèle  et  l'intelligence  qu'il  apportait  en  toutes 
choses,  les  délicates  fonctions  qu'il  tenait  de  la  sympathie 
de  ses  collègues.  On  lui  doit  quelques  mémoires  ori- 
ginaux intéressants  :  De  la  Perforation  de  la  paroi 
abdominale  antérieure  dans  les  péritonites  (4859); 
Observations  et  réflexions  sur  un  cas  de  coloration 
bronzée  de  la  peau  (premier  cas  de  la  maladie  d'Addison 
observé  en  France)  (4856);  Observations  de  chromidrose 
ou  chromicrinie  (4885);  plusieurs  notes  et  rapports  à 
l' Académie  de  médecine,  des  notices  intéressantes  sur  Noël 
Guéneau  de  Mussy  et  Bernutz  insérés  dans  le  Bulletin  de 
cette  Académie.  Dr  A.  Dureacj. 

FÉRET  (Techn.)  (V.  Verrerie). 

FÉRET  (Pierre),  écrivain  ecclésiastique  français,  né  à 
Mesnil-Verclives  (Eure)  en  4830. 11  entra  dans  les  ordres, 
fut  reçu  docteur  en  théologie  en  1866  et,  après  avoir  occupé 
diverses  situations,  entre  autres  celles  d'aumônier  du  lycée 
Henri  IV  et  du  lycée  Saint-Louis,  devint  curé  de  Saint- 
Maurice  (Seine).  Il  a  écrit:  le  Christ  devant  la  critique 
au  11e  siècle  (Paris,  4865,  in-8)  ;  la  Divinité  de  Jésus- 
Christ  attaquée  par  Celse  et  défendue  par  Origène 
(1866,  in-8)  ;  Dieu  et  VEsprit  humain  (1870,  in-18)  ; 
le  Droit  divin  et  la  théologie  (1874,  in-8)  ;  Henri  IV 
et  VEglise  (1875,  in-8)  ;  le  Cardinal  Du  Perron  (1877, 
in-8);  Un  Curé  de  Charenton  au  xvne  siècle  (1881, 
in-8);  V Abbaye  de  Sainte-Geneviève  et  la  congré- 
gation de  France  (1883,  2  vol.  in-8)  ;  le  Pouvoir  civil 
devant  l'enseignement  catholique  (1888,  in-12),  etc. 

FERFÂY.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Bé- 
thune,  cant.  de  Norrent-Fontes  ;  1,074  hab.  Vestiges  d'une 
ancienne  chapelle  romaine.  Château  du  xvn6  siècle.  Cha- 
pelle funéraire  de  style  grec. 

F  ERG  (Franz-Paul),  paysagiste  allemand,  né  à  Vienne 
en  1689,  mort  à  Londres  en  1740.  Fils  d'un  artiste  obscur, 
il  étudia  à  Bamberg  et  ailleurs,  et  acquit  de  la  renommée 
par  ses  petits  paysages  avec  figures.  Il  travailla  à  Dresde, 
à  Brunswick  et  se  rendit  à  Londres  en  1718,  où  il  eut  du 
succès  ;  mais  son  indolence  et  un  mauvais  mariage  le  con- 
duisirent à  la  misère.  Plusieurs  de  ses  tableaux  ont  été 
gravés.  Il  fit  lui-même  une  suite  de  huit  eaux-fortes  inti- 
tulée Capricci.  .  G.  P-i. 

FERGAN1  ou  FERGHAN1  (A1-)  et  plus  communément 
Alfragan,  de  son  vrai  nom  :  Ahmed  Mohammed  irn  Kothaïr, 
astronome  arabe,  surnommé  aussi  Al-Hacib  (le  calculateur) , 
qui  vivait  dans  le  Ferghanah  (aujourd'hui  province  du  Tur- 
kestan  russe)  à  la  fin  du  vme  et  au  commencement  du 
ixe  siècle.  On  ne  sait  rien  de  précis  sur  sa  naissance,  ni  sur 
sa  mort  qui  semble  se  placer  vers  830.  Il  est  l'auteur  d'un 
abrégé  assez  superficiel  d'astronomie,  qui  a  eu  plusieurs  tra- 
ductions latines  et  de  nombreuses  éditions  :  Brevis  Com- 
pilatio  continens  rudimenta  astronomica,  etc.,  trad. 
de  J.  Hispalensis  (Ferrare,  4493,  in-4,  rare;  Nuremberg, 
4537,  in-4;  Londres,  4652,  in-4);  Chronologica  et  as- 
tronomica  elementa,  trad.  de  J.  Christmann  (Francfort, 
4590,  in-8,  et  4648,  in-8);  Elementa  astronomica,  avec 
le  texte  arabe  et  des  notes  de  J.  Golius  (Amsterdam,  4669, 
in-4,  rare),  etc.  Cet  ouvrage,  dont  Delambre  a  donné  une 
analyse,  est  divisé  en  trente  chapitres.  Il  reproduit  sans 
modifications  importantes  les  idées  et  les  données  de  YAl- 
mageste  et  offre  un  tableau  du  monde  divisé  en  sept  cli- 
mats. On  doit  encore  à  Al-Fergani  des  petits  traités  sur 
l'astrolabe,  sur  le  rakhama  (horloge  solaire  en  marbre) 
et  sur  l'obliquité  de  l'écliptique  ;  mais  ce  dernier  ne  nous 
est  pas  parvenu.  Il  aurait  enfin  participé  à  la  revision  des 
tables  de  Ptolémée  ordonnée  par  le  savant  khalife  Al-Ma- 
moun  au  début  de  son  règne.  L.  S. 

Bibl.  :  M.  Casiri,  Bibliotheca  arabico-hispano  escuria- 
lensis;  Madrid,  1760,  t.  I,  p.  409,  in-4.—  J.-B.-J.  De- 
lambre, Histoire  de  l'astronomie  du  moyen  acte:  Paris, 
1819,  pp.  63  et  71,  in-4.  J    ' 

FERGHANAH.  Province  du  gouvernement  général  du 
Turkestan  russe;  sup.,  73,000  kil.  q.;  pop.,  729,690  hab., 


FERGHANAH 


—  272  — 


soit  10  hab.  par  kil.  q.  C'est  la  province  la  plus  riche 
du  pays  en  terres  arables  qui  occupent  8,96  °/0  de  la  su- 
perficie totale,  les  terres  à  pâture  en  prenant  44,78  °/0 
et  les  terres  incultes  46,26  °/0;  cette  proportion  se  mo- 
difie d'année  en  année  en  faveur  des  terrains  cultivés.  Le 
Ferghanah  forme  une  dépression,  sorte  de  crique  géolo- 
gique, entourée  au  N.,  au  S.  et  à  l'E.,  de  chaînes  de  mon- 
tagnes qui  appartiennent  au  système  du  Thian-Chân  et  du 
Pamir.  Au  N.,  la  chaîne  du  Tchatkal  le  sépare  du  bassin  du 
même  nom;  à  l'E.,  la  chaîne  bordière  du  Kachgar  forme 
limite  naturelle,  et,  au  S.,  le  Ferghanah  étend  ses  limites 
par  delà  la  chaîne  de  Kokân,  celle  de  l'Alaï,  le  plateau  de 
l'Alaï  et  la  chaîne  du  Trans-Alaï  jusqu'au  S.  du  grand 
lac  Kara-Koul,  sur  les  Pamirs.  La  dépression  commu- 
nique avec  les  plaines  aralo-caspiennes  par  la  brèche  de 
Khodjent  à  Fait,  de  257  m.  Tandis  qu'au  centre  delà 
dépression  l'élévation  moyenne  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer  atteint  400  m.,  la  contrée  s'étage  en  terrasses 
vers  les  lignes  de  faîte  des  chaînes  entourantes,  percées 
d'entailles  généralement  fort  élevées  vers  le  S.  et  l'E.  Les 
principales  passes  de  la  chaîne  de  l'Alaï  sont  :  le  Kara- 
Kazik  (4,392  m.),  le  Dengiz-Baï  (3,600  m.),  le  Djiptvk 
(4,450  m.)  et  le  Taldyk  (3,600  m.).  La  passe  du  terek- 
daran  mène,  à  Fait,  de  3,730  m.,  les  caravanes  du  Fer- 
ghanah en  Kachgarie;  elle  est  assez  difficile  et  souvent 
dangereuse  à  cause  des  avalanches .  Des  passes  moins 
hautes  conduisent,  au  N.,  dans  le  bassin  du  Tchatkal  et 
au  N.-E.  dans  celui  du  Naryn  ou  haut  Syr-Daria.  Le  plateau 
de  l'Alaï  atteint  2,990  m.  d'alt.  en  moyenne  et  la  chaîne 
du  Trans-Alaï  s'épointe  en  pics  de  6,000  à  6,700  m. 
d'élévation  (Gouroumdi  et  pic  Kauffmann)  (V.  pour  le 
Trans-Alaï  et  la  région  du  lac  Kara-Koul,  l'art.  Pamir). 

Le  sol  de  la  dépression  est  formé  principalement  d'al- 
luvions  anciennes  (loess),  d'alluvions  modernes  et  de 
sables,  auxquels  succèdent,  vers  la  montagne,  des  terrasses 
de  loess,  de  conglomérat,  de  grès. rouges,  de  couches  mar- 
neuses, puis  des  calcaires  et  des  quartzites  qui  s'adossent 
dans  l'Alaï  à  des  roches  primaires  de  schiste  cristallin  et 
à  des  roches  éruptives  granitoïdes.  Les  sables  mouvants, 
formant  des  dunes  ou  barkhanes,  qui  cheminent  avec  une 
vitesse  moyenne  annuelle  de  14m  20,  sont  un  des  fléaux  du 
Ferghanah.  Ces  sables  contiennent  70  °/0  de  quartz.  Les 
oasis  de  Patar  et  d'Anderkhan  sont  surtout  exposés  à  l'en- 
vahissement par  les  dunes  poussées  en  avant  sous  Faction 
unilatérale  des  vents  dont  on  essaye  de  paralyser  les  effets 
désastreux  par  l'établisement  de  cultures  analogues  à  celles 
des  landes  de  Gascogne.  Le  Ferghanah  est  parcouru  dans 
le  sens  du  grand  diamètre  de  son  ellipse  par  le  Syr-Daria 
qui  prend  ce  nom  à  la  réunion,  au  S.  de  Namangane,  de 
ses  deux  branches  maîtresses  :  le  Naryn  et  le  Kara-Daria. 
Un  grand  nombre  de  ruisseaux  et  de  rivières  lui  sont  en- 
voyés des  chaînes  bordières,  notamment  de  celle  de  l'Alaï, 
sans  que  la  plupart  d'entre  eux  atteignent  le  fleuve.  Pres- 
que tous  sont  absorbés  par  les  besoins  de  l'irrigation.  Parmi 
les  rivières  venant  du  S.  et  qui  alimentent  les  campagnes 
de  Kokân,  Richtan,  Marghelan,  Wadil,  Och,  etc.,  les 
principales  sont  :  le  Sokh,  le  Chahimardan,  FIsfaïram, 
l'Aravan,  le  Kitchi-AIaï,  le  Sourch-âb  destiné  à  l'Amou- 
Daria.  Le  Bach-Alaï  donne  naissance  à  un  autre  Kizil-Sou, 
se  dirigeant,  vers  l'E.,  sur  le  Tarim.  Le  climat  du  Fergha- 
nah est  continental,  c.-à-d.  extrême.  Le  maximum  peut 
attendre  +  40°  C.  en  été,  et  le  minimum  descendre  à  — 
26°  en  hiver.  Des  différences  notables  existent  entre  Ko- 
kân par  exemple  et  Och,  et  les  chiffres  extrêmes,  tels  que 
ceux  qu'on  constate  à  Iakoutsk,  en  Sibérie,  s'accusent  sur 
les  hautes  altitudes  des  Pamirs,  où  le  thermomètre  peut 
monter  jusqu'à  70°  C.  au  soleil,  en  été,  et  descendre  au- 
dessous  du  point  de  congélation  du  mercure  en  hiver.  En 
été,  la  dépression  du  Ferghanah  est  parfois  assaillie  par  un 
vent  chaud,  appelé  garm-sal  ou  garm-sir,  qui  souffle  de 
FO.  par  la  porte  de  Khodjent  et  dessèche  les  cultures. 

Au  xive  siècle,  le  Ferghanah  faisait  partie  du  royaume  de 
Tamerlan,  dont  le  descendant  le  plus  célèbre,  Baber,  né  à 


Andidjan,  régna  sur  la  contrée  et  en  fut  dép,;  jsédé  au  com- 
mencement du  xvie  siècle.  Au  xvme  siècle,  la  contrée 
s'est  trouvée  plus  ou  moins  tributaire  des  Chinois  jusqu'à 
ce  que,  vers  1835,  Mad-Ali,  devenu  puissant,  eût  affaire 
à  Nasr-Oullah,  émir  de  Bokara,  dont  les  intrigues  pro- 
voquèrent une  série  de  révolutions  intestines.  En  1871, 
Khoudaïar,  khân  de  Kokân  pour  la  troisième  fois,  se 
montra  trop  ami  des  Russes,  au  juger  des  Kiptchaks  et 
des  Kirghizes,  qui  invitèrent  son  fils  Nasr-Eddin  à  pro- 
clamer la  guerre  sainte  et  à  détrôner  son  père.  La  révolu- 
tion éclata  le  25  juil.  1875.  Khoudaïar  se  réfugia  sur  le 
territoire  russe  ;  son  fils  fut  proclamé  khân  et  la  guerre 
déclarée.  Au  commencement  de  1876,  la  province  de  Kokân 
fut  incorporée  au  Turkestan  russe  sous  le  nom  de  Fer- 
ghanah, et  le  général  Skobelev,  à  la  suite  d'une  campagne 
contre  les  Kirghizes  récalcitrants  de  l'Alaï,  élargit  la  fron- 
tière jusqu'à  ses  limites  actuelles  sur  les  Pamirs.  Le  Fer- 
ghanah est  divisé  adminislrativement  en  6  districts  :  Kokân 
(y  compris  l'ancien  district  d'Isfaïram) ,  Marghelan,  Andidjan, 
Och,  Namangan  et  Tchoust,  le  premier  avec  179,720  hab.  ; 
le  moins  peuplé,  celui  d'Och,  avec  48,135  hab. 

Villes  principales  :  Marghelan,  capitale  de  la  province, 
siège  du  gouverneur  et  centre  administratif,  à  335  kil. 
de  Tachkent  ;  40,000  hab.  L'ancienne  capitale  Kokân  fut 
délaissée  pour  des  raisons  d'hygiène  et  de  salubrité.  La 
ville  russe  de  Novy-Marghelan,  à  une  certaine  distance  de 
la  ville  indigène,  s'est  embellie  beaucoup  pendant  les  der- 
nières années  par  la  construction  de  quelques  palais  et  la 
belle  avenue  des  Parcs  où  les  arbres  sont  répandus  à  pro- 
fusion. Kokân,  environ  60,000  hab.,  ancien  palais  du 
khân,  bazar  très  animé  et  commerçant.  La  population  indi- 
gène est  atteinte,  en  forte  proportion,  du  goitre.  Naman- 
gan, environ  50,000  hab.,  dans  une  contrée  très  fertile, 
ainsi  que  Andidjan,  environ  25,000  hab., renommé  pour 
la  qualité  de  ses  fruits.  Och,  petite  ville  de  20,000  hab., 
dans  l'angle  oriental  du  Ferghanah,  sur  la  route  des  cara- 
vanes de  Kachgarie,  se  dirigeant  sur  Goultcha,  fortin  au  pied 
du  Terek-Daran,  etlrkechtam,  le  dernier  poste  avancé  mili- 
taire vers  Kachgar.  Tchoust,  petit  chef-lieu  de  district  au 
pied  du  Tchatkal-taou,  JIM/,  Richtan,  Assaké,  Naoukat, 
Charikan,  etc.,  centres  de  population  indigène.  Près 
d'Och,  le  Takht-i-Souleïman  ou  «  trône  de  Salomon  » 
est  un  lieu  de  pèlerinage  très  fréquenté  ainsi  que  Chahi- 
mardan, en  amont  de  Wadil,  dans  un  site  délicieux,  où  la 
tradition  place  le  tombeau  d'Ali. 

Le  Ferghanah  est  riche  en  produits  naturels  de  toutes 
sortes.  Les  montagnes  recèlent  des  minerais  de  fer,  de  la 
galène  argentifère,  de  la  houille  et  de  la  lignite,  de  la  tur- 
quoise dans  les  monts  Kara-Mazar,  de  l'améthyste,  du 
soufre.  La  partie  N.-E.  semble  être  assez  riche  en  sources 
de  pétrole  dont  cependant  on  n'a  pas  encore  tiré  le  profit 
probable.  Les  cultures  comprennent,  par  ordre  d'impor- 
tance :  le  sorgho,  le  riz,  le  blé  d'hiver  et  d'été,  le  millet, 
Forge,  le  sésame,  le  lin,  le  tabac,  etc.  Le  mûrier  est  très 
répandu  et  la  soie  constitue  un  important  article  de  com- 
merce. La  culture  du  cotonnier,  surtout  des  variétés 
américaines,  s'adaptant  bien  au  climat,  tend  à  prendre  une 
extension  de  jour  en  jour  plus  grande.  La  vigne  est  repré- 
sentée par  environ  vingt  variétés,  et  les  produits  des  ver- 
gers sont  très  appréciés.  Le  commerce  d'exportation  du 
Ferghanah  dépasse  22  millions  de  fr.,  et  celui  d'importa- 
tion atteint  20  millions.  Quelques  fabriques  européennes  : 
distilleries,  tanneries,  usines  pour  l'industrie  cotonnière, 
se  sont  établies  dans  ces  dernières  années,  à  Kokân  surtout, 
mais  le  manque  de  voies  ferrées  se  fait  encore  trop  sentir 
pour  donner  à  l'industrie  et  au  commerce  tout  l'essor  dont 
il  est  susceptible.  Les  principales  villes  sont  reliées  par 
des  lignes  postales  et  télégraphiques.  Le  transport  des 
marchandises  se  fait  surtout  par  araha  (voiture  indigène) 
ou  à  dos  de  chameau  ou  de  cheval.  Ethnographiquement, 
le  Ferghanah  est  occupé,  en  dehors  des  Russes,  par  des 
tribus  de  race  arienne,  d'autres,  de  race  turco-mongole. 
Les  premières  comprennent,  par  ordre  d'importance  :*  les 


273  — 


FERGHANAH  —  FERGUSONITE 


Sartes,  les  Tadjiks,  les  Hindous.  Les  autres  :  les  Kirghizes, 
lesKiptchaks,les  Ouzbegs,  les  Kara-Kalpaks,  les  Dounganes 
et  les  Mandchoux.  Quelques  familles  juives  sont  établies 
dans  les  villes  principales.  Les  Kirghizes  noirs,  Karakirghizes 
ou  Bouroutes,  nomadisent  surtout  dans  les  montagnes  du 
Tchatkal,  sur  l'Alaï  et  les  Pamirs.  G.  Capus. 

Birl.  :  Fedchenko,  Voyage  dans  le  khanat  de  Kokân 
(en  russe),  1878.—  Venioukov,  jRwssisch  asiat.  Grenzlânder 
(en  allem.)1,  Leipzig,  1874.—  Vambery,  History  ofBokhara; 
Londres.  —  Geiger,  Pamir  Gebiete,  dans  Schrenk.  Wis- 
sensch.  abhandl.;  Vienne,  1878.  —  V.  en  outre  un  grand 
nombre  d'articles  de  Fedchenko,  Kuhn,  Middendorf,  Iva- 
nov,  Mouchketov,  etc.,  dans  Russ.  Revue,  1876, 1877,  etc. 

FER 60 LA  (Niccolo),  géomètre  italien,  né  à  Naples  le 
29  oct.  4752,  mort  à  Naples  le  21  juin  1824.  Il  fut  pro- 
fesseur de  mathématiques  à  l'université  de  Naples  et 
membre  de  l'Académie  des  sciences  de  cette  ville.  Outre 
une  vingtaine  de  mémoires  parus  de  1787  à  1819  dans  les 
Atti  de  l'Académie  et  de  la  Societa  Borbonica,  il  a  écrit  : 
Solutiones  novorum  problematum  (Naples,  1779, 
in-4);  Le  Sezioni  coniche  (Naples,  1791,  in-8);  Prèle- 
zioni  a  principii  matematici  del  Newton  (Naples,  1792- 
1793,2  vol.  in-8);  VArte  euristica  (Naples,  1811); 
Trattato  analitico  dei  luoghi  geometrici  (Naples, 
1818).  L.  S. 

FERGOLA  (Emanuele),  mathématicien  et  astronome  ita- 
lien, né  à  Naples  en  1830.  Il  est  professeur  à  l'université 
de  Naples,  astronome  à  l'observatoire  de  Capodimonte  et 
membre  de  nombreuses  académies  et  sociétés  savantes.  Il 
a  écrit  sur  les  courbes  enveloppantes,  le  développement  des 
fonctions,  la  résolution  des  équations"  trinômes  de  degré 
quelconque,  les  fonctions  elliptiques,  les  éléments  de 
diverses  planètes  et  comètes,  etc.,  une  quarantaine  de 
mémoires  très  intéressants  parus  à  partir  de  1850  dans 
les  recueils  suivants  :  Astronomische  Nachrichten  ;  Me- 
morie  délia  Societa  italiana;  Atti,  Memorie  et  Rendi- 
conti  de  l'Académie  de  Naples;  Annali  de  Tortolini.  L.  S. 

Bibl.  :  V.  la  liste  des  mémoires  de  Fergola  antérieurs 
à  1874  dans  le  Catalogue  of  scientific  papers  de  la  Société 
royale;  Londres,  1868,  1877  et  1891,  t.  II,  VII  et  IX,  in-4. 

FERGUSON  (James),  astronome  anglais,  né  à  Keith, 
comté  de  BanfF  (Ecosse)  le  25  avr.  1710,  mort  à  Londres 
le  16  nov.  1776.  Jusqu'à  quatorze  ans,  il  garda  les  mou- 
tons. Mais  son  maître,  frappé  de  ses  précoces  dispositions 
pour  les  arts  mécaniques  et  l'astronomie,  l'aida  à  apprendre 
le  dessin  et  à  étudier  les  éléments  des  sciences.  Durant  dix 
années  (1734-43),  Ferguson  gagna  sa  vie  en  faisant  à 
Edimbourg  et  dans  les  environs  des  portraits-miniatures 
au  lavis.  Puis  il  se  rendit  à  Londres,  y  donna  des  leçons 
de  physique,  publia  en  1763  des  tables  astronomiques  et 
fut  reçu  la  même  année  membre  de  la  Société  royale.  Ses 
écrits,  remarquables  par  leur  clarté,  ont  eu  un  très  grand 
succès  ;  mais  ils  dénotent  une  connaissance  insuffisante  des 
mathématiques.  Ils  comprennent  plusieurs  mémoires  insérés 
dans  les  Philosophical  Transactions  (1746  à  1773)  et 
une  dizaine  d'ouvrages  parus  à  part  :  Astronomy  explai- 
ned  on  sir  Isaac  New  torts  principles  (Londres,  1756; 
dern.  édit.,  Edimbourg,  1841,  2  vol.  in-8);  Analysis 
of  lectures  on  méchantes,  pneumatics,  hydrostatics, 
spherics  and  astronomy  (Londres,  1763;  dern.  édit., 
Edimbourg,  1805,  2  vol.  in-8);  The  Yoimg  Gentleman" s 
and  lady's  Astronomy  (Londres,  1768);  Introduction 
to  electricity  (Londres,  1770) ,  etc.  L.  S. 

Bibl.  :  Ebenezer  Henderson,  Life  of  James  Ferguson; 
Londres,  1867;  2*  édit.,  1870. 

FERGUSON  (Adam),  philosophe  et  écrivain  écossais,  né 
à  Logierait  (Perthshire)  le  20  juin  1724,  mort  à  Saint- 
Andrews  le  22  févr.  1816.  Fils  d'un  pasteur,  il  entra  dans 
les  ordres  et  fut  nommé  aumônier  d'un  régiment  écossais, 
poste  qu'il  quitta  pour  entrer  à  l'université  d'Edimbourg, 
d'abord  comme  bibliothécaire,  puis  professeur  d'histoire  na- 
turelle et  de  philosophie.  En  1767,  il  publia  Essay  on  ihe 
History  of  Civil  Society ,  plusieurs  fois  réédité,  traduit  en 
français  par  Bergier  et  Meunier,  et  en  quelques  autres  lan- 
gues. En  1778,"  il  fut  nommé  secrétaire  de  la  commission 
envoyée  en  Amérique  pour  effectuer  une  réconciliation  avec  la 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE. —  XVII. 


mère  patrie.  L'année  suivante,  il  reprit  ses  cours  et  publia 
History  ofthe  Progress  and  lermination  of  ihe  Roman 
Republic  (1783,  3  vol.  in-4).  Cette  histoire,  la  plus  impor- 
tante de  ses  œuvres,  n'est  pas  un  simple  récit  des  événements 
de  Rome,  mais  une  sorte  de  commentaire  destiné  à  mettre 
en  lumière  la  politique  intérieure  et  extérieure  de  la  Répu- 
blique romaine,  son  système  militaire  et  ses  diverses  con- 
ditions sociales.  Elle  a  été  traduite  en  français  par  Demeu- 
nier  et  Gibelin  (1784,  7  vol.  in-8)  et  par  Rreton  (1803, 
10  vol.  in-18).  C'est  en  quelque  sorte  une  introduction  à 
ÏHistoire  de  la  décadence  et  de  la  chute  de  V Empire 
romain  de  Gibbon.  Ses  autres  ouvrages  sont  Principles 
of  Moral  and  Political  Science,  exposé  des  principes  sur 
lesquels  repose  la  société  civile  (1792,  2  vol.  in-4,  égale- 
ment traduit  en  français),  si  Remarks  on  a  Pamphlet  of 
Dr.  Price.  ^  Hector  France. 

FERGUSON  (Elizabeih  Grjime),  femme  de  lettres  amé- 
ricaine, née  à  Philadelphie  en  1739,  morte  en  1801.  Son 
père,  le  Dr  Thomas  Grseme,  était  d'origine  écossaise.  Elle 
épousa  un  autre  Ecossais,  Hugh-Henry  Ferguson,  dont  elle 
se  sépara  en  1775,  parce  qu'il  refusait  d'embrasser  la  cause 
de  l'indépendance.  On  a  d'elle  des  poésies  et  des  lettres  qui 
ne  manquent  pas  de  mérite.  Une  traduction  de  Télémaque 
en  vers  héroïques  anglais  est  restée  inédite.  Le  manuscrit 
en  est  conservé  à  la  bibliothèque  Franklin,  à  Philadelphie. 

FERGUSON  ou  FERGUSSON  (Robert),  poète  écos- 
sais, né  à  Edimbourg  le  5  sept.  1750,  mort  le  16  oct.  1774. 
D'après  les  Elégies  qu'il  laissa ,  parues  d'abord  dans  le 
Weekly  Magazine,  les  unes  en  anglais,  les  autres  en  écos- 
sais, et  écrites  en  un  style  rude  et  grossier,  on  s'explique 
difficilement  sa  réputation  de  poète  e't  l'admiration  que  pro- 
fessait pour  lui  Robert  Rurns  qui  le  regardait  comme  son 
maître.  Il  est  probable  que  sa  fin  prématurée  dans  un  hos- 
pice de  fous  à  la  suite  d'excès  de  tous  genres,  et  sa  Vie, 
écrite  par  Irving  en  1799  et  réimprimée  en  1805,  furent 
pour  beaucoup  dans  cette  réputation.  Ses  œuvres  ont  été 
publiées  à  Edimbourg  l'année  de  sa  mort,  et  republiées  à 
Glasgow  en  1813.  Hector  France. 

FERGUSON  (Robert),  médecin  anglais,  né  dans  les 
Indes  le  15  nov.  1799,  mort  à  Winkfield,  près  de  Wind- 
sor, le  25  juin  1865.  Il  étudia  à  Heidelberg  et  à  Edim- 
bourg ;  médecin  de  plusieurs  grandes  familles  anglaises, 
ami  de  Walter  Scott,  de  Washington  Irving,  du  poète 
Wordsworth,  etc.,  il  fonda  en  1828  le  London  med. 
Gazette,  puis  devint  professeur  d'accouchements  au  King's 
Collège  et  médecin  accoucheur  à  l'hôpital  du  Collège,  ainsi 
qu'au  General  Lying-in  Hospital.  Plus  tard,  il  fut 
nommé  accoucheur  de  la  reine  avec  le  titre  de  médecin 
extraordinaire.  Son  ouvrage  le  plus  important  a  pour 
titre  :  Essay  s  on  the  most  import,  diseases  of  women, 
part.  1,  Puerpéral  Fever  (Londres,  1839,  in-8). 

FERGUSON  (Sir  Samuel),  antiquaire  et  poète  irlandais, 
né  à  Belfast  en  1810,  mort  en  1886.  Après  de  savantes 
études  sur  les  antiquités  celtiques  et  un  livre,  The  Crom- 
lech on  Howth,  enrichi  de  notes  sur  l'art  ornemental  des 
Celtes,  il  fut  nommé  président  de  l'Académie  royale  de 
peinture  de  Dublin  où  il  contribua  à  la  formation  du  magni- 
fique musée  des  antiquités  artistiques  de  l'île.  Outre  de 
remarquables  articles  parus  dans  le  Dublin  University 
Magazine,  il  écrivit  des  poèmes  fort  appréciés  par  ses 
compatriotes,  autant  à  cause  de  leur  patriotisme  que  de 
leur  rythme  mélodieux  :  Lays  of  the  western  Gael, 
Congal,  Leabhar  Breac,  The  Forging  of  the  Anchor, 
Shakespearian  Breviates,  etc.  Hector  France. 

FERGUSONITE  (Miner.).  La  fergusonite  est  un  nio- 
botantalate  d'yttria,  erbine,  cérium,  urane,  etc.,  de  com- 
position très  complexe.  Quadratique  avec  hemiédrie  pyra- 
midale. Les  cristaux  sont  rares;  ce  minéral  se  présente 
d'ordinaire  en  masses  fragiles  d'un  brun  noir,  possédant  un 
éclat  vitreux  et  en  même  temps  métalloïde.  Dureté,  5,5  à  6. 
Densité,  5,83.  Infusible  au  chalumeau,  décomposée  par 
l'acide  sulfurique.  La  fergusonite  est  un  minéral  des  peg- 
matites  du  Grœnland,  de  Scandinavie  et  de  quelques  gise- 

18 


FERGUSONITE  —  FÉRÎD 


-  274  — 


ments  du  Texas  et  de  la  Caroline  du  Nord.  La  tyrite  et 
la  br agite  en  sont  des  variétés  provenant  des  environs 
d'Arendal  (Norvège).  A.  Lacroix. 

FERGUSSON  (Robert)  (V.  Ferguson). 

FERGUSSON  (Sir  James),  général  anglais,  né  le  17  mars 
4787,  mort  à  Bath  le  4  sept  1865.  Entré  dans  l'armée 
en  1801,  il  servit  au  Portugal  en  1808  sous  Wellesley 
avec  le  grade  de  capitaine.  Il  combattit  à  Roliça  et  à  Vi- 
meiro  où  il  fut  blessé.  En  1809,  il  fit  partie  de  l'expédi- 
tion de  Walcheren,  revint  en  Portugal  en  1810,  où  il 
demeura  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre.  Il  participa  à  la  fameuse 
marche  forcée  de  Talavera,  à  la  bataille  de  Busaco,  à  la 
poursuite  de  Masséna,  au  combat  de  Fuentes  de  Onoro,  à 
l'assaut  de  Badajoz  où  il  reçut  une  seconde  blessure,  à  l'as- 
saut de  Ciudad  Rodrigo,  où  il  fut  encore  blessé,  à  la  bataille 
de  Salamanca,  après  laquelle  il  fut  promu  major.  Enfin  il 
figura  au  passage  de  la  Bidassoa,  aux  combats  de  la  Nivelle 
et  de  la  Nive  et  à  l'investissement  de  Bayonne.  En  1816, 
il  entra  au  collège  militaire  de  Farnham  dont  il  suivit  les 
cours  pendant  trois  années.  Promu  lieutenant-colonel  en 
1819,  il  servit  en  Angleterre,  en  Irlande,  à  la  Nouvelle- 
Ecosse,  à  Gibraltar,  aux  Indes,  devint  aide  de  camp  de 
Guillaume  IV,  fut  nommé  colonel  en  1830,  major  général 
en  1841,  lieutenant  général  en  1851.  On  lui  confia  le  poste 
de  général  commandant  à  Malte  en  1853.  Il  y  rendit,  de 
grands  services  pendant  la  guerre  de  Crimée.  Enfin  il  fut 
gouverneur  de  Gibraltar  de  1855  à  1859.  Le  grade  de  géné- 
ral lui  fut  conféré  le  2  fév.  1860. 

FERGUSSON  (Sir  Charles  Dalrymple),  baronnet  de  Kil- 
kerran,  né  à  Fort-George  en  1800,  mort  à  Inveresk  le 
18  mars  1849.  Avocat  en  1822,  il  pratiqua  au  barreau 
d'Ecosse  pendant  plusieurs  années.  Très  intelligent  et  fort 
généreux  il  répandit  l'instruction  et  les  meilleurs  procédés 
d'agriculture  dans  le  comté  d'Ayr.  Il  jouissait  dans  sa  ré- 
gion d'une  influence  considérable,  mais  ne  consentit  jamais 
à  prendre  une  part  active  à  la  politique.  —  Son  fils,  James, 
gouverneur  de  la  Nouvelle-Zélande  et  de  Bombay,  a  été 
sous-secrétaire  d'Etat  des  affaires  étrangères  en  1886. 

FERGUSSON  (James),  voyageur  et  archéologue  écos- 
sais, né  à  Ayr  (Ecosse)  le  22  janv.  1808,  mort  à  Londres 
le  9  janv.  1886.  Il  s'est  fait  un  nom  par  ses  nombreuses 
publications  sur  l'architecture  des  anciens.  Etant  parti  en 
1829  dans  l'Inde  pour  s'y  livrer  au  commerce,  il  resta  dix 
ans  dans  ce  pays,  occupant  ses  loisirs  à  étudier  et  à  dessiner 
les  monuments  de  l'ancienne  civilisation  hindoue.  En  1845, 
parut  son  premier  grand  ouvrage  :  Illustrations  of  the 
rock-cut-temples  of  India  ;  puis  vinrent  successivement  : 
Picturesque  Illustrations  of  ancient  architecture  in 
Hindostan  (1847)  ;  Essay  on  the  ancient  topography 
of  Jérusalem  (1847)  ;  Essay  on  a  new  System  of  forti- 
fication (1850),  ouvrage  dans  lequel  l'auteur  s'efforce 
de  démontrer  que  les  fortifications  actuelles  en  pierre  sont 
incapables  de  résister  aux  efforts  de  l'artillerie  :  il  préco- 
nise les  fortifications  en  terre  des  Indiens  ;  Handbook  of 
architecture  (1855;  3e  édit.,  1875);  Historical  Re- 
searches  on  the  principles  ofbeauty  in  art,  especially 
in  architecture  (1859)  ;  History  of  the  modem  styles 
of  architecture  (1862)  ;  History  of  architecture  in  ail 
countries  (1865-67,  2  vol.  in-8  ;  1875,  4  vol.  in-8)  ; 
The  Mausoleum  of  Halicarnassus  restored  (1862); 
Tree  and  Serpent  Worship  or  Illustration  ofmythology 
and  art  in  India  (1868,  in-4;  2e  édit.,  1873);  Rude 
stone  Monumeiîts  in  ail  countries,  their  âge  and  uses 
(i  872)  ;  History  of  hindoo  and  oriental  architecture 
(1876).  James  Fergusson  écrivit  aussi  une  remarquable 
étude  sur  la  restauration  des  palais  de  Ninive  et  de  Perse- 
polis  (The  Palaces  ofNineiueh  and  Persepolis  restored, 
1851),  restauration  qu'il  fit  exécuter  en  partie  au  Palais 
de  Cristal  à  Sydenham  ;  puis  des  notices  sur  le  British 
Muséum  et  la  National  Galery  ;  il  collabora  à  la  Quarterly 
Review  et  au  Nineteenth  Ceniurtj  ;  il  fut  chargé  de  sur- 
veiller la  décoration  de  la  cathédrale  Saint-Paul  à  Londres. 
Il  était  membre  de  la  Société  royale  de  Londres  ;  en  1871, 


il  reçut  la  grande  médaille  décernée  par  l'Institut  royal 
des  architectes.  E.  Babelon. 

FERGUSSON  (William),  chirurgien  écossais,  né  àPres- 
ton  Pans  (East-Lothian)  le  20  mars  1808,  mort  à  Lon- 
dres le  10  févr.  1877.  Ses  débuts  à  Edimbourg,  comme 
professeur  d'anatomie  et  de  chirurgie  et  comme  chirurgien 
d'hôpital,  furent  brillants.  En  1840,  il  passa  au  King's 
Collège  Hospital  de  Londres  et  obtint  la  chaire  de  chirur- 
gie au  Collège  ;  plus  tard,  il  devint  chirurgien  de  la  reine 
et  professeur  d'anatomie  et  de  chirurgie  au  Collège  royal 
de  chirurgie  (1863).  Fergusson  était  un  anatomîste  hors 
ligne  et  le  plus  brillant  opérateur  qu'ait  possédé  l'Angle- 
terre. Son  plus  grand  titre  de  gloire  est  d'avoir  remis  en 
honneur  les  pratiques  de  la  chirurgie  conservatrice.  Son 
principal  ouvrage  est  System  ofpractical  Surgery  (Lon- 
dres, 1842,  in-12  ;  5e  édit.,  ibid.,  1870,  in-8). 

FERIA  (Pedro  Gonzalez  de),  prélat  et  linguiste  espa- 
gnol, né  à  Feria  (Estrémadure)  en  1524,  mort  à  Oaxaca 
(Mexique)  en  4588.  Entré  en  1545  au  couvent  domini- 
cain de  San  Estéban  à  Salamanque,  il  fut  envoyé  à  Oaxaca 
en  1551,  devint  prieur  de  Teticpac,  puis  du  couvent  de 
Mexico.  Il  était  définiteur  à  Yanhuitlan  (1558),  lorsqu'il 
fut  avec  cinq  autres  religieux  adjoint  comme  vicaire  pro- 
vincial à  l'expédition  de"  Tristan  de  Arellano  en  Floride 
(1559).  Tous  eurent  à  subir  de  rudes  épreuves,  et  il  y 
contracta  une  infirmité  pour  le  reste  de  sa  vie.  Il  alla  de- 
mander à  Mexico  et  fit  envoyer  des  secours  à  ses  compa- 
gnons d'infortune,  restés  en  Floride.  Le  22  sept.  1565  il 
fut  élu  pour  trois  ans  provincial  des  dominicains  de  la  pro- 
vince de  Santiago.  Après  quoi  il  fut  renvoyé  en  Europe 
comme  procureur  de  l'ordre  (1570)  et  reçut  le  titre  de 
vicaire  général  et  visiteur  des  Indes,  avec  les  modestes 
fonctions  de  maître  des  novices  à  Salamanque.  Il  les  échan- 
gea bientôt  (1575)  contre  celles  d'évêque  de  Chiapas.  Dans 
ce  diocèse,  il  eut  à  modérer  le  zèle  des  dominicains  qui 
refusaient  l'absolution  aux  commendataires  espagnols  qui 
percevaient  les  taxes  légalement  imposées  aux  Indiens.  Il 
se  prononça  cependant  pour  le  maintien  des  prêtres  régu- 
liers et  il  adressa  à  ce  sujet  un  mémoire  au  concile  de 
Mexico  (1585)  dont  un  grave  accident  le  tint  éloigné.  On 
lui  doit  en  outre  :  Doctrina  cristiana  y  confesonario , 
en  espagnol  et  en  zapotec  (Mexico,  1557);  copieux  Voca- 
bulario  zapotec,  et  Mémorial  de  las  cosas  de  Chiapas, 
en  1579.  Beauvois. 

FERIA  (Duchesse  de)  (V.  Dormer  [Jane]). 

FER1Â  (Duc  de)  (V.  Figueroa). 

FÉR1ANÂ.  Bourg  de  la  Tunisie,  à  50  kil.  N.-N.-O.  de 
Gafsa,  près  de  la  frontière  algérienne  ;  600  hab.  La  ville 
est  surtout  remarquable  par  les  ruines  d'une  grande  ville 
romaine,  un  peu  au  N.-E. ,  à  l'endroit  nommé  par  les  Arabes 
Medinet  el  Kedima  ou  la  Vieille- Ville  ;  elles  ont  plus  de 
5  kil.  de  pourtour  et  on  y  reconnaît  au  milieu  des  vestiges 
affreusement  bouleversés  les  traces  de  plusieurs  rues, 
d'une  forteresse,  d'un  théâtre,  de  thermes,  etc.  Suivant 
Guérin,  ce  serait  l'ancienne  Thelepte,  peut-être  aussi  la 
Thala,  où  Jugurtha  avait  caché  ses  trésors.      E.  Cat.  . 

FERICH  (Georges), poète  dalmate,né  à  Raguse  en  1739, 
mort  en  1820.  Il  fit  partie  de  la  Société  de  Jésus,  fut  pro- 
fesseur et  vicaire  à  Raguse.  Il  a  publié  un  poème  sur  la 
prise  d'Otchakov  et  traduit  en  latin  un  grand  nombre  de 
poésie  illyriennes.  On  lui  doit  une  dissertation,  De  Sla- 
vicœ  gentis  antiquitatibus  (1798)  ;  Descriptio  locorum 
oroe  Ragusanœ,  etc.  Sa  vie  a  été  écrite  par  Kaznaëiô*  dans 
la  Zora  Dalmatinska  (1845).  L.  L. 

FÉRIGY.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Melun,ncant.  du  Châtelet;  492  hab. 

FÉRÎD  ed-Dïn  Attâr,  célèbre  poète  persan,  né  en  512 
de  l'hégire  (1118  de  J.-C.)  à  Kerken,  village  situé  près 
de  Nichabour,  dans  le  Khorasân,  mort  en  627  (1230). 
Son  père  était  épicier-droguiste  (attâr),  et  il  exerça  lui- 
même  cette  profession  jusqu'au  moment  oh  il  quitta  le 
monde  pour  vivre  dans  la  retraite.  S'étant  retiré  dans  le 
monastère  du  derviche  Rokn  ed-Dîn  Akkâb,  l'un  des  plus 


célèbres  contemplatifs  de  cette  époque,  il  consacra  le  reste 
de  sa  vie  aux  exercices  d'une  piété  exaltée.  Il  périt,  âgé  de 
cent  douze  ans,  lors  des  massacres  commis  par  les  hordes 
mogholes  de  Gengis-Khân.  On  montre  encore  son  tombeau 
à  Nichabour.  Les  principaux  ouvrages  du  cheikh  Férîd  ed- 
Dîn  Attâr,  outre  un  grand  nombre  de  pièces  de  vers  appe- 
lées meçnévi,  sont  :  le  Pend-Nameh  ou  Livre  des  conseils, 
YAsrâr-Nameh  ou  Livre  des  secrets,  le  Bulbul-Nameh 
ou  Livre  du  Rossignol,  le  Tezkeret  el-Evliyâ  ou  Vie  des 
saints,  enfin  le  Mantiq  et-Teïr  ou  Logique  de  l'oiseau.  Ce 
sont  des  traités  de  morale,  écrits  dans  le  style  mystique  et 
suivant  les  principes  de  la  doctrine  des  Soûfis.  La  vie  de 
Férîd  ed-Dîn  Attâr,  extraite  de  l'histoire  des  poètes  de 
Daulet-Châh,  a  été  placée  par  S.  de  Sacy  à  la  fin  de  sa 
traduction  an  Pend-Nameh  (Paris,  4819).  Garcin  de  Tassy 
a  publié  le  texte  du  Mantiq  et-Teïr  (Paris,  1857)  et  la 
traduction  de  ce  poème  (ibid.,  1863).  La  traduction  du 
Pend-Nameh  a  été  publiée  en  allemand  par  Nesselmann 
(Kônigsberg,  1871).  P.  Ravaisse. 

FERIDOUN.  C'est  le  nom  d'un  des  héros  les  plus  popu- 
laires de  la  fable  persane.  Sa  légende  s'est  formée  des 
anciennes  traditions  ariennes,  embellies  et  inventées  pen- 
dant l'époque  des  Sassanides.  L'origine  de  la  légende  se 
rencontre  déjà  dans  le  personnage  de  Tritauan  des  Védas, 
puis  dans  le  Traétaona  du  Zend-Avesta,  l'un  des  héros 
cités,  sans  que  les  fragments  de  la  collection  de  Zoroastre 
nous  puissent  fournir  des  renseignements  bien  exacts. 

La  figure  de  Feridoun  telle  que  les  Persans  de  nos  jours 
se  le  figurent,  est  celle  d'un  libérateur  du  joug  étranger. 
Il  est  le  cinquième  prince  delà  dynastie  des  Pischdadiens, 
ou  rois  anciens,  qui  commence  par  le  premier  homme 
Kayomors,  et  a  pour  prédécesseurs  les  rois  Huscheng, 
Tahmurosp  et  Djemsehid.  Après  le  règne  de  ce  monarque 
pieux  et  béni  d'Ormuzd  arriva  celui  d'un  usurpateur  mé- 
chant, sur  l'épaule  duquel  il  y  eut  deux  serpents,  et  qui 
représente  l'invasion  arabe.  Pendant  mille  ans  dura  cet 
état  horrible.  Après  quelque  temps  Feridoun  arriva,  terrassa 
le  monstre  et  donna  à  la  Perse  sa  liberté,  régnant  pendant 
cinq  cents  ans.  Firdousi  célèbre  ce  règne  heureux  dans  son 
Livre  des  rois  ou  Chah-mameh,  où  toutes  les  légendes 
se  rapportant  à  ce  règne  sont  représentées  avec  le  charme 
particulier  à  ce  poète.  J.  Oppert. 

FÉRIÉ.  I.  Antiquité  (V.  Faste  et  Fête). 
IL  Liturgie.  —  Anciennement,  ce  mot  désignait  les 
dimanches  et  les  fêtes.  On  en  a  restreint  l'application  aux 
jours  où  on  ne  célèbre  pas  la  mémoire  d'un  saint,  de  sorte 
que,  dans  le  langage  moderne  de  la  liturgie,  la  férié  est 
devenue  le  contraire  de  la  fête  (V.  Commémoration  et  Fête). 
La  liturgie  distingue  plusieurs  sortes  de  fériés.  Parmi  elles, 
il  s'en  trouve  qui  sont  supérieures  aux  fêtes  propi  ement  dites 
et  qui  les  excluent  :  telles  sont  les  fériés  majeures,  comme 
le  jour  des  Cendres  et  les  trois  derniers  jours  de  la  Semaine 
sainte,  les  deux  jours  après  Pâques  et  après  la  Pentecôte 
et  la  deuxième  férié  des  Rogations,  qui  a  son  office  parti- 
culier. Les  fériés  mineures  n'excluent  aucune  fête,  mais 
on  est  obligé  d'en  faire  mémoire  :  telles  sont  les  fériés  de 
l'Avent,  du  Carême,  des  Quatre-Temps.  Les  fériés  com- 
munes ou  simples  sont  celles  qui  se  rencontrent  dans  les 
autres  jours  de  Tannée  et  qui  admettent  les  fêtes,  même 
du  dit  simple,  sans  qu'on  en  fasse  mémoire.  E.-H.  V. 
Bibl.  :  Pascal,  Origine  et  raison  de  la  liturgie  catholique. 
FÉRIN.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  de  Douai; 
769  hab. 

FERINO  (Pierre-Marie-Barthélemy,  comte),  général  fran- 
çais, né  à  Caravaggio,  dans  le  Milanais,  en  1747,  mort  à 
Paris  le  28  juin  1816.  Entré  au  service  en  1789,  il  fut 
nommé  général  de  division  en  1793  et  se  signala  par  sa 
bravoure  à  Lindau  et  à  la  défense  du  pont  de  Huningue. 
Nommé  sénateur  en  1805,  Férino  reçut  plus  tard  le  titre 
de  comte.  Louis  XVIII  le  nomma  membre  de  la  Chambre 
des  pairs. 

FER  10  (Log.).  Terme  qui  désigne  un  mode  de  la  pre- 
mière figure  du  syllogisme  (V.  ce  mot),  dans  lequel  la 


278  -  FÉRÎD  -  FERMAGE 

majeure  est  universelle  négative  (E),  la  mineure  particulière 
affirmative  (I),  et  la  conclusion  particulière  négative  (0). 
Ex.  :  Nul  injuste  n'est  heureux;  —  quelque  homme  riche 
est  injuste;  ■—  donc  quelque  homme  riche  n'est  pas  heu- 
reux. G.  F. 

FERISON  (Log.).  Terme  qui  désigne  un  mode  de  la 
troisième  figure  du  syllogisme  (V.  ce  mot),  où  la  majeure 
est  universelle  négative  (E),  la  mineure  particulière  affir- 
mative (I),  et  la  conclusion  particulière  négative  (0).  Ex.: 
Nulle  sottise  n'est  éloquente  ;  —  il  y  a  des  sottises  dans 
des  figures  de  rhétorique  ;  —  donc  il  y  a  des  figures  de 
rhétorique  qui  ne  sont  pas  éloquentes.  La  lettre  E  indique 
que,  pour  être  prouvé,  ce  mode  doit  être  ramené  à  un  ferio 
de  la  première  figure  ;  la  lettre  S  marque  que  cette  opé- 
ration doit  se  faire  par  la  conversion  simple  de  la  mineure. 

FERKANE.  Localité  du  S.-O.  de  l'Algérie,  prov.  de  Cons- 
tantine,  à  13  kil.  N.-O.  de  Négrine,  dans  une  gorge  de 
l'Aurès.  La  population,  exclusivement  indigène,  est  très  mé- 
langée. Les  Nememcha  sont  l'élément  dominant. 

FERLAND  (J.-B.-A.),  historien  canadien,  né  en  1805, 
mort  en  1864.  Entré  dans  les  ordres  en  1828,  il  professa 
l'histoire  à  «  Laval  University  »,  Québec.  On  a  de  lui  : 
Notes  on  the  first  Register  of  Québec  ;  Journal  of  a 
Voyage  on  the  Coast  of  Labrador  ,  et  un  cours  d'His- 
toire du  Canada.  B.-H.  G. 

FERLENDIS  (Giuseppe),  hautboïste  italien,  fils  d'un 
professeur  de  musique,  né  à  Bergame  en  1755,  mort  à 
Lisbonne  en  180u2.  A  vingt  ans,  il  fut  nommé  premier  haut- 
bois à  Salzbourg,  et  là,  entreprit  de  remettre  en  honneur 
le  cor  anglais,  ou  mieux  l'ancien  hautbois  de  chasse.  Il  le 
perfectionna,  le  rendit  moins  dur  de  son,  plus  aisé  pour 
l'exécutant,  en  fit  à  peu  de  chose  près  le  cor  anglais  actuel. 
Il  voyagea  ensuite  à  Venise,  à  Brescia,  à  Londres,  où  il 
eut  de  grands  succès.  Il  a  composé  des  quatuors,  duos,  con- 
certos, etc.,  pour  hautbois  et  pour  cor  anglais.  A.  E. 
#  FERLENDIS  (Alessandro),  fils  du  précédent,  né  à  Ve- 
nise en  1783.  Il  séjourna  à  Lisbonne  avec  son  père,  de 
qui  il  était  l'élève,  et  s'y  maria  avec  une  cantatrice, 
MUe  Barberi.  Comme  hautboïste,  il  s'est  fait  entendre  à 
Madrid,  à  Paris,  en  Italie,  en  Hollande.  Il  a  beaucoup  con- 
tribué à  répandre  l'usage  du  cor  anglais,  sur  lequel  il  avait 
une  réelle  habileté  d'exécution.  On  connaît  de  lui  quelques 
morceaux  pour  hautbois,  pour  cor  anglais  et  pour  flûte. 

FERLIN  (Pal-Roland),  écrivain  suédois,  né  à  Norrtelje 
le  31  oct  1795,  mort  à  Stockholm  le  15  janv.  1864. 
Après  avoir  été  comptable  à  Stockholm,  en  Norrbotten 
et^  en  OEstergœtland,  il  devint,  en  1858,  chef  du  pre- 
mier bureau  provincial  à  la  Chambre  des  finances.  On  lui 
doit  deux  ouvrages  estimés  :  Manuel  des  fonctionnaires 
et  employés  administratifs  (1844;  2e  éd.,  1846);  la 
Ville  de  Stockholm  aux  points  de  vue  juridique,  admi- 
nistratif, statistique  et  civil  (1854-58;  abrégé,  1859). 

FERMAGE.  I.  Droit  grec.  —  Les  contrats  de  fermage 
devaient  être  habituellement  rédigés  par  écrit.  Toutefois, 
nous  ne  possédons  jusqu'à  présent  que  deux  documents  de 
ce  genre  où  les  parties  soient  de  simples  particuliers  :  l'un 
est  un  bail  qui  provient  d'Athènes,  l'autre  est  le  bail  à  ferme 
de  Gambréion.  Presque  tous  ont  trait  à  des  terres  publiques 
ou  sacrées  ;  cela  tient  sans  doute  à  ce  que  ceux-ci  étaient 
généralement  gravés  sur  la  pierre,  c.-à-d.  sur  une  matière 
plus  facile  à  conserver.  —  Pour  que  l'accord  fût  valable, 
il  suffisait  de  l'accord  du  preneur  et  du  bailleur  ;  aucun 
magistrat  n'était  appelé  à  leur  prêter  son  concours.  Les 
personnes  morales  étaient  représentées  soit  par  leurs  agents 
ordinaires,  soit  par  des  commissaires  spéciaux.  Les  témoins 
ne  sont  jamais  mentionnés.  Lorsqu'il  s'agissait  d'un  im- 
meuble domanial,  on  affichait  l'acte  en  un  lieu  apparent  ; 
les  associations  déposaient  les  leurs  dans  leurs  archives  ; 
quant  aux  citoyens,  ils  les  confiaient  volontiers  à  la  garde 
d'un  ami.  La  durée  des  baux  était  très  variable.  A  Délos, 
les  biens  d'Apollon  se  louaient  régulièrement  pour  dix 
ans.  Le  même  terme  apparaît  dans  les  baux  d'une  phra- 
trie athénienne  et  du  dème  du  Pirée.  Quand  les  Thébains 


FERMAGE 


—  276  — 


eurent  détruit  la  ville  de  Platées,  ce  fut  aussi  pour  dix  ans 
qu'ils  mirent  son  territoire  en  location.  Une  inscription 
âttique  fait  allusion  à  l'affermage  d'un  bien  de  l'Etat  pour 
une  période  de  vingt-cinq  ans.  On  poussait  même  parfois 
jusqu'à  quarante.  Enfin  les  baux  emphytéotiques  étaient  très 
fréquents  dans  tout  le  monde  hellénique  (V.  Emphytéose). 
Par  contre,  on  a  des  exemples  de  baux  excessivement 
courts.  Lysias  parle  d'un  champ  qui,  dans  l'espace  de 
cinq  années,  changea  quatre  fois  de  fermier. 

En  Grèce,  comme  chez  nous,  le  locateur  était  tenu  de 
délivrer  au  preneur  la  chose  louée,  et  de  lui  en  assurer  la 
paisible  jouissance.  La  première  de  ces  règles  ne  figure 
dans  aucun  texte,  mais  elle  allait  de  soi.  La  seconde,  au 
contraire,  est  souvent  reproduite.  Les  Aixonéens,  par 
exemple,  s'interdisent  d'affermer  l'immeuble  à  autrui  avant 
quarante  ans.  Un  tel  «  garantit  à  Eucrate  et  à  ses  descen- 
dants le  maintien  du  bail  ;  s'il  le  renvoie,  il  lui  payera 
mille  drachmes  d'indemnité».  Le  trouble  pouvait  être  indé- 
pendant de  la  volonté  du  bailleur  et  avoir  pour  cause  la 
malveillance  d'un  étranger.  Le  fermier  était  évidemment 
intéressé  tout  le  premier  à  repousser  ces  sortes  d'entre- 
prises, mais  le  propriétaire  avait  pour  devoir  de  l'y  aider. 
Il  était  obligé,  autant  que  le  locataire,  de  veiller  à  ce  que 
les  bornes  ne  fussent  pas  déplacées  et  à  ce  que  les  voisins 
n'empiétassent  pas.  En  cas  de  guerre,  si  la  présence  de 
l'ennemi  empêchait  de  cultiver  et  de  récolter,  le  bail  était 
résilié  de  plein  droit.  Parfois,  on  se  contentait  de  décider 
que  la  redevance  serait  réduite.  Les  Grecs  comprenaient  les 
inconvénients  que  présente  un  bail  susceptible  d'être  annulé 
par  la  vente  du  domaine.  Le  fermier  n'ose  engager  dans 
son  exploitation  aucun  capital  de  peur  qu'un  caprice  du 
bailleur,  en  aliénant  le  fonds,  ne  lui  enlève  brusquement 
tout  le  bénéfice  de  ses  avances,  et  la  terre  est  condamnée 
par  là  à  ne  recevoir  jamais  d'amélioration.  C'est  peut-être 
pour  ce  motif  que  certains  contrats  refusent  au  locateur  la 
faculté  de  vendre. 

Les  obligations  du  preneur,  garanties  presque  toujours 
par  des  cautions  solvables,  étaient  très  complexes.  La  pre- 
mière consistait  à  acquitter  régulièrement  le  prix  du  fer- 
mage. Il  était  payable  tantôt  en  argent,  tantôt,  mais  plus 
rarement,  en  nature,  tantôt  sous  l'une  et  l'autre  forme  à 
la  fois.  Quelques  textes  athéniens  portent  qu'il  y  aura  deux 
termes;  mais,  en  général,  on  préférait  tout  verser  à  la 
même  date.  Un  document  place  l'échéance  «  au  moment 
des  récoltes  »  ;  un  autre  au  début  de  l'année.  En  somme, 
il  n'existait  à  cet  égard  aucune  règle  bien  précise.  On  ren- 
contre dans  les  textes  un  grand  nombre  de  prix  de  fer- 
mage ;  mais  on  ne  voit  pas  toujours  d'après  quel  taux  ils 
étaient  calculés.  Voici  pourtant  des  circonstances  où  nos 
renseignements  sont  assez  précis.  Un  citoyen  d'Amorgos 
était  possesseur  de  plusieurs  immeubles  valant  5,000 
drachmes  ;  il  les  loua  pour  500  drachmes,  c.-à-d.  à  raison 
de  10%;  niais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  y  avait  parmi 
eux  une  maison  d'habitation  et  une  poterie.  Un  domaine 
situé  en  Attique  donna  un  revenu  de  12  °/0;  il  comprenait 
aussi  une  maison.  La  terre  seule  rapportait  certainement 
un  peu  moins.  Un  bien  rural  de  15,000  drachmes  fut 
affermé  pour  1,200,  au  taux  de  8  °/0.  Enfin,  dans  les 
baux  emphytéotiques,  la  rente  était  beaucoup  moindre. 
Contre  les  locataires  insolvables,  on  avait  imaginé  divers 
moyens  de  contrainte.  En  Elide,  la  dette  était  doublée.  A 
Délos,  «  la  rente  était  augmentée,  à  titre  d'amende  ;  puis 
venaient  une  suite  de  mesures  de  rigueur  :  vente  de  fruits, 
saisie  des  animaux  et  des  esclaves,  saisie  générale  des  biens 
quelconques  appartenant  aux  fermiers,  inscriptions  hérédi- 
taires sur  la  liste  des  débiteurs  du  dieu.  »  (Homolle.)  Un 
contrat  athénien  contient  ces  mots  :  «  Si  le  preneur  ne 
paye  pas  son  loyer,  les  Dyaléens  pourront,  avant  toute 
action  judiciaire,  procéder  contre  lui  par  voie  de  saisie,  et 
louer  le  domaine  à  qui  bon  leur  semblera.  »  On  lit  dans 
un  autre  :  «  Les  Aixonéens  auront  le  droit  de  pratiquer 
une  saisie  sur  la  récolte  de  l'immeuble  et  sur  tous  les 
biens  du  fermier.  »  En  Attique,  quand  c'était  l'Etat  qui 


avait  loué,  le  débiteur  était  frappé  d'atimie,  lui  et  ses 
descendants,  juqu'à  ce  qu'il  se  fût  libéré.  Un  document  de 
Mylasa  énonce  cette  clause  :  «  Si  Thraséas  n'acquitte  pas 
la  redevance,  il  payera  la  moitié  en  sus.  Si  deux  fois  de 
suite  il  ne  paye  pas  ce  qu'il  doit,  il  payera  la  redevance  de 
deux  années  et  la  moitié  en  sus  ;  en  outre,  le  bail  sera 
annulé.  »  A  Héraclée,  le  fermier  voit  d'abord  sa  dette 
doublée  et  son  bail  rompu  ;  si  après  cela  la  terre  est  louée 
à  un  prix  inférieur,  le  locataire  évincé  a  à  payer  la 
différence  pendant  cinq  ans.  Il  faut  noter  toutefois  que  les 
stipulations  de  ce  genre  ne  figurent  que  dans  les  baux  des 
lerres  publiques  ou  sacrées.  Quant  à  l'impôt  foncier,  il  était 
dû  par  le  preneur  ou  le  bailleur  au  gré  des  parties. 

Il  est  des  cas  où  l'on  accordait  au  fermier  la  liberté 
d'exploiter  la  terre  à  sa  guise.  Mais  ces  cas  semblent  avoir 
été  assez  rares,  et  d'ordinaire  on  édictait  à  cet  égard  des 
prescriptions  impératives.  Parfois  on  adressait  au  preneur 
des  recommandations  générales  et  on  lui  rappelait  qu'il 
s'engageait  à  agir  en  bon  père  de  famille.  Mais  souvent 
aussi  on  entrait  dans  de  minutieux  détails.  Rien  de  plus 
curieux  à  ce  sujet  que  le  contrat  d'Amorgos  ;  on  y  indique 
à  quelle  époque  les  vignes  seront  travaillées,  quelle  quan- 
tité de  fumier  il  faudra  déposer  sur  le  sol,  combien  il 
faudra  chaque  année  planter  de  souches  nouvelles  et  de 
figuiers,  le  tout  sous  peine  d'amende.  «  Le  fermier,  dit  le 
contrat  des  Dyaléens,  donnera  deux  façons  aux  vignes,  une 
par  saison  ;  il  emblavera  la  moitié  de  la  superficie,  et  sè- 
mera des  légumes  là  où  il  voudra  dans  les  jachères  :  il 
aura  soin  des  arbres  fruitiers  et  ne  coupera  aucun  arbre.  » 
Partout  le  bailleur  était  libre  de  visiter  périodiquement  la 
propriété,  pour  vérifier  si  les  conditions  du  bail  étaient 
observées.  Tantôt  on  déterminait  à  l'avance  les  dommages- 
intérêts  qui  lui  seraient  alloués  pour  chaque  infraction; 
tantôt  on  s'en  remettait  à  la  décision  des  tribunaux.  C'est 
ainsi  qu'il  y  avait  dans  la  procédure  athénienne  deux  actions 
distinctes  pour  atteindre  le  fermier  négligent.  Dans  les 
contrats  d'emphytéose,  on  ne  se  bornait  pas  à  garantir  le 
fonds  contre  toute  cause  de  dépréciation  ;  on  exigeait  en- 
core qu'il  fût  amélioré  par  le  détenteur  et  on  allait  jusqu'à 
arrêter  le  chiffre  des  impenses  qui  lui  incombaient  de  ce 
chef.  Il  va  de  soi  que  toute  aliénation  de  l'immeuble,  sous 
quelque  forme  que  ce  fût,  lui  était  interdite  ;  c'est  seule- 
ment à  l'emphytéote  qu'on  reconnaissait  un  droit  limité  de 
disposition.  A  l'expiration  du  bail,  le  fermier  était  sans 
doute  autorisé  à  en  demander  la  prolongation  ou  le  renou- 
vellement. Il  n'est  jamais  question  dans  les  textes  de  la 
tacite  reconduction  ;  mais  il  ne  s'ensuit  pas  que  ce  procédé 
fût  illégal  ou  même  inusité.  Le  locataire  qui  parlait  devait 
laisser  l'immeuble  dans  l'état  où  il  l'avait  reçu  ;  sinon  il 
était  condamné  à  des  dommages-intérêts.  En  Attique,  dans 
la  dernière  année  de  sa  jouissance,  il  ne  pouvait  cultiver 
que  la  moitié  du  fonds,  et  son  successeur  désigné  avait  la 
faculté  de  pénétrer  dans  l'autre  moitié  à  partir  d'une  cer- 
taine date,  pour  y  exécuter  les  travaux  nécessaires.  S'il  ne 
tenait  pas  compte  de  cette  clause,  il  perdait  tout  droit  sur 
la  récolte  des  parcelles  indûment  mises  en  culture. 

Paul  Guiraud. 
IL  Droit  romain   et  Ancien  droit    (V.   Bail,  t.  IV, 
pp.  1179  et  suiv.). 

III.  Droit  civil  actuel  (V.  Fruit). 

IV.  Droit  international  (V.  Bail,  t.  IV,  pp.  1179  et 
suiv.). 

V.  Economie  rurale. — Avantages  et  inconvénients.  Par 
fermage,  on  désigne  le  mode  d'exploitation  du  sol  dans  lequel 
le  capital  foncier  et  le  capital  d'exploitation  sont  séparés. 
Le  cultivateur  paye  au  propriétaire  une  somme  fixée  d'avance 
qui  porte  également  le  nom  de  fermage;  il  cultive  ainsi  à 
ses  risques  et  périls.  Sur  3,977,881  exploitations  rurales 
qu'il  y  a  en  France,  2,826,388  sont  exploitées  par  le  pro- 
priétaire lui-même  (faire-valoir  direct),  919,450  sont  ex- 
ploitées par  des  colons  ou  métayers,  et  831,943  sont 
exploitées  par  des  fermiers.  Le  fermage  suppose  l'existence 
de  capitaux  plus  ou  moins  abondants  apportés  en  garantie 


277  — 


FERMAGE  —  FERMANAGH 


de  la  terre  affermée  ;  c'est  donc  le  mode  d'exploitation  du 
sol  qui  s'impose  dans  les  pays  à  culture  avancée.  De 
même  que  le  cultivateur  paye  un  salaire  à  ses  ouvriers 
pour  les  travaux  qu'ils  font,  de  même  il  paye  une  rente  ou 
fermage  au  propriétaire  pour  le  service  que  lui  rend  la 
terre,  quelle  que  soit  la  récolte.  Le  solde  restant,  une  fois  ces 
frais  payés ,  constitue  le  bénéfice  du  cultivateur.  L'exploi- 
tation directe  de  la  terre  par  le  propriétaire  offre  certaine- 
ment plus  d'avantages  au  point  de  vue  du  rendement  et  du 
bon  entretien  des  terres;  néanmoins,  dans  l'état  actuel  des 
choses,  la  situation  des  fermiers  est  bien  supérieure  à  celle 
des  colons  et  des  métayers,  tout  au  moins  dans  les  pays 
avancés.  Mais  pour  que  le  fermage  donne  tous  les  bons 
effets  dont  il  est  susceptible,  il  importe  que  le  bail  soit  de 
longue  durée  ;  en  effet,  dans  le  cas  contraire,  vu  le  peu 
de  temps  que  beaucoup  de  fermiers  restent  sur  la  même 
propriété,  ils  n'ont  aucun  intérêt  à  faire  des  améliorations 
qui  sont  improductives  pour  eux.  Aussi,  pendant  les  dernières 
années  du  bail  cherchent-ils  à  retirer  du  sol  le  maximum 
de  produit  sans  lui  restituer,  par  des  engrais,  les  éléments 
qu'ont  enlevés  les  récoltes.  On  distingue  plusieurs  types 
de  fermages.  Quelques  cultivateurs  ayant  peu  de  capitaux 
disponibles  s'adressent  à  leurs  propriétaires  pour  obtenir 
un  matériel  d'exploitation  et  parfois  même  du  bétail,  c'est 
ce  qui  constitue  le  cheptel;  d'autres  possèdent  des  capi- 
taux suffisants  pour  faire  face  à  toutes  les  dépenses  ;  le 
matériel  et  le  bétail  de  l'exploitation  leur  appartiennent 
entièrement.  Il  y  a  cependant  un  cheptel  de  pailles,  four- 
rages et  engrais,  qui  ne  disparaît  que  par  exception,  ces 
produits  devant  être  utilisés  sur  la  ferme  même  afin  de 
maintenir   la  fertilité  du  sol. 

Prix  du  fermage.  Le  prix  de  fermage  varie  néces- 
sairement avec  le  prix  de  la  terre  ;  toutes  les  causes  qui 
agissent  sur  la  valeur  du  sol  agissent  sur  la  rente,  mais, 
si  la  valeur  du  sol  et  le  prix  du  fermage  sont  toujours 
modifiés  dans  le  même  sens,  il  n'en  résulte  pas  que  la 
diminution  ou  l'augmentation  soient  proportionnelles.  En 
effet,  si  la  richesse  augmente  dans  un  pays,  que  les  capi- 
taux y  deviennent  abondants,  ils  se  font  concurrence  et 
nécessairement  le  taux  de  la  rente  augmentera  dans  le  sens 
du  mot,  mais  beaucoup  moins  rapidement  que  la  valeur 
du  sol.  Nous  donnons,  dans  le  tableau  suivant  les  relations 
qui  existent  entre  le  produit  brut,  la  valeur  foncière  par 
hectare,  la  part  revenant  au  propriétaire  et  le  taux  de  la 
rente. 


PRODUIT   BRUT 

VALEUR 

foncière 

PART 

revenant 

TAUX 

par  hectare 

par    hectare 

au 
propriétaire 

fr. 

fr. 

fr. 

fr. 

50 

350 

35 

10,0  % 

100 

900 

50 

5,5  — 

200 

1.500 

72 

4,7  — 

300 

2.200 

100 

4,5  — 

400 

3.000 

108 

3,6  — 

500 

3.900 

125 

3,4  - 

600 

5.200 

138 

2,6  — 

Rapports  de  fermier  entrant  à  fermier  soldant 
et  de  fermier  à  propriétaire.  Lorsque  l'expiration  du 
bail  arrive,  le  fermier  sortant  est  tenu  à  certaines  obliga- 
tions vis-à-vis  du  fermier  entrant,  et  réciproquement.  Ces 
obligations  respectives  sont  réglées  par  les  art.  4777  et 
1778  du  C.  civ.  ;  elles  ont  pour  but  d'empêcher  que  les 
terres  ne  demeurent  en  souffrance  pendant  la  période  de 
transition  plus  ou  moins  longue  dans  laquelle  l'un  et  l'autre 
ont  des  travaux  à  exécuter.  Aux  termes  de  ces  articles, 
le  fermier  sortant  doit  assurer,  à  celui  qui  lui  succède, 
les  logements  convenables  et  autres  facilités  pour  les  tra- 
vaux de  l'année  suivante,  et  réciproquement  le  fermier 
entrant  doit  procurer  à  celui  qui  sort  les  mêmes  facilités 
pour  la  consommation  des  fourrages  et  les  récoltes  qui 


restent  à  faire.  Le  fermier  sortant  doit  laisser  les  pailles 
et  fourrages  de  l'année,  quand  même  il  ne  les  aurait  pas 
reçus. 

Indemnités  dues  au  fermier  pour  améliorations. 
La  question  de  l'indemnité  due  au  fermier  sortant  pour 
améliorations  foncières  a  été  et  est  encore  très  discutée  ; 
elle  consiste  en  ce  fait  que  le  fermier  qui  a  fait  des  amé- 
liorations permanentes  ou  temporaires,  dont  il  ne  peut  bé- 
néficier assez  longtemps  pour  rentrer  dans  ses  avances, 
doit  être  indemnisé  par  le  propriétaire.  Cette  indemnité 
existe  en  Angleterre  depuis  1883.  En  France,  le  projet  de 
loi  de  M.  Dugué  de  La  Fauconnerie  adopte  le  principe  de 
l'indemnité  établie  par  deux  ou  trois  experts.  Cependant 
certaines  améliorations  échappent  à  une  estimation  exacte; 
peut-être  la  loi  la  plus  juste  est-elle  encore  la  liberté  en- 
tière. Si  le  fermier  se  propose  de  faire  des  améliorations, 
il  doit  les  discuter  avec  le  propriétaire  avant  la  signature 
du  contrat  de  louage.  Dans  beaucoup  de  pays,  la  question 
est  réglée  d'une  manière  très  simple  :  le  propriétaire 
avance  les  fonds  nécessaires,  et  le  fermier  lui  en  paye  l'in- 
térêt jusqu'à  la  fin  de  son  bail;  si,  à  l'expiration  de  celui-ci, 
le  fermier  renouvelle  le  contrat,  l'intérêt  rentre  dans  le 
prix  de  fermage  qui  se  trouve  augmenté;  ceci  s'applique 
aux  fossés  d'écoulement,  à  la  création  de  chemins,  de  cons- 
tructions nouvelles,  de  travaux  de  drainage  ou  d'irriga- 
tion. Albert  Larbalétrier. 

Bibl.  :  Droit  grec—  Euler,  De  Locatione,  conductione 
alque  emphyteusi  Greecorum,  1882.  —  Dareste,  Haus- 
soullier  et  Th.  Reinagh,  Recueil  des  inscriptions  juri- 
diques grecques,  pp.  235  et  suiv. 

FERMAI L  (Archéol.).  Synonyme  d'agrafe  ou  de  mors 
de  chape,  objet  destiné  à  réunir  les  deux  parties  d'un  vête- 
ment sur  l'épaule,  la  poitrine,  etc.  C'était  quelquefois  un 
simple  ornement  en  métal  qui  s'attachait  aux  habits  comme 
notre  broche.  Il  y  avait  des  fermaiis  à  couvercle  en  verre, 
en  cristal  de  roche  ou  même  en  pierre  précieuse  qui  ser- 
vaient de  médaillons  et  le  plus  souvent  de  reliquaires.  De 
là  et  par  extension,  on  donna  ce  nom  aux  joyaux  des  ordres 
de  chevalerie,  aux  appliques  des  gants  épiscopaux,  puis  au 
joyau  central  d'une  couronne  et  d'un  diadème,  enfin  à  la 
couronne  elle-même  en  tant  qu'elle  était  seulement  un  objet 
de  parure  de  femme.  Le  diminutif  de  fermait  est  fermil- 
let.  Les  fermaiis  étaient  faits  par  les  joailliers,  les  émail- 
leurs,  les  ouvriers  en  laiton  et  les  bimbelotiers.  Au 
xvme  siècle,  outre  les  orfèvres,  une  corporation  de  fer- 
maillers  partageait  la  fabrication  et  la  vente  des  fermaiis. 
En  terme  de  blason,  on  nommait  fermait  (au  pluriel  fer- 
maux)  une  figure  reproduisant  ces  sortes  d'agrafes  dans 
les  pièces  de  Vécu.  Il  y  en  avait  de  diverses  formes  : 
ronds,  ovales,  carrés  ou  en  losange.  On  appelait  fermailles, 
au  pluriel,  des  joyaux  de  toute  forme  que  l'on  donnait  en 
garantie  d'un  enjeu  ou  d'une  convention.        C.  St-A. 

Bibl.  :  Bosc,  Dict.  de  l'art  de  la  curiosité  ou  de  bibelot  ; 
Paris,  1883,  in-8.  —  V.  Gay,  Gloss.  archéol.  du  moyen  âge 
et  de  la  Renaissance  ;  Paris,  1887,  in-4. 

FERMAI  LLERS.  Ancienne  corporation  qui  avait  le  droit 
de  fabriquer  des  anneaux,  des  dés  à  coudre,  des  fermaux, 
fermillets,  etc.,  espèces  d'agrafes  pour  les  vêtements,  des 
boucles,  des  grelots,  des  fermoirs  à  livres.  Ils  pouvaient 
vendre  en  boutique  exclusivement,  c.-à-d.  n'étaient  pas 
tenus  d'étaler  aux  halles.  Ils  pouvaient  colporter.  Le  maître 
ne  pouvait  avoir  qu'un  apprenti  à  la  fois  :  l'apprentissage 
durait  huit  ans,  et  l'étranger  qui  venait  s'établir  à  Paris 
n'y  était  reçu  qu'à  cette  même  condition.  La  seule  matière 
première  indiquée  au  Livre  des  métiers  (titre  62)  est  le 
laiton  de  Paris  ;  mais  les  fermaillers  y  ajoutèrent  par  la 
suite  le  cuivre  (réservé  aux  fondeurs  et  mouleurs  par  le 
titre  61)  ;  le  Dictionnaire  de  Jean  de  Garlande  (n°  49) 
leur  attribue  aussi  le  plomb,  l'étain  et  le  fer.     H.  Monin. 

FERMANAGH.  Comté  méditerranéen  d'Irlande,  prov. 
d'Ulster,  borné  au  N.-O.  par  le  Donegal,  au  N.-E.  par  le 
comté  de  Tyrone,  à  l'E.  par  celui  de  Monaghan,  et  au 
S.-O.  par  ceux  de  Cavan  et  de  Leitrim;  4,691  kil.  q.  ; 
84,878  hab.  en  4881   (dont  47,359  catholiques).  Il  est 


FERMANAGH  —  FERMAT 


278  — 


subdivisé  en  8  baronnies,  73  paroisses  et  2,183  villages. 
La  ville  principale  est  le  ch.-l.  Enniskillen,  reliée  par 
chemins  de  fer  à  Clones,  àBundoran  et  à  Londonderry. — 
Ce  comté  est  situé  dans  le  bassin  de  l'Erne,  qui  le  coupe 
en  deux.  A  l'O.,  pays  montueux,  d'apparence  stérile,  pitto- 
resque cependant  aux  environs  de  l'Upper  et  du  Lower 
Lough  Erne,  lacs  formés  par  des  épanchements  de  l'Erne 
et  semés  de  près  de  deux  cents  îlots.  L'Erne  forme  à 
Belleck  une  cascade  célèbre,  voisine  des  meilleures  mines 
de  fer  du  comté.  Le  plus  haut  sommet  est  le  Cuilcagh 
(667  m.).  A  TE.,  une  plaine  bornée  par  les  collines  limi- 
trophes de  la  frontière  (Slieve-Beagh,  383  m.).  —  L'in- 
dustrie est  nulle,  le  Fermanagh  ayant  toujours  été  par 
excellence  un  comté  agricole  et  pastoral.  La  moitié  du  ter- 
rain est  en  pâturages,  moins  du  quart  est  labouré;  10  °/0 
est  couvert  par  les  eaux.  Plus  de  la  moitié  du  sol  appartient 
à  dix  propriétaires  seulement,  dont  les  principaux  sont  les 
marquis  d'Ely,  les  comtes  d'Erne  et  d'Enniskillen.  —  La 
population,  qui  augmenta  régulièrement  jusqu'en  1841, 
a  décru  depuis  dans  d'énormes  proportions  (54  °/0  de 
1841  à  1881).  Elle  professe  la  religion  catholique  (56%) 
et  le  protestantisme.  —  Les  yeomen  de  Fermanagh  (Fer- 
managh men)  furent  en  Irlande  les  plus  zélés  partisans 
de  Guillaume  III  contre  les  Irlandais  fidèles  aux  Stuarts,  en 
1688-89.  Ch.-V.  L. 

FERMANVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Cherbourg,  cant.  de  Saint-Pierre-Eglise  ;  1,334  hab. 

FERMAT  (Pierre),  mathématicien  français,  né  à  Beau- 
mont-de-Lomagne  en  août  1601  (baptisé  le  20),  mort  à 
Castres  le  12  janv.  1665.  Fils  de  Dominique  Fermât, 
bourgeois  et  second  consul  de  Beaumont,  et  de  Claire  de 
Long,  qui  appartenait  à  une  famille  parlementaire,  Pierre, 
après  avoir  reçu  sa  première  éducation  chez  les  cordeliers 
de  Beaumont,  termina  ses  études  à  Toulouse  en  se  desti- 
nant à  la  magistrature.  Installé  comme  commissaire  aux 
requêtes  le  14  mai  1631,  il  épousait,  le  ltr  juin,  Louise 
de  Long,  cousine  de  sa  mère.  Sa  nomination  comme  con- 
seiller de  la  chambre  des  enquêtes  est  du  30  déc.  1634  ; 
il  obtint,  assez  difficilement,  de  passer  dans  la  chambre  de 
l'édit  en  août  1648,  et  mourut  à  Castres,  deux  jours  après 
y  avoir  rapporté  un  procès.  Il  laissa  cinq  enfants  :  Clé- 
ment-Samuel (Y.  ci-après)  ;  Jean,  archidiacre  de  Fima- 
rens;  Claire,  dont  un  petit-fils,  Jean  Gailhard,  succéda 
comme  conseillera  Jean-François,  fils  de  Clément-Samuel; 
enfin  Catherine  et  Louise,  qui  furent  toutes  deux  reli- 
gieuses. C'est  seulement  comme  conseiller  à  la  cour  que 
Fermât  prit,  suivant  l'usage,  la  particule  nobiliaire,  qu'on 
ajoute  assez  souvent  à  son  nom.  —  Tandis  que  sa  car- 
rière de  magistrat  s'écoulait  obscurément,  par  sa  corres- 
pondance avec  quelques  savants  de  son  temps  et  par  la 
communication  en  manuscrit  de  traités  composés  en  latin, 
il  s'acquit,  dès  1637,  le  renom  d'un  géomètre  hors  de  pair. 
Ses  principales  relations  furent  d'abord  avec  Despagnet  (le 
fils),  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux,  Carcavi,  qui, 
d'abord  son  collègue  à  Toulouse,  le  mit  en  rapport,  une 
fois  à  Paris,  avec  Beaugrand  et  Mersenne,  et  qu'il  fit  le 
dépositaire  de  ses  écrits.  Le  minime  fut  un  des  agents 
les  plus  considérables  de  la  propagation  des  travaux  de 
Fermât  ;  il  l'engagea  en  1637  dans  une  dispute  célèbre 
avec  Descartes  sur  l'explication  de  la  réfraction,  dispute 
qui  s'étendit  bientôt  à  la  méthode  de  maximis  et  minimis 
dont  Fermât  était  l'inventeur,  et  qui  se  termina  par  une 
réconciliation  apparente.  C'est  également  par  Mersenne  que 
Fermât  connut  Roberval  et  Frénicle.  Plus  tard,  Carcavi  le 
mit  en  rapport  avec  Biaise  Pascal  et  probablement  aussi 
avec  Digby,  lequel  lui  donna  l'occasion  du  défi  et  du  pro- 
cès mathématique  dont  les  pièces  sont  réunies  dans  le 
Commercium  epistolicum  de  Wallis.  Fermât,  après  avoir 
plusieurs  fois  entretenu  Carcavi  du  projet  de  publier  ses 
œuvres,  sans  y  mettre  toutefois  son  nom,  mourut,  n'ayant 
fait  imprimer  qu'une  seule  dissertation  sous  les  initiales 
M.  P.  E.  A.  S.,  en  1660  (à  la  suite  -du  traité  de  Lalou- 
vère  sur  la  cycloïde),  où  il  démontrait,  à  la  façon  d'Archi- 


mède,  la  rectification  de  courbes  géométriques.  Pour  une 
de  ces  courbes,  il  avait  été  devancé,  sans  qu'il  le  sût,  par 
Neil  et  Van  Heuraet;  la  rectification  d'une  autre  (dévelop- 
pée de  l'hyperbole  équilatère)  lui  appartient  sans  conteste. 
Son  fils  Samuel  s'occupa  de  publier  les  écrits  de  son  père, 
mais  il  éprouva  les  plus  grandes  difficultés,  car,  d'un  côté, 
il  n'était  nullement  mathématicien  ;  d'autre  part,  Fermât 
n'avait  pas  l'habitude  de  conserver  de  papiers,,  même  de 
copies  de  ses  travaux,  et  Carcavi  montra  une  mauvaise 
volonté  peu  explicable. 

Samuel  commença  en  tous  cas  par  réimprimer,  en  1670, 
l'édition  gréco-latine  du  Diophante  de  Bachet  de  Méziriac, 
en  y  insérant  les  célèbres  Observations  que  son  père 
avait  consignées  en  marge  de  son  exemplaire  et  le  Doctri- 
nes analyticœ  inventum  novum,  rédigé  par  le  P.  de 
Billy  sur  les  lettres  (perdues)  que  lui  avait  adressées  Fer- 
mat  à  propos  des  problèmes  d'analyse  indéterminée.  Neuf 
ans  plus  tard,  Samuel  était  enfin  parvenu  à  réunir  la  plu- 
part des  écrits  latins  de  son  père  et  un  nombre  suffisant  de 
lettres  inédites  ;  laissant  de  côté  celles  qui  avaient  déjà  été 
publiées  par  Clerselier  dans  la  correspondance  de  Des- 
cartes ,  il  fit  imprimer  Fin-folio  connu  sous  le  titre  de 
Varia  opéra,  qui  a  été,  jusqu'à  nos  jours,  le  seul  volume 
où  l'on  ait  pu  étudier  les  travaux  de  Fermât,  et  dont  les 
incorrections  sont  malheureusement  excessives.  Une  édi- 
tion nouvelle  et  considérablement  augmentée  est  actuel- 
lement en  cours  de  publication  aux  frais  de  l'Etat. 

Le  nom  du  géomètre  de  Toulouse  est  inséparable  de  la 
théorie  des  nombres  dont  il  jeta  les  fondements  en  étu- 
diant Diophante.  Comme,  de  son  temps,  l'attention  se  portait 
beaucoup  plus  sur  les  solutions  de  problèmes  que  sur  les 
théorèmes,  et  qu'après  lui,  l'invention  du  cateul  infinitési- 
mal absorba  les  esprits,  ses  propositions  généralement 
énoncées  sans  démonstration  dans  sa  correspondance  ou 
dans  les  observations  sur  Diophante,  restèrent  infécondes 
jusqu'à  Euler,  et  l'on  ne  peut  être  encore  assuré  d'en 
savoir  sur  ce  sujet  autant  que  lui.  Si  une  de  ces  proposi- 
tions (que  2'2  + 1  soit  un  nombre  premier)  a  été  reconnue 
fausse,  il  en  est  surtout  une  autre  (que  xn  +  yn  =  %n 
soit  impossible  en  nombres  entiers,  si  n>  2)  qu'on  suppose 
vraie,  sans  avoir  pu,  jusqu'à  présent,  la  démontrer  dans 
toute  sa  généralité.  Quoiqu'il  déclare  formellement  possé- 
der la  démonstration  de  cette  dernière  proposition  (ce 
qu'il  n'a  jamais  fait  pour  la  première),  eu  égard  à  sa  mé- 
thode de  travail  de  tête,  une  erreur  de  sa  part  n'est  pas 
impossible  (ses  écrits,  même  les  plus  travaillés,  pourraient 
en  donner  des  preuves).  Elle  ne  diminuerait  pas  en  tout 
cas  la  gloire  d'un  homme  qui  a  le  premier  abordé  des 
questions  de  cet  ordre  et  trouvé  des  méthodes  pour  les 
résoudre.  On  fait  aussi  honneur  à  Fermât  de  l'invention 
du  calcul  différentiel  à  propos  de  sa  méthode  des  maxima 
et  minima  et  des  tangentes,  qui,  des  procédés  antérieurs, 
est  en  réalité  le  plus  voisin  de  l'algorithme  de  Leibniz  ; 
on  pourrait,  avec  autant  de  justice,  lui  attribuer  l'inven- 
tion du  calcul  intégral  ;  son  traité  De  OEquationum  loca- 
lium  transmutatione,  etc.,  donne  de  fait  la  méthode 
d'intégration  par  parties,  en  même  temps  que  des  règles 
pour  intégrer,  en  dehors  des  puissances  quelconques  'des 
variables,  leurs  sinus  et  les  puissances  de  ceux-ci.  Il  faut 
toutefois  remarquer  qu'on  ne  trouve  pas  dans  ses  écrits  un 
seul  mot  sur  le  point  capital,  la  relation  entre  les  deux 
branches  du  calcul  infinitésimal.  Mais  ce  que  l'on  néglige 
d'ordinaire  de  remarquer,  c'est  que  Fermât  partage  avec 
Descartes  l'invention  de  la  géométrie  analytique  ;  il  l'a 
conçue  à  la  même  époque,  d'une  façon  tout  indépendante 
et  sous  une  forme  qui  se  rapproche  plus  de  la  classique 
que  celle  de  Descartes  (Isagoge  ad  locos  pianos  et  soli- 
dos).  Il  a  corrigé  son  rival  sur  un  point  essentiel,  la  clas- 
sification par  degrés.  Il  a  d'ailleurs  le  premier  tenté  de 
s'étendre  à  trois  dimensions,  dans  un  essai  d'ailleurs  mal- 
heureux (Isagoge  ad  locos  ad  super/idem),  où,  essayant 
de  classer  les  surfaces  du  second  degré,  il  ne  reconnaît 


—  279  — 


FERMAT  —  FERME 


comme  réglés  que  les  cônes  et  les  cylindres.  En  algèbre 
pure,  on  lui  doit  en  particulier  la  première  méthode  géné- 
rale d'élimination.  Il  peut  être  regardé  avec  Pascal  comme 
l'inventeur  du  calcul  des  probabilités.  Enfin,  il  a  laissé,  en 
géométrie  ancienne,  des  travaux  remarquables,  en  particulier 
une  restitution  des  Lieux  plans  d'Apollonius.  En  dehors  de 
ses  aptitudes  mathématiques,  Fermât  possédait  une  érudition 
singulière  ;  la  philologie  grecque  et  latine  lui  doit  diverses 
corrections  importantes,  et  il  se  plaisait  à  composer  des 
vers  latins.  Son  caractère,  d'après  sa  correspondance,  se 
montre  aflable,  peu  susceptible,  sans  orgueil,  mais  avec  cette 
pointe  de  vanité  que  Descartes,  son  contraire  à  tous  égards, 
caractérisait  en  disant  :  «  M.  de  Fermât  est  Gascon  ;  moi,  je 
ne  le  suis  pas.  »  P.  Tannery. 

Théorème  de  fermât. —  Ce  théorème  fondamental  dans 
la  théorie  des  nombres  peut  s'énoncer  ainsi  :  si  p  est  un 
nombre  premier  qui  ne  divise  pas  a, 

ar       —  1 
est  divisible  par  p;  il  a  été  généralisé  de  plusieurs  manières. 

FERMAT  (Samuel  de),  écrivain  français,  fils  du  précé- 
dent, né  à  Toulouse  en  1632,  mort  en  1690.  Avocat  et  con- 
seiller au  Parlement.  On  a  de  lui  :  Variorum  carminum 
libri  IV  (Toulouse,  1680,  in-8)  ;  Dissertationes  de  re 
militari,  de  autoritate  Homeri  apud jurisconsultes,  etc. 
(Toulouse,  1680,  in-8),  et  une  traduction  des  Traités  de 
la  chasse  d'Aman  et  d'Oppian  (Paris,  1680,  in-12). 

FERME.  ï.  Charpente.  —  Une  ferme  est  une  cons- 
truction formée  de  pièces  placées  dans  un  même  plan 
vertical  et  disposées  de  manière  à  supporter  des  charges, 
en  reposant  sur  un  nombre  restreint  de  points  d'appui, 
ordinairement  sur  les  deux  extrémités  seulement.  La  ferme, 
qui  porte  quelquefois  le  nom  de  charpente,  se  fait  en  bois 
ou  en  métal  ;  elle  sert  le  plus  souvent  à  soutenir  la  cou- 
verture d'un  édifice,  ou  bien  elle  constitue  la  partie  prin- 
cipale des  cintres  servant  à  la  construction  des  voûtes.  Les 
fermes  des  cintres  seront  décrites  à  l'art.  Pont  ;  je  ne 
parlerai  ici  que  des  fermes  de  combles,  dont  quelques 
exemples  ont  déjà  été  donnés  à  l'art.  Charpente. 

Réduite  à  ses  éléments  essentiels,  une  ferme  de  couverture 
se  compose  de  deux  pièces  inclinées  A  A  (fig.  1)  appelées  arba- 
létriers dont  les  extrémités  inférieures  sont  réunies  par  une- 


Fig.  l. 


pièce  horizontale  TT  qui  s'oppose  à  leur  écartement  et  qui, 
pour  cela,  porte  le  nom  de  tirant  ou  d' entrait.  Lorsque  le 
tirant  est  un  peu  long,  il  y  a  utilité  à  le  soutenir  en  son  milieu 
au  moyen  d'une  pièce  verticale  PP,  appelée  poinçon,  qui 
s'attache  à  la  partie  supérieure  des  deux  arbalétriers.  Dans 
les  fermes  en  bois  que  je  vais  décrire  d'abord,  les  extré- 
mités des  arbalétriers  sont  assemblées  à  embrèvement  dans 
le  tirant  et  dans  le  poinçon,  et  celui-ci  traverse  le  tirant 
par  un  tenon  assez  long  pour  recevoir  une  cheville  au- 
dessous  de  la  pièce  horizontale.  Ce  tenon  s'appelle  tenon 
passant.  Les  diverses  fermes  d'un  comble  sont  établies  dans 
des  plans  parallèles  à  des  distances  ordinairement  comprises 
entre  3  et  4  m.  Des  pièces  horizontales,  placées  dans  le  sens 


longitudinal,  reposent  sur  ces  fermes  parallèles  et  portent 
les  chevrons  BB  sur  lesquels  est  placée  la  couverture  pro- 
prement dite.  Les  pièces  longitudinales  sont  d'abord  la 
sablière  S,  placée  sur  l'extrémité  du  tirant  et  sur  laquelle 
s'appuie  l'extrémité  inférieure  des  chevrons  ;  le  faîte  G  qui 


Fig.  2, 


reçoit  leurs  extrémités  supérieures  et  qui  repose  sur  les 
abouts  des  poinçons.  Afin  de  maintenir  les  fermes  dans 
leur  plan  vertical,  des  pièces  inclinées  H,  appelées  aisse- 
liers,  réunissent  le  poinçon  au  faîte  et  consolident  les  angles 
formés  par  ces  pièces.  Enfin,  si  les  chevrons  sont  assez 
longs,  il  est  nécessaire  de  les  soutenir  en  plusieurs  points 
intermédiaires,  ce  que  l'on  fait  par  des  pannes  D,  D,  reposant 


Fig.  3. 


sur  les  arbalétriers  sur  lesquels  elles  sont  maintenues  par 
des  tasseaux  en  forme  de  trapèze  F,  appelés  chantignolles. 
Alors,  pour  éviter  la  flexion  des  arbalétriers  sous  le  poids 
de  ces  pannes  on  les  soutient  par  des  contrefiches  inclinées 
CC,  venant  s'appuyer  sur  le  poinçon  ou  par  des  jambettes 
JJ  s'appuyant  sur  le  tirant.  Avec  ces  dispositions,  l'espace 
compris  entre  le  tirant  et  la  couverture  ne  peut  être  utilisé, 
à  cause  des  pièces  diverses,  poinçons,  jambettes,  contre- 
fiches,  etc.,  qui  l'encombrent.  On  remédie  à  cet  inconvénient 
par  la  disposition  représentée  dans  la  fig.  2.  Le  tirant  est 
relevé  au-dessous  de  la  dernière  panne,  en  T'T'  et  s'appelle 
alors  entrait  retroussé  ;  ne  pouvant  plus  s'appuyer  sur  les 
murs  de  l'édifice,  il  repose  sur  des  jambes  de  force  MM 
qui  s'appuient  elles-mêmes  sur  les  extrémités  d'un  tirant 
inférieur  TT  portant  un  plancher.  La  sablière  S  repose  sur 
un  faux  tirant  ou  blochet  NN  qui  vient  s'assembler  dans 
la  jambe  de  force  vers  le  milieu  de  sa  longueur.  L'espace 


FERME  -  280  — 

compris  entre  les  deux  entraits  TT,  TT'  et  les  jambes  de 
force  MM  est  entièrement  libre  et  peut  servir  à  l'habitation. 
On  obtient,  à  ce  point  de  vue,  une  solution  plus  satis- 
faisante par  le  comble  brisé  ou  à  la  Mansart  (fig.  3),  qui 
ne  diffère  du  précédent  qu'en  ce  que  le  chevronnage  et  la 
couverture  suivent,  au-dessous  de  la  dernière  panne,  l'in- 
clinaison de  la  jambe  de  force  MM.  La  sablière  S  se  place 
alors  sur  les  extrémités  des  tirants  inférieurs  T.  IL  est 
utile,  lorsque  la  direction  de  la  jambe  de  force  MM  ne 
s'écarte  pas  beaucoup  de  la  verticale,  d'assurer  l'invaria- 
bilité de  la  forme  du  comble  par  des  aisselliers  VV  réunis- 
sant cette  jambe  de  force  à  l'entrait  supérieur.  On  trouvera 
à  l'art.  Charpente  d'autres  exemples  de  fermes  en  bois  et 
particulièrement  de  fermes  sans  tirants;  j'en  indiquerai 
d'autres  un  peu  plus  bas,  mais  auparavant,  je  crois  inté- 
ressant de  donner  le  croquis  (fig.  4)  d'une  ferme  de  49  m. 


de  portée,  construite  à  Moscou  par  M.  Bétancourt,  pour 
couvrir  une  salle  d'exercice,  et  qui  a  pu  être  exécutée,  malgré 
son  ouverture  exceptionnellement  grande,  avec  des  pièces 
de  dimensions  relativement  faibles.  Les  arbalétriers  sont 
formés  de  pièces  superposées  dont  le  nombre  va  en  décrois- 
sant de  bas  en  haut  ;  les  poinçons,  au  nombre  de  sept,  sont 
des  moises  verticales  qui  embrassent  entre  elles  toutes  les 
autres  pièces.  Le  tirant  est  constitué  par  deux  poutres 
assemblées  à  crans  et  réunies  par  des  boulons  ;  il  repose 
sur  le  mur  par  l'intermédiaire  d'un  certain  nombre  de 
sablières. 

On  peut  couvrir  un  espace  assez  grand,  sans  employer 
de  tirants,  en  adoptant  une  forme  de  ferme  analogue  à  celle 
de  la  fig.  5  qui  est  due  à  Ardant  dont  le  nom  a 'été  donné 
au  type  qu'elle  représente.  Les  deux  contrefiches  CCetDD, 
et  la  jambe  de  force  BB  réunies  par  la  moise  EE  forment 
un  système  triangulé  qui  supporte  la  partie  inférieure  de 
l'arbalétrier  en  s'appuyant  sur  une  sablière  S.  Une  autre 
sablière  S'  est  destinée  à  recevoir  les  extrémités  des  che- 


vrons et  des  coyaux.  Les  fermes  Emy  rentrent  à  peu  près 
dans  le  même  type,  avec  cette  différence  caractéristique 
que  l'arbalétrier  est  supporté  par  une  pièce  courbe,  en  forme 
de  demi-circonférence  et  constituée  par  des  madriers  cour- 


Fig.  5. 


Fig.  6. 


bés  isolément  et  réunis  ensuite  par  des  boulons  qui  s'op- 
posent à  leur  redressement  (fig.  6).  L'arc  ainsi  constitué 
est  relié  par  des  moises  à  l'arbalétrier  et  à  des  pièces 
obliques  (fig.  7)  qui  constituent  avec  lui  un  système  de 
forme  invariable  et  très  résistant. 

Les  dimensions  des  diverses  pièces  d'une  ferme  se  cal- 
culent par  les  règles  ordinaires  de  la  résistance  des  maté- 
riaux et  plus  souvent  par  les  procédés  de  la  Statique 
graphique  (V.  ce  mot),  en  supposant  que  les  pièces  sont 
articulées  à  leurs  points  d'assemblage.  L'approximation  que 
l'on  obtient  ainsi  est  en  général  suffisante.  Pour  les  fermes 


DESIGNATION 


Tirant,  sans  plancher . . . 
Tirant,  avec  plancher. . . 

Entrait  retroussé 

Jambes  de  force 

Arbalétriers 

Poinçon 

Contrefiches  et  jambettes 
Aisseliers  de  l'entrait . . . 

Faîte 

Aisseliers  du  faîte 

Pannes  et  chantignolles. . 

Sablières 

Chevrons 


FERME  SIMPLE 
Fig.  1 


6  m. 


27/24 


22/49 
19/19 
16/16 

» 
19/16 
45/45 
49/19 
12/23 
9/9 


33/30 

» 


26/24 
24'24 
19/19 

» 
20/17 
16/16 
20/20 
14/25 
10/10 


12  m. 


40/36 


32/30 
30/30 

21/21 

» 
22/19 
17/17 
22/22 
46/28 
44/11 


FERME 

à  entrait  retroussé 
Fig.  2 


6  m. 


42/30 
21/19 
24/19 
18/15 
15/15 
14/14 
19/15 
19/16 
15/45 
49/19 
42/23 
9/9 


9  m. 


52/37 
27/24 
29/24 
22/48 
48/48 
16/46 
24/18 
20/47 
46/46 
20/20 
44/25 
40/40 


12  m. 


63/45 
33/30 

35/30 
27/22 
22/22 
48/48 
30/22 
22/49 
47/17 
22/22 
46/28 
41/44 


FERME 

la  Mansart 
Fig.  3 


6  m. 


42/30 
23/20 
22/20 
20/48 
48/48 
44/44 
20/43 
49/16 
15/15 
19/19 
12/23 
9/9 


9  m. 


52/37 
30/27 
29/27 
25/23 
23/23 
16/16 
27/18 
20/17 
16/16 
20/20 
14/25 
10/10 


12  m. 


63/45 
36/33 
34/33 
30/28 

28/28 
18/18 
33/22 
22/19 
17/17 
22/22 
16/28 
11/11 


les  plus  simples  et  les  plus  usitées,  qui  sont  représentées 
paries  figures  4,  2  et 3,  on  peut,  dans  les  conditions  les 
plus  ordinaires,  lorsque  ces  fermes  sont  espacées  de  3  à 
4  m.  au  plus,  adopter,  sans  calcul,  les  dimensions  indi- 


quées dans  le  tableau  ci-dessus,  qui  sont  données  dans 
le  cours  de  construction  de  l'Ecole  d'application  de  l'ar- 
tillerie et  du  génie.  Les  dimensions  des  pièces  sont  expri- 
mées en  centimètres  ;  le  premier  chiffre  est  celui  de  la 


281  — 


FERME 


hauteur  de  la  pièce  ou  plus  exactement  de  sa  dimension 
parallèle  au  plan  de  la  ferme  ;  le  second  est  celui  de  la  dimen- 
sion perpendiculaire.  Les  dimensions  sont  données  pour 


les  trois  types  et  pour  des  portées  de  6  m.,  9  m.  et  12  m. 
Pour  les  fermes  Ardant  (fig.  5)  voici  les  dimensions 
indiquées  par  Morin  pour  les  principales  pièces  : 


DESIGNATION 


Arbalétriers 

Sous-arbalétriers  et  aisseiiers 

Moïses 

Jambe  de  force 


PORTEES    DE 


20  m. 


20/20 
20/20 
20/12,5 
25/20 


22  m. 


22/20 
20/20 
22/12,5 
25/20 


21  m. 


25/20 
20/20 
25/12,5 
25/20 


Pour  les  fermes  Emy  (fig.  7)  les  mêmes  dimensions  peu- 
vent être  appliquées  aux  arbalétriers  et  aux  moises.  En  ce 
qui  concerne  l'arc,  on  admet  ordinairement  qu'il  ne  sup- 
porte qu'un  tiers  de  la  charge  totale,  les  deux  autres  tiers 


Fig.  7. 

étant  portés  par  les  arbalétriers  et  les  pièces  de  triangu- 
lation. Dans  cette  hvpothèse,  on  peut  calculer  les  dimensions 
b  (épaisseur)  et  h  hauteur  de  la  pièce  en  arc  par  les  for- 
mules suivantes  où  P  désigne  la  charge  totale  à  supporter 
et  p  le  rayon  moyen  de  Parc. 

Si  la  charge  P  est  uniformément  répartie  sur  la  circon- 
férence : 

300,000  bh2  =  P  (0,599  h-f  0,27  p)  ;^ 
si  la  charge  P  est  uniformément  répartie  sur  l'horizontale: 

300,000  bh2  —  ?  (0,680/i  + 0,25 p); 
si  la  charge  P  est  appliquée  au  sommet  ou  en  deux  points 
symétriques  de  Parc  : 

300,000  bh2  =  ?(0$91h-±0,}fôp). 
La  dimension  b  étant  choisie  arbitrairement,  chacune  de 
ces  formules  deviendra  une  équation  du  second  degré  en  h 
d'où  l'on  déduira  cette  hauteur  inconnue. 

Les  fermes  métalliques  présentent  une  variété  de  formes 
bien  plus  grande  encore  que  celles  en  bois,  et  leur  classi- 
fication n'est  pas  aussi  bien  établie,  précisément  à  cause 
du  nombre  considérai  e  de  types  différents.  Voici  celle  que 
M.  de  Dartein  a  adoptée  daus  le  cours  d'architecture  qu'il 
professe  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées.  Il  établit  d'abord 
deux  grandes  divisions  principales  suivant  que  les  fermes 
font  partie  (A)  de  combles  formés  d'une  suite  de  travées 
couvrant  un  espace  rectangulaire  ou  annulaire;  (B)  de 
combles  en  formes  de  dômes  couvrant  un  espace  circulaire, 


ovale  ou  polygonal.  La  première  division  (A)  est  de  beau- 
coup la  plus  importante  par  le  nombre  des  applications  et 
la  variété  des  systèmes.  M.  de  Dartein  y  distingue  deux 
groupes  principaux  ayant  pour  trait  distinctif  l'emploi  ou 
le  non-emploi  de  tirants  sous  les  arbalétriers.  Ce  caractère 
présente  une  valeur  considérable  au  point  de  vue,  non 
seulement  de  l'aspect,  mais  encore  de  la  construction. 
Quand  on  se  passe  de  tirants,  ou  du  moins  de  tirants  ap- 
parents, il  faut  que  les  arba7,étriers  fassent  corps  avec  leurs 
soutiens  et  que  l'ensemble  iinsi  constitué  soit  assez  résis- 
tant et  assez  rigide  pour?  e  maintenir  par  soi-même  sans 
déformations.  Il  en  est  to  jt  autrement  quand  on  use  de 
tirants.  La  poussée  est  a7  ors  contenue  au  pied  de  la  toiture 
proprement  dite,  et  les  fermes,  au  lieu  de  se  continuer  dans 
leurs  supports,  reposent  simplement  sur  ceux-ci.  En  outre, 
la  présence  de  liens  sous  les  arbalétriers  permet  de  cons- 
truire ces  derniers  plus  légèrement.  Le  fait  de  la  présence 
ou  de  l'absence  de  tirants  apparents  a  donc  plus  de  valeur, 
comme  base  d'une  classification  rationnelle,  qu'aucun  des 
autres  caractères  de  la  structure.  A  ces  deux  groupes 
principaux  (a)  Fermes  à  tirants  et  (b)  Fermes  sans 
tirants,  M.  de  Dartein  en  ajoute  un  troisième  (c),  Fermes 
en  poutres  droites,  qui  constituent  un  type  courant  pour 
les  combles  d'établissements  industriels  et  qui  ont  été  em- 
ployées dans  quelques  halles  anglaises  (la  gare  Centrale,  à 
Glasgow  ;  la  gare  de  la  Citadelle,  à  Carliste).  Dans  la  divi- 
sion B,  il  n'y  a  pas  lieu  de  distinguer  des  groupes  ana- 
logues, car  tous  les  combles  en  forme  de  dôme  sont  main- 
tenus par  le  même  procédé  qui  consiste  dans  l'emploi  d'une 
semelle  continue  ou  ceinture  inférieure.  Chacun  des  trois 
groupes  de  la  première  division,  ainsi  que  la  deuxième 
elle-même,  est  divisé  en  classes  dont  les  caractères  sont 
fournis  par  la  forme  des  arbalétriers,  l'agencement  des 
tirants,  le  mode  de  liaison  des  différentes  pièces,  etc.  Ce 
qui  conduit,  en  définitive,  à  la  classification  suivante  : 

Combles  formés  d'une  suite  de  travées  couvrant  un 
espace  rectangulaire  ou  annulaire.  —  Fermes  a  tirants 
apparents  sons  les  arbalétriers  :  I.  Arbalétriers  recti- 
lignes  avec  tirant  unique.  IL  Arbalétriers  rectilignes  avec 
armature  à  une  ou  plusieurs  contrefiches  (dite  à  la  Polon- 
ceau).  III.  Arbalétriers  rectilignes,  avec  ou  sans  palier  sous 
la  lanterne,  soutenus  par  un  treillis  riveté.  IV.  Arc  cintré 
ou  polygonal  soutenu  par  un  treillis  articulé  à  grandes 
mailles  (Bow  string).  V.  Arc  à  tirant  rectiligne  ou  po- 
lygonal rattaché  par  des  aiguilles. 

Fermes  sans  tirants  apparents  ou  sans  tirants  : 
VI.  Arc  maintenu  par  un  tirant  placé  sous  le  sol.  VIL  Arc 
maintenu  par  des  massifs  de  fondation.  VIII.  Arc  sur 
piliers  contrebutés. 

Fermes  en  poutres  droites  :  IX.  Poutres  droites  à 
barres  articulées  ou  rivetées. 

Combles  en  formes  de  dômes  couvrant  un  espace  circu- 
laire, ovale  ou  polygonal.  —  X.  Coupoles  tronconiques. 
XI.  Coupoles  sphériques.  XII.  Coupoles  ellipsoïdales. 

Chacune  de  ces  douze  classes  peut  se  subdiviser  en  genres 
ou  variétés  d'après  des  caractères  d'ordre  secondaire;  ainsi, 
par  exemple,  toutes  celles  qui  comprennent  des  arcs  corn- 


FERME  -  FERMENTATION 


282  — 


porteront  naturellement  deux  subdivisions  suivant  que  l'arc 
sera  d'une  seule  pièce  ou  qu'il  sera  articulé.  Il  n'est  pas 
possible  de  donner  ici  des  dessins  détaillés  des  fermes  de 
tous  les  systèmes  dont  i]  existe  d'ailleurs  un  grand  nombre 
de  spécimens.  Pour  trouver  des  exemples  de  tous  les  types, 
il  faudrait  les  chercher  surtout  en  Angleterre  :  c'est  dans 
ce  pays  que  l'on  rencontre  la  plus  grande  variété  tant  dans 
les  systèmes  de  construction  que  dans  les  procédés  d'as- 
semblage. En  France,  à  part  quelques  exceptions,  on  s'est 
borné  à  deux  types,  l'un  articulé  (classe  II)  n'admettant 
que  des  tiges  rectilignes  et  qui  passe  à  l'étranger  pour  le 
type  français  ;  l'autre,  rigide  et  courbe  (classes  VI,  VII  et 
VIII),  sans  organes  rectilignes.  Dans  les  deux  cas,  le  parti 
est  très  franc,  l'organisme  très  simple,  la  disposition  ration- 
nelle et  intelligible  ;  on  s'est  préoccupé  de  l'effet  artistique. 
Aussi  la  plupart  des  grandes  fermes  françaises  sont-elles 
des  constructions  d'une  remarquable  élégance.  Celle  des 
ouvrages  allemands  paraît  être  le  raffinement  dans  la 
recherche  scientifique.  Pour  calculer  plus  exactement  la 
ferme,  pour  avoir  trois  points  par  où  passe  sûrement  la 
courbe  des  pressions,  on  rompt  l'arc  en  deux  pièces  arti- 
culées aux  naissances  et  au  sommet.  Pour  procurer  aux 
fermes  plus  de  stabilité  pendant  l'opération  du  levage, 
on  rapproche  ces  bâtis  deux  par  deux,  et  l'on  obtient  ainsi 
des  fermes  couplées  capables  de  résister  aux  causes  de  ren- 
versement. Ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  innovations  n'est 
d'origine  allemande,  mais  les  ingénieurs  allemands  ont  eu 
le  mérite  de  les  perfectionner  et  de  les  systématiser. 

Jusqu'à  présent,  les  plus  grandes  fermes  existantes  sont 
celles  du  palais  des  machines  de  l'Exposition  de  4889  qui 
mesurent  440m60  entre  leurs  points  d'appui,  les  grandes 
fermes  du  palais  des  arts  libéraux  de  l'Exposition  de  Chicago 
ne  différeront  de  cette  dimension  que  de  quelques  centi- 
mètres. Elles  seront  beaucoup  plus  hautes  :  la  rotule  de 
l'articulation  du  sommet  se  trouvera  à  61  m.  environ  au- 
dessus  du  sol,  alors  qu'au  palais  des  machines  cette  hauteur 
n'est  que  de  45  m.  environ.  A.  Flamant. 

IL  Théâtre.  —  Ce  qu'on  appelle  ferme,  en  matière  de 
machinerie  théâtrale,  est  une  partie  de  décoration  montée 
sur  châssis,  rigide  par  conséquent,  qui  se  tient  droite  sur 
la  scène  et  qui  monte  toujours  des  dessous  par  les  trappil- 
lons,  trappes  étroites  qui,  dans  les  théâtres  bien  machinés, 
tiennent  à  chaque  plan  toute  la  largeur  du  plancher.  Tout 
fragment  de  décor  qui  se  tient  debout  sans  être  ni  rideau 
ni  châssis  de  coulisses  est  une  ferme.  Le  fond  d'un  décor 
fermé  est  toujours  une  ferme  ;  de  même  les  parties  isolées 
du  décor,  qui,  placées  en  un  endroit  quelconque  de  la  scène 
en  dehors  de  ses  extrémités,  concourent  à  l'ensemble  :  par 
exemple,  dans  un  décor  de  paysage,  la  petite  maisonnette 
qui  se  détache  bien  en  vue  du  spectateur,  et  l'arbre  qui 
paraît  l'ombrager,  et  le  buisson  qui  se  trouve  non  loin  de 
là  ;  ou,  sur  une  place  publique,  la  fontaine  qui  semble 
verser  la  fraîcheur,  la  colonne  qui  s'élève  au  loin,  ou  la 
statue  placée  sur  son  piédestal.  Certaines  fermes  sont  très 
développées,  très  compliquées,  occupant  parfois  toute  la 
largeur  du  théâtre  et  comportant  des  ouvertures  nom- 
breuses, telles  que  portes,  fenêtres,  lucarnes,  etc.  ;  on 
conçoit  facilement  l'extrême  précision  qu'il  faut  apporter 
dans  l'ajustement  de  ces  décors  pour  que  la  manœuvre  s'en 
fasse  aisément  et  qu'ils  puissent,  sans  retard  ni  accident, 
surgir  des  dessous  par  les  ouvertures  étroites  destinées  à 
leur  livrer  passage.  Il  arrive  que  dans  un  changement  à 
vue,  un  grand  nombre  de  ces  fermes,  de  formes  et  de 
dimensions  diverses,  s'engouffrent  à  la  fois  dans  le  plan- 
cher, tandis  que  d'autres,  en  nombre  aussi  considérable  et 
de  natures  aussi  diverses,  apparaissent  tout  à  coup  pour 
former  ou  compléter  le  nouveau  décor.  Il  faut  donc,  de 
toute  nécessité,  que  ce  travail  soit  préparé,  combiné,  orga- 
nisé avec  une  attention  et  un  soin  tout  particuliers,  afin 
que  la  manœuvre  puisse  s'exécuter  rapidement,  avec  sûreté 
et  sans  l'ombre  même  d'une  hésitation.         A.  Pougin. 

III.  Agriculture  (V.  Fermage  et  Bâtiments  ru- 
raux). 


IV.  Ancienne  administration  (V.  Fermiers  géné- 
raux). 

FERME-Ecole.  Les  fermes-écoles  sont  des  établisse- 
ments d'enseignement  agricole  pratique.  Elles  ont  été  orga- 
nisées en  vertu  de  la  loi  du  3  ôct.  4848,  charte  de  l'ensei- 
gnement agricole.  Elle  les  définit  ainsi  :  la  ferme-école  est 
une  exploitation  rurale,  conduite  avec  habileté  et  profit, 
dans  laquelle  des  apprentis,  choisis  parmi  les  travailleurs 
et  admis  à  titre  gratuit,  exécutent  tous  les  travaux,  rece- 
vant, en  même  temps  qu'une  rémunération  de  leur  travail, 
un  enseignement  agricole  essentiellement  pratique.  Ces 
dispositions  ont  été  maintenues  dans  la  loi  du  30  juil. 
1875.  En  somme,  il  s'agit  d'établissements  d'apprentissage 
pour  les  enfants  des  familles  d'ouvriers  ruraux.  La  rému- 
nération consiste  en  une  prime  de  300  fr.  remise  à  la 
sortie  aux  enfants  qui  obtiennent  le  certificat  d'instruction. 
L'objectif  est  de  former  d'habiles  cultivateurs  praticiens, 
capables  d'exploiter  avec  intelligence  leur  propriété  ou  de 
cultiver  celle  d'autrui  en  qualité  de  fermiers,  métayers,  régis- 
seurs, ou  encore  de  devenir  de  bons  aides  ruraux,  commis 
de  ferme,  contremaîtres,  chefs  de  main-d'œuvre  ou  d'attelage. 
Les  fermes-écoles  sont  des  exploitations  dirigées  par 
leur  propriétaire  ou  fermier  ;  c'est  l'Etat  qui  y  place  les 
apprentis  dont  il  paye  la  pension,  de  même  qu'il  entretient 
le  personnel  enseignant.  La  pension  est  de  570  fr.  par  an. 
Le  directeur  bénéficie  en  outre  du  travail  des  élèves.  Ceux- 
ci  sont  en  nombre  variable;  c'est  l'arrêté  constitutif  de  la 
ferme-école  qui  détermine  ce  nombre  ;  mais  il  y  en  a  tou- 
jours au  moins  24.  Les  apprentis  sont  nommés  au  con- 
cours ;  les  matières  sont  celles  de  l'enseignement  primaire. 
Ils  doivent  avoir  au  moins  seize  ans  révolus.  La  durée  du 
séjour  est  de  deux  ou  trois  ans.  Le  régime  est  l'internat.  Les 
cultures  varient  selon  les  pays.  Le  personnel  enseignant  com- 
prend :  un  directeur;  un  instituteur  surveillant-comptable  ; 
un  jardinier-pépiniériste;  un  chef  de  pratique  agricole;  un 
vétérinaire,  un  instructeur  militaire.  L'inspection  de  l'agri- 
culture contrôle  les  écoles.  La  condition  fondamentale  est  que 
l'exploitation  soit  fructueuse  ;  il  serait  inutile  d'enseigner  le 
déficit  ;  celui-ci  entraîne  la  suppression  du  concours  de  l'Etat. 

Les  fermes-écoles  n'ont  pas  réussi  ;  les  premières  avaient 
été  créées  en  4832  ;  la  loi  de  4848  stipulait  qu'il  y  en 
aurait  une  par  département  et  ultérieurement  une  par 
arrondissement.  Leur  nombre  ne  dépassa  jamais  70  ;  il  a 
été  successivement  réduit  ;  en  4892,  il  n'y  en  avait  plus 
que  46,  plusieurs  ayant  d'ailleurs  été  transformées  en 
Ecoles  pratiques  d'agriculture  (V.  cet  art.,  t.  XV, 
pp.  474-75).  Voici  la  liste  de  celles  qui  subsistaient  en 
4892  :  Royat  (Ariège)  ;  Besplas  (Aude)  ;  Puilboreau  (Cha- 
rente-Inférieure) ;  Launoy  (Cher)  ;  Les  Plaines  (Corrèze)  ; 
La  Roche  (Doubs)  ;  Castelnau-les-Nauzes  (Haute-Garonne)  ; 
La  Rivière  (Gers)  ;  Machorre  (Gironde)  ;  Nolhac  (Haute- 
Loire)  ;  Le  Montât  (Lot)  ;  Chazeirolettes  (Lozère)  ;  Saint- 
Gautier  (Orne)  ;  Montlouis  (Vienne)  ;  Chavaignac  (Haute- 
Vienne)  ;  Beaufroy  (Vosges).  A.-M.  B, 

FERMENT  (V." Fermentation  et  Levure). 

FERMENTAIRES  (V.  Azymites). 

FERMENTATION.  I.  Chimie.  —  Le  mot  fermentation 
s'applique  aux  phénomènes  qui  résultent  de  l'action  sur  les 
matières  organiques  de  corps  organisés  ou  non,  les  fer- 
ments. Dans  toute  fermentation,  il  y  a  trois  choses  à  con- 
sidérer :  le  ferment,  la  matière  fermentescible,  les  produits 
de  leur  action  réciproque.  En  4  835,  Cagniard  de  La  Tour 
démontra  que  le  ferment  alcoolique  ou  levure  de  bière  était 
un  organisme  vivant,  et  il  émit  sur  son  rôle  dans  la  trans- 
formation du  sucre  en  alcool  une  opinion,  développée  depuis 
par  Pasteur,  qu'on  doit  considérer  comme  le  point  de 
départ  de  la  conception  moderne  des  fermentations  :  les 
globules  de  bière  n'agissent  sur  une  dissolution  de 
sucre  qu'autant  qu'Us  sont  en  vie,  d'où  l'on  peut  con- 
clure que  c'est  très  probablement  par  quelque  effet  de 
leur  végétation  qu'ils  dégagent  de  l'acide  carbonique 
de  cette  dissolution  et  la  convertissent  en  une  liqueur 
spintueuse.  En  1860,  M.  Berthelot  découvrit  que  la 


—  283 

levure  sécrète  une  matière  azotée  spéciale,  l'invertine, 
ferment  glucosique  capable  d'intervertir  le  sucre  de  canne, 
c.-à-d.  de  le  transformer  en  glucose  ordinaire  et  en  lévu- 
lose par  une  simple  hydratation  :  Dans  l'interversion  du 
sucre  de  canne,  dit  M.  Berthelot,  on  voit  clairement 
que  l'être  vivant  n'est  pas  le  ferment,  mais  que  c'est 
lui  qui  l'engendre.  Aussi,  les  ferments  solubles  une 
fois  produits  exercent-ils  leur  action  indépendam- 
ment de  tout  acte  vital  ultérieur  ;  cette  action  ne  pré- 
sente de  corrélation  nécessaire  à  V égard  d'aucun  phé- 
nomène physiologique.  Cette  observation  est  capitale,  car 
elle  permet  de  diviser  les  ferments  en  deux  séries  distinctes  : 
les  ferments  solubles  et  les  ferments  organisés. 

I.  Ferments  solubles.  —  Ils  dérivent  tous  d'organismes 
vivants,  appartenant  au  règne  végétal  aussi  bien  qu'au 
règne  animal.  Ce  sont  des  matières  organiques  azotées,  se 
rapprochant  des  matières  albuminoïdes,  qui,  placées  dans 
des  conditions  convenables,  jouissent  de  la  propriété  de 
dissoudre,  d'hydrater,  de  transformer  les  molécules  orga- 
niques. Ils  sont  amorphes,  solubles  dans  l'eau,  insolubles 
dans  l'alcool  et  dans  l'éther,  tous  plus  ou  moins  azotés. 
Ils  se  différencient  moins  par  leur  composition  chimique, 
souvent  mal  connue  en  raison  de  la  difficulté  de  les  prépa- 
rer à  l'état  de  pureté,  que  par  leur  action  spécifique  sur  telle 
ou    telle    substance    organique.    En  effet,   d'une    façon 
générale,  pour  effectuer  la  décomposition  d'un  hydrate  de 
carbone,  d'un  glucoside,  d'une  substance  albuminoïde,  etc., 
il  faut  en  général  un  ferment  déterminé,  caractère  qui 
établit  une  distinction  fondamentale  entre  les  réactions 
provoquées  par  les  ferments  solubles  et  les  réactions  chi- 
miques ordinaires,  alors  que  ces  dernières  paraissent  ana- 
logues aux  premières.  Tous  les  ferments  solubles  perdent 
leur  spécificité  lorsqu'on  chauffe  leur  solution  aqueuse  à 
une  température  comprise  entre  51  et  70°,  alors  que  les 
températures  basses  n'ont  que  peu  d'influence  ;  de  la  dias- 
tase,  par  exemple,  conserve  ses  propriétés  lorsqu'on  refroi- 
dit ses  solutions  au-dessous  de  leur  point  de  congélation. 
Certaines  substances  accélèrent  la  fermentation;  d'autres 
l'entravent  ou  même  l'arrêtent  tout  à  fait,  comme  la  cha- 
leur. Toute  action  qui  affaiblit  ou  détruit  un  ferment  soluble 
arrête  le  développement  de  l'être  qui  le  produit  ;  mais  la 
réciproque  n'est  pas  vraie,  c.-à-d.  que  toute  cause  qui 
entrave  le  développement  d'un  micro-organisme  ne  nuit 
pas  d'une  manière  nécessaire  aux  ferments  solubles.  En 
effet,  il  existe  tout  un  groupe  de  composés,  classés  parmi 
les  poisons  de  la  respiration,  qui  paralysent  les  ferments 
organisés  et  qui  n'entravent  pas,  dans  certaines  limites, 
l'action  des  ferments  solubles.  Ex.  :  acide  cyanhydrique, 
essences,  éther,  créosote,  chloroforme,  benzine,  phénol. 
Ces  différents  corps  constituent  donc  de  véritables  réactifs 
pour  différencier  certaines  fermentations.  On  a  émis  plu- 
sieurs théories  pour  expliquer  les  fermentations  détermi- 
nées par  les  ferments  solubles  :  Liebig  admet  que  ces 
derniers  sont  des  corps  en  voie  de  décomposition  qui  com- 
muniquent leur  état  de  mouvement  aux  substances  fermen- 
tescibles ;  Berzelius  pense  qu'il  s'agit  d'une  action  de 
contact  ;  pour  Wurtz,  le  ferment  se  fixe  sur  la  matière 
albuminoïde,  d'où  résulte  une  combinaison  passagère,  que 
l'eau  dédouble  en  mettant  le  ferment  en  liberté  ;  pour 
Ad.  Mayer,  les  ferments  solubles  agissent  en  élevant  la 
température  moléculaire  des  corps  fermentescibles,  etc. 
Aucune  de  ces  théories  n'est  satisfaisante,  et  la  seule  chose 
qu'on  puisse  faire  actuellement,  c'est  d'étudier  attentive- 
ment l'action  de  chaque  ferment  soluble  sur  les  matières 
organiques.  On  connaît  jusqu'ici  les  ferments  solubles  qui 
déterminent  : 

1°  La  saccharification  de  l'amidon 

2°  L'interversion  du  sucre  de  canne 


, . .    Diastase. 
. .    Invertine. 
\  Emulsine. 
'  '  l  Myrosine. 
I  Pepsine. 

4°  La  peptonisation  des  albuminoïdes ]  Trypsine. 

(  Papaïne. 


3°  Le  dédoublement  des  glucosides. 


FERMENTATION 

5°  La  coagulation  de  la  caséine Présure 

6°  La  décomposition  de  l'urée Uréase. 

II.  Ferments  organisés.  —  Les  ferments  organisés  appar- 
tiennent à  trois  groupes  différents  :  les  moisissures,  les 
levures  et  les  bactéries.—- Les  moisissures  sont  des  végétaux 
inférieurs,  le  plus  souvent  des  champignons  de  petite  taille, 
comme  YAspergillus  niger,  le  Pénicillium  glaucum, 
qui  font  partie  des  Ascomycètes  ;  le  Mucor,  le  Rhizopus 
nigrans,  qu'on  range  parmi  les  Oomycètes.  Ces  crypto- 
games ne  deviennent  des  ferments  qu'à  la  condition  de  les 
faire  végéter  à  l'abri  de  l'air,  de  telle  sorte  qu'ils  éta- 
blissent en  réalité  une  sorte  de  transition  entre  les  végé- 
taux ordinaires  et  les  ferments  proprement  dits.  S'ils  se 
développent  à  la  surface  des  moûts  sucrés,  ils  se  com- 
portent à  la  manière  des  champignons  supérieurs,  c.-à-d. 
consomment  pour  leur  propre  développement  les  matières 
fermentescibles;  mais  vient-on  à  les  submerger  dans  le 
moût  et,  par  suite,  à  les  soustraire  au  contact  de  l'air,  ils 
provoquent  le  dédoublement  du  sucre  en  alcool  et  en  acide  - 
carbonique. 

Les  levures  ont  pour  type  la  levure  de  bière,  laquelle 
se  compose  de  cellules  rondes  ou  ovales  de  8  à  9  \i 
(1  (i.  =  i  millième  de  millim.)  dans  leur  plus  grand 
diamètre.  Ces  cellules  sont  constituées  par  une  membrane 
mince  renfermant  un  protepksme  incolore,  homogène  ou 
granulé  ;  elles  se  multiplient  le  plus  souvent  par  bourgeon- 
nement lorsqu'elles  se  trouvent  dans  un  milieu  nutritif 
convenable  ;  mais,  d'après  Reess,  certaines  cellules  produi- 
sant des  spores,  à  la  manière  des  Ascomycètes,  il  convient 
de  ne  conserver  dans  le  groupe  des  levures  que  les  cham- 
pignons sans  véritable  mycélium  et  dont  les  cellules  pro- 
duisent en  bourgeonnant  des  cellules  semblables.  Ce  sont 
les  Saccharomyces  de  Meyen,  appartenant  à  l'ordre  des 
champignons  ascomycètes,  et  dont  voici  les  principales 
espèces  :  1°  le  S.  cerevisiœ,  comprenant  les  deux  variétés 
de  levures  haute  et  basse,  employées  dans  la  fabrication 
de  la  bière  ;  leur  plus  grand  diamètre  est  de  8  à  9  p.  ;  2°  le 
S.  ellipsoideus,  constituant,  le  ferment  spécial  du  jus  de 
raisin,  dont  le  diamètre  est  de  6  (x  seulement  ;  3°  le  S.  Pas- 
torianus,  formé  de  cellules  végétatives  ovales,  isolées,  ou 
en  chaînes  ramifiées,  ayant  de  18  à  22  [x  de  longueur; 
c'est  un  ferment  alcoolique  lent,  qu'on  trouve  dans  les 
levures  spontanées  du  vin,  du  cidre  et  de  la  bière  ;  4°  le 
S.  exiguës,  cellules  en  forme  de  quille  ou  de  toupie, 
n'ayant  guère  que  5  (x  de  longueur  sur  2,5  [x  de  diamètre 
au  gros  bout  ;  5°  le  S.  congîomeratus,  qu'on  trouve  sur 
les  raisins  pourris  et  dans  le  vin  au  commencement  de  la 
fermentation. 

Les  bactéries  sont  des  organismes  inférieurs  qui  se 
rapprochent  des  champignons  lorsque  leurs  cellules  ou 
leurs  bâtonnets  ne  contiennent  pas  de  chlorophylle,  et 
qu'on  range  parmi  les  algues  dans  le  cas  contraire.  Leurs 
dimensions  sont  extrêmement  petites,  car  le  diamètre  des 
cellules  atteint  à  peine  1  (x,  tandis  que  la  longueur  des 
bâtonnets  dépasse  rarement  4  [x.  Reaucoup  de  bactéries  se 
multiplient  par  bipartitions  successives  et,  lorsque  les  nou- 
velles cellules  ainsi  formées  restent  réunies,  il  en  résulte 
des  sortes  de  filaments  à  configuration  variable  ;  d'autres 
se  reproduisent  par  spores,  qui  apparaissent  dans  la  cel- 
lule mère  sous  forme  d'un  petit  corpuscule  rond  ou  ovale, 
très  réfringent.  Les  fermentations  bactériennes  compren- 
nent: 1°  les  fermentations  par  dédoublement  (ex.  :  fermen- 
tation lactique)  ;  2°  les  fermentations  par  hydratation 
(ex.  :  fermentation  de  l'urée)  ;  3°  les  fermentations  par 
réduction  (ex.  :  fermentation  butyrique)  ;  4°  les  fermen- 
tations par  oxydation  (ex.  :  fermentation  acétique) . 

Ces  dénominations  visent  la  réaction  principale  seule- 
ment, car  il  peut  se  produire  des  réactions  secondaires 
d'une  autre  nature.  —  Voici  maintenant,  en  résumé, 
les  caractères  de  fermentations  dues  aux  ferments  orga- 
nisés : 

1°  Fermentation  alcoolique.  Elle  est  caractérisée  par 
le  dédoublement  des  glucoses  fermentescibles  (dextrose, 


FERMENTATION 


lévulose,  galactose)  en  alcool  et  en  acide  carbonique,  sous 
Tinfluence  des  levures,  notamment  de  la  levure  de  bière  : 
C12H12012  =  2C204  +  2C4H602. 
En  outre,  il  se  forme  toujours  une  petite  quantité  de 
produits  secondaires  :  de  l'acide  succinique  (Schmidt),  de 
la  glycérine  (Pasteur),  de  l'acide  acétique  (Béchamp),  des 
alcools  supérieurs,  homologues  de  l'alcool  éthylique,  notam- 
ment les  alcools  propylique,  isobutylique  et  amylique  ; 
enfin,  en  opérant  sur  de  grandes  quantités  de  vin  de  Bor- 
deaux, Henninger  a  isolé  de  l'isopropylglycol.  Les  propor- 
tions de  ces  différents  corps,  toujours  très  faibles,  car 
elles  ne  représentent  que  4  à  5  °/0  du  produit  fermentes- 
cible,  varient  d'ailleurs  suivant  les  conditions  de  l'expé- 
rience, suivant  que  la  fermentation  est  lente  ou  rapide, 
suivant  la  nature  de  la  levure,  etc.  La  plupart  des  chi- 
mistes envisagent  la  fermentation  alcoolique  comme  un 
travail  physiologique  des  levures.  Pour  Pasteur,  elle  est  une 
conséquence  de  la  vie  sans  air,  et  la  levure  n'agit  comme 
ferment  que  lorsqu'elle  est  anaérobie,  c.-à-d.  privée  d'oxy- 
gène libre  ;  dans  ce  dernier  cas,  elle  emprunte  l'oxygène  au 
sucre,  et  c'est  pour  cette  raison  qu'elle  décompose  ce  der- 
nier en  alcool  et  en  acide  carbonique.  Poussant  cette  théorie 
jusqu'au  bout,  quelques  adeptes  de  Pasteur  admettent  que 
les  levures,  et,  d'une  manière  plus  générale,  tous  les  fer- 
ments organisés  assimilent  la  substance  fermentescible 
comme  l'animal  assimile  les  aliments  pour  excréter  les  pro- 
duits de  fermentation,  constituant  de  véritables  produits 
de  dénutrition. 

2°  Fermentation  lactique.  Elle  se  produit  dans  une 
foule  de  circonstances,  notamment  lorsqu'on  abandonne  le 
lait  à  lui-même,  par  suite  de  transformation  en  acide  lac- 
tique, C6H606,  de  certaines  matières  sucrées,  comme  le 
sucre  de  lait,  la  glucose  ordinaire,  le  sucre  de  canne.  On 
admet  qu'elle  est  due  à  plusieurs  bactéries,  notamment  au 
ferment  lactique,  le  Bacterium  acidi  lactici,  de  Zopf, 
fprmé  de  cellules  courtes,  épaisses,  au  moins  deux  fois 
aussi  longues  que  larges,  mais  dont  la  longueur  moyenne 
n'atteint  pas  2  p..  On  sait  que  le  sucre  de  canne  ne  fer- 
mente qu'après  avoir  été  interverti  par  l'invertine,  produit 
de  sécrétion  do  la  levure  (Berthelot)  : 

C24H22022  _|_  H2Q2  _  C12H12012  +  C12H12012. 

Cette  interversion  préalable  se  produit-elle  dans  la  fer- 
mentation lactique  des  saccharoses,  comme  le  sucre  de 
lait?  Non,  car,  à  aucun  moment,  on  ne  peut  constater  dans 
la  liqueur  fermentescible  la  présence  d'un  sucre  réducteur. 
Il  faut  donc  admettre  que  les  saccharoses  se  dédoublent  au 
moment  où  il  y  a  fixation  de  deux  équivalents  d'eau  sur 
leur  molécule  : 

C24H22022  +  H2Q2  _  ^E^. 

Avec  les  glucoses,  C12H12012,  le  dédoublement  est  immédiat  : 
(H2H12012  —  2CGH606. 

Le  koumiss  est  une  boisson  fermentée  que  les  Kal- 
moucks,  les  Kirghiz  et  les  Mongols  préparent  au  moyen  du 
lait  de  jument.  Il  renferme  à  la  fois  de  l'alcool  et  de 
l'acide  lactique,  mais  on  ignore  la  nature  du  ferment  qui 
lui  donne  naissance.  Il  constitue  pour  les  peuples  de  l'Asie 
centrale  une  boisson  alimentaire  qu'on  a  utilisée  dans  les 
dernières  années  en  thérapeutique.  Il  en  est  de  même  du 
képhir,  que  les  montagnards  du  Caucase  obtiennent  au 
moyen  du  lait  de  vache  et  d'un  champignon  particulier 
jouant  le  rôle  de  ferment  et  appartenant  aux  levures. 

3°  Fermentation  ammoniacale.  Au  moment  de  son 
émission,  l'urine  des  carnivores  est  neutre  ou  légèrement 
acide  ;  abandonnée  à  elle-même,  elle  ne  tarde  pas  à  devenir 
alcaline  et  ammoniacale  par  suite  de  la  transformation  de 
l'urée  en  carbonate  d'ammonium  : 

C2H4Az202  +  2H202  =  C2(AzH4)206. 


Urée 


Carb.  d'ammonium 


D'après  Pasteur  et  Van  Tieghem,  la  transformation 
s'opère  principalement  sous  l'influence  d'un  micrococcus, 
le  M.  urex,  végétal  formé  de  globules  sphériques  de  1,5  \l 
de  diamètre  et  réunis  en  longs  chapelets  plus  ou  moins 


recourbés  ;  cet  organisme  sécrète  un  ferment  soluble,  ana- 
logue à  l'invertine,  et  c'est  ce  produit  de  sécrétion  qui 
détermine  l'hydratation  de  l'urée.  Cette  fermentation  pré- 
sente un  grand  intérêt  physiologique.  En  effet,  l'urée 
représente  la  principale  forme  sous  laquelle  l'azote  des 
tissus  est  éliminé  de  l'organisme  animal  ;  or,  elle  ne  peut 
être  assimilée  par  les  plantes  qu'autant  qu'elle  est  con- 
vertie en  sel  ammoniacal,  et  cette  conversion  est  l'œuvre 
d'un  petit  organisme  qui  est  l'intermédiaire  obligé  entre 
les  plantes  et  les  animaux.  Le  M.  urex  exerce  également 
son  action  sur  l'acide  hippurique  qu'on  rencontre  à  la  place 
de  l'urée  dans  l'urine  des  herbivores,  l'acide  hippurique  se 
dédoublant  par  hydratation  en  acide  benzoïque  et  en  glycol- 
lamine  : 

Ci8H9Az06  +  H202  =  Ci4H604  +  C4H5Az04 

Acide  Acide         "Glycollamine 

hippurique  benzoïque 

4°  Fermentation  butyrique.  Il  y  a  fermentation  buty- 
rique toutes  les  fois  qu'il  y  a  production  d'acide  butyrique 
ordinaire,  C8H804,  quels  que  soient  d'ailleurs  les  orga- 
nismes qui  la  provoquent  et  les  substances  fermentescibles 
mises  en  jeu.  La  plus  importante  est  celle  du  lactate  de 
chaux,  qui  s'effectue  sous  l'influence  du  Bacillus  amylo- 
bacter  ;  ce  ferment  butyrique  est  d'abord  sous  forme  de 
bâtonnets  de  3  à  10  (x  de  longueur  sur  1  [x  d'épaisseur  ; 
ces  bâtonnets  s'épaississent  en  forme  de  fuseau  ou  de 
têtard,  puis  donnent  naissance  à  une  ou  deux  spores  qui 
deviennent  libres  par  suite  de  la  dissolution  de  la  membrane 
enveloppante  (Van  Tieghem).  C'est  le  type  des  fermentations 
par  réduction  :  il  y  a  dégagement  d'hydrogène  et  d'acide 
carbonique,  d'après  une  équation  analogue  à  la  suivante  : 
HC6H5Ca06  +  H202 

Carb.  de  chaux 

=  2C8H7Ca04  +  C2Ca206  +  3C204  +  4fl*. 

Butyrate      Carb.  de  chaux 

Le  B.  amylobacter  donne  d'ailleurs  de  l'acide  buty- 
rique sur  les  matières  sucrées,  la  dextrine,  l'invertine  et 
diverses  variétés  de  cellulose. 

5°  Fermentation  acétique.  Soumis  à  l'oxydation,  l'al- 
cool est  susceptible  de  se  transformer  successivement  en 
aldéhyde  éthylique,  C4H402  et  en  acide  acétique,  C4H404  : 
C4HW  +  0*  ==  H202  +  C4H402 
C4R402  +  02  =  C4H404. 

La  même  transformation  s'effectue  sous  l'influence  de 
plusieurs  bactéries,  notamment  du  Myeoderma  aceti,  qui 
intervient  toujours  dans  la  fabrication  du  vinaigre,  d'après 
le  procédé  dit  d'Orléans.  Le  M.  aceti  est  en  cellules  cylin- 
driques à  peu  près  aussi  longues  que  larges,  dont  le  dia- 
mètre transversale  n'a  guère  que  1  à  1 ,5  jx.  Comme  ces  cellules 
se  multiplient  par  allongement  et  division  transversale  en 
restant  serrées  entre  elles,  il  en  résulte  des  chapelets  qui 
paraissent  formés  de  cellules  doubles  à  étranglements  plus 
ou  moins  marqués.  De  même  que  le  ferment  alcoolique,  le 
M.  aceti  peut  se  développer  dans  des  milieux  exclusivement 
minéraux,  par  exemple  dans  un  liquide  ne  contenant  que 
des  phosphates  de  chaux,  de  magnésie,  de  potasse  et  d'am- 
moniaque, plus  de  l'alcool  et  de  l'acide  acétique.  Suivant 
Nsegeli,  il  se  produirait  toujours  dans  la  fermentation  acé- 
tique un  peu  d'eau  et  d'acide  carbonique,  mais  ces  deux 
produits  tirent  leur  origine  de  l'acide  acétique  formé  en 
premier  lieu  ;  quant  à  l'éther  acétique ,  qu'on  rencontre 
toujours  dans  les  bons  vinaigres,  il  résulte  de  l'éthérifica- 
tion  de  l'acide  acétique  à  l'état  naissant.  D'après  A.  Brown. 
le  M.  aceti  végète  dans  des  milieux  renfermant  de  l'alcool 
propylique,  au  lieu  d'alcool  ordinaire,  alors  que  les  alcools 
méthylique,  isobutylique  et  amylique  sont  inertes.  Il  trans- 
forme le  glucose  ordinaire  en  acide  gluconique,  C12H12014 
(Boutroux)  : 

Ci2H12012  +  02  =  C12H12014. 
Il  est  sans  action  sur  le  sucre  de  canne,  le  sucre  de  lait, 
Famidon,  la  lévulose  ;  enfin,  ensemencé  dans  une  solution 


—  285  — 


FERMENTATION  —  FERMETTE 


de  marmite,  C12Hi4012,  il  donne,  comme  produit  prin- 
cipal, de  la  lévulose  : 

Ci2H14012  4-  0*  =  H202  +  C«Hiz0i2, 
réaction  intéressante  qui  permet  de  transformer  la  dextrose 
en  lévulose. 

6°  Fermentation  nitrique.  D'après  Schlœsing  etMiintz, 
il  existe,  dans  les  terres  nitrifiables,  un  ferment  nitrique 
capable  d'oxyder  les  sels  ammoniacaux  et  de  les  trans- 
former en  nitrates.  Ce  ferment  est  analogue  au  ferment 
acétique,  mais  un  peu  plus  petit  :  ce  sont  de  petits  cor- 
puscules brillants,  arrondis  ou  légèrement  allongés,  à 
contours  nets,  parfaitement  homogènes.  De  même  que  le 
ferment  acétique  oxyde  l'alcool  en  deux  phases,  aldéhyde 
et  acide  acétique,  de  même  le  ferment  nitrique  donne 
d'abord  des  nitrites,  puis  des  nitrates  ;  le  phénomène  s'ar- 
rête à  la  première  phase  lorsque  les  conditions  de  tempé- 
rature et  d'aération  sont  peu  avantageuses  et  que  les 
dissolutions  sont  concentrées  ;  toutefois,  les  azotites  se 
transforment  en  nitrates  lorsque  l'ammoniaque  a  entière- 
ment disparu.  D'après  Muntz,  les  iodures  et  les  bromures 
alcalins  sont  également  oxydés  et  changés  en  iodates  et 
bromates,  circonstance  qui  explique  la  présence  de  ces 
derniers  sels  dans  les  gisements  nitrés  du  Chili,  du  Pérou 
et  du  Venezuela.  Ed.  Bourgoin. 

II.  Pathologie.  —  Dès  le  ixe  siècle,  Rhazès  compa- 
raît la  variole  à  la  fermentation  du  moût  de  raisin,  et, 
plus  tard,  c'est  encore  ce  point  de  vue  qui  guide  Van  Hel- 
mont  et  Stahl  quand  ils  traitent  des  maladies  contagieuses, 
que  Bressy  au  commencement  de  ce  siècle  appelait  les  ma- 
ladies fermentatives  ;  mais  jusqu'en  4857  toutes  ces  concep- 
tions ne  sont  que  des  hypothèses  hasardées,  ne  s'appuyant 
sur  aucun  fait  expérimental.  C'est  de  cette  époque,  en 
effet,  que  date  le  célèbre  mémoire  de  Pasteur  sur  la  fer- 
mentation lactique  où,  avec  preuves  à  l'appui,  il  peut  affir- 
mer que  la  fermentation  est  corrélative  de  la  vie,  non  de 
la  mort  on  de  la  putréfaction  des  globules.  Rayer  et  Da- 
vaine  avaient  signalé  dans  le  sang  des  animaux  charbon- 
neux des  corpuscules  particuliers,  puis  Chauveau  montrait 
quelques  années  plus  tard  que  le  principe  actif  du  vaccin, 
de  la  clavelée,  de  la  variole,  était  retenu  par  le  filtre,  qu'il 
était  constitué  par  des  éléments  corpusculaires.  Ces  élé- 
ments figurés,  ces  ferments,  on  parvenait  enfin  à  les  isoler, 
à  les  cultiver,  à  les  domestiquer  pour  ainsi  dire,  augmen- 
tant ou  atténuant  au  gré  de  l'expérimentateur  leur  viru- 
lence (V.  Bactérie).  L'idée  que  la  plupart  des  affections  sont 
dues  à  la  prolifération  des  éléments  figurés,  des  microbes, 
des  ferments  en  un  mot,  est  désormais  acquise  à  la  science. 
Mais  comment  agissent  ces  ferments  pathogènes  ?  Une  pre- 
mière opinion  toute  mécanique  admettait  que  ces  micro- 
organismes en  se  multipliant  déterminent  l'oblitération  des 
vaisseaux  capillaires,  la  formation  d'embolies  multiples. 
Puis  on  admit  en  s'appuyant  sur  des  expériences  in  vitro 
que  ces  êtres,  avides  d'oxygène,  consomment  ce  gaz  dans 
le  sang  et  les  tissus  ;  enfin  les  recherches  récentes,  aux- 
quelles sont  attachés  les  noms  de  Charrin,  de  Chamber- 
land  et  Roux,  etc.,  montrent  que  les  microbes  pathogènes 
agissent  essentiellement  par  les  produits  qu'ils  élaborent. 
L'action  des  produits  solubles,  sécrétés  par  les  microbes, 
des  toxines  suivant  l'expression  admise,  ne  saurait  plus 
faire  de  doute.  Les  ferments  pathogènes  agissent  dans  le 
corps  d'une  façon  identique  aux  ferments  butyrique,  acé- 
tique, etc.,  qui  transforment  les  matières  grasses  ou  l'al- 
cool du  vin  en  acide  butyrique,  en  vinaigre.  Et  comme  le 
fait  a  été  observé  pour  certaines  fermentations,  ces  microbes 
peuvent  déterminer  à  un  certain  moment  une  telle  quantité 
de  produits  de  -  sécrétion ,  qu'elle  s'oppose  elle-même  à 
leur  développement.  Il  existe  toutefois,  au  point  de  vue  des 
micro-organismes  pathogènes,  un  point  resté  encore  obs- 
cur :  ces  organismes  fabriquent-ils  une  seule  substance, 
qui  produit  des  effets  variables  suivant  la  quantité  sécrétée 
ou  bien  ces  produits  sont-ils  multiples,  chaque  microbe 
produisant  au  cours  de  son  évolution  des  toxines  d'action 
différente  ?  Bien  que  des  recherches  nouvelles  tendent  à 


faire  croire  que  c'est  à  cette  dernière  hypothèse  qu'il  faut 
se  rallier,  la  composition  chimique  de  ces  substances  est 
encore  trop  mal  connue  pour  permettre  de  résoudre  la 
question.  Les  idées  nouvelles  sur  les  fermentations  patho- 
gènes ont  eu  en  médecine  des  résultats  pratiques  déjà 
remarquables.  C'est  ainsi  que  l'emploi  du  naphtol  et  du 
salol  a  réussi  dans  un  grand  nombre  de  cas  nosologiques 
où  la  cause  immédiate  était  la  présence  des  micro-orga- 
nismes dans  l'intestin  :  telles  la  diarrhée  verte  des  enfants, 
qui  cède  à  l'action  antiseptique  de  l'acide  lactique  ;  les 
entérites  infectieuses  victorieusement  combattues  par  le 
naphtol.  La  fièvre  typhoïde  elle-même  paraît  au  début,  du 
moins,  pouvoir  être  traitée  avec  succès  par  les  mêmes 
agents.  L'emploi  des  purgatifs  jusqu'ici  dirigé  avec  empi- 
risme trouve  sa  raison  d'être  avec  les  conceptions  ac- 
tuelles :  les  microbes  de  l'intestin  sécrètent  des  toxines 
qui,  absorbées  par  les  parois  intestinales,  déterminent  les 
phénomènes  d'intoxications  connues,  fièvre,  etc.  Il  existe 
donc  une  indication  formelle  de  les  expulser  avant  leur 
entrée  dans  le  milieu  intérieur,  et  tel  est  le  but  des  purga- 
tifs, associés  à  l'usage  des  antiseptiques.  Dr  P.  Langlois. 
FERMETÉ  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de 
Nevers,  cant.  de  Saint-Benin-d'Azy;  700  hab. 

FERMETTE  (Trav.  publ.).  La  fermette  est  un  cadre  en 
forme  de  trapèze,  mobile  autour  de  son  côté  inférieur  hori- 
zontal et  pouvant  à  volonté  se  dresser  verticalement  ou  se 
rabattre  horizontalement.  L'application  de  fermettes  aux  bar- 
rages en  rivière,  par  M.  Poirée,  a  résolu  de  la  manière  la  plus 
générale  le  problème  des  barrages  mobiles  et  a  produit, 
dans  la  navigation  intérieure,  une  véritable  révolution  en 
permettant  d'exhausser  le  niveau  d'une  rivière  quelconque 
et  de  la  rendre  à  son  cours  naturel  sans  y  laisser  aucune 
construction  apparente  quelconque.  Pour  rétablir  le  bar- 
rage, on  relève  une  à  une  les  fermettes  au  moyen  d'une 
chaîne  à  laquelle  elles  sont  attachées  et  dont  la  longueur, 
entre  deux  points  d'attache,  est  un  peu  plus  grande  que  la 
distance  des  fermettes,  de  manière  que  le  relèvement  s'opère 
successivement.  Aussitôt  que  chacune  d'elles  est  debout, 
on  la  détache  de  la  chaîne  et  on  la  fixe  à  celle  qui  la  pré- 
cède au  moyen  de  barres  d'appui  ;  on  pose  sur  la  traverse 
supérieure  la  passerelle  de  manœuvre  et  ainsi  de  suite.  Les 
fermettes,  espacées  alors  en  général  de  4  m.  à  4m25, 
servent,  par  les  barres  d'appui  qui  les  réunissent,  à  sup- 
porter la  partie  supérieure  d'aiguilles  en  bois  reposant  à 
leur  pied  sur  le  radier  du  barrage  et  que  l'on  place  à  la 
main.  Ces  aiguilles,  dont  le  poids  ne  doit  guère  dépasser 
50  Jrilogr.  pour  qu'elles  soient  maniables,  sont  munies  d'un 
crochet  destiné  à  les  attacher  à  la  barre  d'appui  et  qui  en 
facilite  la  manœuvre.  Pour  abattre  le  barrage,  on  enlevé 
ces  aiguilles  une  à  une,  puis  la  passerelle  et  les  barres 
d'appui,  et  on  laisse  les  fermettes  se  coucher  sur  le  radier 
en  les  rattachant  préalablement  à  la  chaîne  qui.  devra  ser- 
vir à  les  relever  et  dont  l'emploi  permet  l'abatage  pro- 
gressif et  sans  choc. 

Lorsque  la  hauteur  des  fermettes  dépasse  4  m.  environ, 
M.  Boulé  remplace  les  aiguilles,  dont  le  poids  serait  alors 
trop  considérable,  par  des  panneaux  en  bois  s'appuyant 
sur  deux  fermettes  voisines  et  que  l'on  glisse  sur  leur  face 
d'amont  (barrage  de  Suresnes  :  hauteur  des  fermettes, 
6m01).M.  Caméré  emploie  des  rideaux  articulés  formés  de 
tringles  horizontales  reliées  par  des  charnières  et  qui  se 
relèvent  en  s'enroulant  comme  des  stores  (barrage  de  Villez  : 
hauteur  des  fermettes,  5m42). 

Les  premières  fermettes  de  Poirée  construites  de  4  834 
à  4837  et  dont  la  hauteur  ne  dépassait  pas  2  m.,  étaient 
en  fer  carré  de  0m04  de  côté.  Aujourd'hui  on  les  fait  en 
cornières  et  fers  spéciaux  ;  leur  poids  s'est  considérable- 
ment accru  avec  leurs  dimensions.  La  fermette  du  barrage 
de  Suresnes  pèse  environ  4,800  kilogr.  et  celle  du  barrage 
de  Villez  atteint  presque  2,000  kilogr.  ;  cette  augmentation 
du  poids  rend  la  manœuvre  difficile.  Les  points  délicats  des 
barrages  de  ce  système  sont  les  crapaudines  autour  des- 
quelles tourne  la  fermette  ;  on  ne  saurait  apporter  trop  de 


FERMETTE  —  FERMETURE 


—  286 


soin  à  ce  qu'elles  soient  suffisamment  résistantes  et  ancrées 
solidement  dans  le  radier.  Il  peut  arriver  que,  par  suite 
de  la  présence  de  corps  étrangers  charriés  par  l'eau*  ou 
même  de  sable,  sur  ce  radier,  les  fermettes  ne  puissent 
s'abattre  complètement,  qu'elles  restent  en  porte  à  faux, 
qu'elles  se  faussent  ou  même  qu'elles  se  brisent.  Si  donc 
des  dépôts  de  sable  sont  à  craindre,  il  faut  éviter  les  encu- 
vements  continus  où  ces  dépôts  s'accumuleraient,  laisser 
les  crapaudines  en  saillie  sur  le  radier,  etc.  La  chute  la 
plus  élevée  qui  ait  été  rachetée  jusqu'à  présent  par  des 
barrages  à  fermettes  est  celle  de  Suresnes  (4 880),  qui 
atteint  3m27.  Il  ne  serait  sans  doute  pas  impossible  d'aller 
au  delà;  toutefois  on  hésite  à  se  confier  à  des  organes 
noyés  à  une  profondeur  de  5  à  6  m.  d'eau.  Mais  jusqu'à 
cette  limite,  c.-à-d.  pour  des  retenues  moyennes,  ces  bar- 
rages, simples,  commodes,  essentiellement  pratiques,  cons- 
tituent le  meilleur  instrument  d'amélioration  des  rivières. 

A.  Flamant. 
Bibl.  :  Guillemain,  Navigation  intérieure;  Paris,  1885. 

FER  M  ETU  RE.  I.  TECHNOLOGIE.  —  Fermeture  de  bou- 
tique. —  Système  de  clôture  mobile,  appliqué  aux  devan- 
tures de  boutiques.  Ici,  comme  dans  un  grand  nombre 
d'ouvrages  appartenant  à  l'industrie  du  bâtiment,  le  fer  tend 
à  remplacer  le  bois.  Les  anciennes  fermetures  de  boutiques 
sont  formées  de  volets  détachés,  se  posant  les  uns  à  la  suite 
des  autres,  dans  des  rainures  ménagées  pour  les  recevoir  ou 
reliés  entre  eux  par  des  charnières  et  se  développant  succes- 
sivement comme  les  feuilles  des  volets  de  persiennes.  Ces 
volets  se  rangent,  pendant  le  jour,  dans  des  boîtes  ou 
caissons  disposés  en  pilastres  de  chaque  côté  de  la  devan- 
ture. Les  systèmes  de  fermetures  en  fer  sont  très  nom- 
breux. Les  nouveaux  peuvent  se  classer  en  deux  catégo- 
ries :  appareils  à  lames  de  tôle,  appareils  à  feuille  de  tôle 
ondulée.  Dans  les  premiers,  la  fermeture  est  constituée  par 
des  rideaux  de  tôle  dont  les  lames  horizontales  s'abaissent 
et  se  relèvent  au  moyen  de  chaînes  ou  de  vis  sans  fin, 
mues  par  une  manivelle.  A  cette  catégorie  appartiennent 
les  systèmes  Melzessard,  Jourdain  et  Sarton,  Chedeville, 
Maillard,  etc.  Les  fermetures  en  métal  ondulé,  parmi  les- 
quelles nous  citerons  les  systèmes  Clark  et  Cie,  Graffon, 
sont  plus  coûteuses,  mais  offrent  sur  les  précédentes 
l'avantage  de  se  fermer  et  de  s'ouvrir  sans  l'aide  d'aucun 
mécanisme,  sans  occasionner  de  bruit  ni  d'ébranlement 
et  sans  pouvoir  produire  d'accident  par  une  chute  de  la 
tôle  ;  car  le  mouvement  dans  chaque  sens  est  produit  par 
l'action  d'une  tige  avec  laquelle  on  tire  ou  l'on  soulève  le 
rideau.  L.  K. 

IL  ARTILLERIE.  -  Armes  à  feu  portatives 
(V.  Fusil). 

Bouches  à  feu.  —  A.  Historique  du  chargement 
par  la  culasse.  —  Le  chargement  par  la  culasse  présente, 
tant  au  point  de  vue  de  la  manœuvre  que  des  propriétés 
balistiques,  des  avantages  considérables.  Les  difficultés  de 
manœuvre  étant  surtout  sensibles  pour  les  canons  de  la 
marine  en  raison  de  leur  poids  et  des  espaces  restreints 
dans  lesquels  ils  sont  installés,  c'est  à  ces  canons  qu'on  a 
d'abord  appliqué  en  France  le  chargement  par  la  culasse 
(canons  mod.  4858-60  et  4864).  Dans  ces  deux  systèmes  on 
n'avait  pour  ainsi  dire  réalisé,  par  le  nouveau  mode  de 
chargement,  aucun  avantage  balistique  sérieux,  puisque  les 
projectiles  n'étaient  pas  forcés  ;  mais  on  avait  par  contre 
facilité  la  manœuvre.  Dans  les  modèles  4870  et  suivants 
de  la  marine,  les  deux  genres  d'avantages  ont  été  obtenus 
grâce  au  forcement  du  projectile.  —  Dans  l'artillerie  de 
terre  on  avait  commencé,  en  4855,  des  essais  sérieux  de 
chargement  par  la  culasse,  en  employant  la  fermeture  à  vis, 
proposée  dès  4842  par  le  capitaine  Treiiille  de  Reaulieu. 
Mais,  pendant  longtemps,  on  n'obtint  que  des  résultats 
insuffisants,  parce  que  les  études  relatives  à  l'organisation 
des  projectiles,  des  fusées,  etc.,  n'étaient  pas  assez  avan- 
cées. Ce  n'est  qu'en  1867  que  les  expériences  purent  être 
reprises  d'une  façon  suivie  et  menées  à  bonne  fin  par  le 
commandant  de  Reffye.  En  4870,  lorsque  la  guerre  éclata, 


le  canon  de  7  proposé  par  de  Reffye  et  son  mode  de  char- 
gement par  la  culasse  donnaient  déjà  d'assez  bons  résul- 
tats pour  qu'on  ait  songé  à  l'utiliser  pendant  la  campagne. 
Aussitôt  après  la  guerre,  le  principe  du  chargement  par 
la  culasse  fut  admis  en  principe;  il  ne  tarda  "pas  à  être 
définitivement  adopté  (canons  de  5  et  de  7  d'abord,  puis 
canons  mod.  4877). 

A  l'étranger,  les  études  ont  été  généralement  moins 
complètes  qu'en  France,  mais  elles  ont  souvent  abouti  plus 
rapidement  à  une  transformation  radicale.  Dès  4864,  le 
chargement  par  la  culasse  était  appliqué  à  une  partie  des 
canons  prussiens,  et  après  la  campagne  de  4866  il  fut 
étendu  à  tout  l'armement.  L'exempîe  de  la  Prusse  fut 
suivi  la  même  année  par  la  Russie.  L'Autriche,  l'Italie,  la 
Belgique,  la  Suède,  la  Turquie,  etc.,  fabriquèrent  elles- 
mêmes  ou  mirent  en  commande  en  Prusse  ou  en  Angleterre 
des  canons  se  chargeant  par  la  culasse,  etles  résultats  des 
expériences  que  ces  nations  ont  exécutées  amenèrent  la 
transformation  de  leur  matériel.  Les  Etats-Unis  s'y  sont 
décidés  en  1875  pour  une  partie  de  leurs  canons,  et  pour 
la  totalité  en  4876.  En  Angleterre,  le  chargement  par  la 
culasse  fut  mis  en  pratique  dès  4858,  mais  le  mécanisme 
adopté  (système  Armstrong)  donna  lieu  à  de  graves  mé- 
comptes, et,  en  4874,  cette  puissance  revint  au  charge- 
ment par  la  bouche  qu'elle  n'abandonna  définitivement  qu'en 
4884,  à  la  suite  de  l'éclatement  d'un  canon  de  38  tonnes 
à  bord  du  Thunderer,  accident  qu'on  attribua  à  l'intro- 
duction de  deux  projectiles  dans  la  pièce. 

B.  Généralités.  —  La  fermeture  des  canons  se  char- 
geant par  la  culasse  est  obtenue  au  moyen  d'un  mécanisme 
comprenant  deux  parties  principales  :  le  système  de  fer- 
meture ou  culasse  et  le  système  d'obturation  ;  ce  dernier 
a  pour  but  de  s'opposer  à  la  fuite  des  gaz  de  la  poudre  par 
le  joint  existant  entre  la  culasse  et  le  canon.  Nous  exami- 
nerons les  différents  dispositifs  employés  tant  dans  l'artil- 
lerie française  que  dans  les  artilleries" étrangères,  en  corn 
mençant  par  les  organes  destinés  à  assurer  l'obturation. 

Obturation.  L'obturation  est  réalisée  soit  au  moyen 
d'une  gargousse  métallique,  soit  à  l'aide  d'un  obturateur 
en  matière  plastique  ou  élastique.  La  gargousse  métal- 
lique, adoptée  principalement  dans  les  canons  à  tir  rapide, 


Fig.  1.  —  Obturateur  de  Bange. 

est  analogue  à  l'étui  des  cartouches  pour  armes  portatives 
et  fonctionne  comme  celui-ci  par  expansion  :  au  moment 
de  l'explosion,  les  gaz  de  la  poudre  la  détendent  et  l'ap- 
pliquent fortement  contre  les  parois  du  canon  et  contre  la 
culasse.  —  L'organe  d'obturation  peut  être  soit  relié  à  la 
culasse  comme  l'obturateur  de  Bange  et  l'obturateur 
Freyre,  soit  fixé  à  demeure  dans  le  canon  comme  l'anneau 
Broadwell.  V obturateur  de  Bange  (fig.  4),  adopté  en 
France  pour  presque  toutes  les  pièces  de  l'artillerie  de 
terre,  est  fondé  sur  le  principe  suivant  :  un  anneau  ou 
galette  plastique  A  est  enfilé  sur  la  tige  d'un  piston  B 
appelé  tète  mobile  ;  il  s'applique  par  une  de  ses  faces  contre 
la  culasse  C  et  par  l'autre  contre  une  des  bases  du  pis- 
ton. Sous  Faction  des  gaz,  le  piston  recule  et  comprime 
la  galette  ;  celle-ci  se  dilate  dans  le  sens  transversal  et 
s'applique  plus  ou  moins  énergiquement  contre  les  parois 
de  l'âme  du  canon.  La  matière  plastique  choisie  par  le 


colonel  de  Bange  est  un  mélange  de  65  parties  de  suif  de 
mouton  et  de  35  parties  d'amiante;  la  galette  est  entourée 
d'une  enveloppe  entoile  et  protégée  sur  ses  deux  faces  par 
deux  coupelles  en  étain  a  et  af  dont  les  arêtes  sont  renforcées 
par  trois  bagues  fendues  en  laiton  b,  bf  et  b"  qui  empêchent 
la  matière  de  se  crever  au  contact  du  piston  et  de  la  culasse  et 
de  s'écouler  par  les  joints.  L 'obturateur  Freyre  (fig.  2)  mis 


287  —  FERMETURE 

forme  pour  ainsi  dire  ressort  :  sous  l'action  de  la  pression, 
la  face  interne  s'aplatit  tandis  que  la  gorge  s'ouvre,  ce  qui 
contribue  à  appliquer  l'extrémité  a  de  l'anneau  contre  le 


Obturateur  Freyre. 


en  service  dans  l'artillerie  espagnole  a  quelque  analogie 
avec  le  précédent.  La  matière  plastique  y  est  remplacée 
par  un  anneau  en  cuivre  rouge  ou  en  acier  À,  à  section 
triangulaire,  placé  ainsi  que  l'indique  la  figure.  La  tète 
mobile  B  en  reculant  sous  l'action  des  gaz  détend  l'anneau 
obturateur  et  comprime  un  ressort  antagoniste,  qui  n'a 
d'autre  but  que  de  ramener  ensuite  la  tête  mobile  à  sa 
position  normale.  Vanneau  Broadwell  A,  en  cuivre  ou  en 
acier,  a  le  plus  souvent  le  profil  indiqué  par  la  fig.  3.  Sa 


Fig.  3.  —  Anneau  Broadwell. 

face  extérieure,  appliquée  contre  les  parois  du  canon,  est 
sphérique  comme  son  logement  ;  sa  face  interne  est  con- 
cave. La  pression  des  gaz  l'applique  à  la  fois  contre  le  ca- 
non et  contre  une  plaque  d'appui  B  en  acier,  fixée  à  l'avant 
de  la  culasse.  Des  rainures  circulaires  creusées  dans  la 
face  postérieure  de  l'anneau  forcent  les  gaz,  qui  s'introdui- 


Obturateur  Piorkowskï. 


raient  dans  le  joint  du  côté  de  a,  à  des  détentes  succes- 
sives qui  diminuent  leur  force  élastique.  D&nsY obturateur 
Piorkowskï  (fig.  4),  qui  n'est  qu'un  perfectionnement  de 
l'anneau  Broadwell,  la  face  extérieure,  tout  en  étant  tou- 
jours sphérique  dans  son  ensemble,  présente  une  gorge 
très  accusée  a  ;  la  face  interne  est  convexe  au  lieu  d'être 
concave.  Il  résulte  de  ces  dispositions  que  l'obturateur 


Obturateur  de  la  marine  française. 


joint  cet  assure  mieux  l'obturation  de  ce  côté;  en  outre, 
la  gorge  procure  une  détente  aux  gaz  qui  auraient  pu  pas- 
ser en  un  point  quelconque  du  joint  b.  La  marine  française 
emploie  un  anneau  en  cuivre  A  (fig.  5)  fonctionnant  comme 
l'obturateur  Broadwell. 

Fermeture.  1°  Artillerie  française.  Les  fermetures 
de  culasse  employées  en  France  sont  toutes  à  vis  système 
Treuille  de  Beaulieu.  Elles  se  composent  essentiellement 
d'un  corps  de  vis  cylindrique,  ou  vis-culasse,  en  acier, 
pouvant  se  visser  dans  un  écrou  taraudé  dans  le  canon. 
L'axe  de  l'écrou,  celui  de  la  vis  et  celui  du  canon  coïncident. 
Pour  obtenir  une  résistance  suffisante  et  pour  empêcher  tout 
dévirage  sous  l'action  du  tir,  le  pas  de  la  vis  a  dû  être  choisi 
assez  court  et  le  nombre  des  filets  assez  grand;  mais 
alors,  pour  fermer  ou  ouvrir  la  culasse,  on  était  obligé  de 
faire  faire  à  la  vis  un  nombre  de  tours  considérable  autour 
de  son  axe,  ce  qui  occasionnait  une  grande  perte  de 
temps.  Afin  d'éviter  cet  inconvénient,  le  capitaine  Treuille 
de  Beaulieu  a  eu  l'idée  de  ne  laisser  subsister  les  filets  de 
la  vis  que  sur  trois  secteurs  cylindriques  de  60°  chacun, 
en  les  abattant  complètement  sur  trois  autres  secteurs, 
de  60°  également  et  alternant  avec  les  secteurs  filetés.  La 
même  disposition  a  été  appliquée  à  l'écrou  du  canon.  Il  en 
résulte  que  la  culasse  étant  complètement  ouverte,  pour  la 
fermer  il  suffit  :  \  °  d'amener  la  vis  en  face  de  l'écrou,  de 
manière  à  placer  ses  secteurs  filetés  en  regard  des  secteurs 
lisses  de  l'écrou  ;  2°  de  pousser  la  vis  à  fond  parallèlement 
à  son  axe  ;  3°  de  donner  un  sixième  de  tour  dans  le  sens 
convenable  pour  mettre  la  vis  complètement  en  prise  avec 
son  écrou.  Pour  ouvrir  la  culasse,  on  exécute  les  trois 
mêmes  mouvements,  mais  en  ordre  inverse.  La  vis  étant 
extraite  du  canon,  le  dernier  mouvement,  destiné  à  démas- 
quer l'entrée  de  la  bouche  à  feu,  peut  se  faire  soit  par  une 
rotation  autour  d'un  axe  horizontal  ou  vertical,  soit  par  une 
translation  perpendiculairement  à  l'axe  du  canon.  Pendant 
toute  la  durée  de  ce  mouvement,  la  vis-culasse  n'étant  plus 
supportée  par  son  écrou  doit  être  soutenue  par  une  pièce 
spéciale  ;  c'est  cette  pièce  qui  possède  le  mouvement  de 
rotation  ou  de  translation  dont  nous  venons  de  parler  ; 
suivant  qu'elle  entoure  complètement  la  vis  ou  qu'elle  n'en 
contourne  que  la  partie  inférieure,  elle  porte  le .  nom  de 
volet  ou  de  console.  La  console  est  employée  dans  cer- 
taines bouches  à  feu  de  la  marine  et  particulièrement  dans 
celles  de  gros  calibres .  Dans  les  premiers  canons  de  la 
marine  se  chargeant  par  la  culasse  (mod.  4858-60),  elle 
tournait  autour  d'un  axe  parallèle  à  celui  de  la  bouche  à 
feu,  dans  une  pièce  appelée  cadran,  fixée  sur  la  tranche 
postérieure  du  canon  :  le  système  était  désigné  sous  le  nom 
de  fermeture  a  cadran  ;  plus  tard,  en  1864,  le  cadran 
fut  remplacé  par  une  coulisse  horizontale  parallèle  à  l'axe 
des  tourillons,  d'où  le  nom  de  fermeture  à  coulisse  ;  ce 
système  donnait  lieu  à  des  coincements  et  ne  tarda  pas  à 
être  remplacé  par  le  système  à  charnière,  dans  lequel  la 
console  tourne  autour  d'un  axe  perpendiculaire  au  plan  des 
axes  du  canon  et  des  tourillons.  C'est  ce  système  qui  a 
prévalu  dans  les  canons  de  la  marine  postérieurs  à  1870 
ainsi  que  dans  ceux  de  l'artillerie  de  terre  :  dans  les  uns 


FERMETURE 


-  288 


comme  dans  les  autres,  le  volet  ou  la  console  tournent  au- 
tour d'un  boulon  vertical  (le  canon  étant  supposé  horizon- 
tal). C'est  ainsi  que  sont  organisées  les  fermetures  de 
Reffye  (canons  de  5,  de  7  et  de  138  tirant  une  gargousse 
métallique  à  inflammation  centrale),  Lahitolle  (canon  de 
95  millim.)  et  de  Bange  (la  plupart  des  canons  de  l'ar- 
tiilerie  de  terre).  Toutes  emploient  la  mise  de  feu  par  étou- 
pille  à  friction.  Nous  donnerons  plus  loin  les  caractères 
essentiels  du  système  de  fermeture  de  Bange. 

Notons  également  que  depuis  1870  l'artillerie  de  la  ma- 
rine ayant  adopté  la  mise  de  feu  au  moyen  d'une  étoupilie 
à  percussion  centrale,  ses  fermetures  ont  été  munies  d'un 
mécanisme  de  mise  de  feu  spécial  comportant  deux  pièces 
principales  :  le  verrou  et  le  marteau;  la  première  cons- 
tituant un  appareil  de  sûreté  destiné  à  empêcher  la  mise 
de  feu  prématurée,  la  seconde  servant  à  frapper  l'étoupille 
par  l'intermédiaire  d'un  percuteur.  Depuis  1881  la  marine 
a  adopté  un  verrou  à  ressort  faisant  disparaître  certains 
inconvénients  du  verrou  simple. 

Il  est  indispensable  que  le  volet  ou  la  console  ne  puisse 
tourner  autour  de  sa  charnière  pendant  le  mouvement  de 
translation  de  la  culasse  suivant  l'axe  du  canon,  sans  quoi 
la  vis  se  coincerait  dans  son  logement.  Il  est  nécessaire 
également  que  la  vis,  une  fois  tirée  complètement  hors 
du  canon,  conserve  par  rapport  au  volet  une  position 
invariable,  sans  quoi,  dans  le  mouvement  de  rotation  du 
mécanisme  autour  de  l'axe  vertical,  pour  fermer  la  culasse, 
l'axe  de  l'écrou  et  celui  de  la  vis  ne  se  placeraient  pas  dans 
le  prolongement  l'un  de  l'autre,  et  les  secteurs  filetés  ne 
se  trouveraient  pas  en  regard  des  secteurs  lisses.  Le  méca- 
nisme doit  donc  être  complété  par  une  pièce  spéciale  ayant 
pour  but  de  relier  le  volet  ou  la  console,  tantôt  à  la  vis- 
culasse,  tantôt  au  canon  ;  cette  pièce  porte  le  nom  de 
verrou  ou  de  loquet  suivant  les  systèmes.  La  fermeture 
comporte  en  outre  le  plus  souvent  un  dispositif  de  sûreté 
empêchant  le  dévirage  accidentel  de  la  vis  et  quelquefois 
aussi  un  organe  destiné  à  empêcher,  comme  le  verrou 
de  sûreté  de  la  marine,  la  mise  de  feu  prématurée.  Une 
planchette  de  chargement,  qu'on  dispose  sur  le  secteur 
lisse  inférieur  de  l'écrou  de  culasse,  sert  dans  les  gros 
calibres  à  guider  le  projectile  au  moment  du  chargement  ; 
elle  protège  les  parties  relativement  tendres  du  projectile 
contre  les  dégradations  que  pourraient  y  occasionner  les 
filets  de  l'écrou  et  préserve  l'anneau  obturateur,  s'il  y  a 
lieu.  Enfin,  pour  les  gros  calibres  de  la  marine,  les  culasses 
ayant  des  poids  parfois  très  considérables,  on  a  recours 
pour  la  manœuvre  du  mécanisme  à  des  systèmes  d'engre- 
nages facilitant  respectivement  chacun  des  trois  mouve- 
ments que  comporte  cette  manœuvre. 

2°  Artilleries  étrangères.  Les  systèmes  de  fermeture 
employés  à  l'étranger  peuvent  se  ramener  à  six  types  prin- 
cipaux :  à  bloc,  à  piston,  à  double  coin,  à  coin  prismatique, 
à  coin  cylindro-prismatique  et  à  vis.  Les  trois  premiers 
sont  aujourd'hui  abandonnés;  nous  n'en  dirons  que 
quelques  mots.  La  fermeture  à  bloc,  connue  également 
sous  le  nom  de  fermeture  Armstrong,  consiste  en  un  bloc 
portant  à  l'avant  un  obturateur  en  cuivre  et  s'introduisant 
dans  une  mortaise  percée  verticalement  dans  le  canon. 
L'obturateur  est  pressé  dans  le  canon  à  l'aide  d'une  vis 
creuse  ayant  même  axe  que  ce  dernier  et  qui  permet, 
lorsqu'elle  est  desserrée  et  que  le  bloc  est  retiré,  d'exécu- 
ter le  chargement  par  sa  partie  postérieure.  La  fermeture 
à  piston,  appelée  aussi  système  Wahrendorf,  comprend 
essentiellement  un  piston  mobile  suivant  l'axe  de  la  bouche 
à  feu  et  une  forte  clavette  cylindrique  traversant  à  la  fois 
le  piston  et  le  canon  dans  une  direction  perpendiculaire  à 
cet  axe  et  servant  à  fixer  le  piston  dans  la  position  de  fer- 
meture. Une  portière  mobile  autour  d'une  charnière  joue 
le  rôle  de  volet.  L'obturation  est  obtenue  au  moyen  d'une 
coupelle  en  carton  qu'on  remplace  après  chaque  coup. 
La  fermeture  à  double  coin  ou  système  Kreiner  est  formée 
de  deux  coins  à  angles  égaux  dont  l'ensemble  est  mobile 
dans  une  mortaise  horizontale  percée  dans  le  canon  per- 


pendiculairement à  l'axe  de  ce  dernier.  Les  faces  de  contact 
des  deux  coins  sont  inclinées  par  rapport  à  l'axe  du  canon 
et  verticales  :  en  faisant  glisser  ces  deux  faces  l'une  par 
rapport  à  l'autre,  on  peut  augmenter  ou  diminuer  l'épais- 
seur du  prisme  formé  par  la  juxtaposition  des  deux 
coins,  et,  par  suite,  faire  varier  à  volonté  le  serrage  avec 
lequel  leur  ensemble  est  appliqué  contre  les  parois  de  la 
mortaise.  Ce  glissement  est  obtenu  au  moyen  d'une  vis  à 
manivelle  tournant  dans  un  écrou  pratiqué  dans  un  seul 
des  coins.  Chacun  des  coins  est  percé  d'une  fausse  âme 
pouvant  se  placer  dans  le  prolongement  de  l'âme  du  canon 
pour  permettre  le  chargement.  L'obturation  est  réalisée  à 
l'aide  d'un  obturateur  en  carton  ou  en  métal. 

Les  fermetures  à  coin  prismatique  et  à  coin  cylindro- 
prismatique  ne  diffèrent  en  principe  l'une  de  l'autre  qu'en 
ce  que  la  face  postérieure  du  coin  est  plane  dans  les  pre- 
mières et  cylindrique  dans  les  secondes.  La  forme  cylin- 
drique a  l'avantage  de  supprimer  les  angles  rentrants  de 
la  partie  arrière  de  la  mortaise  dans  laquelle  le  coin  se 
meut,  et  par  suite  de  diminuer  les  chances  de  rupture  du 
canon  en  ces  points.  Le  coin  peut  glisser  horizontalement 
dans  sa  mortaise  et  être  appliqué  énergiquement  contre 
les  parois,  au  moment  de  la  fermeture,  au  moyen  d'une 
vis  de  serrage  dont  l'axe  est  parallèle  à  la  direction  du 
mouvement  du  coin.  Il  est  percé  d'une  fausse  âme  pour  le 
chargement.  L'obturation  est  généralement  obtenue  par 
un  anneau  Broadwell.  La  description  détaillée  du  coin 
cylindro-prismatique,  tel  qu'il  a  été  adopté  pour  les  canons 
de  campagne  allemands,  est  donnée  plus  loin. 

La  fermeture  à  vis,  que  la  France  employait  seule  il  y 
a  une  dizaine  d'années,  tend  à  se  répandre  de  plus  en  plus 
à  l'étranger.  Les  Anglais  et  les  Américains  l'ont  adoptée 
pour  leur  nouveau  matériel,  les  Italiens,  les  Espagnols, 
les  Suédois,  les  Portugais,  les  Serbes,  etc.,  pour  certaines 
de  leurs  bouches  à  feu  en  service  ou  en  expériences  ;  les 
Allemands  eux-mêmes  ont  pris  la  vis  pour  certains  de  leurs 
mortiers  et  canons  courts,  et  les  Russes  viennent  de  l'adopter 
pour  leurs  canons  légers  de  campagne.  Les  obturateurs 
qu'on  rencontre  à  l'étranger  concurremment  avec  la  ferme- 
ture à  vis  sont  tantôt  l'obturateur  de  Bange,  tantôt  les 
anneaux  Broadwell  ou  Piorkowski,  plus  ou  moins  modifiés. 
Il  faut  cependant  remarquer  qu'on  ne  s'est  pas  astreint  par- 
tout à  la  segmentation  de  la  vis  en  six  parties  ;  en  Angle- 
terre, par  exemple,  le  nombre  des  segments  croît  avec  le 
calibre  :  il  est  généralement  de  six  pour  les  canons  de  petit 
et  de  moyen  calibre.  En  Italie,  pour  certains  canons,  bien 
qu'on  ait  maintenu  sur  la  presque  totalité  de  la  vis  trois  sec- 
teurs pleins  égaux,  l'un  des  filets  s'étend  sur  les  cinq  sixièmes 
de  la  surface  extérieure.  Le  Brésil  expérimente  actuellement 
(1893)  un  matériel  de  campagne  du  constructeur  français 
Canet,  dans  lequel  la  vis  est  interrompue  suivant  des  segments 
hélicoïdaux,  de  sorte  que  la  rotation  imprimée  à  la  vis  sur 
elle-même  produit  en  même  temps  sa  translation  suivant 
l'axe  du  canon,  ce  qui  supprime  un  des  trois  mouvements 
que  comporte  la  manœuvre  de  la  vis  ordinaire.  Les  Etats- 
Uni^  essayent  une  fermeture  système  Gerdom  dans  laquelle 
la  vis,  formée  de  deux  secteurs  lisses  et  de  deux  sec- 
teurs filetés,  n'est  susceptible  que  d'un  mouvement  de  ro- 
tation dans  le  volet.  Celui-ci  fait  corps  avec  un  bras 
perpendiculaire  à  son  plan  et  mobile  autour  d'un  pivot 
vertical  placé  sur  le  côté,  en  avant  de  la  tranche  postérieure 
du  canon.  Le  canon  est  échancré  à  l'arrière  pour  livrer 
passage  à  la  vis  dans  son  mouvement  autour  du  pivot.  L'ou- 
verture de  la  culasse  ne  comporte  ainsi  que  deux  mouve- 
ments :  quart  de  tour  de  la  vis  et  rabattement  sur  le  côté. 
3°  Canons  a  tir  rapide.  Dans  les  canons  à  tir  rapide, 
adoptés  récemment  par  un  grand  nombre  de  puissances  tant 
pour  l'armement  des  navires  que  pour  la  défense  des  places  et 
des  côtes,  le  chargement  se  fait  au  moyen  de  gargousses 
métalliques  à  inflammation  centrale  réunies  ou  non  au  pro- 
jectile suivant  la  grosseur  du  calibre.  Les  bouches  à  feu 
comprennent  toute  la  série  des  calibres  depuis  37  millim. 
et  même  au-dessous  jusqu'à  15  centim.  L'obturation  est 


289  — 


FERMETURE 


obtenue  au  moyen  de  la  gargousse  elle-même  ;  quant  aux 
mécanismes  de  fermeture,  organisés  le  plus  souvent  pour 
la  mise  de  feu  mécanique,  ils  comportent  un  appareil  de 
percussion  qui  s'arme  automatiquement.  Celui-ci,  formé 
d'un  chien  ou  d'un  percuteur,  d'une  gâchette  et  d'une 
détente,  fonctionne  généralement  par  la  pression  directe 
du  doigt  sur  la  détente,  ou  par  l'action  d'un  tire-feu  si  le 
canon  est  susceptible  de  reculer.  Dans  quelques  systèmes  le 
mouvement  pour  fermer  la  culasse  détermine  lui-même  le 
départ  du  coup.  Lorsque  la  mise  de  feu  se  fait  électrique- 
ment, le  départ  du  coup  est  provoqué  à  l'aide  d'un  ferme- 
circuit.  Un  extracteur,  fonctionnant  automatiquement  au 
moment  où  l'on  ouvre  la  culasse,  décolle  la  douille  vide  et 
le  plus  souvent  l'expulse  de  lui-même  au  dehors.  Les  dis- 
positions ingénieuses  imaginées  par  les  constructeurs  pour 
réaliser  toutes  ces  conditions  ainsi  que  pour  accélérer  au- 
tant que  possible  les  mouvements  d'ouverture  et  de  fermeture 
de  la  culasse  présentent  des  variétés  très  nombreuses  ; 
elles  peuvent  se  ramener  à  quatre  types  principaux  :  le  coin 
vertical,  le  coin  horizontal,  le  bloc  tournant,  la  vis. 

Les  fermetures  à  coin  vertical  comprennent  essentiel- 
lement un  coin  prismatique  susceptible  d'un  mouvement 
de  montée  et  de  descente  dans  une  mortaise  du  canon; 
lorsqu'il  est  abaissé,  il  permet  d'effectuer  le  chargement 
par  sa  surface  supérieure.  A  ce  système  appartiennent  la 
fermeture  Hotchkiss  qui  sera  décrite  plus  loin  en  détail, 
ainsi  que  les  fermetures  Gruson,  Krupp  et  Skoda. 

Le  mécanisme  à  coin  horizontal  adopté  par  Krupp 
pour  ses  canons  de  moyen  et  de  gros  calibre  n'est  autre 
que  le  coin  cylindro-prismatique  dont  nous  donnerons  la 
description,  dans  lequel  on  a  supprimé  la  lumière  et  auquel 
on  a  adapté  un  appareil  de  percussion  et  un  extracteur. 

A  la  catégorie  des  fermetures  à  bloc  tournant  appar- 
tiennent :  a.  Le  mécanisme  de  culasse  Nordenfelt,  qui 
se  compose  d'un  bloc  formé  de  deux  parties  pouvant  glisser 
l'une  sur  l'autre  et  dont  l'ensemble  se  déplace  dans  la 
mortaise  du  canon  en  tournant  autour  d'un  arbre  parallèle 
à  l'axe  des  tourillons,  fixé  en  arrière  et  en  bas  de  la 
tranche  antérieure  de  la  mortaise.  Le  bloc  est  manœuvré 
par  un  levier  monté  sur  le  même  arbre.  La  mise  de  feu  se 
fait  automatiquement  lorsqu'on  achève  de  fermer  la  cu- 
lasse ;  on  peut  également  disposer  le  mécanisme  pour  le 
tir  à  volonté,  b.  Le  mécanisme  automatique  Maxim,  dans 
lequel  l'inventeur  a  utilisé  le  recul  du  canon  pour  produire 
automatiquement  les  différents  mouvements  de  la  charge  : 
ouverture  de  la  culasse,  extraction  et  rejet  de  la  douille 
vide,  introduction  d'une  nouvelle  cartouche  dans  le  canon, 
fermeture  de  la  culasse  et  armé  du  percuteur.  La  mise  de 
feu  s'exécute  coup  par  coup  à  l'aide  d'une  détente  à  crosse 
de  pistolet  ;  si  le  pointeur  presse  sans  interruption  sur  la 
détente,  le  tir  devient  continu  et  atteint  la  vitesse  de 
5  coups  par  seconde  pour  le  calibre  de  37  millim.,  le  plus 
fort  auquel  ce  système  ait  été  appliqué.  L'approvisionne- 
ment se  fait  au  moyen  d'une  bande  de  chargement  garnie 
de  cartouches,  entraînée  mécaniquement  à  chaque  coup 
parle  fonctionnement  de  l'arme,  c.  La  fermeture  présentée 
par  le  capitaine  Engstrôm,  dans  laquelle  le  bloc,  mobile 
autour  d'un  arbre  parallèle  à  l'axe  des  tourillons,  est  com- 
mandée par  un  pêne  tournant  autour  d'un  second  arbre 
parallèle  au  premier. 

Parmi  les  systèmes  de  fermetures  à  vis,  les  plus  usités 
sont  ceux  de  Canet  et  d'Armstrong  :  a.  Dans  le  système 
Canet  l'organe  de  fermeture  est  la  vis  française  avec  volet- 
console,  organisée  de  manière  qu'on  puisse  effectuer  les 
trois  mouvements,  de  rotation,  de  translation  et  de  déga- 
gement sur  le  côté,  que  comporte  la  manœuvre  de  la  vis,  à 
l'aide  d'un  simple  déplacement  imprimé  au  levier  de  ma- 
nœuvre dans  un  seul  et  même  plan.  La  mise  de  feu  se  fait 
au  moyen  d'une  amorce  électrique  vissée  dans  le  culot  de 
la  cartouche,  b.  La  fermeture  Armstrong  consiste  en  une 
vis  à  filets  interrompus,  dont  le  corps  n'est  cylindrique 
qu'à  la  partie  postérieure  et  affecte  à  l'avant  la  forme  d'un 
cône  tronqué.  Grâce  à  cette  disposition  on  peut  amener  la 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


vis  dans  son  logement  par  un  simple  mouvement  de  rota- 
tion, ce  qui  supprime  celui  des  trois  mouvements  qui  s'ef- 
fectue dans  la  direction  de  l'axe  du  canon.  Les  secteurs 
filetés  sont  alternés  dans  les  deux  parties  de  la  vis  de 
façon  que  les  secteurs  lisses  du  cylindre  correspondent  aux 
secteurs  filetés  du  tronc  de  cône.  La  mise  de  feu  se  fait  en 
principe  par  l'électricité,  c.  Signalons  enfin  le  mécanisme 
de  culasse  proposé  par  MM.  Dodeteau  et  Dar mander,  dans 
lequel  la  vis  se  manœuvre  par  un  simple  mouvement  recti- 
ligne  imprimé  à  une  poignée  de  manœuvre  suivant  l'axe  du 
canon.  La  vis  est  supportée  par  une  console  qui,  lorsque 
le  mouvement  d'extraction  de  la  première  est  terminé, 
tombe  d'elle-même  en  tournant  dans  un  plan  vertical  pas- 
sant par  l'axe  du  canon.  La  mise  de  feu  se  fait  soit  au  moyen 
d'une  détente,  soit  par  le  mouvement  même  de  fermeture. 

C.  Fermeture  Avis  système  de  Range.  — La  description 
détaillée  de  cette  fermeture,  accompagnée  de  figures,  est 
donnée  au  mot  Bânge  [De].  Bornons-nous  à  indiquer  ici  ses 
caractères  généraux.  Elle  se  compose  d'une  vis  à  filets  in- 
terrompus sur  trois  secteurs  égaux,  d'un  volet,  d'une  tête 
mobile  et  d'un  obturateur  plastique.  Toutes  les  parties  du 
mécanisme  sont  assemblées  entre  elles  par  des  goupilles,  ce 
qui  rend  le  démontage  très  facile.  La  culasse  se  manœuvre  à 
l'aide  d'une  poignée  fixe  faisant  corps  avecla  vis  et  d'un  levier- 
poignée  mobile.  Le  loquet,  actionné  par  un  ressort  à  deux 
branches  relie  en  temps  voulu  le  volet  à  la  vis  ou  à  la 
pièce.  Un  plan  incliné,  taillé  dans  la  paroi  du  canon, 
agit  sur  le  bec  supérieur  du  loquet  pour  faire  sortir  le 
talon  de  son  logement  dans  la  vis,  lorsque  celle-ci  doit 
redevenir  libre.  Des  dégagements  dans  la  frette-culasse 
ou  dans  le  volet  permettent  de  faire  fonctionner  le  loquet 
malgré  le  bris  du  ressort.  La  tête  du  levier -poignée, 
tracée  en  came,  forme  système  de  sûreté  contre  le  dé  vi- 
rage, en  pénétrant  dans  une  mortaise  du  volet;  elle 
permet  le  décollement  de  l'obturateur,  lorsqu'on  a  exécuté 
le  sixième  de  tour,  en  prenant  appui  sur  la  tranche  posté- 
rieure du  volet.  La  mise  de  feu  se  fait  par  un  canal  de 
lumière  percé  dans  l'axe  de  la  tête  mobile  (V.  fig.  4).  Un 
obturateur  plastique,  décrit  plus  haut,  assure  l'obturation 
du  mécanisme.  Ce  système  de  fermeture  a  été  appliqué  en 
France  à  la  plupart  des  bouches  à  feu  en  service  dans 
l'artillerie  de  terre. 

D.  Fermeture  à  coin  cylindro-prismatique,  système 
Krupp  (fig.  6  à  9).  —  Le  mécanisme  à  coin  cylindro-pris- 
matique est  employé,  en  Allemagne,  depuis  4872,  à  l'ex- 
clusion des  autres  fermetures  à  coin.  Nous  allons  décrire 
celui  qui  est  adopté  dans  les  canons  de  campagne  alle- 
mands mod.  4873  et  mod.  4873-88.  —  La  mortaise  dans 
laquelle  le  coin  se  déplace  horizontalement  a  sa  face  anté- 
rieure normale  à  l'axe  de  la  bouche  à  feu,  tandis  que  sa  face 
postérieure,  demi-cylindrique,  a  ses  génératrices  légèrement 
obliques  à  cet  axe.  Sur  les  faces  supérieure  et  inférieure  est 
ménagée  une  nervure  directrice  dont  les  arêtes,  parallèles 
à  la  face  postérieure,  obligent  le  coin  à  s'éloigner  ou  à  se 
rapprocher  de  la  face  antérieure,  suivant  qu'on  le  tire  vers 
la  gauche  ou  qu'on  le  ramène  à  droite  pour  'ouvrir  ou 
fermer  la  culasse.  Sur  la  face  gauche  du  coin  est  vissée  la 
plaque  de  recouvrement.  En  haut  et  à  gauche  est  ména- 
gée, dans  le  coin,  une  excavation  servant  de  logement  à  la 
vis  de  serrage  ;  celle-ci,  dont  l'axe  est  parallèle  à  la  face 
postérieure  du  coin,  est  une  vis  à  filet  carré  présentant  en 
tout  trois  pas  et  demi.  Les  trois  pas  de  vis  sont  rasés 
jusqu'au  noyau,  en  ligne  droite,  sur  un  certain  développe- 
ment ;  le  demi-filet  voisin  de  la  plaque  de  recouvrement 
est  intact.  Un  filetage  pratiqué  dans  la  mortaise  du  canon, 
forme  un  écrou,  taraudé  à  la  demande  de  la  vis.  On  ma- 
nœuvre la  vis  au  moyen  d'une  manivelle  qui  peut  exécuter 
un  demi-tour  complet;  en  engageant  les  filets  dans  l'écrou, 
on  force  le  coin  dans  sa  mortaise  ;  en  amenant  au  contraire 
la  partie  non  filetée  en  face  de  l'écrou,  on  desserre  le  coin, 
et  on  peut  ensuite  le  tirer  à  la  main.  Un  linguet  à  ressort 
empoche  la  manivelle  de  tourner  et,  par  suite,  la  culasse 
de  s'ouvrir,  tant  qu'on  ne  l'a  pas  relevé.  A  l'autre  extrémité 

49 


FERMETURE 


290  - 


du  coin  est  percée  une  fausse  âme  qui  vient  se  placer 
dans  le  prolongement  de  l'âme  lorsqu'on  ouvre  la  culasse  : 
elle  est  garnie  d'un  manchon  intérieur  en  bronze,  sur 
lequel  sont  fixées  deux  vis-guides  qui  traversent  le  coin  et 
dont  les  têtes  viennent  s'engager  dans  deux  coulisses  delà 
mortaise  parallèles  à  la  face  antérieure  de  celle-ci.  Il  en 
résulte  que  dans  le  mouvement  de  va-et-vient  du  coin,  le 


bord  antérieur  du  manchon  reste  toujours  à  hauteur  de  la 
tranche  antérieure  de  la  mortaise,  de  façon  à  supprimer, 
autant  que  possible,  toute  solution  de  continuité  entre  la 
fausse  âme  et  l'âme. 

L'obturateur  est  un  anneau  en  cuivre  (en  acier  pour  les 
gros  calibres)  dans  lequel  la  surface  extérieure  est  sphé- 
rique  mais  dépourvue  de  gorge  ;  sa  surface  interne  est 


Fia-.  6. 


Vue  latérale 


gauche  de  la  culasse. 


convexe.  La  base  de  l'anneau  s'appuie,  lorsque  la  culasse 
est  fermée,  contre  une  plaque  d'acier  logée  dans  une  ex- 
cavation circulaire  ménagée  dans  la  partie  antérieure  du 
coin;  un  goujon  vissé  dans  cette  plaque  l'empêche  de 
tourner  sur  elle-même.  Dans  la  plaque  d'appui  de  l'obtu- 
rateur  est  creusé  un  godet  peu  profond  destiné  à  re~ 


Fig.  7. —  Coupe  verticale. 

cueillir  les  crasses  et  les  débris  de  la  gargousse.  Lorsque  le 
serrage  de  l'obturateur  devient  insuffisant,  on  peut  inter- 
poser entre  la  plaque  et  le  coin  des  rondelles  de  laiton  ; 
si  cela  ne  suffit  pas  on  change  l'obturateur.  D'ailleurs,  le 
système  d'obturation  doit  être  surveillé  très  attentivement. 
La  plaque  d'appui  et  l'obturateur  sont  nettoyés  fréquem- 


Vue  arrière. 


Fig.  9.  —  Plan  du  coin. 


A,  coin  cylindro-prismatique;  B,  vis  de  serrage;  C,  manivelle  de  la  vis  de  serrage;  D,  vis-lumière;  F,  coquille; 
G,  plaque  de  recouvrement;  H,  jjlaque  d'appui;  I,  fausse  âme;  K,  châssis  préservant  la  partie  saillante  du  coin; 
L,  obturateur;  a,  goujon;  6,  fente  pour  le  tire-feu;  c,  trou  pour  le  dégorgeoir;  d,  obturateur  de  lumière;  f,  fourreau 
de  lumière;  g,  grain  de  lumière  de  la  plaque  d'appui;  h,  vis  fixant  la  plaque  de  recouvrement;  i,  vis-guide  du  man- 
chon; fe,  rainure  triangulaire  où  coulisse  l'extrémité  de  la  vis-lumière;  f,  clavette  de  manivelle;  m,  linguet  ;  x,  axe 
du  linguet;  y,  ressort  clu  linguet;  z,  axe  du  ressort  du  linguet. 


ment  pendant  le  tir,  au  moyen  de  chiffons  trempés  dans 
la  glycérine  ou  dans  l'huile  de  Belmontyl. 

Le  canal  de  lumière,  traversant  obliquement  le  renfort 
du  canon  et  le  coin,  débouche  au  centre  de  la  plaque 
d'appui  :  deux  grains  en  cuivre  sont  logés  l'un  dans  la 
plaque,  l'autre  dans  le  coin  ;  une  vis-lumière  en  acier  tra- 
verse le  renfort  et  sert  à  la  fois  d'arrêtoir  pour  le  coin  et 
de  système  de  sûreté,  la  flamme  de  l'étoupilie  ne  pouvant 
arriver  jusqu'à  la  charge  que  si  les  deux  grains  sont  dans 
le  prolongement  de  la  vis-lumière,  c.-à-d.  que  si  le  coin 
est  poussé  à  fond.  Un  petit  anneau  de  cuivre,  à  section 
triangulaire,  placé  au  joint  de  la  vis-lumière,  empêche  les 
gaz  de  se  répandre  dans  la  mortaise.  La  vis-lumière  se 
termine,  au-dessus  du  renfort,  par  une  sorte  de  coquille 
qui  sert  de  pare-étoupille  et  protège  la  hausse  contre  l'en- 
crassement; elle  est  percée  d'une  fente  qui  livre  passage 
au  tire-feu  et  d'un  trou  dans  le  prolongement  du  canal  de 
lumière  pour  permettre  d'introduire  le  dégorgeoir.  La  co- 
quille est  prolongée  par  un  pied  donnant  prise  à  une  clef, 


à  l'aide  de  laquelle  on  dévisse  la  vis-lumière  lorsqu'on 
veut  retirer  entièrement  le  coin. 

E.  Fermeture  à  coin  vertical,  système  Hotchkiss  (fig. 
10  à  13).  —  Le  mécanisme  de  fermeture  des  canons  à  tir 
rapide  Hotchkiss  se  compose  d'un  coin  mobile  dans  une 
mortaise  verticale  pratiquée  dans  le  canon  et  d'une  mani- 
velle de  manœuvre  à  deux  branches  placée  sur  le  côté 
droit  du  coin  ;  l'appareil  de  mise  de  feu,  comprenant  un 
chien,  une  gâchette  et  une  détente,  est  logé  partie  dans 
une  chambre  ménagée  à  la  base  du  coin,  partie  en  arrière 
du  coin  sous  le  canon;  un  extracteur  est  disposé  sur  le 
côté  gauche.  —  Le  coin  a  sa  face  antérieure  normale  à 
l'axe  du  canon  et  sa  face  postérieure  légèrement  inclinée  sur 
cet  axe,  de  manière  que  la  partie  la  plus  large  du  coin  se 
trouve  en  bas.  Il  présente  à  sa  partie  supérieure  un  évide- 
mentqui,  lorsqu'on  abaisse  le  coin,  vient  se  mettre  dans 
le  prolongement  de  l'âme  pour  le  chargement.  Il  est  muni 
latéralement  de  deux  coulisses-guides  parallèles  à  sa  face 
postérieure,  servant  à  diriger  le  mouvement;  celui-ci  est 


291  - 


FERMETURE 


limité  par  une  vis-arrêtoir  engagée  dans  une  entaille  du 
coin.  Sur  l'arbre  de  la  manivelle  est  calée  une  bielle  dont  le 
bouton  peut  coulisser  dans  une  rainure  pratiquée  dans  le  coin . 
Cette  rainure  se  compose  de  deux  arcs  de  cercle  dont  l'un 


Fig.  10.  —  Vue  latérale  droite  de  la  culasse. 

trique  le  coin  ne  bougera  pas,  mais  quand  il  arrivera  dans 
l'autre  partie,  le  coin  s'abaissera  brusquement  non  seule- 
ment sous  l'efîort  de  la  manivelle  mais  encore  sous  l'action 
de  son  propre  poids.  Pendant  la  première  partie  de  ce  mou- 


Fig.  12.  —  Coupe  transversale. 


est  concentrique  à  l'arbre  de  la  manivelle  et  dont  l'autre 
a  sa  concavité  tournée  en  sens  inverse.  Supposons  la  cu- 
lasse fermée  :  si  l'on  fait  tourner  la  manivelle  de  droite  à 
gauche,  tant  que  le  bouton  restera  dans  la  partie  concen- 


Coupe  par  l'axe  du  canon. 


vement  de  la  manivelle,  où  le  coin  reste  immobile,  un  bras 
calé  sur  l'arbre  de  la  manivelle  agit  sur  un  doigt  monté  sur 
l'axe  du  chien  et  arme  ce  dernier  dont  la  noix  comprime  un 
ressort  à  deux  branches  en  même  temps  qu'un  bec  de  la 


Fip 


13.  —  Coupe  verticale  suivant  MNOP  (fig.  12), 
faisant  voir  le  mécanisme  de  la  détente. 


A,  coin;  B,  manivelle;  C,  bielle;  D,  bras;  F,  doigt;  G,  chien;  H,  gâchette;  I,  détente;  K,  extracteur;  a,  bouton  de 
bielle;  b,  rainure  du  coin;  c,  coulisse-guide  du  coin  ;  d,  vis-arrêtoir,  e,  évidement  du  coin;  f,  noix;  gr,  ressort  de 
chiert;  h,  ressort  de  gâchette;  i,  boulon  d'extracteur;  ï,  rainure  coudée;  x,  axe  de  manivelle  et  de  bielle;  y,  axe  du 
doigt  et  du  chien;  z,  axe  de  gâchette. 


gâchette  saisit  le  cran  de  la  noix  et  maintient  le  chien  dans 
la  position  de  l'armé.  Lorsqu'on  veut  faire  partir  le 
coup,  on  agit  sur  la  détente  qui  rend  à  la  noix  sa  liberté. 
L'extracteur  est  constitué  par  une  tige  mobile  dans  une 
glissière  pratiquée  dans  la  paroi  gauche  de  la  bouche  à  feu 
parallèlement  à  l'axe  du  canon  ;  l'extrémité  antérieure  de 
cette  tige  forme  crochet  et  saisit  le  bourrelet  de  la  cartouche. 
Sur  la  tige  est  fixé  un  boulon  qui  se  déplace  dans  une 
rainure  coudée  de  la  face  gauche  du  coin,  de  sorte  que 
l'abaissement  du  coin  provoque  le  mouvement  en  arrière 
de  l'extracteur,  et  l'éjection  de  la  douille  vide  au  moment 
où  la  culasse  est  complètement  ouverte.  Pour  fermer  la 
culasse  on  tourne  la  manivelle  de  gauche  à  droite  :  le  coin 
remonte,  soulevé  par  le  bouton  de  la  bielle,  et  sa  face  an- 
térieure vient  s'appliquer  contre  le  culot  de  la  cartouche 
en  produisant  un  serrage  énergique. 

FORTIFICATION.  —  Fermeture  des  ouvrages.  — 
Dans  les  ouvrages  fermés  de  champ  de  bataille,  on  interrompt 


toujours  les  fossés  du  côté  des  entrées,  qui  sont  naturelle- 
ment placées  du  côté  le  moins  exposé  aux  attaques.  Ces  pas- 
sages, de  1  à  2  m.  pour  l'infanterie  et  de  2m50  à  3  m.  pour 
l'artillerie,  sont  généralement  couverts  contre  les  coups  au 
moyen  de  traverses.  Mais  celles-ci  ne  sont  pas  suffisantes, 
ni  l'enlèvement  du  pont  qui  sert  à  franchir  le  fossé  lorsqu'il 
existe  ;  il  faut  en  outre  constituer  un  obstacle  qui,  en  se  fer- 
mant à  volonté,  empêche  l'ennemi  d'entrer  de  plain-pied  dans 
l'ouvrage,  après  avoir  escaladé  le  fossé.  C'est  pourquoi  ces 
passages  sont  fermés  par  des  barrières  improvisées  ou  par 
des  chevaux  de  frise.  Ces  fermetures,  dont  la  disposition 
varie  forcément  avec  le  temps  et  les  ressources  dispo- 
nibles, se  placent  ordinairement  à  hauteur  de  la  crête  inté- 
rieure, et  sont  tenues  sous  le  feu  d'une  traverse  couvrante 
ou  d'une  portion  de  parapet  à  proximité.  Elles  sont  reliées 
par  des  palissades  avec  le  parapet  ou  le  fond  du  fossé.  Les 
fermetures  les  plus  rapidement  organisées  doivent  toujours 
être  préférées,  et  on  arrive  à  ce  résultat  en  cherchant  à 


FERMETURE  -  FERMIERS 


292  — 


utiliser  les  portes  charretières  ou  autres,  assez  solides,  que 
l'on  trouvera  dans  le  voisinage,  en  perçant  au  besoin  des 
créneaux  dans  celles  qui  sont  pleines.  On  peut  employer 
comme  fermeture  des  barricades  formées  de  rondins  ou 
poutrelles,  encastrées  horizontalement  entre  deux  coulisses, 

mais  seulement  dans 
les  ouvrages  dont  on 
n'a  plus  à  sortir, 
c.-à-d.  au  dernier 
moment.  Pour  des 
petits  passages  de 
0m80  à  1  m.,  on 
peut  organiser,  de 
diverses  façons,  des 
fermetures  mobiles 
autour  d'un  axe  ho- 
rizontal situé  à  2  m. 
au  moins  au-dessus 
du  sol.  La  fig.  44 
indique  la  disposi- 
tion d'une  de  ces 
portes  tombantes  et 
son  mode  de  fonctionnement.  On  peut  également  fermer  les 
passages  peu  importants  an  moyen  de  barrières  à  bascules 
consistant  en  une  poutrelle  ou  un  corps  d'arbre,  qui  porte 
horizontalement  sur  deux  poteaux  verticaux,  et  qui  est  tra- 

'a  a  a  a  a  a  a  a 


Fig.  14. 


73 


V    V    V    V    V 


WF^T^^^^^m^^mûi!^^ 


Fig.  15. 


versé  par  un  certain  nombre  de  fuseaux  verticaux.  Cette  bar" 
rière  peut  pivoter  horizontalement  sur  un  poteau  par  son 
centre  de  gravité,  et,  par  suite,  s'ouvrir  et  se  fermer  facile- 
ment (fig.  15).  Enfin,  on  emploie  aussi,  pour  les  passages  de 

1  m.  à  lm50,  une 
petite  barrière  à  un 
vantail,  du  genre  de 
celle  indiquée  dans  la 
fig.  46. 

Les  passages  pour 
l'artillerie  sont  fermés 
au  moyen  de  barrières 
à  deux  vantaux  ou  de 
barrières  roulantes . 
Mais,  quel  que  soit  le 
mode  de  fermeture 
employé,  il  faut  évi- 
ter les  constructions  compliquées  ou  à  faire  de  toutes  pièces, 
en  se  servant  toujours  du  matériel  trouvé  sur  place,  que  l'on 
améliore  au  besoin  de  la  manière  la  plus  pratique  pour  rem- 
plir le  but  poursuivi.  Dans  les  ouvrages  isolés  ou  importants, 
il  est  prudent  de  disposer  deux  fermetures  l'une  derrière 
l'autre,  comme  mesure  de  précaution.  Dans  ce  cas,  jamais 
les  deux  portes  ne  sont  ouvertes  en  même  temps,  [tans  ces 
ouvrages,  on  peut  se  dispenser  d'interrompre  le  fossé  devant 
les  entrées,  et,  pour  traverser  celui-ci,  on  installe  un  pont 
roulant  ou  un  pont-levis  improvisé.—  Des  blockhaus  (V.  ce 
mot)  placés  en  face  des  passages  à  travers  le  parapet  peuvent 
être  utilement  employés  pour  défendre  l'entrée  des  ouvrages. 
Dans  ce  cas,  ils  sont  organisés  défensivement  sur  les  faces 
tournées  vers  l'entrée,  et  des  massifs  de  terre  formant 
parados  prolongent  chacune  de  leurs  extrémités,  dans  le 


Fig.  16. 


but  d'intercepter  les  coups  obliques.  Enfin,  tous  les  sys- 
tèmes de  fermeture  ou  d'organisation  défensive  des  entrées 
sont  sensiblement  renforcées  au  moyen  de  défenses  acces- 
soires (V.  ce  mot)  disposées  en  conséquence. 

ADMINISTRATION  MILITAIRE.  —  Fermeture  des 
portes  (V.  Porte). 

ENSEIGNEMENT.  —  Fermeture  d'écoles.  —  En  ce 
qui  concerne  l'enseignement  primaire,  la  fermeture  des 
écoles  privées  est  ordonnée  par  l'art.  42,  §  4,  de  la  loi  du 
30  oct.  1886,  dans  le  cas  où  la  direction  refuse  de  se  sou- 
mettre à  la  surveillance  et  à  l'inspection  des  autorités  sco- 
laires, et  si  ce  refus  a  donné  lieu,  dans  l'année,  à  deux 
condamnations  préalables  prononcées  par  le  tribunal  cor- 
rectionnel, «  la  fermeture  de  l'établissement  sera  ordonnée 
par  Fe  jugement  qui  prononcera  la  seconde  condamnation  ». 
En  outre  est  toujours  en  vigueur  l'art.  29  de  la  loi  du 
15marsl850,  d'aprèslequel  quiconque  aura  ouvert  ou  dirigé 
une  école  en  contravention  avec  les  dispositions  de  la  loi  sera 
poursuivi  devant  le  tribunal  correctionnel,  condamné  à  une 
amende  et  verra  son  école  fermée.  Les  mêmes  règles  sont 
applicables  aux  pensionnats  primaires  (loi  du  1 5  mars  1850, 
art.  53,  déc-7  oct.  1850,  art.  6).  De  même  et  par  appli- 
cation des  art.  22  et  66  de  la  loi  de  1850,  les  directeurs 
d'établissements  secondaires,  qui  n'auraient  pas  satisfait 
aux  conditions  de  la  loi  dans  l'ouverture  de  leur  établis- 
sement, ou  qui  auraient  refusé  de  se  soumettre  à  la  sur- 
veillance de  l'Etat,  seront  poursuivis,  et  leur  école  sera 
fermée,  dans  le  premier  cas,  après  la  première  condamna- 
tion, dans  le  second  cas,  après  récidive.  A  raison  même  de 
la  rigueur  des  prescriptions  légales  que  nous  venons  de 
rappeler,  il  est  rare  que  l'autorité  administrative  ait  à  pro- 
céder à  la  fermeture  d'une  école  quelconque.  Les  précau- 
tions prises  par  la  loi  pour  régler  les  formalités  d'ouver- 
ture (V.  Ouverture  des  écoles)  ont  précisément  ce  résultat 
que  les  écoles  ne  se  fondent  que  dans  des  conditions  accep- 
tables. Lors  de  la  réaction  de  1850,  il  y  a  eu  cependant 
un  certain  nombre  d'écoles  fermées,  et  la  circulaire  du 
4  févr.  1851  se  plaignait  de  la  mollesse  de  certains  tribunaux 
qui,  tout  en  prononçant  la  condamnation  à  l'amende  contre 
certains  délinquants,  n'avaient  pas  ordonné  par  le  même  juge- 
ment la  fermeture  d'écoles  indûment  ouvertes.  De  même,  et 
en  sens  opposé,  l'application  du  décret  de  1880  contre  les 
congrégations  non  autorisées  a  eu  pour  conséquence  la  ferme- 
ture d'un  certain  nombre  d'établissements  d'enseignement 
secondaire  dirigés  par  la  Société  de  Jésus.     G.  Compayré. 

TOPOGRAPHIE.  —  Fermeture  d'un  polygone  (V. 
Levé). 

Bibl.  :  Artillerie.—  Capitaine  Rinck,  Mécanismes  de 
culasse.—  Aide-mémoire  à  l'usage  des  officiers  d'artillerie, 
chap.  xv. —  Capitaine  Veyrines,  l'Artillerie  à  l'Exposition 
de  1889.  —  G.  Kaiser,  Construction  der  gezogenen  Ges- 
chùtzrohre;  Vienne,  1892.  —  J.  Dredge,  Modem  french 
Artillery  ;  Londres,  1892. 

FERMIERS  généraux  (Hist.  fmanc).  Sous  l'ancienne 
monarchie,  la  compagnie  des  fermiers  généraux  était 
chargée  de  recouvrer,  pour  le  compte  du  Trésor  et  moyen- 
nant un  prix  réglé  à  forfait,  tous  les  revenus  fiscaux  dont 
l'ensemble  correspond  aux  contributions  indirectes  de  notre 
temps.  Elle  ne  fut  constituée  que  par  Colbert,  en  1681. 
Mais  le  système  de  la  ferme  remonte  à  une  époque  bien 
antérieure  :  il  paraît  avoir  été  en  vigueur  dès  les  premières 
années  du  xme  siècle.  La  ferme  des  contributions  était 
alors  morcelée  ;  chaque  nature  de  taxe  faisait  l'objetd'un 
bail  distinct  par  province  ou  même  par  prévôté.  Ainsi  dis- 
séminées sur  tous  les  points  du  territoire,  sans  attache 
directe  avec  le  pouvoir  central,  les  fermes  royales  don- 
naient de  sérieux  mécomptes.  Le  roi  n'étant  pas  renseigné 
sur  la  valeur  réelle  des  revenus  affermés,  les  baux  étaient 
consentis  à  des  prix  dérisoires,  puis  rétrocédés  par  l'adju- 
dicataire à  des  sous-fermiers  qui,  pour  grossir  leurs  béné- 
fices, appliquaient  les  tarifs  avec  une  extrême  dureté.  Pour 
remédier  à  ces  abus,  Sully  résilia  les  traités  en  cours  et 
réunit  en  une  seule  adjudication  toutes  les  taxes  similaires. 
Les  traitants  on  partisans,  ainsi  désignés  du  nom  du  traité 


—  293  — 


FERMIERS 


ou  parti  qui  les  liait  envers  le  roi,  jetèrent  les  hauts  cris. 
Il  paraît  que  l'un  d'eux,  le  sieur  Robin,  désireux  d'avoir 
la  préférence  pour  le  bail  de  la  généralité  de  Tours,  offrit 
à  Mme  de  Sully  un  diamant  de  6,000  écus,  pour  qu'elle  l'ap- 
puyât auprès  de  son  mari.  Il  s'y  prenait  mai  avec  un  homme 
qui  ne  voyait  d'autres  amis  à  obliger  que  le  peuple  et  son 
maître.  La  réprimande  sévère  que  Sully  fit  à  sa  femme  en  pré- 
sence du  traitant  le  délivra  pour  jamais  de  semblables  sollici- 
tations. Les  fermes  générales  furent  adjugées  aux  enchères 
et  le  résultat  de  cette  opération  fut  fructueux  pour  le  Trésor. 
Dans  cette  période  de  transition,  les  fermes  étaient  au  nombre 
de  quatre  :  les  douanes  ou  traites,  connues  aussi  sous  le  nom 
de  cinq  grosses  fermes  ;  les  aides  (droits  sur  les  boissons)  ; 
les  gabelles  de  France  et  les  gabelles  de  Languedoc.  Il  y 
avait,  en  outre,  dix-huit  petites  fermes  locales. 

Colbert  acheva  la  réforme  inaugurée  par  Sully,  en  adju- 
geant à  une  société  de  quarante  financiers,  pour  un  prix 
annuel  de  56,670,000  livres,  les  droits  qui,  précédem- 
ment, faisaient  l'objet  de  traités  distincts.  Ce  bail,  qui  fut 
passé  le  26  juil.  -1684,  au  nom  de  Jean  Fauconnet,  marque 
l'entrée  en  scène  des  fermiers  généraux.  Leur  compagnie 
fut  définitivement  organisée,  sous  le  ministère  de  Fleury, 
lors  du  bail  Carlier,  signé  le  19  août  1726.  C'est  au  profit 
delà  société  intéressée  dans  ce  bail  que  furent  successive- 
ment renouvelées  les  adjudications  de  la  ferme  générale 
jusqu'à  la  fin  de  la  monarchie.  Ne  pouvaient  faire  partie 
de  cette  compagnie  que  les  personnes  pourvues  par  le  roi 
du  brevet  de  fermier  général.  Fixé  tout  d'abord  à  40,  le 
nombre  des  fermiers  associés  fut  porté  à  60  en  1755,  puis 
ramené  au  chiffre  primitif,  en  1780.  La  société,  constituée 
sous  la  forme  commerciale,  versait  au  Trésor,  comme  ga- 
rantie de  sa  gestion  financière,  un  cautionnement  ou  fonds 
d'avance  de  90  millions.  Les  associés  contribuaient  par 
égales  parts  à  la  formation  de  ce  capital,  de  sorte  que 
l'apport  de  chacun  d'eux  s'élevait  à  1,560,000  livres. 

La  compagnie  des  fermiers  généraux  n'intervenait  point  au 
bail  des  impôts,  en  tant  qu'adjudicataire  ;  elle  ne  jouait,  en  ap- 
parence, que  le  rôle  de  caution.  C'était  toujours  au  nom  d'un 
individu  étranger  à  la  corporation  des  fermiers  que  l'adjudi- 
cation était  prononcée  et  que  les  actes  de  poursuite  en  paye- 
ment des  droits  étaient  signifiés  aux  redevables.  Semblable 
au  manceps  des  compagnies  publicaines  de  l'ancienne  Rome, 
cet  adjudicataire  n'avait  aucune  part  dans  l'administration  ; 
c'était  un  homme  de  paille,  ordinairement  d'humble  extrac- 
tion, commis  de  la  ferme  ou  même  valet  de  chambre  du  con- 
trôleur général.  Après  avoir  apposé  sur  le  bail  sa  signature  à 
côté  de  celle  du  roi,  ce  comparse  rétrocédait  tous  les  droits 
qu'il  tenait  du  contrat  à  la  compagnie  des  fermiers  et  ren- 
trait dans  l'ombre,  pour  jouir,  en  paix  et  à  couvert  de  toute 
responsabilité,  d'un  traitement  annuel  de  4,000  livres.  No- 
tons que  le  prête-nom  de  la  ferme  changeait  à  chaque  re- 
nouvellement de  bail.  Quant  à  la  Compagnie,  elle  restait 
immuable,  sans  autre  changement  que  les  mutations  surve- 
nues dans  son  personnel,  par  suite  de  décès  ou  de  démissions. 
Le  bail  de  la  ferme  était  fait  pour  six  ans,  «  à  extinc- 
tion de  chandelle,  au  plus  offrant  et  dernier  enchérisseur». 
(Règlem.  du  25  juil.1681).  Le  prix,  qui  ne  dépassait  pas 
56,670,000 livres  en  1681,  s'éleva  à  91  millions  en  1738, 
à  124  millions  en  1763  et  atteignit  162  millions  en  1774, 
dans  le  bail  de  Laurent  David.  Voici,  d'après  le  bail  sous- 
crit, le  30  déc.  1761,  au  nom  de  Jean- Jacques  Prévôt, 
comment  le  prix  de  ce  traité,  fixé  à  124 millions,  serépar- 
tissait  entre  les  diverses  natures  d'impositions  : 

livres 

Gabelles.. 35.196.600 

Traites  et  cinq  grosses  fermes 14.031 .300 

Aides 33.983.200 

Vente  du  tabac 22.208.700 

Domaine  d'Occident 1 .139 .300 

Domaine  de  France   (contrôle  des  actes, 
insinuation,  etc.) 14.817.100 

A  reporter 121.376.200 


livres 

Report 121.376.200 

Droits  afférents  aux  duchés  de  Lorraine 
et  de  Bar 2.623.800 

Total 124.000.000 

Contrairement  à  ce  qu'on  pourrait  penser  à  première  vue, 
le  prix  du  bail  n'était  point  effectivement  encaissé  par  le 
Trésor,  à  l'échéance  des  termes  ;  il  se  réglait  par  un  simple 
jeu  d'écritures.  Entre  la  ferme  et  le  Trésor  il  existait  un 
compte  d'avance  ou,  pour  nous  servir  de  l'expression  con- 
sacrée par  la  pratique  moderne,  un  compte  courant  par 
doit  et  avoir.  La  Compagnie  créditait  le  Trésor  du  prix  du 
bail  aux  échéantes  et,  inversement,  elle  le  débitait  du 
montant  des  dépenses  qu'elle  acquittait  pour  le  compte  de 
l'Etat,  au  fur  et  à  mesure  de  la  présentation  des  mandats 
de  payement.  Et,  comme  la  ferme  générale  se  trouvait 
toujours  en  avance  avec  le  Trésor,  il  en  résultait  que  celui- 
ci  n'avait  aucun  encaissement  de  numéraire  à  opérer,  sauf 
dans  le  cas  où  la  liquidation  établie  en  fin  de  bail  faisait 
ressortir  une  recette  supérieure  à  l'ensemble  des  six  annui- 
tés de  la  ferme.  L'Etat  venait  alors  au  partage  du  bénéfice. 

La  compagnie  des  fermiers  généraux  administrait  directe- 
ment, sous  l'autorité  du  contrôleur  général,  les  diverses  per- 
ceptions comprises  dans  le  bail.  Il  est  vrai  qu'à  l'origine  elle 
pouvait  se  décharger  de  la  gestion  de  certaines  branches  de 
revenus,  en  les  sous-affermant,  par  généralités  ou  pour  toute 
l'étendue  du  territoire.  À  l'époque  où  ce  mode  d'exploitation 
indirecte  était  autorisé,  il  n'y  avait  pas  moins  de  250  sous- 
fermiers.  Mais  les  sous-fermes  furent  supprimées  en  1755 
(bail  Henriet)  et  les  fermiers  généraux  exercèrent,  dès  lors, 
par  eux-mêmes  et  sans  intermédiaire,  la  régie  de  tous  les 
droits  énumérés  dans  le  procès-verbal  d'adjudication. 

Le  service  central  de  la  ferme  avait  son  siège  à  Paris,  à 
l'hôtel  des  fermes,  rue  de  Grenelle-Saint-Honoré.  Il  se  répar- 
tissait  en  trois  grandes  sections  :  les  comités,  les  correspon- 
dances et  les  tournées.  La  première  de  ces  sections,  celle  des 
comités,  se  divisait  en  plusieurs  départements,  ayant  chacun 
des  attributions  particulières.  Ainsi,  il  y  avait  le  département 
des  caisses,  le  plus  important  de  tous,  où  se  traitaient  avec  le 
gouvernement  les  affaires  d'intérêt  général  ;  le  département 
du  personnel,  celui  du  contentieux  et  celui  des  retraites  ;  les 
départements  des  gabelles,  des  tabacs  et  des  traites.  Chacun 
de  ces  départements,  subdivisé  en  bureaux  où  travaillaient 
des  chefs,  des  sous-chefs  et  des  commis,  avait  à  sa  tête  un 
directeur  et,  au-dessus  de  celui-ci,  un  comité  de  6  à  20  fer- 
miers généraux.  Les  décisions  élaborées  dans  la  section  des 
comités  étaient  transmises  aux  directeurs  de  province,  par 
les  soins  de  la  section  de  correspondance,  également  diri- 
gée par  un  certain  nombre  de  fermiers  généraux.  Enfin, 
la  troisième  section  du  service  central  de  la  ferme  était 
celle  des  tourneur  s,  c.-k-d.  des  fermiers  généraux  désignés 
annuellement  par  le  contrôleur  général  des  finances  pour 
se  rendre  en  province  et  vérifier  les  caisses  des  receveurs 
de  la  ferme.  L'inspection  des  tourneurs  s'étendait  d'ailleurs 
à  toutes  les  parties  du  service  et  elle  était  des  plus  minu- 
tieuses. Le  fermier  en  tournée  devait  s'enquérir  «  de  la 
conduite  des  commis,  de  leur  manière  de  vivre  ;  s'ils  sont 
sages,  appliqués,  sociables  et  expéditifs,  ou,  au  contraire, 
s'ils  sont  fiers,  arrogants,  emportés,  vains,  aimant  la 
dépense  et  le  jeu,  et  s'ils  ne  sont  point  accusés  de  tirer  des 
gratifications  des  redevables  ;  s'ils  sont  mariés,  s'ils  ne  se 
mêlent  d'aucun  commerce  »  (Recueil  des  édits  concernant 
le  contrôle  des  actes,  année  1689).  Ajoutons  que  les  fer- 
miers généraux  se  faisaient  fréquemment  suppléer,  pour 
leurs  tournées  de  vérification,  par  des  mandataires  ou  délé- 
gués qui  portaient  le  titre  de  contrôleurs  généraux  des  fermes. 
Dans  chaque  généralité,  la  Compagnie  était  représentée 
par  un  ou  plusieurs  directeurs.  En  sa  qualité  de  chef  de 
service,  le  directeur  avait  pour  mission  d'assurer  l'exécu- 
tion des  ordres  émanés  de  l'administration  centrale,  de 
veiller  à  ce  que  les  perceptions  fussent  conformes  aux  tarifs, 
de  diriger  les  opérations  des  agents  du  contrôle  extérieur, 


FERMIERS 


294  - 


de  suivre  les  instances  intéressant  la  Compagnie,  enfin 
d'envoyer  à  Paris,  le  1er  mai  de  chaque  année,  le  compte 
général  des  produits  de  l'année  précédente.  Comme  rece- 
veur général,  le  directeur  était  chargé  de  centraliser  toutes 
les  recettes  opérées  par  les  comptables  de  la  généralité  et 
d'en  effectuer  ensuite  le  versement  à  la  caisse  de  la  ferme 
générale.  Ses  appointements  variaient  de  42,000  à  45,000 
livres  par  an.  Dans  les  généralités  où  il  y  avait  plusieurs 
directeurs,  chacun  d'eux  était  préposé  à  une  branche  dis- 
tincte de  produits  :  ainsi,  dans  la  généralité  de  Tours,  la 
ferme  des  domaines,  celle  des  gabelles  et  tabacs,  celle  des 
aides  et  droits  y  joints,  avaient  chacune,  en  4777,  un 
directeur  spécial  (Chardon,  Une  Direction  de  l'enregistre- 
ment au  temps  de  la  ferme  générale,  p.  47). 

Les  directeurs  régionaux  avaient  sous  leurs  ordres  tous 
les  agents  du  service  actif  ou  sédentaire  de  la  généralité, 
à  savoir  les  inspecteurs,  les  contrôleurs  ambulants,  les 
vérificateurs  et  les  commis-buralistes.  Les  inspecteurs 
avaient  pour  devoir  de  surveiller  les  opérations  des  contrô- 
leurs ambulants  et  de  rendre  compte  au  directeur,  leur 
chef  immédiat,  du  résultat  de  leurs  investigations.  Les 
contrôleurs  ambulants  et  les  vérificateurs  concouraient  les 
uns  et  les  autres  à  la  vérification  de  la  gestion  des  commis  ; 
il  leur  était  prescrit  d'examiner  à  fond  les  registres  de  re- 
cette, de  s'assurer  de  la  régularité  des  perceptions  et  la 
bonne  tenue  des  bureaux,  de  constater  les  contraventions 
commises  par  les  redevables  et  de  relever  les  droits  en 
souffrance.  La  principale  attribution  des  contrôleurs  ambu- 
lants, était  de  parcourir,  au  commencement  de  chaque  tri- 
mestre, les  vingt  ou  trente  bureaux  de  leur  circonscription 
pour  en  arrêter  les  produits  et  se  faire  remettre  le  montant 
de  la  recette  qu'ils  versaient  ensuite  entre  les  mains  du 
directeur.  Quant  aux  commis  de  la  ferme,  ils  étaient  éta- 
blis dans  les  villes  et  bourgs,  pour  la  perception  des  taxes 
multiples  comprises  dans  le  bail.  Exempts  de  tutelle,  de 
guet  et  de  garde,  ainsi  que  du  logement  des  gens  de  guerre, 
ils  ne  devaient,  ni  la  taille,  ni  la  collecte,  ni  l'impôt  du 
sel  (ordonn.  de  juil.  4684,  art.  44  ;  édit  de  mars  4696). 
D'autre  part,  la  loi  mettait  les  commis  «  sous  la  sauvegarde 
du  roi  et  des  juges  ».  Défense  expresse  à  toutes  personnes 
«  de  méfaire  ni  médire  des  employés  de  la  ferme  du  roi  », 
sous  peine  d'amende.  Un  conseiller  du  parlement  de  Rouen, 
M.  Brevedent  de  Sahurs,  ayant  traité  «  de  persécuteurs  et 
perturbateurs  du  repos  public  »  les  agents  de  la  ferme,  à  l'oc- 
casion d'une  saisie  de  vin  caché  dans  un  chargement  de  foin, 
se  vit  condamner,  par  un  arrêt  de  la  cour  des  comptes  de  Nor- 
mandie du  27  janv.  4747,  à  \ 00  livres  d'amende  envers  le 
roi,  et  à  300  livres  de  dommages-intérêts  envers  la  ferme. 

Les  commis  de  la  ferme  étaient  commissionnés  par  les 
fermiers  généraux;  ils  ne  pouvaient  entrer  en  fonctions 
qu'après  avoir  prêté  serment  devant  l'intendant  ou  son 
subdélégué.  Ils  devaient  être  catholiques  :  une  décision  du 
26  juil.  4735  révoqua  le  commis  de  Royan,  parce  qu'il  pro- 
fessait la  religion  réformée.  Dans  nombre  de  paroisses,  il 
n'y  avait  qu'un  seul  commis  pour  le  recouvrement  de  tous 
les  droits  de  la  ferme  (arrêt  du  conseil  du  8  avr.  4740). 
Mais,  généralement,  la  recette  des  droits  établis  sur  les 
actes  sous  le  nom  de  contrôle  et  d'insinuation,  qui  exigeait 
une  certaine  culture  juridique,  était  séparée  des  autres 
perceptions  et  confiée  aux  notaires,  aux  procureurs  et  aux 
greffiers.  Necker  nous  dit  que  les  personnes  qui  parvenaient 
ainsi,  par  cette  voie  latérale,  aux  emplois  du  contrôle  des 
actes,  étaient  portées  à  ne  voir  dans  leur  charge  de  commis 
qu'une  occupation  accessoire  et  se  montraient  d'une  grande 
tiédeur  pour  les  intérêts  de  la  ferme  {Administration  des 
finances,  I,  p.  496).  C'est  du  reste  ce  qui  ressort  des 
notes  confidentielles  adressées  à  la  ferme,  en  1777,  par 
le  directeur  des  domaines  de  Tours,  au  sujet  du  commis 
Fleury,  de  Chalonnes.  Il  paraît  que,  non  content  de  cumu- 
ler les  fonctions  de  procureur  fiscal  avec  son.  emploi  de 
contrôleur  des  actes,  le  préposé  de  la  ferme  gérait  les  pro- 
priétés de  l'évêque  d'Angers.  Voici  en  quels  termes  le 
directeur,  qui  avait  son  franc  parler,  appréciait  les  qualités 


administratives  de  ce  singulier  contrôleur  :  «  Fleury  n'est 
ni  instruit,  ni  zélé  ;  il  ne  fait  que  le  courant  de  son  bureau  ; 
souvent  malade  et  croyant  toujours  l'être  ;  les  affaires  de 
Msr  l'évêque  l'occupent  plus  que  celles  de  la  ferme  » 
(Chardon,  ibid.,  p.  63).  Il  y  atout  lieu  dépenser  que  les 
Fleury  abondaient  dans  les  emplois  inférieurs  de  la  ferme, 
et  c'est  apparemment  pour  remédier  à  cette  situation  que 
les  fermiers  généraux  instituèrent,  le  28  juil.  477-4,  un 
cadre  de  surnuméraires  où  se  recruta  désormais  le  person- 
nel des  commis  du  domaine.  A  partir  de  ce  moment,  les 
bureaux  du  contrôle  cessèrent  d'être  annexés  aux  offices 
de  notaires  ou  de  procureurs  et  furent  réservés  aux  jeunes 
gens  pourvus  du  brevet  de  surnuméraire. 

Les  règlements  punissaient  avec  une  extrême  rigueur 
les  malversations  des  employés  de  la  ferme.  Une  déclaration 
du  5  mai  4690  prononçait  la  peine  de  mort  contre  tout 
commis  convaincu  de  détournement  de  fonds,  lorsque  la 
somme  divertie  excédait  3,000  livres.  Au-dessous  de  ce 
chiffre,  la  fixation  de  la  peine  afflictive  était  abandonnée  à  la 
sagesse  des  juges.  Les  magistrats  ne  reculaient  point  devant 
l'application  de  ce  code  draconien.  Convaincu  de  s'être  appro- 
prié 48,300  livres  au  préjudice  de  sa  caisse,  un  distributeur 
de  papier  timbré  de  la  place  Dauphine  fut  condamné  à  être 
pendu,  par  une  sentence  des  élus  de  Paris  du  6  oct.  4724. 
La  même  peine  fut  infligée,  en  4744,  par  un  jugement  de 
l'intendant  de  Bretagne,  au  contrôleur  des  actes  de  Corlay, 
coupable  d'une  soustraction  de  recette  de  6,000  livres  :  il 
est  vrai  que  le  condamné  ne  fut  pendu  qu'en  effigie. 

Telle  était,  dans  son  ensemble,  l'organisation  de  la  ferme 
générale.  On  y  retrouve  tous  les  traits  de  notre  bureau- 
cratie financière  contemporaine  (V.  Contributions  indi- 
rectes, Enregistrement),  à  cette  différence  près  que  l'ad- 
ministration, au  lieu  de  dépendre  d'un  directeur  unique, 
étroitement  subordonné  au  ministre,  vivait  sous  la  tutelle 
d'une  puissante  compagnie,  en  quelque  sorte  autonome  et 
inamovible,  sur  laquelle  les  événements  politiques  n'avaient 
que  peu  de  prise  et  qui  ne  craignait  pas,  à  l'occasion,  de 
défendre  ses  prérogatives  contre  les  empiétements  du  pou- 
voir royal.  On  connaît  le  mot  de  Voltaire  sur  les  fermiers 
généraux  :  «  Il  y  a  dans  Persépolis  quarante  rois  plébéiens 
qui  tiennent  à  bail  l'empire  de  Perse  et  qui  en  rendent 
quelque  chose  au  monarque.  »  Cette  boutade  malicieuse  ne 
doit  pas  être  prise  à  la  lettre,  mais  elle  contient  une 
grande  part  de  vérité.  On  a  certes  exagéré,  en  accusant  les 
fermiers  généraux  d'avoir  édifié  leur  fortune  sur  la  ruine 
publique.  Les  fermiers  n'étaient  point  des  concussionnaires; 
c'étaient  des  financiers  très  avisés  qui  louaient,  à  prix  d'ar- 
gent, leurs  services  et  leur  crédit  à  un  gouvernement  tou- 
jours besogneux  et  en  quête  d'expédients.  La  rémunération 
qu'ils  prélevaient  sur  le  produit  de  l'impôt  n'avait  rien  d'illé- 
gitime, puisqu'elle  découlait  d'un  contrat  librement  débattu 
et  conclu  au  grand  jour  entre  la  ferme  et  le  représentant  de 
l'Etat.  Que  cette  rétribution  des  fermiers  généraux  fût  exces- 
sive, c'est  ce  que  nous  concédons  volontiers.  Un  contempo- 
rain de  la  ferme,  Bourboulon,  qualifie  de  scandaleuxles  pro- 
fits de  la  Compagnie  et  évalue  à  203,000  livres  de  rente  le 
traitement  annuel  de  chacun  des  associés  (Observations  sur 
les  opérations  de  finances  de  Necker).  Cette  estimation  se 
trouve  réduite  à  400,000  livres,  dans  le  mémoire  de  l'abbé 
Terray,  et  à  52,020  livres  dans  le  mémoire  justificatif  pré- 
senté à  la  Convention  par  Lavoisier.  La  vérité  est  qu'en  4775, 
l'émolument  annuel  d'un  fermier  général  comprenait  : 

livres 

Droit  de  présence 24 .  000 

Intérêt  à  40  °/0  du  premier  million  de  son 

cautionnement 400 .  000 

Intérêt  à  6  °/0  sur  le  surplus  (560 .  000) 33 .  600 

Etrennes 2.000 

Total 459.600 

Si  de  ce  chiffre  il  convient  de  déduire  les  intérêts  et  pen- 
sions dont  la  plupart  des  charges  étaient  grevées  au  profit  de 
croupiers  ou  bailleurs  de  fonds,  par  contre,  il  faut  y  ajouter 


—  295  — 


FERMIERS 


les  bénéfices  que  la  compagnie  partageait  avec  le  Trésor,  à 
l'expiration  du  bail.  Ces  bénéfices  atteignirent,  pour  certains 
baux,  une  somme  considérable.  Ainsi,  le  bail  David  (1774- 
4780),  qui  se  liquida  par  un  excédent  de  recette  de  30  mil- 
lions, procura  à  chaque  fermier,  en  sus  de  son  traitement 
ordinaire,  un  revenant-bon  de  250,000  livres.  Tout  compte 
fait,  on  peut  taxer  à  300,000  livres  environ  le  produit  an- 
nuel d'une  charge  de  fermier  général. 

Le  gouvernement  royal  ne  songeait  guère,  et  pour  cause, 
à  diminuer  les  profits  des  fermiers  ;  il  avait  au  contraire 
tout  intérêt  à  les  grossir,  étant  donné  que  le  roi,  les  mi- 
nistres et  les  courtisans  s'arrogeaient,  à  titre^de  croupes  ou 
de  pensions,  une  notable  partie  du  gain  obtenu  par  la 
ferme.  Sans  parler  du  pot-de-vin  traditionnel  de  100,000 
écus  qu'ils  allouaient  au  contrôleur  général  au  moment  de 
la  signature  du  bail,  les  fermiers  donnaient  aux  ministres, 
comme  étrennes  en  argent,  bougie,  vin  et  tabac,  210,000 
livres  par  an  (Lavoisier,  ibid.)  Lorsqu'il  fut  pourvu  du 
brevet  de  fermier  général,  en  1763,  Jacques  Delahante 
dut  remettre  au  roi  une  somme  de  150,000  livres  «  peur 
payer  ce  qui  restait  dû  sur  le  prix  d'achat  de  la  principauté 
de  Dombes  »  (A.  Delahante,  Une  Famille  de  finance,  I, 
p.  294).  Enfin,  il  est  avéré,  d'après  un  relevé  dressé  sur 
les  ordres  du  ministre  en  1776,  que  les  gens  de  la  cour  et 
leurs  créatures  touchaient  à  cette  époque,  indépendamment 
des  croupes,  400,000  livres  de  pensions  assignées  sur  les 
fermiers  généraux.  Ainsi,  Mme  de  Pompadour  avait  un 
intérêt  de  1/4  dans  la  place  du  fermier  d'Aucourt;  elle 
recevait,  de  plus,  de  M.  de  Saint-Hilaire  une  pension  de 
12,000  livres.  Quant  à  la  du  Barry,  elle  avait  stipulé  de 
son  protégé,  Bouret  d'Erigny,  une  croupe  de200, 000  livres. 
Parmi  les  autres  pensionnaires  de  la  ferme  figuraient  la 
nourrice  du  duc  de  Bourgogne,  une  chanteuse  de  concert 
de  la  reine  et  un  lieutenant- colonel  des  gardes  françaises. 
Le  roi  lui-même,  se  faisant  la  part  du  lion,  s'adjugeait  le 
produit  d'une  place  entière  de  fermier  général,  au  moyen 
de  trois  croupes  distribuées  entre  les  fermiers  Saieur,  de  La 
Haye  et  Poujaud. 

Ce  trafic  scandaleux,  qui  fut  dévoilé  sous  le  ministère  de 
Terray  par  l'indiscrétion  d'un  commis,  ne  contribua  pas 
peu  à  compromettre  le  bon  renom  de  la  ferme  générale.  On 
crut  dès  lors  sur  parole  les  publicistes  qui,  à  mots  cou- 
verts et  sous  le  voile  de  transparentes  allégories,  représen- 
taient la  Compagnie  comme  un  syndicat  d'exacteurs,  parta- 
geant avec  la  cour  le  fruit  de  leurs  rapines.  Il  faut  bien  dire 
aussi  que  certains  fermiers  généraux  semblaient  prendre  à 
tâche  de  justifier,  par  leur  luxe  insolent  et  leur  conduite 
inconsidérée,  ces  perfides  insinuations.  A  côté  des  finan- 
ciers probes  et  exacts  qui  portaient  tout  le  fardeau  de  l'admi- 
nistration, la  Compagnie  comptait  malheureusement,  parmi 
ses  membres,  des  aventuriers  enrichis  dans  des  spéculations 
inavouables  et  qui  se  sont  fait  un  nom  par  leurs  ruineuses 
folies.  De  ce  nombre  était  Michel  Bouret,  qui  mourut  dans 
îa  misère,  après  avoir,  au  dire  de  Bachaumont,  gaspillé  une 
fortune  de  42  millions.  On  peut  citer  encore  Bouret  d'Eri- 
gny,  frère  du  précédent,  qui  succéda  à  Helvétius,  grâce  à 
la  protection  de  Mme  de  Pompadour  dont  il  avait  épousé  la 
cousine;  Saint-James  qui  dépensait  400,000  livres  à 
l'ameublement  du  salon  et  de  la  salle  à  manger  de  son 
hôtel  et  qui,  après  avoir  fait  banqueroute,  mourut  à  la 
Bastille;  Grimod  de  La  Reynière,  l'auteur  du  Calendrier 
des  gourmands,  qui  donnait  à  ses  chevaux  des  mangeoires 
d'argent.  Encore  est-il  que  ces  excentriques  émules  de 
Fouquet  étaient,  pour  la  plupart,  généreux  et  bienfaisants. 
Le  fastueux  La  Popelinière,  que  Voltaire  saluait  tour  à  tour 
du  nom  de  Mécène,  de  Pollion  ou  de  Gamache,  protégeait 
les  auteurs  sans  fortune  et,  s'il  faut  en  croire  Mme  de 
Genlis,  dotait  tous- les  ans  six  pauvres  filles.  Ce  sont  là  des 
circonstances  atténuantes,  dont  il  faut  savoir  tenir  compte, 
si  l'on  veut  porter  un  jugement  impartial  sur  les  hommes 
et  les  choses  de  la  ferme. 

De  toutes  les  causes  qui  suscitèrent  contre  les  fermiers 
généraux  l'animad version  de  leurs  contemporains,  la  plus 


active  fut  sans  contredit  le  caractère  vexatoire  des  impôts 
dont  la  perception  leur  était  confiée.  Deux  de  ces  contribu- 
tions, les  traites  et  la  gabelle,  étaient  particulièrement 
exécrées.  Le  tarif  et  l'assiette  de  ces  taxes  variaient  suivant 
les  provinces  (V.  Contributions  indirectes).  Ainsi,  en 
dehors  des  pays  de  grande  gabelle,  plusieurs  provinces 
étaient  exemptes  ou  rédimées  de  l'impôt  du  sel.  De  là  une 
contrebande  incessante  sur  les  frontières  intérieures  qui 
séparaient  les  pays  de  gabelle  des  provinces  exonérées. 
Pour  combattre  la  fraude,  la  ferme  avait  dû  mobiliser  une 
armée  de  23,000  employés. Ces  commis  ou«  gabelous  »  se 
rendirent  odieux  par  leur  fiscalité  révoltante  et  par  l'espion- 
nage auquel  ils  se  livraient  pour  découvrir  les  faux  sauniers. 
Si  l'on  tient  compte,  en  outre,  des  peines  exorbitantes 
infligées  aux  fraudeurs;  si  l'on  considère  que  le  délit  de 
faux  saunage  encourait,  suivant  la  gravité  du  cas,  le  fouet, 
le  carcan,  lesgalèresou  lamort(ordon.  de!680,  tit.XVIl), 
et  que  sur  les  six  mille  forçats  détenus  dans  les  bagnes,  en 
1783,  le  tiers  était  composé  de  contrebandiers  dénefncés 
par  les  gabelous,  on  ne  sera  pas  surpris  de  l'effroyable  im- 
popularité qui,  aux  approches  de  la  Révolution,  s'attachait 
à  l'administration  des  fermiers  généraux. 

Turgot  accorda  une  première  satisfaction  à  l'opinion 
publique,  en  supprimant  le  pot-de-vin  qu'il  était  d'usage 
de  remettre  au  contrôleur  général,  à  chaque  renouvelle- 
ment de  bail.  Il  fit  décider  aussi  qu'à  l'avenir  il  ne  serait 
créé,  à  la  charge  des  fermiers  généraux,  aucune  de  ces 
croupes  et  pensions  dont  Louis  XV  et  sa  cour  avaient  si 
honteusement  trafiqué.  Necker  alla  plus  loin.  Pour  amoin- 
drir la  puissance  de  la  ferme,  jusqu'au  jour  où  il  serait  pos- 
sible à  l'Etat  de  prendre  lui-même  en  main  la  gestion  des 
revenus  affermés,  il  réduisit  à  quarante  le  nombre  des 
fermiers  généraux  et  restreignit  le  rôle  financier  de  la  com- 
pagnie au  recouvrement  des  taxes  douanières  (traites)  et 
des  droits  d'entrée  à  Paris,  à  la  vente  du  sel  (gabelles)  et 
au  monopole  du  tabac.  Quant  à  l'impôt  des  boissons  (aides) 
et  aux  droits  domaniaux  (contrôle,  centième  denier,  etc.), 
ils  furent  distraits  de  la  ferme  et  attribués  à  deux  autres 
compagnies,  la  régie  générale  et  l'administration  générale  des 
domaines  (arrêt  de  règlement  du9janv.  1780).  Cette  réforme 
fut  avantageuse  pour  le  Trésor.  Le  rendement  des  taxes 
indirectes,  qui  n'approchait  guère  que  de  162  millions  en 
1774,  époque  à  laquelle  tous  les  droits  étaient  réunis  dans 
le  bail  de  la  ferme,  atteignit,  en  '1786,  242  millions.  D'un 
autre  côté,  la  réduction  à  quarante  du  nombre  des  fermiers 
généraux  permit  au  gouvernement  d'épurer  la  compagnie  et 
de  n'y  conserver  que  les  hommes  laborieux  et  attachés  à 
leurs  devoirs.  Ainsi  que  le  reconnaissait  Necker  lui-même, 
les  cautions  du  bail  de  1781  n'étaient  plus  les  fermiers  d'au- 
trefois [Compte  rendu  au  roi).  Ils  comptaient  parmi  eux 
des  financiers  distingués  et  d'une  probité  au-dessus  de  tout 
soupçon,  tels  que  Jacques  Delahante,  Paulze,  de  Crisenoy, 
Parseval,  Papillon  d'ilauteroche,  d'Arlincourt,  Borda,  La- 
voisier. Mais,  si  méritoires  qu'elles  fussent,  les  améliora- 
tions réalisées  à  cet  égard  dans  l'administration  de  la  ferme 
ne  purent  réhabiliter  aux  yeux  du  public  cette  institution 
vieillie  et  déconsidérée.  Les  ennemis  de  la  ferme  générale 
ne  désarmèrent  point  :  «  Je  voudrais,  écrivait  Mercier 
dans  son  Tableau  de  Paris,  renverser  cette  immense  et 
infernale  machine  qui  saisit  à  la  gorge  chaque  citoyen.  » 

Les  principes  inscrits  par  le  législateur  de  la  Révolution 
dans  la  déclaration  des  droits  de  "l'homme,  le  nouveau  ré- 
gime fiscal  qui  allait  naître  de  ces  principes,  étaient  incom- 
patibles avec  le  maintien  de  la  ferme  générale.  Aussi, 
l'Assemblée  constituante,  après  avoir  aboli  successivement 
les  gabelles,  les  aides  et  les  autres  droits  mis  en  ferme  ou 
en  régfe  (Lois  des  26  mars  1790,  19-25  févr.  1791  et 
2-17  "mars  1791)  prononça  la  suppression  de  la  ferme  gé- 
nérale. Elle  chargea,  en  même  temps,  six  commissaires, 
nommés  parmi  les  anciens  fermiers,  de  liquider  les  comptes 
delà  Compagnie.  Mais  les  ennemis  de  la  ferme  réclamèrent 
bientôt  des  mesures  plus  énergiques.  Le  27  sept.  1793, 
un  député  de  l'Aisne,  Antoine  Dupin,  fit  décréter  par  la 


FERMIERS  —  FERNAMBOUC 


296  — 


Convention  la  nomination  d'un  comité  de  cinq  membres,  à 
l'effet  de  reviser  les  comptes  de  la  Compagnie.  Le  4  fri-  ' 
maire  an  II,  un  second  décret  ordonna  l'arrestation  des 
fermiers  qui  avaient  cautionné  les  trois  derniers  baux.  Ce 
décret  fut  rigoureusement  exécuté.  Tous  les  financiers  ayant 
appartenu  au  corps  de  la  ferme,  en  qualité  de  titulaires  ou 
d'adjoints,  se  virent  incarcérer  dans  l'ancien  couvent  de 
Port-Royal,  devenu  la  prison  de  Port-Libre  (aujourd'hui 
l'hôpital  de  la  Maternité).  Il  n'y  eut  exception  pour  per- 
sonne, pas  même  pour  Lavoisier,  bien  que  l'illustre  savant 
se  trouvât  alors  investi  d'une  mission  officielle,  celle  de 
concourir  à  la  création  d'un  nouveau  système  de  poids  et 
mesures.  Un  mois  après  leur  arrestation,  le  24  déc.1793, 
les  fermiers  généraux  furent  transférés,  au  nombre  de 
trente-deux,  à  l'hôtel  des  fermes,  aménagé  en  prison  pour 
la  circonstance.  Ils  profitèrent  des  loisirs  forcés  de  leur 
captivité  pour  terminer  les  comptes  de  la  ferme,  pendant 
que  leur  collègue  et  compagnon  de  geôle,  Lavoisier,  rédi- 
geait un  mémoire  en  réponse  aux  imputations  élevées  contre 
eux  parles  commissaires  re viseurs. 

Les  événements  se  précipitent.  Le  5  mai  1794  (16  flo- 
réal an  II),  à  la  suite  du  rapport  présenté  par  Dupin  sur 
les  comptes  de  la  ferme;  la  Convention  décide  sans  débats 
que  les  trente-deux  fermiers  incarcérés  seront  traduits 
devant  le  tribunal  révolutionnaire.  Fouquier-Tinville  signe 
le  jour  même  l'acte  d'accusation  et  fait  écrouer  les  pri- 
sonniers à  la  Conciergerie.  Trois  jours  après,  le  19  floréal, 
à  dix  heures,  les  accusés  sont  conduits  devant  le  tribunal, 
à  l'exception  du  fermier  Verdun  que  Robespierre  a  fait 
rayer  de  la  liste.  L'audience  s'ouvre  sous  la  présidence  de 
Coffinhal,  assisté  des  juges  Foucault  et  Denizot.  Parmi  les 
membres  du  jury  figurent  le  luthier  Renaudin,  le  joaillier 
Klipsis,  le  coiffeur  Pigeot,  Auvray,  employé  aux  diligences. 
Lecture  faite  par  le  substitut  Liendon  du  décret  qui  met 
hors  des  débats  les  adjoints  Delahante,  Saulot  et  de  Belle- 
faye,  le  président  Coffinhal  procède  à  un  simulacre  d'inter- 
rogatoire et  pose  au  jury  la  redoutable  question  suivante  : 
«  Les  accusés  sont-ils  coupables  d'être  auteurs  ou  com- 
plices d'un  complot  contre  le  peuple  français,  tendant  à 
favoriser  le  succès  des  ennemis  de  la  France,  en  exerçant 
des  exactions  et  en  mêlant  au  tabac  de  l'eau  et  des  ingré- 
dients nuisibles  à  la  santé  des  citoyens,  en  prenant  6  et 
10  °/0  d'intérêts  de  cautionnement,  en  retenant  dans  leurs 
mains  les  fonds  nécessaires  à  la  guerre  contre  les  despotes 
coalisés  contre  la  République  et  les  fournir  à  ces  derniers?  » 
La  réponse  du  jury  est  :  Oui,  à  l'unanimité.  C'est  la  peine 
de  mort.  La  terrible  sentence  est  exécutée  sans  sursis. 
Presque  au  sortir  de  l'audience,  les  condamnés  s'acheminent 
vers  la  place  de  la  Révolution  et  montent  sur  lechafaud. 
Tous,  ils  subissent  la  mort  courageusement. 

Ce  drame  sanglant  eut  un  épilogue  assez  inattendu.  Une 
année  à  peine  s'était  écoulée  depuis  l'exécution  des  vingt- 
huit  fermiers  généraux,  lorsque  Dupin  lui-même,  le  per- 
fide instigateur  de  leur  procès,  vint  proposer  à  la  Conven- 
tion de  déclarer  que  la  confiscation  des  biens  «  des  finan- 
ciers injustement  condamnés  »  serait  de  nul  effet.  Rejetant 
tout  l'odieux  de  leur  condamnation  sur  la  faction  de  Robes- 
pierre, il  avoua  hautement  que  Lavoisier  et  ses  infortunés 
collègues  de  la  ferme  «  avaient  été  envoyés  à  la  mort  sans 
avoir  été  jugés  »  (Moniteur  du  20  floréal  an  III).  Mais 
les  veuves  et  les  enfants  des  victimes  ne  se  contentèrent  pas 
de  cette  amende  honorable;  ils  réclamèrent  l'arrestation  et 
la  mise  en  jugement  de  Dupin,  et  leur  requête  fut  présentée 
à  la  Convention  par  le  député  Génissieux.  Le  22  messidor 
an  III  (13  août  1795),  l'Assemblée,  ratifiant  les  conclu- 
sions du  député  Lesage,  d'Eure-et-Loir,  décréta  Dupin  de 
prise  de  corps.  Remis  en  liberté,  par  suite  de  l'amnistie  du 
4  brumaire  an  IV,  Dupin  disparut  de  la  scène  politique  et 
parvint  à  se  faire  oublier  dans  un  obscur  emploi  des  con- 
tributions indirectes.  Entre  temps,  une  nouvelle  commis- 
sion de  comptabilité  fut  chargée  de  reprendre  l'examen  des 
comptes  de  la  ferme.  A  la  suite  d'une  enquête  approfondie 
qui  dura  plusieurs  années,  les  commissaires  reconnurent 


que  les  fermiers  généraux,  loin  de  devoir  au  Trésor 
130  millions,  ainsi  que  l'avaient  prétendu  leurs  accusateurs 
de  1793,  étaient  au  contraire  en  avance  de  8  millions 
(arrêt  de  quitus  du  Ie1'  mai  1806).  La  réhabilitation  était 
complète.  Emmanuel  Besson. 

Bibl.  :  Marquis  de  Mirabeau,  Théorie  de  l'impôt,  1760, 
in-4.  —  Bosquet,  Dictionnaire  raisonné  des  domaines  ; 
Rouen,  1762,  3  vol.  in-4.  —  De  Forbonnais,  Recherches  et 
considérations  sur  les  finances  de  France  ;  Liège,  1768, 
6  vol.  in-18.  —  Necker,  Compte  rendu  au  roi;  Paris,  1781, 
in-4.  —  Bourboulon,  Observations  sur  les  opérations  des 
finances  de  Necker  ;  Genève,  1781,  in-4.  —  Bresson,  His- 
toire financière  de  la  France  ;  Paris,  1829,  2  vol.  in-8.  -— 
De  Nervo,  les  Finances  françaises  sous  l'ancienne  monar- 
chie, la  République  et  l'Empire;  Paris,  1863,  6  vol.  in-8.  — 
A.  Lemoine,  les  Derniers  Fermiers  généraux;  Paris,  1873, 
in-8.  —  Vuitry,  Etudes  sur  le  régime  financier  de  la 
France  avant  la  révolution  de  1189;  Paris,  1878,  in-8,  et 
1883, 2  vol.  in-8.—  A.  Delahante, Une  Famille  de  finance  au 
xyiii0  siècle  ;  Paris,  1881,  2  vol.  in-8, 2e  édit.  —  A.  de  Janzé, 
les  Financiers  d'autrefois  (fermiers  généraux);  Paris,  1886, 
in-8.  —  E.  Chardon,  Une  Direction  de  l'enregistrement  au 
temps  de  la  ferme  générale;  Abbeville,  1887,  in-8.  — 
E.,Grimaux,  Lavoisier;;  Paris,  1888,  in-8. —  Bouchard,  Sys- 
tème financier  de  l'ancienne  monarchie;  Paris,  1891,  in-8. 

FER  MO.  Ville  d'Italie,  ch.-l.  de  circondario  de  la  prov. 
d'Ascoli  Piceno  (Marches) ,  à  7  kil.  de  l'Adriatique  ; 
18,383  hab.  L'ancrage,  très  médiocre  d'ailleurs,  situé  à 
l'embouchure  du  Lete,  sert  de  port  à  Fermo. 

FERMO  (Lorenzino  da),  peintre  italien,  né  à  Fermo  (prov. 
d'Ascoli),  florissait  vers  1660.  Il  y  a  de  lui  de  nombreux 
tableaux  dans  les  villes  de  la  Marche  d' Ancône  ;  le  plus  célèbre 
est  une  Sainte  Catherine,  qui  se  trouve  à  l'église  des  Con- 
ventuels de  Fermo.  L'extrême  variété  de  style  de  cet  artiste 
ne  permet  pas  de  le  rattacher  spécialement  à  aucune  école. 
Lorenzino  da  Fermo  fut  le  maître  de  Giuseppe  Ghezzi. 

FERMOIR,  FERMOUER  (Archéol.).  Sorte  d'agrafe 
employée  au  moyen  âge  pour  fermer  les  livres  et  les  ma- 
nuscrits ;  ils  étaient  indispensables  à  cause  de  la  forte  pres- 
sion que  nécessitait  le  parchemin  pour  maintenir  les  ais  en 
bois  reliant  les  manuscrits.  Les  fermoirs  étaient  ou  bien 
métalliques,  avec  charnières  et  crochets,  ou  bien  c'étaient 
de  simples  crochets  montés  sur  cuir  ou  sur  tissu,  fixés  sur 
l'épaisseur  de  la  couverture  et  s'attachant  de  l'autre  côté 
à  une  boucle  ou  à  un  arrêt  quelconque.  Les  fermoirs  en 
métal,  parfois  en  or  ou  en  argent,  étaient  souvent  riche- 
ment ciselés  ou  niellés.  G.  St-A. 

Bibl.  :  Bosc,  Dict.  de  l'art  de  la  curiosité  ou  du  bibelot; 
Paris,  1883,  in-8.  —  V.  Gay,  Gloss.  archéol.  du  moyen  âge 
et  de  la  Renaissance  ;  Paris,  1887,  in-4. 

FERMOR  (Henrietta-Louisa),  comtesse  de  Pomfret, 
morte  à  Bath  le  15  déc.  1761.  Fille  du  baron  Jeffrey  s,  elle 
épousa,  en  1720,  Thomas  Fermor,  baron  Leominster,  créé 
en  1721  comte  de  Pomfret  ou  Pontefract5  grand  écuyer  de 
la  reine  Caroline,  dont  elle  devint  dame  d'honneur.  Après 
la  mort  de  la  reine,  elle  voyagea  beaucoup  sur  le  continent. 
Très  liée  avec  Horace  Walpole,  lady  Montagu,  la  duchesse 
de  Norfolk,  la  comtesse  d'Hartford,  elle  a  laissé  une  Cor- 
respondance  volumineuse  (Londres,  1805-1806,  3  vol.). 

FERMOR  (Thomas- William),  comte  de  Pomfret,  géné- 
ral anglais,  né  le  22  nov.  1770,  mort  le  29  juin  1833. 
Entré  dans  l'armée  en  1791,  il  servit  en  Flandre  en  1793, 
assista  aux  sièges  de  Valenciennes  et  de  Dunkerque,  parti- 
cipa à  la  répression  de  la  révolte  d'Irlande  en  1794,  à 
l'expédition  du  Helder  où  il  se  distingua.  Lieutenant-colo- 
nel en  1808,  il  servit  dans  la  garde  en  Portugal.  Il  fut 
promu  lieutenant  général  le  27  mai  1825. 

FERMOSELLE.  Villa  d'Espagne,  prov.  de  Zamora, 
à  7  kil.  de  la  frontière  de  Portugal,  sur  un  rocher  au  pied 
duquel  s'unissent  le  Douro  et  le  Tormès;  4,956  hab.  On 
y  remarque  les  ruines  d'un  vieux  fort. 

FERNAMBOUC.  Nom  donné  par  des  marins  français,  dès 
le  xvie  siècle,  au  port  de  Recife  et  au  territoire  de  Pernam- 
buco,  au  Brésil.  Ce  nom  est  entièrement  inconnu  dans  le  pays. 

Bois  de  Fernâmbouc  (Teint.). —  Ce  bois,  qui  croît  dans  les 
forêts  du  Brésil  et  qui  provient  du  Cœsalpinia  echinata,  est 
un  des  produits  tinctoriaux  les  plus  importants  ;  il  fournit  une 


—  297  — 


FERNAMBOUC  —  FERNANDES 


belle  couleur  rouge  et  sert  dans  la  teinturerie,  la  fabrication 
de  la  laque  carminée,  la  lutherie,  etc.  (V.  Rouge).     L.  K. 

FERNAN-Vaz.  Estuaire  de  l'Afrique  occidentale,  par 
1°  20'  lat.  S.  dans  le  pays  de  Cama,  dépendance  do  la  colo- 
nie française  du  Gabon.  Le  Fernan  Vaz,  large  de  300  m.  et 
d'un  accès  difficile  à  cause  de  sa  barre,  sert  de  déversoir  à  la 
série  de  lagunes  où  se  jette  l'Ovango,  un  des  bras  méridio- 
naux de  FOgôoué.  Population  nègre,  laborieuse,  avec  laquelle 
les  relations  commerciales  (caoutchouc,  ébène)  sont  aisées. 
FERNAN  ouHERNAN  Gonzalez,  premier  comte  de  Cas- 
tille,  né  à  Burgos,  mort  en  970.  Il  descendait  des  anciens 
juges  de  Castille  par  son  père,  Gonzalo  Fernandez.  Uni  à 
Ramiro  H,  roi  de  Léon,  ils  vainquirent  ensemble  le  khalife 
de  Cordoue,  Abd-er-Rahman  III,  à  la  journée  d'Osma  (933 
ou  934).  En  934,  938  ou  939,  ils  gagnèrent  une  seconde 
bataille  à  Simancas  où  les  Arabes  auraient  perdu  80,000 
hommes.  Les  musulmans  essuyèrent  une  troisième  défaite  à 
Dazio.  Cependant  Fernan  Gonzalez  victorieux  cherchait  à 
se  rendre  indépendant  du  royaume  de  Léon  ;  dans  ce  but, 
il  se  serait  même  allié  aux  infidèles  tant  de  fois  vaincus  par 
lui.  Il  se  souleva,  mais  fait  prisonnier  avec  un  autre  comte 
castillan,  Diego  Nunez,  il  obtint  son  pardon  et  maria  sa 
fille  Urraca  avec  Ordofio,  fils  de  Ramiro  IL  A  l'avènement 
d'Ordofio  III,  nouvelle  révolte,  sans  plus  de  succès.  L'ap- 
proche des  Arabes  les  réconcilia  :  le  roi  envoya  même  des 
secours  au  vassal  vaincu  à  San  Esteban  de  Gormaz  où  la 
perte  des  Castillans  fut  énorme.  «  Allah  seul  connaît  le 
nombre  de  ceux  qui  périrent  là.  »  (Conde.)  Tout  le  comté 
aurait  été  dévasté.  A  peine  Sancho  Ier  le  Gros,  successeur 
d'Ordofio  III,  commençait-il  à  régner,  qu'OrdonoIV  le  Mau- 
vais le  renversait,  avec  l'aide  de  Fernan  Gonzalez  qui  se  dé- 
clarait indépendant  (960).  Sancho  Ier,  rétabli  sur  le  trône 
(964),  abandonna  le  comte  de  Castille,  attaqué  de  nouveau 
par  toutes  les  forces  de  l'Islam.  Il  n'en  livra  pas  moins  une 
bataille  désespérée  près  d'Hasinas  et  triompha  des  musul- 
mans après  trois  jours  entiers  d'une  lutte  furieuse.  Les 
chrétiens  dirent  avoir  vu  saint  Jacques,  à  la  tête  de  la 
chevalerie  céleste,  combattre  pour  eux  dans  les  airs.  «Tant 
de  cadavres  sont  tombés  que  la  plaine  en  est  toute  cou- 
verte; on  les  poursuivit  jusqu'à  Almansaoù  finit  la  tuerie.» 
{Romancero.)  Invité  à  venir  aux  Cortès  de  Léon  après 
cette  victoire,  le  comte  s'y  rendit,  mais  si  bien  accompagné 
que  le  roi  n'osa  le  faire  arrêter,  comme  il  en  avait  la  vo- 
lonté, et  le  laissa  repartir  librement.  D'accord  avec  le  roi  de 
Navarre,  Garcia  II  (?),  Sancho  lui  fit  offrir  la  main  de 
l'infante  dona  Sancha.  Arrivé  à  Pampelune  pour  la  célébra- 
tion   de  ce  mariage,  il  fut  traîtreusement  enfermé  ;  les 
prières  de  sa  nouvelle  épouse  finirent  pourtant  par  obtenir 
sa  liberté.  Le  Navarrais  furieux  lui  déclara  la  guerre,  mais, 
vaincu  par  les  Castillans,  il  subit  lui-même  une  longue  cap- 
tivité dans  Burgos.  Plus  tard,  attiré  à  Léon  par  Sancho  le 
Gros,  Fernan  Gonzalez  fut  arrêté  de  nouveau.  Il  réussit  à 
s'échapper,  grâce  à  Dona  Sancha  ;  elle  prit  les  vêtements  de 
son  mari,  lui  donna  les  siens  et  resta  dans  la  prison.  Le 
roi,  touché  de  ce  dévouement,  la  renvoya  à  Burgos  et  fit  la 
paix  avec  le  comte.  Au  moment  où  les  Arabes  envahissaient 
la  Castille,  conduits  par  le  comte  Vêla,  Fernan  Gonzalez 
mourut,  laissant  ses  terres  à  son  fils  Garci  Fernandez.  — 
L'histoire  de  Fernan  Gonzalez  est  fort  obscure  et  pleine  de 
contradictions.  Si,  d'après  les  historiens  arabes,  il  fut  loin 
d'être  toujours  vainqueur  dans   les  nombreuses  batailles 
livrées  aux  musulmans  (notamment  à  Simancas),  les  Espa- 
gnols ont  exagéré  ses  triomphes  et  mêlé  beaucoup  de  lé- 
gendes aux  faits  réels  de  sa  vie.  Il  passait  pour  invincible. 
«  Dieu  voulut  au  bon  comte  cette  grâce  accorder  que  Mores 
ni  chrétiens  ne  le  purent  vaincre.  »  (Chronique  rimée  de 
Fernan  Gonzalez.)  Ses  romances  le  font  combattre  contre 
Al-Mansour,  qui  ne  commença  cependant  ses  meurtrières 
invasions  dans  l'Espagne  chrétienne  qu'en  977,  probable- 
ment afin  d'opposer  au  héros  castillan  un  adversaire  digne 
de  lui.  Suivant  la  tradition,  il  aurait  cédé  au  roi  Sancho  Ier, 
devant  les  Cortès  de  Léon,  un  autour  de  grand  prix  avec  un 
magnifique  cheval   arabe,   conquis  sur  Al-Mansour.  Ne 


pouvant  en  payer  le  prix  au  jour  fixé,  le  suzerain  affran- 
chit le  vassal  de  tout  hommage  ;  la  Castille  devint  libre  : 
dès  lors  le  comte  n'eut  plus  à  baiser  la  main  d'aucun 
homme.  Il  est  plus  probable  que  Fernan  Gonzalez  secoua 
le  joug  féodal  à  la  suite  du  renversement  de  Sancho  Ier, 
mettant  à  profit  l'avènement  d'Ordofio  le  Mauvais  pour 
lequel  il  s'était  déclaré.  C'est,  avec  le  Cid  et  Bernardo  del 
Carpio,  un  des  plus  fameux  héros  de  l'Espagne  gothique. 
Son  tombeau  est  dans  l'église  de  San  Pedro  de  Arlansa,  en 
la  ville  de  Burgos.  Lucien  Dolleus. 

Bibl.  :  Crônica  gênerai,  éd.  de  1541.  —  Mariana,  Ilis- 
toria  gênerai  de  Espa.ua;  Madrid,  1791,  10  vol.  —  Tesoro 
delos  Romanceros  y  Cancioneros  espanoles;  Paris,  1838. 
—  Antonio  Conde,  Hisloria  de  la  dominacion  de  los 
Arabes  en  Espana;  Paris,  1840. 

FERNAN  Nunez  (duc  de),  diplomate  et  grand  d'Espagne, 
né  à  Madrid  en  -1778,  mort  à  Paris  le  26  oct.  1824.  Son 
père,  ambassadeur  d'Espagne  en  France  sous  Louis  XVI,  prit 
grand  soin  de  son  éducation  ;  à  la  cour  il  se  fit  remarquer 
de  bonne  heure  par  ses  connaissances  et  l'indépendance  de 
ses  opinions.  Il  s'attacha  au  prince  royal  Ferdinand,  et 
comme  il  n'avait  pu  le  dissuader  d'aller  à  Bayonne,  tint 
du  moins  à  l'y  accompagner.  Il  accepta  pourtant  la  place 
de  grand  veneur  près  du  roi  Joseph,  mais  ne  se  servit  de 
sa  situation  que  pour  combattre  celui-ci  qui  le  fit  déclarer 
traître  (3  nov.  4808).  Le  comte  de  Fernan  Nunez  s'enfuit, 
alla  combattre  avec  l'armée  de  l'indépendance,  et  dans  les 
Cortès  fut  un  des  royalistes  les  plus  ardents.  Ferdinand  Vil, 
revenu  sur  le  trône,  le  nomma  ambassadeur  à  Londres  en 
1814,  puis  l'envoya  à  Vienne  signer  le  traité  de  paix  que 
Labrador  n'avait  pas  voulu  signer  comme  étant  peu  digne 
pour  l'Espagne,  et  enfin,  en  18 17  à  Paris,  comme  plénipo- 
tentiaire. Il  avait  dans  l'intervalle  été  fait  duc  ;  la  révo- 
lution de  1820  lui  enleva  sa  charge  et  il  continua  de  rési- 
der à  Paris,  où  il  mourut  des  suites  d'une  chute  de  cheval. 
FERNAN  A.  Localité  de  Tunisie,  pays  des  Khroumir,  sur 
la  route  qui  va  de  Souk-el-Arba  (stat.  du  chem.  de  fer  de 
Constantine  à  Tunis)  à  La  Calle,  ainsi  appelée  du  mot 
fernan,  chêne,  à  cause  d'un  chêne  immense  et  plus  de  dix 
fois  séculaire  qu'on  y  remarque. 

FERNANDES.  Nom  patronymique  commun  à  une  suite 
d'architectes  portugais,  dont  les  plus  remarquables  ont  été 
Balthasar  Fernandès,  architecte  du  château  de  Cintra, 
sous  le  règne  de  D.  Sebastien  ;  Gil  Fernandès,  qui  vivait 
en  1531  et  qui  dirigea  les  travaux  de  la  maison  des  auto- 
rités et  du  magasin  de  blé  à  Sétubal  ;  Laurent  Fernan- 
dès, qui,  vers  1511,  était  le  maître  des  œuvres  du  monas- 
tère de  Belem  ;  Louis  Fernandès  qui  paraît  avoir  partagé 
avec  Laurent  la  direction  des  travaux  de  ce  même  monas- 
tère et  avoir  été  plus  tard  le  maître  des  œuvres  à  Saint - 
Jérôme  de  Valbemfeito,  puis  à  Coïmbre,  et  enfin  les  deux 
Mathieu  Fernandès,  père  et  fils,  qui  dirigèrent  successi- 
vement, au  xve  et  au  ^vie  siècle ,  les  travaux  du  couvent 
Batalha  sous  le  roi  Emmanuel.  C'est  au  père  qu'on  doit  la 
merveilleuse  ornementation  de  ce  monument,  où  figure 
aussi  son  portrait  sculpté.  Il  participa  également  aux  tra- 
vaux du  célèbre  monastère  d'Alçobaça  et  mourut  le  3  avr. 
1515.  Son  fils  décéda  en  1528.  P.  L. 

Bibl.  :  Raczynski,  Dictionnaire  hislorico-arlistique  du 
Portugal;  Paris,  1847. 

FERNANDÈS  Pjnheiro  (José-Feliciano) ,  vicomte  de 
Sam  Leopoldo,  homme  d'Etat  brésilien,  né  à  Santos  le 
9  mai  1774,  mort  à  Porto-Alègre  (Rio  Grande  du  Sud)  le 
6  juil.  1847.  Magistrat,  il  débuta  dans  la  politique  comme 
député  aux  Cortès  Constituantes  du  Portugal  (1822),  puis 
à  l'Assemblée  constituante  de  l'empire  du  Brésil  (1823). 
Président  de  la  province  de  Rio  Grande  du  Sud  (1824- 
1826),  il  y  fonda  la  colonie  allemande  de  Sam  Leopoldo. 
Depuis  1826  jusqu'à  sa  mort  il  siéga  au  Sénat.  Conseiller 
d'Etat  pendant  le  règne  de  D.  Pedro  Ier.  Ministre  de 
l'intérieur  du  10  mars  1826  au  20  nov.  1827,  il  créa  les 
facultés  de  droit  de  S.  Paulo  et  d'Olinda,  réorganisa  l'école 
de  médecine  de  Rio  et  inaugura  celle  des  beaux-arts.  Il  fut  un 
des  fondateurs  (1838)  et  le  premier  président  de  l'Institut 


FERNANDÈS  —  FERNANDEZ 


298  — 


historique  et  géographique  du  Brésil.  Parmi  les  travaux  qu'il 
a  publiés,  nous  citerons  :  les  Annaes  da  Provinciade  S.  Pe- 
dro (Paris,  1839,  2e  édit.).  Ses  Mémoires  ont  été  publiés 
en  4874  dans^la  Revue  de  l'Institut  historique. 

FERNANDÈS  Pinheiro  (le  chanoine  Joaquim  Caetano), 
homme  de  lettres  brésilien,  neveu  du  précédent,  né  à  Rio 
de  Janeiro  le  17  juin  1825,  mort  à  Rio  de  Janeiro  le 
15  janv.  1876.  Professeur  de  rhétorique  au  collège  impérial 
D.  Pedro  II,  secrétaire  de  l'Institut  historique  et  géographique 
du  Brésil.  Il  publia  un  grand  nombre  de  monographies  et  de 
livres  d'enseignement,  presque  tous  se  rapportant  à  l'histoire 
du  Brésil.  Le  plus  important  de  ces  ouvrages  est  le  Resumo 
de  Historia  Litteraria  (Rio,  1872,  2  vol.  in— 8). 

FERNANDEZ  (Béatrix) ,  favorite  du  roi  d'Espagne 
Henri  II  (Henri  de  Transtamare)  au  xive  siècle.  Elle  eut  une 
grande  influence  sur  ce  souverain.  Les  chroniqueurs  vantent 
sa  beauté.  Elle  eut  du  roi  deux  fils,  Maria  et  Fernando. 

FERNANDEZ  (Lucas),  auteur  dramatique  espagnol,  de 
la  fin  du  xve  et  du  commencement  du  xvie  siècle.  On  sait 
seulement  qu'il  était  de  Salamanque  et  qu'il  y  fit  imprimer 
un  recueil  de  compositions  scéniques  dans  le  genre  de 
celles  de  son  compatriote  Juan  de  La  Encina,  sous  le  titre  : 
Farsas  y  eglogas  al  modo  y  estilo  pastoril  y  castel- 

lano (1514,  in- fol.).  Il  s'y  trouve  six  pièces,  dont 

trois  du  genre  comique  et  trois  autos,  curieuses  pour  l'his- 
toire des  origines  du  théâtre  espagnol.  Elles  étaient  com- 
plètement tombées  dans  l'oubli,  quand  l'érudit  don  José 
Gallardo  en  publia  des  fragments  avec  une  étude  sur  l'au- 
teur dans  sa  revue  intitulée  El  Criticon  (nos  4,  5  et  7, 
1836).  Il  y  a  joint  une  pièce  inédite  :  Didlogo  para 
cantar  (entre  Juan  Pastor  et  Bras)  fecho  por  Lucas  Fer- 
nandez  sobre  quién  te  hizo  Juan  Pastor.      E.  Cat. 

FERNANDEZ  ou  HERNANDEZ  (Alejo),  peintre  espa- 
gnol, qui  travaillait  à  Cordoue  et  à  Se  ville  au  commence- 
ment du  xvi6  siècle.  Il  avait  pour  collaborateur  habituel, 
dans  la  décoration  des  retables  dont  il  eut  l'entreprise,  son 
frère  Jorge  Aleman,  qui  en  faisait  la  sculpture  et  l'aidait 
à  dorer  et  à  étoffer.  Alejo  est  l'auteur  des  peintures  com- 
posant le  retable  du  couvent  de  San  Geronimo,  à  Cordoue; 
les  sujets  en  sont  tirés  de  la  vie  du  Christ  et  de  celle  de 
saint  Jérôme;  le  panneau  central  représente  la  Cène  et 
porte  la  signature  de  l'artiste.  En  1508,  les  deux  frères 
furent  appelés  à  Séville  par  le  chapitre  de  la  cathédrale  qui 
traita  avec  eux  pour  l'achèvement  du  grand  retable,  com- 
mencé sur  les  dessins  de  Dancart  en  1482  et  continué 
par  Marco,  avec  l'aide  de  Bernardo  de  Ortega,  jusqu'à  la 
partie  formant  dais.  En  1525,  ils  avaient  complètement 
terminé  ce  travail  qui  embrassait  à  la  fois  la  sculpture 
décorative,  la  dorure  et  Vestofado  ou  polychromie.  On 
conserve,  dans  la  sacristie  de  la  capilla  major,  divers 
panneaux  peints  par  Alejo,  notamment  une  Conception, 
une  Nativité  de  la  Vierge  et  la  Purification  et  dans  la 
chapelle  San  Andrès  une  Adoration  des  rois.  Toutes  ces 
peintures  sont  de  style  gothique  et  empreintes  d'un  profond 
sentiment  de  noblesse  et  de  foi.  L'église  de  Santa  Ana,  dans 
le  faubourg  de  Triana,  a  conservé  un  ouvrage  de  Fernandez 
représentant  la  Vierge  assise  sur  un  trône  et  portant 
V enfant,  qui  montre  quels  grands  progrès  la  peinture  avait 
accomplis  à  Séville  depuis  l'époque  de  San  chez  de  Castro. 
FERNANDEZ  (Benito),  missionnaire  et  linguiste  espa- 
gnol du  xvie  siècle.  Il  était  religieux  au  couvent  domini- 
nicain  de  San  Estéban  à  Salamanque,  lorsqu'il  suivit  au 
Mexique  le  P.  Vicente  de  Las  Casas.  En  l'envoya  dans  la 
Mixtèque  dont  il  apprit  les  dialectes  de  manière  à  les  par- 
ler et  à  les  écrire  avec  pureté  et  même  avec  élégance.  Il 
prêcha  non  seulement  dans  ses  paroisses  de  Tlaxiaco  (1548) 
puis  d'Achiutla,  mais  encore  dans  d'autres  situées  près  de 
l'océan  Pacifique,  dont  les  curés  ne  pouvaient  se  faire  en- 
tendre des  indigènes.  Dans  son  zèle  contre  l'idolâtrie  il 
détruisit  les  nécropoles  de  Chacaltongo,  de  Chicahuastla  et 
d'Achiltla,  avec  les  idoles  qu'elles  renfermaient.  Les  néo- 
phytes ne  lui  en  voulurent  pas  et  un  siècle  plus  tard  leurs 
descendants  le  vénéraient  comme  un  saint.  Il  publia  :  Arte 


en  lengua  misteca  (dialecte  de  Tlachiaco  et  Achiutla  ; 
Mexico,  1567;  dialectedeTepuzculula;#>ïcL,  1568);  Doc- 
trina  cristiana  en  lengua  misteca  (ibid,,  1550,  1564, 
1568)  ;  et  laissa  en  manuscrit  :  Algunos  Modos  de  bien 
hablar  en  lengua  chuchona  de  Cuextlahuaca  ;  Doc- 
trina  y  oraciones  y  moral  cristiana  en  lengua  de 
Tepuzculula;  Epistolas  y  Evangelios  en  lengua  mis- 
teca. Beàuvois. 

FERNANDEZ  (Diego),  capitaine  et  chroniqueur  espagnol, 
du  xvie  siècle.  Né  à  Palencia,  il  suivit  la  carrière  des  armes 
et  en  1545  partit  pour  le  Pérou,  où  il  joua  un  rôle  dans 
les  luttes  entre  les  chefs  espagnols.  Il  servit  d'abord  dans 
l'armée  d'Alvarado  contre  Francisco  Hernandez  Giron  et 
autres  rebelles,  puis  sous  le  vice-roi  Hurtado  de  Mendoza, 
marquis  de  Canete,  et  revint  en  Espagne  vers  1560.  A  la 
demande  du  vice-roi,  il  écrivit  l'histoire  des  troubles  du 
Pérou,  puis  il  fut  encouragé  par  Francisco  Tello  de  Sandoval 
à  écrire  celle  de  Gonzalo  Pizarre,  d'où  le  livre  intéressant  : 
Primera  y  segunda  parte  de  la  Historia  del  Piru 
(Séville,  1571,  in-foL),  La  vente  et  la  lecture  en  furent 
interdites  dans  le  nouveau  monde.  E.  Cat. 

FERNANDEZ  (Luis),  peintre  espagnol,  né  à  Madrid  en 
1596,  mort  à  Madrid  en  1654.  Il  fut  le  meilleur  élève  d'Eu- 
genio  Caxès.  Ses  plus  importants  ouvrages  ont  péri  ou  ont 
disparu,  notamment  ses  fresques  de  l'église  Santa  Cruz, 
dévorée  à  la  fin  du  xvnr3  siècle  par  un  incendie,  ainsi  que 
les  peintures,  allusivesàla  vie  de  saint  Ramon,  qu'il  avait 
exécutées  pour  le  cloître  de  la  Merced  calzada,  à  Madrid. 
Le  musée  du  Fomento  conserve  de  l'artiste  un  tableau  re- 
présentant Saint  Vincent  martyr,  avec  sa  signature  et  la 
date  de  1635,  qui  atteste  en  Fernandez  un  coloriste  de 
haute  valeur  et,  sous  ce  rapport,  supérieur  à  son  maître. 
FERNANDEZ  (Francisco),  peintre  espagnol,  né  à  Ma- 
drid en  1605,  mort  à  Madrid  en  1646.  Formé  à  l'école  de 
Vicente  Carducho,  cet  artiste  fut  choisi  pour  peindre  au 
palais  de  Madrid  quelques  portraits  décoratifs  des  anciens 
rois  ;  quelques  autres  ouvrages  de  lui  subsistaient  encore 
à  la  fin  du  xvnr3  siècle  au  couvent  de  la  Vitoria,  notam- 
ment :  les  Funérailles  de  saint  François  de  Paul  et 
Saint  Joachim  avec  sainte  Anne.  La  rareté  des  œuvres  de 
Fernandez  s'explique  par  sa  mort  prématurée.  Il  fut  assas- 
siné à  la  suite  d'une  querelle.  Il  a  gravé  à  l'eau-forte  le 
frontispice  et  les  planches  2,  4  et  5  des  Dialogos  de  la 
Pintura,  publiés  par  Vicente  Carducho,  en  1633.  P.  L. 
FERNANDEZ  (Manuel  Santos),  peintre  espagnol  qui  vi- 
vait à  Madrid,  au  commencement  du  xvnr3  siècle.  Son 
maître  avait  été  Geronimo  Antonio  de  Ezquerra  qui  s'était 
fait  une  certaine  célébrité  en  peignant  des  tableaux  de 
nature  morte.  En  1719,  Fernandez  terminait  pour  la  cha- 
pelle de  Notre-Dame  del  Puerto,  voisine  du  pontdeSégo- 
vie,  à  Madrid,  un  tableau  d'autel  représentant  saint 
François  d'Assise  et  saint  Antoine  de  Padoue.  Il  pei- 
gnit plus  tard,  d'après  la  belle  statue  de  Pereira,  un  Saint 
Bruno  pour  le  couvent  du  Paular.  P.  L. 

FERNANDEZ  (José),  missionnaire  et  linguiste  espagnol 
du  xvme  siècle.  Il  prit  l'habit  de  saint  François  dans  la  pro- 
vince de  Burgos  et  passa,  en  1717,  dans  celle  de  Zacatecas 
(Mexique),  où  il  fut  lecteur  en  théologie  et  provincial.  Il 
écrivit  :  Arte  y  vocabulario  de  la  lengua  Tepehuana. 
FERNANDEZ  (Prospero),  président  de  la  république 
de  Costa  Rica,  né  à  San  José  le  18  juil.  1834,  mort  en 
mars  1885.  Issu  d'une  famille  qu^  a  fourni  à  son  pays 
deux  présidents  de  république,  il  fit  ses  études  à  l'univer- 
sité de  Guatemala  et  entra  ensuite  dans  l'armée.  Général 
de  division  à  vingt-trois  ans,  il  devint,  en  1881,  comman- 
dant en  chef  de  l'armée.  Elu  président  de  la  république  le 
10  août  1882,  il  mourut  avant  l'expiration  de  son  mandat 
(V.  Costa-Rica).  G.  P-i. 

FERNANDEZ  Cruzado  (Joaquin-Manuel) ,  peintre  espa- 
gnol, né  à  Jerez  de  La  Frontera  le  24  déc.  1781,  mort  à 
Cadix  le  31  janv.  1856.  On  lui  doit  quelques  bons  portraits 
de  personnages  contemporains,  Ferdinand  VIII,  Isa- 
belle II,  etc.,  et  quelques  estimables  tableaux  religieux  et 


—  299  — 


FERNANDEZ 


d'histoire  notamment  :  l'Ange  gardien  et  Saint  Benoît, 
dans  la  cathédrale  de  Cadix  ;  l'Assomption  de  la  Vierge, 
à  Lausanne  ;  Adam  et  Eve  pleurant  Abel,  exposé  à  Ma- 
drid en  1842;  Fernand  Cortès  et  Guatimozin.  Il  a 
publié  à  Cadix  un  traité  d'anatomie  spécialement  appliquée 
à  la  peinture. 

FERNANDEZ  de  Côrdova  (Gonzalo)  (V.  Côrdova  y 
Aguilar). 

FERNANDEZ  de  Heredia  (Juan-Francisco),  écrivain 
espagnol  du  xvne  siècle.  Originaire  de  F  Aragon,  il  étudia  à 
Salamanque,  devint  docteur  en  droit,  chevalier  de  l'ordre 
d'Alcantara,  conseiller  aux  cours  des  comptes  d'Aragon  et 
de  Madrid,  Il  a  écrit:  Salomo  Pacificus  (Valence,  1642, 
in-8);  Seneca  y  Mero  (4642  et  Madrid,  1681);  Ora- 
don  Panegyrica  de  historia  ê  la  vida  y  hechos  de  San 
Victorian,  eremita  y  abad...  (1676,  in-4)  ;  Trabajos  y 
afanes  de  Hercules,  floresta  de  sentemias  y  exemplos 
(Madrid,  1682,  in-4).  Ce  dernier  livre,  le  plus  connu  de 
ceux  qu'a  écrits  Fauteur,  est  un  recueil  de  devises  et  d'allé- 
gories, très  alambiqué.  E.  Cat. 

FERNANDEZ  de  La  Oliva  (Manuel),  sculpteur  espagnol 
contemporain,  né  à  Madrid,  élève  de  son  père  et  des  cours 
de  l'Académie  de  San  Fernando.  Il  exposa  en  1862,  à  Ma- 
drid, une  Andromède  qui  fut  l'objet  d'éloges  mérités.  En 
1864,  il  produisait  :  Premier  Désenchantement,  jolie  sta- 
tue qui  fut  acquise  pour  le  musée  national  par  l'Etat.  Nommé 
professeur  de  sculpture  à  Cadix,  il  exerce  aujourd'hui  la 
même  fonction  à  l'école  des  beaux-arts  de  Séville. 

Bibl.  :  Ossorio  y  Bernard,  Galeria  biografica  de  ar- 
listas  espanoles  del  siglo  XIX  ;  Madrid,  1883-84,  28  édit. 

FERNANDEZ  de  Laredo  (Juan),  peintre  scénographe 
espagnol,  né  en  1632  à  Madrid,  mort  à  Madrid  en  1692. 
Il  était  élève  de  Francisco  Rizi  et  collabora  avec  son  maître 
aux  fresques  et  principalement  aux  décorations  théâtrales 
que  celui-ci  était  chargé  de  peindre  pour  le  théâtre  de  la 
cour,  sous  Philippe  IV.  Après  la  mort  de  Rizi,  Fernandez 
de  Laredo,  dont  le  talent  comme  perspecteur  et  décorateur 
était  reconnu,  fut,  sous  Charles  II,  nommé  peintre  de  la 
chambre  en  1687.  Il  continua  en  cette  qualité  de  diriger  la 
partie  scénographique  du  théâtre  royal  et  peignit,  dans  di- 
vers monuments,  de  curieuses  perspectives,  exécutées  a 
tempera.  P.  L. 

FERNANDEZ  de  La  Vega  (Luis),  sculpteur  espagnol,  né 
à  Llantones,  dans  les  Asturies,  vers  1600,  mort  à  Oviedo 
en  1675.  Il  était  de  famille  noble  et  donna  de  bonne  heure 
des  preuves  de  ses  aptitudes  pour  les  arts.  CeanBermudez 
émet  l'hypothèse  fort  plausible  que  le  jeune  Luis  a  dû  faire 
son  apprentissage  à  Valladolid,  auprès  du  célèbre  Gregorio 
Hernandez,  se  fondant  sur  les  évidentes  similitudes  de  ma- 
nière et  de  style  que  l'on  note  dans  leurs  ouvrages  respec- 
tifs. En  1636,  Fernandez  de  La  Vega,  sans  délaisser  la 
sculpture,  exerçait  à  Gijon  la  charge  de  juge  de  la  noblesse  ; 
il  terminait  en  effet  vers  ce  même  temps  deux  statues  d#e 
Saint  Joseph  et  de  Saint  Antoine,  qui  furent  acquises  par 
le  capitaine  don  Fernando  de  Valdès  et  placées  par  celui-ci 
dans  la  chapelle  de  Notre-Dame,  qui  appartenait  à  sa  fa- 
mille. En  1640,  l'artiste  achevait  pour  la  décoration  de  la 
chapelle  des  Vigiles,  dans  la  cathédrale  d'Oviedo,  un  grand 
médaillon  d'une  remarquable  facture.  Il  fut  également  l'ar- 
chitecte et  le  sculpteur  de  plusieurs  retables  pour  diverses 
chapelles  dans  les  cathédrales  de  Gijon,  d'Oviedo  et  à  la 
collégiale  de  Salas  qu'il  décora  dans  un  goût  sobre,  d'excel- 
lentes figures  de  saints  et  d'anges  aux  formes  élégantes  et 
vraies  et  aux  attitudes  tranquilles  et  bien  observées.  P.  L. 

FERNANDEZ  de  losRios  (Àngel),  littérateur  et  homme 
politique  espagnol,  né  à  Madrid  le  27  juil.  1821,  mort  à 
Paris  en  1879.  Avocat  et  journaliste  militant  d'une  rare 
activité,  il  paya  maintes  fois  par  l'exil  ses  opinions  libé- 
rales et  antibourboniennes.  Dans  le  Parlement,  dont  il  fit 
souvent  partie,  il  était  un  des  plus  dévoués  collaborateurs 
du  célèbre  Olôzaga,  le  chef  du  parti  progressiste.  Il  fonda 
ou  dirigea  nombre  de  journaux,  parmi  lesquels  Las  Nove- 
dades,  dont  l'influence  fut  grande.  Sa  brochure,  0  todo  6 


nada  (1864),  ne  contribua  pas  peu  au  renversement  de  la 
dynastie.  Il  fut  alors  nommé  ambassadeur  à  Lisbonne 
(1868-1872).  Exilé  après  l'intronisation  d'Alphonse  XII, 
il  vécut  d'abord  en  Portugal,  puis  à  Paris  et  publia  plu- 
sieurs travaux  intéressants,  parmi  lesquels  son  Guide 
(Guia)  de  Madrid  (1876)  ;  Mi  Mission  en  Portugal 
(1877)  ;  la  Exposicion  de  -1878  (Paris,  1879),  et  surtout 
une  biographie  de  son  ami  Olôzaga  (1875),  qui  offre  un 
saisissant  tableau  des  luttes  politiques  en  Espagne  sous  le 
règne  d'Isabelle  II  (2e  éd.  :  Estudio  histôrico  de  las  lu- 
chas  politicas  en  la  Espana  del  siglo  XIX ;  Madrid, 
1880).  G.  P-i. 

FERNANDEZ  de  Nâvarrete  (V.  Nav arrête). 

FERNANDEZ  de  Otero  (Alfonso),  jurisconsulte  espa- 
gnol de  la  première  moitié  du  xvne  siècle.  Chanoine  de 
l'église  de  Valladolid,  il  s'occupa,  comme  deux  de  ses  frères, 
Antoine  et  Jérôme,  de  droit  canonique,  et  publia  de  nom- 
breux ouvrages  en  Italie,  où  sans  doute  il  passa  le  reste 
de  sa  vie,  de  1616  à  1623.  E.  Cat. 

FERNANDEZ  ou  HERNANDEZ  de  Oviedo  y  Valdès 
(Gonzalo)  (V.  Oviedo). 

FERNANDEZ  de  Velasco  (V.  Castille  et  Frias). 

FERNANDEZ-Guerra  y  Orbe  (Aureliano),  poète  dra- 
matique, critique  littéraire  et  historien  espagnol  contempo- 
rain, né  à  Grenade  le  16  juin  1806.  D'abord  professeur 
d'histoire  dans  sa  ville  natale,  il  a  été  transféré  ensuite 
dans  la  chaire  des  littératures  étrangères  à  l'université  de 
Madrid,  et  a  occupé  en  même  temps  de  hautes  fonctions 
au  ministère  de  la  justice.  Il  a  débuté  dans  les  lettres  par 
des  poésies  et  par  des  drames  (La  Hija  de  Cervantes, 
Alonso  Cano,  etc.)  et  a  collaboré  avec  Tamayo  y  Baus  au 
drame  historique  La  Rica  Hembra  (1854).  Mais  il  est 
surtout  apprécié  pour  ses  travaux  d'histoire  littéraire  des 
xvie  et  xvne  siècles.  On  lui  doit  à  cet  égard  une  édition 
des  œuvres  de  Quevedo,  précédée  d'une  remarquable  étude 
sur  ce  poète  (1852-1859,  2  vol.)  ;  La  Vida  y  las  Obras 
de  l'énigmatique  bachelier  Fr.  de  la  Torre  (1857),  etc. 
C'est  aussi  un  des  historiens  les  plus  érudits  d'aujourd'hui, 
comme  en  témoignent  ses  nombreux  travaux,  dont  les  plus 
importants  sont  :  Sobre  la  Gonjuracion  de  Venecia  en 
1618  (Madrid,  1856)  ;  Itinerarios  de  la  Espana  romana 
(1862)  ;  ElFuero  de  Avilés  (1865,  1870);  El  Bey  D. 
Pedro  de  Gastilla  (1 868)  ;  D.  Rodrigo  y  la  Gava  (1877  ; 
2e  éd.,  1883)  ;  Gaida  y  ruino  del  imperio  visigôlico 
espanol  (1883,  in-4).  Rentra,  en  1856,  à  l'Académie  de 
l'histoire,  et  en  1857  à  l'Académie  espagnole,  dont  il  est  le 
secrétaire.  G.  Pawlowski. 

FERNANDEZ-Guerra  y  Orbe  (Luis),  auteur  dramatique 
et  critique  littéraire,  frère  du  précédent,  né  à  Grenade  le 
11  avr.  1818.  Ses  drames  ont  eu  peu  de  succès.  Plus 
méritoire  est  son  édition  critique  de  Gomedias  d'Augustin 
Moreto  yCavafia  (1856).  Son  excellente  étude  sur  Don  Juan 
Ruiz  de  Alarcôn  y  Mendoza  (1871,  in-4)  lui  ouvrit,  en 
1872,  les  portes  de  l'Académie  espagnole.  G.  P-i. 

FERNANDEZ  Pescador  (Eduardo),  sculpteur  et  graveur 
en  médailles  espagnol,  né  à  Madrid  en  1836,  mort  à 
Madrid  le  26  mai  1872.  Elève  des  cours  de  l'Académie  de 
San  Fernando,  il  obtint  une  pension  du  gouvernement  et 
vint  achever  de  se  perfectionner  dans  son  art  à  Paris.  De 
1860  à  1866,  il  exposa  à  Madrid  divers  spécimens  de  son 
talent  tels  que  :  les  médailles-portraits  de  la  reine  Isabelle  II, 
du  Duc  de  Rivas,  de  D.  Salusliano  Olozaga,  un  bas-relief 
d'après  le  tableau  des  Lances,  de  Velazquez,  des  médaillons 
représentant  la  Justice,  la  Loi,  la  médaille  des  députés  et 
des  portraits  de  divers  personnages  modelés  en  cire.  L'un 
de  ses  derniers  ouvrages  est  un  médaillon-portrait  de  Mar- 
tinez  delà  Rosa.  P.  L. 

Bibl.  :  Ossorio  y  Bernard,  Galeria  biografica  de  av- 
tislas  espanoles  del  siglo  XIX  ;  Madrid,  1883-84,  2e  édit. 

FERNANDEZ- Vieira  (V.  Vieira). 

FERNANDEZ  y  Gonzalez  (Manuel),  poète  et  célèbre  ro- 
mancier espagnol,  né  à  Séville  en  1830,  mort  à  Madrid  en 
janv.  1888.  Il  étudia  le  droit  à  Grenade,  puis  s'engagea 


FERNANDEZ  —  FERNBACH 


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dans  l'armée  et  en  sortit,  après  un  service  de  sept  ans, 
avec  le  grade  de  sergent-major.  Dès  l'âge  de  dix-neuf  ans, 
il  fit  représenter  à  Grenade  un  drame,  El  Bastardo  y  el 
rey,  mais  il  ne  débuta  sérieusement  dans  les  lettres  qu'en 
1850  avec  un  volume  de  Poesias  ,  qui  firent  sensation,  et 
en  publia  plus  tard  un  second  recueil  :  Poesias  varias 
(1858).  Il  se  fit  aussi  remarquer  comme  dramaturge,  et 
ses  pièces  :  Cid  Rodrigo  de  Vivar  et  Aventuras  impé- 
riales comptent  au  nombre  des  bonnes  productions  de  la 
scène  espagnole.  Mais  il  est  surtout,  connu  par  ses  innom- 
brables romans  d'aventures  de  cape  et  d'épée,  dans  le  goût 
de  ceux  d'Alexandre  Dumas  père.  Doué  d'une  rare  puissance 
d'invention,  conteur  attachant,  il  exerça  une  influence  pro- 
digieuse sur  les  masses  ;  mais,  sacrifiant  tout  à  l'action, 
et  ne  cherchant  qu  a  produire  de  l'effet,  il  ne  fut  qu'un 
feuilletoniste.  C'est  à  peine  si  quelques  romans  historiques 
de  sa  première  période,  tels  que  :  El  Cocinero  de  Su 
Majestad,  Martin  Gil,  Los  Mon  fies  de  las  Alpujarras, 
comptent  dans  la  littérature  ;  le  reste  n'est  que  du  métier. 
«  Il  pouvait  être  notre  Walter  Scott,  dit  un  de  ses  bio- 
graphes, il  ne  fut  que  notre  Ponson  du  Terrail.  » 

G.  Pàwlowskï. 
Bibl.  :  M.  de  La  Revilla,  Obras  ;  Madrid,  1883. 

FERNANDEZ  y  Gonzalez  (Francisco),  écrivain  espagnol 
contemporain.  Sénateur,  membre  de  l'Académie  espagnole 
et  de  l'Académie  d'hïstoire,  il  est  l'auteur  d'études  remar- 
quables parmi  lesquelles  nous  citerons  :  Las  Doctrinas  del 
doctor  iluminado  Raimondo  Lullo  (1870-72)  ;  Establi- 
cimiento  de  los  Espafioles  y  Portuguezes  en  las  comar- 
cas  occidentales  de  Africa  (1885)  ;  de  los  Moriscos  que 
permanecieron  en  Espana  despues  de  la  expulsion 
decretada  por  Felipe  III  (1871)  ;  El  Mesianismo  israe- 
lita  en  la  peninsula  Iberica  (1 885)  ;  De  la  Escultura  y 
Pintura  entre  los  pueblos  de  raza  semitica  y  senala- 
damente  entre  los  judios  y  arabes  (1872)  ;  Institutio- 
ns juridicas  del  pueblo  de  Israël  en  los  di  fer  entes 
estaclos  de  la  Peninsula  Iberica  (Madrid,  1881,  t.  I). 

FERNANDEZ  v  Peràlta  (Juan),  écrivain  espagnol  du 
xvne  siècle.  Il  n'est  connu  que  par  un  recueil  de  contes  et 
nouvelles,  le  Para  si,  extrêmement  rare  et  écrit  en  réponse 
au  Para  todos  de  Montalvan.  Ce  recueil  parut  vers  1650. 

FERNAND1NA.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Floride,  à 
l'embouchure  du  petit  fleuve  Saint-Mary's,  dans  l'île  Amelia  ; 
3,207  hab.  en  1890.  Tête  de  ligne,  sur  l'Atlantique,  du 
chemin  de  fer  traversant  de  ce  point  à  Céda  Keys  (golfe  du 
Mexique)  le  seuil  de  la  presqu'île  Floridienne. 

FERNANDO  (V.  Ferdinand). 

FERNANDO  de Noronha. Ile  du  Brésil,  180  milles N.-E. 
du  cap  de  Sam  Roque.  Elle  a  plus  de  11  kil.  de  longueur 
N.-E.  et  S.-O.  et  environ  4  kil.  de  largeur,  et  est  entou- 
rée de  quelques  îlots,  dont  les  plus  considérables  se  trou- 
vent près  de  la  pointe  N.-E.  Elle  estaccore  de  tous  les  côtés. 

11  y  a  seulement  deux  écueils  dans  son  voisinage  :  l'un 
2  milles  au  S.-E.  de  la  pointe  S.-E.,  l'autre  à  environ 
1  mille  au  S.  de  la  pointe  S.-O.  L'île  est  «  de  formation  vol- 
canique, présentant  partout  des  falaises  à  pic  et  une  sil- 
houette très  découpée,  dominée  par  un  pic  fort  aigu  de 
305  m.  de  hauteur,  souvent  comparé  à  une  flèche  de  ca- 
thédrale ;  ce  pic  remarquable  rend  l'île  visible  de  10  à 

12  lieues  »  (Mouchez).  Le  seul  point  accessible  aux  navires 
est  la  baie  Santo-Antonio,  dans  la  partie  N.-O.,  où  se 
trouve  le  bourg  de  Sant'  Anna  dos  Remedios.  Le  débarque- 
ment est  presque  toujours  très  difficile. 

Cette  île  sert  de  lieu  de  déportation  et  se  trouve  sous 
la  direction  d'un  gouverneur  militaire  relevant  du  minis- 
tère de  la  justice  à  Rio  de  Janeiro.  Elle  compte  à  peu  près 
3,000  hab.,  parmi  lesquels  1,500  forçats,  et  une  garni- 
son de  200  hommes.  En  1738  et  1741  les  Portugais  y 
construisirent  huit  forts  et  redoutes,  qui  se  trouvent  au- 
jourd'hui presque  entièrement  délabrés. 

L'île  de  Fernando  de  Noronha  fut  découverte  en  1501 
ou  1502.  En  1504,  elle  fut  donnée  par  le  roi  à  un  gentil- 
homme, Fernando  de  Noronha.  Les  Hollandais  occupèrent 


cette  île  depuis  1631  jusqu'en  1654.  Abandonnée  des  Por- 
tugais jusqu'à  l'année  1737,  elle  fut  occupée  définitive- 
ment par  une  expédition  partie  de  Pernambuco. 

FERNANDO-PO.  Géographie.  —  Ile  espagnole  de  la  côte 
O.  d'Afrique,  dans  le  golfe  de  Biafra,  par  3°  12'  et  3°477 
lat.  N.,  6°6'  et  6°  37  long.  E.  Elle  a  60  kil.  de  long  du 
N.-E.  au  S.-O.,  une  superficie  de  2,071  kil.  q.  C'est  la 
plus  voisine  de  la  côte  et  la  plus  grande  des  quatre  princi- 
pales îles  du  golfe  de  Guinée.  Elle  est  très  montagneuse, 
de  formation  volcanique,  dominée  par  le  pic  Fernando-Po, 
Santa-Isabel  ou  Clarence  (3,365  m.  ou  même  3,858  m.), 
volcan  encore  actif  qui  fait  vis-à-vis  au  mont  Cameroun. 
Le  sol  est  d'argile  rouge  reposant  sur  du  grès  et  souvent 
recouvert  de  lave  ;  les  rochers  alternent  avec  la  terre  vé- 
gétale. Des  falaises  dominent  la  mer  ;  le  principal  mouillage 
est  au  N.,  celui  de  Santa-Isabel  ou  Clarence.  Les  bois  re- 
couvrent les  pentes  jusqu'aux  deux  tiers  de  la  montagne  ; 
le  tiers  supérieur  est  revêtu  de  buissons  et  d'herbes.  Le 
climat  est  très  pluvieux  de  juin  à  sept.,  ensuite  vient  la 
saison  sèche  due  au  vent  de  terre  (harmattan),  soufflant 
de  déc.  à  févr.  ;  puis  vient  la  saison  plus  agréable  des 
brises  du  S.-O.  qui  précède  la  saison  des  pluies.  D'une 
manière  générale,  le  climat  de  Fernando-Po  est  très  mal- 
sain et  les  Européens  n'ont  pu  s'y  établir  à  demeure,  mal- 
gré la  richesse  de  l'île.  Dans  ses  forêts  croissent  les  bois 
précieux  de  construction  ou  de  teinture  (palmiers,  ébénier, 
acajou,  lignum-vitœ,  etc.).  Les  terrains  cultivés  sont 
très  fertiles  ;  les  indigènes  se  nourrissent  surtout  d'ignames. 
On  évalue  la  population  à  20,000  âmes.  Les  indigènes  sont 
appelés  Ediyâ  ou  Boubi.  Ils  n'appartiennent  pas  à  la  race 
nègre  pure,  car  ils  ont  la  peau  olivâtre  et  les  cheveux 
moins  laineux  que  ceux  du  nègre.  On  peut  les  rapprocher 
des  populations  voisines  de  la  côte,  Bimbya  du  Cameroun 
ou  Fans  du  Gabon.  D'ailleurs,  dans  l'île  même,  la  race 
n'est  pas  unique;  il  s'y  parle  trois  dialectes  très  différents. 
Ces  indigènes  sont  hostiles  aux  blancs. 

Histoire.  —  Découverte  en  1486  par  le  capitaine  por- 
tugais Fernâo  do  Po,  qui  lui  donna  le  nom  de  Formosa, 
l'île  prit  bientôt  celui  de  ce  navigateur.  Elle  reçut,  au 
xvie  siècle,  une  colonie  portugaise  qui  s'établit  sur  le 
rivage  oriental.  Cédée  à  l'Espagne  en  1778,  elle  fut  éva- 
cuée" en  1781  et  demeura  abandonnée  jusqu'en  1827. 
L'Angleterre  y  fonda  alors  une  station,  avec  l'autorisation 
de  l'Espagne,  afin  de  surveiller  la  traite  des  esclaves  dans 
le  golfe  de  Guinée.  Les  Anglais  s'établirent  dans  la  baie 
du  N.,  formée  par  le  promontoire  de  Point  William  ^  et 
appelèrent  leur  colonie  Clarence.  Le  climat  leur  nuisit 
beaucoup;  ne  retirant  pas  les  avantages  espérés  de  cet 
établissement,  ils  le  restituèrent  à  l'Espagne  qui  le  réclama 
en  1845  et  le  réoccupa  en  1856.  Clarence  devint  Santa- 
Isabel.  Une  entreprise  commerciale  donna  de  merveilleux 
résultats,  mais  les  déceptions  suivirent  ;  les  colons  furent 
décimés  par  la  fièvre  ;  les  missions  des  jésuites,  qui  avaient 
remplacé  celles  des  Anglais,  disparurent  lors  de  l'expul- 
sion de  l'ordre  ;  enfin,  en  avr.  1879,  le  gouvernement 
espagnol  rappela  ses  fonctionnaires. 

Bibl.  :  Martinez  y  Sanz,  Brèves  apuntas  sobre  la  isla 
da  Fernando  Pôo  ;  Madrid,  1859,  in-8.  —  San-Javiar,  Très 
aiïos  en  Fernando  Pôo;  Madrid,  1875,  in-8.  —  Soyaux, 
Aus  Fernando  Po,  dans  Ans  Allen  Welttheilen,  1877. 

FERNBACH  (Franz-Xaver) ,  peintre  allemand,  né  à 
Waldkirch,  près  de  Fribourg-en-Brisgau,  en  1798,  mort 
à  Munich  en  1851.  Il  commença  par  peindre  des  cadrans 
d'horloge  de  la  Forêt-Noire.  Puis,  à  l'aide  d'une  petite 
épargne,  étant  venu  à  Munich  en  1816,  il  y  étudia  trois 
ans  à  l'Académie  des  beaux-arts,  apprenant  son  métier  de 
peintre  et  s'ingéniant  en  même  temps  à  mille  recherches 
pour  gagner  sa  vie.  L'envoi  qu'il  fit  à  l'exposition  de  1820 
de  deux  dessus  de  table  peints  en  manière  de  mosaïque  lui 
valut  la  protection  du  roi  Maximilien  Ier  de  Bavière,  qui  lui 
fournit  les  moyens  d'aller  parfaire  son  instruction  par  des 
études  scientifiques  à  l'université  de  Landshut,  puis  à  Vienne. 
Plutôt  chercheur  et  théoricien  que  peintre  exécutant,  ayant 
passé  sa  vie  à  faire  ou  rêver  des  découvertes,  Fernbach  n'est 


—  301  — 


FERNBACH  —  FERNIG 


pas  sans  tenir  sa  place  dans  le  mouvement  d'art  qui  fit  de 
Munich,  pendant  la  première  moitié  de  ce  siècle,  un  centre 
si  brillant.  Son  grand  titre  de  gloire,  aujourd'hui  oublié, 
est  d'avoir  retrouvé  ou  au  moins  cru  retrouver  l'encaus- 
tique des  anciens.  Ses  premiers  essais,  qu'il  soumit  à  une 
commission,  en  1834,  lui  firent  confier  la  restauration  des 
peintures  découvertes  à  Forchheim  et  qu'on  regardait 
comme  du  temps  de  Charlemagne.  L'invention  ne  manqua 
pas  d'exciter  l'enthousiasme  dans  un  milieu  où  l'on  singeait 
en  toutes  choses  si  candidement  l'antiquité.  Schnorr  utilisa 
immédiatement  le  procédé  dans  ses  peintures  de  la  Rési- 
dence sur  l'histoire  de  Charlemagne,  de  Frédéric  Barbe- 
rousse  et  de  Rodolphe  de  Habsbourg.  Rottmann  l'employa 
également  en  partie  pour  ses  fameux  paysages  grecs  de  la 
nouvelle  Pinacothèque.  Fernbach  est  aussi  l'inventeur  d'un 
système  de  détrempe,  dont  Maurice  de  Schwind  s'est  servi 
avec  une  constante  prédilection.  11  a  publié,  en  outre,  un 
certain  nombre  d'écrits  spéciaux  :  Kenntniss  und  Behand- 
lung  der  Oelfarben  (Munich,  1834);  Lehr  und  Hand- 
buch  ûber  die  Oelfarbe  (ibid.,  1843),  et  surtout, 
concernant  sa  principale  découverte,  Die  enkaustiche 
Malerei  (ibid.,  1845).  Paul  Leprieur. 

FERNEL  (Jean),  mathématicien  et  médecin  français, 
né  à  Clermont  en  Beauvoisis  en  1497,  mort  à  Paris  le 
26  avr.  1558.  Il  a  publié,  en  4  528,  De  Proportionibus, 
et  deux  traités  astronomiques,  le  Monatlospherion  et 
la  Cosmotheoria.  C'est  dans  ce  dernier  ouvrage  qu'il 
raconte  avoir  trouvé  57,046  toises  pour  le  degré  du  mé- 
ridien en  allant  par  la  grande  route  de  Paris  à  Amiens  et 
en  comptant  le  nombre  des  tours  de  roue  de  sa  voiture. 
Ce  résultat  est  d'une  exactitude  surprenante,  Picard  aj^ant 
trouvé  plus  tard  57,060  toises  par  la  triangulation. 
Comme  médecin,  Fernel  se  vit  décerner  le  surnom  de 
Galien  moderne.  Après  avoir  achevé  ses  premières  "études 
dans  sa  ville  natale,  il  entra  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  au 
collège  Sainte-Barbe  à  Paris  et,  trois  ans  après,  fut  reçu 
maître  es  arts.  Tombé  malade  à  la  suite  d'un  excès  de 
travail,  il  se  décida  à  étudier  la  médecine,  ce  qu'il  fit 
tout  en  enseignant  la  philosophie  au  collège  Sainte-Barbe 
et  en  poursuivant  ses  recherches  de  mathématiques  et 
d'astronomie.  Loin  de  les  abandonner  après  avoir  été  reçu 
docteur  en  1530,  il  dérangea  même  sa  fortune  pour 
construire  à  grands  frais  des  instruments.  Les  instances  de 
son  beau-père  (il  s'était  marié  en  1532)  triomphèrent 
pourtant  de  sa  passion  favorite  et  privèrent  ainsi  la  France 
de  travaux  astronomiques  dont  l'importance  eût  été  sans 
doute  considérable.  A  partir  de  1534,  Fernel  se  consacre 
exclusivement  à  la  médecine  qu'il  enseigne  et  pratique  à 
la  fois,  et  publie  d'importants  ouvrages  :  De  Naturali 
Parte  Medicinœ  libri  septem  (Paris,  1542,  in-fol., 
traité  de  physiologie  repris  plus  tard  dans  sa  Medicina)  ;  De 
Evacuandi  Ratione  liber  (Paris,  1545,  in-8),  où  il 
s'élève  contre  l'abus  de  la  saignée  :  De  Abditis  Rerum 
causis  libri  duo  (1548,  in-fol.),  sous  forme  de  dialogue, 
également  compris  dans  la  Medicina  qui  parut  en  \  554 
(in-fol.),  et  eut  plus  de  trente  éditions.  C'est  un  corpus 
où  Fernel  a  cherché  à  réunir  tout  ce  qu'il  y  avait  de  bon 
dans  les  auteurs  grecs,  latins  et  arabes  en  physiologie,  en 
pathologie  et  en  thérapeutique.  Fernel  s'était  acquis  une 
grande  réputation  comme  praticien  ;  avant  son  avènement 
au  trône,  Henri  II  voulait  déjà  l'attacher  à  sa  personne. 
Fernel  déclina  longtemps  cet  honneur  et  finit  par  l'accep- 
ter au  commencement  de  1557.  Il  mourut  au  retour  du 
siège  de  Calais  quelques  semaines  après  avoir  subitement 
perdu  sa  femme.  Sa  vie  a  été  écrite  par  son  élève  et  neveu 
Guillaume  de  Plancy  et  se  trouve  dans  les  éditions  de  la 
Medicina  qui  suivent  celle  de  1567.  Après  sa  mort  furent 
publiés  divers  ouvrages  posthumes.  Les  écrits  médicaux  de 
Fernel  n'ont  plus  qu'une  importance  historique  ;  il  n'en  a 
pas  moins  joué  un  rôle  considérable.  Ce  n'est  pas,  au 
reste,  un  rénovateur,  mais  un  restaurateur,  d'esprit  d'ail- 
leurs judicieux  et  suffisamment  hardi  ;  il  caractérise  cette 
phase  de  la  Renaissance  où  l'érudition  passe  la  première,  où 


il  s'agit  de  savoir  ce  qui  a  été  fait  par  les  anciens,  avant 
d'ouvrir  de  nouvelles  voies.  T. 

FERNER  (Bengt),  savaut  suédois,  né  à Nyeds Prestgârd 
(Vermland)  le  10  nov.  1724,  mort  à  Stockholm  le  18  nov. 
1802.  Il  fut  professeur  d'astronomie  à  l'université  d'Upsal, 
précepteur  du  prince  royal  et  membre  de  l'Académie  de 
Stockholm.  Il  a  publié  dans  le  recueil  de  cette  société 
(1752  à  1758)  les  résultats  de  ses  recherches  météorologi- 
ques et  dans  lesPhilosophical  Transactions  de  la  Société 
royale  de  Londres  ses  observations  sur  les  passages  de 
Vénus  de  1761  et  1769.  L.  S. 

FER NEY-Volt aire.  Ch.-l.  de  canton  du  dép.  de  l'Ain, 
arr.  de  Gex;  1,200  hab.  Petit  village  qui  au  xne  siècle 
appartenait  à  une  famille  du  même  nom.  Son  château 
fut  détruit  au  xvie  siècle  par  les  Bernois.  Au  xvne,  Fer- 
ney  passa  aux  mains  des  familles  Chevalier  et  Rozet  de 
la  bourgeoisie  de  Genève  ;  Marc  Rozet  le  vendit  le  5  févr. 
1674,  au  prix  de  60,000  florins  d'or,  à  Guillaume  de 
Budé,  et  le  9  févr.  1759,  Marie-Louise  Mignot,  veuve  de 
Nicolas-Charles  Denis,  l'achetait  au  prix  de 89,000  livres, 
pour  Voltaire.  On  sait  que  ce  dernier  amena  la  prospérité 
à  Ferney.  Après  sa  mort,  Mffie  Denis  vendit  cette  terre 
230,000  francs  au  marquis  de  Villette  qui  peu  après  la 
rétrocédait  à  la  famille  de  Budé.  G.  G. 

FERNIG  (Félicité  et  Théophile),  héroïnes  françaises  qui 
s'illustrèrent  dans  les  armées  de  Dumouriez  pendant  les 
premières  campagnes  de  la  Révolution.  Leur  père,  Louis 
Fernig  (mort  en  1816),  était  originaire  d'Alsace.  Après 
avoir  servi  comme  sous-officier  dans  un  régiment  de  hus- 
sards, il  s'était  fixé  à  Mortagne  (Nord),  où  il  devint,  lors 
de  la  Révolution,  secrétaire  de  la  municipalité.  Félicité 
naquit  à  Mortagne  le  10  mai  1770,  sa  sœur  Théophile  à 
Chat eau-1' Abbaye,  village  voisin,  le  17  juil.  1775.  Leur 
père  les  accoutuma,  dès  l'enfance,  à  monter  à  cheval,  à 
faire  de  longues  marches,  à  manier  l'arc  et  le  fusil.  Au 
printemps  de  1792,  la  guerre  ayant  éclaté  entre  la  France 
et  l'Autriche,  Mortagne  et  les  localités  environnantes, 
situées  à  deux  pas  de  la  frontière,  se  trouvèrent  exposées 
aux  incursions  des  coureurs  ennemis.  Comme  il  n'y  avait 
pas  encore  de  troupes  françaises  à  proximité,  les  habitants 
résolurent  de  se  défendre  eux-mêmes.  Le  pays  se  prêtait 
aux  embuscades  ;  ils  organisèrent  de  petites  expéditions 
dans  lesquelles  les  reconnaissances  autrichiennes  furent 
plus  d'une  fois  maltraitées.  Dès  le  premier  jour,  les  demoi- 
selles Fernig  s'étaient  mêlées  aux  combattants.  Bientôt, 
elles  les  dirigèrent.  Au  mois  de  mai,  elles  quittèrent  les 
habits  de  leur  sexe  pour  endosser  une  espèce  d'uniforme 
aux  couleurs  nationales,  et  à  partir  de  ce  moment  elles  se 
joignirent  en  volontaires  aux  soldats  du  camp  de  Maulde, 
dont  quelques  détachements  allaient  chaque  jour  escar- 
moucher  avec  l'ennemi.  Ce  camp  de  Maulde,  devenu  fameux 
par  la  suite,  venait  d'être  établi  à  peu  de  distance  de  Mor- 
tagne. Dumouriez,  aidé  de  Beurnonville,  y  formait  trois 
ou  quatre  mille  hommes  en  les  exerçant  chaque  jour  à  des 
attaques  d'avant-postes.  Les  deux  sœurs  accompagnaient 
les  colonnes,  sans  cesse  au  premier  rang,  croisant  le  sabre 
ou  faisant  le  coup  de  feu  avec  l'assurance  de  vieux  trou- 
piers. Dans  ce  moment  d'exaltation  patriotique,  un  tel 
exemple  était  fait  pour  enflammer  les  troupes.  Dumouriez, 
toujours  habile,  en  tira  parti.  Il  attacha  les  deux  jeunes 
filles  à  son  état-major,  les  promena  partout  avec  lui,  pu- 
bliant leurs  actions  d'éclat  et  les  proposant  pour  modèles  à 
ses  volontaires.  L'effet  fut  prodigieux.  Les  demoiselles 
Fernig  devinrent  célèbres  dans  toute  l'armée.  Celle-ci  leur 
voua  un  véritable  culte,  non  seulement  à  cause  de  leur 
bravoure,  mais  encore  de  la  conduite  irréprochable  qu'elles 
gardaient  au  milieu  des  troupes.  Elles  étaient,  dit  Dumou- 
riez dans  ses  Mémoires  (1.  III,  ch.  n),  «  encore  plus 
extraordinaires  par  leur  pudeur  et  leur  vertu  que  par  leur 
courage  ».  Et  ce  qui  peint  bien  l'esprit  des  troupes  à  cette 
époque,  c'est  qu'elles  purent  passer  près  d'une  année 
parmi  les  soldats,  sans  avoir  à  se  plaindre  du  plus  léger 
manque  de  respect. 


FERNIG  —  FEROË 


-  302  — 


Lorsqu'en  sept.  4792,  Dumouriez  se  porta  au-devant 
des  Prussiens  pour  leur  disputer  le  passage  de  l'Argonne 
et  qu'il  appela  à  lui  les  troupes  du  camp  de  Maulde,  il  ne 
manqua  pas  de  faire  venir  les  deux  héroïnes.  Arrivées  à 
Sainte-Menehould,  elles  furent  accueillies  avec  enthou- 
siasme par  les  commissaires  de  la  Convention  qui  les 
comparèrent  à  Jeanne  d'Arc  et  leur  remirent  des  brevets 
provisoires  d'adjoints  aux  adjudants  généraux.  Une  fois 
la  campagne  de  Valmy  terminée ,  Dumouriez  les  ramena 
en  Flandre  avec  lui.  Dans  l'intervalle,  les  Autrichiens 
avaient  forcé  la  frontière  du  Nord  dégarnie  ;  ils  étaient 
entrés  à  Mortagne  et,  par  vengeance,  avaient  livré  aux 
flammes  la  maison  de  la  famille  Fernig.  A  la  nouvelle  de 
cet  acte  de  barbarie,  la  Convention  décréta  que  la  maison 
serait  reconstruite  aux  frais  du  trésor  public.  Les  deux 
sœurs  jurèrent  alors  de  ne  plus  quitter  leurs  compagnons 
d'armes.  Elles  les  suivirent  dans  les  Pays-Bas,  assistèrent 
aux  batailles  de  Jemappes  et  d'Anderlecht  ainsi  qu'aux 
autres  opérations  de  la  campagne.  Puis,  lorsque  les  revers 
survinrent,  on  les  retrouva  aux  côtés  de  leur  général,  sou- 
tenant les  troupes  démoralisées  par  l'exemple  de  leur 
fermeté.  Elles  se  signalèrent  notamment  à  la  malheureuse 
bataille  de  Nerwinde  en  ralliant  les  fuyards  du  corps  de 
Chancel.  Ce  fut  leur  dernier  exploit.  Quelques  jours  plus 
tard,  Dumouriez  consommait  sa  trahison. 

Elles  avaient  trop  de  confiance  dans  le  général  ;  elles 
étaient  trop  étrangères  à  la  politique  pour  soupçonner  ce 
qu'il  tramait  avec  l'ennemi.  Elles  le  suivirent  aveuglément 
jusqu'au  bout.  Le  5  avr.  1793,  elles  se  réfugiaient  avec 
lui  dans  le  camp  des  Autrichiens.  Mais  là,  comprenant 
enfin  ce  qui  s'était  passé,  elles  lui  remirent  leur  démission. 
Il  était  trop  tard  ;  on  ne  leur  permit  pas  de  rentrer  en 
France.  La  Convention  les  avait  décrétées  d'accusation  avec 
tous  les  autres  complices  de  Dumouriez.  Ce  fut  en  vain 
qu'elles  sollicitèrent  le  retrait  de  cette  mesure  injuste. 
Elles  durent  se  résigner  à  l'exil.  Leur  constance  fut  admi- 
rable. Dénuées  de  toute  ressource,  elles  se  mirent  coura- 
geusement au  travail  pour  gagner  leur  vie.  Félicité  alla 
s'établir  à  Bruxelles  où  elle  tint  un  bureau  de  loterie  ;  sa 
sœur  parcourut  les  foires  de  Belgique  en  vendant  des 
objets  de  toilette.  Cette  vie  d'épreuves  dura  six  ans.  Le 
47  août  4798,  Félicité  épousa  un  officier  belge,  M.  Vander- 
vallen,  qu'elle  avait  sauvé,  dit-on,  au  combat  d'Anderlecht. 
Cette  union  lui  assurait  l'aisance.  Elle  prit  auprès  d'elle 
sa  sœur  qui  refusa  toujours  de  se  marier.  Toutes  deux 
vécurent,  dès  lors,  à  Bruxelles.  Elles  y  moururent,  Théo- 
phile le  2  avr.  4849,  Félicité  le  4  avr.  4841. 

Les  demoiselles  Fernig  avaient  un  frère  et  deux  sœurs. 
Le  frère,  Louis-Alexandre-désiré,  né  à  Chàteau-F Abbaye 
le  42  juin  4772,  était  officier  d'infanterie  à  l'époque  de  la 
Révolution.  Parvenu,  sous  l'Empire,  au  grade  d'adjudant- 
commandant  ou  colonel  d'état-major  (6  mars  4842),  il  fut 
écarté  du  service  par  la  Restauration.  Mais  Louis-Philippe, 
qui  avait  connu  Théophile  et  Félicité  dans  l'entourage  de 
Dumouriez,  le  réintégra  dans  les  cadres  en  4830  et  le 
nomma  général  de  brigade.  Retraité  trois  ans  après,  il  mou- 
rut le  24  août  4847.  —  Des  deux  sœurs,  l'aînée,  Louise, 
épousa  un  négociant  français,  nommé  Nerenburger,  établi 
à  Amsterdam;  la  cadette,  Aimée,  devint  la  femme  du 
général  Guilleminot.  Ch.  Gràndjeàn. 

Bibl.  :  Bonhomme,  Correspondance  inédite  de  Théophile 
Fernig  ;  Paris,  1873,  in-12.—  Duhem,  Notice  biographique 
sur  les  demoiselles  Fernig,  clans  Mém.  histor.  sur  l'arr. 
de  Valenciennes,  1876,  t.  IV.  —  Arthur  Chuquet,  Valmy, 
Paris,  1887,  pp.  155-158,  in-18. 

FERNKORN  (Anton-Dominik),  sculpteur  allemand,  né 
à  Erfurt  le  47  mars  4843.  Elève  de  Stiglmayer,  puis 
de  Schwanthaler,  il  alla  en  4840  à  Vienne,  où  il  fit  un 
grand  nombre  de  statues  parmi  lesquelles  nous  citerons  : 
six  figures  des  Nibelungen,  pour  le  comte  Reichenbach  ; 
un  Saint  Georges  (équestre)  terrassant  le  dragon,  pour 
le  comte  Montenuovo  ;  la  statue  équestre  du  Grand-duc 
Charles,  pour  le  Burgplatz,  et  celle  à\\PrinceEugè?îe;  les 
bustes  de  VEmpereur  François-Joseph,  de  Schmerling, 


de  Hebel,  les  figures  de  la  fontaine  de  la  Bourse.  Il  a  éga- 
lement exécuté  six  statues  impériales  au  dôme  de  Speycr, 
le  Lion  d'Aspern,  la  Sainte-Marie  qui  couronne  l'église 
catholique  de  Fôth  (Hongrie),  le  monument  de  Jellatschits 
à  Agram,  etc.  Il  devint  directeur  de  la  fonderie  impériale 
de  Vienne  Met  fut  frappé  d'aliénation  dans  sa  vieillesse. 

FERNOÉL.  Corn,  dudép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de 
Riom,  canfc.  de  Pont-au-Mur  ;  437  hab. 

FERNOW  (Karl-Ludwig),  écrivain  d'art  allemand,  né 
à  Blumenhagen  (Prusse)  le  49  nov.  4763,  mort  à  Weimar 
le  4  déc.  4808.  D'abord  clerc  de  notaire,  puis  élève  apo- 
thicaire à  Lubeck,  il  occupait  ses  loisirs  à  étudier  la  pein- 
ture et  la  poésie.  Il  entra  en  relations  avec  le  peintre 
Carstens,  puis,  à  Iéna,  avec  Reinhold  et  Baggesen,  qui 
déterminèrent  sa  vocation.  Grâce  à  la  protection  du  baron 
Herbert  et  du  comte  Burgstall,  il  put  faire  un  long  séjour 
en  Italie  (4794-4802)  et,  à  son  retour,  il  fut  nommé 
professeur  extraordinaire  à  l'université  d'Iéna,  puis,  en 
1804,  il  devint  bibliothécaire  de  la  duchesse  douairière 
Amélie  de  Weimar.  On  a  de  lui,  entre  autres  :  Leben  des 
Kûnstlers  Carstens  (Leipzig,  4806)  ;Rômische  Studien 
(Zurich,  4806-4808,  3  vol.),  son  ouvrage  capital  ;  enfin, 
des  études  sur  Canova  (Zurich,  4806),  Ariosle  (1809), 
Pétrarque  (Leipzig,  4848),  Ses  œuvres  complètes  ont  été 
publiées  à  Leipzig  en  4829  et  rééditées  en  4834,  en 2  vol., 
avec  une  biographie  par  Julianna  Schopenhauer.     G.  P-i. 

FEROË  ou  F>€RÔER.  Groupe  d'Iles  au  N.  de  l'Ecosse. 
Deux  étymologies  :  Fœr,  qui,  en  langue  Scandinave,  signifie 
«  brebis  »  et  6,  île,  ou  (d'après  Landt)  Faraivay  (îles 
éloignées).  Ces  îles,  qui  font  partie  intégrante  du  royaume 
de  Danemark,  représentent  l'ancienne  Frislande,  que  l'on 
retrouve  sur  les  vieilles  cartes.  Elles  sont  au  nombre  de  26 
dont  47  seulement  d'habitées,  savoir  :  au  N.  du  64e  degré 
delat.  N.  et  en  allant  de  PE.  à  l'O.,  Fuglô,  Svinô,  Widero, 
Borô,  Kunô,  Kalsô,  Osterô,  Naalsô,  Stromô,  Hestoô, 
Kolter,  Waagô,  Myggenaes.  Au  S.  du  64e  degré  de  lat.  N., 
Sandô,  Skuô,  Store  Dimon,  Suderô.  Les  neuf  autres  ne 
sont  que  des  rochers  basaltiques  de  peu  d'importance 
minés  chaque  jour  par  Faction  corrosive  de  la  mer  et  des- 
tinés à  disparaître.  La  terminaison  ô  signifiant  îles,  nous 
devons  donc  dire  les  Fserôer  et  non  les  îles  Fserôer  pour  ne 
pas  faire  un  pléonasme.  La  plus  importante  est  Stromô  et 
c'est  au  S.-E.  de  cette  île  que  se  trouve  Thorshavn  (port 
du  dieu  Thor),  capitale  de  tout  l'archipel  avec  ses  4 ,200  hab . 
La  superficie  totale  de  l'archipel  est  de  4,332,5  kii.  q. 
Au  point  de  vue  de  la  géographie  physique,  les  Fserôer 
représentent  certainement  une  des  parties  émergées  de 
cette  chaîne  continue  qui,  avec  les  Orcades,  les  Shetland 
et  l'Islande,  rattache  l'extrémité  N.  de  l'Ecosse  à  la  côte  N. 
du  Groenland.  La  pointe  N.  extrême  du  groupe  est  Enne- 
bierg  sur  Widero  par  62°  25',  et  le  rocher  de  Munken 
dessine  sur  les  cartes  l'extrémité  S.  par  64°  24/ .  Mais  il 
y  a  lieu  de  faire  disparaître  ce  point,  car  le  récif  n'existe 
plus.  Il  s'est  englouti  le  7  nov.  4885.  La  petite  île  de  Hôlm, 
à  PO.  de  Myggenaes,  marque  la  longitude  occidentale 
extrême,  40°  2',  et  la  pointe  de  Bispen  à  TE.  de  Fuglô 
limite  la  longitude  orientale,  8°  38/.  Les  côtes  de  ces  îles 
sont  le  plus  souvent  abruptes,  mais  on  trouve  en  maints 
endroits  d'excellents  mouillages  parce  que  la  mer  est  très 
profonde  à  une  petite  distance  delà  terre. Le  sol  est  entiè- 
rement d'origine  volcanique.  Les  roches  qu'on  y  rencontre, 
basaltes,  trachytes,  etc.,  appartiennent  toutes  à  la  série 
basique  ancienne.  Les  laves  récentes  n'y  sont  pas  repré- 
sentées. Dans  la  partie  septentrionale  de  Suderô,  près  de 
Hvalbô,  existe  un  gisement  de  charbon  bitumineux  repo- 
sant sur  un  lit  d'anamésite  d'environ  20  m.  et  de  schistes 
ou  d'argiles  bruns  de  8  m.  d'épaisseur.  Les  couches  de 
combustible  s'étendent  sous  une  surface  de  2,000  hect.  et 
l'on  pourrait  en  extraire  environ  44  millions  de  tonnes. 

Climat.  —  L'archipel  baignant  dans  le  courant  de 
l'Atlantique  dirigé  vers  le  N.-E.,  il  en  résulte  que  son 
régime  est  humide,  mais  fort  tempéré.  C'est  le  climat  le 
plus  égal  que  nous  ayons  en  Europe  :  La  différence  entre 


l'hiver  et  l'été  n'est  que  de  9°.  Pendant  mon  excursion  du 
1er  au  30  juin  1887,  je  constatai  régulièrement  6°  le  matin 
et  10  à  12°  à  midi. 

Flore  et  faune.  —  A  l'inverse  de  l'Islande  qui  ne 
compte  que  trois  arbres,  trois  sorbiers,  des  oiseaux  et 
quelques  arbustes  :  Salix  arctica  ou  Betula  nana,  les 
Faerôer  voient  leurs  jardins  s'agrémenter  de  frênes,  d'érables 
sycomores,  de  saules,  de  groseillers,  etc.  La  rhubarbe  et 
surtout  l'angélique  atteignent  dans  les  enclos  de  Thorshavn 
de  hautes  dimensions.  A  la  fin  de  juin  1887,  j'ai  mesuré  des 
feuilles  de  50  centim.  de  long.  Une  faible  partie  du  sol  seu- 
lement est  susceptible  de  culture.  Ailleurs  on  ne  trouve  que 
des  tourbières  ou  une  terre  noirâtre  recouverte  de  gazon. 
L'orge,  la  pomme  de  terre  et  les  turneps  (sorte  de  radis, 
Brassica  râpa)  sont  les  seuls  produits  cultivés  d'une  façon 
sérieuse,  et  encore  l'orge  ne  mûrit-il  bien  que  dans  des 
greniers  chauffés. 

La  faune  importée  n'a  pas  de  caractère  propre.  L'animal 
le  plus  essentiel  à  la  vie  des  habitants  est  un  genre  de 
cétacé  connu  sous  le  nom  de  grindehval  (Delphinus  glo- 
biceps  ou  Globicephalus,  vulgairement  épaulard).  Chaque 
septembre,  tous  les  ans,  il  vient  en  grandes  bandes  et  sa 
capture  représente  une  valeur  de  180,000  fr.  Les  mou- 
tons, plus  maltraités  encore  qu'en  Irlande,  vivent  sur  les 
montagnes  à  l'état  sauvage  sans  étable  et  sans  hangar  pour 
l'hiver.  Ils  errent  en  compagnie  de  petits  poneys  solide- 
ment bâtis  et  d'une  sûreté  de  pied  absolue.  La  laine  qu'on 
arrache  à  la  main  au  mois  de  juin  est  longue,  fine  et 
soyeuse.  On  en  fait  de  fort  jolis  châles  et  des  habits  dits 
de  vadmel.  Autrefois  les  Faerôer  ne  renfermaient  pas  de 
lièvres.  En  1856,  le  bailli  Dahlerup  en  importa  deux 
couples  de  Norvège;  ils  se  sont  tellement  multipliés  que 
pendant  l'hiver  de  1887  on  en  a  tué  trois  cents.  Par  contre, 
le  lapin  n'y  peut  pas  vivre.  La  faune  ornithologique  est 
d'une  richesse  incomparable  ;  c'est  par  millions  que  puffins, 
pingouins,  guillemots,  goélands,  pétrels,  plongeons,  cor- 
morans couvrent  les  falaises.  Les  indigènes  sont,  on  le 
*  sait,  d'intrépides  dénicheurs  ;  pour  atteindre  les  œufs  de 
ces  oiseaux  de  mer,  ils  se  hissent  par  une  corde  et  restent 
suspendus  au-dessus  des  abîmes  les  plus  effrayants. 

Les  Faeroïens  offrent  tous  le  type  Scandinave  ;  ils  sont, 
comme  les  anciens  Vikings,  grands  et  forts,  souvent  rouges 
de  cheveux  et  de  barbe.  Leur  costume  n'a  de  spécial  qu'une 
sorte  de  bonnet  phrygien  porté  par  riches  et  pauvres,  et 
que  le  mocassin  islandais,  c.-à-d.  une  chaussure  formée 
d'un  morceau  carré  de  peau  de  dauphin  ou  de  phoque, 
cousu  par  devant  pour  faire  l'empeigne,  relevé  en  arrière 
pour  le  talon  et  maintenu  sur  le  cou-de-pied  au  moyen 
de  courroies  rouges.  Actuellement  l'archipel  est  une  terre 
danoise;  tous  les  habitants,  au  nombre  de  12,000  environ 
(1891),  comprennent  et  parlent  le  danois,  ont  le  même  dra- 
peau, la  même  monnaie,  la  même  religion.  Cependant  les 
pêcheurs  ont  un  dialecte  de  l'ancien  nordique  mélangé 
d'islandais  et  de  danois.  La  religion  réformée  de  Luther 
fut  introduite  par  Christian  III  à  la  place  de  la  catholique 
vers  la  fin  du  xvie  siècle.  La  maison  de  l'évèque  se  trouve 
dans  Osterô  et  se  nomme  Prestegaard. 

De  mœurs  très  pures  et  d'un  caractère  doux,  les  Faeroïens 
représentent  une  des  meilleures  populations  du  globe.  Ils 
habitent  des  maisons  à  peu  près  toutes  construites  sur  le 
même  type,  non  plus  en  blocs  de  trachyte,  comme  les  bœrs 
de  l'Islande,  ou  en  poutres  raides  comme  celles  de  Scandi- 
navie, mais  en  planches  rabotées  et  juxtaposées  l'une  à 
l'autre.  Elles  n'ont  qu'un  rez-de-chaussée  et  sont  assez 
uniformément  séparées  en  deux  par  une  cloison.  L'un  des 
compartiments,  qui  ne  reçoit  d'air  et  de  jour  que  par  la 
porte  ou  le  trou  qui  sert  de  cheminée,  forme  cuisine.  Le 
second  est  garni  de  quelques  meubles  et  possède  deux  ou 
quatre  fenêtres  vitrées  ;  c'est1  le  séjour  ordinaire  de  la 
famille..,.  L'archipel  est  depuis  le  traité  de  Kiel  au  Dane- 
mark qui,  en  cédant  à  la  Suède  le  royaume  de  Norvège,  se 
réserva  le  Grœnland,  les  Faerôer  et  l'Islande.  L'Angleterre 
a  cependant  occupé  ces  îles  de  1803  à  1814,  année  où  elle 


-  303  —  .  FEROË  —  FÉRON 

les  abandonna,*  dédaignant  sans  doute  leur  faible  valeur 
commerciale. 

Les  îles  sont  partagées  en  syssels  (districts)  au  nombre 
de  6  comprenant  17  paroisses  :  syssel  de  Stromô  :  Stromô, 
Naalsô,  Koster,  Hestô;  syssel  de  Norderô  :  Fuglô,  Swinô, 
Widerô,  Borô,  Kunô  ;  syssel  de  Osterô  :  Kalsô,  Osterô  ;  syssel 
deWaagô  :  Waagô,  Myggenaes;  syssel  de  Sandô  :  Sandô, 
Skuô,  Store  Dimon,  Lille  Dimon;  syssel  de  Suclerô  :  Suderô. 
Aujourd'hui  ces  îles  sont  très  salubres,  l'hygiène  générale 
des  habitants  étant  devenue  meilleure.  Scorbut,  tétanos  des 
nouveau-nés  et  rachitisme  ont  presque  disparu.  Je  n'ai  pas 
rencontré  un  seul  lépreux,  bien  que  Gaimard  en  ait  signalé 
66  en  1836.  La  grippe  (Krugm  et  Tuef)  y  présente  un  carac- 
tère d'endémicité  bien  établi  et  y  exerce  comme  en  Islande 
une  influence  prononcée  sur  le  chiffre  des  décès.  Cependant 
son  apparition  n'y  coïncide  pas  comme  à  Saint-Kilda  avec 
l'arrivée  d'un  étranger.  Dr  Labonne. 

FÉROLE  (Bois  de).  Fourni  par  le  Ferolia  Guianen.sis 
AubL,  arbre  de  la  famille  des  Ulmacées.  Ce  bois,  de  cou- 
leur rouge,  panaché  de  jaune,  est  pesant,  compact  et  sus- 
ceptible du  plus  beau  poli.  C'est  un  des  bois  satinés  du 
commerce.  Ed.  Lef. 

Bibl.  :  H.  Bâillon,  Hist.  des   PL,  VI,  pp.  183,  208. 
FERQLLES-le-Queuvre.  Corn,  du  dép.  de  Loiret,  arr. 
d'Orléans,  cant.  de  Jargeau;  825  hab. 

FÉRON.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes,  cant. 
de  Trélon,  sur  un  sous-affluent  de  l'Helpe-Mineure;  547 
hab.  Source  ferrugineuse  dite  la  Fontaine-Piougc,  minerai 
de  fer,  carrière  de  marbre.  Vestiges  d'anciennes  fortifica- 
tions. La  tour  de  l'église  percée  de  meurtrières  date  de 
1614.  Le  château  du  Pont-de-Sains,  où  Talleyrand  s'était 
retiré  pendant  sa  disgrâce,  n'a  conservé  de  ses  anciennes 
constructions  que  la  porte  principale  flanquée  de  deux 
tourelles  et  des  souterrains. 

FERON  (Jean  Le),  écrivain  héraldiste  français,  né  à 
Compiègne  en  1504,  mort  vers  1570.  Avocat  au  parlement 
de  Paris,  il  s'occupa  beaucoup  des  questions  nobiliaires  et 
héraldiques.  Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages  sur  ces  matières  ; 
les  plus  importants  sont  :  De  la  Primitive  Institution 
des  roijs  héraultz  et  poursuivans  d'arme  (Paris,  1555, 
in-4)  ;  le  Simbol  Armoriai  des  Armoiries  de  France 
et  d'Escoceet  de  Lorraine  (Paris,  1555,  in-4)  ;  Catalo- 
gue des  très  illustres  Ducz  et  Connestables  de  France 
(Paris,  1555);  viennent  ensuite  les  catalogues  des  divers 
grands  officiers  de  la  couronne,  chanceliers,  maréchaux,  etc. 
Chaque  catalogue  forme  un  tout  avec  pagination  spéciale  : 
Catalogue  des  noms,  surnoms,  faits  et  vies  des  Connes- 
tables, Chanceliers,  etc.,  édition  revue,  corrigée  et  aug- 
mentée parMorel  (Paris,  1598,  in-fol.)  ;  les  Armoiries  des 
Connestables,  Grands  Maîtres,  Chanceliers,  etc.,  édition 
revue  et  augmentée  par  Claude  Morel,  imprimeur  ordinaire 
du  Roy  (Paris,  1628,  in-fol.)  ;  Histoire  des  Connestables, 
Chanceliers  et  Gardes  des  sceaux,  etc.,  augmenté  de 
diverses  recherches  et  pièces  curieuses  par  Denys  Godefroy 
(Paris,  1658,  in-fol.).        H.  Gourdon  de  Genoujliac. 

FÉRON  (Eloi-Firmin),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
1er  déc.  1802,  mort  à  Conflans  (Seine-et-Oise)  en  1876. 
Elève  de  Gros,  il  remporta  le  grand  prix  de  Rome  en  1826, 
avec  Damon  et  Pythias.  Dessinateur  savant  et  vigoureux, 
mais  froid,  ses  compositions  sont  pompeuses  et  solennelles, 
surtout  les  premières,  et  manquent  absolument  de  vérité 
dans  le  coloris.  Vettor  Pisani  tiré  de  prison  ;  Annibal  au 
passage  des  Alpes  (S.  1833,  musée  de  Marseille)  ;  la 
Ilésurrectionde  Lazare  (S.  1835),  n'obtinrent  qu'un  suc- 
cès d'estime.  Cet  artiste  a  beaucoup  travaillé  pour  les  gale- 
ries historiques  de  Versailles  ;  voici  les  principales  oeuvres 
de  lui  qui  s'y  trouvent  :  Entrée  de  Charles  VIII  à  Naples 
(S.  1837);  Bataille  de  Fornoue  (S.  1838);  Prise  de 
Pihodes  (S.  1840)  et  les  portraits  en  pied  de  Duguesclin, 
des  Maréchaux  de  Laval,  de  Choiseul,  de  Noailles,  des 
Comtes  de  Montgommery  et  à'Olivarez  et  du  Duc  de 
Guise.  On  voit  encore  de  lui,  au  musée  d'Arras,  Athlète 
vainqueur  expirant  dans  r arène.  Ad.  T. 


FERONIA  —  FERRADIS 


—  304 


FERONIA.  I.  Mythologie.  —  Antique  divinité  italienne, 
particulièrement  honorée  par  les  Latins  et  les  Sabins.  Ses 
deux  sanctuaires  les  plus  célèbres  étaient,  l'un  auprès  de 
Trebula  Mutuesca  (Monteleone),  où  sa  fête  donnait  lieu 
annuellement  à  un  grand  concours  de  peuple  et  à  une  foire 
importante;  l'autre  au  pied  du  mont  Soracte  en  Etrurie. 
A  Rome  même  on  célébrait  sa  fête  en  novembre  sur  le  champ 
de  Mars.  C'était  une  divinité  agricole  que  l'on  honorait  par 
l'offrande  des  prémices  du  sol  ;  elle  paraît  avoir  présidé  à 
l'affranchissement  des  esclaves,  ce  qui  fait  que  Vairon  l'a 
identifiée  avec  la  déesse  Libertas.  D'autres  l'associaient  au 
culte  de  Junon.  L'opinion  la  plus  probable  est  que  Feronia 
fut  originairement  une  divinité  présidant  à  la  culture  des 
céréales  ;  la  fête  de  novembre  semble  avoir  été  en  relations 
avec  les  semailles  d'automne.  On  ne  trouve  l'image  de  cette 
déesse  que  sur  les  monnaies  de  la  Gens  Petronia,  origi- 
naire du  pays  des  Sabins:  elle  y  a  les  traits  que  l'art 
donne  d'ordinaire  à  Cérès.  J.-A.  H. 

II.  Botanique.  —  (Feronia  Corr.).  Genre  de  plantes 
de  la  famille  des  Rutacées  et  du  groupe  des  Aurantiées. 
L'unique  espèce,  F.  elephantum  Corr,,  est  un  arbre 
épineux,  à  feuilles  alternes,  imparipinnées,  avec  des  fo- 
lioles opposées  et  subsessiles.  Ses  fleurs,  qui  rappellent 
beaucoup  celles  des  Orangers,  sont  blanches,  très  odo- 
rantes et  disposées  en  grappes  simples  ou  ramifiées.  Le 
fruit,  appelé  vulgairement  Pomme  d'éléphant  (Wood-apple 
ou  Elephant-apple  des  Anglais),  est  une  baie  volumineuse, 
recouverte  d'une  écorce  ligneuse  et  renfermant  de  nom- 
breuses graines  entourées  d'une  pulpe  comestible.  Ce  bel 
arbre  croît  dans  l'Asie  tropicale.  Ses  feuilles  exhalent, 
quand  on  les  froisse,  une  odeur  anisée  agréable.  On 
extrait,  par  incision  du  tronc,  une  gomme  de  belle  qua- 
lité, employée  dans  l'Inde  aux  mêmes  usages  que  la  gomme 
arabique.  Ed.  Lef. 

III.  Entomologie  (Feronia  Latr.).  Genre  de  Coléoptères, 
de  la  famille  des  Carabiques  et  du  groupe  des  Harpalides, 
établi  par  Latreille,  en  1817,  mais  que  l'on  désigne  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  Pterostichus,  créé  par  Bonelli  dès 
1810.  Il  se  compose  d'un  grand  nombre  d'espèces,  de  faciès 
très  variés,  vivant  à  terre,  sous  les  pierres,  les  feuilles  mortes 
et  parmi  les  mousses,  dans  les  endroits  frais  ou  boisés.  La 
plupart  sont  de  couleur  noire  ou  foncée,  mais  quelques- 
unes,  surtout  celles  des  régions  alpines,  sont  ornées  de 
nuances  métalliques  des  plus  brillantes.  Leur  corps  est 
oblong,  presque  toujours  déprimé  en  dessus,  avec  les 
antennes  comprimées,  le  dernier  article  des  palpes  cylin- 
drique ou  tronqué  et  les  tibias  antérieurs  terminés  par  une 
seule  épine.  Les  F.  melanaria  Illig.  et  F.nigrita  Fabr., 
notamment,  sont  très  communs  aux  environs  de  Paris. 

IV.  Astronomie.  —  Nom  du  72e  astéroïde  (V.  ce  mot). 
FÉROUER  (du  persan  ferouher,  forme  moderne  du 

vieux  perse  fravarti,  zend  fr avachi).  Nom  du  génie  ou 
ange  gardien  dans  la  religion  avestique.  Les  férouers  étaient 
primitivement,  comme  les  Pitris  de  l'Inde,  les  dieux  do- 
mestiques, les  mânes  des  ancêtres  ;  mais  le  mazdéisme  les 
transforma  et  en  fit  une  création  distincte  en  séparant  le 
férouer  du  corps  qu'il  anime.  Ils  devinrent  ainsi  des  esprits 
immortels  habitant  le  ciel  et  la  terre  (car  les  dieux  avaient 
aussi  leurs  férouers),  intermédiaires  entre  l'homme  et  la 
divinité;  à  l'époque  sassanide,  le  férouer  finit  par  se  con- 
fondre avec  l'âme  responsable  des  actions  de  la  vie.  On 
invoquait  les  férouers  dans  différentes  circonstances  (l'Avesta 
contient  de  nombreuses  hymnes  en  leur  honneur).  Dans  le 
calendrier  perse,  les  cinq  jours  épagomènes  leur  étaient  con- 
sacrés ;  ils  jouaient  aussi  un  rôle  antidémoniaque.     E.  Dr. 

Bibl.  :  J.  Darmesteter,  Ormazd  et  Aîiriman.  1877.  — 
Palan ji,  The  Fravashis,  1889. 

FEROUTKA.  Groupe  de  population  algérienne,  d'ori- 
gine très  mêlée,  et  dont  le  nom  signifie  les  gens  de  rien  ; 
il  s'est  établi  sur  la  rive  gauche  de  l'Harrach,  au  pied  de 
l'Atlas,  et  a  été  constitué  en  douar  en  1866. 

FERQUES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Boulogne,    cant.  de  Marquise;  4,010  hab.  Importantes 


carrières  de  marbre  blanc  veiné  de  rouge.  Ruines  de  l'an- 
cienne abbaye  de  Beaulieu  fondée  vers  1131.  Au  lieu  dit 
Argencourt  on  a  découvert  et  fouillé  en  1868  un  cimetière 
mérovingien. 

FERRABOSCOou  FORABOSCO  (Girolamo),  peintre  de 
l'école  vénitienne,  né,  croit-on,  à  Padoue.  Il  travailla  à 
Venise  entre  1630  et  1660.  Il  semble  avoir  étudié  à  Rome, 
où  il  figure  parmi  les  membres  de  l'Académie  de  Saint- 
Luc.  Ses  tableaux  d'histoire  et  ses  portraits,  dans  la  ma- 
*  mère  de  Pietro  Liberi,  sont  comptés  parmi  les  meilleures 
œuvres  italiennes  du  temps,  pour  le  coloris  et  l'expression. 
Ouvrages  principaux  :  la  Mort  entraînant  une  femme 
nue  et  couronnée  de  fleurs,  à  la  galerie  de  Dresde;  un 
David,  à  la  galerie  Lichtenstein  (Vienne). 

FERRABOSCO  ou  FERABOSCO  (Alphonse),  composi- 
teur et  violiste  italien,  au  service  du  duc  de  Savoie  vers  la 
milieu  du  xvie  siècle,  passa  ensuite  en  Angleterre.  Il  est 
l'auteur  d'un  livre  de  madrigaux  à  quatre  voix  (Venise, 
1542),  et  de  madrigaux  et  motets  insérés  dans  divers 
recueils  du  xvie  siècle.  —  Son  fils,  Alphonse,  né  à  Green- 
wich  vers  1580,  mourut  en  4652.  Il  fut  maître  de  musique 
du  prince  Henri  et  lui  dédia,  en  1609,  un  recueil  d'airs 
composés  pour  les  fêtes  de  la  cour  d'Angleterre.  Il  publia, 
dans  la  même  année,  des  Lessons  ou  pièces  à  plusieurs 
instruments,  et  collabora  en  1614  au  recueil  de  Tears  ou 
Lamentations,  de  Leighton.  Ses  contemporains  vantaient 
son  talent  d'exécutant  sur  la  lyre,  instrument  à  archet, 
de  la  famille  des  violes.  M.  Br. 

FERRAC1NO  ou  FERRACINA  (Bartolomeo),  mécanicien 
italien,  né  à  Solagna  (prov.  de  Vicence)  le  18  août  1692, 
mort  à  Solagna  le  24  janv.  1777.  Ouvrier  scieur  de  long, 
il  imagina  de  bonne  heure,  et  malgré  l'absence  de  toute 
instruction,  d'ingénieuses  machines  qui  lui  valurent  une 
prompte  réputation.  Il  exécuta,  entre  autres  travaux  remar- 
quables, l'horloge  de  la  place  Saint-Marc  à  Venise,  un 
appareil  hydraulique  élevant  l'eau  à  trente-cinq  pieds  au 
moyen  de  plusieurs  vis  d'Archimède,  la  voûte  de  la  grande 
salle  de  Padoue,  le  pont  de  bois  de  Bassano  sur  la  Brenta. 
Bibl.  :  Fr.  Memmo,  Vita  e  machine  di  B.  Ferracino; 
Venise,  1754,  in-4.  —  G.-B.  Verci,  Elogio  del  famoso 
B.  Ferracino;  Venise,  1777,  in-8. 

FERRACUT1  (Giovanni-Domenico) ,  peintre  italien  de 
l'école  romaine,  né  à  Macerata  (Marche  d'Ancône),  florissait 
à  la  fin  du  xvne  siècle.  Elève  de  Claude  Lorrain,  dont  il 
exploita  la  protection  et  la  bienveillance,  il  s'acquit  une 
réputation  comme  paysagiste,  et  excella  surtout  dans  les 
effets  de  neige. 

FER  RADE.  C'est  une  fête  pastorale  qu'on  célèbre  en 
Provence  et  notamment  à  Arles  avec  beaucoup  d'éclat  : 
elle  consiste  à  réunir  tous  les  jeunes  bœufs  dans  un  espace 
déterminé  pour  les  marquer  avec  un  fer  rouge  au  chiffre 
du  propriétaire.  C'est  un  prétexte  de  fêtes  et  de  réjouis- 
sances. Au  jour  dit,  les  bouviers  amènent  des  plaines  de 
la  Camargue,  à  grands  coups  d'aiguillon  et  dans  une 
course  folle,  les  jeunes  taureaux  qu'ils  parquent  dans  une 
place  destinée  à  cet  usage  ou  plus  simplement  dans  la  grande 
rue  d'un  village  dont  on  barre  les  deux  extrémités  avec 
des  charettes.  Trois  fois  on  fait  faire  aux  taureaux  le  tour 
de  l'enceinte,  puis  les  cavaliers  s'élancent  dans  l'arène, 
cherchant  à  saisir  le  taureau  par  les  cornes  et  à  le  renver- 
ser. Une  fois  l'animal  sur  le  flanc,  quatre  ou  cinq  hommes 
le  maintiennent  pendant  que  le  bouvier  lui  marque  la 
croupe  d'un  fer  chaud.  Les  plus  habiles  et  les  plus  forts 
lutteurs  sont  l'objet  d'ovations  enthousiastes.  Les  jeunes 
filles  leur  apportent  des  cornes  remplies  de  vin  ;  on  leur 
jette  desécharpes,  des  mouchoirs  de  couleur,  etc.  La  fer- 
rade,  qui  n'est  pas  sans  danger,  est  en  somme  un  diminu- 
tif des  courses  de  taureaux. "Mistral  en  a  donné  une  des- 
cription très  colorée  dans  le  chant  IV  de  Mireille. 

FERRADIS  (Vicente),  poète  espagnol  du  xve  siècle,  qui 
vivait  à  Valence.  Il  y  a  de  lui  trois  pièces  de  vers  sur  des  sujets 
religieux,  primées  dans  les  tournois  poétiques  du  temps  et 
reproduites  dans  le  Cancionero  gênerai  d'Anvers,  1573. 


—  305  — 


FERRADO  —  FERRALS 


FERRADO  (Le  P.  Cristôbal),  peintre  et  religieux  espa- 
gnol, né  à  Anieva  (Asturies)  vers  1620,  mort  à  Séville  en 
4673.  Après  être  entré  à  vingt  ans  dans  l'ordre  de  Saint- 
Bruno  et  avoir  fait  profession  à  la  chartreuse  de  Santa 
Maria  de  Las  Cuevas,  voisine  de  Séville,  il  dut  apprendre 
l'art  de  peindre  de  l'un  des  artistes  qui  travaillaient  vers 
1640  à  la  décoration  du  monastère  (peut-être  Zurbaran). 
La  plupart  de  ses  productions  furent  exécutées  pour  le 
couvent  de  son  ordre  à  Séville.  Elles  en  ont  été  enlevées 
lors  de  la  mise  sous  séquestre  des  biens  des  ordres  monas- 
tiques ;  on  en  retrouve  quelques  rares  épaves  dans  diverses 
églises  de  Séville  et  au  musée  provincial. 

FERRAGE.  I.  Industrie.  —  Les  dépôts  de  fer  n'ont 
guère  trouvé  d'application  que  dans  le  décor  de  certains  bi- 
joux pour  imiter  l'ancien  travail  de  la  damasquinure  et  pour 
l'aciérage  des  clichés  dansl'électrotypie.  Le  chlorure  double 
de  fer  et  d'ammonium,  que  l'on  emploie  pour  remédier  au- 
tant que  possible  à  la  tendance  des  sels  de  fer  à  se  suroxyder, 
s'obtient  en  dissolvant  60  gr.  de  fer  dans  l'acide  chlorhy- 
drique,  en  conservant  un  excès  de  fer  pour  éviter  la  for- 
mation de  perchlorure  et  ajoutant  à  la  solution  55  gr.  de 
chlorhydrate  d'ammoniaque.  L'aciérage  est  très  utilement 
employé  en  galvanoplastie,  pour  recouvrir  la  surface  d'une 
planche  d'impression  d'une  couche  d'acier  en  fer  dur,  la- 
quelle protège  cette  surface  pendant  longtemps  contre  l'ac- 
tion du  tampon,  de  l'essuyage  et  de  la  presse  et  qui  peut 
être  renouvelée  facilement  et  autant  de  fois  qu'il  est  néces- 
saire, dès  qu'elle  présente  les  premières  traces  d'usure.  Il 
faut  commencer  par  nettoyer  le  cliché  et  le  dégraisser  avec 
de  la  potasse  caustique,  puis  on  le  passe  avec  une  anode 
en  fer  très  pur  et  un  courant  de  4  volts,  dans  un  bain  com- 
posé de  12  parties  de  carbonate  d'ammoniaque  et  75  par- 
ties d'eau.  Le  cliché  ferré  est  lavé  à  l'eau  bouillante  aus- 
sitôt après  sa  sortie  du  bain,  lavé  et  brossé  à  l'eau  froide, 
séché  et  frotté  à  la  benzine  d'abord,  puis  avec  un  chiffon 
imbibé  d'huile.  Pour  éviter  plus  efficacement  son  oxyda- 
tion, il  est  à  conseiller  de  le  recouvrir  d'une  couche  de  cire 
fondue  jusqu'au  momeVit  de  s'en  servir.  Nous  décrirons  le 
procédé  dû  à  M.  Garnier  et  qui  est  en  exploitation  dans 
plusieurs  ateliers  d'électrotypie.  M.  Garnier  fait  le  ferrage 
des  planches  gravées  dans  une  solution  aqueuse  de  sel  am- 
moniacal au  dixième,  traversée  par  un  courant  d'une  force 
électromotrice  de  2  volts  et  fourni  par  une  pile  Bunsen 
de  un  ou  plusieurs  éléments.  Au  pôle  positif  (charbon),  on 
attache  une  plaque  de  fer  plongeant  dans  le  bain  et  cons- 
tituant l'anode.  Le  fil  négatif  (zinc)  plonge  également  dans 
le  bain.  La  planche  gravée,  bien  décapée  à  la  potasse  et 
rincée  à  l'eau,  est  attachée  au  pôle  négatif.  L'anode  en  fer 
est  attaquée  et  donne  du  chlorure  de  fer  ammoniacal  qui 
est  décomposé  à  son  tour  ;  le  fer  se  dépose  sur  la  planche 
de  cuivre  gravée  formant  cathode.  Au  bout  d'une  demi- 
heure,  le  dépôt  est  suffisant.  Le  fer  peut  être  déposé  aussi 
bien  sur  le  fer  que  sur  le  cuivre,  et  il  est  tellement  dur 
qu'on  a  trouvé  avantage  à  en  recouvrir  même  les  planches 
d'acier.  Lorsque  la  plaque  ainsi  préparée  s'use  et  commence 
par  montrer  par  place  la  couleur  rouge  du  cuivre,  on  la  fait 
passer  dans  un  bain  d'eau  acidulée  par  l'acide  azotique  ;  le 
1er  disparaît  et  on  peut  l'aciérer  à  nouveau. 

Pour  la  photogravure  au  trait,  on  prépare  une  planche 
de  cuivre  avec  une  couche  mince  d'une  dissolution  d'encre 
et  de  bichromate  d'ammoniaque  dans  l'eau.  Sur  cette  pré- 
paration séchée,  on  pose  le  cliché  positif  à  reproduire  et  on 
l'expose  soit  au  soleil  pendant  une  minute,  soit  à  la  lumière 
électrique  pendant  trois  minutes.  On  chauffe  légèrement  et 
on  couvre  ensuite  la  plaque  avec  une  solution  de  perchlo- 
rure de  fer  et,  après  quelques  minutes  de  contact,  la  planche 
est  gravée.  On  enlève  la  réserve  avec  une  brosse  dure  et 
une  lessive  de  potasse.  Pour  les  corrections  à  faire,  on  opère 
de  la  manière  suivante  :  la  planche  à  corriger  est  couverte 
d'un  vernis  protecteur  dans  les  parties  qui  doivent  être 
conservées,  puis  plongée  dans  un  bain  de  cuivre.  On  re- 
couvre ainsi  de  cuivre  les  parties  à  corriger;  on  plane,  puis 
on  tire  une  épreuve  où  les  parties  à  corriger  viennent  en 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XVII. 


blanc.  Le  dessinateur  peut  alors  facilement  raccorder  ses 
corrections  avec  les  parties  non  corrigées  du  dessin  ;  puis 
on  reporte  ces  corrections  sur  la  planche  à  graver,  et  enfin 
on  tire  autant  de  clichés  qu'on  le  veut  parle  procédé  connu  ; 
grâce  à  ce  moyen,  on  peut  tenir  au  courant  les  planches  des 
cartes  géographiques.  Un  inconvénient  qu'il  faut  signaler 
cependant,  c'est  que  le  métal  ainsi  déposé  manque  d'adhé- 
rence. Au  service  géographique  de  l'armée,  on  fait  d'abord 
un  moule  galvanoplastique  en  relief  de  la  planche,  puis, 
par  une  seconde  opération,  un  moule  en  creux  du  relief: 
c'est  cette  planche  galvanique  en  creux  qui  constitue  la 
reproduite.  Les  hachures  se  font  sur  le  relief,  avant  la  se- 
conde opération.  Pour  obtenir  des  dépôts  électrolytiques 
de  fer,  MM.  Barthol  et  Muller  emploient  le  procédé  suivant  : 
ils  font  dissoudre  60  gr.  de  sulfate  ferreux  dans  5  litres 
d'eau  ;  puis  ils  ajoutent  à  cette  dissolution  2,400  gr.  de 
carbonate  de  soude,  dissous  également  dans  5  litres  d'eau. 
Ils  laissent  reposer,  décantent  et  dissolvent  le  précipité  de 
carbonate  de  fer  dans  une  quantité  d'acide  sulfurique,  juste 
suffisante  pour  redissoudre  le  précipité  qui  est  ensuite  étendu 
à  20  litres  avec  de  l'eau  distillée.  La  dissolution  doit  être 
légèrement  acide.  Il  faut  employer  une  anode  de  fer 
pur.  L.  Knab. 

Ferrage  des  chevaux  (V.  Ferrure). 

II.  Administration  militaire.  —  Masse  de  ferrage. 
Chaque  corps  de  troupes  à  cheval  a  droit  à  une  masse 
d'entretien  de  harnachement  et  de  ferrage.  Elle  varie 
suivant  les  armes,  suivant  que  les  corps  sont  à  Paris , 
en  province  ou  en  Algérie,  entre  5  et  et  9  cent,  environ 
par  jour  et  par  cheval.  De  leur  côté,  les  troupes  à  pied  qui 
sont  pourvues  de  chevaux  et  mulets  de  bât  ou  de  trait 
perçoivent  une  masse  qui  doit  pourvoir  à  l'entretien  et  au 
ferrage  de  ces  animaux.  Sa  prime  est  de  0  fr.  09315 
par  animal  et  par  jour  et  de  10  cent,  par  voiture.  A  part 
cette  prime  journalière,  ces  masses  font  encore  recettes 
du  produit  de  la  vente  des  fumiers  et  de  celui  de  la  vente 
des  dépouilles  de  chevaux  ou  mulets  morts.        Ed.  S. 

FERRAILLEURS.  Les  marchands  de  vieux  fers,  dont 
l'humble  métier  demeura  longtemps  libre,  furent  organisés 
en  corporation  par  Louis  XIV.  Us  avaient  pour  patrons 
saint  Roch  et  saint  Sébastien.  Au  xvnr3  siècle,  la  maîtrise 
ne  coûtait  pas  moins  de  400  livres.  En  dernier  lieu,  après 
l'échec  des  idées  de  Turgot,  les  ferrailleurs  furent  réunis 
en  une  seule  corporation  avec  les  cloutiers  et  les  épingliers, 
et  la  maîtrise,  pour  les  trois  métiers  unis,  réduite  à  100 
livres.  La  communauté,  d'après  l'édit  d'août  1776  (n°  20 
de  l'annexe),  «  partage  avec  celle  des  merciers  le  commerce 
de  petite  quincaillerie,  en  échoppe  et  en  étalage  seulement, 
non  en  boutique  ni  en  magasin  ».  A  Paris,  le  quai  de  la 
Ferraille  était  leur  centre  principal.  L'ordonnance  de  police 
du  10  sept.  1783,  concernant  les  compagnons  ferrailleurs, 
fait  allusion  (art.  16)  à  des  statuts  à  rédiger  en  vertu  de 
l'édit  de  1776  :  ces  statuts  restèrent  à  l'état  de  projet;  en 
tout  cas,  ils  ne  furent  point  enregistrés  au  Parlement. 

H.  Monin. 

Bibl.:  Archives  nationales,  AD.  XI,  18. 

FERRAJUOLI  ou  FERRAJUOLO  (Nunzio),  dit  Degli 
Afflitti,  peintre  italien,  de  l'école  bolonaise,  né  à  Nocera 
dei  Pagani  (Napolitain)  en  1660,  mort  à  Bologne  en  1735. 
Il  eut  pour  premier  initiateur  à  Naples  Lucca  Giordano  et 
acheva  de  se  former  à  Bologne  dans  l'atelier  de  Gian-Giu- 
seppe  del  Sole.  Après  avoir  débuté  assez  heureusement 
dans  la  peinture  historique,  il  l'abandonna  pour  le  paysage  à 
Fhuileet  à  fresque,  genre  dans  lequel  il  déploya  une  science 
profonde  de  la  perspective  qui  l'a  fait  classer  en  son 
temps  immédiatement  après  Claude  Lorrain  et  le  Poussin. 
Par  sa  manière,  toutefois,  il  se  rapproche  tantôt  de  l'Albane, 
tantôt  de  Paul  Brill.  Beaucoup  des  menus  personnages  qui 
figurent  dans  ses  sites,  presque  tous  d'invention,  ont  été 
exécutés  par  Angelo  Malavena.  Il  eut  pour  élèves  Carlo  Lodi 
et  Bernardo  Linozzi. 

FERRALS.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Narbonne, 
cant.  de  Lézignan  ;  1,553  hab. 


FEBBALS  —  FERRAND 


—  306  — 


FERRALS-les-Montagnes.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault, 
arr.  de  Saint-Pons,  cant.  d'Olonzac;  637,  hab. 

FERRAMOLA  (Floravante  ou  Fioriani),  peintre  italien, 
né  à  Brescia  vers  4480,  mort  le  3  juil.  1528.  Au  moment 
du  siège  de  Brescia  par  l'armée  française,  c.-à-d.  en  1512, 
Ferramola  était  déjà  dans  sa  patrie  un  maître  considéré  et 
presque  glorieux.  La  ville  ayant  été  prise  d'assaut  et  livrée 
au  pillage  pendant  huit  jours,  l'artiste  partagea  le  sort  de 
ses  concitoyens.  Il  perdit  tout  son  avoir.  Il  eut  alors  re- 
cours à  Gaston  de  Foix  qui  commandait  les  troupes  de 
Louis  XII  et  qui  savait  d'ailleurs  la  valeur  du  peintre.  Le 
vincitor  francese,  qui  n'était  pas  un  méchant  homme,  eut 
pitié  de  cette  infortune  et,  pour  consoler  Ferramola  et  l'in- 
demniser des  pertes  subies,  il  lui  fit  faire  son  portrait, 
qu'il  lui  paya  largement.  Ce  portrait,  aujourd'hui  perdu, 
est  probablement  devenu  le  prototype  de  toutes  les  effigies, 
plus  ou  moins  suspectes,  où  l'on  croit  reconnaître  les  traits 
de  Gaston  de  Foix.  Ferramola  travailla  beaucoup  à  Brescia, 
où  ses  oeuvres  authentiques  sont  maintenant  si  rares.  On 
croit  le  retrouver  dans  une  fresque  assez  détériorée,  V An- 
nonciation, qu'on  voit  au-dessus  de  la  porte  de  l'église 
des  Carmes.  Le  peintre  de  Brescia  a  aussi  laissé  des  traces 
de  son  passage  dans  certaines  localités  de  la  province. 
D'après  Fenaroli,  il  resterait  encore  de  lui,  dans  l'église 
Santa  Maria  de  Lovere,  au  N.  du  lac  d'Iseo,  une  série 
d'apôtres;  l'un  d'eux,  Saint  Mathieu,  porterait  l'inscription 
Opus  Fioriani  Ferramola  civis  Brixiœ,  1514.  Une 
œuvre  plus  considérable  l'occupa  ensuite  ;  à  partir  de 
1516,  Ferramola  décora,  avec  son  élève  Alessandro  Bon- 
vicino,  les  volets  des  orgues  du  Duomo  vecchio,  à  Brescia  : 
les  archives  gardent  encore  la  mention  des  payements 
qui  furent  faits  aux  deux  artistes  de  1516  à  1518. 
Ces  peintures  d'ailleurs  ne  sont  pas  perdues  ;  elles  ont 
été  transportées  à  l'église  Santa  Maria  de  Lovere.  En  1527, 
le  peintre  travaillait,  encore  une  fois,  au  Vieux  Dôme 
de  Brescia.  Fenaroli  cite  aussi,  sans  les  décrire,  les 
vestiges  des  peintures  que  Ferramola  avait  exécutées  à  San 
Salvatore.  Parmi  les  œuvres  les  plus  regrettables  du  vail- 
lant artiste,  il  faut  mentionner  les  décorations  dont  il  avait 
orné  les  murailles  de  la  maison  Borgondio  délia  Corte. 
Quelques-unes  de  ces  peintures  avaient  un  intérêt  histo- 
rique, car  elles  représentaient,  avec  les  costumes  du  temps, 
les  fêtes  et  les  joutes  qui  furent  célébrées  en  1495  à 
l'occasion  de  la  venue  de  Caterina  Cornaro.  Dans  les  mu- 
sées, Ferramola  est  tout  à  fait  rare.  A  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Venise,  le  catalogue  lui  attribue,  non  sans 
vraisemblance,  une  Madone  entourée  de  plusieurs  saints 
et  adorée  par  deux  donateurs.  Ferramola  a  formé  un  illustre 
élève,  le  beau  coloriste  Alessandro  Bonvicino  qu'on  appelle 
il  Moretto  et  qui  avait  travaillé  avec  lui  au  Vieux  Dôme  de 
Brescia.  P.  Mantz. 

Bibl.  :  S.  Fenaroli,  Dizionario  degli  Arlisti  Bresciani; 
Brescia,  1877.  —  F.  Odorici,  Guida  di  Brescia,  1853. . 

FERRAN.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Limoux, 
cant.  d'Alaigne;  251  hab. 

FERRAN  (Antonio),  peintre  espagnol,  né  à  Barcelone 
en  1786,  mort  à  Barcelone  en  1857.  Elève  des  cours  de 
dessin  établis  dans  la  Casa  Lonja,  il  en  devint  par  la  suite 
l'un  des  professeurs  les  plus  distingués.  En  1826,  il  expo- 
sait dans  sa  ville  natale  divers  sujets  d'histoire,  notam- 
ment :  Socrate  se  préparant  à  boire  la  ciguë  et  Moïse 
au  désert  ;  en  1836,  il  envoyait  à  une  exposition  à  Ma- 
drid Pétrarque  et  taure,  tableau  qui  fut  acheté  par  la 
reine  Christine.  En  1845,  il  exposait  à  Barcelone  le  Christ 
mis  au  tombeau,  et  une  Fuite  en  Egypte.  Un  de  ses 
tableaux  représentant  une  Bacchanale  figurait  à  l'Expo- 
sition universelle  de  1855  à  Paris.  Le  musée  de  Barcelone 
conserve  de  lui  un  Otello,  un  Moine  capucin,  la  Forge 
de  Vulcain,  Bélisaireet  l'Education  de  V Amour.  P.  L. 

FERRAN  (Manuel),  peintre  espagnol  contemporain,  né 
à  Barcelone  et  élève  de  Couture.  Il  est  l'auteur  d'un  grand 
nombre  de  sujets  historiques  et  de  genre  parmi  lesquels  on 
note  particulièrement  :  Philippe  III  le  Hardi,  bénissant 


ses  enfants  h  son  lit  de  mort  ;  Antonio  Pere%, 
délivré  de  sa  prison  à  Saragosse,  qui  ont  été  acquis 
par  l'Etat  et  figurent  au  musée  du  Fomento,  le  Car- 
naval au  quartier  Latin,  exposé  en  1860  à  Madrid,  et 
r Apothéose  de  Cervantes  avec  Don  Quichotte  lisant 
des  romans  de  chevalerie,  exposés  en  1866.  Quelques 
peintures  de  Manuel  Ferran  ont  été  achetées  pour  le  musée 
de  Barcelone,  notamment  un  Paysage.  P.  L. 

FERRAND  (Fulgentius  Ferrandus),  théologien  et  ca- 
noniste,  mort  vers  550.  Il  avait  suivi  en  Sardaigne  Ful- 
gentius, évèque  de  Buspe,  exilé.  Rentré  en  Afrique  vers 
523,  après  la  mort  de  Thrasimond,  roi  des  Vandales,  il 
devint  diacre  de  l'Eglise  de  Carthage.  Dans  ses  dernières 
années,  il  prit  une  part  importante  à  la  résistance  opposée 
par  les  Eglises  d'Occident  et  surtout  par  les  Eglises 
d'Afrique  à  la  condamnation  des  Trois  Chapitres.  OEuvres  : 
Breviatio  canonum  ecclesiasticorum,  comprenant  sous 
deux  cent  trente-deux  numéros  des  extraits  des  conciles 
grecs,  d'après  la  Versio  hispana,  et  des  conciles  d'Afrique, 
dont  plusieurs  ne  nous  sont  connus  qu'au  moyen  de  cet 
abrégé.  Ces  extraits  sont  classés  méthodiquement  sous  les 
divisions  suivantes  :  Evèque,  prêtre,  clercs,  pénitence, 
procédure,  service  divin.  Certaines  mentions  de  conciles 
et  d'auteurs,  contenues  dans  cet  ouvrage,  permettent  de 
conjecturer  qu'il  a  été  composé  vers  547.  Vita  S.  Ful- 
gentii,  Buspensis  episcopi,  placée  au  commencement  des 
œuvres  de  cet  évêque  et  dédiée  à  Félicien.  Epistola  ad 
S.  Fulgentium  de  duabus  quœstionibus  super  salute 
Mthiopis  moribundi  :  ce  moribond  avait  été  baptisé,  alors 
qu'il  était  entièrement  privé  de  connaissance  ;  ce  baptême 
a-t-il  été  efficace  pour  son  salut?  S'il  l'a  été,  pourquoi  ne 
pas  baptiser  un  cadavre  ?  Une  autre  lettre  au  même  évêque 
et  d'autres  à  diverses  personnes.  De  septem  regulis  inno- 
centiœ.  Epistola  ad  Eugypium  abbatem  de  Trinitate 
et  duabus  in  Chrislo  naturis..  Epistola  Anatolio  de 
quœstione  an  aliquis  ex  Trinitate  passus  est.  Epistola 
pro  Tribus  Capitulis,  adressée  à  deux  diacres  romains. 
La  première  édition  des  œuvres  de  Ferrand  date  de  1518. 
La  plus  complète  est  celle  de  Chifflet  (Dijon,  1649,  in-4). 
D'autres  écrits,  dirigés  contre  les  ariens,  ont  été  publiés 
par  le  cardinal  Mai.  E.-H.  Vollet. 

FERRAND,  comte  de  Flandre,  dit  Ferrand  de  Portu- 
gal, mort  à  Douai  le  27  juil.  1233.  Ferrand  ou  Fernand, 
fils  de  Sanche  Ier,  roi  de  Portugal,  et  de  Dolcis  de  Barce- 
lone, épousa,  en  1211,  Jeanne,  dite  de  Constantinople,  fille 
aînée  du  comte  Baudouin  IX,  dit  de  Constantinople,  et  héri- 
tière du  comté  de  Flandre.  Le  mariage  eut  lieu  grâce  à 
l'appui  du  roi  de  France,  Philippe- Auguste,  qui  s'était 
décidé  en  faveur  du  fils  de  Sanche  Ier,  bien  qu'il  eût  passé 
peu  de  temps  auparavant,  avec  Enguerrand  et  Thomas  de 
Coucy,  un  traité  pour  leur  mariage  avec  Jeanne  de  Cons- 
tantinople et  sa  sœur  Marguerite.  Aussi,  dès  le  début  de  son 
règne,  Ferrand  céda-t-il  à  la  couronne  de  France  les  villes 
d'Aire  et  de  Saint-Omer  (traité  de  Paris,  24  févr.  1212), 
avec  les  territoires  adjacents.  Le  22  janv.  1212,  Ferrand 
avait  prêté  le  serment  de  fidélité  qu'il  devait  en  qualité  de 
comte  de  Flandre  à  son  suzerain  le  roi  de  France.  A  la 
demande  du  comte,  les  principaux  seigneurs  du  pays  de 
Flandre,  à  la  suite  des  châtelains  de  Gand  et  de  Bruges, 
ratifièrent  ce  serment  de  vassalité.  Philippe-Auguste  venait 
d'affermir  la  suzeraineté  de  la  couronne  de  France  sur  le 
comté  de  Flandre.  A  son  arrivée  dans  le  pays,  le  nouveau 
comte  fut  accueilli  favorablement  à  Courtrai,  à  Ypres,  à 
Bruges,  mais  les  Gantois  guidés  par  les  chevaliers  Basse  de 
Gavre  et  Arnould  d'Audenarde  se  soulevèrent  contre  son 
autorité  :  les  rebelles  furent  contraints  à  mettre  bas  les  armes 
et  condamnés  à  payer  une  amende  de  300,000  livres.  Fer- 
rand gouvernait  la  Flandre  depuis  quelques  années  à  peine 
lorsque,  séduit  par  l'or  du  roi  d'Angleterre,  et  désireux  de 
se  débarrasser  d'une  suzeraineté  dont  il  avait  lui-même  con- 
tribué à  rendre  les  liens  trop  étroits,  il  entra  dans  l'alliance 
de  Jean  sans  Terre  contre  Philippe-Auguste.  Aussitôt 
celui-ci  pénétra  en  Flandre  à  la  tête  d'une  armée  puissante 


tandis  qu'une  flotte  forte  de  400   navires  faisait  voile 
vers  4es  côtes  du  pays. 

Les  vaisseaux  du  roi  furent  presque  tous  détruits  par 
les  Anglais  à  l'embouchure  du  Zwin  (30  mai  1213), 
mais  l'armée  que  Philippe-Auguste  commandait  faisait  en 
Flandre  des  progrès  redoutables.  Le  roi  de  France  ayant 
été  rappelé  en  Anjou  par  une  brusque  attaque  des  Anglais, 
son  fils  Louis  demeura  à  la  tête  des  troupes  sur  lesquelles 
Ferrand  remporta,  à  dater  de  ce  moment,  quelques  succès» 
Au  commencement  de  l'année  suivante  se  forma  la  ligue 
de  Jean  sans  Terre,  d'Otton  IV  et  de  Ferrand  de  Por- 
tugal contre  Philippe-Auguste.  Otton  s'avança  à  la  tête 
d'une  armée  puissante  dans  laquelle  se  trouvaient  le  comte 
de  Salisbury  avec  un  corps  anglais,  les  ducs  de  Brabant 
et  de  Limbourg,  Bouchard  d'Avesnes  alors  réconcilié  avec 
Ferrand.  La  brillante  victoire  de  Bouvines  (27  juil.  1214) 
anéantit  la  coalition  et  livra  Ferrand  de  Portugal,  pris  par 
Hugues  et  Jean  de  Mareuil,  aux  mains  du  roi  de  France, 
qui  le  fit  promener  à  travers  Paris  «  en  une  litière  que 
traînaient  deux  chevaux  pommelés  ».  L'Orléanais  Guillaume 
Guiart  nous  a  conservé,  dans  sa  Branche  des  royaux 
lignages,  les  vers  : 

Ainsi  s'en  va  lié  en  fer 
Li  quens  Ferrant  en  son  enfer 
Li  auferrant  de  fer  ferré. 
Emportent  Ferrant  enferré. 

Philippe-Auguste  plaça  son  prisonnier  dans  la  tour  du 
Louvre.  La  comtesse  Jeanne  accourut  à  Paris  implorer  la 
pitié  du  vainqueur  :  elle  s'engagea  (24  oct.  1214),  non 
seulement  à  remettre  comme  otage,  garantissant  la  fidélité 
à  venir  de  son  mari,  un  fils  du  duc  de  Brabant,  mais  à 
faire  démolir  les  remparts  de  plusieurs  cités,  Valenciennes, 
Ypres,  Audenarde,  Cassel,  et  à  ne  pas  accroître,  sans  la 
permission  du  roi,  les  fortifications  des  autres  villes.  A  ce 
prix  Jeanne  obtint  la  paix,  mais  elle  ne  put  obtenir  la  déli- 
vrance de  son  mari  qui  demeura,  huit  années  encore,  dans 
la  tour  du  roi.  Durant  cette  époque  l'influence  de  la  cou- 
ronne de  France  et  surtout  du  parlement  royal  s'étendit 
sur  la  Flandre  :  on  voit  le  Parlement  recevoir  les  appels 
des  seigneurs  de  Flandre  et  les  soutenir  dans  leur  lutte 
contre  leur  suzeraine  ;  pour  comble  de  malheur,  un  soulè- 
vement populaire  obligea  Jeanne  de  Constantinople  à  fuir 
et  à  venir  jusqu'à  Lille  se  mettre  sous  la  protection  de 
Philippe-Auguste  qui  tenait  son  mari  enchaîné. 

Jeanne  de  Constantinople  ne  put  décider  le  roi  à  la 
liberté  du  prisonnier  qu'en  consentant  au  traité  de  Melun 
(avr.  1225,  v.  st.)  ;  elle  s'engageait  à  payer  une  rançon 
de  50,000  livres,  pour  laquelle  elle  donnait  en  gage  les 
villes  de  Lille,  Douai  et  l'Ecluse,  et  à  faire  renouveler  les 
serments  de  fidélité  au  roi  de  France  par  les  barons  et  les 
bourgeois  de  Flandre.  Mis  en  liberté  (6  janv.  1227),  Fer- 
rand gouverna  la  Flandre  non  sans  gloire,  et  remporta  de 
brillants  succès  dans  une  guerre  contre  le  Brabant.  Au 
cours  du  soulèvement  des  hauts  feudataires  du  royaume 
de  France  (1229)  contre  la  régence  de  Blanche  de  Castille, 
Ferrand'  se  distingua  avec  Thibault,  comte  de  Champagne, 
par  sa  fidélité  à  la  couronne  et  au  gouvernement  de  la 
reine.  Ce  fait  est  remarquable.  On  doit  également  noter, 
sous  son  règne,  la  grande  expansion  des  communes  fla- 
mandes, l'amélioration  de  la  condition  des  habitants  dans 
les  villes  et  dans  les  campagnes.  Ce  fut  le  comte  Ferrand 
qui  donna  à  la  ville  de  Gand  son  organisation  échevinale 
en  instituant  le  fameux  collège  des  XXXIX.  C'est  à  tort 
néanmoins  que  l'on  a  présenté  cette  mesure  comme  ayant 
été  prise  en  faveur  de  la  classe  populaire  :  elle  fut  tout  à 
l'avantage  de  l'aristocratie  bourgeoise.  —  Ferrand  de  Por- 
tugal mourut  sans  avoir  eu  d'autre  enfant  de  sa  femme  qu'une 
fille  nommée  Marie,  qui  mourut  fort  jeune  ;  il  fut  enterré 
à  Marquette,  près  de  Lille,  dans  une  abbaye  que  sa  femme 
avait  fondée.  Frantz  Funck-Brentano. 

Bibl.  :  A.  Wauters,  Table  chronologique  des  chartes  et 
diplômes  concernant  l'histoire  de  Belgique  ;  Bruxelles, 
1871-1874,  t.  III  et  IV,  in-4.  -  L.  Delisle,  Catalogue  des 
actes  de  Philippe-Auguste  ;  Paris,  1856,  in-8.  —  Thomas 


307  -  FERRAND 

Rymer,  Fœdera  et  Acta  publica  inter  reges  Anglise  et 
alios  quosvis  ;  diverses  éditions.  —  A.  Teulet,  Layettes 
du  trésor  des  Chartes  ;  Paris,  1863-1866,  t.  I  et  II,  in-4.  — 
J.-J.  De  Smet,  Corpus  chronicorum  Flandriœ  ;  Bruxelles, 
1837-1865,  4  vol.  in-4.  —Baron de  Reiffenberg,  Chronique 
rimée  de  Ph.  Mouskes,  dans  la  Coll.  des  chron.  belges; 
Bruxelles,  1836-1838,  2  vol.  in-4.  —  Fr.  de  Laborde,  Chro- 
nique de  Guill.  Le  Breton,  dans  la  Coll.  de  la  Soc.  de  l'hist. 
de  France;  Paris,  1882,  in-8.  —  H.-R.  Luard,  Chroniques 
de  Mathieu  de  Paris,  dans  la  Coll.  du  Maître  des  rôles  ; 
Londres,  1872-1883,  7  vol.  in-8.  —  L.-A.  Warnkœnig  , 
Hist.  de  Flandre,  trad.  par  A.-E.  Gheldolf  ;  Bruxelles, 
1835-1864,  5  vol.  in-8.  —  Edw.  Leglay,  Hist.  de  Jeanne 
de  Constantinople  ;  Lille,  1841,  in-8.  —  Du  même,  Hist. 
des  comtes  de  Flandre;  Paris,  1843,  2  vol.  in-8.  —  Ker- 
vyn  de  Lettenhove,  Hist.  de  Flandre;  Bruxelles,  1847, 
3  vol.  in-8.  /  ' 

FERRAND  (David),  poète  et  imprimeur  français,  né  à 
Rouen  vers  4590,  mort  à  Rouen  en  juin  4660.  Il  prit 
souvent  part  aux  concours  de  poésie  en  l'honneur  de  la 
Vierge  établis  à  Rouen  sous  le  nom  de  Palinods  ;  il  en  fut 
même  un  des  juges  en  4654.  C'est  en  4625  qu'il  commença 
la  publication  de  sa  Muse  normande  ou  Recueil  de  plu- 
sieurs ouvrages  facétieux  en  langue  purinique  ou  gros 
normand  (patois  rouennais).  La  dernière  partie  de  ce  re- 
cueil, très  curieux  au  point  de  vue  des  mœurs  et  du  lan- 
gage du  bas  peuple  rouennais,  parut  en  4653.  On  a  encore 
de  D.  Ferrand  quelques  recueils  intitulés  les  Estrennes 
de  la  muse  normande  ;  les  Evretins  de  la  muse  nor- 
mande ;  les  Larmes  et  Complaintes  de  la  règne  d'An- 
gleterre sur  la  mort  de  son  époux  (4649)  ;  la  Muse 
sainte  (4659),  etc. 

Bibl.  :  Introduction  mise  par  M.  A.  Héron  en  tête  de 
sa  réimpression  de  la  Muse  normande,  dans  la  Société 
rouennaise  des  Bibliophiles  ;  Rouen,  1891. 

FERRAND  (Jacques-Philippe),  peintre  français,  né  à 
Joigny  le  25  juil.  4653,  mort  à  Paris  le  5  janv.  4732.  Elève 
de  Mignard  et  du  miniaturiste  Samuel  Bernard,  Ferrand  s'est 
fait  connaître  comme  émailleur.  Agréé  à  l'Académie  de  pein- 
ture en  4687,  il  fut  reçu  le  27  mai  4690  sur  la  présentation 
d'un  portrait  du  roi  fait  en  émail.  L'acte  de  baptême  de 
son  fils,  inscrit  au  registre  de  Saint-Germain-l'Auxerrois 
le  14  avr.  4686,  nous  apprend  qu'à  cette  date  Ferrand  était 
déjà  peintre  de  Louis  XIV,  servant  la  garde-robe  de  Sa  Ma- 
jesté. Il  avait  une  sorte  de  réputation  en  Europe  où  les 
émailleurs  devenaient  rares.  Il  fut  appelé  en  Angleterre  et 
visita  deux  fois  l'Italie.  Ferrand  publia  en  4724  V Art 
du  feu,  imprimé  chez  Colombat,  libraire  privilégié  de 
l'Académie  royale.  P.  M. 

Bibl.  :  Archives  de  VArt  français,  t.  IV. 
FERRAND  (Anne  de  Bellinzani,  présidente),  épistolière 
française,  née  vers  1657,  morte  à  Paris  le  48  nov.  4740. 
Elle  était  fille  de  François  Bellinzani  et  de  Louise  Chevreau, 
sa  seconde  femme.  Elevée  dans  le  luxe  d'une  mère  qui 
inspira  à  La  Bruyère  le  portrait  de  son  Arfure,  et  au 
milieu  de  financiers,  d'hommes  de  cour  et  d'écrivains, 
dont  l'un,  Pavillon,  l'a  célébrée  en  vers,  Anne  de  Bellin- 
zani reçut  une  excellente  éducation,  mais  se  distingua  dès 
quatorze  ans  par  un  esprit  très  romanesque.  Un  dépit 
enfantin  l'avait  décidée  à  fuir  dans  un  couvent,  lors-» 
qu'elle  fut  rattrapée  et  forcée  d'accepter  pour  mari  Michel 
Ferrand,  alors  lieutenant  au  Châtelet  (43  févr.  4676), 
d'une  dizaine  d'années  plus  âgé  qu'elle,  et  qui,  en  4683, 
devint  président  de  la  première  chambre  des  requêtes. 
Une  intrigue  avec  le  baron  de  Breteuil,  lecteur  du  roi, 
plus  tard  ambassadeur  à  Mantoue  (4684),  qui  lui  avait 
inspiré  sa  première  passion  enfantine,  surtout  les  affaires 
embarrassées  laissées  par  Bellinzani,  amenèrent  entre  les 
époux  une  séparation  (29  mars  4686).  Mme  Ferrand  se 
retira  alors  rue  du  Bac,  et  son  mari  chez  son  père,  rue 
Serpente.  Sept  mois  plus  tard,  elle  y  accoucha  d'une  fille 
(27  oct.)  dont  la  naissance  fut  l'objet  d'une  protestation 
du  président,  et  qui,  inscrite  sous  de  faux  noms  et  élevée 
loin  de  sa  mère,  intenta,  en  4736,  un  procès  en  revendi- 
cation d'état,  à  la  suite  duquel  elle  fut  reconnue  pour 
enfant  légitime  (4738).  Des  raisons  qui  semblent  se  rat- 
tacher aux  affaires  de  son  père  firent  enfermer  la  prési- 
dente Ferrand,  pendant  plusieurs  années,  à  l'abbaye  de 


FERRAND 


—  308  — 


Lcau  N.  D.  (1687-91).  Rendue  à  la  liberté  et  fort  répandue 
dans  le  monde,  elle  fut  un  instant  inquiétée  lors  de  la  cons- 
piration de  Cellamare  (27  sept.  1718).  Le  10  août  1710, 
elle  avait  perdu  sa  mère.  Veuve  le  31  août  1723,  elle 
mourut,  âgée  d'environ  quatre-vingt-deux  ans,  au  couvent 
du  Cherche-Midi,  où  elle  s'était  retirée.  —  La  présidente 
Ferrand  est  connue  par  son  Histoire  des  Amours  de 
Cléanthe  et  de  Relise,  avec  le  recueil  de  ses  lettres 
(Leyde,  1694,  in-12,  de  91  p.  [Bibl.  nat.,  V2  467,  a]), 
récit  de  ses  amours  avec  le  baron  de  Breteuil,  publié 
dès  1689  (dernière  édition,  Paris,  1880,  in-16).  Les  Lettres 
du  chevalier  de  Méré  (Paris,  1689)  en  contiennent  qui  lui 
sont  adressées. 

Bibl.  :  E.  Asse,  Notice  biographique,  en  tête  des  Let- 
tres; Paris,  1880.  —  Bibl.  nat.,  cabinet  des  titres,  dossiers 
bleus,  BelUnzani  et  Ferrand.  —  Etat  anc.  et  mod.  des 
duchés  de  Florence,  Modène  ;  Utrecht,  1711,  in-12,  p.  298. 
—  Archives  nat.,  Lettres  patentes,  Z,  6012,  ï.  16,  17;  Reg. 
du  secret.,  O1,  23,  p.  402.  —  P.  Clément,  Lettres  de  Col- 
bert,  1861,  I,  365.  —  Causes  célèbres;  Paris,  1739,  XIII, 
384.  —  Mercure  de  France,  déc.  1740,  p.  2752. 

FERRAT! D  (Antoine),  poète  français,  fils  de  la  précé- 
dente, né  en  1678,  mort  à  Paris  le  17  nov.  1719. 
Conseiller  à  la  cour  des  aides  en  1702,  il  fut  un  ma- 
gistrat ami  des  lettres  et  des  plaisirs.  Dès  1708,  il  com- 
posait des  vers  pour  une  fête  donnée  à  la  duchesse  de 
Bourgogne,  et  se  fit  surtout  connaître  par  des  épigrammes 
et  des  madrigaux  dont  on  appréciait  beaucoup  la  finesse 
de  tour  et  de  pensée.  Ses  vers  n'ont  jamais  été  complète- 
ment réunis  et  se  trouvent  dans  les  recueils  suivants  : 
Pièces  libres  de  M.  Ferrand  et  Poésies  de  quelques 
auteurs  sur  divers  sujets  (Londres,  1738  et  1762, 
in-12);  Elite  de  poésies  fugitives  (Londres,  1764, 
III,  208,  312);  Chansons  satiriques  (Bibl.  nat.,  mss., 
F.  fr.  12626,  t.  XI,  f.  495),  et  dans  les  Œuvres  de 
Voltaire.  Très  lié  avec  Charlotte  de  Pelard  de  Sivry, 
comtesse  de  Fontaine,  auteur  de  la  Comtesse  de  Savoie, 
il  aurait,  au  dire  de  Dangeau,  collaboré  avec  elle  au 
poème  d'un  opéra  dont  Colin  aurait  fait  la  musique,  et, 
d'après  le  président  Hénaut,  à  V Histoire  d'Aménophis,  de 
la  même,  ainsi  qu'à  l'opéra  des  Caractères  de  V Amour, 
de  l'abbé  Pellegrin. 

Bibl.  :  E.  Asse,  Notice  sur  la  présidente  Ferrand, 
Lettres,  1880,  in-16.  — Dangeau,  Journal,  XVII,  482,  XVIII, 
158.  —  Chaulieu,  Œuvres,  1757,  in-12,  I,  18,  20.  —  Hénault, 
Souvenirs.  —  Voltaire,  Œuvres,  édit.  Garnier,  XIV,  71; 
XXIII,  376;  XXXII,  520,  529.—  Guilhermy,  Inscriptions 
de  la  France,  1875-1883,  in-4. 

FERRAND  (Jacques),  général  français,  né  à  Ormoy 
(Haute-Saône)  le  11  nov.  1746,  mort  à  Amance  (Haute- 
Saône)  le  30  nov.  1804.  Entré  au  service  en  1766,  il 
n'était  encore  qu'officier  subalterne  lors  de  la  Révolution, 
qui  le  fit  colonel  (1791).  S'étant  distingué  au  siège  de  Lille 
(oct.  1792),  il  fut  nommé  général  de  brigade,  puis  géné- 
ral de  division  (1793),  servit  en  cette  qualité  aux  armées 
des  Ardennes,  du  Nord,  du  Rhin,  fut  destitué  en-  1796 
comme  complice  de  Pichegru,  recouvra  son  grade  grâce  à 
Carnot,  représenta  le  dép.  de  la  Haute-Saône  au  conseil  des 
Cinq-Cents  (1797)  où  il  soutint  encore  Pichegru,  fut  exclu 
de  cette  assemblée  au  18  fructidor  et  vécut  dès  lors  dans 
la  retraite.  A.  Debidour. 

FERRAND  (Antoine-François-Claude),  magistral,  publi- 
as te  et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  4  juil.  1751, 
mort  à  Paris  le  17  janv.  1825.  Conseiller  au  parlement  de 
Paris  dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  partagea  tout  d'abord 
son  temps  entre  les  débats  de  cette  cour,  auxquels  il  prit 
une  part  active  sous  Louis  XV  et  sous  Louis  XVI,  et  la 
culture  des  lettres.  Fort  opposé  aux  principes  de  la  Révo- 
lution, il  émigra  dès  le  mois  de  sept.  1789,  fit  partie  du 
conseil  du  prince  de  Condé,  puis  du  conseil  de  régence 
institué  par  Monsieur  après  la  mort  de  Louis  XVI  (janv. 
1793),  se  retira  plus  tard  à  Ratisbonne  et,  en  1801,  ren- 
tra en  France,  où  il  écrivit  plusieurs  ouvrages  historiques, 
non  sans  travailler  de  son  mieux,  à  petit  bruit,  au  réta- 
blissement de  la  royauté.  Le  31  mars  181 4,  les  alliés 
venant  d'entrer  dans  Paris,  il  fut,  avec  Chateaubriand  et 


Sosthène  de  La  Rochefoucauld,  chargé  par  ses  coreligion- 
naires politiques  d'une  démarche  auprès  de  l'empereur  de 
Russie  en  faveur  de  Louis  XVIII  qui,  devenu  roi,  le 
nomma  ministre  d'Etat  et  directeur  général  des  postes 
(13  mai).  Ferrand  fit  partie  de  la  commission  chargée  d'éla- 
borer la  charte,  se  fit  remarquer  à  la  Chambre  des  dépu- 
tés par  l'âpreté  de  ses  revendications  en  faveur  des  émigrés, 
occupa  quelque  temps  par  intérim  le  ministère  de  la  marine, 
fut  dépossédé  le  20  mars  1815  au  matin  de  la  direction  des 
postes,  qu'il  reprit,  mais  pour  peu  de  temps,  après  les  Cent- 
Jours,  fut  nommé  pair  de  France  (19  août  1815),  membre 
du  conseil  privé  (19  sept.), membre  de  l'Académie  française 
(par  ordonnance  royale  du  21  janv.  1816)  et,  malgré  ses 
infirmités,  prit  pendant  ses  dernières  années  une  part 
importante  aux  travaux  de  la  Chambre  des  pairs  où  il  ne 
cessa  de  soutenir  la  politique  ultra-royaliste. 

Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  nous  citerons  :  le  Siège 
de  Rhodes,  tragédie  (1784);  Zoari,  tragédie  (1786); 
Alfred,  tragédie  (1785)  ;  Accord  des  principes  et  des  lois 
sur  les  évocations,  commissions  et  cassations  (Paris, 
1786,  in-12)  ;  Essai  d'un  citoyen  (Paris,  1789,  in-8)  ; 
Nullité  et  despotisme  de  l'Assemblée  prétendue  natio- 
nale (Paris,  1789,  in-8)  ;  les  Conspirateurs  démasqués 
(Turin,  1790,  in-8)  ;  les  Français  à  l'Assemblée  natio- 
nale (Paris,  1790,  in-8)  ;  Adresse  d'un  citoyen  très  actif 
aux  questions  présentées  aux  Etats  généraux  du  Manège 
vulgairement  appelés  Assemblée  nationale  (Paris,  1 790, 
in-8)  ;  Douze  Lettres  d'un  commerçant  a  un  cultivateur 
sur  les  affaires  du  temps  (Paris,  1790,  in-8)  ;  le  Der- 
nier Coup  de  la  Ligue  (Paris,  1790,  in-8)  ;  Réponse  au 
post-scriptum  de  M.  de  Lally-Tollendal  à  M.  Burke 
(1791  ou  1793)  ;  De  la  Révolution  sociale  (1793,  in-8)  ; 
le  Rétablissement  de  la  monarchie  française  (Nice, 
1792,  in-8)  ;  Lettres  d'un  ministre  d'une  cour  étran- 
gère sur  l'état  actuel  de  la  France  (1793);  Considéra- 
tions sur  la  Révolution  sociale  (Neufchâtel  et  Londres, 
1794,  in-8);  l'Esprit  de  l'histoire  (Paris,  1802,  4vol. 
in-8;  6e  édit.,  1826);  Eloge  historique  de  Madame 
Elisabeth  (Paris,  1814,  in-8)  ;  Théorie  des  révolutions 
(Paris,  1817,  4  vol.  in-8);  Histoire  des  trois  démem- 
brements de  la  Pologne  (Paris,  1820,  3  vol.  in-8)  ;  Vues 
d'un  pair  de  France  sur  la  session  de  1821  (Paris, 
1821,  in-8)  ;  Réflexions  sur  la  question  du  renouvelle- 
ment intégral  de  la  Chambre  des  députés  (Paris,  1823, 
in-8)  ;  Testament  politique  de  M.  le  comte  Ferrand 
(Paris,  1830,  in-8).  A.  Debidour. 

FERRAND  (Marie-Louis),  général  français,  néàBesançon 
le  12  oct.  1753,  mort  à  Saint-Domingue  le  7  janv.  1808. 
Entré  de  bonne  heure  au  service,  il  fit  ses  premières  armes  en 
Amérique  sous  les  ordres  de  Rochambeau.  Plus  tard,  pen- 
dant les  premières  campagnes  de  la  Révolution,  il  servit  à 
l'armée  du  Nord,  puis  à  celles  des  Ardennes  et  de  Sambre- 
et-Meuse.  Il  s'y  distingua,  mais  sans  arriver  à  la  notoriété. 
Il  était  cependant  parvenu  au  grade  de  général  de  brigade, 
lorsqu'à  la  fin  de  1801  il  fut  désigné  pour  faire  partie  de 
l'expédition  que  le  général  Leclerc  devait  conduire  à  Saint- 
Domingue  contre  les  noirs  révoltés.  Arrivé  à  destination, 
il  fut  chargé  de  pacifier  la  partie  orientale  de  l'île  que  l'Es- 
pagne nous  avait  récemment  cédée  lors  de  la  paix  de  Baie. 
Il  y  réussit;  mais,  tandis  qu'il  opérait  de  ce  côté,  la  fièvre 
jaune  décimait  le  gros  des  forces  françaises  restées  dans 
la  partie  occidentale.  Bientôt  Leclerc  mourut  et  les  débris 
de  ses  troupes  évacuèrent  le  pays  par  capitulation  (30  nov. 
1 803) .  Ferrand,  resté  seul  avec  1 ,800  hommes  aux  environs 
de  Santo  Domingo,  refusa  de  poser  les  armes.  Il  s'en- 
ferma dans  la  place  et  pendant  plusieurs  mois  résista  vic- 
torieusement aux  attaques  de  22,000  noirs  commandés 
par  Dessalines.  Un  renfort  que  l'amiral  de  Missiessy  lui 
amena  en  août  1805  lui  permit  de  prendre  l'offensive.  Les 
noirs  furent  battus  et  la  ville  dégagée.  Aidé  des  colons 
espagnols,  Ferrand  rétablit  l'ordre  dans  les  districts  voi- 
sins et  même  y  fit  régner  une  certaine  prospérité.  Toussaint 
Louverture,  maître  de  l'île  presque  entière,  n'osait  pas  Fin- 


—  309 


FERRAND  —  FERRANDIZ 


quiéter.  Mais  vers  la  fin  de  1808,  lorsque  les  colons  espa- 
gnols apprirent  l'invasion  de  leur  pays  par  Napoléon,  ils 
abandonnèrent  le  général  français.  A  la  suite  de  quelques 
conflits  partiels,  2,000  d'entre  eux  s'assemblèrent  à 
Seybo  sous  la  conduite  du  créole  Rarairez  et  se  portèrent 
sur  Santo  Domingo.  Ferrand  marcha  à  leur  rencontre  avec 
500  hommes.  Battu,  il  se  brûla  la  cervelle  sur  le  champ 
de  bataille  pour  ne  pas  survivre  à  sa  défaite.  Ses  derniers 
soldats  et  son  lieutenant  le  général  Barquier  se  réfugièrent 
dans  la  ville,  où  ils  se  défendirent  contre  les  insurgés  unis 
aux  Anglais  jusqu'en  juil.  1809.  Ce  fut  le  dernier  épisode 
de  l'expédition  de  Saint-Domingue.  C.  G. 

FERRAND  (Jacques-Olivier-Claude),  improvisateur  popu- 
laire, mort  à  Rouen  en  1809.  Marchand  de  rouennerie,  il 
abandonna  le  commerce  pour  courir  les  carrefours  en  réci- 
tant ses  poésies,  et  même  en  jouant  des  pièces  satiriques  et 
triviales  qu'il  composait  dans  quelque  cabaret.  Il  obtint  de 
grands  succès  populaires  et,  comme  la  plupart  des  bohèmes, 
mourut  tout  à  fait  misérable.  Son  chef-d'œuvre  est  le  Sa- 
vetier de  Péronne  (Rouen,  an  IX,  in-8),  comédie- vaude- 
ville en  un  acte,  où  il  mettait  en  scène  l'abbé  Maury.  Citons 
encore  de  lui  :  l'Inconnu  généreux  (Rouen,  an  I,  in-8), 
mélodrame  en  un  acte  ;  les  Brigands  de  la  Vendée  (an  I, 
in-8),  drame  en  trois  actes  ;  le  Faux  Jardinier  (an  I, 
in-8),  opéra-comique  (!)  en  un  acte  ;  la  Prise  de  Vienne 
(Paris,  an  II,  in-8),  impromptu  en  vers  libres  et  en  prose 
«  avec  plusieurs  vaudevilles  et  calembourgs  très  intéres- 
sants, à  l'occasion  de  la  prise  de  Vienne  »  ;  Sophie  et  Dor- 
val  (Rouen,  an  IX,  in-8) ,  comédie-vaudeville  en  deux  actes  ; 
le  Barbier  de  campagne  (1801,  in-8),  comédie  en  un 
acte  ;  la  Diligence  du  Havre  à  Rouen  ou  le  Conscrit 
déserteur  (an  XI,  in-8)  ;  la  Revue  de  l'an  XI  par  le 
premier  consul  à  Rouen  et  au  Havre  (an  XI,  in-8)  ;  le 
Triomphe  de  la  vertu  (an  XII,  in-8),  comédie  en  deux 
actes  ;  les  Vélocifères  ou  la  Manie  du  jour  (an  XII, 
in-8),  impromptu.  R.  S. 

FERRAND  (Joseph),  administrateur  français,  né  à  Li- 
moges en  1827.  Préfet  de  la  Haute-Savoie,  puis  de  l'Aisne 
et  du  Calvados  (1871-74).  Membre  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  sciences  morales  et  politiques  (7  mars  1888). 
11  est  l'auteur  d'importants  traités  d'histoire  administra- 
tive. Nous  citerons  :  De  la  Propriété  communale  en 
France  et  de  sa  mise  en  valeur  (Paris,  1859,  in-8)  ;  les 
Institutions  administratives  en  France  et  a  V étranger 
(1879,  in-8)  ;  la  Réforme  municipale  en  France  et  en 
Italie  (1881,  in-8)  ;  les  Pays  libres,  leur  organisation 
et  leur  éducation  d'après  la  législation  comparée 
(1884,  in— 18)  ;  l'Organisation  municipale  de  Paris 
(1887,  in-8). 

FERRAND  de  La  Càussade  (Jean-Marie  Bécays),  général 
français,  né  à  Monflanquin  (Lot-et-Garonne)  en  1736,  mort 
à  La  Planchette,  près  de  Paris,  en  nov.  1805.  Pourvu,  dès 
l'âge  de  dix  ans,  d'une  lieutenance  au  régiment  de  Nor- 
mandie-Infanterie, il  assista  tout  enfant  aux  dernières  opé- 
rations-du  maréchal  de  Saxe  dans  les  Pays-Bas.  Capitaine 
en  1755,  il  prit  part  aux  campagnes  d'Allemagne  durant 
la  guerre  de  Sept  ans  et  se  distingua  à  Clostercamp.  Classé 
ensuite  dans  l'état-major  des  places,  il  devint  en  1773 
major-commandant  de  Valenciennes,  poste  qu'il  occupa 
jusqu'en  1790.  A  cette  époque,  l'état-major  des  places 
ayant  été  supprimé,  Ferrand  fut  élu  par  les  habitants  de 
Valenciennes  commandant  de  la  garde  nationae.  Deux  ans 
plus  tard,  grâce  à  Dumouriez,  il  était  réintégré  dans  les 
cadres  et  nommé  successivement  colonel,  puis  maréchal  de 
camp  (20  août  1792).  Sur  ces  entrefaites,  les  impériaux 
vinrent  mettre  le  siège  devant  Lille.  Ferrand,  à  la  tête  de 
6,000  hommes  empruntés  aux  garnisons  du  voisinage,  les 
inquiéta  par  quelques  démonstrations  et  contribua  à  la 
délivrance  de  la  ville  (fin  septembre).  Peu  après,  Dumouriez 
revenant  de  Valmy  l'attacha  à  l'armée  du  Nord,  l'emmena 
avec  lui  dans  les  Pays-Bas  et  lui  confia  le  commandement 
de  son  aile  gauche  le  jour  de  la  bataille  de  Jemappes.  Après 
la  victoire,  il  le  chargea  d'occuper  Mons.  Le  15  mars  1793, 


Ferrand  fut  promu  général  de  division.  A  quelques  jours 
de  là,  la  défaite  de  Neerwinde  l'obligeait  à  évacuer  Mons 
précipitamment  et  à  se  retirer  sur  Valenciennes.  Il  venait 
de  reprendre  le  commandement  de  cette  place  lorsque  Du- 
mouriez consomma  sa  trahison.  Ferrand.  résista  à  toutes  les 
tentatives  de  son  ancien  général  pour  se  rendre  maître  de 
la  ville  et  l'entraîner  lui-même  dans  son  parti.  Cependant 
la  déroute  de  l'armée  du  Nord  avait  découvert  la  frontière. 
York  etCobourg  vinrent  assiéger  Valenciennes  :  il  n'y  avait 
plus  que  cette  forteresse  qui  les  empêchât  de  marcher  sur 
Paris.  Ferrand  s'y  défendit  avec  énergie  ;  mais,  après  quatre- 
vingt-sept  jours  de  blocus  et  de  bombardement,  l'attitude 
de  la  population  l'obligea  à  capituler  (28  juil.).  Malgré  sa 
belle  résistance  et  bien  qu'il  eût  obtenu  les  honneurs  de  la 
guerre,  il  fut  décrété  d'accusation,  arrêté,  enfermé  à  l'Ab- 
baye. Elargi  en  septembre,  il  obtint  d'être  employé  de  nou- 
veau à  l'armée  du  Nord  sous  les  ordres  de  Jourdan.  Mais 
il  ne  tarda  pas  à  être  destitué  comme  ex-  noble  et  fut  une 
seconde  fois  emprisonné.  Le  9  thermidor  lui  rendit  la 
liberté.  On  le  renvoya  alors  à  l'armée  du  Nord  sous  Piclie- 
gru  ;  il  passa  ensuite  avec  ce  général  à  l'armée  de  Rhin 
et  Moselle,  puis  fut  chargé,  sous  le  Directoire,  d'un  com- 
mandement territorial  dans  les  départements  annexés  de 
l'ancienne  Belgique.  Après  le  18  brumaire,  il  devint  préfet 
de  la  Meuse-Inférieure,  fonction  qu'il  conserva  jusqu'à  sa 
mise  à  la  retraite,  en  1804.  G.  G. 

Bibl.  :  Ferrand,  Précis  de  la  défense  de  Valenciennes  ; 
Paris,  1805,  in-8.  —  Texier  de  La  Pommeraye,  Relation 
du  siège  et  du  bombardement  de  Valenciennes  en  mai, 
juin  et  juil.  1193;  Douai,  1839,  in-8.  —  La  Défense  de  Va- 
lenciennes et  le  général  Ferrand,  dans  la  Révol.  franc. 
(Rev.),  IX,  363.    * 

FERRAND  de  Monthelon  (Antoine),  peintre  français,  né 
à  Paris  en  1686,  mort  à  Reims  le  20  mars  1752.  Ferrand 
de  Monthelon  est  le  fils  et  l'élève  de  l'émailleur  Philippe 
Ferrand.  Il  accompagna  son  père  en  Italie  et,  de  retour  à 
Paris,  il  entra  en  1722  à  l'Académie  de  Saint-Luc  où  il 
remplit  les  fonctions  de  professeur.  A  partir  de  1748,  il 
enseigna  le  dessin  à  l'école  créée  à  Reims.  Comme  peintre, 
il  était  essentiellement  portraitiste.  C'est  au  musée  de  sa 
nouvelle  patrie  qu'il  faut  étudier  ses  œuvres.  On  retrouve 
au  musée  de  Reims  les  portraits  de  Y  Abbé  de  Saulx,  cha- 
noine de  Saint-Symphorien ,  de  Jean  Godinoi,  qui  fut 
aussi  chanoine  de  Reims,  et  de  J.-F.  Rogier,  conseiller  en 
la'  cour  des  monnaies.  Le  musée  municipal  possède,  en 
outre,  de  Monthelon,  quelques  dessins  aux  trois  crayons 
qui  montrent  une  certaine  facilité  décorative.  Mais  chez  cet 
artiste  provincial,  dont  on  se  souvient  encore  en  Cham- 
pagne, le  professeur  dépassa  le  peintre.  Ferrand  de  Mon- 
thelon a  été  l'un  des  plus  intelligents  promoteurs  de  l'école 
de  dessin  de  Reims.  P.  M. 

Bibl.  :  Ch.  Loriquet,  Catal.  dumvsée  de  Reims,  1881. 

FERRAND1NÂ.  Ville  d'Italie,  prov.  de  Potenza,  près  de 
la  rive  droite  du  Basento,  tributaire  du  golfe  de  Tarente; 
7,545  hab. 

FERRAND1NO  (Leonardo),  sculpteur  génois,  du  com- 
mencement du  xvne  siècle,  mort  à  un  âge  très  avancé.  Il 
eut  pour  maître  Taddeo  Carlone  et  se  distingua  par  un 
style  plein  de  grâce,  dont  témoigne  seule  aujourd'hui  sa 
Madone  de  l'église  de  la  Nunziata  del  Guastato,  dans  sa 
ville  natale. 

FERRANDIZ (Bernardo) , peintre  espagnol  contemporain , 
né  à  Valence  et  successivement  élève  de  l'Académie  de  San 
Carlos,  à  Valence,  de  celle  de  San  Fernando,  à  Madrid  et 
de  l'Ecole  des  beaux-arts  à  Paris.  Peintre  d'histoire  et  de 
genre,  il  a  pris  part  depuis  1860,  tant  à  Paris  qu'à  Ma- 
drid, aux  diverses  expositions  annuelles.  Parmi  ses  ouvrage^ 
les  plus  remarqués,  dans  l'une  ou  l'autre  ville,  nous  nous 
bornerons  à  citer  :  le  Tribunal  des  eau  r,  acquis  par 
Napoléon  III,  Un  Atelier  parisien,  le  Modèle,  Un  Al- 
cade valencien  (17'50),  les  Prémices  appartenant  à  M.  de 
Fernan-Nunez,  le  Viatique,  au  marquis  de  Molins,  Une 
'Noce  à  Valence,  et  un  grand  nombre  de  petits  tableaux  de 
mœurs  et  de  sujets  pittoresques  empruntés  à  la  vie  du 


FERRANDIZ  —  FERRARE 


—  310 


paysan  valencien.  Depuis  1868,  M.  Ferrandiz  est  profes- 
seur de  peinture  à  l'école  de  Malaga.  P.  L. 

FERRANT  y  Llausas  (Luis),  peintre  espagnol,  né  à  Bar- 
celone en  1806,  mort  à  Madrid  le  28  juil.  1868.  Elève  de 
D.  J.  de  Ribera,  il  fut  envoyé  par  l'infant  D.  Gabriel  à 
Rome  comme  pensionnaire.  Revenu  à  Madrid  en  1848,  il  fut 
nommé  peintre  de  la  Chambre,  puis  professeur  de  peinture 
à  l'Académie  de  San  Fernando  et  enfin  élu  membre  de  cette 
même  académie.  Attaché  comme  peintre  en  titre  à  la  per- 
sonne de  l'infant  son  protecteur,  Ferrant  a  exécuté  pour 
sa  galerie  un  nombre  considérable  de  tableaux  d'histoire 
et  de  genre  parmi  lesquels  nous  relevons  le  Débarquement 
à  Alicante  de  Vinfant  D.  Gabriel,  YEntrevue  de  la 
reine  Isabelle  et  de  l'infant,  Cervantes  écrivant  le  Bon 
Quichotte,  Philippe  IV  et  la  comtesse  de  Guzman,  un 
Chœur  de  religieuses,  ainsi  que  divers  portraits  de  l'in- 
fant et  de  membres  de  la  famille  royale.  Il  est  également 
l'auteur  des  portraits  de  Sanche  IV  et  d'Alphonse  X,  qui 
figurent  au  musée  du  Prado,  d'une  toile  représentant  Saint 
Ferdinand  et  Sainle  Isabelle,  qui  est  au  ministère  de  la 
guerre,  de  portraits  de  personnages  illustres  navarrais  qui 
décorent  le  salon  de  la  Députa tion  à  Pampulune  et,  pour  le 
palais  de  Madrid,  de  diverses  compositions  historiques  et 
religieuses.  P.  L. 

FERRANTE  (Le  chevalier  Giovanni-Francesco),  peintre 
italien,  de  l'école  bolonaise,  né  à  Bologne  vers  1600,  mort 
à  Plaisance  en  1652.  Après  avoir  reçu  dans  sa  ville  natale 
les  leçons  de  Francesco  Gessi,  un  des  meilleurs  élèves  du 
Guide,  il  fut  appelé  à  Plaisance  qu'il  embellit  de  nombreuses 
peintures  à  l'huile  et  à  fresque.  Il  y  a  aussi,  entre  autres 
œuvres  de  sa  main,  à  Bologne,  un  Saint  Paul  battu  par  la 
tempête  (église  Saint-Paul)  ;  une  Apparition  de  Jésus- 
Christ  à  saint  Antoine  et  une  Sainte  Lucie  (Santa  Ma- 
ria délia  Misericordia) .  Il  eut  pour  élève  Bartolommeo 
Baderna. 

FERRANTl(Decio),  peintre  italien,  de  l'école  milanaise, 
né  vers  1500.  Lui  et  son  fils  et  élève  Agosto  excellèrent 
dans  la  miniature.  La  cathédrale  de  Yigevano  possède  de 
ces  deux  artistes  un  Evangéliaire,  un  Livre  d'épîtres  et 
un  Missel  qui  sont  de  véritables  chefs-d'œuvre. 

FERRANTI  (Zani  de)  (V.  Zani). 

FERRANTINl  (Ippolito),  peintre  italien,  de  l'école  bolo- 
naise, du  commencement  du  xvne  siècle,  frère  de  Gabriel 
Ferrantini,  paraît  avoir  été  comme  lui  élève  des  Carra che, 
dont  il  imita  habilement  la  manière.  L'église  Saint-Ma- 
thias,  à  Bologne,  possède  de  lui  un  tableau  représentant 
Y  Archange  saint  Michel  et,  au-dessus,  la  Sainte  Trinité 
et  la  Vierge.  Il  fut  membre  de  l'Académie  degli  Incaminati. 

FERRARA  (Francesco),  économiste  italien,  né  à  Palerme 
en  1810.  Chef  de  bureau  de  la  statistique  de  Sicile  (1834), 
il  créa  le  Giorniale  di  stastitica,  fut  emprisonné  dans  la 
citadelle  de  Palerme  en  1847  pour  avoir  pris  une  part 
active  au  mouvement  en  faveur  de  l'indépendance,  devint 
en  1848  membre  du  gouvernement  provisoire,  et  fut  un  des 
délégués  qui  eurent  mission  d'offrir  la  couronne  au  duc 
de  Gênes.  Mais  le  gouvernement  napolitain  ayant  ressaisi 
la  Sicile,  M.  Ferrara  demeura  à  Turin.  Nommé  en  1849 
professeur  d'économie  politique  à  l'université  de  cette  ville, 
il  fit  partie,  en  1867,  du  cabinet  Ratazzi  avec  le  porte- 
feuille des  finances  et  devint  ensuite  directeur  de  l'Ecole 
supérieure  du  commerce  à  Venise.  On  a  de  lui  de  nombreux 
écrits  sur  des  matières  économiques,  notamment  les  douanes, 
les  enfants  trouvés,  etc.  Ses  ouvrages  les  plus  connus  sont  : 
l'Economie  politique  chez  les  anciens  et  Importance  de 
V Economie  politique  (Turin,  1849-1850,  in-8).  Il  a  dirigé 
aussi  le  choix  de  l'importante  collection  connue  sous  le  nom 
de  Bibliothèque  de  l'Economiste  (Turin,  1850-1868, 
13  vol.  in-8). 

FERRARE  (en  italien  Ferrara).  I.  Géographie.  — 
Ville  d'Italie,  ch.-l.  d'une  prov.  du  même  nom  qui  fait  partie 
de  l'ancienne  Emilie,  située  sur  le  cours  inférieur  du  Pô  au 
point  où  se  sépare  le  Pô  di  Volano  du  Pô  di  Primaro,  sur 
le  chem.  de  fer  de  Bologne  à  Venise;  30,695  hab.;  85,000 


avec  la  corn.  Toute  la  plaine  environnante  est  marécageuse. 
Cependant  on  a  beaucoup  exagéré  le  danger  des  inon- 
dations du   Pô  dans  cette  région.  Cuvier  prétendait  que 
dans  les  hautes  crues,  le  niveau  du  fleuve  dépasse  en 
hauteur  le  toit  des  maisons  de  la  ville.  D'après  les  mesures 
du  savant  ingénieur  Lombardini,  le  fleuve  dans  ses  plus 
fortes  inondations  a  atteint  seulement  2m75  au-dessus 
du  niveau  de    la  cour  du  château.  Ferrare  est  même 
un  refuge  pour  les  paysans  quand  toute  la  campagne 
alentour  est  sous  les  eaux.  Les  bras  du  Pô,  dans  le  voisi- 
nage de  Ferrare,  sont  d'ailleurs  en  partie  obstrués.  Le 
courant  des  fortes  eaux  se  porte  vers  les  branches  du 
N.  du  delta,  et  ce  déplacement  du  fleuve  a  beaucoup  con- 
tribué à  faire  perdre  à  Ferrare  son  ancienne  importance. 
Bâtie  à  l'époque  de  l'invasion  des  Huns,  au  ve  siècle,  par  des 
fugitifs  d'Aquilée,  sous  le  nom  de  Forum  Alieni,  Ferrare 
a  les  mêmes  origines  que  Venise.  Elle  dut  tous  ses  embel- 
lissements à  la  maison  d'Esté.  La  peinture  était  en  grand 
honneur  à  Ferrare.  Ses  peintres  ne  formèrent  cependant,  à 
aucune  époque,  une  école  originale;  ils  subirent  tantôt  l'in- 
fluence de  Padoue  comme  Cosimo  Tura  (1430-1496), 
tantôt  celle  de  Bologne  comme  Lor.  Costa,  l'un  des  meil- 
'  leurs  élèves  de  Francia ,  tantôt  celle  de  Raphaël  comme 
Benvenuto  Tisio,  plus  connu  sous  le  nom  de  II  Garo- 
falo;  tantôt  celle  du  Titien  et  de  Venise  qui  perce  dans 
les  œuvres  du  coloriste  exquis,  Mazzolino.  —  Le  château 
avec  ses  quatre  tours  massives  qui  dominent  la  ville  et 
qui  la  révèlent  au  loin,  la  cathédrale  mec  ses  trois  étages 
superposés  d'arcades  à  plein  cintre,  très  beau  spécimen 
de  l'art  lombard  ;  le  palais  Schifanoja,  ancienne  résidence 
de  plaisir  des  princes  d'Esté,  avec  de  belles  fresques  de  la 
Renaissance  ;  le  palais  dei  Diamanti,  revêtu  sur  sa  façade 
de  marbres  à  facettes,  et  transformé  en  musée,  constituent 
les  principaux  monuments  de  Ferrare.  La  modeste  maison 
de  l'Arioste  n'est  curieuse  que  par  les  souvenirs  qu'elle 
évoque.  La  ville  de  Ferrare  s'est  donnée  à  l'Italie  en  1860, 
en  même  temps  que  le  reste  de  la  Romagne.  —  L'Arioste 
et  le  poète  Guarini,  l'illustre  moine  Savonaroîe,  le  physi- 
cien Galvani,  le  peintre  Benvenuto  Tisio  (le  Garofalo)  sont 
les  plus  illustres  enfants  de  Ferrare.  Ferrare  est  aujour- 
d'hui encore  un  chef-lieu  de  province,  un  archevêché,  un 
centre  d'université  et  une  place  fortifiée,  quia  pour  annexes, 
un  peu  au  N.,  les  fortes  positions  de  Ponte  Lagoscuro 
et  de  Santa  Maria  Maddalena  au  passage  du  Pô.  Mais 
son  importance,  comme  centre  littéraire  et  artistique,  a 
disparu  avec  la  maison  d'Esté.  Son  commerce  est  tombé 
depuis  que  le  Pô  a  développé  son  cours  plus  au  N.  Elle 
laisse  l'impression  d'une  ville  déchue  qui  vit  surtout  par 
ses  souvenirs.  H.  Vast. 

IL  Histoire.  —  L'origine  de  Ferrare  est  plus  récente 
que  celle  de  la  majorité  des  villes  italiennes.  Ignorée  dans 
l'antiquité,  son  nom  n'apparaît  qu'au  moyen  âge.  Son  his- 
toire primitive  fut  déterminée  par  des  conditions  géogra- 
phiques sensiblement  différentes  de  celles  qui  existent 
actuellement.  Ferrare  est  dans  le  delta  du  Pô,  au  N.  du 
bras  méridional,  peu  important  aujourd'hui,  qui  se  subdi- 
vise en  aval  en  deux  branches,  le  Pô  di  Volano  et  le  Pô  di 
Primaro.  Mais  le  bras  septentrional,  le  Pô  délia  Maestra, 
par  lequel  passe  la  plus  grande  partie  des  eaux  du  fleuve, 
ne  s'est  ouvert  qu'en  1152.  Jusqu'alors  le  fleuve  s'écoulait 
au  S.  de  l'emplacement  de  Ferrare.  Toute  cette  région, 
située  au  N.  du  Pô,  entre  lui  et  l'Adige,  appartenait  donc 
à  la  province  romaine  de  Vénétie.  Après  l'invasion  lom- 
barde, elle  fut  conservée  par  les  Byzantins  et,  en  604, 
l'exarque  Smaragdus,  pour  en  faciliter  la  défense,  cons- 
truisit, au  N.  du  Pô,  la  place  forte  de  Ferrare.  Elle  devint 
le  centre  d'un  groupe  de  cités,  comprenant  en  outre  les 
villes  d'Adria  (Hatria)  et  Gabellum  (Gavello),  qui  fut  rat- 
taché à  l'exarchat  de  Ravenne  et  le  couvrit  au  N.  Ce  débris 
de  l'ancienne  Vénétie  fut  organisé  au  vme  siècle  en  duché. 
Le  duché  de  Ferrare  s'étendait  entre  l'Adige,  le  Tartaro 
et  le  Pô  di  Volano.  Il  fut  conquis  par  les  Lombards  sous 
le  règne  de  Luitprand.  Cependant,  lorsque  Pépin  eut  donné 


—  341 


FERRARE 


au  pape  l'exarchat  et  la  Pentapole,  Ferrare  fit  partie  des 
vingt-deux  villes  dont  Etienne  II  reçut  les  clefs  (757).  La 
domination  du  saint- siège  s'affaiblit  vite  en  Romagne. 
Ferrare  acquit  une  véritable  autonomie  aux  siècles  suivants  ; 
toutefois,  au  xie  siècle,  elle  reconnaissait  la  suzeraineté  du 
marquis  de  Toscane,  Boniface,  à  la  mort  duquel  Ferrare 
passa  sous  la  suzeraineté  de  sa  fille,  la  célèbre  comtesse 
Mathilde.  C'était,  au  xne  siècle,  une  des  villes  les  plus 
florissantes  du  S.  du  Pô.  Elle  était  divisée,  comme  les 
autres,  entre  la  faction  impérialiste  et  la  faction  républi- 
caine et  pontificale.  A  la  tête  du  parti  impérial  (plus  tard 
gibelin)  était  la  famille  des  Salinguerra  Torelli  ;  à  la  tête 
du  parti  national  (plus  tard  guelfe)  la  famille  des  Ade- 
lardi.  Ils  se  disputaient  le  capitanat,  magistrature  suprême 
de  la  commune,  qui  la  gouvernait  d'accord  avec  le  conseil. 


Les  guelfes  prévalurent  au  moment  de  la  grande  lutte 
engagée  par  Frédéric  Barberousse,  et  Ferrare  entra  dans 
la  ligue  lombarde.  Les  Adelardi  devinrent  alors  les  maîtres 
par  l'acquisition  de  l'office  de  podesta,  impliquant  la  direc- 
tion administrative  et  judiciaire.  En  1177,  c'est  à  Ferrare 
que  le  pape  Alexandre  III  vint  conférer  avec  les  délégués 
des  villes  lombardes  afin  de  s'entendre  avant  le  grand 
congrès  de  Venise  où  fut  décidée  la  paix  avec  l'empereur. 
Au  début  du  xme  siècle  se  fit  la  division  des  seigneurs  et 
des  cités  de  l'Italie  en  guelfes  et  gibelins.  Dans  la  marche 
de  Vérone,  une  lutte  acharnée  s'engageait  entre  les  puis- 
santes familles  des  Ezzelino  de  Romano  et  des  Este.  Ferrare 
y  fut  impliquée.  Un  mariage  avait  été  projeté  entre  le 
troisième  des  Torelli  et  Maschesella,  héritière  des  Ade- 
lardi, afin  de  réconcilier  les  deux  familles;  le  marquis 


Château  de  Ferrare  (d'après  une  photographie). 


Azzo  V  d'Esté  enleva  l'héritière  et  la  fit  épouser  par  Obizzo  ; 
les  biens  des  Adelardi  passèrent  ainsi  à  la  maison  d'Esté 
qui  prit  pied  dans  le  Ferrarais  et  la  marche  d'Ancône  ; 
Azzo  d'Esté  fut,  à  la  fin  du  xne  siècle,  le  personnage 
dirigeant  de  Ferrare.  La  lutte  continua  après  lui  ;  son 
fils,  Azzo  VI,  fut  trois  fois  chassé  de  Ferrare  par  Salin- 
guerra Torelli  qu'appuyait  Ezzelino  ;  trois  fois  il  y  entra, 
mais  il  fut  définitivement  vaincu  à  San  Bonifacio  et  mourut 
peu  après  (nov.  1212).  Le  marquis  Aldobrandino  qui 
lui  succéda  conclut  avec  Salinguerra  un  pacte  aux  termes 
duquel  les  deux  rivaux  se  partageaient  le  gouvernement 
de  la  ville,  désignant  le  podesta  en  commun.  Mais  Aldo- 
brandino, vaincu  par  Ezzelino,  disparut  dès  1215.  Son 
jeune  frère  Azzo  VII  (né  vers  1205,  mort  le  17  févr.  4264) 
fut  d'abord  le  plus  faible.  Salinguerra  Torelli,  marié  à  une 
sœur  d'Ezzelino  le  Jeune,  domina  Ferrare  jusqu'en  1240.  Les 
bourgeois  lui  étaient  très  favorables.  Son  habile  politique 
avait  beaucoup  enrichi  la  ville  par  le  développement  de 
son  commerce.  Mais,  à  partir  de  1229,  la  guerre  reprit 
acharnée  entre  les  guelfes  et  les  gibelins,  les  Este  et  les 


Romano  (V.  ces  noms)  ;  le  mariage  de  Rinaldo,  fils 
d'Azzo  VII,  avec  Adélaïde,  fille  d'Alberic  de  Romano, 
n'amena  qu'une  courte  trêve.  Appuyé  par  la  ligue  lombarde 
et  par  les  Vénitiens,  Azzo  d'Esté  fit  subir  de  tels  dommages 
aux  Ferrarais  qu'ils  finirent  par  passer  au  parti  guelfe  ; 
Hugo  Ramperti  ouvrit  les  portes  de  la  ville  ;  Salinguerra 
fut  interné  à  Venise,  son  palais  démoli,  ses  partisans 
bannis  (1240).  Ferrare  passa  sous  la  domination  des  Vé- 
nitiens, puis  d'Azzo  d'Esté.  Celui-ci  transporta  au  S.  du 
Pô  le  centre  de  la  maison  d'Esté  ;  elle  semblait  très  com- 
promise ;  au  N.,  Ezzelino  lui  avait  enlevé  ses  possessions  ; 
Rinaldo,  fils  d'Azzo,  avait  péri  ;  son  petit-fils  Obizzo  survi- 
vait seul.  Mais  après  la  mort  de  Frédéric  II,  la  maison  de 
Romano  sombra  ;  en  1259,  Ezzelino  périt.  Ses  implacables 
adversaires,  les  Este,  triomphaient.  Le  jeune  Obizzo  II, 
petit-fils  d'Azzo  II  (né  vers  1240,  mort  le  13  févr.  1293), 
ajouta  à  la  seigneurie  de  Ferrare  celle  de  Modène  (1288) 
et  de  Reggio.  Son  fils,  Azzo  VIII  (mort  le  31  janv.  1308), 
hérita  de  ces  trois  seigneuries  ;  mais  ses  frères  Francesco 
et  Aldobrandino  lui  disputèrent  Modène  et  Reggio  (1294), 


FERRARE 


342 


d'où  les  habitants  le  chassèrent  en  1306;  il  ne  se  maintint 
qu'à  Ferrare.  Il  désigna  pour  successeur  Folco  JIL  fils  de 
son  fils  bâtard,  Fresco.  Mais  les  deux  oncles,  Francesco 
et  Aldobrandino,  s'adressèrent  au  pape  et  lui  demandèrent 
l'investiture;  Ferrare  redevenait  effectivement  un  fief  du 
saint-siège.  Fresco,  ne  pouvant  résister,  céda  Ferrare  aux 
Vénitiens  et  se  retira. à  Venise  avec  son  fils  Folco.  Un  po- 
desta  vénitien  gouverna  la  ville  (4308).  Elle  fut  reprise 
bientôt  par  les  troupes  pontificales,  mais  Clément  V  la 
donna  à  Robert  de  Naples.  Francesco  et  Aldobrandino  II  le 
combattirent ,  mais  sans  succès  ;  ils  étaient  réduits  au 
marquisat  d'Esté  (avec  les  monts  Euganéens  et  Rovigo). 
Francesco  fut  tué  en  4342 ;  Aldobrandino  II  disparaît  à  la 
même  époque.   Ses  trois  fils,  Rinaldo  (mort  en  4335), 
Obizzo  III  (mort  en  4352)  et  Niccolo  Ier  (mort  en  4346),  et 
ceux  de  Francesco  Azzo  et  Bertoldo  rentrèrent  à  Ferrare 
en  4347  ;  la  population,  exaspérée  par  les  soldats  catalans 
de  Robert  de  Naples,  s'était  soulevée  contre  eux,  aidée  par 
le  marquis  d'Esté  et  les  Bolonais  ;  elle  prit  le  château  Te- 
baldo  où  s'étaient  réfugiés  les  Catalans  et  les  massacra  ;  le 
45  août,  les  trois  fils  d'Aldobrandino  II  reprenaient  la  sei- 
gneurie de  Ferrare.  Le  pape  Jean  XXIï  les  excommunia  et 
lança  l'interdit  sur  Ferrare.  Le  résultat  fut  de  jeter  les 
Este  dans  le  camp  gibelin.  Les  marquis  tentèrent  vaine- 
ment de  reprendre  Modène.  Aldobrandino  III,  né  en  4335, 
mort  en  4364,  fut  dévoué  aux  gibelins.  Il  obtint,  en 
4  354,   de   l'empereur  Charles  IV  le  vicariat  impérial. 
Charles  IV  confirma  son  frère  et  successeur  Niccolo  II 
(mort  le  26  mars  4388)  dans  la  possession  de  Rovigo, 
Adria,  Comacchio,  etc.  Il  guerroya  contre  les  Visconti  de 
Milan  et  les  Gonzague.  Son  frère  Alberto  (mort  le  30  juil. 
4393)  fit  tuer  son  neveu  Obizzo,  fils  d'Aldobrandino  ÏÏIet 
s'allia  à  Jean  Galéas  Visconti  (Milan)  et  à  Francesco  de 
Gonzague  (Mantoue)  ;  puis,  en  4390,  s'unit  contre  eux  à 
Bologne  et  à  Florence.  Son  fils,  Niccolo  III,  né  en  4384, 
mort  à  Milan  le  26  déc.  4444,  fut  placé  dans  sa  minorité 
sous  la  protection  de  Venise  ;  avec  l'aide  de  cette  répu- 
blique, de  Bologne  et  de  Florence,  il  conserva  Ferrare 
contre  son  parent  Azzo  (descendant  de  Francesco) .  Il  guer- 
roya contre  Jean  Galéas  Visconti  (4403),  puis  d'accord 
avec  lui  contre  Ottoboni,  usurpateur  de  Reggio,  s'empara 
de  cette  ville  et  de  Parme  (4409).  Il  fit  périr  en  4425  sa 
seconde  femme  Parisina  Malatesta  et  son  bâtard  Ugo,  con- 
vaincus d'adultère.  Après  de  nouvelles  guerres  contre  Jean 
Galéas,  il  signa  la  paix  du  7  avr.  4433,  conclue  entre 
l'empereur  Sigismond  et  Milan  d'une  part,  le  pape  Eu- 
gène IV,  Venise  et  Florence  de  l'autre.  Il  devint  l'ami  et 
allié  de  Jean  Galéas,  et  s'établit  à  Milan,  où  il  espérait  lui 
succéder  quand  il  fut  empoisonné. 

Avec  Niccolo  et  ses  fils  commence  la  période  la  plus  bril- 
lante de  l'histoire  de  Ferrare  et  de  la  maison  d'Esté.  Cette 
principauté  au  S.  du  Pô  était  le  pays  de  la  paix;  la  cour 
de  Ferrare  pouvait  rivaliser  d'éclat  avec  celle  de  Milan.  Les 
souverains  favorisaient  les  lettres  et  les  arts,  créaient  ou 
enrichissaient  les  écoles,  l'université,  les  bibliothèques, 
musées.  Lionello,  fils  de  Niccolo  (4444-4450),  eut  pour 
précepteur  le  fameux  Guarino  de  Vérone.  Il  fut  médiateur 
de  la  paix  signée  à  Ferrare  entre  Alphonse,  roi  d'Aragon  et 
de  Sicile,  et  les  Vénitiens.  Son  frère  Borso  (1454-4474) 
fut  un  des  plus  magnifiques  princes  de  la  Renaissance  ita- 
lienne. La  splendeur  de  son  accueil  lui  fit  donner  par  l'em- 
pereur Frédéric  III  le  titre  de  duc  (4452)  pour  les  fiefs 
impériaux  de  Modène  et  Reggio.  Il  l'obtint  également  pour 
Ferrare,  fief  du  saint-siège,  du  pape  Pie  II  qu'il  avait 
aussi  bien  fêté  lors  de  son  voyage  vers  le  concile  de  Man- 
toue. Borso  introduisit  à  Ferrare  l'imprimerie.  A  sa  mort, 
la  prospérité  fut  un  moment  troublée  par  la  rivalité  de  son 
frère  Ercole  et  de  Niccolo,  fils  de  Lionello.  Appuyé  par  les 
Vénitiens,  le  premier  l'emporta  sur  son  neveu.  Les  scènes 
de  cette  guerre  civile,  contrastant  avec  la  vie  luxueuse  et 
peu  morale  de  la  cour,  frappèrent  vivement  l'imagination 
de  Savonarole,  natif  de  Ferrare  et  petit-fils  du  médecin  de 
Niccolo  III.  A  peine  maître  du  pouvoir,  Ercole  revint  à  la 


vie  de  fêtes.  En  4482,  il  fut  près  de  la  ruine.  Le  pape 
Sixte  IV  et  Venise  la  complotaient  pour  se  partager  ses 
Etats.  La  République  l'accusa  de  lever  un  péage  sur  les 
transports  par  le  Pô  du  sel  des  salines  vénitiennes  aux- 
quelles il  faisait  concurrence  par  ses  salines  de  Comacchio. 
Une  flotte  vénitienne  remonta  le  fleuve,  prit  Rovigo  ;  l'ar- 
mée vénitienne  occupa  la  Polésine  ;  l'allié  d'Ercole,  le  duc  de 
Calabre,  fut  battu  par  les  pontificaux.  Ercole  d'Esté  sut  con- 
vaincre le  pape  qu'il  était  absurde  d'agrandir  les  Vénitiens  et 
obtint  la  paix  :  il  continua  deux  ans  la  guerre  avec  Venise  ; 
par  la  paix  de  Bagnolo  il  dut  lui  céder  la  Polésine  avec 
Rovigo,  Lendenara,  Badia,  renoncer  à  son  péage  du  Pô  sur  les 
navires  vénitiens  et  à  l'exploitation  des  salines  de  Comac- 
chio. Après  cette  guerre,  Ercole  vécut  en  paix  avec  ses  voi- 
sins. Sa  cour  était  extrêmement  brillante.  A  coté  de  Boiardo, 
son  ministre,  et  de  Scancliano,  YÂrioste  s'y  essayait 
(V.  ces  noms  et  Renaissance,  §  Italie).  Alphonse  Ier,  infé- 
rieur peut-être  à  Ercole,  dut  aux  littérateurs  une  plus 
grande  renommée.  Sa  biographie  a  été  donnée  (V.  Al- 
phonse Ier).  Rappelons  qu'il  entra  dans  la  ligue  de  Cam- 
brai, réoccupa  les  villes  perdues  en  4484  ;  son  artillerie 
écrasa  la  flotte  vénitienne  à  Polisella,  sur  le  Pô  (22  déc. 
4509).  Quand  le  pape  Jules  II  eut  traité  avec  Venise,  le 
duc  continua  la  guerre,  d'accord  avec  le  roi  de  France.  Son 
artillerie,  qui  étsât  admirablement  organisée,  eut  une  grande 
part  à  la  victoire  de  Ravenne  (avr.  1542).  Néanmoins  la 
mort  de  Gaston  de  Foix  et  les  échecs  consécutifs  des  Fran- 
çais décidèrent  Alphonse  à  se  soumettre.  Il  courut  à  Rome 
se  faire  relever  de  l'excommunication  ;  Jules  II  lui  réclama 
une  grande  partie  des  fiefs  pontificaux  ;  il  voulait  annexer 
Modène,  Parme  et  Reggio;  Léon  X  continua  ces  projets. La 
bataille  de  Marignan  les  mit  à  néant.  Le  duc  de  Ferrare 
recouvra  Parme,  Reggio  et  Modène  (nov.  4546).  Il  resta 
fidèle  à  l'alliance  française  jusqu'à  l'expulsion  des  Français 
du  Milanais,  mais  alors  il  signa  la  paix  avec  l'empereur  en 
même  temps  que  les  Vénitiens  (4523).  Il  conserva  Rovigo. 
Désormais  la  maison  d'Esté  sera  généralement  fidèle  à 
l'Espagne.  Dans  la  campagne  de  4527,  c'est  le  duc  de  Fer- 
rare qui  ouvrit  aux  bandes  du  connétable  de  Bourbon  la 
route  de  Rome.  Il  entra  bien  dans  la  ligue  formée  ensuite, 
mais  en  4529  il  fut  le  premier  à  se  soumettre  à  Charles- 
Quint.  Celui-ci  trancha  alors  le  différend  qui  divisait  le  duc 
et  le  pape,  et  le  premier  sortit  de  cette  longue  crise  avec 
ses  Etats  intacts.  La  maison  d'Esté  n'avait  rien  gagné  à  ces 
guerres  d'un  demi-siècle  engagées  par  la  France,  mais  elle 
n'y  avait  rien  perdu. 

Ferrare  fut  un  des  principaux  centres  de  la  Renais- 
sance (V.  ce  mot)  ;  elle  dut  une  renommée  particulière  aux 
littérateurs  qui  y  vécurent  à  la  cour  des  deux  Hercules 
(Ercole)  et  des  deux  Alphonses;  les  princesses,  Lucrèce 
Borgia,  femme  d'Alphonse  Ier,  Renée  de  France,  femme 
d'Ercole  II,  eurent  une  grande  part  à  ce  mouvement. 
Alphonse  Ier  ayant  bâti  à  Ferrare  le  plus  beau  théâtre  de 
l'Italie,  la  ville  devint  le  centre  de  l'art  scénique  dans  la 
péninsule.  Ercole  II  (né  le  4  avr.  4508,  duc  en  4535, 
mort  le  3  oct.  4559)  fut  le  fidèle  serviteur  de  Charles- 
Quint;  son  frère,  le  cardinal  Hippolyte  le  Jeune,  embrassait 
le  parti  français,  de  telle  sorte  que  la  dynastie  eut  un  pied 
dans  chaque  camp  ;  le  duc  maria  sa  fille  Anne  au  duc  de 
Guise  et  entra  en  4556  dans  la  ligue  formée  par  Paul  IV 
et  la  France;  mais,  dès  le  48  mars  4558,  il  traitait  avec 
l'Espagne.  Sa  femme  Renée,  gagnée  aux  idées  de  la  Réfor- 
mation, avait  ouvert  à  Ferrare  un  asile  à  Calvin  et  à  Clément 
Marot.  Elle  protégea  tous  les  novateurs  religieux  de  l'Italie. 
Mais  Renée  fut  très  maltraitée  par  son  époux,  et,  quand  elle 
rentra  en  France,  le  protestantisme  disparut  de  Ferrare.  Il 
y  avait  été  un  moment  assez  développé.  Alphonse  II  (V. 
ce  nom),  fils  et  successeur  d'Ercole  (4  559-4 597)  est  surtout 
connu  comme  persécuteur  du  Tasse  (V.  ce  nom).  Son  règne 
marque  encore  un  beau  moment,  le  dernier,  de  la  cour  de 
Ferrare.  Elle  comprenait,  outre  le  duc  et  sa  femme  (Lucrèce 
de  Médieis,  puis  Barbara),  ses  sœurs,  Léonore, l'amante  du 
Tasse,  et  Lucrèce,  mariée  au  duc  Francesco  d'Urbin,  qui 


343  — 


FERRARE  —  FERRARI 


vivaient  à  Ferrare.  La  vie  s'écoulait  en  fêtes  somptueuses 
avec  des  représentations  dramatiques  et  une  mise  en  scène 
magnifique  qui  préparait  celle  du  futur  opéra  italien  ;  les 
tournois  alternaient  avec  les  allégories ,  les  concours 
poétiques ,  les  discussions  scientifiques.  Mais  l'orgueil 
démesuré  d'Alphonse  II  l'entraînait  à  des  dépenses  écra- 
santes. Il  envoyait  à  l'empereur  un  corps  auxiliaire  de 
4,000  hommes ,  briguait  la  couronne  de  Pologne,  Ferrare  pas- 
sait pour  imprenable;  27,000  hommes  étaient  inscrits  dans 
la  milice;  le  duc  accablait  ses  sujets  d'impôts;  alors  qu'il 
laissait  tomber  en  ruine  les  digues  et  canaux  qui  faisaient 
la  sécurité  et  la  richesse  du  pays,  il  imposait  un  droit  d'un 
dixième  sur  tous  les  contrats,  sur  les  entrées  de  marchan- 
dises, se  réservait  le  monopole  du  sel,  de  la  farine,  du 
pain,  presque  celui  de  la  chasse;  il  faisait  tuer  à  une  au- 
dience le  fiche  Ercole  Contiano  pour  s'emparer  de  ses  biens. 
Cette  tyrannie  ne  devait  pas  peser  longtemps  sur  Ferrare. 
Alphonse,  malgré  son  troisième  mariage  avec  Marguerite 
de  Mantoue,  n'avait  pas  de  fils  légitime.  Il  voulait  trans- 
mettre sa  succession  à  son  cousin  Cesare,  fils  d'un  bâtard 
d'Alphonse  Ier  ;  l'empereur  Rodolphe  accorda  son  consen- 
tement; mais  le  pape  refusa.  A  la  mort  d'Alphonse  II 
(27  oct.  4597),  Clément  VIII  déclara  que  tous  les  fiefs 
pontificaux  de  la  maison  d'Esté  faisaient  retour  au  saint- 
siège;  il  excommunia  Cesare  (né  en  oct.  4467,  mort  le 
44  déc.  4628),  et  le  faible  prince  n'osa  ou  ne  put  résister; 
ses  sujets,  dont  la  tyrannie  d'Alphonse  II  avait  lassé  l'affec- 
tion, ne  le  soutinrent  pas  ;  sa  cousine  Lucrèce  lui  était  hos- 
tile. Elle  négocia  un  traité  par  lequel  Cesare  renonça  à 
Ferrare,  Comacchio  et  ses  fiefs  de  Romagne(42  janv.  4598). 
Il  se  retira  dans  son  duché  de  Modène  et  Reggio.  A  Ferrare 
fut  installée  la  domination  pontificale.  Un  mois  plus  tard, 
Lucrèce  mourut,  léguant  tous  ses  biens  au  cardinal  Aldo- 
brandini;  même  les  propriétés  privées  des  Este  dans  le 
Ferrarais  leur  échappèrent  ainsi. 

La  prospérité  de  Ferrare  était  finie  ;  la  tyrannie  ecclé- 
siastique fut  pire  que  celle  d'Alphonse  II  ;  rapidement  elle 
appauvrit  la  ville  et  le  pays.  Un  quartier  entier,  le  plus 
riche,  fut  démoli  pour  édifier  à  la  place  une  citadelle  ;  une 
grande  partie  de  la  population  émigra  vers  le  duché  de  Mo- 
dène. On  trouvera  ailleurs  (V.  Este  et  Modène)  le  récit  des 
destinées  ultérieures  de  la  dynastie  dont  le  nom  est  insé- 
parable de  celui  de  Ferrare.  Quant  à  la  malheureuse  cité, 
il  y  a  peu  de  chose  à  en  dire.  En  4735,  Clément  XII  érigea 
son  évêché  en  archevêché.  En  4796,  la  ville  fut  prise  par 
les  Français  et  annexée  à  la  République  cisalpine,  puis  au 
royaume  d'Italie.  Au  congrès  de  Vienne,  les  territoires  au 
N.  du  Pô  furent  réunis  au  royaume  lombard-vénitien,  le 
reste  avec  Ferrare  restitué  au  pape,  mais  les  Autrichiens 
eurent  le  droit  de  garnison  dans  la  place  et  l'occupèrent 
effectivement  jusqu'en  4 859.  A  ce  moment,  lorsqu'ils  furent 
partis,  le  peuple  se  souleva  et  avec  le  reste  de  la  Romagne 
il  se  réunit  au  royaume  d'Italie  (V.  Italie).       A.-M.  B. 

Concile  de  Ferrare.  —  Par  bulle  du  48  sept.  4437, 
Eugène  IV  avait  ordonné  la  translation  à  Ferrare  du  con- 
cile réuni  à  Bâle.  Le  40  janv.  4438,  une  assemblée  com- 
posée de  ceux  qui  obéirent  à  cette  injonction  tint  sa 
première  session  à  Ferrare,  sous  la  présidence  du  cardinal 
J.  Cantarini.  Dans  la  deuxième  session,  qui  fut  présidée 
par  le  pape  lui-même  (45  févr.),  on  excommunia  ceux  qui 
s'obstinaient  à  siéger  à  Bâle.  Quand  les  Grecs  furent  arri- 
vés, on  fit  une  nouvelle  ouverture  du  concile,  qui  fut 
solennellement  déclaré,  de  la  part  du  pape,  de  l'empereur 
et  des  pères,  concile  général  pour  la  réunion  de  l'Eglise 
grecque  et  de  l'Eglise  latine.  Seize  sessions,  communes 
avec  les  Grecs,  furent  tenues  du  8  oct.  4438  au  40  janv. 
4439.  Elles  ne  produisirent  aucun  résultat  sérieux.  La 
peste  s'étant  déclarée  à  Ferrare,  Eugène,  d'accord  avec  les 
Grecs,  transféra  le  concile  à  Florence  (V.  Bâle  [Concile 
de],  Florence  [Concile  de]).  E.-ff.  V. 

Bibl.:  A.  Frizzi,  Memorie  per  la  storia  di  Ferrara; 
Ferrare,  1847,  5  vol.  in-4.  —  G.  Mianni-Ferranti  ,  Com- 
pendio  délia  storia  sacra  e  politica  di  Ferrara;  Ferrare, 
1805-1810,  6  vol —  A.  Maresti,  Teatro  genealogico  e  isto- 


rico  délie  famiglie  di  Ferrara;  Ferrare,  1678,  2  vol.  in-fol. 

—  Barotti,  Memorie  istoriche  de'letterati  Ferraresi; 
Ferrare,  1777,  in-fol.  —  Gir.  Baruffaldi,  Notizie  storiche 
délie  accademie  letterarie  Ferraresi;  Ferrare,  1787,  in-8. 

—  Lor.  Ughi,  Dizionario  degli  uomini  illustri  Ferraresi; 
Ferrare,  1814,  in-8.  —  G.  Baruffaldo,  Vite  de  pittori  e 
scultori  Ferraresi,  1844-1846,  2  vol.  in-8.  —  Sismondi,  His- 
toire des  républiques  italiennes  du  moyen  âge;  Paris,  10 
vol.  in-8.  —  Giraldi,  Comment,  délie  cose  di  Ferrara  et 
deiprincipi  di  Este.  —  Pigni,  Istoria  dei  principi  d'Esté. 

—  V.  aussi  la  bibl.  de  Fart.  Italie. 

FERRARE  (Gelasio  di  Niccolô),  le  plus  ancien  peintre 
de  l'école  de  Ferrare  (milieu  du  xme  siècle).  Il  reçut  à 
Venise  les  leçons  du  Grec  Théophane  de  Constantinople,  qui 
lui  inculqua  sans  doute  sa  manière.  Il  semble  avoir  été  le 
premier  artiste  du  moyen  âge  qui  ait  osé  aborder  un  sujet 
païen  :  ce  fut,  en  4°24<2,  sa  peinture  de  la  Chute  de  Phaé- 
ton  dans  le  Pô,  exécutée  sur  la  commande  d'Àzzone  d'Esté, 
premier  seigneur  de  Ferrare.  Il  fit  en  outre  pour  Philippe, 
évêque  de  la  même  ville,  une  Madone  et  une  Bannière 
de  saint  Georges  avec  laquelle  on  alla  au-devant  de  l'am- 
bassadeur de  Venise,  Tiepolo. 

FERRARE  (G.-G.-A.  da),  peintre  italien  (V.  Galàsso- 
Galassi). 

FERRARE  (Cristoforo  de),  dit  parfois  Cristoforo  de 
Modène  ou  de  Bologne  (les  trois  villes  le  revendiquent 
comme  sien),  peintre  de  l'école  ferraraise,  de  la  fin  du 
xive  siècle.  Il  vécut  et  travailla  surtout  à  Bologne.  Il  y  a 
de  lui  dans  cette  ville,  en  l'un  des  palais  Malvezzi,  un  ta- 
bleau en  dix  compartiments,  avec  de  nombreuses  figures 
assez  faibles  de  dessin  et  de  coloris,  et,  à  la  Madonna  di 
Mezzaratta,  près  de  la  porte  d'Àzeglio,  un  maître-autel  peint 
de  sa  main.  Ajoutons-y,  au  musée  de  Ferrare,  un  petit 
Christ  sur  fond  d'or. 

FERRARE  (Antonio  de)  (V.  Antonio  Alberti,  t.  III, 
p.  262. 

FERRARE  (Stefano  Falzagalloni ,  dit  Stefano  de), 
peintre  italien,  de  l'école  ferraraise,  élève  et  ami  de  Man- 
tegna.  Il  y  a  de  lui  au  musée  de  Ferrare  (palais  dei  Dia- 
manti)  une  Vierge  trônant  entre  deux  Saints,  exécutée 
en  4534  pour  l'église  Santa  Maria  in  Vado;  puis  les  Douze 
Apôtres,  en  six  tableaux,  dans  la  manière  du  Garofalo  ;  et 
à  la  Brera  de  Milan  deux  Madones.  Il  travailla  aussi  à  la 
décoration  de  la  chapelle  de  Saint-Antoine,  à  Padoue. 

FERRARE  (Giovanni-Battista  de'),  peintre  italien,  de 
l'école  ferraraise,  mort  au  commencement  du  xvnô  siècle. 
Il  décora,  vers  4563,  avec  la  collaboration  d'autres  artistes, 
le  casino  diSopra,  près  deNovellara,  puis,  seul,  en  4567, 
le  château  de  Bagnolo.  Ses  fresques  de  Sopra,  transportées 
sur  toile,  ont  été  acquises  par  le  comte  de  Chambord  quand 
il  était  propriétaire  du  palais  Cavalli  à  Venise. 

FERRARI  (Andreolo  de'),  architecte  italien  du  xive siècle, 
appartenant  à  l'ordre  des  franciscains.  Il  fut,  d'après  Cico- 
gnara  (Storia  délia  Scultura),  un  des  arbitres  appelés 
à  trancher  les  différends  qui  s'élevèrent  entre  les  maîtres 
de  l'œuvre  et  les  ingénieurs  italiens  au  sujet  de  la  cons- 
truction du  Dôme  de  Milan. 

FERRARI  (Antonio),  peintre  italien,  de  l'école  crémo- 
naise,  de  la  fin  du  xive  et  du  commencement  du  xve  siècle, 
né  à  Pavie.  Il  est  auteur,  suivant  Giuseppe  Grasselli,  de 
fresques  retrouvées  par  ce  biographe  sous  le  badigeon  de 
la  chapelle  Saint-Jean-Baptiste  à  San  Luca  de  Crémone,  et 
d'une  Madone  entre  deux  saints  qui  se  trouve  au-dessus 
de  la  porte  de  la  même  église. 

FERRARI  (Defendente  de')  ou  DE  FERRARI,  peintre 
italien  des  xv-xvie  siècles,  né  à  Chivasso,  dans  le  Piémont. 
Cet  artiste  a  laissé  dans  sa  province  natale  de  nombreux 
ouvrages,  rangés  jusqu'à  ces  derniers  temps  parmi  les 
inconnus  de  l'école  piémontaise  ou  même  de  l'école  alle- 
mande. Parmi  ses  peintures,  une  des  plus  importantes  est 
le  triptyque  du  maître-autel  de  l'église  abbatiale  de  San 
Antonio  de  Ran verso.  Le  style  de  Ferrari  a  quelque  chose 
de  heurté  et  d'inégal,  mais  ses  figures  sont  pleines  de 
caractère. 

Bibl.:  Gamba,  l'Art,  1878,  t.  I,  pp.  174  et  suiv. 


FERRARI 


314  - 


FERRARI  (Antonio,  surnommé  Galateo),  naturaliste  et 
antiquaire  italien,  né  à  Galatina  (Terre  d'Otrante)  en  4444, 
mort  à  Lecce  le  22  nov.  1516.  Il  fut  médecin  de  Ferdi- 
nand Ier,  roi  de  Naples.  Ses  ouvrages  sont  les  suivants  : 
De  Situ  Japygiœ;  Descriptio  urbis  Gallipolis;  De  Villa 
Vallœ  (Bûle,  1558,  in-8  ;  Naples,  1624,  in-4  ;  Lecce,  1727, 
in-8);  De  Situ  elementorum,  de  situ  terrarum,  de 
mari  et  aquis  et  fluviorum  origine  (Bâle,  1558,  in-8). 
On  lui  a  aussi  attribué  un  ouvrage  sur  la  prise  d'Otrante 
par  les  Turcs,  traduit  en  italien  par  Marziano  :  Successi 
deir  armata  turchesca  nella  citta  d'Otranto,  daW 
anno  1480  (Cupertino,  1583;  Naples,  1612,  in-4). 

FERRARI  (Francesco-Bianchi),  dit  II  Frari,  peintre 
italien,  de  l'école  modénaise,  né  en  1447,  mort  en  1510. 
Il  jouit  de  son  vivant  d'un  grand  renom  et  exécuta  dans  sa 
ville  natale  beaucoup  d'œuvres  très  prisées,  dont  la  plu- 
part ont  disparu.  Il  y  a  de  lui  au  Louvre  une  Madone  sur 
le  trône,  entourée  d'anges  et  de  saints,  où  l'on  reconnaît 
l'influence  du  Bolonais  Francesco  Francia,  son  contempo- 
rain, et  aussi  une  parenté  frappante  avec  le  Saint  Fran- 
çois (galerie  de  Dresde)  du  Corrège.  Cette  dernière  similitude 
confirme  la  supposition  que  F.-B.  Ferrari  fut  le  maître  du 
grand  artiste  parmesan. 

FERRARI  ou  FERRER1  (Zachario),  poète  italien,  né  à 
Yicence  vers  1460,  mort  en  1530.  Il  est  principalement 
connu  pour  avoir  été  chargé  par  le  pape  Léon  X  de  rédi- 
ger, en  style  classique  et  selon  les  mètres  d'Horace,  un  re- 
cueil d'hymnes  que  l'on  voulait  alors  substituer  aux  hymnes 
et  proses  traditionnelles  de  l'Eglise.  Ce  travail  ne  parut 
qu'après  la  mort  de  Léon  X,  sous  le  pape  Clément  VII  qui 
l'approuva  et  en  recommanda  la  lecture  ;  plus  tard,  Pie  \I 
prohiba  ces  hymnes  en  même  temps  que  le  bréviaire  de 
Quignonez  dont  elles  avaient  été  le  prélude  et  qui  était  ré- 
digé dans  le  même  esprit.  Le  volume  de  Ferrari  a  pour  titre  : 
Hymninovi  ecclesiastici  juxta  veram  metri  et  latini- 
tatis  normam  (Rome,  1525,  in-8).  R.  G. 

Bibl.  :   Dom  Guéranger,  Institutions   liturgiques  ;  le    i 
Mans,  1840-1847,  5  vol.  in-8.  — Rémy  de  Gourmont,  le  La- 
tin mystique,  les  poètes  de  l'Anliphonaire  ;  Paris,  1892,  in-8. 

FERRARI  (Gaudenzio),  célèbre  peintre  de  la  Renais- 
sance, né  à  Yalduggia,  dans  le  Piémont  vers  1481,  mort 
à  Milan  entre  1545  et  1547.  On  lui  donne  pour  premier 
maître  Girolamo  Giovenone,  qui  travaillait  à  Verceil  en 
même  temps  que  Macrino  d'Alba  et  Defendente  Ferrari. 
Mais  il  s'inspira  surtout  de  Léonard  de  Vinci  (qu'il  aura 
étudié  à  travers  les  ouvrages  de  Bernardino  Luini)  et  de 
Baphaël,  avec  la  manière  duquel  il  se  sera  familiarisé  à 
l'aide  de  gravures.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que,  grandi 
dans  la  tradition  des  Primitifs,  qui  maintinrent  si  longtemps 
leur  empire  dans  cette  partie  de  l'Italie,  il  ne  tarda  pas  à 
abandonner  leurs  procédés  parfois  trop  minutieux  pour  un 
style  plus  libre  et  une  exécution  plus  facile.  Il  ne  garda 
de  son  éducation  première  qu'une  certaine  lourdeur  et  la 
tendance  au  mysticisme,  tendance  qui  dégénère  parfois  chez 
lui  en  sentimentalisme  et  même  en  fadeur.  Sa  vie  se  par- 
tagea entre  Varallo,  Verceil  et  Milan,  où  il  se  fixa  en  1536. 
Les  églises  de  la  Haute-Italie  regorgent  de  fresques  et  de 
tableaux  de  Ferrari.  Parmi  eux  il  convient  de  citer,  à  Milan, 
le  Baptême  du  Christ,  dans  l'église  Santa  Maria  presso 
San  Celso,  et  le  célèbre  Martyre  de  sainte  Catherine, 
au  musée  de  Brera  ;  à  Canobbio,  le  Portement  de  croix; 
à  Varallo,  le  Mariage  de  sainte  Catherine  ;  à  Verceil, 
une  Madone;  à  Turin,  une  série  de  cartons  conservés  à 
l'académie  Albertine.  La  grande  réputation  dont  Ferrari 
n'a  cessé  de  jouir  dans  la  Haute-Italie  vient  de  ce  qu'il 
fut  le  premier  peintre  piémontais  de  marque.  Ses  princi- 
paux élèves  furent  Giuseppe  di  Amadeo  Giovenone,  Ber- 
nardino Lanino,  G.-B.  délia  Cerva.  E,  Mùntz. 

Bibl.  :  Bordiga,  Notizie  intorno  aile  opère  di  G.  Fer- 
rari; Milan,  1821.  — Du  même,  Le  Opère  del  piitore  e 
plasticatore  Gaudenzio  Ferrari;  Milan,  1835.—  Pergenti, 
Elogio  di  Gaudenzio  Ferrari;  Milan,  1843.—  Neri  et  Mas- 
sarotti,  Gaudenzio  Ferrari;  Varallo,  1874.  —  Colombo, 
Vita  ed  opère  di  Gaudenzio  Ferrari;  Turin,  1881.— 
Woermann,  Geschichte  der  Malerei,  t.  II,  p.  573. 


FERRARI  (Bartolomeo)  (V.  Bàrnabites). 
FERRARI  (Giovanni -Francesco),  poète  italien  du 
xvie  siècle.  Sa  vie  est  totalement  inconnue.  Il  a  écrit  cin- 
quante-trois pièces  de  vers,  facétieuses  ou  burlesques,  ré- 
digées en  italien,  en  bergamasque,  en  modenais,  en  roma- 
gnol,  même  en  argot.  La  Fontaine  lui  a  emprunté  sa 
fable  de  la  Cigale  et  la  Fourmi,  Ses  vers  forment  un 
volume:  Rime  burlesche  (Venise,  1570,  in-8). 

FERRARI  (Bernardo),  peintre  italien,  de  l'école  mila- 
naise (xvie  siècle),  né  à  Vigevano  (Milanais),  élève  et  imi- 
tateur de  Gaudenzio  Ferrari.  Il  y  a  au  Dôme  de  sa  ville 
natale  deux  panneaux  d'orgues  peints  par  lui. 

FERRARI  (Ottaviano),  philosophe  et  antiquaire  italien, 
né  à  Milan  le  23  sept.  1518,  mort  en  1586.  Il  fut  pro- 
fesseur au  collège  Canobio  à  Milan,  puis  il  enseigna  la 
philosophie  à  Padoue.  On  lui  doit  :  De  Sermonibus  exo- 
tericis  (Venise,  1575,  in-8);  De  Disciplina  encyclica 
(Francfort,  1606,  in-8);  De  Origine  Romanorum  (Mi- 
lan, 1607,  in-8),  ouvrage  réimprimé  dans  le  recueil  de 
Grsevius. 

FERRARI  (Luigi) ,  mathématicien  italien,  né  à  Bologne  le 
2  févr.  1522,  mort  à  Bologne  en  1565,  empoisonné,  dit-on, 
par  sa  sœur.  À  l'âge  de  quinze  ans,  il  devint  l'élève  de 
Cardan  (V.  ce  nom)  et,  trois  ans  après,  donnait  déjà  des 
leçons  de  mathématiques  à  Milan.  D'un  caractère  emporté, 
il  venait  de  perdre  dans  une  rixe  les  doigts  de  la  main 
droite.  De  1549  à  1556,  il  fut  chargé  de  diriger  les  opé- 
rations du  cadastre  dans  le  Milanais.  Une  fistule  l'obligea 
de  quitter  cet  emploi  et  il  se  retira  à  Bologne,  où  il  pro- 
fessa les  mathématiques.  Sa  vie  a  été  écrite  par  son  maître 
(OEuvres  de  Cardan,  IX),  dont  il  imita  les  licences  et 
dont  il  égala  la  science.  On  lui  doit  :  la  première  solution 
de  l'équation  du  quatrième  degré,  qu'il  trouva  à  vingt- 
trois  ans  sur  un  problème  proposé  par  Zuane  Tonini  da 
Coi  et  qui  fut  publiée  dans  Tirs  magna  de  Cardan  (1545)  ; 
une  invention  pour  la  production  d'un  mouvement  recti- 
ligne  alternatif  par  une  combinaison  de  rotations  (Cardan, 
Opus  novum  de  prop.  1570).  En  1547,  il  commença 
avec  Tartaglia  (V.  ce  nom)  une  dispute  célèbre  qui  se 
termina  par  la  joute  mathématique  du  10  aoAM548,à 
Milan,  et  que  le  Brescian  a  racontée  à  sa  façon.  Les  six 
cartels  de  Ferrari  et  les  réponses  de  Tartaglia,  imprimés 
dès  le  temps  de  la  dispute,  ont  été  publiés  à  nouveau  en 
1846  par  Gherardi  et  en  1878  (Milan)  par  Giordani.  Les 
deux  adversaires  s'y  prodiguèrent  les  injures  à  défaut  de 
raisons  ;  mais  Tartaglia,  quoi  qu'H  en  ait  dit,  ne  s'en  tira 
pas  avec  avantage.  T. 

FERRARI  (Francesco-Bernardino),  antiquaire  italien,  né 
en  1576  à  Milan,  mort  à  Milan  le  3  févr.  1 669.  Il  fut  chargé 
par  le  cardinal  Frédéric  Borromée  de  rassembler  dans  diffé- 
rentes parties  de  l'Europe  les  livres  rares  et  les  manuscrits 
qui  devaient  former  la  bibliothèque  Ambrosienne.  Il  fut  mis  à 
la  tête  de  cette  bibliothèque  célèbre  et  professa  au  collège 
Àmbrosien  institué  par  le  même  prélat.  On  lui  doit  :  De 
Ritu  sacrarum  Ecclesice  catholicœ  concionum  (Milan, 
1618  et  1620,  in-4;  Paris,  1664,  in-8);  De  Antiquo 
Epistolarumecclesiasticorum  génère  (Milan,  1612,  in-8); 
De  Veterum  acclamationibus  et  plausu  (Milan,  1627, 
in-4).  E.  B. 

FERRARI  (Benedetto),  poète  et  compositeur  italien,  né 
à  Reggio  en  1597,  mort  à  Modène  en  1681.  Il  se  distingua 
d'abord  comme  virtuose  sur  le  théorbe.  En  1637,  il  écrivit 
le  poème  à'Andromeda,  que  Manelli  (V.  ce  nom)  mit  en 
musique,  et  qui  fut  le  premier  opéra  italien  exécuté  sur  un 
théâtre  public.  De  1639  à  1664,  il  fit  représenter  à  Venise, 
Ratisbonne  et  Parme,  sept  opéras  dont  il  avait  écrit  les 
paroles  et  la  musique,  et  dont  les  poèmes  seuls  existent 
aujourd'hui.  On  ne  connaît  plus  de  sa  composition  que 
Fintroduction  d'un  ballet,  Dafne,  et  un  recueil  de  Musiche 
varie  a  voce  sola,  libro  secondo  (Venise,  1637).  ^ 

FERRARI  (Giovanni- Andréa  de'),  peintre  italien,  de 
l'école  génoise,  né  à  Gênes  en  1599,  mort  en  1669.  Elève 
de  Bernardo  Castello,  puis  de  Bernardo  Strozzi,  dit  le  Gapu- 


—  315 


FERRARI 


cm,  dont  il  reproduisit  tour  à  tour  la  manière,  il  prit  l'habit 
ecclésiastique  pour  exercer  son  art  plus  à  l'aise  et  travailla 
avec  acharnement  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  s'adonnant  avec 
un  égal  bonheur  à  tous  les  genres,  histoire,  paysage,  fleurs, 
animaux,  portraits  en  grand  et  en  miniature.  Il  n'y  a  peut- 
être  pas  une  église  ou  un  palais  de  la  Ligurie  qui  ne  pos- 
sède quelque  œuvre  de  lui.  Citons  à  San  Gesù  de  Gênes, 
un  retable  peint  dans  le  style  de  son  premier  maître  ;  à  la 
cathédrale  San  Lorenzo  et  dans  l'église  de  Voltri,  une 
Crèche  et  une  Nativité  de  la  Vierge,  exécutées  dans  le 
goût  de  Strozzi. 

FERRARI  (Leonardo),  dit  le  Leonardino  ou  le  Lonar- 
dino,  peintre  italien  de  l'école  bolonaise,  de  la  première 
moitié  du  xvne  siècle,  mort  après  le  43  févr.  4648,  date 
inscrite  sur  son  testament.  Elève  de  Mucio  Massari,  il 
s'adonna  tout  ensemble  aux  sujets  familiers,  caricaturesques, 
et  au  genre  religieux.  Les  églises  de  Bologne  conservent  de 
lui  un  certain  nombre  de  tableaux. 

FERRARI  (Giacomo),  peintre  italien  de  l'école  crémo- 
naise  (xvne  siècle),  né  à  Mantoue.  Il  y  a  de  lui,  à  Saint- 
Georges-et-Saint-Pierre  de  Crémone,  les  Martyres  de  saint 
Guarini  et  de  saint  Alexandre  (4657  et  1658)  et  des 
légendes  de  la  vie  de  Pépin  et  de  Plectrude  ;  puis,  à  Saint- 
Dominique,  un  tableau  représentant  ce  saint  et  Simon  de 
Montfort  chassant  les  Albigeois.  Il  finit  par  s'adonner  à 
F  alchimie  et  mourut  misérable  et  dément. 

FERRARI  (Eusebio),  peintre  italien  de  l'école  piémon- 
taise  (xvii9  siècle),  né  à  Verceil.  Il  a  laissé  de  nombreux 
tableaux  dans  les  églises  de  sa  ville  natale,  déjà  décorées  à 
fresque  par  son  devancier  Ferrari,  et  notamment  à  Saint- 
Paul-des-Bénèdictins . 

FERRARI  (Luca),  dit  Lucade  Reggio,  peintre  italien, 
né  à  Reggio  (Emilie)  en  1603,  mort  à  Padoue  en  1654. 
Bien  que  Lanzi  (Storia  délia  Pittura)  le  rattache  à  l'école 
vénitienne,  il  vécut  et  enseigna  à  Padoue  et,  en  sa  qualité 
d'élève  du  Guide,  il  relève  plutôt  de  l'école  bolonaise,  dont 
il  conserva  la  grâce,  tout  en  affectant  dans  ses  fresques  de 
la  Madonna  délia  Ghiara  de  Reggio  une  manière  qui  rap- 
pelle celle  de  Tiarini.  Sa  Descente  de  croix  à  Saint-An- 
toine de  Padoue,  la  Peste  de  1630,  aux  Dominicains  de 
la  même  ville,  son  Elie  et  saint  Jean,  à  la  Madonna  délie 
Lagrime  de  Bologne,  attestent  ses  qualités  de  coloriste  hors 
ligne.  Il  eut  pour  élèves  Minorello,  Cirello  et  Francesco 
Zanella. 

FERRARI  (Orazio),  peintre  italien  de  l'école  génoise, 
né  à  Voltri  en  1606,  mort  à  Gênes  en  1657.  Bon  fres- 
quiste, il  peignit  encore  mieux  à  l'huile  et  vécut  quelque 
temps  à  la  cour  du  prince  de  Monaco.  Il  y  a  de  lui  une 
Cène  remarquable  à  l'oratoire  de  San  Siro  de  Gênes. 

FERRARI  (Ottavio),  antiquaire  italien,  né  à  Milan  le  20  mai 
1607,  mort  à  Padoue  le  7  mars  1682.  Neveu  de  Francesco- 
Bernardino  Ferrari,  il  fut  nommé,  comme  ce  dernier,  pro- 
fesseur au  collège  Ambrosien  ;  il  professa  aussi  à  l'uni- 
versité de  Padoue.  Il  jouit  de  la  faveur  de  la  reine  Christine 
de  Suède  et  de  Louis  XIV;  la  ville  de  Milan  le  nomma 
son  historiographe.  Ses  principaux  ouvrages  sont  les  sui- 
vants :  Origines  linguœ  îtalicœ  (Padoue,  1676,  in -fol.)  ; 
DeRevestiarialibri  très  (Padoue,  1642,  in-8),  édition  aug- 
mentée en  1654;  Analecta  de  re  vestiaria  et  lato  clave; 
accedit  dissertatio  de  lucernis  sepulcralibus  (1670, 
in-4)  ;  Prolusiones  xxvi  :  epistolœ,  formulœ  ad  capienda 
doctoris  insignia,  inscriptiones  (1664-1668,  2  vol.in-8) 
avec  un  Panegyricus  Ludovico  XIV,  Francorum  régi. 
Il  a  aussi  écrit  quelques  dissertations,  aujourd'hui  sans 
valeur  archéologique,  sur  les  thermes,  les  mimes  et  combats 
de  gladiateurs  dans  l'antiquité. 

FERRARI  (Francesco),  peintre  italien,  de  l'école  ferra- 
raise,  né  à  Castello  délia  Fratta,  près  de  Rovigo,  en  1634, 
mort  à  Ferrare  en  1708.  Il  apprit  la  perspective  et  l'orne- 
ment du  Bolonais  Gabriel  Rossi  et  alla  avec  lui  à  Castello 
del  Cattaio,  où  il  travailla  à  la  décoration  du  théâtre  du 
marquis  degli  Obizzi  à  San  Lorenzo.  Appelé  ensuite  à 
Vienne  par  Léopold  Ier,  il  y  exécuta  diverses  œuvres  du 


même  genre,  puis  revint  s'établir  à  Ferrare,  où  il  peignit 
quelques  tableaux  pour  San  Francesco,  le  Gesù,  San  Gior- 
gio et  la  maison  Bucci.  Il  fit  également,  pour  San  Petronio, 
la  plus  grande  église  de  Bologne,  un  Martyre  de  saint 
Sébastien,  De  l'école  qu'il  avait  ouverte  sortirent  notam- 
ment Mornassi,  Grassaleoni,  Raffanelli,  Giacomo  Filippi  et 
Antonio-Felice  Ferrari,  son  fils,  qui  fut  aussi  son  plus 
illustre  élève. 

FERRARI  (Gregorio),  peintre  italien,  de  l'école  génoise, 
né  à  Porto  Maurizio  (Ligurie)  en  1644,  mort  à  Gênes  en 
1726.  Elève  de  Domenico  Fiasella  dit  le  Sarzana,  il  alla 
ensuite  à  Parme  étudier  le  Corrège  et  dut  à  cette  imitation 
un  style  large  et  original,  joint  à  un  coloris  vigoureux  qui 
pâlit  cependant  dans  ses  fresques  et  que  gâtent  des  incor- 
rections de  dessin  et  de  raccourci.  Ses  œuvres  principales 
sont,  à  Gênes,  un  Saint  Michel,  à  la  Madona  délie  Vigne  ; 
plusieurs  tableaux,  entre  autres  Apollon  et  les  Muses, 
Platon  et  Aristote  avec  leurs  élèves,  dans  les  salles  de 
l'Université,  et  deux  toiles  auxThéatins  de  San  Pier  d'Arena. 
Cet  artiste  a  aussi  travaillé  à  Turin  et  à  Marseille. 

FERRA  RI  (Antonio-Felice),  peintre  italien,  de  l'école  fer- 
raraise,  né  à  Ferrare  en  1668,  mort  en  1719.  Elève  de 
Francesco  Ferrari,  son  père,  il  travailla  surtout  dans  sa  ville 
d'origine,  puis  à  Ravenne,  Padoue  et  Venise,  et  acquit  dans 
le  genre  architectural  et  décoratif  le  renom  d'un  artiste 
habile,  au  style  à  la  fois  délicat  et  grandiose.  Giuseppe 
Facchinetti,  Maurelio  Goti  et  Girolamo  Mengozzi  furent  au 
nombre  de  ses  élèves. 

FERRARI  (Lorenzo,  abbé),  peinUe  italien,  de  l'école  gé- 
noise, né  à  Gênes  en  1680,  mort  en  1744.  Elève  de  Gregorio 
Ferrari,  son  père,  puis  de  Carlo  Maratta  à  Rome,  il  procède 
à  la  fois  de  l'école  romaine  et  de  celle  du  Corrège  et  excella 
dans  les  camaïeux.  Outre  ses  nombreux  travaux  en  ce  genre 
dans  les  églises  et  les  palais  de  sa  ville  natale,  il  a  laissé, 
entre  autres  fresques,  des  sujets  tirés  de  Y  Enéide,  au  palais 
Carega,  et  une  représentation  de  saints  de  l'ordre  des  au- 
gustins  déchaussés  à  l'église  delà  Visitation. 

FERRARI  (Pierre),  architecte  et  ingénieur  italien,  né  à 
Spolète  en  1753  et  mort  àNaples  le  7  déc.  1825.  Nommé 
ingénieur  en  chef  du  dép.  du  Trasimène  et  chargé  de  grands 
travaux  par  l'administration  française  du  royaume  d'Italie, 
Ferrari,  qui  devint  plus  tard  architecte  de  la  Chambre  apos- 
tolique et  qui  fut  l'auteur  de  nombreux  plans  de  villas,  est 
surtout  connu  par  ses  études  de  dessèchement  des  lacs  de 
Trasimène  et  de  Fusin  et  par  son  ouvrage  paru  en  1825  et 
intitulé  De  l'Ouverture  du  canal  navigable  qui,  de  la 
mer  Adriatique,  en  traversant  l'Italie,  déboucherait 
en  deux  endroits  de  la  mer  Méditerranée.    Ch.  L. 

FERRARI  (Giacomo-Gotifredo) ,  musicien  italien,  né  à 
Roveredo  en  1759,  mort  à  Londres  en  déc.  1842.  Il  com- 
mença ses  études  musicales  à  Vérone,  les  perfectionna  à 
Mariaberg,  dans  le  Tirol,  où  il  reçut  des  leçons  de  contre- 
point d'un  moine  fort  bon  harmoniste,  le  père  Marianus 
Stecher,  Après  deux  années,  il  revint  en  Italie,  et  trois 
ans  plus  tard  quitta  les  affaires  pour  la  musique.  On  le 
retrouve  à  Rome,  puis  à  Naples,  où  Paisiello  le  recommande 
au  contrapuntiste  Latilla,  avec  lequel  ses  progrès  sont 
rapides.  Campan,  maître  d'hôtel  de  la  reine  de  France,  lui 
propose  de  venir  à  Paris;  il  y  consent,  et  Mme  Campan  le 
présente  à  la  reine,  qui  apprécie  son  talent  d'accompagna- 
teur et  veut  faire  de  lui  son  maître  à  chanter.  En  1791, 
Ferrari  est  nommé  accompagnateur  au  théâtre  de  Monsieur 
(le  théâtre  Feydcau);  en  1793,  la  troupe  étant  dispersée, 
il  se  livre  à  la  composition,  met  en  musique  les  Evéne- 
ments imprévus,  mais  n'obtient  pas  de  succès.  Il  se  rend 
à  Bruxelles,  à  Spa,  à  Londres,  et  partout  se  fait  applaudir 
comme  claveciniste.  C'est  à  Londres  qu'il  se  fixe;  il  y 
compose,  et  donne  aussi  des  leçons  de  chant;  cependant 
il  voyage  quelque  temps  en  Italie,  et  fait  même  un  séjour 
prolongé  à  Edimbourg.  Outre  l'opéra  cité  plus  haut,  Fer- 
rari a  écrit  :  La  Villanella  rapita,  opéra  bouffe,  et  trois 
autres  opéras  italiens,  dont  l'un  surtout  fut  estimé,  I  Due 
Suizzeri;  deux  ballets,  Borea  e  Zefflro  et  La  Dama  di 


FERRARI 


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spirito;  des  ariettes,  romances,  duos  italiens,  canzo- 
nettes,  etc.  ;  le  Départ,  grande  scène  ;  deux  airs  français 
célèbres  :  Qu'il  faudrait  de  philosophie,  et  Quand 
l'Amour  naquit  à  Cythère,  etc.  On  lui  doit  aussi  un 
Treatise  of  singing,  traduit  sous  le  nom  de  Méthode  de 
chant  (Paris,  48%!);  un  autre  traité,  Studio  di  musica 
pratica  e  teorica;  deux  livres  d'exercices  vocaux  inti- 
tulés Solfegi,  et  un  recueil  anecdotique  sur  sa  vie,  sous 
ce  titre  :  Anedoti  piacevoli  e  interessanti  occorsi  nella 
vita  di  Giacomo  Gotifredo  Ferrari  (Londres,  1830, 
2  vol.). 

FERRARI  (Bartolommeo),  sculpteur  italien,  néà  Maros- 
tica  (Vicentin)  le  18  juil.  1780,  mort  à  Venise  le  8  févr. 
1844.  Elève  de  son  oncle  Giovanni  Ferrari-Torretti,  il 
acheva  de  se  former  à  Florence  et  exécuta  beaucoup  de  sta- 
tues, crucifix,  monuments  funéraires,  à  Padoue,  à  Ferrare 
et  surtout  à  Venise.  Citons  de  lui  dans  cette  dernière  ville  : 
le  buste  de  François-Joseph  à  l'Arsenal,  des  ornements 
du  maître-autel  de  Saint-Marc,  les  figures  du  tombeau  de 
Canova  aux  Frari,  et  de  remarquables  sculptures  en  bois  à 
l'église  des  Jésuites.  Ce  fut  lui  qui  restaura  en  1815  le 
Lion  ailé  de  Saint-Marc. 

FERRARI  (Luigi),  sculpteur  italien,  fils  du  précédent,  né 
à  Venise  en  1811.  Elève  de  Canova  et  un  des  artistes  qui 
travaillèrent  au  monument  de  ce  maître  aux  Frari,  il  est 
devenu  professeur  à  l'Académie  de  Venise.  Il  a  exécuté 
d'autres  œuvres  remarquables,  parmi  lesquelles  nous 
citerons  :  un  Laocoon,  groupe  en  marbre  qui  est  au  Mu- 
seoCivicode  Brescia,  xmEndymion  (palais  Erizzo,  Venise), 
une  Madone  délie  concezione,  dans  la  chapelle  privée  du 
comte  Villadarzere  ;  un  marbre  de  la  Mélancolie,  chez  le 
chevalier  Uboldi  à  Milan,  deux  David  vainqueur  de  Go- 
liath, une  statue  de  Marco  Polo,  des  bustes  de  Dante 
et  de  Raphaël,  l'Innocence  donnant  la  pâture  à  un 
oiseau,  une  Fille  priant  sur  le  tombeau  de  son  père, 

FERRARI  (Giuseppe),  philosophe  et  homme  politique 
italien,  né  à  Milan  le  7  mars  1812,  mort  à  Rome  le  2  juil. 
1876.  Il  fit  ses  études  à  l'université  de  Pavie  et  fut  reçu 
docteur  en  droit  (1831).  Disciple  de  Romagnosi,  il  débuta 
dans  la  Biblioteca  italiana  par  un  écrit  sur  la  Mente  di 
Gian  Domenico  Romagnosi  (1835).  La  même  année,  il 
donna  une  édition  complète  des  œuvres  de  Vico,  accompa- 
gnée d'une  étude  sur  la  Mente  di  Giambattista  Vico. 
Cette  édition  a  été  réimprimée  depuis  dans  la  collection  des 
classiques  italiens  (Milan,  1852-1854,  6  vol.  in-8).  En 
1837,  le  besoin  de  liberté  l'amena  en  France.  Il  s'y  fit 
connaître  par  une  étude  sur  Vico  et  V Italie  (Paris,  1839). 
En  1840,  il  fut  reçu  docteur  es  lettres  en  Sorbonne  :  ses 
thèses  sur  la  Nouvelle  Religion  de  Campanella  et  la 
Théorie  de  l'erreur  firent  sensation.  Cousin  lui  donna  une 
chaire  de  philosophie  au  collège  de  Rochefort.  L'année 
suivante,  la  hardiesse  de  ses  idées  le  fit  refuser  à  l'agré- 
gation. Cependant,  en  1842,  il  fut  chargé  de  suppléer 
l'abbé  Bautain  dans  la  chaire  de  philosophie  de  la  faculté  de 
Strasbourg.  Dès  ses  premières  leçons,  il  souleva  les  cla- 
meurs des  cléricaux,  qui  lui  attribuèrent  comme  opinions 
personnelles  des  citations  de  Platon  sur  la  communauté  des 
biens  et  des  femmes.  Immédiatement  destitué  par  Ville- 
main,  il  revint  à  Paris  et  publia  pour  sa  justification  les 
Idées  sur  la  politique  de  Platon  et  d  Aristote.  Reçu 
agrégé  en  1843,  il  resta  en  disponibilité.  Collaborateur  de 
la  Revue  des  Deux-Mondes  si  de  la  Revue  indépendante, 
il  leur  donna  des  articles  très  remarqués  sur  le  mouvement 
littéraire  et  politique  en  Italie.  Son  plus  important  ouvrage 
dans  cette  période  fut  V Essai  sur  le  principe  et  les 
limites  de  la  philosophie  de  l'histoire  (Paris,  1847). 
En  1848,  Hippolyte  Carnot  le  réintégra  dans  la  chaire  de 
Strasbourg,  mais  il  passa  bientôt  comme  titulaire  au  col- 
lège de  Bourges.  Un  discours  adressé  à  ses  élèves  contre 
l'expédition  de  Rome  le  fit  suspendre  de  nouveau  (1849). 
Une  brochure  sur  les  Philosophes  salariés,  qu'il  lança 
alors,  lui  aliéna  ses  collègues  de  l'Université.  Tout  entier 
à  ses  travaux,  il  publia  Machiavel  juge  des  révolutions 


de  notre  temps  (1849)  ;  La  Federazione  repubblicana 
(Capolago,  1851);  La  Filosofla  délia  rivoluzione  (Capo- 
lago,  1851 , 2  vol.);  L'Italia  dopo  il  colpo di  Stato  (Capo- 
lago, 1852)  ;  Histoire  des  Révolutions  d'Italie,  ou 
Guelfes  et  Gibelins  (Paris,  1858,  4  vol.  in-8).  Une  édi- 
tion italienne  de  cet  ouvrage  a  paru  à  Milan  (1871-1873, 
3  vol.).  Les  événements  de  1859  le  rappelèrent  en  Italie, 
où  il  fut  d'abord  député  de  Luino.  Fédéraliste,  il  combat- 
tit avec  ardeur  la  politique  unitaire  de  Cavour.  Apprécié 
comme  orateur,  admiré  comme  écrivain,  estimé  comme 
galant  homme  dans  la  vie  privée,  mais,  porté  par  nature 
à  la  contradiction,  aimant  à  se  singulariser,  se  faisant  vo- 
lontiers un  mérite  de  son  isolement,  Ferrari  n'eut  aucune 
action  dans  la  Chambre,  où  il  représenta  dans  les  législa- 
tures suivantes  le  collège  de  Gavirate .  Il  revenait  passer 
ses  vacances  à  Paris.  Ami  intime  de  Proudhon,  s'il  subit 
l'influence  du  grand^  polémiste  sur  plus  d'un  point,  il 
exerça  la  sienne  sur  lui  en  ce  qui  concernait  la  question 
italienne.  Malgré  son  opposition  à  l'unité  monarchique,  il 
fut  bien  traité  par  le  pouvoir,  qui  lui  ouvrit  tour  à  tour, 
selon  ses  convenances,  des  chaires  à  Turin,  à  Milan,  à 
Rome.  Membre  de  l'Institut  lombard  et  du  conseil  supé- 
rieur de  l'instruction  publique,  il  fut  fait  sénateur  le 
15  mai  1876,  six  semaines  avant  sa  mort.  Entre  autres 
ouvrages  de  Ferrari,  on  cite  encore  ceux-ci  :  Histoire  de 
la  raison  d'Etat  (1860)  ;  La  China  e  VEuropa  (1867)  ; 
Corso  d'istoria  delli  scrittori  politici  italiani  ;  La 
Mente  di  Pietro  Giannone;  Teorïa  dei  periodi  poli- 
tici, etc.  Au  moment  où  la  mort  le  surprit,  il  préparait 
une  œuvre  qu'il  dcp^X&iXYAritmeticaneiristoria,  et  dans 
laquelle  il  voulait  prouver,  à  grand  renfort  de  chiffres,  que 
les  événements  se  sont  toujours  accomplis  et  devront  fata- 
lement s'accomplir,  non  seulement  de  telle  manière  don- 
née, mais  dans  telle  année  précise.  «  A  la  recherche  de 
l'homme  libre,  concluait-il,  j'ai  trouvé  l'homme-machine.  » 
M.  Stefano  Bissolati  a  dit  de  Giuseppe  Ferrari  que,  «  scep- 
tique et  fédéraliste,  il  eut  uniquement  pour  but  de  dissiper 
les  illusions  du  sens  commun  et  d'abattre  la  tyrannie  des 
écoles  dogmatiques  ».  En  somme,  esprit  brillant,  mais 
tout  à  la  fois  systématique  et  paradoxal.  F.  Henneguy. 
Bibl.  :  Mauro  Macchi,  Annuario  istorico  italiano  ; 
Milan,  1877. 

FERRARI  (Paolo),  auteur  dramatique  italien,  né  à  Mo- 
dène  le  5  avr.  1822.  Il  débuta  assez  jeune,  mais  n'atteignit 
quelque  réputation  qu'avec  Codicillo  et  La  Donna  e  lo 
Scettico,  comédies  demeurées  au  répertoire.  C'est  de 
1852  que  date  sa  pièce  intitulée  Goldoni  e  le  sue  sedici 
commedie;  elle  eut  beaucoup  de  succès  et  fut  promenée 
en  triomphale  «  tournée  »  sur  les  principales  scènes  ita- 
liennes. Ses  meilleures  productions  sont  ensuite  :  Parini 
e  la  Satira  (1857),  où  l'on  trouve  le  curieux  type  du 
marquis  Colombi,  qui  amusa  grandement  le  public  du 
théâtre  Alfieri  de  Turin  ;  Il  Duello,  il  Suicidio,  Gli 
Amici  rivali,  Cause  ed  effetti,  Il  Ridicolo,  Gli  Uomini 
serii,  suite  de  drames  intéressants,  dans  la  formule  semi- 
romantique.  Il  a  beaucoup  écrit  et  ses  pièces  sont  toujours 
habilement  construites,  pleines  de  mouvement,  bien  dialo- 
guées,  imaginées  par  un  assez  sagace  observateur  ;  mais 
toutes  ces  qualités  ne  suffisent  pas,  lorsque  manque  l'ori- 
ginalité.: Paolo  Ferrari  fut  un  disciple  attardé  de  Goldoni 
qui  renouvela  la  méthode  de  son  maître  par  l'étude  et  l'imi- 
tation du  théâtre  français  moderne.  R.  G. 

Bibl.  :  Revue  internationale,  de  Florence,  t.  I.  —  L.  For- 
tis,  Paolo  Ferrari  ;  Milan,  1889,  in-8. 

FERRARI  (Ettore),  sculpteur  italien,  né  à  Rome  le 
25  mars  1847.  Elève  de  son  père  Filippo  Ferrari,  puis  de 
l'Académie,  il  fit  en  1870  un  voyage  d'études  dans  les  prin- 
cipales villes  d'Italie  et  se  lia  avec  les  maîtres  les  plus 
éminents.  Parmi  ses  œuvres,  récompensées  aux  diverses 
expositions  publiques,  citons  :  les  Martyrs,  d'après  Cha- 
teaubriand; la  statue  de  Stefano  Porcari  (1871);  le 
Suicidé  (Jacopo  Ortis,  1877),  et  surtout  son  groupe  de 
marbre,  Cum  Spartaco  pugnavit  (1880).  Il  s'est  aussi 
beaucoup  occupé  d'études  littéraires  et  de  peinture. 


FERRARI  (Dr  Ciro-),  météorologiste  italien,  né  à  Vé- 
rone le  21  janv.  1856.  Elève  du  P.  Denza,  au  collège  de 
Moncalieri,  docteur  es  sciences  physiques  à  l'université  de 
Turin  (1880),  il  entra  comme  météorologiste  adjoint  au 
bureau  central  de  météorologie  de  Rome.  Depuis  1888,  il 
est  chargé  du  cours  libre  de  météorologie  à  l'université  de 
Padoue  et  membre  correspondant  de  la  Société  allemande 
de  météorologie.  Il  a  publié  de  nombreux  articles  dans  des 
revues  italiennes,  françaises  et  allemandes.  Ses  mémoires 
originaux,  très  importants,  donnent  de  précieux  documents 
sur  les  orages  en  Italie  et  sur  les  orages  en  général.  Les 
Osservazioni  dei  temporali  raccolte  net  1880,  1881, 
1882-1 883,  e  relaUvo  studio,  dans  les  Annali  delV 
Ujfizio  centrale  di  meteorologia  (série  II  et  vol.  II,  V,  VI), 
forment  un  vaste  ensemble  de  près  de  1,000  pages  gr.  in-4, 
et  de  111  planches.  VAndamento  tipico  dei  registratori 
durante  un  temporale  (ibid.,  vol.  VII)  restera  comme 
une  des  études  les  plus  solides  qui  aient  été  faites  sur  cette 
question  difficile.  E.  Durand-Gréville. 

FERRARI  (Severino),  poète  moderne  italien,  né  à  Albe- 
rino,  prov.  de  Bologne,  en  1856.  Il  prit  ses  grades  uni- 
versitaires à  Florence  (1881-82),  fut  successivement  pro- 
fesseur à  Macerata,  La  Spezia,  Reggio,  Païenne  et  enfin 
Modène.  L'activité  de  Ferrari  s'est  partagée  entre  la  poésie 
et  la  critique.  Poète,  il  est  un  des  représentants  les  plus 
intéressants  de  la  jeune  école  italienne.  Il  se  distingue  sur- 
tout par  la  pureté  et  l'éclat  d'une  forme  non  exempte  tou- 
jours d'un  peu  de  préciosité  (particulièrement  dans  ses 
imitations  de  la  poésie  savamment  naïve  et  rustique  de 
Politien  et  de  L.  de'  Medici)  et  par  un  mélange  savoureux 
de  fantaisie  et  d'émotion.  Critique,  il  s'est  voué  surtout  à 
l'histoire  de  la  poésie  populaire  italienne  dans  sa  plus  an- 
cienne période  et  de  ses  imitations  plus  ou  moins  savantes. 
Voici  la  liste  de  ses  principales  publications.  Poésie  :  Il 
Mago  (Florence,  1882,  satire  littéraire  dans  un  cadre  lyrique 
et  fantastique);  Bordatini  (Ancône,  1885);  Secondo Libro 
dei  Bordatini  (Florence,  1886)  ;  Versi  (Modène,  1892). 
Prose  :  A  Proposito  di  Olimpo  di  Sasso-ferrato  (petit 
volume  de  polémique  littéraire);  Biblioteca  di  lettera- 
tura  popolare  (Florence,  1882,  recueil  capital  pour  l'his- 
toire de  la  poésie  populaire  italienne  du  xivc  au  xvie  siècle)  ; 
UContrasto  délia  Bianca  e  délia  Bruna  (Turin,  1885, 
extr.  du  Giorn.  storico)  ;  Documenti  per  servir  e  aWis- 
toria  délia  poesia  semipopolare  cittadinesca  in  Italia 
nei  secoli  xvi  e  xvn  (Bologne,  1887,  extr.  du  Propugna- 
tore)  ;  Gabriello  Chiabrerae  laCoronad'Apollo  (Gênes, 
1888,  extr.  du  Giorn.  ligustico)  ;  Gabriello  Chiabrera  e 
le  raccolte  délie  sue  rime  da  lui  medesimo  ordinale 
(Faenza,  1888);  UIncatenatura  dei  Bianchino,  nuove 
ricerche(Gcène$,  1888).  Enfin  il  a  publié  dans  la  collection 
classique  Sansoni  de  très  bonnes  éditions  de  la  Gerusa- 
lemme  liber ata,  de  Ugo  Foscolo,  et  un  choix  de  poètes 
lyriques  italiens  du  xixe  siècle.  A.  Jeànroy. 

Bibl.  :  G.  Mazzoni,  Poeti  giovani,  1886. 
FERRARI-Toretti  (Giovanni),  sculpteur  italien,  né  à 
Crespano  (Vénétie)  en  1744,  mort  à  Venise  en  1826.  Il 
eut  pour  premier  maître,  à  onze  ans,  son  oncle  Giuseppe 
Bernardi-Toretti,  dont  il  prit  le  nom  par  la  suite  et  qu'il 
commença  par  aider  dans  ses  travaux.  Il  alla  ensuite  à 
Mantoue,  à  Modène,  à  Bologne,  à  Rome,  où  il  passa  sept 
années,  puis  revint  s'établir  à  Venise,  où  il  s'employa  à  la 
décoration  des  églises,  palais  et  jardins.  Parmi  ses  œuvres 
principales,  nous  citerons  le  monument  de  Y  Amiral  An- 
gioloEmo  (Servîtes),  une  Psyché  de  marbre  et  d'autres 
statues  au  Prato  délia  Valle  à  Padoue. 

FERRARIS  (Lucius),  provincial  de  l'ordre  de  Saint- 
François,  consulteur  du  Saint-Office,  né  à  Solero,  près 
d'Alexandrie.  OEuvre  principale  :  Prompta  bibliotheca 
canonica,  juridica,  moralis,  necnon  ascetica,  pôle- 
mica...  ordine  alphabetico  congesta  (Bologne,  1746, 
8  vol.  in-4).  La  valeur  historique  de  ce  livre  est  à  peu 
près  nulle,  mais  la  disposition  des  matières  par  ordre 
alphabétique  et  la  citation  des  décisions  des  Congrégations 


317  —  FERRARI  —  FERRASSIÈRES 

romaines  et  de  la  Rote  lui  ont  valu  un  succès  attesté  par 
de  nombreuses  éditions,  auxquelles  on  a  ajouté  successi- 
vement les  suppléments  nécessités  par  les  développements 
de  la  jurisprudence  et  de  la  réglementation  ultramontaines. 
La  dernière  a  été  composée  dans  l'imprimerie  de  la  Pro- 
pagande (Rome,  1888,  9  vol.  in-4).  E.-H.  V. 

FERRARIS  (Joseph,  comte  de),  général  et  géographe 
autrichien,  né  à  Lunévilie  le  20  avr.  1726,  mort  à  Vienne 
le  1er  avr.  1814.  Il  entra  dans  l'armée  autrichienne  en 
1735;  colonel  pendant  la  guerre  de  Sept  ans,  il  se  dis- 
tingua à  la  bataille  de  Hochkirchen.  Lieutenant  général  en 
1763,  il  devint,  en  1767,  directeur  général  de  l'artillerie 
dans  les  Pays-Bas.  Deux  ans  plus  tard,  il  soumit  au  prince 
Charles  de  Lorraine  (V.  ce  nom),  gouverneur  général, 
un  projet  tendant  à  lever  sur  le  terrain  la  carte  des  pro- 
vinces belges  au  11,250e  et  à  la  publier,  réduite  au 
86,400e,  en  gravure  sur  cuivre  ;  ce  projet  revenait  en 
somme  à  continuer  sur  le  territoire  belge  ia  carte  de  Cas- 
sini,  dite  de  l'Académie,  qui,  depuis  1750,  était  en  cours 
de  publication  en  France.  Il  sut  mener  ce  gigantesque 
projet  à  bonne  fin  ;  il  fut,  du  reste,  puissamment  aidé  par 
la  bienveillante  intervention  de  Marie-Thérèse,  de  Joseph  II 
et  de  Kaunitz  ;  l'exécution  de  la  carte  de  Ferraris  coûta 
273,000  florins,  mais  c'était  un  chef-d'œuvre.  Ferraris 
prit  une  part  brillante  à  la  guerre  de  1793  contre  la  France 
et  fut  élevé  en  1808  à  la  dignité  de  feld-maréchal.  —  Son 
fils,  Louis  de  Ferraris,  fut  un  diplomate  distingué,  et 
signa,  au  nom  de  l'Autriche,  les  traités  de  Campo-Formio 
et  de  Lunévilie.  E.  H. 

Bibl.  :  Gachard,  Notice  historique  sur  la  rédaction  et 
la  publication  de  la  carte  des  Pays-Bas  autrichiens,  par  le 
général-comte  de  Ferraris,  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique;  Bruxelles,  1843:  t.  XVI,  in-4.  — 
Hennequin,  Etude  historique  sur  l'exécution  de  la  carte 
de  Ferraris,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  royale  belqe  de 
géographie;  Bruxelles,  1891,  t.  XV,  177-297. 

FERRARIS  (Carlo  de),  littérateur  italien,  né  à  Aversa, 
dans  le  royaume  de  Naples,  en  1821,  mort  en  1890.  Il  a 
publié  quelques  volumes  de  vers  :  Versi  (Naples,  1840); 
Baccolta  délie  poésie  di  Carlo  De  Ferraris,  per  cura 
dei  prof  essor  Tulelli  (Naples,  1855);  Seconda  Baccolta 
(Naples,  1861);  Terza  Raccolta  (Naples,  1871).  Les 
œuvres  en  prose  ont  été  recueillies  par  M.  Emanuele  Rocco  : 
Prose  varie  (Naples,  1876).  Cet  écrivain  jouit  d'une  cer- 
taine réputation  toute  locale. 

Bibl.:  Emanuel  Rocco,  Prefazione  aile  Prose  varie; 
Naples,  1876. 

FERRARO  (Giuseppe),  érudit  italien,  né  à  Carpeneto 
d'Acqui  en  1846.  Professeur  à  l'Ecole  normale  supérieure 
de  Pise.  Il  s'est  surtout  occupé  de  publications  relatives 
au  folk-lore  du  Montferrat  (V.  Complainte)  :  Canti  po- 
polari  monferrini  (Turin  et  Florence,  1870,  dans  la 
collection  des  Canti  e  racconti  dei  popolo  italiano  de 
Comparetti  et  d'Àncona)  ;  Super stizioni,  usi  e  proverbi 
monferrini  (Turin  et  Païenne,  1886)  ;  Canti  popolari 
dei  Basso-Monferrato  (ibid.,  1888),  etc. 

FERRARY  (Désiré -Maurice),  sculpteur  français  con- 
temporain, né  à  Embrun  en  1852.  Elève  de  M.  Cavelier, 
il  obtint  en  1882  le  grand  prix  de  Rome.  Il  avait  déjà 
débuté  au  Salon  en  1875,  avec  un  Narcisse,  statue  plâtre  ; 
ses  expositions  suivantes,  Une  Charmeuse,  statue  plâtre 
(S.  1878)  et  surtout  Belluaire  agaçant  une  panthère 
(S.  1879),  avaient  mis  en  relief  son  talent  hardi,  puissant 
et  original.  Le  bronze  de  cette  dernière  œuvre  a  été  acheté 
par  la  ville  et  placé  au  square  des  Batignolles.  En  1886, 
il  exposa  un  gracieux  bas-relief  de  Mercure.  On  peut 
encore  citer  de  lui  la  Décollation  de  saint  Jean-Baptiste, 
groupe  marbre  (S.  1889),  et  son  dernier  ouvrage,  Phryné, 
statue  plâtre.  Ad.  T. 

FERRASSIÈRES.  Corn,  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de 
Nyons,  cant.  de  Séderon,  au  pied  du  mont  Ventoux  ; 
312  hab.  Miel  renommé.  Ruines  du  château  de  la  Gabelle, 
Les  gouffres  de  Monieux  et  de  Ferrassières,  d'une  grande 
profondeur,  passent  pour  alimenter  la  fontaine  de  Vaucluse. 


FERRAT  —  FERRÉ 


—  318  - 


FERRÂT  (Cap).  Cap  de  la  côte  d'Algérie,  à  2  milles  à 
F 0.  du  cap  Carbon,  par  35°  54'  20"  de  lat.  N.  et  2°  42' 52" 
de  long.  0. 

FER  RATA  (Ercolè),  sculpteur  italien,  né  à  Pelsotto  di 
Como  vers  4614  (vers  1630,  d'après  Nagler),  mort  à 
Rome  en  1686.  Après  avoir  étudié  à  Gênes  sous  Tommaso 
Orsolino,  son  parent,  il  entra  à  Rome  dans  l'atelier  de 
l'Algarde  et  travailla  surtout  dans  cette  ville,  ainsi  qu'à 
Florence  et  à  Naples.  Nul  artiste  n'eut  une  connaissance 
plus  approfondie  de  l'antique  et  ne  s'entendit  mieux  à  le 
restaurer.  Parmi  ses  œuvres,  nous  citerons  à  Rome  :  le 
bas-relief  du  maître-autel  de  Santa  Francesca  Romana, 
représentant  cette  Sainte  lisant  un  livre;  la  statue  de 
la  Force,  du  tombeau  de  Léon  XI  à  Saint  -  Pierre  ;  la 
figure  de  Saint  Pierre  dans  le  grand  bas-relief  d'Attila 
qui  surmonte  en  la  même  basilique  l'autel  de  Saint- 
Léon  ;  la  Charité  qui  orne  le  tombeau  de  Clément  IX 
à  Sainte-Marie-Majeure  ;  les  sculptures  du  maître-autel 
(Sainte  Agnès)  et  des  autels  latéraux  (Martyres  de 
sainte  Emérance  et  de  saint  Eustache),  dans  l'église 
Santa  Agnese  de  la  place  Navone,  Sous  le  pontificat 
d'Alexandre  VI,  il  aida  le  Bernin  à  faire  les  modèles  des 
colosses  qui  portent  la  chaire  de  Saint-Pierre  et  exécuta 
ensuite,  pour  l'église  de  laMinerva,le  tombeau  du  Cardinal 
Bonelli;  pour  la  place  du  même  nom,  l'Eléphant  de 
marbre  qui  porte  l'obélisque  ;  pour  la  façade  de  Saint- 
André  délia  Valle,  la  Renommée  et  les  Stations  de  saint 
André  apôtre  et  du  bienheureux  André  oVAvellino; 
pour  Saint- Ange,  Y  Ange  colossal  tenant  la  croix;  pour 
Saint- Jean-d es-Florentins,  une  statue  de  la  Foi  placée  près 
du  maître-autel  et  les  tombeaux  à'Ottaviano  Acciajuoli 
et  du  Cardinal  Falconieri ;  pour  Santa  Maria  délia  Pace, 
le  Saint  Bernard  et  les  quatre  enfants  qui  soutiennent 
le  frontispice  de  la  chapelle  où  se  trouvent  les  fameuses 
Sibylles  de  Raphaël.  Entre  temps  (1677),  il  avait  été  ap- 
pelé à  Florence  par  le  grand-duc  Cosme  III,  pour  y  res- 
taurer les  trois  sculptures  antiques  qu'on  venait  d'apporter 
de  Rome  :  la  Vénus  deMédicis,  les  Lutteurs,  le  Rémou- 
leur. Outre  ces  travaux,  il  exécuta  pour  la  chapelle  Chigi 
de  la  cathédrale  de  Sienne,  un  Saint  Bernardin  et  une 
statue  à' Alexandre  VIII ,  pour  la  cathédrale  de  Modène, 
l'effigie  de  l'évêque  Robert  Fontana  ;  pour  le  baptistère  de 
Reggio,  une  Sainte  Jeanne  Chantai,  puis  des  statues 
ou  ornements  de  fontaine  destinés  à  la  Sicile,  au  Portu- 
gal, et  pour  Venise,  un  Hercule  enfant  luttant  contre  un 
serpent,  qui  fut  un  de  ses  derniers  ouvrages.  Ferrata 
était,  depuis  1651,  membre  de  l'Académie  de  Saint-Luc. 
Au  nombre  de  ses  élèves  figurèrent  Felippo  Carcani,  Giu- 
seppe  Mazzuoli,  Carlo  Foggini,  L.  Lottone  et  P.  Balestri. 

FERRAZ  (Marin),  philosophe  français,  né  à  Ceyzérieu 
(Ain)  le  28  mars  1820.  Il  fit  ses  études  au  collège  de 
Belley,  puis  au  lycée  de  Lyon,  où  il  fut  élève  de  l'abbé 
Noirot.  Etudiant  libre  à  Lyon,  il  y  prit  sa  licence  es  lettres 
en  1844,  et  fut  successivement  professeur  de  rhétorique 
aux  collèges  d'Ajaccio  (1844-51)  et  de  Châteauroux 
(1851-52),  professeur  de  philosophie  à  Bourg  (1852-53). 
Agrégé  cette  même  année  (c'était  le  temps  de  l'agrégation 
unique),  il  enseigna  ensuite  au  lycée  de  Bourges  (1853- 
56)  et  de  Strasbourg  (1856-63).  Des  thèses  de  doctorat 
estimées  (De  Stoïca  Disciplina  apud  Poetas  Romanos, 
in-8  ;  et  la  Psychologie  de  saint  Augustin,  Paris,  in-8  ; 
celle-ci  couronnée  par  l'Académie  française),  le  firent  nom- 
mer à  la  faculté  des  lettres  de  Lyon  (1863),  d'abord  profes- 
seur suppléant  de  littérature  ancienne,  puis  chargé  de  cours 
(1864)  et  enfin  titulaire  de  la  chaire  de  philosophie,  qu'il 
occupa  de  1865  à  1884.  Représentant  élu  des  facultés 
des  lettres  au  conseil  supérieur  de  l'instruction  publique  de 
1880  jusqu'à  sa  retraite,  souvent  lauréat  de  l'Institut, 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  le  nomma 
membre  correspondant  en  1888.  Ses  ouvrages,  presque 
tous  le  fruit  de  son  enseignement,  à  la  fois  consciencieux 
et  solides  de  fond,  châtiés  déforme,  sont  :  la  Philosophie 
du  Devoir  (Paris,  4869,  in-8;  3e  éd.,  ibid.,  1878,  in-12); 


complétée  en  1881  pariVos  Droits  et  nos  Devoirs  (Paris, 
in- 12);  Histoire  de  la  philosophie  en  France  au 
xixe  siècle,  première  partie  :  Socialisme,  naturalisme  et 
positivisme  (Paris,  1882,  in-12,  3e  éd.);  deuxième 
partie  :_  Traditionalisme  et  Ultramontanisme  (Paris, 
1880,  in-12,  2e  éd.);  troisième  partie  :  Spiritualisme  et 
Libéralisme  (Paris,  1891,  in-12,  2e  éd.);  Histoire  de  la 
philosophie  pendant  la  Révolution  (Paris,  1889, 
in-12).  H.  M. 

FERRAZ2I  (Giuseppe-Jacopo),  littérateur  et  biblio- 
graphe italien,  né  à  Cartigliano,  près  de  Bassano,  le 20  mars 
1813,  mort  en  1880.  On  lui  doit  les  ouvrages  suivants 
parmi  lesquels  une  série  de  bibliographies  spéciales  d'une 
réelle  valeur  et  indispensables  pour  l'étude  de  l'histoire 
littéraire  italienne  :  Di  Bassano,  edei  Bassanesi  illustri 
(Bassano,  1847)  ;  Giuseppe  Cogo,  cenni  biografici  (Bas- 
sano, 1 832)  ;  Volgarizamenti,  in  versi  sciolti,  dell'Eglo- 
ghe  di  Virgilio,  suivi  d'une  étude  sur  la  poésie  pastorale 
et  de  notes  philologiques  et  esthétiques  (Bassano,  1853- 
55)  ;  Antologia  italiana  (Vienne,  1858-59);  Manuale 
Dantesco  (Bassano ,  1864-65,  3  vol.);  Bibliografia 
Dantesca  (Bassano,  1871-77,  2  vol.);  Bibliografia  Pe- 
trarchesca  (Bassano,  1877);  Torquato  Tasso,  studii 
biografici,  critici  e  bibliografici  (Bassano,  1880)  ;  Bi- 
bliografia Ariostesca  (Bassano,  1881).,  R.  G. 

FERRÉ  (Le).  Com.  du  dép.  dTlle-et-Vilaine,  arr.  de 
Fougères,  cant.  de  Louvigné-du- Désert;  1,455  hab. 

FERRÉ  dit  le  Grand-Ferré,  paysan  du  village  de  Rive- 
court,  entre  Pont-Sainte-MaxenceetCompiègne.  Il  se  ren- 
dit célèbre  par  ses  exploits  contre  les  Anglais  vers  1358. 
Ancien  Jacquier,  il  avait  été  pris,  à  cause  de  son  courage  et 
de  sa  force  prodigieuse,  comme  lieutenant  par  Guillaume 
Alaud  ou  L'A  loue,  chef  des  paysans  qui  s'étaient  réunis  pour 
défendre  le  château  fort  de  Longueil.  Les  Anglais  de  Creil, 
ayant  pénétré  dans  ce  château  par  une  brèche  non  encore 
réparée,  tuèrent  L'Aloue  et  les  quelques  hommes  qui 
s'étaient  réunis  à  sa  voix.  Mais  le  Grand  Ferré,  ayant  réuni 
et  mis  en  ordre  le  reste  de  la  petite  garnison  volontaire, 
fondit  sur  les  agresseurs,  sa  lourde  hache  à  la  main,  et,  aidé 
des  gens  du  bourg,  il  les  détruisit  presque  jusqu'au  der- 
nier. Les  chroniqueurs  prétendent  qu'il  en  tua  quatre-vingt- 
cinq  de  sa  propre  main,  sans  compter  ceux  qu'il  blessa.  Le 
gouverneur  anglais  de  Creil  ayant  envoyé  dès  le  lendemain 
un  nouveau  corps  de  troupes  commandé  par  des  officiers 
expérimentés,  le  Grand  Ferré  s'avança  à  leur  rencontre  et 
le  détruisit  pareillement.  Puis,  après  ces  prodigieux  exploits, 
le  brave  paysan  se  retira  dans  sa  maison  de  Rivecourt  et 
l'histoire  perd  complètement  sa  trace.  On  lui  a  élevé  der- 
nièrement un  petit  monument  à  Longueil.        C.  St-A. 

Bibl.  :  Graves,  Statist.  du  canton  d'Estrëes-Saint-De- 
nis  ;  Beauvais,  1832.  —  Michelet,  Hist.  de  France.  —  Si- 
méon  Luce,  Acad.  des  Insc?\,  séance  du  14  août  1891, 
C.  R.,  p.  266.  ' 

FERRÉ  (Charles-Théophile),  né  à  Paris  en  1845,  mort 
à  Satory  le  28  nov.  1871.  Comptable  chez  un  agent  d'af- 
faires, il  se  fit  remarquer  de  bonne  heure  dans  les  réunions 
publiques  où  il  défendait  avec  une  conviction  ardente  les 
doctrines  socialistes.  Affilié  au  mouvement  blanquiste,  il 
prit  part  à  toutes  les  manifestations  de  la  fin  de  l'Empire. 
En  1869,  il  était  emprisonné  à  Sainte-Pélagie  où  avec  Raoul 
Rigault  et  d'autres  il  tenta  une  insurrection  contre  les  gar- 
diens qui  aboutit  à  une  lourde  aggravation  de  peine.  Im- 
pliqué dans  le  procès  de  Blois,  il  comparut  le  19  juil.  1870 
devant  la  Haute  Cour  et  se  fit  expulser  de  l'audience  pour 
ses  véhémentes  interpellations  au  président.  Il  fut  d'ailleurs 
acquitté.  Pendant  le  siège  de  Paris  il  organisa  le  comité  de 
vigilance  du  XVIIIe  arr.,  figura  dans  les  compagnies  de 
marche  du  152e  bataillon  de  Montmartre,  participa  à 
l'insurrection  du  18  mars  et  fut  élu,  le  26,  membre  de  la 
Commune  par  le  XVIIIe  arr.  Membre  du  comité  de  Sûreté 
générale,  substitut  du  procureur  de  la  Commune,  il  fut  délé- 
gué le  4  avril  à  la  Sûreté  générale  où  il  remplaça  Duval,  et 
du  14  au  24  mai  exerça  les  fonctions  de  préfet  de  police. 
Après  avoir  évacué  la  préfecture,  il  se  rendit  à  la  mairie 


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FERRÉ  -  FERREL 


du  XIe  arr,,  contribua  ardemment  à  la  résistance  et  réussit 
à  se  cacher  dans  Paris  après  la  chute  de  la  Commune.  Dé- 
couvert dans  une  mansarde  delà  rue  Montorgueil,  ilfuttra- 
duit  devant  le  3e  conseil  de  guerre  à  Versailles.  Il  dédaigna 
de  se  défendre,  mais  protesta  avec  la  dernière  énergie  contre 
la  production  d'une  fausse  lettre  de  lui  adressée  au  citoyen 
Luçay  et  qui  contenait  les  mots  trop  éloquents  de  «  Flam- 
bez Finances  ».  Condamné  à  mort  le  2  sept.  4871,  il  fut 
fusillé  à  Satory  le  28  nov.  avec  Rossel  et  Bourgeois.  Il 
mourut  avec  le  plus  grand  courage,  en  criant*:  «  Vive  la 
Commune  !  » 

FERREIRA  (Bernarda)  (V.  Cerda). 
FERRE1RA  (Antonio),  célèbre  poète  et  auteur  drama- 
tique portugais,  né  à  Lisbonne  en  4528,  mort  à  Lisbonne 
en  4569.  Issu  de  parents  nobles,  il  fut  destiné  à  la  ma- 
gistrature et  fit  ses  études  à  l'université  de  Coïmbre  où 
il  cultiva  avec  passion  la  langue  et  la  littérature  grecques 
sous  la  direction  de  Féminent  Diogo  de  Teives.  Reçu  doc- 
teur en  droit,  il  fut  pourvu  d'une  chaire,  à  laquelle  il 
renonça  bientôt,  pour  aller  exercer  à  Lisbonne  les  fonctions 
de  juge  à  la  cour  suprême.  Protégé  par  le  roi  Jean  III, 
estimé  des  plus  grands  personnages,  il  fut  enlevé  prématu- 
rément par  la  peste  et  sa  mort  fut  regardée  comme  une 
calamité  publique.  Un  des  plus  illustres  représentants  de 
l'humanisme  en  Portugal,  Ferreira  s'est  formé  comme 
poète  sur  les  modèles  de  l'antiquité  grecque  et  latine.  Ses 
odes,  ses  épîtres,  d'une  grande  élégance  de  langage,  le 
firent  surnommer  l'Horace  portugais  ;  certaines  de  ses 
églogues  rappellent  la  grâce  virgilienne  ;  ses  épigrammes 
sont  coulées  dans  le  moule  hellénique.  Par  contre,  dans  ses 
nombreux  sonnets,  il  montre  une  inspiration  personnelle, 
tout  en  étant  disciple  de  Pétrarque  au  point  de  vue  de  la 
forme.  Ses  poésies,  qui  circulaient  en  manuscrits  de  son 
vivant,  ne  furent  publiées  que  près  de  trente  ans  après 
sa  mort,  par  les  soins  de  son  fils  (Poemas  lusitanos; 
Lisbonne,  4598,  in-4  ;  rééd.  en  4771,  2  vol.  in-8,  et 
en  4829,  2  vol.  in-4  6).  Plus  grande  est  son  importance 
comme  poète  dramatique.  Encore  étudiant,  il  composa,  pour 
une  fête  universitaire,  une  comédie  en  prose,  en  cinq  actes  : 
De  Bristo,  imitée  des  Italiens.  Son  autre  pièce,  0  Cioso  (le 
Jaloux),  également  en  prose,  est  la  première  comédie  de 
caractère  qu'on  ait  vu  représenter  en  Europe  à  l'époque  de 
la  Renaissance.  Ces  comédies  ont  été  publiées  avec  celles 
de  Sa  de  Miranda  en  4622.  Son  œuvre  la  plus  méritoire 
est  une  tragédie  avec  choeurs,  dont  le  sujet  est  Inez  de 
Castro.  Dérivée  directement  du  théâtre  grec,  c'est  la 
seconde  tragédie  qui  ait  paru  dans  les  littératures  modernes, 
et  son  influence  fut  considérable,  en  raison  des  grandes 
beautés  qu'elle  renferme  (trad.  en  français,  avec  la  pièce 
précédente,  par  F.  Denis,  dans  le  Théâtre  européen,  4835). 
La  meilleure  édition  de  ses  œuvres  est  celle  donnée  par 
Fernandes  Pinheiro  (Obras  complétas;  Rio  de  Janeiro  et 
Paris,  4865,  2  vol.  in-4  8).  Ferreira  fut  aussi  un  grand 
caractère  et  un  esprit  libéral;  il  le  prouva  en  plaidant 
chaleureusement  pour  la  liberté  de  penser,  dans  une  épître 
adressée  en  4564  au  cardinal-infant  D.  Henrique,  régent 
du  royaume,  épître  motivée  par  l'institution  de  la  commis- 
sion de  Y  Index.  G.  Pawlowski. 

Bibl.  :  F.  de  Castilho,  Ant.  Ferreira,  poeta  quinhen- 
tista;  Rio  de  Janeiro,  1875,  3  vol. 

FERRE!  RÂ  (Alexandre-Rodriguez),  explorateur  et  natu- 
raliste portugais,  né  à  Bahia  en  4756,  mort  à  Lisbonne  en 
4815.  Il  fit  de  4783  à  4793  un  grand  voyage  d'exploration 
scientifique  au  Brésil,  visitant  l'intérieur  du  pays,  le  bassin 
de  l'Amazone,  le  Matto  Grosso ,  etc.  Malheureusement  la 
plus  grande  partie  de  ses  manuscrits  furent  perdus.  Revenu 
à  Lisbonne,  il  fut  administrateur  du  Cabinet  d'histoire  natu- 
relle et  du  Jardin  botanique. 

FERREIRA  (Sylvestre  Pinheiro),  diplomate  et  philo- 
sophe portugais,  né  à  Lisbonne  le  34  déc.  4769,  mort  à 
Lisbonne  le  4er  juil.  4846.  Après  être  entré  chez  les  ora- 
toriens  avec  l'intention  d'embrasser  l'état  ecclésiastique,  il 
quitta  cette  congrégation  et  obtint  au  concours,  en  4793, 


la  suppléance  d'une  chaire  de  philosophie  à  l'Université  de 
Coïmbre.  Son  attachement  aux  doctrines  de  Condillac  lui 
valut  des  persécutions  :  il  s'exila  volontairement  (4797), 
séjourna  quelque  temps  en  Angleterre  et  en  Hollande,  et 
devint  secrétaire  de  la  légation  portugaise  à  Paris.  En- 
voyé, en  4802,  à  Berlin  comme  chargé  d'affaires,  il  fut 
destitué  en  4807,  sur  la  demande  de  Napoléon Ier,  irrité  de 
ce  qu'il  avait  informé  le  prince  régent  de  ses  projets  contre 
la  péninsule  ibérique.  Il  rejoignit  alors  la  famille  royale 
qui  s'était  réfugiée  au  Brésil,  gagna  la  bienveillance  de 
Jean  VI  et  fut  le  premier  qui,  en  4844,  lui  conseilla 
d'établir  le  gouvernement  représentatif  dans  ses  Etats  d'Eu- 
rope et  d'Amérique  comme  le  seul  moyen  d'éviter  une  sé- 
paration qui  lui  semblait  prochaine.  A  la  suite  de  la 
révolution  de  Porto  (févr.  4824),  il  fut  chargé  du  minis- 
tère des  affaires  étrangères  ;  mais  la  faiblesse  du  roi  rendit 
vaines  toutes  les  mesures  qu'il  proposa  ;  il  suivit  son  sou- 
verain en  Portugal  (4822)  où  il  conserva  son  portefeuille 
jusqu'à  l'abolition  du  régime  constitutionnel  (avr.  4824). 
Il  se  retira  alors  à  Paris  où  il  se  livra  exclusivement  à  des 
travaux  philosophiques  et  littéraires.  Il  ne  rentra  dans  sa 
patrie  qu'après  l'expulsion  de  dom  Miguel  (4834).  Il  était 
membre  correspondant  de  l'Institut  de  France. 

Ferreira  avait  beaucoup  écrit  en  portugais  et  en  français 
sur  des  sujets  très  divers  de  philosophie,  de  philologie,  de 
législation  ou  de   droit.    En  philosophie,    il  préconisait 
Locke  et  Condillac,  tout  en  rejetant  leurs  conclusions  en 
matière  religieuse.  Ses  idées  morales  et  politiques  étaient 
dominées  par  un  optimisme  emprunté  à  l'école  allemande. 
Il  se  suppose  à  l'âge  d'or  et  imagine  un  système  duodécimal 
d'organisation  sociale  dans  lequel  le  principe  de  l'élection 
est  absolu.  Il  réclame  l'élection  des  magistrats,  l'abolition 
de  la  peine  de  mort,  la  création  de  colonies  pénitentiaires 
et  l'application  du  système  de  la  nation  armée.  En  économie 
politique,   il  ne  reconnaît  que  la  propriété  du  travail  ; 
l'Etat  seul  est  maître  du  sol.  —  Parmi  les  ouvrages  de 
Ferreira,  citons  :  Synopse  do  codigo  do  processo  civil 
conforme  as  leis  e  estilos  actuaes  do  fôro  portuguez 
(Paris,  4825,  in-8);  Essai  de  psychologie  (id.,  4826, 
in-8);  Précis  d'un  cours  de  droit  public  interne  et 
externe  (id.,  4830,  in-8);  Projectosde  ordenasoês  para 
o  Reino  de  Portugal  (id.,  4834  et  4832,  3  vol.  in-8); 
Observaçocs  sobre  a  carta  constitucional  do  reino  de 
Portugal  et  a  constituiçào  do  imperio  do  Brazil  (id., 
4834,  in-8);  Essai  sur  les  rudiments  de  la  langue  alle- 
mande (id.,  4832,  in-8);  Manual  do  citadâo  em  uni 
governo  representativo  ou  principios  de  direito  consti- 
tucional, administrativo  e  dasgentes  (id.,  4834,2  vol. 
m-8),  ouvrage  remanié  et  agrandi  en  français  sous  ce  titre  : 
Principes  du  droit  public  constitutionnel,  adminis- 
tratif et  des  gens,  ou  Manuel  du  citoyen  dans  un  gou- 
vernement représentatif  (id.,  4834,  3  vol.  in-8);  Noçoes 
elementares  de  ontologia  (id.,  1834,  in-8);  Noçoes  élé- 
mentaires de  philosophia  gérai  (id., iS39,  in-8),  remanié 
en  français  sous  le  titre  de  Précis  d'un  cours  de  philo- 
sophie élémentaire  (id.,   4844);  Précis  d'un  cours 
d'économie  politique  (id.,  4840,  in-4  2),  enfin  de  nom- 
breux articles  dans  le  Panorama.  Th.  Ruyssen. 

Bibl.:  J.-J.  Louzada  de  Magalhâes,  8.  P.  Ferreira, 
sein  Leben  und  seine  Philosophie  ;  Bonn,  1881,  in-8,  où  Ton 
trouvera  la  liste  complète  des  ouvrages  de  Ferreira, 

FERREIRA  da  Camara  (Emmanuel)  (V.  Camara). 

FERREIRA  da  Veiga  (Evaristo)  (V.Veiga). 

FERREL  (William),  météorologiste  américain,  né  à  Bed- 
ford  (Pennsylvanie)  le  29  janv.  4847.  Il  a  été  attaché  de 
4857  à  4867  à  la  rédaction  de  VEphemeris  and  nauti- 
calÂlmanac,  de  4867  à  4882  au  Coast  Survey  Office,  de 
4882  à  4886  au  Signalarmy  Office.  Il  est  membre  de  l'Aca- 
démie américaine  des  arts  et  des  sciences  depuis  4868  et 
correspondant  de  la  plupart  des  sociétés  de  météorologie 
européennes.  Il  a  fait  un  nombre  considérable  d'observa- 
tions météorologiques  et  marégraphiques,  dont  les  résul- 
tats se  trouvent  pour  la  plupart  consignés  dans  les  Reports 


FERREL  —  FERRER 


—  320  — 


of  the  Coast  and  Geoditic  Survey  et  dans  les  Professio- 
nal  Papers  of  the  .Signal  Service.  Il  a  inventé  un  appareil 
pour  l'annonce  des  marées.  Il  a  écrit  (outre  des  mémoires 
et  articles  insérés  dans  Y Astronornical  Journal  de  Gould, 
dans  Y  American  Journal  de  Silliman,  dans  les  Proceed- 
ings  de  l'académie  américaine,  dans  la  Nature  de  Londres 
et  dans  quelques  autres  publications  spéciales)  :  Conver- 
gying  Séries  expressing  the  Ratio  between  the  Diame- 
ter  and  the  Circumference  of  a  Circle  (Washington, 
4874,  in-4)  ;  The  Motions  of  Fluids  and  Solids  on  the 
Earth's  Surface  (ib.,  4882)  ;  Température  of  the  Atmo- 
sphère and  Earth' s  Surface  (ib.,  4884),  etc.      L.  S. 

Bibl.  :  V.  les  titres  des  mémoires  de  W.  Ferrel  anté- 
rieurs à  1884  dans  le  Catalogue  of  scientific  papers  de  la 
Société  royale;  Londres,  1868,1877  et  1891,  t.  II,  VII  et  IX. 

FERRENSAC.  Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Villeneuve-sur-Lot,  cant.  de  Castillonnès  ;  434  hab. 

FERRÉOL  ou  FORGET  (Saint),  Ferreolus,  martyr  et 
premier  évêque  de  Besançon.  Fête  le  46  juin.  Suivant  la 
légende,  il  était  originaire  d'Athènes  et  disciple  de  saint 
Irénée,  qu'il  avait  suivi  dans  la  Gaule.  Il  fut  envoyé  par 
lui,  avec  son  frère  Ferratio  (Ferjeux),  pour  établir  une 
Eglise  chrétienne  à  Besançon.  Les  deux  frères  furent  ar- 
rêtés par  ordre  de  Claude,  préfet,  et  décapités  vers  244. 
Une  rue  de  Besançon  porte  le  nom  de  rue  des  Martyrs  ; 
c'est  là  que  la  tradition  place  le  lieu  de  leur  supplice. 

FERRÉOL  (Saint),  Ferreolus,  5e  évêque  d'Uzès,  né  en 
524,  mort  en  581.  Par  son  père,  il  descendait  de  l'empe- 
reur Avitus  et  de  deux  préfets  des  Gaules  ;  par  sa  mère, 
il  était  petit-fils  du  roi  Lothaire  Ier.  Elevé  au  siège  d'Uzès, 
où  il  succéda  à  son  oncle,  saint  Firmin  (553),  il  s'appliqua, 
avec  grand  zèle,  à  la  conversion  des  juifs,  alors  fort  nom- 
breux dans  la  province  ;  il  les  recherchait,  se  mêlait  fami- 
lièrement avec  eux  et  les  invitait  à  sa  table.  Ces  relations 
parurent  suspectes  et  le  firent  accuser  de  former  un  com- 
plot avec  les  juifs,  contre  le  roi.  Childebert  l'appela  devant 
lui  et  le  retint  pendant  trois  ans  à  Paris;  mais  enfin,  con- 
vaincu de  son  innocence,  il  le  renvoya  dans  son  diocèse, 
avec  des  présents.  Dès  son  retour,  Ferréol  convoqua  un 
synode  pour  procéder  à  la  conversion  des  juifs.  Beaucoup, 
dit-on,  se  convertirent  ;  ceux  qui  restèrent  fidèles  à  leur 
religion  furent  contraints  à  se  livrer  au  travail  de  la  terre 
ou  à  émigrer  :  ce  qui  paraît  indiquer  que  la  conversion  des 
autres  n'avait  point  été  entièrement  opérée  par  la  persua- 
sion. Il  reste  de  ce  saint  une  règle  composée  pour  un  mo- 
nastère qu'il  fonda  à  Uzès.  —  On  lui  donne  parfois  le  titre 
de  martyr,  mais  il  semble  impossible  de  trouver  dans  la 
Gaule,  au  temps  de  Ferréol  et  dans  les  circonstances  de  sa 
vie,  l'occasion  d'un  martyre.  E.-H.  V. 

FERRÉOL  (Saint),  évêque  de  Limoges,  élevé  au  siège  de 
Limoges  en  579,  mort  le  48  sept.  597.  Il  est  surtout  connu 
pour  avoir,  dans  une  sédition  populaire,  sauvé  la  vie  à  un 
certain  Marc,  référendaire  de  Chilpéric.  Grégoire  de  Tours 
a  raconté  cet  épisode  avec  quelque  détail.  Les  reliques  de 
saint  Ferréol  sont  conservées  dans  l'église  de  Nexon 
(Haute-Vienne).  Sous  l'épiscopat  de  ce  saint  fut  bâti  le 
monastère  de  Saint-Paul-lez-Limoges.  A.  Leroux. 

FERREOLUS  (Tonancius),  noble  d'origine  gauloise, 
gendre  de  l'empereur  Avitus,  né  vers  420  dans  le  Rouer- 
gue,  devint  en  450  préfet  du  prétoire  des  Gaules  et  mou- 
rut après  485.  Sidoine  Apollinaire  cite  avec  éloge  la 
magnifique  bibliothèque  qu'il  avait  rassemblée.  Les  généa- 
logistes des  xvie  et  xvne  siècles,  imaginèrent  de  faire 
remonter  jusqu'à  lui  les  généalogies  des  deux  premières 
dynasties  des  rois  de  France. 

FERRER  (San  Vicente),  souvent  nommé  en  français 
Vincent  Février,  dominicain  et  prédicateur  espagnol,  né 
à  Valence  vers  4357,  mort  à  Vannes,  en  Bretagne,  le 
5  avr.  4449.  Il  entra  dans  l'ordre  de  Saint-Dominique  et 
parcourut  l'Espagne,  la  France,  l'Angleterre,  l'Irlande  et 
l'Allemagne,  à  partir  de  4397,  prêchant  avec  véhémence 
contre  les  vices  du  siècle  et  menaçant  la  chrétienté  des  co- 
lères célestes.  Sa  parole,  vigoureuse  et  triviale  dans  son 


énergie,  faisait  éclater  l'auditoire  en  sanglots  et  provoquait 
souvent  des  conversions  soudaines.  Mariana  affirme  qu'il 
accomplit  des  miracles  fréquents,  au  cours  de  sa  mission 
religieuse;  il  rendait,  dit-il,  la  vue  aux  aveugles,  guéris- 
sait les  paralytiques  et  les  malades  et  «  ressuscitait  même 
les  morts  ».  Par  l'effet  de  son  éloquence,  8,000  musul- 
mans et  35,000  juifs  reçurent  le  baptême,  en  Castille 
(4404).  Nombre  d'autres  renoncèrent  à  leur  foi,  à  la  suite 
des  conférences  que  l'ardent  dominicain  eut  avec  les  chefs 
de  la  Synagogue,  dans  les  juiveries  d'Aragon  (4444). 
Cette  oeuvre  de  prosélytisme  était  d'ailleurs  énergiquement 
secondée  par  le  pape  Benoît  XIII  et  par  les  ordonnances 
qu'il  rendit  contre  les  hérétiques  juifs  et  mores.  Après 
la  mort  du  roi  Martin  d'Aragon  (4410),  Valence  choisit 
Vicente  Ferrer  et  son  frère,  le  chartreux  Fray  Bonifacio, 
pour  la  représenter  à  l'assemblée  chargée  de  prononcer 
entre  les  prétendants  au  trône  d'Aragon.  Ferrer  soutint 
l'infant  Ferdinand  de  Castille,  fils  de  Juan  Ier,  et  annonça 
lui-même  son  élection,  à  la  suite  d'un  sermon,  devant  le 
peuple  réuni  (4442).  Il  mourut  dans  un  couvent  de  Vannes 
où  il  avait  passé  les  dernières  années  de  sa  vie,  avec 
quelques  religieux  de  son  ordre,  et  fut  enterré  dans  cette 
ville.  Pendant  les  troubles  de  la  Ligue,  en  4592,  Phi- 
lippe II  réclama  les  vénérables  restes  du  saint  espagnol. 
Comme  il  ne  put  les  obtenir,  quelques  soldats  valenciens, 
en  garnison  à  Vannes,  cherchèrent  à  les  dérober.  Les 
chanoines  durent  les  cacher,  et  réussirent  ainsi  à  les  con- 
server à  leur  église.  Vicente  Ferrer  fut  canonisé,  sous  le 
pontificat  de  Calixte  III,  en  4455.  On  l'honore  le  5  avr. 
Ses  sermons  ont  été  imprimés  :  Sermones  quadragesi- 
males  (Cologne,  4482)  et  Sermones  de  tempore,  de 
sa7ictis  per  annum  (4525).  Un  poète  du  xve  siècle, 
Ferrant  Manuel  de  Lando,  a  écrit  en  vers  un  éloge  du  saint 
(Cancionero  de  Baena,  1. 1).  Lucien  D'ollfus. 

Bibl.  :  Fr.  Diago,  Historia  de  la  vida...  del  bienaventu- 
rado  San  V.  Ferrer;  Barcelone,  1600,  in-4.—  Bayle,  Vie 
de  saint  Vincent  Ferrier;  1855,  in-12.  —  Pradel,  Saint 
Vincent  Ferrier;  1864,  in-12.  —  Paul  Meyer,  la  Prédication 
de  Vincent  Ferrier  en  France;  dans  Romania,  1881,  d.  226. 
—  Antoine  Thomas,  Saint  Vincent  Ferrier  dans  le  midi  de 
la  France  d'après  les  documents  d'archives,  dans  Annales 
du  Midi,  1892,  pp.  236  et  380. 

FERRER  (Bartholomeo),  et  non  FERRELO,  navigateur 
espagnol  du  xvie  siècle.  Il  fut  attaché,  en  4542,  comme 
premier  pilote,  à  l'expédition  envoyée  sur  la  côte  occiden- 
tale de  la  Californie  par  le  vice-roi  du  Mexique,  Antonio  de 
Mendoza,  sous  les  ordres  de  Juan  Rodriguez  Cabrillo.  A  la 
mort  de  celui-ci,  en  4543,  Ferrer  prit  le  commandement 
de  l'expédition.  Ferrer  navigua  jusqu'au  cap  Blanc,  mais 
le  froid  et  le  manque  de  vivres  l'obligèrent  à  faire  voile 
pour  la  Nouvelle-Grenade. 

FERRER  (Geronimo),  sculpteur  espagnol,  établi  à  Rome 
en  1654.  Lors  du  voyage  que  Velazquez  fit  en  Italie  en 
4649,  il  engagea  Ferrer  au  service  de  Philippe  IV  pour 
fondre  en  bronze  un  grand  nombre  de  modèles  de  statues 
antiques  que  le  peintre  du  roi  avait  fait  mouler  pour  en 
orner  l'Alcazar  de  Madrid.  Ferrer  s'acquitta  de  ce  travail 
à  la  satisfaction  de  Velazquez,  et  ses  fontes  décorèrent  long- 
temps la  salle  octogone  de  l'ancien  palais.  P.  L. 

FERRER  (Pedro-Juan),  peintre- espagnol,  originaire  de 
Mayorque  où  il  florissait  autour  de  4730.  Il  était  élève 
d'un  autre  peintre  mayorquin,  Guillermo  Mesquida,  et  il  a 
produit,  dans  une  note  de  coloration  agréable,  des  ouvrages 
d'une  heureuse  composition  ;  les  principaux  se  trouvent 
dans  l'ancienne  église  des  Dominicains  et  au  monastère 
des  Bernardins.  Il  eut  un  fils  qui  devint  également  un 
peintre  de  talent  ;  un  de  ses  tableaux  existe  dans  ce  même 
couvent.  P.  L. 

FERRER  del  Rio  (Antonio),  historien  espagnol,  né  en 
4848,  mort  vers  4878.  Il  était  bibliothécaire  au  ministère 
de  l'instruction  publique,  et  se  fit  connaître  en  4846  par 
une  Galeria  de  la  literatura  espanola  (Madrid,  in-8)  et 
par  une  biographie  de  Espronceda,  publiée  en  tête  du  volume 
des  poésies  de  cet  écrivain.  En  4850,  il  publia  Decadencia 
de  Espana  :  primera  parte.  Historia  del  levantamiento 


—  321 


FERRER  —  FERRET 


de  los  comunidades  de  Castilla  (Madrid,  in-8),  œuvre 
remarquable  par  la  facilité,  la  clarté  du  style  et  l'habileté 
de  la  mise  en  scène,  mais  qui  est  loin  d'avoir  dit  le  der- 
nier mot  sur  cet  intéressant  sujet;  Examen  histôrico- 
critico  del  reinado  de  D.  Pedro  de  Castilla  (Madrid, 
1850,  in-8)  et  en  1856  il  donnait  son  Historia  del  rei- 
nado de  Carlos  III  (Madrid,  4  vol.  in-8),  qui  est  une  des 
meilleures  études  historiques  qui  aient  paru  en  Espagne  dans 
ce  siècle.  Enfin,  en  4867,  il  publiait  pour  la  Biblioteca 
Rivadeneyra  une  édition  des  œuvres  de  Florida  Blanca, 
On  peut  lui  reprocher  d'être  un  peu  superficiel. 

FERRERAS  (Juan  de) ,  historien  espagnol,  né  à  La  Baneza 
(Galice)  en  1652,  mort  en  1735.  Entré  dans  l'Eglise,  il 
devint  curé  d'une  des  paroisses  de  Talavera  de  La  Reyna, 
puis  de  celle  de  Saint-Pierre  à  Madrid  par  l'influence  du 
cardinal  Porto  Carrero  qui  l'avait  pris  pour  confesseur. 
Donnant  tous  ses  loisirs  à  l'étude  de  l'histoire,  il  refusa 
divers  évêchés  et  postes  importants  et  fut  un  des  membres 
les  plus  actifs  de  l'Académie  espagnole  dès  sa  fondation.  Il 
contribua  pour  une  part  très  grande  à  la  rédaction  du  grand 
dictionnaire  de  cette  Académie,  surnommé  Diccionario  de 
autoridades,  publia  quelques  dissertations  théologiques, 
des  poésies  réunies  dans  le  tome  LXVII  do  la  Biblioteca 
Rivadeneyra  et  un  livre  de  théologie  politique,  El  Desen- 
gano  -politico.  Mais  l'œuvre  principale  qui  l'a  fait  con- 
naître et  à  laquelle  il  consacra  toute  une  vie  de  labeur  est  sa 
grande  histoire  d'Espagne  (jusqu'en  1598)  publiée  d'abord 
sous  le  titre  de  Historia  de  Espana  (Madrid,  1700-1727, 
46  vol.  pet.  in-4),  puis  sous  celui  de  Synopsis  historica 
chronologica  de  Espana,  formadade  los  autores  seguros 
y  de  buena  fé  (1775-1781, 17  vol.)  ;  elle  fut  traduite  en 
français  (Paris,  1751, 10  vol.  in-4).  C'est  une  œuvre  de 
patiente  érudition,  mais  de  peu  de  sens  critique. 

Bibl.  :  Nasarre  y  Ferrtz,  Elogio  historico  de  J.  de 
Ferreras  ;  Madrid,  1735,  in-4. 

FERRER E.  Corn,  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Bagnères-de-Bigorre,  cant.  de  Mauléon-Barousse,  sur 
l'Ourse  occidentale  ;  426  hab.  Aux  Chalets  de  Ferrère, 
source  minérale  gazeuse  froide  fréquentée  chaque  année 
par  quelques  centaines  de  malades  du  pays.  Etablissement 
de  bains.  Cascade  Vaqué.  Bloc  erratique  de  la  Roche 
damnée  au  milieu  de  la  forêt  de  Samaoury. 

FERRÈRE  (Philippe),  avocat  et  homme  de  lettres  fran- 
çais, né  àTarbesle  2  oct.  1767,  mort  le  14  janv.  1815. 
Il  fut  d'abord  avocat  au  parlement  de  Bordeaux  ;  plus 
tard,  il  refusa  de  faire  partie  du  Tribunat.  Ses  plaidoyers 
ont  été  publiés  en  1820  dans  le  Barreau  français.  Il  a 
laissé  aussi  quelques  écrits  littéraires. 

Bibl.  :  Pinard,  le  Barreau,  Paris,  1843,  p.  259.  —  Henri 
Chauvot,  le  Barreau  de  Bordeaux  de  1115  à  1815  :  Paris, 
1856,  p.  350. 

FERRER!  (Zachario),  poète  italien  (V.  Ferrari). 

FERRER1  (Andréa),  sculpteur  et  peintre  italien,  né  à 
Milan  en  1673,  mort  à  Ferrare  en  1744.  Il  vint  tout  jeune 
à  Bologne,  où,  à  l'école  du  sculpteur  Giuseppe  Mazza,  il 
acquit  une  grande  habileté,  surtout  dans  le  modelage  en  stuc 
et  en  terre  cuite  ;  puis,  en  1722,  il  alla  s'établir  à  Ferrare, 
où  il  a  laissé  des  œuvres  très  nombreuses  :  deux  autels,  entre 
autres,  à  la  cathédrale,  des  médaillons  dans  l'escalier  de 
l'archevêché,  plusieurs  Saints  à  SanMaurello,une  Vierge 
devant  Saint-Georges-hors-la-Porte-romaine.  A  Bologne,  on 
ne  connaît  de  lui  qu'une  statue  de  Notre-Dame  du  Mo?it- 
Carmel,  près  de  l'église  San  Martino.  Il  eut  pour  élève  son  fils 
Giuseppe,  auteur  d'un  buste  en  terre  cuite  de  Saint  Mathias 
fait  pour  la  série  des  apôtres  de  la  cathédrale  de  Ferrare. 

FERRI  (Enrico),  jurisconsulte  italien,  né  à  San-Bene- 
detto-Po  (près  Mantoue)  le  25  févr.  1856.  Elève  et  suppléant 
d'Ellero,  il  a  enseigné  aux  universités  de  Turin,  Sienne, 
Rome,  été  élu  député  (1880).  Il  dirige  avec  Lombroso  YAr- 
chivio  di  psichiatria,  Scienze  penali  ecl  antropologia 
criminale.  Parmi  ses  ouvrages,  nous  citerons  :  Teorica 
deW  impatabilita  (Florence,  1878);  Vomicidio  nella 
sociologia  criminale,  nella  legislazione  e  nella  giuris- 
prudenza  (Bologne,  1888-89,  2  vol.  av.  atl.). 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII, 


FERRERS  (Robert),  comte  de  Derby,  né  vers  1240, 
mort  vers  1279.  Il  prit  parti  pour  les  barons  contre  le  roi 
Henry  III,  dont  il  avait  épousé  la  nièce,  Isabelle,  fille  de 
Hugues  XI  de  Lusigiian,  comte  de  La  Marche.  En  1263,  il 
s'empara  de  Worcester,  qu'il  saccagea,  et  fit  prisonnier  le 
fils  du  roi,  Edouard.  L'année  suivante  il  remporta  encore 
une  grande  victoire  sur  les  troupes  royales  à  Chester.  Mais, 
après  la  pacification,  il  fut  jeté  en  prison  et  ses  biens  con- 
fisqués. Devenu  libre  en  1266,  il  reprit  les  armes  et  fut 
défait  à  Chesterfield  par  Henry  d'Almayn.  Prisonnier  de 
nouveau,  il  ne  fut  relâché  qu'en  1269  ;  mais  ses  domaines 
et  son  titre  avaient  été  donnés  par  le  roi  Edouard  à  son 
frère  Edmond  de  Lancastre,  dans  la  maison  duquel  ils  res- 
tèrent depuis.  B.-H.  G. 

FERRERS  (George),  écrivain  et  homme  politique  an- 
glais, né  à  Saint-Albans  (Hertfordshire)  vers  1500,  mort 
en  janv.  1579.  Il  fit  ses  études  à  Cambridge,  se  fit  inscrire 
au  barreau  de  Lincoln's  Inn  et  acquit  une  réputation  considé- 
rable comme  avocat.  Membre  du  Parlement  pour  Plymouth, 
en  1542,  en  1545  et  1553,  il  jouissait  d'une  grande  faveur 
auprès  de  Henry  VIII.  Il  prit  part  aux  guerres  contre 
l'Ecosse  et  la  France.  En  1551,  il  fut  pourvu  de  la  charge 
de  maître  des  menus  plaisirs  du  roi  et  organisa  des  ballets 
et  des  représentations  fort  brillantes.  Quoique  protestant, 
il  passa  au  service  de  la  reine  Marie,  prit  part  à  la  répres- 
sion delà  révolte  de  Wyatt.  En  1554  et  4555,  il  repré- 
senta Brackley  à  la  Chambre  des  communes  et  fut  élu  par 
Saint-Albans  en  1571.  Sous  Elisabeth,  il  s'occupa  peu  de 
politique,  mais  resta  néanmoins  en  relations  avec  les  par- 
tisans de  Marie  Stuart,  notamment  Févêque  de  Ross.  Fer- 
rers  a  publié  une  traduction  anglaise  de  la  Grande  Charte 
(Londres,  1534)  ;  il  a  écrit  partie  des  poèmes  historiques 
de  la  collection  de  Baldwin,  Mirror  for  magistrates  (1559, 
1563,  1578).  On  lui  a  attribué  l'histoire  de  Marie  Stuart 
parue  sous  le  nom  de  Grafton  et  plusieurs  pièces  de  théâtre. 

FERRERS  (Henry),  antiquaire  anglais,  né  à  Baddesley 
Clinton  (Warwickshire)  le  26  janv.  1549,  mort  le  10  oct. 
1633.  Après  avoir  étudié  à  l'université  d'Oxford,  il  se  con- 
sacra à  l'étude  de  l'histoire  de  son  pays  natal  et  il  ras- 
sembla dans  ce  but  une  quantité  énorme  de  documents  et 
d'antiquités.  Il  mourut  sans  avoir  publié  toutes  ces  richesses 
mais  un  bon  nombre  de  ses  manuscrits  sont  conservés 
dans  l'Ashmolean  Muséum,  à  Oxford,  et  au  British  Mu- 
séum ;  il  y  en  a  aussi  huit  volumes  dans  la  bibliothèque 
de  M.  Staunton,  de  Longbridge. 

FERRERS  (Norman-Macleod),  mathématicien  anglais, 
né  àPrinknash  Park  (Gloucestershire)  le  11  août  1829. 
Il  a  fait  de  brillantes  études  à  Cambridge,  est  depuis  1855 
l'un  des  membres  les  plus  distingués  du  corps  enseignant 
de  cette  université,  dont  il  a  été  vice-chancelier  en  1884, 
et  dirige  depuis  la  même  époque,  avec  M.  Sylvester,  le 
Quarterly  Journal  ofmathematics,  auquel  il  a  fourni  de 
nombreux  articles  de  mathématiques  pures  et  de  mécanique. 
Il  a  été  élu  membre  de  la  Société  royale  de  Londres  en  1877. 
Parmi  ses  ouvrages  publiés  à  part,  il  convient  de  citer  : 
Elementary  Treatise  on  trilinear  coordinates  (1861); 
Elementary  Treatise  on  spherical  harmonies  (1877). 

FERRES  (Les).  Com.  du  dép.  des  Alpes-Maritimes, 
arr.  de  Grasse,  cant.  de  Coursegoules  ;  180  hab. 

FERRET.  Bout  de  métal  qui  garnit  chacune  des  extré- 
mités de  l'aiguillette.  Au  siècle  dernier,  le  ferret,  comme 
son  nom  l'indique,  était  en  fer  ;  il  est  aujourd'hui  en  cuivre 
doré  ou  argenté. 

FERRET  (Val).  Nom  donné  à  une  double  vallée  qui 
sépare  le  massif  du  mont  Blanc  de  celui  du  grand  Saint- 
Bernard  ;  le  point  le  plus  élevé  est  le  col  Ferret,  au  N. 
duquel  descend  la  Dranse,  vers  le  Rhône;  au  S.  duquel 
descend  la  Doire,  vers  le  Pô.  La  vallée  supérieure  de  la 
Dranse  jusqu'à  Orsières  et  celle  de  la  Doire  jusqu'à  Entrèves- 
Cormayeur  portent  le  nom  de  val  Ferret.  La  route  reliant 
le  Valais  à  la  vallée  d'Aoste  part  d'Orsières,  remonte  la 
Dranse  jusqu'à  La  Folly  où  elle  se  bifurque,  l'ancien  sen- 
I  tier  passant  par  Le  Chantonet  (2,492  m.),  le  nouveau  quit- 

21 


FERRET  —  FERREY 


—  322  — 


tant  le  torrent  à  Ferret  (1,696  m.)  pour  franchir  la  crête  à 
2,536  m.  d'ait.  ;  ils  se  rejoignent  au  Pré  du  Bar,  d'où 
la  route  gagne  Cormayeur.  Le  val  Ferret  septentrional 
appartient  à  la  Suisse  (cant.  du  Valais),  le  val  méridional 
à  l'Italie  (V.  Mont  Blanc). 

FERRETI  (Giovanni-Battista),  antiquaire  italien,  né  à 
Vicence  en  1639,  mort  en  4682.  Il  était  bénédictin  de 
l'ordre  du  Mont-Cassin.  On  lui  doit  un  recueil  de  toutes  les 
inscriptions  en  vers,  contenues  dans  Gruter  ;  il  est  intitulé 
Musœ  lapidariœ  antiquorum  in  marmoribus  Carmina 
(Vérone,  4672,  in-fol.) 

FERRETI  (Giovanni-Domenico),  dit  quelquefois,  on  ne 
sait  pourquoi,  Domenico  d'imola,  peintre  italien  de  l'école 
florentine,  né  à  Florence  en  4692,  mort  après  4750.  Il 
étudia  à  Bologne  sous  Gian-Giuseppe  del  Sole,  mais  vécut 
en  Toscane,  où  il  a  laissé  de  nombreuses  œuvres  remar- 
quables, surtout  ses  fresques,  tant  par  la  correction  et  la 
délicatesse  du  dessin  que  par  la  vivacité  agréable  du  colo- 
ris et  les  qualités  d'imagination.   Parmi  ses  tableaux  à 
l'huile,  nous  citerons  à  Florence  :  la  Conception  de  la 
Vierge  (San  Martino)  ;  une  Descente  de  croix  (Carminé)  ; 
une  Adoration  des  Mages  et  la  Mort  de  saint  Joseph 
(San  Paolo)  ;  une  Gloire  d'anges,  ajoutée  à  une  Visitation 
de  Ghirlandajo  (SanProcolo)  ;  une  autre  Descente  de  croix 
au  palais  Rinuccini  ;  à  Pise  :  le  Martyre  de  saint  Bar- 
thélémy (San  Bartolommeo)  ;  la  Translation  du  corps  de 
saint  Guide  (Dôme)  ;  parmi  ses  fresques,  à  Florence  :  une 
coupole  de  chapelle  (Ognissanti)  ;  une  lunette  offrant  le 
Martyre  de  saint  Etienne,  et  une  Assomption  (Badia)  ; 
Sainte  Catherine  de  Ricci  et  des  Anges,  Moïse  et  Aaron, 
¥A7*che  de  JSoé,  le  Sacrifice  d'Abraham,  Saint  Domi- 
nique délivrant  une  possédée  (lunettes  aux  Dominicains)  ; 
les  Douze  Apôtres  (Saint-Sauveur)  ;  à  Pise  :  quelques 
fresques  dans  les  palais  Curini  et  Ceoli  ;  à  Pistoie  :  des 
fresques  à  la  voûte  de  Saint-Philippe  ;  une  représentation 
de  Saints  de  l'ordre  des  servites ,  à  FAnnunziata  ;  les 
Mystères  de  la  Passion  (lunette),  el  une  voûte  d'escalier, 
au  palais  Amafi  ;  à  Sienne  enfin,  au  palais  Sansedoni,  des 
fresques  de  4745,  sans  doute  ses  derniers  grands  tra- 
vaux, représentant  la  Nuit,  les  Arts  libéraux,  les  Tra- 
vaux d'Hercule, Y  Hymne,  l&Benommée, les  Saisons,  etc. 
On  trouvera  le  portrait  de  Ferreti  peint  par  lui  dans  la 
collection  iconographique  des  Offices,  à  Florence. 

FERRETO  ou  FERRETI,  poète  et  historien  italien,  né 
à  Vicence,  mort  en  4335.  Il  a  laissé  un  poème  latin  sur 
la  famille  de  l'Escale,  et  une  chronique  qui  va  de  4250 
à  1348.  Ces  deux  ouvrages  ont  été  recueillis  par  L.-A. 
Muratori  au  t.  IX  de  sa  grande  collection,  Rerum  itali- 
carum  scriptores  ab  anno  D  adMD  (Milan,  4723-4770, 
34  vol.  in-fol.). 

Bibl.  :  Angiolgabrielo  di  Santa-Maria,  Biblloteca  de- 
gli  scrittori  vicentini  ;  Vicence,  1782,  in-4. 

FERRETTE  (Phirrith,  4428, Phirida,  4433), en  allem. 
Pfirt.  Ch.-l.  de  cant.  de  la  Haute- Alsace,  arr.  d'Altkirch, 
tête  de  ligne  de  l'embranchement  qui  se  détache  à  Altkirch 
du  chem.  de  fer  de  Mulhouse  à  Belfort  ;  524  hab.  Carrières, 
ruines  d'un  château  fort  de  la  fin  du  xie  ou  du  commence- 
ment du  xne  siècle,  démantelé  par  les  Suédois  pendant  la 
guerre  de  Trente  ans.  La  petite  ville  de  Ferre tte,  autrefois 
entourée  de  murailles,  était  la  capitale  du  comté  de  même 
nom  ;  elle  porte  d'azur  à  deux  barbeaux  adossés  d'argent. 

FERRETTE  (Comté  de).  Ce  comté  s'étendait  sur  l'an- 
cien pagus  du  Sundgau  et  comprenait  plusieurs  seigneuries 
de  la  Haute-Alsace,  dont  les  plus  importantes  étaient  celles 
de  Belfort,  de  Thann  et  d'Altkirch.  Il  doit  son  origine  à  la 
famille  des  comtes  de  Mousson  et  de  Montbéliard  :  en 
4403,  Frédéric  Ier,  comte  de  Montbéliard,  hérita  les  terres 
de  l'Alsace  supérieure  qui,  plus  tard,  prirent  le  nom  de 
comté  de  Ferrette.  Primitivement  terre  allodiale,  le  comté 
de  Ferrette  devint  en  4274  fief  oblat  de  l'évêché  de  Bâle, 
passa  en  4324  à  la  maison  d'Autriche  à  la  suite  du  ma- 
riage de  l'archiduc  Albert  II  avec  Jeanne,  fille  d'Ulrich  II, 
le  dernier  des  comtes  de  Ferrette.  Après  avoir  été  engagé 


à  la  maison  de  Bourgogne  en  4469,  il  retourna  à  la  mai- 
son d'Autriche  et  fut  cédé  à  la  France  par  le  traité  de 
Westphalie;  enfin,  en  4659,  Louis  XIV  le  donna  en  fief 
à  Mazarin  ;  les  héritiers  du  cardinal  en  furent  les  sei- 
gneurs jusqu'en  4789. 

Bibl.  :  Jugger,  Spiegel  der  Ehren  des...  Erzhauses 
Oesterreich...;  Nuremberg,  1668,  in-fol.  —  Schoepfjlin, 
Als.  ill.,  t.  II,  32,  4-12,  449.  —  Rev.  cathol.  d'Aïs.,  t.  II,  568. 
—  A.  Quiquerez,  Hist.  des  comtes  de  Ferrette  ;  Montbé- 
liard, 1863.  —  Ch.  Goutzwiller,  Esquisse  hist.  de  l'ancien 
comté  de  Ferrette;  Altkirch,  1868,  2°  éd.  — Ed.  Bonvalot, 
Coutumes  de  la  Haute-Alsace,  dites  de  Ferrette;  Col- 
mar,  1870. 

FERRETT1  (Emile),  jurisconsulte  italien,  né  à  Castel 
Franco  le   14  nov.  4489,  mort  à  Avignon  le  45  juil. 

4552.  Après  a\oir  étudié  le  droit  à  Pise  et  à  Sienne,  il 
fut  secrétaire  du  cardinal  Salviati  de  Florence,  puis  pro- 
fesseur à  Rome  et  secrétaire  de  Léon  X.  Quelques  années 
après,  il  se  retira  à  Castel  Franco  pour  faire  de  nou- 
velles études  et  plus  tard  il  suivit  à  Rome  et  à  Naples 
le  marquis  de  Montferrat.  A  son  retour,  il  tomba  aux 
mains  des  Espagnols  et  dut  payer  une  rançon.  Il  vint 
habiter  la  France  et  professa  à  Valence.  Le  roi  François  Ier 
le  fit  conseiller  au  parlement  de  Paris  et  le  chargea  de 
missions  diplomatiques  à  Venise  et  à  Florence  ;  il  fut 
envoyé,  avec  la  permission  du  roi,  auprès  de  Charles- 
Quint,  par  le  marquis  de  Montferrat.  Après  une  mission  à 
Florence  pour  le  roi  de  France,  il  se  fit  donner  le  droit  de 
bourgeoisie  dans  cette  ville.  Il  enseigna  ensuite  à  Avignon 
et  devint  conseiller  au  parlement  du  Dauphiné.  Ses  écrits 
sont  :  Notœ  in  IV  libros  înstitutionum,  Prcelectiones 
in  prœcipuos  Pondectarum  libros;  Prœlectiones  in 
prœcipuos  Codicis  libros  ;  Marci  Tullii  Ciceronis 
Orationes  Verrinœ  ac  Philippicœ  (Lyon,  4544,  in-8); 
Tractatus  de  mora  (4550,  4599,  4675);  Responsa.  Les 
œuvres  complètes  de  Ferretti  ont  été  publiées  à  Lyon, 

4553,  et  à  Francfort,  4598.  G.  R. 
FERRETTI  (Giovanni),  compositeur  italien,  né  à  Venise 

en  4540.  Il  a  publié  à  Venise,  de  1567  à  4588,  cinq  livres 
de  Canzoni  alla  napolitana  à  cinq  voix,  deux  livres  à  six 
voix,  et  un  livre  de  madrigaux  à  cinq  voix.  De  nombreux 
morceaux  de  Ferretti,  sans  doute  tirés  des  ouvrages  précé- 
dents, figurent  dans  des  recueils  du  xvie  siècle.       M.  Br. 

FERRETTI  (Luigi),  poète  italien,  né  à  Rome  le  24  févr. 
4836.  Neveu  du  poète  romanesco  Belli,  il  a  comme  lui 
écrit  tous  ses  vers  en  dialecte  romain,  et  on  ne  le  considère 
pas  comme  inférieur  à  son  célèbre  devancier.  Tous  les  dia- 
lectes italiens,  très  anciennement  cultivés,  ont  conservé 
leur  littérature  spéciale,  et  c'est  à  peu  près  la  seule  qui  soit 
encore  réellement  goûtée  du  rare  populaire  qui  sache  lire, 
parce  qu'elle  s'exprime  non  plus  en  une  langue  savante  et 
littérairement  francisée,  mais  en  une  langue  dont  la  syn- 
taxe, la  tournure  et  les  images  sont  absolument  nationales 
et  originales.  La  plupart  des  poésies  dialectales  italien- 
nes ont  circulé  longtemps  manuscrites  ou  orales  avant 
d'être  imprimées  ;  telles  celles  de  Luigi  Ferretti,  qui  sont 
des  sonnets  :  La  Dottrinella  (4878)  ;  Centoventi  So- 
netti  in  dialetto  romanesco  (4879),  avec  une  préface 
et  des  notes  de  Luigi  Morandi.  R.  G. 

Bibl.  :  Luigi  Morandi,  Luigi  Ferretti,  dans  la  Nuova  An- 
lologia,  1878.  —  Rocco  de  Zerbi,  Luigi  Ferretti,  dans  le 
Piccolo  de  Naples,  5  janv.  1879.  —  Nuova  Antologia,  1886. 

FERRETUS  (V.  Ferreto). 

FERREUX  (Ferrosum).  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr. 
de  Nogent-sur-Seine,  cant.  de  Romilly;  306  hab.  —  Cette 
localité,  mentionnée  dès  le  xne  siècle,  possède  une  église 
du  xiie  siècle,  remaniée  au  xvie. 

FERREY  (Benjamin),  architecte  anglais,  né  à  Christ- 
church  (Hampshire)  le  Ier  avr.  1810,  mort  à  Londres  le 
22  août  4880.  Issu  d'une  famille  française  protestante 
réfugiée  à  la  suite  de  l'édit  de  Nantes,  Ferrey,  élève  de 
Pugin  l'ancien,  accompagna  son  maître  dans  ses  voyages 
en  Angleterre  et  en  Normandie,  collabora  largement  à 
quelques-uns  de  ses  ouvrages,  tels  que  Ornemental  Bar* 
geboards  et  Gothic  Ornaments,  et  devint  un  des  premiers 


323  — 


FERREY  —  FERRIAR 


maîtres  de  la  nouvelle  école  d'architecture  gothique  an- 
glaise. D'abord  connu  par  la  construction  d'une  partie  de 
la  ville  de  Bornemouth,  il  fut  nommé  architecte  du  diocèse 
de  Wells  et  Baths,  où  il  restaura  la  nef,  les  transepts  et 
la  chapelle  de  la  Vierge  ainsi  que  le  palais  épiscopal  de  la 
cathédrale  de  Wells,  et  fut  nommé  l'un  des  architectes  con- 
seils de  l'ïncorporated  Church  Building  Society  :  il  dessina 
l'église  Saint- James,  à  Morpeth,  et,  pour  miss  Burdett 
Coutts,  l'église  Saint-Stephen,  à  Rochester  Row,  West- 
minster, ainsi  que  le  presbytère  et  les  écoles  de  cette  lo- 
calité ;  puis  la  résidence  de  Bayshot  Park  pour  le  duc  de 
Connaught.  En  dehors  de  mémoires  publiés  dans  les  comptes 
rendus  de  l'Institut  royal  des  architectes  britanniques,  Ferrey 
a  publié,  en  collaboration  avec  Edw.  Wedlake  Brayley, 
The  Antiquities  ofthePi^iory  of  Christ  Church  (Hants, 
1834,in-4),  et,  seul,  Recollections  of  A.  -N.  Welby  Pugin 
and  his  father  Augustus  Pugin,  with  notice  of  their 
ivorks,  etc.  (Londres,  1861,  in-8).        Charles  Lucas. 

Bibl.:  The  Builder ;  Londres,  1880,  t.  XXXIX,p.281,in-4. 

FER  RI  (Alfonso),  chirurgien  italien,  né  à  Faenza  vers 
1545,  mort  vers  1595.  Il  enseigna  la  chirurgie  et  Fana- 
tomie  successivement  à  Naples  et  à  Rome,  où  le  pape 
Paul  III  le  choisit  pour  son  premier  chirurgien.  Ce  fut  un 
praticien  très  habile  ;  ses  œuvres  renferment,  à  côté  d'er- 
reurs grossières  qui  étaient  de  son  temps,  une  foule  d'idées 
originales.  L'un  des  premiers  il  a  traité  des  plaies  par 
armes  à  feu.  Il  a  inventé  le  dilatateur  connu  sous  le  nom 
à'alphonsin  (V.  ce  mot).  Ouvrages  principaux  :  De  Ligni 
sancti  multiplia  medicina...  (Rome,  1537,  in-8  et 
autres  édit.;  en  franc.,  1540,  in-12);  De  Sclopetorum 
sive  archibusorum  vulneribus;  De  Caruncula,  sive 
callo,  quœ  cervici  vesicœ  innascitur  (Rome,  1552, 
in-4,  et  nomb.  édit.).  Dr  L.  Hn. 

FER  RI  (Ciro),  peintre-graveur  italien,  né  à  Rome  en 
1634,  mort  à  Rome  en  1689.  Elève  de  Pierre  de  Cortone, 
il  mit  tous  ses  efforts  à  imiter  le  faire  du  maître,  et  y 
réussit  complètement  sauf  pour  la  grâce  des  figures  et  l'éclat 
du  coloris.  Il  fut  pour  beaucoup  dans  la  propagation  de 
son  style  à  Florence,  où  il  suivit  Cortone  et  l'aida  dans  les 
peintures  du  palais  Pitti.  Celles  de  Sainte-Marie -Majeure 
de  Bergame  sont  regardées  comme  ses  meilleures  fresques. 
Il  fit  de  nombreux  travaux  dans  sa  ville  natale,  et  sa  der- 
nière œuvre  est  la  coupole  de  Sainte-Agnès,  qu'il  laissa 
inachevée.  On  trouve  de  ses  tableaux  à  l'huile  dans  des 
églises  de  Rome,  de  Milan,  de  Pérouse,  de  Sienne,  de  Cor- 
tone, etc.,  ainsi  que  dans  les  principaux  musées  de  l'Eu- 
rope, excepté  celui  du  Louvre.  Le  musée  de  Caen  possède 
de  ce  maître  un  beau  Christ  en  croix.  Ciro  Ferri  peignit 
beaucoup  de  miniatures  pour  des  livres  de  liturgie,  et  laissa 
de  nombreuses  eaux-fortes.  G.  P-i. 

FERRI  (Le  P.Girolamo),  archéologue  italien,  né  à  Lon- 
giano  (Romagne)  le  5  févr.  1713,  mort  à  Ferrare  le  27  juin 
1786.  Il  professa  les  belles-lettres  dans  plusieurs  collèges 
et  en  dernier  lieu  à  l'université  de  Ferrare.  Latiniste  émi- 
nent,  il  publia  à  cet  égard  :  Epistolœ  pro  linguœ  latinœ 
usu,  advenus  Alembertium  (Faenza,  1771,  in— 8).  On 
lui  doit  encore  des  biographies  d'Alexandre  de  Sardes 
(1775)  et  de  Balth.  Castiglione  (1780),  etc.       G.  P-i. 

FERRI  (Gesualdo),  peintre  de  l'école  florentine,  né  à 
San  Miniato  en  1728,  mort  vers  1780.  Elève  de  Pompeo 
Batoni.  Parmi  ses  peintures  on  cite  celles  du  Poggio  Impé- 
riale, et  celles  de  l'église  del  Carminé  et  de  l'oratoire  San 
Firenze  à  Florence.  G.  P-i. 

FERRI  (Luigi),  philosophe  italien,  né  à  Bologne  le 
15  juin  1826.  Il  est  professeur  à  l'université  de  Rome, 
doyen  de  la  Faculté  des  lettres,  membre  correspondant  de 
l'Institut  de  France,  secrétaire  de  la  classe  des  sciences 
morales  et  historiques  de  l'Académie  des  Lincei.  Il  fit  ses 
premières  études  dans  sa  ville  natale;  mais  son  père, 
peintre  et  architecte  en  décors,  ayant  été  appelé  à  Paris 
pour  la  décoration  du  Théâtre-Italien,  il  le  suivit  et  fut 
placé  au  lycée  Bourbon,  où  il  remporta  le  prix  de  disser- 
tation latine.  Elève  de  l'Ecole  normale,  il  enseigna  succes- 


sivement à  partir  de  1850  dans  les  collèges  de  Chalon, 
Evreux,  Dieppe,  Blois  et  Toulouse;  puis,  son  père  ayant 
été  rappelé  en  Piémont  comme  peintre  de  la  cour,  L.  Ferri 
vint  en  1855  enseigner  la  philosophie  d'abord  à  Annecy, 
ensuite  au  collège  de  Casal-Montferrat.  En  1858,  il  fut 
nommé  inspecteur  des  écoles  moyennes  pour  la  philosophie, 
puis,  en  1860,  il  devint  chef  du  cabinet  du  ministre  de 
l'instruction  publique,  Mamiani.  En  1863,  il  fut  appelé  à 
la  chaire  d'histoire  de  la  philosophie  à  l'Institut  des  études 
supérieures  de  Florence,  d'où  en  1871  il  fut  transféré  à 
l'université  de  Rome  comme  professeur .  de  philosophie 
théorétique. 

Elève  de  Jules  Simon  et  de  Saisset,  ami  de  Mamiani, 
directeur  de  la  revue  philosophique  fondée  par  ce  dernier 
(Revue  des  écoles  italiennes,  devenue  maintenant  Revue 
italienne  de  philosophie),  L.  Ferri  professe  une  doctrine 
intermédiaire  entre  le  spiritualisme  psychologique  français 
et  l'idéalisme  néo-platonicien  de  Rosmini  et  de  Gioberti  ; 
il  a  surtout  insisté  sur  l'intuition  simultanée  de  la  causa- 
lité externe  et  de  la  causalité  interne  dans  l'acte  de  la  per- 
ception :  Studii  sulla  coscienza,  dans  Filosofia  délie 
scuole  (1875-77);  ïlFenomeno  nelle  sue  relaziani  con 
la  sensazione,  la  percezione  e  Voggetto  (id.,  1883). 
Tout  en  se  livrant  avec  goût  à  l'observation  psycholo- 
gique comme  dans  ses  Osservazioni  sopra  una  bambina 
(id.,  1879),  il  ne  renonça  jamais  aux  spéculations  méta- 
physiques :  son  ontologie  semi-empirique  est  exposée  dans 
ses  articles  de  la  même  revue  :  Analisi  del  concetlo  di 
Sostanza  e  sue  relazioni  coi  concetti  di  Essenza,  di 
Causa  e  di  Forza  (1885)  et  Délia  Idea  del  Vero  e 
sua  relazione  colla  idea  deWEssere  (1887).  Mais, 
comme  ses  contemporains  de  l'Ecole  normale  de  Paris, 
il  porta  surtout  son  effort  du  côté  de  l'histoire  de  la 
philosophie.  On  lui  doit  dans  cet  ordre  d'études  :  Délia 
Filosofia  del  Diritto  presso  Aristotile  (Cimento,  1855)  ; 
17  Genib  di  Aristotile  (Florence,  1866);  Suite  Vicende 
délia  filosofia  in  Roma  (Rome,  1876)-;  La  Questione 
délia  schiavitù  nella  storia  délie  idée  (id.,  1885)  ;  Stu- 
dii su  Leonardo  da  Vinci,  dans  Arte  in  Italia  (Turin, 
1871);  La  Psicologia  di  Pietro  Pomponazzi  secundo 
un  manuscritto  délia  biblioteca  Angelica  di  Roma, 
dans  Academia  dei  Lincei  (1877).  Ce  dernier  travail  est 
original  et  intéressant  ;  les  ouvrages  les  plus  importants  de 
L.  Ferri  sont  cependant  sans  conteste  son  Essai  sur  V his- 
toire de  la  philosophie  en  Italie  au  xixe  siècle  (Paris, 
1869,  2  vol.)  et  la  Psychologie  de  V association  depuis 
Hobbes  jusqu'à  nos  jours  (Paris,  1883),  tous  les  deux 
rédigés  en  français.  La  Psychologie  de  V association  a  été 
couronnée  par  l'Institut.  — Déférence  pour  le  sens  commun, 
clarté,  noblesse  un  peu  froide,  précision  sans  acuité,  com- 
pétence et  conscience,  telles  sont  les  caractères  qui  dis- 
tinguent les  productions  deL.  Ferri,  et  qui  le  rapprochent 
des  philosophes  professeurs  de  l'école  de  Cousin.  Ses  tra- 
vaux historiques  ne  sont  jamais  exempts  de  préoccupations 
dogmatiques  et  apologétiques.  Son  influence  a  contribué 
efficacement  à  maintenir  dans  la  tradition  l'enseignement 
philosophique  des  écoles  secondaires  en  Italie.     A.  Espinas. 

FERRI-Pisàni,  comte  de  Saint-Anastase,  administra- 
teur français,  né  à  Ajaccio  en  i  770,  mort  à  Paris  le  21  oct. 
1846.  Attaché  en  1805  à  la  secrétairerie  d'Etat  du 
royaume  d'Italie,  il  fut  l'année  suivante  envoyé  à  Naples,  où 
le  roi  Joseph  le  nomma  secrétaire  de  son  cabinet,  conseiller 
d'Etat  et  surintendant  des  postes.  Il  exerça  sous  ce  prince, 
à  partir  de  1808,  les  mêmes  emplois  en  Espagne,  où  il 
devint  président  de  section  au  conseil  d'Etat,  rentra  en 
France  après  Vitoria  (1813),  fut  créé  comte  par  Napoléon, 
resta  écarté  des  affaires  sous  la  Restauration  et  fut  en  1830 
appelé  par  Louis-Philippe  au  conseil  d'Etat,  où  il  siégea 
jusqu'en  1845.  Il  avait  épousé  une  fille  du  maréchal  Jour- 
dan.  A.  Debidour. 

FERRIAR  (John),  médecin  et  poly graphe  anglais,  né  en 
1761,  mort  en  1815.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Edim- 
bourg, il  s'établit  d'abord  à  Stockton-on-Tees,  puis  à 


FERRIAR  —  FERRIER 


—  324  — 


Manchester,  où  il  ne  tarda  pas  à  se  faire  une  réputation 
d'hygiéniste  et  d'écrivain  disert.  Il  donna  un  grand  nombre 
de  mémoires  intéressants  à  la  Société  littéraire  et  philoso- 
phique de  Manchester.  Ses  œuvres  poétiques,  comme  The 
Puppet  Shew  et  la  tragédie  The  Prince  of  Angola,  ne  sont 
que  des  productions  assez  médiocres  ;  mais  ses  Médical 
Historiés  and  Reflections  (1792-1798,  3  vol.)  et  ses 
Illustrations  of  Sterne  (1798)  suffiront  à  sauver  son  nom 
de  l'oubli.  B.-H.  G. 

FERRICYÂNURE  (V.  Cyanure). 

FERRIER  (Saint  Vincent)  (Y.  Ferrer). 

FERRIER  (Arnaud  du),  diplomate  français,  né  à  Tou- 
louse vers  1508,  mort  vers  la  fin  d'oct.  1585.  Après  un 
voyage  àPadoue,  où  il  connut  L'Hôpital  et  fut  reçu  docteur 
es  lois,  Arnaud  du  Ferrier  revint  en  France  et  professa  le 
droit  à  Bourges,  puis  à  Toulouse  où  il  eut  Cujas  comme 
élève.  Conseiller  au  parlement  de  cette  ville,  puis  à  celui 
de  Rennes,  il  fut  nommé  président  à  celui  de  Paris.  Ce  fut 
dans  ces  fonctions  qu'il  eut,  en  1559,  le  courage  de  se  ran- 
ger parmi  ceux  qui  protestaient  contre  les  peines  civiles 
infligées  en  matière  religieuse.  Cela  ne  l'empêcha  pas  d'être 
envoyé  comme  ambassadeur  au  concile  de  Trente  avec  Lan- 
sac  au  mois  d'avr.  1562.  Il  s'y  fit  remarquer  par  son 
attitude  à  la  fois  habile  et  énergique  et,  après  avoir 
protesté  vivement  contre  plusieurs  décisions  du  concile, 
se  retira  à  Venise.  Le  roi  approuva  sa  conduite  et  le 
nomma,  sur  sa  demande,  ambassadeur  dans  cette  ville  en 
remplacement  de  Boistaillé.  Il  y  resta  jusqu'en  1567,  où  il 
eut  pour  successeur  Paul  de  Foix,  et  y  revint  en  1570. 
Dans  cette  dernière  mission  qui  dura  douze  ans,  jusqu'à 
son  remplacement  par  Hurault  de  Maisse,  il  eut  à  excuser 
aux  yeux  des  Vénitiens  le  massacre  de  la  Saint-Barthélémy 
et  à  recevoir  Henri  III ,  de  retour  en  France  après  avoir 
abandonné  le  trône  de  Pologne.  Au  cours  de  toutes  ses  mis- 
sions, du  reste,  du  Ferrier  se  conduisit  avec  une  habileté 
remarquable  dont  témoignent  les  parties  de  sa  correspon- 
dance qui  ont  été  publiées.  Aussi  la  première  dépêche  de 
de  Maisse  montre  qu'il  partit  de  Venise,  «  ayant  été  honoré 
de  ces  seigneurs  à  son  partement,  autant  que  nul  autre  qui 
ait  encore  esté  icy  ».  Ils  lui  firent  un  présent  de2,000écus 
et  d'une  chaîne  de  1,000,  ce  qui  n'avait  encore  été  fait  pour 
aucun  autre  ambassadeur.  De  retour  en  France,  du  Fer- 
rier, qui  s'était  lié  à  Venise  avec  Duplessis-Mornay,  ne 
tarda  pas  à  se  rapprocher  du  roi  de  Navarre  et  probable- 
ment à  se  faire  calviniste.  Il  y  perdit  d'abord  les  sommes 
considérables  dont  Henri  III  était  resté  débiteur  à  l'égard 
des  Vénitiens  et  pour  lesquelles  il  avait  répondu  ;  il  y  per- 
dit aussi  sa  place  au  conseil  privé,  dont  la  reine  mère 
l'avait  éloigné  et  où  Henri  III  l'avait  réintégré  à  son  pas- 
sage à  Venise.  Les  fonctions  de  chancelier  du  roi  de  Navarre 
ne  furent  qu'une  faible  compensation  à  ces  pertes  maté- 
rielles ;  il  en  profita  cependant  pour  conseiller  à  ce  prince 
une  politique  de  conciliation,  et  l'engagea  notamment  à 
s'unir  à  Henri  III  et  au  parti  des  Politiques  pour  combattre 
la  Ligue.  La  carrière  de  du  Ferrier  est  donc  une  des  plus 
remarquables  parmi  les  diplomates  et  les  hommes  d'Etat 
du  xvie  siècle.  Contemporain  de  L'Hôpital  et  de  Marillac,  il 
est  le  digne  précurseur  de  d'Ossat.  Louis  Farges. 

Bibl.  :  P.  Sarpi,  Hist.  du  concile  de  Trente.  —  Char- 
rière,  Nég.  de  la  France  dansle  Levant  (ap.  doc.  inédits). 

—  Du  même,  Archives  des  mis.,  se.  etlitt.,  3e  série,  t.  III. 

—  E.  Frémy,  Un  Ambassadeur  libéral  sous  Charles  IX  et 
Henri  III ;  Afnaud  du  Ferrier;  Paris,  1880,  in-8.    , 

FERRIER  (Jérémie),  pasteur  protestant,  né  à  Nîmes 
vers  1560,  mort  à  Paris  le  26  sept.  1626.  11  se  fit 
remarquer,  en  1599,  dans  une  discussion  publique  contre 
le  controversiste  P.  Coton,  à  Nîmes.  Il  devint  pas- 
teur en  cette  ville,  dès  1601,  et  attira  de  grands  audi- 
toires. Il  y  fut  presque  aussitôt  nommé  professeur  à 
l'Académie.  Les  thèses  qu'il  publia  à  cette  occasion 
affirment  que  le  pape  Clément  VIII  est  proprement  Fante- 
christ,  ce  qui  souleva  de  longues  disputes  et  des  démêlés 
avec  la  police.  Au  cours  de  ces  controverses,  il  se  laissa 
gagner  par  la  cour,  et  accepta,  en  avril  1613,  une  place 


d'assesseur  criminel.  Le  consistoire  de  Nîmes  l'excom- 
munia; le  peuple  l'insulta  dans  les  rues;  il  finit  par  se 
retirer  à  Paris,  où  il  abjura  entre  les  mains  du  cardinal 
Duperron.  Il  publia  alors  une  rétractation  de  ses  thèses  :  De 
V Antéchrist  (Paris,  1615,  in-4)  et  fut  nommé  conseiller 
d'Etat;  puis  il  eut  un  certain  succès  en  justifiant  l'alliance 
politique  avec  la  Hollande  dans  le  Catholique  d'Etat  (Paris, 
1625,  in-8)  qui  eut  trois  éditions  en  un  an.       F.-H.  K. 

FERRIER  (François-Louis-Auguste),  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  13  avr.  1777,  mort  à  Paris  le 
11  janv.  1861.  Entré  dans  l'administration  des  douanes, 
il  fut  nommé  en  1804  sous-inspecteur  à  Bayonne,  et  devint 
inspecteur  à  Worms,  puis  dans  le  Palatinat  et  en  Toscane. 
En  1812,  il  fut  nommé  directeur  général  des  douanes.  Il 
était  alors  directeur  à  Rome.  Destitué  par  la  Restauration, 
il  reprit  son  poste  pendant  les  Cent-Jours  et  le  perdit  de 
nouveau  après  Waterloo.  Le  gouvernement  ne  lui  donna 
que  les  fonctions  de  directeur  à  Dunkerque,  qu'il  remplit 
jusqu'en  1841.  Le  25  déc.  de  cette  année,  il  fut  créé  pair 
de  France.  Il  a  écrit  :  Essai  sur  les  ports  francs  (Bayonne, 
1804,  in-8)  ;  Mémoire  sur  le  crédit  (Lille,  1817,  in-8)  ; 
Du  Gouvernement  considéré  dans  ses  rapports  avec  le 
commerce  (Paris,  1822,  in-8,  3e  éd.);  Mémoire  sur  la 
demande  d'un  entrepôt  de  denrées  coloniales  à  Paris 
(1819,  in-8);  De  l'Entrepôt  de  Paris  (1828,  in-8);  Du 
Système  maritime  et  commercial  de  V Angleterre  au 
xixe  siècle  (1829,  in-8);D<?  V Enquête  commerciale 
(1829,  in-8)  ;  De  la  Responsabilité  ministérielle  rela- 
tivement à  l'administration  des  finances  (1832,  in-8); 
De  r Impôt  (1833,  in-8);  De  la  Rémunération  des  ser- 
vices publics  (1833,  in-8);  Du  Port  de  Dunkerque  et 
de  son  avenir  commercial  (1838,  in-8). 

FERRIER  (Susan-Edmonstone),  romancière  écossaise, 
née  à  Edimbourg  en  1782,  morte  à  Edimbourg  en  1854. 
Fille  d'un  employé  au  secrétariat  d'Etat,  elle  écrivit  en 
collaboration  avec  une  nièce  du  duc  d'Argyll,  miss  Clave- 
ring,  un  roman,  Marriage,  que  l'éditeur  Blackwood  paya 
150  livres  sterling.  Encouragé  par  le  succès,  le  même  édi- 
teur lui  donna  1,000  livres  pour  son  second  roman,  The 
Inheritance  ;  enfin  un  troisième  dédié  à  Walter  Scott, 
Destiny,  lui  rapporta  1,700  livres.  Ces  prix  énormes,  bien 
supérieurs  à  la  valeur  de  ces  œuvres,  s'expliquent  par  le 
fait  qu'elle  y  introduisait  en  des  esquisses  satiriques, 
vives  et  souvent  spirituelles,  les  personnages  les  plus  connus 
de  la  haute  société  écossaise  en  imitation  des  Caractères  de 
La  Bruyère,  dont  elle  faisait  sa  lecture  favorite.  Une  der- 
nière édition  a  paru  en  1881.  Hector  France. 

FERRIER  (Paul),  auteur  dramatique  français,  né  à  Mont- 
pellier le  29  mars  1843.  Après  quelques  études  de  droit, 
il  abandonna  la  jurisprudence  pour  la  littérature.  En  1868, 
il  débutait  à  la  Comédie-Française  avec  la  Revanche 
d'Iris,  comédie  en  un  acte  en  vers.  Il  donnait  ensuite  au 
Vaudeville  :  Un  Mari  qui  voisine  (1869)  ;  Une  Femme 
est  comme  votre  ombre  (1870),  et  à  l'Odéon,  la  Cré- 
maillère (1872),  puis  Gilbert  (1872),  comédie  en  trois  actes 
en  prose.  Son  succès  commença  à  se  dessiner  avec  Chez 
r  avocat  (1873),  comédie  en  un  acte  en  vers  libres,  qui 
est  restée  au  répertoire  du  Théâtre-Français,  et  avec  les 
Incendies  de  Massoulard  (1873),  comédie  en  prose  repré- 
sentée au  Palais-Royal.  Depuis  lors,  la  production  de 
M.  Ferrier  a  été  considérable  et  ses  succès  constants.  Nous 
citerons  sans  plus  de  commentaires  :  Tabarin  (1875,  in-12), 
comédie  en  deux  actes,  écrite  spécialement  pour  Coquelin;  la 
Partie  d'échecs  (1876,  in-12,  Palais-Royal)  ;  les  Cinq 
Filles  de  Castillon  (1876,  in-12,  Gymnase)  ;  les  Com- 
pensations (1877,  in-12,  Gymnase);  Au  Grand  Col  (1877, 
m-12),  et  la  Chaste  Suzanne  (1878,  in-12,  au  Palais- 
Royal)  ;  la  Femme  de  chambre  (1878,  in-12)  ;  les  Ilotes 
dePithiviers  (1879,  in-12)  ;  le  Codicille  (1879,  in-12)  ; 
Nos  Députés  en  robe  de  chambre  (1880,  in-12)  ;  le  Pa- 
risien (1881,  in-12),  en  collab.  avec  Vast-Ricouard  ;  la 
Rue  Bouleau,  avec  les  mêmes  (1883,  in-12)  ;  la  Vie  facile 
(1881,  in-12), avec  Albéric  Second;  la  Flamboyante (188 4, 


—  325  — 


FERRIER  —  FERRIÈRE 


in-12),  avec  Félix  Cohen  et  A.  Yalabrègue;  l'Heure  du  pâ- 
tissier (4 880,  in-12)  ;  Madame  est  jalouse  (4883,  in-12); 
la  Doctoresse  (1889,  in-12),  avec  Bocage;  le  Coup  de 
foudre  (4888,  in -12)  ;  Nos  Bons  Jurés  (1888,  in-12), 
avec  Carré;  l  Art  de  tromper  les  femmes  (1890,  in-12), 
avec  de  Najac.  Outre  ces  comédies  et  une  revue  en  trois  actes 
composée  en  collaboration  avec  Joliivet,  Clairville,  Depré, 
la  Briguedondaine  (1886,  in-12),  M.  Ferrier  a  donné 
des  opérettes,  des  opéras-bouffes,  des  féeries  qui  ont  été 
pour  lui  de  véritables  triomphes.  Citons  :  la  Marocaine 
(1879,  in-12),  musique  d'Offenbach;  les  Mousquetaires 
au  couvent  (1880,  in-12),  musique  de  Varney,  collab. 
de  J.  Prével;  Babolin  (1884,  in-12),  musique  et  collab. 
des  mêmes;  Fanfan  la  Tulipe  (1882,  in-12),  id.;  la 
Petite  Muette  (1878,  in-12),  musique  de  Serpette;  les 
Petits  Mousquetaires  (1885,  in-12),  musique  de  Varney, 
collab.  de  Prevel  ;  Tabarin  (1885,  in-12),  musique  de 
Pessard;  Dix  Jours  aux  Pyrénées  (1888,  in-12),  mu- 
sique de  Varney  ;  Joséphine  vendue  par  ses  sœurs  (1886, 
in-12),  musique  de  Roger,  collab.  de  V.  Carré  ;  Paquet  à 
la  Houppe  (1889,  in-12),  musique  de  Varney;  la  Vénus 
d'Arles  (1889,  in-12),  musique  de  Varney,  collab.  de 
Liorat;  le  Fétiche  (1890,  in-12),  musique  de  Roger, 
collab.  de  Clairville.  On  peut  encore  mentionner  des  à-propos 
et  monologues  comme  :  la  Sœur  de  Cacolet  (1874,  in-12)  ; 
Ducannois  (1878,  in-12)  ;  Paris  sans  cochers  (1878, 
in-12),  etc. 

FERRIER  (Gabriel),  peintre  français,  né  à  Nîmes  (Gard) 
en  4  847.  Entré  à  l'Ecole  des  beaux-arts  en  1867,  il  y  fit 
de  sérieuses  études  sous  la  direction  de  Pils  et  de  M.  Hébert, 
et  obtint  le  prix  de  Rome  en  1872.  De  la  villa  Médicis  il 
envoya  comme  premier  tableau  V Enlèvement  de  Gany- 
mède  où  Ton  remarquait  déjà  les  qualités  qu'il  devait 
développer  plus  tard,  c.-à-d.  la  correction  du  dessin,  le 
sentiment  de  la  chair,  du  coloris  chaud  et  vibrant.  Il  exposa 
au  Salon  de  1876  un  David  vainqueur  de  Goliath,  qui 
est  au  musée  de  Nîmes,  et  une  Bethsabée.  Il  se  signala 
tout  à  fait  à  l'attention  publique  en  1878  avec  un  grand 
tableau,  Sainte  Agnès  martyre,  qui  fut  acquis  par  l'Etat 
et  envoyé  au  musée  de  Rouen.  L'exécution  en  fut  jugée 
franche,  copieuse,  hardie  et  vivante.  En  1879,  M.  Gabriel 
Ferrier  exposa  une  Scène  de  V Inquisition  en  Espagne 
que  le  critique  Paul  de  Saint-Victor  déclara  un  «  morceau 
à  la  Ribéra  ».  Citons  encore,  du  même  artiste  :  Salammbô 
(1880);  Printemps,  panneau  décoratif,  et  Portrait  de 
M.  ClaudiusPopelin  (1881);  Salut!  roi  des  Juifs  (1882); 
Portrait  du  général  Pittié  au  Palais  de  l'Elysée  (1884)  ; 
Ange  gardien  (1885);  Fumeur  de  kiff,  scène  inspirée 
des  Paradis  artificiels  de  Reaudelaire,  et  V Ecole  arabe 
(1887);  Portrait  de  M .  Jules  Claretie  (1888)  ;  les  Mères 
maudissent  la  guerre  (1 889)  ;  G lorificaïion  des  arts,  pla- 
fond pour  l'ambassade  de  France  à  Berlin  (1891),  etc. ,  etc. 

FERRIER  de  La  Martinière  (Louis),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Arles  en  1652,  mort  en  1721.  Précepteur  du 
duc  de  Saint-Àignan,  puis  de  Charles-Louis  d'Orléans,  che- 
valier de  Longueville,  il  a  laissé  des  tragédies  :  Anne  de 
Bretagne  (4679,  in-12)  ;  Adrasle  (4680,  in-12)  ;  Mon- 
tezuma  (4702,  in-42)  ;  des  poésies,  Préceptes  galants 
(4678,  in-42),  et  une  traduction  de  V Histoire  univer- 
selle de  Justin  (4693). 

FERRIER  du  Chastelet  (Pierre-Joseph  de),  général 
français,  né  à  Bavilliers,  près  de  Belfort,  le  25  mai  1739, 
mort  à  Luxeuil  (Haute-Saône)  le  29  nov.  1828.  Mousque- 
taire en  avr.  1754,  il  fut  promu  maréchal  de  camp  le  21  sept. 
1788.  Partisan  des  idées  nouvelles,  il  fut,  en  1791,  chargé 
du  commandement  des  troupes  destinées  à  rétablir  l'ordre 
dans  le  Comtat-Venaissin.  Ferrier,  qui  était  considéré 
comme  un  excellent  patriote,  organisa,  après  le  10  août,  la 
défense  des  gorges  de  Porentruy  et  eut  de  nombreux 
pourparlers  avec  les  Suisses.  Il  fut  promu  lieutenant  géné- 
ral le  7  sept.  1792.  Il  servit  ensuite  sous  les  ordres  de 
Custine  et  eut  des  démêlés  avec  son  chef  qui  le  dénonça 
(23  juin  1793).  Au  mois  de  juillet  suivant,  il  remplaça 


Houchard  à  l'armée  de  la  Moselle,  et  sa  division  réclama 
sa  destitution  pour  cause  d'impéritie  (13  août  4793). 
Ferrier  donna,  le  42  sept.,  sa  démission  qui  fut  acceptée  le 
17  oct.  4  793.  Son  nom  est  souvent  orthographié  Ferrière. 

FERRIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Loudéac,  cant.  de  La  Chèze  ;  734  hab. 

FERRIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  d'Indre-et-Loire,  arr. 
de  Tours,  cant.  de  Neuvy-le-Roi  ;  392  hab. 

FERRIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Gre- 
noble, cant.  d'Allevard  ;  789  hab. 

FERRIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr. 
et  cant.  de  Segré  ;  504  hab. 

FERRIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  de 
La  Roche-sur-Yon,  cant.  des  Essarts;  2,295  hab. 

FERRIÈRE-au-Doyen  (La).  Corn,  du  dép.  du  Calvados, 
arr.  de  Vire,  cant.  d'Aulnay-sur-Odon  ;  202  hab. 

FERRIÈRE-àu-Doyen  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Orne, 
arr.  de  Mortagne,  cant.  de  Moulins-la-Marche;  441  hab. 

FERRIE RE-aux-Etangs  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Orne, 
arr.  de  Domfront,  cant.  de  Messel;  1,070  hab.  Mines  de 
fer.  Verrerie.  Souterrains  d'un  ancien  château  dont  il  ne 
reste  que  des  vestiges. 

FERRIÈRE-Béchet  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
d'Alençon,  cant.  de  Sées  ;  327  hab. 

FERRIÈRE-Bochard  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
et  cant.  (O.)  d'Alençon;  600  hab. 

FERRIÈRE-Duval  (La).  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr. 
de  Vire,  cant.  d'Aulnay-sur-Odon;  93  hab. 

FERR!ÈRE-en-Gençais  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Vienne 
arr.  de  Civray,  cant.  de  Gençais;  581  hab.  Vestiges  d'en- 
ceintes et  de  fortifications  anciennes.  Mottes  ou  tumuli 
entourés  de  fossés.  Eglise  de  l'époque  de  transition  avec 
abside  polygonale. 

FERRIÈRE-en-Parthenay  (La).  Com.  du  dép.  des  Deux- 
Sèvres,  arr.  de  Parthenay,  cant.  de  Thénezay;  4,023  hab. 

FERRIÈRE-Harang  (La).  Com.  du  dép.  du  Calvados, 
arr.  de  Vire,  cant.  du  Bény-Rocage;  675  hab. 

FERRIÈRE-llAUT-CLOCHER(La).  Com.  du  dép.  de  l'Eure, 
arr.  d'Evreux,  cant.  de  Conches  ;  322  hab. 

FERRIÈRE-la-Grande.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr. 
d'Avesnes,  cant.  de  Maubeuge;  3,480  hab.  Minerai  de  fer. 
Carrières  de  pierre  bleue  et  de  marbre.  Hauts  fourneaux. 
Usines  de  la  manufacture  de  Maubeuge.  Quincaillerie. 
Fabrique  de  brosses.  On  a  découvert  un  cimetière  gallo- 
romain  et  mérovingien  sur  le  territoire  de  cette  commune. 

FERRIÈRE-la-Petite.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr. 
d'Avesnes,  cant.  de  Maubeuge;  848  hab.  Poterie,  faïencerie, 
Fabrique  de  sabots.  Restes  de  l'ancien  château  aménagés 
en  faïencerie. 

FERRIÈRE-Larçon.  Com.  du  dép.  d'Indre-et-Loire, 
arr.  de  Loches,  cant.  du  Grand-Pressigny,  sur  un  affluent 
du  Brignon;  751  hab.  Fabr.  de  toiles.  Eglise  dont  la  nef 
est  romane  et  le  chœur  gothique. 

FERRIÈRE-la-Verrerte.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
d'Alençon,  cant.  de  Courtomer  ;  562  hab. 

FERRIÈRE-SAiNT-HiLAiRE.Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
de  Bernay,  cant.  de  Broglie  ;  377  hab. 

FERRIÈRE-sur-Beaulteu.  Com.  du  dép.  d'Indre-et- 
Loire,  arr.  et  cant.  de  Loches,  sur  un  affluent  de  l'Indre  ; 
329  hab.  Monuments  mégalithiques.  Ruines  d'un  aqueduc 
gallo-romain.  Eglise  du  xivc  siècle.  Ruines  d'une  ancienne 
chapelle  de  sainte  Radegonde. 

FERRIÈRE-sur-Rille.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
d'Evreux,  cant.  de  Conches;  401  hab.  Minerai  de  fer. 
Haut  fourneau.  Eglise  dont  la  tour  remonte  au  xinc  siècle  ; 
elle  conserve  un  beau  retable  sculpté  de  la  Renaissance. 
Vestiges  d'un  ancien  château  féodal. 

FERRIÈRE  (Claude  de),  jurisconsulte  français,  né  à 
Paris  le  6  févr.  1639,  mort  à  Reims  le  11  mai  1715.  Il  fut 
professeur  à  Reims,  puis  à  Paris,  et  avocat  au  parlement 


FERRIÈRE  —  FERRIÈRES 


—  326  — 


de  Paris.  Ses  ouvrages  sont  :  Jurisprudence  du  Digeste 
(1677-1688,  2  vol.  in-4)  ;  Commentaires  sur  la  cou- 
tume de  Paris  (Paris,  1679, 1685, 1692  ;  avec  les  obser- 
vations de  Le  Camus,  1714;  avec  des  notes  de  Sauvan 
d'Araraon,  nouv.  éd.,  Paris,  1770,  1778,  2  vol.  in- 12)  ; 
Traité  des  fiefs  (1680,  1700,  in-4)  ;  Science  parfaite 
des  notaires  (1684,  in-4)  ;  Introduction  a  la  pratique 
(1684,  in-12)  ;  Jurisprudence  du  Code  et  des  Novelles  de 
Justinien  (1684-1688, 4  vol.  in-4)  ;  Commentateurs  sur 
la  coutume  de  Paris  (1688,  3  vol.  in-fol.)  ;  Institutes  de 
Justinien  (Paris,  1692,  1760,  1787,  2  vol.  in-12)  ; 
Nouvelle  Institution  coutumière  (1692,  nouv.  éd.  ; 
1702,  3  vol.  in-12).  —  Son  fils,  Claude-Joseph,  né  à 
Paris  vers  1680,  mort  en  1750,  a  été  avocat  au  parle- 
ment et  doyen  de  la  faculté  de  droit  de  Paris,  et  il  a  publié 
une  Histoire  du  droit  romain  (1718;  2e éd. ,  1 726,  in-4 2) , 
pour  laquelle  il  a  fait  de  nombreux  emprunts  à  Gravina. 
Il  a  publié  et  développé  divers  ouvrages  de  son  père, 
notamment  l'Introduction  à  la  pratique,  qui  est  devenue 
un  Dictionnaire  de  droit  et  de  pratique  (1740,  2  vol. 
in-4),  ouvrage  qui  a  eu  de  nombreuses  éditions  ;  les  Ins- 
titutes de  Justinien  (traduction  faite  par  Claude  de  Fer- 
riére  et  portée  par  son  fils  de  2  vol.  à  7  au  moyen  de 
notes  et  d'une  histoire  du  droit  romain,  1721-1760,  7  vol. 
in-12)  ;  enfin,  l'ouvrage  de  Claude  de  Ferrière  sur  la 
science  des  notaires  sous  le  titre  de  :  Science  parfaite  des 
notaires,  ou  le  Parfait  Notaire  (1734,  nouv.  éd.  avec 
notes,  de  F.-B.  Devismes;  Paris,  1771, 2  vol.  in-4).  G.  R. 
FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège.  arr.et  cant.  de 
Foix;242hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  delà  Charente-Inférieure, 
arr.  de  La  Rochelle,  cant.  de  Courçon  ;  455  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  duDoubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  d'Àudeux  ;  138  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Mont- 
béliard,  cant.  de  Marche  ;  120  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Mont- 
pellier, cant.  de  Claret;  46  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Saint- 
Pons,  cant.  d'Olargues;  210  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  de  laManche,  arr.de  Mor- 
tain,  cant.  du  Teilleul  ;  164  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du^  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Nancy,  cant.  de  Saint-Nicolas-du-Port  ;  189  hab. 
FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Clermont, 
cant.  de  Maignelay  ;  382  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
d'Argelès,  cant.  d'Aucun;  719  hab. 

FERRIÈRES  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie, 
arr.  et  cant.  (N.)  d'Annecy;  216  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, arr. 
de  Neufchâtel-en-Bray,  cant.  deGournay;  1,208  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  de  la  Somme, arr. d'Amiens, 
cant.  de  Picquigny  ;  384  hab. 

FERRIÈRES.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Castres, 
cant.  de  Vabre,  sur  la  rive  droite  de  l'Agoùt;  751  hab. 
Ruines  d'un  château  de  la  Renaissance,  reconstruit  en 
partie  au  xvme  siècle  et  transformé  alors  en  prison  ;  belle 
cheminée.^ 

FERRIÈRES-en-Brie.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Meaux,  cant.  de  Lagny.  Stat.  (à  Ozouer-la-Fer- 
rière)  du  chem.  de  fer  de  l'Est,  ligne  de  Paris  à  Belfort  ; 
931  hab.  Ce  lieu  est  mentionné  au  xe  siècle  comme  appar- 
tenant à  l'abbaye  de  Saint-Maur  ;  plus  tard,  il  eut  des  sei- 
gneurs particuliers,  parmi  lesquels  on  connaît  Martin  de 
Bellefaye  auxve  siècle,  Nicolas Herbelot,  maître  des  comptes, 
Adam  Aymery,  Guillaume  et  Charles  deMarillac  au  xvie  siècle. 
Sous  Louis  XIV,  Ferrières  fut  acquis  par  Léonard  Goulas, 
secrétaire  de  Gaston  d'Orléans  ;  la  terre  passa  ensuite  à  la 
famille  de  La  Briffe  et  fut  érigée  en  marquisat,  le  17  déc. 
1692.  Le  château  est  aujourd'hui  la  propriété  du  baron  de 
Rothschild  qui,  en  1857 ,  l'a  fait  complètement  reconstruire 


de  la  façon  la  plus  luxueuse.  On  sait  que  c'est  dans  ce 
château  que  fut  installé  d'abord,  au  commencement  du  siège 
de  Paris,  l'état-major  allemand,  et  que  Jules  Favre  y  entama 
avec  M.  de  Bismarck  les  négociations  célèbres  qui,  malheu- 
reusement, ne  devaient  pas  aboutir.  L'église  de  Ferrières 
date  du  xnie  siècle  et  a  été  habilement  restaurée  de  nos 
jours. 

Bibl.  :  L'abbé  Lebeuf,  Histoire  du  diocèse  de  Paris, 
t.  IV,  pp.  635-613,  de  l'édition  de  1883. 

FERRIÈRES-et-là-Folie.  Com.  du  dép.  de  la  Haute- 
Marne,  arr.  de  Wassy,  cant.  de  Joinville  ;  194  hab. 

FERRIÈRES-Gatinais,  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Loiret, 
arr.  de  Montargis,  sur  le  Cléry;  1,628  hab.  Moulins  àfarine 
et  à  tan.  Tanneries.  L'église  (mon.  hist.)  est  l'ancienne  église 
abbatiale  d'un  monastère  bénédictin  fondé  en  630.  L'édifice 
actuel  est  du  xve  siècle. 

FERRIÈRES-lès-Ray  (Ferrariœ).  Com.  du  dép.  de  la 
Haute-Saône,  arr.  de  Gray,  cant.  de  Dampierre-sur- 
Salon,  sur  la  Saône  ;  75  hab.  Sarcophages  et  débris  nom- 
breux de  l'époque  romaine. 

FERRIÈRES-lès-Scey.  Com.  du  dép.  de  la  Haute- 
Marne,  arr.  de  Vesoul,  cant.  de  Scey-sur-Saône ;  193  hab. 

FERRIÈRES-suR-SiCHON.Com.  du  dép.  de  l'Allier,  arr.de 
La  Palisse,  cant.  du  Mayet-de-Montagne  ;  1,836  hab.  Avant 
la  Révolution,  il  était  le  chef-lieu  d'une  seigneurie  qui  fut 
érigée  en  comté,  et  qui,  avant  d'appartenir  à  la  famille  de 
Manissy,  qui  la  posséda  à  partir  du  xvne  siècle,  passa  suc- 
cessivement aux  mains  des  Canilhac,  des  Châtillon,  des 
Beaufort  et  des  La  Tour  d'Auvergne.  Il  ne  subsiste  plus 
de  son  château  qu'une  assez  belle  tour  carrée  qui  jadis  en 
défendait  l'entrée.  C'est  de  la  commune  de  Ferrières  que 
fait  partie  Montgilbert,  château  ruiné  qui  fut  le  chef-lieu 
d'une  baronnie  ayant  appartenu  aux  Aycelin  de  Montaigu 
et  aux  de  Vienne,  puis  au  fameux  Rodrigue  de  Villandrando, 
et  enfin  aux  La  Baume-Montre vel,  aux  Saulx-Tavannes  et 
aux  du  Prat.  A.  Vayssière. 

FERRIÈRES  (Guillaume  de),  trouvère  français  du 
xme  siècle,  dit  le  vidame  de  Chartres.  Il  appartenait  à 
une  noble  famille  de  Bourgogne,  se  croisa  en  1199  et  prit 
part  à  la  quatrième  croisade.  On  a  conservé  de  lui  neuf 
chansons  d  un  réel  mérite,  mais  dont  on  n'a  pas  encore 
donné  d'édition  critique. 

FERRIÈRES  (Raoul  de),  trouvère  français  du  xme  siècle. 
Ses  poésies  ont  été  publiées  à  Caen,  en  1847,  par  G. -S.  Tré- 
butien,  sous  ce  titre  :  les  Chansons  de  messire  Raoul 
de  Ferrières,  très  ancien  poète  normant  (xme  siècle), 
nouvellement  imprimées  à  Caen  et  sont  à  vendre  en  la 
Froide  Rue  (in-16,  goth.,  23  p.,  tir.  à  120  ex.). 

Bibl.  :  L'abbé  de  La  Rue,  Essais  sur  les  Bardes,  t.  III. 

FERRIÈRES  de  Marsay  (Charles-Elie,  marquis  de), 
homme  politique  français,  né  à  Poitiers  le  27  janv.  1741, 
mort  à  Marsay  (Vienne)  le  30  juil.  1804.  Chevau-léger, 
il  fut  élu  le  27  mars  1789  député  de  la  noblesse  aux  Etats 
généraux  par  la  sénéchaussée  de  Semur.  Il  ne  joua  dans 
l'Assemblée  aucun  rôle  actif,  et  après  la  session  se  tint 
dans  la  vie  privée.  On  a  de  lui  :  la  Femme  et  les  vœux 
(Amsterdam,  1788,  2  vol.  in-12);  De  la  Constitution 
qui  convient  aux  Français  (Paris,  1789,,  in-8);  Compte 
rendu  a  mes  commettants  (1791,  in-8);  De  VEtat  des 
lettres  dans  le  Poitou  depuis  Van  300  de  l'ère  chré- 
tienne jusqu'à  l'année  il 89  (1800,  in-8);  Mélanges  de 
littérature  et  de  morale  (Poitiers,  1798,  in-8)  ;  Opinion 
contre  r  arrestation  du  roi  à  Varennes  (1791,  in-8)  ; 
Plan  de  finances  pour  V établissement  d'une  caisse 
territoriale  (1790,  in-8);  Saint-Flour  et  Justine 
(1792,  2  vol.  in-12);  le  Théisme  (1785,  2  vol.  in-12); 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  l'Assemblée  con- 
stituante et  de  la  Révolution  de  i789  (Paris,  1798, 
3  vol.  in-8),  qui  sont  compris  dans  la  collection  des  Mé- 
moires relatifs  à  la  Révolution  française. 

FERRIÈRES-Sauveboeuf  (Comte  de),  diplomate  fran- 
çais, né  en  1750,  mort  à  Montmort  (Marne)  en  1814. 


327  — 


FERRIÈRES  —  FERRON 


Entré  dans  l'armée,  il  fut,  en  1782,  chargé  d'une  mission 
diplomatique  à  Constantinople  et  à  Ispahan.  En  1789,  il 
se  fit  inscrire  aux  Jacobins,  mais  s'étant  montré  trop  indul- 
gent pour  certains  détenus  politiques,  il  fut  exclu  du  club 
par  ses  collègues  et  même  écroué  au  Luxembourg.  Dès 
cette  époque,  il  paraît  être  affilié  à  la  police.  En  1799,  le 
Directoire  le  charge  d'une  mission  secrète  auprès  de  l'ar- 
mée de  Scherer.  Le  général  le  fait  enfermer  à  la  citadelle 
de  Milan,  d'où  il  parvient  à  s'évader.  Il  publia  alors  un 
violent  pamphlet  contre  Scherer  qui  s'en  plaignit  au  Direc- 
toire :  Ferrières  fut  incarcéré  au  Temple.  Après  le  coup 
d'Etat  du  18  brumaire,  il  se  retira  en  Champagne,  son 
pays  natal.  En  1814,  il  voulut  combattre  l'invasion  étran- 
gère et  leva  un  corps  franc.  Il  fut  presque  aussitôt  assas- 
siné par  un  inconnu  en  plein  jour  dans  une  rue  de  Mont- 
mort.  Il  a  écrit  :  Mémoires  historiques  et  politiques  de 
mes  voyages  faits  depuis  i  7  82  jusqu'en  il 89  en  Tur- 
quie, en  Perse  et  en  Arabie ,  etc.  (Maastricht  et  Paris, 
1790,  2  vol.  in-8)  ;  Précis  des  lettres  écrites  par  le 
citoyen  F.  S.,  pendant  sa  détention  au  Temple,  au 
citoyen  Merlin  (Paris,  1799,  in-8). 

FERRIGNI  (Piero-Francesco-Leopoldo-Coccoluto),  jour- 
naliste italien,  né  à  Livourne  le  15  nov.  1836.  Sous  le 
pseudonyme  de  Yorick,  il  s'est  fait  la  réputation  d'un  écri- 
vain spirituel  et  d'un  alerte  publiciste.  Telle  de  ses  bro- 
chures d'actualité  politique  s'est  tirée,  dit-on,  à  750,000. 
Il  a  collaboré  à  plusieurs  journaux  dont  il  a  fait  le  succès, 
notamment  à  la  Vedetta  de  Florence,  la  Nazione,  la 
Gazzetta  del  Popolo,  au  Fanfulla  qu'il  fonda  lui-même. 
Ecrivant  avec  facilité  en  français  et  en  allemand,  il  donna 
également  des  articles  à  YIndépendance  italienne  et  à  la 
Neue  Freie  Presse.  De  plus,  il  a  publié  les  volumes  sui- 
vants :  Viaggio  attraverso  VEsposizione  italiana  del 
186i  (Florence,  1861);  Cronaôhe  dei  bagnidimare; 
Fra  Quadri  e  statue  (Milan,  1872)  ;  La  Festa  dei  fiori 
(Florence,  1874);  VediNapoli  e  poi...  (Naples,  1877)  ; 
Su  e giùper  Firenze  (Florence,  1 877  ;  6e  éd. ,  1 883)  ;  Pas- 
seggiate  (1879);  Teatro  spicciolo  (Florence,  1883),  etc. 
Bibl.  :  Fanfulla  délia  Domenica,  23  déc.  1883. 

FERRIOL  (Charles-Augustin  de)  (V.  Argental  [Comte 
d']). 

FERRO  (Scipione  del),  mathématicien  italien,  du  com- 
mencement du  xvie  siècle.  Il  professa  à  l'université  de 
Bologne  de  1496  à  1526,  année  à  la  fin  de  laquelle  il 
mourut.  Il  inventa  le  premier,  vers  1515,  la  construction 
de  la  racine  réelle  de  l'équation  du  troisième  degré  sans 
second  terme,  construction  qu'il  communiqua  au  Vénitien 
Antonio  Maria  Fior  ;  il  lui  donna  ainsi  l'occasion  de  soute- 
nir contre  Tartaglia  la  joute  mathématique  du  12  févr.  1535 
en  lui  posant  trente  problèmes  qui  se  ramènent  à  la  forme 
d'équation  :  x3  -f-  ax~b.  Tartaglia  abandonna  le  prix, 
mais  se  déclara  en  possession  de  la  solution.  Ferro  s'était 
également  occupé  des  constructions  géométriques  avec  une 
même  ouverture  de  compas.  Il  laissa  ses  manuscrits  à  son 
gendre,  Annibale  délia  Nave,  qui  lui  succéda  dans  sa  chaire 
de  1526  à  1550.  Cardan  et  Ferrari  les  virent  en  1542. 
On  ignore  ce  qu'ils  devinrent  ensuite.  T. 

FERRO  (Gregorio),  peintre  espagnol,  né  à  Santa  Maria 
de  Lamas  (Galice),  en  1742,  mort  à  Madrid  en  1812. 
Elève  de  l'Académie  de  San  Fernando  et  sectateur  de  Ra- 
phaël Mengs,  il  devint  directeur  général  des  cours  de  l'Aca- 
démie (1804).  Ferro  a  beaucoup  copié  Mengs  et  produit 
nombre  d'ouvrages  d'un  coloris  assez  fade  et  d'un  mérite 
plus  que  discutable.  Ceux  qu'il  peignit  pour  divers  couvents 
ont  disparu,  mais  il  en  subsiste  encore  quelques-uns  à  Ma- 
drid, notamment  son  tableau  de  l'église  de  San  Francisco 
el  Grande,  représentant  une  manière  de  Nativité,  et  un 
Saint  Sébastien  dans  la  collection  de  l'Académie  de  San 
Fernando.  Ferro  est  l'auteur  de  quelques  dessins  qui  ont 
été  gravés  dans  l'édition  du  Don  Quichotte  faite  en  1780 
par  l'Académie. 

Bibl.  :  Ossorio  y  Bernard,  Galeria  biogràfica  de  ar- 
tistas  espafioles  del  siglo  XIX  ;  Madrid,  1868. 


FERROALUMINIUM  (V.  Aluminium). 

FERROCHROME  (V.  Chrome). 

FERROCUIVRE  (V.  Cuivre). 

FERROCYANURE  (V.  Cyanure). 

FERRO L  (Le).  Grand  port  militaire  d'Espagne,  sur  la 
côte  de  Galice,  à  18  kil.  N.-E.  de  La  Corogne,  situé 
sur  le  bord  septentrional  d'une  baie  étroite  et"  profonde 
au  fond  de  laquelle  débouche  le  rio  Jubia;  23,811  hab. 
(la  population  varie  beaucoup  suivant  l'état  des  finances 
espagnoles  et  l'activité  que  le  gouvernement  peut  donner 
aux  chantiers).  La  position  offre  une  grande  analogie 
avec  celle  du  port  français  de  Brest.  Du  large,  pour 
entrer  dans  le  port,  on  a  d'abord  à  passer  par  un  goulet 
de  500  m.  à  peine  de  large  sur  4  à  5  kil.  de  longueur 
et  qui  est  dominé  par  des  hauteurs  hérissées  de  batteries. 
La  baie  s'ouvre  ensuite,  complètement  abritée,  assez 
large  pour  contenir  les  'flottes  les  plus  nombreuses. 
Cette  position  maritime  si  forte  fut  longtemps  sans  em- 
ploi; l'abri  qu'y  trouvèrent  quelques  vaisseaux  dispersés 
de  l'invincible  Armada  attira  sur  elle  l'attention  de  Phi- 
lippe II;  mais  ce  n'est  guère  qu'à  partir  de  1730  que  le 
gouvernement  s'occupa  activement  de  faire  de  ce  point,  où 
il  n'y  avait  qu'un  pauvre  village,  un  grand  arsenal  mari- 
time. Les  Anglais  s'en  montrèrent  fortmquiets  :  Pitt  disait 
que,  si  l'Angleterre  possédait  sur  ses  côtes  un  tel  port,  il 
faudrait  l'entourer  d'une  muraille  d'argent.  L'amiral  War- 
ren,  en  1800,  qui  faisait  voile  vers  l'Egypte,  reçut  ordre 
de  s'en  emparer  et  surprit  la  place  à  peu  près  sans  défen- 
seurs et  sans  munitions.  Le  gouverneur  tint  bon,  et  la  me- 
nace d'une  tempête  qui  aurait  brisé  les  vaisseaux  sur  les 
rochers  obligea  la  flotte  anglaise  à  s'éloigner.  Le  Ferrol, 
quoique  bien  défendu,  fut  pris  facilement  par  terre  par 
Soult  en  1809  et  par  le  corps  expéditionnaire  français  de 
1823.  Le  gouvernement  a  beaucoup  fait  en  ce  siècle  pour 
donner  au  Ferrol  une  grande  importance  ;  c'est  aujourd'hui 
un  des  grands  établissements  de  marine  militaire  de  l'Eu- 
rope. Il  y  a  un  arsenal,  des  ateliers,  des  fonderies,  des 
corderies,  des  magasins  immenses,  douze  cales  de  construc- 
tion en  pierre  de  taille  et  des  chantiers,  le  tout  couvrant 
plus  de  10  hect.  ;  il  y  a  aussi  dans  la  rade  un  dock  flot- 
tant qui  peut  transporter  une  frégate.  Il  y  a  une  école 
d'hydrographie,  une  école  de  navigation,  une  école  d'ingé- 
nieurs de  la  flotte  et,  administrai vement,  c'est  le  chef-lieu 
d'un  arrondissement  maritime  qui  comprend  tout  le  littoral 
de  l'Atlantique,  depuis  la  Bidassoa  jusqu'au  Minho.  Il  n'y 
a  que  peu  de  commerce,  les  grands  navires  de  commerce 
étrangers  n'étant  pas  admis  dans  le  port.  La  ville  se  com- 
pose de  trois  parties  :  le  vieux  Ferrol,  aux  rues  irrégu- 
lières  et  mal  bâties  ;  le  nouveau  Ferrol,  où  se  trouvent  les 
principaux  édifices  publics  et  les  promenades,  et  l'Esteiro 
ou  le  faubourg.  E.  Cat. 

FERROLLÉS-Atïilly.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Melun,  cant.  de  Brie-Comte-Robert;  260  hab. 
FERROMANGANÈSE  (V . Manganèse) . 
FERRON  (Théophile-Adrien),  général  français,  né  à 
Pré-Saint-Evroult  (Eure-et-Loir)  le  19  sept.  1830.  Il 
entra  à  l'Ecole  polytechnique  et  en  sortit  en  1852.  Il  fut 
nommé  lieutenant  du  génie  en  1854,  capitaine  en  1857  et 
chef  de  bataillon  en  1869.  Directeur  du  génie  à  la  Nou- 
velle-Calédonie pendant  la  dernière  guerre,  il  revint  en  1871 
et  put  prendre  part  au  siège  de  Paris.  Colonel  en  1878,  il 
fut  choisi  en  1879  par  le  général  de  Galliffet,  qui  comman- 
dait alors  le  9e  corps  d'armée,  comme  chef  d'état-major. 
Peu  après,  nommé  par  le  ministre  Campenon  sous-chef 
d'état-major  général,  il  devint  secrétaire  du  conseil  supé- 
rieur de  la  guerre,  général  de  brigade  en  1882  et  général 
de  division  le  20  mars  1886.  Appelé  comme  ministre  de 
la  guerre  le  30  mai  1887  dans  le  cabinet  Rouvier,  il 
conserva  ce  poste  jusqu'au  20  nov.  de  la  même  année. 
Pendant  ce  court  passage  au  ministère,  il  fit  voter  plusieurs 
lois  utiles  à  l'armée  (organisation  de  l'infanterie,  création 
de  quatre  régiments  de  cavalerie,  mobilisation  et  sous-offi- 
ciers rengagés,  etc).  Le  28  mars  1889,  un  décret  le  plaça 


FERRON  —  FERRONNERIE 


—  328  - 


à  la  tête  du  48e  corps  à  Bordeaux,  où  il  est  encore  aujour- 
d'hui (1893).  Il  a  publié  plusieurs  ouvrages  dont  les  prin- 
cipaux sont  :  Considérations  sur  le  système  défensif  de- 
là France  (Paris,  4873,  in-8);  Considérations  sur  le  sys- 
tème défensif  de  Paris  (1873,  in-8);  Instructions  som- 
maires sur  le  combat  (4883,  in-8)  ;  les  Chemins  de  fer 
allemands  et  les  chemins  de  fer  français,  par  le  major 
X...  (Paris,  4879,  in-8)  ;  Places  fortes  et  chemins  de 
fer  stratégiques  de  la  région  de  Paris,  par  le  major  X. .. 
(Paris,  4880,  in-8). 

FERRONAYS  (Ferron  de  La).  Famille  de  Bretagne  qui 
a  donné  son  nom  à  la  terre  de  La  Ferronays,  près  de  Dinan. 
D'après  La  Chesnaye  des  Bois,  elle  remonterait  à  4418. 
Quoi  qu'il  en  soit,  on  trouve  dès  le  xve  siècle  un  Olivier  de 
La  Ferronays  d'où  descend  la  famille  actuelle.  Parmi  les 
principaux  membres  nous  citerons  :  Gilles,  chevalier  de 
l'ordre  du  roi,  mort  en  4576  ;  Jacques,  son  arrière-petit- 
fils,  commandant  de  la  citadelle  de  La  Ferté  et  du  château 
de  Vincennes.  —  Ses  fils  et  petits-fils,  Pierre- Jacques  et 
Pierre-Jacques-Louis- Auguste  (4699-4  753) ,  furent  l'un 
brigadier,  l'autre  maréchal  de  camp  des  armées  du  roi.  Le 
fils  du  dernier,  chevalier  de  Saint-Louis  et  gouverneur  de 
Dole,  arriva  même  au  grade  de  lieutenant  général. — Jules- 
Basile  (4735-1799)  entra  dans  les  ordres,  assista  Bernis 
au  conclave  de  4769,  fut  successivement  évêque  deSaint- 
Brieuc,  Bayonne  et  Lisieux,  président  de  l'assemblée  pro- 
vinciale de  la  Moyenne-Normandie  en  4787  et  joua  un  cer- 
tain rôle  dans  l'émigration.  —  Le  comte  de  La  Ferronays, 
son  neveu,  fut  ambassadeur  en  Russie  sous  la  Restauration 
du  7  mai  4824,  où  il  succéda  à  Noailles,  jusqu'au  24  mars 
4828.  Il  s'attacha  à  faire  prévaloir  la  politique  d'entente 
cordiale  avec  cette  puissance.  —  Son  petit— fils,  Henry- 
Marie- Auguste,  né  à  Paris  le  45  sept.  4842,  après  être 
entré  à  Saint-Cyr  en  4863,  fit  la  campagne  de  4867 
contre  Garibaldi  et  celle  de  4  870.  Il  fut  attaché  militaire  à 
Londres  de  4875  à  4882.  Depuis  le  4  oct.  4885  il  est 
député  de  la  Loire-Inférieure.  Louis  Farges. 

FERRONAYS  (Pauline  de  La)  (V.  Craven  [Mmô  Au- 
gustus]). 

FERRON l  (Girolamo),  peintre  et  graveur  à  l'eau-forte 
italien,  né  à  Milan  en  4687,  mort  vers  4730.  Elève  de 
Carlo  Maratta  à  Rome,  il  ne  fut  jamais  qu'un  peintre  mé- 
diocre. Il  réussit  mieux  dans  la  gravure,  comme  en  témoi- 
gnent les  estampes  bibliques  qu'il  exécuta  d'après  son 
maître.  G.  P.-i. 

FERRON I  (Pietro),  mathématicien  italien,  né  à  Florence 
le  22  févr.  4744,  mort  à  Florence  le  4er  nov.  4825.  Il 
fut  professeur  de  mathématiques  à  l'université  de  Pise  et 
membre  de  la  Société  italienne.  Il  a  écrit  sur  le  calcul  inté- 
gral, le  binôme  de  Newton,  les  sections  coniques,  les  fonc- 
tions analytiques  et  plusieurs  questions  de  mécanique,  une 
vingtaine  de  mémoires  parus  de  4790  à  4828  dans  les 
Memorie  délia  Società  italiana.  Il  a  en  outre  publié  à 
part  :  Saggio  sulla  equazione  di  condizione  e  sulla 
invenzione  délia  brachistocrona  (s.  L,  1794,  in-4). 

FERRONICKEL  (V.  Nickel). 

FERRONNERIE.  L'art  de  travailler  le  fer  forgé.  Ce 
n'est  guère  qu'au  xne  siècle  que  l'industrie  des  fers  artiste- 
ment  travaillés  prit  en  Occident,  en  Gaule  spécialement,  une 
importance  particulière  :  jusqu'alors,  le  fer  avait  été  prin- 
cipalement employé  par  les  architectes  dans  les  chaînages, 
et  par  les  simples  ouvriers  pour  les  travaux  communs  ;  le 
bronze  était  le  métal  des  artistes.  Au  xne  siècle,  et  dès  le 
début,  les  feeseurs  de  pentures  atteignent  les  dernières 
limites  de  l'art  :  le  métal,  chauffé,  battu,  forgé  en  petites 
masses  par  l'artisan,  acquiert  une  malléabilité  que  nous  ne 
connaissons  plus.  Les  pentures  de  l'église  de  Neuvy-Saint- 
Sépulcre  sont  un  des  brillants  [spécimens  de  cette  époque. 
Au  xme  siècle,  la  simplicité  magistrale  des  modèles  pré- 
cédents est  remplacée  par  des  enroulements  de  feuillages 
et  de  fleurs,  étampés,  découpés,  soudés  à  chaud  en  larges 
bouquets  épanouis  dont  les  portes  de  la  façade  occidentale 
de  Notre-Dame  de  Paris  offrent  un  exemple  admirable. 


Au  xive  siècle,  ces  ouvrages  extraordinaires  de  fer  plein, 
longuement  travaillés  au  marteau  simplement,  sont  rem- 
placés par  de  brillants  découpages  de  tôle  épaisse,  soudés 
à  un  centre  plus  solide,  ce  qui  permet  d'obtenir  une  déco- 
ration imposante  tout  en  sup- 
primant la  plus  grande  par- 
tie des  difficultés.  L'étoffe, 
généralement  rouge,  sur 
laquelle  l'ouvrier  fixe  son 
travail  ajouré,  en  fait  en- 
core ressortir  la  riche  orne- 
mentation, à  laquelle  con- 
courent, pour  leur  part,  de 
superbes  clous  travaillés 
dont  les  saillies,  habilement 
disposées,  donnent  l'illusion 
d'un  long  travail  de  forge. 
Les  grilles,  qui  sont  avec 
les  pentures  et  quelques 
flambeaux  (V.  ce  mot), 
pour  ainsi  dire  les  seuls 
objets  qui  nous  soient  restés 
des  œuvres  de  ferronnerie 
du  xne  au  xive  siècle,  suivent 
comme  technique  et  comme 
économie  les  pentures  qui 
viennent  d'être  signalées. 
La  jolie  grille  du  Puy-en- 
Velay,  du  xne  siècle,  rap- 
pelle la  sobre  et  délicate 


Fragment  de  penture  de 
l'église  de  Neuvy-Saint- 
Sépulcre  (xii8  siècle). 


économie  des  pentures  de  Neuvy-Saint-Sépulcre  ;  celle  de 
Saint-Denis,  de  la  fin  du  xne  siècle,  dont  Viollet-le-Duc 
donne  un  croquis  (Dict.  d'archit.,  t.  VI,  p.  64),  se  rap- 
proche énormément  des  pentures  cle  Notre-Dame  de  Paris, 
enfin  la  grille  de  la  cathédrale  de  Constance,  du  xive  siècle, 
est  bien  proche  pa- 
rente de  la  penture 
de  Gallardon,  re- 
produite ci-contre. 
L  a  serrurerie 
proprement  dite 
n'a  son  com- 
plet épanouisse- 
ment que  pendant 
un  siècle  et  demi  : 
la  fin  du  xive,  le 
xve  et  le  commen- 
cement du  xvie  siè- 
cle. L'architecture 
exerce  sur  elle  une 
influence  prépon- 
dérante ;  des  tra- 
vaux antérieurs,  il 
ne  reste  que  bien 
peu  cle  spécimens  : 
quelques  marteaux 
de  portes,  d'admi- 
rables têtes  de  lion, 
comme  celles  du 
Puy,  de  Lausanne, 
de  Hambourg,  nous 
apportent  cependant  un  témoignage  de  l'habileté  des  forge- 
rons des  xiie,  xuie  et  xiv9  siècles.  Mais  c'est  surtout  au 
xve  siècle  que  le  goût  des  objets  d'art,  du  fini  dans  les 
détails,  secondé  par  de  nouveaux  moyens  d'exécution,  sim- 
plifiés par  l'emploi  de  la  lime  et  de  la  cisaille,  inconnues 
aux  ouvriers  du  xne  et  du  xme  siècle,  permirent  à  l'artiste 
de  produire  ces  élégants  coffrets  ajourés,  ces  serrures  dont 
les  fonds  d'étoffe  font  ressortir  l'éclat  du  fer,  ces  montures 
d'escarcelles  aussi  légères  que  l'argent,  ces  triptyques,  cette 
coutellerie  admirable  ;  il  n'est  pas  jusqu'aux  poires  d'an- 
goisse, ces  instruments  de  torture,  qui  ne  soient  de  vrais 
bijoux,  de  réels  chefs-d'œuvre.  (V.  Armure,  Clef,  Flam- 


Fragment  de  penture  d'une  maison 
de  Gallardon  ,  commencement  du 
xve  siècle. 


329 


FERRONNERIE  —  FERRUCCI 


beau,  Grille,  Penture,  Poire  d'angoisse,  Puits,  Ser- 
rure). F.  de  Mély. 

FERRONNIÈRE  (V.  Coiffure,  t.  XI,  p.  865). 

FERRONNIÈRE  (La  belle),  maîtresse  de  François  Ier. 
—  «  J'ai  quelquefois  entendu  dire,  au  sujet  de  l'abus  dont 
François  mourut,  qu'il  prit  ce  mal  de  la  belle  Ferronnière, 
une  de  ses  maîtresses,  et  que  le  mari  de  cette  femme,  par 
une  étrange  et  sotte  espèce  de  vengeance,  avait  été  cher- 
cher cette  infection  en  mauvais  lieu  pour  les  infecter  l'un 
et  l'autre.  »  Ainsi  parle  Mézeray  en  son  Histoire  de 
France,  composée  sous  Louis  XIII.  L'anecdotier  Louis 
Guyon  ajoute  que  ce  criminel  de  lèse-majesté  d'un  nouveau 
genre  s'appelait  maître  Le  Ferron,  avocat  au  parlement  de 
Paris.  Malheureusement  pour  ce  romanesque  récit,  il  résulte 
des  érudites  recherches  de  M.  de  Lescure  qu'il  ne  re- 
pose sur  aucun  fondement  sérieux.  Il  est  certain  qu'il  y  eut 
alors  un  —  et  même  deux  —  Le  Ferron,  tous  deux  Pari- 
siens, tous  deux  avocats  ;  il  est  non  moins  certain  que 
François  Ier  eut  une  passion  passagère  pour  la  femme  d'un 
avocat  parisien  ;  mais  celui-ci  avait  nom  Lecoq,  et  cette 
intrigue  date  de  4515.  De  son  côté,  le  portrait  peint  par 
Léonard  de  Vinci,  et  où  il  avait,  prétendait-on,  voulu  im- 
mortaliser les  traits  de  la  «  maîtresse  fatale  »,  a  été 
reconnu  par  les  critiques  d'art  pour  celui  d'une  grande 
dame  italienne.  De  sorte  que,  tout  compte  fait,  il  ne  reste 
rien  de  la  légende  de  la  belle  Ferronnière. 

Bibl.  :  M.  de  Lescure,  les  Amours  de  François  Ier. 

FERROS1L1C1UM  (V.  Silicium). 

FERROUILLAT  (Jean-Baptiste),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Lyon  le  4  mai  1820.  Secrétaire  particulier  de 
Bethmont,  il  fut  élu,  le  4  févr.  1848,  représentant  du  Rhône 
à  la  Constituante  où  il  combattit  les  socialistes  et  appuya 
la  politique  de  Louis-Napoléon.  Non  réélu  à  la  Législative, 
il  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Paris,  revint  prendre  sa 
place  au  barreau  de  Lyon  en  1856.  Il  avait  protesté  contre 
le  coup  d'Etat  du  2  décembre  et  il  se  rangea  dans  l'op- 
position républicaine.  Conseiller  municipal  de  Lyon  (15  sept. 
1870),  président  du  comité  de  résistance,  il  fut  élu  repré- 
sentant du  Var  à  l'Assemblée  nationale  le  2  juil.  1871. 
Membre  de  l'Union  républicaine,  il  lutta  contre  le  ministère 
de  Broglie,  fut  élu  sénateur  du  Var  le  30  janv.  1876,  et  au 
Sénat  fit  partie  du  groupe  radical.  Comme  tel  il  refusa  de 
voter  la  dissolution  de  la  Chambre,  combattit  le  16  mai, 
vota  l'art.  7,  le  divorce,  appuya  la  politique  coloniale  et 
rapporta  des  lois  importantes  (organisation  de  l'enseigne- 
ment primaire,  notamment).  Il  avait  été  réélu  le  8  janv. 
1882  et  il  entra  dans  le  cabinet  Floquet  le  3  avr.  1888, 
avec  le  portefeuille  de  la  justice  et  des  cultes  ;  il  démis- 
sionna le  5  févr.  1889.  M.  Ferrouillat  combattit  le  bou- 
langisme  et  ne  fut  pas  réélu  aux  élections  du  4  janv.  1891. 

F  E  R  R  0  U  L  (Joseph  -  Antoine  -  Jean  -  Frédéric  -  Ernest) , 
homme  politique  français,  né  au  Mas-Cabardès  (Aude)  le 
13  déc.  1853.  Médecin  à  Narbonne,  il  s'était  fait  de  bonne 
heure  remarquer  par  l'ardeur  de  sa  propagande  socialiste 
et  sa  collaboration  aux  organes  socialistes  de  Marseille,  de 
Lyon  et  de  Narbonne.  Le  8  avr.  1888,  il  se  présenta  aux 
élections  législatives  dans  ledép.  de  l'Aude,  comme  radi- 
cal socialiste,  et  fut  élu  au  second  tour  de  scrutin  contre 
le  général  Boulanger.  Membre  du  groupe  socialiste,  il  com- 
battit le  boulangisme  faiblement,  car  il  ne  vota  aucune  des 
mesures  prises  contre  lui.  Il  fut  réélu  député  par  la  pre- 
mière circonscription  de  Narbonne,  au  second  tour  de  scrutin 
(6  oct.  1889),  par  4,829  voix  contre  4,297  à  M.  Douarche, 
républicain,  et  continua  à  prendre  une  part  active  au  mou- 
vement socialiste. 

FER  ROUX  (Etienne-Joseph),  homme  politique  français, 
né  à  Salins  (Jura)  le  25  avr.  1751 ,  mort  à  Salins  le  12  mai 
1834.  Fils  d'un  négociant,  électeur  à  Salins,  il  fut  élu 
député  du  Jura  à  la  Convention  le  6  sept.  1792.  Il  vota 
la  mort  du  roi  et  se  lia  avec  les  girondins.  Signataire  de 
la  protestation  du  6  juin  1793  contre  la  journée  du  31  mai, 
il  fut  décrété  d'arrestation  le  3  oct.  et  resta  enfermé  dans 
la  prison  du  Luxembourg  jusqu'au  18  frimaire  an  III 


(8  déc.  1794).  Réintégré  dans  la  Convention,  il  fut  envoyé 
en  mission  à  Lyon  le  11  prairial  an  III,  contribua  à  paci- 
fier le  dép.  de  la  Loire  (fructidor  an  III)  et  fut  rappelé  le 
20  vendémiaire  an  IV.  Elu  le  lendemain  député  du  Jura 
au  conseil  des  Anciens,  il  fut  porté  sur  les  listes  de  pros- 
cription au  d  8  fructidor,  mais  son  nom  fut  rayé.  Il  sortit 
du  conseil  en  Pan  VIL  Sous  le  Consulat,  il  devint  directeur 
des  contributions  directes  à  Lons-le-Saunier,  puis  à  Besan- 
çon ;  retraité  en  1815,  il  fut  atteint  par  la  loi  de  1816 
contre  les  régicides  et  se  retira  en  Suisse  dans  la  ville  de 
Nyons.  En  4829,  il  publia  le  Testament  politique  de 
M.  Ferroux,  ex-conventionnel.  L'année  suivante,  la  ré- 
volution de  Juillet  lui  permit  de  venir  finir  ses  jours  à 
Salins.  Etienne  Charavay. 

FERRUCCI  (Andréa),  sculpteur  italien,  né  à  Fiesoleen 
1465,  mort  à  Florence  le  30  juin  1526.  Il  eut  pour  maîtres 
Francesco  di  Simone  de  Florence  et  Michel  Maini  de  Fiesole. 
C'est  un  artiste  intéressant  et  fécond,  qui  eut  de  son  temps 
une  grande  réputation  :  en  1487,  le  roi  de  Naples  Ferdi- 
nand Ier  le  chargea  de  la  décoration  du  château  de  Saint- 
Martin;  le  cardinal  de  Strigonie,  en  Hongrie,  lui  commanda 
son  tombeau,  et,  en  1517,  le  roi  de  Hongrie  lui-même  lui 
fit  exécuter  une  fontaine  de  marbre.  On  peut  étudier  le 
talent  de  Ferrucci  clans  un  certain  nombre  d'œuvres 
importantes  :  à  Fiesole,  dans  l'église  Saint-Jérôme  (au- 
jourd'hui comprise  dans  la  villa  Ricasoli),  deux  bas-reliefs, 
Saint  Jérôme  avec  son  lion,  et  un  Miracle  de  saint 
Antoine  de  Padoue;  dans  la  cathédrale  un  beau  retable 
de  marbre,  d'une  architecture  riche  et  élégante,  avec  deux 
figures  de  saints  en  haut-relief  et  une  charmante  Annon- 
ciation en  deux  médaillons  ;  —  à  Florence,  dans  la  cathé- 
drale (dont  Andréa  dirigea  les  travaux  à  partir  de  1512), 
une  statue  de  Saint  André  et  le  buste  très  vivant  et  spi- 
rituel de  Marsile  Ficin  sur  son  tombeau  ;  au  musée  Natio- 
nal, une  Sainte  Famille,  médaillon  de  marbre  d'un  tra- 
vail exquis  ;  —  à  Pistoja,  les  figures  du  Christ  et  de  Saint 
Jean  sur  les  fonts  baptismaux  de  l'église  San  Jacopo  ;  — 
à  Bologne,  dans  l'église  Saint-Martin,  le  riche  tombeau 
des  Saliceti;  —  deux  statues  iï  Anges  à  Volterra.  Fer- 
rucci est,  avec  B.  da  Rovezzano,  un  des  artistes  qui  repré- 
sentent de  la  façon  la  plus  instructive  la  transition  entre  le 
«  quattrocento  »  et  la  dernière  Renaissance.  Il  a  encore 
(comme  dans  le  retable  de  Fiesole)  ce  qui  fait  le  charme 
des  Rossellino,  des  Mino  et  des  Civitali,  ses  prédécesseurs 
immédiats  :  la  simplicité  et  la  facilité  de  l'exécution,  la 
grâce  aisée  des  attitudes,  l'élégante  légèreté  des  draperies, 
la  douceur  des  visages,  l'air  de  candeur  et  de  jeunesse. 
Mais  déjà,  dans  ses  dernières  œuvres,  où  semble  se  trahir 
une  influence  malheureuse  de  Michel-Ange,  il  laisse  voir  le 
travail  et  l'effort,  en  cherchant  la  grandeur  et  la  puis- 
sance. Dans  le  Saint  André,  par  exemple,  on  sent  la 
recherche  des  mouvements  contournés,  des  plis  tourmentés, 
des  ombres  profondes.  Ses  élèves,  Andréa,  Silvio  et  Maso 
Boscoli,  de  Fiesole,  ne  produisent  plus  que  des  œuvres 
laborieuses  et  prétentieuses,  telles  que  le  tombeau  iï Antonio 
Strozzi,  dans  la  cathédrale  de  Florence.       E.  Bertaux. 

Bibl.  :  Vasarï,  Le  Vite.  —  Burckhardt,  Cicérone.  — 
E.  Mùntz,  Histoire  de  l'art  pendant  la  Renaissance,  t   II. 

FERRUCCI  (Francesco),  surnommé  del  Tadda,  sculp- 
teur italien,  né  à  Fiesole,  mort  en  1585.  Il  se  rendit 
célèbre  en  retrouvant  l'art,  perdu  depuis  l'antiquité,  de 
tailler  le  porphyre  avec  des  outils  d'acier.  Il  exécuta, 
d'après  ce  procédé,  la  Grande  Coupe  de  la  Fontaine  du 
palais  Pitti,  les  portraits  du  Grand-Duc  Corne  Ier  et 
de  sa  femme,  celui  du  Duc  Côme  l'Ancien  (médaillons 
au  palais  Pitti),  une  Tête  de  Christ,  admirée  de  Michel- 
Ange  (1560);  la  statue  de  la  Justice,  placée  en  1580  sur 
la  colonne  érigée  devant  l'église  de  la  Sainte-Trinité. 

Bibl.  :  Vasarï,  Le  Vite. 

FERRUCCI  (Pompeo),  sculpteur  italien,  neveu  du  pré- 
cédent, né  à  Fiesole  en  1570,  mort  à  Rome  en  1636.  Son 
œuvre  la  plus  importante  est  une  grande  Assomption  en 
haut-relief,  accompagnée  des  figures  de  Saint  Jérôme  et 


FERRUCCI  —  FERRURE 


—  330  — 


d'un  Cardinal  Vidoni,  dans  la  chapelle  Vidoni  de  l'église 
délia  Vittoria.  Il  est  d'ailleurs  moins  un  artiste  qu'un  pra- 
ticien habile,  chargé  par  Paul  V  d'exécuter  des  statues 
funéraires  et  des  restaurations  d'antiques. 

FERRUCCI  (Niccodemo),  peintre  de  l'école  florentine, 
né  à  Fiesole,  mort  à  Florence  en  1650.  11  aida  son  maître 
Passignano  et  acquit  une  certaine  habileté  dans  la  peinture 
à  la  fresque.  Ses  œuvres  sont  nombreuses.  Citons  :  Deux 
Apôtres,  à  Saint-Simon  et  Saint-Jude;  six  fresques  de  la 
Vie  de  Saint  François,  à  Ogni  Santi.  Parmi  ses  tableaux, 
mentionnons  :  une  Conception,  à  Saint-Simon  et  Saint- 
Jude,  le  Christ  au  Jardin  des  Oliviers;  la  Madone  du 
Rosaire,  à  Saint-Roniface,  et  le  plafond  du  palais  Buona- 
rotti  avec  la  galerie  à  la  gloire  de  Michel-Ange,  où  il 
peignit  les  portraits  de  tous  les  peintres,  sculpteurs  et  ar- 
chitectes qui  s'inspirèrent  de  ce  maître. 

FERRUCCI  (Rosa),  écrivain  mystique  italien,  née  à 
Rologne  vers  4828,  morte  à  Pise  en  janv.  1857.  Fille 
du  professeur  Ferrucci,  elle  rédigea  quelques  opuscules 
qui  lui  ont  valu  une  certaine  réputation  dans  le  monde 
religieux,  moins  cependant  que  sa  vie  elle-même,  dont  plu- 
sieurs ont  loué  l'exemplaire  dévouement  aux  pauvres.  Après 
sa  mort  prématurée,  on  publia  un  volume  intitulé  Rosa 
Ferrucci,  ecl  alcuni  suoi  scritti  pubblicati  per  cura 
disuamadre  (Florence,  1857  ;  2e  éd.  augmentée,  1858). — 
Sa  mère,  Caterina-Franceschi  Ferrucci,  a  écrit  :  lnni  (Bo- 
logne, 1828)  ;  Rime  varie  e  prose,  dans  les  Poésie  e  prose 
inédite  o  rare  di  Italiani  viventi  (Bologne,  1835)  ; 
Prose  e  versi  (Florence,  1873),  un  roman,  Francesca  di 
Rimini,  et  quelques  ouvrages  d'éducation.  R.  G. 

Bibl.  :  Abbé  H.  Perreyve,  Rosa  Ferrucci,  ses  lettres 
et  sa  mort  ;  Paris,  1859,  in-16. 

FERRURE. I.  Architecture  .  —  Toute  pièce  de  serrurerie 
ou  de  quincaillerie,  charnière,  fiche,  gond,  équerre,penture, 
crémone,  espagnolette,  loqueteau,  verrou,  serrure,  etc., em- 
ployée pour  fixer,  consolider  et  fermer  un  ouvrage  de  me- 
nuiserie :  bâtis,  lambris,  porte,  croisée,  persienne  ou  volet.  On 
verra  aux  mots  Ferronnerie,  Penture  et  Serrure,  notam- 
ment, toute  l'importance  prise,  pendant  le  moyen  âge,  par 
les  ferrures  des  portes  des  églises.  —  Les  ferrures  subissent 
divers  travaux  d'apprêt  de  métal  qui  les  divisent  en  ferrures 
forgées,  blanchies,  polies,  etc.;  de  plus,  en  vue  de  les  pré- 
server de  l'oxydation  ou  de  les  faire  entrer  dans  un  sys- 
tème général  de  décoration,  elles  sont  imprimées,  peintes, 
vernies,  bronzées,  nickelées,  argentées,  dorées  ou  platinées, 
toutes  opérations  suffisamment  expliquées  par  leur  désigna- 
tion même.  Charles  Lucas. 

II.  Art  vétérinaire.  —  La  ferrure  est  l'art  d'appliquer 
méthodiquement  une  semelle  de  fer  sous  les  pieds  des  che- 
vaux ou  des  bœufs  dont  on  utilise  les  forces  motrices,  afin 
de  prévenir  les  conséquences  fâcheuses  de  l'usure  trop 
prompte  de  la  corne  des  sabots  ;  la  ferrure  est  de  date  rela- 
vement récente  ;  elle  ne  remonte  guère  qu'au  ive  ou  ve  siècle, 
de  notre  ère,  car  Végèce,  qui  vivait  sous  le  règne  de  Valen- 
tinien  III,  au  ive  siècle,  et  qui,  dans  son  traité  De  Re 
militari,  décrit  minutieusement  toutes  les  maladies  ou 
accidents  du  pied  du  cheval,  n'y  fait  aucune  allusion.  Le 
premier  fer  à  clous  qui  ait  un  caractère  d'authenticité  est 
celui  que  Ton  a  découvert  à  Tournai,  dans  le  tombeau  de 
Childéric,  roi  des  Francs,  mort  en  481.  Il  y  a  lieu  de 
croire  que  l'invention  du  fer  à  clous  est  d'origine  germaine, 
et  que  ce  fer  a  été  importé  en  Gaule  et  en  Italie  lors  des 
invasions  des  Barbares.  C'est  grâce  à  la  ferrure  que  le 
cheval  a  pu  être  employé  comme  moteur  et  que  l'homme  a 
pu  l'utiliser  aux  services  multiples  dans  lesquels  il  l'em- 
ploie. La  connaissance  anatomique  et  physiologique  du 
pied  du  cheval  est  indispensable  à  l'ouvrier  maréchal 
(V.  Pied),  non  seulement  pour  confectionner  le  fer,  mais 
aussi  pour  l'appliquer  avec  sagacité.  Les  instruments  em- 
ployés pour  pratiquer  la  ferrure  sont  le  brochoir  ou  la 
mailloche,  le  boutoir,  le  rogne-pied,  les  tricoises,  la  râpe 
et  le  repoussoir.  —  Le  pied  étant  tenu  par  un  aide,  le 
ferreur  le  déferre,  puis  il  le  pare  et  le  dispose  à  recevoir 


un  fer  neuf.  Ce  dernier  doit  préalablement  recevoir  l'ajus- 
ture  et  la  tournure,  opérations  qui  se  font  à  chaud,  car, 
sous  cet  état,  le  fer  est  malléable  et  subit  toutes  les  modi- 
fications que  lui  imprime  le  marteau  de  l'ouvrier.  Une  fois 
adapté  au  sabot,  on  l'y  fixe  au  moyen  de  clous,  au  nombre 
de  six  ou  huit  ;  cette  opération  constitue  le  brochage.  Les 
Anglais,  eux,  procèdent  dans  la  ferrure  suivant  un  manuel 
opératoire  très  différent  du  nôtre.  L'ouvrier  anglais  ferre 
sans  auxiliaire.  Seul  il  lève  le  pied,  le  maintient  dans  une 
position  convenable,  raccourcit  sa  corne,  la  pare,  la  dispose 
pour  la  réception  du  fer,  tourne  et  ajuste  ce  dernier,  l'es- 
saye et  le  fixe  à  l'aide  de  clous.  Pour  parer  son  pied,  il 
se  sert  du  rogne-pied  et,  au  lieu  de  boutoir,  d'un  couteau 
particulier,  à  lame  longue  et  courbée,  désigné  sous  le  nom 
de  couteau  anglais.  —  La  ferrure  vise  un  but  multiple  : 
1°  conserver  ou  rétablir  la  régularité  des  aplombs;  2°  con- 
server ou  rétablir  l'intégrité  de  la  forme  du  sabot  ;  3°  con- 
server la  liberté  des  mouvements  qui  peuvent  se  produire 
dans  le  sabot,  et  au  besoin  chercher  à  les  rétablir.  — '  La 
ferrure  s'applique  tantôt  à  chaud,  tantôt  à  froid.  La  ferrure 
à  chaud,  caractérisée  par  l'application  rapide  du  fer  sous 
le  sabot,  alors  que  le  métal  est  encore  chaud,  pour  per- 
mettre à  l'ouvrier  d'en  saisir  les  défectuosités  et  d'y  remé- 
dier de  suite,  est  de  beaucoup  la  plus  usitée.  La  ferrure  à 
froid,  celle  dans  laquelle  le  fer  reçoit  sa  tournure  et  son 
ajusture  sans  avoir  subi  au  préalable  le  contact  du  pied, 
ne  se  fait  plus  qu'exceptionnellement,  pour  certains  che- 
vaux de  haut  prix.  Essayée  il  y  a  une  quarantaine  d'années 
dans  l'armée,  elle  n'y  a  pas  réussi.  L.  Gàrnier. 

III.  Industrie.  —  On  ferre  le  cheval,  mais  aussi  le 
mulet,  l'âne  et  le  bœuf  :  c'est  surtout  pour  le  premier 
que  le  ferrage  a  une  importance  capitale.  Les  fers  à 
cheval  sont  formés  d'une  bande  de  fer  aplatie  et  courbée 
sur  sa  largeur  ;  on  y  distingue  deux  faces  principales,  celle 
qui  touche  la  terre  et  que  l'on  appelle  face  inférieure  et 
celle  sur  laquelle  repose  le  pied  ou  le  sabot  de  l'animal 
et  que  l'on  nomme  face  supérieure.  La  partie  extérieure 
suit  exactement  le  contour  de  la  corne,  et  la  partie  inté- 
rieure ne  doit  en  rien  gêner  la  fourchette,  c.-à-d.  cette 
partie  plus  ou  moins  élevée,  en  forme  de  V,  qu'on  remarque 
sous  le  pied  et  dont  la  pointe  est  tournée  vers  le  devant, 
tandis  que  les  deux  branches  se  dirigent  vers  le  talon.  On 
donne  le  nom  de  voûte  au  champ  ou  à  la  largeur  du  fer, 
considéré  à  l'endroit  où  sa  courbure  est  le  plus  sensible, 
parce  que,  en  ce  point,  il  est  plus  ou  moins  relevé  en 
bateau.  Vers  le  milieu  de  cette  voûte  se  trouve  une  partie 
triangulaire,  qu'on  appelle  la  pince;  elle  est  placée  devant 
le  pied  pour  garantir  la  corne  contre  le  choc  que  le  che- 
val pourrait  faire  dans  sa  marche,  par  la  rencontre  d'une 
pierre  ou  de  tout  autre  corps  résistant.  On  appelle  mamelles 
les  deux  régions  qui  de  chaque  côte  confinent  à  la  pince, 
quartiers  les  deux  régions  qui  les  suivent,  et  talons  ou 
éponges  les  deux  régions  qui  se  trouvent  à  l'arrière  du 
sabot.  On  remarque  encore  sur  chaque  fer  des  trous,  ordi- 
nairement au  nombre  de  huit,  quatre  sur  chaque  branche, 
qui  sont  évasés  du  côté  de  la  face  inférieure.  Ces  évasements 
se  nomment  étampures.  Les  trous  servent  à  recevoir  des 
clous  en  fer  très  doux,  à  tête  plate  et  à  queue  très  longue, 
mince  et  facile  à  plier,  qu'on  y  broche,  pour  fixer  les  fers. 
La  couverture  est  la  largeur  de  la  bande  métallique,  la 
tournure  la  forme  donnée  au  fer,  V ajusture  est  l'incurva- 
tion sur  plat  que  le  maréchal  donne  au  fer  avant  de  le  pla- 
cer. Le  pinçon  est  une  languette  de  fer  levée  en  pince  ou 
en  mamelles  pour  donner  au  fer  plus  de  fixité,  et  le  cram- 
pon, une  èminence  élevée  en  talon  ou  en  éponge  pour  em- 
pêcher les  glissades.  Le  fer  de  devant  a,  comme  le  pied,  une 
forme  arrondie,  et  celui  de  derrière  est  légèrement  allongé. 
Diverses  variétés  de  fers  ont  été  proposées  à  différentes 
époques.  Au  siècle  dernier  on  eut  le  fer  à  croissant  de  La- 
fosse  père  et  fils.  Le  fer  étant  placé  sur  le  pied,  la  corne 
en  talons  se  trouve  au  niveau  de  sa  face  inférieure.  Ce  fer 
laisse  au  pied  son  intégrité,  mais  manque  de  résistance.  A  la 
cavalerie  des  omnibus  de  Paris,  on  s'est  inspiré  de  l'idée 


334  — 


FERRURE  -  FERRUS 


des  Lafosse.  Le  fer  mécanique  de  devant  a  0m023  de  lar- 
geur en  pince  et  0m01  5  d'épaisseur.  Ces  deux  dimensions 
vont  en  diminuant  progressivement,  pour  n'être  plus  en 
éponge  que  de  0m013  et  0m01.  Le  fer  de  derrière  a  0m03 
de  largeur  en  pince  et  en  mamelles  et  0m015  en  talons  ; 
0m018  d'épaisseur  en  pince  et  0m007  en  éponge.  Ces  fers 
n'ont  que  six  étampures.  Dans  cette  ferrure,  comme  dans 
celle  des  Lafosse,  la  fourchette  appuie  sur  le  sol  et  cet  ap- 
pui a  pour  résultat,  tout  en  donnant  aux  chevaux  plus  de 
stabilité  sur  le  sol,  de  maintenir  l'intégrité  de  la  boîte  cor- 
née. La  ferrure  Charlier  ou  péri-plantaire  a  eu,  une 
vingtaine  d'années,  une  certaine  vogue  à  Paris.  Dans  cette 
ferrure  le  bord  inférieur  de  la  paroi  est  creusé  pour  rece- 
voir le  fer  qui  est  étroit  et  dont  la  face  inférieure,  placée 
au  niveau  de  la  sole,  permet  à  la  fourchette  d'appuyer  sur 
le  sol.  Elle  a  l'inconvénient  d'être  d'une  application  peu 
facile  ;  elle  convient  toutefois  aux  chevaux  de  luxe,  bien 
qu'elle  soit  à  peu  près  complètement  abandonnée  aujour- 
d'hui. Le  mulet,  l'âne  et  le  bœuf  quelquefois  reçoivent  une 
ferrure  appropriée  à  la  conformation  de  leurs  pieds.  Contre 
les  glissades,  on  a  inventé  une  foule  de  fers  spéciaux,  dits 
fers  à  glace,  rainés,  à  clous,  à  vis,  à  crampons,  avec  pa- 
tins en  caoutchouc.  On  connaît  les  clous  à  glace  système 
Delpérier,  système  Lepinte,  les  crampons  à  chevilles  ou  main- 
tenus à  l'aide  d'une  clavette,  les  crampons  à  vis  tronco- 
nique,  à  tête  carrée,  sans  épaulement.  C'est  ce  dernier  sys- 
tème qu'a  accepté  le  ministre  de  la  guerre  pour  la  cavalerie 
française. 

Fabrication  des  fers  à  cheval.  —  Si  les  pieds  de 
tous   les  animaux    portant  des  fers  étaient  exactement 
conformés  de  la  même  manière,  la  fabrication  des  fers 
à  cheval  serait  des  plus  faciles.  Mais  il  n'en  est  pas 
ainsi,  parce  que  les  pieds  des  chevaux  sont  sujets  à  des 
difformités  qu'il  est  impossible  de  prévoir.  C'est  ce  qui 
explique  pourquoi  on  a  longtemps  pensé  qu'on  ne  pourrait 
jamais,   même  avec  une  grande  variété  de  types,  faire 
d'avance  et  mécaniquement  des  fers  se  présentant  à  toutes 
les  exigences.  On  y  est  cependant  parvenu  en  se  rendant 
compte  des  formes  rationnelles  qu'ils  doivent  affecter  dans 
le  plus  grand  nombre  des  cas  et  voici,  à  ce  point  de  vue, 
les  principes  qu'on  a  pu  poser.  Relativement  aux  fers  de 
devant,  on  a  reconnu  que,  pour  les  chevaux  à  allure  lente, 
travaillant  dans  les  pays  montagneux,  ou  traînant  habi- 
tuellement de  lourdes  charges,  l'épaisseur  doit  être  la  plus 
grande  à  la  pince  et  au  talon,  tandis  qu'elle  doit  être  moyenne 
aux  mêmes  parties,  pour  les  chevaux  de  plaine,  et  plus 
grande  au  talon  qu'à  la  pince  pour  les  chevaux  à  allure 
rapide.  Pour  ces  mêmes  fers,  la  branche  en  dehors  s'usant, 
en  général,  plus  vite  que  celle  du  dedans,  doit  être  plus 
épaisse  que  cette  dernière  ;  par  contre,  la  branche  interne 
doit  être  plus  large  que  la  branche  externe,  afin  de  proté- 
ger le  pied  de  l'animal  contre  certaines  blessures  plus  fré- 
quentes de  ce  côté  qu'à  l'extérieur.  En  ce  qui  concerne  les 
pieds  de  derrière,  on  a  constaté  que  la  pince,  étant  la  par- 
tie sur  laquelle  se  fait  l'appui  dans  la  progression,  doit 
être  particulièrement  nourrie  ;  mais,  comme  on  lève  presque 
toujours  les  crampons  aux  fers  de  derrière,  il  faut  que  les 
éponges  soient  également  bien  nourries  afin  qu'elles  puissent 
fournir  la  matière  nécessaire  pour  ce  genre  de  travail. 
Pour  ces  fers,  encore,  l'usure  est  bien  plus  forte  sur  les 
branches  du  dehors,   ce  qui  oblige  à  les  tenir  épaisses. 
Quant  aux  branches  du  dedans,  il  n'est  pas  nécessaire  de 
les  tenir  larges  comme  les  branches  correspondantes  des 
fers  de  devant  ;  il  faut,  au  contraire,  les  faire  étroites  et 
minces  pour  rendre  îe  fer  aussi  léger  que  possible.  Quoi 
qu'il  en  soit,  on  a  enfin  réussi,  dans  ces  dernières  années, 
à  réaliser  pratiquement  la  fabrication  mécanique  des  fers 
à  cheval.  Voici  en  peu  de  mots  comment  on  procède  à 
l'usine  de  M.  Sibut,  d'Amiens,  qui  peut  être  prise  comme 
exemple.  On  n'a  besoin  que  d'une  chaude  et  de  cinq  opé- 
rations successives.   Les  lopins,   chauffés  au  blanc,  sont 
d'abord  ébauchés  à  l'aide  d'un  laminoir  à  excentrique,  puis 
passés  dans  une  cintreuse  à  coquille  qui  leur  donne  la 


courbure  voulue.  L'ébauche  est  alors  placée  dans  une 
étampe  et  soumise  à  l'action  d'une  presse  à  excentrique  qui 
lui  fait  prendre  la  forme  définitive  et  étampe  les  trous, 
mais  sans  les  déboucher.  Après  cette  opération,  elle  reçoit 
un  deuxième  étampage,  celui-ci  au  pilon,  qui  produit  l'ajus- 
ture  en  biseau  que  présente  la  rive  interne  du  fer.  Ces 
opérations  à  chaud  sont  accompagnées  de  projections  d'eau 
pour  débarrasser  le  fer  de  l'oxyde  qui  se  forme  à  sa  sur- 
face. Enfin,  le  fer  étant  refroidi,  il  est  soumis  à  une  der- 
nière opération,  pendant  laquelle  des  poinçons   d'acier 
débouchent  les  trous.  Indépendamment  des  fers  ordinaires, 
il  y  en  a  d'autres  qu'on  applique  de  préférence  dans  cer- 
tains cas  spéciaux.  Tels  sont  :   les  fers  anglais,  dont  les 
trous  sont  noyés  dans  une  rainure  ;  les  fers  à  crampons, 
dont  les  éponges  sont  recourbées  à  angles  droits,  pour  empê- 
cher les  glissades  ;   les  fers  russes,  qui  sont  destinés  au 
même  objet  et  qui  ont  trois  crampons,  l'un  à  la  pince  et 
les  autres  aux  talons  ;  les  fers  à  glace  employés  quand  le 
sol  est  rendu  glissant  par  la  gelée  ou  le  verglas.  Ces  fers 
ont  le  même  emploi  que  les  fers  à  crampons  ;  dans  leur 
forme  la  plus  simple,  ce  sont  des  fers  ordinaires  dont  on  a 
retiré  trois  ou  quatre  clous  usuels,  pour  les  remplacer  par  un 
nombre  égal  de  clous  spéciaux,  dits  clous  à  glace,  que  l'on 
rive  sur  la  muraille  de  la  paroi  du  sabot.     L.  K.  et  L.  G. 
FERRUS  (Pero),*poète  castillan  de  la  fin  du  xive siècle. 
On  manque  de  renseignements  sur  sa  vie.  Il  est  probable 
qu'il  écrivait  déjà  sous  le  règne  de  Pedro  le  Justicier, 
peut-être  avant.  En  tout  cas,  il  survécut  à  son  successeur 
Enrique  II,  décédé  en  1379,  et  sur  la  mort  duquel  il  com- 
posa un  dit  remarquable.  PeroFerrus,  qui  cultivait  la  poésie 
amoureuse  et  lyrique,  semble  avoir  été  fort  érudit  pour 
l'époque,  si  l'on  en  juge  par  les  nombreuses  allusions  his- 
toriques et  mythologiques  dont  abondent  plusieurs  de  ses 
oeuvres,  entre  autre  un  dit  sur  les  héros  célèbres  de  l'an- 
tiquité, de  l'histoire  nationale  et  des  romans  de  chevalerie, 
adressé  à  Pero  Lopez  de  Ayala.  Les  quelques  pièces  qui 
nous  restent  de  lui  figurent  au  t.  I  du  Cancionero  com- 
pilé par  le  juif  Juan  Alfonso  de  Baena,  vers  1450  (édité 
d'abord  à  Madrid,  1851,  in-4,  puis  à  Leipzig,    1860, 
2  vol.  in-18).  C'est  probablement  le  plus  ancien  poète  du 
recueil.  Lucien  Dollfus. 

FERRUS  (Georges  de),  capitaine  français,  né  à  Oulx 
(qui  faisait  alors  partie  du  Dauphiné)  vers  le  milieu  du 
xvie  siècle,  mort  vers  1590.  Fils  de  Jean  Ferrus,  bourgeois 
de  Briançon,  et  de  Madeleine  Emé.  M.  le  Dr  Chabrand, 
d'après  des  documents  conservés  à  la  bibliothèque  de  Gre- 
noble, a  récemment  démontré  que  tous  les  historiens  dau- 
phinois ont  confondu  ce  personnage  avec  Jean-Louis 
Borel,  sieur  de  La  Cazette,  son  beau-père,  dont  ils  lui  ont 
attribué  tous  les  exploits  et  jusqu'à  sa  fin  tragique.  C'est 
en  effet  Louis  Borel  qui  fit  ses  premières  armes  au  siège 
de  Perpignan  (1542),  combattit  à  Cerisoles  (154.4),  guer- 
roya en  Ecosse  contre  les  Anglais,  revint  en  Briançonnais 
pour  y  réduire  les  Vaudois  révoltés  (1562),  lutta  contre 
les  troupes  protestantes  de  Lesdiguières  et  contribua  à  la 
reprise  d'Exilles  sur  les  protestants  en  1569.  C'est  encore 
Louis  Borel  qui  conduisit  les  compagnies  briançonnaises  au 
siège  de  Corps  en  1570,  qui  attaqua  Freyssinières  en  1573 
et  reprit  Briançon  sur  les  protestants  en  1580.  Enfin  c'est 
lui  qui  fut  assassiné  par  les  ordres  de  Lesdiguières  le 
15  juil.  1590.  En  un  mot,  le  capitaine  désigné  par  les 
historiens  sous  le  nom  de  La  Cazette  de  1542  à  1590  est 
Jean-Louis  Borel  et  non  Georges  de  Ferrus,  son  gendre. 
Allégée  de  ces  glorieux  épisodes,  la  biographie  de  ce  der- 
nier est  brève.  Georges  de  Ferrus  épousa,  le  15  août  1567, 
Eléonore  Borel  de  La  Cazette,  fille  du  capitaine  dont  il 
devait  pendant  trois  siècles  usurper  la  gloire.  Il  combattit 
sous  les  ordres  de  son  beau-père  contre  les  protestants 
pendant  toute  la  durée  des  guerres  de  religion.  En  1570, 
il  était  avec  sa  compagnie  au  siège  de  Corps  et  en  1574  il 
défendait  Briançon  ;  l'année  suivante  il  campait  au  Villard- 
Saint-Pancrace.  A.  Prudhomme. 

Bibl.  :  Dr  A.  Chabrand,  Jean-Louis  Borel,  sieur  de  La 


FERRUS  —  FERRY 


—  332  — 


Gazette,  et  Georges  de  Ferrus,  dans  Bull,  de  la  Soc.  d'études 
des  Hautes-Alpes,  t.  VIII,  p.  288.  —  Maignien,  Georges  de 
Ferrus  dit  La  Cazette  (1542-1  *Q0),  extr.  du  journal  le  Dau- 
phiné  du  7  août  1881.  —  A.  Rochas,  Biogr.  du  Dauphiné  ; 
Paris,  1856,  t.  I,  p.  382,  in-8. 

FERRUS  (Guillaume-Marie-André),  médecin  français, 
né  à  Château-Queyrâs,  près  de  Briançon  (Hautes-Alpes),  le 
2  sept.  1784,  mort  à  Paris  le  23  mars  4861.  Il  a  fait  ses 
études  médicales  à  Paris,  où  il  a  été  reçu  docteur  en  1804. 
D'abord  chirurgien  militaire,  il  fit  les  dernières  campagnes 
de  l'Empire  et  se  fit  remarquer  par  son  dévouement  ;  puis 
licencié  à  la  paix,  il  ne  tarda  pas  à  s'occuper  de  l'étude  des 
maladies  mentales.  Elève  et  ami  de  Pinel,  il  fut  d'abord 
médecin  à  la  Salpêtrière,  puis  médecin  en  chef  de  la  division 
des  aliénés  de  Bicêtre.  Il  préconisa  l'utilité  des  travaux  ma- 
nuels, l'agriculture  entre  autres,  et  c'est  surtout  à  son 
initiative  que  la  ferme  de  Sainte-Anne  a  été  créée.  Médecin 
consultant  du  roi  et  membre  du  conseil  de  santé  en  1830, 
membre  de  l'Académie  de  médecine  en  1834,  inspecteur 
général  du  service  des  aliénés,  il  a  publié  sur  les  établis- 
sements spéciaux  qu'il  avait  été  chargé  de  visiter  plusieurs 
rapports  intéressants  dont  les  conclusions  ont  servi  de  base 
à  la  loi  de  1838  et  il  a  combattu  dans  la  presse  et  à  la 
tribune  académique  le  système  des  quarantaines  et  des 
cordons  sanitaires.  Nommé  inspecteur  du  service  sanitaire 
des  prisons,  il  a  publié  également  un  Rapport  sur  la  po- 
lice sanitaire  des  maisons  centrales  de  force  et  de 
correction  (1 834) ,  et  un  travail  intitulé  De  V Expa- 
triation pénitentiaire,  pour  faire  suite  à  l'ouvrage  pré- 
cédent. Dr  A.  Dureau. 

FERRUSSAG.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  de 
Brioude,  cant.  de  Pinols;  458  hab. 

FERRY  Boat  (V.  Bateau,  t.  Y,  p.  733). 
FERRY  Ier  et  II,  comtes  de  Bar  (V.  Frédéric). 
FERRY,  ducs  de  Lorraine  (V.  ce  mot). 
FERRY  (Paul),  pasteur  protestant,  né  à  Metz  le  24  févr. 
1591,  mort  à  Metz  le  28  déc.  1669.  Il  ne  quitta  guère 
Metz.  Ses  publications  sont  médiocres.  Il  s'était  laissé  ga- 
gner par  Richelieu,  moyennant  une  pension,  pour  parler 
en  faveur  de  la  réunion  des  deux  religions.  Il  n'a  un  intérêt 
général  que  par  sa  correspondance  très  étendue,  entre 
autres  avec  Bossuet,  et  pleine  de  renseignements  sur  les 
contemporains.  Elle  est  conservée  dans  le  fonds  Coquerel 
à  la  Bibliothèque  du  protestantisme  (Paris).  F. -H.  K. 
FERRY  (Claude-Joseph),  homme  politique  et  savant 
français,  né  à  Raon-1' Etape  (Vosges)  en  1756,  mort  à 
Liancourt  (Oise)  le  1er  mai  1845.  Disciple  et  ami  de 
d'Alembert,  il  entra  en  1786  comme  professeur  à  l'école 
du  génie  de  Mézières.  Il  applaudit  à  la  Révolution,  fut  élu 
député  à  la  Convention  par  le  dép.  des  Ardennes  (1792), 
vota  la  mort  de  Louis  XVI,  fut  envoyé  comme  commissaire 
en  Corse  et  dans  plusieurs  départements  du  centre  (1793), 
s'opposa  à  la  démonétisation  des  gros  assignats,  fut  attaché, 
à  titre  d'examinateur  à  l'Ecole  polytechnique  qu'il  avait 
aidé  à  fonder  (1795),  la  quitta  lors  de  l'établissement  du 
Consulat,  gouvernement  auquel  il  refusa  de  se  rallier,  fit 
de  longs  voyages  scientifiques  dans  le  N.  de  l'Europe  et 
finit  par  reprendre  sa  chaire  à  l'école  du  génie  (qui  avait 
été  transférée  à  Metz).  Il  redevint  même  examinateur  à 
l'Ecole  polytechnique  (1812),  mais  fut  destitué  par  les 
Bourbons  en  1814.  Il  était  demeuré  républicain  et  refusa 
de  se  rallier  à  Napoléon  pendant  les  Cent- Jours.  Aussi  ne 
fut-il  pas  proscrit  en  1816  comme  les  autres  régicides. 

FERRY  (Louis  Ferry  Gabriel  de  Bellemare,  connu  sous  le 
pseudonyme  de  Gabriel),  littérateur  français,  né  à  Grenoble 
en  nov.  i  809,  mort  à  bord  du  paquebot  anglais  V Amazone, 
le  3  janv.  1852.  Fils  d'un  négociant  établi  à  Mexico,  il  fit 
ses  études  au  collège  de  Versailles,  puis  rejoignit  son  père 
dont  il  fut  pendant  sept  ans  l'associé.  Revenu  en  France, 
il  écrivit  plusieurs  romans  dont  il  emprunta  le  sujet  aux 
mœurs  du  Nouveau-Monde  et  qui  ne  lurent  réimprimés  en 
volumes  qu'après  sa  mort  :  le  Coureur  des  bois  (1853, 
7  vol.  in-8,  nouv.  éd.  corrigée  sur  les  notes  de  l'auteur, 
1853,  2  vol.  in-12  ;  1860,  2  vol.  in-12);  le  Dragonrouge 


ou  Costal  r Indien  (1855,  4  vol.  in-8),  plusieurs  fois 
réimp.  sous  le  seul  titre  de  Costal  l'Indien;  les  Squat- 
ters, la  Clairière  du  bois  des  Hogues  (1858,  in-12); 
Scènes  de  la  vie  mexicaine  (1854,  in-12);  Scènes  de 
la  vie  militaire  et  Scènes  de  la  vie  sauvage  au  Mexique 
(1856-1857,  2  vol.  in-12);  les  Révolutions  du  Mexique, 
avec  préface  de  George  Sand  (1864,  in-18).  Citons  à  part 
la  Chasse  aux  Cosaques  (1854,  5  vol.  in-8)  et  le  Vicomte 
de  Châteaubrun  (1856,  2  vol.  in-8;  1861,  in-18).  Ga- 
briel Ferry,  qui  n'avait  point  connu  la  vogue  dont  jouirent 
quelques  années  plus  tard  les  romans  de  Gustave  Aimard, 
avait  obtenu  une  place  d'inspecteur  du  rapatriement  des  émi- 
grants  en  Californie  et  se  rendait  à  son  poste  quand  il  trouva 
la  mort  dans  l'incendie  du  paquebot  qui  le  transportait.  — 
Son  fils,  M.  Gabriel  de  Bellemare,  né  à  Paris  en  1846, 
a  publié  sous  le  même  pseudonyme  divers  romans  :  les 
Deux  Maris  de  Marthe  (1884,  in-12)  ;  Cap  de  fer  (1887, 
in-12)  ;  les  Exploits  de  César  (1889,  in-18)  et  deux  vo- 
lumes de  biographie  anecdotique  :  les  Dernières  Années 
d'Alexandre  Dumas  (1883,  in-18)  ;  Balzac  et  ses  amies 
(1888,  in-8).  M.  Tx. 

FERRY  (Emile-Jean),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  le  7  déc.  1821.  Ancien  industriel,  maire  du  IXe  arr. 
de  Paris,  il  a  été  élu  député  de  la  Seine  lev6  oct.  1889, 
au  scrutin  de  ballottage,  par  3,966  voix  contre  3,538  à 
M.  Georges  Berry. 

FERRY  (Jules-François-Camille) ,  homme  d'Etat  français , 
né  à  Saint-Dié  le  5  avr.  1832.  Reçu  licencié  en  droit  dès 
1851,  il  se  fit  inscrire  comme  avocat  au  barreau  de  Paris, 
fut  remarqué  en  1 855  à  la  conférence  des  stagiaires,  mais 
dut  surtout  au  journalisme  la  notoriété  qu'il  acquit  sous 
l'Empire.  Après  avoir  collaboré  assez  longtemps  à  la  Gazette 
des  Tribunaux,  il  se  jeta  dans  la  presse  politique  et  s'y 
rendit  redoutable  au  gouvernement  par  sa  parfaite  con- 
naissance des  affaires,  son  habileté  à  élucider  les  questions 
les  plus  obscures,  les  plus  embrouillées,  et  son  vigoureux 
talent  de  polémiste.  Ses  articles  dans  le  Courrier  de  Paris, 
dans  la  Presse,  la  part  qu'il  prit  au  mouvement  démocra- 
tique lors  du  renouvellement  du  Corps  législatif  en  1863 
et  la  brochure  qu'il  écrivit  peu  après  sur  la  dernière  Lutte 
électorale  attirèrent  sur  lui  l'attention  publique,  si  bien 
que  sa  candidature  à  la  députation,  qu'il  posa  dans  la  cin- 
quième circonscription  de  Paris  au  commencement  de  1864, 
ne  parut  pas  trop  prématurée.  Il  la  retira,  du  reste,  bien- 
tôt devant  celle  de  Garnier-Pagès.  Impliqué  quelques  mois 
plus  tard  dans  le  procès  des  treize,  il  entra  l'année  sui- 
vante à  la  rédaction  du  Temps  et  y  mena  campagne  très 
énergiquement  contre  la  politique  extérieure  et  intérieure 
de  l'Empire.  Sa  retentissante  brochure  sur  les  Comptes 
fantastiques  d'Ilaussmann  (critique  très  vive  et  très  péné- 
trante des  procédés  irréguliers  d'administration  qu'employait 
depuis  longtemps  le  préfet  de  la  Seine)  et  son  article  sur 
les  Grandes  Manœuvres  électorales,  qui  valut  au  journal 
V Electeur  une  condamnation  à  10,000  fr.  d'amende,  le 
rendirent  très  populaire  (1868).  Aussi,  lors  des  élections 
générales  de  1869,  sa  candidature  législative,  posée  de 
nouveau  à  Paris,  obtint-elle  un  plein  succès. 

Elu  député,  dans  la  sixième  circonscription  de  cette 
ville,  au  second  tour  de  scrutin,  par  15,729  voix  contre 
13,944  données  à  M.  Cochin,  il  alla  siéger  sur  les  bancs 
de  l'opposition  républicaine  au  Corps  législatif,  dont  il 
demanda  vainement  la  dissolution,  combattit  de  toutes  ses 
forces  le  ministère  Ollivier,  s'efforça  d'empêcher  la  décla- 
ration de  guerre  à  la  Prusse  en  juil.  1870  et,  après  l'effon- 
drement de  l'Empire  (4  sept.),  entra,  avec  ses  collègues  de 
la  Seine,  dans  le  gouvernement  de  la  Défense  nationale,  qui 
le  prit  pour  son  secrétaire  et  lui  confia  (6  sept.)  l'adminis- 
tration du  dép.  de  la  Seine,  c.-à-d.  de  la  banlieue  de  Paris, 
cette  ville  étant  placée  sous  l'autorité  d'un  maire,  qui  était 
alors  Etienne  Arago.  M.  Jules  Ferry  fit  preuve  dans  cet 
emploi  de  beaucoup  d'activité,  contribua  puissamment  par 
son  sang-froid  et  son  énergie,  lors  de  l'échauffourée  du 
31  oct.,  à  délivrer  le  gouvernement,  que  l'émeute  tenait 


—  383  - 


FERRY 


prisonnier  à  l'Hôtel  de  Ville,  et,  après  la  démission  d'Etienne 
Arago  (45  nov.),  fut  chargé  d'administrer  non  plus  seule- 
ment les  communes  suburbaines,  mais  la  capitale  elle-même. 
Il  pourvut  de  son  mieux,  au  milieu  de  grandes  difficultés, 
pendant  la  fin  du  siège,  à  l'ordre  public  et  aux  subsistances, 
qui  durent  être  rigoureusement  rationnées  à  partir  du 
18  janv.,  et  triompha,  le  22  du  même  mois,  d'une  nouvelle 
insurrection  populaire.  Après  l'armistice,  il  fut  élu  repré- 
sentant des  Vosges  (8  févr.),  le  cinquième,  par  33,439  suf- 
frages. Mais  tandis  que  l'Assemblée  nationale  délibérait  à 
Bordeaux,  il  dut  rester  à  Paris,  où  la  révolution  fermen- 
tait plus  que  jamais.  Le  soulèvement  du  18  mars  mit  de 
fait  à  néant  son  autorité  préfectorale.  Après  avoir  tenu  bon 
jusqu'à  la  dernière  heure,  d'abord  à  l'Hôtel  de  Ville,  puis  à 
la  mairie  du  Ier  arrondissement,  il  dut  se  retirer  et  alla 
rejoindre  à  Versailles  Thiers  qui  lui  témoigna  autant  d'amitié 
que  de  confiance  et  qui,  après  avoir  triomphé  de  la  Com- 
mune, le  confirma  dans  ses  fonctions  de  préfet  de  la  Seine 
(fin  de  mai  1871).  Mais  M.  Jules  Ferry,  très  vivement  atta- 
qué par  une  partie  considérable  de  l'Assemblée,  ne  crut  pas 
devoir  les  conserver  et  fut  remplacé  le  5  juin  suivant  par 
M.  Léon  Say. 

A  Versailles,  il  s'associa  pendant  les  derniers  mois  de 
1871  à  tous  les  votes  importants  du  parti  républicain  et 
fit  au  mois  de  mars  1872  devant  la  commission  d'enquête, 
sur  l'insurrection  dn  18  mars,  une  déposition  qui  lui  valut 
de  la  part  de  la  presse  réactionnaire  les  plus  violentes 
accusations.  Envoyé  le  15  mai  suivant  comme  ministre  plé- 
nipotentiaire en  Grèce,  il  s'y  occupa  surtout  d'aplanir  le 
différend  survenu  entre  le  gouvernement  hellénique  d'une 
part,  la  France  et  l'Italie  de  l'autre,  au  sujet  des  mines  du 
Laurium.  Il  y  était  encore  lorsque  Thiers  fut  renversé  par 
la  coalition  monarchique  et  bonapartiste  du  24  mai  1873. 
Il  donna  aussitôt  sa  démission  et  revint  prendre  sa  place 
dans  l'Assemblée,  où  il  lutta  constamment  et  de  toutes  ses 
forces  contre  le  gouvernement  dit  de  combat,  contribua 
pour  sa  part  à  la  chute  de  M.  de  Broglie  (16  mai  1874), 
au  vote  des  lois  constitutionnelles  (févr.  1875)  et  prononça 
de  nombreux  discours,  dont  quelques-uns,  notamment  ceux 
qu'il  fit  contre  la  loi  sur  l'enseignement  supérieur,  pour  le 
scrutin  de  liste,  sur  la  collation  des  grades  universitaires 
et  les  jésuites,  furent  très  remarqués.  L'influence  de 
M.  Jules  Ferry,  qui  était  en  1875  président  de  la  gauche 
républicaine,  grandissait  chaque  jour.  Aussi,  après  la  dis- 
solution de  l'Assemblée,  tint-il  une  place  considérable  dans 
la  Chambre  des  députés,  où  il  fut  envoyé  par  les  électeurs 
de  Saint-Dié  (20  févr.  1876)  et  où  une  nouvelle  gauche 
républicaine  le  désigna  encore  pour  son  chef.  A  partir  de 
cette  époque,  il  s'écarta  de  plus  en  plus  du  parti  radical. 
Mais  il  n'en  mena  pas  moins  une  campagne  très  vigoureuse 
contre  la  faction  cléricale,  dont  il  avait  déjà  maintes  fois 
signalé  les  empiétements  dans  l'Etat  sous  l'ordre  moral. 
C'est  ainsi  qu'après  avoir  prononcé  un  énergique  discours 
contre  les  facultés  catholiques  et  les  jurys  mixtes  d'exa- 
men, il  combattit  de  toutes  ses  forces  la  politique  inau- 
gurée le  46  mai  1877  par  le  maréchal  de  Mac-Mahon,  fit 
partie  du  groupe  des  363  et  contribua  pour  une  bonne 
part  au  triomphe  de  la  cause  républicaine  lors  des  élections 
générales  du  14  oct.  suivant. 

Réélu  député  à  cette  époque  par  le  collège  de  Saint-Dié, 
il  vota  dans  la  nouvelle  Chambre  l'enquête  demandée  sur 
les  agissements  du  ministère  de  Broglie,  combattit  le  cabi- 
net extra-parlementaire  présidé  par  le  général  de  Roche- 
bouet  (nov.  1877)  etsoutinten  18781e ministère Dufaure, 
mais  en  s'efforçant  de  le  pousser  en  avant.  Après  les  élec- 
tions sénatoriales  du  5  janv.  4  879,  il  somma  le  gouverne- 
ment, par  l'ordre  du  jour  du  20  janv.,  d'orienter  sa  poli- 
tique vers  la  gauche  et  notamment  d'épurer  le  personnel 
administratif  et  judiciaire  dans  un  sens  nettement  républi- 
cain. On  sait  que  le  maréchal  de  Mac-Mahon  aima  mieux 
se  retirer  que  de  céder  au  vœu  des  Chambres .  La  Répu- 
blique eut  enfin  (30  janv.  1879)  un  président  républicain 
dans  la  personne  de  M.  Grévy,  qui,  tout  aussitôt,  forma  le 


cabinet  Waddinglon  (4  févr.),  où  M.  Jules  Ferry  obtint  le 
portefeuille  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts. 

Le  nouveau  ministre  présenta  dès  le  mois  de  mars  sui- 
vant deux  projets  de  loi  d'une  grande  importance  :  l'un 
était  relatif  à  la  réorganisation  du  conseil  supérieur  de 
l'instruction  publique  et  des  conseils  académiques,  d'où  il 
éliminait  tout  élément  ecclésiastique.  Le  second,  qui  eut 
beaucoup  plus  de  retentissement,  restituait  à  l'Etat  le  mono- 
pole de  la  collation  des  grades  universitaires,  supprimait 
les  jurys  mixtes,  obligeait  les  élèves  des  établissements 
libres  d'enseignement  supérieur  à  prendre  leurs  inscriptions 
dans  les  facultés  de  l'Etat  et  enlevait  le  droit  d'enseigner 
ou  de  diriger  un  établissement  d'instruction  à  tout  membre 
d'une  congrégation  religieuse  non  autorisée.  Cette  dernière 
clause,  contenue  dans  l'art.  7  du  projet,  valut  à  M.  Jules 
Ferry  un  déchaînement  de  fureurs  monarchiques  et  cléri- 
cales qui  ne  l'empêcha  pas  d'obtenir  gain  de  cause  à  la 
Chambre  des  députés  (16  juin-9  juil.),cmais  qui  intimida 
une  partie  de  la  majorité  républicaine  du  Sénat.  M.  Jules 
Simon  se  posa  ouvertement  en  adversaire  de  l'art.  7.  Le 
ministre  ne  céda  pas.  Maintenu  en  fonctions  dans  le  cabinet 
Freycinet  (28  déc.  1879) ,  il  vit  l'article  en  question  repoussé 
par  la  Chambre  haute  ;  mais  il  y  suppléa  par  les  décrets 
du  29  mars  1880  qui,  au  nom  des  lois  existantes,  pres- 
crivaient la  dissolution  des  congrégations  non  autorisées. 
En  même  temps,  il  présentait  de  nouveaux  projets  de  loi 
établissant  l'obligation  et  la  gratuité  de  l'instruction  pri- 
maire, au  sujet  de  laquelle  il  accepta  bientôt  le  principe  de 
la  laïcité  absolue.  Une  agitation  factice  fomentée  par  le 
parti  de  l'Eglise  à  cette  occasion  amena  le  président  du 
conseil  à  reculer  et  à  se  dérober  aux  conséquences  des 
décrets.  M.  de  Freycinet  s'étant  retiré  (23  sept.  1880), 
M.  Jules  Ferry  lui  succéda,  sans  quitter  le  ministère  de  l'ins- 
truction publique,  fit  exécuter  les  décrets  (oct.-nov.)  et  pen- 
dant quelques  mois  au  moins  obtint  qu'ils  fussent  respectés. 

Il  était  alors  à  l'apogée  de  sa  popularité.  Mais  haï  par  le 
parti  clérical,  suspecté  par  le  parti  radical  qu'il  contrecarrait 
chaque  jour  davantage  et  parfois  avec  une  certaine  raideur,  il 
n'allait  pas  tarder  à  la  perdre  par  suite  de  l'opposition  que  lui 
valut  sa  politique  étrangère.  Préoccupé  d'augmenter  à  bref 
délai,  dans  de  larges  proportions,  la  puissance  coloniale  de 
la  France,  il  se  jeta  coup  sur  coup  dans  diverses  entreprises 
qui  surprirent  le  pays  et  finirent  même,  à  tort  ou  à  raison, 
par  l'alarmer.  Ce  fut  d'abord  l'expédition  de  Tunisie,  com- 
mencée en  avril  4881  pour  protéger  la  frontière  orientale 
de  l'Algérie  contre  les  incursions  des  Khroumir  et  qui, 
malgré  le  traité  de  Kassar-Saïd  (mai),  obligea  la  France  à 
un  déploiement  de  forces  considérables  (clans  le  temps  même 
où  éclatait  l'insurrection  grave  du  Sud-Oranais)  et  rendit 
fort  aigres  ses  relations  avec  l'Italie.  Les  élections  géné- 
rales du  21  août  4884  n'en  furent  pas  moins  très  favo- 
rables au  gouvernement  républicain.  Mais  à  la  rentrée  des 
Chambres  le  ministère  n'obtint  en  faveur  de  sa  politique 
qu'un  ordre  du  jour  assez  équivoque  et  M.  Jules  Ferry  crut 
devoir  donner  sa  démission  (40  nov.).  Gambetta,  qui  lui 
succéda  comme  président  du  conseil,  ne  resta  au  pouvoir 
que  deux  mois  et  demi.  Dès  le  30  janv.  4882,  un  nouveau 
cabinet  était  constitué.  M.  de  Freycinet  en  prenait  la  direc- 
tion et  M.  Ferry  rentrait  au  ministère  de  l'instruction 
publique. 

Grâce  à  lui,  la  loi  prescrivant  la  gratuité,  l'obligation  et 
la  laïcité  de  l'instruction  primaire  (la  plus  précieuse  con- 
quête de  la  troisième  République)  fut  enfin  votée.  Il  tra- 
vaillait encore  à  affranchir  l'Université  des  derniers  liens 
qui  la  rattachaient  à  l'Eglise  et  à  restreindre  l'influence  du 
clergé  dans  l'enseignement,  quand  les  complications  causées 
par  les  événements  d'Egypte  amenèrent  la  chute  de  M.  de 
Freycinet,  qu'il  dut  suivre  dans  sa  retraite  (29 juil.  4882). 
Mais  il  ne  devait  pas  tarder  à  reparaître  aux  affaires.  Les 
troubles  qui  suivirent  la  mort  prématurée  de  Gambetta 
(34  déc.  4882)  et  la  réputation  de  fermeté  qu'il  avait 
acquise  lui  valurent  d'être  rappelé  au  gouvernement  le 
24  févr.  4883  comme  président  du  conseil.  Il  reprit  le  por- 


FERRY  -  FERS  -  334  - 

tefeuille  de  l'instruction  publique,  qu'il  échangea  au  mois 
de  novembre  suivant  contre  celui  des  affaires  étrangères. 
Son  énergique  attitude  vis-à-vis  des  princes,  qui  recommen- 
çaient à  s'agiter,  le  succès  d'une  grande  opération  finan- 
cière (conversion  du  5  °/0  en  4  1/2  °/0)  qu'il  fit  voter  en 

I  883,  l'épuration  de  la  magistrature,  qu'il  accomplit  la 
même  année  par  la  suspension  de  l'inamovibilité,  parurent 
un  moment  consolider  son  crédit.  Une  majorité  compacte  se 
groupait  autour  de  lui  dans  le  Parlement.  Mais  la  politique 
coloniale  allait  cette  fois  lui  être  fatale.  L'expédition  du 
Tonkin  (août  1883),  qui,  après  quelques  mécomptes,  amena 
en  somme  assez  rapidement  l'occupation  de  ce  pays,  n'eût 
fait  qu'accroître  son  autorité,  si  l'hostilité  de  la  Chine,  qu'il 
s'efforça  longtemps  de  dissimuler  ou  de  représenter  comme 
un  facteur  négligeable,  n'eût  bientôt  donné  à  cette  guerre 
un  caractère  alarmant  pour  une  nation  qui,  comme  la 
nôtre,  voulait  réserver  toutes  ses  forces  pour  l'éventualité 
d'une  lutte  décisive  contre  l'Allemagne.  Le  guet-apens  de 
Bac-lé  (juin  4884)  l'obligea  d'entreprendre  contre  le 
Céleste-Empire  des  opérations  navales  et  militaires  qui 
eurent  pour  principal  objectif  l'île  de  Formose  et  qui  ne 
réussirent  pas  parfaitement.  On  disait  que  M.  Ferry  ne 
faisait,  en  somme,  que  le  jeu  de  M.  de  Bismarck.  On  lui 
reprochait,  dans  le  temps  où  une  partie  de  nos  troupes  était 
employée  dans  l'extrême  Orient,  de  tenter  une  nouvelle 
aventure  à  Madagascar,  où,  par  suite  des  menées  de  l'An- 
gleterre, nos  droits  séculaires  étaient  méconnus.  Les  inter- 
pellations sur  la  politique  extérieure  se  multipliaient  dans 
les  deux  Chambres  et  devenaient  de  plus  en  plus  vives.  Des 
imputations  injurieuses  étaient  lancées  contre  l'honorabilité 
du  ministre.  Les  querelles  motivées  par  la  politique  inté- 
rieure aigrissaient  encore  ces  débats .  Un  parti  nombreux 
demandait  la  revision  de  la  constitution.  Les  réformes  de 
détail  auxquelles  aboutit  le  tumultueux  congrès  de  Ver- 
sailles, en  août  1884,  furent  loin  de  le  satisfaire.  Mais,  en 
somme,  tout  s'effaça  bientôt  devant  les  préoccupations  moti- 
vées par  la  politique  étrangère.  On  accusait  ouvertement  le 
ministère  de  complaisances  coupables  pour  l'Allemagne  ;  on 
lui  imputait  le  résultat  négatif  des  interminables  négocia- 
tions amenées  par  les  affaires  d'Egypte  ;  on  voulait  voir  la 
fin  des  incidents  de  Madagascar  et,  plus  encore,  on  souhai- 
tait celle  des  démêlés  provoqués  par  l'expédition  du  Tonkin. 
M.  Ferry  obtenait  encore  fréquemment  de  nouveaux  crédits 
pour  la  guerre  d'Orient.  Mais  on  lui  reprochait  d'avoir 
entraîné  le  Parlement  à  son  insu  ou  malgré  lui  dans  ces  com- 
plications et  de  ne  le  mettre  jamais  qu'en  présence  de  faits 
accomplis,  pour  lui  forcer  la  main.  Sa  majorité  s'émiettait 
et  diminuait  à  vue  d'œil .  Elle  lui  fit  enfin  défaut  au  moment 
même  où  il  allait  obtenir  de  la  Chine  un  traité  de  paix 
reconnaissant  à  la  France  le  protectorat  du  Tonkin  et  de 
l'Annam.  La  nouvelle  de  l'échec  de  Lang-son  et  de  la  re- 
traite précipitée  des  troupes  françaises  qui  avaient  un  moment 
occupé  cette  ville,  causa  dans  toute  la  France  et  surtout  à 
Paris  (29  mars  1885)  un  émoi  extraordinaire.  M.  Jules 
Ferry  s'abandonna  pour  ainsi  dire  lui-même.  A  la  suite 
d'une  séance  orageuse  où  les  nouveaux  crédits  qu'il  sollici- 
tait lui  furent  refusés  presque  sans  discussion  et  où  une 
demande  de  mise  en  accusation  fut  déposée  contre  lui  par 
MM.  Laisant  et  Delafosse,  il  donna  sa  démission  (30  mars) 
et  fut  remplacé  à  la  présidence  du  conseil  par  M.  Henri 
Brisson. 

Les  esprits  ne  tardèrent  pas  à  se  calmer.  M.  Ferry  ne 
fut  pas  mis  en  accusation.  Il  alla  voyager  quelque  temps  en 
Italie,  parvint  à  se  faire  réélire,  au  scrutin  de  liste,  par  le 
dép.  des  Vosges  (4  oct.  4885),  mais  ne  put  jouer  dans  la 
nouvelle  Chambre  qu'un  rôle  fort  effacé,  tant  sa  personne 
et  sa  politique  étaient  discréditées.  Il  n'en  conservait  pas 
moins  une  grande  influence  sur  le  parti  dit  opportuniste. 

II  en  usa  pour  démasquer  et  combattre  de  toutes  ses  forces 
le  général  Boulanger  qui  le  provoqua  bruyamment,  en  août 
1887,  pour  l'avoir  appelé  en  public  «  un  Saint-Arnaud  de 
café-concert  ».  Quelques  mois  plus  tard,  M.  Grévy  ayant 
dû  démissionner,  à  la  suite  des  affaires  Wilsoti  (V.  ce  nom), 


on  put  croire  un  moment  que  M.  Jules  Ferry  allait  être 
appelé  par  le  Congrès  à  la  présidence  de  la  République 
(3  déc).  Mais  l'opposition  du  parti  radical  et  l'attitude  hos- 
tile de  Paris  l'écartèrent  de  cette  magistrature.  Son  impo- 
pularité s'accrut  encore  à  mesure  que  grandissait  l'incroyable 
crédit  du  général  Boulanger.  Lors  des  élections  générales 
du  14  oct.  1889,  il  ne  parvint  même  pas  à  obtenir  des 
électeurs  de  Saint-Dié,  sa  ville  natale,  le  renouvellement  de 
son  mandat.  Mais  iïa  reparu  depuis  sur  la  scène  politique, 
le  dép.  des  Vosges  l'ayant,  enjanv.  1891,  envoyé  au  Sénat. 
Il  a  pris,  en  1891  et  1892,  une  part  importante  aux  tra- 
vaux de  cette  assemblée  comme  président  de  la  commission 
d'enquête  sur  l'Algérie  et  de  la  commission  des  douanes. 

A.  Debidour. 

FERRY  (Albert),  homme  politique  français,  né  à  Fraize 
(Vosges)  le  23  févr.  1833.  Maire  de  Saint-Dié,  conseiller 
général  des  Vosges,  il  fut  élu  député  de  Saint-Dié  le  21  août 
1881,  siégea  à  la  gauche  radicale  et  appuya  constamment 
la  politique  opportuniste.  Réélu  député  des  Vosges  le  4  oct. 
1885  et  le  22  sept.  1889,  il  a  combattu  le  boulangisme. 

FERRY  (Charles-Emile-Léon),  homme  politique  français, 
né  à  Saint-Dié  le  23  mai  1834.  Chef  de  cabinet  de  J.  Favre 
pendant  le  siège  de  Paris,  préfet  de  Saône-et-Loire  (20  mars 
1871),  commissaire  du  gouvernement  en  Corse  (oct.  4871), 
préfet  de  la  Haute-Garonne  (11  nov.  1871-24  mai  1873), 
il  fut  élu  député  de  la  deuxième  circonscription  d'Epinal  le 
21  août  1881  et  appuya  la  politique  opportuniste.  Il  ne  se 
représenta  pas  aux  élections  législatives  de  1885  et  fut 
élu,  le  29  avr.  4888,  sénateur  des  Vosges,  en  remplace- 
ment de  M.  Claude,  décédé.  Au  renouvellement  du  4  janv. 
4891,  il  céda  son  siège  à  son  frère  Jules  Ferry  (V.  ci- 
dessus)  . 

FERRY  de  Clugny,  prélat  et  homme  d'Etat  belge,  né  à 
Autun  vers  4440,  mort  à  Rome  en  4483.  Philippe  le  Bon, 
duc  de  Bourgogne,  l'envoya  fréquemment  en  ambassade 
auprès  du  pape  et  du  roi  Louis  XI.  Evêque  d'Autun  en 
4459,  Ferry  passa  au  siège  de  Tournai  en  4474  et  devint, 
cette  même  année,  chancelier  de  la  Toison  d'or.  Sixte  IV 
lui  donna  le  chapeau  de  cardinal  en  4480.  Il  joua  un 
rôle  important  dans  les  difficultés  suscitées  à  Maximilien 
par  Louis  XI  et  servit  énergiquement  les  intérêts  du  prince 
autrichien.  Avant  de  mourir,  l'évêque  de  Tournai  fonda  à 
l'université  de  Padoue  un  collège  en  faveur  de  ses  diocé- 
sains. E.  H. 

Bibl.  :  Le  Maistre  d\Astaing,  Histoire  de  la,  cathé- 
drale de  Tournai;  Tournai,  1842,  2  vol.  in-8. 

FERS.  Cette  peine,  qui  n'existe  plus  pour  l'armée  de 
terre,  consistait  en  travaux  forcés  imposés  à  des  hommes 
traînant  à  une  jambe  un  boulet  attaché  par  une  chaîne 
de  fer.  On  l'appelait  fréquemment,  pour  cette  raison, 
la  peine  du  boulet.  Aux  termes  de  l'art.  8  de  la  loi  du 
6  oct.  4794,  elle  ne  pouvait,  en  aucun  cas,  être  perpé- 
tuelle. D'après  la  loi  du  19  oct.  suivant,  elle  devait  être 
infligée  aux  militaires,  soit  pour  révolte  contre  les  chefs,  soit 
pour  désobéissance,  vol  et  désertion.  Elle  était  prononcée 
pour  un  temps  variant  de  six  mois  à  vingt  années.  Ed.  S. 

L'expression  s'applique  encore  à  une  punition  discipli- 
naire en  usage  dans  les  marines  de  guerre  des  diverses 
puissances  maritimes.  Voici  en  quoi  elle  consiste.  Une  ou 
plusieurs  barres  de  fer,  dites  de  justice,  de  0m02  environ 
de  diamètre,  de  longueur  variable  suivant  les  cas,  sont 
fixées  dans  le  lieu  désigné  par  le  commandant  (dans  le  faux 
pont  généralement)  par  une  crampe  A  enfoncée  dans  le  pont. 
Sur  cette  barre  courent  des  manilles  M  dans  lesquelles 
l'homme  puni  passe  la  cheville,  à  frottement  doux,  bien 
entendu,  avant  que  lesdites  manilles  ne  soient  enfilées  sur 
la  barre.  Les  barres  ordinaires  ont  environ  2  m.  et  por- 
tent huit  manilles  ;  un  cadenas,  fixé  à  l'extrémité  opposée 
à  A,  les  empêche  de  ressortir.  En  un  mot,  le  matelot  a  la 
cheville  encastrée  dans  la  manille  qui  glisse  sur  la  barre. 
Il  est  assis  ou  couché,  à  volonté.  La  punition  ne  comporte, 
d'ailleurs,  aucune  idée  infamante.  En  s'en  rapportant,  dans 
le  décret  du  20  mai  4885  sur  le  service  à  bord  des  bâti- 


335  — 


FERS  —  FERSTEL 


ments  de  la  flotte,  aux  articles  portant  les  nos  690-696, 
qui  règlent  les  conditions  de  l'application  de  la  barre  de 
justice,  on  voit  que  cette  punition,  appelée  fers  dans  le 
langage  courant,  occupe  un  rang  intermédiaire  entre  la 
consigne  et  la  prison.  Elle  est  applicable  aux  marins 
et  quartiers-maîtres.  Seuls,  ces  derniers  la  subissent  à 
une  barre  spéciale.  Sa  durée  maxima  est  de  dix  jours 
(art.  693).  Dans  les  cas  graves,  les  hommes  peuvent  subir 
la  peine  de  la  double  boucle  (c.-à-d.  fers  aux  deux  pieds). 
Durée  maxima,  dix  jours.  Cette  peine  comporte  le  retran- 
chement absolu  de  vin  et  d'eau-de-vie  (art.  694).  Enfin, 
Fart.  695  dit  qu'à  bord  des  bâtiments  qui  n'ont  pas  de 
prison,  la  peine  de  la  prison  est  remplacée  par  la  boucle 
simple.  L'art.  696  prescrit  pour  les  hommes  aux  fers  une 
promenade  sur  le  pont  de  deux  heures  par  jour,  une 
heure  le  matin,  une  heure  le  soir.  Tel  est  le  règlement  de 
la  marine  française.  Pratiquement,  la  punition  des  fers, 
dont  la  durée  est  fixée  d'ailleurs  par  le  commandant  seul, 
est,  malgré  son  nom  rébarbatif,  bien  moins  sévère  que  le 
règlement  ne  semble  l'indiquer.  Elle  permet  de  prévenir 
souvent  des  délits  graves,  et  les  matelots  la  préfèrent  de 


Barre  de  justice. 

beaucoup  à  la  prison,  infiniment  plus  dure  et  qui  leur 
enlève  leur  solde.  Presque  toujours,  d'abord,  les  hommes 
punis  de  fers  (boucle  simple)  ne  sont  embrochés,  suivant 
l'expression  consacrée,  que  la  nuit.  Le  jour,  ils  font  leur 
service.  Ils  en  sont  donc  quittes  pour  dormir  couchés  sur 
du  bois  et  avec  leur  couverture.  Un  homme  rentre-t-il  de 
terre,  dans  une  relâche  après  de  longs  jours  passés  à  la 
mer,  un  peu  trop  gai,  faisant  du  bruit,  on  l'envoie  dis- 
crètement à  la  broche  avant  que  l'ivresse  ne  le  pousse  à 
quelque  acte  d'indiscipline  plus  grave.  Là,  aux  fers,  il  est 
isolé;  il  ne  peut  s'attirer  aucune  mauvaise  affaire.  Le  len- 
demain matin  on  le  lâche  et  tout  est  dit.  Deux  matelots  se 
battent-ils  sur  le  pont  ;  on  fait  descendre  aux  fers  le  plus 
coupable.  Le  lendemain  il  reprend  son  service  ;  la  nuit  a 
passé  sur  sa  colère,  c'est  fini.  Nous  pourrions  multiplier  les 
exemples  montrant  que  cette  punition  rend  à  bord  de  sé- 
rieux services  :  elle  permet  de  prévenir,  comme  nous  le 
disions  plus  haut.  Des  hommes,  pleins  de  bonne  volonté  à 
coup  sûr,  mais  ne  connaissant  rien  ni  à  la  nature  ni  au 
caractère  du  matelot,  et  s'en  rapportant  au  mot,  ont  écrit, 
ont  parlé,  même  à  la  Chambre,  contre  cette  peine  barbare, 
dégradante,  legs  des  âges  de  barbarie,  etc.  Les  quelques 
lignes  de  cet  article  montrent  qu'il  en  est  tout  autrement. 
La  punition  des  fers  doit  subsister  dans  la  marine  ;  elle  est 
nécessaire  :  d'abord  parce  que  la  répression  doit  pouvoir 
être  bien  plus  énergique  qu'à  terre  ;  à  bord  d'un  bâtiment 
isolé  sur  les  océans,  où  d'un  côté  il  y  a  un  équipage  nom- 
breux, et  de  l'autre  une  poignée  d'hommes  formant  l'état— 
major;  en  second  lieu,  parce  qu'elle  n'est,  pour  le  matelot, 
ni  infamante  ni  inhumaine,  et  que,  somme  4;oute,  on  n'est 
pas  arrivé  à  conduire  des  hommes  ardents,  vigoureux, 
énergiques  comme  les  marins,  par  le  raisonnement  et  la 
philosophie.  Cte  K.  du  Crano. 

FERS  EN  (Frederik-Axel,  comte  von),  homme  politique 
et  mémorialiste  suédois,  né  à  Stockholm  le  5  avr.  4749, 
mort  le  24  avr.  4  794.  Issu  d'une  ancienne  famille  écos- 
saise (Mac-Pherson)  devenue  cosmopolite,  il  servit  en 
France  de  4740  à  4748,  leva  un  régiment  dont  il  fut  colo- 
nel et  devint  brigadier.  Ses  amis,  les  Chapeaux,  les  firent 
rentrer  avec  le  même  grade  dans  l'armée  suédoise  (4750). 
Il  y  fut  nommé  colonel  de  la  garde  royale  (4756),  général 
(4763),  feld-maréchal  (4770),  promotions  dues  plutôt  à 
la  politique  qu'à  ses  talents  militaires,  dont  il  donna  les 


preuves  en  enlevant  aux  Prussiens  les  îles  de  Wollin  et 
d'Usedom,  les  fortifications  de  Swinemiinde  et  cent  cin- 
quante-deux canons  (août-sept.  4759).  Dès  4755,  il  fut  le 
chef  des  Chapeaux  qui  combattaient  les  tendances  autocra- 
tiques de  la  cour.  Mais  il  se  rapprocha  bientôt  de  celle-ci 
(1760),  fut  d'avis  d'étendre  les  prérogatives  royales,  non 
parla  force,  mais  avec  l'assentiment  des  ordres  (4768),  et 
donna  au  roi  le  conseil  d'abdiquer  pour  forcer  le  conseil  à 
convoquer  la  Diète.  Nommé  riksrâd  après  le  coup  d'Etat 
de  Gustave  III  (4772),  il  donna  sa  démission  six  mois  plus 
tard,  rentra  dans  l'opposition  aristocratico-libérale,  fut 
arrêté  en  4789,  emprisonné  pendant  dix  semaines  et  per- 
dit de  plus  en  plus  l'influence  qu'il  avait  acquise  par  son 
habileté  comme  chef  de  parti,  son  amour  de  la  légalité  et 
son  intégrité.  Il  fut  dès  la  fondation  (4786)  un  des  dix- 
huit  de  l'Académie  suédoise  et  il  laissa  des  Ecrits  histo- 
riques qui  ont  été  publiés  sans  critique  par  R.-M.  Klinc- 
kowslrœm  (Stockholm,  4867-72,  8  vol.  in-8).       B-s. 

F  ERS  EN  (Hans-Axel ,  comte  von),  homme  politique 
suédois,  fils  du  précédent,  né  à  Stockholm  le  4  sept.  4755, 
assassiné  à  Stockholm  le  20  juin  4840.  Après  avoir  étudié 
aux  écoles  militaires  de  Brunswick  et  de  Turin  et  servi 
comme  capitaine  dans  les  dragons  de  la  garde  suédoise 
(4775),  il  fut  nommé  colonel  du  régiment  français  de 
Royal-Bavière  (4779),  où  il  était  lieutenant  depuis  4770. 
Il  se  distingua  dans  la  guerre  des  Etats-Unis  comme  adju- 
dant de  Rochambeau  (4780-83),  devint  en  France  colo- 
nel-propriétaire du  régiment  de  Royal-Suédois  (4783),  et, 
dans  sa  patrie,  colonel  de  l'armée  (1782),  lieutenant- co- 
lonel des  escadrons  de  la  noblesse  (4787)  qu'il  commanda 
pendant  la  guerre  de  Finlande  (4788),  maréchal  de  camp 
(4792),  lieutenant  général  (1802),  général  (4809).  Il  fut 
chancelier  de  l'université  d'Upsala  (4799),  maréchal  du 
royaume  (4804),  membre  du  gouvernement  (4800,  4803, 

4808  et  1809).  Aussi  bien  doué  de  corps  que  d'esprit,  il 
était  bien  vu  de  la  cour  de  Versailles  et  notamment  de  la 
reine  Marie-Antoinette,  dont  il  fut  jusqu'à  la  mort  le  che- 
valier sans  peur  et  sans  reproche.  En  4788,  il  fut  envoyé 
en  France  avec  une  mission  secrète,  prépara  l'évasion  de 
Louis  XVI  (juin  4791),  conduisit  lui-même  la% voiture  des 
fugitifs  jusqu'à  Bondy  et,  après  l'arrestation  du  roi,  réus- 
sit à  passer  en  Belgique,  d'où  il  revint  à  Paris  sous  un 
déguisement  (févr.  4792)  dans  l'espoir  d'être  utile  aux 
augustes  captifs.  En  4797,  Gustave  IV  l'envoya  en  ambas- 
sade au  congrès  de  Rastadt  où  il  ne  fut  pas  admis,  et  à 
la  cour  de  Bade  pour  conclure  son  mariage  avec  la  prin- 
cesse Frédérique-Dorothée-Wilhelmine.  Quoique  disgracié 
en  4807,  Fersen  ne  prit  aucune  part  à  la  révolution  de 

4809  et  sa  fidélité  à  la  branche  détrônée  des  Vasas  le  ren- 
dit suspect  aux  nouveaux  gouvernants  ;  aussi,  lors  des  fu- 
nérailles de  l'héritier  présomptif,  Charles-Auguste,  aux- 
quelles il  présidait  en  qualité  de  maréchal  du  royaume,  le 
laissèrent-ils  exposé  aux  violences  homicides  de  la  populace 
de  Stockholm,  qui,  excitée  par  des  pamphlets,  le  soupçonnait 
injustement,  avec  tsa  sœur  la  comtesse  Piper,  d'avoir  em- 
poisonné le  prince  regretté.  Sous  le  titre  de  :  le  Comte  de 
Fersen  et  la  cour  de  France,  des  extraits  de  ses  papiers 
ont  été  publiés  par  son  petit-neveu,  le  baron  R.-M.  Klinc- 
kowstrœm  (Paris,  4877-78,  2  vol.  in-8).       Beauvois. 

Bibl.  :  P.  Gaulot. 

FERSTEL  (Henri,  baron  von),  architecte  autrichien,  né 
à  Vienne  le  7  juil.  4828,  mort  à  Grinzing  le  44  juil.  4883. 
Il  fit  ses  études  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Vienne.  On 
lui  doit  l'église  votive  du  Sauveur  à  Vienne  (achevée  en  4  879), 
la  Banque,  le  Musée  autrichien,  l'Institut  de  chimie,  le  palais 
de  l'archiduc  Victor  et  l'Université  de  Vienne.  En  4866,  il  fut 
nommé  professeur  d'architecture  à  l'Ecole  technique  ;  en 
4867  il  obtint  un  grand  prix  à  l'Exposition  universelle  de 
de  Paris  ;  créé  baron  en  4869,  il  fut  nommé  Oberbaurath 
en  4874.  En  dehors  de  Vienne,  il  a  construit  l'église  pro- 
testante de  Vienne,  l'hôtel  de  ville  de  Tiflis,  les  bâtiments 
de  l'administration  du  Lloyd  à  Trieste,  etc.  Il  affectionnait 
surtout  le  style  de  la  Renaissance  italienne.         L.  L. 


FERTANS  —  FERTÉ 


-  336  - 


FERTANS.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  d'Amance  ;  305  hab. 

FERTÉ  (Abbaye  de  La)  (V.  Saint- Ambreuil  [Saône-et- 
Loire]). 

FERTÉ  (La).  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Sedan, 
cant.  de  Carignan;  443  hab. 

FERTÉ  (La)  (Firmitas).  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.de 
Poligny,  cant.  d'Arbois,  surlarive  gauche  delà  Cuisance  ; 
333  hab.  C'est  dans  cette  commune  qu'était  située  l'abbaye 
de  Rosières,  de  l'ordre  de  Citeaux,  fondée  vers  4430  par 
Humbert  III,  sire  de  Salins,  et  dont  les  possessions  devinrent 
rapidement  considérables.  La  décadence,  il  est  vrai,  succéda 
assez  \ïte  aux  richesses,  et  cette  maison,  vers  le  milieu  du 
xvme  siècle,  ne  comptait  plus  que  trois  religieux.  Son 
église  renfermait  plusieurs  monuments  funéraires;  elle  a 
été  entièrement  démolie.  A.  Vayssière. 

FERTÉ-Alais  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Seine- 
et-Oise,  arr.  d'Etampes,  sur  la  rive  droite  de  l'Essonne  ; 
969  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Lyon  (ligne  de  Paris  à 
Montargis  par  Corbeil)  ;  foires  à  la  mi-Carême  et  le  25  sept.; 
commerce  important  de  bestiaux  et  de  céréales.  Cette  petite 
ville  était  déjà  importante  au  commencement  duxir9  siècle, 
car  en  1408  elle  soutint  un  siège  contre  Louis  VI  ;  elle 
appartenait  alors  à  la  famille  des  Montmorency  ;  peu  après 
elle  entra  dans  le  domaine  royal.  L'église  date  delà  fin  du 
même  siècle  et  possède  même  des  parties  plus  anciennes 
qui  donnent  à  croire  qu'elle  n'aurait  été  que  reconstruite  à 
cette  époque  sur  le  plan  d'un  édifice  beaucoup  plus  ancien. 
Il  ne  reste  plus  que  quelques  vestiges  du  château  fort  qui 
servit  pendant  un  temps  de  prison  d'Etat. 

FERTÉ-Beauharnais  (La).  Com.  du  dép.  de  Loir-et- 
Cher,  arr.  de  Romorantin,  cant.  de  Neung-sur-Beuvron , 
sur  la  rive  droite  du  Beuvron  ;  664  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  (sur  route)  de  Blois  à  Lamotte-Beuvron.  On  y  admire 
le  beau  château  habité  pendant  quelque  temps  par  Eugène 
de  Beauharnais. 

FERTÉ-Bernard  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la 
Sarthe,  arr.  de  Mamers,  au  milieu  de  prairies  arrosées 
par  l'Huisne  ;  5,239  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  l'Ouest, 
ligne  de  Paijis  à  Brest.  Fabriques  de  toiles  et  de  coton- 
nades ;  blanchiment  et  teinture  de  fils  ;  forges  et  fonderie  ; 
minoteries;  tannerie,  corroirie,  chamoiserie.  La  Ferté- 
Bernard  doit  son  origine  et  son  nom  à  un  château  cons- 
truit au  xie  siècle  par  un  évêque  du  Mans  et  qui  fut  pos- 
sédé jusqu'au  xive  siècle  par  la  famille  seigneuriale  des 
Bernard.  Philippe-Auguste  s'en  empara  en  4489  lorsqu'il 
conquit  le  Maine  sur  Henri  II  d'Angleterre.  Le  dernier  des 
Bernard  de  La  Ferté  vendit  en  4319  sa  seigneurie  à  Phi- 
lippe, comte  du  Maine,  qui  fut  plus  tard  le  roi  Philippe  VI. 
Elle  fut  cédée  ensuite  par  Jean,  fils  de  Philippe  VI,  à 
Ingelger  d'Amboise  et  passa  plus  tard  à  la  famille  de  Craon. 
Après  la  mort  de  Pierre  de  Craon,  la  seigneurie  de  La 
Ferté  passa  successivement  au  fils  de  Charles  V,  Louis  Ier, 
duc  d'Orléans,  puis  à  Louis  II  d'Anjou  et  à  son  fils  Louis  III. 
En  4424,  le  comte  de  Salisbury  assiégea  La  Ferté  qui  ré- 
sista pendant  quatre  mois  ;  bientôt  reprise  par  Ambroise 
de  Loré,  elle  ne  tarda  pas  à  retomber  aux  mains  des 
Anglais  qui  ne  la  perdirent  définitivement  qu'en  4449.  Le 
roi  René,  puis  son  neveu  Charles  de  Calabre,  furent  quelque 
temps  seigneurs  de  La  Ferté  ;  ce  dernier  légua  cet  apanage 
au  roi  Louis  XI.  Partagée  bientôt  entre  le  duc  de  Nemours 
et  René  de  Lorraine,  la  seigneurie  de  La  Ferté  échut  à  l'un 
des  fils  de  celui-ci,  Claude  de  Bernard,  tige  des  Guise.  Aussi 
la  ville  prit-elle  chaudement  le  parti  de  la  Ligue.  Assiégée 
en  4590  par  le  prince  de  Conti  à  la  tête  des  troupes  royales 
et  défendue  par  Dragues  Comnène,  La  Ferté  fut  obligée  de 
capituler.  Au  xvme  siècle,  la  seigneurie  fut  possédée  par 
Georges  de  Brancas,  duc  de  Villars,  qui  la  vendit  en  4642 
au  duc  de  Richelieu  ;  elle  demeura  jusqu'à  la  Révolution 
dans  la  famille  des  Richelieu. 

La  ville  se  divise  en  ville  basse  et  en  ville  haute,  reliées 
par  la  rue  du  Bourgneuf.  Des  anciens  remparts  ne  subsiste 
qu'une  belle  porte  du  xve  siècle  (mon.  hist.)  flanquée  de 


deux  grosses  tours  à  mâchicoulis.  On  y  a  installé  l'hôtel 
de  ville.  L'église  de  Notre-Dame-des-Marais  (mon.  hist.)  est 
un  bel  édifice  des  xve  et  xvie  siècles,  de  style  gothique 
flamboyant  avec  des  parties  Renaissance.  La  nef,  le  tran- 
sept et  la  tour  ont  été  construits  de  4450  à  4500;  le 
chœur  et  les  chapelles  absidales  ont  été  élevées  à  diverses 
époques  du  xvic  siècle.  A  l'intérieur,  les  galeries  basses 
et  la  façade  du  bas  côté  sud  sont  couvertes  de  sculptures 
et  notamment  de  curieuses  statuettes  représentant  le  roi 
de  France  et  ses  douze  pairs.  Au-dessous  des  fenêtres 
basses,  de  gracieuses  arabesques  encadrent  des  médaillons 
d'empereurs  romains.  A  l'intérieur,  les  verrières  peintes  de 
4450  à  1500  sont  l'œuvre  de  François  Delalande,  Robert 
et  Jean  Courtois.  Les  chapelles  absidales  sont  de  très  élé- 
gantes constructions  de  la  Renaissance,  dont  les  voûtes  à 
médaillons  et  pendentifs  sont  particulièrement  remarqua- 
bles. Il  faut  encore  citer  comme  un  chef-d'œuvre  le  beau 
cul-de-lampe  qui  supporte  les  orgues,  sculpture  datée  de 
4501  et  exécutée  par  Evrard  Baudot.  Les  halles  sont  une 
construction  monumentale  du  xvie  siècle.  La  ville  est  en 
partie  alimentée  d'eau  par  la  source  de  la  Cohière,  amenée 
dans  la  ville  par  un  aqueduc  du  xve  siècle.  Parmi  les  an- 
ciennes maisons  des  xve  et  xvie  siècles  qui  se  sont  conser- 
vées, on  doit  citer  le  n°  44  de  la  rue  Notre-Dame,  cons- 
truction en  bois  du  xve  siècle,  dont  les  poutres  sont  décorées 
de  personnages  formant  cariatides.  La  Ferté  est  la  patrie 
de  l'architecte  Jean  Texier,  plus  connu  sous  le  nom  de  Jean 
de  Beauce,  constructeur  du  clocher  neuf  de  la  cathédrale 
de  Chartres. 

FERTÉ-Chevresis  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr. 
de  Saint-Quentin,  cant.  de  Ribemont;  4,344  hab. 

FERTÉ-Fresnel  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Orne, 
arr.  d'Argentan;  484  hab.  Stat.  (à  plus  de  2  kil.  du 
bourg)  du  ch.  de  fer  de  l'Ouest,  ligne  de  Bernay  à  Sainte- 
Gauburge.  Ruines  d'un  château  féodal  dont  la  tradition 
attribue  la  construction  à  Guillaume  le  Conquérant.  Dolmen 
de  la  Pierre-Coupée.  Château  moderne. 

FERTÉ-Gaucher  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. de  Seine- 
et-Marne,  arr.  de  Coulommiers,  sur  la  rive  gauche  du 
Grand-Morin  ;  2,436  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Est 
(ligne  do  Paris  à  Vitry  par  Coulommiers). 

FERTÉ-Hauterive  (La)  (Firmitas  monialium).  Com. 
du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  Moulins,  cant.  de  Neuilly-le- 
Réal,  sur  la  rive  droite  de  l'Allier;  581  hab.  Formée  par 
la  réunion  des  paroisses  de  La  Ferté  et  d'Hauterive  et  du 
village  des  Echerolles,  qui  dépendait  alternativement  des 
paroisses  de  Saint-Gérand-de-Vaux  et  de  Saint-Loup,  cette 
commune  est  assise  dans  l'immense  et  fertile  plaine  qui 
continue,  dans  le  Bourbonnais,  la  Limagne  d'Auvergne.  Elle 
est  reliée  par  un  pont  à  Châtel-de-Neuvre,  village  bâti  au 
sommet  d'une  éminence,  sur  l'autre  rive  de  l'Allier.  Les  béné- 
dictins de  Souvigny  possédaient  là  un  prieuré  de  fondation 
très  ancienne  et  un  fort  château,  reconstruit  vers  le  milieu 
du  xv°  siècle  et  devenu  la  résidence  des  prieurs  commen- 
dataires  de  ce  célèbre  établissement  clunisien.  Il  subsiste 
du  château  une  énorme  tour  carrée.         A.  Vayssière. 

FERTÉ-Imbàult  (La).  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher, 
arr.  de  Romorantin,  cant.  de  Salbris,  sur  la  r.  g.  de  la 
Sauldre;  4,049  hab.  On  y  remarque  un  très  remarquable 
château,  datant  dans  ses  fondations  de  l'époque  du  haut 
moyen  âge  et  remanié  en  partie  au  xvne  siècle.  Il  appar- 
tient à  la  famille  Fresson.  Sur  le  territoire  de  la  commune 
est  située  la  chapelle  Saint-Thaurin,  monument  historique 
qui  renferme  le  mausolée  du  maréchal  de  Praslin. 

FERTÉ-Loupière  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr. 
de  Joigny,  cant.  de  Charny;  4,325  hab. 

FERTÉ-Macé  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Orne, 
arr.  de  Domfront  ;  8,421  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de 
l'Ouest,  ligne  de  Briouze  à  Couterne.  Petit  séminaire. 
Chambre  consultative  des  arts  et  manufactures.  Centre  in- 
dustriel important.  Tissages  mécaniques  de  coton;  fabrique 
de  mèches  de  lampes  ;  toiles  de  fil  et  de  coton.  Fabriques 
de  rubans  de  fil,  de  sangles,  de  galons,  de  toiles  à  tapisser. 


Blanchisseries  ;  apprêts  d'étoffe.  Commerce  de  lin  et  de  fil. 
Eglise  moderne  de  style  byzantin,  dont  la  tour,  du  xic  siècle, 
est  le  seul  reste  d'un  édifice  plus  ancien.  Hôtel  de  ville  dont 
certaines  parties  datent  du  xive  et  du  xve  siècle.  La  Ferté- 
Macé  était,  au  moyen  âge,  une  importante  seigneurie.  La 
ville,  prise  par  les  protestants  en  1574,  leur  fut  enlevée 
peu  après  par  le  maréchal  de  Matignon. 

FERTÉ-Milon  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Château-Thierry,  cant.  de  Neuilly-Saint-Front,  sur  l'Ourcq; 
1,589  hab.  Bibliothèque  publique.  Hospice.  Carrières  de 
pierre.  Blanchisseries  de  toiles.  Minoteries,  tanneries,  mé- 
gisseries. Ruines  d'un  château  féodal  (mon.  hist.)  du 
xii0  siècle.  La  seigneurie  de  La  Ferté-Milon  avait  été  donnée 
en  1477  par  Louis  XI  à  Jean  de  Daillon,  seigneur  du  Ludc. 
La  place,  prise  par  Henri  IV  en  1594,  fut  assiégée  inuti- 
lement pendant  la  Fronde  par  le  duc  de  Lorraine.  L'église 
Saint-Nicolas  a  conservé  de  belles  verrières  du  xve  siècle 
(mon.  hist.).  La  Ferté-Milon  est  la  patrie  de  Racine,  dont 
la  statue,  œuvre  de  David  d'Angers,  s'élève  sur  la  place 
principale  de  la  ville. 

FERTE-Saint-Aubin  (La)  ou  Lowendal  ou  Senneterre 
ou  Saint-Michel.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Loiret, 
arr.  d'Orléans,  sur  le  Cosson  ;  3,341  hab.  Stat.  du  ch. 
de  fer  d'Orléans,  ligne  de  Paris  à  Vierzon.  Cette  loca- 
lité, dont  le  plus  ancien  nom  est  La  Ferté-JSabert ,  a  porté 
successivement  ceux  de  La  Ferté- Senneterre  ou  Saint- 
Nectaire,  La  Ferté-Lowendal  et  La  Ferté-Saint-Michel, 
sous  lesquels  on  la  désigne  quelquefois  encore.  Brique- 
teries et  tuileries.  Commerce  important  de  céréales.  Des 
vestiges  d'une  voie  romaine  et  d'un  camp  romain  ont  été 
retrouvés  sur  le  territoire  de  cette  commune.  La  seigneurie 
était,  au  xve  siècle,  possédée  par  la  famille  d'Etampes  d'où 
elle  passa,  au  siècle  suivant,  à  la  maison  de  Saint-Nectaire 
qui  lui  donna  son  nom  (V.  plus  loin  Ferté-Senneterre 
[Famille  de  La]).  Par  lettres  patentes  de  nov.  1665, 
elle  fut  érigée  en  duché-pairie  en  faveur  de  Henri  de  Saint- 
Nectaire,  maréchal  de  France.  L'ancien  château  de  Saint- 
Aubin  a  des  parties  du  xme  siècle,  mais  l'ensemble  fut 
reconstruit  de  1635  à  1650  sur  les  dessins  de  Mansart. 
Sous  Louis  XV,  le  maréchal  de  Lowendal,  qui  acheta  la 
seigneurie  en  1748  et  lui  donna  son  nom,  fit  construire 
les  pavillons  des  communs  des  deux  côtés  de  l'entrée. 
L'église  de  Saint-Aubin  (xnc-xvic  siècles)  est  dominée  par 
un  haut  clocher  du  xvc  siècle. 

FERTÉ-Saint-Cyr  (La)  ou  Saint-Aignan.  Corn,  du  dép. 
de  Loir-et-Cher,  arr.  de  Romorantin,  cant.  de  Neuug-sur- 
Beuvron  ;  1 ,066  hab. 

FERTÉ-Saint-Samson  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Seine- 
Inférieure,  arr.  de Neufchâtel,  cant.  de  Forges;  604  hab. 
Au  sommet  d'une  énorme  motte  féodale,  nommée  la  Côte 
des  châteaux,  se  voient  encore  quelques  vestiges  de  l'an- 
cienne forteresse.  La  Ferté  était,  au  moyen  âge,  le  chef- 
lieu  d'une  juridiction  des  pays  de  Bray  dont  relevaient  plus 
de  cinquante  paroisses.  Le  bâtiment  de  la  prison,  celui  du 
tribunal  et  le  logis  du  lieutenant  criminel  existent  encore. 
L'église,  fondée  au  xc  siècle  par  Gautier  de  Gournay,  n'a 
d'ancien  que  son  abside  (xm°  siècle)  ;  elle  est  dominée  par 
une  flèche  élancée.  Au  hameau  de  Saint-Samson,  l'église  a 
conservé  un  baptistère  du  xmc  siècle.  Près  de  là,  le  Mont- 
des-Fourches  est  une  éminence  de  137  m.  d'alt.  où  se 
dressaient  autrefois  les  fourches  patibulaires  de  la  justice 
de  La  Ferté. 

FERTÉ-sous-Jouarre  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép,  de 
Seine-et-Marne,  arr.  de  Meaux,  sur  la  r.  dr.  de  la  Marne. 
Stat.  du  ch.  de  fer  de  Paris  à  Avricourt  et  de  la  ligne 
de  La  Ferté-sous-Jouarre  à  Montmirail  ;  4,670  hab.  Devant 
la  ville,  la  Marne  forme  une  île  où  est  situé  un  château  de 
la  période  de  transition  et  qui  fut  occupé  par  les  calvinistes 
pendant  les  guerres  de  religion.  La  Ferté  subit  encore 
plusieurs  sièges  en  1589  et  1590.  C'est  aujourd'hui  une 
ville  manufacturière,  dont  la  richesse  était  due  surtout 
durant  ces  dernières  années  à  un  très  important  commerce 
de  meules  à  moulin.  F.  Bournon. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVIL 


—  337  —  FERTÉ 

FERTÉ-sur-Amance  (La)  (Firmitas  ad  Amantiam). 
Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Langres;  514  hab.- Stat.  du  ch.  de  fer  de  l'Est,  ligne  de 
Paris  à  Belfort.  Vins  ;  exploitation  de  pierre  à  plâtre  et 
de  chaux  sulfatée.  Cette  localité,  située  au  sommet  d'une 
montagne  haute  de  329  m.,  présente  l'un  des  plus  beaux 
sites  du  département.  La  Ferté  doit  son  origine  à  une 
importante  forteresse  construite,  vers  le  ixe  "siècle,  sur 
l'emplacement  d'un  castrum  romain  dont  les  substructions 
ont  été  retrouvées  de  nos  jours.  Ses  premiers  seigneurs 
semblent  avoir  appartenu  à  la  maison  de  Bour bonne.  La 
terre  passa  ensuite,  par  des  alliances  successives,  aux  mains 
des  familles  de  Vignory  (xme  s.),  de  Joinville,  de  Neuf- 
châtel (1375),  de  Ray  (1395),  de  Choiseul  (1528)  et  de 
La  Tour-du-Pin  (1721).  A.  T.-R. 

Bibl.  :  Briffault,  La  Fer  lé-sur- Amance,  dans  Bulle- 
tin de  la  Société  historique  de  Langres,  1879,  in-8. 

FERTÉ-sur-Aube  (La)  (Firmitas  ad  Albulam).  Com. 
du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de  Chaumont,  cant.  de 
Châteauvillain;  921  hab.  Forges  et  hauts  fourneaux.  Cette 
localité  doit  son  nom  à  une  forteresse  construite  vers  le 
xe  siècle,  sur  les  rives  de  l'Aube,  et  qui  fut,  au  moyen  âge, 
le  siège  d'une  importante  châtellenie  relevant  du  comté  de 
Champagne.  Réunie  en  même  temps  au  domaine  royal,  elle 
en  fut  distraite  en  1365,  lors  du  mariage  d'Isabelle  de 
France  avec  Galéas  Visconti,  et  fit  partie  du  comté-pairie 
de  Vertus,  constitué  en  dot  à  cette  princesse.  Valentine  de 
Milan,  fille  d'Isabelle,  transmit  ce  comté  aux  d'Orléans,  en 
1387,  par  son  mariage  avec  le  duc  Louis  ;  en  1445,  il 
échut  à  Marguerite  d'Orléans,  femme  de  Richard  de  Bre- 
tagne. François,  leur  fils,  en  fit  don  à  François  d'Avau- 
gour,  son  fils  naturel  légitimé,  dont  les  descendants  le  con- 
servèrent jusqu'en  1704.  En  cette  année  enfin,  la  mort  de 
Claude  de  Bretagne,  baron  d'Avaugour,  ayant  entraîné  le 
démembrement  du  comté  de Vertus,le  domaine  de  La  Ferté 
fut  acquis  par  le  comte  de  Toulouse,  duc  de  Châteauvillain. 
La  Ferté  possédait  un  prieuré  relevant  de  l'abbaye  de  Clair- 
vaux.  Dès  1232,  les  habitants  du  bourg  avaient  reçu  du 
comte  Thibault  IV  une  charte  de  commune.      A.  T.-R. 

FERTÉ-Vidame  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  d'Eure- 
et-Loir,  arr.  de  Dreux  ;  960  hab.  Forêt  domaniale  de 
3,715  hect.,  plantée  de  chênes  et  de  hêtres.  Stat.  du  ch. 
de  fer  de  l'Ouest,  ligne  de  Verneuil  à  La  Loupe.  Après 
avoir  longtemps  appartenu  aux  vidâmes  de  l'évêquc  de 
Chartres,  la  seigneurie  de  La  Ferté  passa  à  la  famille  de 
Saint-Simon.  Le  duc  de  Saint-Simon  s'y  relira  en  1723  et 
y  écrivit  ses  Mémoires.  Après  sa  mort,  la  terre  de  La  Ferté 
fut  acquise  par  le  marquis  de  Laborde  qui  fit  démolir  l'an- 
cien château  du  moyen  âge  aménagé  à  la  Renaissance,  et 
dépensa  environ  dix-huit  millions  à  rebâtir  sur  son  empla- 
cement une  immense  construction.  Acquis  en  4784  par  le 
àuc  de  Penthièvre,  il  appartenait,  au  moment  de  la  Révo- 
lution, à  la  duchesse  d'Orléans.  Saccagé  et  ruiné  en  1793, 
il  fut  restitué  en  1814  à  la  famille  d'Orléans.  Louis-Phi- 
lippe fit  reconstruire,  en  1845,  le  «  petit  château  »  ;  mais 
en  1855,  le  domaine,  confisqué  en  1852,  fut  vendu  aune 
société  et  morcelé.  De  l'ancien  château  du  xvme  siècle,  il 
ne  subsiste  que  des  ruines.  Le  parc,  dans  lequel  se  trouvent 
six  étangs,  est  resté  une  dépendance  du  petit  château. 
L'église  est  une  construction  du  xvne  ;  sous  la  chapelle  de 
la  Résurrection  est  le  caveau  funéraire  de  la  famille  de 
Saint-Simon,  mais  les  tombeaux  ont  été  violés  et  détruits 
pendant  la  Révolution. 

FERTÉ-Villeneuil  (La).  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir, 
arr.  de  Châteaudun,  cant.  de  Cloyes  ;  666  hab. 

FERTÉ-Imbault  (Jacques,  marquis  de  La)  (V.  Etampes 
[Jacques  d']). 

FERTÉ-Senneterre  ou  mieux  Salint-Nectaire  (Famille 
de  La).  La  famille  de  Saint-Nectaire  était  originaire  du 
lieu  de  ce  nom  en  Auvergne.  Elle  prit  le  nom  de  La  Ferté- 
Saint-Nectaire,  corrompu  en  Senneterre,  sous  lequel  elle 
s'est  principalement  illustrée,  lorsque  au  xvie  siècle  elle 
acquit  de  la  maison  d'Etampes  la  baronnie  de  La  Ferté- 

22 


FERTE  —  FERULE 


—  338 


Nabert  (V.  Ferté-Saint- Aubin  [La]).  A  en  croire  Fayon, 
le  premier  membre  de  la  maison  de  Saint-Nectaire  qui 
soit  connu,  serait  Bertrand,  comptour  de  Saint-Nectaire, 
seigneur  de  Verbelay,  de  Clavellier,  de  Doré  et  des  Roches, 
capitaine  d'une  compagnie  de  cent  lances,  dont  le  fils 
Jacques  épousa  en  11 79  Hélène  deGhabannes.  Le  P.  Anselme 
ne  fait  remonter  les  origines  de  la  famille  qu'à  Louis,  sei- 
gneur de  Saint-Nectaire,  connétable  d'Auvergne  en  1231 
et  1234.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  xve  siècle,  Antoine  Ier, 
marié  en  1435  à  Antoinette  de  Montmorin  Saint-flérem, 
commandait  pour  le  roi  en  Haute  et  en  Basse- Auvergne. 

—  Son  fils,  Antoine  ZI",  assista  comme  député  de  la  noblesse 
aux  Etats  tenus  pour  la  rédaction  des  coutumes  en  1510. 
Le  fils  qu'il  eut  de  son  mariage  avec  Marie  d'Alègre,  Nec- 
taire, fut  écuyer  d'écurie  du  roi  (1538),  gentilhomme  de 
la  chambre,  chevalier  des  ordres,  capitaine  de  cent  hommes 
d'armes,  bailli  d'Auvergne,  de  la  Marche  et  de  Saint-Pierre- 
le-Moutier.  —  Son  fils,  François,  né  vers  1533,  mort 
avant  1597,  fut  le  premier  qui  prit  le  nom  de  La  Ferté- 
Saint-Nectaire  ;  il  avait  hérité  la  baronnie  de  La  Ferté-Nabert 
de  sa  mère,  Marguerite  ou  Marie  d'Etampes.  Il  débuta  au 
siège  de  Perpignan  en  1542,  combattit  en  Champagne 
(1544),  en  Ecosse  (1548),  en  Picardie  (1549),  accompa- 
gna le  maréchal  de  Saint- André  en  Angleterre  en  1551  et 
retourna  à  l'armée  du  Piémont  en  1552.  Il  assista  à  la 
défense  de  Metz  par  Guise  (1552).  Fait  prisonnier  en  4  553, 
il  se  racheta,  revint  en  Italie  (1554),  assista  au  ravitaille- 
ment de  Marienbourg  sous  Nevers  et  Saint-André  et  fut 
nommé  gouverneur  de  Metz  et  du  pays  messin  de  1556  à 
1560.  Il  fut  présent  aux  négociations  duCateau-Cambrésis. 
Il  assista  ensuite  à  la  bataille  de  Poitiers  comme  maréchal 
du  camp  (1561),  aux  batailles  de  Dreux  (1562),  Jasse- 
neuil,  La  Roche-Abeille  etJarnac(1569).  Il  suivit  ensuite  le 
duc  d'Alençon  en  Flandre  (1581)  et  fut  fait  chevalier  des 
ordres  du  roi  en  1583.  Il  était  de  plus  lieutenant  des  gen- 
darmes du  roi  et  bailli  des  montagnes  d'Auvergne.  Le  frère 
cadet  de  François,  Antoine,  mort  en  nov.  1592,  fut  évêque 
du  Puy  (1561)  où  il  établit  les  jésuites,  abbé  de  Saint- 
Géraud  d'Aurillac  et  de  Saint-Chaffre.  Il  assista  aux  Etats 
généraux  de  Blois.  Sa  sœur,  Madeleine,  épousa  le  29  mai 
1548  Guy  de  Saint-Exupéry,  marquis  de  Miramont.  C'est 
la  fameuse  amazone  d'Auvergne  qui  battit  et  tua  de  sa  main 
le  baron  de  Montai,  lieutenant  du  roi  en  Basse- Auvergne. 

—  Henry,  fils  aîné  de  François  et  de  Jeanne  de  Laval, 
naquit  vers  1580.  Gouverneur  du  comté  de  Soissons,  lieu- 
tenant général  aux  gouvernements  d'Auvergne,  de  Cham- 
pagne et  de  Brie,  chevalier  des  ordres  du  roi  et  ministre 
d'Etat,  il  fut  employé  par  Louis  XIII  et  Richelieu  dans 
diverses  ambassades  en  Allemagne,  en  Angleterre  et  à  Rome. 
Il -négocia  notamment  la  paix  de  Suse  avec  le  duc  de 
Savoie  (1629)  et  celle  de  Nîmes  avec  les  religionnaires.  Il 
mourut  à  Paris  le  4  janv.  4662.  —  En  1594,  il  avait 
épousé  Marguerite  de  La  Châtre  dont  il  eut  :  Henry,  mar- 
quis, puis  duc  de  La  Fer  té-Saint-Nectaire,  maréchal  et  pair 
de  France,  chevalier  des  ordres  du  roi,  né  vers  1600,  mort 
à  LaFerté  le  27  sept.  1681.  Premier  capitaine  du  régiment 
de  Soissons  en  1627,  il  débuta  au  siège  de  La  Rochelle  en 
1628  et  fut  également  aux  prises  de  Privas  et  d'Alais 
(1629).  Il  assista  ensuite  au  secours  de  Casai  (1630),  aux 
prises  deMoyenvic  (1631),  Trêves  (1632),  Nancy  (1633) 
et  à  la  bataille  d'Avein  (1635).  Il  participa  ensuite  aux  sièges 
deCorbie  (1637)  et  de  Hesdin  (1639)  à  la  suite  duquel  il 
fut  fait  maréchal  de  camp  (1er  juil.  1639).  Après  avoir 
battu  les  Espagnols  à  Saint-Nicolas-sur-FAa  (5  août),  pris 
Chimay  (1640)  et  contribué  au  siège  d'Aire  (1641),  il  com- 
manda l'aile  gauche  à  Rocroy  (1643).  Il  commanda  en 
Lorraine  jusqu'en  1648  où  il  fut  fait  lieutenant  général  et 
prit  part  à  la  bataille  de  Lens  (20  août).  Il  revint  ensuite 
en  Lorraine  où  ses  succès  contre  Ligniville  lui  valurent  le 
bâton  de  maréchal  de  France  (5  janv.  1651).  Il  resta  encore 
en  Lorraine  jusqu'en  1653  et  passa  alors  en  Flandre  avec 
Turenne,  de  concert  avec  lequel  il  força  les  lignes  d'Arras 
(1654),  mais  il  se  fit  battre  et  prendre  devant  Valen- 


ciennes  (16  juil.  1656).  Use  vengea  en  prenant Montmédy 
(1657)  et  Gravelines  (1658).  Il  rentra  dans  la  retraite 
après  avoir  commandé  en  1663  l'armée  qui  força  le  duc 
de  Lorraine  à  un  accord  avec  Louis  XIV,  —  Il  eut  pour 
fils  de  sa  seconde  femme,  Madeleine  d'Angennes,  Henry, 
né  le  23  janv.  1657,  mort  le  1er  août  1703.  Colonel  du 
régiment  d'infanterie  de  son  nom  en  1671,  il  servit  à 
l'armée  du  roi  en  1672  et  sous  Turenne  de  1673  à  1675. 
Nommé  brigadier  le  24  févr.  1676,  il  prit  part  à  la  bataille 
de  Kochersberg  (1676),  au  siège  de  Fribourg  (1677),  aux 
campagnes  sur  le  Rhin  (1678).  Après  avoir  assisté  à  la  prise 
de  Luxembourg  (1684),  il  se  retira  à  Venise  (1686).  Il 
reprit  du  service  en  1690  en  se  jetant  dans  Casai  et  com- 
battit sous  Catinat  en  Italie  (1691).  Fait  maréchal  de  camp 
le  2  mai  1692,  lieutenant  général  le  3  janv.  1696,  il  ser- 
vit en  Allemagne  jusqu'en  1697.  Il  n'avait  eu  que  des  filles 
de  son  mariage  avec  la  fille  du  maréchal  de  La  Mothe-Hon- 
dancourt.  Louis  Farges. 

Bibl.  :  Le  P.  Anselme,  Hist.  généalogique,  t.  IV.  — 
F.  Fayon,  Généalogie  de  la  maison  de  Senecterre  ;  Lyon, 
s.  d.,  in-4. 

FERTiAULT  (François),  littérateur  français,  né  à  Ver- 
dun-sur-Saône (Saône-et-Loire)  le  25  juin  1814.  D'abord 
employé  de  commerce,  puis  caissier  d'une  maison  de  banque, 
il  a  consacré  ses  loisirs  aux  lettres  pour  lesquelles  il  avait 
témoigné  un  penchant  précoce  et  publié,  soit  seul,  soit 
avec  la  collaboration  de  Mme  Fertiault,  un  certain  nombre 
de  volumes  en  vers  et  en  prose  :  Histoire  pittoresque  et 
anecdotique  de  la  danse  (1854,  in-18)  ;  le  Poème  des 
larmes  (1860,  in-8)  ;  les  Voix  amies  (1864,  in-18);  le 
Bac  des  vendangeurs  (1864,  in-18);  la  Chambre  aux 
histoires,  recueil  de  nouvelles  (1874,  in-18)  ;  les  Amou- 
reux du  livre  (1877,  in-18,  eaux-fortes  de  Jules  Chevrier), 
variations  en  vers  et  en  prose  sur  la  bibliophilie  ;  Salon  de 
1811,  causeries  d'un  flâneur  (1878,  in-12)  ;  le  Berger 
duBéage  (1880,  in-12);  les  Légendes  du  livre  (1886, 
in-8).  M.  Tx. 

FERTIT  (Dar).  Pays  du  Soudan  oriental,  compris  depuis 
1873  dans  le  Soudan  égyptien,  et  qui  s'étend  entre  le  Dar- 
four  au  N.,  le  pays  des  Niam-Niam  au  S.,  et  le  pays 
des  Bongo,  à  l'E.  Il  est  arrosé  par  le  Biri  et  le  Kourou. 
Le  Fertit  a  été  pendant  longtemps  un  des  champs  d'exploi- 
tation des  marchands  d'esclaves.  Il  alimente  pour  une  part 
considérable  les  marchés  de  l'ivoire  de  l'Afrique  orientale. 

FERTΠ (Lac).  Lac  de  Hongrie  plus  connu  sous  le  nom 
de  lac  de  Neusiedl  (V.  ce  mot) . 

FERTRÈVE,  Corn,  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de  Nevers, 
cant.  de  Saint-Bénin-d'Azy  ;  571  hab. 

FÉRULE.  I.  Pédagogie  (V.  Fouet). 

IL  Histoire  ecclésiastique.  —  Insigne  du  pape.  Le 
pape  ne  porte  point  la  crosse  ;  elle  est  remplacée  pour 
lui  par  la  férule,  bâton  d'or  surmonté  d'une  croix  pattée, 
qu'il  tient  aux  offices  pontificaux  et  aux  consécrations. 

III.  Botanique.  —  (Ferula  Tourn.).  Genre  d'Ombelli- 
fères,  du  groupe  des  Peucédanées,  que  M.  H.  Bâillon  (Hist. 
des  PL,  VII,  pp.  97,  186)  considère  comme  une  simple 
section  du  genre  Peucedanum  (V.  Peucédàn)  ,  caractérisée 
par  le  fruit  dont  le  bord  est  plus  épais  et  dont  les  vallé- 
cules  renferment  chacune  deux  ou  trois  bandelettes.  —  Les 
Férules  sont  de  grandes  plantes  herbacées,  vivaces,  à  feuilles 
décomposées-pennées,  pourvues  d'une  gaine  très  déve- 
loppée qui,  dans  la  partie  supérieure  des  rameaux,  cons- 
titue une  sorte  de  spathes  enveloppant  les  inflorescences. 
Leurs  fleurs,  hermaphrodites  ou  polygames,  sont  disposées 
en  ombelles  terminales,  à  rayons  nombreux,  accompagnées 
d'un  involucre  et  d'involucelles  peu  développés.  On  en 
connaît  une  soixantaine  d'espèces  qui  appartiennent  à  la 
région  méditerranéenne  et  s'étendent  vers  l'E.  jusque  dans 
l'Asie  moyenne.  Les  plus  importantes  à  mentionner  sont  : 
4°  le  Ferula  communis  L.  (Peucedanum  Ferula  H.  Bn), 
espèce  d'Orient  et  de  la  région  méditerranéenne  qu'on 
trouve,  en  France,  sur  les  collines  arides,  à  Hyères,  Fréjus 
Toulon,  Marseille,  Nîmes,  Montpellier,  Narbonne,  etc.;  elle 


—  339  — 


FERULE  —  FESCENNINS 


était  préconisée  jadis  contre  l'hystérie  et  les  hémorragies 
utérines;  ses  tiges  ont  servi,  dit-on,  à  faire  des  férules 
pour  les  écoles  ;  2°  les  F.  Asa-fœtida  L.  et  F.  nartkex 
Boiss.,  qui  fournissent  V  Asa-fœtida  (V.  ce  mot); 
3°  le  F.  tingitana  L.  (F.  samba  Boiss.),  appelé  au 
Maroc  Fasogh  et  Faslwok,  d'où  l'on  tire  la  gomme  ammo- 
niaque de  Tanger  ou  d'Afrique;  4°  le  F.  Sumbul  Hook.  f., 
du  Turkestan,  dont  la  résine  renferme  en  abondance  un 
suc  laiteux,  d'une  odeur  extrêmement  fétide,  connu  sous 
le  nom  de  Sumbul  (V.  ce  mot);  5°  enfin  les  F.  galba- 
niflua  Boiss.  et  F.  rubricaulis  Boiss.,  espèces  persanes, 
auxquelles  on  attribue  la  production  du  Galbanum  (V.  ce 
mot).  Ed.  Lef. 

FÉRULlQUE(Acide[Chim.]).Form.  j  g^;  goRt 

Acide  à  fonction  complexe  découvert  par  Hlasiwetz  et 
Barth  dans  la  résine  de  Asa-fœtida  (Ferula  Asa-fœtida), 
et  obtenu  synthétiquement  par  Tiemann  et  Nagajosi-Nagaï 
en  traitant  par  la  soude  le  produit  de  la  réaction  de  l'acé- 
tate sodique  et  de  l'anhydride  acétique  sur  le  sel  sodique 
de  la  vanilline.  Il  cristallise  en  aiguilles  incolores,  fusibles 
à  468°  ;  il  est  soluble  dans  l'eau,  dans  l'alcool  et  dans 
l'éther  ;  la  solution  aqueuse  précipite  l'acétate  de  plomb 
en  jaune,  et  le  chlorure  ferrique  en  jaune  brun  foncé. 
L'amalgame  de  sodium  le  convertit  en  acide  hydroférulique, 
C20H1208,  corps  fusible  à  90°.  Fondu  avec  la  potasse  caus- 
tique, il  fournit  de  l'acide  protocatéchique  ;  oxydé  par  le 
permanganate,  il  donne  de  la  vanilline.  Il  donne  avec  les 
bases  deux  séries  de  sels.  Les  sels  de  potassium  et  d'argent 
sont  anhydres.  Le  sel  d'ammonium  a  pour  formule  : 

Ci0H9(Azïï4)02  +  1P02. 
L'acide  férulique  possède  un  isomère  de  position,  l'acide 
isoférulique,  qu'on  obtient  en  chauffant  à  420°  l'acide 
caféïque  avec  des  quantités  calculées  de  potasse  et  d'éther 
méthyliodhydrique.  Cet  acide  fond  à  24  4-21 2°,  donne  par 
l'hydrogène  naissant  de  l'acide  hydro-isoférulique  ou  acide 
hespérétique,  engendre  deux  séries  de  sels  très  analogues 
à  ceux  de  l'acide  férulique.  Ed.  Bourgoin. 

Bibl.  :  Barth  et  Hlasiwetz,  Soc.  eh.,  t.  VI,  336.  — 
Nagajosi-Nagai,  id.t  t.  XXVI,  321  ;  t.  XXXI,  80.  —  Tieman 
et  Will,  t.  XXXVII,  75. 

FERUS  (Johann),  franciscain,  né  près  de  Mayence  en 
4494,  mort  le  8  sept.  4554.  Il  s'appelait  en  réalité  Wild, 
mais  n'est  connu  que  sous  son  nom  latinisé.  Il  fut  supé- 
rieur de  son  couvent  et  prédicateur  ordinaire  de  la  cathé- 
drale de  Mayence  ;  nourri  de  la  lecture  de  la  Bible,  il  eut 
des  ennemis  et  des  amis  dans  les  deux  camps  que  créa  la 
réforme  religieuse.  Ses  homélies  avaient  été  très  goûtées 
parles  auditeurs,  et  quelques-unes,  imprimées  sous  forme 
de  commentaires,  eurent  de  nombreuses  éditions,  en  par- 
ticulier Evang.  secandum  Matthœum  commentât ior. 
libri  IV  (Mayence,  4559,  in-fol.  ;  Anvers,  4559,  in-8; 
Lyon,  4559,  in-8;  Paris,  4  564;  éd.  expurgée  à  Alcala, 
4562).  Plus  tard,  ses  ouvrages  furent  mis  à  l'index.  La 
liste  complète  se  trouve  dans  les  Mémoires  deNicéron. 

FÉRUSSAG  ( André- Etienne- Just-Paschal- Joseph-Fran- 
çois d'AuDEBARD,  baron  de),  naturaliste  et  écrivain  français, 
né  au  Chartron,  près  de  Lauzerte  (Tarn-et~Garonne), 
le  30  déc.  4786,  mort  à  Paris  le  24  janv.  4836.  Admis,  sous 
l'Empire,  dans  les  vélites  de  la  garde,  il  en  profita  pour 
suivre  les  cours  de  Cuvier  et  de  Latreille.  Envoyé  en  Espagne, 
il  y  devint  officier  et  se  retira  du  service  peu  de  temps  après 
pour  devenir  successivement  sous-préfet,  professeur  de 
géographie  et  de  statistique  à  l'école  d'application  du  corps 
royal  d'état-major,  chef  de  division  au  ministère  du  com- 
merce. Il  publia  et  continua  V Histoire  des  mollusques 
([4847-]  4820-4854,  4  vol.  gr.  in-4),  de  son  père, 
ancien  officier  supérieur  (né  en  4745,  mort  en  4845),  et 
mit  au  jour  plusieurs  mémoires  d'histoire  naturelle,  entre 
autres  les  Tableaux  systématiques  des  animaux  mol- 
lusques (4822).  Son  principal  recueil,  qui  est  très  connu, 
parut  de  4823  à  4830,  sous  le  titre  de  Bulletin  universel 
des  sciences  et  de  l'industrie. 


FERVÂCHES.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Saint-Lô,  cant.  de  Tessy  ;  433  hab. 

FERVACQUES.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Li- 
sieux,  cant.  de  livarot,  sur  la  Touques;  704  hab.  Filature 
de  laines.  Tannerie.  Préparation  de  bois  de  teinture.  Châ- 
teau du  xve  siècle,  remanié  et  agrandi  aux  xvie  et  xvne  • 
par  le  maréchal  de  Fervacques  (V.  l'art,  suivant).  Eglise 
à  tour  romane.  Ancienne  halle  en  charpente. 

FERVACQUES  (Guillaume  de  14autemer,  comte  de), 
maréchal  de  France,  né  en  4538,  mort  en  nov.  4613.  Il 
sert  aux  batailles  de  Renty  (4554),  Saint-Quentin  (4557), 
Gravelines  (4558),  Dreux  (4562)  et  Saint-Denis  (4567).  A 
cette  dernière  journée,  il  se  distingue  particulièrement  et 
obtient  le  collier  de  l'ordre  et  une  compagnie  d'ordonnance. 
Il  défend  Poitiers  en  4569  et  se  trouve  au  siège  de  Saint-Lô 
en  4574.  La  découverte  d'une  conjuration  formée  contre 
le  roi  lui  vaut  la  dignité  de  maréchal  de  camp  en  4575. 
Envoyé,  en  4584,  par  le  duc  d'Anjou  au  secours  de  Cam- 
brai, il  s'en  acquitte  avec  gloire  et  parvient  à  chasser  les 
Espagnols  de  tout  le  Cambrésis.  Après  la  mort  du  duc,  il 
assiste  Henri  IV  dans  toutes  ses  expéditions  et  se  trouve 
à  l'assaut  qu'il  donne  aux  faubourgs  de  Paris.  Fait  lieute- 
nant de  roi  aux  bailliages  d'Evreux,  de  Caen  et  de  Rouen 
(4  592),  il  est  créé  maréchal  de  France  le  26  sept.  4597, 
puis  duc  de  Grancey  en  déc.  4644. 

FERVILLE  (Vaucorbeil,  dit)  (V.  Vaucorbeil). 
F  ESC  A  (Friedrich-Ernst) ,  musicien  allemand,  né  à  Mag- 
debourg  le  45  févr.  4789,  mort  à  Karlsruhe  le  24  mai 
4826,  Son  père  n'était  pas  dépourvu  de  connaissances  musi- 
cales, et  sa  mère,  élève  de  Hiller,  avait  été  cantatrice  de 
la  chambre  de  la  duchesse  de  Courlande.  A  quatre  ans,  le 
jeune  Fesca  jouait  déjà  de  petites  pièces  de  clavecin  ;  à  neuf 
ans,  il  commença  l'étude  du  violon.  A  onze  ans,  il  exécuta 
en  public  un  concerto  de  violon,  et  fut  très  applaudi.  En 
4805,  il  se  rendit  à  Leipzig.  En  4806,  le  duc  d'Olden- 
bourg, étant  venu  à  Leipzig,  l'entendit  et  l'engagea  aussitôt 
dans  sa  chapelle.  Fesca  n'y  resta  guère  cependant  :  sur  la 
recommandation  du  duc  de  Bellune,  il  entra  dans  la  cha- 
pelle de  Cassel,  en  qualité  de  violon  solo.  En  4814,  il  alla 
à  Vienne  ;  cette  même  année,  il  fut  nommé  premier  violon 
au  service  du  grand-duc  de  Bade,  et,  en  4845,  maître  des 
concerts.  Fesca  était  d'une  sensibilité  très  grande  et  animé 
d'ardents  sentiments  religieux  ;  ainsi  certains  de  ses  psaumes 
furent  composés  pour  exprimer,  tantôt  la  tristesse  que  lui 
causait  un  état  maladif  des  plus  cruels,  tantôt  sa  recon- 
naissance envers  Dieu  à  la  suite  d'une  amélioration  de  sa 
santé.  Ses  ouvrages  sont  peu  originaux.  Les  meilleurs 
paraissent  être  ses  compositions  de  musique  religieuse.  lia 
écrit  de  nombreux  quatuors  à  cordes,  trois  symphonies,  des 
quintettes,  des  chansons  allemandes,  des  pots-pourris,  des 
chansons  de  table,  deux  ouvertures,  trois  quatuors  pour 
flûte,  des  psaumes,  deux  opéras,  Cantemir  et  Omar  et 
Leïla.—  Son  fils,  Alexander-Emst  (4820-4849),  fut  un 
compositeur  de  quelque  mérite.  Alfred  Ernst. 

FESCAMPS.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  et  cant. 
deMontdidier;  344  hab. 

FESCENNINS  (Vers).  Virgile  parle,  dans  les  Géor- 
giques  (II,  v.  385  et  suiv.),  des  vieux  laboureurs  d'Au- 
sonie  dont  la  joie  se  manifeste  en  des  vers  sans  mesure  et 
un  rire  sans  frein  : 

Versibus  incomptis  ludunt  risuque  soluto... 
Cette  poésie  populaire  et  rustique  portait  le  nom  de  vers 
fescennins.  Ils  étaient  chantés  dans  les  réjouissances  de  la 
campagne,  soit  aux  fêtes  religieuses,  soit  aux  réunions 
privées  et  particulièrement  aux  mariages.  C'est  peut-être 
même  dans  les  cérémonies  nuptiales  qu'elle  est  née  ;  en 
tout  cas,  ce  fut  son  domaine  le  plus  propre,  et  c'est  là 
qu'elle  finit  par  se  cantonner  quand  elle  eut  disparu  ailleurs. 
Le  caractère  de  ces  chants  primitifs  et  agrestes  était  natu- 
rellement assez  grossier  :  les  bonnes  mœurs  n'y  pouvaient 
guère  être  respectées  ;  l'esprit  caustique  des  Italiens  s'y 
donnait  carrière  ;  les  dieux  ni  les  hommes  n'échappaient 


FESCENNINS  —  FESSARD 


—  340 


à  leur  raillerie  jusqu'à  ce  que  la  loi  intervînt  pour  lui  im- 
poser une  limite.  Horace,  dans  un  passage  classique  (Epî- 
tres,  II,  I,  139  et  suiv.),  raconte  avec  vraisemblance  les 
origines  de  cette  poésie  :  «  Les  anciens  laboureurs,  dit-il, 
hommes  énergiques  et  contents  cle  peu,  une  fois  la  moisson 
rentrée,  reposaient  par  un  jour  de  fête  leur  corps  et  leur 
âme  qui  supportaient,  dans  l'espoir  de  les  voir  finir,  de 
rudes  travaux.  Réunis  aux  compagnons  de  leurs  fatigues,  à 
leurs  enfants  et  à  leurs  épouses  fidèles,  ils  apaisaient  la 
Terre  par  un  porc,  Sylvain  par  du  lait,  offrant  du  vin  et 
des  fleurs  au  Génie  qui  nous  avertit  de  la  brièveté  de  la 
Vie.  La  licence  fescennine,  introduite  par  cet  usage, 
répandit  en  vers  dialogues  de  rustiques  injures.  Cette 
liberté  revint  chaque  année  et  fut  bien  accueillie  jusqu'au 
jour  où  la  plaisanterie  devint  cruelle,  où  elle  se  changea 
en  fureur  et  pénétra  menaçante  et  impunie  au  milieu  des 
familles  honnêtes...  On  porta  enfin  une  loi  qui  défendit, 
sous  peine  de  châtiment,  d'attaquer  par  des  vers  méchants. 
La  crainte  du  bâton  (fustis)  força  les  poètes  à  changer 
leur  manière.  »  Cicéron  nous  a  conservé  le  texte  de  la  loi 
des  Douze  Tables  qui  punissait  de  mort  si  quis  occenta- 
visset  sive  carmen  condidisset,  quod  infamiam  faceret 
flagitiumque  alteri.  Nous  voyons  par  le  même  passage 
cité  que  les  chants  fescennins  prenaient  la  forme  du  dia- 
logue (versibus  altemis),  favorables  aux  échanges  de 
plaisanteries  caustiques.  Ce  vers  sans  mesure,  suivant 
l'expression  de  Virgile,  était  évidemment  le  vers  sa- 
turnin. D'après  Diomède,  certains  grammairiens  donnaient 
cependant  au  pied  appelé  crétique  le  nom  de  fescenninus. 
Ce  texte  est  évidemment  altéré.  Le  même  passage  de  Vir- 
gile nous  apprend  que  les  acteurs  mettaient  sur  leurs 
visages  des  masques  hideux  faits  d'écorce  d'arbre  : 

Oraque  corticibus  sumunt  horrenda  cayatis. 

Vers  la  fin  de  la  République,  les  vers  fescennins  devin- 
rent un  genre  littéraire.  Octave,  suivant  Macrobe,  composa 
des  fescennins  contre  Pollion,  qui  dit  à  ce  sujet  :  At  ego 
taceo  ;  non  est  enim  facile  scribere  in  eum  qui  potest 
proscribere.  D'ailleurs  les  vers  fescennins,  dans  la  lit- 
térature, furent  consacrés  exclusivement  aux  noces,  et 
gardèrent,  pour  cette  raison  même,  quelque  chose  du 
libertinage  originel.  Catulle  l'atteste,  lorsqu'il  s'écrie,  dans 
ÏEpithalame  de  Manlius,  v.  42°2  :  Ne  diu  taceat  pro- 
cax  Fescennina  locutio.  Claudien  composa,  sous  le  titre 
de  Fescennina,  quatre  pièces,  très  chastes  d'ailleurs, 
en  mètres  différents  pour  célébrer  le  mariage  d'Honorius  et 
de  Maria.  Ausone,  dans  le  Centon  nuptial,  fait  aussi 
allusion  aux  fescenninos  d'un  poète,  Annanius,  qui  vivait 
sous  Adrien.  La  dernière  partie  du  Centon  peut  donner  une 
idée  de  la  crudité  des  vers  fescennins  ;  lui-même  s'excuse 
ainsi  :  «  Jusqu'ici  j'ai  chanté  le  mystère  nuptial  en  paroles 
voilées  que  tous  peuvent  entendre.  Mais,  puisque  la  solen- 
nité des  noces  aime  les  vers  fescennins  et  que  ce  jeu 
admet  la  liberté  des  mots  consacrée  par  l'antique  coutume, 
je  vais  révéler  les  autres  secrets  de  la  chambre  et  du  lit.  »I1 
nous  reste  à  dire  un  mot  de  l'étymologie  du  nom.  Quelques 
savants  le  font  venir  de  fascinum,  synonyme  de  phallos, 
qui  désignait  le  symbole  de  la  fécondité,  ce  qui  convenait 
évidemment  aux  fêtes  des  champs  et  aux  cérémonies  nup- 
tiales. Mais  la  similitude  complète  des  noms  et  l'analogie 
avec  l'étymologie  des  Atellanes  font  pencher  la  balance  en 
faveur  de  l'origine  généralement  reconnue.  C'est  d'une  ville 
de  l'Etrurie  méridionale  nommée  Fescennium  que  vien- 
draient la  chose  et  le  nom  (V.  Servius,  En.,  VII,  695). 
Festus,  avec  cette  étymologie,  en  donne  une  autre  qui 
n'est  guère  admissible.  Ces  chants  auraient  été  ainsi  nom- 
més parce  qu'on  leur  attribuait  la  propriété  de  chasser  le 
mauvais  œil  (fascinum).  A.  W. 

FESCH  ou  F^SCH  (V.  F/esch). 

FESCH  (Joseph),  cardinal-archevêque  de  Lyon,  oncle 
maternel  de  Napoléon  Ier,  né  à  Ajaccio  en  1763,  mort  à 
Rome  en  4839.  Destiné  à  l'état  ecclésiastique,  il  fit  ses 
études  au  séminaire  d'Aix  ;  il  était  prêtre  avant  1789.  Pen- 


dant la  Révolution,  il  prit  du  service  dans  l'armée  et  fut 
employé  aux  vivres  ;  pendant  la  première  campagne  d'Ita- 
lie, sous  son  neveu,  il  était  commissaire  des  guerres.  Dès 
le  commencement  du  Consulat,  rentré  dans  l'Eglise,  il  était 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Bastia.  Après  la  conclusion  du 
concordat,  il  fut  promu  à  l'archevêché  de  Lyon.  En  4803, 
il  reçut  le  chapeau  de  cardinal  ;  en  4804,  il  fut  chargé  de 
négocier  l'affaire  du  sacre  ;  en  4805,  il  fut  nommé  grand 
aumônier  de  France,  grand  cordon  de  la  Légion  d'honneur 
et  membre  du  Sénat.  Jusqu'aux  premiers  démêlés  de  Napo- 
léon avec  Pie  VII,  il  représenta  la  France,  comme  ambas- 
sadeur auprès  du  saint-siège.  Au  concile  national  tenu  à 
Paris  en  1841,  il  se  joignit  à  ceux  qui  n'admirent  les 
mesures  proposées  par  l'empereur  qu'avec  réserve  de  l'appro- 
bation du  pape.  En  4844,  il  se  retira  à  Gravines,  dans  un 
couvent  de  religieuses,  qu'il  avait  fondé.  Sous  les  Cent- Jours, 
il  fit  partie  de  la  Chambre  des  pairs.  Banni  par  les  Bour- 
bons, après  la  seconde  Restauration,  il  se  réfugia  à  Rome, 
où  il  cultiva  les  lettres  et  les  arts  jusqu'à  sa  mort.  Au  temps 
de  la  puissance  de  son  neveu,  il  avait  refusé  l'archevêché 
de  Paris  et  le  titre  de  primat  d'Allemagne  ;  exilé,  il  ne 
consentit  jamais  à  se  démettre  de  l'archevêché  de  Lyon  ;  de 
sorte  que,  pendant  près  de  vingt-quatre  ans,  ce  diocèse  fut 
administré  par  un  vicaire.  —  En  4856,  la  ville  d'Ajaccio 
lui  a  élevé  une  statue  de  bronze.  E.-H.  V. 

FESCH ES-le-Châtel.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr. 
de  Montbéliard,  cant.  d'Audincourt;  4,474  hab. 

F  ES  DIS.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  arr.  de 
Ratna,  créé,  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  non  loin  d'an- 
ciennes ruines  romaines,  à  40  kil.  au  N.  de  Batna.  Les 
terres  sont  bonnes,  mais  le  pays  est  froid  et  cependant 
fiévreux  ;  c'est  une  simple  annexe  de  la  commune  de  plein 
exercice  de  Batna.  E.  Cat. 

FESELER  (Melchior  ou  Martin),  peintre  allemand,  mort 
en  4538.  Elève  d'Albert  Durer,  il  fit  plusieurs  tableaux  de 
batailles,  entre  autres  le  Siège  de  Rome  par  Porsenna 
(à  Munich)  ;  le  Siège  d'Alésia  par  Mes  César  (à  Munich) . 
Il  imitait  avec  beaucoup  d'habileté  Durer  et  Altdorfer. 

F  ES  M  Y.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Vervins, 
cant.  duNouvion;  579  hab. 

F  ESP  A  MO  (Log.).  Terme  qui  désigne  un  mode  de  la 
quatrième  figure  du  syllogisme  (V.  ce  mot),  où  la  majeure 
est  universelle  négative  (E),  la  mineure  universelle  affir- 
mative (A),  la  conclusion  particulière  négative  (O).  Ex.  : 
Nulle  vertu  n'est  une  qualité  naturelle  ;  —  toute  qualité 
naturelle  a  Dieu  pour  auteur;  —  donc,  il  y  a  des  qualités 
qui  ont  Dieu  pour  auteur  qui  ne  sont  pas  des  vertus.  La 
lettre  F  indique  que,  pour  être  prouvé,  ce  mode  doit  se 
ramener  à  un  ferio  de  la  première  figure  ;  la  lettre  M 
indique  que  cette  opération  doit  se  faire  en  changeant  la 
majeure  en  mineure  et  la  mineure  en  majeure,  ce  qui  exige 
la  conversion  simple  de  la  majeure  (S),  et  la  conversion 
par  accident  (P)  de  la  mineure.  G.  F. 

FESQUES.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure,  arr. 
et  cant.  de  Neufchàtel-en-Bray  ;  287  hab. 

FESSANVILLIERS-Mattanvilliers.  Com.  du  dép. 
d'Eure-et-Loir,  arr.  de  Dreux,  cant.  de  Brezolles;  487  hab. 

FESSARD  (Etienne),  graveur  français  au  burin,  né  à 
Paris  en  4744,  mort  à  Paris  le  2  mai  4777.  Elève  d'Edme 
Jeaurat.  On  lui  doit  une  série  d'estampes  mythologiques 
d'après  Carie  Van  Loo,  de  Troy,  Bouchardon,  Watteau,  etc.; 
des  sujets  de  sainteté  d'après  le  Corrège,  Titien,  Rem- 
brandt, Natoire,  etc.,  des  bergeries  d'après  Boucher;  plu- 
sieurs bons  portraits,  tels  que  le  Marquis  d'Argenson, 
le  Duc  de  Choiseul,  le  Cardinal  de  Luynes,  etc.  ;  des 
illustrations  pour  les  Fables  de  La  Fontaine  (4765-4775, 
6  vol.  in-8),  etc.  G.  P-i. 

FESSARD  (Charles- Jules),  ingénieur  français,  né  à 
Gisors  (Eure)  le  44  avr.  4845,  mort  le  30  mai  4878.  Il 
appartenait  au  corps  des  ponts  et  chaussées,  dont  il  fut  un 
membre  distingué.  Il  construisit  le  viaduc  de  Dinan,  sur 
lequel  il  a  publié  un  important  mémoire  dans  les  Annales 
des  ponts  et  chaussées  de  4855. 


—  341  — 


FESSE  -  FESSY 


FESSE  (Y.  Fessière  [Région]). 

FESSEVILLIERS.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de 
Montbéliard,  cant.  de  Maiche;  190  hab. 

FESSEY-Dessous.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône, 
arr.  de.Lure,  cant.  de  Faucogney;  284  hab. 

FESSIÈRE  (Région).  I.  Anatomie.  —  La  région  de  la 
fesse  est  limitée  en  haut  par  la  crête  iliaque,  en  bas  par  le 
pli  fessier,  en  dehors  par  une  ligne  allant  de  l'épine  iliaque 
antéro-supérieure  au  grand  trochanter,  en  arrière  par  le 
sacrum  et  le  coccyx.  Plus  développée  chez  la  femme  que 
chez  l'homme,  la  fesse  est  recouverte  par  une  peau  épaisse, 
doublée  d'un  pannicule  adipeux,  cloisonné,  très  abondant, 
en  continuité  avec  celui  de  la  cuisse  et  avec  celui  du  bassin 
par  les  échancrures  sciatiques.  Au-dessous,  on  trouve  l'apo- 
névrose fessière,  mince  en  arrière  où  elle  cloisonne  le  grand 
fessier  ;  épaisse  en  avant,  où  elle  donne  insertion  au  moyen 
fessier,  qu'elle  sépare  aussi  du  grand  fessier.  Ce  dernier 
muscle  s'insère  en  haut  par  des  fibres  obliques  à  la  crête 
iliaque  et  au  sacrum,  en  bas  sur  une  ligne  oblique  allant 
du  sommet  du  grand  trochanter  à  la  ligne  âpre.  Une  bourse 
séreuse  sous-fessière  sépare  le  muscle  du  grand  fessier  du 
grand  trochanter  sur  lequel  il  glisse.  Le  moyen  fessier, 
situé  au-dessous  de  l'aponévrose  fessière  sur  laquelle  il 
prend  insertion,  s'insère  encore  en  avant  à  l'épine  iliaque 
antéro-supérieure  à  la  crête  iliaque  et  remplit  la  fosse 
iliaque  entre  ces  deux  lignes  courbes.  De  là,  il  se  porte  sur 
la  face  externe  du  grand  trochanter.  Sur  le  même  plan, 
en  arrière  et  au-dessous  du  moyen  fessier,  on  rencontre 
le  pyramidal,  les  jumeaux  entre  lesquels  se  voient  l'obtu- 
rateur interne,  le  carré  crural,  muscles  qui  vont  du  bassin 
au  grand  trochanter,  sous  le  nom  de  pelvi-trochantériens. 
Enfin  le  petit  fessier,  qui  remplit  toute  la  fosse  iliaque  au- 
dessous  de  la  ligne  courbe  inférieure,  va  s'insérer  au  bord 
supérieur  et  antérieur  du  grand  trochanter.  Comme  iï  est 
facile  de  le  voir,  les  muscles  fessiers,  surtout  le  grand 
fessier,  sont  fléchisseurs  de  la  cuisse  sur  le  bassin,  tandis 
que  l'action  principale  des  autres  muscles  de  la  fesse  est 
la  rotation  en  dehors  du  membre  inférieur. 

Les  artères  de  la  région  viennent  de  l'hypogastrique  ;  ce 
sont  :  la  fessière,  qui  sort  du  bassin  par  un  tronc  très 
court  de  3  millim.  au-dessus  du  pyramidal;  l'ischiatique 
qui  émerge  au-dessous  de  ce  muscle  avec  la  honteuse  in- 
terne qui,  après  avoir  contourné  l'épine  sciatique,  rentre 
dans  le  bassin.  Par  le  même  trajet  que  l'ischiatique,  entre 
cette  artère  et  la  honteuse  interne,  sortent  le  grand  nerf 
sciatique  qui  se  distribue  à  tout  le  membre  inférieur  et  le 
petit  sciatique  ou  fessier  inférieur,  plus  spécialement  des- 
tiné aux  muscles  et  à  la  peau  de  la  fesse.  Les  lympha- 
tiques superficiels  vont  aux  ganglions  inguinaux,  les  pro- 
fonds aux  ganglions  hypogastriques. 

II.  Pathologie.  —  Nous  ne  pouvons  qu'énumérer  les 
affections  de  la  région  fessière  qui,  d'ailleurs,  présentent 
ici  les  mêmes  caractères  que  dans  les  autres  régions.  La 
peau  est  souvent  le  siège  de  furoncles  et  d'anthrax,  sur- 
tout chez  les  cavaliers.  Les  plaies  de  la  région  ne  présen- 
tent rien  de  particulier  ;  les  contusions  peuvent  s'accom- 
pagner cependant  de  vastes  épanchements  sanguins  qui, 
par  compression,  provoquent  de  pénibles  douleurs  scia- 
tiques.  On  a  observé  à  la  fesse  des  abcès  chauds  et  des 
abcès  froids  ;  les  abcès  par  congestion  peuvent  envahir  la 
région  par  les  ouvertures  sciatiques.  On  a  cité  des  ané- 
vrysmes  de  l'artère  fessière,  et  Sappey  a  lié  l'ischiatique 
pour  un  anévrysme.  Duplay  a  décrit  une  inflammation  de 
la  bourse  qui  sépare  le  grand  fessier  du  grand  trochanter 
(bourse  sous-fessière),  affection  qui  peut  simuler  la  coxalgie 
(périarthrite  coxo-fémorale)  et  donner  lieu  à  des  brides 
entravant  les  mouvements  de  la  cuisse  ou  à  un  épanche- 
ment  liquide  qui  souvent  passe  à  la  purulence.  C'est  dans 
cette  région,  contre  l'épine  sciatique,  que  siège  un  des 
points  douloureux  de  la  névralgie  sciatique.  Ce  nerf  peut 
être  contus  à  la  fesse  et  être  atteint  de  névrite  ;  on  a  aussi 
observé  quelques  tumeurs  du  nerf  sciatique.  Outre  les  can- 
croïdes  de  la  peau  de  la  fesse  et  les  tumeurs  dont  nous 


avons  parlé,  on  a  décrit  dans  cette  région  des  tumeurs  du 
tissu  cellulo-adipeux,  et  Péan  a  publié  une  observation  de 
fibro-cysto-sarcome  sous-fessier  sans  relation  avec  les  os 
de  la  région.  Dr  S.  Morer. 

Bibl.  :  Beaunis  et  Bouchard,  Nouv.  Eléments  d'anat. 
descript.  et  d'embryologie  ;  Paris,  1862. —  Richet,  Traité 
pratique  d'anat.  médico- chirurgie,  1870. —  Tillaux,  Traité 
d'anat.  topographique  ;  Paris,  3e  éd.  —  Follin  et  Duplay, 
Traité  élém.  de  path.;  Paris,  1868-1888,  t.  VII.—  Bouilly, 
Manuel  de  path.  ext.;  Paris,  1885,  t.  IV.  —  Forgue  et  Reclus, 
Traité  de  thérapeutique  chirurgicale  ;  Paris,  1892.  —Péan, 
Leçons  de  clinique  chirurgicale,  à  partir  de  1876;  Paris. 

FESSLER  (Ignace -Aurèle),  historien  hongrois,  né  à 
Czurendorf  le  18  mai  4756,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le 
15  déc.  1839.  Sa  vie  fut  très  agitée  :  tour  à  tour  capucin, 
franc-maçon,  protestant,  il  erra  en  Autriche,  en  Prusse, 
en  Russie,  poursuivi  de  ville  en  ville,  d'emploi  en  emploi, 
dans  chacun  de  ces  pays,  par  les  inimitiés  qu'il  s'était 
attirées  en  dénonçant  les  moines  à  l'empereur  Joseph  II. 
Néanmoins,  il  finit  paisiblement,  dans  le  poste  considérable 
de  surintendant  général  de  l'Eglise  luthérienne  en  Russie. 
Son  ouvrage  le  plus  important  est  Geschichte  der  Ungem 
und  ihrer  Landsassen  (Leipzig,  1812-1825, 40  vol.),  et 
dont  Klein  a  donné  une  édition  corrigée(1867-1883,5vol.). 
Fessier  a  laissé  aussi  une  curieuse  autobiographie  (1826) 
et  des  romans  plus  ou  moins  historiques  qui  sont  tombés 
dans  l'oubli.  E.  S. 

FESSLER  (Johann),  sculpteur  allemand,  né  à  Bre~ 
genz  (Vorarlberg)  en  1803,  mort  à  Vienne  le  14  mars 
1875.  Après  s'être  formé  à  l'Académie  de  cette  dernière 
ville,  il  voyagea  en  Allemagne  et  en  Suisse.  Ses  princi- 
pales œuvres  appartiennent  au  genre  décoratif  :  tels  sont 
ses  neuf  bustes  de  musiciens  (bronze),  Mozart,  entre  autres, 
au  Mozarthof  à  Vienne  ;  ses  figures  d'ornementation  de 
l'église  votive  ;  son  Christ  en  croix  et  sa  Mère  de  Dieu 
(grès)  du  portail  latéral  de  Sainte-Elisabeth,  sa  statue  de 
marbre  du  comte  Rildiger  de  Starhemberg,  du  pont  Eli- 
sabeth. 

FESSLER  (Joseph),  canoniste,  né  à  Lochau  (Voralberg) 
en  1813,  mort  en  1872.  Il  fut  professeur  de  droit 
ecclésiastique  à  Brixen,  puis  à  Vienne,  évêque  de  Nysse 
in  partibas,  finalement  évêque  de  Saint-Polten.  Au  concile 
du  Vatican,  il  était  secrétaire  général.  OEuvres  principales  : 
Der  canonische  Prozess  (Vienne,  1860)  ;  Die  wahre 
und  die  falsche  Jjnfehlbarkeit  der  Pdpste  (Vienne, 
1871),  traduit  en  français  par  Em.  Cosquin.  Ce  dernier 
ouvrage  est  une  réponse  à  un  écrit  du  docteur  de  Schulte, 
Das  vaticanische  Concilium. 

FESSONS-sur-Briançon.  Corn,  du  dép.  de  la  Savoie, 
arr.  et  cant.  de  Moutiers,  sur  l'Isère;  812  hab.  Ruines 
des  deux  châteaux  forts  qui  défendaient  autrefois  l'étroit 
défilé  du  Pas  de  Briançon.  Chapelle  de  N.-D.  de  Briançon, 
but  de  pèlerinage. 

FESSONS-sur-Salins.  Corn,  du  dép.  de  la  Savoie,  arr. 
de  Moutiers,  cant.  de  Bozel,  sur  une  hauteur  dominant  le 
confluent  du  Donon,  du  Nant  et  du  torrent  des  Allues  ; 
235  hab.  Ruines  d'un  ancien  château  féodal.  Le  Roc  du 
Diable,  nommé  aussi  Croix  de  Fessons  ou  du  Tovex,  mon- 
tagne de  1,450  m.  d'alt.,  domine  Fessons,  la  ville  de 
Moutiers  et  la  Tarentaise. 

FESSY.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  de  Tho- 
non,  cant.  de  Douvaine;  467  hab. 

FESSY  (Alexandre-Charles),  musicien  français,  né  à 
Paris  le  18  oct.  1804.  mort  à  Paris  le  30  nov.  1856. 
Admis  au  Conservatoire  en  1813,  il  obtint,  en  1824,  le 
premier  prix  au  concours  d'orgue.  Devenu  organiste  de 
l'église  de  l'Assomption,  il  fut  ensuite  chef  d'orchestre  des 
concerts  de  la  salle  Vivienne,  du  Théâtre-Lyrique  ^  et  du 
théâtre  du  Cirque.  Excellent  accompagnateur  au  piano,  il 
a  publié  pour  cet  instrument  des  morceaux  divers  parmi 
lesquels  un  Rondo  brillant  sur  un  thème  favori  duCro- 
ciato  ;  il  est  aussi  l'auteur  de  V Organiste  français, 
répertoire  de  musique  religieuse  pour  l'orgue,  ainsi  que  de 
plusieurs  morceaux  pour  harmonie  militaire.         A.  E. 


FESTA  —  FESTON 


342 


FESTA  (Costanzo),  compositeur  italien,  mort  à  Rome 
le  10  avr.  1545.  Il  fut  attaché  depuis  1517  jusqu'à  sa 
mort  à  la  chapelle  pontificale,  en  qualité  de  chanteur.  Ses 
contemporains  le  qualifiaient  Musicus  eecellentissimus  et 
cantor  egregius.  Ses  œuvres  imprimées  consistent  en  un 
livre  de  Madrigali  a  tre  voci,  dont  il  parut  trois  éditions 
à  Venise;  un  livre  de  Motetti  a  tre  voci  (Venise,  1543)  ; 
un  Magnificat  dans  les  huit  tons,  à  quatre  voix  (Venise, 
1554)  ;  un  livre  de  litanies,  imprimé  à  Munich  en  1583  ; 
un  Te  Deum,  publié  à  Rome  en  1596.  Soixante-quatre 
morceaux  religieux  ou  profanes ,  pour  la  plupart  tirés  des 
oeuvres  précédentes,  sont  insérés  dans  divers  recueils  du 
xvie  siècle.  Deux  messes,  un  Patrem,  dix-huit  motets  et 
trente  et  un  chorals  existent  en  manuscrit  à  la  chapelle 
pontificale.  En  1539,  il  collabora  au  spectacle  donné  à 
Florence  lors  du  mariage  de  Cosme  de  Médicis  ;  la  musique 
de  ce  divertissement  fut  imprimée  sous  le  titre  de  Musiche 
délie  nozze  dello  ill.  duca  di  Firenze,  etc.  (Venise, 
Gardane).  Festâ  est  regardé  comme  le  premier  grand  con- 
trepointiste  italien,  et  l'un  des  plus  remarquables  prédé- 
cesseurs immédiats  de  Palestrina.  Son  célèbre  Te  Deum 
est  encore  chanté  chaque  année  à  l'entrée  de  la  procession 
de  la  Fête-Dieu  à  Saint-Pierre  de  Rome.      M.  Brenet. 

FESTA  (Carolina),  cantatrice  scénique  italienne,  née  à 
Naples  en  1778,  morte  à  Saint-Pétersbourg  en  janv.  1836. 
Après  avoir  obtenu  dans  sa  patrie  des  succès  retentissants, 
elle  vint  débuter  au  Théâtre-Italien  de  Paris,  le  8  avr.  1809, 
dans  UAngiolina,  et  souleva  littéralement  l'enthousiasme. 
Revenue  en  Italie,  elle  fit  fureur  d'abord  à  la  Scaîa  de  Milan, 
puis  à  Turin,  à  Venise,  à  Munich,  à  Pérouse,  à  Brescia,  à 
Bologne,  à  Bergame.  A  cinquante  ans  passés,  elle  savait 
exciter  encore  les  applaudissements  les  plus  vifs  et  les  plus 
sincères.  Cette  artiste  extrêmement  remarquable  avait 
épousé  un  officier  napolitain  nommé  Maffei,  qui  avait  quitté 
pour  elle  l'état  militaire,  et  on  la  connaissait  sous  le  nom 
de  Mmc  Festa-Maffei.  Elle  abandonna  le  théâtre  pour  aller 
se  fixer,  en  1829,  comme  professeur  de  chant  à  Saint- 
Pétersbourg. 

FESTALEMPS.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Ribérac,  cant.  de  Saint-Aulaye  ;  672  hab. 

FESTES-et-Saint-André.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr. 
et  cant.  de  Limoux  ;  367  hab. 

FESTETICS.  Noble  famille  hongroise  qui  au  xvne  siècle 
s'illustra  dans  les  guerres  turques,  acquit  par  mariage  la 
seigneurie  de  Tolna,  puis,  au  xvme  siècle,  fut  élevée  \  la 
dignité  comtaîe.  Les  deux  membres  les  plus  connus  de  cette 
famille  sont  :  le  général  de  cavalerie  Joseph  Festetics 
(1694-1757)  qui  se  signala  dans  la  défense  de  Semendria 
et  dans  la  campagne  de  Prague  (1742),  et  le  savant  phi- 
lanthrope et  économiste  Georges  Festetics  (1754-1 819)  qui 
rendit  les  plus  grands  services  à  l'économie  rurale  et  à  la 
culture  intellectuelle  de  son  pays  par  des  fondations  de 
toutes  sortes  ;  il  a  laissé  aussi  une  réputation  de  bibliophile 
et  de  numismatiste.  On  peut  mentionner  encore  le  comte  Tas- 
silo  (181 3-1 883)  qui  se  distingua  dans  plusieurs  cam- 
pagnes, et  son  frère,  le  comte  Georges  (deuxième  du  nom), 
ministre  et  grand  maréchal  de  la  cour  de  Hongrie  en  1867, 
mort  cinq  jours  après  son  frère.  —  Son  fils,  le  comte 
lassilo  (né  le  5  mai  1850),  marié  avec  une  princesse 
Hamilton,  est  un  des  plus  grands  seigneurs  hongrois. 

FEST1EUX.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et  cant.  de 
Laon  ;  515  hab. 

FESTIGNY  (Festiniacum).  Com.  du  dép.  de  la  Marne, 
arr.  d'Epernay,  cant.  de  Dormans  ;  673  hab.  Eglise  go- 
thique des  xme,  xve  et  xvie  siècles  ;  débris  de  vitraux  et 
de  carrelages  émaillés  ;  flèche  élégante  reconstruite  dans  le 
courant  de  ce  siècle.  Sur  une  colline  élevée,  au  S.  du  vil- 
lage, se  voient  la  chapelle  et  la  fontaine  de  Saint-Philbert, 
lieu  de  pèlerinage  renommé.  Près  du  hameau  de  La  Bou- 
lonnerie,  on  remarque  encore,  en  plein  bois,  les  vestiges 
de  l'ancien  prieuré  de  la  Nonelle. 

FESTIGNY.  Com.  du  dép.  do  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre, 
cant.  de  Coulange-sur-Yonne  ;  231  hab. 


FEST1NO  (Log.).  Terme  qui  désigne  un  mode  de  la 
deuxième  figure  au  syllogisme  (V.  ce  mot),  où  la  majeure 
est  universelle  négative  JE),  la  mineure  particulière  affir- 
mative (I),  et  la  conclusion  particulière  négative  (0).  Ex.  : 
Nul  poisson  ne  respire  par  des  poumons  ;  —  il  y  a  des  ani- 
maux aquatiques  qui  respirent  par  des  poumons  ;  —  donc 
il  y  a  des  animaux  aquatiques  qui  ne  sont  pas  des  poissons. 
La  lettre  F  indique  que,  pour  être  prouvé,  ce  mode  doit 
être  ramené  à  un  ferio  de  la  première  figure  ;  la  lettre  S 
indique  que  cette  opération  doit  se  faire  par  la  conversion 
simple  de  la  majeure. 

FESTIVAL.  Fête  musicale  dont  l'origine  vient  d'Alle- 
magne. Les  festivals  viennent  de  l'habitude  des  sociétés 
musicales  de  se  réunir  et  de  lutter  ensemble.  Les  sociétés 
chorales  venues  des  points  les  plus  éloignés  se  réunissent 
et  exécutent  les  principaux  morceaux  des  maîtres  allemands 
devant  une  foule  immense  attirée  par  la  fête.  En  général  un 
festival  dure  trois  jours  :  le  premier  est  consacré  à  l'exécution 
d'un  oratorio  ou  d'une  symphonie  ;  le  second  à  l'audition 
d'ouvertures,  symphonies,  psaumes  divers;  le  troisième  jour 
est  consacré  spécialement  à  la  musique  de  concert,  airs 
d'opéra,  quatuors,  soli,  harmonie  instrumentale  et  vocale. 
Les  Sœngerbund  organisent  les  festivals  allemands  vers 
l'époque  de  la  Pentecôte  avec  le  concours  des  différentes 
sociétés  philharmoniques.  Chaque  ville  de  l'association  est 
choisie  à  son  tour  pour  la  fête.  Les  premiers  festivals 
datent  de  la  fin  du  siècle  dernier;  de  1786  à  1800,  ces 
fêtes  étaient  tout  à  fait  locales  ;  un  peu  plus  tard,  les  so- 
ciétés d'une  ville  invitèrent  les  sociétés  voisines,  puis  les 
Liedertafeln, cercles  de  musique  vocale,  vinrent  s'yjoindre. 
Depuis  1826,  les  festivals  comprennent  les  fêtes  de  chant 
choral  avec  le  concours  des  sociétés  étrangères,  et  sont  ac- 
compagnés de  distributions  de  prix  et  d'exercices  gym- 
nastiques  ;  elles  sont  parfois  organisées  en  vue  d'une  fête 
nationale.  Les  festivals  trouvèrent  un  excellent  accueil  en 
Suisse,  où  ils  se  multiplièrent  :  on  cite,  en  particulier,  la 
fête  des  chanteurs  du  lac  de  Zurich,  qui  se  célèbre  à  tour 
de  rôle  dans  chaque  centre.  Les  festivals  se  sont  beaucoup 
développés.  De  1826  à  1846,  on  en  compte  près  de  400  ; 
et  depuis  cette  époque,  leur  nombre  a  continuellement  aug- 
menté. On  compte  souvent  de  1,000  à  1,500  chanteurs  et 
de  50  à  80  sociétés  qui  y  prennent  part.  La  France  n'a 
connu  les  festivals  qu'à  partir  de  1846  :  les  premiers  eurent 
lieu  à  cette  époque  au  cirque  des  Champs-Elysées  et  comp- 
tèrent environ  1,000  chanteurs.  Les  réunions  suivantes  se 
multiplièrent  et  la  première  réunion  générale  des  orphéo- 
nistes de  France  eut  lieu  en  1857,  au  palais  de  l'Industrie 
en  présence  de  Napoléon  III  :  172  sociétés  y  envoyèrent 
3,000  chanteurs.  Citons  encore  le  festival  de  l'Exposition 
universelle  de  1867  qui  dura  huit  jours.  —  Les  Anglais  et 
les  Américains  ont  aussi  organisé  des  festivals  ;  mais  ces 
fêtes  ont  un  caractère  particulier  ;  ce  n'est  pas  une  réu- 
nion d'associations  musicales.  C'est  un  concert  monstre  où 
l'on  assemble  dans  une  salle  immense  la  plus  grande  quan- 
tité possible  de  chanteurs  et  d'instrumentistes,  et  où  l'on 
joue  le  plus  grand  nombre  possible  de  morceaux.  Tous  les 
ans,  il  se  tient  plusieurs  festivals  de  ce  genre  à  Londres, 
à  Liverpool,  à  Manchester,  etc.  On  cite  dans  ce  genre 
le  colossal  Haendel  Festival  qui  eut  lieu  au  Cristal  Palace 
de  Sydenham.  Il  y  avait  2,600  choristes,  1,200  instru- 
mentistes et  22,000  auditeurs;  les  frais  n'ont  pas  été 
inférieurs  à  400,000  fr.  ;  les  virtuoses  les  plus  célèbres 
étaient  engagés  pour  les  solos .  L'exécution  est  naturelle- 
ment très  inférieure  à  celle  des  festivals  allemands.  Les 
Américains  ont  voulu  à  leur  tour  dépasser  les  peuples  du 
continent  et  ont  organisé  à  New  York  et  à  Baltimore  des 
festivals  où  les  choristes  se  comptaient  par  milliers.  Il 
semble  que  ces  fêtes  ont  plus  d'intérêt  pour  des  curieux 
que  pour  de  véritables  musiciens.  Ph.  B. 

FESTON.  I.  Architecture.  — -  Ornement  composé  à 
l'origine  de  feuilles,  de  fleurs  et  de  fruits  que  Ton  suspendait, 
lors  de  fêtes  publiques  ou  privées,  le  long  des  linteaux  et  des 
chambranles  des  portes  et  entre  les  colonnes  des  temples 


—  343  - 


FESTON  —  FÊTE 


ouïes  poteaux  disposés  à  cet  effet.  Les  Grecs  et  les  Romains 
donnèrent  aux  festons  divers  noms  suivant  que  des  fruits 
entraient  ou  non  dans  leur  composition,  et  les  fresques  de 
Pompéi  nous  ont  conservé  de  charmants  exemples  de  fes- 
tons peints  décorant  les  murs  de  riches  habitations  privées. 
—  Dans  l'architecture  inspirée  de  l'antique,  les  festons  com- 
prennent souvent,  mêlés  aux  feuilles  ou  aux  fleurs  et  rat- 
tachés par  des  bandelettes,  des  attributs  empruntés  à  la 
chasse,  à  la  pêche,  à  la  musique  et  aux  autres  arts,  tandis 
que,  dans  l'architecture  du  moyen  âge,  les  festons,  presque 
toujours  ajourés,  consistaient  en  découpures,  lobes  ou  den- 
telures courant  le  long  des  archivoltes  ou  des  pignons.  — 
Un  motif  d'architecture  est  dit  festonné,  lorsqu'il  est  orné 
de  festons  ou  découpé  en  festons.  Charles  Lucas. 

IL  Technologie.—  Feston  de  broderie  (V.  Broderie). 

FESTUBERT.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Béthune,  cant.  de  Cambrin  ;  4,234  hab. 

FESTUCA  (Bot.  et  M.)  (V.  Fétuque). 

F  EST  US  (Porcius),  procurateur  de  la  Judée.  Il  succéda 
à  Félix  et  occupa  sa  charge  de  60  à  62  de  l'ère  chrétienne. 
II  nous  est  connu  par  les  Actes  des  apôtres  et  par  Josèphe. 
Il  semble  avoir  étudié  dans  un  esprit  d'impartialité  l'accu- 
sation portée  par  les  Juifs  contre  saint  Paul,  lequel  il 
trouva  prisonnier  à  Césarée  lors  de  la  prise  de  possession 
de  ses  fonctions.  Dans  ses  relations  avec  les  Juifs,  il  paraît 
également  avoir  fait  preuve  de  mansuétude  et  d'un  senti- 
ment de  justice,  qui  font  contraste  avec  les  détestables 
procédés  de  Félix  ;  cette  façon  d'agir  aurait  pu  à  la  longue 
ramener  quelque  calme  dans  les  esprits,  si  la  mort  n'était 
venue  interrompre  l'œuvre  de  Festus  après  deux  ans  seu- 
lement. M.  Vernes. 

Bibl.  :  E.  Schûrer,  Geschichte  des  jùdischen  Volkes  im 
ZeitalterJ.  C,  1890,  2°  édit.,  lro  part.,  pp.  485-487. 

F  EST  U  S  (Sextus-Pompeius) ,  lexicographe  latin,  qui  vivait 
probablement  au  ne  ou  me  siècle  ap.  J.-C.  La  date  pré- 
cise est  incertaine;  on  sait  seulement  qu'il  est  postérieur  à 
Martial  et  antérieur  à  Macrobe,  car  il  cite  le  premier  et  est 
cité  par  le  second.  Il  est  l'auteur  d'un  dictionnaire  alpha- 
bétique des  mots  ou  expressions  notables  de  la  languelatine, 
divisé  en  20  livres  et  connu  sous  le  titre  :  De  Verborum 
Significatione.  C'est  une  compilation  très  intéressante  pour 
la  connaissance  de  la  grammaire  et  des  antiquités  latines. 
Elle  représente  un  abrégé  du  grand  ouvrage  de  M.  Verrius 
Flaccus  (V.  ce  nom),  De  Significatif,  Verborum.  Festus 
paraît  avoir  introduit  peu  de  choses  de  son  cru,  mais  uti- 
lisé d'autres  ouvrages  de  Verrius  Flaccus  (De  Obscur is 
Catonis  ;  De  Plauti  Calculis  ;  De  Jure  sacro  et  augu- 
rait, etc.)  ;  en  revanche,  il  laissa  de  côtelés  mots  tombés 
en  désuétude,  les  réservant  pour  un  autre  traité,  Priscorum 
verborum  cum  exemplis,  lequel  est  perdu.  L'ouvrage  de 
Festus  nous  a  été  transmis  par  un  abrégé  qu'en  fit,  au 
vme  siècle,  Paul,  fils  de  Warnefrid,  plus  connu  sous  le  nom 
de  Paul  Diacre  (V.  ce  nom).—  L'ouvrage  original  de  Verrius 
Flaccus  a  péri,  sauf  un  ou  deux  petits  fragments.  L'abrégé 
de  Festus  nous  est  parvenu  par  un  manuscrit,  malheureu- 
sement très  mutilé.  Ce  manuscrit  sur  parchemin,  du  xie  ou 
xiie  siècle,  comprenant  128  folios,  soit  256  pages,  fut  ap- 
porté d'Illyrie  et  acheté  par  Pomponius  Laetus.  Dès  ce  mo- 
ment, il  y  manquait  58  folios  comprenant  toutes  les  lettres 
jusqu'à  M  ;  il  y  existait  de  plus  trois  lacunes,  comprenant 
40  folios,  enfin  le  dernier  manquait,  de  sorte  qu'il  n'en 
restait  que  59  folios  intacts.  Politien  en  fit  une  copie.  Pom- 
ponius Lsetus  en  détacha  lui-même  48  feuillets  et  transmit 
les  44  autres  à  Manilius  Rallus.  Ce  débris  principal  du  ma- 
nuscrit passa  à  la  bibliothèque  Farnésine  de  Parme  d'où  il 
passa  à  Naples  (4736),  où  il  est  encore.  Les  48  feuillets 
gardés  par  Pomponius  Laetus  furent  fréquemment  copiés  ; 
ils  disparurent  avant  la  fin  du  xvie  siècle.  Enfin,  même  dans 
ces  59  feuillets,  il  y  avait  nombre  de  trous,  le  manuscrit 
ayant  souffert  surtout  du  feu,  de  telle  sorte  que,  dans  la  co- 
lonne extérieure,  la  plupart  des  mots  étaient  illisibles  ou 
détruits.  Les  blancs  ont  été  comblés  par  Scaliger  et  Ursi- 
nus,  tantôt  hypothétiquement,  tantôt  avec  l'aide  de  l'abrégé 


de  Paul  Diacre.  On  a  en  effet  de  nombreux  manuscrits  de 
cet  abrégé  d'un  abrégé.  Paul  Diacre  était  fort  ignorant;  il 
a  élagué  ou  modifié  bêtement  tout  ce  qu'il  ne  comprenait 
pas,  copié  servilement  des  fautes,  ajouté  quelques  obser- 
vations. On  conçoit  qu'il  est  indispensable  de  distinguer  dans 
une  édition  de  Festus  ces  divers  éléments  :  manuscrit  Far- 
nèse,  copies  de  celui  de  Lsetus,  épitome  de  Paul  Diacre, 
compléments  de  Scaliger  et  Ursinus.  La  première  édition  de 
Festus  fut  donnée  à  Milan  par  Zarotus  en  août  4 471  ;  d'autres, 
où  figuraient  également  les  autres  grammairiens  latins,  pa- 
rurentà  Milan  (4540),Paris  (4544  et 4549),  Venise  (Aide 
Manuce,  4543),  etc.  ;  puis  vinrent  les  éditions  critiques 
d'Antonius  Augustinus  ,  archevêque  de  Tolède  (Venise , 
4559-1560,  in-8),  Scaliger  (4565,  in-8)  et  Ursinus  (Rome, 
1581,  in-8).  Toutes  sont  effacées  par  celle  de  K.-O.  Mul- 
ler,  la  seule  à  laquelle  on  doive  recourir  (Leipzig,  1839, 
in-4).  Elle  renferme  une  préface  avec  étude  critique  des  ma- 
nuscrits et  de  leur  contenu  ;  le  texte  de  Paul  Diacre  ;  celui 
de  Festus  ;  les  meilleurs  commentaires.  Muller  a  distingué 
dans  l'œuvre  de  Festus  la  partie  qui  semble  extraite  de 
Verrius  Flaccus,  de  celle  qui  semble  compilée  par  Festus 
lui-même. 

F  ES  U  LES  (V.  Fiesole). 

F  ET  (Athanase-Athanassiévitch),  poète  lyrique  russe,  né 
dans  le  gouvernement  d'Orel  le  23  nov.  1820,  mort  en  nov. 
1892.  Son  nom  véritable  est  Schenchine,  mais  il  est  plus 
connu  sous  celui  de  Fet.  Il  acheva  ses  études  à  l'université 
de  Moscou  et  entra  dans  l'armée.  Il  en  sortit  en  1856, 
se  maria  avec  la  sœur  du  célèbre  médecin  Botkine,  et  se 
retira  dans  le  gouvernement  d'Orel.  Dès  1840,  il  avait 
débuté  par  un  volume  de  vers  intitulé  le  Panthéon 
lyrique  (Moscou,  1840),  qui  annonçait  déjà  un  véritable 
talent.  Il  publia  ensuite  des  vers  dans  le  Moscovite  et  dans 
les  Annales  de  la  Patrie.  Il  les  réunit  en  1870  dans  un 
volume  (Poésies  de  A,  Fet).  Il  collabora  ensuite  au  Con- 
temporain, au  Messager  russe,  à  la  Parole  russe,  etc. 
Ses  poésies  ont  été  réimprimées  à  Saint-Pétersbourg 
et  à  Moscou  (1863).  En  1883' et  1885,  il  a  publié  deux 
recueils  sous  ce  titre  :  Feux  du  soir  (Moscou).  Outre  ses 
poésies  originales,  il  a  donné  d'excellentes  traductions  des 
poètes  latins,  de  Gœthe,  de  Shakespeare,  de  Scho- 
penhauer,  etc.  L.  L. 

Bibl.  :Mejov,  Catalogue  de  la  littérature  russe.  —  Ger- 
bel,  les  Poètes  russes;  Saint-Pétersbourg,  1888.  —  Ska- 
bitghevsky,  Hist.  de  la  littérat.  russe  contemporaine; 
Saint-Pétersbourg,  1891. 

FÊTE.  Généralités.  —  Les  fêtes  sont  des  jours  de 
réjouissance  collective  en  l'honneur  d'une  divinité,  d'une 
personne,  d'événements  importants  ou  bien  en  commémo- 
ration de  l'anniversaire  de  ces  événements.  Elles  sont 
caractérisées  par  le  chômage,  plus  encore  que  par  les  di- 
vertissements ou  les  cérémonies  dont  elles  peuvent  être 
l'occasion.  Elles  sont  périodiques  (annuelles,  mensuelles, 
hebdomadaires)  ou  accidentelles  (pour  célébrer  une  victoire, 
une  inauguration,  une  naissance,  un  mariage),  publiques 
ou  privées.  Les  principales  sont  naturellement  les  fêtes 
publiques  périodiques.  Le  besoin  d'une  certaine  alternance 
du  travail  et  du  repos,  de  chômages  réguliers,  paraît  très 
général,  pour  ne  pas  dire  universel.  Il  y  a  là  un  penchant 
de  la  nature  humaine,  auquel  les  fêtes  donnent  satisfac- 
tion. Elles  répondent  de  même  au  besoin  d'amusements 
collectifs.  On  sait  combien  la  joie  est  contagieuse  et  est 
ressentie  plus  vive  en  foule  qu'isolément.  Cela  est  surtout 
vrai  des  plaisirs  bruyants,  les  plus  goûtés  des  primitifs. 
L'institution  de  grandes  fêtes,  revenant  à  époque  fixe,  est 
intimement  liée  au  progrès  de  la  civilisation  et  de  la  reli- 
gion. Le  caractère  religieux  des  fêtes  est  si  évident  que 
des  écrivains  ont  pu  les  définir  des  jours  réservés  à  l'accom- 
plissement de  cérémonies  religieuses.  Il  serait  impossible 
de  passer  en  revue  les  fêtes  de  toutes  les  races  et  sociétés 
humaines,  d'en  étudier  l'origine,  les  modifications  succes- 
sives, sans  retracer  par  là  même  les  mœurs,  les  coutumes, 
les  religions  de  l'humanité  tout  entière.  Nous  ne  pouvons 
aborder  cette  étude,  même  restreinte  aux  fêtes  publiques 


FÊTE 


344 


régulières  ;  on  en  trouvera  les  éléments  dans  l'art.  Reli- 
gion et  dans  les  articles  relatifs  à  la  civilisation  des  prin- 
cipaux peuples,  Egyptiens,  Indous,  musulmans,  etc.  (on 
devra  se  reporter  aussi  au  mot  Calendrier)  ;  enfin,  des 
articles  spéciaux  sont  consacrés  à  chaque  fête  importante. 
Nous  n'avons  donc  ici  qu'à  présenter  des  considérations 
générales,  à  esquisser  un  tableau  d'ensemble.  Nous  donne- 
rons ensuite  quelques  indications  sur  les  fêtes  des  peuples 
de  qui  l'Europe  actuelle  tient  sa  civilisation,  ses  usages  : 
Asiatiques  occidentaux,  Egyptiens,  Hébreux,  Grecs,  Ro- 
mains, sur  le  système  des  fêtes  chrétiennes  ;  nous  donne- 
rons quelques  détails  sur  les  fêtes  populaires  ;  nous  insiste- 
rons sur  le  système  des  fêtes  révolutionnaires,  curieuse 
tentative  pour  renouveler  profondément  la  vie  morale  des 
Français,  parce  qu'il  s'agit  d'un  système  complet  qu'il  est 
nécessaire  d'exposer  en  bloc,  tandis  que*  pour  les  autres, 
les  détails  sont  dispersés  entre  les  très  nombreux  articles 
consacrés  à  chacune  des  fêtes  ;  enfin,  nous  parlerons  des 
fêtes  nationales  récemment  créées  et  dont  le  caractère  poli- 
tique est  manifeste.  Ces  créations  factices  ont  rejeté  dans 
l'ombre  la  plupart  des  anciennes  fêtes,  mais  il  est  douteux 
qu'elles  durent  aussi  longtemps.  Les  fêtes  les  plus  vivaces 
sont  les  vieilles  fêtes  populaires  qui  solennisent  les  princi- 
pales étapes  des  saisons  et  de  la  culture. 

Les  moralistes  et  les  économistes  se  sont  posé  la  ques- 
tion de  l'utilité  des  fêtes  publiques.  Ils  en  condamnent 
l'abus  et  mettent  en  question  le  principe  lui-même.  «  Ces 
prétendues  réjouissances  publiques  ont,  dit  Legoyt,  des 
conséquences  économiques  regrettables.  Elles  causent  un 
notable  préjudice  au  travail  et  interrompent  dans  la  classe 
ouvrière  les  habitudes  d'ordre,  d'économie  et  de  tempé- 
rance. »  L'ouvrier  passe  son  temps  au  cabaret,  au  grand 
détriment  de  sa  bourse  et  de  sa  santé  ;  trop  souvent  il 
s'enivre  et  prolonge  le  lendemain  le  chômage  de  la  veille. 
En  outre,  les  grandes  agglomérations  d'hommes  provoquent 
parfois  des  accidents  graves  et  propagent  les  maladies  con- 
tagieuses. Enfin,  l'état  psychologique  des  foules  est  très 
inférieur  moralement  à  celui  des  individus  qui  les  compo- 
sent. Ces  objections  ont  leur  valeur;  néanmoins  on  ne  peut 
assimiler  l'homme  à  une  machine  ;  l'alternance  du  chômage 
et  du  travail  est  aussi  nécessaire  à  l'ouvrier  qu'au  patron  ; 
la  détente  des  muscles  et  des  nerfs  est  aussi  utile  que  celle 
du  cerveau.  Si  l'on  se  place  au  point  de  vue  du  bonheur 
des  membres  de  la  société,  les  fêtes  et  les  plaisirs  dont 
elles  sont  l'occasion  apportent  aux  individus  une  grande 
somme  de  satisfaction    dont   on   chercherait   vainement 
l'équivalent  ailleurs  ;  qu'elles  soient  souvent  grossières,  on 
peut  le  regretter,  mais  les  intéressés  sont  seuls  juges  et  les 
fatigues  d'un  débardeur  ou  d'un  terrassier  exigent  d'autres 
contre-parties  que  celles  d'un  comptable  ou  d'un  artiste.  Ce 
qui  reste  vrai,  c'est  que  les  fêtes  peuvent  être  un  moyen 
d'éducation,  qu'il  est  excellent  d'y  encourager  les  exercices 
physiques,  jeux  d'adresse  ;  de  développer  les  concerts,  les 
représentations  théâtrales,  les  expositions  agricoles,  indus- 
trielles, artistiques.  En  somme,  les  fêtes  publiques  sont 
une  des  plus  heureuses  parties  de  la  vie  populaire  ;  elles 
développent  la  sociabilité  et  répondent  à  un  besoin  uni- 
versel. 

Fêtes  périodiques.  —  Laissant  de  côté  les  fêtes  occa- 
sionnelles et  les  fêtes  privées,  nous  examinerons  brièvement 
celles  qui  se  reproduisent  périodiquement.  Nous  les  voyons 
toujours  liées  à  des  cérémonies  religieuses.  Chez  les  peuples 
qui  pratiquent  le  culte  des  astres,  cela  va  de  soi  ;  la  nou- 
velle lune,  la  pleine  lune,  les  solstices,  etc.,  donnent  lieu  à 
des  manifestations  spéciales.  Mais  il  en  est  de  même  pour 
tous  les  cultes,  notamment  pour  un  des  plus  anciens,  le 
culte  desmorls  (V.  Religion).  Les  cérémonies  ne  pouvant 
être  continuelles,  dès  que  les  cultes  sont  régulièrement  orga- 
nisés, ils  comportent  des  cérémonies  périodiques,  lesquelles 
naturellement  ont  plus  d'importance,  étant  plus  rares,  et 
deviennent  de  véritables  fêtes.  Le  culte  des  morts  compor- 
tait généralement  des  fêtes  mensuelles  ou  annuelles.  Les 
Karens  des  montagnes  de  l'Inde  offrent  aux  défunts  de 


grands  banquets  annuels  ;  les  Nagas  de  l'Assam  leur  ap- 
portent à  chaque  lune  des  offrandes  sur  leurs  sépulcres  ; 
les  Mexicains  avaient  une  fête  des  morts  en  novembre  ;  les 
Chinois  en  célèbrent  une  au  solstice  d'hiver.  Les  Péruviens 
avaient  aussi  une  fête  annuelle  où  les  momies  des  empe- 
reurs morts  étaient  installées  sur  la  grande  place  de  la  ca- 
pitale pour   présider  aux  réjouissances    populaires.  Les 
Egyptiens  avaient  en  l'honneur  des  morts  vingt-sept  fêtes 
par  an,  vingt-quatre  à  chaque  quinzaine  et  de  plus  les  trois 
fêtes  de  saisons.  Nous  parlerons  tout  à  l'heure  des  fêtes  ana- 
logues des  Grecs  et  des  Romains.  Un  grand  nombre  des 
fêtes  chez  tous  les  peuples  sont,  soit  dans  leur  forme  actuelle, 
soit  dans  leur  origine,  des  fêtes  de  la  nature,  correspondant 
aux  phases  de  la  vie  naturelle,   aux  changements  de  sai- 
sons, aux  diverses  périodes  de  la  végétation  et  des  cultures  ; 
dans  l'Asie,  en  particulier,  les  civilisations  avancées  divi- 
nisèrent les  forces  naturelles  ;  on  sait  que  le  naturalisme 
est  le  fond  des  religions  de  la  Mésopotamie,  de  la  Syrie,  de 
l'Asie  Mineure,  qu'il  a  inspiré  dans  l'Inde  la  religion  phi- 
losophique des  Védas  ;  qu'une  interprétation,  contestable  il 
est  vrai,  le  place  à  l'origine  des  religions  des  Grecs  et  des 
autres  Indo-Européens.  Le  réveil  de  la  vie,  qui  semble  en- 
dormie durant  l'hiver,  plus  que  toute  autre  révélation  des 
puissances  naturelles,  donnalieu  à  des  réjouissances  et  à  des 
cérémonies.  Les  hommes  s'efforçaient  de  symboliser  ou 
d'imiter  l'action  des  divinités  ou  de  s'associer  à  leur  acti- 
vité par  une  mimique  et  des  cris  ;  nous  avons  dit  à  propos 
du  culte  grec  de  Dionysos  (V.  ce  nom)  combien  furent 
générales  ces  fêtes,  ces  orgies  sacrées  où  l'homme  croyait 
entrer  en  communion  avec'les  êtres  mystérieux  qui  règlent 
le  cours  des  choses.  La  danse  (V.  ce  mot)  est  la  manifes- 
tation caractéristique  de  ces  fêtes,  surtout  chez  les  non-ci- 
vilisés. A  ces  fêtes  de  la  nature  qui  se  rapprochent  des 
conjurations,  il  faut  ajouter  les  fêtes  de  réjouissance  et  de 
remerciements  et  les  fêtes  expiatoires  ou  de  deuil.  Soit  pour 
remercier  les  dieux  des  bienfaits  accordés,  soit  pour  célé- 
brer les  actions  des  héros,  des  fondateurs  d'Etats  ou  de  reli- 
gions, on  institua  des  fêtes  généralement  renouvelées  à 
chaque  anniversaire.  Dans  celles-ci,  comme  dans  les  précé- 
dentes, une  large  place  fut  faite  aux  plaisirs  sensuels.  Dans 
toutes  celles  qui  symbolisent  ou  rappellent  la  reproduction, 
ont  lieu  des  scènes  dont  l'obscénité  nous  serait  intolérable; 
toute  l'Asie  méridionale  en  fit  une  partie  essentielle  de  ses 
fêtes  religieuses  ;  à  celle  de  Siva  dans  l'Inde,  de  Bubastis 
en  Egypte,  de  Mylitta  ou  d'Aphrodite  sur  les  rivages  mé- 
diterranéens, la  licence  était  pareille  et  pareille  l'exaltation 
sensuelle.  Les  fêtes  expiatoires  n'ont  guère  moins  d'impor- 
tance :  le  jeûne,  la  chasteté  imposée  paraissent  devoir  apai- 
ser le  courroux  céleste  ;  on  essaye  aussi  d'y  parvenir  par 
des  danses,  des  chants,  des  banquets,  des  représentations 
scéniques  ;  même  dans  les  fêtes  de  deuil,  symbolisant  par 
exemple  la  mort,  particulièrement  la  mort  temporaire  de 
l'hiver,  les  accès  de  joie  alternent  avec  les  lamentations  ; 
ainsi  dans  la  fête  d'Isis  à  Busiris,  dans  celles  d'Adonis,  en 
Syrie,  en  Asie  Mineure,  en  Grèce,  en  Italie.  Les  fêtes  offi- 
cielles ou  populaires  comportent  une  variété  infinie  de  dé- 
tails spécifiques,  selon  les  temps  et  les  lieux,  mais  les 
quelques  indications  générales  que  nous  venons  de  donner 
sont  vraies  dans  la  plupart  des  cas.  Une  rapide  revue  des 
principaux  peuples  civilisés  le  montrera. 

Les  Mexicains,  dont  le  calendrier  était  bien  réglé,  avaient 
un  système  de  fêtes  fixes  et  de  fêtes  mobiles  réparties  sur 
l'année  entière  ;  les  trois  principales  étaient  placées  en  mai, 
juin  et  décembre,  en  l'honneur  des  dieux  Tezcatlipoca, 
Huitzilopochtli  et  Tlaloc.  Les  Péruviens  avaient  encore  plus 
régularisé  leurs  fêtes,  les  faisant  concorder  avec  le  cours 
des  saisons  ;  à  chaque  nouvelle  lune,  une  fête  ;  de  plus, 
quatre  grandes  aux  quatre  saisons  :  fête  du  soleil  (Yntip- 
Raymi  au  solstice  d'été,  précédée  de  trois  jours  de  jeûne  et 
durant  neuf  jours)  ;  fête  du  solstice  d'hiver;  Cusqui-Raymi 
après  les  semailles,  quand  le  maïs  commençait  à  paraître 
(sacrifices,  banquets,  danses  et  chants)  ;  Citua,  à  la  nou- 
velle lune  qui  suivait  l'équinoxe  d'automne  ;  après  un  jeûne 


345  — 


FÊTE 


de  trois  jours  consacrés  aux  pratiques  de  purification  et 
d'expiation,  la  fête  se  prolongeait  jusqu'à  ce  que  la  lune 
entrât  dans  son  second  quartier.  —  Les  Indo-Européens 
barbares,  Celtes,  Germains,  Scandinaves,  Slaves  avaient 
également  des  fêtes  de  saisons  (V.  plus  bas).  —  Pour  l'Inde 
védique,  YAitareya  Brâhmana,  le  premier  traité  métho- 
dique sur  les  cérémonies  religieuses,  les  règle  par  saison  et 
par  mois.  Les  grands  sacrifices  annuels  ont  lieu  au  prin- 
temps, en  avril  ou  en  mai.  Dans  l'Inde  moderne,  les  grandes 
fêtes  populaires  sont  celles  du  printemps  et  de  l'automne,  de 
Holi,  qui  prennent  cinq  jours  en  mars  ou  avril,  et  de  Da- 
sahara,  qui  ont  lieu  en  octobre.  Au  mois  de  Tchaïtra,  après 
la  fête  du  printemps,  qui  se  place  au  début  de  l'année  lunaire 
de  Vikramaditya,  deux  jours  sont  réservés  à  celle  du  dieu 
de  l'Amour  ;  nous  ne  disons  rien  des  fêtes  de  Yichnou, 
Siva,  Indra,  etc.,  dont  il  sera  parlé  au  nom  de  ces  divinités  ; 
rappelons  les  deux  fêtes  du  Gange,  les  fêtes  nocturnes*  de 
la  sauvage  Kali,  enfin  celle  du  Lingam  avec  ses  obscénités. 
—  Le  bouddhisme,  bien  qu'hostile  aux  cérémonies  reli- 
gieuses, a  accepté  les  fêtes  nationales  de  ses  adeptes  et  a 
fini  par  en  avoir  de  propres.  En  Chine,  trois  jours  de  l'an- 
née sont  consacrés  à  vénérer  le  Bouddha  :  l'anniversaire  de 
sa  naissance  (8e  jour  du  4e  mois)  ;  l'anniversaire  de  son 
départ  de  sa  maison  (8e  jour  du  second  mois)  ;  l'anniver- 
saire du  jour  ou  il  atteignit  la  perfection  et  entra  dans  le 
Nirvana  (8e  jour  du  42e  mois).  On  trouvera  d'amples  dé- 
tails sur  les  fêtes  chinoises  dans  l'ouvrage  de  Doolittle  : 
Social  Life  of  Chinese.  Dans  le  royaume  de  Siam,  le 
huitième  et  le  quinzième  jour  de  chaque  mois  sont  regardés 
comme  sacrés  et  chômés.  La  fête  de  la  fin  de  l'année  donne 
lieu  à  des  réjouissances  universelles  ;  celle  du  commence- 
ment de  l'année  se  prolonge  peudant  trois  journées  ;  une 
fête  marque  le  début  de  la  saison  des  pluies  ;  une  autre  la 
récolte  du  riz,  dont  on  offre  les  prémices  ;  en  août,  la  fête 
du  génie  du  fleuve  (Mé-Nam)  afin  d'obtenir  son  pardon  pour 
tous  les  actes  qui  ont  pu  souiller  ses  eaux.  —  Les  Parsis, 
à  la  fin  de  leur  année  de  six  saisons,  c.-à-d.  en  février, 
offrent  de  grands  sacrifices  expiatoires  ;  on  peut  les  rap- 
procher des  fêtes  funèbres  placées  à  la  même  date  par  les 
Romains.  Les  Parsis  ont  conservé  le  calendrier  solaire  des 
Perses  anciens  ;  celui-ci  comporte  pour  chaque  saison  une 
grande  fête  ;  de  plus,  les  cinq  jours  intercalaires  consacrés 
aux  ferouers  (V.  ce  mot)  sont  une  fête  de  toutes  les  âmes. 
Chacune  des  quatre  grandes  fêtes  solaires  (coïncidant  à  peu 
près  avec  les  équinoxes  et  les  solstices)  durait  six  jours  ; 
chacune  des  six  fêtes  des  saisons  durait  cinq  jours  ;  elles 
étaient  consacrées  à  plusieurs  dieux,  comme  les  quinqua- 
trus  du  calendrier  romain  ;  citons  les  deux  fêtes  du  Feu 
(février  et  novembre-décembre)  ;  trois  fêtes  de  Victoires 
(d'Iran  sur  Touran,  de  Feridoun  sur  Zohak,  de  l'exter- 
mination des  mages  ou  des  mauvais  génies)  ;  trois  fêtes 
dites  de  la  Liberté  (fête  des  vendanges  à  la  mi-novembre  ; 
fête  du  Mannequin,  sorte  de  carnaval  avec  promenade  so- 
lennelle du  mannequin  juché  sur  un  tonneau,  à  la  fin  de 
décembre  ;  fête  des  Morts  dans  les  premiers  jours  de  no- 
vembre). Les  fêtes  des  Perses  et  leur  calendrier  religieux, 
étaient  parfaitement  réglés  ;  ils  ont  eu  une  influence  consi- 
dérable sur  les  peuples  voisins.  Le  culte  de  Mithra  (V.  ce 
nom)  passa  avec  ses  fêtes  en  Asie  Mineure  et  de  là  dans 
tout  l'empire  romain  ;  sa  fête  principale,  celle  de  la  nais- 
sance du  soleil  tombait  au  huitième  jour  avant  les  kalendes 
de  janvier,  c.-à-d.  au  25  déc.  Cette  fête,  qui  était  célé- 
brée dans  tout  l'Occident  aussi  bien  qu'en  Orient,  fut  rem- 
placée par  celle  de  Noël.  On  peut  remarquer  d'ailleurs  que 
plusieurs  des  fêtes  chrétiennes  dérivent  de  celles  de  l'an- 
cienne Perse. 

Dans  la  région  de  la  Mésopotamie  et  de  la  Syrie,  dans 
celle  de  l'Asie  Mineure,  les  cultes  qui  semblent  prévaloir 
sont  ceux  des  dieux  et  des  déesses  de  la  fécondité  ;  ils  don- 
naient lieu  à  des  fêtes  telles  que  l'histoire  n'en  connaît  pas 
de  plus  magnifiques  ni  de  plus  passionnées  (V.  Religion, 
Babylone,  Phénicie,  Adonis  ,  Astarté,  Mylitta,  etc.). 
Hérodote  a  décrit  celles  de  Babylone  où  la  prostitution  sa- 


crée (V.  Famille,  t.  XVI,  p.  1140)  jouait  un  grand  rôle. 
La  fête  d'Adonis,  écrit  Bouchité,  était  solsticiale  comme 
la  précédente  et  tombait  vers  la  fin  de  juin  dans  le  mois 
appelé  Thammus,  du  nom  même  du  dieu.  Célébrée  origi- 
nairement à  Byblos,  en  Phénicie,  elle  le  fut  plus  tard  à 
Antiochesurl'Oronte,  à  Jérusalem,  à  Alexandrie  d'Egypte, 
à  Athènes.  Mais,  au  lieu  de  rester  solsticiale  comme  dans 
l'Orient,  la  fête  d'Adonis  à  Athènes  paraît  être  devenue 
équinoxiale,  tombant  en  avril  et  en  mai,  à  la  nouvelle  lune. 
Cette  fête  avait  deux  parties,  l'une  consacrée  à  la  douleur, 
l'autre  à  la  joie.  Elles  étaient  consécutives,  mais  sans  se 
succéder  partout  dans  le  même  ordre.  A  Byblos,  la  fête 
lugubre  venait  la  première  ;  à  Alexandrie,  c'était  la  fête 
joyeuse  qui  précédait.  A  Byblos,  les  femmes  devaient  se 
couper  les  cheveux,  ou  bien  offrir  au  dieu,  dans  le  temple, 
le  sacrifice  de  leur  chasteté.  A  Alexandrie,  elles  parais- 
saient seulement  les  cheveux  épars  et  en  robes  flottantes, 
sans  ceintures.  Outre  les  lamentations  d'usage,  des  hymnes 
de  deuil  étaient  chantés  avec  accompagnement  de  flûtes. 
L'image  d'Adonis  était  placée  sur  un  magnifique  lit  funèbre 
ou  sur  un  catafalque  colossal.  A  Byblos,  les  lamentations 
se  terminaient  par  l'ensevelissement  du  dieu.  A  Alexandrie, 
le  jour  qui  suivait  la  fête  d'allégresse,  on  portait  en  pro- 
cession la  statue  d'Adonis  jusqu'au  rivage,  et  on  la  préci- 
pitait dans  la  mer.  Nous  reproduisons  ce  tableau  des  fêtes 
d'Adonis  parce  qu'elles  peuvent  être  prises  comme  types 
symbolisant  la  fécondité  végétale  ;  elles  donnent  lieu  à  un 
débordement  de  passion  d'une  exubérance  inouïe,  plaisirs 
effrénés,  lamentations  éplorées.  En  Phénicie,  la  religion 
naturaliste  donne  lieu  à  des  fêtes  analogues.  A  Tyr,  la 
grande  fête  de  Melkarth,  le  dieu  solaire,  se  célébrait  au 
début  du  printemps  ;  de  toutes  les  colonies  venaient  des 
ambassades  apportant  leurs  offrandes  ;  un  vaste  bûcher  était 
allumé,  d'où  s'échappait  un  aigle,  symbole  du  dieu  renais- 
sant. En  Phrygie,  le  culte  de  Cybèle  et  d'Atys  donnait 
lieu  à  des  fêtes  génésiaques  semblables  à  celles  du  culte 
d'Adonis  ou  d'Astarté.  La  plus  grande  avait  lieu  à  l'équi- 
noxe  du  printemps.  Les  fêtes  étaient  distribuées  de  telle 
sorte  que  le  dieu  était  censé  dormir  en  hiver  ;  au  printemps, 
on  fêtait  son  réveil,  à  l'automne  sa  retraite.  En  Lydie,  la 
sensualité  n'était  pas  moindre  ;  dans  l'orgie  sacrée  on  simu- 
lait même  des  changements  de  sexe  ;  les  danses  guerrières, 
les  jeûnes  et  abstinences  rigoureuses  alternaient  avec  les 
scènes  de  volupté,  les  phallagogies  ou  processions  du  phal- 
lus. Nos  idées  de  pudeur  étaient  étrangères  à  ces  popula- 
tions, et  les  fêtes  étant  des  moments  de  réjouissance  géné- 
rale ;  on  s'y  livrait  de  préférence  aux  plaisirs  sexuels. 
Répandues  dans  presque  tout  le  bassin  de  la  Méditerranée, 
surtout  par  l'esclavage  qui  transplantait  sur  tous  les  rivages 
leurs  adeptes,  ces  fêtes  n'ont  laissé  que  peu  de  traces  dans 
les  âges  ultérieurs. 

Les  Egyptiens  avaient  un  grand  nombre  de  fêtes  répar- 
ties sur  toute  l'année  d'après  les  règles  d'un  calendrier  bien 
réglé  (V.  Isis,  Osmis,  Sérapis).  A  la  mi-novembre  on  cé- 
lébrait la  disparition  d'Osiris  et  le  désespoir  d'Isis;  après 
cette  fête  de  deuil,  venait  au  solstice  d'hiver  celle  de  la  re- 
cherche d'Osiris,  puis,  vers  notre  1er  janv.,  l'arrivée  d'Isis 
bientôt  suivie  de  la  fête  d'Osiris  retrouvé.  Après  ces  fêtes 
du  soleil  et  de  l'hiver  venait  celle  de  la  végétation,  symbo- 
lisée par  la  sépulture  d'Osiris  (semailles),  sa  résurrection 
quand  l'herbe  émerge  du  sol,  la  grossesse  d'Isis,  sa  déli- 
vrance ;  on  offrait  au  nouveau-né  les  prémices  de  la  récolte  ; 
puis  venait  la  procession  du  phallus  et  la  fête  de  la  puri- 
fication d'Isis.  Dans  la  seconde  période  de  l'année  (été, 
automne)  la  grande  fête  était,  en  juillet,  celle  de  la  nais- 
sance d'Horus.  Il  ne  faut  pas  oublier  celles  qu'on  célébrait 
à  propos  de  l'inondation  bienfaisante  du  Nil,  surtout  le 
24  sept,  quand  la  crue  atteignait  son  plus  haut  niveau; 
celle-ci  se  prolongeait  pendant  sept  jours.  Comme  fêtes 
irrégulières,  mais  très  importantes,  il  faut  citer  celle  du 
bœuf  Apis,  à  la  naissance  ou  à  la  mort  de  l'animal  sacré. 
Enfin  il  y  avait  une  quantité  de  fêtes  locales,  toujours  fixées 
à  la  nouvelle  ou  à  la  pleine  lune. 


FÊTE 


—  346  - 


Fêtes  juives.  —  Les  Hébreux  ont  transmis  leurs  fêtes 
aux  religions  dérivées  de  la  leur,  christianisme  et  isla- 
misme ;  elles  ont  donc  pour  nous  un  intérêt  exceptionnel. 
La  plus  considérable  de  ces  institutions  est  celle  du  sabbat, 
fête  hebdomadaire  où  le  repos  est  obligatoire  ;  elle  a  per- 
sisté, sauf  modification  du  jour  (au  lieu  de  samedi,  di- 
manche ou  vendredi)  chez  les  chrétiens  et  les  musulmans. 
D'ailleurs,  tout  le  calendrier  juif  est  dominé  par  le  nombre 
sept.  Cela  est  manifeste  dans  le  Lévitique.  Le  septième 
jour  de  la  semaine  est  voué  au  repos  par  le  Pentateuque  ; 
la  fête  de  la  récolte  est  placée  sept  semaines  après  celle  du 
printemps  ;  les  grandes  fêtes  ont  lieu  le  septième  mois  de 
l'année  ;  chaque  septième  année  ou  année  sabbatique  donne 
lieu  à  des  cérémonies  spéciales,  de  même  qu'après  sept 
semaines  d'années  viennent  celles  de  la  cinquantième  année 
ou  année  du  jubilé.  Rappelons  le  passage  du  Deutéronome 
relatif  aux  fêtes,  car  c'est  encore  sur  lui  qu'est  fondée 
l'obligation  de  l'observance  religieuse  des  fêtes  chrétiennes  : 
«  Vous  célébrerez  la  fête  des  semaines  en  l'honneur  du 
Seigneur,  votre  Dieu  ;  vous  lui  ferez  l'oblation  volontaire 
des  fruits  du  travail  de  vos  mains,  selon  l'abondance  que 
vous  avez  reçue  de  lui  ;  vous  ferez  des  festins  de  réjouis- 
sance, vous  et  vos  enfants,  vos  serviteurs  et  servantes, 
le  lévite  qui  est  dans  l'enceinte  de  vos  murs,  l'étranger, 
l'orphelin  et  la  veuve  qui  demeurent  avec  vous.  »  Les  fêtes 
sabbatiques  sont  les  plus  importantes,  et  la  prescription  fon- 
damentale y  est  la  cessation  du  travail.  Mais  il  semble  établi 
que,  dès  une  antiquité  reculée,  les  Juifs  eurent  des  fêtes 
lunaires  et  des  fêtes  de  saisons.  Le  403e  psaume  dit  naï- 
vement :  «  Dieu  a  créé  la  lune  pour  marquer  les  jours 
d'assemblée.  »  Les  grandes  fêtes  sont  groupées  autour  des 
deux  équinoxes  de  printemps  et  d'automne,  aux  mois  de 
Tisri  et  de  Nissan.  Toues  les  fêtes  juives  commencent  à  six 
heures  du  soir  et  durent  jusqu'au  lendemain  à  la  même 
heure,  une  nuit,  puis  un  jour.  De  ces  fêtes,  deux  avaient 
un  caractère  expiatoire,  celles  du  nouvel  an  et  de  la  récon- 
ciliation des  expiations  ;  les  autres,  bien  que  la  plupart 
fussent  originairement  des  fêtes  naturelles,  avaient  été 
associées  à  la  commémoration  de  grands  événements  légen- 
daires ou  historiques.  Les  cinq  fêtes  prescrites  par  le  Pen- 
tateuque et  observées  toujours  par  les  juifs  actuels  sont  : 
Pécah,  le  44  Nissan  (Pâques),  fête  du  Printemps  et  de 
la  sortie  d'Egypte,  suivie  de  la  fête  du  Pain  sans  levain.  — 
Sabuot ,  le  6  et  7  Sivan  (Pentecôte) ,  au  bout  de  sept 
semaines,  fête  de  la  Récolte  ou  des  Prémices,  à  laquelle  on 
offrait  au  temple  les  prémices  de  la  récolte  ;  elle  commé- 
more en  même  temps  l'octroi  de  la  Loi  sur  le  mont  Sinaï. 
—  Rosch-haschana,  les  1er  et  2  Tisri,  fête  du  nouvel 
an,  consacré  au  souvenir  du  passé,  jour  de  l'examen  de 
conscience  (Jom  haddîn)  et  fête  des  Trompettes  (Jom  te- 
roua) ,  dont  le  son  doit  avertir  les  fidèles  et  les  faire  ren- 
trer en  eux-mêmes.  —  Jom  hakkipoarim ,  jour  des 
expiations,  le  40  Tisri,  jour   de  jeûne  et  d'abstinence 
religieuse  qui  est  relié  à  la  fête  du  nouvel  an  par  huit 
jours  de  jeûne  et   d'expiations.   —  Succot ,  du  45  au 
23  Tisri,  fête  des  Tabernacles  ou  de  la  Moisson*,  qui  est 
en  même  temps  consacrée  à  remercier  Dieu  de  la  protec- 
tion accordée  aux  Israélites  durant  leur  séjour  dans  le 
désert.  —  Il  faut  ajouter  deux  fêtes  d'institution  plus  ré- 
cente qui  se  rapportent  à  des  événements  historiques  ou 
supposés  tels   :    la  fête  des  Lumières  (Hanucca),  le 
25  Kislev,  qui  se  prolonge  pendant  huit  jours  et  rappelle 
la  victoire  des  Macchabées  sur  les  Syriens  et  la  nouvelle 
consécration  du  temple  accomplie  alors  (464  av.  J.-C);  la 
fête  des  Sorts  ou  Purim,  le  44  Adar,  qui  célèbre  le  salut 
des  juifs  échappant,  grâce  à  Esther,  à  la  destruction  pro- 
jetée par  Aman.  Sur  ces  fêtes,  on  trouvera  d'ailleurs  des 
détails  dans  les  articles  spéciaux.  Les  juifs  fêtent  encore 
trois  nouvelles  lunes;  le  9  Ab  est  pour  eux  un  jour  de 
deuil  où ,  par  un  jeûne,  ils  déplorent  l'anniversaire  de  la 
ruine  de  Jérusalem. 

Fêtes  musulmanes.  —  Le  jour  sacré  est  le  vendredi, 
jour  d'assemblée  (El  Goumah),  mais  il  n'est  pas  d'usage 


de  chômer,  sauf  pendant  la  prière.  Les  deux  grandes  fêtes 
sont  Id-el-Kebir  ou  el-Kourban  (grande  fête)  et  Id-es-Saghir 
(petite  fête);  la  première  a  lieu  le  40e  jour  du  dernier 
mois  de  l'année  (Zu-1-Heggeh)  et  dure  trois  ou  quatre 
jours  ;  la  seconde,  plus  joyeuse,  a  lieu  aussitôt  après  la 
clôture  du  Ramadan  et  dure  trois  jours.  On  fête  encore  les 
dix  premiers  jours  de  l'année  (mois  deMoharram),  surtout 
le  dixième  (Yom  Achoura),  l'anniversaire  de  la  naissance 
du  Prophète  (4er  jour  du  3e  mois),  de  son  ascension  au 
ciel  (7e  mois). 

Fêtes  grecques.  —  Les  Grecs  avaient  un  grand  nombre 
de  fêtes,  tant  générales  que  locales  ;  le  nombre  s'en  accrut 
successivement  depuis  l'époque  homérique  jusqu'à  l'époque 
romaine,  à  tel  point  que,  dans  certaines  cités  telles  que 
Tarente,  le-  nombre  des  jours  fériés  excédait  celui  des  jours 
de  [ravail.  Sur  les  temps  homériques  nous  sommes  peu 
renseignés  ;  il  est  question  dans  Y  Odyssée  de  la  fête  men- 
suelle de  la  nouvelle  lune  ;  dans  Y  Iliade,  de  celle  de  la  mois- 
son ;  les  Travaux  et  les  Jours  d'Hésiode  et  les  hymnes 
dits  homériques  nous  fournissent  de  précieux  renseigne- 
ments. D'autre  part,  Ylliade  parle  d'une  fête  annuelle  en 
l'honneur  d'Erechtée  qui  avait  lieu  en  Attique.  Non  moins 
que  les  fêtes  naturelles  se  développèrent  les  fêtes  des  dieux 
et  des  demi-dieux,  les  commémorations  de  grands  événe- 
ments historiques  ou  légendaires.  Chaque  ville,  chaque 
dême  avait  ses  fêtes  locales  (sopxat  §y]{jLoxtxa^),  parfois  splen- 
dides,  ses  usages  propres  ;  nous  pourrions  dresser  la  liste 
d'un  millier  de  fêtes  grecques  et  encore  cette  liste  serait- 
elle  forcément  très  incomplète.  Nous  ne  la  donnons  pas,  car 
c'est  au  nom  de  chaque  divinité  qu'on  trouvera  l'indication 
des  fêtes  rattachées  à  son  culte.  Les  événements  de  la  vie 
domestique  donnaient  également  lieu  à  des  fêtes  privées 
(lopTat),  qui  s'ajoutaient  aux  fêtes  publiques.  Pour  celles- 
ci  nous  donnerons  simplement  un  bref  aperçu  de  celles  du 
calendrier  athénien  le  mieux  connu.  Il  comportait  cinquante 
à  soixante  jours  où  toute  la  vie  publique  chômait  ;  chaque 
mois  avait  sa  part  dans  ces  fêtes  sacrées  (îspojxrjvtai).  Ce- 
lui de  Gamélion  (janvier),  les  Lénées,  fête  de  la  vendange 
en  l'honneur  de  Dionysos  ;  celui  d'Anthestérion,les  An- 
thesteria  en  l'honneur  de  Dionysos  ;  elles  duraient  trois 
jours;  les  Diasia,  en  l'honneur  de  Zeus,  et  les  Petites 
Eleusinies  ;  celui  d'Elaphébolion,  les  Pandia,  fête  de  Zeus, 
les  Elaphebolia,  fête  d'Artémis,  et  les  Grandes  diony- 
sies  ;  celui  de  Munychion,  les  Munychia,  fête  lunaire  en 
l'honneur  d'Artémis,  les  Delphinia,  en  l'honneur  d'Apol- 
lon ;  celui  de  Thargélion,  les  Thargelia,  consacrées  à 
Apollon,  les  Plynteria  et  les  Callynteria  à  Athéné;  celui 
de  Skirophorion,  les  Diipolia,  fête  de  Zeus,  et  les  Skiro- 
phoria,  fête  d' Athéné  ;  celui  d'Hékatombaion,  les  héca- 
tombes offertes  à  Apollon,  les  Kronia,  fête  de  Kronos,  et 
les  Panathénées,  fête  d' Athéné  ;  celui  de  Métageitnion,  les 
Metageitnia,  en  l'honneur  d'Apollon  ;  celui  de  Boédro- 
mion,  les  Boedromia,  en  l'honneur  d'Apollon,  les  Neme- 
seia  ou  Nekusia,  fêtes  des  morts,  et  les  Grandes  Eleusi- 
nies ;  celui  de  Pyanepsion,  les  Pyanepsia,  fête  d'Apollon, 
les  Oschophoria,  consacrées  probablement  à  Dionysos,  les 
Chaikeia,  à  Athéné,  les  Thesmophories,  à  Déméter  et  les 
Apaturies;  celui  deMaimaktérion,  les  Maimaktéries,  fête 
de  Zeus  ;  celui  de  Poséidon  (décembre),  les  dernières  Dio- 
nysies.  A  la  liste  des  fêtes  nationales,  il  convient  d'ajouter 
les  grandes  fêtes  religieuses  internationales,  ou  panégy- 
ries  (rcavYiytfpsiç),  marquées  par  les  jeux  Olympiens, 
Pythiens,  Néméens  et  Isthmiques  (V.  ces  mots  et  Jeu). 
C'étaient  des  solennités  d'une  extrême  importance  dans  la 
vie  hellénique.  D'une  manière  générale,  les  fêtes  domes- 
tiques n'ont  que  peu  ou  pas  le  caractère  religieux  ;  les  fêtes 
publiques  l'ont  très  accusé.  Ce  fait,  comme  bien  d'autres, 
contredit  directement  les  théories  développées  parFustelde 
Coulanges.  Dans  les  fêtes  publiques  on  offre  des  sacrifices, 
suivis  de  banquets  ;  on  organise  des  processions,  accompa- 
gnées de  chants,  de  musique,  de  danses.  On  sait  que  l'idée 
de  représenter  les  faits  de  la  légende  religieuse  qui  étaient 
liés  à  la  fête  qu'on  célébrait  a  conduit  à  l'organisation  des 


-  347  - 


FÊTE 


représentations  scéirïques  et  fut  l'origine  du  théâtre.  Ce 
sont  principalement  les  fêtes  des  divinités  chtoniennes  Dio- 
nysos (Bacchus)  et  Déméter,  qui  donnent  lieu  à  ces  repré- 
sentations théâtrales.  Observons  d'ailleurs  que  l'invention 
n'en  revient  pas  aux  Athéniens,  mais  bien  aux  Egyptiens 
qui  fêtaient  ainsi  Osiris,  ïsis,  etc.  Les  spectacles  scéniques 
devinrent  une  partie  essentielle  des  fêtes  grecques  et  leur 
constituèrent  une  originalité.  Ils  déployaient  une  pompe  en- 
core plus  grande  dans  les  processions  où  souvent  l'on  pro- 
menait l'image  du  dieu.  Les  fêtes  enthousiastes  à  la  manière 
des  Orientaux,  particulièrement  des  Phrygiens,  étaient  assez 
nombreuses  dans  le  culte  des  dieux  chtoniens;  toutefois, 
elles  se  maintenaient  dans  des  limites  plus  décentes.  La 
mythologie  des  Grecs  est  bien  plus  élégante  et  modérée  que 
celles  des  Phrygiens  ou  des  Syriens,  et  la  majorité  des  mythes 
pouvaient  en  être  figurés  sans  indécence.  On  ne  saurait 
s'exagérer  la  place  que  tinrent  les  fêtes  clans  la  vie  des  po- 
pulations grecques.  Elles  développèrent  leur  sociabilité,  leur 
esthétique,  le  goût  des  exercices  athlétiques  et  des  beautés 
artistiques.  Il  ne  faut  pas  oublier  que,  grâce  à  l'esclavage 
ou  au  servage,  les  citoyens  avaient  beaucoup  de  loisirs  ; 
les  fêtes  les  occupaient  autant  que  la  politique,  la  guerre  ou 
leurs  affaires. 

Fêtes  romaines.  —  Les  Romains  ont  déployé,  dans 
l'organisation  de  leurs  fêtes,  leur  esprit  précis  et  forma- 
liste, qui  contraste  profondément  avec  la  libre  initiative  et 
la  variété  de  l'esprit  hellénique.  Leur  premier  soin  est  de 
classer  les  jours  selon  leur  qualification.  Nous  en  avons 
déjà  dit  quelque  chose  dans  les  art.  Calendrier  et  Fastes. 
Ils  distinguent  en  premier  lieu  les  jours  de  fête  (festi)  des 
jours  où  l'on  peut  vaquer  à  ses  affaires  (pro festi),  classant 
à  part  ceux  qui  sont  à  demi  fériés  (endotercisi) .  Le  jour 
de  fête  est  caractérisé  par  le  chômage  des  affaires  publiques, 
spécialement  de  la  justice,  le  repos  accordé  aux  non-libres 
et  imposé  aux  libres,  les  prêtres  ne  devant  même  pas  voir 
un  homme  travailler;  de  plus,  en  ces  jours,  avaient  lieu  des 
sacrifices,  des  banquets.  En  somme,  les  cérémonies  reli- 
gieuses et  le  chômage  sont  les  deux  traits  typiques.  On 
distingue  les  fêtes  en  plusieurs  groupes  :  feriœ  stativœ, 
fêtes  fixes,  revenant  chaque  année  à  la  même  date  ;  feriœ 
undictivœ,  fêtes  mobiles,  parmi  lesquelles  les  unes  sont 
conceptivœ  ordinaires  et  prévues  ou  elles  ont  lieu  tous 
les  ans  ;  les  mtres,imperativœ,  extraordinaires.  De  plus, 
à  côté  des  fêtes  publiques  (feriœ  publicœ) ,  on  reconnais- 
sait les  fêtes  privées  des  classes  (feriœ  gentium),  des 
familles  (familiarum)  ou  des  individus  (feriœ  singulo- 
mm).  Les  fériés  statives,  qui  formaient  la  base  du  calen- 
drier, étaient  au  nombre  de  quarante-cinq  et  c'étaient  les 
plus  anciennes,  remontant  en  principe  au  roi  Numa.  La 
plupart  comportaient  la  participation  du  peuple  entier, 
rentrant  dans  la  catégorie  des  sacra  popularia.  Les  fériés 
indictives  régulières  sont  annuelles  ;  plusieurs  se  sont 
d'ailleurs  fixées  à  une  date  précise,  d'autres  sont  restées 
mobiles,  suivant  le  cours  des  saisons  (Sementivœ,  Paga- 
nalia,  Compitalia,  Feries  latines).  Les  jeux  publics 
étaient,  en  principe,  des  fériés  extraordinaires  résultant 
de  vœux  ;  mais  ces  fêtes  devinrent  annuelles  et  fixes  ;  elles 
se  multiplièrent  ;  à  la  mort  de  César  il  y  avait  65  jours  de 
fêtes  réservés  aux  jeux  ;  au  ive  siècle  ap.  J.-C.  on  en  comp- 
tait 175,  sans  préjudice  des  autres  fêtes.  Ainsi,  au  temps 
d'Auguste,  sur  les  65  jours  de  fête  et  48  jours  de  réjouis- 
sance publique  (marqués  NP  au  calendrier),  il  n'y  en  avait 
guère  qu'une  douzaine  qui  coïncidaient.  Ajoutez  une  soixan- 
taine d'autres  jours  néfastes  et  vous  voyez  combien  il 
restait  peu  de  jours  non  fériés,  c.-à-d.  de  travail.  Nous 
allons  passer  rapidement  la  revue  des  fêtes  romaines. 
Commençons  par  les  fêtes  domestiques.  Les  divinités  de  la 
maison  ont  leurs  fêtes  mensuelles  aux  Kalendes,  aux  Nones 
et  aux  Ides  de  chaque  mois  (le  1er,  le  5  et  le  13)  et  des 
fêtes  annuelles,  anniversaires  joyeux  ou  douloureux  de  la 
famille.  On  appelle  feriœ  devicales  les  cérémonies  expia- 
toires par  lesquelles  une  famille  se  purifie  après  un  décès 
(V.  Funérailles).  Plusieurs  fêtes  sont  célébrées  simulta- 


nément par  toutes  les  familles  ;  celles  qui  sont  relatives  au 
culte  des  morts  :  les  jours  des  Morts  (dies  parentales) 
du  13  au  21  févr.,  conclus  par  la  fête  des  Morts  (Fer alla); 
le  lendemain,  banquet  familial  (fête  des  Caristia)  ;  au  mois 
de  mai  (9,  11  et  13),  fête  des  Retenants,  Lemuria  (V.  ce 
mot).  Ces  fêtes  sont  inscrites  au  calendrier;  d'autres  sont 
communes  au  culte  privé'  et  au  culte  public,  Matronalia 
(1er  mars),  fête  de  Junon  Lucine  ;  Saturnales  (17  déc), 
fête  de  Saturne,  dieu  des  pères  et  mères  de  famille  ;  fête 
des  Esclaves  (servorum  dies,  le  13  août),  en  l'honneur 
de  Diane  et  de  Servius  Tullius.  Les  fêtes  dites  populaires 
empiètent  sur  le  culte  privé,  imposant  aux  particuliers  des 
actes  religieux  ;  plusieurs  ont  cessé  d'être  célébrées  par  le 
peuple  entier  :  le  Septimontium,  fête  de  la  vieille  Rome 
primitive,  dont  ne  s'occupa  plus  qu'une  confrérie  ;  les  For- 
nacalia  de  février,  marquées  par  un  banquet  où  l'on  man- 
geait une  bouillie  en  l'honneur  de  Fornax,  et  les  Hordi- 
cidia  ou  Fordicidia  (15  avr.),  où  l'on  sacrifiait  des  vaches 
pleines,  n'étaient  célébrées  que  par  les  patriciens  et  leurs 
clients.  D'autres  fêtes  étaient  célébrées  seulement  par  des 
confréries,  par  exemple  celles  des  Lares  rustiques  (Lara- 
lia)  et  de  carrefour  (Compilalia).  D'autres  étaient  parti- 
culières à  certaines  catégories  :  aux  femmes  enceintes  et 
mères  de  famille,  Carmentalia  (11  et  15  juin),  Matro- 
nalia (1er  mars),  Matralia  (11  juin)  ;  aux  femmes  ma- 
riées et  aux  esclaves,  fête  de  Diane  sur  l'Aventin  (13  août) 
et  à  Nemi  ;  fêtes  corporatives  des  gens  du  port  (Po'rtuna- 
lia  ou  Tiberinalia,  15  août),  des  pêcheurs  du  Tibre  (ludi 
piscatorii),  des  marins  (Neptunalia,  23  juil.),  des  hydrau- 
liciens  (Juturnalia,  11  janv.),  des  foulons,  des  médecins, 
des  professeurs,  etc.  (Quinquatrus,  19  mars).  D'autres 
fêtes,  tombées  en  désuétude  et  dont  la  raison  d'être  était 
oubliée,  ne  se  conservaient  guère  qu  a  titre  officiel  :  le 
Lucuria  (19-21  juil.)  dans  un  bois  de  la  rive  droite  du 
Tibre,  les  Furrinalia  (25  juil.),  enfin  les  Volcanalia, 
fête  expiatoire  célébrée  le  23  août.  —  Les  grandes  fêtes 
populaires,  lesquelles  constituaient  le  fond  de  la  religion 
populaire  des  Romains,  étaient  des  fêtes  agricoles.  Les 
feriœ  sementinœ  étaient  des  fêtes  des  semailles,  qui 
avaient  lieu  en  décembre  ou  janvier.  On  les  identifie  aux 
Paganicœ  ou  Paganalia,  peut-être  à  tort  ;  celles-ci  seraient 
peut-être  des  fêtes  locales  annuelles  des  cantons  agricoles. 
Au  printemps,  la  fête  de  Cérès  (Cerealia,  19  avr.),  suivie 
de  celle  de  Pales  (Palilia,  21  avr.),  fête  du  Palatin,  deve- 
nue celle  de  l'anniversaire  de  la  fondation  de  Rome  ;  la 
fête  du  premier  vin  (Vinalia  prima,  23  avr.)  ;  celle  des 
Robigalia  (25  avr.),  destinée  à  préserver  les  blés  de  la 
maladie  de  la  rouille  ;  puis  les  fêtes  de  Flore  (Floralia,  du 
28  avr.  au  3  mai).  Cette  dernière  des  grandes  fêtes  du 
printemps  était  fort  licencieuse.  Venaient  ensuite  les  Am- 
bamalia,  qui  coïncidaient  au  29  mai  avec  la  fête  de  Dca- 
dia  ;  avant  la  moisson,  la  fête  expiatoire  marquée  par  le 
sacrifice  de  la  porca  prœcidanea  ;  plus  tard,  à  la  fin  de 
l'été,  les  fêtes  d'inauguration  des  vendanges  (Vinalia  rus- 
lica,  19  août)  et  de  la  fin  de  la  moisson  (Consualia, 
21  août)  ;  celle-ci  était  une  grande  réjouissance  ;  même  les 
animaux  domestiqnes  y  étaient  associés  ;  on  les  couronnait 
de  fleurs  ;  celle  de  la  dégustation  du  vin  nouveau  (Medi- 
trinalia,  11  oct.)  ;  au  début  de  l'hiver,  à  la  fin  des  se- 
mailles, les  fêtes  des  dieux  de  la  fécondité:  Faunalia, 
(5  déc),  Consualia  (15  déc),  Saturnalia  (17-21  déc), 
enfin,  au  terme  de  l'année,  en  février,  avait  lieu  la  fête  du 
dieu  Terme,  garant  de  la  propriété  (Terminalia).  Vers  le 
même  moment,  on  procédait  à  des  purifications  par  les 
cérémonies  des  Luper cales  pour  la  cité  du  Palatin,  des 
Quirinalia  pour  celle  du  Quirinus  (ou  les  curies).  «  La 
dernière  cérémonie  de  l'année,  écrit  M.  Bouché-Leclercq, 
était  le  Regifugium,  sorte  de  drame  symbolique  dans 
lequel  le  chef  de  l'Etat,  assisté  des  Saliens,  se  chargeait, 
pour  ainsi  dire,  des  péchés  de  toute  la  communauté,  et 
prenait  tout  à  coup  la  fuite,  pour  revenir  ensuite  purifié 
de  toute  souillure.  »  Les  purifications  étaient  répétées  en 
mars,  au  commencement  de  la  nouvelle  année,  et  coïnci- 


FÊTE 


-  348  - 


daient  avec  des  fêtes  guerrières,  Quinquatrus  du  19  mars, 
Tubilustrium,  23  mars  (purification  des  trompettes),  puis 
le  lendemain,  grande  revue  (Q.  R.  C.  F.,  quando  rex  co- 
mitiavit  fas).  Nous  complétons  ce  résumé  par  un  tableau 
de  la  date  des  principales  fêtes  romaines  ;  on  trouvera, 
lorsqu'il  y  a  lieu,  des  détails  dans  les  articles  spéciaux.  Le 
1er  janv.  était  une  sorte  de  fête  en  l'honneur  de  Janus, 
Strena,  Esculape,  etc.  ;  les  clients  envoyaient  des  présents 
à  leurs  patrons,  les  esclaves  et  affranchis  à  leurs  maîtres, 
les  amis  les  uns  aux  autres.  Cet  usage  s'est  perpétué  jus- 
qu'à notre  époque. 

7  janv.    Fête  de  Janus  (jeux). 
9    —      Àgonalia. 

41     —      Carmentalia. 

13    —      Fête  de  Jupiter  Stator  (jeux). 

15    —      Carmentalia. 
21-23    —      Ludi  Palatini. 

5  févr.    Fête  de  la  Concorde. 
13-21     —      Jour  des  Morts  (clies  parentales). 

13    —      Fête  de  Jupiter  et  Faunus. 

15    — ■      Lupercales. 

47     —      Quirinalia. 

21     —      Feralia. 

23     —      Terminalia. 

25    —      Regifugium. 

27  —      Equirrîa. 
1er  mars.  Matronalia. 

44  —      Equirrîa. 

45  —      Fête  de  Jupiter  et  Anna  Perenna. 
47    —      Liberalia  (Agonia). 

49     —       Quinquatrus. 

23  —      Tubilustrium. 

5-40   avr.     Ludi  Megalenses  (Cybèle). 
42-49    —      Ludi  Ceriales. 
45     —      Fordicidia. 
49    —      Cerialia. 

24  —      Palilia. 

23  —      Vinalia. 

25  —      Robigalia. 
28-30    —      Ludi  Florales. 

28  —      Fête  de  Vesta  (in  Palatio). 
4-3  mai.     Ludi  Florales. 

1     —      Fête  des  Lares. 
9-44     —      Lemuria. 
12    —      Fête  de  Mars  Ultor  (Ludi  Martiales). 

43  —      Lemuria. 

45     —      Fête  des  Argei,  de  Mercure,  de  Maia. 

24  —      Agonalia. 

23     —      Tubilustrium. 
5  juin.     Fête  de  Dius  Fidius. 
7    —      Ludi  piscatorii. 
9     —      Vestalia. 

44  —      Matralia. 

43    —      Quinquatrus  minuscule  (fête  de  Jup.  Invict.) 
6-43  juil.     Ludi  Apollinares. 
49-24     —      Lucaria. 

23  —      Neptunalia. 

25  -—      Furrinalia. 

43  août.    Nemoralia  ;  fête  de  Diane,  Jupiter,  Vor- 

tumnus,  Castor  et  Pollux. 
47     —      Portunalia. 
49    —      Yinalia. 

24  —      Consualia. 
23     —      Voicanalia. 

25  —      Opiconsiva. 
27     —      Yolturnalia. 

4-49  sept.     Ludi  Romani. 

43     —      Epulum  Jovis. 

41    oct.     Meditrinalia. 

43    —      Fontinalia. 

49     —      Armilustrium. 
4-47    nov.     Ludi  plebeii. 

43    —      Epulum  Jovis. 


5   déc.     Faunalia. 

44  — -      Agonalia  (du  Septimontium). 

45  —  Consualia. 
47  —  Saturnalia. 
49    —      Opalia. 

24     —      Divalia  (Angeronalia). 

23  —  Larentalia. 
On  remarquera  que  les  fêtes  sont  placées  aux  jours  im- 
pairs et  de  préférence  dans  la  seconde  moitié  du  mois. 
Chaque  neuvième  jour  ou  nundine  (V.  ce  mot)  était  férié  ; 
mais  comme  la  date  des  nundines  changeait  avec  Tannée 
(le  nombre  de  jours  de  celle-ci  n'étant  pas  un  multiple  de 
huit)  on  ne  peut  les  indiquer  sur  un  calendrier.  Une  mention 
spéciale  est  due  aux  fériés  latines,  fête  officielle  de  la 
confédération  latine,  célébrée  annuellement  sur  le  mont 
Albain  en  l'honneur  de  Jupiter  Latiaris  ;  les  magistrats 
suprêmes  et  tout  le  Sénat  y  assistaient  ;  la  date  était  fixée 
par  les  consuls  qui  ne  pouvaient  entrer  en  campagne  avant 
de  s'en  être  acquittés  ;  à  leur  défaut  on  la  faisait  tenir  par 
un  dictateur.  Après  le  sacrifice  d'un  taureau  blanc  avaient 
lieu  des  jeux,  quelques-uns  répondant  à  un  symbolisme 
mythologique,  comme  celui  de  la  balançoire.  Il  n'y  a  rien 
à  dire  des  fêtes  extraordinaires  ordonnées  par  le  Sénat  ou 
par  un  magistrat  pour  commémorer  un  événement  consi- 
dérable ou  apaiser  le  courroux  divin,  par  exemple,  après 
la  chute  d'un  aérolithe;  les  jeux  voués,  c.-à-d.  promis  à 
un  dieu  dans  des  circonstances  diverses,  péril,  action  de 
grâces  ;  les  jeux  funèbres  offerts  parfois  par  des  particu- 
liers pouvaient  donner  lieu  à  de  grandes  fêtes.  Plus  consi- 
dérables furent  celles  des  jeux  séculaires  (V.  ce  mot), 
empruntés  par  les  Romains  aux  Etrusques.  Nous  avons 
insisté  sur  les  fêtes  romaines,  parce  qu'elles  ont  tenu  dans 
la  vie  publique  et  privée  une  place  importante.  Mais  il  ne 
faut  pas  se  figurer  qu'elles  fussent  d'un  caractère  très  gé- 
néral. C'étaient  les  fêtes  d'une  ville,  rien  de  plus  ;  non 
seulement  elles  ne  lui  sont  pas  communes  avec  les  autres 
peuples  de  l'Italie,  elles  ne  le  sont  même  pas  avec  les  autres 
cités  du  Latium.  Quant  au  caractère  des  fêtes  italiennes 
et  romaines  en  particulier,  il  était  plus  brutal  que  celui 
des  fêtes  grecques;  on  peut  s'en  faire  une  idée  par  ce  que 
nous  savons  des  Lupercales.  Elles  se  transformèrent  sous 
l'influence  des  Grecs  ;  les  danses  se  régularisèrent,  les  cris 
se  rythmèrent  ;  la  mimique  prit  la  forme  dramatique  ;  ce- 
pendant plusieurs  de  ces  fêtes,  notamment  celle  des  Satur- 
nales, gardèrent  jquelque  chose  de  leur  barbarie  primitive. 
Au  temps  de  l'Empire  les  fêtes  grecques  et  celles  des  reli- 
gions orientales  s'introduisirent  en  Italie  où  elles  eurent 
une  grande  vogue.  On  voit  alors,  par  l'influence  de  ces  re- 
ligions qui  se  substituent  aux  vieux  cultes  nationaux,  les 
mêmes  fêtes  s'établir  d'un  bout  à  l'autre  de  la  Méditerra- 
née. Celles  de  la  religion  impériale  sont  fêtées  dans  tout 
l'empire  romain;  par  exemple,  les  anniversaires  de  la  nais- 
sance des  empereurs,  spécialement  d'Auguste  (23  sept., 
deux  jours  de  fête).  Nous  sommes  loin  du  particularisme 
des  cités  grecques  et  italiennes.  Le  christianisme  va  béné- 
ficier de  ce  nivellement  et  le  compléter. 

Fêtes  chrétiennes.  —  A  l'origine,  les  chrétiens  obser- 
vaient simplement  les  fêtes  juives  ;  ainsi  firent  Jésus-Christ 
et  ses  disciples.  Mais  de  bonne  heure  ils  célébrèrent  le  pre- 
mier jour  de  la  semaine,  le  dimanche  (V.  ce  mot),  en 
l'honneur  de  la  résurrection  du  Christ;  à  cette  date,  nous 
apprend  l'Apologie  de  Justin  Martyr,  ils  s'assemblaient.  Ils 
continuèrent  d'abord  de  chômer  le  sabbat,  surtout  dans 
l'Est  où  l'élément  juif  était  considérable.  Les  constitutions 
apostoliques  mentionnent  les  deux  jours  comme  dates  d'as- 
semblée de  l'Eglise,  et  de  chômage  pour  les  esclaves,  tout 
en  supprimant  le  jeûne  du  sabbat.  Le  46e  canon  du  concile 
de  Laodicée  confirme  l'observance  religieuse  du  samedi  ; 
mais  ailleurs,  en  Occident  surtout,  on  y  résiste;  le  concile 
d'Illiberis  marque  bien  la  différence,  bien  qu'au  temps  de 
saint  Ambroise  le  samedi  fût  encore  une  fête  ;  on  tend  à 
lui  retirer  ce  caractère,  à  en  faire  simplement  un  jour  de 
[  jeûne.  D'autres  fêtes  s'introduisirent  peu  à  peu  à  côté  de 


—  349 — 


FÊTE 


la  fête  hebdomadaire  ;  elles  ne  furent  pas,  semble-t-il,  ins- 
tituées d'emblée  comme  fêtes  spéciales  des  chrétiens,  mais 
cela  revint  au  même.  Dans  le  courant  du  11e  siècle  s'établit 
partout  T observance  des  anniversaires  de  la  mort  et  de  la 
résurrection   du  Christ  (rcac^/a  araupoSat^ov  et   7uaa^a 
àvacrcàcsifxov)  (V.  Pâques,  Vendredi  saint) ;  la  fête  delà 
Résurrection  coïncidait  avec  la  Pâque  juive  ;  de  même  on 
conservait  la  Pentecôte  ;  ce  sont  les  fêtes  indiquées  par 
Origène  qui  comprend  sous  le  nom  de  Pentecôte  toute  la 
période  des  cinquante  jours  après  Pâques.  Puis  s'établirent 
les  fêtes  de  l'Epiphanie,  des  Innocents  et  de  la  Nativité  ; 
elles  n'étaient  pas  encore  universelles  au  temps  de  Clément 
d'Alexandrie.  Chaque  Eglise  commémorait  ses  martyrs  et 
au  temps  de  saint  Cyprien,  on  voyait  des  fêtes  particulières 
célébrées  par  des  individus  en  mémoire  de  leurs  amis.  Au 
ive  siècle  apparaît  la  fête  de  l'Ascension  ;  saint  Augustin, 
muet  sur  celles  de  la  Nativité  et  du  Baptême,  cite  parmi 
les  anniversaires  fêtés  par  l'Eglise  entière  ceux  de  la  Pas- 
sion, de  la  Résurrection,  de  l'Ascension.  A  cette  époque 
encore  le  christianisme  laissait  une  réelle  liberté  à  ses 
fidèles  en  matière  de  fêtes  religieuses,  contrastant  avec  les 
minutieuses  règles  imposées  par  le  judaïsme.  Une  régle- 
mentation fut  rendue  nécessaire  par  les  innovations  des 
hérétiques  et  la  tendance  des  païens  convertis  en  masse  au 
ive  siècle  à  continuer  la  célébration  de  leurs  anciennes  fêtes. 
On  chercha  à  absorber  celles-ci,  à  les  combiner  avec  celles 
du  christianisme  en  les  faisant  coïncider  dans  le  calendrier. 
Constantin  donna  un  caractère  officiel  au  dimanche  qui  de- 
vint jour  néfaste  ;  Théodose  étendit  l'interdiction  à  tout 
spectacle  public  en  ce  jour.  Théodose  II  y  assimila  l'Epi- 
phanie, les  anniversaires  des  martyrs  (fêtes  de  saint  Etienne, 
de  saint  Pierre  et  saint  Paul,  des  Macchabées).  Au  début 
du  vie  siècle,  le  concile  d'Agde  indique  comme  fêtes  prin- 
cipales oîi  la  présence  à  l'église  est  obligatoire,  Pâques, 
Noël,  l'Epiphanie,  l'Ascension,  la  Pentecôte,  la  Nativité  de 
saint  Jean-Baptiste.  Dans  les  siècles  suivants  furent  ajou- 
tées celles  de  l'Annonciation,  de  la  Purification  et  de  l'As- 
somption de  la  Vierge,  de  la  Circoncision,  de  saint  Michel, 
de  tous  les  Saints.  On  forma  les  trois  grands  cycles  de 
YAvent,  de  Pâques  et  de  la  Pentecôte  (V.  ces  mots  et 
Année  ecclésiastique).  Le  caractère  de  ces  fêtes  chrétiennes 
différait  grandement  des  fêtes  anciennes  ;  elles  étaient  tout 
à  fait  religieuses  ;  non  seulement  la  vie  publique  était  sus- 
pendue, mais  tout  jeu  ou  amusement  qui  pût  détourner  de 
la  dévotion  était  interdit  ;  on  allait  à  l'église,  paré  de  ses  plus 
beaux  habits  ;  on  se  réunissait  en  banquets  fraternels  ;  il 
était  strictement  interdit  de  jeûner.  On  trouvera  ci-après 
des  détails  techniques  sur  les  fêtes  catholiques  (V .  le  §  Li- 
turgie), 

Nous  ajouterons  quelques  indications  sur  celles  des  autres 
communautés  chrétiennes.  L'Eglise  grecque  a  plus  de  fêles 
que  l'Eglise  latine,  spécialement  de  fêtes  des  saints.  Au  der- 
nier dimanche  de  l'Avent,  elle  commémore  tous  les  saints 
de  l'ancienne  loi;  à  d'autres  jours,  Adam,  Eve,  Elie, 
Isaïe,  etc.  Le  rituel  est  analogue  à  celui  des  catholiques. 
—  L'Eglise  copte  a  sept  grandes  fêtes  :  Noël,  l'Epiphanie, 
l'Annonciation,  les  Rameaux,  Pâques,  l'Ascension,  la  Pen- 
tecôte; elle  observe  comme  fêtes  moindres  le  Jeudi  saint, 
le  Samedi  saint,  la  fête  des  Apôtres  (11  juil.)  et  celle  de  la 
découverte  ou  Invention  de  la  Croix.  —  L'Eglise  anglicane 
a  conservé  plusieurs  fêtes,  outre  le  dimanche  :  la  Circon- 
cision, l'Epiphanie,  la  Conversion  de  saint  Paul,  la  Puri- 
fication de  la  Vierge,  saint  Matthieu  (l'apôtre),  l'Annoncia- 
tion ;  le  lundi  et  le  mardi  de  Pâcnies,  saint  Marc,  saint 
Philippe  et  saint  Jacques,  l'Ascension,  le  lundi  et  le  mardi 
de  la  Pentecôte,  saint  Barnabe,  la  Nativité  de  saint  Jean- 
Baptiste,  saint  Pierre,  saint  Jacques,  saint  Barthélémy, 
saint  Mathieu,  saint  Michel  et  tous  les  anges,  saint  Luc, 
saint  Simon  et  saint  Jude,  Toussaint,  saint  Jean  FEvangé- 
liste,  les  Saints  Innocents.  Le  13e  canon  enjoint  à  tous  les 
fidèles  de  célébrer  ces  fêtes  en  écoutant  la  parole  divine, 
s'amendant  de  ses  péchés,  se  réconciliant  avec  ceux  qu'on 
a  offensés,  communiant,  visitant  les  pauvres  et  les  ma- 


lades, etc.  Les  presbytériens  ne  reconnaissent  d'autre  fête 
que  le  dimanche  ;  l'assemblée  de  Westminster,  dans  ses 
décisions  acceptées  par  l'Eglise  d'Ecosse  (en  1645),  s'est 
exprimée  très  catégoriquement  à  ce  sujet.  —  L'Eglise  évan- 
gélique  allemande  conserva  d'abord  la  plupart  des  fêtes  ca- 
tholiques ;  mais  les  réformés  furent  plus  radicaux  que  les 
luthériens.  Dès  1598,  dans  le  Brandebourg,  on  restreint 
le  nombre  des  fêtes  des  saints  et  de  la  Vierge.  En  1754,  la 
Prusse  ne  reconnaissait  plus,  avec  le  dimanche,  que  trois 
grandes  fêtes  (Noël,  Pâques,  Pentecôte),  de  trois  jours  cha- 
cune, les  Quatre  Temps,  le  jeudi  et  le  vendredi  saints,  l'As- 
cension et  le  nouvel  an.  Frédéric  II,  en  1773,  ne  laissa 
subsister  que  les  deux  premiers  jours  des  trois  grandes  fêtes, 
le  vendredi  saint  et  le  nouvel  an;  en  1789,  Frédéric-Guil- 
laume II  rétablit  l'Ascension.  Dans  les  pays  protestants 
d'Allemagne,  on  prit  au  xvnr3  siècle  des  mesures  analogues 
reportant  au  moins  les  petites  fêtes  (Vierge,  apôtres)  au 
dimanche  suivant  ;  cependant  l'Epiphanie  subsista  généra- 
lement. Quelques  nouvelles  fêtes  furent  créés,  celles  de  la 
Réformation  (31  octobre)  des  morts,  de  la  Bible,  des  Mis- 
sions, etc.,  sans  parler  des  fêtes  politiques  dont -nous  re- 
parlerons. L'Eglise  chrétienne  conserva  longtemps  l'usage 
des  juifs,  de  commencer  les  fêtes  au  soir  du  jour  précédent  ; 
mais,  à  partir  du  xne  siècle,  on  adopta  l'usage  astronomique 
de  compter  de  minuit  à  minuit.  Quelques  traces  de  l'ancien 
système  persistent  dans  l'habitude  d'annoncer  les  Vigiles,  le 
Carême.  Pour  les  détails,  V.  ci-après  le  §  Liturgie,  l'art.  An- 
née ecclésiastique  et  le  nom  des  principales  fêtes.  A. -M.  B . 
Liturgie.  —  Au  nom  de  chacune  des  fêtes  de  quelque 
importance  on  trouvera  des  indications  sur  son  origine 
et  sur  sa  célébration;  aux  mots  Année  ecclésiastique, 
Calendrier  ecclésiastique,  Avent,  Dimanche,  un  exposé 
sommaire  des  considérations  qui  ont  présidé  à  l'institution 
des  fêtes  chrétiennes.  Nous  mentionnons  ici  diverses  clas- 
sifications dont  elles  ont  été  l'objet  dans  l'Eglise  catho- 
lique. —    La  première  se  rapporte  à  des   dispositions 
liturgiques  ;  elle  divise  les  fêtes  en  simples,  demi-doubles 
et  doubles.  Les  doubles  se  subdivisent  en  doubles  ma- 
jeures, doubles  de  première  classe,  doubles  de  seconde 
classe.  Aux  vêpres  des  fêtes  doubles,  quelle  que  soit  leur 
classe,  on  double,  c.-à-d.  on  répète  l'antienne  de  chaque 
psaume,  le  récitant  une  fois  avant  le  psaume  et  une  fois 
après.  A  la  messe,  il  n'y  a  qu'une  oraison,  à  moins  qu'on 
ne  doive  faire  quelque  commémoration  (V.  ce  mot).  Aux 
fêtes  simples  et  aux  demi-doubles,  la  messe  a  toujours  trois 
oraisons,  et  on  ne  double  pas  les  antiennes  des  vêpres.  — 
Les  fêtes  doubles  de  première  classe  sont  :  Noël,  l'Epi- 
phanie, Pâques  avec  les  trois  jours  précédents  et  les  deux 
suivants,  l'Ascension,  la  Pentecôte  et  les  deux  jours  sui- 
vants, la  Fête-Dieu  (Corpus  Christi),  la  Nativité  de  saint 
Jean-Baptiste,  saint  Pierre  et  saint  Paul,  l'Assomption,  la 
Toussaint,  et  de  plus,  pour  chaque  église,  la  fête  de  son 
patron,  de  son  titre  ou  de  sa  dédicace.  Les  fêtes  doubles 
de  seconde  classe  sont  :  la  Circoncision,  la  fête  du  Sacré- 
Nom  de  Jésus,  de  la  Trinité,  du  Précieux  Sang  du  Christ,  de 
la  Purification,  de  l'Annonciation,  de  la  Visitation,  de  la  Nati- 
vité et  de  la  Conception  de  la  Vierge,  les  fêtes  des  Douzes 
Apôtres,  des  Evangélistes,  de  saint  Etienne,  des  Innocents, 
de  saint  Joseph,  de  saint  Michel.  Les  dimanches  majeurs  de 
première  classe  sont  :  le  premier  de  l'Avent  ;  le  premier  du 
Carême,  ceux  de  la  Passion,  des  Rameaux,  de  Pâques,  de 
la  Quasimodo  (dominica  in  albis),  de  la  Pentecôte  et  de 
la  Trinité  ;  les  dimanches  majeurs  de  seconde  classe  sont  :  le 
second,  le  troisième  et  le  quatrième  de  l'Avent,  Septuagésime, 
Sexagésime,  Quinquagésime,  le  second,  le  troisième  et  le 
quatrième  du  Carême.  Les  fêtes  fixes  se  célèbrent  toujours  au 
même  quantième  du  même  mois.  Les  fêtes  mobiles  varient  de 
quantième. La  plus  grande  est  celle  de  Pâques;  un  grand 
nombre  se  règlent  sur  elle,  soit  pour  la  précéder,  soit  pour  la 
suivre.  Avant  Pâques,  la  Septuagésime,  la  Sexagésime,  la 
Quinquagésime,  les  Cendres  et  tout  leCarême.  Après  Pâques, 
l'Ascension,  la  Pentecôte,  la  Trinité,  la  Fête-Dieu,  le  Sacré- 
Cœur  de  Jésus.  Cependant,  certaines  fêtes  mobiles  ne  sont 


FÊTE 

point  réglées  par  celle  de  Pâques.  Telles  sont  les  fêtes  du 
Saint-Nom  de  Jésus,  du  Précieux  Sang,  de  saint  Joachim, 
du  Saint-Nom  de  Marie,  des  Sept  Douleurs,  du  Saint-Ro- 
saire, de  la  Maternité  de  la  Sainte-Vierge,  de  la  Dédi- 
cace, etc.  —  On  appelle  cardinales  les  fêtes  qui  dirigent 
l'office  d'un  certain  nombre  de  dimanches  ;  ce  sont  :  Noèl, 
l'Epiphanie,  Pâques  et  la  Pentecôte. 

Les  laïques  peuvent,  sans  pécher,  omettre  les  fêtes  de 
dévotion  ou  les  observer,  tout  en  donnant  au  travail  le 
temps  qui  n'est  point  consacré  au  culte.  Les  fêtes  d'obli- 
gation, au  contraire,  sont  assimilées  aux  dimanches,  pour 
les  dispositions  relatives  au  repos  et  à  la  sanctification.  On 
contrevient  à  ces  dispositions  de  trois  manières  :  4°  en  né- 
gligeant les  œuvres  de  piété  qui  sont  ordonnées  en  ces  jours- 
là  ;  2°  en  faisant  un  travail  ou  en  pratiquant  un  négoce 
défendus  ;  3°  en  prenant  des  divertissements  interdits.  A 
l'égard  des  œuvres  de  piété,  les  canons  imposent  aux  fidèles 
l'obligation  d'entendre  la  messe,  les  jours  de  dimanche  et 
de  fête.  Cette  prescription  est  ainsi  énoncée  dans  les  rimes 
qui  formulent  les  commandements  de  l'Eglise  : 

Les  Fêtes  tu  sanctifieras 
Qui  te  sont  de  commandement. 
Les  Dimanches,  la  Messe  ouïras 
Et  les  Fêtes  pareillement. 

À  Tégard  du  travail,  les  règlements  ont  différé  et  diffèrent 
encore,  suivant  les  églises,  les  lieux  et  les  temps  ;  mais  le 
précepte  général  est  de  s'abstenir  de  toute  espèce  de  labeur 
à  l'exception  de  celui  qui  est  indispensable  à  la^vie  ou  qui 
est  exigé  par  une  pressante  raison  de  nécessité  ou  de  piété. 
Cette  exception  est  admise  par  la  Sacrée  Congrégation  :  A 
Sancta  Congrégation  e  decisum  fuit  licere  die  bus  festis 
dare  operam  rébus  ad  vitam  necessariis,  tempore  peri- 
turis,  prœsertim  tempore  vindemiarum  et  messium  ac 
collectionis  fructuum,  vel  ubi  nécessitas  urgeat  aut 
suadeat  pietas,  adque  judicium  scilicet  or  dinar  H.  Afin 
d'éviter  les  abus  des  interprétations  individuelles,  l'ordi- 
naire doit  être  consulté  et  doit  prononcer  sur  les  cas  d'ex- 
ception et  de  dispense.  Restent  absolument  condamnés,  les 
marchés,  les  foires  et  généralement  tout  négoce  public  ; 
de  même,  les  jeux,  les  danses,  les  combats  et  autres  spec- 
tacles. 

Dès  que  le  christianisme  fut  devenu  la  religion  de  l'Em- 
pire, le  pouvoir  séculier  s'appliqua  à  sanctionner  par  des 
mesures  coercitives  les  ordonnances  de  l'Eglise,  relatives 
aux  dimanches  et  aux  fêtes  d'obligation.  A  dater  de  Chil- 
debert,  les  prescriptions  des  empereurs  romains  furent 
reproduites  et  développées  par  de  nombreuses  ordonnances 
de  nos  rois.  Un  capitulaire  de  Charlemagne  est  ainsi  conçu: 
Diem  dominicain  secundum  reverentiam  colite  :  opus 
servile,  ici  est  agrum,vineam,  velsiqua  graviorasunt 
in  eonon  faciatis,  nec  causas,  nec  calumnias  inter  vos 
dicatis,  sed  tantum  divinis  cultibus  serviatis,  etaves- 
pero  ad  vesperum  dies  dominicus  servetur  (Mb.  VI,  • 
186  et  125).  Les  ordonnances  d'Orléans  et  de  Rlois  renou- 
velèrent ces  dispositions,  en  1560  et  1579.  L'art.  20  de 
Pédit  de  Nantes  astreignit  même  les  protestants  «  à  garder  et 
observer  les  testes  indictes  en  l'Eglise  catholique,  apostolique 
et  romaine  ;  ils  ne  pourront  es  jours  d'icelles  besogner,  ven- 
dre ni  étaler  à  boutiques  ouvertes,  ni  pareillement  les  ouvriers 
travailler,  hors  leurs  boutiques  et  en  chambre,  et  maisons 
fermées,  es  dits  jours  de  festes  et  autres  jours  défendus,  en 
aucuns  métiers  dont  le  bruit  puisse  estre  entendu  des  pas- 
sans  ou  des  voisins  »  (art.  20).  Plusieurs  édits  les  avaient 
dispensés  de  tapisser  le  devant  de  leurs  maisons  pour  le 
passage  des  processions  ;  mais  un  arrêt  du  conseil  (19  oct. 
1650)  les  y  obligea  :  «  Faute  par  eux  d'y  satisfaire,  il  sera 
tendu  devant  leurs  maisons,  à  leurs  frais  et  dépens  ;  et  au 
remboursement  d'iceux  seront  contraints  par  toutes  voies 
dues  et  raisonnables.  »  —  On  sait  ce  que  la  Révolution  fit 
des  fêtes  de  l'Eglise.  A  l'époque  où  l'on  commençait  à  pro- 
céder au  rétablissement  officiel  du  culte  catholique,  un  arrêté 
des  consuls  (7  thermidor  an  VIII)  reconnut  aux  simples 
citoyens  «  le  droit  de  pourvoir  à  leurs  besoins  et  de  vaquer 


350  — 


à  leurs  affaires  tous  les  jours,  en  prenant  du  repos  suivant 
leur  volonté,  la  nature  et  l'objet  de  leur  travail  ».  Mais  il 
fit  correspondre  les  fériés  civiles  aux  fêtes  de  l'Eglise,  sta- 
tuant que  l'observation  des  jours  fériés  serait  d'obligation 
pour  les  autorités  constituées,  les  fonctionnaires  et  les  sala- 
riés du  gouvernement  (art.  2).  La  loi  organique  du  18  ger- 
minal an  X  contient  une  disposition  analogue  :  «  Le  repos 
des  fonctionnaires  est  fixé  au  dimanche»  (aYt.  57).— Sous 
la  Restauration,  qui  rétablit  une  religion  de  l'Etat,  une  loi 
du  18  nov.  1814  interdit  les  travaux  ordinaires  et  exté- 
rieurs les  dimanches  et  les  jours  de  fêtes  reconnues.  La 
charte  de  1830  ayant  supprimé  la  religion  de  l'Etat,  il 
semblait  que  cette  loi  était  implicitement  abrogée,  comme 
contraire  à  la  liberté  de  conscience  et  à  l'égalité  des  cultes; 
néanmoins,  sous  le  second  Empire,  il  s'est  trouvé  des  tribu- 
naux qui  l'ont  appliquée. 

Pendant  de  longs  siècles,  le  pouvoir  d'instituer  et  par  con- 
séquent de  supprimer  des  fêtes  fut  attribué  aux  évêques.  Le 
concile  de  Trente  le  leur  reconnut  implicitement  (Sess.XXV, 
De  Regul,  cap.  12).  Mais,  par  la  constitution  Universa, 
Urbain  VIII  (1623-1644)  le  réserva  au  pape.  Malgré  cette 
réserve,  on  persista,  en  France,  à  considérer  ce  droit  comme 
n'ayant  point  cessé  d'appartenir  aux  évêques.  Toutefois,  la 
cessation  du  travail  intéressant  l'Etat,  les  évêques  ne  pou- 
vaient établir  ou  supprimer  des  fêtes  qu'avec  le  concours 
de  la  puissance  temporelle.  L'art.  28  d'un  édit  de  1695 
dit  formellement  :  «  Les  archevêques  et  évêques  ordonne- 
ront les  fêtes  qu'ils  trouveront  à  propos  d'établir  ou  de 
supprimer  dans  leurs  diocèses  ;  et  les  ordonnances  qu'ils 
rendront  sur  ce  sujet  nous  seront  présentées  pour  être  au- 
torisées par  nos  lettres.  Ordonnons  à  nos  cours  et  juges 
de  tenir  la  main  à  l'exécution  desdites  ordonnances,  sans 
qu'ils  puissent  en  prendre  connaissance,  si  ce  n'est  en  cas 
d'appel  comme  d'abus  et  en  ce  qui  regarde  la  police.  »  Les 
règlements  sur  l'observance  des  fêtes  faisant  partie  de  la 
police  générale  du  royaume,  les  magistrats  étaient  chargés 
de  leur  exécution.  De  son  côté,  le  clergé  devait  y  veiller; 
y  veillaient  aussi  et  très  âprement  les  seigneurs  de  village, 
à  cause  des  amendes  qui  leur  revenaient  des  condamnations 
de  police,  dans  l'étendue  de  leurs  fiefs.  Il  vint  un  temps 
où  tous  ces  moyens  de  contrainte  restèrent  impuissants. 
En  ses  assemblées  de  1755  et  1760,  le  clergé  dut  exposer 
au  roi  un  tableau  affligeant  de  la  profanation  des  dimanches 
et  des  fêtes.  Le  roi  promit  d'employer  son  autorité  pour 
faire  exécuter  les  loix  de  V  Eglise  et  de  l'Etat  sur  cet 
article.  Il  est  probable  que  cette  promesse,  faite  à  la  veille 
de  h  Révolution,  ne  fut  guère  suivie  d'effet. 

Le  nombre  des  fêtes  variait  avec  les  diocèses.  Devant  les 
premiers  progrès  du  protestantisme,  plusieurs  conciles  pro- 
vinciaux, notamment  ceux  de  Sens  (1524),  de  Rourges 
(1528),  de  Rordeaux  (1583),  exhortèrent  les  évêques  dio- 
césains à  le  réduire,  afin  que  celles  qui  seraient  conservées 
fussent  solennisées  avec  plus  de  décence  et  de  piété.  Un 
mandement  très  fortement  motivé  de  l'archevêque  de  Paris 
mais  provoqué,  dit-on,  par  le  besoin  de  faciliter  la  cons- 
truction du  Louvre  (28  oct.  1666)  en  supprima  plusieurs  : 
sainte  Anne,  sainte  Madeleine,  saint  Marc,  saint  Luc, 
saint  Roch,  sainte  Croix,  saint  Thomas,  saint  Rarthélemy, 
saint  Rarnabé,  saint  Mathias,  saint  Joseph,  saint  Michel, 
saint  Nicolas,  sainte  Catherine,  les  Innocents.  Voici,  d'après 
une  liste  annexée  à  ce  mandement,  celles  qui  étaient  restées 
de  commandement  dans  ce  diocèse  :  Janvier  :  Circoncision, 
sainte  Geneviève,  Epiphanie.  Février  :  Purification.il/afs: 
Annonciation.  Mai  :  saint  Jacques  et  saint  Philippe.  Juin  : 
saint  Jean-Raptiste,  saint  Pierre  et  saint  Paul.  Juillet  : 
saint  Jacques.  Août  :  saint  Laurent,  Assomption,  saint 
Louis.  Septembre  :  Nativité  de  la  Sainte  Vierge,  saint 
Matthieu.  Octobre  :  saint  Denis,  saint  Simon,  saint  Jude. 
Novembre  :  Toussaint,  Commémoration  des  morts,  saint 
Marcel,  saint  Martin,  saint  André.  Décembre  :  Conception 
de  la  Sainte  Vierge ,  Noël ,  saint  Etienne ,  saint  Jean 
l'Evangéliste.  En  outre,  le  lundi  et  le  mardi  de  Pâques,  le 
lundi  de  la  Pentecôte,  l'Ascension,  la  Fête-Dieu,  et  pour 


—  354  — 


FÊTE 


chaque  paroisse,  la  fête  du  principal  patron.  Au  mois  de 
févr.  1778,  des  lettres  patentes  du  roi  supprimèrent  en- 
core treize  fêtes  dans  le  diocèse  de  Paris.  —  L'art.  41  de 
la  loi  du  48  germinal  an  X  (2  avr.  4802)  statue  qu'aucune 
fête,  à  l'exception  du  dimanche,  ne  pourra  être  établie  sans 
la  permission  du  gouvernement.  Un  induit  émis  le  9  avr. 
4  802  par  le  cardinal  Caprara,  légat  a  latere  de  Pie  Vil 
et  publié  par  arrêté  des  consuls  le  29  du  même  mois,  sup- 
prima la  plupart  des  fêtes  anciennement  établies;  il  n'en 
conserva  que  quatre  :  Noël,  l'Ascension,  l'Assomption,  la 
Toussaint.  Sous  l'ancien  régime,  il  était  admis  sans  contes- 
tation que  la  suppression  des  fêtes  ne  regarde  que  la 
liberté  rendue  au  peuple  de  vaquer  à  ses  occupations  ordi- 
naires. Quant  à  l'office  divin,  la  coutume  et  les  canons 
exigeaient  qu'il  fût  célébré  dans  les  églises  après  comme 
avant  le  retranchement.  Conformément  à  ces  maximes, 
Y  induit  du  9  avr.,  tout  en  déchargeant  les  fidèles   de 
l'obligation  d'entendre  la  messe  aux  jours  des  fêtes  sup- 
primées ,  exhorte  tous  ceux  qui  ne  sont  point  forcés  de 
vivre  du  travail  des  mains  à  ne  pas  négliger  d'y  assister. 
Il  déclare,  en  outre,  que  Sa  Sainteté  a  voulu  que,  dans 
aucune  église,  rien  ne  lut  innové  dans  l'ordre  et  le  rit  des 
offices  et  des  cérémonies  qu'on  avait  coutume  d'observer 
aux  fêtes  supprimées  et  aux  veilles  qui  les  précèdent,  mais 
que  tout  fût  entièrement  fait  comme  on  avait  coutume  de 
faire  précédemment.  Il  est  vraisemblable  que  la  dévote 
observance  des  fêtes  supprimées  fut  adoptée  par  les  mé- 
contents comme  une  forme  d'opposition  au  régime  issu  de 
la  Révolution  et  comme  un  mode  de  protestation  contre  le 
Concordat  et  ses  conséquences.  Le  gouvernement  impérial 
poursuivit  avec  beaucoup  de  rigueur   et  peu  de  succès 
l'abolition  complète  des  fêtes  supprimées.  Jusqu'en  4835, 
il  fut  imité  par  les  gouvernements  qui  lui  succédèrent.  De 
nombreuses  circulaires  ministérielles  prescrivirent  de  ne 
plus  annoncer  ces  fêtes,  même  comme  étant  de  simple  dé- 
votion, et  de  ne  plus  les  célébrer  par  des  services  autres 
que  ceux  des  jours  ordinaires  de  la  semaine.  On  prohiba 
même  leur  indication  dans  le  Ordo  qui  règle  l'office  des 
ecclésiastiques  pour  chaque  jour  de  l'année.  Ces  exigences 
ne  pouvaient  être  soutenues  par  aucune  sanction  efficace  ; 
elles  étaient  d'ailleurs  manifestement  contraires  au  texte 
fort  précis  de  Yindult  de  suppression.  Elles  n'eurent 
d'autre  résultat  que  de  fournir  à  quelques  évêques  l'occa- 
sion précieuse  de  gourmer  impunément  l'autorité  sécu- 
lière.   —  Une  loi  récente  a  ajouté  aux  fériés  civiles  le 
lundi  de  Pâques  et  le  lundi  de  la  Pentecôte  ;  mais  cette 
mesure  n'a  point  fait  rentrer  ces  jours-là  dans  la  classe 
des  fêtes  ecclésiastiques  d'obligation.       E.-H.  Vollet. 

Les  fêtes  de  l'Eglise  catholique,  aussi  bien  les  fêtes  mo- 
biles que  les  fêtes  fériées,  et  en  particulier  les  fêtes  des 
saints,  ont  souvent  servi,  swi  moyen  âge,  d'éléments  chro- 
nologiques pour  dater  du  jour. 

Moyen  âge.  —  Les  fêtes  publiques  du  moyen  âge  ont 
été  avant  tout  les  fêtes  religieuses  dont  nous  venons  de 
parler.  La  plupart  des  fêtes  populaires  des  populations  euro- 
péennes coïncident  avec  ces  manifestations  de  la  religion 
officielle.  L'Eglise  a  pris  soin  de  s'arranger  pour  cela.  Gré- 
goire le  Grand  prescrivait  aux  missionnaires  qu'il  envoyait 
chez  les  Anglo-Saxons  d'adopter  ainsi  leurs  fêtes,  comme 
leurs  temples  en  les  transformant  et  les  appropriant  au 
culte  chrétien.  On  retrouve  donc  au  moyen  âge,  à  côté  des 
fêtes  du  christianisme,  sous  leur  manteau,  d'anciennes  fêtes 
des  Perses,  des  Grecs,  des  Romains  ;  en  même  temps,  soit 
assimilées  aux  grandes  fêtes  officielles,  soit  subsistant  à 
côté  d'elles,  se  conservent  des  fêtes  populaires  nationales. 
Nous  n'en  dirons  que  quelques  mots  :  les  Celtes  avaient 
des  fêtes  naturelles  périodiques  ;  telle  celle  du  printemps, 
dans  l'ile  Tenby,  chantée  par  le  barde  Taliesin.  On  offrait 
des  bœufs  sacrés  auprès  de  la  mer  ;  une  procession  mys- 
tique se  déroulait  sous  la  conduite  des  prêtres  ;  célébrées 
en  l'honneur  d'un  dieu  solaire,  la  fête  commençait  à  l'au- 
rore. La  fête  du  Carnaval  remonte  à  des  origines  celtiques  ; 
on  y  promenait  un  mannequin  qu'on  noyait  ensuite  ;  on  s'y 


déguisait  en  animaux  au  dimanche  suivant,  dimanche  des 
Brandons  ;  on  allumait  des  feux,  on  dansait  autour  ;  on  se 
promenait  avec  des  torches  brûlant  les  nids  de  guêpes. 
Citons  encore  la  fête  analogue  des  bourrées  de  la  Saint- 
Jean;  la  vieille  fête  des  Semailles,  placée  sous  l'invocation 
de  saint  Mamert  avec  sa  procession  noire  des  têtes  humi- 
liées ;  Charlemagne  y  prit  part,  pieds  nus,  cheveux  dénoués 
saupoudrés  de  cendres.  La  fête  de  l'Avent  a  été  rattachée, 
à  tort  ou  à  raison,  à  l'Avane  celtique.  La  bûche  de  Noël 
nous  vient  d'une  coutume  païenne  ;  on  rallume  le  feu  au 
début  de  l'année  pour  symboliser  la  renaissance  du  soleil. 
Comme  fêtes  du  printemps  nous  conservons  en  Espagne  et 
en  Italie,  à  l'équinoxe  du  printemps  (dimanche  de  Lsetare), 
la  fête  où  l'on  met  à  mort  (en  effigie)  la  plus  vieille  femme 
du  village  ;  on  scie,  ou  brûle  la  poupée  ;  en  Ecosse,  cette 
cérémonie  a  lieu  à  Noël.  Enfin,  l'usage  de  planter  le  mai 
(V.  ce  mot)  est  presque  universel.  —Les  Germains  avaient 
des  fêtes  de  saisons,  dont  les  principales  (Dult  ou  Hochzît) 
tombaient  aux  équinoxes  et  aux  solstices.  La  plus  grande 
était  celle  de  l'équinoxe  d'hiver,  fête  de  M  ou  Joël,  dédiée 
à  Fro  ou  Freyr,  dieu  solaire,  et  symbolisant  la  naissance  du 
soleil  ;  elle  se  prolongeait  depuis  l'équinoxe  d'automne, 
durant  douze  jours,  jusqu'au  moment  de  notre  fête  des 
Rois  ;  on  supposait  que  les  dieux  parcouraient  la  terre.  Les 
hostilités  étaient  suspendues  ;  on  se  parait  de  feuillages  verts 
et  on  offrait  à  Freyr  des  sangliers.  La  plupart  de  ces  usages 
persistent  et  s'expliquent  à  notre  fête  de  Noël  dans  les  pays 
germaniques  ;  de  là  viennent  l'arbre  de  Noël,  le  gui  ou  le 
houx  dont  on  décore  les  maisons,  etc.  (V.  Noël).  La  fête 
de  l'équinoxe  du  printemps  était  dédiée  à  Ostara  ;  elle  s'est 
confondue  avec  Pâques  (V.  ce  mot).  La  fête  du  solstice 
d'été  et  celle  de  l'équinoxe  d'automne  ont  laissé  moins  de 
traces,  de  même  que  celle  du  4er  mai  dite  de  Walpurgis 
(V.  ce  mot).  Les  Slaves  ont,  comme  les  races  de  l'Europe 
occidentale,  gardé  sous  de  nouveaux  noms  leurs  anciennes 
fêtes.  Celles-ci  étaient  distribuées  selon  l'ordre  des  saisons 
et  le  cours  de  la  vie  végétale.  Au  solstice  d'hiver  (ou  au 
24  déc.)  fête  de  Koliada,  fête  pacifique  avec  distribution 
d'étrennes  ;  Je  lendemain,  fête  des  sages-femmes  où  les 
filles  et  femmes  sont  censées  privées  de  leur  sexe  et  doivent 
s'adresser  aux  sages-femmes  pour  le  recouvrer.  Au  solstice 
d'été  (ou  au  24  juin),  fête  de  Koupalo,  célébrée  par  des 
feux  de  joie  autour  desquels  on  danse  et  chante  couronné 
de  fleurs  ;  on  fait  passer  le  bétail  sur  les  cendres  afin  de 
le  préserver  des  maléfices.  Celte  fête  se  continue  sous  le 
vocable  de  sainte  Agrippine.  Les  Serbes  couronnent  leurs 
maisons  et  leurs  étables  de  fleurs  à  la  Saint- Jean,  afin 
d'écarter  les  mauvais  génies.  La  grande  fête  des  morts  des 
Slaves  était  à  la  nouvelle  année  ;  une  seconde  au  24  mai, 
l'une  donc  en  hiver,  l'autre  au  printemps,  plus  tardif  en 
Russie  qu'en  France  ou  en  Grèce.  Le  sens  de  ces  fêtes  est 
conforme  à  leur  date  ;  de  même  les  cérémonies  et  les  légendes 
qui  s'y  rattachent.  Les  Finnois  avaient  quatre  grandes  fêtes, 
une  par  saison  ;  pour  les  semailles  au  printemps,  la  mois- 
son en  été,  une  fête  d'actions  de  grâce  à  l'automne,  une 
fête  joyeuse  en  hiver,  dite  fête  de  l'Ours;  on  célébrait  par 
des  cérémonies  le  soir  du  dimanche,  du  lundi  et  du  jeudi. 
La  fête  principale  paraît  avoir  été  celle  de  l'hiver,  iden- 
tifiée depuis  avec  Noël.  On  en  pourrait  citer  beaucoup 
d'autres.  Chez  les  Lives,  c'est  celle  de  l'été  (la  Saint-Jean) 
cjui  a  le  plus  gardé  son  caractère  primitif.  Nous  arrêtons 
ici  cette  énumération  en  rappelant  de  nouveau  que,  sur 
toutes  ces  religions  naturelles,  il  convient  de  se  reporter  à 
l'art.  Religion  et  aux  articles  spéciaux  consacrés  à  chaque 
race  (Y.  Celtes,  Germains,  Slaves,  etc.). 

Des  fêtes  populaires  proprement  dites  du  moyen  âge,  peu 
ont  atteint  une  grande  importance  ;  elles  font  l'objet  d'articles 
séparés  (V.  Ane,  Fou,  Carnaval,  etc.).  Quant  aux  fêtes 
publiques  occasionnelles,  elles  prirent  un  grand  développe- 
ment  à  partir  du  xve  siècle,  moment  d'organisation  des 
grandes  monarchies  nationales.  Les  plus  imposantes  avaient 
lieu  lors  de  l'avènement  du  sacre  des  rois,  de  leur  mariage 
ou  de  celui  de  leur  fils,  de  leur  entrée  solennelle  dans  les 


FÊTE 


352 


villes.  Ces  fêtes  font  l'objet  des  art.  Carrousel,  Entrée, 
Tournoi,  etc.  Elles  avaient  un  caractère  militaire  prédo- 
minant. Au  contraire,  la  Renaissance  donna  lieu  à  une 
série  de  fêtes  archéologiques  ou  littéraires  très  belles,  qui 
sont  un  des  traits  .les  plus  curieux  de  cette  époque  (V.  Re- 
naissance) ;  les  cortèges,  les  représentations  scéniques  y 
tinrent  une  grande  place.  Les  fêtes  gouvernementales  de- 
vinrent de  plus  en  plus  frivoles  sous  la  monarchie  absolue  ; 
elles  étaient  destinées  presque  exclusivement  à  l'amuse- 
ment du  monarque  et  de  sa  cour.  On  peut  citer  parmi  les 
plus  somptueuses  celles  du  règne  de  Louis  XIV.  Il  va  de 
soi  que,  malgré  leur  grand  apparat,  ces  fêtes  n'eurent 
jamais  l'importance  des  fêtes  publiques  de  l'antiquité  ou 
des  fêtes  chrétiennes.  Au  contraire,  lorsque  la  Révolution 
française  réorganisa  sur  de  nouvelles  bases  la  société  fran- 
çaise, les  hommes  d'Etat,  sentant  bien  l'immense  impor- 
tance des  fêtes  publiques,  s'efforcèrent  de  lui  en  donner  un 
système  complet  qu'on  put  substituer  aux  fêtes  religieuses, 
de  même  qu'ils  substituaient  une  constitution  nouvelle  à 
l'ancien  régime.  A.-M.  B. 

Histoire  de  la  Révolution.  —  Fêtes  révolution- 
naires. —  La  période  de  la  Révolution  française  a  eu  des 
fêtes  de  circonstance,  célébrées  spontanément  par  le  peuple 
ou  décrétées  par  les  pouvoirs  constitués,  en  l'honneur  d'évé- 
nements ou  de  personnes.  Telles  sont  :  la  fête  du  27  sept. 
1789,  à  l'occasion  de  la  bénédiction  des  drapeaux  de  la 
garde  nationale  dans  l'église  de  Notre-Dame  de  Paris; 
la  fête  de  la  Fédération  nationale,  le  44  juil.  4790, 
et  ses  anniversaires  (qui  étaient  en  même  temps  ceux  de  la 
prise  de  la  Bastille)  des  années  4791,  4792  et  4793;  la 
première  fête  (funèbre)  improvisée  au  Champ  de  Mars  en 
mémoire  des  défenseurs  de  l'ordre  à  Nancy,  et  qui  tourna 
à  l'honneur  des  soldats  de  Châteauvieux,  victimes  de  Bouille, 
le  20  sept.  4790;  la  pompe  funèbre  de  Mirabeau,  le  4avr. 
4791;  la  fête  de  la  translation  des  restes  de  Voltaire 
à  Sainte-Geneviève  (sic),  le  44  juil.  4794  ;  la  seconde  fête 
(triomphale)  en  l'honneur  des  soldats  de  Châteauvieux, 
délivrés  des  galères  par  la  Législative,  fête  plutôt  tolérée 
qu'organisée  par  les  pouvoirs  publics,  le  45  avr.  4792 
(V.Collot  d'Herbois)  et  surnommée  fête  de  la  Liberté;  la 
fête  (funèbre)  en  l'honneur  deSimonneau,  maire  d'Etampes, 
ou  fête  de  la  Loi,  opposée  par  le  parti  constitutionnel  à  la 
précédente,  le  3  juki4792;  la  fête  (funèbre)  en  l'honneur 
des  victimes  du  Dix-Août,  le  26  août  4792  ;  la  fête  de  la 
Liberté  en  l'honneur  de  la  Savoie  affranchie  par  les  armes 
françaises,  le  44  oct.  4792;  la  pompe  funèbre  de  Michel 
Le  Métier  de  Saint-Farjeau ,  décrétée  par  la  Convention 
le  22  janv.  4793  et  célébrée  le  24;  la  fête  du  40  août 
4793,  décrétée  par  la  Convention  le  27  juil.  sur  les 
propositions  de  Lakanal,  de  Lanthenas  et  sur  le  rapport 
de  David  :  la  fête  en  l'honneur  de  la  reprise  de  Toulon 
(10  nivôse  an  II,  30  déc.  4793);  la  translation  des  restes 
de  Marat  au  Panthéon  (5  e  jour  compl.  an  II,  21  sept. 
4794);  celle  des  restes  de  J.-J.  Rousseau  (20  vendémiaire 
an  III,  44  oct.  4794)  ;  la  fête  de  la  fondation  de  la  Répu- 
blique ou  des  victoires  (30  vendémiaire  an  III,  24  oct. 
4792);  la  fête  (funèbre)  en  l'honneur  du  général  Hoche 
(40  vendémiaire  an  VI,  4er  oct.  4797);  les  fêtes  en  l'hon- 
neur de  Buonaparte  et  du  traité  de  Campo  Formio  (bru- 
maire et  frimaire  an  VI,  oct.  et  déc.  4797);  le  premier 
anniversaire  du  48  fructidor  (4  sept.  4798)  et  le  second 
(4  sept.  4799);  la  fête  (funèbre)  au  sujet  de  l'attentat 
commis  à  Rastadt  contre  les  plénipotentiaires  français 
Bonnier  et  Roberjot  (20  prairial  an  VII,  8  juin  4799); 
enfin  la  pompe  funèbre  en  l'honneur  du  général  Joubert 
(30  fructidor  an  VII,  46  sept.  4799).  Toutes  ces  fêtes 
appartiennent  à  l'histoire  générale  de  la  Révolution,  ou, 
lorsqu'elles  concernent  des  individus,  constituent  l'appen- 
dice naturel  de  leur  biographie.  Nous  ne  traiterons  donc 
ici  spécialement  que  des  fêtes  révolutionnaires  instituées 
par  les  représentants  de  la  nation  ou  incidemment  par  la 
Commune  de  Paris,  d'après  un  plan  préconçu  et  avec  un 
caractère  fixe,  périodique,  et  perpétuel  dans  l'intention  des 


promoteurs  ou  des  fondateurs.  Des  débuts  pénibles  et  con- 
trariés, une  chute  rapide,  tels  sont  les  traits  dominants 
par  lesquels  se  signale  cette  institution. 

Au  moment  de  sa  mort,  Mirabeau  allait  prononcer  sur 
l'instruction  publique  trois  discours  qui  furent  publiés  par 
son  médecin,  Cabanis.  Le  second  discours,  «  sur  les  fêtes 
publiques,  civiles  et  militaires  »,  renferme  un  projet  de 
décret  en  neuf  articles  (Travail  sur  V éducation  publique 
trouvé  dans  les  papiers  de  Mirabeau  l'aîné,  publié  par 
P.-J.-G.  Cabanis,  docteur  en  médecine,  etc.  ;  Paris, 
4791,  in-8,  pp.  74  à  407).  Le  grand  tribun,  entre  autres 
moyens  d'éducation  civique,  proposait  neuf  fêtes  annuelles, 
quatre  civiles,  quatre  militaires  et  une  grande  fête  nationale 
à  la  fois  civile  et  militaire,  dite  fête  du  Serment  ou  de  la 
Fédération  (44  juil.).  Comme  elles  étaient  purement  poli- 
tiques, il  les  voulait  absolument  laïques  :  «  La  sévère  majesté 
de  la  religion  chrétienne  ne  lui  permettant  pas  de  se  mêler 
aux  spectacles  profanes,  aux  chants,  aux  danses,  aux  jeux 
de  nos  fêtes  nationales  et  de  partager  leurs  bruyants  trans- 
ports, il  n'y  aura  désormais  aucune  cérémonie  religieuse 
dans  ces  fêtes  (art.  vu).  »  Cette  exclusion  du  christianisme 
a  paru  fondée  sur  des  motifs  ironiques  à  M.  Eug.  Despois 
(le  Vandalisme  révolutionnaire,  p.  4,  2e  éd.)  ;  mais  elle 
peut  être  considérée  aussi  comme  prudente  et  respectueuse, 
sinon  au  fond  même  de  la  pensée  de  l'orateur,  du  moins 
dans  son  intention  de  persuader  une  assemblée  fort  atta- 
chée, dans  son  ensemble,  aux  traditions  catholiques.  Quoi 
qu'il  en  soit,  c'est  à  l'antiquité  classique,  et  surtout  aux 
Grecs,  que  Mirabeau  demandait  des  exemples,  «  sans  tenir 
assez  compte  des  différences  de  climat,  si  favorable  en 
Grèce,  si  défavorable  en  France,  aux  réunions  en  plein 
air  »  (ibid.,  p.  270);  ajoutons,  en  laissant  absolument  de 
côté  le  caractère  essentiellement  religieux  des  fêtes  anti- 
ques, même  des  Dionysiaques  et  des  Saturnales.  —  L'évê- 
que  d'Autun,  Talleyrand,  peu  enthousiaste  de  sa  nature,  se 
montre  aussi  grand  partisan  des  fêtes  nationales  :  «  Elles 
auront  pour  objet  direct  des  événements  anciens  ou  nou- 
veaux, publics  ou  privés,  les  plus  chers  à  un  peuple  libre  ; 
pour  accessoires  tous  les  symboles  qui  parlent  de  la  liberté 
et  rappellent  avec  plus  de  force  à  cette  égalité  précieuse, 
dont  l'oubli  a  produit  tous  les  maux  des  sociétés  ;  et  pour 
moyens  ce  que  les  beaux-arts,  la  musique,  les  spectacles, 
les  combats,  les  prix  réservés  pour  ce  jour  brillant,  offri- 
ront dans  chaque  lieu  de  plus  propre  à  rendre  heureux  et 
meilleurs  les  vieillards  par  des  souvenirs,  les  jeunes  gens 
par  des  triomphes,  les  enfants  par  des  espérances.  >V  Que  ce 
rapport  signé  Talleyrand  ait  été,  suivant  un  bruit  du  temps, 
rédigé  par  l'oratorien  Desrenaudes  (E.  Maron,  Hist.  litt. 
de  la  Convention,  p.  99),  peu  importe  :  il  n'en  est  pas 
moins  édifiant  de  voir  avec  quelle  conviction  1'  «  éditeur 
responsable  »  fait  ressortir  l'enseignement  moral  que  le 
peuple  ne  manquera  pas  de  tirer  de  ces  fêtes  :  «  C'est  la 
morale  elle-même  qui  va  bientôt  ordonner,  qui  va  animer 
ces  fêtes  que  le  peuple  espère,  qu'il  désire  et  que  d'avance 
il  appelle  fêtes  nationales. . .  Vous  ne  voudrez  pas  priver 
la  morale  d'un  tel  ressort  ;  vous  voudrez  aussi  conduire 
les  hommes  au  bien  parla  route  du  plaisir...  »  —  Dans  la 
séance  du  2  sept.  4794,  Thouret  proposa,  comme  addition 
aux  articles  de  l'acte  constitutionnel,  «  l'établissement  de 
fêtes  nationales  pour  conserver  le  souvenir  de  la  Révolution 
française,  entretenir  la  fraternité  entre  les  citoyens,  les 
attacher  à  la  patrie  et  aux  lois  ».  Cette  addition  fut  votée 
à  l'unanimité,  en  même  temps  (chose  significative)  que  le 
principe  d'un  code  de  lois  civiles  communes  à  tout  le 
royaume.  Le  but  est  évidemment  de  fortifier  et  d'unifier 
l'esprit  public. 

A  la  Législative,  Condorcet  passa  rapidement  sur  le 
projet  d'établissement  de  fêtes  nationales  dans  son  plan 
d'instruction  publique.  Il  n'en  méconnaissait  pas  l'impor- 
tance. «  Puisque  leur  action,  dit-il  ailleurs,  existerait  in- 
dépendamment de  la  puissance  publique,  il  est  bon  qu'elle 
puisse  s'en  emparer,  pour  les  empêcher  de  contrarier  ses 
vues.  »  Il  repousse  du  reste  l'idée  de  fêter  des  abstractions, 


—  353 


FÊTE 


Comme  la  piété  filiale],  Yunion  conjugale ,  le  stoï- 
cisme, etc.,  et  n'admet  que  les  fêtes  anniversaires  dont  le 
sens  est  toujours  net  par  l'événement  qu'elles  rappellent. 
Après  le  pacifique  succès  des  Suisses  de  Châteauvieux, 
Gonchon  présente  à  la  barre  de  la  Législative  une  dépu- 
tation  du  faubourg  Saint-Antoine  qui  demande  au  Comité 
d'instruction  publique  de  s'occuper  incessamment  de  la 
présentation  d'une  loi  sur  les  fêtes  civiques,  «  car  c'est 
dans  les  fêtes  que  régnent  l'égalité,  la  fraternité  ;  c'est  là 
que  les  ennemis  de  cette  égalité  ouvriront  enfin  les  yeux 
à  la  raison,  qu'ils  verseront  des  larmes  de  repentir  »,  etc. 
Cette  adresse  fut  imprimée  par  ordre  de  l'Assemblée 
(séance  du  22  avr.  4792).  Mais  de  graves  événements 
retardèrent  la  réponse.  Bien  qu'une  des  onze  sections 
entre  lesquelles  se  répartit  le  comité  d'instruction  publique 
de  la  Législative  (41  mai  1792)  eût  pris  le  nom  de  section 
des  fêtes  nationales,  les  procès-verbaux  du  comité  (publiés 
par  M.  Guillaume)  ne  permettent  guère  de  constater  que 
l'existence  de  cette  section.  Ce  fut  à  la  Convention,  le 
26  juin  4793,  queLakanal  présenta  un  Plan  d'éducation 
nationale  au  nom  du  comité  d'instruction  publique.  Les 
art.  53  à  70  sont  consacrés  à  rétablissement  des  fêtes 
nationales,  «  dans  les  cantons,  les  districts,  les  dépar- 
tements et  dans  les  lieux  où  l'Assemblée  nationale  tient 
ses  séances  »  (art.  53).  Elles  seront  de  trois  sortes  :  les 
unes  auront  rapport  aux  époques  de  la  nature,  les  autres 
à  celles  de  la  société  humaine,  les  troisièmes  à  celles 
de  la  Révolution  française  (art.  54).  Toutes  les  frac- 
tions du  territoire  participeront  à  ces  trois  catégories  de 
fêtes  dont  voici  d'ailleurs  le  tableau  résumé,  d'après  le 
texte  revisé  et  publié  le  1er  juil.,  par  conséquent  définitif 
(art.  55  à  57)  : 

Cantons. 

4.  Ouverture  des  travaux  de  la  cam- 
pagne  

2.  Clôture  des  travaux  de  la  cam- 

pagne..  

3 .  Fête  de  la  jeunesse 

4.  Fête  du  mariage 

5 .  Fête  de  la  maternité 

6.  Fête  des  vieillards 

7 .  Fête  des  droits  de  l'homme 

8.  Fête  de  l'union  politique,  etc. . . . 

9 .  Fête  particulière  du  canton 


^ 


Fêtes  naturelles. 


Fêtes  sociales. 


Fêtes  civiques. 


Fêtes  civiques. 


Districts. 

40 .  Fête  du  retour  de  la  verdure. . 

44 .  Fête  du  retour  des  fruits. 

42.  Fête  des  moissons [  Fêtes  naturelles. 

43.  Fête  des  vendanges  ou  de  toute 

autre  récolte  locale 

44.  Fête  de  l'égalité 

1  5 .   Fête  de  la  liberté  

46 .  Fête  de  la  justice 

47 .  Fête  de  la  bienfaisance ) 

48.  Fête  particulière  du  district Fête  civique. 

Départements . 

49.  Fête  du  printemps  (équinoxiale).. 

20.  Fête  de  l'été  (solsticiale) 

21.  Fête  de  l'automne  (équinoxiale).. 

22.  Fête  de  l'hiver  (solsticiale) 

23.  Fêtes  de  la  poésie,    des  lettres, 

sciences,  etc 

24.  Fête  de  la  destruction  des  ordres 

ou  de  l'unité  (au  47  juin)  . . . 

25.  Fête  de  l'abolition  des  privilèges  >  Fêtes  civiques. 

(au  4  août) 

26.  Fête  particulière  du  département. 

Enfin  (art.  58),  au  siège  de  la  représentation  nationale, 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


Fêtes  naturelles. 


Fête  sociale. 


seraient  célébrées,  au  nom  de  la  République  entière,  les 
fêtes  : 


Fête  sociale. 


27.  De  la  fraternité  du  genre  humain  , 

(4erjanv.) ( 

28.  De laRévolution française (44 juil.) 

29.  De  l'abolition  de  la  royauté  et  de 

l'établissement  de  la  République  i 

(sic)  (40  août) \  Fêtes  civiques. 

30.  Du  peuple  français,  au  jour  où  il 

sera  proclamé  que  la  constitu- 
tion est  acceptée 

Les  frais  des  fêtes  nationales  devaient  être  à  la  charge 
de  la  nation  ;  à  une  commission  centrale,  à  des  bureaux 
d'inspection  des  districts,  étaient  confiés  les  détails  de  l'or- 
ganisation. Les  édifices  publics,  y  compris  les  églises, 
étaient  mis  pour  la  circonstance  à  la  disposition  des  orga- 
nisateurs. Spectacles,  musique,  chants,  récitations  poé- 
tiques, discours  publics,  danses,  évolutions  militaires  et 
gymnastiques,  tels  seraient  les  éléments  essentiels  de  ces 
fêtes.  Des  prix  seraient  solennellement  décernés  sur  des 
programmes  publiés  un  an  à  l'avance,  etc.  (art.  59  à  78). 
—  Sieyès  était  le  véritable  auteur  du  plan  de  Lakanal, 
dont  il  fit  l'apologie  dans  le  Journal  d'instruction  sociale 
(nos  3,  4,  5  et  6).  Dès  le  30  juin,  Hassenfratz  dénonçait 
aux  Jacobins  «  le  père  du  projet,  le  prêtre  Sieyès,  dont  on 
connaissait  la  perfidie  »  ;  le  «  Tartufe  »  ennemi  de  la 
révolution  du  31  mai.  Le  comité  d'instruction  publique 
fit  en  vain  des  corrections.  Le  2  juil.,  Lequinio  critiqua 
le  plan  comme  trop  compliqué;  il  posa  ce  principe  :  «  Pour 
que  les  fêtes  produisent  tout  leur  effet,  il  faut  qu'elles 
soient  en  petit  nombre.  »  Il  se  moqua  de  la  supersti- 
tion du  1er  janvier,  et,  sur  des  considérations  astronomiques 
assez  superflues ,  il  proposa  de  fêter  le  nouvel  an  à  l'époque 
de  l'équinoxe  du  printemps.  Il  reprocha  au  projet  de 
«  paganiser  la  France  »  ;  il  s'éleva  contre  les  fêtes  parti- 
culières des  communes,  «  principe  de  fédéralisme,  germe 
de  la  renaissance  des  corporations  ».  Il  proposa  dans  son 
contre-projet  seulement  sept  fêtes  nationales,  universelles, 
dans  la  République  :  1°  celle  du  mariage,  à  l'équinoxe  du 
printemps  ;  2°  celle  des  droits  de  l'homme  et  de  la  frater- 
nité du  genre  humain  (1er  mai);  3°  celle  de  laRévolution 
(14  juil.);  4°  celle  de  la  liberté  (10  août);  5°  celle  de 
l'égalité  (2  juin);  6°  celle  de  l'émulation  [concours  entre 
les  écoliers,  entre  les  instituteurs,  et  distributions  de 
volumes  de  prix]  (15  sept.)  ;  7°  celle  des  vieillards  (1er  nov.). 
Coupé  (de  l'Oise)  et  André  Duval,  qui  prirent  aussi  part 
à  cette  discussion,  s'accordèrent  à  critiquer  l'abus  des 
fêtes  publiques.  Le  dernier  n'en  voulait  qu'une  seule  : 
le  40  août.  —  La  question  des  fêtes  ,  qui  en  somme 
n'avait  rien  de  bien  urgent,  traînait  encore  lorsque  Hé- 
bert et  ses  adhérents  de  la  Convention  et  de  la  Com- 
mune imaginèrent  de  donner  à  leurs  opinions  athées  la 
consécration  d'une  fête  officielle,  qui  d'ailleurs  devait  avoir 
aussi  pour  effet  de  combattre  les  catholiques,  hostiles  à 
la  Révolution,  sur  le  terrain  de  la  religion  elle-même. 
La  fête  de  la  Raison  eut  lieu  à  Notre-Dame  le  décadi 
20  brumaire  an  II  (10  nov.  1793).  La  Commune  et  le 
département  y  arrivèrent  à  dix  heures,  sans  accompagne- 
ment de  force  armée.  Pour  «  écarter  des  yeux  presque  tout 
ce  qui  rappelait  la  religion  catholique,  on  avait,  au  milieu, 
élevé  une  sorte  de  montagne  qu'à  droite  et  à  gauche  des 
draperies  reliaient  aux  piliers,  de  façon  à  cacher  le  chœur 
et  tout  le  fond  de  l'église  qui,  portes  ouvertes,  apparaissait 
ainsi  large,  peu  profonde  et  bien  éclairée,  comme  on  le 
voit  par  l'estampe  grossière,  mais  frappante,  du  journal  de 
Prudhomme.  »  (Aulard.)  Au  sommet  de  la  montagne,  un 
temple  de  style  grec,  avec  cette  inscription  :  «  A  la  philo- 
sophie »  ;  de* chaque  côté  de  la  porte,  les  bustes  de  quatre 
philosophes;  à  mi-côte  de  la  montagne,  l'autel  et  le  flam- 
beau de  la  vérité.  Deux  théories  de  jeunes  filles  habillées 
de  blanc  avec  des  ceintures  tricolores  vinrent  se  croiser  et 
s'incliner  devant  l'autel  de  la  Raison,  puis  se  réunir  au 

23 


FÊTE 


—  3B4  - 


sommet  de  la  montagne.  Alors  sortit  du  temple,  en  robe 
blanche,  manteau  bleu  et  bonnet  rouge,  tenant  une  pique, 
une  femme  qui  personnifiait  la  liberté  :  probablement 
MUe  Aubry,  de  l'Opéra  (les  noms  de  Mlle  Maillard,  du 
même  théâtre,  de  Mlle  Candeille,  et  de  Mme  Momoro,  ont 
également  été  prononcés).  La  déesse  vint  sur  un  siège  de 
verdure  recevoir  les  hommages  des  républicains  qui  enton- 
nèrent l'hymne  de  M.-J.  Chénier  (air  de  Gossec)  : 

Descends,  ô  Liberté,  fille  de  la  Nature  ! 

Puis  la  Liberté  rentra  dans  son  temple  après  s'être  retournée 
sur  le  seuil  «  pour  jeter  encore  un  regard  de  bienfaisance 
sur  ses  amis  »,  dont  «  l'enthousiasme  éclata  par  des  chants 
d'allégresse  »  et  des  serments  d'éternelle  fidélité.  —  La 
Convention,  que  les  meneurs  avaient  eu  soin  d'inviter  trop 
tard,  eut  ensuite  à  recevoir  tout  le  cortège,  figurantes  et 
déesse,  et  à  subir  une  harangue  du  procureur  de  la  Com- 
mune, Chaumette,  qui  conclut  en  demandant  que  Notre- 
Dame  fût  consacrée  à  la  Raison  et  à  la  Liberté  :    le 
président  Laloy  prit  la  peine  d'excuser  l'Assemblée  de  son 
abstention  de  la  fête  ;  la  Convention  vota  la  consécration 
nouvelle  sur  la  motion  de  Chabot  et  fit  recommencer  la  céré- 
monie à  sa  propre  intention.  Mais,  suivant  Durand-Maillane 
et  Grégoire,  la  moitié  des  membres  s'éclipsèrent.  Il  n'est 
pas  exact  d'ailleurs  que  la  Convention  ait  fini  par  déclarer 
le  catholicisme  «  déchu  du  culte  public  »  (Michelet).  Elle 
ne  fit  que  suivre  timidement  le  mouvement  déchristianisa- 
teur,   maintint  le  traitement  des  prêtres,  ne  désaffecta 
nullement  en  principe  tous  les  bâtiments  qui  servaient 
au  culte  catholique ,  mais  laissa  les  communes  libres  de 
renoncer  à  ce  culte.  (C'est  ce  qu'a  fait  ressortir  M.  Aulard 
dans  un  livre  où,  le  premier,  il  a  dégagé  de  la  légende, 
et  l'historique  de  la  fête  de  la  Raison,  et  l'exposé  de 
ses  conséquences  immédiates,  politiques  et  religieuses.) 
Cependant  Robespierre  fit  alliance  avec  les  dantonistes,  afin 
de  perdre  la  faction  d'Hébert  et  la  Commune  elle-même  ; 
sur  l'institution  des  fêtes  nationales,  en  particulier,  Danton 
prit  la  parole  le  26  nov.  (deux  jours  après  l'institution  du 
calendrier  républicain) ,  et  le  fit  en  des  termes  remarquables , 
si  toutefois  l'on  s'en  rapporte  au  texte  du  Moniteur  : 
«  Si  la  Grèce  eut  ses  jeux  olympiques,  la  France  solen- 
nisera  aussi  ses  jours  sans-culottides.  Le  peuple  aura  des 
fêtes  dans  lesquelles  il  offrira  de  l'encens  à  l'Etre  suprême, 
au  maître  de  la  nature  :  car  nous  n'avons  pas  voulu 
anéantir  la  superstition  pour  établir  le  règne  de  l'athéisme.» 
La  fête,  surtout  professionnelle  d'ailleurs,  qu'improvisèrent 
les  élèves  envoyés  des  districts  pour  apprendre  à  raffiner 
le  salpêtre,  fut  un  nouveau  témoignage  de  la  préoccupation 
populaire  :  la  Convention  se  fit  représenter  à  l'épreuve  du 
salpêtre  et  de  la  poudre  à  canon  qui  eut  lieu  dans  le  jardin 
national  (Tuileries)  le  30  ventôse  an  II.  Enfin  Robespierre 
aborda  «  les  rapports  des  idées  religieuses  et  morales  avec  les 
principes  républicains  »,  et  fit  voter  le  décret  du  18  floréal 
an  II  (7  mai  1794).  Robespierre  insiste,  et  dans  son  dis- 
cours et  dans  le  dispositif  du  décret  (art.  4,  2,  3, 4,  45), 
sur  le  caractère  déiste  et  moral  de  ces  fêtes  qui  sont  faites 
«  pour  rappeler  l'homme  à  la  pensée  de  la  divinité  et  à  la 
dignité  de  son  être  ».  Toutefois,  au  fond,  sa  classification 
ne  diffère  pas  sensiblement  de  celle  de  Sieyès.  Les  fêtes, 
dit  l'art.  5,  «  emprunteront  leurs  noms  des  événements 
glorieux  de  notre  révolution  »  (c.-à-d.,  précise  l'art.  6,  du 
44  juil.  4789,  du  40  août  4792,  du  24  janv.  4793,  du 
34  mai  4793);  soit  «  des  vertus  les  plus  chères  et  les  plus 
utiles  à  l'homme,  soit  des  plus  grands  bienfaits  de  la  na- 
ture ».  Ces  deux  dernières  catégories,  d'ailleurs  confon- 
dues ensemble,  constituaient  les  Fêtes  décadaires,  parce 
qu'elles  étaient  fixées  aux  jours  de  décadi,  à  partir  du 
20  prairial  an  II  (Y.  Calendrier  républicain).  Elles  étaient 
consacrées  :  à  l'Etre  suprême  et  à  la  nature  ;  au  genre  hu- 
main ;  au  peuple  français  ;  aux  bienfaiteurs  de  l'humanité  ; 
aux  martyrs  de  la  liberté;  à  la  liberté  et  à  Légalité  ;  à  la 
République;  à  la  liberté  du  monde  ;  à  l'amour  de  la  patrie; 
à  la  haine  des  tyrans  et  des  traîtres  (il  appartenait  bien  à 


Robespierre  de  fêter  la  haînel);  à  la  vérité  ;  à  la  justice;  à 
la  pudeur  ;  à  la  gloire  et  à  l'immortalité  ;  à  l'amitié  ;  à  la 
frugalité  ;  au  courage  ;  à  la  bonne  foi  ;  à  l'héroïsme  ;  au 
désintéressement  ;  au  stoïcisme  ;  à  l'amour  ;  à  l'amour  con- 
jugal; à  l'amour  paternel  ;  à  la  tendresse  maternelle;  à  la 
piété  filiale  ;  à  l'enfance  ;  à  la  jeunesse  ;  à  l'âge  viril  ;  à 
la  vieillesse  ;  au  malheur  ;  à  l'agriculture  ;  à  l'industrie  ; 
à  nos  aïeux;  à  la  postérité;  au  bonheur.  —  Si  Lakanal 
avait  fait  une  place,  dans  son  projet,  au  symbolisme  moral, 
on  voit  que,  dans  le  décret  du  48  floréal  an  II,  il  envahit 
presque  toute  l'année  républicaine.  Après  la  Convention, 
les  jacobins  applaudirent  à  leur  tour  à  la  nouvelle  insti- 
tution. La  Société  populaire  des  Tuileries  se  vanta,  par 
un  arrêté  du  26  floréal  an  II  (43  mai  4794)  d'avoir  donné 
naissance  à  l'idée  des  fêtes  décadaires,  et  de  les  avoir  célé- 
brées dès  le  mois  précédent  de  brumaire,  c.-à-d.  huit 
mois  avant  l'institution  officielle  de  ces  fêtes.  On  voit  à 
quoi,  en  tout  ceci,  se  réduit  la  part  d'invention  de  Robes- 
pierre. C'est  avec  des  idées  ramassées  un  peu  partout  qu'il 
combinait  une  religion  quintessenciée  et  pédantesque  dont 
il  se  voyait  déjà  le  grand  prêtre.  Mais  le  9  thermidor 
suivit  de  près  la  fête  de  l'Etre  suprême  (V.  Robespierre). 

Les  fêtes  décadaires  faisaient  concurrence  aux  fêtes  heb- 
domadaires du  catholicisme.  Aux  yeux  des  ennemis  de 
l'Eglise,  c'était  un^avantage.  Pour  les  esprits  tolérants, 
pour  tous  ceux  que  préoccupait  l'intérêt  avant  tout  popu- 
laire des  fêtes,  c'était  un  notable  inconvénient.  Un  répu- 
blicain catholique  eût  été  obligé,  par  conscience  et  par 
civisme,  de  chômer  encore  bien  plus  de  commémorations 
politiques  ou  de  héros  que  le  pauvre  savetier  de  La  Fontaine 
ne  chômait  de  saints.  Le  49  fructidor  an  II  (5  sept.  4794), 
Thibaudeau  fit  rapporter  la  partie  du  décret  du  4  frimaire 
an  II  qui  consacrait  à  des  fêtes  nationales  les  sans-culottides; 
et  le  dernier  jour  de  l'année  républicaine,  cinquième  sans- 
culottide,  fut  seul  férié  (24  sept.  4794).  Sept  jours  après, 
Merlin  de  Thionville  remit  tout  en  question.  N 'avait-on  pas 
confondu  jusqu'ici  la  fête  nationale  avec  le  spectacle  national  ? 
Au  spectacle,  le  peuple  écoute  ou  regarde;  dans  une  fête 
nationale,  il  doit  être  occupé  lui-même,  se  divertir  et  non 
être  diverti,  agir  en  un  mot.  L'attente  d  une  foule  immense, 
la  contrainte  policière ,   la  symétrie  obligatoire ,  l'unité 
même  du  spectacle  ont  nui  aux  fêtes  publiques.  De  la  mu- 
sique avant  tout,  et  non  qui  exige  le  silence,  mais  qui 
anime  les  auditeurs  à  chanter  et  à  danser  ;  non  pas  un 
orchestre,  mais  un  grand  nombre  d'orchestres  se  succédant 
et  se  répondant  tout  le  long  du  cortège  ;  enfin  une  action, 
un  drame  populaire.  Merlin  en  donne  le  plan,  en  trois 
actes,  sous  le  titre  d'Esquisse  de  la  fête  nationale  pour 
célébrer  V anniversaire  de  V  évacuation  du  territoire 
de  la  République.  Ce  fut  la  fête  dite  de  la  fondation  de 
la  République  ou  des  Victoires  (30  vendémiaire  an  III, 
oct.  \  794).  —  Le  8  fructidor  an  III,  les  administrateurs  de 
la  Loire-Inférieure  demandèrent  que  le  4 er  vendémiaire  fût 
fêté  :  «  Le  44  juillet  et  le  40  août  seront  à  jamais  célèbres. 
Ils  ont  donné  à  la  France  la  liberté  et  l'égalité.  Mais  le 
4cr  vendémiaire  lui  a  donné  la  République  :  ce  jour  est  le 
complément  des  deux  autres  :  ce  sera  le  jour  chéri  des 
Français.  » 

Cependant  le  parti  anticatholique  s'efforçait  de  donner 
aux  fêtes  décadaires  un  caractère  d'hostilité  aux  dogmes 
et  aux  institutions  de  l'Eglise.  Sous  le  nom  de  Discours 
décadaires,  le  conventionnel  Poultier  publia  des  cahiers 
qui  se  vendaient  douze  sous  et  qui  étaient  destinés  à  rem- 
placer et  à  faire  oublier  ou  mépriser  les  sermons  des 
prêtres  ;  chaque  cahier  avait  pour  texte  une  des  fêtes  décré- 
tées par  la  Convention.  Le  premier,  consacré  à  Y  Etre  su- 
prême et  à  la  nature,  oppose  à  «  l'homme  des  prêtres  », 
qui  ne  fait  le  bien  que  par  terreur  de  l'enfer,  «  l'homme 
de  la  nature  »,  qui  aime  le  bien  pour  lui-même,  qui  «  ne 
meurt  pas,  mais  s'endort  en  souriant  à  tout  ce  qui  l'envi- 
ronne ».  Le  4er  nivôse  an  III  (24  déc.  4794),  Marie- 
Joseph  Chénier  essaya  de  faire  substituer  les  fêtes  déca- 
daires, avec  sermons  civiques,  lectures  de  décrets,  chants 


3B5- 


FÈTÈ 


et  danses,  aux  messes  dominicales.  Sur  un  discours  de 
Grégoire,  la  Convention  passa  à  l'ordre  du  jour.  Eschas- 
sériaux  renouvela  cette  tentative  le  22  nivôse  (11  janv. 
1795).  Il  apporte,  au  nom  du  Comité  d'instruction, 
quelques  idées  nouvelles  :  donner  des  éloges,  au  cours  de 
la  cérémonie  qui  devait  se  célébrer  dans  chaque  commune, 
au  citoyen  qui  pendant  la  décade  aura  fait  une  belle  action, 
à  celui  qui  aura  imaginé  quelque  industrie  nouvelle,  aux 
nouveaux  mariés,  aux  citoyens  qui  se  sont  réconciliés  ; 
d'autre  part,  censurer  ceux  qui  se  seront  fait  remarquer 
par  leur  éloignement  systématique  des  fêtes  décadaires  et 
les  priver  pendant  trois  mois  de  l'assistance  aux  fêtes  et  ban- 
quets civiques.  Lequinio,  représentant  en  mission,  appuie 
cette  motion  par  une  lettre  circonstanciée,  datée  de  Join- 
ville,  le  11  pluviôse  an  III;  il  veut  qu'on  s'empresse  d'op- 
poser les  solennités  nouvelles  aux  manœuvres  scélérates 
des  prêtres  fanatiques  qui  aveuglent  un  peuple  bon  mais 
ignorant.  Le  17  pluviôse  (5  févr.  1795),  la  Convention 
vota  l'impression  du  rapport  et  du  projet  de  décret  sur  les 
fêtes  décadaires,  présentés  par  Eschassériaux.  Les  vocables 
de  ces  fêtes  sont  toujours  des  abstractions  :  la  Nature, 
l'Amour,  la  Reproduction  des  êtres,  la  Constitution,  la 
Haine  des  tyrans,  la  Régénération  du  peuple  français.  Mais 
le  décret  du  3  ventôse  (21  févr.),  sur  l'absolue  liberté  de 
l'exercice  des  cultes  (que  d'ailleurs  la  République  cesserait 
de  salarier,  de  loger,  etc.,  et  se  contenterait  de  protéger 
et  de  surveiller) ,  ce  décret  qui  au  fond  séparait  les  Eglises 
de  l'Etat,  se  trouvait,  par  son  principe,  en  opposition 
directe  avec  l'idée  d'une  religion  civique.  Le  décret  sur  l'or- 
ganisation de  l'instruction  publique,  définitivement  adopté 
le  3  brumaire  an  IV  (25  oct.  1795),  maintient  les  fêtes 
nationales,  mais  elles  sont  réduites  à  sept  :  celle  de  la  fon- 
dation de  la  République  (1er  vendémiaire);  celle  de  la  jeu- 
nesse (10  germinal)  ;  celle  des  époux  (10  floréal)  :  celle  de 
la  reconnaissance  (10  prairial);  celle  de  l'agriculture 
(10  messidor)  ;  celles  de  la  liberté  (9  et  10  thermidor)  ; 
celle  des  vieillards  (10  fructidor).  Chants  patriotiques, 
discours  civiques,  banquets  fraternels,  jeux  propres  à  chaque 
localité,  distribution  de  récompenses,  tel  en  est  le  programme 
général  :  l'ordonnance  en  appartenait  aux  administrations 
municipales,  sauf  pour  la  fête  du  1er  vendémiaire  qui, 
dans  la  ville  où  siégeaient  les  pouvoirs  publics,  était  réglée 
par  le  Corps  législatif.  Les  fêtes  décadaires  furent  mainte- 
nues, sans  aucun  caractère  d'obligation  toutefois.  Depuis 
le  décret  du  7  fructidor  an  III,  les  sans-culottides  avaient 
pris  le  nom  de  jours  complémentaires.  Les  commémora- 
tions du  14  juil.,  du  10  août,  du  21  janv.,  du  31  mai  se 
trouvaient,  du  moins  implicitement,  abrogées,  mais  le  Direc- 
toire fit  revivre  le  décret  du  18  floréal  an  II  en  ce  qui  con- 
cernait les  trois  premières. 

Après  l'assassinat  du  député  Féraud  et  le  discours  fu- 
nèbre prononcé  par  Louvet,  Thibaudeau  profita  de  l'émo- 
tion générale  pour  proposer  en  l'honneur  de  la  mémoire 
des  Girondins,  une  fête  des  martyrs  de  la  liberté,  qui  serait 
célébrée  le  jour  anniversaire  de  leur  exécution  (31  oct.). 
Au  lieu  de  renvoyer,  comme  d'habitude,  cette  proposition 
au  Comité  d'instruction  publique,  la  Convention  la  vota 
sur-le-champ  en  principe,  sauf  par  le  comité  à  régler  le 
cérémonial  (14  prairial).  Boissy  d'Anglas  proposa  (2e  jour 
complémentaire  de  l'an  III,  1 8  sept.l  795)  de  réunir  cette  fête 
funèbre  à  celle  de  la  fondation  de  la  République,  sans  oublier 
les  victimes  des  massacres  de  septembre,  etc.  Mais  pouvait- 
on  rire  et  pleurer  le  même  jour  ?  fit  observer  Guyomard. 
Le  Comité  d'instruction  publique  fit  adopter  la  date  du 
3  oct.  (11  vendémiaire).  Ce  jour-là  tous  les  députés  sié- 
gèrent en  costume,  un  crêpe  noir  au  bras  et,  dans  le  mo- 
ment même  où  grondaient  les  sections  royalistes,  ameutées 
contre  les  décrets  de  fructidor  (V.  Constitution  de  l'an  RI), 
la  Convention  interrompit  à  deux  reprises  son  ordre  du  jour 
pour  écouter  un  morceau  funèbre  et  un  hymne  aux  mar- 
tyrs de  la  liberté  exécutés  par  le  Conservatoire  national  de 
musique.  Au  bas  de  la  tribune  était  placée  une  urne  funé- 
raire couverte  de  crêpes  et  de  couronnes  ;  sur  le  socle  on 


lisait  :  «  Ils  ont  recommandé  à  la  patrie  leurs  pères,  leurs 
épouses  et  leurs  enfants.  Aux  magnanimes  défenseurs  de  la 
liberté,  morts  dans  les  prisons  ou  sur  les  échafauds,  pen- 
dant la  tyrannie.  »  L'hymne  ne  parlait  que  des  vingt-deux 
Girondins.  Hardy  fit  observer  que  la  «  tyrannie  décem- 
virale  »  avait  fait  47  victimes  :  sur  la  liste  qu'il  lut  et  qui 
fut  imprimée  au  procès-verbal,  on  ne  lit  pas  le  nom  de 
Danton.  —  Dans  la  séance  du  23  thermidor  an  III  (10  août 
(1795),  Gamon,  après  avoir  célébré  l'anniversaire  du  Dix- 
Août,  glorifié  la  mémoire  des  Girondins  et  flétri  celle  de 
Robespierre,  avait  fait  la  motion  suivante  :  «  La  Con- 
vention décrète  que,  le  jour  où  la  Constitution  sera  mise  en 
activité,  il  sera  célébré  dans  toute  la  République  la  fête  de 
la  réconciliation  générale  des  Français.  »  Le  sang  de 
vendémiaire  fumait  encore  qu'il  la  renouvela  (17  vendé- 
miaire an  IV,  9  oct.  1795).  Mais  Lecomte  répondit  que 
«  jamais  les  républicains  n'avaient  été  divisés  entre  eux  ; 
prétendait-on  les  réconcilier  avec  les  infâmes  royalistes?  » 
Roux  ajouta  que  l'union  des  Français  ne  pouvait  être 
attendue  que  du  règne  des  lois  :  «  Souvenons-nous,  ajouta- 
t-il,  de  la  farce  ridicule  du  baiser  Lamourette.  »  Bref,  la 
Convention  passa  à  l'ordre  du  jour. 

Le  Directoire  exécutif  prit  une  suite  d'arrêtés  en  exé- 
cution des  lois  de  la  Convention  sur  les  fêtes  nationales  et 
sur  les  fêtes  décadaires  :  celles-ci  tantôt  délaissées,  tantôt 
remises  en  honneur  suivant  l'acuité  de  la  lutte  contre  le 
catholicisme  militant.  En  l'an  IV,  il  avait  cru  pouvoir 
transférer  aux  9  et  10  thermidor  la  commémoration  du 
14  juil.  et  du  10  août  :  les  Cinq-Cents  présentèrent  des 
observations,  et,  à  la  suite  de  leur  résolution  du  8  ther- 
midor, les  Anciens  votèrent  la  loi  du  1  0  thermidor  an  IV, 
qui  réinstituait  formellement  les  fêtes  nationales  annuelles 
du  26  messidor  (14  juil.)  et  du  23  thermidor  (10  août). 
—-  L'arrêté  du  17  germinal  an  IV  (7  avr.  1796),  con- 
sidérant cjue  les  circonstances  imposaient  l'économie  et  ne 
permettaient  pas  de  donner  aux  fêtes  réglées  la  pompe 
et  l'éclat  qu'elles  devaient  recevoir  par  la  suite,  établit 
pour  la  Fête  des  époux  une  cérémonie  très  simple.  Les 
municipalités  auront  à  rechercher  les  personnes  mariées 
qui,  par  quelque  action  louable,  auront  mérité  de  servir 
d'exemple  à  leurs  concitoyens,  et  celles  qui,  déjà  char- 
gées de  famille,  auront  adopté  un  ou  plusieurs  orphelins. 
Leurs  noms  seront  inscrits  et  proclames  le  jour  de  la 
fête  ;  elles  recevront  des  couronnes  civiques,  de  la  main 
du  vieillard  qui  viendra  à  la  tête  de  la  plus  nombreuse 
famille.  «  Les  jeunes  époux  qui  se  seront  unis  pendant  le 
mois  précédent  et  la  première  décade  de  floréal  seront 
invités  à  la  fête  et  feront  partie  du  cortgèe.  Les  épouses  y 
paraîtront  vêtues  en  blanc,  parées  de  fleurs  et  de  rubans 
tricolores.  » 

La  loi  du  23  nivôse  an  IV  rappelant  Fart.  6  de  la  loi  con- 
ventionnelle du  18  floréal  an III,  régla,  pour  le  1er  pluviôse 
(21  janv.  1796),  la  célébration  de  l'anniversaire  «  de  la 
juste  punition  du  dernier  roi  des  Français  »,  laquelle  eut 
également  lieu  en  l'an  V,  en  l'an  VI  et  en  Fan  VII.  —  La 
Fête  de  la  reconnaissance  et  des  victoires,  appelée  cou- 
ramment fête  de  la  Victoire,  fut  réglée  par  l'arrêté  àa 
1er  prairial  an  IV  (20  mai  1796).  Elle  fut  célébrée  le  10,  au 
Champ  de  la  Réunion  (Champ  de  Mars).  Sans  insister  ici 
sur  les  détails  purement  descriptifs,  signalons,  d'après  le 
programme,  les  dispositions  qui  rendent  le  mieux  compte 
de  l'esprit  de  cette  cérémonie  :  «  Du  moment  où  le  Direc- 
toire, précédé  de  sa  garde  et  accompagné  des  ministres, 
sera  rendu  à  la  place  qui  lui  est  destinée,  la  garde  natio- 
nale en  activité,  divisée  en  quatorze  camps  représentant  les 
quatorze  armées,  et  portant  chacune  un  drapeau  distinctif, 
commenceront  les  évolutions.  A  chacun  de  ces  corps  sera 
joint  un  certain  nombre  de  vétérans  invalibles  ou  soldats 
blessés  avec  attention  de  les  mettre  clans  le  corps  repré- 
sentant l'armée  à  laquelle  ils  ont  été  blessés.  Les  soldats 
blessés  ou  vétérans,  conduits  par  des  officiers  et  accom- 
pagnés du  drapeau  de  leur  armée  respective,  monteront  vers 
le  Directoire,  qui  couronnera  les  drapeaux.  »  Au  «  banquet 


FÊTE 


356 


républicain  »  qui  termina  la  fête  fut  chanté  un  hymne  de 
Lebrun,  musique  de  Catel,  dont  voici  le  refrain  : 

Enivrons,  mes  amis,  la  coupe  de  la  gloire 
D'un  nectar  pétillant  et  frais. 
Buvons,  buvons  à  la  victoire, 
Fidèle  amante  du  Français. 

Les  fêtes   d'un  caractère  plus  pacifique  et   d'un  esprit 
plus  réellement  républicain  étaient  aussi  l'objet  de  la  solli- 
citude directoriale.  Nons  citerons  comme  exemple  la  Fête 
de  V agriculture.  L'arrêté  du  24  prairial  an  IV  (12  juin 
1796),  signé  Carnot,  président,  est  précédé  de  considé- 
rants remarquables  :  «  Si  l'agriculture  est  le  premier  des 
arts,  c'est  surtout.dans  une  république,  assise  sur  un  vaste 
territoire,  qu'elle  seule  peut  assurer  la  liberté  d'un  peuple, 
et  le  soustraire  à  la  dépendance  des  peuples  voisins.  Elle 
est  la  source  première  et  inépuisable  de  la  prospérité  pu- 
blique et  de  la  richesse  nationale  ;  en  substituant  les  jouis- 
sances vraies  de  la  nature  aux  besoins  factices  du  luxe  et 
de  l'oisiveté,  elle  maintient  la  simplicité  et  la  pureté  des 
mœurs  ;  enfin,  l'oubli  des  honneurs  publics  que  mérite 
l'agriculture  est  une  marque  certaine  de  l'esclavage  et  de 
la  corruption  d'un  peuple.  »  Le  dispositif  règle  ainsi  le 
cérémonial  :  dans  chaque  canton,  à  quelques  pas  devant 
l'autel  de  la  patrie,  on  placera  une  charrue  ornée  de  feuil- 
lages et  de  fleurs  et  attelée  de  bœufs  ou  de  chevaux.  Dans  les 
communes  ou  l'on  pourra  se  procurer  un  char,  il  suivra  la 
charrue  et  sera  surmonté  d'une  statue  de  la  Liberté.  Devant 
la  charrue  se  placeront  vingt-quatre  laboureurs  d'élite, 
tenant  d'une  main  un   des  ustensiles  du  labourage,  de 
l'autre  un  bouquet  d'épis  et  de  fleurs.  Le  meilleur  et  le 
plus  honnête  laboureur,  proclamé  par   la  municipalité, 
prendra  place  à  côté  du  président.   La  garde  nationale 
accompagnera  le  cortège.  A  un  signal  donné,  les  laboureurs 
et  les  citoyens  armés  feront  l'échange  momentané  des  us- 
tensiles de  labour  et  des  fusils.  Au  son  des  fanfares  et  des 
hymnes,  le  président  enfoncera  dans  la  terre  le  soc  de  la 
charrue  et  commencera  un  sillon.  La  fête  sera  terminée 
par  des  danses.  —  C'est  dans  le  même  esprit  de  sensibilité 
vertueuse  que  l'arrêté  directorial  du  27  thermidor  an  IV 
régla  la  fête  de  la  vieillesse...  dont  les  enfants  devaient 
être  le  principal  ornement.  A  Paris,  divers  théâtres  réser- 
vèrent des  places  aux  vieillards  couronnés.  On  joua  Œdipe 
a  Colonne,  on  revit  le  Devin  du  village  deJ.-J.  Rous- 
seau, auquel  furent  ajoutés  des  couplets  et  une  scène  de 
circonstance  (10  fructidor  an  IV,  27  août  1796).  —  Mais 
la  fête  essentiellement  politique,  à  laquelle  se  rattachaient 
toutes  les  autres,  était  celle  du  1er  vendémiaire.  Dans  la 
séance  du  28  thermidor  an  IV  (15  août  1796),  Marie- 
Joseph  Chénier  lut  aux  Cinq-Cents  un  rapport  sur  le  mode 
de  célébration  de  {'anniversaire  de  la  fondation  de  la 
République,  Mercier,  pour  ne  pas  faire  dater  l'ère  répu- 
blicaine «  du  temps  où  l'on  vouait  à  la  mort  les  Lavoisier 
et  les  Condorcet  »,  demanda  qu'elle  fût  reportée  au  jour 
de  la  mise  en  activité  de  la  constitution  de  l'an  III.  C'était 
précisément  aller  à  rencontre  de  cette  constitution  même. 
Aussi  la  date  du  1er  vendémiaire  fut-elle  maintenue  sur  la 
proposition  de  Doulcet.  Rouzet,  le  6  fructidor  an  IV  (23  août 
1796),  demanda  qu'à  l'occasion  de  cette  fête,  tous  les  actes 
et  toutes  les  procédures  pour  délits  politiques  pendant  la 
Révolution  lussent  brûlés  solennellement  :  heureusement 
pour  l'histoire,  cette  motion  ne  passa  point.  C'est  le  mi- 
nistre de  l'intérieur  Benczech  qui,  le  20  sept.,  régla  pour 
Paris  la  fête  du  surlendemain  (1er  vendémiaire  an  V).  Sur 
le  Champ  de  Mars  fut  dressé  un  segment  du  Zodiaque, 
surmonté  du  signe  de  la  Balance.  A  trois  heures  après  midi, 
"  une  salve  d'artillerie  annonça  le  commencement  de  la  fête. 
Le  Soleil,  sous  la  figure  d'Apollon,  assis  sur  un  char  attelé 
de  douze  chevaux,  entouré  des  Heures  et  suivi  des  Saisons, 
chacune  sur  un  char,  s'avança  dans  l'arène.  Seconde  salve 
lorsqu'il  arriva  devant  le  signe  de  la  Balance.  Au  même 
instant,  les  emblèmes  de  la  royauté,  placés  entre  le  char  et 
le  tertre  central  du  Champ  de  Mars,  s'écroulèrent  et  lais- 
sèrent voir,  sur  un  fût  de  colonne,  la  statue  de  la  Répu- 


blique française  appuyée  d'une  main  sur  un  faisceau,  et 
montrant  de  l'autre  la  statue  de  la  Liberté.  Hymne  «  à 
grand  chœur  »,  proclamation  des  poètes  et  des  musiciens 
qui  par  leurs  talents  avaient  concouru  à  l'éclat  des  fêtes 
nationales,  course  à  pied,  course  à  cheval,  course  des 
chars,  «  exercices  à  cheval  autour  du  cirque  par  le  citoyen 
Franconi,  illumination  de  l'Ecole  militaire,  feu  d'artifice 
dans  l'île  des  Cygnes,  orchestres  et  danses  populaires,  telles 
furent  les  réjouissances  qui  terminèrent  la  première  fête 
de  la  République.  La  Reveiilère-Lépeaux,  président  du  Di- 
rectoire, y  prononça  un  discours  :  d'Italie,  du  Rhin,  il 
n'arrivait  alors  que  de  glorieuses  nouvelles.  —  La  fête  du 
1er  vendémiaire  an  V  lut  célébrée  aussi  à  Milan,   sous  la 
présidence  de  Bonaparte  et  de  sa  femme.  La  Liberté  y 
était  représentée  par  une  jeune  femme  vêtue  à  la  grecque, 
et  agitant  un  drapeau  tricolore  :   autour  de  celte  déesse 
vivante  «folâtraient  six  jeunes  garçons,  ornés  de  guirlandes, 
de  fleurs  et  de  feuillages,  et  portant  des  emblèmes  de  la 
liberté  victorieuse,  de  la  tyrannie  vaincue,  de  la  coalition 
foudroyée.  »  Les  vaincus  fêtaient  ce  qu'ils  croyaient  être 
«  la  première  année  de  leur  république  lombarde  et  ita- 
lique ».  En  Fan  VI,  le  18  messidor  (6  juil.  1798),  le 
Directoire  lit  adresser  aux  départements  une  circulaire  du 
ministre  de  l'intérieur  «  sur  le  but  auquel  doivent  tendre 
les  fêtes  nationales  ».  Le  même  jour  fut  réglée  la  fête  du 
26  messidor  (14  juil.),  où  furent  exécutés  par  le  Conser- 
vatoire, Y  Hymne  à  la  Patrie  et  Y  Hymne  du  14  juillet, 
Merlin,  de  Douai,  comme  président  du  Directoire,  prononça 
un  discours  dont  l'idée  générale  était  :  «  Au  14  juillet,  le 
peuple  français  voulait  la  liberté,  l'égalité;  donc  il  voulait 
la  République.  Les  dangers  courus,  les  victoires  remportées 
doivent  l'y  attacher  encore  plus  étroitement.  »  Cependant, 
depuis  le  18  fructidor  an  V  (4  sept.  1797),  dont  l'anni- 
versaire devint  aussi  une  fête,  la  République  ne  se  main- 
tenait que  péniblement.  En  dehors  de  Paris,  les  fêtes  déca- 
daires étaient  fort  négligées.  Le  ministre  de  l'intérieur 
Benezech  adressait,  en  1797,  une  instruction  détaillée  aux 
commissaires  du  pouvoir  exécutif  près  les  administrations  : 
«  Que  celles  qui  n'ont  vu  dans  les  fêtes  nationales  que  des 
cérémonies  frivoles  ou  précaires  sortent  de  leur  erreur  et 
célèbrent  désormais  avec  intérêt  et  attachement  pour  la 
Constitution  des  fêtes  qu'elles  célébraient  avec  indifférence 
et  pour  obéir  à  la  loi.  »  L'institution  ne  visait  à  rien  moins 
qu'à  «  éterniser  l'existence  des  principes  politiques  ».  Ainsi 
plus  la  forme  du  gouvernement  paraissait  menacée  par  les 
progrès  incontestables  alors  de  l'opinion  royaliste,  plus 
aussi  se  multipliaient  les  efforts  du  monde  officiel  pour  res- 
taurer et  faire  vivre  cette  éphémère  religion  politique,  dont 
le  dogme  et  le  culte  étaient  à  la  merci  des  événements. 
«  Les  hommes  ne  savent  pas,  avait  pourtant  écrit  Voltaire, 
qu'il  faut  séparer  toute  espèce  de  religion  de  toute  espèce 
de  gouvernement.  »  —  A  Paris  même,  les  fêtes  devenaient 
purement  officielles  ;  l'ensemble  de  la  population  s'y  mon- 
trait indifférent.  Le  5  frimaire  an  VI,  un  arrêté  du  bureau 
central  de  la  ville  de  Paris,  approuvé  par  l'administration 
centrale  de  la  Seine,  ordonne  :  «  qu'aucune  marchandise 
autre  que  des  comestibles  ne  pourra,  les  jours  de  fêtes  na- 
tionales et  les  décadis,  être  exposée  en  vente  dans  les  rues, 
places,  halles  et  marchés,  soit  en  échoppes,  soit  en  étalages 
mobiles  ;   qu'aucun  marchand  en  boutique  ne  pourra  ces 
mêmes  jours  exposer  aucune  montre  ni  étalage  de  mar- 
chandises faisant  saillie  sur  la  voie  publique  »  ;   interdit 
aux  maçons,  charpentiers,  etc.,  tout  travail  sur  la  voie 
publique  ou  leurs  matériaux  peuvent  être  déposés  en  vertu 
de  permissions  ;  met  à  l'amende  les  contrevenants  comme- 
embarrassant  la  circulation  et  les  prive  de  leurs  permissions 
ou  licences  (25  nov.  1797).  Les  progrès  de  la  Tliéophi- 
lanthropie  (V.  ce  mot)  ne  tardèrent  pas  à  se  traduire  par 
des   délibérations  et  des  mesures  législatives.   Bonnaire 
déposa  un  projet  relatif  à  la  célébration  du  décadi,  le 
28  messidor  an  VI  (16  juil.  1798).  Gauthier  (du  Cal- 
vados), Heurtaut-Lamerville,  Duplantier  (de  la  Gironde), 
Briot,  Creuzé-Latouche,  Lucien  Bonaparte  prirent  part  à 


-  357  - 


FÊTE 


la  discussion  :  les  deux  derniers,  dans  un  esprit  plus  libéral 
que  républicain,  s'indignèrent  de  la  proposition  incidente 
de  Briot,  proscrivant  le  repos  du  dimanche.  «  A  Rome, 
s'écria  Lucien  Bonaparte,  avez-vous  entendu  dire  qu'on 
ait  forcé  une  secte  à  travailler  le  décadi  ?  »  Ce  qui  fâchait 
le  plus  les  partisans  des  fêtes  décadaires,  c'était  de  voir 
les  boutiquiers  du  Palais-Royal  fermer  le  dimanche,  eux 
qui  ne  l'avaient  jamais  fait  sous  l'ancien  régime.  «  Etaient- 
ils  devenus  plus  dévots  ?  »  demandait  Duviquet.  La  dis- 
cussion ne  fut  close  que  le  5  thermidor  (23  juil.).  Par  la 
loi  du  16  thermidor  an  Vï  (3  août  1798),  les  décadis  et  les 
jours  de  fêtes  nationales  sont  des  jours  de  repos  dans  la 
République  ;  les  autorités  constituées,  leurs  employés  et 
ceux  des  bureaux  au  service  public,  vaquent  les  jours 
énoncés,  sauf  le  cas  de  nécessité  et  l'expédition  des  affaires 
criminelles  ;  les  écoles  publiques,  ainsi  que  les  écoles  par- 
ticulières et  pensionnats  des  deux  sexes,  vaquent  les  mêmes 
jours.  Les  administrations  feront  fermer  les  établissements 
d'instruction  où  l'on  ne  se  conformerait  pas  aux  disposi- 
tions du  présent  article.  Les  écoles  publiques  ainsi  que  les 
établissements  particuliers  d'instruction  ne  peuvent  vaquer 
aucun  autre  jour  de  la  décade  que  le  quintidi,  sous  peine  de 
fermeture.  Les  significations,  saisies,  contraintes  par  corps, 
ventes  et  exécutions  judiciaires,  n'ont  pas  lieu  les  jours 
affectés  au  repos  des  citoyens,  à  peine  de  nullité.  Les  ventes 
à  l'encan  ou  au  cri  publics  sont  proscrites  ces  mêmes  jours 
sous  peine  d'une  amende  de  25  à  300  t'r.  Les  exécutions 
criminelles  sont  suspendues.  Les  boutiques,  magasins  et 
ateliers  sont  fermés  (sauf  les  ventes  ordinaires  de  comes- 
tibles et  d'objets  de  pharmacie)  :  la  récidive  à  cette  obliga- 
tion légale  est  passible  d'amende  et  de  10  jours  (au  plus) 
d'emprisonnement.  Ne  seront  autorisés  que  les  étalages 
propres  à  l'embellissement  des  fêtes,  les  travaux  publics 
urgents  spécialement  désignés  par  les  corps  administratifs 
et  ceux  qu'exigeraient  dans  les  campagnes  les  semailles  et 
les  récoltes. 

La  loi  du  43  vendémiaire  an  II  avait  limité  les  vacances 
des  administrations,  tribunaux,  agents  ou  fonctionnaires 
publics  aux  décadis  ;  la  loi  du  2  frimaire  an  II  avait  aboli 
l'ère  vulgaire  pour  les  usages  civils  ;  la  loi  en  forme  d'ins- 
truction du  même  jour  (§  6)  portait  :  «  Les  caisses  pu- 
bliques, les  postes  et  messageries,  les  établissements  publics 
d'enseignement,  les  spectacles,  les  rendez-^ous  de  commerce, 
comme  bourses,  foires,  marchés  ;  les  contrats  et  conven- 
tions ;  tous  les  genres  d'agences  publiques  qui  prenaient 
leurs  époques  dans  la  semaine,  ou  dans  quelques  usages 
qui  ne  concorderaient  pas  avec  le  nouveau  calendrier,  doi- 
vent désormais  se  régler  sur  la  décade,  sur  les  mois  et  sur 
les  jours  complémentaires.  C'est  aux  bons  citoyens  à  donner 
l'exemple  dans  leurs  correspondances  publiques  ou  privées 
et  à  répandre  l'instruction  sur  tout  ce  qui  peut  faire  sentir 
les  avantages  de  cette  loi  salutaire.  C'est  au  peuple  français 
tout  entier  à  se  montrer  digne  de  lui-même  en  comptant 
désormais  ses  travaux,  ses  plaisirs,  ses  fêtes  civiques,  sur 
une  division  du  temps  créée  pour  la  liberté  et  l'égalité, 
créée  pour  la  Révolution  même  qui  doit  honorer  la  France 
dans  tous  les  siècles.  »  Le  calendrier  républicain  devait 
«  faire  oublier  jusqu'aux  dernières  traces  du  régime  royal, 
nobiliaire  et  sacerdotal  ».  L'arrêté  du  Directoire  du  14  ger- 
minal an  VI  (3  avr.  1798),  rendu  en  exécution  des  lois 
susdites,  oblige  les  administrations  municipales  des  cantons 
ruraux  et  des  communes  de  5,000  âmes  et  au-dessus,  de 
régler  leurs  séances  sur  la  décade  ;  les  commissaires  du 
Directoire  exécutif  dénonceront  celles  qui  tiendraient  compte 
du  dimanche  et  autres  fêtes  catholiques  ;  elles  peuvent 
d'ailleurs  siéger  les  décadis.  Mêmes  règles  imposées  aux 
juges  de  paix  ;  —  à  la  tenue  des  marchés  :  «  les  marchés 
au  poisson  ne  doivent  pas  avoir  de  rapport  avec  les  jours 
d'abstinence  désignés  par  l'ancien  calendrier  »;  —  à 
l'époque  des  foires  ;  —  aux  jours  de  bourse  ;  —  à  l'ou- 
verture des  écluses  ; .—  aux  départs  et  retours  des  messa- 
geries publiques  de  terre  et  d'eau  ;  —  aux  ateliers  et 
chantiers  publics  (sauf  le  congé  facultatif  du  quintidi  après 


midi)  ;  —  aux  caisses  publiques  ;  —  aux  grandes  parades 
militaires  et  exercices  de  gardes  nationaux  ;  —  aux  direc- 
tions de  spectacles,  bals,  feux  d'artifices;  —  aux  affiches 
et  même  aux  écriteaux  annonçant  les  maisons  à  louer  ;  — 
aux  baux  de  location  ;  —  aux  journaux  et  ouvrages  pério- 
diques, même  à  ceux  qui  à  la  date  ancienne  ajoutent  les 
mots  vieux  style,  «ainsi  qu'il  a  été  indécemment  pratiqué 
jusqu'à  ce  jour  ».  Des  sanctions  légales  sont  d'ailleurs 
appliquées  à  toute  contravention.  Ainsi,  sur  les  fêtes  déca- 
daires, la  Convention  n'avait  eu  recours  qu'à  la  persua- 
sion ;  le  Directoire  met  en  jeu  la  force  publique. 

Le  6  thermidor  an  VI  (24  juil.  1798),  les  Cinq-Cents 
votent  un  bulletin  décadaire  et  adoptent  le  projet  de  réso- 
lution de  Bonnaire  et  Thiessé  qui  fixait  la  célébration  des 
mariages  au  chef-lieu  de  canton  et  aux  décadis  :  le  même 
jour,  il  devait  être  donné  connaissance  aux  citoyens  des 
naissances,  décès,  reconnaissances  d'enfants  nés  hors  ma- 
riages, actes  d'adoption  et  divorces  ayant  eu  lieu  pendant 
la  décade,  ce  qui  n'excluait  pas  (bien  entendu)  les  registres 
d'état  civil  municipaux.  —  En  l'an  VII,  le  Directoire  con- 
tinue à  exciter  le  zèle  civique  des  municipalités  :  la  longue 
circulaire  du  ministre  de  l'intérieur  François  de  Neufchâteau 
(17  ventôse  an  VII,  7  mars  1799)  insiste  particulière- 
ment sur  la  fête  de  la  jeunesse,  imitée  des  éphébées  athé- 
niennes. Le  ministre  recommande  de  ne  pas  oublier  «  la 
replantation  des  arbres  de  la  liberté  qui  n'auraient  pas  été 
plantés  dans  les  fêtes  précédentes  ou  qui  auraient  péri  » 
(cf.  loi  de  la  Convention  du  3  pluviôse  an  II).  «  Quelle 
époque  plus  convenable  peut-on  choisir  à  cet  effet  que  celle 
d'une  fête  où  l'élite  de  la  jeunesse  sera  elle-même  chargée 
de  planter  cet  arbre  chéri,  dont  les  progrès  futurs  rappel- 
leront aux  citoyens  l'image  attendrissante  de  la  fête  natio- 
nale où  il  aura  été  planté...  Tout  homme  ayant  un  cœur 
sensible,  tout  digne  amant  de  sa  patrie,  ne  pourra  passer 
devant  cet  arbre  sacré,  ne  pourra  voir  de  loin  ses  rameaux 
sans  éprouver  un  doux  tressaillement.  Tous  les  ans  l'arbre 
verdira  et  avec  lui  croîtra  l'amour  de  la  liberté  qui  doit 
fleurir  ainsi  que  lui  sous  l'égide  de  la  Constitution.  Heureux 
les  jeunes  gens  pour  qui  la  Révolution  s'est  faite,  etc.  » 
Ainsi,  les  circulaires  administratives,  au  lieu  de  rappeler 
purement  et  simplement  les  lois  antérieures  et  leurs  sanc- 
tions, prennent  un  ton  bucolique  et  sentimental,  un  style 
fleuri  dans  lequel  se  glissent  des  réminiscences  de  Vir- 
gile. —  Le  19  germinal  (8  avr.  1799),  un  message  des 
directeurs  appelle  l'attention  des  Cinq-Cents  sur  les  fêtes 
décadaires.  C'est  par  l'influence  qu'exercera  cette  belle 
institution  qu'on  obtiendra  la  réunion  des  cœurs  et  que  la 
morale  universelle  sera  substituée  aux  préjugés  et  au  fana- 
tisme. Mais,  jusqu'à  présent,  la  célébration  des  fêtes  déca- 
daires n'a  guère  opposé  aux  habitudes  monarchiques  qu'une 
force  d'inertie  :  il  faut  encore  lui  imprimer  une  force 
d'action  positive.  La  théocratie  connaissait  bien  toutes  les 
ressources  de  ce  système  :  dans  les  fêtes  religieuses,  elle 
parlait  à  l'imagination,  au  <ïœur,  à  tous  les  sens.  «  Il  faut 
faire  pour  la  vérité  ce  que  l'erreur  faisait  pour  assurer  son 
empire  :  il  ne  s'agit  que  de  donner  aux  habitudes  une  autre 
direction.  »  (En  effet,  il  ne  s'agissait  que  de  cela!)  Le 
Directoire  concluait  avec  une  logique  contestable  que  les 
fêtes  n'ayant  pas  pris  dans  les  chefs-lieux  de  canton,  il 
fallait  en  étendre  l'obligation  à  toutes  les  communes,  auto- 
riser à  cet  effet  les  municipalités  «  à  consacrer  à  ces  fêtes 
les  édifices  ci-devant  destinés  au  culte,  »  créer  et  salarier 
des  inspecteurs  et  ordonnateurs  communaux,  transformer 
les  fêtes  patronales  des  villages  en  fêtes  locales  et  cham- 
pêtres. Tous  ces  nouveaux  projets  s'écroulèrent  à  la  suite 
du  coup  d'Etat  parlementaire  des  27  floréal  et  30  prairial 
an  VII  (16  mai,  18  juin  1799).  L' ex-directeur  La  Revel- 
lière-Lépeaux,  qui,  déjà,  s'était  compromis  et  même  ridicu- 
lisé à  bien  des  yeux  par  sa  complaisance  pour  les  Théo- 
philanthropes et  qui  s'était  toujours  principalement  occupé 
des  fêtes  nationales  et  décadaires,  perdit  toute  influence  et 
fut  même  mis  en  accusation.  Les  échecs  d'Egypte  et  de 
Lombardie  n'étaient  d'ailleurs  pas  faits  pour  soutenir  un 


FÊTE 


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enthousiasme  de  plus  en  plus  factice.  Dans  son  exposé 
général  du  12  fructidor  an  VII  (29  avr.  1799),  Briot  de- 
mandait entre  autres  réformes  urgentes  la  suppression  de 
toutes  les  fêtes  nationales  autres  que  celles  du  14  juil.,  du 
10  août,  du  21  janv.  et  du  1er  vendémiaire.  Ces  fêtes 
demeurèrent  en  honneur  sous  le  Consulat  et  ne  furent 
abrogées  que  par  l'Empire.  H.  Monin. 

Fêtes  modernes. —A  l'époque  contemporaine,  les  fêtes 
ont  beaucoup  perdu  de  leur  importance.  La  disparition  pro- 
gressive des  croyances  religieuses  qui  les  vivifiaient  leur 
fait  beaucoup  de  tort  ;  la  diffusion  de  l'instruction,  l'état 
d'esprit  rationaliste  qu'elle  propage  empêchent  de  les  prendre 
au  sérieux;  d'autre  part,  le  prodigieux  développement  des 
moyens  de  transport,  la  célérité  et  la  fréquence  des  com- 
munications déracinant  l'homme  du  sol  effacent  rapidement 
les  coutumes  locales,  les  traditions  comme  les  institutions. 
Les  tentatives  faites  par  les  révolutionnaires  et  par  les  positi- 
vistes pour  en  créer  de  nouvelles,  conformes  à  nos  idées 
philosophiques,  n'ont  pas  abouti  (V.  le  §  ci-dessus  et  Posi- 
tivisme). Les  fêtes  ne  s'en  perpétuent  pas  moins,  mais  la 
plupart  ne  sont  plus  que  de  grandes  récréations,  et  guère 
des  jours  de  commune  émotion.  La  décadence  est  sensible 
même  dans  les  fêtes  de  famille.  Il  y  en  a  de  deux  sortes  : 
les  fêtes  occasionnelles,  célébrant  un  événement  considé- 
rable de  la  vie  de  famille  ;  les  fêtes  périodiques  à  certains 
anniversaires.  Dans  les  deux  cas  ces  fêtes  sont  une  occasion 
de  réunion,  de  rapprochement  pour  les  divers  parents,  de 
manifestation  des  affections  domestiques.  Les  plus  somp- 
tueuses sont  celles  qu'on  offre  à  ses  proches  et  à  ses  amis 
à  l'occasion  des  mariages,  l'usage  étant  qu'elles  soient  don- 
nées par  la  famille  de  la  femme  ;  cependant  déjà  l'aristo- 
cratie, c.-à-d.  la  portion  la  plus  éclairée  de  la  classe  capi- 
taliste, tend  à  abolir  le  repas  de  noces.  D'autres  fêtes  de 
famille  ont  lieu  à  l'occasion  du  baptême  des  enfants,  des 
fiançailles  ou  du  contrat  de  mariage  ;  quelquefois  pour  le 
25e,  le  40e  ou  le  50e  anniversaire  du  mariage  (noces  d'ar- 
gent, d'or,  de  diamant).  Des  fêtes  périodiques  quelques- 
unes  sont  propres  à  la  famille  ;  on  célèbre  l'anniversaire 
de  la  naissance  ;  plus  encore  ce  qu'on  appelle  la  fête  de 
chacun,  c.-à-d.  le  jour  consacré  dans  le  calendrier  au  saint 
dont  on  porte  le  nom  et  qui  est  censé  votre  patron  ;  cet 
usage  est  naturellement  spécial  aux  catholiques,  mais  il  est 
encore  très  vivace;  on  fait  à  cette  occasion  des  cadeaux. 
De  même  au  nouvel  an  ;  la  fête  du  «  jour  de  l'an  »  est,  en 
France  du  moins,  la  principale  fête  de  famille  ;  les  enfants 
viennent  complimenter  leurs  parents;  on  échange  des 
souhaits  de  prospérité  pour  l'année  qui  s'ouvre.  Ces  vœux 
dépassent  le  cercle  de  la  famille  ;  dans  la  société  bour- 
geoise on  échange  des  visites  ou  du  moins  des  cartes  de 
visite.  L'usage  des  étrennes  distribuées  non  seulement  aux 
enfants,  mais  à  tous  les  serviteurs,  ne  décline  nullement.Les 
deux  fêtes  religieuses  qui  encadrent  le  jour  de  l'an  sont  égale- 
ment des  fêtes  de  famille,  Noël  et  le  jour  des  Rois.  La  pre- 
mière est  la  grande  fête  des  pays  germaniques  et  anglo- 
saxons  ;  la  seconde,  des  pays  du  Midi,  qui  fêtent  d'ailleurs 
toute  la  période  depuis  Noël.  Les  enfants  ont  la  principale 
part  dans  la  fête  de  famille  à  Noël  ;  c'est  à  eux  qu'on  offre 
les  jouets  suspendus  à  l'arbre  de  Noël,  au  sapin  illuminé 
en  leur  honneur  ;  c'est  dans  leurs  souliers  placés  auprès 
de  la  cheminée  qu'on  met  les  cadeaux;  il  est  vrai  que 
les  adultes  se  réservent  le  souper  classique  du  réveillon 
(V.  Noël).  C'est  encore  un  banquet  qui  célèbre  la  fête  des 
Rois  dont  ne  subsiste  guère  que  la  coutume  de  se  partager 
une  galette  où  est  cachée  une  fève  dispensatrice  de  la 
royauté  du  festin  pour  celui  qui  la  reçoit,  On  peut  encore 
considérer  comme  fête  de  famille  la  fête  annuelle  des  Morts. 

Les  fêtes  populaires  coïncident  généralement  avec  les  fêtes 
religieuses,  mais  sans  grand  éclat;  dans  les  villes  elles  ten- 
dent à  disparaître  ;  il  ne  subsiste  guère  que  les  fêtes  publi- 
ques. Cependant  là,  comme  dans  les  villages,  certains  quar- 
tiers ont  annuellement  leur  fête  foraine.  La  partie  religieuse 
des  fêtes  est  de  plus  en  plus  négligée  ;  celles  qu'on  célèbre 
encore  à  Pâques,  à  la  Fête-Dieu,  à  l'Assomption,  etc.,  ne 


sont  plus  les  principales  dans  la  vie  champêtre  ou  urbaine. 
Les  ressources  locales  sont  limitées  :  des  bals  dans  les  guin- 
guettes ou  sous  l'ombrage,  aux  accents  d'un  orchestre  ru- 
dimentaire,  quelques  jeux,  des  tirs.  L'élément  d'attraction 
capital  est  fourni  par  les  forains  nomades  qui  promènent 
de  ville  en  ville,  de  village  en  village,  leurs  troupes  d'ac- 
teurs, de  saltimbanques,  leurs  ménageries,  leurs  jeux  de 
boules,  de  quilles,  de  roulette,  leurs  tirs,  leurs  jouets  et 
friandises.  Ces  fêtes  foraines  ne  tiennent  plus  grand  compte 
du  calendrier  religieux  ;  chaque  village  a  la  sienne  à  son 
tour  ;  dans  la  banlieue  parisienne,  elles  ont  un  développe- 
ment exceptionnel.  Elles  donnent  lieu  en  somme  à  une  in- 
dustrie spéciale  qui  sera  étudiée  à  part  (V.  Forain)  ;  plus 
rien  de  la  spontanéité  des  véritables  fêtes  populaires.  En 
dehors  des  fêtes  foraines,  celles-ci  sont  encore  marquées 
par  des  concours,  régates,  courses  de  chevaux,  courses  de 
taureaux  ;  les  vieux  amusements  comme  la  course  en  sac 
tendent  à  disparaître.  Signalons  enfin  l'effort  des  travail- 
leurs socialistes  pour  créer  une  fête  du  1er  mai.  Le  chô- 
mage n'a  prévalu  que  partiellement,  mais  le  soir  au  moins 
la  fête  est  célébrée  dans  les  plus  grands  centres  ouvriers 
à  moins  qu'on  ne  l'ajourne  au  dimanche  suivant. 

Les  fêtes  publiques,  officiellement  décrétées  par  l'Etat  ou 
les  pouvoirs  locaux,  sont  les  plus  considérables,  bien  que 
factices.  Elles  donnent  une  suffisante  satisfaction  au  besoin 
de  divertissement  par  les  jeux,  les  bals,  les  illuminations 
et  les  feux  d'artifice  qui  sont  leur  grande  attraction.  C'est 
dans  cette  catégorie  qu'il  faudrait  ranger  les  concours  dont 
nous  parlions  et  peut-être  même  la  fête  foraine  annuelle  de 
chaque  village.  Les  fêtes  religieuses  conservées  par  l'Etat 
ne  sont  marquées  que  par  le  chômage  de  la  vie  publique. 
Toutefois  le  second  empire  français  ayant  adopté  pour  la 
fête  du  souverain  la  date  de  l'Assomption,  la  grande  fête 
publique  de  la  France  coïncida  durant  quelques  années  avec 
une  fête  religieuse.  Mais  le  caractère  politique  et  officiel 
dominait.  Depuis  lors  ont  été  créées  deux  fêtes  nationales 
commémorant  deux  grands  événements  historiques  :  la  fête 
du  14  juillet,  anniversaire  de  la  prise  de  la  Bastille,  renou- 
velée de  la  fête  de  la  Fédération,  et  la  fête  du  22  septembre, 
anniversaire  de  la  proclamation  de  la  République. 

Fête  de  la  Fédération.  —  La  fête  de  la  Fédération, 
célébrée  au  Champ  de  Mars  le  14  juil.  1790,  fut  une  des 
plus  belles  journées  de  la  Révolution  française.  Elle  eut 
une  extrême  importance  comme  affirmation  de  l'unité  fran- 
çaise et  de  l'accord  quasi  universel  en  faveur  du  régime 
nouveau.  Ce  fut  le  grand  événement  de  l'année  1790.  Sous 
l'action  de  l'Assemblée  constituante,  l'ancien  régime  s'était 
effondré  ;  mais  l'organisation  destinée  à  le  remplacer  n'exis- 
tait pas  encore  ;  il  n'y  avait  plus  guère  d'autorité,  de  force 
publique.  L'organisation  se  fit  presque  spontanément  d'un 
bout  à  l'autre  de  la  France,  sous  forme  de  fédérations.  Un 
grand  nombre  de  départements  avaient  institué  des  fêtes 
nationales  pour  la  prestation  du  serment  civique  ;  dans  ces 
fêtes,  la  milice  populaire,  les  gardes  nationales  des  districts 
fraternisèrent  avec  les  troupes  de  ligne.  L'origine  des  fé- 
dérations entre  les  gardes  nationales  doit  être  cherchée  au 
S.-E.  de  la  France,  sur  la  frontière  ;  elles  voulaient  assurer 
les  subsistances  et  se  garantir  contre  une  invasion  étran- 
gère. L'idée  se  propagea  rapidement  et  les  fédérations  se 
multiplièrent  tant  comme  moyen  d'assurer  Tordre  que 
comme  manifestation  de  fraternité  patriotique.  Nous  repro- 
duisons ici  le  texte  du  pacte  fédératif  des  bas  officiers,  ca- 
poraux, grenadiers  et  fusiliers  des  régiments  de  Normandie 
et  de  Beauce  en  garnison  à  Brest.  «  Quand  de  dangereuses 
manœuvres  semblent  se  tramer  pour  s'opposer  à  la  régé- 
nération de  l'Etat  et  qu'il  est  essentiel  que  tous  les  bons 
citoyens  manifestent  de  plus  en  plus  leur  dévouement  à  la 
patrie,  pour  que  la  France  connaisse  le  nombre  de  ses  vrais 
défenseurs  et  que  nos  ennemis  du  dehors  et  surtout  ceux 
du  dedans  sachent  enfin  ce  que  peuvent  des  hommes  libres, 
nous,  bas  officiers,  caporaux,  grenadiers  et  fusiliers  desdits 
régiments,  réitérons  devant  Dieu  le  serment  d'être  fidèles 
à  la  nation,  à  la  loi  et  au  roi.  Nous  jurons  de  défendre  jus- 


359 


FÊTE 


qu'à  la  mort  la  nouvelle  constitution  du  royaume  et  nos 
dignes  représentants,  qui,  d'accord  avec  le  roi  citoyen,  ne 
travaillent  que  pour  le  bonheur  de  la  France.  Nous  jurons 
de  protéger  et  de  défendre  tous  nos  braves  compatriotes, 
tant  citoyens  militaires  que  militaires  citoyens.  Nous  jurons 
de  surveiller  et  de  traverser  de  notre  pouvoir  toutes  les 
trames  et  manœuvres  des  ennemis  du  bien  public.  Nous 
jurons  de  plutôt  mourir  que  de  cesser  un  seul  instant  d'être 
libres  ;  mais  nous  protestons  n'entendre  d'autre  liberté 
que  celle  conforme  à  la  loi  et  à  la  subordination  qui  en 
émane.  »  Ce  langage  est  caractéristique  et  montre  l'inten- 
sité des  sentiments  communs  à  l'immense  majorité  des  Fran- 
çais. Le  mouvement  d'organisation  se  propageait  de  plus 
en  plus.  «  Les  fédérations  de  nov.  89  brisent  les  Etats 
provinciaux  ;  celles  de  janvier  finissent  la  lutte  des  parle- 
ments ;  celles  de  février  compriment  les  désordres  et  les 
pillages  ;  en  mars,  avril,  s'organisent  les  masses  qui  étouf- 
fent en  mai  et  juin  les  premières  étincelles  d'une  guerre 
de  religion  ;  mai,  encore,  voit  les  fédérations  militaires,  le 
soldat  redevenant  citoyen,  l'épée  de  la  contre-révolution, 
sa  dernière  arme,  brisée.  Que  reste-t-il  ?  la  fraternité  a  aplani 
tout  obstacle  ;  toutes  les  fédérations  vont  se  confédérer 
entre  elles  ;  l'union  tend  à  l'unité.  Plus  de  fédérations, 
elles  sont  inutiles,  il  n'en  faut  plus' qu'une  :  la  France.  » 
(Michelet.)  Cet  effacement  du  particularisme  provincial  fut 
d'autant  plus  admirable  que  précisément  les  fédérations  et 
surtout  celles  des  gardes  nationales  auxquelles  on  donne 
spécialement  ce  nom,  eussent  pu  conduire  au  fédéralisme. 
Ce  fut  tout  le  contraire.  Ecoutez  Michelet  :  «Nous  avons  vu 
les  unions  se  former,  les  groupes  se  rallier  entre  eux,  et, 
ralliés,  chercher  une  centralisation  commune  ;  chacune  des 
petites  Frances  a  tendu  vers  son  Paris,  l'a  cherché  d'abord 
près  de  soi.  Une  grande  partie  de  la  France  crut  un  mo- 
ment le  trouver  à  Lyon  (30  mai).  Ce  fut  une  prodigieuse 
réunion  d'hommes,  telle  qu'il  n'y  fallait  pas  moins  que  les 
grandes  plaines  du  Rhône.  Tout  l'Est,  tout  le  Midi  avait 
envoyé  ;  les  seuls  députés  des  gardes  nationales  étaient  cin- 
quante mille  hommes.  Tels  avaient  fait  cent  lieues,  deux 
cents  lieues,  pour  y  venir.  Les  députés  de  Sarreiouis  y 
donnaient  la  main  à  ceux  de  Marseille.  Ceux  de  la  Corse 
eurent  beau  se  hâter,  ils  ne  purent  arriver  que  le  lende- 
main. Mais  ce  n'était  pas  Lyon  qui  pouvait  marier  la  France. 
Il  fallait  Paris.  »  La  fête  de  Lyon  avait  été  imposante  ; 
les  50,000 délégués,  représentant  plus  de  500,000  hommes, 
se  réunirent  au  pied  d'un  rocher  artificiel  haut  de  50  pieds 
renfermant  un  temple  de  la  Concorde  ;  au  sommet  s'éle- 
vait une  statue  colossale  de  la  Liberté,  tenant  d'une  main 
une  couronne  civique,  de  l'autre  une  pique  surmontée  du 
bonnet  phrygien  ;  au  pied  de  cette  statue,  un  autel  ;  des 
gradins  étaient  taillés  dans  les  roches.  On  apporta  les  dra- 
peaux sur  ces  gradins,  on  célébra  une  messe,  on  prononça 
le  serment  civique  ;  un  feu  d'artifice,  des  bals  et  des  ban- 
quets terminèrent  la  fête. 

On  forma  le  projet  d'en  organiser  une  semblable  à  Paris, 
d'y  convoquer  une  fédération  des  gardes  nationales  de 
toute  la  nation  dans  laquelle  on  confondrait  les  serments 
civiques  du  peuple  entier.  La  Commune  de  Paris  adopta  ce 
projet  et  délégua  une  députation  présidée  par  Bailly  pour 
le  présenter  à  l'Assemblée  nationale.  Une  adresse  des  Pa- 
risiens à  tous  les  Français  fut  rédigée  par  Bourtibonne, 
Pons  de  Verdun  et  Pastoret.  On  y  lisait  :  «  Chers  et 
braves  amis,  jamais  des  circonstances  plus  impérieuses 
n'ont  invité  tous  les  Français  à  se  réunir  dans  un  même 
esprit,  à  se  rallier  avec  courage  autour  de  la  loi  et  favo- 
riser de  tout  leur  pouvoir  l'établissement  de  la  constitution. 
Nous  ne  sommes  plus  Bretons  ni  Angevins,  ont  dit  nos 
frères  de  la  Bretagne  et  de  l'Anjou;  comme  eux,  nous 
disons  :  nous  ne  sommes  plus  Parisiens,  nous  sommes  tous 
Français.  Vos  exemples  et  les  dernières  paroles  du  roi 
nous  ont  inspiré  un  grand  dessein  ;  vous  l'adopterez,  il 
est  digne  de  vous.  Vous  avez  juré  d'être  unis  par  les  liens 
indissolubles  d'une  sainte  fraternité,  de  défendre  jusqu'au 
dernier  soupir  la  constitution  de  l'Etat,  les  décrets  de 


l'Assemblée  nationale  et  l'autorité  légitime  de  nos  rois. 
Comme  vous,  nous  avons  prêté  ce  serment  auguste  ;  fai- 
sons, il  en  est  temps,  faisons  de  ces  fédérations  une  con- 
fédération générale.  Qu'il  sera  beau  le  jour  de  l'alliance 
des  Français  !  un  peuple  de  frères,  les  régénérateurs  de 
l'Empire,  un  roi  citoyen,  ralliés  par  un  serment  commun  à 
l'autel  de  la  patrie,  quel  spectacle  imposant  et  nouveau 
pour  les  nations  !  ...  C'est  le  44  juillet  que  nous  avons 
conquis  la  liberté,  ce  sera  le  44  juillet  que  nous  jurerons 
de  la  conserver.  Qu'au  même  jour,  à  la  même  heure,  un 
cri  général,  un  cri  unanime  retentisse  dans  toutes  les 
parties  de  l'Empire  :  Vive  la  nation,  la  loi  et  le  roi  !  »  Ce 
'  projet  fut  apporté  à  l'Assemblée  nationale  le  5  juin  ;  elle 
l'approuva  et  chargea  le  comité  de  constitution  de  l'orga- 
nisation. L'évêque  d'Autun  apporta  le  7  juin  le  projet  de 
décret  ;  il  fut  discuté  le  8  et  adopté  avec  quelques  amen- 
dements le  9.  Les  gardes  nationales,  l'armée  de  terre  et  de 
mer  durent  envoyer  des  députés  :  les  gardes  nationales  à 
raison  de  six  hommes  sur  deux  cents,  au  choix  des  direc- 
teurs de  district  ;  à  une  distance  de  plus  de  cent  lieues,  on 
ne  devait  envoyer  qu'un  homme  sur  quatre  cents.  L'armée 
de  terre  enverrait  six  députés  par  régiment  d'infanterie, 
quatre  par  régiment  de  cavalerie.  Pour  les  premiers,  la 
dépense  était  aux  frais  des  districts.  Ce  pouvait  être  un 
obstacle.  «  Mais,  dans  un  si  grand  mouvement,  y  avait-il 
des  obstacles?  On  se  cotisa,  comme  on  put;  comme  on 
put,  on  habilla  ceux  qui  faisaient  le  voyage  ;  plusieurs 
vinrent  sans  uniforme.  L'hospitalité  fut  immense,  admi- 
rable, sur  toute  la  route  ;  on  arrêtait,  on  se  disputait  les 
pèlerins  de  la  grande  fête.  On  les  forçait  de  faire  halte,  de 
loger,  manger,  tout  au  moins  boire  au  passage.  Point 
d'étranger,  point  d'inconnu,  tous  parents.  Gardes  natio- 
naux, soldats,  marins,  tous  allaient  ensemble.  Ces  bandes 
qui  traversaient  les  villages  offraient  un  touchant  spec- 
tacle. C'étaient  les  plus  anciens  de  l'armée,  de  la  marine, 
qn'on  appelait  à  Paris.  Pauvres  soldats  tout  courbés  de  la 
guerre  de  Sept  ans,  sous-officiers  en  cheveux  blancs, 
braves  officiers  de  fortune  qui  avaient  percé  le  granit  avec 
leur  front,  vieux  pilotes  usés  à  la  mer,  toutes  ces  ruines 
vivantes  de  l'ancien  régime  avaient  voulu  pourtant  venir. 
C'était  leur  jour,  c'était  leur  fête.  On  vit  au  44  juillet  des 
marins  de  quatre-vingts  ans  qui  marchèrent  douze  heures 
de  suite  ;  ils  avaient  retrouvé  leurs  forces;  ils  se  sentaient, 
au  moment  de  la  mort,  participer  à  la  jeunesse  de  la 
France,  à  l'éternité  de  la  patrie.  »  (Michelet.)  A  Paris, 
l'effervescence  n'était  pas  moindre.  On  se  préparait  à  rece- 
voir dignement  ses  hôtes;  projets,  brochures  se  multi- 
pliaient. La  suppression  des  titres  de  noblesse  fut  un  effet 
assez  imprévu  de  cette  agitation  et  un  épisode  de  la  pré- 
paration à  la  fête.  Le  même  jour  (49  juin),  le  Prussien 
Anarcharsis  Cloots  demandait  à  l'Assemblée  pour  les  étran- 
gers le  droit  de  prendre  part  à  la  fédération  de  la  France 
armée  ;  un  Turc  vint  aussi  ;  mais  la  députation  comprenait 
des  gens  de  Belgique,  de  Liège,  de  Savoie,  d'Avignon  qui 
désiraient  être  Français.  A  mesure  que  les  fédérés  arri- 
vaient à  Paris,  on  se  disputait  le  plaisir  de  les  loger. 

Cependant  les  préparatifs  matériels  avançaient  lente- 
ment. On  avait  choisi  comme  emplacement  le  Champ  de 
Mars,  mais  on  voulait  le  transformer;  au  lieu  de  cette 
esplanade,  former  une  sorte  de  vallée  dominée  des  deux 
côtés  par  des  talus  ou  gradins  sur  lesquels  s'étageraient 
les  50,000  acteurs,  les  300,000  spectateurs.  Le  travail 
tardant,  malgré  les  42,000  ouvriers,  le  peuple  parisien 
entier  s'y  porta  au  refrain  de  Ça  ira  et  en  une  semaine 
tout  fut  prêt.  Nous  reproduisons  le  récit  fait  par  Pages  de 
l'Ariège,  en  le  complétant.  Le  roi  qui  désirait  lier  les  Fran- 
çais à  sa  cause  fit  ouvrir  le  pont  Louis  XVI  qui  rappelait 
un  bienfait  de  la  monarchie,  dans  cette  fête  de  l'indépen- 
dance. Il  accueillit  les  fédérés  avec  affabilité  :  «  Dites  à 
vos  concitoyens  que  le  roi  est  leur  père,  leur  frère,  leur 
ami,  qu'il  ne,  peut  être  heureux  que  de  leur  bonheur,  grand 
que  de  leur  gloire,  puissant  que  de  leur  liberté,  souffrant 
que  de  leurs  maux.  »  On  s'attendrissait,  convaincu  de  sa 


FETE 


360 


loyauté.  On  criait  Vive  le  roi  !  Au  matin  du  14  juil.,  dès 
cinq  heures,  les  fédérés,  délégués  de  4  millions  de  soldats 
citoyens,  rangés  par  départements  sous  83  bannières,  se 
réunissent  sur  les  boulevards.  Leur  cortège  part  de  la 
place  de  la  Bastille  pour  se  rendre  au  Champ  de  Mars.  Sous 
de  lourdes  averses,  de  continuelles  rafales,  malgré  Feau, 
malgré  la  faim,  ils  chantent;  ils  vont  par  les  rues  Saint- 
Martin  et  Saint-Honoré  ;  des  fenêtres  on  leur  descend  des 
pains,  des  jambons.  Ils  arrivent,  passent  la  Seine  sur  un 
pont  de  bois  en  face  de  Chaillot,  défilent  sous  un  vaste  arc 
de  triomphe  élevé  à  rentrée  du  Champ  de  Mars  ;  au  milieu 
du  cirque  qu'on  venait  de  créer  était  l'autel  de  la  patrie  ; 
du  côté  de  l'Ecole  militaire,  des  gradins  réservés  au  roi  et 
à  l'Assemblée.  Les  fédérés  se  rangent  dans  ce  lac  de  boue, 
sans  songer  à  s'abriter  de  la  pluie  ;  pour  passer  le  temps  ils 
se  mettent  à  danser,  formant  de  joyeuses  farandoles.  L'As- 
semblée nationale  arrive,  précédée  des  vétérans,  suivie  des 
jeunes  élèves.  Le  roi  s'assied,  la  reine  à  côté  de  lui,  leur 
famille,  les  ambassadeurs,  dominant  toute  la  foule.  La- 
fayette  sur  son  cheval  blanc  arrive  au  pied  du  trône  ;  le 
commandant  des  gardes  nationales  parisiennes  vient  prendre 
les  ordres  du  roi.  A  l'autel,  entouré  de  deux  cents  prêtres 
parés  de  ceintures  tricolores,  Talleyrand,  l'évêque  d'Au- 
tun,  officie;  il  bénit  les  drapeaux.  «  Lafayette,  à  la  tête 
de  l'état-major,  monte  à  l'autel;  il  jure  d'être  fidèle  à  la 
nation,  à  la  loi,  au  roi.  Les  bannières  s'agitent,  les  sabres 
nus  et  croisés  étincellent  :  fédérés,  soldats,  marins,  s'unis- 
sent à  ce  serment  ;  le  président  de  l'Assemblée  nationale  le 
répète  :  les  députés  y  répondent  ;  le  peuple  entier  s'écrie  : 
«  Je  le  jure  !  »  Le  roi  se  lève  alors  :  «  Moi,  roi  des  Fran- 
çais, dit-il,  je  jure  d'employer  le  pouvoir  que  m'a  délégué 
l'acte  constitutionnel  de  l'Etat  à  maintenir  la  constitution 
décrétée  par  l'Assemblée  nationale  et  acceptée  par  moi.  » 
«  Voilà  mon  fils  »,  ajoute  la  reine,  en  élevant  le  dauphin 
dans  ses  bras,  «  il  partage  avec  moi  les  mêmes  sentiments  !  » 
Aussitôt  les  cris  de  Vive  le  roi  !  vive  la  reine  !  vive  le  dau- 
phin !  font  retentir  les  airs.  »  Les  acclamations  du  peuple, 
le  bruit  des  tambours,  un  orchestre  de  200  musiciens  et 
de  40  pièces  d'artillerie  annoncent  à  Paris  les  promesses 
échangées  entre  le  peuple  libre  et  le  roi  citoyen.  La  joie 
est  unanime  ;  ceux  même  qui  ne  sont  pas  venus  au  moins 
jusqu'aux  collines  de  Chaillot  et  dePassy,  hommes,  femmes, 
enfants,  lèvent  les  mains  avec  transport  et  s'écrient  :  Oui, 
je  le  jure.  Le  lendemain  les  journaux  troubleront  cette 
félicité;  ils  récrimineront  contre  l'adoration  témoignée  à 
Lafayette,  contre  le  refus  du  roi  de  venir  à  l'autel  prêter 
le  serment  qu'il  a  prononcé  dans  sa  tribune,  sous  sa  tente  ; 
mais  on  ne  les  écoute  guère.  L'enthousiasme  est  général. 
Après  la  cérémonie,  les  fédérés  se  rendent  à  un  banquet 
de  25,000  couverts  offert  par  la  Commune  de  Paris  aux 
14,000  délégués  venus  des  départements.  Les  journées 
suivantes  continuent  la  fête  ;  on  danse  sur  l'emplacement 
de  la  Bastille;  Paris  déploie  tous  les  moyens  de  séduction, 
illuminations,  revues,  joutes,  ascensions  aérostatiques,  feux 
d'artifice,  bals,  etc.  Le  14  juil.,  tandis  qu'on  fêtait  à  Paris 
la  fédération  de  toutes  les  gardes  nationales,  chaque  ville, 
chaque  village,  prenait  sa  part  de  l'allégresse  nationale, 
avait  sa  fête.  Personne  n'y  manque  ;  on  s'assemble  en 
pleine  campagne,  désertant  les  villages  ;  des  passants  tra- 
versant un  bourg  n'y  ont  vu  que  des  chiens  ;  tous  les 
hommes  étaient  à  la  fête,  «  tous  étaient  acteurs,  depuis  le 
centenaire,  jusqu'au  nouveau-né  ;  il  n'y  a  plus  ni  riche, 
ni  pauvre,  ni  noble,  ni  roturier  ;  les  vivres  sont  en  com- 
mun, les  tables  communes  ».  A  Saint-Jean-du-Gard,  le 
curé  et  le  pasteur  s'embrassent  à  l'autel  ;  l'un  vient  au 
temple,  l'autre  à  l'église,  écouter  le  sermon  de  son  confrère. 
Ailleurs  deux  vieillards,  un  noble  de  quatre-vingt-treize  ans, 
un  laboureur  de  quatre-vingt-quatorze,  s'embrassent  sur 
l'autel.  Volontiers  tous  concluaient  comme  ces  fédérés  villa- 
geois :  «  Ainsi  finit  le  meilleur  jour  de  notre  vie.  »  La  fête 
dépasse  même  les  frontières;  les  amis  de  la  liberté  la 
célèbrent  à  Hambourg,  à  Londres. 
L'anniversaire  du  14  juillet,  sanctifié  par  cette  fête  unique 


dans  notre  histoire,  est  resté  depuis  la  fête  républicaine  par 
excellence.  On  la  célèbre  les  années  suivantes.  Deux  fois 
on  tentera  de  renouveler  la  Fédération.  Au  10  août  1793, 
on  convoque  à  Paris  les  délégués  de  toutes  les  assemblées 
primaires  pour  jurer  la  constitution  qui  vient  d'être  accep- 
tée ;  la  Convention  veut  réconcilier  les  départements  dont 
beaucoup  se  sont  montrés  hostiles  à  Paris  et  au  gouverne- 
ment. Elle  y  réussit  à  peu  près.  Le  décor  de  la  fête  réglé 
par  David  fut  très  majestueux.  En  même  temps  qu'à  Paris, 
on  faisait  jurer  tous  les  citoyens  français  assemblés  en 
fédérations  particulières.  Aux  Cent-Jours,  Napoléon  Ier, 
cherchant  à  s'appuyer  sur  le  peuple,  organisa  une  Fédé- 
ration sous  le  nom  de  Champ  de  Mai.  Elle  n'eut  aucun 
écho. 

En  1880,  la  date  du  14  juillet  a  été  choisie  pour  la  fête 
nationale.  Le  sentiment  public  a  ratifié  ce  choix  et,  dans 
la  France  entière,  le  14  juillet  est  la  fête  par  excellence. 
A  Paris,  il  donne  lieu  à  une  certaine  pompe  :  illuminations, 
feux  d'artifice  ;  une  grande  revue  militaire  passée  à  l'hip- 
podrome de  Longchamp  rappelle  la  solidarité  du  peuple  et 
de  l'armée  nationale.  La  plus  belle  de  ces  fêtes  fut  celle  de 
1882,  où  de  nouveaux  drapeaux  furent  remis  aux  régi- 
ments. Elle  solennisa  le  relèvement  militaire  de  la  France. 
La  population  prend  une  part  active  à  la  fête,  pavoisant 
les  maisons  de  drapeaux,  les  illuminant,  banquetant  en 
plein  air,  dansant  la  nuit  entière  ;  les  divertissements  se 
prolongent  durant  deux  ou  trois  jours.  — -  En  1892,  a  été 
créée  une  seconde  fête  nationale;  la  date  choisie  est 
celle  du  22  septembre,  anniversaire  de  la  fondation  de  la 
République.  La  première  année,  la  fête  fut  signalée 
à  Paris  par  une  cavalcade  historique.  A.-M.  B. 

Bibl.  :  Généralités.  —V.  la  bibliographie  de  Part.  Reli- 
gion et  des  articles  consacrés  aux  dïvers  peuples.  Nous 
ne  citerons  ici  que  quelques  ouvrages  utiles  à  consulter: 
Doolittle,  Social  Life  of  Chinese.  —  Carné,  Tvavels  in 
Indo-China  and  the  Chinese  Empire. —  Bowring,  Siam. 

—  Haug,  Parsis.—  George,  Diejûdischen  F  este.  —  Hup- 
feld,  De  Primitiva  Festorum  apud  Hebrœos  ralione.  — 
Dillmann,  Feste,  dans  Dibeilexicon.  —  Schœmann,  Grie~ 
chische  Alterthïimer,  t.  II,  pp.  439  et  suiv.  —  Mommsen, 
Heortologie.  —  Marquardt,  Manuel  des  antiquités  ro- 
maines (appendice  très  complet  avec  la  liste  des  fêtes  ro- 
maines). —  Manniiardt,  Feld  und  Waldkïdte.  —  Paul 
Lacroix,  Mœurs  du  moyen  âge  et  Mœurs  du  xvne  siècle. 

Histoire  de  la  Révolution.  —  Réimpression  du  Mo- 
niteur, t.  IX,  572;  XII,  195;  XIV,  72,  438;  XVII,  41, 
51;  XVIII,  528;  XX,  403,  422,  474;  XXI,  685,  744,  777; 
XXII,  93,  232;  XXIlï,  21,  83,  199,  372,  410,  523;  XXVI, 
236;  XXVIII,  450,  630,  686;  XXIX,  76,  222,  304,  309,  317, 
319,  322,  325,  328,  335,  350,  361,  363,  395,  627,  629,  652,  658, 
795.  —  Sur  la  fête  de  l'Agriculture:  XXVIII,  331,  340; 
XXIX,  292,  300.  -  Sur  la  fête  des  Epoux  :  XXVIII,  248.  — 
Sur  la  fête  de  l'Etre  suprême  :  V.  Robespierre.  —  Sur  la 
fête  de  la  fondation  de  la  République  :  XXV,  776,  785  ; 

XXVIII,  396,   397,    408,   433,  439,    443,   450,   456,  791,   797; 

XXIX,  1,  3,  8,  340  à  390  passim,  404  à  570  passim;  796,  801, 
803,  805,  819.  —  Sur  la  fête  de  l'Hospitalité  :  XVI,  211.-  Sur 
la  fête  delà  Jeunesse:  XXVII,  667;  XXVIII,  117;  XXIX, 
636.  —  Sur  la  fête  des  Martyrs  de  la  liberté  :  XXIV,  614  ; 
XXV,  785  ;  XXVI,  113-115.  —  Sur  la  fête  de  la  Raison  : 
XVIII,  365,  397  ;  XX,  394  ;  XVIII,  507.  En  outre,  V.  Hébert, 
Robespierre.  —  Sur  la  fête  de  la  Réconciliation  :  XXV, 

468,  713  ;  XXVI,  174.  —  Sur  la  fête  de  la  Reconnaissance  : 
XXVIII,  278,  298.  —  Sur  la  fête  de  la  Souveraineté  du 
peuple  :  XXIX,  142,  153,  157,  462,  164,  200,  202,  605  bis,  642, 
618  bis,  626,  629.  —  Sur  les  fêtes  des  Victoires  :  XXI,  111, 
135  ;  XXII,  83,  282,  294-295  ;  XXVIII,  267,  268,  278,  295.  —  Sur 
la  fête  de  la  Vieillesse  :  XXVIII,  398,  412,  354.— M.  Tour- 
neux  :  Bibliographie  de  Vhistoire  de  Paris  pendant  la 
Révolution  française,  t.  I,  pp.  219,  259,  264,  286,  370,  380, 
385,  386,  395,  396,  414,  415,  425,  427,  438,  445,  449,  455,  456, 

469,  470,  471,  472,  473,  474,  475,  477,  479,  480,  489,  490,  491, 
492.  —  Fr.-Ant.  Boissy  d'Anglas,  Essai  sur  les  fêtes  na- 
tionales, suivi  de  quelques  idées  sur  les  arts,  et  sur  la 
nécessité  de  les  encourager,  adressé  à  la  Convention  na- 
tionale; Paris,  an  II,  in-8.  —  J.  Grobert,  Des  Fêtes 
publiques  chez  les  modernes;  Paris,  an  X,  in-8.  —  C.  Rug- 
gieri.  Précis  historique  sur  les  fêtes,  les  spectacles  et  les 
réjouissances  publiques;  Paris,  1830,  in-8.  —Jules  Renou- 
vier,  Histoire  de  Vart  pendant  la  Révolution  ;  Paris ,  1863, 
pp.  416  à  428,  in-8.  —  J.  Guillaume,  Procès-verbaux  du 
Comité  d'instruction  publique  de  la  Législative  ;  Paris, 
1889,  pp.  250,291,  300,  in-8.  —  Du  même,  Procès-verbaux  du 
Comité  d'instruction  publique  de  la  Convention;  Paris, 
1892,  t.  I,  pp.  573,  567  et  suiv.,  in-8  (en  cours  de  publication). 

—  H.  Monin,  la  Fête  du  22  septembre  et  ses  précédents 
historiques,  dans  la  Revue  bleue  du  17  sept.  1892. 


361 


FÊTE  -  FÉTIS 


Iconographie.  —  Collection  complète  des  tableaux  his- 
toriques de  la  Révolution  française,  composé  de  112  nu- 
méros en  3  volumes;  Paris,  1882,  n°»  27,  39,40,43,55, 
59,  61,  63,  100, 108,  109,  126,129,  131,134;  Paris  (Didot),  1802, 
in-fol.  —  Gi%avures  historiques  des  rjvincipaux  événements 
depuis  l'ouverture  des  Etats  généraux  de  1189  (aux  dates 
des  7  et  14  juil.  1790)  ;  Paris  (Janinet),  1789  (1790).  1. 1,  in-4 
etin-8. —  Collection  de  quinze  estampes  sur  les  principales 
journées  de  la  Révolution,  gravées  par  Helman,  d'après 
Les  dessiiis  de  Monnet,  n03  V,  VII,  IX.—  P.  Delarociie,  etc., 
Trésor  de  numismatique  et  de  glyptique...;  Médailles  de 
la  Révolution  française;  Paris,  1836,  pi.  XXI  à  XXIX; 
pi.  XXXVIII,  n°  1;  XL,  1;  LU,  1,6,  7;  LUI,  1;  LXX,  5; 
LXXXV,  9,  10  ;  LXXXVI,6;  in-fol. 

FÊTE  (Le).  Com.  du  dép.  de  la  Côle-d'Or,  air.  de 
Beaune,  cant.  d'Arnay-le-Duc  ;  106  hab. 

FÊTE-DIEU  ou  FÊTE  du  Saint-Sacrement  (V.  Eucha- 
ristie, t.  XVI,  p.  720,  col.  2). 

FÉTERNE.  Com.  du  dép.  delà  Savoie,  arr.  de  Thonon, 
cant.  d'Evian;  4,447  hab. 

FETESCI.  Village  de  Roumanie,  district  de  Jalomita, 
arr.  de  Balta-Jalomita;  environ  700  hab.  Tètes  des  lignes 
Bucarest-Fetesci  et  Faurei-Fetesci. 

F  ET  H -Ali-Chah  (V.  Fath-Ali-Chaii). 

FETI  (Domenico),  peintre  italien,  né  à  Rome  en  4589, 
mort  à  Venise  en  4624.  Par  ses  origines,  Feti  appartient 
à  l'école  romaine,  mais  il  n'a  guère  sacrifié  à  l'idéal  qui 
caractérise  cette  école.  Son  indifférence  pour  les  belles 
formes,  la  pauvreté  de  son  style  le  rattacheraient  plutôt 
au  groupe,  des  naturalistes.  Il  fut  l'élève  de  Lodovico  Cardi. 
Entraîné  a  Mantoue  par  le  cardinal  de  Gonzague,  il  y  peignit 
d'abord  à  fresque.  A  la  cathédrale  de  Mantoue,  il  reste 
encore  dans  le  chœur  quelques  vestiges  du  labeur  de  Feti  ; 
mais  ces  peintures  ont  été  restaurées  par  Felice  Campi.  Feti 
quitta  Mantoue  et  vint  habiter  Venise.  La  vulgarité  de  son 
goût  le  rendait  peu  propre  à  la  peinture  religieuse  ;  il  s'y  est 
pourtant  essayé  plusieurs  fois,  mais,  d'ordinaire,  il  ne  voyait 
dans  les  scènes  évangéliques  que  le  côté  populaire  et  pitto- 
resque. Les  tableaux  de  Feti  ne  sont  pas  rares.  L'Académie 
des  beaux -arts  de  Venise  possède  la  Méditation,  sujet  que 
le  maître  a  plusieurs  fois  reproduit,  le  Bon  Samaritain, 
le  Semeur,  une  Liseuse t  la  Bénédiction  de  Jacob,  une 
Vieille  Femme.  A  Florence,  au  palais  Pitti,  nous  retrou- 
vons les  Ouvriers  de  la  Vigne,  parabole  déguisée  en  pay- 
sannerie ;  Dresde  n'a  pas  moins  de  onze  tableaux;  la  Pina- 
cothèque de  Munich  montre  un  Ecce  Homo,  Berlin  un  Elie 
dans  le  désert.  Le  Louvre  a  quatre  peintures  de  Feti, 
entre  autres  la  Mélancolie,  figure  réaliste  d'une  femme 
agenouillée  devant  une  tête  de  mort,  et  la  Vie  cham- 
pêtre, représentée  par  une  fileuse  au  pied  d'un  arbre.  Au 
musée  de  l'Ermitage,  on  peut  voir  le  portrait  d'un  acteur 
tenant  un  masque  à  la  main.  Le  personnage,  longtemps 
anonyme,  est  aujourd'hui  connu.  Ce  portrait  est  celui  de 
l'Arlequin  de  la  troupe  comique  du  duc  de  Mantoue. 
Feti  est  un  coloriste  assez  embourbé  ;  il  est  complètement 
dépourvu  de  style,  et  ses  types  ont  même  très  peu  de  carac- 
tère ;  mais  il  a  le  pinceau  robuste  et  plantureux.  S'il  est 
sans  goût,  il  a  la  main  ferme  et  il  est  du  temps  où  l'on 
savait  peindre. 

Bibl.  :  Baglione,  Le  Vite  de'  pittori,  1649.  — Lanzi,  Sto- 
ria  pittorica;  Bassano,  1818.  —  Segna,  Guida  di  Man- 
tova,  1866. 

FÉTICHISME  (V.  Afrique,  t.  I,  p.  740,  col.  2,  et 
Religion). 

FÉTIDIER  (Bot.).  Nom  vulgaire  du  Fœtidia  mauritiana 
Comm.,  que  l'on  place,  mais  avec  doute,  dans  la  famille 
des  Myrtacées  et  dans  la  tribu  des  Barringtoniées.  C'est  un 
arbre  qui  rappelle  le  noyer  par  son  port  et  dont  les  feuilles 
alternes,  pétiolées,  entières  et  coriaces  sont  rapprochées 
au  sommet  des  rameaux.  Ses  fleurs,  solitaires  à  l'extrémité 
de  pédoncules  axillaires,  ont  un  périanthe  simple  à  quatre 
divisions,  de  nombreuses  étamines  multisériées,  insérées  à 
la  gorge  du  périanthe,  et  un  ovaire  infère,  qui  devient  à  la 
maturité  une  capsule  turbinée  et  coriace,  renfermant  des 
graines  nombreuses.—-  Le  Fétidier  croît  à  l'île  Maurice.  Son 


bois,  d'une  odeur  forte  et  très  désagréable,  est  rougeâtre  et 
recherché  par  les  ébénistes  à  cause  de  sa  solidité  et  de  son 
liant.  C'est  un  des  bois  puants  du  commerce.  Il  perd  peu 
à  peu  son  odeur  lorsqu'il  est  resté  quelque  temps  exposé 
à  l'air.  Ed.  Lef. 

Bibl.  :  H.  Bâillon,  Ilist.  des  PL,  VI,  pp.  326,  372. 

FÉTIGNY.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le-Sau- 
nier,  cant.  d'Arinthod;  494  hab. 

FÉTIS  (François-Joseph),  historien  musical,  théoricien 
et  compositeur  belge,  né  à  Mons  le  25  mars  4784,  mort  à 
Bruxelles  le  26  mars  4874.  Fils  d'un  organiste,  qui  était 
aussi  directeur  de  concerts  à  Mons,  le  jeune  Fètis  montra 
de  bonne  heure  des  dispositions  exceptionnelles  pour  la 
musique.  A  sept  ans.  il  écrivait  des  duos  pour  violon,  et, 
avant  neuf  ans  révolus,  un  concerto  pour  violon  et  orchestre. 
A  neuf  ans,  il  remplit  les  fonctions  d'organiste  du  chapitre 
noble  de  Sainte-Waudru.  Il  continua  de  composer  et  fit  de 
nombreux  morceaux,  une  symphonie  concertante  pour  deux 
violons,  alto  et  basse  avec  orchestre,  un  Stabat,  des  qua- 
tuors, une  messe,  etc.  En  oct.  4800,  il  entra  au  Conser- 
vatoire de  Paris  dans  la  classe  de  Rey,  qui  lui  apprit 
l'harmonie  d'après  le  système  de  Rameau,  et  il  fut  bientôt 
le  répétiteur  de  la  classe.  Quant  au  piano,  Boïeldieu  fut 
quelque  temps  son  professeur.  En  4803,  il  fit  un  voyage 
et  ne  revint  à  Paris  qu'en  4804,  avec  un  nouveau  bagage 
de  connaissances  et  de  réflexions,  issues  de  l'étude  de  Bach, 
Haendel,  Mozart,  Haydn,  Albrechtsberger,  Marpurg,  etc. 
Il  commença  même  à  réunir  des  matériaux  pour  une  his- 
toire des  inventions  de  Gui  d'Arezzo  et  de  la  notation  mu- 
sicale. Il  se  lia  avec  Cherubini,  et  se  mit  à  l'étude  des 
maîtres  italiens,  depuis  les  plus  récents,  Paisiello,  Cima- 
rosa,  Guglielmi,  jusqu'aux  plus  anciens,  entre  autres  Pa- 
lestrina.  En  4806,  il  entreprit  une  revision  du  chant  liturgi- 
que romain,  espérant  retrouver  sous  les  altérations  diverses, 
et  malgré  certaines  lacunes,  les  exactes  versions  primitives. 
Cette  même  année  il  se  maria  avec  la  petite-fille  du  che- 
valier de  Kéralio,  héritière  d'une  grande  fortune  que  des 
spéculations  malheureuses  lui  firent  perdre  promptement. 
En  4841,  il  dut  quitter  Paris,  et  se  rendit  dans  les  Ar- 
dennes,  où  il  demeura  trois  ans,  occupé  à  la  composition 
musicale  et  à  l'étude  de  la  philosophie.  En  4813,  il  devint 
organiste  de  la  collégiale  de  Saint-Pierre,  à  Douai,  et  pro- 
fesseur de  chant  et  d'harmonie  à  F  école  municipale  de 
musique  de  cette  ville.  C'est  de  ce  séjour  à  Douai  que 
datent  ses  premiers  travaux  importants  sur  le  système  de 
l'harmonie,  travaux  qu'il  devait  résumer  plus  tard  en  des 
livres  très  discutés.  C'est  aussi  à  cette  époque  qu'il  conti- 
nua sa  Biographie  des  musiciens,  entreprise  en  4806, 
mais  dont  la  publication  ne  put  être  commencée  qu'en 
1834.  La  somme  de  travail  fournie  par  Fétis  pendant  cette 
période  de  sa  vie  a  de  quoi  surprendre  l'imagination,  si 
l'on  songe,  non  seulement  à  la  rédaction  de  ses  ouvrages 
(sans  préjudice  de  la  composition  musicale  à  laquelle  il  se 
livrait  activement),  mais  encore  aux  recherches  de  toute 
nature  qu'il  dut  effectuer. 

En  4848,  Fétis  vint  à  Paris;  en  1821,  il  remplaça  Eler 
comme  professeur  de  composition  au  Conservatoire.  En 
févr.  4827,  il  fit  paraître  la  Bévue  musicale,  journal  exclu- 
sivement consacré  à  la  musique,  qui  fut  en  France  le  pre- 
mier essai  durable  de  ce  genre.  La  Bévue  musicale  a  paru 
pendant  huit  ans  ;  il  est  presque  inutile  de  dire  que  Fétis 
en  était  le  principal  rédacteur  :  même,  à  l'en  croire,  il 
aurait  rédigé  à  lui  seul  les  cinq  premières  années.  Déplus, 
il  a  fait  pendant  plusieurs  années  le  feuilleton  musical  du 
Temps  et  collaboré  encore  au  National.  En  4832,  il 
fonda  des  concerts  historiques  et  ouvrit  un  cours  gratuit 
d'histoire  et  de  philosophie  musicales.  En  4833,  il  devint, 
sur  le  désir  de  Léopold  Ier,  directeur  du  Conservatoire  de 
Bruxelles  et  maître  de  chapelle  du  roi.  Fétis  était  d'une 
érudition  prodigieuse  et  d'une  extraordinaire  puissance  de 
travail.  Comme  compositeur,  il  n'échappera  pas  à  l'oubli, 
malgré  une  production  considérable,  car  l'originalité  de  la 
forme  et  la  profondeur  de  l'émotion  lui  manquaient  abso- 


FETIS  —  FETTAN 


—  362  — 


lument.  Comme  théoricien,  son  esprit  scientifique  était  plus 
apparent  que  réel,  et  il  a  cru  trop  vite,  par  sa  loi  de  la 
tonalité,  donner  la  solution  de  tous  les  problèmes  qui  tour- 
mentent encore,  à  l'heure  actuelle,  les  acousticiens  et  les 
musiciens  ;  cependant  on  lui  doit  de  sérieuses  découvertes, 
d'utiles  efforts  vers  une  méthode  rationnelle,  et  d'ingé- 
nieuses remarques,  comme  le  mécanisme  de  la  substitution 
du  sixième  degré  à  la  dominante  dans  les  accords  dérivés 
de  l'accord  de  dominante  ;  cependant,  il  n'a  pas  suffisam- 
ment rendu  justice  à  Rameau,  non  plus  qu'aux  travaux 
purement  scientifiques  des  physiciens.  Comme  historien  et 
biographe,  son  œuvre  est  énorme,  et  lui  assure  une  légi- 
time renommée,  malgré  l'aigreur  et  même  la  mauvaise  foi 
do  ses  attaques  contre  tous  ceux  qui  pensaient  autrement 
que  lui,  Coussemaker  entre  autres.  Il  convient  d'ajouter 
que  ce  puissant  travailleur  n'avait  à  aucun  degré  le  véri- 
table sens  artistique,  et  qu'il  s'est  rendu  ridicule  plusieurs 
fois  en  se  donnant  la  mission  de  corriger  les  compositions 
des  maîtres,  particulièrement  celles  de  Beethoven.  Mais  une 
partie  de  son  œuvre  restera  comme  un  monument  d'éru- 
dition et  de  labeur,  un  immense  répertoire  de  dates  et 
de  faits. 

Les  compositions  musicales  de  Fétis  sont  nombreuses  ; 
nous  citerons  des  pièces  d'harmonie,  des  fantaisies  pour  le 
piano,  des  sonates  faciles  pour  piano  à  quatre  mains,  trois 
suites  de  préludes  progressifs,  des  variations  à  quatre  mains, 
un  sextuor  pour  piano  à  quatre  mains,  deux  violons,  alto 
et  basse,  un  duo  pour  piano  et  violon,  une  marche  variée 
pour  piano,  trois  quintettes  pour  deux  violons,  deux  altos 
et  violoncelle,  deux  symphonies,  une  ouverture  de  concert, 
environ  cent  cinquante  morceaux  divers  écrits  en  manière 
d'exercices  pour  le  Conservatoire  de  Bruxelles  ;  deux  noc- 
turnes italiens,  une  canzonette,  un  Miserere  à  trois  voix 
sans  accompagnement,  une  Messe  de  Requiem  pour  quatre 
voix  et  chœur,  avec  accompagnement  de  cors,  trompettes, 
trombones,  saxhorn,  bass-tuba,  bombardon,  orgue,  vio- 
loncelles, contrebasses  et  timbales,  exécutée  le  14oct.  1850 
pour  le  service  funèbre  de  la  reine  des  Belges,  un  TeDeum 
en  plain-chant  mesuré  et  rythmé,  six  messes  faciles,  des 
vêpres  et  saluts,  avec  hymnes  et  antiennes  ;  des  opéras- 
comiques,  V Amant  et  le  Mari,  les  Sœurs  jumelles,  la 
Vieille,  Marie  Stuart  en  Ecosse,  le  Bourgeois  de  Reims, 
le  Mannequin  de  Bergame,  un  petit  opéra,  Phidias. 
Parmi  les  œuvres  non  publiées,  on  remarque  une  messe  à 
cinq  voix,  des  litanies,  des  motets,  d'autres  messes,  des 
hymnes,  des  Lamentations  de  Urémie,  à  six  voix  avec 
orgue  ;  des  quintettes,  quatuors,  sextuors,  des  symphonies  ; 
soixante  fugues  et  préludes  fugues  pour  l'orgue,  une  fan- 
taisie symphonique  pour  orgue  et  orchestre,  de  nombreuses 
pièces  diverses  pour  le  même  instrument,  etc.,  etc.  Au 
point  de  vue  didactique  et  historique,  Fétis  a  écrit  les  ou- 
vrages suivants  :  Méthode  élémentaire  et  abrégée  d'har- 
monie et  d'accompagnement. . .  (1 824)  ;  Traité  de  la  fugue 
et  du  contrepoint  (1825;  2e  éd..  1846)  ;'  Traité  de 
r accompagnement  de  la  partition  (1829)  ;  Solfègesjpro- 
gressifs,  avec  accompagnement  de  piano,  précédés  de 
l'exposition  raisonnée  des  principes  de  la  musique 
(1827)  ;  Revue  musicale,  huit  années,  en  15  vol.  (1827- 
1834);  Mémoire  sur  une  question  mise  au  concours  par 
l'Institut  des  Pays-Bas  :  Quels  ont  été  les  mérites  des 
Néerlandais  dans  la  musique,  principalement  aux  xive, 
xve  et  xvie  siècles,  etc.  (Amsterdam,  1829)  ;  la  Musique 
mise  a  la  portée  de  tout  le  monde...  (1830  ;  3e éd., 
1833),  livre  traduit  en  plusieurs  langues  ;  Curiosités  his- 
toriques delà  musique...  (1830),  recueil  d'articles  choisis 
dans  la  Revue  musicale;  Galerie  desmusiciens  célèbres 
(trois  livraisons  seulement)  ;  Biographie  universelle  des 
musiciens  et  Bibliographie  générale  de  la  musique 
(Paris  et  Bruxelles,  1834,  8  vol.  in-8  ;  2e  éd.,  Paris, 
1874,  avec  supplément  en  2  vol.,  sous  la  direction  de 
M.  Arthur  Pougin),  livre  de  capitale  importance;  Manuel 
des  principes  de  musique,  à  l'usage  des  professeurs 
et  des  élèves,  etc.  (1837)  ;  Traité  du  chant  en  chœur 


(1837);  Manuel  des  jeunes  compositeurs...  (1837); 
Méthode  des  méthodes  de  piano...  (1837)  ;  Méthode  des 
méthodes  du  chant;  Esquisse  de  V histoire  de  V harmo- 
nie... (1840)  ;  Méthode  élémentaire  du  plain-chant 
(1843)  ;  Traité  complet  de  la  théorie  et  de  la  pratique 
musicale  (Paris,  1844,  6e  éd.,  1857),  ouvrage  qui  a 
eu  plusieurs  traductions  ;  Notice  biographique  de  Nicolo 
Paganini...  (1851);  Traité  élémentaire  de  musique... 
(1851.-1852);  Antoine  Stradivari...  (1856);  Mémoire 
sur  cette  question  :  les  Grecs  et  les  Piomains  ont-ils 
connu  r  harmonie  simultanée  des  sons  ?  en  ont-ils  fait 
usage  dans  leur  musique  {Mém.  de  r  Académie  royale 
de  Belgique,  t.  XXXI)  ;  dans  les  Bulletins  de  cette  Acadé- 
mie, on  trouve  encore  une  vingtaine  dénotes  sur  des  ques- 
tions d'érudition,  d'histoire  et  de  philosophie  musicales,  et 
de  rapports  (notamment  aux  expositions  universelles  de 
1 855  et  1 867)  ou  discours  sur  diverses  questions  concernant 
la  musique  ;  Histoire  générale  de  la  musique  depuis 
les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours  (Paris, 
1869-1876)  ;  cette  histoire,  interrompue  par  la  mort  de 
l'auteur,  ne  comprend  que  cinq  volumes,  au  lieu  de  huit 
qui  avaient  été  prévus,  et  s'arrête  à  la  fin  du  xve  siècle  ; 
d'autres  ouvrages  de  Fétis  sont  demeurés  en  manuscrit  ;  ce 
sont  :  la  Science  de  r  Organiste,  Philosophie  générale 
de  la  musique,  Gradua  le  de  tempo re  ac  de  sanctis 
juxta  ritum  sacrosanctœ  romance  ecclesiœ,  des  traduc- 
tions de  traités  de  musique  du  moyen  âge  et  du  Traité  de 
musique  de  Boèce,  Souvenirs  d'un  vieux  musicien,  et 
Causeries  musicales.  Alfred  Ernst. 

JBibl.:  L.  Alvin,  François-Joseph  Fétis  ;  Bruxelles,  1874. 

FÉTIS  (Mme  Adélaïde-Louise-Catherine),  femme  du  pré- 
cédent, née  à  Paris  le  23  sept.  1792,  morte  à  Boitsfort, 
près  de  Bruxelles,  le  3  juin  1866.  Son  père  était  P.-F.-J. 
Robert,  ancien  rédacteur  du  Mercure  national,  ancien 
représentant  de  Paris  à  la  Convention  ;  sa  mère  était  Louise- 
Félicité  Guinement  de  Kéralio  (V.  ce  nom).  Mme  Fétis  a 
traduit  en  français  l'ouvrage  de  M.  William  C.  Stafford, 
A  History  of  Music,  et  publié  cette  traduction  à  Paris, 
en  1832,  sous  le  titre  d'Histoire  de  la  musique.     A.  E. 

FÉTIS  (Edouard-Louis-François),  littérateur  et  critique 
musical,  né  à  Bouvignes,  près  de  Binant,  le  16  mai  1812. 
Fils  des  précédents,  il  remplaça  son  père  comme  directeur  de 
h  Revue  musicale,  pendant  cinq  mois,  en  1829,  et  rédigea 
cette  revue  pendant  les  années  1833,  1834  et  1835.  Il  fit 
ensuite  le  feuilleton  musical  de  l'Indépendant,  qui  devait 
s'appeler  plus  tard  l'Indépendance  belge,  puis  y  écrivit  tout 
ce  qui  concernait  les  beaux-arts,  sous  la  signature  XX.  En 
1836,  il  entra  à  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique,  où  il 
devint  conservateur  du  département  des  imprimés.  Il  fut  aussi 
professeur  d'esthétique  à  l'Académie  des  beaux-arts  de 
Bruxelles,  etc.  On  lui  doit  de  nombreux  articles  dans  les 
Bulletins  de  cette  académie  et  dans  la  Gazette  musicale 
de  Paris  (depuis  1839)  ;  ses  ouvrages  sont  les  suivants  : 
Légende  de  Saint-Hubert  (Bruxelles,  1846)  ;  Description 
des  richesses  artistiques  de  Bruxelles  (Bruxelles,  1847)  ; 
les  Musiciens  belges  (Bruxelles,  s.  d.  [1848])  ;  les  Ar- 
tistes belges  à  l'étranger  (Bruxelles  et  Paris,  série  dont 
le  lGrr  vol.  a  paru  en  1857).  A.  E. 

FÉTIS  (Adolphe-Louis-Eugène),  musicien  français, 
né  à  Paris  le  20  août  1820,  mort  à  Paris  le  20  mars 
1873,  frère  du  précédent.  Il  commença  ses  études  musi- 
cales au  Conservatoire  de  Bruxelles  et  les  continua  à 
Paris  avec  Henri  Herz  et  Halévy  pour  professeurs. 
Après  avoir  enseigné  le  piano  et  l'harmonie  à  Bruxelles  et 
à  Anvers,  il  se  fixa  à  Paris  (1856).  Il  a  composé  plusieurs 
opéras-comiques  et  opérettes,  dont  l'une,  le  Major  Schlag- 
mann,  a  été  jouée  en  1859  ;  une  série  de  morceaux  de 
salon  pour  piano  intitulés  les  Légendes  des  siècles,  des 
romances  sans  paroles,  des  morceaux  pour  harmonium  et 
violoncelle,  etc.,  et  un  recueil  de  mélodies  pour  une  et 
deux  voix,  intitulé  Album  de  1861.  A.  E. 

FETOUÂ  (V.  Fetva). 
FETTAN  ouVETTAN  (romanche  Vtan),  Village  de  Suisse, 


—  363  — 


FETTAN  —  FEU 


catifc.  des  Grisons,  dans  la  Basse-Engadine,  en  face  de 
Tarasp,  sur  la  rive  gauche  de  l'Inn  ;  484  hab.  parlant  le 
romanche.  Environs  charmants.  Cure  d'air,  source  d'eau 
acidulée.  Le  village  est  à  1,647  m.  d'alt.  Il  a  été  incendié 
deux  fois  au  siècle  dernier  et  de  nouveau  en  1885.  Patrie 
de  Vulpius,  traducteur  de  la  Bible  en  romanche  et  de 
B.-A.  de  Saluz,  général  français.  E.  Kuhne. 

FETTI  (Giovanni),  sculpteur  florentin  du  xive  siècle.  Il 
sculpta  en  1367  une  figure  de  la  Force,  pour  la  Loggia  de' 
Lanzi  de  Florence,  et  ébaucha  une  statue  de  la  Tempé- 
rance. 

FÉTUQUE.  I.  Botanique.  —  (Festuca  L.).  Genre  de 
Graminées,  dont  les  représentants,  voisins  du  Bromus  (V. 
Brome),  en  diffèrent  surtout  par  la  glumello  inférieure 
demi-cylindrique,  aiguë,  arrondie  sur  le  dos,  entière  au 
sommet  et  munie  d'une  arête  franchement  terminale.  Les 
espèces,  assez  nombreuses,  sont  répandues  dans  les  régions 
tempérées  et  alpines  de  l'hémisphère  boréal.  Les  F.  pra- 
tensis  Huds.  ou  Fétuque  des  prés,  F.  rubra  L.,  et  F. 
ovina  L.,  notamment,  sont  très  communs  en  Europe.  Ils 
servent  à  la  nourriture  des  bestiaux.  Ed.  Lef. 

IL  Industrie.  —  La  fétuque  géante  est  une  puissante 
graminée,  essentiellement  vivace,  qui  croît  en  grande  quan- 
tité dans  les  environs  de  Bône  (Algérie)  et  qui  donne  un 
rendement  en  filaments  textiles  de  près  de  80  °/0,  dont  les 
Arabes  tirent  parti  pour  faire  des  cordes.  Elle  se  présente 
sous  forme  de  touffes  énormes  sur  les  terrains  complète- 
ment dépourvus  d'eau  ;  ses  feuilles  lancéolées,  sillonnées  de 
nervures  saillantes,  hérissées  de  scies  âpres  et  bordées  de 
dentelures  aiguës  et  rigides,  atteignent  de  2  m.  à  2m50 
de  hauteur  et  sont  surmontées,  lorsqu'elles  sont  en  matu- 
rité, de  robustes  tiges  dont  le  sommet,  à  2  ou  3  m.  du  sol, 
se  couronne  d'élégantes  panicules  assez  semblables  à  celles 
de  certains  sorghos.  L.  K. 

FETVA  ou  plus  exactement  FETOUA  est  le  nom  arabe 
donné  à  certaines  consultations  juridiques  formulées  ordi- 
nairement dans  les  conditions  suivantes.  Chaque  fois  qu'un 
cadi  est  appelé  à  rendre  un  jugement  sur  des  points  de 
doctrine  ou  des  points  de  fait,  qui  n'ont  pas  été  prévus 
dans  les  divers  textes  servant  de  codes  aux  musulmans,  il 
s'adresse  au  mufti  et  lui  demande  de  fixer  la  jurisprudence 
à  suivre  sur  le  cas  particulier  qui  lui  est  soumis.  Le  mufti 
recherche  alors,  soit  dans  les  commentaires  du  Coran,  soit 
dans  les  ouvrages  de  droit  ou  de  théologie,  les  décisions 
qui  se  rapprochent  le  plus  du  point  sur  lequel  on  lui 
demande  son  avis  et  libelle  sous  le  nom  de  fetoua  le  prin- 
cipe qu'il  estime  devoir  être  appliqué  par  le  cadi.  Les 
parties  en  cause  peuvent  d'ailleurs  aussi  bien  que  le  magis- 
trat solliciter  un  fetoua.  En  général,  ces  consultations  n'ont 
de  valeur  que  pour  le  fait  à  l'occasion  duquel  elles  ont  été 
provoquées  et,  à  moins  d'être  émanées  de  personnages 
considérables,  elles  n'établissent  point  une  jurisprudence 
irrévocable.  Certaines  questions  religieuses  ou  même  poli- 
tiques peuvent  faire  l'objet  d'un  fetoua.  C'est  ainsi  que  les 
Anglais,  dans  l'Inde,  ont  provoqué  un  fetoua  décidant  que 
leur  autorité  devait  être  légitimement  acceptée  par  les 
musulmans  comme  n'étant  point  en  contradiction  avec  les 
principes  religieux  de  l'islam.  0.  Houdas. 

FETZARA.  Lac  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  qui 
s'étend  au  S.  du  massif  de  l'Edough  et  à  18  kil.  S.-O.  de 
Bône  ;  il  doit  son  nom  à  la  tribu  arabe  des  Fetzara.  Situé 
à  15  m.  seulement  d'alt.,  il  a  une  surface  qui  varie  beau- 
coup avec  les  pluies,  car  à  TE.  et  à  l'O.  il  déborde  sou- 
vent sur  les  plaines  voisines  ;  on  peut  évaluer  sa  superficie 
moyenne  à  12,000  hect.  et  sa  profondeur  moyenne  à  2  m. 
Il  est  alimenté  par  divers  cours  d'eau  qui  descendent  des 
montagnes  qui  le  bordent  au  N.  et  au  S.  Son  eau  est  amère 
et  salée  ;  elle  est  riche  en  poissons,  notamment  en  gros 
barbeaux,  et  des  flamants,  grèbes  et  cygnes  peuplent  ses 
bords  ;  mais  il  se  dégage  de  là  des  miasmes  qui  engendrent 
la  fièvre.  Aussi  s'est-on  appliqué,  depuis  1879,  à  faire 
écouler  les  eaux  par  une  tranchée  dans  le  Môboudja,  affluent 
de  la  Seybouse,  et  à  planter  les  terrains  conquis  sur  les 


eaux  d'un  grand  nombre  d'eucalyptus  ;  mais  l'œuvre  du 
dessèchement  avance  lentement,  et  souvent  après  les  pluies 
le  lac  reprend  possession  de  ce  qu'on  lui  a  enlevé.  Au  milieu 
même  du  lac,  on  a  retrouvé  les  ruines  d'un  centre  romain, 
ce  qui  fait  croire  que  sa  formation  est  relativement  récente, 
peut-être  postérieure  à  l'invasion  arabe.  E.  Cat. 

FEU.  L  Ethnographie.  —  L'homme  est  le  seul  ani- 
mal qui  sache  faire  du  feu.  Malgré  tout  ce  qui  a  été 
avancé,  sans  preuves  concluantes  d'ailleurs,  par  quelques 
voyageurs  (Stanley  en  dernier  lieu),  on  peut  affirmer 
que  jamais  on  n'a  vu  les  singes  faire  du  feu  ou  même 
entretenir  un  feu  qu'ils  rencontreraient  accidentellement. 
D'autre  part,  il  n'existe  pas  de  peuplade,  même  au  plus 
bas  de  l'échelle  de  la  civilisation,  qui  ne  connaisse  au- 
jourd'hui l'usage  du  feu,  et,  aussi  loin  que  l'on  puisse 
aller  dans  les  temps  préhistoriques,  on  trouve  des  traces 
matérielles  de  l'emploi  du  feu  (cendres,  charbons,  mor- 
ceaux de  pyrite  usés,  silex  craquelés,  etc.).  La  plupart  des 
forces  de  la  nature  pouvant  se  transformer  en  chaleur,  la 
lumière,  l'électricité,  le  mouvement,  l'affinité  chimique, 
ont  été  mises  à  profit  par  l'homme  pour  la  production  du 
feu,  avec  plus  ou  moins  de  succès.  Les  essais  d'allumage 
à  l'aide  de  verres  biconvexes  et  des  miroirs  en  concentrant 
la  lumière  solaire,  mentionnés  dès  la  plus  haute  antiquité, 
n'ont  jamais  pu  se  généraliser.  De  même,  l'électricité  em- 
ployée de-ci  de-là  depuis  le  siècle  passé  (lampe  de  Volta , 
1777)  comme  allume-feu  dans  certains  cas  spéciaux,  attend 
encore  un  inventeur  pour  devenir  un  producteur  de  feu 
facilement  transportable.  Quant  au  mouvement  et  l'affinité 
chimique,  ils  ont  été  de  tout  temps  et  sont  encore  les 
seules  forces  utilisées  généralement  pour  la  production 
du  feu.  Le  mouvement  est  utilisé  de  trois  façons  diffé- 
rentes :  par  le  frottement  de  deux  morceaux  de  bois,  par 
la  percussion  de  deux  morceaux  de  certains  minéraux  ou 
par  la  compression  de  l'air.  La  dernière  de  ces  méthodes 
est  peu  répandue  ;  on  l'a  signalée  chez  les  Dayaks  de 
Bornéo  et  en  Birmanie.  Elle  est  basée  sur  le  principe  du 
briquet  à  air  de  nos  cabinets  de  physique  (V.  Briquet). 
Par  contre,  les  deux  autres  ont  été  et  sont  encore  répandus 
d'une  façon  générale  chez  tous  les  peuples  sauvages,  in- 
cultes et  primitifs. 

On  peut  obtenir  un  peu  de  braise  ardente  capable  d'en- 
flammer certaines  substances  (amadou ,  duvet ,  herbe 
sèche,  etc.),  soit  en  frottant  deux  morceaux  de  bois  l'un 
contre  l'autre,  soit  en  les  sciant  l'un  par  l'autre,  soit  en 
tournant  le  bout  de  l'un  dans  une  petite  fossette  pratiquée 
dans  l'autre.  De  là 
trois  manières  de 
faire  le  feu ,  ayant 
chacune  une  aire 
géographique  bien 
délimitée.  La  pre- 
mière manière  (frot- 
tement simple),  la 
plus  primitive  et  la 
moins  commode,  est 
employée  unique- 
ment, et  à  l'exclu- 
sion de  toute*  autre, 
enOcéanie;  elle  pa- 
raît être  d'origine  polynésienne.  Elle  consiste  à  frotter  une 
petite  baguette  de  bois  dur  contre  une  bûche  de  bois  tendre 
en  inclinant  la  première  sous  un  angle  de  45°  par  rapport 
à  la  seconde,  maintenue  entre  les  genoux  (fig.  1).  En  im- 
primant un  mouvement  de  va-et-vient  avec  pression  à  la 
baguette,  on  creuse  une  petite  gouttière  dans  la  bûche  et 
on  finit  par  obtenir  l'incandescence  des  parcelles  de  bois 
pulvérisé,  qui  s'amassent  au  fond  de  la  gouttière.  On  n'a 
qu'à  y  jeter  un  peu  d'herbe  sèche  ou  de  l'amadou  et  souffler 
pour  obtenir  la  flamme. 

La  méthode  de  sciage  est  employée  par  les  Malais,  par 
quelques  tribus  australiennes,  ainsi  qu'en  Birmanie  et 
dans  l'Inde.  L'appareil  consiste  en  un  morceau  de  bambou 


Fig.  1.- 


-  Production  du  feu  par  frot- 
tement (Polynésie). 


FEU 


364 


Fig.  2.—- Production  du  feu  par  sciag 
(Malaisie). 


fendu  longitudinalement,  que  Ton  scie  par  le  bord  tran- 
chant d'un  autre  morceau  de  bambou  jusqu'à  ce  que  la 

sciure  devienne  ar- 
dente et  enflamme 
l'amadou  sur  lequel 
elle  tombe  (fig.  2). 
La  méthode  de 
giration  ou  de  /b- 
rage,  qui  consiste 
à  faire  pivoter  le 
bout  d'une  baguette 
de  bois  dans  une 
fossette  pratiquée  à 
la  face  d'une  bûche 
ou  d'une  planchette,  est  répandue  sur  un  vaste  espace.  On 
la  rencontre  chez  les  Nègres  comme  chez  les  Indiens  des 
deux  Amériques,  chez  les  Tchouktchi  comme  dans  certaines 
régions  de  l'Inde,  etc.  L'appareil  le  plus  primitif  consiste, 

comme  celui  des 
Polynésiens,  en 
une  bûche  ou 
planchette  de  bois 
tendre,  tenue  ho- 
rizontalement 
avec  les  pieds , 
sur  laquelle  on 
pose  la  pointe 
émoussée  d'une 
baguette  cylin- 
drique en  bois 
dur;  en  faisant 
tourner  vivement 
entre  les  paumes 
des  mains  la  ba- 
guette dans  les 
deux    sens,    on 


Zoiilou  allumant  du  feu  par 
giration. 


creuse  une  petite  fossette  et  l'on  obtient  l'incandescence 
de  la  poussière  du  bois  qui  s'amasse  autour  de  la  pointe  ; 
on  produit  ensuite  la  flamme  avec  de  l'amadou,  de  l'herbe 
sèche,  etc.  (fig.  3).  C'est  ainsi  que  font  le  feu  certaines  tribus 
de  Zoulous  et  d'autres  nègres, 
certains  Australiens,  les  Aïnos, 
les  Indiens  de  Costa-Rica,  etc. 
Mais  cet  appareil  primitif  su- 
bit des  perfectionnements  impor- 
tants chez  d'autres  populations, 
surtout  chez  les  Peaux-Rouges 
et  les  Esquimaux.  La  première 
amélioration  consiste  à  creuser 
préalablement  la  fossette  dans 
une  planchette  bien  horizontale; 
un  perfectionnement  ultérieur  est 
de  faire  communiquer  cette  fos- 
sette avec  une  des  faces  verticales 
de  la  planchette  par  une  gout- 
tière de  laquelle  sortira  au  de- 
hors la  poudre  de  bois  produite 
par  le  frottement  sous  forme  de 
petits  boudins  incandescents  qui 
tomberont  sur  l'amadou  (fig.  4). 
Quant  à  la  baguette  verticale,  on 
lui  adapte  différents  appareils 
pour  rendre  le  mouvement  plus 
accéléré  et  plus  régulier.  Ainsi 
les  Esquimaux  l'entourent  d'une 
corde  ou  d'une  lanière  que  l'on 
tire  alternativement  dans  les  deux  sens  ;  dans  ce  cas,  le  bout 
supérieur  de  la  baguette  est  maintenu  par  la  main  d'une  autre 
personne,  ou  par  l'opérateur  lui-même  à  l'aide  d'une  petite 
planchette  qu'il  saisit  entre  ses  dents  (fig.  5).  Les  Indiens^de  la 
Colombie  anglaise  et  d'autres  peuplades  attachent  les  deux 
bouts  de  la  corde  à  un  arc,  ce  qui  permet  de  tourner  la  ba- 
guette avec  une  seule  main  (Bow-drillfig.  6)  .Enfin,  une  sorte 


Fig.  4.—  Appareil  pour 
allumer  le  feu  par  gi- 
ration (Alaska). 


de  vilebrequin  ou  de  tourniquet  à  archet  (Pump-drilï),  muni 
d'un  poids,  quoique  fort  impropre  à  produire  la  chaleur  (le 
frottement  est  très  réduit  dans  cet  appareil),  a  été  adopté 
par  deux  peuplades,  les  Iroquois  du  Canada  et  les  Tchouktchi 
de  la  Sibérie,  pour  la  production  du  feu.  Avec  ces  appareils 
perfectionnés,  on  peut  obtenir  l'incandescence  du  bois  en 
quelques  minutes,  parfois  en  quelques  secondes  ;  mais  tou- 
jours le  feu  y  couve  seulement  sous  la  poudre  de  bois  et 
il  faut  avoir  re- 
cours à  l'ama- 
dou et  au  souffle 
puissant  des 
poitrines  des 
sauvages  pour 
produire  la 
flamme. 

La  seconde 
manière  d'obte- 
nir le  feu,  celle 
de  percussion 
de  deux  mor- 
ceaux de  pyrite 
de  fer  ou  de  si- 
lex et  de  pyrite, 
a  dû  être  connue  dès  l'époque  la  plus  reculée,  en  "même 
temps  que  la  première.  Aujourd'hui  elle  n'est  employée 
que  par  quelques  rares  tribus  arriérées  :  Fuégiens,  Esqui- 
maux, Aléoutes.  Avec  la  connaissance  du  fer,  qui  rem- 
plaça la  pyrite,  le  vrai  briquet  a  été  inventé  ;  il  remplaça 
bien  vile  en  Europe  et  en  Asie  la  production  du  feu  par 


.  5.—  Esquimau  allumant  du  feu  avec 
un  vilebrequin  à  courroie. 


Fig.  6.  —  Bow-drill  (Alaska). 

frottement,  comme  à  son  tour  il  a  été  remplacé  par  les 
appareils  utilisant  l'affinité  chimique  des  différents  corps. 

Les  allumettes  chimiques,  inventées  depuis  un  demi- 
siècle,  sont  aujourd'hui  répandues  sur  toute  la  Terre  et 
remplacent,  dans  les  pays  les  plus  reculés,  tous  les  autres 
modes  de  production  de  feu. 

Mais  les  anciens  procédés  survivent  dans  les  traditions, 
dans  le  culte.  C'est  ainsi  que,  chez  les  Romains,  les 
Vestales  rallumaient  le  feu  éteint  par  mégarde  par  le  frot- 
tement de  deux  morceaux  de  bois  ;  c'est  par  le  même  pro- 
cédé que  les  Rrahmanes  actuels  de  l'Inde  obtiennent  le  feu 
pour  les  cérémonies  religieuses  en  face  des  boutiques  où 
l'on  vend  les  allumettes  anglaises  ;  c'est  encore  par  frot- 
tement que  les  Indiens  de  l'Amérique,  pourvus  amplement 
d'allumettes  par  les  Yankees,  se  procurent  le  feu  pour  les 
fêtes  sacrées.  En  Europe  même,  en  Grande-Bretagne  et  en 
Suède,  on  allumait  encore  jusqu'au  commencement  de  ce 
siècle  le  feu  destiné  aux  usages  superstitieux  (pour  préserver 
les  bêtes  et  les  gens  contre  les  maladies  contagieuses)  en  frot- 
tant deux  morceaux  de  bois.  Cette  pratique  superstitieuse 
a  été  interdite  par  un  décret  datant  de  la  fin  du  siècle  passé, 
dans  ce  même  district  de  Jonkoping  d'où  aujourd'hui  se 
répandent  par  milliards  les  fameuses  allumettes  suédoises. 
Les  procédés  longs  et  difficiles  d'obtenir  le  feu  forcent 


—  365  — 


FEU 


les  peuplades  sauvages  de  le  conserver  comme  une  chose 
des  plus  précieuses.  Presque  partout  c'est  aux  femmes 
qu'incombe  ce  soin.  Chez  les  Australiens,  les  femmes  qui 
laissent  éteindre  le  feu  sont  punies  presque  aussi  sévère- 
ment que  l'étaient  les  Vestales  romaines.  Les  Papous  de 
la  Nouvelle-Guinée  préfèrent  faire  plusieurs  lieues  pour 
chercher  le  feu  chez  la  tribu  voisine  que  d'en  allumer  un 
autre.  Aussi  la  préparation  du  «  nouveau  feu  »  est-elle 
accompagnée  chez  plusieurs  peuplades  d'Amérique  et  d'Océa- 
nie  de  fêtes  et  cérémonies  religieuses.  D'ailleurs,  le  feu 
même  est  considéré  comme  une  divinité  par  plusieurs 
peuples  (Kamtchadales,  Aïnos,  Mongols).  Le  premier  mot 
des  hymnes  védiques  des  Aryens  est  Ag?ii1  le  dieu  du 
feu,  le  prêtre  divin  du  sacrifice  ;  l'adoration  du  feu  était 
l'antique  religion  des  Persans  et  s'est  conservée  encore 
aujourd'hui  chez  certains  Parsis  de  l'Inde  et  chez  les  Guèbres 
de  la  Perse  ;  nous  passons  le  culte  de  Xiuhteuctli  «  seigneur 
du  feu  »  chez  les  anciens  Mexicains,  dePhtahchez  les  Égyp- 
tiens, de  Vulcain,  d'Héphaistos,  de  Vesta,  chez  les  Grecs 
et  les  Romains,  etc.  Souvent  le  culte  du  soleil  était  combiné 
avec  celui  du  feu,  et  les  anciennes  fêtes  solaires,  chantées 
par  Ovide,  sont  devenues  les  «  feux  de  la  Saint-Jean  »  que 
le  clergé  bénit  encore  tous  les  ans  sur  quelques  points  de 
la  Basse-Bretagne.  Nous  ne  "pouvons  que  mentionner  les 
légendes  relatives  à  l'origine  divine  du  feu,  et  qui  res- 
semblent toutes  plus  ou  moins  à  celle  de  Prométhée  (le 
Mahonïka  des  Polynésiens,  le  Tleps  des  Circassiens,  etc.). 
Les  sacrifices  au  feu  ou  par  l'intermédiaire  du  feu  sont 
communs  à  un  grand  nombre  de  peuples  incultes  ou  mi- 
civilisés;  les  Algonquins,  les  Toungouz,  les  Bouriates 
jettent  le  premier  morceau  du  repas  dans  le  feu  «  pour 
l'esprit  »  ;  les  Chinois  et  les  Siamois  brûlent  les  objets 
précieux,  les  animaux,  etc., pour  que  leur  «  vapeur  »  monte 
au  ciel  vers  les  divinités,  vers  la  lune,  le  soleil,  etc. 

Presque  partout  le  feu  est  une  chose  précieuse,  adorée, 
entourée  d'un  respect  superstitieux.  C'est  un  péché  de  cra- 
cher dans  le  feu  chez  les  Ghialiaks  comme  chez  les  pay- 
sans russes.  On  fait  passer  à  travers  ou  par-dessus  le  feu, 
qui  purifie  tout,  les  enfants  nouveau-nés,  les  femmes 
relevant  de  couches,  les  malades,  dans  mainte  pratique  féti- 
chiste, chez  les  nègres,  chez  les  Malais  ou  chez  les  peu- 
plades sibériennes.  Chez  les  anciens  Mongols  un  étranger 
ne  pouvait  franchir  le  seuil  de  latente  sans  être  «  purifié  » 
en  sautant  par-dessus  un  bûcher  allumé.      J.  Deniker. 

IL  Physique.  —  Historique.  —  Les  phénomènes  de  la 
combustion,  la  chaleur  et  la  lumière  qui  l'accompagnent  et 
qui  semblent  avoir  leur  siège  dans  la  flamme  elle-même,  enfin 
la  liaison  étroite  qui  existe  entre  ces  phénomènes  et  la  vie  des 
êtres  organisés,  ont  de  tout  temps  frappé  au  plus  haut  degré 
l'attention  des  hommes.  L'art  de  produire  le  feu  est  le  pre- 
mier degré  de  notre  science  :  la  connaissance  du  feu,  «  maître 
de  tous  les  arts,  le  plus  grand  bien  qui  soit  pour  les  vivants  », 
fut  le  premier  pas  dans  cette  longue  suite  d'inventions  qui 
ont  maîtrisé  la  nature  et  fait  passer  l'espèce  humaine  de 
l'état  purement  animal  jusqu'à  ce  degré  de  civilisation  atteint 
par  les  peuples  modernes.  Mais  de  la  pratique  des  faits 
l'esprit  humain  ne  tarda  guère  à  passer  à  leur  explication. 
C'est  ainsi  que  le  feu  adoré  à  l'origine  comme  un  être 
animé,  un  dieu  tantôt  bienfaiteur,  tantôt  dévorant,  devint 
un  objet  de  conceptions  scientifiques  au  temps  des  philo- 
sophes grecs.  Ils  en  aperçurent  tout  d'abord  le  double  carac- 
tère :  celui  d'une  matière  et  celui  d'un  phénomène  purement 
dynamique.  En  tant  que  matière,  le  feu  fut  regardé  par 
Empédocle,  par  Aristote  et  par  la  plupart  des  philosophes 
grecs  comme  l'un  des  quatre  éléments,  assimilable  à  l'air, 
à  l'eau,  à  la  terre,  et  soumis  comme  eux  aux  régularités  de 
la  géométrie.  Mais  ils  envisagèrent  aussi,  au  point  de  vue 
dynamique,  le  feu  comme  une  cause  de  mouvement  univer- 
sellement agissante  dans  la  nature  et  sans  laquelle  rien  de 
visible  ou  de  vivant  ne  peut  exister.  Ce  double  caractère  du 
feu  devint  surtout  manifeste  quand  on  chercha  à  se  rendre 
compte  des  transformations  de  la  matière  en  proie  à  la  com- 
bustion. 


En  effet,  le  poids  de  cette  matière  semble  changer  sans 
cesse  dans  les  opérations  accomplies  sous  l'influence  de  la 
chaleur.  Tantôt  on  voyait  les  métaux  augmenter  de  poids 
par  la  calcination  :  c'était  même  là  un  fait  généralement 
connu  dès  la  fin  du  xvie  siècle.  Tantôt,  au  contraire,  les 
corps  combustibles  disparaissaient  en  brûlant,  laissant  à 
peine  quelques  traces  de  cendre  ou  de  terre  comme  résidu. 
De  là  cette  opinion,  en  apparence  évidente,  que  les  corps 
combustibles  sont  susceptibles  de  se  changer  dans  la  matière 
ou  élément  du  feu,  ou  plutôt  de  régénérer  cette  matière, 
qui  y  était  réputée  latente.  «  Le  soufre  renferme  du  feu  en 
abondance  »,  disait  déjà  Pline  dans  l'antiquité.  Ce  même 
élément  du  feu  semblait  au  contraire  se  fixer  sur  les  corps 
qu'il  transformait,  tels  que  les  métaux. 

La  notion  du  feu,  celle  des  matières  combustibles,  celle 
des  esprits  volatils,  nos  vapeurs  et  nos  gaz  d'aujourd'hui, 
furent  ainsi  associés  et  confondus  au  moyen  âge  et  jusqu'au 
xvnr3  siècle  par  un  syncrétisme  étrange,  mais  inévitable. 
Cependant  les  progrès  des  mathématiques  et  de  la  physique 
introduisaient  chaque  jour  dans  les  sciences  une  précision 
jusque-là  inconnue.  Les  esprits,  formés  par  la  discipline 
d'une  éducation  plus  forte  et  plus  exacte,  n'étaient  plus 
satisfaits  par  le  vague  mysticisme  des  anciennes  théories. 
C'est  à  ce  moment  que  s'éleva  le  système  du  phlogistique 
de  Stahl,  qui  réunit  les  faits  fondamentaux  de  la  chimie  dans 
une  conception  synthétique  d'une  logique  plus  rigoureuse  et 
dont  on  ne  vit  pas  tout  d'abord  l'insuffisance  expérimentale. 
D'après  le  système  de  Stahl  et  de  ses  partisans,  les  corps 
combustibles  tels  que  le  soufre,  les  huiles,  le  charbon  ren- 
ferment un  principe  particulier,  le  phlogistique,  susceptible 
de  se  transformer  dans  la  matière  du  feu  lorsqu'il  est  sou- 
mis à  l'influence  d'une  élévation  de  température.  Cette 
matière  du  feu  se  dissipe  a#vec  flamme,  chaleur  et  lumière. 
Les  corps  combustibles  sont  donc  formés  par  cette  sub- 
stance, associée  avec  une  dose  plus  ou  moins  considérable 
de  terre.  Les  métaux  échauffés  perdent  la  même  substance 
en  se  changeant  en  chaux  métalliques.  Les  métaux  sont 
donc,  aux  yeux  de  Stahl,  des  corps  combustibles  formés 
par  l'union  d'une  terre  ou  chaux,  avec  le  principe  inflam- 
mable. Réciproquement  il  suffit  d'ajouter,  à  une  chaux  mé- 
tallique, du  phlogistique,  pour  reconstituer  le  métal  primi- 
tif, et  l'on  y  parvient  en  effet  en  le  chauffant  avec  un  corps 
combustible,  tel  que  l'huile,  le  charbon  ou  le  soufre,  corps 
particulièrement  riches  en  phlogistique. 

La  formation  des  chaux  métalliques  était  par  là  rappro- 
chée de  la  combustion  ;  les  liens  si  manifestes  qui  existent 
entre  réchauffement  des  corps,  la  production  de  la  flamme 
et  de  la  chaleur  ;  enfin  la  respiration  même  des  animaux, 
réputée  propre  à  exhaler  au  dehors  le  phlogistique  fixé  dans 
le  corps  humain  ;  bref,  une  multitude  de  phénomènes  divers 
se  trouvaient  ramenés  à  une  même  conception  générale. 

«  La  combustion,  disait  Macquer  au  temps  même  de 
Lavoisier,  est  le  dégagement  du  principe  de  l'inflammabi- 
lité.  »  Ce  principe,  cette  entité  nouvelle,  dans  laquelle  on 
supposait  résider  l'inflammabilité,  rappelle  les  éléments  des 
anciens,  sièges  prétendus  de  la  solidité  et  de  la  liquidité. 
C'est  une  conception,  inverse  en  quelque  sorte  du  mercure 
des  philosophes,  tel  que  le  comprenaient  les  alchimistes, 
principe  métallique  par  excellence,  supposé  commun  à  tous 
les  métaux.  Le  phlogistique  avait,  en  outre,  cette  faculté 
de  se  transmettre  d'un  corps  à  un  autre,  de  façon  à  lui 
communiquer  la  propriété  d'être  inflammable.  Cette  théorie 
fut  renversée  de  fond  en  comble  par  Lavoisier,  qui  montra 
que  les  changements  de  poids  et  les  fixations  ou  pertes  de 
matière  accompagnant  la  combustion  sont  inverses  de  ce 
qu'on  avait  supposé  jusque-là.  Lorsque  le  charbon  brûle  et 
semble  disparaître,  en  réalité  sa  matière  ne  se  dissipe  point  ; 
elle  ne  perd  point  son  poids  à  l'état  de  chaleur  ou  de  phlo- 
gistique. Loin  de  là,  c'est  le  charbon  qui  s'unit  avec  une 
substance  matérielle  spéciale,  l'oxygène,  ignoré  jusqu'au 
temps  de  Lavoisier;  et  il  forme  ainsi  un  composé  nouveau, 
l'acide  carbonique,  dans  lequel  tout  le  carbone  élémentaire 
subsiste  et  dont  le  poids  est  supérieur  à  celui  du  charbon  pri- 


PEU 


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mitif ,  en  raison  exacte  du  poids  de  l'oxygène  fixé  sur  lui.  Au 
contraire,  lorsque  la  chaleur  réduit  une  chaux  métallique 
mêlée  de  charbon  à  l'état  de  métal  libre  et  brillant,  cette  ré- 
duction n'est  pas  l'effet  de  la  fixation  d'une  matière  spéciale, 
telle  que  le  prétendu  phlogistique,  car  le  poids  du  métal  est 
moindre  que  celui  de  la  chaux  métallique  qui  l'engendre. 
Mais  la  matière  perdue  par  cette  dernière  reparaît,  unie  à  la 
matière  même  du  charbon,  sous  la  forme  d'un  gaz  nouveau, 
dont  le  poids  représente  exactement  celui  des  éléments  qui 
ont  concouru  à  le  produire. 

Telles  furent  les  découvertes  de  Lavoisier  ;  elles  chan- 
gèrent complètement  l'interprétation  des  phénomènes  chi- 
miques adoptée  jusque-là  et  firent  évanouir  le  système 
d'une  chaleur  pondérable,  susceptible  de  se  fixer  sur  les 
corps,  ou  de  les  quitter,  en  en  accroissant  ou  en  diminuant 
le  poids.  De  ce  système  détruit,  il  subsistait  cependant  une 
idée  essentielle,  car  il  est  certain  que  la  combustion  et  la 
formation  des  gaz  qui  l'accompagnent  impliquent  autre  chose 
que  la  simple  pesée  des  matières  mises  en  jeu  dans  l'expé- 
rience. Lavoisier  avait  cherché  à  s'expliquer  ces  phénomènes 
par  une  conception  nouvelle,  de  caractère  mixte  et  qui  con- 
servait encore  quelque  trace  des  anciens  préjugés.  Pour  lui, 
les  effets  de  la  combustion  et  le  feu  qui  l'accompagne 
étaient  dus  à  la  séparation  d'une  matière  spéciale,  matière 
d'un  caractère  particulier  et  impondérable,  la  matière  du 
feu  ou  fluide  igné,  dont  la  combinaison  avec  la  matière  pon- 
dérable de  l'oxygène,  de  l'hydrogène,  de.  l'azote,  etc., 
constitue,  disait-il,  ces  gaz  dans  leur  état  présent.  Lorsque 
le  gaz  oxygène  se  combine  aux  métaux  et  aux  corps  com- 
bustibles, il  se  sépare  de  la  matière  de  la  chaleur,  à  laquelle 
il  était  combiné  précédemment  et  qui  le  maintenait  à  l'état 
aériforme.  La  combustion  devenait  ainsi  un  véritable  phé- 
nomène de  substitution,  opérée  entre  la  matière  impondé- 
rable du  feu  qui  s'échappe  avec  flamme,  chaleur  et  lumière, 
et  la  matière  pondérable  du  soufre,  du  phosphore,  ou  du 
charbon,  qui  demeure  combinée  avec  la  base,  pondérable 
aussi,  de  l'oxygène.  Les  mêmes  phénomènes  se  produisent, 
mais  avec  plus  de  lenteur,  dans  la  calcination  des  métaux 
et  dans  la  respiration  des  animaux. 

Cependant,  à  côté  de  cette  conception  matérialisée  du 
feu,  Lavoisier  en  signalait  une  autre,  déjà  courante  de  son 
temps  et  par  laquelle  son  collaborateur,  le  mathématicien 
Laplace,  insistait  particulièrement.  D'après  ces  savants, 
«  d'autres  physiciens  pensent  que  la  chaleur  n'est  que  le 
résultat  d'un  mouvement  insensible  des  molécules  de  la 
matière.  On  sait  que  les  cprps,  même  les  plus  denses,  sont 
remplis  d'un  grand  nombre  de  pores  ou  de  petits  vides... 
Ces  espaces  vides  laissent  à  leurs  parties  insensibles  la 
liberté  d'osciller  dans  tous  les  sens,  et  il  est  naturel  de 
penser  que  ces  parties  sont  dans  une  agitation  continuelle, 
qui,  si  elle  augmente  jusqu'à  un  certain  point,  peut  les 
désunir  et  décomposer  les  corps  :  c'est  ce  mouvement  intestin, 
qui,  suivant  les  physiciens  dont  nous  parlons,  substitue  la 
chaleur.  »  Ce  point  de  vue  a  prévalu  de  notre  temps  :  il  est 
la  base  de  la  théorie  mécanique  de  la  chaleur  dont  les  pro- 
grès embrassent  aujourd'hui  tout  l'ensemble  des  sciences 
physiques.  Déjà  Laplace  et  Lavoisier  en  avaient  aperçu  la 
portée  dans  les  phénomènes  de  la  combustion,  en  appliquant 
à  la  théorie  de  la  chaleur  le  principe  purement  mécanique 
de  la  conservation  des  forces  vives,  principe  qui  devient 
applicable  si  la  chaleur  est  regardée  comme  la  force  vive 
résultant  des  mouvements  insensibles  des  molécules  des 
corps.  C'est  ainsi  que  le  feu,  envisagé  autrefois  comme  une 
substance  matérielle,  douée  d'une  existence  propre,  est 
devenu  pour  la  science  moderne  un  pur  phénomène ,  par 
suite  d'une  révolution  dans  les  idées,  non  moins  profonde 
au  point  de  vue  physique  qu'au  point  de  vue  philoso- 
phique. M.  Berthelot. 

III.  Géologie.  —  Feu  central  (V.  Terre). 

IV.  Météorologie.  —  Feu  follet.  —  Lueur  erratique 
qu'on  voit  planer,  la  nuit,  au-dessus  des  endroits  ma- 
récageux et  des  cimetières.  Le  feu  follet  a  l'aspect  d'une 
flamme  vacillante  terminée  par  une  aigrette  irrégulière 


qui  rappelle  vaguement  la  couronne  d'une  grenade,  il  se 
montre  de  préférence  en  automne  par  un  temps  calme. 
Son  apparition  est  un  objet  de  frayeur  pour  les  campa- 
gnards qui  croient  y  voir  une  âme  en  peine.  Tous  les 
ouvrages  contemporains  considèrent  le  feu  follet  comme 
une  exhalaison  enflammée.  Les  chimistes  sont  du  même 
avis  ;  ^  d'après  eux ,  le  feu  follet  provient  des  matières 
organiques  en  décomposition,  qui  dégagent  de  grosses 
bulles  de  gaz  hydrogène  phosphore,  PhH3,  rendu  spon- 
tanément inflammable  à  l'air  par  une  faible  quantité 
d'hydrogène  phosphore  liquide,  PhH2.  Cette  explication, 
vraie  quant  à  la  substance  du  feu  follet,  —  témoin  l'odeur 
de  phosphore  que  ce  météore  laisse  quelquefois  après  lui, 
—  ne  concorde  pas  jusqu'au  bout  avec  les  faits.  En  réa- 
lité, le  feu  follet  n'est  pas  une  lueur  instantanée  ;  il  peut 
briller  dix,  vingt,  trente  secondes  et  même,  quoique  rare- 
ment, plusieurs  minutes  ;  il  ne  produit  pas  de  fumée  ;  il 
n'enflamme  pas  ;  il  ne  roussit  même  pas  les  herbes  sèches 
sur  lesquelles  il  se  pose.  On  doit  nécessairement  admettre 
que,  dans  le  gaz  qui  constitue  le  feu  follet,  la  proportion 
d'hydrogène  phosphore  liquide  est  trop  faible  pour  amener 
l'inflammation  spontanée  à  l'air  et  que  le  météore  brille 
seulement  par  phosphorescence. 

Feu  Saint-Elme.  —Aigrette lumineuse,  parfois  de  grande 
dimension,  qu'on  voit  briller,  en  temps  d'orage  ou  de  tem- 
pête, aux  pointes  des  mâts  et  des  vergues  ou  le  long  des 
cordages.  Les  anciens  appelaient  Castor  et  Polluoc  une 
aigrette  double,  qu'ils  considéraient  comme  de  bon  augure; 
une  flamme  simple  était  pour  eux  un  mauvais  présage  et 
ils  l'appelaient  Hélène,  d'où  le  nom  de  feu  «  Sainte-Hélène», 
qui  s'emploie  encore.  Au  moyen  âge,  c'était  le  feu  «  Saint- 
Erasme  »,  que  les  marins  italiens'  appelèrent  Eramo,  puis 
Ermo  et  Elmo.  On  sait  que  saint  Erasme  était,  dans  les 
idées  des  chrétiens  du  moyen  âge,  un  des  quinze  grands 
protecteurs  de  l'Occident.  Ce  phénomène  s'explique  facile- 
ment par  la  propriété  qu'ont  les  pointes  de  laisser  échapper 
l'électricité  sous  la  forme  visible  d'une  aigrette.  Il  se  ma- 
nifeste souvent  ailleurs  que  sur  mer,  par  exemple  aux 
sommets  des  toits  et  des  arbres,  aux  pointes  des  rochers, 
parfois  même  au  bout  des  brins  d'herbe. 

E.  Durand-Gréville. 

V.  Technologie.  —  En  terme  de  machines,  on  ap- 
pelle feu  poussé  la  chauffe  activée  par  tous  les  moyens 
propres  à  augmenter  la  production  de  vapeur  d'une 
chaudière.  Dans  le  feu  modéré  ou  retenu,  au  contraire, 
la  chauffe  est  moyenne  ou  lente  en  raison  de  la  quantité 
de  vapeur  nécessaire  au  fonctionnement  de  la  machine.  Il 
y  a  toujours  avantage,  au  point  de  vue  économique,  à  avoir 
un  plus  grand  nombre  de  foyers  allumés  que  celui  stricte- 
ment indispensable  pour  la  marche  de  la  machine,  attendu 
que,  dans  ce  cas,  on  n'est  pas  obligé  d'ouvrir  aussi  fré- 
quemment le  fourneau  et  conséquemment  de  laisser  passer 
au-dessus  de  la  couche  de  combustible  un  grand  volume 
d'air  froid  qui  abaisse  la  température  de  la  chaudière,  que 
les  gaz  s'échappent  dans  l'atmosphère  à  une  température 
moins  élevée,  enfin,  que  l'on  produit  moins  d'escarbilles 
puisque  le  combustible  est  moins  remué  que  dans  le  feu 
poussé.  La  boîte  à  feu  est  la  partie  arrière  de  la  chaudière 
à  la  suite  de  la  grille  et  de  l'autel,  dans  laquelle  passent 
la  flamme  et  les  gaz  chauds  d'un  fourneau,  pour  se  dissi- 
per ensuite  dans  l'atmosphère  par  la  cheminée.     L.  K. 

VI.  Céramique.  —  Grand  feu.  —  Suivant  la  nature 
de  la  pâte  céramique,  le  chauffage  des  fours  clans  lesquels 
s'opère  la  cuisson  demande  une  température  plus  ou  moins 
élevée  (V.  Céramique,  t.  IX,  p.  1487).  Telle  poterie  cuit 
à  une  très  basse  température,  comme  les  terres  cuites  sans 
glaçures  à  surface  mate  qui  fondent  à  40°  du  pyromètre 
de  Wedgwood  :  c'est  le  petit  feu  :  d'autres ,  les  biscuits, 
cuisent  du  rouge  cerise  au  rouge  blanchâtre  :  c'est  le  demi- 
grand  feu;  lesdernières,  enfin,  les  grès,  les  porcelaines  dures, 
kaoliniques  et  feldspathiques  peuvent  subir  sans  altérations 
140°  du  pyromèlre  de  Wedgwood  :  c'est  le  grand  feu.  Pour 
arriver  à  ces  hautes  températures,  sans  briser  les  objets, 


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FEU 


l'encastage  demande  des  précautions  infinies.  La  cuisson 
dure  de  75  à  100  heures.  Il  est  facile  de  comprendre  que 
toutes  les  couleurs  décoratives  fusibles  ne  peuvent  exister 
à  ces  hautes  températures.  Celles  qu'on  peut  employer,  et 
qui  pour  cela  portent  le  nom  de  couleurs  de  grand  feu, 
sont  le  bleu  de  cobalt,  le  vert  de  chrome,  les  bruns  de  fer, 
de  manganèse,  de  chromate  de  fer,  les  jaunes  d'oxyde  de 
titane,  les  noirs  d'urane,  enfin  quelques  couleurs  qui  fondent 
en  se  dénaturant  et  produisent,  sous  l'influence  de  la  flamme, 
les  flambés  chinois.  F.  de  M. 

VII.  Mines.  —  Feu  grisou  (V.  Grisou). 

VIII.  Pyrotechnie.  — Feu  d'artifice,  Feu  de  Bengale 
(V.  Artifices). 

Feu  grégeois.— Le  feu  grec  ou  grégeois  a  été  inventé  par 
les  Byzantins  :  sa  découverte  fut  l'un  des  premiers  fruits 
militaires  de  la  chimie  naissante.  Son  efficacité,  reconnue 
par  la  destruction  des  flottes  des  Arabes  et  des  Russes,  le 
mystère  qui  en  entoura  la  fabrication,  enfin  les  exagéra- 
tions intéressées  des  Byzantins,  qui  le  mirent  en  œuvre  et 
furent  les  seuls  à  s'en  servir  pendant  quatre  ou  cinq  cents 
ans,  tout  contribua  à  l'entourer  d'une  sorte  d'auréole  de 
terreur,  qui  a  traversé  les  âges  et  est  venue  jusqu'à  nous. 
L'historien  Lebeau,  reproduisant  sans  critique  les  contes 
des  gens  de  Gonstantinople,  expose  gravement  que  «  le  feu 
grégeois  brûlait  dans  l'eau  ;  il  dévorait  tout  ;  ni  les  pierres, 
ni  le  fer  même  ne  résistaient  à  son  activité.  Lorsqu'on  se 
servait  d'arbalètes  ou  de  balistes,  on  en  jetait  alors  une 
prodigieuse  quantité,  qui,  traversant  l'air  avec  la  splen- 
deur de  l'éclair  et  le  bruit  du  tonnerre,  embrasait  avec  une 
horrible  explosion  des  bataillons,  des  édifices  entiers,  des 
navires.  »  On  attribua  môme  la  propriété  inextinguible, 
non  seulement  à  la  composition  incendiaire,  mais  aux  em- 
brasements qui  en  provenaient. 

Ce  fut  lors  du  siège  de  Constantinople  par  les  Arabes, 
en  673,  vers  la  cinquième  année  du  règne  de  Constantin  III, 
qu'un  transfuge,  venu  des  pays  occupés  par  les  musulmans, 
Callinicus,  architecte  d'Héliopolis  (en  Syrie,  d'après  les 
uns;  en  Egypte,  d'après  d'autres),  apporta  aux  Grecs  le  feu 
grégeois  :  il  en  fut  réputé  l'inventeur.  Grâce  à  cette  décou- 
verte, la  flotte  arabe  fut  incendiée  et  détruite  à  Cyzique. 

Au  cours  des  siècles  suivants  (936),  une  flotte  russe, 
dirigée  contre  Constantinople,  fut  anéantie  de  la  même 
manière  :  «  C'est  alors,  dit  le  chroniqueur  russe  Nestor, 
qu'armé  d'un  feu  ailé  et  au  moyen  d'un  certain  tuyau,  le 
général  grec  lance  la  flamme  sur  les  navires  russes  :  spec- 
tacle aussi  effrayant  qu'extraordinaire.  Les  Russes,  à  l'as- 
pect de  ce  feu  magique,  se  précipitent  à  la  mer  pour 
échapper  à  son  atteinte  et  parviennent,  en  très  petit  nombre, 
à  regagner  leur  pays.  »  On  le  lançait  sur  les  vaisseaux 
ennemis  au  travers  des  gueules  d'animaux  sauvages,  figu- 
rées en  métal  doré  pour  augmenter  la  terreur.  Jusqu'au 
xe  siècle,  d'ailleurs,  l'emploi  du  feu  grégeois  paraît  limité 
aux  guerres  navales.  Tout  au  plus  était-il  projeté  sur  les 
habitations  situées  au  bord  de  la  mer.  L'usage  du  feu  gré- 
geois et  des  compositions  incendiaires  multiples  résumées 
sous  ce  nom  se  répandit  alors  de  plus  en  plus.  Non  seu- 
lement on  l'appliquait  dans  les  sièges,  à  la  façon  des  Grecs 
et  des  Romains,  et  dans  la  guerre  navale,  à  la  manière 
des  Byzantins  ;  mais  les  musulmans,  c.-à-d.  les  Persans 
et  les  Turcs,  qui  combattaient  les  croisés,  mirent  en  œuvre 
le  feu  grégeois  dans  la  guerre  de  campagne.  Ils  attachaient 
des  compositions  incendiaires  à  tous  leurs  traits,  armes 
d'attaque  ou  machines  de  guerre.  Ils  lançaient  à  la  main 
des  pots  à  feu,  en  terre  ou  en  verre,  qui  se  brisaient  en 
couvrant  l'ennemi  de  feu  ;  ils  l'aspergeaient  de  feu,  avec 
des  bâtons  creux  et  des  massues.  Au  moment  des  croisades, 
les  chevaliers  latins  qui  combattaient  en  Syrie  et  en  Egypte 
eurent  à  lutter  contre  le  feu  grégeois,  dont  le  secret  s'était 
répandu  chez  les  musulmans.  L'emploi  de  ce  procédé  scien- 
tifique, contre  lequel  la  force  brutale  et  la  supériorité  des 
armes  manuelles  étaient  impuissantes,  leur  inspira  un 
extrême  effroi.  Joinville  décrit  avec  une  épouvante  naïve 
les  effets  du  feu  grégeois,  projeté  sur  les  soldats  de  saint 


Louis  en  Egypte  par  les  Sarrasins.  C'était  là,  aux  yeux 
des  hommes  de  ce  temps,  un  artifice  infernal  et  magique, 
contraire  à  la  loyauté. 

Cependant  les  terreurs  excitées  par  le  feu  grégeois  se 
calmèrent  peu  à  peu.  On  reconnut  qu'il  était  peut-être  plus 
effrayant  qu'efficace  et  on  l'employa  peu  en  Occident,  jus- 
qu'au jour  où  il  fut  rejeté  partout  au  second  plan,  aux 
xiYe  et  xv®  siècles,  par  la  découverte  de  la  poudre  à  canon, 
dont  la  puissance  était  bien  autrement  redoutable.  Il  con- 
tinua pourtant  à  être  employé  jusqu'au  xvie  siècle  ;  presque 
tous  les  traités  de  pyrotechnie  du  temps  en  donnent  la 
composition  et  l'emploi  ;  puis  il  tomba  dans  un  oubli  pro- 
fond. C'est  sous  forme  légendaire  que  sa  réputation  repa- 
raît au  xvme  siècle,  à  la  suite  des  récits  merveilleux  de 
Lebeau  et  autres  historiens  naïfs.  On  crut  alors  que  le 
secret  du  feu  grégeois  était  perdu,  et  plus  d'un  inventeur 
prétendit  le  retrouver.  Ce  fut  le  cas  d'un  nommé  Dupré,  à 
qui  Louis  XV  acheta  sa  découverte  en  1758.  On  répandit 
le  bruit  officiel  que  la  sagesse  de  ce  monarque,  ami  de  l'hu- 
manité, avait  replongé  dans  l'oubli  cette  puissante  inven- 
tion. Une  nouvelle  légende  que  nous  lisons  dans  quelques 
auteurs  de  la  fin  du  xvme  siècle  dit  même  que  l'auteur 
aurait  été  enfermé  à  la  Bastille,  pour  mieux  assurer  le 
secret.  En  réalité,  les  essais  du  procédé  furent  poursuivis 
par  l'administration  de  la  marine.  Dans  une  expérience  faite 
au  Havre  en  1758,  avec  une  pompe  à  huile  de  naphte, 
dont  le  jet  était  enflammé  par  une  mèche  allumée,  on  brûla 
même  une  chaloupe.  Nous  avons  vu  reproduire  de  sem- 
blables essais  sous  la  direction  du  général  Trochu,  dans 
le  bois  de  Boulogne,  pendant  le.  siège  de  Paris.  En  tout 
cas,  c'est  à  ces  imaginations  que  nous  devons  la  première 
publication  et  la  meilleure  qui  ait  été  faite  jusqu'ici  du 
Livide  des  feux,  de  Marcus  Grœcus.  Napoléon,  ayant 
entendu  dire  que  cet  ouvrage,  encore  manuscrit,  renfer- 
mait le  secret  du  feu  grégeois,  le  fit  imprimer  par  un 
savant  du  temps,  La  Porte  du  Theil,  en  1804. 

Le  feu  grégeois  se  projetait  par  des  tubes  métalliques,  en 
forme  de  seringues,  placés  à  l'avant  des  navires  ou  portés  à 
la  main  :  ce  qui  ne  pouvait  avoir  lieu  qu'à  une  courte  distance 
et  avec  une  mer  tranquille.  On  le  lançait  aussi,  contenu  dans 
des  barils  ou  gros  récipients,  à  l'aide  de  perrières  et  arba- 
lètes à  tour,  au  temps  de  saint  Louis.  Sa  flamme  était 
susceptible  d'être  dirigée  en  tout  sens,  même  de  haut  en 
bas,  ce  qui  permettait  de  la  darder  à  volonté  sur  un  homme 
ou  sur  un  objet  ;  propriété  alors  nouvelle  et  effrayante, 
mais  qui  appartient  à  tout  mélange  où  le  combustible  est 
mélangé  avec  un  comburant  tel  que  le  salpêtre.  On  ne 
l'éteignait  pas  avec  l'eau,  mais  en  projetant  dessus  du  sable, 
de  la  terre,  en  y  injectant  de  l'urine,  du  vinaigre  ou  plu- 
tôt de  la  saumure,  chargée  de  matières  salines  qui  laissent 
en  s' évaporant  à  la  surface  des  objets  enflammés  un  enduit 
incombustible. 

Examinons  de  plus  près  les  effets  du  feu  grégeois.  Parmi 
^eux  que  les  historiens  décrivent,  il  en  est  certains  qui 
appartenaient  déjà  aux  anciennes  compositions  incendiaires, 
dont  la  tradition  vint  se  confondre  avec  la  sienne  ;  mais  il 
en  est  d'autres  qui  impliquent  l'intervention  d'un  agent 
nouveau,  je  veux  dire  le  salpêtre,  susceptible  d'entretenir 
la  combustion,  même  à  l'abri  de  l'air,  et  de  lui  donner 
cette  intensité  extraordinaire,  cette  lumière,  ce  caractère 
bruyant,  cette  faculté  de  projeter  la  flamme  en  tous  sens, 
qui  frappèrent  si  vivement  les  contemporains  et  qui  firent 
du  feu  grégeois  une  arme  nouvelle  et  plus  redoutable 
contre  les  machines  et  les  vaisseaux.  En  réalité,  c'était  une 
masse  d'artifice,  formée  de  salpêtre,  de  soufre  et  de  résine 
et  d'autres  matières  combustibles  aisément  fusibles.  De 
semblables  mélanges  recèlent,  en  outre,  des  effets  explo- 
sifs particuliers  ;  mais  ces  effets  ne  furent  pas  soupçonnés 
d'abord  :  ce  n'est  qu'à  la  suite  d'une  longue  pratique  que 
Ton  fut  amené,  par  l'empirisme,  à  les  reconnaître  et  à  en 
tirer  parti.  Le  feu  grégeois  disparut  alors,  par  suite  des 
progrès  mêmes  amenés  par  sa  connaissance  plus  approfon- 
die. Mais  ces  progrès  furent  d'autant  plus  lents  que  la 


FEU  —  368  — 

composition  du  feu  grégeois  était  tenue  soigneusement 
secrète  par  les  Byzantins.  La  fabrication  même,  d'après 
Cedrenus,  était  un  monopole  réservé  à  une  famille. 

Le  salpêtre  était  confondu  par  les  anciens  avec  desefflo- 
reseences  salines  très  diverses,  telles  que  chlorure  de  so- 
dium, sulfate  de  soude,  carbonate  de  soude,  réunies  par 
eux  sous  les  "noms  de  fleur  de  natron  ou  de  nitre,  ou 
plus  simplement  nitrum.  Le  hasard  aura  sans  doute  ré- 
vélé à  quelque  manipulateur  la  propriété  comburante  de 
l'efflorescence  spéciale  qui  constitue  notre  salpêtre,  et  elle 
sera  demeurée  plus  ou  moins  longtemps  à  l'état  de  secret 
de  magie  ou  de  prestidigitation,  jusqu'au  jour  où  un  inven- 
teur plus  hardi  en  fit  un  artifice  de  guerre. 

Callinicus,  au  vne  siècle,  fut  le  propagateur  de  la  dé- 
couverte du  salpêtre  et  de  ses  propriétés  comburantes  ; 
mais  les  Grecs  la  conservèrent  soigneusement  cachée. 
C'était  là  un  secret  d'Etat.  Vers  le  temps  des  croisades,  le 
secret  tomba,  comme  il  finit  par  armer  inévitablement, 
dans  le  domaine  public.  Il  fut  connu  des  musulmans,  qui 
en  généralisèrent  l'emploi  dans  la  guerre  de  campagne, 
ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut  :  la  composition  du  feu  gré- 
geois se  trouve  dès  lors  décrite  en  détail  dans  les  écri- 
vains arabes  du  xuie  siècle.  A  la  même  époque,  elle  fut 
aussi  exposée  en  Occident,  par  Marcus  Graecus,  Roger 
Bacon,  le  faux  Albert  le  Grand,  etc.,  copiés  d'âge  en  âge 
jusqu'aux  traités  imprimés  du  xvie  siècle,  qui  la  décrivent 
amplement.  Bref,  le  feu  grégeois  était  pleinement  connu 
au  xvie  siècle,  et  les  formules  en  étaient  demeurées  à  peu 
près  les  mêmes  depuis  les  Arabes,  lesquels  ont  reproduit 
sans  doute  les  prescriptions  tenues  secrètes  par  les  Byzan- 
tins. Ces  formules  renferment  les  mêmes  éléments  que  les 
mélanges  incendiaires  des  anciens,  à  un  ingrédient  près,  le 
salpêtre  :  mais  cette  addition  est  capitale,  car  elle  permet- 
tait au  feu  grégeois  une  fois  enflammé  de  continuer  à  brû- 
ler, quelle  que  fût  la  vitesse  du  projectile,  de  brûler  aussi 
sans  avoir  le  contact  de  l'air  et  même  sous  l'eau  et  de  ne 
pouvoir  être  éteint  ou  étouffé  qu'avec  une  extrême  diffi- 
culté. Les  cordeaux  d'artifice  qui  servent  aujourd'hui  à 
mettre  le  feu  à  la  poudre  sont  constitués  par  des  compo- 
ditions  analogues,  et  ils  ne  peuvent  être  interceptés  qu'en 
les  coupant.  Si  l'on  essaye  de  les  éteindre  autrement,  ils  ne 
continuent  pas  moins  à  brûler  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  at- 
teint la  poudre.  C'est  par  de  telles  propriétés  que  le  feu 
grégeois  avait  constitué  un  engin  nouveau  et  terrible,  très 
supérieur  aux  compositions  antérieures.  Mais,  tout  en  don- 
nant aux  procédés  d'attaque  par  le  feu  un  développement 
et  une  supériorité  inconnus  jusque-là,  il  avait  continué  à 
être  appliqué  aux  mêmes  armes.  Sa  puissance  a  duré  ainsi 
jusqu'au  jour  où  l'emploi  des  mélanges  nitrates  qui  en  for- 
maient la  base  a  conduit  à  découvrir  et  à  utiliser  l'énergie 
propulsive  des  agents  chimiques,  énergie  ignorée  des  an- 
ciens et  dont  le  mouvement  propre  de  la  fusée  avait  com- 
mencé à  donner  une  idée.  Ce  jour-là,  une  révolution  plus 
profonde  a  fait  disparaître  les  machines  de  guerre  usitées 
depuis  deux  mille  ans  et  subir  à  Part  militaire,  sur  terre 
et  sur  mer,  des  transformations  dont  le  terme  n'est  pas 
encore  atteint  de  nos  jours.  M.  Berthelot. 

IX.  Art  militaire.  —  Commandement  d'exécution  dans 
les  tirs.  Par  extension,  on  appelle  feux  le  tir  lui-même.  On 
distingue  en  tactique  les  feux  de  mousqueterie  et  les  feux 
d'artillerie.  Les  deux  principales  sortes  do  feux  avec  le 
fusil  d'infanterie  sont  :  le  feu  à  volonté,  dans  lequel  chaque 
soldat  tire,  charge  et  continue  à  tirer  sans  interruption,  et 
le  feu  de  salve,  dans  lequel  l'unité  désignée,  bataillon,  com- 
pagnie, escouade,  ne  tire  qu'au  commandement.  Les  deux 
espèces  de  feux  les  plus  usitées  pour  le  canon  sont  :  le  feu 
par  pièce  et  le  feu  par  salves  de  batterie.  Au  point  de  vue 
tactique,  le  feu  est  opposé  au  choc.  Le  feu  produit,  dans 
la  tactique  actuelle,  beaucoup  plus  d'effets  meurtriers  que 
le  choc.  Au  feu  du  fusil  correspond  un  nombre  de  bles- 
sures beaucoup  plus  élevé  qu'au  feu  du  canon.  Il  n'entre 
pas  dans  le  cadre  de  cet  article  de  donner  beaucoup  de 
chiffres;  il  suffit  de  rappeler  que,  sur  les  127,820  blessés 


de  l'armée  prussienne  en  1870,  il  y  en  a  eu  88  °/0  par  le 
fusil,  10  °/0  par  le  canon,  2  °/0  par  l'arme  blanche  ;  il 
suffit  d'indiquer  l'accroissement  constant  du  pour  cent  des 
blessures  dues  au  fusil  dans  diverses  guerres  de  la  seconde 
partie  du  xixe  siècle  et  rabaissement  correspondant  des 
blessures  faites  à  l'arme  blanche  pour  comprendre  le  rôle 
prépondérant  du  feu  dans  la  tactique  actuelle.  L'introduc- 
tion des  armes  à  répétition  avec  poudre  sans  fumée  avec 
vitesses  initiales  supérieures  à  600  m.  devra  exagérer 
encore  dans  la  guerre  future  la  puissance  des  feux  de  mous- 
queterie :  l'introduction  éventuelle  des  perfectionnements 
analogues  dans  le  service  du  canon  pourra  à  peine  com- 
penser une  partie  des  effets  du  fusil  actuel  à  cause  de  la 
vulnérabilité  relative  des  deux  armes.  Au  point  de  vue  de 
la.tactique  actuelle,  on  distingue  souvent  le  feu  d'ensemble, 
qui  bat  une  zone  de  terrain  considérable  avec  des  hausses 
échelonnées,  du  feu  ajusté.  Avec  les  qualités  actuelles  du 
fusil,  les  feux  d'ensemble  à  grande  distance  pourront,  dans 
certaines  circonstances  déterminées,  exercer  des  effets 
extrêmement  meurtriers  et  comparables  à  ceux  du  canon. 
Pour  ce  qui  distingue  l'artillerie  placée  sur  les  vaisseaux, 
les  règlements  distinguent  :  le  feu  de  bordée,  où  toutes 
les  bouches  à  feu  d'un  seul  bord  tirent  simultanément,  le 
feu  de  batterie,  le  feu  de  division  ou  de  demi-batterie,  le 
feu  de  section.  Ces  quatre  sortes  de  feux  d'ensemble  sont 
moins  usités  que  le  feu  de  file,  où  chaque  pièce  tire  après 
celle  qui  la  précède  vers  l'avant,  et  que  le  feu  à  volonté. 
On  prévoit  aussi  le  feu  des  deux  bords,  où  les  servants 
courent  successivement  d'un  bord  à  l'autre  pour  mettre 
en  batterie  alternativement  les  pièces  de  l'un  et  de  l'autre 
bord.  Ce  feu,  qui  est  très  pénible,  est  usité  dans  le  cas  où 
le  vaisseau  est  pris  entre  deux  feux.  Enfin  le  feu  conver- 
gent ou  feu  concentré  consiste  à  faire  tirer  toutes  ensemble 
les  bouches  à  feu  d'un  seul  bord  comme  dans  le  feu  de 
bordée,  cela  à  un  signe  convenu,  donné  au  moment  où  le 
navire  présente  à  l'objectif  ses  diverses  bouches  à  feu  qui, 
au  préalable,  ont  été  pointées  géométriquement  sur  l'ob- 
jectif qu'elles  doivent  battre.  P.  Marin. 

X.  Marine.  —  Un  des  plus  grands  dangers  de  la  navi- 
gation, sans  contredit,  est  l'abordage  entre  deux  bâtiments, 
surtout  depuis  que  le  tonnage  et  la  vitesse  ont  considéra- 
blement augmenté.  Il  en  résulte  au  choc  une  force  vive 
MV2  (M,  masse  ou  poids  du  navire;  V2,  carré  delà  vitesse 
exprimée  en  mètres  par  seconde)  à  laquelle  les  plus  puis- 
santes constructions  maritimes  ne  peuvent  résister.  Les 
diverses  puissances  maritimes  se  sont  préoccupées  de  cet 
état  de  choses,  et,  pour  y  remédier  dans  la  limite  du  pos- 
sible, ont  adhéré  à  certaines  règles  à  la  suite  d'un  congrès 
international  qui  a  fixé  les  feux  que  devaient  porter  les 
bâtiments  entre  le  coucher  et  le  lever  du  soleil,  règles 
applicables  depuis  le  1er  sept.  1884.  —  En  voici  les  prin- 
cipaux articles  : 

Art.  3.  Tout  navire  à  vapeur,  de  mer,  quand  il  est  en 
marche,  doit  porter  :  A.  Sur  le  mât  de  misaine  ou  en 
avant  du  mât  de  misaine,  à  une  hauteur  d'au  moins  6  m. 
au-dessus  du  plat-bord,  et  si  la  largeur  du  navire  est  de 
plus  de  6  m.,  à  une  hauteur  au-dessus  du  plat-bord  au 
moins  égale  à  la  largeur  du  navire,  un  feu  blanc  brillant, 
construit  de  manière  à  fournir  une  lumière  uniforme  et 
sans  interruption  sur  tout  le  parcours  d'un  arc  horizon- 
tal de  vingt  quarts,  ou  rumbs  de  vent.  Il  devra  être  fixé 
de  telle  sorte  que  la  lumière  se  projette  de  chaque  côté 
du  navire  depuis  l'avant  jusqu'à  deux  quarts  sur  l'ar- 
rière de  travers.  La  portée  de  ce  feu  devra  être  assez 
grande  pour  qu'il  soit  visible  à  5  milles  de  distance  et 
par  une  nuit  sombre,  mais  atmosphère  sans  brume,  pluie, 
brouillard  ou  neige.  — -  B.  A  tribord,  un  feu  vert  établi 
de  manière  à  projeter  une  lumière  uniforme  et  sans  inter- 
ruption sur  tout  le  parcours  d'un  arc  horizontal  de  dix 
quarts  de  compas,  compris  entre  l'avant  du  navire  et  deux 
quarts  de  l'arrière  de  travers  à  tribord.  Il  doit  avoir  une 
portée  telle  qu'il  soit  visible  à  au  moins  2  milles  de 
distance,  par  une  nuit  sombre,  mais  atmosphère   sans 


brume,  pluie,  brouillard  ou  neige.  —  C.  A  bâbord,  un  feu 
rouge  établi  de  manière  à  projeter  une  lumière  uniforme 
et  sans  interruption  sur  tout  le  parcours  d'un  arc  hori- 
zontal de  dix  quarts  de  compas,  compris  entre  l'avant  du 
navire  et  deux  quarts  de  l'arrière  de  travers  à  bâbord  ;  il 
doit  avoir  une  portée  telle  qu'il  soit  visible  à  au  moins 
2  milles  de  distance  par  une  nuit  sombre,  mais  atmosphère 
sans  brunie,  pluie,  brouillard  ou  neige.  — D.  Ces  feux  de 
côté,  vert  et  rouge,  doivent  être  pourvus,  du  côté  du  na- 
vire par  rapport  à  eux,  d'écrans  se  projetant  en  avant 
d'au  moins  0m91 ,  de  telle  sorte  que  leur  lumière  ne  puisse 
pas  être  aperçue  de  tribord  devant  pour  le  feu  rouge  et  de 
bâbord  devant  pour  le  feu  vert. 

Art.  4.  Tout  navire  à  vapeur  qui  remorque  un  autre 
bâtiment  doit  porter,  outre  ses  feux  de  côté,  deux  feux 
blancs  brillants  placés  verticalement  à  0m91  de  distance  au 
moins  l'un  au-dessus  de  l'autre,  afin  de  le  distinguer  des 
autres  bâtiments  à  vapeur.  Chacun  de  ses  feux  doit  être 
du  même  genre  et  installé  de  la  même  manière  que  le  feu 
blanc  brillant  porté  au  mat  de  misaine  par  les  autres 
navires  à  vapeur. 

Art.  5.  A.  Tout  navire  à  voile  ou  à  vapeur  qui,  pour  une 
cause  accidentelle,  n'est  pas  libre  de  ses  mouvements,  doit  : 
si  c'est  pendant  la  nuit,  mettre  à  la  place  assignée  au  feu 
blanc  brillant,  que  les  bâtiments  à  vapeur  sont  tenus 
d'avoir  en  avant  du  mât  de  misaine,  trois  feux  rouges 
placés  dans  des  lanternes  sphèriques  d'au  moins  0m25  de 
diamètre  et  disposés  verticalement  à  une  distance  l'une 
de  l'autre  d'au  moins  0m91.  Ils  doivent  avoir  une  telle 
portée  qu'ils  soient  visibles  à  au  moins  2  milles  de 
distance  par  une  nuit  noire,  mais  atmosphère  pure.  — 
B.  Tout  navire  à  voiles  ou  à  vapeur  employé  soit  à  poser 
ou  à  relever  un  câble  télégraphique,  doit  :  si  c'est  pendant 
la  nuit,  mettre  à  la  place  assignée  au  feu  blanc  brillant 
que  les  bâtiments  à  vapeur  sont  tenus  d'avoir  en  haut  du 
mât  de  misaine,  trois  feux  placés  dans  des  lanternes  sphè- 
riques d'au  moins  0m25  de  diamètre  et  disposées  verticale- 
ment à  une  distance  l'une  de  l'autre  d'au  moins  lm82.  Le 
feu  supérieur  et  le  feu  inférieur  devront  être  rouges;  celui 
du  milieu  devra  être  blanc,  et  les  feux  rouges  devront 
avoir  la  même  portée  que  le  feu  blanc.  —  C.  Les  navires 
cités  dans  cet  article  ne  doivent  pas  avoir  les  feux  de  côté 
allumés  lorsqu'ils  n'ont  aucun  sillage  ;  ils  doivent,  au  con- 
traire, les  tenir  allumés  lorsqu'ils  sont  en  marche,  soit  à 
la  voile,  soit  à  la  vapeur. 

Art.  6.  Tout  navire  à  voile  qui  fait  route  ou  est  remorqué 
doit  porter  les  feux  indiqués  par  l'art.  3  pour  un  bâtiment 
à  vapeur  en  marche,  à  l'exception  du  feu  blanc  qu'il  ne 
doit  avoir  en  aucun  cas. 

Art.  8.  Tout  navire,  soit  à  voile,  soit  à  vapeur,  doit, 
lorsqu'il  est  au  mouillage,  avoir  un  feu  blanc  dans  une 
lanterne  sphérique  d'au  moins  0m<20  de  diamètre,  placé 
le  plus  en  vue  possible  à  une  hauteur  au-dessus  du  plat- 
bord  qui  n'excède  pas  6  m.;  ce  feu  doit  montrer  une  lu- 
mière claire,  uniforme,  sans  interruption,  et  visible  tout 
autour  de  l'horizon  à  une  distance  d'au  moins  1  mille. 

Art.  9.  Les  bateaux-pilotes,  quand  ils  sont  sur  leur  sta- 
tion de  pilotage  pour  leur  service,  ne  doivent  pas  porter 
les  mêmes  feux  que  les  autres  navires  :  ils  doivent  avoir  à 
la  tête  du  mât  un  feu  blanc  visible  tout  autour  de  l'ho- 
rizon ;  ils  doivent  également  montrer,  à  de  courts  inter- 
valles ne  dépassant  pas  quinze  minutes,  un  ou  plusieurs 
feux  à  éclats. 

Art.  10.  Les  embarcations  non  pontées  et  les  bateaux 
de  pêche  de  moins  de  20  tonneaux  (jauge  nette)  étant  en 
marche  sans  avoir  leurs  filets,  chaluts,  dragues,  ou  lignes 
à  l'eau,  ne  seront  pas  obligés  déporter  les  feux  de  couleur 
de  côté  :  mais,  dans  ce  cas,  chaque  embarcation  ou  chaque 
bateau  devra,  en  leur  lieu  et  place,  avoir  prêt  sous  la  main 
un  fanal  muni  sur  l'un  des  côtés  d'un  verre  vert,  et  sur 
l'autre  d'un  verre  rouge,  et  s'il  s'approche  d'un  navire  ou 
en  voit  approcher  un,  il  devra  montrer  ce  fanal  assez  à 
temps  pour  prévenir  un  abordage,  et  de  manière  que  le  feu 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


—  369  —  FEU 

vert  ne  soit  pas  vu  de  bâbord,  ni  le  feu  rouge  sur  le  côté 
de  tribord. 

Art.  11.  Un  navire  qui  est  rattrapé  par  un  autre  bâti- 
ment doit  montrer  au-dessus  de  sa  poupe  un  feu  blanc  à 
éclats  destiné  à  avertir  le  navire  qui  approche. 

XI.  Pêche.  —  La  pêche  au  feu  est  formellement  inter- 
dite en  rivière  ;  elle  est  également  prohibée  en  eau  salée 
dans  les  premier,  second  et  troisième  arrondissements 
maritimes  ;  dans  le  quatrième  arrondissement  elle  est  per- 
mise pendant  toute  l'année  avec  une  foène  à  sept  dents 
écartées  de  27  millim.  et  avec  des  filets  à  mailles  de  40  mil- 
Uni.  de  côté  ;  dans  le  sixième  arrondissement  (Méditerra- 
née), la  pêche  au  feu  est  permise  avec  une  foene  dont  les 
dents  ont  23  millim.  d'écartement. 

XIÎ.  Mœurs  et  coutumes.  —Feux  de  joie.  —-  Depuis 
les  temps  les  plus  anciens,  les  feux  de  joie  ont  été  pour  le 
peuple  un  signe  de  réjouissance.  Les  plus  connus  qui  se 
sont  perpétués  jusqu'à  nos  jours,  dans  les  campagnes,  sont 
les  feux  de  la  Saint-Jean  (24  juin)  que  les  paysans  allu- 
maient, dit-on,  pour  fêter  l'entrée  du  soleil  dans  le  solstice 
d'été  (V.  Fête).  D'une  manière  générale,  on  peut  y  recon- 
naître un  vestige  du  culte  du  soleil.  Dans  l'antiquité,  les 
Grecs  allumaient  des  feux  de  joie  et  des  torches  aux  fêtes 
de  Prométhée,  de  Bacchus,  de  Cérès,  etc.  A  Rome,  Servius 
Tullius,  au  moment  des  semailles,  prescrivit  un  jour  de  repos 
pendant  lequel  on  allumait  de  grands  feux  de  paille  :  c'étaient 
les  sementina.  Le  peuple  sautait  par-dessus  les  feux.  Ces 
usages  ont  passé  du  monde  païen  au  monde  chrétien  et  se 
sont  perpétués.  Sauvai,  dans  les  Antiquités  de  Paris,  décrit 
le  feu  qu'on  allumait  sur  la  place  de  Grève  la  nuit  de  la 
Saint-Jean.  Après  l'invention  de  la  poudre,  on  y  joignit  des 
feux  d'artifice  et  parfois  on  brûlait  des  animaux  tels  que 
des  chats.  Dans  les  campagnes,  les  paysans  allumaient  des 
bures  ou  brandons  à  l'époque  du  carême.  Ils  parcouraient 
les  campagnes  avec  des  torches.  De  nos  jours,  les  feux  de 
la  Saint- Jean  sont  restés  très  populaires.  En  Bretagne,  les 
habitants  allument  cette  nuit-là  des  bûchers  sur  toutes  les 
collines  et  dansent  autour  :  un  tison  du  feu  se  suspend  au 
chevet  du  lit  entre  la  branche  de  buis  bénit  et  le  gâteau 
des  rois  ;  il  porte  bonheur.  Dans  le  Poitou,  on  allume  avec 
un  cierge  bénit  un  bourrelet  de  paille  fixé  le  long  de  la  roue 
d'une  charrette  que  l'on  promène  dans  la  campagne  :  les 
champs  éclairés  par  la  lueur  passent  pour  être  fertilisés. 
Dans  beaucoup  de  pays,  en  Italie  par  exemple,  les  feux 
de  la  Saint-Jean  sont  restés  traditionnels  ;  à  leur  occasion 
on  célèbre  des  fêtes  pittoresques.  Ph.  B. 

XIII.  Liturgie.  —  Feu  nouveau  (V.  Cierge). 

XIV.  Médecine.  —  Feu  sacré  (V.  Ardents  [Mal  des]). 
Feu  d'herbe  (V.  Ebullition). 

XV.  Théâtre.  —  Ce  qu'on  appelle  feu,  au  théâtre,  est 
une  sorte  de  gratification  qui  est  attribuée  à  un  comédien, 
en  dehors  de  ses  appointements  fixes,  chaque  fois  qu'il 
joue.  Le  feu  est  d'ailleurs  expressément  stipulé  dans  l'en- 
gagement, et  il  est  parfois  de  tant  pour  un  acte,  tant  pour 
deux  actes,  tant  pour  trois  actes,  comme  parfois  il  est  fixe 
quel  que  soit  le  nombre  d'actes  dans  lequel  paraisse  l'artiste. 
Son  importance  varie,  naturellement,  selon  l'importance 
et  la  notoriété  de  celui-ci,  et  le  feu  de  tel  comédien  sera 
de  5  ou  de  10  fr.  par  soirée,  tandis  que  celui  de  tel  autre 
atteindra  le  chiffre  de  50  ou  de  100  fr.  Pour  certains,  le 
total  des  feux  d'une  année  dépasse,  et  de  beaucoup,  le 
chiffre  des  appointements  réels.  On  croit  que  cette  coutume 
vient  de  ce  que,  autrefois,  une  légère  indemnité  était  ac- 
cordée à  l'acteur,  chaque  fois  qu'il  jouait,  parce  qu'il  devait 
fournir  lui-même  la  chandelle,  c.-à-d.  le  feu  qui  éclairait 
sa  loge.  Plus  tard,  les  administrations  théâtrales  fournis- 
sant elles-mêmes  cette  lumière,  ce  feu,  certains  comédiens 
transformèrent  cette  indemnité  en  une  gratification  qu'ils 
continuèrent  d'exiger  chaque  fois  qu'ils  devaient  paraître 
devant  le  public.  A.  Pougin. 

Bibl.  :  Ethnographie.  —  Tylor,  Primitiv  Culture  ;  Lon- 
dres, 1891,  2  vol.  in-8,'  3e  édition  (la  traduction  française 
a  été  faite  sur  la  2e  édition,  en  1876,  par  Mme  Brunet).  — 

u 


FEU  —  370 


W.  Hough,  The  Methods  of  Fire-Making,  Report  of  the 
U.  S.  National  Muséum  for  1890;  Washington,  1892,  p.  395. 

FEU  (Terre  de).  Situation, Limites,  Côtes, Iles,  Canaux, 
Etendue,  Aspect.  —  Terre  ou  mieux  archipel  de  l'Amé- 
rique du  Sud,  au  S.  du  détroit  de  Magellan,  faisant 
partie  des  terres  magellaniques  et  comprenant  lui-même, 
au  S.  du  canal  du  Beagle,  l'archipel  de  Horn.  Cet  amas 
d'îles  est  situé  entre  les  lat.  S.,  52°  27' 40"  (cap  d'Orange) 
et  55°  58'  40"  (cap  Horn)  et  les  long.  0.  67°  26'  (cap  San 
Diego)  et  77°  6/  (cap  Pillar).  Ses  bornes  sont,  au  N.,  le 
détroit  de  Magellan,  en  forme  de  V  très  ouvert,  dont  la 
branche  N.-E.,  ayant  son  entrée  sur  l'Atlantique,  entre 
la  pointe  Sainte-Catherine  et  le  cap  des  Vierges,  la  sépare 
du # continent  américain,  depuis  ce  cap  jusqu'au  cap  Fro- 
ward,  et  dont  la  branche  N.-O.  la  sépare  de  ce  même 
continent  jusqu'à  son  ouverture  sur  le  Grand  Océan,  entre 
les  caps  Victory  et  Pillar.  Les  deux  océans  l'environnent 
dans  les  autres  directions.  Si  l'on  y  comprend  la  Terre  des 
Etats,  dont  le  détroit  de  Lemaire  l'en  sépare  au  S.-E., 
la  long.  0.  est  reportée  à  66°  20'.  Cette  extrémité  de  l'Amé- 
rique, voire  même  la  côte  occidentale  jusqu'à  l'île  Chiloé, 
est  corrodée  et  formée  d'une  multitude  d'îles  que  séparent 
des  canaux  tortueux  aux  eaux  profondes  :  le  cap  Horn  n'est 
que  l'extrémité  d'un  îlot  le  plus  méridional  ;  les  canaux 
sont  des  vallées  sous-marines,  des  fjords  souvent  à  double 
entrée.  Les  principales  îles  sont  celles  de  la  Désolation,  de 
Santa-Inès,  séparée  par  la  baie  Otway  et  par  des  chenaux 
de  la  précédente,  avec  laquelle  on  l'avait  confondue  en  une 
seule  terre  (V.  Désolation),  de  Clarence,  de  Dawson  et  de 
la  Terre  de  Feu  proprement  dite.  Celle-ci,  avec  ses  trois 
angles,  cap  Espiritu-Santo  au  N.,  pointe  de  la  presqu'île 
de  Brecknock  à  l'O.,  cap  San-Diego  à  l'E.,  a  son  côté  occi- 
dental fort  inégal.  Entre  l'île  Dawson  et  la  Terre  de  Feu, 
un  large  canal  se  continue  dans  les  terres  sous  le  nom  de 
Admiralty-Sound  ;  en  remontant,  sur  cette  même  côte, 
vers  le  N.,  on  rencontre  la  baie  Inutile,  les  baies  Gente- 
Grande,  Felipe,  Lomas,  les  deux  dernières  ouvertes  au  N.  ; 
son  côté  oriental  est  uniforme,  sauf  la  portion  où  est 
creusée  la  grande  baie  de  Saint-Sébastien  ;  son  côté  méri- 
dional, assez  uniforme  aussi,  est  séparé  par  le  canal  du 
Beagle  de  l'archipel  particulier  de  Horn.  Ici,  on  distingue 
les  îles  Stewart,  Londonderry,  Gordon,  Hoste,  dont  la 
presqu'île  Hardy  se  termine  par  le  faux  cap  Horn,  Navarin, 
THermite,  Wollaston,  enfin  l'île  Horn.  Au  large,  du  côté 
du  Grand  Océan,  est  le  petit  archipel,  non  compris  dans  le 
précédent,  de  Diego-Ramirez,  56°  30'  lat.  S.  —  Pourtour 
méridional,  du  cap  Pillar  au  cap  San-Diego,  850  kil.  ; 
côte  orientale,  de  ce  cap  à  celui  de  Espiritu-Santo,  345  kil.  ; 
pourtour  septentrional,  entre  ce  dernier  cap  et  le  cap 
Pillar,  585  kil.  La  côte  occidentale  de  la  Terre  de  Feu 
proprement  dite,  du  cap  Espiritu-Santo  à  la  pointe  de  la 
presqu'île  de  Brecknock,  a  450  kil.  ;  sa  côte  méridionale, 
465  kil.  ;  la  ligne  N.-S.  (71°  long.  0.)  du  cap  Espiritu- 
Santo  au  milieu  du  canal  du  Beagle  compte  255  kil.  : 
c'est  cette  ligne  qui  divise  conventionnellement  l'île  en 
deux  moitiés  à  peu  près  égales,  la  portion  orientale  attri- 
buée à  la  République  argentine  ainsi  que  la  Terre  des 
Etats,  la  portion  occidentale  appartenant  au  Chili  avec 
toutes  les  autres  îles. 

Relief.  —  L'archipel  magellanique  ressemble  à  un  pays 
de  montagnes  qui  aurait  été  en  partie  submergé.  Presque 
toutes  les  îles  sont  formées  de  rochers  noirs,  arides  et  sau- 
vages. Les  monts,  dont  l'ait,  atteint  4,000  et  2,000  m., 
sont  couverts,  à  partir  d'une  certaine  hauteur  (1,050  m.), 
de  neiges  éternelles  ;  leurs  cimes  sont  aiguës,  dentelées  et 
offrent  des  champs  désolés  de  blocs  détachés  ;  sur  leurs 
flancs,  tantôt  des  forêts  au  feuillage  sombre,  tantôt  des 
glaciers,  descendent  jusqu'à  la  mer,  parfois  les  falaises 
noirâtres  sont  nues  et  verticales.  Un  petit  nombre  d'îles 
et  certaines  parties  des  plus  grandes  terres,  notamment 
les  rivages  au  N.  de  la  Terre  de  Feu,  sont  constituées  par 
des  terrains  bas  et  tourbeux  ;  la  partie  septentrionale  de 
cette  dernière  île  offre  de  grandes  plaines,  qui  sont  comme 


la  continuation  des  pampas  de  la  Patagonie  ;  dans  la  partie 
centrale,  les  plaines  se  resserrent  entre  d'onduleuses  sierras 
boisées,  formant  comme  un  vaste  parc,  traversé  par  des  rios 
impétueux  ;  la  partie  méridionale  est  très  accidentée  ;  au 
S.-E.,  c'est  la  forêt  vierge  antarctique,  avec  de  nombreuses 
fondrières.  Ces  caractères  généraux  concourent  avec  le  cli- 
mat brumeux  à  donner  un  aspect  triste  à  cette  région  extrême 
de  l'Amérique  australe.  Telle  est  surtout  l'impression  qu'en 
ont  ressentie  les  premiers  navigateurs.  Les  chaînes  de  mon- 
tagnes suivent  la  direction  principale  des  îles,  d'ordinaire  de 
O.-N.-O.  à  E.-S.-E.  Dans  la  Terre  de  Feu,  on  observe  plu- 
sieurs chaînes,  telles  que  :  une  chaîne  côtière  au  N.  ;  une 
autre  transversale,  qui,  du  cap  Boqueron,  où  elle  s'élève 
brusquement  à  500  m.,  s'abaisse  jusqu'au  niveau  de  la 
mer,  au  cap  Espiritu-Santo,  envoyant  dans  son  parcours 
des  chaînons  avec  des  ait.  de  400  m.;  une  chaîne  occi- 
dentale N.-O. -S.-E.  vient  converger  avec  celle  orientale  ou 
Cordiliera  de  los  Nodales,  au  cap  San-Diego,  près  duquel 
sont  les  Trois-Frères,  hauts  de  500  m.  ;  là,  vient  con- 
verger aussi  la  chaîne  méridionale  qui  suit,  de  l'O.  à  l'E., 
la  côte  du  canal  du  Beagle,  et  où  l'on  remarque  le  pic 
Français,  de  2,450  m.  ;  le  pic  Anglais,  des  monts  Darwin, 
termine  en  ce  point  une  autre  chaîne  de  montagnes  plus 
élevées  (2,200  m.),  avec  de  nombreux  glaciers,  qui  vient 
de  FO.-N.-O.,  près  du  Magdalena-Sound,  où  l'on  voit  le 
mont  Sarmiento,  de  2,070  m.  En  dehors  de  la  Terre  de 
Feu,  les  plus  hautes  montagnes  de  l'archipel  s'observent  : 
dans  les  îles  Clarence,  Gordon  (900  m.)  ;  sur  les  bords  des 
fjords  du  New-Year-Sound,  où  leurs  pics  aigus,  couverts 
déneige,  atteignent  800  et  4,000  m.;  dans  l'île  Hoste, 
presqu'île  Hardy,  les  Sentry-Boxes  ou  Guérites,  du  N.-N.-O. 
au  S.-S.-E.  (600  m.);  dans  l'île  l'Hermite  (546  m.),  etc. 

Géologie.  —  L'archipel  est  constitué  par  des  roches 
éruptives,  diabases,  diorites,  andésites,  amphibolites,  labra- 
dorites  ;  on  n'y  rencontre  pas  de  serpentines  ;  en  quelques 
points,  il  est  des  trachytes  et  des  basaltes,  nulle  part  on  ne 
voit  de  roches  volcaniques  récentes.  Les  roches  feuilletées 
sont  des  gneiss,  des  micaschistes  peu  communs.  Le  cal- 
caire ne  se  rencontre  qu'accidentellement  et  en  petites 
masses  (Oushouaïa,  Punta-Arenas),  les  quartzites  sont  assez 
communs  ;  à  l'Ile  des  Etats,  les  arkoses  schisteuses  sont 
abondantes.  Les  sables  sont  fréquemment  feldspathiques. 
L'âge  géologique  des  roches  éruptives  de  l'archipel  n'a  pu 
être  déterminé.  Quant  aux  schistes  argileux  de  la  grande 
Terre  de  Feu,  dans  la  région  septentrionale  et  dans  une 
partie  de  la  région  orientale,  Ch.  Darwin  les  rapportait  à 
la  période  crétacée;  la  partie  N.-E.  se  compose  d'alluvions 
tertiaires  ;  dans  les  terrains  d'alluvions  anciennes  de  ces 
contrées,  on  trouve  çà  et  là  de  l'or  et  des  pierres  fines. 
On  a  signalé  aussi  du  cuivre,  du  soufre,  du  cobalt,  du 
charbon,  du  fer.  Il  n'y  a  point  de  volcans,  soit  actifs  ou 
éteints.  Il  y  a  affaissement  des  côtes  dans  la  partie  occi- 
dentale de  l'archipel  ;  il  y  aurait,  par  contre,  soulèvement 
à  l'E.,  selon  M.  Lovisato.  Les  terrains  d'alluvions  récentes 
sont  mêlés  de  cailloux  schisteux  ;  les  tourbières,  comme 
dans  le  S.-E.  de  la  Terre  de  Feu,  sont  marécageuses  et 
parsemées  de  lagons. 

Régime  des  eaux.  —  La  perméabilité  du  sol  est  la  cause 
du  dessèchement  rapide  des  mares  et  même,  en  été,  de 
cours  d'eau  assez  importants.  Les  rivières,  souvent  alimen- 
tées par  les  glaciers,  sont  à  courant  rapide.  Leurs  eaux 
et  celles  des  ruisseaux  et  des  sources  se  font  remarquer, 
quoique  potables,  par  leur  composition  anormale,  étant 
pauvres  de  calcaire  et  riches  en  chlorure  magnésien  et 
renfermant  une  forte  proportion  de  matières  organiques 
(île  Hoste).  A  la  Terre  de  Feu  proprement  dite,  il  est  de 
grandes  lagunes  donnant  naissance  à  des  rivières  qui,  après 
avoir  coulé  dans  les  immenses  plaines  de  la  partie  septen- 
trionale, se  déversent  dans  les  baies  plus  ou  moins  voi- 
sines ;  parmi  ces  cours  d'eau  nombreux,  énumérons,  avec 
MM.  Rousson  et  Willems,  ceux  qui  ne  se  dessèchent 
jamais  :  sept  se  jettent  dans  la  baie  Inutile,  une  autre  dans 
la  baie  Porvenir  :  ils  l'appellent  rio  de  l'Avenir,  y  voyant 


—  371  — 


FEU 


remplacement  futur  de  la  capitale  de  la  Terre  de  Feu  ; 
quatre  dans  celle  dite  Jente-Grande  ;  le  plus  intéressant, 
le  Rio  del  Oro,  se  rend  à  la  baie  Felipe  ;  un  autre  s'écoule 
par  plusieurs  branches  dans  celle  de  Loinas  ;  sur  le  ver- 
sant de  l'Atlantique,  il  en  est  trois  dont  l'embouchure  est 
changeante  en  raison  des  sables  mouvants  à  leur  entrée 
dans  la  mer.  Plus  au  S.,  entre  les  caps  Sunday  et  Penas, 
débouche  le  Rio-Grande,  le  plus  important  de  la  Terre  de 
Feu.  L'eau  de  ces  rivières  est  fort  limpide.  Les  marées  de  la 
côte  E.  de  la  Grande-Terre  ont  une  hauteur  considérable. 

Climat.  —  Les  observations  climatologiques  à  la  fois 
précises  et  continuées  durant  un  laps  de  temps  convenable 
(une  année)  se  rapportent  à  la  côte  E.  de  l'île  Hoste  et 
sont  dues  à  la  mission  française  du  cap  Horn.  La  tempéra- 
ture moyenne  annuelle  a  été  de  5°4,  celle  maxima  de  24°5 
(en  février),  celle  minima  de  —  7°3  (en  août).  Les 
moyennes  de  l'été,  +  7°17,  et  de  l'hiver,  -f-  3°56,  diffèrent 
peu  :  le  climat  est  marin.  Les  végétaux  qui  redoutent  les 
extrêmes  froids  prospèrent,  notamment  les  fuchsias.  Dans 
le  S.-O.  de  la  Terre  de  Feu,  les  hêtres  des  escarpements 
boisés  sont  entremêlés  de  myrtes  et  de  magnolias.  Les 
pluies  sont  très  fréquentes,  on  y  a  compté  278  jours  plu- 
vieux et  70  de  neige.  La  quantité  d'eau  tombée  a  été  dans 
l'année  de  lm333.  Il  tombe  de  la  grêle,  mais  les  orages 
sont  rares.  Le  ciel  est  presque  toujours  couvert.  Le  vent, 
à  peu  près  continuel,  est  dominant  de  FO.  et  souffle  avec 
violence.  Le  temps  est  très  changeant.  —  A  la  grande  île 
de  Feu,  au  N.-E.,  établissement  de  Paramo,  M.  Popper 
donne  pour  moyenne  annuelle  de  température  6°,  pour 
maximum  28°,  et  pour  minimum  — 15°,  ces  extrêmes  n'ayant 
été,  d'ailleurs,  observés  qu'une  fois.  Pression  752  millim., 
vents  régnants  du  S.-O.  Contrairement  au  littoral  Pacifique, 
celui-ci  est  sec,  il  est  salubre.  —  Deux  courants  marins 
influent  sur  la  climatologie  de  l'archipel  :  le  premier, 
antarctique  et  froid  (+4°),  se  partage  en  deux  branches, 
l'une  occidentale,  qui  remonte  en  devenant  le  courant  péru- 
vien, l'autre  orientale,  dite  courant  du  cap  Horn;  le  second 
courant,  chaud  (+  10°),  vient  des  mers  du  Brésil. 

Flore,  Faune,  Ethnographie,  Anthropologie.  —  En  ce 
qui  concerne  la  flore  et  la  faune  de  l'archipel,  ainsi  que 
son  ethnographie  et  son  anthropologie,  V.  l'art.  Amé- 
rique du  Sud.  On  se  bornera  ici  à  indiquer  les  régions 
habitées  par  les  peuplades  de  Fuégiens.  Les  Onas,  race  de 
Patagons,  habitent  la  grande  île,  principalement  au  N.  et  à 
FE.  ;  les  Alakoulofs  vivent  dans  les  îles  de  l'O.  ;  les  Yahgans 
(trop  dépréciés  jusqu'à  la  mission  de  la  Romanche)  dans 
celles  du  S.,  depuis  le  canal  du  Beagle.  Ces  peuplades 
sont  peu  nombreuses  ;  les  Yahgans  sont  sur  le  point  de 
disparaître. 

Historique.  —  Lorsque  Magellan  traversa  le  détroit, 
qui  devait  garder  son  nom,  du  24  oct.  au  28  nov.  4520,  il 
fut  frappé  de  la  grande  quantité  de  feux  allumés  sur  la 
côte  par  les  naturels  et  donna  à  ces  pays  le  nom  de  Terre 
des  Feux,  dénomination  qui,  légèrement  altérée  par  la 
suite,  se  trouva  détournée  de  sa  véritable  signification. 
L'histoire  de  ces  contrées  est  comprise  dans  celle  de  V Amé- 
rique du  Sud  (V.  ce  mot)  et  dans  les  biographies  des 
marins  qui  les  ont  visitées  et  décrites  (V.  Bougainville, 
Cook,  Drake,  etc.).  Les  premiers  navigateurs  eurent 
beaucoup  à  souffrir  dans  ces  parages  dangereux,  aujour- 
d'hui bien  connus  :  la  vapeur  permet  de  traverser  en 
33  heures  le  détroit  de  Magellan.  Nous  donnerons  ici  la 
simple  énumération  des  principales  expéditions  à  la  Terre 
de  Feu  après  celle  de  Magellan  :  Drake,  Winter  (1578)  ; 
Sarmiento  (4579)  ;  Cavendish  (4587)  ;  Hawkins  (4594)  ; 
Simon  de  Cordes,  Sébald  de  Wert,  Olivier  de  Noort  (4594)  ; 
Lemaire  et  Schouten  (4615)  ;  Nodal  (4648-49)  ;  L'Her- 
mite  (4623-24)  ;  Narborough  (4  670)  ;  deGennes(4696); 
Beauchesne-Gouin  (4699)  ;  Woodes  Roggers  (4708)  ;  Fré- 
zier  (1742);  d'Arquistade  (4745);  Roggewin  (4724); 
Anson  (4744)  ;  Byron,  Yallis  et  Carteret  (1766)  ;  Bou- 
gainville (4767)  ;  Cook  (4769-4774)  ;  Weddell,  Cordova 
(4822)  ;  James  Ross  (4825)  ;  Macdonald  (4826-27)  ;  King, 


Stokes,  Fitz-Roy,  Darwin  (4827-34)  ;  Dumont-d'Urville 
et  Jacquinot  (4838)  ;  Wilkes  (4839)  ;  Parker  Snow  (4855)  ; 
de  Rochas  (4856-59)  ;  Giglioli  (4867)  ;  Cunningham 
(1866-69)  ;  Perthuiset  (1873-74)  ;  Mme  Brassey  (1876)  ; 
Voyage  de  la  Magicienne  (4877)  ;  Bove  et  Lovisato 
(1881-82)  ;  mission  de  la  Romanche,  commandant  Mar- 
tial (1882-83)  ;  Ramon  Lista  et  Popper  ;  Rousson  et 
Willems  (1890-91).  Une  foule  de  renseignements  sur  le 
pays  et  ses  habitants  sont  fournis  par  la  Société  anglaise 
des  missions  depuis  1854.  —  C'est  en  vertu  du  traité  de 
Buenos-Aires,  du  23  juii.  1881,  que  les  limites  politiques 
de  l'archipel  ont  été  tracées.  Ce  traité  donne  au  Chili 
les  deux  rives  du  détroit  de  Magellan,  mais  en  même  temps 
il  en  stipule  la  neutralité  (V.  Argentine  [République] 
et  Chili)  . 

Villes  principales.  —  La  ville  principale  de  la  région 
est  Punta-Arenas,  capitale  de  la  province  chilienne  Terri- 
torio-Magellanes,  comprenant,  outre  la  portion  de  l'archipel 
fuégien  qui  est  attribuée  au  Chili,  l'extrémité  du  continent 
délimitée  d'après  le  traité  ci-dessus,  plus  la  côte  occiden- 
tale avec  ses  îles  jusqu'au  golfe  de  Saint-Est evan.  Punta- 
Arenas  est  située  dans  le  détroit  sur  la  côte  E.  de  l'isthme 
de  la  presqu'île  Brunswick,  par  53°  9'  lat.  S.  Fondée  en 
1843,  elle  était  au  début  un  pénitencier  ;  sa  population 
a  augmenté  de  250  âmes  en  1867,  elle  a  passé  à  2,000 
aujourd'hui  ;  il  s'y  trouve  un  port  et  une  rade  ;  dans  le 
voisinage  coule  une  petite  rivière  dont  les  sables  con- 
tiennent de  l'or.  C'est  la  résidence  du  gouverneur.  Ous- 
houaia,  au  centre  du  canal  du  Beagle,  est  devenue  la 
capitale  de  la  Terre  de  Feu  argentine  ;  il  y  existe  un  gou- 
verneur avec  quelques  soldats  et  la  mission  évangélique 
anglaise  qui  a  fondé  l'établissement  ;  lieu  de  dépôt  et  d'ap- 
provisionnement pour  les  pêcheurs  de  phoques.  La  sous- 
préfecture  maritime  argentine  de  Bon-Succès  serait  mieux 
placée  au  Rio-Grande. 

Industrie  et  Commerce.  —  Les  indigènes  ne  pèchent  les 
phoques  et  ne  chassent  les  guanaques  qu'en  vue  de  leurs 
besoins  d'alimentation  ou  pour  en  tirer  leurs  vêtements, 
non  comme  industrie  commerciale.  La  guerre  acharnée  que 
les  pêcheurs  de  profession  ont  faite  aux  phoques  à  four- 
rure et  autres  amphibies  les  ont  à  peu  près  fait  disparaître 
de  ces  rivages.  —  L'industrie  des  mines  d'or  est  assez 
avantageuse  à  la  Terre  de  Feu(Rios  del  Oro,  de  la  baie  del 
Porvenir,  du  Pâramo,  etc.).  On  estime  à  600  kilog.  la 
quantité  d'or  extraite,  jusqu'à  l'année  1890  des  plages 
fuégiennes.  On  ne  tire  pas  parti  encore  du  fer  magnétique 
qui  existe  dans  l'île,  partout  en  grande  quantité,  non  plus 
que  de  l'argile  à  poteries.  L'archipel,  et  la  Terre  de  Feu  en 
particulier,  malgré  la  stérilité  du  sol  et  la  nature  du  climat, 
entrent  dans  une  voie  de  prospérité  par  l'élevage,  dans 
leurs  plaines,  des  troupeaux  de  moutons  et  de  bœufs.  De 
nombreuses  fermes  se  sont  établies,  surtout  dans  la  partie 
nord,  dans  l'île  Dawson,  et  en  d'autres  lieux,  et  donnent 
des  profits  considérables .  Les  Anglais  s'y  sont  portés  les 
premiers.  Des  sociétés  françaises  y  sont  en  création. 
D'après  le  sentiment  de  M.  Popper,  les  résultats  ne  sau- 
raient approcher  de  ceux  obtenus  aux  Malouines  que  par 
l'initiative  privée  se  substituant  d'une  façon  absolue  à  la 
colonisation  officielle,  chilienne  ou  argentine. 

Les  transactions  commerciales  se  font  à  Punta-Arenas, 
où  les  exportations  consistent  dans  l'or  provenant  en 
grande  partie  des  lavages  de  la  Terre  de  Feu,  en  peaux* de 
phoques,  de  bœufs,  de  guanacos,  d'autruches,  plumes  d'au- 
truches, bois,  laine,  etc.,  pour  une  valeur  de  750,000  fr. 
en  1882.  De  nombreux  navires  traversent  aujourd'hui  le 
détroit,  tels  que  les  paquebots  de  la  ligne  subventionnée  par  le 
gouvernement  chilien,  ceux  des  deux  compagnies,  anglaise 
et  allemande,  et  d'une  maison  française.     C.  Delàvaud  . 

Bibl.  :  V.  les  relations  des  voyages  généraux  cités  dans 
la  partie  historique  de  cet  article,  dont  le  premier  est  celui 
de  Magellan.  —  Relation  par  le  chevalier  Pigafetta, 
Premier  Voyage  autour  du  monde,  édit.  fr.  d'Amoretti  ; 
Paris,  1801.  —  J.  Weddell,  A  Voyage  towards  the  south 
Pôle  and  to  Tierra  del  Fuego  ;  Londres,  1825.  —  Ch.  Dar- 


FEU  —  FEUCHÈRES 


—  372  — 


win,  Journal  d'un  naturaliste  durant  le  voyage  du  Beagle, 
tracl.  fr.  ;  Paris,  1875.  —  W.  Parker-Snow,  À  Tvjo  Years 
cruise  of  Tierra  del  Fuego  ;  Londres,  1857.  —  G.  Marguin, 
la  Terre  de  Feu,  dans  Bull.  soc.  géogr.  de  Paris,  nov. 
1875.  —  La  Terre  de  Feu  et  ses  habitants,  dans  Journal 
des  missions  évangéliques,  août  1876.  —  G.  Bove,  la  Spe- 
dizione  antarctica  Italo-Argentina  ;  Rome,  1883.— Mission 
scientifique  du  cap  Horn  en  1882-1883,  1885-1891,  7  vol. 
in-4.  Le  tome  VII  et  dernier  contient  une  liste  complète  de 
95  articles  bibliographiques.  Des  relations  particulières  de 
ce  voyage  se  trouvent  dans  la  Renie  marit.  et  colon., 
année  1888  ;  dans  le  Tour  du  Monde  (1885),  par  le  doct. 
Hyades.  —  Alfred  Bertrand,  Passage  de  l'E.  a  V(J.  du 
détr.  de  Magellan  (en  1878)  ;  Genève,  1888.  —  J.  Popper, 
dans  Bull,  de  l'Inslit.  géog.  argentin,  extrait  dans  Nou- 
velles géogr.  n°  5  (Tour  du  Monde,  7  mai  1892)  avec  carte. 
— Julio  Diaz,  Terra  del  Fuego,  dans  Revista  de  laSociedad 
geogr.  argentina,  1890.  —  Willems  et  Rousson,  Mission 
a  la  Terre  de  Feu  en  1890  et  en  1891,  dans  Comptes 
rendus  de  la  Soc.  de  géogr.,  4  déc.  1891;  Bullet.  soc.  géo. 
commerc.  de  Paris,  1890-91,  t.  XIII,  p.  280. 

FEUARDENT  (François),  pamphlétaire  français,  né  à 
Coutances  le  1er  déc.  d  539,  mort  à  Paris  le  4erjanv.  4610. 
D'un  tempérament  à  la  fois  poltron  et  batailleur,  il  sut  à 
merveille  choisir  la  carrière  qui  lui  convenait,  en  se  dé- 
vouant, sous  l'habit  de  cordelier,  à  la  controverse  politique 
et  religieuse.  Il  déploya  en  chaire  et  par  la  plume,  d'abord 
contre  le  calvinisme  doctrinal,  puis  en  faveur  de  la  Ligue, 
cette  manifestation  de  ses  adversaires  sur  le  terrain  pra- 
tique, une  extrême  activité  oratoire,  qui  n'eut  d'égale  qu'une 
totale  absence  de  goût,  et  une  parfaite  inconscience  de 
l'opportunité  et  de  la  probité  littéraire  dans  le  choix  des 
moyens  employés.  Ses  principales  œuvres  sont  :  Confes- 
sions, prières  et  sacrements  des  calvinistes  (Paris, 
•1601,  in-8,  2e  éd.);  les  Entremangeries  et  guerres 
ministrales  (Paris,  4604,  in-8,  3e  édit.)  ;  Theomachia 
caluinista  (Cologne,  4621,  in-4,  2e  éd.). 

Bibl.:  Charles  Labitte,  De  la  Démocratie  chez  les  pré- 
dicateurs de  la  Ligue,  chap.  I,  §  6  et  chap.  v,  §  1. 

FEUCHÈRE  (Léon),  architecte  et  décorateur  français, 
né  à  Paris  le  4  août  4804,  mort  à  Nîmes  le  7  janv.  4857. 
Neveu  du  peintre  Blondel,  de  l'Institut,  et  cousin  germain 
du  statuaire  Jean  Feuchère,  Léon  Feuchère  fut  successive- 
ment élève  de  P.-J.  Delespine,  de  Blouet  et  de  l'Ecole  des 
beaux-arts  pour  l'architecture  et  de  Cicéri  pour  la  décora- 
tion et,  pendant  dix  années,  de  4834  à  4844,  soit  avec 
Cicéri,  soit  en  collaboration  avec  Séchan,  Despléchin  et 
Diéterle,  soit  seul,  il  se  fit  un  nom  dans  la  décoration  : 
décors  des  théâtres  de  l'Opéra,  de  la  Comédie  Française 
et  de  FOdéon  ;  intérieur  des  salles  du  théâtre  des  Nou- 
veautés, à  Paris  et  du  théâtre  de  Dresde  (Saxe).  Il 
donna  aussi  quelques  compositions  pour  la  manufacture  de 
Sèvres  et,  chargé  par  le  gouvernement  d'une  mission  à  Flo- 
rence, y  composa  son  ouvrage,  V Art  industriel,  recueil 
de  dispositions  et  de  décorations  intérieures,  comprenant 
des  modèles  pour  toutes  les  industries  d'ameublement  et  de 
luxe  (Paris,  in— fol.,  73  pi.).  De  retour  en  France,  Feu- 
chère s'associa  avec  l'architecte  Charles-Théodore  Charpen- 
tier pour  la  construction  des  théâtres  d'Avignon  et  de  Tou- 
lon, ainsi  que  pour  de  grands  projets  de  quartier  neuf  et 
d'édifices  publics  à  Marseille  et  la  décoration  des  fêtes  pu- 
bliques de  Paris  en  4848.  Nommé  en  4849  architecte  du 
dép.  du  Gard,  Feuchère  y  fit  construire  l'église  des  Saintes 
Perpétue  et  Félicité  et  l'hôtel  de  préfecture  du  Gard,  ce 
dernier  édifice  élevé  sur  l'avenue  Feuchère  que  ce  dernier 
avait  fait  ouvrir. — M.  Lucien  Feuchère,  fils  du  précédent, 
est  l'auteur,  en  collaboration  de  M.  Randon  de  Grolier,  ar- 
chitecte à  Nîmes,  du  nouveau  lycée  de  cette  ville.    Ch.  L. 

FEUCHERE  (Jean -Jacques),  sculpteur  français,  né  à 
Paris  le  40  mars  4807,  mort  le  25  juil.  4852.  Après  son 
début  (Nymphe  à  la  coquille),  il  se  fit  remarquer  par 
un  Satan;  il  exécuta  un  bas-relief  de  l'Arc  de  triomphe 
de  l'Etoile,  le  Passage  du  Pont  oVArcole;  le  groupe  du 
pont  d'Iéna  ;  Sainte-Thérèse,  pour  le  péristyle  de  la  Ma- 
deleine; un  groupe  en  argent,  la  Terre  soulevée  par  les 
Titans  (4851),  etc. 

FEUCHÈRES  (Sophie  Dawes,  baronne  de),  née  à  Saint- 
Helen  (île  de  Wight)  en  4795,  morte  à  Londres  en  déc. 


4840.  Fille  d'un  pêcheur  misérable  et  ivrogne,  elle  tra- 
vailla deux  ans  comme  servante  de  ferme  et,  lasse  de  la 
besogne  dure  et  rebutante,  vint  à  Londres  où  elle  fut 
bientôt  séduite  et  où  elle  vécut  pendant  quelque  temps  dans 
la  plus  abjecte  misère.  Un  officier  la  tira  des  bas-fonds  où 
elle  végétait  pour  en  faire  sa  maîtresse.  Sophie,  fort  am- 
bitieuse, fréquenta  une  école  à  Chelsea  (4809).  Deux  ans 
après,  abandonnée  par  son  amant,  elle  était  servante  dans 
une  maison  de  Piccadilly,  qui  avait  la  clientèle  des  riches 
débauchés  de  Londres.  Au  cours  d'une  partie  fine,  le  duc  de 
Bourbon-Condé  remarqua  l'éclatante  beauté  de  Sophie.  Il 
la  pourvut  aussitôt  d'un  petit  hôtel  (4844),  lui  procura  les 
moyens  de  poursuivre  son  éducation  et  l'emmena  avec  lui 
à  Paris  après  la  Restauration.  Comme  il  fallait  sauver  les 
apparences,  la  maîtresse  du  prince  de  Condé  fut  mariée  à 
Adrien-Victor  de  Feuchères,  chef  de  bataillon  au  6e  régi- 
ment d'infanterie  delà  garde  royale.  La  cérémonie  eut  lieu 
à  Londres  le  6  août  4818.  Sophie  reçut  72,000  francs  de 
dot,  Feuchères  fut  pourvu  de  la  fonction  d'aide  de  camp  du 
prince  de  Condé  et  créé  baron  (34  août  4849).  La  baronne 
de  Feuchères,  jolie  et  intelligente,  devint  un  personnage  à 
la  cour  de  France.  Mais  en  4822,  le  baron,  qui  avait  cru 
épouser  une  fille  naturelle  de  Condé,  découvrit  la  vérité  de 
la  bouche  même  de  sa  femme  à  la  suite  d'une  querelle  de 
ménage.  Il  s'ensuivit  une  scandaleuse  séparation  judiciaire 
(1827),  et  Sophie  fut  chassée  de  la  cour  par  Louis  XVIII, 
mais  elle  n'était  pas  femme  à  céder  à  la  mauvaise  fortune. 
Elle  noua  mille  intrigues  avec  la  duchesse  de  Berry,  avec 
le  duc  d'Orléans  (Louis-Philippe),  relatives  à  l'immense 
héritage  du  vieux  Condé.  Elle  le  dominait  tout  à  fait  et  en 
4829  (30  août)  elle  lui  fit  signer  un  testament  qui  lui 
accordait  à  elle  un  legs  de  2  millions  de  francs  et  environ 
8  millions  de  propriétés,  et  au  duc  d'Aumale  toute  la  fortune 
restante  (plus  de  QQ  millions).  De  tels  services  furent  aussitôt 
reconnus.  Charles  X  admit  la  baronne  de  Feuchères  à  la 
cour  (4830),Talleyrand  la  visita  ;  Mathilde  Dawes,  sa  nièce, 
épousa  le  marquis  de  Chabannes,  et  James  Dawes,  son  neveu, 
entra  dans  la  maison  de  Bourbon  et  reçut  le  titre  de  baron 
de  Flassans.  Survint  la  Révolution.  Le  prince  de  Condé  était 
fort  embarrassé.  Le  gouvernement  de  Juillet  lui  faisait  des 
avances  qui  ne  lui  plaisaient  qu'à  demi  et  il  était  très  dési- 
reux d'échapper  à  la  tyrannie  de  sa  maîtresse.  Il  médita  de 
passer  subrepticement  en  Angleterre.  Le  27  août,  on  le  trouva 
pendu  à  l'espagnolette  de  la  fenêtre  de  sa  chambre  au  châ- 
teau de  Saint-Leu  (V.  Condé).  La  baronne  de  Feuchères  fut 
accusée  de  l'avoir  assassiné  dans  la  crainte  qu'il  ne  révo- 
quât son  testament.  Une  enquête  judiciaire  fut  ouverte  le 
15  nov.  4830  à  Pontoise  et  le  25  févr.  4834  à  Paris.  Elle 
fut  dirigée  par  M.  de  La  Huproye,  conseiller  à  la  cour 
royale,  dont  le  rapport  conclut,  paraît-il  (Crétineau-Joly) , 
à  la  mise  en  accusation  de  Mmede  Feuchères.  La  démission 
du  magistrat  fut  exigée  dans  les  vingt-quatre  heures  par 
le  procureur  général  Persil.  Le  nouveau  rapporteur  décida 
«  qu'il  n'était  pas  établi  que  la  mort  du  prince  fût  le  résultat 
d'un  crime  ».  Les  poursuites  furent  donc  abandonnées 
(24  juin  4834).  LesRohan  attaquèrent  alors  le  testament; 
ils  furent  déboutés  le  22  févr.  4832.  La  vie  de  la  baronne 
de  Feuchères  devint  intenable  à  Paris  :  légitimistes  et 
républicains  la  vilipendaient  à  qui  mieux  mieux.  Elle  avait 
d'abord  été  reçue  à  bras  ouverts  par  Louis-Philippe,  mais 
même  à  la  cour  on  ne  tarda  pas  à  la  trouver  gênante; 
d'autant  plus  qu'elle  s'avisa  d'intenter  aux  d'Orléans  un 
procès  pour  l'exécution  d'un  article  du  testament  du  prince 
de  Condé  qui  avait  disposé  de  400,000  fr.  annuels  pour 
la  fondation  d'un  collège  à  Ecouen  en  faveur  des  enfants  des 
soldats  de  l'armée  de  Condé  et  de  la  Vendée  militaire.  Le 
roi  refusa  l'autorisation  légale  à  un  tel  établissement  dont 
l'idée  première  lui  semblait  injurieuse  pour  sa  monarchie. 
La  baronne  perdit  son  procès.  Elle  finit  par  s'établir  en 
Angleterre.  Sa  mort  donna  lieu  à  de  nouveaux  procès  : 
elle  avait  laissé  toute  sa  fortune  à  une  nièce.  Les  hôpitaux 
de  Paris,  auxquels  le  baron  de  Feuchères  avait  cédé  ses 
droits,  protestèrent.  Un  frère  et  une  sœur  réclamèrent  éga- 


373  — 


FEUCHÈRES  —  FEUERBACH 


lement.  Finalement,  une  transaction  fut  acceptée  :  les 
hôpitaux  obtinrent  325,000  fr.,  le  frère  et  la  sœur 
4,750,000  fr.  chacun.  La  nièce  eut  le  reste.        R.  S. 

Bibl.  :  Billault  de  Gerainville,  Histoire  de  Louis- 
Philippe.  —  Louis  Blanc,  Histoire  de  Dix  ans.  —  Th.  Anne 
et  Rousseau,  la  Baronne  et  le  Prince;  Paris,  1832,  4  vol. 
in-12.  —  Lafont  d'Aussonne,  Appel  à  l'opinion  publique 
sur  la  mort  de  L.-H.  de  Bourbon,  prince  de  Condé  ;  Paris, 
1831,  in-8.  —  Pellier  de  La  Croix,  l'Assassinat  du  dernier 
des  Condé  démontré  contre  labaronne  de  Feuchères;  Pa- 
ris, 1832,  in-8.  —  Histoire  complète  du  procès  relatif1  à  la 
mort  et  au  testament  du  duc  de  Bourbon  ;  Paris,  1832,  in-8. 
—  Hennequin,  Examen  de  la  procédure  criminelle  ins- 
truite sur  les  causes  et  circonstances  de  la  mort  du  duc  de 
Bourbon,  1832,  in-8.  —  A.  de  Calvimont,  le  Dernier  des 
Condé,  1832,  in-8.  —  Les  Secrets  de  S.  Leu...,  avec  une 
biographie  complète  sur  la  ba7"onne  de  Feuchères  ;  Paris, 
1834,  in-8.  —  Crétine au-Joly,  Histoire  des  trois  derniers 
princes  de  la  maison  de  Condé;  Paris,  1867,  2  vol.  in-8.  — 
Thureau-Dangin,  Histoire  du  gouvernement  de  Juillet. 

FEUCHEROLLES.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
de  Versailles,  cant.  de  Marly-le-Roi  ;  754  hab. 

FEUCHTERSLEBEN  (Ernst,  baron  von),  médecin  et 
écrivain  allemand,  né  à  Vienne  le  29  avr.  1806,  mort  le 
3  sept.  4849.  Il  fit  ses  études  au  Theresianum  de 
Vienne.  Son  premier  penchant  l'attira  vers  la  poésie  et  la 
philosophie  ;  ce  fut,  dit-il,  le  besoin  de  donner  à  ses  mé- 
ditations une  direction  précise  qui  le  tourna  vers  la  méde- 
cine. Il  fut  reçu  docteur  en  4833,  et  il  devint  plus  tard 
doyen  de  la  Faculté  (1845)  et  vice-directeur  des  études 
chirurgicales  (1847).  Après  le  mouvement  révolutionnaire 
de  1848,  il  fut  nommé  sous-secrétaire  d'Etat  au  ministère 
de  l'instruction  publique,  mais  il  donna  sa  démission,  après 
avoir  vu  échouer  tous  ses  plans  de  réforme.  L'originalité 
de  Feuchtersleben  et  son  mérite  durable  dans  la  littérature 
consistent  surtout  dans  l'analyse  nouvelle  et  pénétrante  à 
laquelle  il  soumit  les  rapports  du  physique  et  du  moral 
dans  l'homme.  Il  aimait  surtout  à  montrer  l'influence  de 
l'âme  sur  le  corps  ;  il  croyait  qu'une  activité  bien  réglée  et 
une  volonté  énergique  pouvaient  sinon  guérir,  du  moins  pré- 
venir bien  des  maladies.  C'est  à  ce  point  de  vue  qu'il  fit, 
en  4844,  à  l'université  de  Vienne,  une  série  de  conférences 
qui  furent  très  suivies  et  dont  le  résultat  fut  son  ouvrage 
intitulé  Lehrbuch  der  œrztlichen  Seelenkunde  (Vienne, 
1845).  Il  avait  publié  auparavant  son  traité  sur  l'hy- 
giène de  l'âme,  qui  a  eu  plus  de  cinquante  éditons  :  Zur 
Diœtetik  der  Seele  (Vienne,  1838).  Dans  ses  poésies, d'une 
forme  simple  et  concise  (Stuttgart,  1836),  il  se  rattache 
à  Gœthe  et  se  montre  l'adversaire  des  nouveautés  roman- 
tiques. Ses  œuvres  complètes  (à  l'exception  des  œuvres 
purement  médicales)  ont  été  publiées  par  Hebbel,  à  Vienne 
(185<J-1853,  7  vol.).  A.  B. 

FEU  C  H  Y.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et.  cant. 
(S.)  d'Arras;  577  hab. 

FEU  DATAI  RE.  On  nommait  ainsi,  dans  l'ancienne  féoda- 
lité française,  tout  possesseur  de  fief  (feodum,  feudum)  ; 
le  mot  était  synonyme  de  vassal  et  s'opposait  à  suzerain. 
Par  analogie,  on  emploie  le  mot  feudataire  pour  désigner, 
dans  toute  société  féodale,  quiconque  détient  une  terre,  une 
fonction  ou  un  autre  bien  susceptible  d'inféodation,  sous 
des  charges  et  conditions  identiques  à  celles  qui  caracté- 
risaient les  fiefs  (V.  Féodalité  et  Fief). 

FEUDISTES.  Nos  codes  ne  sont  pas  le  produit  d'une 
improvisation  législative.  Loin  de  s'être  formée  de  toutes 
pièces,  comme  par  une  sorte  de  génération  spontanée,  la 
législation  qui  nous  régit  aujourd'hui  a  ses  racines  dans 
notre  vieux  droit  français,  tel  que  le  constituaient  les  cou- 
tumes et  les  ordonnances.  On  sait  que  la  plus  grande  con- 
fusion régnait  dans  l'une  et  l'autre  de  ces  deux  maîtresses 
branches  de  notre  ancien  droit.  Sans  parler  des  divergences 
qu'elles  offraient  entre  elles,  les  coutumes  étaient,  sur 
nombre  de  points,  en  conflit  avec  les  ordonnances  royales. 
De  là  le  mouvement  qui,  de  bonne  heure,  se  manifesta  dans 
le  sens  d'une  refonte  et  d'une  codification  de  ces  dispositions 
disparates.  C'est  aux  docteurs  du  droit  coutumier,  à  ces 
feudistes  dont  les  pesants  in-folio  dorment  oubliés  dans  la 
poussière  des  bibliothèques,  que  revient  l'honneur  d'avoir 


frayé  la  route  à  cette  réforme  d'ensemble.  A  leurs  patients 
efforts  la  coutume  doit  de  s'être  insensiblement  dégagée  du 
chaos  féodal,  pour  s'orienter  vers  le  droit  naturel.  On  peut 
dire  que,  pas  à  pas,  glose  par  glose,  ces  jurisconsultes  ont 
élaboré  toute  la  matière  juridique  de  notre  Code  civil.  Parmi 
les  plus  illustres  de  ces  précurseurs  du  droit  moderne,  il 
suffira  de  nommer  Jehan  Boutillier,  l'auteur  de  la  Somme 
rurale;  Charles  du  Moulin  dont  le  Livre  des  Fiefs,  publié 
en  1539,  est  resté  classique,  et  qui,  dans  tous  ses  écrits  n'a 
cessé  de  battre  en  brèche  la  féodalité  ;  d'Argentré,  le  rival 
de  du  Moulin,  dont  le  docte  commentaire  sur  la  coutume 
de  Bretagne  est  une  vigoureuse  apologie  du  système  féodal; 
Guy  Coquille,  jurisconsulte  érudit  du  xvie  siècle,  qui,  par 
son  Institution  au  droit  français,  a  pris  place  au  pre- 
mier rang  des  généralisateurs  de  notre  droit  ;  Antoine  Loi- 
sel,  l'auteur  des  Institutes  coutumières,  chef-d'œuvre  de 
science  juridique,  où  les  règles  du  droit  se  trouvent  conden- 
sées dans  la  formule  incisive  du  proverbe  et  de  l'axiome; 
René  Choppin,  Basnage,  de  Laurière,  et  François  Rourjon 
dont  l'ouvrage  intitulé  Droit  commun  de  la  France  et 
de  la  coutume  de  Paris  réduite  en  principes  (1747) 
contient  une  pressante  revendication  en  faveur  d'un  code 
général  pour  tout  le  royaume.  Nous  ne  devons  pas  passer 
sous  silence  les  nombreux  écrits  de  Pothier  sur  le  droit 
coutumier  de  l'Orléanais  et  sur  les  fiefs.  C'est  à  Pothier 
que  revient  le  mérite  d'avoir  dégagé  et  «  clarifié  »,  pour 
ainsi  dire,  les  principes  juridiques  qui  devaient  survivre 
à  la  Révolution  et  concourir  à  la  formation  du  Code  civil 
actuel.  Emmanuel  Besson. 

Bibl.  :  Paul  Viollet,  Précis  de  l'histoire  du  droit  fran- 
çais; Paris,  1886,  in-8. 

FEUDRIX,  antiquaire  français  (V.  Brequigny). 

FEUERBACH  (Paul-Johann-Anselm  von),  jurisconsulte 
et  criminaliste  allemand,  né  aux  environs  d'Iéna  le  14  nov. 
1775,  mort  à  Francfort-sur-le-Main  le  29  mai  1833.  Il 
fut  reçu  docteur  en  philosophie  (1795)  et  en  droit  (1799), 
devint  professeur  de  droit  à  Iéna,  en  1801,  et  plus  tard  à 
Kiel,  et,  en  1804,  fut  conseiller  aulique  et  professeur  de 
droit  civil  et  criminel  à  Landshut.  Maximilien-Joseph,  roi 
de  Bavière,  qui,  l'année  précédente,  lui  avait  demandé  de 
préparer  un  projet  de  code  pénal  pour  son  royaume,  le 
nomma  membre  extraordinaire  du  département  ministériel 
secret  de  justice  et  de  police,  et  le  fit  venir  à  Munich. 
L'année  suivante,  '  Feuerbach  devint  membre  ordinaire  au 
même  département,  puis,  en  1808,  conseiller  secret.  On 
lui  dut  l'abolition  de  la  torture  ;  le  code  pénal  et  le  code 
de  procédure  criminelle  qu'il  avait  préparés  furent  sanc- 
tionnés le  16  mai  1813  sous  le  titre  de  Code  pénal  bava- 
rois. Un  projet  de  code  civil  qu'il  avait  été  chargé  de 
rédiger  n'aboutit  pas.  En  1814,  il  fut  nommé  président  de 
la  cour  d'appel  de  Bamberg  et,  en  1817,  premier  prési- 
dent de  celle  d'Anspach.  Comme  criminaliste,  Feuerbach 
se  rattache  à  l'école  rigoriste,  fondant  le  droit  de  punir 
sur  l'intimidation.  On  doit  citer  de  lui  :  Kritik  des  natilr- 
lichen  Rechts  (Altona,  1796)  ;  Ueber  die  Grenzen  der 
hochsten  Gewalt  (Erfurt,  1798);  Verbrechen  des  Hoch- 
verraths  (Erfurt,  1798,  in-8)  ;  De  Causis  mitigandi 
ex  capite  impeditœ  libertatis  (1799)  ;  Revision  der 
Grundsàtze  und  Grundbegriffe  des  positiven  peinli- 
chen  Rechts  (1799,  1800-1808,  2  vol.  in-8);  Veber 
die  Strafe,  als  Sicherungsmittel  (1800);  Lehrbuch  des 
gemeinen  in  Deutschland  geltenden  peinlichen  Piechts 
(1801;  3e  éd.,  par  Mittermaier,  Giessen,  1840,  in-8); 
Zivilistischen  Versuchen  (Giessen,  1803);  Entwurf  des 
.  Strafgesetzbuchs  fur  Bayern  (1807,  1810)  ;  Merkwûr- 
dige  Criminalrechtsfdlle  (Giessen,  1808-1811,  2  vol. 
in-8)  ;  Themis,  oder  Beitrdge  zur  Gesetzgebung  (Land- 
shut, 1812,  in-8)  ;  Betrachtungen  ûber  die  Oeffentlich- 
keit  und  Mûndlichkeit  der  Gerechtigkeitspflege  (Giessen, 
1821, 1825);  Aktenmœssige  Darstellung  merkwùrdiger 
Verbrechen  (Giessen,  1828-92,  2  vol.  in-8).       G.  R. 

FEUERBACH  (Anselm),  archéologue  et  littérateur  alle- 
mand, né  à  Iéna  le  9  sept.  1798,  mort  à  Fribourg  le 


FEUERBACH 


374  — 


8  sept.  1854.  Fils  aîné  du  précédent  et  professeur  de  phi- 
losophie à  l'université  de  Fribourg.  ïl  se  fit  un  nom  comme 
archéologue  par  son  Der  vatikanische  Apollo  (Nurem- 
berg, 1833  ;  Stuttgart,  4855).  Ses  œuvres  posthumes 
(Nachgelassene  Schriften;  Brunswick,  1853,  4  vol.) 
comprennent  des  poésies,  des  lettres,  une  histoire  de  la 
plastique  grecque  et  des  mélanges  d'histoire  d'art.   G.  P-i. 

FEUERBACH  (Karl-Wihelm) , mathématicien  allemand , 
né  le  30  mai  1800,  mort  le  42  mars  4834,  frère  du  pré- 
cédent. Professeur  de  mathématiques  au  collège  d'Erlangen, 
il  est  l'auteur  de  Eigenschaften  einiger  merkwilrdiger 
Punkte  des  geradlinigen  Dreiecks  (Nuremberg,  4822) 
et  Grundriss  zu  analyiischen  Untersuchungen  der 
Dreieckigen  Pyramide  (Nuremberg,  1827). 

Théorème  de  Feuerbach.  —  C'est  la  condition  pour  que 
quatre  points  soient  sur  un  cercle.  En  appelant  x^y^ 


»y*i 


x3,  y3  ;  x4,  î/4  les  coordonnées  de  ces  points,  on  a  : 

x\  +  y\,  x2, 2/s,  4 
2/1,  «3, 2/3,  4 


x\- 


%î  +  yi,  #4, 2/4,  4 


=  0. 


Si  l'on  appelle  A^  le  point  dont  les  coordonnées  sont  x{  y^ 
cette  équation  exprime  que  0  désignant  un  point  quelconque 
du  plan 

^TOA^XaireAjAfcA/mO. 

il  existe  un  théorème  analogue  relatif  à  cinq  points  situés 
sur  une  sphère.  H.  L. 

FEUERBACH  (Ludwig-Andreas) ,  philosophe  allemand, 
né  à  Landshut  le  28  juiL  4804,  mort  à  Rechenberg,  près 
de  Nuremberg,  le  43  sept.  4872,  frère  des  précédents. 
Les  premières   études  qu'il  fit  au   gymnase  d'Anspach 
semblèrent  le  destiner  à  la  vie  religieuse  ;  il  vint  même 
en  1823  à  Heidelberg  pour  y  entendre  les  leçons  du 
théologien  Karl  Daub.  Mais  son  esprit  critique  se  lassa 
vite  de  ce  genre  d'études  ;  au  bout  d'une  année,  il  gagna 
Berlin  où  il  entendit  Hegel,  Schleiermacher  et  Neander 
et  se  décida  à  abandonner  la  théologie  pour  se  consacrer 
entièrement  aux  sciences  exactes  et  à  la  philosophie.  Une 
thèse  latine,  De  Ratione  una,  universali,  inftnita, 
lui  valut  une  chaire  de  privat-docent  à.  l'Université  d'Er- 
langen (4828).  Dans  ses  premières  leçons,  il  se  montra 
fidèle  disciple  de  Hegel    et  obtint  un  très  vif  succès; 
mais  peu  à  peu  il  se  détacha  du  panthéisme  idéaliste  pour 
évoluer  vers  une  sorte  de  naturalisme  individualiste  et 
aboutir  enfin  au  matérialisme  le  plus  franc.  Ces  tendances 
le  rendirent  suspect  ;   en  vain  Feuerbach  sollicita  une 
chaire  de  professeur  extraordinaire  à  Erlangen  et  à  Berne, 
elle  lui  fut  toujours  refusée.  En  4836,  il  se  maria  avec 
une  femme  dont  la  modeste  fortune  lui  permit  de  vivre 
indépendant  dans  le  petit  village  de  Br(ickberg,  situé  entre 
Anspach  et  Nuremberg.  C'est  là  qu'il  composa  les  plus 
importants  de  ses  ouvrages.  En  4848,  au  moment  où  se 
réunit  le  Parlement  germanique  de  Francfort,  Feuerbach 
quitta  sa  retraite  et  vint  observer  les  événements  de  plus 
près.  A  la  prière  des  étudiants  de  Heidelberg,  il  vint  faire, 
du  1er  déc.  1848  au  2  mars  1849,  dans  une  salle  de 
l'hôtel  de  ville  que  la  municipalité  mit  à  sa  disposition, 
une   série  de  conférences  publiques.  Il  y  exposa,  avec 
succès,  les  idées  les  plus  hardies  sur  la  religion.  Mais  la 
réaction  ne  tarda  pas  à  triompher  de  la  révolution  ;  Feuer- 
bach rentra  dans  sa  solitude.  Sa  vieillesse  fut  peu  heu- 
reuse. La  fortune  de  sa  femme  fut  engloutie  dans  un 
désastre  industriel  ;  il  dut  se  retirer  à  Rechenberg,  fau- 
bourg de  Nuremberg,  où  il  vécut  dans  un  état  de  gène 
voisin  de  la  misère. 

Un  mot  célèbre  de  Feuerbach  résume  l'évolution  de  sa 
pensée  de  la  théologie  à  la  philosophie  hégélienne  et  de 
l'hégélianisme  au  naturalisme  et  à  l'athéisme  :  «  Dieu  fut 
ma  première  pensée,  la  raison  ma  seconde,  l'homme  ma 
troisième  et  dernière  pensée.  »  Dans  cette  dernière  pé- 


riode, la  seule  où  il  ait  été  original,  Feuerbach  a  poussé  le 
matérialisme  à  ses  plus  extrêmes  conséquences.  Suivant 
lui,  la  théologie,  qui  fait  de  la  croyance  une  fin  et  de  la 
science  un  moyen,  emprisonne  l'esprit,  car  un  dogme  n'est 
autre  chose  qu'une  défense  de  penser.  La  philosophie  n'a 
pas  à  corriger  des  dogmes,  mais  à  en  montrer  la  fausseté 
absolue  ;  religion  et  philosophie,  foi  et  science  sont  deux 
contraires  entre  lesquels  il  n'y  a  pas  de  conciliation  ni  de 
compromis  possibles.  La  religion  est  une  invention  de 
l'égoïsme  humain  :  l'homme  enfle  sa  propre  essence  et  la 
porte  à  l'infini  ;  il  pose  en  face  de  lui  et  adore  ce  fantôme 
dont  il  espère  des  garanties  de  bonheur  que  la  réalité  lui 
refuse.  De  même  la  vie  future  n'est  qu'une  idéalisation  de 
la  vie  présente  :  en  un  mot,  la  théologie  n'est  qu'une  trans- 
position de  l'anthropologie.  Quant  à  la  philosophie,  elle  est 
toute  d'expérience  ;  elle  a  pour  tâche  de  discerner  le  réel, 
et  le  réel  c'est  le  sensible  ;  seul  le  sensible  échappe  au  doute, 
et  la  sensation  est  pour  nous  la  source  des  plus  sûres  et  des 
plus  hautes  vérités.  L'homme,  pour  le  philosophe  moderne, 
n'est  plus  un  être  pensant  ;  il  est  simplement  un  vivant  ; 
notre  moi,  notre  essence  c'est  proprement  notre  corps,  et 
la  philosophie  aura  le  droit  de  se  définir  une  science  de 
l'homme  à  condition  de  devenir  une  anthropologie  et  une 
physiologie.  Et  Feuerbach  en  arrive  à  cette  formule  extrême 
du  naturalisme  :  «  L'homme  n'est  rien  d'autre  que  ce  qu'il 
mange.  »  L'égoïsme  est  enfin  la  seule  règle  de  la  conduite 
humaine.  Feuerbach  exerça,  dans  les  cinquante  premières 
années  de  sa  vie,  une  grande  influence  en  Allemagne  ; 
mais  cette  influence  décrut  à  mesure  qu'il  s'éloigna  de  la 
philosophie  et  qu'il  s'affranchit,  dans  ses  ouvrages,  de  toute 
idée  systématique  et  de  toute  méthode. 

Parmi  les  ouvrages  de  Feuerbach,  il  faut  citer  :  Gedan- 
ken  ûb.  Tod  u.  Unsterblichkeit  (anonyme)  (Nuremberg, 
1830  ;  3e  éd.,  Leipzig,  1876);  Gesch.  der  neu.  Philos, 
von  Bacon  von  Verul.  bis  B.  Spinoza  (Ansbach,  1833; 
2e  éd.,  1844),  ouvrage  suivi  de  deux  monographies 
spéciales  sur  Leibniz  et  Bayle,  publiées  ensuite  à  part 
sous  le  titre  de  Darstellung,  Entwickelung  u.  Krit. 
d.  leibnizschen  Philos,  (id.,  1837)  et  Pierre  Bayle  (id., 
1838,  2e  éd.,  1844);  Abâlard  u.  Heloise,  eine  Reihe 
humoristichphilosophischer  Aphorismen  (4834  ;  4e  éd., 
Leipzig,  1888);  Ueb.  Philos,  u.  Christenth.  in  Bezieh. 
auf  den  der  hegelsch.  Philos,  gemachten  Vorwurf  der 
Unchristlichk.  "(1839);  Das  Wesen  des  Christenth. 
(Leipzig,  1844  ;  souvent  réédité,  trad.  en  anglais  par  Marian 
Evans;  2e  éd.,  Londres,  4882;  en  français  par  Jos.  Roy  ; 
Paris,  4864,  in-8);  Vorlâuflge  Jhesen  zur  Reform  d. 
Philosophie  (4842);  Grundsàtze  der  Philos.  derZukunft 
(Zurich,  4843);  Das  Wesen  der  Religion  (Leipzig,  4845; 
2e  éd.,  4849);  Das  Wesen  des  Glaubens  im  Sinne 
Luthers  (id.;  4844);  Vorlesungen  iib.  d.  Wesen  d.  Re- 
ligion, imprimées  dans  le  t.  VIII  des  œuvres  complètes  ; 
Théogonie  nach  den  Quellen  des  classisch.,  hebraïsch. 
christl.  Alterthums  (id.,  4857;  2e  éd.,  1866);  Gottheit 
Freiheit  u.  Unsterblichk.  vom  Standpunkt  der  An~ 
thropol.  (1866);  Œuvres  complètes  (Leipzig,  1846-66, 
10  vol,).  Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  C.  Beyer,  Leben  u.  Geist  L.  Feuerbaehs,  discours; 
Leipzig,  1873.—  Karl  Grùn,  L.  Feuerbach  in  sein.Briefw. 
u.  Nachlass  sowie  in  sein,  philos.  Charakterentwickg.; 
Leipzig,  1874, 2  vol.  —  Wilh.  Bolin,  Ueb.  L.  Feuerbaehs 
Briefw.  u.  Nachlass,  sans  date  ni  lieu  d'impression.  — 
A.  Rau,  L.  Feuerbaehs  Philos.,  die  Naturforschung  u.  d. 
philos.  Krit.  der  Gegenw.;  Leipzig,  1882.  —  L.-W.  Peter- 
sen,  L.  Feuerbach  og  Kristen  dommen,  en  religions  fllo- 
sofisk  Afhandling  ;  Forsvares,  1883.  —  C.-N.  Starcke, 
L.  Feuerbach  ;  Stuttgart,  1885.  —  W.  Bolin,  L.  Feuerbach; 
Stuttgart,  1891. 

FEU  ERBACH  (Anselm  von),  peintre  d'histoire  allemand, 
né  à  Spire  le  1 2  sept.  1 829,  mort  à  Venise  le  4  janv.  1 880. 
Fils  de  l'archéologue  de  ce  nom.  Successivement  élève  de 
Schadow  à  Dusseldorf,  de  Rahl  à  Munich  et  de  Couture  à 
Paris,  il  fit  un  long  séjour  à  Rome  depuis  1853.  Son  im- 
portante toile  :  Dante  au  milieu  des  dames  nobles  à  Ra- 
venne  (1857)  souleva  des  discussions  passionnées.  Il  pei- 


—  37     — 


FEUERBACH  -  FEUILLANTS 


gnit  ensuite  pour  la  galerie  du  baron  de  Schack  à  Munich 
nombre  de  tableaux,  parmi  lesquels  :  Francesca  da  Ri- 
mini,  Arioste  dans  le  parc  de  Ferrare,  et  surtout  la 
Pietà  (1862,  gravée  par  Raab),  le  firent  classer  au  nombre 
des  plus  éminents  peintres  allemands  de  nos  jours.  Plus 
tard,  il  traita  de  préférence  des  sujets  mythologiques  : 
Iphigénie  en  Aulide,  Orphée  et  Eurydice,  Jugement 
de  Paris,  Lesbie,  P allas,  etc.  Son  Banquet  de  Platon 
(1869)  témoigne  de  son  peu  d'aptitude  pour  les  grandes 
compositions.  Dans  toutes  ses  œuvres  apparaît  une  forte 
influence  de  la  manière  d'Ingres,  inconsciemment  sans 
doute,  car  Feuerbach  a  une  originalité  propre.  Il  ne  cherche 
à  séduire  ni  par  l'expression  des  figures,  qui  est  indécise,  ni 
parle  charme  de  la  couleur,  généralement  froide,  mais  bien 
par  la  perfection  des  formes  et  par  l'effet  de  l'ensemble. 
Bibl.  :  Eug.  Mùntz3  dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts, 
1869,  t.  II,  pp.  316-318.  —  Même  revue,  1879  et  1880. 

FEUGAROLLES.  Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr. 
de  Nérac,  cant.  de  Lavardac;  1,215  hab. 

FEU  GÈRE  (Léon- Jacques),  littérateur  français,  né  à 
Villeneuve-sur- Yonne  le  2  févr.  1810,  mort  à  Paris  le 
13  janv.  1858.  Maître  d'études,  puis  professeur  de  rhéto- 
rique au  collège  Henri  IV  (1828),  à  Louis-le-Grand  (1831), 
censeur  au  lycée  Bonaparte  (1854),  il  s'était  acquis  une 
solide  réputation  littéraire  par  son  Éloge  de  Monthyon 
(1834),  qui  remporta  le  prix  d'éloquence  à  l'académie 
française  et  attira  sur  lui  l'attention,  et  par  ses  Caractères 
et  portraits  littéraires  du  xvie  siècle  (Paris,  1859,  2  vol. 
in-8).  Citons  encore  de  lui  :  Essai  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages d'Etienne  Pasquier  (1848,  m-j8)  ;  Etienne  de 
La  Boëtie  (1845,  in-8)  ;  Essai  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Henri  Estienne  (1853,  in- 12)  ;  Etude  sur  Sçevole  de 
Sainte-Marthe  (1853,  in-12)  ;  Etude  sur  les  œuvres 
d  Agrippa  d'Aubigné  (1855,  in-8)  ;  les  Femmes  poètes 
au  xvie  siècle  (1860,  in-8)  ;  Fragments  d'études  sur  les 
auteurs  classiques  français  (1858,  in-18)  ;  Etude  sur 
la  vie  et  les  ouvrages  de  Du  Congé  (1852,  in-8)  ;  Frag- 
ments de  critique  littéraire  (Paris,  s.  d.,  in-8),  et  des 
Recueils  fort  estimés  de  morceaux  choisis  des  classiques 
français.  —  Son  fils,  Gaston  Feugère,  né  en  1836,  mort 
en  1890,  professeur  de  rhétorique  au  lycée  Saint-Louis, 
a  écrit  :  Erasme,  étude  sur  sa  vie  et  ses  ouvrages 
(Paris,  1874,  in-8)  ;  la  Persécution  religieuse  sous  la 
Commune  (1871,  in-8);  la  Révolution  française  et  la 
critique  contemporaine  (1889,  in-12),  etc.,  et  des 
recueils  de  morceaux  choisis  des  auteurs  français.  — 
Son  neveu,  Anatole  Feugère,  né  à  Poitiers  en  1843,  mort 
en  1877,  professeur  de  rhétorique  au  collège  Stanislas, 
est  l'auteur  d'une  étude  sur  Bourdaloue,  sa  prédication 
et  son  temps  (Paris,  1874,  in-8). 

FEU  G  ÈRES.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de  Gou- 
tances,  cant.  de  Périers  ;  687  hab. 

FEUGEROLLES  (Castrum  Felgiro larum,  Fogerolia- 
rum,  Fougieroles),  Château  et  baronnie  du  Forez  s'étendant 
sur  les  territoires  du  Chambon,  Saint-Romain-les-Atheux, 
Jonzieu  et  partie  de  Saint-Genis-Malifaux  et  Saint-Etienne. 
La  baronnie  appartint  à  plusieurs  familles  ;  d'abord  à  la 
famille  de  Jarez,  puis  en  1240  elle  fut  vendue  à  la  maison 
de  Lavieu,  Charles  de  Lavieu  la  vendit  en  1465  à  Guillaume 
de  Lévis-Cousan,  son  neveu  ;  Claude  et  Charles  de  Lévis 
la  cédèrent  en  1580  à  Alexandre  Capponi,  fils  d'un  ban- 
quier de  Lyon,  dont  la  fille  Catherine-Angélique  épousa 
en  1476  Pierre-Hector  Charpin  qui  prit  le  titre  de  baron 
de  Feugerolles  que  ses  descendants  possèdent  encore.  Le 
château  de  Feugerolles  qu'on  voit  près  du  Chambon  (ch.-l. 
de  cant. ,  arr.  de  Saint-Etienne)  fut  le  théâtre  de  l'aven- 
ture racontée  par  Lamartine  dans  ses  Confidences  comme 
étant  arrivée  à  l'abbé  Dumont,  modèle  de  Jocelyn;  l'hé- 
roïne en  fut  Diane  de  Charpin,  plus  tard  Mme  du  Roseil. 

FEU  G  ES.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant.  d'Arcis  ; 
108  hab.  Eglise  du  xne  siècle. 

FEUGUER0LLES.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.de 
Louviers,  cant.  du  Neubourg;  199  hab. 


FEUGUEROLLES-sur-Orne.  Com.  du  dép.  du  Calvados, 
arr.  de  Caen,  cant.  d'Evrecy  ;  401  hab. 

FEUGUEROLLES-sur-Seulles.  Com.  du  dép.  du  Cal- 
vados, arr.  de  Bayeux,  cant.  de  Caumont;  191  hab. 

FEUILLA.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Narbonne, 
cant,  de  Sigean  ;  269  hab. 

FEUILLADE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  d'An- 
goulême,  cant.  de  Montbron,  sur  le  Bandiat  qui  s'y  perd 
dans  des  gouffres  ;  657  hab.  Haut  fourneau  et  forge.  Eglise 
du  xiie  siècle.  Ancien  château  de  la  Motte,  remanié  au 
xvie  siècle.  Château  de  Belleville,  construction  du  xve  siècle. 

FEUILLADE  (La).  Hameau  de  la  com.  de  Faux-la-Mon- 
tagne  (Creuse),  au  centre  d'une  des  plus  grandes  forêts  du 
département.  Ancienne  seigneurie,  démembrée  de  la  baron- 
nie de  La  Borne,  et  échue  à  une  branche  de  la  maison 
d'Aubusson  qui  l'a  rendue  célèbre.  Ant.  T. 

FEUILLADE  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr, 
de  Sarlat,  cant.  de  Terrasson  ;  292  hab. 

FEUILLADE  (G.  d'Aubusson  de  La)  (V.  Aubusson). 

FEUILLADE  (François,  vicomte  d'AuBussoN,  duc  de  La) 
(V.  La  Feuillade). 

FEUILLADE  (Louis  d' Aubusson,  comte  de  La)  (V.  La 
(Feuillade). 

FEUILLAGE  (Sculpt.).  Reproduction  des  feuilles  des 
arbres  et  des  plantes  ;  c'est  une  des  parties  les  plus 
essentielles  de  la  décoration.  Aux  époques  anciennes, 
alors  que  les  voyages  étaient  peu  fréquents,  chaque  pays 
empruntait  ses  éléments  décoratifs  aux  plantes  qui  crois- 
saient sur  son  sol.  Ainsi  les  monuments  égyptiens  portaient 
les  feuillages  du  lotus,  du  papyrus,  du  palmier  ;  ceux  de 
la  Grèce  et  de  Rome,  l'acanthe,  le  laurier  et  l'olivier.  A 
l'époque  gothique  les  feuillages  sont  étudiés  avec  une  pré- 
cision encore  un  peu  raide  au  début,  mais  pleine  de  variété 
et  d'élégance  dans  la  période  précédant  immédiatement  la 
Renaissance,  surtout  en  Italie.  On  trouve  des  spécimens  de 
presque  tous  les  feuillages  dans  l'ornementation  des  cathé- 
drales ;  le  lierre,  la  vigne,  le  fraisier,  le  marronnier,  le 
figuier,  la  chicorée,  le  céleri,  le  chardon,  sont  les  plus  fré- 
quemment employés.  A  la  Renaissance,  les  guirlandes  de 
fleurs  et  de  fruits  viennent  s'ajouter  au  feuillage.  La  feuille 
d'acanthe,  employée  dans  les  chapiteaux  grecs  et  romains 
est  remise  en  honneur.  Aux  xvne  et  xvme  siècles,  les  cou- 
ronnes et  les  guirlandes  de  chêne  ou  de  laurier  deviennent 
un  des  éléments  les  plus  importants  de  la  décoration.  A 
notre  époque,  si  savante,  si  pourvue  de  documents  de  toute 
espèce,  il  est  bien  difficile  d'introduire  de  nouvelles  formes 
de  feuillages  dans  l'art  décoratif  ;  c'est  par  une  étude  nou- 
velle de  la  nature,  par  le  retour  au  principe  même  de  ce 
genre  d'ornementation,  que  les  spécialistes  cherchent  à  se 
distinguer.  Ad.  T. 

FEUILLANTINES  {Moniales  Fulienses)^  Religieuses 
qui  suivaient  la  même  réforme  que  les  feuillants.  Elles 
avaient  les  mêmes  observances,  portaient  un  habit  semblable 
et  étaient  placées  sous  leur  juridiction.  Elles  furent  insti- 
tuées en  1590,  à  Toulouse,  dans  le  couvent  de  Montes- 
quiou.  En  1662,  Anne  d'Autriche  fonda  pour  elles  une 
maison  à  Paris,  faubourg  Saint- Jacques. 

FEU  I LLANTS.  I.  Histoire  religieuse.  —  Fulienses, 
Folietani.  Religieux  réformés  de  l'ordre  de  Citeaux.  L'ori- 
gine de  cette  réforme  est  indiquée  au  mot  Barrière  (Jean  de 
la).  Clément  VIII  accorda  aux  feuillants  un  supérieur  parti- 
culier ;  depuis  lors,  leur  congrégation  est  devenue  chef  d'ordre 
en  France,  avec  un  général  électif  et  triennal,  appelé  abbé  des 
feuillants.  Dès  1595,  leur  chapitre  général  avait  adopté  des 
statuts  qui  modéraient  beaucoup  la  rigueur  des  observances 
primitives,  permettant  de  manger  des  œufs,  du  poisson,  de 
l'huile,  du  beurre,  de  boire  du  vin  et  de  porter  des  sandales 
de  bois.  Habit  :  robe  blanche  sans  scapulaire,  avec  un 
grand  capuchon  de  même  couleur,  terminé  en  rond  par 
devant  jusqu'à  la  ceinture,  en  pointe  par  derrière  jusqu'au 
gras  des  jambes.  En  1630,  Urbain  VIII  sépara  les  maisons 
d'Italie  de  celles  de  France,  et  il  ordonna  que  chaque  con- 


FEUILLANTS 


376  — 


grégation  fût  gouvernée  par  un  général.  Cependant  les 
Français  conservèrent  le  couvent  de  Florence  ;  ils  en  pos- 
sédaient un  autre  à  Pignerol,  et  à  Rome  un  hospice  pour 
leur  procureur  général  ;  en  France,  vingt-quatre  monas- 
tères d'hommes  et  deux  de  filles,  répartis  en  trois  pro- 
vinces :  France,  Guyenne,  Bourgogne.  Leur  congrégation 
portait  deux  titres  :  Notre-Dame  des  Feuillants  et  Saint- 
Bernard  de  la  Pénitence.  Les  feuillants  d'Italie  étaient 
appelés  Réformés  de  Saint-Bernard  ;  en  4670,  ils  ob- 
tinrent la  permission  de  se  chausser.        E.-fl.  Vollet. 

II.  Histoire. —  Club  des  Feuillants. —  Société  poli- 
tique fondée,  le  16  juil.  1791,  par  un  grand  nombre  de 
membres  de  la  «Société des  amis  de  la  Constitution,  séante 
aux  Jacobins»,  tous  Constituants,  qui  ne  voulurent  pas 
s'associer  à  la  pétition  de  Laclos  et  de  Brissot,  demandant 
la  déchéance  de  Louis  XVI.  Cette  scission  fut  immédiatement 
rendue  publique  par  une  plaquette  sans  titre  :  «  Les 
membres  de  l'Assemblée  nationale,  fondateurs  et  membres 
de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution,  séante  aux  Jaco- 
bins, à  Paris,  ont  arrêté  de  transporter  leurs  séances  dans 
un  autre  lieu,  et  de  les  continuer  dans  la  maison  des 
Feuillants,  rue  Saint-Honoré.  A  Paris,  le  16  juil.  1791.  » 
Suivent  les  signatures  de  Bouche,  président  ;  de  François- 
Paul-Nicolas  Anthoine  et  de  Salles,  secrétaires;  puis  de 
303  députés,  entre  autres  Barère.  et  Sieyès  (qu'on  ne 
retrouve  pas  dans  la  dernière  liste  connue,  celle  du  mois 
d'août  1792).  —  Le  18  juil.  1791  il  y  eut  une  soixantaine 
d'autres  adhésions,  notamment  celles  de  Dupont  de  Ne- 
mours et  de  Dandré.  La  sanglante  répression  des  pétition- 
naires du  Champ-de-Mars,  le  17  juil.  (V.  Bailly  [Jean- 
Sylvain]),  contribua  donc  à  augmenter  le  nombre  des 
Feuillants.  Tel  fut  le  nom  que  le  public  leur  donna  parce 
qu'ils  s'étaient  transportés  dans  l'ancien  couvent  de  ce 
nom,  situé  rue  Saint-Honoré,  en  face  de  la  place  Vendôme  : 
vaste  et  magnifique  local  qui  contrastait  avec  la  sombre  et 
triste  salle  des  Jacobins.  Toutefois,  les  membres  du  nouveau 
club  maintinrent  avec  raison  leur  nom  d'Amis  de  la  Cons- 
titution, telle  que  l'Assemblée  constituante  l'avait  jusque- 
là  élaborée,  telle  qu'elle  serait  complétée,  telle  enfin  que 
le  roi,  simplement  suspendu  de  ses  fonctions,  consentirait  à 
la  jurer  pour  être  rétabli.  On  appela,  par  suite,  feuillan- 
tisme  (en  général  avec  une  nuance  de  mépris),  l'opinion 
qui  considérait  comme  définitive  la  constitution  monar- 
chique de  1791. 

La  nation  était  encore  tellement  peu  préparée  à  la  solu- 
tion républicaine,  que  les  Feuillants  donnent  entre  autres 
raisons  de  leur  schisme  la  suivante  :  «  Quand  il  serait 
vrai  que  la  constitution  tolérât  la  destitution  du  roi,  quelle 
longue  période  d'anarchie  ne  nécessiterait  pas  le  choix  d'un 
régent  dans  une  famille  où  nul  des  hommes  que  la  Cons- 
titution appelle  au  pouvoir  provisoire  ne  jouit  de  la  con- 
fiance d'aucun  ami  de  la  liberté  !  »  [Déclaration  adressée 
par  des  amis  de  la  Constitution,  etc.,  p.  6).  Après  que 
le  roi  eut  été  rétabli  dans  ses  fonctions  moyennant  le  ser- 
ment solennel  qu'il  prêta  à  la  constitution,  la  Constituante 
fit  place  à  la  Législative  entièrement  composée  d'hommes 
nouveaux  :  sur  745,  il  n'y  en  eut  que  162,  presque  tous 
obscurs,  qui  inscrivirent  leurs  noms  sur  la  liste  où  conti- 
nuaient à  figurer  avec  éclat  les  ex-constituants  Barnave, 
Dandré,  Lanjuinais,  Duport,  les  Lameth.;  c'est  le  4  oct. 
1791,  dans  l'église  des  Feuillants,  qu'eut  lieu  la  principale 
adhésion  des  législateurs,  et  il  ne  paraît  pas  qu'il  y  ait  eu 
ensuite  beaucoup  d'inscriptions  individuelles.  Les  Girondins 
n'étaient  pas  sans  doute  les  ennemis  de  parti  pris  de  la 
constitution  monarchique,  mais  ils  voulaient  que  le  roi 
l'observât  dans  sa  lettre  et  dans  son  esprit.  D'autre  part, 
les  Feuillants  étaient  détestés  des  monarchistes  purs  et 
considérés  comme  des  traîtres,  comme  des  vendus,  par  les 
patriotes  révolutionnaires.  Aussi  demeurèrent-ils  à  l'état  de 
cpterie  et  ne  rayonnèrent-ils  pas  en  province  ;  la  plupart 
des  clubs  des  Amis  de  la  Constitution,  dans  les  départe- 
ments, restèrent  affiliés  aux  Jacobins. 

Les  statuts  des  Feuillants  comprennent  31    articles, 


généraux  ou  réglementaires.  En  voici  les  principales  dispo- 
sitions :  «  Aucun  membre  ne  sera  admis  sans  avoir  déclaré 
son  attachement  à  la  constitution  du  royaume,  décrétée 
par  l'Assemblée  nationale  et  acceptée  par  le  roi.  »  (art.  1). 
Une  déclaration  subséquente  (du  6  janv.  1792),  précisa  la 
portée  de  cet  article  fondamental  en  l'expliquant  ainsi  :  «  la 
Constitution,  toute  la  Constitution,  rien  que  la  Consti- 
tution, »  et  en  ajoutant  ce  commentaire  :  «  la  Société 
tient  pour  ses  ennemis  tous  les  ennemis  de  la  Constitution 
sous  quelque  bannière  qu'ils  se  rangent,  sous  quelque 
forme  qu'ils  se  cachent  :  et  les  parricides  armés  contre  leur 
patrie  dont  ils  ont  méconnu  la  voix  »,  c.-à-d.  les  émigrés, 
«  et  ceux  qui  la  déchirent  avec  les  armes  qu'elle  leur  a 
confiées  pour  la  défendre  »,  c.-à-d.  les   Jacobins.   Les 
Feuillants  s'interdisent  de  délibérer  sur  autre  chose  que 
sur  l'existence  ou  l'administration  du  club,  et  se  disent 
simple  «  assemblée  de  conversation  »;  ils  excluent  l'action 
au  dehors,  les  manifestations.  L'art.  3  interdit  les  jeux  de 
hasard  dans  le  club  ;  Part.  4  admet  sans  ballottage  tout 
député  présenté  par  six  députés  membres  du  club.  L'âge 
minimum  sera  vingt  et  un  ans  (art.  5).  Les  articles  sui- 
vants concernent  la  nomination  des  commissaires  à  l'entre- 
tien du  club,  les  assemblées  générales  (au  moins  tous  les 
trois  mois  à  jour  fixe),  la  tenue  d'un  registre  nominatif 
des  membres .  —  La  contribution  était  fixée  à  4  louis  d'or 
pour  l'entretien  du  club  et  6  livres  de  gratification  aux 
domestiques.  Les  députés  à  l'Assemblée  législative  ou  aux 
assemblées  futures,  non  domiciliés  habituellement  à  Paris, 
ne  devaient  qu'une  cotisation  de  2  louis.  Parmi  les  pièces 
du  club,  une  devait  être  réservée  pour  les  entretiens  par- 
ticuliers que  des  membres  pouvaient  désirer  d'avoir  entre 
eux.  «  Parmi  celles  du  restaurateur,  une  sera  généralement 
pour  les  membres  du  club  et  pour  eux  seuls  ;  une  autre 
sera  laissée  aux  membres  députés  qui  peuvent  quelquefois 
être  bien  aises  de  dîner  entre  eux  »  (art.  dernier).  — 
Ainsi  les  Feuillants  s'écartaient  du  type  de  la  société  popu- 
laire que  les  Jacobins  avaient  réalisé,  et  se  restreignaient 
d'eux-mêmes  aux  proportions  d'un  cercle  confortable,  dis- 
tingué, et  surtout  inabordable  pour  ceux  qui  ne  pourraient 
pas  payer  une  cotisation  qui  aujourd'hui  représenterait 
200  à  250  fr.  Cependant  cette  précaution  ne  parut  pas 
suffisante,  et,  «  pour  se  garantir  à  elle-même  la  pureté  de 
sa  composition  »,  la  société,  au  bout  de  trois  mois  d'exis- 
tence, «  adopta  le  moyen  le  plus  efficace  :  un  scrutin  épu- 
ratoire,   lui  permettant  d'écarter  les  membres  dont  les 
principes  ne  s'accorderaient  pas  avec  ceux  qu'elle  professe 
uniquement,  ou  dont  la  réputation  pourrait  nuire  à  la 
considération  publique,  seule  force  dont  la  société  veuille 
s'environner  »  (Déclaration...  du  6  janv.  1792,  p.  3). 
Malgré  ce  rigorisme,  les  Feuillants  avaient  la  prétention 
de  «  ne  pas  former  un  parti  »,  sous  prétexte  qu'ils  se  con- 
fondaient «  avec  le  seul  qui  dût  exister,  celui  de  la  Cons- 
titution ».  Mais  tel  n'était  l'avis  ni  des  ultra-royalistes,  ni 
des  révolutionnaires  demeurés  aux  Jacobins.  Les  trahisons 
multipliées  du  roi  et  les  progrès  de  l'invasion  prussienne 
eurent  pour  conséquence  les  journées  du  20  Juin  et  du 
10  Août,  et  la  Commune  révolutionnaire,  chargée  de  la 
police  de  sûreté,  crut  devoir  procéder  à  la  dispersion  des 
constitutionnels  obstinés  qui,  d'ailleurs,  s'étaient  de  plus 
en  plus  rapprochés  des  purs  royalistes.  Le  18  août  1792, 
«  l'an  IV  de  la  liberté,  le  premier  de  l'égalité  »,  les  admi- 
nistrateurs du  comité  de  police  et  de  surveillance  de  la 
Commune  firent  saisir,  rue  de  Caumartin,  n°  20,  chez 
M.  L'Evêque,  trois  registres  et  une  liasse  de  papiers, 
«  qu'il  nous  a  déclaré,  dit  le  procès- verbal,  être  chez  lui 
les  seuls  papiers  appartenant  à  la  société  des  feillans  » 
(sic).  C'est  alors  que  fut  publiée,  dans  un  intérêt  de  sûreté 
publique  contre  les  partisans  de  la  royauté  déchue,  la 
«  liste  des  membres  composant  le  club  des  Feuillants,  dont 
Dandré  était  président.  »  Ce  document  est  certifié  con- 
forme à  l'original  par  les  administrateurs  séant  à  la  mairie, 
Lenfant,  Duffort,  Panis,  Sergent,  Jourdeuil,  Deforgues, 
Pierre-Jacques  Duplain.  Il  comprend  841  noms  ;  les  prénoms 


377  — 


FEUILLANTS  -  FEUILLE 


sont  parfois  indiqués,  et,  presque  toujours  les  adresses  : 
mais  l'ordre  alphabétique  n'est  pas  rigoureusement  suivi. 
Suit,  extraite  de  cette  liste  générale,  celle  des  législateurs, 
par  départements.  Mentionnons,  à  titre  de  curiosité  bio- 
graphique, les  noms  de  Coffinhal,  de  Prudhomme,  de  Pache, 
de  Reubell,  hommes  politiques  ;  de  Lacépède,  de  Ginguené, 
des  poètes  Roucher  et  André  Chénier.  H.  Monin  . 

Bibl.:  Histoire. —  ([Acte  de  séparation  de  la  Société  des 
Amis  de  la  Constitution,  séante  aux  Feuillants,  d'avec  celle 
des  Jacobins,  daté  du  16  juil.  1791  et  commençant  par  ces 
mots]  :  Les  membres  de  l'Assemblée  nationale...;  Paris,  s. 
d.,  in-8,  pièce.  —  Déclaration  adressée  par  des  amis  de  la 
Constitution  à  une  portion  de  leurs  ci-devant  frères,  encore 
réunis  aux  Jacobins;  Paris,  1791,  in-8,  pièce.—  Déclaration 
des  amis  de  la  Constitution  ci-devant  réunis  aux  Feuil- 
lants (6  janv .  1792),  s.  1.  n.  d.,  in-8.  —  Liste  des  membres 
composant  le  club  des  Feuillants  dont  Dandré  était  pré- 
sident (18  août  1792),  s.  1. n.  d.,  in-8.  —  Réimpression  du  Mo- 
niteur, t.  X,p.737;  XVI,  p.  550.— Adresse  de  la  Société  des 
amis  de  la  Constitution  aux  sociétés  qui  lui  sont  affiliées  ; 
Paris,  in-8.  —  Statuts  du  Club;  Paris,  s.  d.^in-8. 

FEUiLLARD  (Métall.).  Lame  de  fer  large  et  plate  des- 
tinée à  la  fabrication  des  lames  de  scies  ou  autres  ouvrages 
analogues  ainsi  qu'à  la  construction.  Les  fers  feuillards  se 
divisent  dans  le  commerce  en  trois  catégories  dans  laquelle 
la  largeur  des  fers  varie  entre  48  et  400  millim.  et  l'épais- 
seur entre  4  et  3  millim.  Les  tonneliers  se  servent  de 
feuillards  pour  cercler  les  tonneaux  et  les  emballeurs  em- 
ploient parfois  les  mêmes  fers  pour  cercler  des  ballots  de 
marchandises  pressées,  destinées  à  faire  un  long  parcours. 
Pour  la  fabrication  des  feuillards,  il  faut  que  les  charges 
des  fours  à  réchauffer  ne  soient  pas  trop  fortes,  à  moins 
d'exposer  les  barres  à  se  gercer  et  à  se  criquer  sous  les 
cylindres.  Or,  les  feuillards  doux  et  nerveux  doivent  être 
exempts  de  criques  et  de  gerçures  ;  on  exige  généralement 
qu'ils  présentent  une  belle  couleur  bleuâtre  sans  taches 
d'oxyde,  ce  qui  ne  s'obtient  qu'en  laissant  refroidir  la 
barre  au  rouge  sombre  avant  de  l'engager  dans  les  cylindres 
espatards.  Ceux-ci,  à  leur  tour,  pour  donner  un  beau  poli 
aux  feuillards,  doivent  être  unis,  très  durs,  constamment 
refroidis  par  l'arrosage  et  munis  d'un  racloir  qui  débar- 
rasse les  barres  de  la  couche  d'oxyde  adhérente.  La  plupart 
des  feuillards  s'affranchissent  à  chaud  et  sont  livrés  en 
bottes.  Le  bottelage  se  fait  sur  un  banc  qui  porte  trois 
formes  ou  supports  en  fer,  demi-circulaires  et  évidés,  dans 
lesquels  on  dispose  les  barres  symétriquement  par  rapport 
à  une  des  extrémités.  On  serre  ensuite  la  botte  au  moyen 
d'étriers  et  on  la  relie  aux  extrémités  et  au  milieu  avec  du 
petit  fer  préalablement  chauffé.  L.  K. 

FEUILLE.  I.  Botanique.  —  On  donne  le  nom  de 
feuilles,  chez  les  végétaux  phanérogames,  à  des  organes 
membraneux,  de  couleur  généralement  verte,  qui  sont 
insérés  sur  la  tige  et  ses  divisions,  branches  et  rameaux  ; 
c'est  là  un  caractère  constant,  d'où  leur  dénomination 
d'organes  appendiculaires,  qu'elles  méritent  dans  toutes 
leurs  métamorphoses  en  sépales,  pétales,  étamines,  car- 
pelles ou  feuilles  carpellaires  ;  ces  feuilles  modifiées  sont 
étudiées  dans  des  articles  spéciaux  (V.  Calice,  Corolle, 
Etamine,  Carpelle)  ;  il  en  est  de  même  des  premières 
feuilles  qui  apparaissent  au  moment  de  la  germination  et 
qu'on  appelle  feuilles  cotyiédonaires  (V.  Cotylédon),  et 
des  organes  connus  sous  le  nom  de  bractée,  spathe,  etc. 

La  feuille  proprement  dite  se  compose  de  trois  parties 
lorsqu'elle  est  complète  :  le  limbe,  le  pétiole  et  la  gaine. 
La  gaine  est  la  partie  basilaire  du  pétiole  ;  elle  s'attache 
à  la  tige  en  l'entourant  dans  une  certaine  mesure  (Aroï- 
dées,  Ombellifères,  etc.).  La  feuille  complète  est  dite  pé- 
tiolée  engainante.  Mais  souvent  une  ou  même  deux  de  ces 
parties  manquent.  Lorsque  la  gaine  existe  seule,  elle  cons- 
titue une  écaille  ;  les  écailles  existent  fréquemment  sur  les 
parties  souterraines  des  tiges,  ce  sont  des  feuilles  souter- 
raines :  écailles  des  bulbes  des  Liliacées,  de  l'Anémone, 
des  bourgeons,  des  tubercules  (Pomme  de  terre,  Orchi- 
dée, etc.);  les  écailles  sont  plus  rares  sur  les  parties 
aériennes  de  la  tige  (Monotropa  hypopitys),  abstraction 
faite  de  celles  qui  revêtent  les  bourgeons.  Lorsque  le  pé- 


tiole seul  manque,  la  feuille  est  dite  engainante.  Lorsque 
la  feuille  se  réduit  au  limbe,  elle  est  sessile  ;  dans  ce  cas 
il  peut  arriver  qu'elle  entoure  complètement  la  tige  qui 
semble  la  traverser  ;  c'est  la  feuille  perfoliée  (Bupleurum 
rotimdifolium);  ou  les  limbes  de  deux  feuilles  opposées  se 
réunissent,  c'est  la  feuille  connée  (Chèvrefeuille).  Enfin, 
lorsque  le  pétiole  et  le  limbe  existent  seuls,  la  feuille  est 
dite  pétiolée  ;  c'est  le  cas  de  la  plupart  des  arbres  de  nos 
forêts. 

Le  pétiole  a  généralement  la  forme  d'une  tige,  cylin- 
drique, demi-cylindrique,  etc.;  quelquefois  il  s'élargit  et 
prend  une  apparence  foliacée,  en  même  temps  que  le 
limbe  se  réduit  à  de  faibles  dimensions  ou  disparaît  (Aca- 
cia heterophylla)  ;  il  prend  alors  le  nom  de  phyllode 
(V.  ce  mot).  Le  pétiole  peut  encore  se  ramifier  à  la  base  de 
manière  à  former  une  paire  d'organes  foliacés,  les  sti- 
pules (V.  ce  mot)  ;  la  feuille  est  alors  stipulée. 

Le  limbe  est  la  partie  verte,  aplatie  de  la  feuille;  on  y 
distingue  une  base  qui  est  le  point  où  elle  s'insère  sur  le 
pétiole  et  une  pointe  qui  est  l'extrémité  opposée.  Généra- 
lement horizontal,  le  limbe  offre  une  face  supérieure  qui 
regarde  le  ciel  et  une  face  inférieure  qui  regarde  le  sol  ; 
la  feuille  peut,  sous  l'influence  de  la  force  verticale,  s'in- 
cliner sur  la  tige, 
de  telle  sorte  que 
le  sommet  du  limbe 
soit  plus  élevé  que 
la  base  et  que  la 
face  supérieure  re- 
garde la  tige  ou  le 
rameau.  La  face  su- 
périeure   est   plus 
ordinairement  que 
l'inférieure  lisse  et 
luisante  et   moins 
perméable  à  l'hu- 
midité. Lorsque  le 
limbe   est  vertical 
(Graminées,   Eu- 
calyptus,  Syl- 
phium),  les  deux 
faces  de  la  feuille 
ont  à  peu  près  la 
même  apparence.  Il 
existe   plus    rare- 
ment   des  feuilles 
pendantes  (Pin)  dont  les  deux  faces  sont  semblables.  Ordi- 
nairement membraneux,  le  limbe  s'épaissit  dans  les  plantes 
grasses  (Joubarbe,  Ficoïdes,  etc.)  et  parfois  même  offre 
une  section  cylindrique  ou  triangulaire  ;  il  est  gorgé  de 
liquide  en  pareil  cas  (V.  Carnosité). 

Le  limbe  est  en  général  sillonné  de  nervures  qui  font 
ordinairement  saillie  à  la  face  inférieure  ;  celle  qui  le  par- 
court de  la  base  au  sommet  et  qui  n'est  que  la  continua- 
tion du  pétiole  constitue  la  nervure  médiane  ou  princi- 
pale ;  si  cette  nervure  existe  seule,  la  feuille  est  uninerve; 
s'il  naît  d'autres  nervures  (secondaires)  de  la  base  du 
limbe  et  si  elles  sont  parallèles  les  unes  aux  autres  jus- 
qu'à la  pointe,  la  feuille  est  à  nervation  parallèle  ou  rec- 
tinerve  (Monocotylédones).  Ailleurs  le  pétiole  s'épanouit 
à  la  base  du  limbe  en  nervures  divergentes  comme  les 
doigts  de  la  main  ;  c'est  la  nervation  digitée  ou  palmée 
(Mauve,  Ricin),  la  feuille  est  dite  digitinerye  ou  palmati- 
nerve  ;  la  nervation  pédalée  en  est  une  variété  (Hellébore, 
Dentaria,  quelques  Aroïdées).  Dans  certaines  plantes,  les 
nervures  secondaires  naissent  par  paires  de  la  nervure 
principale  et  sont  obliques  et  parallèles  entre  elles  ;  c'est 
la  nervation  pennée  correspondant  à  la  feuille  penninerve 
(cerisier,  châtaignier).  Le  plus  souvent  les  nervures  secon- 
daires se  détachent  irrégulièrementde  la  principale  et  se  ra- 
mifient elles-mêmes  en  nervures  tertiaires,  quaternaires,  etc., 
d'où  résulte  un  réseau  à  mailles  plus  ou  moins  régulières 
remplies  d'un  parenchyme  vert,  ordinairement  moins  con- 


Feuille  polymorphe  d'Acacia 
heterophylla. 


FEUILLE 


-  378  - 


sistant  que  le  tissu  des  nervures.  Le  parenchyme  peut 
manquer  plus  ou  moins  complètement,  et  le  limbe  prendre 
un  aspect  fenêtre  (certaines  Aroïdées,  YOuvirandra  de 
Madagascar). 

Formes  des  feuilles.  Ces  formes,  extrêmement  varia- 
bles, dépendent  le  plus  souvent  du  contour  du  limbe,  qu'il 
soit  continu  ou  le  siège  de  découpures  plus  ou  moins  pro- 


Feuille  digitée  ou  palmée  de  Ricin. 

fondes  et  régulières  ;  le  limbe  est  entier  lorsque  le  paren- 
chyme sous-tend  les  nervures  de  la  base  au  sommet.  La 
forme  du  limbe  entier,  quelle  qu'elle  soit,  peut  être  rame- 
née au  cercle,  à  l'ellipse  ou  à  l'ovale  ;  voici  quelques-unes 
des  formes  principales  :  circulaire  (Capucine),  elliptique 
(Hêtre),  ovale  (Chèvrefeuille),  et  correspondant  à  cette 
série  trois  variétés  réniformes  (Lierre  terrestre,  Caltha, 
Nénuphar  blanc)  et  trois  variétés  cordiformes  (Pulmo- 
naire, Nénuphar  jaune,  Scrofu- 
laire), puis  par  l'adjonction  d'une 
ou  de  plusieurs  pointes  des  va- 
riétés telles  que  :  acuto-ovales 
(  Epiaire  ) ,  acuto  -  elliptiques 
(Sauge),  acutocordiformes  (Li- 
las),  lancéolées  (Lin,  Laurier- 
Cerise),  ovales-lancéolées  (Bu- 
glosse),  sagittées  (Arum,  Sagit- 
taire), hastées  (Oseille),  cor- 
diformes-sagittées  (Liseron), 
etc.  Ajoutons  quelques  formes 
telles  qu'oblongue  (limbe  trois 
ou  quatre  fois  plus  long  que 
large),  obovale  (grosse  extré- 
mité de  l'ovale  tournée  en  haut), 
obcordée  (cœur  à  échancrure 
tournée  en  haut)  peltée  (en 
bouclier),  etc. 

Suivant  la  forme  des  décou- 
pures des  bords  du  limbe,  une 
feuille  est  dentée  (dents  plus  ou 
moins  aiguës,  séparées  par  des 
sinus  aigus,  parfois  épineuses  : 
Aloès,  Houx,  Scolymus)  ;  ser- 
rée, c.-à-d.  dentée  en  scie  (den- 
telures à  sommet  aigu  dirigé 
vers  le  sommet  du  limbe,  séparées  par  des  sinus  aigus); 
sinuée  (saillies  surbaissées,  obtuses,  séparées  par  des 
sinus  peu  profonds);  lobée  (sinus  s' étendant  jusque  vers 
le  milieu  de  chaque  moitié  du  limbe);  fendue  (fide) 
divisions  aiguës  atteignant  le  milieu  de  chaque  moitié  du 
limbe);  partite  (divisions  atteignant  presque  la  nervure 
médiane),  etc.,  etc.;  ces  formes  se  combinent  souvent 
entre  elles.  En  même  temps  la  nervation  offre  des  variétés 
qui  font  alors  donner  aux  feuilles  des  noms  tels  que  :  pin- 
natidentée,  pinnatifide,  digitipartite,  palmatilobée,  pédati- 
partite,  etc.  Tant  que  les  divisions  n'atteignent  pas  la  ner- 
vure principale,  les  feuilles  sont  dites  simples.  Mais 
lorsque  de  la  nervure  principale,  appelée  alors  rachis^  se 


Feuille  penninerve  de 
Châtaignier. 


Feuille  dentée  épineuse  de 
ffî  Cardousse  {Scolymus  his- 
f  panicus  h.). 


détachent  des  nervures  secondaires  ou  pétiolules  portant 
un  des  lobes  du  limbe ,  et  que  les  nervures  secondaires  se 
ramifient  une  ou  deux  fois  de  plus  avant  de  porter  un  lobe 
ou  un  foliole,  la  feuille  est  dite  composée  simplement, 
doublement,  triplement,  etc.;  dans  ce  cas  on  dit  encore 
que  la  feuille  est  décomposée.  Suivant  l'insertion  des  ner- 
vures sur  le  rachis,  les  feuilles  sont  composées-palmées, 
composées-digitées,  composées-pennées,  etc.  Si  dans  cette 
dernière  variété  le  foliole  terminal  est  impair,  la  feuille 
est  composée-imparipennée,  etc.  Suivant  l'insertion  des 
folioles  eux-mêmes  on  a  des 
feuilles  oppositipennées  ou 
alternipennées. 

Reste  à  mentionner  quel- 
ques formes  de  feuilles  spé- 
ciales ;  ce  sont  les  feuilles 
linéaires  (Graminées) ,  en- 
si  formes  (Iris,  Acore,  Gla~ 
diolus),  aciculaires  (Co- 
nifères,   Myrtacées),  etc., 
puis  les  feuilles  polymor- 
phes (différences  entre  les 
formes  des  feuilles  radicales 
et  des  feuilles  caulinaires, 
entre  les  feuilles  submer- 
gées souvent  réduites  à  leurs 
nervures    et    les    feuilles 
aériennes    :    Ranunculus 
aquatilis,  etc.)  (V.  Dimor- 
phisme).  Enfin,  les  feuilles 
subissent    des    métamor- 
phoses variées   suivant  le 
rôle  qu'elles  doivent  jouer  ; 
nous  ne   reviendrons  pas 
sur  les  parties  de  la  fleur, 
sur  les  bractées,  les  spa- 
thes,  etc.;  signalons  seulement  la  transformation  de  cer- 
taines feuilles  en  vrilles  (V.  ce  mot),  la  formation  d'un 
renflement  ou  vésicule  aérienne  aux  dépens  du  pétiole  et 
qui  est  destiné  à  maintenir  les  plantes  à  la  surface  de  l'eau 
(Pontederia  crassipes,  Trapanatans);  l'existence  d'une 
articulation  du  limbe  sur  le  pétiole  (Oxalis  acetosella),  ou 
des  pétiolules  sur  le  rachis  (Mimosa  pudica),  articulation 
qui  permet  aux  folioles  et  aux  pétiolules  de  se  replier  sur 
le  rachis,  après  une  irritation  subie  ou  dans  un  but  de 
repos  ou  de  sommeil  (V.  Mouvement  et  Sensibilité);  en- 
fin, la  formation  de  dé- 
pressions de  la  face  su- 
périeure    du    limbe 
(généralement  au   ni- 
veau de  l'insertion  pé- 
tiolaire) ,    dépressions 
qui  peuvent  s'exagérer 
au  point  de  former  de 
véritables  urnes,  cor- 
nets, outres,  etc.  (Ne- 
lumbo ,    Sarracena , 
Nepenthes,  Cephalo- 
tus,  etc.);  ces  appen- 
dices sont  décrits  aux 
art.  Ascidie  et  Carni- 
vorité. 

Les  feuilles  se  dis- 
posent sur  les  tiges 
d'une  manière  très  variée  ;  elles  sont  généralement  soit  op- 
posées, soit  alternes,  soit  verticillées,  etc.  Cette  disposition 
obéit  à  certaines  lois  qui  feront  l'objet  de  l'art.  Phyllotaxie. 
Quant  au  développement  des  feuilles  sur  la  tige,  il*  est 
étudié  en  partie  à  l'art.  Bourgeon  ;  ajoutons  qu'en  même 
temps  que  les  feuilles  grandissent  et  s'épanouissent,  elles 
s'éloignent  de  l'axe  ;  les  entre-nœuds  s'allongent  et  l'épa- 
nouissement se  complète  par  l'allongement  plus  grand  de  la 
face  supérieure  des  pétioles. 


Feuille  composée  de  Marronnier 


-  379 


FEUILLE 


Structure  des  feuilles.  Le  pétiole  offre  un  épiderme 
analogue  à  celui  des  tiges  et  recouvrant  un  parenchyme 
lacuneux  ;  plus  profondément  ce  sont  des  faisceaux  libéro- 
ligneux,  plus  ou  moins  disposés  en  arc,  le  bois  tourné 
vers  la  face  supérieure  du  pétiole,  le  liber  vers  la  face  infé- 
rieure. Les  éléments  du  pétiole  sont  disposés  symétrique- 
ment par  rapport  au  plan  défini  par  l'axe  du  pétiole  et 
celui  de  la  tige  où  il  s'insère.  La  structure  des  nervures 
est  semblable;  quant  au  parenchyme,  compris  entre  les 
deux  couches  épidermiques  du  limbe,  il  renferme  généra- 
lement de  h  chlorophylle  (V.  ce  mot);  souvent  une  couche 
supérieure  de  cellules  plus  longues  que  larges  constitue  le 
parenchyme  en  palissade  ;  au-dessous  se  trouve  un  paren- 
chyme lacuneux  en  rapport  avec  les  stomates  (V.  ce  mot) 
de  l'épiderme  inférieur  ;  ces  lacunes  constituent  les  cham- 
bres dites  aériennes ,  par  opposition  avec  Y  antichambre 
dont  l'existence  n'est  pas  constante,  mais  qui  renferme 
exclusivement  les  stomates  dans  certaines  plantes  et  com- 
munique librement  avec  l'air  extérieur  par  un  orifice  de 
l'épiderme.  Souvent  le  parenchyme  a  la  conformation  lacu- 
naire dans  toute  l'épaisseur  de  la  feuille  ;  alors  ses  deux 
faces  sont  munies  de  stomates.  Lorsque  les  feuilles  sont 
dressées  (Graminées)  ou  pendantes,  le  parenchyme  lacu- 
naire forme  une  couche  moyenne  comprise  entre  deux  cou- 
ches de  parenchyme  en  palissade  et  des  canaux  condui- 
sent à  travers  ce  dernier  aux  stomates  à  peu  près  égale- 
ment abondants  sur  les  deux  faces.  Enfin  la  chlorophylle 
peut  se  rencontrer  dans  tout  le  parenchyme  ou  seulement 
dans  les  portions  voisines  de  l'épiderme  ;  la  région  inter- 
médiaire est  alors  occupée  par  des  cellules  incolores  ren- 
fermant un  suc  aqueux  ou  mucilagineux  (Aloès,  Agave). 
Dans  ces  dernières  plantes  l'épaisseur  du  parenchyme  est 
considérable;  elle  est  très  faible  (une  seule  assise  de  cel- 
lules) chez  le  Zostera  et  les  Potamogeton;  enfin  dans 
VElodea,  le  limbe  se  réduit  aux  deux  épidermes  et  aux 
nervures. 

Fonctions  de  la  feuille.  La  feuille  est  le  siège  principal 
des  échanges  de  gaz  qui  caractérisent  la  fonction  chloro- 
phyllienne (fixation  d'acide  carbonique  et  exhalation  d'oxy- 
gène, formation,  aux  dépens  de  la  sève,  de  composés  peu 
oxygénés)  et  la  fonction  respiratoire  (absorption  d'oxygène 
et  dégagement  d'acide  carbonique);  ces  deux  fonctions  se- 
ront étudiées  aux  mots  Nutrition  et  Respiration.  De  plus, 
la  feuille  exhale  de  la  vapeur  d'eau  ou  transpire  et  favorise 
ainsi  le  courant  de  liquide  ascendaut  qu'on  observe  dans  les 
vaisseaux  du  bois;  cette  transpiration  se  fait  à  travers 
l'épiderme  tant  que  celui-ci  n'a  pas  acquis  une  trop  grande 
épaisseur  ;  plus  tard  elle  se  localise  au  niveau  des  lacunes 
qui  communiquent  avec  les  stomates  (V.  Stomate). 

D1'  L.  Hahn. 

II.  Beaux- Arts.  —  Motif  d'ornementation  imité 
plus  ou  moins  servilement  et  avec  plus  ou  moins  d'art 
de  la  feuille  des  arbres  ou  des  plantes  et  entrant  dans  la 
composition  des  feuillages  (V.  ce  mot)  qui  ont  servi  à 
décorer,  de  tous  temps  et  dans  presque  tous  les  pays,  cer- 
tains membres  d'architecture,  bases,  fûts  et  chapiteaux  de 
colonnes,  frises  et  gorges,  ou  certaines  moulures,  cavets, 
tores  et  doucines.  Les  décorations,  composées  de  feuilles, 
sont  sculptées,  intaillées  ou  moulées  avec  plus  ou  moins  de 
relief  ou  de  creux  et  rehaussées  de  couleur  et  d'or,  ou  seu- 
lement peintes  à  un  ou  plusieurs  tons,  ou  encore  repous- 
sées, ciselées  ou  battues  quand  il  s'agit  d'un  travail  de  mé- 
tal. Dans  certaines  colonnes  figurées  sur  des  bas-reliefs 
datant  des  premières  dynasties  égyptiennes  ou  dans  des 
colonnes  d'édifices  élevés  sous  le  nouvel  empire,  dans  la 
Thèbes  des  Ramessides,  l'imitation  réelle  de  la  nature  ne 
laisse  aucun  doute  sur  l'intention  de  l'artiste  qui  a  voulu 
réproduire  tel  végétal  ou  telle  partie  de  végétal  empruntée 
à  la  flore  locale,  plus  encore  qu'il  n'a  voulu,  s'en  inspirer 
pour  une  création  personnelle  ;  tandis  que,  dans  les  monu- 
ments appartenant  à  l'art  grec  ou  à  des  styles  d'architec- 
ture plus  rapprochés  de  nous  et  sauf  dans  certains  monu- 
ments de  l'ère  romano-ogivale  dont  les  emprunts  à  la  flore 


locale  sont  considérables  et  empreints  de  tendances  natu- 
ralistes, on  sent  une  influence  indéniable  de  Fart,  influence 
qui  faisait  dire  tout  récemment  à  M.  G.  Aitchison  (The 
Principles  of  Ornement;  Londres,  1892,  p.  17,  in-8, 
fig.)  que  «  si  la  flore  de  ce  monde  ne  se  résume  pas  dans 
le  lotus,  le  chèvrefeuille  et  l'acanthe,  et  si  le  hasard  fit 
adopter  ces  plantes  à  l'origine,  ce  furent  les  travaux  infinis 
dont  elles  furent  l'objet  qui  amenèrent  la  persistance  de 
leur  emploi  dans  le  domaine  de  l'art  ». 

En  dehors  des  noms  des  végétaux  auxquels  sont  emprun- 
tées certaines  feuilles  sculptées  sur  des  parties  d'architec- 
ture, comme  les  feuilles  d'acanthe,  de  laurier,  d'olivier, 
de  persil,  etc.,  dans  l'architecture  grecque  et  romaine, 
ou  comme  les  feuilles  de  chêne,  de  chicorée,  de  chou, 
de  lierre,  de  marronnier,  etc.,  dans  l'architecture  du 
moyen  âge ,  on  donne  encore ,  à  certaines  feuilles  modi- 
fiées par  la  fantaisie  de  l'artiste,  les  désignations  suivantes 
qui  rappellent  leur  disposition  ou  leur  mode  d'emploi. 

—  Feuille  d'angle.  Feuille  recouvrant  l'angle  formé 
par  la  rencontre  de  deux  moulures  d'un  cadre,  d'un  cais- 
son de  plafond  ou  d'un  chambranle  de  baie,  la  nervure  mé- 
diane de  la  feuille  s'appliquant  sur  l'angle  et  des  parties  de 
feuille  exactement  symétriques  s'épanouissant  au  départ  de 
chaque  moulure.  —  Feuille  dentelée.  Feuille  dont  le 
rebord  présente  une  suite  d'échancrures  en  forme  de  dents. 

—  Feuilles  entablées.  Feuilles  disposées  à  la  suite  l'une 
de  l'autre  entre  deux  moulures  et  formant  ainsi  une  rangée 
ininterrompue,  les  extrémités  des  feuilles  se  recourbant 
sous  la  saillie  de  la  moulure  supérieure  et  pour  épouser  la 
forme  de  la  moulure  inférieure.  —  Feuille  galbée.  Feuille 
ébauchée,  dont  les  masses  seules  sont  modelées  et  qui,  la 
plupart  du  temps,  ne  sont  laissées  ainsi  inachevées  que 
par  suite  de  la  position  éloignée  d'où  elles  doivent  être 
vues.  —  Feuille  de  refend  ou  refendue.  Feuille  dont  le 
rebord  est  coupé,  déchiqueté,  refendu  de  façons  diverses. 

—  Feuilles  tournoyantes.  Feuilles  appliquées  sur  une 
partie  circulaire,  socle,  fût,  corbeille  de  chapiteau  de  co- 
lonne, qu'elles  ornent  et  recouvrent  sans  interruption  au- 
cune. Charles  Lucas. 

Feuille  a  crosse  (V.  Crochet). 

III,  Administration  militaire.  — -  Feuille  de 
route.  —  Sorte  de  passeport  délivré  aux  militaires  voya- 
geant soit  isolément,  soit  en  détachement  ou  en  corps.  La 
feuille  de  route  est  établie  en  vertu  d'un  ordre  émanant  du 
ministre  ou  de  l'autorité  militaire  supérieure  déléguée  par 
lui;  c'est  une  pièce  administrative.  Elle  sert  à  établir 
les  droits  des  militaires  en  route  aux  diverses  perceptions, 
soit  en  deniers,  soit  en  nature.  On  distingue  les  feuilles 
de  route  collectives  et  les  feuilles  de  route  individuelles. 
Les  premières,  comme  leur  dénomination  l'indique,  sont 
délivrées  aux  corps  ou  détachements  faisant  mouvement  ; 
elles  comprennent  dans  leur  énoncé  la  désignation  du  corps 
ou  détachement  qu'elles  concernent,  l'effectif,  ainsi  que  le 
nom  et  la  qualité  du  commandant.  Les  secondes  contiennent 
les  renseignements  suivants  :  l'arme,  le  corps,  le  bataillon 
et  l'unité  administrative  auxquels  appartient  le  titulaire, 
ainsi  que  son  nom,  son  grade,  sa  mutation,  son  point  de 
départ,  sa  destination,  son  itinéraire  détaillé  et  l'indication 
des  sommes  qui  lui  sont  allouées  pour  sa  route.  Sont  con- 
sidérées comme  feuilles  de  route  :  l'ordre  d'appel  indivi- 
duel; le  livret  individuel  (feuille  spéciale  aux  appels  et 
ordre  de  route  pour  le  cas  de  mobilisation)  ;  le  récépissé 
du  livret  délivré  par  la  gendarmerie  ou  le  maire  ;  l'ordre 
de  mouvement  rapide  ;  la  lettre  de  service  des  officiers  de 
réserve  ou  de  l'armée  territoriale  en  cas  de  mobilisation  ; 
l'ordre  de  convocation  devant  la  commission  spéciale  de 
réforme. 

La  feuille  de  route  confère  à  son  titulaire  le  droit  de 
transport  à  prix  réduit  sur  les  chemins  de  fer,  sans 
s'écarter  de  l'itinéraire  ;  le  transport  gratuit  de  30  kilogr. 
de  bagages,  le  supplément  taxé  au  prix  réduit  du  cahier 
des  charges  ;  le  droit  au  logement  chez  l'habitant  dans  les 
gîtes  d'étape  compris  sur  l'itinéraire.  Les  feuilles  de  route 


FEUILLE  —  FEUILLET 


-  380  - 


sont  détachées  d'un  registre  à  souche;  elles  sont  délivrées 
dans  les  corps  de  troupe  ou  les  établissements  par  le  chef 
de  corps  ou  le  chef  de  l'établissement.  Le  sous-intendant 
militaire  seul  les  délivre  aux  officiers  sans  troupe  sur  le 
\u  d'un  titre  appelé  invitation  de  feuille  de  route.  —  Les 
chevaux  voyageant  isolément  ont  également  des  feuilles  de 
route  délivrées  par  le  sous-intendant.  —  Les  militaires 
isolés  ne  peuvent  obtenir  de  feuilles  de  route  que  sur  la 
présentation  des  titres  ci-après  :  lettre  de  service  émanant 
du  ministre  ;  ordre  émanant  d'une  autorité  compétente  ; 
commission;  congé;  billet  d'hôpital.  —  Les  maires  ne 
peuvent  délivrer  de  feuilles  de  route,  mais  seulement  des 
sauf-conduits  pour  aller  jusqu'à  la  résidence  du  sous- 
intendant  militaire  ou  de  son  suppléant  militaire  le  plus 
rapproché. 

IV.  Pêche.  —  On  nomme  feuilles  les  jeunes  poissons, 
principalement  les  carpes,  qui  servent  au  repeuplement 
des  étangs. 

V.  Procédure  civile.  —  Feuille  d'audience.  — 
Cahier  de  papier  timbré  sur  lequel  le  greffier  d'un  tribunal 
ou  d'une  cour  inscrit  les  arrêts  et  jugements  dans  l'ordre 
où  ils  sont  prononcés  et  à  la  suite  les  uns  des  autres.  Régu- 
lièrement cette  inscription  devrait  se  faire  à  l'audience  et 
au  moment  même  où  les  décisions  sont  rendues,  mais  on 
n'obtiendrait  ainsi  qu'une  feuille  d'audience  informe  et 
illisible  ;  aussi  la  pratique  s'est-elle  introduite  parmi  les 
greffiers  de  ne  prendre  à  l'audience  que  des  notes  sur  les 
principaux  motifs  et  les  dispositions  du  jugement,  sur  un 
cahier  de  papier  libre  qui  sert  de  brouillon,  et  qu'on  appelle 
plumitif;  ce  brouillon  est  ensuite  corrigé,  complété  par  le 
président  et  recopié  par  le  greffier  sur  la  feuille  d'audience 
proprement  dite.  Celle-ci  doit  comprendre  tous  les  juge- 
ments ou  arrêts  qui  ont  été  prononcés  le  même  jour,  à  peine 
de  poursuites  disciplinaires  contre  le  greffier.  La  feuille 
d'audience  porte  en  tête  les  date,  jour,  mois  et  an,  et  cette 
mention  sert  pour  tous  les  jugements  ou  arrêts  qu'elle  con- 
tient, mais  la  minute  de  chacun  de  ces  jugements  ou  arrêts 
doit  être  signée  du  président  et  du  greffier.  La  feuille  d'au- 
dience est  un  acte  authentique  qui  fait  foi  de  son  contenu 
jusqu'à  inscription  de  faux.  F.  Girodon. 

VI.  Droit  canon.  — ■  Feuille  des  bénéfices.  —  Etat 
des  bénéfices  ecclésiastiques  qui  étaient  à  la  disposition  du 
roi.  Sous  Louis  XIV,  le  confesseur  du  roi  en  avait  l'admi- 
nistration ;  ensuite,  ce  fut  un  prélat,  quelquefois  le  grand 
aumônier  de  France.  Aux  mots  Abbaye  (t.  I,  p.  36,  col.  2)  ; 
Election  (t.  XV,  pp.  752-753)  on  trouvera  des  renseigne- 
ments indiquant  l'importance  de  ce  ministère  de  la  Feuille. 

VII.  Imprimerie.  —  Feuille  de  décharge  (V.  Dé- 
charge). 

VIII.  Art  héraldique.  —  Feuille  de  scie.  —  Bande, 
fasce  ou  barre  dentelée  d'un  seul  côté  ;  on  doit  spécifier  si 
la  dentelure  est  en  chef  ou  en  pointe,  e.-à-d.  si  la  pointe 
des  dents  est  tournée  vers  le  haut  ou  vers  le  bas  de  l'écu. 
Les  Cossé-Brissac  portent  de  sable  à  trois  feuilles  de  scie 
d'or  en  fasce,  les  dents  vers  la  pointe. 

Bibl.  :  Code  de  procéd.  civile,  art.  138.  —  Décret  du 
30  mars  1808,  art.  36,  37,  38  et  39,  73  et  74. 

FEUILLE  (Daniel  de  La),  écrivain  héraldique  français, 
vivant  au  xvn°  siècle  et  dont  les  ouvrages  parurent  à 
Amsterdam.  Il  est  l'auteur  de  :  Méthode  nouvelle  pour 
apprendre  Vart  du  blason  (Amsterdam,  1695,  in-4  ; 
autre  édition  sous  le  titre  l'Art  du  blason  ou  science 
des  nobles  par  dialogues,  1695,  in-4);  devises  et 
emblèmes  anciennes  et  modernes  tirées  des  plus 
célèbres  auteurs  (Amsterdam,  1693,  in-4);  Supports  et 
cimiers  pour  les  ornements  des  armes  (Amsterdam, 
4  695,  in-4). 

FEUILLEA  (V.  Fevillea). 

FEUILLÉE  (La).  Corn,  du  dép.  du  Finistère,  arr.  deChâ- 
teaulin,  cant.  de  Huelgoat  ;  1,937  hab.,  au  pied  du  mont 
Saint-Michel  d'Arrée.  Eglise  gothique,  clocher  élégant, 
svelte,  chaire  sculptée.  Manoir  de  Kerbérou,  ancienne  com- 
manderie  de  Malte. 


FEUILLÉE  (Le  P.  Louis),  voyageur  et  savant  français, 
né  à  Mane  (Basses- Alpes)  en  1660,  mort  à  Marseille  le 
18  avr.  1732.  D'une  famille  pauvre,  il  entra  en  1680  dans 
l'ordre  des  minimes,  acquit  rapidement  de  profondes  con- 
naissances en  astronomie,  en  physique,  en  histoire  natu- 
relle, et  fut  chargé  d'accompagner  dans  le  Levant  Jacques 
Cassini  en  qualité  d'aide-hydrographe  (1699).  Trois  ans 
après,  il  reçut  lui-même  une  mission  scientifique  pour  les 
Antilles,  s'embarqua  à  Marseille  le  5  févr.  1703,  explora 
principalement  la  Martinique  et  la  côte  de  Caracas,  et 
rentra  à  Brest  le  20  juin  1706.  Reparti  le  14  déc.  1707, 
cette  fois  pour  la  côte  orientale  de  l'Amérique,  il  fut  re- 
tardé par  des  vents  contraires,  fit  escale  à  Ténériffe,  doubla 
le  cap  Horn  en  janv.  1709,  releva  avec  soin  les  côtes  du 
Chili,  visita  le  Pérou,  et  ne  fut  de  retour  en  France  qu'au 
mois  d'août  1711.  Son  dernier  voyage  fut  aux  îles  Cana- 
ries, où  l'Académie  l'envoya  en  1724  pour  déterminer  la 
position  précise  de  l'île  de  Fer.  Louis  XIV  lui  avait  fait 
construire  à  Marseille  un  observatoire  particulier.  Ses 
notes  de  voyages  furent  l'objet  de  trois  publications  dis- 
tinctes, qui  eurent  un  certain  succès  :  Journal  des  obser- 
vations physiques,  mathématiques  et  botaniques,  faites 
sur  les  côtes  orientales  de  l'Amérique  méridionale  et 
dans  les  Indes  occidentales  (Paris,  1714,  2  vol.  in-4); 
Suite  du  Journal  des  observations  faites  sur  les  côtes 
orientales  de  V Amérique  méridionale  et  dans  un 
autre  voyage  fait  à  la  nouvelle  Espagne  et  aux  îles 
de  i Amérique  (Paris,  1725,  in-4)  ;  Histoire  des  plantes 
médicinales  qui  sont  le  plus  en  usage  aux  royaumes 
du  Pérou  et  du  Chili  (Paris,  1714-25,  3  vol.  in-4, 
avec  pi.  ;  trad.  ail.  par  Huth,  Nuremberg,  1756-57,  2  vol. 
in-4).  Quant  à  ses  nombreuses  et  importantes  observations 
astronomiques,  elles  ont  paru,  de  1699  à  1710,  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  dont  il 
était   correspondant.  Léon  Sàgnet. 

FEUILLÈRES.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  et 
cant.  de  Péronne;  262  hab. 

FEUILLET.  I.  Anatomie.  —  Ainsi  nommé  en  raison 
de  ce  qu'il  renferme  un  grand  nombre  de  lames  analogues 
aux  feuillets  d'un  livre,  le  feuillet  est  un  compartiment 
stomacal  des  ruminants,  intermédiaire  entre  le  réseau 
et  la  caillette.  Les  lames  de  feuillet  sont  blanchâtres  et 
parsemées  de  mamelons  papillaires  ;  elles  ont  un  bord  adhé- 
rent attaché  à  la  grande  courbure  de  l'organe,  qui,  plein, 
a  la  forme  d'un  ovoïde.  Les  lames  sont  de  dimensions 
inégales  ;  il  y  en  a  de  larges,  et,  entre  celles-ci,  il  y  en  a 
d'autres  beaucoup  plus  petites.  Toutes  sont  destinées  à 
tamiser  les  aliments  avant  leur  entrée  dans  la  caillette, 
véritable  estomac  des  ruminants  dont  la  muqueuse  présente 
tous  les  caractères  qui  distinguent  celle  de  la  muqueuse  des 
carnivores.  L.  Garnier. 

II.  Mathématiques  (V.  Surface  de  Riemann). 

III.  Physique.  —  Feuillet  magnétique.  —  On  appelle 
ainsi  une  couche  mince  d'un  corps  aimanté  transversale- 
ment et  d'une  épaisseur  telle  en  chaque  point  que  le  produit 
de  cette  épaisseur  par  l'intensité  de  son  aimantation  en  ce 
point  soit  constant.  Cette  constance  se  nomme  la  puissance 
du  feuillet.  Le  potentiel  d'un  feuillet  ainsi  défini  relatif  à  son 
action  sur  un  point  est  égal  au  produit  de  la  puissance  du 
feuillet  par  l'angle  solide  sous  lequel  du  point  considéré  on 
voit  le  feuillet.  Cet  angle  doit  être  pris  avec  le  signe  +  si  le 
point  est  du  côté  de  la  face  australe  du  feuillet,  et  avec  le 
signe  — s'il  est  du  côté  de  la  face  boréale.  Si  le  feuillet  est 
fermé  sur  lui-même,  le  potentiel  sera  nul  ou  égal  au  pro- 
duit de  la  puissance  du  feuillet  par  4tc  suivant  que  le  point 
considéré  sera  extérieur  ou  intérieur  au  feuillet.  Dans  un 
cas  comme  dans  l'autre  le  potentiel  étant  constant  sa  déri- 
vée sera  nulle  et  par  conséquent  nulle  aussi  l'attraction  ou 
la  répulsion  du  feuillet  sur  un  point  quelconque  intérieur 
ou  extérieur.  Quand  un  aimant  peut  être  divisé  en  pareils 
feuillets,  on  dit  alors  que  l'aimantation  est  lamellaire  ;  les 
seuls  feuillets  qui  ont  une  action  sont  ceux  qui  ne  sont  pas 
fermés  ;  leur  contour  limitatif  se  trouve  sur  la  surface  de 


—  384  — 


FEUILLET  -  FEUILLETAGE 


l'aimant.  Le  potentiel  d'un  aimant  lamellaire  s'obtient  par 
la  méthode  générale  et  en  remarquant  que  dans  le  cas  de 
feuillets  magnétiques  les  composantes  suivant  les  axes  ox, 
oy,  oz  de  l'intensité  magnétique  sont  les  trois  dérivées 
partielles  par  rapport  à  x,  à  y  et  à  %  de  la  somme  des 
puissances  magnétiques  des  feuillets  traversés  par  un  mobile 
qui  va  du  point  considéré  au  point  (x,  y,  z).  En  appelant 
r  la  distance  d'un  élément  du  feuillet  au  point  considéré, 
<p  la  puissance  de  ce  feuillet,  dS  la  surface  de  l'élément, 
ô  l'angle  que  fait  la  droite  qui  va  du  point  considéré  à 
l'élément  de  feuillet  avec  la  normale  au  feuillet  en  ce  point, 
le  potentiel  V  a  pour  expression 


v=jJ?t?cos9ds 


pour  tout  point  situé  à  l'extérieur  de  l'aimant. 

FEUILLET  (Octave), littérateur  français,  né  à  Saint-Lô 
(Manche)  le  11  août  1821,  mort  à  Paris  le  29  déc.  1890. 
Fils  du  secrétaire  général  de  la  préfecture  de  la  Manche,  il 
remporta,  comme  élève  du  lycée  Louis-le-Grand,  de  nom- 
breuses récompenses  au  concours  général.  Tout  en  com- 
mençant des  études  de  droit,  il  fournit  quelques  esquisses 
au  Diable  à  Paris  (4 846)  et  raconta  au  public  enfantin 
d'alors  Polichinelle,  sa  vie  et  ses  nombreuses  aventures 
(1846,  in- 16  illustré).  En  même  temps,  il  s'essayait  au 
théâtre,  avec  la  collaboration  de  Paul  Bocage,  par  Un 
Bourgeois  de  Paris,  comédie  en  un  acte  et  en  prose 
(Odéon,  1845),  suivie  de  Echec  et  mat,  drame  en  cinq 
actes  (Odéon,  1846)  ;  Palma  ou  la  Nuit  du  Vendredi- 
Saint,  drame  en  cinq  actes  (Porte-Saint-Martin,  avr. 
4847);  la  Vieillesse  de  Richelieu,  comédie  en  cinq  actes 
(Théâtre-Français,  nov.  1848);  York,  comédie-vaudeville 
en  un  acte  (Palais-Royal,  4852);  mais  ses  véritables  débuts 
dans  la  double  carrière  où  il  ne  devait  guère  connaître  que 
le  succès  datent  du  roman  de  Bellah  (1852,  in-48),  épisode 
des  guerres  civiles  de  l'Ouest,  où  les  réminiscences  des 
Chouans  de  Balzac  sont  encore  sensibles,  et,  au  théâtre, 
de  la  Crise,  comédie  en  quatre  actes  (Gymnase,  1854). 
Roman  et  comédie  avaient  auparavant  paru  dans  la  Revue 
des  Deux-Mondes,  dont  Octave  Feuillet  resta  jusqu'à  la 
fin  le  collaborateur  fidèle,  sinon  fréquent.  C'est  là  que  pa- 
rurent successivement  les  Scènes  et  Proverbes  (1851, 
in-18),  et  les  Scènes  et  Comédies  (4854,  in-48).  Quel- 
ques-unes de  ces  saynètes,  le  Pour  et  le  Contre  (1854), 
le   Village  (4856),  le  Cheveu  blanc  (4856),   Dalila 
(4857)  avaient  obtenu  au  Gymnase,  à  la  Comédie-Française 
et  au  Vaudeville  un  accueil  non  moins  favorable  qu'à  la 
lecture.  Octave  Feuillet  s'attachant  exclusivement  à  peindre 
les  mœurs  du  grand  monde  ou  de  la  haute  bourgeoisie  de 
cette  époque,  donna  dans  les  dix  années  suivantes  :  le  Pio- 
man  d'un  jeune  homme  pauvre  (1858),  d'où  il  tira  un 
drame  on  cinq  actes  sous  le  même  titre  (Vaudeville,  4858), 
Histoire  de  Sibylle  (4862,  in-48);  Monsieur  de  Camors 
(4867,  in-48)  qui  tous  trois  furent  lus,  discutés  et  tra- 
duits dans  toute  l'Europe  lettrée.  L'Académie  française 
avait  appelé  Feuillet  au  fauteuil  de  Scribe  (3  avr.  4862), 
et  l'impératrice  Eugénie,  qui  témoignait  hautement  ses  sym- 
pathies pour  l'écrivain,  lui  avait  fait  attribuer  les  fonctions 
de  bibliothécaire  du  palais  de  Fontainebleau  qu'il  résigna 
au  lendemain  du  4  sept.,  malgré  les  instances  du  gouver- 
nement de  la  Défense  nationale.  Durant  cette  période,  le 
théâtre  ne  lui  avait  guère  été  moins  favorable  :  Rédemp- 
tion (Vaudeville,  4860);  Monijoye,  comédie  en  cinq  actes 
(Gymnase,  4863)  ;  la  Belle  au  bois  dormant,  drame  en 
cinq  actes  (Vaudeville-Féeries,  4865);  le  Cas  de  con- 
science, comédie  en  un  acte  en  prose  (Théâtre-Français, 
4867);  Julie,  drame  en  trois  actes  (ibid.,  mai  4869), 
eurent  des  fortunes  diverses,  mais  la  plupart  se  maintin- 
rent longtemps  sur  l'affiche. 

Dans  la  seconde  période  de  sa  vie,  Octave  Feuillet  écrivit 
encore  de  délicats  récits,  dont  quelques-uns  lui  furent  ins- 
pirés soit  par  nos  défaites,  soit  par  les  mœurs  nouvelles, 
tels  que  Julia  de  Trécœur  (4872,  in-48);  Un  Mariage 


dans  le  Monde  (4875,  in-48)  ;  les  Amours  de  Philippe 
(4877,  in-48)  ;  le  Journal  d'une  femme  (4877,  in-48); 
Histoire  d'une  Parisienne  (4882,  in-48);  la  Veuve,  le 
Voyageur  (4884,  in-48);  la  Morte  (4886,  in-48);  le 
Divorce  de  Juliette,  Charybde  et  Scylla,  le  Curé  de 
Bourron  (4884,  in-48);  Honneur  d'Artiste  (4890, 
in-48).  Le  public  féminin  lui  était  d'ailleurs  resté  fidèle  et 
sa  vogue  n'eut  pas  à  souffrir  de  l'invasion  bruyante  du  - 
naturalisme.  Toutefois,  on  ne  peut  guère  citer  que  pour  en 
rappeler  l'éphémère  durée  ses  dernières  tentatives  théâ- 
trales :  V Acrobate,  comédie  en  un  acte  (1873);  le  Sphinx, 
drame  en  quatre  actes  (Théâtre-Français,  4874),  où  il 
trouva  dans  Mlle  Croizette  une  interprète  hors  ligne  ;  les 
Portraits  de  la  marquise,  comédie  en  trois  actes  (ibid., 
4882),  écrite  vingt  ans  auparavant  pour  le  théâtre  du 
château  de  Compiègne;  Un  Roman  parisien,  pièce  en 
cinq  actes  (4883);  Chamillac,  comédie  en  cinq  actes 
(1886).  11  avait  également  adapté  pour  la  scène,  avec  le 
concours  de  M.  Louis  Gallet,  une  pièce  de  sa  jeunesse,  la 
Clef  d'or,  dont  M.  Eugène  Gautier  avait  écrit  la  musique 
(cinq  actes,  4878).  —  Octave  Feuillet,  dont  les  dernières 
années  avaient  été  cruellement  attristées  par  la  perte  d'un 
fils,_  eut  pour  successeur  à  l'Académie  française  M.  Pierre 
Loti.  Il  existe  de  lui  un  portrait  peint  par  François  Bonvin 
(4859).  La  librairie  C.  Lévy  a  récemment  entrepris  une 
édition  collective  de  son  Théâtre  complet  (4892,  t.  I); 

Maurice  Tourneux. 
Bibl.:  Sainte-Beuve,  Nouveaux  Lundis,  t.  V.  — F.Bru- 
netière,  Revue  des  Deux-Mondes,  1er  févr.  1891. 

FEUILLET  de  Conches  (Félix-Sébastien),  littérateur  et 
publiciste  français,  né  à  Paris  le  45  frimaire  an  VII  (5  déc. 
4798),  mort  à  Paris  le  5  févr.  4887.  Entré  au  ministère 
des  affaires  étrangères  le  25  janv.  4844,  comme  employé 
au  bureau  des  passeports  et  des  légalisations,  il  y  devint 
chef  du  protocole  (4832),  sous-directeur  (1844),  directeur 
(4868),  ministre  plénipotentiaire,  maître  des  cérémonies  et 
introducteur  des  ambassadeurs.  De  très  bonne  heure,  il 
avait  eu  le  goût  des  recherches  historiques  et  recueilli  une 
collection  d'autographes  bientôt  célèbre,  d'où  il  tira  les 
éléments  de  la  plupart  de  ses  publications.  La  possession 
de  quelques-uns  de  ces  documents  lui  fut  judiciairement 
contestée   et   la  Bibliothèque   nationale   obtint  ainsi   la 
restitution  d'une  lettre  autographe  de  Montaigne  (4859). 
A  la  fin  de  sa  vie,  Feuillet  de  Conches  se  défit,   soit 
à  l'amiable,  soit  par  des  ventes  anonymes,  des  diverses 
richesses  de  son  cabinet.  Il  avait  successivement  publié  : 
Léopold  Robert,  sa  vie,  ses  œuvres  et  sa  correspon- 
dance (1849,   in-42);   Réponse    a   une  incroyable 
attaque  de  la  Bibliothèque  nationale  (4854,  gr.  in-8), 
réunion  de  trois  factums  relatifs  à  la  réintégration  récla- 
mée par  M.  Naudet,  administrateur  général  de  la  Biblio- 
thèque ;  Causeries  d'un  curieux,  variétés  d'histoire  et 
d'art  (4861-4867,  4  vol.  in-8);  Contes  d'un  vieil  en- 
fant (4860,  in-8,  illustrations  par  Edmond  Morin)  ;  les 
Femmes  blondes  selon  les  peintres  de  l'Ecole  de  Venise 
(4865,  in-8),  avec  Armand  Baschet,  sous  le  pseudonyme 
collectif  de  «  Deux  Vénitiens  »  ;  Souvenirs  de  première 
jeunesse  d'un  curieux  septuagénaire  (4877,  in-8,  non 
mis  dans  le  commerce)  ;  les  Salons  de  conversation  au 
xvme  siècle  (4883,  in-46);  Histoire  de  l'école  anglaise 
de  peinture  (4883,  gr,  in-8).  Les  documents  historiques 
ou  littéraires  mis  au  jour  par  lui  sont  les  suivants  :  Médi- 
tations métaphysiques  et  Correspondance  de  N.  Mole- 
branche  avec  Dortous  de  Mairan  (4844,  in-8)  ;  Lettres 
inédites  de  Michel  de  Montaigne  et  de  quelques  autres 
personnages  (4863,  in-8),  extraites  du  tome  III  des  Cau- 
series d'un  curieux;  Louis  XVI,  Marie- Antoinette  et 
Madame  Elisabeth,  lettres  et  documents  inédits  (4864- 
4873,  6  vol.  in-8)  dont  l'authenticité  fut,  au  moins  pour 
la  majeure  partie,  attaquée  en  France  par  MM.  Geoffroy  et 
Schérer,  à  l'étranger  par  MM.  d'Arneth  et  de  Sybel  ;  Cor- 
respondance de  Mme  Elisabeth  de  France  (4867,  in-8). 
FEUILLETAGE  (Pâtiss.).  Le  feuilletage  est  l'artde  pré- 


FEUILLETAGE  —  FEUQUIÈRES 


—  382 


parer  une  pâte  de  telle  sorte  qu'à  la  cuisson  elle  se  lève  par 
feuilles  minces.  On  l'emploie  pour  les  pâtisseries  légères, 
les  tourtes  de  fruits,  les  vol-au-vent,  etc.  Pour  préparer 
une  pâte  feuilletée  on  dispose  en  couronne  sur  une  table 
un  demi-kilogr.  de  farine  et  on  place  dans  le  creux  du 
milieu  deux  jaunes  d'œufs,  un  peu  de  sel  et  un  verre  d'eau. 
On  mélange  doucement  en  ajoutant  un  peu  d'eau  si  cela  est 
nécessaire  pour  former  du  tout  une  pâte  que  Ton  travaille 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  ferme,  lisse  et  douce  au  toucher.  Puis 
on  abaisse  (V.  ce  mot)  cette  pâte,  on  en  enveloppe  d'une 
épaisseur  égale  500  gr.  de  beurre  parfaitement  épongé 
dans  un  linge  fariné,  et  on  laisse  reposer  un  moment.  Avec 
le  rouleau  on  allonge  alors  le  feuilletage  jusqu'à  ce  qu'il 
n'ait  plus  qu'un  centim.  et  demi  d'épaisseur.,  on  le  replie 
en  trois,  puis  on  le  tourne  sur  la  partie  large  et  on  l'al- 
longe comme  au  premier  tour.  On  laisse  reposer  deux  mi- 
nutes et  on  donne  encore  trois  tours.  Il  faut  avoir  soin,  à 
chaque  tour,  de  saupoudrer  le  dessus  et  le  dessous  de  la 
pâte  afin  qu'elle  ne  devienne  pas  prise  par  la  cuisson.  Aus- 
sitôt le  dernier  tour  donné,  on  met  au  four  après  avoir 
doré  légèrement  avec  des  jaunes  d'œufs  au  moyen  d'un 
petit  pinceau  de  plumes.  —  En  été,  il  est  nécessaire  d'opérer 
dans  un  endroit  très  frais  et  de  plonger  le  beurre  avant  de 
l'employer  dans  un  vase  contenant  de  la  glace. 

FEUILLETON.  On  appelle  ainsi  un  article  de  critique  ou 
de  littérature  placé  au  bas  de  la  feuille  d'un  journal.  Le  feuille- 
ton dramatique  fut  le  premier  inventé  ;  à  l'origine,  il  prenait 
place  dans  le  corps  du  journal.  L'abbé  Geoffroy  fut  le  pre- 
mier qui  lui  donna  sa  forme  actuelle.  Choisi  après  le  48  bru- 
maire pour  traiter  dans  le  Journal  des  Débats  de  la  litté- 
rature théâtrale,  il  donna  beaucoup  de  vogue  et  d'extension 
à  ce  genre  :  on  lui  a  reproché  parfois  sa  haine  de  Voltaire 
et  de  Talma  et  son  adulation  continue  de  [Napoléon.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  eut  un  très  grand  succès,  et  la  critique 
théâtrale  n'a  pas  depuis  perdu  son  prestige.  Le  feuilleton 
musical  s'est  détaché  un  peu  plus  tard,  et  A.  Adam  en  fut 
un  des  premiers  rédacteurs. 

On  peut  citer  aussi  le  feuilleton  scientifique  dont  le 
docteur  Donné  fut  un  des  premiers  metteurs  en  œuvre.  Le 
feuilleton  littéraire,  le  plus  populaire  actuellement,  est 
aussi  le  moins  ancien  :  il  date  d'nne  cinquantaine  d'années 
environ.  L'art  de  découper  les  romans  d'aventures  en  frag- 
ments également  attachants,  de  suspendre  l'intérêt  à  la  fin 
de  chaque  feuilleton,  etc.,  n'a  bientôt  plus  eu  de  secrets 
pour  les  romanciers.  Les  Trois  Mousquetaires,  le  Comte 
de  Monte-Cristo,  d'Alexandre  Dumas,  les  Mystères  de 
Paris,  d'Eugène  Sue,  pour  ne  citer  que  ceux-là,  ont  eu  un 
immense  succès.  Dans  son  Histoire  du  Journal  en  France, 
M.  Hatin  a  donné  des  chiffres  caractéristiques  sur  le  prix 
de  ces  divers  romans  payés  parle  Siècle,  ^Constitution- 
nel, le  Journal  des  Débats  qui  y  faisaient  fortune.  La 
vogue  des  feuilletons,  si  grande  pendant  les  dernières  an- 
nées de  Louis-Philippe,  n'a  guère  été  moindre  sous  le 
second  Empire  avec  les  œuvres  de  Ponson  du  Terrail,  Ga- 
boriau,  etc.  De  nos  jours  encore,  bien  que  le  public  com- 
mence à  se  lasser  du  roman-feuilleton,  le  Petit  Journal 
est  acheté  par  des  milliers  de  lecteurs  qui  suivent  assidû- 
ment les  maîtres  actuels  du  genre,  Xavier  de  Montépin, 
Jules  Mary,  etc. 

FEUILLETTE  (Mesure).  Tonneau  contenant,  suivant  le 
pays,  de  114  à  140  litres.  C'est  en  Bourgogne  le  nom 
d'une  demi-pièce  (228  litres  pour  une  pièce)  (V.  Fût). 

FEUILLEUSE.  Corn,  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de 
Dreux,  cant.  de  Senonches;  96  hab.  Minerai  de  fer.  Châ- 
teau de  la  Barberie  (xvne  siècle).  Sur  le  territoire  de  cette 
commune  et  sur  une  étendue  de  près  de  8  kil.,  on  a  retrouvé 
à  plusieurs  reprises  des  vestiges,  substructions  et  débris, 
que  les  archéologues  ne  sont  d'accord  ni  pour  dater  ni  pour 
identifier.  Aux  Chastelets,  restes  d'un  ancien  camp  et  d'une 
forteresse  féodale. 

FEUILLIE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Coutances,  cant.  de  Lessay;  511  hab. 

FEUILLIE  (La).  Corn,  du  dép.  delà  Seine-Inférieure, 


arr.  de  Neufchâtel-en-Bray,  cant.  d'Argueil;  1,340  hab. 

FEUILLURE  (Archit.).  En  maçonnerie,  la  feuillure  est 
l'entaille  à  angle  droit  faite  dans  la  pierre,  la  brique  ou  le 
plâtre,  entre  le  tableau  extérieur  et  l'embrasure  intérieure 
d'une  baie  afin  de  recevoir  la  menuiserie,  porte  ou  croisée, 
qui  ferme  cette  baie,  tandis  que,  en  menuiserie,  on  appelle 
feuillure  une  entaille  à  mi-bois  pratiquée  le  long  d'un 
châssis  dormant  pour  recevoir  un  châssis  ouvrant  ou  en- 
core une  entaille  ou  rainure  pratiquée  de  diverses  manières, 
sur  le  côté  d'une  pièce  de  bois,  afin  de  recevoir  la  saillie 
ménagée  sur  une  autre  pièce  en  vue  de  former  un  assem- 
blage garantissant  de  tout  passage  de  l'air.  La  jonction  des 
menuiseries  ainsi  assemblées  est  souvent  recouverte  de  ba- 
guettes ou  de  couvre-joints  entrant  dans  la  décoration  gé- 
nérale des  lambris  ou  bâtis  qui  les  reçoivent.  Les  feuillures 
sont  poussées  dans  le  bois  par  des  outils  spéciaux,  sortes 
de  rabots  ou  de  bouvets,  appelés  feuillerets.    Ch.  Lucas. 

FEUILLUS  (Sylvie).  Par  ce  nom  on  désigne  les  es- 
sences ou  végétaux  forestiers  à  feuilles  plus  ou  moins  lar- 
gement étalées  et  dont  le  bois,  ordinairement  dépourvu  de 
résine,  présente  des  vaisseaux.  Le  hêtre,  le  bouleau,  les 
chênes  à  feuilles  caduques,  le  chêne  vert,  etc.,  sont  des 
feuillus.  Dans  la  classification  des  essences  forestières, 
les  feuillus  sont  opposés  aux  résineux. 

FEULE,  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Montbéliard, 
cant.  de  Pont-de-Roide  ;  136  hab. 

FEUQUIÈRES  (Felcheriœ).  Corn,  du  dép.  de  l'Oise, 
arr.  de  Beauvais,  cant.  de  Granvilliers  ;  1,236  hab.  La  sei- 
gneurie est  très  ancienne  ;  elle  entra  vers  1320,  par  ma- 
riage, dans  la  maison  de  Pas,  originaire  d'Artois,  et  y 
resta  jusqu'au  xvme  siècle.  Lors  de  l'extinction  de  cette 
famille  au  xvme  siècle,  Feuquières  fut  compris  dans  le 
marquisat  de  Sarcus.  L'église  est  en  partie  du  xme  et  en 
partie  du  xvie  siècle.  Il  y  a,  en  outre,  dans  la  paroisse, 
cinq  petites  chapelles,  dont  l'une  était  le  but  d'un  pèleri- 
nage très  fréquenté.  C.  St-A. 

FEUQUIÈRES.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Ab- 
beville,  cant.  de  Moyenneville  ;  1,860  hab. 

FEUQUIERES  (Manassès  de  Pas,  marquis  de),  général 
et  diplomate  français,  né  à  Saumur  le  1er  juin  1590,  mort  à 
Thionville  le  13  mars  1640.  Il  était  originaire  d'une  ancienne 
famille  de  l'Artois.  La  plupart  de  ses  ancêtres  avaient  été  tués 
dans  les  guerres  civiles  ;  Jean  de  Pas  au  siège  de  la  Cha- 
rité, Daniel  devant  Paris,  Gédéon  devant  Doullens,  Fran- 
çois, son  père,  chambellan  de  Henri  IV,  à  Ivry.  Lui-même 
entra  au  service  à  treize  ans  comme  volontaire.  En  1626, 
il  ramena  les  troupes  françaises  de  la  Valteline  et  servit  au 
siège  de  La  Rochelle  (1628-1629)  où  il  fut  fait  prisonnier. 
Maréchal  de  camp  en  1629,  il  combattit  les  Espagnols  en 
Italie  et  Rohan  en  Languedoc.  Gouverneur  de  Toul,  Vie  et 
Moyenvic,  lieutenant  général  à  Metz  et  Toul  en  1631,  il 
fut  envoyé  comme  ambassadeur  en  Allemagne  en  1633  et 
1634.  Sa  mission  eut  un  plein  succès  et  contribua  à  resserrer 
notre  alliance  avec  les  Suédois  et  les  princes  protestants 
d'Allemagne.  Il  commanda  ensuite  le  corps  d'armée  qui 
rejoignit  le  duc  de  Weimar  (1636)  et  fut  fait  lieutenant 
général  le  14  juil.  1637.  Après  avoir  servi  sur  le  Rhin  en 
1638  et  1639,  il  se  fit  battre  et  blesser  à  mort  devant 
Thionville.  On  a  de  lui  des  Lettres  et  négociations 
(Amsterdam  et  Paris,  1753,  3  vol.  in-12).  —  Son  fils, 
Isaac,  né  le  10  mai  1618,  mort  à  Madrid  le  6  mars  1688, 
bien  qu'il  soit  arrivé  comme  son  père  au  grade  de  lieute-* 
nant  général  des  armées  du  roi  (28  août  1653),  est  surtout 
connu  comme  diplomate.  Il  fut  vice-roi  en  Amérique  (1660), 
ambassadeur  en  Allemagne  (1672),  en  Suède,  puis  en 
Espagne  (1685).  Des  sept  fils  qu'il  eut  de  son  mariage 
avec  Anne-Louise  de  Grammont,  l'aîné,  Antoine,  mort  en 
1711,  fut  aussi  lieutenant  général  des  armées.  Il  a  laissé 
des  Mémoires  contenant  ses  maximes  sur  la  guerre 
(Paris,  1770,  4  vol.  in-4  et  in-12,  4e  éd.,  la  seule  com- 
plète. —  François  fut  abbé  de  Relecq  et  grand  doyen  de 
Verdun.  Il  mourut  en  1691.  —  Jules,  mort  en  1741, 
épousa  la  fille  du  peintre  Mignard.  —  Henry ,  Charles  et 


383  — 


FEUQUIÈRES  —  FEUTRE 


Simon  furent  tués  à  l'ennemi.  Avec  leur  neveu  kntoine  II, 
colonel  du  régiment  de  Bourgogne,  s'éteignit  la  famille 
des  Feuquières.  Louis  Farges. 

Bibl.  :  Table  généalogique  des  seigneurs  et  comtes  de 
Pas,  marquis  de  Feuquières,  s.  1.  n.  d.,  in-fol.  —  E.  Gal- 
lois, Lettres  inédites  des  Feuquières  ;  Paris,  1845,  5  vol. 
in-8. 

FEURS  (Forus,  Forum,  Fuer).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
de  la  Loire,  arr.  de  Montbrison,  sur  la  rive  droite  de  la 
Loire  ;  3,492  hab.  C'est  une  des  villes  les  plus  anciennes 
de  la  région.    Mentionnée  par  les  géographes  grecs   et 
romains  sous  le  nom  de  Forum  Segusiavoimm,  capitale 
des  Ségusiaves  (Y.  ce  mot),  municipe  libre,  elle  était  le 
centre  de  trois  grandes  routes  militaires.  Après  les  inva- 
sions, Feurs  fit  partie  du  royaume  de  Bourgogne,  puis 
devint  la  capitale  du  comté  de  Forez  bien  avant  Montbri- 
son. Rasée  par  les  Anglais  et  Robert  Knolles  en  1357,  elle 
fut  choisie  en  4452  pour  la  conclusion  du  double  mariage 
du  dauphin  Louis  et  de  la  princesse  Charlotte  de  Savoie  et 
d'Yolande  de  France  avec  Amédée  de  Savoie.  Dans  le  pre- 
mier tiers  du  xvie  siècle,  assiégée  par  les  protestants, 
Feurs  fut  saccagée  ;  elle  vint  ensuite  au  pouvoir  de  la 
Ligue  et  avec  Anne  d'Urfé  passa  à  Henri  IY.  Au  xvme  siècle, 
Feurs  fut  le  siège  d'un  essai  de  culture  du  riz,  essai  tenté 
par  Abraham  de  Thélis.  Pendant  la  Révolution,  Feurs  fit 
partie  du  dép.  de  Rhône-et-Loire  ;  c'est  là  que  pendant  la 
Terreur  régnaient  Javognes,  sa  commission  de  justice  popu- 
laire et  son  tribunal  révolutionnaire.  En  1814,  occupée 
par  les  Autrichiens,  elle  fut  dotée  en  1826  d'une  chapelle 
expiatoire,  élevée  en  mémoire  des  victimes  de  la  Révolu- 
tion. Feurs  est  la  patrie  de  Duverney,  fondateur  du  Jardin 
des  Plantes  et  du  colonel  Michel  Combes,  organisateur  de 
la  légion  étrangère,  tué  à  Constantine  en  1837  ;  une  statue 
-due  à  Foyatier  lui  fut  érigée  en  1839.  Armes  de  Feurs  : 
dor  à  un  pot   de  sable  vomissant  des  flammes  de 
gueules.  Maurice  Dumoulin. 

Bibl.  :  Abbé  Roux,  Recherches  sur  le  Forum  Segusia- 
vorum;  Lyon,  1851,  gr.  in-8,  pi.  — A.  Bernard,  Descript. 
du  pays  des  Ségusiaves;  Paris  et  Lyon,  1858,  in-8,  pi.  — 
A.  Broutin,  Hist.  de  la  ville  de  Feurs;  Saint-Etienne,  1867, 
in-8.—  F.  Duguet,  Mém.  sur  Feurs,  publ.  par  V.  Durand, 
ap.  Mém.  de  la  Diana,  t.  VI.  —Fayard,  Hist.  des  tribunaux 
révolutionnaires  de  Lyon  et  de  Feurs;  Lyon,  1887,  in-8. 

FEUSINES.  Corn,  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de  La  Châtre, 
cant.  de  Saint-Sever;  540  hab. 
^  FEUTRAGE  (Industr.).  Nom  généralement  donné  à  l'ha- 
billement des  organes  de  machines  susceptibles  d'émettre 
la  chaleur  par  rayonnement.  Les  chaudières,  le  tuyautage 
de  vapeur,  les  boîtes  à  détente  et  à  tiroirs,  les  cylindres 
et  certaines  parties  des  condenseurs  sont  revêtus  d'une 
couche  protectrice  pour  s'opposer,  autant  que  possible,  à 
cette  émission  de  chaleur.  Si  l'on  omet  cette  précaution, 
on  perd  inutilement  une  portion  de  la  chaleur  de  la  vapeur 
et,  de  plus,  on  élève  considérablement  la  température  des 
chambres  de  chauffe  ou  de  machine  et  on  les  rend  difficile- 
ment habitables.  La  matière  la  plus  généralement  employée 
est  un  feutre  grossier  en  grandes  feuilles,  préalablement 
trempées  dans  une  solution  d'alun,  pour  les  rendre  inin- 
flammables ;  ces  feuilles  sont  cousues  sur  place  autour  de 
l'organe  à  revêtir.  L'enveloppe  et  la  façade  arrière  des 
chaudières  sont  habituellement  recouvertes  de  deux  feuilles 
de  feutre  par-dessus  lesquelles  on  coud  en  double  de  forte 
toile  à  voile  qui  reçoit  ensuite  une  couche  de  peinture.  Cet 
ensemble  est  maintenu  contre  les  chaudières  à  l'aide  de 
lattes  de  feuillard  mince  en  quantité  suffisante.  On  agit  de 
la  même  manière  pour  le  tuyautage,  sauf  l'emploi  de  lattes. 
On  fait  également  usage  dans  ce  même  but  de  bourre  de 
soie,  de  bourre  de  vache,  de  déchets  d'amiante,  de  plas- 
tiques de  compositions  diverses,  de  coton  de  laitier.  — 
En  chapellerie,  le  feutrage  est  l'opération  que  subit  l'étoffe 
au  moyen  du  bastissage  et  qui  a  pour  but  de  lui  donner 
plus  de  force  et  d'épaisseur  (V.  Chapeau,  t.  X,  p.  545).— 
Dans  l'impression  sur  étoffe,  les  planches  qui  servent  à 
l'impression  à  la  main  se  font  de  diverses  façons  suivant 
qu'elles  doivent  reproduire  les  contours,  les  rentrures  ou 


les  fonds.  Quand  il  s'agit  des  fonds,  comme  le  bois  prend 
inégalement  la  couleur,  facilite  l'évasement  et  donne  des 
bavures,  on  évide  les  grandes  surfaces  et  on  les  remplit 
soit  de  tontisse  fixée  avec  une  colle  particulière  ou  de  la 
gomme  laque,  soit  de  drap  de  laine,  soit  de  feutre,  d'où  le 
nom  de  feutrage.  Les  planches  ainsi  garnies  sont  dites  feu- 
trées ou  chapeaudées.  L.  K. 

FEUTRE  (Industr.).  Lorsqu'on  soumet  les  poils  de  cer- 
tains animaux  à  une  légère  agitation  et  à  une  pression  dans 
des  sens  divers,  ils  se  mêlent  d'une  façon  inextricable, 
s'agrègent,  s'entrelacent  et  forment  un  tissu  d'une  grande 
résistance  auquel  on  a  donné  le  nom  de  feutre.  Certains 
poils,  la  laine  par  exemple,  ont-la  propriété  de  feutrer  faci- 
lement. Pour  communiquer  cette  propriété  aux  poils  sus- 
ceptibles d'être  employés,  on  est  obligé  de  leur  faire  subir 
un  traitement  spécial.  Les  poils  généralement  employés  dans 
la  fabrication  du  feutre  sont  ceux  de  castor,  de  rat  gron- 
din, de  rat  musqué,  de  loutre  marine,  de  vigogne,  de  ca- 
chemire, de  chèvre,  de  lièvre,  de  lapin  et  de  chameau.  Le 
castor,  la  loutre  et  le  rat  musqué  viennent  du  Canada  par 
l'intermédiaire  de  l'Angleterre  qui  nous  fournit  aussi  les 
peaux  de  lapin  appelées  dans  le  commerce  garennes  d'An- 
gleterre. Le  poil  de  cachemire  fourni  par  les  chèvres  du 
Tibet  nous  arrive  par  la  Russie.  Le  Pérou  et  Buenos  Aires 
nous  envoient  le  poil  de  vigogne.  La  Russie  et  la  Saxe 
fournissent  les  meilleurs  poils  de  lièvre.  L'Egypte,  la  Sy- 
rie, l'Arabie  nous  fournissent  par  Marseille  les  poils  de 
chameau  et  de  dromadaire.  C'est  la  France  qui  tient  le 
premier  rang  pour  la  qualité  et  la  quantité  des  poils  livrés 
à  la  chapellerie  ;  ceux  de  lapins  de  clapier  surtout  sont 
recherchés.  En  moyenne  on  peut  admettre  que  400  peaux 
de  lièvre  donnent  3ks500  de  poil;  100  peaux  de  lapin 
français,  2k&750.   Notre  pays  livre  à  l'industrie  chape- 
lière  environ  80  millions  de  peaux  dont  1/40  seulement 
proviennent  d'animaux  sauvages.  En  Belgique,  sur  4 5  mil- 
lions de  peaux,  la  proportion  est  à  peu  près  la  même;  tandis 
qu'en  Angleterre,  qui  livre  environ  de  25  à  30  millions  de 
peaux,  les  9/40  sont  des  peaux  sauvages.  L'Allemagne 
met  en  vente  de  8  à  10  millions  de  peaux  de  lièvre  ;  la 
Suède  et  la  Norvège  un  nombre  très  variable  de  lièvres 
blancs.  Quant  à  la  Russie,  la  quantité  de  peaux  de  lièvre 
et  de  lapin  qu'elle  exporte  chaque  année  est,  considérable 
et  de  bonne  qualité.  Enfin,  sous  les  noms  de  peaux  d'An- 
drinople  et  de  Smyrne,  on  comprend  les  lapins  et  lièvres 
des  Turquies  d'Europe  et  d'Asie. 

Les  feutres  les  plus  fins,  les  plus  beaux  sont  ceux  dans 
la  fabrication  desquels  il  entre  le  plus  de  castor,  de  rat 
musqué  ou  de  rat  grondin.  Mais  le  prix  élevé  de  ces  poils 
ne  permet  leur  emploi  que  dans  les  articles  de  luxe.  Ils 
sont  le  plus  souvent  mélangés  avec  d'autres  variétés  de 
poils.  Pour  les  feutres  de  qualité  ordinaire  on  emploie  sur- 
tout les  poils  de  lièvre  et  de  lapin. 

Dans  le  poil,  on  distingue  le  jarre  et  le  duvet;  les  poils 
jarreux,  raides  et  clairsemés,  sont  le  plus  souvent  rejetés; 
dans  quelques  campagnes  de  l'Est  on  en  fait  cependant 
des  matelas  et  des  coussins  ;  le  duvet  seul  est  employé  dans 
l'industrie  du  feutre.  Les  dénominations  spéciales  indiquent 
sur  les  marchés  l'état  sous  lequel  se  trouvent  les  poils;  on 
les  dit  ventes  lorsqu'ils  sont  à  l'état  naturel,  sécrétés  forts, 
sécrétés  pâles,  soufflés  suivant  qu'ils  ont  subi  une  prépa- 
ration plus  ou  moins  complète.  La  qualité  de  ces  poils  est 
loin  d'être  la  même  aux  différents  points  d'une  même  peau; 
ainsi  dans  le  lièvre  le  poil  du  dos  est  de  première  qualité, 
puis  vient  le  poiï  du  cou  et  enfin  le  poil  du  ventre.  Des  dé- 
nominations particulières  sont  appliquées  à  chacune  de  ces 
qualités.  La  fabrication  du  feutre  comprend  une  série 
d'opérations  délicates,  généralement  exécutées  par  deux 
classes  distinctes  d'industriels,  les  coupeurs  de  poils,  qui 
procèdent  à  Yéjarrage,  au  secr étage  et  au  coupage;  les 
chapeliers  qui  reçoivent  les  poils  tout  préparés  et  les  sou- 
mettent au  soufflage,  au  bastissage,  au  foulage,  au  dres- 
sage, au  ponçage,  à  la  mise  en  tournure  et  au  garnissage* 
Les  peaux  couvertes  de  leurs  poils  sont  d'abord  soumises 


FEUTRE  —  FÉVAL 


384  — 


à  la  carde  ou  dégalées,  puis  battues  et  fendues.  On  enlève 
les  longs  poils  ou  jarres  avec  des  ciseaux,  puis  les  poils 
courts  encore  adhérents  à  la  peau  sont  soumis  au  secré- 
tage.  C'est  l'opération  la  plus  importante  que  l'on  fait  subir 
aux  poils,  puisqu'elle  a  pour  but  de  modifier  leur  structure 
et  de  rendre  le  feutrage  possible.  On  effectue  le  secrétage 
en  employant  l'une  ou  l'autre  des  deux  solutions  suivantes 
qui  présentent  la  composition  ci-dessous  : 

Secret  jaune  Secret  blanc 
.  25  kilogr.  25  kilogr. 
.       5    _  7ks5Ô0 


Acide  nitrique  à  38°  B. 
Mercure 


Ces  solutions  sont  ensuite  étendues  de  7  à  8  parties 
d'eau  pour  le  secret  jaune  et  de  10  à  12  pour  le  secret 
blanc.  Dans  certains  ateliers  on  ajoute  quelques  centièmes 
de  sublimé  corrosif  et  d'acide  arsénieux.  On  applique  ces 
solutions  sur  les  peaux  à  l'aide  d'une  brosse  faite  de  poils 
de  sanglier,  puis  on  fait  sécher  à  l'étuve.  Lorsque  la  des- 
siccation est  complète,  on  enlève  les  poils,  soit  à  la  main, 
soit  à  l'aide  de  la  tondeuse  Caumont,  qui,  tout  en  les  ra- 
sant, coupe  la  peau  en  lanières  minces  appelées  dans  le 
commerce  vermicelles  et  qui  sont  employées  dans  la  fabri- 
cation de  la  colle  de  peau.  Les  ouvriers  sécréteurs,  les 
coupeurs  de  poils,  et  même  les  chapeliers,  sont  malheu- 
reusement exposés  à  l'intoxication  mercurielle.  Plusieurs 
recherches  ont  été  faites  dans  le  but  d'éliminer  le  mercure  ; 
M.  Hillairet,  après  avoir  reconnu  que  l'agent  indispen- 
sable du  secrétage  était  uniquement  l'acide  hypoazotique 
développé  à  l'état  naissant  par  le  contact  du  nitrate  de 
mercure  sur  la  matière  organique,  eut  l'idée  de  le  rem- 
placer par  une  substance  inoffensive  telle  que  la  mélasse. 
Le  procédé  de  secrétage  Hillairet  s'effectue  en  deux  temps 
à  l'aide  des  deux  solutions  suivantes  : 

lr0  solution  Secret  jaune  Secret  blanc 

Mélasse 8  kilogr.  8k§500 

Eau .• 40     —  14  kilogr. 

2e  solution 

Acide  nitrique  à  38° 16k§400  12  kilogr. 

Eau 14  kilogr.        12    — 

Les  peaux  sont  d'abord  brossées  avec  la  première  solu- 
tion, et,  aussitôt  après,  avec  la  solution  d'acide  nitrique  ; 
le  séchage  s'effectue  très  lentement  dans  une  étuve  chauffée 
à  petit  feu  et  munie  d'un  seul  tuyau  pour  le  dégagement  de 
la  vapeur  d'eau.  Les  peaux  sont  ensuite  lavées  à  grande 
eau  pour  décoller  les  poils  et  enlever  l'excès  de  mélasse 
non  altérée  ;  on  les  brosse  et  on  les  fait  sécher  lentement 
à  l'étuve.  Malheureusement  les  différents  procédés  de  se- 
crétage proposés  n'ont  pas  encore  donné  des  résultats 
assez  satisfaisants  pour  permettre  la  suppression  du  mer- 
cure. La  question  est  toujours  à  l'étude  et  suivie  de  près  par 
les  intéressés  qui  seraient  heureux  d'adopter  un  procédé 
présentant  les  mêmes  avantages  que  le  nitrate  de  mercure 
sans  en  avoir  les  inconvénients. 

Les  poils  sécrétés  et  coupés  sont  ensuite  soumis  au  souf- 
flage, opération  mécanique  qui  a  pour  but  de  séparer,  par 
ordre  de  densité,  les  différentes  qualités  de  poils;  toutes 
ces  variétés  sont  enfin  triées  et  classées  par  finesse,  lon- 
gueur et  couleur  ;  le  nombre  de  ces  variétés  peut  s'élever  à 
80  et  même  100  espèces  différentes,  et  servent  au  chape- 
lier à  faire  les  mélanges  de  tel  ou  tel  poil  suivant  la  qua- 
lité et  la  nuance  du  feutre  qu'il  voudra  obtenir.  Le  mélange 
opéré,  les  poils  vont  passer  à  la  bastisseuse  ou  à  Y  arçon- 
rieuse  (V.  Chapeau,  t.  X,  p.  545).  Actuellement,  les  prin- 
cipaux centres  de  la  fabrication  du  feutre  en  France  ne  sont 
pas  toujours  dans  les  grandes  villes  ou  la  main-d'œuvre  est 
d'un  prix  trop  élevé.  Cette  fabrication  domine  surtout  dans 
quelques  communes  du  bassin  du  Rhône  :  Chazelles,  Vil- 
leurbanne, Givors,  Grigny,  etc.,  dans  la  Drôme,  à  Bourg- 
de-Péage,  puis  à  Nîmes,  Albi,  Montélimar,  Aix  en  Pro- 
vence, etc. 

Feutre  de  laine.  Le  feutre  de  laine  se  prépare  de  la  même 
façon  que  le  feutre  de  poils,  en  ayant  soin  de  procéder  au 


préalable  aux  différentes  opérations  que  nécessitent  le  net- 
toyage et  le  dégraissage  de  la  laine.  Ch.  Girard. 

FEUTRIER  (Jean-François-Hyacinthe),  évêque  de  Beau- 
vais, né  à  Paris  en  1785,  mort  en  1830.  Sous  l'Empire,  il 
était  secrétaire  général  de  la  grande  aumônerie  de  France  ; 
au  concile  de  Paris,  il  fit  une  vive  opposition  aux  projets 
de  l'empereur.  A  la  Restauration,  il  devint  successivement 
vicaire  général  du  diocèse  de  Paris,  curé  de  la  Madeleine 
(1823)  et  évêque  de  Beauvais  (1826).  Appelé  au  ministère 
des  affaires  ecclésiastiques,  alors  séparé  de  celui  de  l'ins- 
truction publique  (mars  1828),  il  fit  rendre  et  exécuter  les 
ordonnances  du  16  juin  1828,  dont  l'une,  dirigée  contre 
les  jésuites  et  contresignée  parPortalis,  interdisait  la  direc- 
tion des  écoles  secondaires  à  toute  personne  appartenant  à 
une  congrégation  non  autorisée,  et  dont  l'autre,  contresi- 
gnée par  lui,  soumettait  les  petits  séminaires  à  l'autorité 
universitaire  et  y  limitait  le  nombre  des  élèves.  Ces  me- 
sures excitèrent  contre  lui  l'irritation  du  parti  prêtre.  On 
l'accusa  d'être  un^ apostat,  trahissant  la  cause  des  chrétiens 
par  ses  actes  ministériels.  Quand  le  ministère  Martignàc 
fut  remplacé  par  le  ministère  Polignac  (8  août  1829)  il  se 
retira  à  Beauvais.  Quelques  mois  avant  la  chute  du  minis- 
tère dont  il  faisait  partie,  on  lui  avait  conféré  les  titres  de 
comte  et  de  pair  de  France  avec  une  pension  de  12,000 
francs.  Œuvres  :  Oraison  funèbre  du  duc  de  Berri  (Paris, 
1820,  in-8)  ;  Oraison  funèbre  de  la  duchesse  douairière 
d'Orléans  (Paris,  1821,  in  8)  ;  Panégyrique  de  saint 
Louis  prononcé  en  1822  devant  l'Académie  française. 

FEUTRIER  (Alexandre- Jean,  baron),  homme  politique 
français,  frère  du  précédent,  né  à  Paris  le  3  juil.  1787, 
mort  à  Paris  le  24  juin  1861.  Auditeur  au  conseil  d'Etat 
en  1818,  intendant  militaire  à  l'armée  d'Espagne,  maître 
des  requêtes,  préfet  de  Saône-et-Loire  et  de  Lot-et-Garonne 
pendant  les  Cent- Jours,  il  fut  destitué  par  le  cabinet  Poli- 
gnac. Le  gouvernement  de  Juillet  lui  confia  la  préfecture 
de  l'Oise  et  le  créa  pair  de  France  le  11  sept.  1835. 

FEUX.  Corn,  du  dép.  du  Cher,  arr.  et  cant.  de  Sancerre  ; 
941  hab. 

FÉVAL  (Paul-Henri-Corentin),  littérateur  français,  né 
à  Rennes  le  27  sept.  1817,  mort  à  Paris  le  8  mars  1887. 
Destiné  au  barreau  par  tradition  de  famille,  il  fut  reçu 
avocat  dès  l'âge  de  dix-neuf  ans,  mais,  après  une  première 
plaidoirie,  quitta  sa  ville  natale  et  entra  comme  commis 
dans  une  maison  de  banque  parisienne.  Remercié  au  bout 
de  quelques  mois,  parce  que  son  goût  pour  la  lecture  lui 
faisait  oublier  ses  devoirs  professionnels,  il  subit  de  cruelles 
privations  jusqu'au  jour  où  la  Revue  de  Paris  (1841) 
inséra  sa  première  nouvelle,  le  Club  des  Phoques,  qui 
fut  remarquée  et  bientôt  suivie  de  romans  de  plus  longue 
haleine:  Fontaine  aux  perles  (1844),  les  Mystères  de 
Londres  (1844),  tous  deux  signés  du  pseudonyme  de  sir 
Francis  Trolopp;  la  Forêt  de  Rennes  (1845);  les  Fan- 
farons du  Roi  (1845);  les  Amours  de  Paris  (1845);  la 
Quittance  de  minuit  (1846);  le  Fils  du  Diable  (1846); 
le  Mendiant  noir  (1847);  le  Jeu  de  la  mort  (1850);  le 
Château  de  velours  (18d&);  le  Capitaine  Simon  (1853); 
le  Tueur  de  Tigres  (4854);  le  Paradis  des  femmes 
(1854);  Blanche-Fleur  (1854);  les  Couteaux  d'or  (1856); 
Madame  Gil  Blas  (1856);  les  Compagnons  du  Silence 
(1857);  le  Bossu  (1858);  la  Fabrique  de  mariages 
(1858);  le  Brame  de  la  Jeunesse  (1861);  la  Garde 
noire,  le  Chevalier  Ténèbre  (1861);  Bouche  de  fer 
(1863);  Jean  Diable  (1868);  le  Poisson  d'or  (1863);  les 
Habits  noirs  (1863);  Roger  Bontemps  (1864);  les 
Drames  de  la  mort  (1864);  le  Mari  embaumé  (1866); 
la  Province  de  Paris  (1869);  le  Quai  de  la  Ferraille 
(1869);  les  Compagnons  du  Trésor  (1872);  le  Cheva- 
lier Keraniou  (1874);  la  Bande  Cadet  (1875),  etc. 
A  cette  liste  déjà  fort  longue  et  cependant  très  abrégée 
d'une  partie  des  romans  qui,  pour  la  plupart,  ont  reparu 
sous  des  titres  différents  en  divers  formats,  il  faut  ajouter 
encore  des  Contes  de  la  Bretagne  (1844,  in-12);  les 
Contes  de  nos  pères  (1845,  in-8);  les  Romans  enfan- 


—  385 


FÉVAL  —  FÈVE 


tins  (1862,  in-8,  ill.  par  Flameng);  une  Histoire  des 
tribunaux  secrets  (1851,  8  vol.  in-8).  Le  théâtre  lui 
avait  été  moins  favorable  que  le  roman;  néanmoins  le 
Bossu  (1863),  dont  M.  Victorien  Sardou  avait  fourni  le 
scénario,  eut  un  succès  prolongé  et  réitéré,  suivi,  trois  ans 
plus  tard,  d'une  polémique  fort  aigre  entre  les  deux  écri- 
vains (Figaro,  1866),  et  qui  révéla  cette  collaboration 
jusqu'alors  ignorée.  Deux  autres  drames  tirés  du  Fils  du 
Diable  et  des  Mystères  de  Londres  avaient  aussi  long- 
temps tenu  l'affiche,  le  premier  à  l'Ambigu  (1847),  et  le 
second  à  la  Porte-Saint-Martin  (1848). 

Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  Paul  Féval,  atteint 
par  de  cruels  revers  de  fortune,  affirma  bruyamment  son 
retour  aux  idées  ultramontaines  et,  non  content  de  donner 
une  édition  soigneusement  revisée  et  amendée  de  ses  œu- 
vres antérieures  (1877-1883),  écrivit  un  certain  nombre 
de  livres  inspirés  par  le  même  esprit  :  Château  pauvre 
(1877,  in-18);  les  Etapes  d'une  conversion  (1877- 
1882,  4  vol.  in- 12);  les  Merveilles  du  Mont-Saint- 
Michel  (1879,  in-8,  ill.),  ainsi  que  des  brochures  de  pro- 
pagande :  Montmartre  et  le  Sacré-Cœur,  V Outrage  au 
Sacré-Cœur,  Vieux  Mensonges,  la  France  s'éveille, 
Cri  d'appel,  etc.  (1879-1880,  in-24).  —  Son  fils,  M.  Paul 
Féval,  né  à  Paris  en  1860,  a  également  écrit  quelques 
romans  :  le  Dernier  Laird  (1890,  in-12)  ;  la  Trombe 
de  fer  (1890,  in-12)  ;  Nouvelles  (1890,  in-12).  M.  Tx. 
Bibl.  :  Ch.  Buet,  Médaillons  et  Camées,  1885,  in-12. 

FÈV  E.  I.  Botanique.  —  (Faba  Tourn.).  Genre  de  Légumi- 
neuses-Papilionacées,  que  la  plupart  des  auteurs,  à  l'exemple 
de  Linné,  réunissent  au  genre  Vicia  (V.  Vesce).  L'unique 
espèce,  Vicia  Faba  L.  (Faba  vulgaris  Mœnch.),  est  bien 
connue  sous  le  nom  de  Fève  de  marais.  C'est  une  plante  her- 
bacée, annuelle,  dont  la  tige  dressée,  simple  et  glabre,  porte 
des  feuilles  pinnées,  à  rachis  terminé  en  pointe  sétacée  et 
garni  sur  les  côtés  de  une  à  trois  paires  de  folioles  ellip- 
tiques, oblongues,  obtuses,  de  consistance  épaisse.  Les 
fleurs,  de  couleur  blanche  ou  rosée,  avec  les  ailes  large- 
ment tachées  de  noir  vers  leur  sommet,  sont  disposées  en 
grappes  axillaires  uniflores,  très  brièvement  pédonculées  et 
plus  courtes  que  les  feuilles.  Le  fruit  est  une  grande 
gousse  renflée,  pubérulente,  d'abord  verte,  puis  d'un  brun 
foncé  à  la  maturité.  Les  grosses  graines  qu'elle  renferme 
sont  oblongues-tronquées,  comprimées  sur  les  deux  faces 
avec  une  cicatrice  ombilicale  linéaire  très  développée.  —  La 
Fève  de  marais  paraît  originaire  de  la  Perse  et  des  régions 
avoisinant  la  mer  Caspienne.  Elle  est  cultivée  en  Europe 
depuis  les  temps  les  plus  reculés  et  présente  plusieurs 
variétés,  dont  la  plus  répandue  (Faba  vulgaris  equina 
Mœnch)  est  appelée  vulgairement  Féverole,  Gourgane, 
Fève  des  champs,  Fève  de  cheval,  etc.  C'est  elle  surtout  que 
l'on  cultive  en  grand  dans  les  jardins  et  en  plein  champ. 

Le  nom  de  Fève  est  donné,  dans  le  langage  vulgaire,  à 
plusieurs  autres  végétaux.  Ainsi  on  appelle  :  Fève  à  co- 
chon ou  F.  de  porc,  VHyoscyamus  niger  L.  (V.  Jus- 
quiame);  F.  à  visage  ou  F.  peinte,  une  variété  du  Haricot 
commun  ;  F.  de  Bengale,  le  fruit  du  Terminalia  citrina 
Roxb.  (V.  Badamier);  F.  d'Amérique,  les  graines  de 
YAdenanthera  pavonina  L.  (V.  Adénanthère);  F.  de 
Calabar,  la  graine  du  Physostigma  venenosum  Balf.,  de 
la  famille  des  Légumineuses-Papilionacées  (V.  Physos- 
tigma); F.  de  Carthagène,  la  graine  de  YHippocratea 
grandiflora  Lamk.,  arbre  des  côtes  de  l'Amérique  méri- 
dionale, appartenant  à  la  famille  des  Célastracées  (V.  Payer, 
Organogr.  comp.,  p.  164);  F.  d'Egypte,  le  Nelumbo 
nucifera  Gaertn.,  de  la  famille  des  Nymphéacées  ;  F.  de 
Loup,  YHelleborus  fœtidus  L.  et  YAconitum  Na- 
pellus  L.,  de  la  famille  des  Renonculacées ;  F.  de  Malac, 
la  graine  du  Semecarpus  anacardium  L.  f.,  de  la  famille 
des  Térébinthacées-Anacardiées  (V.  Semecarpus);  F.  de 
Pythagore,  le  fruit  du  Ceratonia  siliqua  L.  (V.  Caroubier); 
F.  de  terre,  Y  Arachide  (V.  ce  mot);  F.  de  Saint-Ignace 
ou  F.  de  l'Inde,  la  graine  du  Strychnos  Ignatii  Berg.,  de 
la  famille  des  Loganiacées  (V.  Strychnos);  F.  du  Diable,  le 
grande  encyclopédie.  —  XVII. 


fruit  du  Capparis  cynophallophora  L. ,  de  la  famille  des 
Capparidacées  (V.  Capparis)  ;  F.  épaisse  ou  F.  grasse,  le 
Sedum  telephium  L.,  de  la  famille  des  Crassulacées  ; 
F.  lovine,  la  graine  du  Lupinus  albus  L.  (V.  Lupin); 
F.  lupine,  la  graine  du  Securigera  coronilla  DC.  (Légu- 
mineuses-Papilionacées); F.  marine,  le  Cotylédon  Umbi- 
licus  L.  (V.  Cotylet);  F.  Pichurim,  l'embryon  du  Nec- 
tandra  Puchury  major  Nées  et  du  N.  Puchury  minor 
Nées  (V.  Nectandre);  F.  pontique,  la  graine  du  Nymphœa 
Lotus  L.  (V.  Nénuphar);  F.  tonka,  la  graine  du  Couma- 
rouna  odorata  Aubl.  (V.  Coumarouna).  Ed.  Lef. 

IL  Horticulture. —  La  fève,  désignée  aussi  sous  le  nom 
de  gourgane,  est  répandue  dans  les  potagers  et  la  petite 
culture.  On  consomme  ses  graines  en  vert  ou  à  l'état  sec. 
Après  la  récolte  des  fruits,  les  tiges  servent  de  litière  au 
bétail  ;  coupées  en  fleur  on  les  utilise  quelquefois  comme 
fourrage  ou  comme  engrais  vert.  Cette  plante  se  plaît  dans 
un  sol  un  peu  argileux,  frais  et  fertile.  On  la  sème  depuis 
octobre  jusqu'en  janvier  dans  le  Midi,  et  à  partir  de  février 
jusqu'en  mai  dans  le  Nord.  Les  semis  se  font  en  rayons 
ou  en  poquets  espacés  de  0m40  environ.  Pendant  la  végé- 
tation, on  bine  ordinairement  deux  fois,  en  buttant  légè- 
rement au  moment  du  second  binage  donné  au  début  de 
la  floraison.  On  pince  les  extrémités  fleuries  pour  favori- 
ser le  développement  des  gousses.  La  fève  est  aussi  un 
légume  de  primeur,  semé  sous  châssis  en  janvier,  repiqué 
en  février  sur  cotière  au  midi  et  protégé  contre  les  gelées 
par  un  paillis.  La  fève  naine  hâtive  et  ses  formes  sont  em- 
ployées à  cette  culture.  Diverses  autres  variétés,  comme  : 
la  fève  de  marais,  la  fève  de  Windsor,  la  fève  julienne, 
la  fève  à  longue  cosse,  se  font  remarquer  par  la  forme, 
le  volume,  le  nombre,  la  couleur  des  graines.  Les  fèves 
sont  attaquées  par  le  puceron  noir  et  par  un  champignon, 
YUromyces  Fabœ  de  Bary.  Ce  dernier  forme  sur  les  feuilles 
et  les  tiges  des  pustules  brunes  et  cause  parfois  de  grands 
dégâts.  On  ne  possède  pas  de  remède  bien  efficace  pour  le 
combattre.  G.  Boyer. 

III.  Agriculture.  —  Le  Faba  vulgaris  fournit  à  la 
grande  culture  deux  variétés  très  importantes  :  1°  la  fève 
commune,  qui  est  alimentaire  pour  l'homme,  après  avoir 
été  écossée  ;  2°  la  féverole  (Faba  vulgaris  equina), 
plante  fourragère  dont  on  utilise  surtout  les  graines, 
mais  que  l'on  donne  quelquefois  aussi  en  vert.  On 
cultive  deux  sous-variétés  de  féveroles  :  Ie  la  féverole 
d'hiver,  qui  est  semée  en  automne;  2°  la  féverole^de 
printemps,  de  beaucoup  la  plus  répandue.  Cette  dernière 
demande  des  terres  plutôt  fortes,  argilo-calcaires,  fraîches 
et  profondes;  c'est  une  plante  sarclée  qu'on  sèrne  sur 
fumure.  La  féverole  se  contente  d'une  terre  préparée  par 
un  seul  labour.  On  sème  en  mars  ou  avril,  en  lignes 
espacées  de  50  à  60  centim.,  à  raison  de  180  à  200  litres 
de  graines  par  hectare,  celles-ci  doivent  être  enfouies  à  5 
ou  6  centim.  de  profondeur.  Après  le  semis,  on  donne  un 
léger  roulage.  Dès  la  levée,  on  peut  donner  aux  féveroles 
un  hersage  énergique  qui  donne  de  la  vigueur  aux  plantes. 
Puis  on  donnera  des  sarclages  chaque  fois  qu'on  le  jugera 
utile.  Pendant  la  végétation,  la  féverole  est  souvent  atteinte 
par  les  pucerons  ;  il  n'existe  pas  de  moyens  pratiques  pour 
les  détruire.  Lorsque  les  cosses  situées  au  bas  des  tiges 
sont  presque  mûres,  c.-à-d.  qu'elles  ont  pris  une  teinte 
noirâtre,  on  procède  à  la  récolte,  soit  en  arrachant,  soit 
en  fauchant  les  tiges  qu'on  dépose  en  javelles  sur  le  sol, 
après  quoi  on  les  lie  en  bottes  avec  des  liens  de  paille  et 
on  les  dépose  en  chaînes  ou  en  faisceaux  ;  les  graines 
achèvent  ainsi  de  mûrir  ;  quand  elles  sont  sèches  on  les 
rentre.  On  récolte  de  18  à  25  hectol.  de  graines  par  hec- 
tare; un  hectol.  pèse  de  78  à  82  kilogr.  ;  en  outre,  on 
obtient  de  2,200  à  2,600  kilogr.  de  paille  oufannes  qu'on 
peut  utiliser  comme  sous-trait  de  meules  ou  comme  litières. 
Les  graines  de  féverolles  concassées  ou  trempées  dans 
l'eau  constituent  un  excellent  aliment  pour  le  bétail,  sur- 
tout pour  les  bœufs  à  l'engrais  et  les  moutons.  —  Les 
féveroles  fauchées  en  vert  avant  la  maturité  des  graines 

25 


FÈVE  —  FÈVRE 


386  — 


constituent  un  bon  fourrage,  surtout  utilisé  en  Angle- 
terre. A.  Larbalétrier. 

IV.  Art  culinaire.  —  Les  fèves- sont  très  nutritives  et 
d'une  digestion  assez  facile  sous  quelque  forme  qu'elles 
soient  préparées  ;  mais  on  ne  les  sert  guère  que  dans  leur 
primeur  sur  les  tables  de  la  bourgeoisie,  Quand  elles  sont 
jeunes,  on  les  mange  entières  ;  quand  elles  approchent  de 
leur  croissance,  il  faut  en  enlever  la  peau  ou  les  dérober. 
La  meilleure  manière  de  les  préparer  est  à  la  crème  : 
après  les  avoir  fait  cuire  d'abord  dans  de  l'eau  salée  comme 
les  haricots  verts,  on  les  passe  au  beurre,  en  les  assaison- 
nant de  sel,  poivre,  persil  haché  fin  et  un  peu  de  sarriette  ; 
on  ajoute  un  peu  de  farine  et  on  mouille  avec  du  bouillon. 
Au  moment  de  servir,  on  lie  avec  deux  jaunes  d'œufs  dé- 
layés dans  de  la  crème  bien  fraîche  et  on  retire  du  feu 
avant  l'ébullition. 

La  culture  des  fèves  remonte  à  une  haute  antiquité.  Les 
anciens  avaient  à  leur  sujet  des  idées  superstitieuses  fort 
étranges.  Ils  les  regardaient  comme  impures  et  offrant 
l'image  de  la  mort  à  cause  sans  doute  des  taches  noires  que 
présentent  les  fleurs.  Les  Egyptiens  se  gardaient  d'en  man- 
ger. Pythagore  défendait  à  ses  disciples  de  s'en  servir 
comme  aliments .  Ce  philosophe,  dit  Jaucourt,  enseignait 
que  la  fève  était  née  en  même  temps  que  l'homme  et  for- 
mée de  la  même  corruption  ;  or,  comme  il  trouvait  dans  la 
fève  je  ne  sais  quelle  ressemblance  avec  les  corps  animés, 
il  ne  doutait  pas  qu'elle  n'eût  aussi  une  âme  sujette,  comme 
les  autres,  aux  vicissitudes  de  la  transmigration,  par  consé- 
quent que  quelques-uns  de  ses  parents  fussent  devenus 
fèves;  de  là  le  respect  qu'il  avait  pour  ce  légume.  Les  Ro- 
mains les  cultivaient  pour  s'en  nourrir  et  elles  tenaient  le 
premier  rang  parmi  leurs  légumes.  Ils  les  offraient  quel- 
quefois en  sacrifice  aux  dieux,  et  ceux  qui  voulaient  gagner 
les  faveurs  du  peuple  lui  faisaient  distribuer  des  légumes 
parmi  lesquels  se  trouvaient  des  fèves. 

V.  Coutumes.  —  Roi  de  la  Fève  (V.  Rois  [Fête  des]). 

FÉYEROLE  (V.  Fève). 

FÉVIER  (Bot.).  Nom  vulgaire  des  Gleditschia  (V.  ce 
mot).—  Le  gros  Févier  est  le  Gymnocladus  dioica  H.  Bn., 
ou  Chicot  de  Canada  (V.  Gymnocladus). 

FEV1LLEA  ou  FEUILLEA  (Fevillea  L.;  Feuillea 
Pers.)  (Bot.).  Genre  de  Gucurbitacées  qui  a  donné  son  nom  au 


Fevillea  trilobata. 


groupe  des  Févillées  ou  Nhandirobées.  Ce  sont  des  plantes 
frutescentes  dont  les  tiges  grimpantes  portent  des  feuilles 
alternes ,  ovales ,  cordées ,  anguleuses  ou  digitilobées, 
accompagnées  de  vrilles  axillaires-latérales,  bifurquées  au 
sommet.  Les  fleurs,  disposées  en  grappes  axillaires  plus 


ou  moins  ramifiées  ou  composées,  sont  pentamères  et  dioï- 
ques  :  les  mâles,  avec  cinq  étamines  alternipétales,  à  filets 
libres  terminés  chacun  par  une  anthère  uniloculaire  ;  les 
femelles,  avec  un  ovaire  triloculaire  qui  devient  à  Immatu- 
rité une  baie  cortiquée  renfermant  un  petit  nombre  de 
grosses  graines  ovales,  comprimées,  dépourvues  d'albu- 
men. —  Les  Fevillea  sont  propres  aux  régions  tropicales 
de  l'Amérique.  On  en  connaît  seulement  cinq  ou  six  espèces, 
dont  plus  les  importantes  sont  le  F.  trilobata  L.  du  Brésil 
et  le  F.  cordifolia  L.  (F,  hederœfolia  Poir.)  des  Antilles. 
La  première  est  le  Nhandiroba  de  Marcgraff  ;  ses  graines, 
riches  en  huile,  sont  vantées  comme  antirhumatismales. 
La  seconde  est  le  Nhandiroba  des  Antilles  ou  Avila  des 
Caraïbes.  Son  fruit,  appelé  vulgairement  Noix  de  serpent, 
renferme  de  grosses  graines  lenticulaires,  dont  on  extrait 
une  huile  amère,  fortement  purgative  et  célèbre  comme 
antidote  de  la  morsure  des  Reptiles  et  comme  contrepoison 
des  végétaux  toxiques,  surtout  du  Mancenilier.     Ed.  Lef. 

FEV I N  (Robert) ,  musicien  français  de  la  fin  du  xve  siècle. 
Il  fut  maître  de  chapelle  du  duc  de  Savoie.  Il  n'est  connu 
que  par  une  messe  à  quatre  voix  sur  la  chanson  française 
le  Vilain  jaloux,  imprimée  dans  le  livre  des  messes  d'An- 
toine de  Fevin,  dont  il  n'était  pas  parent  (Missœ  Antonii 
de  Feuin,  1515). 

FEVIN  (Antoine  de) ,  compositeur  français  du  xvie  siècle , 
Sa  biographie  est  mal  connue.  Glaréan,  son  contemporain, 
le  dit  originaire  d'Orléans,  et  le  manuscrit  de  deux  de  ses 
messes,  à  la  bibliothèque  Ambrosienne  de  Milan,  place  son 
décès  avant  1516.  On  croit  qu'il  mourut  jeune,  et  quelques 
auteurs  ont  cru  pouvoir  fixer  sa  naissance  à  1481 .  Il  était 
hautement  estimé  comme  compositeur.  On  connaît  de  lui 
six  messes  ;  trois  d'entre  elles,  intitulées  Sa?icta  Trinitas, 
Mente  toia  et  Ave  Maria,  ont  été  imprimées  par  Petrucci 
en  1516  ;  A.  de  Antiquis  a  réimprimé  en  1516  dans  son 
Liber  quindecim  missarum  les  messes  Mente  Ma  et 
Ave  Maria,  avec  une  autre  intitulée  De  Ferie.  Le  manus- 
crit de  la  bibliothèque  de  Milan  contient  de  Fevin  les  messes 
0  quam  glorifïca  et  de  Requiem.  Plusieurs  recueils  impri- 
més du  xvie  siècle  et  quelques  manuscrits  des  bibliothèques  de 
Vienne,  de  Munich  et  de  la  chapelle  pontificale,  contiennent 
des  motets,  lamentations  et  Magnificat,  de  Fevin,  ainsi 
que  des  copies  de  ses  messes  imprimées.  On  ne  connaît  sous 
son  nom  qu'une  seule  chanson  française,  insérée  en  1545 
dans  le  t.  I  du  recueil  Bicinia  gallica.  Son  motet  Des- 
cende in  hortum  meum  a  été  publié  en  partition  dans 
le  t.  V  de  Y  Histoire  de  la  musique  d'Ambros.      M.  Br. 

FÈVRE  (Pierre  Le)  (V.  Fabri). 

FÈVRE  (Louis  Chantereàu  Le)  (V  Chantereau). 

FEVRE.  Famille  de  tapissiers  français  dn  xvne  siècle 
(V.  Lefèvre). 

FÈVRE  (Robert  Le),  peintre  français,  né  à  Bayeux  le 
18  avr.  1756,  mort  à  Paris  le  3  oct.  1830.  Elève  de 
Regnault.  On  cite  surtout  de  lui  :  Phocion,  dans  la  galerie 
de  Compiègne;  les  portraits  de  Carie  Vernet,  de  Grétry, 
de  Guérin ,  de  Bertin,  de  Vigée,  de  Napoléon,  de  José- 
phine, de  Pauline  Borghèse,  du  Duc  de  Berry;  ceux 
do  Louis  XVIII,  de  Lœtitia  Bonaparte,  du  Duc  de  Cas- 
tiglione,  de  Charles  X,  du  Duc  d'Angouléme,  etc. 

FÈVRE  (Jean-Baptiste-Simon),  ingénieur  français,  né  à 
Versailles  le  30  juin  1775,  mort  à  Paris  le  13  mars  1850. 
Elève  de  l'ancienne  Ecole  des  ponts  et  chaussées,  il  en 
sortit  pour  entrer  à  l'Ecole  polytechnique  à  sa  fondation, 
puis  revint  à  la  première  école.  Peu  après  sa  sortie  comme 
ingénieur,  il  fit  partie  de  l'expédition  d'Egypte.  Sa  carrière 
active  a  été  principalement  consacrée  aux  travaux  de  navi- 
gation, jusqu'à  sa  nomination  au  grade  d'inspecteur.  — 
Grand  travailleur,  Fèvre  a  écrit  sur  presque  toutes  les 
parties  de  l'art  de  l'ingénieur  ;  on  a  de  lui,  dans  les  An- 
nales des  ponts  et  chaussées:  Pentes  des  routes  (1831); 
Etanchement  des  canaux  (1832);  Chemins  de  fer 
(1836);  Ondes  (1839);  Courbes  des  chemins  de  fer 
(1840);  Notice  sur  M.  Bèrigny  (1843). 

FÈVRE  (Justin-Louis-Pierre),    écrivain   ecclésiastique 


387  — 


FÈVRE  -  FÉVRIER 


français,  né  à  Riaucourt  en  1829.  Ordonné  prêtre  en  1853, 
il  fut  nommé  en  1854  curé  de  Louze  et  devint  dans  la  suite 
protonotaire  apostolique.  Collaborateur  très  actif  d'un  grand 
nombre  de  journaux  et  de  revues  religieuses,  l'abbé  Fèvre 
a  publié  en  outre  :  le  Budget  du  presbytère  (Paris,  1  858, 
iii-8);  Du  Mystère  de  la  souffrance  (Langres,  1 860,  in-1 2)  ; 
Histoire  de  Louze  (Paris,  1860,  in-1 2)  ;  Education  des 
enfants  à  la  maison  paternelle  (1861,  in-1 2)  ;  Du  Gou- 
vernement temporel  de  la  'Providence  (Nancy,  1857, 
2  vol.  in-1 2)  ;  la  Mission  de  la  bourgeoisie  (Paris,  1863, 
in-1 2);  le  Tabac  (1863,  in-1 2)  ;  la  Légitimité  de  la 
IVe  dynastie  (1863,  in-8)  ;  Du  Réalisme  dans  la  litté- 
rature (1865,  in-8)  ;  De  la  Restauration  de  la  musique 
religieuse  (1864,  in-8);  Vie  intime  et  travaux  litté- 
raires de  Mgr  Darboy  (1863,  in-8)  ;  V Eglise  catholique 
et  les  journaux  impies  (1865,  in-8)  ;  Vignettes  ro- 
maines (Nancy,  1866,  in-8)  ;  le  Clergé  de  France  et  la 
Philosophie  (1867,  in-8)  ;  Jésus-Christ  (1868,  in-8)  ; 
Souvenirs  et  monuments  oVEurvïlle  (Paris,  1880, in-8); 
Histoire  du  cardinal  Gousset  (1882,  in-8)  ;  Histoire  de 
Raucourt  (1882,  2  vol.  in-8)  ;  Histoire  apologétique  de 
la  Papauté  depuis  saint  Pierre  jusqu'à  Pie  IX  (1878- 
1882,  7  voL  in-8);  Vie  de  saint  Camille  de  Lellis 
(1884,  in-8)  ;  Doctrine  et  conduite  de  saint  Sulpice 
(1886,  in-8).  11  est  surtout  connu  par  l'édition  qu'il  adon- 
née en  1874  de  Y  Histoire  universelle  de  V  Eglise  catho- 
lique de  Rohrbacher  (15  vol.  gr.  in-8)  en  la  continuant 
jusqu'en  1872.  Ultramontain  renforcé,  M»r  Fèvre  s'est  livré 
à  des  excès  de  polémique  qui  ne  sont  pas  du  goût  le  plus  pur . . 

FÈVRE  (Raoul  Le)  (V.  Le  Fèvre). 

FÈVRE  de  Càumàrtin  (Le)  (V.  Caumàrtin). 

FÈVRE  de  La  Boderie  (Le).  Famille  noble  de  la  Nor- 
mandie, dont  deux  membres  se  distinguèrent  comme  orien- 
talistes :  1°  Guy,  né  au  château  de  la  Boderie  (près  Fa- 
laise), le  9  août  1541,  mort  en  1584  (ou  1598),  fut 
secrétaire  et  interprète  du  duc  d'Alençon  ;  il  composa 
nombre  de  poésies  françaises,  entre  autres  un  poème  en 
cinq  chants,  la  Galliade  ou  la  Révolution  des  arts  et  des 
sciences  (Paris,  1578,  in-4),  où  l'on  trouve  de  précieux 
renseignements  ;  mais  collabora  surtout  à  la  Bible  poly- 
glotte d'Anvers  (1569-1573,  8  vol.  in-fol.)  ;  il  y  édita 
le  texte  syriaque  (1571,  t.  Y),  auquel  il  ajouta  une 
transcription  hébraïque  et  une  version  latine  qui  furent 
réimprimées  séparément  (Anvers,  1574,  in-8  ;  1575, 
in-1 6  ;  Paris,  1584,  in-4  ;  la  traduction  seule  fut  très  sou- 
vent réimprimée  jusqu'en  1645).  Il  y  ajouta  en  outre  des 
éléments  de  grammaire  chaldaïque  (1 572,  t.  VI) .  —  2°  Nico- 
las, né  en  1550,  mort  en  1615,  remplit  des  missions  diplo- 
matiques en  Italie.  Il  ne  collabora  guère  qu'à  la  publication 
du  texte  hébreu  de  la  Polyglotte  d'Anvers.    F.-H.  K. 

Bibl.  :  La  Ferrière-Percy,  les  La  Boderie,  etc.  ;  Paris, 
1857.  —  Nève,  Guy  Le  Fèvre  de  La  Boderie'  Bruxelles, 
1862. 

FÈVRE  du  Grand-Vaux,  publiciste  français  de  la  fin 
du  xvme  siècle.  On  ne  sait  rien  de  précis  sur  sa  biographie. 
Au  début  de  la  Révolution,  il  publia  deux  brochures  : 
Lettre  d\m  jeune  homme  au  père  de  ses  anciens 
élèves  sur  la  nature  des  différents  êtres  (27  juin  1789); 
Lettre  à  Madame  la  comtesse  de  ***  sur  l'éducation  des 
jeunes  demoiselles  (Paris,  1789).  Un  peu  plus  tard,  il 
présenta  à  la  Constituante,  le  20  avr.  1791,  un  plan 
d'éducation  qu'il  offrit  de  nouveau,  en  fructidor  III,  à  la 
Convention  sous  le  titre  de  VEmile  réalisé  ou  Plan 
d'éducation  générale  ;  il  y  joignit  bientôt  une  brochure 
intitulée  Nouvelle  Organisation  des  sociétés  ,  pour 
faire  suite  à  l'Emile  réalisé.  Partisan  de  l'éducation 
commune,  Fèvre  proposait  la  création  dans  chaque  dépar- 
tement d'un  vaste  établissement  appelé  «  berceau  de  la 
nation  »,  où  seraient  internés  tous  les  enfants  du  départe- 
ment. Au  sortir  de  cette  nourricerie  nationale,  les  élèves 
des  deux  sexes  seraient  admis  dans  les  ateliers  et  dans 
les  collèges  construits  à  leur  intention  par  l'Etat.  En 
1797,  nous  trouvons  Fèvre  à  Corfou  où  il  faisait  partie 


du  corps  d'occupation.  Il  y  consacra  ses  loisirs  à  la  rédac- 
tion d'un  Plan  de  constitution  pour  Corfou,  Rentré  en 
France  comme  officier,  il  paraît  avoir  cru  sincèrement  que 
le  gouvernement  consulaire  lui  avait  emprunté,  pour  les 
appliquer,  ses  théories  politiques  et  éducatives.  Il  réim- 
prima ses  œuvres  et  les  réunit  en  un  seul  volume  sous  le 
titre  de  Mélanges,  par  le  citoyen  Fèvre  {du  Grand- 
Vaux)  (Paris,  26  nivôse  an  X).  Th.  Ruyssen. 

FEVRET  (Charles),  jurisconsulte  français,  né  à  Semur 
(Côte-d'Or)  le  16  déc.  1583,  mort  à  Dijon  le  12  août 
1661.  Il  était  fils  de  Jacques  Fevret,  conseiller  au  parle- 
ment de  Bourgogne  ;  après  avoir  étudié  le  droit  dans  plu- 
sieurs universités  de  France  et  en  dernier  lieu  à  Stras- 
bourg, sous  Denis  Godefroy,  il  devint  avocat  à  Dijon. 
Henri  II,  prince  de  Condé,  en  sa  qualité  de  gouverneur  de 
Bourgogne,  le  nomma  conseiller  et  intendant  ordinaire  de 
ses  affaires.  En  1630,  Fevret,  ayant  harangué  au  nom  des 
autorités  de  la  ville  le  roi  Louis  XIII,  venu  à  Dijon  pour 
réprimer  une  sédition,  obtint  la  grâce  des  coupables,  et 
le  roi  fut  tellement  touché  de  son  éloquence  qu'il  voulut 
lui  donner  une  charge  de  conseiller  au  parlement  ;  Fevret 
préféra  rester  avocat  et  secrétaire  de  la  cour.  Le  plus 
célèbre  ouvrage  de  Fevret  est  le  Traité  de  PAbus  et  du 
vrai  sujet  des  appellations  qualifiées  de  ce  nom  d'Abus 
(Dijon,  1653,  in-fol.).  Dans  cet  ouvrage,  il  a  attaqué  avec 
beaucoup  de  savoir  et  d'indépendance  les  empiétements  de 
la  juridiction  ecclésiastique.  Les  éditions  postérieures  sont  : 
Lyon,  1667,  in-fol;,  1677,  1681,  1689,  1736,  avec  notes 
de  Brunet  et  de  Gibert,  et  l'éloge  de  l'auteur  par  Papillon, 
2  vol.  in-fol.  ;  Lausanne,  1778,  2  vol.  in-fol.  Fevret 
a  écrit  aussi  :  De  Claris  fort  Burgundici  oratoribus 
(Dijon,  1654,  in-8)  ;  De  Officiis  vitœ  humance  (Lyon, 
1667,  in-12)  ;  enfin,  un  poème  de  plus  de  300  vers  intitulé 
Carmen  de  Vita  sua.  —  Son  fils,  Pierre  (1625-1706), 
conseiller-clerc  au  parlement  de  Bourgogne,  fonda  et  dota  la 
bibliothèque  publique  de  Dijon.  Ô.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Von  Scpiulte,  Die  Geschichte  der  Quellen  und 
Litteratur  des  canonisehen  Rechts  ;  Stuttgart,  1875-1880, 
vol.  III,  lre  part.,  p.  589. 

FEVRET  de  Fontette (Charles-Marie),  sieur  de  S.  Mes- 
min,  Godan,  Bonidan,  La  Bourlière,  etc.,  magistrat  et  éru- 
dit  français,  né  à  Dijon  le  14  avr.  1710,  mort  à  Dijon  le 
16  févr.  1772,  arrière-petit-fils  du  précédent.  Conseiller 
au  parlement  de  Bourgogne  en  1736,  membre  et  chance- 
lier de  l'Académie  de  Dijon,  il  fut  nommé  associé  libre  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  en  1771.  Il  est 
surtout  connu  par  la  publication  de  la  seconde  édition  de 
la  Bibliothèque  historique  du  P.  Le  Long  qu'il  entreprit 
avec  l'appui  du  gouvernement.  Il  put  à  peine  achever  le 
second  volume.  Les  trois  derniers  furent  publiés  par  Bar- 
beau de  La  Bruyère  (1768-1778).  Fevret  de  Fontette  avait 
réuni  une  belle  collection  d'estampes  qui  appartient  main- 
tenant à  la  Bibliothèque  nationale. 

FEVRET  de  Saint-Mesmin  (Charles-Balthazar- Julien), 
dessinateur  et  antiquaire,  né  à  Dijon  en  1770,  mort  en 
1852.  Il  occupa,  à  partir  de  1817,  la  place  de  conserva- 
teur au  musée  de  sa  ville  natale,  et  en  publia  une  notice 
qui  reste  un  modèle.  Il  se  fit  connaître  par  d'ingénieuses 
applications  de  la  mécanique  aux  arts  :  c'est  ainsi  qu'il  in- 
venta des  pantographes,  des  mannequins  perfectionnés,  etc. 
Mais  ce  qui  restera  son  meilleur  titre  à  la  reconnaissance 
des  érudits  et  des  artistes,  c'est  la  restauration  et  la  mise 
en  lumière  des  admirables  œuvres  de  sculpture  laissées 
dans  sa  ville  natale  par  les  «  ymaigiers  »  au  service  des 
ducs  de  Bourgogne  :  tout  avait  été  mutilé  et  dispersé  dans 
les  émeutes  de  1793.  Il  reconstitua,  patiemment  et  savam- 
ment :  le  Puits  de  Moïse,  les  tombeaux  de  Philippe  le 
Hardi  et  de  Jean  sans  Peur,  ces  monuments  d'une  im- 
portance capitale  pour  l'histoire  de  la  Renaissance  du  Nord. 

FEVRIER  (Astron.).  Nom  du  second  mois  de  l'année 
actuelle;  il  compte  vingt-huit  jours  pendant  les  années 
communes  et  vingt-neuf  pendant  les  années  bissextiles. 

FÉVRIER  1 848  (Journées  de) .  Nous  avons  montré^  dans 


FEVRIER 


—  388  — 


l'article  Banquets  réformistes  (t.  V,  p.  296),  comment  la 
Révolution  de  4848  avait  été  préparée,  et  dans  notre  article 
Chambre  des  Députés  (t.  X,  p.  346),  comment  tomba 
la  monarchie  de  Juillet.  Il  nous  reste  à  relater  ici  les  mou- 
vements populaires  qui  ont  accompagné  et  sanctionné  les 
actes  des  politiciens.  C'est  une  histoire  mal  connue  que  celle 
des  journées  de  Février.  Les  causes  n'en  ont  jamais  été 
clairement  élucidées.  Malgré  les  recherches  les  plus  conscien- 
cieuses des  historiens,  la  genèse  de  l'insurrection  demeure 
mystérieuse  et  ses  résultats  paraissent  avoir  de  beaucoup 
dépassé  les  prévisions  ou  les  combinaisons  des  partis  poli- 
tiques qui  l'ont  appuyée  ou  combattue. 

Comme  on  l'a  vu  (V.  Banquet),  un  grand  banquet,  dit 
du  XIIe  arrondissement,  devait  clôturer  la  période  de  l'agi- 
tation légale.  Tour  à  tour  interdite  et  autorisée  par  le  gou- 
vernement, cette  manifestation  platonique  avait  passionné 
l'opinion  publique.  Une  de  ces  idées  qui  germent  on  ne 
sait  comment  et  croissent  avec  une  effrayante  rapidité, 
celle  d'une  vaste  procession  populaire,  où  figureraient  la 
bourgeoisie,  le  prolétariat  et  la  garde  nationale,  se  répan- 
dit quelques  jours  avant  le  22  févr.  Ce  cortège  imposant 
devait  accompagner  les  députés  depuis  laMadeleine  jusqu'au 
lieu  du  banquet,  les  Champs-Elysées.  Effrayé,  le  gouver- 
nement se  décide  à  prendre  d'énergiques  mesures  de 
répression.  L'opposition ,  croyant  marcher  à  un  échec 
certain,  recule  aussitôt.  Les  plus  ardents  croient  que  le 
peuple  sera  attiré  dans  un  sanglant  guet-apens.  Louis 
Blanc  s'écrie  :  «  Si  vous  décidez  l'insurrection,  je  ren- 
trerai chez  moi  pour  me  couvrir  d'un  crêpe  et  pleurer  sur 
la  ruine  de  la  démocratie.  »  Et  Ledru-Rollin  :  «  Donner  le 
signal  de  l'insurrection  ce  serait  conduire  le  peuple  à  la 
boucherie.  Je  m'y  refuse  absolument.  »  On  renonce  donc 
au  banquet.  Le  roi  est  enthousiasmé  de  sa  prompte  victoire  : 
«  Eh  bien  !  Salvandy,  vous  nous  disiez  hier  que  nous 
étions  sur  un  volcan  ;  il  est  beau  votre  volcan  !  Je  vous 
avais  bien  dit  que  tout  cela  s'évanouirait  en  fumée.  »  Tout 
le  monde  se  trompait.  Le  22  févr.,  une  foule  compacte 
occupait  la  place  de  la  Madeleine  et  celle  de  la  Concorde, 
criant  :  Vive  la  réforme  !  à  bas  Guizot  !  Des  étudiants  et  des 
ouvriers  arrivent  du  Panthéon,  en  chantant  la  Marseillaise. 
Ils  dirigent  la  foule  sur  le  Palais-Bourbon,  envahissent  la 
Chambre  alors  vide.  Refoulés  par  les  dragons  de  la  caserne 
du  quai  d'Orsay,  les  manifestants  parcourent  la  ville  par 
bandes,  pillent  quelques  boutiques  d'armuriers,  élèvent  des 
barricades  dans  plusieurs  rues,  incendient  quelques  postes. 
A  neuf  heures  du  soir  l'armée  est  mise  en  mouvement  et 
l'émeute  s'évanouit  comme  par  enchantement.  Le  lende- 
main, mercredi  23  févr.,  les  troupes  reprennent  leurs 
positions  de  la  veille.  Il  pleut  beaucoup.  Vers  neuf  heures, 
l'insurrection  renaît  dans  les  quartiers  compris  entre  les 
boulevards,  la  rue  Montmartre,  la  rue  du  Temple  et  les 
quais.  Partout  elle  est  réprimée  sans  trop  de  peine.  Mais 
la  garde  nationale  est  convoquée.  Aussitôt  elle  se  prononce 
presque  tout  entière  contre  le  gouvernement,  crie  :  Vive  la 
Réforme  !  et  réclame  l'internement  de  Guizot.  A  la  nou- 
velle inattendue  que  le  «  rempart  de  la  monarchie  »  se 
dérobe,  Louis-Philippe  perd  tout  d'un  coup  sa  superbe 
assurance.  Il  abandonne  Guizot  et  consent  à  un  ministère 
réformiste.  Dès  cette  concession  la  Révolution  a  cause 
gagnée.  Les  manifestants  le  comprennent  si  bien  qu'ils 
pénètrent  bon  gré  mal  gré  dans  les  casernes  et  délivrent 
les  prisonniers  faits  dans  la  journée.  L'armée  immobilisée 
par  la  retraite  du  cabinet  laisse  faire.  L'émeute  grandit, 
une  collision  sanglante  se  produit  boulevard  des  Capucines 
entre  elle  et  le  14e  de  ligne.  Une  cinquantaine  de  morts 
et  de  blessés  restent  sur  la  chaussée.  On  charge  les  ca- 
davres sur  un  fourgon  qui  parcourt  les  boulevards,  les 
quartiers  Saint-Denis,  Poissonnière,  Montmartre,  les 
Halles,  le  quartier  Saint-Martin  pour  aboutir  à  la  mairie 
du  IVe  arrondissement.  Des  porteurs  de  torches  accompa- 
gnent le  lugubre  convoi  qui  fait  halte  devant  les  bureaux 
du  National  et  de  la  Piéforme  où  sont  prononcées  des 
harangues  enflammées.  Partout  retentissent  les  cris  de  : 


Vengeance  !  aux  armes  î  on  égorge  le  peuple  !  Le  centre 
se  hérisse  de  barricades.  Le  ministère  réformiste  ne  par- 
vient pas  à  se  constituer.  Mais  la  situation  est  si  grave  que 
Louis-Philippe  se  résigne  à  confier,  malgré  ses  répugnances, 
la  défense  de  Paris  au  maréchal  Bugeaud.  Bugeaud  est  fort 
résolu  :  «  Il  est  un  peu  tard,  dit-il,  mais  je  n'ai  jamais 
été  battu  et  je  ne  commencerai  pas  aujourd'hui.  Qu'on 
me  laisse  faire  et  tirer  le  canon  ;  il  y  aura  du  sang  répandu, 
mais  ce  soir  la  force  sera  du  côté  de  la  loi,  et  les  factieux 
auront,  reçu  leur  compte.  »  Il  commande  aussitôt  la  for- 
mation de  quatre  fortes  colonnes  de  troupes.  L'une,  com- 
mandée par  Sébastiani,  marchera  sur  l'Hôtel  de  Ville  en 
passant  par  la  Banque.  La  seconde,  commandée  par  Be- 
deau, marchera  sur  la  Bastille  en  passant  par  la  Bourse  et 
les  boulevards  ;  la  troisième  aura  mission  de  manœuvrer  der- 
rière les  deux  premières,  de  façon  à  empêcher  que  les  barri- 
cades soient  relevées;  la  quatrième  marchera  sur  le  Panthéon. 
La  colonne  Sébastiani,  partie  des  Tuileries  à  cinq  heures  et 
demie  du  matin,  atteint  l'Hôtel  de  Ville  à  sept  heures  ;  elle  en- 
lève et  détruit  sans  difficulté  plusieurs  barricades.  La  qua- 
trième colonne  atteint  elle  aussi  le  Panthéon  sans  encombre. 
La  colonne  Bedeau  est  arrêtée  par  une  grosse  barricade 
au  commencement  de  la  rue  Saint-Denis.  La  garde  natio- 
nale intervient.  Le  général  parlemente.  Bugeaud  averti 
envoie  l'ordre  de  se  replier  sur  les  Tuileries  en  cessant 
les  hostilités.  Pendant  ce  temps,  la  Révolution  gagnait  du 
terrain,  s'emparait  des  casernes,  formait  de  nouvelles  bar- 
ricades ;  les  barrières  de  l'octroi  sont  détruites,  les  bu- 
reaux de  péage  des  ponts  sont  brûlés  ;  les  ponts  de  Da- 
miette  et  Louis-Philippe  incendiés.  Vers  onze  heures,  un 
capitaine  de  la  garde  nationale  s'empare  de  l'Hôtel  de  Ville 
qu'abandonnent  le  préfet  et  le  général  Sébastiani  dont  les 
troupes  fraternisent  aussitôt  avec  le  peuple.  A  onze  heures 
et  demie,  une  bande  de  5  à  600  hommes  essaye  d'enlever 
les  Tuileries  oùM.  Thiers,  chef  du  cabinet  réformiste  enfin 
constitué  et  déjà  impopulaire,  ne  cessait  de  répéter  :  «  Le 
flot  monte  !  le  flot  monte  !  »  L'affolement  est  général.  Sur 
les  conseils  de  Crémieux,  Thiers  est  remplacé  au  pouvoir 
par  Odilon  Barrot  et  le  général  Bugeaud  par  le  maré- 
chal Gérard.  A  mesure  que  la  royauté  cède,  la  foule  exige 
davantage.  Maintenant  elle  somme  le  roi  d'abdiquer. 
Louis-Philippe  abdique  presque  sans  résistance.  Cependant 
le  poste  du  Château-d'Eau,  sur  la  place  du  Palais-Royal,  était 
aux  prises  avec  la  Révolution,  La  Moricière,  en  essayant 
d'arrêter  le  feu,  est  blessé  d'un  coup  de  baïonnette  et  fait 
prisonnier.  Le  maréchal  Gérard,  qui  tente  la  pacification  en 
annonçant  dans  les  rues  l'abdication  rovale,  échoue  dans 
sa  mission.  L'envahissement  des  Tuileries  est  imminent. 
Louis-Philippe  n'a  que  le  temps  de  s'enfuir  à  Saint-Cloud. 
Le  mouvement  se  précipite.  La  foule  avait  pénétré  dans  les 
Tuileries  très  peu  de  temps  après  le  départ  du  roi.  Elle 
avait  parcouru  les  appartements  assez  tranquillement  et 
sans  causer  de  dégâts.  Lorsque  le  corps  de  garde  du  Châ- 
teau-d'Eau incendié  avait  été  obligé  de  capituler,  les  com- 
battants, ayant  triomphé  de  toute  résistance,  se  divisèrent 
en  deux  bandes,  dont  l'une  saccagea  le  Palais-Royal,  tandis 
que  l'autre  entrait  à  son  tour  aux  Tuileries  où  elle  se 
livra  à  une  orgie  en  règle  et  commit  d'assez  considé- 
rables dégâts.  D'autres  bandes  envahissaient  le  Palais- 
Bourbon  et  proclamaient  le  gouvernement  provisoire.  Aus- 
sitôt les  généraux  Bedeau  et  Ruhlières  qui  occupaient  avec 
quelques  milliers  d'hommes  la  place  de  la  Concorde,  le 
pont  et  les  abords  de  la  Chambre,  ordonnèrent  aux  divers 
corps  de  retourner  à  leurs  quartiers.  Ainsi  firent  les 
troupes  qui  stationnaient  sur  divers  points  de  Paris  ;  le 
général  Renault  au  Panthéon,  le  général  Saint- Arnauld  à 
la  Préfecture  de  police.  Le  peuple  envahit  les  casernes  et 
s'empara  de  toutes  les  armes.  Il  ne  restait  plus  à  l'ancien 
gouvernement  que  les  troupes  consignées  à  l'Ecole  mili- 
taire. Là  se  trouvaient  la  duchesse  d'Orléans  et  le  duc  de 
Nemours.  Odilon  Barrot,  après  avoir  vainement  tenté  avec 
La  Moricière  de  gagner  la  garde  nationale  à  la  régence, 
vint  annoncer  vers  six  heures  du  soir  que  tout  était  irré- 


—  389  — 


FEVRIER  —  FEYDEAU 


médiablement  perdu.  La  monarchie  de  Juillet  avait  disparu 
si  soudainement  que  «  les  départements  apprirent  l'avène- 
ment de  la  République  avec  une  sorte  de  stupeur  ».  Elle 
s'était  comme  effondrée.  Les  journées  de  Février  n'avaient 
coûté  la  vie  qu'à  72  soldats  et  289  révolutionnaires. 

Mais  l'émeute  ne  s'apaisa  pas  tout  de  suite.  Le  25  févr. , 
les  barricades  s'étaient  encore  multipliées  ;  la  place  de 
l'Hôtel-de- Ville  était  occupée  par  de  l'artillerie.  Il  faut 
que  le  gouvernement  provisoire  négocie  pour  faire  dispa- 
raître les  barricades.  L'Hôtel  de  Ville  est  comme  enlisé 
dans  une  foule  qui  ne  sait  ce  qu'elle  attend  là  ni  ce  qu'elle 
veut,  mais  qui  est  traversée  de  temps  à  autre  par  de 
grands  remous  qui  menacent  de  tout  détruire.  Le  matin, 
c'est  une  procession,  accompagnée  des  hurlements  des 
stationnaires,  qui  vient  sommer  le  gouvernement  de  rendre 
à  bref  délai  un  décret  sur  l'organisation  du  travail.  A 
quatre  heures  du  soir,  ce  sont  des  bandes  agitant  des 
drapeaux  et  des  bannières  et  réclamant  l'adoption  du  dra- 
peau rouge  comme  emblème  de  la  nouvelle  République. 
C'est  alors  que  Lamartine,  qui,  avec  une  énergie  indomp- 
table, avait  fait  face  aux  envahisseurs,  prononça,  à  une 
fenêtre  du  salon  de  la  préfecture,  les  paroles  célèbres  qui 
domptèrent  la  foule  :  «  Vous  pouvez  faire  violence  au 
gouvernement,  vous  pouvez  lui  commander  de  changer  le 
drapeau  de  la  nation  et  le  nom  de  la  France,  mais  si 
vous  êtes  assez  obstinés  pour  lui  imposer  une  république 
de  parti,  le  gouvernement,  je  le  sais,  est  aussi  décidé  que 
moi-même  à  ne  pas  céder.  Quant  à  moi,  jamais  ma  main 
ne  signera  ce  décret  !  Je  repousserai  jusqu'à  la  mort  ce 
drapeau  de  sang,  et  vous  devriez  le  répudier  plus  que  moi! 
Car  le  drapeau  rouge  que  vous  nous  apportez  n'a  jamais 
fait  que  le  tour  du  Champ  de  Mars,  traîné  dans  le  sang 
du  peuple  en  91  et  93,  et  le  drapeau  tricolore  a  fait  le 
tour  du  monde  avec  le  nom,  la  gloire  et  la  liberté  de  la 
patrie  !  »  Le  soir  même,  dans  la  salle  du  Prado,  le  docteur 
Crousse  proposait  aux  socialistes  révolutionnaires  de  se 
rendre  à  l'Hôtel  de  Ville  et  d'arracher  le  pouvoir  aux  mains 
du  gouvernement  provisoire.  Mais  Blanqui  les  en  dissuada 
en  disant  avec  infiniment  de  raison  :  «  Si  nous  nous  em- 
parons du  pouvoir  par  un  audacieux  coup  de  main,  comme 
des  voleurs  au  milieu  des  ténèbres  de  la  nuit,  qui  nous 
répondra  de  la  durée  de  notre  puissance  ?  Au-dessous  de 
nous  n'y  aura-t-il  pas  des  hommes  énergiques  et  ambi- 
tieux qui  brûleront  de  nous  remplacer  par  de  semblables 
moyens  ?  Ce  qu'il  nous  faut,  à  nous,  c'est  le  peuple  im- 
mense, les  faubourgs  insurgés,  un  nouveau  Dix  Août.  Nous 
aurons  du  moins  le  prestige  de  la  force  révolutionnaire.  » 
L'histoire  des  journées  de  Février  peut  se  terminer  là.  Il  y 
eut  encore  quelques  mouvements  populaires  avant  la  fin 
de  ce  mois  ;  ils  incitèrent  le  gouvernement  à  créer  les  ate- 
liers nationaux  pour  se  débarrasser  des  foules  besogneuses 
toujours  prêtes  à  un  coup  de  force  ;  il  y  en  eut  de  plus  graves 
pendant  toute  la  durée  de  la  seconde  République,  mais  ils 
appartiennent  à  l'histoire  du  Gouvernement  provisoire,  et 
c'est  sous  cette  rubrique  qu'on  en  trouvera  la  relation  comme 
aussi  dans  nos  articles  sur  les  Assemblées  constituante  et 
législative  et  les  journées  de  Juin  (V.  ces  mots).     R.  S. 

Bibl.:  Mémoires  de  Guizot,  Dupin,  Odilon  Barrot. — 
Louis  Blanc,  Histoire  delà  Révolution  de  18k8  ;  Paris, 
1870,  2  vol.  in-12.  —  Elias  Regnault,  Histoire  du  gouver- 
nement provisoire  ;  Paris,  1850,  in-8.  —  Daniel  Stern, 
Histoire  de  la  Révolution  de  4848;  Paris,  1851-1853,  3  vol. 
in-8.  —  Lamartine,  Histoire  de  la  Rév.  de  18k8  ;  Paris, 
1849,  2  vol.  in-8. —  Lord  Normanby,  Une  Année  de  révo- 
lution; Paris,  1858,  2  vol.  in-8.  —  Pelletan,  Histoire 
des  Trois  Journées  de  Février  18k8;  Paris,  1848,  in-8.  — 
Garnier-Pagès,  Hist.  de  la  Rév.  de  4848  ;  Paris,  1861-72, 
10  vol.  in-8.  —  Gradis,  Hist.  de  la  Rév.  de  4848;  Paris, 
1872,  2  vol.  in-8.  —  V.  Pierre,  Histoire  de  la  République 
de  4848;  Paris,  1878,  2  vol.  in-8.—  Maxime  Du  Camp,  Sou- 
venirs de  l'année  4848;  Paris,  1876,  in-12.  —  Le  Peuple  de 
Paris  en  fëv.  4848  ;  Paris,  1848,  in-8.  —  Leynadier,  His- 
toire des  mémorables  journées  de  Février  4848  ;  Paris, 
1848,  in-8.— Darimon,  A  travers  une  révolution;  Paris, 
1884,  in-12.  —  Thureau-Dangin,  Hist.  de  la  monarchie  de 
Juillet;  Paris,  1892,  t.  VII,  in-8. 

FÉVRIER  (Victor-Louis-François),  général  français,  né 


à  Grenoble  le  21  oct.  4823.  Sorti  de  Saint-Cyr  en  1843, 
il  fut  nommé  lieutenant  en  4848,  capitaine  en  1851.  Blessé 
au  genou  en  Crimée,  il  passa,  à  la  suite  de  cette  cam- 
pagne, chef  de  bataillon  et  fit  en  cette  qualité  la  campagne 
d'Italie  (1859).  Colonel  en  1870,  il  assista  aux  grandes 
batailles  de  Metz.  A  Gravelotte,  il  fut  blessé  dangereuse- 
ment ;  une  balle,  entrée  sous  l'oreille,  lui  cassait  la  mâchoire 
et  perçait  la  joue.  Fait  prisonnier  à  la  reddition  de  Metz, 
les  Allemands  ne  le  considérèrent  pas  comme  tel,  devant  sa 
terrible  blessure,  et  le  laissèrent  en  liberté  sans  conditions. 
Promu  général  de  brigade  le  2  janv.  1871,  il  organisa  à 
Lyon  les  mobilisés  du  Rhône,  tout  en  ayant  le  commande- 
ment de  Lyon  qu'il  conserva  du  reste  jusqu'à  la  signature 
du  traité  de  paix.  Général  de  division  en  1878,  il  fut 
appelé  pour  commander  le  15e  corps  d'armée  le  18  févr. 
1882,  puis  le  27  févr.  de  l'année  suivante  il  remplaça  le 
général  Chanzy  dans  le  commandement  du  6e  corps.  Nommé 
membre  du  conseil  supérieur  de  la  guerre  en  1883,  il  fut 
élevé  à  la  dignité  de  grand-croix  de  la  Légion  d'honneur 
le  29  déc.  1887  et  décoré  de  la  médaille  militaire  en  1888. 
Placé  à  cette  époque  dans  le  cadre  de  réserve,  il  fut 
nommé,  sur  le  rapport  du  garde  des  sceaux,  ministre  de  k 
justice,  le  10  oct.  1889,  grand  chancelier  de  l'ordre  natio- 
nal de  la  Légion  d'honneur,  en  remplacement  du  général  de 
division  Faidherbe,  décédé. 

FEY-en-Haye.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Toul,  cant.  de  Thiaucourt;  154  hab. 

FEYDEAU  (Théâtre)  (V.  Opéra-Comique). 

FEYDEAU  (Mathieu),  théologien  français,  né  à  Paris  en 
1616,  mort  à  Annonay  le  24  juil.  1694.  Docteur  en  théo- 
logie, il  fut  expulsé  de  la  Sorbonne  à  cause  de  ses  opinions 
jansénistes  qui  l'exposèrent  toute  sa  vie  à  une  multitude 
de  persécutions.  Ami  d'Arnauld,  il  refusa  de  souscrire  à  sa 
condamnation.  Il  a  laissé  un  certain  nombre  d'ouvrages 
parmi  lesquels  nous  citerons  :  Méditations  sur  les  prin- 
cipales obligations  du  chrétien  (Paris,  1649,  in-12)  ; 
Catéchisme  de  la  grâce  (1650,  in-12)  ;  Méditation  sur 
Vhistoire  et  la  concorde  des  Evangiles  (Bruxelles,  1673, 
2  vol.  in-12).  —  Son  frère  Claude  (1580-1650),  supé- 
rieur des  religieuses  de  la  Visitation,  a  laissé  une  Oraison 
funèbre  de  Cl.  Dur  et  (1608).— Un  de  ses  parents,  Henri 
Feydeau  de  Brou  (1655-1706),  fut  évêque  d'Amiens 
(1687). 

FEYDEAU  (Ernest-Aimé),  littérateur  français,  né  à  Paris 
le  16  mars  1821,  mort  à  Paris  le  29  oct.  1873.  Après 
avoir  débuté  par  un  volume  de  poésies,  les  Nationales 
(1844,  in-8),  il  s'occupa  simultanément  d'affaires  finan- 
cières et  de  recherches  archéologiques.  Il  avait  entrepris 
une  publication  considérable  restée  inachevée  :  Histoire 
générale  des  usages  funèbres  et  des  sépultures  des  peu- 
ples anciens  (1857-1861,  22  livr.  gr.  in-4,pl.),  lorsqu'il 
écrivit  une  curieuse  analyse  psychologique  :  Fanny  (1858, 
in-12)  qui  eut  plus  de  trente  éditions  en  quelques  années, 
et  que  suivit  toute  une  série  de  romans  dont  aucun  n'obtint 
la  même  vogue  :  Daniel  (1859,  2  vol.  in-18);  Catherine 
oVOvermeire  (1860,  2  vol.  in-12);  Sylvie  (1861,  in-12); 
Un  Début  à  V Opéra,  première  partie  d'une  trilogie  dont 
Monsieur  de  Saint-Bertrand  et  le  Mari  de  la  Danseuse 
formaient  le  complément  (1863,  3  vol.  in-18);  le  Secret 
du  bonheur  (1864,  2  vol.  in-12);  la  Comtesse  deChalis 
ou  les  Mœurs  du  jour  (1867,  in-12);  le  Roman  d'une 
jeune  mariée  (1867,  in-12);  les  Aventures  du  baron 
de  Féresle(i869,  in-12);  les  Amours  tragiques  (1870, 
in-12);  le  Lion  devenu  vieux  (1872,  in-12);  Mémoires 
d'un  coulissier  (1873,  in-18).  Citons  à  part:  les  Quatre 
Saisons,  étude  d'après  nature  (1858,  in-8),  sorte  de  poème 
en  prose;  Alger,  étude  (1862,  in-18);  Du  Luxe,  des 
Femmes,  des  Mœurs,  de  la  Littérature  et  de  la  Vertu 
(1866,  in-12);  Consolation  (4872,  in-12,  portrait); 
r  Allemagne  en  1871  (1872,  in-42);  Théophile  Gau- 
tier, souvenirs  intimes  (1873,  in-12,  portrait).  Ernest 
Feydeau  avait  fait  représenter  avec  succès  en  1869  au 
Vaudeville  Monsieur  de  Saint-Bertrand,  comédie  en 


FEYDEAU  —  FEYJOÔ 


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quatre  actes,  et  publié  Un  Coup  de  Bourse,  comédie  en 
cinq  actes  (1868,  in-18).  En  1865,  il  fut  un  moment 
rédacteur  en  chef  deY  Epoque,  journal  politique  quotidien, 
et  fonda  en  1869  la  Revue  internationale  de  Vart  et  de 
la  curiosité.  M.  Tx. 

Bibl.  :  Sainte-Beuve,  Causeries  du  lundi,  t.  XIV. 

FEYDEAU  (Georges),  fils  du  précédent,  né  à  Paris 
en  1862.  Auteur  d'un  certain  nombre  de  monologues  en 
vers  et  en  prose,  il  a  donné,  soit  seul,  soit  avec  M.  Maurice 
Desvallières  ou  M.  Raoul  Toché,  quelques  vaudevilles  dont 
plusieurs  ont  obtenu  un  succès  prolongé  :  Tailleur 
pour  dames,  comédie  en  trois  actes  (1888)  ;  Monsieur 
chasse!  (Palais-Royal,  1892);  le  Système  Ribadier 
(ibid.,  1892). 

FEYDEL,  membre  de  la  Constituante  (V.  Faydel). 

FEYEN  (Jacques-Eugène),  peintre  français,  né  à  Bey- 
sur-Seille  (Meurthe-et-Moselle)  le  13  nov.  1815.  Après 
avoir  étudié  la  peinture  dans  l'atelier  de  Paul  Delaroche, 
il  alla  se  fixer  à  Nancy,  d'où  il  envoya  de  temps  à  autre 
aux  Salons  annuels  de  Paris  de  petits  tableaux  de  genre  ou 
des  scènes  historiques,  tels  que  :  Episode  de  V invasion 
de  1815  (Salon  de  1845),  représentant  une  famille  de 
paysans  lorrains  qui  retrouve  sa  maison  dévastée  par  l'en- 
nemi ;  le  Petit  Chaperon  rouge  Qtime  Jardinière  (1846); 
Repas  de  la  Sainte  Famille  (1847);  Portraits  de  jeunes 
filles  (1848);  la  Fable  et  la  Vérité  (1861)  ;  Psyché 
évanouie  et  Au  Bord  de  l'eau  (1863);  Léda  (1864); 
le  Baiser  enfantin  (1864)  ;  la  Promenade  dans  le  Parc 
(1866),  etc.  Après  la  guerre  de  1870,  M.  Eugène  Feyen, 
quittant  Nancy,  se  mit  à  peindre,  presque  exclusivement, 
des  scènes  maritimes  et  des  épisodes  de  la  vie  des  pê- 
cheurs, suivant  en  cela  l'exemple  de  son  frère,  Feyen- 
Perrin,  qui  avait  conquis  dans  ce  genre  une  certaine  po- 
pularité ;  mais  il  donna  à  ses  figures  des  proportions 
microscopiques,  s'amusant  à  faire  tenir  jusqu'à  sept  ou 
huit  cents  personnages  dans  certains  tableaux,  comme  les 
Régates  de  Cancale  (1873).  Avec  une  application  opi- 
niâtre, il  est  parvenu  à  donner  parfois  du  charme  et  de  la 
légèreté  à  sa  peinture  d'abord  trop  crayeuse  et  d'un  rendu 
par  trop  photographique.  Il  faut  citer  parmi  ses  œuvres  de 
cette  dernière  manière  :  les  Glaneuses  de  la  mer  (1872), 
acquis  par  l'Etat  et  qui  figure  au  musée  du  Luxem- 
bourg, la  Caravane  de  Cancale  (1874),  la  Toilette  des 
Cancalaises  après  la  pêche  (1877),  le  Retour  en  bateau 
des  pêcheuses  cancalaises  et  Berceuse  endormie  (1880), 
le  Départ  pour  la  pêche  (1881),  la  Baie  de  Cancale  un 
jour  de  grande  marée  (1885),  la  Fiancée  du  marin 
(1890),  un  Retour  de  pêche  et  la  Grande  Sœur 
(1891),  etc.  ^  Victor  Champier. 

F  EY  E N -Perrin  (François-Auguste) ,  peintre  français,  frère 
du  précédent,  né  à  Bey-sur-Seille  (Meurthe-et-Moselle)  en 
1829,  mort  à  Paris  le  14  oct.  1888.  Son  enfance  fut  mar- 
quée par  une  invincible  vocation.  Employé  tout  d'abord  dans 
les  bureaux  de  son  père,  percepteur  des  contributions  di- 
rectes, il  se  reposait  des  chiffres  en  crayonnant  des  bons- 
hommes, et  ses  dispositions  parurent  si  manifestes  que  son 
frère  aîné,  élève  de  Paul  Delaroche,  le  prit  avec  lui,  à  Nancy, 
pour  faire  son  éducation  de  peintre.  Il  avait  près  de  vingt  ans 
quand  il  vint  à  Paris.  Il  entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts,  où 
il  remporta  rapidement  de  brillants  succès,  et  il  était  même 
entré  en  loge  pour  concourir  au  prix  de  Rome,  quand  une 
commande  inattendue  vint  le  détourner  de  la  voie  où  il 
comptait  conquérir  de  classiques  lauriers.  Feyen -Perrin 
parut  pour  la  première  fois  au  Salon  en  1855,  avec  un 
Retour  à  la  chaumière;  dès  1857,  il  exposait  une  com- 
position qui  fut  remarquée,  la  Barque  de  Car  on,  qui  est 
actuellement  au  musée  de  Nancy.  Puis  il  donna,  entre  au- 
tres œuvres  dignes  d'être  notées  :  la  Leçon  aVanatomie 
du  docteur  Velpeau  (1854),  Charles  le  Téméraire 
(1855),  les  Femmes  de  Vile  de  Batz,  qui  commencèrent 
au  Salon  de  1866  la  série  de  ses  études  bretonnes  qui  popu- 
larisèrent son  nom  en  montrant  le  côté  original  de  son 
talent  :  amour  profond  de  la  nature,  se  conciliant  avec  un 


rare  sentiment  de  distinction.  A  la  fois  naturaliste  et  poète, 
il  représenta  des  pêcheuses  cancalaises  avec  la  haute  allure 
des  nymphes  antiques,  tout  en  demeurant  dans  les  données 
les  plus  strictes  de  l'observation.  Dans  cet  ordre  d'idées,  il 
faut  citer  comme  des  pages  absolument  remarquables  :  la 
Vaneuse,  qui  obtint  un  très  grand  succès  en  1867,  Mé- 
lancolie (1870),  le  Printemps  (1872),  la  Cancalaise  a 
la  Source  (même  année)  qui  mit  le  sceau  à  sa  réputation  ; 
le  Retour  de  la  pêche  aux  huîtres  (1874)  qui  fut  acquis 
par  l'Etat  pour  le  musée  du  Luxembourg  ;  la  Mort  d'Orphée 
(1878),  toile  d'un  grand  caractère  qui  mit  le  sceau  à  la 
renommée  de  l'artiste.  Mentionnons  encore  :  Tricoteuses 
au  bord  de  la  mer  (1879),  Retour  de  la  pêche  a  marée 
basse  (1880),  Astarté  (1881),  le  Chemin  de  la  Cor- 
niche (1882),  Printemps  et  une  Danse  du  Crépuscule, 
d'une  magnifique  exécution  (1883),  le  Bain  (1884),  une 
Faneuse  et  l'Etroit  sentier  (1888),  sans  parler  de  nom- 
breuses compositions  décoratives  pour  des  hôtels,  de  por- 
traits tels  que  celui  de  M.  Alphonse  Daudet  ou  de  M.  Le- 
père,  etc.  Feyen-Perrin  excella  aussi  bien  dans  l'histoire 
et  le  portrait  que  dans  le  paysage  de  la  mer.  Nul,  parmi 
les  peintres  contemporains,  n'a  su  mieux  exprimer  les 
lumières  argentées  des  horizons  marins  et  l'atmosphère 
imprégnée  des  senteurs  salines  des  plages.  Après  sa  mort, 
une  exposition  de  son  œuvre  fut  organisée  à  l'Ecole  des 
beaux-arts,  dont  le  produit  fut  affecté  à  un  monument  en  son 
honneur,  au  cimetière  de  Montmartre.  Victor  Champier. 
FEYERABEND  (Sigmund),  célèbre  éditeur  et  graveur 
sur  bois  allemand,  né  à  Heidelberg  en  1528,  mort  à  Franc- 
fort le  22  avr.  1590.  Fils  du  peintre  Aegidius  Feyerabend, 
il  cultiva  le  même  art,  mais  s'appliqua  surtout  à  la  gravure 
sur  bois.  Il  s'établit  en  1560  à  Francfort-sur-le-Main  en 
société  d'abord  avec  les  imprimeurs  D.  Zôppel  et  J.  Rasch, 
puis  avec  G.  Rab  et  S.  Hùter,  enfin  avec  son  cousin  Johann 
Feyerabend.  Ils  éditèrent  nombre  de  beaux  livres,  illustrés 
notamment  par  Virgile  Solis  et  Jost  Amman,  dont  S.  Feye- 
rabend a  gravé  en  partie  les  dessins.  —  Son  fils  aîné,  Hie- 
ronymus  (mort  en  1581  à  l'âge  de  dix-huit  ans),  mit  son 
nom  sur  plusieurs  publications.  — •  Son  second  fils,  Karl- 
Sigmund  (mort  à  Boll^dans  le  Wurttemberg,  le  15  juin 
1609),  continua  la  librairie  paternelle.  G.  P-i. 

Bibl.  :  Pallmann,  S.   Feyerabend,   sein  Leben   und 
seine  geschaftlichen  Verbindungen  ;  Francfort,  1881. 

FEYJOÔ  ou  FEIJOÔ  y  Monténégro  (Benito-Gerônimo), 
savant  espagnol,  né  à  Casdemiro  (Galice)  en  1676,  mort 
au  couvent  d'Oviedo  en  1764.  Destiné  par  sa  famille  à  l'état 
ecclésiastique,  il  s'adonna  avec  ardeur  à  l'étude,  et  dans  sa 
curiosité  d'esprit  s'occupa  en  même  temps  que  de  littéra- 
ture, de  médecine,  de  sciences  mathématiques,  de  physique, 
de  philosophie,  etc.  Entré  dans  l'ordre  des  bénédictins,  il 
consacra  sa  vie  entière  à  la  recherche  de  la  vérité  et  à 
lutter  contre  l'ignorance  et  les  préjugés  de  ses  compatriotes. 
Sa  piété,  qui  n'était  pas  contestable,  donna  à  cette  sorte 
d'apostolat  scientifique  un  caractère  moins  suspect  que  s'il 
avait  été  simplement  un  disciple  des  écrivains  de  France  et 
d'Angleterre  et,  s'il  trouva  des  adversaires  violents  et  fut 
même  déféré  au  tribunal  de  l'Inquisition,  il  n'en  obtint  pas 
moins  un  très  grand  succès.  En  1726,  il  fit  paraître  en  un 
volume  intitulé  Teatro  critico  des  dissertations  assez  sem- 
blables à  celles  du  Spectator  d'Addison,  mais  plus  longues 
et  d'un  genre  plus  grave  ;  elles  portaient  contre  la  dialec- 
tique et  la  métaphysique  qu'on  enseignait  alors  en  Espagne, 
sur  la  légitimité  de  la  méthode  d'induction  dans  les  sciences 
physiques,  sur  les  règles  de  la  critique  historique,  sur  les 
superstitions  relatives  aux  comètes,  aux  éclipses,  à  la  sor- 
cellerie, sur  le  rôle  de  la  femme  dans  la  société,  sur  la 
nécessité  pour  les  Espagnols  de  chercher  la  vérité  et  le 
progrès  social,  etc.  L'accueil  qui  fut  fait  à  ce  livre  fut 
des  plus  favorables  et  de  1727  à  1739  l'auteur  publia 
sept  autres  volumes  du  Teatro  critico,  où  il  attaque  l'igno- 
rance des  moines  et  du  clergé,  les  privilèges  de  caste,  les 
préjugés  populaires,  les  auteurs  précieux,  etc.  On  ne  sait 
pour  quel  motif  Feyjoô  cessa  cette  publication  en  1739, 


—  391  — 


FEYJOO  -  FEZ 


mais  en  1742  il  la  reprit  sous  le  titre  :  Cartas  eruditas 
y  curiosas  en  que  por  la  mayor  parte  se  continua 
et  designio  de  el  'leatro  critico  universal,  impugnando 
ô  reduciendo  ci  dudosas  varias  opiniones  comunes, 
et  en  publia  encore  5  vol.  La  polémique  très  vive  que 
quelques  écrivains  obscurs  engagèrent  contre  Feyjoô  ne 
fit  qu'augmenter  le  succès  et  l'influence  de  ses  ouvrages  ; 
bien  qu'ils  soient  volumineux  et  sur  des  sujets  arides 
assez  souvent,  les  15  tomes  (en  y  comprenant  la  polé- 
mique) eurent  45  éd.  dans  le  cours  du  xvur3  siècle.  Une 
édition  des  dissertations  les  plus  intéressantes  a  paru 
aussi  en  1863  dans  la  Biblioteca  Ribadeneyra  :  Obras 
escogidas.  On  y  trouve  une  intéressante  notice  sur  Feyjoô 
par  Vicente  de  La  Fuente.  Clemencin,  en  jugeant  l'œuvre 
du  bénédictin  d'Oviedo,  dit  que  c'est  à  sa  piété  éclairée 
que  l'on  doit  d'avoir  vu  se  dissiper  en  Espagne  bien  des 
préjugés,  que  l'on  doit  presque  tout  le  progrès  accompli 
en  ce  sens  au  siècle  dernier.  Ticknor  déclare  aussi  que 
Feyjoô  à  lui  seul  a  fait  plus  pour  le  développement  intel- 
lectuel de  son  pays  que  tous  ses  prédécesseurs  pendant  un 
siècle  entier.  E.  Gat. 

F  EY  L  D  E  (Thomas) ,  poète  anglais  du  xvie  siècle,  sur  lequel 
les  renseignements  biographiques  font  défaut.  On  a  de  lui 
deux  poèmes  imprimés  par  Wynkyn  de  Worde,  et  dont  les 
exemplaires  sont  très  rares  :  A  Lytel  Treatyse  called  thc 
Gôtraversc  bytwene  a  Louer  and  aJayeeX  The  Coplaynte 
of  a  Louers  Lyfe.  B.-H.  G. 

FEYS  ouTROMELlN  (lie).  Une  des  îles  Carolines,  décou- 
verte en  4828  par  Legoarant  de  Tromelin.  Elle  est  formée 
de  roches  d'une  hauteur  de  9  m.  environ;  sa  circonférence 
est  d'environ  40  kil.  ;  300  hab.  environ.  Position  : 
9°46'lat.  N.  ;  138°  15/ long.  E. 

FEYT.  Corn,  du  dép.  de  la  Gorrèze,  arr.  d'Ussel,  cant. 
d'Eygurande;  380  hab. 

FEYTH  ou  FEiTH  (Rhynvis),  littérateur  hollandais,  né 
à  Zwolle  le  7  févr.  1753,  mort  à  Italie  le  8  févr.  1824.  II 
lit  ses  premières  études  à  Harderwijk  et  prit  ensuite  le  grade 
de  docteur  en  droit  à  Leyde;  rentré  dans  sa  ville  natale,  il 
se  voua  entièrement  aux  lettres  et  composa  de  nombreuses 
poésies  légères  et  des  pièces  de  théâtre  à  tendances  patrio- 
tiques et  religieuses  qui  obtinrent  le  plus  vif  succès  en  Hol- 
lande. Voici  le  titre  de  ses  œuvres  principales  :  le  Deuxième 
Centenaire  de  V Union  d'Utrecht,  poème  lyrique  (Leyde, 
1779);  Thirsa,  tragédie  (Amsterdam,  4  784)  ;  les  Pa- 
triotes, comédie  (Amsterdam,  1785)  ;  Jeanne  Cray,  tra- 
gédie (La  Haye,  1791)  ;  Inès  de  Castro,  tragédie  (Amster- 
dam, 1793)  ;  Odes  et  Poèmes  (Amsterdam,  1796,  5  vol. 
in-8)  ;  la  Vieillesse,  poème  en  six  chants  (Amsterdam, 
1802).  Ses  œuvres  complètes  ont  été  réunies  en  11  volumes 
in-8,  publiées  à  Rotterdam  en  1825.  E.  H. 

Bibl.  :  Van  Kampen,  Histoire  des  lettres  et  des  sciences 
en  Hollande  (en  hollandais)  ;  Amsterdam,  1832,  10  vol. 
in-8.  —  Oostcamp,  Hommage  à  la  mémoire  de  Rhynvis 
Feilh  (en  hollandais);  Leeuvaarden,  1824,  in-8. 

FEYÏ1ÂT,  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Vienne,  arr.  et 
cant.  de  Limoges  ;  1,302  hab. 

FEYZ1N.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne,  cant. 
de  Saint-Symphorien-d'Ozon,  sur  une  colline  dominant  le 
Rhône;  4,259  hab.  Vestiges  d'anciens  bains  romains. 
Eglise  gothique. 

FEZ  (Coiff.).  Sorte  de  calotte,  ordinairement  teinte  en 
rouge  ou  en  bleu,  faite  en  feutre  ou  en  tricot  feutré.  On 
appelle  encore  cette  coiffure  bonnet  turc  ou  grec  parce 
qu'elle  est  particulière  à  l'Orient,  surtout  à  la  Turquie.  Le 
nom  de  fez  vient  de  la  ville  de  Fez  (Maroc),  qui  commença 
la  première  à  fabriquer  ce  genre  de  calottes  :  on  teignait 
alors  celles-ci  en  rouge  au  moyen  du  kermès  recueilli  aux 
environs.  Plus  tard,  quand  l'usage  s'en  répandit,  on  en  fit 
en  Turquie,  en  France  et  en  Italie,  d'où  on  en  exporta  par 
quantité  dans  les  pays  orientaux.  Aujourd'hui,  il  n'y  a  plus 
que  quelques  fabriques  de  calottes  à  Constantinople,  et  la 
majeure  partie  des  fez  est  fabriquée  en  Autriche  par  les 
villes  de  Vienne  et  surtout  de  Strakonitz,  qui  est  devenue 


le  principal  fournisseur  des  Turquies  d'Europe  et  d'Asie,  de 
la  Grèce,  de  l'Egypte,  de  la  Tunisie  et  du  Maroc.     L.  K. 

FEZ.  La  plus  importante  des  villes  du  Maroc,  une  des 
trois  résidences  impériales,  compte  environ  70,000  hab., 
tant  Arabes  que  descendants  des  Maures  expulsés  d'Anda- 
lousie, puis  un  certain  nombre  d'Algériens  et  environ 
40,000  juifs.  L'Angleterre  possède  un  consulat  de  car- 
rière à  Fez  et  la  France  un  agent  consulaire  arabe  (4893). 
Presque  tous  les  peuples  européens  écrivent  Fez,  quoique 
la  véritable  orthographe  transcrite  de  l'arabe  doive  être 
Fès  ou  Fâs  ;  mais  on  n'en  connaît  point  l'étymologie.  Les 
Arabes,  vrais  romanciers  en  cette  matière,  l'expliquent  de 
plusieurs  façons;  quelques-uns,  avec  Ibn  Batouta,  croient 
que  Fès  ou  Fàs  (qui,  en  arabe,  signifie  pioche)  indiquerait 
que  l'on  aurait  trouvé  un  instrument  de  cette  nature  dans 
les  fondations  de  la  ville;  selon  d'autres,  Fès  viendrait  de 
Fedd'a,  argent.  La  position  astronomique  moyenne  de  Fez 
est  par  34°  6'  30"  lat.  N.  et  7°  8'  30"  long.  0.  du  méri- 
dien de  Paris  ;  elle  est  à  environ  320  kil.  0.  de  la  fron- 
tière algérienne,  à  480  kil.  E.  de  Rabat,  à  495  kil.  S.  de 
Tanger  et  à  440  kil.  S.  du  littoral  de  la  Méditerranée  au 
point  dit  du  Peilon  de  Vêlez  de  la  Gomera,  petit  préside 
espagnol,  toutes  ces  distances  étant  mesurées  à  vol  d'oi- 
seau. L'altitude  moyenne  de  Fez  est  de  300  m.,  mais  une 
grande  différence  de  niveau  existe  entre  Fez  Djedid  ou  la 
Neuve  et  Fez  el  Bâli  ou  l'Ancienne,  qui  est  au  fond  de 
l'étroit  vallon  où  coule  l'ouad  Fez.  La  ville  jouit  d'un  cli- 
mat humide  ;  il  y  pleut  beaucoup  durant  le  printemps  et 
les  chaleurs  y  sont  très  fortes  pendant  l'été  où  le  thermo- 
mètre se  maintient  entre  35°  et  40°  à  l'ombre  ;  en  hiver, 
il  est  rare  qu'il  s'abaisse  au  delà  de  -|-30.  L'ouad  Fez, 
appelé  jadis  ouad  Djouhaïr,  ou  la  rivière  des  Perles,  prend 
naissance  à  Ras  el  Ma  à  peu  de  distance  au  S.-O.  ;  il  forme 
à  l'intérieur  de  la  ville  mille  ruisseaux  qui  portent  leurs 
eaux  dans  les  lavoirs,  les  maisons  et  les  bains  et  arrosent 
les  rues,  les  places,  les  jardins,  les  parterres,  et  font  tour 
ner  de  nombreux  moulins.  L'eau  de  cette  rivière  est  très 
insalubre  et  chargée  de  matières  organiques  ;  elle  donne 
fréquemment  la  dysenterie  ou  la  fièvre  typhoïde.  Aussi 
contribue-t-elle  à  rendre  le  climat  de  la  ville  très  mal- 
sain. L'humidité  y  est  excessive  en  été  ;  c'est  dans  une 
buée  chaude  que  l'on  vit  ;  mais  c'est  à  cela  que  Fez  doit 
la  beauté  vraiment  éclatante  de  ses  jardins  qui  produisent 
les  plus  savoureuses  grenades  au  grain  jaune  du  Maghreb, 
les  meilleures  qualités  de  figues,  de  raisins,  de  pêches, 
d'abricots,  de  citrons,  etc.  Cette  richesse  des  jardins  et 
des  pâturages  de  Fez  explique  l'admiration  qu'elle  a 
inspirée  aux  poètes  arabes  émerveillés  de  ce  vallon  où 
s'étendent  de  si  jolis  jardins  d'où  montent  le  parfum  des 
fleurs  et  le  chant  de  mille  oiseaux. 

Située  à  peu  près  vers  le  centre  de  la  dépression  qui 
sépare  le  système  rifain  du  système  de  l'Atlas,  Fez  se  trouve 
sur  la  route  naturelle  qui  longe  la  base  occidentale  de  l'At- 
las à  l'extrémité  de  vastes  plaines  qui  s'étendent  jusqu'au 
littoral  atlantique,  et  elle  est  en  même  temps  près  de  l'en- 
trée de  la  vallée  de  l'ouad  Innaouen,  communication  toute 
tracée  entre  l'Algérie  et  le  cœur  du  Maroc.  Les  grandes 
voies  historiques  se  croisent  donc  dans  le  bassin  de  Fez, 
qui  acquiert  ainsi  une  grande  importance  stratégique  et 
commerciale  ;  aussi,  quand  l'empire  chérifien  subira  le  dé- 
veloppement des  idées  modernes,  sera-ce  encore  sur  les 
rives  de  l'ouad  Fez  que  s'établira  la  ville  maîtresse  de  ces 
régions. 

Fez  el  Bâli  ou  l'Ancienne  a  été  fondée  en  793  de  J.-G. 
ou  177  de  l'hégire  par  Idris  ben  Idris  ou  Idris  Serir,  fils 
du  grand  Idris,  l'apôtre  delà  religion  musulmane  au  Maroc, 
qui  était  mort  à  Oulili,  l'antique  Volubilis,  qu'il  se  pro- 
posait de  réédifier  et  d'agrandir;  son  fils  préféra  fonder 
à  Guerouaoua  ou  Guedoura,  dans  l'étroit  vallon  de  l'ouad 
Djouhaïr,  la  ville  actuelle.  Toutefois  l'emplacement  choisi 
paraît  avoir  succédé  à  un  établissement  antique,  car 
Roudh  el  Kartas  (V.  ce  nom)  nous  assure  que  l'on  y 
trouva  une  statue,  et  lbn  Ehaldoun  (V.  ce  nom)  nous 


FEZ 


m  — 


apprend  que  le  sol  sur  lequel  s'élève  la  ville  apparte- 
nait alors  aux  Béni  Borghos  et  aux  Béni  el  Khaïr,  tribus 
zouaghiennes,  parmi  lesquelles  se  trouvaient  des  mages, 
des  juifs  et  des  chrétiens.  Les  mages  avaient  même  un 
temple  du  feu  à  Chebouba,  endroit  qui,  de  nos  jours, 
fait  partie  de  la  ville,  et  a  donné  son  nom  à  un  petit 
quartier.  Idris  ben  Idris ,  vénéré  au  Maroc  sous  le  nom 
de  Moulai'  Idris,  ne  bâtit  qu'une  cité  sur  le  bord  droit 
de  la  rivière,  mais  son  petit-fils  en  bâtit  une  autre  sur 
la  rive  gauche  ;  on  désigna  alors  la  première  du  nom  de 
Blida  ou  la  Villette ,  et  la  seconde  du  nom  d'El  Hâlou, 
corruption  pour  Aïn  el  Hâloua,  la  Fontaine  douce.  Pen- 
dant le  règne  de  Yahia,  ce  fut  aux  soins  éclairés  de  ce 
prince  idrisside,  vers  840  de  J.-C,  que  Fez  dut  la  construc- 
tion de  ses  bains,  de  ses  faubourgs  et  de  ses  caravansé- 
rails ;  aussi  était-elle  devenue  une  ville  très  florissante, 
dans  laquelle  affluaient  jusqu'aux  habitants  des  contrées 
éloignées.  En  effet,  tant  que  la  puissance  des  Maures  s'est 
maintenue  dans  tout  son  éclat,  Fez  en  a  été  en  quelque 
sorte  le  foyer.  Dans  la  suite,  une  terrible  rivalité  et  des 


guerres  sans  fin  devaient  s'établir  dans  sa  population  jus- 
qu'au siège  que,  en  1069  de  J.-C,  Youçof  ben  Tachefin,  à 
la  tête  des  Berbers  Lemtouna  (V.  ce  mot),  fit  de  la  ville  et 
où  plus  de  trois  mille  Maghraouéens,  Ifrénides,  Mikna- 
ciens  et  Zènatiens  (V.  ces  mots)  trouvèrent  la  mort.  Le 
vainqueur  fit  alors  abattre  le  mur  qui  séparait  le  quartier 
des  Cairouanides  ou  Adoua  el  Carouïyn  de  celui  des  Anda- 
lous  ou  Adoua  el  Andalous,  et,  ayant  formé  de  Fez  une 
seule  cité,  il  l'entoura  d'un  rempart.  Vers  1220  ou  1230, 
Yakoub  ben  Abdallah,  le  second  des  Béni  Merin,  fit  bâtir 
sur  la  rivière,  à  1,000  ou  1,500  m.  à  l'O.-S.-O.  de  l'an- 
cienne ville,  un  autre  centre  de  population  tout  à  fait  sé- 
paré qu'il  nomma  Medinet  el  Beïda  ou  la  Ville  blanche. 
Mais  on  ne  lui  a  conservé  que  le  nom  de  Fez  Djedid  ou  le 
nouveau  Fez,  l'ancienne  ville  prenant,  par  opposition,  le 
nom  de  Fez  el  Bâli.  Près  du  nouveau  Fez,  Moulai  Abdallah 
fit  bâtir,  vers  1750,  le  palais  de  Bou  Djeloud,  demeure 
des  sultans  sans  cesse  augmentée  et  modifiée  ;  mais  quant 
à  Fez,  depuis  le  moyen  âge,  elle  ne  supporta  plus  de 
grands  changements  dans  son  périmètre  ;  son  histoire  a 


Zala£h.  Alt.  850^ 


Plan  général  de  Fez  (Fâs)  à  l'échelle  de  1/125000°. 


été  trop  intimement  mêlée  à  celle  du  Maroc  par  l'influence 
que  ses  révolutions  ont  exercé  sur  les  destinées  des  dynas- 
ties du  Maghreb  pour  que  nous  ne  la  traitions  point  avec 
quelque  développement  (V.  Maroc  [Histoire]),  car  Fez  est 
la  première  capitale  du  pays,  et,  de  tout  temps,  son  pre- 
mier centre  politique,  puisque,  en  vertu  d'une  tradition  con- 
stante, l'investiture,  l'option  de  ses  ulémas  a  été  néces- 
saire pour  valider  l'élection  des  sultans.  —  Les  deux  villes 
de  Fez  s'étendent  sur  un  espace  de  terrain  d'une  longueur 
assez  considérable,  mais  très  resserré  dans  sa  largeur,  au 
fond  de  la  vallée  qui  forme  le  petit  bassin  de  l'ouad  Fez. 
Fez  Djedid  est  à  la  tête  des  eaux  et  offre  plutôt  l'aspect 
d'une  sorte  de  citadelle  que  d'une  ville,  car  elle  ne  ren- 
ferme guère,  outre  le  Mellah  ou  quartier  des  juifs,  que 
des  demeures  de  fonctionnaires.  Fez  el  Bâli  est  bâti  sur 
le  versant  de  plusieurs  coteaux,  derniers  ressauts  du  dje- 
bel Zalagh,  dont  le  sommet  atteint  850  m.  et  auquel  la 
ville  est  comme  adossée.  La  ville  descend  jusque  dans  la 
vallée  où  coule  la  rivière,  et  des  flancs  du  Zalagh  on 
saisit  l'entassement  des  maisons  dont  l'amoncellement  est 


si  épais  qu'on  ne  peut  distinguer  trace  d'aucune  rue. 
De  ce  fouillis  confus  s'élèvent  de  nombreux  minarets 
qui  dressent  dans  l'espace  leurs  flèches  surmontées  de 
trois  boules  d'or  auxquelles  s'ajoute  un  oriflamme  aux 
heures  de  prière.  Les  toitures  vertes  et  lumineuses  des 
mosquées  se  détachent  de  la  blancheur  des  terrasses,  et 
une  ceinture  de  jardins  semble  suivre  la  vieille  muraille 
pour  enserrer  la  ville  de  tous  côtés.  Au  loin,  le  Sebou 
(V.  Sebou  [Ouad])  promène  ses  eaux  que  le  soleil  fait 
briller  comme  un  serpent  d'argent  ;  Fez,  en  effet,  n'est 
qu'à  4  kil.  de  ce  fleuve  que  l'on  franchit  sur  un  pont  qui 
fut  construit  en  1669  sous  le  règne  du  sultan  Errechid. 
L'horizon  est,  dans  le  S.,  borné  par  les  hautes  montagnes 
des  Béni  Ouaraïne  (V.  ce  mot)  dont  la  neige  blanchit  en 
hiver  les  sommets  et  jusqu'à  la  fin  du  printemps,  par  le 
massif  des  Ait  Youssi  (V.  ce  mot)  et  enfin  par  la  chaîne 
des  Béni  Megnild  (V.  ce  mot),  au  pied  de  laquelle  vient 
expirer  la  grande  plaine  dite  de  Fez,  large  d'une  vingtaine 
de  kilomètres. 
L'enceinte  de  Fez  se  compose  d'un  grand  mur  en  pisé, 


—  393  — 


FEZ 


en  mauvais  état,  flanqué  de  distance  en  distance  de  tours 
carrées  également  crénelées,  ces  créneaux  se  terminant 
par  une  petite  pyramide  tronquée.  La  ville  est  dominée  par 
deux  petits  forts  isolés  sans  portes  apparentes  et  qui  n'ont 
aucune  valeur;  ce  sont  de  simples  blockhaus,  mais  la 
principale  force  défensive  de  Fez  consiste  dans  la  nature 
des  voies  de  communication  intérieure,  les  rues  formant  un 
labyrinthe  inextricable  où  il  serait  très  difficile  à  des  as- 
saillants de  s'aventurer,  même  en  nombre,  si  la  population 
poursuivait  la  lutte  après  la  prise  des  remparts.  Ceux-ci 
constituent  aussi  un  obstacle  assez  sérieux,  moins  par  leur 
hauteur  de  8  à  10  m.  et  par  leur  épaisseur  de  2  à  3  m.  à 
la  base,  que  par  la  nature  de  leurs  constructions.  Ils  sont 
tout  entiers  en  pisé  ;  les  projectiles  ordinaires  de  cam- 
pagne en  auraient  difficilement  raison,  et  une  armée  assié- 
geante ne  pourrait  les  détruire  qu'à  la  mine  ou  à  la  sape. 
Mais  la  ville  est  commandée  à  très  faible  distance  par  les 
hauteurs  voisines  et  ne  pourrait,  en  raison  du  groupement 
même  de  ses  maisons,  tenir  contre  un  bombardement  de 
quelques  heures.  Il  est  d'ailleurs  hors  de  doute,  étant  don- 
nées les  habitudes  commerciales  de  la  population,  qu'elle  ne 
résisterait  pas  à  une  démonstration  faite  par  des  forces  de 
quelque  importance.  Cette  enceinte  à  demi  ruinée  donne 
à  la  ville  l'aspect  d'une  cité  du  temps  des  croisades  ;  elle 
est  percée  de  portes  monumentales  dont  les  principales 
sont  au  nombre  de  six  pour  Fez  el  Bâli  et  deux  pour  Fez 
Djedid.  Ce  sont  :  Bab  el  Hadid  qui  mène  à  Sefrou  (V.  ce 
mot)  et  dans  le  S.,  Bab  Djedid  qui  mène  dans  les  jardins; 
Bab  Sidi  bou  Jida  et  Bab  Fteur  qui,  toutes  deux,  condui- 
sent au  pont  du  Sebou,  c.-à-d.  à  la  route  d'Ouchda;  Bab  el 
Guiza  pour  la  région  des  Cherarda  ;  Bab  Mahrouk  vers  Mek- 
nas  et  Moulai'  Yakoub.  À  Fez  Djedid,  ce  sont  :  Bab  Sidi  bou 
Nafa  ou  Bab  Jiaf  vers  Sefrou  et  le  Sud,  puis  enfin  Bab 
Segma  où  passe  le  chemin  de  Meknas  et  Tanger. 

L'ancienne  division  en  quartier  des  Andalous  et  en  quar- 
tier des  Cairouanides  n'existe  plus  ;  on  divise  actuellement 
la  ville  en  sept  parties  qui  rappellent  le  souvenir  historique 
des  grandes  familles  telles  que  les  Bennis,  lesBerrada,  les 
Bennani,  El  Quebadj,  ElHa'ilou,  puis  ceux  qui  proviennent 
de  familles  de  chorfa,  tels  les  Belretïyen,  Idrissïyen  et 
enfin  Squelïyen.  Ces  grandes  divisions  se  subdivisent  elles- 
mêmes  en  treize  quartiers  auxquels  il  convient  d'ajouter 
El  Queceba  (le  village  des  fleurs)  où  demeurent  les  Filala 
ou  indigènes  du  Tafilalet.  La  police  locale  est  assurée  par 
les  chefs  de  quartiers,  moqaddemin  el  Houma,  qui  en  sont,  à 
proprement  parler,  les  caïds,  et  indépendamment  de  ceux-ci 
par  les  môlinn  Dàr,  agents  de  police  secrète  qui  dépendent 
d'un  chef  spécial  relevant  lui-même  du  Makhzen.  Les 
moqaddemin  el  Houma  sont  chargés  de  tous  les  détails  de 
l'administration  courante  de  leurs  quartiers,  de  la  distribu- 
tion des  eaux,  de  la  sécurité,  etc.  Le  nettoyage  public  est 
expéditif  et  simple  :  lorsque  dans  les  rues,  les  boues,  les 
charognes  et  les  tas  d'ordures  se  sont  accumulés,  on  lâche 
la  rivière  à  travers  la  ville  où  elle  descend  en  bondissant, 
en  formant  mille  cascades  sur  les  pentes  abruptes,  et  em- 
porte avec  elle  les  amas  d'immondices.  La  surveillance  des 
marchés,  la  perception  des  droits  de  vente  sont  confiées 
aux  Mehtasseb  et  aux  Molinn  Nkass  (pour  les  détails  de 
l'administration,  V.  à  l'art.  Maroc  [Gouvernement  inté- 
rieur des  villes]).  Chacun  des  quartiers  de  Fez  el  Bâli  pos- 
sède un  drapeau  particulier,  et,  chaque  soir,  on  ferme  les 
portes  qui  font  communiquer  les  quartiers  ensemble,  sauf 
durant  la  période  du  Ramadan.  A  Merstan,  dans  l'inté- 
rieur du  vieux  Fez,  à  côté  du  marabout  de  Sidi  Feredj,  se 
trouve  un  bâtiment  où  l'on  enferme  les  fous  et  qui  sert  en 
même  temps  de  prison  pour  les  femmes.  Fez  Djedid,  à  part 
le  Mellah  ou  juiverie  dont  les  juifs  ne  peuvent  sortir  que 
pieds  nus,  possède  cinq  quartiers,  et  c'est  là  qu'habitent 
une  partie  des  grands  personnages  de  la  cour,  tels  que  le 
chambellan  et  le  ministre  de  la  guerre.  Entre  le  nouveau 
et  l'ancien  Fez  se  trouve  Bou  Djeloud  ou  l'endroit  des 
tanneries  avec  le  palais  du  sultan  et  le  cimetière  de  Sidi 
bou  Beker  el  Arabi,  du  nom  du  tombeau  de  ce  saint.  A 


Bou  Djeloud  campent,  en  général,  des  troupes  de  cavalerie 
durant  le  séjour  du  sultan,  et  on  y  remarque  aussi  l'an- 
cienne qasba  El  Lebtata,  vaste  caserne.  Outre  quelques 
thabor  (bataillons)  d'askars  recrutés  dans  la  ville  même, 
Fez  compte  comme  garnison  permanente,  indépendamment 
des  troupes  qui  accompagnent  le  sultan,  deux  mia  (compa- 
gnies d'artillerie  chargées  du  service  des  pièces  de  la  qasba 
des  Cherarda  et  de  la  qasba  de  Fez  Djedid.  On  doit  y  ajou- 
ter aussi  les  contingents  des  tribus  Makhzen  du  voisinage, 
et  l'on  estime  assez  généralement  que  Fez  pourrait  mettre 
en  ligne  de  12  à  15,000  fusils.  Il  y  a  deux  pachas,  un  à 
Fez  Djedid  et  un  à  Fez  el  Bâli,  cette  dernière  charge  étant 
considérée  avec  juste  raison  comme  une  des  plus  impor- 
tantes de  l'administration  de  l'empire  chérifien.  La  garde 
de  Fez  Djedid,  ou  plus  exactement  du  palais  du  gouverne- 
ment ou  Dar  Makhzen,  est  confiée  à  un  troisième  fonction- 
naire qui  a  aussi  rang  de  pacha 'et  qui  a  sous  ses  ordres 
certaines  troupes  en  général  recrutées  parmi  les  contin- 
gents du  Sous,  du  Tafilalet  et  des  Cherarda  ;  cette  force 
armée  ne  quitte  jamais  la  ville,  car  c'est  à  Fez  Djedid  que 
se  trouve  une  grande  partie  du  trésor  du  sultan,  celui  de 
Meknas  ayant  été  pillé  au  temps  de  Moulai*  Abderrahman 
par  les  Abids  Boukhari  (V.  Maroc). 

Les  rues  de  Fez  sont,  en  général,  très  en  pente,  quel- 
ques-unes pavées  et  si  étroites  qu'on  ne  peut  guère  y  cir- 
culer plus  de  deux  ou  trois  de  front.  Les  maisons  sont, 
pour  la  plupart,  très  hautes,  et  les  façades  qui  donnent 
sur  les  rues  sont  de  simples  murs  droits  sans  aucun  orne- 
ment extérieur  et  presque  sans  ouvertures.  Des  voûtes 
étroites  et  obscures,  sous  lesquelles  on  rejoint  d'autres 
quartiers,  complètent  cette  sombre  impression.  L'intérieur 
des  maisons  est  souvent  fort  beau  et  remarquable  autant 
par  la  richesse  que  par  la  variété  et  par  le  goût  de  l'orne- 
mentation architecturale  (V.  Maroc  [Architecture]).  Quant 
aux  marchés,  bazars  et  qaiserïya  ou  marchés  à  la  criée,  ils 
sont  fort  nombreux  et  fort  animés,  Fez  étant,  ainsi  que 
nous  le  verrons  plus  loin,  un  centre  de  commerce  considé- 
rable. —  Sous  la  domination  des  Zenata  (V.  ce  mot),  Fez 
fut  très  agrandie,  mais  c'est  à  l'époque  des  Almohades 
qu'elle  atteignit  toute  la  splendeur  de  la  richesse,  du  luxe 
et  de  l'abondance.  On  y  comptait  alors  985  mosquées  ou 
chapelles,  122  lieux  aux  ablutions,  93  bains  publics, 
472  moulins,  non  compris  ceux  du  dehors,  et  sous  le 
règne  de  Nacer,  89,236  maisons,  19,041  mezriza  ou  cham- 
brettes  indépendantes  pour  célibataires,  467  fondouks  ou 
caravansérails.  Quoique  bien  déchue  de  cette  époque,  Fez 
compte  encore  un  grand  nombre  de  mosquées  dont  quel- 
ques-unes ont  une  importance  spéciale.  Au  premier  rang, 
nous  citerons  celle  de  Moulai*  Idris  ou  des  chorfa  qui  est 
la  plus  vénérée.  C'est  un  vaste  sanctuaire  élevé  sur  le  tom- 
beau de  ce  fondateur  de  la  ville,  et  il  est  impossible  à  un 
infidèle  de  pénétrer  même  dans  le  quartier  avoisinant  qui 
sert  de  lieu  d'asile.  Les  chorfa  Oulad  Idris  de  Fez  con- 
servent la  direction  de  la  zaouiya  et  bénéficient  de  ses  reve- 
nus, sauf  un  mois  chaque  année,  où  ils  sont  remplacés 
par  les  chorfa  Oulad  Moulai  Abdesselam  du  Rif.  La  mos- 
quée du  quartier  des  Cairouanides  ou  Djama  el  Carouïyn, 
fondée  en  859  av.  J.-C.  par  une  femme  de  Cairouan,  est 
peut-être  la  plus  belle  de  la  ville  ;  on  remarque  ensuite  la 
mosquée  du  quartier  des  Andalous.  Ces  deux  mosquées 
possèdent  des  medarsa  ou  écoles  religieuses  dont  les  tholba 
ou  étudiants,  surtout  ceux  de  la  mosquée  des  Cairouanides, 
jouissent  d'une  réelle  autorité  dans  le  monde  musulman. 
La  porte  superbe  de  la  mosquée  des  Andalous  domine 
presque  toute  la  ville  comme  une  sorte  d'arc  de  triomphe. 
Citons  encore  la  medarsa  des  Soffarin,  qui  fut  jadis  la  plus 
fréquentée  ;  elle  est  située  près  du  marché  aux  cuivres,  et 
sa  porte  d'entrée  est  célèbre  dans  l'histoire  locale  de  la 
ville,  puis  la  medarsa  des  Cherrâthin,  construite  par  le  sul- 
tan Errechid  ;  la  mosquée  de  Si  Ahmed  Chaoui,  bâtie  sur 
l'emplacement  de  la  maison  du  saint  et  qui,  autrefois  très 
vénérée,  est  un  peu  délaissée  de  nos  jours  ;,  puis  celle 
d'Abd  el  Qader  el  Fâsi,  avec  celles  d'El  Fasiyn,'qui  est  très 


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importante  comme  centre  d'enseignement,  et  finalement  la 
zaouiya  ou  couvent  de  Sidi  Hamza  des  Ahl  Seri  de  l'ïdra- 
ren,  où  se  forment  une  grande  partie  des  tholba,  mission- 
naires de  la  région  de  l'Atlas  :  à  ce  titre,  elle  est  très 
fréquentée.  Nous  ajouterons  la  mosquée  de  Bab  el  Guisa 
qui  est  une  des  plus  grandes,  et,  comme  medarsa,  celle  de 
Mechâtin  du  sultan  Errechid,  de  Bab  Souk  et  de  Moulai 
bou  Anan,  à  Talla,  qui,  jadis,  était  la  plus  vaste. 

Dans  le  nouveau  Fez,  on  remarque  la  grande  mosquée 
où  le  sultan  assiste  à  la  prière  du  vendredi  ;  en  son  ab- 
sence, son  khalifa  le  remplace,  puis  la  Djama  de  Moulai" 
Abdallah  à  Bou  Djeloud  où  chaque  sultan  doit  recevoir 
l'investiture,  et  enfin  la  mosquée  d'En  Nacer.  Les  mosquées 
de  Fez  n'ont  pas  de  coupoles,  mais  de  simples  toits  en 
pente,  parfois  formés  de  tuiles  vertes  qui  brillent  alors  au 
soleil  comme  du  verre  incandescent. 

Presque  tous  les  ordres1  religieux  du  Maroc  sont  repré- 
sentés à  Fez  par  des  zaouiya  ou  couvents  de  ces  confré- 
ries, car  Fez  est  le  centre  des  études  théologiques  du 
Maghreb  ;  les  étudiants  y  arrivent  en  foule  et  y  forment 
un  véritable  parti  indépendant.  On  ne  trouve  plus  rien, 
cependant,  dans  ces  bibliothèques  si  fameuses  au  moyen 
âge  ;  elles  ont  été  dévastées  par  une  théocratie  étroite  qui 
condamne  comme  impure  jusqu'aux  études  d'histoire. 
Parmi  les  principales  zaouiya,  je  citerai  les  suivantes  : 
Ordre  des  Derkaoua  :  zaouiya  de  Sidi  Ahmed  el  Bedâoui  et 
zaouiya  de  Sidi  Mohammed  el  Harraq  qui  sont  les  zaouiya 
mères  des  deux  branches  les  plus  répandues  dans  le  gharb. 
Ordre  des  Tidjaniya  :  zaouiya,  mère  des  Tidjaniya  du  Ma- 
roc, connue  sous  le  nom  de  zaouiya  Sidi  Ahmed  Tedjini  ; 
on  trouve  aussi  une  petite  zaouiya  à  Fez  Djedid.  Ordre 
des  Taïbiyn  :  zaouiya  dépendant  de  Dâr  Ouezzan  et  cen- 
tralisant toutes  les  relations  de  cet  ordre  au  Touat. 
On  trouve  encore  une  importante  zaouiya  de  Sidi  el 
Ghazi,  puis  une  autre  d'El  Qacemïyn  de  Sidi  Qacem  des 
Cherarda,  et  un  couvent  d'Aissaoua,  avec  des  établisse- 
ments pour  leurs  sous-sectes  des  Sefianïyn,  des  Harnacha 
et  des  Dghoghïyn  (V.  Zerhoun  [Djebel]  [Influences  reli- 
gieuses]), et  enfin  les  Qadriya  ont  à  Ras  Tiallin  une 
zaouiya  qui  a  pour  chef  un  chérif  Qadri  du  nom  de  Si 
Mohammed  el  Qadri,  saint  homme  très  vénéré  et  respecté. 
Bien  que  capitale  du  Maroc  septentrional  et  parfois  séjour 
préféré  des  sultans,  Fez  a  une  existence  politique  auto- 
nome, et  quoi  qu'elle  soit  la  principale  résidence  des 
agents  du  gouvernement,  candidats,  titulaires  en  fonctions 
ou  anciens  employés  de  tout  rang,  cette  ville  a  toujours 
été  un  centre  d'opposition  très  difficile  à  manier,  prompte 
à  s'insurger,  portée  à  la  guerre  civile  et  où  la  plupart  des 
sultans  n'ont  pu  se  faire  admettre  que  les  armes  à  la  main. 
Ses  habitants,  en  effet,  n'ont  cessé  de  jouer  un  rôle  très 
actif  dans  les  élections  impériales,  et,  ce  qui  leur  donne  un 
caractère  aussi  frondeur,  c'est  la  présence  des  nombreux 
chorfa  qui  y  résident  auprès  des  tombeaux  des  saints.  La 
masse  de  la  population  demeure  cependant  étrangère  aux 
fluctuations  de.  la  politique  impériale,  à  l'exclusion  des 
uléma  qui  ont  une  influence  marquée  sur  le  sultan  et  dont 
les  conseils  et  les  requêtes  sont  toujours  animés  d'un 
esprit  très  étroit,  très  théocratique  et  très  hostile  aux 
Européens. 

Comme  familles  religieuses,  nous  citerons  les  chorfa 
Idrissïyn  et  les  Alaonïyn,  puis  les  Sekallïyn,  les  Taharïyn 
(Andalous),  les  Yamanïyn  venus  du  Yemeîu,  les  Ketanïyn, 
les  Iraquïyn  venus  de  l'Irak.  Les  Alaouïyn  représentent 
surtout  le  parti  du  gouvernement  ;  ce  sont  pour  la  plupart 
des  membres  de  la  famille  du  sultan,  frères,  oncles  et 
cousins.  Les  Idrissïyn,  descendants  de  Moulaï  Idris  Serir, 
patron  de  la  ville,  forment  la  véritable  noblesse  religieuse 
de  Fez.  Outre  les  chorfa  de  la  zaouiya  qui  représentent  la 
lignée  la  plus  directe  du  fondateur,  ils  comptent  quelques 
membres  des  branches  collatérales,  tels  que  Si  Driss  el 
Abedin  el  Ouazzâni(V.  Ghiatsa).  Très  nombreux,  mais, 
en  général,  assez  pauvres,  les  Idrissïyn  jouissent  d'une 
réelle  considération  et  forment  un  parti  très  remuant. 


Après  eux,  les  seuls  qui  méritent  une  mention  spéciale 
sont  les  Iraquïyn  qui  ont  acquis  une  récente  illustration 
due  à  la  situation  de  l'un  d'eux,  Si  Mohammed  el  Iraqui, 
qui  fut  moqaddem  d'une  zaouiya  de  Guernis  à  Fez.  Pour 
terminer  nous  mentionnerons  les  chorfo  El  Fesïyn,  frac- 
tion de  tholba,  qui  fournissent  le  Khetib  ou  chapelain  du 
sultan  (pour  le  mode  d'administration  et  de  commande- 
ment des  chorfa  et  des  uléma  qui,  en  somme,  forment  des 
castes  distinctes  de  la  population,  V.  Maroc  [Administra- 
tion politique  et  religieuse  intérieure]).  Les  principales 
familles  de  Fez  sont  les  Oulad  ben  Djeloul,  descendants 
des  Maures  expulsés  d'Espagne  ;  ce  sont,  en  général,  des 
marchands,  mais  considérés  comme  d'extraction  noble. 
Les  Oulad  ben  Niss,  famille  que  l'on  dit  d'origine  juive  ; 
ce  sont  aussi  des  marchands  très  riches  :  ils  ont  fourni  un 
des  derniers  ambassadeurs  en  France;  puis  les  Ghicïyn, 
fraction  arabe  originaire  de  l'Hedjaz  ;  les  Sofarïyn,  origi- 
naires du  Khorassan  et  qui  subissent  l'influence  des  Oulad 
el  Moulleb,  et  enfin  les  Berâda,  peut-être  la  plus  grande 
de  toutes  ces  familles.  Nous  achèverons  en  citant  les  Oulad 
ben  Souda,  originaires  d'Andalousie,  tous  tholba  ;  ils 
fournissent  beaucoup  de  cadis,  et,  finalement,  les  Oulad 
el  Halou,  petite  famille  qui  est  très  considérée. 

Seule  parmi  les  villes  musulmanes,  Fez  est  encore 
vierge  de  toute  insulte  ;  les  Européens  peuvent  y  séjourner 
en  y  étant  à  peine  tolérés,  mais  aucun  ne  s'y  est  fixé  ; 
aucun  surtout  n'a  mis  un  pied  téméraire  dans  ses  mosquées 
vénérées (V.  Maroc).  Nos  mœurs,  notre  religion  n'y  sont  pas 
moins  inconnues  que  méprisées,  car  rien  n'y  distrait  de  la 
vie  maure  qui  s'y  déroule  dans  toute  sa  pureté.  Fez  est 
pourtant  une  ville  aussi  industrieuse  que  commerçante, 
car,  sauf  les  chorfa  et  les  uléma,  il  n'est  personne  qui 
ne  soit  négociant  ou  artisan,  et  certains  fonctionnaires  du 
Makhzen  sont  dans  les  affaires.  Cette  ville  est  le  point 
d'arrivée  de  toutes  les  marchandises  du  Tafilalet,  et  elle 
reçoit  tous  les  produits  depuis  ceux  du  Gourara  jusqu'à 
ceux  du  haut  Ouad  Draa,  les  cuirs  si  renommés'de  l'Ouad 
Ziz,  les  huiles,  les  olives,  les  bois  de  cèdre  et  d'arar  des 
contreforts  des  Ait  Youssi,  etc.  ;  elle  envoie,  en  échange, 
tous  les  objets  de  ses  manufactures  et  principalement  les  pro- 
duits de  l'industrie  européenne,  les  quincailleries  allemandes 
et  anglaises,  les  draps  anglais,  français,  suisses  et  quelques- 
uns  d'Allemagne,  les  sucres  français,  les  bougies  anglaises 
et  belges  et  le  thé  vert  de  provenance  britannique  et  dont 
il  se  fait  une  si  prodigieuse  consommation  dans  tout  le 
Maroc.  On  manufacture  la  soie  à  Fez  ;  on  la  teint  et  on  y 
fabrique  de  belles  étoffes  brodées,  puis  des  haïks  et  aussi 
des  vêtements  de  laine  d'une  extrême  finesse.  Depuis 
quelque  temps,  on  y  importe  certaines  étoffes  de  soie  tis- 
sées à  Lyon  au  goût  du  pays  ;  mais  c'est  de  Fez  que  pro- 
viennent toutes  les  brides  de  soie  de  l'empire  marocain, 
tandis  que  les  cuirs  brodés  viennent  surtout  de  Merrâkech. 
Fez  fait  un  commerce  de  transit  important  avec  Tanger  et 
Larache,  et  il  existe  un  certain  mouvement  avec  Ouchda  et 
Tlemcen,  trafic  qui  serait  bien  plus  considérable  sans  l'hos- 
tilité des  tribus  de  cette  route  dont  le  sultan  entretient  soi- 
gneusement le  renom  de  férocité  par  défiance  et  par  crainte 
devoir  se  développer  le  mouvement  algérien.  On  fabrique  à 
Fez  des  poteries  renommées  et  des  carreaux  de  faïence  qui 
jouent  un  grand  rôle  dans  les  mosaïques  qui  décorent  l'in- 
térieur des  maisons  et  dans  lesquelles  les  ouvriers  maro- 
cains déploient  un  talent  merveilleux  de  couleur  et  de  des- 
sin. Dans  l'absence  de  tout  document  statistique,  il  est 
impossible  d'estimer  le  chiffre  du  commerce  de  Fez  ;  quant 
aux  juifs,  ils  font  un  trafic  très  important  qui  explique 
leur  nombre  et  la  prospérité  relative  de  beaucoup  d'entre 
eux.  Les  affaires  sont  arrêtées  durant  la  saison  des  pluies 
à  la  fin  de  l'hiver,  quand  les  chemins  de  la  Tingitane  sont 
défoncés  par  les  boues  et  que  les  communications  sont  in- 
terrompues par  le  débordement  des  rivières.  Aux  envi- 
rons de  Fez  se  rencontre  la  qasba  ruinée  d'El  Khemis, 
célèbre  dans  l'histoire  du  Maroc  et  qui  avait  été  édifiée  en 
1670  par  le  sultan  Errechid  pour  y  mettre  une  garnison 


—  395  — 


FEZ  —  FEZZAN 


à'Oudaïa  (Y.  ce  mot)  assurant  la  route  entre  Fez  et  Mek- 
nas,  infestée  de  pillards  qui  parcouraient  le  Sais  (V.  ce 
mot).  Un  palais  d'été  existe  non  loin  de  la  ville,  à  Dar 
Debibagh,  et,  plus  au  S.,  on  remarque  les  jardins  de  Moulai 
ïsmael,  frère  du  sultan  Moula'i  el  Hassan  :  on  les  nomme 
Djenaïn  Moulaï  ben  Nacer.  Le  versant  méridional  du  Dje- 
bel Zalagh  qui  domine  la  ville  est  tapissé  de  grottes  qui 
servent  d'habitations  aux  malheureux  et  que  l'on  nomme 
Sebâ  Kifân  ;  elles  sont  voisines  de  Bab  Mahrouk,  en  face 
du  marabout  de  Sidi  Ahmed  el  Filali. 

H.-M.-P.  de  La  Martinière. 
Bibl.  :  Nous  laissons  de  côté  les  très  nombreux  ou- 
vrages faits  de  seconde  main  pour  ne  retenir  que  ceux 
émanant  de  voyageurs  sérieux,  de  savants  ou  de  compi- 
lateurs consciencieux.  Pour  plus  de  détails,  V.  la  biblio- 
graphie du  Maroc.  —  Ibn  Khaldoun,  Histoire  des  Ber- 
bers,  tracl.  de  de  Slâne. —  Roudh  el  Kartas,  Annales  de 
la  ville  de  Fez,  trad.  de  Beaumier.  —  Léon  L'Africain, 
trad.  de  Temporal.  —  Ali  Bey,  Voyage  en  Afrique  et  en 
Asie,  t.  I.  —  Emilien  Renou,  Description  géographique  de 
l'empire  du  Maroc  (compilation  qui  peut  être  citée  comme 
un  exemple  de  perfection  en  ce  genre  et  pour  l'époque 
[1846]).  —  Oscar  Lenz,  De  Tanger  a  Timbuctou.  —  Erk- 
man,  le  Maroc  moderne.  —  Gabriel  Charmes,  Une  Am- 
bassade au  Maroc.  —  Henri  Duveyrier,  le  Chemin  des 
ambassades  de  Tanger  à  Fâs  et  à  Meknas.  —  H.  de  La 
Martinière,  Journeys  in  the  Kingdom  of  Fez.  —  Trot- 
ter, Our  Mission  to  the  court  of  Morocco.  —  Dauphin, 
l'Université  de  Fez;  Paris,  1890. 

FÉZENSAC.  Comté  de  Gascogne,  aujourd'hui  dép.  du 
Gers.  Ce  comté,  démembrement  de  la  vaste  cité  d'Auch, 
qui  au  ix°  siècle  s'était  accrue  du  territoire  de  l'ancienne 
métropole  de  la  Novempopulanie,  Eauze,  Elusa,  apparaît  à 
la  fin  du  vme  siècle  ;  pour  contenir  les  Gascons  à  demi 
indépendants,  Charlemagne  ou  son  fils,  Louis  le  Pieux,  roi 
d'Aquitaine,  l'avait  créé  sous  le  nom  de  Fidentiacus  co- 
mitatus.  Le  nom  de  Fidentiacus  dérivait  probablement 
de  celui  d'un  premier  titulaire,  nommé  Fidentius.  Au 
xe  siècle,  ce  comté  appartient  aux  ducs  de  Gascogne,  dont 
l'un,  Sanche  le  Courbé,  le  partage  entre  ses  fils,  détachant 
ainsi  du  comté  de  Fézensac  celui  d'Astarac.  Un  peu  plus 
tard,  le  fils  de  Sanche  le  Courbé,  Guillaume  Garsias,  sépare 
pour  un  temps  les  comtés  d'Armagnac  et  de  Fézensac  ;  ils 
sont  de  nouveau  réunis  vers  le  milieu  du  xne  siècle,  mais 
le  Fézensac  restera  toujours  distinct  de  l'Armagnac.  —  Les 
deux  comtés  formèrent  le  noyau  des  possessions  de  la  cé- 
lèbre famille  d'Armagnac,  dont  les  domaines  furent  défi- 
nitivement réunis  à  la  couronne  au  xvie  siècle.  Les  comtés 
d'Armagnac  et  de  Fézensac,  après  avoir  été  à  plusieurs 
reprises  dans  la  mouvance  des  comtes  de  Toulouse,  puis 
des  rois  de  France,  avaient  été  définitivement  rattachés  à 
l'Aquitaine  anglaise  par  le  traité  de  Brétigny. 

Le  Fézensac  se  divisait  en  deux  parties,  dites  Fézensac 
proprement  dit  et  Eauzan  (ch.-l.  Eauze);  le  chef-lieu  du 
comté  était  Yic-Fézensac  ;  le  comté  comprenait  la  majeure 
partie  des  cantons  actuels  d'Auch,  Jégun,  Vic-Fézensac, 
Valence,  Condom,  Eauze  et  quelques  communes  des  cant. 
de  Gimont,  Montesquiou,  Aignan,  Nogaro,  Montréal  et 
Fleurance  (on  trouvera  une  liste  des  communautés  dans 
Monlézun,  Histoire  de  Gascogne,  t.  II,  app.).  Inutile  de 
donner  la  liste  des  anciens  comtes  de  Fézensac,  la  suite  de 
ces  princes  étant  trop  peu  certaine.  Pour  leurs  noms  à 
dater  du  milieu  du  xne  siècle,  V.  Armagnac.  A.  Molinier. 
Bibl.  :  Art  de  vérifier  les  dates.  —  Monlézun,  Hist.  de 
Gascogne,  passim.  —  Longnon,  Atlas  historique  de  la 
France,  livraison  2.  —  D.  Vaissete,  Histoire  de  Langue- 
doc, nouv.  éd.,  passim. 

FÉZENSAC  (Famille  de)  (V.  Montesquiou). 

FÉZENSAGUET.  Vicomte  détachée  de  l'Armagnac  au 
début  du  xne  siècle,  et  donnée  par  le  comte  Bernard  IV  à 
son  fils  puîné,  Roger;  le  fils  de  celui-ci,  Géraud,  devient 
comte  d'Armagnac  en  4256,  mais  la  vicomte  est  par  lui 
léguée  à  son  second  fils,  Gaston,  auquel  succèdent  Gé- 
raud II  (1320),  puis  Jean  (4339)  et  Géraud  III  (4390). 
A  la  vicomte  avait  été  joint  le  comté  de  Pardiac.  Gé- 
raud III,  s'étant  aliéné  la  faveur  royale,  est  dépossédé  en 
1403  par  le  célèbre  connétable  Bernard  d'Armagnac  ;  il 
meurt  en  prison  et  ses  deux  fils,  Jean  et  Arnaud-Guil- 


laume, périssent  tragiquement.  La  vicomte  est  alors  réunie 
à  l'Armagnac.  Le  Fézensaguet  comptait  quarante-cinq  com- 
munautés groupées  autour  de  Mauvézin  (Gers,  arr.  de  Lec- 
toure);  quelques-unes  à  l'E.  de  la  Gimone,  faisaient  partie 
de  ce  qu'on  appelait  la  Gascogne  toulousaine. 

Bibl.  :  Art  de  vérifier  les  dates.  —  Monlézun,  Hist.  de 
Gascogne,  passim  et  princ.  II.  —  P.  Durrieu,  Documents 
relatifs  a  la  chute  de  la  maison  d'Armagnac-F ézensaguet  ; 
Paris,  1883,  in-8. 

FEZZAN.  Région  de  l'Afrique,  auN.  de  l'Equateur,  for- 
mant une  kaimakamlik  qui  relève  politiquement  du  gouver- 
neur de  la  Tripolitaine.  On  ne  saurait  fixer  avec  précision 
ses  limites  politiques,  les  régions  qui  le  bordent  se  prêtant 
mal  par  leurs  caractères  physiques  et  leur  défaut  d'impor- 
tance à  une  délimitation  rigoureuse.  Il  occupe  un  vaste 
espace  de  4,200  kil.  environ  duN.  au  S.,  sur  600  del'O. 
à  l'E.,  confinant  au  N.  à  la  zone  montagneuse  qui  ferme 
le  Sahel  tripolitain  et  le  littoral  de  la  Grande-Syrie  ;  à  l'O. 
aux  pays  des  Touareg  Azdjer;  au  S.,  un  espace  désert 
sépare  le  Fezzan  du  Kaouâr  ;  à  l'E.,  le  45°  30'  de  long.  E. 
forme  à  peu  près  sa  limite.  Dans  son  ensemble,  le  Fezzan 
est  constitué  par  un  vaste  plateau  dont  l'ait,  varie  de 
200  à  750  m.,  dans  le  sens  du  N.  au  S.;  la  Hamada  el 
Homra,  qui  est  au  N.  la  première  terrasse  du  plateau  fezza- 
nien,  étend  ses  plaines  désolées,  sans  eaux  et  sans  végéta- 
tion, à  450  m.  environ  d'alt.  Elle  s'abaisse  sur  l'ouadi  El 
Gharbi  pour  se  relever  jusqu'à  une  hauteur  de  500  à  560  m. 
C'est  la  région  du  Fezzan  central  et  des  villes  principales 
antiques  ou  modernes,  Djerma,  Mourzouk,  Zouïla.  Vers  l'E., 
le  plateau  se  relève  dans  le  massif  basaltique  du  djebel  Es 
Soda,  auquel  succède  le  système  basaltique  du  Haroûdj  el 
Asouad  (noir),  au  N.  et  calcaire  du  Haroûdj  el  Abiodh  (blanc) 
au  S.  Le  système  fluvial  n'est  représenté  au  Fezzan  que 
par  ces  rivières  sans  eau,  ouadis,  dépressions  profondes, 
qui  sont,  dans  la  région  saharienne,  à  la  fois  les  voies  com- 
merciales et  les  centres  de  population.  On  doit  citer  au  pre- 
mier rang  le  grand  ouadi,  orienté  du  S.-O.  au  N.-E.,  qui 
porte,  des  deux  côtés  de  l'antique  Djerma,  les  noms  d'ouadi 
El  Gharbi  (0.)  et  ouadi  Ech  Gherghî  (E.);  l'ouadi Ech  Chiâti, 
à  quatre  journées  de  marche  vers  le  N.  ;  l'ouadi  Hérân,  au 
pied  méridien  de  la  Hamada  el  Homra.  Le  Fezzan  n'a  pas 
d'eaux  courantes  ;  les  puits  seuls  servent  aux  usages  de  la 
vie  et  à  l'irrigation  ;  les  pluies  sont  très  rares  et  l'humi- 
dité accidentelle  qu'elles  communiquent  aux  ouadis  se  réfugie 
sous  le  sol.  Le  climat  est  très  chaud  en  été  ;  on  observe  à 
Mourzouk  plus  de  44°  en  juillet.  Les  trois  mois  d'hiver 
sont  les  seuls  pendant  lesquels  la  race  blanche  puisse  impu- 
nément habiter  au  Fezzan.  Partout  où  l'on  trouve  de  l'eau, 
les  cultures  du  sorgho,  du  millet,  fie  l'orge  réussissent  à 
merveille.  Les  dattes  constituent  la  principale  récolte  et 
forment  un  objet  de  trafic.  Les  animaux  domestiques  sont 
la  chèvre  et  le  mouton  à  grosse  queue  ;  on  y  trouve,  mais 
à  un  prix  élevé,  le  chameau,  l'âne  et  le  cheval.  La  faune 
sauvage  compte  plus  de  représentants  :  la  gazelle,  l'au- 
truche, le  renard,  le  chacal,  la  hyène. 

M.  Duveyrier  divise  le  Fezzan  en  deux  groupes  :  les  oasis 
et  les  terres  de  parcours  (steppes  et  ouadis  de  moindre 
importance).  Cette  division  peut  servir  de  base  à  la  géo- 
graphie politique.  Les  oasis  forment  trois  groupes  (le  Fezzan 
proprement  dit,  la  Jofra  et  le  groupe  du  Sud)  renfermant 
la  population  sédentaire  et  les  terres  de  parcours,  la  popu- 
lation nomade.  Ces  derniers  sont  principalement  Arabes.  La 
population  sédentaire  fut  certainement  à  l'origine  une  popu- 
lation noire,  dont  la  parenté  avec  les  Kanoûri  et  les  Tibbou 
est  aujourd'hui  admise  comme  incontestable.  Les  Arabes 
désignent  sous  le  nom  de  Berâoura  cette  population  noire 
primitive,  mêlée  plus  tard,  dès  le  vne  siècle  de  notre  ère, 
d'éléments  arabes  et  berbères. 

On  parle  au  Fezzan  à  la  fois  l'arabe,  le  kanouri,  idiome 
du  Bornou,  le  haoussa  et  le  touareg.  On  ne  saurait  évaluer 
avec  précision  le  chiffre  de  la  population  du  Fezzan  ;  cepen- 
dant on  croit  se  rapprocher  de  la  vérité  en  admettant  le 
chiffre  total  de  50,000  hab.  pour-  la  population  sédentaire 
et  la  population  nomade  réunies.  On  donne  le  nom  de  villes 


FEZZAN  —  FIANÇAILLES 


—  396  — 


à  huit  centres  principaux:  Mourzouk,  Zouïla,  Sebha, 
Sôkna,  Trâghen,  Zella,  Tessâoua,  Tekertiba.  C'est  dans  le 
voisinage  de  cette  dernière  ville  que  se  trouve  Djerma,  sur 
l'emplacement  de  la  ville  romaine  de  Garama.  Les  Romains 
pénétrèrent  dans  le  Fezzan  (Phazaniaàe  Pline)  en  49  av. 
notre  ère,  et  ouvrirent  à  travers  la  Hamada  jusqu'à  Ga- 
rama une  route  militaire  (Iter  pr aster  caput  saxi).  Après 
avoir  été  gouverné  par  des  sultans  Beraoûra,  qui  avaient 
leur  capitale  à  Trâghen,  le  Fezzan  obéit  à  des  chefs  de 
tribus  arabes,  du  vu6  au  xme  siècle.  Alors  la  dynastie 
d'origine  marocaine  des  Oulàd  Mohammed  s'établit  dans  le 
pays  jusqu'au  début  de  ce  siècle.  En  4811,  les  beys  de 
Tripoli  s'en  emparèrent,  et  en  1841,  le  Fezzan  est  passé, 
avec  la  Tripolitaine,  sous  la  dépendance  politique  de  la  Porte. 

L'exploration  scientifique  du  Fezzan  a  commencé  en 
1798-99  par  l'expédition  de  Hornemann.  Elle  a  été  con- 
tinuée et  portée  au  plus  haut  degré  d'exactitude,  surtout 
depuis  quarante  ans,  par  Barth  (1850),  Vogel  (1854),  Henri 
Duveyrier(l860),  Nachtigal  (1869)  et  Gerhard  Rohlfs(de 
1866  à  1879,  à  deux  reprises  différentes).  J.  deCrozals. 

FHARNA.  Plateau  ondulé  de  l'E.  marocain,  désert  la 
plus  grande  partie  de  l'année,  cultivé  en  quelques  points 
par  les  Houara  (V.  ce  mot)  et  parcouru  par  leurs  trou- 
peaux. 11  a  pour  bornes  :  au  N.,  les  montagnes  du  Rif 
(massif  de  Gezennaïa  et  de  Metalsa)  ;  à  l'E.,  la  plaine  du 
Jell;  àl'O.,  le  confluent  del'ouadBou  elDjerfet  de  l'ouad 
El  Arba  dont  la  réunion  forme  l'ouad  Innaouen  (V.  ce 
mot)  ;  au  S.,  les  monts  du  Ghiasa  (V.  ce  mot). 

F1AC.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Lavaur,  cant.  de 
Saint-Paul-de-Cap-de-Joux  ;  1,238  hab. 

FIACCHI  (Lodovico),  poète  et  critique  italien,  né  à 
Mugello  (Toscane)  le  4  juin  1754,  mort  à  Florence  le  26  mai 
1825.  On  a  de  lui  un  volume  de  Fables,  imitées  d'Esope 
(1807),  et  un  recueil  de  Sonetti  pastorali  (Milan,  1808). 
Il  était  membre  de  l'Académie  de  la  Crusca  et  fort  estimé 
pour  son  érudition.  On  lui  doit  à  cet  égard  :  Dichiara- 
%ione  di  molti  proverbi,  detti  e  parole  (Florence,  1820) 
et  Osservazioni  sul  Decameron  di  Boccaccio  (1821). 

Bibl.  :  Nuovo  Giornale  clei  letterati;  Pise,  1825,  in-8. 

FIAGRE  (ïïist.).  Surnom  donné  aux  voitures  publiques, 
à  quatre  roues  et  à  quatre  places,  établies  à  Paris 
en  1640  (V.  Carrosserie,  t.  IX,  p.  554).  Le  bureau 
central  se  trouvait  rue  Saint-Martin,  vis-à-vis  de  celle  de 
Montmorency,  à  l'enseigne  de  Saint-Fiacre  :  la  popula- 
rité du  saint  remontait  elle-même  à  celle  d'un  frère  Fiacre, 
carme  déchaussé,  aux  prières  duquel  la  reine  mère  Anne 
d'Autriche  avait  attribué  la  cessation  de  sa  stérilité  ;  les 
cochers  collaient  des  images  du  saint  (ou  du  frère)  sur  les 
portières  de  leurs  carrosses  de  place,  comme  préservatif 
contre  les  accidents.  L'entreprise  débuta  par  une  vingtaine 
de  voitures  à  cinq  sous  de  l'heure  et  par  place  ;  il  y  en  eut 
jusqu'à  1,500  à  1,600  au  xvme  siècle.  C'étaient,  en  fait, 
des  omnibus  bourgeois,  car  il  était  défendu  «  à  tous  sol- 
dats, pages,  laquais  et  gens  de  bras  d'y  entrer  »  (ordonn. 
de  mai  1662).  En  1668  furent  établies  les  stations  ;  en 
4703,  les  fiacres  furent  numérotés.  Ils  étaient  devenus 
pour  le  gouvernement  une  affaire  extraordinaire,  c.-à-d. 
une  branche  de  privilèges  vendus  aux  particuliers  ou  affer- 
més :  aussi  le  prix  de  la  place  atteignit  30  sous  la  première 
heure,  25  sous  la  seconde,  etc.  Le  monopole  eût  fini  par 
être  réalisé  au  profit  du  gouvernement  et  des  sieurs  Per- 
reau, sans  le  rachat  qu'en  fit  la  Constituante,  le  24  nov. 
1790.  —  Le  mot  fiacre  semble  avoir  désigné  d'abord  non 
la  voiture,  mais  le  cocher  lui-même.  H.  Monin. 

Bibl.:  Isambert,  Anciennes  Lois  françaises,  t.  XV,  p.  88; 
XVII,  202,  353  :  XVIII,  16  :  XX,  428  ;  XXII,  17  -,  XXV,  486  ; 
XXVI.  29,  72,  106,  370,  384.  -  Maxime  Du  Camp,  Paris  et 
ses  organes  ;  Paris,  1872,  t.  I,  pp.  164  et  suiv.,  in-8.— V.Car- 
rosserie,  Voitures  publiques.  —  Doléances,  souhaits  et 
propositions  des  loueurs  des  carrosses  de  place  et  des 
loueurs  de  carrosses  de  remises,  avec  prière  au  public  de 
les  insérer  dans  les  cahiers  de  la  ville  de  Paris  ;  s.  1.  n.  d. 
(1789),  pièce  in-8. 

FIACRE  (Saint),  solitaire,  mort  vers  670.  Fête  le 
30  août.  Les  Ecossais  et  les  Irlandais  réclament  pour  leur 


pays  l'honneur  de  lui  avoir  donné  naissance.  Suivant  les 
premiers,  il  serait  fils  d'Eugène  IY,  roi  d'Ecosse,  et  il  aurait 
abandonné  la  cour  de  son  père  pour  se  vouer  à  la  vie  ascé- 
tique. Suivant  les  seconds  et  fort  vraisemblablement,  il  serait 
un  de  ces  nombreux  Irlandais  que  le  zèle  missionnaire  me- 
nait sur  le  continent,  au  vie  et  au  vne  siècle.  Le  Bréviaire 
de  Paris,  qui  lui  attribue  deux  noms,  Fiacrius  et  Fefrus, 
rapporte  qu'il  était  né  de  famille  noble,  inHibernia  quam 
veteres  Scotiam  appellabant.  Il  vint,  avec  quelques  com- 
pagnons, à  Meaux,  où  l'évêque,  saint  Faron,  l'autorisa  à 
s'établir  dans  la  forêt  de  Breuil  en  Brie.  Après  avoir  défri- 
ché une  partie  du  terrain,  le  saint  y  construisit  une  cellule 
et  un  oratoire  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge,  et  il  forma 
un  petit  jardin,  qu'il  cultivait  de  ses  propres  mains  ;  ce  qui 
l'a  t'ait  choisir  pour  patron  des  jardiniers.  La  renommée 
de  sa  sainteté  et  de  ses  miracles  ayant  attiré  auprès  de  lui 
beaucoup  d'affligés,  il  fit  bâtir  à  quelque  distance  de  sa 
cellule  une  espèce  d'hôpital,  où  il  servait  lui-même  les 
pauvres  et  où  il  guérissait  par  simple  attouchement  les  ma- 
lades. Mais  les  femmes  étaient  sévèrement  écartées,  en  con- 
séquence d'un  miracle,  suivant  la  légende,  ou  plutôt  con- 
formément à  la  discipline  de  saint  Golomban. —  Une  vieille 
litanie  énumère  les  nombreuses  guérisons  accomplies  par 
son  intercession .  Il  s'y  trouve  des  maux  de  toute  espèce  ; 
mais  il  semble  que  ce  saint  est  particulièrement  puissant 
contre  une  tumeur  appelée  pour  cette  raison  le  fie  de  saint 
Fiacre.  Les  femmes  continuèrent  à  être  exclues,  non  seu- 
lement du  lieu  qu'il  avait  habité,  mais  même  de  la  chapelle 
où  reposaient  ses  reliques.  Lorsque  en  1641  Anne  d'Au- 
triche y  vint  pour  faire  ses  dévotions,  elle  dut  elle-même 
se  soumettre  à  la  commune  prohibition  et  rester  à  cano- 
nique distance,  en  dehors  de  la  grille.      E.-H.  Vollet. 

Bibl.:  Bollandistes,  Acla  sanctorum,  30  août.—  An- 
sart,  Histoire  de  saint  Fiacre  ;  Paris,  1783. 

FIALETTI  (Odoardo),  peintre  et  graveur  italien,  né  à 
Bologne  en  1573,  mort  à  Venise  en  1638.  Elève  de  J.-B. 
Cremonini  et  du  Tintoret.  Il  y  a  des  tableaux  de  lui  à 
Saint-Marc  et  San  Andréa  de  Murano.  On  connaît  de  lui 
deux  cent  quarante-trois  planches ,  de  facture  très  iné- 
gale; les  Noces  de  Cana  et*  Saint  Sébastien  d'après 
Tintoret)  ;  les  Jeux  de  l'amour  (15  pi.,  1617)  ;  Préceptes 
de  V escrime  (43  pi.,  1828);  Costumes  des  ordres  reli- 
gieux (1626  et  1658),  etc. 

F1ÂLHO  Ferreira  (Antonio),  voyageur  portugais  du 
xvne  siècle,  né  àMacao,  mort  après  1643.  Chef  d'escadre 
en  1633,  il  fut  chargé  par  le  gouverneur  des  Indes  por- 
tugaises, en  1639,  d'une  mission  en  Europe,  et  s'y  rendit 
par  la  voie  de  terre,  à  travers  l'Arménie,  la  Grèce,  les 
pays  slaves,  etc.  Les  péripéties  de  ce  voyage,  alors  périlleux, 
sont  consignées  dans  un  volume  rarissime  qui  comprend 
également  le  récit  du  retour  à  Macao  :  Belaçào  da  via- 
gem...  deste  reino  a  cidade  de  Macao  na  China  (Lis- 
bonne, 1643,  in-4).  G.  P-i. 
FIAMINGO  (Giachetto)  (V.  Buus  [Jacques  de]). 
FIANÇAILLES.  I.  Sociologie  (V.  Famille). 
IL  Droit  romain.  —  Les  fiançailles ,  convention  de 
mariage  futur ,  se  faisaient  anciennement  sous  la  forme 
d'un  contrat  verbal  (sponsalia)  par  lequel  la  femme  était 
promise  au  futur  mari  ou  à  son  père,  et  qui,  en  cas  d'inexé- 
cution, faisait  naître  une  action  en  dommages-intérêts, 
selon  le  vieux  droit  latin  et  probablement  selon  l'ancien 
droit  romain.  En  droit  classique,  elles  se  concluent  sans 
formes  entre  les  futurs  époux  et  leurs  parents,  et  ne  font 
naître  qu'une  espérance  morale  :  leur  violation  n'est  pas 
réprimée,  alors  même  qu'on  aurait  convenu  par  contrat 
verbal  d'un  certain  dédit  pour  le  cas  de  rupture.  Cepen- 
dant, on  ne  pouvait  en  contracter  de  nouvelles  avant  d'avoir 
rompu  régulièrement  les  précédentes,  sans  encourir  les 
déchéances  rassemblées  par  la  doctrine  sous  le  nom  collectif 
d'infamie,  et  celui  qui  rompait  ses  fiançailles  sans  motif 
perdait  les  arr  ce  sponsaliciœ,  cadeaux  de  fiançailles  qu'il 
était  d'usage  de  donner  à  l'autre  conjoint  au  moment  de 
leur  conclusion.  Au  cas  où  le  mariage  est  empêché  par  la 


mort  de  l'un  des  conjoints,  une  disposition,  notamment 
exprimée  dans  une  constitution  de  Constantin  adressée  au 
ficaire  d'Espagne  (C.  5,  3,  46),  et  où  pour  d'autres  rai- 
sons encore  on  a  cru  voir  une  trace  du  droit  local  espa- 
gnol, mais  dont  l'existence  est  également  attestée  en  Orient 
par  le  livre  syro-romain  et  qui  paraît  se  rattacher  à  l'usage 
chrétien  du  baiser  de  fiançailles,  décide,  en  droit  récent, 
que  les  arrhes  seront  restituées  pour  le  tout  ou  seule- 
ment pour  moitié  ,  selon   que  les  fiancés  n'auront  pas 
encore  ou  auront  déjà  échangé  un  baiser.     P.-F.  Girard. 
III.  Droit  canonique.   —   Les  théologiens  et  les 
canonistes  distinguaient  deux  espèces  de  fiançailles.  Les 
sponsalia  de  prœsenti,  les  fiançailles  par  paroles  de 
présent  constituaient  aux  yeux  de  l'Eglise  avant  le  concile 
de  Trente  le  mariage  sacramentel  indissoluble  qui  n'exigeait 
pas  pour  sa  validité  la  présence  d'un  prêtre.  C'était  une 
convention  par  laquelle  un  homme  et  une  femme  se  décla- 
raient réciproquement  qu'ils  se  prenaient  dès  à  présent  pour 
époux.  Dans  les  sponsalia  de  futur o  (les  fiançailles  par 
paroles  de  futur) ,  un  homme  et  une  femme  se  promet- 
taient seulement  qu'ils  contracteraient  plus  tard  mariage 
ensemble.  Voici  quels  étaient  les  effets  juridiques  impor- 
tants des  sponsalia  de  futuro,  du  xme  au  xvie  siècle,  selon 
la  théorie  de  la  plupart  des  canonistes .  Les  fiancés  étaient 
obligés  de  contracter  le  mariage  qu'ils  s'étaient  promis. 
C'était  une  obligation  sanctionnée  par  une  véritable  action 
en  justice.  De  plus,  les  fiançailles  créaient  un  empêchement 
prohibitif  au  mariage  que  l'un  des  fiancés  aurait  voulu  con- 
tracter avec  une  tierce  personne.  La  règle  du  droit  romain, 
qui  proscrivait  dé  garantir  par  une  stipulation  de  peine  les 
promesses  de  mariages,  en  vertu  de  ce  principe  philoso- 
phique excellent  :  spiritualia  non  recipiant  œstima- 
tionem,  fut  consacrée  par  les  canonistes.  Le  seul  fait  de 
la  copula  carnalis,  intervenant  entre  les  fiancés,  trans- 
formait leurs  fiançailles  en  un  mariage  véritable  sans  qu'il 
fût  besoin  de  manifester  aucun  consentement  au  mariage, 
et  même  ce  résultat  n'aurait  pas  pu  être  évité  par  une 
volonté  contraire.  Enfin,  les  sponsalia  de  futuro  créaient 
un  empêchement  dirimant  au  mariage  que  l'un  des  fiancés 
aurait  voulu  contracter  avec  l'un  des  parents  de  l'autre 
fiancé.  Cette  prohibition  était  désignée  par  ces  mots  du 
droit  romain  :  publica  honestas  ou  justitia  publicœ 
honestatis.  Aucune  condition  de  forme  n'était  exigée  pour 
la  validité  des  fiançailles.  Seulement,  l'Eglise  recomman- 
dait de  les  conclure  en  présence  d'un  prêtre  ;  mais  elles 
n'en  étaient  pas  moins  valables  pourvu  qu'elles  eussent  été 
librement  consenties  par  des  personnes  capables  de  les  con- 
tracter, malgré  l'absence  du  prêtre.  En  cette  matière,  les 
vices  du  consentement  produisaient  les  mêmes  effets  que 
dans  le  contrat  de  mariage.  Il  est  à  la  fois  curieux  et  im- 
portant d'examiner  la  capacité  requise  pour  contracter  vala- 
blement les  fiançailles.  D'abord  et  avant  tout,  l'homme  et 
la  femme  devaient  être  capables  de  contracter  mariage 
ensemble.  Les  sponsalia  de  futuro  n'auraient  créé  aucune 
obligation,  elles  auraient  seulement  donné  lieu  à  h  publica 
honestas  s'il  eût  existé  quelque  empêchement  à  leur  ma- 
riage. Il  fallait  en  outre  que  les  fiancés  eussent  atteint  un 
certain  âge.  Yves  de  Chartres  d'abord,  puis  les  Décrétâtes 
à  la  fin  du  xne  siècle  posèrent  à  ce  sujet  le  principe  des  lois 
romaines  que  Pothier  devait  reproduire  plus  tard  :  A  pri- 
mordio  œtatis  sponsalia  effici  possunt,  si  modo  id  fieri 
ab  utraque  persona  intelligatur,  id  est,  si  non  sunt 
minores  quam  septem  annis  (L.  XIV,  ff.  de  spons). 
Du  reste,  les  effets  des  fiançailles  des  enfants  de  sept  ans 
révolus  étaient  beaucoup  moins  absolus  que  lorsque  l'on 
était  en  présence  de  pubères.  Au  moment  de  la  puberté, 
en  effet,  le  fiancé  avait  le  droit  de  rompre  les  fiançailles 
si  bon  lui  semblait.  L'enfant  de  sept  ans  pouvait  vala- 
blement se  fiancer  sans  l'autorisation  de  ses  parents.  Une 
fois   contractées,  les  sponsalia  de  futuro  constituaient 
un  simple  contrat  et  non  point  un  sacrement  ;  c'est  pour- 
quoi leur  indissolubilité  n'est  point  absolue.  Au  point  de 
vue  juridique,  les  parties  étaient  liées;  elles  ne  pouvaient 


397  —  FIANÇAILLES 

pas  sans  motif  et  arbitrairement  se  soustraire  à  la  fo 
jurée.  Mais,  puisqu'il  s'agit  d'un  simple  contrat  (le  mu- 
tuus  dissensus),  la  volonté  conforme  des  deux  parties 
pouvait  le  dissoudre.  Et  même  un  certain  nombre  de  causes 
déterminées  par  les  docteurs  pouvaient  aussi  entraîner 
la  résolution  unilatérale  des  sponsalia  de  futuro,  contraire- 
ment à  la  volonté  de  l'un  des  fiancés.  Enfin,  le  mariage  que 
l'un  des  fiancés  contractait  avec  une  tierce  personne  entraî- 
nait fatalement  la  dissolution  des  sponsalia  de  futuro, 
puisque,  pour  un  semblable  mariage,  les  fiançailles  produi- 
saient seulement  un  empêchement  prohibitif.  L'Eglise  s'était 
toujours  montrée  très  favorable  aux  fiançailles.  Saint  Au- 
gustin disait  avec  beaucoup  de  délicatesse  que  les  fiançailles 
avaient  pour  but  de  stimuler  la  tendresse  future  des  époux 
en  retardant  leur  union  :  Constitutum  est,  ut  jam pactœ 
sponsce  non  statim  tradantur,  ne  vilem  habeat  maritus 
datant ,  quam  non  sus pir averti,  sponsus  dilatam.  Can. 
constitutum,  caus.  27,  quest.  Victor  Saverot. 

IV.  Ancien  droit.  —  Dans  notre  ancienne  France,  on 
avait  coutume  de  faire  précéder  le  mariage  par  les  fiançailles  ; 
mais  cela  n'était  pas  cependant  absolument  nécessaire.  Les 
sponsalia  de  prœsenti  avaient  été  prescrites  par  l'art.  44 
de  l'ordonnance  de  Blois  ;  désormais,  elles  ne  pouvaient  plus 
avoir  d'effets  juridiques  ;  on  interdisait  aux  notaires  de  les 
recevoir  sous  peine  de  punition  corporelle,  et  les  ecclésias- 
tiques étaient  également  condamnés  par  les  tribunaux  lors- 
qu'ils ne  tenaient  pas  compte  de  cette  prohibition.  Au 
moyen  âge,  le  mariage  avait  surtout  pour  but  l'union  de 
deux  familles.  C'était  un  moyen  d'apaiser  les  guerres  intes- 
tines et  de  pacifier  les  rapports  des  seigneurs  féodaux  entre 
eux.  Mais,  pour  arriver  promptement  à  cette  paix  si  dési- 
rable et  à  cette  réconciliation  de  voisins  belliqueux,  il  fallait 
de  toute  nécessité  recourir  aux  fiançailles  lorsque  les  enfants 
des  deux  seigneurs  rivaux  encore  en  bas  âge  n'auraient  pas 
pu  contracter  une  union  avant  longtemps.  Cet  usage  s'en- 
racina dans  les  mœurs  et  subsista  pendant  toute  la  durée 
de  l'ancien  régime.  Pothier,  lorsqu'il  s'agit  de  préciser 
quelles  personnes  peuvent  contracter  ensemble  des  fian- 
çailles, pose  le  principe  suivant  :  Il  faut  que  ces  personnes 
soient  capables  de  contracter  mariage  ensemble,  ou  du 
moins  qu'elles  puissent  décemment  espérer  de  le  devenir. 
Par  exemple,  des  impubères  peuvent,  avec  l'autorité  de  leurs 
parents  ou  tuteurs,  contracter  valablement  des  fiançailles  ; 
sans  doute,  ils  ne  sont  pas  encore  capables  de  contracter 
mariage,  mais,  nous  dit  Pothier,  ils  peuvent  décemment 
espérer  de  le  devenir.  Le  seul  consentement  suffisait  à 
former  les  fiançailles,  puisqu'il  s'agissait  d'un  simple  con- 
trat consensuel.  Mais  les  jurisconsultes  exigeaient  des  con- 
tractants une  pleine  et  entière  liberté  d'esprit  ;  aussi  ils 
déclaraient  l'engagement  nul  lorsque  l'une  des  parties  sem- 
blaient avoir  exercé  un  grand  ascendant  sur  l'esprit  de 
l'autre.  Fevret ,  dans  son  Traité  de  VAbus  (  liv.  V, 
ch.  i,  n°  4),  cite  un  arrêt  de  1607  qui  annule  pour  ce 
motif  des  promesses  de  mariage  faites  entre  un  médecin  et 
sa  malade,  pendant  sa  maladie,  avec  le  consentement  du 
père  de  la  jeune  fille.  Un  consentement  simplement  tacite 
est  suffisant  et  Pothier,  en  s'appuyant  sur  un  principe  du 
droit  romain,  dit  qu'il  faut  également,  pour  la  validité  des 
fiançailles,  l'assentiment  des  personnes  dont  le  consente- 
ment est  requis  pour  la  validité  du  mariage  des  fiancés. 
Assez  souvent  les  fiancés  se  donnaient  réciproquement  des 
arrhes.  Lorsque,  sans  aucun  motif  sérieux,  l'une  des  parties 
voulait  se  soustraire  à  son  engagement,  elle  devait  rendre 
à  l'autre  les  arrhes  qu'elle  avait  reçues  et  perdre  celle 
qu'elle  avait  données.  «  Mais,  dit  Pothier,  lorsque  les  arrhes 
sont  considérables  et  qu'elles  excèdent  de  beaucoup  la 
somme  à  laquelle  pourraient  être  réglés  les  dommages- 
intérêts  résultant  de  l'exécution  des  promesses  de  mariage, 
la  partie  qui  les  a  do'nnées  et  qui  refuse,  sans  aucun  juste 
sujet  d'accomplir  son  engagement,  ne  laisse  pas  d'en  avoir 
la  répétition  sous  la  déduction  seulement  de  la  somme  à 
laquelle  le  juge  doit  régler  les  dommages-intérêts  dus  à  la 
partie  qui  les  a  reçues  pour  l'inexécution  de  promesses  de 


FIANÇAILLES  —  398 

mariage.  »  Très  souvent  aussi  les  fiançailles  étaient  accom- 
pagnées de  présents  que  le  fiancé  faisait  à  la  fiancée,  ou 
qu'ils  se  faisaient  réciproquement  l'un  à  l'autre.  Alors, 
selon  notre  ancien  droit  français,  la  condition  si  nuptiœ 
sequantur  est  toujours  sous-entendue  pour  la  validité  défi- 
nitive de  ces  présents  de  mariage.  Les  fiançailles  étant  un 
contrat  synallagmatique  avaient  pour  principal  effet  d'en- 
gendrer pour  chacune  des  parties  un  engagement  réciproque 
de  remplir  sa  promesse.  Une  action  en  justice  était  donnée 
contre  la  partie  qui  refusait  de  s'exécuter  lorsqu'elle  en 
était  requise  par  l'autre.  Les  fiançailles  constituent  en 
outre,  pour  les  deux  contractants,  un  engagement  prohi- 
bitif qui  ne  leur  permet  pas  de  pouvoir  épouser  licitement 
une  autre  personne  lorsque  lesdites  fiançailles  continuent 
à  subsister.  Mais  quels  juges  étaient  compétents  pour  con- 
naître de  la  validité  des  fiançailles  ?  Le  juge  séculier  était 
le  juge  naturel  puisqu'il  s'agissait  d'un  contrat  appartenant, 
suivant  l'expression  de  Pothier,  à  l'ordre  politique  comme 
tous  les  autres  contrats.  Cependant,  les  rois  avaient  admis 
que  les  juges  d'Eglise  pouvaient  également  connaître  de  la 
validité  et  de  l'invalidité  des  fiançailles,  mais  non  des  dom- 
mages et  intérêts  qui  pouvaient  résulter  de  leur  inexécu- 
tion. Les  rois  avaient  été  décidés  par  cette  idée  que  les  fian- 
çailles ont  pour  objet  le  mariage  que  les  parties  se  sont 
réciproquement  obligées  de  contracter,  et  que  le  mariage 
est  avant  tout  un  acte  religieux.  La  partie  qui,  sans  motif, 
se  refusait  au  mariage  après  des  fiançailles  valablement 
contractées,  ne  pouvait  être  contrainte  à  accomplir  son  enga- 
gement. En  France,  F  officiai  devait  se  contenter  d'exhorter 
le  récalcitrant  à  accomplir  le  mariage  promis,  et,  en  cas 
de  persistance  dans  son  refus,  lui  imposer  une  légère  péni- 
tence. Mais  le  juge  d'Eglise  ne  pouvait  pas,  sans  s'exposer 
à  l'appel  comme  d'abus,  statuer  sur  les  dommages-intérêts 
résultant  de  l'inexécution  des  fiançailles.  La  validité  des 
fiançailles  était  de  nouveau  discutée  devant  le  juge  séculier, 
puisque  le  jugement  de  l'official  ne  pouvait  former  un  pré- 
jugé devant  le  tribunal  séculier  qui  en  était  indépendant. 
Si  l'engagement  lui  paraissait  valable,  le  juge  séculier  con- 
damnait la  partie  qui  se  refusait  à  l'accomplir  à  des  dom- 
mages-intérêts. Mais  il  existait  des  motifs  légitimes  qui 
pouvaient  valablement  délier  les  fiancés  de  leur  engage- 
ment. Le  consentement  mutuel  entraînait  la  dissolution  du 
contrat,  et,  lorsqu'il  s'agissait  de  mineurs,  il  fallait  en 
outre  le  consentement  des  parents  ou  tuteurs,  suivant 
l'adage  du  droit  romain  :  Quœque  eodem  modo  dissol- 
vuntur,  quo  colligata  sunt.  Il  y  avait  en  outre  certains 
motifs  qui  dégageaient  l'une  des  parties  de  son  obligation 
sans  le  consentement  de  l'autre,  par  exemple  lorsque  l'une 
des  parties  a,  suivant  l'expression  de  Pothier,  manqué  à  la 
foi  qu'elle  avait  donnée.  De  même,  une  partie  est  déliée 
des  fiançailles  lorsqu'il  est  survenu  à  l'autre  partie  quelque 
chose  qui  eût  certainement  empêché  la  première  de  les  con- 
tracter. Des  jurisconsultes  citaient  comme  exemple  cer- 
taines maladies  :  la  lèpre,  la  paralysie,  l'épilepsie.  Les 
jurisconsultes  agitaient  même  gravement  la  question  de  sa- 
voir si,  des  fiançailles  ayant  été  contractées  entre  deux 
personnes  de  fortune  égale,  le  fiancé  pouvait  se  soustraire 
à  son  engagement  pour  ce  motif  qu'il  lui  était  survenu 
depuis  une  énorme  fortune  qui  l'eût  empêché  de  se  lier  vis- 
à-vis  de  sa  fiancée  plus  pauvre  que  lui.  Pothier,  se  retran- 
chant derrière  l'opinion  du  jésuite  Sanchez,  se  prononçait 
avec  énergie  pour  la  négative.  «  Si  j'ai  cru,  disait-il,  lors 
des  fiançailles,  avoir  avec  le  bien  de  ma  fiancée,  et  celui  que 
j'avais  alors,  de  quoi  supporter  les  charges  du  mariage  que 
nous  nous  sommes  promis  de  contracter,  à  plus  forte  raison 
j'ai  de  quoi  les  supporter  depuis  que  ma  fortune  a  aug- 
menté. »  Yictor  Saverot. 

V.  Droit  actuel.  —  Le  législateur  de  1804  a  pris 
un  soin  jaloux  d'assurer  complètement  la  liberté  de  ceux 
qui  vont  s'engager  dans  les  liens  si  solennels  et  si  graves 
du  mariage.  Jusqu'au  moment  où  les  futurs  époux  com- 
paraissent devant  l'officier  de  l'état  civil  pour  déclarer 
qu'ils  se  prennent  pour  mari  et  pour  femme,  ils  ne  peuvent 


par  aucun  contrat,  aucun  engagement,  si  formel,  si  rigou- 
reux soit-il,  aliéner  leur  liberté.  Si  les  Romains,  le  droit 
canonique  et  l'ancien  droit  français  ont  reconnu  les  fian- 
çailles comme  un  acte  juridique,  il  n'en  est  plus  de  même 
aujourd'hui.  La  promesse  réciproque  de  s'épouser  ne  crée 
plus  qu'une  obligation  morale  dépourvue  de  toute  sanction 
juridique.  Est-ce  à  dire  que  les  promesses  de  mariage  ne 
produisent  aucun  effet  ?  Il  ne  peut  être  question  des  em- 
pêchements au  mariage  qu'elles  créaient  jadis  entre  l'un 
des  fiancés  et  certains  parents  de  l'autre  ;  mais  le  fiancé 
qui  se  refuse  à  la  conclusion  du  mariage  auquel  il  avait 
promis  de  consentir  n'encourt-il  aucune  responsabilité  ? 

S'il  a  rompu  le  mariage  sans  intention  de  nuire  et  sans 
causer  de  préjudice  à  l'autre  fiancé,  il  n'a  fait  qu'user  de 
son  droit  et  il  est  inattaquable.  Tout  au  plus  perdrait-il  les 
arrhes  qu'il  a  pu  donner  en  gage  de  sa  promesse,  pourvu 
que  ces  arrhes  ne  soient  pas  exagérées.  Il  ne  peut  être 
condamné  à  se  marier  malgré  lui,  ni  obligé  de  payer  des 
dommages-intérêts  pour  n'avoir  fait  qu'user  d'une  liberté 
qu'il  n'avait  pu  aliéner.  Les  parties  ont  pu  prévoir  d'avance 
la  rupture  du  mariage,  et  convenir  d'une  somme  qui  serait 
payée  à  titre  d'indemnité  par  celle  d'entre  elles  qui  se 
soustrairait  à  l'exécution  de  cette  promesse.  La  doctrine  et 
la  jurisprudence  sont  unanimes  à  refuser  effet  à  cette  sti- 
pulation d'une  clause  pénale.  «  Le  mariage,  disait  le  Pre- 
mier Consul,  est  l'union  des  âmes.  »  Il  serait  profondément 
immoral  d'en  faire  une  question  d'argent.  La  passion 
égarée  peut  tout  promettre  ;  valider  la  clause  pénale  serait 
favoriser  de  honteuses  spéculations.  A  cette  considération 
tirée  de  la  morale  se  joint  une  raison  juridique.  La  con- 
vention principale,  c.-à-d.  la  promesse  de  mariage  étant 
nulle,  la  convention  accessoire,  c.-à-d.  la  clause  pénale,  doit 
être,  elle  aussi,  dénuée  de  tout  effet  civil. 

Toutefois,  un  mariage  ne  saurait  se  décider  et  se  conclure 
incontinent.  Il  y  a  tant  de  choses  à  envisager  :  convenances 
personnelles,  situation,  fortune  des  futurs  époux.  La  loi 
elle-même  impose  certains  délais.  On  peut  donc  dire  qu'en 
fait,  sinon  en  droit,  il  y  a  avant  la  célébration  même  du 
mariage  promesse  de  mariage.  Ces  promesses  sont  annon- 
cées, publiées  même  légalement.  Puis  le  mariage  est  brus- 
quement rompu  par  l'un  des  futurs  époux.  Le  fiancé  aban- 
donné ne  peut,  en  s'appuyant  sur  l'inexécution  de  la 
promesse  de  mariage,  demander  des  dommages-intérêts. 
Mais  s'il  prouve  que,  par  suite  de  la  rupture,  il  a  éprouvé 
un  préjudice  matériel,  les  cours  et  tribunaux  pourront  lui 
accorder  une  indemnité.  On  lui  accordera  une  réparation 
pour  les  dépenses,  les  acquisitions  déjà  faites  et  devenues 
inutiles,  les  frais  de  contrat,  les  publications,  les  présents 
donnés,  la  corbeille  achetée.  L'inexécution  blessante  et 
injuste  d'une  promesse  de  mariage  a  pu  causer  aussi  un 
préjudice  moral,  un  affront,  suivant  l'expression  de  Pothier, 
rendant  impossible  tout  autre  mariage  pour  la  victime.  A 
la  faveur  d'une  promesse  de  mariage,  une  jeune  fille  s'est 
laissé  séduire  et  est  devenue  enceinte.  Les  tribunaux 
admettent  la  victime  de  ce  préjudice  moral  à  demander 
réparation  :  c'est  aux  magistrats  qu'il  appartient  de  statuer 
humainement,  avec  modération  et  intelligence. 

Les  solutions  admises  par  la  doctrine  et  par  la  jurispru- 
dence ne  sont  que  des  applications  du  principe  édicté  par 
l'art.  1382  duC.  civ.  Là  devraient  s'arrêter  les  dommages- 
intérêts.  Le  futur  délaissé  ne  saurait  être  autorisé  à  récla- 
mer une  indemnité  parce  qu'il  a  manqué  un  brillant  ma- 
riage ou  perdu  le  bénéfice  de  donations  à  lui  faites  par  un 
contrat  de  mariage  devenu  caduc  par  le  refus  de  l'autre 
partie.  L'auteur  de  l'abandon  échapperait  à  toute  condam- 
nation s'il  donnait  un  motif  légitime  de  son  refus,  comme, 
par  exemple,  condamnation  subie  par  celui  à  qui  il  avait 
promis  mariage,  perte  de  la  fortune,  grossesse  de  la  future. 
Là  encore  il  appartient  aux  tribunaux  de  statuer  avec 
prudence  et  sagesse  :  c'est  essentiellement  une  question  de 
fait.  C'est  à  celui  qui  intente  l'action  en  dommages-intérêts 
à  faire  la  preuve  du  dommage  qu'il  a  subi.  Il  établira  par 
tous  moyens  :  preuve  testimoniale,  présomptions,  délation 


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FIANÇAILLES  -  FIBIGER 


de  serment,  le  préjudice  souffert,  les  dépenses  et  pertes 
dont  il  demande  réparation.  On  a  soutenu  qu'il  pouvait 
établir  de  la  même  manière  la  promesse  de  mariage,  ori- 
gine du  préjudice.  «  C'est,  dit  M.  Demolombe,  un  quasi- 
délit  ou  un  délit  qu'on  peut  prouver  par  témoins  en  vertu 
de  l'art.  4348,  1°.  »  C'est  là,  croyons-nous  avec  la 
grande  majorité  des  auteurs  et  des  arrêts,  une  grave 
erreur.  Cet  article  ne  vise  que  les  cas  où  il  a  été  impos- 
sible de  se  procurer  la  preuve  écrite  :  or  rien  de  plus  fa- 
cile que  de  se  procurer  la  preuve  littérale  de  la  promesse 
de  mariage.  On  rentre  alors  dans  l'application  des  principes 
généraux  en  matière  de  preuve. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  des  promesses  de  ma- 
riage entre  futurs  époux  s'applique  à  fortiori  à  la  con- 
vention même  avec  clause  pénale  par  laquelle  deux  pères 
de  famille  s'engagent  à  marier  ensemble  leur  fils  et  leur 
fille,  lorsqu'ils  auront  atteint  l'âge  de  puberté.  Tout  est 
nul  et  sans  effet  juridique.  H.  Déglin. 

Bibl.  :  Droit  romain.  —  A.  Rivier,  Précis  du  droit  de 
famille  romain,  1891,  pp.  135-141.—  Puchta,  Institutionen, 
1881,  II,  §§  258-289,  99  éd.  —  Accarias-,  Précis  de  droit 
romain,  1888,  p.  193,  note  4,  4e  éd.  —  Karlowa,  Rômische 
Rechtsgeschichte,  1892,  II,  1,  pp.  176-179.—  Dirksen,  Hin- 
terlass'ene  Schriften,  1871, 1,  313  et  suiv. 

Droit  canonique  et  ancien  droit.  —  A.  Esmein,  le 
Mariage  en  droit  canonique  ;  Paris,  1891. —  Pothier,  édi- 
tion Bugnet,  Traité  du  contrat  de  mariage,  t.  VI,  Des 
Fiançailles,  ch.  i,  art.  1. 

Droit  actuel  :  Colin,  Des  Fiançailles  et  des  pro- 
messes de  mariage  (thèse  de  doctorat);  Paris,  1887.  — 
Demolombe,  Cours  de  Code  civil,  t.  III,  pp.  40  et  suiv.  — 
Glasson,  le  Mariage  civil  et  le  Divorce.  —  Du  môme,  Du 
Consentement  des  époux  au  mariage.  —  Laurent,  Prin- 
cipes de  droit  civil,  t.  II,  pp.  404  et  suiv.  —  Dalloz,  Sup- 
plément au  Répertoire,  v°  Mariage,  t.  X,  n03  46  à  53. 

FIANGEY.  Corn,  du  dép.  de  laDrôme,  arr.  et  cant. 
de  Valence;  504  hab. 

FIANONA  (en  croate  Plomin).  Bourg  d'Istrie,  sur  le 
golfe  du  Quarnero;  4,850  hab.  (avec  la  corn.). 

F1ASELLA  (Dommko),  dit  le  Sarzana,  peintre  de  l'école 
génoise,  né  à  Sarzana  en  1589,  mort  à  Gênes  en  4669.  Il 
ouvrit  à  Gênes  une  école  dont  le  naturalisme  fut  le  caractère 
dominant.  Ses  œuvres,  remarquables  par  la  correction  du 
dessin,  la  grâce  vivace  des  figures,  l'éclat  du  coloris  et  l'ha- 
bileté avec  laquelle  l'artiste  s'y  approprie,  selon  le  sujet, 
les  manières  des  différents  maîtres,  sont  très  nombreuses 
dans  les  églises  de  la  Ligurie.  Citons,  entre  autres,  à  Saint- 
Sébastien  de  Gênes,  Saint  Antoine  trouvant  le  corps  de 
saint  Paul  F  Ermite;  à  San  Siro,  une  représentation  de 
Saint  André  Avellini;  à  Santa  Maria  délia  Consolazione, 
un  autre  tableau,  et  aux  Dominicains  de  Sarzana,  la  Mort 
de  V enfant  innocent.  Fiasella  fut  aussi  un  excellent  por- 
traitiste ;  il  laissa  pour  héritier  son  neveu  et  élève  Gio- 
vanni-Battisla  Fiasella. 

F1BER  (Zool.)(V.  Castor). 

FIBICH  (Zdenèk),  musicien  tchèque  contemporain,  né 
à  Seborice  le  21  déc.  1851.  Il  fit  ses  études  musicales  à 
Vienne  et  à  Prague.  Dès  l'âge  de  quatorze  ans  il  avait  fait 
exécuter  une  symphonie  de  sa  composition.  Il  se  perfec- 
tionna à  Leipzig,  à  Paris  et  à  Mannheim.  Après  avoir  été 
professeur  au  conservatoire  de  Vilna,  il  s'est  définitivement 
établi  à  Prague  où  il  a  été  second  chef  d'orchestre  du 
théâtre.  Ses  principales  productions  sont  :  Ouverture  pour 
le  drame  de  Kollar,  le  Juif  de  Prague  (1871)  ;  Scène  nup- 
tiale sur  des  motifs  populaires  tchèques  (1872)  ;  Toman 
et  la  Dame  des  Bois,  poème  symphonique  (1875)  ;  Mélu- 
sine  (1876);  Blanik,  opéra  (1877);  l 'Eternité,  mélo- 
drame (1878)  ;  Otakar,  poème  symphonique  (1879)  ;  Ro- 
mances printanières  (1880)  et  un  certain  nombre  de 
mélodrames  (le  Soir  de  Noël,  l'Eternité,  la  Vengeance 
des  fleurs,  etc.).  —  Sa  femme,  née  Betty  Hanus,  remplit 
avec  succès  l'emploi  de  contralto  au  théâtre  tchèque  de 
Prague.  L.  L. 

FIBIGER  (Jacob-Seavenius),  artilleur  et  ministre  danois, 
né  à  Snoghœj  le  23  janv.  1793,  mort  le  11  oct.  1861. 
Lieutenant  d'artillerie  (1811),  il  enseigna  cette  branche 
de  l'art  militaire  à  partir  de  1812  dans  divers  établisse- 


ments et  notamment  à  la  haute  école  militaire  (1832),  et  en 
appliqua  les  principes  comme  constructeur  (1842),  directeur 
du  matériel  (1852),  chef  de  la  brigade  d'artillerie  (1856), 
membre  de  divers  comités  de  défense  et  de  fortifications. 
Il  réorganisa  habilement  l'artillerie  danoise,  et  son  système 
aussi  pratique  que  scientifique  ayant  fait  ses  preuves  pendant 
l'insurrection  slesvig-holsteinoise,  resta  en  honneur  jus- 
qu'à l'adoption  des  canons  rayés.  Fibiger  contribua  aux 
victoires  de  Fredericia  (1849)  et  d'Isted  (1850).  Il  fut  mi- 
nistre de  la  guerre  du  13  juil.  au  18  oct.  1851 .  Il  publia  : 
Leçons  d'artillerie  (1832-34, 4  fasc.  in-4  ;  2e  édit.,  1842, 
t.  I,  Balistique)  ;  Tableaux  balistiques ,  avec  Kevper 
(1834).  B-s. 

^  FIBIGER  (Ilia-Marie),  écrivain  et  philanthrope  danoise, 
nièce  du  précédent,  née  le  5  oct.  1817,  morte  le  10  juin 
1867.  Douée  de  talents  variés,  elle  peignit,  écrivit  pour 
le  théâtre  (les  Contrastes,  1860)  ou  pour  les  amateurs 
de  pièces  dialoguées  (Trois  Drames ,  1857;  Péché  et 
Repentir,  1862;  Niels  Ebbesen,  1865),  et  pour  la  jeu- 
nesse (Contes,  1860  et  1866),  enseigna,  ouvrit  une  école, 
fut  gouvernante,  hospitalière  et  finit  par  fonder  pour  les 
orphelins  un  asile  où  elle  s'astreignit  aux  plus  rudes  tra- 
vaux. La  consomption  mit  fin  à  cette  vie  de  sacrifice  qui  est 
retracée,  en  tête  du  recueil  posthume  de  ses  Poésies  (1867), 
dans  une  notice  écrite  par  sa  sœur  Mathilde-Lucie,  née 
à  Copenhague  le  13  déc.  1830,  morte  le  17  juil  1872. 
Celle-ci,  avec  plus  de  talent  littéraire,  dut  mener  une  exis- 
tence analogue.  Après  avoir  enseigné,  peint  sur  porcelaine, 
fait  des  travaux  de  couture,  elle  fut  la  première  femme 
employée  dans  les  télégraphes  du  Danemark  (1866).  Ses 
Douze  Lettres  de  Clara-Rafaël,  publiées  par  J.-L.  Heiberg 
(Copenhague,  1850),  donnèrent  lieu  à  de  vives  polémiques 
(V.  Clara-Rafaël  Fejden  par  Fr.  Bajer,  1879).  Elle  con- 
tinua d'écrire  dans  divers  recueils  en  faveur  de  l'émanci- 
pation de  la  femme  et  elle  fut  l'un  des  premiers  membres  de 
l'Association  des  femmes  (1871).  On  lui  doit  encore  :  Une 
Visite  (1851);  Une  Esquisse  de  la  vie  réelle  (1853),  et  Mi- 
nolta (1854).  Une  notice  sur  elle  a  été  publiée  par  sa  cou- 
sine Margrethe  Fibiger.  B-s. 

FIBIGER  (Johannes-Henrik-Tauber),  écrivain  danois, 
cousin  des  précédentes,  né  à  Nykjœbing  dans  l'île  de  Fal- 
ster  le  27  janv.  1821.  Fils  du  recteur  de  l'école  de  Kol- 
ding,  Peder-Grib  Fibiger  (1784-1833)  connu  par  ses 
traductions  d'auteurs  grecs  et  latins,  il  débuta  par  l'en- 
seignement, comme  précepteur  (1846),  puis  maître  à  l'école 
de  Haderslev  (1850).  Il  fut  ensuite  chapelain  à  Copenhague 
(1859),  pasteur  de  Vallensved,  près  de  Nsestved  (1874), 
puis  d'OEnslev  (1881).  Fort  érudit,  comme  l'attestent  ses 
mémoires  sur  les  croyances  religieuses  des  Grecs,  des 
Scandinaves,  des  Finnois,  des  Slaves,  des  Perses  et  des 
Hindous,  il  a  bien  rendu  l'esprit  des  anciens  temps  dans  ses 
remarquables  tragédies  :  la  Fille  de  Jeplité  (1849),  Uré- 
mie (1850),  Saint  Jean-Baptiste  (1857),  Croix  et 
amour  (1858),  qui  pèchent  malheureusement  par  la  forme 
et  le  style,  et  dont  les  sujets  sont  trop  peu  à  la  portée  de 
nos  contemporains.  Il  a  aussi  publié  un  recueil  de  poésies  ; 
les  Génies  de  r affliction  (1884),  des  Prêches  de 
VAvent  et  du  Temps  pascal  (1875),  et  sous  le  pseudo- 
nyme de  Diodoros:  Quelques  Traditions  envers  (1865), 
la  Lutte  éternelle  (1878);  Mes  Sœurs  (1881)  et  le  Moine 
gris,  en  seize  chants  (1882).  B-s. 

FIBIGER,  née  Mijller  (Elfride-Dorothea-Christine- 
Michelle),  nouvelliste  et  économiste  danoise,  née  à  Copen- 
hague le  16  juil.  1832.  Mariée  en  1856  au  docteur  Chris- 
tian-Emmanuel-Àugust  Fibiger,  frère  du  précédent  et 
médecin  à  Silkeborg,  puis  à  Kolding  (1868),  auteur  de 
plusieurs  ouvrages  médicaux,  elle  a  publié  depuis  son  veu- 
vage (1873)  :  Souvenirs  d'un  vieillard  (1875)  ;  une 
Histoire  de  Madeleine  (1876)  ;  Secrets  de  la  lande  (1 877)  ; 
Deux  Récits  (1878);  le  Noir  Stefan  (1879)  ;  Cendrillon 
(1880);  Ellen  (1885)  ;  Prêtre  et  laïque  (\  886).  Dans  son 
Journal  pour  la  femme  (janv.  1882  à  mars  1884)  et  dans 
une  foule  de  brochures,  elle  a  exposé  des  théories  ration- 


FIBIGER  — UFIBRE 


400  — 


nelles  pour  l'émancipation  de  son  sexe.  De  plus,  joignant 
la  pratique  à  la  théorie,  elle  a  dirigé  de  4882  à  4889  une 
école  de  cuisine  pour  les  filles  pauvres,  et  publié,  avec  la 
collaboration  de  spécialistes, un  bon  Manuel  pour  les  petits 
ménages  (4892).  Depuis  4882  le  Parlement  lui  accorde 
une  subvention  annuelle.  Beauvois. 

F180NÂCCI  (Léonard  de  Pise,  dit),  le  plus  grand  mathé- 
maticien du  moyen  âge  (xiue  siècle).  Le  nom  de  Fibonacci  a 
été  forgé  à  une  époque  postérieure  ;  il  s'appelle  lui-même 
dans  ses  écrits,  composés  en  latin,  Leonardus  filius  Bonacii 
Pisanus.  Bonaccio  n'était  qu'un  sobriquet  de  son  père,  fac- 
teur au  comptoir  pisan  de  Bougie.  Léonard,  dans  le  milieu  de 
commerçants  où  il  vécut,  gagna  lui-même  un  surnom  ana- 
logue, Bigollo  (lourdaud).  Nous  ne  savons  rien  de  sa  vie 
que  par  ses  écrits  ;  le  prince  Boncompagni  les  a  réunis  en 
deux  gros  volumes  (Rome,  4857-4862).  Ils  comprennent  : 
4°  le  Liber  Abaci,  composé  en  4202,  mais  dont  nous 
n'avons  qu'une  seconde  édition,  dédiée,  vers  4228,  à  Mi- 
chel d'Ecosse,  astrologue  de  l'empereur  Frédéric  II  ;  2°  la 
Practica  geometriœ,  dédiée,  en  4220,  à  un  autre  astro- 
logue, Dominions  hispanus;  3°  le  Liber  quadratorum, 
de  4225,  dédié  à  Frédéric  II,  et  développant  la  méthode  de 
solution  d'un  problème  posé  à  Léonard  devant  l'empereur, 
par  le  philosophe  de  ce  dernier,  Jean  de  Païenne,  qui  lui 
avait  présenté  le  mathématicien  lors  d'un  séjour  à  Pise 
(vers  4224?)  ;  ce  problème  était  :  trouver  un  carré  dont  la 
somme  avec  5  soit  un  carré,  aussi  bien  que  son  excès  sur 
5  ;  4°  la  Flos,  où  Léonard  traite,  pour  le  cardinal  Raniero 
Cappocci,  de  Viterbe,  deux  autres  questions  proposées  dans 
la  même  circonstance  :  la  solution  d'une  équation  complète 
du  troisième  degré  ;  un  problème  d'analyse  indéterminée 
du  premier  degré;  5°  une  lettre  à  Maître  Théodore,  philo- 
sophe de  l'empereur,  probablement  copiée  pour  le  cardinal 
Capocci,  et  où  se  trouvent  traités,  dans  un  désordre  qui 
paraît  amené  par  une  confusion  du  copiste,  un  problème 
d'analyse  indéterminée  du  premier  degré  et  des  questions 
de  géométrie,  résolues  par  l'algèbre.  —  Léonard,  appelé 
dans  son  enfance  à  Bougie  par  son  père,  y  apprit  le  calcul, 
prit  goût  à  la  science  et  perfectionna  ses  connaissances 
dans  des  voyages  entrepris  pour  un  but  commercial  en 
Egypte,  en  Syrie,  en  Grèce,  en  Sicile  et  en  Provence, 
cherchant  partout  à  se  mettre  en  relation  avec  les  maîtres 
dont  il  pouvait  tirer  quelque  enseignement.  La  publication 
de  ses  grands  ouvrages  d'arithmétique  et  de  géométrie  lui 
attira  une  réputation  dont  on  a  vu  des  preuves.  On  n'a  cepen- 
dant aucune  donnée  sur  ce  qu'il  put  devenir  après  4228. 

Suite  de  Fibonacci.  —  La  suite  de  Fibonacci,  désignée 
aussi  parfois  sous  le  nom  de  Suite  de  Lamé,  à  cause  des 
applications  que  ce  dernier  géomètre  en  a  faites  à  la  théorie 
du  plus  grand  codiviseur,  est  la  suivante  : 

0,  4,  4,  2,  3,  5,  8,  43,  24,  34,  .... 

Chaque  terme  est  égal  à  la  somme  des  deux  qui  le  pré- 
cèdent ;  la  suite  est  donc  récurrente,  et  l'échelle  de  rela- 
tion est  un+2  =  ^n+i  +  un.  Parmi  tes  nombreuses 
propriétés  que  présente  cette  suite,  nous  nous  contenterons 
d'en  signaler  quelques-unes  :  4°  la  somme  des  n-\-l 

premiers  termes  u0,  u^ un,  augmentée  de  4 ,  est  égale  à 

un  -f  2  ;  2°  le  carré  d'un  terme  quelconque  diffère  d'une 
unité  du  produit  de  ses  deux  voisins  : 

W2n  —  ^2n-l  U2n  +  i        ^  5 
U2n+1  —  U2nU2n+2  ~^~  *  ' 

3°  le  produit  de  deux  termes  consécutifs  diffère  d'une 
unité  du  produit  des  termes  voisins  du  groupe  formé  par 
les  deux  termes  considérés  : 


U2nU2n  +  1  —  U2n  -  lU2n  +  2 


-l; 


U2n  +  iU2n  +  2  —  U2nU2n  +  3     l    ^  ' 

Ces  propriétés  seront  aisément  vérifiées  sur  les  premiers 
termes  écrits  plus  haut.  La  suite  de  Fibonacci  a  une  impor- 
tance capitale  en  arithmétique  supérieure. 

Bibl.  :  Edouard  Lucas,  Recherches  sur  plusieurs  ou- 
vrages de  Léonard  de  Pise  et  sur  diverses  questions 


d'arithmétique  supérieure;  Rome,  1877:  Théorie  des  nom- 
bres; Paris,  1891,  t.  I. 

FIBRAUREA  (Fibraurea  Lour.) (Bot.).  Genre  de  Ménis- 
permacées,  voisin  des  Chasmanthera  (V.  ce  mot),  dont  il 
diffère  par  les  étamines  libres,  renflées  en  massue  au  som- 
met, et  par  les  fruits  qui  sont  des  drupes  comprimées,  à 
noyau,  muni,  en  dedans,  d'un  sillon  très  prononcé.  L'es- 
pèce type,  F.  tinctoria  Lour.  (Cocculus  Fibraurea  DC), 
croît  en  Cochinchine  et  dans  les  îles  de  l'Archipel  indien. 
Sa  tige  ligneuse  est  formée  de  couches  concentriques  de 
couleur  dorée.  On  en  extrait  une  matière  colorante  jaune, 
utilisée  dans  la  teinture.  Sa  racine,  douée  de  propriétés 
diurétiques,  est  employée  par  les  Malais  contre  les  fièvres 
intermittentes  et  les  affections  hépatiques.        Ed.  Lef. 

FIBRE.  I.  Anatomie  et  Botanique  (V.  Fibreux). 

IL  Chimie  industrielle.  —  On  désigne  dans  le  commerce, 
sous  le  nom  de  fibres  textiles,  non  seulement  les  filaments 
déliés  qui  peuvent  servir  à  la  fabrication  des  tissus  v  mais 
encore  certains  d'entre  eux  qui  ne  sont  employés  que  dans 
la  corderie,  la  brosserie,  la  fabrication  du  papier,  etc.,  et 
ne  seraient  que  difficilement  utilisables  dans  la  fabrication 
d'une  étoffe  quelconque.  Les  fibres  textiles,  en  général, 
peuvent  être  divisées  en  trois  grandes  catégories  :  fibres 
minérales,  les  moins  importantes,  fibres  animales,  fibres 
végétales.  Nous  allons  étudier  spécialement  chacune  d'elles. 

Fibres  minérales.  Le  type  de  ce  genre  de  fibres  est 
l'amiante,  minéral  produit  de  la  décomposition  d'une  roche, 
le  plus  souvent  de  la  serpentine  et  qui,  à  l'état  brut,  se 
présente  sous  l'aspect  de  filaments,  tantôt  longs  et  brillants 
comme  la  soie,  tantôt  grisâtres  et  agglomérés,  employés  le 
plus  souvent  pour  calfats  et  presse-étoupes.  Comme  en  rai- 
son de  sa  constitution,  l'amiante  mise  au  contact  d'une 
flamme  ne  peut  jamais  être  réduite  en  cendres,  on  a  essayé 
d'en  faire  des  tuniques,  gants,  casques,  etc.,  pour  l'usage 
des  personnes  dont  la  profession  exige  l'approche  constante 
du  feu,  mais  l'usage  en  est  fort  restreint  (V.  Amiante). 

Fibres  animales.  On  peut  diviser  les  fibres  animales 
en  deux  catégories  :  les  poils  des  animaux,  les  diverses 
espèces  de  soies  filées  par  les  insectes  sous  la  forme  de 
cocons.  Les  poils  des  animaux  comprennent  deux  classes 
de  fibres  bien  distinctes  :  la  première  renfermant  les  dé- 
pouilles des  animaux  sauvages  et  non  apprivoisés,  tels  que 
les  mammifères,  carnivores  et  rongeurs  ;  la  seconde,  les 
produits  laineux  des  animaux  domestiques  de  la  race  ovine 
et  de  ses  dérivés.  Les  premiers  se  distinguent  des  seconds, 
comparés  à  l'état  brut  et  avant  qu'ils  n'aient  été  l'objet 
d'aucune  épuration,  par  la  quantité  presque  insignifiante 
d'enduit  gras  de  la  surface,  par  une  direction  constamment 
droite  et  rigide,  par  l'épaisseur  de  leurs  parois,  et  par  une 
différence  du  pouvoir  réfringent  entre  le  milieu  et  les  bords 
du  brin.  Les  seconds  diffèrent  des  précédents  par  la  quantité 
considérable  de  corps  étrangers  dont  la  matière  cornée  des 
brins  est  chargée,  par  la  direction  contournée  et  plus  ou 
moins  prononcée  de  ces  brins  très  flexibles,  par  la  poro- 
sité sensible  et  la  finesse  relative  de  leurs  parois,  par  leur 
pouvoir  réfringent  assez  uniforme,  enfin  par  l'absence  ou 
du  moins  la  grande  rareté  des  poils  composés.  Les  poils  des 
rongeurs  et  des  carnivores  fournissent  à  l'industrie  la  plus 
grande  partie  des  substances  recherchées  pour  faire  des 
feutres  parfaitement  clos  dont  l'art  de  la  chapellerie  fait 
son  profit.  Quant  aux  produits  laineux  de  la  race  ovine, 
ils  sont,  comme  on  le  sait,  d'un  emploi  extrêmement  ré- 
pandu et  constituent  l'une  des  branches  les  plus  importantes 
de  l'industrie  textile.  Ces  produits,  même  sur  une  prove- 
nance unique,  renferment  des  filaments  dont  les  caractères 
sont  très  différents.  C'est  ainsi  que  l'on  trouve  dans  les 
laines  les  plus  fines  ce  qu'on  appelle  la  jarre,  sorte  de 
brin  gros  et  rigide,  ressemblant  à  un  poil  commun  ;  comme 
on  y  rencontre  aussi  le  duvet,  filament  si  fin  et  si  flexible 
qu'il  se  contourne  sur  lui-même  et  au  contour  de  filaments 
voisins.  Les  produits  laineux  doivent,  pour  être  employés 
dans  l'industrie,  être  débarrassés  des  corps  étrangers  qui 
les  recouvrent  et  dont  la  proportion  augmente  avec  la  finesse 


401 


FIBRE 


du  brin.  On  peut  enlever  cet  enduit  soit  en  trempant  la 
toison  dans  Peau  à  la  température  ordinaire,  soit  en  la  la- 
vant sur  l'animal  qui  la  porte,  soit  en  employant  Feau 
chaude,  soit  enfin  en  faisant  usage  d'une  eau  alcaline  et  en 
lavant  ensuite  à  Feau  pure.  Ces  quatre  modes  d'opérer  étant 
usités,  le  commerce  des  laines  comprend  ce  textile  sous  cinq 
états  différents  :  sur  sarge  ou  en  suint,  lavé  à  froid,  lavé 
à  dos,  lavé  à  chaud,  lavé  à  fond.  Le  textile,  que  dans  le 
commerce  on  désigne  sous  le  nom  générique  de  soie,  est 
produit  par  diverses  variétés  de  bombyx,  et  principalement 
par  le  bombyx  du  mûrier.  Quoique  le  textile  ait  naturelle- 
ment la  forme  du  fil,  on  ne  peut  l'utiliser  qu'après  un  tra- 
vail et  des  préparations  toutes  particulières,  qui  constituent 
une  véritable  industrie  (V.  Soie).  Il  n'est  pas  de  soie,  en 
dehors  de  celle  sécrétée  par  le  bombyx,  qui  soit  utilisable 
industriellement.  Tous  les  essais  faits  pour  tisser  d'autres 
fils,  notamment  ceux  de  l'araignée,  n'ont  jamais  amené  de 
résultat  pratique. 

Fibres  végétales.  Le  nombre  de  plantes  qui  peuvent 
fournir  des  filaments  utilisables  est  excessivement  grand, 
et  c'est  particulièrement  la  flore  des  tropiques  qui  recèle 
sous  ce  rapport  des  richesses  inépuisables  ;  jusqu'à  présent, 
cependant,  ces  dernières  ont  été  peu  exploitées,  et  on  n'en 
exporte  qu'un  nombre  relativement  petit.  La  cause  en  est, 
d'une  part,  dans  les  moyens  insuffisants  de  communication 
et,  d'autre  part,  dans  l'inefficacité  de  la  préparation  à  la- 
quelle elles  sont  soumises  dans  leur  pays  de  production, 
ce  qui  déprécie  le  produit  et  fait  que  l'exportation  n'est 
pas  assez  rémunératrice.  Toutes  les  parties  constituant  le 
squelette  végétal  d'une  plante  ne  fournissent  pas  des  fibres 
utilisables  industriellement;  dans  quelques  parties  seule- 
ment des  tissus,  les  cellules  se  présentent  avec  des  formes 
qui  les  rendent  aptes  à  cet  usage.  L'agrégation  des  cellules 
allongées  et  fortement  épaissies,  désignées  en  botanique 
par  l'épithète  de  parenchymateuses,  constituent  l'élément 
principal  du  tissu  de  Fécorce.  Les  écheveaux  vaso-fibreux 
et  du  corps  du  bois  sont  les  seuls  qui  fournissent  les  fibres 
à  l'industrie.  Les  membranes  et  les  vaisseaux  des  tissus 
parenchymateux  ne  peuvent  servir  ;  leur  forme  à  elle  seule 
s'y  oppose  ;  elles  sont  généralement  si  minces  et  si  fragiles 
qu'elles  ne  résistent  pas  aux  opérations  préparatoires.  Dans 
la  corderie  et  dans  la  préparation  des  tissus  grossiers,  on  met 
souvent  en  œuvre  directement  le  faisceau  des  fibres  brutes  ; 
dans  l'industrie  textile  proprement  dite,  une  division  plus 
grande  est  nécessaire  pour  permettre  de  former  des  fils  fins. 
On  a  alors,  dans  ce  cas,  ou  bien  des  cellules  complètement 
isolées,  comme  pour  le  coton  et  les  fibres  cotonneuses  du 
bœhmeria,  ou  bien  des  cellules  qui  adhèrent  en  partie  les 
unes  aux  autres,  comme  pour  le  lin,  le  chanvre,  le  jute,  etc. 
Dans  la  fabrication  du  papier,  il  est  nécessaire,  pour  obte- 
nir les  meilleures  qualités,  de  séparer  autant  que  possible 
ces  cellules.  Le  tissu  végétal  brut,  tel  qu'il  existe  dans  les 
fibres  végétales  fines,  contient  toujours  une  quantité  consi- 
dérable d'éléments  étrangers,  et  le  procédé  de  préparation 
auquel  on  le  soumet  a  pour  objet  de  les  éliminer  sans  en- 
dommager les  fibres.  A  côté  de  ces  substances,  presque 
toutes  les  fibres  végétales  brutes  contiennent  une  quantité 
plus  ou  moins  grande  d'éléments  de  tissus  parenchyma- 
teux à  minces  parois  qui,  bien  que  se  composant  de  cellu- 
lose, sont  considérés,  dans  ce  cas,  comme  éléments  secon- 
daires et  sont  éliminés,  en  même  temps  que  les  autres 
substances  insolubles,  par  l'emploi  de  procédés  chimiques 
et  mécaniques. 

D'une  manière  générale,  les  fibres  végétales  textiles 
peuvent  être  classées  de  la  manière  suivante  :  fibres  cor- 
ticales de  plantes  dicotylédonées  ;  faisceaux  vasculaires  de 
plantes  monocotylédonées  ;  libers  et  écorces  proprement 
dits  ;  duvets  végétaux.  Presque  toutes  les  fibres  végétales 
employées  dans  l'industrie  proviennent  de  Fécorce  de  la 
tige  des  plantes  dicotylédonées.  Pour  les  en  retirer,  il  faut 
leur  faire  subir  une  préparation  qui  permette  de  séparer 
la  couche  corticale  et  d'enlever  la  substance  intercellulaire  ; 
cette  préparation,  qui  se  fait  presque  toujours  avant  la  ma- 

GRÀNDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


turité  complète  de  la  plante,  est  généralement  le  rouissage 
(V.  ce  mot).  Mais  ce  procédé  agit  très  diversement  sur  des 
matières  différentes,  suivant  la  nature  de  la  substance 
intercellulaire.  Chez  le  lin,  le  chanvre  et  les  fibres  corti- 
cales analogues,  qui  appartiennent  à  la  catégorie  dont  nous 
parlons  ici,  l'action  ne  s'étend  pas  jusqu'à  l'isolement  com- 
plet des  cellules,  et  celles-ci  sont  encore  retenues  faible- 
ment par  un  reste  de  la  substance  intercellulaire  ou  par  un 
produit  de  transformation  de  cette  substance;  ce  n'est  que 
lorsque  la  fibre  est  complètement  blanchie  que  cette  der- 
nière partie  des  éléments  étrangers  est  enlevée.  Chez  le 
jute  et  le  sum,  les  fins  faisceaux  de  fibres  corticales  sont 
séparés  dans  un  état  encore  plus  pur  par  la  même  opéra- 
tion. Mais  on  ne  peut  pas,  au  contraire,  employer  le  rouis- 
sage sur  les  fibres  de  ramie  et  quelques  fibres  d'asclé- 
piadées,  telles  que  le  Calotropis  et  la  Marxdenia,  qui  toutes 
se  distinguent  par  leur  solidité  extraordinaire.  Cela  paraît 
tenir  à  ce  que  la  substance  intercellulaire  est  enlevée  trop 
facilement  et  trop  complètement,  de  sorte  que  le  tissu  cel- 
lulaire se  désagrège  tout  à  fait  et  qu'il  n'est  pas  possible  de 
le  purifier  ainsi  des  autres  éléments  secondaires  plus  résis- 
tants. Certaines  fibres  de  cette  catégorie  sont  employées 
industriellement  sans  rouissage  :  telles  sont  YHiribeus  can- 
nabinus,  le  Sida  retura,  le  Malachaa  capitata,  et  il  en 
est  d'autres,  au  contraire,  plus  propres  à  la  fabrication  du 
papier,  telles  que  le  Brousroneia  du  Japon,  pour  lesquelles 
le  rouissage  est  remplacé  par  des  procédés  plus  expéditifs. 
Pour  l'extraction  des  fibres  rentrant  dans  la  catégorie  des 
faisceaux  vasculaires  de  plantes  monocotylédonées,  le  rouis- 
sage est  peu  ou  pas  employé  :  on  a  plutôt  recours  aux 
moyens  mécaniques  directs.  Ces  moyens  mécaniques  per- 
mettent de  débarrasser  les  fibres  du  tissu  parenchyma- 
teux qui  les  entoure  et  de  les  mettre  à  nu  pour  les 
employer  suivant  leur  finesse.  Les  libers  et  écorces  ne  se 
distinguent  des  autres  que  parce  qu'ils  se  composent  des 
couches  du  tissu  libérien  encore  adhérentes  les  unes  aux 
autres.  Certains  de  ces  libers,  pendant  la  préparation  à  la- 
quelle ils  sont  soumis,  sont  divisés  en  fins  faisceaux 
fibreux  ;  d'autres,  soumis  à  des  traitements  identiques, 
donnent  toujours  des  couches  cohérentes.  Cette  variation 
est  produite  par  la  différence  de  composition  histologique. 
Lorsque  certains  éléments  qui  environnent  le  faisceau 
fibreux  sont  plus  ou  moins  complètement  enlevés  par  les 
procédés  de  préparation,  les  faisceaux  de  fibres  de  liber 
sont  isolés  ;  lorsqu'au  contraire,  le  traitement  préparatoire 
ne  peut  pas  détruire  la  cohésion  de  ces  faisceaux,  ceux-ci 
restent  solidement  réunis  et  rattachés  les  uns  aux  autres, 
suivant  la  force  du  traitement  ou  la  durée  de  l'opération  ; 
on  peut,  dans  certains  cas,  obtenir  à  volonté  des  fibres  ou 
des  couches  douées  de  cohésion.  La  préparation  dont  nous 
parlons  consiste  toujours  à  rouir  à  Feau  froide,  soit  les 
écorces,  soit  les  tiges  entières  ou  les  troncs.  Ce  rouissage  dé- 
truit, en  grande  partie,  l'enveloppe  externe  et  les  éléments 
du  tissu  parenchymateux  qui  composent  Fécorce  externe  et 
Fécorce  moyenne,  les  couches  de  cambium,  ainsi  que  les 
rayons  médullaires.  Les  principaux  libers  utilisés  de  cette 
façon  sont,  en  Europe,  celui  du  tilleul,  et,  dans  les  pays 
exotiques,  ceux  du  Thespesia  populuca,  Urena  sinuata, 
Lagetta  lintearia,  etc.  Il  nous  reste  à  parler  des  duvets 
végétaux  ;  ce  qui  différencie  surtout  ces  fibres  textiles  des 
précédentes,  c'est  que  ces  dernières  sont  formées  par  des 
agrégations  de  cellules  dont  la  décomposition  en  cellules  iso- 
lées n'est  produite  que  par  des  procédés  artificiels,  tandis 
que  les  duvets  se  composent  de  cellules  isolées  qui,  reposant 
telles  quelles  à  la  surface  des  noyaux,  remplissent  les  cap- 
sules des  graines  et,  à  partir  de  leur  premier  développe- 
ment, apparaissent  libres  et  isolées.  Le  type  de  ces  fibres 
est  le  coton. 

Essai  des  fibres  textiles.  Pour  reconnaître  une  fibre 
textile,  il  faut  d'abord  rechercher  si  l'on  a  affaire  à  une  fibre 
végétale  ou  à  une  fibre  animale  ;  la  détermination  ultérieure 
de  son  espèce  est  ainsi  beaucoup  facilitée.  Si  la  fibre  sou- 
mise à  l'essai  est  sous  forme  de  tissu  ou  de  fil,  il  est  indis- 

26 


FIBRE 


—  402 


pensable  de  commencer  par  lui  enlever  son  apprêt.  Dans 
ce  but,  on  fait  bouillir  un  petit  coupon  du  tissu  pendant 
dix  minutes  avec  de  l'eau  contenant  2  °/0  de  carbonate  de 
soude  et  un  peu  de  savon  ;  on  lave  ensuite  le  tissu  à  l'eau 
bouillante,  puis  on  le  place  pendant  cinq  à  dix  minutes  dans 
de  l'eau  additionnée  de  2  °/0  d'acide  chlorhydrique  ou  sul- 
furique;  enfin  on  le  lave  avec  soin.  Le  tissu  desséché  ainsi 
que  les  fibres  ou  les  fils  bruts  est  alors  soumis  à  l'action 
dé  réactifs  chimiques  et  à  un  examen  microscopique.  La 
distinction  entre  les  fibres  animales  et  les  fibres  végétales 
peut  être  établie  à  l'aide  des  réactions  suivantes.  Les  fibres 
animales,  chauffées  avec  un  peu  de  chaux  vive  dans  un  tube 
fermé  à  un  bout,  fournissent  des  vapeurs  ammoniacales  qui 
bleuissent  le  papier  de  tournesol  rouge.  Les  fibres  végé- 
tales, traitées  de  la  même  manière,  dégagent  des  vapeurs 
acides  qui  rougissent  le  papier  de  tournesol  bleu  ;  les  fibres 
animales,  introduites  dans  la  flamme  d'une  bougie,  brûlent 
difficilement  en  donnant  un  charbon  spongieux  et  brillant 
et  dégageant  l'odeur  de  corne  brûlée.  La  fibre  végétale 
brûle,  au  contraire,  avec  une  flamme  vive,  en  ne  faisant 
que  peu  de  résidu  et  dégageant  une  odeur  franche  de  linge 
brûlé.  On  peut,  à  l'aide  de  ce  moyen,  déterminer  combien 
un  tissu  renferme  de  fils  de  l'une  ou  de  l'autre  origine  ; 
à  cet  effet,  on  coupe  dans  le  tissu  à  essayer  un  morceau  de 
5  centim.  q.,  puis  on  retire  tous  les  fils  en  travers  et  tous 
es  fils  en  long,  on  brûle  ensuite  séparément  chaque  fil,  et 
'on  compte,  d'une  part  ceux  qui  présentent  la  réaction  des 
fibres  végétales  et  d'autre  part  ceux  qui  se  comportent 
comme  des  fibres  animales.  On  peut  faire  bouillir  un  petit 
morceau  de  tissu  dans  une  lessive  de  potasse  ou  de  soude 
à  8  °/0.  La  fibre  animale  se  dissout,  tandis  que  la  fibre 
végétale  reste.  Bouillie  avec  une  dissolution  d'acide  picrique, 
la  fibre  animale  se  teint  en  jaune  ;  la  fibre  végétale  traitée 
de  la  même  manière  ne  se  colore  pas.  On  prépare  une  solu- 
tion incolore  de  rosaniline  en  dissolvant  de  la  fuchsine  dans 
l'eau  bouillante  et  ajoutant  goutte  à  goutte  de  l'ammoniaque 
caustique  jusqu'à  décoloration.  Dans  cette  solution  filtrée 
et  chaude,  on  plonge  pendant  quelques  secondes  les  fils  ou 
les  tissus  à  essayer,  puis  on  les  lave  à  grande  eau  et  on 
les  expose  au  contact  de  l'air  ;  si  l'on  a  affaire  à  un  tissu 
formé  de  fibres  animales  (laine  ou  soie)  et  de  fibres  végé- 
tales (coton  ou  lin),  les  premières  prendront  une  teinte 
rouge,  tandis  que  les  secondes  resteront  incolores,  et  l'on 
pourra,  en  examinant  le  tissu  à  l'aide  d'un  compte-fils, 
déterminer  exactement  le  nombre  des  fils  de  nature  animale 
ou  végétale.  La  même  détermination  peut  être  faite  avec  les 
tissus  traités  par  l'acide  picrique. 


Pour  distinguer  les  fibres  animales  entre  elles  (laine  et 
soie),  les  réactions  suivantes  peuvent  être  employées  :  on 
plonge  pendant  quinze  ou  vingt  minutes  un  petit  morceau 
de  tissu  dans  un  mélange  à  volumes  égaux  d'acide  sulfu- 
rique ordinaire  et  d'acide  azotique  concentré,  et  on  le  lave 
ensuite  avec  de  l'eau.  La  soie  ou  le  poil  de  chèvre  se  dissolvent , 
tandis  que  la  laine  est  seulement  colorée  en  jaune  ou  en  brun. 
Si  l'on  plonge  le  tissu  dans  une  solution  neutre  d'acétate  de 
plomb  mélangée  avec  autant  de  soude  qu'il  en  faut  pour  que 
le  précipité  blanc  qui  s'est  d'abord  formé  se  dissolve,  la  laine 
et  les  poils  animaux  se  colorent  en  brun,  la  soie  reste  intacte. 
Une  solution  d'oxyde  de  cuivre  dans  l'ammoniaque  (réactif 
de  Schweitzer)  dissout  la  soie,  mais  non  la  laine.  Dans  une 
solution  de  chlorure  de  zinc  basique  à  60°  Baume,  on  fait 
digérer  pendant  une  heure  à  30°  un  petit  fragment  de  tissu 
à  essayer  ;  les  fils  de  soie  se  dissolvent,  tandis  que  les  fils  de 
laine  restent  ;  si  le  tissu  renferme,  outre  la  laine  et  la  soie, 
des  fils  végétaux,  il  est  facile  de  les  reconnaître  en  lavant 
avec  de  l'eau  le  résidu  du  traitement  précédent  et  le  faisant 
digérer  dans  une  lessive  de  potasse  à  4,2  de  densité  qui 
dissout  tous  les  fils  de  laine  et  laisse  les  fils  végétaux. 

Pour  distinguer  les  fibres  végétales  entre  elles,  le  lin  du 
coton,  par  exemple,  dans  un  tissu,  on  peut  procéder  de  la 
manière  suivante  :  on  plonge  dans  de  l'acide  sulfurique  con- 
centré pendant  une  ou  deux  minutes  un  morceau  de  tissu, 
puis  on  le  la\e  d'abord  avec  de  l'eau,  en  le  frottant  un  peu 
avec  les  doigts,  puis  avec  de  l'ammoniaque  étendue  et  encore 
avec  de  l'eau.  Les  fils  de  lin  ou  de  chanvre  ne  sont  pas 
attaqués,  tandis  que  les  fils  de  coton  sont  transformés  en 
une  gelée,  que  le  traitement  par  l'eau  dissout  et  élimine.  On 
peut  facilement  s'assurer  dans  quelles  proportions  le  mélange 
des  deux  fils  a  été  fait  en  comptant  les  fils  avant  et  après 
l'expérience.  Pour  reconnaître  les  fibres  du  phormium  trouvés 
dans  les  tissus  du  chanvre  et  du  lin,  on  peut  se  servir  des 
réactions  suivantes  :  si  l'on  plonge  pendant  une  heure  un 
fragment  du  tissu  à  essayer  dans  de  l'eau  de  chlore,  puis 
dans  de  l'ammoniaque  liquide,  les  fibres  de  phormium  se 
colorent  en  violet  rouge,  que  quelques  gouttes  d'acide  azo- 
tique font  disparaître  ;  les  fibres  de  chanvre  prennent  une 
teinte  légèrement  rosée,  et  le  lin  conserve  sa  couleur  pri- 
mitive ;  si  l'on  plonge  le  tissu  dans  une  solution  aqueuse 
de  bleu  d'aniline  à  0§T10  par  litre  et  chauffée  à  60°,  les 
fibres  du  phormium  se  colorent  fortement,  tandis  que  celles 
du  chanvre  ou  du  lin  ne  changent  pas.  La  marche  à  suivre 
pour  reconnaître  les  fibres  textiles  les  plus  employées,  en 
se  basant  sur  des  réactions  chimiques,  a  été  résumée  par 
Pinchon  dans  le  tableau  dichotomique  suivant  : 


On  traite  les  fils  ou  tissus  par  une  solution  de  potasse  et  de  soude  et  selon  le  résultat  on  continue  comme  suit  : 
I    Chlorure   de  zinc  (  ) 

Solution  alcaline  noircit  par  addition  d'un  sel  de  plomb [  Soie. 


1°  Tout 
se  dissout.. 


froid   dissout  • 
tout I 

Chlorure  de  zinc  ( 
dissout  partiel-  } 
lement    ou    ne 
dissout  rien.  ..  ( 


[  Chlorure  de  zinc 
ne  dissout  rien. 


Soluble  partiellement  ■ 

Insoluble 

Eau  de   chlore,  puis  j 
ammoniaque    colo- 
rant   la   fibre  en  ' 
rouge I 


Partie  soluble  ne  noircit  pas  par  un  sel  de  )  Q  •      , ,  • 
plomb,  partie  insoluble  noircit \  ^oie  et  lame 

Noircit  par  un  sel  de  plomb j  Laine. 

Fibre  rougit  par  l'acide  azotique  ou  le  per-  )  -nU 
oxvde  d'azote Phormium. 


Fibre   se    colore  par  i 
solution  alcoolique  | 
de  fuchsine  à  5  °/0, 
et  la  coloration  ré- 
Eau  de  chlore,  puis  j      siste  au  lavage 

ammoniaque  ne  co-  <  r>   , 

lorant  pas )  Potasse  aqueuse  co- 

r  i      lore  fibre  en  jaune. 


2°  Une  partie 

se  dissout 

et  les  fibres 

s'attaquent. 


Chlorure  de  zinc 
dissout  une 
partie. 


Chlorure  de  zinc 
ne  dissout  rien. 


Une  partie  noircit  par 
le  sel  de  plomb 


Iode  et  acide  sulfu- 
rique colorant  en  | 
jaune 

Iode  et  acide  sulfu- 
rique colorant  en 
bleu 

Coloration  par  fuchsine  ne  résiste   pas  au 
lavage;  la  potasse  ne  colore  pas  la  fibre  ' 
en  jaune ' 

Potasse  dissout  partiellement  les  fibres  in- 
solubles dans  chlorure  de  zinc  ;  celles  qui  | 
résistent  à  ce  second  traitement  se  dis-  | 
solvent  dans  liqueur  cupro-ammoniacale. 


Chanvre. 


Lin. 


Coton. 


Laine,  coton 
et  soie. 


f  Sel  de  plomb  ne  noir-  j  Acide  picrique  colore  partiellement  en  jaune,  )  q,  -     . 

\      cit  pas (      l'autre  partie  restant  blanche \  boie  et  coton. 

<  Acide  azotique  colore  une  partie,  l'autre  restant  blanche..., I  Coton  et  lin. 


—  403  — 


FTBRE  —  FIBRINE 


L'examen  au  microscope  est  très  utile  ;  il  ne  sert  pas 
seulement  pour  compléter  ou  contrôler  les  résultats  de 
Fessai  chimique  ;  dans  la  plupart  des  cas,  il  fournit  des 
indications  plus  certaines  que  ce  dernier,  surtout  lorsqu'on 
emploie  à  la  fois  des  réactions  microchimiques.  Pour  pré- 
parer une  fibre  à  l'examen  microscopique,  on  la  dépose  sur 
le  porte-objet  ;  on  fait  tomber  sur  elle  une  goutte  d'eau  dis- 
tillée et  on  laisse  le  tout  en  contact  pendant  quelques  ins- 
tants ;  appuyant  ensuite  le  bout  de  l'index  gauche  sur  une 
des  extrémités  de  la  fibre,  on  passe  plusieurs  fois  à  travers 
celle-ci  la  pointe  d'une  aiguille.  La  fibre  est  de  cette  façon 
uniformément  désagrégée  ;  il  ne  reste  plus  maintenant  qu'à 
procéder  à  son  examen,  après  avoir  posé  le  porte-objet  par 
dessus.  Gomme  réactifs  microchimiques,  on  emploie  sur- 
tout :  une  solution  d'iode  (0,1  d'iode,  0,2  d'iodure  de 
potassium  et  50  d'eau  distillée)  ;  une  solution  de  sucre 
(1  de  sucre  candi  et  2  d'eau  distillée)  ;  de  l'acide  sulfurique 
concentré  ou  étendu  (3  d'acide  et  1  d'eau)  ;  de  l'ammo- 
niure  de  cuivre  ;  une  solution  de  potasse  ou  de  soude  caus- 
tique ;  une  solution  de  fuchsine  ;  une  solution  étendue 
d'acide  chromique,  etc.  Pour  faire  agir  un  réactif  sur  la 
fibre  préparée  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  on  dépose,  au 
moyen  d'une  baguette  de  verre  bien  effilée,  sur  le  bord  du 
couvre-objet,  une  goutte  du  liquide  qui  pénètre  par  capil- 
larité au-dessous  de  la  lame  de  verre.  Nous  ne  parlerons 
pas  ici  des  caractères  microscopiques  et  microchimiques  des 
fibres  textiles  les  plus  employées  ;  nous  en  donnons  la  des- 
cription aux  divers  articles  spéciaux  (V.  Chanvre,  Coton, 
Jute,  Lin,  Ràmie,  Laine,  Mohair,  Soie).         L.  Knab. 

FI  B  REUX.  I.  Anatomie.  —  Le  tissu  fibreux  est  un  dérivé 
du  tissu  conjonctif.  Les  faisceaux  lamineux  de  ce  dernier 
en  s'accumulant,  en  comprimant  et  refoulant  F  élément  cellu- 
laire et  la  fibre  élastique,  forment  le  tissu  fibreux  qui, 
grâce  à  cette  différenciation  de  texture,  devient  apte  à 
remplir  un  rôle  exclusivement  mécanique.  Le  tissu  fibreux 
affecte  la  forme  de  cordes,  les  tendons  des  muscles,  les 
ligaments  des  articulations,  et  celle  de  membranes,  les 
aponévroses,  les  disques  intervertébraux,  la  cornée,  le 
périoste,  etc.  A  l'état  embryonnaire,  le  tendon  est  trans- 
parent et,  dans  la  substance  homogène  fondamentale  qui  le 
constitue,  on  voit  des  rangées  de  cellules  alignées  en  file. 
Plus  tard,  entre  les  cellules  apparaissent  des  fibres  con- 
jonctives qui  se  disposent  en  faisceaux  parallèles  aux  ran- 
gées de  cellules.  Celles-ci  recouvrent  incomplètement  les 
faisceaux  à  la  façon  des  tuiles  d'un  toit.  A  la  périphérie 
des  faisceaux,  on  voit  par  l'imprégnation  argentine  :  1°  une 
enveloppe  constituée  par  un  réseau  de  cellules  étoilées 
plongées  dans  une  -substance  amorphe  ;  2°  un  revêtement 
endothélial  continu  ;  3°  une  gaine  conjonctive  tapissée  elle- 
même  d'un  endothélium  et  à  l'intérieur  de  laquelle  le  ten- 
don glisse  comme  dans  une  petite  séreuse.  Telle  est  la 
structure  du  tendon  élémentaire  qui  ne  renferme  aucun 
vaisseau  sanguin.Pour  former  les  tendons  volumineux,  les 
tendons  élémentaires  se  dépouillent  de  leur  enveloppe  sé- 
reuse et  s'unissent  les  uns  aux  autres  à  l'aide  de  tissu 
conjonctif  qui  forme  des  travées  interstitielles  dans  le  ten- 
don, et  à  sa  périphérie  une  gaine  séreuse,  comme  dans 
chacun  des  tendons  simples.  Le  tendon  des  muscles  est 
donc  un  tendon  composé.  Quand  le  tendon  acquiert  des 
noyaux  cartilagineux  ou  quand  il  s'ossifie  comme  chez  les 
oiseaux,  ce  sont  les  cellules  tendineuses  qui  se  trans- 
forment en  cellules  cartilagineuses  ou  osseuses  et  élaborent 
ici  du  cartilage,  là  de  l'os.  Dans  les  aponévroses,  le  tissu 
fibreux  conserve  la  forme  qu'il  a  dans  les  tendons  :  c'est  le 
cas  des  aponévroses  d'insertion  ;  ou  bien  ses  fibres  s'enche- 
vêtrent de  mille  manières  de  façon  à  constituer  des  plans 
multiples  sur  lesquels  les  éléments  cellulaires  affectent  les 
aspects  les  plus  divers  (V.  Tendon,  Ligament,  Aponévrose, 
Cornée). 

Le  tissu  fibreux  renferme  peu  de  vaisseaux  sanguins. 
Dans  les  tendons,  les  vaisseaux  ne  dépassent  pas  les  cloi- 
sons conjonctives  interfasciculaires.  Quand  le  tendon  tra- 
verse une  synoviale  vaginale,  les  vaisseaux  lui  parviennent 


par  le  mésotendon.  Dans  les  tendons,  il  n'y  a  pas  de 
vaisseaux  lymphatiques,  mais  on  en  a  découvert  dans  les 
aponévroses.  Aussi  le  tendon  mis  à  nu  se  nécrose  et  s'ex- 
folie, tandis  que  dans  les  mêmes  conditions  l'aponévrose 
peut  résister  à  la  destruction,  mais  elle  donne  lieu  souvent 
à  de  l'angioleucite.  Le  tissu  fibreux  contient  des  nerfs 
amyéliniques  contrairement  à  l'opinion  ancienne.  Ces  nerfs 
se  terminent  dans  des  appareils  terminaux  qui  rappellent 
les  plaques  motrices  des  muscles.  On  s'explique  ainsi  la 
douleur  vive  de  l'entorse.  A  l'état  frais,  le  tissu  fibreux  est 
blanc,  opaque,  avec  des  reflets  brillants  et  nacrés.  Il  est 
flexible,  souple,  inextensible  et  résistant,  propriétés  qui  lui 
permettent  de  remplir  le  rôle  de  corde  de  transmission  dans 
l'action  mécanique  des  muscles  et  celui  de  moyens  de  con- 
tention et  d'arrêt  dans  le  mouvement  des  articulations.  La 
nutrition  de  ce  tissu  est  peu  active.  Il.s'enflamme  cependant 
quelquefois,  et  sa  régénération  s'effectue  comme  dans  le 
tissu  conjonctif.  Par  la  coction,  il  se  dissout  en  formant  de 
la  gélatine  (V.  Conjonctif  [Tissu]).  Ch.  Debierre. 

IL  Botanique.  —  Le  tissu  fibreux,  encore  appelé  pro- 
senchyme,  est  formé  de  cellules  allongées  en  fuseau  et 
plus  ou  moins  effilées  à  leurs  deux  extrémités  et  qu'on 
appelle  fibres  (V.  Cellule  ,  fig.  4,  b).  Les  parois  de  ces 
cellules  s'épaississent  et  leur  cavité  finit  par  se  réduire  à 
un  canal  très  étroit  ;  comme  les  couches  d'épaississement 
laissent  de  petits  espaces  libres,  il  en  résulte  de  petits 
canaux  perpendiculaires  aux  parois,  terminés  en  cul-de-sac 
par  la  membrane  primitive  de  la  fibre  ;  les  extrémités  de 
ces  petits  canaux  se  présentent  à  l'œil  sous  forme  de  ponc- 
tuations analogues  à  celles  qui  caractérisent  les  cellules  et 
les  vaisseaux  dits  ponctués.  Chez  les  conifères,  ces  ponc- 
tuations sont  situées  au  fond  de  petites  dépressions  qui 
simulent  une  aréole.  On  rencontre  le  tissu  fibreux  dans  le 
liber  cortical  (V.  Ecorce)  ,  dans  les  nervures  des  feuilles, 
dans  le  bois  (V.  Bois),  où  elles  sont  associées  à  des  vais- 
seaux, d'où  le  nom  de  tissu  fibrovasculaire  donné  à 
l'ensemble  des  faisceaux  ainsi  formés  (faisceaux  fibrovas- 
culaires).  Dr  L.  Hn. 

FI  BRILLA  RI  A  (Vitic).  On  donne  le  nom  vulgaire  de 
Fibrillaria  à  des  formes  mycéliennes  qui  vivent  en  sapro- 
phyte sur  les  racines  de  la  vigne  et  que  l'on  confond  sou- 
vent avec  le  pourridié  (V.  ce  mot). 

FIBRILLE  (Bot.).  Petit  faisceau  fibreux  isolé.  On  appelle 
fibrilles  les  petits  filets  cylindriques  qui  constituent  le 
chevelu  de  certaines  racines. 

FIBRINE  (Chim.).  La  fibrine  est  une  matière  albumi- 
noïde  qui  se  sépare  à  l'état  insoluble  du  sang  frais  et 
abandonné  à  l'air.  Fouette-t-on  vivement  le  sang  au  sortir 
de  la  veine,  on  obtient  des  filaments  blancs,  élastiques  ; 
abandonne-t-on  le  liquide  à  lui-même,  il  se  prend  peu  à 
peu  en  une  masse,  le  caillot,  nageant  au  milieu  d'un 
liquide  clair,  le  sérum  ;  mais,  si  on  sépare  à  temps  les 
globules  sanguins,  le  plasma  se  coagule  peu  à  peu,  fournit 
une  masse  gélatineuse,  tremblotante,  qui  se  contracte  len- 
tement et  qui  est  formée  d'un  feutrage  composé  de  fila- 
ments élastiques.  La  fibrine,  qui  était  à  l'état  dissous  dans 
le  sang,  devient  donc  insoluble  dans  les  conditions  ci-des- 
sus, sans  doute  par  suite  d'une  simple  transformation  iso- 
mérique.  Pour  la  purifier,  on  la  lave  successivement  avec 
l'eau  distillée,  l'alcool  et  l'éther  ;  malgré  ces  lavages,  elle 
retient  toujours  des  traces  notables  de  sels  minéraux,  no- 
tamment de  phosphates  qu'on  retrouve  à  l'incinération.  La 
fibrine  est  une  matière  blanche,  amorphe,  élastique  à 
l'état  frais,  devenant  cornée  à  la  dessiccation  ;  elle  est  in- 
soluble dans  l'eau,  soluble  dans  l'acide  acétique  et  les 
solutions  alcalines,  ainsi  que  dans  certains  sels,  comme  le 
nitre,  le  sel  marin,  le  sulfate  de  soude  ;  ces  dissolutions, 
non  coagulables  à  chaud,  précipitent  de  la  syntonine  par  les 
acides.  A  une  température  de  50  à  60°,  elle  se  dissout 
dans  l'acide  chlorhydrique  au  millième,  et  le  soluté  préci- 
pite encore  de  la  syntonine  par  les  acides.  Elle  décompose 
l'eau  oxygénée,  caractère  qui  la  distingue  nettement  des 
autres  principes  protéiques  ;  elle  perd  cette  propriété  après 


FIBRINE  —  FIBROLITE 


404  — 


avoir  été  chauffée  à  60°  ;  elle  ressemble  alors  à  de  l'albu- 
mine coagulée  par  la  chaleur.  Il  parait  exister  plusieurs 
principes  analogues  à  la  fibrine  du  sang  humain  :  la  fibrine 
du  cheval  se  dissout  presque  complètement  dans  de  l'eau 
chauffée  à  30°  et  additionnée  d'un  peu  d'acide  cyanhy- 
drique,  tandis  que  celle  du  bœuf  est  insoluble  dans  les 
mêmes  conditions.  Dans  les  végétaux  existe  une  fibrine 
végétale  ou  caséine  qui  constitue  la  partie  du  gluten  frais, 
insoluble  dans  l'alcool.  Ed.  Bourgoin. 

F1BROBLASTE  (Anat.  générale).  Comme  leur  nom 
l'indique,  les  fibroblastes,  inoblastes  ou  cellules  fibroplas- 
tiques  sont  les  cellules  jeunes  du  tissu  conjonctif  desti- 
nées à  donner  naissance  aux  fibres  lamineuses.  Au  cours 
du  développement  embryonnaire,  ces  éléments  prennent 
leur  origine  dans  les  formations  mésenchymateuses  du 
feuillet  moyen  ;  primitivement  arrondis  (éléments  embryo- 
plastiques  de  Ch.  Robin) ,  ils  s'allongent  ensuite  et  de- 
viennent fusiformes  ou  étoiles,  à  prolongements  minces  et 
effilés  dont  il  est  bientôt  difficile  de  déterminer  la  longueur 
exacte  à  cause  de  leur  extrême  ténuité.  Sur  l'embryon  de 
mouton  de  4  à  5  centim.,les  fibroblastes  à  leur  début  ont 
environ  25  (x  de  long  sur  4  0  fjt.  de  large  et  présentent  un 
noyau  ovoïde  et  granuleux  à  contour  peu  distinct.  Exa- 
minés chez  le  fœtus  humain,  vers  le  milieu  de  la  grossesse, 
ils  offrent  des  dimensions  beaucoup  plus  considérables; 
leur  noyau  allongé  a  pris  un  aspect  vésiculeux  et  se  montre 
entouré  d'une  membrane  nucléaire  très  nette. 

Le  point  le  plus  important  et  le  plus  litigieux  de  l'his- 
toire des  éléments  fibroplastiques  est  celui  qui  concerne  le 
mode  de  formation  des  fibres  conjonctives.  Tandis  que 
Schwann  (1839)  admettait  que  le  corps  cellulaire  se 
transformait  directement  en  un  faisceau  fibrillaire,  Henle 
professa  le  premier  que  c'était  la  substance  amorphe  inter- 
posée aux  cellules  qui  subissait  une  sorte  de  clivage  et  se 
divisait  ainsi  en  fibres  distinctes.  Depuis  lors,  et  jusqu'à 
l'heure  actuelle,  l'une  et  l'autre  opinion  ont  compté  des 
partisans  autorisés  :  Max  Schulze,  Beale,  Obersteiner,  Ch. 
Robin,  W.  Krause,  Flemming,  etc.,  se  sont  prononcés 
pour  l'origine  cellulaire  directe;  Virchow,  Donders,  Kœl- 
liker  et  autres  tiennent  pour  une  modification  delà  subs- 
tance fondamentale  primitivement  muqueuse  qui  se  chan- 
gerait progressivement  en  une  masse  fibrillaire  collagène. 
Enfin,  d'après  plusieurs  auteurs  récents,  la  portion  péri- 
phérique du  protoplasme  des  fibroblastes  serait  employée 
à  la  sécrétion  de  la  matière  amorphe  prenant  ultérieure- 
ment la  structure  fibrillaire  (Rollett ,  Ziegler).  Toujours 
est-il  que  l'on  voit  persister  chez  l'adulte,  parmi  les  fibres 
lamineuses,  des  cellules  de  tissu  conjonctif  qui  repré- 
sentent les  restes  de  fibroblastes  ayant  subi  une  réduction 
de  volume  très  notable  au  cours  des  phénomènes  histogé- 
niques  précités.  Ces  éléments  affectent  des  formes  assez  va- 
riables, suivant  la  variété  de  tissu  envisagée  ;  en  général, 
ils  ont  un  corps  mince  et  lamelleux  et  s'anastomosent  entre 
eux  par  des  prolongements  ramifiés. 

On  observe  les  mêmes  phases  morphologiques  lors  de 
la  néoformation  de  tissu  connectif  si  fréquente  chez  l'.adulte 
(scléroses  séniles  et  pathologiques,  néoplasie  inflammatoire, 
cicatrices,  tumeurs).  Ici  encore  les  agents  essentiels  de  la 
régénération  ou  de  la  néoplasie  sont  des  fibroblastes  très 
analogues  aux  précédents  et  dont  la  provenance  a  fait 
l'objet  de  bien  des  controverses  en  anatomie  pathologique. 
Bien  qu'on  tende  aujourd'hui  à  restituer  aux  cellules  du 
tissu  conjonctif  et  à  leurs  descendants  le  rôle  histogénique 
longtemps  attribué  aux  leucocytes  émigrés  du  torrent  cir- 
culatoire, il  plane  toujours  une  certaine  obscurité  sur 
cette  question.  Il  faut  avouer  que  la  motilité  amiboïde 
constatée  chez  les  éléments  jeunes  issus  de  la  segmentation 
des  cellules  fixes  ne  permet  guère  de  les  distinguer  avec  une 
netteté  suffisante  des  cellules  mobiles  d'origine  hématique. 
Pour  Ch.  Robin  il  devait  persister  chez  l'adulte  un  certain 
nombre  d'éléments  embryoplastiques  inemployés,  capables 
d'évoluer  ultérieurement  pour  constituer  les  cicatrices,  les 
tumeurs,  etc.  Suivant  une  opinion  récente,  le  tissu  con- 


jonctif (tendons,  tissu  adipeux)  renfermerait  en  plus  des 
cellules  ramifiées  bien  connues,  un  grand  nombre  d'élé- 
ments fibroplastiques  à  corps  cellulaire  extrêmement  ré- 
duit, à  noyau  dépourvu  de  chromatine.  Invisibles  à  l'état 
normal  (au  moins  avec  les  moyens  d'investigation  actuels), 
ces  cellules  assoupies  seraient  susceptibles  de  se  réveiller 
sous  l'influence  d'une  irritation  morbide  ou  accidentelle  ; 
on  les  verrait  alors  réapparaître  et  se  diviser  pour  fournir  les 
matériaux  de  la  régénération  ou  de  la  prolifération  patholo- 
gique (Grawitz).  G.  Herrmann. 

FIBROCARTILAGE.Le  fibrocartilage  est  formé  par  des 
cellules  disposées  comme  dans  le  cartilage  hyalin,  mais  il 
se  distingue  de  ce  dernier  en  ce  que  sa  substance  fonda- 
mentale intercellulaire  est  nettement  fibreuse,  parcourue 
par  une  multitude  de  fibres  lamineuses  entre-croisées  en 
tous  sens  et  disparaissant  sous  l'action  des  acides  et  des 
bases.  Les  cellules  cartilagineuses  y  sont  fort  peu  nom- 
breuses ;  elles  ont  une  paroi  épaisse  et  sont  disposées  en 
petits  groupes  ou  en  tramées  à  des  distances  assez  notables 
les  unes  des  autres  (V.  Cartilage).  Ce  tissu  constitue  les 
disques  intervertébraux,  les  cartilages  sésamoïdes  les  mé- 
nisques interarticulaires,  fibrocartilages  semi -lunaires, 
fibrocartilages  semi-lunaires  du  genou,  ménisque  de  l'ar- 
ticulation temporo-maxillaire  ;  on  le  trouve  aussi  au  niveau 
de  l'insertion  des  tendons  sur  les  os.  Il  est  recouvert  de 
périchondre ,  membrane  fibroélastique  ,  qui  se  continue 
insensiblement  avec  la  substance  fondamentale  du  fibro- 
cartilage. Ch.  Debierre. 

FIBROFERRITE  (Miner.).  Le  nom  de  fibroferrite  a 
été  donné  à  un  sulfate  de  sesquioxyde  de  fer  hydraté 
(Fe2S209  -f-  10HO)  formant  des  fibres  délicates  d'un  jaune 
très  pâle.  Ce  minéral  est  translucide,  possède  un  éclat 
nacré  et  soyeux.  Sa  dureté  est  de  2  à  2,5.  Sa  densité 
d'environ  1,85.  La  fibroferrite,  chauffée  dans  le  matras, 
donne  de  l'eau,  puis,  à  plus  haute  température,  de  l'acide 
sulfurique;  sur  le  charbon,  au  chalumeau,  elle  devient 
magnétique.  Soluble  dans  l'eau  et  décomposée  par  l'eau 
bouillante.  Elle  a  été  trouvée  dans  les  .mines  de  Paillières 
(Gard)  et  dans  celles  de  Copiapo  (Chili).      A.  Lacroix. 

FIBROÏNE  (Chim.).  Lorsqu'on  traite  successivement  la 
soie  par  l'eau,  l'alcool,  l'éther  et  l'acide  acétique  bouillant, 
il  reste  un  résidu  qui  a  reçu  le  nom  de  fibroïne.  Ce  résidu, 
qui  représente  environ  la  moitié  de  la  matière  première, 
présente  la  même  apparence  que  la  soie,  mais  il  est  plus 
tendre,  plus  souple  et  moins  résistant.  A  chaud,  il  se 
boursoufle,  brûle  avec  une  flamme  bleuâtre,  en  répandant 
une  odeur  de  corne  brûlée,  et  en  laissant  un  charbon  qui 
renferme  une  notable  quantité  de  sels,  nptamment  de  phos- 
phates. La  fibroïne  est  insoluble  dans  l'eau,  soluble,  comme 
le  coton,  dans  le  réactif  de  Schweizer  ;  la  solution  n'est 
précipitée  ni  par  le  sucre,  ni  par  les  sels  neutres,  mais 
seulement  par  les  acides  étendus.  Avec  l'acide  sulfurique, 
elle  donne  un  liquide  brun  clair,  visqueux,  précipitable  par 
le  tanin  ;  les  solutions  chlorhydrique  et  azotique  sont  pré- 
cipitées par  les  alcalis  ;  à  chaud,  la  dernière  engendre  de 
l'acide  oxalique.  La  fibroïne  ne  se  dissout  pas  dans  les 
lessives  alcalines  étendues,  mais  seulement  dans  les  alcalis 
caustiques,  en  donnant  des  solutés  précipitables  par  l'acide 
sulfurique  étendu  ;  elle  est  insoluble  dans  l'ammoniaque  et 
dans  les  carbonates  alcalins  ;  la  potasse  en  fusion  donne  sur- 
tout de  l'acide  oxalique.  Elle  se  rapproche  par  sa  composi- 
tion de  la  gélatine,  mais  sa  formule  est  inconnue.    Ed.  B. 

Bibl.  :  Pcersoz  fils,  Compt.  rend.,  t.  LV,  810.  —  Schloss- 
berger,  Ann.  der  Ch.  und  P/zarra.,  t.  CVIII,  62.  — 
Schweizer,  J.  fur  pmht.  Ch.,  t.  LXXVI,  544.  —  Vogel, 
Buch  news  Repertorium,  t.  VIII,  1. 

FIBROLITE  (Miner.).  La  fibrolite, longtemps  considérée 
comme  une  espèce  minérale  spéciale,  n'est  qu'une  variété 
de  sillimanite  (V.  ce  mot),  formée  par  des  fibres  entre- 
lacées de  ce  minéral.  Son  gisement  est  la  granulite  et  le 
gneiss  granulitique.  Sa  grande  ténacité  Fa  fait  employer 
aux  époques  préhistoriques  pour  la  confection  des  haches 
que  l'on  trouve  aujourd'hui  en  grande  abondance  dans  le 
plateau  central  de  la  France,  en  Bretagne,  etc.  A.  Lacroix  . 


—  405  — 


FIBROME  —  FICELLE 


FIBROME  (Anat.  pathol.).  Les  fibromes  sont  des  tu- 
meurs essentiellement  constituées  par  du  tissu  conjonctif 
adulte.  Au  point  de  vue  de  leur  composition  histologique, 
on  peut  en  distinguer  deux  formes  principales  :  1°  les 
fibromes  mous,  de  faible  consistance,  de  coloration  gri- 
sâtre et  demi-transparente  sur  la  coupe,  répondant  au  tissu 
cellulaire  lâche  ;  comme  lui  ils  sont  constitués  par  des 
faisceaux  lamineux  de  médiocre  épaisseur  limitant  des 
aréoles  à  contenu  séreux  ou  mucilagineux  ;  2°  les  fibromes 
durs  formés  d'un  tissu  très  ferme,  analogue  à  celui  des 
organes  fibreux,  criant  sous  le  scalpel  et  présentant  sur  la 
surface  de  section  un  aspect  nacré  ;  les  fibres  conjonctives 
y  sont  intimement  enchevêtrées  et  serrées  les  unes  contre 
les  autres,  avec  interposition  d'une  petite  quantité  de  subs- 
tance amorphe  très  tenace.  On  trouve  en  outre,  dans  ces 
tumeurs,  des  vaisseaux  et  des  cellules  de  tissu  conjonctif  en 
nombre  variable,  plus  abondantes  en  général  dans  la  variété 
molle.  Fréquemment  on  rencontre  des  fibromes  qui  offrent 
une  consistance  moyenne  et  représentent  des  formes  inter- 
médiaires entre  ces  deux  types  extrêmes  ;  d'autres  fois  on 
voit  des  portions  dures  alterner  avec  des  parties  plus 
molles  dans  une  même  production  morbide.  Les  fibromes 
se  développent  aux  dépens  de  fibroblastes  provenant  de  la 
multiplication  des  cellules  fixes  du  tissu  conjonctif.  Aussi 
est-il  de  règle  d'y  constater  la  présence  d'amas  cellulaires 
à  éléments  fusiformes  ou  arrondis  (cellules  embryoplas- 
tiques  et  fibroplastiques)  qui  marquent  les  points  au  niveau 
desquels  se  fait  l'accroissement  du  néoplasme.  Le  nombre 
et  l'étendue  de  ces  centres  de  prolifération  varie  beaucoup 
suivant  les  cas. 

Ces  tumeurs  sont  surtout  fréquentes  dans  le  derme,  le 
tissu  cellulaire  sous-cutané  et  intermusculaire,  le  périoste, 
l'os,  le  tissu  sous-muqueux  et  sous-péritonéal,  le  névri- 
lème,  l'utérus  ;  elles  prennent  également  naissance  dans 
la  charpente  conjonctive  des  organes  glandulaires  :  ovaire, 
mamelle,  testicule,  glandes  sali vaires.  Leur  forme  est  celle 
de  masses  arrondies  ou  lobées,  généralement  bien  circons- 
crites et  pouvant  atteindre  un  volume  considérable.  Sur  la 
peau  et  les  muqueuses,  elles  revêtent  volontiers  l'aspect  de 
végétations  rameuses  ou  pédiculées  (molluscum  pendu- 
lum);  mais  c'est  à  tort  qu'on  a  rangé  parmi  les  fibromes 
les  papillomes  et  adénomes  dans  la  composition  desquels 
l'épithélium  entre  pour  une  part  importante.  Ce  sont  des 
productions  bénignes,  s'accroissant  lentement,  mais  d'une 
façon  continue,  sans  tendance  à  l'envahissement  ni  à  la 
métastase.  Par  contre,  on  trouve  assez  souvent  des  fibromes 
multiples,  notamment  dans  la  peau  où  ils  sont  parfois  pig- 
mentés et  où,  suivant  von  Recklinghausen,  ils  prennent 
naissance  aux  dépens  des  enveloppes  connectives  des 
glandes,  des  follicules  pileux,  des  vaisseaux  et  des  nerfs  ; 
dans  ce  dernier  cas,  il  s'agit  tantôt  de  tumeurs  purement 
fibreuses,  tantôt  de  neurofibromes.  Les  fibromes  cutanés 
s'étendent  parfois  d'une  manière  diffuse  dans  les  téguments, 
et  Virchow  a  rapproché  cette  forme  spéciale  des  lésions  de 
l'éléphantiasis.  Lorsque  ces  tumeurs  sont  peu  vasculaires 
elles  subissent  diverses  métamorphoses  régressives  telles 
que  la  dégénérescence  graisseuse  ou  crétacée  et  surtout  le 
ramollissement  muqueux  pouvant  amener  la  formation  de 
cavités  cystoïdes.  D'autres  fois  on  observe  un  réseau  vas- 
culaire  très  développé,  auquel  cas  le  tissu  pathologique 
peut  prendre  un  aspect  caverneux,  principalement  par  dila- 
tation des  veines.  —  Le  fibrome  se  combine  assez  souvent 
avec  le  myxôme ,  le  lipome ,  le  myôme  ;  le  fibromyôme 
est  surtout  fréquent  dans  l'utérus  (hystérome,  Broca)  où 
il  présente  d'une  façon  typique  les  phénomènes  dégénéra- 
tifs  signalés  plus  haut.  Rindfleisch  compare  au  tissu  cor- 
néen  les  épaississements  circonscrits,  à  substance  fonda- 
mentale amorphe,  qu'on  voit  si  fréquemment  sur  les 
membranes  séreuses  (V.  Tumeur).  G.  Herrmann. 

F1BROPLASTIQUE  (Path.)(V.  Fibroblaste). 

,FIBROSARCOME  (Path.)  (V.  Tumeur,  Sarcome). 
F1BULAR1A  (Zool.).  Genre  d'Echinodermes  de  la  classe 
des  Echinoïdes,  ordre  des  Clypéastroïdes,  type  d'une  sous- 


famille  (Fibularines)  qui  ne  renferme  que  des  formes  de 
petite  taille,  globuleuses,  à  ambulacres  rudimentaires, 
munies  de  cloisons  radiaires  internes  et  chez  lesquelles  les 
mâchoires  sont  armées  de  longues  dents.  Cette  famille 
comprend  deux  genres  principaux,  Echinocyamus  et 
Fibularia.  Ces  deux  genres  apparaissent  dans  le  crétacé 
supérieur  pour  s'étendre  jusqu'à  nos  jours.  Les  Echino- 
cyamus ont  le  test  déprimé  et  elliptique  ;  leurs  ambulacres, 
pétaloïdes,  sont  rudimentaires.  Les  Fibularia,  au  contraire, 
sont  globuleux,  ovoïdes,  et  leurs  ambulacres,  pétaloïdes,  sont 
longs,  ouverts  ;  chez  ces  derniers,  l'anus  est  au  voisinage 
de  la  bouche,  qui  est  centrale.  Type  :  F.  ovulum,  Médi- 
terranée. Ce  genre,  vulgairement  désigné  par  le  nom  de 
Oursins-boutons,  comprend  une  quinzaine  d'espèces  ré- 
parties dans  les  différentes  mers.  R.  Moniez. 

FIBULE  (Fibula,  7tspdvr))  (Archéol.).  Ce  terme  d'ar- 
chéologie désigne  les  agrafes  ou  les  broches  en  os,  en 
ivoire,  en  bronze  ou  en  métaux  précieux  qui  servaient  à 
attacher  les  différents  vêtements  des  hommes  ou  des  femmes 
(V.  Epingle).  Il  désigne  encore  les  boucles  qui  fermaient 
les  ceintures,  les  ceinturons  ou  qui  servaient  à  rattacher 
le  bandeau  que  les  jeunes  femmes  portaient  sur  leur  tète 
pour  tenir  leur  chevelure.  S.  D. 

FICAIRE  (Ficaria  Dill.)  (Bot.).  Genre  de  Renonculacées 
qui  ne  forme  plus  aujourd'hui  qu'une  section  du  genre  Ra- 
nunculus,  caractérisée  par  le  calice  à  trois  sépales  presque 
herbacés  et  par  la  corolle  à  six  ou  neuf  pétales.  L'unique 
espèce,  F.  ranunculoides  Mœnch  (Ranunculus  Ficaria 
L.),  est  bien  connue  sous  les  noms  vulgaires  de  Ficaire, 
Herbe  aux  hémorrhoïdes,  Eclairette,  Petite  Chélidoine, 
Petite  Eclaire,  etc.  C'est  une  petite  herbe  vivace,  glabre, 
dont  les  tiges  très  courtes,  couchées  ou  ascendantes,  sou- 
vent pourvues  de  bulbilles  axillaires,  portent  des  feuilles 
épaisses,  luisantes,  cordiformes,  parfois  tachées  de  noir  à 
leur  face  supérieure,  et  à  pétiole  dilaté  inférieurement  en 
une  gaine  membraneuse  assez  ample.  Ses  fleurs,  d'un  beau 
jaune,  s'épanouissent  dès  le  premier  printemps.  —  La 
Ficaire  est  extrêmement  commune  aux  environs  de  Paris 
dans  les  lieux  ombragés  humides;  ses  feuilles  sont  réputées 
antiscorbutiques  et  antiscrofuleuses  ;  dans  plusieurs  en- 
droits on  les  mange  cuites  à  la  manière  des  épinards.  Son 
rhizome  grumeux,  à  fibres  radicales  épaisses  et  charnues, 
renferme  de  l'acide  ficarique  et  de  la  ficarine  (V.  ce 
mot)  ;  il  a  été  employé  avec  succès,  dit-on,  en  infusion 
ou  en  décoction,  contre  les  hémorrhoïdes.        Ed.  Lef. 

FICAJA.  Corn,  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de  Bastia, 
cant.  de  La  Porta;  521  hab. 

FICARELLA.Rivière  de  Corse  (V.Corse,  t.  XII,  p.  1085). 

FI  CAR  EL  Ll,  peintre  italien  (V.  Ficherelli). 

FICARINE  (Chim.).  Matière  organique,  analogue  à  la 
saponine,  qu'on  obtient  en  reprenant  par  l'alcool  l'extrait 
aqueux  de  la  ficaire  {Ficaria  ranunculoides).  On  la  ren- 
contre surtout  dans  la  racine,  où  elle  accompagne  un  prin- 
cipe acre,  volatil,  Y  acide  ficarique.  Sa  composition  est 
inconnue  (Saint-Martin,  Répert.  de  ch.  appliq.,  1859, 
425).  '  Ed.  B. 

FICATELLI  (Stefano),  peintre  de  l'école  bolonaise,  né  à 
Cento  vers  1630,  mort  dans  les  premières  années  du  xvur3 
siècle.  Elève  et  imitateur  du  Guerchin,  il  travailla  pour  les 
églises  de  Ferrare  et  ne  fit  preuve  que  d'une  certaine  ima- 
gination. 

Bibl.:  Cittadella,  Catalogo  istorico  de'pittori  escultori 
ferraresi.  —  Lanzi,  Storia  pittorica. 

FICELLE.  I.  Technologie.—  Les  ficelles,  dont  l'usage 
est  si  fréquent  dans  la  vie  courante,  se  font  principalement 
en  chanvre,  et  quelquefois  aussi  en  lin  ou  autres  fibres  ana- 
logues, ainsi  qu'en  coton  ;  elles  se  composent  toujours  de  plu- 
sieurs fils  de  caret  assemblés  et  tordus  ensemble,  puis  étrillés, 
polis  ou  lustrés,  et  reçoivent  dans  le  commerce  différents 
noms  suivant  la  grosseur  des  fils  simples  employés  pour,  les 
fabriquer,  le  nombre  de  brins  qui  ont  été  réunis  et  le 
degré  de  torsion  qu'on  leur  a  donné.  Les  principales  de 
ces  dénominations,  variables  du  reste  suivant  les  localités, 


FICELLE  —  FICHEL 


-  406  - 


sont  les  suivantes  :  ficelle  à  bourse,  résultant  du  câblage 
de  trois  torons  formés  chacun  de  deux  ou  trois  fils  de  lin 
nos  60  à  80, retordus  entre  eux;  la  capitonne,  employée 
par  les  tapissiers  et  établie  de  la  même  manière  en  fils  plus 
gros  nos  25  à  30  ;  le  dreux,  produit  également  par  une 
combinaison  analogue  d'environ  neuf  fils  dont  les  numéros 
peuvent  varier  de  20  à  60  ;  ficelles  de  fantaisie,  compre- 
nant une  très  grande  variété  de  produits  composés  en  gé- 
néral de  six  fils  combinés  de  différentes  manières;  les 
lignes,  ficelles  de  fouets,  les  cordes  d'arcades  employées 
dans  les  tissages,  etc.,  les  chapelières  de  grosseurs  très 
variables,  formées  par  trois  fils,  câblés  directement  entre 
eux,  puis  polies  à  l'eau,  sont  d'un  emploi  courant  pour 
l'emballage  ;  les  fils  à  gorre  établis  d'une  manière  ana- 
logue, mais  câblés  avec  une  très  forte  torsion  qui  en  rend 
le  grain  très  apparent,  etc. 

La  fabrication  à  la  main  des  ficelles  a  été  décrite  d'une 
manière  complète  à  Fart.  Câble  ;  les  fils  de  caret  forment 
les  premiers  éléments  du  câble,  comme  dans  les  ficelles. 
Dans  la  fabrication  mécanique,  les  fils,  fournis  par  les 
procédés  ordinaires  de  la  filature,  sont  ren vidés  sur  des 
bobines  par  des  machines  identiques  à  celles  que  l'on  em- 
ploie dans  les  tissages,  sauf  les  dimensions  qui  sont  pro- 
portionnées à  la  grosseur  des  fils  ;  ces  bobines  alimentent 
des  métiers  à  retordre,  munis  de  broches  armées  d'ailettes 
où  les  fils  simples  se  réunissant  en  nombre  voulu,  et  se 
tordent  entre  eux.  Les  ficelles  ensuite  reçoivent  un  apprêt 
qui  varie  suivant  les  usages  auxquels  elles  sont  destinées. 
Souvent  elles  sont  parées,  c.-à-d.  imprégnées  d'un  enduit 
composé  ordinairement  de  colle  de  farine  additionnée  d'une 
petite  quantité  de  savon  mou,  quelquefois  d'un  mélange 
d'huile  de  lin  et  de  blancs  d'œufs,  d'autres  fois  d'un  com- 
posé savonneux  destiné  à  les  imperméabiliser,  etc.  Ces 
enduits  sont  appliqués  au  moyen  d'un  chiffon  de  drap  sur 
un  faisceau  ou  piquet  de  ficelles,  tendu  sur  l'aire  du  cor- 
dier,  puis  on  procède  à  l'étrillage  en  frottant  très  énergi- 
quement  les  ficelles  au  moyen  d'une  étrille  composée  de 
cordes  de  crin  serrées  autour  d'elles,  et  que  l'on  promène 
d'une  extrémité  à  l'autre  du  faisceau  maintenu  toujours 
bien  tendu,  soit  à  la  main,  soit  en  le  faisant  tirer  par  un 
cheval,  soit  au  moyen  de  cordes  commandées  mécanique- 
ment. On  fait  quelquefois  usage  aussi  de  machines  dans 
lesquelles  les  ficelles  se  déroulent  de  bobines  alimentaires 
pour  aller  s'enrouler  sur  d'autres  bobines  en  passant  dans 
l'intervalle  sur  des  rouleaux  frotteurs  qui  les  polissent  à 
sec,  puis  dans  des  bains  où  elles  s'encollent,  puis  sur 
d'autres  rouleaux  frotteurs  et  enfin  sur  des  tambours 
chauffés  qui  les  sèchent,  produisant  ainsi  un  travail  con- 
tinu et  agissant  sur  un  nombre  variable  de  ficelles  à  la 
fois..  Pour  la  vente,  les  ficelles  sont  mises  en  pelottes  au 
moyen  de  petites  machines  composées  d'une  broche  autour 
de  laquelle  s'effectue  l'enroulement  et  d'une  ailette  qui 
dirige  et  enroule  la  ficelle.  Les  mouvements  combinés  de 
ces  deux  pièces  déterminent  la  forme  des  pelottes.    P.  G. 

Lorsque  les  fils  de  caret,  destinés  à  la  fabrication  de 
cordes  de  petites  dimensions  sont  étendus,  puis  retordus 
ensemble,  chaque  cordon  provenant  de  l'assemblage  de 
ces  fils  prend  le  nom  de  duite  qu'il  conserve  tant  qu'il 
n'est  soumis  à  aucune  autre  opération.  Mais,  dès  le  moment 
où  on  vient  à  l'étriller,  la  polir  ou  la  lustrer,  cette  duite 
est  alors  désignée  sous  le  nom  générique  de  ficelle,  et 
reçoit,  dans  le  commerce,  diverses  dénominations,  suivant 
la  qualité  première  du  fil,  sa  grosseur  et  les  façons  ulté- 
rieures de  pelotage  et  de  paquetage  qui  lui  sont  données. 
On  trouve  dans  le  commerce  des  produits  depuis  75  cent, 
le  kilogr.  pour  les  ficelles  ordinaires,  1  fr.  et  1  fr.  80  pour 
les  ficelles  soignées,  jusqu'à  9  fr.  et  plus  pour  les  ficelles 
fines,  blanches  et  de  couleur.  L.  K. 

IL  Beaux- Arts.—  On  qualifie  déficelle  le  procédé  mécanique 
ou  autre  au  moyen  duquel  un  artiste  exécute  rapidement  un 
morceau  ou  un  ensemble  dans  des  conditions  qui  seraient  im- 
possibles ou  extrêmement  longues  parles  moyens  ordinaires. 
À  notre  époque,  où  l'habileté  d'exécution  tient  une  si  large 


place  dans  la  valeur  d'une  œuvre,  chaque  artiste  a  ses 
ficelles  plus  ou  moins  adroites,  plus  ou  moins  inédites.  L'un 
peint  ses  petits  tableaux  sur  des  toiles  dorées  ou  argentées  et 
obtient  ainsi  une  richesse  de  tons  qu'il  chercherait  vaine- 
ment par  d'autres  moyens  ;  un  autre,  photographe  habile, 
et  dessinateur  médiocre,  charge  la  chambre  noire  de  dessi- 
ner pour  lui  les  petits  personnages  de  ses  tableaux.  Un 
sculpteur  moule  sur  le  modèle  même  les  pieds  et  les  mains, 
qu'il  ajuste  ensuite  adroitement  à  ses  figures  ;  pendant  qu'un 
autre,  arrosant  son  marbre  avec  de  l'eau  acidulée,  accen- 
tue le  relief  des  plis  de  ses  draperies  en  colorant  leurs 
creux.  Ces  moyens  sont  souvent,  il  faut  le  dire,  peu 
durables  d'effets,  et  ne  remplacent  qu'imparfaitement  l'étude 
et  le  talent.  On  peut  citer  comme  exemple  des  inconvénients 
qu'ils  peuvent  avoir  la  fameuse  coupole  peinte  par  Mignard 
et  connue  sous  le  nom  de  la  Gloire  du  Val-de-Grâce  ; 
l'artiste,  au  moment  de  découvrir  son  œuvre,  la  retoucha 
secrètement  à  l'aide  du  pastel,  et  en  rehaussa  ainsi  consi- 
dérablement la  fraîcheur  et  la  puissance  de  coloris.  Elle 
excita  ainsi  l'admiration  générale  ;  mais  lorsque  les  accents 
de  pastel  se  pulvérisèrent  et  tombèrent,  au  bout  de  quel- 
ques années,  elle  devint  ce  qu'elle  est  toujours  restée 
depuis,  une  peinture  sèche,  froide,  et  dépourvue  de  tout 
charme  dans  la  couleur.  Ad.  T. 

FICHAGE  (Archit.).  Mode  de  liaisonnement  des  pierres 
d'appareil  posées  à  l'aide  de  cales.  L'opération  du  fichage 
consiste  à  introduire  du  mortier  dans  le  lit  de  pose  à  l'aide 
d'une  fiche,  outil  spécial  composé  d'une  lame  triangulaire 
ou  rectangulaire  en  tôle  dentelée,  plat  ou  coudé  et  muni 
d'un  manche  de  bois.  Pour  les  joints  verticaux,  on  les  fiche 
de  même,  mais  après  en  avoir  bourré  les  bords  extérieurs 
avec  de  l'étoupe  afin  d'empêcher  le  mortier  de  s'échapper. 
Le  fichage  que  l'on  est  obligé  d'employer  dans  la  pose  des 
pierres  faite  par  reprise  ou  par  incrustement,  ne  vaut  pas 
la  simple  pose  à  bain  de  mortier  fin  qui  évite  l'emploi  de 
cales  et  permet  une  répartition  ainsi  qu'une  compression 
plus  régulière  du  mortier.  Charles  Lucas. 

FICHE.  I.  Technologie.  —  Ce  mot  est  susceptible  d'un 
grand  nombre  d'acceptions  en  technologie.  Les  menuisiers 
emploient  les  fiches  pour  leurs  assemblages  ;  ce  sont  des 
pièces  de  cuivre  ou  de  bois  formée  de  deux  ailes  unies  par 
une  rivure.-—  Les  maçons  se  servent  pour  faire  pénétrer  le 
mortier  dans  les  joints  de  fiches  en  fer  plat.-— Les  facteurs 
roulent  les  cordes  des  instruments  de  musique  sur  des 
chevilles  en  fer  nommées  fiches.—  En  télégraphie,  la  fiche  de 
commutateur  est  une  cheville  en  cuivre  munie  d'une  tête 
isolante  en  ébonite  et  que  l'on  enfonce  dans  un  trou  ménagé 
entre  deux  blocs  ou  deux  lames  de  cuivre  isolés  Fun  de 
l'autre,  quand  on  veut  les  réunir  métalliquement.  Tantôt 
la  fiche  est  pleine,  tantôt  elle  est  creuse  ;  dans  ce  dernier 
cas,  elle  est  fendue  dans  une  partie  de  sa  longueur,  afin  de 
faire  ressort  quand  on  l'enfonce  dans  le  trou.  —  C'est 
encore  une  tige  de  fer  de  20  centim.  environ  que  l'on 
fiche  en  terre  pour  marquer  les  points  du  terrain  où  s'arrête 
la  chaîne  d'arpenteur  quand  on  mesure  une  distance  au 
moyen  de  cet  appareil  (V.  Chaîne).  L.  K. 

IL  Architecture. —  Fiche  a  vase.  Variété  de  fiche  à  bou- 
ton qui  se  rencontre  fréquemment  dans  les  charnières  des 
vantaux  de  portes,  de  croisées  ou  d'armoires  du  dernier 
siècle.  Dans  ces  fiches,  le  bouton,  au  lieu  d'être  sphérique 
ou  ovoïde,  est  remplacé  par  un  véritable  petit  vase  en  forme 
d'urne,  parfois  d'assez  grande  dimension. 

FICHEL  (Benjamin-Eugène),  peintre  français,  né  à 
Paris  le  30  août  1826.  Il  suivit  les  cours  de  l'atelier 
Delaroche  et  débuta  au  Salon  de  1849  par  une  Sainte  Fa- 
mille et  le  portrait  de  Abd-al-Ramid-Bey.  Il  exposa  en- 
suite Guillaume  Harvey  démontrant  la  circulation 
du  sang  à  Charles  Ier,  roi  d'Angleterre  (1850),  et  le 
Peseur  d'or  (1852).  Il  se  créa  promptement  une  originalité 
en  exécutant  dans  de  minuscules  proportions  des  tableaux 
où  il  fit  revivre  avec  une  précision  pittoresque  et  amusante 
les  mœurs  d'autrefois.  Il  s'appliqua  surtout  à  étudier  le 
xvme  siècle  et  à  en  traduire  la  vie  élégante  et  les  habitudes 


407 


F1CHEL  —  FICHTE 


populaires.  Ses  œuvres,  à  la  vérité,  n'ont  guère  que  l'in- 
térêt de  vignettes  singulièrement. exactes  dans  les  détails, 
d'une  archéologie  scrupuleuse,  mais  dont  la  sécheresse  est 
relevée,  toujours,  par  l'imprévu  d'un  esprit  curieusement 
aimable  et  vif.  C'est,  comme  on  l'a  dit,  de  la  peinture  fla- 
mande parisianisée.  Parmi  les  œuvres  de  M»  Fichel  qui 
sont  très  nombreuses,  nous  citerons  :  la  Toilette,  le  Café, 
le  Lever  (1853);  Une  Matinée  intime  (Exposition  uni- 
verselle de  4855),  qui  appartient  à  la  princesse  Mathilde  ; 
Une  Matinée  dramatique,  la  Partie  d'échecs,  le  Bap- 
tême de  Wle  Clairon,  Amateurs  dans  un  atelier  de 
peinture,  Un  Café  de  province  au  xvme  siècle  (1863)  ; 
V Arrivée  a  V Auberge  (1863),  qui  figure  au  musée  du 
Luxembourg  ;  l'Audience  du  ministre  (1864);  V Empe- 
reur Napoléon  Ier  combinant  des  manœuvres  (1866), 
qui  appartient  à  la  princesse  Mathilde  ;  Diderot  et  le  ne- 
veu de  Rameau  au  café  de  la  Régence  (1866);  Ama- 
teurs chez  un  peintre  et  Ouvrez  au  nom  du  roi! 
(1866);  Un  Corps  de  garde  et  Joueurs  d'échecs  (1868); 
la  Nuit  du  24  août  J572  {Avant  le  massacre)  (1869); 
Un  Quatuor  (1870);  Fondation  de  l'Académie  fran- 
çaise (1872)  ;  Bufjon,  recevant  dans  son  salon  une  foule 
de  visiteurs  (1873)  ;  la  Forge  du  roi  Louis  XVI  (1874)  ; 
le  Cabaret  de  llamponneau  et  A  F  hôtel  Drouot  (1877)  ; 
le  Savetier  et  le  Financier  (1878);  le  Neveu  du  Curé, 
la  Dernière  Acquisition  du  maître  (1879);  la  Signa- 
ture du  Contrat  (1880);  la  Carte  à  payer  (1881)  ;  la 
Fin  du  dîner,  lé  Dernier  Coup  de  dé  (1 882)  ;  Avant 
et  Après  la  recette  (1884)  ;  Conseil  de  guerre  et  le  Toast 
(1890);  le  Baiser  dans  la  glace  (1891),  etc.  —  Mme  Fi- 
chel,  née  Jeanne  Samson,  élève  de  son  mari,  expose 
presque  chaque  année  des  tableaux  de  genre  depuis  1878. 

Victor  Champier. 

FICHERELLI  ou  FICARELLI  (Felice),  dit  Biposo, 
peintre  de  l'école  florentine,  né  à  San  Gemignano  vers 
1605,  mort  en  1660.  Il  fut  élève  de  l'Empoli,  mais  imita 
Cristofano  Allori.  Son  calme  lui  valut  son  surnom  :  il  cau- 
sait fort  peu.  Talent  simple,  naturel  ;  coloris  moelleux  et 
délicat.  Ses  principales  œuvres  sont  :  la  Vierge  offrant 
V enfant  Jésus  à  V adoration  de  saint  Antoine  de  Padoue, 
qui  est  à  Florence  ;  Dalila,  à  la  galerie  Riponi;  Adam  et 
Eve  au  Paradis  terrestre,  à  la  galerie  Rinuccini;  et 
Lucrèce  et  Tarquin,  à  Dresde. 

FI  G  H  ET  (Guillaume),  recteur  de  l'université  de  Paris 
au  xve  siècle*  Le  surnom  (VAlnetanus  qu'il  a  pris  quel- 
quefois a  pu  faire  supposer  qu'il  naquit  à  Aulnay  ou  à  Anet9 
mais  on  n'en  a  pas  de  preuves,  et  il  est  possible  d'admettre 
que  cette  appellation  désigne  un  bénéfice  situé  dans  l'une 
des  nombreuses  localités  appelées  Aulnay,  Aunay  ou  Anet. 
Fichet  fut  élu  recteur  de  l'université  de  Paris  le  23  juin 
1467.  Dans  Pexercice  de  cette  haute  dignité,  il  eut  le  mé- 
rite, qui  l'a  rendu  célèbre,  d'installer  à  la  Sorbonne  le 
premier  atelier  typographique  qui  exista  en  France  ;  les 
trois  ouvriers  qu'il  y  employa  ont,  eux  aussi,  des  noms 
illustres  dans  l'histoire  de  l'imprimerie  ;  ce  sont  :  Ulric  Ge- 
ring,  Michel  Crantz  et  Martin  Friburger.  Sur  leurs  presses 
furent  tirés  deux  livres  de  Fichet  :  Ficheti  Guillelmi,  ar- 
tium  et  theologiœ  doctoris,  Bhetoricorum  libri  111 
(s.  d.,  mais  1470,  in-4);  Ficheti  Guillelmi  Epistolœ 
(s.  d.,  mais  1471,  in-4).  C'est  également  à  la  Sorbonne 
que  fut  imprimé,  en  1472,  le  Traité  de  l'Orthographe, 
de  Jean  de  La  Pierre,  précédé  d'une  épître  adressée  par 
Guillaume  Fichet  à  Robert  Gaguin.  Les  exemplaires  pari- 
siens de  ce  traité  ne  contenaient  pas  l'épître  en  question  ; 
le  texte  en  a  été  retrouvé  à  la  bibliothèque  de  Baie,  et 
M.  L.  Delisle  en  a  publié  pour  la  Société  de  l'Histoire  de 
Paris  une  reproduction  héliographique  (1889,  in-8). 

Fernand  Bournon. 

Bibl.  :  J.  Philippe,  Guillaume  Fichet,  sa  vie  et  ses 
œuvres.  Introduction  de  l'imprimerie  à  Paris;  Annecy, 
1892,  in-8. 

FICHET  (Alexandre) ,  hagiographe  français,  né  au  Pe- 
tit-Bornand  en  1588,  mort  à  Chambéryle  30  mars  1659. 


Entré  dans  la  Société  de  Jésus  en  1607,  il  enseigna  au 
collège  de  la  Trinité  de  Lyon.  Il  a  écrit  :  Favus  mellis  ex 
variis  sanctis  Patribus  collectus  (Lyon,  1615,  in-24)  ; 
Chorus  poetarum  classicorum  (Lyon,  1616,  in-4)  ;  Vie 
de  la  mère  de  Chantai  (1642,  in-8)  ;  Arcana  studiorum 
omnium  (1649,  in-8). 

FICHEUX.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  d'Arras, 
cant.  de  Beaumont-les-Loges  ;  557  hab. 

FICHOUS-RiuMAYOu.Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Orthez,  cant.  d'Arzacq;  281  hab. 

F1GHTÂLA  (Qasbade),  appelée  aussi  Fichtâla  de  lâdla 
(V.  ce  mot).  Qasba  du  Maroc,  construite  par  Moulaï  Ismael 
sur  le  modèle  de  la  qasba  de  Tâdla  de  l'ouad  Oumm  er 
Rebia.  Fichtâla  est  le  siège,  de  nos  jours,  d'une  zaouiya 
dont  les  chorfa  sont  souverains  absolus  du  lieu  ;  elle  est 
située  entre  l'ouad  Fichtâla  et  Pouad  Foum  el  Ancer,  sur 
les  premières  pentes  du  moyen  Atlas,  le  long  du  territoire 
des  Ait  Saïd  et  des  AïL  Abd  el  Ouâli  ;  elle  domine  dans  les 
grandes  et  fertiles  plaines  du  Tâdla  dont  elle  assurait  jadis 
la  sécurité  contre  les  incursions  des  montagnards,  avant 
d'être  en  ruine.  Elle  n'a  plus,  de  nos  jours,  de  remar- 
quables que  des  grands  rochers  où  une  foule  de  ruisseaux 
bondissent  en  cascade  au  milieu  de  jardins  merveilleux, 
comparables  à  ceux  de  Taxa  et  de  Sefrou. 

FICHTÂLA  ou  FEGHTÂIA,  Grande  tribu  du  Maroc; 
les  Fichtâlas  sont  des  montagnards  sanhadjiens  (Ibn  Khal- 
doun)  ;  ils  sont  soumis  et  habitent  sur  le  chemin  de  Fez  au 
Rif,  à  une  journée  au  N.  de  Fez  ;  ils  ont  un  cheikh  nommé 
par  le  sultan  et  dépendant  de  l'autorité  du  pacha  de  Fez 
Djedid.  Le  territoire  des  Fichtâla  est  assez  bien  cultivé  et 
sert  de  passage  vers  la  célèbre  montagne  de  Moulaï  bou 
Cheta,  sanctuaire  très  vénéré  qui  supporte  les  ruines  ro- 
maines de  la  Prisciana  de  Mêla  (V.  ce  mot)  et  au  delà  de 
laquelle  commence  le  territoire  des  Béni  Zeroual,  autre  tribu 
sanhadjienne  qui  fait  déjà  partie  du  Rif. 

H.-M.-Po  de  Là  Martinière. 

FICHTE  (Johann-Gottlieb),  philosophe  allemand,  né  à 
Rammenau  (iïaute-Lusace)  le  19  mai  1762,  mort  à  Berlin 
le  28  janv.  1814. 

Biographie.  —  Fils  d'un  rubanier,  il  se  signala  dès  l'en- 
fance par  une  mémoire  exceptionnelle  et  un  esprit  éveillé, 
passa  par  les  écoles  de  Meissen,  Schulpforta,  entra  en  1780 
à  l'université  de  léna  comme  étudiant  en  théologie  ;  il  passa 
de  là  à  Leipzig.  La  lecture  de  Spinoza  décida  sa  vocation 
philosophique.  Précepteur  à  Zurich  (1788-90),  il  y  connut 
une  nièce  de  Klopstock,  Johanna  Rahn,  qu'il  épousa  plus 
tard  (1793).  Précepteur  à  Varsovie,  il  s'enthousiasma  pour 
Kant,  vint  le  voir  à  Kœnigsberg  (1792)  et  écrivit  en  quatre 
semaines,  comme  introduction  auprès  du  maître  :  Versuch 
einer  Kritik  aller  Offenbarung  (Kœnigsberg,  1792  ; 
2°  éd.,  1793).  Ce  livre  fut  attribué  à  Kant  lui-même,  qui 
lit  la  réputation  de  l'auteur  en  le  nommant.  Revenu  à 
Zurich,  Fichte  s'occupe  de  politique  et  défend  la  Révolu- 
tion française  (Beitrag  %ur  Berichtigung  der  Urteile 
des  Publikums  ilber  die  franzœsische  Bevolution  ; 
léna,  1793  ;  Zuriickforderung  der  Denkfreiheit  ;  léna, 
1794).  En  mai  1794,  il  s'établit  à  léna  et  y  publie  deux 
manuels  (  Ueber  den  Begriff  der  Wissenschaftslehre  ; 
Weimar,  1794  ;  2e  éd.,  1798  ;  Grundlage  und  Grun- 
driss  der  gesamten  Wissenschaftslehre;  léna,  1794, 
2  part.  ;  3e  éd.,  1802).  Il  y  développe  son  système.  Sou- 
cieux d'agir  sur  le  moral  des  étudiants,  il  prend  pour  sujet 
de  son  cours  du  semestre  d'hiver  1794-95,  Die  Moral 
fur  Gelehrte,  Il  excite  la  haine  des  étudiants  par  ses  vel- 
léités réformatrices  et  est  obligé  de  quitter  léna  quelque 
temps  (1795).  Il  développe  alors  sa  philosophie  politique 
(Grundlage  des  Naturrechts  ;  léna,  1796,  2  part.  ; 
System  der  Sittenlehre  ;  léna,  1798  ;  Des  Geschlossene 
Handelsstaat  ;  Tubingue,  1800).  En  1798,  sa  position 
devint  critique.  Dans  le  Philosophischer  Journal  de  Nie- 
thammer,  Froberg  développant  .cette  idée  que  la  religion  se 
réduit  à  la  croyance  en  une  ordonnance  morale  de  l'uni- 
vers, Fichte  lui  fit  une  préface  où  il  exposait  la  même 


FICHTE 


—  408  — 


théorie  ;  accusés  d'athéisme,  les  deux  écrits  furent  confis- 
qués, le  journal  interdit  par  l'électeur  de  Saxe  qui  invita 
la  cour  de  Weiniar  à  sévir.  Fichte  en  appela  au  public 
(Eine  Schrift,  die  man  erst  %u  lesen  bittet,  ehe  man  sie 
konfisziert,  4799);  le  duc  de  Weimar  fit  admonester 
Fichte,  lequel  démissionna.  Il  fut  appelé  à  Berlin  par  le 
ministre  Dohm,  puis  nommé  professeur  à  l'université  (alors 
prussienne)  d'Erlangen  (1805).  Il  fut  chargé,  en  4807,  de 
tracer  un  plan  de  l'université  de  Berlin,  que  G.  de  Hum- 
boldt  et  Schleiermacher  firent  rejeter.  Ses  conférences 
(Reden  an  die  deutsche  Nation;  Berlin,  4807-4808)  eu- 
rent un  vif  succès,  de  même  que  son  cours  professé  à 
partir  de  1809  à  la  nouvelle  université.  Il  s'intéressa  vive- 
ment à  la  guerre  de  4843,  congédiant  ses  élèves  par  une 
leçon  :  Ueber  den  Begriff  des  wahrhaften  Kriegs  ;  il 
reprit  son  cours  à  la  fin  de  Tannée  ;  mais  sa  femme,  qui 
avait  passé  cinq  mois  à  soigner  les  blessés  et  les  malades, 
avait  contracté  dans  les  ambulances  une  fièvre  typhoïde  ; 
elle  guérit,  mais  la  communiqua  à  son  mari  qui  en  mourut. 

Philosophie.  —  On  distingue  dans  la  vie  de  Fichte  :  une 
période  de  formation  (1762-94),  où  il  subit  l'influence  de 
Spinoza  et  de  Kant  ;  une  période  de  production  philoso- 
phique (1794-99);  une  période  de  propagande  et  d'action 
(1799-1814).- 

Dans  l'histoire  de  la  philosophie  allemande,  Kant  ouvre 
une  ère  nouvelle.  Fichte  a  développé  la  pensée  de  Kant. 
Le  système  de  Kant  est  un  idéalisme  critique,  une 
conception  des  choses  considérées  comme  des  détermina- 
tions imposées  à  la  réalité  absolue  par  notre  pensée  finie, 
c.-à-d.  comme  des  phénomènes  :  de  la  sorte  les  objets  ne 
sont  que  nos  idées.  Quant  à  la  réalité  absolue,  Kant  en 
faisait  un  objet  de  foi  morale.  Le  système  de  Fichte  est 
encore  à  certains  égards  un  idéalisme  critique  qui  pose 
l'objet  comme  relatif  au  sujet,  à  la  fois  comme  produit  par 
le  sujet  et  le  limitant,  en  sorte  que  le  sujet  en  prenant 
conscience  de  soi  poursuit  la  réduction  de  l'objet  au  sujet 
sans  l'achever  jamais.  Mais  cet  idéalisme  critique  s'ap- 
puie sur  une  conception  de  la  réalité  absolue  comme  sujet 
pur  ou  liberté  absolue  ;  et  par  suite  le  système  est  un 
effort  pour  déduire  de  cette  conception  et  les  fonctions  de 
la  raison  théorique  et  les  conditions  de  la  vie  morale.  Mais 
par  là  même  Fichte  retrouve  encore  ce  principe  de  Kant 
désigné  sous  le  nom  de  primat  de  la  raison  pratique  et 
qui  revient  à  donner  à  la  foi  morale  une  portée  supérieure 
au  savoir,  en  faisant  de  la  raison  théorique  un  organe  de 
la  vie  morale,  c.-à-d.  de  la  science  elle-même  une  réalisa- 
tion, incomplète  il  est  vrai,  de  la  liberté.  En  somme  Fichte 
construit  à  priori  le  même  monde  dont  Kant  avait  tracé 
le  plan  dans  son  analyse  de  la  raison  humaine;  mais,  par 
cela  même  que  ce  monde  est  un  monde  moral,  et  que  la 
pensée  de  Fichte  le  construit,  le  système  n'est  plus  seule- 
ment une  conception,  une  spéculation  pure  ;  il  devient  vi- 
vant et  pratique  :  la  vie  de  Fichte  en  est  pour  ainsi  dire 
l'expression. 

Ainsi,  dans  ce  système,  le  premier  principe  se  développe, 
le  sujet  pur  se  réalise  en  se  remplissant  de  son  contenu. 
La  doctrine  de  la  science  dans  sa  partie  théorique  et 
dans  sa  partie  pratique,  les  doctrines  du  droit,  de  la  mo- 
rale et  de  la  religion,  nous  font  assister  à  ce  développe- 
ment et  en  décrivent  les  phases  successives. 

Doctrine  de  là  science.  —  4°  La  méthode.  Le  sujet 
pur  se  pose  et  par  là  pose  le  fondement  commun  de  toute 
pensée  et  de  tout  être,  c'est  l'acte  premier.  Cependant  par 
cela  même  qu'il  est  un,  il  reste  encore  étranger  à  lui- 
même.  Pour  se  penser  il  doit  réfléchir  sur  soi  et  s'opposer 
l'Être  à  titre  d'objet.  Cette  négation  de  soi  est  le  second 
acte  du  sujet.  De  là  une  contradiction  qu'il  doit  résoudre 
en  posant  l'être  et  la  pensée  comme  relatifs  l'un  à  l'autre 
et  réciproquement  déterminés  l'un  par  l'autre.  Cette  rela- 
tion qui  est  le  lieu  de  la  conscience  constitue  le  troisième 
acte  du  sujet.  Ces  trois  actes  donnent  en  même  temps  la 
forme  du  système  ;  le  premier  fournit  le  principe  d'iden- 
tité ;  le  second,  le  principe  de.  contradiction  ;  le  troisième 


le  principe  de  raison.  Par  le  premier  est  fondée  l 'unité 
absolue  des  choses  ;  par  le  second  et  le  troisième  les  oppo- 
sés s'unissent  pour  tendre  à  réaliser  cette  unité.  Ainsi  les 
lois  logiques,  les  catégories  sont  des  actes  de  la  liberté. 
Le  troisième  acte  donne  au  sujet  son  contenu  positif, 
c.-à-d.  la  possibilité  de  sa  réalisation  successive.  Il  enferme 
donc  toute  la  série  des  actes  ultérieurs  de  l'esprit. 

2°  Partie  théorique,  a.  Point  de  vue  du  réalisme.  Quand 
le  sujet  se  pose  comme  limité  par  l'objet,  il  attribue  par  une 
première  réflexion  la  réalité  absolue  à  l'objet  et  le  con- 
çoit comme  cause  de  ses  déterminations.  C'est  encore  le 
point  de  vue  de  la  causalité. —  b.  Point  de  vue  de  Y  idéa- 
lisme. Mais,  par  une  réflexion  plus  profonde,  il  s'aperçoit 
qu'il  ne  peut  attribuer  la  réalité  absolue  à  un  objet  qui 
existe  en  dehors  de  lui,  à  un  noumène,  puisqu'une  telle 
attribution  est  encore  un  acte  de  la  conscience.  Il  faut  donc 
que  sa  passivité  soit  un  degré  de  son  activité  essentielle  et  que 
ses  déterminations  soient  les  modes  par  lesquels  il  réalise  sa 
substance.  C'est  là  encore  le  point  de  vue  de  la  substance 
(entendons  par  là  le  sujet).  —  c.  Cependant  le  sujet  en  se 
réalisant  ainsi  se  représente  nécessairement  un  objet  qui  le 
limite.  Cet  objet  n'est  pas  réel  en  soi,  c'est  le  sujet  qui  le 
pose,  qui  lui  attribue  la  réalité,  qui  la  lui  «  transmet  ». 
Et  cette  représentation  de  l'objet  est  l'œuvre  inconsciente 
de  l'imagination  :  l'esprit  ne  pouvant  être  à  la  fois  agis- 
sant et  réfléchissant,  son  activité  est  nécessairement  brisée 
en  une  série  de  productions  et  de  réflexions.  Dans  ce  flot- 
tement entre  l'infinité  de  l'activité  productrice  et  la  déter- 
mination de  la  réflexion,  ce  que  l'esprit  a  produit  sans 
conscience  lui  apparaît  comme  réalité  étrangère  qui  condi- 
tionne sa  conscience.  Ainsi  «  la  réalité  n'est  qu'un  produit 
de  l'idéalité  »,  mais  l'idéalité  n'est  possible  que  par  la  repré- 
sentation de  ce  qu'elle  a  produit.  Tel  est  le  point  de  vue 
de  Yidéalisme  critique.  Il  fournit  la  solution  du  problème, 
autrement  inexplicable,  de  l'accord  de  la  pensée  et  de  l'être, 
et  il  explique  l'apparente  division  de  l'être  en  réel  et  en  idéal, 
laquelle  tient  au  développement  même  de  l'esprit;  de  sorte 
que  sous  l'action  réciproque  du  sujet  et  de  l'objet  se  cache 
au  fond  une  action  réciproque  du  sujet  avec  lui-même. 

3°  Partie  pratique.  Cependant  cette  action  du  sujet  sur 
lui-même  qui  est  la  .condition  de  la  possibilité  de  la  cons- 
cience n'est  pas  entièrement  comprise.  Pour  que  le  sujet, 
infini  dans  son  essence,  se  limite  dans  ses  déterminations, 
il  faut  qu'il  soit  quelque  chose  de  plus  qu'esprit,  pensée, 
intelligence.  La  seule  conception  possible  d'une  synthèse 
du  fini  et  de  l'infini  se  trouve  dans  la  tendance  à  être.  La 
tendance  est  à  la  fois  infinie  dans  sa  forme,  finie  dans  sa 
matière  ;  elle  implique  une  limite  qui  s'oppose  à  l'actuali- 
sation de  son  infinité  et  qui  peut  être  reculée  à  l'infini. 
£ette  tendance  est  pratique,  et  en  même  temps  elle  ne  peut 
dépasser  sa  limite  qu'en  la  comprenant,  c.-à-d.  par  l'in- 
termédiaire de  la  conscience.  Par  là  se  manifeste  l'unité 
absolue  du  sujet  pur,  qui  est  à  la  fois  liberté  et  raison.  Le 
premier  terme  fait  l'infinité  de  l'être,  le  second  sa  détermi- 
nation et  sa  limite  ;  et  cependant  l'infinité  de  l'être  se  réa- 
lise dans  la  pensée. 

Doctrine  do  droit.  —  La  doctrine  de  la  science  a  posé 
la  tendance  du  sujet  à  se  réaliser.  La  doctrine  du  droit 
et  la  morale  déterminent  les  conditions  de  cette  réali- 
sation. La  doctrine  du  droit  a  pour  objet  de  démon- 
trer que  cette  réalisation  s'accomplit  dans  une  pluralité 
d'individus  agissant  chacun  au  sein  d'une  «  sphère  exclu- 
sive »  qui  est  son  corps.  Elle  prétend  donc  déduire  de  la 
nature  du  sujet  :  1°  l'existence  d'une  pluralité  de  moi  ; 
2°  l'existence  d'un  corps  propre  du  sujet.  Cette  double  déduc- 
tion, d'ailleurs  obscure,  peut  s'entendre  ainsi  :  1°  La  dis- 
tinction du  sujet  et  de  l'objet  reste  tout  idéale  au  point  de 
vue  de  la  pensée.  Il  en  est  autrement  au  point  de  vue  de 
l'activité  pratique.  Dès  qu'on  pose  la  tendance  pratique 
du  sujet  à  se  réaliser,  il  faut  que,  au  delà  de  la  représen- 
tation de  l'objet,  il  y  ait  quelque  chose  de  réel  qui  agisse 
sur  le  sujet  conscient.  Et  comme  l'activité  du  sujet  cons- 
cient est  liberté,  il  faut  encore  que  cette  activité  limitative 


-  409  — 


FICHTE 


de  la  sienne  soit  pareillement  liberté  :  ainsi  l'existence  de 
la  liberté  implique  une  pluralité  d'êtres  libres  se  limitant 
mutuellement.  Ce  rapport  est  le  principe  du  droit.  2°  Et 
pour  cela  même  il  faut  encore  que  chacun  de  ces  moi  finis 
ait  une  sphère  propre  d'action,  c.-à-d.  qu'il  soit  individua- 
lisé dans  un  corps  organique.  Le  rapport  de  droit  repose 
sur  un  rapport  de  forces  physiques  se  déployant  dans  un 
monde  sensible  commun.  3°  Pratiquement  le  droit  réside 
dans  cette  limitation  que  chacun  doit  imposer  à  sa  propre 
liberté. par  l'idée  de  la  liberté  d'autrui.  Et  cette  limitation 
pouvant  être  librement  méconnue,  il  faut  qu'elle  soit  impo- 
sée au  besoin  parla  contrainte.  De  là  la  nécessité  de  l'Etat. 
L'Etat  est  ainsi  la  sphère  du  droit. 

Morale.  —  Maintenant  l'activité  individuelle  ainsi  limitée 
à  l'extérieur  dans  la  sphère  du  droit  est  animée  inté- 
rieurement par  un  principe  de  liberté  qui  est  l'objet  de  la 
morale.  La  morale  doit  :  1°  déduire  l'idée  du  devoir  ; 
2°  définir  la  condition  de  son  application  au  monde  réel  ; 
3°  en  déterminer  le  contenu.  1°  La  vie  morale  est  la  réa- 
lisation du  principe  abstrait  fondement  du  savoir.  Elle  con- 
siste en  ce  que  le  sujet  conscient  se  détermine  à  agir  par 
l'idée  de  son  essence.  Cette  détermination,  qui  est  liberté 
dans  le  sujet  pur,  devient  en  nous  obligation.  La  liberté 
est  pour  le  moi  fini  un  devoir-être.  Le  devoir  exprime 
donc  notre  nature.  Il  est  la  synthèse  des  deux  termes  oppo- 
sés qui  la  constituent,  l'infinité  de  l'essence  et  la  détermi- 
nation de  la  réflexion,  le  lien  de  l'activité  et  de  la  pensée, 
du  sujet  et  de  l'objet.*  Il  est  la  seule  image  possible  pour 
nous  de  l'absolu,  la  projection  en  nous  de  la  liberté  pure. 
2°  A  quelle  condition  est-il  possible?  Il  faut  que  le  monde 
où  nous  vivons  ne  nous  soit  pas  un  monde  étranger,  une 
terre  d'exil,  mais  que  nous  y  trouvions  le  champ  ouvert  à 
notre  activité  morale.  Il  en  est  ainsi  si  le  monde  est  pro- 
duit par  la  liberté  même,  s'il  est  non  une  nature  (idée  que 
Fichte  a  écartée),  mais  un  monde  moral  que  nous  ayons 
seulement  la  charge  de  maintenir  et  d'achever.  3°  En  effet, 
le  contenu  du  devoir  est  fourni  par  l'existence  des  autres  ; 
l'individu  lié  parle  devoir  à  l'esprit  infini,  et  ne  s'y  unissant 
que  dans  la  conscience  de  soi-même,  n'existe  cependant  pas 
par  lui-même.  Il  a  son  principe  dans  les  autres  et  il  ne  trouve 
que  dans  les  autres  l'objet  de  son  devoir.  L'homme  n'est 
homme  que  parmi  les  hommes.  Il  n'est  libre  que  dans  lame- 
sure  où  l'humanité  devient  libre.  La  forme  du  devoir  s'énonce 
dans  cette  maxime  :  il  faut  gue  la  liberté  soit.  Le  contenu 
du  devoir  donne  cette  détermination  nouvelle  :  que,  par  cha- 
cun de  vous,  tous  deviennent  libres.  Dans  le  dévouement  de 
l'individu  à  l'humanité  consiste  la  perfection  de  la  vie  morale 
et  par  là  se  prépare  l'avènement  de  l'esprit.  A  ce  point  de 
vue  nous  comprenons  la  société  plus  profondément  qu'au 
point  de  vue  du  droit.  Au-dessus  de  l'Etat  est  la  société 
morale  :  celle-ci  suppose  une  communauté  de  convictions 
qui  permette  l'action  réciproque,  sorte  de  corps  de  la 
société,  et  pour  animer  ce  corps,  des  savants  ou  éducateurs, 
dont  la  mission  soit  à  la  fois  de  créer  des  vérités  toujours 
plus  hautes  et  de  les  vulgariser  dans  la  foule.  Cette  idée 
du  savant,  Fichte  en  fut  la  vivante  incarnation.  On  com- 
prend dès  lors  le  sens  et  la  portée  de  cette  série  de  prédica- 
tions qui  étaient  les  actes  du  penseur,  et  dont  quelques- 
unes  eurent  un  retentissement  si  considérable,  comme  les 
Discours  à  la .  nation  allemande.  Il  se  proposait  de 
régénérer  l'Allemagne  par  une  éducation  nouvelle  fondée 
sur  l'autonomie  de  la  conscience  et  cherchant  sa  fin  dans 
la  pureté  de  la  volonté  assurée  par  la  clarté  de  l'entende- 
ment. Le  peuple  allemand  était  seul  capable  d'une  telle 
régénération  parce  que  seul  il  était  d'une  race  pure  (Ur- 
volk),  mais  par  cela  même  il  devait  être  parmi  les  peuples 
ce  que  doit  être  le  savant  dans  la  société  afin  de  répandre 
dans  le  monde  l'esprit  nouveau  qu'il  aurait  produit.  Le 
devoir  de  l'Allemagne  était  par  là,  dans  la  pensée  de  Fichte, 
le  devoir  humain  lui-même. 

Religion.  —  Quel  est  le  caractère  du  système  que  nous 
venons  de  résumer  bien  imparfaitement  ?  On  sait  qu'il  a 
été  taxé  d'athéisme.  Nulle  appréciation  plus  injuste,  puis- 


qu'il est  tout  rempli  de  l'idée  de  Dieu.  Cependant  Dieu  lui- 
même,  le  sujet  pur,  est  plutôt,  semble-t-il,  le  terme  de 
l'évolution  du  monde  qu'il  n'en  est  le  principe.  Le  divin 
est  subjectivité,  moralité,  par  conséquent  en  train  de  se 
faire  ;  Dieu  ne  serait  que  le  caractère  moral  de  l'ordre  des 
choses.  Cependant,  en  avançant,  Fichte  a  incliné  à  donner 
à  sa  pensée  un  caractère  plus  religieux  ;  il  semble  qu'il  ait 
fait  effort  pour  attribuer  à  Dieu  une  existence  plus  réelle. 
Il  ne  faut  pas  voir  dans  ces  derniers  écrits  ce  qu'on  a 
appelé  une  seconde  philosophie,  mais  une  tendance  nou- 
velle et  peut-être  même  une  idée  qui  ne  tient  pas  absolu- 
ment à  ses  principes,  l'idée  d'un  monde  intelligible  où  ces- 
serait la  contradiction  de  l'infini  et  du  fini,  du  sujet  et  de 
l'objet,  où  la  liberté  éternellement  possible  serait  aussi 
éternellement  réelle.  Ce  monde  serait  au  fond  celui  que 
postule  le  devoir,  celui  où  l'esprit  est  ce  qu'il  doit  être,  où 
il  se  réalise  dans  toute  sa  pureté  ;  sa  liberté  poserait  son 
être  même,  et,  dans  un  acte  où  le  sujet  et.  l'objet  seraient 
absolument  un  et  identique,  réaliserait  l'infini.  Maintenant 
cet  acte  ne  serait  point  pour  nous  objet  de  science  puisque 
l'unité  du  sujet  pur  ne  peut  être  l'objet  de  la  conscience 
qui  n'existe  que  dans  l'opposition  du  sujet  et  de  l'objet. 
Réel  en  soi,  il  ne  serait  pour  nous  qu'une  idée,  un  objet 
de  croyance.  Ainsi,  dans  ses  dernières  méditations,  notre 
philosophe  revient  à  ces  premières  pensées  de  Kant  où  il 
avait  puisé,  son  inspiration. 

Les  œuvres  complètes  de  Fichte  ont  été  publiées  par  son 
fils  à  Berlin,  en  4845-46  (8  vol.).  En  voici  le  contenu  : 

I.  Philosophie  théorique.  T.  1 :  1792,  Critique  de  l'Ené- 
sidème  de  Reinhold  ;  —  4794,  Du  Concept  de  la  doctrine  de 
la  Science.  Fondements  de  la  doctrine  générale  de  la  Science. 
Précis  de  la  doctrine  générale  de  la  Science  avec  appendice 
sur  la  dignité  de  l'homme;  —  4797,  Deux  Introductions  à 
la  doctrine  de  la  Science.  Essai  d'une  nouvelle  exposition 
de  la  doctrine  de  la  Science.  — •  T.  II  :  4804,  Exposition 
delà  doctrine  de  la  Science;  —  4800,  De  la  Destination  de 
l'homme;  —  4801,  Rapport  clair  comme  le  jour  sur  la 
nouvelle  philosophie.  Réponses  à  Reinhold  ;  —  4810,  les 
Données  de  la  conscience.  Précis  général  de  la  doctrine  de 
la  Science. 

IL  Philosophie  morale  et  politique.  T.  III  :  1796-99, 
Fondements  du  droit  naturel  d'après  les  principes  de  la 
doctrine  de  la  Science;  —  4800,  l'Etat  commercial  fermé. 
— ■  T.  IV  :  4798,  le  Système  de  la  morale  d'après  les  prin- 
cipes de  la  doctrine  de  la  Science;  —  4843,  la  Politique 
ou  du  rapport  de  l'Etat  primitif  au  règne  de  la  Raison. 

III.  Philosophie  religieuse.  4  792,  Essai  d'une  critique  de 
toute  révélation  ;  —  4798,  Du  Fondement  de  notre  foi  en 
un  gouvernement  divin  du  Monde  ;  —  4799,  Appel  au  pu- 
blic contre  l'accusation  d'athéisme.  Défense  judiciaire  contre 
l'accusation  d'athéisme;  —  4806,  Instruction  pour  la  vie 
bienheureuse. 

IV.  Philosophie  populaire.  T.  VI  :  4793,  Demande  en 
restitution  de  la  liberté  de  pensée,  adressée  aux  princes  de 
l'Europe.  Observations  pour  servir  à  rectifier  le  jugement 
du  public  sur  la  Révolution  française;  —  4794,  Quelques 
Leçons  sur  la  destination  du  savant;  —  4805,  De  l'Es- 
sence du  savant.  —  T.  VII  :  4804,  les  Traits  caractéris- 
tiques du  siècle  présent  ;  —  4808,  Discours  à  la  nation  alle- 
mande; —  4807-4843,  Fragments  politiques.  —T.  VIII: 
1793-4844,  Mélanges  et  écrits  divers. 

Les  écrits  traduits  en  français  sont  :  Destination  de 
VEomme,  trad.  Barchou  de  Penhôen  (Paris,  4832,  in-8); 
Destination  du  Savant  et  de  P Homme  de  lettres,  trad. 
Nicolas  (Paris,  4838,  in-8)  ;  Méthode  pour  arriver  à  la 
vie  bienheureuse,  trad.  Bouillier  (Paris,  4845,  in-8)  ; 
Doctrine  de  la  Science,  trad.  Grimblot  (Paris,  4846, 
in-8)  ;  le  Système  de  la  Morale,  trad.  X.  Léon  (en  pré- 
paration). Xavier  Léon. 

Bibl.  :  Jmm.-Hermann  Fichte,  Joh.  Gottl.  Fichtes  Le- 
ben  und  litterarischer  Briefwechsel  ;  Sulzbach,  1830-31, 
2  vol.  in-8;  2°  éd.,  Leipzig,  1861.  —  Busse,  Fichte  und 
seine  Beziehung  zut  Gegenwart;  Halle,  1848-49,  2  vol.  — 
Lôwe,  Die  Philosophie  Èichtes  ;  Stuttgart,  1862.  —  Noack, 


FICHTE  —  FICK 


—  410  ~ 


Fichte  nach  seinen  Leben,  Lehren  und  Wirken\  Leipzig, 
1862.  —  Zimmer,  Fichtes  Religionsphilosophie  ;  Berlin, 
1878,  et  bon  nombre  d'études  de  moindre  haleine  dont  on 
trouvera  l'indication  dans  Ueberweg.  —  En  français,  des 
chapitres  sont  consacrés  à  Fichte  dans  Wilm,  Hïst.  de  la 
phil.  allemande  de  Kant  à  Hegel,  4847.  —  Mme  de  Staël, 
l'Allemagne.—  Lévy-Brùhl,  l'Allemagne  depuis  Leibniz, 
Paris,  1890,  in-12. 

FICHTE  (Immanuel-Hermanii  von) ,  philosophe  allemand , 
fils  du  précédent,  né  à  Iéna  le  48  juil.  4796,  mort  à 
Stuttgart  le  8*  août  4879.  Il  fut  professeur  aux  universités 
de  Bonn  (4840),  de  Tubingue  (1842-67)  et  fut  anobli. 
Un  des  principaux  représentants  de  la  réaction  contre  la 
philosophie  d'Hegel,  qu'il  essaye  de  moraliser  en  s'inspi- 
rant  surtout  des  derniers  écrits  de  son  père  et  par  un 
retour  à  l'idée  de  personnalité.  Il  exposa  très  clairement 
le  système  de  son  père  dans  Charakteristik  der  neuern 
Philosophie  (Sulzbach,  1841,  2e  éd.).  Parmi  ses  ouvrages, 
qui  sont  très  nombreux,  nons  citerons  :  System  der 
Ethik  (1850-53,  2  vol.)  ;  Anthropologie  (1856);  Die 
theistische  Weltansicht  und  ihre Berechtigung  (1873)  ; 
Der  neuere  Spiritualismus  (1878).  — Son  fils,  Eduard 
(né  le  24  mars  1826),  médecin  inspecteur  général  du 
royaume  de  Wurttemberg,  auteur  de  nombreux  travaux,  a 
publié  sur  son  illustre  aïeul  :  J.-G.  Fichte. Lichtstrahlen 
ans  seinen  Werken  und  Briefen  (1863). 

F1CHTELGEB1RGE.  Massif  montagneux  de  l'Allemagne 
centrale,  important  surtout  par  sa  situation,  comme  nœud 
du  système  hercynien  et  comme  centre  de  dispersion  des 
eaux.  ,11  est  compris  entre  le  Jura  allemand  ou  franconien 
au  S. -0.,  le  Bœhmerwald au  S.-E.,l'Erzgebirge  auN.-E., le 
Thuringenwald  et  le  Frankenwald  au  N.-O.  De  sa  montagne 
centrale,  le  Schneeberg,  découlent,  à  l'O.,  le  Main  qui, 
par  le  Rhin,  va  vers  la  mer  du  Nord  ;  au  S.,  la  Nab  rqui, 
par  le  Danube,  se  perd  dans  la  mer  Noire  ;  à  l'E.,  l'Eger, 
affluent  de  l'Elbe  ;  un  peu  au  N.  naît  un  autre  affluent 
de  l'Elbe,  la  Saale  thuringienne.  La  structure  orographique 
du  Fichtelgebirge  est  donc  complexe  ;  ses  principaux  ali- 
gnements sont  orientés,  comme  ceux  de  l'Erzgebirge,  du 
S.-O.  au  N.-E.  ;  mais  son  rebord  méridional  l'est,  comme 
les  sédiments  plus  récents,  du  S.-E.  au  N-.O.,  parallèle- 
ment au  Bœhmerwald  et  au  Thuringenwald.  Le  massif  doit 
son  nom  à  ses  épaisses  forêts  de  sapins.  Ses  limites  sont 
incertaines,  mais  le  groupe  principal  a  la  forme  d'un  qua- 
drilatère compris  entre  Eger  à  l'E.,  Rehau  au  N.,  Berneck 
à  l'O.,  relié  parle  plateau  du  Frankenwald  au  Thuringen- 
wald, par  l'Elstergebirge  à  l'Erzgebirge,  se  reliant,  auN., 
au  Vogtland.  Il  mesure  une  quarantaine  de  kilomètres  dans 
les  deux  sens,  du  N.-E.  au  S.-O.  et  du  N.-O.  au  S.-E.  ; 
sa  superficie  est  d'un  millier  de  kil.  q.  ;  au  S.-O.,  il  se 
termine  par  des  pentes  abruptes  au-dessus  de  belles  prai- 
ries. Il  est  séparé  du  Bœhmerwald  par  les  vallées  de  la  Nab 
et  de  la  Wondreb  (affluent  de  TEger)  ;  auN.,  par  celle  de 
FOElsnitz  du  plateau  de  gneiss  de  Munchberg,  par  lequel 
commence  le  Frankenwald.  Les  formations  géologiques  do- 
minantes dans  le  Fichtelgebirge  sont  le  granit  et  les  schistes 
argileux.  On  y  trouve  des  minerais  de  fer,  de  zinc  (dans  le 
granit),  d'antimoine,  un  peu  d'or.  —  Les  plus  hauts  som- 
mets sont  le  Schneeberg  (1,055  m.)  et  YOchsenkopf 
(1,016  m.);  ils  sont  reliés  par  un  plateau  marécageux 
(779  m.  d' ait.)  où  naissent  le  Main  et  la  Nab  ;  l'Eger  a  sa 
source  au  N.  du  Schneeberg,  au  S.  du  Waldstein  (890  m.); 
à  l'angle  méridional  du  massif,  culmine  le  Steinwald 
(969  m.-).  —  Malgré  son  rude  climat  (la  neige  fond  en  mai, 
retombe  en  octobre)  et  les  bois  qui  la  recouvrent  en  grande 
partie,  la  région  du  Fichtelgebirge  est  très  peuplée  :  80  hab. 
par  kil.  q.  ;  elle  est  assez  industrieuse,  à  l'exemple  de  celle 
de  l'Erzgebirge. 

FIC H  U.  On  désigne  sous  ce  nom  les  mouchoirs  lorsqu'ils 
sont  destinés  à  couvrir  le  cou  et  les  épaules.  La  soie,  la 
fantaisie,  la  bourre  de  soie,  le  lin  et  le  coton,  sont  les 
matières  qui  s'emploient  pour  leur  fabrication.  Ils  se  tissent 
toujours  en  taffetas;  ils  sont  unis  ou  quadrillés;  la  réduc- 
tion de  chaîne  et  de  trame  est  carrée. 

FIC1N  (Marsiie),  théologien  italien  et  philosophe  plato- 


nicien, né  à  Florence  le  19  oct.  1433,  mort  à  Careggi, 
près  de  Florence,  le  1er  oct.  1499.  Fils  du  premier  médecin 
de  Côme  de  Médicis,  il  reçut  sa  première  instruction  dans 
sa  ville  natale  et  fit  ses  études  à  Bologne.  Il  s'y  consacra 
spécialement  à  la  lecture  de  Platon,  auquel  il  voua,  pour 
le  reste  de  sa  vie,  un  véritable  culte.  De  retour  à  Florence, 
il  sut  faire  partager  son  enthousiasme  pour  le  grand  philo- 
sophe de  l'antiquité,  à  son  protecteur  Côme  de  Médicis.  Les 
circonstances  étaient,  du  reste,  favorables  à  une  restaura- 
tion des  lettres.  A  la  suite  du  concile  de  1439,  convoqué  à 
Florence  par  le  pape  Eugène  IV,  pour  rapprocher  les  Eglises 
d'Orient  et  d'Occident,  plusieurs  savants  grecs,  venus  pour 
cette  solennité,  se  fixèrent  en  Toscane.  Telle  fut  l'origine  de 
la  célèbre  Académie  platonicienne  de  Florence,  fondée  sous 
l'inspiration  de  Gémiste  Pléthon,  et  qui  compta  parmi  ses 
membres  Jean  Argyropoulos,  les  hellénistes  Ange  Politien, 
Cristoforo  Landino,  etc.  Côme  voulut  qu'il  y  eût  un  interprète 
autorisé  des  doctrines  du  maître  et  il  confia  cette  fonction  à 
Marsiie  Ficin  en  le  nommant  président  de  son  Académie.  — 
Ficin  se  voua  concurremment  à  l'étude  de  la  théologie  et  de  la 
philosophie  dont  l'objet,  d'après  lui,  est  le  même,  Dieu.  Si 
les  enseignements  de  l'Evangile  contiennent  une  révélation 
parfaite  de  l'amour  de  Dieu  pour  ses  créatures,  ceux  de  la 
philosophie  spiritualiste  font  connaître  Dieu  comme  sagesse 
et  vérité.  Ils  servent  à  étayer  les  dogmes  sur  le  raisonne- 
ment et  fournissent  aux  esprits  spéculatifs  un  élément  indis- 
pensable pour  toute  discussion  sérieuse.  Ficin  ne  voyait 
qu'accord  et  harmonie  entre  le  platonisme  et  le  christia- 
nisme. Aussi  considérait-il  le  grand  philosophe  grec  comme 
un  précurseur  de  Jésus-Christ.  Il  professa  avec  éclat  les 
doctrines  platoniciennes,  et  il  eut  pour  élève  le  futur  sou- 
verain Laurent  le  Magnifique.  —  A  l'âge  de  quarante-deux 
ans,  Ficin  entra  dans  les  ordres  et  fut  nommé  chanoine  de 
Saint-Laurent.  Ces  fonctions  nouvelles  n'entravèrent  pas  son 
activité  philosophique.  Loin  de  là.  Il  mena  à  bonne  fin  sa 
traduction  latine  de  Platon  (1483-1484),  l'œuvre  capitale 
de  sa  vie.  Quelques  années  plus  tard,  il  fit  paraître  divers 
autres  ouvrages,  notamment  Theologia  platonica,  sive 
de  animarum  immortalitate  (Florence,  1482);  De  Viia 
(1489),  bientôt  suivis  de  traductions  de  Plotin  (1492); 
Jamblique  et  autres  (1497)  ;  Denys  l'Aréopagite  (1496). 
Citons  encore  la  traduction  italienne  du  De  Monarchia, 
de  Dante  (1476),  et  ses  Epistolœ  familiares  (Venise, 
1476).  Ses  œuvres  ont  été  publiées  à  Baie  (1561,  1567, 
1576)  et  à  Paris  (1641,  2  vol.  in-fol.). 

Bibl.  :  Roscoe,  Life  of  Lorenzo  de'  Medici,  1796.  —  Von 
Reumont,  Lorenzo  de'  Medici,  1874. 

FICK  (Franz-Ludwig),  physiologiste  allemand,  né  à 
Erlangen  le  18  mars  1813,  mort  à  Marbourg  le  31  déc. 
4  858.  Professeur  extraordinaire  de  physiologie  à  Marbourg 
(1839),  puis  chef  de  travaux  anatomiques,  il  obtint  en  1843 
la  chaire  d'anatomie.  Il  fut  l'un  des  créateurs  du  musée 
d'anatomie  de  Marbourg.  Principaux  ouvrages  :  Physiol. 
Anatomie  des  Menschen  (Leipzig,  1842-45,  gr.  m-8)  ; 
Phantom  des  Menschenhirns  (Marbourg,  1857,  in-12, 
3e  éd.)  ;  Ueber  die  Ursachen  der  Knochenformen  (Got- 
tingue,  1857,  in-4)  ;  Neue  Unters.  ilber  die  Knochen- 
formen (Marbourg,  1859,  in-4).  —  Son  frère,  Adolf,  né  à 
Cassel  le  3  sept.  1824,  professeur  de  physiologie  à  l'uni- 
versité de  Wurtzbourg,  est  un  des  physiologistes  les  plus 
distingués  de  l'Allemagne  ;  ses  travaux  sont  extrêmement 
nombreux.  Dr  L.  Hn. 

FICK  (August),  philologue  allemand  contemporain,  né  à 
Petershagen  (Westphalie)  le  5  mai  1833.  Il  étudia  la  phi- 
losophie à  l'université  de  Gœttingue  et  y  devint,  en  1876, 
professeur  de  philologie  comparée.  Il  s'était  déjà  fait  remar- 
quer par  un  travail  original  et  profond  sur  l'unité  primi- 
tive des  langues  indo- germaniques  :  Die  ehemalige 
Spracheinheit  der  Indogermanen  Europas  (Gœttingue, 
1873).  Son  ouvrage- capital  est  le  Vergleichendes  Wôr- 
terbuch  der  indogermanischen  Sprachen  (1874-76, 
4  vol.,  3e  éd.).  Il  ne  rendit  pas  moins  de  services  à  la  phi- 
lologie grecque  par  ses  deux  publications  :  Die  griechische 


411  — 


FICK  —  FIDANZA 


Personennamen  (1814),  et  Die  homerische  Ilias  nach 
ihrer  Entstehung  betrachtet  und  in  der  ursprûng- 
lichen  Sprachform  wiederhergestellt  (1885).    G.  P-i. 

FICOÏDE.  I.  Botanique.  —  (Mesembryanthemum  L.). 
Genre  de  plantes  qui  a  donné  son  nom  à  la  famille  des  Mésem- 
bryanthémacëes  (V.  ce  mot) .  Les  Ficoïdes  sont  des  plantes 
sous-ligneuses,  plus  rarement  herbacées,  à  tiges  et  à  feuilles 
charnues,  celles-ci  cylindriques  ou  trigones,  presque  tou- 
jours opposées  ;  leurs  fleurs,  hermaphrodites,  de  couleur 
jaune,  pourpre,  rose,  violette  ou  blanche,  ont  un  calice 
supère,  une  corolle  à  pétales  nombreux,  linéaires,  des  éta- 
mines  en  nombre  indéfini  et  un  ovaire  pluriloculaire  qui  de- 
vient, à  la  maturité,  une  capsule  d'abord  charnue,  puis 
ligneuse  et  sèche,  s'ouvranten  plusieurs  valves  pour  laisser 
échapper  de  nombreuses  graines  à  albumen  farineux.  —  Le 
genre  renferme  environ  300  espèces,  répandues  pour  la 
plupart  dans  l'Afrique  australe,  principalement  au  cap  de 
Bonne-Espérance  ;  quelques-unes  cependant  sont  dissémi-* 
nées  dans  l'Afrique  tropicale,  la  région  méditerranéenne, 
l'Australie  et  la  Nouvelle-Zélande.  Beaucoup  sont  cultivées 
en  Europe  pour  la  beauté  de  leurs  fleurs.  Tels  sont  notam- 
ment les  M.  tricolor  Willd.,  M.  edule  L.  et  M.  cristal- 
linum  L.  Cette  dernière  espèce  se  rencontre  à  la  fois  au 
Cap,  aux  Canaries  et  dans  les  sables  maritimes  de  la  ré- 
gion méditerranéenne.  Toutes  ses  parties,  sauf  les  fleurs, 
sont  couvertes  de  nombreuses  vésicules  transparentes,  rem- 
plies d'une  matière  gommeuse  incolore,  insoluble  dans  l'eau, 
et  qui  brillent  au  soleil  comme  des  fragments  de  glace  ; 
d'où  ses  noms  vulgaires  de  Glaciale,  Herbe  à  la  glace  (Dia- 
mond plant,  Ice  plant  des  Anglais)  ;  on  l'a  recommandée 
récemment  comme  plante  potagère.  Aux  Canaries,  où  elle 
est  appelée  Barilla  Moradera,  ses  graines  servent  à  pré- 
parer une  sorte  de  farine  alimentaire  et  on  tire  de  ses 
cendres  une  soude  de  bonne  qualité.  —  Le  M.  edule  L. 
est  une  espèce  vivace  qui  s'est  naturalisée  en  Provence, 
où  on  l'emploie  pour  orner  les  rochers.  Elle  est  très  esti- 
mée au  Cap  comme  plante  potagère  ;  ses  fruits  comestibles, 
appelés  vulgairement  Figues  marines,  Figues  de  mer, 
constituent  un  aliment  très  recherché  des  indigènes.  — 
Le  M.  copticum  L.,  espèce  annuelle  d'Egypte,  fournissait 
jadis  la  soude  d'Alexandrie,  dont  les  Vénitiens  se  servaient 
pour  la-fabrication  des  glaces  dites  de  Venise.  Enfin,  les  fleurs 
du  M.  tripolium  L.,  connues  dans  le  commerce  sous  les 
noms  de  Kali,  Fleurs  de  Turquie,  Fleurs  de  Candie,  ser- 
vent en  Orient  à  la  fabrication  du  carmin.       Ed.  Lef. 

II.  Horticulture.  —  Les  Ficoïdes  se  cultivent  en  pots  et 
comme  plantes  de  parterre,  à  une  exposition  chaude,  dans 
un  sol  siliceux,  enrichi  de  terreau  et  bien  drainé.  Le  plus 
souvent  cependant  on  les  place  sur  les  rocailles,  en  plein 
soleil.  Les  espèces  annuelles,  comme  la  Ficoïde  tricolore, 
la  Ficoïde  cristalline  ou  glaciale,  se  multiplient  de  graines 
semées  sur  couche  en  mars  ou  en  automne.  Lorsque  les 
jeunes  plants  montrent  quelques  feuilles,  on  les  repique  en 
place  ou  en  serre  tempérée.  Les  semis  d'automne  fleu- 
rissent de  bonne  heure  au  printemps.  On  peut  aussi  semer 
directement  en  place.  Le  bouturage  est  le  mode  de  multi- 
plication ordinairement  suivi.  On  bouture  sur  couche,  en 
été,  ou  en  pleine  terre  à  mi-ombre.  La  reprise  est  facile. 
Pendant  la  végétation  des  Ficoïdes  et  tant  que  la  lumière 
est  vive  et  la  chaleur  élevée,  le  sol  doit  être  maintenu  frais 
par  les  arrosages.  Dès  les  premiers  jours  de  l'automne,  on 
rentre  en  serre  les  Ficoïdes  plantées  en  pots  et  on  n'ar- 
rose plus  que  pour  empêcher  la  terre  de  se  dessécher  com- 
plètement. G.  Boyer. 

FICQUELMONT  (Charles-Louis,  comte  de),  militaire  et 
homme  d'Etat  autrichien,  né  à  Dieuze  (Lorraine)  le  23  mars 
1777,  mort  à  Venise  le  7  avr.  1 857.  Son  père  mourut  major 
au  service  de  l'Autriche.  Entré  fort  jeune  au  service,  Ficquel- 
mont  prit  part  à  toutes  les  campagnes  contre  la  France.  En 
1813,  il  parvint  au  grade  de  major  général. La  même  année, 
il  fut  nommé  conseiller  secret  et  fut  envoyé  comme  ambas- 
sadeur extraordinaire  à  Stockholm,  puis  à  Florence,  à  Naples 
et  enfin  à  Pétersbourg.En  1830,  il  fut  nommé  lieutenant- 


feld- maréchal.  En  1839,  en  l'absence  de  Metternich, 
il  fut  chargé  du  ministère  des  affaires  étrangères;  en 
1840,  il  fit  partie  du  ministère  dit  de  la  Conférence  en 
qualité  de  ministre  d'Etat  ;  il  dirigea  en  même  temps 
la  section  de  la  guerre  au  ministère  des  affaires  étrangères. 
En  1843,  il  fut  nommé  général  de  cavalerie  et  fut  chargé 
de  diverses  missions  diplomatiques,  notamment,  en  1846, 
à  Berlin,  à  propos  des  affaires  de  Pologne.  Après  la 
révolution  de  mars  1848,  il  devint  ministre  des  affaires 
étrangères.  La  déclaration  de  guerre  à  la  Sardaigne  fut 
l'événement  le  plus  important  de  son  court  ministère.  Il 
se  retira  le  4  mai  et  vécut  désormais  dans  la  retraite.  Il  a 
publié  un  certain  nombre  d'écrits  politiques  :  Ueber  das 
Gesetzt  der  Souverânetât  (Vienne,  1849)  ;  Aufkldrungen 
ilber  die  Zeit  von  $0  Mârz  bis  4  Mai  i848  (Leipzig, 
1850);  Deutschland,  OEsterreich  und  Preussen  (Vienne, 
1851)  ;  Lord  Palmersion,  England  and  der  Kontinent 
(Vienne,  1852,  2  vol.)  ;  le  Côté  religieux  de  la  Question 
d'Orient  (Paris,  1854)  ;  la  Politique  de  la  Russie  et  les 
Principautés  danubiennes  (Paris,  1854);  Examen  de 
conscience  à  V occasion  de  la  guerre  d? Orient  (Bruxelles, 
1856,  in-8,  ces  trois  livres  traduits  de  l'allemand);  Zum 
kilnftigen  Frieden  (Vienne,  1856).  L.  L. 

FICQUET  (Etienne),  dessinateur  et  graveur  à  Peau-forte 
et  au  burin,  né  à  Paris  le  13  sept.  1719,  mort  à  Paris  le 
11  déc.  1794.  Elève  de  Schmidt  et  de  Le  Bas.  Ce  fut  ex- 
clusivement un  graveur  de  portraits  et  il  en  exécuta  envi- 
ron deux  cents,  principalement  pour  la  Vie  des  peintres 
flamands  par  Descamps  et  pour  la  collection  d'Odieuvre. 
Il  se  rendit  surtout  célèbre  par  de  tout  petits  portraits 
d'une  finesse  de  burin  vraiment  merveilleuse,  parmi  les- 
quels se  distinguent  ceux  de  Boileau,  de  La  Fontaine,  de 
Molière  et  de  Mme  de  Maintenons  Un  Catalogue  rai- 
sonné de  son  œuvre  a  été  dressé  par  Faucheux  (Paris, 
1864,  in-8).  G.  P-i. 

FICTIF  (Point)  (Géom.).  Les  points  fictifs  ont  été 
indiqués  par  G.  Bellavitis,  dans  sa  théorie  des  équipollences. 
On  sait  qu'une  courbe  est  représentée  par  une  équipollence 
OM  =  cp  (t),  £  étant  un  paramètre  réel  qu'on  fait  varier 
de  —  co  à  -f-  cx>  ;  si  l'on  vient  à  donner  à  t  une  valeur 
imaginaire  a  -f-  pi ,  il  en  résulte  pour  M  une  certaine  posi- 
tion, et  le  point  M  peut  être  considéré  comme  un  point 
fictif  de  la  courbe.  Si  Ton  donne  à  t  les  deux  valeurs 
conjuguées  a  +  (&,  a  —  (ft,  on  obtient  un  couple  de  points 
fictifs  associés  M,  W.  On  a  ainsi,  notamment,  par  un 
couple  de  points  associés,  la  représentation  en  coordonnées 
à  deux  dimensions,  d'un  point  dont  les  coordonnées  sont 
imaginaires.  Cette  notion  des  points  fictifs  mérite  d'être 
rapprochée  des  intéressants  travaux  de  M.  G.  Tarry  sur 
la  géométrie  générale,  publiés  dans  les  comptes  rendus  de 
plusieurs  congrès  de  Y  Association  française  pour  l'avan- 
cement des  sciences  (1887  à  1891).  Bellavitis  n'a  fait 
qu'effleurer  ce  sujet  ;  mais  il  y  a  là  le  germe  d'une  théorie 
féconde  et  extrêmement  intéressante  au  point  de  vue  didac- 
tique ;  elle  jette  une  grande  clarté  sur  la  notion  des  sécantes 
idéales,  et  sur  plusieurs  questions-  aujourd'hui  introduites 
dans  l'enseignement  d'une  manière  courante.  Il  est  à  pré- 
voir qu'on  arrivera  ainsi  à  donner  un  caractère  d'évidence 
géométrique  à  des  expressions  analytiques  qui  conservent 
encore  une  certaine  apparence  obscure  et  mystérieuse.  A.  L. 

Bibl.  :  G.  Bellavitis,  Exposition  de  la  méthode  des 
Equipollences  (trad.  C.-A.  Laisant);  Paris,  1874,  p.  178. 

FI  DAN  I  (Orazio),  peintre  italien,  né  à  Florence  vers  1610, 
mort  après  1642.  Elève  de  Giovanni  Biliverti,  il  s'efforça 
d'imiter  son  maître.  Ses  peintures,  en  grand  nombre  à 
Florence,  valent  plus  par  la  pureté  du  dessin  caie  par  le 
coloris  trop  sec.  A  l'église  de  la  Chartreuse,  huit  tableaux 
sont  signés  de  cet  artiste.  La  confrérie  délia  Scala  possède 
de  lui  un  tableau  représentant  Tobie. 

FIDANZA  (Giovanni  di)  (V.  Bonaventure). 

FIDANZA  (Francesco),  peintre  de  l'école  romaine,  fils 
de  Filippi  Fidanza  (1720-90),  imitateur  du  Guide,  né  à 
Milan  en  1749,  mort  à  Milan  en  1819.  Elève  de  son  père, 


FIDANZA  —  FIDÉJUSSION 


412  — 


puis  de  Lacroix.  Il  fit  surtout  des  marines  et  des  paysages .r 
C'est  lui  qui  peignit  pour  le  prince  Eugène  Le  Lido,  Ma- 
lamocco,  Chiozza,  Rimini  et  Aucune  (au  musée  Brera, 
à  Milan). 

FIDANZA  (Gregorio),  peintre  de  l'école  romaine,  né 
vers  le  milieu  du  xvme  siècle,  mort  vers  1820,  frère  du 
précédent.  Il  étudia  Salvator  Rosa  et  Claude  Lorrain,  et 
peignit  une  Tempête  pour  le  grand  maître  de  Malte.  Il  fit 
une  copie  admirable  du  Moulin,  de  Lorrain,  pour  le  prince 
Chigi.  Quelquefois  même  il  mit  son  talent  au  service  des 
falsifications  de  tableaux. 

FIDÉICOMMIS.I.  Droit  romain.  —A  côté  de  l'institu- 
tion d'héritier  et  du  legs,  on  trouve  dans  le  droit  romain  une 
autre  forme  de  disposition  testamentaire  qui  remplit  le  même 
office  quoique  d'une  façon  moins  directe  et  moins  sûre.  C'est 
le  fidéicommis.  Ce  mode  de  disposition  à  cause  de  mort  doit 
son  origine  et  son  emploi  fréquent  aux  restrictions  de  toute 
sorte  que  la  législation  avait  apportées  tant  à  la  faculté  de 
tester  qu'à  la  capacité  requise  pour  bénéficier  des  libéralités 
testamentaires.  Le  citoyen  qui  voulait  éviter  la  gêne  des 
formalités  minutieuses  imposées  par  les  lois,  ou  gratifier 
des  personnes  incapables,  instituait  un  héritier  capable  et 
le  chargeait  de  remettre  tout  ou  partie  de  son  hérédité  aux 
personnes  qui  sans  cela  n'auraient  pu  recueillir  les  biens 
qu'il  leur  destinait.  Il  y  avait  là  une  fraude,  du  moins  un 
détour  contraire  à  la  volonté  du  législateur.  Aussi  la  per- 
sonne gratifiée,  fideicommissarius ,  n'avait-elle  aucune 
action  contre  l'héritier,  fiduciarius,  chargé  d'exécuter  la 
volonté  du  disposant.  Le  testateur  avait  cru  pouvoir  s'en 
remettre  à  la  loyauté,  à  la  fides  de  son  héritier  ;  de  là 
l'expression  :  heredis  fldei  committere,  fideicommissum. 
Cicéron  mentionne  déjà  le  fidéicommis  employé  pour  tourner 
les  lois  de  proscription  de  Sylla  et  pour  faire  fraude  à  la 
loi  Voconia.  On  s'en  servait  également  pour  gratifier  les 
pérégrins,  les  personœ  incertœ,  telles  que  les  pos- 
thumes et  les  personnes  morales,  plus  tard  pour  faire  par- 
venir des  libéralités  à  cause  de  mort  aux  personnes  que  les 
lois  caducaires  privaient  an  jus  capiendi  ex  testamento. 
Mais,  à  partir  d'Auguste,  une  transformation  se  produisit. 
Le  prince  permit  au  fidéicommissaire  de  s'adresser  aux 
consuls  pour  obtenir  l'exécution  du  fidéicommis  contre  le 
fiduciaire  récalcitrant.  Dès  lors,  l'institution  est  reconnue 
officiellement  par  le  droit.  Claude  confirme  cette  inno- 
vation en  confiant  à  deux  préteurs  spéciaux  la  connais- 
sance des  questions  que  soulève  à  Rome  l'exécution  des 
dispositions  fidéicommissaires.  Dans  les  provinces,  ces  pro- 
cès sont,  comme  tous  les  autres,  de  la  compétence  du 
gouverneur.  Mais  rendre  obligatoires  les  fidéicommis, 
c'était  du  même  coup  énerver  tout  l'effet  des  lois  restric- 
tives de  la  faculté  de  tester.  Aussi,  des  sénatus-consultes 
rendus  sous  Vespasien  et  Adrien  déclarèrent  nuls  les 
fidéicommis  faits  au  profit  de  personnes  privées  du  jus 
capiendi,  au  profit  des  pérégrins  et  des  personœ  in- 
certœ. Dans  tout  autre  cas  ils  continuèrent  à  rester  effi- 
caces. Leur  fréquent  emploi  s'explique  d'ailleurs  aisément. 
En  eux  on  trouvait  un  moyen  commode  d'éviter  les  formes 
gênantes  exigées  pour  les  institutions  et  les  legs.  Contenu 
dans  un  testament,  le  fidéicommis  peut  être  incrit  à  n'im- 
porte quelle  place,  en  termes  non  impératifs,  en  langue 
grecque.  Il  n'a  pas  même  besoin  de  figurer  dans  un  testa- 
ment ;  il  peut  être  inséré  dans  un  codicille  non  confirmé  et 
dans  un  codicille  ab  intestat. 

Il  y  a  à  distinguer  deux  variétés  du  fidéicommis.  1°  Le 
fidéicommis  d'hérédité  porte  sur  la  totalité  ou  sur  une 
partie  aliquote  de  l'hérédité.  Il  remplit  donc  le  même  office 
que  l'institution  d'héritier  sur  lequel  il  offre  l'avantage 
d'une  forme  plus  libre.  Deux  sénatus-consultes,  l'un  sous 
Néron,  l'autre  sous  Vespasien,  vinrent  organiser  cette 
espèce  de  fidéicommis.  Le  premier,  sénatus-consulte  Tré- 
bellien,  prescrit  la  manière  dont  doit  s'opérer  la  restitu- 
tion imposée  au  fiduciaire  et  règle  la  question  du  transfert 
des  actions  héréditaires  de  la  tète  du  fiduciaire  sur  celle  du 
fidéicommissaire.  Le  second,  sénatus-consulte  Pégasien, 


s'inspirant  de  la  loi  Falcidie,  décide  que  l'héritier  grevé 
d'un  fidéicommis  aura  droit  à  la  quarte  dite  pégasienne, 
comme  s'il  était  en  face  d'un  légataire.  2°  Le  fidéicommis 
particulier  a  pour  objet,  non  plus  l'universalité  des  biens 
ou  une  fraction  de  cette  universalité,  mais  un  ou  plusieurs 
biens  déterminés.  Quoique  astreint  à  des  formes  moins  ri- 
goureusement sévères  que  le  legs,  il  lui  ressemble  pour- 
tant assez  pour  qu'on  ait  cherché  à  confondre  ces  deux 
modes  de  disposer.  C'est  ainsi  qu'on  lui  fit  l'application  de 
la  loi  Falcidie.  A  l'époque  de  Justinien,  la  fusion  est  tout 
à  fait  achevée.  G.  May. 

IL  Ancien  droit  et  Droit  actuel  (V.  Substitution). 

FIDÉICOMMISSAIRE  (V.  Fidéicommis). 

FI  DÉISME  (V.  Foi). 

FIDÉJUSSEUR  (V.  Fidéjussion) . 

FIDÉJUSSION  et  FI D EPRO M ISSIO.  La  fidéjussion  est 
une  forme  de  cautionnement  qui  a  été  précédée  dans  l'his- 
toire du  droit  romain  par  la  fidepromissio  et  aussi  par  la 
sponsio.  Ces  deux  variétés  du  cautionnement  consistaient 
dans  un  engagement  verbal  de  la  caution  envers  le  créan- 
cier. Celui-ci  interrogeait  la  caution  {sponsor  ou  fidepro- 
missor)  en  ces  termes  :  Idem  spondesne,  Idem  fidepro- 
mittisne.  Mais  cet  engagement  n'était  reçu  que  lorsqu'il' 
s'agissait  de  cautionner  des  obligations  yerbis;  il  n'obligeait 
pas  les  héritiers  de  la  caution.  De  plus,  une  loi  Furia  de 
l'époque  républicaine,  en  vue  d'améliorer  la  condition  des 
cautions,  avait  décidé  que  leur  engagement  cesserait  au 
bout  de  deux  ans,  et  qu'entre  plusieurs  cautions,  le  far- 
deau de  la  dette  commune  se  partagerait  en  autant  de  parts 
viriles  qu'il  y  aurait  de  cautions  obligées.  Les  créanciers 
cherchèrent  et  la  pratique  leur  fournit  une  nouvelle  forme 
qui  sacrifiât  moins  leurs  intérêts  à  ceux  des  cautions.  Ce 
fut  la  fidéjussion,  où  la  caution,  fidejussor,  s'engage  dans 
la  forme  verbale  :  Idem  fidejubeo,  sur  l'interrogation 
qui  lui  a  été  adressée  par  le  créancier.  Ce  qui  caractérise 
cet  engagement  et  lui  fait  produire  des  effets  plus  pleins 
que  la  sponsio  et  la  fidepromissio,  c'est  l'ordre,  jubeo, 
que  la  caution  donne  au  créancier.  Par  là,  elle  prend  pour 
ainsi  dire  l'initiative  du  crédit  que  le  créancier  va  faire  ou 
continuer  au  débiteur.  Elle  est  plus  qu'un  débiteur  en 
sous-ordre  ;  elle  joue  dans  l'obligation  un  rôle  principal  ; 
elle  s'engage  sous  sa  foi  à  payer  comme  le  débiteur,  la 
même  chose  que  le  débiteur,  en  son  lieu  et  place,  s'il  plaît 
au  créancier  de  s'adresser  à  elle.  Ainsi  s'explique  pourquoi 
son  engagement  diffère  de  celui  du  sponsor  et  du  fidepro- 
missor.  Il  ne  s'éteint  ni  par  la  mort  de  la  caution,  ni  par 
l'expiration  d'un  certain  laps  de  temps.  Il  peut  avoir  lieu 
à  l'occasion  de  toute  dette,  même  de  celle  qui  ne  s'est  pas 
formée  verbis.  Enfin  chaque  fidéjusseur  est  tenu  in  soli- 
dum,  sans  pouvoir  invoquer  la  division  de  la  dette  établie 
par  la  loi  Furia.  Ces  avantages  firent  assez  rapidement 
disparaître  de  la  pratique  les  deux  formes  anciennes  de 
cautionnement.  La  fidéjussion  subsista  seule.  A  l'époque 
classique,  sous  Justinien,  il  n'est  question  que  d'elle. 

Les  droits  du  créancier  contre  le  fidéjusseur  se  déduisent 
logiquement  de  la  forme  même  de  l'engagement.  4°  Comme 
le  fidéjusseur  s'est  obligé,  non  pas  en  qualité  de  débiteur 
subsidiaire,  mais  au  même  titre  et  sur  le  même  pied  que  le 
débiteur  principal,  il  peut  être  poursuivi  de  préférence  à  ce 
dernier.  En  pareil  cas,  il  n'a  pas  le  droit  de  renvoyer  le 
créancier  à  poursuivre  au  préalable  le  débiteur.  Ce  serait 
là  pourtant  un  avantage  considérable,  puisque  ainsi  il  serait 
dispensé  de  faire  l'avance  et  moins  exposé  aux  risques  de 
l'insolvabilité  du  débiteur.  Cette  faveur  lui  fut  longtemps 
refusée.  Le  fidéjusseur  pouvait  toutefois  se  protéger  contre 
les  premières  poursuites,  en  s'obli géant  à  ne  payer  que  ce 
que  le  créancier  n'avait  pu  obtenir  du  débiteur.  La  fidé- 
jussion est  appelée  alors  par  les  interprètes  :  fidejussio 
indemnitatis.  Sous  Justinien  seulement,  le  fidéjusseur 
obtint  le  droit  de  repousser  les  premières  poursuites  du 
créancier  sans  avoir  besoin  de  se  le  réserver  expressément 
dans  son  engagement.  Ce  fut  là  un  bénéfice,  c.-à-d.  une 
faveur  à  laquelle  on  donna  le  nom  de  bénéfice  de  discus- 


413 


FIDEJUSSION  —  FIDUCIE 


sion.  2°  Lorsque  le  créancier  a  actionné,  soit  le  débiteur, 
soit  le  fidéjusseur,  et  a  poussé  l'instance  jusqu'à  la  litis 
contestation  il  a  consommé  son  droit  à  l'égard  de  celui  des 
deux  débiteurs  qu'il  n'a  pas  poursuivi.  Car,  s'il  y  a  plu- 
ralité de  débiteurs,  il  y  a  unité  d'objet  dû  :  la  dette  du 
fidéjusseur  a  le  même  objet  que  celle  du  débiteur  principal, 
et  cet  objet  ne  peut  être  réclamé  qu'une  fois.  Cette  solution 
d'une  rigueur  extrême  était,  en  définitive,  contraire  au  but 
poursuivi  par  le  créancier.  S'il  a  demandé  qu'on  lui  fournît 
un  fidéjusseur,  c'est  pour  pouvoir  demander  à  celui-ci  ce 
qu'il  ne  peut  obtenir  du  débiteur  principal.  Ce  fut  également 
sous  Justinien  qu'on  se  départit  de  cette  inflexible  appli- 
cation des  principes.  Une  constitution  du  code  supprima 
l'effet  extinctif  de  la  litis  contestatio  et  permit  de  pour- 
suivre successivement  le  débiteur  principal  et  la  caution 
jusqu'à  parfait  payement.  3°  Enfin,  lorsque  plusieurs  fidé- 
jusseurs  cautionnaient  la  même  dette,  chacun  d'eux  ayant 
promis  le  tout  pouvait  être  poursuivi  pour  le  tout.  Un  res- 
crit  d'Adrien,  epistola  Hadriani,  introduisit  ici  en  faveur 
des  cautions  un  bénéfice  du  genre  de  celui  qu'avait  établi 
la  loi  Furia,  le  bénéfice  de  division.  4°  Lorsque  le  fidé- 
jusseur a  payé  tout  ou  partie  de  la  dette  qu'il  a  cautionnée, 
il  a  un  recours  contre  le  débiteur,  à  moins  qu'il  n'ait  agi 
animo  donandi.  Ce  recours  s'exerce  par  voie  d'action 
mandati  contraria  ou  negotiorum  gestorum  contraria. 
Mais  le  fidéjusseur  peut  avoir  d'autres  actions  à  sa  dispo- 
sition, s'il  a  usé  du  bénéfice  de  cession  d'actions  (V.  Béné- 
fice de  cession  d'actions,  t.  VI,  p.  143).         G.  May. 

Bibl.:  Gaius,  III,  115-127.  —  Paul,  Sent,  I,  20.  —  Oig., 
De  Fidejuss.,  XLVI,  1.—  Cod.  Justin.,  De  Fidejuss.,  VIII,  41. 
—  Inst.  de  Justin.,  III,  20.  —  Accarias,  Précis  de  droit  ro- 
main; Paris,  1886-1891,  4°  éd.,  t.  II,  n°  559-573.-  Ortolan, 
Explication  historique  des  Instituts,  11e  éd.,  par  Labbé, 
t.  II,  nos  1384-1409.  —  Mainz  ,  Cours  de  droit  romain  ; 
Bruxelles,  1877,  4°  éd.,  t.  II,  §§261,  262,  263.  —  Gaston  May, 
Eléments  de  droit  romain;  Paris,  1889-1890,  l10  éd.,  t.  Il, 
nos  559-573.  —  Kuntze,  Cursus  des  rômischen  Rechts  ; 
Leipzig,  1879,  in-8,  2°  éd.,  §§  662-665. 

FI  DELAI  RE  (Le).  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  d'Evreux, 
cant.  de  Conches;  1,054  hab. 

FIDÈLE  (V.  Catéchèse). 

FIDÉLITÉ  (Ordre  delà).  I.  Gréé  le  7  juin  1715,  par 
Charles-Guillaume,  margrave  de  Bade-Dourlach.  Il  fut  con- 
firmé le  8  mars  1803  par  Charles-Frédéric.  Les  membres 
se  divisaient  en  grands-croix  et  commandeurs,  mais,  à  partir 
du  17  juin  1840,  l'ordre  fut  composé  d'une  seule  classe  de 
chevaliers  qui  ne  peuvent  être  que  des  souverains  étrangers, 
des  membres  des  maisons  régnantes,  etc.  Ruban  jaune, 
une  raie  blanche  sur  chaque  bord. 

II.  Créé  en  Danemark  le  7  août  1732,  afin  de  perpétuer 
le  souvenir  du  mariage  de  son  fondateur,  Christian  VI, 
roi  de  Danemark,  avec  Sophie-Madeleine.  Il  fut  parfois 
désigné  sous  le  nom  d'ordre  de  V  Union  par  faite.  Il  était 
destiné  à  récompenser  les  personnes  qui  se  distinguaient 
par  leurs  vertus,  leurs  belles  actions  ou  leur  mérite.  Il  dis- 
parut à  la  mort  de  la  reine,  survenue  en  1770. 

FI  DÈN  ES.  Ville  des  Sabins  (Italie  ancienne),  au  confluent 
du  Tibre  et  d'Anio,  à  8  kil.  de  Rome.  Elle  fut  prise  une 
première  fois  par  Romulus.  En  653  av.  J.-C,  TullusHos- 
tilius  marcha  contre  les  Fidénates  révoltés  et  s'empara  de 
leur  ville  ;  il  se  contenta  de  faire  punir  les  chefs  de  la 
révolte.  Les  Etrusques,  dans  leur  lutte  contre  les  Romains, 
prennent  Fidènes  par  trahison  (594)  ;  mais,  l'année  sui- 
vante, Tarquin  l'Ancien  reprit  la  ville  ;  les  biens  des  habi- 
tants furent  partagés  entre  les  Romains  qu'il  y  laissa. 
Après  la  chute  de  la  royauté,  Fidènes  resta  l'alliée  des 
Tarquins  ;  assiégée  par  trois  fois,  elle  tomba  enfin  aux 
mains  du  consul  Latius  (496  av.  J.-C).  Les  habitants  se 
révoltèrent  de  nouveau  avec  les  Véiens,  en  435  av.  J.-C, 
et  massacrèrent  les  ambassadeurs  romains  ;  ils  profitèrent 
de  la  peste  qui  régnait  à  Rome  pour  s'avancer  jusqu'aux 
portes  de  la  cité  ;  le  dictateur  Serviiius  les  repousssa  et 
reprit  Fidènes.  Cette  ville  reçut  une  colonie  romaine  en 
425.  En  l'an  26  ap.  J.-C,  son  amphithéâtre  s'écroula  et 
tua  vingt  mille  spectateurs.  On  trouve  quelques  ruines  de 


l'ancienne  Fidènes  auprès  de  Castel  Giubileo  (T.L.,1,  IV  ; 
Dionys.,  liv.  III,  V).  C  Ganiayre. 

FIDENZI  (Giacomo-Antonio),  poète  italien,  né  à  Flo- 
rence vers  1596,  mort  en  1660.  Il  était  comédien  sous  le 
nom  de  Cintio,  et  remplissait  avec  grand  succès  les  rôles 
d'amoureux.  Il  a  laissé,  comme  poète,  un  recueil  de  vers  : 
Capprici  poetici  (Plaisance,  1652,  in-12)  et  un  ouvrage 
intitulé  Efjfetto  di  divozione  consagrato  al  merito  indi- 
cibile  di  due  famosi  in  amicizia,  Nicolo  Barbarigo 
e  Marco  Trevisano  (Venise,  1628,  in-4). 

Bibl.  :  Nelli,  Saggio  di  storia  letleraria  fiorentina  del 
secolo  XVII  ;  Lucques,  1759,  in-8. 

FIDEPROMISS10   (V.  Fidéjussion). 

FIDER1S.  Village  de  Suisse,  cant.  des  Grisons,  sur  la 
Landquart  ;  395  hab.  Dans  une  gorge  pittoresque  et  sau- 
vage se  trouvent  les  bains  très  renommés  du  même  nom  ; 
eaux  ferrugineuses. 

FI  DES  (Astron.).  Nom  du  37e  astéroïde  (V.  ce  mot). 

FIDIUS  (Dius).  Divinité  italique  protectrice  du  serment; 
on  prêtait  celui-ci  à  l'air  libre  (sub  divo).  Dius  Fidius  a 
été  identifié  avec  Semo  Sancus. 

FIDJI  (Iles)  (V.  Vitï). 

FIDONIE  (Fidonia  Tr.)  (Entom.).  Genre  de  Lépidop- 
tères, qui  a  donné  son  nom  à  la  famille  des  Fidonides,  dans 
la  grande  tribu  des  Phalénides.  Ses  représentants  sont  d'assez 
jolis  papillons,  généralement  de  couleur  jaune  ou  fauve,  avec 
des  dessins  ou  des  taches  noires  ou  brunes.  Les  antennes 
pectinées,  souvent  plumeuses  chez  les  mâles,  sont  simple- 
ment dentées  chez  les  femelles.  La  spiritrompe  est  nulle  ou 
rudimentaire,  et  le  thorax  court,  assez  robuste,  est  tantôt 
velu,  tantôt  couvert  d'écaillés  contiguës.  Leurs  chenilles 
allongées,  cylindriques,  vivent  sur  les  arbres  ou  les  plantes 
basses.  L'espèce  la  plus  importante.  F.  piniaria  L.,  est 
commune  en  France,  dans  les  bois  de  pins  où  elle  cause 
parfois  de  grands  dégâts.  Une  autre  espèce,  F.plumis- 
tar  la  Yiil.,  abonde  dans  les  garrigues,  aux  environs  de 
Montpellier.  Sa  chenille  jaunâtre,  maculée  de  brun,  vit  à 
découvert  sur  le  Dorycnium  suffruticoswn  L.,  de  la  fa- 
mille des  Légumineuses-Papilionacées.  Ed.  Lef. 

FIDUCIE  (Dr.  rom.).  Convention  par  laquelle  un  indi- 
vidu qui  reçoit  la  propriété  d'une  chose  s'engage  à  la 
retransférer  à  l'aliénateur  dans  certaines  conditions,  et  à 
l'aide  de  laquelle  on  pouvait  réaliser  des  nantissements, 
des  dépôts  et  même  des  prêts  à  usage,  soit  avant,  soit 
depuis  la  reconnaissance  des  contrats  de  dépôt,  de  gage 
et  de  commodat  (V.  ces  mots).  Cette  institution  a  disparu 
à  l'époque  de  Justinien,  et,  par  suite,  la  mention  en  a  été 
effacée  dans  les  textes  du  Digeste  et  du  Code.  Mais  des 
informations  assez  abondantes  nous  sont  fournies  sur  elle 
par  les  auteurs  littéraires,  les  Institut  es  de  Gaius,  les 
Sentences  de  Paul,  des  inscriptions  importantes,  et  enfin 
par  la  restitution  de  l'édit  du  préteur  où  un  procédé  ingé- 
nieux a  permis  de  retrouver  la  place  occupée  dans  l'édit 
et  les  commentaires  par  l'action  fiduciœ.  —  Quant  à  la 
sphère  d'application,  l'aliénation  fiduciaire,  qui  poursuit 
au  moyen  d'une  translation  de  propriété  le  même  but  que 
le  dépôt,  le  gage  et  le  commodat,  au  moyen  d'une  cession 
de  la  détention  ou  de  la  possession,  ne  peut  évidemment 
se  réaliser  que  par  des  modes  volontaires  d'aliéner.  Mais, 
tandis  que  la  convention  de  fiducie  peut,  selon  des  textes 
formels,  s'adjoindre  à  la  mancipation  et  à  Vin  jure  cessio, 
c'est  un  point  controversé  de  savoir  si  elle  peut  s'adjoindre 
à  la  tradition.  Il  faut,  croyons-nous,  répondre  négative- 
ment. —  Quant  à  l'effet  de  cette  convention,  une  opinion 
ancienne,  qui  a  encore  des  partisans,  prétend  qu'elle  aurait 
fait  naître  une  action  personnelle  en  restitution  dès  l'époque 
des  XII  Tables,  en  vertu  de  la  règle  in  nexo  mancipioque 
uti  lingua  nuncupassit  ita  jus  exto.  Beaucoup  d'inter- 
prètes admettent  tout  au  moins  que  l'action  fiduciœ  re- 
monte au  temps  des  Actions  de  la  loi.  A  notre  sens,  cette 
action,  qui  est  de  bonne  foi  et  qui  a  probablement  une 
formule  in  faction  à  côté  de  sa  formule  in  jus,  ne  peut 
être  antérieure  à  la  première  introduction  de  la  procédure 


FIDUCIE  —  FIEF 


—  414  — 


formulaire.  Jusque-là,  la  fiducie  trouva  ses  garanties  dans 
la  confiance  inspirée  par  l'acquéreur  à  l'aliénateur  (d'où 
son  nom  fiducia,  cf.  fides,  fidei  commissum),  et  aussi 
dans  une  certaine  facilité  légale  à  recouvrer  la  propriété 
par  un  an  sans  juste  titre  ni  bonne  foi,  par  cela  seul  que 
la  chose  rentrerait  dans  la  possession  de  l'aliénateur.  S'il 
voulait  la  garantie  d'une  action,  il  avait  la  ressource  de 
rendre  le  pacte  obligatoire  par  un  contrat  verbal,  de  la 
formule  duquel  viennent,  croyons-nous  avec  M.  Mommsen, 
les  mots  qui  sont  rapportés  par  Cicéron  (De  Off.,  3,  47, 
70)  et  que  d'autres  rapportent  à  la  legis  actio  fiduciœ. 
Postérieurement,  au  plus  tard  dans  la  seconde  moitié 
du  viie  siècle,  la  fiducie  est  devenue  un  véritable  contrat 
réel  nommé,  générateur  d'une  action  directe  en  exécu- 
tion et  d'une  action  contraire  en  indemnité  des  dépenses. 
Ainsi  sanctionnée  par  des  actions,  la  convention  de  fidu- 
cie a,  malgré  les  inconvénients  que  l'aliénation  fiduciaire 
semblep  résenter  au  point  de  vue  de  l'aliénateur,  subsisté 
durant  toute  la  période  classique  où  les  jurisconsultes 
commentent  non  seulement  la  fiducia  cum  creditore ,  à 
titre  onéreux,  mais  la  fiducia  cum  amico,  à  titre  gra- 
tuit, et  même  dans  lès  temps  postérieurs.  Elle  n'a  sans 
doute  disparu  que  par  contre-coup  de  la  désuétude  de  la 
mancipation  et  de  Vin  jure  cessio.  -      P.-F.  Girard. 

Bibl.  :  La  découverte  par  laquelle  M.  Otto  Lenel  a  dé- 
terminé la  place  de  la  fiducie  dans  Tédit  et  ses  commen- 
taires {Zeitschrift  der  Savigny-Stiftung,  1882,  III,  104  et 
suiv.,  117  et  suiv.;  Edictum  perpetuum,  1883,  pp.  232  et 
suiv.)  a  naturellement  donné  une  impulsion  '  nouvelle  à 
l'étude  de  cette  matière  en  même  temps  que  vieilli  en 
partie  les  travaux  antérieurs.  On  trouvera  une  bibliogra- 
phie complète  dans  les  deux  principales  monographies 
publiées  depuis  en  France  et  en  Allemagne,  celles  de 
M.  Jacquelin,  la.  Fiducie,  1891,  et  de  M.  Oertmann,  Die 
Fiducia  im  romischen  Privatrecht,  1890.  Ajoutez  A.  Per- 
nice,  Labeo,  1892,  III,  1,  pp.  120  et  suiv.,  et  Gôppert, 
Zeitschrift  der  Savigny-Stiftung,  1892,  XIII,  pp.  317  et  suiv. 

FIED  (Le).  Gom.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le- 
Saunier,  cant.  de  Voiteur  ;  361  hab. 

FIEF.  On  nommait  ainsi,  dans  l'ancien  droit  français, 
du  xie  au  xvme  siècle,  un  mode  spécial  de  tenure  qui 
s'appliquait  non  seulement  à  la  terre,  mais  à  toutes  sortes 
de  biens,  corporels  ou  incorporels,  et  qui  fut  l'institution 
la  plus  caractéristique  de  la  société  féodale.  Les  juris- 
consultes du  xvme  siècle  définissaient  le  fief  «  une  con- 
cession faite  à  charge  de  fidélité  et  de  service  noble,  avec 
réserve  d'un  droit  de  seigneurie  ».  Il  s'en  faut  de  beau- 
coup que  cette  définition,  exacte  pour  les  derniers  siècles 
de  l'ancien  régime,  le  soit  aussi  pour  les  premiers  temps 
de  la  féodalité.  Comme  les  autres  institutions  de  cette 
époque,  la  tenure  féodale  a  accompli  une  évolution  pendant 
laquelle  son  caractère  primitif  (et  par  conséquent  le  sens  du 
mot  par  lequel  on  la  désignait)  s'est  plusieurs  fois  mo- 
difié. Un  seul  caractère  a  constamment  persisté  :  le  fief 
a  toujours  été  une  tenure  par  concession,  grevée  de  ser- 
vices, c.-à-d.  le  contraire  de  la  propriété  libre,  de  l'alleu. 
Mais,  si  l'on  veut  préciser  davantage,  si  l'on  veut  déter- 
miner quels  étaient  les  biens  susceptibles  d'inféodation,  de 
quelle  nature  étaient  les  services  dus,  quelles  personnes 
pouvaient  tenir  un  fief,  quels  droits  leur  appartenaient,  il 
faut  établir  des  distinctions  suivant  les  époques;  car,  à 
ces  divers  égards,  les  usages  du  xie  siècle  n'étaient  pas 
conformes  aux  coutumes  du  xme  siècle,  ni  celles-ci  au  droit 
du  xvme.  Dans  l'étude  de  cette  institution,  on  distinguera 
donc  trois  états  successifs,  correspondant  à  trois  grandes 
périodes  dont  l'une  embrasse  le  xie  et  le  xne  siècles, 
la  seconde  le  xme  et  le  xrve  siècles,  la  troisième  les  siècles 
suivants  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime.  Avant  d'aborder 
cette  étude  historique,  il  convient  de  faire  deux  remarques  : 
la  première,  c'est  que,  dans  les  développements  qui  vont 
suivre,  on  n'envisagera  que  les  caractères  juridiques  de 
l'institution  ;  ses  origines  sociales  et  sa  fonction  politique 
ont  déjà  été  exposées  à  l'art.  Féodalité.  La  seconde,  c'est 
que  le  fief  n'était  pas  une  institution  spéciale  à  la  France, 
mais  commune  à  toute  l'Europe  du  moyen  âge,  qui  a  même 
existé  sous  des  noms  divers  à  d'autres  époques  et  chez 


d'autres  peuples  et  qui  se  retrouve  encore  dans  quelques 
régions  de  l'Afrique,  et  quelques  îles  de  l'Océanie  (V.  Féo- 
dalité, pp.  491,  495).  L'étude  comparative  du  fief  dans 
ces  divers  pays  aurait  de  beaucoup  dépassé  le  cadre  de  cet 
article  ;  aussi  a-t-on  dû  se  borner  à  étudier  avec  quelque 
détail  le  type  français. 

Première  période  :  xie-xne  siècles.  —  Le  mot  fief  vient 
du  gothique  faihu,  par  l'intermédiaire  des  formes  latines 
feus,  fevus,  fevodus,  feodus,  fendus,  et  des  formes  ro- 
manes feu,  fieu,  fiet,  fiez  (d'où  le  verbe  fever,  fîéver, 
fieffer,  c.-à-d.  gratifier  d'un  fief).  Le  mot  faihu  signifiait 
primitivement  bétail  (cf.  l'allemand  moderne  :  Vîeh);  puis, 
par  une  association  d'idées  analogue  à  celle  qui  fit  dériver 
en  latin  pecunia  de  pecus,  il  prit  le  sens  plus  général 
d'objet  échangeable  et  appréciable  en  argent,  de  bien  mo- 
bilier, enfin  d'immeuble  :  feus  et  feodus  signifient  souvent, 
dans  les  chartes  du  ixe  siècle,  revenu  payé  en  nature,  cens 
ou  redevance  fixe  représentant  un  bien-fonds,  et  par  suite 
ce  bien-fonds  lui-même.  Au  xe  et  au  xie  siècle,  ces  mots 
étaient  synonymes  de  terra  censalis,  censuale,  et  dési- 
gnaient vulgairement  toute  terre  et  tout  office  concédés  à 
charge  de  cens  ou  de  prestation  corporelle  ;  puis,  vers  la 
fin  du  xie  siècle,  par  un  emprunt  au  parler  vulgaire,  ils 
furent  également  appliqués  aux  concessions  de  terres  et  de 
droits  lucratifs  que  le  senior  faisait  à  ses  compagnons 
d'armes  ou  à  ses  vassi,  et  que  l'on  désignait  jusqu'alors 
sous  le  nom  de  bénéficia  ou  ^honores  (acte  de  4087  : 
beneficium,  quod  vulgo  dicitur  feodum).  Dès  lors,  sous 
ses  diverses  formes  latines  ou  françaises,  le  mot  fief  devint, 
de  préférence  à  tout  autre,  le  terme  habituel  et  général 
par  lequel  on  désigna  toute  concession  faite  à  charge  de 
service,  quel  que  fût  l'objet  concédé  et  quelle  que  fût 
la  nature  du  service.  On  étendit  le  même  nom  à  la  chose 
qui  était  l'objet  de  la  concession,  et  l'on  appela  fievé,  fieffé 
ou  feudataire  (fevatus,  feodatarius)  quiconque  recevait 
une  de  ces  concessions.  Ainsi  on  donnait  en  fief  non  seu- 
lement des  terres  ou  des  maisons,  mais  des  serfs,  des  reve- 
nus fonciers  (cens* ou  prestation  en  nature),  des  profits  de 
justice,  des  péages,  des  dîmes  ecclésiastiques,  des  pensions 
en  argent  (feoda  nummorum,  de  caméra),  des  offices  de 
toutes  sortes,  depuis  les  fonctions  d'ordre  administratif  ou 
judiciaire  (feoda  servientis,  majoratus,  advocacie), 
jusqu'aux  métiers  manuels  de  charpentier,  de  boulanger, 
de  meunier,  de  cuisinier  (feoda  carpentarii,  pistoris, 
molendinarii,  de  coquina).  Les  services  stipulés  en  retour 
de  la  concession  variaient  aussi  à  l'infini  ;  tantôt  ils  étaient 
de  l'ordre  le  plus  élevé  et  consistaient  en  une  assistance 
personnelle  due  au  concédant  pour  la  défense  de  sa  per- 
sonne et  de  ses  biens  ou  pour  l'exercice  de  ses  droits  sou- 
verains (service  militaire,  service  judiciaire,  aides  loyaux); 
tantôt  ils  consistaient  uniquement  à  remplir  au  profit  du 
concédant  une  fonction  ou  un  office  déterminé,  à  être  son 
intendant,  son  prévôt,  son  sergent,  son  chapelain,  son 
charpentier  ou  son  cuisinier;  tantôt  enfin  ils  se  réduisaient 
à  des  redevances  périodiques  en  argent  ou  en  nature  (cen- 
sus)  ou  à  des  services  corporels  (corporis  operœ).  De 
même  que  tout  service  pouvait  être  la  charge  d'un  fief,  de 
même  toute  personne,  quel  que  fût  son  rang  dans  la  so- 
ciété, pouvait  recevoir  une  de  ces  concessions  :  on  voit,  au 
xe  et  au  xie  siècle,  des  fiefs  tenus  non  seulement  par  des 
nobles,  soldats,  propriétaires  ou  gens  d'Eglise,  mais  par 
des  paysans  libres,  par  des  artisans  de  tout  métier  et  même 
par  des  serfs.  En  somme,  à  cette  époque,  le  fief  n'avait 
point,  comme  il  l'eut  plus  tard,  un  caractère  essentiellement 
noble  ;  il  y  avait  beaucoup  de  fiefs  roturiers  et  même  ser- 
viles.  Au  point  de  vue  de  la  propriété  foncière,  on  donnait 
d'une  manière  générale  le  nom  de  fief  à  toutes  les  tenures 
par  concession,  non  seulement  à  celles  qui  avaient  pour 
contre-partie  les  obligations  de  la  vassalité,  mais  aussi  à 
celles  qui  n'avaient  pour  objet  que  la  mise  en  valeur  des 
terres,  c.-à-d.  que  l'on  désignait  précédemment  sous 
le  nom  de  précaires  et  que  l'on  nommera  plus  tard 
vilenages,  rotures,  censives,  etc.  Les  seules  terres  aux- 


—  415 


FIEF 


quelles  ne  convenait  pas  cette  dénomination  étaient  les 
terres  libres  de  toute  charge  (alodium,  alleu)  et  les  terres 
que  le  maître  s'était  réservées  en  propre  dans  son  domaine 
(dominicum). 

Si  tout  fief  était  un  bien  concédé  à  charge  de  services, 
on  aurait  tort  d'en  conclure  que  dans  toute  constitution 
de  fief  le  concédant  fît  réellement  abandon  d'une  de  ses 
terres  ou  d'un  de  ses  droits.  Souvent  la  concession  était 
fictive,  et  la  terre  qu'un  homme  recevait  en  fief  n'était 
autre  que  celle  dont  il  avait  été  jusqu'alors  le  libre  pro- 
priétaire, mais  dont  il  avait  dû,  sous  la  pression  de  la 
violence  ou  par  besoin  de  protection,  abandonner  la  pleine 
propriété  à  un  homme  plus  puissant  que  lui.  Toutefois, 
dans  un  cas  comme  dans  l'autre,  qu'il  y  eût  don  véritable 
ou  simple  changement  du  titre  auquel  le  bien  était  possédé, 
l'acte  juridique  d'où  procédait  le  fief  était  le  même  ;  c'était 
toujours  un  accord  de  volontés,  un  contrat,  tantôt  libre, 
tantôt  imposé,  entre  deux  personnes  dont  l'une  faisait  la 
concession  et  dont  l'autre  promettait  les  services  stipulés. 

—  Les  caractères  essentiels  de  ce  contrat  étaient  emprun- 
tés aux  concessions  foncières  qui  portaient,  à  l'époque 
franque,  le  nom  de  bénéfices  et  de  précaires.  On  sait  com- 
ment, au  ixe  siècle,  le  bénéfice  s'était  transformé,  par  sa 
combinaison  avec  le  lien  de  vassalité,  en  un  véritable  con- 
trat synallagmatique,  comment  le  don  fait  par  le  senior 
d'une  terre  ou  de  droits  pécuniaires  était  devenu  la  contre- 
partie habituelle  de  l'engagement  par  lequel  le  vassus  pro- 
mettait sa  fidélité  et  ses  services  (V.  Bénéfice).  De  même 
dans  la  plupart  des  précaires  et  des  autres  contrats  d'exploi- 
tation agricole  qui  datent  de  la  même  époque,  le  précariste 
n'entrait  en  jouissance  de  la  terre  concédée  qu'après  s'être 
lié  par  un  engagement  personnel  plus  ou  moins  étroit 
(oblatio,  commendatio)  envers  l'Eglise  ou  le  propriétaire 
laïque  à  qui  cette  terre  appartenait.. Or,  ce  double  élément, 

—  concession  réelle,  engagement  personnel,  —  qui  inter- 
venait habituellement  à  la  fin  de  l'époque  carolingienne 
dans  toute  constitution  de  bénéfice  ou  de  précaire,  fut 
l'essence  même  du  contrat  de  fief.  Ce  contrat,  tel  qu'il 
apparaît  dans  les  documents  privés  et  dans  les  textes  juri- 
diques qui  se  rapportent  au  xe  et  au  xie  siècle,  se  réalisait 
au  moyen  de  deux  actes  distincts.  4°  V engagement  per- 
sonnel que  l'un  des  contractants  prenait  envers  l'autre  de 
se  fier  à  lui  et  de  se  mettre  en  sa  dépendance,  de  le  re- 
connaître pour  son  seigneur  ou  son  suzerain  (senior,  su- 
peranus) et  d'être  son  homme  ou  son  vassal  (homo,  vas- 
sallus).  Cet  engagement  portait  alors  indifféremment  le 
nom  de  foi  (fides,  fidelitas)  ou  celui  d'hommage  (homi- 
nium),  car  la  distinction  précise  que  l'on  fit,  au  xme  siècle, 
entre  ces  deux  termes,  n'existait  pas  dans  les  premiers 
temps  de  la  féodalité.  Il  se  contractait  sous  une  forme  solen- 
nelle, qui  rappelait  l'acte  par  lequel  le  vassus  carolingien 
se  recommandait  à  son  senior,  et  qui  était  l'application 
de  la  forme  juridique  la  plus  généralement  employée  pour 
créer  des  obligations  (fides  fada,  fidei  datio).  Le  vassal 
mettait  ses  mains  entre  celles  de  son  seigneur  et  s'enga- 
geait par  ces  mots  ou  par  une  formule  équivalente  :  «  Sire, 
je  deviens  vostre  home  de  tel  fié,  et  vous  promets  féauté 
et  loiauté  de  ce  jour  en  avant...  »  Le  seigneur  l'embrassait 
en  signe  de  paix  et  déclarait  le  recevoir  pour  son  homme. 
On  devait  faire  hommage  en  cette  forme  solennelle  avant 
toute  concession  de  fief,  même  lorsque,  par  suite  d'enga- 
gements antérieurs,  on  était  déjà  le  vassal  du  seigneur  qui 
faisait  la  concession.  On  le  devait,  même  quand"  les  fiefs 
étaient  des  terres  cultivables  ou  des  offices  inférieurs  con- 
cédés sous  l'obligation  de  payer  un  cens  ou  d'acquitter  des 
services  domestiques,  car  on  voit  souvent,  dans  les  textes 
du  xie  siècle,  des  tenanciers  et  des  agents  subalternes  en- 
gager leur  foi  au  seigneur  dont  ils  tenaient  leur  fief  et 
recevoir  le  nom  de  fidèles.  —  2°  L 'investiture  ou  tradi- 
tion du  fief,  que  le  seigneur  faisait  ordinairement  sous 
forme  symbolique,  conformément  aux  traditions  germaines, 
en  remettant  au  vassal  un  objet  mobilier  qui  représentait 
l'immeuble,  le  droit  ou  l'office  inféodé  (par  exemple,  une 


motte  de  gazon,  une  branche  d'arbre,  un  gond  de  porte, 
une  épée,  un  bâton,  un  anneau,  un  gant,  etc.).  Aussitôt 
après,  quand  il  s'agissait  d'une  terre  inféodée,  pour  cons- 
tater d'une  manière  indubitable  l'étendue  et  la  contenance 
du  fief,  le  vassal  devait  se  rendre  sur  les  lieux  avec  le  sei- 
gneur ou  son  sergent  et  là  faire  «  monstrée  d'héritage  » 
(ostensio  terrœ),  c.-à-d.  en  dresser  un  état  descriptif  qui 
faisait  foi  pour  ou  contre  lui. 

Ces  deux  actes  étaient  également  essentiels  à  la  forma- 
tion du  contrat  de  fief,  puisque  la  foi  était  la  condition  né- 
cessaire et  préalable  de  l'investiture  ;  mais,  pris  en  eux- 
mêmes,  ils  étaient  de  nature  très  diverse  et  avaient,  dans 
le  contrat,  chacun  une  fonction  différente.  L'engagement 
personnel,  la  foi  prêtée  par  le  vassal  et  acceptée  par  le 
seigneur,  n'était  que  l'application  particulière  d'un  fait  gé- 
néral, plus  lar^e  que  l'inféodation,  auquel  se  ramenaient 
toutes  les  manifestations  delà  vie  sociale  :  l'association  pri- 
vée, la  relation  d'homme  à  homme  qui,  dans  l'effondrement 
delà  monarchie  carolingienne,  s'était  partout  substituée  aux 
relations  publiques  des  particuliers  avec  l'Etat  (V.  Féoda- 
lité, p.  203).  C'est  par  la  foi  jurée  que  s'établissent  tous 
les  liens  de  protection  et  de  subordination  réciproque  qui 
unissent  alors  le  chef  de  clan,  propriétaire  et  guerrier, 
aux  parents,  compagnons  et  serviteurs  qui  composent  sa 
«  maisnie  »,  aux  étrangers  qui  ont  associé  leur  fortune  à  la 
sienne,  aux  vassaux,  tenanciers,  artisans  et  serfs  qui  dépen- 
dent de  lui  à  un  titre  quelconque.  Sans  doute,  à  cette  époque 
de  violence  et  d'anarchie  où  la  foi  jurée  était  souvent  violée 
quand  elle  n'avait  pas  l'appui  de  la  force,  celui  qui  s'en- 
gageait demandait  une  garantie  matérielle,  et  la  concession 
d'un  fief  était  le  plus  souvent  la  condition  mise  a  l'enga- 
gement vassalique.  Mais  on  pouvait  aussi  être  l'homme,  le 
fidèle  d'un  seigneur  sans  être  son  feudataire,  sans  avoir 
reçu  de  lui  une  terre,  un  office  ou  un  bien  quelconque  ; 
c'était  le  cas  de  beaucoup  de  gens  nés  dans  sa  maison  ou 
sur  ses  terres,  d'étrangers  soumis  à  son  autorité  par  un 
assujettissement  volontaire  ou  par  une  contrainte  impo- 
sée. Or  quand  elle  était  prêtée  dans  le  contrat  de  fief,  la 
foi  produisait  le  même  effet  que  lorsqu'elle  était  prêtée 
en  dehors  de  toute  concession  féodale  ;  elle  liait  l'homme  à 
l'homme,  et  c'est  d'elle  que  dérivaient  pour  le  vassal  les 
devoirs  de  fidélité  et  d'assistance,  pour  le  seigneur  les  de- 
voirs de  loyauté  et  de  protection  qui  constituaient,  comme 
on  le  verra,  les  obligations  primordiales  du  contrat  de  fief. 
Cette  fidélité  jurée  entre  deux  personnes  était  si  bien  l'élé- 
ment juridique  sur  lequel  reposait  tout  le  contrat,  que, 
lorsqu'elle  prenait  fin  par  la  mort  de  l'une  d'elles,  le  con- 
trat était  rompu  de  plein  droit  ;  et  pour  que  la  concession 
féodale  subsistât,  il  fallait  qu'un  nouvel  hommage  rétablît 
le  lien  de  fidélité  entre  les  nouveaux  contractants.  —  Quant 
à  l'investiture  du  fief,  ce  n'était  pas,  comme  la  tradition 
dans  le  contrat  de  vente,  la  simple  exécution  d'une  con- 
vention antérieure  ;  elle  introduisait  dans  le  contrat  un 
élément  nouveau  qui  le  distinguait  profondément  du  vasse- 
lage  personnel  (commendatio).  Si  elle  ne  créait  pas  les 
devoirs  du  vassal,  elle  leur  donnait  un  caractère  plus  pré- 
cis et  plus  étroit;  car  la  nature  et  l'importance  du  fief  con- 
cédé, les  clauses  et  stipulations  qui  accompagnaient  l'in- 
vestiture déterminaient  la  qualité  et  l'étendue  des  services 
que  le  seigneur  pouvait  requérir.  D'autre  part,  le  fief  con- 
cédé était  la  garantie  matérielle  qui  assurait  au  vassal  la 
protection  que  le  seigneur  lui  avait  promise,  au  seigneur 
l'exécution  des  engagements  que  le  vassal  avait  pris  envers 
lui.  —  En  somme,  l'inféodation  était  un  contrat  d'un  genre 
particulier,  à  certains  égards  consensuel,  à  d'autres  réel  ; 
les  parties  étaient  attachées  Fune  à  l'autre  par  un  double 
lien,  l'un  qui  venait  de  la  fidélité  jurée,  l'autre  qui  venait 
de  la  chose  inféodée  ;  et  ce  double  lien  se  traduisait  dans  le 
langage  par  les  deux  qualifications  que  l'on  donnait  à  qui- 
conque avait  reçu  un  fief  :  celle  de  vassal  exprimant  la 
relation  personnelle,  celle  de  feudataire  exprimant  la  re- 
lation réelle  qui  l'unissait  à  son  seigneur. 

Le  contrat  de  fief  avait  pour  effet  de  conférer  des  droits 


FIEF 


—  416  — 


et  d'imposer  des  obligations  à  chacune  des  parties  contrac- 
tantes. Les  droits  que  le  vassal  acquérait  étaient:  1°  le 
droit  de  recourir  en  toute  circonstance,  pour  lui-même, 
pour  sa  famille,  ses  gens  et  ses  biens,  à  la  protection  de 
son  seigneur,  soit  en  faisant  appel  à  sa  cour  de  justice, 
soit  en  réclamant  son  intervention  armée  ;  2°  des  droits 
lucratifs  sur  le  fief  concédé,  c.-à-d.  quand  il  s'agissait  d'un 
office,  le  droit  exclusif  de  l'exercer  et  d'en  percevoir  les 
profits  ;  quand  il  s'agissait  d'une  terre,  le  droit  de  l'occuper, 
de  jouir  de  tous  les  revenus,  à  l'exception  de  ceux  que  le 
seigneur  s'était  expressément  réservés.  Le  pouvoir  qu'il 
acquérait  ainsi  sur  le  bien  inféodé  n'était  pas  un  droit  de 
pleine  propriété,  car  il  n'avait  pas  la  libre  disposition  de 
ce  bien  sur  lequel  le  seigneur  gardait,  comme  on  le  verra, 
un  droit  supérieur.  Ce  n'était  pas  non  plus  un  droit  de 
possession  au  sens  romain  du  mot  (car  il  manquait  Yani- 
mus  domini)  ;  c'était  un  droit  mixte,  que  les  textes  appe- 
laient vestitura,  qui  se  rapprochait  en  droit  de  la  détention 
précaire  du  fermier  ou  de  l'usufruitier,  mais  qui  souvent 
comportait  en  fait  des  avantages  beaucoup  plus  étendus. 
—  Les  obligations  du  vassal  étaient  :  1°  des  devoirs  de  fidé- 
lité ,  dont  la  formule  la  plus  complète  a  été  donnée  dans 
une  lettre  célèbre  adressée,  en  1020,  au  duc  d'Aquitaine 
par  Fulbert,  évêque  de  Chartres  :  ne  porter  aucune  atteinte 
ni  à  sa  personne,  ni  à  sa  demeure,  ni  à  ses  domaines,  ni  à 
ses  prérogatives  seigneuriales,  ni  à  sa  liberté  d'action  ; 
l'assister  à  toute  réquisition  par  conseil  ou  par  acte  (con- 
silium  et  auxilium)  ;  2°  des  services  plus  précis,  dont 
la  nature  et  l'étendue  variaient  suivant  les  conditions  par- 
ticulières de  chaque  concession  :  dans  les  fiefs  territoriaux 
les  plus  importants,  c'étaient  le  service  militaire  (servitium 
in  campo)  qui  consistait  dans  l'ost  et  la  chevauchée,  le 
service  de  fiance  ou  de  cour  (servitium  in  curte,  placi- 
tum,  justitia,  fiducie)  qui  consistait  à  se  rendre  à  la  cour 
du  seigneur,  soit  pour  lui  donner  conseil  dans  tous  les  cas 
importants,  soit  pour  juger,  soit  pour  répondre  à  une  accu- 
sation judiciaire,  les  aides  loyaux  ou  chevels  (auxilia 
legalia,  capitalia)  qui  consistaient  en  prestations  pécu- 
niaires exigibles  dans  les  cas  déterminés  par  la  coutume  ; 
dans  les  autres  fiefs,  c'était  tantôt  l'exercice  d'une  fonction 
administrative  ou  d'un  métier  manuel,  tantôt  le  payement 
d'un  cens  en  argent  ou  en  nature  ;  3°  l'obligation  de  main- 
tenir le  fief  dans  l'état  oh  il  était  au  moment  de  l'investi- 
ture, de  façon  à  pouvoir  le  restituer,  le  cas  échéant,  dans 
son  intégralité  :  de  là  découlait  l'interdiction  de  l'aliéner, 
de  le  démembrer  par  des  sous-inféodations,  de  l'abréger  en 
aucune  manière.  Toutefois,  des  conventions  particulières 
venaient  souvent  déroger  à  cette  règle  et  le  vassal  obtenait 
aisément,  moyennant  une  indemnité,  l'autorisation  d'aliéner 
le  fief  en  tout  ou  en  partie.  —  Les  droits  qui  apparte- 
naient au  seigneur  en  vertu  du  contrat  de  fief  étaient  cor- 
rélatifs aux  obligations  du  vassal  et  consistaient  à  requérir 
les  services  promis  dans  la  mesure  et  aux  époques  fixées 
par  la  convention  ou  par  l'usage.  Si  le  vassal  négligeait  ou 
refusait  de  s'acquitter  de  ses  diverses  obligations,  le  sei- 
gneur avait  pour  le  contraindre  une  énergique  sanction  : 
c'était  la  saisie  temporaire  du  fief,  qu'il  occupait  et  dont  il 
s'attribuait  les  revenus  jusqu'à  ce  cju'il  eût  obtenu  satis- 
faction. Les  devoirs  du  seigneur  étaient  d'assister  le  vassal 
par  acte  et  conseil  en  toute  circonstance  importante  (non 
seulement  en  cas  d'attaque  ou  de  danger,  mais  quand  il 
voulait  céder  ses  biens,  en  acquérir  d'autres,  se  marier, 
entreprendre  un  voyage,  etc.),  de  ne  nuire  en  aucune  façon 
à  sa  personne  ni  à  ses  biens,  de  lui  garantir,  tant  que  les 
devoirs  féodaux  étaient  remplis,  la  jouissance  paisible  et 
complète  du  fief  qu'il  lui  avait  concédé,  et  de  se  charger 
après  sa  mort  de  la  garde  et  de  l'éducation  de  ses  enfants. 
Le  contrat  de  fief  prenait  fin  dans  deux  circonstances  : 
1°  par  défi  (defedaiio),  c.-à-d.  par  rupture  de  la  foi  jurée  ; 
quand  le  vassal  commettait  un  acte  de  félonie  envers  son 
seigneur  (comme  de  l'abandonner  en  temps  de  guerre,  de 
prendre  les  armes  contre  lui,  de  le  frapper  ou  d'attenter  à 
son  honneur)  ou  réciproquement  quand  le  seigneur  se  ren- 


dait coupable  d'une  pareille  félonie  envers  son  vassal,  le 
lien  qui  les  unissait  était  brisé  par  une  déclaration  formelle , 
par  une  sorte  d'abjuration  accompagnée  d'actes  symbo- 
liques (exfestucatio,  rupture  du  fétu);  la  conséquence 
était,  d'une  part,  que  le  vassal  se  trouvait  libéré  de  tout 
devoir  et  de  tout  service,  d'autre  part,  que  le  seigneur  fai- 
sait prononcer  par  sa  cour  une  sentence  en  vertu  de  la- 
quelle il  reprenait  le  fief  concédé  et  confisquait  même,  à 
titre  de  peine,  l'alleu  que  pouvait  posséder  son  ancien  vas- 
sal ;  2°  par  la  mort  de  l'un  des  contractants.  Le  lien  féodal, 
ayant  un  caractère  essentiellement  personnel,  était  par  là 
même  viager,  et  prenait  fin  non  seulement  à  la  mort  du 
vassal,  mais  aussi  à  la  mort  du  seigneur.  Toutefois,  il  arri- 
vait souvent,  comme  déjà  pour  les  bénéfices  de  l'époque 
carolingienne,  que  ce  principe  rigoureux  était  corrigé  par 
des  conventions  privées  ou  par  des  coutumes  locales,  et 
que  le  fief  subsistait,  après  la  mort  du  seigneur,  pendant 
toute  la  vie  du  vassal,  ou  même,  qu'après  la  mort  de  ce 
dernier,  il  devenait  transmissible  à  sa  femme,  à  ses  enfants 
et  à  ses  petits-enfants.  Mais,  comme  c'était  là  une  tolérance 
contraire  aux  principes  et  parfois  nuisible  aux  intérêts  sei- 
gneuriaux, le  vassal  qui  conservait  le  fief  à  la  mort  de  son 
seigneur  et  l'héritier  du  vassal  qui  lui  succédait  dans  son 
fief  durent,  au  moins  dans  la  forme,  renouer  le  contrat  par 
un  nouvel  hommage  suivi  d'une  nouvelle  investiture  ;  ils 
durent  également  payer  à  cette  occasion  une  indemnité 
fiscale  (relevium,  relief;  reacaptum,  rachat),  dont  le 
taux,  réglé  à  l'amiable,  variait  pour  chaque  fief.  Dès  la  fin 
du  xie  siècle,  la  majorité  des  fiefs  étaient  devenus,  en  fait, 
héréditaires  par  une  possession  prolongée,  par  une  sorte  de 
prescription  ;  toutefois  le  caractère  viager  persistait  encore 
dans  un  assez  grand  nombre. 

Deuxième  période  :  xme-xive  siècles.  —  Au  commen- 
cement du  xme  siècle,  le  fiel  subit  deux  principales 
transformations.  1°  Une  distinction  s'établit  parmi  les 
tenures  par  concession,  qui  jusque-là  étaient  toutes 
comprises  sous  la  dénomination  générale  du  fief  :  celles 
qui  n'étaient  grevées  que  de  services  roturiers  ou  de  rede- 
vances pécuniaires  prirent,  dans  quelques  régions  dès  le 
xne  siècle,  et  généralement  à  partir  du  xme,  le  nom  de 
rotures,  vilenages  ou  censives;  celles  qui  étaient  gre- 
vées de  services  nobles,  c.-à-d.  du  service  militaire,  du 
service  de  cour,  de  fonctions  réputées  honorables,  gardè- 
rent seules  le  nom  de  fiefs.  A  part  quelques  règles  qui  res- 
tèrent communes  à  ces  deux  catégories  de  tenures,  la  cou- 
tume établit  entre  les  unes  et  les  autres  de  profondes 
différences,  dont  la  principale  était  que  la  tenure  roturière 
ne  comportait  ni  foi  ni  hommage,  tandis  que  la  prestation 
d'hommage  devint  le  signe  distmctif  du  fief.  Les  causes  qui 
amenèrent  cette  première  transformation  sont  assez  obs- 
cures. On  peut  cependant  remarquer  que,  dans  les  fiefs 
concédés  à  des  paysans,  à  des  artisans,  à  des  agents  infé- 
rieurs, «  la  foi  engagée  ne  venait  qu'en  sous-ordre  ».  La 
raison  principale  qui  avait  déterminé  le  seigneur  à  faire  la 
concession  n'était  pas  de  s'assurer  la  fidélité  personnelle 
du  tenancier,  mais  de  mettre  en  valeur  ses  terres,  de  se 
procurer  les  revenus  ou  les  services  dont  il  avait  besoin 
pour  l'entretien  de  sa  maison  et  l'exploitation  de  ses  do- 
maines. «  Le  tenancier,  de  son  côté,  recherchait  avant  tout 
la  terre  qui  le  nourrissait,  le  toit  qui  abritait  sa  famille,  la 
part  de  revenu  que  le  seigneur  lui  abandonnait  et  qui  l'ai- 
dait à  vivre.  De  part  et  d'autre,  des  avantages  matériels  dé- 
finis étaient  la  base  fondamentale  de  la  relation  nouée  entre 
le  tenancier  et  le  seigneur  et  reléguaient  au  second  plan  le 
lien  personnel.  »  D'ailleurs,  à  mesure  que  la  société  féodale 
s'organisait,  la  seigneurie  prenait  un  caractère  nettement 
territorial  (V.  Féodalité,  pp.  206,  214),  et  pour  avoir 
autorité  sur  les  roturiers  qui  habitaient  leurs  terres,  les  sei- 
gneurs fonciers  n'avaient  plus  besoin  d'invoquer  la  foi  jurée, 
l'hommage  personnel  ;  il  suffisait  que  ces  hommes  fussent 
«  levants  et  couchants  »  sur-  leurs  terres  pour  se  trouver, 
jusqu'à  preuve  contraire,  soumis  à  leur  pouvoir.  On  en 
vint  ainsi  à  supprimer  dans  ces  concessions  roturières  tout 


ce  qui  impliquait  un  lien  personnel,  notamment  l'hommage, 
à  réduire  le  contrat  à  des  prestations  réelles  et  à  des  sti- 
pulations pécuniaires  qui  lui  donnaient  un  caractère  assez 
différent  de  son  caractère  primitif  pour  justifier  une  déno- 
mination nouvelle. —  Toutefois,  il  importe  de  remarquer  que 
les  fiefs  roturiers  ne  disparurent  pas  entièrement.  Dans 
quelques  régions  de  la  France,  notamment  en  Languedoc,  en 
Bretagne  et  en  Normandie,  le  mot  fief  conserva  son  ancienne 
acception,  et  la  censive  resta  inconnue.  Même  dans  leParisis 
et  la  région  environnante,  on  donnait  encore  à  la  fin  du 
xme  siècle  le  nom  de  fie f  s  vilains  à  des  concessions  roturières 
(V.  les  Constitutions  démenées  el  Châtelet  de  Paris, 
§  65).  Aussi  pour  éviter  tout  équivoque,  quand  on  voulait 
parler  d'une  concession  noble,  ajoutait-on  souvent  au  mot 
fief  une  épithète  qui  indiquait  cette  qualité  (franc- fief, 
fief  noble). 

2°  Tout  en  gardant  d'une  manière  à  peu  près  exclusive 
le  nom  de  fiefs,  les  concessions  faites  à  charge  d'hommage 
et  de  service  noble  perdirent  aussi  quelque  chose  de  leur 
caractère  primitif.  Sans  disparaître  entièrement  comme  dans 
les  concessions  roturières,  le  lien  personnel  s'atténua  sen- 
siblement, et  le  lien  réel  prit  une  importance  qui  en  fil  l'élé- 
ment principal  du  contrat  de  fief.  Trois  circonstances  pa- 
raissent avoir,  plus  que  toute  autre  cause,  influé  sur  cette 
transformation.  La  première  est  la  coutume  universelle- 
ment établie  au  xne  siècle,  en  vertu  de  laquelle  tout  fief  fut 
considéré  comme  héréditaire.  Sans  doute  le  renouvellement 
de  l'hommage,  le  payement  du  droit  de  relief,  rappelaient 
le  lien  personnel  qu'il  fallait  renouer  ;  mais  on  s'habitua 
à  y  voir  surtout  une  forme  traditionnelle  et  une  exigence 
fiscale;  au  fond,  c'était  le  fief  lui-même  qui,  dans  la  famille 
du  vassal  originaire,  perpétuait  vraiment  le  contrat  et  assu- 
rait au  suzerain  la  foi  et  les  services  du  nouveau  vassal. 
La  seconde  cause  fut  l'influence  considérable  exercée  par 
l'Eglise  comme  propriétaire  foncier.  Les  monastères,  les 
évêchés  et  les  chapitres  avaient  des  vassaux  et  se  trouvaient 
eux-mêmes  soumis,  comme  détenteurs  de  fiefs,  aux  obliga- 
tons  de  la  vassalité  (V.  Féodalité,  p.  213).  Or,  entre  ces 
communautés  et  leurs  vassaux  ou  leurs  suzerains,  le  lien 
personnel  ne  pouvait  être  vivace;  les  rapports  féodaux 
n'étaient  point  fondés  sur  cette  fidélité  d'homme  à  homme 
qui  impliquait  un  dévouement  absolu  et  des  services  spon- 
tanés, mais  sur  des  stipulations  écrites  et  précises  emprun- 
tées aux  anciennes  conventions  de  précaire.  Dans  les  con- 
trats de  fief  où  un  établissement  ecclésiastique  intervenait 
comme  suzerain  ou  comme  vassal,  l'acte  essentiel  n'était 
pas  la  prestation  de  foi,  mais  la  promesse  formelle  d'un 
service  déterminé,  garantie  par  des  clauses  résolutoires.  Il 
faut,  en  troisième  lieu,  tenir  compte  delà  multiplication  et 
de  la  complication  des  liens  féodaux,  qui  se  produisit  pen- 
dant le  cours  du  xne  siècle,  principalement  dans  les  grands 
fiefs  où  le  suzerain  cherchait,  pour  mieux  asseoir  son  au- 
torité, à  établir  un  lien  direct  entre  lui  et  ses  arrière- vas- 
saux (V.  Féodalité,  p.  221).  Il  arrivait  souvent  qu'un 
vassal  avait  plusieurs  seigneurs  ;  la  foi  due  à  chacun  d'eux 
était,  par  là  même,  moins  sûre  et  moins  complète.  D'autre 
part,  les  guerres  régionales,  les  expéditions  lointaines  exi- 
geaient une  plus  forte  levée  de  combattants  et  de  deniers. 
L'essentiel  pour  le  haut  baron  n'était  donc  plus  de  s'assu- 
rer le  dévouement  personnel  du  vassal,  mais  d'avoir  un 
nombre  de  soldats  et  un  chiffre  de  revenus  proportionnés 
à  l'importance  du  fief  concédé.  De  ces  causes  diverses  il 
résulta  que  dès  le  commencement  du  xme  siècle,  dans  le 
plus  grand  nombre  des  contrats  de  fief,  au  service  person- 
nel illimité  qui  procédait  de  la  foi,  se  substituèrent  d'une 
manière  exclusive  les  charges  réelles  et  les  obligations  fixes 
qui  correspondaient  au  bien  concédé. L'engagement  d'homme 
à  homme  n'eut  plus  qu'un  caractère  abstrait  et  une  valeur 
de  pure  forme.  Les  droits  et  les  devoirs  réciproques  du 
vassal  et  du  seigneur  furent  rattachés  à  la  concession 
réelle.  Le  service  militaire  du  vassal,  son  service  de  cour, 
les  aides  dont  il  était  tenu,  l'office  dont  il  était  investi,  ré- 
glementés par  des  clauses  expresses  ou  par  la  coutume  lo- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


—  417  —  FIEF 

cale,  toujours  proportionnés  à  l'importance  du  fief,  appa- 
rurent comme  des  charges  foncières,  au  même  titre  que 
les  droits  d'investiture,  de  relief,  de  gîte  et  de  procura- 
tion. Désormais,  en  droit  comme  en  fait,  ce  fut  le  fief 
lui-même  qui  devint  la  base  du  contrat  féodal  et  le  lien 
véritable  entre  le  vassal  et  son  suzerain  (V.  Féodalité, 
pp.  192,193). 

Ces  observations  générales  expliquent  la  plupart  des 
modifications  qui  s'introduisirent  du  xne  au  xme  siècle 
dans  le  droit  des  fiefs.  On  sait  que  par  cette  dernière 
expression  il  faut  entendre,  non  pas  un  corps  de  droit 
précis  et  complet  (comme  les  Libri  feudorum  qui  for- 
maient alors  la  coutume  écrite  de  l'Italie  du  Nord),  mais 
un  ensemble  d'usages  généraux  que  la  jurisprudence  des 
cours  féodales ,  quelques  règlements  royaux  ou  sei- 
gneuriaux, les  compilations  et  les  traités  de  plusieurs 
légistes  (Conseil  de  Pierre  de  Fontaine,  Etablissements 
dits  de  saint  Louis,  Coutumes  de  Beauvoisis,  par  Ph.  de 
Beaumanoir,  etc.),  avaient  fait  prévaloir  dans  la  pratique 
et  dont  l'application  doit  être  présumée  toutes  les  fois 
qu'on  n'a  pas  la  preuve  d'un  usage  ou  d'une  stipulation 
contraire. 

La  distinction  fondamentale  qui  excluait  de  la  catégorie 
des  fiefs  toute  concession  à  charge  de  services  roturiers  eut 
pour  effet  de  restreindre  le  nombre  des  personnes  capables 
de  posséder  une  tenure  féodale.  Les  fiefs  impliquant  dé- 
sormais un  service  noble  ne  pouvaient  plus,  en  principe, 
être  tenus  que  par  des  gentilshommes  ou  par  des  digni- 
taires ecclésiastiques  et  des  seigneuries  municipales  jouis- 
sant des  mêmes  privilèges  que  la  noblesse.  Conformément 
à  ce  principe,  une  ordonnance  royale  du  xme  siècle,  dont 
parle  Beaumanoir,  mais  dont  on  ne  connaît  ni  la  date  ni  le 
texte,  défendit  expressément  aux  roturiers  de  tenir  fiel 
dans  le  domaine  de  la  couronne.  Toutefois  la  royauté,  inté- 
ressée à  favoriser  le  mouvement  qui  relevait  de  plus  en 
plus  depuis  le  xne  siècle  la  condition  sociale  de  la  bour- 
geoisie, effaça  presque  entièrement  cette  prohibition  par  les 
ordonnances  de  1273  et  1275,  plusieurs  fois  renouvelées 
au  xive  siècle.  Les  non-nobles  furent  autorisés  à  détenir  les 
fiefs  qui  leur  advenaient  soit  par  succession,  soit  par  ma- 
riage, ou  qu'ils  avaient  achetés  depuis  plus  de  vingt  ans; 
quant  à  ceux  qui  ne  rentraient  pas  dans  l'une  de  ces  trois 
catégories,  ils  ne  purent  les  conserver  qu'à  la  condition 
de  les  desservir  convenablement  (ad  servitium  compe- 
tens)  ou  de  payer  à  leur  suzerain  une  indemnité  qu'on 
appela  plus  tard  droit  de  franc-fief.  —  Les  églises  et 
les  abbayes  restèrent  en  principe  capables  de  tenir  des 
fiefs,  à  la  condition  de  fournir  au  suzerain  un  vicaire 
(avoué  ou  vidame),  c.-à-d.  un  chevalier  qui  acquittait 
en  leur  lieu  et  place  les  obligations  vassaliques,  et  de 
payer  en  outre  un  droit  iï  amortissement  (V.  ce  mot) 
pour  indemniser  le  suzerain  de  la  perte  des  droits  de  muta- 
tion dont  il  se  privait  en  acceptant  un  vassal  qui  n'aliénait 
ni  ne  mourait  (cf.  ordon.  de  1275). 

La  persistance  de  l'élément  personnel  dans  le  contrat  de 
fief  était  marquée  par  le  maintien  de  Vhommage,  qui  se 
prêtait  dans  la  même  forme  que  précédemment,  «.de 
bouche  et  de  mains  (osculo  et  dextra)  ».  Mais  comme  si 
cet  engagement  personnel  n'avait  plus  par  lui-même  une 
force  suffisante,  on  y  ajouta  dans  le  courant  du  xne  siècle 
(sans  doute  par  imitation  des  contrats  formés  en  cour 
d'Eglise)  un  serment  de  fidélité  que  le  vassal  prononçait,  ' 
après  l'hommage,  en  posant  la  main  sur  l'évangile  ou  sur 
des  reliques  :  c'est  ce  qu'on  appelait  la  foi.  Les  anciens 
feudistes distinguaient  soigneusement  ces  deux  actes.  L'hom- 
mage était  exclusivement  propre  au  contrat  féodal  ;  c'était, 
par  excellence,  l'acte  de  vassalité,  celui  qui  exprimait 
solennellement  la  dépendance  de  l'homme  et  la  subordina- 
tion de  sa  terre  à  l'égard  de  la  personne  et  de  la  terre  du 
suzerain.  La  foi  avait  un  caractère  moins  spécial  ;  ce  n'était 
plus,  comme  l'ancienne  fiance  (fides,  fiducia),  l'engage- 
ment individuel,  l'association  privée  et  presque  familiale  de 
deux  hommes  dont  l'un  se  mettait  sous  la  protection  de 

27 


FIEF 


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l'autre  :  c'était,  d'une  manière  générale,  l'acte  solennel 
par  lequel  on  promettait,  sous  la  garantie  religieuse  du 
serment,  d'observer  les  devoirs  auxquels  on  était  soumis. 
Mais  ces  devoirs  pouvaient  être  tantôt  les  devoirs  étroits 
du  vassal,  tantôt  les  devoirs  plus  larges  du  sujet.  Dans  le 
contrat  de  fief,  la  foi  s'appliquait  aux  obligations  féodales 
résultant  de  l'hommage  ;  mais,  en  dehors  de  ce  contrat, 
elle  s'appliquait  aussi  aux  obligations  générales  dont  tout 
sujet,  avant  les  temps  féodaux,  était  tenu  envers  le  pou- 
voir central,  et  que  chaque  seigneur  dans  ses  domaines, 
les  rois  capétiens  dans  toute  l'étendue  du  royaume,  s'effor- 
çaient d'imposer  à  ceux  qui  n'étaient  point  leurs  vassaux  : 
dignitaires  ecclésiastiques,  propriétaires  d'alleux,  bourgeois 
et  vilains  (V.  Féodalité,  pp.  207,  249,  et  224).  En 
outre,  l'hommage  était  caractéristique  de  la  personne  noble 
comme  de  sa  terre  noble  :  c'est  pourquoi  les  roturiers  qui 
possédaient  des  fiefs  n'étaient  pas  admis,  bien  que  vassaux, 
à  prêter  l'hommage  et  se  bornaient  à  jurer  fidélité  à  leur 
suzerain.  —  L'hommage  et  foi  était  dû  par  le  vassal  en 
personne  (sauf  le  mineur  et  la  femme  mariée  qui  étaient 
représentés  l'un  par  son  baillistre,  l'autre  par  son  mari)  ; 
il  était  exigible,  non  seulement  quand  le  fief  était  concédé, 
mais  toutes  les  fois  qu'il  y  avait  un  changement  (par 
suite  d'aliénation  ou  de  transmission  héréditaire)  dans  la 
personne  du  seigneur  ou  dans  celle  du  vassal.  On  trou- 
vera au  mot  Hommage  des  détails  complémentaires  sur  les 
conditions  particulières,  les  délais  et  les  formes  diverses 
de  cet  acte. 

Ce  qui  se  manifeste  surtout  dans  les  règles  nouvelles 
auxquelles  se  trouva  soumis  le  contrat  de  fief  dans  l'usage 
général  du  xme  et  du  xive  siècle,    c'est  la  prédominance 
de  l'élément  réel.  Les  formalités  de  la  concession,  le  droit 
appartenant  au  vassal  sur  le  bien  concédé,  le  soin  avec 
lequel  sont  déterminés  les  services  de  guerre  et  de  justice 
ainsi  que  les  prestations  pécuniaires,  les  voies  de  procédure 
qui  ont  pour  objet  d'en  assurer  l'exécution,  tout  concourt  à 
montrer  que,  pour  le  seigneur  comme  pour  le  vassal,  ce 
qui  a  désormais  le  plus  d'importance  ce  n'est  pas  le  bien 
personnel,  ce  sont  les  droits  utiles  que  le  fief  confère  à 
l'un,  les  services  et  les  profits  qu'il  garantit  à  l'autre.  — 
4°  Tradition  du  fief.  L'investiture  continua  à  se  faire  en 
forme  symbolique  jusqu'à  la  fin  du  xnie  siècle,  époque  où 
la  remise  des  symboles  matériels  fut  habituellement  rem- 
placée par  la  perception  de  droits  pécuniaires  (droit  de 
gants,  esporle,  roncin  de  service).  Mais  en  outre  l'inves- 
titure était  constatée  par  écrit  (lettres  de  fief),  et  lamons- 
trée  d'héritage,  qui  devait  avoir  lieu  dans  les  quarante  jours 
suivants,  était  habituellement  remplacée,  depuis  le  xme 
siècle,  par  Yaveu  et  dénombrement,  déclaration  écrite, 
relatant  la  consistance  du  fief,  son  étendue  et  ses  charges. 
On  rendait  ainsi  plus  facile  et  plus  sûre,  en  cas  de  contes- 
tation, la  preuve  des  biens  concédés,  des  droits  retenus, 
des  services  stipulés.  —  2°  Droit  du  vassal  sur  le  fief. 
On  a  vu  comment  ce  droit,  qui  ne  comportait  à  l'origine 
qu'une  jouissance  personnelle  et  viagère,  s'était,  depuis  le 
xie  siècle  surtout,  progressivement  étendu  et  consolidé  ;  au 
xme  siècle  il  était  devenu,  en  fait,  héréditaire  et  aliéna  nie, 
par  conséquent  patrimonial.  Le  vassal  pouvait  transmettre 
à  ses  héritiers  légitimes  le  bien  inféodé  ;  il  pouvait  le 
donner  ou  le  léguer,  le  vendre,  le  bailler  à  cens,  même  le 
sous-inféoder.  Sans  doute  ces  pouvoirs  étaient  subordonnés 
à  certaines  conditions  dans  lesquelles  on  retrouvait  la  trace 
du  caractère  personnel  et  viager  des  concessions  primitives 
(V.  Abrègement,  Amortissement,   Inféodation,  Lods  et 
Ventes,  Relief,  Retrait  féodal  et  Féodalité,  p.  240). 
Mais,  malgré  ces  restrictions,  le  droit  du  vassal  n'avait 
plus  le  caractère  précaire  de  l'ancienne  vestitura;  il  s'était 
en  fait  tellement  rapproché  de  la  pleine  propriété  que  les 
jurisconsultes  du  xme  siècle  l'y  assimilèrent  en  théorie. 
Construisant  avec  une  terminologie  pseudo- romaine  un 
système  juridique  approprié  aux  nécessités  de  leur  temps, 
ils  admirent  que,  dans  la  concession  féodale,  la  propriété 
du  sol  se  dédoublait  en  deux  domaines,  l'un  direct  qui 


restait  au  seigneur,  l'autre  utile  qui  passait  au  vassal  ;  ce 
dernier  domaine  était  sans  doute  inférieur  et  subordonné 
au  premier  que  l'on  qualifiait  déminent;  mais,  ce  qui  était 
important,  c'est  qu'on  voyait  déjà  en  lui  une  forme  du 
droit  de  propriété  :  de  cette  idée  devait  sortir  plus  tard  la 
transformation  juridique  du  fief  en  propriété  libre.   — 
3°  Services  dus  par  le  vassal.  Les  devoirs  généraux  de  fi- 
délité et  d'assistance  étaient  toujours,  en  théorie  et  dans  les 
formules  solennelles  du  contrat,  les  obligations  essentielles 
du  vassal;  dans  quelques  fiefs,  appelés  fiefs  d'honneur  ou 
d'hommage,  elles  étaient  même  les  seules  dues  par  lui. 
Mais  ces  devoirs  n'avaient  guère  qu'un  caractère  moral  et 
abstrait;  en  pratique,  dans  la  plupart  des  fiefs,  les  obligations 
principales,  celles  en  vue  desquelles  la  concession  avait  été 
faite,  étaient  des  services  positifs  et  matériels  :  le  service 
militaire,  le  service  de  justice  ou  de  cour,  le  service  de 
conseil,  enfin  diverses  contributions  pécuniaires,  sous  forme 
d'aides  ou  de  droits  de  mutation.  On  a  vu  au  mot  Féoda- 
lité (pp.  215,  246)  en  quoi  consistaient  ces  divers  services, 
et  comment,  pour  en  assurer  l'acquittement  intégral  et  ré- 
gulier au  cas  où  le  vassal  mourait  en  laissant  plusieurs 
héritiers  ou  un  héritier  mineur,  on  avait,  à  la  fin  du  xnG 
siècle,  introduit  dans  le  régime  successoral  des  fiefs  la  règle 
du  droit  d'aînesse  et  substitué  le  bail  à  la  garde  seigneu- 
riale. Ce  qu'il  importe  de  remarquer  ici,  c'est  qu'au  xme  et 
au  xive  siècle  les  services  féodaux  étaient  mieux  définis  et 
plus  soigneusement   réglementés  qu'auparavant.  En   ce 
qui  concernait  le  service  militaire,  les  formes  de  l'hommage 
(lige  ou  plane)  et  les  stipulations  des  lettres  de  fief  déter- 
minaient quelles  seraient  sa  durée,  sa  nature,  l'étendue  des 
charges  qu'il  comportait,  s'il  serait  dû  personnellement, 
s'il  pourrait  être  rempli  par  un  représentant  (comme  cela 
avait  lieu  pour  les  femmes,  les  clercs,  les  fonctionnaires 
publics)  ou  s'il  serait  remplacé  par  une  indemnité  (comme 
dans  le  fief-office  ou  les  fiefs  tenus  par  des  roturiers).  En 
ce  qui  concernait  les  services  pécuniaires,  les  aides  furent 
généralement  limités  aux  quatre  cas  traditionnels  ;  le  relief 
(peu  à  peu  restreint  aux  successions  collatérales)  fut  fixé 
dans  la  plupart  des  coutumes  au  revenu  du  fief  pendant 
une  année,  le  droit  d'amortissement  à  deux  ou  trois  années 
du  revenu  (cf.ordon.de  4275), le  droit  de  vente  à  un  cin- 
quième du  prix  (quint)  ;  les  droits  de  gite  et  de  procura- 
tion furent  partout  convertis  en  argent.  —  4°  Sanctions. 
Pendant  la  première  période  féodale,  si  le  vassal  manquait 
à  sa  foi  et  aux  devoirs  qui  en  découlaient,  la  sanction  était 
la  rupture  de  la  foi,  qui  entraînait  comme  conséquence  pé- 
nale la  saisie  et  la  confiscation  de  ses  biens,  sans  distin- 
guer ses  fiefs  de  ses  alleux.  Mais  lorsque  le  contrat  féodal 
consista  principalement  en  une  concession  de  fief  à  charge 
de  services  définis,  la  sanction  des  devoirs  vassaliques  fut 
limitée  à  la  reprise  du  fief  concédé.  En  cas  de  simple  né- 
gligence (retard  dans  la  prestation  de  foi  et  d'hommage  ou 
dans  l'aveu  et  dénombrement,  manquement  au  service  de 
guerre  et  de  cour),  le  seigneur  se  bornait  à  saisir  le  fief  et 
à  en  percevoir  les  revenus,  jusqu'à  ce  que  la  négligence 
fût  réparée.  En  cas  de  faute  grave  (désaveu  par  refus 
d'hommage  ou  par  aveu  d'un  autre  seigneur,  crime  de  fé- 
lonie), le  seigneur  faisait  prononcer  par  la  cour  féodale  la 
confiscation  du  fief  qu'il  réunissait  à  ses  domaines.  Cette 
confiscation  n'avait  pas  un  caractère  pénal,  mais  n'était  que 
l'application  d'une  clause  résolutoire,  qui  était  réputée 
sous-entendue  dans  le  contrat  de  fief  comme  dans  tout 
contrat  synallagmatique  ;  aussi,  par  analogie  avec  la  lex 
commissoria  du  droit  romain,  les  légistes  lui  avaient-ils 
donné  le  nom  significatif  de  commise  (V.  ce  mot).  Ce  qui 
achève  de  montrer  la  corrélation  étroite  qui  s'était  établie 
entre  la  concession  réelle  et  les  devoirs  féodaux,  c'est  que 
le  vassal  qui  trouvait  trop  onéreuses  les  charges  dont  il 
était  tenu,  n'avait  pour  être  quitte  de  tout  service  qu'à  re- 
mettre son  fief  au  seigneur  ;  il  cessait  par  là  même  d'être 
son  vassal. 

Après  avoir  déterminé  quel  était  d'une  manière  générale 
le  caractère  du  fief  pendant  la  seconde  période  féodale,  il 


—  419  — 


FIEF 


reste  à  indiquer  brièvement  les  principales  espèces  de  fiefs 
dont  il  est  fait  mention  dans  Jes  actes  privés  et  les  coutumes 
de  cette  période.  On  laissera  de  côté  les  nombreuses  dis- 
tinctions et  sous-distinctions,  plus  théoriques  que  pratiques, 
qu'y  ont  mêlé  les  feudistes  des  xive  et  xvie  siècles  et  sur  les- 
quelles on  peut  consulter  les  glossaires  de  Ducange,  de 
Ragueau  et  de  Laurier e. 

La  division  capitale  à  établir  est  celle  des  fiefs  avec 
seigneurie  et  des  fiefs  sans  seigneurie,  les  premiers 
étant  beaucoup  moins  nombreux  que  les  seconds  (V.  sur 
les  origines  diverses  de  la  seigneurie  le  mot  Féodalité, 
pp.  205,  206).  Le  vassal  à  qui  était  conféré  un  fief  avec 
seigneurie  acquérait,  indépendamment  des  droits  réels  sur 
la  terre  concédée,  qui  dérivaient  du  contrat  de  fief,  des 
pouvoirs  administratifs,  judiciaires  et  financiers  plus  ou 
moins  étendus  sur  les  habitants  de  cette  terre  ;  outre  ses 
droits  fonciers,  il  avait  des  droits  seigneuriaux,  dont  les 
principaux  et  les  plus  lucratifs  étaient  les  droits  de  justice 
et  les  droits  fiscaux  en  argent  ou  en  nature  (V.  Féodalité, 
pp.  217, 218).  Au  contraire,  le  tenancier  noble,  qui  n'était 
pas  seigneur,  n'avait  dans  son  fief  aucun  pouvoir  admi- 
nistratif, judiciaire  ou  financier  ;  ces  pouvoirs  restaient  aux 
mains  de  son  suzerain.  C'est  en  ce  sens  qu'il  faut  entendre 
la  célèbre  maxime  de  Loisel  :  «  Fief,  ressort  et  justice  n'ont 
rien  de  commun  ensemble  »  ;  la  justice  n'était  pas  impli- 
quée par  le  fief,  bien  qu'elle  y  fût  souvent  réunie.  Toute- 
fois, cela  n'était  vrai  que  de  la  justice  seigneuriale  ;  il  y 
avait,  au  moyen  âge,  une  autre  forme  de  la  justice,  que 
les  feudistes  ont  appelée  justice  féodale  ou  justice  fon- 
cière, et  qui  pouvait  appartenir  au  feudataire,  même  quand 
son  fief  ne  comportait  aucune  seigneurie.  Car  c'était  une 
règle  du  droit  féodal,  dont  on  a  déjà  vu  l'application  dans 
le  service  de  cour,  que  tout  propriétaire  foncier  par  qui 
était  concédée  une  tenure  immobilière,  fief  ou  censive,  re- 
tenait par  devers  lui  avec  le  domaine  éminent  le  droit 
exclusif  de  connaître  de  tous  les  litiges  relatifs  à  cette 
tenure  ;  le  feudataire,  qui  sous-inféodait  ou  baillait  à  cens 
une  partie  de  son  fief,  acquérait  donc  sur  son  vassal  ou 
son  censitaire  une  juridiction  qui  faisait  partie  de  ses 
droits  de  suzerain  ou  de  seigneur  censier.  Les  fiefs-sei- 
gneuries se  subdivisaient  en  deux  grandes  catégories,  les 
fiefs  simples  qui  ne  comportaient  aucune  qualification  ho- 
norifique, et  les  fiefs  de  dignité  auxquels  était  attaché  un 
titre  nobiliaire,  duchés,  comtés,  vicomtes,  baronnies,  châ- 
teilenies,  fiefs  de  chevalier  ou  de  haubert,  fiefs  de  vavas- 
seur,  d'écuyer,  de  sergent,  etc.  —  Les  autres  distinctions 
les  plus  importantes  concernaient  :  1°  l'origine  du  fief;  on 
appelait  fief  vrai  celui  qui  provenait  de  la  concession  gra- 
tuite du  seigneur,  fief  de  reprise  celui  qui  consistait  dans 
la  soumission  d'un  alleu  à  la  mouvance  d'un  seigneur  ; 
2°  la  mouvance  :  le  fief  plain,  proche,  nûment  tenu, 
qui  impliquait  seulement  la  mouvance  directe  du  suzerain 
sur  le  vassal,  s'opposait  à  V arrière- fief,  qui  impliquait 
deux  mouvances  superposées  (sur  les  rapports  du  suzerain 
avec  l'arrière- vassal,  V.  Féodalité,  p.  221);  on  appelait 
fief  en  l'air  celui  qui  ne  consistait  qu'en  un  domaine  émi- 
nent, ne  se  rattachant  à  aucune  possession  territoriale, 
comme  le  fief  d'un  vassal  qui  avait  sous-inféodé  la  totalité 
de  sa  terre,  sans  retenir  d'autre  droit  que  l'hommage  et 
les  services  féodaux  ;  3°  la  nature  du  bien  concédé  :  c'est 
ainsi  qu'aux  fiefs  en  terre  et  aux  fiefs  en  titre  d'office,  on 
opposait  les  fiefs  de  revenue  consistant  en  rentes  ou  pen- 
sions assignées  sur  le  trésor  d'un  seigneur  ;  4°  l'utilité  que 
le  seigneur  retirait  du  fief  :  on  distinguait  le  fief  d'hon- 
neur qui  devait  seulement  foi  et  hommage,  sans  aucun 
service,  et  le  fief  de  profit,  dans  lequel  le  seigneur  avait 
retenu  des  droits  utiles  sous  forme  de  services  personnels 
ou  pécuniaires  ;  5°  l'étendue  des  obligations  du  vassal  : 
sous  ce  rapport,  le  fief  plain  ou  ordinaire  s'opposait  au 
fief  lige  ou  fief  de  corps,  dans  lequel  le  vassal  devait  un 
service  militaire  personnel  et  illimité  (V.  Hommage)  ;  au 
fief  jurable  et  rendable,  dont  le  vassal  devait,  en  cas  de 
guerre,  mettre  ses  châteaux  et  places  fortes  à  la  disposition 


du  seigneur  ;  au  fief  de  danger,  dont  le  vassal  était  exposé 
non  seulement  à  la  saisie,  mais  à  la  commise,  s'il  en  pre- 
nait possession  avant  d'avoir  prêté  foi  et  hommage  ;  au 
fief  abonné  dans  lequel  les  droits  de  mutation  étaient  con- 
vertis en  rentes  ou  redevances  annuelles,  etc. 

Troisième  période  :  xve-xvme  siècles. — Au  xve  siècle, 
la  féodalité  ayant  perdu  tout  pouvoir  politique  était  tombée 
en  pleine  décadence  :  il  ne  subsistait  plus,  sous  ce  nom, 
qu'une  classe  privilégiée  et  un  état  particulier  de  la  pro- 
priété foncière.  Comme  le  régime  dont  il  était  l'institution 
la  plus  caractéristique,  le  fief  subit  pendant  cette  troisième 
période  une  dernière  transformation  qui  lui  enleva  ses 
traits  les  plus  saillants  et  rapprocha  sensiblement  cette  te- 
nure des  autres  formes  de  la  propriété.  La  cause  principale 
des  concessions  féodales  avait  été  pendant  les  siècles  pré- 
cédents de  procurer  aux  seigneurs,  au  prix  d'une  terre  ou 
d'une  rente  en  argent,  les  services  de  guerre  et  de  justice 
qui  étaient  les  éléments  de  leur  puissance  militaire  et  admi- 
nistrative. Or  l'abolition  des  guerres  privées,  l'insuffisance 
de  l'ost  pour  les  expéditions  lointaines  et  de  longue  durée, 
la  substitution  graduelle  dans  l'armée  royale  des  soldats 
mercenaires  aux  chevaliers,  avaient  peu  à  peu  rendu  inu- 
tile le  service  militaire  du  vassal,  partout  transformé  en 
redevance  pécuniaire.  En  même  temps,  le  développement 
des  justices  royales  et  les  prescriptions  formelles  de  la 
royauté  avaient  amené  les  seigneurs  à  remplacer  dans  leurs 
justices  féodales  les  hommes  d'épée  par  des  hommes  de 
loi,  plus  aptes  à  comprendre  et  à  appliquer  le  droit  qui  se 
compliquait  de  jour  en  jour  ;  d'où  la  suppression  et  la  con- 
version en  argent  du  service  de  justice.  Les  obligations  vas- 
saliques  qui  avaient  le  caractère  de  services  publics,  ayant 
ainsi  perdu  toute  raison  d'être,  il  ne  resta  plus  que  les 
obligations  d'ordre  privé  :  fidélité  personnelle  et  services 
pécuniaires.  Dès  lors,  les  concessions  féodales,  qui  se  dis- 
tinguaient principalement  des  tenures  roturières  par  la 
noblesse  des  services  stipulés,  leur  ressemblèrent  singu- 
lièrement, quand  les  unes  comme  les  autres  n'eurent  pour 
effet  que  de  créer  des  obligations  pécuniaires  ;  la  seule 
différence  importante  qui  subsista  fut  la  foi  et  hommage, 
toujours  caractéristique  de  la  tenure  noble. 

Pendant  cette  dernière  période,  les  fiefs  de  création 
nouvelle  furent  donc  extrêmement  rares  ;  et  les  anciens 
fiefs  qui  subsistèrent  «  par  la  force  des  traditions,  par 
l'attachement  aux  profits  pécuniaires  qu'on  en  retirait, 
par  la  vanité  qu'on  éprouvait  à  se  dire  le  vassal  d'un 
seigneur  »,  furent  profondément  transformés  dans  leur 
nature  juridique,  comme  ils  l'étaient  déjà  dans  leur  impor- 
tance sociale.  Ce  résultat  fut  l'œuvre  d'un  long  travail 
doctrinal  qui  modifia  peu  à  peu  la  jurisprudence  des  parle- 
ments en  matière  de  fiefs.  Les  juristes  du  xvie  siècle  (Alciat, 
Cujas,  Dumoulin),  appliquant  au  contrat  de  fief  la  légis- 
lation du  Bas-Empire  romain,  cherchèrent  par  des  raison- 
nements subtils  et  des  théories  plus  ingénieuses  que  fondées, 
à  l'assimiler  tantôt  aux  constitutions  de  servitudes  prédiales 
(fonds  dominant,  fonds  servant),  tantôt  à  l'emphytéose 
(domaine  direct,  domaine  utile).  D'autres  allèrent  plus 
loin  et  assimilant  le  fief  au  bail  à  rente  foncière  (V.  ce 
mot)  firent  prédominer  le  droit  du  vassal  sur  celui  du 
seigneur.  On  a  vu  précédemment  que,  dès  le  xme  siècle, 
on  reconnaissait  à  l'un  comme  à  l'autre  un  droit  de  pro- 
priété sui  generis  sur  le  fief  concédé,  mais  que  le  droit 
direct  du  seigneur  l'emportait  sur  le  droit  utile  du  vassal  ; 
le  premier  était  la  véritable  propriété,  le  domaine  éminent, 
le  second  n'en  était  qu'un  démembrement.  Peu  à  peu,  à 
mesure  que  le  temps  consolidait  en  fait  la  position  du 
vassal,  la  doctrine  inverse  tendit  à  prévaloir,  malgré  les 
résistances  des  feudistes,  tels  que  d'Argentré,  qui  repré- 
sentaient le  vieil  esprit  féodal.  Dumoulin  soutint  que  le 
domaine  direct  du  seigneur  n'était  pas  essentiel  au  contrat 
de  fief  et  que  l'on  pouvait  y  renoncer,  à  la  condition  de 
réserver  la  fidélité.  Puis  on  s'avisa  que  dans  le  bail  à  rente 
le  preneur  acquérait  la  propriété  exclusive  du  fonds  sous 
la  réserve  du  droit  réel  de  rente  que  se  réservait  l'aliéna- 


FIEF  —  FIELD 


—  420 


teur,  et  qu'il  en  pouvait  ainsi  dans  le  fief.  Enfin,  dès  la 
seconde  moitié  du  xvne  siècle  et  surtout  an  xvme,  l'opi- 
nion commune,  vulgarisée  par  Pothier,  fut  que  le  domaine 
utile  du  vassal  constituait  la  propriété  véritable,  et  que  le 
domaine  direct  du  seigneur,  la  directe,  comme  on  disait 
alors,  n'était,  en  dernière  analyse,  qu'un  droit  de  servitude 
réelle.  Il  se  produisit  donc  peu  à  peu,  dans  la  doctrine, 
«  comme  une  expropriation  lente  du  seigneur  au  profit  du 
vassal  ».  On  sait  que  la  même  évolution  juridique  s'opérait 
en  même  temps  pour  les  autres  tenures  foncières,  la  cen- 
sive,  l'emphytéose,  le  droit  de  superficie.  La  doctrine  des 
jurisconsultes  préparait  ainsi  lentement,  mais  à  coup  sûr, 
l'œuvre  de  la  Révolution. 

Dans  ce  dernier  état  du  droit  féodal,  on  définissait  le 
fief  «  une  concession  gratuite,  libre  et  perpétuelle  d'une 
chose  immobilière  ou  réputée  telle,  avec  translation  du  do- 
maine utile,  et  réserve  de  la  propriété  directe,  à  charge  de 
fidélité  et  de  prestation  de  services  ».  (Pothier,  Des 
Fiefs,  n°  7).  L'obligation  de  fidélité  était  la  marque  qui 
distinguait  le  fief  des  autres  concessions  foncières  dans 
lesquelles  il  y  avait  aussi  réserve  de  la  directe  et  presta- 
tion de  services.  La  forme  de  l'inféodation  était  restée 
solennelle;  le  vassal  se  présentait  nu-tête,  sans  épée,  tantôt 
agenouillé,  tantôt  debout,  suivant  les  coutumes  ;  l'hom- 
mage et  foi  se  confondait  avec  l'investiture  dans  une 
«  reconnaissance  de  la  tenure  en  fief  ». 

Outre  le  droit  à  la  fidélité  de  son  vassal,  auquel  cor- 
respondait le  devoir  «  d'amitié  et  de  protection  »,  le 
seigneur  avait,  comme  attributs  de  la  directe  qu'il  s'était 
réservée  :  1°  le  droit  de  percevoir  les  profits  du  fief, 
c.-à-d.  le  relief,  évalué  à  une  année  de  revenu  et  dû  à 
chaque  mutation  de  vassal,  mais  seulement  par  les  héri- 
tiers, légataires  ou  donataires  en  ligne  collatérale,  et  le 
quint  (I/o)  du  prix  perçu  en  cas  de  vente,  échange,  bail  à 
rente  foncière  ;  2°  le'  droit  éventuel  de  reprendre  le  do- 
maine utile  par  le  retrait  féodal,  la  saisie  ou  la  com- 
mise. Le  retrait  pouvait  être  exercé  en  cas  de  vente  du  fief, 
à  charge  d'en  rembourser  le  prix  à  l'acquéreur  ;  il  se  fai- 
sait par  voie  d'action  directe,  par  voie  d'exception  opposée 
à  l'acquéreur  quand  il  voulait  prêter  hommage,  ou  par  voie 
de  saisie  féodale.  La  saisie  avait  lieu  «  faute  d'homme  », 
quand  l'hommage  n'était  pas  prêté  dans  les  délais ,  ou 
«  faute  de  dénombrement  »  dans  les  quarante  jours  après 
l'hommage  ;  dans  le  premier  cas,  le  seigneur  redevenait 
temporairement  propriétaire  du  fief  et  en  percevait  les 
revenus  ;  dans  le  second,  il  n'avait  que  la  détention  et 
devait  compte  des  fruits.  Le  non- payement  des  profits 
ne  donnait  pas  lieu  à  la  saisie,  mais  seulement  à  une 
action  civile  personnelle.  La  commise  ne  s'exerçait  que 
dans  les  cas  où  le  vassal  manquait  à  sa  foi  par  désaveu 
ou  félonie  ;  elle  devait  être  demandée  en  justice,  et  la 
jurisprudence  lui  appliquait  les  règles  romaines  à  l'action 
d'injures  (V.  Commise).  En  cas  de  déloyauté,  le  seigneur 
était  lui-même  soumis  à  une  action  semblable  et  perdait 
tous  les  droits  attachés  à  sa  directe  féodale,  qui  passaient 
à  son  propre  suzerain. 

Sous  l'obligation  de  payer  les  profits  et  de  remplir  ses 
devoirs  de  fidélité,  le  possesseur  du  fief  jouissait  sur  sa 
tenure  de  droits  fort  étendus.  Il  pouvait  l'aliéner,  l'hypo- 
théquer, la  sous-inféoder,  la  bailler  à  cens.  Mais  il  ne  pou- 
vait transformer  son  fief  en  alleu,, ni  le  démembrer  au  pré- 
judice et  sans  le  consentement  de  son  seigneur,  à  moins  de 
retenir  par  devers  lui  ou  de  transférer  à  l'acquéreur  partiel 
toute  la  foi  et  hommage  indivisément,  de  façon  à  ne  pas 
altérer  le  rapport  féodal  (V.  Jeu  de  fief).  Le  possesseur 
d'un  fief,  ayant  la  plupart  des  droits  qui  composent  la  pleine 
propriété,  se  considérait  en  fait  comme  le  propriétaire  vé- 
ritable et  légitime  de  sa  tenure.  Les  restrictions  que  lui  im- 
posait la  directe  seigneuriale  n'apparaissaient  plus  que 
comme  une  servitude  gênante  et  surannée  dont  sa  terre  devait 
être  affranchie.  Cette  libération  du  sol  fut  l'œuvre  de  la 
Révolution. 

Les  tenures  féodales  furent  supprimées  en  France  par 


les  lois  abolitives  de  la  féodalité  que  votèrent  successive- 
ment l'Assemblée  constituante,  l'Assemblée  législative  et  la 
Convention.  Le  décret  du  15  mars  1790  abolit,  à  la  fois 
dans  le  fief  et  dans  la  censive,  l'aveu  et  dénombrement,  la 
saisie,  la  commise,  le  retrait  et  le  droit  de  retenue  seigneu- 
riale. Il  ne  resta  plus  de  la  directe  féodale  que  les  droits 
utiles,  les  profits.  Encore  ces  droits  étaient-ils  modifiés 
dans  leur  caractère  :  assimilés  aux  simples  rentes  et  charges 
foncières,  ils  ne  pouvaient  plus  être  réclamés  que  par  les 
actions  civiles  du  droit  commun  et  se  trouvaient  soumis  à 
la  même  prescription  que  les  immeubles  ;  enfin  ils  étaient 
déclarés  rachetables  moyennant  une  indemnité  (décret  du 
3  mai  1790).  L'Assemblée  législative  alla  plus  loin  et  sup- 
prima sans  indemnité  les  droits  de  mutation  qui  étaient  les 
seuls  profits  pécuniaires  de  l'ancien  contrat  de  fief  (décret 
du  18  juin-16  juil.  1792).  Enfin  la  Convention  s'efforça, 
mais  vainement,  par  le  décret  du  17  juil.  1793,  qui  ne  reçut 
qu'une  exécution  incomplète,  de  faire  disparaître  jusqu'à 
la  trace  juridique  des  anciens  fiefs,  en  ordonnant  le  brûle- 
ment  des  titres  et  contrats  féodaux  (V.  Féodalité,  p.  228). 

Ch.  Mortet. 
Bibl.  :  V.  la  bibl.  du  mot  Féodalité,  et  notamment  les 
ouvrages  cités  de  Brussel  (1725),  Guyot  (1751,  1784),  B. 
Guérard  (1836-56),  Championnière  (1846),  E.  Garsonnet 
(1879),  E.  Ci-iénon  (1881),  P.  Viollet  (1881-1886),  J.  Flach 
(1886-93),  E.  Glasson  (1892),  A.  Luchaire  (189*i).  —  Ajou- 
ter :  Dumoulin,  Traité  des  fiefs,  1773,  éd.  Henrionde  Pan- 
sey.  —  Pothier,  Traité  des  fiefs,  1768.  —  Hervé,  Théorie 
des  matières  féodales,  1785.  —  Henrion  de  Pansey,  Dis- 
sertations féodales,  1789. 

FIEF-Sauvin  (Le).  Corn,  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  de  Cholet,  cant.  de  Montrevault;  1,792  hab. 

FIEFFES.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Doui- 
lens,  cant.  de  Domart;  272  hab, 

FIEFS.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Saint- 
Pol-sur-Ternoise,  cant.  deHeuchin;  701  hab. 

FIEL  de  boeuf  (Chim.  indust.).  Le  fiel  de  bœuf,  connu 
aussi  sous  le  nom  de  bile  ou  amer,  est  un  liquide  jaune 
verdâtre,  légèrement  visqueux,  d'une  odeur  particulière  et 
à  réaction  alcaline,  sécrété  par  le  foie  de  cet  animal.  Sa 
densité  varie  de  1,020  à  1,027.  Constitué  principalement 
par  les  sels  sodiques  des  acides  glycocholique,  glaucocho- 
lique,  etc.,  il  renferme  en  outre  de  la  cholestérine,  de  la 
choline,  des  graisses  et  des  pigments,  des  palmitates  et 
oléates,  des  sels  minéraux,  tels  que  des  chlorures  et  phos- 
phates de  soude,  de  potasse  et  de  chaux.  Les  10  à  13  °f0 
de  matières  solides  contenues  dans  le  fiel  de  bœuf  donnent 
à  la  calcination  12,5  °/0  de  matières  minérales  ;  ses  ma- 
tières minérales  renferment,  d'après  Weidensbuch  : 

Sel  marin 27,70 

Phosphate  de  soude 16,00 

Phosphate  de  potasse 7,50 

Phosphate  de  chaux 3,02 

Phosphate  de  magnésie 1 ,52 

Oxyde  de  fer 1 ,52 

Silice , 0,36 

Dans  le  commerce,  on  conserve  ou  plutôt  on  retarde  la 
putréfaction  de  l'amer  de  bœuf  en  l'additionnant  d'un  peu 
d'éther  acétique  (d'après  Gagnage).  Le  fiel  de  bœuf  est  très 
employé  dans  la  petite  industrie  des  teinturiers  dégrais- 
seurs et  dans  l'économie  domestique  pour  dégraisser  les 
étoffes  de  laine  de  nuances  fugaces  ;  il  agit  comme  un  véri- 
table savon  ;  le  tissu  est  passé  à  froid  dans  une  solution 
de  fiel  à  raison  d'une  vésicule  ou  poche  biliaire  pour  12 
à  15  m.  d'étoffe,  soit  environ  2k8'5  de  laine  ;  on  rince 
plusieurs  fois  à  l'eau  pure  et  on  apprête.     Ch.  Girard. 

FIEL  de  Terre  (Bot.).  Nom  vulgaire  du  Fumaria  offl- 
cinalis  L.  (V.  Fumeterre)  . 

FIELD  (Nathaniel),  acteur  et  auteur  dramatique  anglais, 
né  à  Londres  en  1587,  mort  à  Londres  en  févr.  1633.  Dès 
1600  il  appartenait  au  théâtre  et  jouait  dans  Cynthia's 
Revels  de  Ben  Jonson.  Il  continua  à  jouer  avec  grand  suc- 
cès plusieurs  pièces  du  même  auteur  et  celles  de  Beaumont 


421 


FIELD  —  FIELDING 


et  Fletcher.  Il  fit  partie  des  comédiens  du  roi.  Field 
a  composé  quelques  comédies  :  A  Woman  is  a  weather- 
cock  (1612,  in-4)  ;  Amenas  for  Ladies  (1618,  in-4), 
entre  autres,  qui  inclinent  à  la  satire  et  ont  une  réelle 
valeur. 

FIELD  (John),  pianiste  et  compositeur  anglais,  né  à 
Dublin  le  16  juil.  1782,  mort  à  Moscou  le  11  janv.  1837. 
Il  fut  à  Londres  l'élève  de  Clementi,  avec  lequel  il  fit  en 
1802  un  voyage  à  Paris,  à  Vienne  et  en  Russie.  11  se 
fixa  à  Moscou  (1820)  et,  après  un  voyage  à  Londres  et  en 
Italie  marqué  de  vifs  succès,  il  y  revint  (1836).  Les  qualités 
du  jeu  de  Field  étaient  l'élégance,  le  charme,  la  belle  qua- 
lité du  son.  Il  a  composé  pour  le  piano  sept  concertos  avec 
orchestre,  un  quintette,  deux  divertissements  avec  instru- 
ments à  cordes,  quatre  sonates,  des  variations,  rondos  et 
fantaisies,  surtout  des  nocturnes,  forme  dont  il  fut  l'in- 
venteur et  dans  laquelle  il  servit  de  modèle  à  Chopin.  Sur 
les  vingt  nocturnes  de  Field  qui  ont  été  publiés,  douze  seu- 
lement avaient  reçu  ce  titre  de  leur  auteur..  M.  Brenet. 
Bibl.  :  F.  Liszt,  Uber  J.  Field's  Nocturne;  Hambourg, 
1859,  in-8. 

FIELD  (Barron),  écrivain  anglais,  né  à  Londres  le  23 oct. 
1786,  mort  le  M  avr.  1846.  Avocat  à  Londres,  il  s'était 
trouvé  de  bonne  heure  en  relation  avec  Charles  Lamb  qui 
le  protégea  et  le  fit  entrer  dans  le  cercle  littéraire  des 
Coleridge,  Wordsworth,  Hazlitt,  Hunt,  etc.  Il  collabora  au 
Reflector  de  Hunt,  devint  critique  dramatique  du  Times, 
écrivit  dans  la  Quarterly  Revieiu,  puis,  trouvant  peu 
de  profits  dans  la  littérature,  obtint  le  poste  de  juge  à  la 
cour  suprême  de  Nouvelle-Galles  du  Sud  en  1816.  Revenu 
en  Angleterre  en  1824,  après  avoir  fort  mal  réussi  dans 
la  magistrature,  il  donna  au  London  Magazine  (1822-25) 
un  journal  de  ses  voyages.  Il  reprit  sa  place  au  barreau, 
et  en  1830  il  était  juge  de  paix  à  Gibraltar  où  il  eut 
des  démêlés  retentissants  avec  Benjamin  Disraeli.  On 
a  de  Field:  Analysis  of  Blackstone's  commentât 'les 
(1811,  nombreuses  éditions)  ;  Hints  to  witnesses  in 
courts  of  Justice  (1815),  satire  qu'il  publia  sous  le  pseu- 
donyme de  A  Barrister;  First  Fruits  of  Australian  poe- 
try  (1819),  poésies;  Geographical  Memoirs  on  New 
South  Wales  (-[89$);  A  Vindication  of  the  practice 
of  not  allowing  the  council  for  Prisoners  accused  of 
felony  to  make  speeches  for  them  (1828),  etc.  Il  publia 
pour  la  Shakspeare  Society  plusieurs  ouvrages  de  Thomas 
Heywood.  R.  S. 

FIELD  (Edwin-Wilkins),  jurisconsulte  et  artiste  anglais, 
né  en  1804,  mort  en  1871.  Membre  delà  maison  Taylor, 
Sharpe  et  Field,  solicitors  (avoués)  à  Londres,  il  s'em- 
ploya activement  à  différentes  réformes  dans  la  législation 
des  compagnies  par  actions  et  à  celle  des  frais  de  justice. 
Il  obtint,  pour  les  unitariens,  à  la  secte  desquels  il  appar- 
tenait, la  légalisation  de  leurs  titres  de  propriété  antérieurs 
à  1813,  époque  où  la  tolérance  légale  avait  été  accordée  à 
la  secte  ;  il  contribua  puissamment  aussi  à  la  loi  de  1862 
sur  la  propriété  artistique.  Field  qui,  dès  sa  jeunesse,  avait 
pris  le  goût  des  arts  dans  la  société  de  Robert  Roscoe,  oc- 
cupait ses  loisirs  à  dessiner  et  à  enseigner  le  dessin  aux 
ouvriers.  Il  aida  Henry  Crabb  Robinson  à  former  la 
«  Flaxman  Gallery  »,  de  «  University  Collège  »,  et  fut 
un  des  fondateurs  de  la  «  Slade  School  of  Art  ».  Field 
a  laissé  un  assez  grand  nombre  d'écrits  ,  parmi  lesquels 
on  peut  citer  :  Observations  of  a  Solicitor  on  De- 
fects  in  the  System  of  the  Equity  Courts  (1840)  ;  Ob- 
servations of  a  Solicitor  on  Liability  Paternships 
(1854),  et  une  Correspondance  entre  lui  et  C. -G.  Loring 
sur  les  Relations  présentes  entre  la  Grande-Bretagne 
et  les  Etats-Unis  (Boston,  1862).  B.-H.  G. 

FIELD  (David- Du dley),  jurisconsulte  américain,  né  à 
Haddam  (Connecticut)  le  13  févr.  1805.  Field  est  entré 
au  barreau  de  New  York  en  1828.  Son  nom  se  trouve  lié 
surtout  aux  diverses  réformes  législatives  qui  ont  été  faites 
aux  Etats-Unis  vers  le  milieu  de  ce  siècle.  En  1847,  il  fit 
partie  de  la  commission  qui  prépara  le  nouveau  code  de 


procédure,  et  les  modifications  qu'il  proposa  furent  adop- 
tées dans  l'Etat  de  New  York  et  dans  plusieurs  autres,  et 
eurent  de  l'influence  sur  les  réformes  introduites  dans  la 
procédure  de  la  Grande-Bretagne  et  de  ses  colonies.  En 
1857,  il  a  présidé  la  commission  chargée  de  préparer  un 
code  civil,  un  code  pénal  et  un  code  politique.  En  1866, 
il  a  présenté  à  l'Association  britannique  des  sciences  sociales 
un  projet  de  revision  du  droit  international,  et  provoqué  la 
nomination  d'une  commission  de  jurisconsultes  pour  s'oc- 
cuper de  la  question.  Il  a  publié  un  projet  de  code  inter- 
national :  Outlinesof  an  international  code  (1873)  et 
plusieurs  pamphlets  politiques.  G.  R. 

FIELD  (Cyrus-West),  industriel  américain,  né  à  Stock- 
bridge  (Massachusetts)  le  30  nov.  1819,  mort  à  Adsly 
Park,  près  de  New  York,  en  juil.  1892.  Enrichi  en  douze 
années  par  la  fabrication  et  le  commerce  du  papier,  il  se 
retira  des  affaires  en  1853  et  se  consacra  dès  lors  tout  en- 
tier à  l'établissement  du  premier  câble  sous-marin  entre 
l'Amérique  et  l'ancien  continent.  Il  fut  l'âme  de  l'œuvre, 
obtenant  les  autorisations,  réunissant  les  capitaux,  organi- 
sant les  expéditions,  qu'il  suivit  toutes  depuis  la  première, 
en  1857,  jusqu'à  la  dernière,  en  juil.  1866  (V.  Câble, 
t.  VIII,  pp.  632  et  633).  Il  s'est  ultérieurement  occupé  de 
la  pose  d'uu  câble  semblable  sous  l'océan  Pacifique,  entre 
San  Francisco  et  les  îles  Sandwich.  L.  S. 

FIELD  (Henry-Martin),  publiciste  américain,  né  à  Stock- 
bridge  (Massachusetts)  le  3  avr.  1822,  frère  du  précé- 
dent. Pasteur  à  Saint-Louis  (Missouri)  en  1842,  à  West- 
Springfield  (Massachusetts)  en  1851.  En  1854,  il  s'établit 
à  New  York  où  il  acquit  la  propriété  du  journal  The  Evan- 
gelist.  M.  Field  a  beaucoup  voyagé.  En  1847,  il  a  passé 
plus  d'un  an  en  Europe,  de  même  en  1858,  puis  en  1867 
où  il  fut  délégué  à  l'Eglise  libre  d'Ecosse  et  à  l'Eglise  pres- 
bytérienne d'Irlande  ;  en  1875-1876  il  a  fait  le  tour  du 
monde,  et  il  est  allé  en  Orient  en  1881-1882.  Chacun  de 
ces  voyages  a  été  l'occasion  d'ouvrages  intéressants,  qui 
ont  obtenu  en  Amérique  un  succès  considérable.  Citons  de 
lui  :  The  Good  and  the  Bad  in  the  Roman  catholic 
Church  (1848);  The  Iris  h  Confédérales;  a  history  of  the 
rébellion  ofJ798  (1851);  Summer  Pictures  from  Co- 
penhagen  to  Venice  (1859);  History  ofthe  atlantic  Je- 
legraph  (1866);  From  the  lakes  of  Killarney  to  the 
Golden  Horn  (1877);  From  Egypt  to  Japan  (1880) 
(ces  deux  ouvrages  ont  eu  un  grand  nombre  d'éditions)  ;  On 
the  Désert,  a  visit  to  mount  Sinaï  (1882);  Among  the 
Holy  Hills  (1883);  The  Greek  Islands  and  Turkey  af- 
ter  the  war  (1884);  Old  Spain  and  new  Spain; 
Gibraltar  ;  The  Southern  States  of  America,  etc. 

FIELDEN  (John),  homme  politique  anglais,  né  à  Tod- 
mordenle  17  janv.  1784,  mort  à  Skegness  le  29  mai  1849. 
Fils  d'un  petit  filateur,  il  fit  son  apprentissage  dans  l'usine 
paternelle  qu'il  dirigea  après  1811  avec  ses  frères.  Cette 
maison  devint  une  des  plus  importantes  d'Angleterre.  Fiel- 
den,  disciple  convaincu  de  Cobbett,  appuya  activement  le 
mouvement  en  faveur  de  la  réduction  des  heures  de  tra- 
vail et  de  la  réforme  parlementaire.  Elu  en  1 832  membre 
du  Parlement  par  le  bourg  d'Oldham,  réélu  en  1835, 1837 
et  1841,  il  soutint  ardemment  la  loi  des  dix  heures  de  tra- 
vail qui  ne  fut  rejetée  en  1846  que  par  une  majorité  de  dix 
voix  et  il  la  fit  adopter  l'année  suivante.  Une  statue  en 
bronze  lui  a  été  élevée  aux  frais  des  ouvriers  anglais  dans 
l'hôtel  de  ville  de  Todmorden.  On  a  de  lui  :  The  Mischief 
and  iniquities  ofpaper  money  (1832)  ;  National  Régé- 
nération (1834)  ;  A  Sélection  of  facts  and  arguments 
in  favour  ofthe  ten  hours  M// (1845)  ;  Speech  on  the 
Sugar  duties  (1841).  R .  S . 

Bibl.  :  Fishwick,  Genealogical  Mémorial  of  the  family 
Fielden  of  Todmorden,  1844.  -  Alfred,  History  of  the 
factory  movement,  1857. 

FIELDING,  comtes  de  Denbigh(Y.  ce  nom). 

FIELDING  (Henry),  littérateur  anglais,  né  à  Sharpham 
Park  (Somerset)  le  22  avr.  1707,  mort  à  Lisbonne  le 
8  oct.  1754,  membre  de  la  famille  des  comtes  de  Denbigh. 


FIELDING  —  FIENNES 


—  422  — 


Après  avoir  terminé  son  éducation  à  Eton,  il  fut  envoyé  à 
Leyde  pour  y  étudier  le  droit.  Grand,  actif,  avide  de  plai- 
sirs et  manquant  de  fortune  pour  satisfaire  à  tous  ses  ap- 
pétits, il  eut  bientôt  abandonné  la  jurisprudence.  De  retour 
à  Londres,  il  fit  du  théâtre,  ce  qui  était  alors  un  moyen 
assez  rapide  de  gagner  de  l'argent.  Il  débuta  à  DruryLane 
en  4728  avec  une  comédie,  Love  in  several  masques,  et 
composa  successivement  dix-huit  pièces  dont  les  plus  re- 
marquables sont  :  Tom  Thumb  (1730),  TheMock  Doctor 
(1732),  The  Intriguing  Chamber-Maid  (1734)  et  The 
Wedding  Bay  (1743).  Les  poches  pleines,  Fielding  reprit 
ses  études  juridiques,  se  fit  inscrire  au  barreau  (1740)  et 
plaida  quelque  temps,  mais  sans  succès.  Il  revint  alors  à 
la  littérature,  écrivit  des  pamphlets  politiques,  des  articles 
de  journaux,  des  romans  qui  lui  valurent  la  célébrité  qu'il 
n'avait  pu  conquérir  ni  au  théâtre  ni  à  la  barre.  En  4748, 
il  avait  été  nommé  juge  de  paix  de  "Westminster,  emploi 
qu'il  remplit  avec  la  plus  grande  conscience.  Sa  santé  étant 
devenue  fort  précaire,  il  s'embarqua  le  26  juin  1754  pour 
le  Portugal  où  il  mourut  après  un  court  séjour.  — Fiel- 
ding, un  des  créateurs  du  roman  anglais,  était  spirituel, 
généreux  jusqu'à  la  prodigalité,  indulgent  et  moqueur.  Le 
succès  exagéré  d'un  roman  de  Richardson,  Pamela,  lui 
avait  donné  l'idée  d'écrire  Joseph  Andrews  (Londres, 
1742,  2  vol.)  où  il  protestait  à  sa  manière  contre  l'aus- 
térité, la  rigidité,  la  puritanisme  de  Richardson  qui  sem- 
blait toujours  prêcher.  Joseph  Andrews,  plein  de  naturel, 
de  gaieté,  de  vie,  obtint  un  succès  sans  précédent.  Persis- 
tant dans  cette  voie,  Fielding  eut  bientôt  produit  son  chef- 
d'œuvre  :  Tom  Jones,  or  the  history  of  a  foundling 
(1749)  où  il  se  donna  la  satisfaction  d'arracher  force 
masques  hypocrites  et  de  s'amuser  des  ridicules  des  puri- 
tains, tout  en  traçant  d'admirables  études  de  caractères. 
Il  faut  citer  encore  :  Amelia  (1751),  bonne  étude  de 
mœurs  domestiques  ;  The  Life  of  Jonathan  Wild  the 
great  (1743),  amusante  satire  ;  ses  Miscellanies  (1743, 
3  vol.)  et  son  Journal  of  a  voyage  to  Lisbon  (1755)  où 
l'on  retrouve  toute  la  verve  de  sa  jeunesse  étrangement 
alliée  à  la  mélancolie  de  sa  fin  prochaine.  La  première  édi- 
tion de  ses  Œuvres  complètes  a  été  donnée  en  1762  par 
A.  Murphy  (Londres,  4  vol.  in-4).  Parmi  les  rééditions  on 
peut  mentionner  celles  de  Londres,  1784,  10  vol.  in-8, 
1808,  14  vol.  in-8,  1871,  10  vol.  in-8.  R.  S. 

Bibl.  :  Murphy,  Essay  on  life  and  genius  of  Fielding, 
1762.  —  F.  Lawrence,  Life  ofH.  Fielding;  Londres,  1855. 
—  Les  biographies  de  Watson  (1807),  de  Walter  Scott 
(1821)',  de  Roscoe  (1840),  de  Dobson  (1883),  de  Leslie 
Stephen  (1889),  etc. 

FIELDING  (Sarah),  sœur  du  précédent,  née  à  East 
Stour  (Dorset)  le  8  nov.  1710,  morte  à  Bath  en  1768. 
Elle  a  composé  des  poésies  et  quelques  romans.  Nous 
citerons  :  The  Aduentures  of  David  Simple  in  search 
of  a  faithful  Friend  (1744);  Jhe  Cry  (1754),  en 
collaboration  avec  miss  Collier;  The  Governess  (1749); 
History  of  the  countess  of-Dellwyn  (1759)  ;  Lives  of 
Cleopatra  and  Octavia  (1757)  ;  History  of  Ophelia 
(1785)  et  une  traduction  de  Xénophon,  Memoirs  of  So- 
crates  (1762).  R.  S. 

FIELDING  (Sir  John),  magistrat  anglais,  mort  à 
Londres  le  4  sept.  1780,  frère  des  précédents.  Suppléant  de 
son  frère  à  la  justice  de  paix  de  Westminster,  il  lui  succéda 
dans  ce  poste.  Il  est  l'auteur  de  :  Plan  for  preventing 
robberies  (1755)  dont  l'idée  première  appartient  à  son 
frère  ;  An  Account  of  the  origin  and  effects  of  a  police 
set  on  foot  in  1753  (1758);  Extracts  from  such  of 
the  pénal  laws  as  particularly  relate  to  the  peace 
and  good  order  of  the  metropolis  (1768);  A  Treatise 
on  the  office  of  constable  (1768).  John  Fielding  était 
aveugle  de  naissance.  Il  est  célèbre  par  la  guerre  impi- 
toyable qu'il  fit  aux  voleurs  de  Londres. 

FIELDING  (Anthony- Vandyke-Copley) ,  aquarelliste  an- 
glais, né  à  Londres  en  1787,  mort  àBrighton  le  3  mars  1855. 
Elève  de  John  Varley,  il  fut  un  des  premiers  exposants 
de  la  Société  des  aquarellistes.  Elu  membre  de  la  Royal 


Àcademy,  il  en  devint  successivement  trésorier,  secré- 
taire et  président  (1831),  charge  qu'il  occupa  jusqu'à  sa 
mort.  Ses  œuvres,  d'une  exécution  impeccable,  manquent 
un  peu  de  sincérité.  Quelques-unes  ont  atteint  des  prix 
très  élevés  ;  ses  marines  surtout  sont  fort  prisées  :  il  excelle 
à  rendre  les  effets  de  tempête.  Somme  toute,  il  s'impose 
plutôt  par  la  grande  quantité  que  par  la  qualité  de  ses  pro- 
ductions.  F.  T. 

F1ELDS  (James),  poète  américain,  né  à  Portsmouth 
(New  Hampshire)  en  1820.  Associé  de  la  maison  d'édition 
Ticknor  et  Fields,  à  Boston,  il  a  donné  une  édition  en 
20  vol.  des  Œuvres  de  Thomas  de  Quincey  (1858),  et  a 
publié  trois  recueils  de  poésies  originales  (1849,  1854  et 
1858)  où  il  déploie  un  ingénieux  talent  d'amateur. 

FIENNES.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Rou- 
logne,  cant.  de  Guines  ;  979  hab.  Fiennes  fut  au  moyen 
âge  le  chef-lieu  de  l'une  des  quatre  châtellenies  du  Bou- 
lonnais. On  en  connaît  les  châtelains  depuis  le  xie  siècle. 
Le  plus  célèbre  fut  Robert  de  Fiennes,  dit  Moreau,  connétable 
de  France  au  xive  siècle,  qui  lutta  vaillamment  contre  les 
Anglais  et  mourut  vers  1384.  Après  sa  mort,  la  seigneurie 
de  Fiennes  échut  à  sa  nièce  Mahaut  de  Ghatillon  qui  la  porta 
dans  la  maison  de  Luxembourg  ;  elle  passa  ensuite  succes- 
sivement aux  comtes  d'Egmont  (1532),  à  la  famille  de  Vicq 
(1606),  à  la  maison  d'Etampes  de  Valençay,  en  faveur  de 
laquelle  Louis  XIII  l'érigea  en  marquisat  (1643),  aux  Fon- 
tanieu,  aux  Belzunce  et  enfin  aux  Doublet  de  Rlandeville 
qui  la  possédaient  au  moment  de  la  Révolution.  Vestiges 
de  l'ancien  château  romain  détruit  au  xvie  siècle. 

FIENNES.  Famille  anglaise  (V.  Dacre  of  the  South). 
FI  EN  N  ES  (James),  lord  Saye  and  Sele,  décapité  à  Londres 
le  4  juil.  1450.  Il  prit  part  très  jeune  aux  guerres  contre 
la  France  et  obtint,  en  1418,  en  récompense  de  ses  ser- 
vices, la  seigneurie  de  La  Cour  le  Comte  dans  le  bail- 
liage de  Caux  ;  en  1430,  il  assistait  au  couronnement 
de  Henri  VI  à  Paris.  Il  fut  créé  sheriff  du  Kent  en  1437  et 
sheriff  de  Surrey  et  Sussex  en  1439.  Connétable  de  Dou- 
vres en  1447  et  garde  des  Cinq  Ports,  il  siégea  au  Parle- 
ment de  1446-47  et  fut  créé  baron  Saye  and  Sele.  Cham- 
bellan du  roi  et  membre  du  conseil,  constable  de  la  Tour, 
il  devint  fort  impopulaire  lorsqu'il  eut  pris  le  parti  du  duc 
deSuffolk.Des  accusations,  sans  doute  fondées,  d'extorsion 
et  de  malversation  commencèrent  à  circuler  sur  son 
compte.  Il  fut  même  accusé  d'avoir  trempé  dans  le  meurtre 
du  duc  Humphrey.  Cependant  le  roi  le  nomma,  en  1449, 
lord  trésorier.  Bientôt  une  rumeur  plus  grave  s'éleva. 
Lord  Saye  était  convaincu  d'avoir  rendu  par  trahison  à  la 
France  les  provinces  de  l'Anjou  et  du  Maine.  Cependant, 
protégé  par  Henri  VI,  il  fut  seulement  privé  de  son  office 
de  trésorier.  Après  la  rébellion  de  Cade,  il  fut  emprisonné 
à  la  Tour.  Livré  par  lord  Scales  aux  gens  de  Cade,  il  fut 
décapité  ;  son  corps  fut  écartelé  et  sa  tète  fut  promenée  par 
les  rues.  R.  S. 

FIENNES  (Guislain  de),  marin  , et  diplomate  belge  du 
xvie  siècle.  Il  signa  le  compromis  des  nobles  et  lutta  toute 
sa  vie  contre  la  tyrannie  espagnole.  De  1570  à  1572,  il 
commanda  la  flotte  des  Gueux  de  mer  ;  puis  Guillaume 
d'Orange  l'envoya  négocier  un  traité  d'alliance  avec 
Charles  IX.  Le  roi  de  France  s'engageait  à  fournir  d'impor- 
tants subsides  au  Taciturne  qui,  d'autre  part,  autorisait 
le  roi  à  conquérir  une  partie  des  Pays-Bas.  Daas  cette  négo- 
ciation et  dans  plusieurs  autres  dont  il  fut  chargé,  de 
Fiennes  fit  preuve  de  beaucoup  de  zèle  et  d'habileté.  Il 
mourut  à  Paris  et  fut  enterré  dans  l'église  cathédrale  de 
Notre-Dame.  —  Son  frère,  Eustache,  signataire  comme  lui 
du  compromis  des  nobles,  porta  la  parole  devant  Margue- 
rite de  Parme,  au  nom  des  confédérés  au  mois  d'avr.  1566. 
Exilé  par  le  duc  d'Albe,  il  lutta  vaillamment  contre  les 
troupes  espagnoles  dans  l'armée  de  Louis  de  Nassau.  On 
ignore  l'histoire  des  dernières  années  de  sa  vie  à  partir 
de  1573.  E.  H. 

Bibl.  :  Te  Water,  Histoire  du  compromis  des  nobles 
(en  holl.)  ;  Leyde,  1841,  2  vol.  in-8.  —  Groen  van  Prins- 


—  423 


FIENNES  -  FIENVILLERS 


terer,  Archives  de  la  maison  d'Orange;  Leyde,  1847-62, 
8  vol.  in-8.  —  Arend,  Histoire  nationale  (en  noll.). 

FIENNES  (William),  vicomte  Saye  and  Sele,  homme 
d'Etat  anglais,  né  le  28  mai  1582,  mort,  le  14  avril  4662. 
Entré  à  la  Chambre  des  lords  dès  1613,  assez  pauvre,  am- 
bitieux, réservé,  obstiné,  il  se  fit  remarquer,  pendant  les 
dernières  années  du  règne  de  Jacques  Ier,  parmi  les  mem- 
bres les  plus  énergiques  de  l'opposition  parlementaire.  Dans 
l'intervalle  des  sessions  de  la  Chambre  des  lords,  il  s'occu- 
pait d'affaires  coloniales,  d'accord  avec  d'autres  notables 
puritains,  lord  Brooke,  John  Pym,  etc.;  il  forma  même  le 
projet  de  s'établir  dans  la  Nouvelle- Angleterre,  mais  à  cer- 
taines conditions  que  les  colons,  peu  soucieux  d'établir  chez 
eux  une  aristocratie,  déclinèrent.  Fiennes  déblatéra  dès 
lors  contre  la  Nouvelle-Angleterre,  et  apporta  tous  ses 
soins  à  d'autres  établissements  situés  dans  le  New  Hamp- 
shire  actuel.  —  «Il  était,  dit  Clarendon,  l'oracle  des  pires 
puritains.  »  Il  prit  donc  naturellement  une  position  pré- 
pondérante à  la  Chambre  des  lords  dès  l'ouverture  du  Long 
Parlement.  Celui-ci  le  nomma  lord-lieutenant  des  comtés 
d'Oxford,  de  Gloucester  et  de  Chester.  Excepté  de  l'amnistie 
générale  par  la  proclamation  royale  du  3  nov.  1642,  il 
leva  un  régiment  et  prit  part  à  la  plupart  des  péripéties  de 
la  guerre  civile.  Mais,  regardé  pendant  six  ans  comme  la 
colonne  des  Indépendants  dans  la  Chambre  haute,  il  com- 
mença à  évoluer  dans  le  sens  d'un  accommodement  avec  le 
roi  vers  1648.  «  Saye,  dit  Clarendon,  n'avait  pas  la  moindre 
intention  d'abolir  la  monarchie  et  encore  moins  d'effacer 
les  distinctions  hiérarchiques  entre  les  hommes.  Il  était 
aussi  fier  de  sa  qualité  et  de  son  titre  qu'on  peut  l'être, 
et  il  prévoyait  bien  ce  qu'il  adviendrait  de  sa  pairie  si  le 
gouvernement  tombait  aux  mains 'des  soldats.  »  Après  la 
mort  de  Charles  Ier,  le  lord  puritain  (qui  s'était  fait  d'ail- 
leurs grassement  indemniser  de  la  valeur  de  ses  charges) 
cessa  de  prendre  part  aux  affaires  publiques.  Il  séjourna  à 
Broughton  pendant  le  Protectorat,  et  employa  ses  loisirs  à 
polémiser  contre  les  quakers. La  Restauration  le  fit  membre 
du  conseil  privé  et  membre  du  conseil  des  colonies  (1660). 
—  On  l'avait  surnommé  Old  Subtlety,  surnom  qui  rappelle 
et  caractérise  son  habileté  comme  tacticien  parlementaire 
et  dans  la  conduite  de  sa  vie.  Plusieurs  portraits  gravés 
de  ce  personnage  sont  conservés  à  la  bibliothèque  Bod- 
léienne  d'Oxford,  dans  la  collection  Sutherland.  Ch.-V.  L. 

FIENNES  (Nathaniel),  homme  politique  anglais,  né  à 
Broughton  (Oxfordshire)  vers  1608,  mort  à  Newton  Tony 
(Wiltshire)  le  16  déc.  1669.  Fellow  au  New  Collège 
d'Oxford,  il  voyagea  en  Suisse  après  avoir  terminé  ses 
études.  En  1639,  il  était  en  Ecosse,  s'occupant  à  établir 
des  intelligences  entre  les  mécontents  anglais  et  les  cove- 
nantaires.  Il  siégea  pour  Banbury  au  Parlement  de  1640 
et  au  Long  Parlement.  Il  prit  une  part  importante  aux  dé- 
bats, se  fit  une  spécialité  des  affaires  ecclésiastiques  et 
acquit  sur  l'assemblée  une  influence  considérable.  Aussi 
fut-il  nommé  membre  de  la  commission  chargée  d'accom- 
pagner le  roi  en  Ecosse  (1641),  membre  du  comité  de 
sûreté  (1642),  reçut  le  commandement  d'une  troupe  de 
cavalerie  dans  l'armée  du  comte  d'Essex.  Il  secourut  Co- 
ventry  (23  août  1642),  se  distingua  au  combat  de  Worces- 
ter  (23  sept.),  à  Edgehill.  En  févr.  1643,  il  fut  chargé 
d'arrêter  le  colonel  Essex,  rétablit  l'ordre  à  Bristol,  déjoua 
un  complot  qui  avait  pour  but  d'ouvrir  la  ville  au  prince 
Rupert,  et  fut  nommé  alors  gouverneur  de  Bristol  (1er  mai). 
Assiégé  par  le  prince  Rupert  en  juillet,  il  fut  forcé  de 
capituler.  Accusé  de  trahison  par  plusieurs  parlementaires, 
il  réclama  la  formation  d'un  conseil  de  guerre  pour  juger 
sa  conduite.  Le  procès  eut  lieu  à  Saint-Albans  du  14  au 
23  déc.  1643,  et  se  termina  par  la  condamnation  à  mort 
de  Fiennes.  Gracié,  il  fut  désormais  privé  d'emploi  mili- 
taire. En  1648,  il  fit  de  nouveau  partie  du  comité  de 
sûreté  ;  mais  il  fut  bientôt  exclu  de  la  Chambre  avec  les 
membres  qui  avaient  manifesté  l'intention  de  signer  la 
paix  avec  le  roi  après  le  traité  de  Newport.  Le  23  avr.  1654 
Cromwell  le  fit  entrer  au  conseil  d'Etat;  en  1655,  il  de- 


vint gardien  du  grand  sceau.  Il  représenta  Oxford  au  Par- 
lement en  1654  et  1655  et  fut  appelé  à  la  Chambre  des 
lords  en  1658.  Il  fut,  à  diverses  reprises,  l'organe  du 
Protectorat,  notamment  à  l'ouverture  du  parlement  de 
Richard  Cromwell.  Il  disparut  ensuite  tout  à  fait  de  la 
scène  politique  et  ne  fut  nullement  inquiété  par  la  Res- 
tauration. On  a  de  lui  :  True  and  exact  Relation  of  the 
battlesnear  Keynton,  and  at  Worcester  (1642,  in-4); 
A  Narrative  ofthelate  battle  before  Worcester  (16 42, 
in-4);  A  Relation  concerning  the  surrender  of  the 
city  and  castle  of  Bristol  (1643,  in-4)  ;  Unparalleled 
Reasons  for  abolishing  episcopacy  (1642,  in-4).,  etc. 
On  lui  attribue  Monarchy  asserted  (1660).  R.  S. 

FIENNES  (Du  Bois  de)  (V.  Bois  de  Fiennes). 

FI  EN  N  ES  (Maximilien-François,  comte  de),  général  fran- 
çais, baptisé  le  10  juin  1669,  mort  à  Paris  le  26  avr.  1716. 
Il  fut  d'abord  mestre  de  camp  d'un  régiment  de  cavalerie, 
puis  créé  brigadier  le  29  janv.  1702  et  maréchal  de  camp 
le  26  oct.  1703.  Blessé  en  Allemagne,  en  1703,  à  la 
bataille  de  Spire ,  il  est  aux  sièges  de  Gibraltar,  Bada- 
joz  et  Carthagène  (1706).  Lieutenant  général  le  28  oct. 
1706,  il  est  à  Almanza  (1707)  aux  sièges  de  Lérida  et  de 
Tortose  (1708).  Commandant  de  l'armée  de  Roussillon  en 
l'absence  du  duc  de  Noailles  de  1711  à  1714,  il  remporte 
quelques  avantages  sur  l'ennemi  pendant  les  campagnes  de 
ces  quatre  années. 

'  FIENNES  (Jean-Baptiste  de), orientaliste  et  diplomate 
français,  né  à  Saint-Germain-en-Laye  le  9  oct.  1669,  mort 
à  Paris  en  1744.  Ayant  embrassé  fort  jeune  la  carrière  du 
drogmanat,  il  partit  en  1687  pour  le  Levant,  avec  F.  Petis 
de  La  Croix.  Il  occupa  successivement  les  postes  de  premier 
drogman  de  consulat  à  Alexandrie  (1692)  et  au  Caire 
(1695).  Revenu  en  France  pour  affaires  personnelles  en 
1706,  il  y  fut  accueilli  avec  faveur  et  nommé  en  1714,  en 
remplacement  de  La  Croix,  à  la  chaire  d'arabe  au  Collège 
de  France,  puis,  en  1716,  au  poste  de  secrétaire-interprète 
du  roi.  En  1718,  il  alla  en  mission  avec  Dussaux,dans  les 
régences  barbaresques,  et  enfin,  en  1729,  il  termina  sa 
carrière  active  en  retournant  seul  à  Tripoli  où  il  fit  un 
traité  de   paix    avantageux  pour  les  intérêts  français. 

FI  EN  N  ES  (Jean-Baptiste-Hélin  de),  fils  du  précédent,  né 
à  Saint-Germain-en-Laye  le  25  mars  1710,  mort  en  1767. 
Il  embrassa,  un  peu  malgré  lui,  la  même  carrière  que  son 
père.  Il  partit  pour  Constantinople  en  1729,  avec  une 
pension  de  1,200  livres,  pour  y  étudier  les  langues  orien- 
tales, et  notamment  l'arabe,  le  turc  et  le  persan.  Après  dix 
ans  de  stage,  il  revint  en  France  et  fut  chargé,  en  1740, 
conjointement  avec  Petis  de  La  Croix,  de  la  direction  des 
Jeunes  de  langues  du  collège  Louis-le-Grand.  En  1742,  il 
fut  envoyé  à  Tunis  pour  y  conclure  la  paix  et  en  ramena 
deux  ambassadeurs  du  bey,  chargés  de  faire  des  excuses 
au  roi  pour  une  insulte  au  pavillon  français.  De  Fiennes 
fut  successivement  nommé  secrétaire-interprète  du  roi  en 
1744  et  professeur  d'arabe  au  Collège  de  France  en  1748. 
Il  fut  néanmoins  envoyé  en  mission  diplomatique  à  Tri- 
poli en  1751  pour  obtenir  satisfaction  de  la  conduite  des 
corsaires  de  cette  régence  envers  les  Français,  et  il 
réussit  dans  sa  mission.  Nous  ne  connaissons  aucun 
ouvrage  imprimé  des  deux  de  Fiennes,  sauf  une  Re- 
lation de  Doury  Effendi,  ambassadeur  de  la  Porte  en 
Perse,  traduite  du  latin  du  P.  Krusinski,  par  de  Fiennes 
le  jeune,  et  publiée  en  1810  dans  le  Magasin  Encyclopé- 
dique, puis  tirée  à  part.  La  Bibliothèque  nationale  possède 
parmi  ses  manuscrits  quelques  traductions  du  père  et  du 
fils  et  notamment  de  ce  dernier,  celle  du  Tarikh  al-Rindïl 
Gharbi  (Histoire  des  Indes  occidentales)  ,  histoire  inté- 
ressante de  la  découverte  de  l'Amérique.         C.  St-A. 

Bibl.  :  Abbé  Goujet,  Mêm.  hist.  et  litt.  sur  le  Coll.  de 
France,  p.  111.  —  Zenker,  Bibl.  orient.,  n°  1030. 

FIENNES  de  Clinton  (V.  Clinton). 
FIENNES  (John)  (V.  Crampton  [Sir]). 
FIENVILLERS.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Boulogne-sur-Mer,  cant.  de  Guines;  928  hab. 


FIER  -  FIESCHI 


—  424  — 


FIER  (Torrent)  (V.  Savoie  [Haute-]). 

FIERASFER  (Ichtyol.).  Genre  de  poissons  osseux  (Té- 
léostéens)  de  l'ordre  des  Anacanthini  et  de  la  famille  des 
Ophiidse,  section  des  Fierasferina,  à  corps  allongé  ou  com- 
primé, couvert  de  très  petites  écailles  de  couleur  pâle  et 
souvent  transparentes.  Les  Fierasfer  habitent  la  Méditer- 
ranée, l'océan  Atlantique  et  l'océan  Pacifique.  Ce  sont  des 
animaux  parasites  et  que  l'on  rencontre  logés  dans  le  tube 
digestif  des  Holothuries.  —  Le  Fierasfer  dubius  vit  le 
plus  souvent  entre  les  valves  de  la  Meleagrina  marga- 
ritifera;  on  vient  souvent  offrir  des  valves  dé  cette  co- 
quille contenant  le  corps  d'un  de  ces  petits  poissons  recou- 
vert d'un  dépôt  de  nacre. 

Bibl.  :  Gunther,  Study  of  Fishes.  —  Sauvage,  dans 
Brehm,  éd.  française,  Poissons.  —  Cuenot,  dans  le  Natu- 
raliste, 14e  année,  2e  série,  n°  120. 

FIERENS  (Caroline),  cantatrice  dramatique  belge,  née 
à  Bruxelles  en  1866.  Elle  fit  ses  études  musicales  au  con- 
servatoire de  Bruxelles.  Engagée  presque  aussitôt  au  Grand- 
Théâtre  de  Lille  -pour  y  tenir  l'emploi  de  première  chanteuse 
de  grand  opéra,  elle  y  créa  le  rôle  de  Zaïre  dans  Zaïre,  opéra 
inédit  de  M.  Charles  Lefebvre.  Ses  succès  à  Lille  la  firent 
appeler  à  Marseille,  où  elle  ne  fut  pas  moins  bien  accueillie, 
grâce  à  sa  beauté  sculpturale,  à  retendue,  à  l'étoffe  et  à  la 
belle  qualité  de  sa  voix,  à  son  habileté  de  cantatrice,  enfin  à 
un  sentiment  dramatique  que  l'expérience  ne  pouvait  qu'ac- 
croître encore.  A  la  fin  de  1894  elle  était  engagée  à 
l'Opéra,  où  elle  débuta  dans  le  rôle  d'Ortrude,  de  Lohen- 
grin.  Mlle  Fierens  a  épousé,  presque  au  sortir  du  conser- 
vatoire de  Bruxelles,  un  de  ses  camarades  de  classe  dans 
cet  établissement,  M.  Peeters,  avec  qui  elle  avait  été 
engagée  à  Lille. 

FIERROS  (Dionisio),  peintre  espagnol  contemporain,  né 
à  Vallota  (Asturies).  Elève  de  l'Académie  de  San  Fernando 
et  de  Federico  de  Madrazo,  tour  à  tour  peintre  d'histoire,  de 
genre  et  de  portraits,  son  talent  s'est  également  bien  prêté  à 
ces  diverses  manifestations.  De  1860  à  1866,  on  a  vu  de  lui 
aux  expositions  faites  à  Madrid,  à  Londres,  à  Paris  :  Une 
Fête  aux  environs  de  Santiago  (galerie  de  l'infant  D.  Sé- 
bastien) ;  La  Ruada  et  La  Muneira  (1858,  galerie  Monpen- 
sier  à  Séville)  ;  Une  Famille  galicienne;  Un  Mendiant  et 
la  Sortie  de  la  messe  dans  un  village  de  Galice  (acquis 
par  l'Etat  et  appartenant  au  musée  du  Fomento)  ;  Atelier 
d'artiste,  un  Episode  du  règne  de  Henri  III,  el  Doliente 
(appartenant  à  l'Etat),  ainsi  que  de  nombreux  portraits  de 
personnages  contemporains,  notamment  celui  de  la  prin- 
cesse Antonia  de  Portugal,  un  portrait  de  Moratin, 
qui  est  à  l'Académie  de  San  Fernando  et  une  représen- 
tation du  roi  Alphonse  F  pour  le  salon  des  Rois,  au  musée 
du  Prado.  P.  L. 

Bibl.  :  Ossorio  y  Bernard,  Galeria  biogràfica  de  ar- 
tistas  espanoles  del  siglo  XIX;  Madrid,  1868. 

FIERTON  (Numism.).  Poids  équivalent  à  un  quart  du 
marc.  On  a  cité  à  tort  comme  le  plus  ancien  exemple  de  ce 
mot  un  passage  d'un  diplôme  de  Louis  le  Pieux  pour  le 
monastère  d'Ebersheim  (Novientum),  car  c'est  un  docu- 
ment faux.  Le  mot  fierton  vient  du  saxon  feorthung  qui 
signifie  quart.  Dans  les  chartes  du  xie  au  xive  siècle, 
rédigées  en  Artois,  en  Flandre  et  en  Allemagne,  on  trouve 
des  mentions  assez  fréquentes  de  redevances  exprimées  en 
marcs  et  fiertons  d'argent.  Le  fierton  était  un  poids  très 
employé  au  xme  siècle  dans  les  hôtels  monétaires  de  la 
France  pour  la  vérification  des  espèces.  Dans  la  plupart 
des  baux  de  monnaies  conclus  au  nom  d'Alphonse  de  Poi- 
tiers, il  est  stipulé  que  les  monnaies  devront  avoir  le  poids 
moyen  et  qu'on  ne  tolérera  que  «  trois  forts  et  trois  faibles 
au  fierton  »,  c.-à-d.  trois  deniers  forts  et  trois  deniers  fai- 
bles par  quart  de  marc.  Certains  numismatistes  modernes 
commettent  une  erreur  quand  ils  appliquent  le  nom  de 
fiertons  aux  déneraux  (V.  Déneral).  Il  est  possible  que 
le  mot  fierton  ait  aussi  désigné  une  petite  monnaie  valant  le 
quart  d'un  denier,  analogue  au  farthing  anglais.  M.  Prou. 

Bibl.  :  Du  Gange,  Glossarium,  au  mot  Ferto.] 


F1ERVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Valognes,  cant.  de  Barneville;  486  hab. 

FIERVILLE-lâ-Càmpagne.  Com.  du  dép.  du  Calvados, 
arr.  de  Falaise,  cant.  de  Bretteville,  sur  la  Muance  ;  286  hab . 
Eglise  intéressante  du  xme  siècle,  dont  le  carré  du  tran- 
sept est  surmonté  d'un  clocher  et  d'une  flèche  en  pierre. 

FIERVILLE-les-Parcs.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr. 
de  Pont-1'Evêque,  cant.  de  Blangy  ;  170  hab. 

FI  ESC  H I  (Giuseppe) ,  conspirateur,  né  à  Murato  (Corse) 
le  13  déc.  1790,  mort  à  Paris  le  19févr.  1836.  Né  d'une 
famille  de  vagabonds,  berger  en  Corse  dans  son  enfance, 
il  alla,  dès  l'âge  de  seize  ans,  s'engager  dans  l'armée  na- 
politaine, devint  sergent  deux  ans' plus  tard,  entra  dans 
la  garde  royale  de  Murât  et  gagna  la  croix  des  Deux- 
Siciles  par  sa  bravoure  dans  les  campagnes  de  1812, 1813 
et  1814.  Absolument  dénué  de  sens  moral,  il  avait  déjà 
fait  le  métier  d'espion  pour  le  compte  des  Autrichiens. 
Les  renseignements  (ju'il  leur  fournit  en  1815  les  aidèrent 
à  remporter  la  victoire  de  Tolentino  sur  Murât,  qui  fut 
détrôné  et  qu'il  alla  pourtant  rejoindre  en  Corse  pour  le 
tromper  encore.  Abusé  par  son  apparent  dévouement,  le 
beau-frère  de  Napoléon  l'emmena  dans  cette  folle  équipée 
de  Pizzo  (28  sept.  1815)  où,  trahi  de  nouveau  par  cet 
aventurier,  il  ne  tarda  pas  à  trouver  la  mort.  Fieschi  passa 
quelque  temps  après  à  Marseille,  puis  regagna  son  île 
natale,  s'y  fit  condamner  à  dix  ans  de  réclusion  pour  vol 
(28  août  1819),  subit  sa  peine  à  Embrun,  puis,  se  dérobant 
à  la  surveillance  de  la  haute  police,  travailla  comme  ou- 
vrier dans  diverses  villes  du  Midi  sous  le  nom  de  Gérard. 
Après  la  révolution  de  Juillet,  il  se  rendit  à  Paris,  où, 
grâce  à  de  faux  papiers,  il  obtint  des  secours  à  titre  de 
condamné  politique,  se  mit,  comme  agent  secret,  au  service 
de  la  préfecture  de  police  et  fut  nommé  gardien  du  moulin 
de  Croulebarbe.  Il  vivait  en  concubinage  avec  une  femme 
nommée  Laurence  Petit,  qu'il  avait  connue  à  la  prison 
d'Embrun,  et  dont  la  fille,  Nina  Lassave,   séduite  par  lui 
à  l'âge  de  quinze  ans,  devint  aussi  sa  maîtresse.  Les  rap- 
ports défavorables  dont  il  fut  l'objet  lui  firent  perdre  son 
emploi  et  motivèrent  un  mandat  d'amener  qui  fut  lancé 
contre  lui  le  24  oct.  1834.  Réduit  à  se  cacher,  il  demeura 
quelque  temps  chez  le  bourrelier  Morey,  chez  l'épicier 
Pépin,   dont  les  incitations  lui  donnèrent  sans  doute  la 
première  idée  de  l'attentat  politique  qui  devait  rendre  son 
nom  célèbre,  puis  s'installa  boulevard  du  Temple,  n°  30,  dans 
un  logement  du  troisième  étage.  Là,  d'accord  avec  Pépin  et 
Morey,  il  établit  une  machine  infernale  composée  de  vingt- 
quatre  canons  de  fusil  chargés  à  mitraille,  en  vue  de  tuer 
d'un  seul  coup  Louis-Philippe  et  ceux  des  membres  de  sa 
famille  qui,  le  28  juil.  1835,  devaient  se  rendre  avec  lui, 
en  grand  appareil,  par  le  boulevard  du  Temple,  à  la  place 
de  la  Bastille,  pour  célébrer  l'anniversaire  de  la  révolution 
de  Juillet.  L'explosion  eut  effectivement  lieu  au  moment 
précis  où  le  roi  et  son  cortège  passaient  devant  sa  maison. 
Dix-neuf  personnes  (parmi  lesquelles  le  maréchal  Mor- 
tier) furent  tuées  ou  blessées  mortellement;  vingt-trois 
furent  simplement  blessées.  Fieschi ,  grièvement  atteint 
lui-même  par  un  des  canons  de  fusil  qui  avait  éclaté,  fut 
arrêté   quelques  instants   après.  Son  identité  une    fois 
reconnue,  ses  complices  ne  tardèrent  pas  à  être  arrêtés, 
grâce  à  ses  révélations  et  à  celles  de  Nina  Lassave,  qui, 
pendant  quelque  temps,  étala  effrontément  sa  célébrité 
dans  un  café  de  Paris.  Morey,  Pépin,  le  lampiste  Boireau 
et  le  relieur  Bescher  comparurent  avec  lui,   après  une 
longue  instruction  (30  janv.  1836),  devant  la  cour  des 
Pairs,  ou  il  eut  l'attitude  et  le  langage  d'un  fanfaron  de 
crime,  Sa  forfanterie  et  sa  jactance  ne  l'abandonnèrent  pas 
après  sa  condamnation.  Conduit  à  l'échafaud  avec  Morey 
et  Pépin,  il  fut  exécuté  après  eux,  non  sans  avoir  voulu 
haranguer  la  foule  qui  assistait  à  son  supplice.  Ses  deux 
compagnons  étaient  personnellement  républicains.  Mais  il  fut 
impossible  de  démontrer  qu'aucun  parti  eût  concouru  direc- 
tement ou  indirectement  à  leur  attentat.     A.  Debidour. 
Bibl.  :  Belle,  Notice  sur  Fieschi;  Paris,  1835,  in-8.  — 


—  425  - 


FIESCHI  —  FIESÛLE 


Louis  Blanc,  Histoire  de  dix  ans. —  Bouveiron,  Hisîori- 
cal  and  biographical  Sketch  ofFieschi;  Londres,  1835,  in-8. 
—  Cour  des  Pairs,  attentat  du  28  juil.  1835;  Paris,  1835- 
1836,  6  vol.  in-4.  —'Fieschi,  précédé  de  sa  vie  privée  ;  Pa- 
ris, 1836,  2  vol.  in-18.  —  Fieschi  und  seine  Mitangeklaglen; 
Leipzig,  1836,  in-8.  —  Lesur,  Annuaire  historique,  1835- 
1836.  — Levensbijzonderheden  von  Fieschi  ;  Utrecht,  1836, 
in-8.  —  Thureau-Dangin,  Histoire  de  la  monarchie  de 
Juillet,  etc. 

FIESCO  (pluriel  Fieschi).  Célèbre  famille  italienne, l'une 
des  quatre  principales  de  Gênes.  Ils  étaient  comtes  de 
Lavagna,  et  leur  origine,  fort  ancienne,  remontait  au  moins 
au  xe  siècle,  époque  à  laquelle  les  mentionne  un  diplôme 
de  l'abbaye  de  San  Fruttuoso  ;  il  y  a  beaucoup  de  légendes 
sur  cette  période  de  l'histoire  des  Fiesque.  D'abord  rivaux 
de  Gênes,  ils  obtinrent  en  11501e  droit  d'élever  un  palais 
dans  la  ville  et,  en  1198,  ils  abandonnèrent  à  la  répu- 
blique leur  comté  de  Lavagna  ;  depuis  cette  date,  leur  his- 
toire est  celle  de  Gênes.  Les  Fiesque  ont  fourni  deux  papes, 
Innocent  IV  et  Adrien  V  (V.  ces  noms),  trente  cardinaux, 
plus  de  trois  cents  prélats,  des  généraux,  des  amiraux,  un 
nombre  infini  de  personnages  remarquables.  La  branche 
aînée  des  Fiesque,  celle  qui  fut  bannie  de  Gênes  après  la 
conspiration,  s'éteignit  en  1708.    •  R.  G. 

Les  principaux  personnages  de  la  famille  sont,  outre  les 
deux  papes  :  Guglielmo,  mort  à  Rome  en  1256,  cardinal 
(1244),  protecteur  des  augustins.  •—  Luca,  mort  en 
1336,  cardinal  (1298),  délivra  Boniface  III  .à  Anagni.  — 
Giovanni,  mort  en  1384,  évêque  de  Verceil,  cardinal 
(1378),  agent  préféré  d'Urbain  VI.  —  Luigi,  mort  à 
Rome  en  1423,  cardinal  en  1385,  électeur  de  Boniface  IX, 
puis  légat  en  Romagne,  légat  de  Martin  Y  en  Sicile.  — 
Giorgio,  mort  à  Rome  en  1461,  archevêque  de  Gènes  et 
cardinal.  —  Cattarina,  morte  en  1510,  fondatrice  à 
Gènes  de  deux  communautés  religieuses  charitables  (hommes 
et  femmes).  —  Bartolomeo,  qui  provoqua  en  1505  l'in- 
surrection à  la  suite  de  laquelle  le  roi  de  France  Louis  XII 
occupa  Gênes. —  Nicola,  évêque  de  Fréjus  et  Toulon,  car- 
dinal (1503),  archevêque  d'Embrun,  de  Ravenne,  conseiller 
d'Alexandre  VI,  de  Jules  II  et  d'Adrien  VI.  —  Giovanni- 
Luigi,  né  en  1523,  noyé  à  Gênes  le  2  janv.  1547,  auteur 
de  la  fameuse  conjuration  (V.  ci-dessous). 

Conjuration  de  Fiesque.  —  Le  comte  Giovanni-Luigi 
Fiesco,  chef  de  la  puissante  famille  génoise  de  ce  nom, 
conçut,  aux  environs  de  l'année  1545,  la  résolution  de 
changer  la  forme  du  gouvernement  de  son  pays.  Il  y  fut 
déterminé  moins  par  le  dépit  de  voir  sa  maison  supplantée 
par  celle  des  Doria  que  par  l'intention  hautement  avouée 
du  vieil  André  Doria  d'assurer  l'hérédité  de  ses  charges, 
jadis  électives,  à  son  neveu  Giannettino.  Il  fut  indigné  de 
voir,  par  surcroît,  une  ville  autrefois  indépendante,  in- 
féodée, dans  ce  but  d'ambition  égoïste,  à  la  politique  espa- 
gnole et  perdant  ainsi  du  même  coup  l'indépendance  et  la 
liberté.  Quoi  qu'il  en  soit,  du  reste,  de  ses  motifs,  dès 
1544  Fiesco  tentait  de  surprendre  Gênes  avec  un  corps 
français  ;  mais  celui-ci  fut  défait  par  les  Autrichiens.  A 
partir  du  commencement  de  1546,  Fiesco  est  sans  cesse 
sur  les  routes,  sollicitant  l'appui,  tantôt  du  souverain 
pontife,  tantôt  du  roi  François  Ier,  tantôt  du  duc  de  Parme, 
tantôt  de  la  république  de  Florence,  afin  d'assurer  des 
alliés  à  Gênes,  dans  le  cas  assez  probable  où  Charles-Quint 
chercherait  à  venger  son  allié  à  lui  et  surtout  à  recouvrer 
l'influence  perdue.  Sous  prétexte  d'équiper  des  galères 
contre  les  Turcs,  il  rassembla  à  Gênes  plusieurs  centaines 
de  mercenaires.  Il  trompait  André  Doria  par  un  projet  de 
mariage  entre  la  sœur  de  Giannettino  et  le  frère  de  sa 
femme,  le  marquis  de  Massa,  Giulio  Cybo  ;  les  Doria  devaient 
être  assassinés  au  banquet  de  noces.  Ce  projet  ne  put  se  réa- 
liser. Tout  étant  bien  combiné,  à  l'intérieur  comme  à  l'ex- 
térieur, Fiesco  fixa  au  2  janv.  1547  son  audacieuse  tenta- 
tive. Elle  n'échoua  que  par  suite  d'un  accident  singulier. 
Tandis  que  ses  affidés  gagnaient  en  hâte  les  postes  qu'il 
leur  avait  assignés  et  se  trouvaient  maîtres  de  Gênes  en 
un  clin  d'œil,  qu'André  Doria  fuyait  à  toute  bride  vers  le 
château  fort  de  Masone,  que  Giannettino  tombait  percé  de 


coups  à  la  porte  de  la  Darsène,  il  courait  au  port  de 
guerre,  dont  il  s'était  réservé  l'attacnie,  comme  la  plus 
difficile  et  la  plus  périlleuse  tentative  de  l'entreprise  ; 
contre  toute  attente,  les  galères  de  Doria  se  rendirent  sans 
coup  férir  ;  mais,  comme  il  traversait  la  passerelle  reliant 
l'une  d'elles  à  la  rive,  il  glissa,  tomba  dans  l'eau  et,  pa- 
ralysé par  le  poids  de  ses  armes,  coula  à  fond  sans  que, 
dans  le  tumulte,  nul  des  siens  ne  s'aperçût  même  de  sa  dis- 
parition. La  conspiration  triomphante  mourut  avec  celui  qui 
en  était  l'âme.  Les  vainqueurs  ne  surent  plus  que  faire  de 
leur  victoire,  dès  lors  que  le  bruit  vague  se  répandit 
parmi  eux  que  leur  vaillant  chef  était  tombé  en  quelque 
coin  ignoré  du  champ  de  bataille.  Vainement,  le  frère  du 
comte,  Girolamo  Fiesco,  s'efforça-t-il  de  leur  rendre  le 
courage,  de  poursuivre  l'exécution  du  plan  élaboré  par 
Giovanni-Luigi.  Il  ne  fut  pas  écouté.  Des  pourparlers  s'ou- 
vrirent aussitôt  avec  Doria  et,  le  4  janv.,1  le  fugitif  de 
l'avant-veille  rentrait  à  Gênes  en  grande  pompe.  Malgré 
la  solennelle  promesse  d'une  amnistie  générale,  sa  re- 
vanche fut  éclatante.  Ceux  des  Fieschi  que  ne  put  atteindre 
la  hache  de  ses  bourreaux  ou  le  poignard  de  ses  sbires 
furent  bannis  à  perpétuité  du  territoire  de  Gênes,  et, 
lorsque  l'on  retrouva,  à  demi  enfoui  dans  la  vase,  le  ca- 
davre de  celui  devant  qui  il  avait  dû  fuir,  Doria  se  donna 
le  lâche  plaisir  de  le  faire  exposer  durant  deux  mois  dans 
le  misérable  état  où  l'avait  laissé  la  mort,  puis  ordonna 
de  le  jeter  à  la  mer  :  «  —  Puisqu'il  s'est  choisi  cette  sépul- 
ture, dit-il,  qu'il  la  garde.  » 

De  ses  deux  frères,  Girolamo  s'enferma  dans  son  château 
de  Montobio,  se  rendit  au  bout  de  quarante-deux  jours  de 
siège  et  fut  pendu  avec  ses  principaux  complices.  Ottobuono 
se  réfugia  à  Marseille  et  servit  dans  l'armée  française  ; 
huit  ans  après  les  Espagnols  le  prirent  et  le  livrèrent  aux 
Génois  qui  le  noyèrent.  Eléonore  Cybo  (1523-1594), 
veuve  du  principal  conspirateur,  épousa  le  général  Chiap- 
pino  Vitelli.  —  La  renommée  posthume  de  Giovanni-Luigi 
Fiesco  est  due  au  cardinal  de  Retz  et  après  lui  à  Jean- 
Jacques  Rousseau.  Il  s'éprit  de  ce  personnage  qui  lui  parut 
un  des  plus  merveilleux  de  l'histoire.  Schiller  en  fit  le 
sujet  d'une  tragédie,  imitée  par  Ancelot  (1824). 

Bibl.  :  Acinelli,  Compendio  délia  storia  di  Genova; 
Gênes,  1750?  2  vol.  in-8.  —  Sismondi,  Histoire  des  répu- 
bliques italiennes, 

Conjuration  de  Fiesque.  —  La  première  bonne  his- 
toire est  celle  d'Aug.  Mascardi  (Anvers,  1629,  pet.  in-4), 
dont  s'inspira  le  cardinal  de  Retz.  Parmi  les  ouvrages 
récents  nous  citerons  :  Brea,  Sulla  Congiura  del  conte 
G.-Luigi  Fiesco;  Gênes,  1863.  —  Celesca,  La  Congiura 
del  conte  G.-L.  Fiesco;  Gênes,  1864.  —  Canale,  Storia 
délia  repubblica  di  Genova  dalVanno  1528  al  1550,  ossia  le 
congiure  di  Fieschi  et  Giulio  Cibô;  Gênes,  1874.  —  Anto- 
nio, Nuovi  Documenti  sulla  congiura  del  conte  Fieschi 
nel  15kl  ;  Gênes,  1886.  —  Ed.  Petit,  André  Doria  (V.  surtout 
les  chap.  xi  et  xn)  ;  Paris,  1887,  in-8. 

FIESOLE.  I.  Géographie.  —  Ville  d'Italie,  située  au  N. 
de  Florence,  sur  une  colline  escarpée  qui  domine  la  vallée 
de  l'Arno,  à  335  m.  d'alt.  Population  totale,  13,888  hab.  ; 
agglomérée,  2,032  (en  1881).  Evêché  et  séminaire.  Cette 
petite  et  intéressante  localité  est  pleine  de  grands  souve- 
nirs. C'est  là,  à  la  villa  Palmieri,  que  Boccace  fait  séjourner 
les  personnages  de  son  Decameron  durant  la  peste  de 
1348.  C'est  là,  au  couvent  de  San  Domenico  (fondé  en 
1406),  que  vécut  longtemps  le  doux  moine  et  illustre 
peintre  Fra  Giovanni  Angelico,  dont  un  tableau  de  sain- 
teté orne  encore  le  chœur  de  l'église;  c'est  près  de  là, 
dans  un  autre  couvent,  la  Badia  di  Fiesole,  reconstruit 
en  1462  par  Brunelleschi,  que  l'Académie  platonicienne  de 
Laurent  de  Médicis  tenait  ordinairement  ses  séances.  On  y 
voit  encore  une  cathédrale  (bâtie  eh  1028,  restaurée  en 
1256)  qui  est  un  spécimen  des  plus  anciens  du  style  tos- 
can, l'église  San  Alessandro  avec  15  colonnes  antiques, 
un  couvent  de  franciscains  (de  1350)  au  sommet  de  la 
colline;  un  palais  du  xme  siècle,  une  partie  des  murs 
énormes  de  l'enceinte  étrusque,  et  les  ruines  d'un  théâtre 
antique.  Le  paysage  de  Fiesole  est  très  pittoresque  et  les 
villas  de  plaisance  des  Florentins  y  sont  nombreuses. 


FIESOLE 


—  426  — 


IL  Histoire.  —  Fœsulœ  semble  avoir  été  une  impor- 
tante cité  étrusque,  bien  qu'il  n'en  soit  pas  fait  mention 
avant  l'époque  romaine  ;  en  225,  les  Gaulois  y  vainquirent 
l'armée  romaine  ;  Annibal  campa  dans  le  voisinage,  après 
le  passage  des  Apennins.  Ravagée  et  brûlée  durant  la 
guerre  sociale,  Fsesulœ  reçut  une  des  colonies  militaires 
de  Sulla  ;  c'est  probablement  le  dictateur  qui  lui  porta  un 
coup  mortel  en  fondant  au  pied  la  cité  de  Florence,  qui 
devait  la  supplanter.  C'est  à  Fœsulae  que  Catilina  établit 
son  quartier  général,  qu'il  forma  ses  deux  légions  d'anciens 
vétérans  sullaniens  ;  la  légende  locale  conserva  son  sou- 
venir comme  celui  d'un  héros  national.  Sons  l'Empire, 
Florence  éclipse  la  vieille  cité  de  la  montagne.  Celle-ci 
reparaît  au  ve  siècle;  c'est  dans  ces  rochers  que  Stilicon 
bloqua,  affama  et  détruisit  la  grande  armée  de  Radagaise 
(400).  Plus  tard,  Bélisaire  eut  grand' peine  à  s'emparer 
de  la  forte  place.  Au  moyen  âge,  Florence  acheva  d'écraser 
sa  rivale  ;  Fiesole  fut  prise  en  1010  et  à  peu  près  détruite 
par  les  Florentins.  Elle  demeura  sous  leur  dépendance. 

Bibl.  :  Dennis,  Etrurie,  t.  II. 

FIESOLE  (Fra  Benedetto  da),  peintre  italien,  né  à  Vic- 
chio,  près  de  Florence,  vers  1389,  mort  en  1448.  Vasari, 
parlant  de  Fra  Giovanni  da  Fiesole,  surnommé  Beato  Ange- 
lico, assure  qu'il  fut  aidé  dans  ses  innombrables  travaux 
par  un  suo  maggior  fratello  che  era  similmente  mi~ 
niatore  ecl  assai  esercitato  nella  pittura.  Ce  frère  de 
Giovanni,  c'est  Benedetto.  Mais  en  ce  qui  concerne  son 
âge,  l'assertion  de  Vasari  a  été  discutée,  notamment  par 
le  P.  Marchese  dans  son  livre  sur  les  artistes  dominicains, 
et  il  est  très  douteux  que  Benedetto  fût  l'aîné  des  deux 
frères.  Il  semble  au  contraire  être  né  après  Giovanni.  Dans 
tous  les  cas,  ils  se  suivirent  à  très  peu  de  distance  et  leur 
biographie  resta  toujours  étroitement  liée.  Benedetto  prit 
l'habit  dominicain  en  1407  et  fit  profession  l'année  sui- 
vante. Cet  événement  s'accomplit  vraisemblablement  à  Fie- 
sole.  Plus  tard,  en  1436,  les  deux  frères  et  toute  la  commu- 
nauté vinrent  s'établir  à  Florence,  au  couvent  de  San  Marco, 
que  Cosme  de  Médicis  le  Vieux  avait  fait  reconstruire  à  ses 
frais  par  Michelozzo  Michelozzi.  C'est  là  que  Fra  Bene- 
detto fit  les  grands  travaux  qui  ont  fourni  aux  Florentins 
les  éléments  d'un  musée.  Il  était  essentiellement  miniatu- 
riste. De  bonne  heure,  il  fat  connu  comme  tel  et,  dès  1433, 
Cosme  de  Médicis  le  chargea  d'enluminer  les  livres  de 
l'église  et  de  la  sacristie.  Ce  travail  l'occupa  cinq  ans  :  il  ne 
l'avait  pas  encore  achevé,  lorsque  les  religieux  de  San  Do- 
menico  de  Fiesole  l'élurent  prieur  de  leur  couvent.  La  peste 
l'enleva  en  1448  :  Moribus  et  vitœ  integerrimus  fuit. 
Piequiescat  in  pace.  Ainsi  s'exprime  la  chronique  manus- 
crite du  couvent  de  San  Marco  en  constatant  la  mort  de 
Fra  Benedetto. 

Plusieurs  des  livres  de  chœur  enluminés  par  le  labo- 
rieux dominicain  ont  été  conservés,  et  on  peut  les  voir  à 
Florence  à  l'ancien  couvent  de  Saint-Marc,  devenu  un  musée 
en  exécution  de  la  loi  du  7  juil.  1866.  Ils  ont  été  examinés 
avec  soin  par  le  P.  Marchese  et  plus  récemment  par  Fer- 
dinando  Rondoni,  qui  a  dressé  le  catalogue  des  œuvres  d'art 
que  contient  l'ancien  monastère.  Ce  travail  réclame  une 
certaine  critique,  <car  tous  les  missels  illustrés,  tous  les 
psautiers,  tous  les  antiphonaires  conservés  dans  les  vitrines 
du  nouveau  musée  ne  sont  pas  de  Fra  Benedetto,  et  il  serait 
imprudent  d'admirer  au  hasard.  De  plus,  dans  le  même 
volume,  on  trouve  les  œuvres  de  mains  différentes.  Cer- 
taines miniatures  ont,  d'ailleurs,  été  retouchées.  Le  style 
de  Benedetto  est,  avec  moins  de  force,  celui  de  son  frère 
Giovanni  :  il  s'est  toujours  inspiré  de  ses  exemples  et  il 
reproduit  les  mêmes  types  doucement  mystiques.  Les  mi- 
niatures dont  Fra  Benedetto  a  orné  les  livres  du  couvent 
de  San  Marco  comportent  des  initiales,  des  marges  enlu- 
minées, des  vignettes,  parfois  d'importantes  compositions 
empruntées  à  Y  Evangile  et  à  la  Vie  des  Saints.  Ces  diverses 
scènes  se  complètent  souvent  par  des  paysages  minutieuse- 
ment détaillés  et  presque  toujours  d'une  grande  fraîcheur 

de  ton.  Ces  beaux  manuscrits  montrent  aussi  à  bien  des 


pages  les  armoiries  de  Cosme  de  Médicis  qui  les  avait  com- 
mandés. Fra  Benedetto  n'a  pas  fait  seulement  de  la  miniature. 
Comme  l'a  dit  Vasari,  il  était  assai  esercitato  nella  pit- 
tura et  il  fut,  pour  son  frère  Giovanni,  un  collaborateur 
zélé.  Parmi  les  fresques  dont  les  cellules  de  l'ancien  couvent 
de  San  Marco  sont  encore  décorées,  il  en  est  plusieurs  qui 
peuvent  être  attribuées  à  Benedetto,  mais  il  n'est  pas  toujours 
facile  de  reconnaître  la  part  qui  appartient  à  chacun  des 
frères  dans  l'exécution  de  l'œuvre  commune.      P.  Mantz. 

Bibl.  :  Vasari,  Vite  de'  pittori.  —  Le  P.  Marchese,  Me- 
morie  dei  pittori  domenicani,  1854.  —  E.  Cartier,  Vie  de 
Fra  Angelico  de  Fiesole,  1857.  —  F.  Rondoni,  Guida  del 
museo  ai  S.  Marco,  1872. 

FIESOLE  (Giovanni  da),  peintre  florentin  (V.  Angelico 
[Fra]). 

FIESOLE  (Mino  di  Giovanni,  dit  Mino  da),  sculpteur 
italien,  né,  non  à  Fiesole,  mais  à  Poppi,  petite  ville  du 
Casentin,  en  1431,  mort  en  1484. 11  travailla  d'abord  en 
Toscane,  puis  à  Rome.  Ses  premières  œuvres  connues  sont 
des  bustes  copiés  avec  une  exactitude  minutieuse  et  presque 
brutale  :  bustes  de  Niccolà  Strozzi  (1454),  au  musée  de 
Berlin;  de  Pierre  de  Médicis,  le  Goutteux  (vers  1455)  ; 
de  Giuliano  de  Médicis  (mort  en  1463)  ;  du  Comte  Bi- 
naldo  délia  Luna  (1461),  au  musée  national  de  Florence. 
Après  ces  œuvres  lourdes  et  vulgaires,  il  se  fit  dans  la 
manière  de  Mino  une  transformation  complète,  qu'il  faut 
attribuer  à  l'influence  de  Desiderio  da  Settignano.  Ce 
maître  si  élégant  et  si  fin  n'eut  pas  Mino  comme  élève, 
ainsi  que  le  prétend  Vasari,  car  il  n'était  son  aîné  que  de 
trois  ans,  mais  il  l'eut  comme  ami,  et  dès  1455,  il  avait 
produit  son  œuvre  capitale,  le  tombeau  de  C.  Marsuppini, 
à  Santa  Croce.  A  ce  moment  décisif  de  sa  carrière,  Mino 
exécute  deux  bustes  qui  comptent  parmi  les  plus  belles 
œuvres  du  xve  siècle  :  celui  de  l'évêque  de  Fiesole,  Leo- 
nardo  Salutati  (avant  1466,  cathédrale  de  Fiesole),  et 
celui  du  fameux  homme  d'Etat  florentin,  Diotisalvi  di 
Nerone,  daté  de  1464  (coll.  Dreyfus).  La  facture  est  large 
et  souple;  l'indication  des  caractères  est  donnée  avec 
esprit,  sinon  avec  profondeur  :  on  sent  vivre  cet  évêque 
au  large  sourire  débonnaire  que  dément  l'œil  perçant  et 
presque  dur,  et  ce  conspirateur  au  regard  sombre,  à  la 
iDouche  amère  et  sarcastique.  Ces  deux  hommes,  dont  Mino 
nous  a  conservé  les  traits,  ont  beaucoup  fait  l'un  et  l'autre 
pour  l'expansion  de  son  talent.  Salutati  lui  avait  com- 
mandé pour  la  cathédrale  de  Fiesole  son  tombeau  au-dessous 
duquel  est  placé  le  buste  :  c'est  un  sarcophage  en  marbre, 
de  forme  très  pure,  appuyé  au  mur,  et  reposant  sur  d'élé- 
gantes consoles  à  volutes.  La  composition  et  l'exécution  ont 
une  originalité  que  Mino  ne  retrouvera  plus.  Dans  la  même 
chapelle',  en  face,  Mino  a  exécuté,  toujours  sur  la  com- 
mande de  Salutati,  un  important  autel,  où  l'on  voit  au 
centre  la  Vierge  à  genoux  et  les  mains  jointes  contemplant 
l'enfant  Jésus  qui  parle  à  un  petit  saint  Jean  gracieusement 
agenouillé  ;  à  droite,  saint  Léonard,  à  gauche,  saint  Re- 
migio  soignant  un  estropié.  Au-dessus  un  buste  de  Christ 
d'expression  dure  et  archaïque.  Cette  décoration  de  Fiesole 
marque  l'apogée  du  talent  de  Mino.  Aussitôt  qu'elle  fut 
terminée,  Diotisalvi  di  Nerone  le  chargea  de  décorer  la 
Badia  de  Florence.  L'autel  de  droite  n'est  guère  qu'une 
réplique  de  celui  de  Fiesole.  Dans  le  transept  se  trouvent 
les  deux  tombeaux  du  gonfalonier  Bernardo  Giugni  (mort 
en  1466)  et  du  Comte  Hugo  oVAndeburg,  qui  fut  sous 
Othon  II,  au  xie  siècle,  vice-roi  de  Toscane.  Tous  deux 
sont  imités  assez  gauchement  des  mausolées  fameux  de 
Marsuppini  par  Desiderio  et  de  L.  Bruni  par  Bernardo 
Rossellini  :  les  anges  et  les  vertus  ont  un  mouvement  forcé 
et  guindé.  Un  élégant  devant  d'autel,  représentant  la 
Vierge  et  l'Enfant,  entre  saint  Laurent  et  saint  Léo- 
nard, a  passé  de  la  Badia  au  Musée  national.  < 

Dans  cette  première  partie  de  sa  vie,  Mi/no  fit  deux 
voyages  à  Rome,  en  1454  et  en  1463.  Lors  de  ce  dernier, 
le  pape  Paul  II,  encore  cardinal,  lui  commanda  un  Christ 
en  croix  entre  saint  Jean  et  la  Vierge,  maintenant  à 
Sainte-Balbine  ;  à  la  même  époque  Mino  signa  l'un  des 


—  427 


FIESOLE  —  FIÈVRE 


enfants  qui  portent  la  targe  armoriée  au-dessus  de  la  porte 
de  San  Giacomo  degli  Spagnuoli.  A  partir  de  1470  environ, 
Mino  se  fixa  à  Rome  et  ne  retourna  en  Toscane  que  par 
intervalles,  pour  l'exécution  de  petits  monuments  décora- 
tifs tels  que  les  tabernacles  de  San  Pietro  dePérouse  (1473), 
de  San  Ambrogio  à  Florence  (1481),  les  reliefs  très  faibles 
de  la  chaire  de  Prato  (1473),  dont  il  dessina  également 
l'architecture  assez  pauvre.  Après  la  mort  de  Paul  II  (1471) , 
son  neveu,  le  cardinal  Marco  Bembo,  commanda  à  Mino  le 
tombeau  de  ce  pape.  Il  y  travailla  en  collaboration  avec 
Giovanni  Dalmata.  Ce  monument  considérable  et  très 
chargé,  placé  d'abord  dans  l'église  Saint-Pierre,  en  fut 
enlevé  lors  de  la  construction  de  la  nouvelle  basilique  ;  les 
fragments  en  sont  dispersés  dans  la  crypte  de  l'église.  De 
la  même  époque  est  le  grand  tabernacle  très  riche  de  Santa 
Maria  in  Trastevere,  que  Mino  reproduisit  sans  beaucoup 
de  modifications  dans  les  tabernacles  de  San  Marco  à  Rome 
et  de  Santa  Croce  à  Florence.  Enfin  Mino  a  encore  exécuté 
à  Rome,  en  collaboration  avec  des  artistes  locaux,  les 
tombeaux  du  Cardinal  Forteguerra  à  Santa  Cecilia,  de 
Pietro  Riario  (1474)  aux  Santi  Apostoii,  de  Cristoforo 
délia  Rovere  (mort  en  1479),  à  Santa  Maria  del  Popolo, 
de  Ferrici,  dans  la  cour  de  la  Minerva,  du  jeune  Cecco 
Tornabuoni  (mort  en  1480)  à  la  Minerva.  Tous  ces  mo- 
numents sont  plus  ou  moins  inspirés  de  celui  de  Marsup- 
pini,  et  ont  à  leur  tour  exercé  une  influence  durable  sur  la 
sculpture  funéraire  à  Rome.  On  peut  voir  encore,  soit  en 
Italie,  soit  à  l'étranger,  un  assez  grand  nombre  d'œuvres 
de  Mino,  telles  que  la  Jeune  Florentine  du  Musée  natio- 
nal de  Florence,  à  laquelle,  suivant  l'inscription,  Mino  a 
donné  la  lumière  ;  une  Madone  avec  F  enfant  et  un  petit 
Saint  Jean  au  Louvre  ;  deux  figures  en  haut-relief  de  la 
Foi  et  de  la  Charité,  dans  la  collection  Dreyfus,  etc. 

Telle  est  l'œuvre  de  cet  artiste,  l'un  des  plus  féconds 
du  xve  siècle.  La  direction  suivant  laquelle  s'est  développé 
son  talent  est  aisée  à  préciser.  Après  s'être  essayé  dans 
des  portraits  de  contemporains  assez  lourds  et  grossiers,  il 
produit,  sous  l'influence  de  Desiderio,  ces  deux  bustes  ad- 
mirables où  le  modèle  est  si  fortement  compris,  si  ferme- 
ment simplifié,  et  si  ingénieusement  traduit.  Enfin,  après 
avoir  interprété  la  nature  en  artiste,  Mino  finit  par  la 
regarder  à  peine.  Il  se  fait  un  type  féminin  et  enfantin 
qu'il  reproduit  avec  une  facilité  prodigue,  dans  ces  Ma- 
dones et  ces  Vertus  de  quinze  ans,  au  visage  arrondi,  au 
front  haut  et  pur,  aux  traits  trop  fins,  à  qui  l'absence  même 
d'expression  semble  donner  une  sérénité  céleste.  Les  mains 
sont  effilées  et  diaphanes  ;  les  proportions  très  élancées. 
Les  corsages  collants  et  les  draperies  aux  plis  rares,  cassés 
et  pinces,  sont  transparents  sans  cesser  d'être  chastes.  Enfin 
toutes  les  figures  sont  si  soigneusement  polies,  si  blanches 
et  si  brillantes  qu'elles  semblent  lumineuses.  Cette  jeunesse 
et  cette  pureté  sont  ravissantes.  Mais  il  faut  bien  dire 
qu'en  s'éloignant  de  la  nature,  Mino  ne  rencontra  pas  tou- 
jours la  beauté.  Ses  enfants  sont  lourds,  ses  figures  de 
saints  vides  et  presque  idiotes.  Enfin  il  arrive  à  une  telle 
négligence  qu'il  signe  un  certain  nombre  d'œuvres  d'une 
nullité  pénible,  comme  ces  reliefs  de  Prato,  où,  sans  par- 
ler des  autres  défauts,  la  perspective  et  les  proportions 
sont  violées  de  telle  sorte  que  les  personnages  du  second 
plan  sont  du  double  plus  grands  que  ceux  du  premier. 
Mino  était  un  artiste  charmant  qui  ne  pouvait  pas  s'élever 
très  haut,  et  qui  a  laissé  perdre  une  partie  de  ce  qu'il 
promettait  en  s'abandonnant  à  sa  facilité.     E.  Bertaux. 

Bibl.  :  E.  Muntz  ,  Histoire  de  Vart  pendant  la  Re- 
naissance, t.  1.  —  Burckhardt,  Le  Cicérone.  —  Coura- 
jod,  Un  Bas-Relief  de  Mino  de  Fiesole  au  musée  du 
Louvre. 

FIESOLE  (Silvio  Cosini  da) , sculpteur  italien  (V.Cosini). 

FI  EU  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Li- 
bourne,  cant.  de  Coutras;  626  hab. 

FI  EU  LAINE.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Quentin;  670  hab. 

FIEUX.  Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr.  deNérac, 
cant.  de  Francescas;  520  hab. 


FI  EUZAL  (Jean-Marie-Théodore),  médecin  français,  né 
à  Paris  le  20  sept.  1836,  mort  à  Paris  le  28  juii.  1888. 
Il  a  fait  ses  études  médicales  à  Paris.  Reçu  docteur  en  mé- 
decine en  1863,  il  se  livra  bientôt  à  l'étude  de  l'ophtal- 
mologie et  fut  nommé  médecin  en  chef  de  l'hospice  des 
Quinze-Vingts.  Doué  d'une  grande  activité,  il  réorganisa 
le  service  médical  de  l'établissement,  tant  au  point  de  vue 
du  service  intérieur  que  des  consultations  externes,  y  créa 
un  laboratoire  complet  et  a  fondé  le  Rulletin  de  la  cli- 
nique nationale  ophtalmologique  (1883)  dans  lequel 
étaient  insérées  les  statistiques  des  opérations  avec  obser- 
vations à  l'appui.  Outre  ses  Fragments  d'ophtalmologie 
(1879),  la  plupart  des  mémoires  qu'il  a  publiés  se  trou- 
vent dans  son  Rulletin  de  la  clinique.     Dr  A.  Dureau. 

FIÉVÉE  (Joseph),  homme  politique  et  littérateur  fran- 
çais, né  à  Paris  le  9  av.  1767,  mort  à  Paris  le  7  mai  1839. 
Fils  d'un  restaurateur  parisien,  dont  la  femme  restée  veuve 
avec  seize  enfants  épousa  en  secondes  noces  un  maître  de 
poste  de  Soissons,  Fiévée  fut  élevé  dans  cette  dernière 
ville  et  y  demeura  jusqu'à  l'âge  de  seize  ans.  Il  vint  ensuite 
à  Paris  où  il  travailla  d'abord  comme  compagnon  typo- 
graphe avant  de  devenir,  sous  Condor  cet,  un  des  rédac- 
teurs attitrés  de  la  Chronique  de  Paris.  Il  avait  fait  jouer, 
en  1792,  un  petit  opéra-comique  intitulé  les  Fugueurs  du 
cloître;  en  1795,  il  publia  sa  première  brochure  poli- 
tique Sur  la  Nécessité  d'une  religion,  où  s'affirmaient  avec 
netteté  ses  sentiments  conservateurs.  On  le  trouve  quel- 
ques années  plus  tard  au  Mercure  et  à  la  Gazette  de 
France.  Il  donne  en  1798  la  Bot  de  Suzette,  «  un  de  ces 
petits  romans,  dit  Sainte-Beuve,  qui  font  en  France  la  ré- 
putation d'un  homme  grave  plus  vite  que  ne  feraient  vingt 
brochures  sérieuses  »,  et  l'année  suivante  un  recueil  de  nou- 
velles intitulé  Frédéric.  Présenté  au  premier  consul,  celui- 
ci  le  charge  d'une  mission  de  confiance  en  Angleterre;  de 
retour  en  France,  il  continue  à  tenir  Bonaparte  au  courant 
de  l'opinion,  est  nommé  après  le  couronnement  directeur 
du  Journal  des  Débats,  se  fait  relever  de  ses  fonctions 
et  devient  successivement  maître  des  requêtes,  conseiller 
d'Etat  et  préfet  de  la  Nièvre.  La  Restauration  trouve  en 
Fiévée  un  partisan  tout  naturel  ;  mais  son  rôle  politique  est 
fini.  Il  revient  au  journalisme,  se  tient  un  moment  à  l'écart 
après  les  journées  de  Juillet,  fait  une  dernière  campagne 
au  National  de  1831  et  1832  et  ne  sort  plus  jusqu'à  sa 
mort  d'une  réserve  que  l'âge  et  les  fatigues  lui  imposaient. 
Esprit  souple,  qui  se  pliait  aux  hommes  et  aux  événements, 
tout  en  gardant  un  fonds  de  «  conservatisme  »  très  pro- 
noncé, Fiévée  fut  en  même  temps  un  littérateur  facile  et 
spirituel.  Outre  les  brochures  et  opuscules  dont  les  titres 
ont  été  publiés  plus  haut,  on  a  de  lui  :  le  i8  Rrumaire 
opposé  au  régime  de  la  Terreur  (1802),  des  Lettres  sur 
l'Angleterre  (1802)  ;  la  Correspondance  politique  et 
administrative  (1814-1815-1819);  Des  Opinions  et  des 
intérêts  pendant  la  Révolution  (1815);  Histoire  de  la 
session  de  i8J5  (1816)  ;  Correspondance  et  relations 
avec  Ronaparte  (1837,  4  vol.),  etc.       Ch.  Le  Goffic. 

FIEVRE.  La  fièvre  est  caractérisée  essentiellement  par 
la  rupture  de  l'équilibre  entre  la  production  et  les  pertes 
de  chaleur.  A  l'état  normal,  il  y  a  une  compensation 
exacte  des  pertes  de  chaleur  par  l'augmentation  de  sa  pro- 
duction, et  réciproquement  une  compensation  delà  chaleur 
produite  en  excès  par  une  augmentation  des  pertes  ;  on 
exprime  ce  fait  en  disant  qu'il  se  produit  dans  l'organisme 
une  régulation  de  la  température.  Dans  le  processus  fé- 
brile, la  quantité  de  chaleur  produite  l'emporte  sur  la  quan- 
tité de  chaleur  perdue,  et  la  température  s'élève  de  un  ou 
plusieurs  degrés.  Jusqu'à  38°,5  la  fièvre  est  légère  ;  de 
38°, 5  à  39°, 5  elle  est  moyenne  ;  de  39°, 5  à  40,  prononcée  ; 
de  40°  à  41°,  intense;  très  intense  au-dessus. 

Caractères  de  la  fièvre.  —  Température.  On  distingue 
dans  les  maladies  fébriles  plusieurs  périodes  ou  stades. 
1  °  Stade  pyrogénétique  ou  période  ascendante,  de  durée 
variable.  Si  elle  est  courte,  il  se  produit  presque  toujours 
un  frisson  (fièvre  palustre,  pneumonie,  variole,  scarlatine, 


FIÈVRE 


428  — 


septicémie,  etc.)  avec  sensation  de  froid,  traits  pâles,  con- 
tractés, extrémités  cyanosées,  tremblement.  Ce  frisson, 
attribué  à  la  contraction  des  artérioles  cutanées  et  à  l'écart 
qui  en  résulte  entre  la  température  de  la  peau  et  la  tem- 
pérature centrale,  dure  de  quelques  minutes  à  une  ou  deux 
heures,  et  la  chaleur  du  corps  augmente.  Dans  les  mala- 
dies à  élévation  lente  et  progressive  de  la  température 
(fièvre  typhoïde,  rougeole,  etc.),  ce  frisson  est  nul  ou  peu 
prononcé,  mais  il  y  a  le  soir  exacerbation  de  température. 
2°  Stade  dit  fastigium,  pendant  lequel  l'élévation  ther- 
mique atteint  son  maximum  ;  il  dure  de  quelques  heures 
(fièvre  palustre)  à  plusieurs  semaines  (fièvre  typhoïde)  ;  le 
maximum  peut  rester  le  même  pendant  toute  la  période  ou 
être  graduellement  ascendant  ou  descendant.  —  Le  troi- 
sième stade  varie  ;  si  le  malade  guérit,  la  température  rede- 
vient normale,  soit  brusquement  (pneumonie,  rougeole), 
soit  lentement,  par  lysis  (fièvre  typhoïde),  par  séries  d'os- 
cillations descendantes.  Si  la  mort  doit  terminer  la  maladie, 
il  y  a  un  stade  proagonique  et  un  stade  agonique;  la 
température  s'élève  tantôt  graduellement,  tantôt  brusque- 
ment ;  quelquefois  elle  s'abaisse  pour  se  relever  au  mo- 
ment de  la  mort.  Souvent  la  température  s'élève  après  la 
mort,  pendant  quelques  heures  ;  c'est  que  l'arrêt  de  la  cir- 
culation cutanée  diminue  les  pertes  par  la  peau  en  même 
temps  que  la  cessation  des  mouvements  respiratoires  annihile 
Févaporation  pulmonaire  et  la  déperdition  qui  lui  est  liée. 
Suivant  que  l'ascension  thermique  est  continue  (rémission 
matinale  faible),  subcontinue  (rémission  plus  prononcée), 
rémittente  (atteignant  4°),  intermittente  (arrivant  à  la 
normale),  on  note  divers  types  de  fièvre.  La  période  de 
température  normale  se  nomme  apyrexie. 

Pouls.  Presque  constamment  accéléré  ;  il  semble  cepen- 
dant qu'à  l'état  de  maladie,  comme  à  l'état  de  santé,  la  fré- 
quence du  pouls  varie  en  raison  inverse  de  la  pression 
intravasculaire.  Or,  dans  la  fièvre,  la  pression  se  modifie 
de  manières  très  différentes.  Quand  le  pneumogastrique  se 
trouve  anormalement  excité  sur  son  trajet  ou  à  son  origine, 
directement  ou  par  voie  réflexe  (méningite),  le  pouls  reste 
lent  malgré  une  élévation  thermique  considérable. 

Respiration.  L'accélération  de  la  respiration  varie  en 
raison  directe  de  l'augmentation  de  la  chaleur  ;  elle  pré- 
sente l'accroissement  vespéral. 

Digestion.  La  langue  est  sèche  ;  la  soif  devient  vive  ;  le 
suc  gastrique  est  sécrété  en  faible  quantité  ;  il  y  a  de  l'ano- 
rexie, de  la  constipation. 

Sécrétion  urinaire.  L'état  de  la  nutrition  chez  les 
-fébricitants  n'a  pas  de  données  meilleures  que  l'analyse 
des  urines.  H  y  a  accroissement  de  la  matière  colorante 
aux  dépens  de  l'hémoglobine  d'un  assez  grand  nombre  de 
globules  rouges  détruits.  Leur  densité  est  accrue.  Il  y  a 
augmentation  des  sels  de  potasse  et  diminution  des  chlo- 
rures. On  constate  également  des  variations  dans  le  taux 
des  urates  et  de  l'urée.  Si  l'activité  des  combustions,  étant 
accrue  en  raison  de  la  fièvre,  peut  augmenter  l'urée  par 
destruction  des  tissus,  le  taux  de  l'urée  est  diminué  à  cause 
de  la  diète.  On  n'a  pas  remarqué  de  rapport  constant  entre 
l'augmentation  de  Furée  excrétée  et  le  degré  de  l'hyper- 
thermie.  Les  troubles  de  la  nutrition  dans  la  fièvre  ne  sont 
pas  seulement  affaire  d'augmentation  ou  de  diminution 
dans  la  quantité  des  matières  albuminoïdes  détruites;  l'éla- 
boration de  la  matière  est  pervertie. 

Perte  de  poids.  La  perte  de  poids  varie  suivant  l'inten- 
sité et  la  persistance  de  la  fièvre  et  aussi  suivant  l'alimen- 
tation des  fébricitants. 

Innervation.  Dès  l'invasion  de  la  fièvre,  on  ressent  un 
malaise  général,  de  la  céphalalgie,  des  bourdonnements 
d'oreilles,  de  l'insomnie  avec  agitation,  abattement  ou 
prostration. 

Sang.  Sous  l'influence  de  la  fièvre,  l'alcalinité  du  sang 
diminue  et  sa  richesse  en  acide  carbonique  également  (Klem- 
perer).  Il  a  une  bien  moindre  capacité  d'absorption  pour 
l'oxygène  ;  l'hémoglobine  est  réduit.  Le  nombre  des  héma- 
toblastes  va  en  s'abaissant  pendant  la  période  d'état  ;  au 


moment  de  la  défervescence,  ils  présentent  une  augmenta- 
tion rapide  et  progressive. 

Altération  des  tissus.  Quand  la  fièvre  est  de  longue 
durée,  la  plupart  des  tissus  s'altèrent,  mais  les  altérations 
chimiques  que  l'on  remarque  à  l'autopsie  de  certains  tissus 
ne  sont  pas  seulement  sous  la  dépendance  de  la  fièvre,  car 
la  fièvre  est  une  des  conséquences  de  l'infection.  Les  alté- 
rations cellulaires  peuvent  dépendre  des  troubles  de  la  nu- 
trition, des  perversions  dans  les  échanges  entre  les  cellules 
et  les  plasmas,  des  modifications  que  subit  la  vie  des  cel- 
lules au  sein  d'humeurs  adultérées  par  l'encombrement 
des  déchets  cellulaires  incomplètement  oxydés,  mais  cer- 
tainement aussi  par  les  poisons  que  sécrètent  les  microbes. 
La  fièvre  peut  tuer  par  consomption  lorsqu'elle  se  pro- 
longe, par  paralysie  cardiaque  et  par  hyperpyrexie.  Quand 
la  température  atteint  42°,  le  pronostic  est  fatal  à  bref 
délai. 

Traube  estime  que  la  fièvre  est  due  à  la  diminution 
des  pertes  de  chaleur  ;  Senator  pense  qu'elle  résulte  en 
partie  d'une  rétention  de  la  chaleur  que  produit  la  con- 
traction fréquemment  renouvelée  des  artérioles  cutanées . 
Pour  expliquer  sa  genèse,  les  uns  admettent  la  pénétra- 
tion dans  le  sang  de  substances  dites  pyrétogènes,  très  pro- 
bablement de  microbes  qui  agissent  soit  directement,  soit 
en  produisant  une  matière  septique  (Bergmann,  Otto  We- 
ber,  Verneuil).  Charrin  a,  du  reste,  expérimentalement 
observé  que  les  effets  réactionnels,  l'élévation  thermique  en 
particulier,  qui  suivent  l'injection  de  la  lymphe  de  Koch, 
se  produisent  aussi  chez  l'homme,  quand  on  introduit 
d'autres  substances  bactériennes.  Dès  qu'on  s'élève  au- 
dessus  de  3  centim.  c.  de  toxines  pyocyaniques,  la  tempé- 
rature monte;  avec  6  centim.  c.  elle  atteint  41°;  la 
dyspnée,  des  sueurs,  un  malaise  général  se  joignent  à 
l'hyperthermie.  Il  y  a  là  une  véritable  fièvre  qui  rappelle 
celle  que  l'on  observe  chez  les  tuberculeux  et  parfois  chez 
ceux  qui  ne  le  sont  pas,  non  seulement  avec  la  lymphe  de 
Koch,  mais  encore  avec  des  toxines  du  bacille  pyocya- 
nique.  Ces  matières  pyrétogènes  augmentent-elles  l'acti- 
vité des  combustions  directement,  en  troublant  l'activité 
musculaire?  Dans  ce  cas,  comment  expliquer  la  fièvre 
traumatique  qui,  dans  la  fracture  du  fémur,  par  exemple, 
se  produit  sans  qu'il  y  ait  effraction  des  téguments  ?  Peut- 
être  se  fait-il  au  niveau  du  foyer  un  trouble  de  nutrition  qui 
aurait  pour  résultat  la  genèse  de  matières  pyrétogènes. 
D'après  une  seconde  théorie,  le  surcroît  d'activité  que  pré- 
sentent dans  les  fièvres  les  combustions  organiques  serait  dû 
à  un  trouble  dans  l'innervation  vaso-motrice  et  calorifique 
(Cl.  Bernard,.  Chauffard).  La  fièvre  qu'occasionne  la  peur, 
celle  des  épileptiques  en  état  dô  mal,  celle  des  aliénés  agités 
peuvent  être  sûrement  rapportées  à  un  trouble  de  l'inner- 
vation. 

Cl.  Bernard  a  expliqué  les  phénomènes  fébriles  par  une 
excitation  des  vaso-dilatateurs.  Dastre  a  trouvé,  en  effet, 
qu'ils  animent  toutes  les  ramifications  de  l'arbre  artériel. 
Schiff  et  Marey  rapportent  à  leur  excitation  les  hyperé- 
mies  actives  qui  se  produisent  chez  les  fébricitants.  La 
suractivité  de  ces  vaso-dilatateurs,  entraînant  une  cessa- 
tion d'action  des  vaso-constricteurs,  donnerait  lieu  à  une 
dénutrition  exagérée  et  par  suite  à  la  production  de  cha- 
leur. Les  recherches  de  Bouchard  ont  montré  que,  dans  les 
bouilloas,  les  germes  élaboraient  des  éléments,  les  uns  res- 
serrant, les  autres  dilatant  les  vaisseaux.  Les  premiers, 
d'après  Gley  et  Charrin,  paralysent  les  dilatateurs.  En  ré- 
sumé, la  fièvre  serait  due  à  une  exagération  des  réactions 
organiques  portant  sur  les  substances  albuminoïdes  aussi 
bien  que  sur  les  hydrocarbonées.  Cet  excès  de  réaction 
dépend  peut-être  dans  tous  les  cas  d'un  trouble  de  l'inner- 
vation ;  ce  trouble  est  dû  souvent  à  la  pénétration  et  à  la 
formation  dans  le  sang  de  matières  pyrétogènes.  Ajoutons 
enfin  que  le  rôle  du  surmenage  dans  la  production  de  cer- 
taines maladies  fébriles,  même  d'origine  microbienne,  se 
comprendrait  en  admettant, que,  de  familiers  et  inoffensifs, 
ou  virulents  mais  latents,  ces  microbes  ne  cherchent  que 


—  429  — 


FIÈVRE  —  FIGARO 


l'occasion  d'entrer  en  scène,  deviennent  agressifs  sous  l'in- 
fluence de  la  dépression  organique  où  nous  place  le  sur- 
menage. On  sait  que,  toute  question  de  race  et  d'assuétude 
mise  à  part,  les  Arabes  sont  peu  sujets  à  la  fièvre  trauma- 
tique,  qu'ils  peuvent  ingérer  sans  danger  des  eaux  infec- 
tées alors  que  nos  soldats  fatigués,  qu'ils  accompagnent 
dans  leurs  expéditions  comme  muletiers  et  chameliers, 
doivent  à  ces  mêmes  eaux  la  diarrhée,  la  dysenterie,  la 
fièvre  typhoïde. 

Concluons  :  les  vieilles  classifications  symptomatiques  ou 
étiologiques  des  anciens  groupes  de  fièvres  sont  à  abandon- 
ner comme  insuffisantes  ou  arbitraires.  La  dénomination 
causale,  grâce  aux  progrès  de  la  bactériologie,  s'impose,  et 
on  ne  distinguera  plus  dans  l'avenir  que  des  maladies  fé- 
briles, septiques,  d'origine  microbienne  et  infectieuse,  con- 
firmée ou  soupçonnée,  et  en  maladies  fébriles  dues  à  un 
trouble  de  l'innervation  (traumatique,  des  aliénés).  Mais 
le  nombre  de  ces  dernières  ira  diminuant  avec  la  décou- 
verte de  nouveaux  éléments  figurés.  —  Une  véritable  révo- 
lution se  prépare  donc  dans  la  terminologie  des  fièvres. 

Dr  Coustan. 

Traitement.  —  Il  ne  saurait  être  question  d'un  traite- 
ment de  la  fièvre  en  général,  celui-ci  variant  selon  l'espèce 
de  fièvre.  Le  but  à  atteindre  est  toujours  d'abaisser  la 
température,  et,  selon  les  cas,  on  y  arrive  par  des  antipy- 
rétiques tels  que  les  sels  de  quinine,  la  digitaline,  la  kai- 
rine,  la  thalline,  l'antipyrine,  l'arsenic,  les  bains  tièdes, 
les  lotions  froides,  etc. 

Classification.  —  Avec  les  progrès  de  la  pathologie,  la 
nomenclature  des  fièvres  se  réduit  de  plus  en  plus  ;  cepen- 
dant les  dénominations  sont  encore  nombreuses  ;  nous  nous 
bornerons  à  mentionner  les  principales  :  F.  bilieuse 
(V.  Bilieuse),  F.  cérébrale  (V.  Méningite),  F.  éphémère 
(V.  Ephémère),  F.  de  foin  (V.  Asthme),  F.  hectique 
(V.  Hectique),  F.  intermittente  (V.  Intermittente), 
F.  jaune  (V.  Jaune),  F.  miliaire  (V.  Miliaire),  F.  mu- 
queuse (V.  Typhoïde),  F,  nerveuse  (V.  Méningite, 
Typhoïde,  etc.),  F.  paludéenne  (V.  Intermittente), 
F.  pétéchiale  (Y.  Typhus),  F.  pourprée  (V.  Miliaire), 
F \  purulente  (V.  Pyémie),  F.  quarte  (V.  Intermittente), 
F.  récurrente  (V.  Rechute  et  Récurrente),  F.  rémit- 
tente (Y.  Rémittente)  ,  F.  tierce  (V.  Intermittente)  , 
F.  typhoïde  (V.  Typhoïde  et  Typhus).  D'une  manière 
générale,  le  nom  de  la  maladie  étant  indiqué  par  l'adjectif, 
c'est  à  ce  mot  qu'elle  est  étudiée. 

Bibl.  :  H.  Hallopeau,  Traité  élémentaire  de  pathologie 
générale;  Paris,  1890,  3°  éd.  —  Legendre,  Charcot  et 
Bouchard,  Traité  de  médecine;  Paris,  1892. 

FIFE  (Comté  de).  Comté  d'Ecosse,  dans  une  presqu'île 
de  la  mer  du  Nord,  comprise  entre  le  golfe  du  Forth  et 
celui  du  Tay.  Du  côté  de  la  terre,  c.-à-d.  à  l'O.,  il  confine 
aux  comtés  de  Perth,  Kinross,  Clackmannan  et  Kincardine. 
Il  a  4,274  kil.  q.  et  180,000  hab.  Sa  plus  grande  longueur 
du  N.-E.  au  S.-O.  est  de  71  kil.  ;  sa  plus  grande  largeur 
de  29  kil.  ;  son  développement  côtier  de  436  kil.  Sur  la 
côte  on  rencontre,  à  partir  du  N.  :  Balmerino,  Ferryport, 
la  baie  de  l'Eden  ou  de  Shandrews,  le  cap  Ness,  entouré 
de  redoutables  écueils  (les  Carrs,  avec  phare),  Kilrenny, 
Earlsferry,  l'anse  de  Largo,  Dysart,  Kirkcaldy,  Kinghorn, 
Burntisland,  Inverkeithing,  etc.  Le  comté  de  Fife  est  un 
pays  de  petites  collines  et  de  plaines  ;  ses  collines  se  ratta- 
chent à  celles  d'Ochiil  ;  au  centre  culminent  le  Lomond 
occidental  (528  m.)  et  oriental  (449  m.).  Les  principaux 
cours  d'eau  sont  :  FEden  (32  kil.)  et  le  Leven  (20  kil.),  grossi 
de  l'Owr;  le  second  sort  du  lac  Leven.  Le  sol  du  comté  de 
Fife  est  formé  de  vieux  grès  rouge  au  N.,  de  terrains  car- 
bonifères au  S.  ;  le  trapp  paraît  dans  les  deux.  Sa  surface 
est  formée  de  marnes  et  d'argiles.  Les  gisements  de  fer  et 
de  houille  sont  nombreux.  Le  climat  est  doux,  surtout  au  S. 
Les  anciens  lacs  ont  été  desséchés  ;  les  landes  et  les  tour- 
bières se  rencontrent  parmi  les  collines  ;  les  arbres  ne  sont 
plus  guère  groupés  en  bois.  De  la  superficie  totale  il  n'y  a 
que  6  °/0  de  bois  contre  16  °/0  de  pâturages  et  61  °/0  de 


terres  labourées.  On  comptait,  en  1883,  44,000  tètes  bo- 
vines, 88,000  ovines  et  7,000  porcines.  Les  habitants  des 
côtes  vivent  de  la  pêche  :  le  varech  leur  fournit  du  com- 
bustible, du  fumier.  Le  comté  de  Fife  est  le  plus  prospère 
de  l'Ecosse  au  point  de  vue  de  l'agriculture  ;  nulle  part  on 
ne  rencontre  autant  de  villages,  de  manoirs,  un  tel  nombre 
de  propriétaires.  On  extrait  du  charbon,  du  fer,  du  marbre. 
On  file  et  tisse  le  lin,  la  laine  ;  on  fabrique  de  la  poterie, 
des  machines.  Le  chef-lieu  est  Cupar;  les  villes  principales 
sont  Saint-Andrews,  Kirkcaldy,  East-Anstruther,  West- 
Anstruther,  Burntisland,  Crail  et  Dysart.  Le  comté,  jadis 
royaume  de  Fife,  eut  dans  l'ancienne  Ecosse  une  grande 
importance  historique;  c'était  la  région  la  plus  prospère  et 
la  plus  belliqueuse.  On  y  trouve  encore,  à  côté  des  ruines 
romaines  et  celtiques,  bien  des  souvenirs  de  l'époque  féo- 
dale à  Saint-Andrews,  Dunfermline,  Falkland,  Lin- 
dores,  etc.  (V.  Ecosse  [Histoire]). 

FIFE  (Comtes  de),  branche  anglaise  (V.  Duff). 

FIFE  (Alexander- William -George  Duff,  marquis  de 
Macduff,  duc  de),  né  le  40  nov.  4849.  Il  fit  ses  études  à 
Eton  et  entra  dans  les  affaires  comme  associé  de  la  banque 
Samuel  Scott  et  C°.  Membre  du  Parlement  pour  Elgin  et 
Nann,  de  4874  à  4879,  il  remplit,  en  4882,  une  mission 
spéciale  auprès  du  roi  de  Saxe5.  Le  27  juil.  4889,  il  épousa 
la  princesse  Louise- Victoria- Alexandra  Dagmar,  fille  du 
prince  de  Galles,  et  fut  créé  à  cette  occasion  duc  de  Fife. 
Lord-lieutenant  du  comté  d'Elgin,  le  duc  de  Fife  est  un 
des  plus  riches  propriétaires  fonciers  de  la  Grande-Bretagne. 

FIFRE.  Instrument  de  musique  quelque  peu  analogue  à 
la  petite  flûte,  mais  qui  n'est  plus  guère  employé  que  dans 
certaines  musiques  militaires,  à  l'étranger,  en  association 
surtout  avec  le  tambour.  Le  tube  du  fifre  est  parfaitement 
cylindrique,  tant  au  point  de  vue  du  diamètre  intérieur  que 
du  diamètre  extérieur,  et  il  est  percé  de  six  trous  sans 
clefs.  On  a  ainsi  l'échelle  diatonique  de  deux  octaves,  habi- 
tuellement dans  le  ton  de  ré  (ré2  à  ré4).  Quant  aux  demi- 
tons,  on  n'obtient  et  n'utilise  guère  que  ceux  fournis  par 
Y  ut  dièse,  le  sol  dièse  et  le  ré  dièse.  Thoinot-Arbeau  men- 
tionne le  fifre  dans  son  Orchésographie.  A.  E. 

FIGALO  (Cap).  Promontoire  de  la  côte  occidentale  d'Al- 
gérie, situé  par  35°  34'  4  8"  de  lat.  N.  et  3°  3 1  '  40"  de  long. 
O.  Il  se  dresse  à  195  m.  d'alt.  et  est  un  des  plus  avancés 
et  des  plusx reconnaissantes  de  ce  littoral. 

FIGAN1ÈRES.  Corn,  du  dép.  du  Var,  arr.  de  Dragui- 
gnan,  cant.  de  Callas,  sur  un  affluent  de  FEndre  ;  845  hab. 
Sur  le  coteau  Saint-Clément,  ruines  d'un  ancien  village. 
Tombeaux  et  vestiges  antiques. 

FIGARI.  Corn,  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de  Sartène, 
cant.  de  Le  vie;  1,173  hab. 

FIGARO.  De  par  Beaumarchais,  son  père  et  son  parrain, 
Figaro  est  devenu  un  des  types  immortels  de  la  scène 
française.  On  sait  le  parti  que  ce  prodigieux  écrivain  dra- 
matique en  a  tiré  dans  les  trois  ouvrages  qui  forment  sa 
fameuse  trilogie  :  le  barbier  de  Séville,  le  Mariage  de 
Figaro,  la  Mère  coupable,  surtout  les  deux  premiers. 
Figaro,  prototype  des  valets  rusés,  fourbes,  intrigants,  à 
l'intelligence  souple  et  avisée,  féconds  en  ressources,  plus 
riches  d'expédients  que  de  scrupules  et  pour  qui  tous  les 
moyens  sont  bons  pour  arriver  à  leurs  fins  et  mettre  la  for- 
tune de  leur  côté,  Figaro  appartient  à  l'histoire  théâtrale 
au  même  titre  que  les  Crispin,  les  Pasquin,  les  Sganarelle, 
les  Mascarille,  les  Frontin  et  autres  héros  de  notre  comé- 
die. Nous  n'avons  pas  à  nous  étendre  autrement  ici  sur  le 
personnage.  Nous  ferons  seulement  remarquer  que,  à  la 
suite  de  Beaumarchais  et  même  de  son  vivant,  il  a  été  mis 
à  la  scène  par  plusieurs  auteurs.  Le  premier  est  Richaud- 
Martelly,  comédien  fort  distingué  qui,  à  la  suite  d'une  ga- 
geure, dit-on,  écrivit  sous  ce  titre  :  les  Deux  Figaros,  une 
comédie  en  cinq  actes  et  en  prose  qu'il  fit  représenter  avec 
beaucoup  de  succès,  en  1790,  au  théâtre  des  Variétés- 
Amusantes  qu'on  appelait  aussi  le  théâtre  du  Palais- 
Royal.  On  donna  ensuite,  le  25  oct.  1802,  au  théâtre  des 
Jeunes -Artistes,  Figaro  tout  seul  ou  la  Folle  Soirée, 


FIGARO  —  FIGUE 


—  430  — 


comédie  en  un  acte  de  J.  Marty,  qui  n'était  qu'un  long 
monologue,  lequel  était  joué  à  ravir  par  Monrose.  Dans 
le  même  temps,  Dorvo  faisait  jouer  au  théâtre  des 
Jeunes-Elèves  un  vaudeville  intitulé  le  Petit  Figaro,  dont 
le  rôle  principal  était  tenu  par  un  enfant  nommé  Tou- 
rain.  Beaucoup  plus  tard,  le  9  juil.  1833,  Rosier  donnait 
à  la  Comédie -Française  la  Mort  de  Figaro,  comédie 
en  cinq  actes,  puis  Burat  de  Gurgy  faisait  jouer  à 
l'Ambigu,  en  1835,  un  vaudeville  intitulé  le  Fils  de  Fi- 
garo, et  enfin,  vers  1860,  M.  Victorien  Sardou  préludait  à 
ses  succès  futurs  en  faisant  représenter  au  théâtre  Déjazet 
les  Premières  Armes  de  Figaro,  comédie  dans  laquelle  le 
rôle  de  Figaro  était  tenu  par  l'inimitable  Virginie  Déjazet. 
On  sait,  d'autre  part,  que  le  Barbier  de  Séville  a  été  mis 
deux  fois  en  opéra,  par  Paisiello  et  par  Rossini,  et  que  le 
Mariage  de  Figaro  a  inspiré  à  Mozart  un  chef-d'œuvre 
immortel.  Arthur  Pougin. 

FIGAROL.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Saint-Gaudens,  cant.  de  Salies-du-Salat;  505  hab. 

FIGEAC.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  du  Lot,  sur  la  rive  droite 
du  Celé  ;  6,680  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  d'Orléans,  au 
croisement  des  lignes  de  Brive  à  Toulouse  et  de  Cahors  à 
Arvant.  Collège  communal,  bibliothèque  publique.  Prison 
départementale.  Hospice.  Fabrique  de  toiles,  teintureries, 
tanneries.  La  ville  de  Figeac  doit  son  origine  à  l'abbaye 
bénédictine  de  Saint-Sauveur  fondée  par  Pépin  II,  roi 
d'Aquitaine,  en  839;  elle  accepta  la  réforme  de  Cluny  au 
xie  siècle  et  fut  sécularisée  au  xvie  siècle  par  le  pape  Paul  III. 
Le  bourg  qui  s'était  formé  autour  de  l'abbaye  fut  entouré 
de  murailles  à  la  fin  duxie  siècle.  La  commune  et  le  régime 
consulaire  y  furent  organisés  d'un  commun  accord  entre 
l'abbaye  et  les  habitants  au  cours  du  xne  siècle  ;  mais,  de- 
puis le  milieu  du  xme,  d'incessants  conflits  qui  souvent  dé- 
génèrent en  émeutes  eurent  lieu  entre  la  commune  et  l'ab- 
baye jusqu'à  l'époque  où  Philippe  le  Bel  acquit  de  celle-ci 
ses  droits  de  suzeraineté.  Nogaret,  qui  avait  négocié  cette 
acquisition,  demeura  chargé  de  régler  la  conditionne  la  com- 
mune ;  il  prépara  à  cet  effet  une  charte  de  coutume  que 
diverses  circonstances  empêchèrent  de  promulguer.  En 
1318  seulement  Philippe  le  Long  concéda  des  lettres  pa- 
tentes qui  restèrent  jusqu'au  xvne  siècle  la  base  de  l'orga- 
nisation municipale  de  Figeac.  Le  traité  de  Brétigny  fit 
tomber  la  ville  sous  la  domination  anglaise,  mais  l'effort 
que  firent  les  habitants  pour  s'en  affranchir  leur  valut  de 
la  part  de  Charles  V  la  confirmation  de  leur  charte  et  de 
nouveaux  privilèges.  Deux  chefs  de  bandes  au  service  de 
l'Angleterre,  Perdicas  d'Albret  et  Bernard  de  La  Salle  s'em- 
parèrent de  Figeac  en  1372,  mais  ils  consentirent  bientôt 
à  évacuer  la  ville  moyennant  le  payement  d'une  forte  somme 
d'argent.  Au  xvie  siècle,  elle  eut  à  souffrir  des  guerres  de 
religion  et  fut  notamment  pillée  par  les  protestants  en 
1576.  Sully  qui  avait  acquis  la  seigneurie  de  Figeac  la  re- 
mit au  roi  Louis  XIII  en  1622  lors  de  la  guerre  de 
Guyenne.  Quelques  années  plus  tard,  en  1630,  les  Figea- 
cois  se  portèrent  vaillamment  au-devant  d'une  armée  de 
bandits  qui  ravageait  le  pays  et  la  taillèrent  en  pièces. 

Figeac  a  conservé  l'aspect  d'une  ville  du  moyen  âge  ; 
beaucoup  de  ses  maisons  datent  des  xme  et  xivc  siècles  ; 
l'une  d'elles  (rue  du  Griffoul)  est  dominée  par  une  tour  cré- 
nelée quadrangulaire.  Parmi  ses  monuments,  il  faut  signa- 
ler l'église  de  Saint-Sauveur  (mon.  hist.),  ancienne  abba- 
tiale, dont  les  parties  basses  remontent  au  xie  siècle.  C'est 
un  édifice  à  trois  nefs  avec  transept  et  déambulatoire. 
D'une  inscription  ancienne  gravée  sur  l'un  des  piliers  de 
la  grande  nef  il  résulte  qu'il  fut  consacré  par  l'évêque  de 
Cahors,  Gérard  II.  Les  parties  hautes  et  les  chapelles  de  la 
nef  sont  des  xme  et  xive  siècles.  Les  chapelles  et  les  deux 
roses  du  transept  sont  de  l'époque  de  transition,  mais  la 
tour-lanterne  qui  s'élève  sur  la  croisée  a  été  reconstruite 
au  xvne  siècle.  Les  grandes  voûtes  ont  été  refaites  au  xvc. 
La  façade  moderne  est  surmontée  d'un  clocher  barlong. 
Dans  l'une  des  chapelles  de  la  nef  on  a  recueilli  de  très 
anciens  chapiteaux  qui  appartenaient  à  un  édifice  plus  an- 


cien et  peut-être  à  l'église  du  ixe  siècle.  L'église  Notre- 
Dame  du  Puy  (mon.  hist.),  du  xne  siècle,  domine  la  ville 
haute  ;  elle  se  compose  d'une  large  nef  s'ouvrant  sur  des 
bas  côtés  par  des  arcades  de  largeur  inégale.  La  façade  de 
l'O.  est  du  xive  siècle  et  surmontée  d'une  belle  rose. 
L'hôtel  de  ville  est  l'ancienne  demeure  de  la  famille  de 
Baleyne  acquise  par  le  Consulat;  c'est  un  manoir  du 
xive  siècle  dont  l'aménagement  intérieur  a  été  en  grande 
partie  moderne.  Les  halles  situées  sur  la  place  basse  sont 
une  vieille  construction  percée  d'arcades  en  plein  cintre  et 
surmontée  d'une  toiture  aiguë  du  xvie  siècle.  Trois  ponts 
anciens  font  communiquer  la  ville  avec  la  rive  gauche  du 
Celé  ;  l'un  d'eux,  près  de  l'église  Saint-Sauveur,  remonte 
au  xne  siècle.  Sur  la  place  entourée  de  beaux  ormes,  située 
entre  cette  église  et  la  rivière,  s'élève  une  pyramide  ornée 
de  plaques  de  bronze  couvertes  d'hiéroglyphes,  élevée  à 
la  mémoire  de  Champollion,  né  à  Figeac.  Sur  des  hauteurs 
voisines  de  la  ville  s'élevaient  quatre  pyramides  de  pierre 
dont  deux  subsistent  encore  ;  elles  sont  communément  nom- 
mées les  aiguilles  (mon.  hist.);  elles  paraissent  remonter 
au  xne  siècle.  On  a  prétendu  qu'elles  devaient  être  surmon- 
tées de  fanaux  destinés  à  guider  les  voyageurs  ;  ce  sont 
plus  vraisemblablement  les  bornes  destinées  à  indiquer  les 
limites  de  la  juridiction  ou  de  la  «  sauveté  »  de  l'abbaye. 

Bibl.  :  J.-F.  Debons,  Annales,  ecclésiastiques  de  Fi- 
geac, 1838,  in-8.  —  N.  Valois,  Établissement  et  organi- 
sation du  régime  municipal  à  Figeac,  dans  la  Bibl.  de 
l'Ecole  des  Chartes,  t.  XL,  1879. 

FI 6 ÈRE  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Lar- 
gentière,  cant.  des  Vans;  210  hab. 

FIG1NO  (Ambrogio),  peintre  de  l'école  milanaise,  né 
à  Milan  vers  1550,  mort  après  1595.  Elève  de  Gian-Paolo 
Lomazzo,  il  excella  surtout  dans  le  portrait,  mais  se  distin- 
gua également  dans  la  grande  peinture  à  fresque  et  à  l'huile. 
Parmi  ses  tableaux  les  plus  estimés,  pour  la  perfection  des 
figures  et  le  caractère  élevé  de  l'ensemble,  nous  citerons,  à 
Milan  :  une  Conception  et  une  Nativité  de  la  Vierge,  à 
Sant' Antonio  Abbate  :  Saint  Benoît  et  ses  disciples,  saint 
Maur  et  saint  Placide,  à  San  Vittore  al  Corpo  ;  Saint 
Mathieu  et  saint  Paul,  à  San  Rafaele  ;  la  Vierge  entre 
saint  Jean  Evangéliste  et  saint  Michel,  au  musée  Brera. 
C'est  aussi  dans  ce  dernier  palais  que  se  trouve  son  por- 
trait le  plus  remarquable,  celui  du  Mestre  de  camp  Foppa. 
Le  musée  de  Berlin  a  de  lui  une  Vierge  avec  saints.  Ses 
dessins,  où  il  imite  avec  une  rare  perfection  Michel-Ange, 
sont  très  recherchés. 

FIGLIUCCI  (Vincent)  (V.  Filliucius). 

F1GNEVELLE.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Mire- 
court,  cant.  de  Monthureux-sur-Saône  ;  152  hab. 

FI  GN  1ER  ES.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  et  cant. 
deMontdidier;  189  hab. 

FIGUE.  I.  Botanique.  —  Fruit  du  Ficus  carica  L.  et 
de  ses  nombreuses  variétés  (V.  Figuier).  —  F.  d'Adam, 
F.  banane  (V.  Bananier).  —  F.  de  Barbarie,  F.  d'Es- 
pagne, F.  d'Inde,  fruits  de  diverses  Cactacées  du  genre 
Opuntia  (V.  ce  mot).  —  F.  caque  (V.  Diospyros).  —  F. 
d'Enfer  (V.  Curcas).  —  F.  infernale  (V.  Argémone).  — 
F.  Marine  ou  F.  de  mer  (V.  Ficoïde).  —  F.  de  Surinam 
(V.  Cécropie).  —  F.  Poison.  Fruit  du  Ficus  Padana 
Burm.  (V.  Figuier). 

IL  Economie  domestique.  —  La  figue  est  un  fruit  qui  jouit 
d'une  très  vieille  réputation.  Les  anciens  estimaient  telle- 
ment sa  saveur  que  l'expression  vivre  de  figues  était  passée 
en  proverbe  pour  désigner  l'homme  vivant  dans  la  mollesse 
et  se  nourrissant  de  mets  délicats.  Sans  exagérer,  il  faut 
cependant  reconnaître  que  cette  façon  de  parler  s'explique 
par  le  goût  agréable  d'un  fruit  qui  nourrit  des  peuplades 
entières  en  Afrique  et  offre  une  précieuse  ressource 
pour  l'alimentation  des  classes  populaires  dans  le  midi 
de  l'Europe. —  Les  figues  se  mangent  fraîches  et  sont  alors 
servies  sur  nos  tables  comme  hors-d'œuvre  ;  mais  un  grand 
nombre  de  personnes  les  préfèrent  sèches  :  elles  figurent 
alors  au  dessert,  soit  seules,  soit  mêlées  avec  des  raisins 


431  — 


FIGUE  —  FIGUEROA 


secs,  des  amandes  et  des  noisettes  (V.  Mendiants  [Quatre]), 
et  constituent  un  aliment  très  nutritif  se  digérant  assez 
facilement. 

Les  figues  destinées  à  être  mangées  fraîches  sont  cueillies 
un  peu  avant  leur  maturité  complète.  Celles  qu'on  veut 
sécher  sont  cueillies  tout  à  fait  mûres  et  même  un  peu 
flétries,  ce  qui  accélère  leur  dessiccation.  Dans  tous  les  cas, 
il  faut  attendre  pour  les  cueillir  que  le  soleil  ait  vaporisé 
la  rosée  qui  les  couvre.  On  reconnaît  que  les  figues  sont 
mûres  lorsque  le  suc  laiteux  qu'elles  renferment  est  devenu 
sucré  et  qu'elles  sont  devenues  molles  et  charnues.  Les 
figues  que  l'on  veut  faire  sécher  sont  placées,  isolées  les 
unes  des  autres,  sur  des  claies  et  exposées  au  soleil  dans 
un  endroit  le  plus  chaud  possible.  On  les  retourne  fré- 
quemment pour  les  faire  sécher  sur  tous  les  points,  et,  un 
peu  avant  qu'elles  aient  atteint  le  degré  voulu  de  demi- 
dessiccation,  on  les  aplatit  soit  sur  le  côté,  soit  sur  la  queue. 
On  les  laisse  encore  quelque  temps  au  soleil  pour  activer 
leur  dessiccation.  Elles  sont  alors  séparées  en  qualités  diffé- 
rentes et  placées  aussi  proprement  que  possible  dans  des 
corbeilles  ou  dans  des  caisses  garnies  de  papier  pour  être 
livrées  au  commerce  ou  conservées  dans  un  lieu  très  sec  et 
bien  aéré.  Ordinairement,  pour  les  préserver  des  dégâts 
produits  parles  vers,  on  a  soin,  en  les  arrangeant  dans  les 
caisses  ou  les  corbeilles,  de  les  entremêler  avec  des  feuilles 
fraîches  de  laurier.  Dans  les  automnes  pluvieux,  les  culti- 
vateurs du  Midi  sont  obligés  de  faire  sécher  les  figues  au 
four  ;  mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'elles  soient  d'aussi 
bonne  qualité  que  celles  qui  ont  été  desséchées  au  soleil. 

III.  Commerce.  —  Les  figues  sèches  sont  les  seules  dont 
le  transport  donne  lieu  à  un  commerce  assez  considérable, 
Ce  commerce  adonné  pendant  l'année  1894,  en  France, 
les  chiffres  suivants  :  importations,  4,905,258  fr.  (com- 
merce général)  ;  4,784,774 fr.  (commerce  spécial);  expor- 
tations, 216,114  fr.  (commerce  général);  144,680  fr. 
(commerce  spécial). 

FIGUEIRAdaFoz.  Ville  de  Portugal,  prov.  deBeira,  dis- 
trict de  Coïmbre,  à  l'embouchure  (Foz)  duMondego,  avec 
un  port  d'une  entrée  difficile  par  suite  de  la  barre  et 
qui  ne  peut  recevoir  que  des  navires  d'un  tirant  d'eau  de 
3m50  ;  4,461  hab.  Les  habitants,  presque  tous  pêcheurs, 
exportent  aussi  du  sel  recueilli  sur  les  plages  voisines,  de 
l'huile,  des  vins  connus  au  Brésil  sous  le  nom  de  Figueira, 
quoiqu'ils  viennent  d'ailleurs.  Pendant  la  belle  saison,  il  y 
a  quelques  familles  de  baigneurs.  E.  Cat. 

FI  G  U  El  RAS  (Guillem),  célèbre  troubadour  provençal, 
né  à  Toulouse  vers  1190,  mort  à  une  date  inconnue.  D'un 
esprit  indépendant,  et  animé  plutôt  de  sentiments  démo- 
cratiques, il  se  réfugia  en  Lombardie  pour  être  plus  libre 
de  dire  sa  pensée,  et  de  là  il  lança  contre  la  cour  de  Rome 
un  sirvente  virulent,  à  l'occasion  de  la  croisade  contre 
les  Albigeois,  pièce  de  vers  qui  est  un  des  chefs-d'œuvre 
de  la  littérature  provençale.  On  lui  doit  encore  des  chan- 
sons d'amour  dont  Pétrarque  s'inspira  parfois,  une  char- 
mante pastourelle,  et  d'autres  compositions  gracieuses, 
insérées  dans  les  recueils  des  poésies  des  troubadours 
(V.  Provençale  [Littérature]). 

F1GUEIREDO  (Celso  deAssiz)  (V.  Celso). 
FIGUERAS,  que  nous  appelons  FIGUIÈRES.  Ville  d'Es- 
pagne, prov.  de  Girone  (Catalogne),  au  centre  d'une  des 
grandes  plaines  marécageuses  de  l'Ampourdan,  le  Pld  de 
las  Aguas,  assez  importante  et  bien  bâtie,  chef-lieu  d'un 
district  de  63  communes;  11,739  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  de  Girone  à  la  frontière  française.  C'est  surtout 
une  place  forte  gardant  la  frontière  des  Pyrénées,  et  elle  a 
été  souvent  prise  par  les  Français,  notamment  en  1285  et 
en  1675.  Au  siècle  dernier,  Ferdinand  VI  améliora  et 
agrandit  considérablement  son  système  de  défenses,  fit 
élever  sur  les  hauteurs  qui  dominent  la  place  une  immense 
citadelle,  le  castillo  de  San  Fernando,  avec  des  case- 
mates et  des  fossés  pratiqués  dans  le  roc,  des  souterrains 
très  vastes  et  de  quoi  abriter  20,000  hommes  et  500  che- 
vaux. Malgré  cela,  Figueras  a  encore  été  prise  par  nos 


troupes  en  1794  et  en  1811.  La  ville  a  quelques  tanneries 
et  corroiries  et  des  fabriques  de  papier.  E.  Cat. 

FIGUERAS  ou  FIGUEIRAS.  Bourg  maritime  d'Espagne, 
prov.  d'Oviedo  (Asturies),  sur  la  ria  ou  estuaire  de  l'Eo, 
important  par  ses  établissements  de  pêche  et  ses  parcs  à 
huîtres;  1,500  hab. 

FIGUERAS  (Estanislao),  homme  d'Etat  espagnol,  né  à 
Barcelone  le  13  nov.  1819,  mort  à  Madrid  le  11  nov.  1882. 
Il  fit  son  droit  à  Madrid  et,  dès  1840,  il  joua  un  rôle  actif 
dans  les  rangs  du  parti  républicain.  Après  l'arrivée  des 
modérés  au  pouvoir,  il  se  retira  à  ïarragone,  où  il  exerça 
les  fonctions  d'avocat.  Elu  député  de  Barcelone  en  1851,  il 
devint  un  des  chefs  de  son  parti.  La  participation  à  un 
complot  contre  Narvaez  lui  valut  plusieurs  mois  d'exil  en 

1867.  Son  rôle  grandit  encore  après  la  chute  de  la  reine 
Isabelle.  Il  fut  un  des  plus  fermes  et  des  plus  habiles  ora- 
teurs de  la  démocratie  et  dirigeait  alors  le  journal  La  Dis- 
cusion.  Après  l'abdication  du  roi  Amédée,  il  fut  nommé 
président  du  conseil  des  ministres  (12  févr.  1873),  mais 
il  démissionna  le  8  juin  suivant  et  fut  le  promoteur  de  la 
proclamation  de  la  république  fédérale.  Depuis  la  restaura- 
tion de  la  [monarchie,  il  vécut  à  l'écart  de  la  politique 
militante.  -  G.  P-i. 

FIGUERAS  y  Vila  (Juan),  sculpteur  espagnol  contempo- 
rain, né  à  Gerona  et  élève  de  José  Piquer.  Envoyé  à  la  suite 
d'un  concours  comme  pensionnaire  à  Rome,  il  commença 
par  exposer  à  Madrid,  en  1856,  la  Chaste  Suzanne.  En 

1868,  il  produisait  sa  Femme  Israélite  piquée  par  un 
serpent,  et,  en  1862,  Marina,  interprète  deFernand 
Cortès,  Attila  (bas -relief),  un  buste  et  une  Indienne 
embrassant  le  christianisme  qui  a  paru  à  Paris  à  l'Expo- 
sition universelle  de  1867.  En  1864,  l'artiste  exposait  une 
figure  allégorique  intitulée  l'Indépendance  (1808),  achetée 
par  l'Etat,  et  en  1866  une  statue  de  Sainte  Barbe  et  une 
Victoire,  figure  allégorique.  Un  de  ses  meilleurs  ouvrages, 
la  statue  de  VEyménêe,  appartient  au  musée  national  de 
Madrid.  P.  L. 

FIGUEROA  (GomezSuAREz de), homme  d'Etat  espagnol, 
né  dans  les  premières  années  du  xvie  siècle,  mort  en  1571. 
Il  fut  en  grande  faveur  auprès  de  l'infant  Philippe,  plus 
tard  Philippe  II,  et  chargé  par  lui  de  diverses  missions 
diplomatiques.  Après  l'avènement  de  celui-ci   au  trône, 
il  fut  appelé  aux  conseils  d'Etat  et  de  la  guerre  et  nommé 
capitaine  de  la  garde;  c'est  en  cette  qualité  qu'il  sur- 
veilla dans  sa  prison  don  Carlos  et,  en  récompense  de 
ses  services,  fut  créé  duc  de  Feria  ;  il  est  l'ancêtre  d'une 
famille  illustre  dans  l'histoire  d'Espagne.  —    Lorenzo 
Suarez  de  Figueroa,  second  duc  de  Feria,  né  à  Maîines  le 
8  sept.  1559,  mort  à  Naplesen  févr.  1607.  Ayant  hérité  de 
la  faveur  dont  jouissait  son  père  auprès  de  Philippe  II,  il  fut 
représentant  de  ce  roi  en  France  de  1593  à  1598  et  joua 
le  principal  rôle  dans  les  négociations  entre  la  Ligue  et  la 
cour  d'Espagne.  Il  ne  réussit  pas  à  faire  accepter  pour  roi 
de  France  ni  Philippe  II,  ni  un  prince  ou  une  princesse 
espagnole  et  dut  quitter  Paris,  puis  la  France.  Il  devint 
capitaine  général  de  Catalogne  et  ensuite  vice-roi  deNaples. 
—  Cristobal  Suarez  de  Figueroa,  auteur  castillan,  né 
à  Valladolid  dans  la  seconde  moitié  du  xvie  siècle.  Il  fit  ses 
études  de  droit  et  obtint  le  titre  de  docteur,  puis  s'engagea 
dans  l'armée  et  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  en 
Italie.  Très  versé  dans  la  langue  et  dans  la  littérature  ita- 
lienne, il  traduisit  en  vers  castillans  le  Pastor  fido  de 
Guarini  (Valence,  1609).  Cette  traduction,  très  fidèle,  a 
mérité  l'honneur  d'être  comparée  à  celle  de  YAminta  de 
Tasse,  par  le  peintre-poète  Jaûregui,  le  chef-d'œuvre  du 
genre  en  Espagne.  Mais  le  plus  célèbre  ouvrage  de  Figue- 
roa est  la  Constante  Amarilis,  en  quatre  discours  (Va- 
lence, 1609),  pastorale  mêlée  de  prose  et  de  vers,  suivant 
la  mode  du  temps.  Elle  est  peu  intéressante,  quoique  le 
style  en  soit  élégant  et  très  pur.  Il  écrivit  ensuite   El 
Pasagero  (Madrid,  1617),  composé  de  dix  dialogues  en 
prose  sur  des  sujets  variés;  ces  conversations  ont  lieu  sur 
la  route   de  Madrid  à  Barcelone,  entre  une  troupe  de 


FIGUEROA  —  FIGUEROLA 


—  432  — 


voyageurs  se  rendant  dans  cette  dernière  ville.  L'acrimo- 
nie de  l'auteur  s'y  donne  libre  carrière  ;  il  attaque  avec 
animosité  les  plus  illustres  d'entre  ses  contemporains, 
Cervantes,  Lope  de  Vega,  Espinosa.  On  peut  signaler 
parmi  les  autres  productions  de  Figueroa  :  Espana  defen- 
dida  (Madrid,  4612),  médiocre  poème  épique;  un  ouvrage 
historique  à  la  gloire  de  la  fameuse  maison  de  Mendozu  : 
Hechos  de  D.  Garcia  Hurtado  de  Mendoza  (Madrid, 
1613)  et  quelques  bonnes  traductions  de  l'italien.  — 
Gomez  Suarez  de  Figueroa,  diplomate  espagnol,  de  la 
famille  des  ducs  de  Feria,  né  à  Guadalajara  en  1587, 
mort  à  Munich  le  14  janv.  1634.  Il  occupa  divers  postes 
importants  dès  son  jeune  âge,  fut  ambassadeur  à  Rome, 
puis  vice-roi  et  capitaine  général  de  Valence  et,  en  1610, 
chargé  d'une  mission  auprès  de  la  reine  Marie  de  Médicis. 
Il  amena  l'alliance  des  cours  d'Espagne  et  de  France  et 
prépara  les  mariages  espagnols.  En  1618,  il  alla  occuper 
le  poste  de  vice-roi  du  Milanais  et  soutint  la  Valteline  ca- 
tholique contre  le  canton  des  Grisons.  Sur  les  instances  du 
pape  et  de  la  France,  Philippe  III  promit  l'évacuation  par 
les  Espagnols  de  la  Valteline,  mais  Figueroa  n'en  tint 
compte,  occupa  des  positions  et  engagea  des  relations  diplo- 
matiques avec  les  Grisons  et  la  république  de  Gènes.  Il  ne 
réussit  pas  dans  ces  menées,  mais  put  gagner  quelques 
cantons  suisses,  lever  des  troupes  avec  lesquelles  Spinola 
se  maintint  longtemps  dans  la  Valteline  et  enfin  passer  en 
Allemagne  avec  12,000  hommes  et  secourir  Brisach  (1633). 
Il  mourut  peu  après  (V.  Valteline). 

FIGUEROA  (Lope  de),  capitaine  espagnol,  né  à  Vallado- 
lid  en  1520,  mort  à  Valladolid  en  1595.  Il  commandait  le 
tercio  (régiment)  de  Naples,  prit  une  part  active  à  la 
guerre  contre  les  Morisques  révoltés,  seconda  don  Juan 
d'Autriche  au  siège  deGalera  (1570)  emportée  d'assaut  par 
les  Espagnols  après  une  résistance  acharnée  des  musulmans , 
combattit  bravementà  Lépante(1571),  s'élança  à  l'abordage 
de  la  galère  de  l'amiral  turc  Ali  et  contribua  ainsi  à  la  vic- 
toire des  chrétiens  ;  il  figura  à  la  prise  de  Maastricht,  dans 
les  Flandres,  et  marcha  contre  le  Portugal  dont  Philippe  II 
s'empara  sur  Antonio,  prieur  de  Crato,  après  la  mort  du 
roi  don  Sébastien  en  Afrique  (1581) .  Figueroa  qui  souffrait 
cruellement  de  la  goutte,  était  d'un  caractère  brusque  et 
fantasque,  très  dur  sur  la  discipline,  mais  loyal  et  bon, 
l'accès  de  colère  passé.  Calderon  Fa  mis  en  scène  dans 
deux  drames,  El  Alcalde  de  Zalamea  et  Amar  despues 
de  lamuerte;  c'est  un  des  personnages  les  plus  réussis  et 
les  plus  vivants  de  son  théâtre  ;  il  représente  admirable- 
ment le  chef  de  bandes  du  xvie  siècle.       L.  Dollfus. 

FIGUEROA  (Francisco  de),  poète  espagnol,  né  à  Alcalâ 
de  Henâres  en  1540,  mort  à  Alcalâ  en  1620.  Il  fit  ses 
études  à  l'université  de  cette  ville,  entra  ensuite  dans  l'ar- 
mée et  guerroya  longtemps  en  Italie,  puis  en  Flandre. 
Très  épris  de  la  poésie  italienne,  il  composa,  dans  le  goût 
de  celle-ci,  et  aussi  bien  en  italien  qu'en  castillan,  de 
charmantes  pièces  de  vers  lyriques,  qui  lui  valurent  à 
Rome  la  couronne  poétique.  Il  fut  le  premier  des  poètes 
espagnols  qui  ont  employé  avec  talent,  dans  sa  célèbre 
églogue  Tirso,  le  vers  blanc,  d'importation  italienne.  Cer- 
vantes l'exalte  dans  sa  Galatea,  et  ses  contemporains  le 
surnomèrent  le  «  Pindare  espagnol  »  et  le  «  Divin  ».  Les 
poésies  de  Figueroa  ne  furent  imprimées  qu'après  sa  mort, 
par  les  soins  du  chroniqueur  Luis  Tribaldos  de  Toledo  : 
Obras  (Lisbonne,  1625,  pet.  in-8)  ;  elles  furent  rééditées 
par  Ramon  Fernandez  en  1785,  puis  en  1804,  et  les  meil- 
leures pièces  figurent  dans  la  Biblioteca  de  Rivadeneyra. 
t.XLII.  G.  P-i. 

FIGUEROA  (Francisco),  chroniqueur  guatémaltec, mort 
octogénaire  en  1632.  Il  prit  l'habit  de  saint  François  au 
couvent  de  Guatemala  et  il  était  gardien  de  celui  de  Za- 
mayac,  lorsqu'il  fut  chargé  par  François  de  Gonzague, 
général  de  son  ordre,  d'écrire  l'histoire  de  sa  province. 
Elle  fut  publiée  en  latin  dans  les  Chroniques  de  ce  dernier. 
—  11  ne  faut  pas  le  confondre  avec  un  autre  franciscain, 
Francisco- Antonio  de  la  Rosa  Figueroa,  à  qui  l'on  doit 


un  utile  catalogue  (Bezerro  gênerai;  Mexico,  1755-64, 
in-fol.,  t.  I  seul  paru)  de  tous  les  religieux  franciscains 
du  Mexique  jusqu'à  la  fin  du  xvne  siècle;  ni  avec  Francisco 
Figueroa,  né  à  Toluca  (Mexique),  gardien  et  régent  des 
études  au  couvent  franciscain  de  Tlatelulco,  deux  fois 
provincial  de  la  province  du  Saint-Evangile  et  visiteur  des 
autres  de  l'Amérique  septentrionale.  Ce  dernier  écrivit 
divers  ouvrages  de  théologie  et,  dans  l'espace  de  trois 
ans,  il  fit  copier  pour  l'historiographe  Murioz  trente-deux 
volumes  de  chroniques,  relations  et  autres  matériaux  sur 
l'histoire  de  l'ancien  Mexique,  sur  les  découvertes  et  mis- 
sions dans  ce  pays  et  les  autres  provinces  espagnoles  de 
l'Amérique  du  Nord.  Il  a  ainsi  préservé  de  la  destruction 
nombre  de  précieux  documents  dont  beaucoup  ont  enfin  été 
publiés  de  nos  jours.  Beauvois. 

FIGUEROA  (D.  Garcias  de  Silvà  y),  voyageur  et  diplo- 
mate espagnol,  né  à  Badajoz  vers  1574,  mort  entre  1624 
et  1628.  Issu  par  bâtardise  de  la  maison  des  ducs  de  Feria, 
il  fut  d'abord  page  à  la  cour  de  Philippe  II,  puis  il  entra 
dans  l'armée  et  parvint  au  grade  de  capitaine.  Chargé  d'une 
mission  auprès  du  chah  de  Perse,  il  séjourna  dans  ce  pays 
depuis  oct.  1617  jusqu'en  sept.  1619,  et  rentra  en  Espagne 
en  août  1624.  Il  adressa  à  ce  sujet,  au  célèbre  diplomate 
marquis  de  Bedmar  (V.  ce  nom),  une  lettre  :  De  Rébus 
Persarum  epistola,  qui  fut  publiée  à  Anvers,  en  1620, 
puis  il  y  consacra  un  mémoire  détaillé  :  Totius  Legationis 
suce  et  Indicarum  rerum  Persidisque  commentarii, 
qui  resta  manuscrit,  et  à  l'aide  duquel  un  attaché  de  son 
ambassade  rédigea  une  relation  en  espagnol,  qui  fut  tra- 
duite en  français  par  de  Wicquefort  :  V Ambassade...  en 
Perse,  contenant  la  politique  de  cet  empire,  les  mœurs 
du  roi  Schah  Abbas,  et  une  relation  de  tous  les  lieux 
de  Perse  et  des  Indes  où  cet  ambassadeur  a  été  l'es- 
pace de  huit  ans  (Paris,  1667,  in-4).  On  y  trouve  de 
précieux  renseignements.  Figueroa  est  encore  l'auteur 
d'un  Breuiarium  Historiœ  hispanicœ  (Lisbonne,  1628, 
in-8).  G.  P-i. 

FIGUEROA  (Gerônimo) ,  missionnaire  et  linguiste  hispano- 
mexicain,  né  à  Mexico  en  1 604,  mort  le  25  mars  1683.  Entré 
au  noviciat  des  jésuites  à  Tepotzotlan  en  1622,  il  enseigna  le 
latin  à  Oaxaca,  puis  il  passa  quarante  ans  en  mission  chez 
les  Tepehuanes  et  les  Tarahumares  (1639)  dont  il  baptisa  un 
grand  nombre  qu'il  accoutuma  à  la  vie  sédentaire  et  agri- 
cole dans  des  stations  formées  autour  des  églises.  Ses 
infirmités  le  forcèrent  de  retourner  à  Mexico  où  il  devint 
recteur  du  grand  collège  et  prévôt  de  la  maison  professe. 
Il  écrivit  une  Grammaire  et  un  copieux  Vocabulaire  des 
langues  Tepehuane  et  Tarahumare,  un  Catéchisme  et 
un  Confessionnaire  dans  ces  deux  langues.  Sa  Vida  ad- 
mirable a  été  publiée  par  le  P.  F.  Florencia  (Mexico,  1689, 
in-4).  Beauvois. 

FIGUEROA  (Francisco  de),  peintre  espagnol  et  religieux 
de  l'ordre  des  dominicains.  Ses  ouvrages,  aujourd'hui  dis- 
parus, furent  exécutés  pour  son  couvent,  à  Grenade.  Cean 
Bermudez,  qui  les  put  voir  encore,  loue  l'habileté  et  l'in- 
telligence dont  l'artiste  y  avait  fait  preuve.  Il  florissait  vers 
la  fin  du  xvne  siècle.  —  Un  autre  artiste  portant  le  même 
nom  et  le  même  prénom  vivait  à  Madrid  au  xvme  siècle,  et 
peignait  agréablement  de  petits  sujets  religieux  et  des 
paysages.  P.  L. 

FIGUEROA  (F.  Acuna  de)  (V.  Acuna). 

FIGUEROLA  (Laureano),  homme  d'Etat  et  économiste 
espagnol,  né  à  Calât,  près  de  Barcelone,  le  14  juil.  1816. 
Directeur  de  l'Ecole  normale  primaire  de  Barcelone  de 
1841  à  1847,  il  professa  ensuite  l'économie  politique  à 
l'université  de  cette  ville,  et  publia  alors  un  ouvrage  esti- 
mable, Estadistica  de  Barcelona  en  1849  (Barcelone, 
1849-54,  2  vol.  in-8).  Libre-échangiste  décidé,  il  fonda 
une  société  pour  la  propagation  de  cette  doctrine.  Député 
en  1854,  il  fut  transféré  en  1855  dans  la  chaire  de  droit 
commercial  à  l'université  de  Madrid  et  soutint  avec  ardeur 
le  principe  de  la  liberté  du  commerce  au  congrès  de 
Bruxelles  (sept.  1856).  Membre  du  gouvernement  provi- 


—  433  — 


FIGUEROLA  —  FIGUIER 


soire  après  la  chute  de  la  reine  Isabelle,  il  eut  le  porte- 
feuille des  finances  (8  oct.  1868),  et  introduisit  de  nom- 
breuses réformes;  entre  autres  il  fit  supprimer  les 
congrégations  religieuses  fondées  après  1837  et  confisquer 
leurs  biens,  et  il  abolit  les  octrois.  Sur  cette  dernière 
réforme,  il  publia  plus  tard  un  remarquable  mémoire  :  La 
Reforma  arancelaria  de  1869  (Madrid,  1879,  gr.  in-4). 
Il  garda  son  portefeuille  jusqu'à  l'avènement  du  roi  Amé- 
dée,  et  abandonna  ensuite  la  politique.  G.  P-i. 

FIGUIER.  I.  Rotanique.  —  (Ficus  Tourn.).  Genre  de 
plantes  de  la  famille  des  Ulmacées  et  du  groupe  des  Arto- 
carpées.  Les  Figuiers  sont  de  grands  arbres  ou  des  arbris- 
seaux, quelquefois  grimpants,  remarquables  par  leur  mode 
d'inflorescence  tout  à  fait  spécial,  que  Mirbel  a  désigné  sous 
le  nom  de  sycône.  Toutes  leurs  parties  sont  remplies  d'un 
suc  laiteux,  acre  et  caustique  ;  leurs  feuilles  alternes,  très 
variables  de  formes  dans  une  même  espèce,  sont  accompa- 
gnées de  stipules  très  développées  qui  recouvrent  entière- 
ment les  bourgeons  terminaux.  Leurs  fleurs,  très  petites, 
unisexuées,  sont  insérées  en  grand  nombre  sur  la  face  in- 
terne d'un  réceptacle  commun,  creux,  piriforme  ou  globu- 
leux, dont  le  pied  porte  supérieurement  quelques  bractées 
et  dont  l'ouverture  apicale  ou  œil  est  garnie  de  bractées 
imbriquées.  Les  fleurs  mâles  et  femelles  coexistent  quelque- 
fois dans  un  même  réceptacle,  et,  dans  ce  cas,  les  mâles  en 
occupent  la  partie  supérieure  ;  mais,  le  plus  ordinairement, 
les  sexes  sont  placés  dans  des  réceptacles  séparés  ;  ces  ré- 
ceptacles naissent  isolés,  soit  à  l'aisselle  des  feuilles,  soit 
directement  sur  le  tronc  et  les  grosses  branches  ;  ils  de- 
viennent charnus  après  la  fécondation  et  constituent  alors 
les  fruits  agrégés  désignés  vulgairement  sous  le  nom  de 
Figues.  Leurs  fleurs  mâles  ont  un,  périanthe  simple  formé 
de  deux  à  six  folioles  et  un  androcée  de  2-6  étamines  à 
anthères  introrses,  s'ouvrant  par  deux  fentes  longitudi- 
nales. Dans  les  fleurs  femelles,  l'ovaire  sessile  ou  stipité, 
ordinairement  uniloculaire  et  uniovulé,  devient  à  la  matu- 
rité une  petite  drupe  dont  le  mésocarpe  est  très  mince,  et 
dont  le  noyau  crustacé  ou  fragile  renferme  une  seule 
graine  à  albumen  charnu  et  à  embryon  recourbé  en  crochet. 

Le  genre  Ficus  est  extrêmement  riche  en  formes  diverses. 
On  en  compte  actuellement  plus  de  600  espèces  disséminées 
dans  toutes  les  régions  chaudes  du  globe,  mais  répandues 
surtout  dans  l'Asie  tropicale  orientale,  la  Malaisie  et  les 
îles  de  l'océan  Pacifique.  L'une  d'elles,  F.  carica  L.  ou 
Figuier  commun,  Arbre  à  cariques,  originaire  de  la  Syrie 
et  de  l'Asie  Mineure,  s'est  propagé  dans  toute  la  région 
méditerranéenne  et  est  cultivé  dans  les  jardins  d'une  grande 
partie  de  l'Europe.  Ses  réceptacles  fructifères  ou  Figues, 
dont  on  connaît  de  nombreuses  variétés,  entrent  pour  une 
part  assez  notable  dans  l'alimentation  et  sont  employés  en 
médecine  comme  adoucissants  et  pectoraux.  Parmi  les 
espèces  exotiques,  il  convient  de  mentionner  surtout  :  le 
Sycomore  ou  Figuier  de  Pharaon  (Ficus  Sycomorus  L.), 
grand  arbre  de  l'Egypte  et  du  Levant,  dont  le  bois,  très 
léger  et  presque  incorruptible,  servait,  dit-on,  aux  anciens 
Egyptiens,  à  fabriquer  leurs  boîtes  à  momies;  puis,  le  Fi- 
guier des  pagodes  (F.  religiosa  L.)  et  le  F.  des  Ranians 
(F.  inclica  L.),  dont  le  latex,  riche  en  caoutchouc,  est 
exploité  dans  l'Inde.  Ces  deux  espèces  présentent,  en  outre, 
un  mode  de  végétation  très  remarquable.  De  la  partie  infé- 
rieure de  leurs  branches  se  détachent  des  racines  adven- 
tives  qui  atteignent  le  sol,  s'y  implantent  et  forment  des 
arcades  qui  se  "propagent  de  tous  côtés  à  de  grandes  dis- 
tances du  tronc;  c'est  ainsi  qu'on  a  pu  dire  qu'un  seul 
arbre  peut  produire  une  forêt.  Enfin,  sur  leurs  rameaux, 
se  rencontre  fréquemment  l'Insecte  à  la  laque  (V.  Carte- 
ria).  Plusieurs  Figuiers  fournissent  également  du  caout- 
chouc; tels  sont  notamment  les  Ficustaccifera  Roxb.  et 
F.  elastica  Roxb.,  en  Asie,  les  F.  macrophylla  Desf.  et 
F.  rubiginosa  Desf.,  en  Australie.  Dans  d'autres  espèces, 
comme  le  F.  toxicaria  L.,  le  F.  venenala  L.,  le  F.  sep- 
lica  Rumph.  et  le  F.  atrox  Mart.,  le  latex,  très  véné- 
neux, sert  aux  naturels  à  empoisonner  leurs  flèches.  Le 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


F.  Padana  Rurm.  a  des  fruits  toxiques  connus  sous  le 
nom  de  Figues  Poison.  Enfin,  le  F.  cerifera  RI.  fournit 
une  substance  cireuse  appelée  Getah-Lahoe  ou  cire  végé- 
tale de  Sumatra  (V.  Getah-Lahoe). 

Dans  le  langage  vulgaire,  on  donne  le  nom  de  Figuier 
à  différentes  plantes  qui  n'appartiennent  pas  au  genre 
Ficus.  Ainsi,  le  Figuier  d'Adam  ou  F.  des  Indes  est  le 
Musa  paradisiaca  L.  (V.  Rananier)  ;  le  F.  de  Rarbarie 
ou  F.  d'Inde,  Y  Opuntia  ficus  indica  L.  (V.  Opuntia)  ;  le 
F.  d'Egypte,  le  Ceratonia  siliqua  L.  (V.  Caroubier);  le 
Figuier  d'Enfer,  le  Curcas  pargans  Adans.  (V.  Curcas)  ; 
le  F.  de  Surinam,  le  Cecropia  peltata  L.  (V.  Cécropie)  ; 
le  F.  des  Hottentots,  le  Mesembryanthemum  edule  L. 
(V.  Ficoïde);  F.  des  îles,  F.  des  nègres,  le  Carica 
papaya  L.  (V.  Papayer);  le  F.  infernal,  YArgemone 
mexicana  L.  (V.  Argémone) ;  le  F.  maudit,  le  Clusia 
rosea  L.  (V.  Clusia)  ;  le  F.  .vénéneux,  YEippomane 
Mancenilla  L.  (V.  Mancenillier).  Ed.  Lef. 

II.  Horticulture.  —  Le  Figuier  est  commun  dans  la 
région  méditerranéenne  ;  on  le  rencontre  aussi  dans  le  Sud- 
Ouest  et  l'Ouest  et  dans  la  vallée  du  Rhône  où  il  est  ré- 
pandu jusqu'à  Lyon.  Sous  le  climat  du  Centre  et  du  Nord, 
sa  culture  exige  des  soins  particuliers.  On  le  cultive  par- 
fois, comme  arbre  paysager,  sur  les  rochers  qu'il  orne  de 
son  abondant  feuillage,  mais  sa  destination  principale  est 
de  produire  des  fruits  qui  sont  l'objet  d'un  commerce  im- 
portant. Le  Figuier  a  une  croissance  rapide  et  il  s'élève  à 
6  ou  8  m.  ;  mais,  pour  rendre  la  cueillette  des  fruits  plus 
facile,  il  vaut  mieux  ne  pas  lui  laisser  atteindre  cette  taille. 
Il  n'est  pas  difficile  sur  le  choix  du  terrain  et  vient  dans 
tous  les  sols,  tout  en  préférant  ceux  qui  sont  frais,  pro- 
fonds et  substantiels.  On  en  cultive  un  grand  nombre  de 
variétés,  à  fruits  blancs  ou  colorés,  parmi  lesquelles  beau- 
coup donnent  deux  récoltes  annuelles.  La  première  récolte 
comprend  les  figues  fleurs,  nées  sur  le  bois  de  l'année 
précédente  et  mûrissant  en  juin  et  juillet  ;  la  seconde,  les 
figues  d'automne  ou  d'été  ou  secondes  figues,  mûrissant  en 
août,  septembre  ou  octobre.  Les  secondes  figues  sont  plus 
sucrées  que  les  figues  fleurs  et  sont  préférées  pour  le  sé- 
chage. Dans  le  Nord,  le  Figuier  ne  donne  habituellement 
que  des  figues  fleurs,  les  secondes  figues,  nées  sur  les 
pousses  de  l'année,  n'ayant  pas  le  temps  de  mûrir  avant 
les  gelées.  Les  variétés  à  fruits  blancs  :  Rourjassote 
blanche,  Rlanquette,Coucourelle,  Col  des  Dames,  Doucette, 
Marseillaise,  etc.,  les  variétés  à  fruits  colorés:  Rourjas- 
sote noire,  Rellone,  Mahonnaise,  Mouissone,  Roussane, 
Servantine,  etc.,  sont  répandues  dans  le  Midi.  Hors  de  la 
région  de  l'Olivier,  on  trouve  :  la  Rlanquette,  la  Violette 
ronde,  la  Dauphine,  etc.  La  multiplication  du  Figuier  se 
fait  quelquefois  par  graines  extraites  des  figues  d'été  qu'on 
écrase  dans  l'eau.  Ses  graines  lavées  et  séchées  sont  se- 
mées aussitôt  sur  une  terre  bien  ameublie  et  substantielle. 
Le  semis  est  légèrement  recouvert  et  arrosé.  On  abrite  les 
jeunes  plantes  contre  le  soleil  à  l'aide  de  branchages  et  on 
les  met  en  place  à  l'automne  de  la  seconde  année.  On  mul- 
tiplie encore  le  Figuier  en  détachant  et  transplantant  les 
rejetons  enracinés  qui  naissent  naturellement  au  pied  des 
arbres,  ou  bien  on  recèpe  les  Figuiers  au  ras  du  sol  ;  ils 
produisent  alors  des  drageons  nombreux  qu'on  met  en 
place  la  seconde  année.  Le  marcottage  et  le  bouturage 
sont  des  procédés  de  multiplication  très  usités.  Les  mar- 
cottes s'obtiennent  avec  des  branches  de  deux  ans  dont  on 
supprime  les  pousses  latérales.  En  mars  et  avril,  on 
couche  ces  branches  dans  des  fosses  de  0m20  de  profon- 
deur ;  on  les  recouvre  de  terre,  en  relevant  l'extrémité 
hors  du  sol.  On  les  sépare  du  pied  mère  en  automne  et 
on  les  plante  à  demeure  au  printemps  suivant.  Le  boutu- 
rage se  fait  en  automne  ou  au  printemps,  de  préférence  au 
printemps  dans  le  centre  et  le' Nord,  avec  des  fragments  de 
rameaux  bien  aoûtés,  longs  de  0ra20  environ,  qu'on 
plante  verticalement  et  butte  de  manière  à  recouvrir  l'œil 
terminal  de  2  ou  3  centim.  de  terre.  Les  boutures  plan- 
tées en  terrain  bien  préparé,  maintenu  frais  par  quelques 

û28 


FIGUIER  —  FIGUIG 


434  — 


arrosages,  ne  tardent  pas  à  se  développer  et  peuvent  être 
mises  en  place  Tannée  suivante.  La  culture  du  Figuier  est 
très  simple  dans  le  Midi.  On  ne  le  taille  pas.  On  se  borne 
à  supprimer  le  bois  mort,  à  arrêter  les  branches  gour- 
mandes et  à  labourer  le  pied  des  arbres  au  printemps  et 
en  automne.  Souvent  même,  il  ne  reçoit  aucun  soin,  et  sa 
vigueur  est  telle  qu'on  le  voit  pousser  et  fructifier  abon- 
damment dans  les  murs  et  sur  les  rochers.  Aux  environs 
de  Paris,  où  le  climat  lui  est  défavorable,  il  est  l'objet  de 
soins  particuliers.  On  le  plante  à  l'exposition  du  midi,  un 
peu  obliquement,  et  on  le  maintient  à  l'état  de  buisson 
comprenant  cinq  ou  six  tiges.  Du  1er  au  45  nov.,  on  réu- 
nit les  branches  en  faisceau  ;  on  couche  les  Figuiers  dans 
des  rigoles  suffisamment  larges  pour  les  contenir  et  on  les 
recouvre  de  0m20  à  0m30  de  terre.  On  déterre  les  Figuiers 
lorsque  la  température  le  permet,  vers  le  mois  d'avril. 
Pour  favoriser  le  développement  des  fruits,  on  pince  l'ex- 
trémité de  chaque  branche  en  supprimant  le  bourgeon  ter- 
minal et,  le  long  des  branches,  les  yeux  qui  accompagnent 
les  fruits,  sauf  ceux  qui  sont  destinés  à  prolonger  les 
branches,  à  fournir  les  rameaux  de  remplacement  et  à 
donner  des  feuilles  pour  ombrager  les  fruits.  Après  la  ré- 
colte des  figues,  on  taille  les  branches  en  les  coupant  au- 
dessus  des  rameaux  de  remplacement.  Le  Figuier  dra- 
geonne  beaucoup.  On  doit  supprimer  les  drageons  lorsqu'ils 
ne  sont  pas  utilisés  pour  la  multiplication  ou  le  rajeunis- 
sement de  l'arbre,  parce  qu'ils  le  fatiguent  sans  profit.  La 
cueillette  des  fruits  se  fait  le  matin  de  bonne  heure,  aus- 
sitôt après  la  rosée.  La  figue  est  mûre  lorsque,  par  la 
pression,  on  la  sent  fléchir  près  de  l'œil.  En  déposant  une 
gouttelette  d'huile  sur  l'œil  des  figues,  à  l'aide  d'une 
plume  ou  d'un  mince  bâton,  on  peut  hâter  leur  maturité 
de  plusieurs  jours  ;  les  figues  doivent  avoir  dépassé  les 
deux  tiers  de  leur  grosseur.  Appliqué  trop  tôt,  ce  procédé 
ne  donnerait  pas  de  bons  résultats.  Du  reste  la  pratique 
est  ici  le  meilleur  guide  pour  choisir  le  moment  favorable  à 
l'opération.  G.  Boyer. 

III.  Thérapeutique.  —  Le  suc  acre  et  laiteux,  contenant 
du  caoutchouc  et  un  principe  résineux,  extrait  des  rameaux 
et  de  feuilles  de  diverses  espèces  de  figuier,  servait  jadis 
comme  purgatif  ;  mélangé  à  du  jaune  d'œuf  ou  à  de  l'huile, 
il  était  employé  comme  abstergent  des  plaies  et  des  ulcères, 
pour  faire  disparaître  les  verrues,  etc. —  La  figue  (Ficus 
carica)  fait  partie  des  quatre  fruits  pectoraux  et  on  en  fait 
des  infusions  adoucissantes.  Coupée  en  lanières  et  introduite 
dans  la  bouche,  elle  est  utile  contre  la  fluxion  dentaire. 

FIGUIER  (Guillaume-Louis),  chimiste  et  écrivain  fran- 
çais, né  à  Montpellier  le  45  févr.  4849.  Son  père  était 
pharmacien  et  son  oncle,  Pierre  Figuier,  à  qui  l'on  doit 
la  découverte  des  propriétés  décolorantes  du  charbon  ani- 
mal, professait  la  chimie  à  l'Ecole  de  pharmacie  de  Mont- 
pellier. Lui-même,  aussitôt  son  doctorat  en  médecine  ter- 
miné (4841),  vint  travailler  la  chimie  à  Paris,  au  laboratoire 
de  Balard,  et  fut  nommé  en  4846  professeur  agrégé  de 
chimie  à  l'Ecole  de  pharmacie  de  Montpellier.  En  4850,  il 
fut  reçu  docteur  es  sciences  physiques  à  Toulouse;  en 
4853,  il  obtint  au  concours  la  place  de  professeur  agrégé 
de  chimie  à  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris.  Pendant  cette 
première  période  de  sa  vie,  il  s'occupa  surtout  de  chimie 
médicale  et  se  fit  connaître  par  un  certain  nombre  de  tra- 
vaux originaux  publiés  dans  des  thèses,  des  mémoires  et 
des  articles  de  revues.  En  4856,  il  engagea  avec  Claude 
Bernard,  au  sujet  de  la  sécrétion  du  sucre  par  le  foie,  une 
polémique  qui  fit  alors  grand  bruit  et  qui  se  termina 
par  le  triomphe  des  doctrines  du  célèbre  physiologiste. 
L'année  suivante,  il  quitta  pour  toujours  l'enseignement. 
II  s'est  depuis  consacré  exclusivement  à  son  œuvre  de  vul- 
garisation scientifique,  qui  lui  a  acquis  une  très  grande 
notoriété  et  qui  est  remarquable  autant  par  les  qualités 
d'écrivain  que  par  la  prodigieuse  fécondité  de  l'auteur.  Elle 
ne  comprend  pas  moins  de  80  vol.,  dont  la  plupart  ont  eu 
un  tirage  considérable  et  auxquels  il  faut  encore  ajouter 
de  nombreux  articles  de  journaux  et  de  revues.  Nous  donne- 


rons seulement  les  titres  de  ses  ouvrages,  tous  édités  à  Paris  : 
Exposition  et  histoire  des  principales  découvertes 
scientifiques  modernes  (1851-53,  4  vol.  in-42;  6e  éd., 
4  862);  V Alchimie  et  les  Alchimistes  (4854,  in-42  ;  3°  éd., 
1860)  ;'  histoire  du  merveilleux  dans  les  temps  mo- 
dernes (4859-60,  4  vol.  in-18)  ;  la  Photographie  au 
Salon  de  i859  (1859,  in-42)  ;  les  Eaux  de  Paris  (im, 
in-18)  ;  le  Savant  du  foyer  (4861,  in-8)  ;  le  Tableau 
de  la  Nature  (4862-74,  in-8),  série  de  40  vol.  distincts 
intitulés  la  Terre  avant  le  Déluge,  la  Terre  et  les  Mers, 
Histoire  des  plantes,  les  Zoophytes  et  les  Mollusques,  etc.  ; 
Vies  des  savants  illustres  (4865,  5  vol.  in-8;  2e  éd., 
4872-75);  les  Merveilles  de  la  science  (4866-69,  4  vol. 
in-4;  supplém.,  4889-90,  2  vol.  in-4),  qui  sont  une 
réimpression  très  développée  de  son  premier  ouvrage  ;  le 
Lendemain  de  la  mort  ou  la  Vie  future  selon  la  science 
(4872,  in-4 8  ;  huit  éd.),  curieuse  et  très  intéressante  fan- 
taisie sur  la  transmigration  des  âmes,  qui  lui  a  valu  les 
foudres  de  la  sacrée  congrégation  de  l'Index  ;  les  Merveilles 
de  l'industrie  (4873-76,  4  vol.  in-4)  ;  Connais-toi  toi- 
même  (4878,  in-8)  ;  les  Nouvelles  Conquêtes  de  la 
science  (4883-85,  4  vol.  in-8),  dont  le  premier  volume  a 
été  couronné  par  l'Académie  française  ;  les  Mystères  de  la 
science  (4887,  2  vol.  in-4)  ;  les  Bonheurs  d'outre-tombe 
(1892,  in-8).  Il  a  écrit  en  outre  dans  la  Presse,  de  1855 
à  4878,  un  feuilleton  scientifique  hebdomadaire  continué 
ensuite  dans  la  France,  et  il  publie  chaque  année,  depuis 
4856,  un  recueil  très  utile  et  très  lu,  V Année  scientifique 
et  industrielle  (4856-92, 35  vol.  in-4 8),  dont  une  table  des 
20  premiers  volumes  a  été  donnée  en  4878.  Il  a  enfin  tenté, 
le  premier,  de  vulgariser  la  science  par  le  théâtre  ;  mais 
le  public  n'a  fait  jusqu'ici  qu'un  assez  froid  accueil  à  ses 
pièces,  parmi  lesquelles  nous  citerons  :  Gutenberg  (4867), 
drame  historique  en  cinq  actes  qui  devait  être  joué  à  l'Odéon, 
mais  qui  y  fut  remplacé  par  le  Gutenberg  d'Ed.  Fournier, 
retiré  de  la  Comédie-Française  ;  les  Six  Parties  du  monde 
(4878),  Denis  Papin  (4882),  Kepler  (4889),  et  qu'il  a 
réunies  sous  le  titre  :  la  Science  au  Théâtre,  comédies 
et  drames  (4889,  2  vol.  in  -48).  Léon  Sagnet. 

FIGUIER  (Juliette  Bouscaren,  dame),  femme  de  lettres 
française,  née  à  Montpellier  le  4  févr.  4829,  morte  à  Pa- 
ris le  6  déc.  4879.  Petite-fille  du  conventionnel  Cambon, 
Mlle  Bouscaren,  grâce  au  pasteur  Grawitz  qui  dirigea  ses 
études,  eut  une  instruction  extrêmement  développée.  Elle 
épousa,  en  4849,  M.  Louis  Figuier  (V.  ci-dessus),  et, 
venue  avec  lui  à  Paris,  eut  un  des  salons  les  plus  agréables 
du  temps.  Elle  débuta  en  4858  dans  la  Revue  des  Deux- 
Mondes  par  une  nouvelle,  Mos  de  Lavenne,  publiée  sous 
le  pseudonyme  de  Claire  Sénart.  Elle  continua  à  collaborer 
à  ce  recueil,  donna  des  feuilletons  à  la  Presse  et  à  la 
France.  Ses  romans  ont  obtenu  du  succès.  Elle  a  fait 
représenter  avec  un  égal  bonheur  de  nombreuses  pièces  de 
théâtre.  Elle  peignait  aussi  avec  goût.  Nous  citerons  d'elle  : 
4°  romans  et  voyages:  Nouvelles  languedociennes  (Paris, 
4860,  in-42);  les  Sœurs  de  lait  (4864,  in-42);  le 
Gardien  de  la  Camargue  (4862,  in-42)  ;  Scènes  et 
Souvenirs  du  Bas-Languedoc  (4864,  in-42)  ;  l'Italie 
d'après  nature  (4868,  in-42)  ;  2°  pièces  de  théâtre  :  la 
Vie  brûlée  (4872,  in-42),  comédie  en  deux  actes,  repré- 
sentée aux  Folies-Marigny  ;  le  Presbytère  (1872,  in-42), 
drame  en  trois  actes,  représenté  au  théâtre  Cîuny;  les 
Pelotons  de  Clairette  (4872,  in-42),  comédie  en  un  acte, 
représentée  au  Vaudeville;  la  Parisienne (1 87 '3,  in-42), 
comédie  en  un  acte,  représentée  à  la  Renaissance  ;  V En- 
fant (4874,  in-42),  drame  en  quatre  actes;  la  Fraise 
(4874,  in-42),  comédie  en  un  acte;  le  Pied  a  terre 
(4874,  in-42),  comédie  en  un  acte;  les  Pilules  de 
M.  Brancolar  (4874,  in-42),  comédie  en  un  acte  ;  la 
Dame  aux  Lilas  blancs  (4876,  in-42),  comédie  en  deux 
actes;  Barbe  d'or  (1876,  in-42),  drame  historique  en 
cinq  actes;  les  Deux  Carnets  (4877,  in-42),  comédie  en 
trois  actes,  jouée  à  Cluny. 

FIGUIG.  Le  plus  grand  et  le  plus  riche  des  groupes 


-  438  - 


FIGUIG  -  FIGUUNË 


d'oasis  de  la  région  entre  Laghouat  et  le  Tafilalet,  laissé 
au  Maroc  par  *  le  défectueux  traité  de  délimitation  de 
1844.  C'est  une  grande  forêt  de  palmiers  entourée  de  vil- 
lages qui  paraissent  se  toucher  ;  une  ravissante  verdure 
forme  comme  le  fleuron  du  paysage  d'où  se  détachent  d'élé- 
gantes mosquées  et  de  blancs  minarets.  Figuig  était  déjà 
renommée,  aux  temps  anciens  d'Ibn  Khaldoun ,  ^  qui  la 
place  à  six  journées  au  midi  de  Tlemcen  ;  elle  était  alors 
considérée  comme  une  des  principales  villes  du  désert  et, 
grâce  à  son  éloignement,  elle  jouissait  d'une  entière  indé- 
pendance. De  nos  jours,  Figuig  est  à  45  kil.  S.-O.  du  poste 
français  de  Djenien-bou-Rezg,  terminus  actuel  (les  tra- 
vaux d'études  de  la  voie  d'Aïn-Sefra  à  Djenien  ont  com- 
mencé en!892)  de  la  ligne  stratégique  franco-algérienne 
d'Arzew  à  Aïn-Sefra.  On  y  compte  13  ksour  et  environ 
15,700  hab.  (Léon  Perrot).  L'oasis  est  administrée  par 
une  djemaa  ou  assemblée  de  notables  qui  se  réunissent 
quatre  fois  par  an  en  temps  ordinaire  et  plus  souvent  dans 
les  périodes  de  crise  pour  discuter,  les  intérêts  de  la  ré- 
publique, les  dissensions  étant  fréquentes  dans  le  règle- 
ment des  questions  d'arrosage.  L'empereur  du  Maroc  y  est 
reconnu  comme  chef;  il  y  nomme  un  caïd  et  on  lui  paye  un 
léger  impôt  plus  ou  moins  régulièrement,  en  raison  de  la 
crainte  de  la  domination  algérienne  ;  le  pays  de  Figuig  ser- 
vant de  refuge  aux  mécontents  et  aux  insoumis,  c'est  là  qu'ils 
vont  se  ravitailler  et  prêcher  la  guerre  sainte.  Les  habitants 
de  Figuig  sont  presque  tous  serviteurs  religieux  des  mara- 
bouts de  Kerzaz  et  des  Khenatsa  et  aussi  des  chorfa  de  Ouaz- 
zan.  L'ensemble  des  ksour,  dont  l'ait,  dépasse  200  m.,  est 
entouré  de  montagnes  qui  se  dressent  en  désordre  sur  le 
plateau  à  des  hauteurs  diverses  de  200  à  400  m.  au-dessus 
des  palmeraies  de  la  plaine.  Tous  les  ksour  sont  bâtis  sur 
des  sources,  sauf  celui  des  Zenaga  et  celui  des  Senhadja. 
Une  des  richesses  de  Figuig  est  la  grande  quantité  de 
palmiers  (570,000  d'après  le  recensement  du  capitaine 
Graulle),  mais  on  en  rencontre  aussi  dans  les  environs  où 
ils  forment  des  oasis  distinctes  ;  les  dattes  que  l'on  y 
récolte  sont  d'une  qualité  supérieure  :  elles  sont  précoces 
et  mûrissent  en  mai,  avant  celles  de  la  grande  oasis.  Les 
indigènes  de  Figuig,  outre  leurs  palmiers,  cultivent  les 
figuiers  et  les  légumes  des  oasis  du  Sahara  :  navets,  oignons, 
piments.  Les  labours  sont  faits  sur  une  très  petite  échelle 
et  toujours  à  la  pioche.  Le  grain  est  apporté  à  Figuig 
chaque  année  par  de  .nombreuses  caravanes  et  principale- 
ment par  les  Haouara,  les  Sidjâa  et  les  Doui  Meniâ.  Les 
Mehaïa,  les  Oulad  Djerir  et  les  Béni  Guil  (V.  ces  noms) 
commercent  aussi  avec  Figuig,  mais  dans  une  proportion 
moindre.  Deux  ou  trois  caravanes  du  Gourara  et  du  Tafi- 
lalet arrivent  avec  des  charges  de  dattes,  des  haïks  et  des 
cuirs  ;  depuis  l'ouverture  de  la  gare  d'Aïn-Sefra,  le  mou- 
vement des  marchandises  expédiées  de  ou  pour  Figuig  s'ac- 
croît d'année  en  année.  En  1891,  le  tonnage  d'exportation 
a  été  de  89,477,  et  d'importation  de  86,709.  Les  gens 
de  Figuig  sont,  en  effet,  industrieux  ;  ils  sont  armuriers, 
selliers,  orfèvres  ;  les  juifs  y  sont  particulièrement  quin- 
cailliers et  bijoutiers.  Figuig  est  un  lieu  de  transit  sur  la 
route  du  centre  du  groupe  touâtien  à  Fez  (Sabatier).  Le 
commerce  de  Figuig  avec  le  Touât  est  un  commerce  con- 
stant ;  il  s'opère  sous  la  protection  des  marabouts  de  Ker- 
zaz ;  la  ligne  de  Figuig  au  Touât  est  bien  véritablement  et 
uniquement  touâtienne.  C'est  par  Figuig  que  vont  au  Touât 
comme  marchandises  de  retour  la  quincaillerie,  le  savon,  les 
verroteries,  les  faïences  et  porcelaines,  le  sucre,  le  papier 
et  le  thé  :  ce  dernier,  importé  uniquement  par  Melilla  ou 
Fez,  est  d'origine  anglaise  ;  en  même  temps  que  ses  dattes,  le 
Touât  envoie  à  Figuig  son  henné,  sa  garance  et  son  piment 
renommé.  Il  est  évident  que  le  jour  où  le  chemin  de  fer 
débordera  sensiblement  Figuig  au  S.  et  atteindra,  par 
exemple,  ïgueli  ou  Igli,  l'oasis  marocaine  perdra  les  deux 
tiers  de  son  importance  commerciale,  car,  dans  son  mou- 
vement, entre  pour  beaucoup  le  montant  des  relations  qui 
existent  entre  le  Tafilalet  haut  et  bas  et  l'Algérie,  et  même 
entre  l'ouad  Draa  et  noire  colonie. 


La  véritable  défense  de  Figuig  est  dans  ses  jardins,  ses 
palmiers  et  ses  clôtures  enchevêtrées  bien  plus  que  dans 
sa  longue  muraille  de  pisé.  Quant  aux  tours  de  Figuig, 
célèbres  dans  tout  l'extrême  Sud,  elles  ne  sont  ni  plus  ni 
moins  terribles  que  celles  de  nos  ksour  algériens  ;  ce  sont 
de  simples  abris  dans  lesquels  s'embusquent  les  indigènes 
pour  surveiller  leurs  jardins,  lors  de  la  maturité  des  fruits. 
Les  routes  accédant  à  Figuig  sont  au  nombre  de  onze,  mais 
les  plus  importantes  au  point  de  vue  stratégique  sont  celles 
d'Aïn-Sefra  par  Djenien-bou-Rezg  et  celle  vers  Igli  par  la 
vallée  de  l'ouad  Zousfana.  En  1866,1a  colonne  de  Colomb 
et  celle  de  Colonieu  en  1868  établirent  leur  camp  en 
face  de  Figuig,  mais  respectèrent  les  approches  des  oasis 
où  nos  troupes  ne  pénétrèrent  point.  De  nos  jours,  l'entrée 
nous  en  est  encore  interdite,  tandis  que  les  gens  de  Figuig 
viennent  librement  vaquer  à  leurs  affaires  chez  nous.  Les 
Ahmours  sont  la  véritable  et  l'unique  tribu  de  l'oasis  de 
Figuig  aux  environs  de  laquelle  ils  campent  exclusivement  ; 
mais  en  soumettant  le  ksour  du  djebel  Ahmour,  le  gouver- 
nement de  l'Algérie  a  préparé  sûrement  l'investissement  de 
la  grande  oasis  de  l'Ouest.       H.-M.-P.  de  La  Martinière. 

Bibl.  :  Itinéraire  de  Géry ville  à  Figuig  et  retour  (co- 
lonne du  colonel  Colonieu  en  1868),  carte  au  l/600,000e,dans 
Bullet.  Soc.  géogr.  ;  Paris,  oct.  1881.  —  Plan  des  environs 
de  Figuig,  dans  Bullet.  Soc.  géogr.  ;  Paris,  janv.  1872.  — 
Note  sur  Figuig  avec  carte  des  environs  au  1/200,000°, 
dans  Bullet.  Soc.  géog.;  Paris,  1882,  2e  trim.  —  Camille 
Sabatier,  Touât,  Sahara,  Soudan,  1891.  —  V.  aussi  les 
cartes  au  l/200,000e  et  au  l/400,000e  du  Sud  oranais,  dres- 
sées au  Dépôt  de  la  guerre  à  Paris. 

FI GU  Ll  N  E.  Ce  mot  n'est  plus  guère  employé  aujourd'hui 
que  comme  adjectif  et  seulement  dans  le  langage  de  la  tech- 
nologie céramique  pour  qualifier  une  argile  liante,  moins 
tenace  que  l'argile  plastique,  et  qui  sert  à  la  confection 
des  faïences  communes,  des  terres  cuites,  des  briques,  et, 
en  général,  de  toutes  les  poteries  qui  n'ont  pas  besoin  d'être 
soumises,  pour  leur  cuisson,  à  une  haute  température.  Elle 
ne  diffère  de  l'argile  plastique  qui  est  la  base  des  grès- 
cérames,  des  creusets  réfractaires,  des  faïences  fines,  dites 
terre  de  pipe,  etc.,  que  par  la  présence  de  5  à  6  %  au 
plus  de  chaux,  en  partie  à  l'état  de  carbonate,  et  aussi, 
peut-être,  de  silicate  (cf.  Brongniart,  Traité  des  arts  céra- 
miques). L'interprétation  donnée  par  Littré,  «  vase  en  terre 
cuite  »,  n'est  plus  usitée  aujourd'hui,  si  ce  n'est  pour  dési- 
gner exclusivement  les  œuvres  sorties  des  mains  de  Ber- 
nard Palissy  ou  de  ses  successeurs  et  imitateurs  directs,  et 
il  semble  que  ce  soit  Palissy  qui  ait,  sinon  inventé,  puisque, 
dans  des  actes  officiels  datant  du  xve  siècle,  le  plus  modeste 
potier  de  terre  est  appelé  figulus,  au  moins  appliqué  ce  mot, 
le  premier,  dans  son  langage,  parfois  un  peu  prétentieux, 
aux  produits  de  l'art  du  potier.  Lui-même,  dans  une  quit- 
tance datée  du  1er  févr.  1565,  se  donne  le  titre  d'  «  archi- 
tecteur  et  ynventeur  des  grotes  figulines  de  Mgr  le  Cones- 
table  »,  et  plus  tard,  celui  d'  «  ynventeur  des  rustiques 
figulines  des  rois  de  France  » . 

Nous  étudierons  dans  tous  ses  détails,  en  donnant  la 
biographie  de  Bernard  Palissy,  l'ensemble  des  œuvres  du 
célèbre  potier,  mais  nous  croyons  utile,  dès  à  présent,  de 
rappeler  en  quoi  consistaient  ces  «  grotes  figulines  »  gar- 
nies à  l'intérieur  de  jets  d'eau,  de  fontaines,  de  dressoirs, 
de  buffets,  de  sièges  et  de  tables  rustiques  destinées  à  four- 
nir contre  les  chaleurs  de  l'été  un  abri  frais  et  luxueux  où 
l'on  pouvait  «  banqueter  »  à  l'aise.  Palissy  a.  pris  soin  de 
nous  apprendre  que  les  siennes  étaient  «  de  terre  cuite 
insculptée  et  esmaillée  en  façon  d'un  rocher  tortu,  bossu  et 
de  diverses  couleurs  estranges  »  sur  lequel  se  montraient 
à  profusion  «  des  plantes,  des  coquillages  et  des  animaux 
aquatiques  »,  auxquels,  si  l'on  en  juge  par  les  fragments 
retrouvés  aux  Tuileries  sur  l'emplacement  même  où  il 
avait  établi  ses  fours,  il  devait  ajouter  parfois  de  grandes 
figures.  Les  plats,  les  bassins  et  les  aiguières  qu'il  ornait 
également  de  reptiles,  de  coquillages  et  de  plantes  recou- 
verts de  ses  merveilleux  émaux  si  purs  et  d'une  coloration 
si  intense  et  si  profonde,  doivent  évidemment  être  compris 
parmi  ses  «  rustiques  figulines  »  ;  mais,  à  côté  de  ces  pièces 


FIGULINE  —  FIGURE 


—  436  — 


Fragment  de  moule  ayant  servi  à 
la  confection  des  rustiques  figu- 
lines  de  Bernard  Palissy  (musée 
Carnavalet). 


où  vit  tout  ce  monde  de  «  bestioles  »,  il  est  une  autre  partie 
de  ses  œuvres,  et  non  la  moins  importante,  qui  ne  sont 
autre  chose  que  des  surmoulages  de  pièces  d'orfèvrerie  ou 

de  bas-reliefs  et  qui 
ne  nous  semblent  pas 
pouvoir  être  rangés 
dans  cette  catégorie. 
Il  en  est  de  même  des 
œuvres  de  ses  succes- 
seurs, au  moins  de 
celles  qui  ne  repro- 
duisent pas  cette  caté- 
gorie spéciale  de  ses 
travaux  rustiques  ; 
nous  ne  croyons  pas, 
du  reste,  que  le  mot 
de  figuline  ait  été 
employé  après  sa 
mort;  il  a  dû  être 
confondu  avec  figu- 
rine. En  effet ,  Hé- 
roard,  médecin  de 
Louis  XIII  enfant,  ra- 
conte que  le  30  juil. 
1608,  le  jeune  prince 
jouait  avec  des  «figu- 
rines en  faïence  dont 
une,  entre  autres,  re- 
présentait un  singe  », 
et,  à  diverses  reprises, 
il  le  montre  très  épris  de  «  ses  petits  marmouzets  de  po- 
terie »  qui  provenaient  de  la  fabrique  d'Avon,  près  de  Fon- 
tainebleau, où,  selon  toute  apparence,  travaillaient  les  con- 
tinuateurs de  Palissy.  Ed.  Garnier. 
FIGULUS  (Mus.)  (V.  Topfer). 
FIGURANT,  FIGURANTE  (Théâtre).  En  principe,  le 
figurant  n'est  autre  chose  qu'un  comparse,  destiné  à  pa- 
raître avec  ses  pareils,  à  marcher,  à  s'agiter  avec  eux  sur  la 
scène,  à  figurer  simplement,  en  un  mot,  sans  jamais  avoir 
une  parole  à  prononcer,  si  ce  n'est,  lorsqu'il  fait  partie 
d'une  foule,  à  pousser  des  cris  inarticulés.  Toutefois,  dans 
les  théâtres  peu  importants  et  où  le  personnel  est  restreint, 
on  donne  souvent  le  nom  de  figurants  aux  choristes,  qui 
composent  toute  la  figuration,  soit  qu'ils  aient  ou  n'aient 
pointa  chanter  les  chœurs  dont  ils  sont  chargés  à  l'ordi- 
naire. 

FIGURATION  (Théâtre).  Dans  les  grands  théâtres,  soit 
lyriques,  commel'Opéra,  soit  littéraires,  comme  la  Comédie- 
Française  ou  FOdéon,  ce  qu'on  appelle  figuration  comprend 
l'ensemble  des  figurants,  comparses,  marcheuses,  qui  pren- 
nent une  part  muette  à  l'action  scénique,  représentant  la 
foule,  formant  les  cortèges,  etc.  Dans  les  autres  théâtres, 
la  figuration  comprend  aussi  les  choristes  et,  dans  ceux  où 
le  personnel  est  peu  nombreux,  elle  ne  se  compose  même 
que  de  ces  derniers. 

FI  G  U  R  E.  I.  Beaux-Arts. — Représentation  du  corps  hu- 
main dans  son  ensemble  ;  cette  désignation  est  parfois  étendue 
aux  représentations  d'animaux.  Cette  acception  est  spéciale 
au  langage  artistique  ;  dans  le  langage  vulgaire,  on  l'applique 
le  plus  souvent  au  visage  seulement.  Les  mensurations 
prises  sur  un  grand  nombre  de  figures  ont  permis  d'éta- 
blir une  moyenne  dans  les  proportions  du  corps  humain  et 
de  déterminer  d'une  façon  théorique  les  rapports  de  hau- 
teur et  de  largeur  de  toutes  les  parties  de  la  figure  humaine 
(V.  Canon).  La  représentation  d'une  figure  est  dite  demi- 
nature  lorsque  ses  proportions  sont  moitié  de  la  stature 
humaine  ;  une  demi-figure  est  celle  qui  ne  montre  que  la 
moitié  du  corps  humain,  et  se  trouve  coupée  à  la  ceinture 
ou  aux  genoux.  Ad.  T. 

Figure  criophore  (V.  Tanagra  [Céram.]). 
IL  Cératoplastie.  —  Figure  de  cire.  —  C'est  aux  en- 
virons de  1780  qu'un  Allemand  nommé  Curtius  vint  s'établir 
en  France,  où  il  se  fit  naturaliser  et  ouvrit  pour  la  première 


fois  un  musée  de  figures  de  cire  qu'on  appela  le  «  cabinet  du 
sieur  Curtius  ».  Ce  musée  était  situé  au  n°  7  du  Palais-Royal, 
et  comme  son  succès  fut  très  grand,  Curtius  en  établit  bientôt 
un  autre  au  boulevard  Saint-Martin,  d'où  il  le  transféra  en- 
suite au  boulevard  du  Temple.  Le  musée  de  Curtius  offrait 
au  public  non  seulement  des  bustes,  mais  des  figures  ou 
statues  en  cire,  costumées,  représentant  de  grands  person- 
nages et  même  des  groupes  intéressants.  Tous  les  ans,  cha- 
cun des  deux  cabinets  était  entièrement  renouvelé,  et  tous 
les  mois  on  y  changeait  quelque  chose  pour  réveiller  la 
curiosité.  En  1785,  on  voyait  ainsi  au  Palais-Royal,  au 
dire  d'un  annaliste,  «  les  trois  princes,  fils  de  monseigneur 
le  duc  d'Orléans,  sçavoir  :  monseigneur  le  duc  de  Chartres, 
monseigneur  le  duc  de  Montpensier  et  monseigneur  le  comte 
de  Beaujolais  ;  M.  Séguier,  avocat  général  ;  Mme  de  *A*  à 
sa  toilette  ;  le  Père  de  famille;  plus  de  vingt  ans  de  diffé- 
rens  âges  ;  plusieurs  jeunes  princes  et  princesses  étran- 
gers ;  les  portraits  de  MM.  Pinetti,  Blanchard  et  Pilâtre 
de  Rosier  ».  Un  autre  nous  apprend  l'année  suivante,  que 
«  M.  Curtius  offre  la  représentation  de  Louis  XVI  et  de  la 
reine  sur  le  trône,  accompagnés  de  la  famille  royale,  de 
Henri  IV,  de  Sulli,  des  enfans  de  S.  A.  S.  monseigneur  le 
duc  d'Orléans,  du  roi  et  de  la  reine  d'Angleterre  et  de 
Suède,  etc.  ».  Et  il  ajoute  :  «  C'est  dans  un  autre  salon, 
boulevard  Saint-Martin,  qu'on  voit  les  grands  voleurs.  » 
Quelques  années  plus  tard,  en  1791,  les  héros  sont  changés, 
comme  on  pense,  et  voici  comment  un  troisième  chroni- 
queur nous  décrit  le  salon  de  Curtius  du  boulevard  du 
Temple  :  «  Les  figures  qui  ont  eu  le  plus  de  vogue  cette  année 
sont  celles  du  roi,  de  MM.  Bailly,  La  Fayette  et  de  plu- 
sieurs illustres  députés  de  l'Assemblée  nationale  ;  celles  du 
fameux  sieur  Hulin,  du  sieur  Elie  et  des  autres  principaux 
vainqueurs  de  la  Bastille  ;  celles  des  plus  illustres  prison- 
niers de  cette  forteresse  et  le  plan  de  la  forteresse  même, 
gravé  sur  une  pierre  par  un  prisonnier  pendant  sa  détention  ; 
il  a  aussi  une  Bastille  entière  en  carton  et  une  autre  Bas- 
tille à  demi  démolie  ;  ces  deux  pièces  sont  extrêmement 
précieuses.  Mais  ce  qui  l'est  encore  davantage,  c'est  la  che- 
mise que  portait  Henri  IV,  le  modèle  des  rois,  quand  il 
reçut  le  coup  mortel  qui  plongea  la  France  dans  un  deuil 
universel.  Cette  chemise,  où  l'on  voit  l'ouverture  qu'a  faite 
le  poignard  du  scélérat  Ravaillac,  avec  les  taches  du  sang 
dont  les  alentours  sont  imbibés,  est  accompagnée  de  tous 
les  certificats  authentiques  et  historiques,  qui  ne  laissent 
aucun  doute  sur  la  vérité  de  cette* possession.  Le  sieur 
Curtius  conserve,  entre  autres  choses,  une  momie  d'Egypte  ; 
c'est  le  corps  d'une  princesse  deMemphis,  morte  il  y  a  plus 
de  trois  cents  ans.  Il  a  soin  encore  d'offrir  à  l'avide  curio- 
sité du  public  tous  les  objets  nouveaux  qui  font  en  France 
quelque  sensation.  »  On  voit  que  la  réclame  n'a  pas  attendu  le 
xixe  siècle  pour  se  produire.  Quoiqu'il  en  soit,  Curtius,  dont 
le  succès  éclatant  se  prolongea  jusque  dans  les  premières 
années  de  ce  siècle,  devait  être  bien  dépassé  par  la  suite. 
On  sait  la  vogue  qu'obtient  depuis  plus  d'un  demi-siècle, 
à  Londres,  le  fameux  musée  de  figures  de  cire  de  Mme  Tus- 
saud,  lequel  prit  une  route  nouvelle  dans  laquelle  il  a  été 
suivi  chez  nous,  depuis  quelques  années,  par  le  musée  Gré- 
vin.  On  ne  se  contente  plus  aujourd'hui  de  bustes  et  de 
statues,  ou  du  moins  ce  n'est  là  que  l'accessoire  en  quelque 
sorte,  et  si  l'on  exhibe  tour  à  tour  les  figures  de  tous  les 
personnages  qui,  pour  une  raison  quelconque,  parviennent 
à  la  célébrité  :  souverains,  prétendants,  hommes  politiques, 
artistes,  écrivains,  grands  criminels,  on  s'attache  surtout 
à  reproduire,  d'une  façon  véritablement  saisissante,  des 
groupes  spéciaux  et  des  scènes  entières  représentant  des  évé- 
nements actuels,  et  cela  de  manière  à  produire  une  illusion 
complète  par  l'effet  de  la  mise  en  scène  et  à  tromper  l'œil 
le  plus  exercé.  Un  fait  divers  émouvant,  un  acte  criminel, 
la  confrontation  d'un  assassin  avec  sa  victime,  un  événe- 
ment politique  ou  militaire,  la  mort  d'un  grand  person- 
nage, tout  cela  est  présenté  au  public  avec  tous  les  acces- 
soires nécessaires,  avec  un  sentiment  de  la  réalité  qui  fait 
naître  dans  l'esprit  du  spectateur  l'impression  véritable 


437  — 


FIGURE 


du  fait  mis  sous  ses  yeux.  C'est  ainsi  qu'on  a  pu  voir,  par 
exemple,  au  musée  Grévin,  le  Crime  de  Pranzini,  la  Flotte 
française  à  Cronstadt,  les  Petites  Javanaises  de  l'Exposi- 
tion universelle,  l'Apothéose  de  Victor  Hugo,  la  Catas- 
trophe d'Ischia,  la  mort  du  commandant  Rivière  au  Tonkin, 
les  Coulisses  de  l'Opéra,  l'Arrestation  de  Ravachol,  l'Amiral 
Courbet  à  Formose,  etc.  A.  Pougin. 

III.  Physique.  —  Figures  acoustiques.  —  Ces  figures, 
imaginées  par  Lissajous,  sont  fondées  sur  la  persistance  des 
sensations  visuelles  ;  elles  permettent  de  comparer  les  vibra- 
tions de  deux  corps  et  par  suite  les  sons  fournis  par  deux 
instruments  à  l'aide  de  procédés  purement  optiques  ;  par 
cette  méthode  un  sourd  peut  accorder  deux  instruments 
d'une  façon  plus  précise  qu'on  ne  peut  le  faire  avec  l'oreille 
la  plus  juste.  Ce  procédé  permet  aussi  d'étudier  les  mou- 
vements vibratoires  et  même  de  les  rendre  visibles  à  un 
nombreux  auditoire.  En  voici  le  principe  :  considérons  un 
pinceau  lumineux  tombant  sur  un  miroir  ;  ce  dernier  le 
renvoie  sur  un  écran,  le  rayon  réfléchi  faisant  avec  la  nor- 
male au  plan  du  miroir  un  angle  égal  à  l'angle  d'incidence  ; 
on  aperçoit  sur  l'écran  une  petite  tache  lumineuse,  section 
du  pinceau  lumineux  considéré  par  l'écran.  Si  l'on  fait 
tourner  le  miroir  autour  d'une  droite  de  son  plan,  on  cons- 
tate que  la  tache  lumineuse  de  l'écran  se  déplace  suivant 
une  droite  qui  est  la  trace  sur  son  plan  d'un  plan  mené 
par  le  point  d'incidence  perpendiculairement  à  l'axe  de 
rotation  du  miroir.  Si  le  miroir  est  assez  loin  de  l'écran  et 
si  le  déplacement  angulaire  du  miroir  est  faible,  on  peut 
considérer  le  déplacement  de  la  tache  lumineuse  et  la  ro- 
tation du  miroir  comme  sensiblement  proportionnels.  Si 
la  vitesse  de  rotation  est  assez  grande,  l'image  se  déplace 
assez  vite  pour  que  l'œil,  au  lieu  d'apercevoir  une  tache 
lumineuse  en  mouvement,  ait  la  sensation  d'une  droite  lumi- 
neuse immobile.  Si  donc  le  miroir  oscille  entre  deux  posi- 
tions extrêmes,  l'observateur  verra  sur  l'écran  un  fragment 
de  droite  d'une  longueur  proportionnelle  à  l'angle  d'écart 
des  positions  extrêmes,  il  aura  donc  une  mesure  de  l'am- 
plitude de  la  vibration  du  miroir.  Si  on  reçoit  le  pinceau 
lumineux  réfléchi  par  un  miroir  sur  un  second  miroir,  il 
ne  se  produit  rien  de  particulier  tant  que  ce  dernier  est 
^  immobile,  mais  si  on  le  fait  tourner  autour  d'une  droite 
perpendiculaire  à  l'angle  de  rotation  du  premier,  la  por- 
tion de  droite  se  trouve  remplacée  par  une  ligne  sinueuse 
dont  la  forme  permettra  de  connaître  les  déplacements  des 
deux  miroirs.  En  effet,  supposons  que  l'axe  de  rotation  du 
premier  soit  horizontal  ;  seul,  il  donnera  naissance  à  une 
petite  droite  lumineuse  verticale.  Supposons  l'axe  de  rota- 
tion du  second  miroir  vertical  ;  si  ce  dernier  tourne  seul, 
l 'image  sera  une  petite  droite  lumineuse  horizontale.  Si  les 
deux  miroirs  oscillent  en  même  temps  autour  de  leurs  axes 
respectifs,  horizontal   pour  le  premier,  vertical  pour  le 
second,  de  part  et  d'autre  de  leur  position  primitive,  les 
écarts  de  la  tache  lumineuse  par  rapport  à  sa  position 
primitive  pourront  être  considérés  comme  la  résultante  de 
deux  écarts,  l'un  vertical,  dû  uniquement  au  premier  mi- 
roir (d'axe  horizontal),  l'autre  horizontal,  dû  uniquement 
au  second  (d'axe  vertical).  L'œil  aperçoit,  grâce  à  la  per- 
sistance des  sensations  rétiniennes ,  une  courbe  lumineuse 
qui  est  le  lieu  géométrique  des  positions  occupées  succes- 
sivement par  la  tache  lumineuse.  La  forme  et  la  grandeur 
de  cette  courbe  permettent  de  mesurer,  dans  le  cas  de  mou- 
vements oscillatoires  ou  vibratoires  des  miroirs  :  d°  l'am- 
plitude- des  mouvements  de  chaque  miroir  ;  2°  le  rapport 
du  nombre  de  vibrations  de  ces  deux  mouvements  ;  3°  la 
différence  de  phase  correspondante.  En  effet  1°  l'amplitude 
des  mouvements  vibratoires  du  premier  miroir  est  propor- 
tionnelle au  déplacement  maximum  de  la  tache  lumineuse 
clans  le  sens  vertical,  c.-à-d.  à  la  distance  des  plans  hori- 
zontaux passant  par  le  point  le  plus  haut  et  le  point  le 
plus  bas  de  la  courbe.  De  même,  l'amplitude  du  mouve- 
ment vibratoire  du  deuxième  miroir  est  proportionnelle  à 
la  distance  de  deux  plans  verticaux  perpendiculaires  à 
l'écran  et  passant  respectivement  par  le  point  le  plus  à 


droite  et  le  plus  à  gauche  de  la  courbe.  De  plus,  la  distance 
des  miroirs  à  l'écran  permettra  de  calculer  la  valeur  même 
de  ces  amplitudes.  —  2°  La  courbe  permet  aussi  d'avoir 
le  rapport  du  nombre  des  vibrations  :  en  effet,  soit  0  la 
position  de  la  tache  lumineuse  sur  l'écran  quand  les  deux 
miroirs  sont  immobiles  dans  leur  position  moyenne.  Si  on 
fait  osciller  successivement  de  part  et  d'autre  de  cette  po- 
sition les  deux  miroirs  autour  de  leurs  axes  respectifs,  on 
obtient  deux  droites  rectangulaires  se  coupant  en  0.  Aux 
extrémités  de  ces  droites,  menons  des  perpendiculaires, 
formons  un  rectangle  à  l'intérieur  duquel  sera  renfermée 
la  courbe  lumineuse  que  Ton  obtiendra  quand  les  deux 
miroirs  vibreront  en  même  temps.  Considérons  une  position 
A  quelconque  du  point  lumineux  ;  partons  de  ce  point  et 
décrivons  la  courbe  lumineuse  ;  nous  reviendrons  en  sui- 
vant cette  courbe  qui  est  fermée  à  notre  point  de  départ  ; 
pendant  cette  marche,  nous  aurons  touché  un  certain 
nombre  de  fois,  n  par  exemple,  les  côtés  verticaux  du 
rectangle  et  un  certain  nombre  de  fois  n'  (différent  de  n  en 
général)  les  côtés  horizontaux  du  même  rectangle.  Chaque 
fois  que  le  point  lumineux  aura  été  d'un  côté  vertical  au 
côté  opposé,  le  miroir,  d'axe  horizontal,  aura  été  d'une  de 
ses  positions  extrêmes  à  l'autre,  et  chaque  fois  que  le  point 
lumineux  aura  été  d'un  côté  horizontal  au  côté  opposé, 
l'autre  miroir  aura  aussi  exécuté  une  vibration  simple. 
Quand  le  point  lumineux  sera  revenu  à  son  point  de  départ 
après  avoir  parcouru  la  courbe,  ce  qui  aura  exigé  un 
temps  £,  le  premier  miroir  aura  exécuté  n  et  le  second  nf 
vibrations  simples  ;  le  rapport  des  nombres  de  vibrations  des 

71 

deux  miroirs  sera  donc  —, .  L'inspection  de  la  courbe  per- 
mettra donc,  même  à  un  sourd,  de  reconnaître  si  les  vibra- 
tions des  miroirs  qui  peuvent  être  fixés  à  des  instruments 


ffipH 

11 

15 
Eig.  1.  —  Figures  acoustiques. 

de  musique,  à  des  diapasons  par  exemple,  correspondent  à 
des  notes  de  hauteurs  égales  ou  de  déterminer  le  rapport 
de  ces  vibrations  et  par  suite  l'intervalle  qui  correspond  à 
ces  notes.  —  3°  Enfin,  ces  courbes  permettront  de  déter- 
miner la  différence  de  phase  des  deux  vibrations,  c.-à-d. 
le  rapport  de  l'intervalle  de  temps  qui  sépare  les  passages 
consécutifs  des  deux  miroirs  à  leur  position  d'équilibre,  à 
la  durée  d'une  vibration  double.  En  effet,  si  la  courbe  passe 
par  le  centre  du  rectangle,  c'est  qu'à  un  moment  donné 


FIGURE 


—  438  — 


Unisson 


Différences  de  phase. 


Odave 


Dlfin 


les  deux  miroirs  ont  occupé  leur  position  respective  d'équi- 
libre en  même  temps  ;  si  en  ce  moment  les  deux  miroirs 
oscillaient  dans  le  même  sens,  la  phase  est  nulle,  sinon  elle 
est  d'une  demi-vibration  double.  Si  la  courbe,  au  lieu  de 
passer  par  le  centre,  coupe  la  droite  horizontale,  passant 
par  le  centre  à  une  distance  cl,  la  longueur  de  cl  permet 
de  déterminer  la  phase,  connaissant  la  nature  du  mouve- 
ment du  miroir  ;  si  c'est  un  mouvement  vibratoire,  assi- 
milable à  un  mouvement  pendulaire,  on  démontre  que  la 

phase  est  exprimée  par  2  n  arc  sin  -,  ;  dans  cette  formule, 

a!  est  la  demi-amplitude  du  mouvement  horizontal  de  la 
tache  lumineuse  sur  l'écran. 

Il  est  facile  de  construire  géométriquement  les  courbes 
dans  le  cas  où  les  miroirs  ont  des  mouvements  vibratoires 
assimilables  à  des  mouvements  pendulaires.  Pour  cela,  on 
divise  les  côtés  du  rec- 
tangle que  nous  venons 
de    considérer    en   un 
même  nombre  de  par- 
ties inégales,    corres- 
pondant à  des  déplace- 
ments  horizontaux    et 
verticaux   de  la  tache 
lumineuse   ayant  duré 
des   temps  égaux.  Ces 
divisions     s'obtiennent 
facilement,    comme  le 
montre  la  fig.  4 ,  en  di- 
visant en  parties  égales, 
46    par    exemple,  les 
deux  circonférences 
ayant  pour  centres  le 
centre  du  rectangle  et 
pour  diamètre,  respecti- 
vement, les  deux  côtés 
du  rectangle.  En  pro- 
jetant ensuite  les  divi- 
sions correspondantes 
sur  ces  côtés,  on  obtient 
le  partage  de  ces  côtés 
en  portions  d'égale  durée 
de  parcours  ;  car  on  dé- 
montre dans  la  théorie 
des  mouvements  pendu- 
laires   que  la  position 
d'un  mobile  soumis   à 
un  pareil  mouvement  et 
qui  parcourt  une  droite 
de  A  à  B  se  trouve  tou- 
jours sous  la  projection 
d'un  mobile  animé  d'un 
mouvement  uniforme 
qui  se  déplace  7sur  un 
cercle  de  diamètre  AB. 
Par  les  points  de  division 

ainsi  obtenus  on  mène  des  parallèles  aux  côtés  du'rectangle  et 
sur  le  quadrillé  irrégulier  ainsi  obtenu,  on  trace  la  courbe 
de  la  façon  suivante  :  Supposons  que  les  vibrations  des 
deux  miroirs  soient  à  la  quinte,  c.-à-d.  que  l'un  fasse  trois 
vibrations  pendant  que  l'autre  en  fait  deux  ;  partons  d'un 
point  de  croisement  quelconque  du  quadrillage,  du  point 
marqué  4 ,  par  exemple  ;  le  point  lumineux  après  un  temps 

T 

éffal  à  2  77î,  T  étant  la  durée  d'une  vibration  double  du 
&  46 

miroir  qui  oscille  le  plus  lentement,  se  trouvera  avancé 
latéralement  de  deux  divisions  et  verticalement  il  en  aura 
franchi  trois,  par  conséquent,  après  avoir  touché  le  bord 
supérieur  du  rectangle,  il  sera  redescendu  d'une  division  ; 

T 

il  sera  donc  en  2  ;  après  une  nouvelle  période  de  2  j^,  il 


Quinte 

de  l'Octave. 


Quarto, 


Tëre/ices  de  phase -0 


Quinte. 


tèrû/ices  dspâa.se~  0  ou 


Fig.  2, 


aura  marché  latéralement  de  1  et  verticalement  de  3,  il 
sera  donc  au  point  3  ;  on  obtient  de  même  les  points  sui- 
vants, 4,  5,  ...  46  et  47  qui  coïncide  avec  le  point  de 
départ.  On  construirait  de  même  les  figures  relatives  à 
tout  autre  intervalle  ou  à  tout  autre  phase  :  la  fig.  2  montre 
un  certain  nombre  des  résultats  obtenus  par  Lissajous. 

Le  dispositif  le  plus  commode  à  employer  pour  répéter 
ces  expériences  est  celui  de  Lissajous.  Chaque  miroir  est 
fixé  à  l'une  des  branches  d'un  diapason  dont  les  vibrations 
sont  entretenues  par  une  série  de  courants  électriques 
intermittents  qui  traversent  les  électro-aimants  ;  ceux-ci 
attirent  un  grand  nombre  de  fois  par  seconde  les  branches 
du  diapason  ;  l'intermittence  des  courants  est  produite  par 
le  diapason  lui-même  qui  ferme  le  courant  électrique  autant 
de  fois  par  seconde  qu'il  fait  de  vibrations  simples.  De 
cette  façon  on  peut  faire  durer  l'expérience  autant  de  temps 
qu'on  le  désire  sans  toucher  aux  diapasons.  L'un  des  dia- 
pasons est  placé  dans  un 
plan  vertical ,  l'autre 
dans  un  plan  horizontal. 
La  source  lumineuse  est 
une  lampe  dont  on 
n'utilise  qu'un  faisceau 
de  lumière  étroit  que 
laisse  passer  un  petit 
diaphragme.  Après  sa 
double  réflexion  sur  les 
deux  miroirs,  le  faisceau 
lumineux  est  reçu  dans 
une  lunette,  réglée  de 
façon  à  voir  nettement 
l'ouverture  du  dia- 
phragme, ou  bien  il  tra- 
verse une  lentille  qui 
donne  sur  un  écran  une 
image  réelle  de  cette 
même  ouverture. 

L'inspection  de  la 
fig.  2  montre  qu'à  me- 
sure que  le  rapport  des 
nombres  de  vibrations 
des  deux  diapasons  de- 
vient moins  simple,  la 
courbe  se  complique; 
pour  qu'elle  puisse  être 
vue  tout  entière  par 
l'œil,  il  faut  qu'elle  soit 
parcourue  entièrement 
par  le  point  lumineux 
en  un  temps  au  plus 
égal  à  la  durée  de  la 
persistance  de  l'image 
sur  la  rétine.  Cette  con- 
dition n'est  pas  toujours 
réalisée.  Supposons,  en 
effet,  que  l'on  ait  deux 
diapasons  faisant  l'un 
mille,  l'autre  deux  mille  et  une  vibrations  simples  par 
seconde.  La  courbe  décrite  sera  une  courbe  fermée  tou- 
chant mille  fois  les  bords  horizontaux  du  rectangle  et  deux 
mille  et  une  fois  les  bords  verticaux  ou  inversement.  Mais 
ce  n'est  qu'en  une  seconde  que  la  courbe  entière  sera  par- 
courue par  le  point  lumineux  ;  or,  si  la  persistance  de 
l'image  rétinienne  n'est  que  d'un  dixième  de  seconde,  l'œil 
ne  verra  à  la  fois  qu'un  dixième  de  cette  courbe.  Supposons 
au  début  que  la  différence  de  phase  des  deux  diapasons  est 
nulle;  comme  ils  sont  presque  à  l'octave,  on  apercevra 
une  courbe  en  forme  de  8  (fig.  2,  octave,  différence  de 
phase,  0).  Le  point  lumineux  décrira  une  série  de  8  très 
voisins  les  uns  des  autres,  empiétant  un  peu  les  uns  sur  les 
autres.  Quand  le  premier  diapason  aura  fait  250  vibrations 
simples,  soit  425  doubles,  c.-à-d.  après  un  quart  de  seconde, 
l'autre^en  aura  fait  500  plus  4/4,  soit  250  plus  4/8  de 


Figures  acoustiques. 


439 


FIGURE 


doubles;  la  différence  sera  donc  de  1/8  de  vibration  double; 
les  diapasons  étant  toujours  presque  à  l'octave  et  la  diffé- 
rence de  phase  étant  4/8,  la  courbe  aperçue  aura  la  forme 
d'un  8  déformé  (fig.  %■  octave,  différence  de  phase,  4/8) 
et  pendant  le  temps  qui  s'est  écoulé  entre  le  début  de 
l'expérience  et  le  premier  quart  de  seconde,  on  a  vu  une 
série  de  courbes  de  formes  intermédiaires  entre  les  deux 
précédentes  ;  l'œil  n'a  pas  conscience  de  ses  diverses  courbes 
de  formes  très  voisines  qu'il  aperçoit  en  même  temps  et 
qui  empiètent  Tune  sur  l'autre  :  il  croit  voir  une  courbe 
unique  un  peu  épaissie,  se  déformant  et  prenant  successi- 
vement les  divers  aspects  des  courbes  de  l'octave.  Dans 
l'exemple  que  nous  avons  choisi,  ces  variations  dureront 
deux  secondes  ;  après  ce  temps  le  second  diapason  aura  effec- 
tué une  vibration  double  de  plus  que  le  premier  ;  la  phase 
sera  de  nouveau  nulle  et  l'on  verra  se  reproduire  de  nou- 
veau dans  le  même  ordre  les  mêmes  images.  Cette  expérience, 
une  des  plus  brillantes  de  l'optique,  permet  donc  de  voir 
si  deux  diapasons  possèdent  l'intervalle  que  l'on  désire,  et, 
dans  le  cas  où  l'accord  n'est  pas  parfait,  on  sait  que,  pen- 
dant la  durée  d'une  révolution  complète  des  phases,  l'un 
des  diapasons  a  fait  une  vibration  double  de  plus  que 
l'autre.  Cette  méthode  est  extraordinairement  sensible. 

Figures  de  Lichtenberg. —  On  désigne  sous  ce  nom  une 
ancienne  expérience,  célèbre  autrefois,  surtout  parce  qu'on 
avait  cru  y  voir,  par  suite  d'une  mauvaise  interprétation, 
un  exemple  de  la  diversité  des  actions  des  électricités  posi- 
tive et  négative,  et,  par  suite,  une  infirmation  de  la 
théorie  d'un  seul  fluide  électrique.  Pour  reproduire  ces 
figures  on  prend  un  gâteau  de  résine  tel  que  ceux  qui  ser- 
vent pour  les  électrophores  ;  on  trace  alors  sur  ce  gâteau 
des  dessins  avec  un  corps  électrisé  positivement,  puis 
d'autres  dessins  avec  un  corps  électrisé  négativement; 
une  bouteille  de  Leyde  chargée  que  l'on  tient  alternative- 
ment par  la  panse  ou  par  l'armature  interne  permet  de 
faire  facilement  cette  double  opération.  Les  dessins  ainsi 
tracés  n'apparaissent  pas  ;  on  projette  alors  à  la  surface 
du  gâteau  un  mélange  de  poudres  de  minium  et  de  soufre, 
à  l'aide  d'un  petit  soufflet.  Le  frottement  que  ces  pous- 
sières éprouvent  dans  la  base  du  petit  soufflet  électrisent 
positivement  le  minium  et  négativement  le  soufre  :  celui-ci 
se  porte  donc  sur  les  lignes  tracées  avec  le  corps  positif  et 
les  fait  apparaître  en  jaune  tandis  que  les  autres  appa- 
raissent en  rouge;  elles  sont  peu  fines  ;  on  remarque  que 
les  lignes  jaunes  présentent  des  ramifications  divergentes 
nombreuses  ;  les  contours  des  lignes  rouges  sont,  au  con- 
traire, unis.  En  modifiant  cette  expérience  de  la  façon 
suivante,  M.  Douliot  a  obtenu  des  images  d'une  finesse 
remarquable.  Sur  du  verre  ou  de  l'ébonite  bien  sec,  mais 
à  l'état  neutre,  on  trace  des  lignes  avec  un  corps  quel- 
conque, conducteur  ou  non;  le  verre  s'électrise  en  ces 
points  ;  en  projetant  ensuite  sur  le  verre  les  deux  poudres, 
on  voit  apparaître  les  traits  en  jaune  sur  fond  rouge  ;  c'est 
l'inverse  avec  l'ébonite.  A.  Joannis. 

Figure  magnétique  (V.  Fantôme  magnétique). 

IV.  Astronomie.— Figure  des  corps  célestes  (Astron.). 
Tous  les  corps  célestes  affectent  une  forme  sphéroïdale  plus 
ou  moins  régulière  tenant  à  leur  mouvement  de  rotation  pen- 
dant leur  fluidité.  V aplatissement  (V.  ce  mot)  est  généra- 
lement très  faible  pour  le  soleil,  les  planètes  et  leurs  satellites. 
Certaines  nébuleuses  ont  une  forme  spiraloïde.  Les  comètes 
éloignées  du  Soleil  ont  une  forme  sphéroïdale  ;  dans  le 
voisinage  de  cet  astre,  leur  matière  fuse  par  les  deux 
bouts  de  Taxe  qui  est  dirigé  vers  le  Soleil,  et  surtout  par 
l'extrémité  opposée,  de  manière  à  former  la  queue.  L.  B. 

V.  Grammaire  et  rhétorique.  -—  Le  terme  latin 
figura  répond  au  mot  grec  a^%a.  Il  avait  chez  les  anciens 
rhéteurs  deux  significations.  Il  désignait,  d'une  part,  l'aspect 
que  revêtait  la  pensée  ;  en  ce  sens,  on  ne  peut  écrire  ou 
parler  sans  figure,  comme  le  corps  humain  a  toujours  un 
aspect  général  et  une  attitude  quelconque,  une  figure.  Avec 
une  signification  plus  particulière,  on  entend  par  figure  les 
façons  de  parler  spéciales  qui  ajoutent  de  la  force,  de  la 


grâce,  ou  quelque  autre  qualité  à  la  manière  ordinaire, 
purement  correcte  et  grammaticale.  Les  anciens  rhéteurs 
et  les  philosophes  discutaient  longuement  sur  ces  défini- 
tions, à  ce  que  nous  apprend  Quintilien.  Certaines  figures 
servent  à  suppléer  au  terme  propre  qui  manque,  ou  bien 
que  l'on  ne  pouvait  employer  par  décence  ou  pour  toute 
autre  raison;  mais  la  plupart  n'ont  pour  objet  que  de 
donner  au  discours  plus  d'énergie,  de  grâce  ou  de  variété. 
Les  rhéteurs  n'étaient  pas  d'accord  non  plus  sur  la  classi- 
fication des  figures.  Quintilien  reconnaît  deux  classes,  les 
figures  de  pensée  et  les  figures  de  mots  ;  mais  il  laisse  en 
dehors  les  tropes.  Les  tropes,  selon  lui,  substituent  tels 
mots  à  tels  autres  ;  il  n'y  a  rien  de  pareil  dans  les  figures 
qui  consistent  dans  l'usage  que  l'on  fait  des  mots  et  l'as- 
pect que  l'on  donne  aux  phrases  ;  il  reconnaît  d'ailleurs 
que  les  figures  et  les  tropes  sont  des  procédés  qui  con- 
tribuent au  même  résultat.  Il  faut  reconnaître  que  cette 
distinction  est  subtile.  Il  vaut  mieux  s'en  tenir  à  la  classi- 
fication adoptée  par  la  plupart  des  rhétoriques  modernes  : 
il  y  a  deux  grandes  divisions,  les  figures  de  pensées  et 
les  figures  de  mots.  Celles-ci  se  subdivisent  en  tropes,  ou 
substitution  d'un  autre  terme  au  mot  propre,  et  en  figures 
de  grammaire.  Dans  la  première  catégorie  se  placent  les 
figures  qui  servent  à  donner  plus  d'énergie  à  la  démons- 
tration, à  savoir  V interrogation,  la  prolepse,  la  dubita- 
Mon,  la  communication,  la  sustentation.  D'autres  sont 
plus  propres  à  exprimer  la  passion  :  c'est  V exclamation, 
la  prosopopée,  Y  apostrophe,  Yhypotypose,  Yironie, 
Yaposiopèse,  etc.  Quintilien  y  ajoute  ce  qu'il  appelle  sim- 
plement avec  les  Grecs  schéma,  qui  est  une  sorte  d'euphé- 
misme. Les  tropes  sont  aussi  de  deux  sortes  :  les  uns  ser- 
vent à  l'expression  de  la  pensée,  tels  que  la  métaphore, 
la  synecdoche,  la  métonymie,  Y  antonomase,  Yonoma- 
topée,  la  catachrèse;  les  autres  servent  uniquement  à 
l'embellir,  tels  que  Vépithète,  Y  allégorie,  Yénigme,  la 
périphrase,  Yhyperbole,  etc.  Enfin  les  figures  de  gram- 
maire sont  celles  que  l'on  appelle  encore  figures  de  cons- 
truction; les  principales  sont  Y  ellipse,  le  pléonasme, 
la  syllepse,  Yhyperbate.  Leur  caractère  commun  est  de 
ressembler  à  des  incorrections  grammaticales.  Il  faut  y 
rattacher  un  nombre  considérable  de  procédés  qui  donnent 
à  la  pensée  plus  de  reliefs  ou  de  force  ;  telles  sont  les 
différentes  sortes  de  répétition  (gémination,  anaphore, 
épistrophe,  épanodos,  polyptoton,  anadiplosis,  etc.), 
Yasyndeton  et  le  polysundeton,  la  gradation;  enfin  les 
différentes  sortes  d'opposition,  dont  la  principale  est  V an- 
tithèse. Nous  renvoyons  à  tous  ces  termes  pour  l'expli- 
cation des  principales  figures. 

Il  nous  suffira  ici  de  rappeler  les  conclusions  de  Quin- 
tilien sur  l'emploi  des  figures  en  général.  Placées  à  propos, 
elles  fortifient  la  pensée  ;  autrement  elles  sont  puériles.  Il 
est  des  gens,  dit-il,  qui  négligeant  l'idée  et  le  fond,  se 
livrent  à  un  vain  travail  sur  les  mots  et  se  croient  de 
grands  artistes.  Mais,  même  les  figures  saines  ne  doivent 
pas  être  trop  répandues ,  de  même  que  le  visage  et  le  corps 
ne  doivent  pas  changer  constamment  de  physionomie  et 
d'attitude.  Il  faut  considérer  avant  tout  ce  qu'exigent  le 
sujet,  le  moment,  la  personne,  et  se  souvenir  que,  partout 
où  l'art  se  montre,  la  vérité  semble  disparaître.  Que  d'écri- 
vains de  nos  jours  pourraient  tirer  leur  profit  de  ces  ré- 
flexions !  Quintilien  pourtant  va  trop  loin  lorsqu'il  consi- 
dère les  figures  comme  des  façons  de  parler  qui  s'éloignent 
de  la  manière  ordinaire  et  naturelle.  Rien  n'est  si  naturel, 
si  ordinaire,  que  des  figures  dans  le  langage  de  tous  les 
hommes.  Dumarsais  a  observé,  après  d'autres,  qu'il  se  fait 
dans  un  jour  à  la  halle  plus  de  figures  qu'en  plusieurs 
jours  d'assemblées  académiques.  Les  discours  les  plus 
ordinaires  en  sont  remplis,  et  en  particulier  ceux  des  per- 
sonnes qui  parlent  avec  le  moins  d'apprêt,  et  qui  suivent 
le  plus  simplement  les  impressions  de  la  nature.  C'est  ce 
que  Marmontel  démontre  d'une  manière  ingénieuse  dans 
un  monologue  qu'il  prête  à  un  homme  du  peuple  en  dispute 
avec  sa  femme  :  «  Si  je  dis  oui,  elle  dit  non  ;   soir  et 


FIGURE  —  FIL 


440 


matin,  nuit  et  jour,  elle  gronde  (antithèse).  Jamais,  jamais 
de  repos  avec  elle  (répétition).  C'est  une  furie,  un  démon 
(hyperbole).  Mais,  malheureuse,  dis-moi  donc  (apostrophe)  ! 
Que  t'ai— je  fait  (interrogation)  ?  0  ciel  !  quelle  fut  ma  folie 
en  t'épousant  (exclamation)  !  Que  ne  me  suis-je  plutôt  noyé 
(cooptation)  !  Je  ne  te  reproche  ni  ce  que  tu  me  coûtes,  ni 
les  peines  que  je  me  donne  pour  y  suffire  (prétention)  ; 
mais  je  t'en  prie,  je  t'en  conjure,  laisse-moi  travailler  en 
paix  (obsécration),  ou  que  je  meure  si...,  tremble  de  me 
pousser  à  bout  (imprécation  et  réticence).  Elle  pleure,  oh  ! 
la  bonne  âme  !  vous  allez  voir  que  c'est  moi  qui  ai  tort 
(ironie).  Eh  bien,  je  suppose  que  cela  soit.  Oui,  je  suis 
trop  vif,  trop  sensible  (concession).  J'ai  souhaité  cent  fois 
que  tu  fusses  laide.  J'ai  maudit,  détesté  ces  yeux  perfides, 
cette  mine  trompeuse  qui  m'avait  affolé  (astéisme,  ou 
louange  en  reproche).  Mais,  dis-moi  si  par  la  douceur  il  ne 
vaudrait  pas  mieux  me  ramener  (communication)?  Nos 
enfants,  nos  amis,  nos  voisins,  tout  le  monde  nous  voit 
faire  mauvais  ménage  (énumération).  Ils  entendent  tes  cris, 
tes  plaintes,  les  injures  dont  tu  m'accables  (accumulation). 
Ils  t'ont  vue,  les  yeux  égarés,  le  visage  en  feu,  la  tête 
échevelée,  me  poursuivre,  me  menacer  (description).  Ils  en 
parlent  avec  frayeur  :  la  voisine  arrive,  on  le  lui  raconte, 
le  passant  écoute  et  va  le  répéter  (hypotypose).  Ils  croiront 
que  je  suis  un  méchant,  un  brutal,  que  je  te  laisse  man- 
quer de  tout,  que  je  te  bats,  que  je  t'assomme  (gradation). 
Mais  non,  ils  savent  bien  que  je  t'aime,  que  j'ai  bon  cœur, 
que  je  désire  te  voir  tranquille  et  contente  (correction).  Va, 
le  monde  n'est  pas  injuste,  le  tort  reste  à  celui  qui  l'a  (sen- 
tence). Hélas  !  ta  pauvre  mère  m'avait  tant  promis  que  tu 
lui  ressemblerais.  Que  dirait-elle?  que  dit-elle?  car  elle 
voit  ce  qui  se  passe.  Oui,  j'espère  qu'elle  m'écoute,  et  je 
l'entends  qui  te  reproche  de  me  rendre  si  malheureux. 
«  Ah  !  mon  pauvre  gendre,  dit-elle,  tu  mérites  un  meilleur 
«  sort  (prosopopée).  » 

D'ailleurs,  les  figures  sont  plus  ou  moins  fréquentes  sui- 
vant les  habitudes,  les  tempéraments  des  individus  et  des 
peuples,  le  génie  de  la  langue  que  l'on  emploie,  le  plus  ou 
moins  de  richesse  du  vocabulaire,  car  plus  les  mots  sont 
rares,  plus  il  est  nécessaire  de  varier  leurs  acceptions  et 
leurs  effets  par  la  place  qu'on  leur  donne,  le  tour  de 
phrase  et  les  mouvements  du  style .  Enfin  les  différents 
genres  littéraires  ne  sont  pas  également  propres  aux  orne- 
ments de  l'expression.  Abondants  là  où  il  s'agit  de  plaire 
par  des  descriptions  délicates  et  variées,  là  où  il  faut  en- 
traîner par  les  mouvements  passionnés ,  il  faut  les  éviter 
lorsqu'on  traite  d'objets  qui  demandent  une  expression 
rigoureusement  vraie,  comme  dans  les  ouvrages  pure- 
ment didactiques.  Inutile  d'ajouter  qu'il  faut  choisir  les 
figures  appropriées  à  l'occasion,  mais  on  fait  observer  juste- 
ment qu'il  faut  préparer  les  figures,  les  amener  avec  art, 
arriver  par  degré  aux  plus  hardies.  Ainsi  après  avoir  dit  : 

Je  n'appelle  plus  Rome  un  enclos  de  murailles 
Que  ses  proscriptions  comblent  de  funérailles; 
Ces  murs,  dont  le  destin  fut  autrefois  si  beau, 


N'en  sont  que  la  prison  ou  plutôt  le  tombeau. 
Mais  pour  revivre  ailleurs  dans  sa  première  f( 
Avec  les  faux  Romains  elle  a  fait  plein  divorce. 


;  pour  revivre  ailleurs  dans  sa  pn 
3  les  faux  Romains  elle  a  fait  plei 
Et  comme  autour  de  moi  j'ai  tous  ses  vrais  appuis, 

Sertorius  peut  ajouter  naturellement  : 

Rome  n'est  plus  dans  Rome,  elle  est  toute  où  je  suis. 

Un  mot  encore  au  point  de  vue  pédagogique.  Les  figures 
étudiées  chez  les  anciens  avec  une  minutie  et  une  subtilité  ' 
dont  se  plaint  déjà  Quintilien,  ont  été  longtemps  ensei- 
gnées dans  nos  classes  d'humanités  avec  un  soin  exagéré. 
Les  hommes  mûrs  se  souviennent  encore  d'avoir,  pendant 
des  mois  entiers,  fait  la  chasse  aux  catachrèses  et  aux 
antonomases.  Peut-être  aujourd'hui  cette  technique  est-elle 
trop  négligée.  Rollin,  dans  son  Traité  des  études  (liv.IV, 
ch.  11,  8),  nous  semble  être  dans  la  juste  mesure;  ses 
observations  sont  sobres,  exemptes  de  raffinement,  appuyées 
sur  des  exemples  bien  choisis,  suivant  la  règle  qu'il  donna 
lui-même  :  «  Il  est  bien  important  de  faire  remarquer  aux 
jeunes  gens,  dans  la  lecture  des  auteurs,  l'usage  que  la 


bonne  éloquence  sait  faire  des  figures,  le  secours  qu'elle  en 
tire,  non  seulement  pour  plaire,  mais  aussi  pour  persuader 
et  pour  toucher.  »  A.  Waltz. 

VI.  Logique.  —Figures  du  .syllogisme  (V.  Syllogisme). 

VII.  Théologie  (V.  Type). 

Bibl.  :  Acoustique.  —  Lissajous,  Ann.  Chim.  Phys. 
(3),  LI,  p.  147. 

FIGURÉ  (Blas.).  Toute  pièce  héraldique  ou  non  sur  la- 
quelle se  trouve  représenté  un  visage  humain  est  dite 
figurée.  Soleil  représenté  avec  des  yeux,  un  nez  et  une 
bouche,  ce  qui  est  le  contraire  d'une  ombre  de  soleil. 

FIGURÉS  (Nombres)  (V.  Nombre). 

FIGURINES  funéraires  (Archéol.  égypt.).  On  classe 
sous  cette  dénomination  la  série,  extrêmement  nombreuse, 
des  petites  statuettes  affectant  la  forme  de  la  momie  et 
moulées  en  terre  cuite  que  recouvre  un  émail  bleu  ou  vert. 
De  leurs  mains  croisées  sur  la  poitrine  elles  tiennent  des 
instruments  d'agriculture,  hoyaux  et  sarcloirs,  et  un  sac 
destiné  à  contenir  des  grains.  Elles  étaient  chargées  de 
suppléer  le  défunt  dans  l'accomplissement  des  travaux 
agricoles  qui  devaient  lui  incomber  dans  l'autre  monde  ; 
prêtes,  à  cet  effet,  à  répondre  à  son  premier  appel,  elles 
étaient  nommées  Oushebtiou,  «  répondantes  ».  Elles  portent 
le  nom  et  la  généalogie  du  mort  qu'elles  représentent,  et 
ont  rendu  de  réels  services  à  la  science  par  le  grand  nombre 
de  noms  historiques,  de  titres  et  de  fonctions  qu'elles  ont 
permis  d'enregistrer.  Elles  étaient  semées  à  profusion  dans 
le  sarcophage  ou  contre  le  sarcophage,  ou  enfermées  dans 
un  coffret  spécial,  ou  simplement  répandues  sur  le  sable 
de  la  chambre  funéraire.  Paul  Pierret. 

F1KA.  Tribu  nègre  du  Soudan  central  (Bornou),  dans 
le  bassin  du  Gongola,  affluent  du  Bénué. 

FI  L I.  Filature. —  Les  fils  sont  produits  par  les  filatures 
pour  servir  de  matière  première  aux  tissages  ou  pour  être  em- 
ployés pour  la  couture  ou  différents  autres  usages.  Ils  doi- 
vent présenter  dans  tous  les  points  de  leur  longueur  une 
grosseur  et  une  résistance  bien  uniformes.  Les  fils  de  soie 
obtenus  par  la  simple  réunion  d'un  certain  nombre  de  fils 
de  cocon  prennent  le  nom  de  fils  grèges  ;  plusieurs  de  ces 
fils,  rassemblés  avec  une  torsion  plus  ou  moins  forte,  cons- 
tituent les  organsins,  les  poils,  les  trames,  etc.  Le  dé- 
vidage et  le  moulinage  qui  fournissent  ces  fils  produisent 
une  certaine  quantité  de  déchets  qui  de  même  que  les  co- 
cons défectueux  et  non  dévidables  sont  déchirés  et  réduits 
en  fibres  courtes.  Pour  ces  déchets,  de  même  que  pour  les 
autres  matières  textiles,  laine,  coton,  lin,  chanvre,  etc., 
les  fils  sont  formés  par  les  fibres  très  fines  et  plus  ou 
moins  longues  que  forment  ces  matières,  groupées  régu- 
lièrement les  unes  à  côté  des  autres,  et  les  unes  à  la  suite 
des  autres,  et  reliées  entre  elles  par  une  torsion  convenable 
donnée  au  faisceau  qu'elles  forment  ainsi.  Les  fils  formés 
de  cette  manière  prennent  le  nom  de  fils  simples.  On  dis- 
tingue parmi  eux  ceux  qui  sont  destinés  à  former  la  chaîne 
du  tissu,  que  l'on  fait  avec  des  matières  de  plus  belle 
qualité  et  que  l'on  tord  plus  fortement,  et  les  fils  de  trame 
qui  sont  moins  tordus,  ou,  suivant  l'expression  souvent  em- 
ployée, plus  floches.  Une  torsion  intermédiaire  entre  celle 
qui  convient  à  la  chaîne  et  celle  de  la  trame  fournit  de  la 
demi-chaîne  dont  on  fait  usage  notamment  dans  la  bonne- 
terie. 

Deux  fils  simples  réunis  et  tordus  ensemble  constituent 
un  fil  retors,  ou,  si  la  seconde  torsion  est  faible,  un  fil 
mouliné.  Deux  ou  plusieurs  fils  retors  réunis  et  retordus 
produisent  un  fil  câblé.  Dans  ces  retordages  successifs, 
chaque  torsion  doit  être  donnée  en  sens  contraire  de  la 
précédente.  La  grosseur  des  fils  s'indique  au  moyen  d'un 
titre  ou  numéro,  qui  pour  la  soie  dévidée  ou  moulinée  re- 
présente le  poids  d'une  longueur  invariable  de  fil;  dans  les 
usages  admis  cette  longueur  est  une  échevette  de  500  m. 
et  le  titre  exprime  le  poids  de  cette  échevette  évalué  en 
grains  de  0§r0533.  Il  y  aurait  lieu  de  modifier  ce 
poids  et  de  le  ramener  à  5  centigr.  pour  arriver  à  faire 
usage  d'unités  conformes  à  notre  système  de  poids  et  me- 


—  441  — 


FIL 


sures;  le  titre  indiquerait  ainsi  le  poids  exprimé  en 
grammes  d'une  longueur  de  10,000  m.  de  fil.  Dans  cette 
méthode  de  titrage,  les  titres  sont  d'autant  plus  élevés  que 
les  fils  sont  plus  gros.  Pour  tous  les  autres  fils,  laine, 
coton,  lin,  déchets  de  soie,  le  numérotage  se  fait  au  con- 
traire en  indiquant  la  longueur  de  fil  qui  correspond  à  un 
poids  invariable  adopté  pour  base,  de  sorte  qne  les  numé- 
ros s'élèvent  lorsque  le  fil  devient  plus  fin.  Cette  manière 
de  faire  est  justifiée  par  les  procédés  de  la  filature  qui 
forme  d'abord  un  ruban  qu'il  faut  ensuite  amincir  jusqu'à 
la  finesse  voulue  ;  le  numéro  indique  le  degré  d'amincisse- 
ment qui  doit  être  réalisé.  Les  unités  adoptées  comme 
base  pour  la  mesure  des  longueurs  et  des  poids  varient 
suivant  les  localités  et  les  matières  textiles.  En  France,  on 
applique  d'une  manière  assez  générale  le  numérotage  mé- 
trique, ayant  pour  base  de  longueur!  ,000  m.  et  pour  base 
de  poids  le  kilogramme,  aux  fils  de  laine  peignés  et  cardés 
et  aux  schappes  formées  avec  les  déchets  de  la  soie  ;  pour 
le  coton  les  poids  sont  évalués  en  demi-kilogrammes,  et 
pour  le  lin,  dans  le  N.  de  la  France,  on  conserve  un  nu- 
mérotage anglais  ayant  pour  bases  une  échevette  de  300 
yards  et  la  livre  avoir  du  poids  anglaise.  Les  numéros  se 
vérifient  en  dévidant  une  échevette  ayant  la  longueur  base 
et  en  la  pesant  soit  au  moyen  d'une  balance,  soit  en  se  ser- 
vant d'une  romaine,  c.-à-d.  d'un  peson  dont  le  cadran  est 
gradué  de  manière  à  indiquer  par  une  simple  lecture  le 
numéro  du  fil. 

Les  fils  à  coudre  se  font  en  lin  ou  en  coton  ;  ces  der- 
niers sont  souvent  désignés  dans  le  commerce  sous  les 
noms  de  fils  d'Ecosse  ou  fils  d'Alsace.  Ils  sont  formés  de 
plusieurs  brins  simples,  à  forte  torsion,  retordus  en- 
semble, ou  dans  les  meilleures  qualités  de  deux  ou  plu- 
sieurs brins  retors,  câblés  entre  eux.  On  les  teint  en 
toutes  couleurs,  puis  on  leur  fait  subir  un  apprêt,  qui  pour 
les  fils  mats  consiste  en  deux  opérations  :  Vétriquage,  par 
lequel  on  bat  les  échevettes  tendues  pour  bien  assouplir 
les  fils,  puis  le  chevillage  dans  lequel  ces  échevettes,  sus- 
pendues à  une  forte  cheville  fixe,  sont  tordues  fortement 
et  battues  au  moyen  d'un  bâton.  Les  fils  glacés  sont  en 
outre  imprégnés  d'un  apprêt  contenant  de  l'amidon  et  de 
la  cire,  puis  fortement  brossés  et  lustrés.  Cet  apprêt  peut 
être  appliqué  aux  échevettes,  que  l'on  y  plonge  d'abord, 
puis  que  l'on  fait  tourner  lentement,  fortement  tendues, 
entre  deux  cylindres,  tandis  qu'une  brosse  cylindrique  ani- 
mée d'une  grande  vitesse  répartit  bien  régulièrement  l'ap- 
prêt à  leur  surface.  En  France,  le  glaçage  se  fait  plus 
généralement  fil  à  fil.  Les  fils  sont  enroulés  chacun  sur  une 
bobine  dont  on  dispose  une  certaine  quantité,  de  100  à 
120,  sur  un  râtelier  derrière  la  machine  ;  les  fils  qui  se 
déroulent  tous  parallèlement  entre  eux  vont  plonger  dans 
un  bac  rempli  d'apprêt,  puis  ils  passent.entre  une  paire  de 
cylindres  qui  les  entraînent  en  exprimant  l'excès  d'apprêt, 
et  au  contact  de  cinq  ou  six  brosses  cylindriques  tour- 
nant à  grande  vitesse,  pour  aller  enfin  s'enrouler  chacun 
sur  une  bobine  en  avant  de  la  machine.  Ainsi  préparés  les 
fils  sont  livrés  à  la  vente  quelquefois  en  échevettes,  mais 
plus  souvent  en  bobines  ou  en  pelottes  ou  dévidés  sur  des 
cartes  de  formes  variées,  qui  se  forment  sur  des  machines 
très  ingénieuses,  mises  en  mouvement  soit  à  la  main, 
soit  mécaniquement;  des  étiquettes  y  sont  collées,  puis  les 
pelotes  ou  les  bobines  sont  rangées  dans  des  boîtes  plus  ou 
moins  élégantes.  P.  Goguel. 

Fil  de  lin  (V.  Bonneterie,  t.  VII,  p.  339). 

Fil  peigné.  —  La  fabrication  des  fils  pour  la  laine, 
comme  pour  les  autres  textiles,  s'est  d'abord  faite  à  la 
main,  avec  des  fibres  peignées  préalablement  et  redressées 
manuellement.  Au  dire  des  auteurs  anciens,  cette  fabrica- 
tion au  xve  siècle,  était  considérable  en  France  et  en  Pi- 
cardie ;  les  fils  qui  en  provenaient  servaient  à  confectionner 
des  tissus  ras,  dont  les  Flamands  avaient  introduit  la  fabri- 
cation et,  dès  le  xvie  siècle,  l'exportation  de  ces  étoffes  avait 
pris  une  certaine  importance.  En  1755,  Brisson  fait  l'essai 
d'une  mécanique  destinée  à  filer  la  laine,  mais  cette  ten- 


tative n'eut  aucun  succès  ;  les  fils  de  laine  continuèrent  à 
se  faire  à  la  main  ;  ils  étaient  connus  sous  le  nom  de  fils 
de  sagettes.  Des  essais  de  filage  mécanique  avaient  été 
aussi  entrepris  en  Angleterre  par  Delphin  Holme  en  1734 
et  n'avaient  pas  amené  de  résultat.  La  fabrication  des  tis- 
sus ras  devenant  de  plus  en  plus  importante  en  France,  on 
importa  chez  nous  une  certaine  quantité  de  fils  de  laine 
peignée  provenant  de  la  Hollande  et  de  la  Saxe.  Ces  fils 
étaient  fins  et  forts  ;  on  les  vendait  par  paquets  composés 
d'éche  veaux  d'égale  longueur  et  du  poids  de  6  à  7  onces. 
On  crut,  vers  1780,  que  les  fils  à  la  main  allaient  dispa- 
raître en  présence  des  fils  fabriqués  à  la  mécanique.  Price, 
apprêteur  anglais  établi  à  Rouen,  avait  en  effet  inventé  une 
machine  destinée  à  filer  indistinctement  le  lin,  le  coton  et  la 
laine  ;  mais  cette  machine  ne  semble  pas  avoir  fait  fortune  ; 
on  continua  à  se  servir,  pour  la  fabrication  des  étoffes 
rases  et  mélangées,  de  fils  de  laine  obtenus  par  les  procé- 
dés manuels,  ce  qui  présentait  de  sérieuses  difficultés  pour 
les  opérations  subséquentes  de  la  teinture.  Le  salaire  des 
fileurs  à  la  main,  jusqu'en  1846,  était  de  60  à  75  cent, 
par  jour;  ils  travaillaient  de  12  à  15  heures  et  ne  pro- 
duisaient pas  plus  de  62  à  65  gr.  de  fil.  Jusqu'en  1822, 
ces  fils  se  vendaient  par  petits  paquets  du  poids  de  500  gr. 
Le  numéro  du  fil  était  déterminé  par  le  nombre  d'échées 
qui  se  trouvaient  dans  ce  paquet  ;  l'échée  était  de  700m222, 
dévidés  sur  une  circonférence  de  lm485.  Les  nos  35  à  50 
se  payaient  de  20  à  40  fr.  le  demi-kilogr.  ;  quelques  chaînes 
fines  écrues,  du  poids  de  245  gr.,  coûtaient  jusque  80  à 
84  fr.  le  kilogr. 

En  1812,  on  recommença  les  essais  de  filage  mécanique 
de  la  laine  peignée.  Un  mécanicien  de  Reims,  nommé 
Dobo,  monta  dans  la  manufacture  de  MM.  Ternaux  et  Jobert- 
Lucas  à  Bazancourt  les  premières  machines  préparatoires 
destinées  à  l'étirage  de  la  laine  peignée,  et  ce  fut  avec  ses 
fils  que  l'on  fabriqua  les  premières  étoffes  rases  connues 
sous  le  nom  de  tissus  Ternaux.  C'est  dans  la  période  de 
1820  à  1826  que  les  fils  de  laine  peignée  commencèrent  à 
entrer  largement  dans  la  consommation.  La  filajure  de  laine 
au  rouet  se  maintint  à  Amiens  jusqu'en  1823,  époque  où 
les  manufacturiers  de  cette  ville  firent  les  premiers  essais 
de  filature  à  la  mécanique,  et,  dans  l'espace  de  trois  ans,  le 
nombre  des  broches  s'accrut  dans  une  proportion  considé- 
rable. Mais  ce  fut  surtout  à  Roubaix  et  à  Tourcoing  que  le 
progrès  marcha  d'un  pas  de  géant,  car,  en  1843,  le  dép. 
du  Nord  possédait  déjà  250,000  broches  pour  la  filature 
de  laine  peignée  et,  en  1854,  900,000;  aujourd'hui  ce 
chiffre  est  bien  dépassé  (V.  Laine).  L.  K. 

IL  Métallurgie.  —  Fil  d'archal.  —  On  donne  quel- 
quefois, mais  très  improprement,  le  nom  de  fil  de  fer  au 
fil  d'archal.  Celui-ci,  en  effet,  n'est  qu'un  fil  de  laiton 
dont  le  nom  vulgaire  proviendrait  de  l'inventeur  de  sa  fa- 
brication, Richard  Archal. 

Fil  de  fer.  —  Dans  une  foule  de  circonstances,  les  mé- 
taux ont  besoin  d'être  employés  à  l'état  de  fils.  On  les  réduit 
à  cet  état  en  utilisant  les  propriétés  qu'ils  possèdent  tous, 
mais  à  des  degrés  fort  différents,  de  se  laisser  étirer  sans 
se  rompre  dans  le  sens  de  la  longueur,  propriété  qui  a  reçu 
le  nom  de  ductibilité.  Pendant  des  siècles,  c'est  avec  le 
marteau  et  sur  l'enclume  que  l'on  étirait  les  métaux,  mais 
les  marteleurs  les  plus  capables  étaient  impuissants  à  obte- 
nir des  tiges  bien  cylindriques  au-dessous  d'un  diamètre 
relativement  assez  gros.  Plus  tard,  l'invention  des  laminoirs 
cannelés  fit  faire  un  grand  pas  à  cette  industrie.  Néanmoins 
les  fils  les  plus  fins  qu'on  en  puisse  tirer  ont  au  moins 
4  millim.  de  diamètre  ;  aussi  emploie-t-on  aujourd'hui  le 
tréfilage  qui  consiste  à  étirer  les  métaux  à  froid  pour  les 
faire  passer  de  force  dans  des  trous  qui  leur  donnent  la 
forme  et  la  grosseur  voulue,  en  même  temps  qu'un  grand 
allongement.  Indépendamment  des  fours  à  réverbères  et 
autres,  de  laminoirs  cannelés  ou  non,  les  tréfileries  com- 
prennent un  certain  nombre  de  bancs  à  tirer,  lesquels  se 
composent  d'une  filière  et  d'une  bobine  (V.  Bobine,  t.  VI, 
p.  1199).  La  filière  a  généralement  de  0m30  à  0m60  de 


FIL 


—  442 


longueur,  0m30 de  largeur  etl  à 3  centim.  d'épaisseur;  les 
trous  dont  elle  est  percée  sont  placés  en  échiquier  et  leurs 
diamètres  vont  en  décroissant;  en  outre,  ils  ont  une  forme 
conique  et  présentent  leur  plus  grande  ouverture  du  côté 
où  arrive  le  fil.  Pour  que  l'ouverture  de  sortie  conserve 
sa  rondeur,  de  laquelle  dépend  la  régularité  du  fil,  il  faut 
que  l'acier  employé  soit  très  dur.  Les  fils  de  fer  forment 
une  catégorie  importante  ;  le  métal  qui  convient  à  leur  fabri- 
cation doit  être  facile  à  travailler  à  chaud,  afin  de  pouvoir 
être  facilement  aminci  parle  laminoir  ;  fort  et  doux  à  froid, 
afin  de  pouvoir  aisément  subir  à  froid  l'action  de  la  filière  ; 
enfin,  plutôt  dur  que  mou  à  cause  de  la  texture  nerveuse 
que  le  travail  lui  fait  prendre.  On  ne  se  sert  que  de  fers 
provenant  de  bonnes  fontes  au  bois,  et  les  meilleures  qua- 
lités de  fil  s'obtiennent  toujours  avec  les  fontes  affinées  au 
charbon  de  bois  ;  néanmoins,  dans  ces  dernières  années,  les 
améliorations  introduites  dans  le  puddlage  ont  permis  de 
substituer,  dans  une  certaine  mesure,  les  fers  au  coke  aux 
fers  au  bois  de  qualité  supérieure. 

Suivant  leur  grosseur,  les  fils  de  fer  se  divisent  en  gros 
fils  et  en  fils  fins.  Pour  déterminer  la  grosseur  du  fil  de 
fer,  on  se  sert  d'instruments  appelés  jauges,  qui  varient 
suivant  les  pays.  Les  principales  sont  au  nombre  de  deux  : 
la  jauge  française  ou  jauge  de  Paris  et  la  jauge  anglaise 
ou  jauge  de  Londres  ;  ce  sont  des  disques  d'acier  sur  le 
pourtour  desquels  on  a  pratiqué  des  entailles  rectangulaires 
désignées  par  des  numéros  particuliers  ;  un  fil  appartient 
à  un  numéro  quand  il  peut  entrer  dans  l'entaille  qui  lui 
correspond.  Les  numéros  marqués  partent  du  n°  P,  qui  in- 
dique 5  dixièmes  de  millim.  Vient  ensuite  le  n°  4  qui  repré- 
sente 6  dixièmes  de  millim.  et  ainsi  de  suite  jusqu'au  n°  34 
qui  est  égal  à  400  dixièmes  de  millim.  Les  fils  plus  fins  que 
le  n°  4  sont  mesurés  avec  une  autre  jauge,  appelée  jauge- 
carcasse  dont  les  numéros  partent  de  ce  n°  4  pour  abou- 
tir au  n°  36  ;  mais  ici,  le  n°  4  est  le  plus  gros  et  le  36  le 
plus  fin,  en  sorte  que,  dans  cette  seconde  jauge,  le  n°  40 
correspond  au  n°  4  de  la  précédente.  Une  grande  partie  du 
fil  qu'on  faisait  autrefois  avec  le  fer  se  fait  actuellement 
avec  l'acier.  Nous  nous  étendrons  un  peu  longuement  sur 
la  fabrication  de  ce  fil  qui  présente  un  grand  intérêt.  La 
matière  première  du  fil  d'acier  obtenu  par  le  passage  à  froid 
dans  une  filière  est  la  machine  ou  verge  d'acier.  Peu  d'em- 
plois de  l'acier  ont  réalisé  depuis  quelques  années  autant 
de  progrès  que  la  fabrication  des  verges  ;  pour  s'en  con- 
vaincre, il  suffit  de  comparer  les  quantités  produites  en  fer 
et  les  quantités  produites  en  acier,  principalement  en  Alle- 
magne, où  se  trouve  le  principal  centre  de  cette  industrie. 
En  1880,  on  produisait  252,322  tonnes  de  verges  de  fer  et 
40,  800  tonnes  de  verges  d'acier;  en  4894,  au  contraire,  on 
a  produit  4 4 0,000  tonnes  de  verges  de  fer  et  345, 000  tonnes 
de  verges  d'acier.  Les  trains  modernes  à  verges  d'acier  et 
les  trains  à  verges  de  fer  de  tréfilerie  ne  travaillent  pas 
dans  les  mêmes  conditions.  Pour  les  uns  comme  pour  les 
autres,  la  rapidité  du  laminage  est  recherchée.  Le  plus 
ancien  des  trains  à  verges,  le  train  anglais,  se  compose  de 
cinq  cages  alignées,  savoir  :  d'une  cage  trio  de  0m49  à  0m24 
à  dégrossir  et  de  quatre  cages  duos  de  0m47  à  0m49  à 
serpenter.  Dans  ce  système,  la  vitesse  des  cylindres  est 
limitée  suivant  l'habileté  des  ouvriers;  en  effet,  chacune 
des  cinq  cages  faisant  la  même  courbe  de  révolution,  les 
cylindres  de  la  première  cage,  qui  sont  les  plus  gros,  pos- 
sèdent la  plus  grande  vitesse  circonférentielle  ;  les  lami- 
neurs saisissent  difficilement  les  billettes  qui  en  sortent,  et 
cette  circonstance  impose  une  borne  à  la  vitesse  des  cages 
serpenteuses.  On  a  jusqu'à  400  tours  en  Angleterre  et  en 
Allemagne,  et  jusqu'à  500  tours  en  France,  où  la  main- 
d'œuvre  est  la  plus  agile  et  la  plus  adroite.  Bien  que  ces 
trains  soient  capables  de  transformer  par  jour  20  tonnes 
de  billettes  de  fer  de  0m05,  ils  ne  satisfont  plus  les  exi- 
gences nouvelles.  Dans  le  système  belge,  le  dégrossisseur 
forme  un  train  séparé  d'une  vitesse  inférieure  à  200  révo- 
lutions, lequel  comprend  une  cage  à  trois  cylindres  de 
0m300  et  une  cage  à  pignons  placée  à  l'extrémité  exté- 


rieure, pour  moins  gêner  le  travail  du  train  finisseur.  Ce 
dernier  train,  placé  parallèlement  à  une  dizaine  de  mètres  de 
distance,  se  compose  d'une  cage  à  pignons  de  5  à  7  cages 
duos  auxquelles  on  peut  imprimer  une  grande  vitesse. 
Pour  le  laminage  de  l'acier,  le  diamètre  est  porté  à  0m25. 
L'idée  rationnelle  de  vitesses  progressives  à  communiquer 
aux  cages  a  été  réalisée  aux  Etats-Unis,  d'une  manière 
complète,  dans  le  système  Henry  Corner  (4880).  En  voici 
la  disposition  caractéristique  :  le  train  se  compose  de  paires 
successives  de  rouleaux  placés  horizontalement  et  bout  à 
bout  ;  elles  sont  mises  en  mouvement  par  des  engrenages 
qui  donnent  à  certaines  paires  une  vitesse  circonférentielle 
plus  grande  qu'à  la  précédente,  sans  augmentation  de  dia- 
mètre des  rubans.  Certains  rouleaux  ont  un  diamètre  plus 
grand  que  les  autres,  de  sorte  que  l'accroissement  de  vi- 
tesse, par  rapport  à  la  paire  précédente,  y  est  obtenue 
sans  variation  d'engrenages.  Les  paires  successives  sont 
réunies  par  des  guides  qui  font  subir  au  fil  une  torsion  d'un 
certain  angle,  et  qui  le  conduisent  d'une  paire  de  rouleaux 
à  la  paire  suivante,  située  à  un  niveau  différent.  Un  autre 
train  américain  a  été  installé,  en  4882,  à  Cleveland  et 
depuis  dans  plusieurs  autres  usines.  Il  est  disposé  pour 
laminer  des  blooms  d'acier  de  0m60  de  longueur  et  d'une 
section  carrée  de  0m40  de  côté,  qu'on  transforme  direc- 
tement en  rouleaux  de  verges  de  plusieurs  centaines  de 
pieds.  La  verge  enroulée  sur  des  tambours  est  au  rouge  ; 
on  la  fait  refroidir  dans  des  étouffoirs  à  l'abri  de  l'air.  La 
verge  a  pour  emploi  principal  la  fabrication  du  fil  de  fer 
dont  nous  allons  parler. 

Les  anciennes  pratiques  des  tréfileries  n'ont  guère  subi 
de  transformation  depuis  que  l'on  remplace  en  partie  le  fer 
par  l'acier  doux,  car  le  progrès  en  cette  matière  réside 
moins  dans  les  appareils  mécaniques  employés  que  dans 
l'organisation  du  travail.  On  cherche  naturellement  à  ré- 
duire le  diamètre  des  fils  le  plus  rapidement  possible,  pour 
diminuer  les  frais  de  la  main-d'œuvre  et  les  frais  indirects. 
Le  rapport  de  la  progression  décroissante  du  diamètre  est 
réglé  d'après  des  données  pratiques  :  il  est  variable  et  dimi- 
nue à  mesure  que  le  fil  devient  plus  fin,  car  la  résistance 
est  proportionnelle  au  carré  du  diamètre,  tandis  que  l'ef- 
fort est  proportionnel  à  la  surface  sur  laquelle  agit  la  filière, 
c.-à-d.  au  diamètre  lui-même.  La  résistance  décroît  donc 
plus  rapidement  que  l'effort  du  fil,  la  malléabilité  étant 
diminuée  par  l'étirage  ;  les  pressions  doivent  être  d'autant 
moindres  que  les  passages  suivent  de  plus  loin  les  recuits. 
Les  fils  ne  sont  généralement  plus  recuits  au  delà  du  n°  48, 
la  surface  offerte  à  l'oxydation  devenant  trop  grande.  D'ail- 
leurs, pour  ces  fils  de  faible  diamètre, réchauffement  dû  au 
frottement  de  l'étirage  pénètre  jusqu'au  centre  de  la,  sec- 
tion et  produit  ainsi  un  léger  recuit.  Les  gros  fils,  immé- 
diatement après  le  décapage  et  le  lavage,  sont  revêtus  d'une 
colle  pour  le  tréfilage  à  sec.  Les  matières  employées  à  cet 
effet  sont  :  le  sel  commun  en  solution,  l'eau  de  colle  pré- 
parée à  la  chaux  parfaitement  lavée,  la  bouillie  de  farine 
et  le  mélange  de  ces  substances.  Après  décapage  et  lavage, 
le  fil,  qui  n'a  plus  à  recevoir  que  peu  de  passages  à  la 
filière,  est  plongé  dans  l'eau  de  chaux,  laquelle  lui  laisse 
un  enduit  blanc  après  séchage.  Les  bobines  usitées  sont 
ordinairement  à  axe  vertical  ;  grâce  à  un  congé  ménagé  à 
leur  base  et  aussi  à  leur  conicité,  les  spires  du  fil  sont 
continuellement  poussées  vers  la  partie  supérieure  et  l'en- 
roulement est  régulier.  Le  recuit  de  fils  s'opère  autant  que 
possible  en  vase  clos.  Les  marmites  qui  servent  à  cet  usage 
sont  des  cylindres  en  fonte  chauffés  par  la  flamme  directe 
du  charbon  brûlé  sur  de  petites  grilles  disposéesde  manière 
à  mettre,  autant  que  possible,  le  métal  à  l'abri  des  coups 
de  feu,  ou  plus  rarement  sur  des  gazogènes.  Dans  les  nou- 
velles installations,  les  marmites  sont  rangées  sur  un  axe 
de  cercle  dont  le  centre  est  occupé  par  une  grue  pivotante. 
La  plupart  des  tréfileries  possèdent  des  fours  spéciaux  où 
le  fil  est  recuit  par  contact  direct  de  la  flamme  rouge  brun, 
qui  peut  donner  à  ces  molécules  une  mobilité  suffisante 
pour  qu'elles  reprennent  leur  position  première.  Ce  sont  de 


longs  réverbères,  dans  lesquels  les  rouleaux  sont  posés 
sur  des  rails  ;  ils  y  restent  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  refroi- 
dis. Le  recuit  obtenu  de  cette  façon  dépend  entièrement  de 
la  conduite  du  feu  ;  il  est  moins  uniforme  et  moins  efficace 
que  le  recuit  en  vase  clés.  Le  décapage  suit  le  recuit.  Les 
décapages  se  font  à  sec  ou  par  la  voie  humide  ;  la  série  des 
cuves  à  acide,  à  eau  et  à  bain  de  chaux,  est  disposée  sur 
une  circonférence  dont  le  centre  est  occupé  par  une  grue  ; 
au  sortir  de  l'acide,  les  rouleaux  de  fils  sont  battus,  soit  à 
la  main,  soit  mécaniquement  et  lavés  à  grande  eau. 

Les  produits  de  la  tréfilerie  sont  très  variés  ;  ils  compren- 
nent les  fils  pour  télégraphes  et  téléphones,  recuits,  bouil- 
lis dans  l'huile  ou  galvanisés  (V.  Galvanisation)  ;  les  fils 
quincaillers  clairs,  recuits,  cuivrés,  étamés  ou  galvanisés; 
les  fils  fins  et  extra-fins,  les  fils  recuits  pour  clôtures  et  vi- 
gnobles en  pièces  de  grande  longueur;  les  fils  pour  cordes, 
ponts,  chevilles,  vis,  rivets,  boucles  et  chaînes; les  cercles 
deseaux  en  fer;  les  fils  pour  objets  d'habillement  ;  les  fils 
étamés  et  recuits  pour  cordons  de  sonnettes  et  fermeture 
de  bouteilles  ;  les  fils  pour  tissage  ;  les  fils  pour  balles  de 
fourrage,  pour  ligature  de  moissons  ;  les  fils  clairs  cuivrés 
ou  bronzés  pour  ressorts  de  meubles  ou  de  machines  ;  les 
fils  carrés,  plats,  demi-ronds,  hexagonaux  ;  les  fils  pour 
pointes  de  Paris  ;  enfin  des  produits  très  variés  dont  nous 
parlerons  plus  loin. 

A  l'industrie  des  fils  se  rattache  celle  des  fils  barbus 
pour  clôtures  ou  ronces  artificielles,  dont  la  production 
tend  à  augmenter  chaque  année.  Les  fils  à  barbe  de  toutes 
les  variétés  sont  entièrement  fabriqués  à  la  machine  ;  ordi- 
nairement, ce  sont  deux  fils  d'acier  doux,  tordus  ensemble 
et  réunis  à  des  intervalles  rapprochés  par  deux  petits  rou- 
leaux d'acier  dur  formant  quatre  pointes  par  leurs  extrémi- 
tés ;  ces  rouleaux  entourent  les  fils  et  empêchent  le  dérou- 
lement en  cas  de  rupture  de  l'un  d'eux.  Ces  fils  sont  peints 
à  l'huile  de  lin  ou  galvanisés.  Quelquefois,  la  clôture  con- 
siste en  un  seul  fil,  portant  des  barbes  placées  de  façon  à 
ne  pouvoir  glisser.  Les  fermiers  préfèrent  ces  clôtures  mé- 
talliques aux  clôtures  en  bois  ou  en  pierre,  parce  qu'elles 
sont  plus  économiques,  plus  durables  et  plus  résistantes. 
Le  bétail  ne  fait  jamais  une  seconde  tentative  pour  les  ren- 
verser; elles  ne  sont  endommagées  ni  par  la  neige  ni 
par  le  feu;  enfin  leur  pose  est  facile  et  peu  coûteuse. 

La  préparation  des  fils  de  qualité  extra-supérieure  en 
acier  fondu  au  creuset  constitue  une  industrie  toute  nou- 
velle en  France  ;  nous  étions  restés  longtemps  tributaires 
de  l'Angleterre  et  de  l'Allemagne,  pour  la  préparation  de 
ces  fils  employés  surtout  comme  cordes  à  pianos  ;  mais, 
actuellement,  les  produits  tréfilés  de  notre  industrie  peuvent 
supporter  avec  avantage  la  comparaison  des  produits  étran- 
gers les  plus  estimés,  et  les  facteurs  de  pianos  arrivent  à 
les  employer  successivement.  Avec  les  fils  d'acier  au  creu- 
set on  prépare  les  câbles  de  mines.  Il  nous  reste,  pour  ter- 
miner l'examen  des  produits  de  la  tréfilerie,  à  nous  occu- 
per d'un  certain  nombre  d'industries  qui  obtiennent,  par 
l'étirage  à  la  filière,  des  produits  très  variés  que  leur 
mode  de  fabrication  rattache  à  la  tréfilerie.  On  sait  que  la 
fabrication  des  aiguilles  est  centralisée  presque  entièrement 
àRedditch,  en  Angleterre  ;  pourtant,  en  France,  les  indus- 
triels s'efforcent  d'appliquer,  autant  qu'il  est  possible,  le 
travail  mécanique  à  la  fabrication  des  aiguilles,  et  ils  luttent 
de  la  manière  la  plus  honorable  contre  la  concurrence  an- 
glaise. On  arrive  à  tréfiler  des  fils  carcasse  tellement  fins, 
qu'on  peut  arriver  à  un  fil  de  27  millièmes  de  millim.  Un 
point  intéressant  de  notre  fabrication  est  l'emploi  depuis 
quelques  années  de  filières  en  rubis  ordinairement  usitées 
pour  le  tréfilage  des  fils  très  fins.  L'acier  se  tréfile  en  vue 
de  la  fabrication  des  pièces  d'horlogerie  de  tous  genres  ; 
on  produit  des  fils  cannelés  pour  pignons  d'horlogerie  et 
autres.  Les  procédés  mécaniques,  inaugurés  dans  la  fabri- 
cation des  pignons  de  montre,  en  ont  fait  baisser  le  prix 
de  moitié.  Une  autre  branche  fort  intéressante  de  la  tréfi- 
lerie de  précision  est  celle  qui  a  pour  but  la  fabrication  des 
montures  de  narapluies,  de  fils  uour  brosses  et  pour  cordes. 


443  -  FIL 

La  description  des  nombreux  appareils  employés  dans  les 
tréfileries;  l'examen  des  précautions  à  prendre  dans  les 
diverses  passes  entre  les  mâchoires  de  la  filière  et  dans 
les  recuits  qui  les  accompagnent  ;  l'étude  des  machines  à  vis, 
par  exemple,  si  ingénieusement  combinées,  qui,  dans  un 
mouvement  à  peine  saisissable,  coupent  le  fil,  font  la  pointe, 
le  filet,  la  tête  et  sa  rainure,  tout  cela  nous  entraînerait 
trop  loin.  L.  Knab. 

III.  Physique.  -—  Fil  a  plomb.  —  On  désigne  ainsi 
un  fil  flexible  auquel  se  strouve  suspendue  une  masse 
lourde,  d'une  forme  cylindroconique  ;  par  définition  on 
appelle  verticale  d'un  lieu  la  direction  du  fil  à  plomb  en 
ce  lieu,  et  plan  horizontal  un  plan  quelconque  perpen- 
diculaire à  cette  direction.  En  chaque  lieu,  la  direction 
du  fil  à  plomb  n'est  autre  que  la  direction  de  la  pesan- 
teur; elle  est  toujours  perpendiculaire  à  la  surface  des 
liquides  tranquilles  ;  on  montre  en  particulier  que  l'image 
d'un  fil  à  plomb  dans  un  bain  de  mercure  est  une  droite 
située  sur  le  prolongement  du  fil  lui-même,  ce  qui  montre 
d'après  les  lois  de  la  réflexion  que  le  fil  est  perpendi- 
culaire à  la  surface  du  mercure.  Il  est  facile  de  cons- 
tater que  les  directions  de  deux  fils  à  plomb  situés  en  des 
lieux  différents  ne  sont  pas  parallèles.  Il  suffit  de  mesurer 
en  chacun  de  ces  lieux  l'angle  que  fait  la  verticale  avec  la 
ligne  qui  vise  une  étoile  déterminée,  en  chacune  de  ces 
stations,  au  même  moment.  La  différence  des  angles 
permet  de  calculer  l'angle  des  deux  verticales  ;  cet  angle 
est,  en  général,  proportionnel  à  la  longueur  de  l'arc  de 
grand  cercle  qui  est  compris  entre  les  deux  stations.  Quel- 
quefois la  présence  d'une  haute  montagne  cause  des  per- 
turbations, et  les  fils  à  plomb  observés  de  chaque  côté  de 
la  montagne  font  des  angles  sensiblement  plus  grands  que 
celui  qui  correspond  normalement  à  leur  distance.  On  s'est 
servi  de  ce  phénomène  pour  calculer  la  densité  moyenne  de 
la  terre,  en  utilisant  l'attraction  du  mont  Scheaïlien,  en 
Ecosse,  sur  les  fils  à  plomb.  A.  Joannis. 

Fils  télégraphiques  et  téléphoniques.  —  Conducteurs 
reliant  entre  eux  les  bureaux  télégraphiques  ou  les  postes 
téléphoniques ,  ces  fils  sont  en  fer ,  en  fer  galvanisé  , 
en  acier,  en  cuivre,  en  bronze  phosphoreux,  siliceux,  chro- 
meux  ou  autres  alliages  de  même  nature,  ou  même  en 
acier  recouvert  de  cuivre  (fils  Compound).  Généralement, 
pour  les  lignes  aériennes,  ils  sont  en  fer  galvanisé  ou  en 
bronze  ;  pour  les  lignes  souterraines  ou  sous-marines,  en 
cuivre  (V.  Câble).  Le  diamètre  et  la  nature  des  fils  varient 
suivant  les  besoins  :  pour  les  communications  à  courte  dis- 
tance, on  emploie  généralement  des  fils  de  fer  galvanisé 
dont  le  diamètre  ne  dépasse  pas  3  millim.  ;  pour  les 
grandes  communications  internationales,  ces  mêmes  fils 
atteignent  jusqu'à  6  millim.  de  diamètre.  Depuis  quelque 
temps  on  emploie  fréquemment  les  fils  de  bronze,  notam- 
ment pour  les  communications  téléphoniques  urbaines  et 
interurbaines.  Ces  fils,  dont  la  conductibilité  est  de  beau- 
coup supérieure  à  celle  du  fer  et  se  rapproche  de  celle  du 
cuivre,  peuvent  alors  être  beaucoup  moins  gros  que  ceux 
de  fer  galvanisé  ;  ils  ne  dépassent  pas  de  2  à  3  millim.  de 
diamètre  pour  les  plus  longues  lignes  et  descendent  même 
à  4  millim.  4/4  pour  les  réseaux  téléphoniques  urbains. 
Lorsque,  pour  ces  derniers,  on' emploie  des  fils  d'acier, 
ce  sont  ordinairement  des  fils  de  2  millim.  de  diamètre. 

Au  commencement  de  4  894 ,  le  développement  total  des  fils 
télégraphiques  du  régime  européen  était  de  2,008,770  kil. 
Dans  ce  total  ne  sont  pas  compris,  pour  un  grand  nombre 
d'Etats,  notamment  la  France  et  l'Algérie,  la  Grande- 
Bretagne,  le  Portugal,  etc.,  les  fils  télégraphiques  appar- 
tenant aux  Compagnies  de  chemins  de  fer.  Pour  les  pays 
extra-européens,  en  y  comprenant  l'Amérique  du  Nord  et 
les  républiques  de  l'Amérique  du  Sud  ainsi  que  les  colonies 
australiennes  qui  n'appartiennent  pas  à  l'Union  télégra- 
phique, le  développement  des  fils  télégraphiques  était  de 
4,735,300  kil.  En  y  ajoutant  les  câbles  sous-marins  apparte- 
nant aux  compagnies  privées  qui  représentent  237,445  kil. 
de  fils,  on  arrive  à  un  total  général  de  3,984,245  kil.  de 


FIL  —  FILAGE 


—  444  — 


fils  télégraphiques  mis  à  la  disposition  du  public  sur  toute 
la  surface  du  globe,  soit  plus  de  4  millions  de  kilomètres 
en  y  comprenant  les  fils  des  chemins  de  fer.  Une  statis- 
tique analogue  n'a  pas  encore  été  établie  pour  les  fils  télé- 
phoniques. E.  ESCHBÀECHER. 

IV.  Entomologie.—  Fil  de  la  Vierge.— Les  longs  fila- 
ments blancs  que  Ton  voit  flotter  dans  l'air  en  automne  et  que 
l'on  appelle  fils  de  la  Vierge  sont  formés  par  les  fils  que  les 
jeunes  araignées  émettent  au  moment  de  leur  dispersion  à 
la  sortie  du  cocon.  Ces  fils,  transportés  par  le  vent,  après 
avoir  été  roulés  et  agglomérés  en  écheveaux  plus  ou  moins 
longs,  redescendent  souvent  bien  loin  de  leur  point  de  départ. 
Ils  entraînent  avec  eux  les  jeunes  araignées,  et  ces  transports 
sont  assez  fréquents  pour  être  comptés  parmi  les  causes 
efficaces  de  la  dispersion  des  espèces.  En  effet,  arrivés  à 
une  certaine  hauteur  dans  l'atmosphère,  ces  filaments,  pous- 
sés par  un  coup  de  vent,  peuvent  traverser  des  obstacles 
infranchissables  par  tout  autre  moyen,  par  exemple  un 
grand  fleuve,  une  chaîne  de  montagnes,  même  un  bras  de 
mer,  comme  le  prouve  une  observation  de  Darwin.  Cet  au- 
teur vit  en  effet  un  grand  nombre  de  fils  de  la  Vierge 
s'abattre  sur  le  vaisseau  le  Beagle  qui  se  trouvait  alors  à 
60  milles  de  la  côte  ;  ces  fils,  qui  étaient  portés  par  une 
brise  très  légère,  étaient  couverts  de  petites  araignées  toutes 
de  même  espèce.  Emerton  ajoute  que  sur  les  côtes  des  Etats- 
Unis  les  marins  tirent  des  pronostics  pour  le  temps  de  la 
présence  des  fils  de  la  Vierge  dans  les  agrès  des  navires. 
Les  fils  de  la  Vierge  ne  s'observent  que  durant  les  journées 
de  beau  soleil  et  par  un  ciel  pur,  et  c'est  seulement  le  soir 
qu'on  les  voit  descendre  sur  la  terre.  Blackwall  en  a  tiré 
la  conclusion  que  le  mouvement  ascensionnel  des  fils  s'opé- 
rait par  l'effet  de  la  raréfaction  de  l'air  contigu  au  sol  et 
échauffé  par  le  soleil,  et  que  leur  descente  était  due  au 
refroidissement  de  cet  air,  leur  permettant  de  retomber  par 
leur  propre  poids.  Eug.  Simon. 

FI  LA B  R  ES  (Sierra  de  los).  Chaîne  de  montagnes  de  l'Es- 
pagne (Andalousie,  prov.  d'Almeria),  qui  fait  partie  du 
système  de  la  sierra  Nevada.  Jadis  couverte  de  forêts 
d'yeuses  et  de  pins,  elle  est  maintenant  en  grande  partie 
déboisée,  ce  qui  a  fait  disparaître  la  plupart  des  sources. 
On  y  trouve  du  marbre  blanc,  du  fer,  du  plomb,  du  mer- 
cure, etc.  Son  point  culminant  est  la  Tetica  ou  Cerro  Nivar 
(2,080  m.).  C'est  une  des  deux  stations  géodésiques  sur 
lesquelles  s'établirent  les  savants  qui  ont  opéré  en  1 879 
la  mémorable  jonction  de  l'Espagne  avec  l'Algérie  (V.  Fil- 
haoucen).  E.  Cat. 

FILAGE.  I.  Filature. — Le  filage  est  la  dernière  des  opé- 
rations de  la  filature,  par  laquelle  les  rubans  ou  les  mèches 
formés  dans  la  préparation  sont  transformés  en  fils  en  subis- 
sant un  dernier  amincissement  par  étirage,  et,  en  recevant 
immédiatement  après  une  torsion  par  suite  de  laquelle  les 
fibres  s'enroulant  les  unes  autour  des  autres,  se  lient  in- 
variablement entre  elles.  Pendant  toute  l'antiquité  et  le 
moyen  âge  le  filage  s'est  fait  simplement  au  moyen  d'un 
fuseau  servant  d'abord  à  tordre  le  fil  que  la  fileuse  for- 
mait entre  ses  doigts,  puis  à  le  ren vider  chaque  fois  qu'une 
certaine  longueur  avait  été  produite.  Vers  le  milieu  du 
xvie  siècle,  on  inventa  le  rouet,  premier  métier  à  filer, 
muni  d'une  seule  broche  que  l'ouvrière  mettait  en  mouve- 
ment avec  son  pied,  et  à  laquelle  était  fixée  une  ailette 
qui  en  tournant  produisait   la  torsion  du   fil,*  toujours 
formé  par  les  doigts  de  la  fileuse,  en  même  temps  qu'elle 
enroulait  ce  fil,  à  mesure  de  sa  production,  sur  une  bobine 
placée  librement  sur  la   broche  et   entraînée  par  lui. 
C'est  dans  la  seconde  moitié  du  siècle  dernier,  et  tout 
d'abord  en  vue  du  travail  du  coton  que,  par  suite  des 
inventions  des  Kay,  Hargraves,  Arkwright  et  autres  l'on 
arriva  à  établir  de  véritables  machines,  munies  chacune 
de  quelques  broches  d'abord,  puis  de  plusieurs   centaines 
de  ces  broches,  et  produisant  automatiquement  des  fils 
dont  la  finesse  et  la  régularité  put  bientôt  atteindre  puis 
dépasser  celle  que  fournissait  le  travail  à  la  main.  Ce  ré- 
sultat fut  obtenu  en  combinant  avec  les  métiers  à  filer  eux- 


mêmes  les  machines  de  préparation,  cardes,  étirages, 
bancs  à  broches,  puis  plus  tard  les  peigneuses  et  leurs 
accessoires,  qui  toutes  se  développèrent  et  se  perfection- 
nèrent parallèlement,  pour  atteindre  peu  à  peu  la  perfec- 
tion avec  laquelle  elles  produisent  aujourd'hui  leurs  actions 
dans  nos  manufactures.  Le  principe  le  plus  fécond  qui 
agit  dans  presque  toutes  ces  machines  et  qui  permet  d'ob- 
tenir automatiquement  le  groupement,  le  redressement,  le 
parallélisme  et  la  bonne  répartition  des  fibres  si  délicates 
et  si  fines  dans  certaines  matières  textiles,  réside  dans 
l'application  et  l'emploi  judicieux  des  cylindres  produisant 
les  étirages,  lesquels  combinés  avec  les  doublages  per- 
mettent d'atteindre  les  résultats  vraiment  merveilleux 
quoiqu'ils  nous  semblent  tout  naturels  aujourd'hui. 

Dès  les  premières  inventions,  les  métiers  à  filer  se  rat- 
tachèrent à  deux  types  bien  distincts  qui  se  sont  dévelop- 
pés parallèlement  :  les  métiers  continus  et  les  métiers  ren- 
videurs.  Les  métiers  continus  sont  employés  exclusivement 
pour  la  filature  des  lins,  chanvres,  jutes  et  matières  ana- 
logues, généralement  pour  celle  des  schappes  et  autres 
déchets  de  soie  ;  quelquefois  dans  le  travail  des  laines 
longues,  ainsi  que  pour  le  retordage  des  laines  et  du  coton. 
Ils  dérivent  du  rouet,  et  se  composent  d'un  banc  d'étirage 
approprié  à  la  matière  dont  on  fait  usage,  en  avant  duquel 
sont  disposées  des  broches  munies  d'ailettes  qui  en  tour- 
nant produisent  la  torsion  des  fils,  en  même  temps  qu'elles 
les  renvident  sur  des  bobines  montées  librement  sur  les 
broches.  Dans  l'industrie  du  lin  et  des  matières  analogues 
le  filage  se  fait  au  sec,  c.-à-d.  en  opérant  sur  les  fibres 
telles  qu'elles  ont  été  fournies  par  les  machines  de  prépa- 
ration, ou  bien,  si  l'on  veut  dépasser  certaines  finesses, 
au  mouillé,  en  imbibant,  avant  de  les  étirer,  ces  fibres 
d'eau  chaude  pour  y  produire  une  décomposition  nouvelle 
en  fibres  plus  fines.  La  production  des  métiers  dépend  de 
la  vitesse  de  rotation  que  l'on  peut  donner  aux  broches,  et 
cette  vitesse,  en  raison  du  poids  des  ailettes  qui  chargent 
les  broches,  ne  peut  guère  dépasser  3,500  à  4,000  tours 
par  minute.  On  a  cherché  à  supprimer  les  ailettes,  et  l'on 
arriva  à  créer  le  type  des  métiers  continus  à  bagues  ou  à 
anneaux  (ring-throstle)  dont  un  spécimen  figurait  déjà  à 
l'Exposition  de  1855,  mais  qui  ne  se  répandit  que  plus 
tard  après  avoir  été  perfectionné  en  Amérique.  Les  bo- 
bines, autour  desquelles  s'enroulent  les  fils,  sont  entraînées 
par  les  broches  et  entraînent  à  leur  tour  un  petit  curseur 
dont  le  poids  est  proportionné  à  la  force  du  fil,  et  qui 
glisse  le  long  d'un  anneau  formant  une  sorte  de  rail  autour 
de  la  bobine  ;  le  fil  traversant  ce  curseur  reçoit  par  lui  sa 
torsion  et  s'enroule  autour  de  la  bobine  à  mesure  de  sa 
formation.  Ces  métiers  peuvent  être  employés  au  filage  des 
fils  assez  gros  et  fortement  tordus  de  coton  ou  de  laine, 
mais  conviennent  surtout  au  retordage  de  ces  matières  ; 
ils  n'ont  pas  pu  être  appliqués  jusqu'à  présent  au  travail 
du  lin,  dont  les  fils  trop  raides  et  rugueux  ne  glissent  pas 
dans  les  curseurs. 

Pour  les  fils  fins  ou  les  trames  peu  tordues  de  laine 
et  de  coton,  le  filage  se  fait  toujours  au  moyen  de 
métiers  renvideurs  qui  dérivent  directement  du  fuseau. 
Ils  se  composent  d'un  banc  d'étirage,  monté  sur  des 
bâtis  fixes,  appelés  porte-cylindres  ou  porte-système 
et  en  avant  duquel  se  trouve  un  chariot  monté  sur  roues 
et  capable  de  s'en  éloigner  et  de  s'en  rapprocher  alterna- 
tivement ;  le  long  de  ce  chariot  se  trouvent  réparties,  en 
une  seule  rangée,  les  broches,  dont  le  nombre  varie  ordi- 
nairement de  500  à  4,000  et  même  1,200.  Pendant  la 
sortie  du  chariot,  dont  la  course  varie  de  lm50  à  lm60, 
il  se  forme,  à  chaque  broche,  une  égale  longueur  de  fil, 
qui  prend  le  nom  d'aiguillée,  et  pendant  sa  rentrée  ces 
aiguillées  se  renvident  en  bobines,  qui  se  forment  directe- 
ment sur  les  broches,  nues  ou  garnies  d'un  tube  de  papier 
comme  aie.  Les  mouvements  sont  donnés  aux  organes  du 
métier  par  des  mécanismes  renfermés  entre  des  bâtis, 
constituant  la  têtière,  et  disposés,  perpendiculairement  à 
la  direction  des  cylindres  cannelés  qui  forment  le  banc 


445  — 


FILAGE  —  FILALI 


d'étirage  et  du  chariot,  vers  le  milieu  de  la  longueur  de  la 
machine.  Ces  mécanismes  varient  de  formes  et  de  disposi- 
tion suivant  les  constructeurs,  mais  déterminent  toujours 
l'évolution  du  métier  qui  se  compose  des  trois  périodes 
suivantes  : 

La  première  période  correspondant  à  la  formation  des 
fils  se  décompose  elle-même,  dans  les  métiers  les  plus  com- 
plets, en  trois  parties,  savoir  :  1°  sortie  du  chariot,  pen- 
dant laquelle  les  cylindres  cannelés  tournent  pour  livrer 
les  fils,  les  broches  tournent  pour  leur  donner  la  torsion, 
et  le  chariot  sort  pour  les  maintenir  régulièrement  tendus. 
Les  mouvements  sont  réglés  de  manière  à  ce  que,  lorsque 
le  chariot  arrive  à  quelques  centimètres  de  l'extrémité  de 
sa  course,  les  fils  n'aient  reçu  qu'une  partie  de  leur  torsion 
de  telle  façon  que  les  fibres  qui  les  composent  puissent 
encore  glisser  les  unes  contre  les  autres  ;  il  se  produit 
alors:  2°  Y  étirage  supplémentaire  pour  lequel  les  cy- 
lindres cannelés  s'arrêtent  tandis  que  le  chariot  achève  sa 
course  et  que  les  broches  continuent  à  tourner.  Il  en  ré- 
sulte un  léger  allongement  des  fils  dans  les  parties  les 
plus  grosses  qui  ont  davantage  résisté  à  la  torsion,  et  par 
suite  une  régularisation  de  ces  fils  ainsi  qu'une  meilleure 
liaison  des  fibres  qui  les  composent.  Arrivé  au  bout  de  sa 
course,  le  chariot  s'arrête  et  il  se  produit  alors  :  3°  la 
torsion  complémentaire,  pour  laquelle  les  broches  seules 
continuent  à  tourner,  jusqu'à  ce  que  les  fils  aient  bien 
reçu  par  décimètre  le  nombre  de  tours  de  torsion  prévu. 
Comme  les  fils  sont  alors  à  peu  près  formés,  ils  sont  ca- 
pables de  résister  à  des  vibrations  plus  grandes,  et,  pour 
obtenir  le  degré  de  torsion  nécessaire  plus  rapidement,  on 
peut  alors  accélérer  la  vitesse  des  broches,  qui  atteint 
ordinairement  par  minute  environ  5,000  tours  pendant  les 
deux  premières  parties  et  7,000  pendant  la  troisième. 
Les  métiers  présentant  ce  dispositif  sont  dits  à  double  vi- 
tesse. Pour  que  les  broches,  en  tournant,  produisent  la 
torsion  des  fils,  il  faut  qu'elles  soient  disposées  de  manière 
à  ce  que  leurs  axes  fassent  des  angles  obtus  avec  les 
directions  que  suivent  les  fils  en  se  rendant  des  cylindres 
cannelés  à  leurs  pointes.  Au  moment  où  la  sortie  du  cha- 
riot commence  à  se  produire,  ces  fils  aboutissent  au  point 
de  la  broche  où  s'est  achevé  le  renvidage  de  l'aiguillée 
précédente,  et  commencent  tout  d'abord  par  s'enrouler  sur 
la  partie  supérieure  des  broches,  depuis  ce  point  jusqu'à 
leur  pointe.  Avant  d'opérer  le  renvidage  de  l'aiguillée,  on 
est  obligé  de  commencer  par  dérouler  ces  tours  et  d'effec- 
tuer :  la  deuxième  période,  dépointage  ou  détour,  pour 
laquelle,  le  chariot  étant  arrêté  au  bout  de  sa  course,  les 
broches  se  mettent  à  tourner  en  sens  inverse,  tandis  qu'un 
nouvel  organe,  la  baguette,  qui  servira  à  guider  les  fils 
pendant  le  renvidage,  entre  en  action  en  se  maintenant 
toujours  en  face  du  point  de  la  broche  d'où  les  fils  se  dé- 
roulent. Cette  baguette  est  formée  simplement  par  un  fil 
de  fer  tendu  horizontalement  au-dessus  de  tous  les  fils. 
En  même  temps,  un  autre  fil  de  fer  semblable,  constituant 
la  contre-baguette,  et  passant  au-dessous  de  ces  fils,  se 
relève  sous  l'action  de  contrepoids,  maintient  les  fils  tendus 
et  emmagasine  entre  elle  et  la  baguette  les  longueurs  qui 
se  déroulent.  Aussitôt  que  le  dépointage  est  achevé,  com- 
mence la  troisième  période,  rentrée  du  charioiou  renvi- 
dage. Le  chariot  rentre  vers  les  porte-cylindres  d'un 
mouvement  qui  s'accélère  pendant  la  première  moitié  de  la 
course  pour  se  ralentir  ensuite  de  manière  à  ce  que  l'arrêt 
se  fasse  sans  chocs  près  des  porte-cylindres.  Ce  mouve- 
ment du  chariot  détermine  par  le  barillet  et  le  secteur 
la  rotation  des  broches  qui  tournent  de  manière  à  en- 
rouler à  chaque  instant  les  longueurs  de  fil  rendues  libres 
par  la  marche  du  chariot  en  même  temps  que  la  baguette, 
sous  l'action  de  la  règle,  se  déplace  pour  répartir  dans  les 
conditions  voulues  les  tours  qui  s'enroulent.  Dès  que  le 
chariot  arrive  au  bout  de  sa  course  de  rentrée,  une  nou- 
velle évolution  semblable  commence  à  se  produire.  Dans 
les  premiers  métiers  à  filer,  qui  furent  longtemps  désignés 
sous  le  nom  de  mull-jenny,  la  sortie  du  chariot  se  faisait 


seule  ^  mécaniquement,  l'ouvrier  devant  intervenir  pour 
produire,  à  la  main,  le  dépointage  et  la  rentrée.  A  la  suite 
de  transformations  successives,  on  rendit  mécanique  aussi, 
dans  les  demi-renvideurs,  la  marche  du  chariot  pendant 
la  rentrée,  l'ouvrier  produisant  encore  à  la  main  le  dé- 
pointage et  le  mouvement  de  la  baguette.  C'est  vers  4850 
que  les  premiers  métiers  complètement  automatiques 
furent  établis  sous  les  noms  de  métiers  ren videurs,  auto- 
mates ou  self-actings,  et  depuis  lors  ils  n'ont  cessé  de  se 
perfectionner  en  vue  de  la  régularité  et  de  la  douceur  de 
leurs  actions.  p.  Goguel. 

II.  Marine.  —  Filage  de  l'huile  à  la  mer  (V.  Huile). 

FI  LAI  N.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Soissons, 
cant.  de  Vailly;  203  hab. 

FILAIN.  Corn,  du  dép,  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Vesoul,  cant.  de  Montbozon;  403  hab. 

FI  LAI  RE  (Zool.).  Le  genre  Filaria  O.  F.  Mûller  est  le 
type  de  la  famille  des  Filarides  (V.  Nématodes).  Il  comprend 
un  nombre  considérable  de  Vers  assez  disparates.  En  raison 
des  grandes  variations  que  présentent  les  Filaires,  il  est 
difficile  de  donner  une  diagnose  précise  du  genre  Filaria  ; 
on  peut  néanmoins  le  caractériser  ainsi  :  Nématodes  ayant 
le  corps  allongé,  filiforme,  la  bouche  petite,  l'œsophage 
étroit.  Le  mâle  a  la  queue  recourbée  ou  spiralée,  parfois 
munie  d'ailes  membraneuses  latérales  ;  il  a  presque  tou- 
jours quatre  papilles  préanales  et  un  nombre  variable  de 
papilles  postanales.  Chez  la  femelle,  la  vulve  s'ouvre  à  peu 
de  distance  de  la  bouche.  Ces  animaux  vivent  dans  les 
séreuses,  dans  Je  tissu  conjonctif,  sous  la  peau.  Le  déve- 
loppement n'est  connu  que  pour  un  très  petit  nombre 
d'espèces  ;  les  migrations  et  le  passage  par  un  hôte  inter- 
médiaire semblent  être  la  règle. 

Nous  avons  étudié  ailleurs  la  Filaria  medinensis 
(V.  Dracontiase)  et  la  F.  sanguinis  hominis  (V.  Fila- 
riose)  qui  sont  au  nombre  des  plus  dangereux  parasites 
de  l'homme.  Beaucoup  d'autres  espèces  encore  sont  impor- 
tantes au  point  de  vue  médical  ou  vétérinaire  ;  nous  ne 
pouvons  que  passer  rapidement  en  revue  les  principales. 

—  D'abord  chez  l'homme:  F.  inermis  Grassi  a  été  vu 
trois  fois  ;  dans  l'œil,  sous  la  conjonctive  et  dans  un  no- 
dule péritonéal  ;  F.  oculi  humani  von  Nordmann  (F.  len- 
tis  Dies.)  se  trouve  parfois  dans  le  cristallin  et  dans  le 
corps  vitré  ;  F.  loa  Guyot  s'observe  chez  les  habitants  du 
Gabon  et  du  Congo,  sous  la  conjonctive  ou  sous  la  peau  des 
mains  ;  F.  restiformis  Leidy,  F.  hominis  oris  Leidy, 
F.  labialis  Pane,  F.  lymphatica  (Treutler)  et  F.  roma- 
norum  orientalis  Sarcani  sont  des  espèces  moins  connues. 

—  Chez  les  animaux  domestiques  :  F.  medinensis  a  été 
vu  souvent  chez  le  Bœuf,  le  Cheval  et  le  Chien.  Ce  dernier 
animal  a  un  Hématozoaire  très  analogue  à  la  F.  sanguinis 
hommis,  la  F.  immitis  Leidy,  qui  abonde  en  Chine,  au 
Japon,  au  Brésil,  mais  existe  aussi  en  Europe  ;  les  Vers 
adultes  remplissent  les  cavités  du  cœur  ou  des  gros  vais- 
seaux, et  les  embryons  circulent  dans'  tout  le  sang  ;  on 
admet  encore  que  leur  propagation  se  fait  par  les  Mous- 
tiques. —  F.  equina  Abildgaard  (F.  papillosaRuà.)  habite 
la  cavité  péritonéale  du  Cheval,  parfois  aussi  la  plèvre  et 
l'arachnoïde  ;  ses  embryons  peuvent  passer  dans  tout  le 
corps  et  arriver  dans  les  cavités  de  l'œil.  —  F.  cervina 
Dujardin  (F.  terebra  Dies.)  se  comporte  de  la  même 
manière,  mais  est  parasite  du  Cerf  et  du  Bœuf. —  F.  hœ- 
morrhagica  Railliet  produit  des  boutons  hémorragiques 
sur  le  dos  et  les  flancs  des  Chevaux  de  Hongrie.—  F.  Osleri 
Cobbold  détermine  chez  le  Chien  une  bronchite  vermineuse 
très  grave,  souvent  épizootique. 

Bibl.:  R.  Blanchard, Traité  de  zoologie  médicale  ;  Paris, 
1885-90,  2  vol.  in-8.  —  G.  Neumann,  Traité  des  maladies 
parasitaires  non  microbiennes  des  animaux  domestiques; 
Paris,  1892,  in-8,  2°  éd.  —  A.  Railliet,  Eléments  de  zoolo- 
gie médicale  et  agricole  ;  Paris,  1886,  in-8. 

FILALI  (Brod.).  Cuir  dont  se  servent  les  Arabes  pour 
exécuter  des  broderies  avec  fils  d'or  et  d'argent.  C'est 
surtout  en  Algérie  et  en  Tunisie  que  se  fabriquent  les  objets 
en  filali  exportés  sur  le  continent. 


FILANGIEBI  —  FILARIOSE 


446 


FILANGIERI  (Gaetano),  né  à  Naples  le  18  août  1752, 
mort  le  21  juil.  1788,  l'un  des  publicistes  les  plus  dis- 
tingués de  l'Italie  au  xvme  siècle,  contemporain  du  comte 
Ferri,  de  Galiani,  de  Genovesi,  de  Beccaria,  représentant 
original  et  fidèle  de  la  grande  école  des  physioerates. 
On  lui  doit  La  Scienza  délia  legislazione  (Naples, 
1780-85,  7  vol.  in-8),  ouvrage  qui  a  exercé  une  grande 
influence  sur  le  développement  économique  et  juridique 
de  l'Italie.  La  première  partie  de  ce  traité  contenant  les 
règles  générales  de  la  législation  et  les  lois  politiques  et 
économiques,  est  la  meilleure  et  la  plus  connue.  Filangieri 
l'écrivit  à  vingt-huit  ans.  Aussi  s'est-il  borné  à  faire  con- 
naître et  à  propager  sous  une  forme  élégante  les  principales 
idées  des  grands  économistes  français.  Il  accepte  la  théorie 
du  produit  net  et  l'impôt  unique  sur  les  terres.  Il  combat 
les  impôts  indirects.  Il  repousse  les  droits  sur  l'importa- 
tion des  blés.  Il  réfute  Galiani.  A  ses  yeux,  l'agriculture 
est  la  principale  source  de  la  production,  surtout  en  Italie. 
Il  attribue  la  décadence  de  l'Espagne  à  l'excès  des  impôts 
indirects.  En  un  mot,  il  verse  dans  l'ornière  où  les  physio- 
erates se  sont  embourbés.  Aussi  Benjamin  Constant  l'a-t-il 
honoré  d'une  réputation  assez  médiocre.  L'ouvrage  de  Filan- 
gieri a  été  plusieurs  fois  traduit  en  français.  Onle  lit  encore 
avec  fruit.  Cet  ouvrage  valut  à  Filangieri  une  grande 
renommée  dont  il  ne  jouit  que  pendant  peu  d'années. 

E.  FOURNIER  DE  FlAIX. 

FILANGIERI  (Carlo),  prince  de  Satriano,  général  et 
ministre  napolitain,  né  à  La  Cava  le  10  mai  1784,  mort 
à  Portici  le  14  oct.  1867.  Agé  de  quatre  ans  à  la  mort  de 
son  père  Gaetano  (V.  ci-dessus),  Carlo  fut  élevé  par  sa 
mère,  femme  très  distinguée.  Forcé  de  s'expatrier  en  1799, 
il  vint  en  France,  fut  placé  par  le  premier  consul  au  Prytanée, 
en  sortit  sous-lieutenant,  et  conquit  le  grade  de  capitaine 
à  Austerlitz  (1805).  Il  prit  du  service  dans  son  pays  sous 
les  rois  français,  fut  envoyé  par  Murât  en  Espagne,  et  s'y 
rendit  célèbre  par  ses  duels  autant  que  par  ses  actions  d'éclat. 
En  1815,  colonel  d'état-major,  il  prit  une  part  brillante  à 
la  campagne  de  Murât  contre  l'Autriche,  se  comporta  hé- 
roïquement au  pont  du  Panaro,  où  il  fut  très  grièvement 
blessé,  et  fut  nommé  général.  Il  resta  dans  l'armée  après 
la  restauration  des  Bourbons.  En  1820,  jaloux  du  général 
Pepe,  il  louvoya  entre  la  cour  et  le  parti  constitutionnel. 
Il  n'en  tomba  pas  moins  en  disgrâce  comme  suspect  de 
libéralisme.  Ferdinand  II,  à  son  avènement,  le  rappela  et 
lui  confia  la  direction  du  génie  et  de  l'artillerie.  En  1848, 
il  reçut  le  commandement  de  l'expédition  contre  les  Sici- 
liens. C'est  lui  qui  bombarda  Messine  (sept.)  et  qui  fit 
rentrer  l'île  entière  sous  la  domination  napolitaine  (mai 
1849).  Lieutenant  du  roi  en  Sicile  jusqu'en  1855,  il  ren- 
tra alors  dans  la  vie  privée.  En  1859,  après  Magenta, 
François  II,  effrayé,  le  prit  pour  premier  ministre.  Mais, 
plus  préoccupé  de  lui-même  que  de  la  chose  publique, 
Filangieri  ne  fit  que  louvoyer  encore  et  ne  tarda  pas  à 
être  remplacé.  F.  H. 

FILAO  (Bot.)  (V.  Càsuarina). 

F1LAOUSEN  (V.  Filhaoucen). 

FI  LA  R  ETE  (Antonio  di  Pietro  Averulino,  dit  aussi 
Antonio  di  Firenzc,  et  surnommé),  architecte  et  sculpteur 
italien,  né  à  Florence  vers  1400,  mort  à  Rome  vers  1469. 
Il  travailla  d'abord  comme  tant  d'autres  aux  portes  du 
Baptistère,  sous  la  direction  de  Ghiberti.  On  ne  sait  rien 
d'autre  sur  ses  débuts  comme  sculpteur,  et  on  le  trouve 
tout  à  coup  chargé  par  le  pape  Eugène  IV  d'une  com- 
mande magnifique  dont  il  devait  se  montrer  fort  indigne  : 
les  grandes  portes  de  bronze  destinées  à  Saint-Pierre. 
Il  les  commença  vers  1439,  avec  des  collaborateurs  peu 
connus,  et  les  portes  furent  mises  en  place  en  1445. 
Elles  comprennent  quatre  grands  tableaux  et  quatre  plus 
petits  :  les  quatre  grands  représentent  le  Sauveur  et  la 
Vierge  sur  des  trônes,  saint  Paul  avec  le  glaive  et  saint 
Pierre  remettant  les  clefs  au  pape;  sur  les  petits  se 
[  déroulent  des  scènes  à  nombreux  personnages  :  le  mar- 
tyre des  deux  saints,  le  couronnement  de   l'empereur 


Sigismond,  et  deux  scènes  du  concile  de  Florence.  Dans 
une  des  bandes  qui  séparent  les  compartiments,  Filarete 
s'est  représenté  lui-même  partant  pour  une  partie  de  cam- 
pagne avec  ses  aides.  Il  a  même  eu  le  mauvais  goût  d'in- 
troduire dans  les  volutes,  d'ailleurs  très  lourdes,  de  la 
bordure,  les  sujets  les  plus  païens,  tels  que  des  bustes  d'em- 
pereurs, des  fables  d'Esope,  Hercule,  et  même  Léda  avec 
le  cygne.  On  reconnaît  bien  là  cet  admirateur  passionné  de 
l'antiquité  qui  avait  emprunté  à  la  Grèce  son  surnom  d'ami 
de  la  vertu  («ÏHXaps-cYfc).  L'œuvre  entière  est  une  faible 
imitation  de  Ghiberti,  sous  les  ordres  duquel  Filarete  avait 
travaillé  d'abord.  Les  reliefs  sont  surchargés  et  pourtant 
froids.  C'est  une  de  ces  œuvres  mortes  qu'a  produites  l'imi- 
tation servile  des  antiques,  quand  les  artistes  n'ont  pas 
consulté,  en  même  temps  que  les  modèles  d'autrefois,  la 
nature  et  les  sentiments  de  leur  temps.  On  connaît  encore 
de  Filarete  une  réduction  en  bronze  de  la  statue  équestre 
de  Marc-Aurèle  du  Capitole  (à  TAntiquarium  de  Dresde), 
qu'il  offrit  en  1465  à  Pierre  de  Médicis,  et  une  médaille 
de  facture  très  sèche  où  il  s'est  représenté  lui-même.  Son 
mausolée  du  Cardinal  de  Portugal  (mort  en  1447)  a  dis- 
paru au  xviie  siècle. 

D'ailleurs  Filarete  est  plus  célèbre  comme  architecte  que 
comme  sculpteur.  Accusé  en  1449  d'un  vol  de  reliques,  il 
dut  quitter  Borne  et  alla  se  mettre  au  service  des  Sforza,  à 
Milan.  Après  s'être  heurté  à  l'animosité  des  artistes  lom- 
bards, qui  l'empêchèrent  de  travailler  au  Dôme  et  au  palais 
ducal,  il  donna  enfin  les  plans  du  grand  hôpital.  Cet  édifice 
considérable  fut  commencé  d'après  le  principe  classique, 
avec  murs  massifs,  pilastres  et  pleins  cintres  ;  mais  Fila- 
rete n'en  put  exécuter  qu'une  des  ailes,  et  Guiniforte  Solari, 
qui  lui  succéda,  revint  pour  le  reste  de  la  construction  aux 
briques  et  à  l'ogive;  enfin  l'édifice  ne  fut  complètement 
terminé  qu'au  xvne  siècle  par  Bicchini.  Filarete  a  encore 
donné  des  plans  pour  le  Dôme  de  Bergame. 

Mais  son  œuvre  la  plus  curieuse,  sinon  la  plus  connue, 
est  ce  Traité  d'architecture,  en  vingt-cinq  livres,  qu'il 
écrivit  avant  1465.  Deux  manuscrits,  destinés  l'un  à 
F.  Sforza,  l'autre  à  Pierre  de  Médicis,  se  trouvent  à  la  bi- 
bliothèque de  Florence;  la  bibliothèque  de  l'Ecole  des 
beaux-arts  en  possède  une  copie.  C'est  une  sorte  de  roman 
touffu  et  précieux,  dont  l'événement  central  est  la  cons- 
truction d'une  cité  idéale  appelée  Sforzinda,  en  l'honneur 
des  Sforza.  On  y  trouve  le  même  mélange  de  christianisme 
et  de  paganisme  que  dans  les  portes  de  Saint-Pierre.  Les 
souvenirs  de  la  République  de  Platon  s'y  confondent  avec 
les  allégories  compliquées  du  moyen  âge  et  avec  les  rêves 
de  l'auteur  lui-même.  Il  y  montre  surtout  une  préoccupa- 
tion, curieuse  pour  l'époque,  de  rendre  l'art  didactique  et 
moral.  Son  architecte  doit  avoir  toutes  les  vertus,  et  son 
architecture  veut  les  inspirer.  E.  Bertaux. 

Bibl.  :  Perkins,  les  Sculpteurs  italiens,  I,  vi.  —  Rio, 
De  l'Art  chrétien,  III,  xix.— J.  Burckhardt,  Le  Cicérone. 
—  E.  Mùntz,  Histoire  de  Vart  pendant  la  Renaissance,  I, 
passim. 

FILARETE  (V.  Philarète). 

F1LARÈTES.  Société  polonaise  (V.  Philarètes). 

FI  LARGO  (Pietro)  (V.  Alexandre  V,  pape). 

FILARIOSE  (Méd.) . Maladie  causée  par  hFilaria  san- 
guinis  hominis  Lewis,  1872.  Ce  parasite  a  été  découvert 
à  Paris,  en  1863,  par  Demarquay.  Le  Ver  adulte  habite  les 
vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  de  l'homme,  ainsi  que 
les  cavités  du  cœur.  Il  est  d'aspect  capillaire,  blanc  opa- 
lin ;  le  mâle  mesure  83  millim.,  la  femelle  90  à  150millim. 
Celle-ci  pond  des  œufs  sans  coque,  entourés  d'un  simple 
chorion,  longs  de  18  à  25  (x,  larges  de  12  à  15  ku,  déjà 
plus  ou  moins  développés  au  moment  de  la  ponte.  Le  cours 
de  la  lymphe  les  entraîne,  et  leur  développement  se  pour- 
suit chemin  faisant.  Les  embryons  se  répandent  dans  tout 
le  sang;  ce  sont  des  animalcules  longs  de  125  à  300  fx, 
larges  de  7  à  11  [x,  sans  tube  digestif  ni  appareil  repro- 
ducteur. Chose  curieuse  !  on  ne  les  trouve  point  dans  la 
circulation  périphérique  pendant  le  jour,  ou  plutôt  pendant 
l'état  de  veille  ;  ils  ne  l'envahissent  que  pendant  la  nuit, 


447  — 


FILARIOSE  —  FILATURE 


ou  plutôt  pendant  le  sommeil  :  chaque  gouttelette  de  sang, 
extraite  d'un  point  quelconque  du  corps,  en  renferme  alors 
un  plus  ou  moins  grand  nombre.  Que  deviennent  donc  les 
embryons  pendant  l'état  de  veille  ?  La  Filaria  immitis 
Leidy ,  du  Chien,  a  des  mœurs  analogues  :  pendant  le  jour, 
s^s  embryons  s'accumulent  dans  les  gros  vaisseaux  du 
thorax  et  de  l'abdomen;  il  en  est  vraisemblablement  de 
même  pour  la  Filaire  du  sang  humain.  Du  sang,  les  em- 
bryons passent  ordinairement  dans  l'urine  et  diverses 
autres  sécrétions  telles  que  les  larmes  ;  mais  ils  sont  alors 
voués  à  une  mort  certaine  et  n'auront  aucune  occasion 
d'arriver  à  l'état  larvaire.  En  effet,  Manson  a  démontré  par 
d'ingénieuses  expériences  que  l'embryon  ne  peut  pour- 
suivre son  évolution  et  arriver  à  l'état  adulte,  s'il  n'est 
puisé  dans  les  vaisseaux  sanguins  par  un  animal  chez  lequel 
il  puisse  passer  sa  période  larvaire,  et  que  cet  hôte  inter- 
médiaire n'était  autre  que  le  Moustique. 

Les  pays  où  sévit  la  filariose  sont  infestés  de  légions  de 
Moustiques.  Dans  certaines  espèces,  dont  la  détermination 
zoologique  est  encore  insuffisante,  la  femelle  possède  une 
armature  buccale  assez  puissante  pour  percer  la  peau  hu- 
maine :  qu'elle  vienne  piquer  pendant  son  sommeil  un  indi- 
vidu  dont  le  sang  renferme  en   nombre   immense  les 
embryons  de  la  Filaire,  ceux-ci  passeront  dans  le  tube 
^igestif  de  l'Insecte  en  même  temps  que  le  sang  aspiré  et, 
protégés  par  leur  cuticule  chitineuse,  ils  continueront  d'y 
vivre  et  de  s'y  développer.  Qu'on  ne  croie  pas  qu'il  s'agisse 
là  d'une  migration  insignifiante,  intéressant  tout  au  plus 
quelques  embryons  :  l'estomac  d'un  Moustique  qui  vient  de 
se  gorger  de  sang  contient  jusqu'à  cent  embryons,  parfois 
même  davantage  !  Leur  nombre  est  si  considérable  que  tous 
ne  poursuivent  point  leur  évolution  et  que  la  plupart  meu- 
rent et  sont  évacués.  Mais  que  deviennent  ceux  qui  per- 
sistent? Une  fois  qu'elle  est  repue,  la  femelle  du  Moustique 
se  retire  en  quelque  endroit  abrité  pour  y  digérer  à  l'aise  : 
les  matières  digérées  servent  à  l'élaboration  des  œufs .  Au 
bout  de  quelques  jours,  quand  ceux-ci  sont  prêts  à  être 
pondus,  l'Insecte  gagne  le  voisinage  d'une  mare  ou  d'un 
ruisseau;  il  y  effectue  sa  ponte,  puis,  celle-ci  achevée, 
tombe  dans  l'eau  et  meurt.  Cependant,  les  embryons  de  la 
Filaire  ont  grandi  ;  ils  ont  subi  plusieurs  mues  successives 
et  sont  ainsi  arrivés  à  l'état  larvaire.  Cet  état  est  para- 
chevé au  moment  même  où  le  Moustique  se  noie  dans  le 
ruisseau  auquel  il  vient  de  confier  sa  ponte  :  les  larves 
abandonnent  alors  le  cadavre  de  leur  hôte  et  s'échappent 
en  nageant  au  sein  des  eaux.  Elles  sont  capables  de  mener 
cette  existence  libre  et  indépendante  pendant  assez  long- 
temps et  ont,  par  conséquent,  l'occasion  d'arriver  un  jour 
ou  l'autre  dans  le  tube  digestif  de  l'homme  avec  l'eau  de 
boisson.  De  l'intestin,  elles  passent  dans  les  vaisseaux  lym- 
phatiques et  sanguins  où  elles  s'arrêtent  définitivement  et 
accomplissent  leur  dernière  métamorphose,  qui  les  conduit 
à  l'état  adulte. 

Telles  sont  les  curieuses  migrations  de  la  Filaria  san- 
guinis  hominis.  Nous  devons  rechercher  maintenant  en 
quoi  consiste  la  maladie  causée  par  ce  parasite.  La  filariose 
se  présente  sous  deux  aspects  très  divers,  considérés  long- 
temps comme  deux  maladies  n'ayant  entre  elles  aucun  rap- 
port, et  qu'il  convient  d'étudier  à  part  :  l'hématurie  inter- 
tropicale et  l'éléphantiasis  des  Arabes.  L'urine  reste  rarement 
normale,  mais  présente  un  aspect  laiteux  ou  chyleux  carac- 
téristique, qui  a  valu  à  la  maladie  les  noms  de  chylurie, 
à'hématochylurie  endémique  des  pays  chauds,  d'hé- 
maturie intertropicale,  etc.  Dans  la  chylurie,  l'urine 
renferme,  en  outre  de  ses  principes  constitutifs  habituels, 
une  émulsion  graisseuse  que  l'éther  permet  d'en  séparer  ; 
dans  l'hématochylurie,  une  quantité  variable  de  sang  vient 
encore  s'ajouter  à  l'émulsion  des  matières  grasses.  Une 
semblable  urine  renferme  des  embryons  :  elle  contient  en 
outre  assez  de  fibrine  pour  se  prendre  en  gelée  après  son 
exposition  à  l'air,  ou  du  moins  pour  déposer  au  fond  du 
vase  des  caillots  dans  lesquels  on  aura  chance  de  trouver 
e  parasite.  Celui-ci  peut  se  rencontrer  encore  dans  d'autres 


humeurs  de  l'organisme  :  dans  l'hydrocèle  chyleuse,  dans 
l'ascite  chyleuse,  etc.  Les  Vers  adultes  et  les  embryons  qui 
circulent  dans  les  vaisseaux  lymphatiques  peuvent  s'accu- 
muler à  eux-mêmes  et  s'agglutiner  avec  les  leucocytes,  de 
manière  à  former  une  masse  qui  obstrue  le  vaisseau  en  un 
certain  point  de  son  parcours,  par  exemple  au  niveau  d'un 
ganglion.  Le  cours  de  la  lymphe  se  trouve  ainsi  suspendu 
dans  tous  les  vaisseaux  afférents  ;  ceux-ci  se  distendent, 
puis  finissent  par  se  rompre.  Si  le  fait  se  produit  pour  les 
chylifères,  l'ascite  chyleuse  en  est  la  conséquence.  L'obs- 
truction du  canal  thoracique  ou  de  quelqu'un  de  ses  gros 
troncs  d'origine  est  tout  aussi  possible.  Il  en  résulte  une 
stase  lymphatique  dans  tout  le  territoire  situé  en  amont,  - 
d'où  reflux  du  chyle  vers  divers  organes,  autant  que  le 
permettent  les  valvules,  et  ruptures  vasculaires  dans  le 
rein,  dans  la  vessie,  dans  le  péritoine  ou  dans  les  tuniques 
du  testicule,  suivant  le  point  qui  présente  la  moindre  ré- 
sistance. Les  parasites  venant  à  poursuivre  leur  migration, 
la  lymphe  reprend  son  cours  et  tout  rentre  dans  l'ordre, 
jusqu'à  ce  que  la  même  cause  amène  les  mêmes  accidents. 
On  peut  donc  comprendre  de  la  sorte  l'intermittence  de  la 
chylurie.  Quant  à  l'hématurie,  elle  peut  tenir  à  l'arrêt  des 
embryons  dans  les  capillaires  du  rein  ou  de  la  vessie. 
D'après  ce  qui  vient  d'être  dit,  le  diagnostic  de  l'hématurie 
intertropicaie  sera  très  simple  :  il  suffit  d'examiner  au 
microscope,  soit  les  urines,  soit  le  sang  du  malade  (pendant 
le  sommeil);  la  présence  des  embryons  dans  ces  liquides 
distingue  nettement  cette  affection  des  autres  hématuries, 
non  parasitaires  ou  parasitaires,  comme  la  bilharziose 
(V.  Bilharzie). 

L'éléphantiasis  des  Arabes,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  l'éléphantiasis  des  Grecs,  diffère  notablement  de  l'hé- 
matochylurie. L'hypertrophie  tégumentaire ,  qui  en  est  la 
caractéristique  essentielle,  atteint  souvent  des  dimensions 
colossales  :  on  connaît  des  cas  sans  nombre  d'individus 
dont  les  membres  inférieurs  avaient  acquis  littéralement  le 
volume  d'un  pied  d'éléphant,  ou  dont  le  scrotum,  mons- 
trueusement hypertrophié,  traînait  jusqu'à  terre  et  oppo- 
sait à  la  marche  un  sérieux  obstacle.  Ces  lésions  organiques 
singulières  résultent  d'une  dilatation  énorme  du  réseau 
lymphatique  sous-cutané,  déterminée  elle-même  par  des 
Filaires  qui  ont  obstrué  les  vaisseaux  lymphatiques.  Il  en 
résulte  donc  des  varices  lymphatiques  qui  crèvent,  soit 
dans  la  profondeur,  soit  à  la  surface  de  la  peau  :  la  lymphe 
qui  s'en  échappe  renferme  habituellement  des  embryons, 
parfois  même  des  Filaires  adultes  ;  c'est  précisément  dans 
un  abcès  lymphatique  du  bras,  puis  dans  un  hydrocèle  du 
cordon  spermatique,  que  Bancroft  découvrit  en  Australie, 
en  1876,  les  premiers  Vers  adultes.  Cette  théorie  parasi- 
taire de  l'éléphantiasis  des  Arabes,  que  nous  ne  faisons 
qu'esquisser,  a  été  défendue  par  Manson,  mais  rencontre 
encore  à  l'heure  présente  bien  des  contradicteurs.  Disons 
toutefois  que  la  coexistence  de  l'hématurie  et  de  l'éléphan- 
tiasis chez  un  même  malade  n'est  pas  rare  ;  que  ces  deux 
états  morbides  ont  identiquement  la  même  distribution  géo- 
graphique et  que,  dans  l'un  comme  dans  l'autre,  on  peut 
constater  la  présence  de  la  Filaire ■. 

La  filariose  est  répandue  dans  toute  la  zone  intertropi- 
cale, en  Asie,  en  Afrique,  en  Amérique  et  en  Océanie.  Elle 
dépasse  même  cette  zone  pour  se  répandre  au  N.  jusque 
dans  le  delta  du  Nil  et  dans  le  S.  du  Japon;  au  S.,  jus- 
qu'à Buenos  Aires.  —  La  chirurgie  intervient  avec  succès 
contre  l'éléphantiasis,  mais  jusqu'à  présent  la  médecine  est 
à  peu  près  impuissante  contre  l'hématurie  :  le  temps  et 
l'éloignement  des  pays  infestés  sont  les  deux  principaux 
facteurs  sur  lesquels  il  est  permis  de  compter. 

FILASSE  (Filât.).  On  désigne  souvent  sous  le  nom  de 
filasse  les  fibres  brutes  du  lin  ou  du  chanvre  ou  des 
autres  textiles  analogues,  telles  qu'on  les  obtient  à  la 
suite  des  opérations  du  rouissage  et  du  teillage. 
FILASSIER  (V.  Fillassier). 
FILASTRE(V.  Fillastre). 
FILATURE.  Les  matières  textiles  au  moyen  desquelles 


FILATURE 


448  - 


on  produit,  dans  les  filatures,  les  fils  qui  entrent  dans  la 
composition  des  tissus,  ou  qui  sont  employés  pour  la  cou- 
ture ou  pour  différents  autres  usages,  sont  connues  de  tout 
le  monde.  Elles  sont  :  4°  la  soie  produite  par  la  chenille 
du  bombyx  du  mûrier  et  quelques  autres  insectes  du  même 
genre;  2°  la  laine  provenant  de  la  toison  du  mouton, 
ainsi  que  les  poils  de  quelques  autres  animaux,  chameau, 
alpaga,  vigogne,  certaines  chèvres,  etc.  ;  3°  le  coton, 
formé  par  un  duvet  qui  à  maturité  enveloppe  la  graine  du 
cotonnier  ;  4°  le  lin,  le  chanvre,  le  jute,  la  ramie,  extraites 
des  tiges  des  plantes  portant  le  même  nom,  et  quelques 
autres  fibres  analogues  ;  5°  l'amiante  ou  asbeste,  d'origine 
.  minérale  et  d'un  emploi  très  restreint  au  point  de  vue  du 
tissage.  En  outre,  il  entre  quelquefois  dans  la  composition 
de  certains  tissus  du  caoutchouc  ou  des  fils  métalliques 
qui  sont  formés  par  les  procédés  spéciaux  de  la  tréfilerie. 
Le  terme  de  filature  ne  s'applique  qu'à  la  fabrication  des 
fils  obtenus  au  moyen  des  matières  que  nous  avons  énu- 
mérées  ci-dessus,  et  sur  lesquels  on  trouvera  tous  les  ren- 
seignements aux  articles  correspondants.  La  soie  seule  se 
trouve,  dans  les  cocons  du  ver  à  soie,  à  l'état  d'un  véritable 
fil,  que  l'on  peut  retirer  d'une  manière  continue,  après 
avoir  amolli  le  grès,  c.-à-d.  la  matière  gommeuse  qui  l'en- 
duit, en  plongeant  le  cocon  dans  de  l'eau  chaude.  Les  fils 
grèges  s'obtiennent  par  un  simple  dévidage,  en  réunissant 
ensemble  plusieurs  brins  qui  se  collent  entre  eux.  Les  fils 
industriels  sont  formés  de  plusieurs  fils  grèges,  moulinés, 
c.-à-d.  tordus  sur  eux-mêmes  puis  retordus  entre  eux,  et 
suivant  le  degré  de  torsion  qu'on  leur  a  donné  ils  prennent 
dans  l'industrie  les  noms  d'organsin,  trame,  poil,  etc. 
Dans  la  partie  extérieure  des  cocons,  le  fil  se  trouve 
disposé  irrégulièrement  et  ne  peut  pas  être  dévidé  comme 
il  vient  d'être  dit;  il  en  est  de  même  d'un  certain  nombre 
de  cocons  défectueux,  dans  lesquels  deux  chenilles  se  sont 
trouvées  réunies,  ou  dont  les  chenilles  sont  mortes,  etc. 
Les  fils  qui  composent  ces  parties  sont  déchirés  et  réduits 
en  fibres  courtes  qui  prennent  le  nom  de  frisons.  Ces  fri- 
sons, de  même  que  les  autres  matières  textiles,  laine,  co- 
ton, lin,  etc.,  se  présentent  donc  à  l'état  de  fibres  fines  et 
courtes,  au  moyen  desquelles  doivent  être  confectionnés 
les  fils.  Le  travail'  du  filage  à  la  main  n'est  plus  qu'une 
exception,  et  se  fait  au  moyen  du  rouet,  ou  quelquefois 
même  encore  en  se  servant  simplement  d'un  fuseau  (V.  ces 
mots).  En  général,  il  se  fait  mécaniquement,  dans  les  fila- 
tures, dont  tout  le  matériel  est  mis  en  mouvement  par  des 
machines  à  vapeur  ou  des  moteurs  hydrauliques. 

On  trouvera  des  détails  statistiques  sur  l'importance  des 
filatures  aux  art.  Soie,  Laine,  Coton,  Lin,  etc.  Nous  ne 
voulons  donner  ici  qu'un  aperçu  de  l'ensemble  des  opéra- 
tions qui  sont  nécessaires  pour  arriver  à  la  formation  des 
fils,  qui,  grâce  à  la  perfection  des  machines  dont  on  fait 
usage,  atteignent  une  régularité  parfaite,  et  souvent  une 
très  grande  finesse.  Ces  opérations,  après  la  récolte 
des  matières  premières,  ont  pour  but  successivement  : 
4°  d'épurer  les  fibres  et  de  les  débarrasser  des  matières 
étrangères  ;  2°  de  démêler  ces  fibres  et  de  les  isoler  les 
unes  des  autres  ;  3°  de  les  grouper  en  rubans  et  de  bien 
régulariser  ces  rubans,  au  point  de  vue  de  leur  grosseur 
et  de  la  disposition  des  fibres;  4°  d'amincir  graduelle- 
ment ces  rubans  ;  5°  enfin  de  les  transformer  en  fils  en 
les  amincissant  encore  et  en  les  tordant.  Les  procédés 
par  lesquels  on  arrive  à  épurer  les  fibres  et  à  les  débar- 
rasser de  toutes  les  matières  étrangères  qui  peuvent  s'y 
trouver  mélangées  varient  suivant  les  matières  textiles  et 
la  nature  des  impuretés  qu'elles  contiennent.  Pour  des 
déchets  de  soie,  la  laine  et  les  autres  poils  d'animaux, 
cette  première  préparation  consiste  dans  des  actions  chi- 
miques et  des  lavages  ayant  pour  but  d'enlever  le  grès 
ou  le  suint  qui  enduisent  les  fibres,  en  même  temps  que 
les  autres  matières  de  toutes  natures  qui  ont  pu  se  mêler 
à  la  laine  pendant  sa  croissance.  Quant  au  coton,  les  fibres 
sont  d'abord  détachées  des  graines  sur  les  lieux  de  pro- 
duction par  l'égrenage,  puis,  au  moment  de  sa  mise  en 


œuvre  dans  les  filatures,  il  subit  des  battages  qui  tout  en 
rendant  aux  fibres  leur  élasticité,  en  dégagent  les  pous- 
sières et  les  débris  de  graines  et  de  feuilles  qui  s'y  trouvent 
encore  mélangés.  Le  lin,  ainsi  que  les  matières  analogues, 
chanvre,  jute,  ramie,  etc.,  est,  après  enlèvement  des  graines 
sur  les  lieux  de  production,  soumis  au  rouissage  et  au 
teillage  par  lesquels  la  filasse  est  détachée  des  tiges, 
puis,  dans  les  filatures,  il  est  peigné  au  moyen  de  ma- 
chines munies  d'aiguilles  qui  divisent  les  lanières  d'écorce 
qui  constituaient  cette  filasse,  en  les  refendant  dans  le 
sens  de  leur  longueur,  pour  leur  faire  acquérir  une  finesse 
convenable  ;  en  même  temps  les  débris  de  bois,  les  pelli- 
cules de  l'épiderme  et  les  matières  étrangères  de  toutes 
sortes  sont  éliminées  aussi  complètement  que  possible. 

Pendant  ce  travail,  une  quantité  assez  notable  de  fibres 
sont  brisées  et  arrachées  en  désordre,  et  constituent  les 
étoupes  qui  servent  à  fabriquer  des  fils  de  qualités  infé- 
rieures ou  qui  sont  employées  pour  différents  usages.  Pour 
la  laine,  les  cotons  moyens  et  fins,  et  quelquefois  mais  ra- 
rement pour  les  étoupes  de  lin,  ce  premier  travail  d'épu- 
ration est  complété,  après  cardage,  par  le  peignage  qui 
achève  d'enlever  toutes  les  matières  étrangères  et  qui  en 
outre  élimine  les  duvets  et  les  fibres  trop  courtes.  Pendant 
ces  opérations  préparatoires,  les  fibres  des  lins  et  des  ma- 
tières analogues  seules  ont  pu  être  conservées  dans  un 
ordre  régulier  et  bien  rangées  les  unes  à  côté  des  autres  ; 
pour  toutes  les  autres  matières,  y  compris  les  étoupes, 
leurs  fibres  se  sont  mêlées  en  désordre  et  enchevêtrées  les 
unes  avec  les  autres.  Avant  de  pouvoir  les  grouper  comme 
elles  doivent  l'être  dans  les  fils,  il  faut  les  démêler  et  les 
séparer  complètement  les  unes  des  autres.  Ce  résultat  est 
fourni  par  le  cardage  qui  en  même  temps  achève  le  net- 
toyage. La  matière  cardée  est  rendue  par  les  cardes  sous 
forme  de  nappes  très  minces  qui  se  condensent  en  rubans, 
sortes  de  boudins,  ayant  environ  la  grosseur  d'un  doigt, 
et  dans  lesquels  les  fibres  sont  réunies  plus  ou  moins  en 
désordre,  mais  bien  séparées  et  n'ayant  d'autre  liaison 
que  l'adhérence  qu'elles  possèdent  naturellement  les  unes 
pour  les  autres.  Il  faut  redresser  et  paralléliser  ces  fibres, 
et  les  étendre  toutes  suivant  la  longueur  des  rubans.  Les 
étirages  répétés  un  nombre  convenable  de  fois  produisent 
cette  action,  mais  en  conservant  aux  rubans,  par  suite 
des  doublages,  très  sensiblement  leur  grosseur  initiale. 
Pour  amincir  les  rubans,  et  leur  faire  atteindre  la  finesse 
que  doit  présenter  le  fil,  on  continue  à  les  étirer,  sans  les 
doubler  ou  avec  de  faibles  doublages,  mais  en  ayant  soin  de 
les  consolider,  dans  la  filature  de  la  laine  peignée,  en  les 
roulant  sur  eux-mêmes  au  moyen  de  frottoirs  adaptés  aux 
bancs  d'étirage,  souvent  aussi  nommés  bobinoirs,  et  pour 
les  autres  matières,  et  quelquefois  aussi  pour  les  laines 
longues,  en  leur  donnant  une  légère  torsion  au  moyen  de 
bancs  a  broches.  Dans  ces  machines  il  se  trouve,  en 
avant  du  banc  d'étirage,  des  broches,  munies  d'ailettes 
donnant  aux  rubans,  qui  prennent  alors  le  nom  de  mèches, 
leur  torsion,  et  guidant  ces  mèches  sur  des  bobines  ani- 
mées d'un  mouvement  propre  de  rotation  autour  des 
broches  qui  leur  servent  d'axes,  pour  les  y  emmagasiner 
en  les  enroulant  au  tour  d'elles.  Suivant  les  cas,  les  mèches 
subissent  un  seul  ou  plusieurs  passages  à  travers  des  ma- 
chines semblables  pour  s'amincir  dans  une  certaine  mesure 
à  chacun  d'eux  et  acquérir  ainsi  une  finesse  suffisante. 

Vient  enfin  le  filage  qui  s'effectue,  pour  le  lin,  toujours 
au  moyen  de  métiers  à  filer  continus,  tantôt  au  sec,  tan- 
tôt au  mouillé,  et  pour  les  autres  matières  quelquefois 
aussi  par  métiers  continus,  mais  plus  souvent,  surtout 
pour  le  coton,  à  l'aide  de  métiers  renvideurs,  qui  sont 
seuls  capables  de  produire  les  fils  fins,  peu  tordus  et  peu 
résistants  dont  a  souvent  besoin  le  tissage.  Dans  la  fila- 
ture des  fils  de  laine  cardée,  destinés  à  la  fabrication  des 
draps  et  autres  tissus  foulés,  il  faut  éviter  toutes  les  ac- 
tions qui  pourraient  faire  perdre  aux  fibres  la  propriété 
qu'elles  ont  de  se  feutrer,  et  spécialement  celle  des  cy- 
lindres produisant  des  étirages.  Le  travail  est  restreint, 


—  449 


FILATURE  —  FILET 


après  les  lavages,  à  des  cardages  répétés,  à  la  suite  des- 
quels la  nappe  mince  sortant  de  la  dernière  carde  est  divi- 
sée en  un  grand  nombre  de  petites  mèches  fines,  au  moyen 
desquelles  on  alimente  le  métier  à  filer,  toujours  du  type 
mull-jenny  ou  renvideur,  qui  produit  un  dernier  amincis- 
sement de  ces  mèches  en  exerçant  une  traction  dans  le  sens 
de  leur  longueur.  Dans  l'état  actuel  de  l'industrie,  les  fila- 
tures constituent  des  usines  atteignant  souvent  une  impor- 
tance considérable  ;  on  trouvera  aux  art.  Coton,  Laine, 
Lin,  etc.,  des  données  sur  les  nombres  de  broches  et  le 
développement  de  ces  établissements  pour  chacun  de  ces 
textiles,  et  aux  différents  mots  auxquels  nous  avons  ren- 
voyé des  détails  plus  complets  sur  les  mécanismes  et  les 
machines  dont  on  y  fait  usage.  P.  Goguel. 

FILBERT  (Saint),  Filbertus  ou  Philibertus,  né  en 
Gascogne,  mort  vers  684.  En  650,  il  était  abbé  de  Saint- 
Rebais  en  Brie,  succédant  à  saint  Agile  ou  Aile.  Vers  654, 
il  fonda  l'abbaye  de  Jumièges.  Ebroïn,  maire  du  palais, 
irrité  de  ses  remontrances,  l'accusa  calomnieusement  au- 
près de  saint  Ouen,  qui  le  fit  emprisonner.  Dès  qu'il  eut 
recouvré  la  liberté,  Filbert  se  retira  dans  le  diocèse  de  Poi- 
tiers, où  il  fonda  les  monastères  de  Noirmoutier  et  de 
Quinçay. 

FILDES  (Lucas),  peintre  anglais,  né  à  Londres  en  oct. 
1844.  Après  avoir  fait  ses  premières  études  à  l'école  du 
South  Kensington,  il  se  mit  à  illustrer  plusieurs  journaux, 
notamment  le  London  Graphie  et  le  Cornhill  Maga- 
zine. Il  fit  aussi  de  nombreuses  illustrations  pour  les  der- 
nières publications  de  Dickens.  Membre  de  la  Royal  Aca- 
demy  de  Londres  depuis  1879,  il  ne  cesse  de  produire  des 
œuvres  d'une  valeur  inégale,  mais  dont  plusieurs  ont  été 
remarquées  dans  les  expositions  internationales.  Fildes 
excelle  surtout  dans  la  peinture  de  genre  ;  ses  compo- 
sitions dénotent  un  talent  d'observation  peu  ordinaire  et 
sont  parfois  d'une  vérité  saisissante.  A  citer  dans. son 
œuvre  :  Pauvres  dema?idant  un  asile  pour  la  nuit  à 
la  police  (1874),  le  Veuf(i816),  les  Compagnons  de 
jeu  (1877),  etc.  '  F.  T. 

FILE  (Art  milit.).  Une  file  est  formée  de  deux  ou  de 
plusieurs  soldats  placés  l'un  derrière  l'autre.  La  juxtapo- 
sition des  files  constitue  les  rangs  d'une  troupe.  Les  files 
n'ont  cessé  de  s'appauvrir  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos 
jours.  Dans  la  phalange  grecque,  la  file  ou  lochos  com- 
prenait jusqu'à  seize  hommes.  Dans  la  légion  romaine, 
plus  mobile,  le  nombre  d'hommes  dans  la  file  ne  dépasse 
pas  dix.  Chez  nous  l'infanterie  placée  encore  sur  six  rangs 
au  xvne  siècle  n'en  compte  plus  que  deux  aujourd'hui, 
après  avoir  vu  progressivement  diminuer  la  profondeur 
de  ses  formations .  L'homme  du  premier  rang  est  un  chef 
de  file,  et  on  appelle  serre-file  les  officiers  et  sous-offi- 
ciers placés  en  arrière  des  rangs. 

FILELFO  (V.  Philelphe). 

F1LENIUS  (Petrus),  évêque  et  érudit  suédois,  né  à 
Rœdinge  (Skanie)  le  26  avr.  1704,  mort  à  Linkœping  le 
2  juin  1780.  Adjoint  (1731),  secrétaire  (1732)  et  pro- 
fesseur (1735)  à  l'université  d'Âbo,  il  dut  se  réfugier  en 
Suède  pendant  l'invasion  russe  (1742)  et  devint  professeur 
de  langues  orientales  à  Lund.  Comme  il  avait  été  ordonné 
prêtre  et  promu  docteur  en  théologie  (1740),  il  fut  nommé 
prévôt  de  la  cathédrale  de  Linkœping  (1744),  puis  évêque 
(1761)  de  ce  diocèse,  au  gymnase  duquel  il  légua  sa  belle 
bibliothèque  (1776).  Membre  de  la  Diète,  de  1746  à  1771, 
il  fut  trois  fois  président  de  son  ordre  (1761, 1765, 1769). 
Parmi  ses  thèses  et  programmes  il  faut  citer  :  Sacra  pon- 
tificiorum  gentilitia  (Âbo,  1740)  ;  Vindiciœ  lingua- 
rumorientalium  (ib. ,  1740).  Dans  sa  Mythologia  arctoa, 
inédite,  il  fut  le  premier  à  comparer  l'odinisme  au  drui- 
disme.  Beauvois. 

FILÉS  (Sons)  (V.  Chant). 

FILET.  I.  Technologie.  —  Les  filets  se  fabriquent  soit 

à  la  main,  soit  a  la  mécanique.  Ceux  dont  la  fabrication  diffère 

le  plus  sont  le  filet  de  pèche  et  le  filet  de  carnassière.  Les 

instruments  nécessaires  pour  faire  le  filet  de  pêche  à  la  main 

grande  encyclopédie.  —  XVII. 


sont  au  nombre  de  deux  :  une  navette  sur  toute  la  longueur 
de  laquelle  on  en  vide  le  fil  en  le  maintenant  par  une  languette 
(V.  Navette)  et  un  bâton,  soit  cylindrique,  soit  parallélépi- 
pédique,  qui  sert  de  moule.  Lorsque  la  navette  est  couverte 
de  fil,  on  peut  faire  le  nœud  de  la  maille  de  deux  façons  : 
sur  le  pouce  et  sous  le  petit  doigt.  Pour  faire  le  nœud  sur 
le  pouce,  on  fixe  une  boucle  à  un  clou  à  crochet,  on  passe 
l'extrémité  du  fil  de  la  navette  dans  cette  boucle,  on  place 
le  moule  sous  les  deux  branches  dudit  fil  et  on  les  main- 
tient sur  le  moule  avec  le  pouce.  On  fait  ensuite  passer  le  . 
fil  au-dessus  de  la  main  et  finalement  on  serre  le  nœud 
formé  et  on  le  maintient  avec  le  pouce  ;  on  a  ainsi  la  pre- 
mière maille.  On  recommence  ensuite  de  façon  à  former  un 
rang  de  demi-mailles,  ce  qu'on  appelle  des  pigeons  :  l'en- 
semble de  ces  pigeons  forme  la  levure  du  filet.  Pour  le 
filet  à  nœud  sous  le  petit  doigt  on  forme  d'abord  les  pi- 
geons; on  les  place  devant  soi,  en  laissant  le  dernier  à  la 
gauche  du  moule,  puis  on  ramène  le  fil  sur  le  moule,  où 
on  le  retient  avec  le  pouce.  C'est  le  premier  temps  de  l'opé- 
ration. On  conduit  alors  le  fil  sous  le  quatrième  doigt  et 
on  le  remonte  par  derrière  le  moule  jusque  sous  le  pouce 
qui  le  tient  ferme  :  c'est  le  second  temps.  Alors,  on  rejette 
le  fil  par-dessus  la  main,  en  haut,  pour  arriver  à  former 
la  boucle  qui  doit  envelopper  le  petit  doigt  :  voilà  le  troi- 
sième temps.  On  fait  passer  la  navette  entre  les  deux  fils 
qui  entourent  le  quatrième  doigt,  ce  qui  constitue  le  qua-  • 
trième  temps.  Finalement,  on  tire  le  fil  par-dessus  le  moule, 
ce  qui  serre  le  nœud  ;  on  lâche  le  fil  du  quatrième  doigt  et 
de  dessous  le  pouce,  et  on  a  bien  soin,  ce  faisant,  de  rete- 
nir le  fil  sur  le  petit  doigt,  qui  doit  se  replier  pour  l'accom- 
pagner derrière  le  moule  et  ne  le  quitter  qu'à  l'instant  où 
l'on  serre  le  nœud  :  on  arrive  ainsi  au  cinquième  et  dernier 
temps.  Il  faut  toujours  avoir  soin  de  tenir  le  filet  bien  tendu. 

Le  filet  de  carnassière  diffère  complètement  du  filet  de 
pêche  et  comme  aspect  et  comme  fabrication.  Le  filet  de 
pêche  se  fait  d'un  seul  fil,  noué  à  lui-même,  d'un  nœud 
toujours  le  même  ;  le  filet  de  carnassière  se  confectionne  au 
moyen  d'un  grand  nombre  de  fils  noués  entre  eux  suivant 
des  règles  fixes,  mais  variant  avec  les  dessins  divers  que 
l'on  veut  exécuter.  En  un  mot,  le  filet  de  carnassière  n'est 
pas  un  filet  dans  la  véritable  acception  du  mot;  c'est  plu- 
tôt une  dentelle  de  corde  faite  par  un  procédé  analogue 
aux  produits  des  tambours  des  dentelliers.  L'art  du  noueur 
de  fil  consiste  d'abord  à  faire  des  demi-nœuds  pareils , 
mais  symétriques  l'un  par  rapport  à  l'autre,  qui  composent 
le  nœud  total,  complet,  et,  par  leur  répétition  ou  leur  al- 
ternance, constituent  tous  les  dessins  que  l'on  veut  former. 
Le  nombre  des  outils  dont  se  sert  le  noueur  de  filets  est 
très  restreint,  ou  plutôt  il  n'en  existe  qu'un  spécial,  c'est 
la  ceinture,  que  nombre  de  noueurs  ne  prennent  même  pas 
la  peine  de  confectionner,  se  contentant  de  tourner  les  deux 
ficelles  autour  d'un  bouton  de  leur  vêtement. 

L'importance  de  la  fabrication  des  filets  de  pêche  est 
considérable  et  tend  à  s'accroître  de  plus  en  plus  avec  le 
développement  des  grandes  pêches  maritimes.  Pendant  long- 
temps la  fabrication  des  filets  de  pêche  s'est  faite  à  la  main; 
aujourd'hui  encore  cette  fabrication  manuelle,  confiée  gé- 
néralement aux  femmes  et  aux  enfants  des  marins,  a  con- 
servé une  certaine  importance.  Elle  donne  des  produits  de 
très  bonne  qualité  en  même  temps  qu'elle  vient  en  aide  aux 
populations  laborieuses  et  pauvres  de  nos  côtes.  Cependant, 
avec  le  développement  des  grandes  pêches,  on  a  cherché  à 
fabriquer  mécaniquement  ces  filets.  De  nombreux  brevets 
ont  été  pris  à  cet  effet  et  si,  jusqu'à  nos  jours,  ce  mode 
d'exécution  ne  s'est  pas  répandu,  c'est  que  les  premières 
machines  étaient  imparfaites  et  ne  donnaient  qu'un  pro- 
duit de  qualité  inférieure  à  celui  que  l'on  obtient  par  le 
travail  manuel,  filet  très  solide  et  ne  se  déformant  pas.  De 
plus,  la  nécessité  de  lutter  contre  un  travail  très  peu  rétri- 
bué imposait  au  métier  mécanique  l'obligation  de  produire 
à  très  bon  marché.  Le  premier  inventeur  de  la  machine  à 
fabriquer  les  filets  fut  Jacquard  qui  prit  un  brevet  en  1805. 
Depuis  cette  époque  jusqu'à  nos  jours,  on  compte  plus  de 

29 


FILET 


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cent  brevets  sur  la  matière.  Les  métiers  à  fabriquer  les 
filets  peuvent  se  diviser  en  deux  classes  distinctes  :  les  mé- 
tiers fonctionnant  avec  deux  fils  et  ceux  fonctionnant  avec 
un  seul  fil  ;  les  premiers  d'invention  française,  les  seconds 
d'invention  anglaise.  Les  métiers  à  deux  fils  ont  été  inven- 
tés, en  4  806,  par  un  pauvre  paysan  de  Bourgtheroulde  (Eure) 
appelé  Buron.  Sa  machine,  qu'il  présenta  à  l'exposition 
qui  eut  lieu  à  cette  époque,  fait  partie  des  collections  du 
Conservatoire  des  arts  et  métiers.  Elle  est  toute  en  bois  et 
bien  imparfaite,  mais  on  y  voit  distinctement  l'idée  du  la- 
çage des  filets  au  moyen  de  deux  séries  de  fils,  dont  les 
uns,  ceux  de  la  série  horizontale  ou  trame,  vont  se  nouer 
alternativement  à  droite  et  à  gauche  avec  leurs  voisins  de 
la  série  verticale  ou  chaîne.  L'habile  ingénieur  Perqueur, 
qui  en  avait  saisi  les  mérites  et  les  défauts,  modifia  cer- 
taines parties  et  améliora  considérablement  l'exécution  de 
l'ensemble.  Ce  métier  a  été  perfectionné  par  divers  inven- 
teurs, notamment  par  M.  Jouannin,  de  Paris.  Dans  les  condi- 
tions actuelles,  les  crochets  de  la  machine  prennent  les  pre- 
miers des  fils,  en  font  une  boucle,  et  une  navette  portant  le 
second  fil  traverse  cette  boucle.  Le  laçage  est  fait  en  tra- 
vers de  l'alèze,  et  son  travail  équivaut  à  celui  de  60  ou- 
vriers à  la  main.  La  multiplicité  des  organes  a  permis 
d'atteindre  au  fur  et  à  mesure  des  perfectionnements  aux 
chiffres  suivants  par  journée  de  dix  heures  ;  en  1858, 
22,000  nœuds;  en  4866,  400,000  nœuds;  en  4884, 
4,000,000  de  nœuds. 

Le  métier  à  un  fil  a  été  inventé  en  Angleterre  par  James 
Patterson,  dont  la  première  patente  remonte  à  4835.  Le 
caractère  distinctif  de  ce  métier  est  qu'il  fonctionnait  avec 
un  seul  fil  au  moyen  de  pédales  et  autres  engins  que  l'ou- 
vrier faisait  mouvoir  avec  les  pieds  et  les  mains,  en  déve- 
loppant une  grande  force  musculaire.  Ce  système  a  subi 
depuis  de  nombreux  perfectionnements,  notamment  de  la 
part  de  MM.  Stuart  et  Lockart,  en  Ecosse,  et,  en  France, 
de  la  part  de  MM.  Broquant,  de  Dunkerque  ;  Tailbouis, 
Revenez,  Toussy  et  Bonamy,  de  Saint- Just-en-Chaussée. 
Dans  les  deux  systèmes,  le  nœud  est  identique,  mais  sa 
position  relativement  à  la  longueur  du  filet  n'est  pas  la 
même.  Avec  le  réseau  fabriqué  sur  le  métier  français,  les 
bords  ou  lisières  sont  constitués  par  des  mailles  fermées, 
tandis  que  les  extrémités  des  fils  de  chaîne  présentent  des 
entrelacements  ouverts.  Le  même  filet  déplacé  à  angle  droit 
figure  exactement  le  produit  du  métier  anglais;  dans  ce  cas, 
les  mailles  sont  fermées  dans  le  sens  longitudinal  et  ou- 
vertes latéralement.  Or,  les  mailles  tendent  à  former  un 
losange  de  plus  en  plus  allongé,  si  elles  sont  tirées  per- 
pendiculairement à  la  direction  des  fils  qui  les  constituent; 
elles  s'ouvrent,  au  contraire,  et  le  losange  devient  un  carré, 
si  la  traction  se  fait  parallèlement  aux  fils.  Il  en  résulte 
que,  pour  la  pêche,  l'un  des  bords  du  filet  étant  garni  de 
plomb  et  l'autre  de  liège,  de  façon  à  développer  la  nappe 
dans  sa  longueur  et  parallèlement  à  la  surface  de  l'eau,  la 
maille  faite  en  trame  semble  répondre  plus  complètement 
aux  exigences  de  la  pratique.  Un  grand  nombre  d'indus- 
tries en  France  font  usage  de  filets  ;  la  principale  est  la 
pêche,  soit  de  mer,  soit  d'eau  douce.  Mais  on  emploie  en- 
core une  grande  quantité  de  filets  dans  les  industries  de  la 
colle  forte,  de  la  mégisserie,  de  la  sériciculture,  de  l'ar- 
boriculture et  de  l'aérostation. 

Le  métier  de  MM.  Galland  et  Channier  paraît  résoudre 
d'une  façon  intéressante  le  problème  de  la  fabrication  mé- 
canique. Ce  métier,  qui  permet  de  travailler  tous  les  textiles 
industriels,  peut  marcher,  suivant  la  matière  employée  et 
quelle  que  soit  la  largeur,  avec  une  vitesse  moyenne  de  8 
à  42  rangées  de  nœuds  à  la  minute.  Les  filets  qu'il  donne 
sont  absolument  semblables  à  ceux  qui  sont  fabriqués  à  la 
main,  c.-à-d.  dans  le  même  sens  de  la  tombée  lors  de  sa 
mise  à  l'eau,  ce  qui  est  une  condition  de  résistance  des 
filets  ;  ils  présentent  également,  de  chaque  côté,  une  lisière 
naturelle  pour  l'attache  des  flotteurs  et  des  plombs.  Ces  ap- 
pareils peuvent  être  établis  sur  de  très  grandes  largeurs,  soit 
500  à  600  mailles,  et  ils  peuvent  produire,  sur  la  largeur 


totale  du  métier,  ou  une  seule  nappe  de  filet,  ou  plusieurs 
bandes,  toutes  pourvues  de  lisières.  Le  métier  à  filets  qui 
rappelle  par  ses  grandes  lignes  l'aspect  général  des  métiers 
à  tulle,  se  compose  de  deux  bâtis  verticaux  reliés  par  des 
poutres  horizontales  en  fonte  et  des  entretoises  en  fer,  dont 
la  longueur  varie  suivant  la  largeur  du  filet.  La  transmis- 
sion du  mouvement  par  poulies  fixe  et  folle,  placée  à  la  partie 
supérieure,  commande  par  plusieurs  cames  doubles  les 
principaux  organes  de  la  machine  et,  par  des  engrenages 
coniques,  deux  arbres  verticaux  placés  de  chaque  côté  du 
métier  et  qui  doivent  transmettre  un  mouvement  de  trans- 
lation à  certains  organes.  La  production  d'un  semblable 
métier  varie  avec  la  largeur  et  la  nature  des  fils  employés. 
Si  l'on  prend  une  largeur  correspondante  à  500  mailles  et 
une  vitesse  de  40  rangées  de  nœuds  à  la  minute,  la  produc- 
tion théorique  en  dix  heures  de  travail  serait  de  3  millions 
de  mailles.  L.  Knab. 

IL  Pêche.  —  On  peut  diviser  les  filets  servant  à  la 
pêche  en  filets  de  main,  filets  dormants,  filets  fixes  et 
filets  flottants.  Les  filets  de  main  sont  ceux  qui  ont  besoin 
de  l'action  continue  du  pêcheur  ;  tels  sont  l'épervier,  le 
carrelet,  le  haveneau,  la  truble,  le  globe,  le  calen,  le  ven- 
turon.  Le  tramail,  la  nasse,  le  verveux,  la  louve,  le  gui- 
deau,  les  parcs,  la  madrague  sont  des  filets  dormants, 
filets  qui  sont,  à  proprement  parler,  des  pièges;  ils  com- 
prennent les  filets  fixes,  c.-à-d.,  d'après  le  décret  du 
40  mai  4862,  ceux  qui,  «  tenus  au  fond  au  moyen  de 
piquets  ou  de  poids,  ne  changent  pas  de  position  une  fois 
calés;  ces  filets  auront  des  mailles  d'au  moins  0m025  en 
carré,  en  dedans  de  3  milles  des  côtes,  c.-à-d.  du  relai 
de  basse  mer  ».  Les  principaux  filets  de  cette  catégorie 
sont,  par  arrondissement  maritime  :  4er  arrondissement, 
Cherbourg  :  tramail  sédentaire,  louve,  verveux,  nasses.  — 
2e  arrondissement,  Brest  :  tramail  sédentaire,  gord,  ravoir, 
verveux,  louve,  casiers.  —  3e  arrondissement,  Lorient  : 
tramail  sédentaire,  verveux,  louves,  casiers.  —  4e  arron- 
dissement, Rochefort  :  sadoure  et  tramaux  sédentaires 
divers,  sardinal  de  fond,  claies,  nasses.  —  5e  arrondisse- 
ment, Toulon  :  battude,  rissole,  hautée,  tis,  amairade, 
segetière,  escombrière,  paradière,  romatière,  entremail- 
lade,  pantenne.  Les  filets  flottants  sont  ceux  crû  dérivent 
sous  l'action  du  vent,  de  la  marée  ;  ils  sont  principalement 
employés  pour  la  pêche  des  poissons  de  passage,  tels  que 
le  hareng,  le  maquereau,  la  sardine,  le  thon.  On  peut 
rapprocher  de  ces  filets  les  engins  qui  vont  à  la  remorque 
d'un  bateau,  sans  jamais  s'arrêter  au  fond,  tel  que  le  cha- 
lut. Les  matières  employées  sont  le  coton,  le  chanvre,  le 
lin,  très  exceptionnellement  la  soie.  Les  filets  employés  à 
la  mer  seraient  rapidement  mis  hors  d'usage  s'ils  n'étaient 
tannés  :  on  emploie  le  sulfate  de  cuivre  et  le  plus  habi- 
tuellement le  cachou.  E.  Sauvage. 

III.  Marine.--  Filet  Bullivant.™ On  appelle  filet  Bul- 
livant,  du  nom  de  l'inventeur,  un  gigantesque  filet  à  mailles 
de  fer  ou  même  d'acier,  qui  entoure  complètement  de  bout  en 
bout  un  navire  de  guerre,  depuis  4  m.  au-dessus  de  la  flot- 
taison jusqu'à  4  m.  au-dessous,  et  aune  distance  horizontale 
de  6  à  7  m.  Le  but  de  ce  filet  est  de  protéger  le  bâtiment 
contre  les  attaques  des  torpilles  automobiles  ou  autres,  qui 
viennent  heurter  le  filet  avant  la  coque  du  navire,  et  font 
alors  explosion  au  large  de  la  coque,  sans  grand  danger 
pour  cette  dernière,  qui  ne  se  trouve  plus  dans  le  cône 
d'action  de  la  torpille.  Voici  en  quelques  mots  comment  est 
disposé  ce  filet,  que  les  matelots,  dans  leur  langage  pitto- 
resque et  imagé,  nomment  une  crinoline.  Tout  le  long  des 
flancs  du  navire  et  à  3m50  à  4  m.  au-dessus  de  l'eau,  se 
trouve  une  série  de  petits  espars  en  bois,  pivotant  autour 
de  charnières  fixées  à  la  muraille,  qui  leur  permettent, 
suivant  les  besoins,  ou  d'être  collés  sur  les  flancs  du  na- 
vire, ou,  au  contraire,  d'être  perpendiculaires  à  ce  dernier. 
Tous  ces  espars  ont  un  gréement  particulier,  bras,  balan- 
cines,  cargues,  etc.,  qu'il  est  inutile  de  développer  ici  et 
qui  facilitent  leur  manœuvre.  Supposons,  pour  plus  de 
clarté,  tous  ces  espars  à  leur  position  de  combat,  c.-à-d. 


i 


—  4SI 


FILET  -  FILETAGE 


perpendiculaires  à  la  muraille  du  naviie.  Joignons  tous  les 
arcs-boutants  de  tribord  par  une  filière  de  fils  en  fer,  les 
rendant  tous  solidaires  les  uns  des  autres  ;  faisons  de  même 
pour  tous  ceux  de  bâbord  (à  l'avant  et  à  l'arrière  il  y  a 
des  dispositions  spéciales  pour  la  mise  en  place  de  la  partie 
du  filet  qui  devra  rejoindre  celui  de  tribord  et  celui  de 
bâbord)  ;  il  n'y  aura  plus  qu'à  tendre,  par  la  pensée,  sur 
tous  ces  arcs-boutants,  le  filet  qui  enserrera  alors  le  na- 
vire d'une  façon  continue,  et  qui,  tombant  par  son  propre 
poids,  sera  immergé  d'une  quantité  égale  à  sa  hauteur. 
Pour  manœuvrer  tous  ces  arcs-boutants,  c.-à-d.  pour  les 
dresser  perpendiculairement  et  les  rabattre  sur  les  flancs, 
il  y  a  au-dessus  d'eux  de  plus  grands  espars,  qui,  très  so- 
lides, car  le  poids  à  manier  est  considérable,  ont  une  grande 
saillie  au  dehors,  et  au  bout  desquels  se  trouve  tout  un 
système  de  chapes,  de  caliornes,  avec  poulies  de  retour 
en  dedans  du  navire  et  qui  permettent  alors  de  mettre  le 
système  dans  la  position  voulue. 

Le  navire  se  trouve  alors  enfermé  comme  dans  une  cri- 
noline d'acier.  On  avait  fondé  de  grandes  espérances  sur 
ces  filets,  et,  d'après  les  rapports  anglais  (dont  il  faut  sou- 
vent se  défier  en  marine  comme  en  autre  chose),  les  bâti- 
ments pouvaient  évoluer  et  marcher  même  6  à  7  nœuds 
les  filets  en  place.  Il  a  fallu  en  rabattre  et  de  beaucoup. 
On  évolue  horriblement  mal  d'abord,  et,  dès  qu'on  veut 
marcher  un  peu,  il  se  produit  des  avaries  ;  les  arcs-bou- 
tants cassent,  les  filets  restent  à  la  traîne  et  peuvent 
engager  l'hélice  ou  le  gouvernail,  et  mettre  le  bâtiment 
dans  une  position  plus  que  critique  en  temps  de  guerre. 
Reste  alors  la  protection  au  mouillage.  Hélas,  là  encore,  il 
y  a  de  gros  inconvénients.  D'abord,  mise  en  place  très 
lente,  par  conséquent,  aussi  beaucoup  de  temps  pour  s'en 
débarrasser  ;  d'où  par  suite  immobilisation  sans  défense 
pendant  un  temps  considérable  (1  h.  45  en  moyenne)  d'un 
navire  qui  peut  être  forcé  d'appareiller  brusquement  en 
filant  ses  chaînes  par  le  bout,  pour  éviter  une  attaque  à 
l'éperon,  par  exemple.  Sans  compter  qu'on  a  inventé  des 
torpilles  portant  à  leur  avant  une  sorte  de  ciseau  coupant 
les  mailles,  et  laissant  par  suite  le  champ  libre  à  une 
deuxième  torpille  lancée  presque  en  même  temps.  Qu'en 
plus,  les  filets  étant  immergés  de  4  m.,  rien  n'est  plus 
facile  que  de  régler  à  6,  7  et  8  m.  l'immersion  des  tor- 
pilles. Et  comme  on  ne  peut  augmenter  la  hauteur  du  filet 
qui  ne  serait  plus  maniable  du  tout,  vu  son  énorme  poids, 
le  dernier  mot  reste  à  l'attaque.  Aussi,  pour  tous  ces  mo- 
tifs et  à  la  suite  d'essais  répétés,  le  regretté  amiral  Dupetit- 
Thouars  les  avait-il  fait  enlever  aux  bâtiments  de  son  escadre 
en  1889.  On  les  gardait  à  bord,  mais  pas  en  place,  où  ils 
sont  une  cause  de  gène,  de  malpropreté  et  en  définitive  ne 
servent  pas  à  grand' chose. 

IV.  Botanique.  —  La  partie  de  l'étamine  qui  soutient 
l'anthère  (V.  Etàmine).  On  donne  parfois  encore  ce  nom  aux 
coulants  ou  stolons  (V.  Coulant).  Enfin,  Vaillant  a  désigné 
ainsi  le  réceptacle  filamenteux  de  certains  champignons 
(V.  ce  mot).  Dr  L.  Hn. 

V.  Anatomie.  —  Filet  de  la  langue  (V.  Langue). 

VI.  Sellerie  (V.  Bride). 

VII.  Typographie.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  filets 
de  petites  lames  métalliques,  simples,  doubles,  triples  ou 
ornées  qui  servent,  soit  à  la  séparation  des  colonnes  ou  à  la 
confection  des  tableaux,  soit  à  l'ornementation  ou  à  l'en- 
cadrement des  pages,  à  la  division  de  certaines  matières, 
soit  comme  simple  ornement  à  la  fin  d'un  livre,  d'un  cha- 
pitre, etc.  Ils  sont  en  cuivre  ou  en  zinc,  mais  plus  généra- 
lement de  même  métal  que  les  caractères  et  de  diverses 
dimensions  graduées  par  points.  On  les  coupe  suivant  les 
besoins.  On  distingue  le  filet  maigre,  le  filet  gras  et  demi-gras 
employés  pour  les  encadrements  ;  le  filet  triple  composé 
d'un  filet  gras  entre  deux  maigres,  etc.  Les  filets  destinés 
à  servir  de  séparation  dans  les  titres  ou  le  texte  d'un  ou- 
vrage et  qui  marquent  les  fins  de  chapitres,  de  parties,  de 
sections,  etc.,  sont  ordinairement  fondus  d'une  seule  pièce 
et  suivant  une  échelle  progressive  :  tels  les  filets  anglais,  les 


filets  ornés,  les  filets  ombrés  et  les  filets  azurés  employés 
pour  l'impression  des  actions,  des  billets  à  ordre,  des  obli- 
gations, des  lettres  de  change,  des  mandats,  des  quittances, 
et  pour  toutes  les  impressions  où  il  y  a  des  sommes  à  ins- 
crire. 

VIII.  Architecture.  — Petite  moulure  carrée,  appelée 
aussi  listel,  qui  sépare  dans  un  socle,  une  corniche,  un  fron- 
ton ou  un  chambranle,  deux  moulures  concaves  ou  convexes 
et  en  fait  ainsi  valoir  le  galbe  et  l'importance.  En  peinture, 
des  filets  de  couleur  sur  des  tons  unis  ou  des  décors  ser- 
vent à  indiquer  des  assises  de  pierre  ou  des  divisions  de 
tables  et  de  lambris  et  entrent  dans  la  composition  de 
décorations  diverses.  La  façon  de  tracer  et  d'exécuter  ces 
filets  s'appelle  filetage.  —  En  charpente  de  fer,  on  appelle 
filet  une  poutrelle  de  petite  dimension,  formée  de  solives  à 
double  T,  réunies  par  des  brides  et  maintenues  par  des 
croisillons,  laquelle  poutrelle  sert  de  linteau  entre  deux 
montants  de  porte  ou  deux  piles  de  maçonnerie  et  reçoit  le 
solivage  du  plancher.  —  En  maçonnerie  et  en  couverture, 
on  appelle  aussi  filet  ou  solin  une  traînée  de  plâtre  servant 
à  sceller  le  dernier  rang  de  tuiles  ou  d'ardoises  d'un  comble 
et  à  empêcher  l'eau  pluviale  de  s'introduire  entre  la  ma- 
çonnerie et  la  couverture  :  au  moyen  âge  ces  filets  étaient 
généralement  formés  de  dalles  de  pierres  portant  une  pente 
et  pourtournant  les  contreforts  et  les  arcs-boutants  ou  les 
souches  de  cheminées.  —  Dans  la  législation  des  bâtiments, 
les  filets  de  pierre  qui  ont  été  placés  d'un  seul  côté  dans  un 
mur  séparatif  et  lors  de  la  construction  même  de  ce  mur 
sont,  d'après  l'art.  654  du  C.  civ.,  une  marque  de  non- 
mitoyenneté  et  le  mur  est  censé  exclusivement  appartenir 
au  propriétaire  du  côté  duquel  sont  ces  filets.  Ch.  Lucas. 

IX.  Art  héraldique.  —  Pièces  honorables,  bandes, 
barres,  pals,  etc.,  réduites  à  leur  plus  simple  largeur.  Le 
filet  est  ordinairement  du  tiers  de  la  cotice,  mais  alors  on 
dit  filet  en  croix,  en  bande,  en  barre,  etc.  Le  filet  en  bor- 
dure prend  le  nom  de  filière. 

X.  Art  culinaire. —  Filet  de  boeuf. —  C'est  le  morceau 
le  plus  tendre  de  l'animal  ;  il  vaut  à  Paris  de  4  à  4  fr.  50  le 
kilogr.  Il  est  placé  dans  l'intérieur  de  l'aloyau,  le  long  de 
l'échiné,  et  se  prolonge  dans  toute  sa  longueur  en  diminuant 
d'épaisseur  à  partir  de  la  culotte  jusqu'au  train  de  côtes  ; 
c'est  le  muscle  psoas.  On  fait  rôtir  à  la  broche  le  filet  paré 
et  piqué  de  gros  lardons  après  l'avoir  mis  mariner  pendant 
douze  heures  environ  dans  de  bonne  huile  avec  poivre,  sel, 
persil,  laurier,  tranches  d'oignons,  etc.  Il  doit  être  mangé 
encore  un  peu  saignant  ;  on  le  sert  sur  son  jus  ou  avec  une 
sauce  faite  avec  ce  jus,  un  filet  de  vinaigre,  sel,  poivre, 
échalottes,  ou  bien  encore  en  entrée  sur  sauce  tomate.  — On 
prépare  aux  champignons  le  filet  de  bœuf  coupé  par  tranches 
auxquelles  on  fait  prendre  couleur  des  deux  côtés  dans 
une  casserole  placée  sur  un  feu  ardent  ;  la  cuisson  s'achève 
dans  une  sauce  faite  avec  un  peu  de  farine  et  du  bouillon, 
à  laquelle  on  ajoute  des  champignons.  —  Le  faux  filet  ou 
contre-filet  est  le  morceau  correspondant  au  filet,  mais  placé 
à  l'extérieur,  le  long  de  l'échiné  ;  sa  délicatesse  est  presque 
égale  à  celle  du  vrai  filet,  mais  il  ne  saurait  le  remplacer 
comme  rôti.  On  en  fait  surtout  des  biftecks  (V.  ce  mot). 
—  Outre  le  filet  de  bœuf  on  emploie  en  cuisine  les  filets  de 
porc,  de  mouton,  de  veau,  de  lièvre,  de  chevreuil,  etc. 
On  désigne  aussi  sous  ce  nom  les  muscles  des  ailes  et  de 
la  poitrine  des  volailles,  et  les  portions  de  chair  sans  arête 
qu'on  enlève  sur  quelques  poissons,  tels  que  les  merlans, 
les  soles,  etc.  —  Le  filet  est  encore  le  morceau  le  plus 
estimé  du  cheval,  du  mulet  et  de  l'âne. 

Filet  mignon  (V.  Charcuterie,  t.  X,  p.  610). 

Bibl.  :  Typographie.  —  Théotiste  Lefèvre,  Guide pra- 
tique  du  compositeur  et  de  l'imprimeur-typographe;  Pa- 
ris, 1883. 

Architecture.  —  Société  centrale  des  architectes,  Ma- 
nuel  des  lois  du  bâtiment;  Paris,  1879,  t.  I,  in-8,  fig. 

FILETAGE  (Mécan.).  Le  filetage  est  l'opération  qui 
consiste  à  former  les  filets  d'une  vis  sur  un  cylindre  ou 
dans  un  écrou,  en  métal  ou  en  bois,  sans  se  servir  d'un 
taraud  ou  d'une  filière.  Lorsque  l'objet  à  fileter  est  de 


FILETAGE  —  FILIATION 


—  452 


petite  dimension,  ou  lorsqu'il  est,  en  métal  mou,  on  opère  le 
filetage  à  la  volée  sur  un  tour  ordinaire.  A  cet  effet,  on 
fait  usage  d'un  peigne  en  acier  trempé,  à  dents  tranchantes, 
dont  l'écartement  des  dents  est  égal  au  pas  de  la  vis  à  for- 
mer. L'ouvrier  tourneur  appuie  le  peigne  sur  le  support  du 
tour,  après  avoir  recouvert  ce  support  d'une  feuille  de  mé- 
tal, afin  que  l'outil  puisse  facilement  glisser  ;  il  presse  assez 
fortement  le  peigne  contre  l'objet  à  fileter,  de  manière  à 
bien  marquer  les  trois  premiers  filets,  et  il  achève  lavis  par 
des  passes  successives.  Pour  le  filetage  à  la  volée  d'unécrou, 
on  agit  de  la  même  façon,  après  avoir  saisi l'écrou,  soit  dans 
un  mandrin  en  bois,  soit  entre  les  mors  d'un  plateau,  avec 
un  peigne  par  côté,  c.-à-d.  un  peigne  dont  les  dents,  au  lieu 
d'être  perpendiculaires  au  manche,  sont  parallèles  à  laligne 
médiane  du  manche.  Lorsque  l'objet  à  fileter  est  de  dimen- 
sion plus  considérable,  on  se  sert  du  tour  à  fileter;  dit  aussi 
tour  à  charioter.  Ce  tour  se  compose  d'un  banc,  formé  de 
deux  jumelles  parfaitement  dressées,  supporté  par  quatre 
pieds  en  fonte  rigidement  reliés  au  sol  ;  entre  les  deux  ju- 
melles, ou  en  dehors,  se  trouve  une  longue  vis,  d'un  pas 
connu,  sur  laquelle  est  monté  un  chariot  porte-outil,  dont 
l'avancement  est  naturellement  égal  à  celui  communiqué 
par  la  rotation  de  la  vis  dans  l'écrou  directeur  du  chariot. 
La  vis  reçoit  son  mouvement  par  l'intermédiaire  d'une  série 
d'engrenages  que  l'on  monte,  à  volonté,  sur  des  chevalets 
mobiles  dont  est  munie  la  poupée  fixe  du  tour,  du  côté 
extérieur.  La  pièce  à  fileter  est  prise  entre  les  pointes  des 
poupées  fixe  et  mobile  et  est  entraînée  par  un  toc  fixé  contre 
le  plateau  du  tour  et  qui  se  visse  sur  le  bout  d'arbre  de 
la  poupée  fixe.  Un  tambour  permet  d'imprimer  une  vitesse 
plus  ou  moins  grande  à  l'objet  à  fileter.  Le  pas  de  la  vis 
ou  de  l'écrou  à  confectionner  est  fonction  inverse  des 
vitesses  relatives  de  la  pièce  placée  sur  le  tour  et  de  la  vis 
directrice  du  chariot.  Si  les  deux  vitesses  sont  égales,  les 
deux  pas  seront  les  mêmes  ;  si  l'objet  sur  le  tour  donne 
un  nombre  de  tours  deux,  trois,  dix  fois  plus  grand  que 
celui  de  la  vis  directrice,  le  pas  sera  la  moitié,  le  tiers,  le 
dixième  de  celui  de  la  vis  directrice  et  inversement.  Une 
manivelle  sert  à  fixer  la  position  du  porte-outil.  L'outil  est 
rond,  carré  ou  triangulaire,  suivant  la  forme  que  l'on  a 
choisie  pour  les  filets  de  la  vis  à  former.  Si  le  pas  doit  être 
à  droite  ou  à  gauche,  on  interpose  ou  on  supprime  un  pi- 
gnon entre  les  roues  conductrices  et  celles  conduites.  Une 
série  d'engrenages  permet  de  combiner  un  très  grand 
nombre  de  pas.  Pour  la  confection  des  grosses  vis  à  bois  en 
fer,  on  fait  chauffer  une  broche,  choisie  d'abord  à  la  di- 
mension voulue  et  on  l'introduit  entre  deux  moitiés  de 
coussinets,  qui  reçoivent  des  coups  répétés  au  moyen  d'un 
arbre  à  cames  ;  l'ouvrier  tourne  incessamment  la  broche 
pendant  ce  temps  ;  sous  l'influence  des  coups  multipliés,  les 
filets  des  coussinets  s'imprègnent  dans  la  broche  et  celle-ci 
est  transformée  en  une  vis  à  bois.  L.  Knab. 

F1LFILA.  Massif  rocheux  d'Algérie,  dép.  de  Constan- 
tine,  sur  le  bord  de  la  mer,  à  l'E.  de  Philippeville  ;  ses 
points  culminants  atteignent  700  m.  d'alt.  Il  est  constitué 
principalement  par  un  bloc  de  calcaire,  d'où  on  a  extrait 
des  marbres  statuaires  du  plus  haut  prix.  L'exploitation 
en  est  assez  active.  Un  éperon  qui  s'avance  dans  les  flots, 
le  cap  Filfila,  est  appelé  par  les  corailleurs  le  cap  Vert. 

FILHAOUCEN,  FILAOUSEN  ou  FILLAOUSSÈNE (Dje- 
bel) (1,136  m.).  Massif  montagneux  d'Algérie,  dép.  d'Oran, 
qui  se  dresse  non  loin  de  la  mer,  entre  la  frontière  maro- 
caine et  l'embouchure  de  la  Tafna,  dominant  la  ville  de 
Nedroma.  Par  un  temps  très  clair,  on  peut  apercevoir  les 
monts  qui  bordent  la  côte  d'Espagne  ;  aussi  est-ce  au 
Filhaoucen  que  le  colonel  Périer  (depuis  général)  installa  un 
des  deux  observatoires  chargés  de  correspondre  avec  ceux 
du  général  Ibanez  sur  le  Mulhacen  et  la  Tetica  au  moyen  de 
la  lumière  électrique,  dans  le  but  de  relier  la  triangulation 
de  l'Algérie  avec  celle  de  l'Espagne,  en  4879.  C'est  le 
commandant  Bassot  qui  dirigeait  les  opérations  géodésiques 
de  cette  station.  Le  massif  du  Filhaoucen,  assez  bien  boisé, 
est  riche  en  mines  de  zinc  et  de  plomb. 


FI  LH  0  L  (Antoine-Michel) ,  graveur  français,  né  à  Paris  en 
1759,  mort  à  Paris  le  5  mai  1812.  Elève  de  Née.  Son  œuvre 
capitale  est  la  publication  du  Cours  élémentaire  de  pein- 
ture, ou  Galerie  complète  du  musée  Napoléon  (Paris, 
1804-1815, 10  vol.gr.  in-8).  L'ouvrage  comprend  120  li- 
vraisons ;  le  texte  des  neuf  premières  est  de  Caraffa,  le 
reste  de  Joseph  Lavallée.Les  planches  sont  au  nombre  de 
720.  Mme  Filhol,  après  la  mort  de  son  mari,  a  publié  une 
suite,  avec  texte  de  Jal,  sous  le  titre  de  Musée  royal  de 
France  ou  Collection  gravée  des  chefs-d'œuvre  de  pein- 
ture et  de  sculpture  dont  il  s'est  enrichi  depuis  la  Res- 
tauration (1827,  gr.  in-8).  On  trouve  encore  des  planches 
de  Filhol  dans  le  Voyage  de  l'Istrie  et  de  la  Dalmatie, 
les  Vues  d'Italie  de  Percier  et  Fontaine,  les  Voyages  de 
Suisse,  de  France  et  d'Espagne,  édités  par  Benjamin 
de  Laborde,  les  œuvres  de  l'architecte  Ledoux,  etc. 

FILIATION.  Généralités.  —  Le  lien  de  parenté  qui 
existe  entre  le  père  ou  la  mère  et  l'enfant  se  nomme  filia- 
tion, si  on  le  considère  dans  la  personne  de  l'enfant;  pa- 
ternité ou  maternité,  quand  on  l'envisage  dans  la  personne 
du  père  ou  dans  celle  de  la  mère.  La  filiation  est  légitime 
lorsque  le  père  et  la  mère  sont  mariés  l'un  à  l'autre  au 
moment  de  la  conception  ;  les  enfants  nés  hors  mariage  sont 
naturels,  adultérins  ou  incestueux.  Celui  qui  se  prétend 
enfant  légitime  peut  directement  prouver  la  maternité  et 
le  mariage  de  sa  mère  ;  mais  la  preuve  de  la  paternité  du 
mari  et  celle  du  moment  de  la  conception  sont,  en  fait,  à 
peu  près  impossibles.  Aussi  le  législateur,  dans  tous  les 
pays  et  à  toutes  les  époques,  a  établi  une  présomption 
de  paternité  du  mari,  présomption  tirée  du  mariage  ;  mais 
il  n'a  été  créé  de  présomption  relative  à  la  durée  des  ges- 
tations que  dans  les  législations  les  plus  récentes. 

La  filiation  naturelle  est  celle  qui  se  forme  autrement 
que  par  le  mariage.  Il  y  a  trois  sortes  d'enfants  naturels. 
L'enfant  naturel  simple  est  celui  qui  naît  de  personnes  non 
mariées,  ni  parentes  ou  alliées  au  degré  prohibé,  de  sorte 
que  ses  parents  auraient  pu  contracter  mariage  l'un  avec 
l'autre.  Si  les  parents  ne  pouvaient  se  marier  entre  eux, 
alors  l'enfant  serait  adultérin  ou  incestueux,  suivant  que 
l'obstacle  au  mariage  résulterait  de  l'existence  d'une  autre 
union  ou  d'une  parenté  ou  alliance  au  degré  prohibé.  La 
filiation  des  enfants  naturels  diffère  surtout  sous  deux  rap- 
ports de  celle  des  enfants  légitimes  ;  elle  ne  se  prouve  pas 
de  la  même  manière  ;  elle  ne  produit  pas  les  mêmes  effets. 
Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  des  effets  de  la  filia- 
tion (Y.  Autorité,  Puissance  paternelle,  Enfant  natu- 
rel, Succession).  Rappelons  seulement  que  les  enfants 
naturels  simples  peuvent  perdre  cette  qualité  et  être  assi- 
milés aux  enfants  légitimes  par  le  bienfait  de  la  légitima- 
tion (V.  Légitimation). 

Droit  romain.  —  Chez  les  Romains  les  enfants  légi- 
times étaient  ceux  qui  naissaient  des  justes  noces.  C'est  du 
droit  romain  qu'est  venue  la  présomption  de  paternité  du 
mari,  considérée  comme  conséquence  du  mariage  :  Is  pa- 
ter  est  quem  nuptiœ  demonstrant.  Mais  pour  que  cette 
présomption  soit  admise,  il  faut  que  l'enfant  ait  été  conçu 
pendant  le  mariage;  delà  une  seconde  présomption  d'après 
laquelle  l'enfant  est  présumé  conçu  pendant  le  mariage 
s'il  naît  au  plus  tôt  au  commencement  du  septième  mois 
après  la  conclusion  des  justes  noces  ou  avant  la  fin  du 
dixième  mois  depuis  la  dissolution  du  mariage.  Au  reste, 
ces  présomptions  admettent  toujours  la  preuve  contraire  et 
le  mari  peut,  par  tout  moyen  de  preuve,  établir  qu'il  n'est 
pas  le  père  de  l'enfant.  D'après  le  sénatus-consulte  Plan- 
cien  la  femme  divorcée  qui  se  croit  enceinte  doit  en 
avertir  son  ancien  mari  dans  les  trente  jours  qui  suivent  le 
divorce.  Cet  ancien  mari  a  le  droit  d'envoyer  des  gardiens 
pour  surveiller  la  femme  et  empêcher  la  suppression  ou 
supposition  de  part.  Il  peut  aussi  soutenir  qu'il  n'est  pas 
le  père  de  l'enfant  ;  s'il  garde  le  silence,  il  y  a  de  sa  part 
une  reconnaissance  de  paternité,  mais  qui  produit  des  effets 
très  limités  et  l'oblige  seulement  à  fournir  des  aliments, 
sans  lui  retirer  le  droit  de  contester  plus  tard  la  qualité  de 


—  453 


FILIATION 


l'enfant.  Un  sénatus-consulte  du  temps  d'Adrien  étendit 
cette  disposition  au  cas  où  la  naissance  de  l'enfant  aurait  eu 
lieu  après  la  mort  du  mari  ;  seulement  la  femme  devait  alors 
faire  sa  déclaration  au  pater  familias  sous  la  puissance 
duquel  devait  tomber  l'enfant  à  naitre.  L'édit  du  préteur 
protégeait  aussi  cet  enfant  à  naître  contre  ceux  qui  se  pré- 
tendaient les  héritiers  du  mari,  en  accordant  à  la  veuve,  au 
profit  de  cet  enfant,  un  envoi  en  possession  provisoire  des 
biens  du  défunt. —  Les  enfants  nés  du  concubinat,  union  lé- 
gitime inférieure,  s'appelaient  liberinaturales.  Ces  enfants 
avaient  une  mère  connue,  comme  d'ailleurs  aussi  les  autres 
enfants  illégitimes  et  ils  se  rattachaient  à  leur  mère  par 
les  liens  de  la  cognation  ;  mais  ils  n'avaient  pas  de  père 
connu,  car  la  loi  romaine  ne  faisait  découler  la  paternité 
que  des  justes  noces.  Le  concubinat  se  maintint  même  sous 
les  empereurs  chrétiens  et  on  finit  aussi  par  admettre  cer- 
tains effets  entre  le  père  et  les  enfants  nés  du  concubinat. 
On  permit  même  au  père  d'acquérir  la  puissance  paternelle 
sur  eux  par  divers  moyens,  notamment  par  le  mariage 
subséquent,  par  l'oblation  à  la  curie,  et. sous  Justinien  par 
le  rescrit  du  prince.  Les  spurii  vulgo  concepti  se  ratta- 
chaient aussi  à  leur  mère  par  la  cognatio  et  ne  différaient 
pas  à  son  égard  des  liberi  naturelles.  Mais  bien  entendu 
ils  n'avaient  pas  de  père  connu. 

Ancien  droit.  —  Notre  ancien  droit  avait  emprunté  à 
la  loi  romaine  la  maxime  Is  pater  est  quem  nuptiœ  de- 
monstrant  (L.  5,  D.,  De  in  jus  vocando)  ;  mais  l'absence 
de  règle  fixe  sur  la  durée  plus  ou  moins  longue  des  gros- 
sesses avait  été  la  source  de  difficultés  fort  graves  et  même 
de  décisions  judiciaires  déraisonnables.  La  filiation  légitime 
se  prouvait  par  l'acte  de  naissance  ou  plus  exactement  par 
l'acte  de  baptême  et  par  la  possession  d'état.  C'est  le  clergé 
qui,  le  premier,  a  constaté  d'une  manière  régulière  et 
générale  les  naissances  par  les  actes  de  baptême.  L'ordon- 
nance de  Villers-Cotterets  d'août  1539  réglementa  la  tenue 
du  registre  des  baptêmes  (art.  51),  mais  d'une  manière 
insuffisante.  En  mai  1579,  l'ordonnance  de  Blois  (art.  181) 
compléta  celle  de  Villers-Cotterets.  Mais  ce  furent  surtout 
l'ordonnance  d'avr.  1667  (tit.  XX)  et  la  déclaration  du 
9  avr.  1736  qui  s'occupèrent  de  cette  importante  matière. 
A  partir  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  l'état  civil 
des  protestants  fut  fort  précaire  jusqu'à  l'édit  de  Louis  XVI 
(18  nov.  1787)  qui  confia  à  certains  officiers  de  justice 
la  tenue  des  actes  de  l'état  civil  des  protestants.  Depuis  la 
loi  du  20  sept.  1792,  les  actes  de  l'état  civil  sont  dressés 
par  des  fonctionnaires  laïques  dits  officiers  de  l'état  civil 
(V.  Actes  de  l'état  civil). 

Le  droit  canonique  autorisa  au  moyen  âge,  dans  certains 
cas,  la  recherche  de  la  paternité,  par  exemple  lorsque 
l'homme  avait  séduit  la  femme.  Les  lois  germaniques  admi- 
rent toujours  de  la  manière  la  plus  large  la  recherche 
de  la  paternité,  mais  sans  reconnaître  à  la  filiation  natu- 
relle des  effets  importants  (Schwabenspiegel ,  I,  ccciv). 
Dans  notre  ancien  droit  français,  la  preuve  de  la  filiation 
naturelle  était  très  facile.  Non  seulement  elle  pouvait  ré- 
sulter de  l'aveu  du  père  et  de  la  mère,  mais  notre  ancienne 
jurisprudence  autorisait  la  recherche  judiciaire  de  la  pa- 
ternité comme  celle  de  la  maternité.  Il  y  a  plus  :  toute 
fille  enceinte  avait  le  droit  de  déclarer  à  l'autorité  compé- 
tente quel  était  le  père  de  l'enfant,  et  elle  était  crue  sur 
son  affirmation  (virgini  creditur  asserenti  se  prœgnan- 
temesse),  mais  seulement  d'une  manière  provisoire.  Celui 
que  la  fille  indiquait  comme  père  de  son  enfant  devait  des 
aliments  à  l'enfant  et  des  secours  à  la  femme  accouchée  ; 
la  question  de  savoir  s'il  était  l'auteur  de  la  grossesse 
n'était  toutefois  pas  jugée,  et  la  preuve  de  la  paternité  res- 
tait entière  à  la  charge  de  la  mère,  après  que  cette  pro- 
vision avait  été  adjugée  ;  seulement  la  décision  provisoire 
sur  les  aliments  était  un  précédent  fâcheux  dont  on  abu- 
sait souvent  (cf.  Fournel,  Traité  de  la  séduction).  Les 
lois  de  la  Révolution  soumirent  à  des  garanties  plus  sévères 
les  preuves  de  la  filiation  naturelle  et  supprimèrent  même 
la  recherche  de  la  paternité  ;  elles  effacèrent  en  outre  toute 


différence  entre  les  enfants  légitimes  et  les  enfants  natu- 
rels et  accordèrent  à  tous  les  mêmes  droits  (loi  du  12  bru- 
maire an  II;  cf.  loi  du  14  floréal  an  X). 

Droit  actuel  (V.  Enfant). 

Législation  comparée.  — Il  est  nécessaire  de  compléter 
cette  étude  par  un  aperçu  jeté  sur  les  législations  les  plus 
intéressantes  de  l'Europe.  La  présomption  de  paternité  ré- 
sultant du  mariage  est  admise  dans  toutes  les  législations 
et,  en  général,  l'action  en  désaveu  est  soumise  à  des  con- 
ditions rigoureuses.  Il  existe  aussi  le  plus  souvent  une  pré- 
somption pour  la  durée  des  grossesses,  mais  les  délais 
maximum  et  minimum  ne  sont  pas  partout  identiques  à 
ceux  du  code  civil  français.  C'est  ordinairement  aussi  par 
l'acte  de  naissance  ou  la  possession  d'état  que  se  prouve 
la  filiation  légitime  à  l'étranger.  Mais  pour  la  preuve  de  la 
filiation  naturelle,  les  divergences  entre  les  principales  légis- 
lations de  l'Europe  sont  souvent  fort  remarquables.  Sans 
doute,  on  admet  partout  la  recherche  de  la  filiation  natu- 
relle vis-à-vis  de  la  mère,  mais  on  est  loin  de  s'entendre 
sur  les  effets  produits  par  cette  filiation.  Sur  la  question  de 
savoir  si  on  doit  autoriser  la  recherche  de  la  paternité 
naturelle,  les  législations  peuvent  se  ramener  à  trois 
groupes  :  les  unes  la  repoussent  en  principe,  sauf  à  admettre 
quelques  exceptions  ;  d'autres  l'autorisent  avec  une  extrême 
facilité  ;  d'autres  enfin,  tout  en  permettant  la  recherche  de 
la  paternité  naturelle,  la  soumettent  à  de  sérieuses  condi- 
tions. On  sait  en  effet  combien  est  délicat  ce  problème.  Les 
partisans  de  la  recherche  de  la  paternité  naturelle  esti- 
ment qu'il  est  profondément  injuste  de  faire  rejaillir  les 
conséquences  d'une  union  illégitime  uniquement  sur  la 
mère  et  sur  l'enfant.  Les  adversaires  de  cette  recherche 
prétendent  qu'elle  aurait  pour  résultat  de  favoriser  la  dé- 
bauche des  femmes  et  le  chantage.  Ils  ajoutent  que  la 
preuve  de  la  paternité  naturelle  est  souvent  difficile,  car 
elle  ne  peut  jamais  se  faire  directement  et  ne  résulte  que 
de  présomptions  plus  ou  moins  précises  et  concordantes. 
Ce  qui  est  certain  et  digne  de  remarque,  c'est  que  les  lé- 
gislateurs qui  ont  autorisé  la  recherche  de  la  paternité 
naturelle  ont  eux-mêmes  reconnu  combien  est  fragile  la 
preuve  résultant  de  cette  recherche,  car  ils  ne  font  produire 
à  la  filiation  naturelle  ainsi  prouvée  entre  le  père  et  l'en- 
fant, que  des  effets  très  limités  et  peu  importants.  Au  con- 
traire, les  législateurs  qui  repoussent  la  recherche  de  la 
paternité  naturelle  et  ne  font  résulter  la  preuve  de  cette 
paternité  que  de  la  reconnaissance  volontaire,  attachent  en 
retour  des  effets  fort  graves  et  très  nombreux  à  cette  filiation. 

Les  dispositions  de  notre  code  civil  relatives  à  la  filia- 
tion légitime  n'ont  pas  été  modifiées  en  Belgique.  Il  faut 
en  dire  autant  de  celles  qui  concernent  la  filiation  natu- 
relle, la  filiation  adultérine,  la  filiation  incestueuse. 

Le  code  hollandais  (art.  305  et  suiv.)  se  rapproche  très 
sensiblement  de  notre  code  civil  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne la  filiation  légitime.  Cependant  il  existe  quelques 
différences  entre  les  deux  législations  :  1°  le  code  hol- 
landais prévoit  l'hypothèse  d'une  séparation  de  corps 
et  permet  au  mari  de  désavouer  l'enfant  né  300  jours 
après  celui  où  le  jugement  qui  prononce  la  séparation  de 
corps  a  acquis  force  de  chose  jugée,  sauf  à  la  femme  à 
prouver  par  tous  les  moyens  que,  malgré  ces  circonstances, 
le  mari  est  le  père  de  l'enfant  ;  2°  l'enfant  né  300  jours 
après  la  dissolution  du  mariage  est  illégitime  de  plein 
droit  (art.  310)  ;  3°  le  code  hollandais  règle  le  cas  où  les 
héritiers  du  mari  ayant  le  droit  d'intenter  l'action  en  dé- 
saveu se  trouvent  hors  du  royaume  ou  hors  d'Europe  et 
il  leur  accorde  six  mois  s'ils  sont  en  Europe,  un  an  s'ils 
résident  hors  d'Europe  au  lieu  du  délai  ordinaire.  Si  parmi 
les  héritiers  les  uns  étaient  en  Hollande  et  les  autres  à 
l'étranger,  tous  jouiraient  du  délai  le  plus  long  (art.  314). 
—  Les  dispositions  du  code  civil  hollandais  de  1838,  sur  la 
preuve  de  la  filiation  des  enfants  naturels,  ont  à  peu  près 
reproduit  celles  de  notre  code  civil.  Toutefois,  le  code  hol- 
landais contient  deux  règles  importantes  qui  ne  se  trou- 
vent pas  dans  la  loi  française:  1°  la  reconnaissance  est 


FILIATION 


—  454  — 


nulle  lorsqu'elle  est  faite  par  un  garçon  qui  n'a  pas  encore 
accompli  sa  dix-neuvième  année  ;  mais  une  fille  peut  tou- 
jours reconnaître  son  enfant  à  tout  âge  ;  2°  pour  qu'une 
reconnaissance  faite  par  le  père  du  vivant  de  la  mère  soit 
valable,  il  faut  qu'elle  ait  été  faite  avec  le  consentement  de 
celle-ci  ;  si  la  mère  est  morte,  la  reconnaissance  émanée 
du  père  seul  est  valable,  mais  elle  ne  produit  effet  qu'à  son 
égard  (art.  337  et  339).  La  recherche  de  la  paternité  est 
interdite;  celle  de  la  maternité  est  admise  (art.  343).  Il 
n'y  a  pas  de  différences  à  signaler  entre  le  code  civil  hol- 
landais et  le  code  civil  français  au  point  de  vue  de  la  filia- 
tion adultérine  ou  incestueuse. 

Le  code  civil  italien,  dans  les  art.  159  et  suivants,  re- 
produit les  dispositions  de  notre  code  civil  sur  la  filiation 
légitime,  ainsi  que  celles  de  la  loi  du  6  déc.  1850  rela- 
tives au  cas  de  séparation  de  corps.  Il  ne  s'écarte  de  notre 
loi  que  sur  les  points  suivants  :  1°  l'impuissance  naturelle 
est  admise  comme  cause  de  désaveu,  pourvu  qu'elle  soit 
manifeste  (art.  164)  ;  2°  en  cas  d'adultère,  s'il  y  a  eu 
recel  de  l'enfant,  le  mari  peut  désavouer  sans  être  tenu  de 
prouver  en  outre  l'impossibilité  morale  de  cohabitation 
(art.  165)  ;  en  France,  la  question  est  controversée  de 
savoir  s'il  doit  faire  cette  dernière  preuve  ;  3°  le  délai 
donné  au  mari  pour  intenter  l'action  en  désaveu  est  un 
peu  plus  long  qu'en  France  :  deux  mois  si  le  mari  se  trou- 
vait sur  les  lieux  aumoment  delà  naissance  de  l'enfant;  s'il 
était  absent,  trois  mois  à  partir  de  son  retour  au  domicile 
conjugal  ou  au  lieu  de  la  naissance  de  l'enfant;  en  cas  de 
recel,  trois  mois  à  partir  de  la  découverte  de  la  fraude 
(art.  166). 

Le  code  civil  italien  réglemente  la  reconnaissance  des  en- 
fants naturels  comme  le  nôtre  ;  il  ajoute  seulement  que  la 
reconnaissance  peut  être  faite  même  par  un  acte  antérieur 
à  la  naissance  (art.  179  et  suiv.).  Comme  en  France,  la 
recherche  de  la  paternité  est  par  exception  permise  en  cas 
d'enlèvement,  et  le  code  civil  italien  ajoute  le  cas  de  viol 
(art.  189)  pour  éviter  les  controverses  qui  sont  nées  en 
France  du  silence  de  notre  code  civil  sur  ce  point.  Pour 
la  recherche  de  la  maternité,  la  preuve  par  témoins  est 
autorisée  non  seulement  s'il  existe  un  commencement  de 
preuve  par  écrit,  mais  encore  «  quand  les  présomptions  et 
les  indices  résultant  de  faits  déjà  certains  sont  assez 
graves  pour  en  déterminer  l'admission  »  (art.  190).  La 
filiation  naturelle  légalement  constatée  produit  des  effets 
plus  importants  qu'en  France,  et  ces  effets  sont  admis 
même  à  l'égard  du  conjoint  de  l'auteur  de  la  reconnais- 
sance, bien  que  la  reconnaissance  ait  eu  lieu  depuis  le 
mariage,  ainsi  qu'à  l'égard  des  enfants  nés  de  ce  mariage. 
La  disposition  de  notre  art.  337  n'a  pas  passé  dans  le 
code  italien;  toutefois,  aux  termes  de  l'art.  183  de  ce  der- 
nier code  «  l'enfant  naturel  de  l'un  des  époux,  né  avant 
le  mariage  et  reconnu  pendant  le  mariage,  ne  peut  être 
introduit  dans  la  maison  commune  sans  le  consentement 
de  l'autre  époux,  à  moins  que  ce  dernier  n'eût  déjà  donné 
son  adhésion  à  la  reconnaissance  ». 

Le  code  civil  italien  considère  comme  incestueux  l'en- 
fant né  de  personnes  entre  lesquelles  il  ne  pourrait  y  avoir 
mariage  pour  cause  de  parenté  ou  d'alliance  en  ligne 
directe  à  l'infini  et  en  ligne  collatérale  jusqu'au  second 
degré  (art.  186).  La  reconnaissance  des  enfants  adulté- 
rins ou  incestueux  n'est  pas  admise,  et  la  recherche  de  ces 
filiations  est  interdite  (art.  193).  Les  enfants  adultérins 
ou  incestueux  que  la  loi  italienne  appelle  toujours  «  en- 
fants naturels  dont  Ta  reconnaissance  est  interdite  »,  n'ont 
droit  qu'à  des  aliments  et  dans  les  cas  suivants  :  si  la  pa- 
ternité ou  la  maternité  résulte  directement  d'un  jugement 
civil  ou  criminel  ;  si  elle  résulte  d'un  mariage  déclaré  nul  ; 
si  elle  résulte  d'une  déclaration  expresse  contenue  dans  un 
écrit  émané  du  père  ou  de  la  mère  (art.  193).  Cette  dernière 
disposition  est  en  contradiction  manifeste  avec  celle  du  même 
code  qui  défend  la  reconnaissance  de  la  filiation  adultérine 
ou  incestueuse  :  en  réalité,  cette  reconnaissance  est  permise  ; 
seulement  elle  ne  produit  que  des  effets  fort  restreints. 


Le  code  civil  roumain  reproduit  dans  les  art.  286  à 
309  les  dispositions  du  code  civil  français  sur  la  filiation 
naturelle,  moins  les  art.  334  à  342  de  notre  code  qui  sont 
supprimés.  La  loi  roumaine,  comme  la  nôtre,  permet  la 
recherche  de  la  maternité  et  défend  celle  de  la  paternité  ; 
mais  elle  n'admet  pas  la  reconnaissance  des  enfants  natu- 
turels.  Ceux-ci  n'ont  ainsi  jamais  de  père  connu  à  moins 
qu'ils  ne  soient  légitimés  par  mariage  subséquent  ;  mais 
alors  la  légitimation  s'applique  même  à  ceux  qui,  dans 
notre  droit,  seraient  adultérins  ou  incestueux,  la  loi  rou- 
maine ne  distinguant  pas  ces  derniers  des  autres  enfants 
naturels.  Il  semble,  au  premier  abord,  que  la  mère  ne 
puisse  pas  non  plus  reconnaître  so^  enfant  naturel,  pas 
plus  que  le  père.  Toutefois,  elle  peut  consentir  à  ce  que 
son  nom  figure  dans  l'acte  de  naissance  de  l'enfant,  et  alors 
la  maternité  est  prouvée.  Si  le  nom  de  la  mère  n'est  pas 
indiqué,  l'enfant  a  le  droit  de  rechercher  sa  mère,  et  la 
preuve  par  témoins  est  admise  à  la  condition  qu'il  y  ait  un 
commencement  de  preuve  par  écrit.  D'ailleurs,  la  filiation 
naturelle  légalement  constatée  produit  à  l'égard  de  la  mère 
les  mêmes  efîets  que  la  filiation  légitime.  Sous  ce  dernier 
rapport,  la  législation  roumaine  s'écarte  d'une  façon  re- 
marquable du  droit  français  et  s'inspire  directement  du 
droit  romain.  Le  code  civil  roumain  ne  distingue  pas  les 
adultérins  et  incestueux  des  enfants  naturels  simples  :  tous 
ont  les  mêmes  droits  vis-à-vis  de  la  mère  et  sont  sans  droits 
à  l'égard  du  père. 

Le  nouveau  code  civil  espagnol  de  1889  (art.  108  à 
142)  admet,  comme  le  nôtre,  la  présomption  de  paternité 
du  mari  et  fixe  aussi  la  durée  des  grossesses  entre  180  et 
300  jours.  L'enfant  né  et  conçu  pendant  le  mariage  est 
toujours  présumé  légitime,  même,  dit  Fart.  109,  si  sa  mère 
a  protesté  contre  sa  légitimité  ou  a  été  condamnée  pour 
adultère.  Il  ne  peut  être  désavoué  que  dans  un  cas  :  celui 
d'impossibilité  matérielle  de  cohabitation.  L'enfant  né  moins 
de  180  jours  avant  la  célébration  du  mariage  n'est  présumé 
légitime  que  dans  les  trois  cas  suivants  :  1°  si  le  mari  a 
connu,  avant  le  mariage,  la  grossesse  de  sa  femme  ;  2°  si, 
présent  à  la  rédaction  de  l'acte  de  naissance,  il  a  consenti 
à  l'apposition  de  son  nom  sur  cet  acte  ;  3°  si,  d'une  manière 
expresse  ou  tacite,  il  a  reconnu  l'enfant  comme  sien.  Quant 
à  l'enfant  né  plus  de  300  jours  après  la  dissolution  du  ma- 
riage ou  la  séparation  de  corps,  on  commence  par  présumer 
qu'il  est  légitime,  mais  cette  présomption  peut  tomber  par 
l'effet  de  l'action  en  désaveu,  à  moins  que  la  mère  et  l'en- 
fant, défendeurs  à  cette  action,  ne  puissent  établir  la  pater- 
nité du  mari.  En  principe,  l'action  en  désaveu  n'est  accordée 
qu'au  mari.  Par  exception,  les  héritiers  du  mari  peuvent 
intenter  cette  action  ;  si  le  mari  est  décédé  avant  l'expira- 
tion du  délai  fixé  pour  l'introduction  de  cette  action  en 
justice  ;  si  le  mari  est  mort  après  avoir  introduit  cette 
action  et  avant  que  l'affaire  ait  été  jugée  ;  si  Fenfant  est 
né  après  la  mort  du  mari.  L'action  en  désaveu  doit  être 
intentée  dans  le  délai  de  deux  mois  à  partir  de  l'inscrip- 
tion de  la  naissance  sur  le  registre  de  l'état  civil,  si  le 
demandeur  demeure  dans  le  lieu  où  cette  inscription  a  été 
faite  ;  réside-t-il  dans  une  autre  localité  de  l'Espagne,  le 
délai  est  porté  à  trois  mois  ;  réside-t-il  hors  d'Espagne,  le 
délai  s'élève  alors  à  six  mois. 

Le  code  civil  espagnol  admet  comme  preuve  de  la  filia- 
tion de  l'enfant  légitime  l'acte  de  naissance  dressé  sur  le 
registre  de  l'état  civil,  le  titre  authentique  et  le  jugement 
qui  a  repoussé  l'action  en  désaveu.  A  défaut  de  titre  écrit 
la  possession  d'état  constante  suffit.  A  défaut  de  titre  écrit 
et  de  possession  d'état,  la  filiation  légitime  peut  se  prouver 
par  tout  moyen,  pourvu  qu'il  existe  un  commencement  de 
preuve  par  écrit  émané  des  deux  parents.  L'action  en  ré- 
clamation de  légitimité  appartient  à  l'enfant  pendant  toute 
sa  vie.  Elle  passe  à  ses  héritiers  s'il  meurt  en  état  de 
minorité  ou  de  démence,  à  charge  pour  ses  héritiers  de 
l'intenter  dans  les  cinq  ans,  ou  si  l'enfant  est  mort  au  cours 
de  l'instance  et  avant  le  jugement. 
La  filiation  naturelle  ne  se  prouve  que  par  la  reconnais- 


455  — 


FILIATION 


sance  faite  dans  l'acte  de  naissance,  dans  un  testament  ou 
dans  un  acte  public  quelconque  ;  le  code  civil  espagnol  ne 
parle  pas  de  la  possession  d'Etat.  Toutefois,  quand  la  re- 
connaissance n'est  faite  ni  dans  l'acte  de  naissance  ni  dans 
un  testament,  elle  doit  être  confirmée  par  un  jugement  que 
le  tribunal  rend  après  avoir  entendu  le  ministère  public. 
Le  code  civil  espagnol  considère  avec  raison  la  reconnais- 
sance comme  un  acte  essentiellement  personnel  à  celui  qui 
l'a  fait.  Aussi,  lorsque  le  père  ou  la  mère  reconnaît  l'en- 
fant, il  lui  est  interdit  de  révéler  le  nom  de  la  personne 
avec  laquelle  il  l'a  eue  ni  d'indiquer  aucune  circonstance 
qui  permettrait  de  la  reconnaître,  et  le  fonctionnaire  public, 
qui  recevrait  une  indication  de  cette  nature  sur  l'acte  qu'il 
dresse,  encourrait  une  amende.  On  sait  qu'en  France  il 
existe  une  pratique  en  sens  contraire  pour  la  mère  ;  on 
accepte,  dans  les  actes  de  naissance  ou  de  reconnaissance, 
tous  les  renseignements  propres  à  faire  connaître  la  mère 
et  on  va  même  jusqu'à  indiquer  son  nom.  D'ailleurs,  d'après 
le  code  civil  espagnol,  dans  le  cas  où  la  reconnaissance  n'a 
été  faite  que  par  un  des  ^parents,  on  présume  que  l'enfant 
est  naturel  simple,  qu'il  n'a  été  commis  aucun  adultère  ni 
inceste,  par  cela  seul  que  celui  qui  a  fait  la  reconnaissance 
avait,  à  l'époque  de  la  conception,  la  capacité  nécessaire 
pour  contracter  mariage.  D'un  autre  côté,  l'enfant  majeur 
ne  peut  pas  être  reconnu  sans  son  consentement  et  celui 
qui  l'a  été  pendant  sa  minorité  a  le  droit  d'attaquer  la 
reconnaissance,  pourvu  qu'il  intente  l'action  dans  les  quatre 
ans  de  sa  majorité.  Enfin  le  code  civil  espagnol  consacre 
la  reconnaissance  forcée  ou,  en  d'autres  termes,  permet  la 
recherche  de  la  paternité  ou  de  la  maternité  :  1°  quand  il 
existe  un  écrit  émané  certainement  du  père  ou  de  la  mère 
et  contenant  aveu  exprès  de  la  paternité  ou  de  la  maternité; 
2°  quand  l'enfant  se  trouve  en  possession  continue  d'état 
naturel  du  père  ou  de  la  mère  qu'il  réclame  et  qu'il  la  jus- 
tifie par  des  actes  émanés  de  ce  père  ou  de  cette  mère  ou 
de  la  famille.  En  outre,  la  recherche  de  la  maternité  est 
permise  dans  un  troisième  cas  :  si  l'on  prouve  péremp- 
toirement l'accouchement  de  la    femme  et  l'identité  de 
l'enfant.  Dans  les  cas  de  viol,  d'attentat  et  de  rapt,  la  re- 
cherche de  la  filiation,  paternité  ou  maternité,  est  égale- 
ment permise  sous  des  conditions  déterminées  par  le  code 
pénal.  En  principe,  l'enfant  ne  peut  intenter  l'action  en 
recherche  de  paternité  ou  de  maternité  que  du  vivant  de  la 
personne  à  laquelle  il  prétend  se  rattacher  par  la  filiation. 
Ce  principe  comporte  toutefois  deux  exceptions  :  si  le  père 
et  la  mère  sont  décédés  pendant  la  minorité  de  l'enfant, 
celui-ci  a  le  droit  d'intenter  son  action  pendant  les  quatre 
années  qui  suivent  sa  majorité  ;  d'autre  part,  une  action 
en  recherche  de  la  filiation  naturelle  peut  être  intentée, 
même  par  l'enfant  majeur,  après  le  décès  de  son  père  ou 
de  sa  mère,  si  on  vient  à  découvrir  un  acte  de  ce  père  ou 
de  cette  mère,  contenant  aveu  de  la  filiation.  —  Toutes  les 
fois  que  la  filiation  naturelle  est  ainsi  prouvée,  elle  donne 
à  l'enfant,  vis-à-vis  de  l'auteur  de  la  reconnaissance,  le 
droit  de  porter  son  nom,  de  lui  demander  des  aliments  et 
de  venir  à  sa  succession.  En  outre,  les  enfants  naturels 
simples,  c.-à-d.  ceux  qui  sont  nés  de  personnes  qui  auraient 
pu  se  marier  avec  ou  sans  dispense,  peuvent  être  légitimés 
par  des  lettres  du  roi  ou  par  le  mariage  subséquent  de 
leurs  parents.  Peu  importe  dans  ce  dernier  cas  que  la  re- 
connaissance ait  eu  lieu  avant  ou  après  la  célébration  du 
mariage,  tandis  que  la  loi  civile  française  exige  toujours, 
comme  condition  de  la  légitimation,  que  la  reconnaissance 
ait  précédé  le  mariage.  Il  y  a  mieux  :  d'après  le  code  civil 
espagnol,  la  légitimation  produit  toujours  ses  effets,  depuis 
le  jour  du  mariage,  même  si  la  reconnaissance  a  eu  lieu 
postérieurement.  On  peut  aussi  légitimer  un  enfant  décédé 
avant  la  célébration  du  mariage  pour  en  faire  profiter  ses 
descendants.  Quant  à  la  légitimation  par  lettres  royales, 
elle  n'est  permise  que  sous  quatre  conditions  :  que  la  légi- 
timation par   mariage  subséquent   soit  impossible,   par 
exemple  par  suite  du  décès  de  l'un  des  deux  parents  ; 
qu'elle  soit  demandée  par  les  père  et  mère  ou  par  l'un 


d'eux,  mais  elle  ne  peut  pas  l'être  par  l'enfant;  que  le 
père  ou  la  mère  qui  la  demande  n'ait  pas  d'enfants  légi- 
times ou  légitimés  par  mariage,  ni  de  descendants  d'eux  ; 
que  le  demandeur,  s'il  est  marié,  obtienne  le  consentement 
de  son  conjoint.  Par  exception,  l'enfant  naturel  peut  lui- 
même  demander  sa  légitimation  par  rescrit  du  prince  dans 
un  cas  :  si  ses  père  et  mère  sont  prédécédés  et  ont  mani- 
festé dans  leur  testament  ou  dans  tout  autre  acte  public 
leur  volonté  de  le  légitimer,  pourvu  que  ces  père  et  mère 
prédécédés  n'aient  pas  d'enfants  légitimes  ou  légitimés  par 
mariage,  ni  de  descendants  d'eux.  La  légitimation  par 
lettres  du  roi  confère  à  l'enfant  le  droit  de  porter  le  nom 
de  ses  père  et  mère,  celui  de  leur  demander  des  aliments 
et  celui  de  venir  à  leur  succession. 

Les  enfants  adultérins  ou  incestueux  ne  peuvent  pas  être 
légitimés  et  ils  n'ont  pas  le  droit  de  rechercher  leur  filia- 
tion. Toutefois,  leur  filiation  est  légalement  établie  vis-à-vis 
du  père  dans  deux  cas  :  si  elle  résulte  d'un  jugement  civil 
ou  criminel,  devenu  irrévocable,  ou  d'un  document  certain 
émané  du  père,  dans  lequel  il  avoue  la  filiation.  Quant  à  la 
mère,  la  filiation  adultérine  ou  incestueuse  est  également 
prouvée  dans  ces  deux  mêmes  cas  et,  en  outre,  dans  un 
troisième  :  si  l'on  peut  prouver  péremptoirement  le  fait  de 
l'accouchement  et  l'identité  de  l'enfant.  Dans  ces  cas  excep- 
tionnels, où  la  filiation  adultérine  et  incestueuse  est  léga- 
lement établie,  elle  fait  naître  entre  les  père  et  mère  et 
leurs  enfants  le  droit  et  le  devoir  réciproque  à  des  ali- 
ments. Mais  ces  aliments  se  limitent  aux  secours  nécessaires 
pour  assurer  l'existence  ;  les  parents  sont,  en  outre,  obligés 
de  procurer  à  leurs  enfants  l'instruction  élémentaire  et 
l'enseignement  d'une  profession,  d'un  art  ou  d'un  métier. 

Les  dispositions  du  droit  commun  allemand  relatives  à 
la  preuve  de  la  filiation  légitime  sont  peu  nombreuses  et 
manquent  de  netteté.  Sont  légitimes  les  enfants  conçus  et 
nés  dans  le  mariage  ;  on  reconnaît  la  même  qualité  aux 
enfants  nés  d'un  mariage  putatif,  et  il  suffit  que  l'un  des 
parents  ait  été  de  bonne  foi. 

Les  jurisconsultes  allemands  sont  d'accord  pour  fixer, 
d'après  l'autorité  du  droit  romain  (L.  42,  De  statu  homi- 
num,  4, 5),  le  minimum  de  la  durée  d'une  grossesse  régu- 
lière à  482  jours,  mais  ils  ne  s'entendent  pas  sur  la  pré- 
somption relative  à  la  plus  longue  durée  d'une  grossesse. 
En  général,  ils  s'accordent  pour  décider  qu'une  grossesse 
ne  peut  durer  plus  de  300  jours;  seulement  les  uns  com- 
prennent dans  ce  délai  le  jour  de  la  conception  et  celui  de 
la  naissance,  tandis  que  d'autres  les  en  excluent.  L'enfant 
né  moins  de  482  jours  depuis  le  mariage  est  illégitime 
comme  celui  qui,  après  la  dissolution  du  mariage,  naît  à  un 
moment  où  le  délai  légal  de  la  plus  longue  grossesse  est 
expiré.  Toute  personne  intéressée  peut  agir  en  réclama- 
tion de  légitimité  ;  mais  le  mari  seul  a  le  droit  de  désa- 
vouer l'enfant  couvert  par  la  présomption  de  légitimité. 
Le  code  prussien  (Landrecht,  2e  part.,  art.  4  et  suiv.) 
contient  des  dispositions  très  complètes  sur  la  filiation  des 
enfants  et  en  cette  matière,  comme  en  plusieurs  autres,  les 
rédacteurs  du  code  civil  français  se  sont  plus  d'une  fois 
inspirés  de  ce  droit.  Le  mari  peut  désavouer  l'enfant  né  et 
conçu  pendant  le  mariage  en  prouvant  qu'il  n'a  pas  pu 
cohabiter  avec  sa  femme  entre  le  210e  et  le  302e  jour 
qui  ont  précédé  sa  naissance.  S'il  se  fonde  sur  son  impuis- 
sance, il  doit  prouver  que  celle-ci  a  été  absolue  et  conti- 
nue; s'il  invoque  son  absence,  il  doit  établir  que,  pendant 
ce  temps,  il  n'a  pas  pu  remplir  le  devoir  conjugal.  Mais  la 
preuve  de  l'adultère  de  la  femme  ne  suffit  pas  pour  faire 
tomber  la  présomption  de  légitimité  ;  on  ne  tient  non  plus 
aucun  compte  des  déclarations  de  la  mère,  qu'elles  soient 
ou  non  favorables  à  la  légitimité  (art.  4  à  7).  Le  mari  doit 
intenter  l'action  en  désaveu  dans  le  délai  d'une  année  à 
partir  de  l'époque  où  il  a  connu  la  naissance.  S'il  forme 
sa  demande  devant  un  tribunal  autre  que  celui  du  lieu  où 
demeure  la  mère  avec  son  enfant,  il  doit  prévenir  sans  dé- 
lai le  tribunal  de  ce  lieu.  La  juridiction  compétente  nomme 
d'office  un  curateur  chargé  de  prendre  en  main  les  intérêts 


FILIATION 


456  - 


de  l'enfant  (art.  7,  8,  9).  Tant  que  l'affaire  n'est  pas  ter- 
minée, le  mari  doit  supporter  les  frais  d'entretien  de  l'en- 
fant (art.  40).  [D'après  les  art.  42  et  13,  si  l'action  en 
désaveu  est  admise,  le  mari  a  le  droit  de  répéter  ces  frais 
vis-à-vis  du  père  ou  de  les  retenir  sur  la  fortune  de  la 
mère.  Le  droit  de  contester  la  légitimité  de  l'enfant  né 
pendant  le  mariage  n'appartient  qu'au  mari.  Toutefois, 
s'il  meurt  avant  la  fin  de  l'instance  ou  dans  le  délai  pour 
agir,  l'action  peut  être  continuée  ou  intentée  par  ses  pa- 
rents  à  moins  qu'il  n'ait  reconnu  l'enfant  comme  sien 
d'une  manière  ou  expresse  ou  tacite  (art.  44,  45,  46). 
L'enfant  né  au  plus  tard  le  302e  jour  après  la  dissolution 
du  mariage  est  présumé  légitime  (art.  49),  et  les  héritiers 
du  mari  ne  peuvent  faire  tomber  cette  présomption  que 
sous  les  conditions  et  dans  les  délais  établis  pour  l'action 
en  désaveu  du  mari  (art.  20).  Cependant,  même  la  légiti- 
mité de  l'enfant  né  dans  le  temps  légal  peut  être  contestée 
par  les  héritiers  du  mari  lorsqu'ils  établissent  que  la  veuve 
a  eu  des  relations  depuis  la  mort  de  son  mari  et  que  d'après 
les  lois  de  la  physiologie  la  conception  est  postérieure  à  la 
dissolution  du  mariage  (art.  24).  — Le  code  prussien  s'est 
longuement  occupé  des  femmes  enceintes  au  moment  de  la 
dissolution  du  mariage,  dans  le  but  d'éviter  les  suppres- 
sions et  les  suppositions  de  part.  Si  une  femme  se  remarie 
avant  l'expiration  du  délai  de  viduité  établi  par  la  loi  et 
qu'ensuite  elle  soit  reconnue  enceinte,  on  attribuera  l'en- 
fant à  celui  qui  était  le  mari  au  270e  jour  avant  la  nais- 
sance. Ainsi,  si  ce  jour  est  compris  dans  le  premier  ma- 
riage,  l'enfant  a  pour  père  le  premier  mari  ;  il  vient 
à  sa  succession  ;  il  n'a  aucun  droit  sur  celle  du  second 
mari;  mais  comme  celui-ci  par  son  union  prématurée  a 
été  la  cause  de  l'incertitude  de  l'état  de  l'enfant,  il  est 
tenu  envers  lui  de  toutes  les  obligations  que  crée  la  pater- 
nité (art.  22  à  26).  Le  code  prussien  organise  la  surveil- 
lance des  veuves  enceintes  avec  la  même  sollicitude  que  le 
législateur  romain.  A  la  mort  du  mari,  les  héritiers  ont 
toujours  le  droit  de  demander  à  la  veuve  si  elle  se  croit 
enceinte.  En  cas  de  réponse  affirmative,  ils  peuvent  exiger 
qu'il  lui  soit  donné  à  leurs  frais  une  surveillante.  Au  bout 
de  cinq  mois  depuis  la  mort  du  mari,  si  la  veuve  continue 
à  se  déclarer  enceinte,  les  héritiers  peuvent  demander  que 
cet  état  soit  vérifié  par  une  sage-femme.  Les  choses  se 
passeraient  de  la  même  manière  si  la  femme  qui  ne  se 
croyait  pas  enceinte  au  moment  de  la  mort  de  son  mari, 
découvrait  ensuite  sa  grossesse.  Quand  la  sage-femme  ne 
constate  aucun  signe  de  grossesse,  si  cependant  la  veuve 
persiste  dans  sa  déclaration,  elle  continue  à  être  placée 
sous  la  surveillance  de  la  garde  et  elle  est  soumise  de 
temps  à  autre  à  l'inspection  de  la  sage-femme.  Même  dans 
les  cas  où  la  grossesse  n'est  pas  douteuse,  les  héritiers  du 
mari  peuvent  exiger  que  la  garde  reste  auprès  de  la  veuve 
jusqu'à  l'époque  de  l'accouchement.  Ils  ont  aussi  le  droit  de 
demander  qu'une  matrone  désignée  par  le  tribunal  assiste  à 
la  délivrance.  Cette  matrone  et  la  garde,  a  soin  de  dire  la 
loi,  doivent  être  des  personnes  irréprochables,  d'une  hu- 
meur facile,  de  manière  à  vivre  en  bonne  intelligence  avec 
la  veuve.  On  ne  peut  pas  choisir  pour  cette  mission  des 
femmes  qui  seraient  incapables  de  déposer  comme  témoins 
de  l'une  ou  de  l'autre  partie.  La  matrone  et  la  garde  sont 
en  effet  appelées  précisément  à  déposer  sur  la  grossesse  et 
l'accouchement  en  cas  de  contestation.  La  sage-femme  et  la 
garde  doivent  avoir  soin  de  veiller  à  ce  que  la  matrone  dési- 
gnée par  le  tribunal  assiste  à  la  naissance  ;  le  même  devoir 
incombe  aux  colocataires  de  la  veuve.  Si  l'accouchement 
avait  lieu  enl'absence  de  cette  matrone,  on  présumerait  l'exis- 
tence d'une  fraude;  mais,  à  défaut  de  toute  autre  preuve, 
ce  fait  ne  suffirait  pas  à  lui  seul  pour  autoriser  à  contester 
l'état  de  l'enfant.  La  veuve  qui,  au  mépris  des  dispositions 
précédentes,  cacherait  sa  grossesse  ou  son  accouchement, 
serait  condamnée  à  perdre  le  quart  de  ce  qu'elle  a  recueilli 
dans  la  succession  de  son  mari  au  profit  des  parents  de 
celui-ci  (art.   26  à  44).  H  peut  arriver  que  le  mariage 
prenne  fin  autrement  que  par  la  mort  de  l'un  des  époux. 


Dans  ce  cas,  le  mari  n'a  le  droit  de  désavouer  l'enfant  qui  naît 
dans  les  302  jours  de  la  dissolution  du  mariage,  qu'en  se 
conformant  aux  art.  2  et  48  (art.  40  à  44).  Dans  le  même 
cas,  le  mari  a  le  droit,  s'il  croit  la  femme  enceinte,  de 
réclamer  les  mesures  que  la  loi  établit  au  profit  de  ses 
héritiers  lorsque  le  mariage  a  pris  fin  par  sa  mort  (art. 
42).  Quand  une  femme  est  séparée  de  son  mari,  dès  qu'elle 
se  reconnaît  enceinte,  elle  doit  lui  en  faire  une  notifica- 
tion; si  elle  l'omettait,  cette  circonstance,  à  elle  seule,  ne 
suffirait  pas  pour  enlever  à  l'enfant  la  présomption  de 
légitimité,  mais  la  mère  ne  pourrait  jamais,  par  l'intermé- 
diaire de  cet  enfant,  acquérir  des  droits  sur  la  fortune  de 
son  mari  (art.  42  à  47).  D'un  autre  côté,  lorsque  le  mari, 
séparé  de  sa  femme,  croit  qu'elle  est  enceinte  et  qu'elle  le 
nie,  il  a  le  droit  de  la  faire  visiter  par  une  sage-femme 
assermentée.  Si  la  sage-femme  reconnaît  l'existence  d'une 
grossesse,  le  mari  peut  exiger  qu'on  prenne  toutes  les  pré- 
cautions prescrites  par  les  art.  27  et  suiv.  pour  éviter 
les  dangers  d'une  suppression  ou  d'une  supposition  de  part 
(art.  47  et  48). 

En  Bavière,  on  suit  généralement  les  principes  du  droit 
commun  allemand  et  ceux  du  Landrecht  prussien,  même 
dans  les  parties  de  ce  royaume  où  il  y  a  ordinairement  un 
droit  spécial. 

Le  nouveau  code   saxon  .(art.  4774  à  4780)  régle- 
mente d'une  manière  précise  la  filiation  légitime.  Il  fixe 
la  durée  des  grossesses  de  482  jours  à  302.  Les  enfants 
nés    plus    de  482  jours   depuis  le   mariage  sont  légi- 
times. Le  code  saxon  ne  disant  rien  de  ceux  qui  viennent 
au  monde  plus  de  302   jours  depuis   la   dissolution  du 
mariage,  il  résulte  de  son  silence  que  ces  enfants  naissent 
de  plein  droit  illégitimes   (cf.  art.  4774).   Le  mari  ne 
peut  désavouer  l'enfant  conçu  et  né  pendant  le  mariage, 
qu'à  la  condition  de  prouver  qu'il  n'a  pas  cohabité  avec  sa 
femme  pendant  le  temps  correspondant  à  la  conception  ; 
la  preuve  d'un  adultère  de  la  femme  ne  suffit  pas  pour 
priver  l'enfant  de  la  qualité  d'enfant   légitime.  Quand 
le  mari  reste  90  jours  depuis  l'époque  où  il  a  appris  la 
naissance  sans  intenter  l'action  en  désaveu  devant  le  tri- 
bunal de  son  domicile,  cette  action  est  éteinte  par  pres- 
cription et  cette  prescription  repose  sur  une  présomption 
de  reconnaissance  de  l'enfant  comme  sien,  mais  cette  re- 
connaissance tacite  ne  peut  résulter  d'aucun  autre  acte.  Si 
le  mari  meurt  dans  les  90  jours  pour  agir,  et  dans  ce  cas 
seulement,  ses  héritiers  peuvent  intenter  l'action  en  désa- 
veu à  sa  place  ;  la  loi  leur  donne  un  nouveau  délai  de 
90  jours  qui  court  à  partir  de  l'époque  où  ils  ont  eu  con- 
naissance de  la  mort  de  leur  auteur  (art.  4772  à  4776). 
Quand  un  enfant  naît  avant  4  82  jours  depuis  le  mariage,  il 
est  légitime  si  le  mari  reconnaît  sa  paternité  d'une  manière 
expresse  ou  tacite.  La  reconnaissance  tacite  ne  peut  résul- 
ter que  des  faits  suivants  :  le  mari  a  connu  la  grossesse  de 
sa  femme  avant  de  l'épouser  et  il  n'a  pas,  au  moment  du 
mariage,  protesté  contre  la  présomption  de  sa  paternité  ; 
il  a  laissé  écouler  90  jours  à  partir  de  l'époque  où  il  a 
connu  la  naissance  sans  agir  (art.   4776  et  4777).  Les 
héritiers  du  mari  ne  peuvent  contester  la  légitimité  de  cet 
enfant  né  avant  le  terme  légal  qu'autant  que  le  mari  est 
mort  alors  que  le  délai  de  90  jours  n'était  pas  expiré  :  ils 
ont,  dans  ce  cas,  90  jours  à  partir  du  moment  où  ils  ont 
connu  la  mort  de  leur  auteur  pour  agir  en  contestation  de 
légitimité  (art.  4777  et  4775  comb.).Le  code  saxon  pré- 
voit l'hypothèse  .où  une  femme  divorcée  ou  veuve,   sans 
observer  le  délai  de  viduité,  se  remarie  presque  immédia- 
tement après  la  dissolution  de  son  précédent  mariage  et 
accouche  peu  de  temps  après  son  nouveau  mariage  ;  il 
donne  la  même  solution  que  le  code  prussien  et  attribue 
l'enfant  au  premier  mari  s'il  naît  dans  les  270  jours  de  la 
dissolution  du  mariage  (art.  4779). 

Arrivons  à  la  filiation  naturelle.  D'après  le  droit  com- 
mun allemand,  il  n'y  a  pas  de  différences  entre  les  enfants 
légitimes  et  les  enfants  naturels  vis-à-vis  de  leur  mère  ni 
sous  le  rapport  de  la  preuve,  ni  sous  celui  des  effets  de  la 


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FILIATION 


filiation.  Au  contraire,  vis-à-vis  de  leur  père,  les  enfants 
n'ont  aucun  droit  de  succession  ;  il  ne  s'établit  pas,  à  pro- 
prement parler,  de  rapport  de  filiation  entre  l'enfant  na- 
turel et  son  père  ;  l'enfant  et  la  mère  ont  seulement  une 
créance  alimentaire  contre  l'auteur  de  la  grossesse,  et  à  cet 
effet  la  recherche  delà  paternité  est  permise.  S'il  est  établi 
que  pendant  le  temps  correspondant  à  celui  de  la  conception 
la  mère  a  cohabité  avec  plusieurs  hommes,  ceux-  ci  sont 
tous  solidairement  tenus  de  la  dette  alimentaire.  Cette  dette 
alimentaire  se  transmet  aux  héritiers  du  père  comme  toute 
dette  naissant  d'un  délit  :  mais  les  ascendants  du  père  ne 
sont  d'ailleurs  jamais  comme  tels  tenus  de  cette  obligation  à 
défaut  du  père  ;  il  en  est  autrement  de  ceux  de  la  mère. 

En  Prusse,  la  filiation  naturelle  produit  des  effets  im- 
portants ;  il  est  nécessaire  de  les  indiquer,  pour  faire  com- 
prendre le  système  de  la  loi  prussienne  sur  la  preuve  de 
cette  filiation.  L'enfant  naturel  n'entre  ni  dans  la  famille 
de  son  père,  ni  dans  celle  de  sa  mère  ;  il  porte  le  nom  de 
la  mère  et  est  de  la  même  condition  sociale  sauf  que,  si 
la  mère  est  noble,  l'enfant  ne  le  devient  pas  (art.  639  et 
640).  Les  enfants  naturels  ont,  sur  la  succession  de  leur 
mère,  les  mêmes  droits  que  les  enfants  légitimes  (art.  656). 
Mais,  dans  la  succession  paternelle,  ils  sont  exclus  par  les 
enfants  nés  d'un  mariage  ou  même  d'une  union  morgana- 
tique (art.  652)  ;  c'est  seulement  à  défaut  d'enfants  légi- 
times qu'ils  prennent  un  sixième  de  la  succession,  à  moins 
qu'ils  ne  préfèrent  s'en  tenir  ta  leur  créance  alimentaire 
(art.  652).  Les  enfants  naturels  ont  en  effet  contre  leur 
père  et  ses  héritiers  une  créance  en  payement  des  frais 
d'éducation  et  d'instruction  jusqu'à  l'âge  de  quatorze  ans 
(art.  612  et  633). 

La  loi  prussienne  ne  s'occupe  pas  de  la  preuve  de  la 
maternité  naturelle  ;  cette  preuve  se  fait  comme  celle  de 
la  maternité  légitime.  La  recherche  de  la  paternité  est 
permise.  Dès  que  le  tribunal  des  tutelles  a  connaissance 
de  l'existence  d'un  enfant  naturel,  il  doit  veillei  à  ce 
que  cet  enfant  reçoive  un  tuteur  (art.  614).  Celui-ci  fait 
valoir  les  droits  de  l'enfant  contre  son  père  :  si  l'homme 
auquel  on  attribue  la  paternité  nie  le  fait,  le  tuteur  doit, 
même  contre  le  gré  de  la  mère,  faire  ce  qui  est  nécessaire 
pour  arriver  à  la  découverte  du  véritable  père  (art.  617). 
De  son  côté,  la  mère  a  le  droit  de  faire  constater  la  pater- 
nité naturelle,  et  elle  en  retire  de  grands  avantages.  Sur 
ce  dernier  point,  le  Landrecht  a  été  complété  ou  même  mo- 
difié par  une  loi  du  24  avr.  1854  qui  s'est  aussi  occupée 
des  enfants  naturels.  L'auteur  d'une  grossesse  doit  tou- 
jours supporter  les  frais  d'accouchement  et  de  baptême 
(loi  du  24  avr.  1854,  art.  8).  Il  y  a  même  des  cas  assez 
nombreux  où  la  fille  acquiert  des  droits  plus  ou  moins 
étendus  sur  les  biens  du  père  de  son  enfant.  Ainsi,  quand 
une  fille  devient  grosse  par  suite  d'un  viol  ou  à  son  insu 
ou  parce  qu'au  moyen  de  manœuvres  frauduleuses  on  lui 
a  fait  croire  qu'elle  était  mariée,  elle  a  droit  au  quart  des 
biens  de  l'auteur  de  la  grossesse,  même  dans  le  cas  où  il 
y  aurait  empêchement  de  mariage  entre  elle  et  son  séduc- 
teur. De  même  si  une  fiancée  se  trouve  enceinte  et  que  son 
fiancé  lui  refuse  le  mariage,  elle  a  le  droit  d'invoquer  le 
bénéfice  des  art.  786  à  808  du  Landrecht  (2e  part.,  tit.  1). 
Mais  si  le  refus  du  fiancé  repose  sur  un  fait  qui,  dans  le 
mariage,  aurait  autorisé  le  divorce  ou  si  le  refus  provient 
de  la  fiancée  qui  ne  peut  opposer  à  son  fiancé  aucun  fait 
semblable,  les  art.  786  à  808  ne  s'appliquent  plus.  Il  y  a 
aussi  des  cas  où  une  fille  ou  veuve  ne  peut  se  faire  payer 
de  ses  frais  de  couche  et  de  baptême  :  si  pendant  le  temps 
correspondant  à  celui  de  la  grossesse  elle  a  cohabité  avec 
plusieurs  hommes;  toutes  les  fois  qu'elle  est  de  mœurs 
douteuses,  comme  si  elle  s'est  donnée  à  prix  d'argent  ;  si 
elle  a  été  déjà  précédemment  enceinte;  si  pendant  son  ma- 
riage elle  a  commis  un  adultère  ;  si  elle  a  cohabité  avec  un 
homme  moins  âgé  qu'elle  et  mineur  de  vingt  ans.  L'action 
donnée  à  toute  fille  ou  veuve  contre  l'auteur  de  la  grossesse 
se  prescrit  par  deux  ans  à  partir  de  l'accouchement.  Si  l'au- 
teur de  la  grossesse  a  changé  de  domicile  pendant  ce  temps, 


le  délai  de  la  prescription  reste  suspendu  tant  que  la  fille 
n'a  pas  découvert  le  nouveau  domicile,  et  celle-ci  n'en  con- 
tinue pas  moins  à  avoir  le  droit  d'agir  devant  le  tribunal  du 
premier  domicile  (loi  du  24  avr.  1854,  art.  10  et  11).  La 
loi  présume  que  celui-là  est  l'auteur  de  la  grossesse  qui  a 
cohabité  avec  la  mère  entre  les  210e  et  285e  jours  qui  ont 
précédé  la  naissance.  On  pourrait  toutefois  admettre  que 
celui-là  est  le  père  qui  a  cohabité  avec  la  mère  à  une  époque 
plus  rapprochée  de  la  naissance  si  les  gens  de  l'art  reconnais- 
saient que  la  grossesse  a  duré  moins  longtemps  qu'à  l'or- 
dinaire et  que  le  commencement  de  cette  grossesse  corres- 
pond à  l'époque  de  la  cohabitation.  Chaque  partie,  la  mère 
et  le  prétendu  père,  peut  prêter  serment  sur  le  fait  de  la 
cohabitation  et  sur  son  époque,  soit  spontanément,  soit  sur 
la  demande  de  l'autre,  soit  sur  la  délation  faite  par  le  juge, 
sauf  au  tribunal  à  se  décider  suivant  sa  conviction  ;  mais 
la  prestation  de  serment  ne  fait  pas  nécessairement  preuve, 
d'autant  plus  qu'il  peut  exister  deux  serments  contradic- 
toires. Le  refus  de  prestation  de  serment  est  un  élément 
de  preuve  encore  plus  fort  que  le  serment  prêté.  Les 
preuves  dont  on  vient  de  parler  sont  admises  aussi  bien 
dans  le  cas  où  l'action  est  intentée  au  nom  de  l'enfant  que 
quand  elle  l'est  par  la  femme,  mais  l'enfant  naturel  ne 
peut  invoquer  des  droits  sur  la  succession  de  son  père 
qu'autant  qu'il  présente  un  acte  de  reconnaissance  authen- 
tique ou  un  jugement  rendu  du  vivant  du  défunt  et  consta- 
tant sa  paternité.  La  preuve  de  la  filiation  naturelle  est 
ainsi  plus  difficile  au  point  de  vue  des  droits  de  succession 
qu'en  ce  qui  concerne  la  dette  alimentaire.  L'action  en 
reconnaissance  de  paternité  naturelle,  éteinte  par  la  mort 
du  père,  d'après  le  Landrecht,  peut  aujourd'hui  être  inten- 
tée contre  ses  héritiers  par  la  mère  ou  par  l'enfant,  mais 
sans  produire  alors  aucun  droit  de  succession. 

En  Bavière,  les  différentes  législations  en  vigueur  sur 
la  filiation  des  enfants  naturels  peuvent  se  ramener  à  trois 
groupes  :  4  °  dans  le  ressort  de  l'ancien  évêché  de  Bam- 
berg  et  à  Rothenbourg,  on  applique  un  code  spécial  de 
1792  ;  2°  dans  les  ressorts  où  le  droit  prussien  est  en 
vigueur,  on  l'observe,  à  moins  qu'il  n'y  soit  dérogé  par  des 
statuts  locaux  ;  3°  dans  les  autres  parties  de  la  Bavière, 
on  se  soumet  au  droit  commun  allemand,  à  moins  de  statuts 
locaux  contraires.  L'ensemble  des  dispositions  observées 
en  Bavière  peut  se  résumer  ainsi  :  la  maternité  naturelle 
s'établit  comme  la  maternité  légitime;  elle  donne  naissance 
à  une  dette  alimentaire  et  aussi  à  des  droits  de  succession, 
mais  ceux-ci  sont  moins  avantageux  qu'en  Prusse  et,  en 
général,  les  enfants  naturels  sont  exclus  par  les  enfants 
légitimes.  L'action  en  recherche  de  la  paternité  appartient 
à  la  mère  et  à  l'enfant.  Il  faut  prouver  la  cohabitation 
pendant  le  temps  qui  correspond  à  celui  de  la  grossesse  et 
on  applique  à  cet  égard  la  présomption  légale  sur  la 
durée  de  la  grossesse,  tantôt  celle  du  droit  commun  alle- 
mand, tantôt  celle  du  code  prussien,  selon  les  contrées, 
dans  le  ressort  de  l'ancien  évêché  de  Bamberg  celle  éta- 
blie par  le  code  de  1792  (182  à  330  jours).  On  peut 
prouver  par  tous  moyens  que  le  prétendu  père  a  cohabité 
pendant  ce  temps  avec  la  mère  ;  la  reconnaissance  faite 
par  lui  avant  le  procès  vaut  comme  aveu  extrajudiciaire, 
mais  on  ne  tient  aucun  compte  des  déclarations  qui  ont  pu 
être  faites  par  la  mère.  Il  suffit  d'établir  d'une  manière 
générale  la  cohabitation  pendant  ce  temps;  mais  il  en 
serait  autrement  si  l'on  prétendait  qu'il  y  a  eu  seulement 
des  relations  intimes.  La  seule  preuve  de  la  cohabitation  pen- 
dant le  temps  correspondant  à  la  grossesse  fait  présumer 
la  paternité,  à  moins  que  des  faits  certains  ne  viennent 
établir  l'impossibilité  de  cette  paternité;  mais  on  ne  consi- 
dère comme  telles  ni  la  constitution  physique  de  l'enfant 
qui  paraît  né  avant  ou  après  le  terme  normal,  ni  la  croyance 
de  la  mère  qu'elle  était  déjà  enceinte  avant  la  cohabitation 
avec  le  défendeur,  ni  la  reconnaissance  de  paternité  faite 
par  un  tiers.  On  a  autrefois  beaucoup  controversé  sur  le 
point  de  savoir  s'il  est  possible  d'agir  en  recherche  de 
paternité  lorsque  la  mère  de  l'enfant  est  une  femme  ma- 


FILIATION 


458 


riée  ;  mais  il  parait  aujourd'hui  admis  sans  difficulté  que 
cette  action  ne  peut  être  autorisée  que  dans  les  cas  où 
Ton  a  constaté  l'impossibilité  de  la  paternité  du  mari. 

Le  principes  du  droit  saxon,  écrits  dans  un  code  récent, 
sont  plus  précis.  D'après  Fart.  4860  de  ce  code,  celui  qui 
a  cohabité  avec  une  femme  mariée  pendant  le  temps  qui 
correspond  à  l'époque  de  la  conception,  n'est  considéré 
comme  père  de  l'enfant  qu'autant  que  pendant  le  même 
temps  le  mari  n'a  pas  cohabité  avec  sa  femme.  Le  code 
saxon  ne  parle  pas  de  la  preuve  de  la  maternité  naturelle; 
celle-ci  s'établit  comme  la  maternité  légitime.  Il  permet  la 
recherche  de  la  paternité  naturelle,  non  seulement  à  l'en- 
fant, mais  même  à  la  fille  pour  obliger  l'auteur  de  la  gros- 
sesse à  payer  les  frais  de  naissance  et  de  baptême  et  pour 
le  faire  contribuer  aux  dépenses  d'éducation  de  l'enfant. 
La  loi  établit  même  une  présomption  de  paternité  contre 
celui  qui  a  cohabité  avec  la  fille  ou  la  femme  entre  le 
482e  et  le  302e  jour  antérieurs  à  l'accouchement.  Si  pen- 
dant ce  temps  la  fille  ou  la  femme  avait  cohabité  avec  plu- 
sieurs hommes,  tous  seraient  codébiteurs  solidaires  des 
dettes  que  la  loi  met  à  la  charge  de  l'auteur  d'une  gros- 
sesse (art.  4858,  4859,  4872).  Toutefois,  quand  la  mère 
veut  agir  pour  contraindre  le  prétendu  père  à  contribuer 
à  l'entretien  de  l'enfant,  elle  ne  peut  le  faire  qu'avec  l'au- 
torisation du  tribunal  des  tutelles  ;  mais  alors  ce  qui  est 
jugé  pour  ou  contre  elle,  a  aussi,  en  principe,  autorité  de 
chose  jugée  vis-à-vis  de  la  mère.  Le  code  saxon  s'occupe 
longuement  de  la  part  contributoire  du  père  aux  dépenses 
de  l'enfant  naturel.  Nous  nous  bornons  pour  ces  détails 
à  renvoyer  au  texte  même  de  la  loi  (V.  art.  4864  et  suiv.) 

En  nous  occupant  de  la  filiation  naturelle,  nous  avons 
par  cela  même  constaté  que  la  filiation  adultérine  peut  être 
assez  souvent  prouvée  dans  ce  pays  et  qu'on  y  permet 
même,  dans  certains  cas,  la  recherche  de  cette  filiation. 
En  Prusse,  les  enfants  nés  de  mariages  prohibés  pour 
cause  de  parenté,  d'alliance,  d'existence  d'une  précédente 
union,  ou  contractés  entre  personnes  qui  ne  peuvent  se 
marier  l'une  à  l'autre  parce  qu'elles  ont  été  cause  d'un 
divorce,  n'en  ont  pas  moins,  vis-à-vis  de  leur  père  et 
mère  et  entre  eux,  la  même  situation  que  les  enfants  légi- 
times et,  dès  lors,  leur  filiation  s'établit  comme  celle  des 
autres  enfants  ;  mais  ces  enfants  n'entrent  pas  dans  la 
famille  de  leur  père  ni  dans  celle  de  leur  mère,  et  les  parents 
qui  leur  ont  donné  le  jour  n'ont  aucun  droit  sur  eux,  si  ce 
n'est  ceux  qu'on  considère  comme  une  conséquence  du  devoir 
d'éducation  (Landrecht,  2e  part.,  tit.  2,  art.  50  à  56). 

Le  code  civil  autrichien  traite  comme  légitimes  les  en- 
fants nés  depuis  le  commencement  du  septième  mois  du 
mariage  ou  au  plus  tard  dans  le  dixième  mois  qui  a  suivi 
la  dissolution  du  mariage  (art.  438).  Le  mari  peut  toute- 
fois toujours  désavouer  l'enfant  né  dans  ces  conditions;  la 
loi  ne  limite  pas  les  cas  de  désaveu.  Il  suffit  que  le  mari 
prouve  d'une  manière  quelconque  l'impossibilité  de  sa  pa- 
ternité ;  ainsi  l'action  en  désaveu  pourrait  être  fondée 
sur  l'impuissance  naturelle.  Mais  l'adultère  de  la  iemme  et 
l'aveu  de  la  mère  que  l'enfant  est  illégitime  ne  suffisent 
pas  pour  enlever  à  l'enfant  sa  qualité  d'enfant  légitime 
(art.  458).  L'action  en  désaveu  dirigée  contre  l'enfant  né 
et  conçu  pendant  le  mariage  n'appartient  qu'au  mari  :  il  doit 
l'intenter  contre  un  curateur  ad  hoc  et  dans  les  trois  mois 
à  partir  du  jour  où  il  a  connu  la  naissance  (art.  458).  Si  le 
mari  meurt  dans  ce. délai  de  trois  mois,  ses  héritiers,  dont 
les  droits  sont  menacés,  peuvent  intenter  Faction,  et  la  loi 
leur  donne  trois  mois  du  jour  de  la  mort  du  mari  (art.  459). 
L'enfant  né  avant  le  septième  mois  de  mariage  peut  être 
désavoué  par  le  mari,  à  moins  qu'il  n'ait  connu  la  gros- 
sesse avant  le  mariage;  l'action  doit  être  intentée  dans  les 
trois  mois  du  jour  où  le  mari  a  connu  la  naissance  (art.  4  56). 
L'enfant  né  après  le  dixième  mois  depuis  la  dissolution  du 
mariage  est  illégitime  (art.  438).  Toutefois,  quand  la  légi- 
timité d'un  enfant  est  contestée  à  cause  de  sa  naissance 
prématurée  ou  tardive,"  on  peut  toujours  établir  la  légiti- 
mité de  l'enfant  par  l'expertise  des  gens  de  Fart  qui,  après 


un  mûr  examen  de  l'état  de  la  mère  et  de  celui  de  l'enfant, 
expliqueraient  la  cause  de  cette  grossesse  extraordinaire 
(art.  457). 

Quant  à  la  preuve  de  la  filiation  naturelle,  le  code  autri- 
chien est  tout  particulièrement  facile.  La  recherche  de  la 
paternité  naturelle  est  permise  sans  aucune  restriction. 
Tout  aveu,  même  extrajudiciaire,  en  une  forme  quelconque, 
de  paternité  naturelle  fait  preuve.  Toutefois,  l'inscription 
du  père  sur  le  registre  des  naissances  ou  sur  celui  des  bap- 
têmes ne  constitue  une  preuve  qu'autant  qu'elle  est  faite 
avec  le  consentement  du  père  et  que  ce  consentement  est 
constaté  par  le  double  témoignage  du  curé  et  du  parrain 
avec  l'attestation  que  lé  père  leur  est  personnellement 
connu.  Il  y  a  même  un  cas  où  la  paternité  naturelle  est 
présumée  :  c'est  celui  d'un  homme  qui  vit  maritalement 
avec  une  fille  ou  une  veuve,  si  l'enfant  naît  au  plus  tôt 
dans  le  septième  mois  et  au  plus  tard  dans  le  dixième 
mois  de  cette  cohabitation  (art.  463  et  464).  Le  code  civil 
autrichien  ne  parle  pas  de  la  preuve  de  la  maternité  natu- 
relle; c'est  qu'il  n'existe,  sous  ce  rapport,  aucune  diffé- 
rence avec  la  maternité  légitime. 

En  Angleterre,  la  preuve  de  la  filiation  légitime  n'est, 
à  proprement  parler,  soumise  à  aucune  règle  précise  ;  elle 
résulte  le  plus  souvent  de  l'acte  de  naissance  et  de  la  pos- 
session d'état  ;  mais  les  autres  moyens  de  preuve  ne  sont 
pas  exclus  et  il  est  toujours  permis  de  combattre  l'acte  de 
naissance  par  toute  espèce  de  moyens.  La  loi  s'en  rap- 
porte avant  tout  à  la  sagesse  de  la  justice.  Ainsi  des  décla- 
rations faites  en  famille,  des  expressions  insérées  dans  un 
testament,  des  écrits  quelconques,  des  inscriptions  gra- 
vées sur  des  objets  qui  sont  des  souvenirs  de  famille,  sur 
un  tombeau,  sur  une  Bible,  un  tableau  généalogique  con- 
servé dans  un  manoir,  la  simple  tradition,  peuvent  servir  à 
établir  une  filiation  légitime,  et  réciproquement  il  est  tou- 
jours permis  de  répudier  la  filiation  en  possession  de  la- 
quelle on  se  trouve  pour  en  réclamer  une  autre.  L'action 
en  réclamation  d'état  est  imprescriptible,  tant  en  faveur 
d'un  enfant  qu'à  l'égard  de  ses  héritiers  ;  seulement,  après 
l'expiration  des  délais  fixés  par  les  statuts,  l'enfant  ne 
peut  plus  réclamer  les  biens  qu'un  tiers  a  possédés  pen- 
dant le  temps  déterminé  par  la  loi  pour  l'acquisition  de  la 
propriété.  Pour  qu'un  enfant  soit  légitime,  il  n'est  pas 
nécessaire,  en  Angleterre,  qu'il  soit  à  la  fois  conçu  et  né 
pendant  le  mariage  ;  une  seule  de  ces  deux  conditions  suf- 
fit. Ainsi  l'enfant  conçu  avant  le  mariage  n'en  naîtra  pas 
moins  légitime  si  ses  parents  se  marient  avant  sa  naissance. 
Mais  le  droit  anglais  n'a  jamais  accepté  la  légitimation  par 
mariage  subséquent  de  l'enfant  conçu  et  né  avant  le 
mariage,  en  partie  en  haine  du  droit  romain,  en  partie  pour 
décider  ceux  qui  ont  eu  des  relations  illégitimes  à  les  ré- 
gulariser au  plus  vite.  La  loi  anglaise  admet  d'ailleurs 
une  présomption  de  légitimité  au  profit  de  tous  les  enfants 
nés  pendant  le  mariage  ;  mais,  comme  en  droit  romain, 
c'est  là  une  simple  présomption  de  fait,  qui  peut  être  com- 
battue par  toute  espèce  de  moyens  de  preuve  et  par  toute 
personne  intéressée,  tandis  qu'en  France,  on  s'en  sou- 
vient, Faction  en  désaveu  est  soumise  à  de  nombreuses 
restrictions.  Le  plus  souvent  Faction  sera  intentée  par  le 
mari  qui  invoquera  l'impossibilité  physique  de  cohabitation, 
par  exemple  son  absence  hors  du  royaume,  ou  bien  encore 
son  impuissance,  la  séparation  de  corps,  l'adultère  public 
de  sa  femme  ;  mais  d'ailleurs  les  jurisconsultes  anglais  ne 
citent  ces  faits  qu'à  titre  d'exemple  et  en  réalité  Faction  en 
désaveu  est  permise  à  toute  personne,  en  tout  temps  et 
pour  toutes  sortes  de  causes.  On  ne  redoute  pas  les  abus 
parce  que  les  tribunaux  jouissent  d'une  grande  liberté  qui 
leur  permettra  d'écarter  les  demandes  manifestement  mal 
fondées  ou  inutilement  scandaleuses.  La  loi  ne  fixe  pas  non 
plus  de  présomption,  pour  la  durée  des  grossesses.  Au  sur- 
plus, on  s'en  souvient,  l'enfant  né  trop  tôt  pour  avoir  été 
conçu  pendant  le  mariage  n'en  naît  pas  moins  légitime,  et 
l'enfant  né  après  la  dissolution  du  mariage  est  également 
présumé  légitime,  à  moins  que  sa  naissance  n'ait  eu  lieu  à 


-  459  - 


FILIATION 


une  époque  si  éloignée  de  la  dissolution  du  mariage,  que  la 
conception  pendant  le  mariage  soit  manifestement  impos- 
sible. Mais,  en  l'absence  de  présomptions  légales,  on  aban- 
donne à  la  sagesse  des  juges  la  question  de  savoir  si  la 
conception  a  pu  ou  non  avoir  lieu  pendant  le  mariage.  Con- 
formément à  un  ancien  usage  assez  semblable  à  celui  des 
Romains,  lorsqu'une  veuve  est  soupçonnée  de  simuler  une 
grossesse  pour  introduire  dans  la  succession  un  étranger, 
l'héritier  présomptif  peut  obtenir  de  la  justice  un  ordre  de 
ventre  inspiciendo.  La  femme  est  examinée  ;  si  elle  est 
reconnue  enceinte,  il  peut  être  statué  sur  sa  surveillance 
jusqu'à  l'époque  de  sa  délivrance».  Dans  le  cas  contraire, 
l'héritier  est  envoyé  en  possession,  sauf  à  restituer  la  suc- 
cession si  l'on  s'était  trompé  et  si  un  enfant  venait  à  naître 
dans  les  quarante  semaines  de  la  mort  du  mari.  Quand  une 
veuve  se  remarie  moins  de  neuf  mois  depuis  la  dissolution 
de  son  précédent  mariage  et  qu'elle  met  au  monde  un  enfant 
dans  les  premiers  mois  de  sa  nouvelle  union,  comme  il 
n'est  pas  possible  de  savoir  quel  est  celui  des  deux  maris 
auquel  il  faut  attribuer  l'enfant,  celui-ci  a  le  droit  de  choisir, 
à  sa  majorité,  entre  l'ancien  et  le  nouveau  mari. 

Le  droit  anglais  en  est  resté,  pour  la  preuve  et  les  effets 
de  la  filiation  naturelle,  à  des  principes  semblables  à  ceux 
de  notre  ancien  droit  français,  notamment  de  la  coutume 
de  Normandie  (pour  l'ancienne  coutume  de  Normandie, 
V.  Terrien,  liv.  II,  chap.  m,  et  pour  la  nouvelle  cou- 
tume, les  art.  275  et  276  de  cette  coutume).  D'après 
l'art.  7  de  l'acte  du  7  août  4  874  sur  les  actes  de  l'état 
civil,  nul  n'est  tenu  de  faire  la  déclaration  d'une  nais- 
sance illégitime  en  qualité  de  père  de  l'enfant,  et  le  regis- 
trar  ne  doit  inscrire  le  nom  du  père  qu'autant  que  celui-ci 
et  la  mère  le  requièrent  formellement  ;  ils  doivent  alors 
aussi  tous  deux  signer  l'acte.  Sauf  cette  exception,  l'acte 
ne  renferme  que  l'indication  de  la  mère.  La  preuve  de 
la  maternité  naturelle  résulte  donc  presque  toujours  de 
l'acte  de  naissance,  mais  elle  peut  encore  être  faite  de 
toute  autre  manière.  Quant  au  père,  sa  reconnaissance 
établit  vis-à-vis  de  lui  la  filiation  naturelle  et  autorise  l'en- 
fant à  porter  son  nom.  Lorsque  le  père  ne  se  fait  pas  volon- 
tairement connaître,  il  peut  être  recherché  par  la  mère, 
mais  sous  certaines  conditions.  La  filiation  naturelle  ainsi 
établie  ne  produit  d'ailleurs  pour  les  parents  que  des  effets 
très  limités,  comme  nous  aurons  occasion  de  le  constater 
bientôt.  Quant  à  la  filiation  adultérine  ou  incestueuse,  la 
loi  anglaise  refuse  de  la  reconnaître  et,  dès  lors,  elle  ne 
produit  aucun  effet.  La  mère  naturelle  est  chargée  de  la 
garde  de  l'enfant,  de  préférence  au  père  putatif  ;  c'est  elle 
qui  doit  l'élever  et  le  soutenir  tant  qu'elle  ne  se  marie  pas 
et  jusqu'à  ce  que  l'enfant  ait  atteint  seize  ans  ou  se  soit 
établi,  ou,  s'il  s'agit  d'une  fille,  jusqu'à  ce  qu'elle  se  soit 
mariée.  Avant  1835,  la  mère  pouvait  toujours  mettre  à  la 
charge  du  père  tout  ou  partie  des  dépenses  d'entretien  ;  il 
lui  suffisait,  pour  prouver  la  paternité,  d'en  faire  l'affirma- 
tion sous  serment.  Ce  système,  analogue  à  celui  de  notre 
ancien  droit,  produisait  les  désordres  dont  on  s'était  plaint 
aussi  dans  notre  ancienne  France.  Cette  coutume,  écrit  Léon 
Faucher  dans  ses  études  sur  l'Angleterre,  avait  donné  lieu 
à  des  abus  inimaginables  ;  les  jeunes  filles  spéculaient  sur  la 
protection  dont  la  loi  couvrait  leurs  désordres,  se  livraient 
au  premier  venu  dans  l'espoir  d'obtenir,  à  défaut  de  ma- 
riage, une  pension  alimentaire  ;  les  plus  éhontées  trafi- 
quaient même  de  ce  pouvoir  de  dénonciation  et  levaient  des 
contributions  sur  les  jeunes  gens  en  les  menaçant,  pour  le 
cas  où  ils  ne  se  rachèteraient  pas  du  péril,  de  les  désigner 
aux  magistrats.  En  4835,  le  Parlement  mit  un  terme  à  ces 
abus  en  décidant  que  la  simple  allégation  de  la  mère  sous 
serment  ne  suffirait  plus,  qu'il  faudrait  encore  d'autres 
preuves  sérieuses,  enfin,  et  c'est  là  l'innovation  la  plus 
grave,  que  la  recherche  ne  serait  plus  autorisée  qu'en  cas 
d'indigence  de  la  mère  et  que  l'action  serait  alors  intentée, 
non  plus  par  la  mère,  mais  par  la  paroisse  sur  son  indica- 
tion. En  effet,  lorsqu'une  mère  ne  se  trouve  pas  en  état 
d'élever  son  enfant,  celui-ci  tombe  à  la  charge  de  la  pa- 


roisse, laquelle  a  dés  lors  grand  intérêt  à  rechercher  la 
paternité.  Cette  loi  a  plutôt  déplacé  le  mal  qu'elle  ne  l'a 
supprimé  :  les  spéculations  éhontées  dont  on  se  plaignait 
ont  persisté,  mais  seulement  de  la  part  des  filles  pauvres 
qui,  pour  se  procurer  de  l'argent,  menaçaient  de  faire  des 
indications  à  la  paroisse  ;  mais,  d'un  autre  côté,  les  hommes 
n'ont  plus  éprouvé  aucune  crainte  toutes  les  fois  que  les 
filles  étaient  en  état  d'élever  leurs  enfants  et,  dans  ces 
mêmes  cas,  ils  n'ont  plus  été  retenus  par  les  dangers  d'une 
recherche  de  paternité.  Aussi  cette  législation  a-t-elle  été 
à  son  tour  modifiée  par  un  acte  de  4872  qu'a  complété  un 
acte  de  4873. 

Depuis  cette  loi,  comme  auparavant,  la  charge  de  l'en- 
fant naturel  pèse  exclusivement  sur  la  mère  tant  qu'elle  reste 
célibataire  ou  veuve,  si  sa  fortune  lui  permet  de  pourvoir 
à  l'entretien  et  à  la  subsistance  de  son  enfant  et  jusqu'à 
ce  que  celui-ci  ait  atteint  l'âge  de  seize  ans  ou  soit  capable 
de  gagner  sa  vie  ;  mais,  si  la  mère  se  marie,  son  époux  par- 
tage cette  charge  tant  que  dure  le  mariage.  Si  la  mère  ne 
soutient  pas  son  enfant  alors  qu'elle  peut  le  faire  et  si  l'en- 
fant tombe  en  conséquence  à  la  charge  de  la  paroisse,  elle 
peut  être  punie  conformément  à  l'acte  sur  le  vagabondage. 
La  mère,  fille  ou  veuve,  est-elle  hors  d'état  d'entretenir 
son  enfant  naturel,  la  loi  de.  4872  lui  rend  .le  droit  d'agir 
contre  le  père  pour  le  contraindre  à  l'entretien  de  l'en- 
fant. Mais  son  action  doit  être  intentée  avant  la  naissance 
ou  dans  les  douze  mois  qui  la  suivent.  Si  le  père  conteste, 
la  preuve  de  la  paternité  peut  être  faite  ;  mais  la  loi  nou- 
velle se  montre,  sous  ce  rapport,  moins  facile  qu'on  ne  l'était 
autrefois.  La  femme  est  tenue  de  faire  sa  déclaration  sous 
serment,  devant  un  commissaire  délégué,  et  elle  est  menacée 
de  peines  sévères  pour  le  cas  où  cette  déclaration  serait 
plus  tard  reconnue  fausse.  En  outre,  le  serment  de  la  femme 
ne  suffit  pas  à  lui  seul  pour  faire  preuve  ;  il  faut  encore 
d'autres  témoignages  ou  un  commencement  de  preuve  par 
écrit.  De  son  côté,  l'homme  mis  en  cause  peut,  par  tous 
moyens,  prouver  qu'il  n'est  pas  le  père,  notamment  en  éta- 
blissant que  la  femme  avait  des  relations  avec  d'autres.  Si 
le  juge  estime  que  le  défendeur  est  bien  le  père  de  l'enfant, 
il  le  condamne  à  payer  une  pension  hebdomadaire  pour, 
subvenir  à  ses  dépenses  jusqu'à  ce  que  l'enfantait  atteint 
l'âge  de  treize  ans.  Le  juge  peut  même  porter  la  limite  d'âge 
à  seize  ans,  suivant  les  circonstances.  La  loi  fixe  elle-même 
le  montant  de  l'allocation  due  par  le  père,  5  schillings  par 
semaine,  325  fr.  par  an.  C'est  un  prix  fixe.  L'ordre  du 
juge  est  garanti  par  les  moyens  de  contrainte  suivants  : 
dénonciation,  à  défaut  de  payement,  à  un  juge  de  paix  qui 
renvoie,  s'il  le  faut,  à  deux  juges  pour  obtenir  un  warrant 
de  saisie  et  de  vente  des  biens,  meubles  et  chattels  ;  en  cas 
d'insuffisance  et  à  défaut  de  garantie,  warrant  de  con- 
trainte par  corps  et  dépôt  dans  une  maison  de  correction . 
Si  la  mère  indigente  néglige  de  poursuivre  le  père  pour 
une  cause  ou  pour  une  autre,  par  insouciance,  par  dignité 
ou  pour  tout  autre  motif,  l'enfant  est  alors  adopté  par  la 
paroisse,  mais  celle-ci  peut  contraindre  la  mère  à  réclamer 
au  profit  de  la  paroisse  l'indemnité  légale.  Telle  qu'elle  est, 
cette  loi  anglaise  présente  de  curieuses  particularités.  Elle 
ne  supprime  pas  le  chantage  des  femmes  intrigantes  ou 
autres,  mais  elle  le  rend  certainement  plus  difficile.  Que 
penser  toutefois  de  cette  allocation  fixe  de  325  fr.  par  an,  de 
ce  prix  fixe  attaché  à  la  paternité  naturelle  ?  Cette  disposi- 
tion tient  à  ce  que  l'on  craint  que  la  paternité  ne  soit  pas 
solidement  établie.  C'est  là  le  côté  faible  de  la  loi.  Si  la 
paternité  n'est  pas  bien  prouvée,  il  ne  faut  lui  attribuer 
aucun  effet  ;  si  elle  est  certaine,  ses  effets  ne  doivent  pas 
se  limiter  à  325  fr.  par  an.  D'ailleurs,  une  fois  l'entre- 
tien de  l'enfant  assuré  au  moyen  d'une  somme  invariable, 
la  même  pour  tous,  quelle  que  soit  la  condition  sociale 
des  parents,  la  [loi  anglaise  ne  se  préoccupe  plus  de  l'en- 
fant naturel  que  pour  l'exclure  de  la  famille  et  le  frapper 
d'une  série  d'incapacités  :  il  ne  peut  porter  ni  le  nom  de 
son  père,  ni  celui  de  sa  mère  ;  étranger  à  toute  famille,  il 
n'hérite  de  personne  et  ne  peut  avoir  d'autres  héritiers 


FILIATION 


460 


ab  intestat  que  ses  enfants  légitimes  ;  il  n'est  même  pas 
appelé  à  la  succession  de  ses  père  et  mère,  et  ceux-ci  n'ont 
aucun  droit  sur  ses  biens  ;  s'il  acquiert  un  fief,  cette  terre, 
tant  qu'elle  se  trouve  entre  ses  mains,  perd  ce  caractère 
au  point  de  vue  successoral  et  précisément  parce  qu'il  ne 
peut  pas  transmettre  à  d'autres,  par  succession  ab  intes- 
tat, qu'à  ses  descendants  légitimes  ;  s'il  meurt  sans  des- 
cendants légitimes  et  sans  avoir  disposé  du  fief  par  testa- 
ment, ce  bien  retourne  au  suzerain,  le  plus  souvent  à  la 
couronne.  D'ailleurs,  comme  il  est  étranger  à  ses  parents, 
il  n'a  pas  besoin  de  leur  consentement  pour  se  marier  et, 
d'une  manière  générale,  il  échappe  à  leur  autorité.  La 
parenté  naturelle  ne  produit  effet  que  comme  empêchement 
de  mariage  entre  parents  à  un  degré  rapproché.  Les  père 
et  mère  naturels  ne  pourraient  même  pas,  s'ils  le  voulaient, 
faire  sortir  leur  enfant  de  cette  triste  situation,  ni  lui  con- 
férer la  qualité  d'enfant  légitime  au  moyen  de  la  légitima- 
tion par  mariage  subséquent,  car  le  droit  anglais,  on  le 
sait,  n'admet  pas  cette  institution.  Le  principe  de  la  liberté 
testamentaire  seul  leur  permet  de  disposer  librement  au 
profit  de  leur  entant  naturel,  tandis  qu'en  France  l'en- 
fant naturel  ne  peut  pas  recevoir,  par  donation  ou  testa- 
ment de  ses  père  et  mère,  plus  que  la  loi  ne  leur  attribue 
dans  la  succession  ab  intestat^  (C.  civ.,  art.  908). 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rapprocher  de  la  législation 
anglaise  celle  du  code  civil  du  Bas-Canada  (art.  21  8  à  237). 
La  présomption  de  paternité  dfu.  mari  et  celle  qui  concerne 
la  durée  de  la  grossesse  sont  consacrées  par  le  code  cana- 
dien dans  les  mêmes  termes  que  par  notre  loi.  L'enfant  né 
et  conçu  pendant  le  mariage  peut  être  désavoué  en  cas 
d'adultère  de  la  femme  s'il  y  a  eu  en  même  temps  recel  de 
l'enfant.  Le  mari  peut  encore  désavouer  l'enfant  :  pour 
cause  d'impuissance,  naturelle  ou  accidentelle,  pourvu 
qu'elle  soit  postérieure  au  mariage  ;  en  cas  d'éloignement 
ou  de  tout  autre  fait  rendant  la  cohabitation  impossible.  Il 
n'y  a,  dans  le  code  canadien,  aucune  disposition  semblable 
à  celle  qui  a  été  introduite  chez  nous  par  la  loi  du  6  déc. 
4850.  L'enfant  né  moins  de  180  jours  depuis  le  mariage 
peut  être  désavoué  par  le  mari,  mais  cette  action  en  désaveu 
est  soumise  aux  mêmes  fins  de  non-recevoir  que  chez  nous. 
Quant  à  l'enfant  né  depuis  plus  de  300  jours  depuis  la  disso- 
lution du  mariage,  il  est  nécessairement  illégitime  :  la  loi  du 
Canada  n'a  pas  reculé,  comme  la  nôtre,  devant  la  conséquence 
logique  de  la  présomption  d'après  laquelle  une  grossesse 
ne  peut  pas  durer  plus  de  300  jours.  Quant  à  la  durée  de 
l'action  en  désaveu  et  aux  personnes  qui  peuvent  l'intenter, 
le  code  du  Canada  a  reproduit  les  dispositions  de  notre  code, 
sauf  que  l'action  dure  toujours  deux  mois,  même  lorsque  le 
mari  est  sur  les  lieux  au  moment  de  la  naissance.  Les  art.  228 
à  237  du  code  canadien,  relatifs  à  la  preuve  de  la  filia- 
tion légitime  par  l'acte  de  naissance  et  par  la  possession 
d'état,  sont  la  reproduction  pour  ainsi  dire  textuelle  de  nos 
art.  349  à  326,  328  à  331.  Ces  simples  indications  rela- 
tives à  la  législation  du  Bas-Canada  suffisent  pour  montrer 
combien  le  droit  civil  de  ce  pays  s'éloigne  de  celui  de  l'An- 
gleterre et  se  rapproche  du  nôtre,  tant  il  est  vrai  de  dire 
que  l'influence  française  persiste  et  se  perpétue  d'âge  en 
âge  dans  ce  pays,  même  depuis  qu'il  a  été  séparé  de  son 
ancienne  mère  patrie. 

Toutefois  le  système  du  droit  anglais,  plus  conforme  d'ail- 
leurs à  notre  ancien  droit  que  celui  du  code  civil  français, 
l'a  emporté  dans  le  code  canadien  de  4866  (art.  240  et  241) 
pour  ce  qui  concerne  la  filiation  naturelle.  Ce  code  admet 
la  reconnaissance  d'enfant  naturel  et  la  possession  d'état  ; 
il  autorise  la  recherche  de  la  paternité  et  de  la  maternité, 
mais  la  preuve  par  témoins  n'est  permise  qu'autant  qu'il 
existe  un  commencement  de  preuve  par  écrit  ou  que  les 
présomptions  ou  indices  résultant  de  faits  constants  sont 
assez  graves  pour  en  déterminer  l'admission. 

La  loi  russe  attribue  la  qualité  d'enfant  légitime  :  à  ceux 
qui  sont  nés  et  conçus  pendant  le  mariage  ;  à  ceux  qui 
naissent  avant  le  480e  jour  depuis  la  célébration  du  mariage, 
pourvu  que  le  mari  ne  les  désavoue  pas  ;  à  ceux  qui  sont 


nés  depuis  la  dissolution  du  mariage,  pourvu  qu'il  ne  se  soit 
pas  écoulé,  depuis  cette  dernière  époque  jusqu'à  celle  de 
leur  naissance,  plus  de  306  jours.  Le  code  des  provinces 
baltiques  modifie  un  peu  ces  règles  ;  il  répute  conçu  pendant 
le  mariage,  et  comme  tel  légitime  jusqu'à  preuve  contraire, 
l'enfant  né  après  le  182e  jour  depuis  la  célébration  du  ma- 
riage, ou  avant  l'expiration  du  dixième  mois  qui  suit  la 
dissolution.  La  loi  polonaise  de  4825  reproduit  les  prin- 
cipes de  notre  code  civil;  elle  ajoute  seulement  que  le  mari 
ne  peut  pas  désavouer  en  alléguant  son  impuissance.  La  loi 
russe  permet  aussi  le  désaveu,  mais  au  profit  du  mari 
seul.  Il  peut  contester  la  légitimité  d'un  enfant  né  pen- 
dant le  mariage,  à  charge  par  lui  de  prouver  que  pendant 
tout  le  temps  auquel  peut  se  rapporter  la   conception, 
c.-à-d.  pendant  306  jours  avant  la  naissance,  il  lui  a  été 
impossible,  pour  cause  d'absence,  de  cohabiter  avec  sa 
femme.  Si  le  mari  avait  signé  l'inscription  sur  le  registre 
matricule  constatant  que  l'enfant  est  né  légitime,  il  ne 
pourrait  plus  le  désavouer.  De  son  côté,  la  mère  de  l'enfant 
né  pendant  le  mariage  ne  peut  pas  déclarer  qu'il  est  illé- 
gitime, à  moins  que,  dans  le  cours  d'une  poursuite  déjà 
commencée,  cette  déclaration  ne  lui  soit  demandée  par  la 
justice  pour  corroborer,  par  l'aveu  de  sa  faute,  les  épreuves 
déjà  fournies.  Quant  à  l'enfant  né  avant  le  480e  jour 
du  mariage,  il  peut  toujours  être  désavoué,  mais  l'action 
serait  écartée  si  l'on  prouvait  contre  le  mari  qu'il  a 
reconnu  l'enfant  comme  sien  d'une  manière  expresse  ou 
tacite.  L'action  en  désaveu  dirigée  contre  l'enfant  né  pen- 
dant le  mariage,  doit  être  intentée  dans  le  délai  d'un 
an  ou  dans  celui  de  deux  ans,  suivant  que  le  mari  se  trou- 
vait dans  l'empire  ou  hors  des  frontières  au  moment  de  la 
naissance.  Si  cette  naissance  lui  avait  été  cachée,  le  délai 
ne  commencerait  à  courir  qu'à  partir  du  jour  où  le  mari 
aurait  été  informé  d'une  manière  authentique  de  la  nais- 
sance de  l'enfant.  Lorsque  le  mari  meurt  avant  cette  nais- 
sance ou  dans  les  délais  pour  agir  en  désaveu,  le  droit  de 
contester  la  légitimité  de  l'enfant  passe  à  ses  héritiers,  à 
moins  qu'avant  sa  mort  il  n'ait  renoncé  à  son  action.  Les 
héritiers  sont  obligés,  à  peine  de  déchéance,  de  commencer 
les  poursuites  dans  les  trois  mois  du  jour  du  décès  du  mari 
ou  du  jour  de  la  naissance  si  l'enfant  est  né  après  le  décès 
du  mari  ;  en  outre,  ils  doivent  prouver  que  le  mari  n'avait 
pas  pu  intenter  l'action  en  désaveu  parce  qu'il  avait  ignoré 
l'existence  de  cet  enfant  ou  qu'il  l'avait  connue  peu  de  jours 
seulement  avant  sa  mort.  Quant  à  l'enfant  né  plus  de 
306  jours  depuis  la  dissolution  du  mariage,  sa  légiti- 
mité peut  être  attaquée  dans  les  six  mois  de  sa  naissance 
par  tous  ceux  qui  ont  intérêt  à  la  contester.  La  preuve 
ordinaire  de  la  légitimité  résulte  de  certificats  délivrés  aux 
particuliers  par  les  autorités  ecclésiastiques  d'après  les  re- 
gistres matricules.  S'il  est  impossible  de  se  procurer  ces 
certificats  parce  que  les  registres  ont  été  détruits  ou  pour 
toute  autre  cause,  ou  si  certaines  circonstances  font  naître 
des  doutes  sur  leur  exactitude,  on  peut  admettre  comme 
preuves  de  la  légitimité  de  la  naissance  les  lettres  de  con- 
fession, les  registres  généalogiques,  ceux  de  bourgeoisie, 
les  états  de  service  des  parents,  les  états  de  recensement. 
Ces  preuves  peuvent  être  complétées  par  les  témoignages  : 
il  faut  toutefois  au  moins  deux  témoins  de  bonne  vie  et 
mœurs.  Parmi  les  témoins,  on  devra  comprendre  autant 
que  possible  le  curé  de  la  paroisse  ou  l'ecclésiastique  qui  a 
baptisé,   les  desservants  qui  assistaient  au  baptême,    le 
parrain.  Au  reste,  les  déclarations  de  ces  témoins  ne  sont 
reçues  comme  preuve  de  la  légitimité  qu'autant  qu'elles 
concordent  avec  les  autres  renseignements  fournis  par  l'ins- 
truction.—L'enfant  légitime  qui  n'est  pas  en  possession  de 
cette  qualité  peut  la  réclamer  en  tout  temps  ;  son  action  est 
imprescriptible.  S'il  décède  avant  sa  majorité  ou  avant  la 
fin  du  procès,  ses  héritiers  peuvent  commencer  ou  conti- 
nuer les  poursuites,  mais  à  leur  égard  l'action  est  sou- 
mise aux  règles  ordinaires  de  la  prescription,  laquelle  s'ac- 
complit par  dix  ans  ;  dans  les  autres  cas,  l'action  est 
refusée  aux  héritiers.  Le  code  des  provinces  baltiques,  plus 


complet  que  le  svod,  s'occupe  longuement  des  enfants  nés 
après  la  dissolution  du  mariage  par  le  divorce  ou  par  la 
mort  du  mari,  des  enfants  nés  de  mariages  putatifs  ou  de 
fiançailles  régulières.  Lorsque  la  femme,  après  le  divorce, 
déclare  à  son  ancien  mari,  dans  les  30  jours  du  jugement, 
qu'elle  est  enceinte,  cet  ancien  mari  a  le  droit  de  la  faire 
examiner  et  surveiller  à  ses  frais  par  l'autorité  civile  com- 
pétente ;  s'il  garde  le  silence,  il  est  censé  se  reconnaître 
l'auteur  de  la  grossesse,  à  la  condition  que  l'enfant  naisse 
dans  les  délais  légaux  ;  mais  l'ancien  mari  peut  faire  tomber 
cette  présomption  de  légitimité.  La  femme  omet-elle  de 
notifier  sa  grossesse,  ou  refuse-t-elle  de  se  laisser  exami- 
ner, l'enfant  ne  naît  pas  légitime  ;  mais  il  est  admis  à 
intenter  l'action  en  réclamation  de  légitimité.  Les  solutions 
sont  les  mêmes  pour  le  cas  où  le  mariage  a  pris  fin  par  la 
mort  du  mari,  sauf  que  celui-ci  est  remplacé  par  ses  plus 
proches  parents,  auxquels  la  veuve  qui  se  sait  enceinte 
doit  faire  les  déclarations  dont  on  vient  de  parler.  Il  pour- 
rait arriver,  en  sens  inverse,  qu'après  le  divorce,  l'ancien 
mari  soutînt  que  celle  qui  était  sa  femme  est  enceinte  et 
que  celle-ci  le  niât  ;  le  juge  a  le  droit,  dans  ce  cas,  d'or- 
donner l'examen  de  la  femme  et,  si  de  cet  examen  résulte 
l'absence  de  toute  grossesse,  la  femme  peut  actionner  son 
ancien  mari  pour  injure  grave,  à  moins  qu'elle  n'ait  été 
cause  de  son  erreur.  —  Le  code  des  provinces  baltiques  et 
la  loi  polonaise  considèrent  comme  légitimes  les  enfants  nés 
de  mariages  putatifs,  pourvu  que  l'un  des  deux  époux  au 
moins  ait  été  de  bonne  foi  ;  la  loi  russe  préfère  dans  ces 
circonstances  abandonner  la  question  à  l'appréciation  sou- 
veraine de  l'empereur ,  qui  peut  accorder  aux  enfants , 
suivant  les  cas,  tout  ou  partie  des  avantages  de  la  légiti- 
mité. —  Tandis  que,  d'après  la  loi  polonaise  et  la  loi 
russe,  les  enfants  nés  de  fiançailles  sont  considérés  comme 
enfants  naturels,  le  code  des  provinces  baltiques,  conforme 
sous  ce  rapport  aux  anciennes  coutumes  germaniques, 
considère  ces  enfants  comme  légitimes  si  leurs  parents  con- 
tractent ensuite  mariage  ou  si  la  fiancée  déshonorée  est 
assimilée  par  une  sentence  judiciaire  à  l'épouse  divorcée  de 
son  séducteur  (art.  448).  Le  code  baltique  confère  aussi  le 
bénéfice  de  la  légitimité  à  l'enfant  d'une  jeune  fille  qui  s'est 
laissée  séduire  par  une  promesse  de  mariage.  Tous  ses  enfants 
suivent  la  condition  du  père  dont  ils  portent  le  nom.  La  loi 
polonaise  veut  que  l'enfant  de  la  fiancée  soit  illégitime  et,  si 
le  fiancé  refuse  d'épouser  sa  fiancée  pour  légitimer  l'enfant, 
il  encourt  la  peine  de  l'emprisonnement  et  est  tenu  de  fournir 
une  pension  alimentaire  à  l'enfant  et  même  à  la  fille  si  elle 
n'est  pas  en  état  de  subvenir  à  ses  dépenses.  —  Le  svod  con- 
sidère comme  enfants  illégitimes  :  1°  ceux  qui  sont  nés  hors 
mariage,  lors  même  que  leur  père  et  leur  mère  se  seraient 
ensuite  mariés  ensemble;  en  d'autres  termes,  la  loi  russe 
ne  connaît  pas  la  légitimation  par  mariage  subséquent, 
mais  elle  admet  la  légitimation  par  décision  impériale  ; 
2°  ceux  qui  sont  nés  d'un  commerce  adultérin  ;  3°  ceux 
qui  sont  nés  après  la  mort  du  mari  ou  après  la  dissolution 
du  mariage  par  le  divorce,  lorsque,  depuis  le  jour  du  décès 
ou  de  la  dissolution  du  mariage  jusqu'à  la  naissance  de  l'en- 
fant, il  s'est  écoulé  plus  de  306  jours  ;  4°  ceux  qui  sont 
nés  d'un  mariage  qui,  par  une  sentence  formelle  d'un  tri- 
bunal ecclésiastique,  est  déclaré  nul  et  illégal.  Mais,  dans 
ce  dernier  cas,  lorsque  l'un  des  époux  a  été  entraîné  au 
mariage  par  ruse  ou  par  violence,  le  tribunal  peut  sou- 
mettre le  sort  des  enfants  à  l'attention  particulière  de 
l'autorité  souveraine  et  l'empereur  a  le  droit,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit  à  propos  des  mariages  putatifs,  de  conférer 
à  ces  enfants  tout  ou  partie  des  avantages  de  la  légitimité. 
—  A  proprement  parler,  la  loi  russe  ne  s'occupe  pas  de  la 
condition  de  l'enfant  naturel.  Il  n'a  en  réalité  ni  père  ni 
mère  connus  si  ses  parents  appartiennent  à  la  noblesse,  et 
il  est  même  interdit  à  ses  parents  de  le  reconnaître.  Pour 
les  autres  classes  de  la  société,  on  admet  la  reconnais- 
sance de  la  mère,  mais  non  celle  du  père  ;  celui-ci  peut, 
toutefois,  adopter  son  enfant  naturel.  —  Le  code  des  pro- 
vinces baltiques  déclare  naturels  :   les  enfants   nés  de 


—  461  —  FILIATION 

parents  qui  ne  sont  pas  mariés  ;  ceux  qui  sont  nés  d'un 
mariage  contracté  de  mauvaise  foi  par  les  deux  époux  ; 
ceux  qui  sont  nés  avant  le  182e  jour  du  mariage  et  que 
le  mari  a  désavoués  ;  ceux  qui  sont  nés  plus  de  10  mois 
après  la  dissolution  du  mariage.  D'ailleurs,  la  reconnais- 
sance des  enfants  naturels  est  admise .  La  preuve  de  la 
paternité  naturelle  peut,  en  outre,  résulter  d'un  jugement 
constatant  que  le  père  a  cohabité  avec  la  mère  entre  le 
10e  mois  et  le  182e  jour  avant  la  naissance.  Mais  cette 
présomption  de  paternité  peut  être  combattue.  D'ailleurs, 
l'enfant  naturel  ne  porte  jamais  le  nom  de  son  père  ;  il 
peut  prendre  celui  de  sa  mère  ou  tel  autre  qui  lui  con- 
vient, pourvu  que  ce  ne  soit  pas  celui  d'une  famille  noble. 
Le  père  est  seulement  tenu  d'élever  son  enfant  naturel 
en  concours  avec  la  mère.  A  défaut  du  père,  la  charge 
retombe  tout  entière  sur  la  mère  et  ses  ascendants.  Mais 
le  code  des  provinces  baltiques  se  montre  très  sévère  contre 
le  séducteur,  même  s'il  ne  s'est  produit  aucune  grossesse  : 
il  l'oblige  à  épouser  sa  victime  ou  à  la  doter  selon  sa  con- 
dition, à  moins  que  la  fille  n'ait  eu  des  relations  avec 
d'autres  hommes  avant  ou  depuis  la  séduction,  ou  qu'elle 
n'ait  reçu  une  rémunération  ou  enfin  qu'elle  ne  refuse  le 
mariage  qui  lui  est  offert.  De  même,  lorsqu'une  cohabitation 
a  eu  lieu  entre  fiancés,  la  femme  a  une  action  pour  con- 
traindre l'homme  à  contracter  mariage  et,  si  le  fiancé  refuse 
le  mariage,  au  bout  de  trois  mois,  le  tribunal  peut  attribuer 
à  la  fiancée  la  qualité  d'épouse  divorcée  avec  les  avantages 
attachés  à  ce  titre.  —  La  loi  polonaise  du  23  juin  1825 
reproduit  en  général  le  système  de  notre  code  civil.  Ainsi,  elle 
prohibe  la  recherche  de  la  paternité  naturelle,  sauf  dans  le 
cas  d'enlèvement.  Toutefois,  l'enfant  naturel,  né  de  fian- 
çailles régulières  qui  n'ont  pas  été  suivies  de  mariage,  peut, 
d'après  une  loi  polonaise  de  4836,  réclamer  une  pension 
alimentaire  à  son  père.  Toutes  les  fois  que  la  filiation  na- 
turelle est  établie,  elle  oblige  les  parents  à  élever  et  à  doter 
leurs  enfants. 

Cette  étude  de  législation  comparée  conduit  aux  résultats 
suivants  :  toutes  les  législations  étrangères  admettent  la 
reconnaissance  des  enfants  naturels,  mais  cette  reconnais- 
sance produit  des  effets  plus  ou  moins  étendus.  Partout 
aussi  la  recherche  de  la  maternité  est  permise  ;  mais,  dans 
certains  pays,  elle  est  soumise  à  l'existence  d'un  commen- 
cement de  preuve  par  écrit  (France,  Belgique,  Roumanie, 
Bade)  ;  ailleurs,  des  indices  graves  suffisent  (Italie,  Po- 
logne) ;  enfin,  un  grand  nombre  de  législations  autorisent 
la  recherche  de  la  maternité  sans  aucune  condition  (Angle- 
terre, Autriche,  Bavière,  Prusse,  Serbie,  la  plupart  des 
cantons  de  la  Suisse).  Pour  la  recherche  de  la  paternité, 
les  législations  sont  divisées  en  deux  classes  opposées  :  les 
unes  admettent  la  recherche  de  la  paternité  (Angleterre, 
Bavière,  Prusse,  Autriche,  Norvège,  la  plupart  des  cantons 
de  la  Suisse)  ;  les  autres  la  prohibent  et  telle  est  la  ten- 
dance des  législations  étrangères  les  plus  récentes  (France, 
Belgique,  Genève,  Pologne,  Hollande,  Italie,  Serbie).  Les 
législations  étrangères  qui  admettent  comme  notre  ancien 
droit  la  preuve  de  la  filiation  naturelle  avec  une  grande 
facilité  ne  lui  font  produire  que  des  effets  fort  restreints  et 
placent  les  enfants  naturels  dans  une  situation  presque  tou- 
jours très  dure;  celles  qui  se  montrent  très  sévères,  comme 
notre  code  civil,  pour  la  preuve  de  la  filiation  naturelle, 
reconnaissent  d'un  autre  côté,  une  fois  la  preuve  faite,  d'im- 
portants effets  à  la  filiation  naturelle,  et  traitent  les  enfants 
naturels  avec  un  grand  esprit  d'équité.       E.  Glasson. 

Bibl.  :  Droit  romain.  —  Accarias,  Précis  de  droit 
romain,  t.  I,  p.  206,  n°  93,  3e  éd.  —  Maynz,  Cours  de 
droit  romain,  t.  III,  pp.  64  et  87,  4°  éd.  —  Glasson,  De  la. 
Bonorum  possessio,  établie  par  Védit  Carbonien;  Paris, 
1886,  broch.  in-8. 

Ancien  droit.  —  Kœnigswarter,  Essai  sur  la  législa- 
tion des  peuples  anciens  et  modernes  relative  aux  enfants 
nés  hors  mariage,  dans  la  Revue  de  Fœlis,  année  1842, 
t.  IX,  pp.  181,  368,  468,  641,  920.  —  Morillot,  De  la  Condi- 
tion des  enfants  nés  hors  mariage  dans  l'antiquité  et  au 
moyen  âge  en  Europe,  dans  la  Revue  historique  de  droit 
français  et  étranger,  année  1866,  t.  XII,  pp.  149,  163,  526. 
—  Baret,  Histoire  et  critique  des  règles  sur  la  preuve  de 


FILIATION  —  FILIÈRE 


—  469  — 


la  filiation  naturelle  en  droit  français  et  étranger  ;  Paris, 
1872.—  Fournel,  Traité  de  la  séduction;  Paris,  1781,in-12. 

—  Daguesseau,  Dissertation  sur  les  bâtards,  dans  ses 
Œuvres,  éd.  Pardessus,  t.  VII,  p.  533.  —  Amiable,  De  la 
Condition  des  enfants  illégitimes  dans  V ancien  droit  fran^ 
çais,  dans  la  Revue  historique  de  droit  français  et  étranger, 
année  1804,  t.  X,  p.  369. —  Desportes,  Essai  historique 
sur  les  enfants  natui'els  ;  Paris,  1858. 

Législation  comparée.  —  Droit  français.  Delamalle, 
De  la  Filiation  et  de  la  paternité  légitimes;  Paris,  1817,  in-8. 

—  Demolombe,  Traité  de  la  paternité  et  de  la  filiation. — 
Héan,  De  la  Paternité;  Paris,  1868,  in-8.—  Richefort,  Traité 
de  l'état  des  familles  légitimes  et  naturelles  ;  Limoges,  1842, 
3  vol.  in-8. —  Guyard,  Des  Preuves  de  la  filiation  légitime; 
Paris,  1871,  in-8. —  Acollas,  le  Droit  de  l'enfant  né  hors  ma- 
riage ;  Paris,  1869,  in-8.  —  De  Castelnau,  Des  Enfants 
naturels  devant  la  famille  et  devant  la  société;  Paris,  1865, 
in-8.  —  Morelot,  De  la  Reconnaissance  des  enfants  illé- 
gitimes ;  Dijon,  1869,  in-8.  —  Pitti  Ferrandi,  Recherches 
sur  la  preuve  de  la  filiation  des  enfants  nés  hors  ma- 
riage; Paris,  1869,  in-8.  —  Jacquier,  Des  Preuves  et  de 
la  recherche  de  la  paternité  naturelle  ;  Grenoble,  1874, 
in-8.  —  Allart,  Des  Enfants  naturels  ;  Paris,  1878,  in-8. 

—  Morillot,  De  la  Condition  des  enfants  nés  hors  ma- 
riage ;  Paris,  1865,  in-8.  —  Seresia,  De  l'Acte  de  nais- 
sance de  l'enfant  naturel  ;  Paris,  1868,  in-8.  —  Ajoutez  tous 
les  commentaires  ou  traités  généraux  sur  le  code  civil, 
notamment  ceux  de  Toullier  et  Duvergier,  Duranton, 
Marcadé  et  Pont,  Aubry  et  Rau,  Laurent,  Hue,  etc. 

Législations  étrangères.  Hue,  le  Code  civil  italien, 
p.  85.  —  Pierantoni,  DelV  Azione  di  disconoscimento  délia 
proie;  studio  comparato  di  dirito   civile;  Bologne,  1872. 

—  Gett,  Die  Rechtswerhxltnisse  der  ausserehelichen 
Geschlechts  gemeinschaft  sowie  der  unehelichen  Kinder; 
Berlin,  1854.  —  Glasson,  Histoire  du  droit  et  des  institu- 
tions de  l'Angleterre,  t.  VI,  pp.  281  et  289.  —  Lehr,  Elé- 
ments de  droit  civil  anglais,  pp.  112  et  120.  —  Du  même, 
Eléments  de  droit  civil  russe,  p.  70. 

F1LICAJA  (Lodovico  di),  poète  et  capucin  italien  du 
xvie  siècle,  né  à  Florence.  On  lui  doit  trois  ouvrages  assez 
singuliers,  trois  poèmes  dont  deux  ne  sont  que  la  versifi- 
cation de  l'Evangile  et  des  Actes  des  Apôtres  :  La  Vita  del 
nostro  Salvatore  Gesu-Cristo  (Venise,  4548,  in-4);  Gli 
Atti  degli  Apostoli  secondo  San  Luca  (Venise,  4549, 
in-fol.)  ;  le  troisième  est  consacré  à  saint  François  d'As- 
sise '.'Leggenda,  etc.  (Venise,  4549). 

Bibl.  :  Negri,  Istoria  degli  scrittori  Rorentini  ;  Ferrare, 
1722,  in-fol. 

FIL1CÂJA  (Vincenzio  da),  poète  italien,  né  à  Florence 
le  30  déc.  1642,  mort  le  Ti  sept.  1707.  Sa  vie  se  passa 
presque  tout  entière  dans  sa  ville  natale,  et  la  soudaine 
renommée  que  lui  valurent  ses  canzoni  sur  le  siège  de 
Vienne  par  les  Turcs  en  furent  le  seul  incident.  La  répu- 
tation de  Filicaja  dépassa  dès  lors  et  dépasse  encore  son 
réel  mérite.  Néanmoins,  en  un  siècle  pas  encore  infertile, 
il  fut  l'un  des  meilleurs  poètes  et  l'on  a  conservé,  non  pas 
son  seul  nom,  comme  il  arrive,  mais  aussi  telle  de  ses 
oeuvres,  ce  fameux  sonnet  AU3  Italia,  d'une  très  belle  et 
très  noble  mélancolie  : 

Italia,  Italia,  o  tu,  cui  die  la  sorte 
Dono  infelice  di  bellezza... 

Les  quatorze  vers  de  cette  pièce  firent  croire  à  Macaulay  que 
l'auteur  était  le  plus  grand  poète  lyrique  de  l'Italie  ;  certes, 
le  patriotisme  n'en  a  pas  souvent  inspiré  de  pareils,  mais  un 
sonnet  n'est  jamais  qu'un  sonnet.  Les  œuvres  de  Filicaja 
ont  été  publiées  successivement  :  Poésie  toscane  (Florence, 
1607,  in-fol.);  les  mêmes, avec  le  Prose  latine  (Venise, 
1747,  3  vol.  in-12)  ;  Poésie  e  lettere  (Florence,  1864, 
in-32)  ;  Lettere  inédite  di  V,  Filicaja  al  conte  Lorenzo 
Magalotti,  Premio  e  noie  di  Ferruccio  Ferrari  (Pise, 
1885). 

Bibl.  :  Nelli,  Saggio  di  storia  lelteraria  fiorentina  del 
secolo  XVII  ;  Lucques,  1759,  in-4.  —  L.  Etienne,  Histoire 
de  la  littérature  italienne;  Paris,  1875, in-16. 

FILICINÉES  (Bot.).  Classe  importante  de  Cryptogames 
vasculaires,  comprenant  toute  la  série  des  Fougères,  les 
familles  des  Ophioglossées  et  des  Marattiacées,  parfois 
réunis  dans  un  même  ordre ,  celui  des  Marattioïdées  ; 
enfin,  les  familles  des  Salviniacées  et  des  Marsiliacées 
qu'on  peut  réunir  dans  l'ordre  des  Hydroptéridées  ou  des 
Rhizocarpées.  Chez  les  Fougères  et  les  Marattioïdées  (Filici- 
nées  isosporées),les  spores  sont  d'une  seule  sorte,  donnant 
naissance  à  autant  de  prothalles  monoïques  indépendants  ; 


mais,  tandis  que  chez  les  Fougères  et  les  Marattiacées,  les 
sporanges,  généralement  réunis  en  sores,  naissent  en  grand 
nombre  sur  des  feuilles  ordinaires  ou  différenciées,  chez  les 
Ophioglossées  ils  sont  enfermés  dans  le  tissu  de  la  feuille.  Dans 
les  Salviniacées  et  les  Marsiliacées  (Filicinées  hétérosporées), 
les  spores  sont  de  deux  sortes  et  produisent  des  prothalles 
inclus,  les  grandes  spores  ou  macrospores  des  prothalles 
femelles,  les  petites  ou  microspores  des  prothalles  mâles  ; 
ces  prothalles  rudimentaires  ne  s'échappent  pas  de  la  spore. 

FILICIQUE  (Acide)  (Chim.).Fo™.  j  gj;  g™" 

^  Principe  qui  se  dépose  sous  forme  d'une  poudre  jau- 
nâtre dans  l'extrait  éthéré  de  fougère  mâle  (Aspidium  jidx 
mas)  ;  on  le  lave  à  l'eau,  puis  à  l'alcool  éthéré,  et  on  Je 
fait  cristalliser  dans  l'alcool.  C'est  une  poudre  cristalline, 
d'un  jaune  clair,  insoluble  dans  l'eau,  peu  soluble  dans 
l'alcool,  davantage  dans  l'éther,  facilement  dans  les  huiles, 
l'essence  de  térébenthine  et  le  sulfure  de  carbone.  Il  fond 
à  161°  et  se  solidifie  par  le  refroidissement  sous  forme 
d'une  masse  amorphe.  Fondu  avec  la  potasse  caustique,  il 
donne  du  butyrate  de  potassium  et  de  la  phloroglucine, 
Ci2H606,  ce  qui  l'a  fait  considérer  par  Grabowski  comme 
de  la  dibutyryle-phloroglucine.  L'acide  filicique  donne  avec 
les  bases^  des  sels  amorphes  qui  s'altèrent  lentement  à 
l'air,  rapidement  sous  l'influence  de  divers  réactifs,  comme 
le  chlore  et  l'acide  sulfurique.  Ed.  Bourgotn. 

•  Bibl.  :  Grabowski,  Soc.  ch.3 1.  IX,  390.  —  Luck,  Jahresb. 
der  Ch.s  1851,  558. 

FILIERE.  I.  Industrie.  —  Outil  percé  de  trous  de  gros- 
seur successivement  décroissante  au  moyen  duquel  on  étire 
les  fils  métalliques  (V.  Fil  de  fer)  .  —  On  nomme  aussi  filière 
l'outil  destiné  à  former  un  filet  de  vis  sur  une  tige  métal- 
lique. La  filière  n'est  employée  que  pour  les  pièces  de  petites 
dimensions,  car  lorsque  la  quantité  de  métal  à  enlever  de- 
vient plus  importante,  on  obtient  les  filets  au  tour  avec  des 
machines-outils  (V.  Filetage).  Les  filières  sont  en  acier 
très  résistant  ;  leur  tracé  doit  être  particulièrement  soigné. 
On  distingue  deux  sortes  de  filières  :  les  filières  simples  et 
les  filières  doubles.  Les  premières  ne  sont  employées  que 
pour  les  vis  de  très  faible  diamètre;  elles  sont  formées  d'un 
écrou  pratiqué  dans  une  planche  d'acier  au  moyen  d'un 
taraud  et  qui  a  pris  par  la  trempe  une  dureté  suffisante 
pour  tarauder  une  tige  en  cuivre,  en  fer  et  même  en  acier 
non  trempé.  On  prend  une  planche  d'acier  d'épaisseur 
variable  et  on  y  trace  un  grand  nombre  de  trous  de  dia- 
mètres différents  ;  on  ne  met  généralement  pas  plus  de  deux 
à  trois  filets  dans  les  filières,  car  autrement  cet  outil  serait 
trop  dur  à  conduire  ;  mais  on  ne  doit  pas  non  plus  descendre 
au-dessous  de  ce  nombre  qui  est  indispensable  pour  que  la 
filière  soit  bien  guidée  et  ne  s'use  pas  trop  vite.  Les  trous 
sont  percés  cylindriques  ;  seulement  on  enlève  l'extrémité 
du  premier  filet  pour  faciliter  l'entrée  de  la  pièce.  Les  filières 
doubles  se  composent  de  deux  coussinets  taraudés  fixés 
solidement  au  centre  d'un  double  levier  qui  prend  le  nom 
de  fût.  Ces  coussinets  sont  placés  dans  une  rainure  dans 
laquelle  on  peut  les  écarter  ou  les  rapprocher,  ce  qui  per- 
met de  tracer  des  filets  de  vis  de  diamètres  différant  légère- 
ment ;  ces  coussinets  peuvent  être  affûtés,  ce  qui  est  un 
avantage  précieux.  On  a  toujours  soin  d'ailleurs  de  ménager 
une  rainure  avant  la  trempe  dans  chacun  des  deux  coussi- 
nets pour  assurer  le  dégagement  des  copeaux  et  rendre  la 
filière  bien  coupante.  Les  fûts  des  filières  doubles  présentent 
des  formes  assez  différentes;  on  en  rencontre  dont  l'un  des 
bras  est  creusé  d'une  rainure  allongée  qui  prend  le  nom  de 
cadre  et  dans  laquelle  on  vient  placer  les  coussinets  de  la 
filière,  maintenus  serrés  par  la  vis  de  l'autre  bras  ;  plus 
fréquemment,  on  emploie  des  filières  à  plaques,  dont  les 
deux  coussinets  peuvent  glisser  dans  une  rainure  transver- 
sale à  la  direction  du  fût,  et  ceux-ci  sont  maintenus  cha- 
cun à  l'aide  d'une  vis.  On  rencontre,  d'autre  part,  des 
filières  à  trois  coussinets,  notamment  celle  de  Witworth, 
d'un  usage  général  en  Angleterre.  L.  Knab. 

II.  Zoologie.  —  Les  filières  des  araignées  sont  situées  à 


—  463  — 


FILIÈRE  —  FILIGRANE 


l'extrémité  de  l'abdomen  et  disposées  en  groupe  compact 
immédiatement  au-dessous  du  tubercule  anal  ;  ce  sont  de 
petits  appendices  cylindriques  ou  coniques,  généralement 
formés  de  deux  ou  trois  articles  et  obtusément  tronqués 
à  l'extrémité.  Les  filières  sont  normalement  au  nombre  de 
six,  mais  beaucoup  d'espèces  n'en  offrent  que  quatre  et 
même  que  deux.  Le  liquide  soyeux  sécrété  par  des  glandes 
de  plusieurs  sortes  n'est  pas  émis  directement  par  les 
filières  comme  le  croyaient  les  anciens  anatomistes  ;  les 
filières  ne  sont  que  les  supports  de  tubes  beaucoup  plus  petits 
et  très  nombreux  appelés  fasules  qui  donnent  passage  à  ce 
liquide.  Les  fils  d'araignées  sont  ainsi  formés  d'un  très 
grand  nombre  de  brins.  E.  Simon. 

III.  Art  héraldique.  —  Bordure  très  étroite  occu- 
pant seulement  un  tiers  d'une  des  sept  parties  de  la  lar- 
geur de  l'écu.  Elle  touche  le  bord  de  l'écu,  ce  qui  la  dis- 
tingue de  l'orle  qui  en  est  séparée  par  un  vide  égal  à  sa 
largeur. 

FILIGRANE.  I.  Industrie.  —  Les  verres  à  décoration 
filigranique,  ou  verres  filigranes,  sont  des  produits  de  luxe 
de  .l'art  des  verriers,  dans  la  masse  desquels  des  filets  de 
verres  transparents  ou  opaques  blancs  ou  colorés  s'enlacent 
et  se  combinent  de  manière  à  produire  les  arrangements 
et  les  effets  les  plus  variés.  Imaginée  par  les  verriers  de 
l'antiquité,  délaissée  en  Occident,  à  la  chute  de  l'empire 
romain,  mais  conservée  en  Orient,  où  les  Vénitiens  en  re- 
trouvèrent plus  tard  les  procédés,  la  fabrication  fut  exploitée 
par  ces  derniers,  pendant  le  xive,  le  xve  et  le  xvie  siècle, 
avec  le  succès  le  plus  merveilleux  ;  elle  disparut  encore  de 
nouveau  au  commencement  du  siècle  dernier,  lorsque  la 
mode,  dans  l'un  de  ses  caprices,  se  porta  vers  la  verrerie 
de  Bohême.  Elle  a  été  remise  en  honneur  à  notre  époque 
par  quelques  verriers  de  mérite,  au  premier  rang  desquels 
il  faut  citer  feu  Bontemps,  ancien  directeur  de  la  verrerie 
de  Ghoisy-le-Roi,  et  Bussalino,  habile  verrier  de  Murano. 
Aucun  des  anciens  auteurs  vénitiens  qui  ont  écrit  sur  l'in- 
dustrie de  leur  pays  n'a  songé  à  initier  leurs  contempo- 
rains aux  procédés  de  fabrication  des  verres  filigranes,  à 
cause  des  lois  sévères  qui  auraient  puni  cette  indiscrétion. 
Si  nous  la  connaissons  aujourd'hui,   du  moins  en  partie, 
c'est  aux  efforts  des  artistes  que  nous  venons  de  nommer 
que  nous  le  devons  ;  ceux-ci  sont  parvenus  à  la  retrouver 
après  de  nombreuses  études  théoriques  unies  à  des  essais 
pratiques  très  coûteux,  répétés  avec  une  persévérance  iné- 
branlable. Nous  allons  donner  une  idée  de  cette  industrie 
fort  intéressante.  Les  verres  filigranes  proviennent  de  la 
réunion  d'un  certain  nombre  de  petites  baguettes  cylin- 
driques de  3  à  6  millim.  de  diamètre,  opaques  ou  transpa- 
rentes, iucolores  ou  diversement  colorées,  les  unes  simples, 
les  autres  elles-mêmes  filigranées,  c.-à-d.  composées  de  plu- 
sieurs baguettes  simples,  assemblées  entre  elles,  réunies  à 
l'aide  de  la  chaleur  et  du  soufflage,  puis  façonnées  dans  leur 
ensemble,  comme  toute  autre  pièce  de  verre.  Les  baguettes 
se  préparent  toujours  à  part  et  d'avance  ;  celles  de  verre 
blanc,  et  l'on  entend  particulièrement  par  là  celles  qui 
sont  transparentes  et  incolores,  sont  faites  avec  du  verre 
ordinaire,   cueilli  au  bout  d'un  pontil,  marbré  de  manière 
à  former  une  colonne  cylindrique,  puis  chauffé,  suspontillé 
et  tiré  par  deux  ouvriers  qui  s'éloignent  l'un  de  l'autre, 
comme  s'il  s'agissait  de  fabriquer  un  tube,  jusqu'à  ce  que 
la  colonne  soit  réduite  à  un  diamètre  voulu  ;  on  coupe 
ensuite  à  la  lime  cette  longue  colonne,  en  tronçons  de  même 
longueur,  soit,  par  exemple,  delOàl^centim.  Quant  aux 
baguettes  colorées,  et  l'on  comprend  parmi  elles  celles  qui 
sont  blanches  et  opaques,  elles  se  préparent  avec  du  verre 
doublé  ;  on  commence  par  cueillir  le  verre  de  couleur, 
blanc,  opaque  ou  bleu  ou  de  toute  autre  teinte,  et  on  le 
marbre  cylindriquement  ;  on  le  recouvre  ensuite  par  le 
cueillage  d'une  couche  de  verre  incolore  ;  on  marbre  de  nou- 
veau, on  chauffe,  on  met  au  pontil  et  on  étire  comme  ci- 
dessus  en  une  longue  colonne  que  l'on  divise  ensuite  en 
tronçons.  Eu  procédant  de  cette  façon,  on  se  procure  une 
provision  de  baguettes  de  toute  espèce,  lesquelles  sont  la 


base  des  baguettes  filigranées,  et  celles-ci,  à  leur  tour, 
deviennent  les  éléments  de  vases  filigranes. 

Pour  préparer  les  baguettes  filigranées,  on  garnit  l'inté- 
rieur d'un  petit  moule  cylindrique  en  terre  cuite  d'un  cer- 
tain nombre  de  baguettes  en  verre  coloré  alternées  avec  des 
baguettes  en  verre  transparent  ;  on  les  fixe  au  fond  du 
moule  avec  un  peu  de  terre  molle,  puis  on  les  fait  chauffer 
près  du  four  et  lorsqu'on  les  juge  assez  chaudes  pour  qu'il 
soit  possible  de  les  toucher  avec  du  verre  rouge  sans  qu'elles 
se  rompent,  on  cueille  du  verre  transparent  et  on  le  tra- 
vaille de  manière  à  former  un  cylindre  massif  qui  puisse 
entrer  aisément  dans  l'intervalle  laissé  par  les  baguettes. 
La  masse  cylindrique  ainsi  obtenue  est  alors  chauffée  for- 
tement, puis  introduite  dans  le  moule  et  refoulée  avec  assez 
de  force  pour  presser  les  baguettes  et  ne  faire  qu'un  avec 
elles.  En  enlevant  sa  canne  pendant  qu'un  aide  retient  le 
moule,  l'ouvrier  peut  ainsi  enlever  du  même  coup  l'ensemble 
des  baguettes  et  le  cylindre  transparent  qui  les  enveloppe  ; 
il  les  chauffe  de  nouveau  pour  augmenter  leur  adhérence, 
après  quoi,  se  plaçant  sur  son  banc  de  travail,  il  couche  sa 
canne  sur  les  bras  ou  bardelles  d'une  espèce  de  siège,  et 
pendant  que,  de  la  main  droite,  il  étire  avec  une  pincette 
l'extrémité  libre  de  la  masse  vitreuse,  de  la  main  gauche 
il  fait  tourner  rapidement  la  canne,  de  sorte  que,  en  même 
temps  que  le  verre  s'allonge,  les  filets  formés  par  les  ba- 
guettes s'enroulent  en  spirale.  Quand  la  baguette  se  trouve 
étirée  à  une  longueur  de  0m10  à  0m12  et  au  diamètre  de 
3  à  6  millim.,  et  que  de  plus  les  filets  sont  suffisamment 
enroulés,  l'ouvrier  tranche  la  partie  terminée  pour  la  déta- 
cher, puis  chauffe  la  partie  qui  suit  pour  faire  de  la  même 
manière  une  nouvelle  baguette,  et  il  continue  ainsi  jusqu'à 
épuisement  de  la  masse  de  verre.  Quand  l'ouvrier  a  une 
quantité  suffisante  de  baguettes  de  toute  espèce,  il  peut 
procéder  à  la  confection  de  ses  pièces,  verres  à  boire, 
coupes,  flacons,  huiliers,  salières,  etc.  ;  à  cet  effet,  il  range 
circulairement  autour  de  la  paroi  intérieure  d'un  moule, 
semblable  à  celui  dont  il  a  été  question  plus  haut,  autant 
de  baguettes  qu'il  lui  en  faut  pour  garnir  complètement 
cette  paroi  ;  il  peut  les  choisir  de  plusieurs  couleurs  et  de 
plusieurs  modèles  présentant  autant  de  compositions  fili- 
graniques  différentes  ;  il  peut  aussi  les  alterner  ou  les  espa- 
cer par  des  baguettes  de  verre  blanc  transparent  et  inco- 
lore. Les  baguettes  étant  ainsi  disposées  sont  chauffées 
près  du  four,  comme  s'il  s'agissait  de  préparer  des  baguettes 
filigranées.  Quand  elles  sont  assez  chaudes,  le  verrier  prend 
avec  sa  canne  un  peu  de  verre  transparent  pour  en  souffler 
une  petite  paraison,  c.-à-d.  une  masse  de  verre  à  l'état 
pâteux,  qui  est  adhérente  à  la  canne  et  déjà  soufflée  ;  il 
l'introduit  dans  l'espace  formé  par  le  cercle  des  baguettes, 
souffle  de  nouveau  pour  presser  cette  paraison  contre  les 
baguettes  et  les  y  fait  adhérer,  puis  retire  le  tout  du  moule. 
Aussitôt  un  aide  applique,  à  l'extrémité  des  baguettes  qui 
sont  venues  former  l'extérieur  de  la  paraison,  un  cordon  de 
verre  chaud  qui  les  fixe  davantage  sur  cette  paraison  ;  cela 
fait,  l'ouvrier  porte  la  masse  à  l'ouvreau  pour  la  ramollir, 
puis  la  travaille  sur  le  marbre  pour  achever  l'union  des 
baguettes,  et  enfin  tranche  avec  ses  fers  près  du  bout  de 
la  paraison.  A  partir  de  ce  moment,  le  travail  des  verres 
filigranes  est  le  même  que  celui  des  verres  ordinaires.  Les 
ornements  que  présentent  ces  verres  proviennent  unique- 
ment de  la  présence,  du  choix  et  du  nombre  des  baguettes 
qui  servent  à  les  former,  ainsi  que  des  mouvements  de  tor- 
sion et  autres  que  l'ouvrier  a  imprimés  à  ses  baguettes. 

Dans  la  fabrication  du  papier,  ce  mot  est  employé  dans 
deux  sens:  pour  désigner  des  lettres,  des  figures,  des  des- 
sins de  toute  espèce  formés  par  des  fils  de  cuivre  ou  de  lai- 
ton entrelacés  et  ensuite  fixés  sur  le  tissu  des  formes  ou 
des  toiles  métalliques  destinées  à  recevoir  la  pâte  à  la  fabri- 
cation ;  mais  il  désigne  aussi  les  empreintes  que  ces  lettres, 
ces  figures  ou  ces  dessins  laissent  sur  le  papier  fabriqué  et 
qui  se  voient  par  transparence. 

On  a  prétendu  que  les  empreintes  filigraniques  du  papier 
étaient  des  marques  imaginées  par  les  anciens  imprimeurs 


FILIGRANE  —  FILLANS 


—  464 


pour  faire  reconnaître  les  ouvrages  sortis  de  leurs  presses, 
mais  il  a  été  démontré  qu'elles  avaient  été  inventées  par  les 
papetiers  pour  distinguer  les  différents  formats  de  leurs 
papiers.  C'est  même  de  cet  usage  que  sont  venus  la  plupart 
des  noms  employés  encore  de  nos  jours  dans  le  commerce 
de  l'imprimerie,  pour  désigner  les  papiers  de  certaines 
dimensions.  Depuis  nombre  d'années  on  a  étendu  l'usage 
des  filigranes  pour  mettre,  autant  que  possible,  à  l'abri  de 
la  falsification,  le  papier  timbré  et  les  divers  papiers  de 
banque.  Les  empreintes  filigraniques  se  font  donc  dans  les 
deux  modes  de  fabrication  du  papier,  par  la  fabrication  à 
la  main  et  par  la  fabrication  à  la  machine.  Dans  le  premier 
cas,  oii  le  papier  se  fait  feuille  à  feuille,  on  se  sert,  pour 
transformer  la  pâte  en  papier,  de  châssis  de  bois  de  forme 
rectangulaire  sur  lesquels  sont  tendus  des  fils  de  laiton  paral- 
lèles et  très  rapprochés  appelés  vergeures,  que  des  tringles 
horizontales,  de  bois  ou  de  métal  (pontuseaux) ,  soutiennent 
au-dessous.  Les  filigranes  sont  confectionnés  à  part  avec 
d'autres  fils  de  cuivre,  puis  ajustés  sur  cette  espèce  de 
treillis  au-dessous  duquel  ils  présentent  une  très  légère 
saillie.  Ces  châssis,  chargés  de  pâte  à  papier,  laissent  passer 
les  parties  liquides  entre  les  intervalles  des  vergeures; 
il  reste,  sur  celles-ci  et  les  filigranes^  les  parties  solides, 
c.-à-d.  les  filaments  des  filons,  lesquels,  réunis  en  une  sorte 
de  feutre,  constituent  la  feuille.  Or,  on  conçoit  que  la  por- 
tion de  pâte  qui  correspond  aux  fils  des  dessins  en  saillie 
a  nécessairement  une  épaisseur  moindre  que  dans  les  autres 
endroits  et  doit,  par  conséquent,  s'y  trouver  plus  translu- 
cide. Dans  la  fabrication  mécanique,  où  la  feuille  a  une  lar- 
geur limitée,  tandis  que  sa  longueur  n'a  pas  de  fin,  on 
peut  obtenir  des  filigranes,  soit  en  disposant  sur  la  toile  de 
la  machine  un  rouleau  garni  de  fils  de  laiton  en  saillie,  qui 
produisent  les  empreintes  à  mesure  que  le  papier  se  forme, 
soit  après  la  confection  et  le  coupage  du  papier,  en  impri- 
mant sur  celui-ci,  à  l'aide  d'une  forte  pression,  des  planches 
gravées  profondément,  dont  les  inégalités  de  profondeur 
produisent  le  même  fait  que  les  fils  en  saillie  de  la  fabri- 
cation manuelle.  L.  Knab. 

II.  Bijouterie.  —  Bijoux  en  filigrane  (V.  Bijouterie). 

FI  LIMON  (N.-M.),  écrivain  roumain,  né  à  Bucarest  en 
4819,  mort  en  1863.  Chantre  d'abord,  puis  choriste,  il 
commença  sa  carrière  littéraire  en  1857  comme  feuilleto- 
niste au  National,  dirigé  par  B,  Boerescu.  Il  y  fit  la  chro- 
nique musicale  jusqu'en  1860.  Un  voyage  en  Occident  lui 
fit  connaître,  en  1858,  les  pays  allemands  et  l'Italie  :  il  en 
rapporta  son  premier  livre  {Trois  Mois  à  V étranger),  des 
nouvelles  exotiques  (la  Ville  de  Bergame,  Mateo  Ci- 
priani).  Après  une  courte  période  d'activité,  où  il  est 
dominé  exclusivement  par  le  romantisme  allemand,  Filimon 
trouve  sa  voie  en  commençant  une  série  de  romans  d'ob- 
servation, dont  le  premier,  les  Slujnicari,  parut  en 
1861  ;  le  second,  les  Ciocoï,  nouveaux  et  vieux,  en 
1863.  Ce  fut  la  dernière  œuvre  de  son  talent  ironique 
et" mordant.  N.  Jorga. 

Bibl.  :  Nouvelle  Revue  (roumaine),  III,  n08  9  et  10. 

FILIOQUE  (V.  Esprit  [Saint],  t.  XVI,  p.  374,  col.  2). 

FI  Ll  PENDU  LE  (Bot.).  (V.  Spirée). 

F1LIPEPI  (Alessandro)  (V.Botticelli). 

F1LIPESTI.  Dép.  de  Roumanie,  district  de  Pralova, 
20  communes  ;  23,275  hab.  —  Ville  dans  ce  départe- 
ment, formant  commune  avec  trois  villages  ;  1,225  hab. 

F1LIP0VIC  ou  PHILIPPOVICH  (Joseph),  baron  de 
Philippsberg,  général  autrichien,  né  à  Gospic  (frontière 
militaire)  le  28  avr.  1819,  mort  à  Prague  le  5  août  4  889. 
Il  fit  ses  études  à  l'école  du  génie,  servit  en  1848-49 
sous  les  ordres  de  Jelacich.  En  1859,  il  prit  part  comme 
général-major  à  la  guerre  d'Italie  ;  l'empereur  lui  conféra 
le  titre  de  baron;  en  1866,  il  servit  en  Bohême;  en  1874, 
il  devint  feld-zeugmeister  ;  en  1878,  il  commanda  l'armée 
chargée  d'occuper  la  Bosnie  et  l'Herzégovine.  Il  fut  ensuite 
nommé  commandant  supérieur  de  la  Bohême.  L'empereur 
François-Joseph  lui  confia  l'éducation  militaire  du  prince 
héritier. 


FILIPPI  (Camillo),  peintre  italien,  né  à  Ferrare  vers 
1500,  mort  à  Ferrare  en  1573.  Cet  artiste,  dont  on 
ignore  les  débuts,  travailla  souvent  pour  la  cour  des 
princes  d'Esté  :  il  peignit  pour  elle,  entre  autres,  en 
collaboration  avec  le  Garofalo,  les  cartons  des  tapisseries 
de  V Histoire  de  saint  Georges  et  de  saint  Maurelius , 
aujourd'hui  conservés  à  la  cathédrale.  En  1543,  il  prit 
part,  avec  Bat.  Dossi,  aux  préparatifs  des  fêtes  données 
en  l'honneur  du  pape  Paul  III.  —  Un  de  ses  fils,  Cesare, 
se  distingua  dans  la  peinture  d'ornements;  un  autre, 
Sebastiano,  surnommé  Bastianino,  né  à  Ferrare  en  1532, 
mort  à  Ferrare  en  1602,  fit  ses  premières  études  sous  la 
direction  de  son  père  et  les  poursuivit  à  Rome  sous  celle 
de  Michel-Ange.  De  retour  dans  sa  patrie,  il  y  exécuta  une 
longue  série  d'ouvrages,  parmi  lesquels  un  Jugement  der- 
nier, dans  lequel  il  introduisit  les  portraits  de  ses  ennemis. 
On  a  parfois  confondu  cet  artiste  avec  son  contemporain 
Sebastiano  Gradella.  E.  M. 

Bibl.  :  Cittadella,  Notizie  relative  a  F  err  ara;  Ferrare, 
1864.  —Du  môme, Documenti  ed  illustrazioni  risguardanti 
la  storia  artistica  ferrarese;  Ferrare,  1868. 

FILIPPI  (Filippo  de'),  naturaliste  et  explorateur  italien, 
né  à  Milan  le  20  avr.  1814,  mort  à  Hongkong,  le  9  févr. 
1867.  Professeur  de  zoologie  aux  universités  de  Pavie, 
puis  de  Turin  (1848),  il  voyagea  en  Perse  (1862)  et 
dirigea  le  voyage  scientifique  du  Magenta.  Il  a  publié  Délie 
Funzioni  riproduttive  negli  animali  (Milan,  1850); 
Note  di  un  viaggo  in  Persia  (1865),  etc. 

FILIPPI  NI  (Antonio-Pietro),  historien  corse,  né  à  Ves- 
covato  di  Casinca,  près  de  Bastia,  vers  1529,  mort  après 
1594.  Il  était  prêtre  et  parvint  à  la  dignité  d'archidiacre. 
On  lui  doit  une  Istoria  di  Corsica  (Tournon,  1594,  in-4, 
fig.  ;  nouv.  édit.,  augm.  par  G.-C.  Gregori,  publ.  aux 
frais  du  comte  Pozzo  di  Borgo,  Pise,  1827-1831  [ou 
1832],  5  vol.  gr.  in-8),  qui,  malgré  ses  défauts,  est  l'ou- 
vrage fondamental  sur  la  Corse.  G.  P-i. 

FILIPSTAD.  Ville  de  Suède,  lsen  de  Wermland,  au  N. 
du  lac  Daglôsen;  3,000  hab. 

FILLAN  (Saints).  Deux  saints  de  ce  nom  figurent  sur  les 
calendriers  de  l'Ecosse  et  de  l'Irlande. 

Saint  Fillan  ou  Faolan,  surnommé  le  Lépreux.  Fête 
le  20  juin.  En  Ecosse,  la  principale  des  églises  dédiées  à  ce 
saint  est  située  à  l'extrémité  orientale  du  Loch  Erne,  dans 
le  comté  de  Perth.  On  a  pendant  longtemps  attribué  à  un 
puits  de  saint  Fillan  une  vertu  miraculeuse  pour  la  gué- 
rison  des  malades.  Dans  le  roc  du  Dunfillan,  on  montre 
deux  cavités  creusées  par  les  genoux  du  saint  en  prière. 
En  Irlande,  église  dans  la  baronnie  de  Kullenagh. 

Saint  Fillan,  abbé.  Fête  le  7  ou  le  9  janv.  Principale 
église  en  Ecosse,  à  Strathfiillan.  Sa  légende  est  remplie  de 
miracles,  mais  aussi  d'anachronismes  qui  permettent  point 
de  déterminer  avec  certitude  l'époque  de  sa  vie.  Les  con- 
jectures sur  ce  point  varient  du  vne  siècle  au  commence- 
ment du  ixe.  Kentigerna,  mère  de  ce  saint,  était  fille  d'un 
roi  du  Leinster.  Il  entra  tout  jeune  dans  le  monastère  de 
saint  Mund  ;  après  la  mort  de  ce  dernier,  il  lui  succéda 
comme  abbé.  Saint  Fillan  a  pris  place  dans  l'histoire  de 
l'Ecosse,  parce  que  Robert  Bruce  attribua  la  victoire  de 
Bannockburn  à  une  de  ses  reliques  (un  os  du  bras)  appor- 
tée dans  le  camp,  la  veille  de  la  bataille.  Une  autre  relique 
est  déposée  depuis  1877  dans  le  muséum  de  la  Société  des 
antiquaires  d'Ecosse  :  c'est  le  coygerach  ou  quigrich,  partie 
supérieure  d'une  crosse  ou  bâton  pastoral.  Dans  les  temps 
de  foi,  elle  assurait  la  fortune  d'une  famille  Dewar,  cons- 
tituée sa  gardienne  héréditaire  :  elle  guérissait  alors  les 
malades  et  elle  faisait  découvrir  lés  voleurs,  spécialement 
les  voleurs  de  bétail.  E.-H.  V. 

Bibl.:  Bollandistes,  Acta Sanctorum,  9  janv.  —  Inné, 
Shetches  ofEarly  Scottish  History.  —  Forbes,  Kalendar 
of  Scottish  Saints. 

FILLANS  (James)9  sculpteur  anglais,  né  dans  le  La- 
markshire  en  1808,  mort  à  Glasgow  en  1852.  Tout 
d'abord  simple  apprenti  d'un  tailleur  de  pierre,  il  se  mit 
à  modeler  des  petits  groupes  qui  attirèrent  sur  lui  l'atten- 


—  465  ■— 


FILLANS  —  FILLE 


tion  publique.  A  son  retour  de  Paris  où  il  était  allé  pour 
travailler  au  Louvre,  il  commença  à  exposer  des  bustes  de 
grande  valeur  à  la  Royal  Academy.  Ses  essais  de  grande 
statuaire  ne  furent  pas  très  heureux  :  il  a  laissé  la  répu- 
tation d'un  excellent  portraitiste. 

F1LLASSIER  (Jacques- Joseph),  agronome  et  homme  po- 
litique français,  né  à  Wervicq-Sud  (Nord)  en  4745,  mort 
à  Clamart  (Seine)  le  22  juillet  4799.  Sa  passion  pour 
l'agronomie  le  fit  venir  s'installer  à  Clamart,  où  il  dirigea 
la  pépinière.  Grand  admirateur  de  Jean-Jacques  Rousseau, 
il  publia  en  4773  un  traité  d'éducation  :  Eraste  ou  l'Ami 
de  la  jeunesse.  Il  adopta  les  idées  nouvelles  et  devint 
procureur  général  syndic  de  Bourg-la-Reine.  Membre  de 
l'assemblée  électorale  de  Paris  en  4794,  élu  député  de 
cette  ville  à  l'Assemblée  législative  le  45  sept.  4794,  il  y 
soutint  les  doctrines  de  Rousseau  et  se  retira  à  Clamart 
après  la  session.  Il  continua  à  s'occuper  de  politique  et,  à 
la  tête  d'une  députation  de  sa  commune,  vint  prononcer  au 
sein  de  la  Convention,  le  46  nov.  4 793,  un  discours  éner- 
gique contre  les  prêtres.  Fillassier  exerça  les  fonctions  de 
juge  de  paix  à  Bourg-la-Reine,  devenu  Bourg-l'Egalité  ; 
destitué  par  le  représentant  Crassous,  il  adressa  une  ré- 
clamation à  la  Convention  (27  nov.  4794).  Outre  Eraste, 
il  a  laissé  les  ouvrages  suivants  :  Dictionnaire  historique 
de  F  éducation  (4774,  2  vol.  in-42)  ;  Eloge  du  dauphin 
père  de  Louis  XVI  (4777,  in-8)  ;  Culture  de  la  grosse 
asperge  dite  de  Hollande  (4783,  in-42)  ;  Dictionnaire 
du  jardinier  français  (4790,  2  vol.  in-8).E.  Charàvày. 

FILLASTRE  ou  FILLÂTRE  (Guillaume),  cardinal  et 
érudit  français,  né  à  La  Suze  (arr.  du  Mans)  en  4348,  mort 
à  Rome  le  6  nov.  4428.  Il  fit  ses  études  à  l'université  d'An- 
gers et  devint  «  un  bien  notable  légiste  et  canoniste  »  et  un 
des  membres  les  plus  éminents  du  clergé  de  France.  Doyen 
de  la  collégiale  de  Saint-Symphorien,  puis  de  l'église  métro- 
politaine de  Reims  (mars  1392),  conseiller  de  L.  d'Orléans, 
il  travailla,  dès  lors,  à  mettre  fin  au  schisme  et  fit,  dans  ce 
but,  de  fréquents  voyages  à  Paris  et  à  Avignon.  En  4403 
(nov.-déc),  il  accompagna  Je  duc  d'Orléans  à  Tarascon, 
auprès  de  l'antipape  Benoît  XIII,  que  ce  prince  soutenait. 
Dans  l'assemblée  du  clergé  qui  se  tint  à  Paris,  de  nov. 
1406  à  janv.  4407,  G.  Fillâtre  plaida  la  cause  de  Be- 
noît XIII.  Après  le  concile  de  Pise  (4409),  il  fut  nommé 
cardinal  (6  juin  4444)  par  le  pape  Jean  XXIII,  qui  lui  fit 
encore  donner  le  prieuré  de  Saint- Ayoul,  à  Provins.  En 
4447,  il,  prit  une  part  remarquable  au  concile  de  Constance. 
Après  avoir  conseillé  l'abdication  de  Jean  XXIII  et  la  dé- 
position de  Benoît  XIII,  il  contribua  (nov.  4447)  à  l'élec- 
tion de  Martin  V,  qui  l'envoya  en  France  comme  légat  a 
latere.  Il  attaqua,  devant  le  roi,  les  doctrines  gallicanes 
avec  tant  d'âpreté  qu'il  se  fit  ainsi  beaucoup  d'ennemis. 
Martin  V  lui  donna  l'administration  de  l'archevêché  d'Aix 
(nov.  4420),  puis  celle  de  l'évêché  de  Saint-Pons-de- 
Tomières  (juin  4422),  mais  G.  Fillâtre  revint  bientôt  à 
Rome,  où  il  se  fit  bâtir  un  palais  près  de  l'église  de  Saint- 
Chrysogone,  dont  il  était  administrateur.  En  4425,  Mar- 
tin V  le  chargea  encore  d'une  mission  dans  le  Palatinat.  Il 
fut  enterré  dans  l'église  de  Saint-Chrysogone.  G.  Fillâtre 
cultivait  les  langues  anciennes,  la  cosmographie  et  la  géo- 
graphie, comme  son  ami,  l'illustre  P.  d'Ailly.  Outre  une 
traduction  de  quelques  livres  de  Platon,  il  a  laissé'divers 
opuscules,  des  notes  sur  Pomponius  Mêla,  un  commentaire 
sur  Ptolémée  et  un  texte  explicatif  au  dos  d'une  des  cartes 
dressées  par  Claudius  Cymbricus  en  4427,  la  carte  de 
l'Europe.  La  bibliothèque  de  G.  Fillâtre,  léguée  par  lui  au  > 
chapitre  de  Reims,  a  passé  ensuite  dans  celle  de  la  ville. 
Les  armes  de  G.  Fillâtre  étaient  de  gueules  au  cerf  d'or, 
avec  la  devise  Renient.  On  les  voyait  partout  dans  la  maison 
du  cloître  de  Reims  qu'il  avait  fait  bâtir.      E.  Cosneau. 

Bibl.  :  Gallia  Christ,  1,  326;  VI,  244.  —  Gams,  Séries 
episcoporum,  pp.  482,^622.  —  H.  Fisquet,  la  France  épis- 
copale  (Métrop.  d'Aix),  I,  113.  —  Archives  de  Reims,  Arch. 
admin.,  I,  59,  270,  "723;  III,  731,  733,  760-62,  766-67,  772. 
Arch.  Ugisl,  2«  partie.  Statuts,  I,  4,  11,  32,  108,  341.  — 
Grandes  Chroniques,  êdit.  P.  Paris,  VI,  244.  — A.  Tuetey, 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


Journal  de  Nie.  de  Baye,  1, 181.  —  ^Juvénal  des  Ursins, 
dans  la  coll.  Michaud  et  Poujoulat,  II,  440.  —  D.  Féli- 
bien,  Hist.  de  Paris,  II,  738.—  Du  Boulai,  Hist.  de  l'Univ. 
de  Paris,  V,  133.  —  E.  Jarry,  Louis  Ier  d'Orléans,  1889, 
in-8,  pp.  220,  296,  445.  —  C.  Port,  Dict.  hist.  de  Maine-et- 
Loire,  IV,  151.  —  L.  Pastor,  Hist.  des  papes,  trad.  Furcy- 
Raynaud,  I,  195,  240.  —Bull,  de  la  Soc.  de  géogr.,  1842, 
t.  XVII,  p.  140.  —  Mém.  de  la  Soc.  arch.  de  Nancy,  1835, 
p.  lui.— Vle  de  Santarem,  Essai  sur  Vhist.  de  la  cosmoqr., 
I,  152,  246,  252,  410  ;  III,  341.  -  U.  Chevalier,  Bibl.  du 
moyen  âge,  p.  738.  —  Pièces  orig.,  t.  1154,  dossier  26,247, 
à  la  Bibl.  nat. 

FILLASTRE  ou  FILASTRE  (Guillaume),  prélat  et  his- 
torien français,  né  vers  4400,  mort  à  Gand  le  21  août 
1473.  Neveu  du  précédent  et  fils  d'Etienne  Fillastre,  gou- 
verneur du  Maine.  Il  se  fit  bénédictin  à  Saint-Pierre  de 
Châlons-sur-Marne,  et  devint  prieur  de  Sermaise,  puis  abbé 
de  Saint-Thierry  en  Champagne.  Le  duc  de  Bourgogne 
Philippe  le  Bon  le  nomma  chancelier  de  l'ordre  de  la  Toi- 
son d'or.  Après  avoir  rempli  avec  succès  plusieurs  missions 
politiques,  Fillastre  fut  élevé  au  siège  épiscopal  de  Verdun 
(1er  nov.  1437).  A  l'occasion  des  réformes  qu'il  voulait 
introduire,  il  fut  en  conflit  permanent  avec  le  clergé,  la 
magistrature  et  la  bourgeoisie  de  la  ville,  ce  qui  l'amena  à 
échanger  cet  évêché  contre  celui  de  Toul  (1449),  où  il  eut 
également  à  lutter,  sans  succès,  contre  les  privilèges  mu- 
nicipaux. Transféré  dans  l'évêché  de  Tournai  (1460),  il 
devint  ainsi  abbé  de  Saint-Bertin,  où  il  fut  inhumé.  Il 
protégea  efficacement  les  arts  et  forma  une  bibliothèque 
précieuse.  On  lui  doit  un  ouvrage  intéressant  qui,  malgré 
son  titre,  n'est  pas,  comme  on  le  croit,  un  livre  héraldique, 
mais  bien  une  compilation  des  faits  historiques  ramenés, 
selon  le  goût  du  temps,  à  la  pratique  de  certaines  vertus  : 
la  Thoison  d'Or...  auquel  soubz  les  vertus  de  magnani- 
mité et  justice...  sont  contenus  les  haulx  faits  des 
très  chrestiennes  maisons  de  France,  Bourgongne  et 
Flandres,  etc.  (Paris,  1516,  2  part,  in-fol.;  ibid.,  4517, 
et  Troyes,  1530).  Une  troisième  partie,  traitant  de  la 
vertu  de  Prudence,  existe  en  manuscrit  à  la  bibliothèque 
de  Copenhague.  G.  P-i. 

FILLE.  I.  Pédagogie.  —  Education  des  filles. — 
L'éducation  des  filles  a  naturellement  suivi  dans  ses  va- 
riations et  dans  ses  progrès  l'évolution  de  la  condition 
sociale  de  la  femme  :  négligée  et  presque  nulle,  tant  que 
la  femme,  humiliée  ou  avilie,  n'a  été  considérée  que 
comme  la  servante,  comme  l'esclave  de  l'homme  ;  de  plus 
en  plus  soignée  et  développée,  à  mesure  que  la  religion 
ou  la  philosophie  plus  éclairée  a  introduit,  ou  bien  dans 
la  théorie  l'idée  de  l'égalité  absolue  des  sexes,  ou  bien 
dans  la  pratique  et  dans  les  mœurs  le  respect  sans  cesse 
grandissant  des  droits  de  la  femme.  Dans  la  Grèce  antique, 
telle  que  nous  la  dépeint  Xénophon  dans  son  Economique, 
la  femme  avant  de  se  marier  ne  sait  rien  :  on  lui  a  appris 
seulement  à  filer  la  laine,  à  être  sobre,  à  ne  pas  faire  de 
questions.  A  Rome,  où,  dans  la  famille,  l'autorité  de  la 
femme  égale  parfois  celle  de  l'homme  (ubi  tu  Gaius,  ibi 
ego  Gala),  le  rôle  de  la  matrone  s'agrandit;  la  mère 
participe  davantage  à  l'éducation  de  ses  enfants,  mais  il  ne 
semble  pourtant  pas  qu'on  songe  à  faire  de  grands  efforts 
encore  pour  l'instruire  et  pour  l'élever  elle-même.  Le  chris- 
tianisme naissant  apportait  dans  lé  monde  l'idée  de  l'égalité 
.des  âmes  devant  Dieu  pour  la  vie  future  et  la  destinée  éter- 
nelle ;  mais  il  n'était  pas  question  d'élever  la  femme  pour 
le  monde  et  pour  la  vie  réelle.  Aussi,  l'idéal  de  l'éducation 
féminine,  tel  que  le  conçoit  saint  Jérôme  dans  ses  Lettres 
célèbres  sur  l'éducation  des  filles,  était  confiné  dans  l'acqui- 
sition des  vertus  monacales  et  dans  la  vie  cloîtrée.  On  peut 
dire  de  saint  Jérôme  éducateur  ce  que  Nicole  écrivait  à  une 
religieuse  de  son  temps  :  «  Vous  nourrissez  vos  élèves  de 
pain  et  d'eau  !  »  La  Bible  est  la  seule  lecture  permise  ;  les 
arts  sont  rigoureusement  proscrits  :  «  Que  la  jeune  fille 
n'entende  jamais  d'instrument  de  musique  ;  qu'elle  ignore 
même  à  quels  usages  servent  la  flûte  et  la  harpe.  »  Pendant 
toute  la  durée  du  moyen  âge,  on  n'a  guère  dépassé  cette 
conception  mystique  de  la  vie  de  la  femme,  et  il  faut  arriver 
au  xvie  et  au  xvne  siècle  pour  constater  quelques  progrès. 

30 


FILLE 


—  466  - 


Mais  que  de  préjugés  encore  obscurcissaient  la  question, 
même  dans  l'esprit  des  penseurs  les  plus  libres  de  ce 
temps-là  !  Il  suffit  de  se  rappeler  ce  que  Montaigne  a  écrit 
sur  ce  sujet:  «  Et  nous,  et  la  théologie,  disait-il,  ne  requé- 
rons pas  beaucoup  de  science  aux  femmes.  »  Par  une  sorte 
de  fausse  galanterie,  il  prétend  maintenir  les  femmes  dans 
l'ignorance,  sous  prétexte  que  l'instruction  nuirait  à  leurs 
charmes  naturels  ;  il  leur  défend  l'étude  de  la  rhétorique, 
parce  que  ce  serait  «  couvrir  leurs  beautés  sous  des  beautés 
étrangères  ».  Il  ne  leur  permet  que  la  poésie,  qui  est  «  un 
amusement  propre  à  leur  besoin  ;  un  art  folâtre  et  subtil, 
tout  en  plaisir,  tout  en  montre  comme  elles  ».  Pour  com- 
prendre dans  quel  dédain  a  été  trop  longtemps  tenue  l'édu- 
cation des  filles,  il  faut  se  rappeler  que  l'Eglise  catholique, 
dont  un  concile  avait  au  moyen  âge  discuté  la  question  de 
savoir  si  les  femmes  ont  une  âme,  et  qui,  avec  Bossuet, 
leur  démontrait  durement  que  leur  première  mère  avait  été 
formée  avec  une  «  côte  supplémentaire  d'Adam  »,  venait  en 
aide  par  ses  préjugés  théologiques  aux  tendances  naturelle- 
ment un  peu  oppressives  et  despotiques  du  sexe  fort.  Il 
faut  bien  avouer  que,  si  l'ignorance  du  peuple  a  été  un  des 
instruments  de  règne  des  pouvoirs  monarchiques  dans  la 
société,  l'ignorance  des  femmes  a  été  aussi  dans  la  famille 
un  instrument  de  domination  conjugale  au  profit  du  mari . 
Molière  traduisait  la  pensée  intime  d'un  grand  nombre  de 
bourgeois  de  son  temps,  quand  il  mettait  dans  la  bouche 
de  Chrysale  les  vers  fameux  : 

Il  n'est  pas  bien  honnête  et  pour  beaucoup  de  causes 
Qu'une  femme  étudie  et  sache  tant  de  choses... 

Une  de  ces  causes,  c'était  assurément  l'instinct  secret  qui, 
de  tout  temps,  a  poussé  les  hommes  à  tenir  les  femmes  dans 
leur  dépendance.  Le  xvne  siècle  n'en  a  pas  moins  vu  de 
beaux  efforts  en  faveur  de  l'éducation  des  femmes  :  un 
traité,  qui  est  un  chef-d'œuvre,  l'Education  des  filles,  de 
Fénelon  ;  un  établissement,  qui,  malgré  ses  défauts,  marque 
une  date  mémorable,  l'institution  de  Saint-Cyr,  inspirée  et 
dirigée  par  Mme  de  Maintenon.  Sans  doute,  ni  Mme  de  Main- 
tenon  ni  Fénelon  n'ont  encore  la  conscience  exacte  de  ce 
qui  est  dû  à  la  femme  en  matière  d'instruction.  Fénelon, 
par  exemple,  dira  :  «  Retenez  les  jeunes  filles  dans  les 
bornes  communes  et  apprenez-leur  qu'il  doit  y  avoir  pour 
leur  sexe  une  pudeur  sur  la  science  presque  aussi  délicate 
que  celle  qu'inspire  l'horreur  du  vice  »  ;  et  Mme  de  Main- 
tenon  de  son  côté  :  «  Apprenez  à  une  jeune  fille  à  être  en- 
tièrement sobre  sur  la  lecture  et  à  lui  préférer  toujours  le 
travail  des  mains  »  ;  elle  interdira  l'histoire,  tout  au  moins 
l'histoire  ancienne,  parce  que  cette  étude  risquerait  d'  «  élever 
l'esprit  de  la  femme  ».  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  Féne- 
lon et  Mme  de  Maintenon  ont  travaillé  l'un  et  l'autre  à  discré- 
diter les  couvents  et  l'éducation  monacale  qui  y  était  donnée. 
«  Saint-Cyr,  a  dit  Saint-Marc  Girardin,  n'est  pas  un  cou- 
vent :  c'est  un  grand  établissement  consacré  à  l'éducation 
laïque  des  demoiselles  nobles  ;  c'est  une  sécularisation  hardie 
et  intelligente  de  l'éducation  des  femmes.  »  Fénelon  prenait 
parti  lui  aussi  pour  une  éducation  libérale  et  humaine,  lors- 
qu'il écrivait  à  Mme  de  Beauvilliers,  la  destinataire  de  son 
traité  :  «  Je  conclus  que  Mlle  votre  fille  est  mieux  auprès 
de  vous  que  dans  le  meilleur  couvent  que  vous  pourriez 
choisir.  » 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  faut  attendre  la  Révo- 
lution française  pour  trouver  les  droits  de  la  femme  nette- 
ment affirmés  en  matière  d'éducation.  C'est  Condorcet  qui, 
le  premier,  les  a  revendiqués  avec  force  dans  un  passage 
souvent  cité  et  que  nous  allons  résumer  :  «  Il  faut  que  les 
femmes  soient  instruites  :  l°pour  qu'elles  puissent  élever 
leurs  enfants,  dont  elles  sont  les  institutrices  naturelles  ; 
2°  pour  qu'elles  soient  les  dignes  compagnes,  les  égales 
de  leurs  maris,  pour  qu'elles  puissent  s'intéresser  à  leurs 
travaux,  prendre  part  à  leurs  préoccupations,  vivre  enfin 
de  leur  vie  ;  3°  pour  qu'elles  n'éteignent  pas,  par  leur 
ignorance,  la  flamme  de  cœur  et  d'esprit  que  des  études 
antérieures  ont  développée  chez  leurs  maris,  pour  qu'elles 
l'entretiennent,  au  contraire,  par  la  communauté  des  con- 


versations et  des  lectures  ;  4°  il  le  faut  enfin  parce  que 
cela  est  juste,  parce  que  les  deux  sexes  ont  un  droit  égal 
à  l'instruction.  » 

Fondée  sur  une  psychologie  équitable  et  sur  l'idée  de 
l'égalité  des  deux  sexes,  cette  dernière  raison  suffit  et  rend 
presque  inutile  l'exposé  de  toutes  les  autres.  Mais  on  dirait 
que  Condorcet  s'est  piqué  de  répondre  au  pour  beau- 
coup de  causes  du  bonhomme  Chrysale.  La  théorie  de 
l'éducation  des  femmes  était  désormais  établie  :  il  restait  à 
la  développer,  surtout  à  l'appliquer  ;  et  c'est  à  cela  que 
s'est  employé  le  xixe  siècle,  soit  dans  des  essais  pratiques 
et  des  institutions  privées,  comme  celles  de  Mme  Campan, 
soit  dans  de  beaux  livres,  comme  ceux  de  Mme  de  Rémusat, 
de  Mme  Guizot,  de  Mme  Necker  de  Saussure,  pour  ne  citei 
que  ceux-là,  soit  enfin  dans  l'entreprise  toute  récente 
—  puisqu'elle  date  de  1880  —-  par  laquelle  l'Etat  français 
a  essayé  d'organiser  l'enseignement  secondaire  public  des 
jeunes  filles.  L'Eglise,  qui  a  toujours  été  fort  jalouse  de  sa 
puissance  éducatrice,  qui  a  de  tout  temps  protesté  contre 
l'intervention  de  l'Etat  laïque  en  ce  qui  concerne  l'instruc- 
tion de  la  jeunesse,  s'est  montrée  particulièrement  inté- 
ressée à  défendre  ses  prérogatives  dans  le  domaine  de 
l'éducation  des  femmes.  Les  couvents,  quoique  Fénelon 
leur  témoignât  déjà,  il  y  a  trois  siècles,  quelque  défaveur, 
étaient  demeurés,  pour  la  presque  totalité  des  jeunes  filles, 
les  maisons  d'éducation  privilégiées,  où  le  souci  de  la  piété 
et  des  vertus  religieuses  faisait  tort  au  développement  de 
l'instruction.  Il  faut  donc  se  féliciter  que  sous  l'inspira- 
tion de  M.  Camille  Sée,  le  promoteur  de  la  loi  de  4880, 
l'éducation  des  filles  soit  devenue  en  France  une  affaire 
d'Etat  (V.  Enseignement  secondaire  des  jeunes  filles).  Le 
travail  de  laïcisation,  depuis  longtemps  avancé  pour  l'ensei- 
gnement des  garçons,  était,  au  contraire,  fort  en  retard 
pour  l'enseignement  des  filles;  et  il  n'est  pas  douteux 
que  les  institutions  privées  n'auraient  pas  suffi  à  hâter 
le  mouvement,  si  l'Etat  ne  s'était  pas  décidé  à  le  diriger 
lui-même.  La  loi  du  21  déc.  1880  a  établi  toute  une  orga- 
nisation dont  voici  les  principaux  éléments.  Des  lycées  et 
des  collèges  de  filles  sont  créés  sous  la  direction  de  l'Etat 
avec  le  concours  des  municipalités.  En  principe,  le  régime 
de  ces  établissements  doit  être  l'externat;  mais  la  loi  pré- 
voit aussi  la  création  d'internats.  La  durée  des  cours  est 
de  cinq  ans,  partagés  en  deux  sections.  Aux  programmes 
figurent  l'enseignement  moral,  la  langue  française,  au 
moins  une  langue  vivante,  la  littérature  ancienne  et  mo- 
derne, la  géographie  et  la  cosmographie,  l'histoire  natio- 
nale et  un  aperçu  de  l'histoire  générale,  l'arithmétique,  les 
éléments  de  la  géométrie,  de  la  physique,  de  la  chimie  et 
de  l'histoire  naturelle,  l'hygiène,  l'économie  domestique, 
les  travaux  à  l'aiguille,  des  notions  de  droit  usuel,  le  des- 
sin, la  musique,  la  gymnastique.  Il  serait  intéressant  de 
mettre  en  regard  de  ces  programmes  si  larges  et  si  com- 
plets le  plan  d'études  si  modeste  que  Fénelon  traçait  au 
xviie  siècle  !  Ce  qui  ne  l'est  pas  moins,  c'est  de  constater 
les  résultats  déjà  obtenus.  Nous  en  emprunterons  les  détails 
au  rapport  de  M.  Charles  Dupuy  sur  le  budget  de  1893. 
En  nov.  1891,  l'enseignement  secondaire  des  jeunes  filles 
était  donné  dans  29  lycées,  26  collèges  et  61  cours  se- 
condaires :  le  nombre  des  élèves  atteignait  le  chiffre  de 
11,645  ;  le  crédit  inscrit  au  budget  de  l'Etat  est  de 
1,611,675  fr.  Il  y  a  tout  lieu  d'espérer  que  le  succès  du 
nouvel  enseignement  ira  sans  cesse  en  grandissant  et  qu'il 
finira  par  triompher  des  préjugés  de  ceux  qui  persistent  à 
croire  que  la  jeune  fille  serait  défigurée  et  pervertie  par 
les  mêmes  enseignements  qui  depuis  longtemps  assurent, 
de  l'aveu  de  tous,  la  dignité  des  jeunes  hommes.  Les  con- 
ditions nouvelles  de  la  vie  sociale,  qui  semblent  devoir 
multiplier  de  plus  en  plus  le  nombre  des  emplois  acces- 
sibles au  sexe  faible,  ne  peuvent  que  favoriser  l'extension 
des  études  féminines.  Aussi  voit-on  déjà  un  assez  grand 
nombre  de  jeunes  filles  ne  pas  se  contenter  des  brevets  et 
des  diplômes  spéciaux  que  leur  ont  réservés  les  règlements 
de  l'enseignement  primaire  et  secondaire  des  femmes,  et 


—  m  — 


FILLE  —  FILLEAU 


se  présenter  avec  succès  aux  examens  du  baccalauréat,  de 
la  licence  et  même  du  doctorat.  Il  est  à  craindre  peut-être 
qu'une  ambition  excessive  ne  détourne  de  leur  vraie  desti- 
nation un  certain  nombre  de  jeunes  filles;  que  l'exemple 
des  bachelières,  des  doctoresses,  ne  fasse  parmi  elles  trop 
d'émulés,  et  qu'après  avoir  tout  ignoré  la  femme  ne  pré- 
tende avec  trop  d'impatience  tout  savoir.  Mais  ces  exa- 
gérations exceptionnelles  ne  sont  que  la  conséquence  iné- 
vitable d'un  mouvement  en  avant  qui,  en  lui-même,  est 
juste  et  nécessaire.  Dans  toute  armée  en  marche,  il  y  a 
toujours  des  irréguliers  qui  vont  de  l'avant  et  qui  rompent 
les  lignes  :  la  grande  majorité  des  femmes  demeurera  à 
son  rang;  elles  se  contenteront  des  études  appropriées 
à  leur  sexe  ;  et  tandis  qu'on  élargira  la  part  de  l'instruc- 
tion dans  leur  vie,  on  n'oubliera  pas  que  rééducation  de 
la  famille  est  encore  celle  qui  leur  convient  le  mieux,  et 
qui  les  prépare  le  plus  efficacement  à  leur  rôle  d'épouse  et 
de  «mère.  G.  Compayré. 

IL  Histoire. —Filles  d'honneur.  —  Filles  de  naissance 
noble,  attachées  à  la  personne  des  reines  ou  princesses  du 
sang,  pour  leur  tenir  compagnie  et  leur  faire  honneur,  sans 
fonctions  domestiques  bien  déterminées.  Cet  usage  paraît 
remonter  à  l'époque  féodale  :  aux  pages,  écuyers,  damoi- 
seaux dont  s'entourait  le  châtelain,  correspondent  les  da- 
moiselles  que  la  châtelaine  prenait  pour  compagnes  et  pour 
protégées.  À  la  cour  de  France,  l'on  peut  citer  dès  le  com- 
mencement du  xive  siècle  une  anecdote  où  figure  le  poète 
Jean  de  Meung,  poursuivi  parles  «  filles  de  la  reine  »  pour 
insulte  notoire  au  beau  sexe.  Mais  la  première  mention  vrai- 
ment historique  d'un  établissement  régulier  se  trouve  dans  les 
Comptes  de  V argenterie  de  la  reine  Marguerite  d'Autriche 
(1484-1485  et  1488-1489),  toute  jeune  enfant  alors  des- 
tinée comme  épouse  à  Charles  VIII.  A  la  suite  des  dames 
mariées  qui  composent  la  partie  essentielle  de  sa  maison 
est  dressée  une  liste  de  neuf  filles  d'honneur  dans  le  pre- 
mier Compte,  de  sept  dans  le  second  :  Anne  et  Catherine 
de  Brezé,  Antoinette  et  Gabrielle  de  Bussières,  etc.  Mar- 
guerite d'Autriche  fut  renvoyée  «avec  honneur»  en  1493, 
et  Charles  VIII  épousa  l'héritière  de  Bretagne  :  c'est  à  la 
«  bonne  duchesse»,  devenue  la  reine  Anne,  que,  jusqu'à  la 
note  critique  du  Dictionnaire  de  Jal,  la  plupart  des  his- 
toriens ont  rapporté  l'institution  des  filles  d'honneur.  Il 
est  certain  qu'elle  prit  un  intérêt  tout  particulier  à  élever, 
entretenir,  doter  des  jeunes  filles  de  condition  qui  vivaient 
avec  elle  jusqu'au  moment  de  leur  mariage.  Ce  caractère 
familial  et  parfois  charitable  de  l'institution  disparut  avec 
François  Ier.  Aux  mœurs  et  aux  amours  grossières  de  la 
cour  succédèrent  les  raffinements  de  la  galanterie,  et  rien 
n'encourageait  les  filles  d'honneur  à  résister  à  la  corruption 
générale.  On  assure  même  que  Catherine  de  Médicis  en 
poussa  plus  d'une  à  entretenir  des  relations  dont  son  astu- 
cieuse politique  savait  tirer  parti  :  Mlle  de  Limeuil  lui  aurait 
servi,  entre  autres,  à  observer  et  à  gagner  le  prince  de  Condé. 
L'Escadron  volant  de  la  reine  (V.  ce  mot)  devint  un 
foyer  d'intrigues  de  toutes  sortes.  Le  nom  même  de  filles 
d'honneur  prêtait  à  de  trop  faciles  plaisanteries,  qu'il  ne 
faut  sans  doute  point  prendre  au  pied  de  la  lettre.  Le 
Journal  de  l'Estoile  (à  l'année  1587,  où  est  reproduit  le 
Manifeste  des  dames  de  la  cour),  les  écrits  de  Brantôme, 
de  Tallemant  des  Réaux,  le  Chansonnier -Maurepas 
abondent  en  anecdotes  ou  pièces  satiriques  dont  l'histoire 
ne  peut  retenir  qu'une  impression  générale,  et  encore  avec 
cette  juste  restriction  :  que  les  honnêtes  filles  ne  font  point 
parler  d'elles,  pas  plus  à  la  cour  qu'à  la  ville.  Sous  Louis  XIII, 
si  l'honneur  de  M110  de  La  Fayette  n'eut  pas  à  souffrir  des 
attentions  du  roi,  Mlle  d'Entraygues  eut  un  enfant  de  son 
séducteur  le  maréchal  de  Bassompierre,  qui  refusa  ensuite 
de  l'épouser.  En  1660,  MUe  de  Guerchy,  enceinte  des 
œuvres  du  duc  de  Vitry,  mourut  à  la  suite  de  manœuvres 
abortives  auxquelles  son  amant  avait  lui-même  présidé  :  il 
n'eut  que  le  temps  d'amener  à  la  mourante  un  confesseur. 
La  femme  Constantin,  qui  avait  opéré,  fut  pendue.  Le  duc 
s'enfuit  en  Allemagne  et  fut  plus  tard  gracié.  Cette  triste 


aventure  ne  mériterait  pas  d'être  rappelée  si  elle  n'avait 
donné  lieu  au  célèbre  sonnet  irrégulier  de  J.  Hesnault, 
V Avorton.  Fouquet  (V.  ce  nom)  avait  fondé  sur  la 
fragilité  ou  la  cupidité  d'une  fille  d'honneur  une  partie 
de  ses  ambitieuses  combinaisons.  En  effet,  au  début  du 
règne  personnel  de  Louis  XIV,  les  «chambres  des  filles» 
rappellent  un  peu  le  harem  musulman,  à  cette  différence 
près  que  les  grandes  maîtresses  chargées  de  la  surveil- 
lance (Mme  du  Puys,  Mme  de  Navailles,  etc.)  sont  loin 
d'avoir  l'autorité  absolue  des  eunuques.  Avant  d'appar- 
tenir au  roi,  Mlle  de  La  Vallière  et  Mme  de  Montespan 
furent  filles  d'honneur  de  la  duchesse  d'Orléans.  En  1673, 
Louis  XIV  ayant  pris  quelque  goût  pour  une  des  filles  de 
la  reine,  Mlle  de  Lude,  la  maîtresse  en  titre,  Mme  de  Mon- 
tespan, eut  l'adresse  d'obtenir  la  suppression  des  filles 
d'honneur.  C'est  ainsi  qu'elle  étouffa  d'un  seul  coup  «cette 
hydre  à  têtes  renaissantes  qu'il  lui  fallait  sans  cesse  com- 
battre »,  et  qu'elle  n'était  jamais  assurée  de  vaincre,  car 
«les  armes  sont  journalières  »  (Mmede  Se  vigne).  Voltaire, 
il  est  vrai,  nous  donne  une  idée  plus  honnête  de  cette  ré- 
forme :  «  Les  dangers  attachés  à  l'état  de  fille  dans  une 
cour  galante  et  voluptueuse  déterminèrent  à  substituer 
aux  douze  filles  d'honneur,  qui  embellissaient  la  cour  de 
la  reine,  douze  dames  du  palais.  Cet  établissement  rendait 
la  cour  plus  nombreuse  et  plus  magnifique  en  y  fixant  les 
maris  et  les  parents  de  ces  dames.»  (  Siècle  de  Louis  XIV, 
ch.  xxvi.)  Ajoutons  que  la  chronique  scandaleuse  n'y  perdit 
rien.  — -  Sur  les  filles  d'honneur  à  la  cour  des  Stuarts  (très 
dissolue),  et  à  celle  d'Espagne  (beaucoup  plus  retenue  en 
dépit  du  climat),  les  Mémoires  du  comte  de  Grammont  et 
de  Mme  d'Aulnoy  donnent  des  détails  qui  n'ont  qu'un 
intérêt  anecdo tique.  H.  Monin. 

III.  Droit  canon.  —  Au  mot  Eglise  (t.  XV,  p.  614, 
col.  2),  nous  avons  indiqué  une  application  de  l'idée  de 
filiation.  On  a  aussi  appliqué  cette  idée  aux  monastères 
(V.  Cîteaux,  t.  XI,  p.  493,  col.  1)  pour  désigner  pareille- 
ment un  rapport  d'origine  et  de  dépendance.  Une  église  ou 
une  abbaye  fille  d'une  autre  église  ou  d'une  autre  abbaye 
est  en  quelque  sorte  une  colonie  émanée  d'une  église  ou 
d'une  abbaye  plus  ancienne,  de  laquelle  elle  dépend  par 
droit  de  fondation  ou  de  patronage.  On  appelait  parfois 
père-abbé  l'abbé  d'une  maison  qui  en  avait  enfanté  une 
autre.  Cette  descendance  servit  de  prétexte  aux  supérieurs 
des  grandes  maisons  pour  réclamer  l'exemption  des  monas- 
tères de  leur  filiation  et  pour  exercer  sur  eux  une  juridic- 
tion excluant  celle  des  évêques.  E.-R.  V. 

IV.  Histoire  religieuse.  —  Plusieurs  communautés 
de  femmes  mettent  le  mot  Filles  devant  le  vocable  qui  dé- 
signe la  dévotion  à  laquelle  elles  se  consacrent  :  Filles  de 
la  Croix,  de  la  Charité,  de  la  Compassion,  etc.  Il  y  a  une 
différence  entre  les  noms  fille,  sœur,  religieuse;  mais  nous 
ne  connaissons  aucune  définition  officielle  de  cette  différence. 

Filles  bleues  (V.  Célestes). 

Filles  de  la  Charité  (V.  Charité,  t.  X,  p.  653). 

Filles  de  la  Croix  (V.  Croix,  t.  XIII,  p.  467). 

Filles  de  la  Passion  (V.  Capucines). 

Filles  de  Saint- Vincent-de-Paul  (V.  Charité,  t.  X, 
p.  653). 

Filles-Dieu.  —  On  appelait  autrefois  Enfants-Dieu  et 
Filles-Dieu  ceux  et  celles  qui  demeuraient  dans  les  hôpi- 
taux nommés  Hôtels-Dieu.  —  Le  nom  de  Filles-Dieu  était 
aussi  donné  à  des  hospitalières.  Les  religieuses  de  Fonte- 
vrault,  établies  à  Paris,  le  portaient  parce  qu'elles  succé- 
daient à  des  hospitalières  ainsi  nommées. 

FIL  LÉ.  Corn,  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  du  Mans,  cant. 
de  La  Suze;  569  hab. 

FILLEAU  (Jean) ,  sieur  de  La Bouchetterie,  jurisconsulte, 
né  à  Poitiers  en  1600,  mort  en  1682.  Professeur  à  l'école 
de  droit  de  Poitiers  et  avocat  du  roi  au  présidial  de  cette 
ville,  il  se  fit  un  renom  par  l'ardeur  de  son  zèle  contre  les 
hérétiques,  parmi  lesquels  il  comptait  les  jansénistes  comme 
les  protestants.  Ce  zèle  lui  valut  des  lettres  de  noblesse.  — 
OEuvres  :  Relation  juridique  de  ce  qui  s'est  passé  à 


FILLEAU  —  FILLMORE 


—  468  — 


Poitiers  touchant  la  nouvelle  doctrine  des  jansénistes 
(Poitiers,  4654,  in-8).  Cette  dénonciation  est  relatée  au 
mot  Duvergier  de  Hauranne  (t.  XV,  p.  147,  col.  1);  Arrêts 
notables  du  parlement  de  Paris  (Paris,  4634,  2  vol. 
in-tbl.)  ;  Preuve  historique  des  litanies  de  la  grande 
reyne  de  France,  sainte  Radegonde  (Poitiers,  4643, 
in-fol.);  De  l'Université  de  la  ville  de  Poitiers,  du  temps 
de  son  érection,  etc.  (Poitiers,  4643,  in-fol.)  ;  Décisions 
catholiques  ou  Recueil  général  des  arrêts  rendus  en 
toutes  les  cours  souveraines  de  France  en  exécution  ' 
ou  interprétation  des  édits  concernant  la  religion 
prétendue  réformée  (Poitiers,  4668,  in-fol.),  dédié  à 
Le  Tellier,  ministre,  secrétaire  d'Etat.  E.-H.  V. 

Bidl.  :  Ch.  Menardier,  Essai  sur  les  jurisconsultes  poi- 
tevins antérieurs  au  code  civil. 

FI  LLEAU  de  La  Chaise  (Jean),  né  à  Poitiers  vers  4630, 
mort  en  4693.  OEuvres  :  Histoire  de  saint  Louis  divisée 
en  quinze  livres  (Paris,  4688,  2  vol.  in-4).  Cet  ouvrage, 
qui  eut  un  très  grand  succès  à  l'époque  de  son  apparition, 
avait  été  composé  avec  les  matériaux  préparés  par  Lemaistre 
de  Sacy  et  par  Le  Nain  de  Tillemont.  La  Société  de  l'His- 
toire de  France  les  a  publiés  dans  leur  forme  primitive. 
Discours  sur  les  pensées  de  Pascal  (Paris,  4672,  in-4  2)  ; 
Discours  sur  les  preuves  des  miracles  de  Moïse  (Paris, 
4672,  in-42). 

F  l  LL  E  AU  de  La  Touche  (Henri) ,  magistrat  et  généalogiste 
français,  né  à  Poitiers  le  6  juin  4758,  mort  à  Poitiers  le 
34  mai  4832.  D'abord  procureur  du  roi  au  présidial  de 
Poitiers,  puis  député  suppléant  de  la  noblesse  en  4789,  il 
émigra  en  4794  et  fit  partie  de  l'armée  de  Condé.  Revenu 
en  France  en  4801,  il  devint  conseiller  à  la  cour  d'appel 
de  Poitiers  et  prit  sa  retraite  en  4834.  Outre  plusieurs 
mémoires  juridiques,  on  lui  doit  un  Dictionnaire  histo- 
rique, biographique  et  généalogique  des  familles  de 
V ancien  Poitou.  Ce  livre  ne  fut  publié  qu'après  la  mort 
de  l'aiileur,  par  son  petit-fils,  H.  Beauchet-Filleau,  et  Ch. 
de  Chergé  (Poitiers,  4844-4854,  2  vol.  gr.  in-8,  40  pi. 
d'armoiries).  Une  nouvelle  édition  est  en  cours  de  publi- 
cation depuis  4890. 

FILLEUL  (Dr.  canon)  (V.  Commère). 
FILLEUL  (Nicolas),  poète  dramatique  français,  né  à 
Rouen  vers  4530,  mort  vers  1575.  On  connaît  de  lui  : 
les  Théâtres  de  Gaillon  (en  vers)  à  la  Royne  (Rouen, 
4566).  On  trouve,  dans  ce  petit  in-4  de  54  feuillets, 
quatre  églogues  :  les  Naïades  ou  Naissance  du  roy  ; 
Chariot,  Téthys  et  Francine,  représentées  en  l'Isle 
heureuse,  devant  le  roi  et  la  reine  ;  une  tragédie,  la  Lu- 
crèce (cinq  actes)  et  une  comédie,  les  Ombres  (cinq 
actes),  représentées  devant  Charles  IX  au  château  de 
Gaillon  les  26  et  29  sept.  4566.  On  a  encore  de  Filleul  : 
un  recueil  de  sonnets  moraux,  le  Discours  de  N.  Filleul 
(4560)  ;  Achille,  tragédie  française  (jouée  au  théâtre 
d'Harcourt  le  24  déc.  4563)  ;  la  Couronne  de  Henry  le 
Victorieux,  roi  de  Pologne  (4573). 

Bibl.  :  Bibliothèque  du  Théâtre-Français,  t.  ï.  — 
Ed.  Frère,  Manuel  du  Bibliog7*aphe  normand. 

FILL1AS  (Achille-Etienne),  littérateur  français,  né  à 
Aubusson  le  25  mars  4824,  mort  en  4881.  Elève  de  Saint- 
Cyr,  il  entra  dans  le  service  des  mines  en  4841.  Il  explora 
l'Algérie  au  point  de  vue  minier  et,  de  retour  à  Paris  en 
4848,  prit  part  au  mouvement  révolutionnaire.  Il  colla- 
bora à  la  Semaine,  à  la  Réforme,  fonda  la  Révolution 
et  fut  expulsé  après  le  coup  d'Etat  du  Deux-Décembre.  Il 
continua  à  collaborer,  soit  sous  son  nom,  soit  sous  le  pseu- 
donymede  Ch.  Besson,  à  la  Science,  kï  Estafette,  à  F Eu- 
rope artiste,  etc.  Il  fut  plus  tard  employé  dans  les  bureaux 
du  gouvernement  civil  de  l'Algérie.  Il  a  publié  :  Etudes 
sur  r Algérie  (Paris,  4849,  in-8)  ;  Histoire  de  la  con- 
quête et  de  la  colonisation  de  l'Algérie  (4860,  in-8)  ; 
V Algérie  ancienne  et  nouvelle  (4860,  in-32)  ;  VEs- 
pagne  et  le  Maroc  en  i860  (1860,  in-8)  ;  Etat  actuel 
demV Algérie  (Alger,  4862,  in-4 2)  ;  Nouveau  Guide  gé- 
néral du  voyageur  en  Algérie  (Paris,  4865,  in-4  2)  ; 


l'Expédition  de  VOued  Cuir  (Alger,  1880,  in-8)  ;  Cam- 
pagne du  Maroc,  Tanger,  Isly,  Mogador  (Alger,  4882, 
in-8).  Filfias  avait  été  quelque  temps  secrétaire  d'Eugène 
Sue  et  il  a  écrit,  en  collaboration  avec  lui,  l'Amiral  Leva- 
cher  (4853,  2  vol.). 

FI LL! ÈRES.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
de  Briey,  cant.  de  Longwy  ;  644  hab. 

F1LLIÈVRES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Saint-Pol-sur-Ternoise,  cant.  du  Parcq;  730  hab. 

FILLINGES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.de 
Saint-Julien,  cant.  de  Régnier;  4,552  hab. 

F1LLIUCCIUS  (Vincent  Figliucci),  jésuite,  professeur 
au  collège  Romain,  pénitencier  du  saint-siège,  né  à  Sienne, 
mort  à  Rome  en  1622.  OEuvres  principales  :  Moralium 
quœstionum  de  christianis  officiis  et  casibus  cons- 
cientiœ  tomi  II  (Lyon,  4626)  ;  Synopsis  universœ  theo- 
logiœ  moralis  de  christianis  officiis  et  casibus  conscien- 
tiœ  (Lyon,  4628)  ;  De  Statu  clericorum;  De  Bénéficias; 
De  Pensionibus  ;  De  Spoliis;  De  Clericorum  Vitaet  de 
simonia;  De  Alienatione  rerum  spiritualium.  Dans  ses 
Lettres  à  un  provincial,  Pascal  a  tiré  des  ouvrages  de  ce 
çasuiste,  qu'il  nomme  Filiutius,  de  nombreuses  et  fort 
immorales  applications  de  la  doctrine  des  jésuites  sur  la 
probabilité  et  sur  la  direction  des  intentions.  D'autres 
auteurs  le  mentionnent  sous  le  nom  de  Filuci.    E.-H.  V. 

FILLMORE  (Millard),  treizième  président  des  Etats- 
Unis,  né  à  Summer  Hill,  Etat  de  New  York,  le  7  janv. 
4800,  mort  à  Buffalo  le  8  mars  4874.  Rien  dans  les  ori- 
gines de  Millard  Fillmore  ne  semblait  le  prédestiner  à 
exercer  un  jour  dans  son  pays  la  plus  haute  fonction  pu- 
blique. Fils  d'un  petit  cultivateur,  il  reçut  une  instruction 
tout  à  fait  élémentaire,  fut  apprenti  cordonnier,  puis  entra 
à  quinze  ans  dans  une  fabrique  de  draps. Une  bibliothèque 
publique  lui  fournit  toutefois  le  moyen  de  développer  son 
instruction.  Un  juge  de  sa  petite  ville  natale  s'intéressa  à 
lui  et  le  décida  à  se  rendre  à  Buffalo  où  il  étudia  le  droit, 
en  donnant  des  leçons  pour  subvenir  à  son  eni retien. 
A  vingt-trois  ans  il  était  avocat  et  devint  attorney  près  de 
la  cour  suprême  de  l'Etat  de  New  York.  Il  s'adonna  de 
bonne  heure  à  la  politique  et  fut  élu  membre  de  la  légis- 
lature en  4828.  Cinq  ans  plus  tard,  il  représentait  le  New 
York  au  Congrès.  Il  joua  pendant  quelques  années,  dans 
cette  assemblée,  un  rôle  plus  utile  que  brillant,  inclinant 
plutôt  du  côté  des  whigs  que  du  côté  des  démocrates,  mais 
disposé  à  de  grandes  concessions  à  ce  dernier  parti  dans 
l'intérêt  du  maintien  de  l'Union  compromis  par  la  question 
de  l'esclavage.  Il  rentra  en  4843  dans  la  vie  privée, 
s'adonna  tout  à  sa  profession  légale  et  y  acquit  réputation 
et  fortune.  Le  parti  whig  le  choisit  en  4843  comme  candi- 
dat à  la  vice-présidence  avec  le  général  Taylor  pour  la  pré- 
sidence. Les  whigs  l'emportèrent  sur  les  démocrates  par 
467  voix  contre  423, et  Fillmore  inaugurale  4  mars 4849 
ses  doubles  fonctions  de  vice-président  de  l'Union  et  de 
président  du  Sénat.  Seize  mois  plus  tard,  le  9  juil.  4850, 
la  mort  de  Zachary  Taylor  portait  de  droit  Millard  Fill- 
more à  la  présidence  des  Etats-Unis.  Le  Congrès  discu- 
tait alors  avec  passion  les  lois  dont  l'ensemble  constitue  le 
compromis  de  4850  (V.  Etats-Unis  [Histoire])  destiné  à 
régler  la  question  de  l'esclavage  dans  les  territoires.  Mil- 
lard Fillmore,  moitié  whig,  moitié  démocrate,  persuadé  que 
le  vote  de  ces  lois  assurerait  la  concorde  entre  les  Etats 
du  Nord  et  du  Sud,  mit  au  service  du  compromis  toute 
l'influence  de  l'administration.  Aucun  des  deux  partis  ne 
lui  en  sut  gré.  Lorsque  la  question  présidentielle  se  posa, 
en  4852,  il  voulait  être  réélu  ;  mais  les  démocrates  ne  pou- 
vaient l'adopter  et  les  whigs  du  Nord,  estimant  qu'il  s'était 
trop  identifié  avec  la  politique  du  compromis,  lui  préfé- 
rèrent le  général  Winfield  Scott.  Fillmore  n'eut  pour  lui 
que  les  sympathies  des  whigs  du  Sud.  Il  resta  hors  de  la 
lutte.  Quatre  ans  plus  tard  (4856),  il  reparut  sur  la  scène 
politique  comme  candidat  du  parti  Know  Nothing  pour  la 
présidence,  mais  n'obtint  que  8  voix  électorales  sur  296, 
bien  que  le  scrutin  populaire  lui  donnât  874,000  suffrages 


—  469 


FILLMORE  —  FILON 


sur  4?  millions.  Ses  tendances  sudistes  se  manifestèrent  au 
début  de  la  guerre  civile  par  quelques  tentatives  timides  et 
inutiles  de  conciliation.  Il  vécut  ensuite  très  retiré,  étran- 
ger à  la  politique,  à  Buffalo.  Aug.  M. 

F1LLOLS.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées -Orientales,  arr. 
et  cant.  de  Prades  ;  394  hab. 

F1LLON  (Artus),  théologien  et  prélat  français,  né  vers 
1460,  mort  le  27  août  1526.  Il  fut  d'abord  curé  de  Saint- 
Maclou  de  Rouen;  c'était  un  théologien érudit  qui  possédait 
une  bibliothèque  remarquable.  Elu  évêque  de  Senlis  en  1 522, 
il  y  rétablit  le  collège  en  1523.  Récrivit  plusieurs  ouvrages 
estimés  de  son  temps,  parmi  lesquels  nous  citerons  seule- 
ment son  Tractatus  de  sacramento  pœnitentiœ,  son 
Spéculum  curatorum  (Troyes,  s.  d.)  qui  est  peut-être  le 
même  que  le  Eirudictorium  atque  directorium  curato- 
rum (Lyon,  1515)  et  des  Sermons  des  commandements 
de  dieu,  que  pourront  faire  les  curés  et  vicaires,  a 
leurs  paroissiens,  par  chascun  dimanche  (Rouen,  s.  d.). 
FILLON  (Benjamin),  archéologue  et  écrivain  d'art  fran- 
çais, né  à  Grues  (Vendée)  le  15  mars  1819,  mort  à  Saint- 
Cyr-en-Talmondais  (Vendée)  le  23  mai  1881.  Il  fit  son 
droit  à  Paris,  devint  juge  suppléant  à  Fontenay-le-Comte, 
démissionna  après  le  coup  d'Etat  et  refusa  après  la  chute 
de  l'Empire  le  poste  de  préfet  de  la  Vendée,  de  même  que 
les  candidatures  législatives  qui  lui  furent  offertes  à  plu- 
sieurs reprises.  Passionné  pour  les  recherches  historiques 
et  archéologiques,  il  publia  un  nombre  considérable  de  tra- 
vaux, parmi  lesquels  se  distinguent  ceux  relatifs  à  la  numis- 
matique et  à  l'histoire  de  l'art  national.  Nous  citerons  : 
Recherches  historiques  et  archéologiques  sur  Fontenay 
(Fontenay,  1847,  in-8);  Considérations  historiques  et 
archéologiques  sur  les  monnaies  de  France  (1850, 
in-8,  pi.)  ;  Etudes  niimismatiques  (1856,  in-8,  pi.)  ; 
Collection  J.  Ptousseau  :  monnaies  féodales  françaises 
(Paris,  1862,  in-8)  ;  Poitou  et  Vendée,  études  histo- 
riques et  artistiques  (Fontenay,  1862-65,  9  livr.  in-4; 
avec  la  collaboration  d'O.  de  Rochebrune)  ;  VArt  de  terre 
chez  les  Poitevins  (Niort,  d 864,  in-4,  pi.),  ouvrage  où 
il  révéla  l'origine  des  célèbres  faïences  dites  de  Henri  II,  et 
fit  connaître  de  nouveaux  documents  sur  Bernard  Palissy  ; 
enfin  deux  opuscules  sur  certains  points  concernant  Mo- 
lière. Après  sa  mort,  on  a  publié  de  lui  un  Recueil  de 
notes  sur  les  origines  de  V Eglise  réformée  de  Fontenay- 
le-Comte  et  sur  ses  pasteurs  (Niort,  1888,  in-4).  L'im- 
portante collection  d'objets  d'art  et  d'autographes  qu'il 
avait  formée  a  été  vendue  aux  enchères.  G.  P-i. 

Bibl.  :  M.  Tourneux,  Notice  biographique  dans  la  re- 
vue VArt,  1881. 

FILMER  (Sir  Robert),  écrivain  politique  anglais,  mort 
en  1653.  Fait  chevalier  par  Charles  Ier,  il  resta  toujours 
royaliste  ardent  et  fut  emprisonné  pendant  la  guerre  civile. 
Sa  maison  de  East  Sutton,  dans  le  comté  de  Kent,  fut, 
dit-on,  mise  dix  fois  au  pillage.  Il  publia  de  son  vivant 
un  grand  nombre  de  traités  sur  des  questions  politiques  et 
économiques,  notamment  sur  l'usure,  qu'il  préconise;  mais 
son  ouvrage  capital,  Patriarcha,  ne  fut  imprimé  qu'après 
sa  mort,  en  1680.  Il  y  soutient,  sans  grande  force  de 
logique,  d'ailleurs,  la  théorie  du  gouvernement  patriarcal. 
Locke  et  James  Tyrrell  ont  pris  la  peine  de  le  réfuter. 

FILOCALUS  (Furius  Dionysius)  calligraphe  de  Da- 
mase,  célèbre  pour  avoir  exécuté  en  caractères  d'une  rare 
beauté  les  inscriptions  que  ce  pape  fit  mettre  dans  les  cata- 
combes. Il  fut  aussi  le  copiste  du  calendrier  communément 
désigné  sous  le  nom  de  Chronographe  de  354,  et  dont 
la  première  page,  contenant  un  titre  ornementé,  porte 
cette  mention  :  Furius  Dionysius  Filocalus  titulavit 
(V.  Calendrier,  t.  VIII,  p.  908,  col.  1). 

FILON.  L'expression  de  filon  s'applique  à  toute  masse 
minérale  qui,  venue  de  la  profondeur,  forme  le  remplissage 
d'une  fente  bien  caractérisée  de  l'écorce  terrestre.  Cette 
condition  pouvant  être  remplie  soit  par  des  roches  érup- 
tives,  soit  par  des  substances  minérales  susceptibles  de 
fournir  des  métaux  usuels,  il  y  a  lieu  de  distinguer  deux 


grandes  catégories  de  filons  :  celle  des  roches  flloniennes 
ou  iïépanchement,  injectées  dans  les  crevasses  de  l'écorce 
à  la  manière  des  laves  de  nos  volcans  et  celle  des  gîtes 
minéraux  et  métallifères  dont  les  analogues  doivent  être 
cherchés  aujourd'hui  parmi  les  produits  des  fumerolles  ou 
des  sources  thermales. 

Roches  flloniennes.  Ces  roches  qui  ont  pour  office, 
après  leur  consolidation,  de  ressouder  les  fractures  qui  leur 
ont  livré  passage,  apparaissent  disposées  sous  forme  de 
plaques  recoupant,  sous  des  angles  divers,  les  formations 
stratifiées  de  divers  âges  aussi  bien  que  celles  plus  mas- 
sives fournies  par  les  granités.  L'expression  de  dyke 
s'applique  alors  à  toutes  celles  qui,  dressées  verticalement 
ou  faiblement  inclinées,  se  détachent  souvent  en  saillie 
comme  un  mur  ébréché,  au-dessus  du  terrain  encaissant 
quand  ce  der- 
nier, de  nature 
ébouleuse  ou 
friable,  se  laisse 
facilement  dé- 
grader par  les 
agents  atmo- 
sphér iqu es 
(fig.  1).  Tout 
le  monde  sait 
combien  les 
roches  volcani- 
ques du  type 
basaltique  of- 
frent de  nom- 
breux exemples 
de  cette  dispo- 
sition, notam- 
ment aux  Hé- 
brides, aux 
Féroë,  dans  l'île 
de  Clyde  où  ces 
dykes  de  basalte 
se  sont  rendus 
célèbres  par 
leur  remarquable  division  prismatique.  Dans  la  série  anv 
cienne,  les  filons  de  porphyre  doivent  à  leur  compacité  de 
se  présenter  souvent  sous  cet  aspect.  Parfois  c'est  l'inverse 
qui  a  lieu  :  quand  la  roche  éruptive  devient  plus  attaquable 
que  les  parois  qui  rencaissent,  livrée  sans  défense  aux 
actions  érosives,  son  affleurement  se  traduit  par  une  tran- 
chée abrupte  que  les  eaux  superficielles  approfondissent 
graduellement  (fig.  2) .  Telles  sont  les  conditions  fréquem- 
ment offertes  par  les  diorites  et  les  diabases.  Il  convient 


Fig.  1  et  2.—  Effets  d'érosion  sur  les  filons, 
a,  dyke  en  saillie;  b,  filon  affouillé. 


Fig.  3.  —  Terminaison  des  dykes  de  profondeur. 

ensuite  d'ajouter  qu'une  roche  éruptive  peut  épuiser  toute 
son  énergie  avant  d'arriver  au  jour  ;  dans  ce  cas,  le  filon, 
arrêté  en  profondeur,  se  termine  en  coin  dans  le  terrain 
encaissant  ou  sous  une  forme  ramifiée  (fig.  3).  Enfin,  il 
arrive  fréquemment  que,  dans  la  traversée  des  terrains 
stratifiés,  des  roches  d'épanchement,  très  fluides,  puissent, 
en  profitant  de  cassures  qui  empruntent  le  plan  de  sépa- 


FILON 


-  470  — 


ration  des  strates,  s'étendre  latéralement  à  de  grandes 
distances  du  point  d'émission  ;  il  en  résulte  des  filons- 
couches,  nettement  interstratifiés,  au  milieu  des  assises 
sédimentaires,  et  qui  sembleraient,  à  première  vue,  con- 
temporains de  leur  dépôt,  mais  qui  ne  sont  autres  que  des 
nappes  d'intrusion  souvent  bien  postérieures.  Telles  sont,  par 
exemple,  dans  le  Vicentin  (fig.  4),  les  innombrables  nappes 


Fig.  4.—  Filons-couches. 

horizontales  de  basalte  qui,  régulièrement  intercalées  dans 
les  terrains  nummulitiques  éocènes,  se  raccordent  avec  de 
grands  filons  transversaux  se  poursuivant  jusque  dans  les 
assises  miocènes. 

Mais  les  roches  d'épanchement  ne  sont  pas  seules  à  se 
présenter  sous  la  forme  filonienne  ;  celles  massives  de  pro- 
fondeur, telles  que  les  granités,  qui  se  sont  consolidées, 
sans  avoir  vu  le  jour,  sous  une  épaisse  couverture  de  sédi- 
ments, envoient  souvent  au  dehors,  dans  les  roches  encais- 
santes, des  injections  de  leur  propre  substance,  sous  forme 
de  filons  tout  à  fait  minces  ou  de  veinules  capricieusement 
ramifiées.  Très  différents  d'allure  des  précédents  et  ne 
représentant  plus  comme  eux  des  bouches  de  sortie,  ces 
accidents,  toujours  limités  à  une  zone  peu  étendue,  pren- 
nent tous  les  caractères  d'apophyses  disposées  en  auréoles 
autour  des  massifs  granitiques.  En  même  temps,  ils  offrent 
comme  caractère  distinct  de  présenter,  malgré  une  dimi- 
nution notable  de  grain  qui  leur  donne  une  apparence 
compacte,  un  état  de  cristallisation  très  avancé.  Tels  sont 
les  filons  minces  et  souvent  très  prolongés  de  granulites, 


Fig.  5.  —   Veines  aplitiques  dérivant  d'une  granulite  mas- 
sive et  pénétrant  au  loin  dans  les  schistes  encaissants. 

spécialement  désignés  sous  le  nom  à'aplites,  dont  la  struc- 
ture, essentiellement  granulitique,  devient  souvent  pegma- 
toïde  sous  la  forme  d'une'pegmatite  graphique  (fig.  5),  et, 
de  même,  ceux  qui,  divergeant  d'un  massif  de  syénite 
néphélinique,  prennent,  avec  l'aspect,  tous  les  caractères 
des  phonolithes. 

Gîtes  minéraux  et  métallifères.  Un  grand  nombre  de 
substances  minérales  diverses  existent  à  l'état  de  diffusion 
extrême  dans  les  masses  rocheuses,  disséminées  en  propor- 
tions minimes  et  comme  perdues  au  milieu  de  leurs  élé- 
ments constitutifs.  Tel  est  le  fer  répandu  partout  et  dont 
la  présence,  quelque  infime  que  soit  sa  proportion,  se 
révèle  par  les  teintes  valïées  qu'il  imprime  à  la  pierre. 
Tout  le  monde  sait  que  c'est  lui  qui,  suivant  son  état  plus 
ou  moins  grand  d'hydratation  et  d'oxygénation,  donne  aux 


grès,  aux  calcaires,  aux  argiles,  aussi  bien  qu'aux  masses 
éruptives,  ces  teintes  jaunes,  brunes  ou  rouges  que  l'on 
connaît.  Là  même  où  il  ne  révèle  pas  sa  présence  par  ces 
colorations  étrangères  à  la  nature  de  la  roche,  il  existe 
encore,  et  l'analyse  chimique  en  décèle  des  proportions  infi- 
nitésimales. Mais  le  fer  n'est  pas  seul  ainsi  diffusé  dans  la 
nature;  un  grand  nombre  de  métaux,  notamment  les  plus 
usuels,  tels  que  le  cuivre,  le  zinc,  etc.  se  rencontrent  à  cet 
état  de  dissémination  complète  dans  les  roches  et  les  océans. 
Réunis,  tous  ces  atomes  épars  formeraient  assurément  des 
masses  énormes,  de  beaucoup  supérieures  à  celles  que 
renferment  tous  les  gîtes  métallifères  connus,  mais  ces 
richesses  idéales  ne  sont  d'aucun  profit  pour  l'industrie 
humaine,  puisqu'on  ne  peut  les  atteindre  sous  cette  forme 
diffusée.  Pour  qu'elles  deviennent  saisissables,  il  faut  que 
des  causes  spéciales  aient  rassemblé,  dans  des  points  par- 
ticuliers, ces  divers  éléments  en  venant  les  concentrer  dans 
quelque  fissure  de  roche  en  quantité  suffisante  pour  fournir 
une  exploitation  fructueuse. 

L'emplacement  qu'ils  occupent  prend  alors  le  nom  de 
gîte,  et  ces  gîtes  sont  dits  métallifères  quand  les  subs- 
tances qu'ils  renferment  peuvent  fournir  des  métaux  usuels, 
métaux  qui  se  présentent  disséminés  au  milieu  d'une  cer- 
taine quantité  de  matières  pierreuses  nommées  gangues, 
soit  à  l'état  natif,  soit  et  surtout  combinés,  sous  la  forme 
de  minerai,  avec  certaines  substances  justement  rangées 
sous  le  nom  de  minéralisateurs  et  dont  les  principales 
sont  avec  l'oxygène,  le  soufre,  le  sélénium,  le  tellure, 
l'arsenic,  l'antimoine.  A  côté  de  ces  gîtes  métallifères 
viennent  se  placer  les  gîtes  minéraux  (V.  ce  mot),  qui 
renferment  encore  des  substances  utiles  (gîtes  de  phospho- 
rite,  aVémeri,  etc.),  mais  jamais  de  minerais.  Au  lieu  d'un 
remplissage  métallique,  ces  derniers  se  trouvent  unique- 
ment constitués  par  des  sels  pierreux  oxygénés  (alumi- 
nates,  phosphates,  sulfates,  carbonates,  etc.)  ou  haloïdes 
(chlorures,  fluorures,  etc.,  des  métaux  légers). 

Classification  des  gîtes  métallifères.  Parmi  les  gîtes 
métallifères,  les  seuls  dont  nous  ayons  à  nous  occuper  ici, 
on  peut  distinguer  deux  principales  variétés  de  formes  ré- 
pondant chacune  à  un  mode  de  production  particulier  :  les 
gîtes  stratifiés  et  les  gîtes  de  fractures.  Les  premiers 
sont  ceux  dont  la  masse  affecte  une  disposition  en  couches 
concordantes,  régulièrement  interstratifiées  dans  les  ter- 
rains sédimentaires  ;  ils  forment  alors  partie  intégrante  de 
la  formation  et  ne  représentent  qu'un  épisode  dans  l'en- 
semble des  dépôts  qui  la  composent.  Leur  histoire  ne 
pouvant  être  séparée  de  celle  du  terrain  encaissant,  il 
convient  donc  de  rattacher  leur  description  à  celle  des  for- 
mations dont  ils  font  partie.  Tout  autres  sont  les  gîtes  de 
fractures  qui,  nettement  indépendants  des  roches  traver- 
sées, représentent  toujours  une  fente  remplie,  après  coup, 
sous  l'influence  d'émanations  et  d'actions  chimiques  spé- 
ciales, fente  qui  peut  être  régulière  en  affectant  une  allure 
filonienne  bien  caractérisée  ou  présenter,  par  places,  des 
élargissements  communiquant  au  gîte  une  forme  lenticu- 
laire. De  là  la  distinction  de  ces  gîtes  de  fracture  en  deux 
groupes,  les  gîtes  réguliers  ou  filons  proprement  dits,  dont 
le  parcours  est  toujours  bien  défini,  et  les  gîtes  irréguliers 
ou  amas,  disposés  en  massifs  lenticulaires  Deux  choses, 
par  suite,  sont  à  considérer  dans  ces  gîtes  métallifères  :  la 
fente,  qui  les  contient,  et  le  remplissage  qui,  dépendant 
directement  de  l'activité  interne,  peut  être  souvent  séparé 
du  phénomène  de  fracture  par  un  long  intervalle. 

Allure,  orientation,  croisement  des  filons.  La  fente 
des  gîtes  réguliers  toujours  bien  définie  comme  parcours 
et  s'étant  propagée  jusqu'à  la  surface,  Y  affleurement  du 
filon  est  bien  dessiné  par  son"  intersection  avec  la  surface 
du  sol,  et  parfois  se  traduit  par.des  dykes  à  la  manière  des 
filons  de  roche,  quand  la  matière  de  remplissage  plus  dure 
que  les  parois  encaissantes  se  dresse  sous  la  forme  d'une  crête 
saillante  au-dessus  du  sol  nivelé  par  les  érosions.  Tels  sont, 
dans  le  Morvan,  les  grands  filons  quartzeux  métallifères, 
dont  les  crêtes,  aux  formes  âpres,  dentelées,  découpées  par 


—  474  — 


FILON 


places  en  pyramides  hautes  de  10  à  12  m.,  se  dressent,  de 
toutes  parts,  au-dessus  des  gneiss  et  granités  réduits  en 
arène  à  leur  pied.  D'autres  fois,  ce  sont  seules  des  teintes 
caractéristiques,  couleurs  rouges  ou  rouiliées  des  oxydes 
de  fer,  couleurs  vertes  des  oxydes  de  cuivre,  qui,  impré- 
gnant les  roches  au  contact,  deviennent  les  seuls  indices 
de  l'existence  du  filon  en  profondeur.  Une  fois  sa  présence 
reconnue,  deux  questions  importantes  viennent  se  poser  : 
la  détermination,  d'une  part,  de  sa  direction  ;de  l'autre, 
du  pendage,  c.-à-d.  de  son  inclinaison.  Cette  dernière,  le 
plus  souvent  très  forte,  n'est  autre  que  l'angle  fait  avec 
l'horizontale  par  la  ligne  de  plus  grande  pente  du  filon  et 
se  mesure  par  degrés,  comme  la  pente  d'un  versant,  à 
partir  de  l'horizontale.  La  direction,  qui  devient  l'orienta- 
tion de  l'horizontale  avec  chacun  des  points  du  filon,  se 
détermine  ensuite  avec  la  boussole  et  s'exprime  au  moyen 
de  ces  divisions  géographiques  de  l'horizon  que  les  marins 
désignent  sous  le  nom  à' aires  de  vent.  Cette  orientation 
comporte  alors  des  variations  de  détail  assez  sensibles  pour 
qu'on  doive,  dans  la  pratique,  évaluer  cette  direction  en 
heures  (hora)  delà  boussole,  depuis  0 jusqu'à  12. 

Entre  un  filon  métallifère  et  un  filon  de  roches éruptive 
que  les  mineurs  appellent  stérile,  la  différence  ne  portant 
que  sur  la  nature  des  matériaux  de  remplissage,  tout  ce 
qui  a  été  dit  précédemment  au  sujet  de  l'allure  des  frac- 
tures qui  leur  ont  livré  passage  trouve  ici  son  application 
(V.  Faille).  C'est  ainsi  que,  dans  les  deux  parois  spéciale- 
ment désignées  sous  le  nom  à' épontes,  on  distingue  sous 
le  nom  de  toit  celle  qui,  par  suite  du  défaut  de  verticalité 
du  filon,  s'appuie  sur  lui,  tandis  que  celle  inférieure,  qui 
semble  le  supporter,  devient  le  mur.  C'est  aussi  sur  les 
épontes  de  ces  filons  qu'il  faut  venir  chercher  les  meilleurs 
exemples  de  ces  surfaces  polies  et  striées  dites  miroirs  de 
filons,  qui  résultent  du  frottement  mutuel  des  parois  quand  la 
fente,  prenant  le  caractère  défaille,  le  toit  a  glissé  sur  le  mur. 
Pas  plus  qu'une  fracture  ordinaire,  les  filons  ne  sont 
jamais  d'une  rectitude  absolue,  aussi  bien  en  épaisseur 
qu'en  direction.  Dans  le  cas  d'une  fracture  simple,  les 
épontes  se  suivent  parallèlement  dans  leurs  ondulations,  et 
la  plaque  de  matière  minérale  interposée  offre  partout  une 
épaisseur  à  peu  près  égale,  mais  le  plus  souvent  il  y  a  eu 
faille;  dans  ce  cas,  les  ondulations,  par  suite  du  glisse- 
ment d'une  des  parois  dans  le  sens  de  la  fente,  ne  se  cor- 
respondant plus,  il  en  résulte  que  le  filon  présente  une 
série  de  renflements  et  d'étranglements  successifs,  c.-à-d. 

une  allure  en 
chapelet  qui 
rend  l'exploita- 
tion difficile,  et 
cela  d'autant 
plus  qu'une  pa- 
reille fracture 
peut  se  fermer 
en  certains  en- 
droits et  devenir 
stérile  (fig.  6). 
Cette  circons- 
tance se  réalise 
de  préférence 
quand  elle  tra- 
verse un  terrain 
composé  de 
couches  de  du- 
reté très  iné- 
gale. Toute 
fente  qui  se 
produit,  en  ef- 
fet, dans  une  série  alternante  de  couches  dures,  telles  que 
des  grès  quartzeux,  et  de  schistes  tendres,  doit  néces- 
sairement se  composer  d'éléments  d'inégale  inclinaison. 
Dans  les  schistes,  où  la  résistance  est  faible,  la  cas- 
sure se  propage  dans  le  sens  de  l'effort  ;  mais,  dans  les 
grès,  elle  dévie  pour  venir  prendre  la  ligne  de  moindre 


Fig.  6.  —  Filon  en  chapelet. 


résistance  qui  se  fait  perpendiculairement  aux  strates.  Dès 
lors,  elle  prend  une  disposition  enéchelon,  et  quand  il  y  a 
faille,  le  glissement  fera  naître  dans  ces  couches  de  grès 
des  espaces  vides,  bien  propres  à  la  circulation  des  vapeurs 
ou  des  eaux  minéralisées,  et  par  suite  à  l'accumulation  des 


Fig.  7.  —  Disposition  en  gradins  d'un  filon  traversant  un 
système  de  grès  durs  et  de  schistes  tendres.  r,  parties 
riches  de  ce  filon  à  gradin. 

gangues  etminerais,  tandis  que,  dans  les  parties  schisteuses, 
le  toit  ne  cessant  de  rester  appliqué  sur  le  mur,  la  fente 
sera  très  peu  ouverte.  Ainsi  s'explique  la  disposition  fré- 
quente des  filons  en  gradins  (fig.  7)  et  ce  fait  que  les 
parties  riches,  loin  d'être  orientées  au  hasard,  se  présen- 
tent, d'un  côté  ou  de  l'autre  de  la  direction  du  filon,  cons- 
titués par  une  série  d'éléments  parallèles  entre  eux  et  dont 
la  direction  commune  devient  la  bonne  orientation,  en 
d'autres  termes,  toujours  groupés  suivant  un  alignement 


Fig.  8.  —  Orientation  des  parties  riches  r  dans  un  filon  FF'. 

défini,  distinct  de  la  direction  moyenne,  alignement  qui 
n'est  autre  que  celui  affecté  par  la  fente  dans  la  traversée 
des  roches  favorables  (fig.  8). 

Dimension  et  groupement  des  filons.  Champs  de 
fractures.  Rien  n'est  plus  variable  cjue  la  dimension  des 
filons.  Leur  puissance,  c.-à-d.  l'épaisseur  mesurée  d'une 
éponte  à  l'autre,  peut  varier  depuis  l'épaisseur  d'une  feuille 
de  papier,  circonstance  réalisée  par  des  fentes  imprégnées 
de  tellure  natif  de  Transylvanie,  jusqu'à  celle  de  50  à 
60  m. ,  observée  dans  les  grands  filons  du  Hartz  ;  impossible 
de  fixer  une  moyenne,  et  tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est 
qu'à  partir  de  3  ou  4  m.,  les  filons  deviennent  déjà  puis- 
sants et  que  les  épaisseurs  dépassant  10  m.  sont  excep- 
tionnelles. Dans  le  sens  de  la  longueur,  ces  différences  ne 
sont  pas  moindres  ;  les  longueurs  de  5  à  6  kil.  ne  sont 
pas  rares,  celles  de  500  à  '2,000  m.  sont  les  plus  fré- 
quentes ;  il  en  est  qu'on  a  pu  suivre  en  direction  sur  des 
distances  de  15  à  20  kil.  Rarement  on  les  rencontre 
isolés  ;  étant  donné  leur  point  de  départ,  qui  est  toujours 
une  fente,  et  ce  fait  que  les  fractures  dans  l'écorce  forment 
toujours  des  systèmes  conjugués,  il  est  bien  clair  que  les 
filons  doivent  partager  le  même  sort  ;  aussi  se  montrent- 
ils  réunis  par  groupes  épousant  la  même  direction  et  se 
suivant  parallèlement.  De  plus,  loin  d'être  distribués  au 
hasard,  on  les  remarque  concentrés  en  assez  grand  nombre 
dans  les  régions  disloquées,  riches  en  roches  éruptives,  où 
ils  viennent  constituer  plusieurs  systèmes  enchevêtrés  de 
cassures,  composés  chacun  d'une  série  de  filons  dirigés 
dans  le  même  sens,  contenant  les  mêmes  minerais  et,  par 
suite,  contemporains.  Les  districts  miniers  traversés  par 
de  pareils  réseaux  de  fentes  sont  appelés  champs  de  frac- 
tures. Dans  de  pareilles  régions,  la  rencontre  de  filons 
appartenant  à  des  systèmes  différents  a  pour  résultat  de 
dévier  brusquement  leur  direction.  Le  filon  croisé,  recoupé 


FILON 


—  472  — 


par  la  nouvelle  fente,  subit  en  effet  un  rejet  plus  ou  moins 
considérable  et  vient  butter  contre  le  croiseur  (fig.  9). 
Une  galerie  horizontale,  menée  dans  le  premier  de  ces 
filons,  doit  donc  cheminer  pendant  quelque  temps  dans  le 
croiseur  pour  aller  retrouver  au  delà  le  gîte  exploité.  Toute 
la  question,  pour  savoir  si  on  doit  la  diriger  en  avant  ou 
en  arrière,  réside  dans  la  détermination  du  sens  du  rejet. 
Un  ingénieur  allemand,  Schmitz,  a  donné  à  ce  sujet  une 
règle  pratique  qui  porte  son  nom  et  consiste  à  venir  cher- 
cher le  rejet  dans  l'angle  obtus. 

Ces  champs  de  fractures  si  bien  caractérisés  dans  l'Erze- 
gebirge  à  Freiberg,  dans  le  Hartz  autour  de  Clausthal,  en 
Cornouailles,  en  Bohème  à  Prizbram,  en  Hongrie  à  Schem- 
nitz,  en  France  près  de  Pontgibaud  (Puy-de-Dôme)  et  de 
Vialas  (Lozère),  avec  leurs  directions  multiples,  mais  le  plus 
souvent  conjuguées  et  régulièrement  parallèles,  témoignent 


Fig.  9. 


Rencontre  des  filons,  aa,  filon  croisé;  b,  filon 
croiseur. 


que  ces  réseaux  de  fentes  résultent  d'efforts  de  tension  et 
surtout  de  torsion  subies,  lors  des  phénomènes  orogéniques, 
par  certaines  parties  résistantes  de  Técorce  terrestre  quand 
ces  dislocations  ont  été  déviées  par  une  cause  profonde. 
L'expérience,  du  reste,  est  venue  le  prouver.  M.  Daubrée, 
en  soumettant  à  un  mouvement  de  torsion,  par  un  bout,  une 
plaque  de  verre  épais  solidement  encastrée  à  l'autre  extré- 
mité, a  pu  obtenir  une  série  de  fêlures  conjuguées  qui  repro- 
duisent exactement  l'aspect  d'un  plan  de  mines  dans  un 
district  métallifère  (fig.  40). 


#\^^/\ 

Fig.  10.  —  Reproduction  expérimentale  des  champs  de 
fractures  de  filons.  Effets  de  la  torsion  sur  une  plaque 
de  y  erre  épais  (d'après  M.  Daubrée). 

Remplissage  des  filons.  Une  fois  la  fente  produite  dans 
des  roches  assez  solides  pour  qu'elle  demeure  ouverte,  son 
remplissage  a  pu  se  faire  dans  des  conditions  très  diverses, 
mais  qui,  toutes,  dérivent  de  l'activité  interne.  Tantôt,  par 
exemple,  c'est  l'étain  qui,  à  l'état  d'oxyde  (cassitérite), 
est  venu  tapisser  tout  un  système  de  fentes  étroites,  enche- 
vêtrées dans  tous  les  sens  au  travers  d'un  massif  de  gra- 
nité à  mica  blanc  (Stockwerk  des  mineurs  saxons)  et  sur- 
tout à  la  périphérie  dans  les  roches  schisteuses  ou  gneis- 
siques  encaissantes  (  Strockscheider  ) ,  sous  l'influence 
d'émanations  volatiles  intimement  liées  à  l'éruption  d'une 
pareille  roche.  Dans  ce  cas,  à  la  manière  de  ces  fumerolles 
qui  se  dégagent  des  laves  incandescentes  dans  nos  volcans 
actuels,  ce  sont  des  vapeurs  chaudes  chargées  de  substances 
chimiques  de  ces  dissolvants  ou  minéralisateurs  (fluor, 
aides  phosphorique,  borique,  etc.)  que  ces  roches  amènent 
toujours  avec  elles,  qui  ont  provoqué  le  remplissage  de  ces 
gîtes  stannifères  et  titanifères.  D'autres  fois,  ce  sont  des 
roches  basiques,  spécialement  des  diabases,  des  diorites  et 
des  métaphyres  qui  sont  devenus  le  véhicule  du  cuivre  et 
de  ses  congénères.  Or,  comme  dans  ces  gîtes  cuprifères, 


disposés  toujours  en  amas  plus  ou  moins  lenticulaires,  près 
du  contact  de  la  roche  éruptive  avec  le  terrain  encaissant, 
les  minerais  sont  toujours  à  l'état  de  sulfures  (cuivre  pyri- 
teux,  cuivre  panaché),  parfois  d'arséniures  et  d'antimo- 
niures  (cuivre  gris),  il  est  bien  certain  qu'ils  ont  pris  nais- 
sance cette  fois  dans  un  milieu,  non  plus  oxydant  comme  les 
précédents,  mais  réducteur,  et  qu'on  doit  les  attribuer  à 
des  phénomènes  solfatariens  du  même  ordre  que  ceux  qui 
suivent  de  près  les  éruptions  volcaniques  proprement  dites. 
Dans  de  pareils  gîtes,  chaque  fois  que  se  présentent  des 
oxydes  métalliques,  on  peut  toujours  reconnaître  qu'ils 
sont  étroitement  localisés  dans  les   parties  supérieures 
du  gisement  et  tout  entiers  dus  à  des  phénomènes  posté- 
rieurs franchement  superficiels.  C'est,  en  effet,  l'action  oxy- 
dante des  eaux  d'infiltration  jointe  parfois  à  certaines 
influences  électriques  analogues  à  celles  qu'on  utilise  pour 
la  galvanoplastie,  qui  détermine  au  sommet  de  ces  filons 
l'isolement  du  métal  à  l'état  natif,  et  surtout  la  production 
de  la  limonite,  c.-à-d.  de  ce  peroxyde  de  fer  hydraté  dans 
ce  qu'on  appelle  le  chapeau  de  fer  des  filons  (EisenerHut). 
Dans  cette  catégorie  bien  spéciale  de  gîtes  de  départ 
viennent  se  placer  les  gîtes  aurifères,  riches  en  métaux 
précieux,  où  l'or  paraît,  aussi  être  venu  au  jour  à  l'état  de 
sulfure,  accompagné  de  pyrite  de  fer  :  pyrites  sulfureuses 
qui,  en  s'oxydant  à  l'air  comme  dans  le  cas  précédent,  ont 
abandonné  le  fer  à  l'état  d'oxyde  et  l'or  sous  forme  de 
grains  (pépites)  disséminés  au  milieu  du  quartz  qui  forme 
toujours  la  gangue  de  pareils  filons.  Tels  sont  en  France 
les  gîtes  aurifères  du  Gard  ou  du  Limousin,  autrefois  si 
largement  exploités  dans  les  localités  qui  portent  encore  le 
nom  bien  significatif  à'aurières  ;  enfin  et  surtout,  pour 
ne  citer  que  le  principal,  le  célèbre  filon  dit  Comstock  Iode 
dans  le  Nevada,  en  Amérique,  où  le  quartz  si  riche  en  or 
n'est  autre  qu'un  gîte  de  contact  en  relation  avec  des  roches 
franchement  basiques,  dioritiques  et  diabasiques. 

Enfin,  il  est  une  condition  cette  fois  très  souvent  réali- 
sée où  les  filons  métallifères,  au  lieu  d'avoir  l'allure  irré- 
gulière des  précédents,  occupent  des  fentes  bien  définies, 
très  régulières  et  dont  le  remplissage  devient  constitué  par 
une  série  de  couches  alternatives  de  gangues  et  de  mine- 
rais systématiquement  disposées  par  rapport  aux  parois.  Il 
en  résulte  une  structure  rubanée  tout  à  fait  caractéristique 
de  ce  groupe  bien  particulier  de  filons  dits  concrétionnés 
ou  iï  incrustation,  par  suite  de  ce  fait  que  toutes  les  subs- 
tances minérales  zonées  s'y  présentent  à  l'état  concré- 
tionné  et  ne  prennent  de  formes  cristallines  distinctes  que 
dans  l'injérieur  des  espaces  vides  (druses  ou  géodes)  qui 


Fig.  11.  —  Coupe  d'un  filon  concrétionné  en  exploitation  ; 

1         1  AnAntao     Ali     -fil/^n      /r*r\  /->V>  /-»       nnnnînnnriln^    .         O        O        t->  r»  -m  s\  i  c 


galène 

subsistent  parfois  au  centre  du  filon.  La  figure  41,  emprun- 
tée à  un  filon  plombifère,  c.-à-d.  au  type  le  plus  franc 
de  ces  filons  concrétionnés,  montre  clairement  que  leur 
structure  est  tout  entière  due  à  une  circulation  lente  dans 
une  fracture  servant  iïévent,  d'eaux  minérales  et  de  vapeurs 


—  473  — 


FILON  —  FILOUTERIE 


déposant  successivement  contre  les  parois  les  substances 
dont  elles  étaient  chargées  jusqu'à  ce  que  l'intervalle  fût 
entièrement  comblé,  dépôt  qui,  formé  surtout  par  une 
simple  condensation,  a  pu  être  activé  par  des  phénomènes 
électro-chimiques.  Ces  filons,  avec  du  quartz,  de  la  cal- 
cite,  du  carbonate  de  fer,  de  la  barytine  et  parfois  de 
la  fluorine  comme  gangue,  ne  renferment  que  des  mine- 
rais sulfurés  :  blende  (zinc  sulfuré),  galène  (sulfure  de 
plomb)  souvent  argentifère,  cuivre  pyriteux  (sulfure  de 
fer  et  de  cuivre),  puis  plus  rarement  de  V argent  rouge, 
c.-à-d.  une  combinaison  de  l'argent  avec  le  soufre,  l'anti- 
moine et  l'arsenic. 

Richesse  des  filons.  Tout  le  monde  sait  combien  la 
richesse  d'un  filon  peut  varier  à  mesure  qu'on  avance  soit 
en  direction,  soit  en  profondeur.  Même  dans  les  plus  régu- 
liers de  ceux  que  nous  avons  désignés  sous  le  nom  de  con- 
crétionnés,  une  simple  intermittence  dans  la  cause  qui  a 
produit  le  remplissage  peut  introduire  de  grandes  inéga- 
lités dans  la  composition  ;  de  nouveaux  apports,  qui  se  tra- 
duisent par  la  formation  d'un  nouveau  système  de  veines 
récentes,  disloquant  les  veines  anciennes,  compliquent  en- 
suite singulièrement  l'exploitation.  La  recherche  des  lois 
qui  président  à  la  distribution  si  capricieuse  des  parties 
riches  des  filons  est  naturellement  une  des  questions  qui, 
depuis  longtemps,  ait  le  plus  attiré  l'attention  dans  les 
régions  où  l'exploitation  des  mines  est  très  active.  Dans  ce 
sens,  c'est  de  beaucoup  M.  Moissenet  (Parties  riches  des 
filons  ;  Paris,  1874,  1  vol.  avec  atlas)  qui  a  fourni  les 
notions  les  plus  précises.  Etant  données  les  relations  bien 
connues  qui  s'établissent  d'une  façon  étroite  entre  la  richesse 
d'un  filon  et  la  nature  des  terrains  encaissants,  c.-à-d.  des 
parois  ou  épontes,  il  a  montré  que  leurs  parties  riches  se 
présentent  toujours  dans  les  points  où  la  fente  est  encaissée 
dans  des  couches  de  dureté  moyenne.  Du.  degré  de  résis- 
tance plus  ou  moins  grand  des  roches  dépend,  en  effet,  non 
seulement  le  mode  de  formation  des  fentes,  mais  leur  bonne 
conservation  si  nécessaire  à  la  circulation  des  vapeurs  et 
eaux  minérales  ascendantes  provenant  de  la  profondeur. 
D'autre  part,  le  phénomène  chimique  du  remplissage  est 
encore  singulièrement  influencé  par  la  composition  miné- 
ralogique  et  l'état  physique  des  roches  traversées.  Le 
meilleur  exemple  qu'on  puisse  citer  sont  ces  filons  renflés, 
singulièrement  élargis  par  places  auxquels  on  réserve  le 
le  nom  de  gîtes  calaminaires.  Déjà,  dans  un  grand  nombre 
de  gîtes  de  fer,  la  puissance  des  amas  de  minerais  s'accroît 
notablement  dans  la  traversée  des  massifs  calcaires  et  sur- 
tout à  la  jonction  de  pareilles  roches  avec  des  couches  im- 
perméables comme  des  schistes  argileux  ;  dans  ce  cas,  en 
effet,  les  émanations  métallifères  ne  pouvant  pénétrer  dans 
ces  zones  argileuses,  leur  action  se  concentre  sur  le  cal- 
caire qui,  corrodé  et  dissous  de  proche  en  proche,  s'élargit 
en  donnant  naissance  à  des  cavités  bien  profitables  pour 
l'accumulation  du  minerai.  Mais,  nulle  part,  cette  corrosion 
des  calcaires  à  la  jonction  des  couches  argileuses  ne  se  ma- 
nifeste avec  une  plus  grande  intensité  que  dans  la  traversée 
des  filons  de  zinc.  Dans  ce  cas,  l'élargissement  du  gîte  de- 
vient à  ce  point  considérable  qu'un  filon  de  blende  stérile 
et  réduit  à  une  simple  fissure  dans  des  schistes  et  des 
grauwackes  peut  subitement,  au  milieu  du  calcaire,  comme 
dans  les  célèbres  mines  de  zinc  du  Laurium  et  de  la  Vieille- 
Montagne  auMoresnet,  avoir  une  largeur  de  plus  de  400  m. 
En  même  temps,  alors  que  dans  les  roches  argileuses  le  rem- 
plissage métallique  n'est  fait  que  par  des  sulfures,  dans  les 
calcaires  ce  sont  des  minéraux  oxydés,  surtout  carbonates 
qui  se  présentent,  tandis  que  la  blende  est  remplacée  par 
des  amas  irréguliers,  très  dilatés,  de  calamine,  c.-à-d.  de 
silicate  et  de  carbonate  de  zinc.  D'où  le  nom  de  calami- 
naire  appliqué  à  ces  gîtes  si  remarquablement  élargis  et 
caractérisés  par  ce  fait  qu'en  s'épanouissant  ainsi  au  tra- 
vers des  calcaires  fissurés,  par  suite  perméables,  ils  ont 
pris  naissance  dans  un  milieu  réducteur.      Ch.  Vélàin. 
Exploitation  des  filons  (V.  Mine). 
Bibl.  :  Elie  de  Beaumont,  Emanations  volatiles  et  mé- 


tallifères, dans  Bull,  de  la  Soc.  géol.  de  France,  1853, 
2e  série,  t.  IV.  —  Fournet,  Sur  les  Allures  et  les  formes 
des  filons,  dans  Bull,  de  la  Soc.  géol.  de  France,  1857, 
2e  série,  t.  XV.  —  Moissenet,  Parties  riches  des  filons  ; 
Paris,  1874,  in-8,  avec  atlas. 

FILON  (Charles-Àuguste-Désiré),  historien  français,  né 
à  Paris  le  7  juin  1800,  mort  à  Paris  le  4er  déc.  1875. 
Professeur  d'histoire  à  Louis-le-Grand,  à  Bourbon,  à  Char- 
lemagne,  Henri  IV,  Saint-Louis,  il  devint  en  4840  maître 
de  conférences  à  l'Ecole  normale  supérieure.  En  4833,  il 
fut  nommé  professeur  d'histoire  et  doyen  de  la  faculté  des 
lettres  de  Douai  et  termina  sa  carrière  universitaire  comme 
inspecteur  d'académie  à  Paris.  Il  a  publié  :  Eléments  de 
rhétorique  française  (Paris,  4826,  in-42);  Nouvelles 
Narrations  françaises  avec  les  arguments  (4828,  in-42)  ; 
Histoire  comparée  de  France  et  d'Angleterre  (4832, 
in-8)  ;  Histoire  de  V Europe  au  xvr3  siècle  (4838,  2  vol. 
in-8)  ;  De  la  Diplomatie  française  sous  Louis  XV  (4843, 
in-8)  ;  Du  Pouvoir  spirituel  dans  ses  rapports  avec 
VEtat  (4844,  in-8)  ;  De  la  Méthode  historique  (4840, 
in-8),  qui  fut  sa  thèse  de  doctorat  avec  pour  thèse  latine  An 
stoica  M.  A.  Antonini  philosophia  aliquid  christianiœ 
doctrinœ  debuerit  (4840,  in-8)  ;  Histoire  de  V Italie  mé- 
ridionale (4849,  in-48)  ;  Histoire  du  Sénat  romain 
(4850,  in-48)  ;  Histoire  de  la  démocratie  athénienne 
(4854,  in-8)  ;  V Alliance  anglaise  au  xvme  siècle  (i  860, 
in-8)  ;  l'Ambassade  de  Choiseul  à  Vienne,  en  1757  et 
1758  (4872,  in-8). 

FILON  (Pierre-Marie-Augustin),  littérateur  français,  né 
à  Paris  le  28  nov.  4844,  fils  du  précédent.  Elève  de  l'Ecole 
normale  (promotion  de  4864),  professeur  de  rhétorique  au 
lycée  de  Grenoble,  il  fut  choisi  en  4867  pour  précepteur 
du  prince  impérial  qu'il  accompagna  en  Angleterre  après 
les  événements  de  i  870.  Chroniqueur  apprécié  de  la  Revue 
bleue,  très  au  courant  des  choses  et  de  la  littérature  an- 
glaise, M.  Filon  a  écrit  des  ouvrages  de  critique  littéraire, 
des  études  historiques,  des  nouvelles  et  des  romans  fort 
distingués.  Nous  citerons  :  Gui  Patin,  sa  vie,  sa  corres- 
pondance (Paris,  4862,  in-42)  ;  Etude  sur  les  lettres 
portugaises  (4863,  in-42)  ;  les  Mariages  de  Londres 
(4875,  in-42),  signé  du  pseudonyme  de  Pierre  Sandrié; 
Histoire  de  la  littérature  anglaise  (4883,  in-42); 
Amours  anglais  (4888,  in-42);  Nos  Grands-Pères  (4887, 
in-42)  ;  Contes  du  centenaire  (4889,  in-42)  ;  Violette 
Mérian  (4891,  in-42)  ;  Profils  anglais  (1893,  in-42),  etc. 
FILOSELLE  (Filât.).  Fils  de  soie  obtenus  en  filant  les 
bourres  extérieures  des  cocons  par  des  procédés  analogues 
à  ceux  que  l'on  applique  au  travail  de  la  laine,  et  qui  se 
teignent  en  toutes  couleurs;  la  filoselle,  soit  pure,  soit 
mélangée  de  coton,  s'emploie  principalement  pour  la  fabri- 
cation de  bas,  gants,  etc. 

FILOUTERIE.  L'art.  404  du  C.  pénal  assimile  au  vol 
et   punit   des  mêmes  peines  les  filouteries  et   larcins, 
mais  nulle  part  le  code  ne  donne  de  définition  de  ces  deux 
mots.  Cette  distinction  entre  le  vol  et  la  filouterie  provient 
de  notre  ancien  droit  qui  donnait  le  nom  de  vol  à  toute 
soustraction  frauduleuse  commise  avec  force  ou  violence  et 
celui  de  filouterie  aux  soustractions  commises  par  adresse 
ou  par  ruse.  Malgré  les  termes  de  l'art.  404,  cette  distinc- 
tion n'a  pas  persisté  dans  notre  droit  :  quelle  que  soit  la 
façon  dont  est  commise  la  soustraction  frauduleuse,  elle 
constitue  le  vol.  Le  mot  filouterie  n'a  donc  plus  qu'un  inté- 
rêt rétrospectif.  On  s'en  sert  pourtant  en  pratique  pour 
qualifier  un  délit  spécial,  que  l'on  désigne  quelquefois  sous 
le  nom  de  grivèlerie,  mais  beaucoup  plus  couramment 
sous  celui  de  filouterie  d'aliments,  et  qui  a  été  prévu 
par  une  loi  récente  du  26  juiL   4873.  Cette  loi  a  été  ins- 
crite au  code  à  la  suite  et  comme  complément  de  l'art.  404. 
Elle  a  pour  but  d'atteindre  l'individu  qui,  se  sachant  insol- 
vable, entre  dans  une  auberge  ou  tout  autre  établissement 
de  ce  genre,  se  fait  servir  des  boissons  ou  aliments,  et 
qui,  lorsqu'il  a  consommé  et  que  le  moment  de  payer  sa 
dépense  est  venu,  se  trouve  dans  l'impossibilité  de  le  faire. 
Ce  genre  de  délit  est  un  des  plus  fréquents  et  des  plus 


FILOUTERIE  -  FILS 


—  474  — 


faciles  à  commettre,  les  restaurateurs  ayant  coutume  de 
remettre  les  aliments  à  ceux  qui  les  commandent,  sans 
demander  de  garantie.   Jusqu'à  la  loi  de  1873,  il  restait 
pourtant  impuni,  ce  fait  ne  pouvant  être  assimilé  à  aucun 
délit  prévu  par  le  code  ;  il  tient  à  la  fois  du  vol  et  de  l'es- 
croquerie et  diffère  de  tous  deux  :  la  remise  volontaire 
des  aliments  au  consommateur  empêchait  de  le  considérer 
comme  un  vol  ;  pour  le  considérer  comme  une  escroquerie, 
il  y  manquait  la  manœuvre  frauduleuse  exigée  par  Fart.  405. 
Une  loi  spéciale  pouvait  seule  en  permettre  la  poursuite. 
FILS.  I.  Sociologie  (Y.  Famille). 
II.    Droit  romain.  —  Le  nom  de  fils  de  famille 
(filius  familias)  désigne,  en  droit  romain,  non  pas  exac- 
tement celui  qui  est  le  fils  d'un  autre,  mais  celui  qui 
est  sous  la  puissance  paternelle  d'un  autre  ;  car,  la  famille 
romaine  étant  fondée  sur  la  puissance,  l'enfant  né  en  ma- 
riage lui-même  n'est  pas  le  fils  de  famille  de  son  père  s'il 
est  sorti  de  puissance,  '  par  exemple   par  émancipation 
(V.  le  mot  Emancipation),  et  un  homme  a  pour  fils  de 
famille  tous  les  individus  qu'il  a  sous  sa  puissance  pater- 
nelle, non  seulement  ceux  qu'il  a  procréés  en  mariage, 
mais  les  enfants  nés  d'autrui  qu'il  a  adoptés,  et,  en  droit 
récent,  les  enfants  issus  de  son  concubinat  qu'il  a  légi- 
timés (V.  les  mots  Adoption,  Légitimation).  —  La  con- 
dition du  fils  de  famille,  qui  se  prolonge  quel  que  soit  son 
âge  jusqu'à  la  disparition  de  la  puissance,  c.-à-d.  le  plus 
ordinairement  jusqu'à  la  mort  du  père,  n'a,  en  droit  pu- 
blic, aucune  influence  restrictive  sur  ses  droits  politiques. 
En  droit  privé,  elle  n'en  a  non  plus  aucune,  au  regard  des 
tiers,  sur  sa  capacité  civile  qui  est,  en  principe,  aussi  com- 
plète que  celle  d'un  chef  de  famille  ;  mais,  au  regard  du 
père,  sa  personnalité  disparaît  devant  l'autorité  absolue 
résultant  de  la  puissance  paternelle.  La  première  idée 
explique  que,  sauf  quelques  réserves,  la  personne  en  puis- 
sance paternelle  puisse,  en  la  supposant  de  sexe  et  d'âge 
convenables,  valablement  figurer  activement  et  passivement 
dans  tous  les  actes  juridiques.  Mais  elle  est,  surtout  an- 
ciennement, presque  entièrement  masquée  par  les  consé- 
quences que  la  seconde  entraîne,  soit  quant  à  la  personne,  soit 
quant  aux  biens.  Quant  à  la  personne,  le  père  peut  infliger 
au  fils  de  famille,  aussi  bien  qu'à  un  esclave,  tous  les 
châtiments,  même  la  mort  ;  il  peut  en  faire  comme  d'un 
esclave  une  mancipation  qui  le  mettra,  sinon  en  esclavage, 
au  moins  dans  une  condition  servîle  et  dont,  comme  l'es- 
clave, il  ne  pourra  sortir  que  par  un  affranchissement  ;  et 
cet  affranchissement  lui-même,  qui  rendrait  l'esclave  libre, 
fera  simplement  retomber  le  fils  sous  la  puissance  pater- 
nelle, dont  il  ne  sera  dégagé  qu'après  trois  mancipations. 
Quant  aux  biens,  la  capacité  du  fils  ne  s'exerce  qu'au  profit 
du  père  à  qui  toutes  les  choses  matérielles,  toutes  les 
créances  acquises  par  lui  passent  mécaniquement  :  en  sorte 
qu'il  ne  peut  être  ni  propriétaire  ni  créancier,  et  que,  par 
suite,  il  lui  est  impossible  de  figurer  en  son  nom,  comme 
demandeur,  dans  un  procès,  ni  de  figurer  dans  Vin  jure 
cessio,  qui  est  le  simulacre  d'un  procès  relatif  à  un  droit 
réel  ;  en  sorte  que  le  père  qui  lui  laisse  des  biens  entre  les 
mains  reste  propriétaire  de  ce  pécule  (V.  ce  mot)  comme 
de  celui  de  l'esclave.  La  différence  qui  le  sépare  de  l'es- 
clave ne  se  manifeste  donc  pratiquement  qu'à  son  préju- 
dice :  il  peut  devenir  débiteur,  non  seulement  comme 
lui  par  ses  délits,  mais  aussi,  sauf  quelques  réserves 
(V.  notamment  le  mot  Sénatus-Consulte  macédonien),  par 
ses  contrats,  dont  il  reste  tenu,  tandis  que  le  bénéfice  en 
va  au  père.  Encore  n'est-il  pas  sûr  que  cette  différence  ait 
toujours  existé,  car  l'ancien  droit  n'aurait  sans  doute  pas 
compris  une  obligation  non  susceptible  d'exécution,  et 
l'exécution  sur  la  personne  du  fils  suppose  si  bien  un  conflit 
avec  la  puissance  paternelle  que  les  actions  noxales  ont 
été  inventées  pour  le  trancher  en  matière  de  délits.  Seu- 
lement, dès  l'époque  la  plus  ancienne,  le  fils  différait  de 
l'esclave  en  ce  que,  à  la  mort  du  père,  tandis  que  l'esclave 
ne  faisait  que  changer  de  maître,  le  fils  devenait  un  chef 
de  famille  et,  à  moins  d'avoir  été  exhérédé  (V.  Exhé- 


rédation),  succédait  au  patrimoine  paternel,  grossi  par 
ses  acquisitions.  En  outre,  l'évolution  du  droit  romain 
a  été  marquée  par  l'affaiblissement  de  la  puissance  pater- 
nelle, par  la  reconnaissance  croissante  de  la  personnalité 
du  fils,  à  qui  la  théorie  des  pécules  castrens,  quasi  cas- 
trens  et  des  biens  adventices  a  progressivement  permis 
d'avoir  un  patrimoine  propre;  contre  qui  le  droit  de  vie 
et  de  mort  s'est  peu  à  peu  réduit  à  un  droit  de  correction 
légère  ;  en  face  duquel  la  dernière  application  pratique  du 
droit  de  mancipation,  l'abandon  noxal,  a  été  abolie  par 
Justinien. 

Les  règles  précitées  sur  la  capacité  de  s'obliger  s'appli- 
quent en  supposant  la  personne  en  puissance  capable  au 
point  de  vue  de  l'âge  et  du  sexe.  Lorsqu'il  s'agit  d'un 
filius  familias  impubère,  il  est  incapable  de  s'obliger, 
comme  le  sui  juris  du  même  âge,  et  ne  peut,  contrairement 
à  lui,  y  être  habilité  par  Yauctoritas  de  personne.  Quant 
à  la  fi  lia  familias,  elle  était  nécessairement  frappée  à 
l'origine,  à  raison  du  sexe,  d'une  incapacité  symétrique  à 
celle  qui  atteignait  le  fils  impubère  à  raison  de  l'âge,  et  on 
admet  généralement  aujourd'hui  qu'il  en  était  encore  ainsi 
à  l'époque  de  Gaius  (Inst.,  3,  404).  Il  en  est  encore  de 
même  à  l'époque  de  Paul  et  d'Ulpien,  en  vertu  de  textes 
formels  contredits  seulement  en  apparence  par  un  texte 
d'Ulpien  (D.,14,  6  fr.  9,  2)  qui  donne  l'exception  du  sé- 
natus-consulte  macédonien  non  pas  à  la  fille  contre  l'action 
directe  de  son  contrat,  mais  au  père  contre  l'action  de 
peculio.  Il  y  a  même  un  texte  récemment  signalé  qui,  en 
restreignant  cette  même  action  de  peculio  pour  les  enga- 
gements non  pas  de  la  fille,  mais  de  la  femme  esclave,  à 
la  mesure  où  elle  serait  restreinte  pour  ceux  de  l'impubère, 
semble  encore  impliquer  l'assimilation  du  sexe  à  l'âge  chez 
les  personnes  en  puissance,  au  temps  de  Dioclétien  (G.  4, 
26,  Const.  11).  A  l'époque  de  Justinien,  il  n'est  plus 
question  de  cette  incapacité.  P. -F.  Girard. 

III.  Ancien  droit.  —  Fils  de  famille.  —  Le  fils  de  fa- 
mille était  l'enfant,  majeur  ou  mineur,  vivant  sous  l'autorité 
de  son  père.  Chez  les  Gaulois ,  où  la  puissance  paternelle 
était  absolue  et  comprenait  le  droit  de  vie  et  de  mort,  le 
fils  de  famille  était  vis-à-vis  de  son  père  dans  une  étroite 
dépendance.  lia  dû  en  être  de  même  à  l'origine  chez  les 
Germains.  Chez  eux,  les  fils  cessaient  d'être  sous  le  mun* 
dium  du  père  par  le  mariage,  à  la  différence  des  fils  de 
famille  romains  qui  restaient  sous  la  puissance  de  leur  père 
malgré  leur  mariage.  La  puissance  paternelle,  telle  qu'elle 
était  connue  dans  le  droit  romain,  n'a  pas  dû  être  admise 
chez  les  Francs  ;  les  enfants  parvenus  à  Yœtas  légitima, 
ou  majorité,  n'étaient  plus  sous  la  puissance  paternelle,  et, 
même  pendant  la  durée  du  mundium,  ils  acquéraient  pour 
eux,  sauf  un  droit  d'usufruit  paternel.  Dans  l'ancienne 
France,  la  capacité  et  les  droits  du  fils  de  famille  n'étaient 
pas  les  mêmes  partout  et  dépendaient  de  la  façon  dont  la 
puissance  paternelle  était  organisée  (V.  Puissance  pater- 
nelle). Il  suffit  de  rappeler  ici  qu'il  existait  une  différence 
générale  entre  les  pays  coutumiers  et  les  pays  de  droit 
écrit.  Dans  les  premiers,  notamment  dans  les  coutumes 
de  Paris,  de  Normandie,  de  Vermandois,  d'Orléans,  de 
Chartres,  de  Châteauneuf,  la  puissance  paternelle  n'était 
pas  perpétuelle  et  cessait  à  la  majorité.  Aussi  l'enfant 
était-il  dès  ce  moment  réputé  pleinement  capable  ;  il  le 
devenait  aussi  par  l'émancipation.  Dans  les  pays  de  droit 
écrit,  la  puissance  paternelle  était  une  sorte  de  tutelle  qui  ne 
'  devait  cesser  que  par  un  acte  volontaire  du  père  de  famille. 
Elle  avait  été  modifiée  par  les  mœurs  en  ce  sens  que  la 
puissance  sur  la  personne  ne  durait  pas  au  delà  de  la  ma- 
jorité, mais  elle  subsistait  quant  aux  biens.  Il  en  résultait 
que  le  fils  de  famille,  même  majeur,  était  incapable  de 
contracter  ou  d'ester  en  justice,  en  matière  civile,  sans  auto- 
risation. Quel  que  soit  son  âge,  il  ne  pouvait  s'occuper  utile- 
ment de  ses  affaires,  à  moins  d'être  émancipé;le  mariage  même 
n'emportait  pas  par  lui-même  émancipation.  D'assez  nom- 
breuses coutumes,  celles  du  Berry,  du  Bourbonnais,  de  Bre- 
tagne, d'Angoumois,  de  La  Rochelle,  du  Poitou,  de  Bassigny, 


-  415  - 


FILS  -  FILTRAGE 


de  Troyes,  de  Lille,  de  Douai,  de  Valenciennes,  du  duché 
de  Bourgogne,  de  Metz,  de  Bordeaux,  avaient  admis  des 
règles  qui  les  rapprochaient  plus  ou  moins  des  pays  de 
droit  écrit,  mais,  dans  aucune,  sauf  en  Poitou  pour  le  fils 
non  marié,  la  puissance  paternelle  ne  se  prolongeait  au 
delà  de  la  majorité.  L'intervention  du  père,  dans  les  pays 
de  droit  écrit,  avait  un  double  effet  :  d'une  part,  elle  rele- 
vait le  fils  de  son  incapacité,  comme  toute  autorisation 
donnée  à  un  incapable  ;  d'autre  part,  elle  entraînait  l'obli- 
gation solidaire  du  père  avec  le  fils.  Quant  à  la  ratifica- 
tion postérieure  donnée  au  fils  par  le  père  de  famille,  elle 
obligeait  bien  celui-ci,  mais  ne  validait  pas  l'obligation  du 
fils  à  laquelle  l'autorisation  avait  manqué.  En  matière  cri- 
minelle, aucune  autorisation  n'était  nécessaire  au  fils  pour 
ester  en  justice,  soit  comme  demandeur,  soit  comme  défen- 
deur .  Il  n'en  avait  pas  besoin  non  plus  pour  accepter  une 
donation,  cet  acte  ayant  pour  effet  de  rendre  sa  condition 
meilleure.  Le  sénatus-consulte  macédonien  défendant  de 
prêter  de  l'argent  aux  fils  de  famille  même  majeurs  con- 
servait son  application  'dans  les  pays  de  droit  écrit  et  dans 
les  coutumes  qui  se  complétaient  par  le  droit  romain.  Le 
père  de  famille  pouvait  demander  la  nullité  de  l'obligation 
du  fils  emprunteur.  En  Bourgogne  même,  un  arrêt  de  règle- 
ment du  28  juil.  1628  avait  prononcé  une  amende  contre 
le  prêteur,  et  un  autre  du  22  août  1676,  une  amende  de 
1 ,000  livres  contre  le  notaire  qui  recevrait  le  contrat.  G.  R. 

IV.  Droit  actuel  (V.  Enfant  et  Parenté). 

Bibl.  :  Droit  romain.  —  Rivier,  Précis  du  droit  de  fa- 
mille romain,  1891,  pp.  77-99.  —  Karlowa,  Rômische 
Rechtsgeschichte,  1892,  II,  pp.  72  et  suiv.  —  Accarias, 
Précis  de  droit  romain,  1886,  nos  75-77.  —  Baron,  Institu- 
tionen,  1884,  §§  38-39.—  Cuq,  Institutions  des  Romains,  1891, 
pp.  161  et  suiv.  —  Sur  la  Capacité  de  s'obliger  du  fils,  a 
l'époque  ancienne,  V.  Mandry,  Gemeine  Familiengùter- 
recht,  1876,  II,  pp. 340  et  suiv.—  Cuq,  op.  cit.,  191  et  suiv.  ; 
cf.  A.  Pernice,  Sitzungsberichte  de  Berlin,  1886,  pp.  1171- 
1173.—  Sur  la  capacité  de  la  fiilia  familias,  V.  Mandry, 
op.  cit.,  1871, 1,  pp.  347  et  suiv. —  Girard,  Nouv.Rev.  hist. 
de  droit,  1885,  IX,  pp.  379  et  suiv.—  Petit,  Traité  de  droit 
romain,  1892,  p.  268,  note  4;  cf.  Accarias,  Précis,  1891,  II, 
p.  57,  note  2,  49  éd. 

Ancien  droit.  —  Pardessus,  Loi  salique;  Paris,  1843.  — 
Kœnigswarter,  Histoire  de  l'organisation  de  la  famille 
en  France;  Paris,  1851,  in-8.  —  Henri  Beaune,  Droit 
coutumier  français,  la  condition  des  personnes;  Lyon 
et  Paris,  1882,  in-8.  —  Paul  Viollet,  Précis  de  l'his- 
toire du  droit  français;  Paris,  1886,  in-8. 

Fi  LTRA6E  (Chim.  indust).  Tous  les  procédés  proposés 
pour  la  purification  des  eaux  destinées  à  l'alimentation  ou 
à  l'industrie,  y  compris  la  filtration,  sont  basés  sur  des 
réactions  chimiques,  soit  double  décomposition,  soit  sépa- 
ration des  matières  en  suspension  et  oxydation  des  prin- 
cipes organiques  tenus  en  dissolution  :  tel  est  le  cas  de  la 
filtration  qui  n'est  pas,  comme  beaucoup  de  chimistes  le 
supposent,  une  simple  opération  physique.  L'eau  des  fleuves 
et  des  rivières  contient  généralement  une  grande  quantité 
de  matières  en  suspension,  dont  il  est  indispensable  de  se 
débarrasser  lorsque  l'eau  doit  servir  à  l'alimentation.  Le 
repos  plus  ou  moins  prolongé  de  l'eau  dans  des  réservoirs 
n'est  pas  pratique  lorsque  l'on  opère  sur  de  grands  volumes, 
car  non  seulement  la  clarification  demande  dix  à  quinze 
jours,  mais  aussi  au  bout  de  ce  temps  l'eau  ne  tarde  pas  à 
entrer  en  putréfaction  par  suite  de  la  décomposition  des 
matières  organiques,  et  de  nombreux  animalcules  infé- 
rieurs y  naissent  et  y  périssent  en  lui  communiquant  une 
odeur  infecte  de  putréfaction.  Il  convient  donc  de  procéder 
au  filtrage,  la  plupart  des  moyens  d'épuration  chimique 
proposés  jusqu'à  ce  jour  n'ayant  donné  que  des  résultats 
médiocres.  La  filtration  de  l'eau  se  fait  au  moyen  de 
corps  poreux,  pierres  calcaires,  graviers,  sable,  charbon, 
éponge,  etc.  Nous  distinguerons  deux  modes  de  filtration  : 
1°  la  filtration  naturelle  par  le  sol;  2°  la  filtration 
artificielle. 

Dans  la  filtration  naturelle,  on  utilise  généralement  la 
perméabilité  du  sol  au  voisinage  des  cours  d'eaux.  C'est 
ainsi  que  l'eau  de  la  Garonne  à  Toulouse,  du  Rhône  à 
Lyon,  de  la  Loire,  près  d'Angers,  est  filtrée  avant  d'être 
livrée  à  la  consommation.  La  filtration  s'opère  simplement 


à  travers  une  couche  sableuse  composant  le  lit  du  fleuve. 
Il  s'ensuit  que  ce  mode  de  filtrage  ne  peut  être  utilisé  que 
lorsque  l'on  a  affaire  à  un  cours  d'eau  d'un  fort  courant 
entraînant  les  matières  qui  auraient  pu  se  déposer  et,  par 
suite,  maintenant  toujours  la  surface  filtrante  très  propre. 
Le  filtrage  naturel  est  employé  aussi  sur  une  grande 
échelle  en  Angleterre,  notamment  à  Nottingham ,  en  Ecosse, 
à  Perth,  etc.  Dans  le  filtrage,  il  est  à  observer  que  non 
seulement  il  se  passe  une  action  physique,  mais  aussi  une 
action  chimique,  l'oxygène  de  l'air  intervenant  et  brûlant 
une  partie  des  matières  organiques.  Comme  on  le  verra 
plus  loin,  la  filtration  artificielle  n'est  qu'une  copie  de  la 
filtration  naturelle  ;  l'eau  est  envoyée  dans  des  réservoirs 
contenant  une  couche  de  gravier  surmontée  d'une  couche 
de  sable  fin  ;  lorsque  l'on  applique  la  filtration  artificielle 
à  la  distribution  d'une  grande  ville,  il  convient  de  disposer 
de  plusieurs  bassins  dont  le  service  alterne,  afin  d'en  per- 
mettre le  nettoyage  ;  c'est  ainsi  que  sont  filtrées  les  eaux 
de  Battersea,  Chelsea,  Hall  en  Angleterre,  Marseille  en 
France,  Berlin  en  Prusse.  Nous  citerons  aussi  le  filtre 
Robert  aîné,  qui  fonctionnait  à  l'Exposition  universelle 
de  4889  (esplanade  des  Invalides)  ;  il  est  simplement  basé 
sur  l'action  oxydante  de  l'air  et  reproduit  les  phénomènes 
qui  se  passent  dans  la  nature  ;  ce  filtre,  d'une  très  grande 
simplicité,  se  compose  d'un  réservoir  en  tôle  de  4  m.  envi- 
ron de  hauteur,  rempli  de  lits  alternatifs  de  sable  et  de 
gravier.  L'eau  arrivant  en  pluie  à  la  partie  supérieure 
divisée  par  le  gravier  est  soumise  à  l'action  oxydante  d'un 
fort  courant  d'air  insufflé  à  la  base  à  l'aide  d'une  machine  ; 
l'eau  est  recueillie  à  la  partie  inférieure  du  réservoir. 
Ce  filtre  donne  d'excellents  résultats  ;  ainsi  il  s'ensuit, 


Filtre  Fonvielle.  —  aaaa,  cuve  en  bois  ;  i,  i,  i,  faux  fonds 
troués  ;  n,  n,  n,  plateaux  comprimant  les  faux  fonds  ; 
A,  B,  C,  compartiments  ;  DE,  tuyau  d'arrivée  d'eau 
sale;  FG,  tuyau  de  décharge  des  eaux  clarifiées. 

d'après  les  analyses  exécutées  en  4889  au  Laboratoire  mu- 
nicipal de  Paris,  que  l'eau  puisée  en  Seine  au  pont  des 
Invalides  et  ainsi  traitée  ne  donnait  plus  que  475  milligr. 
de  résidu  sec,  9  milligr.  de  matières  organiques  et  ne 
marquait  plus  que  4  4°,  5  à  l'hydrotimètre  ;  l'eau  était  donc 
environ  deux  fois  plus  pure  que  d'ordinaire.  On  se  sert 
aussi  assez  couramment  d'un  filtre  très  simple,  le  filtre 
Fonvielle,  que  nous  allons  décrire  succinctement.  Il  se 
compose  d'un  grand  bac  divisé  en  trois  compartiments 
séparés  par  des  doubles  fonds  percés  de  trous  :  le  premier 
contient  des  éponges,  le  second  du  sable  et  le  troisième 
du  charbon  de  bois  ;  l'eau  traverse  ces  couches  pour  se 


FILTRAGE  —  FILTRATION 


476  — 


rendre  à  la  partie  inférieure  du  bac.  Généralement,  la 
filtration  artificielle  est  peu  employée,  et  Peau  des  fleuves 
et  des  rivières  est  livrée  aux  populations  telle  qu'elle  est 
puisée  ;  cependant,  il  est  bon  de  noter  que  les  municipa- 
lités s'efforcent  d'imposer  la  consommation  des  eaux  de 
rivières  non  filtrées  aux  services  de  voirie.      Ch.  Girard. 
FILTRATION.  I.  Pharmacie.  —  La  filtration  est  une  opé- 
ration qui  a  pour  but  de  séparer  un  liquide  des  matières  étran- 
gères qu'il  tient  en  suspension  au  moyen  d'appareils  appe- 
lés filtres.  Les  filtres  sont  très  variés  et  appropriés  à  la 
nature  des  liquides  sur  lesquels  on  opère  :  matières  miné- 
rales (sable,  grès,  glaswolle,  amiante,  verre  pilé,  pierres 
poreuses)  ;  tissus  de  fil,  de  feutre,  de  laine,  de  coton  ; 
papiers  en  feuilles,  plies,  en  pâte,  etc.  Dans  l'économie 
domestique,  on  filtre  les  eaux  en  les  faisant  passer  à  tra- 
vers des  pierres  poreuses,  du  charbon,  des  tissus  variés, 
des  couches  alternatives  de  sable  et  de  charbon,  des  éponges 
superposées,  etc,  Le  sable,  le  grès,  le  verre  pilé  sont  uti- 
lisés dans  les  laboratoires  pour  filtrer  les  liquides  corro- 
sifs, les  acides  minéraux,  par  exemple  ;  on  dispose  dans 
la  douille  d'un  entonnoir  des  morceaux  de  verre  grossiers, 
puis  du  verre  plus  divisé  et  on  recouvre  le  tout  d'une 
couche  pulvérulente.  Le  verre  doit  être  préalablement  lavé, 
d'abord  à  l'acide  chlorhydrique,  puis  à  grande  eau  ;  même 
précaution  pour  le  grès  et  le  sable.  Sous  le  nom  de  coton 
de  verre  ou  glaswolle,  on  a  préconisé  l'emploi  de  verre 
étiré,  ayant  la  souplesse  de  la  soie  ;  pour  s'en  servir,  on 
le  roule  en  boule  et  on  l'introduit  dans  un  entonnoir  ordi- 
naire ou  muni  d'un  petit  renflement  à  la  partie  supérieure 
de  la  douille.  On  se  sert  du  glaswolle  pour  les  solutions 
acides  ou  alcalines,  le  collodion,  la  liqueur  de  Fehling, 
plusieurs  solutions  salines,  etc.  Il  est  même  préférable  à 
l'amiante  qui  se^  met  plus  difficilement  en  boule  et  qui 
présente  l'inconvénient  de  se  diviser  par  fragments  dans  le 
liquide  filtré.  Avec  les  étoffes  de  fil,  de  laine,  de  molleton, 
on  effectue  des  filtrations  qui  prennent  le  nom  de  colla- 
tures  ;  l'opération  s'exécute  au  moyen  d'étamines  ou  de 
Manchets  qu'on  fixe  sur  le  bord  des  vases  ou  sur  un 
châssis  ;  la  chausse  d'Hippocrate  n'est  autre  chose  qu'un 
cône  en  laine  ou  en  feutre  ;  afin  d'activer  l'opération  et 
de  renouveler  les  surfaces  filtrantes,  le  fond  du  cône  peut 
être  relevé  suivant  l'axe,  à  l'aide  d'une  ficelle.  Si  les  pre- 
mières portions  qui  passent  sont  encore  troubles,  et  ceci 
s'applique  à  toutes  les  filtrations,  il  faut  les  remettre  sur 
le  filtre.  En  raison  de  la  hauteur  assez  considérable  de  la 
colonne  liquide,  la  chausse  d'Hippocrate,  ainsi  que  les 
appareils  analogues,  permet  d'opérer  des  filtrations  rapides; 
on  s'en  sert  surtout  pour  les  sirops,  les  liqueurs  fines,  et, 
en  général,  les  liquides  neutres  qui  doivent  avoir  une 
transparence  parfaite.  Le  coton  ne  sert  que  pour  les  liquides 
précieux,  non  corrosifs,  comme  les  huiles  essentielles  ;  en 
mettant  un  peu  de  coton  cardé  dans  la  douille  d'un  petit 
entonnoir,  l'essence  s'écoule  goutte  à  goutte  dans  le  réci- 
pient, presque  sans  perte. 

De  toutes  les  substances  employées  pour  la  filtration, 
les  papiers  de  diverses  natures  sont  les  plus  usuels  ;  on  se 
sert  de  papier  blanc,  de  papier  gris,  de  papier  Berzelius, 
de  papier  dit  rapide,  etc.  Les  filtres  lisses  se  préparent 
simplement  en  pliant  en  quatre,  suivant  deux  diamètres 
qui  se  coupent  à  angle  droit,  une  feuille  de  papier  coupée 
circulairement  ;  leur  disposition  dans  l'entonnoir  doit  être 
telle  qu'ils  s'appliquent  exactement  contre  le  verre  ;  cette 
condition  étant  remplie,  ils  fonctionnent  avec  régularité. 
Ils  sont  ^  fort  commodes  pour  recueillir  les  précipités  et 
pour  opérer  leur  lavage  à  l'aide  de  bouteilles  à  laver, 
comme  celle  de  Berzelius  qui  laisse  écouler  l'eau  par  une 
ouverture  capillaire.  Ce  précipité  est-il  lourd  et  se  dépose- 
t-il  facilement,  on  le  lave  simplement  par  décantation. 
Parfois,  on  se  contente  d'étendre  une  feuille  de  papier  sur 
une  étamine,  mais  alors  l'opération  est  lente.  Il  est  préfé- 
rable de  recourir  à  la  pâte  à  papier,  d'après  le  procédé  de 
Desmarets;  en  jetant  le  tout  sur  un  filtre  quelconque,  la 
pâte  uniformément  répandue  dans  le  liquide  se  dépose  en 


couche  mince  à  la  surface  du  filtre  et  le  liquide  passe  par- 
faitement limpide. 

Les  filtres  à  plis  sont  d'un  usage  courant,  bien  que  les 
plis  se  déforment  rapidement  sous  l'influence  de  la  pression 
du  liquide  ;  aussi  a-t-on  proposé  l'emploi  d'entonnoirs  can- 
nelés, spirales,  l'usage  de  brins  de  paille,  de  fils  métalliques 
et  de  tout  autre  corps  capable  d'isoler  le  papier  des? parois  du 
verre.  Il  est  préférable  de  disposer  avec  soin  le  filtre  dans 
l'entonnoir;  si  on  l'enfonce  trop,  il  se  forme  inférieurement 
un  bourrelet  qui  s'oppose  à  l'écoulement  ;  si  on  ne  l'en- 
fonce pas  assez,  la  partie  inférieure  du  filtre  se  déforme, 
s'arrondit  et  se  déchire  facilement.  Dans  la  pratique,  il 
ne  faut  pas  oublier  de  placer  entre  l'entonnoir  et  le  col 
du  récipient  un  peu  de  papier  plié  en  plusieurs  doubles, 
afin  d'établir  la  communication  avec  l'air  extérieur,  une 
pression  intérieure,  supérieure  à  celle  de  l'atmosphère, 
s'opposant  à  l'écoulement.  Le  choix  du  papier  a  une  im- 
portance capitale.  Le  papier  gris,  ordinairement  très  im- 
pur, ne  doit  être  employé  que  pour  les  produits  qui  n'ont 
aucune  valeur;  il  est  bon,  même  dans  ce  cas,  de  le 
laver,  au  préalable,  à  l'eau  bouillante.  Le  papier  blanc,  de 
bonne  qualité,  ne  donnant  pas  plus  de  0,20  de  cendres  à 
l'incinération,  est  le  plus  souvent  utilisé;  le  papier  sué- 
dois, dit  Berzelius,  qui  ne  laisse  presque  rien  à  l'incinéra- 
tion, est  surtout  ré- 
servé, dans  les  labo- 
ratoires ,  pour  les 
analyses  qui  compor- 
tent un  dosage  rigou- 
reux. 

Certaines  filtra- 
tions ne  peuvent  être 
faites  qu'à  chaud  ;  tel 
est  le  cas  des  corps 
gras  liquides,  des  so- 
lutions visqueuses. 
On  se  sert  alors  d'un 
entonnoir  métallique 
à  double  enveloppe, 
chauffé  avec  une 
lampe  à  alcool  ou  avec 
un  courant  de  vapeur 
d'eau  ;  à  défaut  d'un 
appareil  de  ce  genre, 
on  opère  la  filtration 
à  l'étuve.  Enfin,  on 
évite  la  déperdition 
des  liquides  volatils 
ou  l'altération  de  ceux 
qui  s'altèrent  au  con 


Fig.  1.—  Appareil  Donavan. 


tact  de  l'air,  au  moyen  de  l'appareil  de  Donavan,  modifié 
par  Riouffe  (fig.  1).  Il  se  compose  d'un  entonnoir  fermé  A, 
dans  lequel  oncplace  un  filtre  en  rapport  avec  la  nature  du 
liquide,  du  papier,  du  coton,  du  glaswolle,  du  verre,  etc. 
Le  couvercle  est  percé  de  trois  ouvertures  :  la  première  t 
est  en  rapport  avec  un  tube  en  S,  qui  sert  à  l'introduc- 
tion du  liquide  ;  la  seconde  c  établit  la  communication  de 
l'entonnoir  avec  le  récipient,  au  moyen  d'un  tube  de  com- 
munication D,  ce  qui  évite  tout  excès  de  pression  ;  la  troi- 
sième est  une  ouverture  d,  qui  peut  être  fermée  par  un 
bouchon  à  l'émeri  et  qui  donne  issue  à  l'air  situé  au- 
dessus  du  liquide  de  l'entonnoir;  on  la  maintient  ouverte 
pendant  l'introduction  du  liquide  par  le  tube  en  S. 

Ed.  Bourgojn. 
H.  Industrie  et  Economie  domestique.  —  Dans  l'art. 
Filtrage,  nous  avons  traité  de"  la  filtration  en  grand  des 
eaux  destinées  à  l'alimentation  des  villes,  nous  nous 
proposons  de  parler  ici  des  filtres  couramment  employés 
dans  l'économie  domestique.  La  filtration,  nous  l'avonsvu, 
consiste  à  purifier  et  débarrasser  l'eau  des  matières  qu'elle 
tient  en  suspension.  Les  différentes  substances  employées  à 
cet  effet  sont  :  1°  les  matières  minérales  poreuses,  telles 
que  grès  tendre,  ponce,  terre  cuite,  gravier,  sable,  charbon 


—  477 


FILTRATION  —  FILTRE 


de  bois,  coke,  amiante,  laine  de  scories,  etc.  ;  2°  des  ma- 
tières organiques  :  laine,  crin,  éponge,  etc.  La  filtration 
domestique  n'a  raison  d'être  qu'autant  que  les  subs- 
tances filtrantes  seront  maintenues  toujours  très 
propres,  car  elles  ne  tarderaient  pas  à  devenir  des 
foyers  d'infection  et  de  véritables  milieux  de  culture 
de  microorganismes. 

m  Fontaine  ménagère  de  Paris.  Les  grès  tendres  et  les 
pierres  poreuses  ont  été  de  tout  temps  employés  pour  la 
filtration  de  l'eau.  On  rencontre  encore  à  Paris,  quoique 
l'alimentation  de  la  capitale  se  fasse  en  eau  de  source,  la 
vieille  fontaine  carrée  composée  de  quatre  pierres  de  liais 
de  Ti  millim.  d'épaisseur,  dressées  de  champ,  et  formant 
réservoir.  Un  filtre  construit  en  pierre  poreuse  garnit  le 
fond  ;  il  consiste  en  une  sorte  de  petite  chambre  contenant 
o  ou  6  litres  ;  deux  robinets  en  étain  permettent  de  donner 
soit  l'eau  naturelle,  soit  l'eau  filtrée. 

Filtre  Chamberland,  système  Pasteur.  Le  filtre  Cham: 
berland  se  compose  d'un  cylindre  creux  en  biscuit  tendre 
de  Choisy-le-Roi  ayant  la  forme  d'une  bougie  et  terminé 


par  un  ajutage  ;  il  est  enfermé  dans  un  étui  métallique 
communiquant  avec  la  canalisation  ou  le  réservoir  d'ali- 
mentation. L'eau  y  arrive  sous  pression,  traverse  la  bougie 
et  se  débarrasse  des  matières  qu'elle  tenait  en  suspension 
et  des  bactéries  ;  le  débit  de  ces  filtres  est  très  faible;  aussi 
dans  les  établissements  :  lycées,  hôpitaux,  etc.,  où  la  con- 
sommation est  assez  élevée,  on  dispose  les  bougies  en 
batteries  (fig.  2).  Les  filtres  lancés  ces  dernières  années 
dans  le  commerce  sous  le  nom  de  filtres  Mallié,  Viville,  etc., 
sont  construits  sur  le  même  principe  que  le  filtre  Cham- 
berland ;  ils  se  composent,  aussi  d'une  bougie  en  biscuit 
très  tendre.  La  seule  modification  apportée  est  que  la  fil- 
tration, au  lieu  de  s'opérer  de  l'extérieur  à  l'intérieur  de  la 
bougie,  va  de  l'intérieur  à  l'extérieur.  Il  va  sans  dire 
qu'avant  d'être  mises  en  usage,  ces  bougies  doivent  être 
stérilisées  en  les  chauffant  une  heure  à  450o-200°. 

Filtre  W.  Varrall-Brisse.  Le  filtre  W.  Varrall-Brisse 
est  un  des  meilleurs  filtres  domestiques  présentés  jusqu'à 
ce  jour.  Il  se  compose  tout  simplement  d'un  réservoir  en 
fonte,  en  forme  de  disque,  pouvant  s'appliquer  facilement 


sur  toute  canalisation  et  étant  par  suite  d'un  emploi  facile  ; 
l'eau  traverse  une  plaque  discoïde  de  céramique  et  ensuite 
de  charbon  ;  un  système  de  robinet  permet  en  changeant 
l'arrivée  de  l'eau  de  procéder  très  facilement  au  nettoyage 
de  l'appareil.  Il  a  été  constaté  d'après  les  analyses  faites 
au  Laboratoire  municipal  de  Paris,  sur  un  filtre  stérilisé 
préalablement,  qu'il  ne  se  produit  aucun  développement 
bactérien  dans  la  gélatine  nutritive  au  bout  de  huit 
jours.  Le  modèle  industriel  à  grand  débit  est  cons- 
truit sur  les  mêmes  principes;  il  n'est  qu'une  sorte  d'ac- 
couplement de  filtres  petit  modèle.  Donc,  d'après  ce  que 
nous  venons  de  voir,  l'assertion  de  de  Chaumont  (P radi- 
cal Hygiène,  1878),  prétendant  que  le  charbon  favorisait 
le  développement  des  vibrions,  mériterait  d'être  contrôlée. 
Filtre  Maignen.  Le  filtre  Maignen  consiste  en  un  réci- 
pient en  faïence  contenant  un  cône  de  même  nature,  percé 
de  trous,  recouvert  d'une  toile  d'amiante  à  mailles  très 
serrées  sur  laquelle  sont  disposées  des  couches  de  carbo- 
calcis  en  grains  (charbon  animal  contenant  un  peu  de  chaux 
dans  ses  pores)  de  grosseurs  différentes.  Ce  filtre  est  d'un 
nettoyage  facile  :  il  suffit  de  démonter  les  pièces,  les  laver 


à  grande  eau  et  le  recharger  de  matière  filtrante  (carbo- 
calcis)  ;  il  paraît  donner  de  bons  résultats. 

Filtre  Burgoise.  Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence 
le  filtre  Burgoise,  très  employé  dans  l'économie  domestique 
et  dans  l'industrie.  Il  est  formé  d'un  récipient  en  tôle  cylin- 
drique divisé  en  trois  compartiments  par  des  grilles  métal- 
liques ;  le  compartiment  du  milieu  est  rempli  de  débris 
d'épongés  fortement  tassés,  contenant  çà  et  là  des  petits 
fragments  de  charbon  de  bois  ;  l'eau  arrive  par  la  partie 
inférieure  du  filtre,  traverse  la  couche  filtrante  et  s'écoule 
à  la  partie  supérieure  au  moyen  d'un  robinet  à  trois  voies. 
On  peut  renverser  le  courant  de  l'eau  et  assurer  ainsi  son 
nettoyage.  Un  second  robinet  placé  à  la  partie  inférieure 
permet  l'écoulement  de  l'eau  ainsi  souillée  (fig.  3).  La 
laine,  les  fibres  végétales  ont  aussi  été  utilisées  à  cons- 
truire différents  filtres,  mais  au  point  de  vue  pratique 
ils  ne  peuvent  être  employés.  Ces  matières  ne  tardent  pas 
à  se  décomposer  et  entrer  en  putréfaction.     Ch.  Girard. 

FILTRE-presse  (Techn.).  On  donne  ce  nom  aux  appa- 
reils employés  dans  l'industrie,  pour  séparer  d'un  liquide 
des  corps  solides  qui  s'y  trouvent  en  suspension.  L'inven- 


FILTRE  —  FINALE 


—  478  — 


tion  des  filtres-presses  est  due  à  l'Anglais  Needham  qui,  en 
1828,  prit  une  patente  pour  un  appareil  destiné  à  effectuer 
rapidement  la  séparation  de  l'eau  contenue  dans  la  pâte  de 
kaolin  employée  pour  la  fabrication  de  la  porcelaine.  L'appa- 
reil de  Needham  a  figuré,  avec  quelques  modifications,  à 
l'Exposition  internationale  de  Londres,  en  4862,  et  c'est 
sous  cette  forme  nouvelle  qu'il  fut  introduit  dans  les  sucre- 
ries. Une  fois  l'attention  attirée  sur  ces  appareils,  un  grand 
nombre  de  constructeurs  se  sont  occupés  de  les  perfection- 
ner :  Daneck,  le  premier,  substitua  le  fer  au  bois  pour  la 
construction  des  filtres-presses  ;  son  exemple  fut  suivi  par 
Trinks.  Actuellement,  les  modifications  sont  tellement  nom- 
breuses qu'il  existe  presque  autant  de  dispositifs  différents 
que  de  constructeurs.  L'action  des  filtres-presses  repose  sur 
le  principe  suivant  :  toute  filtration,  c.-à-d.  la  séparation 
d'un  liquide  d'avec  les  substances  solides  qu'il  tient  en  sus- 
pension, est  d'autant  plus  rapide  que  la  surface  filtrante 
est  plus  grande,  et  l'opération  est  encore  accélérée  si  l'on 
exerce  une  forte  pression  sur  la  masse  à  filtrer.  On  obtient 
un  pareil  résultat  en  introduisant  celle-ci  dans  des  boîtes 
ou  capacités  verticales  très  étroites,  mais  relativement  très 
hautes,  dont  les  parois  latérales  sont  formées  d'une  plaque 
de  tôle  perforée,  sur  laquelle  est  appliqué  un  filtre  en  toile. 
La  masse  à  filtrer  est  refoulée  dans  les  boîtes  à  l'aide  d'une 
pompe  ou  d'un  monte-jus  ;  sous  l'influence  de  la  pression 
produite  par  la  vapeur  du  monte-jus  ou  par  la  pompe,  le 
liquide  enfermé  dans  la  masse  est  expulsé  ;  il  passe  à  tra- 
vers les  surfaces  filtrantes,  et  les  particules  solides  restent 
dans  les  boîtes.  Plusieurs  boîtes  de  ce  genre  sont  réunies 
sur  un  support  commun,  de  façon  à  pouvoir  être  alimentées 
par  un  seul  et  même  tuyau.  Afin  de  rendre  plus  facile  l'en- 
lèvement du  résidu,  une  fois  l'opération  terminée,  les  boîtes 
sont  formées  par  la  juxtaposition  de  cadres  à  rebords  sail- 
lants, sur  lesquels  sont  appliquées  les  plaques  perforées, 
recouvertes  elles-mêmes  par  les  toiles  filtrantes.  Lorsque 
les  cadres  sont  serrés  les  uns  contre  les  autres,  il  reste 
entre  eux  un  espace  vide  qui  constitue  la  boîte  proprement 
dite  et,  quand  on  les  écarte,  le  résidu,  sous  forme  d'un 
tourteau  solide,  tombe  de  lui-même  et  peut  alors  être 
enlevé  facilement.  Les  filtres-presses  sont  surtout  employés 
dans  les  sucreries  pour  séparer  du  jus  les  écumes  et  les 
dépôts  de  carbonatation,  et  aussi  quelquefois  pour  l'extrac- 
tion du  jus  des  betteraves  râpées  ;  on  s'en  sert  également 
dans  les  brasseries,  les  fabriques  de  bougies  stéariques,  les 
distilleries,  les  fabriques  d'engrais,  les  fabriques  de  por- 
celaine et  de  faïence,  etc.  L.  K. 

FILUCCI  ou  FILUCI  (V.  Filliuccius). 

FIMARCON.  Ancien  pays  et  seigneurie  de  Gascogne, 
dont  le  ch.-l.  était  Castelnau  (Gers).  Possédée  d'abord  par 
la  maison  de  Lomagne,  la  seigneurie  de  Fimarcon  passa 
successivement  à  la  famille  de  Narbonne-Lara,  puisa  celle 
de  Cassagnet.  Elle  fut  érigée  en  marquisat  au  xvie  siècle. 

FIMBRIA  (Paléont.)  (V.  Lucina). 

FI  MB  RI  A,  l'un  des  plus  redoutables  lieutenants  de 
Marius.  A  la  mort  de  celui-ci,  il  chercha  à  faire  périr  le 
grand  pontife,  Q.  Scœvola,  dans  la  pompe  même  du  convoi 
de  son  chef  (Cic,  Pro  Sex.  Rose;  Val.  Max.,  9,  11). 
Scœvola  n'ayant  été  blessé  que  légèrement,  Fimbria  l'ac- 
cusa devant  le  peuple,  et  il  le  fit  bientôt  assassiner.  Dans 
la  guerre  contre  Mithridate,  en  86  av.  J.-C,  Yalerius 
Flaccus  l'eut  auprès  de  lui  comme  lieutenant.  Fimbria  était 
un  soldat  habile,  entreprenant,  et  méprisait  son  général 
incapable  et  cupide  ;  il  souleva  les  troupes  contre  Flaccus 
et  le  fit  égorger  à  Nicomédie  (Chalcédoine) .  Ayant  pris  le 
commandement  de  l'armée,  il  battit  en  Bithynie  un  fils  de 
Mithridate,  força  celui-ci  à  quitter  Pergame  et  l'assiégea 
encore  à  Pitane.  Mais  Lucullus,  lieutenant  de  Sylla,  ayant 
refusé  de  joindre  ses  troupes  aux  siennes,  il  ne  put  empêcher 
le  roi  de  Pont  de  gagner  Mitylène.  Il  ravagea  la  Troade, 
pilla  Nicomédie,  Gyzique  ;  les  habitants,  opprimés,  appelèrent 
à  leur  secours  Sylla,  son  ennemi  personnel,  qui  ne  put 
l'empêcher  de  raser  les  murs  d'ilion,  mais  il  parvint  à 
corrompre  ses  soldats.  Fimbria,  se  voyant  abandonné, 


s'enferma  dans  le  temple  d'Esculape,  à  Pergame,  et  se 
perça  de  son  épée  (84  av.  J.-C).  G.  Ganiayre. 

FI  M  EN  IL  Com.  du  dép.  des  Vosges,  ar-r.  'd'Epinal, 
cant.  de  Bruyères;  338  hab. 

FIN  (Industr.).  —  Fin  Bois  (V.  Eau-de-vie).       ' 

FIN.  L  Philosophie  (V.  Cause  finale). 

II.  Bourse.  —  Fin  courant.  —  Expression  qui'signifie 
qu'un  payement,  une  livraison,  une  opération  quelconque 
doivent  être  effectués  à  la  fin  d'un  mois  déterminé.  Une  lettre 
de  change  ou  plus  généralement  un  effet  de  commerce  stipulé 
payable  fin  courant  vient  à  échéance  le  dernier  jour  du  mois 
de  sa  création  ;  une  livraison  à  effectuer  fin  courant  doit  être 
faite  à  la  fin  du  mois  où  la  vente  a  été  conclue,  etc.  Pour 
les  affaires  de  bourse,  les  opérations  à  fin  courant  sont 
celles  qui  se  liquident  à  la  fin  du  mois  ;  sur  certaines  va- 
leurs, les  opérations  à  terme  ne  peuvent  se  traiter  que  de 
cette  manière,  tandis  que,  pour  d'autres,  on  peut  opérer 
au  15  ou  fin  courant.  G.  F. 

III. Procédure  civile.— Fin  de  non- recevoir  (V.  Ex- 
ception et  Défense). 

FIN  (De  La)  ou  LAFFIN  (V.  Laffin). 
_FIN  (Jean  de  La)  (V.  Beauvoir  la  Nocle). 

FI  NAGE  (du  latin  fines,  bas  latin  finaticum,  limites). 
On  appelait  ainsi,  dans  plusieurs  provinces  de  l'ancienne 
France^  notamment  en  Lorraine,  Champagne,  Bourgogne, 
Orléanais  et  Touraine,  le  territoire  sur  lequel  s'exerçait  la 
juridiction  d'une  seigneurie.  C'était  donc  ce  qu'ailleurs  on 
appelait  le  ban,  c.-à-d.  la  circonscription  dans  laquelle  un 
seigneur  ou  une  ville  érigée  en  seigneurie  avait  le  droit  de 
promulguer  des  règlements  et  d'imposer  des  amendes 
(V.  Ban).  Le  plus  souvent  on  se  servait  du  mot  finage  dans 
des  locutions  comme  celle-ci  :  «  la  ville  est  finage  de...», 
pour  désigner,  outre  la  ville  même,  les  terres  cultivées  ou 
occupées  par  ses  habitants  en  dehors  des  murs,  c.-à-d.  la 
banlieue  (V.  ce  mot)  ;  ou  dans  l'expression  «  la  paroisse 
et  finage  de...  »,  pour  indiquer  le  territoire  entier  de  l'une 
des  paroisses  dont  se  composaient  la  ville  et  la  banlieue. 
Les  bornes  de  chaque  finage  étaient  fixées  par  la  coutume 
ou  par  des  conventions  privées.  Cette  délimitation  était 
d'une  extrême  importance  au  point  de  vue  de  l'exercice  des 
droits  seigneuriaux,  des  droits  de  bourgeoisie,  dés  droits 
sur  les  aubains,  etc.;  elle  était  consignée  et  conservée  avec 
soin  dans  les  terriers  domaniaux.  Ch.  M. 

FINAGE  (V.  Finerie). 

FINAL  (Math.).  Vecteur  final.—  Dans  le  calcul  des 
quaternions,  une  biradiale  (V.  ce  mot)  est  l'expression  du 
rapport  géométrique  de  deux  vecteurs  OA,  OB.  On  larepré- 

OR 
sente  souvent  par  ^  ou  par  AOB  ;  le  vecteur  OB  est  appelé 

vecteur  final,  et  OA  vecteur  initial  de  la  biradiale. 

FINALE  (Mus.).  Ce  terme  désigne,  en  musique  :  1°  un 
morceau  d'ensemble  qui  termine  un  acte  d'opéra  ;  2°  le 
dernier  mouvement  d'une  symphonie,  d'un  concerto,  d'une 
sonate,  d'un  quatuor,  etc.  Le  finale  dramatique  a  son  ori- 
gine dans  les  opéra  buffa  italiens  du  xvnr6  siècle.  Léo, 
Pergolèse,  Hasse,  Logroscino  mirent  en  honneur  cette 
forme  nouvelle.  Piccini  s'en  empara  et  l'employa  avec  succès 
dans  l'opéra  sérieux.  On  ne  trouve  pas  le  finale  italien 
dans  les  œuvres  de  Grétry,  ni  dans  celles  de  Gliick.  Mais, 
à  partir  du  xixe  siècle,  les  compositeurs  français  adoptent 
l'ensemble  des  Italiens,  comme  le  prouvent  les  opéras  de 
Cherubini,  Mehul  et  Boieldieu.  Les  œuvres  de  Mozart  offrent 
d'admirables  exemples  de  cette  forme  classique,  particu- 
lièrement les  Noces  de  Figaro  et  Don  Juan.  Le  finale 
de  Fidelio  de  Beethoven  est  une  page  profondément 
émouvante.  Comme  les  airs,  les  duos,  les  ensembles,  le 
finale  proprement  dit  devait  disparaître  du  drame  musical, 
tel  que  l'a  transformé  Bichard  Wagner.  On  ne  peut  donner 
le  mot  de  finale,  au  sens  italien  du  mot,  aux  grandes  con- 
clusions chorales,  aux  ensembles  qui  terminent  les  actes  des 
Maîtres  chanteurs  (V.  Opéra).  Dans  les  œuvres  instru- 
mentales d'Haydn,  créateur  de  la  forme  symphonique,  le 


—  479  — 


FINALE  —  FINANCES 


Çnale  était  une  pièce  peu  développée,  d'un  caractère  vif  et 
gai,  le  plus, souvent  un  rondo  ou  un  thème  avec  variations. 
Mozart,  dans  les  symphonies  en  sol  mineur,  en  mi  bémol, 
agrandit  le  dernier  mouvement  et  y  emploie  toutes  les 
ressources  du  contrepoint.  Son  développement  s'achève 
dans  le  chef-d'œuvre  de'  Beethoven,  la  Neuvième  Sym- 
phonie, par  l'introduction  du  chœur  (V.  Symphonie, 
Sonate).  Ch.  Bordes. 

FINALE.  Ancien  marquisat  italien  de  la  Ligurie,  à  50  kil. 
S.-O.  de  Gênes,  près  d'Albenga.  Il  fut  vendu  par  la  famille 
Canetto  à  l'Espagne  (4o90),  puis  par  l'empereur  Charles  VI 
à  Gênes  (1743).  Le  chef-lieu  était  la  ville  de  Finale  (latin 
Finarium)  ;  elle  comprend  trois  parties  :  Finale-Marina, 
Finale-Borgo  et  Finale-Pia  ;  ces  trois  bourgs  forment  des 
communes  distinctes  ;  la  principale  est  la  première:  3,200 
hab.  ;  petit  port  de  cabotage,  fonderies  de  cuivre,  etc. 

FIN  ALI  (Angelo),  sculpteur  italien,  né  à  Vérone  en 
4709,  mort  en  4782.  Nous  citerons  parmi  ses  œuvres,  à 
Reggio,  les  onze  statues  de  marbre  des  Docteurs  de  V Eglise 
et  des  Saints  Protecteurs  de  la  ville  de  Reggio,  qui  se 
voient  dans  l'église  Saint-Prosper  ;  le  Saint  Jean  Népomu- 
cène,  qui  orne  un  pont  près  de  la  Mirandole. 

FINALE-MARINA  (V.  Finale). 

FINALITÉ  (V.  Cause  finale). 

FINANCES  (Polit.).  Ce  n'est  que  fort  lentement  que 
les  finances  des  Etats  ont  été  régulièrement  constituées,  au 
moyen  de  nombreuses  transformations,  soit  dans  les  insti- 
tutions politiques,  soit  dans  les  conditions  économiques  et 
sociales  des  populations,  soit  dans  les  ressources  et  les 
dépenses  des  gouvernements.  Deux  faits  s'accusent  nette- 
ment dans  les  documents  historiques  divers  qui  peuvent 
servir  à  jeter  quelques  lumières  sur  les  plus  anciens  gou- 
vernements :  4°  une  certaine  régularité,  concordant  avec  le 
renouvellement  périodique  annuel  des  récoltes,  dans  les 
recettes  ;  2°  la  constitution  de  réserves  de  métaux  précieux 
dites  le  Trésor,  ou  d'objets  divers  tels  qu'approvisionne- 
ments, armes,  vêtements,  etc.  Ces  deux  faits  ont  un  carac- 
tère universel  ;  on  les  constate  aussi  bien  dans  les  grandes 
monarchies  d'Orient  que  dans  les  petites  monarchies  d'Occi- 
dent, aussi  bien  dans  les  républiques  que  dans  les  monar- 
chies. Il  en  est  résulté  que,  durant  de  longs  siècles,  les 
finances  des  Etats  ont  consisté  à  procurer  aux  gouverne- 
ments les  ressources  nécessaires  aux  dépenses  ordinaires  et 
à  alimenter  des  réserves  de  métaux  précieux  et  d'objets 
divers.  On  trouve  la  preuve  de  cette  situation  dans  Y  Eco- 
nomie politique  des  Athéniens  par  Bœck,  le  meilleur  de 
tous  les  livres  encore  publiés  sur  les  finances  des  anciens 
peuples. 

Même  à  Athènes,  avec  un  gouvernement  absolument 
démocratique,  quoique  esclavagiste,  les  finances,  dont  tous 
les  citoyens  s'occupaient  d'autant  plus  que  la  plupart  en 
vivaient,  ont  affecté  ce  double  caractère.  lien  a  été  de  même 
en  Egypte,  l'Etat  le  plus  riche  et  le  mieux  organisé,  au 
point  de  vue  financier,  de  toute  l'antiquité.  Il  suffit  d'ou- 
vrir Hérodote  pour  reconnaître  quelle  importance  avaient 
les  trésors  dans  la  grande  monarchie  et  que  la  principale 
préoccupation  de  ces  monarchies  était  de  remplir  leur  trésor 
au  moyen  des  tributs.  Aussi  jusqu'aux  belles  époques  de  la 
République  romaine,  lamatière  financière  se  confond-elle  avec 
les  impôts,  les  tributs.  Il  faut  y  ajouter  les  propriétés  de 
l'Etat  et  les  confiscations.  Les  unes  alimentaient  les  autres. 
A  cet  égard,  point  d'illusion,  les  historiens  anciens  n'en 
laissent  aucune.  Aussi  bien  sous  les  républiques  que  sous  les 
monarchies,  il  y  avait  grand  péril  à  être  riche.  Bœck  repré- 
sente les  Athéniens  comme  sans  cesse  occupés  à  rechercher 
les  gens  dont  on  confisquerait  les  biens.  Chaque  année  la 
confiscation  devait  produire  une  proportion  quelconque 
des  recettes  présumées  de  l'Etat.  Il  est  clair  que  les  rois 
d'Egypte,  de  Perse,  d'Assyrie,  de  Babylone  et  les  petits  tyran- 
neaux helléniques  s'accommodaient  encore  mieux  du  bien 
de  leurs  sujets  que  les  citoyens  d'Athènes.  A  cet  égard, 
Hérodote  fourmille  d'exemples  mémorables.  En  Orient,  la 
tradition  de  trancher  la  tète  aux  riches  et  de  mettre  la 


main  sur  leurs  biens  est  immémoriale.  Elle  est  loin  d'avoir 
disparu.  A  ces  premiers  linéaments  des  finances  des  Etats, 
il  faut  ajouter  les  emprunts.  Cette  partie  des  finances  est 
très  ancienne.  Les  gouvernements  ont  eu,  depuis  fort  long- 
temps, recours  à  l'emprunt  comme  à  la  banqueroute  ; 
Athènes,  Carthage,  Rome  avaient  des  dettes  publiques. 
Au  contraire,  l'Egypte,  toujours  riche,  prêtait  volontiers. 
Les  grands  temples,  dépositaires  des  trésors  publics  et  pri- 
vés, et  les  banquiers  procuraient  également  ou  avançaient 
des  capitaux  aux  divers  gouvernements.  Aux  impôts,  aux 
tributs,  aux  domaines  publics,  aux  emprunts,  aux  confisca- 
tions venaient  se  joindre  le  produit  des  guerres  et  le  profit 
de  certaines  entreprises  industrielles  ou  commerciales,  la 
plupart  du  temps  confiée  à  des  esclaves,  quelquefois  des 
spéculations  sur  les  esclaves  mêmes.  Xénophon  nous  a  laissé 
un  mémoire  où  il  se  complaît  à  admettre  que  la  fortune 
d'Athènes  pourrait  être  relevée  au  moyen  d'une  immense 
cohue  d'esclaves.  Aux  esclaves,  Athènes  ne  dédaigna  pas  de 
réunir  les  guerres  et  même  la  piraterie.  Mais  l'Etat  modèle 
pour  vivre  de  la  guerre  et  sur  la  guerre  n'est  ni  Athènes 
ni  Sparte,  c'est  Rome.  De  grands  empires  orientaux  lui 
avaient  donné  l'exemple.  La  guerre  a  été  leur  principale 
ressource.  Rome  alla  même  plus  loin  qu'eux.  Elle  soumit 
les  Etats  qu'elle  conquit  à  un  pillage  qui  ne  cessa  qu'avec 
l'Empire.  Ses  triomphes  n'étaient  que  des  expositions  de 
pillages. 

Avec  l'Empire,  le  pillage  s'amoindrit,  puis  cessa,  et  une 
vaste  organisation  financière  s'étendit  des  îles  Britanniques 
jusqu'à  l'Euphrate.  Mais  cette  organisation  comme  celle  de 
tous  les  Etats,  avant  et  après  l'Empire,  fut  minée  par  un  vice 
radical  ;  elle  n'existait  que  pour  les  recettes,  elle  ne  s'appli- 
quait pas  à  la  dépense.  La  concordance  entre  les  recettes 
et  les  dépenses  est  un  fait  tout  à  fait  récent  pour  les  finances 
des  Etats.  Elle  n'a  apparu  qu'avec  le  contrôle  qui  est  venu 
très  tard.  Inutile  de  dire  que  ce  contrôle  et  cette  concor- 
dance ont  fait  entièrement  défaut  aux  anciennes  monarchies 
orientales.  Mais  il  en  a  été  de  même  pour  les  grandes 
républiques  grecques.  A  Rome,  le  Sénat  était  le  maître 
absolu  des  finances.  Pendant  la  belle  période,  les  censeurs 
lui  présentaient  une  sorte  de  budget  par  lustre  (cinq  ans), 
mais  la  guerre  dérangeait  toujours  ce  budget.  Dans  les  pre- 
miers temps  de  l'Empire,  le  Sénat,  chargé  de  Fadminjstra- 
tion  de  diverses  provinces,  y  maintint  un  certain  ordre 
financier,  mais  les  guerres  civiles,  les  révolutions  dans  le 
pouvoir  modifièrent  bientôt  les  arrangements  pris  par 
Auguste  et  plus  ou  moins  acceptés  par  Tibère.  La  forme 
impériale  remplaça  de  plus  en  plus  la  forme  républicaine. 
Les  finances  de  l'Empire  tendirent  à  se  confondre  avec 
Yœrarium  de  l'empereur.  Toute  concordance,  tout  contrôle 
disparurent.  Les  finances  de  l'Empire  devinrent  celles  de 
l'empereur.  Impôts,  tributs,  produits  des  domaines,  confis- 
cations, guerres,  tout  se  transforma  en  une  sorte  de  propriété 
de  l'empereur  qui  en  disposait  à  son  gré,  à  Rome  comme 
autrefois  à  Babylone.  La  révolution  chrétienne  favorisa  ce 
mouvement  en  vertu  du  fameux  principe  chrétien  oriental  : 
Redde  cœsari  quod  est  ccesari.  Cet  état  de  choses  alla 
se  dégradant  avec  la  chute  de  l'empire  romain  qui  périt 
en  grande  partie  faute  de  ressources  financières  ;  les  guerres 
cessèrent  de  donner  des  profits,  les  confiscations  entraî- 
nèrent des  révoltes  ;  les  tributs  ne  furent  plus  payés  et 
enfin  un  moment  vint  où  les  propriétaires  refusèrent  l'impôt. 

Ce  mouvement  s'accentua  principalement  dans  la  partie 
de  l'empire  romain  dite  empire  d'Occident.  Dans  l'empire 
d'Orient,  il  s'arrêta  sous  l'influence  des  Arabes  et  des 
musulmans.  La  vieille  organisation  fiscale  survécut  à  la 
chute  de  l'empire  romain  avec  le  concours  des  financiers 
égyptiens,  grecs,  juifs.  Les  khalifes  de  Bagdad,  d'Egypte, 
d'Espagne  eurent  des  finances  bien  autrement  organisées 
que  celles  des  rois  de  l'Europe  occidentale.  Dans  l'Europe 
occidentale  les  finances  finirent  par  disparaître  avec  les  im- 
pôts eux-mêmes,  qui,  au  milieu  de  la  société  féodale,  éprou- 
vèrent une  transformation  complète.  Pendant  bien  des 
siècles,  les  impôts  ne  furent  plus  qu'un  accessoire,  un  acci- 


FINANCES 


—  480  — 


dent  dans  les  ressources  des  rois  féodaux.  Ils  durent  vivre 
des  revenus  de  leurs  domaines  et  des  confiscations,  car  la 
confiscation  a  persisté  à  être  un  aliment  financier  jusqu'au 
xixe  siècle.  Dans  les  républiques  du  moyen  âge,  l'impôt  reprit 
sa  place,  sans  que  la  confiscation  perdît  la  sienne  ;  mais  la 
concordance  entre  la  recette  et  la  dépense,  le  contrôle,  ne 
ne  furent  pas  mieux  établis.  Les  finances  conservèrent  le 
caractère  de  mystère,  de  secret  d'Etat  qu'elles  avaient  par 
tradition,  caractère  qui  s'était  accentué  sous  l'empire  romain. 
A  la  fin  du  xvie  siècle,  Fromenteau  publiait  son  curieux 
inventaire  financier  de  la  France  sous  le  titre  de  Secret 
des  Finances  de  France.  Peu  à  peu  ce  secret  dut  cepen- 
dant être  connu.  D'abord  les  gouvernements  durent  aug- 
menter les  impôts  ;  puis  les  institutions  libres  s'installèrent 
en  Angleterre,  dans  les  Pays-Bas,  en  Pologne,  dans  quel- 
ques Etats  de  l'Allemagne.  La  lutte  entre  les  monarchies 
absolues  et  ces  institutions  ont  essentiellement  pour  objet 
les  finances,  et  dans  les  finances  non  seulement  l'impôt, 
mais  le  contrôle  de  leur  emploi,  la  concordance  entre  la 
recette  et  la  dépense,  la  limite  des  confiscations,  la  limite 
des  emprunts.  En  Angleterre  et  dans  les  Pays-Bas,  la  liberté 
prévalut;  elle  succomba  dans  tous  les  autres  Etats  de 
l'Europe ,  notamment  en  France.  De  là,  la  grande  supério- 
rité financière  de  l'Angleterre  et  de  la  Hollande  aux  xvne  et 
xvme  siècles.  Non  seulement  le  roi  ne  put  plus  ni  lever 
des  impôts,  ni  décréter  des  confiscations,  ni  contracter  des 
emprunts  selon  ses  caprices,  mais  il  dut  présenter  des 
comptes  réguliers  et  annuels.  C'était  une  grande  révolution. 
Elle  a  coûté  la  vie  à  Charles  Ier,  mais  le  budget  annuel 
voté  et  contrôlé  fut  institué. 

L'Europe  a  mis  cent  cinquante  ans  à  marcher  sur  les 
traces  de  l'Angleterre.  En  Russie,  le  budget  dépend  encore 
des  empereurs  ;  le  contrôle  tout  administratif  n'est  organisé 
que  depuis  quelques  années.  En  Turquie,  il  ne  dépend  que 
du  sultan  :  aucun  contrôle.  En  Prusse,  le  véritable  budget 
remonte  à  4  848  et  encore  M.  de  Bismarck  n'a  jamais  consenti 
à  s'y  renfermer.  En  Espagne  et  en  Portugal,  il  n'a  été 
sérieusement  constitué  qu'après  1830  et  en  Italie  qu'après 
•1859.  En  France,  Colbert  essaya  vainement  d'habituer 
Louis  XIV  à  des  budgets  réguliers.  Nul  souverain  n'a  plus 
abusé  des  emprunts,  des  confiscations,  des  fraudes  moné- 
taires qui  ont,  malgré  l'impôt,  conduit  la  monarchie  à 
1789.  La  République  française  a  vécu  des  assignats,  de  con- 
fiscations et  de  contributions  extraordinaires.  Elle  n'a  pas 
eu  de  budgets  ni  de  finances,  bien  qu'elle  ait  préparé  par 
des  lois  fondamentales  la  puissante  organisation  actuelle 
de  la  France  au  point  de  vue  financier.  Sous  le  premier 
Empire,  l'ordre  est  rentré  dans  les  finances,  mais  les  spé- 
culations de  la  guerre  sont  devenues  un  élément  financier 
perturbateur.  En  réalité,  la  France  ne  possède  des  finances 
réelles  et  un  budget  que  depuis  1814.  Ces  observations 
générales  s'appliquent  soit  aux  peuples  qui  ont  échappé  à 
l'influence  romaine,  soit  à  ceux  qui  se  sont  formés  sous 
Faction  de  l'émigration  anglo-saxonne  et  espagnole. 

Les  petits  Etats  de  l'Inde  n'ont  jamais  eu  de  finances 
régulières.  Nulle  part  le  trésor  n'a  été  mieux  fourni,  par 
tous  les  moyens  possibles,  que  dans  l'Inde.  Les  choses  sont 
séculairement  tout  autres  en  Chine  ;  l'impôt  y  est  assis 
sur  des  bases  immuables  et  justes,  mais  jamais  l'idée  de 
rendre  compte  de  son  emploi  n'est  entré  dans  la  cervelle 
d'un  Chinois.  Quant  aux  Etats  nouveaux  anglo-saxons,  mal- 
gré leur  immense  supériorité,  ils  ont  traversé  également 
une  période,  période  assez  courte,  d'impuissance  finan- 
cière, période  qui  se  prolonge  encore  pour  tous  les  Etats 
d'origine  espagnole.  Toutefois,  on  peut  conclure  de  ces 
observations  générales  que  les  finances  des  Etats  marchent 
définitivement  vers  une  période  nouvelle,  celle  du  contrôle 
et  de  la  concordance. 

Elles  se  partagent  en  deux  parties  tout  à  fait  distinctes 
à  tous  les  points  de  vue  :  1°  les  ressources  ou  les  recettes  ; 
2°  les  emplois  ou  les  dépenses. 

Ressources.  —  Elles  se  composent  actuellement  :  1°  des 
impôts  ;  2°  du  produit  des  services  publics  ;  3°  des  béné- 


fices des  monopoles  ;  4°  du  rendement  des  domaines  ;  la 
confiscation  n'est  plus  pratiquée  par  les  Etats  qui  se  res- 
pectent, sauf  comme  répression  de  délits  fiscaux  ;  5°  des 
emprunts.  Les  impôts  ont  un  caractère  plus  général  et 
moins  odieux  qu'avant  1789.  Les  services  publics  attestent 
un  changement  dans  la  direction  de  gouvernement  et  même 
dans  la  conception  de  l'Etat.  A  cet  égard,  le  progrès  est 
énorme.  Au  lieu  d'être  un  pirate,  un  voleur,  un  chef  d'es- 
claves, l'Etat  porte  les  lettres,  exploite  des  chemins  de  fer, 
dirige  télégraphes,  téléphones,  phonographes.  De  tout  temps, 
l'Etat  a  vécu  de  l'entretien  des  monopoles.  La  tendance  ac- 
tuelle est  à  les  augmenter,  pour  amoindrir  les  impôts.  De 
tout  temps  encore  les  Etats  ont  eu  des  domaines.  Enfin  de 
tout  temps  ils  ont  emprunté,  mais  à  aucune  époque  les 
emprunts  n'ont  été  aussi  redoutables  et  n'ont  donné  lieu  à 
plus  d'abus.  De  là  la  constitution  de  ces  dettes  accablantes, 
origine  de  la  banqueroute  pour  tant  d'Etats,  cause  fâcheuse 
de  l'accroissement  de  la  classe  des  rentiers  qui  prélèvent  sur 
les  ressources  annuelles  des  Etats  des  sommes  colossales. 

Emplois.  —  Le  changement  depuis  1789  est  tout  autre- 
ment important  que  pour  les  ressources.  D'abord  l'emploi 
est  discuté  et  contrôlé  publiquement.  La  feuille  aux  bons 
au  comptant  a  été  déchirée.  Le  roi  ne  dote  plus  personne  et 
ne  paye  les  dettes  de  personne.  C'est  bien  quelque  chose. 
Les  ressources  sont  affectées  non  plus  seulement  à  la  défense 
de  l'Etat,  à  l'entretien  du  souverain  et  de  l'ensemble  du  méca- 
nisme politique,  mais  à  l'éducation  de  la  nation,  au  renou- 
vellement de  ses  forces  productives,  au  soulagement  des 
infortunes  sociales.  La  tendance  moderne  est  de  favoriser 
ces  derniers  emplois  en  vue  d'une  meilleure  répartition  des 
biens  et  des  jouissances.  Aucun  fait  ne  manifeste  plus 
clairement  l'immense  amélioration  qui  a  eu  lieu  dans  la 
condition  de  l'humanité.  E.  Fournier  de  Flaix. 

Conseil  des  finances  (V.  Conseil,  t.  XII,  p.  475). 

Ministère  des  finances.  —  Notions  historiques.  — 
Il  faut  remonter  jusqu'à  Philippe  le  Bel  pour  trouver,  en 
France,  quelque  trace  d'une  organisation  financière  dont 
le  chef  dépend  du  gouvernement  central.  Elle  est  née  des 
délibérations  des  Etats  généraux  de  1302.  Avant  cette 
époque,  le  roi  percevait  bien  des  taxes,  mais  il  le  faisait 
au  même  titre  que  les  possesseurs  de  fiefs  et  suivant  des 
règles  aussi  diverses  que  fantaisistes.  Ses  revenus  s'étant 
accrus  avec  ses  domaines,  il  dut  préposer  à  leur  percep- 
tion des  officiers  spéciaux.  Ainsi  se  forma  un  corps  de 
trésoriers  surveillés  par  un  surintendant  (V.  ce  mot). 
Sous  François  Ier,  on  comptait  déjà  seize  receveurs  géné- 
raux des  finances  rendant  compte  à  un  trésorier  de  l'épar- 
gne, placé  lui-même  sous  la  direction  d'un  intendant  des 
finances.  Cette  institution  fut  complétée  par  la  formation 
des  bureaux  des  finances  (V.  ce  mot).  La  surintendance 
fut  supprimée  après  la  disgrâce  de  Fouquet  (1661).  Ses 
attributions  furent  réparties  entre  le  conseil  du  roi  et  le 
contrôleur  général  des  finances  (1666)  (V.  Contrôle  géné- 
ral). L'Assemblée  nationale  constituante  supprima  toutes 
les  divisions  établies  entre  les  services  financiers  (aides, 
domaines,  fermes  générales,  etc.)  et  les  confia  à  un  pouvoir 
unique  en  créant  le  ministère  des  finances.  Le  Consulat 
et  l'Empire  améliorèrent  sensiblement  cette  organisation 
financière,  grâce  aux  efforts  de  Gaudin  et  de  Mollien. 
La  Restauration,  suivant  les  inspirations  du  baron  Louis, 
de  Villèle,  et  d'Audiffret,  paracheva  l'œuvre  des  régimes 
précédents.  Ainsi,  le  chef  de  l'administration  des  finances, 
Y  argentier  (V.  ce  mot)  des  rois  de  France,  chargé  sim- 
plement de  recouvrer  les  revenus  du  prince  et  d'en  tenir 
comptabilité,  est  devenu  successivement,  en  même  temps 
que  ses  attributions  croissaient  :  trésorier  de  l'épargne 
(1523-1563),  surintendant  des  finances,  contrôleur  général 
des  finances,  ministre  des  contributions  et  revenus  publics, 
enfin  ministre  des  finances.  Sous  l'Empire,  il  y  eut  con- 
curremment un  ministre  des  finances  chargé  de  surveiller 
l'impôt,  mais  sans  pouvoir  l'appliquer  aux  dépenses,  et  un 
ministre  du  Trésor  responsable  des  payements.  Aujourd'hui 
le  ministre  des  finances  dirige  les  opérations  relatives  au 


481  — 


FINANCES 


crédit  public,  administrant  à  la  fois  les  ressources  et  les 
revenus  de  l'Etat,  les  charges  et  les  dépenses  publiques. 
Organisation  actuelle.  —  Le  ministère  des  finances  se 
compose  de  deux  parties  absolument  distinctes  :  4°  le 
ministère  des  finances  proprement  dit  ou  administration 
centrale  ;  2°  les  régies  ou  administrations  financières  qui 
portent  aussi  le  nom  de  directions  générales. 

I.  Administration  centrale.  Elle  est  régie  par  divers 
décrets  dont  les  plus  récents  (actuellement  en  vigueur, 
1893)  sont  ceux  du  19  nov.  1886,  du  1er  déc.  1890,  du 
30  avr.  1891,  des  15  févr.  et  5  août  1892.  Elle  com- 
prend :  1°  Le  cabinet  du  ministre,  qui  s'occupe  de  l'ou- 
verture des  dépêches,  des  affaires  réservées,  de  la  corres- 
pondance particulière,  de  la  réception  et  de  la  transmission 
des  dépêches  télégraphiques,  des  relations  avec  le  Journal 
officiel,  des  demandes  d'audience,  de  la  préparation  du 
portefeuille  du  ministre,  etc.  Trois  bureaux  lui  sont  an- 
nexés :  a,  celui  des  travaux  législatif  s,  statistique  et  législa- 
tion comparée,  qui  centralise  les  renseignements  fournis 
par  les  divers  services  financiers  pour  la  formation  des 
dossiers  du  ministre  en  matière  législative,  correspond  avec 
les  présidents  des  Chambres  et  les  membres  des  bureaux 
des  commissions  parlementaires,  veille  à  la  promulgation 
des  lois,  conserve  les  archives  législatives,  publie  le  Bulle- 
tin de  statistique  et  de  législation  comparée,  traduit  les 
travaux  de  statistique  étrangère  et  dresse  un  résumé  ana- 
lytique de  la  presse  étrangère  ;  b,  celui  des  débits  de  tabac 
et  des  recettes  buralistes,  qui  prépare  la  correspondance 
volumineuse  du  ministre  relative  aux  débits  de  tabac,  exa- 
mine et  enregistre  les  demandes  de  concession,  de  survi- 
vance et  de  maintien  en  possession,  s'occupe  des  mesures 
disciplinaires  concernant  les  débitants  de  tabac  de  lre  et 
2e  classe,  de  l'éviction  des  gérants,  de  la  revision  des  bu- 
reaux concédés  ;  c,  enfin  celui  du  contrôle  du  personnel  des 
administrations  financières  contrôle  au  point  de  vue  poli- 
tique les  mouvements,  promotions,  retraites,  mesures  dis- 
ciplinaires concernant  ce  personnel,  les  propositions  pour 
admissions  et  promotions  dans  l'ordre  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  prépare  la  correspondance  relative  à  ce  service. 
2°  La  direction  du  personnel  et  du  matériel  composée  de 
cinq  bureaux.  Les  deux  premiers  ont  dans  leurs  attribu- 
tions le  personnel  de  l'inspection  générale  des  finances,  des 
bureaux  du  ministère,  le  personnel  supérieur  des  adminis- 
trations financières,  les  trésoriers-payeurs  généraux,  les 
receveurs  particuliers,  les  agents  des  régies  financières,  la 
nomination  des  membres  de  la  cour  des  comptes,  le  per- 
sonnel de  la  trésorerie  d'Afrique  et  d'Indo-Chine,  les  tré- 
soriers coloniaux,  les  percepteurs  et  receveurs  municipaux, 
les  receveurs-percepteurs  de  la  Seine,  les  secours  aux 
veuves  et  orphelins  d'employés  de  l'administration  centrale 
et  de  percepteurs.  Le  troisième  s'occupe  du  matériel  et  du 
service  intérieur,  des  impressions  à  l'usage  de  l'administra- 
tion centrale  et  des  administrations  financières,  de  la  fourni- 
ture du  papier  filigrane  pour  les  cartes  à  jouer,  des  vignettes 
de  bougie,  du  contrôle  des  opérations  du  magasin  central 
des  impressions,  de  la  direction  des  ateliers  de  lithographie 
et  de  reliure,  enfin  du  service  des  bâtiments.  Le  quatrième 
a  pour  attributions  :  la  garde  des  archives  du  ministère  et 
de  celles  de  l'ancienne  liquidation  générale  de  la  dette  pu- 
blique, la  conservation  des  bibliothèques  du  ministère,  la 
distribution  du  Bulletin  des  lois,  des  circulaires,  instruc- 
tions, etc.  ;  le  dépôt  des  décrets,  arrêtés  et  décisions, 
l'expédition  et  transmission  des  ampliations,  les  insertions 
au  Journal  officiel  et  au  Bulletin  des  lois,  la  légalisa- 
tion de  pièces  et  de  signatures.  3°  La  direction  du  contrôle 
'des  administrations  financières,  de  l'inspection  générale  des 
finances  et  de  l'ordonnancement  se  compose  de  trois  bureaux 
et  du  corps  des  inspecteurs  des  finances.  Les  deux  pre- 
miers bureaux  centralisent  et  examinent  toutes  les  affaires 
déférées  au  ministre  par  les  administrations  financières, 
préparent  les  décisions  du  ministre,  les  projets  de  lois, 
décrets  et  arrêtés  concernant  ces  différents  services,  exa- 
minent leurs  budgets  et  les  autorisations  de  dépenses,  cor- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


respondent  avec  les  fonctionnaires  publics,  s'occupent  de 
l'introduction  ou  de  la  défense  des  pourvois  au  conseil 
d'Etat,  des  affaires  relatives  à  la  liquidation  des  anciennes 
listes  civiles,  des  traités  de  commerce  et  de  navigation. 
L'inspection  générale  des  finances  contrôle  tous  les  services 
dépendant  du  ministère  des  finances.  Elle  examine  les  ques- 
tions d'organisation  du  personnel,  d'application  des  lois  et 
règlements,  la  situation  des  caisses  et  la  comptabilité.  Elle 
contrôle  également  le  service  des  postes  et  télégraphes,  les 
caisses  des  invalides  de  la  marine,  des  receveurs  spéciaux 
des  villes,  communes,  hospices,  asiles  d'aliénés,  bureaux 
de  bienfaisance,  caisses  d'épargne,  monts-de-piété,  maisons 
de  détention,  haras,  écoles,  etc.  ;  elle  vérifie  les  comptes 
et  écritures  des  compagnies  de  chemins  de  fer,  des  entre- 
prises agricoles.  Elle  peut  être  consultée  sur  des  projets 
de  réformes  et  améliorations  et  être  chargée  de  missions 
spéciales  en  France  et  à  l'étranger.  Le  corps  des  inspec- 
teurs généraux  est  recruté  par  voie  de  concours  ;  il  com- 
prend des  inspecteurs  généraux,  des  inspecteurs  des  finances 
de  lre  classe,  2e  classe,  3e  classe  et  4e  classe,  des  adjoints  à 
l'inspection  générale  (V.  Inspection  générale  des  finances). 
Le  troisième  bureau  est  chargé  de  la  centralisation  et  de 
l'examen  des  documents  concernant  le  budget  des  dépenses 
du  ministère  des  finances,  de  la  composition  de  ce  budget 
et  des  tableaux  qu'il  comporte,  de  la  préparation  des  ré- 
ponses aux  observations  de  la  cour  des  comptes  ou  des 
commissions  du  budget  des  Chambres,  de  la  préparation 
des  décrets  et  projets  de  loi  relatifs  à  des  demandes  de 
crédits  supplémentaires  et  extraordinaires,  du  contrôle  de 
l'emploi  des  crédits,  de  la  délivrance  des  ordonnances  de 
payement  et  de  délégation,  de  la  comptabilité  spéciale  du 
ministre  des  finances,  de  la  publication  des  comptes  défi- 
nitifs d'exercices,  des  situations  provisoires  et  autres  docu- 
ments annuels  qui  se  rattachent  au  budget  du  ministère. 
4°  La  direction  du  mouvement  générai  des  fonds  a  des 
attributions  fort  importantes  :  la  situation  des  ressources 
et  des  besoins  du  Trésor,  l'application  des  recettes  aux 
dépenses  publiques  sur  tout  le  territoire,  l'exécution  des 
ordres  du  ministre  pour  la  création  et  l'émission  des  va- 
leurs, leur  négociation,  les  emprunts,  les  bons  du  Trésor, 
les  virements,  les  envois  d'espèces  et  de  valeurs  à  Paris  et 
dans  chaque  département  ;  la  création  de  succursales  de  la 
Banque  de  France,  les  relations  avec  les  chambres  syndi- 
cales d'agents  de  change  et  la  nomination  des  agents  de 
change,  les  relations  avec  les  établissements  de  crédit, 
l'exécution  des  dispositions  relatives  à  l'amortissement  de 
la  dette  publique,  etc.  Cette  direction  se  compose  d'un  bu- 
reau central  chargé  plus  spécialement  des  affaires  concer- 
nant les  conventions  avec  les  chemins  de  fer,  la  fabrication 
des  monnaies,  les  opérations  de  Bourse,  la  vente  et  l'achat 
de  rentes  pour  le  compte  d'habitants  dves  départements,  les 
opérations  de  trésorerie,  la  distribution  mensuelle  des  fonds 
aux  départements  ministériels,  l'enregistrement  des  ordon- 
nances délivrées  par  les  ministres  et  la  mise  en  payement 
de  ces  ordonnances  dans  la  limite  des  crédits  disponibles  ; 
d'un  bureau  du  service  extérieur,  qui  s'occupe  des  ordres 
à  donner  aux  trésoriers  généraux  pour  les  mouvements  de 
fonds,  des  instructions  à  ces  fonctionnaires,  aux  trésoriers- 
payeurs  aux  armées,  en  Algérie,  aux  colonies,  pour  les 
mouvements  de  fonds,  de  la  suite  à  donner  aux  rapports  de 
l'inspection  des  finances,  de  la  circulation  monétaire,  etc.  ; 
d'un  bureau  des  écritures  qui  a  dans  ses  attributions  :  la 
comptabilité  et  les  comptes  courants,  la  situation  de  la  dette 
flottante,  les  résumés  périodiques  des  écritures,  les  situa- 
tions des  comptes  des  trésoriers-payeurs  généraux  et  de 
leur  contrôle.  5°  La  direction  générale  de  la  comptabilité 
publique  exerce  son  action  et  son  contrôle  sur  toutes  les 
comptabilités  qui  intéressent  l'administration  des  deniers 
publics  (V.  Budget  et  Comptabilité,  t.  XII,  p.  249).  Elle 
comprend  le  bureau  du  budget,  le  bureau  des  écritures 
centrales,  le  bureau  de  la  comptabilité  des  trésoriers-payeurs 
généraux,  le  bureau  de  la  perception  des  contributions 
directes  et  des  amendes  et  condamnations  pécuniaires  avec 

31 


FINANCES 


482  — 


le  service  des  receveurs  des  communes  et  établissements 
publics  ;  le  bureau  de  la  comptabilité  des  colonies  et  des 
chemins  de  fer  de  l'Etat  ;  le  bureau  de  la  comptabilité  des 
contributions  indirectes,  des  douanes,  de  l'enregistrement 
et  des  postes.  6°  La  direction  de  la  dette  inscrite  est  com- 
posée de  cinq  bureaux  :  a,  le  bureau  central,  du  double  du 
grand-livre  et  des  cautionnements,  surveille  l'application 
des  lois  spéciales  concernant  les  rentes  inscrites,  les  oppo- 
sitions et  empêchements  administratifs,  contrôle  les  em- 
prunts et  leur  consolidation  ;  il  s'occupe  aussi  du  renou- 
vellement et  remplacement  des  extraits  d'inscription,  du 
rétablissement  des  rentes  non  viagères  portées  aux  portions 
non  réclamées  et  frappées  de  la  prescription  quinquennale, 
des  recherches  relatives  aux  origines  des  rentes,  des  ma- 
jorats  ;  il  contrôle  les  opérations  sur  les  inscriptions  dépar- 
tementales, les  emprunts  spéciaux,  les  annuités  aux  com- 
pagnies de  chemins  de  fer,  les  comptes  annuels  de  la  dette 
inscrite  ;  il  expédie,  classe  et  garde  copie  des  inscriptions 
composant  le  double  du  grand-livre,  transcrit  les  comptes 
débités  ;  il  surveille  l'application  des  lois  spéciales  concer- 
nant les  cautionnements  en  numéraire,  immatricule  les 
cautionnements  nouveaux,  délivre  les  certificats  d'inscrip- 
tion au  nom  des  titulaires,  prépare  les  états  annuels  de 
payement  des  intérêts  et  les  états  de  remboursement  des  ca- 
pitaux ;  b,  le  bureau  du  grand-livre  inscrit  les  rentes  créées 
en  vertu  des  lois,  expédie  les  extraits  d'inscription  pour  les 
rentes  nominatives,  mixtes  et  au  porteur,  tient  les  comptes 
ouverts  aux  trésoriers  généraux,  aux  établissements  publics 
et  autres,  délivre  les  certificats  de  procuration  et  quittances 
visées  pour  payement  d'arrérages  et  tient  le  compte  des 
accroissements  et  réductions  à  rendre  à  la  cour  des  comptes  ; 
c,  le  bureau  des  transferts  et  mutations  examine  les  de- 
mandes de  transfert,  rédige  les  certificats  à  transmettre  au 
bureau  du  grand-livre  pour  servir  de  titre  aux  nouvelles 
immatricules,  examine  les  certificats  de  propriété  et  autres 
pièces  ayant  pour  objet  les  mutations,  réunions,  divisions, 
changements  de  qualité,  etc.  ;  d,  le  bureau  des  reconversions 
et  renouvellements  des  titres  de  rentes  au  porteur  rédige 
les  certificats  à  transmettre  au  bureau  du  grand-livre  pour 
les  nouvelles  immatricules  résultant  de  ces  opérations, 
remet  aux  ayants  droit  les  extraits  des  nouvelles  inscrip- 
tions, etc.  ;  e,  le  bureau  des  pensions.  7°  L'agence  judiciaire 
du  Trésor  et  contentieux  est  composée  de  deux  bureaux. 
Elle  étudie  les  difficultés  contentieuses  et  leur  donne  une 
solution  ;  elle  poursuit  et  recouvre  les  créances  du  Trésor  ; 
elle  contrôle  le  personnel  des  avocats  et  officiers  ministériels 
exerçant  dans  les  instances  suivies  à  la  requête  du  Trésor; 
elle  reçoit  et  annule  les  cautionnements  en  rentes  et  en 
immeubles;  elle  conserve  les  oppositions  et  privilèges  de 
second  ordre  (V.  Agent  judiciaire  du  Trésor,  1. 1,  p.  835). 
8°  La  caisse  centrale  du  Trésor  public  effectue  les  recettes 
et  les  dépenses.  On  trouvera  au  mot  Caisse  (t.  VIII,  p.  799) 
l'historique  et  le  fonctionnement  de  cet  important  organe. 
9°  Le  service  du  payeur  central  de  la  dette  publique  est 
chargé  du  payement  des  arrérages  des  rentes  4  1/2  °/0, 
des  rentes  3  °/0  amortissables,  des  suppléments  de  pen- 
sions militaires,  des  arrérages  des  rentes  3  °/0  perpétuelles, 
des  pensions  ^traitements  de  la  Légion  d'honneur,  médaille 
militaire  du  dép.  de  la  Seine,  des  coupons  de  rentes  mixtes 
et  au  porteur  et  des  coupons  de  valeurs  remboursables  par 
amortissement  (bons  du  Trésor,  obligations  du  Trésor).  Ce 
service  comprend  deux  bureaux  :  a,  le  bureau  central  et  de 
comptabilité,  subdivisé  en  quatre  sections  :  section  centrale, 
portefeuille,  écritures  générales  ;  comptabilité  des  rentes 
mixtes  et  au  porteur  ;  comptabilité  des  quittances  de  rentes 
nominatives  ;  comptabilité  des  quittances  de  pensions  et 
des  coupons  de  valeurs  ;  b,  le  bureau  des  payements.  40°  Le 
contrôle  central  du  Trésor.  Ce  service,  créé  par  la  loi  du 
24  avr.  4833,  doit  constater  contradictoirement,  après  en 
avoir  reconnu  la  régularité,  toutes  les  opérations  de  la  caisse 
centrale  qui  engagent  le  Trésor  public,  soit  en  recette,  soit 
en  dépense,  s'assurer  que  les  payements  faits  reposent  sur 
un  titre  régulier,  etc.  ;  enfin,  constater  chaque  soir  con- 


tradictoirement les  soldes  matériels  à  renfermer  dans  la 
caisse  du  Trésor  dont  une  clef  reste  entre  les  mains  du 
contrôleur  central  (V.  pour  les  détails  Trésor).  Un  bureau 
spécial  contrôle  les  opérations  effectuées  par  le  caissier- 
payeur  central,  le  payeur  central  de  la  dette  publique  et 
les  différents  comptables  de  la  dette  inscrite,  rédige  un 
résumé  des  opérations  qui  est  remis  chaque  soir  au  mi- 
nistre, contrôle  les  emprunts  contractés  par  l'Etat. 

Enfin,  auprès  de  l'administration  centrale  fonctionnent  : 
la  commission  chargée  d'établir  les  listes  des  candidatures 
des  débits  de  tabac  de  4re  classe  (V.  Tabac)  et  le  comité 
chargé  de  l'examen  des  remises  et  transactions.  Ce  dernier 
service,  créé  par  un  arrêté  ministériel  du  26  janv.  4887, 
est  composé  du  ministre  des  finances,  du  directeur  général 
des  douanes,  du  directeur  général  de  l'enregistrement,  des 
domaines  et  du  timbre,  du  directeur  général  des  manufac- 
tures de  l'Etat,  du  directeur  général  des  contributions 
indirectes,  du  directeur  général  de  la  comptabilité  publique, 
du  directeur  du  personnel  et  du  matériel  des  finances,  d'un 
inspecteur  des  finances,  du  directeur  du  contrôle  des  admi- 
nistrations financières,  .du  directeur  de  la  dette  inscrite, 
de  l'agent  judiciaire  du  Trésor. 

^  De  4873  à  4886  (sauf  quelques  interruptions),  le  mi- 
nistre des  finances  a  été  assisté  d'un  sous-secrétaire  d'Etat, 
qui  avait  dans  ses  attributions  :  le  contrôle  des  affaires 
présentées  par  les  administrations  financières  ou  qui  leur 
avaient  été  préalablement  communiquées,  et  la  nomination 
des  agents  de  ces  administrations  qui  étaient  soumis  aupa- 
ravant à  la  nomination  des  contrôleurs  généraux. 

IL  Régies  ou  administrations  financières.  Les  six 
grandes  administrations  financières  qui  dépendent  du  mi- 
nistère des  finances,  mais  dont  chacune  forme  un  départe- 
ment autonome  administré  par  un  directeur  général  sont  : 
4°  la  direction  générale  des  contributions  directes  (V.  ce 
mot)  ;  2°  la  direction  générale  de  l'enregistrement,  des 
domaines  et  du  timbre  (V.  ce  mot)  ;  3°  la  direction  gé- 
nérale des  douanes  (V.  ce  mot)  ;  4°  la  direction  générale 
des  contributions  indirectes  (V.  ce  mot)  ;  5°  la  direction 
générale  des  manufactures  de  VEtat  (V.  ce  mot)  ; 
6°  l'administration  des  monnaies  et  médailles  (V.  ce 
mot).  Deux  autres  régies  faisaient  jadis  partie  du  minis- 
tère des  finances  :  celle  des  forêts  (V.  ce  mot),  qui  a  été 
rattachée  le  45  déc.  4877  au  ministère  de  l'agriculture  et 
du  commerce  ;  celle  des  postes,  plus  tard  des  postes  et 
télégraphes,  qui  a  formé  un  ministère  spécial  le  5  févr. 
4879  et  qui  a  été  ensuite  rattachée,  en  4887,  au  ministère 
du  commerce  et  de  l'industrie  (V.  Postes  et  Télégraphes). 

Liste  chronologique  des  ministres  des  finances.  — 
Necker  (29  juil.  4789)  avec  le  titre  de  premier  ministre 
des  finances  ;  —  de  Valdec  de  Lessart  (27  avr. (4 794),  Tarbé 
(29  mai  4794),  Clavière  (24  mars  4792),  Beaulieu 
(48  juin  4792),  Le  Roulx  Delaville  (30  juil.  4792),  Cla- 
vière (40  août  4792),  Deschamps-Destournelles  (43  juin 
4793),  avec  le  titre  de  ministres  des  contributions  et  re- 
venus publics.  —  Du  4er  avr.  4794  au  5  nov.  4795,  le 
ministère  fut  administré  par  la  commission  dite  des  finances, 
puis  des  revenus  nationaux.  —  Ministres  des  finances  : 
Gaudin  (5  nov.  4795),Faypoult(8  nov.  4795),  Ramel  de 
Nogaret  (44  févr.  4796),  Lindet  (20  juil.  4799),  Gaudin 
(10  nov.  4799);  —  baron  Louis  (3  avr.  4844),  avec  le  titre 
de  commissaire  provisoire  pour  les  finances,  le  Trésor,  les 
manufactures  et  le  commerce.  —  Ministres  des  finances  : 
Gaudin,  duc  de  Gaëte  (20  mars  4845),  baron  Louis 
(9  juil.  4815),  Corvetto  (26  sept.  1815),  Roy  (7  déc. 
1818),  baron  Louis  (29  déc.  1818),  Roy  (19  nov.  1819), . 
comte  de  Villèle  (14  déc.  1824),  Roy  (4  janv.  1828), 
Chabrol  de  Crousol  (8  août  1829),  de  Montbel  (19  mai 
1830),  Casimir  Perier  (29  juil.  1830)  ;  —  baron  Louis,  avec 
le  titre  de  commissaire  provisoire  (1er  août  1830)  ;  baron 
Louis,  avec  le  titre  de  ministre  des  finances  (11  août  1830). 
—  Ministres  des  finances  :  Laffitte  (2  nov.  1830),  baron 
Louis  (13  mars  1831),  Humann  (18  nov.  1834),  Du 
Chatel,  ministre  du  commerce,  intérim  (18  nov.  1834)  ; 


—  483  - 


FINANCES  —  FINCH 


comte  d'Argout  (18  janv.  1836),  H.  Passy,  ministre  du 
commerce,  intérim  (2  août  1836)  ;  comte  Duchâtel  (6  sept. 
1836),  Lacave-Laplagne  (15  avr.  1837),  Martin  du  Nord, 
ministre  des  travaux  publics,  intérim  (16  juil.  1838)  ;  Gau- 
tier (31  mars  1839),  H.  Passy  (2  mai  1839),  Pelet  de  ta 
Lozère  (1er  mars  1840),  Humann  (29  oct.  1840),  Lacave- 
Laplagne  (25  avr.  1842),  Dumon  (9  mai  1847),  Goud- 
chaux,  ministre  provisoire  (24  févr.  1848)  ;  Garnier-Pagès 
(5  mars  1848),  Duclerc(ll  mai  1848),  Goudchaux  (28  juin 
1848),  Trouvé-Chauvel  (25  oct.  1848),  H.  Passy  (20  déc. 
1848),  Fould  (31  oct.  1849),  comte  de  Germiny  (24 janv. 
1851),  Fould  (10  avr.  1851),  Blondel  (26  oct.  1851), 
Turgot,  ministre  des  afîaires  étrangères,  intérim  (26  oct. 
1851);  de  Casabianca  (23  nov.  1851),  Fould  (3  déc. 
1851),  Bineau  (22  janv.  1852),  Magne  (3  févr.  1855), 
Forcade  de  La  Roquette  (26  nov.  1860),  Fould  (14  nov. 
1861); —  Rouher  (20  janv.  1867),  avec  le  titre  de  ministre 
d'Etat  et  des  finances.  —  Ministres  des  finances  :  Magne 
(13  nov.  1867),  Buffet  (2  janv.  1870),  Segris  (14  avr. 
1870),  Magne  (9  août  1870),  E.  Picard  (4  sept.  1870), 
Pouyer-Quertier  (25  févr.  1871),  de  Goulard  (5  mars 
1872) ,  ministre  de  l'agriculture,  intérim  ;  de  Goulard 
(23  avr.  1872),  Teisserenc  de  Bort,  ministre  de  l'agricul- 
ture, intérim  (17  août  1872)  ;  Léon  Say  (7  déc.  1872), 
Magne  (25  mai  1873),  Mathieu  Bodet  (20  juil.  1874), 
Léon  Say  (10  mars  1875) ,  Caillaux  (17  mai  1877), 
Collard-Dutilleul  (23  nov.  1877),  Léon  Say  (14  déc.  1877), 
Magnin  (29  déc.  1879),  Allain-Targé  (14  nov.  1881), 
Léon  Say  (30  janv.  1882),Tirard  (7  août  1882),  Clama- 
geran  (6  avr.  1885),  Sadi  Carnot  (16  avr.  1885),  Dauphin 
(11  déc.  1886),  Rouvier  (30  mai  1887),  Tirard  (12  déc. 
1887),  Peytral  (3  avr.  1888),  Rouvier  (22  févr.  1889), 
Tirard  (13  déc.  1892). 

Sous-secrétaires  d'Etat  de  1873  à  1886:  Lefébure 
(27  nov.  1873),  Passy  (15  mars  1875  au  17  mai  1877), 
Cochery  (20  déc.  1877  au  5  févr.  1879),  Wilson  (29  déc. 
1879),  Lelièvre  (14  nov.  1881  au  30  janv.  1882),  Labuze 
(10  août  1882),  Hérault  (21  avr.  1885),  Peytral  (15  janv. 
4886  au  3  déc.  1886). 

Bibl.  :  Josat,  le  Ministère  des  finances  ;  Paris,  1882, 
in-8.  —  Annuaire  général  des  finances,  1892-93  ;  Paris, 
1892,  gr.  in-8. 

FINANCIÈRE  (Garniture)  (Art  cul.).  C'est  un  mélange 
bien  cuit  de  crêtes  et  de  rognons  de  coq,  de  foies  de  vo- 
lailles, de  quenelles,  de  tranches  de  truffes  et  de  fonds 
d'artichauts  coupés  par  morceaux  (V.  Vol-au-vent). 

FINANCIERS  (Théâtre).  Les  financiers  forment  un  em- 
ploi de  comédie  qui  dans  l'origine  tira  son  nom,  comme 
les  roiSi  les  princesses,  les  soubrettes,  les  valets,  de  la 
qualité  du  personnage  représenté  ;  cet  emploi  comprend  une 
certaine  classe  de  rôles  marqués,  qui  tiennent  le  milieu 
entre  les  pères  nobles  et  les  grimes.  Les  financiers,  bien 
qu'ils  soient  obligés  à  une  certaine  tenue,  n'exigent  pas 
pourtant  la  dignité  de  ceux-là,  et  ils  ne  sauraient  jamais 
tomber,  comme  ceux-ci,  dans  le  bas  comique  et  la  carica- 
ture. Dans  le  répertoire  classique,  dans  le  «  grand  trot- 
toir »,  comme  on  disait  jadis,  on  faisait  entrer  dans 
l'emploi  des  financiers  un  certain  nombre  de  «  rôles  à 
manteau  »  ;  d'autres  prenaient  la  qualification  assez  origi- 
nale de  ventres  dorés,  parce  que,  presque  toujours,  le  fond 
de  la  veste  brodée  de  leur  riche  costume  était  de  drap  d'or  : 
parmi  ceux-ci  venaient  en  première  ligne  Turcaret  de  Tur- 
caret  (Le  Sage)  et  Lysimon  du  Glorieux  (Destouches). 
Etaient  classés  parmi  les  financiers  :  M.  de  Sottenville  dans 
George  Dandin,  Diafoirus  père  du  Malade  imaginaire, 
Géronte  du  Médecin  malgré  lui,  Blandineau  dans  les 
Bourgeoises  de  qualité,  M.  Guillaume  dans  V Avocat  Pa- 
telin, Démophon  dans  les  Ménechmes  (Regmrà),  M.Ma- 
thieu dans  r Ecole  des  #0wr#ms(d'Allainval),Orgondans 
les  Jeux  de  V amour  et  du  hasard  et  Rémy  dans  les 
Fausses  Confidences  (Marivaux),  le  baron  dans  la  Fausse 
Agnès  (Destouches),  Argan  dans  le  Préjugé  a  la  mode 
(La  Chaussée),  Francalèu  dans  la  Métromanie  (Piron), 


Géronte  dans  le  Méchant  (Gresset) ,  Lysimon  dans  la 
Feinte  par  amour  (Dorât),  etc.  Les  financiers  rentrent 
dans  la  classe  des  rôles  comiques.  Deux  acteurs  en  ce  siècle 
se  sont  rendus  célèbres  à  la  Comédie-Française  dans  cet 
emploi  :  Provost  et  Samson.  Avant  eux,  Grandménii  s'y 
était  fait  une  grande  réputation.  A.  P. 

FINCH  (Sir  Henry),  magistrat  anglais,  mort  à  Boxley 
(Kent)  le  11  oct.  1625.  Inscrit  au  barreau  de  Londres  en 
1585,  il  fut  élu  membre  du  Parlement  par  Canterbury  en 
févr.  1583  et  en  1597.  En  1616,  il  devint  sergent  de  loi. 
Il  travailla  avec  Bacon  à  un  projet  de  codification  des  lois 
anglaises  qui  n'aboutit  pas.  Il  fut  arrêté  en  1621  pour  avoir 
écrit  un  ouvrage  intitulé  The  World's  great  restaura- 
tion (Londres,  1621),  dans  lequel  il  prédisait  aux  juifs 
la  domination  du  monde.  Laud  se  déchaîna  contre  ce  livre 
qui  fut  détruit.  Finch  obtint  sa  liberté  en  désavouant  les 
passages  qui  semblaient  porter  atteinte  aux  prérogatives  du 
roi.  On  a  encore  de  lui  :  No^oxe^via  (Londres,  1613, 
in-fol.),  important  traité  de  jurisprudence,  écrit  en  fran- 
çais. Une  traduction  anglaise  en  a  été  donnée  (Londres, 
1627,  in-8,  plus,  fois  réimp.).  Un  abrégé  parut  à  Londres 
(1673,  in-8)  sous  le  titre  de  A  Summary  ofthe  common 
law  of  England.  R.  S. 

FINCH  (Comtes  de  Nottingham).  Cette  maison  remonte  à 
sir  Heneage  Finch,  speaker  de  la  Chambre  des  communes, 
mort  en  1631,  dont  le  fils  aîné,  qui  fut  le  premier  comte 
de  Nottingham,  naquit  le  23  déc.  1621.  Il  entra  en  1635 
à  l'Inner  Temple,  et  s'y  attacha  surtout  à  l'étude  du  droit 
municipal.  Il  ne  prit  aucune  part  aux  troubles  de  la  guerre 
civile,  et  se  contenta  d'être  un  avocat  très  occupé  durant 
le  Protectorat.  Membre  du  premier  Parlement  de  la  Res- 
tauration, il  fut  nommé  solicitor  gênerai  le  6  juin  1660. 
Il  prit  aussitôt  le  rôle  de  représentant  attitré  de  la  couronne 
et  de  l'Eglise  établie  dans  la  Chambre  des  communes.  S'il 
fut  quelquefois  en  désaccord  avec  le  roi,  ce  fut  parce  qu'il 
était  j)lus  passionné  que  lui  pour  le  maintien  intégrai  des 
droits  de  l'Eglise,  et  encore  plus  hostile  que  lui  aux  non-con- 
formistes. Attorney  général  en  mai  1670,  garde  des  sceaux 
le  9  nov.  1673,  il  fut  élevé  à  la  pairie  le  10  janv.  1674 
sous  le  nom  de  baron  Finch  of  Daventry.  Mais,  dès  le 
19  déc,  il  quitta  les  sceaux  pour  recevoir  le  titre  plus  con- 
sidérable de  chancelier  ;  il  présida  en  qualité  de  chance- 
lier aux  célèbres  affaires  de  Fagg,  de  Danby  et  de  lord 
Stafford,  toujours  soucieux  de  .plaire  et  de  ne  point  offen- 
ser les  puissants.  Le  12  mai  1681,  il  fut  créé  comte  de 
Nottingham  ;  il  mourut  le  18  déc.  1682.  Peu  d'hommes  ont 
été  meilleurs  courtisan-s  et  plus  utiles  à  leur  maîtres. 
C'était  en  effet  un  légiste  très  expert  et  un  debater  très 
éloquent,  quoique  affecté.  Il  laissa  une  nombreuse  famille; 
son  second  fils  fut  solicitor  général  et  devint  comte  d'i?/- 
lesford  (V.  ce  nom).  —  L'aîné,  Daniel,  fut  le  second 
comte  de  Nottingham.  Né  en  1647,  inscrit  à  l'Inner  Temple 
en  1668,  il  entra  au  Parlement  en  1673,  et  devint  lord 
de  l'amirauté  dès  mai  1679.  Il  suivit  la  tradition  politique 
de  sa  famille,  essentiellement  tory.  Mais  la  politique  reli- 
gieuse de  Jacques  II  aliéna  à  ce  prince  une  grande  partie  des 
tories  anglicans  et  amena  la  formation  d'un  torisme  indépen- 
dant, réservé  à  l'égard  des  jacobites  et  des  «  cavaliers  »  de 
l'ancien  type.  De  ces  tories  que,  sous  la  reine  Anne,  on 
appelait  «  hanovriens  »,  Nottingham  fut  le  chef.  Ils  met- 
taient la  fidélité  à  l'Eglise  établie  au-dessus  du  respect  du 
droit  héréditaire  ;  or,  Nottingham  était  le  leader  laïque  du 
clergé  anglican  sur  lequel  son  influence  n'avait  pas  de 
limites.  C'était  un  homme  maigre,  sombre,  sévère,  d'appa- 
rence si  solennelle  qu'on  l'avait  surnommé  «  don  Diego  ». 
Swift,  qui  le  cribla  toujours  d'épigrammes,  l'accuse  quelque 
part  d'avoir  entretenu  une  intrigue  avec  une  chanteuse  ita- 
lienne, mais  c'est  pure  calomnie.  Ses  mœurs  étaient  aussi 
graves  que  son  visage.  En  1688,  il  refusa  de  se  joindre  à 
ceux  qui  appelèrent  Guillaume  d'Orange,  mais  la  révolu- 
tion ayant  triomphé,  il  l'accepta,  non  sans  distinguer  le  roi 
de  jure  et  le  roi  de  facto,  distinction  commode  qui  lui 
permit  de  concilier  l'obéissance  à  Guillaume  III  avec  un 


FINCH  —  FINCK  —  484  — 

loyalisme  théorique  envers  les  Stuarts  dépossédés.  Il  fut 
secrétaire  d'Etat  de  la  guerre  de  déc.  1688  à  déc.  4693. 
J^a  reine  Marie  avait  en  lui  plus  de  confiance  qu'en  tout 
autre  homme  d'Etat,  mais  ses  ennemis  étaient  nombreux 
dans  le  Parlement  ;  les  hommes  des  partis  extrêmes  haïs- 
saient ce  parfait  politique  du  juste  milieu,  ce  churchman 
typique,  et  ses  amis  même,  tout  en  le  respectant,  ne  l'ai- 
maient guère.  La  défaite  de  la  baie  de  Lagos  (juin  1693), 
que  le  public  attribua  à  ses  ordres  et  à  l'impéritie  des 
amiraux  qu'il  avait  choisis,  le  força  à  se  retirer  (1693), 
et  il  rentra  dans  la  vie  privée  jusqu'à  l'avènement  de  la 
reine  Anne.  Celle-ci  le  rétablit  dans  la  charge  de  secré- 
taire d'Etat  (8  mars  1702);  il  ne  la  garda  du  reste  que 
deux  ans,  par  suite  de  l'impossibilité  où  il  se  trouva  de  se 
mettre  d'accord  avec  ses  collègues  whigs  du  cabinet.  Ayant 
prié  la  reine  de  choisir  entre  lui  et  les  whigs,  il  eut  la 
mortification  de  voir  la  reine  préférer  ses  adversaires.  Son 
zèle  dynastique  fut  étonnamment  refroidi  par  cet  incident  ; 
il  se  joignit  désormais  aux  tories  qui  demandaient  que  l'élec- 
trice  Sophie  fût  invitée  à  résider  en  Angleterre.  Anne  ne  lui 
pardonna  jamais  cette  impertinence,  et  Nottingham,  pour 
la  première  fois  de  sa  vie,  fut  jeté  dans  l'opposition,  une 
opposition  cauteleuse  et  perfide.  Le  gouvernement  mani- 
festa, en  1711,  des  tendances  à  conclure  la  paix  :  dans  la 
Chambre  des  communes,  les  partisans  de  la  guerre  étaient 
en  majorité,  mais  ils  étaient  en  minorité  aux  Lords.  D'autre 
part,  un  bill  qui  tenait  très  fort  à  cœur  à  Nottingham,  YOc- 
casional  conformity  Bill,  destiné  à  disqualifier  les  non- 
conformistes  qui,  pour  éluder  les  lois  en  vigueur,  se  confor- 
maient quelque  temps  aux  rites  de  l'Eglise  anglicane,  en 
vue  de  se  rendre  capables  d'être  élevés  à  des  fonctions  pu- 
bliques, quitte  à  retourner  ensuite  aux  chapelles  des  dis- 
senters,  ce  bill,  présenté  plusieurs  fois  aux  Lords  par  Not- 
tingham, y  avait  constamment  échoué  ;  il  était  sûr  au  con- 
traire d'une  majorité  aux  Communes.  Un  marché  intervint 
entre  Nottingham  et  les  leaders  whigs.  Nottingham  fit 
voter  le  9  déc.  1711,  par  une  majorité  de  douze  voix  à  la 
Chambre  des  lords,  un  amendement  à  l'adresse  pour  inviter 
le  gouvernement  à  la  continuation  de  la  guerre.  En  re- 
vanche, YOccasîonal  conformity  Bill  fut  voté  et  passa  en 
force  de  loi  le  22  déc.  Nottingham  espérait  sans  doute  avoir 
renversé  le  cabinet  par  le  vote  du  9  déc.  :  Harley  et  Saint- 
John  se  contentèrent  de  créer  douze  nouveaux  pairs.  Mais 
le  règne  d'Anne  touchait  à. sa  fin.  George  Ier  débarqua  à 
Greenwich  le  18  sept.  1714,  et,  dans  le  premier  ministère 
hanovrien,  Nottingham  fut  président  du  conseil.  Une  ma- 
ladresse le  rejeta  définitivement  dans  l'ombre  :  ayant  appuyé 
en  févr.  1716  une  requête  en  faveur  des  lords  jacobites 
coupables  de  la  rébellion  de  1715,  il  fut  destitué.  Il  vécut 
dès  lors  dans  son  domaine  de  Burley-on-the-Hill,  près 
d'Oakham  (Rutlandshire),  qui  appartient  encore  aujourd'hui 
à  la  famille  Finch.  Il  hérita  le  9  sept.  1729  du  titre  de 
comte  de  Winchelsea  par  la  mort  du  cinquième  comte,  et 
mourut  lui-même  le  1er  janv.  1730.  De  son  mariage  avec 
Anne,  fille  de  Christophe,  vicomte  Hatton,  il  avait  eu  cinq 
fils  et  sept  filles.  Ch.-V.  L. 

FINCH  (Heneage),  comte  de  Winchelsea,  diplomate  et 
écrivain  anglais,  mort  en  1689.  Après  avoir  défendu  de 
son  mieux  la  cause  royaliste  pendant  la  guerre  civile,  et 
consacré  sa  fortune  aux  besoins  de  Charles  II  dans  l'exil, 
il  reçut,  à  la  Restauration,  le  titre  de  baron  de  Fitzherbert 
d'Eastwell  et  fut  nommé  gouverneur  du  château  de  Douvres 
et  lord-lieutenant  du  comté  de  Kent.  En  1661,  le  roi  l'en- 
voya comme  ambassadeur  à  Constantinople,  où  il  resta 
huit  ans.  Lorsque  Jacques  II  abandonna  son  royaume,  il 
se  rallia  à  Guillaume  d'Orange.  Finch  se  maria  quatre  fois 
et  eut  vingt-sept  enfants.  On  a  de  lui  une  relation  de  son 
voyage  à  Constantinople  (1661)  et  une  description  de 
l'éruption  de  l'Etna  en  1669.  B.-H.  G. 

FINCH  (Anne),  comtesse  de  Winchelsea,  femme  poète 
anglaise,  morte  en  1720.  Elle  était  fille  de  sir  William 
Kingsmill  et  femme  de  Heneage  Finch,  second  fils  du 
précédent.  Elle  fut  liée  avec  Pope ,  Rowe  et   d'autres 


littérateurs  de  l'époque.  Elle  a  laissé  une  grande  quan- 
tité de  poésies  manuscrites,  dont  quelques-unes  ont  été 
imprimées  par  Birch  dans  le  General  Dictionary.  Une 
ode  pindarique,  The  Spleen  (1709),  et  un  volume  de 
Miscellany  Poems,  written  by  a  Lady  (1713),  avaient 
été  publiés  de  son  vivant. 

FINCH  (Heneage),  4e  et  5e  comtes  à'Aylesford  (V.  ce 
nom). 

FINCH  (Francis-Oliver),  peintre  anglais,  né  à  Londres 
en  1802,  mort  à  Londres  en  1862.  Orphelin  à  douze  ans, 
il  fut  placé  sous  la  direction  du  peintre  J.  Varley,  et  passa 
cinq  ans  dans  son  atelier.  Il  obtint  ensuite  le  patronage  de 
lord  Northwick,  amateur  éclairé,  et  fut  employé  par  celui-ci 
à  peindre  des  vues  de  ses  domaines.  Il  voyagea  ensuite  en 
Ecosse  ;  à  son  retour,  il  entra  comme  élève  à  l'Académie 
royale  et  étudia  la  figure  sous  la  direction  de  Sass.  Malgré 
le  succès  relatif  de  quelques  portraits  qu'il  produisit,  il  se 
consacra  enfin  au  paysage,  et  spécialement  à  l'aquarelle. 
On  cite  parmi  ses  meilleurs  ouvrages  :  le  Tombeau  de  Gar- 
mallon,  peinture  à  l'huile  (1820);  Vue  du  Loch  Lomond, 
aquarelle  (1822);  Vue  de  la  rivière  Tay,  id.  (1827)  ;  le 
Château  de  Windsor,  id.  (1829)  ;  le  Collège  d'Aberdeen, 
id.  (1832)  ;  scène  du  Cornus,  de  Milton,  id.  (1835)  ; 
Rocky  Glen,  matin,  id.  (1855)  ;  Retraite  pastorale,  id. 
(1861).  Le  dessin  de  Finch  est  serré  et  précis,  mais  sa 
couleur  est  trop  souvent  terne  et  sans  vigueur.  Le  portrait 
de  cet  artiste  a  été  gravé  par  A.  Roffe.  Ad.  T. 

FINCK  (Heinrich),  compositeur  allemand  des  xve  et 
xvie  siècles.  Il  figure  en  1482  comme  étudiant  sur  les 
registres  de  l'université  de  Leipzig,  comme  originaire  de 
Bamberg,  où  il  dut  naître  par  conséquent  vers  1462.  Il 
fut  attaché,  de  1492  à  1506,  à  la  cour  des  rois  de  Pologne, 
puis  fut,  de  1510  à  1519,  maître  de  chapelle  à  Stuttgart, 
où  il  mourut  probablement  en  cette  année.  Il  est  connu 
par  un  recueil  de  chants  allemands,  publiés  en  1506  à 
Nuremberg  sous  le  titre  de  Schône  auserlesene  Lieder 
des  hochberûhmten  Heinrich  Fincken,  et  par  des  com- 
positions insérées  dans  des  recueils  de  1542  et  1545.  Un 
choix  de  morceaux  de  Henri  Finck,  mis  en  partition  par 
M.  Eitner,  forme  le  t.  VIII  des  publications  de  la  société 
intitulée  Gesellschaft  fur  Musikforschung,  M.  Otto  Kade 
a  publié  l'unique  messe  découverte  de  Henri  Finck  dans  le 
t.  V  de  Y  Histoire  de  la  musique,  d'Ambros.      M.  Br. 

FINCK  (Hermann),  compositeur  et  théologien  allemand, 
né  à  Pirna  (Saxe)  le  21  mars  1527,  mort  à  Wittenberg  le 
28  déc.  1558,  petit-neveu  du  précédent.  Organiste  à 
Wittenberg,  il  y  publia  en  1555  deux  épithalames  à  cinq 
voix,  et  en  1556  un  important  ouvrage  théorique,  Practica 
musica,  qui  le  place  à  un  rang  élevé  dans  la  littérature 
musicale.  Il  y  traite  de  la  notation,  des  proportions,  des 
tons,  des  canons,  du  chant,  avec  des  exemples  notés  de  sa 
composition.  Un  exemplaire  de  cet  ouvrage  rare  existe  à 
la  bibliothèque  Mazarine.  Th.  Nisard  en  a  publié  une  des- 
cription détaillée  dans  l'appendice  de  son  édition  de  la 
Science  et  la  pratique  du  plain-chant,  de  D.  Jumilhac. 
Le  recueil  d'œuvres  de  Henri  Finck  publié  par  la  Gesell- 
schaft fur  Musikforschung  contient  six  compositions 
d'Hermann  Finck.  M.  Brenet. 

FINCK  (Friedrich-August),  général  prussien,  né  à  Stre- 
litz  le  25  nov.  1718,  mort  à  Copenhague  le  22  févr.  1766. 
Il  servit  dans  les  armées  autrichienne  (1735),  russe,  prus- 
sienne (1743);  en  1759,  il  était  lieutenant  général  ;  Fré- 
déric II  lui  enjoignit,  malgré  ses  observations,  de  se  poster 
à  Maxen  pour  couper  la  retraite  à  Daun  ;  comme  l'avait 
prévu  Finck,  il  fut  enveloppé  et  dut  capituler  après  une 
héroïque  défense.  Le  roi  le  fit  casser  et  condamner  à  un 
an  de  prison  par  un  conseil  de  guerre  après  la  paix  ;  mais 
le  roi  de  Danemark  l'appela  et  le  nomma  général  d'in- 
fanterie. 

FINCK  (P.-J.-E.),  mathématicien  français.  Ancien  élève 
de  l'Ecole  polytechnique  et  docteur  es  sciences,  il  enseigna, 
de  1829  à  1848,  les  mathématiques  spéciales  au  collège 
de  Strasbourg,  puis  occupa,  jusqu'en  1867,  la  chaire  de 


-  485  - 


FINGK  —  FINELLI 


mathématiques  appliquées  de  la  faculté  des  sciences  de  cette 
ville.  Il  a  donné  au  Journal  de  mathématiques  de  Liou- 
ville  (4838  à  4845)  et  aux  Nouvelles  Annales  de  mathé- 
matiques de  Terquem  (4842  à  4862)  une  vingtaine  de 
mémoires  originaux  ;  il  a,  en  outre,  publié  quelques  ou- 
vrages classiques  d'une  certaine  valeur  :  Traité  d'analyse 
infinitésimale  (Paris,  4834,  in-8);  Géométrie  élémen- 
taire (Strasbourg,  4838,  in-8  ;  4e  éd.,  4844)  ;  Traité  élé- 
mentaire d'arithmétique  (Strasbourg,  4844,  in-8); 
Mécanique  rationnelle  (Strasbourg,  4864-4865,  2  vol. 
in-8),  etc.  Dans  ses  écrits  comme  dans  son  enseignement, 
il  s'est  tout  particulièrement  attaché  à  la  théorie  des  infi- 
niment petits.  L.  S. 

Bibl.  :  Liste  des  mémoires  dus  à  Finck  dans  le  Cata- 
logue of  scientific  papers  de  la  Société  royale  :  Londres, 
1868,  t.  II,  in-4. 

FINCKE  (Thomas),  polymathe  danois,  né  à  Flensborg 
le  6  janv.  4564,  mort  le  24  avr.  4656.  Après  avoir  étu- 
dié treize  ans  aux  universités  étrangères  (4577-4590), 
notamment  à  Strasbourg,  à  Bâle  où  il  publia  sa  Geometria 
rotundi  (4583),  à  Montpellier,  à  Padoue  où  il  fonda  la 
bibliothèque  de  la  nation  germanique,  il  devint  à  son 
retour  médecin  du  duc  Philippe  de  Holstein-Gottorp  et, 
après  la  mort  de  celui-ci,  professeur  à  l'université  de 
Copenhague,  d'abord  en  mathématiques  (1594),  puis  en 
éloquence  latine  (4602),  fialement  en  médecine  (4603), 
tout  en  continuant  à  enseigner  la  géométrie  et  en  dirigeant 
le  pensionnat  des  étudiants  ou  Communauté.  Il  fut  qua- 
rante-deux ans  doyen  de  l'université  à  partir  de  4644,  et 
cinq  fois  recteur.  Il  est  vrai  que  dans  sa  grande  vieillesse 
il  dut  se  faire  suppléer  par  son  petit:fils  Thomas  Bartholin 
et  son  gendre  Oluf  Worm.  De  son  vivant  il  compta  non 
moins  de  79  descendants  et  sa  postérité  occupa  des  chaires 
à  l'université  pendant  cent  soixante-dix-huit  ans.  Il  publia, 
en  partie  à  l'étranger,  de  nombreux  ouvrages  et  mémoires 
d'astronomie,  d'astrologie,  de  mathématiques,  de  philoso- 
phie, de  médecine,  presque  tous  en  latin,  un  seul  en  danois. 
Il  s'attira  l'animadversion  de  Tycho  Brahe  pour  avoir  dépré- 
cié les  instruments  de  l'observatoire^de  flven.         B-s. 

FINDEN  (William  et  Edward-Francis),  graveurs  an- 
glais, le  premier,  né  en  4787,  mort  le  20  sept.  4852;  le 
second,rné  en  4792,  mort  le  9  févr.  4857.  Elèves  de  James 
Mitau,  ils  montèrent  un  atelier  de  gravure  à  Londres  et 
entreprirent  une  série  d'importants  ouvrages  illustrés,  entre  • 
autres  :  les  OEuvres  de  Byron  (4834-4834,  420  pi.  gr. 
in-8);  les  Landscape  Illustrations  of  the  Bible  (4834)  ; 
The  Gallery  of  British  Art,  The  Beauties  of  Thomas 
Moore,  etc.  L'aîné  des  frères  exécuta  personnellement  plu- 
sieurs belles  estampes  d'après  Landseer,  Wilkie,  Lawrence, 
Turner,  etc.  G.  P-i. 

FINDLAY.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'Ohio,  comté  de 
Hancock  ;  4,879  hab.  en  4885, 44,000  en  4887  et  48,550 
en  4890.  Ce  rapide  développement  est  dû  au  gaz  naturel; 
le  premier  puits  a  été  creusé  en  déc.  4885  ;  il  y  en  avait, 
quatre  ans  plus  tard,  43  en  fonctionnement,  donnant  6  mil- 
lions de  m.  c.  de  gaz  par  jour.  De  nombreuses  manufac- 
tures se  sont  élevées,  représentant  un  capital  de  44  millions 
de  dollars  et  occupant  6,700  ouvriers  en  4889  ;  verreries, 
briqueteries,  fonderies,  etc.  Centre  important  de  voies  fer- 
rées. Findlay  est  située  près  des  sources  de  la  rivière 
Maumee.  Aug.  M. 

FINDLAY  (Alexander-George),  géographe  anglais,  né  à 
Londres  le  6  janv.  4842,  mort  à  Douvres  le  3  mai  4  875. 
Fils  d'Alexandre  Findlay  (4790-4870),  géographe  connu 
par  un  bel  atlas  des  environs  de  Londres  (4  829)  et  un  des 
premiers  membres  de  la  Royal  Geographical  Society, 
Alexander-George  se  livra  tout  entier  à  des  travaux  de  géo- 
graphie et  d'hydrographie.  Son  Ancientand  comparative 
Geography  eut  un  succès  considérable  dans  le  monde  en- 
tier. On  peut  encore  citer  de  lui  :  Coasts  and  Islands  of 
the  Pacific  Océan  (4854,  2  vol.),  plusieurs  Instructions 
nautiques  qui  ont  rendu  les  plus  grands  services  aux  ma- 
rines de  tous  les  Etats,  les  travaux  relatifs  aux  explora- 


tions de  Livingstone  qui  était  son  ami,  la  carte  routière 
qu'il  dressa  d'après  les  explorations  de  Burton  et  de  Speke  ; 
On  the  Currents  of  the  Atlantic  and  Pacific  Océans 
(Liverpool,  4853)  ;  On  the  Gulf  Stream  and  Us  sup- 
posed  influence  upon  the  climate  of  Europe  (Exeter, 
4869),  etc.  En  4858,  il  avait  pris  la  direction  de  l'impor- 
tante maison  d'édition  géographique  de  Laurie.  Membre  de 
la  Royal  Geographical  Society  depuis  4844,  il  fut  élu  en 
4870  membre  étranger  de  la  Società  geografica  italiana. 

FINE  Champagne  (V.  Eau-de-vie). 

FINE  Métal  (Métal!.).  On  appelle  fine  métal  le  produit 
de  l'opération  du  finage  ou  du  mazéage  (V.  Finerie).  Le 
fine  métal  est  de  la  fonte  dont  on  a  éliminé  la  majeure  par- 
tie du  silicium,  tout  en  conservant  presque  tout  le  carbone 
qu'elle  renfermait.  Son  aspect  est  celui  d'une  fonte  blanche 
lamelleuse  :  l'élimination  du  silicium  a  permis  au  carbone 
que  renfermait  la  fonte  grise,  qui  lui  a  donné  naissance, 
et  dont  une  partie  était  à  l'état  de  graphite,  de  se  dissoudre 
complètement.  C'est  ce  qui  explique  que  la  transformation 
du  fine  métal  en  fer  puisse  se  faire  rapidement  ;  dès  que 
l'oxygène  provenant  de  l'air  ou  des  scories  riches  en  oxyde 
de  fer,  qui  accompagnent  le  puddlage,  est  en  présence  du 
fine  métal,  celui-ci  agit  énergiquement  sur  le  carbone  et 
le  transforme  en  oxyde  de  carbone,  sans  qu'il  soit  néces- 
saire que  la  masse  soit  liquide.  Le  puddlage  du  fine  métal 
est  donc,  essentiellement,  un  puddlage  sec  ou  produit  à 
une  température  qui  n'a  pas  besoin  d'être  très  élevée,  tandis 
que  le  puddlage  de  la  fonte  non  finie  donne  surtout  lieu  à 
un  puddlage  gras  ou  en  bouillons.  Le  puddlage  du  fine  métal 
n'a  plus  lieu  qu'en  Angleterre  ;  il  a  à  peu  près  disparu  du 
continent  où  l'on  puddle  les  fontes  blanches  pour  fers  com- 
muns et  des  fontes  grises  pour  fers  supérieurs  et  pour  aciers 
puddlés.  L.  K. 

FINE  (Oronce),  mathématicien  français,  né  à  Briançon 
en  4494,  mort  à  Paris  le  8  oct.  4555.  On  dit  d'ordinaire, 
mais  à  tort,  Fine.  Son  père,  François  Fine,  avait  écrit 
sur  l'astronomie.  Oronce  porta  en  son  temps  le  glorieux 
titre  de  rénovateur  des  études  mathématiques  en  France. 
Une  chaire  fut  créée  pour  lui  en  4532  au  Collège  de  France 
et  ses  cours  eurent  un  succès  extraordinaire.  Il  venait  de 
publier  sa  Protomathesis,  ouvrage  considérable,  compre- 
nant quatre  livres  sur  l'arithmétique,  deux  sur  la  géométrie, 
cinq  sur  la  cosmographie,  quatre  sur  la  gnomonique.  Des 
différentes  parties  de  cette  vaste  compilation,  savante  pour 
l'époque,  mais  sans  originalité,  il  fit  plus  tard  diverses  réédi- 
tions séparées  sous  des  titres  différents,  ainsi  que  des  tra- 
ductions qu'il  offrit  à  tous  les  grands  personnages  dont  il 
pouvait  espérer  des  largesses.  Ces  volumes  sont  surtout 
remarquables  par  l'exactitude  des  figures.  La  réputation 
d'Oronce  ne  survécut  guère  à  la  publication  posthume  de 
l'ouvrage  :  De  Rébus  mathemalicis  hactenus  desideratis 
(4556),  confiée  aux  soins  de  son,  ami  Antoine  Migauld.  Il 
avait  prétendu  y  résoudre  par  la  règle  et  le  compas  et 
comme  application  de  la  divina  proportio  (section  en 
moyenne  et  extrême  raison)  :  l'invention  de  deux  moyennes 
proportionnelles,  la  quadrature  du  cercle,  l'inscription  des 
polygones  réguliers  de  7,  44,  43  côtés,  la  division  de  la 
sphère  en  deux  segments  de  rapport  donné.  Oronce  s'était 
d'abord  fait  connaître  en  éditant  en  France  des  ouvrages 
étrangers.  Sous  ce  rapport,  il  a  rendu  à  la  science  des 
services  incontestables.  T. 

Bibl.  :  Niceron,  Mémoires.  —  A.  Rochas,  Biographie 
du  Dauphiné. 

FINE  de  Brianville  (Claude-Oronce)  (V.  Brianville). 

FINELLI  (Giuliano),  sculpteur  italien,  né  à  Carrare  en 
4604,  mort  à  Rome  en  1657.  Il  étudia  à  Naples,  puis  de 
bonne  heure  à  Rome  sous  le  Bernin,  qu'il  assista  dans 
l'exécution  de  la  Sainte  Bibiane  (église  du  même  nom)  et 
du  fameux  groupe  à' Apollon  et  Daphné  (casino  Borghèse). 
Il  a  sculpté  pour  l'église  de  la  Madonne  de  Lorette,  à  la  place 
Trajane,une  Sainte  Cécile.  La  fameuse  chapelle  du  Trésor, 
de  la  cathédrale  de  Naples,  fait  voir,  de  sa  main,  plusieurs 
statues  de  bronze.  La  même  église  renferme  encore  un  Saint 


FINELLI  —  FINGER 


—  486  — 


Pierre,  un  Saint  Paul  et  un  Saint  Janvier  qui  lui  font 
beaucoup  d'honneur.  D'autres  ouvrages  de  cet  artiste  se 
trouvent  dans  la  même  ville.  *  L.  Dimier. 

Bibl.  :  Campori,  Memorie  biografîche  degli  scultori... 
nativi  di  Carrara. 

FINELLI  (Carlo),  sculpteur  italien,  né  à  Carrare  en 
1782,  mort  à  Rome  en  1853.  Il  étudia  à  Florence,  à  Milan, 
puis  à  Rome  sous  Canova  dont  il  devint  l'émule.  Ses  ou- 
vrages les  plus  célèbres  sont  :  l'Amour  au  papillon 
(coll.  du  duc  de  Devonshire),  V Amour  en  colère,  Mars 
(aux  Beaux- Arts  de  Florence),  le  groupe  des  Trois  Heures 
(au  Palais  apostolique  de  Rome)  et  un  Saint  Michel 
archange  (Armeria  de  Turin).  Il  était  de  la  famille  du 
sculpteur  Giuliano  Finelli. 

F1NERIE  (Métall.).  Four  dans  lequel  on  fait  l'opération 
du  finage  ou  du  mazéage.  Le  finage  est  l'opération  préli- 
minaire du  puddlage  de  la  fonte.  Lorsqu'en  Angleterre,  au 
commencement  de  ce  siècle,  Panz  et  Cort  inventèrent  le 
puddlage,  c.-à-d.  l'affinage  au  four  à  réverbère,  on  recon- 
nut vite  que  ce  travail  était  très  fatigant  pour  l'ouvrier. 
On  chercha  alors  à  l'avancer  par  une  préparation  mécanique 
préalable,  dont  on  emprunta  le  principe  à  l'affinage  au  bas 
foyer.  Le  finage  est  l'insufflation  d'une  certaine  quantité 
d'air  dans  la  fonte  liquide  ;  cette  opération  se  fait  dans  un 
four  spécial,  appelé  four  de  finerie.  Lorsqu'on  n'appliquait 
pas  l'analyse  chimique  à  la  métallurgie,  on  disait  que  le 
finage  avait  pour  but  de  décarboner  la  fonte  avant  de  la 
soumettre  au  puddlage.  Le  produit  obtenu,  le  fine  métal 
(V.  ce  mot)  a  été  considéré  jusqu'à  ces  dernières  années 
comme  de  la  fonte  à  un  degré  de  carburation  moindre.  Les 
analyses  faites  depuis  ont  démontré  que  le  finage  a  au  con- 
traire pour  effet  d'enlever  le  silicium  de  la  fonte,  bien  plus 
que  le  carbone.  Dans  le  finage  il  y  a  une  certaine  déphos- 
phoration.  Grimer,  dans  ses  remarquables  études  sur  l'acier 
franc  en  1867,  faisait  ressortir  cette  déphosphoration  par- 
tielle au  finage  et  l'attribuait  à  la  possibilité  d'avoir  une 
scorie  basique  en  présence  de  parois  de  fonte  refroidie  ;  dès 
que  les  scories  renferment  40  °/0  de  silice,  les  bases  ne 
retiennent  plus'  l'acide  phosphorique.  Or,  en  général,  les 
scories  du.  finage  renferment  moins  de  30  °/0  de  silice,  et 
c'est  ce  qui  permet  une  certaine  déphosphoration.  Dans 
leur  communication  en  1878  sur  la  déphosphoration, 
MM.  Thomas  et  Gilchrist  ont  reconnu  que  les  études  de 
Griiner  sur  la  possibilité  d'éliminer  du  phosphore  dans 
l'opération  du  finage,  en  présence  de  scories  riches  en 
oxyde  de  fer,  ont  été  la  base  de  leurs  recherches.  Le 
four  de  finerie  se  compose  d'une  sorte  de  cubilot,  dont 
les  parois  inférieures  sont  en  fonte  et  où  l'on  charge 
un  mélange  de  coke  et  de  gisements  de  fonte  ;  celle-ci 
en  fondant  se  rassemble  dans  un  bain  où  elle  reçoit  l'ac- 
tion oxydante  de  six  tuyères  ployantes  qui  amènent  de 
l'air  à  la  pression  de  15  centim.  de  mercure  par  centim.q. 
L'air  insufflé  à  la  surface  du  bain  y  pénètre  de  quelques 
centimètres,  puis  sort  en  traversant  le  mélange  de  coke  et 
de  fonte  qui  remplit  la  partie  supérieure  du  four,  brûle  le 
coke  et  s'échappe  en  produisant  un  mélange  d'oxyde  de 
carbone  et  d'acide  carbonique.  Le  produit  de  l'opération  est 
le  fine  métal.  L.  K. 

F1NÉSTRÈS  yMonsalvo  (José),  jurisconsulte  et  épigra- 
phiste  catalan,  né  à  Barcelone  le  11  avr.  1688,  mort  à 
Montfalca  de  Mosenmeca  le  17  nov.  1770.  Docteur  de  l'uni- 
versité de  Cervera,  il  y  professa  le  droit  et  fut  un  des  plus 
grands  jurisconsultes  de  son  pays.  Chargé  de  la  haute  di- 
rection des  établissements  d'instruction  publique  en  Cata- 
logne, il  contribua  puissamment  à  leur  développement.  On 
lui  doit  d'importants  ouvrages,  tous  imprimés  à  Cervera  : 
Exercitationes  academicce  (1745,  in-4);  Prœlectiones 
Cervarienses,  sur  les  Pandectes  (1750-52,  2  vol.)  ;  De 
Jure  dotium  (1753)  ;  In  Hermogeniani  jurisc.  juris 
Epitomarum  libros  VI  commentarius  (1757,  2  vol.), 
précieux  en  ce  qu'il  contient  un  abrégé  historique  des  meil- 
leurs jurisconsultes  catalans;  Sylloge  inscriptionum  ro- 
manarum  quœ  in  principatuCatalauniœ  vel  exstant, 


vel  aliquando  exstiterunt,  notis  et  observationibus 
illustratarum  (1762),  publication  d'un  intérêt  capital, 
complétée  par  Dou  et  de  Bassols  (1769).  G.  P-i. 

FI  N  ESTRET.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
de  Prades,  cant.  de  Vinça  ;  434  hab. 

FINETT  (Sir  John),  diplomate  et  écrivain  anglais,  né 
en  1571,  mort  en  1641.  D'une  famille  de  courtisans  d'ori- 
gine italienne,  Finett  amusa  de  bonne  heure  le  roi  Jac- 
ques Ier  par  des  couplets  licencieux  ;  mais  il  alla  trop 
loin,  paraît-il,  et  encourut  un  instant  la  disgrâce  de  son 
maître.  Après  avoir  rempli  quelques  missions  diploma- 
tiques en  Espagne  et  en  France,  il  succéda  à  sir  Lewis 
Lewknor  dans  sa  charge  de  maître  des  cérémonies.  On  a 
de  lui  une  traduction  du  traité  de  René  de  Lusinge,  sieur 
des  Alymes  :  De  la  Naissance,  durée  et  chute  des  Es- 
tats  (Londres, \  606),  et  Finetti  Philoxenis  :  some  choice 
Observations ofSrJohn  Finett.,.  touching  the  Réception 
and  Precedence,  the  Treatment  and  Audience,  the 
Puntillios  and  Contests  of  Forren  Ambassadors  in 
England  (Londres,  1656).  B.-H.  G. 

FINETTE.  I.  Tissage.  —  Nom  donné  à  des  étoffes  de 
coton  croisées  employées  comme  doublures,  ou  à  des  fla- 
nelles légères. 

IL  Pêche.  —  Dans  l'arr.  de  Rochefort,  on  désigne  sous 
ce  nom  un  filet  dérivant,  tramaillé,  qui,  du  commence- 
ment de  novembre  à  fin  mars,  sert  à  la  pêche  de  la  raie  ; 
les  dimensions  réglementaires  sont  :  flue,  0m54  ;  aunée, 
0*244. 

FINGAL  (Grotte  de).  Caverne  principale  de  l'île  de 
Staffa  (V.  ce  mot),  dans  l'archipel  des  Hébrides  (Ecosse). 
Elle  a  69  m.  de  long,  7  à  13  m.  de  large  et  20  m.  de 
hauteur.  Les  fûts  basaltiques,  qui  supportent  sa  voûte, 
garnie  de  stalagmites,  semblent  taillés  de  main  d'homme. 
La  mer  produit,  suivant  les  temps,  en  pénétrant  dans  les 
profondeurs  de  la  caverne,  un  bruit  terrible  ou  très  doux . 
C'est  sir  Joseph  Banks  qui  a  mis  la  grotte  de  Fingal  à  la 
mode  parmi  les  touristes,  en  1762. 

FINGAL,  héros  calédonien  légendaire,  père  à'Ossian 
(V.  ce  nom).  Macpherson  l'a  pris  pour  le  personnage  cen- 
tral des  épisodes  qu'il  publia  de  1760  à  1763  comme  étant 
la  traduction  en  prose  anglaise  de  vieilles  poésies  celtiques 
retrouvées  ou  recueillies  par  lui  (V.  Macpherson  [James]). 
Quoi  qu'il  en  soit  de  l'authenticité  des  poésies  d'Ossian, 
on  ne  peut  douter  qu'elles  ne  soient  inspirées  quant  au 
fond  et,  en  grande  partie,  quant  aux  formes  mêmes  du 
style,  par  les  vieilles  épopées  lyriques  et  les  vieux  récits 
héroïques  de  l'Irlande,  tels  que  certains  manuscrits  en 
contiennent  encore,  et  tels,  surtout,  qu'il  s'en  conser- 
vait dans  la  mémoire  des  anciens  au  temps  de  Mac- 
pherson. Voici,  en  quelques  mots,  le  fonds  historique 
probable  que  la  légende  a  recouvert  de  ses  frondaisons  et 
de  ses  fleurs.  Find  était  le  Rig  ou  roi  des  Fians  ou  Fe- 
nians  de  Leinster  à  l'époque  où  dominait  le  monarque 
Cormac,  fils  d'Art.  Il  résidait  dans  un  dunn  ou  château 
fort,  à  Almhain,  dans  le  comté  de  Kildare,  en  Irlande.  La 
fille  de  Cormac,  Grainné,  lui  était  fiancée  ;  mais  elle  se 
laissa  enlever  par  un  célèbre  guerrier  fenian,  nommé 
Diarmait.  Ce  rapt  et  la  poursuite  de  Find  forment  le  sujet 
d'un  des  cycles  les  plus  importants  des  légendes  irlan- 
daises. Find  se  consola,  d'ailleurs,  de  la  trahison  de  l'infi- 
dèle en  courtisant  Ailbhé,  autre  héroïne  des  vieux  chants 
celtiques.  Il  fut  tué,  dit-on,  l'an  283  av.  J.-C,  par  un 
pêcheur,  en  un  lieu  appelé  Ath  Brea,  sur  la  Boyne.  Ses 
fils,  Fergus  et  Oisin  (Ossian),  furent  poètes,  et  il  existe 
encore  des  chants  qu'on  leur  attribue.  Macpherson  a  changé 
Find  en  Fingal,  et  transporté  la  scène  dans  le  royaume 
fictif  de  Morven,  district  qui  formait,  au  moyen  âge,  un 
doyenné  du  diocèse  d'Argyll.  B.-H.  Gausseron. 

FINGER  (Gottfried),  compositeur  et  instrumentiste  alle- 
mand, né  à  Olmiitzen  1660.  En  1685,  il  entra  parmi  les 
musiciens  au  service  de  Jacques  II  à  Londres.  En  1701,  il 
revint  en  Allemagne  à  la  suite  d'un  concours  ouvert  entre 
les  musiciens  de  bonne  volonté,  concours  de  composition 


487  — 


FINGER  —  FINISTÈRE 


dramatique  dont  le  sujet  était  le  Jugement  de  Paris  de 
Congreve  et  dans  lequel  il  fut  classé  quatrième,  bien  qu'il 
dépassât  certainement,  au  point  de  vue  tout  au  moins  des 
connaissances  musicales,  les  trois  concurrents  plus  favo- 
risés que  lui.  En  1702,  il  fut  attaché  à  la  musique  de  la 
chambre  de  la  reinede  Prusse,  Sophie-Charlotte.  En 4717, 
on  le  trouve  maître  de  chapelle  à  Gotha.  Ses  compositions 
principales  sont  les  suivantes  :  Sonatœ  XII,  pro  diversis 
instrumentis...  Opus  primum,  anno  1688  (une  autre 
édition  moins  rare,  faite  par  Etienne  Roger  d'Amsterdam, 
a  pour  titre  Douze  Sonates  de  Finger,  etc.)  ;  VI  Sona- 
tas or  Solos,  three  for  a  violin  and  tarée  for  a  flûte, 
with  athorough-bass  for  the  harpsychord  (1690),  dont 
il  existe  aussi  une  édition  à  titre  français,  due  à  Roger  ; 
Ayres,  Chacones,  Divisions,  and  Sonatas,  for  violins 
and  flûtes  (1691)  ;  A  Set  of  Sonatas  in  five  parts  for 
flûtes  and  hautbois  (éditée  aussi  avec  titre  français,  So- 
nates à  cinq  parties,  etc.,  par  Roger  ;  cet  ouvrage  est  dû 
à  la  collaboration  de  Finger  et  de  Keller)  ;  Dix  Sonates  à 
une  flûte  et  basse  continue;  XII  Sonates  à  deux  flûtes 
et  basse;  Sonate  a  tre,  due  violini  e  basso  continuo; 
musique  de  l'ode  pour  la  fête- de  Sainte-Cécile  de  l'année 
1693  ;  The  Wives  Excuse,  Love  for  Love,  The  Loves  of 
Mars  and  Venus,  The  Anatomist,  Ihe  Humours  of  Age, 
Love  at  a  loss,  Love  makes  a  Man,  Sir  Harry  Wild- 
hair,  opéras  représentés  à  Londres  en  1692, 1695,  1696, 
1697  et  1701  (les  quatre  derniers)  ;  de  plus,  Sieg  der 
Schônheit  ilber  die  Helden  et  Roxane,  joués  à  Berlin  (le 
premier  à  la  cour)  en  l'année  1706.  A.  E. 

FIN  GO  S.  Peuple  de  la  Cafrerie,  rejeté,  au  début  du 
siècle,  vers  le  S.-O.,  par  la  conquête  zouloue  sur  le  pays 
des  Cafres  Galekas,  où  il  fut  réduit  en  esclavage.  Les  Fin- 
gos  firent  alors  appel  aux  autorités  britanniques  du  Cap, 
qui  les  établirent  sd'abord  entre  le  Great  Fish  River  et  le 
Keïskamma  ;  puis  s'en  servirent  avec  succès  pour  conte- 
nir ou  refouler  les  Galekas.  Le  pays  des  Fingos,  annexé  à 
la  colonie  du  Cap  en  1876,  forme  un  des  districts  d'au  delà 
de  la  Keï.  Leur  nombre  est  d'environ  90,000.  Ils  sont  en 
voie  de  progrès  et  se  laissent  convertir  au  christianisme. 
Richesses  agricoles  et  pastorales. 

FIN  H  AN.  Corn,  du  dép-  de  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Castelsarrazin,  cant.  de  Montech  ;  1,424  hab. 
FINI  (Math.)  (V.  Infini). 
Différences  finies  (V.  Différences). 
FINIGUERRA  (Maso  ou  Tommaso  di  Antonio),  célèbre 
orfèvre-nielleur  italien  et  prétendu  inventeur  de  la  gravure 
sur  métal,  né  à  Florence  en  mars  1426,  inhumé  à  l'église 
des  Ognissanti  le  24  août  1464.  On  le  dit  élève  de  Lorenzo 
Ghiberti,  qu'il  aurait  aidé  dans  l'exécution  des  portes  de 
bronze  du  Baptistère.  Sa  grande  renommée  comme  nielleur 
est  attestée  par  Benvenuto  Cellini  et  par  Vasari.  Le  pre- 
mier lui  attribue  une  paix  représentant  le  Christ  en  croix 
entre  les  deux  larrons,  exécutée  d'après  un  dessin  d'An- 
tonio Pollajuolo,  paix  que  M.  Milanesi  identifie,  non  sans 
raison,  avec  l'une  de  celles  du  musée  de  Florence.  Vasari 
ne  mentionne  de  cet  artiste  que  des  paix  représentant  «  en 
très  petit  »  des  scènes  de  la  Passion,  objets  qui  se  trou- 
vaient alors  à  l'église  de  Saint- Jean,  mais  qui  n'existent 
plus.  Le  même  écrivain  attribue  à  Finiguerra  «  l'invention 
de  graver  les  estampes  »,  vers  l'an  1460.  L'archéologue 
Gori  (1759),  se  basant  sur  la  mention  d'un  registre  de  la 
corporation  des  marchands,  qui  constate  qu'en  1452  Fini- 
guerra reçut  le  payement  pour  «  une  paix  »  destinée  à  l'église 
de  Saint- Jean,  a  proclamé  que  cette  paix  n'est  autre  que  le 
Couronnement  de  la  Vierge  (aujourd'hui  au  musée  du 
Bargello  à  Florence)  et  dont  une  épreuve  a  été  découverte, 
en  1797,  par  l'abbé  Zani  au  Cabinet  des  estampes  de  Paris. 
Bien  que  cette  paix  soit  d'une  beauté  remarquable  et  digne 
de  la  grande  renommée  de  Finiguerra,  l'attribution  à  cet 
artiste  n'en  est  jusqu'à  présent  appuyée  que  par  des  argu- 
ments de  pure  esthétique.  Quant  à  l'invention  de  l'art  de 
la  gravure  au  burin,  il  suffit  de  rappeler  qu'on  a  trouvé 
des  estampes  allemandes,  gravées  sur  métal  et  datées  de 


1446,  1457  et  1458,  pour  conclure  que  Finiguerra  fut  tout 
au  plus  le  premier  Italien  qui  ait  tiré  des  épreuves  de  ses 
planches  (V.  au  mot  Gravure).  On  peut  lui  attribuer  la 
paternité  de  plusieurs  nielles  encore  existants,  entre  autres 
de  la  superbe  pièce  représentant  la  Vierge  avec  V enfant 
Jésus  entourée  d'anges  et  de  saintes,  qui  est  de  la  même 
main  que  le  Couronnement  de  la  Vierge,  et  dont  l'unique 
épreuve  sur  papier  est  dans  la  collection  Albertine  à  Vienne. 
Mais  tout  cela  n'est  qu'hypothèse.  G.  Pawlowski. 

Bibl.:  E.  Dutuit  et  G.  Pawlowski,  Manuel  de  l'ama- 
teur d'estampes  :  Nielles  ;  Paris,  1888.  (On  y  trouvera  un 
exposé  complet  et  la  bibliographie  de  la  Question  Fini- 
guerra.) 

FINISSAGE  (Métall.).  En  métallurgie  on  appelle  finis- 
sage la  série  d'opérations  nécessaires  pour  convertir  les 
barres  d'ébauché  et  de  corroyé  en  fers  d'échantillons  livra- 
bles au  commerce.  Dans  l'ébauchage,  on  commence  l'étirage 
au  moyen  d'une  compression  qui  facilite  l'élimination  des 
scories  qui  accompagnent  le  fer  ;  dans  le  finissage  on  achève 
l'étirage.  Cette  opération  se  fait  au  laminoir,  en  se  préoc- 
cupant surtout  d'arriver  vite  et  exactement  à  la  forme 
demandée.  On  appelle  aussi  finissage  l'opération  qui  a  pour 
but  de  terminer  les  rails,  les  éclisses  et  autre  matériel  de 
chemins  de  fer,  en  sortant  du  laminoir  et  avant  de  passer 
sous  l'inspection  des  contrôleurs.  Pour  les  rails,  notamment, 
le  finissage  comporte  le  dressage,  la  mise  à  longueur  par 
fraisage,  le  perçage  des  trous  d'éclissage  et  du  patin.  L.  K. 
FINISSEUSE  (Métall.).  On  nomme  ainsi  la  dernière 
cannelure  d'un  laminoir;  c'est  celle  qui  doit  donner  la 
forme  finie  ou  le  profil  demandé.  La  barre  qui  sort  de  la 
cannelure  finisseuse  n'a  pas  exactement  la  forme  finale  de 
l'échantillon  lorsqu'il  sera  froid  ;  il  y  a  lieu  de  tenir  compte 
entre  le  profil  à  chaud  et  le  profil  à  froid,  par  suite  du 
retrait  ou  contraction  que  subit  la  barre  dans  toutes  ses 
dimensions  en  se  refroidissant.  La  dernière  passe  au  buri- 
nage  ;  celle  qui  se  fait  dans  la  cannelure  finisseuse  a  lieu 
à  une  température  relativement  basse  ;  par  suite  du  refroi- 
dissement progressif  de  la  barre  laminée,  l'usure  y  est  plus 
grande  que  dans  les  autres  cannelures.  Comme,  d'ailleurs, 
la  barre  finie  doit  présenter,  aussi  exactement  (jue  possible, 
la  forme  demandée,  il  est  assez  d'usage  d'avoir  deux  can- 
nelures finisseuses  pour  un  profil  donné,  ce  qui  prolonge 
F  existence  des  cylindres  avant  de  les  envoyer  au  tournage. 
FINISTÈRE  (Dép.  du).  —  Situation,  limites,  super- 
ficie. —  Le  dép.  du  Finistère  (qu'on  devrait  écrire  Finis- 
terre,  conformément  à  Fétymologie)  est  situé  à  l'extrémité 
occidentale,  ou  fin  des  terres,  du  territoire  français.  C'est 
le  département  dont  le  développement  des  côtes  est  le  plus 
considérable  après  la  Corse.  11  est  compris  entre  les  lat. 
N.  47°  42'  (îles  Glénans),  ou  47°  45'  40"  (la  Laïta),  et 
48o  43'  40"  (Roscoff),  ou  48°  45'  20"  (île  de  Batz),  et 
entre  les  long.  0.  5°  43'  30"  (Guilligomarc'h)  et  7°  T 
(pointe  de  Corsen),  ou  7°  28' 40"  (île  d'Ouessant).  Son 
chef-lieu,  Quimper,  est  presque  sous  le  48e  parallèle,  lat. 
N.  47°  59'  47";  il  est  distant  de  Paris  de  587  kii.  par 
chemin  de  fer  et  de  480  kil.  O.-S.-O.  à  vol  d'oiseau. 
Il  est  borné  au  N.  par  la  Manche,  à  l'O.  et  au  S.  par 
l'Atlantique,  à  l'E.  par  les  dép.  des  Côtes-du-Nord  et  du 
Morbihan.  Son  pourtour,  sans  compter  les  îles  et  en  négli- 
geant les  sinuosités  moindres  d'un  kilomètre,  est  d'environ 
745  kil.,  dont  540  pour  les  côtes,  soit  les  trois  quarts, 
formant  limite  naturelle;  les  limites  continentales  sont  arti- 
ficielles, sauf  pour  le  Douron  (13  kil.),  l'Aune  (40  kil.), 
le  Scorff  (43kil5),  la  Laïta  (10kil5).  Sa  superficie  est  de 
672,467  hect.,  en  y  comprenant  les  îles  de  Batz  (307 
hect.),  d'Ouessant  (1,558  hect.),  de  Molène  (575  hect.), 
de  Sein  (60  hect.),  de  Tudy  (38  hect.),  etc.  Vingt-six  dé- 
partements sont  plus  étendus.  Du  N.  au  S.  il  a  de  90  à 
400  kil.,  422  de  l'île  de  Batz  aux  Glénans  ;  de  l'O.  à  l'E. 
80  à  90  kil.;  424  kil.  entre  la  pointe  occidentale  de  l'île 
d'Ouessant  et  le  hameau  de  Hend-Meur  (3,500  m.  de 
Guerlesquin);  et  seulement  42  kil.  de  la  baie  de  Douar- 
nenez  aux  frontières  du  Morbihan. 

Relief  du  sol.  —  Le  Finistère  est  un  pays  montueux 


FINISTÈRE 


d'une  altitude  moyenne  d'environ  100  m.;  ses  collines  les 
plus  élevées  n'atteignent  pas  400  m.;  si  on  donne  le  nom 
de  montagnes  aux  deux  chaînes  qui  le  traversent  de  l'E. 
à  l'O.,  c'est  plutôt  en  raison  de  leur  apparence  que  de  leur 
élévation  ;  celle-ci  est  brusque,  rapide  ;  les  faîtes  sont 
dentelés,  âpres  ;  les  pentes  sont  monotones  et  sauvages, 
nues  ou  parsemées  de  bruyères.  L'allure  orographique  est 
ici  la  traduction  de  la  structure  géologique.  Le  massif  ar- 
moricain, constitué  par  des  roches  anciennes,  forme  deux 
plateaux  dirigés  à  peu  près  E.-O.,  et  séparés  l'un  de  l'autre 
par  un  sillon  que  l'on  suit  de  Châteaulin  jusqu'à  Laval. 
De  là  l'existence  de  deux  chaînes,  bordant  les  deux  pla- 
teaux, et  séparées  par  la  dépression  centrale.  Comme  de 
grands  plissements  ont  affecté  la  contrée,  vers  l'époque 
carbonifère,  depuis  laquelle  les  terrains  n'ont  plus  été 
bouleversés,  il  en  est  résulté  des  vallées  de  même  sens,  per- 
pendiculaires aux  chaînes,  et  servant  de  lit  aux  rivières, 
état  de  choses  qui  existe  encore  aujourd'hui.  Les  deux 
chaînes,  qui  courent  presque  parallèlement  del'E.-l/4  N.-O. 
à  l'O. -1/4  S.-O.  dans  le  Finistère,  celle  du  Nord  constituant 
les  montagnes  tfArrée,  et  celle  du  Midi  les  montagnes 
Noires,  partagent  donc  le  département  en  trois  bassins  ou 
régions,  correspondant  aux  plateaux  N.  et  S.  et  à  la  vallée 
intermédiaire.  Le  premier  plateau  est  incliné  vers  la 
Manche  et  traversé  par  un  grand  nombre  de  vallées  paral- 
lèles aboutissant  à  la  mer.  Le  second  plateau  ne  s'étend  pas 
jusqu'à  l'Océan  et  finit  en  pente  douce,  à  quelques  lieues 
de  la  côte,  en  une  plaine  unie  et  basse.  La  vallée  intermé- 
diaire, ici  bassin  de  l'Aune,  est  assez  large  et  très  irré- 
gulière, et  se  termine  à  la  rade  de  Brest,  en  face  de 
Landévennec.  Du  côté  de  FO.,  la  côte  forme  de  hautes 
falaises  (cap  de  la  Chèvre,  pointe  duRaz). 

Les  montagnes  d'Arrée  continuent,  à  partir  des  sources 
du  Blavet,  au  S.  de  Guingamp,  le  massif  du  Menez,  qui 
lui-même  est  né  au  S.-E.  de  Saint-Brieuc.  Après  avoir 
fourni  dans  le  dép.  des  Côtes-du-Nord  des  cimes  de  300  à 
330  m.,  elle  en  offre  dans  le  Finistère  un  plus  grand 
nombre  et  d'une  plus  grande  altitude  :  371  m.  à  l'E.  de 
Commana  ;  368  m*-  (rocs  Tréludon  et  Ar-Feunteun),  354  m. 
(roc  Trévezel).  Au  dessus  des  marais  de  Saint-Michel,  se 
dresse  le  mont  de  Saint-Michel  ou  de  Brasparts,  à  391  m., 
point  culminant  de  toute  la  Bretagne  :  la  chaîne  porte 
d'ailleurs  aussi  le  nom  breton  de  Rein  Breiz  (dos  de  la 
Bretagne).  La  chaîne  se  termine  au-dessus  de  l'isthme  de 
la  presqu'île  de  Crozon,  et  se  confondrait  avec  la  chaîne 
des  montagnes  Noires,  si  elle  n'en  était  séparée  par  la 
vallée  de  l'Aune  ou  rivière  de  Châteaulin. 

La  chaîne  méridionale,  ou  des  montagnes  Noires,  plus 
boisées  et  moins  sauvages  que  les  précédentes,  com- 
mence à  l'O.  du  Blavet,  entre  Rostrenen  (Côtes-du-Nord) 
et  Plouray  (Morbihan).  Elle  est  séparée  là  de  la  chaîne 
d'Arrée  par  la  précédente  rivière,  se  contournant  au  N., 
et  par  un  affluent  canalisé.  C'est  ainsi  que  la  dépression 
médiane  de  la  Bretagne  n'étant  pas  suffisamment  carac- 
térisée pour  qu'une  rivière  ait  pu  s'y  creuser  un  large  lit, 
il  a  fallu  suppléer  à  ce  manque  de  communications  natu- 
relles par  un  canal  artificiel  réunissant  bout  à  bout  les 
vallées  secondaires  et  reliant  le  Blavet  à  l'Aune,  en  même 
temps  qu'il  dessine  la  démarcation  entre  les  deux  chaînes. 
En  se  dirigeant  de  l'E.  à  l'O.,  les  altitudes  les  plus  remar- 
quables sont  :  pour  le  Morbihan,  297  m.  (point  culminant), 
mont  Saint-Joseph,  au  hameau  de  Botquelvez  ;  pour  les 
Côtes-du-Nord,  304  m.  (le  mont  Noir,  point  culminant), 
entre  Plévin  et  Tréogan,  à  l'intersection  des  trois  dépar- 
tements. On  entre  dans  le  Finistère.  A  la  limite  E.,  on 
trouve  le  roc  de  Toulaëron  (326  m.),  290  au  Combout, 
305  à  la  lisière  S.-O.  d'une  forêt  entre  Saint-Goazec 
et  le  Laz.  Les  ramifications  méridionales  offrent  des  alti- 
tudes supérieures  à  200  m.  :  259  à  l'E.  de  Coray  (signal 
de  Brécoray).  A  l'O.  du  Laz,  on  remarque  :  231  m. 
à  Notre-Dame  d'Illizour,  289  m.  à  la  cime  de  la  forêt  du 
Duc,  près  Locronan  (signal  de  la  Motte);  et  la  chaîne  vient 
mourir  près  de  Douarnenez.  Elle  a  envoyé  au  N.-O.  un 


contrefort  plus  puissant  qu'elle-même  vers  Châteaulin  et 
la  presqu'île  de  Crozon,  où  il  s'affaisse  :  ces  deux  rameaux 
prolongés  embrassent  la  baie  de  Douarnenez,  en  formant  les 
presqu'îles  avancées  du  cap  Sizun  et  de  Crozon  ..Ce.  dernier 
a  montré  aussi  de  hauts  sommets  :  281  m.  à  Kerderrien 
(Menez  Cos),  S.-E.  deGouèzec;  252m.,  le  Ménez-Kerque  ; 
237  m.,  le  Ménez-Braz,  et  le  point  culminant  (330  m.)  du 
Ménez-Hom,  au  triple  sommet,  d'où  l'on  domine  la  baie  de 
Douarnenez  et  la  rade  de  Brest. 

Les  chaînes  septentrionale  et  méridionale  du  Finistère 
et  celles  qui  y  font  suite,  d'une  part  jusqu'aux  collines  de 
Normandie,  de  l'autre  jusqu'aux  hauteurs  delà  Gâtine,  for- 
ment les  rebords  intérieurs  des  deux  plateaux  granitiques 
N.  et  S.,  laissant  entre  eux  un  espace  triangulaire  empli  par 
des  assises  de  roches  anciennes,  soulevées  dans  ces  mon- 
tagnes :  dans  la  Basse-Bretagne,  le  plateau  septentrional 
constituait  le  pays  de  Léon,  le  plateau  méridional  formait 
la  Comouaille,  qui  s'étendait  même  jusqu'aux  monts 
d'Arrée. 

Géologie  (V.  Armorique,  t.  III,  p.  1043,  et  Côtes-du- 
Nord,  t.  XIII,  p.  2).  —  Le  plateau  méridional  forme  un  pli 
anticlinal,  dont  l'axe  est  constitué  par  des  roches  primitives, 
plus  ou  moins  injectées  de  granité.  Le  plateau  septentrional 
est  également  un  pli  anticlinal  à  injections  granitiques  ;  mais 
il  est  formé  par  des  couches  cambriennes.  La  dépression 
centrale  correspond  à  une  série  de  plis  anticlinaux  et  syn- 
clinaux à  peu  près  parallèles,  où  le  granité  ne  forme  que 
des  dykes  isolés.  Ce  ridement  général  du  sol,  après  la 
période  cambrienne  et  à  l'époque  carbonifère,  se  traduit, 
dans  la  partie  la  plus  resserrée,  à  FO.  (Finistère),  par 
les  plus  grands  bouleversements,  tels  que  les  couches  sont 
parfois  renversées.  On  distingue,  dans  ce  département,  des 
terrains  cristallins  ou  primitifs  ;  primaires  ;  le  pliocène  des 
terrains  tertiaires  ;  des  alluvions  quaternaires  anciennes  et 
modernes  ;  des  roches  éruptives  anciennes.  Il  n'y  a  nul 
représentant  des  terrains  secondaires. 

Terrains  cristallins.  —  Une  bande  de  gneiss,  dit  gneiss 
de  Brest,  s'étend  sur  une  longueur  de  40  kil.  Le  gneiss  de 
Bretagne,  qui  peut  être  divisé  en  deux  étages,  appartient 
ici  à  l'étage  inférieur  ;  il  est  d'ordinaire  granitoïde  et  mo- 
difié par  des  éruptions  granitiques  (près  de  Douarnenez). 
Une  bande  étroite  de  micaschiste  existe  au  Conquet  près 
du  rivage.  Le  micaschiste  est,  par  excellence,  la  roche  du 
terrain  primitif  en  Bretagne.  Dans  le  plateau  méridional, 
entre  l'île  de  Sein  et  Hennebont,  on  distingue  cinq  bandes 
principales,  formées  de  schistes  cristallins  en  feuillets  plus 
ou  moins  verticaux  :  les  deux  premières  font  partie  du 
Finistère;  l'une  est  la  bande  de  Ploaré,  formée  de  mica- 
schiste passant  au  gneiss  avec  amphibolites  ;  l'autre  est  la 
bande  de  la  Forêt,  de  la  baie  d'Audierne  à  Quimperlé, 
offrant  un  beau  développement  d'amphiboiiies  et  de  ser- 
pentines primitives. 

Terrains  sédimentaires.  —  La  base  du  cambrien  est 
ici  constituée  par  les  phyllades  verts  de  Douarnenez  (S. 
des  montagnes  Noires,  Morlaix).  Cette  assise  est  surmontée 
par  celle  des  poudingues  et  schistes  rouges,  d'une 
épaisseur  de  plus  de  100  m.  (cap  de  la  Chèvre,  S.  du 
Ménez-Hom). 

A  la  base  du  silurien,  dans  le  Finistère,  h  grès  armo- 
ricain se  présente  sous  la  forme  du  grès  blanc  des  mon- 
tagnes Noires,  à  Tigillites  (scolithus)  linearis.  On  y 
distingue,  de  bas  en  haut,  un  grès  dur,  dit  du  Grand- 
Gouin  ;  puis  40  m.  de  schistes  sans  fossiles  (anse  de 
Portnay);  enfin  80  m.,  de  grès  blanc,  dit  du  Toulinguet,  à 
Tigillites. —  Les  schistes  à  Calymenes  s'observent  sous 
une  assez  grande  épaisseur,  à  Morgat,  Dinan,  Camaret, 
Dinéault.  —  Le  silurien  supérieur  est  rudimentaire.  On 
l'observe  dans  la  presqu'île  de  Crozon,  sous  la  forme  d'un 
calcaire,  dit  de  Rosan.  Ailleurs,  les  schistes  à  calymenes 
supportent  directement  les  schistes  et  quartzites  de  Plou- 
gastel,  base  du  système  dévonien.  Celte  assise  atteint  une 
puissance  de  1,000  m.  dans  le  bassin  de  Brest  et  de  Châ- 
teaulin. Ces  dépôts  forment  la  plus  grande  partie  de  la 


(k-andeEncyclopé  die  -Tome  XVTI 


FINISTERE 


G/'ccoé  et  Thyo.parJSrhar'cL'  2^^1892 


.Kto 


So  "Kilomètres 


H  LAMIRAULT  et  C^Edîteups 


489  — 


FINISTÈRE 


presqu'île  de  Crozon,  on  les  suit  dans  les  montagnes  Noires 
et  d'Arrée  et  jusqu'au  S.  du  bassin  de  Morlaix.  Au-dessus 
se  trouve  le  grès  blanc  de  Landévennec  à  Grammysia  Ha- 
miltonensis,  etc.  (autour  de  la  rade),  séparé  des  schistes 
précédents  par  une  couche  d'argile  schisteuse  avec  lits  ferru- 
gineux d'une  épaisseur  de  10  m.  L'étage  au-dessus  est  celui 
de  la  grauwacke  du  Faou  à  Ckonetes  sarcinulata,  sus- 
ceptible d'être  subdivisé  :  4°  grauwacke  à  Leptœna  mur- 
chisoni  (Le  Faou,  Lanveoc,  le  Fret);  $°  calcaire  de  la 
rade  de  Brest  à  Athyris  et  Rhynchonella  livonica,  etc. 
Il  est  exploité,  de  même  que  celui  de  Rosan,  dans  une 
foule  de  points  autour  de  la  rade  (Roscanvel,  Lanvéoc, 
Lauberlac'h,  île  Ronde,  etc.)  et  dans  les  terres  (Le  Faou, 
Quimerc'h,  environs  de  Châteaulin);  3° schistes  à  Phacops 
latifrons  et  Leptœna  rhomboidalis,  recouvrant  la  pré- 
cédente assise  en  feuillets  vert  sombre  ;  ardoises  de  Châ- 
teaulin. L'étage  surmontant  la  grauwacke  du  Faou  a  reçu 
le  nom  de  schistes  de  Porsguen,  et  comporte  deux  subdi- 
visions :  d°  schistes  bitumineux  à  céphalopodes  de  Porsguen 
et  de  Rostiviec  ;  2°  schistes  du  Fret  à  Pleur  odictyum 
problernaticum.  Les  terrains  dévoniens  du  Finistère 
appartiennent  à  l'étage  inférieur  du  système  ;  le  dévonien 
moyen  et  le  dévonien  supérieur  n'y  sont  pas  représentés. 

Un  grand  massif  de  calcaire  carbonifère  occupe  le 
milieu  du  département,  de  Port-Launay  à  Carhaix,  Poul- 
laouen,  Huelgoat,  et  se  poursuit  dans  les  Côtes-du-Nord. 
Quant  aux  trois  bassins  de  Plogoff,  Kergogne  et  Quimper, 
qui  se  trouvent  dans  une  dépression  des  phyllades  cam- 
briens  du  plateau  méridional  de  la  Bretagne,  ils  se  rangent 
dans  l'étage  houiller  supérieur. 

Ce  sont  des  dépôts  du  pliocène  qui  se  montrent  ensuite, 
laissant  une  grande  lacune  dans  la  série  des  terrains.  Ils 
sont  peu  nombreux  et  de  petite  étendue.  On  peut  citer 
ceux  des  environs  de  Quimper,  et  ceux  au  N.  de  Coray  et 
de  Scaër.  Des  alluvions  anciennes,  généralement  minces 
(argiles  de  Toulven,  etc.)  et  des  alluvions  modernes 
occupent  le  fond  des  vallées.  A  ces  dernières  se  rattachent 
les  dunes  (de  Santec,  Pont-FAbbé,  la  baie  delà  Forêt,  etc.), 
les  sables  coquilliers  des  rivages,  le  maërl,  la  tourbe  des 
marais,  en  place  ou  en  paquets  roulés.  —  On  connaît  des 
plages  de  galets  soulevées  en  divers  points  du  Finistère, 
entre  autres  dans  les  baies  de  Douarnenez  et  d'Audierne.  Par 
contre  une  oscillation  en  sens  contraire  a  été  constatée  dans 
les  temps  historiques  ;  on  peut  y  rapporter  l'engloutisse- 
ment de  la  ville  d'Is,  et  l'on  a  rencontré  sur  les  plages  des 
débris  de  forêts  sous-marines  (Morlaix,  anse  de  Sainte- 
Anne,  près  de  Brest,  etc.). 

Terrains  éruptifs.  —  Les  roches  éruptives  les  plus  an- 
ciennes sont  ici  le  granit  gris  dePontaven,  le  granité  por- 
phyroïde  rose  de  l'Aber-Ildut,  antérieur  aux  dépôts  stratifiés, 
ainsi  que  la  syênite  de  Lanmeur.  Les  granités  pinitifères 
de  Huelgoat,  plus  récents,  ont  traversées  assises  primaires. 
Plus  tard,  la  granulite,  dont  les  principaux  massifs  sont 
aux  environs  de  Quimper  et  de  Morlaix,  ont  rempli  les  fis- 
sures des  roches  paléozoïques  et  du  granité.  Des  diorites 
à  oligoclase  coupent  les  granités  éruptifs  dans  le  plateau 
méridional  (Concarneau,  Trémeven,  Créac'h-Maria)  ;  des 
diorites  à  labrador  s'observent  à  Kermorvan  et  à  Kervou- 
guer,  au  N.  de  Quimper.  Les  diorites  quartzifères  de  Bre- 
tagne seraient  des  roches  du  terrain  primitif  et  non  érup- 
tives, selon  M.  Barrois.  Les  diabases  se  suivent  sur  le 
versant  N.  du  Ménez-Hom,  durant  50  kil.,  et  ont  joué  un 
rôle  considérable  avec  les  dépôts  siluriens.  —  Les  porphyres 
quartzifères  des  environs  de  Brest  (île  Longue,  etc.)  pas- 
sent facilement  au  pétrosilex.  Le  ker santon  de  la  rade  de 
Brest  est  postérieur  au  dévonien  inférieur,  probablement 
même  au  culm,  et  contemporain  des  porphyres  quartzifères, 
qui  eux-mêmes  existent  en  galets  dans  les  poudingues  an- 
thracifères  de  Quimper.  On  le  trouve  traversant  les  schistes 
de  Châteaulin  (près  de  Poullaouen  et  de  Carhaix).  Les  por- 
phyrites,  avec  leurs  formations  de  tufs,  appelés  roche 
verte  par  les  mineurs  de  Huelgoat,  se  rencontrent  dans  le 
bassin  de  Châteaulin  et  entre  Locmaria  et  Bolazec.  —  Les 


gîtes  de  plomb  argentifère  de  Poullaouen  et  de  Huelgoat 
consistent  principalement  en  un  filon  uniforme  sur  une 
grande  étendue  (1,500  m.),  avec  gangue  de  grauwacke 
schisteuse,  et  postérieur  à  l'époque  anthracifère. 

Régime  des  eaux.  —  On  y  comprendra  les  côtes  et 
les  îles,  afin  d'éviter  des  répétitions  et  en  raison  de  l'im- 
portance particulière  ici  de  l'Océan  relativement  au  régime 
fluvial,  le  rôle  de  l'estuaire  dominant  celui  du  cours  d'eau, 
dont  il  fait  en  grande  partie  un  bras  de  mer,  une  sorte  de 
fiord.  La  pointe  déchiquetée  de  la  Bretagne  se  partage  à 
son  extrémité,  dans  le  Finistère,  en  deux  prolongements, 
l'un  méridional  qui  se  termine  par  la  chaussée  et  l'île  de 
Sein,  que  sépare  du  continent  la  passe  ou  Raz-de-Sein, 
l'autre  septentrional,  se  terminant  au  large  par  l'archipel 
d'Ouessant,  que  sépare  le  chenal  du  Four.  Entre  ces  deux 
prolongements,  il  en  est  un  moins  avancé,  qui  est  comme 
la  langue  entre  ces  mâchoires  ouvertes  ;  c'est  la  presqu'île 
de  Crozon  :  elle  forme  avec  le  premier,  au  S.  la  baie  de 
Douarnenez,  et  avec  le  second,  au  N.,  la  rade  de  Brest  ;  à 
l'O.,  du  côté  de  la  mer,  elle  limite,  avec  les  portions 
proéminentes  des  deux  promontoires  et  les  chaussées  de 
leurs  deux  archipels,  la  [passe  de  l'Iroise.  Nous  énumé- 
rerons,  en  premier  lieu,  les  tributaires  de  la  Manche.  Le 
Douron,  qui  sépare  près  de  la  mer  les  Côtes-du-Nord  et 
le  Finistère,  a  ses  sources  à  Lannéanou,  passe  au  Pon- 
thou,  sous  un  viaduc  du  chemin  de  fer,  et  débouche  dans  la 
baie  de  Locquirec.  Après  la  pointe  de  Primel,  un  golfe, 
limité  à  l'O.  par  le  cap  de  Roscoff,  est  partagé  par  une 
petite  presqu'île  (de  Carantec)  et  l'îlot  de  Callot.  La  por- 
tion E.  reçoit  le  Dossen,  et  l'autre,  la  Penzé.  —  Le  Dossen 
ou  rivière  de  Morlaix  se  forme  dans  cette  ville  de  la  réu- 
nion de  deux  ruisseaux  descendus  des  montagnes  d'Arrée, 
le  Jarlot  et  le  Queffleut.  Le  Dossen  passe  sous  le  magnifique 
viaduc  de  Morlaix.  Il  devient  navigable  et  s'élargit  en  un 
estuaire  ayant  jusqu'à  3,500  m.  de  largeur.  Son  embou- 
chure esta  15  kil.  de  Morlaix.  En  face  de  Locquénolé,  il  a 
reçu  à  droite  le  Dourdu  ou  Dourduff.  L'entrée  de  la  rade  de 
Morlaix  est  défendue  par  le  château  du  Taureau. — La  Penzé, 
dite  aussi  rivière  de  Saint-Pol  à  son  embouchure,  a  près 
de  50  kil.  ;  elle  prend  sa  source  dans  le  massif  de  Com- 
mana,  au  roc  Tréludon  (371  m.),  baigne  un  viaduc  du  che- 
min de  fer  de  32  m.  de  hauteur,  s'élargit  et  devient  navi- 
gable, semblable  à  un  fleuve.  L'anse  de  Penpoul  qui  succède 
à  son  embouchure  est  le  port  de  Saint-Pol.  —  En  face  de 
la  pointe  et  de  la  côte  fertile  de  Roscoff  se  trouve  l'île  de 
Batz.  Viennent  ensuite  les  dunes,  aujourd'hui  fixées,  de 
Santec,  les  embouchures  de  l'Horne  et  de  la  rivière  de 
Quillec  ;  la  grève  de  Goulven,  où  tombent  le  ruisseau  de 
Plouescat  et  la  Flèche;  le  port  et  la  pointe  de  Pontus- 
val  ;  l'embouchure  du  Quillimadec'h,  baignant  Guissény  ; 
la  côte  jadis  redoutée  des  naufragés  qu'on  appelait  le 
pays  des  Païens  ;  l'estuaire  de  l'Aber-Vrac'h,  remarquable 
par  sa  profondeur,  excellent  port  de  relâche ,  très  fré- 
quenté ;  l'Aber-Benoît  possède  aussi  un  large  estuaire. 

L'Aber-Ildut,  qui  vient  ensuite,  est  tributaire  de 
l'Atlantique  ;  il  débouche  sur  le  même  parallèle  qu'Oues- 
sant ,  à  0°  5/  de  l'anse  de  Porsal,  où  commence  la 
grande  mer,  et  se  termine  par  un  estuaire,  le  havre  de 
Lanildut.  —  L'île  d'Ouessant  est  à  22  kil.  du  littoral , 
séparée  du  continent  par  le  chenal  du  Four  ainsi  que 
les  îles ,  îlots  et  rochers  de  son  archipel,  dont  elle  est 
séparée  elle-même  par  le  passage  du  Fromveur.  Ce  sont 
les  terres  les  plus  occidentales  de  France,  et  des  parages 
dangereux  pour  les  marins.  Après  l'Aber-Ildut,  on  ren- 
contre la  pointe  de  Corsen,  le  point  le  plus  occidental  du 
continent,  près  de  Porsmoguer  et  de  son  anse,  puis  la  pointe 
de  Kermorvan,  qui  abrite  au  S.  l'anse  des  Blancs-Sablons 
et  au  N.  le  port  du  Conquet.  Elle  est  distante  de  4  kil.  de 
l'île  de  Béniguet,  la  première  terre  de  l'archipel  d'Ouessant, 
dont  les  suivantes  sont  principalement  les  îles  Quéménès 
et  Molène.  —  On  rencontre  ensuite  la  pointe  de  Saint-Ma- 
thieu, avec  son  phare  et  les  ruines  de  son  abbaye  ;  son  nom 
breton  Pen-ar-Bed  signifie  le  «  bout  du  monde  »,  finis 


FINISTÈRE 


—  490  - 


terrœ;  Flroise  ;  la  portion  septentrionale  de  ce  golfe,  ré- 
trécie  en  entonnoir  entre  cette  pointe  et  l'extrémité  de  la 
presqu'île  de  Camaret  et  où  se  trouve  l'anse  de  Bertheaume  : 
sorte  de  vestibule  du  Goulet,  par  lequel  on  entre  dans  la 
rade  de  Brest  (V.  Brest,  t.  VII,  p.  4138).  —  Cette  rade 
reçoit  :  la  Penfeld,  les  rivières  de  Landerneau,  deDaoulas, 
de  l'Hôpital,  du  Faou,  de  Châteaulin.  La  Penfeld  n'est 
qu'un  ruisseau,  mais  qui  devient  brusquement  large  et  pro- 
fond et  forme  le  port  de  Brest.  L'Elorn  (65  kil.)  naît  dans 
les  points  les  plus  élevés  des  monts  d'Arrée,  au  S.  de 
Commana,  près  de  la  colline  de  Toussâmes,  coule  au  N., 
tourne  à  l'O.  près  de  Landivisiau  et  prête  successivement 
sa  rive  gauche  et  sa  rive  droite  à  la  ligne  de  Paris  à  Brest. 
De  Landerneau  jusqu'à  la  rade,  pendant  14  kil.,  il  devient 
navigable;  sa  largeur  atteint  jusqu'à  4,000  m.  — Les 
rivières  de  Daoulas  et  de  l'Hôpital,  ruisseaux  descendus  des 
monts  d'Arrée,  ont  des  estuaires  navigables.  L'estuaire 
delà  rivière  du  Faou  se  confond,  en  face  de  Landévennec, 
avec  celui  de  la  rivière  de  Châteaulin.  Celle-ci  porte  de 
préférence,  dans  l'ensemble  de  son  cours,  le  nom  d'Aune, 
en  breton  Ar  Stéir  Aoûn  (la  rivière  profonde).  Elle  prend 
naissance  dans  le  dép.  des  Côtes-du-Nord,  dans  les  collines 
de  Lohuec,  forme  presque  aussitôt,  durant  une  dizaine  de 
kilomètres,  limite  avec  le  Finistère,  en  se  dirigeant  au  S., 
se  détourne  au  bois  de  Fréau  vers  l'O.  pour  entrer  dans  le 
département,  puis,  avec  de  nombreuses  sinuosités,  se  rend 
vers  le  S.-S.-O.  à  Châteauneuf  :  elle  a  reçu  le  Squiriou, 
et,  près  de  Locmaria,  le  ruisseau  d'Huelgoat,  sorti  d'un 
étang  par  une  cascade  de  20  m.  ;  puis  l'Ellez,  née  au  pied 
du  mont  Saint-Michel  et  qui,  après  avoir  drainé  le  marais 
de  ce  nom,  forme  la  cascade  de  Saint-Herbot,  de  70  m.  ; 
enfin,  au-dessous  de  Carhaix,  l'Hyère  (ou  Aven,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  le  fleuve  côtier  méridional).  C'est 
l'affluent  principal  ;  il  a  près  de  60  kil.  L'Hyère,  née  à 
l'E.-S.-E.  de  Callac,  au  sein  de  hautes  collines,  passe 
au  pied  de  Carhaix  et,  à  4  kil.  au  S.-S.-O.,  s'abouche 
avec  le  canal  de  Nantes,  auquel  elle  prête  son  lit  durant 
10  kil.  jusqu'à  son  confluent  avec  l'Aune,  en  aval  et  au 
S.  de  Landeleau,  à  Pinity  :  c'est  désormais  cette  dernière 
qui  se  confondra  avec  le  canal  jusqu'à  Châteaulin.  A  partir 
de  Châteauneuf,  l'Aune  coule  vers  l'O.,  reçoit  le  Ster- 
Goanez  à  Saint-Thois,  puis  passe  à  Châteaulin,  à  Port-Lau- 
nay,  où  commence  la  navigation  maritime  pour  28  kil.;  il 
passe  sous  un  viaduc  très  hardi  (50  m.)  du  chemin  de  fer 
de  Nantes  à  Brest,  et  reçoit  ensuite  la  Doufine,  née  vers 
Brasparts  et  qui,  après  avoir  coulé  sous  un  viaduc  de  40  m. 
d'élévation,  met  en  mouvement  les  roues  de  la  poudrerie 
de  Pont-de-Buis  ;  enfin,  l'Aune  vient  tomber  dans  l'ar- 
rière rade  au-dessous  des  ruines  de  Landévennec.  L'Aune 
a  environ  150  kil.,  160  si  l'on  considère  l'Hyère  comme 
la  branche  mère.  —  Après  avoir  parcouru  la  côte  septen- 
trionale de  la  presqu'île  de  Crozon,  pour  sortir  du  Goulet, 
puis  son  extrémité  occidentale,  où  se  remarquent  l'anse 
de  Camaret,  la  pointe  du  Toulinguet,  l'anse  de  Dinant,  on 
pénètre  par  le  cap  de  la  Chèvre,  môle  gigantesque  de  plus 
de  100  m.  d'élévation,  dans  la  baie  de  Douarnenez.  —  Cette 
baie  est  une  des  plus  belles  de  l'Europe  ;  sa  forme  est 
presque  circulaire  avec  54  kil.  de  circuit,  21  kil.  de  pro- 
fondeur et  15  kil.  de  largeur  maximum,  entre  l'anse  de 
Morgat  et  la  pointe  de  Millier  ;  son  entrée,  entre  le  cap  de  la 
Chèvre  et  la  pointe  de  Luguéné,  aune  largeur  de  8  kil.  1/2. 
Le  brassiage  à  basse  mer  est  de  20  à  30  m.  Ouverte 
à  PO.,  elle  est  exposée  aux  vents  violents,  surtout  sur  la 
côte  S.  Elle  ne  reçoit  que  des  ruisseaux  et  il  n'y  a  sur  ses 
rives  d'autre  ville  que  Douarnenez,  à  l'embouchure  du  Poul- 
david  ou  Porrhu  (port  rouge),  descendu  des  montagnes 
Noires,  estuaire  de  2  kil.,  à  l'angle  S.-E.  delà  baie,  vis-à- 
vis  l'île  de  Tristan,  surmontée  d'un  phare  de  5e  ordre  à  feu 
fixe  blanc  (V.  Douarnenez,  t.  XIV,  p.  997). —  Le  promon- 
toire où  se  termine  à  FO .  le  pays  de  Cornouaille  sépare 
la  baie  de  Douarnenez  de  celle  d'Audierne.  Les  deux  pointes 
du  Van  et  du  Baz  ou  cap  Sizun  limitent  une  petite  baie 
trop  fameuse  sous  le  nom  sinistre  de  baie  des  Trépassés, 


mais  curieuse  aussi  par  les  reliques  romaines  des  nie  et 
ive  siècles  qui  abondent  dans  le  voisinage  et  par  la  légende 
de  la  ville  d'Is.  L'île  de  Sein,  à  8  kil  de  la  côte,  est  une 
roche  aride  dont  les  700  habitants  sont  marins.  —  Après 
avoir  contourné  la  pointe  du  Baz  et  longé  les   roches 
de  l'Enfer  de  Plogoff,  on  entre  dans  la  baie  d'Audierne,  qui 
consiste  en  une  légère  courbure  du  rivage  sur  une  grande 
longueur.  On  y  trouve  le  Goayen,  ruisseau  devenant  navi- 
gable en  s'élargissant  à  Pont-Croix,  puis  à  Audierne.  A 
l'extrémité  S.  de  la  baie  se  trouve  la  pointe  de  Penmarc'h. 
Sur  la  côte  S.,  on  rencontre  :  la  plage  de  Penmarc'h;  les 
ports  de  Guilvinec  et  de  Lesconil  ;  l'anse  de  Bénodet,  où 
tombent  la  rivière  de  Pont-1'Abbé  et  l'Odet.  —  L'Odet  ou 
rivière  de  Quimper  naît  dans  les  montagnes  Noires,  près 
du  Morbihan,  reçoit,  à  2  kil.  en  amont  de  Quimper,  le  Jet, 
puis,  à  Quimper,  le  Stéir,  né  au  S.-S.-O.  de  Châteaulin.  Il 
devient  à  Quimper  un  large  fleuve,  s'élargissant  comme  un 
lac  sur  son  parcours  à  2  kil.  en  aval  et  navigable  durant 
47  kil.  Sa  longueur  est  de  60  kil.  —  La  baie  de  la  Forêt 
renferme  le  port  de  Concarneau  (V.  ce  mot)  et  elle  est 
limitée  par  la  pointe  de  Beg-Meil  à  l'O.  et  celle  de  Cabel- 
lou  à  l'E.  ;  au  large  est  l'archipel  des  Glénans,  qui  dépend 
administrativement  de  la  commune  de  Fouesnant  (V.  ce 
mot).  On  trouve  ensuite  la  pointe  de  Trévignon  ;  les  em- 
bouchures de  l'Aven  et  du  Belon  ;  l'anse  du  Pouldu,  qui 
appartient  en  partie  au  Morbihan  et  qui  reçoit  la  Laïta.  — 
L'Aven  naît  au-dessus  de   Coray,  traverse  le  vaste  étang 
de  Rosporden  que  franchit  un  pont  du  chemin  de  fer  de 
Nantes  à  Brest  et  reçoit  le  Stéir-Goz,  devient  à  Pont-Aven 
un  estuaire  de  6  kil.  4/2  ;  son  cours  est  de  40  kil.  L'em- 
bouchure du  Belon  se  confond  presque  avec  la  sienne.  La 
Laïta  ou  rivière  de  Quimperlé  se  forme  en  cette  ville  de  la 
réunion  de  l'Ellé  et  de  l'Isole.  L'Ellé  (50  kil.)  né  dans 
les  Côtes-du-Nord,  près  des  étangs  de  Glomel,  entre  dans 
le  Morbihan,  coule  au  pied  de  la  colline  du  Faouët,  reçoit 
à  gauche  la  rivière  du  Pont-Rouge,  à  droite  l'Inam  ou  Steir- 
Laër,  venu  de  Gourin.  L'Isole  oulsôl(45  kil.)  naît  dans  le 
Morbihan  au-dessous  de  Roudouallec,  à  la  frontière  du  dépar- 
tement, baigne  la  colline  de  Scaër  et  reçoit  la  fontaine  de 
Scaër,  fort  abondante.  La  Laïta,  navigable  dès  Quimperlé 
pendant  15  kil.,  longe  la  forêt  de  Clohars-Carnoët,  puis 
devient  un  estuaire.  Le  cours  de  cette  rivière  et  de  celles 
dont  elle  est  le  confluent  est  pittoresque  et  agréable.  — 
La  section  du  canal  de  Nantes  à  Brest  traverse  l'arr.  de 
Châteaulin,  en  suivant  successivement:  le  ruisseau  deKer- 
goat,  mis  en  communication  par  la  tranchée  de  Glomel, 
établie  au  faîte  séparatif,  avec  la  rivière  du  Doré,  affluent 
du  Blavet  ;  l'Hyère  et  l'Aune.  Son  développement  est  de 
81,309  m.,  de  la  limite  des  Côtes-du-Nord  (pont  de  Goa- 
niva)  à  l'écluse  n°  236  à  Châteaulin.  La  pente  est  rachetée 
dans  le  département  par  quarante-cinq  écluses.  Le  tirant 
d'eau  est  de  lm62.  —Les  étangs  du  département  occupent 
une  superficie  d'environ  3,000  hect.  En  outre  de  l'étang  de 
Rosporden,  déjà  mentionné  et  qui  est  le  plus  grand,  et  de 
celui  de  Huelgoat,  il  y  en  a  plusieurs  aux  environs  de  Car- 
haix et  ailleurs.  —  Les  eaux  potables,  de  bonne  qualité, 
ont  un  degré  hydrotimétrique  peu  élevé.  Les  côtes  du  Finis- 
tère sont  éclairées  par  cinquante-deux  phares  et  fanaux. 
Climat.  —  La  Basse-Bretagne,  dont  la  position  est 
péninsulaire,  et  particulièrement  le  Finistère,  est  le  type 
du  climat  breton  ou  armoricain.  Sauf  le  vent  d'E., 
tous  les  autres  y  sont  marins.  Le  climat  est  modérément 
froid  en  hiver,  très  modérément  chaud  en  été,  nuageux  et 
pluvieux,  fréquemment  soumis  à  des  bourrasques,  peu 
orageux.  Il  favorise  la  précocité  des  récoltes,  mais  seule- 
ment pour  le  printemps  ;  celles  de  l'été,  au  contraire,  sont 
tardives.  La  constance  de  la  température  s'explique  par  les 
vents  dominants,  0.  et  S.-O.,  plus  fréquents  que  le  N.,  le 
N.-E.  et  l'E.  ;  les  premiers  sont  modérateurs  et  amènent 
des  vapeurs  qui  servent  de  manteau  en  hiver,  d'écran  en 
été.  On  a  observé,  pour  le  Finistère,  les  températures 
moyennes  suivantes,  pour  l'hiver,  le  printemps,  l'été  et  l'au- 
tomne et  l'année  :  Brest,  5°,6,  8°,9,  15°,5,  12°,2,10°,5; 


—  494  - 


FINISTÈRE 


et  pour  l'hiver,  l'été  et  Tannée  :  Quimper,  6°,  4  6°,2,  4  4°,4  ; 
Morlaix,  5°,8, 45°,6, 40°,7;  Châteaulin,  5°,4, 15°,2, 10°,3; 
Quimperlé,  5°,7,  46°,2, 40°,9.  Tandis  que  les  étés  de  Brest 
ne  sont  pas  plus  chauds  que  ceux  de  Dunkerque,  ses  hivers 
ont  la  même  température  que  ceux  de  Toulon.  Quant  aux 
températures  extrêmes,  elles  atteignent  des  chiffres  nota- 
blement moins  élevés  que  dans  l'intérieur.  Les  altitudes, 
dans  le  Finistère,  n'abaissent  guère,  pour  la  plus  haute 
colline,  la  température  hivernale  que  de  2°.  La  pression 
varie  de  764,5  sur  la  côte  N.  de  la  Bretagne  à  762,5  sur 
sa  côte  S.  Les  vents  dominants  sont  O.-N.-O.  et  S.-O.  Les 
tempêtes  sont  nombreuses  (30  environ),  la  péninsule  et 
surtout  les  îles  étant  plus  exposées  que  le  reste  de  la 
France.  Les  pluies  sont  amenées  par  les  vents  du  S.-O. 
(suroît),  puis  de  l'O.  et  du  S.  Celles  du  S.-E.  sont  fines 
et  de  longue  durée  ;  le  N.  et  le  N.-O.  produisent  des 
averses.  Les  pluies  sont  plus  fréquentes  en  automne,  puis 
en  hiver.  Il  tombe  plus  d'eau  dans  le  dép.  du  Finistère 
que  dans  les  autres  dép.  de  la  Bretagne,  surtout  à  Brest 
(986  millim.)  ;  dans  cette  ville,  le  nombre  des  jours  de 
pluie  est  aussi  le  plus  grand  (470  à  230).  La  neige  est 
rare  ainsi  que  la  grêle,  qui  tombe  ici,  non  en  été,  mais 
pendant  des  bourrasques  d'hiver.  Les  orages  d'été  sont 
rares.  Il  y  a,  en  moyenne,  quatorze  orages  par  an.  Les 
brouillards  sont  fréquents  ;  des  brouillards  de  mer  persis- 
tent des  journées  entières.  L'humidité  atmosphérique  l'em- 
porte de  6  à  7  centièmes  sur  celle  de  Saint-Maur  (Obser- 
vatoire), 86  sur  le  littoral,  90  environ  pour  Ouessant.  — 
La  douceur  de  l'hiver  permet  ici  l'acclimatation  et  la  culture 
en  pleine  terre  de  plantes  méridionales  frileuses,  aux  envi- 
rons de  Brest,  notamment,  et  dans  son  jardin  botanique 
(Camélia,  Araucaria,  Chamœrops,  Fuchsia  coccinea, 
Erica  arborea,  Yucca,  figuiers,  myrtes,  etc.).  Par  contre, 
le  défaut  de  chaleur  de  l'été  ne  permet  pas  la  maturation 
ou  le  développement  du  sucre  des  fruits,  par  exemple,  des 
figues,  abricots,  pêches,  cerises,  raisins,  voire  des  fraises, 
abondantes,  mais  peu  parfumées.  La  fréquence  des  pluies 
est  un  bienfait  pour  ce  sol  peu  perméable,  qui,  sans  cela, 
se  dessécherait  trop  vite.  Si  la  constance  de  la  température 
a  paru  une  condition  favorable  dans  les  affections  de  la 
poitrine,  l'humidité  l'emporte  et  entretient,  au  contraire, 
ces  maladies,  de  même  que  celles  des  voies  urinaires  et 
celles  lymphatiques. 

Flore  et  faune  naturelles.  —  De  même  que  pour  le 
sol  et  le  climat,  il  existe  une  très  grande  ressemblance 
dans  la  végétation  des  divers  départements  de  la  Bretagne, 
qui  forment  encore,  sous  ce  point  de  vue,  une  seule  région 
naturelle  (la  Loire  est  prise  pour  limite  méridionale), 
d'autant  plus  qu'aucun  d'eux  n'est  privé  d'une  certaine 
étendue  de  côtes  ;  or,  c'est  justement  ici  la  flore  maritime 
qui  est  la  plus  riche  et  la  plus  variée.  Deux  causes  domi- 
nantes agissent  sur  la  flore  de  la  contrée  :  le  sol  grani- 
tique, qui  la  rend  pauvre  et  peu  variée  (on  n'y  compte  que 
4,300  espèces  phanérogames  environ,  soit  4,134  dans  le 
Finistère,  dont  308  monocotylédones  et  823  dicotylédones); 
la  douceur  des  hivers,  qui  permet  la  présence  d'espèces 
méridionales  (il  s'agit  ici  de  celles  spontanées  ou  natura- 
lisées), et  ce  caractère  est  accentué  dans  le  Finistère 
(Astragalus  Bayonensis,  Lithospermum  prostratum, 
Urtica  membranacea,  Narcissus  reflexus).  L'humidité 
de  la  Bretagne  est  aussi  la  cause  de  la  prédominance  des 
fougères  (Hymenophyllum  Wilsoni  et  surtout  #.  tun- 
bridgeuse).  C'est  dans  le  Finistère  (et  aussi  dans  le  Mor- 
bihan) que  les  landes  bretonnes  occupent  les  espaces  les 
plus  étendus,  toutes  jaunes  d'ajoncs  ou  de  genêts  ou  toutes 
roses  de  bruyères.  Les  forêts,  moins  variées  en  essences 
que  les  bois  calcaires,  sont  composées  par  le  hêtre,  les 
chênes  (Quercus  pedunculata  et  sessiliflora),  le  bou- 
leau. Dans  le  sous-bois  figurent  le  tremble,  le  noisetier, 
le  houx,  la  bourdaine,  Pyrus  aucuparia,  Vaccinium 
myrtillus;  l'aune,  avec  Salix  aurita,  cinerea,  habitent 
les  parties  humides.  Ce  sont  surtout  les  prés,  et  plus  en- 
core les  moissons,  qui  sont  pauvres  en  espèces  et  offrent 


une  verdure  uniforme,  que  ne  compensent  pas  les  digitales, 
dans  les  champs  en  friche  et  sur  les  coteaux.  Le  bleuet  est 
rare  ;  le  coquelicot  se  réfugie  dans  la  région  maritime  cal- 
caire. Les  couleurs  vives  des  plantes  devront  ici  être  recher- 
chées sur  les  plages  découvertes,  dans  les  algues  purpurines 
dites  Floridées.  —  La  région  botanique  à  laquelle  appartient 
le  Finistère  est  la  région  du  chêne,  zone  septentrionale,  qu'on 
pourrait  nommer  zone  du  pommier,  par  opposition  à  la 
zone  méridionale  que  caractérise  la  vigne,  non  que  la 
rigueur  de  l'hiver  tue  celle-ci,  mais  parce  que  les  étés, 
insuffisamment  chauds,  ne  mûrissent  pas  le  raisin.  Si  les 
phanérogames  sont  peu  nombreuses,  les  cryptogames  le 
sont  plus  dans  ce  département  que  dans  la  plupart  des 
autres  :  3,057  espèces. 

Parmi  les  mammifères  sauvages,  on  peut  citer  le  loup, 
le  renard,  la  belette,  l'hermine,  la  loutre,  le  blaireau, 
le  sanglier,  l'écureuil,  très  commun  dans  les  sapins  ;  le 
lièvre,  le  lapin,   très  communs,  celui-ci  surtout  à  l'île 
Béniguet  ;  le  chevreuil  ;  le  cerf  est  rare  (bois  de  Huel- 
goat)  ;  le  souffleur  (genre  dauphin),  le  marsouin  ;  d'autres 
cétacés  sont  accidentels   (la  baleine,  par  exemple,  qui 
s'est  échouée  dans  les  parages  de  Brest,  en  4894);  le 
cachalot  (une  trentaine  de  ces  animaux  se  sont  échoués  à 
Primelin,  près  d'Audierne,  en  4784).—  Les  oiseaux  sont 
nombreux  en  espèces.  Le  faucon  hobereau  et  l'épervier 
nichent,  l'aigle  royal  et  le  milan  royal  sont  accidentels, 
poussés  et  amenés  par  des  tempêtes.  On  a  compté  44  es- 
pèces de  rapaces  diurnes  et  5  espèces  de  nocturnes.  L'ordre 
des  passereaux  comporte  82  espèces  ;  citons  le  grand  cor- 
beau noir,  la  bergeronnette  grise,  le  bouvreuil  ;  le  cincle 
plongeur  se  rencontre  à  la  cascade  de  Saint-Herbot,  le 
bruant  des  roseaux  dans  les  marais  de  Bodonou.  Il  est 
6  espèces  de  grimpeurs  ;  dans  les  gallinacés  (6  espèces) , 
la  perdrix  rouge  se  fait  remarquer  par  sa  grosseur,    à 
Carhaix,  Scaër,  etc.  L'ordre  des  échassiers  a  36  espèces  ; 
les  cigognes  sont  de  passage,  l'ibis  falcinelle  également. 
Les  palmipèdes  comptent  48  espèces,  entre  autres  les  goé- 
lands, mouettes,  pétrels,  cormorans,  guillemots,  pingouins, 
en  un  mot,  la  foule  des  oiseaux  de  mer.  Le  cygne  est  de 
passage  accidentel.  Le  labbe  ou  stercoraire,  dit  vulgaire- 
ment sergent,  arrive  avec  les  sardines,  dont  il  suit  les 
bancs  ;  il  en  est  de  même  du  fou  dont  les  individus  vieux 
restent  dans  le  pays.  Le  pingouin  macroptère   niche  à 
près  de  30  m.  au-dessus  de  la  mer  (aux  Tas-de-Foin).  — 
Parmi  les  reptiles,  le  lézard  gris,  l'orvet,  la  vipère. —  On 
comprend  que  la  faune  ichthyologique  doive  être  ici  fort 
nombreuse.  L'énorme  môle  lune  apparaît  accidentellement 
sur  ces  côtes.  On  pêche  le  saumon  qui  remonte  la  rivière 
de  Châteaulin.  Il  faut  en  dire  autant  des  crustacés  et  des 
mollusques  ou  des  coquillages,  des  coléoptères,  extrême- 
ment nombreux,  des  lépidoptères  ou  papillons,  les  uns 
diurnes  (54  espèces),  les  autres  crépusculaires  (49)  ou,  en 
troisième  lieu,  nocturnes  (248  espèces).  Dans  Tordre  des 
névroptères,  si  l'on  n'a  pas  à  redouter  ici,  comme  dans  la 
Charente-Inférieure,  les  ravages  des  termites,  il  n'en  est 
pas  de  même,  dans  la  classe  des  mollusques,  de  ceux  qu'exer- 
cent les  tarets  ;  et  les  bois  de  marine,  par  suite,  sont  con- 
servés à  Kerhuon  et  dans  la  Penfeld,  en  des  fosses  où  se 
mélangent  l'eau  douce  et  l'eau  salée.  Les  mollusques  (troi- 
sième embranchement)  comptent  ici  438  espèces.  Citons  : 
Ostrea  edulis  et  Leonica,  et  une  espèce  à'helix  terrestre 
(Quimperiana),  plus  commune  à  Brest  que  partout  ailleurs. 
Histoire  depuis  1789.  —  Le  dép.  du  Finistère  fut 
formé  en  4790  (mars)  d'une  partie  de  la  Basse-Bretagne, 
savoir  :  de  l'ancien  évêché  de  Léon,  d'une  portion  du  pays 
de  Tréguier  et  de  quelques  paroisses  du  pays  de  Vannes, 
enfin  de  la  Basse-Cornouaille ,  toutes  contrées  dont  les 
quatre  idiomes  diffèrent.  En  même  temps,  il  constitua  le 
diocèse  de  Quimper,  cette  ville  devenant  le  ch.-l.  du  dép. 
et  le  siège  de  l'évêché.  D'abord  partagé  en  neuf  districts, 
il  reçut  la  division  en  arrondissements  le  28  pluviôse  an  VIII 
(48  janv.  4800).  —  La  Révolution  de  4789  y  fut  ac- 
cueillie, notamment  à  Brest,  avec  enthousiasme  par  le 


FINISTÈRE 


—  492  — 


tiers  état.  Si  le  nouvel  ordre  de  choses  convint  générale- 
ment aux  citadins  ;  les  habitants  des  campagnes  restèrent 
fidèles  aux  traditions  monarchiques.  Cette  opposition  se 
manifesta  aussi  par  l'indiscipline  qui  ne  tarda  pas  à  se 
mettre  dans  les  troupes  et  les  équipages  vis-à-vis  des  offi- 
ciers, nobles  pour  la  plupart,  accusés  à  tort  d'être  de  con- 
nivence avec  l'Angleterre.  Ceux-ci  émigrent  en  1791. 
Lorsque  le  parti  de  la  Montagne  devint  tout-puissant ,  les 
administrateurs  du  Finistère  voulurent  s'opposer  à  sa  tyran- 
nie et  envoyèrent  des  bataillons  de  fédérés  à  Paris  pour 
assurer  l'inviolabilité  de  la  représentation  nationale.  Plus 
tard,  ils  devaient  payer  de  leur  tête  cette  courageuse  résis- 
tance. Vers  la  fin  .de  l'été  de  1793,  un  certain  nombre  de 
Girondins,  entre  autres  Barbaroux  et  Petion,  proscrits  et 
traqués,  après  avoir  fui  le  Calvados,  où  ils  avaient  échoué 
dans  leur  lutte,  traversèrent  le  Finistère  et  ils  purent  se 
cacher  quelque  temps,  aux  environs  de  Douarnenez.  En 
1794,  le  contre-amiral  Villaret  et  Je  représentant  Jean  Bon 
Saint-André  affrontèrent  près  de  Brest  une  flotte  anglaise, 
dans  le  combat  glorieux  du  13  prairial  an  II  ou  1er  juin 
1795-,  fameux  par  l'épisode  du  Vengeur.  Mais  ce  fut  cette 
même  année  que  le  tribunal  révolutionnaire,  à  Brest,  sévit 
avec  le  plus  de  violence.  Pendant  les  guerres  de  l'Empire, 
Brest  eut  à  souffrir  du  blocus  continental.  En  1800  avait 
été  décrétée  l'institution  des  préfets  maritimes,  dont  le 
premier  fut  Caffarelli  qui  sut  se  distinguer  par  son  admi- 
nistration. C'est  la  ville  de  Brest  qui,  dans  le  département, 
est  le  plus  en  vue  par  les  services  qu'elle  rend  au  pays 
dans  sa  défense,  et  c'est  elle  presque  seule  qui  a  grandi 
(V.  Brest,  t.  VII,  p.  1140). 

Divisions  administratives  actuelles.  -—  Arron- 
dissements. —  Le  dép.  du  Finistère  se  compose  des  cinq 
arr.  de  :  Quimper  (ch.-l.),  139,984  hect.  ;  Brest, 
141,443  hect.;  Châteaulin,  183,186  hect.;  Morlaix, 
132,482  hect.  ;  Quimperlé,  75,072  hect. 

Cantons.  —  Les  cinq  arrondissements  sont  divisés  en 
43  cantons  :  Arr.  de  Brest  (12  cant.)  :  Brest  (3  cant.), 
Daoulas,  Landerneau,  Lanniiis,  Lesneven,  Ouessant,  Pla- 
bennec,  Ploudalmézeau,  Ploudiry,  Saint-Renan.  —  Arr. 
de  Châteaulin  (7  cant.)  :  Carhaix,  Châteaulin,  Château- 
neuf.  Crozon,  Faou  (le),  Huelgoat,  Pleyben.  —  Arr.  de 
Morlaix  (10  cant.)  :  Landivisiau,  Lanmeur,  Morlaix, 
Plouescat,  Plouigneau,  Plouzévédé,  Saint-Pol-de-Léon, 
Saint-Thégonnec,  Sizun,  Taulé.  —  Arr.  de  Quimper 
(9  cant.)  :  Briec,  Concarneau,  Douarnenez,  Fouesnant, 
Plougastel-Saint-Germain,  Pont-Croix,  Pont-1'Abbé,  Quim- 
per, Rosporden.  —  Arr,  de  Quimperlé  (5  cant.)  :  Ar- 
zano,  Bannalec,  Pont-Aven,  Quimperlé,  Scaër. 

Justice.  Police.  —  Le"  dép.  du  Finistère  ressortit  à  la 
cour  d'appel  de  Rennes.  Quimper  est  le  siège  de  la  cour  d'as- 
sises. Il  y  a  5  tribunaux  de  première  instance,  1  par  arrondis- 
sement et  3  tribunaux  de  commerce  (Quimper,  Brest,  Mor- 
laix). Le  nombre  des  justices  de  paix  est  de  43,  une  à  chaque 
chef-lieu  de  canton.  Le  nombre  d'agents  chargés  de  constater 
les  crimes  et  les  délits  était,  en  1888,  de  :  gendarmes, 
265  (en  53  brigades,  dont  25  à  cheval)  ;  commissaires  de 
police,  16  ;  agents  de  police,  102  ;  maires,  292  ;  gardes 
champêtres,  76;  gardes  particuliers  assermentés,  189; 
gardes  forestiers,  19  ;  agents  des  ponts  et  chaussées  (police 
de  la  pêche),  79  ;  douaniers,  546.  Le  département  appar- 
tient à  la  14e  circonscription  pénitenciaire  :  maison  centrale 
pour  hommes  à  Landerneau  (population  moyenne,  506), 
1  directeur  ;  6  prisons  civiles. 

Finances.  —  Pour  les  contributions  indirectes,  il  y 
a  1  directeur  (à  Quimper)  ;  2  sous-directeurs  (à  Brest  et 
à  Morlaix  ;  3  inspecteurs  ;  2  receveurs  principaux  entre- 
poseurs ;  1  receveur  principal  ;  2  receveurs  entreposeurs  ; 
1  entreposeur.  —  Le  service  des  contributions  directes 
comporte  1  directeur  (à  Quimper),  1  inspecteur,  2  contrô- 
leurs principaux,  10  contrôleurs  (1892).  —  Le  Trésor 
public  a  1  trésorier-payeur  général  (à  Brest)  ;  4  rece- 
veurs particuliers  et  53  percepteurs.  —  V enregistrement, 
les  domaines  et  le  timbre  ont  1  directeur,  1  inspecteur, 


5  sous-inspecteurs,  5  conservateurs  des  hypothèques, 
35  receveurs.  —  Les  douanes  ont  1  directeur  à  Brest, 
5  inspecteurs,  1  sous-inspecteur,  3  receveurs  principaux, 

1  contrôleur  principal,  5  contrôleurs  et  12  receveurs 
(1891). 

Instruction  publique.  — Le  département  relève  de  l'aca- 
démie de  Rennes.  Il  y  a  1  inspecteur  d'académie  à  Quim- 
per, 6  inspecteurs  d'instruction  primaire.  Enseignement 
secondaire  :  2  lycées,  à  Brest  et  à  Quimper  ;  3  collèges 
communaux,  à  Lesneven,  Morlaix,  Saint-Pol-de-Léon  ;  pour 
les  jeunes  filles  :  un  lycée  à  Brest  (1891)  et  un  établisse- 
ment de  cours  secondaires  à  Morlaix  ;  des  établissements 
libres  à  Brest  et  à  Quimper.  Enseignement  primaire  :  école 
normale  d'instituteurs  et  d'institutrices,  à  Quimper.  Ecoles 
primaires  supérieures  de  garçons  à  Concarneau,  Douarne- 
nez, Quimperlé  ;  de  filles  à  Quimperlé.  Pensionnats  pri- 
maires, 12(1891). 

Culte.  —  Le  culte  catholique  a  1  évêché  à  Quimper, 
suffragant  de  la  métropole  de  Rennes.  Le  diocèse  possède 

2  vicaires  généraux,  7  chanoines  rétribués,  1  chanoine 
non  rétribué,  48  curés,  263  desservants  des  succursales, 
281  vicaires.  Le  clergé  protestant  ne  compte  qu'un  pas- 
teur réformé.  Presque  tous  les  habitants  sont  catholiques  ; 
il  n'y  a  guère  que  800  protestants  et  une  soixantaine  d'is- 
raélites  (situation  au  1er  juil.  1890).  Le  Finistère  appar- 
tient à  la  4e  circonscription  synodale,  à  la  circonscription 
consistoriale  de  Brest,  à  la  première  paroisse  (de  Brest)  : 
1  temple  dans  cette  ville  ;  2  églises  indépendantes  ont 
1  temple  à  Quimper  et  1  à  Morlaix. 

Armée.  —  44e  brigade  (quartier  général  à  Quimper, 
général  commandant  les  subdivisions  de  région  de  Quim- 
per et  de  Brest)  de  la  22e  division  (Vannes)  du  11e  corps 
d'armée  (Nantes).  118e  régiment  d'infanterie  à  Quimper, 
dont  1  bataillon  à  Morlaix  ;*19e  à  Brest.  Direction  d'artil- 
lerie de  Brest,  1  colonel.  Poudreries  au  Pont-de-Buis  et  au 
Moulin-Blanc.  Direction  du  génie  de  Brest  ;  directeur, 
1  lieutenant-colonel;  chefferies  :  Brest,  Morlaix,  Quélern, 
Quimper,  Le  Conquet.  Bureaux  de  recrutement  :  Quimper, 
Brest.  Gendarmerie,  11e  lég.  (Nantes),  compagnies  du 
Finistère.  Régiments  territoriaux  d'infanterie  (11e  région), 
le  86e  à  Quimper,  le  87e  à  Brest  (1890).  —  Comme  ser- 
vitudes défensives,  le  département  renferme  :  lre  série, 
Brest  (ville  et  château)  ;  fort  de  Crozon.  2e  série,  place  : 
Concarneau  ;  postes  :  château  du  Taureau  ;  fort  central  de 
l'île  d'Ouessant  ;  forts  du  goulet  et  de  la  rade  de  Brest  ; 
plusieurs  autres  ouvrages  (forts,  batteries,  réduits,  ou- 
vrages de  Toulbroch,  etc.). 

Marine.  —  Ce  département  possède  le  chef-lieu,  Brest, 
du  2e  arrondissement  maritime,  qui  s'étend  sur  le  littoral 
depuis  l'embouchure  de  la  rivière  d'Ay  (Manche)  jusqu'à 
la  rive  droite  de  la  rivière  de  Belon.  De  cette  rivière  à  la 
limite  du  Morbihan,  ce  qui  est  du  Finistère,  anse  du 
Pouldu,  14  kil.  1/2  de  côtes,  la  Laïta,  Moëlan,  Quim- 
perlé, etc.,  relève  du  3e  arr.  (ch.-l.  Lorient)  (V.  Arron- 
dissement, t.  III,  p.  1121).  Ecole  navale,  sur  le  Borda,  à 
Brest,  où  se  trouvent  aussi  une  école  d'hydrographie,  une 
école  du  service  de  santé  transformée  en  simple  annexe 
(22  juil.  1890)  (V.  Ecole,  t.  XV,  pp.  439-42),  des  écoles  , 
de  maistrance  et  des  mousses  et  l'établissement  des  Pu- 
pilles de  la  marine. 

Divers.  —  Le  Finistère  appartient  à  la  2e  région  agri- 
cole (O.)  pour  les  concours  régionaux,  et  à  la  lre  (N.-O.) 
pour  les  régions  établies  par  l'administration  d'après  le 
climat,  le  sol  et  la  culture  ;  à  la  15e  conservation  fores- 
tière (Alençon),  avec  1  garde  général  (à  Landerneau);  à  la 
13°  inspection  des  ponts  et  chaussées,  avecl  ingénieur  en 
chef  à  Quimper,  4  ingénieurs  ordinaires  ;  à  l'arr.  miné- 
ralogique  du  Mans  (division  du  N.-O.),  sous-arr.  de  Nantes, 
subdivision  de  Brest,  avec  1  contrôleur  (1892)  ;  au  3e  arr. 
des  Haras,  avec  25  stations  départementales. —  Direction  à 
Brest  de  la  circonscription  sanitaire  du  Finistère. 

Démographie.  —  Mouvement  de  la  population.  — 
Le  dernier  et  tout  récent  recensement  de  1891  a  constaté 


—  493 


FINISTÈRE 


dans  le  dép.  du  Finistère  une  population  totale  de 
727,012  hab.,  soit  une  augmentation  de  49,192  (près  de 
3  centièmes)  sur  le  recensement  de  1886.  Comme  accrois- 
sement absolu,  7  départements  l'emportent  sur  le  Finistère  ; 
comme  accroissement  proportionnel,  il  vient  le  dixième. 
Voici,  depuis  le  commencement  du  siècle,  les  chiffres  donnés 
par  les  recensements  : 


1801.. 

..  430.046 

1856.. 

.  606.552 

1806.. 

. .  452.895 

1861.. 

.  627.304 

1821.. 

..  483.095 

1866.. 

.  662.485 

1826.. 

..  502.851 

1872.. 

.  642.963 

1831.. 

.  524.396 

1876.. 

.  666.106 

1836.. 

.  546.955 

1881.. 

.  681.564 

1841.. 

.  576.068 

1886.. 

..  707.820 

1846.. 

.  612.151 

1891.. 

. .   727.012 

1851 . . 

..  617.710 

La  population  de  1891  est  supérieure  à  celle  de  1801 
de  296,966  hab.  ;  l'accroissement  dans  le  cours  presque 
entier  du  siècle  a  été  de  0,69  du  chiffre  primitif,  soit  des 
deux  tiers.  La  densité  64  (hab.  par  kii.  g.)  est  devenue 
108.  La  courbe,  à  partir  de  1821,  fait  voir  une  progres- 
sion rapide  jusqu'en  1851,  puis  un  état  stationnaire  du- 
rant la  décade  qui  suit,  une  marche  ascendante  rapide 
jusqu'en  1866,  une  marche  descendante  de  1866  à  1872, 
enfin,  depuis  lors,  une  ascension  continue  et  régulière. 
Les  excédents  des  naissances  sur  les  décès  ont  été  :  en 
1886,  3,345;  en  1887,  2,953;  en  1888,  3,346;  en 
1889,  6,902  ;  en  1890,  2,747  ;  en  1891,  4,946.  En  ce 
qui  concerne  le  déplacement  départemental,  on  constate 
que,  pour  le  Finistère,  l'émigration  départementale  l'em- 
porte, et  cela  de  10,952  (Vict.  Turquan).  Voici  les  chiffres 
de  la  population  par  arrondissements,  d'après  les  six  der- 
niers dénombrements  : 


ARRONDISSEMENTS 

1866 

1872 

1876 

1881 

1886 

1891 

Brest 

Châteaulin. 
Morlaix..., 
Quimper . . . 
Quimperlé.. 

230.316 
108.877 
143.102 
130.673 
49.517 

213.598 
106.812 
141.369 
133.756 

47.428 

217.885 
110.379 
143.306 
143.493 
51.043 

221.236 
112.202 
142.119 
152.434 
53.573 

227.454 
115.508 
142.771 
165.912 
56.175 

236.060 
118.046 
141.841 
171.684 
59.381 

La  population  (population  totale  delà  commune)  compa- 
rée des  villes  et  le  mouvement  de  leur  population  se  trou- 
vent dans  le  tableau  suivant  : 


VILLES 


Brest 

Morlaix 

Quimper 

Lambézellec 

Douarnenez 

Crozon  

Saint  -Pol-de-Léon . . 

Landerneau 

Guipavas 

Saint-Pierre-Quilbi- 

gnon 

Plougastel-Daoulas. 
Quimperlé 


1872 


66.272 

14.359 

13.159 

11.635 

7.180 

8.929 

6.741 

7.717 

6.641 

6.425 
6.315 
6.253 


1876 


66.828 
15.183 
13.879 
12.379 
8.637 
7.763 
7.005 
8.195 
6.802 

6.301 
6.506 
6.538 


1881 


69.110 

15.346 

15.228 

12.502 

9.É 

8.223 

7.295 

9.078 

7.077 

7.002 
6.857 
6.821 


70.778 

16.013 

17.171 

15.641 

10.985 

8.585 

7.480 

8.927 

7.247 

7.665 
7.009 
7.156 


1891 


75.854 
16.300 
17.406 
16.084 
10.021 
8.276 
7.430 
8.497 
8.339 

8.755 
7.162 
8.049 


Brest  occupe,  dans  la  liste  des  principales  villes  de  France, 
le  17e  rang.  Les  grands  centres  se  sont  le  plus  accrus, 
de  même  que  les  bourgs  voisins,  qui  en  forment  plus  ou 
moins  la  banlieue,  par  exemple  Lambézellec,  Saint-Pierre- 
Quilbignon  et  Guipavas,  voisines  de  Brest.  —  Le  mouve- 
ment relatif  urbain  et  rural,  dans  le  département,  a  été, 
pour  le  dénombrement  de  1876  :  population  urbaine,  pro- 
portion pour  100  hab.,  19,7  ;  population  rurale,  propor- 
tion pour  100  hab.,  80,3  ;  les  chiffres  respectifs  ont  été, 
pour  le  dénombrement  de  1881  :  ville,  22,9  ;  campagne, 
77,1  ;  pour  1886:  ville,  23,9;  campagne,  76,1  ;  pour 
1891  :  ville,  25,9  ;  campagne,  74,1.  C'est  le  mouvement 
général  d'attraction  des  centres. 


Le  dép.  du  Finistère,  comparé  aux  autres  départements, 
tient  le  7e  rang  pour  sa  population  totale  (1891).  Pour 
la  population  spécifique,  105,  il  avait  le  10e  rang  en  1886. 

—  La  répartition  des  communes,  d'après  l'importance  de 
la  population,  a  donné,  en  1891,  pour  les  291  communes 
du  département,  la  ville  de  Brest  formant  1  commune  ap- 
partenant à  3  cantons:  2  communes  de  101  à  200  hab.  ;4 
de  201  à  300  hab.  ;  3  de  301  à  400  ;  1  de  401  à  500  ;  55 
de  501  à  1,000  ;  58  de  1,001   à  1,500  ;  53  de  1,501  à 

2.000  ;  28  de  2,001  à  2,500  ;  23  de  2,501  à  3,000  ; 
23  de  3,001  à  3,500;   10  de  3,501  à  4,000  ;  11  de 

4.001  à  5,000  ;  16  de  5,001  à  10,000  ;  3  de  10,001  à 
20,000;  1  de  20,001  et  au-dessus.  Voici,  par  arrondisse- 
ments et  par  cantons,  la  liste  des  communes  dont  la  popu- 
lation totale,  en  1891,  dépassait  1,000  hab.  : 

Arrondissement  de  Brest.  —  1er  cant.  de  Brest  : 
Brest  (1er  cant.),  27,335  hab.  2e  cant.  de  Brest  :  Brest 
(2e  cant.),  26,709  ;  Gouesnou,  1,462  ;  Guilers,  1,910; 
Lambézellec,  16,084;  Saint-Marc,  2,941.  3e  cant.  de 
Brest:  Brest  (3e  cant.),  21,810;  Saint-Pierre-Quilbi- 
gnon,  8,755.  —  Cant.  de  Daoulas :  Hanvec,  3,090  ;  Hôpi- 
tal-Camfront,  1,092;  Irvillac,  2,409;  Logonna-Daoulas, 
2,033;  Loperhet,  1,398;  Plougastel-Daoulas,  7,162.  — 

—  Cant.  de  Landerneau  :  Dirinon,  1,518  ;  Guipavas, 
8,339  ;  Landerneau,  8,497  ;  Plouédern,  1,601.  —  Cant.  de 
Lannilis  :  Guissény,  2,603  ;  Landéda,  2,028  ;  Lannilis, 
3,323 ;Plouguernau,  5,724.— -Cant.  de  Lesneven  :  Fol- 
goet  (Le),  1,079  ;  Kerlouan,  2,772;  Lesneven,  3,284  ; 
Ploudaniel,  3,084;  Plouider,  2,743  ;  Plounéour-Trez, 
2,866.  —  Cant. d'Ouessant.'Ouessant $,4:90.  -—Cant.  de 
Plabennec  :  Bourg-Blanc,  1,708;  Milizac,  1,791  ;  Pla- 
bennec,  3,658  ;  Plouvien,  2,371 .  —  Cant.  de  Ploudalmé- 
zeau  :  Landunvez,  1,633  ;  Lanildut,  1,156;  Ploudalmé- 
zeau,  3,286  ;  Plouguin,  1 ,783  ;  Plourin,  1 ,290  ;  Porspoder, 
1,862  ;  Saint-Pabu,  1,204.  —  Cant.  de  Ploudiry.-mou- 
diry,  1,514  ;  Tréhou  (Le),  1,167.  —  Cant.  de  Saint- 
Benan:  Conquet  (Le),  1,420  ;Loc-Maria-Plouzané,  1,294; 
Plouarzel,  2,510;  Plougonvelin,  1,548;  Ploumoguer, 
1,918;  Plouzané,  2,299;  Saint-Renan,  1,806. 

Arrondissement  de  Châteaulin.  —  Cant.  de  Carhaix  : 
Carhaix,  3,064  hab.;  Cléden-Poher,  1,716;  Kergloff, 
1,267  ;  Motreff,  1,157  ;  Plouguer,  1,022;  Plounévézel, 
1,254;  Poullaouen,  3,220;  Saint-Hernin,  1,576;  Spé- 
zet,  3,166.  —  Cant.  de  Châteaulin:  Cast,  2,112;  Châ- 
teaulin, 3,677;  Dinéault,  2,060;  Plomodiern,  2,949; 
Plonévez-Porzav,  3,119;  Port-Launay,  1,062  ;  Quéméné- 
ven,  1 ,670;  Saint-Nic,  1 ,  168  ;  Saint-Ségal,  1 ,654.—  Cant. 
de  Châteauneuf  :  Châteauneuf,  3,566  ;  Collorec,  1,534  ; 
Coray,  2,572;  Landeleau,  1,510  ;  Laz,  1,203;  Leuhan, 
1,682  ;  Plonévez-du-Faou,  4,485;  Saint-Goazec,  1,480; 
Saint-Thois, 1, 231  ;Trégourez,  1,255.  —  Cant.  de  Crozon: 
Argol,  1,435;  Camaret,  2,003  ;  Crozon,  8,276  ;  Landé- 
vennec,  1,057  ;  Lanvéoc,  1,240  ;  Roscanvel,  1,170  ;  Tel- 
grue,  2,158.  —  Cant.  du  Faou: Fzou  (Le),  1,369  ;Lopé- 
rec,  1,892  ;  Quimerc'h,  2,107  ;  Rosnoën,  1,670.—  Cant. 
de  Huelgoat  :  Berrien,  2,235;  Feuillée  (La),  1,937  ; 
Huelgoat,  1,324;  Plouyé,  2,031;  Scrignac,  3,140.  —  Cant. 
de  Pleyben  :  Brasparts,  3,137;  Cloître  (Le),  1,356; 
Edern,  2,197  ;  Gouézec,  2,278;  Lennon,  1,759  ;  Lo- 
queftret,  1,129  ;  Pleyben,  5,683. 

Arrondissement  de  Morlaix. —  Cant.  de  Landivisiau  : 
Bodilis,  1,738  hab.  ;  Guimiliau,  1,584;  Lampaul-Guimi- 
liau,  2,510  ;  Landivisiau,  4,079  ;  Plougourvest,  1,179; 
Plounéventer,  1,942.  —  Cant.  de  Lanmeur  :  Garlan, 
1,005;  Guimaëc,  1,590;  Lanmeur,  2,508;  Plouégat-Gué- 
rand,  1,569;  Plouézoc'h,  1,756;  Plougasnou,  3,805;  Saint- 
Jean-du-Doigt,  1,278.  —  Cant.  de  Morlaix  :  Morlaix, 
16,300  ;  Ploujean,  3,088  ;  Plourin,  2,900  ;  Saint-Martin- 
des-Champs,  1,786.  —  Cant.de  Plouescat:  Lanhouarneau 
1,204;  Plouescat,  2,983;  Plougar,  1,086;  Plounévez- 
Lochrist,  4,040  ;  Tréflez,  1 ,310.  —  Cant.  de  Plouigneau  : 
Botsorhel,  1,441  ;  Guerlesquin,  1,721  ;  Plouégat-Moysan, 
1,029  ;  Plougonven,-  4,097  ;  Plouigneau,  4,424.  —  Cant. 


FINISTÈRE 


—  494  — 


de  Plouzévêdê  :  Cléder,  4,690  ;  Plouvorn,  3,130  ;  Plou- 
zévédé,  1,878;  Saint- Vougay,  1,144.  —  Gant,  de  Saint- 
Pol-de-Léon  :  Batz  (île  de),  1,184;  Mespaul,  1,027; 
Plouénan,  2,813;  Plougoulm,  2,213;  Roscoff,  4,600; 
Saint-Pol-de-Léon,  7,430;  Sibiril,  1,442.  —  Gant,  de 
Saint-Thégonnec  :  Cloître  (Le),  1,236;  Pleyber-Christ, 
3,351;  Plounéour-Ménez,  3,067;  Saint-Thégonnec,  3,317. 

—  Gant,  de  Sizun  :  Commana,  2,625  ;  Locmélar,  1,054; 
Saint-Sauveur,  1,536;  Sizun,  3,702.  —  Cant.de  Taulé  : 
Carantec,  1,756;  Guiclan,  3,382  ;  Henvic,  1,512;  Taulé, 
2,967. 

Arrondissement  de  Quimper.  —  Gant,  de  Briec  :  Briec, 
6,413  hab.  ;Langolen,  1,154.  —  Gant,  de  Concarneau  : 
Beuzec-Conq,  3,660;  Concarneau,  5,991  ;  Lanriec,  2,103; 
Trégunc,  4,165.  —  Gant,  de  Douarnenez  :  Douarnenez, 
10,021;  Guengat,  1,470;  Ploaré,  3,330  ;  Plogonnec, 
3,135;  Pouldergat,  2,809  ;  Poullan,  1,704;  Tréboul, 
3,706. —  Cant.de  Fouesnant:  Forêt  (La),  1,858  ;Foues- 
nant,  2,776  ;  Gouesnach,  1,048  ;  Saint-Evarzec,  1,507.  — 
Gant,  de  Plogastel-Saint-Germain  :  Landudec,  1,380  ; 
Peumérit,  1,620;  Plogastel-Saint-Germain,  2,114;  Plo- 
néis,  1,702;  Plonéourn-Lanvern,  3,780  ;  Plovan,  1,649; 
Plozévet,  4,058;  Pouldreuzic,  2,048.—  Gant,  de  Pont- 
Croix  :  Audierne,  3,401  ;  Beuzec-Cap-Sizun,  2,247  ; 
Cléden-Cap-Sizun,  2,611  ;  Esquibien,  2,247  ;  Goulien, 
1,135;  Mahalon,  1,501  ;Meilars,  1,174  ;  Plogoff,  2,081; 
Plouhinec,  4,921  ;  Pont-Croix,  2,496  ;Primelin,  1,500.  — 
Gant,  de  Pont-VAbbé:  Combrit,  2,421  ;  Guilvinec,  2,939; 
Loctudy,  2,154;  Penmarc'h,  3,600  ;  Plobannalec,  2,289; 
Plomeur,  2,353  ;  Pont-l'Abbé,  5,536  ;  Saint-Jean-Troli- 
mon,  1,083  ;Treffiagat,  1,358;  Ile  Tudy,  1,060.  —  Gant, 
de  Qmm^r.'Ergué-Armel,  3,201  ;  Ergué-Gabéric,  2,637; 
Kerfeunteun,  3,087  ;  Penhars,  4,679  ;  Plomelin,  1,934; 
Pluguffan,  1,952;  Quimper,  17,406.  —  Gant,  de  Rospor- 
den  :  Elliant,  3,950  ;  Rosporden,  1 ,847  ;  Saint-Ivy,  1,531  ; 
Tourch,  1,034. 

Arrondissement  de  Quimperlé.  —  Gant.  d'Arzano  : 
Arzano,  1,943  hab.  ;  Guilligomarc'h,  1,206;  Locunolé, 
1,224;  Rédené,  1,558.  —  Cant.de  Bannalec:Bmm\ec, 
5,890  ;  Kernével,  2,476  ;  Melgven,  2,950;  Trévoux  (Le), 
1,507.  —Gant,  de  Pont- Aven  :Moèlan,  5,48d  ;Névez, 
2,605;  Nizon,  1,512  ;  Pont-Aven,  1,589;  Riec,  4,205. 

—  Gant,  de  Quimperlé  :  Clohars-Carnoèt,  3,717  ;  Mellac, 
1,421;  Quimperlé,  8,049;  Tréméven,  1,072.  —  Gant,  de 
Scaër  :  Querrien,  3,153  ;  Saint-Thurien,  1,512  ;  Scaër, 
5,686. 

La  population  des  cinq  chefs-lieux  d'arrondissement  se 
décompose  ainsi  (1891)  : 


POPULATION 

02 

çp 

75.854 
12.911 

62.943 

•S 
o 

3 

o 

a 

'3 

a 
8 

'B 

Totale 

Comptée  à  part 

Eparse  . . 

3.677 

311 

1.218 

2.148 

16.300 
1.596 
1.445 

13.259 

17.406 
2.505 

14.901 

8.049 

553 

2.632 

4.864 

Agglomérée 

Le  Finistère  est  au  nombre  des  départements  dont  la 
population  municipale  agglomérée,  comptée  nominative- 
ment (242,222  hab.),  est  inférieure  à  la  population  éparse 
(459,622  hab.).  Le  département  compte  parmi  ceux  très 
nombreux  où  la  population  rurale  (538,769)  l'emporte  sur 
celle  urbaine  (188,243)  ;  elle  forme  près  des  trois  quarts 
de  la  population  totale.—  La  vie  moyenne  en  France  étant 
actuellement  de  plus  de  40  ans,  elle  n'est  que  28  ans  et 
11  mois  pour  le  dép.  du  Finistère.  La  Corse  seule  présente 
une  moyenne  moins  élevée  (28  ans  1  mois). 

Etat  des  personnes.  —  Sur  la  population  de  fait  (bulle- 
tins individuels),  en  1891  (719,745),  on  compte  : 

1°  D'après  le  lieu  de  naissance:  502,881  hab.,  nés 
dans  la  commune  qu'ils  habitent;  174,136  nés  dans  une 


autre  commune  que  celle  du  département  qu'ils  habitent  ; 
41,845  nés  dans  un  autre  département  ;  224  nés  dans 
une  colonie  ;  659  nés  à  l'étranger.  —  Sur  ce  total,  il 
a  52  naturalisés  français  et  360  étrangers,  dont  135 
Anglais  et  15  Allemands. 

2°  D'après  le  sexe  :  360,873  individus  du  sexe  mas- 
culin et  358,872  individus  du  sexe  féminin.  —  On  a 
compté  :  450,695  célibataires  des  deux  sexes;  219,133 
personnes  mariées  ;  49,834  veufs  ou  veuves  ;  83  divorcés 
des  deux  sexes. 

3°  D'après  la  profession  (population  professionnelle)  : 
agriculture,  417,177;  industrie,  111,186;  transports, 
29,080;  commerce,  55,842;  force  publique,  27,169; 
administration  publique,  19,014;  professions  libérales, 
11,308  ;  personnes  vivant  de  leurs  revenus,  32,786  ;  sans 
profession  ou  profession  inconnue,  16,201. 

Etat  économique  du  département.  —  Propriété. 
—  La  cote  foncière  relevait,  en  1885  :  119,707  proprié- 
tés imposables  dans  le  dép.  du  Finistère,  savoir  :  95,109 
appartenant  à  la  petite  propriété  ;  23,018  appartenant  à 
la  moyenne  et  1,580  appartenant  à  la  grande.  La  conte- 
nance imposable  est  de  641,179  hect.,  dont  101,542  hect. 
pour  la  petite  propriété;  383,133  hect.  pour  la  moyenne 
propriété  ;  156,804  hect.  pour  la  grande  propriété.  Ainsi, 
la  propriété  moyenne  l'emporte,  la  petite  est  en  minorité, 
contrairement  à  beaucoup  de  départements  ;  les  grands 
propriétaires  fonciers  ne  sont  pas  rares.  L'enquête  1887- 
89  sur  la  propriété  bâtie  a  constaté,  pour  le  Finistère, 
\  09,741  maisons,  2,403  usines,  1,083  bâtiments  publics 
non  passibles  de  la  contribution  ;  la  valeur  locative  réelle 
étant  :  maisons,  17,266,769  fr.;  usines,  -1,166,948  fr.; 
bâtiments  publics,  300,457  fr. 

Agriculture.  —  Sur  une  superficie  totale  de  672,1 67  hect. 
on  comptait,  à  la  dernière  enquête  agricole  décennale  de 
1882  :  en  surface  agricole,  639,094  hect.,  et  en  surface 
non  agricole,  33,073  hect.,  celle-ci  comprenant  les  empla- 
cements bâtis,les  étangs,  cours  d'eau,  routes,  cimetières, etc. , 
la  première  se  décomposant  en  portion  non  cultivée,  savoir  : 
landes,  pâtis,  bruyères,  171,080  hect.  ;  terrains  rocheux 
et  de  montagnes  incultes,  44,503  hect.  ;  terrains  maréca- 
geux, 11,777  hect.  ;  tourbières,  2,510  hect.  ;  total, 
229,870  hect.  ;  et  en  portion  cultivée,  comprenant  :  terres 
labourables,  316,393  hect.  ;  prés  naturels,  44,891  hect.; 
herbages  permanents,  7,643  hect.;  bois  et  forêts, 
34,221  hect.  ;  vergers,  5,655  hect.  ;  jardins  de  plaisance 
et  parcs,  421  hect.  ;  total,  409,224  hect. 

Le  tableau  suivant  montre  la  superficie  occupée  par  les 
diverses  cultures,  avec  leurs  rendements,  pour  l'année 
1889  : 


CULTURES 

SUPERFICIE 

RENDEMENT 

Froment 

Hectares 
50.125 
8.437 
32.225 
22.232 
33.981 
60.440 
119 

23.469 
9.617 

1.680 
1.637 

» 

» 

2.517 

347 

59.492 

Hectolitres 

815.327 

139.415 

463.195 

471.210 

583.319 

1.415.164 

1.125 

Quintaux 

1.971.012 

1.763.315 

graine  :    6.715 

filasse:    9.930 

graine  :    9.817 

filasse:  14.081 

1.120 

56 

76 

247.517 

Hectolitres 

cidre:    87.479 

Quintaux 

158.571 

12.090 

3.969.870 

Méteil 

Seigle 

Orge 

Millet 

Pommes  de  terre 

Betteraves  fourragères. 

Chanvre 

Lin 

Châtaignes 

Noix 

Pommes  à  cidres 

Prairies  artificielles.. 
Luzerne 

Prés  naturels 

—  495 


FINISTÈRE 


Ni  maïs,  ni  betteraves  a  sucre,  ni  tabac,  ni  houblon,  ni 
vignes,  ni  colza,  ni  sainfoin  ;  beaucoup  de  céréales,  autres 
que  le  froment,  et  de  blé  noir  (sarrasin),  ainsi  que  de 
plantes  textiles  ;  peu  de  prairies  artificielles,  consistant  en 
trèfle,  non  en  sainfoin,  que  l'on  ne  rencontre  guère  que 
dans  l'arr.  de  Châteaulin  ;  enfin,  abondance  de  prés  natu- 
rels. Quant  aux  pommiers  et  poiriers  à  cidre,  ils  sont 
répandus  dans  les  campagnes  en  quantités  innombrables. 
—  Les  genêts  remplacent  souvent  la  paille  pour  les  litières. 
Les  goémons  ou  varechs  du  littoral  servent  d'engrais,  et 
les  sables  calcaires  coquilliers  constituent  un  amendement: 
ces  sables  se  recueillent  principalement  dans  la  baie  bor- 
née par  les  dunes  de  Santec,  près  de  Saint-Pol-de-Léon  ; 
c'est  aussi  la  base  du  commerce  de  Pont- Aven.  L'île  Molène 
exporte  de  la  terre  végétale,  sous  le  nom  de  cendre  de 
Molène.  Si  les  terrains  non  cultivés  sont  en  proportion  si 
grande,  c'est  que  leurs  frais  de  culture  seraient  trop  con- 
sidérables pour  les  mettre  en  rapport  ;  cependant  on  draine 
les  marais  ;  on  a  ensemencé  de  pins  maritimes  les  dunes 
de  Santec  et  de  Lannévez,  et  une  grande  quantité  de  ter- 
rains arides  rocailleux  ont  pu  être  boisés,  notamment  dans 
les  montagnes  Noires  et  dans  les  monts  d'Arrée.  D'autre 
part,  il  est,  dans  le  Finistère,  des  localités  d'une  extrême 
fertilité,  par  exemple,  près  de  Pont-Croix  et  à  Roscoff,  et 
sur  presque  toute  la  côte  du  pays  de  Léon.  Le  climat  ai- 
dant, il  en  résulte  des  primeurs  de  légumes  au  printemps, 
qui  sont  expédiées  à  Paris,  en  Hollande,  en  Angleterre. 
Le  territoire  de  Plougastel,  dans  la  rade  de  Brest,  est  bien 
connu  par  ses  champs  de  fraisiers,  sans  compter  d'autres 
producteurs  de  fruits,  dont  30,000  kilogr.  sont  fournis 
journellement,  durant  la  saison,  à  la  consommation  de 
Paris. 

Le  Finistère  est  (avec  la  Seine,  la  Vendée  et  la  Manche) 
au  nombre  des  déparlements  qui  possèdent,  relativement  à 
leur  superficie,  la  moindre  étendue  de  bois  :  32,920  hect., 
dont  3,558  à  l'Etat.  Ses  principales  forêts  sont  celles  de 
Carnoët  (750  hect.),  au  S.  de  Quimperlé,  sur  la  rive  droite 
de  laLaïta;  de  Landerneau  (655  hect.),  sur  la  rive  droite 
de  l'Elorn  ;  de  Cranou,  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  du 
Faou,  et  à  l'E.  de  Rumengol,  sombre  et  formée  de  chênes 
et  de  hêtres  séculaires.  Nommons  encore  :  la  forêt  de  Bré- 
zal,  près  de  l'Elorn,  les  bois  dits  de  Rolzach,  de  Rosca- 
nou,  duFolgoat,  deux  petites  forêts  domaniales  près  Scaër, 
de  Coatloch,  sur  les  bords  de  l'Aven,  et  de  Cascadec,  sur 
ceux  de  l'Isolle,  les  futaies  sombres  de  Toulaëron,  la  forêt 
de  Laz,  les  bois  dits  de  la  Lande  et  de  Hellas,  enfin  les 
forêts  du  Duc  et  deNévet,  près  de  Locronan. 

On  comptait,  dans  le  département,  au  31  déc.  4889, 
comme  têtes  d'animaux  :  espèce  chevaline,  105,847  ;;mu- 
lassière,  néant;  asine,  67;  bovine,  420,954;  ovine, 
70,560;  porcine,  99,475;  caprine,  2,007.  Les  produits 
des  animaux  ont  consisté  en  :  lait,  1,915,239  hectol.  ;  laine, 
1,739  quint.;  nombre  de  ruches  d'abeilles,,  63,472; 
miel,  182,319  kilogr.;  cire,  51,215  kilogr.  Le  Finistère 
est  un  des  trois  départements  possédant  le  plus  de  che- 
vaux ;  la  plus  grande  partie  est  de  la  race  de  Léon.  Les 
«  doubles  bidets  »,  notamment  de  Briec,  sont  renommés. 
Les  bêtes  bovines  appartiennent  à  la  race  bretonne  ou  pie- 
noire,  et  à  la  race  léonaise.  Une  grande  proportion  des 
moutons  se  trouve  dans  l'île  d'Ouessant.  —  Le  Finistère 
n'est  pas  seulement  un  département  maritime,  il  est  encore 
essentiellement  agricole.  —  Ecole  pratique  d'agriculture  et 
d'irrigation  du  Lézardeau  (près  Quimperlé)  ;  école  de  lai- 
terie de  Kerliver  (corn,  de  Hanvec)  ;  chaire  d'agriculture  à 
Quimper  ;  stations  agronomiques,  au  Lézardeau  et  à  Mor- 
laix ;  cours  d'agriculture  et  de  zootechnie  à  Quimperlé. 

Industrie.  —  Elle  joue  ici  un  rôle  secondaire  par  rap- 
port à  l'agriculture.  En  1888,  il  y  avait,  dans  le  dép.  du 
Finistère,  185  établissements  industriels  faisant  usage  d'ap- 
pareils à  vapeur.  Ces  appareils,  au  nombre  de  260  (non 
compris  ceux  des  chemins  de  fer  et  des  bateaux),  d'une 
force  totale  de  3,867  chevaux-vapeur,  se  divisent  ainsi 
qu'il  suit. 


96  machines  fixes  d'une  force  de  2,186  chevaux-vapeur. 
75      —       mi-fixes        —  767  — 

88      —       locomobiles  —  894  — 

1      —       locomotive    —  20  — 

Cette  force  se  répartissait  de  la  manière  suivante  entre 
les  principaux  groupes  industriels  : 

Mines  et  carrières 316  chevaux-vapeur. 

Usines  métallurgiques 116  — 

Agriculture 88  — 

Industries  alimentaires 254  — 

Industries  chimiques  et  tanneries.        81  — 

Tissus  et  vêtements 351  — 

Papiers,  objets  mobiliers,  instru- 
ments        159  — 

Bâtiments  et  travaux 334  — 

Services  publics  de  l'Etat 2,168  — 

La  quantité  de  combustibles  minéraux  consommés  a  été 
de  76,200  tonnes,  d'une  valeur  moyenne,  sur  les  lieux  de 
consommation ,  de  25  fr.  83 ,  représentant  une  somme 
de  1,968,246  fr.   La  production  de  la  houille  ou  de  l'an- 
thracite est  nulle  ;  la  tourbe  est  utilisée  comme  combustible 
en  certaines  localités  (Saint-Michel,  Spézet,Fouesnant,  etc.). 
Les  mines  de  plomb  argentifère  de  Huelgoat  et  de  Poul- 
laouen,  quoiqu'elles  soient  les  plus  riches  de  France,  sont 
inexploitées  depuis  un  certain  nombre  d'années.  On  trouve, 
en  un  grand  nombre  de  points  du  département,  des  car- 
rières de  granit,  employé  pour  la  bâtisse  et  le  pavage  (gra- 
nité porphyroïde  gris,  de  Concarneau  à  Pont- Aven),  le  gra- 
nit rose  de  Lanildut  et  de  Lampaul-Plouarzel  est  employé 
principalement  pour  la  construction  (hôpital  de  Brest)  et 
à  l'édification  de  piédestaux  (de  l'obélisque  de  Louqsor, 
de  la  statue  de  Laënnec,  à  Quimper),   de  colonnes,    de 
tombes,  etc.  Le  polissage  en  fait  une  pierre  ornementale. 
On  emploie  le  kersanton  pour  les  mêmes  usages  ;  c'est  la 
pierre  tumulaire  par  excellence,  et  celle  cpii  entrait,  au 
moyen  âge,  dans  la  construction  des  églises  et  des  cal- 
vaires. Carrières  et  exploitation  de  gros  blocs,  du  Faou  à 
Landerneau,  dans  les  anses  et  estuaires,  à  Logonna,  à 
l'Hôpital-Camfrout  et  jusqu'à  Rumengol,   etc.  Le  gneiss 
sert  pour  la  bâtisse  commune.  Le  micaschiste  du  Conquet 
est  employé  pour  dalles.  Le  porphyre  quartzifère  de  Pile- 
Longue,  dans  la  rade  de  Brest,  sert  pour  le  pavage  de  la 
ville.  On  exploite  à  Lauberlach  un  pétrosilex  jaune   et 
tendre,  peu  usité  aujourd'hui  en  raison  de  sa  facile  décom- 
position ;  il  a  servi  principalement  dans  les  constructions 
de  Brest  des  xme  et  xive  siècles,  telles  que  certaines  tours 
du  château.  Il  existe  du  kaolin  à  Tromeur,  Plouvorn,  l'île 
de  Siec,  Saint-Urbain,  Treflévénez,  dont  la  carrière  ali- 
mente la  fabrique  de  Daoulas  ;  de  L'argile  à  poterie  à  Toul- 
ven,  près  de  Quimper,  à  Lannilis  ;  des  argiles  à  briques, 
à  Landévennec,  Roscanvel,  etc.  Les  phyllades  de  Douar- 
nenez  fournissent  des   ardoises   grossières.   Les   ardoi- 
sières des  arr.   de  Châteaulin  et  de   Morlaix  emploient 
environ  1,000  ouvriers  et  fournissent  annuellement  près  do 
30,000  milliers  d'ardoises,  pour  une  valeur  de  500,000  fr. 
C'est  le  premier  de  ces  arrondissements  qui  est  de  beau- 
coup le  plus  productif.   Le  calcaire  (Ile-Ronde,  etc.)  est 
exploité  pour  fabriquer  de  la  chaux  grasse  et  de  la  chaux 
hydraulique,  étant  unie  avec  la  grauwacke  du  voisinage. 
On  utilise  les  sources  sulfurées  sodiques  de  Kerlouan. 

L'industrie  métallurgique  est  surtout  représentée,  pour 
le  compte  de  l'Etat,  dans  le  port  militaire  de  Brest,  par 
des  appareils  considérables,  fours  pour  fonderie,  grosse 
chaudronnerie,  forges,  etc.  On  peut  citer,  en  outre,  les 
forges  de  Lanmeur,  les  fonderies  de  fer  de  Landerneau, 
Quimper,  Morlaix,  Lambézellec;  les  fonderies  de  cuivre  de 
plusieurs  de  ces  localités  ;  les  clouteries  de  Crozon,  Mor- 
laix, etc.  ;  les  londeries  de  cloches  de  Quimper  ;  les  fa- 
briques de  machines  agricoles  de  Landerneau,  etc. 

En  outre  des  grands  ateliers  de  construction  maritime 
au  port  militaire,  il  est,  sur  une  échelle  plus  modeste, 
des  chantiers  de  construction  de  bateaux  à  Concarneau, 


FINISTÈRE 


-  496  — 


Douarnenez,  Port-Launay,  Roscoff,  Landerneau,  etc.  — 
Il  existe  des  fabriques  de  produits  chimiques,  tirés  des  va- 
rechs du  littoral,  notamment  la  fabrique  d'iode  et  de  pro- 
duits accessoires  du  Conquet,  celles  de  Ploudalmézeau, 
Pont-1'Abbé,  l'Aber-Vrac'h,  Guipavas,  Audierne,  etc.  ;  des 
fabriques  d'huile  de  lin,  d'acide  stéarique  et  de  bougies,  à 
Landerneau  (produit  2  millions  par  an),  à  Quimper  (65  ou- 
vriers) ;  deux  fabriques  de  savon  (45  ouvriers)  ;  une  fa- 
brique de  soude  de  varech,  à  Lampaul-Plouazel  et  une 
raffinerie  de  soude  à  Landerneau,  où  se  trouvent  aussi 
d'importantes  tanneries,  de  même  qu'en  plusieurs  autres 
localités;  fabriques  d'engrais  (Brasparts).  La  poudrerie  du 
Pont-de-Buis  fabrique  annuellement  200,000  kilogr.  de 
poudre  ordinaire  et  pyroxylée;  celle  du  Moulin-Blanc  fa- 
brique du  coton-poudre.  La  manufacture  de  tabac  de  Morlaix 
emploie  1,750  ouvriers  et  ouvrières,  et  fournit  annuellement 
2,400,000  kilogr.  de  tabac.  Les  usines  à  gaz,  en  1886, 
étaient  au  nombre  de  7  ;  éclairage  électrique  à  Châteaulin.  La 
minoterie  a  plusieurs  établissements,  surtout  à  Pont- Aven, 
dite  la  ville  des  Meuniers.  Dans  le  port  militaire  de  Brest, 
on  fabrique  du  biscuit  de  mer.  Le  Finistère  fabrique  de 
grandes  quantités  de  beurre.  On  y  trouve  des  brasseries, 
des  fabriques  de  chocolat,- des  féculeries,  des  fabriques  de 
conserves  alimentaires  (Douarnenez,  Audierne,  Concar- 
neau,  etc.)  et  des  fabriques  annexes  de  la  pêche  de  la  sar- 
dine en  vue  de  sa  conservation,  par  le  sel,  en  barils,  ou 
dans  l'huile  en  des  boîtes  de  fer-blanc. 

Les  industries  textiles  sont  importantes  dans  le  dépar- 
tement. La  société  linière  du  Finistère  possède  à  Lander- 
neau un  magnifique  établissement,  dont  les  ateliers  de  pré- 
paration de  Morlaix  et  la  filature  de  Landivisiau  (976  ou- 
vriers) ne  sont  que  des  annexes.  Cette  manufacture  emploie 
2,400  ouvriers;  elle  fournit  par  an  1,400,000  kilogr.  de  fil 
de  lin  et  d'étoupes  et  1 ,800,000  m.  de  toiles.  On  en  fabrique 
en  d'autres  lieux;  Morlaix  et  Le  Stanc  (près  de  Saint-Pol- 
de-Léon)  ont  des  tissages  mécaniques  de  lin,  et  Guimiliau, 
une  blanchisserie  de  fil.  Les  corderiesde  l'arsenal  maritime 
sont  remarquables.  La  céramique  comptait  dans  le  Finis- 
tère, en  1886,  4  établissements,  220  ouvriers,  une  force 
de  25  chevaux- vapeur,  et  ses  produits  étaient  représentés 
par  50,000  fr.  de  porcelaine  ordinaire  et  650,000  fr.  de 
faïence.  La  faïence  artistique  décorée  de  Quimper  est  re- 
marquable ;  Daoulas  consomme  sa  porcelaine  dans  la  ré- 
gion. Lannilis  se  fait  remarquer  par  ses  fabriques  de 
poteries.  Des  papeteries  se  trouvent  en  plusieurs  lieux 
(Quimper,  Scaër,  Morlaix,  Pleyber-Christ,  Quimperlé). — 
L'architecture  et  la  sculpture  ont  conservé  dans  le  Finis- 
tère les  anciennes  traditions  et  mettent  en  œuvre  les 
mêmes  pierres  dans  la  construction  des  églises  modernes 
et  dans  leur  ornementation,  ainsi  que  pour  les  tombes  ar- 
tistiques. —  Le  Finistère  est  au  nombre  des  départements 
qui  n'ont  pas  eu  dégrèves  en  1888  (36  dép.  sont  dans  le 
cas  contraire).  —  Il  y  avait,  en  1890,  12  syndicats  pro- 
fessionnels, dont  8  agricoles  et  4  patronaux,  sans  syndicats 
ouvriers  ni  syndicats  mixtes;  11  départements  seulement 
se  trouvent  dans  ce  dernier  cas. 

Pêche  maritime.  —  La  grande  pèche  maritime  de  la 
morue,  qui  commence  à  Dunkerque,  s'arrête  dans  le  dép. 
des  Côtes-du-Nord,  à  Tréguier.  Les  quartiers  de  pêche, 
depuis  Morlaix  jusqu'à  Concarneau,  terminent  le  2e  arr. 
maritime  et  appartiennent  au  Finistère.  La  statistique  a 
fourni,  pour  1888,  les  chiffres  que  donne  le  tableau  au  haut 
de  la  colonne  suivante. 

Pour  l'ensemble  de  ces  quartiers,  on  obtient  les  totaux  : 
maquereaux,  anchois,  poissons  divers,  5,498,770  kilogr.  ; 
moules  et  autres  coquillages,  17,955  hectol.  ;  homards  et 
langoustes,  557,314;  crevettes,  crabes  et  araignées  de 
mer,  32,322  kilogr.;  amendements  marins  (maerl), 
556,387  m.  c.  —  Les  huîtres  sont  comptées  pour  169,000 
comme  le  fruit  de  la  pêche.  D'autres  sont  nées  ou  élevées 
dans  les  parcs.  C'est  la  pêche  maritime,  et  particulière- 
ment celle  de  la  sardine,  qui  constitue  l'industrie  la  plus 
considérable  du  département.  Pour  celle-ci,  les  principaux 


QUARTIERS 

DE  PÊCHE 


Morlaix 

Roscoff 

L'Aber-Vrac'h 
Le  Conquet... 

Brest 

Camaret 

Douarnenez. . . 

Audierne 

Quimper 

Concarneau. . . 


03  O 

§  o 


637 
900 
1.101 
1.407 
1.217 
1.443 
4.165 
1.970 
1.710 
3.399 


218 
319 
73 
469 
268 
365 
771 
378 
379 
672 


705 
146 
938 
1.313 
1.731 
4.626 
1.500 
1.713 
3.323 


«  d  C 


238.536 

456.335 

409.554 

817.158 

653.168 

319.510 

1.119.372 

817.348 

1.293.931 

1.638.483 


5.000.000 


42.198.000 

92.386.500 

64.190.000 

114.910.000 

227.644.000 


ports  qui  arment  sont  ceux  de  Douarnenez  et  de  Concar- 
neau. Ce  dernier  possède  un  aquarium,  d'où  l'on  expédie 
une  grande  quantité  de  homards  et  de  langoustes,  en 
même  temps  qu'il  est  utilisé  pour  des  études  scientifiques. 
Des  huîtrières  ont  été  établies  comme  annexes  dans  la  baie 
de  la  Forêt,  et  il  en  existe  aussi  à  Riec.  Un  vivier-labo- 
ratoire a  été  également  créé  à  Roscoff;  c'est  une  annexe  de 
la  Sorbonne.  Un  vivier  industriel  de  homards  et  de  lan- 
goustes en  est  indépendant.  —  L'état  de  l'ostréiculture, 
dans  le  Finistère,  était,  pour  1886  : 


CENTRES 

OSTRÉICOLES 


Brest 

Douarnenez. 
Audierne  . . . 

Quimper 

Concarneau, 


ENTREES 

dans  les  parcs 


442 

2 

1.660 

324 

4.060 


13.218 

610 

4.700 

6.680 

12.240 


3 

150 

283 

1.170 


942 

19 

1.460 

687 
5.102 


W  ©  «  ft 

>    s+» 


72.488 

592 

15.830 

54.085 

341.495 


Il  n'y  a  que  des  huîtres  indigènes,  non  des  huîtres  por- 
tugaises. —  La  pisciculture  est  importante.  C'est  par  di- 
zaine de  milliers  qu'il  faut  compter  les  alevins  de  saumons 
immergés  dans  divers  cours  d'eau. 

Commerce  et  circulation.  —  Les  articles  exportés  par 
le  dép.  du  Finistère  (à  Paris,  dans  le  Nord,  à  Bor- 
deaux, en  Angleterre,  etc.)  consistent  dans  les  matériaux 
mêmes  de  son  sol  :  kersanton,  granité,  porphyres;  dans 
les  produits  de  l'agriculture  :  grains,  légumes  (de  Roscoff), 
fruits  (de  Plougastel),  farine,  cidre,  beurre;  ou  dans  ceux 
de  l'élevage  :  chevaux,  bœufs,  vaches  bretonnes,  porc  salé, 
miel  et  cire  ;  ou  de  la  pêche  :  poissons,  crustacés,  sardines 
à  l'huile  ;  et  de  l'industrie  de  ses  matières  premières  :  cuirs, 
fils  et  toile  de  lin,  produits  chimiques  des  goémons;  ou 
de  l'industrie  de  matières  importées  :  tabacs  préparés.  — 
Ce  département,  très  peuplé  et  situé  dans  un  climat  spé- 
cial, ne  saurait,  comme  ceux  du  littoral  S.-O.  plus  échauf- 
fés par  le  soleil,  suffire  à  tous  les  besoins  variés  de  l'ali- 
mentation. Il  importe  des  vins  et  eaux-de-vie,  du  sel,  des 
huiles,  du  sucre,  en  outre  des  denrées  coloniales  ;  il  im- 
porte aussi  de  la  verrerie,  des  articles  de  nouveauté  ;  des 
fournitures  pour  la  marine,  du  goudron,  de  la  houille 
(environ  530,000  quint,  met.)  provenant  du  bassin  de  la 
Loire  et  d'Angleterre,  des  feuilles  de  tabac  (plus  de  2  mil- 
lions et  demi  de  kilogr.). 

Les  ports  maritimes  du  Finistère,  sur  le  littoral,  dans 
les  îles,  en  rade  de  Brest,  dans  les  rivières,  sont  au 
nombre  de  près  de  soixante-dix.  Plusieurs  ne  sont  que  des 
ports  de  refuge  ;  le  commerce  des  autres  ne  consiste  guère 
que  dans  le  cabotage,  non  dans  le  long  cours.  Le  mouve- 
ment commercial  des  46  ports  principaux  avait  été,  en 
1885,  de  776  navires  à  l'entrée  et  de  4,058  à  la  sortie. 
Les  marchandises  importées  avaient  un  poids  de  404,460 
tonnes,  et  celles  exportées  un  poids  de  426,450  tonnes. 


La  statistique  fournit,  en  1889,  pour  le  port  de  commerce 
de  Brest  :  commerce  général,  importations  et  exportations 
réunies,  poids  des  cargaisons  :  65,123  ton.  ;  cabotage, 
entrées  et  sorties  :  108,509  ton. 

Le  mouvement  commercial  intérieur  consiste,  dans  les 
500  foires,  comme  objets  de  transactions,  en  :  beurre, 
grains,  bestiaux,  chevaux,  toiles,  cire  et  miel. 

Le  département  est  traversé  par  7  chemins  de  fer 
(357  kil.)  :  1°  Le  chemin  de  fer  de  Paris  à  Brest  (Compa- 
gnie de  T Ouest)  entre  dans  le  Finistère  à  1  kil.  au  delà 
de  la  station  de  Plounérin  (Côtes-du-Nord). !  Il  a  pour  sta- 
tions Plouignau,  Morlaix,  où  il  passe  sur  un  viaduc  fa- 
meux, à  58  m.  au-dessus  de  la  ville,  Pleyber-Christ,  Saint- 
Thégonnec,  Landivisiau,  La  Roche,  Landerneau,  Kerhuon, 
Le  Rody  et  Brest.  Parcours,  82  kil. —  2°  Le  chemin  de  fer 
de  Morlaix  à  Roscoff  (28  kil.)  par  Taulé-Henvic,  Ploué- 
nan  et  Saint-Pol-de-Léon. —  3°  Le  chemin  de  fer  de  Nantes 
à  Landerneau  (Compagnie  d'Orléans)  pénètre  dans  le  Fi- 
nistère à  4  kil.  au  delà  de  la  gare  de  Gestel  (Morbihan). 
Il  dessert  Quimperlé,  Bannalec,  Rosporden,  Quimper, 
Quéménéven,  Châteaulin,  Le  Drénit,  Quimerc'h,  Hanvec, 
Daoulas,  Dirinon,  et  se  raccorde  à  Landerneau  avec  la  ligne 
de  Paris  à  Brest,  136  kil.  —  Il  a  les  trois  embranchements  : 
4°  de  Rosporden  à  Concarneau  (16  kil.),  avec  une  seule 
station  intermédiaire,  La  Boissière  ;  5°  de  Quimper  à  Pont- 
FAbbé  (22  kil.),  dessert  Pluguffan  et  Combrit-Tréméoc. 
6°  de  Quimper  à  Douarnenez  (24  kil.)  ;  stations  :  Guengat 
et  Le  Juch. — 7°  Une  ligne  à  voie  étroite  a  été  ouverte  récem- 
ment (1892)  de  Morlaix  à  Carhaix  (49  kil.);  stations  : 
Plougonven-Plourin,  Le  Cloître-Lanneanou,  Scrignac-Ber- 
rien,  Huelgoat-Locmaria,  Poullaouen.  Mentionnons,  pour 
terminer  la  liste  des  chemins  de  fer  d'intérêt  général, 
réseau  breton  :  une  ligne  en  construction  de  Carhaix  à 
Rosporden  et  une  autre  à  commencer  en  1893  de  Carhaix 
à  Châteaulin.  Enfin,  une  ligne  d'intérêt  local  en  construc- 
tion, de  Brest  à  Ploudalmézeau. 

Il  y  avait,  en  1888,  418  kil.  de  routes  nationales  sur 
lesquelles  la  circulation  moyenne  était  de  168  colliers  ; 
517  kil.  1/2  de  routes  départementales  et  6,231  kil.  1/2 
de  chemins  vicinaux,  en  1889.  Total  des  voies  de  com- 
munication par  terre,  7,475  kil.  Les  voies  navigables 
comprennent  121kil5  de  rivières,  81kil5  pour  le  canal, 
soit  en  tout  203  kil.,  et  en  y  ajoutant  les  7,475  kil.  pré- 
cédents, on  obtient  le  chiffre  de  7,678  kil.  pour  les  voies 
intérieures.  Le  Finistère  comptait,  en  1888,  18  bureaux 
de  poste,  28  bureaux  télégraphiques  et  46  bureaux 
mixtes.  Le  mouvement  postal  a  donné  un  produit  net  versé 
au  Trésor  de  710,866  fr.  32,  et  le  mouvement  télégra- 
phique, de  182,798  fr.  35.  Il  y  a  actuellement  (1892) 
790  kil.  de  lignes  télégraphiques,  77  bureaux  télégraphiques 
et  49  mixtes,  22  sémaphores,  desservis  par  des  agents  de 
la  marine,  9  câbles  atterris  aux  côtes  du  département. 

Finances.  —  Le  dégrèvement  de  la  propriété  non  bâtie, 
accordé  en  1891,  a  été  pour  le  Finistère,  sur  un  revenu 
net  imposable  de  27,213,117  fr.,  le  principal  de  la  con- 
tribution foncière  enl890 étant  de  1, 095,453 fr.:  69,518; 
reste  1,025,935  pour  le  principal  en  1891  ;  la  taxe  de 
l'impôt  avant  le  dégrèvement  était  4,03  °/0;  elle  est  deve- 
nue 3,77  après  le  dégrèvement.  Le  département  a  fourni 
(exercice  1888)  au  Trésor  un  total  de  32,615,239  fr.  05, 
dont  3,247,361  fr.  79  au  deuxième  budget  sur  res- 
sources spéciales,  et  29,367,877  fr.  26  au  budget  ordi- 
naire,où  l'on  remarque  :  douanes,  1,831,842  fr.  28.  Le 
nombre  des  communes  à  octroi  étant  181,  le  produit  des 
octrois  (1889)  a  été  de  1,746,321  fr.  (taxes  ordinaires) 
plus  173,866  fr.  (taxes  extraordinaires  et  surtaxes). 

Etat  intellectuel  du  département.  —  La  statis- 
tique de  l'instruction,  si  l'on  se  fonde  sur  le  nombre 
d'époux  et  d'épouses  qui  n'ont  pu  signer  que  d'une 
croix  leur  acte  de  mariage,  donne  au  dép.  du  Finis- 
tère, dans  la  période  1867-1876  (sur  87  départements), 
le  84e  rang;  après,  viennent  la  Corrèze  (85e),  la  Haute- 
Vienne   (86e)  et  le  Morbihan  (87e),  et  immédiatement 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


7  —  FINISTÈRE 

avant,  les  Côtes-du-Nord  (83e).  Dans  la  période  suivante 
(1871-1886),  le  Finistère  est  au  dernier  rang,  précédé  par 
le  Morbihan  (86e),  la  Corrèze  (85e),  la  Haute-Vienne  (84e) 
et  les  Côtes-du-Nord  (83e).  D'une  période  à  l'autre,  il  y 
avait  eu  progrès,  il  est  vrai  ;  le  nombre  des  illettrés  avait 
diminué  d'un  dixième  dans  le  Finistère;  seulement  ce  pro- 
grès a  été  plus  marqué  dans  les  départements  ici  comparés 
entre  eux.  Si  Ton  prend  pour  critérium  le  degré  d'instruc- 
tion des, conscrits,  on  trouve,  dans  la  classe  1888,  la  pro- 
portion de  27,9  illettrés  par  100  examinés  :  c'est  le  86e 
rang  ;  le  Morbihan  vient  après  (87e),  et  avant,  ce  sont  les 
Landes  (85e),  puis  la  Haute-Vienne  (84e),  la  Corse  (83e), 
les  Côtes-du-Nord  (82e)  et  la  Corrèze  (81e).  Il  y  a  lieu  de 
remarquer,  pour  les  départements  de  la  Basse-Bretagne, 
que  la  langue  bretonne  y  est  très  répandue,  usitée  dans  la 
plus  grande  partie  du  Finistère,  parlée  et  écrite,  et  que 
beaucoup  d'habitants  s'en  servent  habituellement,  tout  en 
comprenant  le  français,  qu'ils  se  font,  d'ailleurs,  honneur 
de  connaître.  L'enseignement  primaire  (année  scolaire) 
(1888-1889)  comportait,  dans  le  département  :  1°  42  écoles 
maternelles,  laïques  et  congréganistes,  publiques  ou  pri- 
vées, avec 8,619  enfants;  2°  les  écoles  primaires,  laïques 
et  congréganistes,  publiques  ou  privées,  au  nombre  de  835, 
avec  100,920  élèves;  l'enseignement  primaire  supérieur 
(1886-1887)  a  eu  62  élèves,  les  cours  d'adultes,  112  jeunes 
gens,  les  écoles  normales,  22  élèves-instituteurs-  et  21  élèves 
institutrices  (V.  art. Enseignement).—  Pour  1891-1892,  on 
a  compté  :  lycée  de  Brest,  800  élèves  ;  lycée  de  Quimper, 
265;  collège  de  Saint-Pol-de-Léon,  3Ï3;  de  Lesneven, 
400  ;  de  Morlaix,  315;  lycée  de  filles,  de  Brest,  94. 

Le  département  possède  des  musées  :  archéologique,  de 
beaux-arts,  ethnographique  (1884),  à  Quimper;  de  beaux- 
arts  et  d'histoire  naturelle  (1877),  à  Brest;  d'histoire 
naturelle  et  divers,  à  Morlaix  (1873).  Les  sociétés  savantes 
sont  :  la  Société  archéologique  du  Finistère,  à  Quimper; 
la  Société  d'émulation  de  Brest  (1832);  académique  de 
Brest  (1858);  d'études  scientifiques  du  Finistère  à  Mor- 
laix (1878). 

Etat  moral  du  département.  —  En  1888,  il  est 
passé  en  cour  d'assises  72  accusés  dont  24  ont  été  con- 
damnés à  des  peines  afflictives  et  infamantes.  Les  tribu- 
naux correctionnels  ont  connu  de  3,050  affaires.  On 
remarque  le  nombre  élevé  des  prévenus  jugés  pour  délit* 
d'ivresse,  savoir  821 ,  le  nombre  qui  vient  ensuite  est  435 
(Seine-Inférieure),  puis  on  tombe  à  144  (Loire-Inférieure), 
tous  départements  où  il  y  a  de  grandes  villes  maritimes  et 
non  situés  au  midi.  Le  nombre  des  contraventions  de 
simple  police  a  été  de  11,439.  Il  y  eut  90  suicides, 
13  divorces,  21  séparations  de  corps.  —  Les  bureaux 
de  bienfaisance,  au  nombre  de  43,  ont  secouru  15,680 
individus;  23  établissements  hospitaliers,  possédant 
1,951  lits,  ont  reçu  808,694  fr.  et  dépensé  727,322  fr.; 
on  y  a  soigné  2,384  hommes,  1,302  femmes,  264  enfants. 
Le  mouvement  des  infirmes,  vieillards  et  incurables  s'ex- 
prime par  196,402  journées  de  présence.  Le  service  des 
enfants  assistés  a  secouru  à  l'hospice  ou  à  la  campagne 
260  garçons  et  195  filles,  et  à  domicile  173  garçons  et 
177  filles  ;  à  Y  asile  d'aliénés  départemental  Saint-Atha- 
nase,  à  Quimper,  il  y  avait  à  la  fin  de  l'année  un  existant 
de  494.  —  Le  mont-de-piété  de  Brest  a  reçu  31,855 
articles  engagés  sur  lesquels  303,072  fr.  ont  été  prêtés. 
Le  nombre  des  versements  à  la  caisse  des  retraites  a  été 
(1889)  de  6,410,  pour  un  total  de  85,267  fr.  Les  huit 
caisses  d'épargne  ont  ouvert,  pendant  l'année  1888, 
7,417  livrets  nouveaux  ;  il  en  restait  au  31  déc.  61,400, 
d'une  valeur  moyenne  de  613  fr.  Pour  la  caisse  d'épargne 
postale,  l'excédent  des  versements  sur  les  remboursements 
(en  1889)  a  été  de  297,999  fr.  39  et  le  nombre  de  livrets 
existant  au  31  déc.  était  de  9,333.  Les  libéralités  aux  éta- 
blissements publics  ont  été  de  110,553  fr.  (en  1888).  Les 
39  sociétés  de  secours  mutuels  ont  compté  26, 303  jour- 
nées de  maladie  et  possédaient  un  avoir  disponible,  au 
31  déc,  de  107,713  fr.  pour  les  32  sociétés  approuvées,  de 

32 


FINISTÈRE  —  FINLANDE 


-  498  — 


37,919  fr.  pour  les  7  autorisées.  —  La  Société  centrale 
de  sauvetage  des  naufragés  a  des  canots,  pour  le  Finis- 
tère, à  Roscoff,  Pontusval,  l'Aber-Vrac'h,  Porsal,  Lam- 
paùl,  la  baie  de  Stiff  (île  d'Ouessant),  l'île  Molène,  au 
Conquet,  à  Camaret,  Douarnenez,  l'île  de  Sein,  Àudierne, 
Penmarc'h,  à  la  pointe  de  l'Esconil,  aux  Glénans.  La  Société 
des  hospitaliers-sauveteurs  bretons  a,  dans  le  départe- 
ment, des  stations  à  Morlaix,  au  port  de  commerce  de 
Brest,  à  Port-Launay,  Quimper,  Bénodet,  Concarneau, 
Pontaven,  Quimperlé.  Ch.  Delavaud. 

Bibl.:  E.  Reclus,  Géogr.  univ.,  t.  II,  la  France,  1877, 
p.  593.  —  Carte  de  France  de  l'état-major,  au  80,000e,  feuil. 
40,  41,  56,  57,  58,  72,  73,  87,  88.  —  Carte  de  la  France,  du 
ministère  de  l'intérieur,  au  100,000e,  feuil.  11-14.  11-15, 11-16, 
111-14,  111-15,  111-16, 111-17,  IV-14  à  17,  V-14  à  17.  —  Cam- 
bry,  Voyage  dans  le  Finistère  (en  1794),  revu  et  augmenté 
par  Em.  Souvestre;  Brest,  1835.  —  Em.  Souvestre,  le 
Finistère  en  1836  ;  Brest,  1838,  in-4.  —  Petite  Géographie 
du  Finistère,  1873  (collect.  Levasseur).  —  Joanne,  Géo- 
graphie du  Finistère,  1887.  —  Du  même,  Itinéraire  de  la 
France  ;  Bretagne,  1880.  —  Annuaire  du  dép.  du  Finistère  ; 
Quimper,  1892.  —  Ports  maritimes  de  France,  t.  III, 
1878;  t.  IV,  1879.  —  Pol  de  Courcy,  De  Rennes  à  Brest, 
1864.  —  Du  même,  De  Nantes  a  Brest,  1865.  —  Carte  géo- 
logique de  France,  au  5,600,000e,  d'après  celle  de  Du- 
fresnoy  et  Elie  de  Ëeaumont,  et  la  carte  lithologique  ma- 
rine de  Delesse,  dans  Reclus,  t.  II,  p.  16.  —  Carte  géolo- 
gique de  la  France,  ministère  des  travaux  publics, 
d'ensemble  en  4  feuil.  —  La  même,  détaillée,  feuil.  72 
(Quimper),  73  (Châteaulin),  87  (Pont-1'Abbê),  88  (Lorientet 
Quimperlé).  —  De  Lapparent,  Traité  de  géologie,  1885.  — 
E.  de  Fourcy,  Carte  géologique  du  Finistère,  et  texte  ; 
Paris,  1844.  —  Ch.  Barrois,  Mémoires  divers  sur  les  ter- 
rains de  Bretagne,  dans  Bull,  de  la  Soc.  géol.  du  Nord, 
t.  IV,  VI,  VII,  VIII,  X,  XI,  XII.  —  Du  même,  les  Erup- 
tions du  Ménez-Hom,  1891.  —  Ch.  Delavaud,  Sur  une 
Forêt  sous-marine  dans  l'anse  de  Sainte-Anne,  dans  Bull. 
Soc.  académ.de  Brest,  1858.  —  Quénault,  les  Mouvements 
de  la  mer  ;  Coutances,  1869.  —  Libert  et  Miciol,  Cata- 
logue minéralogique  et  pétrologique  du  Finistère,  extrait 
du  Bull,  de  la  Soc.  d'étud.  scientif.  du  Finistère;  Morlaix, 
1885.  —  Borius,  le  Climat  de  Brest,  1877.  —  E.  Bouvet, 
le  Climat  de  la  Bretagne,  dans  Ann.  de  la  Soc.  météorolog. 
de  Fr.,  1880,  t.  XXVIII,  p.  164.  —  Lloyd  et  Foucaud,  Flore 
de  l'Ouest  de  la  France;  Nantes,  Paris,  Rochefort,  1886. 
—  Crouan  frères,  Florule  du  Finistère  ;  Brest,  1867.  — 
H.  de  Lauzanne,  Catalog.  des  animaux  vertébrés  de  Varr. 
de  Morlaix  et  du  Nord-Finistère  ;  Morlaix,  1883.—  F.  Da- 
niel, Faunemalacologique  des  env.  de  Brest,  dans  Journ. 
de  conchyliologie,  1883.  —  Hervé,  Catalog.  des  coléoptères 
du  Finistère,  extrait  du  Bull,  de  la  Soc.  d'étud.  scientif. 
du  Finistère,  1885  et  1886,  5e  et  6e  an.  —  Levot,  Histoire 
de  la  ville  et  du  port  de  Brest,  1864-1875,  5  vol.  —  Album 
de  statistique  graphique,  ministère  du  commerce,  de  l'in- 
dustrie et  des  colonies,  1889.  — Même  ministère,  Annuaire 
statistique  de  la  France,  14e  année,  1891.  —  Ministère  de 
l'intérieur,  Dénombrement  de  la  population  de  la  France 
et  de  l'Algérie  (1891);  Paris,  1892.  —  Annuaires  des  Fi- 
nances (1891);  des  Contributions  directes  (1892)  ;  des  Doua- 
nes (1891);  des  Travaux  publics  (1892);  de  l'Instruction 
publique  (1891);  de  l'Armée  française  (1891).  —  Almanach 
national,  1891.  —  E.  Levasseur,  la  Population  française; 
Paris,  1892,  3  vol.  (rubriques  Départements  et  Finistère). 

FINISTERRE.  Promontoire  de  la  côte  N.-O.  d'Espagne, 
par  42°  52'  45"  de  lat.  N.  et  41°  35'  43"  de  long.  0.  Il  ter- 
mine une  haute  colline  nommée  la  Nava  de  Finisterre, 
dominant  de  haut  l'Océan,  et  porte  avec  un  phare  de  pre- 
mier ordre  un  sémaphore,  le  premier  qui  ait  été  installé  en 
Espagne.  11  n'est  pas,  comme  on  le  dit  souvent,  le  point 
le  plus  occidental  de  l'Espagne  ;  il  est  dépassé  vers  l'O.  par 
le  cap  de  Torinana,  un  peu  au  N.  E.  Cat. 

FINK  (Gottfried-Wilhelm) ,  musicien  allemand,  né  à 
Suiza  sur  l'Ilm  le  7  mars  1783,  mort  à  Halle  le  27  août 
1846.  Très  jeune,  il  fut  sopranisteau  collège  de  Naumburg 
et  bientôt  se  livra  à  des  essais  de  musique  religieuse.  En 
1804,  il  étudia  la  théologie,  mais  continua  de  faire  de  la 
musique  et  publia  même  des  petits  recueils  de  chansons 
dont  il  avait  également  écrit  les  vers.  En  1812,  il  fonda 
une  maison  d'éducation  à  Leipzig  ;  en  1842,  il  fut  nommé 
professeur  de  musique  à  l'université  de  Leipzig,  mais  le 
désir  du  repos  lui  fit  bientôt  quitter  cette  position.  Comme 
écrivain  musical,  Fink  a  collaboré  à  VUniversal  Lexicon 
der  Tonkunst  de  Schilling,  à  YEncyclopédie  allemande 
de  Ersch  et  Gruber,  à  YAllgemeine  Musikzeitung  de 
Leipzig  (qu'il  dirigea  de  1827  à  1841),  au  Conversation' s 
Lexicon  publié  par  l'éditeur  Brockhaus.  C'est  dans  la  Mu- 


sikzeitung de  Leipzig  qu'a  paru  (1808-4809,  nos  13, 14 
et  15)  une  dissertation  de  Fink,  assez  superficielle,  sur  le 
rythme  et  la  mesure;  le  même  recueil,  concurremment  avec 
le  Magasin  des  Prédicateurs  chrétiens,  a  publié  ses  re- 
cherches sur  les  anciens  chants  d'église.  Il  a  fait  aussi  un 
ouvrage  intitulé  Erste  Wanderung  der  dltesten  Ton- 
kunst.., (Essen,  1831,  in-8),  d'une  érudition  imparfaite 
et  de  vues  générales  un  peu  bornées.  On  lui  doit  encore  un 
volume  de  poésies  (1813),  un  livre  pieux  intitulé  les  Dé- 
votions (1814)  et  un  recueil  de  serinons  (1815).  De'plus, 
il  a  écrit  plusieurs  ouvrages  d'enseignement  ou  de  polé- 
mique, Musikalische  Grammatik  oder  Unterricht  in  der 
Tonkunst  (1836)  ;   Wesen  und  Geschichte  der  Oper 
(1838)  ;  DerNeumusikalischeLehrjammer(iM^,  exa- 
men d'un  ouvrage  du  critique  Marx)  ;  System  der  mu- 
sikalischen  Harmonielehre  (1842)  ;  Der  Musikalische 
Hauslehrer  (1846)  ;  Musikalische  Compositionslehre 
(ouvrage  posthume).  Il  a  laissé  en  manuscrit  un  mauuel 
d'histoire  de  la  musique,  Handbuchder  allgemeinen  Ge- 
schichte der  Tonkunst...  Comme  musicien,  Fink  a  publié 
des  morceaux  pour  piano  et  violon,  des  mélodies  sur  des 
paroles  de  Gœthe,  des  trios  pour  les  voix,  des  chants  re- 
ligieux, chants  populaires,  etc.,  et  surtout  deux  recueils  qui 
ont  eu  un  grand  succès,  Die  deutsche  Liedertafel  et  Mu- 
sikalischer  Hausschatz  der  Deutschen.  Le  premier  de 
ces  recueils  (1846)  contient  cent  chants  à  quatre  parties 
pour  voix  d'hommes  ;  le  second  (1843)  contient  mille  lie- 
der,  chansons  et  mélodies  empruntés  aux  compositeurs  les 
plus  connus  et  les  plus  populaires  de  l'Allemagne.    A.  E. 
FINLANDAIS  (V.  Finlande,  Finn  et  Finnois). 
FINLANDE  (Le  titre  officiel  est  Storfurstendœme  dont 
la  traduction  exacte  est  :  grande-principauté  de)  {Fin- 
landia,  Suomi  ou  Suomen-Maa).  Géographie  phy- 
sique. ._  Contrée  comprise  entre  les  60e et  67edegré  de  lat. 
N.  et  le  19e  et  le  31e  degré  de  long.  E.  Elle  est  limitée  au  N. 
par  la  Laponie  norvégienne;  à  l'E.  par  les  gouvernements 
d'Arkhangelsk  et  d'Olonetz  ;  au  S.-E.  par  le  lac  de  Ladoga  et 
le  gouvernement  de  Saint-Pétersbourg  ;  au  S.  par  le  golfe  de 
Finlande  et  à  l'O.  par  le  golfe  de  Botnie  et  la  Suède.  Sup.  : 
373,603  kil.  q.  qui  se  décomposent  ainsi,  suivant  la  nature 
du  pays  :  60  °/0  de  forêts  et  de  contrées  rocheuses,  20  °/0 
de  marées  et  de  prairies,  12  °/0  de  lacs  et  8  %  seulement 
de  terrain  propre  à  l'agriculture.  La  plus  grande  longueur 
du  N.  au  S.  dépasse  1,100  kil.  ;  la  plus  grande  largeur, 
sous  le  62e  parallèle,  atteint  580  kil.  Tandis  que  la  partie 
septentrionale  de  la  Finlande  est  formée  par  une  succession 
de  chaînons  assez  élevés  ou  de  collines  ondulatoires,  le  pays 
situé  au  S.  du  cercle  polaire  s'abaisse  graduellement  pour 
aboutir  à  la  grande  plaine  du  centre  de  la  Russie.  Le  sys- 
tème orographique  du  Haldesjok  atteint  1,250  m.  d'alt. 
dans  la  Laponie  nord-occidentale,  tandis  que  le  Pallastun- 
turi,  deuxième  montagne  par  ordre  d'importance,  n'atteint 
que  85  m.  La  plus  grande  partie  de  l'intérieur  de  la  Fin- 
lande est  occupée  par  un  système  très  compliqué  et  étendu 
de  lacs  que  séparent,  à  une  ait.  moyenne  de  150  m.,  des 
terrasses  granitiques  ou  de  schistes  métamorphiques.  Ce 
plateau  granitique  s'incline  doucement  vers  l'océan  et  accuse 
une  perte  beaucoup  plus  rapide  vers  le  golfe  de  Finlande. 
Le  système  hydrographique  comprend  la  rivière-fron- 
tière Torneâ,  l'Uleâ,  le  Remijoki, le Ivalojoki,  le  Kyrœ,  etc., 
dont  la  plupart  forment  un  grand  nombre  de  lacs  et  servent 
de  voies  de  transport  et  de  communication.  Le  Torneâ  et 
l'Uleâ  alimentent  les  centres  commerciaux  très  importants 
du  même  nom.  L'Uleâ  prend  naissance  à  la  frontière  orien- 
tale et  traverse  FOstrobotnie  de  l'E.  à  l'O.,  y  formant 
plusieurs  lacs  (jarvi),  dont  le  plus  important  est  l'Oulu- 
jservi.  Les  rives  du  Kyro  sont  très  fertiles.  Le  Ivaloki, 
coulant  de  l'O.  à  l'E.  sous  la  lat.  d'environ  68°5  N.,  se 
jette  dans  le  lac  Inari  et  roule  de  l'or  que  les  orpailleurs 
exploitent  sans  grand  bénéfice.  La  Finlande  centrale,  dont, 
grâce  à  la  multitude  de  lacs,  des  rapides,  des  collines 
recouvertes  de  forêts  de  conifères,  la  beauté  et  le  pitto- 
resque des  paysages  sont  célèbres,  est  divisée  naturellemen 


499 


FINLANDE 


en  trois  bassins  de  drainage.  A  l'E.,  les  eaux  du  Savolaks 
et  de  la  Karélie  forment  420  lacs  de  grandes  dimensions 
et  plus  d'un  millier  de  lacs  de  dimensions  moindres.  Le 
plus  important  de  ces  lacs  est  le  Saïmaa,  d'une  superficie  de 
4,760  kil.  q.,  qui  communique  avec  le  Kallavesi  et  l'Ori- 
vesi.  Il  se  déverse  dans  le  Vuoksi,  qui  débouche  près  de 
Kexholm,  dans  le  Ladoga.  La  Saïmaa  reçoit  les  eaux  des 
fameuses  cataractes  de  l'Imatra.  Ces  rapides  du  Vuoksi 
ont  un  débit  de  4,773  millions  de  litres  d'eau  par  heure. 
Dans  le  bassin  central,  qui  comprend  environ  650  lacs 
de  dimensions  plus  ou  moins  grandes,  les  rivières  con- 
vergent vers  le  lac  Pseij senne  et  se  déversent  dans  le  golfe 
de  Finlande  par  le  Rymenjoki.  Le  Satakunta  et  le  Ta- 
vastland sont  drainés  par  la  rivière  Kumo.  La  plupart 
de  ces  rivières  sont  très  poisonneuses  et  le  Kemi  seul 
fournit  annuellement  en  moyenne  470  tonnes  de  poisson. 
Le  saumon,  la  truite  et  l'anguille  sont  particulièrement 
abondantes. 

Le  climat  de  la  Finlande  est  relativement  doux  eu  égard 
à  la  latitude.  Tandis  que,  dans  la  partie  septentrionale  du 
pays,  la  température  moyenne  annuelle  est  de  4-  2°C, 
elle  est  de  +  4°C.  dans  la  partie  méridionale.  Au  mois  de 
janvier,  le  thermomètre  descend  à  Helsingfors  jusqu'à  30°C. 
au-dessous  de  zéro.  Les  lacs  et  les  marais  sont  complète- 
ment gelés  de  décembre  à  avril.  Le  mois  de  juillet,  le  plus 
chaud,  accuse  des  températures  de  +  30°G.  même  dans  la 
Laponie  finlandaise.  Le  climat  varie,  du  reste,  dans  d'assez 
fortes  proportions  du  N.  au  S.  en  raison  de  la  différence 
de  latitude  des  points  considérés.  La  moyenne  des  quan- 
tités de  pluies  tombées  annuellement  est  de  20  pouces.  Les 
forêts  très  étendues  surtout  des  conifères  sont  remplies  de 
gibier.  On  y  trouve  en  abondance  :  Fours,  le  loup,  le  renne, 
l'élan,  le  renard,  l'hermine,  la  martre,  etc.,  dont  les  peaux 
constituent  un  article  de  commerce  important.  Les  lacs 
abondent  en  poisson  et  en  gibier  d'eau.  Chasse  et  pêche 
sont  lucratives. 

Ethnographie.  —  Les  Finlandais  peuvent  être  divisés 
en  5  groupes,  parlant  tous  le  finnois  en  plusieurs  dia- 
lectes (V.  Finnois)  :  les  Lapons  au  N.,  habitants  primitifs 
de  la  région,  repoussés  par  les  Finnois  du  centre  ;  les 
Kvens,  ou  Kainulais,  dans  la  Botnie  orientale;  les  Tavastes 
au  centre  et  au  S.-O.  Les  Tavastes,  appelés  Hœmœlœiset 
ou  «  habitants  des  lacs  »,  sont  Finnois  par  excellence.  Les 
Karéliens  ou  Karjalaiset  à  l'E.,  remarquables  par  leur 
haute  taille;  enfin,  les  Ingrikkot  ou  ljors  qui  occupent 
le  pays  autour  de  la  partie  intérieure  du  golfe  de  Finlande. 
Les  Suédois  constituent  le  deuxième  facteur  important  de 
la  population,  mais  ils  se  sont  métissés  fortement  avec  les 
Finnois.  Ils  paraissent  avoir  atteint  un  degré  supérieur  de 
développement  et  semblent  aspirer  davantage  à  l'émanci- 
pation que  les  Finnois  qui,  aussi  longtemps  qu'ils  garde- 
ront leurs  privilèges,  se  plaisent  sous  la  domination  russe. 
L'alphabet  finnois  n'a  que  24  lettres,  dont  8  voyelles  et 
43  consonnes.  Riche  en  métaphores,  allégorique  et  eupho- 
nique, il  se  prête  à  la  poésie  et  à  la  musique  du  vers  et  de 
la  parole.  La  vieille  littérature  finnoise  possède  entre  autres 
le  recueil  de  chansons  Kanteletar  (de  Kantele,  instru- 
ment de  musique  national)  et  l'épopée  du  Kalevala. 

Géographie  politique.  —  Population.  Administra- 
tion. —  La  population  de  la  Finlande  est  évaluée  en  4889 
à  2,338,400  hab.,  ce  qui  fait  environ  6  hab.  par  kil.  q. 
Tandis  que,  dans  la  Laponie,  cette  proportion  atteint  à  peine 
4  hab.  par  kil.  q.,  dans  le  S.,  par  contre,  elle  s'élève  à  46 
et  jusqu'à  30.  Le  chiffre  de  la  population  se  décompose  en 
4,900,000  Finnois,  330,000  Suédois,  4  à  5,000  Russes, 
4,800  Allemands,  un  millier  de  Lapons  et  un  petit  nombre 
de  tsiganes  et  de  juifs.  On  compte  2,264,741  luthériens, 
44,896  orthodoxes  et  rasskolniki,  23,000  catholiques 
romains.  Les  villes  principales  n'ont  pas  une  population 
très  dense.  Helsingfors  a  58,402  hab.;  Âbo,  27,996; 
Tammerfors,  48,097  ;  Viborg, 47,494 ;  Uleâborg,  42,483  ; 
Bjœrneborg,  9,632  ;  Nikolaïstad  (Vasa),  8,454  ;  Kuopio, 
8,444.  En  4888,  l'immigration  a  atteint  le  chiffre  de 


45,463  hab.  et  l'émigration  celui  de  44,944.  L'université 
de  Helsingfors,  comprenant  4  facultés  (théologie,  méde- 
cine, droit,  philosophie),  est  visitée  par  plus  de  4,700  étu- 
diants dont  une  douzaine  d'étudiantes  environ.  L'enseigne- 
ment supérieur  comprend  encore  une  école  polytechnique 
et  l'enseignement  moyen  :  48  lycées,  dont  44  à  l'Etat  et 
44   progymnases.   On  compte   4,040   écoles  primaires, 
4  écoles  normales,  7  écoles  de  marine,  6  écoles  commer- 
ciales. Sur  44.9,007  enfants  de  sept  à  seize  ans,  42,044 
seulement  n'ont  pas  reçu  d'instruction  primaire.  La  condi- 
tion politique  et  sociale  de  la  femme  finlandaise  est  supé- 
rieure :  la  femme  a  droit  de  vote  dans  les  élections  muni- 
cipales, et  un  grand  nombre  d'entre  elles  occupent  des 
postes  dans  les  carrières  administratives,  dans  les  postes 
et  télégraphes,  les  banques,  les  comptoirs  commerciaux  et 
les  agences.   L'empereur  de  Russie  est  grand-prince  de 
Finlande.  L'état  de  choses  actuel,  au  point  ds  vue  admi- 
nistratif et  politique,  date  de  4809.  Par  le  traité  de  Fred- 
rikshman,   du    47  sept.    4809  ,  après  que,  grâce  à  la 
faiblesse  du  roi  de  Suède,  Gustave  Adolf  IV,  les  Russes 
eurent  fait  la  conquête  du  pays  en  peu  de  mois,  la  Fin- 
lande fut  définitivement  incorporée  à  l'empire  du  tsar.  En 
vertu  d'une  charte  spéciale,  renouvelée  par  son  succes- 
seur, le  tsar  Alexandre  Ier,  l'ancienne  constitution  (4772) 
de  la  Finlande,  réformée  en  4789,  fut  en  partie  conservée. 
Elle  fut,  depuis,  légèrement  modifiée  en  4869  et  en  4882. 
D'après  cette  charte,  le  parlement  national,  composé  de 
quatre  états  :  noblesse,  clergé,  bourgeoisie  et  paysans,  est 
convoqué  en  diète  par  le  grand-prince.  Le  parlement  discute 
les  projets  de  lois  que  soumet  le  grand-prince,  empereur  de 
Russie,  qui  a  droit  de  veto.  La  re vision  de  la  constitution 
et  l'imposition  de  taxes  nouvelles  exige  l'accord  des  repré- 
sentants des  quatre  états.  La  diète  a  été  régulièrement 
convoquée,  tous  les  quatre  à  cinq  ans,  depuis  4864.  La 
dernière  assemblée  a  eu  lieu  en  4  888.  Les  projets  de  loi 
sont  élaborés  par  un  comité  pour  les  affaires  de  Finlande, 
siégeant  à  Saint-Pétersbourg.  Ce  comité  est  composé  du 
secrétaire  d'Etat  et  de  quatre  membres  nommés  par  la 
couronne,  dont  deux  sont  proposés  par  le  Sénat.  Le  gou- 
verneur général  de  Helsingfors  est  vice-président  du  Sénat  et 
nommé  par  la  couronne.  Ce  pouvoir  administratif  suprême 
comprend  deux  départements  :  la  justice  et  les  finances. 
Le  service  militaire  n'est,  par  privilège,  que  de  trois  ans . 
Le  code  pénal,  élaboré  par  le  Sénat,  devait  être  promulgué 
le  4er  janv.  4894  ;  cependant  la  promulgation  en  a  été 
ajournée.  L'administration  des  postes  ressort  du  ministère 
de  l'intérieur  russe. 

La  Finlande  est  divisée  actuellement  en  dix  gouverne- 
nements.  Néanmoins  la  division  antérieure  finnoise  en 
provinces  est  encore  généralement  acceptée.  Ces  provinces 
sont  :  la  Laponie  finnoise,  l'Ostrobotnie,  la  Karélie,  Savo- 
laks, le  Tavastland,  Satakunta,  Nyland,  la  Finlande  pro- 
prement dite.  Les  trois  dernières,  formant  la  côte,  ont  fait 
le  plus  de  progrès.  La  Laponie  finnoise  est  située  presque 
en  entier  au  delà  du  cercle  polaire.  La  Finlande  centrale 
comprend  les  quatre  provinces  de  Satakunta,  Tavastland, 
Savolaks  et  Karélie.  Nyland,  avec  la  Finlande  proprement 
dite,  ainsi  que  le  groupe  des  Âland,  forment  la  partie 
méridionale  du  pays.  38  °/0  des  terres  cultivées  et  toutes 
les  forêts  sont  propriété  de  l'Etat.  Les  communes  et  les 
églises  possèdent  environ  2  °/0  de  la  propriété  immobilière 
et  le  reste  est  réparti  sur  un  petit  nombre  de  propriétaires. 
Environ  80  °/0  de  la  population  sont  adonnés  à  l'agriculture. 
Commerce.  Industrie.  —  Le  chiffre  de  l'exportation  s'est 
élevé  en  4888  à  90,484,250  fr.  et  celui  de  l'importation 
à  442,248,750  fr.  Les  articles  d'exportation  comprennent 
surtout  :  les  fourrures,  les  produits  du  lainage,  fromage  et 
beurre  dont  les  qualités  sont  très  appréciées  en  Russie  et 
en  Angleterre.  En  certaines  années,  le  chiffre  de  l'expor- 
tation de  ces  derniers  produits  atteint  43  millions  de  fr. 
Les  bois  de  conifères  sont  un  des  principaux  articles  d'ex- 
portation; on  exporte  les  goudrons,  l'huile  de  térébenthine, 
les  résines,  etc.  Les  forêts  étendues  du  N.-E.  de  la  Fin- 


FINLANDE 


—  500  - 


lande  fournissent  annuellement  de  50  à  60,000  hectol.  de 
goudron  transportés  sur  des  bateaux  spéciaux  qui  portent 
chacun  de  45  à  20  hommes  et  de  24  à  25  tonnes  de  gou- 
dron. La  pâte  de  bois  pour  la  fabrication  du  papier  alimente 
une  industrie  indigène  très  prospère.  Les  fabriques  de 
papier  se  servent  de  l'eau  comme  force  motrice.  Les  plus  im- 
portantes sont  celles  de  Enso,  Nokia,  Tammerfors,  Mœntta3,. 
L'exportation  de  leurs  produits  atteint  le  chiffre  annuel  de 
10  millions  de  fr.  Les  8  fabriques  de  papier  finlandaises 
alimentent  non  seulement  l'Europe,  mais  une  partie  de 
l'Amérique  et  de  l'Asie.  Le  coton  d'Amérique  est  tissé  dans 
6  filatures  indigènes  ;  il  y  a  également,  dans  le  pays,  2  fila- 
tures de  lin  et  quelques-unes  de  laine.  On  compte  505  tan- 
neries de  cuirs.  Les  raffineries  de  sucre  d'Âbo  et  de  Hel- 
singfors  sont  des  établissements  considérables.  Ajoutons 
les  manufactures  de  tabac,  surtout  de  cigarettes,  les  bras- 
series se  développant  de  jour  en  jour,  quelques  fabriques 
de  produits  chimiques  et  les  distilleries  d'alcool  dont  le 
nombre,  par  suite  des  lois  restrictives  de  1887,  a  diminué 
dans  les  dernières  années.  Une  énorme  quantité  d'allu- 
mettes, dites  «  de  sécurité  »,  sont  livrées  annuellement  au 
commerce  d'exportation.  Si  la  Finlande  est  obligée  de 
demander  à  l'étranger  une  grande  partie  des  matières 
premières  mises  en  œuvre  par  ses  établissements  indus- 
triels, elle  en  trouve  une  compensation  dans  le  bas  prix  de 
la  force  motrice  que  lui  fournissent  ses  innombrables  cours 
d'eau.  La  marine  marchande  compte  2,100  bâtiments  d'un 
tonnage  total  de  268,000  tonnes.  Les  voiliers  disparaissent 
de  plus  en  plus  devant  les  bateaux  à  vapeur  qui  font  le 
service  direct  de  la  Finlande  avec  l'Angleterre,  la  France 
et  l'Amérique  du  Sud.  Les  chemins  de  fer  finlandais 
atteignent  une  longueur  totale  d'environ  1,650  kil.  Deux 
nouvelles  lignes  sont  en  construction  :  l'une  allant  de 
Viborg  par  Saint- André  et  Sortavala  à  Joensuu,  l'autre  de 
Tammerfors  à  Bjôrneborg.  Les  lignes  télégraphiques  ont 
une  extension  de  près  de  4,500  kil.  Capus. 

Archéologie. —  Le  nom  de  Fenni,  que  Tacite  donne 
aux  riverains  du  golfe  de  Finlande,  doit  avoir  trait  à  la 
nature  aquatique  de  ce  pays  :  fani,  fanni,  fen  signifiant, 
en  effet,  marécage  en  gothique,  en  haut  allemand  et  en  vieux 
norrain,  et  les  Finnois  eux-mêmes  appelant  leur  pays  Suomi 
ou  Suomenmaa  (de  suo,  marais,  ou  suomaa,  terre  maré- 
cageuse). Ces  noms  ont  donc  trait  à  la  contrée  plutôt  qu'à 
sa  population  dont  ils  ne  peuvent  indiquer  la  nationalité.  Il 
est  pourtant  vraisemblable  que  les  deux  principales  races 
occupant  le  Pays  des  mille  lacs  y  étaient  établies  dès  le 
commencement  de  notre  ère.  Les  plus  anciennes  antiquités 
de  la  Finlande,  celles  de  la  fin  de  l'âge  de  pierre,  forment 
en  effet  deux  groupes  bien  distincts  :  au  S.-O.,  elles  se  rat- 
tachent à  celles  de  la  Scandinavie,  tandis  que,  au  S.-E.  et 
au  N. ,  elles  ont  plus  d'affinités  avec  celles  du  bassin  de 
l'Onega,  d'où  l'on  peut  conclure  que  la  branche  orientale 
des  Suédois,  les  Rosomons  (en  finnois  Ruotsalais) ,  étaient 
déjà  établis,  à  l'O.  des  Suomalais  ou  Finnois  propres, 
sur  les  côtes  de  la  grande-principauté.  Ils  paraissent  s'y 
être  perpétués  pendant  l'âge  de  bronze  qui,  à  en  juger  par 
la  rareté  de  ses  restes  (sépultures  à  incinérations,   armes 
et  parures),  n'a  pas  été  de  longue  durée.  Dans  les  derniers 
siècles  avant  notre  ère,  ils  échangaient  leurs  produits  avec 
ceux  des  Ouralo-Finnois  de  la  Russie  septentrionale,  sans 
que  les  habitants  de  l'intérieur  de  la  Finlande  se  fussent 
appropriés  la  nouvelle  civilisation,  d'ailleurs  bientôt  sup- 
plantée par  celle  de  l'âge  de  fer  chez  les  Ruotsalais  comme 
chez  les  autres  Scandinaves.  Pendant  cette  seconde  période, 
les  Suomalais  avaient  continué  à  se  servir  de  haches  de 
pierre,  parfois  imitées  des  haches  de  bronze,  alors  en  usage 
chez  les  Ouralo-Finnois  de  la  Russie  et  représentant  des 
phoques  ou  d'autres  animaux.  Les  plus  anciens  Suomalais 
ou  Fenni  de  Tacite  n'avaient  encore  ni  armes  de  guerre, 
ni  chevaux,  ni  pénates  au  ier  siècle  de  notre  ère  ;  ils  ne 
cultivaient  pas  la  terre  et  ne  vivaient  que  de  chasse  et  de 
plantes  croissant  spontanément.  Leurs  congénères,  établis 
sur  les  deux  rives  du  golfe  de  Botnie  (Pohjola)  devaient, 


au  contraire,  être  à  demi  scandinavisés,  puisqu'ils  avaient 
adopté  les  mœurs  des  Suédois  ;  ils  sont  appelés  Sitones 
par  Tacite,  Hiides,  Hittolais  ou  Jœttilœis  par  les  Fin- 
nois, et  Jots  ou  Jœtns  en  islandais.  Comme  ils  étaient 
gouvernés  par  une  femme  (Hiiden  emœntœ,  Louhi,  Poh- 
jon  akka),  le  N.  de  la  Finlande  fut  considéré  comme  un 
pays  des  Amazones  et  appelé,  chez  les  Anglo-Saxons,  Mœg- 
daland  ou  pays  des  vierges,  et  chez  les  anciens  Scandi- 
naves Kvenland  ou  pays  des  femmes,  d'où  le  nom  de 
Kvens  encore  donné  aux  Finnois  de  la  Norvège. 

L'âge  de  fer,  qui  remplit  les  douze  premiers  siècles  de 
notre  ère,  peut  être  divisé  en  deux  périodes  à  peu  près 
égales.  Au  commencement  de  la  première,  l'influence  Scan- 
dinave dut  être  affaiblie  en  Botnie  par  l'émigration  des 
Jots  qui,  passés  en  Norvège  sous  la  conduite  de  Nor  et  de 
Gor,  y  fondèrent  beaucoup  de  petits  Etats.  Elle  continua 
cependant  de  se  faire  sentir  au  S.  de  leur  pays,  mais  seu- 
lement sur  les  côtes,  chez  les  Ruotsolais,  tandis  qu'à  l'in- 
térieur de  la  Finlande  les  Suomalais  continuaient  de  se 
servir  d'armes  et  d'instruments  de  pierre,  surtout  en  schiste, 
rarement  en  silex.  Ceux-ci  paraissent  n'avoir  adopté  l'usage 
du  fer  que  dans  la  seconde  période  de  cet  âge,  après  l'ar- 
rivée de  nouvelles  tribus  ouralo-finnoises  venant  du  bassin 
de  la  Volga  supérieure,  et  qui  s'établirent  à  l'E.  des  Hœ- 
mœlœis,  comme  s'appelaient  eux-mêmes,  dans  le  dialecte 
tavastlandais,  les  habitants  du  Hœme  ou  Hœmeenmaa 
(pays  humide,  en  esthonien  hœmme)  ;  ce  dernier  nom 
correspond  au  mot  Suomi,  employé  dans  le  même  sens 
par  les  nouveaux  venus,  les  Kafjalais,  qui,  à  la  diffé- 
rence des  Hsemselaeis,  déjà  adonnés  à  l'agriculture,  étaient 
chasseurs,  pêcheurs,  marchands  et  surtout  pasteurs, 
d'où  leur  nom  d'hommes  des  pâturages  (karja,  bétail; 
la,  pays),  en  islandais  Kyrjalés,  en  suédois  Karelare. 
Du  S.-E.  de  la  Finlande,  les  Karéliens  s'étendirent  non 
seulement  vers  l'O.  dans  le  Savolaks  (en  finnois  Savo  ou 
Savonmaa,  pays  de  fumée,  c.-à-d.  où  l'on  brûle  les  brous- 
sailles pour  fumer  les  terres  avant  de  les  ensemencer), 
mais  encore  vers  le  N.  dans  le  Kvenland,  qu'ils  appelèrent 
Kainu  ou  Kainunmaa,  soit  en  souvenir  de  l'ancien  nom 
Scandinave,  soit  à  cause  de  la  situation  du  pays  (kainu, 
bas). 

Le  chamanisme  que  professaient  les  Finnois  et  leur  apti- 
tude à  observer  les  météores  et  les  phénomènes  physiques 
ou  moraux,  leur  avait  dès  lors  mérité  la  réputation  d'ha- 
biles magiciens  ;  c'est  comme  telle  que  la  Finnoise  Drifa, 
femme  de  Vanlandé,  roi  de  Suède,  figure  dans  YYnqlinga- 
saga  au  ne  siècle  de  notre  ère.  Les  sagas  ne  mentionnent 
d'ailleurs  dans  l'âge  de  fer  que  peu  d'incursions  des  Sué- 
dois en  Finlande,  où  ils  pouvaient  s'appuyer  sur  leurs  con- 
génères, les  Ruotsalais.  Il  est  assez  vraisemblable  que 
ceux-ci  aidèrent  les  Varjags  ou  auxiliaires  (en  vieux  norrain 
Vœringés,  fédérés,  alliés)  à  la  fondation  de  plusieurs  prin- 
cipautés Scandinaves  chez  les  Slaves  et  les  Tchoudes  de 
Novgorod,  de  Bielozero,  d'Izborsk,  de  Polotsk,  de  Rostov, 
de  Mourom,  de  Kiev,  au  milieu  du  ixe  siècle,  car  Nestor 
affirme  que  tous  les  Rus  (Ruotsalais)  suivirent  Rurik  et 
ses  frères  dans  leur  mémorable  établissement  au  S.  du 
golfe  de  Finlande.  L'élément  Scandinave,  à  en  juger  par 
les  trouvailles  d'antiquités,  paraît  avoir  été  fort  affaibli, 
dans  la  grande-principauté,  pendant  les  premiers  siècles 
du  second  âge  de  fer.  Il  ne  reprit  le  dessus  que  vers  la  fin 
de  cette  période,  lorsque  les  Suédois,  —  ne  se  bornant 
plus  à  faire  la  course  dans  les  eaux  finlandaises  comme  ils 
l'avaient  faite  sous  Erik  Edmundsson  (fin  du  ixe  siècle) 
et  Erik  Segersaell  (fin  du  xe  siècle),  —  entreprirent  d'évan- 
géliser  aussi  bien  les  Finnois  que  leurs  propres  congénères, 
les  Ruotsalais  et  les  descendants  des  colons  Scandinaves. 
Mais  avant  de  passer  à  la  conversion  des  Finnois,  il  con- 
vient de  donner,  sinon  un  exposé  de  leurs  anciennes 
croyances,  du  moins  une  nomenclature  de  leurs  dieux  et 
génies  dont  les  principaux  font  le  sujet  d'articles  spéciaux. 
Mythologie.  —  Loin  d'avoir  été  étudiées  avant  Févan- 
gélisation  des  Finnois,  leurs  croyances  religieuses  étaient 


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FINLANDE 


proscrites  depuis  trois  siècles  lorsque  M.  Agricola  cita  les 
noms  de  vingt-cinq  de  leurs  dieux  ou  héros  dans  une  pièce 
de  62  vers  rimes  en  finnois  (en  tête  de  sa  traduction  du 
Psautier,  4  551).  L'influence  des  idées  chrétiennes  et  ger- 
maniques, qu'elles  subissaient  depuis  longtemps  et  que  l'on 
reconnaît  facilement  dans  plusieurs  de  leurs  traits,  conti- 
nua de  se  faire  sentir  pendant  les  deux  siècles  suivants,  de 
sorte  que  la  mythologie  finnoise  ne  nous  est  parvenue  ni 
en  entier,  ni  dans  son  état  primitif,  car  il  y  a  seulement 
un  siècle  et  demi  que  Ton  a  commencé  d'en  recueillir  les 
éléments  disséminés  dans  les  chants  et  les  traditions  popu- 
laires, ainsi  que  dans  les  formules  magiques.  Ces  débris, 
plus  ou  moins  altérés,  ont  été  systématisés  et  l'on  a  classé 
les  divinités  en  quatre  catégories  :  celles  de  l'air,  de  l'eau, 
de  la  terre  et  des  enfers,  plus  les  génies  et  les  héros. 

Le  nom  de  Jumala  (ciel,  être  céleste),  qui  était  appli- 
qué à  tous  les  dieux  et  même  aux  magiciens  et  qui  conti- 
nue d'être  employé  dans  la  dogmatique  chrétienne,  désignait 
d'abord  plus  spécialement  le  dieu  de  l'air,  Ukko  (l'ancêtre, 
le  vieillard),  Ylijumala  (le  dieu  suprême),  dont  la  femme 
Akka  (Rauni,  selon  Agricola)  était  déesse  de  la  foudre.  A 
côté  d'eux  régnaient,  chacun  dans  sa  sphère  :  Pœivœ  (jour), 
dieu  du  soleil ,  son  fils  Pana,  dieu  du  feu,  et  sa  fille, 
Pœivœtœr  ;  Kuu,  Otava,  Tœhti,  ainsi  que  leurs  filles, 
Kuutar,  Otavatar  et  Tœhetœr,  divinités  de  la  lune,  de 
l'étoile  polaire  et  des  astres.  D'un  ordre  moins  élevé  étaient 
les  Luonnotaret  (filles  de  la  nature),  parmi  lesquelles  on 
cite  :  Ilmatar  et  Ilman  Impy  (vierges  de  l'air)  ;  Uutar 
et  Ter fienetœr (génies  des  brumes)  ;  Koi  (génie  de  l'aurore)  ; 
enfin  Tuulen  Tytœr  (fille  du  vent),  Etelœtœr  (fille  du  sud) 
et  Suvetar  (fille  de  Yèté),Pakkanen  (froid),  fils  de  la  bise. 

Les  divinités  de  l'eau,  également  fort  nombreuses,  étaient 
appelées  Ahon  Lapsi  (enfant  d'Ahto)  ou  Ahtolais  et  Vel- 
lamon  Neito  ou  Vœki  (fille  ou  gens  de  Vellamo),  d'après 
1-e  couple  vénérable  Ahti  ou  Ahto  et  Vellamo  ou  Vellimo 
qui  les  dirigeait.  Quelques-unes  sont  désignées  nominati- 
vement :  Pikkn  Mies  (petit  homme),  personnification  des 
vagues  d'abord  insignifiantes,  mais  qui  peuvent  atteindre 
des  proportions  et  une  force  prodigieuses  ;  Aallotar  (fille 
des  flots),  Kosken  Tyttœ  (fille  de  la  cataracte)  ou  Kuohu- 
Neiti  (vierge  de  l'écume),  Melatar,  génie  du  gouvernail  ; 
Sotkotar,  protectrice  du  canard  ;  Juoletar,  que  l'on  invo- 
quait pour  la  capture  de  la  loutre  ;  sans  oublier  quelques 
génies  aquatiques  exclusivement  malfaisants  :  Vesi-Hiisi 
(démon  de  l'eau),  Syœjœtœr  (goule),  mère  du  serpent, 
ou  Vetehinen  (aquatique),  correspondant  à  Vodennoj  des 
Russes,  comme  Turso  ou  Tursas,  au  Thurs  des  Scandi- 
naves. 

Les  phénomènes  terrestres  n'étant  pas  aussi  frappants 
en  Finlande  que  les  météores  ou  les  tempêtes  et  les  nau- 
frages, les  divinités  épichthoniennes  n'y  jouaient  pas  un 
aussi  grand  rôle  que  celles  de  l'air  ou  de  l'eau.  N'ayant 
pas  de  chef  commun,  ce  sont  plutôt  des  génies  dont  chacun 
ne  règne  que  dans  un  domaine  restreint  :  Maan  Emo  ou 
Emœntœ  (mère  ou  maîtresse  de  la  terre),  ou  Mannan 
Eukko  (aïeule  de  la  terre),  ainsi  que  Pellon  Peri-isœntœ 
(maître  primitif  de  la  campagne)  donnaient  la  fécondité  et 
la  santé  à  la  terre  et  aux  humains  ;  Sampsa  Pellervoinen 
(Samson  le  champêtre)  ou  Pellon  Pekka  présidait  aux 
semailles,  aux  moissons  et  au  brassage.  Chez  les  Hsemse- 
lseis,  Liekkice  (follet)  favorisait  la  croissance  des  plantes  ; 
chez  les  Karjalais,  Kœndœs  protégeait  les  défrichés,  Ron- 
goteus  le  seigle,  Virokannas  l'avoine,  Remunen  le  hou- 
blon. Comme  c'était  naturel  pour  les  plus  anciens  temps, 
la  sphère  des  divinités  sylvicoles  était  plus  étendue.  A  leur 
tête  étaient  le  vieux  Tapio,  aussi  nommé  Tapiolan  Ukko, 
Hippa  et  Hilli  Ukko,  et  sa  femme  Mielikki,  Mimerkki, 
Miiritœr,  Simanter,  Hiilitœr  ou  Metsolan  Vaimo 
(femme  de  la  forêt)  qui,  outre  leur  fils  Nyyrikki  (peut- 
être  le  Nyrekes  d' Agricola)  ou  Pinneys  etKekri  ou  Kœyry 
ou  Kœitœs,  le  génie  des  animaux  domestiques,  avaient 
pour  auxiliaires  une  véritable  armée  de  syivains  (Tapion 
Kansa  ou  Pojat)  et  surtout  de  dryades  (Tapion  Neieton 


Piiat,  Metsœn  Immet,  filles  de  la  forêt)  ;  Viljan  Eukkot 
(aïeules  du  gibier),  entre  autres  Tellervo  ou  Hillervo, 
Tuulikki,  et  les  nymphes  du  cerisier  (Tuometar),  du  pin 
(Hongatar),  du  genévrier  (Katajatar),  du  sorbier  (Pih- 
lajatar),  de  Faune  (Lemmes),  du  houblon  (Remunen). 
A  ces  divinités  en  étaient  opposées  de  malfaisantes  :  Lempo 
ou  Hitto,  Hiisi  (en  sanscrit  hath,  dommage  ;  en  lapon  Si- 
eita),  aussi  appelé  Paha  (le  Malin)  et  Juutas  (Judas), 
Piru  (le  Perun  des  Russes),  Perkele  (le  Perkunas  des 
Lithuaniens  et  le  Pehrkhors  des  Lettons),  ainsi  que  les 
Hittolais  (Sitones  de  Tacite)  ou  Hiiden  Emœntœ,  Poika, 
Impi,  Vœki  (dame,  fils,  filles,  gens  de  Hiisi),  Avatar  (le 
cauchemar),  ïïorna  qui  doit  être  un  des  génies  de  la  nature 
inorganique,  comme  Kivi  (pierre),  fils  de  KimmoKammo, 
et  Karilainen  (de  kari,  rocher). 

Le  royaume  souterrain,  habité  par  les  Manalaiset 
(spectres,  du  latin  Mânes?),  les  Menninkœiset  (trépas- 
sés), Keijuiset  (farfadets),  les  Peijot  (fantômes),  Kœœ- 
pelit  (kobolds  ou  gobelins),  avait  pour  gardiens  plutôt  que 
pourvoyeurs  le  dur  et  inflexible  Mana  et  ses  filles  Manan 
Neiet  ou  Manuttaret,  Tuoni,  la  mort  (en  grec  ©àvaioç, 
en  vieux  norrain  ddinn),  sa  femme  Tuonen  Akka  et  leurs 
enfants  :  Tuonen  Poika,  luonetar  et  l'affreuse  Lovia- 
tar;  Kiputyttœ  (fille  morbifique),  bien  différente  de  Kivu- 
tar  ou  Vammatar, bon  génie  qui  adoucissait  les  souffrances  ; 
Kahna  (cadavre)  et  sa  fille  Kalman  Impi. 

Outre  les  génies  groupés  autour  des  principaux  dieux  qui, 
on  le  voit  par  leurs  noms  allégoriques,  étaient  des  person- 
nifications des  forces  de  la  nature  ou  des  passions,  il  y  en 
avait  beaucoup  d'autres,  d'un  ordre  d'ailleurs  inférieur,  que 
l'on  ne  peut  rattacher  aux  catégories  précédentes,  sans 
doute  parce  qu'ils  sont  d'origine  postérieure,  ayant  été  em- 
pruntés soit  aux  idées  chrétiennes  comme  le  Haltia,  soit 
aux  traditions  Scandinaves  comme  Maahi,  Tonttu,  Paara, 
Kave.  Les  Ealtiat  (du  vieux  norrain  halda,  maintenir  ;  en 
finnois  hallita,  garder)  remplissaient  le  rôle  de  nos  anges 
gardiens,  mais  avec  des  attributions  plus  étendues,  parce 
qu'ils  protégeaient  non  seulement  les  hommes,  mais  encore 
tous  les  êtres  et  même  les  objets  inanimés.  Matka-Teppo 
(Etienne  du  chemin,  par  allusion  au  saint  Etienne  apo- 
cryphe des  traditions  germaniques  qui  allait  à  cheval)  était 
le  patron  des  voyageurs.  Maahi  (diminutif  Maahinen,  petit 
homme  de  terre)  correspondait  au  nain  souterrain  (Under- 
jordisk)  des  Norvégiens  ;  Kratti,  génie  des  trésors,  ou 
Skratté  des  Islandais  ;  Tonttu,  au  Tomtegubbe  (vieux  du 
lieu,  lare)  des  Suédois;  Nœkki,  à  leur  Neck  (ondin)  ;  Para, 
à  leur  Bara,  poupée  magique  qui  rapportait  à  sa  maîtresse 
du  lait  ou  du  beurre  volés.  Quelques  génies  sont  de  pures 
allégories,  comme  Sukkamieli  (amour,  jalousie),  Uni 
(sommeil,  diminutif  Unonen),  Munnu  (prunelle  de  l'œil), 
Hurus  (nymphe  du  sang),  Suonetar  (fille  de  la  veine), 
Sinetœr  (fille  de  la  couleur),  Kankahatar  (fille  du  tissu), 
Aarni  (trésor).  On  donnait  la  qualification  de  Kave  (au 
pluriel  Kapeet,  diminutif  Kapo,  Kaponen,  en  vieux  nor- 
rain Kappé,  champion)  à  tous  les  êtres  extraordinaires, 
aussi  bien  aux  dieux  et  aux  déesses  qu'aux  simples  héros 
du  Kalevala,  comme  Vœinœmœinen,  Ilmarinen,  Lem- 
minkœinen  et  sa  mère. 

Le  culte  que  l'on  rendait  à  ces  divinités  n'est  connu 
que  par  quelques  récits  des  sagas  Scandinaves  et  surtout 
par  des  allusions  des  chants  mythiques  et  héroïques  des 
Finnois.  Au  xie  siècle,  chez  les  Bjarmes,  proches  parents 
de  ceux-ci,  établis  dans  le  bassin  de  la  Dvina  et  sur  le  lit- 
toral de  la  mer  Blanche,  l'idole  de  Jumala  était  assise  dans 
une  enceinte,  tout  près  d'un  tertre  dans  les  diverses  cou- 
ches duquel  étaient  mêlés  l'or  et  l'argent  offerts  au  dieu. 
Les  Finnois  avaient  également  des  divinités  anthropomorphes 
qui  différaient  entre  elles  par  la  physionomie,  le  costume, 
les  armes  et  autres  attributs.  Ils  leur  offraient  des  produits 
de  leur  chasse  en  les  suspendant  à  des  arbres  sacrés  et 
peut-être  aussi  à  des  hurikkais,  poteaux  de  bois  en  forme 
de  Terme,  comme  en  possédaient  les  Lapons.  Des  dévots 
sacrifiaient  aux  dieux  pour  se  les  rendre  propices  du  sang 


FINLANDE 


502  — 


tiré  de  quelque  partie  de  leur  propre  corps.  Leurs  princi- 
pales fêtes,  sans  parler  de  celles  qu'ils  célébraient  au  retour 
d'une  chasse  heureuse  d'où  ils  rapportaient  quelque  gros 
gibier  comme  l'ours,  étaient  :  en  automne,  après  le  battage 
et  la  cuisson  du  premier  pain,  Vuoden  Alkajaiset  (com- 
mencement de  l'année),  aussi  appelée  Kekrin  Juhla  (so- 
lennité de  Kekri,  protecteur  du  bétail)  ;  lors  des  semailles 
du  printemps,  Ukkon  Vakat  (banquet  d'Ukko)  ;  après  la 
moisson,  Sœnkiceiset  (les  jeunes  veaux)  ou  Villavuonan 
Juhla  (fête  de  l'agneau).  Les  ministres  du  culte  étaient  le 
Tietœjœ  (savant),  YArpoja  ou  Arpamies  (jeteur  de  sort, 
sorcier),  le  Loitsija  (magicien),  espèces  de  chamans  qui, 
se  modelant  sur  Yaeinaemœinenjlmarinen,  Lemminkaeinen, 
Antero  Vipunen  et  d'autres  héros,  prétendaient  dominer  la 
nature  par  la  seule  vertu  du  verbe  et  mettre  les  dieux  et 
les  esprits  à  leur  propre  service  ou  changer  le  cours  naturel 
des  choses,  en  en  découvrant  l'origine  ou  en  recourant  aux 
incantations,  aux  charmes,  aux  sorts,  aux  prestiges,  aux 
fascinations,  aux  invocations,  aux  évocations,  aux  exor- 
cismes,  aux  conjurations,  aux  objurgations,  aux  prières. 
Ces  armes  spirituelles  étaient,  avec  les  traits  enchantés, 
les  seules  dont  ils  fissent  cas  à  une  époque  où  les  prouesses 
chevaleresques  étaient  en  si  grand  honneur  dans  le  reste 
de  l'Europe.  Aussi  les  formules  magiques  dont  ils  possé- 
daient tout  un  arsenal  se  distinguent-elles  parfois  par  l'élé- 
vation des  idées  et  un  véritable  souffle  poétique. 

Histoire.  —  Elle  commence  avec  l'évangélisation  de  la 
Finlande,  à  la  suite  de  la  croisade  conduite  dans  ce  pays, 
vers  1156,  par  le  roi  de  Suède  Erik  Jedvardsson  le  Saint, 
et  l'Anglais  saint  Henri,  évêque  d'Upsala,  qui  s'établit  en 
Finlande,  y  fut  martyrisé  (1158)  et  en  devint  le  patron  au 
temps  du  catholicisme.  Son  successeur  Rudolf  fut  égale- 
ment mis  à  mort  (1178)  et  la  colonie  chrétienne  eut  à 
lutter  non  seulement  contre  les  païens  qui,  malgré  leurs 
divisions,  étaient  en  état  de  porter  la  guerre  juscpie  dans 
le  Mselare  où  ils  détruisirent  Sigtuna  (1187),  mais  encore 
contre  les  Russes  de  Novgorod  qui,  avec  le  concours  de 
leurs  néophytes  les  Karjalais,  ravagèrent  le  Hsemeenmaa 
ouTavastlanden!186, 1191,  1198,  1227,  et  anéantirent 
des  flottilles  suédoises  dans  les  eaux  du  Ladoga  (1164  et 
1228)  et  dans  la  Neva,  déversoir  de  ce  lac  (1240).  Aussi, 
vers  1237,  les  catholiques  du  Hsemeenmaa,  se  voyant  mal 
protégés  par  la  Suède,  renièrent-ils  l'Evangile  et  immo- 
lèrent-ils des  chrétiens  dans  les  bocages  qui  avaient  été  les 
sanctuaires  de  leurs  ancêtres.  Les  chrétientés,  à  peine  rele- 
vées et  accrues  par  l'énergique  évêque  d'Âbo,  le  domini- 
cain Thomas  (de  1220  à  1245  environ),  furent  de  nou- 
veau ruinées,  tandis  que  les  missionnaires  de  Novgorod 
faisaient  des  progrès  chez  les  Karjalais  qui,  dès  1227, 
furent  presque  tous  baptisés.  La  Finlande  eût  dès  lors  été 
conquise,  au  moins  en  partie,  par  les  Russes  sans  l'inva- 
sion mongole  qui  les  rendit  tributaires  du  khanat  de  Kip- 
tchak(4240). 

Les  Suédois  mirent  les  circonstances  à  profit  :  leur  chef, 
Birger  Jarl,  fit  une  croisade  en  Finlande  (1249-1250), 
soumit  de  nouveau  les  Hsemselaeis,  fonda  la  ville  de  Tavas- 
tehus  pour  les  contenir  et  sans  doute  aussi  pour  résister 
aux  Novgorodiens  qui  continuaient  de  repousser  les  incur- 
sions des  Suédois  ou  en  faisaient  eux-mêmes  en  Tavast- 
land  (1256, 1292)  et  aussi  en  1278  chez  les  Karjalais  deve- 
nus leurs  adversaires.  Afin  de  consolider  la  domination  sué- 
doise au  delà  du  Kymmene  et  jusque  dans  le  bassin  du 
Ladoga,  Tyrgils  Knutsson,  connétable  du  roi  Birger  Ma- 
gnusson,  fonda  en  1293  les  forteresses  de  Viborg  et  de 
Ksekisalmi  ou  Kexholm  ;  en  outre,  pour  commander  les 
voies  d'eau  qui  conduisaient  à  Novgorod,  Landskrona  sur 
l'emplacement  actuel  de  Saint-Pétersbourg;  mais  les  Russes 
détruisirent  la  seconde  en  1295,  la  troisième  en  1301,  et 
brûlèrent  Abo,  ainsi  que  la  forteresse  épiscopale  de  Kuustœ 
en  1348.  Sous  la  médiation  des  Hanséates  de  Visby, 
dont  ces  luttes  perpétuelles  gênaient  le  commerce,  la  paix 
fut  conclue  le  12  août  1323  à  Nœteborg  (en  finnois  Pseh- 
kinsesaari,  en  allemand  Sehlûsselburg,  en  russe  Orekho- 


vets).  Ce  traité,  qui  établissait  la  liberté  de  navigation  dans 
la  Neva,  attribuait  à  la  Suède  trois  bailliages  de  la  Karélie 
et  laissait  à  Novgorod  le  reste  de  ce  pays  et  une  partie 
du  Savolaks  ;  la  limite  entre  les  deux  Etats  passait  par  le 
Systerbseck,  le  Sai,  le  Vuoksi  supérieur,  le  Saimaa,  le  Hau- 
kivesi,  d'où  elle  gagnait  la  mer  de  Kajana  (golfe  de  Botnie? 
mer  Blanche?)  UOEsterland  (pays  de  l'Est  ou  situé  à 
l'E.  de  l'OEstersjœ  ou  Baltique)  était  ainsi  constitué  par 
l'agrégation  des  Haernaelaeis,  de  la  plupart  des  Savolais  et 
de  la  moitié  des  Karjalais  aux  descendants  des  anciens  Ruot- 
salais  et  aux  colons  suédois.  On  commençait  à  l'appeler 
Finlande  et  à  donner  à  celle-ci  le  titre  de  duché  à  partir 
de  1284.  Ce  vaste  territoire  qui  s'étendait  vers  le  N.  jus- 
qu'à Torneâ,  ne  formait  qu'un  seul  diocèse  ;  il  fut  donné 
en  fief  le  plus  souvent  à  des  princes  de  la  famille  royale, 
et  administré  par  les  gouverneurs  des  châteaux  ol'Âbo  pour 
la  Finlande  propre,  le  Satakunta  et  l'archipel  d'Âland  ;  de 
TavastehuspourleTavastlandetde  Viborg  pour  le  Nyland, 
la  Karélie  et  le  Savolaks.  Les  habitants,  bien  que  incorpo- 
rés à  la  Suède  et  en  cette  qualité  affranchis^  servage 
par  Magnus  Eriksson  (1335),  avaient  leurs  lois  spéciales  : 
le  jus  suecicum  pour  les  établissements  suédois,  le  jus 
finnicum  pour  le  Tavastland,  le  jus  helsingonicum  pour 
le  Nyland  et  le  jus  carelicum  pour  la  Karélie.  Les  déserts 
de  la  Botnie  orientale,  parcourus  par  les  Lapons  nomades, 
étaient  livrés  à  une  compagnie  de  marchands  nommés  Bir- 
karls,  qui  s'y  maintinrent  jusqu'à  l'occupation  du  pays 
par  des  colons  suédois,  hsemselseis  et  karjalais.  En  1362, 
Magnus  Eriksson  et  son  fils  Hdkon  octroyèrent  au  lag- 
man  (grand  juge)  de  la  Finlande  le  droit  rarement  exercé 
de  prendre  part  à  l'élection  du  roi  de  Suède.  Le  système 
féodal  commença  de  se  développer,  vers  la  fin  du  xive  siècle. 
Le  payement  de  la  dîme  en  produits  de  l'agriculture,  de  la 
chasse  ou  de  la  pêche,  selon  les  contrées,  fut  réglé  à  partir 
de  1329,  et  le  régime  ecclésiastique  sagement  organisé  par 
l'évêque  Hemming  (1338-1366),  qui  fut  béatifié  en  1499. 
Les  hostilités  avec  les  sujets  de  Novgorod  recommen- 
cèrent en  1337-38,  en  1348,  en  1350-51,  et  finirent 
sans  résultats.  Les  Y  italiens,  qui  avaient  fait  des  récifs 
de  la  Finlande  des  repaires  de  corsaires  (1392),  n'en  furent 
expulsés  qu'en  1399  par  les  efforts  combinés  des  Hanséates 
et  de  Marguerite,  la  fondatrice  de  Y  Union  de  Kalmar. 
Pendant  le  premier  siècle  de  cette  union  si  souvent  trou- 
blée, les  gouverneurs  et  autres  potentats  de  la  Finlande 
firent  cause  commune  tantôt  avec  les  Danois,  tantôt  et  le 
plus  souvent  avec  les  Suédois,  sans  que  le  pays  en  éprou- 
vât de  grandes  commotions.  Sur  les  frontières  de  l'Est,  les 
guerres  de  partisans  alternaient  avec  les  trêves  de  cinq  à 
dix  ans,  mais  le  gouverneur  de  Viborg,  Erik  Axelsson  e 
Tott,  ayant  élevé  la  forteresse  d'Olofsborg  ou  Nyslott  (en 
finnois  Savonlinna)  dans  le  Savolaks  novgorodien  (4475- 
77),  les  incursions  réciproques  devinrent  plus  meurtrières, 
notamment  en  1478-80  ;  en  1495,  où  Knut  Posse  tint  six 
semaines  à  Viborg  contre  60,000  assiégeants  et  finit  par 
les  repousser  ;  en  1496,  où  les  croisés  suédois,  mal  diri- 
gés par  le  président  de  l'Etat,  Sten  Sture,  ne  purent  em- 
pêcher les  Moscovites  de  ravager  la  Karélie,  le  Savolaks 
et  la  moitié  du  Tavastland,  en  représailles  de  quoi  ils  sac- 
cagèrent Ivangorod  dans  l'Ingermanland.  Les  Finlandais, 
abandonnés  par  le  président  qui  dut  retourner  en  Suède 
où  il  fut  déposé  et  remplacé  par  le  roi  Jean  d'Oldenborg, 
mais  qui  obtînt  en  fief  le  duché  de  Finlande  (7  mars  1497), 
n'eurent  plus  qu'à  traiter  avec  les  Russes  ;  les  envoyés  de 
l'évêque  d'Âbo,  Magnus  Stiernkors,  et  de  Knut  Posse,  conclu- 
rent à  Novgorod  une  trêve  de  six  ans  (3  mars  1497).  Sten 
Sture,  après  avoir  été  réélu  président  (12  nov.  1501),  eut 
à  reconquérir  la  Finlande  sur  les  feudataires  du  roi  Jean. 
Lors  de  la  déposition  de  Christian  II,  fils  de  ce  dernier, 
le  parti  danois,  sous  l'habile  direction  de  Séverin  Norby, 
sut  résister  pendant  deux  ans  (4521-23)  à  Gustave  Vasa, 
dont  les  tentatives  de  réforme  furent  entravées  par  l'évêque 
élu  d'Âbo,  Erik  Svensson  (4  524-27),  et  par  son  pieux, 
mais  faible  successeur,  M.  Skytte  (1528-1543). 


—  503 


FINLANDE 


Les  Finlandais  ne  demandaient  pas  de  changement,  pas 
plus  en  religion  qu'en  politique,  et  comme  le  fondateur  de 
la  dynastie  des  Yasa  ne  tenait  qu'à  s'approprier  les  biens 
de  l'Eglise,  sans  en  affecter  une  bonne  part  à  l'entretien  des 
écoles  tombées  en  décadence  depuis  la  laïcisation,  le  rituel 
fut  d'abord  seul  modifié  ;  l'esprit  du  peuple  ne  le  fut  que 
peu  à  peu,  moins  par  les  prédications  de  Peder  Sserkilax 
(1525-29)  que  par  les  publications  finnoises  de  M.  Agri- 
cola  qui  devint  évêque  d'Âbo  (1554)  lors  du  démembre- 
ment de  ce  diocèse  (Viborg  ayant  été  attribué  à  P.  Juus- 
ten).  Sous  le  règne  de  Gustave  Vasa  (1521-1560),  la  paix 
ne  fut  plus  troublée  en  Finlande  que  par  les  intrigues  de 
son  beau-frère,  le  comte  Jean  de  Hoja,  gouverneur  de 
Viborg  et  Nyslott  (1534),  par  une  émeute  de  paysans  à 
Lappvesi,  près  de  Villmanstrand(1550)  et  par  une  guerre 
avec  la  Russie  (1554-56),  pendant  laquelle  les  Moscovites 
ne  purent  s'emparer  de  Viborg,  ni  les  Suédois  de  Nœteborg. 
En  créant  de  grands  feudataires,  ce  prince  avait  attribué 
le  duché  de  Finlande  à  son  fils  Jean  qui  travailla  à  en  faire 
une  principauté  indépendante  et  qui  ayant  épousé  (1562) 
Catherine  Jagellon,  sœur  du  roi  de  Pologne  Sigismond-Au- 
guste,  laissa  la  dot  entre  les  mains  de  celui-ci,  mais  se  fit 
donner  en  gage  sept  forteresses  de  la  Livonie.  Son  frère 
et  suzerain,  Erik  XIV,  regardant  comme  une  félonie 
cette  alliance  avec  les  Polonais,  le  fit  condamnera  mort  par 
la  diète  deo  Stockholm  (7  juin  1563)  et,  après  la  prise  du 
château  d'Âbo,  l'enferma  à  Gripsholm  (1563-67)  et  réu- 
nit à  la  couronne  le  duché  de  Finlande.  Jean,  l'ayant  sup- 
planté (1569)  avec  l'aide  de  la  noblesse,  augmenta  les 
privilèges  de  celle-ci  et  éleva  son  ancien  fief  au  rang  de 
grande-principauté  (1581),  sans  réussir  à  la  préserver 
des  déprédations  des  Russes  et  même  de  ses  propres  sol- 
dats. Son  fils  Sigismond,  roi  de  Pologne,  qui  lui  succéda 
comme  roi  de  Suède  le  17  nov.  1592,  conféra  les  pouvoirs 
les  plus  étendus  (29  mai  1593)  au  gouverneur  général  de 
la  Finlande,  le  connétable  et  amiral  Clas  Fleming,  qui  le 
soutint  énergiquement  contre  son  oncle  le  duc  Charles  de 
Sœdermanland,  chef  du  parti  protestant  et  prétendant  à 
la  couronne.  Tandis  que  celui-ci  dominait  en  Suède,  à  titre 
de  président  de  l'Etat,  Fleming  maintenait  en  Finlande  le 
pouvoir  royal,  mais  il  eut  à  lutter  contre  les  paysans  de  l'OEs- 
terbotten,  exaspérés  par  le  cantonnement  des  militaires  dans 
les  villages  et  insurgés  à  l'instigation  du  duc  Charles  et  du 
clergé  protestant.  Cette  jacquerie,  connue  sous  le  nom  de 
guerre  des  Gourdins  (Klubbekriget  en  suédois,  Nuija- 
sota  en  finnois),  dura  du  25  nov.  1596  au  24  févr.  1597 
et  coûta  la  vie  à  quelques  milliers  de  pillards  et  d'incen- 
diaires. Le  successeur  de  Fleming,  décédé  le  13avr.  1597, 
Arvid  Stâlarm,  après  avoir  fait  deux  descentes  infruc- 
tueuses en  Suède  (juil.  et  oct.  1598),  dut  se  soumettre  au 
duc  (sept.  1599)  et  fut  condamné  à  mort,  mais  gracié 
(1600),  tandis  que  beaucoup  de  royalistes  finlandais  étaient 
exécutés. 

Le  duc,  qui  fut  plus  tard  le  roi  Charles  IX  (1607), 
s'appliqua  à  panser  les  plaies  que  les  invasions,  les  guerres 
et  sa  propre  ambition  avaient  faites  à  la  grande-princi- 
pauté. A  la  suite  de  la  diète  d'Âbo  (1602),  il  rendit  une 
ordonnance  sur  l'administration,  fonda  les  villes  d'Uleâ- 
borg  (1605),  de  Vasa  (1606)  et  la  forteresse  de  Kajane- 
borg  (1607).  Ses  sages  mesures  pour  la  protection  du 
peuple  lui  valureut  le  surnom  de  hyvœ  Kuningas  (bon 
roi).  Pendant  l'insurrection  du  faux  Dmitrr,  il  fournit  au 
tsar  Vasili  Chouisky  des  troupes  auxiliaires  en  partie  com- 
posées de  Finnois,  qui  s'avancèrent  jusqu'à  Moscou  et  à 
Smolensk  (1610),  et  il  recula  jusqu'à  Kexholm  sur  le  La- 
doga les  limites  de  la  Finlande,  annexion  que  son  fils  et 
successeur  (1611),  Gustave- Adolphe,  fit  confirmer  parle 
traité  àeStolbova  (fèvr.  161 7).  Ce  grand  monarque  ferma 
aux  Moscovites  la  porte  de  la  Finlande  en  s'emparant  de 
Nœteborg  sur  la  Neva  et  du  reste  del'Ingermanland  (1612), 
mais  il  indisposa  les  populations  annexées  de  communion 
grecque  en  les  soumettant  à  l'évêché  protestant  de  Viborg, 
ce  qui  provoqua  leur  émigration  en  Russie.  Malgré  la  créa- 


tion de  la  cour  d'Abo  (1623),  ses  anciens  sujets  ne  furent 
pas  non  plus  à  l'abri  des  vexations  des  militaires  et  de  la 
noblesse,  à  qui  il  dut  donner  en  gage  ou  en  fief  beaucoup 
de  domaines  de  la  couronne,  mais  ils  subirent  toutes  ses 
réquisitions  d'hommes  et  de  denrées  ou  de  numéraire,  qui 
n'étaient  pas  toujours  proportionnées  à  la  faible  population 
de  la  grande-principauté.  Les  Frappe  à  la  tête  (Hakkaa 
pseselle),  comme  on  appelait  les  contingents  finlandais  dans 
la  guerre  de  Trente  ans,  se  distinguèrent  spécialement  à 
Burgstall  et  à  Werben  (1631),  à  la  bataille  du  Lech  et  à 
Liitzen  (1632),  à  Chemnitz  (1639),  à  Neuburg  (1641)  et 
à  Leipzig  (1642),  quoiqu'ils  fussent  le  plus  souvent  con- 
fondus avec  le  reste  des  Suédois.  Mais  la  gloire  de  ses 
enfants  ne  faisait  pas  le  bonheur  de  la  Finlande  où  les  abus 
devinrent  si  grands  qu'il  fallut  charger  un  membre  du 
conseil  puis  de  la  régence,  le  comte  Per  Brahe  le 
Jeune,  d'y  remédier  comme  gouverneur  général  (1637- 
1640  et  1648-1654).  Par  ses  soins  fut  fondée  (1640) 
l'université  d'Âbo  qui  attira  beaucoup  d'étudiants  suédois  ; 
il  introduisit  l'imprimerie  en  Finlande  (1642),  fit  achever 
la  traduction  de  la  Bible  en  finnois  et  rédiger  la  première 
grammaire  finnoise  ;  il  fonda  de  hautes  écoles  à  Âbo, 
Bjœrneborg,  Helsingfors,  Nykarleby  et  Viborg,  ainsi  que 
des  écoles  élémentaires  dans  la  plupart  des  villes,  sans 
négliger  l'instruction  religieuse  et  primaire  ;  il  régla  les 
appels  de  miliciens  et  de  marins,  établit  des  rejations  pos- 
tales entre  les  villes  de  Finlande  et  le  chef-lieu  Âbo  (1638), 
qui  fut  en  outre  relié  avec  Stockholm.  Il  ne  réussit  pas 
aussi  bien  à  empêcher  les  exactions  des  fonctionnaires,  ni 
à  donner  de  l'essor  au  commerce  des  villes  au  détriment 
de  celui  des  campagnes.  La  grande  baronnie  de  Kajana,  qui 
fut  créée  en  sa  faveur  (1650),  devint  un  modèle  d'admi- 
nistration civile,  judiciaire  et  militaire,  mais  tel  ne  fut  pas 
le  cas  pour  la  plupart  des  grands  fiefs  dont  la  reine  Chris- 
tine, pendant  ses  dix  ans  de  gouvernement  (1644-1654), 
décupla  le  nombre  en  aliénant  les  trois  cinquièmes  des  do- 
maines de  la  couronne  en  Finlande. 

Sous  Charles  X  Gustave  (1654-1660),  les  troupes  fin- 
landaises prirent  une  part  glorieuse  aux  guerres  de  Po- 
logne et  de  Danemark,  notamment  à  la  bataille  de  Varsovie 
(18-20  juil.  1655).  Mais  pendant  qu'elles  combattaient  à 
l'étranger  laissant  leur  patrie  sans  défense,  celle-ci  était 
envahie  par  les  Russes  (1656),  qui  trouvaient  des  alliés 
dans  leurs  coreligionnaires  des  nouvelles  ou  anciennes  fron- 
tières de  la  Finlande;  néanmoins,  comme  une  grande  partie 
des  orthodoxes  grecs  avaient  émigré  ou  étaient  remplacés 
par  des  luthériens,  les  envahisseurs  assiégèrent  en  vain 
Nœteborg  et  Kexholm.  D'autre  part,  les  Finlandais  ne  purent 
s'emparer  du  monastère  russe  de  Solovetska  sur  la  mer 
Blanche  (1657).  Avant  la  conclusion  de  la  trêve  de  Val- 
lisaari^rhs  deNarva  (20  déc.  1658),  le  gouverneur  général 
d'Ingermanland  et  de  Kexholm,  G,-E.  Horn,  força  par  de 
mauvais  traitements  plus  de  quatre  mille  familles  ortho- 
doxes à  émigrer,  de  sorte  que  le  la3n  de  Kexholm  ne  fut 
plus  guère  peuplé  que  de  protestants  ;  il  continua  pour- 
tant de  former  avec  l'Ingermanland  un  grand  gouverne- 
ment qui  n'était  pas  représenté  à  la  diète  suédoise.  Le 
traité  de  Kardis  en  Livonie  (21  juin  1661)  laissa  à  la 
Suède,  du  côté  delà  Russie,  les  limites  que  la  paix  de  Stol- 
bova  lui  avait  attribuées. 

Pendant  la  minorité  (1660-1672)  de  Charles  XI,  le 
conseil  de  régence  encouragea  la  colonisation,  fit  ouvrir 
des  routes,  régularisa  le  service  des  chevaux  de  poste  et 
des  hôtelleries  (1664),  mais,  trop  faible  pour  s'opposer 
aux  usurpations  de  la  noblesse,  il  ne  put  établir  le  bon 
ordre  dans  les  contributions  et  la  milice.  Dès  1673,  au 
contraire,  le  jeune  roi,  déclaré  majeur  depuis  peu  et  s' ap- 
puyant sur  la  diète,  commença  de  faire  rentrer  dans  le 
domaine  de  la  couronne  la  plupart  des  terres  autrefois  affec- 
tées à  l'entretien  des  troupes  et  la  quatrième  partie  de 
chaque  fief  aliéné  par  ses  prédécesseurs.  Ceux  de  l'OEster- 
botten  devaient  être  confisqués  en  totalité.  Il  fut  dès  lors 
possible  de  distribuer  des  terres  aux  troupes  cantonnées. 


FINLANDE 


504- 


Les  Etats  provinciaux  de  la  Finlande  que  le  gouvernement 
suédois  réunit  pour  la  dernière  fois  à  Âbo  en  1676  et, 
l'année  suivante,  dans  chaque  gouvernement,  imposèrent 
de  lourdes  charges  militaires  à  la  grande-principauté,  dont 
le  contingent  formait  la  moitié  de  l'armée  qui  fit  la  cam- 
pagne de  Prusse  et  s'empara  de  Tilsit  (1678).  On  imputait 
au  grand  conseil  et  à  la  noblesse  les  dangers  que  la  Suède 
venait  de  courir  dans  la  guerre  de  Danemark  et  que 
Charles  XI  avait  conjurés  par  son  énergie;  aussi,  conformé- 
ment aux  vœux  des  trois  ordres  plébéiens,  les  diètes  de 
1680  et  1682-83  lui  conférèrent-elles  des  pouvoirs  dicta- 
toriaux pour  opérer  le  retrait  des  donations  faites  sous  les 
règnes  précédents  aux  comtes,  aux  barons,  à  la  petite  no- 
blesse et  même  au  clergé  et  aux  bourgeois.  La  mesure 
n'était  complètement  juste  que  dans  quelques  cas  où  la 
jouissance  de  l'usufruit  pouvait  être  regardée  comme  une 
rémunération  suffisante  des  services  rendus.  Mais,  si  la 
haute  noblesse  fut  ruinée,  les  paysans  furent  affranchis  du 
servage,  et  la  couronne  trouva  dans  ces  réductions  des  res- 
sources pour  entretenir  des  troupes  indelta,  c.-à-d.  répar- 
ties dans  les  cantonnements.  En  Finlande,  les  terres  confis- 
quées furent  distribuées  aux  officiers  et  soldats  de  trois 
régiments  de  cavalerie.  D'autre  part,  les  paysans,  pour  se 
racheter  du  service  militaire,  s'associèrent,  sauf  dans 
l'OEsterbotten,  pour  fournir  logement,  terre  et  costume  de 
travail  à  six  mille  soldats  laboureurs,  à  raison  d'un  pour 
deux,  trois  ou  quatre  domaines.  Le  lœn  de  Kexholm  conti- 
nuait d'être  exempt  de  ces  charges.  Pendant  la  longue  paix 
qui  régna  depuis  la  conclusion  des  traités  de  Saint-Ger- 
main et  de  Lund  (1679),  jusqu'à  la  fin  du  siècle,  la  Fin- 
lande, mieux  administrée,  aurait  prospéré  sans  les  disettes 
qui  l'affligèrent  en  1674-77,  1686-88,  1695-97  et  lui 
enlevèrent  près  du  quart  de  sa  population. 

Sous  Charles  XII  (1  697-1718),  les  troupes  finlandaises 
prirent  part  à  la  défense  de  Riga  contre  les  Saxons  d'Au- 
guste II,  au  glorieux  débloquement  de  Narva  (1700),  à  la 
victoire  de  Gemœuerthof  près  de  Mitau  (1 704) ,  mais,  pendant 
qu'elles  occupaient  les  provinces  baltiques,  leur  pays  qui 
avait  dû  tripler  son  contingent  se  trouvait  presque  dégarni  ; 
les  Russes  en  profitèrent  pour  s'emparer  de  Nœteborg 
(1702)  et  deNyen  (1703),  que  Pierre  le  Grand  rasa  pour 
fonder  Saint-Pétersbourg  tout  près  de  là.  Ils  battirent  les 
Finlandais  près  du  Systerbseck  (1703);  leur  flotte  pilla  et 
brûla  Borgâ  (1708).  Après  avoir  vainement  assiégé  Vi- 
borg en  1706,  ils  se  rendirent  maîtres  de  ce  boulevard  de 
la  Finlande  (1710),  ainsi  que  de  Vilmanstrand  et  de  Kex- 
holm. Un  nouveau  gouverneur  et  commandant  général,  Cari 
Nieroth,  reçut  alorsde  pleins  pouvoirs  :  outrel  0,000  hommes 
de  troupes  régulières,  il  leva  30,000 miliciens  et  des  francs- 
tireurs,  fit  des  incursions  sur  le  territoire  russe,  mais  ne 
put  reprendre  Viborg  (1711).  A  sa  mort  (1712)  la  Fin- 
lande devint  la  proie  des  Russes  qui  en  occupèrent  les  par- 
ties centrale  et  méridionale  (171 3)  et  s'avancèrent  jusqu'en 
OEsterbotten  (Ostrobotnie).  Après  la  victoire  de  M.  Galitzin 
sur  C.-G.  Armfelt  à  Napo,  près  de  la  rivière  de  Kyrœ  (1 9  févr. 
1714),  ils  incendièrent,  pillèrent  et  emmenèrent  en  captivité 
(1716-17)  20,000  habitants,  dont  une  partie  furent 
vendus  aux  Persans.  Cette* occupation  russe,  qui  dura  six 
ans,  fut  une  période  de  misère  qui  est  appelée  la  grande 
perturbation  (en  finnois  ho  viha,  en  suédois  Stora  Ofre- 
den).  Les  débris  de  l'armée  finlandaise  sous  Armfelt,  qui 
depuis  1714  étaient  cantonnés  dans  le  Norrland,  firent  une 
pointe  dans  la  Norvège  moyenne  jusque  sous  les  murs  de 
Throndhjem  (1718).  Les  souffrances  de  la  Finlande  qui 
avaient  été  successivement  adoucies  grâce  à  l'humanité  du 
prince  M.  Galitzin,  commandant  général,  ne  prirent  fin  que 
longtemps  après  la  mort  de  Charles  XII  (174  8),  lors  de  la 
conclusion  au  traité  de  Nystad  (30  août  1721)  qui  enleva 
à  la  grande-principauté  une  partie  des  lsens  de  Viborg  et 
de  Kexholm. 

Vingt  années  de  paix  (jusqu'en  1741)  et  le  régime  par- 
lementaire (Frihetstiden,  période  de  liberté)  inauguré  lors 
de  l'élection  de  la  plus  jeune  sœur  de  Charles  XII,  Ulrique- 


Eléonore  (23  juin  1719)  et  continué  sous  le  règne  de  son 
époux  Frédéric  de  Hesse  (24  mars  1720-21  mars  1751) 
pansèrent  un  peu  les  plaies  laissées  par  vin  gt  années  de  guerre 
et  le  despotisme  de  Charles  XII.  Les  commissions  royales 
envoyées  en  Finlande  (1725-27  et  1729)  réprimèrent  les 
concussions  et  travaillèrent  à  la  péréquation  des  impôts  ; 
les  fermiers  de  la  couronne  obtinrent  le  droit  de  préemp- 
tion pour  les  terres  cultivées  par  eux  (1723)  et  la  faculté 
de  les  prendre  à  cens  en  payant  trois  années  de  fermage 
(1741).  La  connaissance  de  la  langue  finnoise  fut,  sinon 
imposée  aux  fonctionnaires,  du  moins  regardée  comme  un 
titre  de  recommandation  (1739)  ;  le  code  suédois  de  1734 
fut  traduit  (1738)  et  publié  en  finnois  (1759).  Le  Fin- 
landais Arvid  Horn  dirigea  habilement  et  prudemment 
la  politique  étrangère  de  la  monarchie,  mais  les  Chapeaux 
(Hattar)  ayant  pris  le  dessus  sur  les  Bonnets  (Mœssor),  à 
la  diète  de  1738-39,  il  fut  remplacé  par  le  comte  G.  Gyl- 
lenborg  qui,  de  concert  avec  le  comité  secret,  s'allia  avec 
la  France  contre  la  Russie  (1741)  et  complota  avec  la 
prétendante  Elisabeth  Petrovna  l'éviction  du  tsar  Ivan  VI. 
Or,  dès  que  le  chef  de  l'armée  finlandaise,  C.-E.  Lewen- 
haupt,  en  marchant  sur  Saint-Pétersbourg  (1 9  nov.  1741), 
eut  provoqué  une  révolution  dans  laquelle  Elisabeth  fut 
proclamée  tsarine  (25  nov.),  celle-ci  se  tourna  contre  la 
Suède  et,  dans  un  manifeste  du  18/28  mars  1742,  elle 
offrit  à  la  Finlande  de  la  reconnaître  comme  Etat  indépen- 
dant. Les  Karéliens  se  défendirent  vigoureusement  contre 
les  envahisseurs,  tandis  que  les  12,000  hommes  de  l'ar- 
mée active  se  repliaient  sans  coup  férir  jusqu'à  Helsingfors 
où, cernés  parterre  et  par  mer,  ils  durent  capituler  le 
24  août  1742.  Les  fonctionnaires,  les  ecclésiastiques  et 
beaucoup  de  bourgeois  se  réfugièrent  en    Suède,  mais  la 
grande-principauté  eut  de  nouveau  à  subir  une  occupation 
qui,  ayant  été  moins  longue  et  moins  pénible  que  la  précé- 
dente, fut  appelée  la  petite  pertubation  (Lilla  Ofreden)  : 
le  maréchal  P.  de  Lascy  et  le  gouverneur  russe  J.  Keith 
ménagèrent  les  habitants  qui  avaient  dû  rendre  hommage 
à  la  tsarine.  Quelques  petits  avantages  que  les  Suédois  rem- 
portèrent en  1743  et  surtout  le  choix  du  candidat  russe, 
Adolphe-Frédéric  de  Holstein,  comme  héritier  présomp- 
tif du  roi  Frédéric,  hâtèrent  la  conclusion  de  la  paix.  Par 
le  traité  d'Abo  (7  août  1743),  la  Finlande  perdit  de  nou- 
veau une  bande  de  terre  située  à  l'E.   du  Kymmene  et 
d'une  ligne  traversant  le  Vuokijœrvi  et  le  Saimaa  et  passant 
au  N.  de  Nyslott,  mais  la  tsarine  promit  de  respecter  les 
lois,  les  coutumes  et  la  religion  des  habitants. 

Les  Chapeaux  qui,  malgré  ces  revers,  conservèrent  le 
pouvoir  jusqu'à  la  fin  de  1764,  s'efforcèrent  d'atténuer  le 
mal  causé  par  leur  légèreté  et  aussi  par  celle  des  Ronnets 
qui  avaient  trop  négligé  les  mesures  de  défense.  Le  comité 
secret  et  la  commission  militaire  de  1746-47  résolurent 
de  remplacer  les  insignifiantes  fortifications  de  1721-44 
par  de  sérieux  travaux  qui  protégeraient  à  la  fois  Helsing- 
fors devenu  chef-lieu  militaire  et  sa  vaste  rade,  à  l'entrée 
de  laquelle  le  colonel  Augustin  Ehrensvserd,  assisté  de 
l'ingénieur  Thunberg,  créante  forteresse  de  Sveaborg  (1747- 
50)  ;  la  nouvelle  ville  de  Lovisa  (1745)  fut  également  pro- 
tégée parla  forteresse  de  Svartholm  ;  une  flottille  côtière 
fut  créée  pour  opérer  conjointement  avec  les  troupes  de 
terre.  D'autre  part,  la  commission  économique  adopta  le 
principe  d'un  échange  général  entre  tous  les  propriétaires 
d'une  même  paroisse,  afin  de  diminuer  le  nombre  des  par- 
celles disséminées  (1747).  L'arpentage  de  la  grande-prin- 
cipauté commença  en  1747  et  la  triangulation  en  1750.  Le 
calendrier  grégorien  fut  substitué  en  1753  au  calendrier 
julien,  par  la  suppression  des  onze  derniers  jours  de  février. 
La  tenue  des  registres  de  l'état  civil  et  des  tables  statis- 
tiques paroissiales  fut  imposée  aux  pasteurs  en  1749.  La  po- 
pulation delà  Finlande  s'élevait  en  1751  à  429,912  âmes. 
Les  voies  fluviales  furent  améliorées  (1757-65)  ;  des 
magasins  de  céréales  établis  (1753),  en  prévision  des  an- 
nées de  disette.  Mais  les  fabriques  fondées  avec  des  sub- 
ventions de  l'Etat  ne  donnèrent  que  de  mauvais  produits 


FINLANDE 


-  506  — 


Dœbeln  à  évacuer  les  îles  cTÂland  et  le  poursuivirent  jus- 
qu'à Grisslehamn,  non  loin  d'Upsala.  Une  trêve  fut  con- 
clue le  24  mars,  à  la  suite  de  la  déposition  du  roi  Gus- 
tave IV  (43  mars  4809).  Un  autre  corps  russe,  s'avançant 
sur  la  glace  à  travers  le  Kvarken  (47-21  mars),  surprit 
J.-A.  Cronstedt  et  occupa  Umeâ.  La  plus  grande  partie  de 
l'armée  finlandaise,  cantonnée  à  Torneâ  et  dans  les  envi- 
rons, étant  ainsi  coupée,  son  chef  H.-H.  Gripenberg  dut 
capituler  le  25  mars  à  Servis  sur  le  territoire  suédois. 
Aussi,  à  la  paix  conclue  à  Fredrikshamn  (17  sept.  4809), 
Charles  XIII  qui  avait  remplacé  son  neveu  Gustave  IV, 
dut-il  céder  au  tsar  Alexandre  Ier  toute  la  Finlande,  plus 
la  rive  gauche  du  fleuve  Torneâ  qui  faisait  partie  du  Ves- 
terbotten  (Botnie  occidentale  ou  suédoise). 

La  Finlande  était  ainsi  déliée  de  ses  serments  de  fidélité 
envers  une  nation  qui  l'avait  traitée  en  sœur,  sur  le  pied 
d'une  parfaite  égalité,  en  lui  apportant  le  christianisme  et 
la  civilisation.  Quoiqu'elle  eût  souffert  autant  et  plus  que 
la  Suède  pour  la  défense  des  intérêts  communs,  elle  lui  res- 
tait attachée  par  les  liens  de  la  religion,  des  institutions, 
des  mœurs  et  en  partie  de  la  langue  et  de  la  littérature, 
aussi  bien  que  par  de  glorieux  souvenirs.  Ce  n'est  pas  sans 
douleur  qu'elle  s'en  sépara,  mais  le  suprême  efîort  qu'elle 
venait  de  s'imposer  n'avait  pas  eu  d'autre  résultat  que  de 
lui  mériter  l'estime  du  vainqueur.  Ne  pouvant  faire  plus, 
elle  se  résigna  ;  aussi  bien,  la  tâche  lui  fut  facilitée  par  la 
magnanimité  de  son  nouveau  souverain.  Alexandre  Ier 
s'était  annoncé  comme  un  protecteur  plutôt  que  comme  un 
conquérant  et  il  tint  parole.  Dès  le  début,  ses  généraux 
s'efforcèrent  d'adoucir  la  condition  des  vaincus  ;  ils  les 
engagèrent  à  ne  pas  émigrer  comme  pendant  les  précédentes 
occupations  ;  ils  maintinrent  les  fonctionnaires  en  place,  et 
les  quatre  ordres  furent  invités  à  envoyer  des  délégués 
auprès  du  tsar  pour  lui  exposer  les  besoins  et  les  vœux  du 
pays.  La  députation  des  trois  lsens  méridionaux,  sous  la 
présidence  du  baron  C.-E.  Mannerheim,  ancien  ligueur  d'An- 
jala,  s'étant  rendue  à  Saint-Pétersbourg  en  nov.  4809, 
déclara  qu'elle  ne  pouvait  remplacer  la  diétine  dont  elle 
demanda  la  convocation,  ce  qui  fut  accordé.  Pendant  la 
session  qui  eut  lieu  à  Borgâ  du  43  mars  au  49  juil.,  le 
tsar  reçut  l'hommage  des  Etats  (29  mars),  après  avoir  so- 
lennellement confirmé  les  droits  et  privilèges  de  la  grande- 
principauté.  La  conscription  fut  abolie  ;  les  charges  impo- 
sées aux  propriétaires  pour  l'entretien  de  l'armée,  converties 
en  contributions  exclusivement  affectées,  ainsi  que  les  autres 
revenus,  aux  besoins  du  pays.  Les  espèces  russes  et  sué- 
doises devaient  avoir  cours  jusqu'à  ce  que  la  Finlande  eût 
sa  propre  monnaie.  Sur  la  demande  des  ordres  des  paysans 
et  du  clergé,  le  suédois  fut  maintenu  comme  langue  offi- 
cielle. En  un  mot,  la  Finlande  était  «  élevée  pour  l'avenir 
au  rang  des  nations  »,  selon  l'heureuse  expression  du  tsar. 
Pour  couronner  sa  belle  œuvre,  Alexandre  Ier  restitua  à  la 
grande-principauté  les  pays  qui  lui  avaient  été  enlevés  en 
1 724  et  4  743 ,  sans  en  excepter  le  lsen  de  Kexholm  qui  n'avait 
jamais  envoyé  de  députés  à  la  diète  suédoise  et  qui,  avec 
l'Ingermanland,  formait  un  gouvernement  à  part  ;  de  sorte 
que  la  Finlande  dite  ancienne  (au  point  de  vue  russe)  fut, 
à  partir  de  4842,  réunie  à  la  partie  récemment  conquise 
ou  nouvelle  Finlande.  La  ville  de  Helsingfors,  transfor- 
mée par  J.-A.  Ehrenstrœm  et  l'architecte  G.-L.  Engel  et 
désignée  comme  capitale  dès  4842,  le  devint  effectivement 
en  4847  et  en  outre  siège  de  l'université  (4828),  après 
l'incendie  de  la  ville  d'Âbo  (4827). 

Les  principes  libéraux  qui  avaient  d'abord  animé 
Alexandre  Ier  ayant  fait  place,  dès  4842,  à  l'esprit  de 
réaction,  la  diète  ne  fut  plus  convoquée  et  la  censure  réta- 
blie en  4829,  de  sorte  que  les  Finlandais  ne  purent  plus 
s'occuper  de  politique  dans  les  dernières  années  de  ce  règne 
et  pendant  celui  du  tsar  Nicolas  (4825-4855),  ce  qui  fut 
loin  de  nuire  aux  progrès  économique  et  littéraire.  Dans 
cette  longue  période  de  recueillement  une  nouvelle  cour 
d'appel  fut  créée  à  Viborg  (4839)  et  un  troisième  évêché  à 
Kuopio  (4850);  quatre  villes  fondées  (Jyvseskylae,  4837; 


Saint-Michel,  4838  ;  Heinola,  4839,  et  Joensuu,  4848); 
le  canal  de  Saimaa,  creusé  de  4845  à  4856;  un  institut 
agronomique  établi  à  Mustiala  (4836);  beaucoup  d'écoles 
techniques  et  élémentaires  ouvertes  ;  la  situation  financière 
s'améliora  par  suite  de  l'essor  que  prirent  l'agriculture  et 
le  commerce,  mais  qui  fut  momentanément  ralenti  pendant 
la  guerre  de  Crimée.  Les  flottes  alliées  détruisirent  les 
fortifications  de  Svartholm,  bombardèrent  Sveaborg  (9-44 
août  4855)  et  brûlèrent  sans  profit  plusieurs  villes  et  en- 
trepôts ;  le  seul  fait  d'armes  utile  fut  ole  siège  de  la  cita- 
delle de  Bomarsund  dans  les  îles  d'Àland  (40-46  août 
4854)  par  les  marins  de  Baraguey  d'Hilliers  qui  la  fit 
sauter  (2  sept.)  ;  par  le  traité  de  Paris  (30  mars  4856), 
il  est  interdit  de  fortifier  ce  groupe  d'îles. 

Sous  le  règne  du  grand  réformateur  Alexandre  II 
(2  mars  4855-43  mars  4884),  fut  inaugurée  (4862)  la 
première  ligne  de  chemin  de  fer,  celle  de  Helsingfors  à 
Tavastehus  ;  ensuite  celles  de  Riimseki  à  Saint-Pétersbourg 
(4870),  d'Âbo-Tavastehus-Tammerfors(4876),  de  Hangœ- 
Hyvinge  (4873).  Les  relations  commerciales  de  la  Finlande 
avec  la  Russie  furent  facilitées  par  l'ordonnance  de  4859  ;  la 
liberté  de  l'industrie  et  du  commerce  accrue  (4859,  4868); 
des  monnaies  spéciales  (en  markka  et penni  correspondant 
au  franc  et  au  centime)  frappées  pour  la  grande-principauté 
(4860).  Mais  le  couronnement  de  l'édifice  fut  la  convoca- 
tion d'un  comité  de  douze  élus  de  chaque  ordre  (1864), 
bientôt  suivie  de  celle  des  Etats  (4863).  C'est  le  48  sept, 
que  la  diétine  (landtdag)  se  réunit  pour  la  première  fois 
après  l'assemblée  de  Borgâ  (4809).  Depuis,  ses  sessions  ont 
eu  lieu  régulièrement  de  cinq  ans  en  cinq  ans  jusqu'en 
4882,  ensuite  tous  les  trois  ans.  Parmi  les  résultats  de  ses 
délibérations  ou  de  ses  vœux,  on  doit  citer  :  l'abolition  de 
la  censure  (4865-4867),  de  la  plupart  des  privilèges  de  la 
noblesse  (4864)  et  du  privilège  des  bouilleurs  de  cru 
(eau-de-vie  de  grain)  ;  l'institution  de  municipalités  élues 
dans  les  campagnes  (4  865)  et  la  loi  municipale  pour  les 
villes  (4873)  ;  l'émancipation  de  la  femme  à  vingt  et  vingt- 
cinq  ans  (4864);  l'égalité  des  sexes  dans  les  partages 
(4878)  et  l'exercice  des  métiers  (4879);  des  facilités  pour 
la  division  et  le  morcellement  des  domaines  (4864);  la  loi 
ecclésiastique  de  4869;  la  séparation  de  l'Eglise  et  de 
l'école  (4869,  4872);  l'institution  d'un  bureau  de  statis- 
tique (4870);  la  loi  maritime  (4873);  la  loi  militaire 
(4878)  qui  institua  le  service  obligatoire  de  21  à  40  ans 
soit  dans  l'armée  active  (5,000  hommes  en  temps  de  paix), 
soit  dans  la  réserve  ou  la  territoriale.  Une  ordonnance  de 
4863,  tout  en  maintenant  le  suédois  comme  langue  offi- 
cielle, avait  placé  le  finnois  sur  le  même  pied,  pour  ce  qui 
concernait  la  population  parlant  cette  langue,  et  fixé  un 
délai  de  vingt  ans  pour  son  emploi  dans  les  tribunaux  et 
les  actes  administratifs,  ce  qui  fut  réglé  ultérieurement 
parles  lois  de  4884  et  4883. 

Sous  Alexandre  III  qui  règne  depuis  le  43  mars 
4884,  les  réformes  ont  continué  :  les  Etats,  dont  la 
constitution  remontait  aux  lois  restrictives  de  Gustave  III, 
obtinrent  en  4885  le  droit  d'initiative;  une  loi  pénale 
très  étudiée  fut  adoptée  en  4888  ;  la  liberté  religieuse, 
un  peu  élargie  (4888)  ;  de  nombreuses  écoles  de  filles, 
ouvertes  ;  le  système  métrique  adopté  (4886);  la  voie  ferrée 
de  Vasa  à  Uleâborg  achevée  en  4886  ;  celle  de  Saint- 
Pétersbourg  à  Kuopio  en  4889.  Les  Finlandais  avancent 
lentement,  mais  régulièrement,  dans  la  voie  du  progrès. 
Quoiqu'il  leur  reste  beaucoup  à  faire  pour  se  rapprocher 
de  l'idéal,  jamais  la  condition  de  leur  pays  n'a  été  meil- 
leure, et  la  satisfaction  serait  générale  si  le  parti  panslaviste 
ne  demandait  leur  assimilation  avec  le  reste  de  l'empire 
dont  ils  sont  séparés  par  la  nationalité,  la  religion,  les 
institutions,  la  langue.  Heureusement  ils  ont  pour  sauve- 
garde l'équité  de  leur  grand-duc  qui,  à  son  avènement,  a 
promis  de  «  maintenir  la  religion  et  les  lois  fondamentales 
dont  le  pays  a  joui  jusqu'alors  conformément  à  sa  consti- 
tution ». 

Littérature. —  Quoique  les  lettres  aient  été  introduites 


505  — 


FINLANDE 


fort  chers,  et  le  papier-monnaie,  émis  avec  exagération  par 
la  banque  nationale,  fut  soumis  à  un  fort  agio.  Cette  mau- 
vaise situation  financière  causa  la  dissolution  du  parti  des 
Chapeaux.  Les  Bonnets,  ayant  repris  le  dessus  à  la  diète 
de  1765-66,  affranchirent  la  presse  et  en  partie  le  com- 
merce et  l'industrie  ;  mais  une  excessive  économie  fit 
ajourner  bien  des  améliorations  :  le  numéraire  manqua  par 
suite  du  retrait  des  billets  excédant  le  chiffre  de  l'encaisse 
métallique  ;  les  fortifications  et  la  flotte  furent  négligées, 
tandis  que  l'or  de  l'étranger  dictait  les  délibérations  de  la 
diète  et  les  résolutions  des  comités  ;  aussi  l'opinion  pu- 
blique redevint-elle  favorable  aux  Chapeaux  qui  eurent  la 
majorité  à  la  diète  de  4769-70.  Ce  parti,  qui  avait  autre- 
fois annulé  le  pouvoir  royal,  commença  de  se  rapprocher 
d'Adolphe-Frédéric  (4751-71)  dans  les  dernières  années 
de  son  règne. 

Son  fils  et  successeur,  Gustave  III  (1771),  put  s'appuyer 
sur  les  Chapeaux  pour  rétablir  la  prépondérance  royale  par 
un  coup  d'Etat  exécuté  aux  applaudissements  de  la  popu- 
lation (49  août  4772).  Les  fermiers  de  la  noblesse  profi- 
tèrent de  l'abaissement  de  cet  ordre  pour  se  soustraire 
aux  corvées  et  demander  la  propriété  de  leurs  terres  à 
charge  de  cens  ;  il  fallut  user  de  rigueur  pour  mettre  fin  à 
leurs  excès  (4779).  A  la  suite  d'un  voyage  en  Finlande 
(1775),  Gustave  III  créa  une  seconde  cour  d'appel,  celle 
de  Vasa  (4779),  fonda  les  villes  de  Heinola  et  de  Tammer- 
fors  (4779),  de  Kuopio  (4782),  de  Kaskœ  (4785),  fit 
creuser  des  canaux,  partagea  les  forêts  communales  entre 
les  usagers  et  le  domaine  public,  donna  une  vigoureuse 
impulsion  à  la  réunion  des  terres  éparpillées,  renforça  l'ar- 
mée en  réorganisant  la  réserve  sur  le  modèle  de  Yindelta 
(4784)  et  en  assurant  l'équipement,  l'approvisionnement  et 
la  mobilisation  de  celle-ci.  Ces  améliorations  et  ces  réformes 
n'avaient  pas  réconcilié  l'aristocratie  avec  le  roi  qui  l'avait 
dépouillée  de  son  pouvoir  politique.  L'un  des  promoteurs 
du  coup  d'Etat  de  4772,  le  colonel  G.  Sprengtporten  ayant 
formé  avec  des  représentants  de  Catherine  II  le  complot 
de  séparer  la  Finlande  de  la  Suède  pour  la  mettre  sous  le 
protectorat  de  la  Russie,  Gustave  III  profita  de  ce  que  la 
tsarine  était  en  guerre  avec  la  Turquie  pour  lui  demander 
(42  juil.  4788)  la  restitution  des  provinces  enlevées  à  la 
Finlande.  Son  armée  de  32,000  hommes  qu'il  voulut  com- 
mander malgré  son  inexpérience,  et  sa  flotte  montée  par 
42,000  hommes,  étaient  bien  supérieures  en  nombre  aux 
forces  dont  pouvait  alors  disposer  l'ennemi.  Néanmoins, 
après  la  bataille  de  Hogland  (47  juil.  4788),  la  flotte  sué- 
doise, au  lieu  d'aller  à  Saint-Pétersbourg,  dut  rentrer  à 
Sveaborg  ;  la  marche  par  terre  était  longue  et  entravée  par 
l'opposition  de  beaucoup  d'officiers  finlandais  qui  regardaient 
la  guerre  comme  inconstitutionnelle,  pour  avoir  été  entre- 
prise sans  le  consentement  de  la  diète.  Il  fallut  aban- 
donner le  siège  de  Fredrikshamn  et  rétrograder.  Le  géné- 
ral C.-G.  Armfelt  et  plusieurs  colonels  campés  à  Liikala 
dépêchèrent  à  Saint-Pétersbourg  (9  août)  un  de  leurs 
complices,  le  major  J.-A.  Jœgerhorn,  pour  demander  la  paix 
avec  la  rétrocession  des  pays  enlevés  à  la  Finlande.  Le 
traître  n'était  pas  encore  de  retour  avec  une  réponse  néga- 
tive que  déjà  les  conjurés  réunis  au  camp  à'Anjala,  sur 
la  rive  droite  du  Kymmene,  s'étaient  ligués  (42  août)  et 
avaient  adressé  un  manifeste  au  roi  pour  réclamer  une 
trêve  et  la  convocation  de  la  diète.  Gustave  III,  pressé  de 
regagner  la  Suède  pour  parer  à  l'agression  du  Danemark, 
laissa  le  commandement  (27  août)  à  son  frère  le  duc 
Charles  de  Sœdermanland,  avec  ordre  de  garder  le  retran- 
chement de  Hœgfors  sur  le  territoire  russe  à  FE.  du  delta 
du  Kymmene.  Cette  position  fut  néanmoins  évacuée  (25  sept.) 
et  peu  après  le  froid  mit  fin  aux  opérations  militaires. 

Cependant  le  roi  qui,  par  son  énergie,  avait  sauvé  la 
ville  de  Gœteborg  et  conclu  une  trêve  avec  le  Danemark,  fit 
arrêter  et  punir  (4789)  les  conjurés  d'Anjalaque  l'opinion 
publique  avait  déjà  condamnés  aussi  bien  en  Finlande  qu'en 
Suède.  La  diète  de  4789  (26  janv.-28  avr.),  où  les  trois 
ordres  plébéiens  se  coalisèrent  contre  la  noblesse,  approuva 


la  conduite  du  roi,  vota  les  subsides  qu'il  demanda  et  lui 
conféra  des  pouvoirs  presque  absolus,  dont  il  usa  pour 
pousser  vigoureusement  les  préparatifs  d'une  nouvelle  cam- 
pagne. Les  Finlandais  lui  donnèrent  un  concours  empressé  ; 
l'esprit  de  l'armée  était  devenu  meilleur  ;  les  troupes  du 
Savolaks  sous  Stedingk remportèrent  à Porrassalmi  (42  juin) 
une  victoire  où  fut  blessé  G.  Sprengtporten,  qui  était  au 
service  de  la  Russie  depuis  4786,  et  une  autre  à  Par- 
kumseki  (20  juil.)  ;  mais  le  roi,  qui  avait  envahi  le  terri- 
toire russe,  fut  battu  à  .Kaipiais  (45  juil.)  et,  la  flottille 
côtière  l'ayant  été  à  Svenksund  (24  août),  il  fallut  rétro- 
grader à  Ô.  du  Kymmene.  En  4790,  la  brigade  du  Savo- 
laks eut  l'avantage  à  Partakoski  (45  et  30  avr.),  à  Pirtimseki 
(45  mai)  et  Gustave  III  à  Valkiala  (29  avr.),  à  Anjala 
(5  mai),  mais  s'étant  imprudemment  avancé  avec  ses  flottes 
jusque  dans  le  golfe  de  Viborg,  il  perdit  5,000  hommes 
avec  beaucoup  de  navires,  perte  qui  fut  compensée  par  sa 
brillante  victoire  navale  (9  juil.)  à  Svensksund,  où  la  flottille 
côtière  des  Russes  fut  presque  anéantie.  L'honneur  étant 
sauf,  la  paix  fut  conclue  à  Vcerœlœ  (44  août  4790)  sur 
la  base  du  statu  quo  ante. 

Pendant  près  de  vingt  ans  de  calme  la  Finlande  continua 
de  se  développer  aux  points  de  vue  intellectuel  et  matériel. 
Mais  Gustave  IF,  qui  avait  succédé  à  son  père  le  29  mars 
4792,  ayant  refusé  d'accéder  au  blocus  continental,  fut 
attaqué  par  le  nouvel  allié  de  Napoléon,  Alexandre  Ier,  qui, 
sans  déclaration  de  guerre,  fit  envahir  la  Finlande  (24  févr. 
4  808)  sous  prétexte  de  la  protéger.  Quoique  cette  éven- 
tualité eût  été  prévue  depuis  longtemps,  le  roi  tout  occupé 
du  vain  projet  de  conquérir  la  Norvège,  garda  en  Suède 
ses  40,000  nommes  de  troupes  régulières  et  n'envoya  au- 
cun renfort  dans  la  grande-principauté.  Il  se  borna  à 
donner  aux  généraux  l'ordre  de  jeter  de  fortes  garnisons 
à  Sveaborg  et  à  Svartholm  et  de  se  replier  sur  l'OEster- 
botten  avec  le  reste  de  leurs  forces.  L'armée  de  Finlande, 
composée  de  49,000  hommes  appuyés  par  2,000  marins, 
était  sur  un  bon  pied  et  animée  d'un  excellent  esprit  ;  elle 
ne  recula  que  pied  à  pied  devant  les  24,000  hommes  de 
Fr.-V.  von  Buxhœvden  ;  mais  le  général  en  chef,  V.-M. 
_  Klingspor,  avait  ordre  de  battre  en  retraite.  C'est  seule- 
ment le  48  avr.  que  le  chef  d'état-major  général,  £-/.  Ad- 
lercreutz,  osa  prendre  l'offensive  au  passage  du  Siikajoki, 
puis  non  loin  de  là  à  Revolaks  (27  avr.).  A  la  suite  des 
deux  avantages  qu'il  remporta,  il  se  mit  à  la  poursuite  des 
Russes  qui  se  retirèrent  vers  le  S.  à  Gamla-Karleby  ou 
Kokkola.  Du  côté  de  l'E.,  Sandels,  après  avoir  anéanti  un 
bataillon  russe  à  Pulkkila  (2  mai)  et  fait  reprendre  Kuo- 
pio parC.-V.  Malm  (42  mai),  avait  reconquis  presque  tout 
le  Savolaks.  Sa  brigade  ayant  été  renforcée  par  les  paysans 
soulevés  sous  la  direction  des  militaires  finlandais,  que  les 
Russes  avaient  renvoyés  dans  leurs  foyers  après  les  hon- 
teuses capitulations  de  C.-M.  Gripenberg  à  Svartholm 
(48  mars)  et  de  l'amiral  C.-O.  Cronstedt  à  Sveaborg 
(3  mai),  il  se  maintint  bravement  tout  l'été  dans  la  posi- 
tion de  Toivala  et  termina  honorablement  le  campagne  par 
leocombat  de  Virta  (27  oct.).  De  même  les  insulaires 
d'Âland,  appuyés  par  trois  embarcations  suédoises,firent  pri- 
sonniersrtous  les  Russes  qui  occupaient  l'archipel  (mai  4808) . 

Les  victoires  de  Dœbeln  à  Lappo  (14  juil.),  àKauha- 
joki  (10  août),  d'Adlercreutz  et  de  J.-A.  Cronstedt  à  Alavo 
(17  août),  avaient  permis  à  Klingspor  de  s'avancer  jusqu'à 
Virdois  dans  la  Finlande  moyenne  ;  mais  son  armée,  ne 
recevant  pas  de  renforts,  dut  se  retirer  vers  le  Nord  pour- 
suivie par  des  forces  trois  fois  plus  nombreuses,  faillit  être 
coupée  à  Jutas  où  Dœbeln  repoussa  l'ennemi  (13  sept.) 
et  fut  vaincue  le  lendemain  à  Oravais  près  de  Nykarleby. 
Comme  les  insignifiantes  tentatives  de  Gustave  IV  pour 
secourir  la  Finlande  avaient  presque  toutes  échoué,  Klings- 
por dut  conclure  à  Lohteâ  (29  sept.)  une  trêve  que  son 
successeur  Klercker  renouvelaà  Olldjoki  (19  nov.),  en  s'en- 
gageant  à  évacuer  toute  la  Finlande  et  à  se  retirer  à  l'O. 
du  fleuve  Kemi.  A  la  reprise  des  hostilités  en  mars  1809, 
les  Russes,  traversant  la  Baltique  sur  la  glace,  forcèrent 


—  507  — 


FINLANDE 


en  Finlande  lors  de  Févangélisation,  rien  n'a  été  écrit  dans 
le  principal  idiome  du  pays  au  temps  du  catholicisme  :  ce 
sont  cependant  les  chants  populaires  et  les  traditions  anté- 
rieures à  cette  période  qui  font  la  base  de  la  littérature 
nationale.  Ces  précieuses  reliques,  conservées  pendant  des 
siècles  par  la  seule  tradition  locale,  ont  été,  pour  la  plupart, 
transcrites  de  nos  jours  seulement,  quoiqu'elles  eussent  été 
déjà  remarquées  au  xvme  siècle,  notamment  par  D.  Juslenius, 
dont  la  collection  est  malheureusement  perdue.  Les  princi- 
pales ont  été  groupées  par  le  docteur  Lœnnrot  dans  le  Ka- 
levala,  de  manière  à  former  un  vrai  corps  épique;  dans  la 
Kanteletar  (fille  de  la  cithare),  recueil  de  poésies  détachées, 
et  dans  les  collections  de  Chants  mythiques,  de  Pro- 
verbes et  d'Enigmes  ;  et  par  E.  Salmelainen,  dans  des 
recueils  de  Contes  et  de  Fables.  Pendant  le  catholicisme, 
les  runoja  (poètes),  les  tietœjœ  (voyants,  magiciens), 
les  satuniekka  (conteurs)  remanièrent  les  runo  du 
Kalevala,  les  formules  magiques,  les  contes,  en  y 
introduisant  des  idées  et  des  locutions  chrétiennes,  et 
en  composèrent  dans  la  même  forme  non  seulement  sur 
des  sujets  mythiques  et  héroïques,  mais  encore  sur  des 
matières  religieuses  (comme  la  Vierge  Marie,  le  Sau- 
veur, Madeleine),  historiques  (comme  VEtiêque  Henri 
et  Lalli,  KL  Kurki  et  Elina),  chevaleresques,  idyl- 
liques, etc.,  tandis  qu'un  moine  du  couvent  de  Nâdendal, 
Jœns  Budde,  traduisait  du  latin  en  suédois  quelques  livres 
de  l'Ancien  Testament,  des  légendes  et  des  ouvrages  de 
piété,  et  que  d'autreso  ecclésiastiques  écrivaient  une  chro- 
nique des  évêques  d'Âbo,  des  Piœ  cantiones,  des  cartu- 
laires,  des  missels,  et  d'autres  ouvrages  qui  n'ont  rien  de 
littéraire. 

Avec  la  Réformation  commence  une  période  caractérisée 
par  la  prédominance  des  publications  religieuses  et  que 
l'on  peut  appeler  théologique.  Elle  s'étend  jusqu'à  l'intro- 
duction de  l'imprimerie  en  Finlande  (1642).  M.  Agricola, 
plus  tard  évêque  d'Abo,  fut  le  premier  qui  publia  (à  Stock- 
holm) des  ouvrages  finnois  à  partir  de  4542.  Il  eut  plu- 
sieurs imitateurs  :  Jasobus  Pétri  Finno  ou  Suomalainen; 
Paul  Juusten,  qui  écrivit  de  plus  en  latin  une  explication 
des  Evangiles  et  une  chronique  des  évêques  de  Finlande  ; 
Erik  Eriksson  Sorolainen,  dont  le  remarquable  sermonnaire 
(4621,  4625)  fut  populaire  pendant  deux  siècles;  E.  Pe- 
trseus,  M.  Stodius,  H.  Hoffmann  et  G.  Favorinus,  dont  la 
traduction  delà  Bible  (Âbo,  4642)  fut  réimprimée  bien  des 
fois,  notamment  à  Âbo  en  4884.  Le  fondateur  de  la  prose 
finnoise,  M.  Agricola,  fut  aussi  un  novateur  en  poésie  : 
dans  les  pièces  de  vers  qui  accompagnent  ses  ouvrages,  il 
substitue  la  rime  finale  et  le  nombre  des  syllabes  à  l'alli- 
tération et  au  rythme,  qui  continuaient  d'être  employés 
dans  des  chansons  historiques,  comme  Jacob-Pontus  de  la 
Gardie,  la  Destruction  de  Viborg,  le  Duc  Charles  en 
Finlande,  la  Guerre  des  Gourdins.  J.  Suomalainen  pu- 
blia à  Stockholm,  vers  4580,  un  Psautier  dont  il  ne  reste 
pas  un  seul  exemplaire,  mais  dont  Hemming  Henriksson 
nous  a  conservé  des  pièces  dans  son  recueil  publié  entre 
4640  et  4644,  auquel  il  ajoute  des  psaumes  tout  à  fois 
allitérés  et  rimes.  Ce  dernier  traduisit  aussi  (4646)  les 
Piœ  cantiones  éditées  à  Greifswald  en  4582  par  Th.-P. 
Rutha.  Le  finnois  commença  d'être  assoupli  au  style  de 
chancellerie  sous  Gustave  Vasa  (lettres  patentes  de  4555, 
traduction  du  code  de  Christophe  de  Bavière,  par  Martin, 
pasteur  des  Finnois  à  Stockholm)  et  sous  Charles  IX  (tra- 
duction du  même  code,  4602,  et  de  la  loi  urbaine,  4609, 
par  Ljunge  Thomas  qui,  de  plus,  écrivit  en  suédois  sur  la 
Guerre  des  Gourdins) .  Cet  idiome  est  placé  au  nombre  clés 
principales  langues  de  l'Europe  par  Erik  Schrœder  dans 
son  Dictionnaire  latin-suédois-allemand-finnois  (Stock- 
holm, 4632).  D'autres  Finlandais  écrivirent  en  suédois  ou 
en  latin,  notamment  le  mémorialiste  Kl. -H.  Fleming  de 
Kaskis  ;  le  théologien  Marcus  H.  Helsingius,  Johannes  Sv. 
Raumannus,  Th.  Florinus,  M. -H.  Stodius;  le  prédicateur 
Isak  B.  Rothovius;  l'astronome  Sigfrid  A.  Forsius;  et  les 
versificateurs  Johannes  Sigfridi  et  J.-C.  Rachlitzius  ;  sans 


parler  du  Suédois  J.  Messenius  qui,  pendant  sa  captivité  à 
Kajaneborg,  composa  la  première  Chronique  rimée  de  la 
Finlande  jusqu'en  4628. 

L'université  d'Abo,  fondée  en  4640,  donna  une  vive  im- 
pulsion aux  études  théologiques,  scientifiques  et  littéraires. 
Alors  s'ouvre  une  période  qui  coïncide  avec  celle  de  la 
prépondérance  suédoise  dans  le  Nord  et  qui  finit  avec  elle  au 
commencement  du  xviii9  siècle.  La  monarchie  suédo-baltique 
qui,  grâce  aux  victoires  de  ses  armées,  s'était  élevée  au  rang 
des  grandes  puissances,  faisait  également,  au  point  de  vue 
intellectuel,  assez  bonne  figure  dans  le  concert  européen, 
et  la  Finlande  y  joua  un  rôle  qui  n'était  pas  trop  effacé. 
Son  université  rivalisait  avec  celle  d'Upsala  qu'elle  sur- 
passa même  à  ses  débuts.  Nous  pouvons  laisser  de  côté  les 
nombreux  sermonneurs,  moraliseurs  et  discoureurs,  pour 
qui  tout  était  matière  à  dissertations  en  prose  ou  en  vers, 
mais  il  faut  mentionner  comme  prédicateurs,  outre  Lau- 
rentius  Pétri,  Th.  RajaleniusetA.  Hasselqvist,  qui  se  ser- 
vaient du  finnois,  E.-A.  Petrseus,  I.-B.  Rothovius,  J.-E. 
Terserus,  qui  était  également  bon  orateur  politique  et 
chronologiste,  O.-M.  Arenius,  S.  Reuter,  G.  Vellenius, 
J.-G.  et  J.-J.  Gezélius  ;  comme  exégètes,  ces  deux  der- 
niers, ainsi  'que  E.  Svenonius,  P.  Bâng,  G.  Alanus;  comme 
philosophes,  A.  Kempe,  M.  Vexionius,  A.  Thuronius, 
P.  Laurbecchius,  A.  Vanochius.  Les  sciences  historiques 
sont  représentées  par  P.  Bâng,  M.  Vexionius,  D.  Juslenius, 
E.  Brenner,  J.  Schmedeman,  enfin  M.  Martiniuset  L.  Pé- 
tri, qui  publièrent  des  chroniques  versifiées,  l'un  en  latin, 
l'autre  en  finnois  ;  la  linguistique,  par  les  fennisants  E.  Pe- 
traeus  qui  publia  la  première  grammaire  finnoise  (Âbo, 
4649;  remaniée  par  M.  Martinius,  4689),  par  H.  Flo- 
rinus et  B-.-G.  Whael;  par  lesuédisant  G.  Vallenius;  par 
l'hébraïsant  S.  Paulinus;  par  les  latinistes  J.-G.  Gezélius, 
D.  Achrélius  et  M.  Miltopseus.  Les  sciences  mathématiques 
furent  cultivées  par  S.  Kexlerus,  A.  Thuronius,  J.  Flach- 
senius,  P.  Laurbecchius  et  L.  Tammelin;  la  physique,  par 

D.  Achrélius  ;  la  médecine  et  la  botanique,  par  E.  Tillandz. 
Chronander,  E.  Kolmodin  et  P.  Carstenius  écrivirent  des 
pièces. de  théâtre  en  suédois;  D.  Achrélius,  T.  Rudén, 
0.  Vexionius  et  J.  Paulinus  (Lillienstedt),  des  poésies  dans 
la  même  langue  ;  ce  dernier,  également  des  poésies  grecques 
et  latines;  J.-M.  Raumannus,  M.  Salamnius,  B.  Whael, 

E.  et  J.  Cajanus,  A.  Aschelinus,  Z.  Lithovius,  E.  Justander 
et  G.  Tuderus,  des  poésies  finnoises. 

Après  l'affaiblissement  du  pouvoir  royal  (4748),  la  lit- 
térature, en  partie  émancipée  sous  le  régime  parlementaire 
(1724-4772),  quitta  les  hautes  régions  de  la  théologie  et 
de  la  philosophie  pour  aborder  les  questions  pratiques  et 
chercher  les  moyens  d'améliorer  la  situation  économique. 
Au  lieu  de  profonds  traités  on  ne  publia  guère  que  des 
ouvrages  de  piété,  surtout  en  finnois,  notamment  le  remar- 
quable sermonnaire  de  J.  Vegelius.  Les  mathématiques 
furent  cultivées  par  N.-G.  Schultén  et  M.-J.  Vallenius  ; 
l'astronomie  par  N.  Hasselbom  et  A.  Planman  ;  la  phy- 
sique par  J.  Gadolin;  l'histoire  naturelle  par  J.  Broval- 
lius,  C.-Fr.  Meunander,  P.  Kalm  et  El.  Tillandz  ;  l'éco- 
nomie politique  par  P. -A.  Gad,  A.  et  S.  Chydenius, 
J.  Lèche  et  J.  Kraftman  ;  la  médecine  par  H.-D.  Spce- 
ring  et  J.-J.  Haartman  ;  la  philosophie  par  C.  Mesterton. 
Un  grand  nombre  d'érudits,  comme  A.  Scarin,  J.  Archen- 
holtz,  J.  Bilmarck,  H.  ïïassel,  P.  Mathesius,  laissant  de 
côté  les  hypothèses  de  leurs  prédécesseurs,  écrivirent  d'après 
les  documents  une  foule  de  monographies  et  d'histoires  de 
localités.  Parmi  les  linguistes  on  distingue  les  orientalistes 
H.  Brenner  etC.-A.  Clewberg;  les  fennisants  D.  Juslenius, 
B.-G.  Whael  et  C.-G.  Veman  ;  le  laponisant  H.  Ganander  ; 
l'helléniste  H. -H.  Fattenborg.  Il  parut  beaucoup  de  chants 
historiques  et  de  poésies  de  circonstance  (épithalames,  con- 
gratulations, thrênodies)  ;  on  ne  compte  pas  moins  d'une 
soixantaine  de  poètes  finnois,  entre  autres  :  G.  et  G. -G.  Ca- 
lamnius,  H.  Lilius,  S.  et  A.  Achrenius,  J.  et  A.  Froste- 
rus,  I.-M.  Lithovius.  Un  parent  de  celui-ci,  le  capitaine 
G.  Lithou,  fut  l'un  des  meilleurs  poètes  latins  de  son  pays  ; 


FINLANDE 


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de  même  que  Frese  et  G.-Ph.  Creutz  occupent  une  belle 
place  dans  la  littérature  suédoise. 

Durant  la  période  d'absolutisme  tempéré  qui  suivit  les 
coups  d'Etat  de  4772  et  4789  et  la  séparation  d'avec  la 
Suède  (4809),  la  Finlande  se  recueillit  et,  tout  en  conti- 
nuant de  s'intéresser  plus  particulièrement  aux  connais- 
sances pratiques,  elle  s'étudia  elle-même,  non  seulement 
dans  le  présent,  mais  encore  dans  le  passé,  se  préparant 
ainsi,  d'abord  inconsciemment,  à  vivre  de  ses  propres  res- 
sources. Dans  cette  période  de  transition  elle  s'occupa 
plutôt  de  ramasser  que  de  mettre  en  œuvre  les  matériaux 
de  tout  genre.  Outre  les  organes,  d'ailleurs  éphémères,  de 
ses  sociétés  littéraire  (Aurora)  et  économique,  elle  eut, 
au  moins  temporairement,  des  journaux  et  autres  pério- 
diques, en  suédois  à  partir  de  4774,  en  finnois  à  partir  de 
4776,  et  même  en  allemand,  à  Viborg,  à  partir  de  4823. 
La  presse  non  périodique  ne  chôma  pas  non  plus  ;  dans  le 
domaine  religieux  il  faut  citer  :  A.  Bjœfkqvist,  Jac.  et 
Joh.  Bonsdorff,  J.  Kraftman,  A.  Chydenius,  E.  Frosterus, 
C.-H.  Strandberg;  en  philosophie,  G.-I.  Hartman.et  J.-H. 
Avellan  ;  dans  la  jurisprudence,  Calonius,  Joh.-Gabr.  Bons- 
dorff et  J.-J.  Nordstrœm  ;  dans  les  sciences  historiques, 
les  érudits  Porthan,  J.  Bilmark,  Jac.  et  Joh. -Jac.  Tengs- 
trœm,  C.-H.  Strandberg,  G.-G.  Haellstrœm,  V.-G.  Lagus, 
G.  Rein,  M.-J.  et  P.-J.  Alopaeus,  G.  Tidgren,  A.-G.  Hip- 
ping,  A.-I.  Arvidsson;  les  mémorialistes  J.-J.  burman, 
C.-E.  Bladh,  G.-J.  Holm;  le  topographe C. -P. Haellstrœm; 
les  mythographes  Ganander  et  Lencqvist;  les  démomathes 
A.  Poppius,  Sjœgren,  Z.  Topelius,  E.  Lœnnrot;  en  lin- 
guistique, les  fennisants  R.  von  Becker,  Renvall,  Idman, 
J.  Juteini,  Keckman,  0.  Kolmodin,  Strahlmann,  G.  Palan- 
der,  Vikstrœm,  Virenius,  C.-A.  Gottlund  et  Helenius  ;  les 
slavistes  E.-G.  Ehrstrœm  et  G.  Geitlin;  les  hellénistes 
J.-J.  Tengstrœm  et  Sjœstrœm  ;  les  latinistes  Linsén  et  J.-F. 
Vallenius;  les  orientalistes  G.  Gadolin,  L.-O.  Lefrén, 
P.  Malmstrœm,  I.-U.  Vallenius,  J.-H.  Fattenborg  et  Sjœs- 
tedt.  Les  sciences  mathématiques  furent  cultivées  par 
Lexell,  J.-H.  Lindqvist,  M.-J.  Vallenius,  Mether,  Schul- 
tén,  Ahlstedt,  Argelander  et  Valbeck  ;  les  sciences  natu- 
relles par  Forskâl,  Nordmann,  Mannerheim,  Sahlberg, 
Gabr.  Bonsdorff,  C.-N.  Hellenius,  Prytz,  Bremer,  P.-A. 
Gadet  N.-G.  Nordenskiœld  ;  la  physique  par  G.-G.  Hsells- 
trœm  ;  la  chimie  par  J.  Gadolin  et  P.-A.  von  Bonsdorff  ;  la 
médecine  par  N.-A.  Ursin  ;  l'économie  rurale  par  C.-G. 
Bœcker  et  P.-J.  Bladh.  La  poésie  suédoise  est  représentée 
par  Franzén,  Chorœus,  Sjœstrœm,  Ciewberg,  Arvidsson 
et  J.-L.  Runeberg  à  ses  débuts  ;  la  prose  par  Fredrika-L. 
Lindqvist.  En  fait  de  prose  finnoise,  il  ne  parut  guère  que 
des  ouvrages  de  piété  ;  les  principaux  poètes  dans  la  même 
langue  sont  :  J.  J.  Juteini ,  Th.  Ragvaldinpoika,  Paavo 
Korhonen,  C.-A.  Gottlund,  qui  fut  îe  premier  à  donner  des 
anthologies  (Pieniœ  runoja,  4848, 4824,  et  Vœinœmœi- 
set,  4828),  A.  Poppius,  J.-A.  Frosterus,  Ganander,  C.-G. 
Weman,  H.  Achrenius,  E.  Tuoriniemi,  P.  Kettunen,  P.  et 
E.  Ticklén  et  CL— J.  Kemell,  et  parmi  les  chansonniers 
J.  Zidén,  Franzén,  H.  Vsesenaenen. 

Après  la  fondation  de  la  société  de  littérature  finnoise 
(4834)  et  la  publication  du  premier  chef-d'œuvre  de  Ru- 
neberg (Elgskyttarne,  4832),  ainsi  que  des  grandes  col- 
lections des  chants  lyriques  et  épiques,  formées  par  Z.  To- 
pelius (4822-4835)  et  E.  Lœnnrot  (Kantele,  4829-34, 
Kalevala,  4835,  Kanteletar,  4840),  commence  une 
période  d'épanouissement  pour  la  plupart  des  sciences  et 
des  branches  de  la  littérature.  La  découverte  des  beaux 
chants  populaires  en  dialecte  karjalais  permit  d'enrichir 
le  vocabulaire  et  de  substituer  des  formes  pleines  aux 
désinences  apocopées  de  l'idiome  hœmselœis  qui  servait  de 
fondement  à  la  langue  littéraire.  D'autre  part,  la  population 
suédoise,  quoique  séparée  de  ses  frères  de  l'Ouest,  conti- 
nuait de  rivaliser  avec  eux  pour  enrichir  le  domaine  intel- 
lectuel commun,  et  les  égalait,  quand  elle  ne  les  surpassait 
pas,  soit  en  leur  fournissant  des  savants  (N.-A.-E.  Nor- 
denskiœld et  Nordstrœm),  des  poètes  (Franzén,  E.  von 


Qvanten)  et  l'une  de  leurs  meilleures  romancières  (Frede- 
rika  Bremer),  soit  en  conservant  dans  son  sein  des  écri- 
vains comme  Runeberg,  C.-R.  Malmstrœm,  Z.  Topelius 
fils,  Stenbaeck,  des  linguistes  comme  N.-M.  Castrén, 
Lœnnrot,  Ahlqvist.  De  son  côté,  l'élément  finnois  dont 
la  langue,  grâce  aux  efforts  des  fennomanes  (Snellman, 
Yrjœ  Koskinen,  Meurman),  a  été  mise  sur  le  pied  d'éga- 
lité avec  le  suédois  dans  l'administration  et  les  tribunaux 
(4883)  et  en  partie  dans  l'enseignement,  s'est  montré  le 
digne  émule  de  ceux  qui  l'avaient  initié  à  la  civilisation. 
Son  idiome  a  été  approprié  à  tous  les  styles  et  ceux  qui 
s'en  servent  ne  se  confinent  plus  dans  quelques  spécia- 
lités. Désormais  tous  les  genres  sont  représentés  dans  la 
littérature  bilingue  de  la  grande  principauté. 

Nous  avons  à  citer,  parmi  les  théologiens,  J.-Fr.  Bergh, 
V.  Carlsson,  O.-J.  Colliander,  G.  Dahlberg,  A--Fr.  Gran- 
felt,  Fr.-G.  Hedberg,  A.-V.  Ingman,  H.-E.  Murén,  H.  Râ- 
bergh,  H.  Rennqvist,  F.-L.  Schauman,  C.-R.  Sederholm  et 
O.-V.  Segersvœrd  ;  parmi  les  philosophes,  A.-W.  Bolin, 
Z.-J.  Cleve,  J.-J.-F.  Perander,  C.  G.-Th.  Rein  et  J.-V. 
Snellmann;  parmi  les  esthéticiens,  Fr.  Cygnseus  et  C.-G. 
Estlander  ;  parmi  les  juristes,  C.-G.  Ehrstrœm,  C.-E.  Eke~ 
lund,  J.-O.  Forsman,  A.  Grotenfelt,  R.-A.  Montgomery, 
J.-J.  Nordstrœm,  3. -F.  Palmén,  J.-V.  Rosenberg,  J.-C. 
Svanljung  et  R.-A.  Wrede  ;  parmi  les  publicistes,  E.  Bergh, 
V.-M.  von  Born,  A.-L.  Gripenberg,  C.-A.-E.  Linder, 
L.-H.-S.  Mechelin,  A.  Meurman,  Fr.  Polén,  J.-A.  Schau- 
man  et  P.  Tikkanen.  Dans  la  pédagogie  relevons  les  noms 
de  C.-H.  Alopœus,  U.  Cygnseus,  J.-G.  Geitlin,  O.-H. 
Gripenberg,  Lucina  Hagman,  A.-G.-J.  Hallstén;  dans 
l'économie  rurale  et  domestique,  G.  von  Alfthan,  L.  Ar- 
nell,  H.  Deutsch,  A.-V.  Liljenstrand,  Fr.  von  Radloff, 
P.-E.  OEstring  ;  dans  la  technologie,  A. -F.  Soldan;  G.-R. 
Ehrnroth  et  C.  Sjœros  ont  écrit  sur  l'art  militaire .  Les 
sciences  historiques  ont  été  cultivées  par  C.-A.  Alcenius, 
M.  Akiander,  Hj.  Appelgren,  E.  Bergroth,  C.-A.  Bomans- 
son,  C.  von  Bonsdorff,  C.-A.  et  R.  Castrén,  V.  Carlsson, 
C.-M.  Creutz,  J.-R.  Danielsson,  S. -G.  Elmgren,  F.-J. 
Ekman,  A.-J.  Europgeus,  J.-G.  Frosterus,  H.  Gebhard, 
G.  Granfelt,  J.-E.-A.  Grœnblad,  R.-Th.  Hausen,  G.-Fr. 
Helsingius,  A.-J.  Hornborg,  F.  von  Knorring,  J.-M.  Ka- 
jaani,  Yrjœ  Koskinen,  V.-G.  et  J.-J.  Lagus,  C.-J.  Leinberg, 
A.  Lindman,  G.-A.  Montgomery,  À.  Neovius,  E.  Palmén, 
J.-O.— I.  Rancken,  G.  Rein,  H. -A.  Reinholm,  R.-A.  Ren- 
vall, J.-M.  Salenius,  M.-G.  Schybergsson,  A.-H.  Snell- 
man, C.-C.  Tigerstedt,  J.-E.  Vaaranen;  la  statistique,  la 
géographie  et  la  cartographie  par  G.  von  Alfthan,  C.-V. 
Gyldén,  A.-V.  Eklund,  O.-J.  Hagelstam,  C.-E.-F.  Ignatius, 
I.-J.  Inberg,  A. -A.  Jgernefelt,  Tilén,  M.  Weckstrœm  et 
H. -H.  Waechter.  N'oublions  pas  les  voyageurs  :  iV.-E. 
Ahlqvist,  T.-G.  Aminoff,  M.-A.  Castrén,  Â.-V.  Ervast, 
P.  Kurvinen,  N.-A.-E.  Nordenskiœld,  D.  Skogman  et 
Y.-A.  Wallin;  ni  les  mémorialistes:  C.-A.  Brakel,  J.-E. 
von  Schantz,  Sarah-E.  Wacklin  ;  non  plus  que  les  bio- 
graphes :  F.-J.  Rabbe,  J.-F.  Sacklén,  G.-A.  Spâre,  C.-H. 
Strandberg,  sans  parler  des  auteurs  du  recueil,  malheureu- 
sement inachevé,  de  Finlands  minnesvœrde  mcen  (Hel- 
singfors,  1853-4857,  2  vol.  in-8)  et  d'une  trentaine  de 
collaborateurs  de  l'excellent  Biograflnen  nimikirja(ià., 
I  879-4  889,  in-8).  Mentionnons  aussi  les  bibliographes  F.-V. 
Pipping  et  V.  Vasenius,  ainsi  que  les  généalogistes  et  hé- 
raldistes,  E.-R.  Alcenius,  T.  Carpelan,  G.-A.  Cajanus, 
E.-T.  von  Knorring,  H.  af  Schultén,  J.-F.-O.  Vasastjerna 
et  J.-P.  Winther. 

La  démomathie,  représentée  par  C.  Collan,  A.-O.  Freu- 
denthal,  A.-O.  Heikel,  J.-V.  Murman,  E.vRudbeck  (Salme- 
lainen),  M.  Varonen,  touche  de  près  à  la  linguistique  qui 
l'est  par  nombre  de  philologues,  grammairiens  et  lexico- 
graphes dans  le  domaine ougro-finnois  :  A.-E.Ahlqvist,  F.-F. 
Ahlman,  M.  Akiander,  A.-Fr.  Almberg,  T.-G.  Aminoff, 
G.-A.  Avellan,  O.-A.-F.  Blomstedt,  A.  Borenius,  C.-G. 
Borg,  M.-A.  Castrén,  F.  Collan,  A.-G.  Corander,  0.  Don- 
ner, E.-G.  Eurén,  D.-E.-D.  Europseus,  A.  Genetz,  B.-F. 


—  o09  — 


FINLANDE 


Godenhjelm,  R.  Hertzberg,  A.-Y.  Jahnsson,  A. -H.  Kallio, 
A.-H.-A.  Kellgren,  Y.  Koskinen,  J.-L.-F.  Krohn,  J.-A. 
Lindstrœm,  E.  Lœnnrot,  A.  Meurman,  V.  Porkka,  F.-Y. 
Rothsten,  Y.-S.  Schildt  (Kilpinen),  E.-N.  Setolse;  par  le 
suédisantA.-O.Freudenthal;  par  le  romaniste  et  germaniste 
W.  Sœderhjelm  ;  par  les  latinistes  E.-J.-Y.  af  Brimer  et 
C.-R.  Forsman;  par  les  hellénistes  J.-Y.  Calamnius,  G.  Can- 
nelin  et  C.  Forsman;  par  les  orientalistes  C.-Fr.Enebergj, 
G.  Geitlin,  A.-H.-A.  Kellgren,  J.-J.-V.  Lagus,  L.  Stem, 
et  Y.-A.  Wallin;  enfin  par  le  missionnaireo  P .  Kurvinen 
qui  a  écrit  sur  l'Ovambo.  A  Helsingfors,  à  Àbo,  à  Yiborg 
et  dans  plusieurs  autres  villes,  on  joue  non  seulement  des 
traductions  et  des  imitations,  mais  encore  de  nombreuses 
pièces  originales  en  suédois  et  en  finnois  écrites  par  C.-J. 
Bergbom,  qui  fonda  le  premier  théâtre  finnois  dans  la  capi- 
tale en  4872,  par  Fr.  Berndtson,  Minna  Canth,  P.  Hanni- 
kainen,  E.-F.  Jahnsson.  R.  Kiljander,  A.  Kivi,  M.  Kurikka, 
J.-F.  Lagervall,  Y.-G.  Lagus,  A.-Th.  Lindh,  C.-R.  Malm- 
strœm,  E.-F.  Nervander,  Hedvig  et  G. -A.  von  Numers, 
A.-O.  Roos,  Daniel  Sten  (Ina  Lange),  Z.  Topelius,  A.  Va- 
relius,  C.-F.  Wahlberg  et  J.-J.  Wecksell.  Les  principaux 
poètes  en  langue  suédoise  sont,  avec  l'illustre  Runeberg, 
R.  Hertzberg,  J.-G.  Leisteinius,  A.-Th.  Lindh,  C.-R. 
Malmstrœm,  J.-J.  Nervander,  Yilhelmina  Nordstrœm, 
E.  von  Qvanten,  J.  Reuter,  J.-H.  Roos,  L.-J.  Stenbseck, 
C.-A.  Tavaststjerna,  G.-Y.  Tœrnegren,  enfin  Z.  Topelius 
qui  est  également  un  prosateur  distingué,  autour  duquel 
on  peut  grouper  divers  romanciers,  nouvellistes  et  con- 
teurs :  H.  von  Becker,  Anna  Dammert,  Alexandra  Gripen- 
berg,  A.-G.  Ingelius,  H.  von  Numers,  N.-H.  Pinello, 
E.-O.  Reuter  et  Frederika  Runeberg.  Parmi  les  poètes  fin- 
nois on  distingue  :  A.-E.  Ahlqvist  (Oksanen),  P,-E. 
Cajander,  J.-H.  Erkko,  J.-F.  Granlund,  E.-A.  Ingman, 
A.  Jsennes,  Sahan  Kalle,  S.-J.  Kallio  (Bergh),  C.-M.  Kil- 
jander, A.  Kivi  (Stenvall),  0.  Kymaelseinen,  C.  Kramsu, 
P.  et  0.  Lyytinen,  P.  Makkonen,  P.  Mansikka,  G.  Pat- 
turi,  A.Poppius,  A.  Puhakka,  A.  Rahkonen,  C.-A.  Slœœr, 
U.  von  Schrove,  C.-G.-S:  Suomalainen,  Suonio  (J.-L.-Fr. 
Krohn),  A.  Tuokko  (Tœrneroos),  0.  Yuorinen,  et  jusqu'à 
un  ancien  serf  de  l'Ingermanland,  J.  Rseikkonen.  Les  ro- 
manciers et  nouvellistes  en  finnois  sont  également  nom- 
breux: N.  Aejmelaeus,  J.Aho(Brokfeldt),  J.-A.  Bergman, 
Minna  Canth,  Th.  Friman,  Tyko  Hagman,  Sofia-Th. 
Hahnsson,  E.-F.  Jahnsson,  Kauppis-Heikki,  Minna  Krohn, 
T.  Pakkala,  P.  Pseivserinta,  J.  Reijonen  et  Y.  Soini. 

Les  sciences  ne  manquent  pas  d'adeptes  ;  pour  les  mathé- 
matiques on  peut  citer  :  J.-E.  Bergroth,  A.-E.  et  E.-J.-V. 
Bonsdorff,  J.-H.  Eklœf,  L.  Lindelœf,  E.  Neovius,  N.-G.af 
Schultén  et  C.-G.  Tavaststjerna;  pour  l'astronomie,  J.-A.- 
H.  Gyldén  ;  pour  la  météorologie,  A.  Moberget  J.-J.  Ner- 
vander ;  pour  la  physique,  J.-C.-E.  Chydenius  et  C.-S. 
Lemstrœm  ;  pour  la  chimie,  A.-E.  Arppe  et  A.  Moberg  ; 
pour  la  géologie  et  la  minéralogie,  H.-J.  Holmberg,  N.-Â.- 
E,  Nordenskiœld  et  F.-J.  Wiik;  pour  la  botanique,  O.-A. 
Alcenius,  N.  et  J.  Fellman,  le  mycologiste  P.-A.  Karsten, 
S.-O.  Lindberg,  A.-J.  Mêla,  J.-P.  Norrlin,  Y.  et  Fr.Ny- 
lander,  O.-M.  Reuter,  A.-Th.  Saeian  et  E.-A.  Yainio  ; 
pour  la  sylviculture ,  A.-G.  Blomqvist  ;  pour  la  zoo- 
logie, E.-J.  Bonsdorff,  A.  von  Nordman,  l'ichtyologue 
A.-J.  Malmgren,  J.-A.  Palmén,  et  l'ornithologue  M.  von 
Wright  ;  pour  la  vénerie,  J.-J.  Maexmontan  ;  pour  l'ento- 
mologie, Fr.  Y.  Mseklin,  J.-H.  Sahlberg  et  J.-M.-J.  af 
Tengstrœm  ;  pour  la  physiologie,  C.-G.  Hsellsten  et.  R.  Ti- 
gerstedt  ;  pour  la  médecine,  G. -A.  Asp,  l'oculiste  Fr.-J. 
von  Becker,  G.-S.  Crusell,  J.-A.  Estlander,  C.-V.  Fon- 
tell,  C.-D.  von  Haartman,  O.-E.-A.  Hjelt,  I.Ilmoni,C.-K. 
Relander  et  G.  Smirnoff,  enfin  les  gynécologistes  Pipping- 
skœld,  Fr.  Saltzman  et  K.-S.  Sirelius  ;  pour  la  pharmaco- 
logie, J.  Julin  et  E.-E.  Sundvik.  Quoique  cette  brève  énu- 
mération  ait  surtout  pour  but  d'indiquer  les  noms  sous  les- 
quels on  trouvera  de  plus  amples  détails,  elle  donne  aussi 
une  idée  du  développement  que  les  sciences  et  les  lettres 
ont  pris  en  Finlande  dans  le  cours  des  siècles,  mais  surtout 


pendant  les  deux  dernières  générations  ;  ces  progrès  si 
rapides  depuis  un  demi-siècle  font  bien  augurer  des  des- 
tinées d'une  nation  qui,  à  peine  devenue  autonome,  a  su 
non  seulement  se  suffire,  mais  encore  fournir  aux  pays 
voisins  un  notable  contingent  d'hommes  distingués  en 
divers  genres. 

Beaux- Art  s.  —  Importés  en  Finlande  avec  le  catholi- 
cisme, ils  furent  pendant  toute  sa  durée  au  service  de 
l'Eglise  ;  celle-ci  fut  alors  dotée  d'un  plus  grand  nombre 
d'édifices  en  pierre  que  dans  les  périodes  suivantes.  Outre 
la  cathédrale  d'Âbo  élevée  au  xme  siècle,  on  peut  citer  les 
églises  de  Nousis,  de  Rsentœmseki,  Hattula,  Mynsemaeki  ; 
celles  de  Saltvik,  Finstrœm  et  Hammarland  dans  le  groupe 
d'Aland;  les  moutiers  de  Nâdendal  et  de  Raumo.  Quoique 
l'on  ne  connaisse  le  nom  d'aucun  de  leurs  architectes,  on 
peut  conjecturer  que  quelques-uns  étaient  du  pays,  puisque 
vers  1500  le  moine  finlandais  Joseph  bâtit  plusieurs  églises 
en  Suède  dans  le  Medelpad.  En  fait  de  peintures  de  cette 
période,  on  ne  connaît  guère  que  des  restes  de  verrières, 
sans  doute  exotiques,  dans  les  églises  de  Nauvo,  de  Reso, 
de  Yehmo  ;  de  belles  peintures  sur  bois  ornant  les  retables 
d'Urdiala  et  de  Nykyrko  ;  des  détrempes,  barbares  à  Nou- 
sis, naïves  à  Tœfsala,  plus  artistiques  à  Nykyrko  (où  elles 
sont  dues  àPetrus  Henriksson  en  4470),  à  Hattula,  Raumo, 
Lohja,  Pargas  ;  en  fait  de  sculptures  sur  bois,  que  les  re- 
tables de  Kumlinge,  Urdiala,  Lemland,  Vehmo,  Nâdendal, 
Houtsker,  Yânâ.  La  vierge  de  Korpoest  également  en  bois; 
la  châsse  de  Saint-Henri,  à  Nousis,  est  revêtue  de  plaques 
de  bronze,  gravées  et  ornées  de  la  figure  du  saint  et  de 
scènes  de  sa  vie,  le  tout  probablement  exécuté  en  Flandre, 
comme  le  curieux  calice  d'argent  de  Sifridus,  dans  la  cathé- 
drale de  Borgâ,  dut  l'être  en  Allemagne.  En  résumé,  l'art 
n'eut  rien  de  national  en  Finlande  pendant  les  trois  der- 
niers siècles  du  moyen  âge. 

Les  trois  autres  siècles  de  la  domination  suédoise  dans 
la  grande-principauté  furent  bien  loin  d'être  favorables  à 
l'architecture  :  on  ne  bâtit  que  de  rares  églises,  la  plupart 
en  bois  et  sans  style  ;  les  forteresses  construites  par  des  ingé- 
nieurs étrangers,  et  les  châteaux  des  seigneurs,  n'en  avaient 
pas  non  plus,  et  les  seuls  édifices  remarquables  sont  :  le  palais 
de  justice  à  Vasa  (1776),  l'église  de  Tavastehus  (1798)  et 
l'académie  d'Âbo  (1802-1817).  Au  xvme  siècle,  les  encou- 
ragements que  la  sculpture  ne  trouvait  plus  dans  le  zèle 
religieux,  lui  vinrent  de  la  vanité  des  familles  :  de  magni- 
fiques tombeaux  ou  cénotaphes,  du  style  de  la  Renaissance, 
en  marbre  ou  en  grès,  remplaçant  dans  les  églises  les  sta- 
tues des  saints,  perpétuèrent  la  mémoire  de  grands  per- 
sonnages, surtout  de  héros  de  la  guerre  de  Trente  ans.  On 
remarque  particulièrement  ceux  d'Âke  Tott  et  de  Sigrid 
Bielke  par  F.  Schultz,  de  la  reine  Catherine  Mânsdotter, 
d'Evert  Horn  et  de  Marguerite  Fincke,  de  Torsten  Stâl- 
handske  et  de  Catherine  Horn  dans  la  cathédrale  d'Âbo  ; 
celui  de  Henri  Fleming  et  de  Hebba  Bâât  à  Mynœmseki  ;  les 
hauts-reliefs  représentant  Arvid  Stâlarm  et  Elina  Fleming 
à  Tenhola.  Parmi  les  sculptures  en  bois,  on  cite  la  chaire  à 
prêcher  de  l'église  de  Brahe  exécutée  par  M.  Balt,  venu  de 
France;  celle  de  Yillnses,  probablement  aussi  d'origine 
française.  Au  xviii6  siècle,  deux  sculpteurs  finlandais  se 
firent  un  nom  :  G.  Serlachius  (f  1738)  et  J.-J.  von  Bi- 
lang  (1739-1808).  Beaucoup  plus  nombreux  furent  les 
peintres,  soit  indigènes  pour  la  plupart,  soit  étrangers  mais 
établis  en  Finlande  ;  au  xvie  siècle,  Henrik  etSigfrid,  atta- 
chés à  la  cour  du  duc  Jean  ;  au  xvir9  siècle,  P.  Langh, 
H.  Speitz,  J.  Lang,  A.  Myyra,  J.  Krœger,  Isak  et  Elias. 
Brenner  qui  se  distingua  comme  miniaturiste  et  graveur  à 
Stockholm,  les  portraitistes  allemands  D.  Mœller  et  A.  Ulich  ; 
au  xvme  siècle,  J.-Y.  Geitel,  C.  Lang,  J.  Bergman,  G.  Lu- 
cander,  Marguerite  Capsius,  I).  Pasch,  J.  Stâhlbom,L.Gal- 
lenius,  I.  Wacklin,  E.  Westzynthius ,  N.  Schillmarck, 
E.  Granberg,  M.  Toppelius.  La  plupart  de  leurs  œuvres 
sont  soit  des  retables  ou  des  peintures  murales  d'un  carac- 
tère religieux,  soit  des  tableaux  votifs  où  tous  les  membres 
d'une  famille,  les  hommes  d'un  côté,  les  femmes  de  l'autre, 


FINLANDE 


—  510  - 


sont  agenouillés  devant  un  crucifix.  Il  y  a  parfois  dans  ces 
groupes  des  portraits  d'une  véritable  valeur  artistique  ou 
historique. 

Dans  la  période  contemporaine  qui  commence  en  1809 
avec  l'autonomie  de  la  Finlande,  l'architecture  prit  un  essor 
inouï  par  suite  des  embellissements  de  Helsingfors.  A  la 
vérité,  c'est  à  un  architecte  berlinois,  C.-L,  Engel  et  à  ses 
élèves,  A. -F.  Granstedtet  C-A.  Engel,  que  l'on  doit  les 
plus  beaux  édifices  de  la  nouvelle  capitale,  et  si  plusieurs 
Suédois,  G.-T.-P.  Chiewitz,  C.-A.  Setterberg  etMelander, 
marchèrent  sur  ses  traces,  il  a  aussi  trouvé  des  émules 
chez  les  Finlandais  A.-H.  Dalstrœm,  F.-A.  Sjœstrœm, 
A.-Th.  Decker,  C.-Th.  Hœijer  et  J.-J.  Ahrenberg.  En  sculp- 
ture, c'est  un  Finlandais,  E.  Cainberg,  qui  ouvre  la  période 
en  traitant  des  sujets  nationaux.  Il  fut  même  le  premier 
qui  en  emprunta  au  Kalevala,  mais  un  demi-siècle  s'écoula 
avant  qu'il  trouvât  un  imitateur  dans  le  Suédois  C.-E.  Sjœs- 
trand.  Celui-ci  s'établit  à  Helsingfors  en  1863,  comme 
maître  à  l'école  de  l'Union  artistique.  Il  eut  le  mérite  de 
former  des  élèves  distingués  comme  W.  M.  Runeberg  et 
J.  Takkanen,  qui,  d'ailleurs,  complétèrent  leurs  études  à 
l'étranger,  de  même  que  J.-E.  Steenberg,  R.  Stigell, 
V.  Wallgren  et  E.-E.Wikstrœm.  Si,  dansles  deux  branches 
de  l'art  que  l'on  vient  de  passer  en  revue,  la  Finlande  a 
été  tributaire  de  l'étranger,  elle  cessa  de  l'être  pour  la 
peinture  et  pendant  cette  période  elle  fournit  même  à  la 
Suède  plus  d'artistes  qu'elle  n'en  reçut.  Aux  Suédois  J.-E. 
Hedberg,  E.  Thelning,  E.-V.  Lemoine,  C.-P.  Mazér,  C.-J. 
Fahlcrantz,  J.-Z.  Blackstadius,  M.  Larsson,  J.-E.  Lindh, 
qui  travaillèrent,  au  moins  quelque  temps,  dans  la  grande- 
principauté,  celle-ci  peut  opposer  nombre  de  peintres,  gra- 
veurs et  dessinateurs  finlandais  qui,  attirés  à  Stockholm  par 
l'Académie  des  beaux-arts,  s'établirent  en  Suède  :  A.  Lau- 
rseus,  U.  et  Thora  Thersner,  V.-M.  Carpelan,  J.-P.Lefrén, 
C.-G.  Lundgren,  J.-H.  Strœmer,  A.  Hârd,  Y.  von  Wright, 
G.-V.  Finnberg  et  Mathilde  Rothkirch.  Parmi  les  enfants 
du  pays  qui  y  passèrent  la  plus  grande  partie  de  leur  vie, 
ou  qui  tout  au  moins  y  sont  retournés,  on  peut  citer  : 
A.-F.  Ahlstedt,  A.  vonBecker,  G.-F.  Berndtson,MUeF.-M. 
Churberg,  R.-V.  Ekman,  S.  Elmgren,  S.-G.  Falkman, 
B.-A.  Godenhjelm,  S. -A.  Keinsenen,  O.-C.  Kleineh,  E.-.A 
Liljelund,  E.-J.  Lœfgren,  M. -H.  Munsterhjelm,  E.  Muukka, 
Mme  Sâltin,  née  Frosterus,  Mlle  A.-E.  Soldan,  Mme  von 
Schantz,  née  Gyldén,  T.-A.  Vsenerberg,  V.-A.  Wester- 
holm,  F.  Weurlander,  les  frères  M.  et  F.  von  Wright. 
Mais  bientôt  les  artistes  finlandais  prirent  l'habitude  de  se 
fixer  loin  du  Nord,  sinon  pour  toujours,  du  moins  pour 
longtemps,  dans  des  villes  où  ils  trouvaient  plus  de  res- 
sources, les  uns  à  Diisseldorf ,  d'autres  à  Dresde,  à  Munich, 
à  Florence  ou  à  Rome,  un  grand  nombre  à  Paris.  Tels 
sont  :  Mlles  U.-V.  Âberg  et  E.  Blomqvist,  Mme  de  Cock, 
née  J.-E.  Stigzelius,  E.  Danielson,  A.-G.-A.  Edelfelt, 
C.-E.  Ekman,  H.  Frosterius,  A.-V.  Gallén,  W.-G.  Holm- 
berg,  E.-N.  Jsernfelt,  C.-E.  et  Mlle  E.-G.  Jansson,  B.-A. 
Lindholm,  Mlles  H.-A.  Lundahl  et  V.  Nordensvan,  H.-S. 
Schjerfbeck,  V.  Svertschkoff,  A.  Uotila  et  M.-K.  Viik. 
N'ayant  pas  encore  d'académie  ni  même  d'écoles  complètes 
des  beaux-arts,  ils  ont  presque  tous  étudié  à  l'étranger, 
mais  les  récompenses  obtenues  par  beaucoup  d'entre  eux 
dans  les  expositions  même  universelles,  indiquent  que  ces 
disciples  d'hier  deviennent  maîtres  à  leur  tour. 

Nous  n'avons  plus  qu'à  dire  quelques  mots  de  la  musique. 
Quoique  la  Finlande  ait  eu  de  temps  immémorial  des  mélo- 
dies populaires  ;  quoique  le  chant  y  ait  été  enseigné  dans 
les  écoles  dès  le  xvne  siècle  et  que  les  principales  églises 
aient  eu  dès  lors  des  organistes  ;  quoiqu'une  société  musi- 
cale ait  été  fondée  àÀbo  en  1790,  les  compositeurs  n'y 
ont  trouvé  que  tardivement  un  terrain  favorable  ;  le  pre- 
mier enfant  du  pays  qui  se  soit  fait  un  nom,  B.  Crusell, 
dut  s'expatrier  en  1801,  et  la  place  qu'il  laissait  vide  ne 
fut  occupée  que  longtemps  après  (1835)  par  leHambour- 
geois  Fr.  Pacius,  qui  fit  jouer  deux  opéras  à  Helsingfors 
(la  Chasse  du  roi  Charles,  1852,  et  la  Princesse  de 


Chypre,  1860,  paroles  de  Z.  Topelius).  Peu  après,  le 
HolsteinoisC.  Grève  s'établit  à  Âbo  (1 842)  et  mit  en  musique 
des  opéras  de  Pinello  et  de  Berndtson  ;  enfin  le  Dantzigois, 
R.-F.  Faltin,  après  avoir  enseigné  à  Viborg  (1856),  passa 
à  Helsingfors  comme  chef  d'orchestre  au  théâtre  suédois 
(1869)  et  publia  un  recueil  de  chants  religieux  et  des  mor- 
ceaux pour  piano.  A  côté  d'eux  s'exerçaient  des  maîtres 
indigènes  (F.-A.  Ehrstrœm,  A.-E.  Hagfors,  R.-Th.  Lagi, 
A.-A.  Nordlund)  et  bientôt  il  y  eut  toute  une  pépinière  de 
compositeurs  finlandais  (C.  Collan,  gendre  de  Pacius, 
D.  Hahl,  A.-G.  Ingelius,  R.  Kajanus,  K.-J.  Moring,F.-J. 
von  Schantz,  F. -A. -T.  Tavaststjerna  et  M.  Wegelius),  qui 
transcrivirent  et  arrangèrent  les  anciennes  mélodies  ou 
mirent  en  musique  les  psaumes,  les  librettos,  les  cantates, 
les  couplets  des  poètes  contemporains  ;  de  sorte  que,  sur 
la  scène  musicale  où  ils  ont  débuté  si  récemment,  les  Fin- 
landais ne  sont  pas  de  simples  comparses  ou  tout  au  plus 
des  exécutants,  mais  ils  figurent  non  sans  originalité  à 
côté  des  maestros  étrangers.  Beauvois. 

Bibl.  :  Archéologie.—  Suomen  muinaismuisto-yhtiœn 
aikakauskirja;  Helsingfors,  1874-1891, 1-XII,  gr.in-8,  avec 
bibliogr.  archéol.  en  append.  aux  t.  Il,  IV,  VIII,  IX.  — 
J.-R.  Aspelin,  Suomaiais-ugrilaisen  muinaistutkinon 
alkeita;  ibicL,  1875,  in-8.—  Du  même, Muinais-jsesennœksia 
Suomen  suvun  asumusaloilta.  Antiquités  du  nord  finno- 
ougrien;  ibid.,  1877-84,  5fasc.  in-4,  avec  bibl.  archéol.  en 
append.  aux  fasc.  III,  IV  et  V.—  Du  môme,  Suomen  asuk- 
haat,  pakanuuden  aihana  ;  ibid.,  1885,  in-12.  —  Du  même, 
la  Rosomonorum  gens  et  le  Ruotsi;  ibid.,  1884,  in-8.—  El. 
Brenner,  Gamble  monumenter  i  Finnland,  1671-72,  dans 
Otava  de  C.-A.  Gottlund  ;  Stockholm,  1828,  t.  I,  in-8.  — 
H.-J.  Holmberg,  Finska  fornlemningar  (fig.  d'objets  des 
âges  de  pierre  et  de  bronze),  dans  Bidrag  till  Finlands 
naturkœnnedom,  fasc.  IX;  Helsingfors,  1863,  in-8.  —  No- 
tices de  A.  Heikel  et  de  K.  Killinen,  dans  le  même  re- 
cueil, fasc.  XXIX  et  XXXIII.  -^  Le  Suomi  contient  surtout 
dans  salr«  série,  Helsingfors,  1841-1860.  20  vol.  in-8,etdans 
la  2a,  ibid.,  1863-1887,  20  vol.,  des  not.  archéol.  notamment 
par  J.-R.  Aspelin,  2a  sér.,  t.  IX  et  XV  ;  par  Bomansson, 
lro  sér.,  t.  XVIII;  par  J.-W.  Calamnius,  28  sér.,  t.  VII; 
par  A.  Hjelt,  2e  sér.,  t.  XV  ;  par  K.  H^ellsten,  2e  sér., 
t.  XV;  par  A.-L.  Nyman,  2°  sér.,  t.  XV;  par  D.  Skogman, 
2«  sér.,  t.  II. 

Mythologie.—  Kalevala  (Voy.)  et  Suomen  hansan  mui- 
naiszatoitewnmoja,  avecintrod.d'El.Lœnnrot;  Helsingfors, 
1880,  pet.  in-4.  —  M.  Agricola,  en  tête  de  satrad.  du  Nouv. 
Testament  ;  Abo,  1551.  —  G.  Arctopolitanus,  De  Ori- 
gine ac  religione  Fennorum  ;  Upsala,  1728,  in-4.  —  G.  Ma- 
xenius,  De  Effectibus  fascino-naturalibus  ;  Abo,  1733,  in-4. 
—  H. -G.  Porthan,  De  Poesi  fennica  ;  Abo,  1766-78,  et,  dans 
le  t.  III  de  ses  Opéra  selecta  ;  Helsingfors,  1867,  in-8.  — 
Chr.-E.  Lencqvist,  DeSuperstitione  veterum  Fennorum; 
Abo,  1782,  et  dans  le  t.  IV  des  Op.  selecta  de  Porthan, 
1870.  —  Chr.  Th.  Ganander,  Mythologia  fennica  ;  Abo, 
1789,  in-4,  et  1822  ;  trad.  en  allemand  par  Chr.-F.  Peters- 
son  ;  Revel,  1821,  in-8.  —  L.  Fahlander,  Mythicarum 
apud  gentem  Fennicam  traditionum  momenta  ;  Upsala, 
1829,  in-4.  —  E.  Lœnnrot,  Om  Finnarnes  magiska  medi- 
cin  ;  Helsingfors,  1832  (édit.  augm.  dans  Finska  Lœkare- 
smllskapets  handlingar ;  ibid.,  1842,  in-8).  —  G.  Rein,  De 
Sacerdotibus  ethnicis  veterum  Fennorum  ;  ibid.,  1844.  — 
J.-H. -T.  Fibiger,  Omrids  af  den  finske  Hedentro  (compa- 
rée à  la  mythol.  Scandinave),  dans  le  Progr.  de  Vécole  de 
Haderslev,  1853.  —  M.  A.  Castrén,  Fœrelsesningar  i 
finsh  mythologi,  formant  le  t.  III  de  ses  Nordiska  resor 
och  forskningar  ;  ibid.,  1853,  in-8.  —  Beauvois,  la  Magie 
chez  les  anciens  Finnois,  dans  Revue  de  Vhist.  des  reli- 
gions; Paris,  1881,  t.  III;  1882,  t.  V  et  VI.  —  Mém.  par 
G.  Rein,  E.  Salmelainen  et  J.-V.  Murman,  dans  Suomi, 
1™  sér.,  t.  IV,  1844  ;  t.  XII,  1852,  et  t.  XIV,  1854.  —  Autres 
ouvr.  et  mém.,  cités  dans  Suomen  muinaismuisto-yhticen 
aikakauskirja,  1882-83,  t.  V  et  VI. 

Histoire.  —  H.-G.  Porthan,  Sylloge  monumentorum 
ad  illustrandam  historiam  fennicam  nerttnentium;  Ah o, 
1802-4,  in-4.  —  A.-I.  Arvidsson,,  Handlingar  till  upplys- 
ning  af  Finlands  hœfder;  jStockholm,  1846-58,  10  vol.  in-8. 
— J.-E.-A.  Grœnblad,  Nya  kœllor  tilt  Finlands  medeltids- 
historia;  Copenhague,1857,  I  (seul paru),  in-8.— Du  même, 
Urkunder  upply sande  Finlands  œden  och  tillstand  i  slutet 
afXVI clc  ochbœrjanaf  XVII dc  arhundradet;  Helsingfors, 
1843-56,  4  vol.  in-8.— J.-E.  Vaaranen,  Samling  af  urkun- 
der rœrande  Finlands  historia;  ibid.,  1863-78, 5  vol. in-8.  — 
R.  Hausen,  Bidrag  till  Finlands  historia  ;  ibid.,  1881-83, 
t,  I.  —  G.-Z.  Forsman  (Yrjœ  Koskinen),  Handlingar  till 
upplysning  af  Finlands  œden  under  det  stora  nordiska 
kriget;  ibicU  1865,  in-8.—  Historiallinen  arkisto  ;  ibid.,  1866- 
1891,  t.I-XI,  in-8.  —  H.-G.  Porthan,  Opéra  selecta;  ibid., 
1859-73,,  5  vol.  in-8.— Y.  Koskinen,  Tiedot  Suomen  suvun 
muinaisuudesta  ;  ibid.,  1860,  in-8.—  M.  Akiander,  Utdrag 
ur  ryska  annaler,  dans  Suomi,  1848,  lre  sér.,  t.  VIII,  — 
J.-J.  Tengstrœm,  Nagra  blad  ur  Finlands  hœfder  fœre 


—  511  — 


FINLANDE  —  FINLAY 


K.  Gustaf  Is  regerinstid,  dans  Suomi,  1853,  t.  XIII.  — 
J.  Koskinen,  Nuijasota;  ibid.,  1857-59,  2vol.in-8;  2e  édit. 
1877;  trad.  en  suédois,  1864-65.  —  K.-R.  Melander,  Ku- 
vaus  Suomen  oloista  vuosina  1611463b,  1887,  I,  ibid.  — 
K.-O.  Lindeqvist,  Suomen  oloista  Ison  vihan  aikana  ; 
ibid., 1886.  —  M.-G.  Schybergsson,  Bidrag  till  Finlands 
inre  historia,  1721-1731,  id.  1875.  —  J.-R.  Danielsson,  Die 
nordische  Frage,  4746-54;  ibid.,  1888.— Du  même,  Finlands 
Vereinigung  mit  dem  Russsichen  Reiche  ;  ibid.,  1892,  in-8. 

—  R.  Castrèn,  Skildringar  ur  Finlands  nyare  historia; 
ibid.  1881-82. —  Fr.  Rûhs,  Finlandund  seine  Bewohner  ; 
Leipzig,  1809,  in-8  ;  trad.  suédoise,  par  A. -A.  Arvidsson  ; 
Stockholm,  1811-13,  remaniée  et  augm.,  id.  1827.  —  J.-Fr. 
Kajaani,  Suomen  historia,  I  (moyen  âge)  ;  Helsingfors, 
1846,  in-8.  —  Y.  Koskinen,  Oppikirja  Suomen  hansan  his~ 
toriassa,  ibid.,  1869-73; trad.  en  suédois,  ibid.,  1874;  en  alle- 
mand ;  Leipzig,  1874;  2°  édit.  finn.,  1881-82.—  G.  Rein, 
Fœreldesningar  œfver  Finlands  historia  ;  Helsingfors, 
1870-71,  2  vol.  in-8.  —  J.  Krohn,  Kertomuksia  Suomen  his- 
toriasta;  Tavastehus  et  Tammerfors,  1869-1879,  4  vol.  in-8 
(jusqu'à  l'abdication  de  Christine).—  Du  môme,  Suomen  his- 
toria; Helsinfors,  1890, 1  (règne  de  Charles  X).— M'.-G.  Schy- 
bergsson,  Finlands  historia;  ibid.,  1887-89,  2  vol.  in-8.— 
E.  Bergh,  V ara  styrelse  och  vàra  landtdagar;  ibid.,  1889, 
2  vol.  —  Du  même,  Finlands  statsrœltsliga  ulveckling 
efter  1808;  ibid.,  1889.  —  Mechelin,  Droit  public  du 
Gr. -Duché  de  Finlande;  1886,  2e  éd.  ibid.  — A.  Meurman, 
la  Finlande,  1890,  ibid.  —  Jac.  Tengstrœm,  Handlingar 
till  upjplysning  i  Finlands  kyrkohisloria  ;  Abo,  1821-32, 
9  fasc,  in-4.  —  Du  même,  Samling  af  Domcapitlets  circular- 
bref  156^-1100;  Abo,  1836.  —  G.-G.  H^llstrœm,  Utdrag 
ur  domkapitlets  i  Abo  circulœrbref  ifran  àr  1 100;  Abo, 
1824,  in-4.  —  V.-G.  Lagus,  Handlingar  till  upplysning  i 
Finlands  kyrkohistoria  ;  Helsingfors,  1836-39,  4  vol.  in-8. 

—  Du  même,  Handlingar  ochuppsatserrœrande  Finlands 
kyrkohistoria  ;~H.q\s.,  1845-50,5  vol. —  J.-A.CEDERBERG,Ha7i- 
dlingar  till  belysandô  af  finska  kirkans  œden  ;  Abo,  1890. 

—  Jac.  Tengstrœm,  Afhandling  om  presterliga  ijensigœ- 
ringen  ochaflœningeni  Abo  erkestift;  Abo,  1820-22,  3  vol. 
in-4.  —  Du  même,  Herdaminne  fran  forna  Wiborgs  och 
nuvarande  Borga  stift;  Helsingfors,  1868-69,  3  vol.—  C.-H. 
Strandberg,  Abo  stif'ts  herdaminne;  Abo,  1832-34,  2  vol. 
in-4.  —  M.  Akiander,  Historiska  upplysningar  om  de 
religiœsa  rœrelserna  i  Finland  ;  ibid.,  1857-63,  7  vol.  in-8.— 
G.-F.  Helsingius,  Fœrsœk  till  framstœllning  of  Finlands 
kyrkohistoria  (inachevé)  ;  Tavastehus,  1855.  —  E.  Berg- 
roth,  Finska  kyrkans  historia;  Helsingfors,  1891-92, 
4  vol.;  aussi  en  finnois.  —  J.-S.  Pajula,  Suomen  kirkon 
tilasta  litu?*gisen  riidan  aikoina;  Tavastehus,  1891.  — 
K.  Henning,  Om  de  religiœsa  rœrelserna  i  Sverige  och 
Finland  efter  1830  ;  Stockholm,  1891.  —  K.-J.  Leinberg, 
De  Finska  Klostrens  historia;  Helsingfors,  1890.  —  Du 
même,  Handlingar  rœrande  finska  skolvœsendets  histo- 
ria; Jyvœskylœ,  1883-89,  3  vol.  — E.  Lagus, Studier  iden 
Klassiska  sp'ràkundervisningens  historié  i  Finland  ;  Hel- 
singfors, 1890,  gr.  in-8  (avecbibliogr.  de  Fhist.  des  écoles). — 
I.  Ilmoni,  Bidrag  till  Nordens  sjukdomshistoria  ;  ibid. ,1846- 
53,  3  vol.  in-8.  —  O.-E.-A.  E.jei.t,  Svenska  och  finska  medi- 
cinalverkels  historia,  1663-1812;  ibid., 1891, 1. 1.—  Rancken, 
DeLitteris  historicis  Fennorum;  ibid.,  1851.—  Autres  ouvr. 
cités  dans  Bibl.  hist.  sveo-gothica  de  Warmholtz,  dans 
Suomi,  1841-43  (l'historiogr.  en  Finlande,  par  G.  Rein)  et 
1844  (Extr.despartiesined.de  la  Bibl.  suio-gothica  deA.-A. 
von  Stiernman). 

Littérature.  —  Pipping,  Fœrteckning  œfver  i  tryck 
utgifna  skrifler  pâ  finska  ;  Helsingfors,  1856-57,  in-4.  — 
S. -G.  Elmgren,  Œfversigt  af  Finlands  litteratur,  1542- 
1863; ibid.,  1861-63,  2  fasc.  in-8.—  V.  Vasenius, Suomalai- 
neaKirjallisuus,  1544-1885;  ibid.,  1878-1887,  3  vol.  in-g.  — 
Svensha  Litteratur sœllskapets  i  Finland  fœr handlingar; 
ibid.,  1885-1890,  t.  I-V,  in-8.—  V.-G.  Lagus,  fils,  Den  Finsk- 
svenska  Lîtteraturens  utveckling  ;  Borga  et  Abo,  1866-67, 
2  fasc.  in-8.  —  Du  même,  Finlands  tillfsellighetspoesi 
under  Frihetstiden,  1867.  —V.  Vasenius,  Lœrobok  iSve- 
rig es  och  Finlands  literatur- historia;  Helsingfors,  1886, 
in-8.  —  B.-F.  Godenhjelm,  Oppikirja  suomalaisen  kirjal- 
lïsuuden  historiassa  ;  ibid.,  1887,  in-18.  —  Ph.  Schweitzer, 
Lyykaiinen  silmœys  Suomen  Kirjallisuus  ja  taide-histo- 
riaan;  ibiû.,1889.  —  A.-E.  Ahlqvist,  Bidrag  till  finska 
sprakforskningene  historia  fœrePorthan  ;  ibid.,  1854, in-8.— 
E.  Rudbeck,  Om  Fiunarnes  folkdikt  i  obunden  berœt- 
tande  form; ibid.,  1857, in-18.—  J.-L.-Fr.  Krohn,  Suomen- 
kielinen  Runollisuus  Ruotsinvallan  aikana  ;ibid.,  1862,  in-8. 

—  Du  même,  Suomalaisen  Virsikirjan  historia,  1880,  ibid. 

—  E.-G.  Palmén,  l'Œuvre  demi-séculaire  de  la  Soc.  de  lit- 
térature finnoise,  1831-1881,  id.  1882,  in-8.  —  A.  Hjelt, 
Nagra  bidrag  tillAurora-fœrbundets  historia  ;  ibid.,  1886. — 
Kahdeksantoista  Runoniekkaa  ;  ibid.,  1889,  in-18. 

Beaux-Arts.  —  Suomen  muinaismuisto-yhtiœn  aika- 
kauskirja  (V.  Archéol.),  avec  bibliogr.  des  forteresses  et 
châteaux  en  append.  au  1. 111,1878.— R.  Hausen,  Antecknin- 
gar  under  en  antiqvarisk  forskningsresa  ;  Helsingfors,  1872, 
1873  et  1887. —  C.-G.  Estlander,  De  Bildande  Konsternas 
historia  ;  Stockholm,  1867,  in-18.  —  El.  Aspelin,  Siipialt- 
tarit;  Helsingfors,  1878,  in-4.  —  R.  Hertzberg,  Finska 
Konstnserer;  ibid., 1883, 1.— J.-R.  Aspelin, Muistoonpanoja 
taitelijoista  Suomessa  ennen  aikaan,  dans  Historiallinen 


arkisto,  1884,  t.  VIII,  —  E.  Nervander,  Kirkollisesta  tai- 
teesta  Suomessa  Keski-aikana  ;  Helsingfors,  1887-88,  2  fasc. 
—El.  Aspelin,  Suomalaisen taiteen  his tor ia; ibid.,  1891,  gr. 
in-8.  —  B.-O.  Schauman,  Fotografier  af  finska  malares 
taflor;  ibid.,  1862-64-65,  3  fasc.  —  J.  Ahrenberg,  Fennia 
illustrata,  I,  Finsk  ornamentik;  ibid.,  1878-80. 

FINLANDE  (Golfe  de).  Golfe  oriental  de  la  mer  Bal- 
tique qui  s'enfonce  dans  l'empire  russe  entre  la  Finlande 
au  N.,  l'Esthonie  et  le  gouvernement  de  Saint-Pétersbourg 
(Ingrie)  au  S.  Long  de  370  kil.,  large  de  50  à  140,  il  a 
sa  plus  grande  largeur  au  centre  ;  profond  de  95  à  140  m. 
en  moyenne,  mais  seulement  de  20  ou  même  de  8  m.  sur 
plusieurs  points.  L'extrémité  orientale  forme  la  baie  de 
Cronstadt,  laquelle  a  peu  de  fond.  Le  littoral  septentrional 
ou  finlandais  est  découpé  par  une  infinité  de  petites  baies, 
semé  de  rochers  et  d'îlots  granitiques.  Le  littoral  méridio- 
nal a  quelques  baies  plus  vastes  :  celles  de  Koporia,  Louga, 
Narva,  Kounda,  Papan,  Kolko,  Revel.  Les  îles  sont  nom- 
breuses, mais  petites  ;  Jes  principales  sont  celle  de  Kotlin 
(Cronstadt),  et  au  milieu  du  golfe  le  formidable  roc  de  Hog- 
land.  La  navigation  est  périlleuse  à  cause  des  rochers  et 
des  bancs  de  sable  ;  en  outre,  au  printemps,  les  icebergs 
apportés  par  les  fleuves  sont  redoutables.  Le  golfe  de 
Finlande  est  pris  par  les  glaces  chaque  année  depuis  le 
fond  jusque  vers  Hogland,  el  la  mer  ne  redevient  tout  à  fait 
libre  qu'au  mois  de  mai.  Les  principaux  tributaires  du 
golfe  sont  le  Kymmene  Elf,  le  Borga,  la  Neva,  la  Louga, 
la  Narva.  Les  rivages  forment  la  partie  la  plus  riche  de  la 
Russie  avec  d'excellents  ports  très  commerçants  et  quelques 
grandes  villes  :  Port  Baltique,  Revel,  Kounda,  Narva, 
Oranienbaum,  Saint-Pétersbourg,  Viborg,  Frederikshamn, 
Borga,  Helsingfors,  Ekeras.  Les  ports  sont  défendus  par 
des  forts  et  des  ouvrages  bien  conçus  :  outre  la  forteresse 
de  Cronstadt,  citons  les  ports  militaires  de  Revel,  Ruot- 
sinsalmi  et  Sveaborg,  ces  deux  derniers,  station  ordinaire 
de  la  flotte  russe,  if  existe  d'excellentes  cartes  marines  du 
golfe,  lequel  est  éclairé  par  vingt-deux  phares. 

FINLAY  (John),  poète  écossais,  né  en  H82,  mort  en 
1840.  Il  était  encore  étudiant  à  l'université  de  Glasgow 
lorsqu'il  publia  Wallace,  or  the  Vale  of  Ellerslie,  and 
other  Poems  (4802).  Six  ans  après,  ses  Scottish  Histo- 
rical  and  Romantic  Ballads  mirent  le  sceau  à  sa  répu- 
tation en  méritant  les  éloges  de  Walter  Scott.  On  a  encore 
de  lui  une  vie  de  Cervantes  et  des  éditions  de  The  Grave,  par 
Blair,  et  de  The  Wealth  of  Nations,  par  Adam  Smith. 

FIN LAY  (Francis-Dalzell),  publiciste  anglais,  né  à  New- 
townards  (Irlande)  le  12  juil.  4793,  mort  le  40  sept. 
4857.  Il  fit  à  Belfast  son  apprentissage  de  typographe  et 
devint  maître  imprimeur  en  4820.  En  4824,  il  fonda  le 
Northern  Whig  dont  les  opinions  libérales  lui  attirèrent 
force  poursuites.  Il  y  réclama  l'émancipation  des  catho- 
liques, inséra  les  célèbres  réflexions  de  Crawford  sur  les 
droits  des  tenanciers,  soutint  l'extension  du  suffrage,  la  sé- 
paration de  l'Eglise  irlandaise,  la  réforme  de  la  propriété. 
Pourtant  il  refusa  d'aller  aussi  loin  dans  la  voie  des  reven- 
dications que  son  ami  O'Connell  et  combattit  le  parti  de  la 
jeune  Irlande  et  l'insurrection  d'O'Brien.  —  Après  sa  mort, 
le  Northern  Whig  devint  la  propriété  de  son  fils  Francis 
qui  le  dirigea  jusqu'en  4874,  date  à  laquelle  ce  journal 
fut  acquis  par  une  société.  R.  S. 

FINLAY  (George),  philhellène et  historien  anglais,  d'ori- 
gine écossaise,  né  à  Faversham  (comté  de  Kent)  le  24  déc. 
4799,mortà  Athènesle26janv.  4  876.  Il  n'avait  pas  terminé 
ses  études  de  droit  lorsqu'il  se  sentit  invinciblement  attiré 
par  la  cause  de  l'indépendance  grecque,  qui  agitait  alors  les 
esprits.  Il  partit  pour  la  Grèce  en  4823,  se  rencontra  avec 
Byron,  d'abord  à  Céphalonie,  puis  à  Missolonghi,  fit  l'ex- 
pédition de  Morée  avec  Odysseus,  et  revint  en  Ecosse  pour 
se  guérir  de  la  malaria.  Il  ne  tarda  pas  à  retourner  en 
Grèce  sur  un  steamer  appartenant  à  un  autre  philhellène, 
son  ami,  Frank  Abney  Hastings,  et  il  y  combattit  jusqu'à 
la  fin  de  la  guerre.  Il  acheta  alors  des  terres  dans  l'At- 
tique,  et  y  dépensa  presque  toute  sa  fortune,  sans  autre 
profit  qu'une  connaissance  de  plus  en  plus  intime  du  carac- 


FINLAY  —  FINNBERG  —  512  — 

tère  grec  et  une  compréhension  raisonnée  des  vicissitudes  de 
l'histoire  des  Grecs  à  travers  les  âges.  De  4844  à  1861, 
il  composa  sa  grande  œuvre  historique,  qui  lui  assure  une 
place  à  côté  de  Gibbon  :  Greece  under  the  Romans 
(1844)  ;  Greece  to  Us  Conquest  by  the  Turks  (1851)  ; 
Greece  under  Ottoman  and  Venetian  Domination 
(1856)  ;  Greek  Révolution  (1861),  rééditée  plus  tard  en 
un  seul  corps  d'ouvrage  par  le  Rév.  H. -F.  Tozer,  sous  le 
titre  :  A  History  of  Greece  from  Us  Conquest  by  the 
Romans  to  the  présent  Urne  (Oxford,  7  vol.).  Le  grand 
mérite  de  Finlay,  comme  historien,  c'est  qu'il  ne  s'arrête  pas 
à  la  surface  des  événements  ;  il  en  pénètre  les  causes  et  en 
découvre,  dans  les  mœurs  et  les  manières  de  penser,  les 
ressorts  cachés,  mais  puissants.  Il  a  donné  beaucoup  d'ar- 
ticles à  différentes  revues,  comme  le  Blackivootfs  Maga- 
zine, le  Saturday  Review  et  VAthenœum.  De  1864  à 
1870,  il  a  envoyé  au  Times  une  série  de  lettres  qui  ont  eu 
un  grand  retentissement  en  Europe  et  une  véritable  in- 
fluence sur  la  politique  grecque.        B.-H.  Gausseron. 

FINLAYSON  ou  FI NLEYSON  (John),  mystique  et  astro- 
logue écossais^  né  en  1770,  mort  en  1854.  Elève  de  Ri- 
chard Brothers,  il  enseignait,  entre  autres  choses,  que 
les  corps  célestes  sont  en  partie  créés  pour  notre  plaisir, 
que  la  terre  est  une  sphère  parfaite  et  que  les  étoiles  sont 
des  masses  d'eau  congelée.  Il  avait  fait  des  études  de  droit 
et  eut  pendant  longtemps  à  Londres  un  cabinet  d'affaires 
bien  achalandé.  Il  mourut  pourtant  dans  la  misère.  Il  a 
laissé  beaucoup  d'écrits  où  il  donne  pour  des  révélations 
ses  hypothèses  et  ses  rêveries,  comme  The  Universe  as 
it  is  (1832)  ;  God's  Création  (1848)  ;  The  Seven  Seals 
of  the  Révélations;  The'Last  Trumpet  (1849),  etc.  Il 
soutint  une  polémique  assez  vive  contre  un  autre  rêveur, 
ennemi  de  Richard  Brothers,  nommé  Bartholomew  Pres- 
cot,  de  Liverpool.  B.-H.  G. 

FINLAYSON  (George),  voyageur  anglais,  né  à  Thurso 
en  1790,  mort  à  Calcutta  en  1823.  Assistant  du  Dr  So- 
merville,  médecin  en  chef  de  l'armée  en  Ecosse,  puis  du 
Dr  Farrel,  médecin  en  chef  à  Ceylan,  il  devint  chirurgien 
du  8e  dragons  au  Bengale  en  1819.  Il  fit  partie  de  la  mis- 
sion de  1821-1822  dans  le  royaume  de  Siam  et  en  Co- 
chinchine.  On  a  publié  son  Journal  sous  ce  titre  :  The 
Mission  to  Siam  and  Hué  (Londres,  1826,  in-8). 

FI  N  LEY  (John-P.),  météorologiste  américain.  Il  a  été  lieu- 
tenant au  Signal  army  Office  et  a  publié  divers  travaux  sur 
les  ouragans  dans  les  Professional  Papers  de  ce  service  : 
Report  ofthe  Tornadoes  oj ?May 29 and  30, 1819  (Was- 
hington, 1881,  in-4)  ;  Report  on  the  character  of  six 
hundred  Tornadoes  (Washington,  1884,  in-4);  Tornado 
Studies  for  1884  (ib.,  1885,  in-4).  Il  a  en  outre  fait 
paraître  sur  le  même  sujet  :  Tornadoes,  what  they  are  and 
how  observe  them  (New  York,  1887,  in-12).      L.  S. 

F1NN  (plur.  Finner).  Nom  donné  aux  Lapons  par  les 
Norvégiens  qui  réservent  celui  de  Kvœn  ou  Finlending 
pour  les  habitants  de  la  grande-principauté,  appelés  F  inné 
(plur.  Finnar)]>m les  Suédois.  Le  mot  Finlandais,  ethnique 
dans  lequel  entre  un  élément  Scandinave  (land,  pays),  nous 
a  paru  bien  convenir  en  français  pour  désigner  les  habi- 
tants de  la  Finlande  sans  distinction  de  nationalité  ;  quand 
il  s'agit  de  ceux  d'entre  eux  qui  parlent  le  suomalais 
(forme  française  de  suomalainen,  au  génitif  suomalai- 
seri),  nous  employons  de  préférence  soit  ce  terme,  surtout 
quand  il  s'agit  de  langue  ou  de  littérature,  soit  celui  de 
finnois.  B-s. 

FINN  (Henry),  acteur  et  auteur  américain,  né  à  New 
York  en  1782,  mort  en  184Q,  dans  l'incendie  du  steamer 
Lexington.  Il  abandonna  le  droit  pour  le  théâtre,  et  dé- 
buta à  Haymarket,  à  Londres.  De  retour  en  Amérique,  il 
s'y  fit  une  grande  réputation  dans  les  rôles  comiques.  Outre 
de  nombreux  articles  dans  les  périodiques  américains,  il  a 
publié  un  Comic  Annual  et  un  drame  intitulé  Montgo- 
mery,  or  the  F  ails  of  MontmorencL  B.-H.  G. 

FINN  Jônsson  (en  latin Finnus  Johannœus),  historien 
islandais,  né  à  Hitardal  (Myrasysla)  le  16  janv.  1704, 


mortàSkâlholtle  23  juil.  1789.  Fils  du  pasteur  Jon  Halldérs- 
son,  qui,  en  qualité  d'annaliste,  avait  formé  d'importantes 
collections  historiques,  il  étudia  à  Skâlholt,  puis  à  l'univer- 
sité de  Copenhague  (1 725-1729) ,  devint  pasteur  de  Reykholt 
et  prévôt  du  canton  de  Borgarfjœrd  (1732),  officiai  du  dio- 
cèse (1743),  finalement  évêque  de  Skâlholt  (1754).  Tout 
en  remplissant  ses  fonctions  avec  grand  zèle,  il  écrivit 
divers  ouvrages  d'érudition,  notamment  une  excellente  His- 
toria  ecclesiastica  lslandiœ  jusqu'en  1740  (Copenhague, 
1772-1778,  4  vol.  in-4,  dont  ie  dernier  contient  l'histoire 
monastique  et  des  pièces  justificatives),  qui  a  été  continuée 
jusqu'en  1840  par  l'un  de  ses  successeurs,  Pjetur  Pjetursson. 
—  Son  fils,  ïïans  Finsen,  qui  lui  succéda  comme  évêque, 
fut  la  tige  de  la  famille  des  Finsen.  Beauvois. 

FINN  Magnùsson  (en  danois  Magnusen,  en  latin  Finnus 
Magnœus),  éminent  érudit  islandais,  né  à  Skâlholt  le  27  août 
1781,  mort  à  Copenhague  le  24  déc.  1847.  Après  avoir 
étudié  sous  son  oncle  l'évêque  Hans  Finsen,  puis  à  l'uni- 
versité de  Copenhague  (1798-1801),  il  devint  avoué  à 
la  cour  de  Reykjavik  (1806).  La  vive  opposition  qu'il  avait 
faite  à  l'usurpateur  Jœrgen  Jûrgensen  (1809)  le  fit  bien 
accueillir  à  Copenhague  où  il  s'était  rendu,  en  1812,  pour 
continuer  ses  recherches  dans  les  bibliothèques  et  les  ar- 
chives ;  il  obtint  le  titre  de  professeur  (1815)  et  fut  chargé 
(1819)  de  cours  universitaires  sur  la  littérature  [et  la 
mythologie  septentrionales  jusqu'en  1829,  où  il  succéda  à 
Thorkelin  comme  archiviste  de  l'Etat  ;  de  plus,  à  partir 
de  1830,  il  eut  à  traduire  en  islandais  les  documents  offi- 
ciels et,  depuis  1832,  il  représenta  l'Islande  à  l'assemblée 
des  notables,  puis  à  la  diète  provinciale  des  îles.  Fonda- 
teur, membre,  secrétaire,  président  de  beaucoup  de 
sociétés  savantes,  il  exerça  une  grande  influence  scien- 
tifique grâce  à  son  érudition  étendue,  variée  et  cons- 
ciencieuse, qui  fit  parfois  fausse  route  comme  dans  l'expli- 
cation des  runes  de  Ruthwell  et  des  prétendues  inscrip- 
tions du  rocher  de  Runamo  en  Bleking.  Parmi  ses  douze 
ouvrages  et  ses  quarante  principaux  mémoires,  il  faut  citer  : 
Annales  islandaises  (Minnisverd  tidindi,  1801-1804,  et 
Islenzk  sagnablœd,  1805-1826,  10  fasc.  in-4)  ;  le  Ber- 
ceau et  les  Migrations  de  la  race  caucasique  (Copen- 
hague, 1818  ;  en  allemand,  par  Mooyer)  ;  Archéologie 
septentrionale  (1820),  qui  fit  l'objet  d'une  volumineuse 
polémique  avec  G.-L.  Baden  ;  /' Ancienne  Edda  traduite 
et  expliquée  (1821 -1823,  4  vol.  in-18)  ;  la  Doctrine 
eddaïque  et  son  origine  (1824-1826,  4  vol.  in-18)  ; 
Edda  Sœmundar  hins  Frôda,  texte  et  traduction  latine 
(partie  du  t.  II,  1818,  in-4,  et  t.  III,  1828,  contenant 
Priscœ  veterum  Borealium  mythologiœ  lexicon)  ;  Mo- 
numents historiques  du  Grœnland,  texte,  traduction 
danoise  et  savants  commentaires,  avec  Rafn  (1838-1846, 
3  vol.  in-8)  ;  sur  Ossian,  sur  les  Pietés,  sur  Snorré  Stur- 
luson  (dans  Skandinaviske  Litteraturselkabs  Skrifter, 
1813,  1816,  1617,  1823)  ;  sur  les  Pierres  runiques  et 
les  tertres  de  Jellingei&zns  Antiqvariske  Annaler,  1820, 
t.  IV)  ;  sur  le  Commerce  des  Anglais  et  levoyage  de  Colomb 
en  Islande  (dans  Nordisk  Tidsskrift  for  Oldkyndighed, 
1833,  t.  II)  ;  sur  V Obélisque  de  Ruthwell,  sur  les  Viou 
emplacements  sacrés  des  anciens  Scandinaves,  sur 
l'Astrologie  dans  le  Nord  (dans  Annaler  for  Nordisk 
Oldkyndighed,  de  1836  à  1841)  ;  Runamo  et  les  Runes; 
sur  la  Division  du  jour  chez  les  anciens  Scandinaves 
(dans  Mémoires  historico-philosophiques  de  la  Société 
des  sciences  de  Copenhague,  1841,  t.  VI,  et  1844,  t.  VII, 
in-4)  ;  Explication  des  pièces  de  vers  contenues  dans  Noregs 
konunga  sœgur  (1826,  t.  VI,  in-fol.)  et  dans  les  t.  VI-X 
(1831-1836,  in-8)  de  la  traduction  danoise  des  Forn- 
manna  sœgur,  dont  il  édita  avec  Rafn  les  t.  VIII-X 
(1834-1835)  et  XII  (1837).  Il  publia  aussi  dans  divers 
recueils  et  même  à  part  un  grand  nombre  de  poésies  de 
circonstance  en  islandais,  en  suédois,  en  allemand  et  en 
anglais.  Beauvois. 

FINN/EUS  (V.  Finsen). 

FINNBERG  (Gustaf-Vilhelm),  peintre  finlandais,  né  à 


—  543  — 


FINNBEBG  —  FINNOIS 


Pargas  le  24  nov.  1784,  mort  à  Stockholm  le  28  juinl833. 
Etant  ouvrier  peintre  à  Àbo  (1801),  il  obtint  une  subven- 
tion pour  étudier  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Stockholm 
jusqu'en  1817,  mais  il  ne  put  jamais  se  procurer  assez  de 
ressources  pour  aller  jusqu'à  Rome.  Parmi  ses  tableaux, 
on  cite  :  Icare  et  Dédale  (1811)  ;  V  Incendie  d'Abo  en 
1827,  dans  lequel  périrent  beaucoup  de  ses  œuvres  ;  le 
Christ  et  les  Apôtres  à  Kimito  ;  la  belle  Cène,  dans 
l'église  de  Kakskerta  ;  les  portraits  de  J.  Tengstrœm  et  de 
F.  Wrede.  B-s. 

FINNERTY  (Peter),  publiciste  anglais,  né  vers  1766, 
mort  à  Westminster  le  11  mai  1822.  Imprimeur  à  Dublin, 
il  édita  en  1797  The  Press,  organe  nationaliste  dont  la 
violence  lui  attira  mille  persécutions.  Traduit  le  22  déc. 
1797  devant  la  cour  du  banc  du  roi  d'Irlande  à  cause  de 
la  teneur  d'un  article  dont  il  refusa  de  nommer  l'auteur, 
il  fut  condamné  à  l'exposition  sur  le  pilori,  à  deux  ans  de 
prison  et  à  diverses  amendes.  Les  principaux  leaders  irlan- 
dais l'accompagnèrent  au  pilori  où  la  foule  lui  fit  une  ova- 
tion. Remis  en  liberté  en  1 799,  il  devint  chroniqueur  parle- 
mentaire au  Morning  Chronicle.  En  i  809  il  suivit,  comme 
correspondant  du  même  journal,  l'expédition  de  Walche- 
ren.  Ses  articles  déplurent  à  lord  Castlereagh  qui  le  fit  rame- 
ner en  Angleterre.  Finnerty  publia  alors  un  pamphlet  pour 
se  venger  du  noble  lord  qui  le  traduisit  devant  la  cour  du 
banc  de  la  reine  et  le  fit  condamner  à  dix-huit  mois  de 
geôle.  Une  souscription  publique  en  sa  faveur  produisit 
aussitôt  50,000  fr.  On  a  de  lui  :  Report  of  the  speeches 
of  sir  Fis  Burdett  at  the  late  élection  (1804,  in-8)  ;  Case 
of  Peter  Finnerty,..  voith  an  Essay  upon  the  law  of 
libel  (Londres,  1811,  4e  éd.,  in-8). 

FINNOIS.  I.  Anthropologie.  —  L'origine,  le  passé,  les 
caractères,  les  affinités  et  la  distribution  actuelle  des  peu- 
plades finnoises  constituent  le  problème  ethnologique  le 
plus  important  pour  tout  le  N.-E.  de  l'Europe.  On  com- 
prend habituellement  dans  le  rameau  finnois,  à  part  les 
deux  groupes  des  Hongrois  et  des  Bulgares,  en  descendant 
du  N.  vers  le  S.,  le  S.-E.  et  l'E.,  les  Lapons,  les  Fin- 
landais, les  Esthes,  les  Lives  confondus  avec  les  Lettes, 
les  Tchérémisses ,  les  Tchouvaches,  les  Mordvines,  les 
Zyrianes,  les  Votiaks,  les  Vogouls,  les  Ostiaks.  Cette  clas- 
sification a  été  établie  d'après  les  rapports  des  dialectes 
parlés.  L'étude  des  caractères  physiques  l'a  confirmée,  sauf 
en  ce  qui  concerne  les  Lapons.  Ceux-ci,  qui  occupaient 
naguère  la  Finlande,  sont  aujourd'hui,  en  Laponie  même, 
serrés  de  près  par  les  colonies  de  Finlandais  qui  tendent 
à  les  absorber.  Mais  leurs  caractères  étaient  encore,  il  y  a 
peu  de  temps,  bien  homogènes  et  bien  distincts.  Nous  ne 
nous  en  occuperons  donc  pas  ici  (V.  Lapons).  D'après  les 
auteurs  qui  s'étaient  jusqu'alors  plus  particulièrement 
occupés  de  la  Finlande,  les  Finnois  auraient,  à  l'origine, 
habité  le  littoral  de  la  mer  Caspienne,  l'Yaxarte,  l'Oxus. 
Puis,  fuyant  devant  des  invasions,  ils  se  seraient  répandus 
dans  la  région  occidentale  de  l'Oural,  et  plus  tard  jusqu'en 
Finlande  et  en  Laponie,  bien  qu'un  certain  nombre  d'entre 
eux  soient  demeurés  ou  revenus  sur  la  Volga,  la  Dvina 
et  même  jusqu'aux  monts  Altaï.  Ce  sont  là  de  simples  con- 
jectures. Directement  au  N.  de  la  Caspienne,  dans  le  gou- 
vernement d'Orenbourg,  sur  les  pentes  de  l'Oural,  vit 
encore  un  peuple,  les  Bachkirs,  qui,  bien  qu'entièrement 
tatarisé  aujourd'hui,  sous  le  rapport  des  caractères  phy- 
siques, de  la  langue  et  de  la  religion,  est  d'origine  finnoise. 
Dans  toute  cette  même  région,  la  tradition  et  l'histoire  ont 
conservé  le  souvenir  d'un  peuple  finnois,  les  Yougres  ou 
Tchoudes.  Son  nom  a  été  étendu  à  tous  les  Finnois.  Une 
de  ses  tribus  habitait  le  gouvernement  de  Saint-Péters- 
bourg, où  sa  langue  serait  encore  parlée  dans  quelques 
villages.  Les  Lapons  de  la  presqu'île  de  Kola  ont  conservé 
d'incursions  tchoudes  un  souvenir  si  vivace  que  ce  nom  les 
terrifie  encore.  C'est  ce  peuple  qui  a  construit  les  grands  ter- 
tres funéraires,  les  kourganes,  d'Orenbourg  à  Ufa.  Une  très 
grande  partie  de  la  Russie  est,  on  le  sait,  couverte  de  kour- 
ganes semblables.  Pour  le  matériel  archéologique,  les  kour- 

GRÀNDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


ganes  des  Tchoudes  ne  diffèrent  pas,  d'ailleurs,  de  ceux  des 
gouvernements  de  Viatka,  de  Perm  et  de  Vologda,  encore 
habités  par  des  Finnois.  De  nos  jours  même,  nous  avons 
vu  et  voyons  disparaître  des  peuples  finnois  par  la  coloni- 
sation russe  et  la  russification  de  la  langue  et  des  mœurs. 
Tels  sont  les  Permiens  de  Perm,  dont  on  ne  parle  plus,  ainsi 
que  les  Votes  des  gouvernements  de  Novgorod  et  de  Saint- 
Pétersbourg.  Tels  sont  les  Vêpses  du  gouvernement  d'Olo- 
nets.  A.  Maury  estimait  le  nombre  des  Vêpses  à  16,000. 
Il  y  a  une  quinzaine  d'années,  ils  ne  formaient  plus  que 
quelques  îlots  dans  le  district  de  Ladenoïé-Polé.  On  ne  les 
mentionne  plus  dans  rénumération  des  peuples  finnois. 
Cependant,  dit  M.  de  Ujfalvy,  dès  qu'on  jette  un  regard 
attentif  sur  une  carte  détaillée  de  cette  région,  on  est  frappé 
par  le  grand  nombre  de  noms  topographiques  qui  accusent 
une  origine  manifestement  finnoise.  La  langue  vêpse  que 
l'on  possède  renferme  les  formes  les  plus  archaïques  des 
langues  finnoises  occidentales.  Tous  les  peuples  finnois 
sont  menacés  du  même  sort  que  les  Vêpses  par  l'effet  accé- 
léré d'une  double  action  :  la  colonisation  de  leur  territoire 
par  les  Busses  et  leur  propre  russification.  Ces  faits  de 
disparition  récente  de  nombreux  groupes,  de  même  que  la 
répartition  des  groupes  subsistants  qu'on  trouve  par  îlots, 
depuis  la  Finlande  jusqu'à  l'Obi,  d'une  part,  et,  d'autre 
part,  jusqu'à  Astrakhan  et  en  Tauride,  montrent  tout  de 
suite  que  les  Finnois  ont  occupé  la  majeure  partie  de  la 
Russie  et  y  ont  constitué  le  fond  même  de  la  population 
jusqu'à  une  époque  toute  récente.  Leur  type  originaire  a, 
d'ailleurs,  été,  au  cours  de  ces  derniers  siècles,  partout 
modifié  par  des  mélanges. 

Au  Ier  et  au  ne  siècle  de  notre  ère,  des  Finnois  étaient 
connus  de  Tacite  et  de  Ptolémée.  Ces  Finnois  auraient 
habité  à  l'E.  de  la  mer  Suêvique  et  du  sinus  Venedicus, 
au  delà  des  JEstyi,  des  Peucins,  des  Vénèdes  et  des  Gu- 
thons.  Le  pays  ainsi  désigné,  dans  l'opinion  de  M.  Lagneau 
(Bull.  Soc.  anthrop.,  1880,  p.  393),  ne  serait  pas  autre 
chose  que  «  les  vastes  plaines  de  la  Russie  occidentale 
actuelle  ».  Mais,  il  y  a  dix-huit  cents  ans,  les  anciens  ne 
connaissaient  peut-être,  sous  le  nom  de  Finnois,  que  les 
Lapons  décrits  comme  très  doux  et  très  misérables,  bien 
que,  d'après  Retzius,  par  exemple,  les  preuves  de  la  pré- 
sence des  Lapons  en  Finlande,  à  une  époque  antérieure, 
ne  paraissent  pas  décisives. 

Pour  M.  Asplin,  le  savant  archéologue  d'Helsingfors, 
l'âge  de  la  pierre,  dans  les  provinces  baltiques,  en  Lithua- 
nie  et  dans  la  Finlande,  se  rattache  nettement  à  l'âge  de 
la  pierre  du  N.  de  l'Allemagne  et  de  la  Scandinavie.  La 
présence,  dans  ces  pays,  de  différentes  formes  Scandinaves 
et  notamment  de  la  hache  de  pierre  en  forme  de  bateau, 
l'autoriserait  à  affirmer  qu'ils  étaient  habités  plus  de  mille 
ans  av.  J.-C-  Ils  formaient,  d'ailleurs,  un  groupe  bien 
distinct,  notamment  par  sa  pauvreté,  des  pays  de  l'Ouest  et 
du  Sud.  Et  «  l'âge  de  la  pierre  s'y  serait  prolongé  sans 
interruption  jusqu'au  commencement  de  notre  ère  et  au 
premier  âge  du  fer  germanique  ».  Pour  Retzius,  l'âge  de 
pierre  de  la  région  oriento-septentrionale  de  la  Finlande 
serait  indigène  et  identique  à  celui  de  la  Russie  par  l'im- 
mense majorité  des  objets  d'industrie.  Nous  avons  cru 
longtemps  que  cette  industrie  de.  la  pierre  devait  être  attri- 
buée, en  Finlande,  aux  Lapons,  considérés  comme  les  pre- 
miers habitants  de  ce  pays.  Et  en  effet,  plusieurs  ethno- 
graphes reconnaissent  dans  une  série  de  cavernes  et  de 
trouvailles  d'objets  en  pierre  (schiste  poli),  à  travers  la 
Finlande,  depuis  la  Baltique  jusqu'à  la  presqu'île  de  Kola, 
des  preuves  de  la  présence  des  Lapons  (Rabot).  D'après  un 
auteur  (Tarenetzky),  il  y  avait  des  brachycéphales  parmi 
les  crânes  préhistoriques  russes,  et  on  aurait  recueilli  à 
Ouvarov,  entre  Moscou  et  Nijni  Novgorod,  un  crâne  bra- 
chycéphale  de  l'âge  de  pierre.  D'autre  part,  cependant, 
sur  les  bords  du  lac  Ladoga,  dans  une  station  de  l'âge  de 
pierre,  on  a  recueilli  dix  crânes.  Six  de  ces  crânes  sont 
très  allongés  et  leur  indice  céphalique  moyen  est  de  73,6. 
Cet  allongement,  extrême  chez  quelques-uns,  est  un  carac- 

33 


FINNOIS 


—  514  - 


tère  nettement  en  opposition  avec  celui  des  crânes  lapons. 
Il  est  rare  chez  les  Finlandais  actuels  et  peut  être  rapporté 
au  type  finnois  primitif.  —  En  tout  cas,  dans  les  poèmes 
nationaux  qui,  transmis  d'âge  en  âge  par  leurs  bardes, 
ont  pu  être  réunis  au  commencement  de  notre  siècle,  dans 
le  Kalevala  (me  siècle),  les  Finlandais  ont  conservé  Je  sou- 
venir d'une  époque  où  leurs  ancêtres  fabriquaient  tous 
leurs  outils  en  pierre.  M.  de  Ujfalvy  a  raconté  (les  Anti- 
quités finno-ougriennes,  1880,  p.  146)  que  le  gouver- 
neur de  la  Sibérie  occidentale  lui  avait  remis  toute  une 
série  d'objets  en  pierre,  haches,  gouges,  marteaux,  ciseaux, 
provenant  des  environs  de  Samarov.  Cette  ville  fut  une 
ville  vogoule,  gouvernée  quelque  temps  par  un  khan  tatar. 
Le  pays  est  encore  aujourd'hui  aux  Vogouls  et  aux  Ostiaks. 
Or,  les  instruments  de  pierre  recueillis  là  seraient  «  abso- 
lument semblables  à  ceux  que  l'on  a  trouvés  en  Finlande  ». 
Avec  eux,  il  y  avait  des  fragments  de  poterie  dont  l'orne- 
mentation rappelle  les  vases  découverts  dans  des  tombeaux 
du  N.  de  la  Russie.  Une  fusaïole  en  pierre  qui  se  trouvait 
au  milieu  d'eux  ressemble  tout  à  fait  à  celle  que  les  femmes 
ostiakes  emploient  encore  aujourd'hui  pour  filer  du  fil 
d'ortie  (Ujfalvy).  Toutes  les  apparences  sont  pour  que  cette 
industrie  se  soit  propagée  de  la  Finlande  jusqu'en  Sibérie, 
puisque,  aujourd'hui  encore,  de  l'Obi  à  la  Finlande,  il  y  a 
une  traînée  ininterrompue  de  peuples  finnois,  Vêpses, 
Zirianes,  Yogouls,  Ostiaks. 

Depuis  les  premiers  siècles  de  notre  ère,  depuis  l'intro- 
duction des  métaux  en  Russie,  les  Finnois  se  sont  élevés, 
dans  la  Russie  centrale  et  méridionale,  à  une  civilisation 
assez  remarquable.  Les  kourganes,  qui  couvrent  en  si  grand 
nombre  ce  pays,  sont  leur  œuvre.  Il  faut  bien  l'admettre, 
puisque,  dans  ce  pays  que  nous  trouvons  occupé  depuis 
un  temps  immémorial  par  les  Finnois,  il  n'y  a,  jusqu'aux 
xne  et  xme  siècles  de  notre  ère,  aucune  trace  nette  d'un 
autre  peuple  que  celui  bien  caractérisé  et  assez  homogène 
des  Kourganes  (V.  ce  mot)  qui  mérite  une  étude  à  part. 
L'empire  brillant  et  éphémère  des  Khazars  fut  aussi,  selon 
toute  probabilité,  l'œuvre  d'une  nation  de  langue  finnoise. 
C'est,  d'ailleurs,  du  sein  de  la  famille  finnoise  que  sont 
sortis  les  Magyars,  aujourd'hui  un  des  peuples  les  plus 
beaux  de  l'Europe,  et  les  Bulgares.  Le  peuple  des  Kour- 
ganes était  en  relations  continuelles,  relations  quelquefois 
bien  involontaires,  avec  les  régions  avoisinantes  et  même 
avec  des  régions  du  S.-E.,  du  centre  de  l'Asie.  Ainsi,  on 
aurait  trouvé  dans  un  kourgane  de  Tikhvine,  gouverne- 
ment de  Novgorod,  une  monnaie  de  Tachkent,  datée  de 
944.  Il  a  subi  du  côté  de  FE.  des  invasions  répétées  de 
Tatars  et  de  Mongols  qui,  au  cours  même  de  ces  derniers 
siècles  et  sous  les  regards  de  l'histoire,  en  ont  considéra- 
blement modifié  les  caractères  primitifs.  Du  côté  de  l'O., 
après  plus  d'une  invasion  des  Scandinaves,  il  a  été  presque 
submergé  sous  le  flot  d'éléments  slaves  qui  pénètrent  gra- 
duellement et  s'implantent  d'une  façon  irrévocable  par  la 
colonisation  agricole.  Les  deux  branches,  anciennement 
détachées,  des  Magyars  et  des  Bulgares,  ont  ainsi  conservé, 
mieux  que  les  Finnois  de  la  Russie,  les  caractères  primitifs 
communs.  Or,  parmi  les  Bulgares  de  la  Roumélie,  il  y 
aurait  encore  60  °/0  de  dolichocéphales,  et,  parmi  ceux 
du  Danube,  65  °/0  (Bogdanov).  Les  dolichocéphales  sont 
aussi  encore  en  nombre  parmi  les  Hongrois. 

Les  Finlandais  sont  aujourd'hui  les  mieux  connus  de  tous 
les  Finnois  dans  leurs  caractères.  Ils  sont  loin  de  former  une 
race.  Ils  ne  forment  même  plus  un  peuple  homogène.  On  les  a 
de  tout  temps  divisés  en  deux  types  différents  :  le  Tavastlan- 
dais  et  le  Karélien.  Le  premier,  de  taille  moins  élevée,  est 
trapu,  robuste,  bien  musclé.  Ses  cheveux  sont  cendrés,  non 
bouclés,  couleur  de  lin  ;  sa  barbe  est  rare,  tirant  sur  le  roux  ; 
sa  peau  blanc  grisâtre,  ses  yeux  étroits,  d'un  gris  bleu,  sa  tête 
grande,  courte  et  large,  son  nez  petit  et  obtus  ou  large,  ses 
pommettes  saillantes.  Il  n'est  pas  vif,  mais  réfléchi  et  souvent 
taciturne.  Il  est  rebelle  à  tout  changement,  obstiné,  méfiant, 
volontiers  vindicatif.  Il  est  hospitalier,  honnête,  très  pru- 
dent dans  son  langage,  peu  expansif,  mais  bien  agissant. 


Le  Karélien,  dont  la  taille  peut  s'élever  à  lm71,  est  plu- 
tôt élancé  et  partant  moins  robuste.  Ses  cheveux  sont  plus 
foncés,  même  châtains  et  bruns;  sa  barbe  est  plus  fournie; 
sa  peau  est  brune,  ses  yeux  plus  ouverts,  d'un  gris  bleu 
foncé,  sa  tète  moins  large;  son  nez  est  long,  droit,  pointu, 
sa  face  plutôt  longue  que  large  et  sans  saillie  des  pom- 
mettes. Son  caractère  est  vif,  gai  même  et  entreprenant, 
mais  sans  ténacité.  Il  a  de  l'aisance,  de  l'élégance  même,  est 
plus  expansif,  mais  moins  pénétrant,  moins  réfléchi.  Parent 
plus  direct  des  anciens  Tchoudes,  on  le  retrouve  jusque  dans 
la  province  d'Arkhangelsk,  au  N.,  et  sur  les  confins  de  celle 
de  Tver,  au  S.  L'un  et  l'autre  type,  au  demeurant,  sont  le 
produit  des  mélanges.  L'un  et  l'autre  ont  le  crâne  plus  ou 
moins  arrondi.  Mais  Retzius  a  reconnu  parmi  eux  deux 
types  à  tête  allongée  ;  l'un  est  Scandinave  ;  l'autre,  qu'il 
faut  regarder,  jusqu'à  plus  ample  informé,  comme  le  vrai 
type  originaire  finnois,  est  sans  doute  celui  des  Kourganes. 
J'ai  comparé  les  mesures  crâniennes  des  trois  groupes 
finlandais  :  les  Ostrobotniens,  au  N.-N-O.,  gouverne- 
mentdeVasa;  les Tavastlandais,  à  l'O.  et  au  S.-O,  autour 
d'Helsingfors,  et  les  Karéliens,  à  la  limite  S.-E.,  gouver- 
nement de  Viborg.  Eh  bien  !  les  vrais  dolichocéphales  sont 
nombreux  parmi  les  premiers  par  l'effet  de  l'influence  Scan- 
dinave et  par  celui  de  la  conservation  plus  pure  du  type 
originaire  dans  la  province  la  plus  reculée.  Parmi  les  der- 
niers, au  contraire,  il  n'y  a  pas  de  vrais  dolichocéphales, 
et  la  brachycéphalie  est  plus  accentuée  que  dans  les  autres 
provinces,  avec  des  indices  s'élevant  à  89,53.  A  la  suite 
de  quelle  influence,  sinon  de  celle  des  Slaves  ?  Les  men- 
surations du  nez  prouvent  que  parmi  les  Finlandais  il  y  a 
des  individus  à  nez  large  et  très  large,  comme  les  Lapons, 
les  Mongols,  les  hommes  des  kourganes.  Mais  si,  pris  en 
bloc,  ils  ont  le  crâne  généralement  arrondi,  ils  sont  aussi 
à  nez  relativement  étroit,  quoique  nullement  indemnes  de 
sang  lapon.  Il  n'y  a  que  les  Slaves,  dans  cette  région, 
pour  présenter  ces  deux  caractères  réunis.  On  a,  d'ailleurs, 
découvert  dans  des  sépultures  du  gouvernement  de  Nov- 
gorod, pouvant  remonter  au  xe  siècle,  des  crânes  slaves 
brachycéphales.  Retzius  dit  textuellement  qu'à  côté  des 
crânes  finnois  typiques,  crânes  massifs,  à  ossature  puis- 
sante, comme  les  crânes  des  Kourganes,  il  y  a  des  crânes 
de  forme  plus  petite  et  plus  faible,  à  brachycéphalie  plus 
accentuée,  qui  ressemblent  aux  crânes  «  carrés  »  des 
peuples  slaves.  Les  Finlandais  portent,  à  peu  de  chose 
près,  le  costume  des  Suédois.  Ils  abandonnent  peu  à 
peu  leurs  tentes  coniques,  faites  de  perches  assemblées  par 
leur  extrémité,  pour  de  véritables  maisons  de  bois.  Ils 
chassent  moins  que  leurs  ancêtres  et  élèvent  plus  de  bétail. 
Mais  la  pêche  est  toujours  leur  grande  occupation,  et  leurs 
cultures  sont  restées  bien  restreintes  et  bien  primitives, 
car  ils  se  bornent  encore  à  incendier,  de  temps  en  temps, 
des  parties  de  forêts  pour  ensemencer  sur  la  cendre.  Ce 
sont  de  gros  mangeurs  comme  tous  les  peuples  septentrio- 
naux. Et  comme  eux  tous  aussi,  ils  souffrent  souvent  de  la 
famine  et  se  nourrissent  alors  d'un  pain  fait  d'écorce  de 
sapin  et  de  racines  sauvages  broyées  ensemble. 

Les  Lives,  qui  occupaient  naguère  la  Livonie,  la  Cour- 
lande,  la  Samogitie,  ne  sont  plus  mentionnés  comme 
groupe  distinct.  Ils  étaient,  depuis  longtemps,  dépossédés 
de  leur  langue  par  les  Lettes,  avant  de  disparaître.  Il  en 
subsisterait  pourtant  un  ou  deux  milliers  à  l'état  de  pureté 
en  Courlande.  Et  ils  ont  laissé  dans  les  caractères  phy- 
siques de  la  population  de  ces  provinces  plus  d'une  preuve 
de  leur  présence.  Les  Esthoniens  seraient  encore  plus  d'un 
demi-million,  plus  au  N.,  sur  les  rives  mêmes  du  golfe  de 
Finlande.  Ils  ne  sont  évidemment  pas  autre  chose  qu'un 
rameau  séparé  de  Finnois  de  la  Finlande  par  la  colonisa- 
tion des  Slaves,  à  Novgorod  d'abord,  puis  à  Pétersbourg 
et  à  Pskov.  Par  leurs  caractères,  ils  ressemblent  surtout 
aux  Tavastlandais.  Mais  leur  pays,  plus  fertile  et  moins 
écarté  des  courants  civilisateurs,  leur  a  procuré  des  condi- 
tions d'existence  quelque  peu  supérieures  à  celles  échues 
aux  Finlandais.  Ils  ne  sont  pas  brachycéphales  (ind.  77,4). 


-  848 


FINNOIS  —  FINOT 


Les  Tchérémisses,  qui  se  donnent  le  nom  de  Nari 
(hommes),  occupaient  un  vaste  territoire,  car,  d'après 
M.  Rabot,  qui  les  a  visités  en  1890,  on  les  rencontre  en- 
core par  îlots,  depuis  laroslav  jusqu'au  delà  de  Simbirsk, 
sur  la  rive  gauche  de  la  Volga  moyenne  et  sur  la  Viatka  et 
la  Kama  inférieures.  Par  la  taille,  à  peine  moindre,  par  la 
peau  qui  est  blanche,  par  la  chevelure  tirant  souvent  sur 
le  roux,  par  la  face,  ils  ne  s'éloignent  nullement  des  Fin- 
landais. Mais  ils  ont  conservé  plus  purement  qu'eux  le 
type  crânien  primitif,  car  ils  ne  sont  pas  brachycéphales. 
Leur  indice  céphalique  moyen  est  de  76,79.  Et  les  doli- 
chocéphales purs  sont  nombreux  parmi  eux.  «  En  même 
temps  que  le  crâne  de  ceux-ci  s'allonge,  dit  M.  Hamy,  il 
se  relève;  les  arcades  zygomatiques  s'effacent;  la  capacité 
crânienne  augmente  ;  l'angle  facial  s'ouvre.  »  C'est  là  sûre- 
ment le  type  du  peuple  des  kourganes,  altéré  et  effacé 
pendant  ces  derniers  siècles  par  des  mélanges  incessants 
avec  des  éléments  mongoliques  et  slaves.  Les  Tchérémisses 
sont  devenus  très  bons  cultivateurs  et  grands  éleveurs 
d'abeilles.  Bien  que  russifiés  sous  le  rapport  de  la  religion 
et  des  mœurs,  ils  ont  conservé,  entre  autres  usages  anciens, 
celui  du  mariage  par  achat  ou  rapt.  Une  jeune  fille  se  paye 
de  150  à  400  fr.  Le  nombre  des  Tchérémisses  est  aujour- 
d'hui peu  élevé.  Leurs  voisins,  les  Tchouvajches,  groupés 
naguère  au  nombre  de  près  d'un  demi-million  dans  le  gou- 
vernement de  Kazan,  peuvent  être  considérés  comme  des 
Tchérémisses  transformés  par  leur  mélange  avec  les  Tatars. 
Ce  mélange  est  assez  récent,  car,  dans  les  cimetières  tchou- 
vaches,  les  Finnois  purs  sont  en  majorité.  On  y  trouve,  en 
effet,  54  °/0  de  dolichocéphales  contre  seulement  2  °/0  de 
brachycéphales  vrais  (Bogdanov) .  Les  Votiaks,  groupés  non 
loin  au  N.,  dans  le  gouvernement  de  Viatka,  seraient,  au 
contraire,  des  Finnois  plus  purs  que  les  Tchérémisses  eux- 
mêmes,  quoique  l'on  signale  parmi  eux  des  individus  au 
type  mongolique,  à  cheveux  noirs  et  raides.  Leurs  tra- 
ditions orales  les  font  venir  du  N.-O.,  et,  par  l'ensemble 
de  leurs  caractères  physiques  et  moraux,  ils  ne  diffèrent 
pas  des  Finlandais.  Mais  ils  ont  les  cheveux  et  la  barbe 
généralement  roux,  et  chez  aucun  autre  peuple  la  couleur 
rouge  ardent  n'est  aussi  fréquente  que  chez  eux.  Leur 
barbe  est  rare.  Ils  sont  laborieux,  bons  cultivateurs  et 
vivent  dans  l'aisance.  Leur  nombre  est  bien  double  de  celui 
des  Tchérémisses. 

Les  Mordvines  sont  les  Finnois  de  la  Russie  centrale  et 
méridionale.  Il  y  a  quelques  années,  ils  s'étendaient  encore 
par  îlots  séparés,  depuis  le  S.-E.  de  Moscou  jusqu'au 
gouvernement  d'Astrakhan  et  jusqu'à  la  Tauride.  On  en 
signale  encore  des  groupes  jusqu'à  Kostroma  sur  la  Volga. 
Ils  n'ont  pas  été  bien  étudiés  et  ne  l'ont  même  pas  été  du 
tout  sur  la  plupart  des  points  du  territoire  qu'ils  ont  occu- 
pés. Mais  on  sait  que,  chez  eux,  depuis  longtemps,  le  type 
finnois  a  été  plus  ou  moins  complètement  effacé  par  des 
mélanges  avec  des  éléments  mongoliques  et  slaves.  Ils  ont 
les  cheveux  bruns,  mais  passant  souvent  au  roux,  la  face 
large,  et  sont  nettement  brachycéphales  avec  un  indice 
moyen  de  84,97.  Leur  nombre,  estimé  jadis  à  480,000, 
ne  peut  plus  guère  être  apprécié  aujourd'hui. 

Les  Zyrianes  sont,  comme  les  Esthoniens,  une  branche 
des  Finlandais  détachée  uniquement  par  la  colonisation 
slave.  On  les  trouve  encore,  en  effet,  d'après  M.  Rabot, 
dans  le  gouvernement  de  Vologda,  et  ils  s'étendent,  de 
l'autre  côté  de  la  Dvina,  jusqu'au  territoire  des  Samoyè- 
des  et  presque  jusqu'à  l'Oural.  Nous  n'avons  que  peu  de 
renseignements  sur  eux.  Ils  ont,  d'ailleurs,  en  grande  partie, 
abandonné  leur  langue  pour  le  russe.  Mais  nous  savons 
qu'aujourd'hui  ils  sont  très  mélangés  d'éléments  mongo- 
liques. Ils  ont  évidemment  subi  surtout  l'influence  des 
Samoyèdes  qu'ils  ont  d'ailleurs  supplantés  sur  de  grandes 
étendues.  Ils  auraient  aussi  absorbé  une  notable  propor- 
tion de  Scandinaves.  Leur  nombre  ne  dépasse  sans  doute 
pas  100,000.  Ils  ne  peuvent  vivre,  en  effet,  que  de  la 
chasse.  Les  Vogouls,  d'après  M.  Rabot,  ne  se  distinguent 
absolument  en  rien  des  Ostiaks  ou,  pour  mieux  dire,  il  n'y 


a  pas  de  peuple  vogoul.  Pour  les  Ostiaks  (V.  ce  mot), 
ils  ont  eu  une  réelle  importance  ;  ils  ont  été  plus  étudiés 
que  les  autres,  et  nous  ne  pouvons  pas  les  mettre  sur  le 
même  rang  que  les  peuples  que  nous  venons  de  passer  en 
revue  d'une  façon  sommaire.  Zàborowski. 

II.  Linguistique  (V.  Langue). 

Bibl.  :  Retzius,  Finska  kranier  ;  Stockholm,  1878,  in-8. 
—  De  Ujfalvy,  les  Bachkirs,  les  Vêpses  et  les  antiquités 
finno-ougriennes  ;  Paris,  1880,  gr.  in-8.  —  Tarenetzky, 
Beitrage  zur  Kraniologie  der  Grossrussischen  Bevœlke- 
rung,  dans  Biologisches  Centralblat,  1885.  —  Zàborowski, 
Sur  quelques  crânes  finnois  anciens,  les  peuples  finnois 
actuels  et  les  origines  finnoises,  dans  Archives  slaves  de 
biologie  ;  Paris,  1886.  —  Abel  Hovelacqque  et  G.  Heryé, 
Précis  d'Anthropologie,  1887.  —  Rabot,  Explorations  de 
la  Laponie  russe,  dans  Bulletin  de  la  Société  de  géogra- 
phie, 1889,  1890  et  1891.  —  Comptes  rendus  du  congrès 
d'Anthropologie  de  Moscou,  1892.  —  Bogdanov,  Quelle 
est  la  race  la  plus  ancienne  de  la  Russie  centrale  ?  1892. 

FI  NO  (Alemanio),  historien  italien,  né  à  Bergame,  mort 
à  Crema  vers  4586.  Il  fut  magistrat  dans  cette  dernière 
ville  et  il  rédigea  les  ouvrages  suivants  :  La  Historia  di 
Crema  raccolta  dagli  annali  di  Pietro  Terni  (Venise, 
1566,  in-4),  réimprimé  avec  une  justification  des  cri- 
tiques adressées  à  cette  histoire  par  Francesco  Zava  et  l'ad- 
jonction d'un  supplément  intitulé  Scelta  di  uomini 
uscitida  Crema  (Crema,  1771,  in-8)  ;  La  Guerra  d'At- 
tila, flagello  di  Dio  (Venise,  1569,  in-12)  ;  la  traduction 
du  latin  en  italien  de  la  Description  de  l'île  de  Madère, 
'de  Giulio  Landi  (Plaisance,  1574,  in-8), 

Bibl  :  Donato  Calvi,  Scena  letteraria  degli  Scrittori  ber 
gamaschi  ;  Bergame,  1660,  in-4.  —  L.  Barbieri,  Saggio  di 
bibliografica  Cremasca  ovverro  Crema  letteraria;  Crema, 
1889,  in-8. 

F1NOGL1A  (Paolo-Domenico),  peintre  italien,  de  l'école 
napolitaine,  né  àOrta  (royaume  de  Naples),  mort  en  1656, 
élève  du  chevalier  Massimo  Stanzioni.  Il  fut  employé  avec 
son  maître,  Luca  Giordano,  Ribera  et  autres  peintres  de 
cette  école,  à  la  décoration  de  la  fameuse  Chartreuse  de 
Naples,  où  il  a  peint  de  fort  beaux  ouvrages.  Les  meilleurs 
sont  ceux  que  Ton  voit  dans  la  salle  du  chapitre,  exécutés 
dans  une  manière  très  vigoureuse. 
Bibl.  :  Domenici,  Vite  de'  Pittori  napoletani. 

FINOT  (Etienne),  homme  politique  français,  né  à  Ave- 
rolles  (Yonne)  le  6  déc.  1748,  mort  à  Averolles  le  7  déc. 
1828.  Administrateur  du  district  de  Saint-Florentin,  il  fut 
élu  député  de  l'Yonne  à  la  Convention,  siégea  à  la  Mon- 
tagne et  vota  la  mort  du  roi.  Après  la  session,  il  fut  nommé 
président  de  l'administration  centrale  de  l'Yonne,  puis  com- 
missaire du  directoire  exécutif.  Expulsé  de  France  en  181 6, 
à  la  suite  de  la  loi  contre  les  régicides,  il  s'établit  en  Suisse. 
~  Antoine-Bernard  Finot,  né  à  Dijon  le  2  déc.l  750,  mort 
à  Paris  le  26  avr.  1818,  trésorier-payeur  général  du  pre- 
mier Empire,  référendaire  à  la  cour  des  comptes,  fut  dési- 
gné comme  député  de  l'Yonne  le  6  janv.  1813  parle  Sénat 
conservateur.  Il  vota  la  déchéance  de  Napoléon,  fut  élu 
député  du  Mont-Blanc  le  22  août  1815  et  lit  partie  de  la 
minorité  de  la  Chambre  introuvable.  —  Auguste-François- 
Jean,  fils  du  précédent,  né  à  Avallon  le  9  févr.  1782,  mort 
à  Avallon  le  6  juil.  1846,  médecin,  fut  élu  député  de 
l'Yonne  le  5  juil.  1831.  Il  démissionna  un  an  après.  Il  a 
traduit  le  Traité  sur  la  nature  de  la  goutte,  de  Scuda- 
more  (1819).  —  Antoine-Bernard,  baron  Finot,  frère  du 
précédent,  né  à  Dijon  le  1er  sept.  1780,  mort  à  Paris  le 
1 0  janv.  1 844.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique  (an  VI) ,  secré- 
taire de  l'administration  des  finances  en  Italie  (an  VIII), 
secrétaire  général  adjoint  de  la  Loterie  (an  VIII) ,  il  fut  nommé 
auditeur  au  conseil  d'Etat  le  15  févr.  1809,  puis  chargé  de 
la  direction  générale  des  salines,  du  tabac  et  du  timbre  en 
Autriche  (1809),  de  l'intendance  des  biens  de  la  couronne 
en  Hollande  (1810)  et  devint  préfet  du  Mont-Blanc  le 
30  nov.  1810.  Sous  la  Restauration,  il  occupa  les  préfec- 
tures de  laCorrèze  et  de  l'Isère.  Le  4  nov.  1837,  il  fut  élu 
député  de  la  Corrèze  et  soutint  le  cabinet  Mole.  Il  fut  battu 
aux  élections  de  1839.  Il  avait  été  créé  baron  de  l'Empire 
le  2  août  1811. 


FINS  —  FIOL 


516  — 


FINS  (Les).  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Pontar- 
lier,  cant.  de  Morteau  ;  916  hab. 

FINS.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Péronne, 
cant.  de  Roisel  ;  600  hab. 

FIN  S  EN  (Hans)  (en  islandais  Hannes  Finsson,  en  latin 
Johannes  Finnœus),  évêque  et  érudit  islandais,  né  à  Reyk- 
holt  le  8  mai  4739,  mort  à  Skâlholt  le  4  août  1796. 
Dans  le  cours  de  ses  études  à  l'université  de  Copenhague 
(1755-1763),  il  édita,  avec  traduction  latine  et  commentaire, 
Norvegice  jus  ecclesiasticum  Vicensium  (1759-1760, 
2  vol.  in-4)  et,  plus  tard,  Landndmabôk  (1775,  in-4). 
On  lui  doit  aussi:  Dissertatio  de  Speculo  Regali  (1766, 
reproduit  dans  l'édition  de  cet  ouvrage,  1768,  in-4)  ;  Notice 
sur  V éruption  de  Vttekla  en  1766  (1767)  ;  Lettre  sur 
la  possibilité  de  V agriculture  en  Islande  (1778).  Il  prit 
part  à  beaucoup  d'autres  publications,  mais  ayant  été 
nommé  (1777)  coadjuteur  de  son  père,  Finn  Jônsson,~  auquel 
il  succéda  comme  évêque  de  l'Islande  (1789),  il  dut  renoncer 
à  ses  grands  travaux  d'érudition  ;  il  ne  publia  plus  qu'un 
livre  de  fables,  de  récits  et  de  dialogues  en  islandais 
(Kvœldvœkur  ;  Leirârgards,  1794-1796,  2  vol.  in-8  ; 
Reykjavik,  1848)  et  des  mémoires  estimés  dans  les  Ecrits 
de  la  Société  de  littérature  islandaise  (1784,  1790, 
1796  ;  t.  IV,  XI,  XIV).  Son  éloquence  et  son  humanité 
l'avaient  rendu  très  populaire  (Saga  de  sa  vie,  1797).  B-s. 
FIN  S  EN  (Vilhjâlm-Ludvig  Ôlafsson),  savant  juriste 
islandais,  né  à  Reykjavik  le  1er  avr.1823,  mort  en  juin 
1892.  Petit-fils  du  précédent,  il  eut  comme  lui  le  goût  de 
l'érudition,  mais  plus  heureux  il  put  la  mener  de  front  avec 
ses  devoirs  professionnels,  comme  attaché  au  ministère  de 
l'intérieur  (1849),  bailli  de  l'Islande  (1852),  assesseur  à 
la  cour  de  Viborg  (1860),  puis  à  celle  de  Copenhague 
(1868),  enfin  à  la  cour  suprême  (1871).  Il  donna  sa  dé- 
mission en  1888  pour  se  livrer  exclusivement  à  ses  études. 
On  lui  en  doit  d'excellentes  et  fort  originales  :  De  la  Famille 
dans  le  droit  islandais  d'après  le  Grâgds  (fans Annoter 
for  nor  disk  Oldkyndighed,  1849, 1850)  ;  Des  Lois  islan- 
daises au  temps  de  V autonomie  de  Vile  (dans  Aarbœ- 
ger  for  nordisk  Oldkyndighed,  1873);  De  la  Forme 
primitive  de  quelques  institutions  islandaises  (dans 
Videnskabernes  Selskabs  Skrifter,  section  historico-phi- 
losophique,  1888,  6e  sér.,  2e  division)  ;  Du  Jury  (dans 
Ny  Fèlagsrit,  1851,  t.  XI).  Il  a  donné  des  éditions  esti- 
mées de  Grâgâs  (d'après  le  Konungsbôk;  Copenhague, 
1852;  avec  traduction  danoise,  1870;  d'après  le  Stadar- 
hôlsbôk,  1879;  d'après  le  Skdlholtsbôk,  1883).    B-s. 

FINSEN  (Sœren-Hilmar-Steindor),  habile  administrateur 
et  ministre  danois,  cousin  du  précédent,  né  à  Kolding  le 
28  janv.  1824,  mort  le  15  janv.  4886.  Dépossédé  parles 
Prussiens  (1864)  du  poste  de  bourgmestre  à  Sœnderborg 
(île  d'Aïs)  qu'il  occupait  depuis  1850,  il  devint  grand  bailli 
de  l'Islande  (1865),  préfet  de  Copenhague  (1883),  enfin 
ministre  de  l'intérieur  (27  août  1884),  fonctions  dont  il 
dut  se  démettre  pour  cause  de  santé  (7  août  1885).  Comme 
commissaire  royal  auprès  de  l'Alting  (assemblée  générale 
de  l'Islande)  à  partir  de  1867,  il  parvint  à  faire  voter  la 
constitution  libérale  du  5  janv.  1874  qui  rend  à  l'île  une 
autonomie  presque  complète.  B-s. 

FIN  SON  IUS  (Louis),  peintre  flamand,  né  à  Bruges  vers 
1580,  mort  à  Arles  en  1632.  Malgré  les  recherches  de 
M.  de  Chennevières  qui  a  eu  l'honneur  de  remettre  en  cir- 
culation le  nom  oublié  de  Finson  ou  de  Finsonius,  comme 
l'artiste  aimait  à  s'appeler,  il  reste  bien  des  détails  à  décou- 
vrir sur  ce  Flamand  égaré  dans  le  midi  de  la  France.  On  ne 
possède  guère  sur  son  compte  que  les  renseignements  peu 
explicites  que  le  peintre  voyageur  a  bien  voulu  nous  donner 
en  inscrivant  sur  ses  tableaux  des  dates  et  des  signatures 
qui  sont  un  commencement  de  biographie.  On  y  voit  que 
l'artiste  s'est  beaucoup  promené  dans  les  pays  du  soleil. 
D'un  autre  côté,  les  œuvres  de  Finsonius  nous  renseignent 
sur  son  idéal.  Élève  d'un  maître  dont  nous  ne  savons  pas 
le  nom,  il  quitte  la  Flandre  et  arrive  en  Italie  aux  pre- 
mières années  du  xvne  siècle,  au  momeiat  où  Michel-Ange 


de  Caravage,  entraînant  la  peinture  dans  une  voie  nou- 
velle, prêche  l'évangile  des  réalités  brutales.  On  sait  que 
l'influence  de  Caravage  fut  énorme  ;  Rubens  lui-même  l'a 
subie.  Mais  Finsonius  était  sans  défense  ;  il  devint  violent 
et  noir,  et  il  le  demeura  toute  sa  vie.  A  quel  point  il  oublia 
ses  origines  brugeoises,  on  le  voit  dans  les  tableaux  dont 
il  emplit  les  églises  de  la  France  méridionale.  C'est  en  reve- 
nant d'Italie  que  Finsonius  s'arrêta  à  Aix  en  Provence  où 
il  fut  bien  accueilli  par  Peiresc  et  par  les  membres  du  par- 
lement. Il  y  était  en  1610  et  il  y  revint  à  plusieurs  reprises. 
On  sait,  par  la  signature  d'une  de  ses  œuvres,  qu'il  retourna 
à  Naples  en  1612  ;  mais,  peu  après,  il  rentra  en  France  et 
nous  le  retrouvons  bientôt  à  Arles,  où  il  fit  d'importants 
travaux;  en  1615,  il  séjourne  à  La  Ciotat  et  reparaît  à  Aix 
l'année  suivante.  Mais  il  continue  à  vagabonder  dans  les 
environs.  Il  revint  à  Arles  où  il  avait  des  amis  et  il  y 
mourut,  noyé  dans  le  Rhône,  s'il  en  faut  croire  une  légende 
difficile  à  contrôler  aujourd'hui. 

Les  églises  de  la  Provence  conservent  quelques-uns  des 
meilleurs  tableaux  de  Finsonius.  Parmi  ses  œuvres  les  plus 
caractéristiques,  on  cite  la  Résurrection  de  Jésus-Christ, 
signée  Ludovicus  Finsonius  Belga  Brugensis  fecit 
anno  1610  (église  Saint-Jean  à  Aix).  A  Saint-Sauveur, 
de  la  même  ville,  est  V Incrédulité  de  saint  Thomas 
(1613).  Nous  avons  vu  à  Saint-Trophime  d'Arles  la  Lapi- 
dation de  saint  Etienne  et  Y  Adoration  des  mages.  Ces 
deux  robustes  tableaux  sont  de  1614.  Finsonius  a  fait  aussi 
beaucoup  de  portraits  de  magistrats,  les  membres  du  parle- 
ment d'Aix  ayant  pris  goût  à  sa  manière  violente.  La  sin- 
cérité flamande  se  retrouve  dans  le  portrait  de  la  mère  de 
l'artiste  que  possède  M.  de  Chennevières  et  qui  est  une  page 
intime,  concentrée,  expressive.  Dans  ses  compositions  reli- 
gieuses, Finsonius  manque  tout  à  fait  de  goût,  mais  il  n'est 
pas  sans  puissance.  Il  suffit  d'avoir  vu  un  de  ses  tableaux 
à  base  noirâtre  pour  le  considérer  comme  une  des  plus 
authentiques  victimes  de  Michel-Ange  de  Caravage.  P.  M. 

Bibl.  :  P.  de  Chennevières  de  Pointel,  Peintres  pro- 
vinciaux de  l'ancienne  France,  1847,  t.  I. 

FINSTERAARHORN.  Sommité  la  plus  élevée  de  la 
grande  chaîne  des  Alpes  bernoises  (4,275  m.  au-dessus 
de  la  mer),  dépassant  ainsi  de  108  m.  la  cime  de  la  Jung- 
frau  (V.  ce  mot).  Sa  pointe  est  très  escarpée  ;  ses  ver- 
sants sont  couverts  de  nombreux  glaciers,  dont  les  princi- 
paux sont  ceux  de  l'Oberaar,  du  Finsteraaretles  Viescher 
Hôrner.  Le  glacier  de  Grindelwald,  bien  connu  des  tou- 
ristes, fait  partie  du  massif  du  Finsteraarhorn.  L'ascension 
de  cette  montagne  a  été  faite  plusieurs  fois,  mais  elle 
n'est  pas  sans  péril. 

FINTA.  Village  de  Roumanie,  district  de  Dimbovitsa, 
dép.  de  Ialomitsa,  formant  commune  avec  trois  autres 
villages  ;  1,300  hab.  Près  de  Finta,  Matei  Basarab,  prince 
de  Yalachie,  battit  son  voisin,  Vasile  Lupul,  et  les  Cosaques 
que  commandait  son  gendre,  Timus,  fils  de  Fhetman  Bog- 
dan  (1636). 

FIOCCHI  (Vicenzo),  compositeur  italien,  né  à  Rome  en 
1767,  mort  à  Paris  en  1843.  Elève  de  Fenaroli  à  Naples, 
il  débuta  en  Italie  comme  compositeur,  vint  à  Paris  en 
1802,  et  y  fit  jouer  sans  succès  te  Valet  des  deux  maîtres, 
en  1802,  et  Sophocle,  en  1811.  Il  se  consacra  à  l'ensei- 
gnement et  publia  avec  Choron  en  1807  les  Principes 
d'accompagnement  des  écoles  d'Italie.  Sur  la  fin  de  sa 
vie,  il  tomba  dans  la  misère.  M.  Br. 

FIOL  ou  FIJOL  (Swientopelk),  imprimeur  polonais  du 
xvi0  siècle,  mort  à  Leutschau  (Hongrie)  en  1525.  Il  appar- 
tenait à  une  famille  allemande  (Feyl  ou  Vegl)  que  l'on 
trouve  établie  à  Cracovie  dès  le  xive  siècle.  Il  apparaît 
comme  imprimeur  dès  1491  ;  jugé  et  emprisonné  comme 
hérétique,  il  fut  remis  en  liberté  en  juin  1492  et  quitta 
bientôt  Cracovie.  Dans  ses  publications,  il  signe  Schveipolt 
Fieol.  On  lui  doit  les  plus  anciennes  impressions  connues 
en  langue  slavonne.  Il  paraît  avoir  travaillé  surtout  pour 
les  Slaves  orthodoxes.  On  connaît  de  lui  un  Eexameron 
(Cracovie,  1491);  un  Livre  d'heures  (ib.,  1491);  un 


—  517  — 


FIOL  -  FJORAVANTI 


Psautier  (ib.,  1494)  ;  un  Triodion  de  carême  (s.  d.)  ;  un 
autre  Triodion  (s.  d.).  Tous  ces  ouvrages  constituent  des 
raretés  bibliographiques.  Ils  ont  été  souvent  décrits.  L.  L. 
Bibl.  :  Estreicher,  Gunter  Zaïner  et  S.  Fiol  (en  pol.)  ; 
Cracovie,  1867. —  Oundolsky,  Essai  d'une  bibliographie 
slavonne-russe ;  Moscou,  1871.  —  Golowatzky,  Schvceipolt 
Fiol;  Vienne,  1876,  et  les  travaux  sur  l'histoire  de  l'impri- 
merie en  Pologne. 

FIOLE.  Vase  à  boire,  petite  bouteille,  mince,  longue, 
cylindrique  ou  piriforme,  à  goulot  étroit  ;  c'est  ce  qui  le  dis- 
tingue de  Yampulla,  qui  au  contraire  est  pansue,  sphé- 
rique  ou  lenticulaire  :  toutes  les  deux  d'ailleurs  se  fermant 
avec  un  estoupillon  —  bouchon  formé  d'étoupes  —  quel- 
quefois aussi  avec  de  la  cire  ou  de  l'argile  sèche  suivant  leur 
destination.  Les  fioles  étaient  comme  les  alabastra  antiques, 
de  verre,  de  pierre,  de  terre  émaillée,  de  métal,  de  cuir.  Elles 
servaient  ainsi  que  les  ampoules  à  conserver  le  sang  des 
martyrs,  à'mettreles  saintes  huiles,  à  recueillir  les  parfums, 
à  adresser  aux  églises  qui  en  faisaient  la  demande,  l'huile 
qui  brûlait  devant  le  tombeau  des  martyrs.  Une  des  plus 
curieuses  collections  de  fioles  est  certainement  celle  de  la 
sacristie  de  l'église  de  Bari,  où,  depuis  lexive  siècle,  on  con- 
serve le  modèle  de  toutes  les  fioles  dans  lesquelles  on  mettait 
l'huile  qui  découlait  du  tombeau  de  saint  Nicolas.  Les  fioles 
n'étaient  pas  toujours  très  petites.  On  nomme  guttas  une 
fiole  à  long  goulot  étroit,  tors,  d'une  contenance  d'un  litre 
environ,  dont  le  liquide  ne  peut  s'échapper  que  goutte  à 
goutte.  On  les  fabriquait  à  Venise,  pour  la  traversée  des 
déserts  :  leur  orifice  s'appliquait  hermétiquement  sur  les 
lèvres  et  ne  laissait  pas  perdre  une  goutte  du  liquide  qui  ne 
s'échappait  qu'insensiblement.  —  Les  petites  bouteilles  de 
médicaments  vendues  par  les  pharmaciens  s'appellent  des 
fioles;  c'est  à  peu  près  de  nos  jours  le  seul  objet  auquel 
s'applique  ce  terme.  F.  de  M. 

FIONA  (Malac).  Genre  de  Mollusques-Gastéropodes,  de 
l'ordre  des  Opistobranches-Polybranches,  établi  par  Aider 
et  Hancock  en  1851  pour  un  animal  à  corps  nu,  dépourvu 
de  coquille  interne,  à  corps  limaciforme,  allongé,  assez 
atténué  en  arrière;  quatre  tentacules,  linéaires,  situés 
au-dessus  de  la  tête  ;  yeux  saillants  ;  branchies  placées  lon- 
gitudinalement  sur  le  dos,  munies  sur  un  de  leurs  côtés 
d'une  expansion  membraneuse .;  bords  du  pied  larges  et 
membraneux  ;  orifices  anal  et  génital  distancés  sur  le  côté 
droit  entre  les  tentacules.  La  bouche  est  armée  de  mâchoires 
cornées.  Ex.  :  Fiona  npbilis  Aider  et  Hancock.  Animaux 
vivant  sur  les  fucus  dans  l'océan  Pacifique. 

FIONIE(IJe)  (V.  Danemark). 

FIORAVANTE  (Ridolfo  di),  célèbre  architecte  et  ingé- 
nieur italien  du  xve  siècle,  surnommé  Aristote  à  cause  de 
l'universalité  de  ses  connaissances.  Cet  artiste,  né  à  Bologne 
avant  1418,  mort  à  Moscou,  probablement  vers  1486,  appar- 
tenait à  une  famille  d'architectes  dont  la  filiation  vient  d'être 
fixée.  Fieravante  ou  Fioravante  Ier  vivait  au  xi\e  siècle  ; 
il  eut  pour  fils  Ridolfo,  pour  petit-fils  Fieravante  II,  et 
pour  arrière-petit-fils  notre  Ridolfo  (II).  Celui-ci,  après 
avoir  débuté  au  service  du  pape  Nicolas  V,  pour  lequel  il 
transporta  des  colonnes  monolithes  de  la  Minerve  au  Va- 
tican (1451),  acquit  une  réputation  européenne  en  dépla- 
çant à  Bologne,  sans  la  démolir,  une  tour  de  dimensions 
gigantesques  (1455).  Il  fut  successivement  employé  par 
les  Sforza,  ducs  de  Milan,  par  Mathias  Corvin  (1468),  le 
pape  Paul  II  (1471),  les  rois  deNaples  (1472)  et  couronna 
sa  carrière  à  Moscou,  où  il  fut  appelé  par  le  tsar  Ivan  III 
qui  le  chargea  de  construire  la  cathédrale  de  l'Assomption, 
dans  le  style  byzantin,  ainsi  que  la  cathédrale  de  Saint- 
Michel  ou  des  Saints-Archanges  (terminée  seulement  après 
la  mort  de  Fioravanti).  Ces  deux  sanctuaires  forment  encore 
aujourd'hui  un  des  principaux  ornements  du  Kremlin.  Fio- 
ravante, qui  peut  être  considéré  comme  le  protagoniste  de 
la  Renaissance  en  Russie,  frappa  en  outre  des  monnaies 
et  fondit  des  canons  pour  le  souverain  de  la  Moscovie.  Il 
semble  être  mort  à  son  service,  mais  on  ignore  en  quelle 
année.  E.  Muntz. 

Bibl.:  Memorie  risguardanti  maestro  Ridolfo  delto  Aris- 


totele  Fioravanti  ;  Modène,  1825.  —  Gualandi,  Aristotele 
Fioravanti;  Bologne,  1870.  —  Malagûla,  Délie  Cose  ope- 
rate  in  Mosca  da  Aristotele  Fioravanti;  Moclène,  1877.  — 
E.  Mûntz,  les  Arts  à  la  cour  des  Papes,  t.  I,  II.  —  Du 
même,  Histoire  de  l'Art  pendant  la  Renaissance,  t.  II  — 
Du  môme,  Gazelle  des  Beaux-arts,  janv.  1893.  — Ricci,  Ar- 
chivio  storico  delï  Arte,  1891,  pp.  92  etsuiv. 

FIORAVANTI  (Leonardo),  médecin  et  alchimiste  ita- 
lien, né  à  Bologne,  mort  à  Rologne  le  4  sept.  1588.  Il 
exerça  dans  les  principales  villes  d'Italie  et  en  Afrique, 
s'acquit,  grâce  "à  ses  impostures,  une  réputation  imméritée 
d'habile  chirurgien  et  se  fit  décerner  par  sa  ville  natale  les 
titres  de  docteur,  de  chevalier  et  de  comte.  Tout  le  monde 
connaît  le  baume  qui  porte  encore  son  nom  (V.  Baume, 
t.  V,  p.  898)  et  auquel,  en  véritable  charlatan,  il  attri- 
buait toute  sortes  de  propriétés  miraculeuses.  Quant  à  ses 
ouvrages,  malgré  leurs  éditions  et  leurs  traductions  nom- 
breuses, ils  n'ont  aucune  valeur  scientifique  ;  citons  :  Lo 
Specchio  discienza  universale  libri  ///(Venise,  1564, 
in-8  ;  4e  éd.,  1679;  trad.  franc.,  Paris,  1584,  in-8;  allem. 
Francfort,  1615,  in-8;  lat.,  id.,  1624);  Del  Reggimento 
délia  peste  (Venise,  1565,  in-8  ;  4e  éd.,  1626  ;  trad.  ail., 
Francfort,  1632,  in-8)  ;  //  Compendio  deisecreti  razio- 
nali  intorno  alla  medicina,  chirurgia  ed  alchimia 
(Venise,  1571,  in-8;  5e  éd.,  1680;  trad.  lat.,  Turin, 
1580,  in-8;  ail.,  Darmstadt,  1624,  in-8;  angl.,  Londres, 
1 652,  in-4)  ;  La  Fisica  (Venise,  1 582,  in-8  ;  3e  éd.,  1629  ; 
trad.  ail.,  Francfort,  1618);  La  Cirurgia  (Venise,  1582, 
in-8),  etc.  L.  S. 

Bibl.  :  Hœfer,  Histoire  de  la  chimie;  Paris,  1842,  in-8, 
t.  II,  p.  132. 

FIORAVANTI  (Valentino),  compositeur  italien,  né  à  Rome 
en  1770,  mort  à  Capoue  le  16  juin  1837.  Il  fut  élève,  à 
Naples,  du  Conservatoire  délia  Pietà  de'  Turchini,  sous 
la  direction  de  Sala.  En  juin  1816,  il  devint  maître  de  la 
chapelle  de  Saint-Pierre  du  Vatican.  Il  a  écrit  des  morceaux 
d'église  en  style  concertant,  des  motets  pour  un  et  deux 
chœurs,  des  messes,  un  Ries  irœk  huit  voix  réelles  et  or- 
chestre, un  Te  Deum  à  deux  chœurs,  un  Miserere,  un 
Stabat,  un  Salve  Regina,  etc.  Mais  il  fut  apprécié  sur- 
tout comme  musicien  bouffe,  bien  que  sa  verve  comique  soit 
gâtée  souvent  par  la  trivialité  des  idées  et  la  faiblesse  du 
travail  musical.  Parmi  ses  opéras,  très  nombreux  et  très 
applaudis,  dont  on  trouvera  la  liste  dans  Fétis  (Riographie 
universelle  des  musiciens,  2e  éd.,  t.  III,  p.  256),  les  plus 
connus  sont  :  Amor  aguzza  Vingegno,  Con  i  matti  il 
savio  la  perde,  L'Astuta,  Il  Furbo  contra  il  Furbo,  Gli 
Amanti  comici,  UOrgoglio  avvilito,  La  Cantatrice  vil- 
lane,  La  Capricciosa  pentita,  La  Schiavadidue  padron, 
Li  Giudizio  di  Paride,  La  Relia  Carbonara,  V Africano 
generoso,  I  Virtuosi  ambulanti  (cet  opéra,  dont  le  livret 
est  tiré  de  l'ancien  opéra-comique  les  Comédiens  ambu- 
lants, de  Picard,  fut  écrit  et  représenté  à -Paris  en  1807), 
La  Sposa  di  due  mariti,  Camilla,  Adelaide  e  Commin- 
gio,  Raoul  de  Crequijl  Ciabottino.  On  lui  doit  encore  un 
oratorio,  Nef  te.  Son  opéra,  La  Cantatrice  villane,  a  été 
joué  avec  succès  à  Paris  avant  1  Virtuosi  ambulant^ 
en  1806.  A.  E. 

FIORAVANTI  (Vincenzo),  musicien  italien,  fils  du  pré- 
cédent, né  à  Rome  le  5  avr.  1799,  mort  à  Naples  le  28  mars 
1877.  Il  étudia  la  musique  contre  le  gré  de  son  père,  qui 
voulait  faire  de  lui  un  médecin;  mais  son  premier  essai  no- 
table, un  duo  à  intercaler  dans  un  opéra  connu,  était  si 
médiocre,  que  le  chef  d'orchestre  ne  voulut  pas  le  faire  exé- 
cuter. Il  prit  alors  des  leçons  de  Donizetti,  puis  écrivit  un 
opéra-bouffe,  Pulcinella  molinaro,  où  débuta  Lablache 
(Naples,  1819).  Depuis  ce  moment,  il  composa  de  nom- 
breux opéras,  les  uns  sérieux,  les  autres  bouif es  ou  «  semi- 
sérieux  »,  que  le  supplément  à  la  Riographie  universelle 
des  musiciens  de  Fétis  énumère,  et  parmi  lesquels  nous 
citerons  La  Pastorella  rapita,  Robinson  Crusoé,  Amore 
e  Disinganno,  Colombo  alla  scoperta  délie  Indie,  La 
Figlia  del  Fabro,  CM  Chenerà,  Un  Matrimonio  in  pri- 
gione,  Un  Padre  comprato  ossia  X,  Y  e  Z,  Gli  Zingari, 
Il  Cieco  del  Dolo9  La  Pirata,  I  Vecchi  Rurlati,  Il  No- 


FIORAVANTI  —  FIORENTINO 


-  518 


taio  d'Ubeda  (reproduit  dans  l'Italie  entière,  avec  tin  grand 
succès,  sous  le  titre  de  Don  Procopio),  La  Lotteria  di 
Vienna,  Annella,  tavernara  di  porta  Capuana*  Il  a 
écrit  également  une  messe  funèbre  et  deux  oratorios,  Scilla 
et  II  Sacriflzo  di  Jefte.  A.  E. 

FIORAVANTI.  Nom  d'une  famille  de  chanteurs  italiens. 
Ils  étaient  sans  doute  parents  des  deux  compositeurs  de  ce 
nom,  et,  comme  eux,  acquirent  dans  leur  pays  une  véri- 
table célébrité.  Le  père,  Giuseppe,  jouissait  en  1822,  à 
Naples,  d'une  très  grande  renommée,  grâce  à  sa  belle  voix 
de  baryton,. et  aussi  à  son  très  grand  talent  de  chanteur 
bouffe.  De  1822  à  1860,  c.-à-d.  pendant  près  de  quarante 
ans,  il  fit  partie  du  personnel  du  théâtre  Nuovo,  deNapies, 
où  ses  succès  étaient  éclatants.  —  Son  fils,  Luigi,  né  à 
Naples  le  20  déc.  1829,  mort  à  Viterbe  en  déc.  1887, 
fut  aussi  très  renommé  dans  l'emploi  de  buffo  caricato. 
Bien  que  son  père  voulût  le  consacrer  au  commerce 4  il  ne 
put  résister  à  sa  passion  pour  le  théâtre  et  débuta  à  dix- 
huit  ans*  En  1838,  il  rejoignait  son  père  au  théâtre  Nuovo, - 
de  Naples,  où  il  restait  jusqu'en  1855.  —  Valentino  (qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  Valentino  Fioravanti,  le  com- 
positeur) était,  croyons-nous,  le  second  fils  de  Giuseppe. 
De  1848  à  1860,  il  appartint  aussi  au  théâtre  Nuovo,  où 
il  se  trouvait  avec  son  père  et  son  frère.  Un  fait  assez  curieux 
est  même  à  signaler,  c'est  qu'en  1849  tous  trois  jouèrent 
dans  un  opéra  d'un  quatrième  Fioravanti  (Vincenzo) ,  intitulé 
La  Pirata.  En  1861,  Valentino  quittait  le  théâtre  Nuovo 
pour  entrer  au  Giardino  dHnverno,  de  Naples.  Ce  sont  là 
tous  les  renseignements  qu'il  est  possible  de  réunir  sur  cette 
intéressante  famille  de  chanteurs,  dont  les  membres  ont 
été  souvent  confondus  et  pris  les  uns  pour  les  autres.  A.  P. 

FIORE  (Jacobello  del),  peintre  vénitien,  qui  travaillait 
en  1400  et  1439.  Il  devint,  après  son  père  Francesco, 
président  de  la  gilde  des  artistes  vénitiens  de  1415  à 
1436.. On  a  de  lui  :  le  Lion  de  saint  Marc,  daté  de  1415, 
au  palais  ducal;  une  Madone  entre  deux  saints  (1436), 
et  un  Couronnement  de  la  Vierge  à  l'Académie  de  Ve- 
nise ;  une  Vierge  allaitant  l'Enfant,  au  musée  Correr  ; 
des  Scènes  de  la  vie  de  saint  Etienne  et  de  saint  Lau- 
rent, à  la  chapelle  de  l'hôpital  de  Serravalle.  Avec  leurs 
ornements  d'or,  la  rigidité  de  leur  dessin,  la  dureté  de 
leur  couleur,  ces  peintures  sont  de  vraies  miniatures  de 
grandeur  naturelle.  Mais  leurs  faiblesses  mêmes  en  font  un 
spécimen  curieux  des  œuvres  vénitiennes,  entre  la  fin  de 
la  tradition  byzantine,  qui  s'éteint  au  début  du  xve  siècle, 
et  la  formation  de  l'Ecole  dite  de  Murano. 

Bibl.  :  Crowe  et  Cavalcaselle,  Histoire  de  la  peinture 
en  Italie,  t.  IL 

FIORE  (Niccolô  -  A  ntonio ,  dit  Colantonio  del) ,  peintre 
italien  de  la  fin  du  xive  siècle,  qui  travailla  à  Naples,  et  dont 
l'existence  n'est  connue  que  par  une  lettre  de  l'architecte 
Summonzio,  datée  de  1424.  On  l'a  identifié,  sans  grande 
raison,  avec  Nicolaus  Tomasi  de  Flore  (Florentia?),  qui  a 
signé  en  1371  un  Saint  Antoine  dans  une  gloire,  au- 
jourd'hui au  musée  municipal  de  Naples.  La  lunette  au- 
dessus  du  porche  de  San'Angelo  a  Nilo,  également  attribuée 
à  Colantonio,  est  complètement  ruinée. 

Bibl.  :  Crowe  et  Cavalcaselle,  Histoire  de  la,  pein- 
ture en  Italie,  I,  ch.  xi. 

FIORE  (Angelo  ou  Aniello  del),  sculpteur  napolitain, 
mort  vers  1500.  On  cite  de  lui  les  statues  funéraires  du 
Comte  de  Bucchianico  (1447)  et  de  Francesco  Caraffa 
(1470),  à  San  Domenico  Maggiore  ;  les  statues  de  Saint 
Jérôme,  Saint  Eustache,  Saint  Sébastien.et  Saint  Fran- 
çois d'Assise,  à  Santa  Maria  Nuova,  le  tombeau  des  Pi- 
gnatelli  dans  ^église  de  ce  nom.  Ses  figures,  par  la  jeu- 
nesse et  la  pureté  des  formes,  prouvent  qu'il  s'est  inspiré 
des  maîtres  florentins  du  milieu  du  xve  siècle. 

Bibl.  :  Perkins,  les  Sculpteurs  italiens,  II,  ch.  n. 

FIORE  (Pasquale),  jurisconsulte  italien  contemporain, 
né  à  Terlizzi  (prov.  de  Bari)  le  8  avr.  1837.  Il  a  été  suc- 
sessivement  professeur  de  philosophie  au  lycée  de  Crémone 
(1 861) ,  professeur  de  droit  constitutionnel  et  de  droit  inter- 
national à  l'université d'Urbin  (1863),  professeur  de  droit  in- 


ternational aux  universités  de  Pise  (1865),  de  Turin  (1875) 
et  enfin  de  Naples.  On  peut  citer  parmi  ses  travaux  :  Ele- 
menti  di  Diritto  costituzionale  (1862)  ;  Nouveau  Droit 
international  public,  suivant  les  besoins  de  la  civilisa- 
tion moderne  (traduit  par  P.  Pradier-Fodéré,  1869); 
Diritto  internazionale  privato  (traduit  par  P.  Pradier- 
Fodéré;  Paris,  1875;  3e  édit.,  2  vol.,  1888);  Trattato 
di  Diritto  internazionale  publico  (1879,  trad.  en  fran- 
çais et  en  espagnol);  Trattato  di  Diritto  internazionale 
pénale  (traduit  en  français;  Paris,  1880,  et  en  espagnol 
par  M.  Garcia  Moreno). 

FIORELLI  (Giuseppe),  archéologue  italien,  né  à  Naples 
le  8  juin  1823.  Inspecteur  des  fouilles  de  Pompéi  depuis 
1845,  révoqué  pour  causes  politiques  en  1849,  nommé  en 
1860,  lors  de  la  fondation  du  royaume  d'Italie,  inspecteur 
des  antiquités  dans  l'Italie  méridionale,  et  professeur  d'ar- 
chéologie à  l'université  de  Naples,  en  janv.  1862  directeur 
des  fouilles  dans  les  mêmes  provinces  et,  de  1875  à  1890, 
directeur  général  des  musées  et  fouilles  du  royaume  d'Italie 
(direttore  générale  dei  Musei  e  degli  Scavi  di  anti- 
chita),  sénateur  depuis  1865,  correspondant  (et  depuis 
1891,  associé  étranger)  de  l'Académie  des  beaux-arts  de 
Paris  depuis  1866,  M.  Fiorelli  a  eu,  par  ses  écrits  et  son 
administration,  une  influence  considérable  sur  le  dévelop- 
pement des  études  archéologiques  en  Italie.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  Osservazioni  sopra  talune  monete  rare 
di  città  greche  (Naples,  1843,  in-4);  Monete  inédite 
deW  Italia  anlica  (Naples,  1845,  m-i);  Annali  di  nu- 
mismatica  (Rome,  1846  et  1851,  2  vol.  in-8);  Notizia 
dei  vasi  dipinti  rinvenuti  a  Cuma  dal  conte  di  Sira- 
cusa  (Naples,  1853,  in-fol.);  Pompeianarum  antigui- 
tatum  historia  quam  ex  cod.  mss.  et  a  schedis  diur- 
nisque  R.  Alcubierre  C.  Weber....  nunc  primum 
coUigit...  Fiorelli  (Naples,  1860-1864,  3  vol.  in-8); 
Catalogo  del  museo  nazionale  di  Napoli  (Naples,  1866- 
1871 , in-4,  plusieurs  fascicules);  Relazione  délie scoverte 
archeologiche  fatte  in  Italia  dal  1846  al  1866  (Naples, 
1867,  in-4)  ;  Gli  Scavi  di  Pompei  dal  1861  al  1872 
(Naples,  1873,  in-fol.);  Descrizione  di  Pompei  (Naples, 
1875,  in-16);  SuW  Ordinamento  del  servizio  archeolo- 
gico  (Rome,  1883  et  1885,  in-4).  Il  est  sénateur  du 
royaume  depuis  1865.  M.  P. 

FIORENTINO  (Giovanni)  (Jean  de  Florence),  architecte 
italien,  du  milieu  du  xme  siècle.  Appartenant  à  l'ordre  de 
Saint-Dominique,  Fiorentino  commença,  en  1279,  avec 
Ristoro  da  Campi,  religieux  du  même  ordre  que  lui,  l'église 
du  couvent  de  Santa  Maria  Novella,  à  Florence,  dont  la 
première  pierre  avait  été  posée  l'année  précédente.  Ces  deux 
architectes,  également  ingénieurs,  avaient  aussi  dirigé, 
après  l'inondation  de  l'Arno,  en  1246,  la  reconstruction  de 
deux  ponts  dits  Alla  Caraja  et  Santa  Trinita  dans  la  même 
ville,  ponts  que  reconstruisit,  pour  la  dernière  fois,  l'Am- 
manati  en  1557  et  1559.  Charles  Lucas. 

Bibl.  :  Marchese,  Memorie  dei  più  insigni  Pittori, 
Scultori  ed  Architetti  Domenicani;  Bologne,  1878,  4°  éd. 

FIORENTINO  (G.  Bugiardini,  dit  El)  (V.  Bugiardini). 

FIORENTINO  (Stefano),  dit  lo  Scimmia  (le  Singe), 
peintre  de  l'école  de  Giotto.  Baldinucci  fait  de  cet  artiste 
non  seulement  l'élève,  mais  le  propre  petit-fils  de  Giotto  : 
si  l'hypothèse  était  prouvée,  Stefano  serait  né  en  1333. 
Vasari  le  comble  des  éloges  les  plus  extravagants  et  le 
proclame  égal  à  son  maître  pour  le  modelé,  la  draperie,  la 
perspective,  etc.  Malheureusement,  on  ne  peut  aujourd'hui 
rien  savoir  de  précis  sur  son  œuvre.  Le  Commentaire  de 
Ghiberti  lui  attribue  Y  Annonciation  du  Campo  Santo  de 
Pise,  que  Vasari  met  au  nom  de  Simone  Martini,  et  qui, 
bien  qu'entièrement  repeinte,  trahit  certainement  une  main 
siennoise.  Il  n'y  a  plus  de  trace  du  Martyre  de  saint 
Marc  que,  d'après  Ghiberti  et  Vasari,  Stefano  aurait  peint 
à  Santa  Croce,  ni  de  la  Gloire  des  Elus,  dans  le  chœur  de 
l'église  inférieure  d'Assise,  ni  des  œuvres  qu'il  avait  exé- 
cutées à  Rome  dans  les  églises  de  Saint-Pierre  et  d'Araceli. 
Les  fresques  de  la  chapelle  San  Jacopo,  dans  la  cathédrale 


519  — 


FIORENTINO  —  FIORILLI 


de  Pistoja,  qui  lui  sont  attribuées  par  Vasari,  doivent  être 
rendues  à  Alesso  d'Andréa  et  à  Bonaccorso  di  Maestro 
Cino  ;  elles  sont,  d'ailleurs,  aujourd'hui  recouvertes  parle 
badigeon.  La  seule  œuvre  existante,  qui  s'accorde  avec  les 
indications  de  Ghiberti  et  de  Vasari,  est  un  Christ  en 
croix,  entre  un  saint  Thomas  à  peine  visible  et  un  autre 
saint  complètement  effacé,  dans  le  cloître  de  Santa  Maria 
Novella.  Malgré  l'état  déplorable  de  cette  fresque,  on  peut 
la  regarder  avec  certitude  comme  l'œuvre  d'un  giottesque, 
mais  elle  n'a  rien  qui  justifie  l'enthousiasme  de  Vasari. 

Bibl.  :  Crowe  et  Cavalcaselle,  Histoire  de  la  pein- 
ture en  Italie. 

FIORENTINO  (Agostino),  sculpteur  italien,  qui  a  tra- 
vaillé de  4442  à  4461.  L'éditeur  de  Vasari,  M.  Milanesi, 
puis  M.  Yriarte,  dans  son  Rimini,  l'ont  définitivement 
identifié  avec  Agostino  de  Duccio  (V.  ce  mot). 

FIORENTINO  (Tommaso),  peintre  italien,  né  vers  1500. 
Séduit  par  le  succès  de  Giovanni  da  Udine,  il  se  consacra 
uniquement  à  peindre  des  grotesques.  Appelé  en  Espagne, 
il  y  exécuta  des  décorations  gracieuses  au  palais  d'Alva, 
vers  4520.  On  lui  attribue  divers  portraits  dans  les  musées 
d'Espagne. 

FIORENTINO  (Luca),  graveur  italien  du  commence- 
ment du  xvie  siècle.  Ses  œuvres,  signées  du  monogramme 
L.  A.  F.,  présentent  une  ressemblance  frappante  avec  celles 
de  Robetta.  Les  meilleurs  sujets  sont  :  Hérodiade,  avec  la 
tête  de  saint  Jean,  une  Charité,  la  Vierge  avec  l'En- 
fant, entre  saint  François  et  saint  Antoine. 

FIORENTINO  (Pier-Angelo) ,  littérateur  italio-français,  né 
à  Naples  en  4806, mort  à  Paris  le  34  mai  4864.  Elève  des 
jésuites,  puis  étudiant  en  droit,  il  fonde  à  Naples  V Omni- 
bus et  le  Vésuve,  y  débute  par  des  nouvelles  réunies  plus 
tard  sous  le  titre  Sere  d'autuno,  entame  un  poème  épique, 
Sergianni  Caraccio,  broche  un  roman  historique,  Coràd- 
dino,  fait  représenter  un  drame,  La  Fornarina  et  part 
pour  Paris  sans  avoir  réussi  à  forcer  l'attention  de  ses  con- 
citoyens. A  Paris,  il  gagne  sa  vie  en  donnant  des  leçons  de 
langues.  Il  revient  à  Naples  avec  une  adaptation  dramatique 
d'un  roman  extraordinairement  compliqué  et  bizarre  de 
Léon  Gozlan,  intitulé  le  Médecin  du  Pecq,  et  qu'il  trans- 
forme en  II  Medico  di  Parma,  adaptation  qui  obtient  un 
prodigieux  succès  et  lui  procure,  en  Italie  même,  la  con- 
naissance d'Alexandre  Dumas  père,  lequel  le  ramène  à  Pa- 
ns où  il  se  l'adjoint  comme  collaborateur.  C'est  ainsi  que 
Fiorentino  aurait  écrit  sous  l'anonymat  une  bonne  part  du 
Corricolo,  du  Speronare,  de  Maître  Adam  le  Calabrais 
et  de  Jeanne  de  Naples.  Du  moins,  sa  signature  figura- 
t-elle  dans  Nisida,  des  Causes  célèbres.  Fiorentino  acquit 
à  cet  exercice  une  remarquable  souplesse  de  style  qu'il 
utilisa  bientôt  pour  son  compte  personnel,  d'abord  dans  de 
petits  journaux,  h  Sylphide  et  le  Corsaire  (4846),  puis 
à  la  Presse  où  l'appela  Girardin.  De  retour  d'une  cama- 
pagne  de  propagande  libérale  en  Italie  (4848),  il  entre  au 
Constitutionnel  qui  lui  confie  son  feuilleton  musical.  Trois 
ans  plus  tard,  en  1852,  et  sans  qu'il  ait  quitté  le  Consti- 
tutionnel, le  Moniteur  lui  confie  dans  ses  colonnesle  même 
feuilleton  qu'il  signe  du  pseudonyme  de  A.  de  Rouvray  et 
mène  quinze  ans  durant  parallèlement  à  son  premier  feuil- 
leton, et  en  se  bornant  à  modifier  seulement  d'un  organe  à 
l'autre  le  tour  de  ses  articles,  là  léger  et  caustique,  ici  grave 
et  solennel.  On  le  vit  également  à  la  France,  chargé  de  la 
critique  dramatique,  et  c'est  qu'aussi  bien  il  s'était  acquis 
dans  cette  partie  une  réputation  extraordinaire.  Malheu- 
reusement pour  lui  cette  réputation  n'alla  pas  toujours  sans 
qu'on  suspectât  son  impartialité.  Attaqué  par  le  Figaro, 
alors  à  ses  débuts,  puis  par  la  Société  des  gens  de  lettres,  il 
comparut  devant  une  sorte  de  jury  d'honneur  où,  pour 
expliquer  certaines  attitudes  équivoques,  il  déclara  qu'il  y 
avait  deux  hommes  en  lui,  tout  à  fait  distincts,  le  critique 
et  le  courtier  d'engagement,  lesquels  n'avaient  pas  à  se 
préoccuper  de  ce  qu'ils  pouvaient  faire  séparément.  Le  jury 
ne  trouva  pas  ces  explications  de  son  goût.  Fiorentino 
provoqua  immédiatement  le  premier  membre  de  la  Société 


des  gens  de  lettres  que  lui  désigna  Tordre  alphabé- 
tique, Amédée  Achard,  et  lui  traversa  le  poumon  d'un 
coup  d'épée.  L'opinion  publique  n'en  était  pas  moins  faite 
sur  son  compte,  et  quand  il  mourut,  laissant  une  fortune  de 
600,000  fr.,  on  se  rappela  que  de  son  propre  aveu  il  avait 
débarqué  à  Paris  avec  450  fr.  Edmond  About,  dans  les 
pages  mordantes  qu'il  lui  consacra,  paraît  avoir  fort  bien 
résumé  le  caractère  et  le  talent  de  cet  Italien  habile,  souple, 
des  plus  compétents,  d'ailleurs,  en  matière  de  critique  mu- 
sicale. «  Il  écrivait  fort  bien,  plaisantait  finement  et  comp- 
tait encore  mieux.  »  Fiorentino  est  l'auteur  d'une  traduc- 
tion de  YEnfer  du  Dante  qui  fut  illustrée  par  Gustave 
Doré.  Ch.  Le  Goffic. 

FIORENZO  di  Lorenzo,  peintre  de  l'école  ombrienne, 
qui  travaillait  dans  la  seconde  moitié  du  xve  siècle.  Il  eut 
pour  maître  Bonfigli  et  subit  certainement  l'influence  du 
Pérugin  ;  on  peut  le  considérer,  avec  Andréa  Alongi,  dit 
Plngegno,  comme  le  précurseur  immédiat  de  Pitturichio. 
La  galerie  de  Pérouse  possède  de  lui  des  fragments  impor- 
tants d'une  grande  Assomption  peinte,  en  4472,  pour  le 
couvent  des  Servi,  huit  médaillons  de  saints  provenant 
d'une  prédelle,  un  Saint  Sébastien.  Dans  l'église  San 
Francesco  de  Diruta,  on  conserve  un  tableau  signé  Floren- 
tius  Laurentii  et  daté  de  4487,  qui  représente  Y  Eternel 
dans  une  gloire,  entre  saint  Romain  et  saint  Roch. 
Le  British  Muséum  et  le  musée  de  Berlin  contiennent  cha- 
cun une  Madone  de  Fiorenzo.  Enfin,  il  est  probable  qu'il 
faut  rendre  à  cet  artiste  Y  Adoration  des  Mages  de  l'église 
Santa  Maria  Nuova  à  Pérouse,  attribuée  par  Vasari  au 
Pérugin. 

Bibl.  :  Crowe  et  Cavalcaselle,  Histoire  de  la  pein- 
ture en  Italie,  III,  ch.  vi. 

FIORI  (Cesare),  peintre,  architecte  et  graveur  milanais, 
né  en  4636,  mort  en  4702.  Il  fut  élève  de  Carlo  Cane  et 
de  Pietro-Paolo  Caravaggio.  Il  semble  s'être  fait  connaître 
beaucoup  moins  comme  peintre  que  comme  décorateur  et 
organisateur  de  fêtes,  processions,  entrées  de  souverains. 
Quelques-uns  de  ses  projets  se  sont  conservés  dans  des  gra- 
vures exécutées  par  lui-même. 

FIORI  da  Urbino  (V.  Barocci  [Federigo]). 

FIORILLI  (Tiberio),  comédien  italien,  plus  connu  sous 
le  nom  de  Scoramouche,  né  à  Naples  le  9  nov.  4608,  mort 
à  Paris  le  7  déc.  4694.  On  croit  que  ce  comédien  fameux 
était  fils  d'un  capitaine  de  cavalerie,  mais  on  ne  sait  presque 
rien  de  sa  vie  avant  l'époque  où  il  vint  en  France,  sinon 
qu'il  épousa  à  Palerme  une  jeune  fille  qui  s'appelait  Lau- 
rence-Elisabeth (ou  Isabelle)  del  Campo,  et  qui,  une  fois 
mariée,  prit  aussi  la  carrière  du  théâtre,  où  elle  adopta  le 
personnage  de  Marinette.  Toutefois,  l'énorme  succès  qu'il 
obtint  en  Italie  dans  le  rôle  de  Scaramouche,  l'un  des  plus 
importants  de  la  commedia  deW  arte,  n'est  pas  douteux. 
Sa  réputation  était  déjà  grande  lorsque,  vers  4640,  il 
vint  à  Paris,  où  il  faisait  partie  d'une  groupe  italienne 
appelée  par  Mazarin.  Il  est  certain  toutefois  qu'il  y  était 
en  4644,  car  au  mois  d'août  de  cette  année  il  y  eut  un 
fils  dont  le  parrain  et  la  marraine  ne  furent  rien  moins 
que  le  cardinal  lui-même  et  la  reine  Anne  d'Autriche. 
L'année  suivante  ,  Fiorilli  faisait  partie  de  la  fameuse 
troupe  italienne  qui  donna  ses  représentations  au  Petit- 
Bourbon  et  qui  joua  sur  ce  théâtre  La  Finta  Pazza. 
Chassée  deux  ans  après  par  les  troubles  de  la  Fronde, 
cette  troupe  revint  en  4653  et  reparut  au  Petit-Bourbon 
le  40  août,  en  présence  du  roi,  de  la  reine  mère  et  de 
toute  la  cour.  Elle  y  resta  jusqu'en  juil.  4659,  où  elle 
retourna  dans  son  pays. 

De  retour  à  Paris  en  4662,  toujours  avec  Fiorilli,  les 
Italiens,  le  théâtre  du  Petit-Bourbon  ayant  été  démoli, 
s'installent  dans  la  salle  du  Palais-Royal ,  concurrem- 
ment avec  Molière  qui  l'occupait  déjà.  Ils  y  donnaient 
quatre  représentations  par  semaine  et  la  troupe  française 
trois.  C'est  alors  surtout  que  Fiorilli  devint  le  favori  de 
Louis  XIV  qui  l'avait  pris  en  très  grande  affection  et  qu 
le  lui  prouvait  par  des  dons  d'argent  répétés.  C'est  alors 


FIORILLI  —  FIRANDO 


520  — 


aussi  que  Molière,  qui  vivait  avec  les  comédiens  italiens 
sur  le  pied  d'une  grande  intimité,  étudia  assidûment,  dit-on, 
le  jeu  vraiment  supérieur  de  Scaramouche. 

Il  est  certain  que  le  talent  de  Fiorilli  était  des  plus 
remarquables,  sa  pantomime  d'une  étonnante  expression, 
son  comique  absolument  irrésistible,  et  qu'à  tout  cela  il 
joignait  une  légèreté  et  une  souplesse  de  corps  prodi- 
gieuses, à  ce  point  que,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans  passés, 
il  donnait  encore,  sur  la  scène,  un  soufflet  avec  le  pied. 

Tout  en  faisant  de  fréquents  voyages  en  Italie,  et  cela 
souvent,  croit-on,  par  l'ordre  du  roij  pour  aller  chercher 
des  sujets  capables  de  renforcer  la  troupe,  Fiorilli  ne  cessa 
d'appartenir  à  celle-ci  et  d'y  obtenir  les  plus  grands  succès 
jusqu'à  l'âge  le  plus  avancé,  car  il  ne  quitta  le  théâtre  que 
cinq  ans  avant  sa  mort,  alors  qu'il  était  âgé  de  quatre- 
vingt  et  un  ans.  Nous  n'avons  pas  à  nous  étendre  ici  sur 
les  aventures  ou  les  mésaventures  amoureuses  de  Fiorilli 
qui  le  rendirent  aussi  célèbre  en  son  temps  que  ses  talents 
scéniques,  surtout  après  son  second  mariage  contracté  à 
quatre-vingts  ans  avec  une  femme  de  trente.  —  Àngelo 
Costantini  publia  sa  biographie  sous  ce  titre  :  la  Vie  de 
Scaramouche  (Paris,  4695).  Ce  n'est  guère  qu'un  tissu 
d'anecdotes  pour  la  plupart  apocryphes. 

F10R1LLO  (Ignazio),  musicien  italien,  né  à  Naples  le 
4 1  mai4745,  mort  à  Fritzlar  (Allemagne)  enjuin  4787.  Il  fit 
ses  études  musicales  à  Naples,  dans  les  conservatoires,  sous 
la  direction  de  Durante  et  de  Léo.  Vers  4754,  il  fut  appelé 
comme  maître  de  chapelle  à  Brunswick,  où  il  composa 
de  la  musique  sur  les  ballets  de  Nicolini.  En  1762,  il  de- 
vint maître  de  chapelle  à  Cassel,  et  y  remplit  ses  fonctions 
jusqu'en 4780,  époqueà  laquelle  il  se  retira.  Il  a  fait  jouer 
les  opéras  suivants  :  Mandane  (Naples,  4736),  Artimene 
(Milan,  4738),  II  Vincitordi  stesso  (Venise,  1744),  Diana 
ed  Endimione  (Cassel,  1763),  Artaserse  (Cassel,  4765), 
Nittetti  (Cassel,  4770),  Andromeda  (Cassel  4771).  On 
lui  doit  également  de  nombreuses  compositions  pour  l'église, 
entre  autres  trois  Te  Deum,  un  Requiem,  des  messes, 
motets,  psaumes,  deux  Magnificat,  deux  Miserere,  et  l'ora- 
torio Isacco,  sur  un  texte  de  Métastase.  On  vante  l'élégance 
et  la  clarté  de  son  style  mélodique.  A.E. 

FIORILLO  (Johannes  Dominicus),  écrivain  d'art  alle- 
mand, né  à  Hambourg  le  43  oct.  4748,  mort  à  Gœtlmgue 
le  40  sept.  4824.  Il  étudia  d'abord  la  peinture,  professa 
cet  art  àGœttingue,  y  devint  en  4784  conservateur  de 
la  colleclion  d'estampes,  enfin  professeur  à  la  faculté  de 
philosophie.  Peintre  médiocre,  il  compte  comme  historien 
d'art.  Son  premier  ouvrage,  Geschichte  der  zeichnenden 
Kûnste  von  ihrer  Wiederauflebung  bis  in  die  neuesten 
Zeiten  (Gœltingue,  4798-4808,  5  vol.  in-8),  ne  roule 
que  sur  la  peinture,  malgré  son  titre.  Il  se  montre  supé- 
rieur dans  ses  Geschichte  der  zeichnenden  Kûnste  in 
deutschland  und  den  vereinigten  Niederlanden  (Ha- 
novre, 4845-4820,  4  vol.),  surtout  par  sa  juste  apprécia- 
tion des  monuments  du  moyen  âge  qu'il  fut  le  premier  à 
faire  connaître  dans  leur  ensemble.  On  lui  doit  encore 
Kleine  Schriften  artistischen  Inhalts  (Gœttinçue,  \  803- 
4806,  2  vol.).  G.  P-i. 

FIORILLO  (Federigo),  musicien  d'origine  italienne,  fils 
d'Ignazio ,  né  à  Brunswick  en  4755,  mort  en  Angle- 
terre, à  Londres  sans  doute,  vers  4824  ou  4825.  Très 
jeune,  il  apprit  à  jouer  de  la  mandoline,  puis  du  violon, 
sur  lequel  il  devint  extrêmement  habile.  En  4780,  il  fit  un 
voyage  en  Pologne;  de  4783  à  4785,  il  fut  directeur  de 
musique  à  Riga;  ensuite,  il  alla  à  Paris,  et,  vers  4788, 
se  fixa  en  Angleterre,  qu'il  ne  quitta  que  momentanément 
en  4823,  pour  se  faire  soigner  à  Paris  par  le  chirurgien 
Dubois.  De  ses  ouvrages,  parmi  lesquels  on  remarque  des 
trios  pour  deux  violons  et  basse,  des  quatuors  pour  deux 
violons,  alto  et  basse,  des  duos  pour  deux  violons,  des 
sonates  pour  piano  et  violon,  des  valses  pour  piano  et 
flûte,  des  quintettes  pour  deux  violons,  deux  altos  et 
basse,  des  trios  pour  flûte,  violon  et  alto,  des  sonates 
à  quatre  mains  pour  piano  avec  accompagnement  de  flûte, 


un  quintette  pour  cor,  flûte  ou  hautbois  ou  clarinette,  vio- 
lon, alto  et  basse,  un  air  varié  pour  piano,  des  duos  pour 
violon  et  violoncelle,  cinq  symphonies  concertantes  (n°  4 
pour  deux  flûtes,  nos  2,  3  et  5  pour  deux  violons,  n°  4  pour 
deux  hautbois),  etc.,  le  seul  vraiment  célèbre  est  le  recueil 
connu  sous  le  nom  iï Etudes  de  violon  qui  est  classique  au 
point  de  vue  de  l'enseignement  de  cet  instrument.    A.  E. 

FIORIN  (Bot.)  (V.  Agrostide). 

FI  0  RI  NI  (Giovanni-Battista),  peintre  et  architecte  ita- 
lien du  xvi^  siècle.  Il  étudia  les  ouvrages  du  Bagnacavallo 
et  des  Vénitiens,  puis,  fixé  à  Rome,  donna  dans  la  fadeur 
des  Zuccari.  Uni  à  César  Aretusi,  il  tira  de  cette  collabo- 
ration un  succès  qu'il  n'eût  pas  trouvé  seul.  La  Vocation 
de  saint  Pierre,  à  la  tribune  de  la  cathédrale  de  Bologne, 
la  Naissance  de  la  Vierge,  à  Saint-Jean-au-Mont,  et 
d'autres  morceaux  dans  plusieurs  villes  de  la  Lombardie, 
nous  font  connaître  son  talent  de  peintre.  On  ne  connaît 
rien  qui  témoigne  de  celui  qu'il  eut  pour  l'architecture. 

FIORIN I  (Gabriele),  sculpteur  italien,  fils  du  précédent. 
Il  florissait  dans  la  seconde  moitié  du  xvie  siècle,  prit  part 
à  tous  les  grands  travaux  de  son  temps,  auxquels  on  l'em- 
ploya surtout  pour  la  partie  des  ornements.  Les  Saints 
protecteurs  de  Bologne  à  Saint-François,  un  Saint 
Sébastien  à  Sainte-Catherine  de  Saragosse,  le  tombeau  du 
Cardinal  Agucchi  à  Saint-Jacques-Majeur,  ainsi  que  la 
décoration  de  plusieurs  autels,  soutiennent  sa  réputation. 

FIORIN I  (Pietro),  architecte  italien,  fils  du  précé- 
dent, mort  en  4622.  Il  travaillait  en  4584.  Architecte 
de  la  ville  de  Bologne,  il  reconstruisit,  en  4583,  l'église 
de  la  Charité,  puis  celle  de  saint  Mathieu  et  de  Saint- Jean- 
Baptiste.  La  Porte  Pie  fut  élevée  sur  ses  dessins.  Son 
chef-d'œuvre  est  le  cloître  de  Saint-Michel  in  Bosco,  que 
décorèrent  les  Carrache  et  les  peintres  de  leur  école. 

Bibl.  :  Malvasia,  Pitture,  Sculture  ed  Architetture  di 
Bologna 

F10R1N1  (Matteo),  mathématicien  italien,  né  à  Feliz- 
zano  (Piémont)  en  août  4827.  Reçu  docteur  es  sciences  à 
Turin  en  4855,  il  a  été  attaché  à  l'administration  du  ca- 
dastre de  4858  à  4859  et  il  est  depuis  4860  professeur 
de  géodésie  à  l'université  de  Bologne.  Il  a  écrit  de  nom- 
breux ouvrages  sur  les  alluvions  et  sur  la  cartographie  : 
Le  Alluvioni  (Bologne,  4878);  Le  Proiezioni  délie  carte 
geografiche  (Bologne,  4884,.  avec  atlas);  Note  ipsome* 
triche  sopra  la  regiona  bolognese  (Bologne,  4883);  Mi- 
sure  offerte  dalle  carte  geografiche  (Florence,  4887); 
Le  Proiezioni  cuneiformi  (Rome,  4889),  etc.       L.  S. 

FIORITURE  (Mus.).  Les  Italiens  ont  créé  le  mot 
fioriture  pour  désigner  les  ornements,  gammes,  trilles, 
arpèges,  roulades,  introduits  par  les  virtuoses,  chanteurs 
ou  instrumentistes  dans  le  texte  du  compositeur.  Autrefois, 
les  compositeurs  italiens  indiquaient  sommairement  les 
passages  di  bravura,  laissant  toute  liberté  aux  chanteurs, 
qui  ornaient  les  airs  à  leur  guise.  Mais  Bellini,  Rossini 
écrivirent,  réalisèrent  ces  traits,  autrefois  improvisés  par 
les  interprètes.  En  France,  les  doubles,  les  diminutions 
étaient  des  espèces  de  fioritures,  de  variations  (V.  ce 
mot).  Dans  les  doubles,  le  chanteur  ou  l'instrumentiste 
doublait  les  valeurs  des  notes;  dans  les  diminutions,  il  les 
décomposait.  On  faisait  entendre  l'air,  puis  le  double  :  le 
thème  et  la  variation.  Ch.  B. 

FIPA.  Pays  de  l'Afrique,  au  S.  de  l'Equateur,  compris 
entre  la  rive  S.-E.  du  Tanganîka  et  le  bord  occidental  du 
Rikouâ  ou  lac  Léopold.  Les  côtes  du  Tanganîka,  dans  le 
Fipa,  sont  très  élevées  et  dominées,  par  de  hauts  plateaux 
boisés.  Une  chaîne  de  montagnes,  haute  de  4,200  m.,  tra- 
verse le  pays  de  l'O.  àl'E.  Le  pays  produit  naturellement 
le  coton  et  le  riz.  Le  centre  commercial  estKaléma,  sur  les 
confins  du  Fipa  et  du  Tongoué. 

FIQUEFLEUR-Equainville.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure, 
arr.  de  Pont-Audemer,  cant.  de  Beuzeville  ;  542  hab. 

F 1 Q  U  ET  (Etienne)  (V.  Ficquet)  . 

FIQUET  du  Boccage  (Pierre-Joseph)  (V.  Boccage). 

FIRANDO  (Japon)  (V.  Hirado). 


—  521  — 


FIRAOUN  -  FIRENZUOLA 


FIRAOÛN.  Nom  donné  quelquefois  au  chott  el-Djerid 
(V.  Djerid). 

F1RBE1X.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogue,  air.  de  Non- 
tron,  cant.  de  Saint-Pardoux-la-Rivière  ;  990  hab. 

FIRCKS  (Théodore,  baron  de),  publiciste  russe,  plus 
connu  sous  le  nom  de  Schedo-Ferroti,  né  à  Kalwen,  en 
Courlande,  le  7  avr.  4812,  mort  à  Dresde  le  25  oct.1872. 
Il  fit  ses  études  militaires  à  Saint-Pétersbourg  et  servit 
au  corps  des  ingénieurs.  Il  a  publié  en  français  une  série 
d'Etudes  sur  l'avenir  de  la  Russie  dont  quelques-unes 
ont  été  très  remarquées  :  la  Libération  des  paysans  (Ber- 
lin, 1857  ;  4e  édit.,  1859);  les  Principes  du  gouverne- 
ment et  leurs  conséquences  (ib.,  1857)  ;  Malversations 
et  Remèdes  (ib.,  1859);  la  Noblesse  (ib.,  1859);  le 
Militaire  (ib.,  1860);  les  Serfs  non  encore  libérés  (ib., 
1861).  Devenu  agent  consulaire  de  Russie  à  Bruxelles,  il 
collabora  au  journal  le  Nord.  Une  brochure  en  faveur  de 
la  Pologne,  Lettre  d'un  patriote  polonais  au  gouver- 
nement national  de  la  Pologne  (Berlin,  4863),  le  fit 
tomber  en  disgrâce.  Il  se  fixa  dès  lors  à  Dresde  et  reprit 
la  suite  de  ses  «  Etudes  »  :  la  Tolérance  et  le  Schisme 
religieux  en  Russie  (ib.,  1863);  Que  fera-t-on  de  la 
Pologne?  (ib.,  1864)  ;  le  Nihilisme  en  Russie  (ib., 
4867)  ;  le  Patrimoine  du  peuple  (ib.,  1868).  On  lui  doit 
en  outre  quelques  brochures  :  Lettres  sur  les  chemins 
de  fer  en  Russie  (Berlin,  1858)  ;  la  Question  polonaise 
(ib.,  1863)  ;  Lettres  sur  l'Instruction  populaire  en  Rus- 
sie (Leipzig,  1869),  et  une  brochure  allemande,  Die  inter- 
nationale Arbeiterbewegung  (Berlin,  1872).       L.  L. 

FIRDOÛSI.  C'est  sous  ce  surnom,  dont  l'origine  est  in- 
certaine, que  Ton  désigne  ordinairement  l'un  des  plus  grands 
poètes  persans,  Abou'l-Qâsim  Mansoûr  ibn  Ahmed  ibn  Fakhr 
ed-Dîn.  Né  vers  l'an  940  au  bourg  de  Chadab,  dans  les 
environs  de  Thoûs,  Firdoûsi  reçut  une  très  brillante  édu- 
cation ;  il  étudia  non  seulement  la  langue  persane,  mais 
encore  la  langue  arabe  qu'il  possédait  admirablement  et  la 
langue  pehlvie.  On  a  peu  de  détails  certains  sur  les  pre- 
mières années  de  sa  jeunesse  et  même  sur  les  débuts  de 
son  âge  d'homme  fait  ;  on  sait  seulement  qu'il  faisait  de 
patientes  recherches  pour  connaître  l'histoire  ancienne  de  sa 
patrie  et  qu'il  était  avide  des  renseignements  que  pouvaient 
lui  fournir  sur  ce  sujet  les  chroniques  pehlvies  et,  en  par- 
ticulier, la  collection  de  Danichver  Dihkan.  Sans  doute  il 
méditait  déjà  le  projet  qu'il  devait  réaliser  plus  tard  d'écrire 
en  vers  l'histoire  de  la  Perse,  mais  il  avait  été  devancé 
dans  cette  voie  par  Daqîqî.  La  mort  tragique  de  ce  dernier  lui 
ayant  laissé  le  champ  libre,  il  se  mit  aussitôt  à  l'œuvre, 
non  sans  tirer  parti  des  travaux  de  son  précurseur,  bien 
qu'il  ne  les  jugeât  pas  toujours  très  favorablement.  Le 
moment  d'ailleurs  était  heureusement  choisi  de  chanter  les 
exploits  des  héros  de  l'Iran.  Etouffée  pendant  trois  siècles 
par  la  civilisation  arabe,  la  nation  persane  allait  bientôt 
recouvrer  son  indépendance  politique  et  littéraire.  Les  es- 
prits s'enflammaient  au  récit  des  prouesses  des  anciens 
Persans  ;  on  était  heureux  de  retrouver  ces  sortes  de  titres 
de  noblesse,  et  la  fierté  qu'on  en  ressentait  avivait  les  forces 
du  patriotisme.  Aussi  les  premiers  vers  de  Firdoûsi  vo- 
lèrent-ils bientôt  de  bouche  en  bouche.  Cet  honneur  ne  suf- 
fisait pas  au  poète  dont  les  ressources  étaient  des  plus  pré- 
caires; il  avait  besoin  d'un  Mécène.  Il  en  trouva  un  d'abord 
dans  la  personne  d'Aboû  Mansoûr,  le  gouverneur  de  la  pro- 
vince de  Thoûs,  mais  son  poème  était  loin  d'être  achevé 
quand  Aboû  Mansoûr  mourut.  Firdoûsi,  alors  âgé  de  cin- 
quante-huit ans,  se  décida  à  chercher  un  protecteur  dans 
la  personne  de  Mahmoud  le  Ghaznévide  qui  venait  de  monter 
sur  le  trône.  Il  se  rendit  donc  à  Ghazna  où  il  eut  beau- 
coup de  peine  à  attirer  l'attention  sur  lui  à  cause  de  la 
jalousie  des  poètes  de  la  cour  qui  ne  voyaient  pas  sans  in- 
quiétude pour  leurs  revenus  l'arrivée  d'un  rival  aussi  redou- 
table. Cependant  il  avait  réussi  à  gagner  la  faveur  du  prince 
et  semblait  devoir  terminer  paisiblement  son  œuvre  entouré 
d'honneur  et  comblé  de  richesses,  quand  des  intrigues  de 
cour  lui  aliénèrent  l'esprit  de  Mahmoud.  Plein  de  dépit  et 


de  colère,  il  quitta  Ghazna  après  avoir  décoché  au  sultan 
une  cruelle  satire  et  erra  de  ville  en  ville  pour  se  soustraire 
aux  poursuites  dont  il  était  l'objet.  Même  à  Bagdad,  le  khalife 
El-Qâdir-Billâh,  en  l'honneur  duquel  il  composa  le  poème 
de  Yoûsoufet  Zuleikha,  n'osa  point  lui  assurer  sa  protec- 
tion contre  la  fureur  de  Mahmoud,  et  Firdoûsi,  déjà  très 
avancé  en  âge,  rentra  à  Thoûs  où  il  ne  tarda  pas  à  mourir 
en  l'année  1020.  On  raconte  qu'enfin  le  sultan  Mahmoud, 
ayant  appris  les  intrigues  dont  le  poète  avait  été  la  vic- 
time, l'avait  invité  à  revenir  à  la  cour  et  lui  avait  envoyé 
un  présent  de  100,000  pièces  d'or.  Au  moment  où  le 
convoi  qui  apportait  le  présent  entrait  par  une  des  portes 
de  Thoûs,  le  corps  de  Firdoûsi  sortait  par  une  autre  porte 
pour  être  conduit  à  sa  demeure  dernière.  La  fille  du  poète 
ayant  refusé  la  somme  envoyée  à  son  père,  cet  argent  fut 
employé  à  construire  un  barrage  que  Firdoûsi,  dans  sa  jeu- 
nesse, avait  toujours  rêvé  de  faire  bâtir  à  ses  frais.  L'ou- 
vrage capital  de  Firdoûsi  a  pour  titre  le  Châh-Nâmèh  (le 
livre  des  rois)  ;  c'est  le  récit,  dans  l'ordre  chronologique, 
des  événements  dont  la  Perse  a  été  le  théâtre  durant  une 
période  de  trois  mille  six  cents  ans  s'arrêtant  à  l'année  636 
de  notre  ère,  c.-à-d.  à  l'époque  delà  conquête  musulmane. 
La  lutte  de  l'Iran  (Perse)  contre  le  Touran  (Turkestan) 
forme  en  quelque  sorte  le  cadre  de  l'ouvrage  et  c'est  le 
plus  souvent  à  l'histoire  de  cette  lutte  que  se  rattachent  les 
épisodes  dont  le  livre  est  parsemé.  Cependant,  il  en  est 
d'autres  qui  ne  se  lient  en  aucune  façon  à  ce  sujet,  et  cette 
absence  d'unité  rend  la  lecture  continue  du  poème  fati- 
gante ;  pour  en  sentir  tout  le  charme  il  faut  prendre  chaque 
épisode  séparément  sans  s'inquiéter  du  rapport  qu'il  peut 
avoir  avec  le  reste  de  l'ouvrage.  La  coupure  en  distiques 
qui  renferment  chacun  un  sens  complet  imprime  une  allure 
saccadée  à  ce  long  poème  et  n'a  pas  permis  de  donner  à  la 
pensée  le  tour  harmonieux  qu'elle  aurait  pu  revêtir  dans 
des  périodes  plus  amples  et  savamment  ordonnées.  L'incon- 
vénient de  ce  genre  est  tel  qu'on  peut  souvent  changer 
l'ordre  des  distiques  sans  qu'au  premier  abord  on  s'aper- 
çoive de  la  transposition  dont  le  texte  a  été  l'objet  ;  aussi 
est-il  rare  de  trouver  deux  manuscrits  identiques  au  point 
de  vue  de  la  disposition  des  distiques  ou  qui  en  donnent  un 
même  nombre.  Au  lieu  de  60,000  distiques  dont  le  poème 
complet  doit,   dit-on,   se    composer,  les   manuscrits  en 
fournissent-ils  au  plus  56,000  et  le  plus  souvent  46,000 
ou  même  40,000.  Le  Châh-Nâmèh  n'est  point,  à  pro- 
prement parler,  un  poème  épique  ;  c'est  un  poème  histo- 
rique ;  on  ne  saurait  donc  le  rapprocher  ni  de  l'Iliade  ni 
de  ['Enéide,  et,  malgré  des  beautés  de  premier  ordre,  il 
reste  pour  nous  bien  au-dessous  de  ces  deux  chefs-d'œuvre 
comme  valeur  littéraire.  Considéré  au  point  de  vue  histo- 
rique, il  offre,  au  milieu  de  ses  fables  et  de  ses  légendes,  de 
nombreux  renseignements  puisés,  soit  dans  les  traditions 
orales,  soit  dans  des  ouvrages  pehlvis,  et  spécialement  pour 
la  partie  relative  aux  Sassanides,  on  peut  le  consulter  avec 
fruit.  A  part  le  Châh-Nâmèh,  il  ne  reste  de  Firdoûsi  que 
son  poème  de  Yoûsoufet  Zuleikha  ;  c'est  le  développement 
des  incidents  rapportés  par  le  Coran  sur  l'aventure  de  Jo- 
seph avec  la  femme  de  Putiphar.  De  nombreux  fragments 
du  Châh-Nâmèh  ont  été  traduits  dans  diverses  langues, 
mais  il  n'existe  qu'une  seule  traduction  complète,   celle 
donnée  en  français  par  J.  Mohl  sous  le  titre   le  Livre 
des  rois  et  publiée  à  l'Imprimerie  nationale  ;  la  première 
édition  en  7  vol.  in-fol.  (1838-1878),  la  seconde  en  7  vol. 
in-12  (1876-1878).  Le  texte  persan  seul  a  été  donné  par 
Turner  Macan  sous  le  titre  The  Schah-Namèh  (Cal- 
cutta, 1829,  4  vol.  in-8).  Cette  excellente  édition  a  été 
reproduite  par  la  lithographie,  à  Téhéran,  en  1850,   sous 
la  direction  de  Mohammed-Mehdi.  O.  Houdas. 

Bibl.  :  Doulet-Schah,  Tedzhiret,  trad.  par  de  Sacy, 
dans  les  Notices  et  Extraits  des  manuscrits,  t.  IV,  p.  230. 
—  J.  Mohl,  art.  du  Journal  asiatique,  1841,  t.  II  et  préface 
du  Livre  des  Rois. 

FIRENZUOLA  (Agnolo  Giovannini  ou  Nannini,  sur- 
nommé), poète  et  conteur  italien,  né  à  Florence  le  28 
sept.  1493,  mort  à  Rome  vers  4545.  Moine  bénédictin  de 


FIRENZUOLA  —  FIRMaN 


—  522  — 


la  congrégation  de  Vallombreuse,  il  fut  un  assez  médiocre 
religieux,  mais,  en  revanche,  un  très  bon  écrivain  :  aux 
yeux  de  Clément  VII,  cette  dernière  qualité  dispensait  de 
toutes  les  autres  et  l'on  vit  ce  pape  lire  à  haute  voix, 
devant  des  cardinaux  et  des  beaux  esprits,  tel  des  légers 
opuscules  du  bénédictin.  Il  en  rédigea  de  galants,  comme 
son  Discours  sur  l'amour  platonique  ;  d'amusants,  comme 
son  Expulsion  des  nouvelles  lettres,  pamphlet  contre 
Trissino  ;  d'un  peu  vifs,  comme  sa  minutieuse  description 
de  la  Beauté  des  femmes  où  se  révèle,  avec  une  parfaite 
impudeur,  une  science  accomplie  de  l'amour  ;  de  sages, 
comme  ses  Discours  des  animaux.  Il  traduisit  bravement 
l'Ane  d'or,  d'Apulée  (Venise,  1567),  et  c'est  encore  l'un 
de  ses  livres  les  plus  estimés  pour  la  pureté  de  la  langue. 
Ses  autres  productions  sont  des  vers,  capitoli,  des  comé- 
dies :  I  Lucidi  (Florence,  4549);  La  Trinuzia  (Florence, 
1554).  On  trouve  en  deux  volumes  ses  principales  œuvres  : 
La  Rime  date  in  luce  da  Messer  Lorenzo  Scala  (Flo- 
rence, 4549,  in-8);  Le  Prose,  nelle  quali  si  contengono  % 
Discorsi  degli  Animali,  Ragionamenti  diversi,  no- 
velle,  etc.  (Florence,  4552,  in-8).  La  meilleure  édition 
de  ses  œuvres  a  été  donnée  par  Bianchi  (Florence,  4848, 
2  vol.).  Larivey  a  traduit  son  Discours  des  animaux 
(1579)  et  J.  Pallet  son  Discours  de  la  beauté  des  dames 
(4578).  R.  G. 

Bibl.  :  Giambattista  Passano,  Novellieri  italiani  in 
prosa  ;  Turin,  1878,  2  vol.  in-8.  —  Du  même,  I  Novellieri 
italiani  in  verso  ;  Bologne,  1868,  in-8. 

FIRFOL.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  et  cant.  (4er) 
de  Lisieux;  164  hab.  De  l'ancien  prieuré  subsiste  l'église 
du  xnie  siècle  transformée  en  grange.  Ancien  manoir  du 
xvie  siècle. 

FI  R  KOV1TC  H  (Abraham),  célèbre  juif  caraïte,  né  à  Loutzk 
(Russie)  le  27  sept.  4786,  mort  à  Tschufut-Kalé  (Crimée)  le 
7  juin4874.  D'une  famille  pauvre,  il  ne  reçut  dans  son  enfance 
qu'une  instruction  élémentaire.  Après  bien  des  déboires,  et 
déjà  marié,  il  écouta  les  conseils  de  MardochéeSultanansky, 
rabbin  des  Caraïtes  de  sa  ville  natale,  qui  l'engageait  à  étu- 
dier sous  sa  direction.  Il  put  ainsi  devenir  instituteur,  et, 
enfin,  après  avoir  mené  une  existence  malheureuse,  rabbin 
à  Kozlov  (Eupatoria)  vers  4834.  En  4830,  il  s'était  rendu 
en  Palestine,  où  il  avait  découvert  quelques  manuscrits 
hébreux  :  il  préludait  ainsi  à  sa  vocation.  En  4838,  le  gou- 
vernement russe  demanda  à  la  communauté  caraïte  de  Kos- 
lov  les  renseignements  qu'elle  possédait  sur  l'établissement 
des  juifs  de  leur  secte  en  Russie,  leur  origine,  leur  his- 
toire, etc.  Les  Caraïtes  étaient  trop  ignorants  pour  répondre. 
En  4839,  nouvelle  mise  en  demeure.  Cette  fois,  ils  se  déci- 
dèrent à  envoyer  quelqu'un  dans  les  communautés  caraïtes 
de  Crimée  et  des  autres  pays  pour  y  réunir  les  matériaux 
propres  à  répondre  au  questionnaire  du  gouvernement.  Ils 
firent  choix  pour  cette  mission  de  Firkovitch  qui  s'était  déjà 
signalé  par  ses  découvertes  et  la  publication  d'œuvres  an- 
ciennes et  de  travaux  personnels.  Firkovitch  parcourut 
alors  la  Crimée,  le  Caucase,  la  Turquie,  la  Syrie,  la  Pales- 
tine, l'Egypte,  la  Perse,  recueillant  inscriptions  et  manus- 
crits, faisant  partout  où  il  passait  de  véritables  rafles 
d'ouvrages  rares  et  inédits.  Il  rapporta  de  son  expédition, 
non  seulement  de  nombreux  textes  émanant  de  Caraïtes, 
mais  des  manuscrits  arabes  et  hébreux  des  plus  célèbres 
exégètes,  grammairiens  et  théologiens  des  xe  et  xie  siècles, 
œuvres  qu'on  croyait  à  jamais  perdues,  entre  autres  de 
Saadia,  d'Aboul-Valid  ibn  Djanah,  de  Samuel  ben  Hofni, 
de  Juda  ibn  Balam.    Le  gouvernement  russe  acheta  cette,' 
précieuse  collection,  riche  de  près  de  deux  milliers  de 
volumes.  En  1863,  nouveau  voyage  qui  ne  fut  pas  moins 
fructueux.  Ces  étonnantes  découvertes  entourèrent  le  savant 
caraïte  d'une  grande  popularité  ;  malheureusement  il  avait 
rapporté  de  ses  voyages  des  inscriptions  et  des  manuscrits 
caraïtes  enrichis  de  notices  historiques,  notices  qui  tendaient 
à  prouver  que  les  Caraïtes  étaient  établis  en  Russie  depuis 
les  temps  les  plus  reculés  ;  on  reconnut  que  la  plupart  des 
inscriptions  étaient  apocryphes   et  avaient  pour  but  de 


vieillir  la  secte.  Les  ouvrages  de  Firkovitch,  à  l'exception 
de  Abné  Zicaron,  ou  recueil  des  inscriptions  découvertes 
par  lui,  ont  peu  d'intérêt.  Il  laisse  un  grand  nombre  de 
travaux  inédits.  On  en  trouvera  la  liste,  avec  celle  des 
ouvrages  qu'il  a  publiés,  dans  J.  Fùrst,  Geschichte  des 
Karaërthums,  III,  pp.  476  et  suiv.  Israël  Lévi. 

Bibl.:  Ephraïm  Deinard,  Biographie  de  Firkovitch  (en 
hébreu)  ;  Varsovie,  1875,  in-8  (faite  dans  un  esprit  malveil- 
lant). —  Neubauer,  Ans  cler  Petersburger  Bibliotheh; 
Leipzig,  1866.  —  Jellinek,  Abr.  Firkowitsch ;  Vienne, 
1875.  —  Harkavy  et  H.-L.  Strack,  Catalog  der  hebr. 
Bibelhandschriften  der  k.  of.  Bibliotheh  in  Saint-Pe- 
tersburg',  1875.  —  Harkavy,  A Itjudisc he  Denkmàler  aus 
der  Krim,  1877.  —  Chwolson,  Corpus  inscriptionum 
hebraicarum  ;  Saint-Pétersbourg,  1882,  in-fol.  —Journal 
asiatique,  6°  série,  t.  V.  —  Revue  des  Etudes  juives,  t.  VI, 
pp.  147  et  suiv. 

FIRLEJ.  Grande  famille  polonaise;  elle  paraît  être  ori- 
ginaire de  la  Franconie  ;  ses  principaux  représentants  ont 
été  :  Nicolas  Firlej,  castellan  de  Cracovie,  grand  het- 
man  de  la  Couronne,  né  dans  la  seconde  moitié  du  xve 
siècle,  mort  en  4526.  En  4484,  il  accompagna  le  roi  Jean 
Albert  dans  une  expédition  contre  les  Tatares;  en  4489 
et  4502,  il  fut  chargé  de  missions  auprès  du  sultan  Bajazet. 
En  4508,  il  fut  mis  à  la  tête  d'une  expédition  contre  les 
Moscovites.  En  4545  et  4549,  il  repoussa  les  Tatares  qui 
avaient  envahi  la  Podolie  et  la  province  de  Lublin.  En 
4520,  il  lutta  contre  les  chevaliers  teutoniques.  —  Jean 
Firlej,  fils  du  précédent,  fut  secrétaire  du  roi  Sigismond 
Auguste.  Il  fut  chargé  de  missions  en  4545  auprès  de  la 
diète  de  Worms.  Il  devint,  en  4554,  palatin  de  Belz  et, 
en  4572,  de  Cracovie;  il  fut  en  outre  grand  maréchal  de 
la  couronne.  Il  avait  fait  ses  études  à  Leipzig  et  avait 
embrassé  la  confession  helvétique.  Il  défendit  énergiquement 
les  droits  des  dissidents  lors  de  l'élection  de  Henri  de  Va- 
lois. Il  mourut  brusquement  le  27  août  4574,  et  on 
attribua  sa  mort  au  poison.  —  Son  fils,  Henri  Firlej,  né 
en  4573,  mort  en  4626,  appartint  à  la  religion  catholique. 
Il  fit  ses  études  théologiques  à  Rome  où'  il  devint  prélat 
de  la  maison  du  pape  et  notaire  apostolique.  Retourné  en 
Pologne,  il  s'éleva  aux  plus  hautes  dignités;  en  4643,  il 
fut  sous-chancelier  de  la  couronne,  et,  en  4624,  archevêque 
de  Gniezno.  —  Une  bourgade  de  Galicie,  Firlejow,  rap- 
pelle encore  aujourd'hui  le  nom  de  la  famille  Firlej  •  L.  L. 

FIRMA  Burgi  (Dr.  anglais).  Important  privilège,  con- 
cédé au  moyen  âge  par  les  rois  d'Angleterre  à  un  grand 
nombre  de  villes  et  de  villages.  La  communauté  des  bour- 
geois d'une  ville  achetait  au  roi  la  ferme  de  la  ville  (firma 
burgi,  en  anglais  fee-farm  rent),  c.-à-d,  le  droit  de 
percevoir  elle-même  toutes  les  taxes  et  redevances  dues 
au  roi  par  ladite  ville,  en  s'engageant  à  verser  chaque 
année  au  Trésor  royal  une  somme  fixe.  Le  Trésor ^  y 
gagnait  d'être  assuré  de  rentrées  régulières  ;  les  bourgeois, 
d'échapper  aux  exactions  des  sheriffs  (sauf  pour  le  toilage). 
Il  est  question  de  la  Firma  burgi  concédée  aux  gens 
d'Huntingdon  dans  le  Domesday  Book.  Les  fermes  de  Nor- 
thampton,  Wallingford  et  Colchester  sont  mentionnées  dans 
le  Pipe  Roll  de  la  trentième  année  de  Henry  Ier.  Mais  des 
villes  comme  Winchester  et  Bristol  semblent  n'avoir  pas 
joui  de  ce  privilège  avant  le  règne  d'Edouard  III.  V. 
Madox,  Firma  burgi,  or  an  historical  essay  concerning 
ciliés,  etc.  (Londres,  4726,  in-fol.).  Ch.-V.  L. 

FIRMAMENT  (Astron.).  Nom  donné  autrefois  au  hui- 
tième ciel  ou  au  ciel  des  étoiles  fixes.  Ce  ciel  était  supposé 
le  premier  mobile,  parce  qu'on  croyait  qu'il  entraînait  tous 
les  autres  mobiles  ou  cieux  des  planètes,  appelés  aussi  cieux 
inférieurs.  Des  auteurs  mettaient  le  premier  mobile  au-dessus 
du  firmament.  —  Ce  mot  désignait  aussi  le  ciel  en  général. 

FIRMAN.  Ce  mot,  dérivé  du  perse  framâna  (ordre), 
sert  à  désigner  en  Turquie  les  ordres  émanés  du  sultan, 
mais  seulement  quand  ils  sont  applicables  aux  provinces 
de  l'Empire  et  non  pas  à  la  ville  de  Constantinople  seule- 
ment ;  ils  sont  alors  revêtus  du  chiffre  impérial  et  corres- 
pondent à  peu  près  exactement  avec  ce  qu'on  appelait  en 
France  «  ordonnances  »  avant  4789.  En  efîét,  de  même 


—  523  - 


FIRMAN  -  FIRMIN 


que  l'ordonnance  royale  de  cette  époque,  le  firman  com- 
prend, outre  les  décisions  consacrées  aux  matières  d'un 
intérêt  général,  les  édits,  déclarations,  lettres  patentes,  etc. 
Ainsi  c'est  par  un  firman  que  les  vaisseaux  de  guerre  euro- 
péens sont  autorisés  à  franchir  les  Dardanelles.       0.  H. 

FJRMAS-Périès  (Armand -Charles-Daniel,  comte),  gé- 
néral français,  né  à  Alais  le  4  août  1770,  mort  en  1828. 
Entré  dans  l'armée  en  1785,  il  s'affilia  en  1790  au  parti 
royaliste  des  Vrais  Français,  eut  un  commandement  au 
camp  de  Jalès  et,  arrêté  le  19  mars  1791,  fut  enfermé 
jusqu'au  22  avr.  au  fort  d' Alais.  Remis  en  liberté,  il  émi- 
gra,  servit  avec  zèle  dans  l'armée  des  princes,  passa  au 
service  de  la  Russie,  puis  du  Wurttemberg,  prenant  part 
à  toutes  les  campagnes  contre  la  France  et  recevant  force 
dignités  étrangères  (chambellan  de  Frédéric,  grand  maître 
des  cuisines,  conseiller  intime,  etc.).  Il  avait  épousé  une 
Allemande,  la  comtesse  Joséphine  de  Waldebourg  Wal- 
dersee  (1799).  En  1815,  il  accourut  à  Gand  auprès  de 
Louis  XVIII,  reçut  le  grade  de  maréchal  de  camp  (30  mai) 
et  fut  promu  lieutenant  général  le  30  mars  1819.  Mis  à  la 
retraite  le  21  juil.  suivant,  il  fut  ensuite  chargé  de  mis- 
sions peu  importantes  auprès  des  souverains  des  petits 
Etats  allemands  où  il  avait  des  relations  de  famille.  Il  a 
laissé  un  certain  nombre  d'ouvrages  :  Observations  aux 
députés  de  la  noblesse  aux  Etats  généraux  sur  les  objets 
militaires  (Nîmes,  1789,  in-8)  ;  Protestation  énergique 
contre  les  décrets  de  V Assemblée  nationale  (Colmar, 
1791);  le  Jeu  de  stratégie  ou  les  Echecs  militaires 
(Memmingen,  1808,  in-8)  ;  Pasitelegraphie  (Stuttgart, 
1811,  in-8),  en  collaboration  avec  Maimieux  ;  Notice 
historique  sur  Louis- Antoine-Henri  de  Bourbon-Condé, 
duc  d'Enghien  (Paris,  181 4,  in-8)  ;  Réflexions  politiques 
sur  le  projet  d'une  constitution  pour  le  royaume  de 
W urtemberg  (Paris,  1815,  in-8);  Bigamie  de  Napoléon 
Bonaparte  (1815,  in-8),  etc. 

FIRMEN1CH  (Johannes-Mathias),  poète  et  érudit  alle- 
mand, né  à  Cologne  le  5  juil.  1808,  mort  àPotsdam  le 
10  mai  1889.  Il  composa  des  chansons  populaires  en  pa- 
tois, puis  en  langues  étrangères  (anglais,  grec  moderne). 
Son  principal  titre  est  une  collection  de  poésies  et  tradi- 
tions populaires  :  Germaniens  Vœlkerstimmen  Samm- 
lung  der  deutschen  Mundarten  in  Dichtungen,  Sagen, 
Mœrchen,  Volksliedern,  etc.  (Berlin,  1843-66,  3  vol.  ; 
suppl.  1868). 

FIRM1.  Corn,  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  de  Villefranche- 
de-Rouergue,  cant.  d'Aubin  ;  2,530  hab.  Pays  houiller. 

FI  R  Ml  AN  (Joseph,  comte  de),  homme  d'Etat  autrichien, 
né  à  Deutschmetz  (Tirol)  le  6  août  1716,  mort  à  Milan  le 
20  juil.  1782.  Il  acheva  son  éducation  à  l'université  de 
Leyde  et  voyagea  en  France  et  en  Italie.  En  1753,  Marie- 
Thérèse  l'envoya  comme  ambassadeur  à  Naples.  Il  devint 
ensuite  ministre  en  Lombardie  (1759).  Il  déploya  dans 
ces  fonctions,  qui  étaient  celles  d'un  véritable  gouverneur, 
des  qualités  d'un  administrateur  intelligent  et  libéral.  Il 
favorisa  les  sciences  et  les  lettres,  ouvrit  des  bibliothèques, 
releva  l'université  de  Pavie.  Ami  éclairé  des  arts,  il  fut  lié 
avec  Winckelmann  et  Angelica  Kaufmann.  Il  laissa  à  sa 
mort  une  riche  collection  d'objets  d'art  et  une  bibliothèque 
de  40,000  volumes.  Le  catalogue  en  a  été  publié  à  Milan 
en  1783  sous  le  titre  de  Bibliotheca  Firmiana. 

FI  RM  I CU S  (Julius-Firmicus-Maternus),  écrivain  latin 
du  ive  siècle  ap.  J.-G.  Il  composa,  entre  autres  ouvrages, 
un  traité  considérable  avec  ce  titre  Matheseos  libri  VIII. 
Ce  livre  est  dédié  à  Mavortius  Lollianus,  qui  fut  consul 
en  355.  Commencé  du  temps  de  Constantin,  c.-à-d.  avant 
337,  il  ne  fut  publié  que  vers  354.  L'auteur,  qui  était 
Sicilien,  avait  abandonnée  barreau  pour  se  consacrer  uni- 
quement à  la  science  astrologique  ;  son  but  est  de  purifier 
par  ces  études  son  âme  corrompue  par  la  fréquentation 
d'hommes  vicieux.  Le  premier  livre  renferme,  comme  intro- 
duction, l'apologie  de  l'astrologie  ;  dans  les  autres,  il  s'occupe 
principalement  de  l'influence  des  astres  sur  la  vie  et  la  destinée 
des  hommes.  Son  exposition  est  diffuse  ;  c'est  un  mélange 


de  phrases  sèches  et  techniques  et  de  déclamation  mystique, 
avec  beaucoup  de  répétitions  dans  les  mots  et  les  tournures  ; 
son  lexique  renferme  un  grand  nombre  de  néologismes 
dans  le  goût  de  son  siècle.  Le  livre  de  Firmicus  a  été  im- 
primé pour  la  première  fois  à  Venise  en  1497,  mais  n'a 
pas  été  publié  depuis  le  xvr3  siècle  ;  la  dernière  édition  est 
celle  de  l'astronome  N.  Pruckner  (Baie,  4551);  une  lacune 
a  été  comblée  par  Lessing  (t.  IX,  pp.  409-430  de  l'éd. 
Lackmann).  Firmicus,  d'après  son  livre  même,  était  païen. 
—  Aussi  faut-il  le  distinguer  de  son  homonyme  et  contem- 
porain, auteur  chrétien  d'un  écrit  apologétique  intitulé 
De  Errore  profanarum  religionum,  composé  de  343  à 
350.  Il  est  dédié  aux  empereurs  Constance  et  Constantin. 
L'auteur,  dans  sa  polémique,  fait  preuve  d'une  connais- 
sance solide  des  écrivains  chrétiens  et  de  l'Ancien  Testa- 
ment ;  il  conjure  les  empereurs  d'employer  la  force  pour 
détruire  les  restes  du  paganisme.  Il  est  à  remarquer  que 
par  la  langue  et  le  style,  il  ressemble  fort  à  son  homo- 
nyme ;  d'après  quelques  détails  de  son  livre,  il  semble 
aussi  originaire  de  la  Sicile  :  peut-être  les  deux  Firmicus 
étaient-ils  condisciples,  sinon  proches  parents.  Quoi  qu'il 
en  soit,  l'auteur  chrétien  occupe  un  rang  honorable  parmi 
les  «  petits  apologétistes  »  ;  un  livre  plusieurs  fois  publié 
d'après  un  manuscrit  du  xe  siècle  (Vaticano-Palatinus, 
163)  se  trouve  dans  la  Patrologie  latine,  de  Migne, 
t.  XII,p.  971  (V.  A.  Ebert,  Littérature  du  moyen  âge, 
1.  II,  ch.  iv).  A.  W. 

FI  RM  1  LIEN  (Saint),  évêque  de  Césarée  en  Cappadoce. 
Appelé  à  ce  siège  en  232,  mort  en  272.  Fête  dans  l'Eglise 
grecque,  28  oct.  Il  avait  reçu  l'enseignement  d'Origène, 
lorsque  celui-ci  se  retira  en  Asie.  Sa  science  et  le  respect 
inspiré  par  son  caractère  le  placèrent  dans  l'estime  des 
contemporains  au  même  rang  que  l'évêque  d'Alexandrie, 
qu'ils  appelaient  Denys  le  Grand.  En  256,  saint  Cyprien, 
discutant  contre  Etienne,  évêque  de  Rome,  la  validité  du 
baptême  administré  par  les  hérétiques  (V.  Eglise,  t.  XV, 
p.  619,  col.  2)  lui  adressa  une  lettre  qui  ne  nous  est  point 
parvenue.  La  réponse  de  Firmilien  a  été  conservée  par 
une  tradition  latine,  insérée  dans  les  œuvres  de  Cyprien. 
Elle  reproduit  et  approuve  les  arguments  de  l'évêque  de 
Carthage,  et  elle  atteste  que  sa  doctrine  (contraire  à  celle 
de  l'évêque  de  Rome)  est  conforme  à  la  vérité  et  à  la  tra- 
dition des  églises  d'Asie.  Firmilien  fut  appelé  à  la  prési- 
dence du  premier  concile  (WQ)  ou  des  deux  premiers  qui 
furent  tenus  à  Antioche  pour  statuer  sur  les  accusations 
portées  contre  Paul  de  Samosate.  Il  était  en  route  pour 
présider  le  dernier,  lorsqu'il  mourut  à  Tarse.  Basile  le 
Grand  cite  de  lui  plusieurs  discours  qui  sont  perdus. 

FIRMIN  (Saint),  martyr,  premier  évêque  d'Amiens,  né 
à  Pampelune,  mort  en  287.  Fête,  le  25  sept.  Firmus,  son 
père,  sénateur  de  Pampelune,  et  Eugénie,  sa  mère,  avaient 
été  convertis  par  saint  Honestus,  prêtre  de  Toulouse  et 
disciple  de  saint  Saturnin  ;  ils  lui  confièrent  l'éducation  de 
leur  fils,  qui  progressa  si  rapidement  en  pieuses  vie  et  doc* 
trine  que,  dès  l'âge  de  dix-sept  ans,  il  fut  associé  à  la 
prédication  de  son  maître.  Consacré  évêque  par  saint  Ho- 
norât de  Toulouse,  Firmin  prêcha  l'Evangile  à  Albi,  à 
Agen,  en  Auvergne  et  à  Angers  ;  il  y  fit  de  nombreuses 
conversions,  même  de  prêtres  des  idoles.  Puis  il  s'en  alla 
auprès  des  chrétiens  de  Beauvais,  cruellement  persécutés. 
On  le  mit  en  prison,  mais  le  peuple  le  délivra.  Il  se  rendit 
alors  à  Amiens,  où  il  convertit  en  quarante  jours  trois  mille 
païens,  parmi  lesquels  le  sénateur  Faustinien  et  sa  famille. 
Le  préfet  Rictiovare  (d'autres  disent  les  tyrans  Sébastien 
et  Longin)  le  fit  décapiter.  Son  corps  fut  enfoui  secrète- 
ment, mais  Faustinien  réussit  à  le  trouver  et  le  déposa  avec 
beaucoup  d'honneur  en  une  sienne  terre,  à  Saint-Acheul. 
Néanmoins,  le  lieu  de  cette  sépulture  resta  longtemps 
inconnu,  ce  qui  désolait  fort  saint  Sauve,  évêque  d'Amiens. 
Ce  saint  ordonna  des  processions,  des  prières  et  un  jeûne 
public  de  trois  jours  pour  le  découvrir.  Le  dimanche  sui- 
vant, comme  il  disait  la  messe  à  Saint-Acheul,  un  rayon 
de  lumière  resplendit  derrière  le  maître-autel.  On  creusa 


FIRMIN  —  FIROUZ 


524  - 


la  terre  en  cet  endroit  ;  le  corps  de  saint  Firmin  y  reposait. 
Il  en  sortit  une  suave  odeur,  qui  ne  remplit  point  seule- 
ment l'église  et  les  alentours,  mais  qui  s'étendit  fort  au 
loin,  jusqu'à  Beauvais,  Noyon,  Cambrai,  Thérouanne  et 
même  au  Mans.  Les  évêques  de  ces  villes  la  sentirent,  et, 
guidés  par  elle,  cheminèrent  à  Amiens.  Le  corps  fut  porté 
en  la  cathédrale,  le  13  janv.  En  ce  jour  d'hiver,  les  arbres 
portèrent  des  fleurs,  qui  guérirent  beaucoup  de  malades, 
et  ils  inclinaient  leurs  branches  tandis  que  la  châsse  pas- 
sait. En  foi  de  ce  miracle,  les  chanoines  faisaient  le  13  janv. 
une  procession  avec  leur  habit  d'été,  et  ils  brûlaient  en 
l'église  de  la  station  quantité  d'encens  et  matières  aroma- 
tiques. Le  chef  de  saint  Firmin  fut  plus  tard  porté  à  Saint- 
Denis,  avec  quelques  autres  de  ses  reliques.  —  Les  écri- 
vains qui  dissertent  sur  ces  choses  discutent  la  date  de  la 
mort  de  ce  saint  ;  quelques-uns  la  placent  en  l'âge  aposto- 
lique, d'autres  en  303.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Bollandistes,  Acta  Sanctorum,  25  sept.  —  Le 
Nain  de  Tillemont,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire 
ecclésiastique  des  six  premiers  siècles  ;  Paris,  1693-1712, 
t*  III,  p.  303, 16  vol.  in-4.  —  Corblet,  Hagiographie  du 
diocèse  d'Amiens,  1869-1876,  5  vol. 

FIRMIN  (Thomas),  philanthrope  anglais,  né  à  Ipswich 
en  juin  4632,  mort  à  Londres  le  20  déc.  4697.  Après  son 
apprentissage,  il  fonda  une  maison  de  mercerie  à  Londres, 
réalisa  une  petite  fortune  et  l'employa  tout  entière  en 
œuvres  de  bienfaisance.  Il  construisit  des  workhouses  pour 
procurer  du  travail  aux  ouvriers,  sans  bénéfices  pour  lui- 
même  ;  il  y  employa  plus  de  dix-sept  cents  personnes, 
mais  éprouva  de  telles  pertes  qu'il  dut  abandonner  l'entre- 
prise. Il  s'occupa  beaucoup  de  la  réforme  des  prisons.  Fir- 
min fut  directeur  de  l'hôpital  du  Christ  et  de  l'hôpital 
Saint-Thomas.  Il  avait  un  talent  tout  spécial  pour  provo- 
quer la  charité  et  il  était  devenu  une  sorte  d'aumônier 
général  de  Londres.  Il  a  écrit  un  ouvrage  :  Some  Propo- 
sais for  the  imploying  of  the  poor  and  for  preventing 
of  begging  (Londres,  1678,  in-4).  R.  S. 

Bibl.  :  The  Charitable  Samaritan  or  a  short  and  impar- 
tial accountof  Ths.  Firmin;  Londres,  1698,  in-4.—  Life  of 
Mr.  Thomas  Firmin;  Londres,  1698,  in-8. —  V 'indication 
of  the  memory  of  Ths.  Firmin  ;  Londres,  1698,  in-4.  — 
Account  ofMr.  Firmin's  Reliqua;  Londres,  1698,  in-8. 

FIRMIN  (Jean-François  Becquerelle,  dit),  acteur  fran- 
çais, né  à  Paris  le  6  avr.  4784,  mort  au  Coudray,  près  de 
Corbeil,  le  30  juil.  4859.  Il  commença  sa  carrière,  encore 
enfant,  sur  une  des  petites  scènes  issues  de  la  Révolution, 
le  gentil  théâtre  des  Jeunes-Elèves,  et  s'y  fit  remarquer 
par  sa  grâce  et  ses  heureuses  dispositions.  Frappé  de  son 
intelligence,  Picard,  alors  directeur  du  théâtre  de  l'Impé- 
ratrice, l'appela  à  lui  et  le  fit  débuter,  le  30  mars  4806, 
dans  le  Jeune  Homme  à  V épreuve  et  V Amour  et  la 
Raison.  Son  succès  fut  retentissant  et  ses  progrès  se  ma- 
nifestèrent de  telle  façon  qu'au  bout  de  cinq  ans  passés 
par  lui  à  ce  théâtre,  la  Comédie-Française  voulut  se  l'atta- 
cher. Il  s'y  montra  pour  la  première  fois,  le  3  juil.  4844, 
dans  Mahomet  et  les  Fausses  Infidélités.  La  tragédie 
n'était  pas  son  fait  et  il  y  forçait  volontiers  les  effets.  Mais 
l'emploi  des  jeunes  premiers  de  comédie  lui  convenait  à 
merveille.  Reçu  sociétaire  en  4847  et  devenu  bientôt  chef 
d'emploi,  on  le  vit  briller  également  dans  l'ancien  et  dans 
le  nouveau  répertoire.  Le  drame  moderne  trouvait  d'ail- 
leurs en  lui  un  interprète  plein  de  chaleur  et  de  passion, 
au  jeu  entraînant  et  pathétique,  et  il  le  prouva,  entre 
autres,  en  jouant  Saint-Mégrin,  de  Henri  III  et  sa  cour; 
Hernani,  dans  Hernani,  etc.  Il  donna  sa  représentation 
d'adieu  le  6  déc.  1845  et  se  retira  dans  une  propriété  qu'il 
avait  acquise  au  Coudray,  où  il  mourut  accidentellement  et 
mystérieusement,  en  tombant  de  sa  fenêtre  sur  le  sol. 
FIRM1N-Didot(V.  Didot). 

FIRMIN  Y  (Firminiacus,  Firmintacus).  Ville  indus- 
trielle du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Saint-Etienne,  cant.  du 
Chambon-Feugerolles  ;  44,544  hab.  Son  origine  remonte 
à  la  Cella  de  Forminiaco,  donation  de  Conrad  le  Pacifique 
à  l'abbaye  de  l'île  Barbe  en  974 .  Firminy  fut  ensuite  un 
prieuré  régularisé  en  4560,  puis  réuni  au  séminaire  de 


Saint-Irénée  en  4650.  —  Louis  XIII  lui  donna  le  nom  de 
ville  en  y  établissant  des  foires  et  des  marchés.  Au 
xvne  siècle  Firminy  fabriquait  des  clous;  aujourd'hui, 
grâce  aux  riches  gisements  de  houille  de  son  voisinage  et 
à  ses  usines  métallurgiques,  elle  est  devenue  un  des  quar- 
tiers de  l'industrie  française.  M.  D. 

Aciéries  et  Forges.  —  Les  aciéries  de  Firminy  ont 
été  fondées  en  4854  par  M.  Verdie;  elles  sont  en  Société 
anonyme  depuis  4867.  Grâce  aux  perfectionnements  suc- 
cessifs apportés  à  la  fabrication  et  au  développement 
incessant  de  leurs  moyens  de  production,  elles  ont  acquis 
un  des  premiers  rangs  parmi  les  plus  importants  des 
établissements  industriels  français.  Les  usines  occupent 
une  superficie  de  34  hectares  avec  les  principaux  ateliers 
consistant  en  :  4  haut  fourneau  muni  d'appareils  Whiteveli 
dont  la  production  journalière  atteint  420  tonnes  en  fonte 
ordinaire,  avec  une  capacité  de  200  m.  c.  ;  un  cubilot  Rollet 
pour  l'épuration  des  fontes  ;  2  fonderies  Siemens-Martin, 
comprenant  8  fours  à  fondre  avec  gazogènes  et  fours  à 
réchauffer  correspondants  ;  4  grand  atelier  de  moulerie 
d'acier;  4  atelier  de  puddlage  comprenant  20  fours  à 
puddler  ;  2  halls  de  laminoir,  comprenant  2  gros  mills, 
2  moyens  mills,  4  train  cadet,  2  petits  mills;  4  hall  pour 
grosse  forge  avec  marteaux-pilons  de  4  à  30  tonnes  ;  1  tré- 
hlerie  avec  train  de  serpentage,  etc.  Les  usines  sont  reliées 
à  la  gare  de  Firminy,  par  un  embranchement  à  voie  normale, 
desservi  par  des  locomotives  ;  elles  sont,  en  outre,  sillonnées 
par  un  réseau  de  petites  voies  ferrées  de  8  kil.  de  dévelop- 
pement, desservies  par  des  locomotives  qui  pénètrent  dans 
tous  les  ateliers  jusqu'au  pied  des  fours.  Les  moteurs  à 
vapeur  sont  au  nombre  de  58  et  les  chaudières  au  nombre 
de  62;  cet  ensemble  représente  une  force  de  plus  de 
3,000  chevaux.  La  Société  des  forges  et  aciéries  de  Fir- 
miny emploie  dans  ses  ateliers  2,000  ouvriers  environ. 
Elle  s'est  en  tout  temps  préoccupée  de  leur  bien-être;  en 
effet,  il  est  à  remarquer  que  la  première  caisse  de  secours 
des  établissements  métallurgiques  de  la  Loire  a  été  créée  en 
\  855  à  Firminy.  Cette  caisse  est  alimentée  par  les  ouvriers 
et  par  la  Société.  En  outre,  des  secours  annuels  et  renou- 
velables sont  accordés  par  la  Société  aux  ouvriers  que  l'âge 
ou  les  infirmités  rendent  incapables  de  continuer  leur 
travail.  L.  K. 

FI  RM  US  (Marcus),  usurpateur  combattu  par  Aul^lien 
et  mis  en  croix  en  272  ap.  J.-C.  Natif  de  Séleucie  et  allié 
de  Zénobie,  il  était  un  des  grands  commerçants  du  temps, 
notamment  en  Egypte.  L'histoire  Auguste  rapporte,  sur  sa 
vigueur  athlétique,  sur  sa  richesse  et  sa  magnificence,  de 
curieux  détails.  Quand  Aurélien  fit  la  guerre  à  Zénobie, 
Firmus  tenta  une  diversion  à  Alexandrie  où  il  prit  la 
pourpre.  Ce  soulèvement  fut  comprimé  rapidement. 

FIRMUS  le  More,  né  en  Mauritanie,  l'un  des  chefs  les 
plus  considérables  de  cette  contrée.  Il  se  révolta  contre 
l'empereur  Valentinien  Ier,  en  370,  excita  l'armée  contre 
lui,  et  prit  Césarée  ;  Théodose  réprima  cette  révolte.  En 
372,  Firmus  conspira  de  nouveau,  mais  ses  compagnons 
refusèrent  de  lui  obéir;  il  se  tua  pour  ne  pas  devenir  pri- 
sonnier des  Romains. 

FIROUZ,  roi  sassanide  qui  a  régné  de  457  à  482.  Il 
était  fils  de  Iezdegerd  II  Kadi  et  succéda  à  Hormisdas  II 


Monnaie  d'argent  de  Firouz. — A,  «  Kadi  Firouz  mazdaïasn  », 
______ [R,  l'autel  du  feu  avec  deux  assistants.  -    t- 

son  frère,  après  l'avoir  renversé  avec  le  secours  des  Ephtha- 
lites  (V.  ce  mot)  qui  habitaient  de  l'autre  côté  de  l'Oxus. 


525 


FIROUZ  —  FISC 


Quelques  années  après,  il  fit  la  guerre  à  ces  mêmes  peuples 
et  il  périt  dans  une  bataille  avec  toute  son  armée  sur  le 
territoire  ennemi.  On  possède  des  monnaies  d'argent  de  ce 
prince  avec  la  date  à  partir  de  l'an  III  de  son  règne  et  la 
légende  Radi-Piroudji  «  le  juste  victorieux  ».  La  trans- 
cription grecque  Ilspo'Cr);  des  auteurs  contemporains  prouve 
que  le  nom  devait  se  prononcer  Pirodj  et  non  Firouz  qui 
est  une  transcription  arabe  postérieure.  Ce  mot  est  du  reste 
le  même  que  Peroz,  Perosis,Bérose,Parviz,  Eberviz,  etc., 
des  différents  auteurs.  Le  nom  de  Firouz  a  été  porté  par 
différents  souverains  de  l'époque  musulmane,  notamment 
par  les  sultans Patans  de  l'Inde,  Firouz- Chah Ier,  1351-1  388, 
Firouz-Chah  II,  1494-1496,  et  Firouz-Chah  III  en  1521- 
1522.  E.  Dr. 

Bibl.  :  L'expédition  fort  intéressante  de  Firouz  chez  les 
Ephthalites  est  racontée  avec  détail  dans  Tabari,  Chro- 
nique arabe;  Firdousi,  le  Livre  des  Rois,  t.  VI,  et  Lebeau- 
Saint-Martin,  Hist.  du  Bas-Empire,  t.  VII. 

FÎROÛZABÂD.  Ancienne  ville  forte  de  la  province  de 
Fars  (Perse  méridionale),  aujourd'hui  groupe  de  villages 
(2,000  hab.),  sur  un  affluent  du  Prestaf,  tributaire  du 
golfe  Persique,  à  100  kil.  au  S.  de  Chîrâz,  dans  la  «  ré- 
gion des  Passes  »  ou  Tengsir.  Cette  place  porta  originai- 
rement le  nom  de  Gour,  qui  signifie  tombeau  en  persan  ; 
le  prince  Boûyide  Adhoud  ed-Daula  (949-982),  qui  y  venait 
souvent  en  villégiature,  abolit  ce  nom  et  y  substitua  celui 
de  Firouz  Abad  ou  séjour  du  bonheur.  On  y  voit  beau- 
coup de  constructions  en  ruine  et  remontant  à  l'époque 
sassanide,  entre  autres  un  ancien  temple  du  feu.  La  mon- 
tagne environnante  est  aussi  fort  riche  en  sculptures  sur 
roc  représentant  des  scènes  de  batailles.  L'eau  de  rose  de 
Firoûzabad  passait  naguère  encore  pour  la  meilleure  de 
toute  la  Persev  P.  Ravaisse. 

FÎROÛZABÂDI  (c.-à-d.  originaire  de  Fîroûzabâd,  ville 
de  la  province  de  Chîrâz).  Nom  de  plusieurs  auteurs  arabes 
dont  le  plus  célèbre  est  Aboû  Tâher  Mohammed  ibn  Yaqoûb, 
surnommé  Madd  ed-Dîn,  né  à  Kârazîn  près  de  Fîroûzabâd, 
en  1328  ap.  J.-C,  mort  à  Zébîd  (Yémen),  en  1414.  A 
l'âge  de  sept  ans  il  possédait  déjà  le  Coran  par  cœur  ; 
l'année  suivante,  il  se  rendit  à  Chîrâz  ;  plus  tard  il  alla 
étudier  à  Ouâsit,  puis  à  Bagdad  et  enfin  au  Caire,  s'atta- 
tachant  partout  aux  maîtres  les  plus  renommés.  Il  visita 
également  la  Syrie,  l'Anatolie,  l'Egypte,  l'Arabie  et  l'Inde  ; 
partout  les  princes  les  plus  puissants,  Bâyezid,  Tamerlan, 
le  sultan  d'Egypte,  El  Malek  el-Achraf,  sultan  de  Zébîd,  etc. , 
le  recevaient  avec  les  plus  grandes  marques  d'estime  et  le 
comblaient  de  riches  présents.  El  Malek  el-Achraf,  qui  épousa 
sa  fille,  parvint  à  le  retenir  à  Zébîd  et  lui  confia  la  charge 
de  Kâdî  1-Koudâ  (juge  suprême)  du  Yémen,  qu'il  occupa 
plus  de  vingt  ans  jusqu'à  sa  mort.  Dans  cette  dernière 
période  il  visita  Mèdine,  Tâïf  et  plusieurs  fois  La  Mecque 
où  il  termina  son  célèbre  dictionnaire  El-Qcîmoûs  el-Mouhit 
(l'Océan  environnant).  Après  avoir  commencé  un  diction- 
naire intitulé  El-Lâmi  (le  brillant)  qui  devait  compter 
soixante  volumes,  mais  qu'il  n'acheva  point,  il  résolut  de 
composer  un  ouvrage  beaucoup  plus  court  renfermant 
toutes  les  richesses  de  la  langue  arabe  ;  il  fit  alors  son 
Qâmoûs.  Moins  difficile  et  souvent  moins  correct  que 
Djauhari  qui  n'a  admis  que  les  mots  de  l'arabe  le  plus  pur, 
faisant  de  larges  emprunts  à  ses  prédécesseurs,  principale- 
ment à  Ibn  Sîda,  auteur  du  Mohkam,  et  à  Saghâni,  auteur 
de  YObâb,  Fîroûzabâdi  a  beaucoup  ajouté  à  leurs  travaux; 
et  bien  qu'œuvre  datant  d'une  époque  de  décadence,  son 
dictionnaire  est  devenu  le  plus  répandu  partout  où  l'arabe 
a  été  étudié.  Mais  la  recherche  de  la  concision  a  souvent 
fait  tomber  l'auteur  dans  l'obscurité  ;  aussi  de  nombreux 
commentaires  ont-ils  été  écrits  pour  éclaircir  le  texte  du 
Qâmoûs.  Un  des  plus  complets  :  Tâdj  el-Aroûs  du  Seyyid 
Mortada  ez-Zabîdi  a  été  imprimé  au  Caire  (1890,  10  vol.). 
Le  Qâmoûs  a  été  imprimé  à  Calcutta  (1817,  édit.  fautive), 
lithographie  en  Perse  (1860),  traduit  en  turc  par  Asim 
Efendi  (Constantinople,  1835,  3  vol.).  La  meilleure  édition 
est  celle  du  savant  cheikh  Nasr  el-Hourini,  entièrement 
vocalisée  avec  notes  marginales  (Le  Caire,  1864,  4  vol., 


plus,  éditions).  Fîroûzabâdi  a  en  outre  écrit  de  nombreux 
ouvrages  principalement  lexicographiques  ou  juridiques  : 
Er-Raud  el-Maslouf  (le  jardin  hersé)  sur  les  objets  qui 
ont  de  deux  à  plusieurs  mille  noms  pour  les  désigner  :  un 
Commentaire  sur  le  Djâmi  de  Bokhâri.  De  ces  derniers 
ouvrages,  le  Sifr  es-Saâda,  sorte  de  biographie  du  Pro- 
phète, a  seul  été  imprimé  (Le  Caire,  s.  d.).  L.  Leriche. 
Bibl.  :  Lane,  Arabic-English  Lexicon,  vol.  I,  p.  xvi.  — 
Cheikh  Nasr  al-Hourini,  Préface  de  son  édition  du 
Qâmoits. 

FIROUZ-CHAH  (Canal  de).  Canal  de  dérivation  de  la 
partie  supérieure  de  la  Djemma  (Inde  sept.).  Il  traverse 
le  Sirhind  jusqu'à  Hissar  et  se  perd  ensuite  dans  les  sa- 
bles ;  un  embranchement  S.-E.  aboutit  à  la  Djemma,  à  peu 
de  distance  de  Delhi.  Il  fut  construit  par  Firouz-Toglak  au 
xivô  siècle.  Les  Anglais  l'ont  restauré. 

F1RÛUZPOUR.  I.  Ville.  —  Ville  de  l'Inde,  prov.  de 
Lahore  (Pendjab),  chef-lieu  de  district,  sur  un  bras  du 
Satledj  ;  21,000  hab.  environ.  C'était  autrefois  une  place 
fort  importante.  A  l'E.  de  la  ville  fut  livrée,  en  1845, 
entre  les  Sïkhs  et  les  Anglais  la  bataille  qui  dura  deux 
jours  et  qui  livra  le  Pendjab  à  l'Angleterre. 

II.  District.  —  District  de  l'Inde  qui  faisait  partie  au- 
trefois de  l'ancien  Sirhind;  7,094  kil.  q.;  600,000  hab. 
Il  est  situé  entre  le  Satledj  et  son  affluent  la  Bias. 

FISC.  ï.  Droit  romain.  —  Le  fisc,  fiscus,  forme,  à 
dater  d'Auguste,  une  caisse  financière  distincte  de  Yœrarium 
Saturni  ou  trésor  du  peuple,  et  de  Yœrarium  militare,  ou 
caisse  militaire.  Sa  création  se  rattache  à  la  distinction 
qu'établit  Auguste  entre  les  provinces  du  Sénat  et  celles  du 
prince.  Les  contributions  dues  par  ces  dernières  entrèrent 
désormais  dans  une  caisse  distincte  de  celle  du  trésor  du 
peuple  ;  elles  eurent  une  affectation  spéciale,  donnèrent  lieu  à 
une  comptabilité  à  part  réglée  par  des  fonctionnaires  spé- 
ciaux. Ainsi  s'établit  une  administration  toute  nouvelle,  celle 
an  fiscus  Cœsaris,  qui  devait,  grandissant  en  importance  avec 
les  progrès  du  pouvoir  du  prince,  finir  par  absorber  en  elle 
l'administration  de  Yœrarium.  Au  début,  il  y  eut  dans 
chaque  province  un  fisc  à  part,  puis,  dès  Claude,  tous  les 
services  furent  centralisés  à  Rome,  sous  le  nom  de  fiscus. 
Cette  administration  fut  tout  d'abord  dirigée  par  un  affranchi 
impérial  a  rationibus;  sous  Adrien,  elle  fut  confiée  à  un 
chevalier  avec  le  titre  de  procurator  a  rationibus,  ou 
fisci  procurator.  Au  siècle  suivant,  il  est  appelé  officiel- 
lement rationalis  rei  summœ  et,  à  partir  de  Dioclétien 
et  Constantin,  cornes  sacrarum  largitionum.  Sous  sa 
direction  sont  placés  tous  les  employés  subalternes,  no- 
tamment un  procurator  summarum  rationum,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  le  procurator  en  chef,  et  qu'on 
ne  retrouve  plus  au  Bas-Empire.  Les  recettes  du  fisc  com- 
prennent :  le  produit  des  diverses  contributions  levées 
dans  les  provinces  impériales  et  une  part  des  revenus  du 
trésor  public  dans  les  provinces  du  Sénat,  à  savoir  les 
bona  damnatorum,  vacantia,  ereptoria,  caduca  (V.  ces 
mots).  On  ignore  si  une  part  des  autres  recettes  (telles  que 
le  stipendium  et  les  douanes)  étaient  également  attri- 
buées au  fisc.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  conçoit  fort  bien  com- 
ment l'immixtion  permanente  du  fisc  dans  la  gestion  finan- 
cière des  provinces  sénatoriales  favorisa  la  confusion  qui 
tendit  à  s'établir  entre  deux  administrations  jusqu'alors 
séparées  en  fait  et  en  droit.  La  distinction  paraît  encore 
dans  les  écrits  de  Paul  et  d'Ulpien  (Paul,  Sent.,  V,  12  ; 
Ulpien,  Reg.,  XVII,  2,  XXVIII,  7),  mais  elle  n'a  plus 
guère  qu'une  valeur  purement  théorique.  Toute  différence 
venant  à  disparaître  entre  les  provinces  sénatoriales  et 
impériales,  Yœrarium  et  le  fiscus  se  confondent.  Des  textes 
insérés  dans  la  compilation  justinienne  les  prennent  l'un 
pour  l'autre  (8,  §  6,  Dig.,  Ad  leg.  JuL  pec,  XLVIII,  13). 
Une  seule  administration  financière  subsiste,  le  fisc,  qui  a 
absorbé  en  elle  les  deux  autres.  Tant  que  le  fisc  constitue 
une  caisse  à  part,  les  dépenses  spéciales  qui  grevaient  son 
revenu  étaient  :  les  dépenses  militaires,  la  poste,  l'an- 
none,  les  travaux  publics  à  la  charge  de  l'Etat.  La  distinc- 


FISC  —  FISCALITÉ 


526  — 


tion  entre  ces  dépenses  et  celles  à  la  charge  de  Vœrarium 
n'était  pas  non  plus  très  nettement  tracée.  Il  y  a  lieu  de 
supposer  que  ce  fut  là  une  nouvelle  cause  qui  favorisa  la 
confusion  entre  les  deux  trésors.  Le  prince  prenant  à  sa 
charge  certaines  dépenses  dont  Vœrarium  devait  faire  les 
frais,  il  était  tout  naturel  qu'il  enlevât  à  Vœrarium  une 
partie  de  ses  ressources. 

A  partir  du  moment  où  le  fisc  tendit  à  absorber  en  lui 
les  autres  services  publics  financiers,  on  le  considéra  comme 
une  personne  juridique,  distincte  de  l'Etat.  Les  procès  qui 
le  concernent  sont  soumis  à  la  juridiction  spéciale  des^ro- 
curatores  fisci,  et,  à  partir  d'Adrien,  un  avocat  impérial, 
advocatus  flsci,  représente  les  intérêts  du  trésor  dans 
chaque  ressort  financier  et  plaide  en  son  nom.  Le  fisc,  en 
tant  que  personne  morale,  a  un  patrimoine,  des  droits,  des 
obligations.  Il  jouit,  d'ailleurs,  de  certains  privilèges  im- 
portants, destinés  à  le  soustraire  à  l'application  du  droit 
commun.  C'est  ainsi  qu'il  peut  exiger  les  intérêts  de  toute 
créance  contractuelle  sans  les  avoir  stipulés,  que  la  pé- 
remption d'instance  ne  s'applique  pas  aux  matières  fiscales, 
que  le  fisc  peut  attaquer  les  actes  par  lesquels  ses  débi- 
teurs ont  négligé  de  s'enrichir,  et  qu'il  est  investi  d'une 
hypothèque  tacite  générale  sur  les  biens  de  ses  adminis- 
trateurs et  de  ses  débiteurs.  Tous  ces  avantages  étant  des 
exceptions  au  droit  commun,  ne  doivent  pas  être  généralisés 
ou  étendus.  C'est  cette  règle  d'interprétation  que  pose 
Modestin  dans  un  texte  qu'on  a  détourné  de  son  sens  véri- 
table pour  s'en  faire  une  arme  contre  les  prétentions  du 
fisc  :  non  puto  delinquere  enim  qui  in  dubiis  quœslio- 
nibus  contra  fiscum  facile  responderet  (40,  Dig.,  De 
Jure  fisci,  XLIX,  14).  G.  M. 

II.  Ancien  droit.  —  On  appelait  fisc  le  domaine  ou 
trésor  du  souverain  ou  de  l'Etat,  et  quelquefois  celui  d'un 
seigneur.  La  distinction  n'ayant  pas  été  faite  sous  l'an- 
cienne monarchie  entre  le  domaine  de  l'Etat  et  le  domaine 
privé  du  roi,  le  revenu  de  l'Etat  se  confondait  avec  le  re- 
venu du  roi  ;  on  n'avait  pas  non  plus  séparé  le  domaine 
public  et  le  domaine  privé  de  l'Etat.  Tous  ces  biens,  dis- 
tingués depuis  la  Révolution,  ne  faisaient  originairement 
qu'un  bloc  soumis  aux  mêmes  règles.  A  l'époque  barbare, 
le  fisc  était  alimenté  par  le  revenu  des  biens  des  rois  et 
par  la  partie  des  compositions  pécuniaires  appelée  fredum, 
qui  lui  était  réservée  ;  il  le  fut  aussi  par  les  confiscations. 
A  l'époque  féodale,  le  fisc  ne  comprenait  guère  au  début 
que  le  produit  des  droits  seigneuriaux  que  le  roi  percevait 
comme  possesseur  ou  suzerain  de  fiefs,  d'après  les  règles 
du  droit  féodal.  Il  en  résultait  que  le  roi  ne  pouvait  ac- 
croître facilement  les  ressources  du  fisc,  lorsque  les  besoins 
de  l'Etat  l'exigeaient.  Ce  ne  fut  que  plus  tard  qu'on  put 
alimenter  le  fisc  par  de  véritables  impôts,  basés  sur  l'obli- 
gation pour  chaque  citoyen  de  contribuer  pour  sa  part  aux 
dépenses  publiques  ;  l'impôt  proprement  dit  paraît  avoir 
pris  son  origine  dans  le  système  de  Y  aide  féodale  succes- 
sivement étendu.  Philippe  le  Bel  chercha  le  premier  à  fon- 
der le  pouvoir  fiscal  de  la  royauté,  en  s'efforçant,  avec 
l'appui  des  Etats  généraux,  de  substituer  l'idée  d'impôt  à 
celle  de  subside  ou  don  gratuit;  le  changement  commença 
à  s'opérer  dès  la  fin  du  xive  siècle,  mais  ce  ne  fut  que  sous 
Charles  VII  que  la  taille,  de  féodale  et  transitoire  qu'elle 
était,  devint  un  impôt  fixe.  Le  caractère  des  revenus  de 
l'Etat  se  trouvait  par  là  transformé. 

Le  fisc  jouissait,  dans  l'ancienne  France,  de  divers  avan- 
tages ou  privilèges.  L'un  des  plus  importants  est  que  ses 
droits  étaient  inaliénables  et  imprescriptibles.  Le  fisc  était 
toujours  réputé  solvable  ;  fiscus  semper  solvendo  prœsu" 
miiur.  Aussi  n'était-il  jamais  tenu  de  fournir  caution.  Il 
n'était  pas  garant  des  défauts  des  choses  qu'il  vendait.  Il 
avait  une  hypothèque  tacite  sur  les  biens  de  ceux  qui  trai- 
taient avec  lui.  Toutes  les  sûretés  qu'il  était  d'usage  de 
prendre  dans  les  actes  entre  particuliers  étaient  censées 
prises  au  profit  du  fisc,  lorsqu'il  contractait.  Il  avait  la 
préférence  sur  tout  particulier  pour  l'achat  des  métaux 
nécessaires  à  la  fabrication  des  monnaies,  ou  à  l'artillerie, 


de  même  que  pour  l'achat  des  tabacs  apportés  dans  le 
royaume,  à  cause  du  droit  exclusif  de  vente  qui  lui  appar- 
tenait. Dans  les  causes  où  le  fisc  était  intéressé,  la  péremp- 
tion n'avait  pas  lieu  contre  lui,  même  si  leur  instruction 
avait  été  interrompue  pendant  trois  ans.  Le  fisc  pouvait 
en  tout  temps  appeler  d'une  sentence  ou  d'un  arrêt  l'ayant 
condamné,  alors  même  qu'il  n'aurait  pas  interjeté  appel  en 
temps  utile,  si  son  droit  se  trouvait  mieux  établi  par  des 
pièces  retrouvées  ou  nouvellement  découvertes.  Le  fisc 
était  exempt  de  toutes  contributions. 

Le  fisc  était  appelé  par  droit  de  déshérence  à  la  succes- 
sion de  tous  ceux  qui  mouraient  sans  laisser  d'héritier  ; 
fiscus  post  omnes.  Le  droit  des  barbares  avait  déjà  admis 
la  même  règle  ;  nous  en  trouvons  trace  dans  la  loi  salique 
(tit.  LXIII)  où  il  est  dit  que,  si  un  homme  ayant  abdiqué 
sa  parenté  vient  à  mourir,  sa  succession  passait  au  fisc, 
évidemment  par  droit  de  déshérence,  puisqu'il  était  réputé 
ne  plus  avoir  de  parents.  Ce  droit  appartint  ensuite,  soit 
au  fisc  du  roi,  soit  au  fisc  du  haut  justicier.  Dans  quelques 
provinces  de  la  France  coutumière,  on  préférait  même  le 
fisc  au  conjoint  survivant.  A  l'origine,  on  appliquait  le 
droit  de  déshérence  de  la  façon  la  plus  favorable  au  fisc, 
et,  à  défaut  de  parents  dans  une  ligne,  on  attribuait  au 
roi  ou  au  seigneur  les  biens  de  cette  ligne,  plutôt  que  de 
les  laisser  aux  parents  de  l'autre  ;  mais  la  préférence  du 
fisc  à  cet  égard  n'avait  persisté  jusqu'à  la  Révolution  que 
dans  quelques  coutumes,  Maine  et  Anjou  notamment.  Le 
droit  d'aubaine  qui  appartenait  aussi  au  fisc  peut  être  con- 
sidéré comme  une  extension  du  droit  de  déshérence  ;  il  a 
dû  frapper  d'abord  les  gens  de  basse  condition  qui  ne  pou- 
vaient se  réclamer  de  personne  sur  le  territoire  où  ils  vi- 
vaient, et  plus  tard  tout  étranger  quelle  que  soit  sa  situa- 
tion (V.  Aubain).  Il  se  produisit  pour  la  succession  des 
bâtards  ce  qui  avait  eu  lieu  pour  celle  des  aubains  ;  le  fisc 
du  roi  et  celui  des  seigneurs  hauts  justiciers  s'attribuèrent 
leurs  biens  (V.  Bâtardise).  Relativement  à  ces  divers 
droits,  le  roi  ne  cessa  de  lutter  contre  les  seigneurs  pour 
étendre  les  droits  du  fisc  royal  aux  dépens  de  celui  des 
seigneurs. 

Quelques  auteurs  ont  avancé  que  le  roi  seul  avait  droit 
de  fisc;  cette  assertion  n'est  vraie  que  des  lieux  dont  il 
avait  la  seigneurie  immédiate.  Les  seigneurs  féodaux  et 
justiciers  avaient  en  effet  un  droit  de  fisc,  leur  permettant 
de  s'appliquer,  par  droit  de  commise,  la  confiscation  des 
fiefs,  de  percevoir  divers  droits  et  de  prononcer  par  leurs 
juges  certaines  amendes  applicables  à  leur  fisc  particulier. 
Le  seigneur  féodal  et  non  justicier  n'avait  que  le  droit  de 
commise.  L'Eglise,  considérée  comme  corps  politique,  n'avait 
pas  de  fisc,  comme  les  seigneurs,  quoiqu'elle  exerçât  une 
juridiction  contentieuse  ;  aussi  le  juge  d'église  ne  pouvait-il 
condamner  à  une  amende,  à  moins  qu'elle  dût  être  attri- 
buée à  des  œuvres  pieuses.  G.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Droit  romain.—  Paul,  Sent.,  V,  12.  —  Fragon- 
Véron,  De  Jure  fisci.  —  Dig.,  De  Jure  fisci,  XLIX,  14.  — 
Cod.  Just.,  X,  1.  —  G.  Mommsen  etMARQUARDT,  Manuel 
des  antiquités  romaines.  De  l'Organisation  financière  che2 
les  Romains  (trad.  Vigie)  ;  Paris,  1888,  pp.  384,388  et  suiv., 
in-8.  —  Bouché-Leclercq,  Manuel  des  Institutions  ro- 
maines; Paris,  1886,  pp.  250,  252  et  suiv.,  in-8.  —  Mainz, 
Cours  de  droit  romain;  Bruxelles,  1877,  t.  I,  §  24,  pp.  4  5 
et  suiv.,  introduct.,  n°  162,  226. 

Ancien  droit.  —  Encyclopédie  méthodique,  Jurispru- 
dence, 1784,  t.  IV,  v°  Fisc;  Finances,  1785,  t.  II,  v°  Fisc.  — 
Ad.  Vuitry,  Etudes  sur  le  régime  financier  de  la  France 
avant  la  Révolution  de  1189;  nouvelle  série;  Paris,  1883, 
2  vol.  in-8.  —  Paul  Viollet,  Précis  de  l'histoire  du  droit 
français,  1886,  in-8. 

FISCALITÉ.  C'est  l'ensemble  des  lois  qui  gouvernentla 
perception  de  l'impôt  (V.  Contributions,  Impôt).  Mais, 
dans  le  langage  courant,  on  entend  plutôt  par  fiscalité  la 
tendance,  assez  habituelle  chez  les  préposés  du  fisc,  à 
exagérer  leurs  perceptions  et  à  trancher  les  questions  dou- 
teuses dans  un  sens  favorable  au  Trésor.  Cette  propension 
des  agents  du  fisc  à  traiter  le  contribuable  en  ennemi  et  à 
pousser  à  l'extrême  les  conséquences  de  la  loi  de  l'impôt 
discrédite  l'administration  des  finances  et  entrave  les  re- 


couvrements  plus  qu'elle  ne  grossit  les  recettes  du  Trésor. 
Il  serait  d'une  bonne  politique  financière  de  renoncer  à  de 
telles  pratiques.  Mais,  pour  y  parvenir,  il  importe  a\Tant 
tout  de  refondre  notre  système  fiscal  et  de  substituer  au 
fatras  de  ses  prescriptions  obscures  et  à  double  sens  une 
loi  claire  et  précise  que  les  préposés  aient  à  appliquer 
strictement  et  non  à  interpréter.  Em.  Besson. 

FI SC H  (Jean-Georges),  voyageur  et  publiciste  suisse, 
né  à  Aarau  en  4758,  mort  le  48  mai  4799,  Il  s'occupa  de 
théologie  et  de  philosophie,  voyagea  longtemps  en  France 
et  en  Allemagne,  devint  professeur  à  Berne,  puis  pasteur 
à  Aarau  et  renonça  en  4798  à  la  carrière  ecclésiastique 
pour  se  lancer  dans  la  politique.  Il  mit  fin  volontairement 
à  ses  jours.  On  lui  doit  surtout  deux  ouvrages  en  alle- 
mand sur  les  provinces  méridionales  de  la  France  dans  les 
années  4786  à  4788,  remplis  de  notes  curieuses  au  point 
de  vue  de  la  situation  en  province  à  la  veille  de  la  Révo- 
lution. E.  Kuhne. 

FISCHART  (Johann),  écrivain  allemand,  né  vers  4550, 
à  Mayence  selon  les  uns,  à  Strasbourg  selon  les  autres, 
mort  en  4590  ou  en  4594  ;  lui-même  s'appelait  le  Mayen- 
çais  (der  Mentzer,  Moguntinus).  On  sait  peu  de  chose 
de  sa  vie.  Il  paraît  avoir  reçu  sa  première  instruction  à 
Worms.  Plus  tard,  il  s'établit  à  Strasbourg,  où  furent  im- 
primés la  plupart  de  ses  écrits,  et  qu'il  considérait  comme 
sa  vraie  patrie.  On  croit  qu'il  voyagea  en  France,  en  An- 
gleterre et  dans  les  Pays-Bas.  En  4584,  on  le  trouve  établi 
comme  avocat  à  Spire,  où  il  épouse  Anne-Elisabeth  Herzog, 
fille  d'un  bailli  du  comte  de  Hainan  à  Wœrth.  C'est  sans 
doute  par  l'influence  de  son  beau-père  qu'il  devint  lui- 
même,  en  1583,  bailli  à  Forbach.  Fischart  était  l'un  des 
hommes  les  plus  instruits  de  son  temps  ;  il  était  juriscon- 
sulte et  théologien  ;  il  connaissait  l'antiquité  grecque  et 
latine  ;  il  savait  le  français,  l'italien  et  le  hollandais.  C'est 
sur  le  conseil  de  son  maître  Gaspard  Scheid,  de  Worms, 
qu'il  entreprit  son  premier  travail  littéraire  :  c'était  un  re- 
maniement de  la  légende  populaire  de  Till  Eulenspiegel.  Cette 
légende,  originaire  de  la  Basse- Allemagne,  avait  été  rédigée 
en  haut  allemand  par  Thomas  Murner  :  Fischart  la  mit  en 
vers,  sans  grand  succès,  paraît-il.  V Eulenspiegel  en  vers 
fut  bientôt  oublié,  tandis  que  le  roman  en  prose  est  en- 
core aujourd'hui  entre  les  mains  du  peuple.  C'est  dans  ses 
ouvrages  de  polémique  que  se  révèle  le  vrai  génie  de 
Fischart,  son  habileté  à  saisir  le  trait  saillant  ou  le  côté 
ridicule  des  choses,  son  imagination  exubérante,  son  style 
chargé  d'images.  Un  esprit  hardi  comme  le  sien  ne  pouvait 
que  prendre  fait  et  cause  pour  la  Réforme.  Ses  poèmes 
satiriques  sont  surtout  dirigés  contre  les  ordres  prêcheurs. 
Dans  la  Vie  de  saint  Dominique  et  de  saint  François 
(Von  S.  Dominici,  des  Predigermûnchs,  und  S.  Fran- 
cisai Barfilssers,  artlichem  Leben  und  grossen  Gre- 
weln,  4574),  il  se  plaît  à  décrire  les  querelles  intestines 
des  franciscains  et  des  dominicains.  La  Légende  du  petit 
chapeau  à  quatre  cornes  (Die  Wunderlichst  uner- 
hôrtest  Legend  und  Beschreibung  des  Abgefûhrten, 
Quartirten,  Gevierten  und  Viereckechten  Vierhôrnigen 
Hûtleins,  etc,  4580)  est  une  satire  piquante  de  la  Société 
de  Jésus.  Un  ouvrage  moins  passionné,  mais  d'une  portée 
plus  haute,  c'est  la  Sainte  Ruche  romaine,  traduite  de 
Marnix  de  Sainte-Aldegonde  et  écrite  en  prose  (Binen- 
korb  des  Heyligen  Rœmischen  Imenschwarms,  seiner 
Hummelszellen,  oder  Himmelszellen,  Hurrnaussnœs- 
ter,  Brœmengeschwûrm  und  Wœspengetœss,  etc., 
4579).  Toute  la  hiérarchie  romaine,  avec  les  moyens  qu'elle 
emploie  pour  combattre  l'esprit  du  siècle,  y  est  passée  en 
revue.  La  Sainte  Ruche  eut  un  immense  succès,  que  cons- 
tatent les  nombreuses  éditions  faites  du  vivant  de  l'auteur 
et  même  encore  après  sa  mort.  Un  autre  ouvrage  de 
Fischart,  qui  a  gardé  longtemps  des  lecteurs,  c'est  sa  Nef 
aventureuse  (Das  Gluckhafft  Schiff  von  Zurich),  d'une 
inspiration  toute  différente.  Ce  que  Fischart  nous  montre 
ici,  c'est  la  vie  municipale,  avec  ses  fêtes  populaires,  son 
déploiement  de  bien-être,  ses  vertus  pratiques  que  déparent 


—  527  —  FISCALITÉ  —  FISCHER 

à  peine  quelques  ridicules.  Un  tir  avait  été  ordonné  à 
Strasbourg  en  4576,  et  l'on  y  avait  invité  les  habitants  de 
quelques  villes  amies.  Zurich  envoya  une  députa tion  qui 
arriva  par  eau,  en  suivant  le  Limmat,  l'Aar  et  le  Rhin, 
dans  l'espace  d'un  jour.  Une  telle  rapidité,  à  cette  époque, 
tenait  du  prodige.  Les  Zurichois  avaient  déjà  fait  le  même 
chemin,  et  dans  le  même  intervalle,  un  siècle  auparavant, 
et,  pour  prouver  à  leurs  alliés  que  l'éloignement  ne  les  em- 
pêcherait pas  de  venir  à  leur  secours,  ils  leur  avaient 
apporté,  toute  chaude  encore,  une  bouillie  de  millet  qui 
avait  été  préparée  au  départ.  Le  poète  confond,  par  des 
rapprochements  ingénieux,  les  deux  voyages,  et  il  anime 
le  sujet  par  des  personnifications  qui  nous  paraissent  froides 
aujourd'hui,  mais  gui  plaisaient  alors  aux  humanistes  et 
même  aux  bourgeois.  Fischart  était  trop  érudit,  trop  arti- 
san de  langue,  trop  amateur  de  jeux  de  mots  pour  ne  pas 
se  sentir  attiré  vers  son  contemporain  français  Rabelais. 
Sa  traduction  du  premier  livre  de  Gargantua  est  consi- 
dérée par  la  critique  allemande  comme  son  chef-d'œuvre  ; 
c'est  une  amplification  où  une  phrase  du  modèle  devient 
l'occasion  d'un  long  et  parfois  insipide  développement.  Le 
titre  même  du  livre  est  instructif  à  ce  point  de  vue  : 
Affetitearliche  und  U?igeheurliche  Geschichtschrift 
vom  Leben,  Rhaten  und  Thaten  der  for  langen  weilen 
Vollenwolbeschraiten  Helden  und  Herrn  Grand- 
gusier,  Gargantoa,  und  Pantagruel,  Kœnigen  inn 
Utopien  und  Nienenreich.  Ce  titre  s'accrut,  d'une 
édition  à  l'autre,  de  quelques  épithètes  qui  étaient  autant 
de  jeux  de  mots  ;  on  peut  suivre  ces  accroissements  dans 
le  tableau  des  différentes  éditions  que  donne  l'historien 
Gœdete  (Grundrisz  zur  Geschiche  der  Deutschen  Dich- 
tung,  2e  éd.  refondue,  2e  vol.,  p.  495).  Nous  n'avons 
cité  que  les  principaux  ouvrages  de  Fischart,  car  il  fut  très 
fécond.  A.  Bossert. 

Bibl.  :  L.  Wackernagel,  Johann  Fischart  von  Strass- 
burg  und  Basels  antheil  an  ihm.  ;  Bâle,  1870.  —  E.  Muntz, 
le  Chroniqueur  Bernard  Hertzog  et  son  gendre  le  poète 
Jean  Fischart  ;  Mulhouse,  1873.  —  Freiherr  von  Meuse- 
bach,  Fischartstudien  ;  Halle,  1880.  —  G.  Ganghofer, 
J.  Fischart  und  seine  Verdeutschung  des  Rabelais  ;  Mu- 
nich, 1881.  —  P.  Besson,  Etude  sur  Jean  Fischart; 
Paris,  1889. 

FISCHBACH  (Johann),  peintre  de  paysage  et  de  genre, 
né  à  Grafenegg  (Autriche)  le  5  avr.  4797,  mort  à  Munich 
le  49  juin  4870.  On  cite  de  lui  :  Deux  Petits  Paysans  se 
disputant  un  oiseau,  au  Belvédère  de  Vienne,  et  un  beau 
Paysage  des  environs  de  Salzbourg,  à  la  Pinacothèque 
de  Munich. 

FISCHBACH  (Friedrich),  dessinateur-ornemaniste  alle- 
mand, né  à  Aix-la-Chapelle  le  40  févr.  4839.  Elève  de 
l'école  d'arts  appliqués  de  Berlin,  il  travailla  pendant  plu- 
sieurs années  à  Vienne,  devint  en  4870  professeur  de 
dessin  d'ornement  à  l'académie  de  Hanau,  et  en  4882  di- 
recteur de  l'Ecole  des  arts  industriels  à  Saint-Gall.  Il  ren- 
dit des  services  exceptionnels  à  l'industrie  d'art  en  Alle- 
magne ,  par  la  publication  en  lithographie  d'une  série 
considérable  de  modèles.  Parmi  ses  ouvrages  d'un  intérêt 
plus  général,  nous  signalerons  :  Sildslawische  Ornamente 
(4872);  Ornamente  der  Gewebe  (4874-84,  460  pi.  en 
coul.,  gr.  in-fol.);  Ornamente  der  Hausindustrie  Un- 
garns(i818);GeschichtederTextilkunst(i883).  G.P-i. 

FISCHER  (Gaspar),  architecte  allemand  du  milieu  du 
xvie  siècle.  Il  construisit,  de  4555  à  4559,  en  colla- 
boration avec  Jacob  Leyder,  la  partie  du  château  de  Hei- 
delberg  appelée  Ott-Heinrichsbau,  du  nom  de  l'électeur 
Otto-Heinrich  alors  régnant,  partie  qui,  avec  sa  décoration 
de  pilastres,  de  cariatides  et  de  niches,  est  un  des  plus 
curieux  spécimens  de  l'architecture  de  la  Renaissance  alle- 
mande. Ch.  Lucas. 

FISCHER  (Johann-George),  peintre  d'histoire  allemand, 
né  à  Augsbourg  en  4580,  mort  à  Munich  en  4643.  Il  étu- 
dia à  Prague  et  en  Italie,  et  s'inspira  à  la  fois  de  l'école 
académique  italienne  et  d'Albert  Diirer.  Maximilien  Ier  lui 
commanda  pour  la  salle  d'Hercule  du  château  de  Munich 
onze  tableaux  de  batailles,  qui  furent  transportés  en  4887  à 


FISCHER 


528  — 


la  galerie  de  Schleissheim.  On  a  encore  de  lui  les  Douze 
Apôtres ,  même  galerie  ;  un  Baiser  de  Judas,  à  la  Pina- 
cothèque de  Munich  ;  un  Ecce  Homo,  chapelle  Moritz,  à 
Nuremberg. 

FISCHER  (Johann),  musicien  allemand,  né  en  Souabe 
vers  4650,  mort  à  Stockholm  en  1721.  En  1681,  il  est 
attaché  comme  musicien  à  l'église  des  Récollets  d'Augs- 
bourg,  puis  on  le  trouve  à  Anspach  et  ensuite  en  Courlande 
(1685),  au  service  du  duc  de  Mecklembourg-Schwerin 
(1701),  à  Copenhague,  à  Stralsund  et  enfin  à  Stockholm, 
comme  maître  de  chapelle  de  la  cour.  Dans  sa  première 
jeunesse,  il  serait  venu  à  Paris  et  aurait  même  été  copiste 
de  Lulli.  Moller,  dans  sa  Cimbria  Literata,  parle  d'un 
autre  Johann  Fischer,  né  à  Liïbeck,  qui  n'aurait  point  quitté 
l'Allemagne.  Gerber,  lui,  s'en  tient  au  Fischer  de  Souabe  et 
donne  quelques  détails  sur  son  humeur  bizarre,  fantasque, 
et  sur  son  habileté  à  jouer  du  violon  et  de  la  viole.  Plu- 
sieurs ouvrages  sont  attribués  à  Fischer,  sans  qu'il  y  ait 
moyen  de  dire  ceux  qui  pourraient  être  dus  à  son  ho- 
monyme. En  voici  les  titres  :  Musicalische  Mayenlust 
(Augsbourg,  1681);  Himmlische  Seelen  Lust,a  voce  sola 
con  stromenti...  (Nuremberg,  1686)  ;  Musicalisches Di- 
vertissement (Augsbourg,  1700);  Tafel-Musik  (Ham- 
bourg, 1702)  ;  Musicalische  Fur sten-Lust...  (kugsbour g)  ; 
Feldund  Eelden  Musik,  ùber  die  -1704  bey  Hochstiïdt 
geschehene  Schlacht,  worin  die  Violine  den  Marlbo- 
rough  und  die  Hoboe  den  Tallard  vorstellen.      A.  E. 

FISCHER  (Jean-Chrétien) ,  célèbre  partisan ,  mort  le 
lerjuil.  1762.  D'origine  allemande,  mais  lié  au  service 
de  la  France  depuis  son  plus  jeune  âge,  il  se  distingua 
dans  la  guerre  de  la  succession  d'Autriche,  comme  chef 
àë  partisans.  Rempli  d'intelligence  et  d'audace,  il  avait  le 
génie  de  la  petite  guerre  ;  aussi  le  maréchal  de  Belle-Isle 
lui  permit-il  de  lever,  le  1er  nov.  1743,  une  compagnie 
franche  qui  prit  le  nom  de  chasseurs  de  Fischer  et  fut 
l'origine  des  chasseurs  dans  notre  armée.  Pendant  la 
guerre  de  Sept  ans,  les  services  rendus  par  cette  petite 
troupe  furent  brillants  et  nombreux.  Après  la  bataille  de 
Bergen,  Fischer  défit,  le  13  avr.  1759,  un  corps  consi- 
dérable de  Prussiens  au  passage  de  la  rivière  d'Arloff,  fit 
mettre  bas  les  armes  à  trois  escadrons  de  dragons  de 
Finkenstein  et  leur  enleva  deux  étendards  et  leur  trésor  ; 
aussi,  pour  cette  action  d'éclat,  le  roi  le  créa-t-il  briga- 
dier (brevet  du  21  avr.  1759).  Maintenu  à  la  tête  de  sa 
troupe,  il  se  distingua  de  nouveau  au.  combat  de  Closter- 
camp  (15oct.  1760).  Il  se  démit  ensuite  de  son  comman- 
dement en  faveur  du  marquis  de  Conflans  (avr.  1761) 
mais  n'en  demeura  pas  moins  dans  sa  troupe  où  il  servit 
comme  lieutenant-colonel. 

FISCHER  (Vincenz),  peintre  allemand,  né  à  Schmidhain 
(Bavière)  en  1729,  mort  à  Vienne  en  1810.  Son  talent  ne 
se  révéla  qu'après  un  voyage  en  Italie  qu'il  entreprit  en 
1753,  et  où  il  étudia  sous  la  direction  de  Tiepolo  et  de 
Cignaroli.  Après  son  retour  en  1760,'  il  fut  admis  à  l'Aca- 
démie de  Vienne  :  son  morceau  de  réception  fut  un  Moïse 
foulant  aux  pieds  la  couronne  de  Pharaon,  encore  au- 
jourd'hui à  l'Académie  de  Vienne.  Il  devint,  en  1764,  pro- 
fesseur à  l'Académie.  Il  a  laissé  :  la  Veuve  de  Naïm,  la  Ré 
surrection  de  Lazare  (Académie  de  Vienne)  ;  deux  Pro- 
cessions (musée  de  Vienne)  ;  Agamemnontuant  la  chienne 
de  Diane  (château  de  Luxembourg,  près  de  Vienne)  ;  Apol- 
lon et  les  Muses  sur  Vïïélicon  (château  de  Presbourg)  ; 
des  tableaux  d'autel  à  Slatina  et  à  Stuhl-Wissembourg. 

FISCHER  (Johann-Martin),  sculpteur  et  professeur 
d'anatomie  allemand,  né  à  Hopfen  (Souabe)  en  1740,  mort 
à  Vienne  le  27  avr.  1820.  Dès  son  enfance,  il  sculptait  des 
figurines  en  bois  avec  une  précision  remarquable  ;  son  père, 
frappé  de  ces  dispositions,  lui  fit  apprendre  la  sculpture. 
Malheureusement,  ses  deux  premiers  maîtres  furent  des 
plus  médiocres,  et  il  ne  développa  véritablement  ses  facul- 
tés que  sous  la  direction  d'un  troisième,  Schletterer.  Désor- 
mais, il  s'appliqua  tout  entier  à  l'étude  de  l'anatomie.  Il 
exécuta  à  cette  époque  la  grande  statue  en  marbre  de- 


Mucius  Scœvola  dans  le  jardin  de  Schônbrunn  et  deux 
autels  pour  la  cathédrale  de  Funfkirchen  ;  mais  il  se  fit 
connaître  surtout  par  un  squelette  en  buis,  copié  d'après 
nature  avec  une  étonnante  perfection  de  détail.  L'empereur 
Joseph  II  lui  donna  la  chaire  d'anatomie  à  l'Académie  de 
Vienne,  où  il  se  fit  une  grande  réputation,  tant  par  ses 
leçons  que  par  ses  nombreuses  figures  anatomiques  de  gran- 
deur naturelle.  Son  dernier  ouvrage,  le  plus  remarquable, 
fut  un  écorché  en  plâtre,  qu'il  obtint  en  prenant  un  véritable 
squelette  et  en  y  adaptant  successivement  tous  les  muscles. 
FISCHER  (Franz- Joseph-Ludwig),  chanteur  dramatique 
allemand,  né  à  Mayenceenl745,  mort  à  Berlin  le  lOjuil. 
1 825.  L'électeur  palatin  l'ayant  engagé  à  son  service,  il  resta 
onze  ans  à  Mannheim  et  suivit  ensuite  la  cour  à  Munich,  où 
il  reçut  un  engagement  pour  le  théâtre  impérial  de  Vienne. 
Il  y  demeura  quatre  ans,  au  bout  desquels  il  voulut  se  faire 
entendre  à  Paris.  Il  s'y  produisit,  en  effet,  avec  beaucoup 
de  succès,  au  Concert  spirituel,  en  1783.  De  Paris  il  se 
rendit  en  Italie,  puis  revint  en  Allemagne,  demeura  cinq 
ans  à  la  cour  du  prince  de  La  Tour  et  Taxis,  et,  ayant  fait 
un  voyage  à  Berlin,  s'y  fit  entendre  dans  un  opéra  de  Rei- 
chardt,  Brenno.  Le  roi  de  Prusse  fut  si  satisfait  de  son 
talent  qu'il  lui  offrit  un  engagement  pour  le  restant  de  sa 
vie,  aux  appointements  de  20,000  thalers.  Fischer  ac- 
cepta. La  voix  de  Fischer,  pleine,  sonore  et  égale  dans 
toutes  ses  parties,  avait  une  étendue  de  plus  de  deux 
octaves,  du  ré  au  fa.  —  De  ses  deux  fils,  le  premier, 
Joseph  (1780-1862),  devint  un  chanteur  habile  et  épousa 
la  comtesse  d'Ottweilar,  fille  naturelle  du  prince  palatin  des 
Deux-Ponts;  le  second,  Anton,  composa  une  quinzaine 
d'opéras,  aujourd'hui  oubliés,  mais  qui  ne  laissèrent  pas 
d'obtenir  un  assez  vif  succès  à  leur  apparition. 

FISCHER  (Ernst-Gottfried), mathématicien  et  physicien 
allemand,  né  à  Hoheneiche,  près  de  Saalfeld,  le  17  juil. 
1754,  mort  à  Berlin  le  27  janv.  1831.  Il  fut  professeur  h 
l'université  de  Berlin  et  membre  de  l'Académie  des  sciences 
de  cette  ville.  On  lui  doit  de  nombreux  ouvrages  sur  l'ana- 
lyse algébrique,  la  mécanique,  la  physique,  la  chimie,  l'as- 
tronomie :  Betrachtungen  iiber  die  Cometen  (Berlin, 
1789,  in-8);    Théorie  der  Dimensionszeichen  (Halle, 
1792-1793,    2   vol.  in-4);   Ueber  den   Ursprung  der 
Dimensionszeichen  (Halle,   1794,  in-4);  Lehrbuch  der 
mechanischen  Naturlehre  (Berlin,  1805,  in-8;  4eédit., 
1837;  trad.  franc,  par  Mme  Biot,  4e  édit.,  Paris,  1829, 
in-8);  Darstellung  und  Kritik  der  Verdunstungslehre 
(Berlin,  1810,  in-8);  Kepler  und  die  unsichtbare  Welt 
(Berlin,  1819);  Lehrbuch  der  Elementar-Mathematik 
(Berlin,  1820-1824,  3  vol.,  in-8),  etc.  Il  a  en  outre  fait 
paraître  une  trentaine  de  mémoires  dans  les  Abhandlun- 
gen  de  l'Académie  de  Berlin,  dans  le  Journal  de  Scherer, 
dans  les  Archiv  d'Hindenburg ,  dans   le  Jahrbuch  de 
Bode,  etc.  Parmi  ces  mémoires,  il  y  en  a  d'importants 
relatifs  à  la  musique.  Il  a  enfin  donné  des  traductions  alle- 
mandes, avec  notes,  des  Recherches  sur  les  lois  de  V affi- 
nité et  de  V Essai  de  statique  chimique  de  Berthollet.  L.  S. 
FISCHER  (Ferdinand  von),  architecte  et  professeur 
d'architecture  allemand,  né  à  Stuttgart  en  1784,  mort  à 
Stuttgart  le  20  sept.  1860.  Fils  du  major  Heinrich  Fischer, 
directeur  des  travaux  de  la  cour  électorale  de  Wurttemberg, 
Ferdinand  Fischer,  après  ses  études  faites  à  l'Académie 
fondée  par  le  duc  Charles,  les  compléta,  pour  l'architec- 
ture, d'abord  à  Vienne,  puis  à  Paris,  auprès  de  Durand  et 
Percier,  et  enfin  à  Florence,  à  Rome  et  à  Naples.  De  retour 
à  Stuttgart  en  4812,  il  fut  nommé,  en  1814,  architecte 
de  la  cour  et  eut  à  construire  et  à  aménager  de  nombreux 
édifices  publics  en  vue  de  la  tranformation  de  Stuttgart  en 
capitale  du  nouveau  royaume  de  Wurttemberg  et  aussi  des 
églises  et  des  écoles;  il  fut  nommé,  en  1834,  professeur 
d'architecture  à  l'Ecole  polytechnique  de  Stuttgart  où  il  fit 
quelque  remarquables  élèves.  Charles  Lucas. 

FISCHER  (Emmanuel-Frédéric  de),  dernier  avoyer  pa- 
tricien de  Berne,  né  à  Berne  le  19  sept.  1786,  mort  le 
13  janv.  1870.  D'une  ancienne  famille,  Fischer  assista  à 


529 


FISCHER 


douze  ans  au  pillage  du  trésor  de  Berne  par  les  soldats  de 
Brune.  Il  étudia  à  Berne  et  à  Genève,  puis,  après  une  car- 
rière militaire  assez  brillante,  entra  en  1816  dans  la  poli- 
tique active,  où  il  se  fit  vite  remarquer.  En  1827,  il  arriva 
au  poste  suprême  de  la  République  bernoise,  celui  d'avoyer 
en  charge.  Le  mouvement  libéral  de  4830  aboutit  dans 
le  canton  de  Berne  à  la  nomination  d'une  Constituante. 
Le  20  oct.  1831,  Fischer  lançait  une  proclamation 
pleine  de  dignité  par  laquelle  les  avoyers  résignaient  leurs 
fonctions  :  c'était  la  fin  de  l'ancien  régime.  Compromis 
dans  une  tentative  réactionnaire  en  1832,  il  alla  s'établir 
à  Genève,  mais  dut  quelques  années  plus  tard  faire  deux 
ans  de  prison  à  la  suite  de  cette  échauffourée.  Plus  tard, 
il  fit  encore  partie  du  grand  conseil  bernois  et  siégea  à 
l'extrême  droite.  A  quatre-vingts  ans,  il  publia  une  bio- 
graphie de  Watteville,  puis  un  volume  historique  impor- 
tant :  Coup  d'œil  rétrospectif  d'un  ancien  Bernois. 

FISCHER  (Johann-Karl),  sculpteur  et  médailleur  alle- 
mand, né  à  Berlin  le  14  juil.  1 802,  mort  à  Berlin  le  25  mars 
1865.  II  étudia  d'abord  la  ciselure  et  la  gravure  et  travailla 
quelque  temps  chez  le  médailleur  Loos  et  chez  le  bijoutier  de 
la  cour.  Ce  n'est  qu'en  1830  qu'il  produisit  des  œuvres  ori- 
ginales :  elles  lui  valurent  en  1855  le  titre  de  professeur  à 
l'Académie  de  Berlin.  Il  a  laissé  quelques  gravures  sur 
pierres  fines,  de  très  délicats  reliefs  d'ivoire  (Phryxos  et 
Hellé,  Ariane  sur  la  Panthère),  et  surtout  des  médailles 
d'un  beau  caractère  et  d'une  composition  élégante  :  le 
Traité  de  Verdun,  d'après  Cornélius,  les  portraits  de 
Leibnitz,  du  Roi  et  du  Prince  royal  de  Prusse,  de  V Em- 
pereur Nicolas,  du  directeur  Schadow  (revers  :  Persée 
et  Andromède),  du  professeur  Schleiermacher  (revers  : 
les  Trois  Vertus  théologales).  Il  a  exécuté  en  1840,  d'après 
un  dessin  de  Wachs,  les  reliefs  d'un  bouclier  de  bronze  des- 
tiné à  perpétuer  le  souvenir  de  l'appel  aux  armes  de  1813. 
FISCHER  (Ferdinand- August),  sculpteur  et  médailleur 
allemand,  frère  du  précédent,  né  à  Berlin  le  17  févr.  1805, 
mort  à  Berlin  le  2  avr.  1866.  Après  avoir  commencé  comme 
son  frère  par  des  travaux  de  ciselure,  il  étudia  à  l'Académie 
de  Berlin.  Ses  médailles  les  plus  connues  sont  celles  deHum- 
boldt  (grand  module,  4848)  et  la  médaille  commémorative 
du  mariage  du  prince  royal.  A  l'âge  de  trente  ans,  il  entra 
dans  l'atelier  de  Rauch  pour  se  former  à  la  sculpture  monu- 
mentale. On  cite  parmi  ses  marbres  :  une  Jeune  Romaine 
à  la  fontaine  ;  un  Moïse,  une  Minerve  et  un  Mercure  au 
château  de  Berlin  ;  quatre  groupes  de  Guerriers  pour  la 
place  de  Belle-Alliance  (terminés  en  1876  par  Franz  et 
Walgër),  des  groupes  pour  l'Opéra,  la  Bourse.  Il  a  donné 
aussi  des  modèles  de  pièces  d'orfèvrerie,  de  meubles,  d'écus- 
sons,  pour  différents  souverains  et  princes.  —  Son  fils, 
Georg,  cultiva  également  la  sculpture. 

FISCHER  (Frederik),  publiciste  et  patriote  danois,  né  à 
Aabenraa  (Slesvig)  le  7  févr.  1809,  mort  le  4  juin  1871. 
Il  était  horloger  et  opticien  dans  sa  ville  natale  lorsqu'il 
obtint  le  privilège  de  publier  Apenrader  Wochenblatt 
(1839),  dont  il  fit  bientôt  un  organe  national  en  langue 
danoise  (1840).  Il  eut  à  subir  en  1848  les  persécutions  des 
insurgés  slesvig-holsteinois,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de 
reprendre  la  publication  de  sa  feuille  sous  le  titre  AeFreja 
(1849-1859)  et  de  défendre  avec  talent  la  cause  danoise. 
Il  donna  un  recueil  de  Traditions  populaires  du  Slesvig 
(1857  ;  2e  éd.,  1861,  in-8),  et  édita  les  Poésies  de  Hans 
Michelsen  (1861).  B-s. 

FISCHER  (Alexander),  poète  allemand,  né  à  Saint- 
Pétersbourg  le  23  août  1812,  mort  à  Freiberg,  en  Saxe, 
le  1er  avr.  1843.  Il  fit  ses  études  à  Berlin  et  à  Leipzig. 
Son  premier  travail  fut  une  traduction  de  Shakespeare, 
qui  resta  inachevée  (Stuttgart,  1837).  Il  publia  ensuite, 
avec  Ernst  Willkomm,  une  revue,  Jahrbùcher  fur  Brama, 
Dramaturgie  und  Theater  (1837-1838).  Alexander 
Fischer  était  un  esprit  mal  équilibré  ;  il  avait  plus  de  verve 
que  de  patience  et  de  goût.  Son  drame  sur  Masaniello 
(Leipzig,  1839),  mal  conçu  dans  son  ensemble,  contient 
de  belles  scènes  populaires.  Il  était  en  proie  à  la  manie  de 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


la  persécution,  et  se  donna  la  mort,  après  avoir  brûlé  son 
drame  inachevé,  Napoléon.  Sa  tragédie  de  Nausicaa,  qui 
est  peut-être  son  meilleur  ouvrage,  ne  fut  publiée  qu'en 
1854,  avec  une  notice  biographique,  par  Adolf  Stern. 
FISC  H  ER  (Johann-Anton),  peintre  allemand,  né  à  Obers- 
dorf  (Bavière)  en  1844,  mort  à  Munich  en  1859.  D'abord 
simple  berger,  il  étudia  la  peinture  à  Munich,  puis  fit  un 
voyage  en  Italie,  où  il  subit  fortement  l'influence  de  Fra 
Angelico.  A  son  retour,  il  se  consacra  à  la  peinture  reli- 
gieuse et  donna,  en  1848,  des  cartons  pour  les  vitraux  du 
Dôme  de  Cologne.  On  cite  de  lui  une  Fuite  en  Egypte,  une 
Adoration  des  Mages,  une  Mise  au  tombeau  (Pinaco- 
thèque de  Munich) ,  une  Assomption  (collection  Narischkine) . 
FISCHER  (Johann-Georg),  poète  allemand,  né  àGross- 
Siissen,  dans  le  Wurttemberg,  le  25  oct.  4816.  Il  était  fils 
d'un  charpentier,  et  fut  d'abord  aide-instituteur,  après  avoir 
passé  par  l'école  normale  d'Esslingen.  Son  goût  Pentraînait 
alors  vers  l'histoire  naturelle  ;  il  reprit  ses  études  à  vingt- 
cinq  ans  à  l'université  de  Tubingue,  et  devint  plus  tard 
professeur  au  gymnase  et  à  l'école  réale  de  cette  ville.  Son 
premier  volume  (Gedichte,  Stuttgart,  1854)  lui  fit  aus- 
sitôt la  réputation  d'un  poète  lyrique  délicat  et  élevé,  ayant 
surtout  un  grand  sentiment  de  la  nature  ;  ses  chansons 
politiques  sont  animées  d'un  esprit  libéral.  En  somme, 
Fischer  peut  être  considéré  comme  un  bon  disciple  d'Uhland. 
Ses  autres  recueils  lyriques  sont  :  Neue  Gedichte  (Stutt- 
gart, 1865),  Den  Deutschen  Frauen  (id.,  1869),  Aus 
frischer  Luft  (id.,  1872).  Il  eut  moins  de  succès  avec  ses 
ouvrages  dramatiques  :  Saul  (1862)  ;  Friedrich  II,  von 
Hohenstaufen  (1863);  Flovian  Geyer  (1866);  Kaiser 
Maximilian  von  Mexiko  (1868).  A.  B. 

FISCHER  (Kuno),  philosophe  allemand  contemporain, 
né  à  Sandewalde  (Silésie)  le  23  juil.  1824.  Il  étudia  la 
philologie,  la  théologie  et  la  philosophie  à  Leipzig  et  à 
Halle,  et  prit  ses  grades  à  l'université  d'Heidelberg  où  il 
fut  nommé  priva t-docent  en  1849.  Son  enseignement  y 
fut  brillant,  mais  les  idées  avancées  qu'il  avait  puisées  dans 
le  commerce  de  Strauss  et  de  Gervinus  déplurent  au  gou- 
vernement et  son  cours  fut  suspendu  (1853).  Appelé  à 
l'université  d'Iéna,  il  y  donna  pendant  vingt  ans  un  ensei- 
gnement qui  ne  cessa  d'obtenir  le  succès  le  plus  éclatant. 
Le  grand-duc  de  Saxe-Weimar  le  nomma  son  conseiller 
intime  et  le  pria  d'accompagner  le  prince  héritier  dans  un 
voyage  en  Italie.  En  1872,  M.  Kuno  Fischer  revint  comme 
professeur  de  philosophie  à  l'université  d'Heidelberg  où  il 
enseigne  encore.  Il  a  écrit  quelques  ouvrages  de  philosophie 
dogmatique  dans  lesquels  il  se  montre  étroitement  attaché, 
en  dépit  de  quelques  divergences,  aux  idées  de  Hegel.  Mais 
M.  Kuno  Fischer  est  surtout  un  historien  de  la  philosophie. 
Sa  Geschichte  derneuern  Philosophie  (Mannheim,  1854) 
se  recommande  par  des  qualités  de  premier  ordre  :  abon- 
dance de  l'érudition,  probité  et  clarté  de  l'interprétation, 
largeur  de  la  critique  et  agrément  de  la  langue.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  Diotima,  die  Idée  des  Schônen 
(Pforzheim,  1849  );  Logik  u.  Metaphysik,  oder  Wi§se?i- 
schaftslehre  (Heidelberg,  1852;  2e  éd.,  1865);  Gesch.  d. 
neaern  Philos.  (Mannheim  et  Heidelberg,  1854  et  suiv.; 
2e  éd.,  1865  et  suiv.;  3e  éd.,  Munich,  1878-1884,  6  vol. 
in-8).  Plusieurs  fragments  de  cet  ouvrage  capital,  relatif 
à  Bacon,  Spinoza  et  Kant,  ont  été  publiés  à  part  :  Fr. 
Bacon  von  Veralam,die  Realphilos.  und  ihr  Zeitalter 
(Leipzig,  1856  ;  2e  éd.,  1875  ;  traduit  en  anglais  par  John 
Oxenford,  Londres,  1857);  Schiller  als  Philosoph  (Franc- 
fort-sur-le-Main, 1856);  Kanfs  Leben  und  die  Grund- 
lagen  seiner  Lehre  (Mannheim,  1860)  ;  Shakespeare  s 
Charakter  -  Entwickelung  Richards  III  (  Heidelberg  , 
4868);  Entwickelungsformen  des  Witzes  (id.,  4874); 
Lessing's  Nathan  der  Weise  (Stuttgart,  4872,  2e  éd.); 
Ueb.  das  Problem  der  menschl.  Freiheit,  discours  (Hei- 
delberg, 4875);  Vortràgeûb.  Faust  (i  871);  Kritik  der 
kantischen  Philos.  (4883);  Lessing  als  Reformator  d. 
deutsch.  Literatur  (4887,  2  vol.)  Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  A.-L.  Kym,  Die  Logih  u.  Metaph.  oder  Wissen- 

34 


FISCHER  —  FJSII 


-  530  — 


schaftsl.  K.  Fischer's,  dans  lesMetaph.  Untersuch., pp.  160 
et  suiv. 

FISCHER  (Johann- Christian-Richard),  paysagiste  alle- 
mand, né  à  Dantzig  en  1826.  Il  étudia  à  l'Académie  de 
Dusseldorf  et  se  forma  surtout  par  des  voyages  dans  les 
parties  les  plus  pittoresques  de  l'Allemagne.  On  cite  de  lui  : 
le  Matin  dans  la  vallée  (Dantzig)  ;  le  Soir  dans  la  forêt, 
Sous  les  chênes  (Hambourg)  ;  Paysage  hessois  (Darm- 
stadt)  ;  Sur  les  Rochers  de  V Eiffel  (Berlin),  etc. 

FISCHER  (Alexandre),  littérateur  hongrois,  né  à  Buda- 
pest en  1855.  Sa  vocation,  comme  journaliste,  comme  con- 
férencier, comme  traducteur  est  de  faire  connaître  au 
public  magyar  la  littérature  allemande  et  de  rendre  acces- 
sible au  lecteur  allemand  la  littérature  magyare.  Ses  deux 
travaux  considérables  sont  :  la  traduction  de  la  Tragédie 
humaine  de  Madâcs  (1888)  et  une  monographie  étendue 
sur  le  poète  Petœfi  (1887). 

FI SC H  ER  von  Erlach  (Johann-Bernhardt),  célèbre  archi- 
tecte autrichien,  né  à  Prague  le  1 5  mars  1656,  mort  à  Vienne 
le  5  avr.  1723.  Après  avoir  complété  ses  études  d'architec- 
ture par  plusieurs  voyages  en  Italie,  Fischer  se  fixa  à  Vienne, 
fut  nommé  architecte  en  chef  de  la  cour  impériale  et  fit  cons- 
truire, tant  à  Vienne  que  dans  plusieurs  autres  villes  alle- 
mandes, de  nombreux  édifices  parmi  lesquels  il  faut  citer  : 
le  château  de  Schœnbrunn,  résidence  d'été  delà  cour  ;  d'im- 
portantes parties  du  château  impérial  à  Vienne,  telles  que 
la  Chancellerie  de  l'Empire,  l'Ecole  d'équitation  d'hiver,  la 
Bibliothèque  de  la  cour  et,  vis-à-vis  du  château,  le  prin- 
cipal corps  de  bâtiment  des  écuries  impériales  ;  le  palais 
du  prince  de  Sclrwarzenberg,  le  palais  du  prince  Eugène 
(aujourd'hui  ministère  des  finances)  et  le  palais  du  prince 
Trautzon  (aujourd'hui  palais  de  la  Garde  hongroise) ,  et  la 
colonne  de  la  Trinité,  en  collaboration  avec  l'Italien  Bur- 
naccini,  à  Vienne  ;  le  palais  Clam-Gallaz,  à  Prague,  et  le 
château  Klepheim,  à  Salzbourg.  On  doit  aussi  à  Fischer 
von  Erlach  plusieurs  églises  :  à  Vienne,  l'église  paroissiale 
de  Saint-Pierre,  dans  la  Cité,  et  l'église  de  Saint-Charles- 
Borromée,  dans  le  faubourg  de  Wieden  ;  à  Salzbourg, 
l'église  collégiale  et  l'église  de  la  Sainte-Trinité  ;  à  Breslau, 
la  chapelle  électorale  du  Dôme,  et  à  Haindorf,  en  Bohême, 
une  église  conventuelle.  Il  ne  put  terminer  les  projets  qui 
forment  la  quatrième  partie  d'un  ouvrage  édité  sous  sa 
direction  à  Vienne,  en  1721,  et  intitulé  Entwurf  einer 
historischen  Architecture  projet  d'une  architecture  his- 
torique consistant  en  la  reproduction  de  différents  monu- 
ments célèbres,  tant  de  l'antiquité  que  des  temps  modernes. 
—  Joseph-Emanuel,  son  fils,  architecte  autrichien,  né 
à  Vienne  en  1695,  mort  à  Vienne  le  29  juin  1742, 
continua  et  termina  en  partie  les  édifices  laissés  inachevés 
par  son  père,  entre  autres  la  Bibliothèque  impériale  et  le 
palais  du  prince  de  Sclrwarzenberg  ;  seul,  il  fit  éjever  le 
palais  du  prince  Auersperg,  à  Vienne.  Joseph-Emmanuel 
Fischer  était  de  plus  un  remarquable  ingénieur  hydrauli- 
cien  et  on  lui  doit,  outre  une  machine  élévatoire  qu'il  fit 
construire  dans  le  palais  Schwarzenberg ,  des  machines 
d'épuisement  pour  les  mines  de  Kremnitz  et  de  Schemnitz. 

Charles  Lucas. 
FISCHER  von  Waldheim  (Gotthelf),  médecin  et  natu- 
raliste allemand,  né  à  Waldheim  (Hesse)  le  15  oct.  1771, 
mort  à  Moscou  le  18  oct.  1853.  Reçu  docteur  à  Leipzig  en 
1798,  il  fit  un  voyage  à  Paris  avec  les  frères  de  Hum- 
boldt  et  s'y  occupa  beaucoup  d'histoire  naturelle.  En  1799, 
il  fut  nommé  professeur  d'histoire  naturelle  et  bibliothé- 
caire à  l'Ecole  centrale  de  Mayence,  puis  en  1803  passa  à 
Moscou  avec  le  titre  de  professeur  ordinaire  et  de  direc- 
teur du  musée  d'histoire  naturelle  ;  après  l'incendie  de 
1812,  il  reconstitua  les  collections.  Il  fonda,  en  1808,  la 
Société  des  naturalistes  de  Moscou.  Fischer  a  laissé  un 
grand  nombre  de  travaux  sur  le  galvanisme,  la  nutrition 
des  plantes,  l'anatomie  comparée,  POs  intermaxillaire 
(Leipzig,  1800,  in-8)  ;  VAnatomie  du  maki  (Francfort, 
1804,  in-8)  ;  l'Oryctographie  du  gouvernement  de 
Moscou  (1830-1837),  sur  la  typographie  (1800-1804, 


1802),  sur  la  bibliographie,  etc.,  enfin  des  traductions. 

FISCHETTI  (Matteo-Luigi),  pianiste  et  compositeur  ita- 
lien, né  à  Martina  Franca  le  28  févr.  1830.  Il  commença 
l'étude  du  piano  à  six  ans,  puis,  ayant  appris  l'harmonie, 
il  se  livra  à  l'enseignement  et  à  la  composition.  Il  a  publié 
pour  le  piano  plus  de  deux  cents  morceaux  et  s'est  fait 
connaître  au  théâtre  par  trois  opéras  :  Aida  di  Scafati 
(1873),  La  Sorrentina,  Un'  Altra  Figlia  di  Madama 
Angot. 

FISCHHÂBER  (Gottlob-Christian-Friedrich),  philosophe 
allemand,  né  à  Gœppingen  (Wurttemberg)  en  1779,  mort  à 
Stuttgart  en  1829.  Il  commença  ses  études  aux  séminaires 
de  Blaubeuren  et  de  Bebenhausen,  et  les  acheva  à  l'uni- 
versité de  Tubingue  (1797)  où  lui  fut  révélée  la  philo- 
sophie de  Kant  et  celle  de  Fichte.  Sa  thèse  intitulée  Ueber 
das  Prinzip  und  die  Hauptprobleme  des  Fichte "schen 
Systems,  nebst  einem  Entwurf e  zu  einer  neuen  Auflo- 
sung  desselben  (Karlsruhe,  1801,  in-8)  lui  valut  le  grade 
de  maître  es  philosophie.  Il  devint,  en  1806,  répétiteur  au 
séminaire  théologique  de  Tubingue,  puis,  en  1808,  pro- 
fesseur de  philosophie  et  de  littérature  ancienne  au  gym- 
nase de  Stuttgart.  Adversaire  déclaré  du  système  de  Fichte, 
il  s'en  tint  au  point  de  vue  kantien  qui  domine  dans  son 
ouvrage  :  Ueber  die  Epochen  des  Génies  in  der  Geschichte 
(Karlsruhe,  1807,  in-8)  et  dans  ses  manuels  classiques  de 
Logique  (id.,  1818),  de  Morale  (1821),  de  Psychologie 
(1824)  et  de  Droit  naturel  (1826). 

FISCHOF  (Adolf),  publiciste  et  homme  politique  autri- 
chien, né  à  Altofen  le  8  déc.  1816.  Il  étudia  la  méde- 
cine à  Vienne.  En  1848,  il  commanda  le  corps  des  méde- 
cins dans  la  légion  académique,  fut  membre  du  comité 
central,  du  comité  de  sûreté  et  de  la  diète  constituante. 
Le  ministre  Doblhof  l'attacha  au  département  de  l'inté- 
rieur. Après  l'avènement  de  la  réaction,  Fischof  fut  accusé 
de  haute  trahison  et  jeté  en  prison  ;  mis  en  liberté  au  bout 
de  neuf  mois,  il  se  consacra  à  la  pratique  médicale.  Depuis 
1861,  il  est  rentré,  du  moins  comme  publiciste,  dans  la 
vie  politique.  En  1861,  il  publia  Zur  Lœsung  der  unga- 
rischen  Frage;  en  1866,  Ein  Blick  auf  OEsterreichs 
Lage  ;  en  1882,  il  essaya,  sans  succès  d'ailleurs,  de  for- 
mer un  parti  populaire  allemand  disposé  à  transiger  avec 
les  diverses  nationalités.  En  1885,  il  a  publié:  Die  Spra- 
chenrechte  in  den  Staaten  gemischter  Nationalitœt... 

FIS  EN  (Barthélémy),  historien  belge,  né  à  Liège  en 
1591,  mort  à  Lille  le  26  juin  1649.  Il  entra  dans  l'ordre 
des  jésuites  en  1610  et  fut  recteur  des  collèges  d'Hesdin,  de 
Dinant  et  de  Lille.  Son  principal  ouvrage  est  intitulé  Sancta 
Legia,  Romanœ  ecclesiœ  filia,  sive  historia  ecclesiœ 
Leodiensis  (Liège,  1642,  in-fol.  ;  rééd.  en  1696,  2  vol. 
in-fol.).  Cette  histoire  commence  six  cents  ans  avant  l'ère 
chrétienne  et  se  termine  en  1612.  L'auteur  manque 
de  critique  et  fait  preuve  d'une  crédulité  excessive  ; 
son  livre  n'a  d'importance  que  pour  l'histoire  des  xve  et 
xvic  siècles. 

FI  S  EN  (Englebert),  peintre,  né  à  Liège  en  1655,  mort 
à  Liège  en  1733.  Elève  de  Berthollet,  il  fit  le  voyage 
d'Italie  et  exécuta  dans  la  manière  des  peintres  de  ce  pays 
ses  premiers  tableaux  qui  sont  les  meilleurs.  On  cite  de 
ce  peintre  le  Christ  en  croix  avec  la  Vierge,  saint  Jean 
et  la  Madeleine,  dans  l'église  de  la  Madeleine,  de  Liège, 
et  la  Descente  de  croix. 

FI  S  H  River  (Great).  Fleuve  de  l'Afrique  australe  (Co- 
lonie du  Cap).  Il  sort  de  l'Yserberg  et  se  jette  dans  l'océan 
Indien  près  du  port  de  Newcastle.  Sa  vallée,  non  compris 
les  méandres,  mesure  environ  550  kil.  de  longueur.  La 
partie  inférieure  de  son  bassin  se  nomme  Fish  River  Bush 
et  fut  longtemps  un  admirable  terrain  de  chasse  pour  les 
éléphants  et  les  rhinocéros.  Affluents  :  droite,  Little  Fish 
River  ;  gauche,  Baviaans,  Kat  et  Konap.  La  Great  Fish 
River  est  généralement  à  sec  pendant  la  saison  chaude. 
Son  embouchure  est  fermée  par  une  barre. 

FISH  (Hamilton),  homme  d'Etat  américain,  né  à  New 
York  le  3  août  1808.  Elève  de  Columbia  Collège,  avocat  en 


531  - 


FISH  —  FISK 


1830,  membre  de  la  législature  de  l'Etat  en  1837,  membre 
du  Congrès  fédéral  en  1842,  sous-gouverneur  (1847- 
1849)  puis  gouverneur  (1849-1851)  de  l'Etat  de  New 
York,  sénateur  fédéral  (1851-1857),  il  voyagea  en  Europe 
et  resta  éloigné  des  affaires  pendant  la  guerre  civile.  En 
1869,  Grant  lui  confia  le  poste  de  secrétaire  d'Etat 
(ministre  des  affaires  étrangères),  en  remplacement  de 
M.  E.-B.  Washburne,  nommé  ministre  en  France,  et  il 
garda  ces  fonctions  pendant  les  huit  années  de  présidence 
du  général.  C'est  sous  son  ministère  qu'eut  lieu  le  règle- 
ment de  l'affaire  de  YAlabama.  Aug.  M. 

FISHER  (John),  cardinal  anglais,  décapité  à  Tower 
Hill  le  22  juin  1535.  La  date  de  sa  naissance  généralement 
admise  est  1459,  mais  certains  historiens  indiquent  1461 
et  même  1465.  A  Cambridge,  où  il  fit  ses  études,  il  remplit 
les  fonctions  de  chancelier  de  l'université  (1501)  et  pro- 
fessa la  théologie  dans  la  chaire  fondée  l'année  suivante 
par  la  mère  du  roi  Henri  VII,  lady  Margaret,  comtesse  de 
Richemont,  dont  il  était  le  chapelain.  En  1504,  il  fut 
nommé  évêque  de  Rochester.  L'agitation  religieuse  pro- 
duite en  Angleterre  par  les  doctrines  de  Luther  décida  de 
sa  destinée.  Il  prit  parti  contre  le  réformateur,  ce  qui  le 
rapprocha  de  Henri  VIII,  le  «  Défenseur  de  la  foi  »  (1521). 
Mais  quelques  années  plus  tard  (1527),  le  divorce  projeté 
du  roi  avec  Catherine  d'Aragon  l'éloigna  de  son  puissant 
protecteur  et  souverain.  Il  n'hésita  pas  à  maintenir  contre 
Wolsey,  à  l'apogée  de  sa  grandeur,  la  validité  du  mariage 
royal.  Il  composa  à  cette  occasion  des  écrits  qui  circulèrent 
en  Angleterre  et  sur  le  continent,  dans  lesquels  sa  pensée 
était  catégoriquement  exprimée.  Quand  Henri  VIII  songea 
à  faire  annuler  par  le  Parlement  l'autorité  spirituelle  du 
pape  en  Angleterre  pour  prendre  lui-même  le  titre  de 
«  Chef  suprême  de  l'Eglise  anglicane  »,  Fisher  résista  de 
nouveau  à  la  doctrine  de  la  suprématie  royale.  Aussi  fut-il 
bientôt  mis  en  accusation  à  la  suite  de  ses  relations  avec 
Elisabeth  Barton,  la  «  Sainte  Fille  de  Kent  »,  pour  n'avoir 
pas  révélé  certaines  prédictions  concernant  la  mort  du  roi. 
Condamné  de  ce  fait  à  la  prison  ou  à  l'amende,  il  fut  gracié 
moyennant  payement  de  300  livres.  Ce  n'était  qu'un  court 
répit.  Il  fut,  en  effet,  envoyé  de  nouveau  à  la  Tour  de 
Londres  (26  avr.  1534)  pour  avoir  refusé  de  prêter  ser- 
ment sur  la  question  de  la  succession  que  Henri  VIII  vou- 
lait régler  en  faveur  d'Elisabeth,  sa  fille  par  Anne  Boleyn. 
Le  sort  de  Fisher  ne  laissait  guère  de  doutes  aux  catho- 
liques. Le  pape  Paul  III,  en  lui  envoyant  le  chapeau  de 
cardinal,  ne  fit  que  précipiter  une  crise  prévue.  Fisher  fut 
jugé  par  une  commission  spéciale,  condamné  à  mort  pour 
crime  de  haute  trahison  et  décapité.  Partisans  et  adversaires 
religieux  sont  généralement  d'accord  pour  rendre  hommage 
à  la  conscience  droite,  au  zèle  et  au  savoir  de  Fisher.  Il 
est  l'auteur  de  nombreux  traités  de  controverse  contre 
Luther,  OEcolampade  et  autres  réformateurs.  Ses  œuvres 
ont  été  publiées  (Wiïrzbourg,  1595).  G.  Q. 

Bibl.  :  Rév.  J.  Lewis,  Life  of  Fisher,  1855—  R>  W.  Wat- 
son,  History  of  the  english  church,  1877. 

FISHER  (John),  théologien  anglais,  né  à  Holmside 
(Durham)  le  27  sept.  1569,  mort  à  Londres  le  3  déc.  1641 . 
Il  s'appelait  en  réalité  Percy.  En  1583,  converti  au  catho- 
licisme, il  fit  ses  études  au  collège  anglais  de  Reims  et  les 
acheva  au  collège  anglais  de  Rome.  Ordonné  prêtre  en 
1593,  il  entra  dans  la  Société  de  Jésus.  Il  revint  en  Angle- 
terre en  1596  pour  rétablir  sa  santé,  fut  alors  emprisonné 
à  Bridewell  d'où  il  s'évada  avec  deux  autres  prêtres.  Il 
demeura  attaché  à  la  mission  anglaise,  devint  chapelain  de 
sir  Everard  Digby,  et  fut  de  nouveau  arrêté  et  emprisonné 
en  1610,  et,  délivré  au  bout  d'un  an  grâce  aux  démarches 
de  l'ambassade  d'Espagne,  fut  banni  d'Angleterre.  Il  résida 
alors  en  Belgique,  enseigna  la  Sainte  Ecriture  à  Louvain  ; 
mais,  étant  retourné  dans  sa  patrie,  il  fut  encore  jeté  en 
prison.  Il  dut  sa  liberté  à  l'ambassadeur  de  France.  En 
1634,  il  subit  un  nouvel  emprisonnement  d'un  an.  Fisher 
était  un  dialecticien  consommé.  Il  soutint  contre  les  protes- 
tants, notamment  contre  Laud,  des  controverses  célèbres. 


Parmi  ses  œuvres  nous  citerons:  A  Treatise  offaith 
(Londres,  1600,  in-8)  ;  An  Account  of  the  conférences 
held  before  the  countess  of  Buckingham  and  James  I 
(1622)  ;  An  Answer  into  the  nine  points  of  controversy 
proposed  by  our  late  soveraign  (1625,  in-8),  etc. 

FISHER  (Payne),  poète  et  publiciste  anglais,  né  en 
1616,  mort  en  1693.11  servit  d'abord  dans  les  Pays-Bas, 
puis  dans  l'armée  royale,  en  Ecosse  et  en  Irlande,  jusqu'à 
la  bataille  de  Marston  Moor,  dont  le  résultat  lui  fit  aban- 
donner la  cause  royaliste,  et  qu'il  célébra,  en  1650,  dans 
un  poème  latin  intitulé  Marston  Moor,  Eboracense  Car- 
men. Il  avait  trouvé  sa  voie,  et  dès  lors  il  fut  le  poète  à 
la  mode  auprès  des  puissants  du  jour,  pour  qui  ses  flatte- 
ries étaient  toujours  prêtes.  Cromwell  le  fit  poète-lauréat, 
et  il  reconnut  les  faveurs  du  Protecteur  par  quantité  d'odes 
de  dithyrambes,  d'élégies  et  d'épitaphes  en  son  honneur 
et  en  l'honneur  de  ses  partisans  :  citons,  entre  autres, 
lrenodia  Gratulatoria,  sive  illus.  amplissimique  Oli- 
veri  Cromwelii...  Epinicion  (Londres,  1652),  et  Vent, 
vidi,  vici,  the  Triumphs  of  the  most  Excellent  and 
Illustrions  Oliver  Cromwell  (Londres,  1652).  Les  Stuarts 
restaurés,  Fisher,  Paganus  Fisher  ou  Piscator,  comme  il 
signait  ses  productions,  transporta  tout  son  enthousiasme 
à  la  cause  victorieuse,  et  publia  cyniquement  contre  ses 
anciens  bienfaiteurs  un  haineux  pamphlet  :  The  Speeches 
of  Oliver  Cromwell,  Henry  Irreton,  and  John  Brad- 
shaw,  intented  to  hâve  been  spoken  at  their  exécution 
at  Tyburne  (1660).  Mais  ses  palinodies  ne  lui  attirèrent 
que  le  mépris  qu'elles  méritaient  et  il  tomba  dans  la  misère. 
Il  passa  même  plusieurs  années  en  prison.  Ce  fut  là  qu'il 
rédigea  deux  ouvrages  importants  pour  l'histoire  topogra- 
phique et  architecturale  de  Londres,  avant  le  grand  incen- 
die de  1666  :  A  Catalogue  ofmost  of  the  mémorable 
Tombs  (1668),  et  The  Tombs,  Monuments  and  Sepul- 
chral  Inscriptions  lately  visible  in  S.  PauVs  cathe- 
dral  (1684).  Signalons  encore,  parmi  ses  nombreuses 
publications,  A  BookofHercMry{\Wï).      B.-H.  G. 

FISHER  (Edward),  pasteur  calviniste  du  pays  de  Galles, 
né  en  1620,  mort  en  1660.  Il  publia  sous  le  titre  The 
Marrow  of  Modem  Divinity  une  brochure  qui  souleva 
de  très  vives  polémiques  connues  sous  le  nom  de  la 
«  Grande  Controverse  de  la  Moelle  »  à  laquelle  prirent 
part  les  plus  célèbres  théologiens  du  temps. 

FISHER  (Thomas),  antiquaire  anglais,  né  vers  1781, 
mort  le  20  juil.  1836.  Il  publia-  divers  travaux  dans  le 
Gentleman' s  Magazine  et  Y Archœologia  et  quatre-vingt- 
quinze  planches  d'après  ses  dessins  représentant  des  monu- 
ments, sous  le  titre  :  Collections  historical,  genealogi- 
cal  and  topographical  for  Bedforshire  (Londres,  1812- 
1816,  in-4).  Une  seconde  partie  comprenant  114  pi. 
in-fol.  parut  quelques  semaines  seulement  avant  sa  mort. 
Fisher  était  membre  de  la  Société  des  antiquaires  de 
Londres.  J.-A.  Bl. 

FISK  (William),  peintre  anglais,  né  à  Thorpe  le  Soken 
(Essex)  en  1796,  mort  à  Danbury  en  1872.  Issu  d'une 
ancienne  famille  de  fermiers,  il  étudia  le  dessin  contre  la 
volonté  de  son  père,  qui  l'envoya  à  Londres  à  dix-neuf  ans 
et  le  fit  entrer  dans  une  maison  de  commerce.  Cependant 
le  jeune  artiste  ne  renonça  pas  à  sa  vocation,  travailla  pen- 
dant ses  loisirs  et  exposa  en  1848  un  excellent  portrait  à 
l'Académie  royale  ;  les  succès  qu'il  obtint  lui  permirent, 
quelques  années  plus  tard,  de  se  vouer  entièrement  à  la 
peinture.  Cet  artiste  est  surtout  connu  en  Angleterre  par 
les  grandes  scènes  historiques  qu'il  exécuta  après  1834  ; 
elles  se  recommandent  par  la  scrupuleuse  exactitude  des 
types  et  des  costumes,  pour  lesquels  Fiskne  négligea  aucune 
recherche.  On  ne  peut  malheureusement  pas  les  louer  autant 
au  point  de  vue  de  la  couleur,  sèche,  froide  et  sans  har- 
monie. Les  principaux  de  ces  tableaux,  popularisés  par  la 
gravure,  sont:  Jane  Grey  visitée  par  Feckenham,  dans 
sa  prison  de  la  Tour  (1834)  ;  le  Couronnement  de 
Bobert  Bruce  (1836);  Assassinat  de  Laurent  de 
Médicis  par  les  P^m  (1839);   le  Jugement  de  lord 


FISK  —  FISTULE 


—  532  — 


Strafford  (1840,  à  Liverpool)  ;  Charles  Ier  traversant  la 
grande  salle  de  White-Hall  pour  aller  à  Véchafaud 
(1843).  Ad.  T. 

FISMES.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de 
Reims,  sur  la  Vesle  et  l'Ardre  ;  3,303  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  de  l'Est,  ligne  de  Soissons  à  Reims.  Tissage  ;  fila- 
tures de  laine  et  de  bourre  de  soie  ;  fabriques  de  sucre,  de 
porcelaine  et  de  faïence  ;  tanneries.  Ancienne  station  ro- 
maine de  Fines  Suessionum,  située  à  la  limite  des  Rémi 
et  des  Suessiones,  et,  à  l'époque  mérovingienne,  de  la 
Neustrie  et  de  l'Austrasie.  Les  rois  de  France  y  avaient 
une  résidence.  Des  anciens  remparts  transformés  en  pro- 
menade, la  ville  a  conservé  quatre  portes  curieuses.  L'église, 
dont  les  parties  les  plus  anciennes  datent  du  xie  siècle,  a 
été  remaniée  au  xme  et  au  xvie  siècle.  L'Hôtel-Dieu,  fondé 
au  xve  siècle,  renferme  un  oratoire  du  xme  siècle. 

Concile  de  Fismes  (Concilium  apud  SanctamMacram). 
—  Tenu  en  881 ,  dans  l'église  de  Sainte-Macre.  Les  évêques 
de  plusieurs  provinces  y  furent  assemblés  ;  ils  firent  sur  la 
discipline  huit  canons,  dont  deux  caractérisent  bien  les 
relations  de  l'Eglise  et  de  la  royauté  à  cette  époque.  Le 
troisième  exhorte  le  roi  Louis  à  conserver  l'honneur  et  le 
bien  de  l'Eglise,  et  à  maintenir  l'autorité  des  évêques  ;  le 
huitième  lui  recommande,  à  cause  de  sa  jeunesse,  de  choi- 
sir, des  conseillers  sages,  aimant  la  justice  et  la  religion. 

FISQUET  (Honoré- Jean -Pierre),  littérateur  français,  né 
à  Montpellier  le  16  juin  1818,  mort  à  Paris  le  27  juil. 
1883.  Professeur  d'humanités  au  collège  de  Bernay,  il 
démissionna  en  1840  pour  se  jeter  dans  le  journalisme.  Ce 
fut  un  collaborateur  zélé  de  la  Gazette  de  France,  de  la 
Nation,  de  Y  Audience,  de  Y  Encyclopédie  du  xixe  siècle. 
Citons  de  lui  :  Histoire  de  V Algérie  (Paris,  1842,  in-8); 
Ode  a  la  France  sur  le  retour  des  cendres  de  Napoléon 
(1841,  in-12);  Histoire  archéologique  et  descriptive 
de  Notre-Dame  de  Paris  (1855,  in-8)  ;  Notice  biogra- 
phique sur  Mgr  de  Bonncchose  (1865,  in-8)  ;  Id.  sur  le 
cardinal  Gousset  (1865,  in-8)  ;  Rome  et  PEpiscopat 
catholique  (1874,  in-16);  Dictionnaire  des  célébrités 
de  la  France  (1879,  in-8);  la  France  départementale 
(1876,in-18);  Grand  Atlas  départemental  de  la  France, 
de  l'Algérie  et  des  colonies  (1878,  2  vol.  in-fol.)  ;  la 
France  pontificale  (1864-73,  24  vol.  in-8),  résumé  de  la 
Gallia  christiana  qui  devait  former  50  vol. 

FISSIDENS  (Fissidens  Eedro)  (Bot.).  Genre  de  Mousses 
acrocarpes,  de  la  tribu  des  Fissidentées-Fissidentacées  de 
Schimper  (Skitophyllum  Lap.  ;  Chistophyllum  Brid. 
Lindb),  à  tige  simple  ou  peu  rameuse  sur  laquelle  on  aper- 
çoit des  feuilles  distiques  et  d'une  organisation  particu- 
lière :  il  s'étend  sur  le  dos  de  la  nervure  une  longue  lame 
verticale  qu'on  regarde  comme  une  aile  normale  d'une 
feuille  carénée- concave.  Les  fleurs  sont  monoïques  ou 
dioïques.  Le  pédicelle  dressé  et  terminal  supporte  une  cap- 
sule lisse,  parfois  oblique.  La  coiffe  est  déjetée  latéralement  ; 
l'opercule  est  convexe-conique,  surmonté  d'un. bec  plus  ou 
moins  long  ;  Panneau  est  étroit  ;  le  péristome  à  dents 
pourpres  se  divise  jusqu'au  milieu  de  leur  hauteur  en  deux 
branches  subulées.  On  connaît  neuf  espèces  de  Fissidens, 
mais  il  ne  s'en  trouve  que  trois  assez  communément  aux 
environs  de  Paris  (Fissidens  bryoides,  F.  taxifollus  et 
F.  adiantoides).  Ces  Mousses  préfèrent  les  lieux  ombra- 
gés, la  terre  argileuse,  les  prairies  marécageuses  et  les 
rives  des  cours  d'eau.  Vendrier. 

Bibl.  :  Linné,  Sp.  pi.—  Hedw,  Musc,  frond.,  III,  pp.  61 
et  67,  t.  XXVI  et  XXIX.  -  Spée,  Musc,  t.  XXXIX  ,  p.  155. 

FISSURE  (Géol.)  (V.  Faille). 

FISTULE.  On  appelle  fistule  un  trajet  anormal,  étroit, 
sans  tendance  à  la  guérison,  laissant  écouler  par  un  orifice 
du  pus,  des  produits  de  sécrétion  ou  des  matières  excré- 
mentitielles  circulant  habituellement  dans  des  conduits 
naturels.  Les  fistules  sont  congénitales  ou  acquises  et  patho- 
logiques. Un  certain  nombre  de  fistules  observées  à  la  nais- 
sance tiennent  à  des  maladies  du  fœtus,  et  rentrent  dans 
la  deuxième  catégorie,  mais  les  fistules  congénitales  pro- 


prement dites  semblent  reconnaître  pour  cause,  dans  tous 
les  cas,  une  malformation.  Les  fistules  acquises  ou  patho- 
logiques succèdent  à  des  lésions  très  diverses  et  présentent 
deux  variétés:  1°  celles  qui  ne  communiquent  avec  aucune 
cavité,  avec  aucun  conduit  et  tiennent  à  des  inflammations 
du  tissu  cellulaire,  du  tissu  osseux,  à  la  présence  d'un  corps 
étranger  ;  2°  celles  qui  communiquent  avec  une  cavité  nor- 
male ou  accidentelle,  avec  un  réservoir  naturel,  avec  un 
organe  glandulaire,  avec  un  conduit  sécréteur.  Certaines 
fistules  sont  entretenues  par  la  disposition  anatomique  ou 
la  mobilité  des  parties,  par  la  nature  de  l'altération  des 
tissus,  par  la  présence  des  parties  nécrosées  ou  de  corps 
étrangers.  Les  fistules  provenant  des  lésions  des  glandes, 
des  réservoirs  naturels,  des  conduits  sont  souvent  entre- 
tenues par  le  passage  anormal  de  liquides  de  sécrétion  ou 
d'excrétion,  ou  mieux,  comme  l'a  démontré  Verneuil,  par 
la  permanence  de  la  lésion  profonde  grâce  à  la  cicatrisation 
anormale  de  la  muqueuse  avec  la  membrane  externe.  Il  y  a 
à  considérer  dans  une  fistule  l'orifice  externe  et  le  trajet 
fistuleux  (fistule  borgne);  dans  les  fistules  communiquantes 
il  y  a  aussi  un  orifice  interne.  Ces  parties,  plus  ou  moins 
indurées  par  suite  de  l'inflammation  conjonctive  du  tissu 
cellulaire,  sont  doublées  d'une  espèce  de  muqueuse  revêtue 
d'un  épithélium  pavimenteux.  Ordinairement,  un  des  orifices 
est  profond,  l'autre  superficiel  et  cutané  ;  on  peut  rencon- 
trer des  fistules  à  orifices  muqueux  (fistules  bimuqueuses) 
par  exemple  dans  la  fistule  duodénale  cholécystique.  —  Le 
diagnostic  est  facile,  le  pronostic  variable.  Les  indications 
du  traitement  consistent  à  supprimer  la  cause  qui  entre- 
tient la  fistule,  si  possible,  et  à  essayer  de  fermer  le  conduit 
anormal,  soit  par  des  incisions  appropriées,  des  injections 
irritantes,  des  cautérisations,  enfin  par  divers  procédés 
autoplastiques.  S.  Morer. 

Fistule  a  l'anus  (V.  Anus). 

Fistules  congénitales.  —  Les  fistules  qui  reconnais- 
sent pour  origine  une  perturbation  du  développement  sont 
de  plusieurs  ordres.  Les  unes  résultent  simplement  de  la 
conservation  anormale  de  certaines  voies  qui  font  commu- 
niquer les  muqueuses  entre  elles  ou  avec  la  peau,  chez 
l'embryon,  et  qui  sont  destinées  à  s'obturer  plus  tard 
lorsque  l'évolution  suit  son  cours  régulier.  Les  plus  con- 
nues sont  les  fistules  congénitales  du  cou,  dues  à  une 
occlusion  incomplète  des  fentes  branchiales  et  qui  viennent 
généralement  s'ouvrir  à  l'extérieur  un  peu  au-dessus  de 
l'extrémité  sternale  de  la  clavicule.  Le  plus  souvent  elles 
sont  uniques;  parfois  il  y  en  a  deux,  symétriquement 
placées.  Rarement  elles  sont  complètes  et  représentent 
alors  un  conduit  étroit  s'étendant  obliquement  du  tégument 
externe  au  pharynx,  au  larynx  ou  à  l'œsophage.  Habituel- 
lement elles  sont  incomplètes,  ne  figurant  qu'un  prolon- 
gement en  cul-de-sac  des  muqueuses  (fistule  borgne  interne) 
ou  du  tégument  cutané  (fistule  borgne  externe).  La  cons- 
titution histologique  de  la  paroi  est  analogue  à  celle  de  la 
peau  ou  de  la  muqueuse  adjacente,  et  conserve  souvent  un 
caractère  embryonnaire  plus  ou  moins  prononcé.  Les  fis- 
tules bimuqueuses  se  rencontrent  principalement  au 
niveau  de  l'intestin  postérieur  et  des  voies  génito-urinaires 
où  elles  représentent  le  degré  minimum  des  communica- 
tions tératologiques  pouvant  exister  entre  le  rectum,  la 
vessie,  le  vagin,  etc.  On  trouve  ensuite  des  fistules  cuta- 
nées qui  ne  sont  autre  chose  que  de  simples  dépressions 
ectodermiques  plus  ou  moins  profondes,  particulièrement 
fréquentes  dans  les  régions  sacro-coccygienne  et  ano-péri- 
néale.  Au  nombre  de  une  à  trois,  elles  sont  échelonnées  le 
long  de  la  portion  terminale  du  rachis,  parfois  paires  et 
symétriquement  disposées  près  de  la  ligne  médiane.  La  pa- 
thogénie de  ces  formations  est  assez  obscure  et  se  rattache 
intimement  à  celle  des  kystes  dermoïdes,  comme  le  prou- 
vent les  cas  où  la  fistule  se  termine  profondément  par  une 
dilatation  ampullaire  ayant  la  structure  de  la  peau.  Il 
arrive  aussi  qu'un  kyste  primitivement  clos  et  isolé  s'ouvre 
ultérieurement  au  dehors  et  donne  ainsi  naissance  à  une 
fistule  secondaire.  La  tératologie  nous  offre,  enfin,  des 


—  533  — 


FISTULE  —  FITTONIA 


exemples  variés  de  fistules  siégeant  dans  diverses  parties 
du  corps  et  qu'il  est  impossible  d'embrasser  dans  une  des- 
cription générale.  G.  Herrmann. 

Bibl.  :  Reclus,  Manuel  de  pathol.  ext.  ;  Paris,  1885, 1. 1. 
—  Follin  et  Duplay,  Traité  élément,  de  path.  ext.;  Paris, 
1868-1888,  t.  I. 

FISTULINE  (Bot.).  Genre  de  Champignons  Hyméno- 
mycètes,  de  la  famille  des  Polyporées,  à  hyménium  infère, 
d'abord  verruqueux  papille,  puis  formé  de  tubes  cylin- 
driques séparés  les  uns  des  autres  et  non  soudés  entre 
eux,  comme  dans  les  genres  Polypore  ou  Bolet.  Les  basides 
tétrasposées  donnent  naissance  à  des  spores  ovoïdes,  jaunes 
ou  couleur  saumon.  Dans  les  réceptacles  épais,  mamelonnés, 
on  peut  rencontrer,  près  de  la  surface  supérieure  et  à  l'in- 
térieur du  parenchyme,  des  cellules  portant  des  bouquets 
de  conidies  assez  semblables  aux  spores,  mais  de  formes  et 
de  dimensions  plus  variées.  —  La  F.  Hepatica  (syn. 
Langue  de  bœuf,  Foie  de  bœuf,  Glu  de  chêne),  spécialement 
étudiée  par  M.  de  Seynes  dans  un  important  mémoire,  pré- 
sente quelquefois  des  réceptacles  uniquement  conidipares  et 
dépourvus  de  tubes.  Elle  est  remarquable  par  son  chapeau 
rouge  sang  ou  rouge  brun,  tantôt  sessile,  tantôt  porté  sur 
un  stipe  latéral  et  court,  oblongou  semi-orbiculaire,  gluant 
sur  sa  face  supérieure  et  couvert  d'aspérités  qui  disparais- 
sent. La  chair  est  gorgée  de  suc  contenu  dans  les  latici- 
fères  (diamètre  :  12  à  15  centim.).  Tubes  d'abord  blancs, 
puis  d'un  jaune  pâle,  à  orifice  frangé.  Cette  espèce  est 
comestible,  surtout  lorsqu'elle  est  jeune  ;  plus  tard,  la 
chair  est  un  peu  acide.  Champignon  de  l'été  et  de  l'au- 
tomne, lignicole,  mais  poussant  de  préférence  sur  les 
Chênes,  les  Châtaigniers,  les  Hêtres,  solitaire  ou  en  touffe. 

FISZ  (Zénon-Léonard),  écrivain  polonais,  né  dans  le 
gouvernement  de  Mogilev  en  1820,  mort  en  1870.  Il  est 
connu  dans  la  littérature  polonaise  sous  le  pseudonyme  de 
Padalica.  Il  a  collaboré  à  un  grand  nombre  de  recueils 
polonais  et  fondé,  à  Pétersbourg,  en  1846,  le  recueil 
Gwiazda  (l'Etoile)  qui  réunit  des  collaborateurs  distingués. 
Il  devint  fou  vers  la  fin  de  sa  vie.  On  cite  parmi  ses  pu- 
blications :  Récits  et  Paysages  ("Vyilna,  1856,  2  vol.); 
Lettres  de  voyage  (Wilna,  1859,  3  vol.).  Ses  œuvres 
sont  particulièrement  intéressantes  pour  l'étude  de  la  vie 
polonaise  en  Ukraine.  L.  L. 

Bibl.  :  Estreicher,  Bibliogr.  polonaise  du  xix°  siècle. 

FITCH  (Ralph),  voyageur  anglais,  du  xvie  siècle.  Parti 
de  Londres  en  1583  avec  plusieurs  marchands,  il  atteignit 
Tripoli,  gagna  Alep,  puis  Bagdad,  Bassorah,  Goa  où  il  fut 
jeté  en  prison,  traversa  le  Dekkan,  et  arriva  à  la  cour  du 
Grand  Mogoi  àAgra  (1584).  Après  avoir  épousé  une  femme 
du  pays,  il  mena"  une  flottille  à  Prage  (Allahabad)  ;  de  là 
il  rayonna  dans  toute  l'Inde  et  fut  le  premier  Anglais  qui 
pénétra  en  Birmanie.  En  1587,  il  était  dans  les  Etats  de 
Siam;  en  1588,  il  arrivait  deMalacca;enl589,iise  trou- 
vait à  Cochin  sur  la  côte  de  Malabar.  En  1591,  il  était  de 
retour  en  Angleterre.  Il  fut  un  des  auxiliaires  les  plus 
précieux  de  la  Compagnie  des  Indes  à  ses  débuts.  Le  récit 
de  ses  voyages  a  été  publié  par  Hakiuyt,  t.  IL     R.  S. 

FITCH  (John),  ingénieur  américain,  né  à  Windsor  (Con- 
necticut)  en  1743,  mort  en  1798.  Il  fut  un  des  premiers 
à  appliquer  pratiquement  la  vapeur  à  la  navigation,  et 
revendiqua,  contre  Rumsey,  la  priorité  de  l'invention  du 
bateau  à  vapeur  dans  une  brochure  intitulée  The  Origi- 
nal Steamboat  supported  (Philadelphie,  1788).  Il  avait 
fait  sa  première  expérience  le  1er  mai  de  l'année  précé- 
dente sur  le  Delaware  avec  un  bateau  à  vapeur  appelé 
The  Persévérance.  On  a  encore  de  lui  :  An  Explanation 
for  Keeping  a  Ship's  Traverse  at  Sea  by  the  Colom- 
bian  Ready  Reckoner  (Londres,  1793).  Thompson  West- 
cott  a  écrit  la  vie  de  John  Fitch,  l'inventeur  du  «  Steam- 
boat »  (Philadelphie,  4  858).  B.-H.  G. 

FITCH BURG.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Massachu- 
setts, comté  de  Worcester,  centre  industriel  très  prospère, 
sur  la  rivière  Nashua,  tributaire  du  Merrimac.  Manufac- 
tures de  papier,  de  cotonnades,  de  machines,  d'outils  en 


fer,  de  pianos,  etc.;  11,260 hab.  en!870, 15,375  en  1885, 
22,000  en  1890. 

FITERO.  Ville  d'Espagne,  prov.  de  Navarre,  district  de 
Tudela,  sur  l'Alhama;  3,0i3  hab.  A4  kil.  S.-O.,  eaux 
minérales  chlorurées  calciques  d'une  température  de  47°  C. 
alimentant  deux  établissements  civils  et  un  établissement 
militaire.  A  11  kil.  S.,  eaux  minérales  sulfureuses  froides. 

Eaux  minérales.  —  Ces  eaux,  hyperthermaies,  chlo- 
rurées sodiques  moyennes,  ferrugineuses  faibles,  car- 
boniques faibles ,  s'emploient  intus  et  extra.  Prises  à 
l'intérieur  elles  sont  diurétiques,  légèrement  laxatives, 
très  sudorifiques  ;  les  bains  congestionnent  la  peau.  L'usage 
prolongé  peut  produire  de  la  fièvre  et  surtout  une  soif 
intense.  Les  eaux  de  Fitero  s'emploient  dans  les  affections 
du  tube  digestif  et  de  ses  annexes,  des  voies  urinaires 
(gravelle,  calculs),  de  l'utérus  (catarrhe,  troubles  de  la 
menstruation),  dans  les  flux  hémorrhoïdaires  excessifs, 
dans  la  goutte,  le  lymphatisme,  la  scrofule,  les  maladies 
chroniques  de  la  peau,  la  syphilis  constitutionnelle,  enfin 
dans  les  tumeurs  blanches,  les  fausses  ankyloses,  les  cica- 
trices vicieuses,  les  suites  de  fractures  et  les  luxations,  les 
caries  et  les  nécroses  osseuses,  etc.  Elles  sont  contre- 
indiquées  chez  les  personnes  sujettes  aux  congestions  et  aux 
hémorragies  actives,  chez  les  phtisiques  au  2e  et  au  3e  de- 
gré, les  scorbutiques,  en  général  chez  tous  les  cachec- 
tiques. Dr  L.  Un. 

FITGER  (Arthur),  poète  et  peintre  d'histoire  allemand, 
né  à  Delmenhorst  (duché  d'Oldenbourg)  en  1840.  Il  se 
rangea  d'abord  à  Munich  parmi  les  disciples  de  Cornélius. 
Mais,  après  un  voyage  à  Anvers,  où  il  fut  violemment 
frappé  par  les  œuvres  de  Rubens,  il  devint  un  coloriste 
hardi  et  violent.  Il  rechercha  les  sujets  pathétiques  et  fan- 
tastiques :  la  Légende  du  tombeau  du  Géant,  la  Fille 
du  roi  des  aulnes,  la  Course  des  sorcières,  le  Réveil 
de  Barber ousse,  les  Rêves,  une  frise  décorative  avec  des 
Enfants  au  milieu  des  produits  de  la  terre  et  de  la 
mer.  Comme  poète,  il  a  donné  un  recueil  de  légendes, 
d'idylles,  de  petites  œuvres  dramatiques,  sous  ce  titre  : 

tP%  Pfl (\<\(1'Y)t^ 

FITIGNIEU.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Belley, 
cant.  de  Champagne;  194  hab. 

FITILIEU.  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  La  Tour- 
du-Pin,  cant.  de  Pont-de-Beau  voisin  ;  1,260  hab. 

FITOU,  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Narbonne, 
cant.  de  Sigean  ;  1,252  hab. 

F1TTLER  (James),  graveur  anglais,  né  à  Londres  en 
1758,  mort  à  Londres  le  2  déc.  1835.  Elève  des  écoles  de 
l'Académie  royale,  dont  il  devint  associé  en  1800.  Il  exé- 
cuta nombre  de  paysages  et  de  vues  topographiques,  et 
quelques  portraits,  mais  il  se  fit  surtout  connaître  par  ses 
estampes  historiques,  représentant  des  combats  navals 
de  la  flotte  anglaise  en  1782, 1794, 1797  et  1803,  d'après 
Platon  et  Loutherbourg.  Son  burin,  puissant  et  lumineux, 
manque  toutefois  d'agrément.  G.  P-i. 

FITTONIA  (Paléont.  vég.).  Genre  de  Cycadacées  fossiles, 
créé  par  Carruthers  (Trans.  Linn.  Soc,  1870,  XXVI) 
pour  une  espèce  du  wealdien  de  l'île  de  Wight,  comprenant 
tout  un  groupe  de  tiges  douées  d'un  caractère  remarquable, 
l'accrescence,  non  seulement  du  coussinet  sur  lequel  se 
trouvait  implanté  le  pétiole  ou  l'écaillé  gemmaire,  comme 
dans  les  Cycadées  qui  nous  sont  connues,  mais  d'une  partie 
notable  de  la  base  même  des  pétioles  et  de  Fécaille  gem- 
maire presque  entière,  de  sorte  que  la  tuméfaction  plus  ou 
moins  rapide,,  sur  une  longueur  de  plusieurs  centimètres  de 
la  partie  accrescente,  provoquait  la  chute  par  voie  de  désar- 
ticulation de  la  partie  des  frondes  qui  demeurait  étran- 
gère à  ce  développement.  La  moelle  centrale  est  volumi- 
neuse ;  l'étui  formé  par  la  zone  ligneuse,  très  mince.  Les 
Fittonia  ont  commencé  à  se  montrer  vers  la  base  de 
l'oxfordien,  et  leur  existence  s'est  prolongée  dans  toute  la 
partie  supérieure  de  l'oolithe  jusque  dans  le  wealdien. 
j  Espèces  principales  :  F.  (Clathraria)  insignis  Sap.,  des 
carrières  de  calcaire   blanc  (oxfordien)  de  la  Vienne  ; 


FITTONIA  —  FITZALAN 


534  — 


F.  squamata  Carruth. ,  de  l'île  de  Wight  ;  F.  Rigauxi 
Sap.,  de  la  base  du  portlandien,près  de  Boulogne-sur-Mer; 
F.  (Clathî^aria,  Zamia)  Brongniartii  Sap.,  de  l'oxfor- 
dien  moyen  du  Calvados.  Dr  L.  Hn. 

FITTR 1.  Pays  du  Soudan  central,  entre  le  Baghirmià  l'O. , 
et  le  Ouadaï  à  l'E.  Il  tire  son  nom  du  lac  qui  en  occupe  la  par- 
tie centrale.  Il  est  connu  également  sous  le  nom  de  Boulala, 
qui  rappelle  le  puissant  empire  florissant  dans  ces  régions 
au  x\ie  siècle  et  dont  le  Fittri  actuel  est  un  débris.  Le 
Fittri  est  en  général  marécageux  et  malsain.  Deux  races 
l'occupent  :  les  Boulâtes  et  les  Koukas.  Les  habitants 
sont  répartis  dans  une  centaine  de  villages  dont  le  princi- 
pal est  Ya,  ou  Yaoua,  à  25  kil.  N.-E.  du  lac  Fittri.  Le  roi 
de  Fittri  est  vassal  du  sultan  du  Ouadaï. 

FITZALAN,  comtes  d'Arundel,  grande  famille  anglaise. 
—  /o/m  Ier  Fitzalan,  l'un  des  barons  confédérés  contre  le 
roi  Jean,  épousa  Isabelle,  sœur  et  l'une  des  quatre  cohéri- 
ritières  d'Hugues  d'Albini,  comte  d'Arundel.  —  Son  fils, 
John  II,  hérita,  en  1240,  de  grands  domaines  dans  le 
Shropshire,  où  les  Fitzalan  possédaient  Oswestry  depuis  le 
temps  de  Henri  Ier,  et  Clun  depuis  Henri  II.  En  4243,  il  y 
ajouta  le  quart  de  l'héritage  des  Albini,  y  compris  la  ville 
et  le  château  d'Arundel.  On  le  trouve  en  querelle  avec 
l'évêque  poitevin  d'Hereford  et  tantôt  uni  aux  barons, 
tantôt  à  la  tête  des  troupes  royales.  Il  s'attacha  finalement 
au  prince  de  Galles  et  fut  un  de  ceux  qui  demandèrent 
l'arbitrage  de  Louis  IX.  En  4264,  il  était  avec  les  roya- 
listes et  fut  fait  prisonnier  à  Lewes  ;  il  mourut  en  nov. 
4267.  —  A  John  III  (4246-4272)  succéda  Richard  Ier, 
né  le  3  févr.  4267,  le  premier  des  Fitzalan  qui  ait  porté 
fréquemment  dans  les  actes  le  titre  de  comte  d'Arundel. 
Il  fit  plusieurs  campagnes  en  Gascogne  et  en  Ecosse,  et 
mourut  le  9  mars  4302.  De  sa  femme  Alice,  fille  du 
marquis  de  Saluées,  en  Italie,  il  eut  deux  fils  dont  l'aîné, 
Edmond,  lui  succéda.  —  Edmond,  né  le  4er  mai  4285, 
épousa,  en  4306,  l'héritière  des  comtes  Warenne.  Battu 
le  2  déc.  4307  au  tournoi  de  Wallingford  par  Gaves- 
ton,  il  devint  l'ennemi  mortel  du  favori  ;  aucun  baron 
ne  se  montra  aussi  acharné  que  lui  contre  Edouard  II, 
jusqu'à  l'avènement  des  Despencer.  Mais  la  fille  d'Hugues 
Le  Despencer  le  Jeune  ayant  épousé  l'héritier  d'Arundel, 
celui-ci  changea  d'attitude.  Il  fut  l'un  des  juges  de  Thomas 
de  Lancastre  à  Pontefract  et  reçut  du  roi  une  partie  des 
dépouilles  des  Badlesmere  et  des  Mortimer.  Il  fut  fait 
(4325)  gardien  des  marches  galloises.  En  4326,  il  fut  le 
seul  seigneur  qui  resta  fidèle  à  Edouard  au  moment  de  l'in- 
vasion d'Isabelle  et  de  Mortimer.  Il  fut  pris  et  exécuté  sans 
forme  de  procès  pour  assouvir  la  haine  des  Mortimer  le 
7  nov.  4326. —  Son  fils,  Richard  II,  demeura  privé  de  son 
titre  et  de  ses  domaines  jusqu'en  4330,  date  de  la  chute 
de  Mortimer.  Dès  4338,  il  commanda  en  chef  une  expé- 
dition contre  l'Ecosse  ;  le  Parlement  de  janv.  4340  le  créa 
amiral  de  la  flotte  qui  combattit  à  Sluys.  Il  était  de  l'armée 
menée  en  Bretagne  par  Edouard  III  en  oct.  4342.  Après 
avoir  répudié  sa  femme  Isabelle  (Le  Despencer),  il  épousa 
Eléonore,  veuve  de  lord  Beaumont,  et  fille  de  Henri  de  Lan- 
castre. A  Crécy  (4346),  il  commandait  une  des  trois  divi- 
sions de  l'armée  anglaise  ;  il  était  au  siège  de  Calais.  Il 
négocia  avec  le  pape  d'Avignon  pendant  les  années  sui- 
vantes, mais  prit  part  cependant  à  la  bataille  navale  de 
Winchelsea  (4350).  Il  fut  l'un  des  régents  désignés  pen- 
dant l'absence  du  roi  en  4355,  puis  accepta  de  grandes 
missions  diplomatiques  en  Ecosse,  en  Luxembourg,  en 
France.  Son  dernier  exploit  militaire  fut  une  expédition 
au  secours  de  Thouars  en  4372.  Richard  II  était  fort 
riche,  ayant  ajouté  à  l'héritage  des  d'Arundel  celui  des 
Warenne  ;  Edouard  lui  devait  plus  de  20,000  livres  en 
4370.  Il  mourut  le  24  janv.  4376.  —  L'aîné  de  ses  trois 
fils  fut  Richard  III.  Amiral  dès  4377,  il  se  montra  d'abord 
peu  habile,  mais  il  se  joignit  de  bonne  heure  à  la  fraction 
la  plus  intransigeante  du  parti  des  barons  qui,  sous  la 
direction  de  Gloucester,  faisait  opposition  aux  volontés  du 
roi  Richard  IL  Le  24  mars  4387,  il  remporta,  devant 


Margate,  une  grande  bataille  navale  sur  une  flotte  fran- 
çaise, flamande  et  espagnole,  et  captura  cent  vaisseaux 
chargés  de  vin.  Cette  victoire  sauva  peut-être  l'Angleterre 
d'une  invasion  et  valut  à  Arundel  une  immense  popularité. 
Cependant  Je  roi,  ayant  réussi  à  faire  prononcer  l'illégalité 
de  la  commission  de  contrôle  qui  lui  avait  été  imposée  en 
4386,  essaya  de  faire  traîtreusement  arrêter  le  comte  Ri- 
chard à  Reigate  ;  le  coup  ne  réussit  pas  et  le  comte,  uni 
à  Gloucester  et  à  Warwick,  puis  à  Derby  et  à  Nottingham, 
prit  les  armes  ;  il  ne  proposait  déjà  rien  moins  que  l'im- 
médiate déposition  du  roi.  Après  quelques  années  de  trêve 
à  l'intérieur  et  à  l'extérieur,  l'inimitié  d'Arundel  et  de  Jean 
de  Gand  mit  le  feu  aux  poudres  (1393).  Le  roi  se  laissa 
aller  jusqu'à  frapper  Arundel  jusqu'au  sang  dans  West- 
minster Abbey.  L'orageux  Parlement  de  févr.  4397  était 
à  peine  dissous  que  Gloucester  et  Arundel  quittèrent  la 
cour,  accusant  l'impéritie  du  roi  de  la  perte  de  Brest  et  de 
Cherbourg.  Une  vaste  conspiration  fut  formée,  mais  dénoncée 
par  Nottingham.  Le  comte  Richard  fut  saisi,  jugé  par  les 
lords,  exécuté  à  Tower  flill.  Le  peuple  le  considéra  aus- 
sitôt comme  un  saint  et  fit  des  pèlerinages  sur  son  tom- 
beau. C'avait  été,  d'ailleurs,  un  personnage  pieux  et  libéral 
envers  les  églises.  De  sa  première  femme,  Elisabeth,  fille 
de  William  de  Bohun,  comte  de  Northampton,  il  avait  eu 
trois  fils.  Le  second,  Thomas,  lui  succéda.  —  Thomas  était 
né  le  43  oct.  4381  ;  il  n'avait  donc  que  seize  ans  quand 
son  père  fut  exécuté.  Privé  de  ses  titres  et  de  ses  domaines, 
il  fut  remis  aux  mains  brutales  de  John  Holland,  duc 
d'Exeter,  qui  lui  faisait  cirer  ses  bottes.  Il  réussit  enfin  à 
s'enfuir  et  se  réfugia  sur  le  continent.  Il  accompagnait  Henri 
de  Derby  (Henri  IV)  quand  celui-ci  débarqua  à  Ravenspur 
en  juil.  4399.  L'avènement  de  Henri  IV  lui  permit  d'exercer 
sa  vengeance  contre  Richard  II,  déposé,  et  les  membres  de 
la  famille  Holland,  dont  il  fit  exécuter  le  chef  sur-le-champ 
(4400).  Pendant  les  quatre  années  suivantes,  le  comte 
Thomas  fut  occupé  à  guerroyer  le  long  de  la  frontière  gal- 
loise contre  Owen  Glendower  (V.  ce  nom),  sans  grand  suc- 
cès. Mais  il  contribua  à  étouffer  la  révolte  de  4405,  dont  il  fit 
même  mourir  les  chefs,  l'archevêque  Scrope  et  Mowbray, 
contre  l'avis  de  l'archevêque  de  Canterbury,  Arundel,  son 
oncle,  le  premier  ministre  de  Henri  IV.  Le  26  nov.  4405, 
il  épousa  en  grande  pompe  Béatrix,  fille  bâtarde  de  Jean  Ier 
de  Portugal.  La  faveur  prépondérante  de  son  oncle  au- 
près de  Henri  IV  le  maintint  dans  l'ombre  pendant  la  plus 
grande  partie  du  règne  de  ce  prince  ;  mais  l'avènement 
de  Henri  V,  dont  le  premier  acte  fut  de  le  nommer  tréso- 
rier, connétable  de  Douvres  et  gardien  des  Cinque  Ports, 
semblait  lui  offrir  une  revanche.  Henri  V  l'emmena  dans 
sa  grande  expédition  de  France,  mais  il  n'alla  pas  plus  loin 
que  Honfleur.  Frappé  de  dysenterie,  il  revint  mourir  en 
Angleterre  le  43  oct.  4445.  Il  ne  laissait  pas  d'enfants  ;  ses 
domaines  furent  partagés  entre  ses  trois  sœurs,  tandis  que 
le  château  et  la  seigneurie  d'Arundel  passèrent  à  John 
(4387-4421).  —  John,  lord  Maltravers,  était  le  petit- 
fils  de  John,  maréchal  d'Angleterre,  mort  en  mer  en  4379, 
qui  était  lui-même  frère  de  Richard  III  Fitzalan  (V.  ci-des- 
sus). Ce  John,  lord  Maltravers,  hérita  de  la  seigneurie 
d'Arundel,  dans  la  succession  du  comte  Thomas,  mais  le 
titre  de  comte  d'Arundel  lui  fut  disputé  dès  4446  par  le 
duc  de  Norfolk,  mari  de  la  sœur  aînée  de  Thomas.  A  sa 
mort  (4424)  la  question  entre  Norfork  et  lui  n'était  pas  en- 
core tranchée.  —  Ce  ne  fut  qu'en  4433  que  les  droits  de 
John  Fitzalan-Maltravers,  fils  du  précédent,  au  titre  de 
comte  d'Arundel,  furent  pleinement  reconnus.  Ce  John  fut 
un  des  meilleurs  soldats  de  Henri  VI  pendant  la  grande 
guerre  de  France  :  il  se  distingua  au  siège  de  Compiègne 
en  4430,  prit  Xaintrailles  en  4434,  et  fut  remarqué  par  les 
dames,  d'après  Monstrelet,  au  tournoi  qui  suivit  le  couron- 
nement de  Henri  VI  à  Paris.  Capitaine  du  château  de  Rouen 
en  4432,  lieutenant  du  roi  dans  les  marches  de  Normandie, 
il  se  rendit  particulièrement  odieux  aux  Français  par  ses 
cruautés  et  ses  succès.  Battu  et  blessé  au  siège  de  Ger- 
beroy  en  mai  4435,  il  se  laissa  mourir  volontairement 


535  — 


FITZALAN  —  FITZGERALD 


(12  juin).  Sa  carrière  avait  été  celle  d'un  chef  cle  partisans, 
non  celle  d'un  général.  La  maison  Arundel,  appauvrie,  ne 
comptait  plus,  depuis  la  mort  du  comte  Thomas,  parmi  les 
premières  du  royaume.  —  Les  successeurs  de  John  furent 
obscurs  :  son  fils  ïlumphreij  (-1429-4 438);  son  oncle 
William  (1417-1487);  Thomas  II,m.s  du  précédent  (1450- 
1524);  un  autre  William,  fils  de  Thomas  (1483-1544). 
—  Henri,  fils  de  William  II  et  de  lady  Anne  Percy, 
douzième  comte  d'Arundel,  naquit  vers  1511.  Filleul 
de  Henri  VIII,  qui  lui  donna  son  nom,  attaché  à  sa 
personne,  il  fut  nommé,  en  1540,  gouverneur  de  Calais. 
La  prise  de  Boulogne  (sept.  1544)  lui  valut  le  titre  de 
chambellan.  Henri  VIII  le  coucha  pour  200  1.  st.  sur  son 
testament.  Sous  Edouard  VI,  Arundel  se  joignit  au  parti 
hostile  au  protecteur  Somerset  ;  mais  Warwick  ne  tarda 
pas  à  devenir  jaloux  de  son  influence  sur  le  jeune  roi,  et, 
sous  de  futiles  prétextes,  obtint  sa  destitution.  L'ex-cham- 
bellan  favori  de  Henri  VILI  fut  accusé,  sans  preuves,  d'indé- 
licatesses, confiné  dans  sa  maison  et  condamné  à  restituer 
au  trésor  12,000  1.  st.  Ces  procédés  le  poussèrent  à  re- 
nouer avec  son  vieil  ennemi  Somerset,  persécuté  comme 
lui  par  Warwick,  mais  il  ne  put  que  partager  sa  mauvaise 
fortune.  Le  8  nov.  1552,  il  fut  mené  à  la  Tour  comme 
complice  de  Somerset  ;  il  y  resta  un  an  et  n'en  sortit  que 
moyennant  le  payement  d'une  forte  somme  et  une  confes- 
sion écrite  qu'il  renia  du  reste  plus  tard.  La  mort 
d'Edouard  VI  lui  permit  de  se  venger.  Il  feignit  d'embrasser 
la  cause  de  lady  Jane  Grey,  et  trahit  Northumberland  pour 
Marie  Tudor,  à  laquelle  il  livra  Londres.  Il  sut  conserver 
pendant  tout  le  règne  de  Marie  la  faveur  royale,  non  sans 
ménager,  en  courtisan  prévoyant,  la  princesse  Elisabeth, 
héritière  possible.  Elisabeth,  reine  depuis  1558,  le  main- 
tint, en  effet,  dans  toutes  ses  charges  :  Arundel  exerça  les 
fonctions  d'high  constable,  qu'il  avait  déjà  exercées  à  l'avè- 
nement d'Edouard  VI  et  à  celui  de  Marie,  le  jour  du  cou- 
ronnement d'Elisabeth.  La  reine  allait  chez  lui,  en  Surrey, 
acceptait  ses  cadeaux  ;  comme  il  était  veuf,  on  le  comptait 
au  nombre  des  prétendants,  et  ce  fut  l'occasion  d'une  vive 
algarade  entre  lui  et  Leicester,  en  1561.  Mais,  en  1562, 
pendant  une  grave  maladie  d'Elisabeth,  il  tint  dans  sa  mai- 
son une  réunion  pour  envisager  l'hypothèse  d'une  vacance  de 
la  couronne  ;  la  reine,  rétablie,  le  lui  reprocha  ;  il  donna  sa 
démission  de  lord  steward  en  1564,  et  partit  pour  voyager 
sur  le  continent.  Il  revint  en  1567  et  fut  reçu  à  Canter- 
bury  et  à  Londres  avec  magnificence  ;  une  légende,  depuis 
longtemps  ruinée,  veut  qu'il  ait  rapporté  à  la  reine  de  son 
voyage  le  premier  carrosse  et  la  première  paire  de  bas  de 
soie  qu'on  eût  vues  en  Angleterre.  Il  était  alors  con- 
sidéré comme  l'un  des  chefs  du  parti  aristocratique  et 
catholique  ;  il  était  opposé  aux  mauvais  traitements  infligés 
à  Marie  Stuart  ;  il  approuvait  le  plan  de  mariage  entre 
cette  reine  et  Norfolk,  qui  aurait  eu  pour  conséquence  une 
rébellion  et  la  déposition  d'Elisabeth.  Ce  projet,  découvert 
en  1569,  entraîna  l'arrestation  de  Norfolk  et  l'insurrection 
des  comtés  du  Nord,  si  vite  comprimée.  Arundel  fut  in- 
terné dans  un  de  ses  châteaux.  Il  resta  dès  lors  dans  une 
captivité  plus  ou  moins  stricte  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le 
24  févr.  1580.  Il  avait  été  marié  deux  fois  ;  de  sa  pre- 
mière femme,  la  seule  dont  il  ait  eu  des  enfants,  Catherine 
Grey,  fille  de  Thomas,  marquis  de  Dorset,  il  n'eut  qu'un 
fils,  Henry,  lord  Maltravers,  qui  mourut  en  1556,  et  deux 
filles  :  Jane,  qui  épousa,  en  mars  1552,  John,  lordLumley, 
et  mourut  sans  enfants,  et  Mary,  qui,  femme  de  Thomas 
Howard,  duc  de  Norfolk,  de  1552  à  1554,  fut  mère  de 
Philip  Howard,  lequel  hérita  des  domaines  de  Fitzaian,  à 
la  mort  du  comte  Henri.  Le  comte  Henri  fut  ainsi  le  der- 
nier des  comtes  d'Arundel.  On  a  de  lui  un  superbe  portrait 
par  Hans  Hoîbein,  qui  est  conservé  aujourd'hui  dans  la 
collection  du  marquis  de  Bath.  Ch.-V.  L. 

FITZCLÂRENCE  (Lords).  I.  Lord  Adolphus  FUzda- 
rence,  né  en  1806,  mort  le  17  mai  1856,  était  un  bâtard 
du  duc  de  Clarence,  plus  tard  roi  d'Angleterre  sous  le  nom 
de  Guillaume  IV,  et  de  Mrs.  Jordan.  Il  entra  dans  la  marine 


en  1814  et  fut  nommé  lieutenant  en  avr.  1821.  De  1830  à 
1 853,  il  commanda  le  yacht  royal.  Il  est  mort  contre-amiral. 
IL  Lord  George-Augusl-FredericFilzclarence,  premier 
comte  de  Munster,  frère  aîné  du  précédent,  né  en  1794, 
mort  le  20  mars  1842.  Cornette  do  hussards  à  quatorze 
ans,  il  fit  en  Espagne  plusieurs  campagnes  de  1807  à  1814  ; 
il  fut  blessé  deux  fois,  à  Fuentes  d'Onoro  et  à  Toulouse. 
Transféré  dans  un  régiment  de  dragons  du  service  de 
l'Inde,  il  fut  attaché  comme  aide  de  camp  du  marquis  de 
Hastings,  et  fit  les  campagnes  de  1816-17  contre  lesMah- 
rattes.  C'est  lui  qui  fut  chargé  d'apporter  à  Londres  le 
traité  de  paix  conclu  avec  Scindiah  ;  il  a  raconté  son  voyage 
(Journal  of  a  route  across  îndia  and  through  Egyptto 
England  in  18J7-18  ;  Londres,  1819,  in-4).  Il  était  lieu- 
tenant-colonel en  disponibilité  quand  il  fut  élevé  à  la  pairie 
en  mai  4830,  sous  le  nom  de  comte  de  Munster.  Quand  il 
se  suicida,  pour  des  raisons  inconnues,  il  était  major 
général  et  président  de  la  Royal  Asiatic  Society.  Il  s'était 
beaucoup  intéressé  aux  débuts  de  cette  société,  et,  aidé 
de  son  secrétaire,  l'orientaliste  allemand  Aloys  Sprenger, 
il  avait  recueilli  les  matériaux  d'une  grande  Histoire  de 
fart  de  la  guerre  chez  les  Orientaux.        Ch.-V.  L. 

FITZGEFFREY  (Charles),  versificateur  anglais,  né  vers 
4575,  mort  le  24  févr.  1638.  Il  prit  ses  grades  à  Oxford, 
et  publia  clans  cette  ville,  en  1596,  un  poème  panégyrique 
sur  la  mort  de  sir  Francis  Drake,  dédié  à  la  reine  Eli- 
sabeth. Il  publia,  en  1603,  un  volume  d'épigrammes  et 
d'épitaphes  latines  :  Caroli  Fitzgeofridi  Affaniœ  (in-8). 
Son  ami,  sir  Anthony  Rous,  le  présenta  au  bénéfice  de 
Saint-Dominic  (Eastwellshire),  où  il  mourut.  Il  a  laissé  des 
sermons  et  des  poèmes  dévots. 

FITZGEFFREY  (Henry),  écrivain  anglais  de  la  fin  du 
xvie  siècle.  On  ne  sait  rien  sur  sa  vie.  Il  a  laissé  des  sa- 
tires et  des  épigrammes  publiées  dans  Certain  Elégies 
with  satyres  and  Epigrames  (1617,  in-8  ;  59  éd.,  1848). 

FITZGERALD  (Lady  Elizabeth),  surnommée  la  Belle 
Géraldine,  née  au  château  de  Maynooth  vers  1528,  morte 
en  mars  1589.  Fille  du  neuvième  comte  de  Kildare  et  de 
lady  Grey,  elle  entra  dans  la  maison  de  la  princesse  Marie 
à  Hunsdon  en  1538,  puis  devint  en  1540  demoiselle  d'hon- 
neur de  Catherine  Howard.  A  peine  âgée  de  quinze  ans, 
elle  épousa  un  vieillard  de  soixante  ans,  sir  Anthony  Browne, 
qu'elle  perdit  en  1548  ;  elle  se  remaria  vers  1 552  à  Edward 
Fiennes  de  Clinton,  comte  de  Lincoln.  La  belle  Géraldine 
est  célèbre  par  l'amour  qu'elle  inspira  au  comte  de  Surrey 
qui  chanta  sa  peine  et  l'incomparable  beauté  de  sa  plato- 
nique maîtresse  dans  une  série  de  chants  et  de  sonnets 
agréables.  Cette  chevaleresque  passion  a  inspiré  la  Lady 
Géraldine  to  the  earl  of  Surrey  de  Drayton  (Heroical 
Epislle,  1578)  et  un  épisode  du  Lay  of  the  last  mins- 
trel  de  Walter  Scott.  On  a  un  remarquable  portrait  de  lady 
Fitzgerald  par  C.  Ketel.  R.  S. 

FITZGERALD  (Gerald),  hébraïsant  et  poète  irlandais, 
professseur  de  langue  hébraïque  à  l'université  de  Dublin. 
On  a  de  lui  :  The  Académie  Sportsman,  poème  (Londres, 
1773)  ;  Originality  and  Permanence  of  the  Biblical 
Hebreiu  (Dublin,  1796)  ;  A  Hehrew  Grammar  for  the  use 
of  the  University  of  Dublin  (4799),  et  un  vol.  de  poésies. 

FITZGERALD  (Edward),  littérateur  anglais,  né  à 
Bredfield  (Suffolk)  en  1809,  mort  en  1883.  A  sa  sortie  de 
l'université  de  Cambridge  où  il  eut  pour  condisciples  James 
Spedding,  Thackeray  et  Tennyson,  il  se  voua,  grâce  aux 
loisirs  que  lui  permettait  sa  fortune,  à  l'étude  des  clas- 
siques espagnols,  entre  autres  Calderon  et  Cervantes,  dont 
il  donna  d'excellentes  traductions.  Indifférent  à  la  renom- 
mée et  ennemi  de  toute  réclame,  il  n'écrivait  que  pour  sa 
propre  satisfaction  et  celle  d'un  petit  nombre  d'amis.  Six 
Bramas  of  Calderon  publiés  en  1853  et  retirés  aussitôt 
de  la  circulation,  à  la  suite  d'un  article  malveillant,  furent 
les  seules  de  ses  nombreuses  et  remarquables  traductions  de 
l'espagnol,  du  grec  et  du  persan,  qui  portent  son  nom.  Aussi 
serait-il  absolument  ignoré  sans  son  fameux  ouvrage,  les 
Quatrains  d'Omar  Rhayyam,  qui,  par  la  perfection  de  la 


FITZGERALD  —  FITZHERBERT 


536 


forme  et  l'exactitude  de  l'interprétation,  est  mis  au  rang 
des  classiques  anglais.  Hector  France. 

FITZGERALD  (George- Fraser),  physicien  anglais,  né  à 
Dublin  le  3  août  -1851.  Il  est  professeur  à  l'université  de 
Dublin  et  membre  de  la  Société  royale  de  Londres.  On  lui 
doit  différents  travaux  et  plusieurs  ouvrages  sur  l'électro- 
magnétisme. 

FITZGERALD  (Percy-Hethrington),  littérateur  irlandais, 
né  à  Fane  Valley  (comté  de  Louth)  en  4834.  Inscrit  au 
barreau  irlandais,  il  fut  nommé  procureur  de  la  couronne 
pour  le  circuit  N.-E.  Il  a  écrit  des  romans  agréables,  d'abord 
publiés  dans  AU  the  Year  Round  et  dans  Once  a  Week, 
des  biographies  historiques  et  littéraires,  et  des  pièces  de 
théâtre  jouées  sur  les  scènes  de  Londres.  Nous  citerons  : 
\°  parmi  les  nouvelles  :  Never  Forgotten,  Bella  Donna, 
Bear  Girl, Diana  Gay,  The  Lady  of Brantôme,  The  Night 
Mail  ;  2°  parmi  les  biographies  :  Life  of  William  IV 
(2  vol.),  Life  of  George  IV  (2  vol.),  Life  of  Sterne 
(2  vol.),  Life  of  Garrick  (2  vol.)  ;  Life  and  adventures 
of  Alex.  Dumas  (2  vol.)  ;  3°  parmi  les  études  littéraires  : 
Principles  of  Comedy,  The  Romance  of  the  English 
Stage ,  The  World  hehind  the  scènes ,  A  New  History 
of  the  English  Stage  (1882,  2  vol.).  R.  S. 

F1TZGIBBON  (John),  comte  de  Clare  (V.  ce  nom). 
FITZG1BBON  (Gerald) ,  écrivain  anglais,  né  à  Glin 
(comté  de  Limerick)  le  1er  janv.  1793,  mort  en  sept. 
1882.  Commis  dans  une  maison  de  commerce  de  Dublin, 
il  profita  de  ses  loisirs  pour  pousser  très  loin  son  instruc- 
tion, se  fit  inscrire  au  barreau  irlandais  en  1830  et  obtint 
de  grands  succès  en  plaidant  les  affaires  commerciales.  En 
1860,  il  fut  nommé  maître  à  la  chancellerie.  Il  a  écrit  : 
Ireland  in  1S68  (1868,  in-8),  ouvrage  remarquable 
dans  lequel  il  a  traité  avec  beaucoup  de  talent  les  questions 
-  à  l'ordre  du  jour  à  cette  époque  :  éducation,  religion,  pro- 
priété, etc.  ;  The  Land  difficulty  of  Ireland  with  an 
effort  te  solve  it  (1869,  in-8);  Roman  Catholic  priests 
and  national  schools  (1871,  in-8);  ABanded  Ministry 
and  the  upas  tree  (1873,  in-8),  etc.  R.  S. 

FITZG1BB0N  (Edward),  littérateur  anglais,  né  à  Lime- 
rick en  1803,  mort  à  Londres  le  19  nov.  1857.  Il  fit 
quelques  études  médicales,  puis,  humaniste  distingué,  fut 
pendant  trois  ans  précepteur.  Venu  en  France  vers  1824, 
il  s'établit  à  Marseille  où  il  était  fort  répandu  dans  les 
cercles  littéraires  et  politiques.  Compromis  dans  la  révo- 
lution de  1830,  il  revint  en  Angleterre.  Collaborateur  par- 
lementaire du  Morning  Chronicle,  il  publia  dans  la  Life 
in  London  de  Bell  des  articles  de  pêche,  son  sport  favori, 
remarquables  par  les  agréments  du  style,  écrivit  dans 
d'autres  journaux,  notamment  The  Observer,  et  rédigea  une 
fort,  curieuse  publication  intitulée  Lucid  Intervais  ofa  lu- 
natic.  Il  a  écrit  en  outre  :  Handbook  ofangling  (1847), 
A  True  Treatise  of  the  art  of  fly-flshing  (1838)  en  col- 
laboration avecShipley,  The  Bookofthe  Salmon  (1850) 
en  collaboration  avec  Young.  Il  se  servit  généralement  du 
pseudonyme  à'Ephemera.  Esprit  brillant,  écrivain  de  ta- 
lent, Fitzgibbon  était  malheureusement  en  proie  à  de  véri- 
tables crises  d'alcoolisme  qui  finirent  par  l'enlever. 
FITZHARDINGE  (V.  Berkeley). 
FITZHARRIS  (Edward),  conspirateur  anglais,  né  en 
Irlande  vers  1648,  mort  le  1er  juil.  1681.  D'un  caractère 
aventureux,  il  vint  en  1668  à  Prague  pour  s'engager  au 
service  de  l'empereur  Léopold  Ier  dans  la  guerre  contre  la 
Hongrie.  Cette  guerre  n'ayant  pas  eu  lieu,  il  revint  en  An- 
gleterre en  traversant  les  Flandres.  Il  se  fit  alors  nommer 
capitaine  d'une  des  compagnies  levées  pour  Louis  XIV  en 
Irlande,  mais  il  fut  privé  de  son  commandement  peu  après 
son  arrivée  en  France.  En  févr.  1673,  il  devint  lieutenant 
dans  le  régiment  du  duc  d'Albemarle  et  perdit  encore  cet 
emploi  après  l'adoption  du  Test  Act.  Il  s'occupa  alors  fort 
activement  d'intrigues  catholiques  et  fut  un  des  agents  les 
plus  remuants  de  la  duchesse  de  Portsmouth.  Il  écrivit  en 
1681  un  pamphlet:  The  TrueEnglishman  speaking  plain 
english  dans  lequel  il  réclamait  la  déposition  du  roi  et 


l'expulsion  du  duc  d'York.  Il  fut  aussitôt  emprisonné  à 
Newgate,  puis  à  la  Tour.  Jugé  par  la  cour  du  banc  du  roi 
et  condamné  à  mort,  il  fut  exécuté.  On  lui  avait  fait  écrire, 
en  lui  promettant  sa  grâce,  une  confession  dans  laquelle  il 
compromettait  plusieurs  ennemis  de  la  cour.  En  1689;  sir 
John  Hawles,  solicitor  gênerai  de  Guillaume  III,  a  publié  : 
Some  Remarks  on  Fitzharris's  trial  où  il  flétrit  la  con- 
damnation de  Fitzharris  comme  odieuse  et  illégale. 

FITZHERBERT  (Sir  Anthony), jurisconsulte  anglais, né 
en  1470,  mort  le  27  mai  1538.  Il  fut  nommé  serjeant- 
at-law  le  18  nov.  1510  et  juge  de  la  cour  des  Plaids 
communs  en  1522.  Le  1er  juin  1533,  il  assista  au  couron- 
nement d'Anne  Boleyn  et  siégea,  en  1535,  parmi  les  juges 
des  chartreux  poursuivis  pour  avoir  mal  parlé  du  second 
mariage  du  roi.  Il  siégea  aussi  dans  le  tribunal  qui  con- 
damna Fisher  et  More.  Il  fut  enterré  dans  sa  paroisse 
patrimoniale  de  Norbury  (Derbyshire),  qui  appartient  en- 
core à  ses  descendants  et  qui  appartenait  à  ses  ancêtres 
depuis  i  125.  —  Fitzherbert  passe  pour  un  profond  légiste, 
mais  c'est  surtout  un  compilateur.  Son  principal  ouvrage, 
The  Graunde  Ahridgement  (1514),  est  un  digeste  des 
anciens  «  Year  Books  »,  disposés  par  ordre  alphabétique.  Il 
a  été  très  souvent  imité,  réédité  et  continué.  On  attribue 
encore  à  Fitzherbert  un  traité  d'agriculture  bien  connu, 
The  Boke  ofllusbandrye  (Londres,  1523,  lre  éd.,  in-8), 
manuel  pratique  à  l'usage  des  cultivateurs,  qui  a  joui  d'une 
immense  popularité  et  qui  a  supplanté  entièrement  l'ou- 
vrage analogue  de  Walter  de  Henley  (xme  siècle).  — -  Fitz- 
herbert a  laissé,  en  outre,  divers  traités  ou  formulaires  de 
procédure  :  The Novelle Natura Brevium  (1534) ;  The  Office 
and  Auctoritie  de  Justices  de  Peace  (1583)  ;  The  Office 
of  Vicontsy  Bailiffes,  Escheators,  Constables,  Coroners 
(1538),  etc.,  qui  tous  ont  passé  par  de  nombreuses  édi- 
tions jusqu'au  xvme  siècle.  Ch.-V.  L. 

FITZHERBERT  (Thomas),  jésuite  anglais,  né  en  1552, 
mort  le  7  août  1640.  Fils  aîné  de  William  Fitzherbert,  de 
Swynnerton  (Staffordshire),  et  petit-fils  de  sir  Anthony 
Fitzherbert  (V.  ci-dessus),  il  fut  élevé  à  Oxford  et  s'affirma 
de  bonne  heure  comme  un  zélé  catholique.  Il  se  réfugia 
en  France  en  1582,  puis  en  Espagne,  où  il  entra  au  service 
du  duc  de  Feria,  qui  lui  fit  attribuer  ime  pension  par  le 
roi.  Il  organisa,  en  1598,  un  complot  avec  le  P.  Richard 
Walpole,  pour  empoisonner  Elisabeth.  Veuf,  il  fut  ordonné 
prêtre  à  Rome  le  24  mars  1602,  et,  durant  douze  ans, 
demeura  à  Rome  comme  agent  du  clergé  anglais.  En  1613, 
il  entra  dans  l'ordre  des  jésuites,  et,  de  1616  à  1618, 
dirigea  la  maison  des  jésuites  anglais  de  Bruxelles.  De 
1618  à  1639,  il  exerça  les  fonctions  de  recteur  du  collège 
anglais,  à  Rome.  Il  a  laissé  quelques  pamphlets  théolo- 
giques et  des  écrits  de  circonstance.  Ch.-V.  L. 

FITZHERBERT  (Alleyne),  baron  de  Sainte-Hélène,  né 
en  1753,  mort  à  Londres  le  19  févr.  1839.  Elève  d'Eton, 
il  acheva  ses  études  à  Cambridge  où  il  obtint  de  grands 
succès  scolaires.  Ministre  à  Bruxelles  en  1777,  il  fut  en- 
voyé en  1782  comme  plénipotentiaire  à  Paris  pour  négocier 
la  paix  entre  la  France,  l'Espagne  et  les  Etats  généraux  des 
Provinces-Unies  d'Amérique.  Ayant  mené  avec  succès  cette 
négociation,  il  fut  nommé  en  1783  envoyé  extraordinaire  près 
Catherine  de  Russie  qu'il  accompagna  en  Crimée  en  1787. 
Revenu  en  Angleterre,  il  occupa  le  poste  de  premier  secré- 
taire du  vice-roi  d'Irlande,  marquis  de  Buckingham,  et 
entra  au  conseil  privé .  En  1789,  il  fut  envoyé  extraordi- 
naire à  La  Haye,  et,  en  1791,  ambassadeur  extraordinaire 
à  Madrid.  En  1793,  il  conclut  un  traité  d'alliance  entre  la 
Grande-Bretagne  et  l'Espagne,  fut  promu,  le  25  mars  1794, 
ambassadeur  à  La  Haye.  Il  reçut,  en  1801,  la  mission  de 
féliciter  l'empereur  Alexandre  de  Russie  de  son  avènement 
au  trône,  assista  à  son  couronnement  à  Moscou  et  conclut 
un  traité  entre  l'Angleterre  et  la  Russie,  une  convention 
avec  le  Danemark,  une  autre  avec  la  Suède  en  1802.  Fa- 
vori de  George  III,  il  fut  créé  gentilhomme  de  la  chambre 
en  1804.  Il  avait  été  récompensé  de  ses  services  diploma- 
tiques par  le  titre  de  baron  de  Sainte-Héiène  (1791). 


537 


FITZHERBERT  -  FITZ-JAMES 


FITZHERBERT  (Maria-Anne),  néele  26  juil.4756,  morte 
à  Brightonle  29  mars  1837.  Fille  de  Walter  Smythe,esq., 
de  Brambridge  (Hampshire),  elle  épousa,  en  4775,  un  gen- 
tilhomme du  Dorsetshire,  qui  la  laissa  veuve  dans  l'année. 
Elle  se  remaria  en  1 778  avec  Thomas  Fitzherbert  of  Swynner- 
ton  (Staffordshire)  qui  mourut  en  4784.  Mrs.  Fitzherbert, 
qui  possédait  un  revenu  de  50,000  fr.  environ,  s'établit  à 
Richmond.  C'est  là  qu'elle  vit  pour  la  première  fois  le 
prince  de  Galles,  fils  de  George  III,  né  en  4762.  Il  tomba 
amoureux  d'elle.  Elle  l'épousa  le  23  déc.  4785  dans  son 
propre  salon,  devant  un  clergyman  anglican  et  en  pré- 
sence de  son  frère  et  de  son  oncle.  Mais  ce  mariage  ne 
pouvait  être  validé  :  en  effet,  tout  mariage  contracté  avant 
vingt-cinq  ans  par  un  membre  de  la  famille  royale  sans  le 
consentement  du  roi  était  déclaré  nul  par  YAct  de  4772  ; 
et  par  l'Act  of  Seulement,  l'héritier  du  trône  qui  épou- 
serait une  catholique  perdrait  ses  droits.  Mrs.  Fitzherbert 
et  le  prince  de  Galles  jouèrent-ils  donc,  le  24  déc.  4783, 
une  comédie  qu'ils  savaient  eux-mêmes  illusoire  ?  On  l'a 
dit.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  deux  amoureux  vécurent  tran- 
quilles jusqu'à  l'arrivée  de  la  princesse  Caroline  de  Bruns- 
wick (V.  ce  nom).  Après  le  mariage  du  prince  avec  Caro- 
line de  Brunswick  (8  avr.  4795),  Mrs.  Fitzherbert  cessa 
quelque  temps  de  vivre  avec  lui  ;  mais  son  confesseur  (elle 
était  catholique)  lui  conseilla  de  reprendre  la  vie  commune; 
elle  la  reprit,  et  elle  donna  même  un  grand  dîner  pour  célé- 
brer cet  événement.  Elle  ne  se  sépara  de  lui  qu'en  4803 
(alors  qu'il  fut  bien  avéré  que  le  futur  George  IV  était  passé 
à  des  objets  nouveaux),  à  la  suite  d'un  dîner  à  Carlton  ïïouse, 
où  elle  avait  été  placée  à  un  rang  qu'elle  ne  jugea  pas  conve- 
nable. Elle  se  retira  avec  une  rente  annuelle  de  450,000  fr. 
Elle  survécut  sept  ans  à  George  IV.  Il  est  remarquable  que, 
malgré  sa  situation  équivoque,  elle  n'ait  jamais  cessé  de 
voir  la  meilleure  société  et  d'en  recevoir  des  respects.  Les 
membres  de  la  famille  royale  eux-mêmes  la  traitèrent  tou- 
jours avec  une  parfaite  courtoisie.  —  M.  Ch.  Langdale  a 
publié  en  4856,  à  Londres,  une  Life  ofMrs.  Fitzherbert 
apologétique,  en  réponse  aux  insinuations  injurieuses  lancées 
en  4  854,  par  lord  Holland,  dans  ses  Memoirs  ofthe  Whig 
Party.  Ch.-V.  L. 

FITZ-JAMES.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  etcant.  de 
Clermont,  sur  la  Brèche;  4,272  hab.  Ce  lieu,  connu  autre- 
fois sous  le  nom  de  Warty,  était  une  seigneurie  ancienne 
et  considérable.  Pierre  de  Warty,  gouverneur  et  bailli  du 
comté  de  Clermont,  fut  en  grand  crédit  auprès  de  Fran- 
çois Ier  qui  le  nomma  grand  maître  des  eaux  et  forêts  de 
France.  Son  fils  aîné  fut  aussi  gouverneur  de  Clermont  ; 
il  avait  épousé  Madeleine  de  La  Suze  à  laquelle  le  poète  Jacques 
Grévin  dédia  sa  description  du  Beauvoisis.  Leur  fils,  Phi- 
lippe, fut  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi.  Tous  ces 
Warty  furent  des  calvinistes  ardents  qui  prirent  une  part 
active  aux  guerres  de  religion.  La  terre  fut  acquise  en 
4704  par  Jacques  Fitz-James,  duc  de  Berwick.  Elle  avait 
alors  le  titre  de  comté  et  fut  érigée  en  duché-pairie  sous  le 
nom  de  Fitz-James  en#mai  4740.  Les  ducs  de  Fitz-James 
jouèrent  un  rôle  considérable  au  xvine  siècle.  Le  château 
actuel,  qui  a  remplacé  l'ancien  manoir  seigneurial  qui  se 
trouvait  dans  la  vallée,  est  une  grande  et  belle  construction 
du  premier  quart  de  ce  siècle.  Il  y  avait  à  Fitz-James  un 
prieuré.  L'église  est  en  grande  partie  romane,  de  la  pé- 
riode de  transition.  Elle  possède  quelques  vitraux  du 
xvie  siècle.  Maison  d'aliénés;  blanchisserie  ;  scierie  méca- 
nique, etc.  C.  St-A. 

FITZ-JAMES  (Jacques)  (V.  Berwick  [Duc  de]). 

FITZ-JAMES  (François,  duc  de),  prélat,  théologien, né 
à  Saint-Germain-en-Laye  le  9  janv.  4709,  mort  à  Sois- 
sons  le  49  juil.  4764.  Troisième  fils  du  maréchal  duc 
de  Berwick  et  de  Fitz-James,  il  succéda  à  ce  dernier 
titre  après  la  mort  de  son  frère  aîné,  décédé  sans  en- 
fants le  43  oct.  4724  ;  il  fut  aussi  gouverneur  du  Limou- 
sin. Mais  il  embrassa  l'état  ecclésiastique  en  4727  et 
renonça  à  ses  dignités,  sauf  au  titre  de  duc.  Ordonné 
prêtre  en  4733,  il  passa  la  même  année  son  doctorat  en 


théologie  et  fut  nommé  grand  vicaire  à  Lyon.  Il  eut  en 
4728  l'abbaye  de  Saint-Victor  de  Paris  et  en  4738  celle 
de  Bocherville.  En  1736,  il  se  démit  du  duché  patrimonial 
tout  en  conservant  les  honneurs  de  la  pairie.  Il  fut  enfin 
nommé  évêque  de  Soissons  en  4739  et  premier  aumônier 
du  roi  en  4742.  C'est  en  cette  dernière  qualité  qu'il  dé- 
cida, en  4744,  Louis  XV,  malade  à  Metz,  à  renvoyer  Mme  de 
Châteauroux,  ce  qui  lui  valut  peu  après  d'être  exilé  dans 
son  diocèse  où  il  mourut.  Il  laissa  la  réputation  d'un 
homme  de  bien  et  d'un  excellent  évêque.  On  a  de  lui  : 
Instruct.  pastorale  contre  le  livre  du  P.  Berruyer , 
Rituel  à  T usage  de  Soissons  (3  vol.  in-42).  On  a  publié 
ses  Œuvres  posthumes  en  4769  en  3  vol.  in-42.  En  tête 
du  premier  volume  se  trouve  sa  biographie.  C.  St-A. 

FITZ-JAMES  (Charles,  duc  de),  pair  et  maréchal  de 
France,  cinquième  fils  du  maréchal  de  Berwick,  né  le  4  nov. 
4742, mort  à  Paris  le  22  mars  4787.  Mousquetaire  en  4730, 
capitaine  au  régiment  de  cavalerie  deMontrevel  le  31  mars 
4732,  il  fut  nommé  le  16  mars  4733  colonel-propriétaire 
d'un  régiment  de  cavalerie  irlandaise  formé  sous  son  nom. 
La  même  année  il  conduisit  ce  régiment  au  siège  de  Kehl,  et 
en  4734  au  siège  de  Philipsbourg  où  son  père  fut  tué  sous 
ses  yeux.  En  4735,  il  continua  à  prendre  part  aux  opéra- 
tions de  l'armée  du  Rhin.  Le  roi  le  nomma  brigadier  le 
4 er  janv.  4740.  Pendantla  guerre  de  la  succession  d'Autriche 
il  servit  en  Allemagne  sous  Maillebois  (1744-42),  puis  en 
Alsace  sous  Noailles  (4743)  et  devint  maréchal  de  camp  le 
2  mai  \  7 A4.  L'année  suivante  il  passa  en  Flandre,  où  il 
coopéra  aux  sièges  de  Tournai,  Audenarde  et  Dendermonde. 
En  4746,  il  assista  à  ceux  de  Mons,  Saint-Guilain,  Char- 
leroi  et  Namur  ainsi  qu'à  la  bataille  de  Raucoux.  En  4747, 
il  fit  la  campagne  qui  se  termina  par  la  victoire  de  Lawfeld 
et  en  4748  celle  qui  amena  la  chute  de  Maastricht  et  la 
paix.  Le  40  mai  de  la  même  année  il  reçut  le  brevet  de 
lieutenant  général.  La  guerre  de  Sept  ans  le  rappela  à  l'ar- 
mée. On  l'employa  d'abord  en  Allemagne  sous  Richelieu, 
Contades  et  Soubise  pendant  quatre  années  consécutives 
(4757-60):  il  combattit  à  Hastembeck,  Crefeld,  Lutzel- 
berg  et  Minden.  Puis,  en  4764,  il  fut  chargé  du  comman- 
dement du  Languedoc  qu'il  conserva  jusqu'au  traité  de 
Paris.  Là  se  termina  sa  carrière  active.  Sans  avoir  jamais 
eu  l'occasion  de  montrer  des  talents  supérieurs,  il  s'était 
acquis  la  réputation  d'un  officier  vigoureux,  très  zélé  et 
fort  entendu  dans  la  partie  des  manœuvres.  Louis  XVI  le 
fit  maréchal  de  France  le  24  mars  4775.  —  Charles  de 
Fitz-James  n'avait  porté  tout  d'abord  que  le  titre  de  comte. 
Mais,  en  4736,  son  frère  aîné  Henri,  qui  avait  obtenu  de 
Philippe  V  un  établissement  considérable  en  Espagne, 
renonça  au  duché-pairie  de  Fitz-James  dont  il  était  titu- 
laire en  France.  Ce  duché  échut  alors  à  Charles.  Le  nouveau 
duc  fut  reçu  pair  de  France  en  Parlement  le  7  mars  4755. 
Créé  chevalier  des  ordres  du  roi  le  Ier  janv.  1756,  il  ob- 
tint quelques  mois  après  le  gouvernement  du  Béarn,  de  la 
Navarre  et  de  la  Guyenne.  Il  était  déjà  pourvu  depuis  4729 
de  celui  du  Limousin  que  son  frère  Henri  lui  avait  cédé  ; 
en  4771,  il  y  ajouta  celui  de  la  Bretagne.  Il  laissa  deux 
fils,  Jacques-Charles  et  Edouard-Henri,  qui  devinrent 
l'un  et  l'autre  officiers  généraux. 

FITZ-JAMES  (Edouard,  comte  de),  général  français, 
sixième  fils  du  maréchal  de  Berwick,  né  le  47  sept.  4745, 
mort  à  Cologne  le  5  mai  4758.  Il  fut  nommé  d'emblée,  à 
quatorze  ans,  colonel-propriétaire  du  régiment  d'infanterie 
irlandaise  que  son  père  avait  créé  en  4698  sous  le  nom  de 
Berwick  (22  déc.  4729).  Il  fit  ses  premières  armes  pen- 
dant la  guerre  de  la  succession  de  Pologne  :  en  4733,  il  assis- 
tait avec  son  régiment  au  siège  de  Kehl  et  en  4734  à  celui  de 
Philipsbourg.  Promu  brigadier  d'infanterie  le  4erjanv.  4740 
en  même  temps  que  son  frère  Charles,  il  fut  employé  presque 
sans  interruption  pendant  toute  la  guerre  de  la  succession 
d'Autriche.  Il  servit  en  Flandre  en  4742,  sur  le  Main  et  en 
Alsace  sous  Noailles  en  4743,  en  Flandre  pour  la  seconde 
fois  en  4744.  Au  cours  de  cette  dernière  année,  après  avoir 
pris  part  au  siège  de  Menin,  il  reçut  le  grade  de  maréchal 


FITZ-JAMES  —  FITZROY 


de  camp  (7  juin),  commanda  en  cette  qualité  aux  sièges 
d'Ypres  et  de  Furnes,  fit  campagne  sous  les  ordres  de 
Maurice  de  Saxe,  puis  fut  envoyé  à  Lille.  Rappelé  à 
l'armée  en  avril  4745,  il  concourut  aux  sièges  de  Tournai, 
d'Ostende  et  de  Nieuport  ;  après  la  prise  de  cette  dernière 
ville  il  en  fut  nommé  gouverneur.  Etant  tombé  ensuite  aux 
mains  des  Anglais,  il  demeura  prisonnier  jusqu'en  avril 
4747,  époque  où  il  reprit  du  service  à  l'armée  de  Flandre. 
Quelques  semaines  plus  tard,  il  conduisait  la  principale 
attaque  à  la  bataille  de  Lawfeld  et  décidait  du  gain  de  la 
journée.  On  l'envoya  pendant  l'hiver  commander  à  Den- 
dermonde.  Puis  au  printemps  de  1748  on  le  chargea  de 
diriger  l'une  des  colonnes  qui  investirent  Maastricht.  Créé 
lieutenant  général  le  10  mai,  il  retourna  à  Dendermonde 
où  il  resta  jusqu'en  janv.  1749  après  la  paix  d'Aix-la- 
Chapelle.  Dès  le  début  de  la  guerre  de  Sept  ans,  on  lui 
confia  une  division  de  l'armée  d'Allemagne  :  il  fit  la  cam- 
pagne de  Hanovre  en  1757,  revint  passer  l'hiver  en  France, 
rejoignit  l'armée  en  avril  1758,  mais  étant  tombé  malade 
à  Cologne  il  y  mourut. 

FITZ-JAMES  (Edouard,  duc  de),  homme  politique 
français,  né  à  Versailles  le  10  janv.  1776,  mort  au  château 
de  Quévillon,  près  de  Rouen,  le  15  nov.  1838,  Fils  du 
duc  Jacques-Charles  et  petit-fils  du  duc  Charles  ci-dessus,  il 
suivit  sa  famille  dans  l'émigration  en  1789,  servit  plusieurs 
années  dans  l'armée  de  Condé,  rentra  en  France  sous  le 
Consulat,  ne  remplit  aucun  emploi  sous  ce  régime,  ni 
sous  l'Empire,  signala  son  zèle  légitimiste,  le  30  mars 
1814,  en  exhortant  ses  camarades  de  la  garde  nationale 
de  Paris  à  ne  pas  combattre  les  alliés,  et,  le  lendemain,  en 
prenant  part  dans  les  rues  à  la  manifestation  royaliste  qui 
détermina  l'empereur  de  Russie  à  se  prononcer  pour 
Louis  XVIII,  obtint  en  récompense  les  titres  d'aide  de 
camp  et  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de  Monsieur, 
fut  élevé  à  la  pairie  (4  juin)  et,  au  retour  de  Napoléon, 
suivit  à  Gand  la  famille  royale  (mars  1815).  Après  la 
seconde  Restauration,  il  fut  au  nombre  des  plus  violents 
parmi  les  ultra-royalistes,  aggrava  par  une  dénonciation 
la  situation  de  son  beau-frère  le  général  Bertrand,  qui 
était  sous  le  coup  de  poursuites  capitales  (sept.),  contribua 
de  toutes  ses  forces  à  la  condamnation  du  maréchal  Ney 
et  soutint  de  son  éloquence  âpre  et  mordante  les  lois  d'ex- 
ception sous  la  Terreur  blanche  (1815-1816),  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  les  attaquer  avec  violence  un  peu  plus 
tard,  tant  que  le  gouvernement  resta  aux  mains  des  modé- 
rés (1817-1821).  Il  fut,  de  1821  à  la  fin  de  1827,  un 
des  plus  fermes  appuis  du  ministère  Villèle.  Après  la  révo- 
lution de  1830,  il  fut  un  moment  emprisonné  comme 
complice  de  la  duchesse  de  Berry  (1832),  donna  sa  démis- 
sion de  la  pairie,  fut  envoyé  à  la  Chambre  des  députés 
par  les  électeurs  de  Toulouse  en  1834  et  jusqu'à  sa  mort 
tint  une  place  considérable  dans  l'opposition  légitimiste. 

FI TZ MAURICE  (Thomas),  lordKerry  et  baron  Lixnaw, 
né  en  1502,  mort  le  16  déc.  1590.  Héritier  des  vastes  pos- 
sessions des  Clanmaurice,  il  manifesta  à  diverses  reprises 
des  velléités  d'indépendance  qui  inquiétèrent  le  gouverne- 
ment. Ses  fils  furent  emprisonnés  pour  avoir  adhéré  ouver- 
tement à  la  rébellion  du  comte  de  Desmond  (1581).  Fina- 
lement, il  se  révolta  lui-même  (1582).  Le  comte  d'Ormonde 
obtint  sa  grâce.  Il  siégea  au  Parlement  de  1556  et  à  ceux 
de  1585-86.  — -  Son  fils,  Patrick,  né  vers  1551,  mort 
en  août  1600,  fut  envoyé  enfant  en  Angleterre  pour  ser- 
vir de  garant  du  loyalisme  de  son  père.  Revenu  en  Irlande 
en  1571,  il  participa  à  la  rébellion  du  comte  de  Desmond. 
Enfermé  au  château  de  Limerick,  il  réussit  à  s'évader  et 
passa  en  Espagne.  Repris  en  1587,  il  fut  emprisonné  à 
Dublin  jusqu'en  1592.  Il  adhéra  à  la  grande  rébellion  d'Ir- 
lande de  i  598  et  mourut  du  chagrin  que  lui  causa  la  perte 
de  son  château  de  Lixnaw.  —  Thomas,  fils  du  précédent, 
né  en  1574,  mort  à  Drogheda  le  3  juin  1630,  prit  part 
comme  son  père  à  la  rébellion  de  1598.  Il  échappa  à  toutes 
les  tentatives  du  gouvernement  anglais  pour  s'emparer  de 
sa  personne  et  finit  par  se  soumettre  en  1603.  Son  fils  avait 


été  confié  comme  otage  au  comte  de  Thomond  qui  le  con- 
vertit au  protestantisme.  Le  père  refusa  de  consentir  à  son 
mariage  et  fut  de  ce  fait  emprisonné  par  ordre  de  la  cou- 
ronne. Relâché  après  avoir  donné  son  consentement,  Fitz- 
maurice  fut  de  nouveau  emprisonné  sous  l'inculpation  de 
trahison.  Mais  il  obtint  sa  liberté  en  fournissant  caution  sur 
ses  biens.  R.  S. 

FI  TZ  MAURICE  (Lord  Edmund-George) ,  homme  politique 
anglais,  né  à  Londres  en  1846,  fils  du  quatrième  marquis  de 
Lansdowne  et  d'Emilie  de  Flahaut.  Il  fit  ses  études  à  Eton, 
les  acheva  à  l'université  de  Cambridge  et  entra  en  déc.  1868 
à  la  Chambre  des  communes,  où  il  représenta  Calne  jus- 
qu'en 1885.  Secrétaire  particulier  de  R.  Lowe,  ministre  de 
l'intérieur  (1872-73),  il  fut  nommé  en  1881  membre  de 
la  commission  de  réorganisation  des  provinces  de  la  Turquie 
d'Europe.  Il  continua  à  cultiver  la  diplomatie,  devint,  en 
1883,  second  plénipotentiaire  à  la  conférence  de  Londres 
pour  la  navigation  du  Danube.  En  déc.  1882,  il  avait  suc- 
cédé aux  affaires  étrangères  à  Charles  Dilke.  L'état  de  sa 
santé  le  contraignit,  en  1885,  à  renoncer  à  la  vie  publique. 
On  lui  doit  une  Life  of  Lord  Shelburne ,  et  il  collabore 
activement  à  la  presse  politique  de  Londres.  R.  S. 

FITZPATRICK  (William-Jones),  littérateur  anglais,  né  à 
Dublin  le  31  août  1830.  Magistrat  et  grand  juror  des  comtés 
de  Longford  et  Dublin,  professeur  d'histoire  à  la  Royal 
Hibernian  Academy,  haut  sheriff  du  comté  de  Longford. 
On  a  de  lui  :  The  Life,  Urnes  and  correspondence  of 
bishop  Doyle  (2  vol.)  ;  The  Life,  Urnes  and  contempora- 
ries  of  lord  Cloncurry  ;  The  Friends  Foes  and  adven- 
tures  oflady  Morgan;  Lady  Morgan,  her  career,  lite- 
rary  and  personal;  Anecdotal  Memoirs  of  archbishop 
Whately  (2  vol.)  ;  Lord  Edward  Fitzgerald  and  his 
betrayers  ;  The  Sham  Squire  and  the  informers  of 
i798  ;  Ireland  before  the  union;  Irish  wits  and  Wor- 
thies  ;  Charles  Lever,  etc.  La  plupart  de  ces  études  his- 
toriques et  littéraires  ont  eu  de  très  grands  succès  et  de 
nombreuses  éditions,  surtout  son  chef-d'œuvre  :  The  Cor- 
respondence of  Daniel  O'Connell,  with  notices  of  his 
life  and  Urnes  (iSSS.)  R.  S. 

FITZROY.  Fleuve  d'Australie,  colonie  de  l'Australie 
occidentale.  Il  descend  des  monts  duRoi-Leopoldetsejette 
dans  le  Kings  Sound.  Il  a  été  découvert  par  Stokes(1838), 
exploré  surtout  par  Forrest  (4  879)  qui  le  remonta  à  peu 
près  jusqu'à  sa  source  ;  il  aurait  560  kil.  de  long  ;  large 
de  3  kil.  à  son  embouchure,  il  l'est  encore  de  300*  m.  dans 
son  cours  supérieur.  La  marée  y  remonte  très  haut  ;  les  bords 
sont  fertiles.  Ce  serait  une  excellente  voie  de  pénétration. 
FITZROY.  Fleuve  d'Australie,  colonie  de  Queensland. 
Formé  par  la  réunion  du  Mackenzie  venu  du  N.  et  du  Daw- 
son  venu  du  S.,  il  coule  vers  l'E.,  se  jette  par  plusieurs 
bras  dans  la  baie  de  Keppelà  72  kil.  en  aval  deRockhampton. 
FITZROY.  Faubourg  de  Melbourne  (V.  ce  mot). 
FITZROY  (Henri),  duc  de  Richmond,  fils  naturel 
de  Henri  VIII  et  d'Elisabeth  Blount,  dame  de  la  suite  de  la 
reine  Catherine  d'Aragon,  né  en  1549,  mort  le  22  juil. 
1836.  A  six  ans  (7  juin  1525),  il  fut  fait  chevalier  de  la 
Jarretière  et,  peu  de  jours  après  son  installation,  il  fut 
créé  comte  de  Nottingham,  duc  de  Richmond,  avec  préséance 
sur  tous  les  autres  ducs  du  royaume.  En  même  temps,  il 
fut  nommé  lieutenant  général  du  roi  au  N.  de  la  Trent  et 
gouverneur  du  château  de  Garlisle.  En  juillet,  il  reçut  la 
patente  de  lord  «  high  admirai  »  d'Angleterre,  Galles, 
Irlande,  Normandie  et  Gascogne,  et  la  commission  de  gar- 
dien des  marches  d'Ecosse,  avec  des  domaines  d'un  revenu 
annuel  de  4,000  liv.  st.  Il  devint  en  outre  lord-lieutenant 
d'Irlande  en  juin  1529  ;  on  crut  même  que  Henri  VIII 
voulait  lui  constituer  un  royaume  en  Irlande.  Son  éducation 
fut  confiée  à  l'helléniste  Richard  Croke  et  au  célèbre  John 
Palsgrave.  Le  25  nov.  1533,  il  épousa  Mary,  fille  de  Thomas 
Howard,  troisième  duc  de  Norfolk.  Il  assista  en  mai  1536 
à  l'exécution  d'Anne  Boleyn.  Il  mourut  peu  après,  peut-être 
empoisonné  par  lord  Rochford,  frère  de  la  reine  décapitée. 
FITZROY,  ducs  de  Southampton  et  Cleveland.  Le  fon- 


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FITZROY  —  FITZSTEPHEN 


dateur  de  cette  famille  fut  Charles,  premier  duc,  fils  na- 
turel du  roi  d'Angleterre,  Charles  II,  et  de  Barbara  Villiers, 
comtesse  de  Castlemaine  et  duchesse  de  Cleveland,  qui  naquit 
en  1662.  Il  prit  possession  de  son  siège  à  la  Chambre  des 
lords  le  14  janv.  1710,  après  la  mort  de  sa  mère.  Il  fut 
soupçonné,  en  1691,  d'intriguer  en  faveur  d'une  restau- 
ration   de  Jacques  II.  Il  mourut  en  1730,  sans  avoir 
joué  aucun  rôle   politique  ou  militaire.  De  sa  seconde 
femme,  Anne,  fille  de  sir  William  Putteney  de  Misterton 
(Leicestershire),  il  eut  trois  fils  et  trois  filles.  Deux  de  ses 
fils  moururent  avant  lui.  Le  troisième,  William,  deuxième 
duc  de  Cleveland,  mourut  sans  postérité  en  1774.  L'une 
des  filles  du  premier  duc,  Grâce,  épousa  Henri  Vare,  baron 
Barnard ,  et  leur  petit-fils,  William  Harry  Vare,  créé  duc 
de  Cleveland  en  1833,  a  été  le  père  des  deuxième,  troi- 
sième et  quatrième  ducs  de  cette  création.         Ch.-V.  L. 
FITZROY,  ducs  de  Grafton.  Cette  famille  a  pour  souche 
Henry,  premier  duc  de  Grafton  (1663-1690),  deuxième 
fils  du  roi  d'Angleterre  Charles  II  et  de  Barbara  Villiers, 
comtesse  de  Castlemaine,  puis  duchesse  de  Cleveland.  Il 
épousa  le  1er  août  1672,  en  présence  du  roi  et  de  la  cour, 
devant  l'archevêque  Sheldon,  l'héritière,  âgée  de  cinq  ans, 
des  comtes  d'Arlington.  Le  titre  de  duc  de  Grafton  lui  fut 
conféré  en  sept.  1675.  C'était  un  bel  homme,  hardi,  décidé 
et  brutal.  On  en  fit  un  marin  (capitaine  du  Grafton,  vais- 
seau de  70  canons,  en  1683).  En  1684,  il  courut  quel- 
ques dangers  au  siège  de  Luxembourg,  dans  le  camp  de 
Louis  XIV,  tua  deux  adversaires  en  duel  (1686)  et  escorta 
le  nonce  pontifical  lors  de  son  entrée  à  Londres,  pour  com- 
plaire à  Jacques  IL  Toutefois,  de  retour  en  Angleterre, 
après  une  croisière  heureuse  sur  les  côtes  barbaresques 
(mars  1688),  il  ne  s'obstina  pas  dans  une  fidélité  inutile 
à  son  oncle  ;  il  prêta  l'un  des  premiers  serment  à  Guil- 
laume III.  N'ayant  pas  obtenu  de  celui-ci  de  grand  comman- 
dement, il  alla  servir  sous  Marlborough  dans  le  S.  de  l'Ir- 
lande. Il  y  fut  tué  le  9  oct.  1690  d'un  coup  de  mousquet 
sous  les  murs  de  Cork.  —  Son  fils  Charles  lui  succéda 
(25  nov.  1683-6  mai  1757).  —  Le  troisième  duc  de 
Grafton  fut  Augustus-Henry,  petit-fils  de  Charles,  né  le 
1er  oct.  1735,  qui  entra  dans  la  vie  politique  comme  allié  de 
lord  Temple  contre  le  gouvernement  de  lord  Bute.  Il  fut 
très  vite  remarqué,  et,  dès  le  mois  d'août  1763,  Pitt  songea 
à  le  faire  entrer  au  ministère.  En  juil.  1765,  Grafton  fut 
secrétaire  d'Etat  à  la  trésorerie  dans  le  ministère  Rockin- 
gham.  Il  prit  la  trésorerie  elle-même  dans  le  ministère 
Pitt  de  1766.  La  maladie  de  lord  Chatham  accrut  hientôt 
sa  responsabilité,  et  le  ministère  prit  le  nom  de  ministère 
Grafton  à  partir  de  sept.  1767.  Cependant,  au  moment  où 
son  rôle  grandissait,  Grafton  se  laissait  aller  de  plus  en 
plus  au  penchant  héréditaire  des  Stuarts,  à  la  débauche 
élégante.  Il  avait  des  relations  avec  une  aventurière,  Nancy 
Parsons,  fille  d'un  tailleur  de  Bond  Street,  dont  on  a  un 
portrait  par  Gainsborough,  et  qui  épousa  Charles,  vicomte 
Maynard,  en  juin  1776.  Junius  l'accusait  de  malversations 
et  raillait  sa  passion  pour-  les  courses  de  chevaux.  Grafton, 
dont  les  affaires  d'Amérique  et  les  incidents  suscités  par 
Wilkes  rendaient  la  place  peu  enviable,  saisit  très  volon- 
tiers une  occasion  pour  donner  sa  démission,  en  janv.  1770. 
Il  accepta  néanmoins  l'office  de  Privy  seal  pendant  le  mi- 
nistère de  lord  North  (juin  1771),  mais  refusa  un  siège 
dans  le  cabinet  ;  son  intention  était  d'user  de  l'autorité  de 
lord  Privy  seal  pour  empêcher  la  querelle  entre  les  colo- 
nies américaines  et  la  métropole  de  s'envenimer  ;  il  semble 
avoir  toujours  eu  des  penchants  à  écouter  favorablement 
les  revendications  des  colons.  Quand  le  temps  de  la  con- 
ciliation fut  passé,  il  se  retira  (nov.  1775),  et  il  demeura 
à  l'écart  jusqu'à  la  formation  du  ministère  Rockingham  de 
1782,  lequel  tomba  en  avr.  1783.  Ce  fut  son  dernier  pas- 
sage aux  affaires.  Il  mourut  le  14  mars  1811.  Le  troisième 
duc  avait  épousé  en  premières  noces,  le  29  janv.  1756, 
Anne,  fille  et  héritière  de  Henry  Liddell,  baron  Ravens- 
worth,  qui,  après  douze  ans  de  mariage,  s'enfuit  avec  le 
comte  d'Upper  Ossory.  Il  en  eut  deux  fils  et  une  fille.  De 


sa  seconde  femme,  Elisabeth,  troisième  fille  du  révérend  sir 
Richard  Wrottesby,  doyen  de  Windsor,  il  eut  douze  en- 
fants. Dans  sa  jeunesse  et  son  âge  mûr,  il  avait  été  un 
sportsman  passionné,  occupé  de  chiens  et  de  chevaux,  très 
assidu  à  Newmarket  ;  dans  sa  vieillesse,  il  édifia  par  son 
assiduité  la  congrégation  de  la  chapelle  unitaire  d'Essex 
Street,  dans  le  Strand.  —  George-Henry,  quatrième  duc 
de  Grafton,  fils  du  précédent,  naquit  le  24  janv.  1760  ;  il 
se  lia  à  Trinity  Collège  (Cambridge)  d'une  étroite  amitié 
avec  le  jeune  Pitt.  Il  entra  dans  la  vie  parlementaire  en  1784 
comme  comte  d'Euston,  et  son  premier  succès  fut  d'enle- 
ver aux  whigs  la  représentation  de  l'université  de  Cambridge, 
qu'il  garda  jusqu'en  1811 ,  date  de  son  élévation  à  la  pairie. 
Il  reçut  de  Pitt  de  nombreuses  sinécures,  honorifiques  et 
lucratives  ;  cependant  ses  idées  subirent  peu  à  peu  une 
évolution,  et  lorsqu'il  entra  à  la  Chambre  des  lords,  il  était  à 
peu  près  converti  à  la  doctrine  libérale.  Il  mourut,  entouré 
d'une  très  nombreuse  famille,  le  28  sept.  1844.  —  Son 
fils  Henry  lui  succéda  et  épousa  une  fille  de  l'amiral  sir 
George  Cranfield  Berkeley.  ^  Ch.-V.  L. 

FITZROY,  barons  Southampton.  Le  premier  baron  Sou- 
thampton,  Charles,  était  le  fils  de  lord  Augustus  Fitzroy, 
second  fils  du  duc  de  Grafton  (V.  Fitzroy,  ducs  de  Graf- 
ton). Il  naquit  le  25  juin  1737.  Il  servit  comme  aide  de  camp 
du  prince  Ferdinand  de  Brunswick  à  la  bataille  de  Minden 
(1er  août  1759) .  Colonel  d'un  régiment  de  dragons  en  1772, 
il  fut  élevé  à  la  pairie  sous  le  nom  de  baron  Southampton 
le  17  oct.  1780.  Il  mourut  le  21  mars  1797.  Il  eut  neuf  fils 
et  sept  filles.  L'aîné,  Georges-Ferdinand,  lui  succéda. 

FITZROY  (Robert),  amiral  et  météorologiste  anglais, 
fils  de  lord  Charles  Fitzroy  et  petit-fils  du  troisième  duc  de 
Grafton  (V.  ci-dessus),  né  à  Ampton  Hall(Suffolk)  le  5  juil. 
1805,  mort  à  Norwood  (Surrey)  le  30  avr.  1865.  Entré  dans 
la  marine  royale. en  1819,  il  fut  promu  lieutenant  en  1824, 
fit  de  1828  à  1836,  comme  commandant  du  Beagle,  de 
longues  croisières  sur  les  côtes  de  Patagonie  et  dans  le 
détroit  de  Magellan,  siégea  quelque  temps  à  la  Chambre 
des  communes  (1841-1843),  eut  de  1843  à  1845  le  gou- 
vernement de  la  Nouvelle-Zélande  et  quitta  le  service  actif 
en  1850  ;  il  parvint  cependant  aux  grades  de  contre-amiral 
(1857)  et  de  vice-amiral  (1863).  D'intéressants  travaux 
hydrographiques  l'avaient  fait  élire  en  1851  membre  de  la 
Société  royale  de  Londres.  Il  obtint  en  1854  la  direction 
du  service  météorologique  du  Board  of  trade  et  signala 
ces  fonctions  par  de  savantes  et  très  utiles  observations. 
Un  baromètre  de  son  invention  a  gardé  son  nom.  Il  était 
correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  depuis 
1863.  Outre  de  nombreux  articles  parus  dans  le  Journal 
of  the  Royal  geographical  Society  et  dans  le  Journal  of 
the  Royal  united  service  Institution,  il  a  écrit  :  Nar- 
rative of  the  surveying  voyages  of  «  Adventure  »  and 
«  Beagle  »  between  1826  and  1836,  en  collab.  avec  Ch. 
Darwin  (Londres,  1839,  3  vol.  in-8);  Captain  Fitzroifs 
Statement  (Londres,  1841,  in-8);  Remarks  on  New 
Zealand;  Barometer  und  Weather  guide  (Londres, 
1858);  Passage  Table  and  gênerai  sailing  directions 
(Londres,  1859);  Weather  Book  (1863),  etc.       L.  S. 

FITZSTEPHEN  (William),  moine  anglais,  mort  vers 
1190.  Dictator  in  cancelleria  de  Thomas  Becket,  sous-diacre 
de  sa  chapelle,  chargé  par  lui  de  la  lecture  des  lettres  et 
pétitions,  il  assista  au  grand  concile  de  Northampton  en 
1164.  Il  ne  partagea  pas  la  disgrâce  de  l'archevêque. 
Lorsque  Becket  fut  réconcilié  avec  Henri  II,  Fitzstephen 
reprit  son  service  auprès  de  lui  et  fut  un  témoin  oculaire 
de  son  assassinat.  Il  a  écrit  une  Vita  sancti  Thomœ,  qui 
est  un  document  fort  précieux.  Cette  biographie  est  précé- 
dée d'une  curieuse  description  de  Londres  au  xne  siècle.  La 
biographie  de  Thomas  Becket  a  été  imprimée  d'abord  dans 
les  Historiœ  anglicanœ  scriptores  (1723).  On  en  adonné 
depuis  de  nombreuses  éditions  dont  les  meilleures  sont  celles 
de  Giles  (1845)  et  de  Robertson  (1877).  La  description 
de  Londres  figure  dans  Survey  ofLondon  de  Stow  et  dans 
l'édition  de  l'Itinéraire  de  Leland  par  Hearne. 


FITZTHOMAS  —  FITZWILLIAM 


540  — 


FITZTHOMAS  (John),  premier  comte  de  Kildare,  mort 
le  12  sept.  1316,  appartenait  à  la  grande  famille  anglo- 
irlandaise  des  Fitzgerald.  Il  apparaît  dès  1285  comme  l'un 
des  chefs  d'une  expédition  dirigée  contre  les  rebelles  d'Of- 
faly  et  de  Leix  par  le  «  justicier  »  d'Irlande.  En  1294,  il 
eut  une  querelle  violente  avec  le  justicier  Guillaume  de 
Vescy,  qui  l'aurait  provoqué  en  duel  devant  la  cour  de 
Westminster.  En  même  temps,  la  rivalité  des  Fitzgerald 
et  des  de  Burgh  faisait  rage  ;  John  Fitzthomas  captura 
Richard  de  Burgh,  comte  d'Ulster,  en  nov.  1294 ,  et  la 
paix  ne  fut  rétablie  entre  ces  deux  personnages  qu'en  oct. 
1298.  Il  servit  Edouard  Ier  contre  les  Ecossais  en  1296, 
en  1301,  en  1303.  Mais  le  pays  d'Offaly  et  de  Kildare 
n'était  pas  tranquille  à  cette  époque.  Les  bandes  irlandaises 
prirent  le  château  de  Kildare  en  1294,  et  brûlèrent  la 
ville  de  Ley,  forteresse  de  Fitzthomas,  en  1307.  Les  Ecos- 
sais d'Edouard  Bruce  ravagèrent  les  terres  de  Fitzthomas 
au  commencement  de  l'an  1316  et  furent  victorieux  à 
Arscoll  (26  janv.).  C'est  à  cette  époque  (16  mai)  que 
Edouard  II  conféra  au  seigneur  de  Ley  la  dignité  de  comte 
de  Kildare.  —  La  mémoire  de  John  Fitzthomas,  l'un  des 
barons  les  plus  belliqueux  de  son  temps,  est  resté  long- 
temps populaire  en  Irlande  ;  on  le  célébrait  encore  en  1 601 . 
Il  passa  pour  le  fondateur  du  monastère  augustin  d'Adare. 
FITZTHOMAS  (Maurice),  premier  comte  deDesmond,  de 
la  famille  de  Fitzgerald,  comme  le  précédent,  épousa,  le 
5  août  1312,  Catherine,  fille  de  Richard  de  Burgh,  comte 
d'Ulster,  mariage  qui  réconcilia  les  deux  familles  ennemies, 
des  de  Burgh  et  des  Fitzgerald.  Il  n'en  guerroya  pas  moins 
contre  tous  ses  voisins,  même  contre  les  gens  d'Ulster. 
Comte  de  Desmond  en  1329,  il  servit  sous  Edouard  III, 
en  1335,  contre  l'Ecosse,  mais  refusa  d'assister  au  Parle- 
ment d'oct.  1341,  et  se  fit  le  chef  de  la  résistance  armée 
de  la  noblesse  anglo-normande,  fixée  depuis  des  siècles  en 
Irlande,  contre  les  prétentions,  appuyées  par  le  roi,  des 
Anglais  nés  en  Angleterre.  Le  «  justicier  »  Ralph  d'Ufford 
lui  fit  une  très  rude  guerre  (1345-1346)  qui  le  réduisit  à 
s'enfuir  en  Angleterre  et  à  s'en  remettre  à  la  clémence 
royale.  Il  ne  reçut  son  pardon  qu'en  1349.  Peu  après,  sa 
fidélité  nouvelle  fut,  du  reste,  récompensée  par  de  très 
hautes  fonctions:  il  fut  vice-roi  d'Irlande  du  8  juil.  1355 
au  25  janv.  1356.  Il  fut  enterré  chez  les  dominicains  de 
Tralee. 

FITZWARIN  (Foulques).  Nom  de  plusieurs  personnages 
qui  vécurent,  au  xne  et  au  xnr9  siècle,  dans  le  comté  de 
Shropshire  (Angleterre),  et  dont  la  légende  a  attribué  les 
actions  à  un  seul  individu,  le  héros  du  roman  de  Foul- 
ques Fitzwarin.  Foulques  Ier  était  chef  de  la  famille  dès 
1156  et  mourut  en  1171.  Il  eut  quatre  fils,  dont  l'aîné, 
Foulques  II,  mourut  en  1197.  — Foulques  III,  à  l'occasion 
d'un  jugement  rendu  contre  lui  par  la  cour  du  roi  Jean  au 
sujet  de  la  possession  du  château  de  Whittington,  se  ré- 
volta et  fut  mis  hors  la  loi  (outlawecl)  jusqu'en  nov.  1203. 
Son  nom  se  trouve  parmi  ceux  des  barons  mécontents  qui 
se  réunirent  à  Stamford  en  1215.  Le  roi  l'appelle  mani- 
festus  inimicus  noster  dans  un  acte  de  1217.  Il  mourut 
vers  1257,  aveugle  durant  les  sept  dernières  années  de  sa 
vie,  s'il  faut  en  croire  la  légende. — Son  fils  Foulques  IV  fat 
noyé  à  la  bataille  de  Lewes  en  1264.  Il  y  eut  en  tout  onze 
Foulques  Fitzwarin,  dout  le  dernier  mourut  en  bas  âge,  en 
1420.  —  Le  roman  néglige  Foulques  Ier  et  confond,  sous 
le  nom  de  Fouke  le  Brun,  ses  deux  successeurs  immédiats. 
C'est  un  outlaw,  un  aventurier  du  type  de  Robin  Hood, 
ennemi  du  roi,  ami  des  pauvres,  exilé  et  ballotté  d'aven- 
tures en  aventures,  des  Orcades  à  la  Barbarie.  Le  roman  de 
Fitzwarin  a  été  plusieurs  fois  imprimé,  par  sir  Thomas 
Duffus  Hardy,  par  M.  Francisque  Michel  (Paris,  1840), 
par  M.  Thomas  Wright  (Warton  Club,  1855),  par  L.  Mo- 
land  et  C.  d'Héricault  (Nouvelles  françoises  en  prose  du 
xive siècle;  Paris,  1858,  in-12),  par  J.  Stevenson,  en  appen- 
dice à  son  édition  de  Ralph  de  Coggeshall  (Rolls  séries, 
1875).  —  Cf.  Histoire  littéraire  de  la  France,  1877, 
XXVII,  pp.  164-186. 


FITZWILLIAM  (Sir  William) ,  homme  politique  anglais, 
né  à  Milton  (comté  de  Northampton)  en  1526,  mort  en 
1599.  Parent  du  comte  de  Bedford,  il  fut  poussé  par  lui 
à  la  cour.  Edouard  VI  le  fit  entrer  au  Banc  du  roi  et  le 
nomma  gentilhomme  de  la  chambre.  En  1555,  il  reçut  le 
grand  sceau  d'Irlande,  fut  nommé,  en  1559,  trésorier  des 
guerres  et  fit  à  plusieurs  reprises  l'intérim  du  comte  de  Sus- 
sex.  Lord  justice  en  1567,  il  entreprit  en  1568  une  expédi- 
tion malheureuse  dans  le  Nord  et  tomba  en  disgrâce.  Il  revint 
en  faveur  et  fut  nommé  en  1571  lord  député  d'Irlande.  Il 
n'était  pas  riche,  et  la  couronne  lui  marchanda  les  subsides  : 
son  gouvernement  ne  fut  donc  pas  aussi  heureux  qu'on  eût 
pu  l'espérer,  car  il  était  bon  administrateur.  Il  eut  d'âpres 
difficultés  avec  sir  Edward  Fitton,  gouverneur  du  Connaught: 
le  comte  de  Desmond,  profitant  de  leur  mésintelligence, 
s'échappa  de  Dublin  et  agita  le  Munster.  Fitzwilliam,  en 
1574,  après  une  rapide  campagne,  le  força  à  se  soumettre 
à  Cork.  Il  tomba  ensuite  grièvement  nialade  et  fut  relevé 
de  son  poste  par  sir  Sidney  (1575).  Il  demeura  dans  la  vie 
privée  pendant  douze  ans  et  fut  de  nouveau  mis  à  la  tête 
du  gouvernement  d'Irlande  en  1588.  C'était  l'époque  où  la 
grande  Armada  avait  si  fort  inquiété  l'Angleterre.  Des 
bandes  d'Espagnols  échappés  au  désastre  couraient  le  pays. 
Ils  pouvaient  devenir  dangereux.  Fitzwilliam  donna  des 
ordres  sévères  aux  gouverneurs  de  province,  et  lui-même  tint 
campagne  dans  le  Connaught  et  extermina  les  ennemis  sans 
avoir  perdu  un  seul  homme.  Il  eut  ensuite  des  démêlés  avec 
les  Mac-Mahon,  fit  arrêter  et  mettre  en  jugement  l'un  d'eux, 
Hugh.  Energique,  bien  que  d'une  santé  fort  précaire,  il 
tenta  de  mettre  à  la  raison  le  gouverneur  du  Connaught, 
sir  Richard  Bingham,  dont  l'administration  de  fer  avait 
soulevé  à  plusieurs  reprises  les  habitants.  En  1592,  il  apaisa 
encore  quelques  troubles  et  réussit  à  faire  signer  un  traité 
entre  Tyrone  et  Turlough  Lunieaeh.  Enfin  il  eut  à  répri- 
mer en  1593  la  rébellion  de  Maguire.  De  plus  en  plus  ma- 
lade, il  demanda  son  rappel  et  fut  remplacé  le  11  juil. 
1594,  par  sir  W.  Russell.  Fitzwilliam  fut  un  des  meilleurs 
vice-rois  d'Irlande  au  temps  d'Elisabeth  ;  mais  il  était  peu 
apprécié  des  contemporains  qui  se  sont  plu  à  caricaturer 
ses  infirmités  et  à  le  représenter  sous  les  traits  d'un  avare 
sordide  et  d'un  monstre  de  cruauté.  R.  S. 

FITZWILLIAM  (Richard,  vicomte),  né  en  août  1745, 
mort  à  Londres  le  4  févr.  1816.  Membre  de  la  Royal  So- 
ciety, il  est  connu  pour  le  legs  qu'il  fit  à  l'université  de 
Cambridge,  où  il  avait  étudié,  de  ses  précieuses  collections 
de  livres,  de  manuscrits,  de  peintures,  de  dessins  et  de 
gravures,  et  d'un  fonds  de  100,000  £  pour  la  création 
du  Fitzvilliam  Muséum.  Il  est  l'auteur  des  Lettres  d'At- 
ticus,  écrites  en  français,  et  relatives  à  l'influence  du  pro- 
testantisme et  du  catholicisme  sur  la  société.  Publiées  par 
unités  à  diverses  dates,  elles  ont  été  réunies  et  imprimées 
à  Londres  en  1811 ,  à  Paris  en  1825.  La  traduction  anglaise 
parut  à  Londres  en  1826.  R.  S. 

FITZWILLIAM  (William  Wentworth,  comte),  homme 
d'Etat  anglais,  né  le  30  mai  1748,  mort  le  8  févr.  1833. 
Elève  d'Eton  où  il  se  lia  avec  Fox  et  Carliste,  il  termina  ses 
études  à  Cambridge  et  vint  prendre  séance  à  la  Chambre 
des  lords  en  1769.  Membre  du  parti  whig,  il  fut  nommé 
vice-roi  d'Irlande  par  Pitt  en  1794.  Presque  aussitôt,  il 
s'éleva  entre  lui  et  le  gouvernement  un  très  grave  malen- 
tendu. Fitzwilliam  avait  cru  pouvoir  favoriser  les  revendi- 
cations des  catholiques  :  il  fut  désavoué  par  Pitt,  démis- 
sionna et  fut  remplacé  le  25  mars  1795  par  lord  Camden. 
Il  eut  même  un  duel  à  ce  sujet  avec  Beresford.  Cependant 
il  ne  tarda  pas  à  faire  sa  paix  avec  le  gouvernement  et  il 
était  de  nouveau  nommé  lord-lieutenant  en  1798.  Il  se  ran- 
gea dans  l'opposition  lors  de  l'avènement  du  cabinet  Adding- 
ton(1801)  et  fut  nommé  président  du  conseil  dans  le  cabinet 
Granville(1806).Il  faillit  devenir  premier  ministre  en  1814 . 
A  la  Chambre  des  lords,  il  ne  cessa  de  protester  en  faveur 
des  catholiques.  R.  S. 

FITZWILLIAM  (Charles- William  Wentworth,  comte), 
fils  du  précédent,  né  à  Londres  le  4  mai  1786,  mort  à 


541  — 


FITZWILLIAM  —  FIUMICINO 


Wentworth  House  (Yorkshire)  le  4  oct.  4857.  Après  avoir 
terminé  ses  études  à  Cambridge,  il  représenta  au  Parlement 
le  comté  d'York  de  1807  à  1831.  Il  fut  ensuite  député  du 
comté  de  Northampton  (1831-1833)  jusqu'à  son  entrée  à 
la  Chambre  des  lords  où  il  succéda  à  son  père.  Il  avait  com- 
mencé par  s'opposer  à  la  réforme  parlementaire  dont  il 
devint  ensuite  un  des  plus  ardents  promoteurs  ;  il  réclama 
aussi  énergiquement  le  rappel  des  lois-céréales  et  il  y  avait 
d'autant  plus  de  mérite  que  toute  sa  fortune  consistait  en 
biens  fonds.  En  4853,  il  devint  député  lieutenant  du  Nor- 
thamptonshire.  On  a  de  lui  :  First,  second,  and  third 
Addr esses  to  the  Landowners  of  England  on  the  corn 
laws  (4839)  et  Letter  to  a  Northamptonshire  rector 
(4847),  relative  aux  affaires  d'Irlande.  Il  a  publié  la  Cor- 
respondance d'E.  Burke  (4826-44,  20  vol.).      R.  S. 

FITZWILLIAM  (Edward-Francis) ,  compositeur  anglais, 
né  à  Deal  (Kent)  le  2  août  4824,  mort  à  Londres  le  49  janv. 
4857.  Elève  de  sir  H.  Bishop  et  de  John  Barnett,  il  com- 
posa à  vingt  et  un  ans  un  Stabat  Mater  exécuté  à  Londres 
le  45  mars  4845  avec  un  grand  succès.  Devenu  en  4847 
directeur  musical  du  Lyceum,  il  passa  en  même  qualité  au 
Haymarket  en  4853  où  il  demeura  jusqu'à  sa  mort.  Citons 
de  lui  une  cantate,  0  Incompréhensible  Creator  (4854)  ; 
The  Queen  of  a  day  (opéra-comique)  ;  A  Summer  night's 
Love  (opérette),  tous  deux  représentés  au  Haymarket;  l'ou- 
verture des  Green  Bushes;  la  musique  des  ballets  El 
Gambusip  et  Los  Cautivos  de  Perea  Nena;  Love's  Alarm 
(opéra),  beaucoup  de  chants,  de  ballades,  de  romances,  de 
cavatines,  de  sérénades,  de  polkas,  de  menuets,  de  marches. 
Il  avait  épousé  en  4853  Ellen  Chaplin,  une  actrice  d'Adel- 
phi.  Après  la  mort  de  son  mari,  Mme  Fitzwilliam  demeura 
une  des  meilleures  cantatrices  d'Haymarket.  Elle  passa,  en 
4877  en  Australie  où  elle  obtint  des  succès  considérables. 
Elle  mourut  en  4880.  —  Son  père,  Edward,  né  près  de 
Londres  le  8  août  4788,  mort  à  Londres  le  30  mars  4852, 
avait  joué  avec  succès  sur  les  scènes  du  West  London 
Théâtre,  de  FOlympic,  du  Cirque  royal,  du  Surrey  et  de 
Drury  Lane.  —  Sa  mère,  Fanny-Elizabeth  Copeland, 
née  en  4804,  morte  en  4854,  fut  également  une  actrice 
d'un  certain  talent.  R.  S. 

FlUMALTO.  Rivière  de  la  Corse  (V.  Corse,  t.  XII, 
p.  4085). 

FI  U  NI  AN  A  (Francesco-Alberti),  peirître  de  l'école  bolo- 
naise, qui  vivait  vers  4740.  On  conserve  de  ses  œuvres 
dans  les  églises  San  Giovanni  in  Monte  et  Santa  Petrona, 
à  Bologne. 

FI  U  M  E  (en  allemand,  Sanct  Veit  am  Flaum;  en  croate, 
Rieka).  Ville  de  Hongrie,  sur  l'Adriatique,  à  l'embouchure 
de  la  Fiumara,  dans  le  golfe  de  Quarnero  ;  30,000  hab.  de 
nationalités  croate,  italienne,  allemande  et  hongroise.  Elle 
possède  un  port  de  commerce,  des  chantiers  pour  la  cons- 
truction des  navires,  une  fabrique  de  torpilles  et  de  tabac, 
des  moulins  et  de  nombreuses  usines,  une  académie  de 
marine,  une  école  nautique,  un  gymnase  supérieur.  Le 
mouvement  de  son  port  est  considérable;  il  a  été  en  4889 
de  plus  de  4 ,600,000  tonnes.  Fiume  exporte  surtout  des  bois 
de  Slavonie  ;  elle  se  divise  en  vieille  et  nouvelle  ville.  Ses 
principaux  monuments  sont  l'église  de  l'Assomption  et  celle 
de  Saint-Vit,  le  casino  et  le  palais  du  gouverneur.  La 
ville  de  Fiume  est  située  dans  le  comitat  (en  croate, 
joupa)  du  même  nom  ;  mais,  tandis  que  le  comitat  appar- 
tient à  la  Croatie,  la  ville  de  Fiume,  en  vertu  d'une  con- 
vention conclue  en  4870,  appartient  à  l'Etat  hongrois  ; 
elle  forme,  avec  son  territoire,  une  enclave  de  20  kil.  q. 
qui  est  administrée  par  un  gouverneur  dépendant  du  minis- 
tère hongrois.  Le  comitat  occupe  4,601  kil.  q.  avec  une 
population  de  80,000  hab.  Les  villes  principales  sont  les 
ports  de  Bakar  (Buccari)  et  Zenngg  (Senj). 

Au  moyen  âge,  Fiume  appartint  à  la  Croatie,  au  patriar- 
cat d'Aquilée  et  à  l'empire  d'Allemagne.  Au  xvme  siècle, 
elle  devint  un  port  important  et  fut  érigée  en  ville  libre 
par  Charles  VI.  Vivement  disputée  par  les  Croates  et  les 
Hongrois  qui  tous  deux  invoquent  certains  droits  histo- 


riques, elle  a  été  définitivement  adjugée  à  la  Hongrie  après 
avoir  fait  partie  de  la  Croatie  de  4840  à  4867.  Elle  envoie 
un  député  au  Parlement  hongrois. 

Bibl.  :  Backi,  Fiume  et  la  Croatie  (en  croate);  Agram, 
1867.  —  Litrow,  Fiume  und  seine  Umqebunqen;  Fiume, 
1884.  y      ' 

FIUMICINO.  Port  situé  à  l'embouchure  du  Tibre  (Italie), 
sur  la  branche  septentrionale  qui  porte  le  même  nom,  à 
25  kil.  S.-O.  en  ligne  droite  et  à  44  kil.  par  eau  de  Rome. 
Le  Tibre,  comme  tous  les  autres  fleuves  de  la  Méditerranée, 
présente  un  delta  où  s'accumulent  les  alluvions  et  dont  la 
barre  est  infranchissable  pour  les  gros  navires.  Dès  lors, 
Rome,  au  lieu  de  se  servir  de  son  fleuve  pour  les  commu- 
nications avec  la  mer,  a  recours  à  des  ports  plus  éloignés. 
C'étaient  jadis  Antium  (aujourd'hui  Anzio)  au  S.  des  marais 
Pontins;  c'est  aujourd'hui  Civita  Vecchia  au  N.  qui  lui  sert 
de  port.  Sans  doute,  Ostie  eut  quelque  importance  sous  la 
République.  Mais  les  courants  maritimes  emportaient  vers 
le  S.,c.-à-d.  sur  la  principale  branche  du  delta  du  Tibre, 
la  majeure  partie  des  alluvions.  Si  bien  que  les  progrès  du 
delta  sont  actuellement  de  3  m.  par  an  à  la  bouche  de 
l'ancienne  Ostie?  tandis  qu'ils  n'atteignent  que  4  m.  à  la 
bouche  septentrionale  de  Fiumicino.  «  Pour  reconquérir  un 
débouché  sur  la  mer,  les  empereurs  romains  firent  creuser 
au  N.  du  bras  d'Ostie  un  canal  que  les  eaux  du  Tibre  ont 
peu  à  peu  transformé  par  leurs  érosions  et  leurs  efforts  en 
un  petit  fleuve  sinueux  :  c'est  le  Fiumicino.  Claude  fit 
excaver  de  vastes  bassins  au  bord  d'une  crique  assez  pro- 
fonde située  au  N.  du  canal,  et  là  s'éleva  bientôt  une  nou- 
velle Ostie.  Trajan  ouvrit  un  peu  plus  au  S.-E.  un  autre 
port  qui  fut  pendant  plusieurs  siècles  la  véritable  embou- 
chure commerciale  du  Tibre  ;  mais,  depuis  environ  mille  ans, 
ce  port  s'est  comblé  ;  les  alluvions  gagnent  incessamment 
sur  la  mer  et  prolongent  le  triangle  des  terres  qu'elles  ont 
formé  au-devant  de  la  courbe  naturelle  du  rivage  tracée 
entre  Civita  Vecchia  et  Porto  d'Anzio  ;  actuellement,  les 
anciens  bassins  sont  laissés  à  près  de  2  kil.  dans  les  cam- 
pagnes. »  (Elisée  Reclus.)  Le  château,  construit  par  Clé- 
ment XIV  en  4773,  au  débouché  du  canal  de  Fiumicino 
dans  la  mer,  est  actuellement  à  326  m.  de  la  côte. 

Les  Italiens,  qui  ont  l'ambition  de  doter  Rome  d'un 
grand  port  de  commerce,  accessible  aux  gros  navires,  ont 
voulu  reprendre  ces  travaux  des  Romains.  Les  travaux 
actuels  d'établissement  du  port  de  Fiumicino  ont  commencé 
en  4825.  Garibaldi,  dans  les  dernières  années  de  sa  vie, 
a  fait  une  campagne  active  en  vue  de  constituer  l'entrepôt 
de  Rome  à  Fiumicino.  Un  projet,  intimement  lié  aux  lois 
relatives  au  dessèchement  de  la  Campagne  romaine 
(V.  ce  mot),  a  été  adopté  :  4°  pour  établir  un  canal 
d'assainissement  détaché  du  Tibre  et  destiné  à  porter 
jusque  dans  la  mer  les  eaux  stagnantes  de  la  campagne  ; 
2°  pour  creuser  un  lit  plus  large  défendu  par  de  solides 
écluses  contre  les  alluvions  du  Tibre  et  qui  doit  aboutir  à 
un  port  profond  et  en  pleine  mer.  Deux  grosses  difficultés 
rendent  très  problématique  la  réussite  de  ce  projet  :  4°  c'est 
seulement  à  4,200  m.  du  rivage,  en  pleine  mer,  que  la 
sonde  marque  la  profondeur  de  40  m.  indispensable  pour 
l'accès  des  plus  gros  navires  ;  2°  les  crues  du  Tibre  et  les 
inondations  fréquentes  dont  il  est  la  cause  peuvent  entraî- 
ner de  grands  dégâts  en  raison  de  la  violence  des  eaux  et 
de  l'abondance  du  limon  et  des  détritus  déposés.  Mais  les 
ingénieurs  espèrent  aussi  que  la  rapidité  du  courant  déga- 
gera le  chenal  des  vases  et  des  sables  apportés.  Pour  le 
moment,  Fiumicino  est  un  village  artificiel,  construit  sur 
un  plan  officiel.  Le  commerce,  très  peu  important,  consiste 
en  denrées  alimentaires,  poissons,  vins,  huiles,  destinées  à 
l'usage  de  Rome.  Les  petites  embarcations  qui,  actuelle- 
ment, doivent  transporter  à  Rome  leur  cargaison,  sont 
forcées  de  s'alléger  à  Fiumicino  et  de  faire  en  deux  fois 
le  transport.  En  4873,  le  mouvement  d'entrée  et  de  sortie 
de  Fiumicino  a  été  de  4,473  embarcations  jaugeant  63,000 
tonnes  ;  en  4894,  de  2,066  embarcations  jaugeant  85,041 
tonnes.  Fiumicino  avait,  en  4884,  604  hab.  de  population 


FIUMICINO  -  FIZEAU 


-  542 


totale,  363  agglomérée.  Fiumicino  est  classé  comme  port 
de  deuxième  catégorie  (2e  classe).  H.  Vast. 

Bibl,.  :  Ern.  Desjardins,  Essai  sur  la  topographie  du 
Latium  ;  Paris,  1854,  in-4. 

F1UN10RB0.  Rivière  de  la  Corse  (V.  Corse,  t.  XII, 
p.  1085). 

FIVES  (V.  Lille). 

FIX-Saint-Geneys  ou  le-Haut.  Com.  du  dép.  de  la 
Haute-Loire,  arr.  du  Puy,  cant.  d'Allègre;  489  hab. 

F1X  (Théodore),  économiste  français,  né  à  Soleure 
(Suisse)  en  1800,  mort  à  Paris  le  31  juil.  1846.  D'une 
famille  de  protestants  français  réfugiés,  il  fit  ses  études  en 
France,  fut  arpenteur  à  Berne  (1818),  employé  du  ca- 
dastre à  Blois  (1819),  à  Clermont-Fer.rand,  à  Versailles, 
vint  en  1829  à  Paris,  où  il  vécut  quelques  temps  du  pro- 
duit de  traductions  allemandes,  puis  entra  à  la  rédaction 
du  Bulletin  universel  des  sciences  (1830)  et  fonda  en 
1833  la  Revue  mensuelle  d'économie  politique  (Paris, 
1 833-1 836?  5  vol.  in-8),  qu'il  dirigea  durant  ses  trois 
années  d'existence  et  qui  eut  pour  principal  collaborateur 
S.  de  Sismondi.  Il  écrivit  ensuite  des  articles  très  lus  au 
Siècle,  à  la  Quotidienne,  au  Journal  des  Economistes, 
à  la  Revue  nouvelle,  au  Constitutionnel.  Un  an  avant 
sa  mort,  il  publia  ses  Observations  sur  Vètat  des  classes 
ouvrières  (Paris,  1846,  in-8),  ouvrage  vivement  attaqué 
dans  lequel  il  combattait  le  principe  du  droit  au  travail  et 
imputait  la  misère  à  l'imprévoyance  et  à  l'ivrognerie. 

F IX  (Théobald),  philologue  suisse,  frère  du  précédent, 
né  à  Soleure  en  1802,  mort  à  Paris  le  21  sept.  1874. 
Il  étudia  à  Berne,  puis  à  Leipzig  avec  Godefroy  Hermann 
et  vint  s'établir  à  Paris.  Après  avoir  collaboré  à  la  nouvelle 
édition  du  Thésaurus  linguœ  grœcœ,  d'Henri  Estienne, 
il  publia  avec  M.  Sinner,  en  treize  volumes,  les  œuvres  de 
saint  Jean  Chrysostome,  fit  paraître  de  nombreuses  éditions 
grecques  fort  estimées  (Euripide,  Pindare,  etc.).  M.  Fix 
a  été  professeur  de  philologie  grecque  à  l'Ecole  normale, 
professeur  d'allemand  au  collège  Henri  IV  et,  depuis  1855, 
bibliothécaire  du  conseil  d'Etat.  Sa  dernière  œuvre  est  un 
Dictionnaire  français-allemand  et  allemand-français 
(Paris,  1875).  E.  K. 

FIXAGE  (Tiss.)  (V.  Dégorgeage). 
FIXATIF  (Beaux- Arts).  Liquide  composé  généralement 
d'alcool  et  d'une  solution  de  gomme  laque  blanche  ou  de 
colle  de  poisson,  au  moyen  duquel  on  rend  indélébiles 
les  dessins  au  fusain,  au  crayon  ou  au  pastel.  Le  lait 
et  la  bière  peuvent  aussi  servir  de  fixatif.  Autrefois 
ces  liquides  étaient  étalés  à  l'aide  d'un  pinceau  sur  le 
revers  d'un  dessin,  et,  pénétrant  le  papier,  agglu- 
tinaient les  poussières  noires  dont  le  dessin  à  fixer  était 
composé.  Aujourd'hui  l'emploi  du  vaporisateur  (V.  ce 
mot)  permet  la  fixation  directe,  sur  l'œuvre  même,  au 
moins  avec  les  fixatifs  à  base  d'alcool.  Tout  récemment,  il 
a  été  composé  un  fixatif  spécial  pour  le  pastel  ;  mais  ce 
produit  nouveau,  dont  la  composition  est  restée  secrète, 
n'est  pas  exempt  des  inconvénients  de  ses  devanciers.  Il  se 
combine  mal  avec  certaines  tonalités  claires  et  fraîches  du 
pastel  ;  il  assombrit  les  unes  et  fausse  les  autres,  comme 
l'ont  démontré  les  expériences  faites  par  divers  artistes. 

FIXATION  des  métaux  (Alch.).  Ce  terme  est  employé 
comme  synonyme  de  transmutation  ;  il  signifie,  à  propre- 
ment parler  :  1°  l'acte  qui  consiste  à  ôter  au  mercure  sa 
mobilité,  soit  en  l'associant  à  d'autres  métaux  ou  bien  au 
soufre,  soit  en  l'éteignant  à  Faide  de  divers  mélanges  ; 
2°  l'opération  par  laquelle  on  ôte  au  mercure  et  plus  gé- 
néralement aux  métaux  très  fusibles,  tels  que  le  plomb  et 
l'étain,  leur  fusibilité,  de  façon  à  les  rapprocher  de  l'état 
de  l'argent  ;  3°  l'opération  par  laquelle  on  ôte  au  mercure 
sa  volatilité  ;  4°  les  métaux  étant  ainsi  fixés  et  réputés 
purifiés  de  leur  élément  liquide,  on  leur  communiquait  une 
teinture  solide,  fixe,  qui  les  amenait  à  l'état  d'argent  ou 
d'or.  Arrivés  au  dernier  état,  ils  étaient  définitivement 
fixés,  c.-à-d.  rendus  incapables  d'une  altération  ultérieure. 
FIXÉ  (Peint.).  Tableau  peint  à  l'huile,  en  très  petites 


dimensions  et  avec  la  plus  grande  finesse,  sur  un  taffetas 
très  fin,  et  collé  sous  une  feuille  de  verre  qui  le  préserve 
à  la  façon  du  vernis.  Ce  genre  de  décoration  fut  très  employé 
au  moyen  âge,  pour  l'ornementation  des  meubles,  des 
objets  servant  au  culte,  des  pavages  même.  On  l'employait 
aussi  par  parties,  pour  décorer  les  vêtements  des  statues. 
Bien  démodé  aujourd'hui,  il  ne  se  retrouve  plus  que  sur 
des  tabatières  ou  des  boîtes  à  ouvrage. 

FIXIN.Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Dijon, 
cant.  de  Gevrey,  au  pied  de  la  Côte  d'Or  ;  455  hab.  Vins. 
La  terre  de  Fixin  fut  donnée  par  l'empereur  Louis  le 
Pieux  au  chapitre  de  Langres,  en  836.  Les  carrières,  ou- 
vertes dans  l'oolithe,  avaient  déjà,  au  xvme  siècle,  une 
grande  réputation.  Dans  une  propriété  particulière,  statue 
en  bronze,  représentant  Y  Apothéose  de  Napoléon  Ier,  érigée 
par  Noisot,  grenadier  de  l'île  d'Elbe,  œuvre  de  Rude.  Le 
modèle  en  plâtre  a  été  déposé  au  musée  du  Louvre  en 
1892.  M.  P. 

Bibl.  :  Courtépée,  Description  générale  et  particulière 
du  duché  de  Bourgogne  ;  éd.  1847,  t.  II,  p.  191. 

FIXITÉ  (Astron.).  Propriété  attribuée  par  les  anciens 
aux  étoiles  de  n'avoir  aucun  déplacement  sensible.  Nous 
savons  aujourd'hui  que  ces  astres  ont  de  fort  petites  varia- 
tions dans  leurs  positions,  et  sont  tous  doués  de  mou- 
vements propres  (V.  ce  mot). 

FIXLMILLNER  (Placidus),  astronome  autrichien,  né  à 
Achleuthen,  près  de  Kremsmùnster  (cercle  de  Traun),  le 
28  mai  1721,  mort  à  Kremsmùnster  le  27  août  1791. 
Bénédictin  très  instruit,  il  avait  quarante  ans  lorsqu'il 
commença  à  s'occuper  d'astronomie.  L'abbaye  de  Krems- 
mùnster, où  il  était  professeur  de  droit  canonique,  mit  son 
observatoire  à  son  entière  disposition;  il  en  détermina 
avec  précision  la  longitude  et  la  latitude  (1765)  et  y  pour- 
suivit d'intéressantes  observations  publiées  dans  deux  ou- 
vrages très  estimés  :  Decennium  astronomicum  (Steyer, 
1776,  in-4)  etActaastronomicacremifanensia  (Steyer, 
1791,  in-4).  Il  a  calculé,  le  second,  l'orbite  d'Uranus.  Ses 
travaux  ont  encore  porté  sur  la  parallaxe  du  Soleil,  l'occul- 
tation de  Saturne  de  1775,  le  passage  de  Mercure  de  1782, 
l'aberration  des  planètes,  la  nutation,  etc.  L.  S. 

FIZEAU  (Hippolyte-Louis),  physicien  français,  né  à  Paris 
le  23  sept.  1819,  fils  d'un  médecin  distingué,  professeur 
à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris.  D'une  position  indé- 
pendante et  doué  d'un  goût  vif  pour  les  sciences,  M.  Fizeau 
s'adonna  à  des  recherches  de  physique,  d'optique  princi- 
palement, qui  le  placent  parmi  les  plus  éminents  physiciens 
modernes.  Il  obtint  le  grand  prix  décerné  par  l'Institut  en 
1 856  et  entra  à  l'Académie  des  sciences  en  1860.  Ce  savant  a 
publié  dans  divers  recueils,  principalement  dans  les  Annales 
de  chimie  et  de  physique  et  dans  les  Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences,  un  grand  nombre  de  mémoires  et 
de  notes  dont  nous  ne  pouvons  donner  ici  qu'un  résumé.  On 
doit  d'abord  à  M.  Fizeau  un  grand  nombre  de  mémoires  et  de 
notes  publiés  dans  les  Comptes  rendus  (dut.  X  au  t.  XXIII) 
et  relatives  à  la  daguerréotypie.  Dans  l'une  de  ces  notes,  il 
indique  un  procédé  permettant  de  fixer  les  images  obtenues. 
De  nombreuses  recherches  sur  les  interférences,  faites  seul 
ou  en  collaboration  avec  Foucault  (V.  ce  nom),  conduisirent 
à  des  perfectionnements  importants  des  appareils  qui  les 
produisaient  et  à  des  applications  heureuses  :  sur  le  phé- 
nomène des  interférences  entre  deux  rayons  de  lumière 
dans  le  cas  de  grandes  différences  de  marche  (Comptes 
rendus,  XXI,  1155);  sur  les  interférences  des  rayons 
calorifiques  (Comptes  rendus,  XXV,  447  et  485).  On  lui 
doit  aussi  le  réfractomètre  différentiel  (Comptes  rendus, 
XXXIIÏ,  349).  Comme  applications  des  interférences,  on 
peut  citer  les  délicates  expériences  que  fit  M.  Fizeau  sur 
la  dilatation  des  cristaux  ;  le  procédé  qu'il  a  employé  dans 
cette  belle  étude  a  été  souvent  employé  depuis,  modifié  dans 
ses  détails,  chaque  fois  que  l'on  avait  à  mesurer  avec  pré- 
cision de  petites  longueurs  :  «  Un  rayon  de  lumière,  a  dit 
M.  Fizeau,  avec  ses  séries  d'ondulations  d'une  ténuité 
extrême,  mais  parfaitement  régulières,  peut  être  considéré 


comme  un  micromètre  naturel  de  la  plus  grande  perfection, 
particulièrement  propre  à  déterminer  les  longueurs  extrê- 
mement petites.  »  La  vitesse  de  la  lumière  a  été  aussi 
l'objet  de  nombreuses  recherches  de  ce  savant  (Comptes 
rendus,  XXIX,  90,  132  ;  XXX,  582,  771  ;  XXXIII,  349  ; 
LIV,  1237,  et  Ann.  de  chim.  et  de  phys.  (3),  LVII,  LXVI). 
L'appareil  qu'il  a  fait  construire  pour  déterminer  la  vitesse 
de  la  lumière  est  moins  précis  que  celui  de  Foucault  ; 
néanmoins,  il  a  donné  entre  les  mains  de  M.  Cornu  un 
nombre  peu  différent  de  celui  de  Foucault.  Les  résultats 
obtenus  par  M.  Fizeau  dans  l'étude  de  la  polarisation  de 
la  lumière  se  trouvent  consignés  dans  les  Comptes  rendus 
(XXII,  442;   XLIX,  717;  LU,  267,  1221)  et  dans  les 
Ann.  de  chim.  et  de  phys.  (LVIII,  LXIII).  Signalons  en- 
core les  recherches  sur  la  vitesse  de  l'électricité  (Comptes 
rendus,  XXX,  437  ;  XXXII,  47).  On  doit  aussi  à  ce  sa- 
vant l'introduction  dans  les  bobines  d'induction,  telles  que 
celles  de  Ruhmkorff,  d'un  condensateur  de  très  grande 
surface,  quoique  peu  volumineux,  qui  augmente  dans  des 
proportions  considérables  la  longueur  des  étincelles  que 
l'on  peut  obtenir  avec  cette  sorte  d'appareil.  M.  Fizeau  a 
en  outre  présenté  un  grand  nombre  de  rapports  à  l'Aca- 
démie des  sciences  sur  les  divers  mémoires  soumis  aux 
nombreuses  commissions  dont  il  a  fait  partie.    A.  Joannis. 
F I Z E  L I È  R  E  (Albert  Patin  de  La)  ,  littérateur  français ,  né 
à  Marly  (Moselle)  en  1809,  mort  à  Paris  le  11  févr.  1878. 
La  Fizelière  débuta  en  1842  par  des  articles  de  littérature 
et  d'art,  fonda  en  1848  un  périodique  hebdomadaire  qui 
n'eut  qu'une  durée  éphémère  :  Notre  Histoire,  et  collabora 
successivement  à  \  Artiste,  au  Journal  de  Paris,  à  la 
Presse,  au  Courrier  de  Paris  et  au  Siècle.  Comme,  écri- 
vain politique,  on  lui  doit  en  collaboration  avec  M.  ftirau- 
deau  une  Biographie  des  représentants  à  l'Assemblée 
constituante  (1848)  et  une  Biographie  des  représen- 
tants à  l'Assemblée  législative  (1849)  ;  puis  des  Con- 
seils aux  électeurs,  etc.  Comme  littérateur,  il  est  l'auteur 
d'un  roman,  la  Mare  Thibaut  (1853);  de  deux  pièces  de 
théâtre,  Une  Famille  de  la  rue  Moujfetard,  en  collabo- 
ration avec  M.  de  La  Jonchères,  et  les  Inondés  de  la  Loire, 
en  collaboration  avec  M.  Servais,  enfin  des  livres  d'art  et 
d'érudition  :  Des  Vins  a  la  mode  et  des  Cabarets  au 
xviie  siècle  (\8%6)  ;  Essais  de  biographie  contemporaine; 
Charles  Baudelaire,  en  collaboration  avec  M.  Decaux  ;  Vin- 
cent Donon  (1872-1873),  la  Vie  et  VOEuvre  de  Chin- 
treuil  (1 874) ,  en  collaboration  avec  Champfleury  et  Henriot* 
—  Sa  femme,  née  Sara  Bouclier,  a  traduit  des  romans 
anglais  pour  le  Journal  pour  tous  et  la  Bibliothèque  des 
meilleurs  romans  étrangers.  Ch.  Le  Goffic. 

FJELLNER  (Anders),  pasteur  et  démomathe  lapon  de 
Suède,  né  dans  la  paroisse  de  Hede  (Herjedal)  le  18  sept. 
1795,  mors  le  28  févr.  1876.  Il  fut  le  premier  Lapon  qui 
eût  étudié  et  reçu  les  ordres  (1828).  Il  continua  néanmoins 
de  mener  la  vie  nomade  pendant  ses  vacances  et  comme 
instituteur  ambulant  (1821),  jusqu'à  sa  nomination  au 
pastorat  de  Sorsele  (1842).  Grâce  à  son  instruction,  il  put 
faire  de  précieuses  collections  de  mots,  de  chants,  de  contes 
lapons,  qu'il  n'a  pas  publiées,  mais  dont  G.  von  Dûben  et 
0.  Donner  ont  tiré  bon  parti.  B~s. 

FJ  ELLSTEDT  (Peter),  missionnaire  et  linguiste  suédois, 
né  à  Sillerud  (Vsermland)  le  17  sept.  1802,  mort  à  Upsala 
le  4  janv.  1881.  Après  avoir  reçu  les  ordres  à  Karlstadt 
(1828),  étudié  les  langues  orientales  à  l'Institut  des  mis- 
sions à  Londres  (1829),  enseigné  à  celui  de  Bâle,  puis  pen- 
dant quatre  ans  à  celui  de  Tinevelli  dans  l'Inde  où  il  prêcha 
en  tamoul,  il  fut  missionnaire  en  Asie  Mineure  jusqu'en 
1840,  puis  dans  diverses  contrées  de  l'Europe  (1842-45). 
Il  refusa  deux  pastorats  pour  se  consacrer  exclusivement 
à  son  œuvre,  comme  prédicateur  et  directeur  de  l'Institut 
des  missions  àLund  (1846).  Il  fonda  lui-même  à  Stockholm 
(1856)  l'école  Fjellstedt,  transférée  à  Upsala  (1859),  d'où 
beaucoup  de  missionnaires  ont  été  envoyés  en  Laponie, 
dans  l'Inde,  en  Afrique  et  en  Amérique.  Il  comprenait 
vingt-six  langues  et  en  parlait  douze.  Il  publia  en  suédois 


—  543  —  FIZEAU  —  FJORD 

le  Journal  des  missions  de  Lund  (à  partir  de  1846)  ; 
VAmi  de  la  Bible  (depuis  1848)  et  divers  ouvrages  de 
théologie  et  de  piété.  Il  en  traduisit  plusieurs  en  turc 
(Leipzig,  4842;  Malte).  Un  Choix  de  ses  écrits,  avec 
autobiographie,  a  été  édité  après  sa  mort  (Stockholm, 
1883-84,  3  vol.  in-8).  B-s. 

FJELLSTRŒM  (Per),  laponiste  suédois,  né  au  presby- 
tère de  Silbojok  le  2  mars  1697,  mort  à  Lycksele  le 
30  juin  1764.  Après  avoir  étudié  à  Upsala  (1715),  il  fut 
vingt  ans  maître  d'école  à  Lycksele  (à  partir  de  1718), 
puis  pasteur  de  cette  paroisse  (1739).  Familiarisé  dès  son 
enfance  avec  le  lapon,  il  traduisit  dans  cette  langue  V Ex- 
plication du  petit  catéchisme  de  Luther  par  Svebilius 
(Stockholm,  1738;  2e  édit.,  1755);  les  Psaumes,  les 
Evangiles,  les  Epîtres  et  un  Manuel  ecclésiastique 
(ibid.,  1744;  2e  édit.,  1786);  le  Nouveau  Testament 
(ibid.,  1755);  et  il  publia  :  Dictionarium  Sueco-Lap- 
ponicum  et  Grammatica Lapponica  (ibid.,  1738,  in-8), 
ainsi  qu'un  mémoire  Sur  la  Chasse  à  Vours  chez  les 
Lapons  (1755).  B-s. 

FJORD  (GéoL).  Sous  ce  nom  viennent  se  ranger  de  pro- 
fondes échancrures  du  littoral  qui  permettent  à  la  mer  de 
pénétrer  fort  loin  dans  l'intérieur  des  continents  sous  la  forme 
de  golfes  étroits  et  profonds,  diversement  ramifiés.  Jamais 
isolées,  ces  articulations  toujours  nombreuses,  très  rappro- 
chées, sensiblement  parallèles,  offrent  cette  particularité 
de  donner  aux  côtes  une  bordure  de  longues  péninsules, 
tortueuses,  et  par  suite  un  développement  exagéré.  Tels 
sont  les  fjords  célèbres  de  la  Norvège  qui,  pénétrant  souvent 
jusqu'au  cœur  de  la  grande  chaîne  Scandinave,  s'étendent 
depuis  le  promontoire  de  Lindes-Nses  jusqu'au  cap  Nord  sans 
interruption,  en  donnant  à  la  côte  0.  de  la  Scandinavie  un 
développement  total  de  20,000  kil.  au  lieu  de  1,900  kil.  à 
peine,  si  ces  profondes  entailles  n'existaient  pas.  Mieux 
que  toute  description  les  figures  suivantes  qui  représentent 
les  principaux  types  de  ces  remarquables  fjords  norvégiens 
donneront  une  idée  de  la  forme,  si  particulière,  qu'affectent 
ces  singulières  découpures  du  littoral.  Tantôt,  comme  le 
sinistre  Lysefjord,  cité  par  Victor  Hugo  dans  les  Tra- 
vailleurs de  la  Mer,  elles  prennent  la  forme  d'un 
énorme  fossé,  se  poursuivant  dans  l'intérieur  jusqu'à  des 
distances  de  40  à  50  kil . ,  avec  une  étonnante  régularité 
et  une  profondeur  telle  que,  dans  le  fond  de  cette  sombre 
avenue,  les  rayons  du  soleil  y  pénètrent  à  peine;  tantôt, 
au  contraire,  comme  dans  les  fjords  branchus  de  la  Nor- 
vège méridionale  (fig.  Ij,  leur  allure  sinueuse  et  leurs  rami- 
fications sont  telles  qu  elles  deviennent  un  labyrinthe  pour 
ainsi  dire  inextricable. Toutes,  avec  une  grande  profondeur, 
se  signalent  par  leur  étroite  largeur  et  la  raideur  de 
hautes  falaises  qui  les  encaissent.  Celles  du  Lysefjord  qui 
s'avance  à  43  kil.  dans  les  terres,  sans  guère  dépasser 
600  m.  en  largeur,  s'élèvent  tout  d'un  jet  à  plus  de 
1,000  m.,  tandis  qu'à  leur  pied  la  sonde  accuse  une  pro- 
fondeur de  400  m.  Il  en  est  comme  le  sinueux  Sognefjord 
dont  les  bords,  toujours  escarpés  et  sensiblement  parallèles, 
sont  à  peine  distants  de  100  m.,  et  où  la  sonde,  dès  l'en- 
trée, ne  rencontre  le  fond  qu'à  partir  de  1,000  m.  De  plus, 
quand  on  détermine  à  l'aide  de  sondages  la  topographie 
des  points  situés  au-dessous  du  niveau  de  la  mer,  on  voit 
que  le  fond  du  fjord,  loin  d'être  plat,  n'est  autre  qu'un 
thalweg  bien  accentué,  dont  les  versants  noyés,  sou- 
vent très  inclinés,  sont  si  bien  situés  dans  le  prolongement 
immédiat  de  ceu#  des  hautes  falaises  qui  l'encaissent  qu'on 
ne  peut  observer  la  moindre  modification  dans  la  pente. 
Dès  lors,  on  ne  peut  échapper  à  cette  conclusion  qu'un  fjord 
n'est  autre  qu'une  ancienne  vallée,  profondément  encaissée, 
aujourd'hui  envahie  par  la  mer.  D'ailleurs,  les  mêmes  son- 
dages, effectués  cette  fois  à  l'extérieur,  attestent  qu'au 
débouché  de-  chaque  fjord  ces  vallées  sous-marines  se  pro- 
longent en  mer  en  se  trouvant  délimitées  par  ces  chaînes 
d'îles,  si  caractéristiques  des  côtes  découpées  par  de 
pareilles  échancrures,  chaînes  d'îles  qui  ne  sont  autres 
que  les  cimes  émergées  d'une  ligne  de  hauteurs  située  dans 


Fig.  1.  —Le  Sogne  fjord  en  Norvège,  par  61°  de  lat.  N. 


FJORD  —  544  — 

le  prolongement  immédiat  des  falaises  qui  bordent  ces 
go  lies  ramifiés. 

D'autres  fois,  cette  vallée,  au  lieu  d'avoir  une  pente 
continue  vers  la  mer,  présente  souvent  ses  points  les  plus 
profonds  à  l'intérieur,  loin  de  l'embouchure.  Dans  quelques 
fjords  très  encaissés,  comme  celui! précédemment  cité  de 
Sogne,  ce  relève- 
ment du  fond  vers 
l'embouchure  est 
à  ce  point  accusé 
qu'une  couche 
d'eau  douce, 
épaisse  d'up  mè- 
tre, alimentée  par 
la  fonte  des  nei- 
ges et  les  eaux 
de  ruissellement, 
peut  s'y  maintenir 
à  la  surface  de 
l'eau  salée  avec 
une  pureté  et  une 
persistance  telles 
que,  sur  les  bords, 
des  plantes  d'eau 
douce  à  croissance 
rapide  se  substi- 
tuent aux  algues 
marines  et  que  les 
barques  norvé- 
giennes viennent 
y  renouveler  leur 

provision  d'eau.  Enfin  il  'en  est,  comme  le  Drammsfjord, 
qui  se  montrent  subdivisés  en  bassins  distincts,  par  des 
barrières  rocheuses,  sortes  de  péninsules  intérieures,  ne 
laissant  libre  qu'un  étroit  défilé  dans  lequel  le  fjord  se 
transforme  momentanément  en  un  fleuve  animé  d'un  cou- 
rant rapide  alternatif,  pouvant  atteindre  1  5  kil.  à  l'heure 
pendant  le  reflux  et  de  7   à  9  kil.  lors  :du  flux.  Dans 
ce    cas,    le    bassin 
d'amont,  quand  de 
grands   fleuves  vien- 
nent s'y  déverser,  tend 
à  se  transformer   en 
un  lac   d'eau  douce. 
(A.  Blytt,  Om  Végé- 
tations .  forholdene 
ved    Sognefjorderi). 

Tels  sont  les  fjords 
norvégiens;  il  est  bien 
clair  qu'une  pareille 
disposition  est  incon- 
ciliable avec  ce  qu'on 
sait  de  l'action  érosive 
exercée  sur  les  côtes 
par  les  eaux  marines,  et 
qu'on  ne  peut  de  même 
à  aucun  titre  attribuer 
leur  creusement  aux 
rivières  insignifiantes 

qui  les  traversent  actuellement,  rivières  dont  le  travail  mé- 
canique est  nul,  comme  on  sait,  aussitôt  qu'elles  atteignent 
leur  niveau  de  base,  c.-à-d.  celui  de  l'Océan.  Leur  forme  si 
particulière,  notamment  la  raideur  de  leurs  parois,  réclame, 
pour  être  suffisamment  expliquée,  l'intervention  d'agents  tout 
différents;  mais, pour  s'enrendre  compte  avec  une  rigueur  suf- 
fisante, il  nous  faut  maintenant  examiner  leur  distribution. 

Loin  d'être  limités  à  la  Norvège  ainsi  qu'aux  îles  voisines 
du  littoral,  les  fjords  abondent  en  Ecosse  où  sous  le  nom  de 
firth  on  désigne  une  longue  suite  de  golfes  toujours  étroits 
et  profondément  encaissés,  qui,  depuis  celui  de  la  Clyde 
jusqu'au  cap  Weath,  découpent  à  l'infini  la  côte  occidentale 
en  la  décuplant  en  longueur  comme  celle  norvégienne  si 
déchiquetée. En  regard  des  péninsules  ramifiées  innombrables 


Fig.  2.  —  Firth  et  loch  Etive,  type  de  fjord  écossais. 


qui  les  délimitent,  on  remarque  également  des  chaînes  d'îles 
très  découpées,  et  de  même  au  fond  des  firths  les  bassins 
d'eau  douce  ou  peu  salée,  loin  de  manquer,  se  multiplient  au 
point  qu'on  les  désigne  spécialement  sous  le  nom  de  loch. 
Tel  est  par  exemple  le  loch  Etive,  qui,  dans  le  S.-E.  de 
l'Ecosse,  à  l'extrémité  d'un  firth  de  30  kil.,  devient  la  der- 
nière ramification 
de  ce   golfe    al- 
longé, barrée  par 
un  seuil  situé  à 
2  m,  au-dessous 
de  l'eau   et  très 
profonde(139m.) 
comme  d'habitude 
(fig.  2).  Plus  à 
l'O.,  cette  longue 
chaîne  à  demi  sub- 
mergée de  roches 
anciennes,  les  Hé- 
brides, séparées  de 
la    côte  d'Ecosse 
par  des  détroits  re-' 
doutés,  et  surtout 
dans  le   N.,   les 
Orcades  puis  lés 
Shetland  ne  sont 
pas  moins  riches 
en  profondes  en- 
tailles de  ce  genre. 
Les  Feroë,  les  cô- 
tes 0.  d'Islande, 
du  Labrador,  du  Groenland,  de  l'archipel  François-Joseph, 
du  Spitzberg  et  de  toutes  les  îles  voisines  du  pôle,  telles  sont 
les  régions  où,  sur  leur  pourtour,  des  fjords  en  tous  points 
comparables  à  ceux  de  la  Scandinavie  se  chiffrent  par  cen- 
taines (fig.  3).  On  les  chercherait  ensuite  en  vain  dans  toutes 
les  terres  situées  sous  des  latitudes  plus  basses.  Si,  en  effet, 
dans  certains  points  du  littoral  plus  méridional  de  l'Irlande, 

du  pays  de  Galles,  de 
la  Bretagne  et  surtout 
de  la  Galice,  à  l'extré- 
mité des  Pyrénées  Can- 
tabriques,on  rencontre 
des  rivages  encore  pro- 
fondément    découpés 
par  de  profonds  sil- 
lons, prenant  l'aspect 
de  golfes  étroits  et  si- 
nueux, comme  les  rias 
bien  connus  de  la  côte 
espagnole,  ce  ne  sont 
là  pour  ainsi  dire  que 
des  tentatives  de  fjords, 
c.-à-d.  des   échan- 
crures  au  profil  plus 
adouci,  bien  moins  pro- 
fondes et  qui  n'ont  rien 
de  comparable  à  celles 
si  vigoureusement  ac- 
centuées des  régions  septentrionales  dont  nous  venons  de  fixer 
les  caractères.  En  Amérique  il  en  est  de  même.  Pour  trouver 
des  formations  comparables,  c.-à-d.  des  rivages  franche- 
ment découpés  par  de  profondes  entailles  comme  ceux  de 
la  Norvège  ou  de  l'Ecosse,  il  faut  atteindre,  d'une  part,  à 
l'extrémité  N.  du  double  continent  américain,  la  longue 
presqu'île  d'Alaska  et  le  labyrinthe  des  îles  de  Vancouver  ; 
de  l'autre,  à  l'extrémité  opposée,  en  pleine  Patagonie,  la 
Terre  de  Feu  et  le  singulier  réseau  des  détroits  de  l'ar- 
chipel de  Magellan.  C'est  dans  cette  direction  seule,  c.-à-d. 
au  voisinage  des  terres  polaires  du  Sud,  qu'on  peut  retrouver, 
au  fond  de  l'hémisphère  austral,  ce  phénomène  étonnant  de 
tortueuses  et  profondes  vallées  remplies  par  l'eau  de  mer  ; 
le  détroit  de  Magellan  n'est  lui-même  qu'un  fjord  à  double 


—  545  — 


FJORD 


entrée  et  c'est  dans  cet  archipel  que  les  échancrures  de  ce 
genre  sont  le  plus  accentuées  (Ratzel,  Mittheilungen  von 
Petermann,  1880,  n°  10);  de  plus,  dans  ces  deux  points 


Fig.  3.—  Fjords  de  la  côte  occidentale  du  Groenland  (depuis 
la  baie  de  Disko  au  N.  jusqu'à  celle  des  Ours  au  S.). 

extrêmes  de  l'Amérique,  comme  dans  les  régions  froides 
de  l'Europe  et  les  contrées  polaires  de  l'hémisphère  N.,  le* 
phénomène  des  fjords  n'a  son  plein  effet  que  sur  les  rivages 
tournés  vers  l'O.;  il  en  résulte  un  contraste  saisissant 
avec  ceux  orientaux  dont  le  profil  est  plus  adouci. 

De  tous  ces  faits  il  ressort  clairement  que  le  phénomène 
des  fjords,  localisé  dans  les  régions  de  hautes  latitudes, 
atteint  son  maximum  de  développement  dans  les  régions 
où  l'action  glaciaire  a  le  plus  persisté.  0n  les  remarque,  en 
effet,  devenant  de  plus  en  plus  nombreux  et  plus  accen- 
tués à  mesure  qu'on  s'avance  vers  les  contrées  polaires  ; 
c'est  dans  cette  direction  qu'il  faut  venir  chercher  des 
fjords,  permettant  à  la  mer  (comme  ceux  de  la  Norvège 
tout  à  fait  septentrionale)  de  pénétrer  dans  l'intérieur  du 
continent,  jusqu'à  200  kil.  du  rivage.  Cela  seul  suffit  pour 
établir  entre  ces  deux  ordres  de  phénomènes  des  relations 
de  cause  à  effet  et  par  suite  de  voir  que  l'agent  qui  seul  a 
pu  façonner  de  pareils  sillons  et  en  dresser  les  parois,  après 
leur  creusement  par  les  eaux  courantes,  c'est  la  glace. 

Il  est  bien  certain,  en  effet,  que,  lors  de  ces  grandes 
invasions  glaciaires  qui  faisaient  disparaître  les  grandes 
plaines  du  Nord  de  l'Europe  sous  un  épais  manteau  de 
glace,  les  glaciers  ont  rempli  tous  les  fjords,  et  que  c'est 
à  ce  long  séjour  des  glaces,  ainsi  qu'à  la  date  récente  de 
leur  disparition,  qu'ils  doivent,  avec  leur  profondeur  et  la 
raideur  de  leurs  versants,  d'avoir  conservé  la  fraîcheur  de 
leur  profil.  Dans  ce  cas,  la  glace  a  joué  surtout  un  rôle  pro- 
tecteur, car  sans  cet  obstacle,  si  la  mer  avait  pu  directement 
les  attaquer,  elle  aurait  eu  pour  effet  de  niveler  la  côte  et  de 
les  faire  disparaître.  La  liaison  des  fjords  avec  les  glaciers 
peut  être  d'ailleurs  appuyée  encore  par  des  preuves  plus 
directes;  en  Norvège,  par  exemple,  on  trouve,  au  débouché  de 
chacun  d'eux  dans  la  mer,  un  barrage  immergé  bien  connu  des 
marins  Scandinaves  sousle  nom  de  «  pont  de  mer  »  [havbraën) 
et  qui  n'est  autre  qu'une  ancienne  moraine  terminale  sous- 
marine,  abandonnée  par  le  glacier  au  moment  de  sa  retraite. 
Dès  lors,  l'histoire  de  ces  profondes  échancrures  et  leur 
tranformation  en  fjords  comprend  les  diverses  phases  sui- 
vantes :  creusement  à  l'air  libre  par  des  eaux  courantes, 
antérieurement  à  l'époque  glaciaire,  d'une  série  de  vallées 
parallèles  aboutissant  à  la  mer;  occupation  ensuite  de  tous 
ces  espaces  par  les  glaciers  qui,  déblayant  ces  vallées  des 
matériaux  qu'ils  rencontraient,  ont  eu  pour  effet  de  les  ap- 
profondir et  d'accentuer  la  raideur  de  leur  profil  en  travers  ; 
disparition  des  glaces  assez  tardive  pour  que  les  agents 
atmosphériques  n'aient  pas  eu  le  temps  d'effacer  les  caractères 
que  les  glaciers  avaient  imprimés  aux  versants. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


Il  nous  reste  maintenant  à  expliquer  comment  la  mer  a  pu 
envahir  progressivement  tous  ces  espaces  après  la  retraite 
des  glaciers.  Pour  cela  il  faut  d'abord  nous  souvenir  que  les 
vallées  des  fjords  ont  été  creusées,  avant  l'époque  glaciaire, 
à  une  époque  où,  vers  la  fin  des  temps  tertiaires,  régnait  sur 
les  régions  septentrionales  de  notre  hémisphère  un  climat 
plus  chaud  qu'aujourd'hui,  puis  nous  reporter  au  moment  de 
la  grande  extension  des  glaciers.  Quand  ces  régions  disparais- 
saient sous  un  manteau  de  glace,  il  est  bien  clair  que  les 
vallées  en  question  ne  pouvaient  manquer  d'être  comblées 
par  cette  nappe  glacée.  Or,  les  lois  de  la  physique  nous 
enseignant  que  toute  terre  soumise  à  l'action  prolongée  du 
froid  sous  une  calotte  de  glace,  suffisamment  épaisse  pour 
maintenir  le  sol  en  profondeur  à  la  température  de  0, 
doit  subir  une  contraction,  ce  phénomène,  s'appliquant  à 
un  territoire,  qui  se  trouvait  autrefois  dans  une  atmos- 
phère de  10  à  12°  de  température,  s'est  traduit  par  un 
affaissement  général  de  plusieurs  centaines  de  mètres  et  qui 
a  eu  nécessairement  pour  effet  d'abaisser  sensiblement  les 
vallées  des  fjords  au-dessous  de  leur  niveau  primitif.  Les 
glaces  qui  les  encombraient  deviennent  alors  le  seul  obstacle 
qui  se  soit  opposé  à  leur  envahissement  par  les  eaux 
marines,  en  même  temps  un  élément  très  profitable  pour  les 
protéger  contre  l'action  des  vagues  et  des  courants.  Mais 
il  en  a  été  tout  autrement  quand  les  glaciers  se  sont  retirés  ; 
ce  départ  des  glaces,  en  mettant  à  jour  de  vastes  surfaces 
a  nécessairement  motivé  un  réchauffement  notable  du  ter- 
rain ;  le  rayonnement  a  repris  ses  droits  et  une  température 
de  4  à  10°  a  succédé,  dans  ces  contrées,  à  ce  froid  de  zéro 
que  la  glace  avait  si  longtemps  maintenu  dans  le  sol.  Dès 
lors,  un  tel  changement  thermique  a  sûrement  déterminé 
un  mouvement  de  dilatation,  par  suite  un  relèvement  du 
terrain  bien  marqué.  Mais  les  conditions  climatériques  étant 
moins  favorables  qu'avant  l'époque  glac  iaire,  ce  relèvement 
a  été  insuffisant  pour  que  ces  vallées  puissent  revenir  à  leur 
niveau  primitif;  c'est  de  la  sorte  que  ces  anciennes  vallées, 
dans  cette  phase  d'émersion  qui  a  donné  naissance  aux 
fjords,  ont  dû  rester  en  partie  immergées  sous  la  mer.  On 
voit  par  suite  que,  en  dernière  analyse,  des  mouvements  du 
sol  bien  caractérisés  ont  contribué  à  la  formation  des  fjords  ; 
mais,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  dans  aucun  cas  ces  oscillations 
lentes  ne  peuvent  être  attribuées  à  une  cause  profonde,  au 
moindre  effort  latéral  de  compression  ;  seuls  des  phéno- 
mènes thermiques  et  par  suite  d'ordre  tout  à  fait  super- 
ficie! doivent  être  invoqués  pour  les  expliquer. 

Les  preuves  de  cette  émersion  qui,  depuis  la  retraite  des 
grands  glaciers,  s'est  adressée  à  toutes  les  contrées  voisines 
des  pôles  et  persiste  encore  dans  l'hémisphère  Nord,  sont 
du  reste  manifestes.  En  Norvège,  notamment,  elles  se  tra- 
duisent d'une  façon  très  expressive  par  la  présence  sur  les 
flancs  des  fjords  d'une  série  de  terrasses  caillouteuses  éta- 
gées,  se  poursuivant  parfois  sur  des  milliers  de  mètres  de 
longueur  et  dont  l'allure  franchement  rectiligne  interrompt 
singulièrement  le  profil  harmonieux  du  versant  de  ces  grandes 
avenues.  Ces  longues  traînées  horizontales  d'amas  de  pierres, 
mélangées  de  boue,  disposées  par  échelons  successifs,  qui 
deviennent  de  plus  en  plus  nombreuses  et  plus  élevées 
à  mesure  qu'on  remonte  le  fjord,  ne  sont  autres,  avec 
leur  allure  morainique  sou  vent  bien  nette,  en  effet,  que  les 
traces  laissées  par  la  glace  sur  les  flancs  de  ces  canaux 
dans  son  mouvement  progressif  de  retraite.  Elles  marquent 
les  étapes  successives  de  ce  recul  et  par  suite  celui  du  mou- 
vement consécutif  d'émersion  qui  n'a  pu  s'accomplir  que 
par  saccades. 

C'est  le  peu  de  temps  qui  s'est  écoulé  depuis  cette  émer- 
sion qui  a  permis  aux  fjords  de  conserver  leur  profit  intact  ; 
les  agents  habituels  d'érosion  dont  le  travail  est  toujours 
très  lent  n'ayant  pu  encore  parvenir  à  effacer  le  caractère  que 
les  glaciers  ont  imprimé  à  leur  versant.  Quant  à  leur  plein 
développement  sur  les  côtes  qui  font  face  à  l'O.  il  faut  en 
chercher  l'explication  dans  la  fréquence  habituelle  des  pluies 
sur  ces  versants  occidentaux  ;  sur  ces  côtes,  en  effet,  direc- 
tement soumises  à  l'action  des  vents  pluvieux  qui  hâlaient 

35 


FJORD 


546 


tous  de  l'O.  comme  à  présent,  cette  condition  a  retardé  la 
fonte  des  glaces  et  maintenu  les  échancmres  dans  leur  état 
primitif,  alors  que  les  vallées  du  versant  opposé  étaient  de- 
puis longtemps  débarrassées  du  manteau  protecteur  qui  les 
recouvrait  ;  si  bien  que,  dans  cette  direction,  la  régulari- 
sation du  littoral  par  la  mer  et  les  rivières  ayant  commencé 
de  bonne  heure,  le  profil  des  rives  est  plus  adouci. 

Comblement  des  fjords.  Dans  ce  travail  de  régularisa- 
tion des  côtes  échancrées  et  de  comblement  des  fjords,  deux 
causes  interviennent  avec  efficacité  en  combinant  leurs  effets  : 
l'action  propre  des  vagues  qui  a  pour  effet,  en  nivelant  tous 
les  accidents  du  rivage,  de  substituer  des  contours  recti- 
îignes  aux  anciennes  échancrures  des  côtes,  et  d'établir,  en 
avant  de  l'entrée  des  fjords,  sur  tous  les  points  où  le  barrage 
morainique  submergé  devient  une  plate-forme  profitable  pour 
recevoir  les  dépôts 
marins,  un  cordon 
littoral,  c.-à-d.  un 
appareil  qui  devient 
alors  un  point  d'ap- 
pui sérieux  pour  les 
alluvions  amenées 
dans  l'intérieur  par 
les  eaux  courantes. 
Dès  lors,  le  canal 
demeuré  en  arrière 
de  ces  levées  de  sa- 
bles ou  de  galets 
est  destiné,  tôt  ou 
tard,  à  faire  partie 
de  la  terre  ferme,  et 
le  comblement  des 
fjords  suit  la  marche 
régulière  du  phéno- 
mène bien  connu  qui 
détermine,  par  col- 
matage progressif, 
la  transformation 
des  lagunes  du  lit- 
toral maritime  et 
des  estuaires  en 
terres  cultivées, 
quand  ces  espaces, 
par  suite  de  l'éta- 
blissement des  cor- 
dons littoraux,  sont 
retranchés  du  do- 
maine maritime. 
Cette  conquête  opé- 
rée en  faveur  de  la 
terre  ferme  par  l'ac- 
tion combinée  de  la 
mer  et  des  eaux 
courantes,  déjà  bien 
avancée  dans  cer- 
tains fjords  de  la  Scandinavie  comme  ceux  de  Christiansand 
en  Norvège,  réduits  au  quart  de  leur  dimension  primitive, 
est  presque  achevée,  sur  les  côtes  d'Ecosse,  dans  tous  les 
points  où  le  littoral  dentelé,  bien  abrité  contre  les  vents  vio- 
lents, s'est  trouvé  envahi  par  des  bancs  de  sable.  A  de  pa- 
reils phénomènes  peut  être  attribué  le  comblement,  sur  nos 
côtes  septentrionales  françaises,  dans  la  grande  baie  des 
Yeys  (golfe  de  Carentan,  fig.  4),  des  profondes  échancrures 
qui  le  découpaient  autrefois  en  pénétrant  fort  loin  dans 
l'intérieur  du  continent.  On  peut,  en  effet,  considérer  ces 
découpures  comme  d'anciens  fjords  n'ayant  servi  que  tem- 
porairement de  lit  à  des  glaciers  et  sur  lesquels  les  agents 
extérieurs  ont  eu  tout  le  temps  nécessaire  pour  accomplir 
leur  œuvre  en  venant  tapisser  leur  fond  d'épaisses  couches 
d'alluvions  vaseuses,  où  des  courants  peuvent  seuls  intro- 
duire des  chenaux  de  quelque  profondeur,  tandis  que  la 
raideur  des  versants  qui  les  encaissaient  était  progressive- 
ment atténuée  sous  l'action  des  pluies.  Actuellement  dans 


Contour  de  la  côte 


rangée  de 
erratiques 


Fig.  4.  —  Les  anciens  fjords  de  Carentan. 


ces  anciennes  échancrures  dont  l'emplacement  est  marqué 
par  des  cultures  et  des  marais,  les  eaux  courantes  sont 
conduites  à  la  mer  par  deux  chenaux  :  celui  d'isignyà  l'E. 
qui  concentre  les  eaux  de  la  Vire  et  de  FAure,  tandis  qu'à 
l'O.,  celui  de  Carentan  réunit  celles  de  la  Douve  et  de  la 
Taute.  La  baie  des  Veys  offre  ainsi,  dans  nos  régions,  un 
remarquable  exemple  des  conquêtes  opérées  sur  le  domaine 
maritime  par  des  atterrissements  effectués  dans  les  condi- 
tions précédemment  indiquées.  La  tradition  la  présente,  en 
effet,  comme  autrefois  barrée  par  un  cordon  de  dunes  ;  sa 
surface,  alors  à  l'état  de  moëres,  était  couverte  de  lacs  tour- 
beux situés  au-dessous  du  niveau  de  la  mer,  puis  le  com- 
blement par  colmatage  une  fois  complètement  achevé,  ce 
sont  les  grandes  tempêtes  ^équinoxe  qui,  rompant  ce 
cordon  littoral,  ont  communiqué  à  cette  grande  baie  sa 

physionomie  ac- 
tuelle. 

Lochs  écossais; 
lacs  italiens. 
D'autre  part,  étant 
donné  que  les  points 
les  plus  profonds 
des  fjords  sont  tou- 
jours situés  en 
amont,  loindel'em- 
b.ouchure  où  la 
sonde  rencontre  le 
fond-  assez  vite,  on 
conçoit  qu'une  per- 
sistance marquée  du 
mouvement  d'émer- 
sion  de  la  contrée 
puisse  transformer 
partiellement  ces 
canaux  en  bassins 
lacustres.  Parmi 
les  lochs  écossais, 
tous  ceux  nombreux 
qui,  maintenant 
complètement  des- 
salés, sont  remplis 
d'eau  douce,  n'ont 
pas  d'autre  origine. 
Sur  le  versant  ita- 
lien des  Alpes  orien- 
tales, la  liaison  des 
beaux  lacs  bien 
connus  de  la  Lom- 
bardie  (lac  Majeur, 
Lugano,  lac  de 
Corne,  lac  de  Garde, 
etc.)  avec  l'ancienne 
extension  de  gla- 
ciers n'est  pas  moins 
évidente.  Tous  très 
allongés,  et  disposés  sur  le  trajet  de  lignes  de  fractures 
bien  caractérisées,  transversales  par  rapport  à  la  grande 
chaîne  dans  laquelle  ils  s'enfoncent  si  profondément,  pré- 
sentent, a\ec  les  fjords  norvégiens,  une  analogie  d'aspect 
aussi  complète  que  possible,  ainsi  qu'en  témoignent  avec 
une  allure  sinueuse  leurs  bords  escarpés  d'un  pittoresque 
achevé,  leur  profondeur  toujours  grande,  leur  couronne- 
ment continu  de  hautes  cimes  couvertes  de  neiges  et  de 
glaciers  ;  seule  leur  parure  de  palais  étincelants  et  de  gra- 
cieuses villas,  coquettement  éparses  au  milieu  d'une  végé- 
tation presque  tropicale,  introduit,  avec  l'aspect  des  grandes 
entailles  de  la  côte  Scandinave,  des  différences  tranchées. 
Sans  doute,  leur  disposition  actuelle  ne  peut  s'expliquer  que 
par  des  effondrements  le  long  de  cassures  déterminant, 
lors  des  grands  mouvements  qui  ont  donné  naissance  aux 
Alpes,  la  descente  en  masse  de  portions  de  vallées,  anté- 
rieurement creusées  à  l'air  libre  par  les  eaux  courantes, 
mais  les  preuves  abondent  qu'au  moment  de  la  grande 


un  — 


FJORD  —  FLACH 


extension  des  glaciers  alpins,  les  glaces  ont  occupé  complè- 
tement ces  bassins.  Tous  ces  lacs,  en  effet,  sont  retenus  par 
des  barrages  qui  ne  sont  autres  que  les  moraines  abandon- 
nées par  ces  glaciers  pendant  leur  mouvement  de  retraite. 
On  voit,  par  suite,  que  dans  l'établissement  de  ces  cavités 
lacustres,  la  glace  a  joué  ce  rôle  protecteur  que  nous  avons 
si  bien  reconnu  dans  la  préservation  des  fjords  septentrio- 
naux, et  que  les  mêmes  faits  qui  ont  imprimé  aux  paysages 
de  la  côte  Scandinave  un  caractère  de  grandeur  incompa- 
rable ont  ajouté  un  grand  charme  à  ceux  des  Alpes  en 
permettant  à  ces  lacs  italiens,  qui  s'offrent  à  nous  comme  un 
héritage  direct  des  temps  glaciaires,  de  se  maintenir  avec 
toute  la  fraîcheur  de  leur  forme  primitive.  Or,  comme  la 
même  conclusion  peut  s'étendre  à  bien  d'autres  lacs  de  la 
Suisse,  puis  s'appliquer  à  un  grand  nombre  des  lacs  de  mon- 
tagnes de  l'Ecosse  et  du  N.  de  l'Angleterre,  on  voit  que  ce 
phénomène  peut,  comme  celui  des  fjords  avec  lequel  ses 
liaisons  sont  étroites,  se  généraliser.  Ch.  Vélain. 

Bibl.  :  Oscar  Peschel,  Ausland,  1866.  —  Helland,  On 
the  Fjords,  lahe  and  Cirques  on  Norway  and  Groenland, 
Quart.  Jour.  ofGeolog.  Society,  1886,  XLIV,  p.  161.—  Von 
Kichtofen,  Fûhrer  fur  Forschungsreisende  ;  Berlin,,  1886. 
Drygaski,  Bewegungen  der  Kontinente  zur  Eiszeit  ;  Ber- 
lin, 1888;  Verhandl.  der  Ges.  fur  Erdkunde,  1887  et  1891. 
De  Lapparent,  les  Anciens  Glaciers,  dans  le  Correspon- 
dant, 1892. 

FJORD  (Niels-Johannes),  physicien  et  chimjste  danois , 
né  dans  l'îlot  de  Holmsland,  près  de  Ringkjœbing,  le  27  avr. 
1825,  mort  à  Copenhague  le  4  janv.  4891.  Il  était  fils  d'un 
instituteur  ;  après  l'avoir  été  lui-même  dès  l'âge  de  quatorze 
ans,  et  avoir  étudié  à  l'Institut  polytechnique  (1856-58), 
il  devint  docent  en  physique  et  en  chimie  à  la  Haute  Ecole 
d'agriculture  à  Copenhague.  Ses  expériences  ingénieuses  et 
originales  sur  la  cuisson,  sur  l'emploi  des  chaudières  à  va- 
peur dans  les  fromageries,  sur  la  conservation  et  l'usage  de 
la  glace,  sur  les  barattes  centrifuges,  sur  la  valeur  du  petit- 
lait,  des  tourteaux,  pour  l'engraissement  du  bétail,  etc.,  expé- 
riences consignées  dans  une  trentaine  de  mémoires,  ont  gran- 
dement contribué  aux  progrès  de  l'industrie  laitière  et  de 
l'élevage  dans  les  pays  Scandinaves  et  ailleurs.  Aussi  le  pro- 
duit d'une  souscription  nationale  a-t-il  permis  d'ériger  devant 
son  laboratoire  sa  statue  en  bronze  par  Axel  Hansen.  Sa 
biographie  avec  portrait  a  été  publiée  par  V.  Storch  dans 
Tidsskrift  for  Landœhonomi  (4  891) ,  aussi  à  part.  B-s. 
FLABAS.  Corn,  du  dép.  delà  Meuse,  arr.  deMontmédy, 
cant.  de  Damvillers;  147  hab. 

FLABELLARIA  (Paléont.  végét.)  (V.  Palmier). 
FLABELLUM  (ArchéoL).  Neft  ou  sert  en  égyptien 
(Linas),  padSiov  (Ducange),  rhi- 
pide  chez  les  Grecs,  rostarolus , 
ventilabrum,  cherubinus,  mus- 
cale,  quecfi'ouoz  en  arménien 
(Linas),  émouchoir.  Eventail  à  long 
manche  ouvragé,  destiné  simple- 
ment dans  le  principe  à  chasser  les 
mouches,  à  tempérer  la  chaleur  en 
agitant  l'air,  d'où  le  nom  italien 
buffadors  (Ducange).  Il  remonte  à 
une  très  haute  antiquité.  Parmi  les 
esclaves  et  les  eunuques  existait 
la  charge  des  flabellifères,  porteurs 
du  fiabellum  :  les  médecins  l'em- 
portaient dans  leurs  visites  pour 
chasser  le  mauvais  air.  Dès  les  temps 
les  plus  reculés,  il  est,  avec  Yum- 
brella  (ombrelle),  un  des  signes  de 
la  puissance  royale.  En  Egypte,  seul 
le  pharaon  y  a  droit.  L'officier  por- 
teur du  fiabellum,  aussi  bien  que 
du  parasol,  était  un  haut  dignitaire, 
ainsi  que  le  prouve  la  série  des  titres 
dans  les  inscriptions  funéraires.  Les 
bas-reliefs  de  Persépolis  nous  mon- 
trent le  roi  suivi  de  l'umbellifère  et  du  flabellifère,  et 
les  Turcs,  d'après  d'iïerbelot,  l'appellent  en  ce  sens  san- 


Flabellum  des  Grecs. 


Fiabellum  en  plumes 
de  paon. 


giak,  qui  signifie  exactement  étendard,   bannière.    Les 
pèlerins  et  les  croisés  le  rapportèrent  en  Occident,  com- 
pensant l'inutilité  de  cet  objet  mobilier,  sous  leur  climat, 
par  une  signification  symbolique  et  religieuse.  Les  fia- 
bella  étaient  de  soie  peinte,  de  drap  d'or,  d'ivoire,  de 
cuir  ouvré,  de  papier,  de  métal,  de  plumes  de  paon  dont 
les  taches  ocellées  semblaient  être  les  yeux  des  chérubins,  et 
plus  tard  enfin  de  plumes  d'autruche  ;  au  xive  siècle,  l'em- 
ploi dans  l'Eglise  d'Occident 
en  a  disparu.  Aussi,  le  nombre 
des  flabella  qui  nous   sont 
parvenus   est-il  assez  res- 
treint, et  on  ne  peut  guère 
citer  que  celui  de  Tournus, 
aujourd'hui  au  musée  de  Flo- 
rence, ceux  de  Fulda  (Alle- 
magne), de  Canosa,  de  Sé- 
ville,  et  les  disques  crucifères 
de  Hildesheim  et  de  Copen- 
hague, qui  ne    sont  autres 
que  des  flabella  inutilisés. 
Dans  l'Eglise  d'Orient,  au 
contraire,  l'usage  du  fiabel- 
lum s'est  conservé  jusqu'à 
nos   jours,    mais  avec  cer- 
taines modifications  liturgi- 
ques. Sous  le  nom  de  pirctôiov, 
il  affecte  différentes  formes, 
d'ordinaire  celle   d'un   ché- 
rubin hexaptère  (à  six  ailes)  ; 
quelques-uns  sont  garnis  soit 
de  petites  languettes  de  mé- 
tal,  soit  de    clochettes  qui 
sonnent  quand  on  agite  l'ins- 
trument, remplissant    ainsi 
l'office  de  la  sonnette  en  usage 
dans   l'Eglise    latine.    Bien 
qu'ils  aient  disparu  de  la  liturgie  occidentale,  les  flabella 
n'en  restent  pas  moins  l'attribut  de  la  puissance  spirituelle. 
Le  souverain  pontife,  dans  les  processions  solennelles,  est 
suivi  des  flabella  de  plumes  de  paon,  pour  montrer  qu'il 
est  le  représentant  de  Dieu  sur  la  terre.  Le  grand  prieur  de 
Malte,  l'archevêque  de  Messine,   l'évêque  de  Troia,  en 
Pouille,  sont  les  seuls  Occidentaux  qui  aient  droit  avec  le 
pape  au  fiabellum.  F.  de  Mély. 

Bibl.  :  Ducange,  v°  Fiabellum,  Rostarolus.  —  Pugin, 
A  Glossary  of  Ecclesiastical  ornament  and  costume  ; 
Londres,  1846,  in-4.  —  Martigny,  De  l'Usage  du  fiabellum; 
Mâcon,  1857,  in-8.  —  P.  Cahier,  Nouveaux  Mélanges 
d'archéologie  (décorations  d'églises,  ivoires,  miniatures, 
émaux).  —  Laborde,  Glossaire,  v°  Esmouchoir.  —  Ch.  de 
Linas,  les  Disques  crucifères,  le  fiabellum  et  Vumbrella, 
dans  la  Revue  de  Vart  chrétien,  1883  et  1884. 

FLACGILLA,  impératrice  romaine,  morte  en  385.  Mlia 
Flaccilla  Augusta,  d'origine  espagnole,  épousa  Théodose, 
et  fut  la  mère  d'Arcadius  et  d'Honorius.  —  Ce  nom  a  été 
porté  aussi  par  une  fille  d'Arcadius  et  par  une  fille  de 
Théodose  IL 

FLACCUS.  Surnom  ou  prénom  de  plusieurs  personnages 
(V.Hobaçe,  Perse,  Yégèce,  etc.). 

F  LACÉ.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  et  cant. 
(N.)  de  Mâcon  ;  670  hab. 

FLACEY.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Dijon, 
cant.  d'Is-sur-Tille  ;  423  hab. 

FLACEY.  Corn,  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de  Châ- 
teaudun,  cant.  de  Bonneval  ;  300  hab. 

FLACEY-en-Bresse.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire ^ 
arr.  de  Louhans,  cant.  de  Cuiseaux;  979  hab. 

FLACH  (Jacques),  jurisconsulte  français,  né  à  Stras- 
bourg en  4846.  Avocat,  docteur  en  droit,  il  a  succédé,  en 
4883,  au  Collège  de.  France,  à  Edouard  Laboulaye  (V.  ce 
nom),  qu'il  avait  déjà  suppléé  avec  distinction,  comme 
professeur  de  législation  comparée.  Il  occupe  aussi  des 
chaires  à  l'Ecole  libre  des  sciences  politiques  et  à  l'Ecole 
d'architecture  de  Paris.  Il  a  commencé  en  4885  la  publica- 


FLACH  -  FLACHSENIUS 


—  548  — 


tion  d'une  importante  Histoire  du  droit  français.  Parmi 
ses  travaux  antérieurs,  citons  :  De  la  Subrogation  réelle 
(4  870,  in-8)  ;  la  Bonorum  possessio  sous  les  empe- 
reurs romains  (1870,  in-8)  ;  Etude  historique  sur  la 
durée  des  effets  de  la  minorité  en  droit  romain  et 
dans  l'ancien  droit  français  (1870,  in-8)  ;  la  Table  de 
bronze  d' Aljustrel  (4879,  gr.  in-8);  Cujas,  les  Glossa- 
teurs  et  les  Bartolistes  (1883,  in-8)  ;  Jonathan  Swift 
(1885,  in-8),  etc.  A.  Bebidour. 

F  LAC  H  AT  (Jean-Claude),  voyageur  et  industriel  fran- 
çais, né  à  Saint-Chamond  (Loire),  mort  en  1775.  Il  en- 
treprit à  travers  l'Europe  un  long  voyage  d'études,  arriva 
en  1740  à  Constantinople,  y  demeura  quinze  années  et, 
devenu,  par  la  protection  du  kislar-agha,  bazerguian- 
bachi  (chef  des  marchands) ,  profita  de  cette  situation 
pour  recueillir  sur  les  industries  textiles  et  les  procédés  de 
teinture  des  Grecs  et  des  Turcs  d'utiles  renseignements, 
qu'il  compléta  par  une  visite  à  Smyrne  (1755).  Il  em- 
baucha dans  cette  ville  des  ouvriers  étameurs,  teinturiers, 
fileurs,  les  ramena  avec  lui  l'année  suivante  à  Saint-Cha- 
mond et  les  établit  dans  la  manufacture  qu'y  possédait 
son  frère  et  à  laquelle  Louis  XV  accorda  bientôt  le  titre 
et  les  privilèges  de  manufacture  royale.  Il  a  publié  : 
Observations  sur  le  commerce  et  sur  les  arts  d'une 
partie  de  l'Europe,  de  l'Asie,  de  l'Afrique  et  même 
des  Indes  orientales  (Lyon,  1767,  2  vol.  in-12  ;  trad. 
allem.,  Leipzig,  1767,  2  vol.  in-8).  On  y  trouve,  dans  le 
tome  II,  une  longue  description  du  sérail  impérial  de  Cons- 
tantinople. L.  S. 

Bibl.  :  Breghot  de  Lut  et  Péricaud,  Biographie  lyon- 
naise; Lyon,  1839,  in-8. 

FLAGHAT  (Eugène),  ingénieur  français,  né  à  Nîmes  le 
10  avr.  1802,  mort  à  Arcachon  le  18  juill.  1873.  Ingénieur 
civil  d'un  mérite  exceptionnel,  fondateur  de  la  Société  des 
ingénieurs  civils  en  1848  et  sept  fois  son  président.  On 
le  trouve  mêlé  d'abord  à  une  affaire  de  sondages,  puis  à 
la  construction  de  la  Douane  sur  le  canal  Saint-Martin, 
avec  ses  appareils  de  manutention  et  de  levage;  on  le 
trouve  ensuite  dans  l'Est  et  dans  le  Centre  installant  des 
hauts  fourneaux,  des  laminoirs,  des  forges,  en  même 
temps  qu'il  se  livrait  à  des  études  sur  les  chemins  de  fer. 
Flaehat  a  été  l'ingénieur  du  chemin  de  fer  de  Saint- 
Germain;  il  fit  exécuter  les  machines  pneumatiques  né- 
cessaires au  fonctionnement  du  système  atmosphérique 
entre  Le  Pecq  et  le  terminus,  et  plus  tard  arriva  à  faire 
monter  les  trains  par  des  locomotives.  Avec  Mony  (connu 
pendant  longtemps  sous  le  nom  de  Stéphane  Flaehat)  et 
Clapeyron,  Eugène  FJachat  construisit  aussi  le  chemin  de 
fer  de  Versailles  (rive  droite),  et  il  resta  ingénieur-conseil 
de  la  Compagnie  de  l'Ouest.  Il  prit  une  grande  part  à  la 
construction  du  chemin  de  fer  du  Midi  et  à  toutes  les  entre- 
prises des  frères  Pereire.  Un  des  biographes  d'Eugène  Fla- 
ehat cite  ses  travaux  de  reprise  en  sous-œuvre  de  la  tour 
de  la  cathédrale  de  Bayeux,  avec  l'aide  de  M.  de  Dion,  son 
élève.  —  On  a  de  Flaehat  :  le  Guide  du  mécanicien- 
constructeur  et  conducteur  de  locomotives  (1840,  avec 
Petiet),  Traité  de  la  fabrication  du  fer  (1842-46, 3  vol.), 
avec  Barrault  et  Petiet;  Navigation  à  vapeur  trans- 
océanienne (1867,  2  vol.),  et  d'autres  livres  et  brochures 
sur  les  sujets  les  plus  divers  concernant  l'art  de  l'ingénieur 
et  l'industrie  ;  citons  notamment  les  Machines  Engerth 
et  la  Traversée  des  Alpes.  —  Flaehat  s'est  honoré  par 
sa  conduite  et  ses  travaux  pendant  le  siège  de  Paris  en 
1870;  la  douleur  qu'il  éprouva  des  tristes  événements  de 
cette  époque,  les  souffrances  endurées  dans  un  âge  déjà 
avancé,  ont  abrégé  sa  vie.  Son  nom  restera  parmi  ceux  des 
hommes  ayant  pris  au  xixe  siècle  une  place  très  honorable 
dans  le  grand  mouvement  scientifique  et  industriel  qui 
caractérise^  notre  époque.  M.-C.  L. 

FLACHÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Gre- 
noble, cant.  du  Touvet  ;  298  hab. 

FLACHÈRES.  Coin,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  La  Tour- 
du-Pin,  cant.  du  Grand-Lemps;  458  hab. 


FLACHERIE.  Maladie  des  vers  à  soie,  dénommée  aussi 
maladie  des  morts-flats,  non  moins  redoutée  des  éleveurs 
que  la  pébrine  et  la  muscardine,  à  cause  de  la  rapidité  des 
dégâts  qu'elle  occasionne  et  de  l'incertitude  où  l'on  se 
trouve  quant  à  ses  causes  premières.  Les  vers,  arrivés  à 
leur  développement  complet,  languissent,  s'allongent,  ren- 
dent des  excréments  semi-liquides  qui  salissent  leur  orifice 
anal,  pendant  que  les  battements  du  vaisseau  dorsal  se 
ralentissent  et  s'arrêtent  peu  à  peu.  Les  cadavres  deviennent 
alors  rapidement  flasques,  puis  tout  à  fait  mous  et  exhalent 
une  odeur  infecte.  La  mort  peut  n'être  pas  toujours  aussi 
rapide.  Elle  ne  se  produit  alors  que  dans  les  chrysalides  ; 
beaucoup  pourrissent  en  salissant  les  cocons,  auxquels  on 
donne  alors  le  nom  de  fondus. 

La  flacherie  est  déterminée  par  la  fermentation  des 
feuilles  dans  le  tube  digestif  du  Bombyx  et  gui  est  iden- 
tique à  celle  que  l'on  obtient  dans  une  bouillie  ou  une 
décoction  de  feuilles  de  mûrier  abandonnée  à  l'air  libre 
dans  un  vase  ;  elle  est  déterminée  par  un  organisme  mi- 
croscopique particulier,  un  ferment  qui  forme  des  chapelets 
de  grains  dont  chaque  article  n'a  pas  plus  d'un  millième 
de  millim.  de  long.  La  putréfaction  qui  suit  la  fermentation 
reconnaît  pour  cause  des  vibrions  et  des  microbes  punc- 
tiformes  qui  s'agitent  vivement  dans  le  liquide  où  baignent 
les  débris  de  feuilles.  La  flacherie  est  très  contagieuse.  Si 
en  effet  on  fait  manger  à  des  vers  sains  des  feuilles  prises 
dans  l'intestin  de  vers  malades,  on  les  voit  périr  morts- 
flats.  La  maladie  ne  commence  pas  dans  l'œuf,  comme  pour 
la  pébrine  ;  il  y  a  seulement  des  lots  de  graines  prédis- 
posés, parce  qu'ils  fournissent  des  vers  peu  résistants, 
incapables  de  sécréter  les  sucs  stomacaux  qui  empêchent 
la  multiplication  des  ferments  et  des  vibrions.  Il  y  a, 
en  somme ,  lutte  pour  la  vie  entre  le  ver  et  les  orga- 
nismes qui  souillent  la  feuille  ingérée,  et  toutes  les  condi- 
tions qui  tendent  à  augmenter  le  nombre  de  ces  derniers 
et  à  débiliter  le  ver  sont  favorables  à  la  flacherie.  Pour 
résister  le  mieux  possible  à  cette  maladie,  il  faut  avoir 
soin  tout  d'abord  d'exclure  de  la  reproduction  toute  cham- 
brée atteinte,  d'espacer  les  vers  dès  leur  jeune  âge,  de  leur 
accorder  une  quantité  d'air  suffisante  et  souvent  renouvelée 
en  évitant  de  le  chauffer  au  delà  de  22°.  On  choisira  la 
nourriture  des  vers  avec  le  plus  grand  soin.  En  résumé, 
on  appliquera  la  méthode  préventive,  car  les  moyens  cura- 
tifs  employés  jusqu'ici  n'ont  pas  donné  de  résultats  satis- 
faisants. Fortifier  le  ver,  le  rendre  plus  vigoureux,  écarter 
de  lui  toutes  les  causes  de  contamination  par  les  poussières 
malfaisantes  des  chambrées,  voilà  à  quoi  se  réduit  toute  la 
méthode.  Henri  Fournier. 

Bibl.  :  Pasteur,  Elude  sur  les  maladies  des  vers  à  soie, 
1870.  —  Version  et  Vlacovitch,  Recherches  sur  la  galine 
et  la  flacherie,  1874.  —  Ferry  de  La  Bellone,  Recherches 
expérimentales  sur  les  causes  de  la  flacherie,  1878.  —  Pu- 
blications de  la  station  sêricicole  de  Montpellier,  1850-1892. 

FLACHÉRON  (Louis-Cécile),  architecte  français,  né  à 
Lyon  le  9  mai  1772,  mort  à  Lyon  le  12  mars  1835.  Pen- 
dant plus  de  trente  années  architecte  de  la  ville  de  Lyon, 
Flachéron  y  fit  exécuter  d'importants  travaux,  entre  autres 
au  palais  Saint-Pierre,  devenu  le  palais  des  Arts,  où  il 
construisit  une  galerie  dans  l'aile  méridionale  pour  recevoir 
le  musée  de  peinture  ;  à  l'hospice  de  l'Antiquaille,  à  l'hôtel 
de  ville  et  à  l'ancien  jardin  des  plantes,  aujourd'hui  con- 
verti en  square.  Flachéron,  qui  obtint  de  l'académie  de 
Lyon  le  premier  prix  dans  le  concours  ouvert  en  1814  pour 
l'Eloge  de  Philibert  de  l'Orme,  fut  nommé  membre  de 
cette  académie  en  1815.  —  Son  fils,  Raphaël,  aussi  archi- 
tecte, né  à  Lyon  le  19  févr.  1808,  mort  à  Lyon  le 
27  août  1866,  fut,  après  avoir  complété  ses  études  à 
Paris  et  en  Italie,  l'architecte  du  collège  arabe-français  à 
Alger  et  l'auteur  de  nombreuses  constructions  dans  les 
quartiers  neufs  de  cette  ville. 

Bibl.:  Société  académique  d'architecture  de  Lyon;  An- 
nales ;  Lyon,  1869,  t.  I,  in-8. 

FLACHSENIUS  (Johannes),  mathématicien  finlandais, 
né  à  Vehmo  en  avr.  1636-,  mort  à  Âbo  le  M  juin  1708. 


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FLACHSENIUS  —  FLACON 


Secrétaire  de  l'université  d'Âbo  (1665),  professeur  de 
mathématiques  et  de  théologie  (1669),  il  publia  en  latin 
de  nombreuses  dissertations  et  plusieurs  ouvrages  sur  les 
sciences  qu'il  enseignait,  notamment  une  Chronologia 
sacra  (1692),  suivie  de  celle  des  rois  de  Suède,  des  riks- 
râds,  etc.;  et,  en  suédois,  un  mémoire  sur  la  Grande 
Comète  de  i680  (Âbo,  1681).  —  Son  frère  Jacob,  mort 
en  1694,  professeur  de  logique  (1665)  et  de  théologie 
(1679)  à  Âbo,  publia  soixante-cinq  dissertations  philoso- 
phiques, entre  autres  Collegium  logicum  (1671-78),  où 
il  repousse  la  méthode  de  Descartes  pour  s'en  tenir  à 
l'aristotélisme  ;  ainsi  que  des  oraisons  funèbres  en  suédois 
et  une  en  finnois.  B-s. 

FLACIUS  (Matthias  Viacich),  aussi  appelé  Francovich, 
théologien  luthérien,  né  à  Albona,  en  Istrie  (de  là  son 
surnom  à'Illyricus),  le  3  mars  1520,  mort  à  Francfort  le 
11  mars  1575.  Il  étudia  les  langues  anciennes  à  Venise, 
où  il  se  proposait  de  se  faire  moine  ;  mais  un  de  ses  pa- 
rents, Baldus  Lupetinus,  provincial  des  minorités,  lui 
conseilla  d'aller  plutôt  en  Allemagne  entendre  Luther.  Il 
vint  à  Wittenberg  en  1541,  et,  après  trois  ans  de  luttes 
intérieures,  il  fut  gagné  par  Luther  et  Bugenhagen  à  la 
doctrine  évangélique.  Il  se  proposa,  dès  lors,  pour  tâche 
de  sa  vie,  d'enseigner  et  de  défendre  cette  doctrine  par  la 
parole  et  par  la  plume,  et  il  n'y  manqua  pas.  A  Wittenberg, 
il  fit  des  cours  sur  les  épîtres  pauliniennes  etsurAristote. 
Mais  quand,  en  1548,  Melanchthon  eut  accepté  Y  Intérim 
(V.  ce  mot)  de  Leipzig,  il  l'attaqua  avec  la  plus  grande 
violence  et  dut  quitter  Wittenberg  (1549).  Retiré  à  Mag- 
debourg,  il  continua  la  lutte  avec  autant  de  science  que  de 
passion  ;  sa  critique  des  Adiaphora  est  écrasante.  Ses 
adversaires  avaient  traité  les  concessions  doctrinales,  qu'ils 
avaient  faites  et  qu'ils  voulaient  imposer  aux  autres, 
d!  adiaphora,  c.-à-d.  de  choses  indifférentes.  Flacius  leur 
démontra  qu'en  matière  de  foi  il  ne  saurait  y  avoir  à' adia- 
phora ;  que,  d'ailleurs,  les  adiaphora  supposent  toujours 
la  liberté  et  ne  peuvent  être  imposées  ;  dès  qu'il  y  a  con- 
trainte, la  chose  la  plus  futile  en  apparence  cesse  d'être 
indifférente  (De  Veris  et  falsis  adiophoris).  Il  continua 
cette  guerre  contre  Melanchthon  et  le  philippisme  avec  une 
ardeur  qui  ne  se  ralentit  jamais,  mais  pas  toujours  avec 
modération.  Cependant,  la  polémique  ne  l'absorba  pas  tout 
entier.  Pour  défendre  la  doctrine  luthérienne,  il  eut  aussi 
recours  à  l'histoire,  s'efforçant  de  montrer  que,  dans  tous 
les  siècles,  il  y  a  eu  des  protestations  contre  l'Eglise  de 
Rome  et  en  faveur  de  la  doctrine  évangélique,  des  protes- 
tants avant  la  lettre.  Il  publia  dans  ce  but  son  Catalogus 
testium  veritatis  (Bâle,  1556,  souvent  réimprimé)  et  ses 
Centuries  de  Magdebourg  (1560-74,  13  vol.  in-fol.), 
ouvrage  d'histoire  ecclésiastique  par  siècle;  il  s'adjoi- 
gnit pour  cela  un  grand  nombre  de  collaborateurs  qui 
organisèrent  leur  travail  comme  firent  plus  tard  les  béné- 
dictins de  Saint-Maur.  L'ouvrage  ne  va  que  jusqu'au 
xme  siècle.  C'est  une  grande  oeuvre,  digne  d'admiration, 
et  qui  a  provoqué  dans  le  catholicisme  les  Annales  de 
Baronius. 

En  1557,  Flacius  fut  appelé  comme  professeur  de  théo- 
logie à  Iéna,  université  que  le  duc  Jean-Frédéric  de  Saxe 
venait  de  fonder,  en  opposition  à  Wittenberg,  pour  y  en- 
seigner la  pure  doctrine  luthérienne.  Flacius  y  continua  ses 
luttes  et  ses  controverses,  et  quand  les  princes  protestants 
assemblés  à  Francfort  signèrent,  en  1558,  une  formule 
d'union,  Flacius  leur  opposa  une  Solida  confutatio  et 
condemnatio  prœcipuarum  corruptelarum ,  secta- 
rum,  etc.  (1559),  qui  protestait  contre  toute  déviation  de 
la  doctrine  luthérienne.  Elle  fut  imposée  comme  un  écrit 
symbolique  de  l'orthodoxie  luthérienne,  mais  on  y  apporta 
trop  de  rigueur,  de  sorte  que  les  réclamations  des  pasteurs 
et  des  laïques  obligèrent  le  duc  Jean-Frédéric  à  destituer 
Flacius  (1561).  Dès  lors,  il  fut  errant,  ne  pouvant  plus 
demeurer  nulle  part.  Il  alla  d'abord  à  Ratisbonne,  d'où  il 
fut  expulsé  après  cinq  ans  de  séjour,  puis  à  Anvers  qu'il 
dut  quitter  après  peu  de  temps  ;  à  Francfort,  où  on  ne  le 


trouva  pas  assez  orthodoxe,  à  cause  de  ses  idées  singu- 
lières sur  le  péché  originel  ;  à  Strasbourg,  d'où  il  fut  ren- 
voyé ;  il  revint  à  Francfort,  d'où  on  allait  l'expulser  en- 
core, quand  il  y  mourut  à  l'hôpital.  Il  faut  mentionner 
encore  un  autre  de  ses  écrits  :  Clavis  scripturœ  sacree 
(Bâle,  1567,  2  vol.  in-fol.)  ;  il  ne  put  achever  que  le 
Nouveau  Testament  ;  ce  livre  devait,  comme  ses  ouvrages 
historiques,  justifier  la  doctrine  luthérienne.  Flacius  a  été 
un  polémiste  passionné,  souvent  violent,  mais  un  lutteur 
loyal  et  parfaitement  désintéressé  ;  il  s'est  sacrifié  entière- 
ment à  sa  cause.  Il  fut  un  des  plus  grands  théologiens  du 
temps  de  la  Réforme.  Ch.  Pfender. 

Bibl.  :  Preger,  Mattk.  Flacius  Illyricus  und  seine  Zeit; 
Eriangen,  1859-61,  2  vol. 

FLACON.  I.  Archéologie.  —  Le  flacon  du  moyen 
âge  est  une  bouteille  destinée  à  être  portée  avec  des  cour- 
roies. Il  ferme  hermétiquement  à  vis  ou  à  émeri;  il  est 
généralement  de  forme  lenticulaire,  à  panse  large,  évasée 
et  plate,  se  terminant  en  un  goulot  assez  étroit  et  droit. 
Sa  forme  originale  paraît  être  celle  d'une  petite  outre 
portative.  De  nos  jours  le  flacon  n'a  pas  de  forme  spé- 
ciale ;  il  sert  en  effet  à  désigner  simplement  la  petite  bou- 
teille artistique  qui  contient  les  liqueurs  et  les  parfums. 
Le  flacon  est  de  toute  matière  :  de  bois,  de  cuir,  de  métal, 
déterre,  de  verre,  d'ivoire,  de  nacre,  de  perle,  d'émail,  de 
pierres  précieuses.  Certains,  principalement  ceux  de  métal 
ou  de  verre,  sont  clisses,  c.-à-d.  recouverts  d'une  enve- 
loppe tressée  de  feuilles  de  palmier,  de  canne,  d'osier  ou  de 
paille  pour  les  protéger  soit  de  la  chaleur  soit  des  accidents. 
Au  moyen  âge  ce  nom  désigne  indifféremment  plusieurs 
ustensiles  différents  :  le  bidon  de  fer,  grande  bouteille  en 
forme  de  disque,  avec  goulot  et  oreilles,  comme  celui  du 
musée  de  Cluny,  employé  en  campagne  ;  au  xve  et  au 
xvie  siècle,  la  cantine,  dans  laquelle  on  emportait  aux 
armées  la  nourriture  et  la  boisson,  ainsi  que  nous  l'apprend 
l'inventaire  de  Charles-Quint.  D'autres  fois  ce  terme  s'ap- 
plique au  biberon,  cruche  de  terre,  à  laquelle  on  boit  par 
un  goulot  très  mince  ;  enfin  à  la  gourde,  dont  les  magni- 
fiques spécimens  de  majolique  italienne  portent  le  nom  de  fla- 
cons. Le  flagon  liturgique  anglais  dérive  incontestablement 
du  mot  flacon .  Le  protestantisme  ayant  prescrit  la  commu- 
nion sous  les  deux  espèces,  il  lui  a  fallu  augmenter  la  ca- 
pacité des  burettes,  qui  dans  la  liturgie  catholique  servent 
au  prêtre  seul.  La  burette  fut  remplacée  par  le  flacon,  au- 
quel de  nos  jours  on  donne  la  forme  d'une  canette  à  cou- 
vercle. F.  de  Mély. 

II.  Physique.  —  Flacon  de  Mariotte.  —  C'est  un  appa- 
reil destiné  à  produire  un  écoulement  de  liquide  à  peu  près 
constant  ;  il  est  fondé  sur  ce  fait  que  l'écoulement  d'un  liquide 
à  travers  un  orifice  quelconque  reste  le  même  quand  la  pres- 
sion de  l'eau  au  niveau  de  l'orifice  reste  constante.  Un  vase 
ordinaire  présentant  à  la  partie  supérieure  une  ouverture  ne 
produit  pas  un  écoulement  constant,  parce  que  la  pression 
à  l'orifice  diminue  avec  la  hauteur  de  l'eau  dans  le  vase  au 
fur  et  à  mesure  que  celui-ci  se  vide  ;  si  le  vase  est  main- 
tenu constamment  plein  à  l'aide  d'un  trop-plein,  il  donne 
naissance  à  un  écoulement  constant.  Le  flacon  de  Mariotte 
consiste  en  une  bouteille  présentant  au  moins  une  ouverture 
latérale  ;  le  goulot  de  l'appareil  porte  un  bouchon  traversé 
par  un  tube  ouvert  aux  deux  bouts  qui  plonge  dans  l'eau  du 
flacon  ;  c'est  par  cette  ouverture  que  l'air  entrera  dans  la 
bouteille  en  traversant  l'eau  bulle  à  bulle  ;  à  l'orifice  latéral 
par  lequel  l'eau  s'échappe,  la  pression  sera,  d'une  part,  de 
dehors  en  dedans,  la  pression  atmosphérique;  d'autre  part, 
de  dedans  en  dehors,  la  pression  atmosphérique  qui  s'exerce 
au  sein  de  l'eau  dans  le  plan  horizontal  où  se  termine  le 
tube  plongeant,  plus  la  pression  d'une  colonne  d'eau  ayant 
pour  hauteur  la  distance  verticale  de  l'extrémité  inférieure 
du  tube  à  l'orifice  d'écoulement  de  l'eau  ;  c'est  en  vertu  de 
cette  différence  des  pressions  intérieure  et  extérieure  que 
se  fait  l'écoulement,  et  comme  cette  différence  reste  cons- 
tante tant  qu'on  ne  change  pas  la  position  du  tube  intérieur, 
la  vitesse  d'écoulement  du  liquide  reste  constante.  Il  y  a 


FLACON  —  FLAGELLATION 


—  550  — 


lieu  de  remarquer  que,  pendant  le  temps  très  court  que  met 
une  bulle  à  se  former  à  l'extrémité  du  tube  au- sein  de  l'eau, 
le  plan  horizontal  de  la  masse  d'eau  où  la  pression  est  égale 
à  celle  de  l'atmosphère  varie  un  peu  de  position  ;  au  début 
il  est  situé  presque  à  l'extrémité  du  tube  ;  à  la  fin  il  est 
tangent  à  la  surface  inférieure  de  la  bulle,  de  telle  sorte 
que  si  l'on  appelle  e  l'épaisseur  qu'atteint  chaque  bulle 
d'air  avant  de  se  détacher  du  tube  et  h  la  hauteur  verti- 
cale du  bas  du  tube  au-dessus  de  l'orifice  d'écoulement,  la 
pression  varie  périodiquement  entre  h  et  h  —  e;  on  a  donc 
intérêt  à  ce  que  les  bulles  d'air  qui  rentrent  dans  l'appareil 
soient  les  plus  petites  possible  et  Les  plus  nombreuses  ;  en 
augmentant  aussi  le  frottement  dans  l'ajutage,  en  prenant 
celui-ci  plus  petit,  on  diminue  aussi  beaucoup  ces  irrégu- 
larités. On  peut  obtenir  à  l'aide  de  cet  appareil  un  écoule- 
ment constant  de  gaz;  il  suffit  pour  cela  d'employer  l'écou- 
lement constant  de  liquide  fourni  par  le  vase  de  Mariotte 
à  chasser  par  déplacement  un  gaz  contenu  dans  un  autre 
flacon  ;  mais  on  ne  peut  employer  cet  appareil  pour  produire 
une  aspiration  constante  de  gaz,  car  la  quantité  d'air  qui 
rentre  dans  le  flacon  de  Mariotte  va  constamment  en  aug- 
mentant depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fin  de  l'expé- 
rience. En  effet,  la  vitesse  d'écoulement  du  liquide  étant 
constante  en  un  temps  très  court  t,  il  sort  un  volume  v  de 
liquide  ;  ce  volume  est  remplace  dans  le  vase  par  un  volume 
d'air  égal  à  v  ;  mais,  au  début  de  l'expérience,  cet  air  a 
une  pression  égale  à  la  pression  atmosphérique  diminuée 
de  la  pression  d'une  colonne  d'eau  ayant  pour  hauteur  la 
distance  du  bas  du  tube  à  la  surface  libre  de  l'eau  dans 
le  flacon  ;  à  la  fin  de  l'expérience  cette  hauteur  a  diminué  ; 
l'air  a  une  pression  plus  forte;  il  faut  donc  qu'un  poids 
d'air  plus  considérable  rentre  dans  le  flacon  pendant  le 
temps  t  pour  remplacer  le  volume  v.  Il  est  facile  de  dé- 
montrer que,  pendant  que  le  temps  varie  en  progression 
arithmétique,  le  nombre  de  bulles  d'air  qui  rentrent  par 
seconde  varie  en  progression  géométrique.  A.  Joannis. 
FLACOURT.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  et 
cant.  de  Mantes;  89  hab. 

F  LACO  U  RT  (Etienne  de)  administrateur  et  voyageur  fran- 
çais ,  né  à  Orléans  en  d  607 ,  mort  le  1 0  juin  1660.  Nommé  en 
1648  commandant  des  troupes  du  roi  au  Fort-Dauphin  de 
Madagascar,  il  trouva  la  colonie  dans  le  plus  triste  état  par 
suite  de  la  mauvaise  administration  de  Pronis  (V.  ce  nom)  ; 
les  rigueurs  qu'il  fut  obligé  d'exercer  pour  parer  au  dé- 
sordre lui  aliénèrent  les  indigènes  et  amenèrent  la  révolte 
parmi  ses  soldats  ;  il  passa  six  années  au  milieu  des  plus 
grandes  difficultés  et  sans  aucune  nouvelle  de  France  ;  c'est 
pendant  ce  séjour  qu'il  prit  possession  de  l'île  Bourbon. 
Enfin,  deux  vaisseaux  du  roi  arrivèrent  apportant  des  se- 
cours et  des  lettres  du  duc  de  La  Meilleraye,  nouveau  con- 
cessionnaire de  la  colonie  de  la  France  orientale,  qui  lais- 
sait à  Flacourt  le  choix  de  rester  à  Madagascar  ou  de 
revenir  en  France;  il  préféra  le  dernier  parti  et  remit  ses 
pouvoirs  à  Pronis,  récemment  revenu,  et  quitta  l'île  en 
1655.  Trois  ans  après,  il  fut  nommé  directeur  de  la 
Compagnie  de  la  France  orientale  et  repartit  aussitôt,  mais 
il  périt  pendant  la  traversée.  On  a  de  Flacourt  :  Petit  Coté- 
c/usm£(madécasseet  français  ;  Paris,  1657,  in-8)  ;  Diction- 
nairede  la  langue  de  Madagascar  (1658,  in-8)  ;  Histoire 
de  la  grande  île  de  Madagascar  (1658,  in-4  ;  2e  édition 
«  avec  une  relation  de  ce  qui  s'est  passé  es  années  1655, 
1656  et  1657,  non  encore  vue  par  la  première  impres- 
sion »,  Troyes  et  Paris,  1661  ;  1664,  cartes  et  fig.). 

FLACOURTIA  (Flacourtia  Commers.).  Genre  déplantes 
de  la  famille  des  Bixacées,  qui  adonné  son  nom  à  la  tribu 
des  Flacourtiées  (V.  ce  mot).  Ses  représentants  sont  des 
arbres  ou  des  arbustes  souvent  épineux,  à  feuilles  alternes 
et  stipulées,  à  fleurs  petites,  dioïques,  pourvues  d'un  pé- 
rianthe  simple  à  3-5  divisions,  d'étamines  nombreuses  et 
d'un  ovaire  uniloculaire  qui  devient,  à  la  maturité,  une 
drupe  renfermant  plusieurs  noyaux.  On  en  connaît  une 
douzaine  d'espèces  disséminées  dans  toutes  les  régions 
chaudes  du  globe.  Le  F.  Ramontchi  Lhér.,  ou  Prunier 


de  Madagascar,  a  son  écorce  très  riche  en  tanin  ;  on  l'em- 
ploie en  décoction,  à  l'île  Maurice,  comme  antirhumatis- 
male. Ses  fruits,  de  la  grosseur  d'une  mirabelle,  servent 
à  faire  des  confitures.  Ceux  du  F.  sepiaria  Roxb.  ou 
Couroumoelli  des  Indiens,  sont  également  comestibles. 
Enfin,  dans  l'Inde,  on  préconise,  comme  stomachiques,  di- 
gestives  et  astringentes,  les  jeunes  pousses  du  F.  cata- 
phracta  Roxb.,  qui  est  le  Stigmarota  Jangomas  de 
Loureiro  et  le  Roumea  Jangomas  de  Sprengel.  Ed.  Lef. 
FLACOURTIÉES.  Tribu  de  la  famille  des  Bixacées,  ca- 
ractérisée surtout  par  les  fleurs  unisexuées  et  apétales,  à 
réceptacle  convexe  et  à  anthères  courtes,  déhiscentes  par  • 
des  fentes  longitudinales.  Elle  renferme  sept  genres,  dont 
les  plus  importants  sont  :  Flacourtia  Commers.,  Xylosma 
Forst.  et  Lœtia  Lœfl. 

F  LAC  Y.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Sens,  cant. 
de  Villeneuve-F Archevêque  ;  324  hab. 

FLAGELLANT  (Hist.  relig.)  (V.  Flagellation). 
FLAGELLATES  (Zool.).  Les  Flagellâtes  sont  des  Proto- 
zoaires assez  semblables  aux  Infusoires  par  leurs  carac- 
tères extérieurs  :  ils  portent  un,  deux  ou  un  plus  grand 
nombre  deflagellums,  diversement  situés  et  qui  représen- 
tent d'habitude  leurs  seuls  organes  de  progression,  mais 
auxquels  peuvent  s'adjoindre  des  cils,  des  pseudopodes  ou 
d'autres  appendices,  locomoteurs  ou   préhensiles.   Leur 
appareil  digestif  varie  dans  ses  caractères  :   il  peut  être 
nettement  défini,  diffus  ou  indistinct  ;  ils  présentent  pres- 
que invariablement  une  ou  plusieurs  vésicules  contractiles. 
La  reproduction  de  ces  petits  êtres  se  fait  par  bipartition 
et  par  sporulation  ;  dans  ce  dernier  cas,  la  masse  du  corps, 
après  s'être  enkystée,  se  subdivise  entièrement  pour  donner 
les  spores  et,  souvent,  cet  acte  est  précédé  par  la  fusion  ou  la 
conjugaison  de  deux  ou  plusieurs  individus  adultes. —  Les 
Flagellâtes  sont  extrêmement  nombreux  en  genres  et  en 
espèces  ;  leur  étude  est  fort  difficile  et  leur"  délimitation 
laisse,  encore  aujourd'hui,  beaucoup  à  désirer  :  nombre  de 
formes  qui  avaient  été  considérées  comme  appartenant  à  ce 
groupe  ont  été  reconnues  ensuite  comme  faisant  partie  du 
règne  végétal,  tant,  en  effet,  la  distinction  entre  les  deux 
règnes  est  parfois  délicate  à  saisir.  Nous  renvoyons  pour 
plus  de  détails  sur  les  Flagellâtes  aux  mots  Trypanosome, 
Monades,  Euglène,  Cilio-Flagellés,  Noctiluques,  Lepto- 
discus,  qui  désignent  des  genres  importants  ou  des  subdivi- 
sions principales  de  ce  groupe  de  Protozoaires.    R.  Moniez. 
FLAGELLATION.  I.  Histoire  religieuse.  —  On  trouve 
très  anciennement  la  flagellation  et  la  fustigation  parmi  les 
peines  infligées  par  voie  de  correction  religieuse.  La  synagogue 
faisait  administrer  un  certain  nombre  de  coups,  qui  ne  pouvait 
excéder  trente-neuf,  à  certains  délinquants  et  tout  spéciale- 
ment à  ceux  qu'elle  condamnait  comme  apostats  ou  hérétiques. 
SaintPaul  dit  avoir  ainsi  reçu  desjuifs  cinq  fois  quarante  coups 
de  fouet  moins  un  (2  Cor.,  XI,  24).  Buxtorf  prétend  que, 
au  jour  de  l'expiation  solennelle,  tous  les  juifs  se  confes- 
saient. Ils  se  retiraient  dans  un  coin  de  la  synagogue  :  l'un, 
incliné  profondément  devant  l'autre  et  le  visage  tourné  vers 
le  nord  ;  l'autre,  qui  faisait  l'office  de  confesseur,  lui  frap- 
pait sur  le  dos  trente-neuf  coups  d'une  lanière  de  cuir,  en 
récitant  ces  mots  :  Dieu,  qui  est  miséricordieux,  con- 
damne V iniquité,  mais  il  n'extermine  pas  le  pêcheur  ; 
il  a  détourné  sa  colère  et  n'a  point  allumé  sa  fureur. 
Comme  le  texte  hébreu  n'a  que  treize  mots,  il  le  répétait 
trois  fois,  accompagnant  d'un  coup  chaque  mot.  Pendant 
ce  temps,  le  pénitent  confessait  ses  péchés,  en  se  frappant 
la  poitrine.  Puis,  les  rôles  étaient  intervertis  :  le  confesseur 
devenait  le  pénitent  ;  il  se  prosternait,  se  confessait  et  rece- 
vait les  trente-neuf  coups  de  lanière  (Synagoga  judaica; 
Baie,  1603).  —  Une  lettre  de  saint  Augustin  (Epist.  159 
ad  Marcellum)  atteste  que,  dans  l'exercice  de  leur  juri- 
diction, les  évêques  prononçaient  des  condamnations  au 
fouet.  Trois  fouets  étaient  appendus  à  un  pilier  de  l'église 
du  mont  de  Nitrie,  un  pour  les  moines  fautifs,  un  autre 
pour  les  voleurs,  le  troisième  pour  les  étrangers  qui  se 
conduisaient  mal.  Un  concile  d'Agde  (506)  ordonna  de  fus- 


—  551  — 


FLAGELLATION 


tiger  les  moines  indociles  et  les  clercs  coupables  d'ivrogne- 
rie (Can.  XXXVIII).  Le  premier  concile  de  Mâcon  édicta 
une  peine  de  trente-neuf  coups  contre  le  clerc  qui  citerait 
un  ecclésiastique  devant  les  juges  laïques  (Can.  VIII).  Le 
concile  de  Braga  (675)  exempta  des  châtiments  corporels 
les  ordres  supérieurs  du  clergé,  afin  de  ne  point  les  dégra- 
der (Can.  VI).  La  bastonnade  et  le  fouet  sont  compris  dans 
la  discipline  de  Cassien  et  deColumban,  ainsi  que  dans  celle 
de  saint  Benoît.  La  légende  montre  ce  saint  usant  pater- 
nellement sur  les  membres  de  ses  religieux  d'une  solide 
baguette,  qui  avait  la  vertu  de  chasser  du  corps  de  ceux 
qu'il  tentait  le  démon,  qui  n'aime  point  les  coups.  La  règle 
de  Chrodegang  prescrit  la  flagellation  même  contre  les 
chanoines .  Dans  les  plaids  épiscopaux  tenus  sous  les  Caro- 
lingiens, les  évêques  pouvaient  condamner  au  fouet  les 
pécheurs  dénoncés  devant  eux.  —  Au  mot  Disciplina,  Du 
Cange  cite,  d'après  un  manuscrit,  l'art.  33  du  Liber  ordi- 
nis  sancti  Victoris  indiquant  la  manière  dont  la  disci- 
pline pénale  devait  être  administrée  aux  religieux.  «  Celui 
qui  doit  recevoir  la  discipline  se  relèvera  sur  les  genoux 
et  retirera  modestement  ses  vêtements  ;  puis,  les  ramenant 
au-dessous  de  sa  ceinture,  il  se  prosternera  de  nouveau. 
Ainsi  gisant,  il  devra  ou  se  taire  ou  ne  prononcer  que  ces 
seuls  mots  :  Je  me  purifierai  de  ma  faute  (Mea  culjpa  ego 
me  emundabo).  Qu'aucun  autre  ne  parle,  à  moins  que  ce 
ne  soit  quelqu'un  des  prieurs  voulant  intercéder.  La  dis- 
cipline administrée,  on  aidera  le  patient  à  remettre  ses 
habits.  Ainsi  revêtu,  il  se  tiendra  debout  et  immobile  jus- 
qu'à ce  que  l'abbé  lui  dise  :  Va  t' asseoir  (Ito  sessum). 
Alors,  s'inclinant,  il  regagnera  sa  place.  —  Qu'on  sache 
bien  qu'un  supérieur  en  ordre  ne  doit  pas  être  frappé  par 
son  inférieur,  c.-à-d.  un  prêtre  par  un  diacre,  mais  l'égal  par 
l'égal,  l'inférieur  par  le  supérieur.  »  (Glossarium  médias 
et  infimœ  latinitatis;  Paris,  1840-1847,  7  vol.  in-4.) 

L'imagerie  catholique  représente  parfois  saint  Jérôme 
avec  une  espèce  de  martinet  composé  de  cinq  ou  six  petites 
lanières  agrémentées  de  morceaux  de  fer  ou  de  plomb. 
Aucun  document  historique  n'autorise  cette  représentation; 
la  forme  même  de  l'instrument  semble  indiquer  une  inven- 
tion du  moyen  âge.  Mais  il  n'est  point  invraisemblable  que 
cet  austère  docteur,  qui  ne  reculait  devant  aucun  moyen 
de  mortifier  son  corps,  se  soit  flagellé,  pour  écarter  les 
visions  lascives  et  éteindre  les  ardeurs,  libidinum  incen- 
dia, qui  le  tourmentaient  même  dans  le  désert  et  jusqu'à 
un  âge  fort  avancé.  Il  les  confesse  en  termes  navrés,  et  il 
reconnaît  que  le  froid  et  le  jeûne  étaient  impuissants  contre 
elles  (V.  Anachorète,  t.  II,  p.  891,  col.  2).  Il  est  pro- 
bable que  les  causes  qui  menaient  les  solitaires  au  désert 
et  les  moines  au  couvent  durent  de  tout  temps  les  induire 
à  pratiquer  la  flagellation  volontaire,  pour  affliger  leur 
chair  et  ainsi  repousser  les  tentations  ou  expier  les  péchés 
commis.  —  Néanmoins,  il  serait  difficile  de  produire  aucune 
preuve  positive  du  fait,  avant  le  xie  siècle.  On  voit  alors 
la  flagellation  fleurir  avec  Gui,  abbé  de  Pomposa,  Popon, 
abbé  de  Stavelot,  Pierre  Damien  et  saint  Dominique  l' En- 
cuirassé.  Les  libri  pœnitentiales  permettaient  d'échan- 
ger les  peines  ecclésiastiques,  notamment  le  jeûne  et  la 
récitation  agenouillée  des  psaumes  contre  d'autres  pratiques 
moins  pénibles  ou  de  les  racheter  avec  de  l'argent.  Pierre 
Damien  (V.  Damiani),  plus  sévère,  enseigna  la  conversion 
des  jeûnes,  imposés  comme  pénitence,  en  flagellation.  A 
cet  effet,  il  dressa  un  tarif  indiquant  le  nombre  de  coups 
correspondant  à  un  certain  nombre  de  jours  de  jeûne  : 
1,000  coups  peuvent  être  donnés  pendant  qu'on  récite  dix 
psaumes,  15,000  remplissent  la  durée  du  psautier  tout 
entier  ;  d'où  il  suit  que  si  Ton  récite  vingt  fois  le  psautier 
tout  entier,  en  se  donnant  le  nombre  réglementaire  de 
coups,  on  accomplit  une  pénitence  de  cent  ans.  Saint  Do- 
minique VEncuirasséiy.  ce  nom),  qui  acquit  en  cet  exer- 
cice une  célérité  miraculeuse,  était  parvenu  à  réaliser  en 
six  jours  cette  pénitence  de  cent  ans,  c.-à-d.  à  s'adminis- 
trer 300,000  coups.  —  Cette  doctrine  et  ces  exemples 
introduisirent  dans  les  couvents  la  flagellation  générale 


et  régulière.  Tout  moine  devait  être  fouetté  chaque  ven- 
dredi, après  sa  confession,  soit  par  lui-même,  soit  par  un 
des  frères,  en  cellule,  en  chapitre  ou  dans  l'oratoire.  Dans 
le  monastère  de  Saint-Gall,  l'instrument  était  appendu  à  un 
pilier  de  la  salle  du  chapitre.  Le  vendredi  rappelait  la  mort 
de  Jésus-Christ  ;  le  souvenir  de  la  flagellation  qu'il  avait 
endurée  en  sa  passion  fit  attribuer  aux  étrivières  pieuse- 
ment reçues  une  signification  et  une  valeur  qu'on  n'avait 
point  soupçonnées  pendant  les  onze  premiers  siècles  :  on 
les  considéra  comme  une  sorte  de  communion  aux  souf- 
frances du  Sauveur. 

Parmi  les  laïques,  beaucoup,  hommes  et  femmes,  riches 
et  pauvres,  serfs  et  princes,  s'empressèrent  de  pratiquer 
cette  dévotion.  Il  s'établit  des  confréries  pour  répandre  sur 
toute  la  chrétienté  les  grâces  qu'elle  devait  assurer.  Un 
des  vitraux  de  la  Sainte-Chapelle  montre  saint  Louis  age- 
nouillé devant  deux  moines  armés  de  verges  et  courbant 
humblement  le  dos  pour  recevoir  leurs  coups.  En  1260, 
un  dominicain,  Ranieri,  persuada  aux  habitants  de  Pérouse 
de  conjurer  par  des  flagellations  publiques  les  calamités 
résultant  des  dissensions  des  guelfes  et  des  gibelins.  Des 
troupes  se  formèrent,  qui  parcoururent  les  villes  et  les 
campagnes,  en  chantant  des  cantiques  et  en  se  flagellant. 
De  l'Italie,  le  mouvement  s'étendit  dans  le  midi  de  la 
France,  la  Souabe,  la  Lorraine,  l'Alsace,  l'Autriche  et  les 
Pays-Bas.  Condamnées  par  l'Eglise,  qui  n'aime  pas  que  le 
peuple  se  donne  ce  qu'elle  ne  lui  donne  point,  et  compri- 
mées par  les  princes  et  par  les  magistrats,  ces  premières 
fermentations  paraissent  avoir  eu  peu  de  durée.  Mais  le 
germe  qui  les  avait  produites  subsista,  conservé  peut-être 
par  associations  secrètes,  mais  bien  certainement  dans  les 
souvenirs  du  peuple.  —  Au  milieu  du  siècle  suivant,  les 
ravages  causés  par  la  peste  noire  (V.  ce  mot),  qui  détrui- 
sit le  tiers  de  la  population  de  l'Europe,  inspirèrent  l'idée 
que  les  pénitences  canoniques  étaient  insuffisantes,  et  que 
l'indignité  du  clergé  n'était  point  étrangère  à  cette  ineffica- 
cacité.  Les  âmes  en  détresse  cherchèrent  un  moyen  suprême 
de  fléchir  la  colère  de  Dieu.  Alors  se  produisit  une  de  ces 
inventions  pseudépigraphiques  qu'on  trouve  si  fréquemment 
en  l'histoire  religieuse,  aux  temps  de  surexcitation.  Une 
lettre  apportée  par  un  ange  sur  l'autel  de  l'église  de  Saint- 
Pierre  à  Jérusalem  et  scellée  du  sceau  dont  l'Evangile  avait 
été  scellé,  annonça  que  Dieu  avait  résolu  de  détruire  la 
terre  souillée  de  crimes  ;  touché  par  les  supplications  de  la 
sainte  Vierge  et  des  anges,  il  avait  renoncé  à  ce  dessein, 
mais  il  avait  déclaré  que  ceux  qui  voulaient  se  sauver  de- 
vaient sortir  pendant  quelque  temps  de  leur  pays  et  faire 
pénitence  en  se  disciplinant  publiquement.  Des  confréries 
se  constituèrent  pour  satisfaire  à  l'ordonnance  divine, 
d'abord  en  Pologne,  puis  dans  toutes  les  contrées  de  l'Al- 
lemagne. Par  la  Flandre  et  la  Picardie^  elles  pénétrèrent 
jusque  dans  le  diocèse  de  Reims,  qu'elles  ne  semblent  pas 
avoir  dépassé.  Dans  l'Est  de  ce  qui  est  devenu  notre  terri- 
toire, elles  se  répandirent  surtout  en  Lorraine  et  en  Alsace. 

Ces  pénitents  s'appelaient  eux-mêmes  les  dévots  et  ils 
proclamaient  que  la  flagellation  est  la  dévotion  par  excel- 
lence. Ils  n'excluaient  point  péremptoirement  les  membres 
du  clergé,  mais  ils  ne  leur  permettaient  pas  d'assister  à 
leurs  conseils  secrets  ni  de  parvenir  à  leurs  dignités  élec- 
tives, propter  quod  laid  sunt  clero  graviter  mdignati, 
dit  une  vieille  chronique.  C'était  donc  parmi  les  laïques 
seulement  que  chaque  confrérie  élisait  son  maître  ou  gé- 
néral de  la  dévotion  et  son  conseil  dirigeant.  Pour  être 
admis  dans  l'association,  il  fallait,  après  avoir  reçu  les 
sacrements,  renoncer  aux  passions  qui  régnent  dans  le 
monde,  spécialement  à  tout  sentiment  de  haine  ou  de  ven- 
geance et  à  tout  commerce  avec  les  femmes.  Les  confrères 
ne  pouvaient  accepter  ni  secours,  ni  aumônes,  ni  même 
aucune  nourriture  sans  l'autorisation  de  leur  chef.  Les  rè- 
glements obligeaient  les  récipiendaires  à  justifier  de  leurs 
moyens  de  subsistance  pour  la  durée  du  pèlerinage.  Ordi- 
nairement, ils  ne  restaient  dans  un  lieu  qu'un  jour  et  une 
nuit.  Ils  parcouraient  les  villes  et  les  campagnes,  par 


FLAGELLATION 


—  552  — 


bandes  de  cent  à  deux  cents  pénitents,  précédés  d'une  ban- 
nière où  la  croix  était  figurée  ;  ils  marchaient  deux  à  deux, 
portant  sur  leurs  épaules  un  manteau  de  couleur  parfois 
sombre,  mais  habiluellement  blanche,  comme  symbole  de 
purification.  Sur  ce  manteau,  l'image  de  la  croix  devant 
et  derrière.  Leur  tête  et  leur  visage  étaient  couverts  d'un 
voile  ou  d'un  capuchon  décoré  aussi  de  la  croix.  De  là,  le 
nom  de  Crucigères,  ou  Frères  de  la  Croix  ou  Pèlerins 
de  la  Croix,  qui  leur  est  fréquemment  donné  par  les  con- 
temporains. Quand  ils  entraient  dans  une  ville,  ils  se  ren- 
daient d'abord  à  l'église  ;  de  là,  ils  se  dirigeaient  vers  une 
des  places  publiques,  en  chantant  des  cantiques,  dont  voici 
un  spécimen  caractéristique  : 

Or,  avant,  entre  nous  tous  frères, 
Battons  nos  charognes  bien  fort, 
Et  remembrant  la  granfmisère 
De  Dieu  et  sa  piteuse  mort, 
Qui  fut  prins  en  la  gent  amère, 
Et  vendu  et  trais  à  tort, 
Et  battu  sa  char  vierge  et  dère, 
Au  nom  de  ce,  battons  plus  fort. 


Sur  la  place  où  ils  devaient  accomplir  leur  dévotion,  ils 
se  dépouillaient  de  leurs  vêtements  jusqu'aux  reins,  et  for- 
maient un  grand  cercle,  au  milieu  duquel  on  apportait  les 
malades  et  les  infirmes,  dont  beaucoup  se  trouvèrent  mira- 
culeusement guéris  ;  ce  qui  stimula  si  véhémentement  la  foi 
du  peuple,  qu'à  Strasbourg  on  leur  présenta  même  un  en- 
fant mort.  —  La  flagellation  sacramentelle  était  précédée 
d'une  flagellation  préparatoire,  pour  laquelle  tous  les  péni- 
tents, prosternés  à  terre  dans  des  positions  diverses,  mi- 
maient les  péchés  qu'ils  avaient  à  expier.  Quand  le  maître 
de  la  dévotion,  passant  d'un  pécheur  à  l'autre,  avait  admi- 
nistré à  chacun  un  nombre  de  coups  proportionné  à  ses 
fautes,  tous  se  levaient  pour  la  pénitence  commune.  Les 
instruments  de  cette  discipline  étaient  des  fouets  armés  de 
pointes  de  fer  ;  il  fallait  que  le  sang  coulât  pour  que  l'ex- 
piation fût  méritoire.  Cette  flagellation  avait  lieu  deux  fois 
par  jour  ;  elle  devait  être  renouvelée  pendant  trente-trois 
journées  et  douze  heures,  en  l'honneur  du  temps  que  Jésus- 
Christ  a  passé  sur  la  terre.  Cette  série  s'appelait  une  dé- 
votion, un  pèlerinage  ;  elle  suffisait  au  salut  individuel 
des  flagellants  ;  mais  la  pénitence  générale  devait  durer 
trente-trois  ans  pour  l'Europe  entière. 

Dans  la  plupart  des  villes,  le  peuple  allait  au-devant  des 
frères  de  la  Croix,  forçant,  au  besoin,  le  magistrat  de  leur 
ouvrir  les  portes  ;  quand  ils  partaient,  on  leur  faisait  cortège. 
A  Strasbourg,  plus  de  mille  personnes  les  suivirent  et  se 
joignirent  à  eux.  Par  sa  nature,  cet  enthousiasme  ne  devait 
guère  durer  plus  longtemps  que  la  cause  qui  l'avait  excité, 
la  terreur  inspirée  par  la  peste  noire.  D'ailleurs,  dès  le 
commencement  du  mouvement,  le  clergé  et  les  princes,  qu'il 
alarmait  également,  s'étaient  concertés  pour  le  comprimer  ; 
car  les  flagellants  n'étaient  point  sans  attribuer  à  la  corrup- 
tion des  grands  et  du  clergé  les  châtiments  que  la  colère 
divine  infligeait  à  la  terre.  Dès  1348,  Clément  VI  avait  dé- 
noncé à  tous  les  évèques  de  la  chrétienté  leur  dévotion  ;  le 
13  oct.  de  l'année  suivante,  d'accord  avec  Philippe  de  Valois, 
il  fulmina  une  bulle  qui  la  condamnait  formellement  comme 
hérétique.  On  imputa  à  ces  pénitents  les  troubles  provoqués 
par  les  mesures  prises  contre  eux  et  on  les  accusa  des  dé- 
sordres moraux  dont  on  argue  ordinairement  contre  ceux 
qu'on  persécute.  Il  ne  paraît  point  qu'à  l'origine  ils  aient 
formulé  des  propositions  hérétiques  ;  mais,  en  fait,  leur  dé- 
fiance à  l'égard  du  clergé  et  la  valeur  suprême  attribuée 
par  eux  à  un  moyen  de  salut  différent  de  ceux  dont  l'Eglise 
dispose,  contenaient  des  germes  latents  de  schisme  et  d'hé- 
résie. La  persécution  les  développa  et  suscita  parmi  les 
flagellants  une  secte  anticatholique.  Plus  tard,  l'un  d'eux, 
le  Thuringien  Conrad  Schmidt,  enseigna  que  leur  discipline 
rendait  inutiles  le  baptême,  la  confession  et  tout  le  minis- 
tère des  prêtres.  —  En  1389,  à  l'époque  où  les  fidèles  gé- 
missaient sur  le  schisme  d'Occident,  un  pèlerinage  de  péni- 
tents, surnommés  les  bianchi  ou  les  blancs  battus,  à 


cause  de  la  couleur  de  leurs  manteaux,  descendit  des  Alpes 
dans  la  Haute-Italie,  chantant  le  Stabat  mater  et  des  can- 
tiques italiens.  Le  peuple  les  accueillit  avec  une  vive  sym- 
pathie. Quand  ils  s'approchèrent  des  Etats  de  l'Eglise,  le 
pape  italien  fit  brûler  leur  chef  et  ils  furent  dispersés.  En 
1414,  cent  vingt-sept  flagellants  furent  brûlés  à  Sangers- 
hausen  et  dans  les  environs,  sur  les  poursuites  de  l'inqui- 
siteur Schcenefeld.  Cependant,  vers  la  même  année,  un 
autre  dominicain,  que  le  saint-siège  a  canonisé,  saint  Vin- 
cent Ferrer,  prêchant  la  pénitence  dans  les  pays  méridio- 
naux, conduisait  des  processions  de  flagellants.  Il  fut  désap- 
prouvé par  le  concile  de  Constance.  A  cette  occasion,  Gerson 
écrivit  son  Traité  contre  la  secte  de  ceux  qui  se  flagellent 
(Epistola  ad  Vincentium).  —  Au  commencement  de  son 
règne,  Henri  III  rencontra  dans  les  rues  d'Avignon  des 
compagnies  de  flagellants  ;  il  s'y  enrôla,  tant  par  prédispo- 
sition naturelle  que  par  désir  de  manifester  son  aversion 
contre  les  doctrines  protestantes.  La  cour  et  les  principaux 
des  grosses  villes  l'imitèrent.  Il  y  eut  alors  trois  ordres  de 
pénitents,  portant  tous  le  fouet  à  la  ceinture,  mais  divers 
par  la  couleur  et  par  le  patronage  :  les  blancs  étaient  ceux 
du  roi,  les  noirs  ceux  de  la  reine,  les  bleus  ceux  du  car- 
dinal d'Armagnac.  Parmi  tous,  les  mignons  du  roi  se  dis- 
tinguaient par  la  superbe  élégance  du  coup  avec  lequel  ils 
faisaient  jaillir  le  sang  de  leurs  épaules.  A  la  fin  du  siècle 
dernier,  on  rencontrait  encore,  à  Avignon  et  en  Provence, 
des  confréries  de  pénitents  qui  se  fustigeaient  publiquement. 
Il  ne  faut  point  désespérer  d'en  revoir  tôt  ou  tard. 

La  flagellation  publique  a  disparu  de  notre  pays  ;  la  fla- 
gellation intime  subsiste,  discrètement  cultivée,  mais  honorée 
de  haute  et  singulière  estime  par  l'Eglise  catholique,  à  qui 
l'expérience  séculaire  du  confessionnal  a  donné  une  con- 
naissance si  profonde  de  la  nature  humaine.  Non  seulement 
elle  est  restée  comprise  dans  la  règle  de  plusieurs  ordres 
de  religieux  et  de  religieuses,  et  elle  apporte  dans  les  cloîtres 
un  intermède  ou  plutôt  un  condiment  précieux  pour  rele- 
ver, par  des  sensations  d'une  acre  mysticité,  la  monotonie 
et  les  langueurs  de  la  vie  contemplative  ;  mais,  dans  le 
siècle,  elle  est  spontanément  pratiquée  par  des  laïques  épris 
de  pénitence  ou  de  sainteté.  On  la  préconise  comme  péni- 
tence pour  les  péchés,  comme  moyen  de  mortification  et  de 
résistance  contre  les  tentations,  mais  surtout  comme  com- 
munion aux  souffrances  de  Jésus-Christ.  C'est  cette  dernière 
considération  que  les  apologistes  font  principalement  valoir 
aujourd'hui  ;  elle  doit  être  fort  puissante  sur  les  femmes 
et  même  sur  certains  hommes.  Notre  célèbre  dominicain  et 
académicien  Lacordaire  se  disciplinait  passionnément.  Voici 
ce  qu'écrit  à  ce  propos  un  de  ses  admirateurs  :  «  Oui,  en 
plein  xixe  siècle,  au  lendemain  de  la  Révolution  et  quand  la 
cendre  ironique  de  Voltaire  était  à  peine  refroidie,  .cet  avo- 
cat, ce  libéral,  cet  écrivain,  cet  homme  d'esprit,  cet  orateur, 
ce  grand  homme,  le  P.  Lacordaire,  se  donnait  la  discipline 
tous  les  jours  et  plusieurs  fois  par  jour  souvent.  Il  obligeait 
ses  frères,  au  nom  de  la  sainte  obéissance,  à  l'attacher  les 
épaules  nues  à  un  poteau,  à  le  flageller,  à  lui  cracher  au 
visage,  à  le  fouler  aux  pieds,  à  le  lier  sur  une  croix  pen- 
dant les  trois  longues  heures  que  Jésus-Christ  son  maître 
était  resté  vivant  et  sanglant  sur  la  sienne...  Ah  î  disait 
Lacordaire,  si  le  monde  connaissait  ce  qu'il  y  a  de  bonheur 
à  se  sentir  flagellé  pour  celui  qu'on  aime  !  »  (H.  Villard, 
Correspondance  inédite  du  P.  Lacordaire;  Paris,  1870, 
p.  120  in-8.)  —  Sur  une  secte  moderne  et  fort  bizarre  de 
flagellants,  V.  Bonjour  (Les  frères). 

L'importance  de  la  flagellation  dans  la  discipline  monas- 
tique a  fait  donner  le  nom  commun  de  discipline  aux 
divers  instruments  destinés  à  l'administrer  :  corde  avec  ou 
sans  nœuds,  courroie,  férule,  fouet  simple  ou  armé  de  pointes 
de  fer,  martinet  composé  de  lanières,  de  cordelettes,  de 
bandes  de  parchemin  tortillées  et  nouées  ou  de  petites 
chaînes,  bâton,  baguette  forte,  faisceau  de  petites  baguettes 
ou  de  branchages.  E.-H.  Vollet. 

IL  Thérapeutique.  —  La  flagellation  était  fréquem- 
ment employée  par  les  médecins  anciens  comme  un  moyen 


—  553  — 


FLAGELLATION  —  FLAHAUT 


énergique  de  stimulation  de  l'ensemble  du  tégument 
externe.  Cette  stimulation  générale  de  la  peau  est  loin 
d'être  abandonnée  en  thérapeutique.  Mais  elle  est  obtenue 
par  des  moyens  plus  acceptables  que  ne  l'était  la  flagella- 
tion :  électricité  faradique,  hydrothérapie.  Dans  les  cas 
d'urgence,  la  flagellation  peut  encore  rendre  des  services. 
La  flagellation  du  visage,  des  mains,  de  la  poitrine  avec 
un  linge  mouillé  est  classique  dans  tous  les  évanouissements. 
La  flagellation  au  moyen  d'orties  est  restée  populaire  dans 
les  campagnes.  Son  action  stimulante,  doublement  éner- 
gique, a  donné  parfois  de  bons  résultats  dans  les  empoi- 
sonnements, au  début  de  la  période  de  refroidissement  du 
choléra,  dans  les  asphyxies  d'origines  diverses.  Quel  que 
soit  le  procédé,  la  flagellation,  si  elle  est  trop  brutalement 
appliquée,  expose  à  des  meurtrissures,  à  des  inflammations 
de  la  peau  très  pénibles.  Dr  A.-F.  Plicque. 

Bibl.  :  Histoire  religieuse.  —  J.  Boileau,  Historia 
Flagellantium;  Paris,  1700,  in-12;  trad.  en  franc,  par  l'abbé 
Grouet  ;  Amsterdam,  1701  etl732,in-12. —  Thiers,  Critique 
de  V histoire  des  Flagellants  ;  Paris,  1703,  in-12.  —  Du  Cer- 
ceau, Lettre  sur  V  histoire  des  Flagellants;  Paris,  1700,  in-12. 
—  Fôrstmann,  Die  christlichen  Geisslergeselschaften  ; 
Halle,  1828,  in-8. —  Stumpff,  Historia  Flagellantium,  prse- 
cipue  in  Thuringia  ;  Halle,  1835.  in-8.  —  Fr.  Close iner, 
Strassburger  Kroniken  ;  Leipzig,  1870. —  Leroux  de  Lincy, 
Recueil  de  chants  historiques  français  ;  Paris,  1841,  t.  I, 
p.  237.  —  Heller,  Vincenz  Ferrer,  nach  seinen  Leben  und 
Werken;  Berlin,  1830,  in-8.—  Hohental-Stâdeln, De  Viu- 
centio  Ferrerio;  Leipzig,  1839,  in-4. 

FLAGELLUM  (Physiol.)  (V.  Cil). 

FLAGEOLET.  I.  Botanique  (V.  Haricot). 
II.  Musique.  —  Instrument  à  vent  qui  n'est  autre 
que  l'ancienne  flûte  droite  ou  flûte  à  bec.  Les  dispositions 
essentielles  du  flageolet  ou  flûte  à  bec  sont  indiquées  à 
l'art.  Flûte,  ainsi  que  la  manière  dont  les  vibrations  se 
produisent.  Il  suffit  d'ajouter  que  le  flageolet,  sous  la  forme 
la  plus  simple,  comporte  six  trous,  et  le  tube,  légèrement 
conique,  est  en  métal;  le  bloc  antérieur,  en  bois,  est  quel- 
quefois muni  d'une  chambre  supplémentaire  où  un  morceau 
d'épongé  doit  retenir  l'humidité  du  souffle.  Le  flageolet 
français  est  habituellement  muni  de  clefs.  —  Burney  attri- 
bue l'invention  du  flageolet  à  un  Français,  le  «  sieur  » 
Juvigny,  qui  aurait  joué,  en  1581,  dans  le  fameux  Ballet 
comique  de  la  Roy  ne.  Le  flageolet  double  fut  imaginé, 
vers  4800,  par  un  nommé  Bainbridge  :  il  se  compose  de 
deux  flageolets  accolés  ;  l'un  porte  huit  trous,  sept  en  avant, 
un  en  arrière;  l'autre  n'en  a  que  quatre,  tous  en  avant;  le 
premier  se  joue  de  la  main  gauche,  le  second  de  la  main 
droite  (cet  instrument  n'a  d'ailleurs  joué  aucun  rôle  sérieux 
en  musique).  L'échelle  normale  du  flageolet  est  de  deux 
octaves,  augmentées  d'une  tierce  mineure  à  partir  du  sol 
qui  se  retrouve  sur  la  deuxième  ligne  de  la  portée,  en  clef 
de  sol.  A.  Ernst. 

FLAGEY.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  d'Amancey;  175  hab. 

FLAGEY.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Langres,  cant.  de  Longeau;  201  hab. 

FLAGEY-lès-àuxonne.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or, 
arr.  de  Dijon,  cant.  d'Auxonne;  498  hab. 

FLAGEY-lès-Gilly.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr. 
de  Beaune,  cant.  de  Nuits  ;  273  hab. 

FLAGEY-Rigney.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de 
Besançon,  cant.  de  Marchaux  ;  90  hab. 

FLAGG  (Edmund),  romancier  et  journaliste  américain, 
né  à  Wicasset  (Missouri)  le  24  nov.  1815.  Elevé  pour  le 
barreau,  il  exerça  la  profession  d'avocat  dans  plusieurs 
villes  des  Etats-Unis  et  remplit  les  fonctions  de  secrétaire 
du  ministre  des  Etats-Unis  à  Berlin  (1848)  et  de  consul  à 
Venise  (1850).  Il  dirigea  successivement  le  Bulletin  com- 
mercial de  Saint- Louis  (1838),  la  Literary  News  Letter 
de  Louisville,  avec  George  D.  Prentice  (1838-39),  la  Ga- 
zette du  soir  de  Saint-Louis  (1844-45)  et  d'autres  jour- 
naux. On  a  de  lui  des  impressions  de  voyages  :  The  Far 
West  (New  York,  1838,  2  vol.),  beaucoup  de  romans  et 
quelques  œuvres  dramatiques.  Son  ouvrage  sur  Venise  : 


Venice,  the  City  of  the  Sea  (New  York,  1853,  2  vol.), 
mérite  d'être  distingué  dans  la  foule  de  ses  productions. 

FLAGG  (George- Whiting),  peintre  américain  contempo- 
rain, né  à  New  Haven  (Gonnecticut)  le  26  juin  1816.  Tout 
jeune,  il  fit  le  portrait  de  l'évêque  anglican  de  Boston  et  se 
rendit  ensuite  à  Washington,  chez  Allston,  qui  lui  enseigna 
les  procédés  de  son  art  ;  ce  fut  sous  la  direction  de  ce  maître 
qu'il  peignit  :  Enfants  écoutant  une  histoire  de  reve- 
nants, et  Jacob  et  Rachel  à  la  fontaine.  Ensuite  il  pei- 
gnit le  Petit  Montreur  de  souris,  un  de  ses  meilleurs 
tableaux,  plein  d'humour  et  de  grâce.  Il  visita  l'Europe,  et 
spécialement  l'Italie,  où  il  résida  trois  ans  ;  ce  fut  pendant 
ce  voyage  qu'il  exécuta  son  tableau  V  OEuf  de  Christophe 
Colomb,  œuvre  d'un  dessin  correct  et  élégant,  d'un  coloris 
harmonieux.  Il  est  membre  de  l'Académie  nationale  de  son 
pays  depuis  1851.  Ad.  T. 

FLAGNAC.  Corn,  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  de  Ville- 
franche-de-Rouergue,  cant.  de  Decazeville;  1,146  hab. 

FLAGRANT  délit  (V.  Délit). 

FLAGY.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Vesoul, 
cant.  de  Port-sur-Saône;  265  hab. 

FLAGY.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de  Ma- 
çon, cant.  de  Cluny  ;  347  hab. 

FLAGY.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Fontainebleau,  cant.  de  Lorrez-le-Bocage  ;  385  hab. 

FLAHAUT  (Léon-Charles),  peintre  français  contempo- 
rain, né  à  Paris  en  1831 .  Elève  de  L.  Fleûry  et  de  Corot,  cet 
artiste  se  consacra  exclusivement  au  paysage  et  débuta  au 
Salon  de  1857  avec  une  vue  des  Environs  de  Port-Royal; 
ce  tableau,  ainsi  que  ceux  qu'il  exposa  immédiatement  après, 
dénote  de  sérieuses  qualités,  mais  l'on  n'y  voit  pas  encore 
de  personnalité  bien  nettement  accusée.  C'est  seulement 
une  dizaine  d'années  après  que  M.  Flahaut  fut  en  pleine 
possession  de  son  talent  simple  et  grandiose,  épris  des  vastes 
horizons,  des  perspectives  aériennes  savamment  dégradées, 
des  profondeurs  de  bois  mystérieuses.  Citons  parmi  lesplus 
remarquables  de  ces  toiles  :  V Etang  d'or,  Forêt  de  Ram- 
bouillet (S.  1867)  ;  Souvenir  des  côtes  de  Normandie 
(S.  1869)  ;  Marée  montante,  à  Puys,  Seine-Inférieure 
(S.  1876)  ;  V Etang  de  la  Reculée,  près  Montbouy,  Loi- 
ret (S.  1889),  dernière  exposition  de  l'artiste.       Ad.  T. 

FLAHAUT  de  La  Billarderie.  Famille  originaire  de 
Picardie.  Ses  membres  les  plus  marquants  ont  été:  Charles- 
César,  marquis  de  La  Billarderie,  seigneur  de  Saint-Remy 
et  d'Eau,  né  en  1668.  mort  à  Wissembourg  le  23  mai 
1742.  Entré  dans  l'armée  en  1684,  il  fit  toutes  les  cam- 
pagnes d'Allemagne,  de  Flandre  et  du  Rhin.  Il  fut  créé 
lieutenant  général  le  20  févr.  4  734.  —  Jérôme-François, 
frère  du  précédent,  né  en  1672,  mort  le  27  avr.  1761, 
entra  aussi  dans  l'armée  en  1684.  Il  servit  en  Flandre,  fut 
blessé  àMalplaquet  (1709)  et  fut  créé  lieutenant  général  le 
1er  août  1734.  Il  avait  suivi  le  roi  dans  toutes  ses  cam- 
pagnes, depuis  1744  jusqu'à  1748.  —  Le  chevalier  de  Fla- 
haut, fils  de  Charles-César,  maréchal  de  camp  en  1767, 
avait  été  nommé  gouverneur  de  Saint- Venant  en  1761. — 
N.  de  Flahaut,  chevalier  de  La  Billarderie,  frère  du  précé- 
dent, servit  dans  les  gardes  du  corps.  Maréchal  de  camp,  il 
devint  intendant  du  jardin  du  roi  jusqu'en  1792.  Il  avait 
succédé  à  Buffon.  Il  fut  décapité  à  Arras  en  1793.  — De  son 
mariage  avec  Adèle  Filleul,  devenue  depuis  la  baronne  de 
Souza  (V.  ce  nom),  il  eut  le  comte  Auguste-Charles- 
Joseph,  général  et  homme  d'Etat  français,  né  à  Paris  le 
21  avr.  1785,  mort  le  1er  sept.  1870.  Il  émigra  avec  sa 
mère,  sous  la  Révolution,  et  ne  revint  en  France  qu'en 
1798.  Ayant  pris  du  service  dans  un  corps  de  volontaires 
à  cheval  qui  accompagnait  Bonaparte  en  Italie,  il  reçut  le 
baptême  du  feu  à  Marengo  (1800),  et  sa  nomination  de 
sous-lieutenant  suivit  de  près  cette  victoire.  Il  conquit  en- 
suite tous  ses  grades  sur  le  champ  de  bataille.  Wagram 
le  fit  colonel.  En  Russie  (1812),  il  se  distingua  au  combat 
de  Mohilev  où  il  fut  cité  pour  sa  belle  conduite.  Promu 
général  de  brigade  le  22  févr.  1813,  et  aide  de  camp  de 
l'empereur,  il  devint  général  de  division  le  8  oct.  suivant. 


FLAHAUT  —  FLAMANT 


—  554 


Aux  sanglantes  journées  de  Leipzig  et  de  Hanau,  il  donna 
de  nouvelles  preuves  de  sa  bravoure.  Chargé  le  23  févr. 
1814  par  Napoléon  de  traiter  avec  les  alliés  d'une  sus- 
pension d'armes,  Flahaut  ne  put  réussir  dans  sa  mission. 
Après  l'abdication  de  F  empereur,  il  fit  sa  soumission  au 
gouvernement  provisoire,  mais,  dès  que  Bonaparte  eut  re- 
mis le  pied  sur  la  terre  de  France,  il  reprit  auprès  de  lui 
ses  fonctions  d'aide  de  camp.  Envoyé  à  Vienne  pour  requé- 
rir le  renvoi  en  France  de  Marie-Louise,  il  échoua,  ayant 
été  arrêté  à  Stuttgart.  Flahaut  combattit  à  "Waterloo, 
puis,  de  retour  à  Paris,  appuya  énergiquement  le  projet 
de  Lucien  Bonaparte  de  proclamer  Napoléon  II.  En  An- 
gleterre, sous  la  Restauration,  il  épousa,  en  4819,  la  fille 
de  lord  Keith  et  ne  rentra  en  France  qu'en  1827.  Nommé 
pair  en  1830  et  ministre  plénipotentiaire  à  Berlin  en  1831, 
il  accompagna,  l'année  suivante,  le  duc  d'Orléans  au  siège 
d'Anvers.  Ambassadeur  en  Angleterre  en  1842,  il  conserva 
ses  fonctions  jusqu'en  1848.  Partisan  ducoupd'Etat  (1851) 
Flahaut  fut  nommé  sénateur  de  l'Empire  en  1853,  puis 
grand  chancelier  de  la  Légion  d'honneur  (1864),  poste 
qu'il  occupa  jusqu'à  sa  mort. 
FLAHERTY  (V.O'Flaherty). 

FLAIGNES-les-Oliviers.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes, 
arr.  de  Rocroi,  cant.  de  Rumigny;  252  hab. 

FL  AIN  VAL  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
et  cant.  de  Lunéville  ;  152  hab. 

FLAMAND  (V:  Flandre  et  Pays-Bas). 
FLAMAND  (Le  Petit)  (V.  Everardi  [Angelo]). 
FLAMAND  (François),  sculpteur  flamand  (V.  Duquesnoy). 
FLAMANDE  (Race)  (V.  Race). 
FLAMANGRIE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Vervins,  cant.  de  La  Capelle;  1,504  hab. 

FLAMANT  (Ornith.).  Les  Flamants  ont  été  tour  à  tour 
rangés  parmi  les  Echassiers  et  parmi  les  Palmipèdes  (V.  ces 
mots) ,  jusqu'au  jour  où  quelques  ornithologistes  se  sont 
décidés  à  les  placer  dans  un  groupe  aberrant  (Phénicoptéri- 
dés).  En  effet,  si  les  Flamants  se  rattachent  aux  Echassiers 
par  la  longueur  de  leurs  pattes,  par  leur  structure  et  par 
leurs  allures,  on  ne  peut  nier  que  ces  oiseaux,  dans  la  confor- 
mation de  leur  bec,  garni  de  lamelles  sur  le  bord  des  man- 
dibules, et  dans  la  disposition  de  leurs  doigts,  réunis  par 
des  membranes,  offrent  certaines  analogies  avec  les  Canards. 
Leur  bec  toutefois  est  d'une  forme  toute  particulière  :  il  est 
comme  brisé  au  milieu,  les  deux  mandibules  s'infléchissant 
brusquement  et,  grâce  à  cette  disposition,  il  peut  être  em- 
ployé comme  une  épuisette  que  l'oiseau  promène  dans  l'eau 
pour  recueillir  les  vers  et  les  mollusques  dont  il  fait  sa  nour- 
riture. Tout  en  marchant  dans  les  eaux  peu  profondes,  dans 
les  lagunes  ou  près  de  la  rive  des  fleuves,  les  Flamants 
étendent  le  cou  et  ramassent  avec  leur  mandibule  supérieure 
les  proies  à  leur  convenance  qu'ils  emprisonnent  en  rap- 
prochant leur  mandibule  inférieure.  Leur  cou  grêle,  dont 
la  longueur  est  en  rapport  avec  la  hauteur  de  leurs  pattes, 
fait  paraître  leur  tète  plus  grosse  qu'elle  ne  l'est  en  réalité, 
et  présente  une  telle  flexibilité  qu'il  peut  être  recourbé 
plusieurs  fois  sur  lui-même  quand  l'oiseau  est  au  repos. 
Leur  corps,  de  forme  ovoïde,  semble  porté  sur  des  échasses 
et  se  termine  en  arrière  par  une  queue  très  courte,  et  leurs 
ailes,  de  longueur  moyenne,  offrent  généralement  à  leur 
surface  une  coloration  d'un  rose  vif  ou  d'un  rouge  ver- 
millon qui  contraste  avec  la  coloration  noire  des  rémiges. 
Les  Flamants  vivent  de  préférence  dans  les  lagunes  voi- 
sines de  la  mer  et  y  forment  souvent  de  nombreuses  colo- 
nies. Ils  y  établissent  leurs  nids  qui  consistent  chacun  en 
un  tumulus  conique,  tronqué  au  sommet  et  présentant  en 
dessus  une  excavation  destinée  à  recevoir  les  œufs.  Ces 
monticules  dont  la  base  baigne  d'abord  dans  l'eau,  mais 
qui  plus  tard  se  trouvent  complètement  à  sec,  sont  édifiés 
avec  de  la  boue  que  les  Flamants  ont  empruntée  au 
fond  des  marais  ;  ils  ne  mesurent    en  général  que  40 
à  50  centim.  de  haut,  de  telle  sorte  que  l'oiseau,  pour 
couver,   est  obligé  de  se  tenir  accroupi,  les  pattes  re- 
pliées, la  tête  reposant  sur  la  poitrine.  Les  œufs,  au 


nombre  de  deux  du  trois  par  nid,  sont  d'un  blanc  pur,  à 
surface  crayeuse  ;  ils  sont  couvés  pendant  un  mois  et,  par 
suite  de  cette  incubation  prolongée,  les  jeunes  ne  naissent 
d'ordinaire  que  pendant  la  saison  sèche,  alors  que  Jes  ma- 
rais salants  sont  transformés  en  une  plaine  aride.  Les 
jeunes  ne  prennent,  dit-on,  que  dans  le  cours  de  la  troi- 
sième année  la  livrée  brillante  des  adultes  ;  jusque-là  ils 
portent  un  costume  blanc  et  gris  avec  des  mouchetures  sur 
les  ailes. 

Il  n'y  a  pas  longtemps  que  l'on  possède  des  renseigne- 
ments précis  sur  la  nidification  et  le  mode  d'incubation  des 
Flamants,  car  la  défiance  naturelle  de  ces  oiseaux  et  la 
situation  dans  laquelle  sont  placées  leurs  colonies  rend  les 
observations  particulièrement  difficiles.  Même  en  temps 
ordinaire  les  Flamants  ne  se  laissent  pas  facileihent 
approcher  ;  ils  ne  pèchent  que  dans  des  endroits  décou- 
verts, où  ils  peuvent  de  loin  voir  venir  l'ennemi.  Aussitôt 
qu'une  apparition  fortuite  excite  leur  frayeur,  ils  prennent 
leur  essor  et  s'éloignent  rapidement,  rangés  en  file  ou 
groupés  en  triangle.  En  volant^  ils  battent  l'air  de  coups 
d'aile  précipités  et  tiennent  les  pattes  et  le  cou  tendu,  ce 
qui  leur  donne  une  physionomie  bizarre.  Plus  étranges 
encore  sont  leurs  attitudes  au  repos,  lorsqu'ils  sont  posés 
sur  une  patte,  le  cou  replié  et  noué  pour  ainsi  dire,  ou 
recourbé  en  S.  Ils  ont  une  démarche  lente,  irrégulière  et  un 
peu  vacillante,  mais  ils  courent  avec  une  assez  grande  rapi- 
dité et  peuvent  aussi,  quand  l'eau  est  assez  profonde,  nager 
à  la  façon  des  Palmipèdes.  Leur  nourriture  consiste  essen- 
tiellement en  mollusques,  en  vers,  en  crustacés,  en  petits 
poissons,  et  dans  les  jardins  zoologiques,  où  l'on  conserve 
en  captivité  quelques-uns  de  ces  magnifiques  oiseaux,  on 
a  reconnu  depuis  longtemps  la  nécessité  de  leur  donner 
non  seulement  du  riz,  du  pain  ou  du  blé  trempé  dans 
l'eau,  mais  un  peu  de  viande  pour  les  conserver  en  bonne 
santé. 

Le  genre  Phœnicopterus,  qui,  durant  la  période  tertiaire, 
était  déjà  représenté  sur  notre  sol  par  une  espèce  décrite 
sous  le  nom  de  Phœnicopterus  Croizeti,  n'est  pas  devenu 


Phœnicopterus  ruber  L. 

complètement  étranger  à  l'Europe,  puisqu'on  trouve  encore 
des  Flamants  en  Espagne  et  même  dans  la  France  méri- 
dionale, principalement  sur  les  bords  de  l'étang  de  Vaccarès. 


;—  555  — 


FLAMANT  —  FLAMBAGE 


Ces  oiseaux  appartiennent  à  une  espèce  déjà  bien  connue 
des  anciens  et  qui  se  trouve,  pour  ce  motif,  désignée  dans 
les  catalogues  ornithologiques  sous  le  nom  de  Phœnicop- 
terus  antiquorum  (Tem.).  Ils  ont,  à  l'âge  adulte,  le 
plumage  d'un  beau  rose,  passant  au  rouge  vif  sur  les  ailes 


Tête  de  flamant. 

dont  l'extrémité  est  noire.  Leurs  pieds  sont  d'une  teinte 
carminée,  leurs  yeux  jaunes  et  leur  bec  rouge  avec  la 
pointe  noire.  Ce  sont  des  Flamants  de  cette  espèce  que 
les  Romains  de  la  période  impériale  faisaient  figurer 
comme  rôtis  sur  leurs  tables  et  dont  ils  employaient  la 
langue  pour  confectionner  des  plats  étranges. 

Les  Flamants  de  l'Inde  et  de  l'Afrique  orientale  ne 
peuvent  pas  être  séparés  spécifiquement  de  ceux  de  l'Eu- 
rope méridionale  ;  mais  ceux  de  l'Afrique  occidentale,  du 
cap  de  Bonne-Espérance,  des  Antilles,  du  Pérou,  du 
Chili,  etc.,  appartiennent  à  des  espèces  distinctes,  les  unes 
à  manteau  d'un  rouge  encore  plus  intense,  les  autres  de 
taille  plus  faible  (Ph.  erythrœus  Verr.,  Ph.  minor, 
GeoflL,  Ph.  ruber  L.,  Ph.  ignipalliatus  Geoff.  etd'Orb., 
Ph.  andinus  Phil.,  etc.).  E.  Oustalet. 

Bibl.  :  J.  Gould,  Birds  of  Europa,  1838,  pi.  287.  —  G.-R. 
Gray,  Notes  on  the  Bills  of  the  Species  of  Flamingos, 
Ibis,  1869,  p.  438  et  pi.  14  et  15.  —  M.-A.  Chapman,  Rough 
Notes  on  Spanish  Ornithology ,  Ibis,  1884,  p.  87. 

FLAMANT  (Pierre-René),  accoucheur  français,  né  en 
4762,  mort  à  Strasbourg  le  7  juil.  4833.  Il  débuta  dans 
l'enseignement  à  vingt-quatre  ans  et  en  4795  devint  pro- 
fesseur titulaire  d'accouchements  à  l'Ecole  de  médecine  de 
Strasbourg,  puis  fonda  une  clinique  obstétricale,  la  pre- 
mière de  ce  genre  établie  en  France,  et  Strasbourg  devança, 
par  cette  création,  Paris  de  quarante  ans.  L'enseignement 
de  Flamant  eut  un  immense  succès.  Il  fut  de  plus  nommé, 
en  4799,  professeur  de  clinique  chirurgicale.  Les  excel- 
lents écrits  de  Flamant  consistent  en  monographies  et  en 
articles  publiés  dans  les  journaux,  les  dictionnaires  ;  ses 
idées  et  ses  leçons  ont  été  recueillies  et  développées  dans  plu- 
sieurs thèses  de  l'époque.  Dr  L.  Hn. 

FLAMANT  (Alfred-Aimé),  ingénieur  français,  né  à 
Noyai  (Aisne)  le  34  oct.  4839.  Il  appartient  au  corps 
des  ponts  et  chaussées,  où  il  a  marqué  par  l'exécution  de 
grands  travaux  (canal  de  Roubaix  et  autres  canaux  du 
Nord,  port  de  Nice,  etc.),  par  la  rédaction  d'un  projet 
considérable  (canal  du  Nord),  relatif  au  doublement  de 
la  grande  voie  navigable  du  nord  de  la  France,  en  vue 
de  desservir  le  bassin  houiller  du  Pas-de-Calais,  projet 
non  encore  exécuté,  mais  qui  le  sera  tôt  ou  tard.  — 
Enfin  M.  Flamant  est  l'un  des  ingénieurs  les  plus  connus 
par  ses  publications  :  traduction  (avec  Barré  de  Saint- 
Venant)  du  grand  ouvrage  de  Clesbsch  sur  la  Théorie 
de  V élasticité  des  corps  solides;  grand  nombre  de  mé- 
moires dans  les  Annales  des  Ponts  et  Chaussées  ;  Sta- 
bilité des  constructions  et  résistance  des  matériaux, 
dans  V Encyclopédie  des  travaux  publics  (4886);  Méca- 


nique générale,  dans  la  même  collection  (4888);  Hy- 
draulique (1894).  Ces  trois  ouvrages  sont  en  grande 
partie  le  développement  de  cours  professés  par  M.  Fla- 
mant :  le  premier  et  le  troisième  à  l'Ecole  des  ponts  et 
chaussées,  le  second  à  l'Ecole  centrale  des  arts  et  manu- 
factures. —  M.  Flamant  est  un  des  collaborateurs  de  la 
Grande  Encyclopédie.  —  Les  ouvrages  de  M.  Flamant 
sont  d'une  parfaite  clarté,  et  les  sujets  sont  traités  avec 
cette  sûreté  qui  distingue  les  écrivains  dont  la  science 
dépasse  de  beaucoup  ce  qu'ils  donnent  dans  leurs  œuvres 
de  vulgarisation. 

FLAMANVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Cherbourg,  cant.  des  Pieux,  près  de  hautes  et  pittoresques 
falaises  dominant  la  Manche  ;  4,488  hab.  Beau  château, 
construit  par  Hervé  de  Bazan  de  4654  à  46160  sur  les  ruines 
d'un  ancien  château  féodal  ;  parc  immense  à  l'une  des  extré- 
mités duquel  s'élève  un  pavillon  dit  de  J.-J.  Rousseau  parce 
que  le  marquis  de  Flamanville  l'avait  fait  construire  en  4778 
pour  Jean-Jacques.  Eglise  du  xvne  siècle,  où  se  trouve  une 
riche  châsse  moderne  contenant  les  reliques  de  sainte  Répa- 
rate.  Le  point  culminant  des  falaises  est  connu  sous  le  nom 
de  Gros-Nez  de  Flamanville.  Le  Trou  Balijan  est  une 
curieuse  caverne  de  près  de  400  m.  de  profondeur,  creusée 
sous  les  falaises.  Dolmen  (mon.  hist.)  de  la  Pierre-au-Roy, 
près  duquel  s'élève  un  mât  de  signaux.  —  Mines  de  fer  de 
Diélette  (V.  ce  mot). 

FLAMANVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  d'Yvetot,  cant.  d'Yerville  ;  354  hab. 

FLAMARENS.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Lectoure, 
cant.  de  Miradoux  ;  394  hab. 

FLAMBAGE  (Techn.).  Le  flambage  est  une  opération 
destinée  à  enlever  aux  étoffes,  au  moyen  d'une  combustion 
rapide,  les  brins  de  fil  ou  de  duvet  qui  se  trouvent  à  leur 
surface.  C'est  à  Rouen,  vers  4840,  qu'on  a  appliqué  pour 
la  première  fois  le  flambage  aux  tissus  ;  on  s'aperçut  alors 
que  l'impression  sur  calicot  était  beaucoup  plus  parfaite 
lorsqu'une  partie  du  duvet  de  l'étoffe  était  enlevée,  et  on 
imagina  de  faire  passer  celle-ci  sur  un  cylindre  de  fonte 
rougi  à  blanc  qu'on  tournait  constamment.  Cette  opération 
fut  adoptée  plus  tard,  en  4845,  par  les  imprimeurs  d'Al- 
sace qui  substituèrent  au  cylindre  une  plaque  de  fonte 
convexe,  puis,  en  4820,<par  les  teinturiers  d'Amiens,  pour 
leurs  velours  de  coton  et  leurs  tissus  de  laine;  enfin, 
en  4840,  par  les  teinturiers  de  Paris,  pour  les  tissus  de 
laine.  A  cette  époque,  M.  Molard  eut  l'idée  de  flamber 
l'étoffe  au  moyen  de  la  flamme  du  gaz.  Cette  idée  ne  fut 
mise  à  exécution  qu'en  4847,  par  un  Anglais,  Samuel  Hall, 
qui  construisit  alors  une  machine  adoptée  pour  les  toiles 
et  les  calicots.  En  4826,  M.  Descroizilles  fils  imagina  le 
flambage  à  l'alcool  enflammé.  En  4860,  M.  Coke,  à  Man- 
chester, inventa  une  nouvelle  manière  de  flamber,  au 
moyen  d'un  mélange  de  gaz  et  d'air  atmosphérique.  Cette 
machine  modifiée  par  M.  Tulpin  eut,  en  France,  un  grand 
succès.  M.  Blanche,  manufacturier  à  Puteaux,  installa, 
en  4873,  un  appareil  aujourd'hui  généralement  employé 
en  France  et  en  Allemagne  et  qui  est  basé  sur  le  principe 
du  chalumeau,  un  courant  d'air  forcé  produisant  la  com- 
bustion du  gaz.  En  règle  générale,  le  flambage  du  tissu 
donne  plus  d'affinité  pour  la  teinture,  les  nuances  sont  plus 
nourries  et  la  matière  colorante  pénètre  mieux  dans  la  fibre. 
On  trouvera  décrites  plusieurs  méthodes  pour  le  flam- 
bage (V.  Blanchiment,  t.  VI,  p.  4024)  ;  nous  ajouterons 
quelques  détails  complétant  la  description  d'appareils  nou- 
veaux. Les  machines  les  plus  employées  pour  flamber  au 
gaz  ou  plutôt  avec  un  mélange  de  gaz  et  d'air  atmosphérique 
sont  celles  de  M.  Tulpin  et  de  M.  Blanche.  Les  premières 
grilleuses,  d!origine  anglaise,  présentèrent  des  inconvénients 
qui  les  ont  fait  abandonner;  le  tissu  passant  sur  la  flamme 
arrêtait  la  combustion,  comme  le  fait  la  toile  métallique 
dans  la  lampe  Davy  :  il  en  résultait  une  grande  perte  de 
gaz  non  brûlé,  des  dépôts  de  noir  de  fumée  sur  les  étoffes 
soumises  à  l'opération,  et  une  mauvaise  odeur  difficile  à 
enlever.  Tulpin,  de  Rouen,  a  évité  ces  difficultés  ;  la  pièce 


FLAMBAGE  —  FLAMBARD 


556  — 


touche  la  flamme  tangentiellement  sur  ses  deux  faces,  en 
laissant  le  sommet  tout  à  fait  libre.  Le  tissu  est  guidé  par 
des  rouleaux  en  cuivre  ;  il  y  a  ainsi  deux  contacts  sur  une 
seule  rampe  de  gaz  ;  mais  comme  la  pièce  d'étoffe  forme 
une  chambre  au-dessus  de  la  flamme,  on  est  obligé  d'en- 
lever les  produits  de  la  combustion  qui  s'accumulent  dans 
cette  sorte  de  couloir,  à  l'aide  d'un  ventilateur  aspirant. 
11  faut  deux  rampes  semblables  dans  la  machine  pour 
avoir  un  flambage  suffisant.  Comme  la  consommation  de 
gaz  était  considérable  et  la  combustion  encore  incomplète, 
Tulpin  a  ajouté  un  petit  ventilateur  supplémentaire  qui 
envoie  de  l'air  dans  le  tuyau  du  gaz  et  forme  un  mélange 
plus  facile  à  brûler.  La  machine  Tulpin  a  eu  beaucoup  de 
succès,  mais  elle  présente  divers  inconvénients  :  grande 
dépense  de  gaz  dont  on  n'utilise  qu'une  partie;  l'ouvrier 
ne  voit  que  l'envers  de  la  pièce  ;  il  ne  peut  donc  pas  cor- 
riger les  irrégularités  du  flambage;  la  grillure  ou  laine 
brûlée  bouche  souvent  les  becs  d'introduction  du  gaz  ;  il 
en  résulte  des  lacunes  dans  la  flamme  et,  par  suite,  des 
rayures  sur  la  pièce.  La  machine  Blanche  est  basée  sur  le 
principe  du  chalumeau.  L'air  arrive  avec  une  pression 
de  40  à  50  centim.  d'eau  par  un  tube  effilé  ;  le  tuyau  de 
gaz  est  placé  au-dessous.  Ces  deux  tubes  sont  enfermés 
dans  un  manchon  de  2  centim.  de  longueur  et  aplati  au 
sommet  comme  un  bec  de  clarinette.  Le  jet  d'air  fait  appel 
au  gaz,  se  mélange  avec  lui  et  vient  brûler  au  sommet  du 
manchon.  Des  robinets  règlent  la  proportion  d'air  et  de 
gaz.  La  combustion  est  d'autant  plus  vive  que  la  pression 
d'air  est  plus  grande;  la  flamme  bleuâtre,  très  courte, 
vient  frapper  la  pièce  qui  est  guidée  par  un  rouleau  de 
cuivre.  La  combustion  est  complète  ;  il  n'y  a  ni  odeur,  ni 
dépôt  de  noir  de  fumée,  et  l'ouvrier  voit  la  pièce  se  dérouler 
à  l'endroit.  Une  pompe  refoule  l'air  dans  un  réservoir 
muni  d'une  soupape  qui  règle  la  pression;  la  rampe  est 
formée,  suivant  la  largeur  des  tissus,  d'une  série  de  tubes 
semblables  fixés  sur  un  châssis  en  fer  qui  est  mobile  sur 
son  arc.  On  a  remplacé,  dans  quelques  machines,  la  série 
des  tubes  par  un  gros  tuyau  horizontal  fendu  dans  sa  lon- 
gueur ;  mais  ce  n'est  qu'un  changement  de  position  ;  le 
principe  est  le  même  :  un  courant  d'air  forcé  qui  fait  appel 
au  gaz,  comme  dans  le  chalumeau  de  laboratoire. 
Flambage  des  bois  (V.  Bois,  t.  VII,  p.  423). 
Flambage  des  roches.  —  Les  anciens  faisaient  un  grand 
usage  dans  les  travaux  de  mines  de  l'action  du  feu  pour 
le  flambage  des  roches.  En  effet,  les  roches  les  plus  dures, 
brusquement  chauffées,  se  dilatent  et  se  fendent  en  perdant 
l'eau  dont  elles  sont  pénétrées.  Quelques-unes  sont  même 
altérées  dans  leur  composition,  et,  si  l'on  projette  ensuite 
de  l'eau  sur  la  roche  incandescente,  elle  se  contracte 
subitement  et  se  fissure  à  une  profondeur  plus  ou  moins 
grande.  Dans  cet  état,  les  roches  les  plus  résistantes 
peuvent  être  attaquées  par  des  pointerolles  que  l'on  engage 
dans  toutes  les  fissures.  On  peut  abattre  ainsi  la  partie 
altérée  et,  lorsque  la  roche  même  est  de  nouveau  mise  à  nu, 
on  renouvelle  l'application  du  feu.  Dans  les  mines  du  Hartz, 
on  employait  pour  le  travail  régulier  par  le  feu  des  bûchers 
dressés  le  long  de  la  paroi  ;  on  les  allumait  le  samedi  soir 
au  moment  de  la  sortie  des  hommes.  On  a  fait  usage  aussi 
d'une  caisse  rectangulaire  en  tôle  ayant  la  largeur  de  la 
galerie  de  mine  et  à  section  conique  ;  de  telle  sorte  que  la 
longueur  étant  d'environ  lm60,  l'ouverture  présentée  à  la 
paroi  qu'on  voulait  attaquer  avait  0m40  de  hauteur  et 
l'ouverture  opposée  seulement  0m25.  Le  fond  de  la  caisse 
étant  disposé  en  forme  de  grille,  il  résulte  de  cette  dispo- 
sition que  le  feu  allumé  dans  la  caisse  et  entretenu  par  la 
petite  ouverture  bourrée  de  combustible  s'échappe  par  la 
plus  grande  en  léchant  les  parois  du  rocher  contre  lequel 
on  le  dirige.  Cette  méthode  de  travail  ne  peut  être  appliquée 
que  dans  les  mines  dont  l'aérage  est  vif  et  facile  ;  la  difficulté 
de  se  débarrasser  des  produits  de  la  combustion  opposerait 
une  impossibilité  presque  générale  pour  l'emploi  de  ce 
procédé  dans  les  mines  profondes.  L'appareil  Hugon  qui  a 
été  employé  à  la  mine  de  Challanches  (Oisans)  consiste 


en  un  fourneau  mobile  sur  rails  et  alimenté  par  un  polit 
ventilateur,  de  manière  à  pouvoir  concentrer  une  action 
calorifique  intense  sur  un  point  donné.  L.  Knab. 

FLAMBANT  (Blas.).  Les  pièces,  particulièrement  les 
pals  ondes  et  aiguisés  en  forme  de  flammes,  sont  dits 
flambants,  ainsi  que  les  croix  et  sautoirs. 

FLAMBARD.  On  donne  le  nom  as  flambard  aux  graisses 
que  les  charcutiers  'recueillent  à  la  surface  de  l'eau  lors- 
qu'ils font  cuire  leurs  viandes.  Ces  graisses  sont  réunies 
et  fondues  en  masse  pour  les  débarrasser  de  l'eau  qu'elles 
peuvent  contenir.  Elles  renferment  généralement  une  peti'o 
quantité  de  sel  marin  et  possèdent  une  odeur  particulière 
due  aux  aromates  ajoutés  aux  viandes  pendant  leur  cuisson. 
Le  flambard  est  grisâtre,  terne  ;  il  fond  entre  26  et  27° 
et  a  pour  densité  0,940.  Il  est  vendu  aux  savonniers  pour 
la  fabrication  des  savons  communs  très  bon  marché  qui 
sont  employés  pour  le  dégraissage  des  laines,  draps, 
toiles,  etc.  Ch.  Girard. 

FLAMBARD  (Ranulf),  évêque  de  Durham,  mort  en  1128, 
premier  ministre  de  Guillaume  le  Roux.  Un  certain  Ranulf 
Flambard  (ou  Flamard)  est  mentionné  dans  le  Domesday 
Book  comme  propriétaire  de  divers  domaines  en  Surrey, 
dans  l'Oxfordshire  et  le  Hampshire.  Orderic  Vital  dit  que 
le  futur  évêque  était  de  basse  extraction  et  fils  de  Turstin 
de  Bayeux.  Peut-être  fut-il  l'un  des  clercs  de  la  cour  de 
Guillaume  le  Conquérant,  où  un  clerc  nommé  «Ranulf»  est 
signalé  par  les  chroniqueurs  comme  ayant  exercé  quelque 
autorité  ;  d'après  une  autre  version,  il  aurait  commencé  sa 
carrière  au  service  de  Maurice,  évêque  de  Londres  (1085- 
4107),  qu'il  n'aurait  quitté  que  pour  s'attacher  à  Guil- 
laume IL  En  tout  cas,  c'est  après  l'avènement  de  Guillaume 
le  Roux  que  sa  fortune  grandit  :  il  fut  sûrement  l'inspi- 
rateur de  la  violente  politique  anticléricale  du  nouveau 
règne.  Il  ne  semble  pas  qu'il  ait  occupé  une  position  offi- 
cielle (chancelier,  justiciarius) ,  mais  le  «  chapelain  du 
roi,  Ranulf  »  posséda  sûrement  tous  les  pouvoirs  attribués 
plus  tard  aux  «  justiciers  »  des  rois  normands  du  xne  siècle. 
Il  se  rendit  surtout  nécessaire  comme  financier,   comme 
pourvoyeur  de  ce  prince  dépensier  que  fut  Guillaume  II  ; 
à  cet  effet,  il  maintint  dans  toute  leur  vigueur  les  disposi- 
tions fiscales  du  Domesday  Book  et  osa  laisser  vacants  une 
foule  d'évèchés  et  d'abbayes,  dont  les  fruits  furent  versés 
au  trésor  royal  :  c'est  ainsi  que  l'archevêché  de  Canter- 
bury  resta  vacant  du  28  mai  1089  au  20  sept.  1093. 
Ces  procédés,  d'une  fiscalité  avide  et  sévère,  valurent  au 
favori  une  très  grande  impopularité,  notamment  parmi  les 
moines  qui  tenaient  alors  la  plume  de  l'histoire.  Florence 
de  Worcester  et  Guillaume  de  Malmesbury  ne  tarissent 
pas  de  légendes  malveillantes  sur  son  compte.  «  Toute  jus- 
tice disparaît  en  son  temps,  dit  Florence  ;  l'argent  fut 
roi.  »Le  29  mai  1099,  Flambard  fut  nommé  par  Guil- 
laume le  Roux  évêque  de  Durham  ;  mais  son  protecteur 
mourut  assassiné  le  2  août  1100,  et  le  nouveau  roi  Henri  Ier, 
qui  avait  contre  lui  des  dissentiments  privés  et  politiques, 
envoya  le  nouvel  évêque  de  Durham  à  la  tour  de  Londres. 
Celui-ci,    toutefois,    assez   doucement  traité,   réussit  à 
s'échapper.  On  devine  de  quel  poids  est  dans  toute  cette 
histoire  de  l'ennemi  légendaire  des  privilèges  du  clergé  le 
témoignage  des  chroniqueurs  en  lisant  dans  Orderic  Vital, 
dans  Florence,  dans  Henry  de  Huntingdon,  etc.,  que  l'exilé 
s'embarqua  avec  sa  mère  (sorcière  qui  avait  perdu  un  œil 
à  la  suite  de  ses  relations  avec  le  diable),  sur  des  vaisseaux 
chargés  de  leurs  trésors,  mais  que  les  incantations  de  la 
mère  ne  suffirent  pas  à  enchaîner  la  tempête  qui  fit  som- 
brer l'un  des  navires  sur  les  côtes  de  Normandie.  Flam- 
bard fut  très  bien  reçu  à  la  cour  de  Robert  de  Normandie 
et  semble  avoir  été  son  conseiller  durant  la  lutte  de  ce 
prince  contre  Henri  Beau  Clerc,  jusqu'à  la  désastreuse  ba- 
taille de  Tinchebray  (28  sept.  1106).  Après  Tinchebray, 
il  réussit  d'ailleurs  à  faire  sa  paix  avec  le  vainqueur  qui 
lui  pardonna  solennellement  à  Lisieux,  lui  restitua  Je  siège 
de  Durham  et  lui  permit  même  de  conserver  l'administra- 
tion de  l'évêché  de  Lisieux  qu'il  avait  fait  donner  jadis  par 


—  557  — 


FLAMBARD  —  FLAMBEAU 


le  duc  Robert,  successivement,  à  deux  de  ses  fils  mineurs. 
La  dernière  partie  de  la  vie  de  Flambard  fut  paisible  et 
consacrée  à  des  travaux  artistiques.  Grand  constructeur,  il 
fit  terminer  la  cathédrale  de  Durham,  commencée  par  son 
prédécesseur,  releva  les  murailles  de  la  ville,  jeta  un  pont 
de  pierre  sur  la  Wear  et  bâtit  le  château  de  Norham  sur 
la  Tweed,  avant-garde  du  côté  de  l'Ecosse.  Ses  contempo- 
rains reconnaissent  qu'il  était  de  belle  prestance,  généreux 
et  libéral.  Sa  famille  était  nombreuse  :  on  lui  connaît  au 
moins  quatre  fils,  autant  de  neveux  et  peut-être  un  frère. 
Les  historiens  modernes  sont  d'accord  pour  reconnaître 
que  l'influence  de  Flambard  sur  la  constitution  anglaise  a 
été  grande  :  il  a  été  l'un  des  principaux  instruments  de 
l'absolutisme  de  Guillaume  le  Roux  ;  il  a  contribué  à  trans- 
former le  vieil  heriot  anglo-saxon  en  droit  de  relief  féo- 
dal ;  il  a  assimilé  les  tenures  ecclésiastiques  aux  tenures 
laïques  en  ce  qui  touchait  la  perception  de  ce  relief.  Il  a 
féodalisê  et  fortifié  en  même  temps  par  sa  politique  fiscale 
la  monarchie  anglo-normande.  Ch.-V.  L. 

FLAMBE  (V.  Iris). 

FLAMBEAU.  I.  Archéologie.— -Le  flambeau  est  l'objet 
mobilier  qui  porte  la  cire,  la  chandelle  ou  la  bougie,  desti- 
nées à  l'éclairage  intérieur  des  habitations.  Dans  le  principe, 
le  flambeau  était  la  grosse  torche  même,  de  cire  ou  de  résine, 
tenue  à  la  main  par  les  varlets,  aussi  bien  dans  les  rues  que 
dans  les  vastes  salles  des  châteaux.  Quand  la  torche  vint  à 
diminuer  de  volume,  on  la  posa  dans  une  douille  fixée  sur 
les  chandeliers,  à  la  place 
de  la  pointe  (V.   Chande- 
lier). De  cette  transforma- 
tion vint  le  nom  de  chande- 
lier  à   flambeau,  puis,  par 
abréviation,  de  flambeau.  La 
distinction,  par  ce  fait  même, 
se  trouve  donc  très  nette- 
ment établie  entre  le  chan- 
delier et  le  flambeau  qui  est 
un    chandelier   à    douille , 
tandis  que  le  premier  reste 
à  pointe.  Il  remplace  le  tor- 
sier,    la    torchère,     dans 
lesquels  on  mettait  les  tor- 
ches, lorsqu'elles  devaient 
brûler    longtemps    à    la 
même  place.   Le    flambeau 
fut  toujours  d'usage  presque 
essentiellement  civil,  tandis 
que  le  chandelier  à  pointe, 
remontant  à  une  haute  anti- 
quité, fut  conservé  dans  le 
mobilier  ecclésiastique.  Dès 
le  xiie  siècle,  on  trouve  de 
véritables  flambeaux  à  douil- 
les  :    ils  représentent    des 
animaux,  des  êtres  fantas- 
tiques, d'élégants  rinceaux, 
habilement  forgés,  mais  ils 
sont  fort  rares.  Au  xive  siècle, 
lorsque   l'usage   des   flam- 
beaux commence  à  se  répandre,   ils  prennent  la  forme 
d'un  acolyte,  d'un  jeune  homme  étendant  le  bras.  Comme 
la  torche  de  cire  n'était  pas  parfaitement  cylindrique, 
puisqu'elle  était  simplement  raclée  à  la  main,  les  douilles 
furent  faites  très  souvent  à  pans,  à  lobes  ou  carrées,  pour 
qu'on  pût  y  introduire  plus  facilement  le  cierge,  garni  à 
sa  base  d'un  cornet  de  parchemin  ou  de  bois  léger  peint, 
tenant  lieu  de  bobèche.  Les  douilles  furent  percées  d'un 
trou  pour  faciliter  le  nettoyage  et  la  sortie  des  restes  de 
souches  non  brûlées  :  le  large  pied  du  flambeau  fut  évidé 
autour  de  la  tige  pour  recueillir  la  cire  qui  pouvait  couler 
et  l'empêcher  de  tomber  sur  les  meubles.  Le  flambeau  por- 
tatif avec  une  queue  se  nomme  bougeoir.  Dans  la  liturgie 
catholique,  il  fait  partie  de  la  série  des  objets  qui  composent 


Serviteur  portant  un  flam- 
beau, d'après  une  estampe 
de  la  Vie  de  la  Vierge, 
par  Albert  Durer. 


la  chapelle  d'un  évêque  :  l'étiquette  royale  a  maintenu  jus- 
qu'à la  fin  du  xvnr3  siècle  le  petit  flambeau,  appelé  mestier, 
près  de  la  veilleuse  de  la  chambre  du  roi.  F.  de  Mély. 
II.  Pyrotechnie.  —  Artifice  d'éclairage  employé  à 
la  guerre.  Les  flambeaux  usités  en  France  se  composent 
d'une  enveloppe  cylindrique  en  tissu  caoutchouté  remplie 
de  composition  Lamarre.  Cette  composition  brûle  en  pro- 
duisant une  flamme  d'un  vif  éclat  ;  elle  est  formée  d'un 
corps  combustible,  la  glu  de  lin,  et  d'un  corps  comburant, 
le  chlorate  de  potasse  ;  on  y  ajoute  certains  sels  pour  co- 
lorer la  flamme  :  nitrate  de  baryte  pour  les  feux  blancs, 
carbonate  de  strontiane  pour  les  feux  rouges,  etc.  L'une 
des  extrémités  de  l'enveloppe  est  fermée  au  moyen  d'un 
bouchon  de  liège;  l'autre  porte  une  amorce  composée  de 
plusieurs  brins  de  mèche  d'artifices  maintenus  par  une 
ligature.  Le  flambeau  est  entouré  d'un  double  cylindre  de 
papier  et  l'amorçage  est  recouvert  d'une  coiffe.  Il  existe 
deux  modèles  de  flambeaux,  désignés  par  leur  diamètre  : 
celui  de  40  millim.  et  celui  de  18  millim  ;  ils  sont  à  feu 
blanc  et  mesurent  75  centim.  de  longueur.  On  se  sert  éga- 
lement de  demi-flambeaux  blancs  et  rouges  de  18  millim. 
de  diamètre  qui  ont  37  centim.  1/2  de  longueur. 

Fabrication.  La  composition  Lamarre  destinée  au  char- 
gement des  flambeaux  est  placée  dans  un  cadre  en  bois, 
puis  étendue  et  tassée  au  moyen  d'un  rouleau  en  acier  de 
manière  à  obtenir  une  galette  de  4  ou  de  2  centim.  d'épais- 
seur, suivant  que  le  flambeau  doit  avoir  40  ou  18  millim.  de 
diamètre  ;  dans  cette  galette  on  découpe  à  l'aide  d'un  emporte- 
pièce  de  petits  cylindres  d'un  diamètre  un  peu  plus  faible  que 
le  flambeau.  Le  chargement  se  fait  à  la  main  au  moyen  d'une 
baguette  qui  refoule  successivement  ces  petits  cylindres 
dans  l'enveloppe;  il  peut  également  s'effectuer  à  l'aide 
d'une  machine  spéciale.  Avec  la  machine  installée  à  l'Ecole 
centrale  de  pyrotechnie  de  Bourges,  on  peut  charger  un 
flambeau  de  40  en  deux  minutes  environ. 

Emploi.  Les  flambeaux  sont  utilisés  comme  artifices 
éclairants,  par  exemple  pour  éclairer  les  troupes  dans  les 
passages  difficiles  pendant  les  marches  de  nuit.  Leur  flamme 
est  visible  de  très  loin,  on  peut  également  les  employer 
comme  artifices  des  signaux.  Pour  allumer  un  flambeau, 
on  décoiffe  l'amorçage  et  l'on  met  le  feu  aux  brins  de 
mèche  avec  une  allumette  ou  un  corps  en  ignition  ;  le  flam- 
beau doit  être  tenu  incliné  à  45°  de  manière  que  les  gout- 
telettes de  composition  fondue  qui  s'échappent  pendant  la 
combustion  tombent  sur  le  sol.  La  durée  de  combustion 
est  de  vingt-cinq  minutes  pour  les  flambeaux  de  40,  de 
quinze  minutes  pour  ceux  de  18.  Le  flambeau  de  40  est 
surtout  employé  pour  éclairer  une  grande  étendue  de  ter- 
rain :  un  seul  flambeau  placé  à  2  ou  3  m.  de  hauteur 
éclaire  suffisamment  le  campement  de  deux  batteries  pen- 
dant une  prise  d'armes  ;  son  pouvoir  éclairant  équivaut  à 
26  becs  Carcel.  Pour  éteindre  un  flambeau,  on  le  saisit 
près  de  la  partie  enflammée  et  on  frotte  celle-ci  sur  le  sol, 
ou  bien  on  la  plonge  dans  l'eau.  Les  flambeaux  sont  trans- 
portés par  les  voitures  de  l'artillerie.  Ils  sont  répartis  dans 
les  diverses  unités  de  cette  arme  conformément  au  tableau 
ci-dessous  que  nous  empruntons  à  Y  Aide-Mémoire  de  l'of- 
ficier d'état-major  en  campagne,  année  1891. 


DÉSIGNATION 

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Flambeaux  blancs  j  d®  ^  "  ] 
Demi-flamb.  de  18. \  rouges] 

20 
2 

11 
11 

20 
2 

11 
11 

240 
20 

» 

360^ 
30 

» 
» 

FLAMBERGE  —  FLAMEL 


558  — 


FLAMBERGE  (Arm.)  C'est,  en  style  d'amateur,  une 
sorte  d'épée,  longue  et  fine,  du  type  des  rapières,  dont 
l'usage  se  maintint  en  France  et  en  Allemagne  pendant 
tout  le  xviie  siècle.  Certains  appellent  cette  épée  verdun, 
ce  qui  est  un  terme  impropre,  car  le  verdun  paraît  avoir 
été  un  estoc  propre  aux  gens  de  pied  et  que  les  ordon- 
nances de  François  Ier  attribuaient  aux  francs  archers.  Les 
flamberges  se  distinguent  par  leur  lame  longue  et  en  forme 
de  carrelet,  c.-à-d.  en  section  losangique,  à  quatre  pans, 
rarement  évidée  par  des  gouttières.  La  fusée  est  plus  longue 
que  dans  les  épées  ordinaires  ;  le  pommeau  est  en  forme 
d'olive  ;  la  garde  se  réduit  à  un  simple  croisillon  et  à  un 
pas  d'âne  ;  il  n'existe  presque  jamais  d'arc  de  jointure.  Le 
pas  d'âne  est  très  réduit,  et  la  coquille,  large,  est  peu  pro- 
fonde, en  forme  de  soucoupe,  parfaitement  circulaire,  et 
ordinairement  percée  de  mille  trous  qui  l'allègent.  Toute 
la  monture  est  habituellement  d'acier  noirci  ou  bleui,  la 
fusée  en  torsade  habillée  de  filigrane  de  fer.  La  garde 
présente  cette  caractéristique  de  présenter  un  écusson 
haut,  barlong,  habillant  le  ricasso  de  la  lame  et  remontant 
au-dessus  du  plan  des  quillons  pour  s'unir  à  la  fusée, 
caractère  que  présentent  les  dernières  gardes  d'acier  avant 
les  épées  montées  en  bronze  qui  apparurent  en  Europe  à 
la  seconde  moitié  du  règne  de  Louis  XIV.  Certaines  gardes 
de  flamberge  ont  un  double  pas  d'âne,  horizontalement 
relevé,  et  dont  les  quatre  branches  se  redressent  pour 
venir  se  souder  au  bord  de  la  coquille  en  quatre  points 
également  distants;  les  quillons  peuvent  aussi  émettre  des 
branches  horizontales  extérieures  à  la  coquille  et  venant 
se  greffer  sur  son  bord  externe. 

Les  lames  très  longues,  ne  mesurant  jamais  moins  de 
1  m.  de  long  sans  compter  la  poignée,  sont  rigides  et  très 
légères.  Il  en  est  qui  sont  élargies  à  leur  extrémité  en  spa- 
tule très  tranchante,  disposition  fort  en  vogue  chez  les 
Allemands  et  qui  permettaient  les  stoccatas  ou  coups  de 
pointe  fouettés.  Quelques  lames  sont  ondulées,  comme 
flamboyantes;  d'autres  sont  chargées  d'encoches  sur  leurs 
plats,  ce  qui  était  fait  pour  que  l'adversaire  ne  pût  pas 
saisir  la  lame  avec  sa  main.  —  Les  flamberges  furent  les 
meilleures  épées  de  duel,  et  les  plus  terribles  à  cause  de 
leur  longueur,  de  leur  légèreté  et  de  leur  rigidité.  C'est  à 
cette  sorte  de  rapière  qu'il  faut  attribuer  l'excessive  mor- 
talité qui  résulta  des  duels  universitaires  en  Allemagne, 
car  le  port  de  la  flamberge  y  régna  jusqu'au  commence- 
ment de  notre  siècle.  Le  musée  d'artillerie  de  Paris  pos- 
sède une  de  ces  armes,  acquise  en  Scandinavie,  et  de 
travail  allemand  du  xvne  siècle,  qui  mesure  dm47  du 
pommeau  à  la  pointe.  Malgré  cette  longueur  démesurée, 
l'arme  est  si  fine  qu'elle  pèse  moins  en  main  qu'une  de 
nos  modernes  épées  de  combat.      Maurice  Maindron. 

FLAMBOIN.  Hameau  de  la  corn,  de  Gouaix  (Seine-et- 
Marne).  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Est,  point  de  départ 
d'un  embranchement  reliant  la  ligne  de  Mulhouse  à  celle 
de  Paris-Lyon,  à  la  station  de  Montereau. 

FLAMBOYANT.  I.  Architecture  (V.  Gothique  flam- 
boyant). 

II.  Botanique  (V.  Erythrina). 

III.  Art  héraldique.  —  Attribut  spécial  au  sanglier  et 
au  lion,  dont  la  gueule  semble  vomir  des  flammes. 

FLAM  E  L  (Nicolas) ,  écrivain  juré  en  l'université  de  Paris, 
né  dans  la  première  moitié  du  xiv9  siècle,  peut-être  à  Pon- 
toise,  mort  à  Paris  le  22  mars  1418.  Guillebert  de  Metz, 
auteur  d'une  Description  de  Paris  écrite  vers  1430,  nous 
vante  parmi  les  merveilles  de  cette  ville  «  Gobert  le  sou- 
verain escripvain  qui  composa  l'Art  oVescripre  et  de  taih 
lier  plumes  »  et  ses  disciples  favorisés  des  princes,  Flamel 
le  jeune  (Jean)  attaché  au  duc  de  Berry  et  «  Flamel  l'aisné  » 
(Nicolas),  «  escripvain,  qui  tant  faisoit  d'aumosnes  et  hos- 
pitalitez,  et  fist  plusieurs  maisons  où  gens  de  mestier  démoli- 
raient en  bas  ;  et  du  loyer  qu'ilz  paioient,  estaient  soutenus 
povres  laboureurs  en  hault  ».  Tandis  qu'on  connaît  un 
assez  grand  nombre  d'oeuvres  de  son  frère,  Jean  Flamel, 
la  signature  de  Nicolas  Flamel  ne  se  rencontre   pas.'  Il 


est  possible,  comme  le  suppose  M.  Vailet  de  Viriville,  que, 
chez  Flamel,  esprit  pratique  et  positif,  le  désir  du  gain 
ait  dominé  l'amour  du  beau,  et  qu'il  se  soit  livré  de  pré- 
férence à  des  œuvres  d'écriture  courante  plus  ordinaires 
et  plus  lucratives.  Vers  1370,  il  épousa  une  bourgeoise 
de  Paris  deux  fois  veuve  et  assez  riche,  Pernelle.  Après 
avoir  travaillé,  lui  et  son  clerc,  dans  deux  simples 
échoppes  adossées  à  Saint- Jacques-la-Boucherie,  il  en  fit 
deux  petits  édifices,  puis,  en  face  de  la  même  église,  cons- 
truisit un  hôtel  orné  en  dehors  de  devises  et  de  sujets  peints 
ou  sculptés. 

Cette  maison  hébergeait,  outre  le  ménage  Flamel,  une 
pension  de  jeunes  gens  de  bonne  famille,  auxquels  l'écri- 
vain juré  enseignait  les  éléments  de  son  art  ;  il  y  avait 
aussi  des  écoliers  externes.  En  1389,  c'est  aux  frais  des 
Flamel  que  fut  construite  une  des  arcades  du  charnier  des 
Saints-Innocents;  ils  érigèrent  aussi  le  petit  portail  de 
Saint-Jacques-la-Boucherie.  Aux  deux  endroits  ils  ne  négli- 
gèrent pas  de  faire  sculpter,  dorer  et  peindre  leur  image 
en  pied.  Flamel  hérita  de  sa  femme  en  1397.  Très  consi- 
déré pour  son  talent  et  pour  sa  piété,  il  vit  sa  fortune 
s'arrondir  de  plus  en  plus.  Vers  1404,  il  construit  une 
seconde  arcade  au  charnier  des  Innocents.   Il  contribue  à 
la  réparation  et  à  l'ornement  de   Sainte-Geneviève-des- 
Ardents  (en  la  Cité),  de  l'hôpital  Saint-Gervais  (rue  de  la 
Tixeranderie),  peut-être  aussi  Saint-Côme  :  toujours  il  a 
soin  de  rappeler  aux  yeux  la  figure  et  la  devise  du  bienfai- 
teur. Il  acquit  des  terrains  dans  la  censive  du  prieuré  de 
Saint-Martin-des-Champs,  et,  à  la  place  des  masures  qui  s'y 
trouvaient,  y  fit  construire  à  partir  de  1407  des  maisons 
à  la  fois  de  rapport  et  de  charité  :  ainsi  le  Grand  Pignon 
(rue  de  Montmorency)  comprenait  un  lavoir  payant  et  des 
logis  gratuits  pour  les  cultivateurs  sans  ressources:  ces 
derniers  s'acquittaient  en  disant  chaque  jour  un  Pater  et 
un  Ave  pour  les  morts.  Flarnel  s'était  encore  fait  repré- 
senter sur  une  large  frise  en  façade,  entouré  de  ses  proté- 
gés :   Nous  hommes  et  femmes  laboureurs,  dit  l'ins- 
cription, demourans  au  porche  de  ceste  maison  qui  fut 
faicte  en  l'an  de  grâce  mil  quatre  cens  et  sept,  sommes 
tenus,  chascun  en  droit  soy,  dire  tous  les  jours  une 
patenôtre  et  un  Ave  Maria  en  priant  Dieu  que  de  sa 
grâce  face  pardon  aus  povres  pécheurs   trespassez. 
Amen.  Flamel  ne  cessa   de  prospérer  jusqu'à  sa  mort, 
à  une  époque  de  guerres  atroces  entre  Français  et  An- 
glais, Armagnacs  et  Bourguignons;   cela  supposait  une 
grande  habileté  et  quelque  génie  pour  la  spéculation.  On  a 
prétendu,  sans  le  prouver,  qu'il  s'était  enrichi  des  dépouilles 
des  juifs  :  il  leur  emprunta  en  tout  cas  quelques-uns  de 
leurs  procédés,  prêtant  à  intérêt  ou  sur  hypothèques,  etc. 
Il  acheta,  à  l'intérieur  de  sa  paroisse  de  Saint- Jacques-la-Bou- 
cherie, le  lieu  de  sa  sépulture  et  prépara  lui-même  sa  pierre 
tumulaire  (V.  le  n°  92  au  musée  de  Cluny).  N'ayant  pas 
d'enfants,  il  légua  presque  tous  ses  biens  à  Saint-Jacques, 
et  fit  d'autres  notables  libéralités  (1418),  par  exemple  dix- 
neuf  calices  ornés  de  son  chiffre  et  destinés  à    autant 
d'églises,  quatorze  fondations  perpétuelles  en  faveur  de 
quatorze  communautés  qui  chaque  année  devaient  faire  dire 
chacune  une  messe  basse  à  la  chapelle  de  Saint-Clément, 
fondée  et  dotée  par  lui  à  Saint-Jacques. 

Ainsi,  durant  sa  vie  comme  par  son  testament,  Flamel  avait 
tout  combiné  pour  ne  pas  être  oublié  comme  tant  d'autres 
bourgeois  parisiens  sans  doute  aussi  riches  et  aussi  bien- 
faisants que  lui.  La  crédulité  populaire  lui  fit  une  légende. 
On  exagéra  énormément  sa  fortune.  On  répéta  qu'il  avait 
connu  ou  même  découvert  le  grand  œuvre,  c.-à-d.  le  secret 
de  faire  de  For,  la  pierre  phflosophale  (V.  Alchimie).  Des 
faussaires  lui  attribuèrent  des  écrits  hermétiques  :  il  ne 
paraît  même  pas  en  avoir  copié  aucun.  Dans  un  recueil 
anonyme  de  1561,  la  Ir ans formation  métallique,  figure 
le  Sommaire  philosophique  de  Nicolas  Flamel.  Son  nom, 
(qui  rappelle  l'idée  de  flamme,  le  principal  agent  des  trans- 
formations chimiques),  son  portrait,  celui  de  sa  femme, 
son  chiffre,  ses  devises  personnelles  ou  pieuses,  son  cale- 


—  559  - 


FLAMEL  —  FLAMENG 


mard  (écritoire)  figuré  sur  sa  boutique,  tout  devint  dans  la 
pensée  populaire  symbole  de  ce  grand  art  auquel  avait  été 
également  attribuée  la  fortune  de  Jacques  Cœur.  C'est  seu- 
lement en  1758  et  1761  que  le  savant  abbé  Vilain,  prêtre 
de  Saint- Jacques-la-Boucherie,  fit  pièces  en  mains  le  compte 
de  la  fortune  du  prétendu  alchimiste  et  de, ses  libéralités. 
Il  possédait  à  sa  mort  676  livres  5  tournois  de  rente, 
somme  équivalente  à  peu  près  à  ce  que  seraient  aujourd'hui 
douze  ou  quinze  mille  livres  de  rente.  Avant  comme  après 
cette  révélation,  on  a  fait  souvent  des  fouilles  à  l'emplace- 
ment de  son  hôtel  (angle  de  la  rue  des  Ecrivains  et  de  la 
rue  Marivaux)  dans  l'illusion  d'y  trouver  ou  son  secret  ou 
ses  trésors.  H.  Monin. 

Bibl.  :  L'abbé  Vilain,  Essai  sur  l'histoire  de  Saint- 
Jacques-la-Boucherie  (d'après  les  originaux  qui  sont  main- 
tenant aux  Arch.  nationales,  S.  3382,  3384,  3385)  ;  Paris, 
1758,  in-12.  —  Du  même,  Histoire  critique  de  Nicolas  Fia- 
mel  et  de  Pernelle  sa  femme,  recueillie  d'actes  anciens  qui 
justifient  V origine  et  la  médiocrité  de  leur  fortune  contre 
les  imputations  des  alchimistes  ;  Paris,  1761,  in-12.  — 
Anonyme,  Nicolas  Flamel  ;  Lille,  1854,  in-32.  —  Teste 
d'Ouet,  Jacquemin  Gringonneur  et  Nicolas  Flamel  ;  Paris, 
1855,  in-8. 

FLAMEL  (Jean),  secrétaire  du  duc  Jean  de  Berry,  frère 
cadet  du  précédent,  mort  à  la  fin  de  1417  ou  dans  les  trois 
premiers  mois  de  1418.  Il  vivait  encore  en  mai  1417  et 
il  ne  semble  pas  avoir  survécu  à  son  frère.  Il  a  mis  son 
nom  sur  un  certain  nombre  de  manuscrits  de  la  riche  col- 
lection formée  par  son  maître,  au  bas  des  notes  dans  les- 
quelles il  en  fait  connaître  l'origine  ou  en  indique  seulement 
le  possesseur.  Ces  notes  remplissent  souvent  toute  la  page  ; 
elles  sont  écrites  avec  assez  de  soin  et  d'habileté  pour  jus- 
tifier l'éloge  que  fait  de  lui  Guillebert  de  Metz  dans  sa 
Description  de  Paris.  M.  L.  Delisle  a  donné,  dans  le 
Cabinet  des  manuscrits  (t.  I,  p.  58),  l'indication  des 
manuscrits  dans  lesquels  on  les  trouve.  Il  nous  suffira  de 
renvoyer^  aux  mss.  français  159,  263,  380,  etc.,  et  aux 
mss.  latins  10483  et  10484  delà  Bibliothèque  nationale. 
F  LA  NI  EN  (Albert),  peintre  et  graveur  français,  né  vers 
1620,  mort  après  1664.  On  le  dit  natif  de  Bruges,  ce  qui 
n'est  point  prouvé,  tandis  que  toutes  ses  estampes  ont  été 
publiées  à  Paris.  Habile  à  manier  l'eau-forte,  il  y  mêlait 
le  travail  de  pointe  sèche  et  de  burin,  et  ses  œuvres  se 
distinguent  par  la  netteté,  la  légèreté  et  souvent  par  un 
esprit  bien  gaulois  à  la  façon  de  Callot.  Il  fut,  on  peut  dire, 
l'historiographe  de  son  temps  par  le  moyen  de  l'estampe  : 
tous  les  événements  importants  de  la  vie  politique  et  reli- 
gieuse ont  eu  en  lui  un  interprète  enthousiaste  ou  mordant. 
Il  excellait  aussi  dans  la  représentation  des  oiseaux  et  des 
poissons.  Son  œuvre  gravé  compte  près  de  600  pièces. 
Comme  peintre,  il  paraît  s'être  borné  au  portrait.   G.  P-i. 

Bibl.  :  Robert-Dumesnil,  le  Peintre-Graveur  français, 
t.  V,  pp.  135-244. 

FLAMENG  (Guillaume),  poète  hagiographe  français*,  né 
à  Langres  vers  1455,  chanoine  de  Langres  en  1495,  mort 
à  l'abbaye  de  Clairvaux  en  1540.  On  lui  doit  un  poème 
français  intitulé  la  Vie  de  saint  Bernard  (Troyes,  s.  d., 
in-4). 

•  Bibl.:  Denis,  Bibliogr.  champenoise,  1870,  pp.  167 -et 
341.  —  Petit  de  Julleyille,  Mystères,  t.  I,  pp.  231-240  : 
t.  II,  pp.  43  et  508. 

FLAMENG  (Léopold),  graveur  français,  né  à  Bruxelles, 
de  parents  français,  le  22  nov.  1831.  Il  se  forma  dans 
l'atelier  de  Calamatta,  puis,  désertant  le  burin  pour  abor- 
der l'eau-forte,  il  débuta,  à  Paris,  vers  1853,  par  des  études 
d'après  nature  et  des  croquis  pleins  de  saveur.  Charles 
Blanc  ayant  fondé,  en  1859,  la  Gazette  des  Beaux- Arts, 
l'y  attacha  d'une  façon  régulière.  Le  jeune  graveur  montra 
dès  lors,  dans  les  nombreuses  planches  qu'il  exécuta  pour 
ce  recueil ,  une  virtuosité,  une  souplesse  absolument  re- 
marquables, abordant  tous  les  sujets,  traduisant  les  maîtres 
les  plus  divers,  passant  des  primitifs  aux  modernes,  des 
dessinateurs  aux  coloristes,  modifiant  sa  méthode  suivant 
le  caractère  des  talents  qu'il  avait  à  interpréter,  toujours 
élégant,  alerte,  jamais  lâché.  C'est  ainsi  qu'on  peut  citer  de 
lui  durant  cette  période,  parmi  ses  planches  les  plus  inté- 


ressantes :  la  Mort  de  la  Vierge,  d'après  Martin  Schœn  ; 
la  Charge  d'artillerie  de  la  garde,  d'après  Schreyer  ;  la 
Phryné,  d'après  Gérôme  ;  Miss  Graham  et  V Enfant  bleu, 
d'après  Gainsborough,  eau-forte  très  spirituellement  tou- 
chée; la  Source,  d'après  Ingres,  une  des  estampes  les  plus 
populaires  de  l'artiste,  charmante,  très  claire  ;  la  Halte, 
d'après  Meissonier;  la  Pièce  aux  cent  florins,  et  la  Leçon 
d'anatomie,  d'après  Bembrandt  où  apparaît  avec  éclat 
l'étonnante  faculté  d'assimilation  de  M.  L.  Flameng.  En 
dehors  des  planches  qu'il  a  gravées  pour  la  Gazette  des 
Beaux-Arts,  l'artiste,  qui  a  abordé  tous  les  genres,  a  pu- 
blié :  Paris  qui  s' en  va  et  Paris  qui  vient  (1859),  série 
de  26  planches;  40  eaux-fortes,  pour  V Œuvre  complet 
de  Bembrandt,  par  Charles  Blanc  (1859),  2  vol.  in-8  ; 
32  eaux-fortes  pour  le  Théâtre  complet  de  Molière  (édi- 
tion Jouaust,  1876-1883,  8  vol.  in-8);  10  compositions 
d'après  J.-P.  Laurens,  pour  limitation  de  Jésus-Christ 
(1878,  in-8),  sans  compter  d'innombrables  illustrations 
soit  pour  des  collections  d'auteurs  classiques,  soit  pour  des 
éditions  d'ouvrages  contemporains,  des  catalogues  de  ventes 
de  tableaux,  etc.  A  l'Exposition  universelle  de  d  878,  il 
exposa  un  ensemble  de  22  gravures  où  il  se  montrait  avec 
ses  qualités  multiples;  en  1886,  la  Mort  de  sainte  Ge- 
neviève, d'après  J.-P.  Laurens  (grand in-fol.),  la  plus  con- 
sidérable des  planches  du  graveur.  V.  Champier. 

FLAMENG  (Marie  -  Auguste) ,  peintre  français,  né  à 
Jouy-aux-Arches,  près  de  Metz,  le  17  juil.  1843.  Il  eut 
successivement  pour  maître  MM.  Palianti,  Vernier,  Dubuffe, 
Mazerolle,  Delaunay  etPuvis  de  Chavannes.  Il  s'est  adonné 
exclusivement  au  paysage,  et,  après  avoir  débuté  en  1870 
par  quelques  vues  de  son  pays  natal,  traité  avec  un  vif  et 
très  personnel  sentiment  de  la  nature,  il  s'est  fait  depuis 
1874  un  spécialiste  des  tableaux  de  marine.  Dans  ce  genre 
il  n'a  cessé  d'exposer  des  toiles  où  son  talent  s'est  mani- 
festé avec  une  grande  variété  d'aspect,  à  la  fois  vigoureux 
et  délicat.  Mentionnons  :  Marée  basse  à  Cancale  (1874); 
Bateau  de  pêche  à  Cancale,  et  Moulin  à  Malesherbes 
(1875);  Pêcheuse  d'huîtres  de  la  baie  du  Mont-Saint- 
Michel  (1876);  la  Berge  de  la  Seine  et  Yport  (1879); 
le  Varech,  Marée  basse  dans  la  Manche  et  Un  Coin  de 
mer  à  Saint-  Vaast- la- Hougue  (1881);  Bateau  de 
pêche  à  Dieppe  (1881),  acquis  par  l'Etat  pour  le  musée 
du  Luxembourg  ;  Sortie  d'un  tr ois-mâts  au  Havre  (1882); 
le  Bassin  Vauban  au  Havre  (1883);  Bateau  de  pêche  à 
La  Bochelle  (1884);  la  Cale  des  messageries  maritimes 
à  Bordeaux  (1885);  la  Pointe  de  Ronfleur  et  la  Tamise 
à  Londres  (1886);  Sur  la  grève,  à  Cancale  (1887); 
Embarquement  d'huîtres  à  Cancale  (1888),  la  Sortie 
des. barques  à  Trouville  (1890)  ;  la  Bade  de  Bordeaux 
aile  Bassin  de  Kattendick  à  Anvers  (1891),  etc.  V."  Ch. 

FLAMENG  (François),  peintre  français,  fils  de  Léopold 
Flameng  (V.  ci-dessus),  né  à  Paris  le  6  déc.  1856.  Il 
étudia  d'abord  la  gravure  avec  son  père  et  M.  Hédoin, 
puis  la  peinture  avec  MM.  Cabanel  et  J.-P.  Laurens.  Il 
débuta  au  Salon  de  1875,  avec  un  tableau,  le  Lutrin,  et 
exposa  l'année  suivante  une  composition  historique,  Bar- 
berousse  visite  le  tombeau  de  Charlemagne;  en  1877, 
le  Portrait  de  son  père.  Son  premier  succès  date  de  1879 
où  il  reçut  le  prix  du  Salon  pour  une  scène  de  la  Bévolu 
tion,  l  Appel  des  Girondins,  qui  reçut  les  encourage- 
ments de  la  critique  tout  en  étant  très  vivement  discutée. 
«  M.  Flameng  n'est  pas  encore  assez  marqué  pour  aborder 
les  rôles  du  grand  répertoire,  disait  M.  Paul  Mantz  ;  en  choi- 
sissant un  pareil  sujet,  en  adoptant  le  format  in-folio,  il  a  trop 
présumé  de  ses  forces.  »  Néanmoins,  une  telle  œuvre,  en 
dépit  de  ses  défauts,  indiquait,  chez  un  jeune  homme  de  vingt 
ans,  de  nobles  ambitions.  L'artiste  poursuivit  ses  études  sur 
la  dévolution  et  se  fit  remarquer  successivement  avec  les 
Vainqueurs  de  la  Bastille  (1881);  Camille  Desmoulins 
(1882);  Marie-Antoinette  allant  au  supplice  (1885), 
où  il  se  montrait  d'une  façon  assez  inégale.  En  même  temps 
il  exposait  quelques  tableaux  de  genre,  tels  que  le  Duel 
(1 883)  ;  Une  Répétition  au  xvme  siècle  (i  884)  ;  les  Joueurs 


FLAMENG  —  FLAMINIO 


—  560  - 


de  boules  (1885);  le  Bain  (1886),  etc.  Chargé,  à  cette 
époque,  de  la  décoration  de  l'escalier  de  la  nouvelle  Sor- 
bonne,  il  se  mit  avec  ardeur  à  cet  important  travail,  dont 
il  a  exposé  successivement  les  sept  fragments  :  Saint  Louis 
remet  à  Robert  de  Sorbon  la  charte  de  fondation  de 
la  Sor bonne;  Abeilard  et  son  Ecole  sur  la  montagne 
Sainte-Geneviève;  le  Prieur  Jean  Heynlin  installe 
dans  les  caves  de  la  Sorbonne  la  première  imprimerie 
qui  ait  êlé  installée  en  fronce  (4887);  la  Renaissance; 
Richelieu  pose  la  première  pierre  de  V église  de  la  Sor- 
bonne; Henri  IV  réforme  l'Université  (1888);  Rollin, 
principal  du  Collège  de  Beauvaxs,  à  Paris  (1889). 
Parmi  les  œuvres  plus  récentes  du  jeune  artiste,  il  faut 
citer  :  la  Halte  (infanterie  de  ligne  de  1789),  et  P Armée 
française  (marche  sur  Amsterdam,  campagne  de  Hollande 
de  1796,  Salon  de  1890);  Baptême  dans  la  Basse-Alsace 
(4891),  etc.  V.  Champier. 

FLAMENGRIE  (La).  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr. 
d'Avesnes,  cant.  de  Bavay;  312  hab. 

FLAM  ETS-Frétils.  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  et  cant.  de  Neuf chat el-en-Bray  ;  358  hab. 

FLAM  IN  E  (Antiq.  rom.).  Le  flamine  était,  dans  l'an- 
cienne Rome,  le  prêtre  affecté  au  culte  d'une  divinité  dé- 
terminée. Son  nom,  flamen  {filamen),  venait,  d'après  les 
anciens,  du  fil  de  laine  (filum)  qu'il  devait  toujours  porter 
soit  sur  son  bonnet  pointu,  apex*  soit  autour  des  cheveux  ; 
on  rattache  plutôt  ce  mot  au  verbe  flare,  le  flamine  étant 
le  prêtre  qui  «  souffle  »  le  feu  sur  l'autel.  A  l'époque  des 
origines,  que  la  tradition  fait  remonter  à  Numa,  pour 
ce  sacerdoce  comme  pour  toutes  les  institutions  reli- 
gieuses, les  flammes  étaient  au  nombre  de  quinze.  L'époque 
classique  connut  surtout  trois  flamines,  les  flamines  ma- 
jores, le  flamen  Dialis  (de  Jupiter),  le  flamen  Mar- 
tialis  (de  Mars),  le  flamen  Quirinalis  (de  Quirinus). 
Tous  trois  étaient  nommés  par  le  grand  pontife  et  restaient 
toujours  dans  une  étroite  dépendance  du  collège  pontifical. 
Le  premier  des  trois  grands  flamines  était  le  flamen 
Dialis  ;  les  minutieuses  observances  qui  lui  étaient  impo- 
sées le  rendaient  l'esclave  de  ses  fonctions  sacerdotales.  Il 
devait  être  patricien,  né  d'un  mariage  par  confarréation, 
ne  jamais  sortir  de  Rome,  ne  pas  monter  à  cheval,  éviter 
le  contact  ou  la  vue  de  tout  objet  impur,  suivre  exactement 
pour  son  costume,  pour  la  coupe  des  cheveux  et  de  la 
barbe,  les  prescriptions  religieuses,  renoncer  à  toute  autre 
fonction  publique.  Les  seules  compensations  qu'on  lui  ac- 
cordait pour  cet  esclavage  assujettissant,  c'était  de  porler 
la  prétexte,  d'avoir  un  licteur,  la  chaise  curule  et  un  siège 
au  Sénat.  Malgré  tout,  ce  poste  était  peu  envié  ;  il  resta 
vacant,  à  la  fin  de  la  République,  pendant  soixante-quinze 
ans.' Les  flamines  devaient  être  mariés  sous  le  régime  delà 
confarréation  ;  le  concours  de  leurs  femmes  (flaminica) 
était  indispensable  à  leurs  fonctions.  Aussi  le  veuvage  les 
obligeait-il  à  se  démettre  de  leur  ministère. 

Des  flamines  proprement  dits,  majores  ou  minores,  il 
faut  distinguer  :  1°  les  flamines  des  curies,  flamines  cu- 
riales,  qui  étaient  les  prêtres  des  groupes  constitutifs  de 
la  cité  primitive  ;  2°  les  flamines  des  diverses  corporations 
sacerdotales,  élus  pour  un  an  par  chaque  corporation,  comme 
le  flamen  Arvalis;  3°  les  flamines  consacrés  au  culte  des 
empereurs  divinisés.  Parmi  ceux-ci,  il  y  avait  trois  catégo- 
ries de  prêtres  :  les  flamines  perpetui,  nommés  proba- 
blement par  l'empereur  et  voués  au  culte  particulier  d'un 
césar  (de  même  les  flaminicœ  pour  le  culte  des  prin- 
cesses) ;  le  flamen  Augustalis,  qui,  dans  chaque  province, 
présidait  au  culte  de  Rome  et  d'Auguste,  et  le  flamen 
municipalis  ou  perpetuus,  qui  remplissait  le  même  office 
à  l'intérieur  de  chaque  cité.  Ces  deux  derniers  étaient 
nommés  pour  un  an  ;  ils  se  recrutaient  dans  les  hautes 
classes  des  provinciaux.  G.  L.-G. 

Bibl.  :  Dessau,  De  Sodalibus  et  flaminibus  Augustali- 
bus,  dans  VEphem.  epigraphica,  1877.  —  G.  Boissier,  la 
Religion  romaine  d'Auguste  aux  Antonins,  1. 1. —  Bouché- 
Leclercq,  Manuel  des  institutions  romaines. 

FLAMINGO  (Francesco)  (Y.  Duquesnoy). 


FLAM  1  NIA  (Famille).  Famille  plébéienne  de  Rome.  On 
l'a  rattachée  à  la  famille  ou  gens  Quinctia  (V.  ce  nom)  pro- 
bablement par  une  confusion  des  Flaminii  avec  les  Fla- 
minini.  Le  premier  Flaminius  connu  paraît  au  me  siècle 
av.  J.-C.  On  connaît  deux  surnoms  de  famille  aux  Flami- 
nii, Chilo  et  Flamma;  mais  les  principaux  s'appelaient 
simplement  Flaminius  et  portaient  le  prénom  de  Caïus. 
T.  Flaminius  Flamma,  dont  s'occupe  Cicéron  dans  sa 
correspondance  (à  l'occasion  d'une  dette  garantie  par 
L.  Munatius  Plancus),  paraît  avoir  été  un  simple  affranchi 
des  Flaminii;  L.  Flaminius  Chilo  n'est  connu  que  par 
ses  monnaies  et  devait  être  un  des  quatre  surintendants  des 
monnaies  créés  par  Jules  César. 

C.  Flaminius,  tué  en  217  au  lac  Trasimènë,  est  le 
premier  célèbre  et  le  plus  important  de  sa  famille.  Fils 
d'un  autre  C.  Flaminius,  il  fut  tribun  de  la  plèbe  en  232 
av.  J.-C.  et  devint  le  chef  de  l'opposition  contre  le  Sénat 
et  les  nobles  ;  il  proposa  une  loi  agraire  pour  le  partage  des 
territoires  conquis  sur  le  Picenum  et  les  Gaulois  Senons 
(V.  Agraires  [Lois],  t.  1,  p.  874).  Il  fut  préteur  en  227 
et  reçut  la  province  de  Sicile  qu'il  administra  à  la  satis- 
faction des  provinciaux.  Consul  en  223  avec  P.  Furius 
Philus,  il  marcha  contre  les  Gaulois  ;  les  consuls  venaient 
de  battre  les  Insubres  sur  l'Adda,  quand  ils  apprirent  que 
le  Sénat  avait  invalidé  leur  élection  sous  des  prétextes 
religieux.  Il  passa  outre  et  acheva  la  campagne.  Rentré  à 
Rome,  le  Sénat  le  mit  en  accusation,  mais  le  peuple  lui 
décerna  le  triomphe.  En  221,  il  fut  maître  de  la  milice  du 
dictateur  M.  Minucius  Rufus,  mais  ils  durent  abdiquer 
sur-le-champ  à  cause  d'un  fâcheux  présage.  En  220,  Fla- 
minius, chef  du  parti  populaire,  fut  investi  de  la  censure 
avec  L.  iEmilius  Papus.  Il  se  signala  par  la  construction 
du  cirque  Flaminius  et  la  via  Flaminia,  route  de  Rome  à 
Ariminum.  En  218,  il  renouvela  la  haine  des  nobles  contre 
lui  en_  soutenant  la  proposition  du  tribun  Q.  Claudius  qui 
interdisait  aux  sénateurs  toute  négociation  commerciale.  Il 
fut  élu  consul  pour  217  avec  le  mandat  de  combattre  An- 
nibal.  Il  se  rendit  sur-le-champ  à  l'armée,  négligeant  d'ob- 
server les  formalités  religieuses  de  l'entrée  en  charge  (ins- 
tallation solennelle  au  Capitole,  célébration  des  Féeries 
latines).  Il  n'eut  que  le  temps  d'amener  ses  troupes  d'Ari- 
minum  à  Arretium  pour  arrêter  la  marche  d'Annibal.  Il 
se  lança  imprudemment  à  sa  poursuite  ;  la  bataille  eut  lieu 
au  bord  du  lac  Trasimènë  le  23  juin.  Flaminius  périt  avec 
la  plus  grande  partie  de  ses  soldats. 

C.  Flaminius,  fils  du  précédent,  fut  questeur  de  Sci— 
pion  l'Africain  en  Espagne  (210).  Edile  curule  en  196, 
les  Siciliens,  en  souvenir  de  son  père,  lui  fournirent  une 
grande  quantité  de  blé  qu'il  distribua  à  bas  prix  au  peuple. 
En  193,  il  fut  préteur,  chargé  de  l'Espagne  citérieure  où 
il  eut  des  succès,  prit  Litabrum.  Consul  en  185  et  envoyé 
en  Ligurie,  il  dompta  les  Triniates  et  les  Apuans,  cons- 
truisit une  route  de  Bologne  à  Arretium,  tandis  que  son 
collègue  iEmilius  Lepidus  prolongeait  d' Ariminum  à  Plai- 
sance celle  du  premier  Flaminius.  Il  fut  un  des  fondateurs 
delà  colonie  d'Aquilée  (181). 

C.  Flaminius  fut  préteur  en  6Q  et  collègue  de  Cicéron . 
Un  contemporain  homonyme  figura  parmi  les  complices  de 
Catilina. 

FLAMINIE.  Province  de  l'Italie  ancienne  (V.  Italie). 

FLAMIN1NUS  (V.  Quinctia  [Gens]). 

FLAMINIO  ou  FLAMINIUS  (Giovanni- Antonio),  littéra- 
teur italien,  né  à  Imola,  dans  la  province  de  Bologne,  en 
1464,  mort  à  Bologne  le  18  mai  1536.  Il  professa  les  belles 
lettres  avec  succès  en  différentes  villes,  notamment  à  Ser- 
ravalle,  à  Montagnana,  à  Bologne.  Son  véritable  nom  était 
Zarrabinide  Cotignola,  mais  il  est  exclusivement  connu  sous 
celui  de  Flaminio,  dont  il  signa  ses  différents  ouvrages! 
Il  écrivit  beaucoup  de  vers  latins,  bien  moins  estimés  que 
ceux  de  son  fils  (V.  ci-dessous)  ;  des  traités  sur  l'éduca- 
tion, sur  la  grammaire,  sur  la  philosophie,  Ses  Lettres 
latines  sont  assez  intéressantes  ;  le  P.  Dominique-Joseph 
Capponien  a  donné  une  bonne  édition  (Bologne,  1 744  ) .  R .  G . 


—  561  — 


FLAMINIO  —  FLAMME 


Bibl.  :  D.-G.  Capponi,  Vita  J.-A.  Flaminii  (en  têtfe  des 
Lettres).  —  G. -A.  Burmaldi  (Ovidio  Montalbani),  Miner- 
valia  Bononiana;  Bologne,  1641,  in-12. 

FLAMINIO  (Marco-Antonio),  poète  italien,  fils  du  précé- 
dent, né  à  Serravalleenl498,  mort  à  Rome  le  21  mars  1550. 
Il  fut  protégé  par  le  cardinal  Alexandre  Farnèse  qui  le  fit 
nommer  secrétaire  du  concile  de  Trente  ;  mais  sa  santé  ne  lui 
permit  pas  de  remplir  cette  importante  fonction.  Il  est  consi- 
déré comme  un  des  meilleurs  poètes  latins  modernes  et  sa 
réputation  fut  fort  grande  aux  temps  où  cette  littérature  arti- 
ficielle était  universellement  estimée.  On  a  de  lui  des  psaumes 
en  vers,  des  épigrammes,  des  lettres  :  M.- A.  Flaminii 
Carminum  libri  duo.  Ejusdem  Paraphrasis  in  triginta 
psalmos  versibus  scripta  (Lyon,  1548,  in-8).  De  ses 
poésies  se  trouvent  dans  Heroicœ  Poeseos  deliciœ  ad 
unius  Virgilii  imitationem.  Selegit  Ph.  Labbe  (Paris, 
1646,  in-16).  L'ensemble  de  ses  Carmina,  ainsi  que  ceux 
de  son  père,  a  été  publié  à  Padoue  (1743,  in-8).  Anne  de 
Marquets  a  traduit  en  vers  ses  Divines  Poésies  (Paris, 
1568,  in-8).  On  a  de  lui  encore  un  Compendio  délia 
volgar  gramatica  (Bologne,  1521,  in-8). 

Bibl.:  Giosue  Carducci, La  Poesïa  barbaranei  secoliXV 
e  XVI  ;  Bologne,  1881,  in-8. 

FLAMINIUS  (V.  Flaminia)  [Gens]). 

FLAMM  (Albert),  peintre  de  paysage  allemand,  né  à 
Cologne  en  1823.  Dès  l'âge  de  quinze  ans,  il  commença 
ses  études  d'art  à  l'Académie  de  Dusseldorf  ;  après  un 
voyage  en  Belgique,  il  revint  à  cette  Académie,  et  y  prit 
pour  maître  Andréas  Achenbach  ;  enfin,  après  un  voyage 
en  Italie  où  il  accompagna  le  fils  d' Achenbach,  Oswald,  il 
-  atteignit  à  la  plénitude  de  son  talent,  intéressant  par  la 
clarté  des  effets  et  la  chaleur  du  coloris.  Ses  œuvres  prin- 
cipales sont  :  lin  Bois  au  coucher  du  soleil  (1845);  Un 
Effet  de  matin  (1856);  Une  Vue  dans  Vltalie  du  Éord 
(1850);  V Approche  de  V orage  dans  la  campagne  de 
Rome  (1862);  Castel  Gandolfo  (1867);  le  Mont  Pilate 
sur  le  lac  de  Lucerne  (1868);  diverses  vues  des  Environs 
de  Rome,  de  la  Baie  de  Naples,  de  Nerma,  dans  les  mon- 
tagnes du  pays  volsque,  de  la  Via  Appia,  de  Cumes,  etc. 
Il  a  exposé  en  1 884  la  Côte  de  Sorrente. 

Bibl.  :  W.  Mùller,  Dusseldorf  Kûnstler  ;  Leipzig,  1854. 
—  Wiegmann,  Die  Kunstakademie  zu  Dusseldorf. 

FLAMMARION  (Camille),  astronome  et  écrivain  français, 
né  à  Montigny-le-Roi  (Haute-Marne)  le  26  févr.  1842. 
Destiné  à  l'état  ecclésiastique,  il  commença  ses  études  au 
petit  séminaire  de  Langres,  mais  dut  les  interrompre  à 
quatorze  ans  et  se  mettre  en  apprentissage  chez  un  graveur 
sur  métaux.  Il  fut  pourtant  reçu  à  ses  deux  baccalauréats 
dès  1858,  entra  aussitôt  comme  élève-astronome  k  l'Ob- 
servatoire de  Paris,  passa  en  1862  au  Bureau  des  longi- 
tudes et  y  resta  jusqu'en  1866.11  n'avait  que  vingt-quatre 
ans,  mais  il  avait  déjà  écrit  :  la  Pluralité  des  mondes 
habités  (Paris,  1862,  in-18;  36e  édit.,  1892),  les 
Mondes  imaginaires  et  les  Mondes  réels  (Paris,  1865, 
in-18;  21e  éd.,  1892),  les  Merveilles  célestes  (Paris, 
1866,  in-18;  7e  éd.,  1881),  s'était  vu  confier  en  1864 
la  rédaction  scientifique  du  Cosmos  et  du  Magasin  pitto- 
resque, en  1865  celle  du  Siècle,  et  venait  d'ouvrir  dans 
un  amphithéâtre  de  l'école  Turgot  un  cours  très  fréquenté 
d'astronomie  populaire.  Une  modeste  aisance  lui  était  assu- 
rée ;  il  renonça  aux  emplois  officiels  et  travailla  pour  son 
compte  personnel  dans  un  petit  observatoire  installé  d'abord 
rue  Gay-Lussac  et  transporté  après  la  guerre  rue  Cas- 
sini.  En  1867,  il  inaugura,  avec  Lissagaray,  Sarcey  et 
Deschanel,  les  conférences  de  la  salle  des  Capucines,  où 
il  obtint  un  grand  succès,  fut  nommé  président  de  la  Ligue 
de  l'enseignement,  que  venait  de  fonder  Jean  Macé,  reçut 
pareil  honneur  de  la  Société  aérostatique  de  France  et  com- 
mença une  série  de  voyages  en  ballon  poursuivis  jusqu'en 
1873  et  ayant  pour  but  principal  l'étude  de  l'état  hygro- 
métrique de  l'atmosphère  et  de  la  direction  des  courants 
aériens.  Plus  récemment,  il  a  fondé  V  Astronomie  (i^l), 
revue  mensuelle  dont  il  est  demeuré  directeur,  et  la  Société 
astronomique  de  France  (1887),  dont  il  fut  le  premier 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.   —  XVII. 


président;  il  a  en  outre  établi  à  Juvisy-sur-Orge  (Seine- 
et-Oise),  dans  la  propriété  de  la  Cour  de  France  dont  lui  a 
fait  don  en  1882  un  généreux  ami  des  sciences,  M.  Méret, 
de  Bordeaux,  un  observatoire  admirablement  situé  et  très 
confortablement  aménagé. 

M.  Camille  Flammarion  est  le  plus  populaire  des  nom- 
breux vulgarisateurs  contemporains  ;  il  est  du  reste  le  plus 
méritant.  Le  secret  de  cette  supériorité  n'est  pas  seulement 
dans  le  charme  d'un  style  coloré  et  abondant  ;  il  réside 
aussi  dans  une  réelle  compétence.  D'autres  ont  été  plus 
féconds,  ont  touché  aux  sujets  les  plus  divers;  il  a  au  con- 
traire consciencieusement  limité  son  apostolat  à  une  science 
qu'il  connaît  à  fond  et  qu'il  a  même  notablement  enrichie. 
L'astronomie  pure  lui  doit  en  effet  plusieurs  découvertes  et 
un  grand  nombre  de  travaux  absolument  originaux.  Il  con- 
vient de  citer  tout  d'abord  son  étude  des  étoiles  doubles 
et  multiples,  qui  a  embrassé  11,000  groupes,  puis  ses 
recherches  sur  la  topographie  et  la  constitution  physique 
de  la  planète  Mars  et  de  la  Lune,  sur  les  taches  du  Soleil, 
sur  le  mouvement  propre  des  étoiles,  sur  leur  distance, 
sur  la  couleur  intrinsèque  des  astres,  sur  les  aérolithes, 
leur  origine  et  leurs  conséquences,  sur  l'existence  d'une 
planète  transneptunienne,  sur  les  variations  de  l'obliquité 
de  l'écliptique,  sur  les  fluctuations  de  l'activité  solaire, 
sur  la  climatologie,  etc.;  les  résultats  s'en  trouvent 
consignés  dans  un  nombre  considérable  de  mémoires 
publiés  par  les  Comptes  rendus  de  V Académie  des 
sciences  de  Paris,  dans  ses  Etudes  et  lectures  sur  l'as- 
tronomie (Paris,  1867-1880,  9  vol.  in-12),  dans  son 
Catalogue  des  étoiles  doubles  et  multiples  en  mouve- 
ment relatif  certain  (Paris,  1878,  in-8),  dans  son  édi- 
tion, augmentée  de  cinq  cartes  nouvelles,  de  Y  Atlas  céleste 
de  Ch.  Dien  (Paris,  1877,  in-fol.;  8e  tirage,  1887)  et 
dans  des  cartes  spéciales  :  Globe  géographique  de  la  pla- 
nète Mars  (1884),  Carte  géographique  de  la  Lune 
(1887),  Globe  géographique  de  la  Lune  (1888),  etc.-  Il 
a  encore  écrit  :  Dieu  dans  la  nature  (Paris,  1867,  in-18  ; 
22e  éd.,  1892);  Contemplations  scientifiques  (Paris, 
1870  et  1887,  2  séries  in-18);  Lumen  (Paris,  1872, 
in-8  ;  40e  éd.,  1890,  in-16)  ;  Uranie  (Paris,  1889,  in-8; 
2e  éd.,  1891,  in-12),  —  quatre  livres  qui  nous  montrent 
derrière  le  savant  un  poète  et  un  philosophe  aux  tendances 
quelque  peu  mystiques;  —  Voyages  en  ballon  (Paris, 
1870,  in-8;  20e  éd.,  1889,  in-16);  Vie  de  Copernic 
(Paris,  1872,  in-18  ;  2e  éd.,  1891)  ;  l'Atmosphère  (Paris, 
1872,  in-8;  nouv.  éd.,  1887);  Histoire  du  Ciel  (Paris, 
1873);  Petite  Astronomie  descriptive  (Paris,  1877, 
in-12;  4e  éd.,  1887);  les  Terres  du  ciel  (Paris,  1877, 
in-8;  2e éd.,  1884);  François  Arago  (Paris,  1879,  in-12); 
Astronomie  populaire  (Paris,  1880,  in-8),  chef-d'œuvre 
du  genre,  qui  a  été  couronné  par  l'Académie  française  et 
a  eu  plus  de  100,000  exemplaires;  les  Etoiles  et  les  cu- 
riosités du  Ciel  (Paris,  1881,  in-8);  le  Monde  avant  la 
Création  de  l'homme  (Paris,  1886,  in-8);  Da?is  le  Ciel 
•  et  sur  la  Terre  (Paris,  1886,  in-16)  ;  les  Tremblements 
de  terre  (Paris,  1886,  in-12)  ;  Rêves  étoiles  (Paris,  1888, 
in-16);  VEruption  du  Krakatoa  (Paris,  1890,  in-16); 
Qu'est-ce  que  le  Ciel?  (Paris,  1891,  in-18);  la  Pla- 
nète Mars  et  ses  conditions  d'habitabilité  (Paris,  1893, 
in-8),  l'un  de  ses  plus  remarquables  ouvrages,  qui  ren- 
ferme toutes  les  observations  faites,  y  compris  les  siennes 
propres,  et  qui  les  analyse  avec  beaucoup  de  soin  et  de 
méthode.  Il  a  enfin  fourni  d'intéressants  articles  au  Temps, 
à  Y  Illustration,  au  Figaro,  au  New  York  Herald,  à 
Y  Evénement,  etc.,  et  a  traduit  en  français  les  Derniers 
Jours  d'un  philosophe,  de  sir  Humphry  Davy  (Paris, 
1869,  in-12).  Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  S.  Hugo,  Camille  Flammarion,  sa  vie  et  son 
œuvre;  Paris,  1891,  in-8. 

FLAMME.  I.  Physique.  —  Les  flammes  résultent  de  la 
combustion  de  gaz  ou  de  vapeurs  ;  il  est  facile  de  le  démon- 
trer à  l'aide  de  quelques  expériences  très  simples.  Prenons 
une  bougie  allumée  et  soufflons-la  ;  on  voit  aussitôt  une 

36 


FLAMME 


—  562  — 


vapeur  légère  s'échapper  de  la  mèche  ;  si  on  se  hâte  d'en 
approcher  une  allumette  enflammée  à  un  ou  deux  centimètres, 
cette  vapeur  prend  feu  et  vient  rallumer  la  bougie  ;  il  se 
dégage  donc  de  la  mèche  de  celle-ci  un  gaz  combustible.  Pre- 
nons encore  une  bougie  allumée  ;  introduisons  dans  la  partie 
centrale  de  la  flamme,  tout  près  de  la  mèche,  un  tube  de 
verre  incliné  ;  un  gaz  chaud  vient  se  dégager  à  l'extérieur 
par  l'autre  extrémité  ;  il  présente  cette  odeur  désagréable 
d'une  bougie  que  Ton  vient  d'éteindre  ;  si  nous  essayons 
de  l'enflammer,  nous  verrons  qu'il  brûlera  très  facilement 
avec  la  flamme  éclairante  d'une  petite  bougie.  Les  flammes 
résultent  donc  de  la  combustion  des  gaz  ou  des  vapeurs  ; 
ce  n'est  pas  que  les  corps  solides  ne  puissent  brûler,  mais 
ils  le  font  d'une  façon  toute  différente  ;  si  on  porte  en  effet 
à  une  haute  température  une  masse  de  fonte  et  que  l'on 
injecte  dans  la  fonte  un  violent  courant  d'air,  on  obtient 
une  brillante  gerbe  d'étincelles  produites  par  la  combustion 
du  fer,  du  carbone  et  du  silicium  qui  tous  trois  sont  restés 
solides,  même  à  cette  haute  température. 

Les  flammes  présentent  des  aspects  très  différents  sui- 
vant la  nature  des  gaz  qui  les  constituent.  Considérons 
d'abord  la  flamme  d'une  bougie;  elle  présente  quelques 
zones  assez  distinctes  marquées  a,  &,  c  dans  la  figure  ci- 
dessous.  La  partie  a,  qui  se  trouve  à  la  base  de  la  bougie, 
se  présente  avec  une  couleur  d'un  bleu  pâle  ;  c'est  dans  la 
partie  suivante  b  que  se  place  le  petit  tube  pour  l'expé- 
rience que  nous  venons  de  rappeler  lorsqu'on  veut  montrer 
la  présence  d'un  gaz  combustible  dans  la  flamme  d'une 
bougie  ;  elle  n'est  pas  lumineuse  ;  la  zone  c  qui  l'enveloppe 
dans  sa  partie  supérieure  est,  au  contraire,  très  brillante  ; 
c'est  la  partie  la  plus  lumineuse  de  la  flamme  ;  il  est  facile  de 
se  rendre  compte  de  sa  constitution  à  l'aide  du  même  appa- 
reil que  précédemment  ;  le  petit  tube  plongé  dans  cette  partie 
brillante  laisse  échapper  à  l'autre  extrémité  une  fumée  noire 
produite  par  du  charbon.  Cette  fumée  ne  contient  pas  de  gaz 
combustible  comme  on  peut  s'en  assurer  en  lui  présentant 
une  allumette  enflammée;  elle  l'éteint  même  assez  souvent. 
La  zone  la^plus  élevée  d  n'est  pas  lumineuse  ;  elle  ne  contient 
ni  gaz  comï  Aistible  ni  charbon  en  poussière,  mais  elle  est 
à  une  température  très  élevée.  Si  l'on  coupe  avec  une 
feuille  de  papier  la  flamme  d'une  bougie  de  façon  à  la  laisser 
quelques  instants  dans  la  flamme,  à  un  centimètre  environ 
au-dessus  de  la  mèche,  puis  qu'on  la  retire,  on  constate 
au  centre  une  très  légère  tache  huileuse,  puis  un  cercle 
noir,  puis  un  autre  où  le  papier  a  été 
carbonisé  ;  c  est  par  cette  partie  que 
le  papier  s'enflamme  si  l'on  ne  fait  pas 
cette  expérience  assez  vite.  La  tache 
huileuse  centrale  correspond  à  l'es- 
pace sombre  b  et  nous  le  montre 
occupé  en  partie  par  les  matières 
grasses  de  la  bougie  ;  le  cercle  noir 
est  dû  à  un  dépôt  de  noir  de  fumée 
fourni  par  la  zone  lumineuse  ;  le  cercle 
suivant  est  dû  à  l'enveloppe  la  plus 
externe  et  en  même  temps  la  plus 
chaude.  Voici  les  divers  phénomènes 
qui  se  produisent  dans  la  flamme  d'une 
bougie  :  la  matière  solide  de  la  bou- 
gie, suif,  acide  stéarique,  cire,  etc., 
est  fondue  par  la  chaleur  rayonnante 
de  la  flamme  et  monte  par  capillarité 
dans  la  mèche  où  elle  se  trouve  dans 
une  zone  b  où  la  température  est  suffisante  pour  que  la  matière 
grasse  se  volatilise  tout  en  étant  assez  basse  pour  que  ces  va- 
peurs ne  soient  pas  décomposées.  Cette  température  se  main- 
tient basse  malgré  le  voisinage  de  la  zone  b  qui  lui  envoie 
de  la  chaleur  rayonnante  parce  que  celle-ci  est  utilisée 
à  fournir  à  la  bougie  fondue  la  chaleur  latente  de  volati- 
lisation nécessaire.  On  montre  souvent  que  la  température 
est  basse  dans  cette  partie  de  la  flamme  en  y  introduisant 
un  grain  de  poudre  placé  sur  un  brin  de  bois  ;  on  constate 
qu'il  se  passe  plusieurs  secondes  avant  qu'il  ne  prenne  feu. 


Coupe  de  la  flamme 
aune  bougie. 


Les  matières  combustibles  ainsi  formées  en  b  s'écartent 
de  la  mèche  surtout  en  s'élevant,  ce  qui  produit  la  forme 
allongée  de  la  flamme  ;  elles  ne  sont  plus  en  contact  avec 
un  liquide  capable  de  s'évaporer  :  aussi  leur  température 
s'élève  et  atteint  bientôt  un  point  où  elles  se  décomposent 
en  charbon,  hydrogène  et  carbures  plus  riches  en  hydro- 
gène que  le  carbure  primitif.  Le  charbon  de  cette  partie 
de  la  flamme  porté  à  une  haute  température  est  incan- 
descent et  c'est  lui  qui  produit  l'éclat  de  la  flamme  dans  la 
partie  c.  Enfin  ce  mélange  de  charbon  solide,  d'hydrogène, 
de  carbures,  pénètre  dans  la  zone  la  plus  extérieure^  où 
il  rencontre  l'air  environnant  et  où  il  brûle  en  dégageant 
beaucoup  de  chaleur  et  en  donnant  de  l'acide  carbonique 
et  de  la  vapeur  d'eau.  C'est  la  chaleur  développée  dans  cette 
zone  par  les  actions  chimiques  de  la  combustion  qui  dé- 
compose le  carbure  de  la  zone  précédente  c  et  vaporise  le 
corps  gras  fondu  qui  imbibe  la  mèche.  Quant  à  la  zone  a, 
elle  est  produite  par  la  production  complète  des  carbures 
gazeux  ;  cette  combustion  est  complète  par  suite  de  l'afflux 
d'air  qui  arrive  à  la  bougie  et  qui  est  principalement  déter- 
miné par  l'ascension  des  gaz  chauds  de  la  flamme. 

La  flamme  d'un  bec  d'éclairage  alimenté  au  gaz  pré- 
sente des  régions  analogues,  une  région  où  le  carbure 
est  tel  qu'il  sort  de  la  canalisation,  une  région  où  le  car- 
bure fortement  chauffé  donne  du  carbure  libre  et  incan- 
descent, et  enfin  la  zone  de  combustion  proprement  dite, 
obscure,  mais  chaude.  Il  n'en  est  plus  de  même  si  l'on  em- 
ploie comme  corps  combustible  un  gaz  que  la  chaleur  ne 
peut  pas  décomposer  en  donnant  un  corps  solide  ou  dont 
la  combustion  ne  donne  naissance  qu'à  des  corps  gazeux 
ou  liquides.  Une  pareille  flamme  reste  obscure,  tout  en 
étant  souvent  très  chaude  :  la  flamme  que  produit  par 
exemple  l'hydrogène  en  brûlant  dans  l'oxygène  est  la  plus 
chaude  que  nous  sachions  produire  ;  cependant  elle  est  très 
pâle  ;  on  peut  la  rendre  brillante  en  y  introduisant  un 
corps  solide  quelconque,  même  sans  aucune  action  chimique 
sur  les  gaz  de  la  flamme  :  de  la  chaux  vive  en  poudre  légère, 
une  spirale  de  platine,  un  treillis  de  fils  en  matière  miné- 
rale incombustible,  amiante,  corbeille  de  fils  de  magnésie 
ou  autres,  placés  dans  une  pareille  flamme,  lui  donnent 
un  très  grand  éclat  en  devenant  incandescents.  La  fumée 
noire  et 'charbonneuse  que  Ton  peut  extraire,  comme  nous 
l'avons  vu,  de  la  zone  c  de  la  flamme  d'une  bougie,  peut 
être  dirigée  par  le  tube  qui  l'a  aspirée  jusque  dans  la 
flamme  d'hydrogène  ;  celle-ci  devient  aussitôt  éclairante. 
Quelquefois  le  corps  combustible,  lorsque  la  chaleur  le 
décompose,  ne  donne  pas  de  produits  solides  ;  tel  est  le 
cas  du  phosphure  d'hydrogène  ;  sa  flamme  est  brillante  ; 
cependant  cela  tient  à  ce  que  l'un  des  produits  de  la  com- 
bustion, l'acide  phosphorique,  est  solide.  Quelle  que  soit 
donc  l'origine  du  corps  solide  introduit  dans  la  flamme, 
celle-ci  est  éclairante  lorsqu'elle  en  renferme  un. 

Nous  n'avons  considéré  jusqu'ici  la  flamme  que  comme 
fournie  par  des  gaz  combustibles  s' échappant,  dans  une 
atmosphère  comburante,  d'un  bec  de  gaz  ou  de  la  mèche 
d'une  bougie  ;  on  comprend  comment  dans  ce  cas  la  com- 
bustion est  limitée  à  la  zone  extérieure  de  la  flamme.  Il 
nous  reste  à  considérer  le  cas  où  l'on  enflamme  à  la  sortie 
d'un  orifice  un  mélange  gazeux  formé  de  gaz  combustibles 
et  de  gaz  comburants  en  proportions  telles  que  la  combustion 
puisse  être  totale  sans  que  l'oxygène  de  l'air  ait  à  y  inter- 
venir. Un  mélange  d'hydrogène  et  d'oxygène  contenant 
deux  fois  plus  du  premier  gaz  que  du  second,  en  volumes, 
réalise  cette  condition.  Dans  ce  cas,  on  constate  que  Ton 
a  encore  une  flamme,  mais  qu'il  est  nécessaire  que  le 
courant  gazeux  soit  animé  d'une  certaine  vitesse  et  suffi- 
samment refroidi  par  le  tuyau  métallique  qui  le  conduit  ; 
sans  cela  la  flamme  se  propage  à  l'intérieur  de  la  canali- 
sation. Supposons  ces  conditions  remplies  ;  avec  un  mélange 
d'hydrogène  et  d'oxygène  on  obtient  un  cône  très  court 
dans  lequel  les  gaz  existent  tels  qu'ils  sortent  de  la  cana- 
lisation, puis  ce  cône  est  entouré  d'une  partie  bleue  très 
effilée  que  l'on  appelle  le  dard  de  la  flamme  et  dont  les 


—  563  — 


FLAMME 


parties  sont  (T autant  plus  chaudes  que  l'on  s'approche  plus 
de  son  extrémité.  En  aucun  point  de  cette  flamme  la  com- 
bustion n'est  complète;  partout  on  trouve  avec  de  la 
vapeur  d'eau  de  l'oxygène  et  de  l'hydrogène  ;  on  ne  peut 
constater  leur  présence  à  l'aide  de  l'appareil  simple  dont  nous 
nous  sommes  servis  jusqu'à  présent,  car  les  gaz  achève- 
raient de  brûler  dans  le  petit  tube  d'aspiration.  Mais,  si  on 
emploie  pour  puiser  des  gaz  dans  les  flammes  un  tube  fin  et 
métallique  entouré  d'un  autre  tube  parcouru  par  un  rapide 
courant  d'eau,  celle-ci  refroidit  assez  les  gaz  aspirés  pour 
qu'ils  ne  se  recombinent  pas  dans  le  tube  d'aspiration.  On 
constate  alors  que,  dans  toutes  les  parties  de  la  flamme,  il  y 
a  à  la  fois  de  la  vapeur  d'eau,  produit  de  la  combustion,  de 
l'oxygène  et  de  l'hydrogène.  La  flamme  obtenue  avec  un  mé- 
lange d'oxyde  de  carbone  et  d'oxygène  a  fourni  les  mêmes 
résultats  ;  partout  les  mêmes  phénomènes  de  dissociation 
empêchent  la  combustion  d'être  complète.  En  puisant  à 
l'aide  d'un  tube  analogue  les  gaz  d'un  haut  fourneau  en 
divers  points  de  sa  hauteur,  M.  Gailletet  a  constaté  qu'il  en 
était  de  même  et  que  dans  les  parties  les  plus  chaudes  et 
malgré  un  grand  excès  de  charbon  on  trouve  une  grande  quan- 
tité d'oxygène  libre  mêlé  à  de  l'hydrogène  et  à  de  l'oxyde 
de  carbone.  Il  est  donc  indispensable  de  tenir  compte 
des  phénomènes  de  dissociation  qui  se  produisent  dans  les 
flammes;  en  les  négligeant  on  trouve  pour  la  température 
des  flammes  des  nombres  de  beaucoup  supérieurs  à  celle 
que  l'on  mesure  directement  :  6,823  au  lieu  de  2,800  par 
exemple,  pour  les  mélanges  d'hydrogène  et  d'oxygène. 

Les  flammes  sont  utilisées  à  deux  points  de  vue  très 
différents  :  le  chauffage  et  l'éclairage.  En  ce  qui  concerne 
le  chauffage,  il  y  a  aussi  deux  points  de  vue  à  considérer, 
la  quantité  de  chaleur  que  peut  fournir  un  combustible 
déterminé  et  l'intensité  de  la  température  qu'il  peut  donner. 
Pour  les  phénomènes  qui  ne  nécessitent  qu'une  tempéra- 
ture peu  élevée,  les  quantités  de  chaleur  seront  les  seuls 
éléments  à  considérer,  par  exemple  pour  l'ébullition  de 
l'eau,  la  fusion  des  métaux,  tels  que  le  plomb,  etc.  Dans 
ce  cas,  la  connaissance  des  gaz  ou  des  vapeurs  employées 
et  leurs  données  thermochimiques  ou  la  détermination  di- 
recte de  leur  chaleur  de  combustion  à  l'aide  de  la  bombe 
de  M.  Berthelot  suffisent  à  renseigner  sur  la  chaleur  de 
la  flamme  considérée.  Il  n'en  est  plus  de  même  lorsque  la 
flamme  doit  agir  à  la  fois  en  fournissant  une  quantité  de 
chaleur  déterminée  et  en  atteignant  une  certaine  tempéra- 
ture indispensable  au  phénomène  que  l'on  veut  produire  ; 
dans  ce  cas  les  données  thermochimiques  n'interviennent 
plus  seules  ;  la  stabilité  des  composés  produits  joue  un 
rôle  important;  l'emploi  de  gaz  combustibles  et  combu- 
rants chauds  pour  produire  des  flammes  rend  journellement 
les  plus  importants  services  à  l'industrie,  et  les  gazogènes 
Siemens  qui  permettent  de  les  obtenir  sont  très  répandus. 
Au  point  de  vue  de  la  lumière,  il  y  a  deux  points  de 
vue  à  considérer  dans  les  flammes  :  il  faut,  d'après  ce  qui 
précède,  que  la  flamme  contienne  des  matières  solides  incan- 
descentes pour  être  lumineuses,  et  il  semble,  ce  qui  est 
vrai  jusqu'à  une  certaine  limite,  que  la  flamme  est  d'au- 
tant plus  éclairante  qu'elle  contient  plus  de  ces  particules  ; 
la  nature  du  combustible,  plus  ou  moins  riche  en  carbone, 
est  donc  un  premier  point  de  vue  à  considérer.  Mais  ce  n'est 
pas  le  seul  :  la  lumière  émise  par  un  corps  solide  incan- 
descent dépend,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  de  sa  tem- 
pérature, et  elle  croît  beaucoup  plus  rapidement  que  celle-ci. 
Or  les  carbures  d'hydrogène  donnent  en  général  d'autant 
plus  de  chaleur  qu'ils  sont  plus  riches  en  hydrogène,  con- 
dition inverse  de  la  précédente.  Dans  la  pratique,  il  faut  se 
tenir  entre  les  deux  extrêmes  :  les  gaz  riches  en  carbone 
donnent  une  flamme  rougeâtre,  parce  que  la  température 
est  peu  élevée,  et  facilement  fuligineuse .  Les  gaz  riches 
en  hydrogène  donnent  une  température  élevée  et  une 
flamme  plus  blanche,  mais  qui  peut  être  peu  éclairante  s'il 
y  a  trop  peu  de  matière  solide,  trop  peu  de  carbone  en 
suspension  dans  la  flamme.  On  peut  utiliser  les  premiers 
en  employant  des  dispositions  spéciales  tendant  à  élever  la 


température  de  combustion,  par  exemple  en  utilisant  la 
chaleur  perdue  du  bec  pour  chauffer  le  gaz  avant  sa  com- 
bustion, ainsi  que  l'air  qui  doit  entretenir  celle-ci.  Les 
seconds  peuvent  être  rendus  éclairants  par  leur  barbotage  à 
travers  des  liquides  volatils  riches  en  carbone  (benzines, 
pétroles,  etc.),  ou  en  les  employant  mélangés  d'air  de  façon 
à  avoir  une  flamme  non  éclairante,  mais  très  chaude,  et  en 
l'utilisant  pour  porter  à  l'incandescence  des  matières  ré- 
fractaires;  on  obtient  ainsi  des  lumières  d'une  grande 
fixité  et  d'une  blancheur  remarquable.  A.  Joannis. 

Flammes  manométriques.  — On  appelle  ainsi  les  flammes 
obtenues  avec  une  capsule  manométrique  ;  elles  servent 
dans  l'analyse  des  sons  (V.  Capsule  manométrique). 

II.  Technologie.  —  Les  applications  des  flammes  sont 
nombreuses  dans  l'industrie.  Nous  en  citerons  quelques- 
unes  des  plus  importantes.  On   applique  la  flamme  :  à 
l'éclairage,   par  les   lampes,   bougies,   gaz   d'éclairage, 
torches,  veilleuses,  etc.  ;  au  chauffage  des  appartements, 
par  le  bois,  la  houille,  la  tourbe,  le  gaz  d'éclairage;  au 
chauffage  des  longues  chaudières  à  vapeur  ;  au  flambage 
des  étoffes,  pour  en  enlever  les  filaments  superficiels;  à  la 
soudure  des  métaux,  dans  l'industrie  et  l'orfèvrerie;  aux 
essais  au  chalumeau  ;  à  l'analyse  spectrale.  Des  flammes 
d'alcool  colorées  en  vert  ou  en  bleu  sont  quelquefois  em- 
ployées dans  les  urnes  funéraires.  On  a  préconisé  l'emploi 
des  flammes  sur  les  lieux  élevés,  pour  écarter  les  orages, 
préserver  de  la  foudre  et  de  la  grêle.  On  a  aussi  allumé  de 
grands  feux  dans  les  rues  pour  purifier  l'air  en  temps 
d'épidémie  ;  mais  les  effets  relatés  dans  ces  circonstances 
ne  sont  pas  assez  concluants  pour  inspirer  toute  confiance. 
Une  des  applications  des  flammes  est  celle  qui  en  est  faite 
à  la  pyrophonie.  Lorsque  l'hydrogène  ou  le  gaz  d'éclai- 
rage brûle  au  bout  d'un  tube  effilé  et  qu'on  fait  descendre 
verticalement  sur  la  flamme  un  tube  de  verre  jusqu'au 
tiers  environ  de  sa  longueur,  cette  flamme  rend  un  son 
qui  correspond  à  celui  que  donnerait  un  tuyau  d'orgue 
ouvert,  de  mêmes  dimensions.  En  faisant  glisser  à  l'extré- 
mité de  ce  tube  une  enveloppe  de  métal  ou  même  de 
papier,  on  en  augmente  la  longueur  et  Ton  fait  varier  à 
volonté  la   hauteur  du   son  rendu.   Le   pyrophone   de 
M.  Kastner  est  fondé  sur  le  principe  des  flammes  sonores. 
En  observant  ces  flammes  à  l'aide  d'un  miroir  tournant, 
on  voit  qu'elles  présentent  des  alternatives  périodiques 
d'éclat  et  d'extinction  partielle  ou  totale.  La  production  du 
son,  en  cette  circonstance,  est  donc  due  aux  vibrations  des 
flammes,  lesquelles  ont  pour  cause  le  courant  d'air  ascen- 
dant que  la  chaleur  de  la  flamme  détermine  dans  le  tube 
qui  l'enveloppe.  Lorsqu'une  flamme  est  silencieuse  dans  le 
tube  qui  la  recouvre  à  hauteur  convenable,  on  peut  la  faire 
sauter  et  même  chanter,  en  émettant  un  son  presque  à 
l'unisson  du  tube.  Pendant  qu'une  flamme  chante,  si  Ton 
émet  une  note  presque  à  l'unisson  de  la  sienne,  il  se  pro- 
duit des  battements  qui  la  font  sauter  synchroniquement. 
La  danse  de  la  flamme  s'observe  encore,  lorsqu'elle  n'a 
pas,  dans  le  tube,  la  position  convenable  pour  qu'elle 
chante.  Lorsque  le  tube,  à  l'extrémité  duquel  brûle  une 
flamme  d'hydrogène,  est  convenablement  effilé,  la  flamme 
est  quelquefois  extrêmement  sensible  à  divers  sons,  bruits 
ou   sifflements   produits   à  une  assez   grande   distance. 
D'après  Tyndall,  lorsqu'on  augmente  la  pression  du  gaz  qui 
alimente  une  flamme  nue  ou  sans  tube,  les  dimensions  de  la 
flamme  augmentent  de  même.  Mais,  si  la  pression  dépasse 
une   certaine  limite,  la  flamme  gronde  et  ronfle.   Elle 
peut  devenir  alors  un  réactif  acoustique  d'une  incompa- 
rable délicatesse;  ainsi,  à  une  distance  de  30  m.,  par 
exemple,  le  chant  d'un  moineau  suffit  pour  émouvoir  for- 
tement la  flamme.  Des  résultats  semblables  s'obtiennent 
d'ailleurs  avec  des  gaz  non  enflammés,  rendus  visibles  par 
leur  mélange  avec  de  la  fumée.  M.  Decharme  a  produit  des 
sons  très  variés,  en  dirigeant  sur  une  flamme  de  gaz 
d'éclairage  un  courant  d'air,  à  l'aide  d'un  tube  adapté  à 
une  poire  en  caoutchouc  que  l'on  comprime  plus  ou  moins. 
En  faisant  varier  le  diamètre  du  tube  et  sa  position  par 


FLAMME  —  FLAN 


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rapport  à  la  flamme  et  en  remplaçant  par  divers  autres 
gaz  (oxygène,  hydrogène,  azote,  acide  carbonique,  etc.), 
on  modifie  la  hauteur,  l'intensité  et  le  timbre  des  sons 
produits  par  ce  moyen.  ^  L.  K. 

III.  Pyrotechnie.  —  Flamme  à  parachute  (V.  Arti- 
fices, t.  IV,  p.  15). 

Flamme  de  Bengale  (V.  Artifices,  t.  IV,  p.  16). 

IV.  Architecture.  —  Motif  d'ornementation  conçu  à 
l'imitation  des  flammes  naturelles  et  qui  surmonte  des  vases 
et  des  épis  dans  les  édifices  d'architecture  française,  surtout 
depuis  le  xvne  siècle.  Des  flammes  sculptées  en  pierre  se 
voient  sur  les  vases  qui  décorent  les  combles  du  palais  de 
l'Institut  à  Paris,  vases  qui  ont  été  reproduits,  il  y  a 
trente  ans,  à  l'imitation  de  ceux  placés  à  l'origine,  et  on 
donne  souvent  l'apparence  de  flammes  au  couronnement 
des  épis  en  plomb  ou  en  zinc  qui  terminent  les  crêtes  des 
toits  et  prolongent  les  poinçons  des  combles.  On  voit  aussi 
des  torches  enflammées  sculptées  comme  attributs  dans  la 
corniche  de  l'amphithéâtre  de  la  nouvelle  Sorbonné  à  Paris, 
au-dessous  de  la  fresque  de  Puvis  de  Chavannes,  et  les 
torches,  renversées  et  le  plus  souvent  éteintes,  sont  un 
emblème  funéraire  datant  de  l'antiquité.     Charles  Lucas. 

V.  Armée. — Petite banderolle placée  près  de  l'extrémité 
d'une  lance.  Elle  est  blanche  et  rouge  pour  ceux  de  nos 
cavaliers  (dragons)  que  nous  avons  armés  de  lances.  Au 
temps  où  le  colback  était  en  usage  dans  nos  troupes,  le 
cône  d'étoffe  écarlate  qui  en  garnissait  le  sommet  et  retom- 
bait sur  le  côté  de  cette  coiffure  portait  également  le  nom 
de  flamme. 

VI.  Marine.  —  On  donne  le  nom  cte  flamme  à  des 
banderoles  d'étamine,  très  longues  par  rapport  à  leur 
largeur,  qui  servent  comme  signaux  ou  marques  distinc- 
tives.  Il  y  a  deux  sortes  de  flammes  :  1°  La  flamme  na- 
tionale, ainsi  nommée  parce  qu'elle  est  aux  couleurs  du 
pays.  Celle-là  est  particulièrement  étroite  et  longue.  Elle 
s'arbore -aux  grands  mâts  des  bâtiments  de  l'Etat,  et  est 
la  caractéristique  des  navires  de  guerre,  qui  seuls  ont  le 
droit  de  la  porter.  Une  vieille  tradition  qui  existe  encore 
dans  la  marine  anglaise  voulait  qu'à  l'époque  des  longues 
campagnes  la  flamme  s'allongeât  chaque  année,  pour  de- 
venir, au  moment  du  retour,  presque  de  la  dimension  du 
grand  mât.  Elle  s'arbore  également  à  bord  des  embarcations, 
lorsque  le  commandant  du  bâtiment  (jusqu'au  grade  de 
contre-amiral)  va  faire  des  visites  officielles,  avec  épaulettes 
et  sabre.  A  partir  du  grade  de  contre-amiral,  la  flamme 
est  remplacée  par  un  pavillon  national  carré  avec  deux  ou 
trois  étoiles  blanches  dans  la  partie  bleue.  —  2°  Les  flammes 
servant  aux  signaux  de  la  tactique  navale.  Elles  sont  au 
nombre  de  huit,  plus  quatre  autres  pour  la  série  télégra- 
phique. Toutes  ces  flammes  ont  des  couleurs  et  des  signi- 
fications différentes.  On  trouve  leur  valeur  dans  les  trois 
volumes  du  Livre  des  signaux,  et  dans  le  dictionnaire  télé- 
graphique marin,  délivrés  à  chaque  bâtiment  de  guerre. 

VII.  Art  héraldique.  —  Pièce  d'armoirie,  dont  la 

partie  inférieure  est  arrondie  et  la  supérieure  terminée  en 

trois  pointes  ondoyantes.  Arouet  de  Voltaire  portait  pour 

armoiries  :  d'azur,  à  trois  flammes  d'or. 

Bibl.:  Physique.  --  Faraday,  Histoire  d'une  chandelle. 

FLAMMERANS.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  d'Auxonne;  667  hab. 

FLAMMERÉCOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne, 
arr.  de  Wassy,  cant.  de  Doulevant  ;  292  hab. 

FLAWIMEÙW1  (V.  Coiffure,  t.  XI,  p.  857). 

FLAMMULES  (Bot.).  Nom  vulgaire  de  deux  plantes  de 
la  famille  des  Renonculacées  :  la  Renoncule  'petite  douve 
et  la  Clématite  odorante  (V.  ces  mots). 

FLAMSTEED  (John),  astronome  anglais,  né  à  Derby  le 
19  août  1646,  mort  à  Greenwich  le  31  déc.  1719.  Il  ne 
suivit  que  les  cours  de  l'école  publique  de  Derby,  et  sa 
vocation  lui  fut  révélée  par  la  lecture  de  la  Sphère  de 
Sacrobosco.  Il  commença  par  construire  des  cadrans,  puis, 
s'étant  pro3iiré  YAstronomia  Carolina,  se  mit  à  calculer 
des  éclipses  et  des  positions  de  planètes.  En  1666,  l'astro- 


nome Halton,  ayant  entendu  parler  de  lui,  l'encouragea  et 
lui  fit  don  de  divers  ouvrages  astronomiques.  En  1669, 
Flamsteed  envoya  à  lord  Brouncker,  président  de  la  Société 
royale,  des  calculs  pour  une  éclipse  de  soleil  omise  dans 
les  Ephémérides  de  l'année  suivante.  L'accueil  qui  fut  fait 
à  ses  travaux  l'encouragea  à  venir  à  Londres  où  il  visita 
Oldenburg  et  Collins  et  où  on  mit  des  instruments  à  sa  dis- 
position. Il  alla  ensuite  se  faire  inscrire  comme  étudiant  à 
Cambridge  où  il  prit  ses  degrés  de  maître  es  arts.  Au  cours 
de  ses  études,  il  publia,  avec  YAstronomia  Kepleriana 
à'Horrox  (V.  ce  nom)  et  des  observations  inédites  de 
Crabtree,  quelques  mémoires  (Londres,  1672).  En  même 
temps  il  observait,  et  les  résultats  obtenus  par  lui  étaient 
insérés  par  Oldenburg  dans  les  Philosophical  Tran- 
sactions (qui  contiennent  trente  et  un  mémoires  de  Flam- 
steed). Devenu  maître  es  arts,  il  se  fit  ordonner  prêtre 
(1675);  la  même  année,  Jonas  Moorelui  fit  obtenir  le  titre 
d'astronome  du  roi,  avec  une  pension  de  100  livres,  et  l'on 
jetait,  le  10  août,  les  fondements  de  l'observatoire  royal 
de  Greenwich,  qui  fut  terminé  en  juil.  1676.  Il  conçut 
alors  le  plan  d'un  nouveau  catalogue  des  fixes,  comprenant 
également  des  observations  de  planètes,  mais  il  n'avait  que 
quelques  instruments  appartenant  à  Moore  ou  à  lui-même  ; 
le  gouvernement  ne  lui  accordait  que  sa  pension,  d'ailleurs 
mal  payée,  et  il  était  réduit  à  emprunter  des  instruments 
à  la  Société  royale  ou  à  donner  des  leçons  particulières 
pour  subvenir  à  ses  frais.  Ce  ne  fut  qu'en  1684,  qu'ayant 
obtenu  un  petit  bénéfice,  il  fut  en  mesure  de  faire  cons- 
truire un  grand  arc  mural.  Pendant  trente  ans,  il  pour- 
suivit ses  observations  avec  une  patience  infatigable  ;  en 
1704,  le  prince  George  de  Danemark  offrit  à  la  Société 
royale  de  faire  les  frais  de  l'impression.  Un  comité,  formé 
de  Newton,  Wren,  Arbuthnot,  Gregory  et  Roberts,  fut 
chargé  de  la  diriger,  et  il  fut  convenu  que  Flamsteed  lui 
remettrait  tous  ses  papiers  et  n'interviendrait  pas  dans  le 
classement  ni  dans  l'impression.  Toutefois,  le  catalogue  fut 
mis  sous  les  scellés  et  réservé  jusqu'à  son  achèvement.  Le 
travail  d'impression  marcha  très  lentement,  et  à  la  mort 
du  prince  George  (1708),  le  premier  volume  n'était  pas 
achevé  ;  le  comité  garda  les  papiers  en  interrompant  ses 
travaux  et  Flamsteed  continua  ses  observations.  Mais,  en 
1711,  les  scellés  du  catalogue  furent  brisés  à  son  insu, 
sur  l'ordre  de  la  reine,  et  l'impression  reprise  sous  la  sur- 
veillance de  Halley.  En  1712  parut  Fin-fol.:  Historia 
cœlestis  libri  duo...  observante  Joanne  Flamstedio  in 
observatorio  regio  Grenovicensi,  continua  série  ab 
anno  1616  ad  annum  1705.  Flamsteed  fut  exaspéré  par 
ce  procédé,  eut  avec  Newton  de  violentes  querelles  au  sein 
de  la  Société  royale  et  réclama  le  reste  de  ses  papiers  et  la 
remise  de  l'édition.  Il  s'ensuivit  un  long  procès  ;  après  la 
mort  de  la  reine  Anne  et  de  lord  Halifax,  Flamsteed, 
devenu  plus  puissant  en  cour,  obtint  gain  de  cause.  Il  res- 
tait les  trois  quarts  de  l'édition  procurée  par  Halley  ;  Flam- 
steed en  livra  la  plus  grande  partie  aux  flammes,  ne  con- 
servant de  chaque  volume  que  les  feuilles  qu'il  trouvait 
imprimées  à  son  gré.  Il  ne  s'occupa  plus  dès  lors  que  de 
la  réimpression  et  de  la  continuation  de  son  Historia 
cœlestis  Britannica,  mais  elle  ne  fut  achevée  que  par  sa 
veuve.  L'ouvrage  (3  vol.  in-fol.)  parut  en  1725  et  fut 
suivi  d'un  Atlas  cœlestis  de  vingt-huit  cartes  (1729).  En 
1833,  on  retrouva  à  l'observatoire  de  Greenw'ichun  grand 
nombre  de  manuscrits  et  papiers  de  Flamsteed,  notam- 
ment une  intéressante  autobiographie  qui  a  été  publiée  par 
Baily  en  1835  avec  un  supplément  (1837)  (An  Account 
of  the  Rev.  John  Flamsteed).  T. 

FLAN.  I.  Monnaie.  —Morceau  de  métal,  ordinairement 
rond,  préparé  pour  faire  une  monnaie,  une  médaille  ou  un 
jeton.  Dans  l'antiquité,  les  flans  étaient  moulés  sous  la  forme 
la  plus  rapprochée  de  celle  que  la  pièce  devait  avoir.  Cette 
préparation  par  le  moulage  est  attestée  par  la  forme  glo- 
buleuse de  la  plupart  des  monnaies  grecques  et  par  les 
bavures  de  métal  qu'on  remarque  parfois  sur  les  bords. 
Cependant  la  méthode  qui  consiste  à  découper  le  flair  dans 


—  565  — 


i'UN  —  FLANCART 


une  lame  de  métal  a  été  connue  des  anciens.  Le  mot  flando 
placé  avant  feriundo,  dans  le  titre  officiel  des  triumvirs 
monétaires  à  Rome,  indique  l'opération  du  moulage  des 
flans.  Les  ouvriers  chargés  de  ce  travail  étaient  appelés 
flalurarii.  Au  moyen  âge  et  encore  au  xvne  siècle,  voici 
comment  on  procédait  à  la  confection  des  flans.  Le  métal, 
préalablement  allié,  était  jeté  en  lames  ;  on  faisait  ensuite 
recuire  les  lames  et  on  les  étendait  sur  l'enclume,  ce  qui 
s'appelait  battre  la  chaude.  Ces  lames,  de  l'épaisseur  des 
espèces  à  fabriquer,  étaient  coupées  en  morceaux  appelés 
quarreaux.  On  faisait  recuire  les  quarreaux  et  on  les  éten- 
dait avec  un  marteau  appelé  flattoir  ;  puis  on  en  coupait 
les  pointes  avec  des  cisoires,  ce  qui  s'appelait  ajuster 
quarreaux,  jusqu'à  ce  qu'on  atteignît  le  poids  légal  ;  on 
rabattait  les  pointes  des  quarreaux  de  façon  à  les  arron- 
dir, ce  qu'on  appelait  rechausser  quarreaux  et  flattir. 
Les  quarreaux,  une  fois  flattis,  prenaient  le  nom  àeflaons; 
,  il  ne  restait  qu'à  les  frapper. 

Aujourd'hui,  on  fond  le  métal  dans  une  lingotière  en 
lames  allongées,  d'une  épaisseur  déterminée  et  de  la  lar- 
geur des  pièces  que  l'on  veut  obtenir.  On  fait  passer  la 
îame  plusieurs  fois  au  laminoir  en  la  faisant  recuire  au 
moins  une  fois.  Dans  cette  lame,  on  taille  les  flans  au 
moyen  d'un  emporte-pièce  qu'un  homme  peut,  à  lui  seul, 
faire  mouvoir.  Une  fois  taillés,  les  flans  sont  pesés  ;  ceux 
qui  sont  trop  légers  sont  mis  au  rebut  et  refondus  ;  ceux 
qui  sont  trop  pesants  sont  ramenés  au  point  voulu  par  le 
moyen  du  rabot  qui  enlève  une  faible  épaisseur  de  la  sur- 
face. Reste,  avant  de  les  frapper,  à  leur  faire  subir  le  cor- 
donnage  et  le  blanchiment.  La  première  de  ces  opérations 
a  pour  objet  de  corriger  les  imperfections  de  la  tranche  et 
de  relever  les  bords  du  flan,  afin  d'obtenir  l'empreinte  des 
grènetis  qui,  lors  de  la  frappe,  ne  reçoivent  la  pression 
qu'en  dernier  lieu,  les  coins  étant  toujours  bombés  en  leur 
centre.  Le  blanchiment,  qui  s'obtient  en  plongeant  les  flans 
dans  un  bain  d'eau  acidulée  (acide  nitrique  pour  l'or,  acide 
sulfurique  pour  l'argent)  donne  aux  pièces  le  brillant 
(V.  Frappe).  M.  Prou. 

II.  Typographie  (V.  Empreinte). 

III.  Pâtisserie.  —  Espèce  de  tarte  faite  avec  de  la 
crème  fouettée  ou  de  fruits  en  compote,  des  œufs  et  de  la 
farine  (V.  Tarte). 

Bibl.:  Monnaie.—  Boizard,  Traité  des  monoyes;  Pa- 
ris, 1692,  in-12,  p.  159.  —  F.  Lenormant,  la  Monnaie  dans 
l'antiquité,  t.  I,  p.  252.  —  Du  même,  Monnaies  et  Mé- 
dailles, p.  325. 

FLAN  (Marie- Alexandre) ,  litt  érateur  français ,  né  à  Paris  le 
30  mai  1827,  mort  le  4  5  sept.  4  870.  Il  fit  ses  études  au  collège 
Stanislas,  commença  son  droit  et  ne  l'acheva  pas  pour  con- 
sacrer tous  ses  loisirs  à  un  drame  en  cinq  actes  et  en  vers 
qu'il  présenta  au  Théâtre-Français.  Rebuté  de  ce  côté,  il  se 
rabattit  sur  un  genre  moins  ingrat  :  la  romance,  où,  en  col- 
laboration avec  le  compositeur  Paul  Henrion,  il  obtint  un 
certain  succès  avec  le  Gagne-Petit,  Je  chanterai,  le  Mi- 
neur, etc.  Sa  facilité  à  tourner  le  couplet  le  servit  plus 
tard  dans  Ulysse,  parodie  en  vers  de  la  pièce  de  Ponsard 
(4852),  puis  dans  les  Etrennes  du  Diable  (1852);  le 
Sire  de  Framboisy  (4855)  ;  les  Poètes  de  la  Treille 
(4857),  en  collaboration  avec  de  Jalais  et  de  Dercier;  F  Es- 
carcelle d'or,  féerie  (4857),  en  collaboration  avec  M.  Blum; 
Bu  qui  s'avance  (4865),  en  collaboration  avec  M.  Bus- 
nach  (et  son  plus  grand  succès)  ;  le  Diable  boiteux,  revue 
(4867),  en  collaboration  avec  MM.  Blum  et  Clairville;  les 
Petits  Crevés  (4867),  etc.,  etc.  Un  volume  de  vers  :  les 
Rythmes  impossibles  (4867)  et  des  chansons  pour  le  Ca- 
veau dont  il  devint  président  en  4867,  complètent  l'œuvre 
littéraire  de  Flan.  En  4870,  littéralement  aflolé  par  l'arri- 
vée des  Prussiens,  il  quitta  Neuilly  où  il  habitait  et  fut 
retrouvé  quelques  jours  plus  tard  dans  un  hôtel  garni  de 
la  rue  du  Sommerard  où  il  avait  été  mortellement  frappé 
d'une  congestion  cérébrale.  Ch.  Le  G. 

FLANAGAN  (Thomas),  historien  anglais,  né  en  4844, 
mort  à  Kidderminster  le  24  juil.  4865.  Après  avoir  reçu 
les  ordres,  il  fut  professeur  et  préfet  des  études  au  collège 


Sainte-Marie  d'Oscott,  puis  président  de  l'école  de  Sedgley 
Park  (comté  de  Stafford).  En  4854,  il  fut  nommé  prêtre 
àBlackmore  Park  et  passa  en  4860  à  la  cathédrale  de  Bir- 
mingham. Citons  de  lui  :A  Manual  of  British  and  Irish 
History  (Londres,  4847,  in-42)  ;  A  Short  Catechism  of 
english  History  ecclesiastical  and  civil  (Londres,  1854, 
in-46)  ;  A  History  of  the  Church  in  England(Louàres, 
4857,  in-8)  ;  A  History  of  the  Middle  Ages,  demeurée 
en  manuscrit.  r.  g# 

FLANAGAN  (Roderick),  publiciste  anglais,  né  près  d'El- 
phin  (comté  de  Roscommon)  en  avr.  4828,  mort  à  Londres 
à  la  fin  de  4864.  Fils  d'un  fermier  irlandais  établi  en  Aus- 
tralie, il  fut  apprenti  typographe.  Il  débuta  dans  le  jour- 
nalisme en  collaborant  à  divers  journaux  de  Sidney  :  au 
Peoplé's  Advocate,  à  YAdvocate,  à  YEmpire,  au  Free- 
man's  Journal,  etc.,  fonda  un  organe  hebdomadaire,  The 
Chronicle,  devint  rédacteur  en  chef  de  YEmpire  où  il  pu- 
blia d'intéressantes  études  sur  les  coutumes  des  Austra- 
liens. Il  devint,  en  4854,  rédacteur  au  Sidney  Morning 
Herald.  On  a  de  lui  une  importante  History  ofNew  South 
Wales  (Londres,  4862,  2  vol.).  R.  S. 

FLANC.  I.  Fortification.  —  Le  flanc  est  en  fortification 
une  ligne  destinée  à  fournir  des  feux  là  où  l'ennemi  pourrait 
arriver  sans  être  atteint  directement  par  le  défenseur.  Ainsi 
dans  le  front  ABCDEF,  BC  et  DE  sont  les  flancs  respectifs 


des  bastions  A  et  F;  il  est  facile  de  voir  que  les  coups  de 
feu  tirés  par  les  défenseurs  de  ces  flancs  iront  battre  le 
terrain  situé  en  avant  des  angles  saillants  A  et  F  qui 
prennent  le  nom  <Y angles  flanqués.  Le  flanc  unit  la  face 
à  la  courtine. 

II.  Tactique.  —  Le  flanc  ou  partie  latérale  d'une  troupe 
en  position  ou  en  marche  est  une  partie  faible  à  la  sécu- 
rité de  laquelle  le  chef  doit  veiller  avec  un  soin  constant, 
car  il  doit  toujours  y  craindre  une  attaque  de  l'ennemi. 
Souvent  la  simple  apparition  d'une  troupe  sur  le  flanc 
d'une  position  détermine  celui  qui  l'occupe  à  l'évacuer  et 
à  la  céder  à  l'ennemi  sans  combat.  C'est  à  des  mouvements 
tentés  sur  les  flancs  de  nos  armées  que  les  Prussiens  à 
qui  leur  nombre  ou  la  supériorité  considérable  de  leur 
artillerie  rendait  ces  manœuvres  faciles,  ont  dû  la  plupart 
de  leurs  succès  en  4870,  car  les  attaques  de  front  n'ont 
jamais  été  dans  leurs  aptitudes  et  ils  sont  trop  ménagers 
du  sang  de  leurs  hommes  pour  les  tenter.  —  Dans  les  ma- 
nœuvres, faire  par  le  flanc  droit,  c'est  faire  face  à  droite, 
en  exécutant  un  quart  de  tour.  Une  troupe  fait  une 
marche  de  flanc  quand  elle  longe  la  ligne  à  laquelle  elle 
faisait  face  précédemment. 

Flanc-garde.  Une  flanc-garde,  comme  son  nom  l'in- 
dique, a  pour  objet  de  garder,  de  protéger  le  flanc  d'une 
colonne  en  marche.  L'art.  426  du  règlement  sur  le 
service  en  campagne  dit  des  flanc-gardes  :  «  Elles  sont 
composées  de  fractions  constituées  dont  la  force  est  en 
rapport  avec  l'importance  de  la  colonne  et  avec  les  craintes 
que  peuvent  inspirer  les  tentatives  auxquelles  elles  doivent 
résister.  »  Le  gros  de  F  avant-garde  est  chargé  de  fournir 
le  flanc-garde  lorsque  la  colonne  est  égale  ou  inférieure  à 
une  brigade.  Dans  le  cas  contraire,  c.-à-d.  lorsque  la  co- 
lonne est  plus  forte,  les  flanc-gardes  sont  fournies  par  le 
corps  qui  est  le  dernier  dans  la  marche. 

FLANCART.  Petites  pièces  de  l'armure  de  plates  du  xive 
et  du  xve  siècle  destinées  à  protéger  la  face  latérale  et  exté- 
rieure des  cuisses.  C'étaient  des  écussons  d'acier  ou  de 
fer  forgé  qui  se  bouclaient  après  les  faldes  formant  jupon 


FLANCART  —  FLANDRE  —  566  — 

de  fer.  Les  tassettes  n'en  différaient  que  parce  qu'elles 
étaient  ordinairement  plus  grandes  et  destinées  à  défendre 

le  devant  des 
cuisses  et  la  ré- 
gion inguinale. 
Voici  un  corps 
d'armure  de  pla- 
tes du  xvie  siè- 
cle. En  c  on  voit 
la  pansière,  en 
d  la  dossière,  en 
b,  b  les  faldes 
ou  faudes  for- 
mées de  quatre 
pièces  à  recou- 
vrement. Les 
flancarts  a,  a 
sont  suspendus 
chacun  par  deux 
boucles  à  des 
courroies  cor- 


Corps^cT armure  du  xvi°  siècle. 


respondantes  fixées  à  la  dernière  lame  des  faldes.  Ces 
petites  pièces  de  plates  ont  été  surtout  employées  pendant 
le  xive  siècle,  alors  que  l'armure  de  plates  était  encore 
incomplète.  Lorsque  celle-ci  atteignit  la  perfection  de  la 
forme  dite  gothique  au  milieu  du  xve  siècle,  les  flancarts 
disparurent  sans  retour.  Maurice  Maindron. 

FLANC  H IS  (Blas.).  Petits  sautoirs  alésés  chargeant  ou 
accompagnant  une  pièce  principale. 

FLANÇOIS.  Partie  du  harnois  du  cheval  d'armes,  aux 
xve  et  xvie  siècles,  qui  défendait  les  flancs  et  s'étendait  de 
la  pissière  couvrant  l'avant-main  à  la  barde  de  croupe  ;  il 
y  avait  le  plus  souvent  deux  flançois  de  chaque  côté  (V. 
Harnois).  —  Antérieurement,  lorsque  le  cheval  était  pro- 
tégé par  une  housse  drapée,  on  entendait  par  flànchières 
la  partie  de  la  housse  qui  protégeait  la  croupe  et  les  flancs. 
FLANCOURT.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Pont- 
Audemer,  cant.  de  Bourgttheroulde  ;  341  hab. 

FLAND1N  (Charles),  médecin  et  chimiste  français,  né  aux 
Eaux-Bues  (Nièvre)  le  13  avr.  4803,  mort  à  Auxerre  le 
13  août  1887.  Interne  des  hôpitaux  en  1829,  il  soutint 
en  1832  une  thèse  remarquable  sur  le  choléra;  il  donna 
en  1841,  de  concert  avec  Danger,  un  volume,  De  l'Ar- 
senic; leur  procédé  de  carbonisation  des  matières  orga- 
niques par  l'acide  sulfurique,  avant  de  les  introduire  dans 
l'appareil  de  Marsh,  fut  universellement  adopté,  malgré 
l'opposition  d'Orfila.  Républicain  convaincu,  il  combattit 
par  la  plume  la  candidature  à  la  présidence  de  Louis- 
Napoléon,  puis  en  1853  fut  impliqué  à  tort  dans  l'affaire 
dite  des  Correspondants  étrangers,  et  condamné. L'œuvre 
capitale  de  Flandin  est  son  Traité  des  poisons  (Paris, 
1846-1853,  3  vol.  in-8);  citons  encore,  à  côté  de  quel- 
ques opuscules  de  chimie,  Précis  de  physiologie  humaine 
et  de  psychologie  (Paris,  1872).  Dr  L.  Hn. 

FLANDIN  (Eugène-Napoléon),  peintre,  voyageur  et  ar- 
chéologue français,  né  à  Naples  le  15  août  1809,  mort  à 
Tours  en  1876.  En  1836,  Flandin  exposa  au  Salon  une 
Vue  de  la  Piazzetta  de  Venise,  qui  fut  achetée  par  le 
roi,  et  une  Vue  du  pont  des  Soupirs,  achetée  par  la  So- 
ciété des  Amis  des  arts  de  Paris.  Ces  succès  le  mirent  vite 
en  relief,  mais  sa  grande  réputation  vient  surtout  de  ce 
que,  ayant  fait  en  amateur  la  campagne  de  Constantine, 
il  exposa,  en  1838,  une  Vue  de  Vassaut  de  cette  ville,  et, 
en  1839,  un  tableau  représentant  la  Brèche  de  Constan- 
tine et  la  porte  où  Lamoricière  fut  blessé  à  la  tête  de  ses 
zouaves  ;  ce  tableau,  acheté  par  le  roi  Louis-Philippe, 
fut  mutilé  pendant  les  journées  de  juin  1848.  En  1839, 
Flandin  fut  chargé,  avec  l'architecte  Pascal  Coste,  d'une 
mission  archéologique  en  Perse  ;  il  resta  dans  ce  pays 
jusqu'en  4841,  recueillant  les  matériaux  les  plus  précieux 
pour  l'histoire  et  l'archéologie  ;  ils  sont  publiés  dans  le 
grand  ouvrage  :  Voyage  en  Perse  (1843-1854,  6  vol. 
in-fol.,  de  665  pi.,  et  texte,  1851,  2  «vol.  in-8).  En  nov. 


1843,  Flandin  fut  chargé  d'aller  dessiner  les  monuments 
découverts  par  Botta  (Y.  ce  nom)  à  Ninive  et  à  Khorsa- 
bad  ;  il  recueillit  ainsi  les  principaux  matériaux  de  l'archéo- 
logie assyrienne  et  conquit  une  célébrité  européenne  par 
la  publication  d'un  ouvrage  intitulé  le  Monument  de 
Ninive  (1849-50,  5  vol.  grand  in-fol.).  On  lui  doit  en- 
core :  V Orient  (1853-1874,  4  vol.  in-fol.)  ;  .Histoire  des 
chevaliers  de  Rhodes  (4867-1873,  in-8).  Outre  ces  tra- 
vaux d'archéologie  figurée,  Flandin  a  fait  connaître  l'Orient 
dans  divers  écrits;  il  a  exposé  aux  Salons  de  1853  et  de 
1855  une  Vue  de  Stamboul,  une  Vue  de  la  mosquée 
d'Ispahan,  et  quelques  autres  tableaux  du  même  genre. 
FLANDRE.  Flandre  occidentale.  —  Limites,  Super- 
ficie, Population.  —  Province  de  Belgique,  limitée  au  N.  et 
au  N.-O.  par  la  mer  du  Nord,  à  l'E.  par  la  Flandre  orientale, 
au  S.-E.  par  le  Hainaut  et  au  S.  ou  S. -0.  et  à  l'O.  par  la 
France;  sa  plus  grande  longueur  est  de  90  kil.,  sa  plus 
grande  largeur  de  oO  kil.  ;  sa  superficie  est  de  3,235  kil.  q., 
sa  population  absolue  de  747,000  hab.  et  sa  population v 
relative  de  239  hab.  par  kil.  q. 

Relief  du  sol.  —  Cette  province  présente  l'aspect  d'une 
vaste  plaine  très  légèrement  ondulée,  sauf  le  long  des  côtes 
où  s'élèvent  des  dunes.  Le  sol  se  relève  un  peu  vers  le  S. 
et  y  forme  le  mont  Kemmel. 

Régime  des  eaux.  —  La  Flandre  occidentale  est  arro- 
sée, indépendamment  de  la  mer  qui  la  baigne  sur  une 
étendue  de  42  kil.  environ,  par  l'Escaut  qui  la  sépare  au 
S.  et  à  l'E.  de  la  Flandre  orientale,  par  la  Heule,  l&Liève, 
la  Lys,  le  Mandel,  VYperlée,  VYser  (V.  ces  mots).  Les 
canaux  principaux  de  cette  province  sont  ceux  de  Bruges 
à  Gand,  à  l'Ecluse  et  à  Ostende  ;  de  Dixmude  à  Hand- 
zaeme  et  à  Nieuport  ;  de  Fumes  à  Bergues ,  à  Bun- 
ker que  et  à  Nieuport;  de  Loo  et  de  Plasschendaele  (V.  ces 
mots). 

Communications.  —  D'excellentes  routes  pavées  et  de 
nombreuses  lignes  de  chemins  de  fer  rayonnent  de  Bruges 
dans  toutes  les  directions. 

Divisions  administratives.  —  La  Flandre  occidentale  est 
divisée  en  8  arrondissements  administratifs  qui  ont  pour 
chefs-lieux  :  Bruges,  Courtrai,  Dixmude,  Furnes,  Ostende, 
Roulers,  Thielt  et  Ypres,  et  en  50  cantons  de  milice.  On  y 
compte  250  communes  dont  15  villes  :  Bruges,  Courtrai, 
Dixmude,  Furnes,  Iseghem,  Menin,  Nieuport,  Ostende,  Po- 
peringhe,  Roulers,  Thielt,  Jhourout,  Warneton,  Wervicq 
et  Ypres.  Cette  province  élit  9  sénateurs,  17  représentants 
et  71  conseillers  provinciaux. 

Instruction  purlique.  —  La  Flandre  occidentale  compte 
2  athénées  royaux,  à  Bruges  et  à  Ostende;  6  écoles 
moyennes  de  garçons,  2  écoles  moyennes  de  filles,  8  col- 
lèges épiscopaux  et  de  nombreux  établissements  dirigés  par 
des  congrégations  religieuses.  Il  y  a  au  moins  une  école 
primaire  dans  chaque  commune.  Il  existe  aussi  15  acadé- 
mies de  dessin,  8  écoles  de  musique  et  5  écoles  industrielles. 
Cultes.  —  Le  culte  catholique  est  dominant  dans  la  pro- 
vince ;  il  y  a  des  communautés  protestantes  à  Bruges,  à 
Ostende,  à  Courtrai  et  à  Roulers,  mais  elles  sont  peu  nom- 
breuses. La  Flandre  occidentale  forme  le  diocèse  (évêché) 
de  Bruges,  érigé  en  1559,  qui  comprend  15  doyennés  et 
36  cures. 

Justice.  —  La  Flandre  occidentale  relève  de  la  cour 
d'appel  de  Gand  et  est  divisée  en  4  arrondissements  judi- 
ciaires dont  les  chefs-lieux  sont  :  Bruges,  Courtrai,  Furnes 
et  Ypres  et  en  30  cantons  de  justice  de  paix. 

Productions.  —  La  Flandre  occidentale  produit  le  lin, 
le  colza,  les  céréales,  le  tabac,  le  houblon  et  les  légumes 
en  abondance  ;  la  majeure  partie  de  son  territoire  offre  de 
gras  et  excellents  pâturages  ;  l'arr.  de  Bruges  est  très 
boisé;  le  long  de  la  mer  se  trouvent  les  polders,  terrains 
que  les  Flamands  ont  reconquis  peu  à  peu  sur  la  mer  au 
moyen  de  digues.  Les  villes  sont  très  manufacturières  : 
Bruges,  Courtrai,  Ypres,  Menin,  Roulers,  Iseghem  ont  des 
filatures  de  lin,  des  fabriques  et  des  blanchisseries  de  toiles, 
des  fabriques  de  dentelles  ;  on  trouve  dans  toutes  les  villes 


-  567  — 


FLANDRE 


de  la  province  des  fabriques  de  tabac,  des  brasseries,  des 
distilleries,  des  raffineries  de  sel  et  de  sucre,  des  savonne- 
ries, Ostende,  Blankenberghe,  Nieuport  et  Heyst  se  livrent 
à  la  pêche  maritime.  Les  armes  de  la  Flandre  occidentale 
sont  :  d'or  au  lion  de  sable,  armé  et  lampassé  de 
gueules.  "        E.  H. 

Flandre  orientale.  —  Limites,  Superficie,  Popu- 
lation. —  Province  de  Belgique,  limitée  au  N.  par  le 
royaume  des  Pays-Bas;  à  l'E.  par  les  prov.  d'Anvers 
et  de  Brabant  ;  au  S.  par  le  Hainaut  ;  à  l'O.  par  la 
Flandre  occidentale.  Sa  plus  grande  longueur  est  de 
65  kil.,  sa  plus  grande  largeur  de  60  kil.;  elle  occupe  une 
superficie  de  3,000  kil.  q.  ;  sa  population  absolue  est  de 
959,000  hab.  ;  sa  population  relative  de  319  hab.  par  kil.  q. 

Relief  du  sol.  —  Le  sol  de  la  Flandre  orientale  est 
généralement  plat  ;  il  ne  se  relève  un  peu  que  dans  la  par- 
tie orientale. 

Régime  des  eaux.  —  La  Flandre  orientale  est  arrosée 
par  VEscaut,  la  Dendre,  la  Durme,  la  Liève,  la  Lys  et 
beaucoup  d'autres  cours  d'eau.  Les  canaux  principaux  sont 
ceux  de  Gand  à  Bruges  et  à  Terneuzen,  de  la  Liève,  de 
Schipdonck  (V.  ces  mots). 

Communications.  —  D'excellentes  routes  pavées  et  de 
nombreuses  lignes  de  chemins  de  fer  rayonnent  de  Gand 
dans  toutes  les  directions. 

Divisions  administratives.  —  La  Flandre  orientale  est 
divisée  en  6  arrondissements  administratifs  qui  ont  pour 
chefs-lieux  :  Gand,  Alost,  Audenarde,  Eecloo,  Saint-Nico- 
las et  Termonde,  et  en  53  cantons  de  milice.  Elle  comprend 
294  communes  dont  12  villes  :  Gand,  Alost,  Audenarde, 
Deynze,  Eecloo,  Grammont,Lokeren,  Ninove,Renaix,  Saint- 
Nicolas  et  Termonde.  Elle  élit  11  sénateurs,  20  représen- 
tants et  92  conseillers  provinciaux. 

Instruction  publique.  —  Gand  est  le  siège  d'une  uni- 
versité de  l'Etat  à  laquelle  est  annexée  une  école  du  génie 
civil,  d'un  athénée  royal  et  d'un  conservatoire  royal  de  mu- 
sique; il  y  a,  dans  la  province,  8  écoles  moyennes  pour 
garçons,  3  écoles  moyennes  pour  filles,  5  collèges  épisco- 
paux  et  un  grand  nombre  d'établissements  dirigés  par  des' 
congrégations  religieuses.  Il  y  au  moins  1  école  primaire 
dans  chaque  commune.  Il  y  existe  aussi  24  académies  de 
dessin,  12  écoles  de  musique  et  1  école  industrielle. 

Cultes  .  —  La  plupart  des  habitants  de  la  province  ap- 
partiennent à  la  religion  catholique  romaine  ;  il  ne  se 
trouve  de  protestants  qu'à  Gand  et  à  Hoorebeke  Sainte- 
Marie  (V.  ce  mot)  ;  une  communauté  israélite  existe  à  Gand. 
La  Flandre  orientale  forme  le  diocèse  (évèché)  de  Gand, 
érigé  en  1559,  lequel  comprend  15  doyennés  et  37  cures. 

Justice.  —  Gand  est  le  siège  d'une  cour  d'appel  dont  le 
ressort  s'étend  sur  les  deux  Flandres.  La  Flandre  orien- 
tale est  divisée  en  arrondissements  judiciaires  dont  les  chefs- 
lieux  sont  Gand,  Audenarde  et  Termonde,  et  en  32  can- 
tons de  justice  de  paix. 

Productions.  —  La  Flandre  orientale  produit  en  abon- 
dance les  céréales,  le  lin,  le  chanvre,  le  colza  ;  aucune 
partie  de  l'Europe  n'égale  en  fertilité  la  région  comprise 
entre  la  frontière  hollandaise,  l'Escaut  et  le  canal  de  Ter- 
neuzen,  appelée  le  pays  de  Waes  (V.  ce  mot).  Tous  les 
cours  d'eau  sont  bordés  de  riches  prairies  ;  le  tabac  et  le 
houblon  sont  cultivés  dans  la  vallée  de  la  Dendre.  L'in- 
dustrie est  très  active  dans  toute  la  province  :  on  y  fabrique 
des  toiles,  des  étoffes  de  laine  et  de  coton,  du  fil  ;  il  s'y 
trouve  de  nombreuses  tanneries,  brasseries,  distilleries, 
imprimeries  de  tissus,  corderies,  des  usines  pour  la  cons- 
truction du  matériel  de  chemin  de  fer,  etc.  Les  armes  de 
la  Flandre  orientale  sont  :  d'or  au  lion  de  gueules,  armé 
et  lampassé  d'azur.  E.  H. 

Histoire.  —  La  région  flamande,  actuellement  divisée  en 
trois  parties  inégales,  appartenant  respectivement  à  la  Hol- 
lande, à  la  Belgique  et  à  la  France,  est  un  pays  plat  qui  fut 
longtemps  couvert  de  bois  marécageux  immenses.  On  ne  sait 
que  très  peu  de  choses  des  primitifs  habitants  de  la  contrée: 
tout  au  plus  a-t-on  découvert  dans  les  tourbières  quelques 


ossements  parmi  lesquels  des  crânes  oblongset  déprimés  sem- 
blables à  ceux  des  nègres  de  la  côte  occidentale  d'Afrique. 

Domination  romaine.  —  Lorsque  César  arriva  en  Gaule, 
la  Flandre  était  habitée  par  les  peuples  des  Menapii  et  des 
Morini  (V.  ces  mots).  A  la  fin  de  la  domination  romaine, 
le  pays  était  compris  tout  entier  dans  la  Belgica  secunda. 

Domination  franque.  —  Au  moment  de  l'invasion  bar- 
bare, un  grand  nombre  de  Francs  s'établirent  dans  le  pays. 
Grâce  à  la  communauté  d'origine  et  à  la  ressemblance  des 
dialectes,  la  fusion  se  fit  très  rapidement  entre  les  deux 
éléments  de  la  population,  et  l'usage  de  la  langue  latine,  déjà 
très  restreint,  disparut  sans  laisser  de  traces.  Pendant  toute 
la  durée  de  la  domination  mérovingienne,  le  pays  des  Menapii 
fut  connu  sous  le  nom  de  pagus  Mempiscus  ;  le  nom  de 
Flandre  (Vlaanderen)  n'apparaît  qu'au  vu6  siècle  chez  les 
hagiographes,  mais  il  s'appliqua  tout  d'abord  uniquement  à 
la  ville  de  Bruges  et  à  son  territoire.  C'est  à  cette  époque 
que  le  christianisme  fut  introduit  dans  la  contrée,  où  il  fit 
rapidement  des  progrès,  sous  l'influence  de  saint  Orner,  de 
saint  Bertin,  de  saint  Bavon,  de  saint  Trond,  etc.  Mais  les 
Mérovingiens  laissèrent  les  habitants  de  la  Flandre  soumis 
à  de  cruelles  invasions  de  la  part  de  leurs  voisins  du  Nord, 
les  Frisons,  qui  ne  furent  définitivement  refoulés  dans  leurs 
marécages  que  par  les  Pépin. 

Epoque  féodale.  —  Première  période.  Après  la  mort 
de  Charlemagne,  la  contrée  fut  exposée  à  toutes  les  incur- 
sions des  Normands,  dont  elle  eut  grandement  à  souffrir. 
Charles  le  Chauve,  auquel  le  traité  de  Verdun  avait  donné 
l'Escaut  comme  limite  de  ses  possessions,  confia  à  un  guer- 
rier du  nom  de  Baudouin,  dit  Bras  de  Fer,  le  gouvernement 
du  pays  compris  entre  ce  fleuve,  la  Canche  et  la  mer.  Celui- 
ci  enleva  de  force,  pour  l'épouser,  la  fille  du  roi,  Judith,  déjà 
veuve  d'un  roi  d'Angleterre.  Le  pape  Nicolas  réconcilia  les 
deux  époux  et  en  même  temps  Baudouin  et  Charles  le  Chauve. 
Baudouin  et  Judith  furent  la  tige  de  la  première  maison  de 
Flandre. 

«  Les  contrées  dont  Baudouin  avait  reçu  le  gouverne- 
ment, dit  M.  Moke  dans  son  Histoire  de  Belgique,  et  qui 
furent  d'abord  appelées  le  marquisat  des  Flandres,  dépas- 
saient à  l'O.  et  au  S.  les  limites  actuelles  de  la  Bel- 
gique (provinces  de  Flandre  orientale  et  de  Flandre  occi- 
dentale) et  comprenaient  la  partie  la  plus  septentrionale  de 
la  France  (presque  tout  ce  qui  forme  aujourd'hui  les  dép. 
du  Nord  et  du  Pas-de-Calais).  Ce  vaste  espace  renfermait 
plusieurs  pays  différents  :  le  vieux  territoire  des  Atrébates, 
avec  Arras  sa  capitale  ;  celui  des  anciens  Morins, 
avec  son  port  célèbre  de  Boulogne  ;  le  Mempisque  et  les 
diverses  localités  qui  en  dépendaient  sur  l'Escaut  et  la 
Lys;  enfin,  au  N.-E.,  le  pagus  de  Flandre  dont  Bruges  était 
la  grande  ville.  Ce  dernier  canton  était  le  moins  important 
par  lui-même,  et  l'on  croit  qu'il  tirait  son  nom  du  mot  com- 
posé Vlae-Land  qui  signifie  pays  inondé.  Cependant  ce  fut 
la  dénomination  de  comte  ou  marquis  de  Flandre  que  pri- 
rent Baudouin  et  ses  successeurs,  sans  doute  parce  que 
c'était  là  le  berceau  de  leur  souveraineté.  Il  semble,  en  effet, 
que  leurs  ancêtres  aient  commandé  depuis  longtemps  dans 
ce  district,  soit  sous  le  titre  de  comtes,  comme  l'indique 
l'histoire,  soit  sous  celui  de  forestiers  de  Flandre  que  leur 
donnent  nos  traditions.  Nos  chroniqueurs  comptaient  six 
générations  de  chefs  de  cette  race  avant  l'époux  de  Judith, 
ce  qui  ferait  remonter  l'origine  de  leur  grandeur  au  temps 
où  les  Frisons  avaient  été  refoulés  de  nos  provinces  par  les 
ancêtres  des  Carolingiens.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est  que 
la  renommée  de  Baudouin  était  déjà  bien  établie  avant  son 
mariage  et  qu'il  mérita  le  surnom  de  Bras  de  Fer  en  dé- 
fendant la  côte  contre  les  Normands.  »  Ce  prince,  en  effet, 
inspira  une  si  vive  terreur  aux  Normands,  que,  depuis  son 
mariage  jusqu'à  sa  mort  survenue  en  878,  ils  n'osèrent  pas 
débarquer  sur  les  côtes  flamandes,  rasées  pourtant  tous  les 
jours  par  de  nombreux  vaisseaux  amenant  les  pirates  du 
Nord,  au  pillage  des  contrées  méridionales.  Les  pays  gou- 
vernés par  Baudouin  appartenaient  pour  la  plus  grande  partie 
au  domaine  de  la  langue  flamande  ou  thioise,  qui  à  cette 


FLANDRE 


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époque  était  plus  étendu  qu'aujourd'hui  et  qui  s'étendait, 
paraît-il,  jusqu'aux  portes  d'Abbeville  ;  mais  une  petite 
fraction  du  pays  vers  l'E.  et  le  S.  fut  toujours  de  langue 
française. 

Le  comté  de  Flandre  demeura  vassal  du  royaume  de 
France  pendant  toute  la  durée  du  moyen  âge,  et  les  terri- 
toires flamands  appartenant  maintenant  à  la  Belgique  et  à 
la  Hollande  sont  les  seules  régions  (avec  le  comté  de  Bar- 
celone) qui,  comprises  au  traité  de  Verdun  dans  le  royaume 
des  Francs  occidentaux,  ne  fassent  pas  partie  de  la  France 
actuelle.  Il  y  a  eu  là  un  recul  de  l'influence  française.  La 
sécurité  relative  que  Baudouin  introduisit  dans  le  pays  per- 
mit à  la  richesse  de  se  développer.  Il  en  fut  de  même 
sous  les  divers  successeurs  de  ce  prince. 

Le  fils  de  Baudouin  portait  le  même  nom  que  lui.  Il  fut 
surnommé  le  Chauve.  Les  Normands  profitèrent  de  la  mino- 
rité du  nouveau  comte  pour  ravager  plusieurs  fois  la  Flandre. 
On  raconte  que  Rollon  fut  à  la  tête  d'une  de  ces  expéditions 
en  880.  Les  Normands  s'emparèrent  de  Gand  et  remontèrent 
l'Escaut  jusqu'à  Tournai  et  Condé  en  pillant  tout  sur  leur  pas- 
sage. Ce  fut  un  grand  désastre  pour  la  Flandre.  Lorsque  le 
jeune  Baudouin  fut  arrivé  à  l'âge  d'homme,  son  premier  soin 
fut  de  reprendre  les  traditions  militaires  qui  avaient  fait  la 
gloire  de  son  père.  Cela  lui  donna  une  grande  popularité  parmi 
ses  vassaux  qui  avaient  pour  lui  un  dévouement  sans  bornes, 
allant  chez  quelques-uns  d'entre  eux  jusqu'à  ne  pas  reculer 
devantle  crime,  pour  obéir  à  leur  seigneur.  Aidé  d'un  concours 
aussi  efficace,  Baudouin  débarrassa  définitivement  ses  do- 
maines des  Normands.  Quelques-uns  d'entre  eux  demandèrent 
des  terres  au  comte  et  le  servirent  désormais  fidèlement.  Bau- 
douin reconstruisit  les  villes  détruites  par  les  pirates  et, 
pour  mieux  affermir  son  autorité,  établit  dans  chaque  cité 
un  châtelain  investi  de  pouvoirs  étendus.  Ypres,  Courtrai, 
Bergues,  Gand  et  Bruges  furent  les  principales  de  ces  châ- 
tellenies.  Baudouin,  pendant  les  quarante  ans  de  son  règne, 
ménagea  peu  les  terres  des  églises  et  il  n'hésita  pas  à  faire 
assassiner  (an  900)  l'archevêque  de  Reims,  Foulque,  qui 
lui  avait  enlevé  les  abbayes  de  Saint-Bertin  et  de  Saint- 
Vaast.  Il  fit  aussi  la  guerre  au  roi  de  France,  sans  qu'aucun 
succès  bien  marqué  favorisât  l'un  ou  l'autre  des  adversaires. 
Baudouin  avait  épousé  une  fille  d'Alfred  le  Grand,  du  nom 
d'Eltrude  ;  il  en  eut  un  fils,    Arnoul ,    qui  lui  succéda 
en  918. 

Arnoul  le  Vieux,  ou  le  Grand,  fut  longtemps  un  allié 
fidèle  de  son  parent  Charles  le  Simple  et  le  soutint  dans 
toutes  ses  guerres  entre  les  vassaux  révoltés  et  notam- 
ment contre  Guillaume ,   duc  de  Normandie.   Lorsque  le 
roi  eut  été  fait  prisonnier  par  ses  ennemis,  c'est  Arnoul 
qui  implora  pour  lui  le  secours  d'Otton  le  Grand,  roi  de 
Germanie.  Celui-ci,  en  946,  vint  assiéger  Rouen,  mais  il 
échoua  dans  ce  siège  et,  mortifié,  il  tourna  sa  colère  contre 
Arnoul  qui  était  la  cause  de  cette  humiliation  et  il  vint  ra- 
vager la  Flandre.  Cette  leçon  servit  à  Arnoul  qui  renonça 
à  se  mêler  des  querelles  du  roi  de  France  et  s'occupa  uni- 
quement de  réparer  les  désastres  causés  en  Flandre  par 
l'invasion  d'Otton.  Puis,  par  une  de  ces  révolutions  fré- 
quentes au  moyen  âge,  il  résolut  de  consacrer  le  reste  de 
sa  vie  à  son  salut  :  il  restitua  aux  églises  les  biens  qu'il 
leur  avait  enlevés  et  remit  le  pouvoir  à  son  fils  Baudouin  III 
(958).  Pendant  un  court  règne  de  trois  ans,  Baudouin  III 
ne  se  livra  à  aucune  guerre  :  il  encouragea  la  fabrication  du 
drap  qui  commençait  déjà  à  être  la  principale  richesse  du 
pays  et  établit,  dit-on,  dans  les  principales  villes,  des  foires 
qui  devinrent  rapidement  des  plus  florissantes.  Baudouin 
étant  mort  en  pleine  jeunesse,  le  vieil  Arnoul  reprit  le  pou- 
voir et  tous  ses  efforts  tendirent  à  assurer  à  son  petit-fils, 
qui  s'appelait  aussi  Arnoul,  la  paisible  transmission  de 
l'héritage  paternel.  Il  se  rapprocha  du  roi  de  France  qui 
était  alors  Lothaire  et  lui  prêta  l'hommage  pour  son  comté, 
dans  l'espoir  de  donner  ainsi  un  appui  à  son  jeune  succes- 
seur. 

Les  appréhensions  du  vieil  Arnoul  se  réalisèrent  et  le 
jeune  Arnoul  eut  un  règne  peu  prospère  (964-988).  Il  se 


montra  toujours  l'ennemi  de  Hugues  Capet  et,  lorsque  ce 
dernier  fut  proclamé  roi,  il  refusa  de  le  reconnaître.  Il  y 
fut  contraint  par  la  force  et  cette  humiliation  lui  porta  le 
dernier  coup.  Il  mourut  au  moment  où  plusieurs  de  ses  vas- 
saux venaient  de  se  révolter  contre  lui.  Mais  son  fils  Bau- 
douin IV,  surnommé  le  Barbu,  devait  relever  les  affaires  du 
comté  et  lui  rendre  sa  force.  C'était  un  enfant  à  la  mort 
de  son  père.  Arrivé  à  l'âge  d'homme,  il  s'empara  d'abord  de 
Valenciennes,  ce  qui  lui  attira  une  guerre  avec  l'empereur, 
le  roi  de  France  et  le  duc  de  Normandie.  Mais  il  fut  assez 
habile  pour  l'emporter  sur  ces  trois  puissants  ennemis  coa- 
lisés (1005).  L'empereur,  l'année  suivante,  subit  un  nouvel 
échec  au  siège  de  Gand.  Baudouin  pourtant  consentit  à  se 
rendre  lui-même  à  Aix-la-Chapelle  pour  traiter  de  la  paix. 
L'empereur  lui  reconnut  la  possession  de  Valenciennes  et  lui 
céda  le  château  impérial  qui  se  trouvait  sur  la  rive  droite  de 
l'Escaut,  en  face  de  Gand,  et  tous  les  pays  qui  s'étendaient 
à  partir  de  cet  endroit  sur  le  bord  du  fleuve,  jusques  et  y 
compris  les  îles  de  la  Zélande .  Baudouin  le  Barbu  prêta  hom- 
mage en  échange  de  ces  fiefs  (1007).  C'est  l'origine  du  lien 
féodal  entre  les  comtes  de  Flandre  et  les  souverains  de 
l'Allemagne. 

Baudouin  IV  ne  cherchait  plus  qu'à  finir  ses  jours  en 
paix,  mais  il  fut  troublé  dans  sa  tranquillité  par  une 
révolte  de  son  fils,  Baudouin  de  Lille,  ainsi  nommé, 
parce  que,  croit-on,  il  était  né  dans  cette  ville.  En  tous 
cas,  ce  fut  le  lieu  de  sa  prédilection;  il  l'agrandit  et  l'em- 
bellit, et  en  fit  sa  résidence  ordinaire.  Le  jeune  Baudouin 
avait  épousé  Adèle,  fille  de  Robert,  roi  de  France.  Ce  der- 
nier intervint  pour  réconcilier  le  père  et  le  fils.  La  paix 
fut  jurée  à  Audenarde  dans  une  grande  assemblée.  Un  fait 
assez  notable  se  produisit.  Un  grand  nombre  de  reliques 
avaient  été  apportées  pour  augmenter  la  solennité  du  ser- 
ment :  la  première  place  fut  donnée  aux  reliques  de  saint 
Gérulphe,  parce  que  c'était  le  seul  qui  fût  un  saint  fla- 
mand. Ainsi  dans  ce  simple  détail  se  manifestait  l'esprit 
orgueilleusement  particulariste  et  jalousement  national  du 
peuple  des  Flandres. 

Baudouin  de  Lille,  qui  avait  pourtant  commencé  sa  carrière 
par  une  révolte,  fut  peut-être  le  plus  grand  des  princes  de 
la  lignée  de  Baudouin  Bras  de  Fer.  Toute  la  première  par- 
tie de  son  règne  fut  employée  à  lutter  avec  succès,  soit  contre 
le  comte  de  Frise  et  de  Hollande,  Thierry  IV,  soit  contre 
l'empereur  Henri  III.  Dans  cette  dernière  lutte,  Baudouin  eut 
pour  allié  presque  constant  son  cousin  Godefroy  le  Coura- 
geux, duc  de  Basse-Lorraine.  Ces  guerres,  destinées  à  ac- 
croître les  domaines  du  comte  de  Flandre,  ne  détournaient  pas 
ce  dernier  des  autres  moyens  propres  à  augmenter  ses  pos- 
sessions. Il  maria  son  fils  à  Richilde,  l'unique  héritière  du 
comte  de  Hainaut,  et  joignit  ainsi  une  riche  province  à  ses 
territoires  patrimoniaux.  Sur  la  fin  de  sa  vie,  Baudouin  de 
Lille  devint  pacifique  à  un  tel  point  qu'il  mérita  les  sur- 
noms de  Débonnaire  et  de  Pieux.  Le  roi  de  France  Henri  Ier 
avait  une  telle  confiance  dans  la  sagesse  de  Baudouin,  que, 
se  sentant  près  de  mourir,  il  confia  au  comte  de  Flandre  la 
régence  du  royaume  pendant  la  minorité  de  Philippe  Ier. 
Baudouin  de  Lille  remplit  ces  fonctions  avec  habileté  pen- 
dant six  ans  (1061-1067).  Il  mourut  en  1067,  laissant  la 
Flandre  et  le  Hainaut  à  son  fils  aîné  Baudouin  de  Mons. 

Baudouin  de  Mons  fut  ainsi  nommé  parce  que  depuis  son 
mariage  il  habitait  la  capitale  du  Hainaut.  Son  gouverne- 
ment ne  dura  que  trois  ans,  mais  il  fut  si  vigilant  que, 
d'après  les  chroniqueurs,  «  les  voyageurs  purent  marcher 
sans  armes,  et  les  habitants  laisser  leurs  maisons  ouvertes  ». 
Peu  avant  sa  mort,  se  sentant  malade  et  prévoyant  une 
fin  prochaine,  il  convoqua  une  grande  assemblée  à  Aude- 
narde et  fit  jurer  aux  nobles  et  aux  représentants  des  villes 
fidélité  à  son  fils.  Puis  il  confia  la  régence  de  la  Flandre, 
non  à  sa  femme  Richilde,  qu'il  jugeait  trop  différente  d'esprit 
des  Flamands,  mais  à  son  propre  frère  Robert,  dit  le  Frison, 
depuis  qu'il  avait  épousé  la  comtesse  Gertrude  de  Frise, 
veuve  de  Florent  Ier.  Richilde,  profitant  de  difficultés  que 
Robert  avait  dans  la  Frise,  s'empara  de  la  Flandre,  avec 


—  569  — 


FLANDRE 


l'aide  de  son  troisième  mari,  un  Normand,  Guillaume,  fils 
d'Obbern.  Mais  quoiqu'elle  eût  obtenu  l'appui  du  roi  de 
France  moyennant  une  grosse  somme  d'argent,  les  villes 
et  villages  de  la  Flandre  flamingante,  irrités  de  ses  exac- 
tions, prirent  les  armes  et  proclamèrent  Robert  le  Frison. 
Les  pays  de  Flandre  française  restèrent  fidèles  à  Richilde, 
qui,  malgré  les  secours  fournis  par  le  roi,  fut  vaincue  à 
Cassel.  Cette  victoire  affermit  le  comté  de  Flandre  aux 
mains  de  Robert;  Baudouin,  fils  de  Richilde, garda  le  Hai- 
naut. La  Flandre  et  le  Hainaut  furent  donc  de  nouveau 
séparés.  Mais  le  clergé  demeurait  fidèle  à  Baudouin,  car 
Robert,  quoique  religieux,  opprimait  les  églises,  exigeait 
des  clercs  les  mêmes  impôts  que  des  laïques,  et  voulut  im- 
poser un  évêque  au  siège  de  Thérouanne.  Des  révoltes 
éclatèrent,  mais  saint  Arnould,  évêque  de  Noyon  et  de 
Tournai,  à  l'instigation  du  pape  Grégoire  VII,  réconcilia 
l'oncle  et  le  neveu,  et  décida  Robert  le  Frison  à  partir  pour 
un  pèlerinage  en  Terre  sainte.  Il  y  passa  trois  ans  (4086- 
4  089).  Robert  le  Frison  mourut  quatre  ans  après  son  retour 
de  Palestine  (1093),  dans  la  ville  de  Cassel,  auprès  de  la- 
quelle il  avait  remporté  sa  plus  grande  victoire. 

Robert  de  Jérusalem,  fils  aîné  de  Robert  le  Frison,  suc- 
céda à  son  père  :  il  commença  par  refuser  à  l'empereur 
l'hommage  qu'il  lui  devait  pour  ses  terres  situées  au  delà 
de  l'Escaut.  Le  nouveau  comte  passa  la  plus  grande  par- 
tie de  son  existence  en  Palestine.  Il  prit  une  très  grande 
part  à  la  première  croisade  avec  Godefroy  de  Bouillon  :  il 
fut  même  le  premier  à  qui  on  offrit  le  trône  de  Jérusalem. 
Il  le  refusa  et  fut  presque  le  seul,  parmi  les  principaux 
chefs,  qui  ramena  ses  guerriers  dans  leur  pays.  A  son 
retour,  il  fut  obligé  de  se  défendre  contre  les  entreprises 
de  l'empereur  Henri  IV  et  de  Baudouin  III,  petit-fils  de 
Richilde,  qui  cherchait  à  faire  valoir  ses  droits  sur  la 
Flandre.  Il  les  repoussa  avec  succès  grâce  à  l'enthousiasme 
de  ses  sujets  qui  le  chérissaient  à  cause  de  son  amour  pour 
la  justice.  Malheureusement,  il  voulut  aider  son  suzerain, 
Louis  VI  le  Gros,  dans  sa  guerre  contre  le  roi  d'Angleterre, 
et  périt  au  siège  de  la  ville  de  Meaux  par  suite  de  la  chute 
d'un  pont  dont  il  voulait  forcer  le  passage  et  qui  s'écroula 
sous  les  pas  des  combattants  (1144). 

Il  eut  pour  successeur  son  fils  Baudouin  VII,  surnommé 
Baudouin  à  la  Hache.  Ce  fut  un  justicier  redoutable.  Dès  le 
début  de  son  règne,  il  fit  de  nouveau  jurer  laPaix  de  Flandre, 
qui  interdisait  toute  violence  illégale  d'un  Flamand  envers 
un  autre  Flamand,  quelle  que  fût  leur  position  sociale.  Il  fit 
pendre  devant  lui,  dans  son  château  de  Winendale,  dix 
chevaliers  qui  avaient  violé  leur  serment,  et,  pour  le  même 
motif,  un  autre  gentilhomme  fut  jeté  dans  une  chaudière 
d'eau  bouillante.  Malheureusement,  il  mourut  à  l'âge  de 
vingt-sept  anst(44  49).  Guillaume  de  Normandie,  qui  avait  été 
dépouillé  de  son  duché  par  son  oncle  le  roi  d'Angleterre, 
Henri  Ier  Beauclerc,  s'était  réfugié  auprès  de  Baudouin. 
Celui-ci  voulut  défendre  les  droits  de  son  protégé;  mais, 
au  siège  du  château  d'Eu,  il  reçut  une  flèche  au  bas  du 
front  et  mourut  des  suites  de  cette  blessure. 

Baudouin  VII,  n'ayant  pas  d'enfants,  avait  désigné  pour 
son  successeur  un  de  ses  cousins,  fils  d'une  sœur  de  Ro- 
bert de  Jérusalem  et  de  Canut  IV,  roi  de  Danemark.  Il  se 
nommait  Charles,  et  fut  surnommé  le  Bon.  Il  s'était  tou- 
jours montré  le  fidèle  ami  de  Baudouin  VII,  et  pourtant  il 
eut  deux  compétiteurs  pour  la  possession  du  comté,  d'une 
part  Baudouin  III  de  Hainaut,  qui  cherchait  toujours  à  faire 
valoir  ses  droits,  et  de  l'autre  Guillaume  d'Ypres,  fils  na- 
turel d'un  frère  de  Robert  de  Jérusalem.  Il  les  vainquit  et, 
maître  incontesté  du  comté,  il  chercha  à  détruire  les  der- 
niers restes  de  l'indépendance  des  seigneurs,  ce  qui  le 
rendit  cher  aux  paysans  et  aux  bourgeois  des  villes.  Sa 
renommée  devint  tellement  universelle  que  les  barons  de 
Jérusalem  lui  offrirent  le  trône  et  que  les  princes  d'Alle- 
magne voulurent  l'élever  à  l'Empire  (4425).  Il  refusa  ces 
deux  offres.  Il  périt  victime  de  ses  bonnes  qualités.  Dans  la 
famine  de  4425,  il  fit  saisir  les  grains,  accaparés  par 
quelques  riches  monopoleurs,  et  les  vendit  à  bas  prix  au 


peuple.  De  plus,  il  voulut  diminuer  les  pouvoirs  delà  puis- 
sante famille  des  châtelains  de  Bruges.  Ceux  qu'il  ruinait 
ainsi  résolurent  de  se  venger  et  le  massacrèrent  dans 
l'église  de  Saint-Donat  de  Bruges.  (2  mars  4427). 

A  cette  nouvelle,  toute  la  Flandre  s'émut.  Les  bourgeois 
de  Bruges,  auxquels  se  joignirent  bientôt  ceux  des  villes 
environnantes,  allèrent  assiéger  les  assassins  dans  le  château 
fortde  la  ville  où  ceux-ci  s'étaient  réfugiés.  Aprèsune  longue 
résistance,  les  coupables  furent  obligés  de  se  rendre  et 
périrent  dans  les  supplices.  Charles  fut  placé  au  nombre 
des  saints,  et  ses  reliques  furent  soigneusement  recueillies 
comme  celles  d'un  martyr.  Comme  il  n'avait  pas  d'héritiers 
directs,  sa  succession  donna  lieu  aux  plus  vives  contesta- 
tions. Naturellement,  Guillaume  d'Ypres  et  Baudouin IV  de 
Hainaut  essayèrent  de  faire  revivre  leurs  anciennes  pré- 
tentions, mais  elles  furent  repoussées.  Le  roi  de  France, 
Louis  le  Gros,  convoqua  à  Arras  toute  la  noblesse  et  lui  pré- 
senta comme  seigneur  Guillaume  de  Normandie  qui  avait 
jadis  été  recueilli  et  protégé  par  Baudouin  a  la  Hache.  Ce 
Guillaume  était  l'arrière-petit-fils  de  Baudouin  de  Lille.  Il 
tenait  donc  à  la  maison  de  Flandre,    mais  il  y  avait  des 
héritiers  beaucoup  plus  proches  que  lui;  il  dut  pour  se 
faire  reconnaître  par  les  nobles  leur  promettre  de  leur 
partager  les  biens  des  meurtriers  de  Charles  le  Bon.  Quant 
aux  bourgeois,  le  roi  leur  écrivit  lui-même  pour  leur  pro- 
mettre au  nom  du  comte  l'abolition  de  l'impôt  sur  les  mar- 
chandises et  des  redevances  des  maisons.  A  Bruges,  en 
présence  des  deux  princes,  on  fit  lecture  publique  des  an- 
ciens privilèges  de  l'Eglise  et  des  actes  de  cession  de  l'impôt 
et  des  redevances.  Le  roi  et  le  comte  jurèrent  sur  les  reliques 
d'observer  ces  conditions,  et  ce  dernier  reçut  alors  l'hommage 
des  bourgeois.  Mais  Guillaume,  désireux  de  se  procurer  de 
l'argent  pour  essayer  de  reconquérir  son  duché  de  Normandie, 
non  seulement  ne  tint  pas  ses  promesses  au  sujet  de  l'aboli- 
tion des  impôts,  mais  viola  les  privilèges  des  villes  auxquelles 
ses  officiers  voulaient  imposer  une  exaction  arbitraire.  Lille 
et  Saint-Omer  s'étant  révoltés,  il  les  châtia  cruellement.  Mais 
il  n'en  fut  pas  de  même  à  Gand.  Daniel  de  Termonde  et 
Iwan  d'Alost  se  mirent  à  la  tète  des  Gantois  qui  n'avaient 
jamais  obéi  au  comte  qu'à  regret,  parce  qu'il  n'était  pas  le 
direct  héritier  de  Flandre.  «  Une  assemblée  publique  ayant 
eu  lieu,  dit  Moke,  Iwan  et  Daniel  reprochèrent  à  Guillaume 
d'avoir  violé  ses  serments,  que  les  seigneurs  avaient  ga- 
rantis aux  bourgeois  et  dont  ils  s'étaient  eux-mêmes  rendus 
cautions.  Ils  lui  proposèrent  de  convoquer  à  Ypres,  comme 
au  centre  du  pays,  la  noblesse  et  les  chefs  du  clergé  et  du 
peuple,  et  de  faire  décider  par  cette  assemblée  s'il  pouvait 
conserver  le  comté  «  avec  honneur  »,  ou  s'il  devait  y 
renoncer  comme  parjure.  Le  prince  accepta  cet  arbitrage  : 
mais  il  réunit  autour  de  la  ville  de  grandes  forces  (prin- 
cipalement ses  vassaux  de  la  Flandre  gallicane),  et  les 
députés  gantois  n'osèrent  se  fier  à  lui.  Gand  et  Bruges 
renoncèrent  à  son  obéissance  et  reconnurent  pour  comte 
Thierry  d'Alsace,  le  plus  proche  parent  de  Charles  le  Bon. 
Thierry  était  le  petit-fils  de  Robert  le  Frison.  Jeune  en- 
core et  plein  de  courage,  il  accourut  sans  balancer  pour 
soutenir  ses  droits,  et  presque,  toute  la  Flandre  flamin- 
gante embrassa  son  parti  (4428).  »  Le  roi  de  France 
envoya  des  députés  pour  protester  contre  l'élection  de 
Thierry  d'Alsace.  Les  bourgeois  de  Bruges,  réunis  sur  le 
marché  du  Vendredi,  leur  répondirent  :  «  Le  roi  est  un 
parjure  et  son  protégé,  Guillaume  de  Normandie,  s'est  rendu 
par  ses  exactions  indigne  de  la  couronne  comtale.  Nous 
avons  fait  choix  du  comte  qui  nous  convient  et  il  n'appar- 
tient pas  au  roi  de  France  de  s'opposer  à  ce  choix.  A  nous 
seuls,  peuple  et  noblesse  de  Flandre,  revient  le  droit  d'élire 
notre  souverain.  »  Bien  que  toute  la  Flandre  flamingante 
eût  pris  le  parti  de  Thierry,  celui-ci  n'eut  sans  doute  pas 
pu  résister  aux  nombreuses  forces  de  Guillaume.  Mais  ce 
dernier  fut  tué  au  siège  d'Alost,  et  Thierry  fut  alors  reconnu 
par  le  roi.  Il  gouverna  avec  sagesse  et  fit  quatre  fois  le 
voyage  de  Terre  sainte  ;  il  prit  notamment  part  à  la 
seconde  croisade  .Baudouin  IV  de  Hainaut  essaya  plusieurs 


FLANDRE 


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fois  de  se  substituer  à  lui.  Les  deux  princes  résolurent 
enfin  de  faire  cesser  ces  continuelles  querelles.  Ils  fiancèrent 
leurs  deux  enfants,  Marguerite  d'Alsace,  fille  de  Thierry, 
et  Baudouin,  dit  plus  tard  Baudouin  le  Courageux,  fils 
aîné  de  Baudouin  IV.  Les  deux  ennemis  vécurent  depuis 
lors  en  bonne  intelligence.  Thierry  aida  encore  le  roi  de 
France  contre  les  Normands  et  mourut  en  4468,  au  mo- 
nastère de  Waten. 

Son  fils  Philippe  gouvernait  le  comté  depuis  plus  de  dix 
ans,  quand  il  succéda  à  son  père.  Il  avait  déjà  forcé  le 
comte  de  Hollande  à  renoncer  aux  droits  de  péage  pour 
l'entrée  de  la  Meuse.  Ce  comte,  du  nom  de  Florent,  dut 
même  accorder  des  privilèges  particuliers  dans  ses  Etats, 
aux  marchands  de  Flandre,  et  fut  obligé  de  se  reconnaître 
îe  vassal  de  Philippe  pour  les  îles  de  la  Zélande.  Philippe 
fit  encore  la  guerre  avec  le  roi  d'Angleterre  Henri  II  qui 
dut  lui  payer  un  tribut  annuel  de  mille  marcs  d'argent. 
Il  se  rendit  ensuite  en  Terre  sainte. 

Philippe  d'Alsace  fut  le  parrain  et  le  tuteur  de  Philippe- 
Auguste,  roi  de  France.  Mais  le  roi  ayant  grandi,  le  tuteur 
et  le  papille  ne  s'entendirent  plus,  et  pendant  plusieurs 
années  ils  vécurent  en  hostilité,  mais  se  réconcilièrent 
(4186),  et  même  Philippe  d'Alsace  accompagna  Philippe- 
Auguste  et  Richard  Cœur  de  Lion  à  la  troisième  croisade. 
Les  soldats  français  portaient  une  croix  rouge,  les  Anglais 
une  croix  blanche  ;  Philippe  voulut  que  ses  Flamands  por- 
tassent une  croix  verte,  pour  montrer  que  la  Flandre  était 
une  nation  distincte  et  non  un  simple  fief.  Le  comte  de 
Flandre  tomba  malade  en  arrivant  devant  Saint- Jean- d'Acre 
et  mourut  en  4494. 

Sa  sœur  Marguerite  et  son  beau-frère,  Baudouin  le  Cou- 
rageux de  Hainaut,  se  hâtèrent  de  prendre  possession  du 
comté.  Les  villes  les  reconnurent.  Mais  deux  officiers  du  roi 
de  France  arrivèrent  pour  occuper  en  hâte  la  Flandre,  sous 
prétexte  que  c'était  un  fief  qui  devait  retourner  à  la  cou- 
ronne à  défaut  d'héritiers  mâles  de  Philippe  d'Alsace.  Bau- 
douin et  Marguerite  consentirent  à  transiger  :  ils  cédèrent  au 
roi  les  territoires  qui  formèrent  plus  tard  le  comté  d'Artois. 
Henri  de  Brabant,  qui  avait  épousé  une  nièce  de  Philippe 
d'Alsace,  essaya  de  profiter  du  mécontentement  causé  par 
ce  démembrement,  mais  il  fut  battu  par  Baudouin  qui  ne 
survécut  pas  longtemps  à  sa  victoire,  pas  plus  que  sa  femme 
Marguerite.  Ils  eurent  pour  successeur,  en  Flandre  et  en 
Hainaut,  leur  fils,  qui  devint  célèbre  comme  empereur  de 
Constantinople.  Il  s'appelait  aussi  Baudouin  (V.  Baudouin 
et  Constantinople). 

Baudouin  essaya  d'obtenir  de  Philippe-Auguste  une  res- 
titution des  territoires  qui  avaient  été  cédés  au  roi.  N'y  par- 
venant pas  par  la  persuasion,  il  engagea  la  guerre.  Philippe- 
Auguste,  cerné  avec  son  armée  dans  des  terrains  marécageux, 
près  d'Ypres ,  dut  promettre  tout  ce  qu'on  lui  demandait. 
Mais,  devenu  libre,  il  déclara  que  le  roi  de  France  n'était 
pas  lié  par  une  promesse  faite  à  un  vassal  rebelle;  pour- 
tant, à  la  suite  d'une  guerre,  il  dut  restituer  à  la  Flandre 
la  partie  septentrionale  du  territoire  qu'il  lui  avait  enlevé. 
Sur  ces  entrefaites,  Baudouin  partit  pour  la  quatrième  croi- 
sade. Il  fut  tué  par  les  Bulgares  en  4206.  Avec  lui 
s'éteignit  la  maison  de  Flandre.  Sa  fille  Jeanne  lui  suc- 
céda. Philippe-Auguste  l'obligea  à  épouser  Ferrand  de  Por- 
tugal, et  se  fit  céder  de  force  Aire  et  Saint-Omer.  Ferrand, 
qui  d'abord  avait  été  dévoué  au  roi,  fut  obligé  de  se  dé- 
tourner de  lui  pour  acquérir  l'affection  de  ses  nouveaux 
sujets  irrités  de  la  politique  de  Philippe-Auguste.  Mais  le 
roi  le  prévint  et  s'empara  de  toutes  les  villes  de  Flandre. 
Ferrand  se  retira  en  Zélande  d'où  il  revint  pour  prendre 
part  à  la  bataille  de  Bouvines  ;  il  y  fut  fait  prisonnier  et 
demeura  douze  ans  emprisonné  dans  la  tour  du  Louvre.  Sa 
femme  Jeanne  vint  traiter  avec  Philippe-Auguste  qui,  plus 
modéré  qu'on  eût  pu  l'espérer,  lui  laissa  ses  Etats,  en  exi- 
geant seulement  la  démolition  des  remparts  de  Lille  et  de 
Valenciennes  ;  mais  la  puissance  des  comtes  de  Flandre  venait 
de  recevoir  le  coup  le  plus  rude  dont  elle  eût  été  encore 
frappée. 


Le  règne  de  Jeanne  fut  désastreux.  Elle  refusa  de  ver- 
ser les  50,000  livres  exigées  comme  rançon  pour  son 
mari  et  préféra  garder  le  pouvoir  ;  mais  le  peuple  lui 
obéissait  peu  volontiers.  Après  la  mort  de  Ferrand,  elle 
épousa  Thomas  de  Savoie  qui,  pendant  les  sept  ans  que  dura 
son  mariage,  se  concilia  l'affection  des  Flamands  en  leur 
accordant  de  nombreux  privilèges. 

Marguerite,  qui  succéda  à  sa  sœur  Jeanne  en  1244,  avait 
été  d'abord  mariée  à  Bouchard  d'Avesnes  dont  elle  eut  deux 
enfants  ;  mais  son  mariage  fut  annulé  et  elle  rejeta  toute 
son  affection  sur  son  second  mari,  Guillaume  de  Dampierre, 
et  les  enfants  qu'elle  en  eut.  Elle  aurait  voulu  que  l'on  dé- 
clarât enfants  naturels  les  deux  fils  nés  de  son  mariage  avec 
Bouchard.  Le  pape  n'y  consentit  pas.  Mais  le  roi  de  France, 
saint  Louis,  déclara  que  le  comté  de  Flandre  reviendrait 
au  fils  aîné  de  Guillaume  de  Dampierre,  tandis  que  Jean 
d'Avesnes  n'aurait  que  le  Hainaut.  Marguerite  fit  tant  de 
concessions  aux  bourgeois  des  villes  que  ceux-ci  lui  décer- 
nèrent le  nom  de  Bonne  Comtesse.  La  puissance  des  comtes 
était  bien  déchue.  Jusqu'à  ce  moment,  ils  avaient  exercé 
un  grand  pouvoir.  Nobles,  paysans,  bourgeois,  malgré  des 
révoltes  passagères,  leur  étaient  demeurés  fidèles.  Mainte- 
nant la  puissance  passe  aux  mains  des  bourgeois.  Et,  à 
l'alliance  avec  la  France  qui  avait  déjà  reçu  un  rude  coup 
des  procédés  de  Philippe-Auguste,  va  se  substituer  l'alliance 
avec  l'Angleterre  et  l'hostilité  la  plus  violente  envers  les 
rois  capétiens. 

Sous  la  domination  des  comtes  de  la  lignée  de  Baudouin 
Bras  de  Fer,  une  véritable  nationalité  flamande  s'était  cons- 
tituée. Le  pays  avait  évité  tout  morcellement  et  toute  anar- 
chie. Le  pouvoir  des  comtes  s'était  solidement  affermi  et 
avait  su  imposer  la  paix  à  la  turbulence  des  nobles.  Les 
villes  se  multipliaient  et  s'agrandissaient.  Le  livre  des  mi- 
racles de  saint  Bavon  parle  de  la  ville  de  Gand  comme 
d'une  cité  très  florissante,  puissante  par  ses  pêcheries 
et  son  commerce  maritime.  Les  baleiniers  gantois  trou- 
vaient dans  la  mer  du  Nord  des  baleines  en  abondance  et 
contribuaient  pour  une  large  part  à  la  prospérité  de  la  ville. 
Mais  Bruges  était  encore  très  supérieure  à  Gand  et,  au 
xie  siècle,  un  écrivain  anglais  nous  dit  que  c'était  un  port 
merveilleusement  renommé  pour  la  multitude  des  marchands 
qui  s'y  trouvaient  et  pour  l'abondance  de  tout  ce  que  le 
monde  renfermait  de  matières  précieuses  ;  Bruges  était 
surtout  un  grand  port  d'entrepôt  et  d'échanges  ;  c'est  là 
que  se  rencontraient  d'une  part  les  vaisseaux  génois,  pi- 
sans,  vénitiens,  catalans,  provençaux,  apportant  les  denrées 
de  la  Méditerranée,  de  l'Egypte,  de  la  Syrie  et  de  l'Asie, 
et  d'autre  part  les  négociants  et  les  navires  de  la  Hanse 
qui  venaient  chercher  ces  marchandises  précieuses  pour 
les  répandre  dans  le  Nord.  Les  marchands  hanséatiques, 
de  leur  côté,  apportaient  les  bois  du  Nord,  l'ambre  de  la 
Baltique,  les  pelleteries.  Bruges  était  donc  une  des  villes 
les  plus  riches,  les  plus  animées  et  les  plus  curieuses  de 
la  chrétienté.  Et  sans  doute  nulle  part,  à  cette  époque,  ne 
se  rencontrait  pareil  mélange  de  populations,  car  pendant 
longtemps  les  marins  méditerranéens  ne  remontèrent  pas 
plus  haut  et  les  marins  hanséates  ne  descendirent  pas 
plus  bas. 

Les  paysans,  eux  aussi,  avaient  obtenu  une  grande  indé- 
pendance, presque  aussi  grande  que  celle  des  villes.  Ils 
avaient  de  bonne  heure  pris  l'habitude  de  s'associer,  poussés 
qu'ils  étaient  par  la  nécessité  de  réunir  leurs  efforts  dans 
le  but  de  construire  des  digues  destinées  à  protéger  les 
basses  plaines  contre  l'envahissement  des  eaux,  et  de  dessé- 
cher les  marais. 

Les  communes  et  les  campagnes,  tant  qu'elles  avaient 
eu  à  leur  tête  des  princes  braves,  sages,  respectueux  de 
leurs  droits  et  de  leurs  besoins,  avaient  obéi  facilement, 
d  autant  mieux  que  la  famille  de  Baudouin  Bras  de  Fer  ins- 
pirait un  véritable  attachement  à  tous  les  Flamands.  Mais 
lorsque  cette  famille  fut  éteinte,  lorsque  les  comtes  furent 
de  plus  devenus  incapables  et  seulement  désireux  de  se 
procurer  de  l'argent  pour  la  satisfaction  de  leurs  besoins 


fastueux,  les  riches  communes  et  les  campagnards  opu- 
lents refusèrent  d'obéir  et  prétendirent  être  assez  sages  et 
assez  instruits  pour  se  diriger  eux-mêmes.  Et  il  faut  bien 
avouer  que  parfois  la  politique  imprudente  et  agressive  de 
la  cour  du  roi  de  France  contribua  à  irriter  et  à  exaspérer 
les  bourgeois. 

Les  rois  de  France  et  notamment  Philippe  le  Bel  crurent 
habile  d'abord  de  soutenir  les  villes  contre  les  comtes  ;  ils 
s'imaginaient  que  plus  tard  les  bourgeois  ne  pourraient  pas 
leur  résister,  mais  ils  faisaient  un  mauvais  calcul;  les  ha- 
bitants d'Ypres,  de  Gourtrai,  de  Gand,  de  Bruges,  qui 
repoussaient  l'autorité  de  leur  comte,  n'étaient  pas  disposés 
du  tout  à  se  soumettre  à  l'autorité  du  roi. 

Seconde  période  féodale.  De  V avènement  de  Gui 
de  Dampierre  {1280)  à  la  pacification  de  Tournai 
(1387).  La  lutte  commença  sous  Gui  de  Dampierre,  suc- 
cesseur de  Marguerite  de  Constantinople,  à  propos  des 
échevins  de  Gand.  L'autorité  des  échevins  s'était  déve- 
loppée à  mesure  que  les  villes  acquiéraient  plus  d'indépen- 
dance. Ils  étaient,  en  général,  nommés  à  vie  et  apparte- 
naient toujours  au  patriciat  commerçant.  Leur  autorité 
était  sans  limite  ;  ils  n'avaient  de  compte  à  rendre  ni  au 
peuple,  ni  à  leur  souverain  ;  ils  étaient  les  capitaines  des 
milices.  Aussi  la  petite  bourgeoisie  supportait-elle  avec 
peine  leur  pouvoir,  et  les  deux  dernières  comtesses  avaient 
essayé  à  différentes  reprises  de  remédier  à  cet  état  de 
choses  ;  c'est  ce  qui  contribua  beaucoup  à  la  popularité  de 
Jeanne  et  de  Marguerite. 

Les  échevins  de  Gand  s'appelaient  les  XXXIX  ;  ils  étaient 
divisés  en  trois  classes  de  treize  chacune,  dont  Tune  se 
reposait  une  année,  tandis  que  les  deux  autres  gouver- 
naient. Gui  de  Dampierre  les  accusa  de  concussion  et  voulut 
les  supprimer,  mais  les  échevins  firent  appel  à  Philippe  le 
Hardi  qui  les  rétablit.  Cependant  de  nouveaux  conflits  s'éle- 
vèrent et  la  cour  du  roi  condamna  les  échevins  à  soixante 
mille  livres  d'amende.  Gui,  se  croyant  assuré  de  l'appui 
royal,  voulut  alors  agir  de  même  contre  l'échevinage  de 
Bruges.  Mais  le  roi  avait  changé  en  France  et  Philippe  le 
Bel,  qui  avait  succédé  à  Philippe  le  Hardi,  prit  ouverte- 
ment parti  pour  les  échevins.  A  partir  de  ce  moment,  le  roi 
et  le  comte  se  prirent  d'une  haine  farouche  qui  se  déguisait 
pourtant  sous  des  dehors  de  courtoisie.  Mais  Gui  de  Dam- 
pierre se  laissa  séduire  par  les  belles  paroles  du  roi  et  vint 
lui  présenter  sa  fille  Philippine  qui  allait  épouser  le  fils 
d'Edouard  Ier  d'Angleterre.  Philippe  le  Bel,  manquant  à 
sa  parole,  retint  prisonnier  Gui  et  sa  fille.  IL  traduisit  le 
comte  devant  sa  cour  comme  coupable  de  trahison  ;  la 
cour  acquitta  l'accusé  et  Philippe  dut  relâcher  le  comte  en 
retenant  Philippine  comme  otage. 

Gui,  furieux,  fit  alliance  avec  Edouard  d'Angleterre, 
l'empereur  Adolphe  de  Nassau,  l'archiduc  Albert  d'Au- 
triche, le  duc  Jean  II  de  Brabant,  les  comtes  de  Hollande, 
de  Juliers  et  de  Bar.  Puis  comptant  sur  ces  alliances,  il 
déclara  qu'il  ne  reconnaissait  plus  la  suzeraineté  du  roi  de 
France.  Celui-ci  répondit  en  prononçant  la  confiscation  de 
la  Flandre  (janv.  4297).^ 

Gui  de  Dampierre  avait  trop  présumé  de  ses  forces  :  il 
fut  abandonné  de  ses  alliés  ;  les  communes  qui  ne  l'aimaient 
pas  le  soutinrent  mal,  et  l'armée  française,  commandée 
par  le  frère  du  roi,  Charles  de  Valois,  occupa  le  comté. 
Gui  fut  de  nouveau  fait  prisonnier.  Le  patriciat  commer- 
çant, heureux  d'être  débarrassé  du  comte,  et  en  même 
temps  d'être  confirmé  dans  ses  privilèges,  accepta  assez 
facilement  la  conquête.  Le  roi  ayant  fait  un  voyage  dans 
le  comté,  y  fut  bien  accueilli.  C'est  pendant  ce  voyage 
que  la  reine  Jeanne  de  Navarre,  jalouse  de  voir  la  richesse 
de  la  parure  et  de  la  toilette  des  femmes  des  grands 
marchands  de  Bruges,  prononça  les  paroles  si  souvent 
citées  pour  témoigner  de  l'opulence  flamande  :  «  Je  me 
croyais  seule  reine  ici,  mais  j'en  aperçois  mille  autres  au- 
tour de  moi.  » 

Toutefois,  les  petites  gens  voyaient  avec  peine  que  la 
tyrannie  royale  et  celle  des  grands  bourgeois  pesaient  de 


—  571  -  FLANDRE 

plus  en  plus  lourdes  sur  eux;  ils  étaient  mécontents  de 
n'appartenir  plus  à  un  peuple  indépendant  et  distinct.  «  Ils 
craignaient  d'être  traités  comme  dans  les  provinces  fran- 
çaises dont  les  habitants  étaient  serfs.  »  Au  mois  de  mai 
4302  éclata  une  révolte  générale.  Pierre  de  Konynck, 
doyen  des  tisserands,  et  Jean  Breydel,  doyen  des  bouchers, 
se  mirent  à  la  tête  des  Brugeois  ;  toutes  les  villes  imitèrent 
Bruges.  Les  garnisons  françaises  ne  purent  garder  que 
Gand  et  Lille.  Bientôt  les  fils  de  Gui  de  Dampierre,  qui 
avaient  reparu  dans  le  pays  au  premier  bruit  de  ces  ré- 
voltes, commandèrent  à  une  armée  de  vingt  mille  fantas- 
sins, arbalétriers  et  piquiers.  Les  nobles  demeuraient  du 
parti  du  roi  de  France,  dont  l'armée  était  commandée  par 
son  beau-frère  Robert  d'Artois.  Quoique  supérieures  en 
nombre  et  en  armement  aux  troupes  flamandes,  les  troupes 
françaises  furent  complètement  battues  à  Courtrai  (44  juil. 
4302).  Ce  fut  une  défaite  sans  précédent  dans  la  chevalerie 
française.  Les  villes  encore  occupées  par  les  garnisons 
royales  durent  capituler  et  Phillippe  le  Bel  perdit  complè- 
tement sa  conquête.  Il  essaya  de  négocier,  mais  sans  désir 
de  réussir.  Pendant  ce  temps,  il  réunit  une  escadre  et  une 
nouvelle  armée.  La  flotte  flamande  fut  vaincue  à  Zérickzee 
(43  août  4304)  par  les  galeries  génoises  au  service  du  roi. 

Le  roi  se  mit  lui-même  à  la  tête  de  son  armée  et,  à 
Mons-en-Puelle  (48  août  4304),  vengea  la  défaite  de  Cour- 
trai ;  mais  la  puissance  flamande  ne  fut  pas  abattue.  Des 
négociations  s'ouvrirent.  Les  Flamands  obtinrent  le  main- 
tien de  leurs  anciens  privilèges,  la  liberté  de  leurs  prison- 
niers, le  droit  de  fortifier  leurs  villes  et  la  restitution  des 
contrées  flamandes  encore  occupées  par  le  roi.  En  revanche, 
ils  payèrent  une  somme  de  800,000  livres  (oct.  4304). 
Gui  de  Dampierre  mourut  peu  après  (4305)  encore  prison- 
nier au  château  de  Compiègne. 

Son  fils  Robert  de  Béthune  partageait  sa  captivité  ;  le 
roi  lui  accorda  la  liberté,  mais  après  lui  avoir  arraché  de 
nouvelles  concessions.  Les  villes  ne  voulurent  pas  accepter 
ces  concessions  ;  il  y  eut  des  émeutes,  Jean  Breydel  tua 
même  de  sa  main  le  principal  conseiller  du  comte.  Les  dif- 
ficultés avec  la  France  durèrent  encore  longtemps.  Louis  le 
Hutin  entreprit  même  une  nouvelle  expédition,  sans  grands 
succès  d'ailleurs,  et  vint  assiéger  Courtrai  et  Cassel.  Mais 
les  Gantois  finirent  par  se  lasser  de  ces  guerres  sans  pro- 
fit. Ils  abandonnèrent  le  parti  des  communes  et  obligèrent 
le  comte  à  signer  en  4320  un  traité  définitif  avec  Philippe 
le  Long  qui  régnait  alors  en  France.  Les  anciennes  clauses 
des  traités  antérieurs  furent  renouvelées,  mais  le  roi  garda 
Lille,  Douai  et  Orchies.  Robert  de  Béthune  mourut  très  âgé, 
en  4322. 

Les  deux  derniers  comtes  de  la  maison  de  Dampierre 
n'exercèrent  qu'un  pouvoir  des  plus  précaires.  Et  l'on  peut 
dire  qu'ils  eurent  plutôt  des  prétentions  à  la  couronne  com- 
tale  qu'une  puissance  effective. 

Robert  de  Béthune  eut  pour  successeur  son  petit-fils, 
Louis  de  Crécy,  qui  n'avait  que  dix-huit  ans,  et  qui  avait 
été  élevé  à  la  cour  de  France.  Louis  avait  même  épousé  la 
fille  de  Philippe  le  Long  ;  par  sa  mère  il  était  l'héritier  du 
comté  de  Rethel,  et  il  aimait  mieux  cette  seigneurie  que 
la  Flandre  dont  les  habitants  étaient  trop  indisciplinés. 

Les  progrès  de  la  démocratie  et  même  de  la  démagogie 
avaient  été  en  effet  rapides  dans  les  communes  depuis  la 
bataille  de  Courtrai.  A  Bruges,  entre  autres,  régnait  une 
constitution  presque  exclusivement  populaire  :  sur  treize  éche- 
vins, huit  étaient  nommés  par  les  artisans.  Seule  la  ville 
de  Gand  avait  gardé  une  puissante  aristocratie  mar- 
chande. Toutefois,  par  un  curieux  contraste  entre  les  ap- 
parences et  la  réalité,  c'est  peut-être  là  que  les  formes 
constitutionnelles  étaient  les  plus  démocratiques.  La  ville 
tout  entière  était  divisée  en  trois  classes  :  les  tisse- 
rands, les  métiers  ordinaires  ou  petits  métiers,  et  les 
foulons.  Les  familles  patriciennes  même  avaient  dû  se  faire 
affilier  à  ces  corporations.  C'étaient  là  des  concessions  pu- 
rement formelles.  Aussi  Gand  jusqu'à  présent  s'était  tenu 
un  peu  à  l'écart  des  autres  communes.  Mais  tout  allait 


FLANDRE 


-  572 


changer  ;  le  Ilot  populaire  devait,  à  Gand,  comme  ailleurs, 
submerger  l'aristocratie,  et  les  Gantois  devinrent  les  véri- 
tables chefs  du  pays  et  éclipsèrent  les  Brugeois. 

Dès  le  début  de  son  règne,  Louis  de  Crécy  indigna  ses 
nouveaux  sujets  en  donnant  la  seigneurie  du  port  de  l'E- 
cluse à  son  oncle  Jean  de  Kayser.  Les  Brugeois,  dont  les 
vaisseaux  mouillaient  dans  ce  port,  craignirent  d'être  expo- 
sés à  des  péages  exagérés  et  se  révoltèrent.  Les  autres  com- 
munes les  imitèrent.  La  révolte  dura  trois  ans,  marquée 
par  des  épisodes  de  la  plus  grande  cruauté.  Le  comte  fut- 
fait  prisonnier  et  ne  fut  relâché  que  lorsque  le  pape  eut 
lancé  l'interdit  contre  les  Flamands  révoltés,  et  que  les 
Gantois,  jaloux  de  Bruges,  se  furent  rangés  de  son  parti 
sous  les  ordres  d'Hector  Vilain. 

Louis  de  Crécy,  mis  en  liberté,  alla  demander  vengeance 
au  roi  de  France  Philippe  de  Valois.  Celui-ci  marcha  avec 
de  nombreuses  troupes  contre  l'armée  flamande  composée 
de  douze  mille  piquiers  aguerris  et  commmandés  par  un 
Fumais  nommé  Michel  Zannekin  qui  s'était  distingué  dans 
les  révoltes  précédentes.  La  rencontre  eut  lieu  au  pied  de 
la  montagne  deCassel  (°23  août  1328).  Les  Flamands  furent 
complètement  battus.  Louis  fut  rétabli  dans  tout  son  pou- 
voir :  il  se  vengea  par  de  nombreux  supplices  de  ses  enne- 
mis, et,  appuyé  sur  la  haute  bourgeoisie, 'il  sut  dominer 
pendant  quelque  temps  les  artisans.  Mais  ce  ne  fut  qu'une 
très  courte  période.  Les  troubles  allaient  bientôt  recom- 
mencer. 

Le  roi  d'Angleterre  Edouard  III  élevait  des  prétentions  à 
la  couronne  de  France  :  il  chercha  à  s'assurer  l'appui  des 
Flamands,  mais  le  comte  ne  voulut  pas  abandonner  le  roi 
de  France.  Edouard  interdit  alors  l'exportation  de  la  laine, 
ce  qui  portait  le  plus  grand  coup  à  l'industrie  flamande 
du  drap  qui  faisait  vivre  la  majorité  de  la  population. 
La  misère  fit  d'énormes  progrès.  De  toutes  parts  des 
réclamations  s'élevèrent  ;  on  demandait  à  grands  cris  à 
Louis  de  traiter  avec  l'Angleterre,  mais  celui-ci  ne  voulait 
pas  en  entendre  parler,  et  il  fit  même  décapiter  Sohier  le 
Courtraisien,  sire  de  Tronchiennes,  qui  s'était  montré  trop 
ardent  partisan  du  roi  d'Angleterre.  Alors,  le  gendre  de 
Sohier,  Jacques  van  Artevelde,  se  mit  à  la  tête  des  Gan- 
tois, attira  les  autres  villes  dans  son  parti,  et  obtint  du  comte, 
par  la  force,  la  neutralité  de  la  Flandre  entre  l'Angleterre 
et  la  France.  Edouard  III  permit  de  nouveau  l'exportation 
de  la  laine.  La  prospérité  revint,  et  la  popularité  d'Arte- 
velde  fut  portée  au  plus  haut  point.  Mais  les  Flamands 
enorgueillis  par  leurs  succès  demandèrent  à  Philippe  de 
rendre  les  villes  de  Douai  et  de  Lille.  Celui-ci  s'y  refusa. 
Alors  Artevelde  se  ligua  contre  la  France  avec  le  roi  d'An- 
gleterre et  le  duc  de  Brabant  Jean  III.  «  C'était,  dit  un  his- 
torien belge,  à  propos  de  l'alliance  avec  le  Brabant,  une 
véritable  confédération  entre  les  deux  pays,  fondée  sur  l'in- 
térêt commun  des  deux  Etats,  et  destinée  pour  ainsi  dire  à 
les  réunir  dans  un  seul  corps .  On  mit  la  plus  grande  so- 
lennité à  cet  acte  d'alliance,  que  signèrent  de  part  et  d'autre 
sept  villes  et  quarante  seigneurs.  Il  portait  entre  autres 
points  que  le  commerce  serait  libre  entre  les  deux  pro- 
vinces ;  qu'elles  feraient  usage  d'une  seule  et  même  monnaie, 
et  qu'à  l'avenir  leurs  différends  seraient  soumis  à  un  con- 
seil de  douze  personnes  (quatre  conseillers,  deux  barons,  six 
députés  des  villes  de  Louvain,  Bruxelles,  Anvers,  Gand, 
Bruges  et  Ypres).  Ce  conseil  devait  maintenir  une  paix  per- 
pétuelle entre  les  Etats  contractants,  qui  se  promettaient  de 
se  défendre  F  un  l'autre  de  toute  leur  puissance  «  pour  gar- 
der leurs  biens  et  leurs  pays.  »  Ce  document  remarquable 
préparait  une  union  future  plus  intime  encore  entre  deux 
pays  de  même  langue  et  de  mêmes  mœurs. 

Ayant  ainsi  solidement  appuyé  son  autorité,  Artevelde 
entra  en  campagne  avec  soixante  mille  hommes.  Pendant 
que  la  flotte  française  était  détruite  par  les  flottes  an- 
glaise et  flamande  devant  le  port  de  l'Ecluse  (19  juin  1340), 
Artevelde  alla  mettre  le  siège  devant  Tournai.  Philippe, 
effrayé,  dépêcha  auprès  du  Flamand  sa  sœur  Jeanne  de  Va- 
lois qui,  signa  une  trêve  très  avantageuse  pour  le  comté. 


On  remit  à  Artevelde  les  titres  originaux  qui  constataient 
les  dettes  imposées  par  les  précédents  traités  *à  la  Flandre 
envers  le  roi.  Le  capitaine  les  déchira  publiquement  au  mi- 
lieu des  acclamations  de  l'armée. 

Après  cela,  Artevelde  essaya  d'établir  avec  solidité  et  sé- 
curité le  gouvernement  populaire.  Les  trois  principales 
villes,  Gand,  Bruges  et  Ypres,  dont  les  échevins  se  réunis- 
saient en  conseil,  exerçaient  la  souveraineté  au  nom  du  comté. 
A  Gand,  la  haute  bourgeoisie  chercha  à  faire  de  l'opposition 
à  Artevelde.  Ce  dernier  souleva  le  peuple  (1343)  et  établit 
le  gouvernement  des  artisans  de  métiers,  de  même  qu'à 
Bruges  et  à  Ypres.  Cette  révolution  eut  des  suites  fâcheuses 
pour  Gand  et  pour  Artevelde.  Dans  la  ville,  les  drapiers  et 
les  foulons  se  livrèrent  à  une  grande  bataille  sur  le  marché 
du  Vendredi.  Artevelde  comprit  qu'un  souverain  était  né- 
cessaire au  pays,  et  comme  il  n'avait  pas  confiance  dans  le 
comte  Louis,  et  qu'il  ne  pouvait  le  décider  à  abandonner 
le  parti  du  roi  de  France,  il  voulut  faire  nommer  comte  un 
fils  d'Edouard  d'Angleterre.  Les  gens  de  métiers  irrités, 
conduits  par  Gérard  Deny s,  doyen  des  tisserands,  l'attaquè- 
rent dans  sa  maison  et  le  massacrèrent  (17  jui.  1345). 

Louis  voulut  essayer  de  rétablir  son  autorité;  mais,  ne 
pouvant  y  parvenir,  il  retourna  auprès  du  roi  de  France, 
et  fut  tué  à  la  bataille  de  Crécy  (1346). 

Louis  de  Crécy  laissait  un  fils  alors  âgé  de  seize  ans  et 
qu'on  appela  Louis  de  Maie,  parce  qu'il  était  né  au  château 
de  Maie,  près  de  Bruges.  Bien  qu'il  eût  été  élevé  à  la  cour 
du  roi  de  France  et  qu'il  eut  des  sentiments  très  français, 
les  villes  n'hésitèrent  pas  à  le  reconnaître  comme  comte  ; 
elles  espérèrent  même  un  moment  l'attacher  au  parti  du 
roi  d'Angleterre,  en  lui  faisant  épouser  la  fille  d'Edouard. 
Mais  Louis  de  Maie  refusa  avec  la  plus  grande  énergie 
d'épouser  la  fille  de  l'ennemi  de  son  père.  Toutefois,  après 
la  trêve  qui  suivit  la  prise  de  Calais  par  Edouard,  le  comte 
Louis  retourna  dans  son  comté  où  un  fort  parti,  désireux 
du  calme  et  de  la  tranquillité,  l'appelait.  En  effet,  de  si 
nombreuses  et  si  longues  luttes  rendaient  le  repos  néces- 
saire. Les  diverses  villes  étaient  irritées  les  unes  contre  les 
autres.  A  l'intérieur  des  cités,  les  classes  et  les  métiers  se 
jalousaient.  Les  Gantois  avaient  pris  et  pillé  Termonde 
pour  punir  cette  ville  d'avoir  fabriqué  certaines  espèces  de 
drap  dont  Gand  se  réservait  le  monopole.  A  Bruges,  la 
haute  bourgeoisie  cherchait  à  reconquérir  le  pouvoir  sur 
les  gens  de  métier.  Elle  y  parvint  presque  et  se  montra 
favorable  au  comte  qui  promit  de  résider  dans  la  ville.  La 
Flandre  maritime  se  déclara  tout  entière  pour  lui.  Gand 
et  Ypres,  las  des  guerres  civiles,  finirent  par  se  soumettre 
à  Louis.  Celui-ci  gouverna  d'abord  avec  sagesse,  se  pro- 
clama neutre  entre  la  France  et  l'Angleterre,  et  pour  flatter 
l'orgueil  des  Flamands,  malgré  son  primitif  dévouement  au 
roi  de  France,  résolut  de  gouverner  la  Flandre,  non  en 
vassal  du  roi,  mais  en  véritable  souverain  indépendant. 
A  la  mort  de  Philippe  de  Valois,  Louis  de  Maie  refusa  de 
prêter  l'hommage  au  nouveau  roi  Jean.  De  longues  négo- 
ciations à  ce  sujet  commencèrent,  sans  résultat;  et  même 
lorsque  la  fille  de  Louis,  Marguerite  de  Flandre,  arriva  en 
âge  d'être  mariée,  le  comte  l'offrit  à  un  des  fils  du  roi 
d'Angleterre.  Mais  Marguerite  de  France,  mère  du  comte 
Louis,  avait  d'autres  desseins,  et  elle  finit  par  décider  son 
fils  à  marier  Marguerite  de  Flandre  à  Philippe  de  Bour- 
gogne, frère  du  roi  Charles  V.  Ce  dernier  consentit  en 
échange  à  rendre  à  la  Flandre  les  villes  occupées  par  les 
Français  et  qui  avaient  causé  de  si  cruelles  guerres.  Un 
autre  agrandissement  des  possessions  de  Louis  de  Maie  eut 
lieu  dans  le  Nord  et  l'Ouest.  En  4357,  le  duc  de  Brabant 
fut  obligé  de  céder  à  la  Flandre  les  villes  d'Anvers  et  de 
Malines.  Mais  malgré  cela  le  comte  était  pauvre,  et  la  né- 
cessité où  il  se  trouva  de  se  procurer  de  l'argent  devait 
rendre  la  fin  de  son  règne  très  pénible.  Un  parti  se  forma 
à  Gand  parmi  ceux  qui  trouvaient  que  les  taxes  étaient 
trop  lourdes.  Ce  parti  s'appela  les  chaperons  blancs.  Les 
chaperons  blancs,  où  dominaient  les  tisserands  et  les  fou- 
lons, en  vinrent  aux  mains  avec  les  bouchers  et  les  bâte- 


—  573  — 


FLANDRE  —  FLANDRIN 


liers  qui  défendaient  le  parti  du  comte.  Les  révoltés  furent 
vainqueurs  sous  la  conduite  d'un  certain  Jean  Yoens. 
Bruges,  Ypres  et  toute  la  contrée  les  suivirent  (1379). 
Malheureusement  pour  les  communes,  la  discorde  se  mit 
bientôt  entre  Gand  et  Bruges  et  cette  dernière  ville  revint 
à  Louis  de  Maie.  Les  Gantois  furent  alors  vaincus  à  Nevele, 
et  leur  ville  fut  bloquée.  Bientôt  la  famine  les  força  à  im- 
plorer le  comte,  mais  celui-ci  voulut  qu'ils  se  missent  à  sa 
merci  sans  conditions.  Les  Gantois  résolurent  de  tenter  un 
dernier  effort  sous  la  conduite  de  Philippe  van  Artevelde, 
fils  de  Jacques. 

Le  3  mai  4382,1e  comte  et  son  armée  s'étaient  rendus  à 
Bruges  pour  la  procession  du  Saint  Sang.  Les  Gantois  arri- 
vèrent au  pied  de  la  ville  ;  le  parti  populaire  brugeois  se 
déclara  pour  eux,  et  le  comte,  après  une  sanglante  défaite, 
dut  se  réfugier  en  France.  Le  roi  Charles  VI  prit  son 
parti,  et,  accompagné  d'une  brillante  armée,  marcha  contre 
les  Flamands.  Ceux-ci  furent  complètement  battus  à  Rose- 
becque  (nov.  4382).  Philippe  van  Artevelde  fut  tué  et  la 
Flandre  fut  de  nouveau  soumise  au  comte.  Les  Gantois 
essayèrent  bien  de  lutter  encore,  mais  le  duc  de  Bourgogne 
intervint  entre  eux,  le  roi  et  le  comte,  et  une  trêve  fut 
signée  (oct.  4383).  Peu  après  Louis  de  Maie  mourut  (9  janv. 
4383).  Le  duc  de  Bourgogne  lui  succéda,  du  chef  de  sa 
femme  Marguerite.  Les  nombreuses  ressources  en  argent 
et  en  soldats  du  nouveau  comte  lui  permirent  de  s'emparer 
sans  peine  du  comté.  Les  Gantois  eux-mêmes  finirent  par 
se  soumettre,  et,  le  6  déc.  4385,  un  traité  eut  lieu  connu 
sous  le  nom  de  Pacification  de  Tournai,  de  la  ville  où  il 
fut  signé.  Gand  reconnut  Philippe,  et  en  revanche  Phi- 
lippe accorda  à  Gand  amnistie  complète  et  la  reconnais- 
sance de  tous  les  privilèges  de  la  ville.  Au  moment  où  la 
dynastie  de  Dampierre  s'éteignait,  et  où  la  Flandre  entrait 
dans  la  maison  de  Bourgogne,  le  grand  rôle  historique 
qu'avait  joué  les  Flamands  durant  tout  le  moyen  âge  finis- 
sait. Désormais  leur  pays,  uni  à  d'autres  contrées,  n'est 
plus  qu'un  des  éléments,  et  non  le  moindre,  de  la  grandeur 
des  maisons  de  Bourgogne  et  d'Autriche  (V.  Belgique  et 
Pays-Bas). 

C'en  était  fait  de  la  liberté,  bien  que  plusieurs  révoltes 
aient  toujours  manifesté  l'esprit  indépendant  qui  animait 
les  villes  et  qui  s'est  perpétué  jusqu'à  nos  jours.  Mais  la 
richesse  était  toujours  considérable  dans  cette  plantureuse 
et  industrieuse  contrée.  En  4400,  la  ville  de  Gand  renfer- 
mait 80,000  hommes  en  état  de  porteries  armes  :  les  tis- 
serands, à  eux  seuls,  au  nombre  de  40,000,  pouvaient 
mettre  sur  pied  48,000  combattants.  Trois  fois  par  jour 
une  cloche  appelait  les  tisserands  au  travail  ou  au  repas. 
Pendant  qu'elle  sonnait,  il  était  défendu  de  lever  les  ponts 
des  canaux  pour  livrer  passage  aux  bateaux  ;  les  autres 
habitants  se  tenaient  chez  eux,  de  peur  d'être  entraînés 
par  le  flot  d'ouvriers  qui,  à  cette  heure,  inondait  les  rues  ; 
les  enfants  surtout  étaient  soigneusement  gardés. 

Cette  prospérité  se  continua  longtemps.  Et  la  vigueur 
que  les  Flamands  avaient  mise  dans  leurs  querelles  en  fa- 
veur de  leurs  libertés,  ils  l'ont  aussi  mise  dans  leur  art, 
un  des  plus  originaux  de  l'Europe  à  la  fin  du  moyen  âge 
et  à  l'époque  de  la  Renaissance. 

La  Flandre  est  en  somme  un  petit  pays,  mais  elle  a 
joué  dans  l'histoire  européenne  un  rôle  considérable.  Nulle 
part  ne  se  sont  développées  des  municipalités  plus  fières, 
plus  libres,  plus  agitées  et  en  même  temps  plus  riches, 
plus  industrieuses.  Assurément  ce  petit  coin  de  terre  a  eu 
dans  le  développement  de  la  civilisation  une  part  des  plus 
considérables,  et  plus  remarquable  que  celle  de  grands 
empires. 

Le  titre  de  comte  de  Flandre,  qui  depuis  Louis  de  Maie 
n'avait  plus  été  porté  que  par  des  souverains  étrangers,  a 
été  relevé  de  nos  jours  en  faveur  de  Philippe,  Eugène,  Fer- 
dinand, Marie,  Clément-Baudouin,  Léopold-Georges,  second 
fils  du  roi  Léopold  Ier  de  Belgique,  né  à  Laeken  le  24  mars 
4837.  Frédéric  Amouretti. 

Linguistique  (V.  Belgique  et  Pays-Bas). 


Littérature  (V.  Pays-Bas). 
Beaux- Arts  (V.  Pays-Bas). 

Bibl.  :  Histoire.  —  Warnkoenig,  Flandrische  Staats- 
und  Rechtsgeschichte  ;  Tubingue,  1835-1839,  5  vol.  in-8  ; 
trad.  franc,  partielle  et  remaniée  par  E.  Gheldolf,  His- 
toire de  la  Flandre  et  de  ses  institutions  civiles  et  poli- 
tiques jusqu'à  l'année  1305;  Bruxelles,  1835-1864,  5  vol. 
in-8.  —  Edw.  Le  Glay,  Histoire  des  comtes  de  Flandre 
jusqu'à  Vavènement  de  la  maison  de  Bourgogne;  Paris, 
1842,  2  vol.  in-8.  —  Kervyn  de  Lettenhove,  Histoire 
de  Flandre;  Bruxelles,  1853-1854,  2°  éd.,  5  vol.  in-8.  — 
L.  Vanderkindere,  le  Siècle  des  Artevelde  ;  Bruxelles, 
1879, in-8. 

FLANDRE  (Louis  de),  sire  dePraet,  capitaine  et  homme 
d'Etat  belge,  mort  à  Aeltre  en  1555.  Il  descendait,  par  son 
père,  d'un  fils  illégitime  de  Louis  de  Maie  et,  par  sa  mère, 
d'un  bâtard  de  Philippe  le  Bon.  Il  prit  part  à  la  campagne 
de  Gueldre,  en  1507,  contre  Charles  d'Egmont,  puis  il 
fut  successivement  grand  bailli  de  Gand  et  de  Bruges,  am- 
bassadeur de  Charles-Quint  à  Londres  et  à  Borne  et  enfin 
gouverneur  de  la  Flandre.  Il  servit  son  souverain  avec  une 
fidélité  chevaleresque  ;  esprit  calme,  précis  et  positif,  doué 
à  la  fois  de  non  sens  et  de  dextérité,  il  accomplit  avec 
beaucoup  de  succès  les  missions  diplomatiques  dont  il  fut 
chargé  et  fut  peut-être  l'homme  d'Etat  le  plus  éminent  que 
l'empereur  eut  à  son  service.  E.  H. 

Bibl.  :  Gachard,  Etude  sur  Charles-Quint,  dans  la  Bio- 
graphie nationale  belge,  t.  III.  —  A.  Henné,  Histoire  du 
règne  de  Charles-Quint  dans  les  Pays-Bas  ;  Bruxelles,  1858, 
10  vol.  in-8.  —  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II  ; 
Bruxelles,  1848-1879,  5  vol.  in-4.  —  Lanz,  Correspondance 
de  Charles-Quint  (en  allemand)  ;  Leipzig,  1842-46, 2  vol.  in-8. 

FLANDRIN  (Auguste),  peintre  français,  né  à  Lyon  en 
1804,  mort  à  Lyon  en  1842.  Il  était  l'aîné  d'une  famille 
sans  fortune,  et  bien  qu'ayant  remporté  de  brillants  succès 
à  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Lyon,  où  il  était  entré  à  l'âge  de 
quatorze  ans,  il  dut  se  résigner,  pour  vivre,  à  sacrifier  ses 
aspirations  pour  l'art  et  se  consacrer  au  métier.  Il  entra 
dans  un  atelier  de  lithographie  et  durant  plusieurs  années 
dépensa  un  très  réel  talent  à  la  composition  de  vignettes  de 
romances  ou  d'illustrations  de  livres.  En  1832,  il  put  venir 
rejoindre  à  Paris  ses  frères  cadets  (V.  ci-dessous)  et  resta 
deux  ans  dans  l'atelier  d'Ingres  ;  puis  il  fit  à  son  tour  le 
voyage  d'Italie.  Rentré  à  Lyon,  il  ne  tarda  pas  à  être  nommé 
professeur  de  dessin  à  l'Ecole  des  beaux-arts.  Il  s'appliqua 
à  enseigner  les  doctrines  d'Ingres  et  l'on  peut  dire  qu'il  a 
exercé  une  sérieuse  influence  sur  l'école  lyonnaise.  Sa  répu- 
tation s'affirmait,  et  il  se  voyait  déjà  accablé  de  commandes 
de  portraits,  lorsqu'une  mort  précoce  vint  briser  un  avenir 
qui  s'annonçait  brillant. 

FLANDRIN  (Hippolyte),  célèbre  peintre  français,  frère 
du  précédent,  né  à  Lyon  en  1809,  mort  à  Rome  le  M  mars 
1864.  Après  avoir  puisé  les  premières  notions  de  son  art 
dans  sa  ville  natale,  à  l'école  Saint-Pierre,  il  vint  à  Paris, 
à  l'âge  de  vingt  ans,  et  entra  aussitôt  dans  l'atelier  d'Ingres 
dont  il  devait  devenir  l'élève  préféré  et  l'ami.  L'âme  éprise 
de  mysticisme,  il  devait  mieux  qu'un  autre  comprendre  les 
doctrines  sur  le  style  et  l'idéal  qu'Ingres  enseignait  si  fou- 
gueusement autour  de  lui.  Trois  ans  à  peine  après,  le  jeune 
Flandrin  enlevait  brillamment  le  prix  de  Rome  avec  Thé- 
sée reconnu  par  son  père  dans  un  festin.  Ingres  le  re- 
joignit bientôt  à  Rome  comme  directeur  de  l'Académie  de 
France,  et  continua  d'exercer  sur  lui  une  grande  influence. 
L'étude  de  l'art  italien  ne  fit  qu'accentuer  chez  le  jeune 
artiste  sa  prédilection  pour  la  peinture  religieuse.  Dès  sa 
première  œuvre,  sa  vocation  s'affirme  formellement  :  c'est 
Saint  Clair  guérissant  des  aveugles,  qui  reste,  parmi 
ses  tableaux  à  l'huile,  le  plus  vigoureux,  le  plus  savant,  le 
mieux  peint. 

Il  faut  lire  dans  la  correspondance  du  peintre,  publiée 
après  sa  mort,  dans  une  de  ses  lettres  pleines  de  bonhomie 
et  de  grâce  naturelle,  avec  quelle  ivresse  de  bonheur  il 
reçut  pour  ce  tableau  les  compliments  de  son  maître.  Un 
autre  tableau,  Jésus  appelant  à  lui  les  petits  enfants,  ne 
lui  valut  pas  moins  d'éloges  :  un  sentiment  d'austérité  chré- 
tienne s'y  conciliait  avec  le  pittoresque  d'une  vérité  exprès- 


FLANDRIN 


-  574  - 


sive.  On  doit  noter  aussi  quelques  œuvres  qui  datent  égale- 
ment de  cette  époque  d'étude  en  Italie  et  qui  témoignent 
d'un  certain  effort  pour  atteindre  à  la  vivacité  du  coloris, 
à  la  précision  des  formes  accusées  par  le  clair-obscur,  et  à 
la  plénitude  du  modelé,  qualités  qui  ont  presque  toujours 
manqué  à  Flandrin;  telles  sont:  le  Dante  aux  Enfers, 
Le  Jeune  Grec  assis  sur  des  rochers,  et  Euripide  écri- 
vant ses  tragédies. 

Lorsque  Hippolyte  Flandrin  revint  à  Paris,  sa  réputation 
était  faite.  Il  fut  chargé  en  1842  pour  la  Chambre  des  pairs 
d'une  grande  composition  décorative  :  Saint  Louis  dictant 
ses  Etablissements,  et  Sairit  Louis  prenant  la  croix 
pour  la  deuxième  fois.  Il  exécuta  ensuite  (1845)  Mater 
Dolorosa  et  Napoléon  législateur  (1847),  commandés 
pour  une  des  salles  du  conseil  d'Etat.  A  partir  de  ce  mo- 
ment, sa  vie  fut  à  peu  près  complètement  absorbée  par  les 
vastes  compositions  murales  dont  il  reçut  la  commande  pour 
des  églises  de  Paris  ou  de  la  province.  C'est  dans  ces  tra- 
vaux qu'il  s'est  montré  personnel  et  supérieur.  Un  de  ses 
biographes,  M.  Henri  Delaborde,  le  qualifie  «  le  plus  grand 
peintre  religieux  que  la  France  ait  vu  naître  depuis  Lesueur». 
Flandrin  a,  comme  on  l'a  dit,  résolu  un  problème  qui,  au 
premier  abord,  paraît  insoluble  :  celui  de  représenter  les 
naïvetés  de  la  foi  primitive  avec  les  moyens  et  les  ressources 
d'un  art  parvenu  au  maximum  de  sa  technique. 

Ce  fut  dans  la  décoration  de  la  chapelle  Saint-Jean,  de 
l'église  Saint-Sé vérin,  que  lui  confia  la  ville  de  Paris,  qu'il 
commença  à  déployer  ses  magistrales  qualités  de  peintre 
religieux.  Il  y  représenta  les  épisodes  de  la  vie  du  précur- 
seur en  une  suite  de  tableaux  du  plus  large  style  et  du  plus 
grand  caractère.  D'instinct,  l'artiste  s'élève  aux  abstractions 
de  la  fresque,  supprimant  la  perspective  et  l'illusion  de 
réalité  obtenue  par  la  gradation  des  plans,  afin  de  mieux 
faire  pénétrer  le  spectateur  dans  le  domaine  du  divin  et  de 
l'immatériel.  Malheureusement,  Flandrin  au  lieu  de  peindre 
à  la  détrempe  pour  obtenir  les  pâleurs  de  la  fresque  qu'il 
recherchait,  a  préféré  la  peinture  à  la  cire  dont  le  ton  mat 
et  blond  laisse  à  tous  les  pleins  de  l'architecture  leur  signi- 
fication. Or,  l'enduit  dont  il  se  servit  à  l'église  Saint- 
Séverin  étant  de  mauvaise  qualité  a  compromis,  en  maints 
endroits,  cette  noble  composition  qui  s'écaille  et  s'efface. 
Après  avoir  achevé  ce  travail  en  1840,  il  décora,  à  la  de- 
mande du  duc  de  Luynes,  le  château  de  Dampierre  de 
trente-six  figures  ;  puis  il  fournit  à  la  ville  de  Dreux  un 
carton  de  vitrail  figurant  Saint  Louis  prenant  la  croix. 
Les  villes  de  France  se  disputaient  le  talent  du  peintre 
chrétien  :  Nîmes  lui  demanda,  pour  l'église  de  Saint-Paul, 
toute  une  décoration  qui  constitue  un  travail  considérable  ; 
Lyon  donna  à  peindre  les  trois  absides  de  l'église  d'Ainay; 
enfin  Strasbourg  offrit  à  son  mystique  pinceau  les  murailles 
de  sa  magnifique  cathédrale.  A  Nîmes  éclatent  toutes  ses 
qualités  de  décorateur.  L'église  est  divisée  en  trois  nefs, 
que  terminent  trois  absides  :  avec  une  rare  intelligence  de 
son  rôle,  le  peintre  a  fait  ressortir,  dans  leur  solide  puis- 
sance, tous  les  membres  de  la  construction  sans  sacrifier 
ses  propres  compositions  qui  s'enlèvent  sur  le  fond  d'or  des 
galeries  et  des  demi-coupoles,  se  relient  à  travers  les  ar- 
ceaux et  présentent  aux  regards,  dès  l'entrée  de  la  basilique, 
un  ensemble  harmonieux.  Flandrin  a  déployé  les  mêmes 
qualités  de  composition  dans  l'église  d'Ainay,  à  Lyon.  Les 
absides  qu'il  avait  à  peindre  étant  obscures,  il  n'adopta  que 
des  sujets  simples,  un  petit  nombre  de  figures  se  détachant 
sur  un  large  fond  d'or. 

Mais  1  œuvre  capitale  de  Flandrin  se  trouve  à  Paris,  dans 
les  églises  de  Saint-Vincent-de-Paul  et  de  Saint-Germain- 
des-Prés.  L'immense  frise  de  Saint-Vincent-de-Paul,  dans 
laquelle  il  a  fait  défiler  en  longue  procession  tout  le  per- 
sonnel de  la  légende  dorée  :  les  saints  Martyrs,  les  saints 
Confesseurs,  les  saintes  Vierges,  et  que  Théophile  Gautier 
appelait  «  panathénées  chrétiennes  »,  est  absolument  re- 
marquable par  la  beauté  des  attitudes,  le  rythme  des  groupes, 
la  simplicité  expressive  des  figures.  L'exécution  répond  à 
la  conception.  Rien  de  plus  clair,  de  plus  logique  que  l'ordre 


adopté  pour  les  divisions  :  l'espace  est  ménagé  à  la  façon 
des  artistes  grecs.  A  l'église  de  Saint-Germain-des-Prés, 
où  il  a  dépensé  pendant  de  nombreuses  années  un  travail 
acharné,  l'artiste  a  couvert  littéralement  de  peintures  le 
chœur  et  la  nef  aux  arcades  romanes.  Triomphant  des  dif- 
ficultés que  présentaient  et  le  programme  orthodoxe  qu'il 
avait  à  interpréter,  et  la  forme  du  vaste  vaisseau  qu'il 
s'agissait  d'orner,  avec  des  arcs  coupés  par  la  moitié,  il  a 
su  animer  les  surfaces  de  pierre  du  monument  d'un  com- 
mentaire aussi  pittoresque  qu'éloquent  de  l'Ancien  comme 
du  Nouveau  Testament.  A  droite  et  à  gauche  de  l'autel,  il 
a  tracé  ces  deux  tableaux  si  justement  vantés,  où  sont  op- 
posés le  Christ  entrant  à  Jérusalem  en  triomphe  et  le 
Christ  montant  au  Calvaire.  Sur  les  arcades  de  la  nef 
principale  est  racontée  la  vie  de  Jésus-Christ  en  une  série 
de  panneaux  divisés  chacun  en  deux  parties  dont  l'une  re- 
présente un  épisode  de  l'existence  du  fils  de  Dieu,  et  l'autre 
un  événement  correspondant  de  l'histoire  juive.  Par  exemple 
à  côté  de  Moïse  prosterné  devant  le  buisson  ardent  se 
trouve  V Annonciation  ;  à  côté  du  Baptême  du  Christ  est 
le  Passage  de  la  mer  Rouge;  à  côté  de  la  Trahison 
de  Judas  est  Joseph  vendu  par  ses  frères,  etc.  Enfin 
le  chœur  est  orné  de  douze  figures  d'apôtres  vêtus  de 
blanc  qui  achèvent  de  donner  à  cet  ensemble  un  caractère 
unique. 

On  a  reproché  parfois  à  Hippolyte  Flandrin  î'atténuation 
de  son  coloris  comme  un  système  radicalement  faux  et  op- 
posé à  la  propriété  fondamentale  de  son  art.  D'autre  part, 
un  critique  bien  connu  par  son  hostilité  aux  théories  aca- 
démiques et  à  l'école  d'Ingres,  Castagnary,  a  fait  un  grief 
à  Flandrin  de  l'effacement  de  ses  modèles,  de  la  platitude 
de  ses  teintes,  de  la  rigidité  voulue  des  contours  et  de  l'im- 
mobilité des  gestes.  Allant  plus  loin  encore,  il  l'accuse  de 
ne  devoir  ses  inspirations  qu'au  souvenir  des  maîtres  ita- 
liens. L'avenir  ratifiera- t-il  toutes  ces  critiques?  Il  est  dif- 
ficile de  le  croire.  Que  Flandrin  se  soit  en  effet  heurté  à 
une  difficulté  insurmontable  en  essayant  de  traduire  les 
symboles  religieux  à  une  époque  de  scepticisme  avec  les  élé- 
ments d'un  art  savant,  trempé  à  toutes  les  sources  du 
passé;  qu'il  ait  abusé  des  formules  italiennes  et  trop  em- 
prunté à  la  convention,  cela  est  possible  ;  que  pour  donner 
à  ses  compositions  le  caractère  surhumain  qu'il  recherchait 
il  ait  dû  recourir  à  ce  procédé  de  colorations  atténuées  qui 
prennent  un  aspect  de  rêve  et  tournent  aisément  à  la  mo- 
notomie,  cela  est  encore  vrai.  Mais  il  n'en  reste  pas  moins 
qu'avec  ces  moyens  factices,  si  l'on  veut,  et  qui  témoignent 
en  tout  cas  d'une  rare  volonté,  il'a  su  exprimer  avec  effu- 
sion, avec  éloquence,  parfois  avec  grandeur,  des  sentiments 
qui  parlent  aux  cœurs  chrétiens,  aux  esprits  cultivés  tout 
au  moins,  sinon  à  la  foule  ignorante.  C'est  là  un  résultat 
dont  on  doit  tenir  compte.  Ce  résultat,  il  faut  en  faire  hon- 
neur au  puissant  sentiment  qui  animait  l'artiste,  et  qui  est 
la  marque  de  sa  personnalité,  la  caractéristique  de  son  ta- 
lent. A  cinquante-quatre  ans,  Flandrin  avait  atteint  l'apogée 
de  la  renommée  :  l'Académie  des  beaux-arts  lui  avait  ou- 
vert ses  portes.  Mais  les  travaux  trop  prolongés  sous  les 
voûtes  glacées  des  églises  avaient  usé  ses  forces.  Il  n'avait 
pas  encore  tout  à  fait  terminé  la  décoration  de  Saint-Ger- 
main-des-Prés lorsqu'il  se  sentit  atteint  par  la  maladie.  Il 
partit  pour  l'Italie,  gagna  Rome,  espérant  y  trouver  un  peu 
de  repos  et  reconquérir  la  santé.  C'est  là  qu'il  mourut. 
M.  Cornu  fut  chargé  d'achever  les  peintures  de  Saint-Ger- 
main-des-Prés, où  un  monument  a  été  élevé  par  souscrip- 
tion au  grand  artiste.  Une  exposition  publique  de  son  œuvre 
fut  organisée  à  l'Ecole  des  beaux-arts.  On  n'y  put  voir 
les  peintures  murales  de  Flandrin,  c.-à-d.  qu'on  ne  put  le 
juger  sous  le  véritable  aspect  de  son  talent.  Mais  on  y  re- 
trouva quelques-uns  des  beaux  portraits  peints  par  lui  aux 
différentes  époques  de  sa  vie,  telle  que  celui  de  MUe  Mai- 
sons, connu  sous  le  nom  de  la  Jeune  Fille  à  l'œillet,  qui 
est  sans  contredit  son  meilleur;  ceux  de  la  Duchesse 
d'Agen,  de  Mme  Oudinet,  du  Prince  Napoléon,  du  Comte 
Walewski,  du  Docteur  Rostan,  du  Comte  Duchâtel,  de 


—  575  — 


FLANDRIN  —  FLANQUEMENT 


MM.  Casimir  Perier,  Gatteaux,  de  Rothschild,  etc. 
C'est  dans  ses  portraits,  bien  que  la  plupart  aient  eu  un 
grand  succès  du  vivant  de  l'artiste,  que  s'accuse  la  faiblesse 
du  tempérament  de  peintre  de  Flandrin.  Les  sévérités  de 
sa  palette  et  la  monochromie  solennelle  qui  pouvait  conve- 
nir à  ses  peintures  murales  lui  étaient  nuisibles  lorsqu'il 
se  trouvait  en  présence  de  la  nature,  et,  s'il  savait  donner 
à  ses  modèles-  du  caractère  et  de  la  distinction,  il  ne  les 
voyait  plus  qu'à  travers  la  brume  décolorée  qu'il  s'était 
habitué  à  interposer  entre  lui  et  ses  visions  religieuses. 

Victor  Champier. 
Bibl.  :  Beulé,  Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages de  M.  H.  Flandrin.  —  Vicomte  Delaborde,  Lettres 
et  pensées  oVHippolyte  Flandrin,  1865,  in-8.  —  Th.  Gau- 
tier, Portraits  contemporains,  1872,  p.  323,  in-8.—  Thoré, 
Salon  18kl,  p.  118.  —  Ch.  Blanc,  les  Artistes  de  mon 
temps,  p.  263.—  Castagnary,  Savons,  t.  I,  pp.  108-113. 

FLANDRIN  (Jean-Paul),  peintre  français,  frère  des  pré- 
cédents, né  à  Lyon  en  4814.  Il  étudia  la  peinture  avec  son 
frère  Hippolyte  qu'il  accompagna  à  Paris  en  1829,  pour 
suivre  en  même  temps  les  cours  de  l'atelier  d'Ingres.  D'an 
tempérament  vigoureux,  taillé  en  athlète,  il  amusait  ses 
camarades  par  ses  tours  de  force.  Il  montrait  à  cette  époque 
un  talent  particulier  pour  dessiner  des  charges  spirituelles, 
qu'Amaury  Duval  a  signalé  dans  ses  Souvenirs  de  V Atelier 
d'Ingres.  En  4834,  Paul  Flandrin  suivit  son  frère  à  Rome. 
Il  y  travailla  soigneusement,  peignant  tantôt  la  figure  d'après 
les  maîtres  ou  d'après  la  nature,  tantôt  le  paysage,  copiant, 
pour  la  collection  des  frères  Balze,  les  Loges  de  Raphaël, 
et  lorsque  en  \  838  il  revint  à  Paris  il  obtint  un  véritable 
succès  avec  deux  grands  ouvrages,  une  Nymphe  et  un 
paysage,  les  Adieux  d'un  proscrit.  L'année  suivante,  il 
exposa  les  Pénitents  de  la  campagne  de  Rome  et  une 
vue  de  la  Villa  Borghèse  qui  furent  également  remarqués. 
Ces  tableaux  indiquaient  la  tendance  au  paysage  dit  histo- 
rique à  laquelle  Paul  Flandrin  n'a  cessé,  depuis  lors,  de 
rester  fidèle.  S'inspirant  des  traditions  de  Poussin,  sans 
tenir  compte  du  mouvement  romantique  qui  commençait  à 
entraîner  les  peintres  à  exprimer  les  réalités  de  la  nature, 
il  a  donné  cet  exemple  de  fidélité  remarquable,  pendant 
cinquante  ans,  aux  principes  de  l'école  académique  qui  eut 
les  admirations  de  sa  jeunesse,  et  dont  il  a  été  le  zélé  et 
obstiné  serviteur.  Grâce  à  la  protection  d'Ingres,  les  toiles 
qu'il  exposa  de  4844  à  1852  furent  accueillies  avec  succès. 
La  reine  Marie-Amélie  lui  acheta  une  Rue  de  Tivoli.  Sa 
Promenade  de  Poussin  sur  les  bords  du  Tibre,  Dans 
les  Bois,  Dans  les  Montagnes,  la  Rêverie,  lui  valurent 
successivement  plusieurs  récompenses.  D'autre  part,  le 
duc  de  Luynes  lui  confiait  diverses  peintures  murales  pour 
le  château  de  Dampierre,  et  il  était  chargé  de  la  décoration 
de  la  chapelle  baptismale  de  l'église  Saint-Séverin.  Il  serait 
fastidieux  de  donner  ici  la  nomenclature  des  innombrables 
paysages  exposés  à  chaque  Salon  par  M.  Paul  Flandrin. 
Citons  cependant  les  deux  tableaux  acquis  par  l'Etat  pour 
le  musée  du  Luxembourg  :  Montagnes  de  la  Sabine  et 
la  Solitude,  qui  donnent  une  idée  suffisante  du  talent  de 
l'artiste.  Ajoutons  que  M.  Paul  Flandrin  a  parfois  exposé 
des  portraits,  comme  celui  de  M.  Ambroise  Thomas, 
d'un  dessin  plein  de  caractère  et  d'une  facture  délicate. 

V.  Champier. 
FLANELLE  (Tiss.).  Les  flanelles  sont  des  tissus  géné- 
ralement en  laine  cardée,  ou  en  mélange  de  laine  cardée  et 
de  laine  peignée,  quelquefois  légèrement  feutrée,  et  tirée 
à  poils,  employés  à  la  confection  de  chemises,  ou  de  vête- 
ments de  dessous;  elles  sont  unies  ou  en  armure  croisé, 
souvent  blanches,  mais  quelquefois  aussi  en  couleurs,  et 
de  qualités  très  variables.  On  les  imite  en  mélange  de  co- 
ton et  de  laine,  ou  même  en  coton  pur.  On  fabrique  éga- 
lement des  flanelles  de  différentes  couleurs  pour  doublures, 
robes  de  chambre,  jupons,  etc.,  plus  épaisses  que  les  pre- 
mières et  présentant  toutes  combinaisons  de  couleurs  et 
de  dessins  P   Gr 

FLANGEBOUCHE.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de 
Baume-les-Dames,  cant.  de  Pierrefontaine  ;  679  hab. 


FLAN GI NI  (Comte  Luigi),  littérateur  italien,  né  à 
Venise  le  26  juill.  4733,  mort  à  Venise  le  29  févr. 
4804.  Il  fut  patriarche  de  Venise  et  cardinal.  Parmi  ses 
ouvrages,  on  remarque:  Annotazioni  alla  corona  poetica 
di  Quirino  Telpasinio,  in  Iode  délia  repubblica  di 
Venezia  (Venise,  4750)  ;  Orazione  per  l'esaltamento 
del  doge  Mario  Foscarini  (Venise,  4762)  ;  Argonautica 
di  Apollinio  Rodio,  traduction  en  vers  italiens  (Rome, 
4781,  2  vol.  in-8). 

Bibl.  :  Moschini,  Délia  Letteratura  veneziana  del  se- 
colo  XYIH  fino  a'  nostri  giorni;  Venise,  1806-1808,  in-4. — 
Tipaldo,  Biografia  degli  Italiani  illustri.  —  Bibliografîa 
veneziana;  Venise,  1885,  in-4. 

FLAN N AN  (Iles).  Groupe  d'îlots  situé  dans  l'Atlan- 
tique, sur  la  côte  du  comté  de  Ross  (Ecosse),  àl'O.  de  l'île 
Lewis  (Hébrides),  par  58°  18'  lat.  N.  et  entre  9°  50'  et 
10°  long.  0.  Il  y  a  dans  ces  îlots  (au  nombre  de  sept) 
des  pâturages  pour  les  moutons.  Ils  sont  très  fréquentés 
par  les  oiseaux  de  mer. 

FLANONA.  Ville  de  la  Liburnie,  aujourd'hui  Fianona 
(V.  ce  mot). 

FLANQUEMENT  (Fortif.).  Disposition  prise  pour  sup- 
primer l'angle  mort  des  diverses  parties   des  ouvrages, 
ainsi  que  le  secteur  privé  de  feux  qui  peut  exister  en  avant 
des  saillants,  c.-à-d.  pour  que  les  assaillants  ne  puissent 
s'approcher  de  la  fortification  en  aucun  point  sans  pouvoir 
être  atteints  par  le  tir  du  défenseur.  On  y  arrive  directe- 
ment par  le  tracé  des  ouvrages,  en  y  disposant  des  par-  . 
ties  (flancs)  plus  courtes,  spécialement  destinées  à  battre 
les  parties  qui  ne  seraient  pas  vues  directement  du  rem- 
part, notamment  les  fossés,  ou  à  défendre  les  approches 
des  ouvrages  voisins.  Le  tracé  bastionné  (V.  Bastion)  est 
le  seul  qui  donne  un  flanquement  complet  des  fossés  ;  ce 
genre  de  flanquement  est  dit  fichant,  parce  que  les  coups, 
partant  du  rempart,  sont  dirigés  de  haut  en  bas.  Le  tracé 
tenaillé,  d'ailleurs  peu  employé,  donne  également  un  flan- 
quement fichant,  mais  laissant  des  angles  morts  près  des 
angles  rentrants.  Le  flanquement  sous  casemates,  employé 
dans  le  tracé  polygonal,  est  appelé  rasant,  parce  que  les 
feux  partent  d'un  point  à  peu  près  au  même  niveau  que  le 
fossé.  Il  est  obtenu  par  des  caponnières,  des  casemates 
d'escarpe  ou  des  casemates  de  contrescarpe.  Enfin  on  peut 
aussi  organiser  le  flanquement  au  moyen^  d'ouvrages  spé- 
ciaux disposés  en  conséquence  dans  le  voisinage  ;  ce  pro- 
cédé a  surtout  son  application  dans  la  fortification  de  champ 
de  bataille.  Des  ouvrages  se  flanquent  réciproquement  lors- 
qu'ils peuvent  voir  et  battre  les  chemins  d'accès  à  ces  ou- 
vrages. De  même,   on  dit  que  deux  lignes  se  flanquent 
lorsque  l'une  donne  des  feux  dans  l'angle  mort  de  l'autre 
et  réciproquement.  Il  n'y  a  lieu  de  parler  ici  que  du  flan- 
quement fichant,  psr  le  rempart,  dans  la  fortification  per- 
manente. Ce  flanquement,  pour  s'exercer  efficacement,  doit  : 
4°  Avoir  des  flancs  d'une  longueur  suffisante.  Au 
point  de  vue  de  la  puissance  des  feux,  il  y  aurait  avan- 
tage à  donner  au  flanc  une  grande  longueur,  pour  fournir 
beaucoup  de  feux  dans  le  temps  très  court  que  l'assaillant 
meta  franchir  la  distance  qui  le  sépare  de  l'ouvrage.  Mais, 
avec  des  angles  saillants  assez  obtus,  les  flancs  iront  le 
plus  souvent  ficher  dans  la  campagne,  et  ils  seront  d'autant 
plus  exposés  aux  coups  d'écharpe  et  d'enfilade  qu'ils  seront 
plus  longs.  On  considère  comme  suffisant  pour  le  flanque- 
ment des  fossés  au  moins  deux  pièces  (une  mitrailleuse  et 
un  canon)  pour  les  lignes  peu  importantes  et  peu  éten- 
dues, et  trois  pour  les  autres  conjointement  avec  la  mous- 
queterie.  Aussi  la  longueur  des  flancs,  qui  était  autrefois  de 
45  m.,  peut-elle  être  réduite  à  20  m.  pour  deux,  et  à  30  m. 
pour  trois  pièces  traversées.  Il  sera  rarement  nécessaire 
d'aller  au  delà.  Dans  le  cas  exceptionnel  où  la  mousqueterie 
seule  serait  chargée  du  flanquement,  la  longueur  des  flancs 
devrait  être  au  moins  égale  à  la  largeur  du  fossé. 

2°  Ne  pas  s'exercer  de  trop  loin.  Cela  revient^  à  dé- 
terminer la  longueur  de  la  ligne  qui  va  de  l'extrémité  ren- 
trante du  flanc  à  l'extrémité  du  saillant  à  flanquer,  et  qui 
s'appelle  ligne  de  défense.  Cette  longueur,  autrefois  fixée  à 


FLANQUEMENT  —  FLASQUE 


—  576  — 


250  m.,  limite  de  la  portée  efficace  des  armes  portatives, 
peut  sans  inconvénient  être  portée  à  400  m.  avec  le  nouveau 
fusil  sans  changer  de  hausse,  et  à  500  m.  en  tenant  compte 
surtout  de  la  défense  par  l'artillerie  et  des  moyens  plus  effi- 
caces pour  surveiller  les  approches  même  pendant  la  nuit. 
On  a  vu  en  parlant  de  la  courtine  (V.  ce  mot)  qu'on  ne 
peut  descendre  non  plus  au-dessous  d'une  certaine  lon- 
gueur pour  flanquer  le  fossé  dans  toute  son  étendue.  Dans 
les  ouvrages  de  campagne  ou  semi-permanents,  il  est  préfé- 
rable de  prendre  la  ligne  de  défense  entre  250  et  300  m., 
parce  qu'on  doit  compter  presque  exclusivement  sur  la 
mousqueterie  pour  le  flanquement. 

3°  Etre  autant  que  possible  perpendiculaire  à  la  di- 
rection a  flanquer.  On  connaît  en  effet  la  tendance  qu'ont 
les  hommes,  surtout  la  nuit,  à  tirer  droit  devant  eux  quand 
ils  sont  appuyés  à  une  crête  (V.  Angle). 

Comparaison.  Quelque  soit  le  mode  de  flanquement,  ce- 
lui-ci ne  peut  rendre  lesservices  qu'on  en  attend  que  s'il  existe 
au  moment  opportun,  c.-à-d.  qu'il  faut  prendre  toutes  les 
mesures  possibles  pour  abriter  les  flancs  et  surtout  les 
pièces  qui  doivent  le  défendre.  Sous  ce  rapport,  le  flanque- 
ment sous  casemates  paraît  préférable  au  flanquement  par 
le  rempart,  puisque  les  pièces  et  les  hommes  restent  pro- 
tégés et  en  état  de  combattre  jusqu'au  dernier  moment, 
tandis  que  les  flancs  et  les  pièces  qui  s'y  trouvent  peuvent 
être  endommagés  ou  détruits  de  loin.  Il  convient  d'ajouter 
que,  depuis  l'apparition  des  obus-torpilles,  on  ne  peut  plus 
affirmer  qu'aucun  des  genres  de  flanquements  précédents 
pourra  résister.  Avec  les  projectiles  actuels,  il  paraît  diffi- 
cile de  trouver  le  moyen,  comme  le  propose,  pour  certains 
cas,  le  général  Brialmont,  d'abriter  sûrement  quelques 
pièces  légères  non  loin  de  leur  point  d'emploi  d'où  elles  se- 
raient promptement  amenées  sur  le  rempart  (flanc)  au  mo- 
ment du  besoin.  En  outre,  le  feu  plongeant  partant  du 
haut  des  remparts  est  moins  efficace  que  le  tir  rasant,  car, 
lorsque  la  ligne  flanquée  est  attaquée  en  plusieurs  points  à 
la  fois,  les  pièces  de  flanquement  sont  obligées  de  dissémi- 
ner leur  tir  et,  par  suite,  de  négliger  l'un  des  points.  Les 
casemates  d'escarpe  ont  besoin  très  sérieusement  d'être 
protégées  contre  le  tir  plongeant,  tandis  que  les  casemates 
de  contrescarpe  échappent  facilement  au  tir  en  brèche. 
Mais  les  communications  y  accédant  sont  fort  chères  et 
incommodes,  et  ces  casemates  sont  plus  faciles  à  détruire 
par  les  mines,  bien  qu'elles  puissent  servir  de  bases  à  un 
système  de  contre-mines.  Se  basant  sur  ces  résultats,  un 
certain  nombre  d'ingénieurs  militaires  ont  voulu  nier  l'uti- 
lité du  flanquement,  sous  prétexte  que,  ne  pouvant  plus 
être  effectué  efficacement  que  par  des  mitrailleuses  ou  des 
canons  à  tir  rapide  protégés  par  des  cuirassements,  la 
dépense  qui  en  résulte  est  non  seulement  hors  de  proportion 
avec  les  services  qu'il  peut  rendre,  mais  qu'elle  est  même 
inutile,  puisqu'un  ouvrage  défendu  par  des  tourelles  cuiras- 
sées est,  par  sa  nature  même,  à  l'abri  des  attaques  de  vive 
force.  L'utilité  du  flanquement  a  été  contestée  de  tout  temps 
et  toujours  par  des  arguments  sensiblement  les  mêmes. 
Cependant,  il  semble  que,  quel  que  soit  le  genre  d'ouvrage, 
les  attaques  de  vive  force  sont  toujours  autant  à  craindre, 
et,  avec  des  ouvrages  nombreux,  l'infanterie  de  la  défense 
ayant  un  effectif  moins  élevé  est  plus  exposée  que  par  le 
passé  derrière  les  crêtes  des  parapets.  Il  paraît  donc  indis- 
pensable d'avoir  des  coupoles  flanquantes  pour  empêcher  les 
assaillants  arrivés  dans  le  fossé  de  s'y  rallier  avant  d'en- 
treprendre l'assaut  sur  tous  les  points  à  la  fois  des  escarpes 
ou  des  parapets  généralement  en  terre  coulante.  Dans  les 
forts  nouvellement  construits,  le  général  Brialmont,  qui  est 
partisan  convaincu  du  flanquement,  recommande  de  placer 
les  mitrailleuses  ou  canons  à  tir  rapide  destinés  à  cet 
emploi  dans  des  coffres  de  contrescarpe.  Ceux  destinés  à 
flanquer  les  fossés  des  faces  sont  au  saillant  ;  le  coffre  de 
flanquement  pour  la  gorge  se  trouve  à  l'extrémité  de  celle- 
ci  du  côté  le  moins  exposé  à  l'enfilade.  Chacun  de  ces 
coffres  est  à  2  étages,  et  il  y  a  2  compartiments  à  chaque 
étage,  ce  qui  permet  de  disposer  4  bouches  à  feu  dans  un 


espace  restreint  et  d'empêcher  les  décombres  de  venir  gêner 
le  flanquement.  Dans  le  cas  où  il  serait  impossible  de  sous- 
traire ces  organes  au  tir  d'enfilade,  le  mur  de  masque  qui 
protège  les  pièces  pourrait  être  remplacé  par  un  blindage. 
Lafig.  ci-dessous  indique  ces  deux  dispositions.  Dans  les  an- 
ciens forts  existants,  le  mode  de  flanquement  varie  suivant 
les  cas.  Les  caponnières  de  flanquement  insuffisamment 


protégées  sont  remplacées  par  des  casemates  de  contres- 
carpe bien  couvertes,  ou  mieux  encore  par  2  petites  cou- 
poles à  éclipse,  armées  chacune  de  2  canons-revolvers. 
Ces  coupoles,  placées  aux  angles  d'épaule  des  forts,  pour- 
raient être  conservées  intactes  jusqu'au  moment  de  l'assaut . 
Dans  tous  les  cas,  on  ne  saurait  nier  la  nécessité  indispen- 
sable de  procurer  un  flanquement  aux  forts  d'arrêt.  Par 
contre,  on  pourra  se  dispenser  de  flanquer  les  fossés  pleins 
d'eau,  en  raison  de  l'obstacle  suffisant  créé  par  leur  lar- 
geur et  leur  profondeur.  Enfin,  on  estime  que  le  flanque- 
ment par  la  contrescarpe,  peu  employé  jusqu'ici,  rendra 
de  précieux  services  dans  les  fortifications  à  construire,  car 
il  est  plus  difficile,  même  avec  le  tir  vertical  des  obus- 
torpilles,  de  ruiner  les  casemates  de  contrescarpe  que  toute 
autre  espèce  de  flanquement,  pourvu  qu'elles  soient  suffi- 
samment enfoncées  et  établies  en  face  des  directions  non 
enfilées.  Ce  flanquement,  par  des  galeries  (  ou  coffres  de 
contrescarpe,  avait  été  considéré  jusqu'ici  comme  le  moins 
avantageux,  parce  qu'on  ne  peut  y  accéder  que  par  un  cou- 
loir obscur,  humide  et  d'une  construction  difficile.  Dans 
les  contrescarpes  en  béton,  les  galeries  existeront  en  très 
grande  partie  naturellement,  en  ménageant  un  éyidement 
convenable. 

FLANQUIS  (V.  Flànchis). 

FLAQUE  (Archéol.)  (V.  Flasque). 

F  LAS  K  A  (Smil-Jean  de  Pardubi.ce),  écrivain  tchèque, 
né  vers  le  milieu  du  xive  siècle,  mort  en  1403.  On  sait 
peu  de  chose.;  de  sa  vie.  Il  était  neveu  d'Arnost  ou  Ernest 
de  Pardubice,  archevêque  de  Prague.  Il  prit  part  aux 
troubles  politiques  de  son  temps  et  fut  tué  dans  un  combat 
aux  environs  de  Kutna  Hora.  Il  a  laissé  deux  ouvrages 
tchèques  :  un  recueil  de  proverbes  et  un  poème  didactique, 
le  Nouveau  Conseil.  Les  divers  animaux  de  la  création  y 
donnent  des  conseils  à  un  jeune  roi.  Ce  poème  a  été  traduit 
en  latin  par  Dubravius,  en  allemand  par  Wenzig  (Bas  neue 
Rath,  eine  Thierferbel;  Leipzig,  4855).  La  meilleure  et 
la  plus  récente  édition  tchèque  est  celle  qui  a  été  donnée 
par  M.  I.  Gebauer  dans  les  Pamatky  stare  literatury 
ceskê  (Prague,  4876).  Feifalik  lui  a  consacré  une  mono- 
graphie dans  les  mémoires  de  l'Académie  de  Vienne  (PhiL 
hist.  classe,  1859,  t.  XXXII).  L.  Léger. 

FLASQUE.  I.  Archéologie. —  Vaisseau  de  corne,  d'os, 
de  bois  ou  de  cuir  bouilli  dans  lequel  l'arquebusier  mettait 


sa  poudre  au  xvie  et  au  xvue  siècle.  Les  flasques  à  balles 
étaient  des  sacs  de  peau.  On  nomme  plus  ordinairement  les 
poires  à  poudre  fourniment. 

II.  Artillerie.  —  On  appelle  flasques,  dans  un  affût, 
les  parties  latérales  qui  supportent  les  tourillons  de  la 
bouche  à  feu.  Les  flasques  des  anciens  affûts  étaient  géné- 
ralement en  bois;  quelques-uns,  notamment  ceux  des 
affûts  de  côte  et  des  affûts  de  mortiers,  étaient  en  fonte. 
Après  4870,  on  adopta  en  France  des  flasques  en  tôle  de 
fer  (matériel  de  5  et  de  7).  Aujourd'hui,  grâce  aux  pro- 
grès réalisés  dans  la  métallurgie  de  l'acier,  les  flasques  ne 
se  construisent  plus  qu'en  tôle  d'acier  ou  en  acier  moulé. 
L'acier  présente  en  effet  des  avantages  considérables  au 
point  de  vue  de  la  résistance,  de  la  conservation  et  de  la 
facilité  avec  laquelle  on  le  fabrique  sous  les  formes  les 
plus  diverses.  Le  profil  des  flasques  est  variable  ;  le  plus 
souvent  ils  affectent  la  forme  générale  d'un  triangle  dont 
un  sommet  supporte  les  tourillons,  un  autre  forme  crosse 
et  le  troisième  repose  soit  sur  l'essieu  (affûts  sur  roues) , 
soit  sur  la  plate-forme  ou  sur  le  châssis  (affûts  glissants). 
L'épaisseur  des  tôles  d'acier  employées  à  la  confection  des 
flasques  varie  en  France  de  6mm5  (affût  de  80)  à  30  millim. 
(affût  de  455  long),  pour  les  affûts  montés  sur  roues. 
Lorsqu'on  emploie  des  tôles  de  faible  épaisseur,  on  aug- 
mente leur  rigidité  en  repliant  les  bords  à  angle  droit, 
comme  on  l'a  fait  dans  les  affûts  de  campagne  français. 
Dans  les  affûts  glissants,  chacun  des  flasques  est  formé 
soit  d'une  plaque  en  tôle  de  forte  épaisseur  reposant  sur 
une  semelle  comme  dans  l'affût  du  mortier  de  220  millim., 
soit  de  deux  plaques  ^parallèles  maintenues  à  l'écartement 
convenable  par  une  pièce-contour  formant  semelle  à  la 
partie  inférieure  (V.  Affût). 

FLASSAN.  Corn,  du  dép.  de  Vaucluse,  arr.  de  Carpen- 
tras,  cant.  de  Mormoiron  ;  428  hab. 

FLASSAN  (Jean-Baptiste-Gaetan  de  Raxis  de),  diplo- 
mate, historien  et  publiciste  français,  né  à  Bédouin  (Comtat- 
Venaissin)  le  7  août  4760,  mort  à  Paris  le  20  mars  4845. 
D'une  famille  qui  disait  être  venue  de  Corinthe  au  xve  siècle, 
Flassan  fut  d'abord  élevé  à  l'Ecole  militaire  de  Paris,  puis 
fit  plusieurs  voyages  à  Rome,  auprès  de  son  frère,  officier 
supérieur  des  gardes  du  pape.  Forcé  de  quitter  le  Comtat- 
Venaissin  en  4787  devant  les  premières  manifestations 
révolutionnaires,  il  vint  à  Paris  et,  dès  1789,  s'engagea 
dans  l'armée  des  princes.  Cela  ne  l'empêcha  pas  d'entrer 
au  service  du  comité  de  Salut  public  après  le  9  thermidor 
(1794).  En  4796,  il  était  employé  à  la  deuxième  section 
du  bureau  d'analyse  du  ministère  des  affaires  étrangères, 
section  chargée  d'analyser  les  correspondances  postérieures 
à  4788.  Il  était  chef  de  la  première  division  politique, 
quand  il  fut  obligé  de  s'enfuir  à  Marseille  comme  accusé 
d'émigration.  Professeur  d'histoire  à  l'Ecole  de  cavalerie 
de  Saint-Germain  en  4842,  il  fut  nommé  historiographe 
du  ministère  des  affaires  étrangères  le  4er  mai  de  la  même 
année.  Flassan  conserva  ces  fonctions  jusqu'au  34  déc. 

4829,  et  c'est  en  cette  qualité  qu'en  4845  il  accompagna 
les  négociateurs  français  au  congrès  de  Vienne.  Après 

4830,  il  vécut  dans  la  retraite.  On  a  de  lui  :  la  Question 
du  divorce  sous  le  rapport  de  l'histoire,  de  la  politique 
et  de  la  morale  (4790,  in-8);  De  la  Pacification  de 
l'Europe  (4802,  in-8);  De  la  Colonisation  de  Saint- 
Domingue  (4804,  in-8);  Histoire  générale  et  raisonnée 
de  la  diplomatie  française  depuis  la  fondation  de  la 
monarchie  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Louis  XVI  (Paris 
et  Strasbourg,  4808,  6  vol.  in-8  ;  2e  éd.,  4844,  7  vol. 
in-8)  (cet  ouvrage  a  fondé  la  réputation  de  Flassan  et, 
malgré  beaucoup  de  lacunes  et  d'inexactitudes,  il  mérite 
encore  d'être  consulté)  ;  De  la  Restauration  politique  de 
V Europe  et  de  la  France  (4844,  in-8);  Des  Bourbons 
de  Naples  (4844,  in-8);  Histoire  du  congrès  de  Vienne 
(1829,  2  vol.  in-8)  ;  Lettre  de  M.  le  prince  de  Poli- 
gnac  a  M.  de  Flassan  et  réponse  justificative  de  M.  de 
Flassan  (Paris,  4830,  in-8);  De  la  Neutralité  perpé- 
tuelle de  la  Belgique  (Paris,  1834,  in-8);  Solution  de 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XVII. 


—  577  —  FLASQUE  —  FLATTERS 

la  question  d'Orient  et  neutralité  de  l'Egypte  (Paris, 
4840,  in-8).  Louis  Farges. 

Bibl.:  F.  Masson,   le  Département  des  affaires  étran- 
gères pendant  la  Révolution  ;  Paris,  1880,  in-8. 

FLASSANS.  Corn,  du  dép.  du  Var,  arr.  de  Brignoles, 
cant.  de  Besse,  sur  l'Issole;  4,264  hab.  Bois  de  chênes 
blancs  et  verts.  Fabriques  d'eau-de-vie  ;  tannerie.  Sur  la 
colline  qui  domine  Flassans,  ruines  de  l'ancien  village. 
FLASSIEU  (Lucien  de)  (V.  Arbel). 
FLASSIGNY.  Corn,  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  et  cant. 
de  Montmédy;  468  hab. 

FLAT.  Corn,  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  et  cant. 
d'Issoire  ;  488  hab. 

FLATBUSH.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  New  York, 
dans  Long  Island,  à  côté  de  Brooklyn.  Etablissements  pour 
les  enfants,  les  aliénés,  les  incurables.  Centre  de  cultures 
potagères;  7,600  hab.  Flatbush  est,  en  fait,  un  faubourg 
de  Brooklyn. 

FLATEYJARBÔK  (Livre  de  Flatey).  Précieux  manuscrit 
islandais  sur  parchemin,  le  plus  grand  de  tous,  compilé  et 
écrit  par  le  prêtres  Jôn  Thordarson  et  Magnus  Thôrhalls- 
son,  achevé  en  4380,  sauf  quelques  feuillets  ajoutés  en 
4387  et  4394.  Son  nom  lui  vient  de  ce  que  l'évêque  Bryn- 
jôlf  Sveinsson,  qui  l'envoya  au  roi  Frédéric  III  en  4662, 
l'avait  reçu  de  Jon  Finnsson,  de  Flatey,  dans  le  Borgar- 
fjœrd.  Actuellement  conservé  à  la  grande  Bibliothèque 
royale  de  Copenhague,  il  contient  les  sagas  d'Olaf  Tryg- 
gvason,  de  saint  Ôlaf,  de  Sverri,  de  Hâkon  l'Ancien  ;  celles 
de  Magnus  le  Bon  et  de  Harald  Hardrâdé,  intercalées  dans 
le  manuscrit  à  la  fin  du  xvc  siècle;  des  généalogies,  des 
annales  depuis  César  jusqu'en  4394;  quelques  poèmes, 
notamment  Hyndluljôd,  que  l'on  joint  à  ceux  de  l'An- 
cienne Edda,  et  un  grand  nombre  d'épisodes  généralement 
rares  et  intéressants  et  dont  plusieurs  concernent  les  colo- 
nies nordlan tiques  et  américaines.  La  plupart  des  mor- 
ceaux avaient  été  déjà  publiés  dans  les  Fornmanna  sœgur, 
lorsqu'ils  furent  tous  édités  par  Gudbrand  Yigfûsson  et 
C.-R.  Unger  (Flateyjarbôk  ;  Christiania,  48*60-1868, 
3  vol.  in-8).  Beau  vois. 

FLATHE  (Heinrich-Theodor),  historien  allemand  con- 
temporain, né  à  Tanneberg  (Saxe)  le  1er  juin  4827.  Il 
s'est  occupé  plus  spécialement  de  l'histoire  de  la  Saxe 
électorale  et  royale,  et  publia  en  outre  un  «  Manuel  » 
d'histoire  universelle  (Katechismus  der  allgemeinen 
Weltgeschichte;  Leipzig,  4876),  ainsi  qu'un  ouvrage 
plein  d'intérêt  :  Geschichte  der  Restauration  und  Révo- 
lution, 1815-i85i  (Berlin,  4883).  G.  P.-i. 

F  L  AT  M  A  N  (Thomas) ,  poète  et  peintre  anglais ,  né  en  1 63  7 , 
mort  à  Londresle  8  déc.  1688.  Il  s'acquît  une  grande  réputa^ 
tion  de  miniaturiste.  Ses  odes  pindariques,  au  contraire,  exci- 
tèrent les  railleries  des  contemporains.  Cependant  Pope  ne 
dédaigna  pas  de  puiser  des  inspirations  dans  certains  de 
ses  poèmes,  notamment  dans  A  Thought  of  Dealh.  Ses 
œuvres  poétiques  furent  réunies  sous  le  titre  de  Poems 
and  Songs  en  4674;  la  4e  éd.,  qui  date  de  4686,  est  la 
plus  complète.  On  lui  attribue  quelques  autres  ouvrages, 
tels  que  :  Montelion's  Almanac  pour  4664  et  pour  4662 
et  Don  Juan  Lamberto...,  by  Montelion  (4664).  Son 
portrait  en  miniature,  peint  par  lui-même,  se  trouve  dans 
la  collection  Dyce,  au  South  Kensington  Muséum. 

FLATTERS.  Village  d'Algérie,  dép.  d'Alger,  arr.  d'Or- 
léansville,  dans  la  corn,  mixte  de  Ténès,  à  41  kil.  à  l'E. 
de  la  route  d'Orléansville  à  Ténès.  Créé  en  4884  pour  cent 
feux,  il  s'appela  d'abord  Ben-Naria. 

FLATTERS  (Johann-Jakob),  sculpteur  allemand,  né  en 
4784  à  Crefeld  (province  de  Clèves).  Envoyé  à  Paris  par 
son  père  pour  y  apprendre  l'ébénisterie,  il  réussit  à  entrer 
dans  l'atelier  de  Houdon,  où  son  talent  se  révéla  prompte- 
ment.  Désormais  il  resta  en  France  et  y  fit  même  la  campagne 
de  4844.  Il  exposa  pour  la  première  fois  en  4840,  et,  en 
4843,  se  fit  remarquer  avec  une  Rencontre  de  Philoctète 
et  d'Ulysse,  aujourd'hui  dans  la  galerie  de  Dusseldorf.  Cet 
artiste,  tout  français,  malgré  son  origine  allemande,  est  un 

37 


FLATTERS  —  FLAUBERT 


—  578 


des  bons  sculpteurs  de  l'école  impériale.  On  cite  parmi  ses 
œuvres  :  une  Hébé  (1819)  ;  une  Ganymède  (1822);  Héro 
attendant  Lêandre  (1827)  ;  une  Tête  de  Christ  (1844); 
la  statue  de  Delille  pour  Clermont-Ferrand  (1820);  les 
bustes  de  Louis XVIII,  du  Roi  de  Prusse,  du  Prince  Koura- 
kine,  du  Comte  Rostopchine,  du  Général  Foy,  de  Byron, 
de  Gœthe,  de  Talma,  etc.  Ses  cinquante-six  compositions 
pour  le  Paradis  perdues  Milton  ont  été  gravées  en  1836. 
FLATTERS  (Paul-François-Xavier),  officier  et  explora- 
teur français,  né  à  Laval  le  16  sept.  1832,  mort  au  Sahara 
le  16  févr.  1881.  Sous-lieutenant  d'infanterie  en  1853, 
nommé  lieutenant  en  1855  sous  les  murs  de  Sébastopol, 
capitaine  en  1861,  chef  de  bataillon  en  1871,  il  fit  presque 
toute  sa  carrière  en  Algérie,  où  il  fut  longtemps  employé 
dans  les  bureaux  arabes.  Promu  lieutenant-colonel  le  3  mai 
1879,  il  venait  de  rentrer  en  France  lorsque  le  gouverne- 
ment l'appela  à  faire  partie  de  la  commission  supérieure  qui 
étudiait  les  moyens  de  relier  l'Algérie  au  Soudan  par  une 
voie  ferrée.  Au  mois  de  novembre  de  la  même  année,  on 
le  renvoyait  en  Afrique  pour  entreprendre  une  exploration 
qui  devait  rendre  son  nom  célèbre.  Il  était  chargé  de  re- 
connaître la  route  qu'il  avait  indiquée  lui-même  comme  la 
plus  propice  à  l'établissement  du  chemin  de  fer  projeté. 
Parti  d'Ouarglale  5  mars  1880,  avec  trente-neuf  personnes, 
il  se  met  en  marche  vers  le  S.  en  remontant  la  vallée  de 
l'Igharghar  par  Aïn-Baïba,  El-Bïodh  et  Timassinin.  Arrivé  à 
ce  dernier  point,  il  oblique  au  S.-E.  par  la  vallée  des  Ighar- 
gharen  et  vient  camper  le  16  avr.  sur  les  bords  du  lacMen- 
ghough,  à  la  lisière  du  pays  des  Touareg  Azdjer.  Là  le 
manque  de  vivres  et  les  dispositions  peu  rassurantes  des 
indigènes  l'obligent  à  rebrousser  chemin.  Le  17  mai  il 
rentre  à  Ouargla,  n'ayant  rempli  que  la  première  partie  de 
son  programme,  mais  ramenant  tout  son  monde  et  rappor- 
tant des  renseignements  précieux  sur  le  pays  parcouru.  Il 
organise  aussitôt  une  nouvelle  expédition.  Celle-ci,  forte  de 
93  hommes,  quitte  Ouargla  le  4  déc.  1880  et  s'achemine 
vers  le  S.  par  une  route  située  à  l'O.  de  la  précédente.  La 
caravane  remonte  d'abord  l'oued  Mia  jusqu'à  Inifel,  puis 
l'oued  Insokki  jusqu'au  puits  de  ce  nom.  Elle  se  porte  en- 
suite au  S.-E.  par  Messeguem  en  contournant  le  plateau 
de  Tademaït,  et  rejoint  la  haute  vallée  de  l'Igharghar  à 
Amguid.  De  là,  elle  continue  sa  route  par  la  sebkha  d'Amad- 
ghar,  se  dirigeant  sur  Asiou,  point  important  du  Sahara 
central,  d'où  Flatters  espère  déboucher  sans  difficulté  sur 
le  Soudan.  Le  16  févr.  1881  elle  s'arrête  à  Bir-el-Gha- 
rama,  à  200  kil.  environ  au  N.  d' Asiou.  Un  guet-apens 
l'y  attendait.  Avant  même  que  l'expédition  eût  quitté  Ouar- 
gla, les  Touareg  Hoggar,  les  Ouled-Sidi-Cheikh  et  les  Se- 
noussya,  avertis  de  son  itinéraire,  avaient  comploté  de  la 
détruire  dès  qu'elle  serait  engagée  dans  l'intérieur.  A  cet 
effet,  600  hommes  des  trois  tribus  étaient  venus  s'embus- 
quer près  de  Bir-el-Gharama.  Les  guides  de  la  mission  pac- 
tisaient avec  eux.  A  peine  arrivé  au  campement,  Flatters 
est  attiré,  sous  un  prétexte,  dans  un  ravin  du  voisinage 
avec  ses  principaux  compagnons.  Les  Touareg  fondent  sur 
lui  et  le  massacrent  ainsi  que  le  capitaine  Masson,  les  in- 
génieurs Roche  etBéringer,  le  docteur  Guiard,  le  maréchal 
des  logis  Dennery  et  une  vingtaine  d'hommes  de  l'escorte. 
Désorganisée  par  ce  désastre,  la  caravane  se  met  aussitôt 
en  retraite  sous  la  conduite  du  lieutenant  de  Dianous.  Les 
Touareg  la  poursuivent,  enlevant  les  traînards  et  les  bêtes 
de  somme.  Dianous  est  tué  dans  un  combat  près  d'Amguid. 
Alors  commence  une  course  lamentable  à  travers  un  pays 
sans  eau,  sans  vivres,  où  les  malheureux  fugitifs  sont  ré- 
duits à  se  manger  les  uns  les  autres.  Enfin, le  4  avr.,  les 
derniers  survivants  arrivent  à  Messeguem.  Là  ils  trouvent 
du  secours  et  sont  ramenés  à  Ouargla  presque  expirants. 
Des  93  membres  de  l'expédition  21  seulement  échappèrent. 
Aucun  Français  n'était  du  nombre  ;  tous  les  papiers  de  la 
mission  furent  perdus.  Cependant,  grâce  aux  lettres  écrites 
par  Flatters  avant  la  catastrophe,  on  put  reconstituer  une 
partie  des  observations  faites  par  lui  et  ses  compagnons 
de  voyage.  Si  incomplètes  qu'elles  soient,  ces  observations 


restent  une  des  bases  les  plus  sérieuses  de  nos  connais- 
sances sur  le  Sahara  central.  Ch.  Grand  je  an. 

Bibl.  :  Flatters,  Mission  d'exploration  dans  le  Sahara 
central,  dans  Bull,  de  l'Union  géogr.  du  Nord,  1880,  n°  4.— 
V.  Derrégagaix,  Exploration  du  Sahara;  les  deux  mis- 
sions Flatters;  Paris,  1882,  in-8.  —  Deuxième  Mission 
Flatters;  historique  et  rapport  réd.  au  service  cent,  des 
aff.  indig.  ;  Alger,  1882,  in-8.  —  Doc.  relatifs  à  la  mission 
dirigée  par  le  lieut.-col.  Flatters  ;  Paris,  1884,  in-4.  —  H. 
Brosselard,  les  Deux  Missions  Flatters;  Paris,  1889,in-18, 
2°  éd.  ' 

FLATTICH  (Johann -Friedrich),  pédagogue  et  pasteur 
allemand,  né  à  Beihingen,  près  de  Ludwigsberg,  le  8  oct. 
1713,  mort  à  Miinchingen  (Wurttemberg)  le  1er  juin  1797. 
Il  mérite  une  mention,  à  raison  de  la  célébrité  dont  il  a 
joui  en  Allemagne,  où  ses  admirateurs  l'ont  appelé  un 
Salomon  moderne.  Sa  vie,  tout  entière  consacrée  au 
ministère  pastoral  et  à  l'éducation  des  jeunes  gens  qu'il 
réunissait  autour  de  lui,  n'offre  aucun  incident  remar- 
quable, et  ses  œuvres,  notamment  la  principale,  Remarques 
sur  r œuvre  de  l'information  («  information  »  était  le 
mot  que Flattich  employait  comme  synonyme  d'instruction), 
ne  contiennent  que  des  conseils  très  sages,  des  vues  judi- 
cieuses, mais  sans  grande  originalité.  G.  C. 

FLATU  LENCE.  Surabondance  de  gaz  dans  le  tube  diges- 
tif, surtout  dans  l'estomac  (V.  Estomac,  Dyspepsie,  Intes- 
tin, Tympanisme)  . 

FLAUBERT  (Gustave),  littérateur  français,  né  à  Rouen 
le  12  déc.  1821,  mort  à  Croisset  (Seine-Inférieure)  le  8  mai 
1880.  Fils  d'un  Champenois  devenu  chirurgien  en  chef  de 
l'Hô tel-Dieu  de  Rouen,  Achille-Cléophas  Flaubert,  et  d'une 
Normande  de  vieille  souche,  Anne-Justine-Caroline  Fleuriot, 
Gustave  Flaubert  était  le  quatrième  d'une  famille  de  six 
enfants,  dont  trois  seulement  survécurent,  l'aîné,  Achille, 
le  quatrième,  Gustave,  et  une  fille  cadette,  Caroline.  Il  fit  ses 
études  au  collège  de  sa  ville  natale  et  ne  s'y  distingua  point 
autrement  que  par  un  goût  très  prononcé  pour  l'histoire; 
reçu  bachelier,  il  partit  pour  Paris  et  s'inscrivit  à  l'Ecole 
de  droit.  Une  maladie  assez  grave  l'obligea  peu  de  temps 
après  à  regagner  Rouen.  Il  ne  cherchait,  du  reste,  que  l'oc- 
casion de  renoncer  à  des  études  qu'il  n'avait  entreprises 
que  sur  les  injonctions  formelles  de  son  père  et  qui  lui  ins- 
piraient une  véritable  horreur.  Dès  cette  époque,  tout  tra- 
vail étranger  à  la  littérature  lui  apparaissait  comme  une 
diminution  ;  il  lisait  beaucoup  ;  il  écrivait  davantage  encore, 
mais  sans  rien  achever.  On  a  recueilli  dans  des  mélanges 
posthumes  quelques-uns  de  ces  essais  fragmentaires  d'entre 
sa  dix-huitième  et  sa  vingtième  année,  certains  assez  per- 
sonnels déjà,  sinonparle  fond,  qui  reste  romantique,  du  moins 
par  le  tour,  singulièrement  net  et  serré  :  ainsi  le  fragment 
d'autobiographie  romanesque  qui  porte  le  titre  de  No- 
vembre. Le  premier  fragment  en  date  publié  est  le  Chant 
de  la  mort  (1838)  ;  le  second,  Smarh  (vieux  mystère, 
dit  le  manuscrit),  daté  de  l'année  suivante,  emprunte  une 
certaine  importance  du  fait  qu'on  y  peut  trouver  l'idée 
mère  et  comme  les  linéaments  de  cette  fameuse  2  entation 
de  saint  Antoine,  éternelle  obsession  du  pauvre  Flaubert 
qui  ne  cessa  d'y  revenir,  de  la  reprendre  et  de  la  remanier 
jusqu'en  1874  où  elle  parut  enfin  en  volume  et  quand  Y  Ar- 
tiste en  avait  déjà  publié  les  trois  quarts  dès  1857.  Cepen- 
dant la  mort  du  père  de  Flaubert,  en  le  soustrayant  à  une 
tutelle  trop  étroite  et  par  le  bénéfice  d'une  succession  assez 
considérable,  allait  lui  permettre  de  renoncer  à  toute  espèce 
de  travail  autre  que  de  son  choix.  Dès  lors  la  littérature 
le  prend,  l'absorbe  tout  entier.  Il  s'installe  d'abord  aux 
environs  de  Rouen,  à  Croisset,  avec  sa  famille,  puis  il  part 
pour  la  Bretagne  avec  M.  Maxime  du  Camp  et  en  rapporte 
la  matière  d'un  livre  d'impressions  qui  sera  publié  après 
sa  mort  sous  le  titre  de  Par  les  Champs  et  par  les  Grèves. 
Retour  à  Croisset.  Smarh  devient  dans  l'esprit  de  Flau- 
bert la  Tentation  de  saint  Antoine  qu'il  ébauche  dans 
ses  grandes  lignes.  En  1849,  nouveau  départ  avec  M.  du 
Camp,  mais  cette  fois  pour  la  Grèce,  la  Syrie,  l'Egypte,  etc., 
d'où  il  compte  rapporter  un  nouveau  livre  d'impressions, 
dont  le  début  seul  fut  écrit  (A  Bord  de  la  Cange);  du  moins 


579 


FLAUBERT  —  FLAUST 


Flaubert  y  recueillit-il  des  indications  de  paysages  qui  de- 
vaient lui  servir  par  la  suite.  Second  retour  et  installation 
à  Croisset  en  1851.  Reprise  de  la  Tentation  de  saint 
Antoine,  qu'il  mène  d'un  trait  jusqu'à  plus  de  la  moitié  du 
livre  et  qu'il  abandonne  brusquement  pour  l'exécution  d'un 
sujet  tout  opposé  :  c'est  Madame  Bovary,  roman  de  mœurs 
contemporaines,  publié  dans  h,  Revue  de  Paris  en  1857, 
poursuivi  sous  l'inculpation  d'outrage  aux  mœurs  et  ac- 
quitté sur  la  remarquable  défense  deMe  Sénart.  De  Madame 
Bovary  date  la  réputation  de  Gustave  Flaubert.  Le  livre  fit 
un  bruit  énorme  dans  la  presse  et  dans  le  public  ;  Sainte- 
Beuve  l'appuya  de  sa  courageuse  et  décisive  autorité.  On  y 
vit  communément  le  point  de  départ  d'un  art  nouveau,  fran- 
chement réaliste,  décidé  à  tout  comprendre  et  à  tout  dire; 
une  critique  plus  avertie  devait  retrouver  plus  tard  dans  cette 
forme  d'apparence  si  tranchée  bien  des  attaches  encore  avec 
le  romantisme  déclinant.  Il  eût  semblé  qu'un  succès  aussi 
vif  devait  décider  de  la  direction  de  Flaubert  :  il  n'en  fut 
rien.  Presque  en  même  temps  que  Madame  Bovary  parais- 
sait dans  la  Bévue  de  Paris,  V Artiste  publiait  en  frag- 
ments la  Tentation  de  saint  Antoine.  En  1858,  Flaubert 
partait  pour  Tunis,  visitait  l'emplacement  de  Carthage,  et 
quatre  ans  plus  tard  donnait  Salammbô,  reconstitution  pro- 
digieuse, aux  trois  quarts  intuitive,  d'une  civilisation  à  peu 
près  sans  histoire  et  où  l'on  ne  saurait  trop  admirer  du 
moins  la  claire  et  froide  beauté  du  style,  la  farouche  gran- 
deur des  épisodes,  la  marche  rythmique  de  l'action.  Sa- 
lammbô fut  loin  de  provoquer  le  même  enthousiasme  que 
Madame  Bovary.  Sainte-Beuve  lui-même  s'éleva  contre  les 
procédés  un  peu  suspects  d'un  romancier  avant  tout  passionné 
d'exactitude  et  qui  allait  choisir  de  toute  l'histoire  la  civilisa- 
tion qui  prêtait  le  plus  aux  hypothèses.  Flaubert  riposta. 
La  discussion  fut  longue  ;  elle  n'est  point  de  celles  qui  se 
tranchent  tout  entières  en  un  sens  ou  en  l'autre  ;  du  moins 
la  bonne  foi  de  Flaubert  y  apparut-elle  absolue.  Avec  V Edu- 
cation sentimentale,  roman  d'un  jeune  homme,  Flau- 
bert parut  revenir  un  moment,  en  1869,  au  genre  qui  lui 
avait  valu  une  si  rapide  et  légitime  célébrité,  lors  de  la  pu- 
blication de  Madame  Bovary.  La  Tentation  de  saint  An- 
toine, publiée  en  1874,  fut  au  contraire  un  retour  vers  le 
roman  descriptif  et  d'imagination  rétrospective.  La  même 
année,  Flaubert  abordait  le  théâtre  avec  une  pièce  d'actua- 
lité, Candidat,  qui  fut  jouée  au  Vaudeville  et  tomba  net. 
Ce  n'était  point  sa  première  tentative  dramatique.  Flaubert 
avait  écrit  une  manière  de  féerie  lyrique,  le  Château  des 
fleurs,  qu'il  essaya  vainement  de  faire  accepter  d'un  direc- 
teur de  théâtre  et  qui  a  été  publié  dans  ses  Œuvres  pos- 
thumes. En  1877  paraissaient  Trois  Contes,  dans  la  ma- 
nière impersonnelle,  hautaine  et  un  peu  froide  de  Salammbô. 
La  mort  vint  le  surprendre  au  moment  où  il  mettait  la  main 
aux  derniers  chapitres  d'une  œuvre  nouvelle  :  Bouvard 
et  Pécuchet,  partiellement  publiée  après  sa  mort  dans  la 
Revue  politique  et  littéraire  et  réunie  en  volume  en  1881. 
Sur  la  fin  de  sa  vie,  Flaubert  avait  fort  malheureusement 
aliéné  sa  fortune  pour  satisfaire  à  des  exigences  de  famille  ; 
M.  Jules  Ferry,  alors  ministre  de  l'instruction  publique, 
s'honora  en  le  pourvoyant  immédiatement  d'une  place  à  la 
bibliothèque  Mazarine  (1879).  Les  œuvres  posthumes  du 
grand  romancier  comprennent  ses  Lettres  à  George  Sand 
(1 884)  ;  Par  les  Champs  et  par  les  Grèves,  publiés  d'abord 
dans  le  Gaulois  et  comprenant,  en  outre  des  mélanges  dont 
nous  avons  parlé,  une  étude  sur  Rabelais,  h  Préface  aux 
dernières  chansons  et  la  Lettre  au  Conseil  muni- 
cipal de  Rouen,  à  la  suite  du  refus  opposé  par  la  ville 
à  l'érection  d'un  monument  public  en  l'honneur  de  Louis 
Bouilhet  ;  Candidat  et  le  Château  des  fleurs,  publiés 
dans  la  Vie  moderne  (1885);  enfin  une  Correspon- 
dance fort  volumineuse  et  dont  la  publication  n'est  point 
encore  terminée.  La  ville  de  Rouen  a  élevé  en  1 890  un 
monument  à  la  gloire  de  Gustave  Flaubert  ;  mais  Croisset 
où  il  mourut,  et  dont  le  beau  parc  baignait  dans  la  Seine 
a  été  rasé  et  transformé  en  un  établissement  industriel. 

Charles  Le  Goffic. 


FLAU COURT.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  et  cant. 
de  Péronne  ;  547  hab.. 

FLAUGEAC.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Ber- 
gerac, cant.  de  Sigoulès  ;  261  hab. 

FLAUGERGUES  (Honoré),  astronome  français,  né  à 
Viviers  (Ardèche)  le  16  mai  1755,  mort  à  Viviers  le 
26  nov.  1830.  Lauréat  des  académies  de  Lyon,  de  Mont- 
pellier, de  Toulouse,  de  Nîmes,  il  fut  nommé  en  1796 
membre  associé  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  et  se 
vit  offrir  l'année  suivante  la  direction  de  l'observatoire  de 
Toulon,  mais  il  préféra  la  place  de  juge  de  paix  de  sa  ville 
natale.  Ses  travaux  ont  fait  l'objet  d'une  soixantaine  de 
mémoires  parus  de  1790  à  1830  dans  les  recueils  de  l'Ins- 
titut, dans  la  Connaissance  des  Temps,  dans  le  Journal 
de  physique,  dans  les  Annales  de  mathématiques, 
dans  la  Correspondenz  de  Zach,  dans  la  Bibliothèque 
universelle  de  Genève,  et  relatifs  à  la  théorie  des  ma- 
chines simples,  aux  satellites  de  Jupiter,  à  l'anneau  de  Sa- 
turne, aux  taches  de  Mars,  à  diverses  comètes,  à  la  figure 
de  la  Terre,  à  la  pluviométrie,  à  l'évaporation  de  l'eau,  aux 
arcs-en-ciel,  aux  trombes,  etc.  L.  S. 

Bibl.  :  V.  la  liste  des  mémoires  précités  dans  le  Cata- 
logue of  scientific  papers  of  the  Royal  Society  ;  Londres, 
1868,  t.  II,  in-4. 

FLAUGERGUES  (Pierre-François),  né  à  Rodez  en  1767, 
mort  à  Brie  le  31  oct.  1836.  Avocat  au  Parlement  de 
Toulouse  avant  1789,  il  fut,  en  1792,  élu  président  de 
l'administration  départementale  de  l'Aveyron,  fut  quelque 
temps  menacé  et  réduit  à  se  cacher  pendant  la  Terreur 
comme  partisan  des  Girondins,  reprit  sa  place  dans  l'ad- 
ministration à  Rodez  en  1796,  fut  nommé  sous-préfet  à 
Villefranche-de-Rouergue  en  1799  et,  révoqué  en  1810, 
entra  au  Corps  législatif  le  6  janv.  1813.  En  déc.  de  la 
même  année,  il  fit  partie  de  la  commission  par  l'organe 
de  laquelle  cette  assemblée  osa,  pour  la  première  fois, 
faire  acte  d'opposition  à  l'empereur.  Trois  mois  plus  tard, 
il  vota  la  déchéance  de  Napoléon  Ier  (3  avr.  1814).  Sous 
la  première  Restauration,  il  défendit  à  la  tribune,  avec 
éloquence  et  fermeté,  les  libertés  publiques.  Pendant  les 
Cent-Jours,  il  fut  vice-président  de  la  Chambre  des  repré- 
sentants et,  après  Waterloo,  fut  au  nombre  des  commis- 
saires envoyés  pour  négocier  un  armistice  avec  les  généraux 
de  la  coalition  (24  juin  1815).  Elu  député  au  mois  d'août 
suivant,  il  ne  siégea  pas  dans  la  Chambre  «  introuvable  », 
parce  qu'il  ne  payait  pas  le  cens  d'éligibilité  exigé  par  la 
loi.  Non  réélu  en  1816,  il  publia,  au  sujet  de  la  loi  du 
5  févr.  1817,  qu'il  désapprouvait,  et  du  projet  de  loi  du 
double  vote,  deux  brochures  qui  firent  quelque  bruit  :  De 
la  Représentation  nationale  et  principes  sur  la  ma- 
tière des  élections  (Paris,  1820,  in -8);  Application  à 
la  crise  du  moment  des  principes  exposés  dans  la  bro- 
chure intitulée  la  Représentation  nationale,  etc.,  fut 
nommé  maître  des  requêtes  au  conseil  d'Etat  en  1820, 
perdit  sa  place  en  1823  et  vécut  dès  lors  dans  la  retraite. 

FLAUGNÂC.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors,  cant. 
de  Castelnau-de-Montratier  ;  895  hab. 

FLÂUJAC-près-Lalbenque.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr. 
de  Cahors,  cant.  de  Lalbenque  ;  383  hab. 

FLAUJAC-près-Livernon.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr. 
de  Figeac,  cant.  de  Livernon  ;  230  hab. 

FLÂUJÂGUES.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de 
Libourne,  cant.  de  Pujols  ;  633  hab. 

FLÂU!ÏIONT-Waudrechies.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr. 
et  cant.  (N.)  d'Avesnes;  357  hab. 

FLAUST  (Jean-Baptiste),  savant  avocat  et  jurisconsulte 
français,  né  à  Vire  en  1709,  mort  à  Saint-Sever,  près  de 
Vire,  en  1783.  Il  a  consacré  plus  de  quarante  années  de 
sa  vie  à  son  grand  travail,  toujours  consulté,  lorsqu'on 
veut  étudier  l'ancien  droit  normand  :  Explication  de  la 
Coutume  et  de  la  Jurisprudence  de  Normandie  dans 
un  ordre  simple  et  facile  (Rouen  etCaen,  1781  et  1785, 
2  vol.  in-fol.).  —  Son  fils,  Pierre-Marie-Jean-Baptiste, 


FLAUST  -  FLAVIA 


580 


lieutenant  général  au  bailliage  de  Vire,  né  à  Rouen  en  1762, 
fut  député  de  Caen  à  l'Assemblée  nationale  en  1789. 

FLAUX.  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  et  cant.  d'Uzès  ; 
270  hab. 

FLAUX  (Armand  de),  littérateur  français,  né  à  Uzès  en 
1819.  Il  s'est  occupé  presque  uniquement  de  littérature  et 
a  été  chargé  par  le  gouvernement  de  deux  missions  litté- 
raires :  l'une  en  Allemagne,  en  Suède,  Norvège,  Danemark 
(1860),  l'autre  en  Tunisie  (1861).  Nous  citerons  de  lui: 
Nuits  d'été,  poésies  (Paris,  1850,  in-8)  ;  Sonnets  (1864, 
in-8)  ;  la  Régence  de  Tunis  (1865,  in-8)  ;  Du  Dane- 
mark, Impressions  de  voyages  (1862,  in-8)  ;  Histoire 
de  Suède  pendant  la  vie  et  sous  le  règne  de  Gus- 
tave Ier  (1861,  in-8)  ;  la  Suède  au  xvie  siècle  (1868, 
in-8). 

FLAVACOURT.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beau- 
vais,  cant.  du  Co.udray-Saint-Germer  ;  645  hab.  Ce  village 
a  donné  son  nom  à  une  ancienne  famille  du  Vexin,  qui  joua 
un  rôle  important  au  moyen  âge.  Guillaume  de  Flavacourt 
fut  archevêque  de  Rouen  de  1275*  à  1306.  Un  autre  Guil- 
laume (4359)  fut  aussi  archevêque  de  Rouen  en  1356, 
après  avoir  passé  sur  les  sièges  de  Viviers  (1319),  Car- 
cassonne  (1323)  et  d'Auch  (1324).  La  seigneurie  passa  par 
mariage,  en  1420,  dans  la  maison  de  Fouilleuse.  Philippe 
de  Fouilleuse  et  son  fils  Antoine,  seigneur  de  Flavacourt, 
furent  chambellans  et  conseillers  d'Etat  de  Louis  XI.  La 
terre  fut  érigée  en  marquisat  en  1637.  François  de  Fouil- 
leuse, marquis  de  Flavacourt,  fut  maréchal  de  camp  en 
1744.  Après  lui,  cette  terre  vint  à  la  maison  de  Bour- 
deille.  Le  chœur  de  l'église  est  gothique;  la  travée  centrale 
et  le  clocher  sont  du  xvie  siècle.  Le  château  n'existe  plus. 
Parmi  les  hameaux,  citons  Lincourt  et  Saint- Sulpice, 
où  l'on  voit  une  chapelle  du  xvie  siècle,  siège  d'un  pèlerinage 
très  fréquenté  pour  les  enfants  malingres.       C.  St-A. 

FLAVAN I L1NE  (Chim.  industr.). Les  matières  colorantes 
connues  sous  le  nom  de  flavaniline  appartiennent  au 
groupe  de  la  quinoléine.  Leur  découverte  date  de  Tannée 
1881.  La  flavaniline  s'obtient  en  traitant  pendant  quelques 
heures,  à  une  température  variant  de  250  à  270°,  de  l'acé- 
tanilide  avec  du  chlorure  de  zinc  ;  on  reprend  la  masse  à 
l'ébullition  par  de  l'acide  chlorhydrique,  et  la  solution  colo- 
rante est  précipitée  par  le  sel  et  un  peu  d'acétate  de  soude. 
Des  cristaux  orangés  de  chlorhydrate  se  précipitent  ;  ils 
présentent  un  magnifique  dichroïsme  bleu  ;  ils  sont  assez 
solubles  dans  l'eau,  et  teignent  le  coton  mordancé  et  la 
soie  en  jaune  avec  une  fluorescence  vert  mousse.  La 
marque  commerciale  désignée  sous  le  nom  de  flavaniline  S 
est  le  produit  sulfoconjugué  de  la  précédente.  La  flavani- 
line traitée  à  l'ébullition  par  l'acide  chlorhydrique  donne, 
en  refroidissant  la  solution,  le  chlorhydrate  de  flavénol, 
dont  la  base  précipitée  par  l'ammoniaque  et  dissoute  dans 
la  potasse  possède  un  pouvoir  tinctorial  considérable.  Les 
flavanilines  ne  se  trouvent  plus  dans  le  commerce  ;  elles 
n'ont,  du  reste,  fait  qu'une  courte  apparition  dans  l'indus- 
trie tinctoriale.  Ch.  G. 

F  LA  V A  U  R I N  E  (Chim.  industr.) .  La  flayaurine  ou  jaune 
nouveau  est  le  sel  ammoniacal  du  dinitrophénolparasul- 
foné.  Découverte  en  1883,  elle  fut  préparée  par  la  fabrique 
d'aniline  Beyer  et  Hegel,  de  Leipzig  ;  on  l'obtient  en  par- 
tant de  l'acide  mononitrophénique  parasulfonique  ;  on  traite 
100  kilogr.  de  phénol  par  100  kilogr.  d'acide  sulfurique 
à  66°  pendant  deux  heures,  à  100°;  on  reprend  par 
200  litres  d'eau  et  100  litres  d'acide  azotique  à  froid.  Au 
bout  de  six  heures,  on  ajoute  à  nouveau  100  litres  d'acide 
azotique  et  on  chauffe  deux  heures  à  100°.  On  obtient 
ainsi  l'acide  dinitrophénolsulfonique.  L'acide  dinitrophé- 
nolsulfonique  est  alors  étendu  et  saturé  par  la  chaux  ;  on 
traite  par  le  sulfate  d'ammoniaque,  il  se  forme  du  sul- 
fate de  chaux  par  double  décomposition  ;  on  filtre,  il  ne 
reste  plus  qu'à  évaporer  à  sec  en  agitant  constamment  ;  on 
sèche  à  60°  à  l'étuve  et  on  pulvérise.  La  flavaurine  se  pré- 
sente sous  forme  d'une  poudre  orangée,  ne  détonant  pas 
par  la  chaleur,  mais  se  boursouflant  ;  elle  est  facilement 


soluble  dans  l'eau  et  teint  la  laine  et  la  soie.  Cette  matière 
colorante  ne  se  rencontre  plus  dans  le  commerce.    Ch.  G. 

FLAVEL  (John),  écrivain  et  prédicateur  calviniste  anglais, 
né  en  1627,  mort  en  1691.  Ses  œuvres,  comprenant  une 
partie  de  ses  Sermons  et  divers  écrits  religieux,  parmi 
lesquels  Husbandry  Spiritualised,  Navigation  Spiri- 
tualised et  The  Great  Work  of  a  Christian  opened  and 
pressed  in  a  lr  cotise  ou  Keeping  the  Heart  (2  vol. 
in-fol.)  sont  fort  appréciées  des  calvinistes. 

FLAVER1A  (Flaveria  Juss.)  (Bot.).  Genre  de  plantes  de 
la  famille  des  Composées,  groupe  des  Sénécionidées,  carac- 
térisé surtout  par  les  capitules  formés  d'une  seule  fleur 
ligulée  femelle  et  d'un  certain  nombre  de  fleurs  herma- 
phrodites tubuleuses.  Les  achaines  sont  oblongs  et  dépour- 
vus d'aigrette.  L'espèce  la  plus  importante  est  le  F.  con- 
trayerva  Pers.  (Vermifuga  corymbosa  Ruiz  et  Pav.) 
qui  croît  au  Chili  et  au  Pérou.  On  lui  attribue  des  pro- 
priétés vermifuges  et  elle  passe  pour  un  bon  remède  contre 
la  morsure  des  serpents  venimeux  '.  On  en  extrait,  dit-on, 
une  matière  colorante  jaune,  employée  dans  la  teinture. 

F  LAV I A  (Famille) .  Famille  plébéienne  de  l'ancienne  Rome, 
à  laquelle  appartiennent  beaucoup  de  personnages  connus  de 
la  République  et  de  l'Empire  (V.FLAviENs),jparmi  lesquels: 
Cn.  Flavius,  fils  d'un  affranchi,  scribe  des  édiles,  qui 
en  304  av.  J.-C.  fit  connaître  au  peuple  le  calendrier, 
c.-à-d.  la  liste  des  jours  fastes,  et  lui  révélâtes  formules  du 
droit  civil,  jalousement  gardées  jusqu'alors  par  le  collège 
des  pontifes  ;  on  donna  à  ce  recueil  juridique  le  nom  de 
jus  flavianum.  La  reconnaissance  du  peuple  fut  grande 
pour  celui  qui  l'avait  émancipé  de  l'aristocratie  en  matière 
judiciaire,  et  elle  lui  décerna  l'édilité  curule  et  le  tribunat. 
Il  prononça  la  dédicace  du  temple  de  la  Concorde,  malgré 
l'opposition  du  grand  pontife.  Le  jus  flavianum,  qui 
n'était  que  le  formulaire  des  actions  de  la  loi,  fut  com- 
plété un  siècle  plus  tard  par  le  jus  œlianum  (V.  Muk 
[Gens]).  —  L.  Flavius,  tribun  de  la  plèbe  en  60  av.  J.-C, 
fit  passer  une  loi  agraire.  —  T.  Flavius  Clemens,  consul 
en  95  ap.  J.-C,  martyr  chrétien.  Fils  de  T.  Flavius  Sa- 
binus, le  frère  de  Vespasien,  cousin  germain  par  con- 
séquent des  empereurs  Titus  et  Domitien,  il  épousa  Flavia 
Domitilla  (V.  Domitilla),  petite-fille  de  Vespasien.  Il  en  eut 
deux  fils,  que  Domitien  destinait  à  lui  succéder.  Mais 
Domitien  le  fit  mettre  à  mort  en  95,  l'année  même  de  son 
consulat,  pour  crime  d'athéisme  et  d'adhésion  aux  coutumes 
juives  ;  ces  mots  signifient,  sans  que  le  doute  soit  possible, 
que  Flavius  fut  condamné  pour  cause  de  christianisme.  — 
T.  Flavius  Crispus,  fils  de  Constantin  le  Grand  et  de 
sa  première  femme  Minervina.  Il  reçut  en  317  le  titre  de 
césar;  il  se  signala  par  des  succès  contre  les  Francs  et 
contre  Licinius.  Mais  Fausta,  la  seconde  femme  de  Cons- 
tantin, dénonça  ce  prince  à  son  père  comme  un  rebelle  : 
Crispus,  sur  Tordre  même  de  Constantin,  fut  mis  à  mort  à 
Pola,  en  Istrie  (326).  —  C.  Flavius  Fimbria  (V.  Fimbria). 

—  T.  Flavius  Sabinus.  a,  fils  de  T.  Flavius  Petro,  du  muni- 
cipe  de  Réate,  fut  collecteur  de  l'impôt  du  quarantième  en 
Asie  ;  il  épousa  Vespasia  Polla,  dont  il  eut  deux  fils,  Sabi- 
nius  (qui  suit)  et  Vespasien,  le  cadet,  qui  parvint  à  l'em- 
pire.—  b,  fils  du  précédent,  frère  aîné  de  l'empereur  Vespa- 
sien. Il  fut  deux  fois  préfet  de  la  Ville,  sous  Néron  en  57, 
sous  Othon  en  69.  Il  l'était  encore  quand  Vespasien  fut  opposé 
par  les  légions  à  Vitellius  et  nommé  empereur.  Lors  de  la  ba- 
taille dont  Rome  fut  alors  le  théâtre,  il  alla  s'enfermer  au 
Capitole,  mais  il  y  fut  massacré  par  les  Vitelliens.  Il  eut  deux 
fils,  Sabinus  (qui  suit)  et  Flavius  Clemens  (V.  ci-dessus). 

—  c,  fils  du  précédent,  consul  en  82,  mis  à  mort  cette 
année  même  sur  l'ordre  de  Domitien,  son  cousin,  parce  que 
le  jour  des  comices  consulaires  le  héraut  l'avait  appelé  par 
erreur  empereur,  au  lieu  de  consul.  G.  L.-G. 

Bibl.  :  De-Vit,  Onomasticon  toiius  l&tinitatis.  —  Pour 
Flavius  Clemens,  V.  la  bibl.  de  l'art.  Domitilla. 

FLAVIA  Cesariensis.  Province  romaine  de  la  Grande- 
Rretagne  citée  dans  la  Notitia  dignitatum.'On  en  ignore 
l'emplacement. 


—  581  — 


FLAVIA  —  FLAVIGNY 


FLAVIA  Constantin  (V.  Constantia). 

FLAV1AC.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  et  cant.  de 
Privas  ;  863  hab.  Mines  de  fer  oxydé  sulfuré  et  de  plomb 
sulfuré.  Belles  filatures  de  soie. 

FLAV1EN  (Amphithéâtre)  (V.  Colisée). 

FLAVIEN  (Droit)  (V.  Flavia  [Famille]). 

FLAVIEN  (Saint),  éyêque  d'Àntioche,  né  vers  309,  élu 
en  381,  mort  vers  404.  Fête  dans  l'Eglise  grecque,  le 
25  sept.  Flavien  occupe  une  large  place  dans  l'histoire  du 
schisme  d'Antioche»  Né  dans  cette  ville,  de  famille  opu- 
lente et  très  estimée,  il  se  voua  dès  sa  jeunesse  à  la  vie 
ascétique  et  il  se  retira  dans  la  solitude,  avec  un  de  ses 
amis,  Diodore,  qui  devint  plus  tard  évèque  de  Tarse  et  fut 
constamment  son  compagnon  de  combat  contre  Farianisme. 
Ils  revinrent  ensemble  à  Antioche  pour  y  soutenir  ceux 
qui  étaient  restés  fidèles  à  la  foi  nicéenne.  Après  la  dépo- 
sition d'Eustaihe  (V.  ce  nom  et  Eusèbe  de  Césarée),  le 
siège  épiseopal  avait  été  offert  à  Eusèbe  et  refusé  par  lui  ; 
un  eusébien,  Léontius,  fut  élu  (328).  Eustathe,  tout  en 
protestant  de  son  droit,  exhorta  ses  partisans  à  ne  point 
rompre  l'unité  de  l'Eglise  et  à  se  soumettre  au  nouvel 
évêque.  Malgré  celte  recommandation,  il  se  forma  un  parti 
d'opposition  auquel  Flavien  et  Diodore  se  mêlèrent  fort 
activement  ;  ils  réunissaient,  près  des  tombeaux  des  mar- 
tyrs, des  assemblées  nocturnes,  et  on  y  célébrait  un  culte 
pour  lequel  les  anciennes  doxologies  avaient  été  altérées 
afin  d'accentuer  le  dogme  nicéen.  Néanmoins,  tant  que  du- 
rèrent l'épiscopat  de  Léontius  et  celui  d'Eudoxius,  son 
successeur,  il  n'y  eut  point  de  rupture  manifeste.  En  360, 
Mélétius  remplaça  Eudoxius,  promu  à  Constantinople  ;  mais 
il  fut  exilé  peu  après  son  élection.  Euzoius  (V.  Arianisme, 
t.  III,  p.  891,  col.  2),  un  vieux  disciple  d'Arius,  qui  avait 
accompagné  son  maître  en  exil,  fut  nommé  évêque.  Les 
orthodoxes,  qu'on  appelait  encore  les  eustalhiens,  s'accor- 
dèrent pour  le  repousser  ;  mais  bientôt  leur  parti  se  divisa. 
Les  uns  restèrent  attachés  à  Mélétius,  revenu  d'exil  ;  les 
autres,  excités  par  la  lutte,  se  séparèrent  de  lui,  quoique 
la  pureté  de  sa  doctrine  fut  incontestée  :  ils  lui  reprochaient 
d'avoir  été  consacré  par  des  ariens.  Ces  dissidents  se 
groupèrent  sous  la  direction  de  Paulin,  prêtre  fort  zélé. 
ÎJn  concile  tenu  à  Alexandrie  (362)  et  obéissant  à  l'ins- 
piration de  saint  Athanase,  les  pressa  de  se  réunir  à  Mé- 
létius. Mais  il  était  trop  tard;  un  évêque  d'Occident,  Lu- 
cifer de  Cagliari  (V.  ce  nom  et  Eusèbe  de  Verceil),  avait 
donné  à  Paulin  la  consécration  épiscopale.  Il  s'ensuivit  un 
schisme  qui  dura  jusqu'en  414  ou  415,  tenant  toute  la 
chrétienté  en  douloureux  émoi. 

Flavien  et  Diodore  soutinrent  Mélétius.  Consacrés  prê- 
tres, ils  encouragèrent  à  la  persévérance,  pendant  les  divers 
exils  de  leur  évêque,  le  troupeau  persécuté.  Après  la  mort 
de  l'empereur  Yalens  (378),  les  ariens  furent  expulsés,  à 
leur  tour,  et  ceux  qui  avaient  été  exilés  pour  la  foi  furent 
rappelés.  Flavien  intervint  alors  avec  succès,  auprès  du 
représentant  du  nouvel  empereur,  pour  lui  faire  reconnaître 
officiellement  Mélétius  comme  évêque  d'Antioche.  Celui-ci 
proposa  à  son  rival  une  transaction  qui  aurait  pu  rendre 
la  paix  à  l'Eglise  :  les  deux  évêques  jouiraient  d'une  égale 
autorité,  aucun  d'eux  ne  s'assiérait  sur  le  siège  épiseopal, 
et  on  y  déposerait  en  permanence  le  livre  des  Evangiles  ; 
le  survivant  resterait  seul  évêque.  Paulin  refusa.  En  381, 
Mélétius  se  rendit  à  Constantinople  pour  assister  au 
deuxième  concile  œcuménique;  il  y  mourut.  Pour  mettre 
fin  au  schisme,  Grégoire  de  Naziance  conseilla  au  concile 
de  ne  point  lui  donner  de  successeur.  L'assemblée  était 
composée  d'Orientaux  ;  ils  ne  purent  se  résigner  à  aban- 
donner Antioche  à  un  évêque  consacré  par  des  Occidentaux, 
contrairement  à  la  coutume  de  l'Eglise.  Flavien,  qui  avait 
accompagné  son  évêque  à  Constantinople  et  qui  siégeait 
aussi  au  concile,  fut  élu  (V.  Constantinople,  t.  XII,  p.  626, 
col.  2).  Paulin  protesta  ;  il  fut  soutenu  par  Damase,  évêque 
de  Rome,  par  les  évêques  d'Occident,  d'Egypte,  d'Arabie 
et  de  Chypre  :  deux  conciles  tenus  à  Aquilée  et  à  Rome  se 
prononcèrent  péremptoirement  contre  Flavien;   mais  un 


concile  d'Orientaux,  tenu  en  382  à  Constantinnple,  con- 
firma son  élection  et  sa  consécration.  On  le  voit  bientôt 
après  investi  de  la  haute  faveur  de  l'empereur  Théodose. 

—  Paulin  mourut  en  388.  Cet  événement  ne  mit  point  fin 
au  schisme  :  sur  son  lit  de  mort  et  contrairement  aux 
XIXe  et  XXIIIe  canons  d'Antioche,  Paulin  avait  consacré 
comme  son  successeur  Evagrius,  prêtre  de  son  Eglise,  sans 
se  faire  autoriser  par  un  synode  ni  assister  par  aucun 
autre  évêque.  Evagrius  mourut  en  une  année  qu'il  est  dif- 
ficile de  préciser,  mais  qui  peut  être  indiquée  approxima- 
tivement vers  393.  Flavien  réussit  à  empêcher  les  parti- 
sans d'Evagrius  d'élire  un  autre  évêque  ;  mais  ils  persistèrent 
dans  leur  opposition  et  continuèrent  à  tenir  des  assem- 
blées séparatistes.  Les  dissensions  intestines  durèrent  dans 
l'Eglise  d'Antioche  jusqu'à  l'épiscopat  d'Alexandre  (414 
ou  415).  Au  dehors,  les  efforts  de  Jean  Chrysostome 
étaient  parvenus,  dès  399,  à  faire  admettre  Flavien  dans  la 
communion  des  Églises  d'Orient  et  d'Egypte.  De  son  côté, 
Flavien  donna  un  gage  à  la  réconciliation  en  inscrivant  les 
noms  de  Paulin  et  d'Evagrius  sur  les  diptyques  d'Antioche. 

—  Dès  le  début  de  son  épiscopat,  il  avait  entrepris  contre 
les  euchites  ou  massaliens  (V.  ce  mot)  une  persécution 
qu'il  commença  par  la  ruse  et  qu'il  continua  par  la  vio- 
lence, pratiquant  lui-même  sans  scrupule  la  maxime  repro- 
chée à  ces  sectaires,  que  la  fin  justifie  les  moyens.  En  388, 
il  obtint  de  Théodose  le  pardon  des  habitants  d'Antioche 
qui  avaient  renversé  les  statues  de  cet  empereur.  En  386, 
Jean  Chrysostome  avait  été  consacré  par  lui  à  la  prêtrise; 
dans  un  de  ses  discours,  il  fait  un  pompeux  éloge  de  son 
évêque.  E.-fl.  Vollet. 

Bibl.  :  Le  Nain  de  Tillemont,  Mémoires  pour  servir 
à  l'histoire  ecclésiastique  des  six  premiers  siècles;  Paris, 
1693-1712,  16  vol.  in-4.  —  Edm.  Venables,  art.  Flavianus, 
dans  le  Dictionary  of  Christian  biogravhy,  de  W.  Smith 
et  H.  Wace  ;  Londres,  1877-1888,  4  vol.  in-8. 

FLAVIEN  (Saint),  XVIIIe  évêque  de  Constantinople, 
mort  en  449.  Fête  le  17  févr.  Nicéphore  (Breviarium)  dit 
qu'il  était  gardien  du  trésor  de  l'église  métropolitaine  de 
Constantinople,  lorsqu'il  fut  appelée  succéder  à  Proclus, 
mort  vers  446.  En  448,  il  présidait  le  concile  de  Constan- 
tinople qui  condamna  Eutychès  dénoncé  par  Eusèbe  de 
Dorylée.  L'année  suivante,  au  concile  d'Ephèse,  il  fut 
accusé  par  Eutychès  de  déni  de  justice  et  d'excès  de  pou- 
voir, et  condamné  à  son  tour.  Il  mourut  bientôt  après  à 
Hypèpe  en  Lycie,  des  suites  des  sévices  qui  lui  avaient 
été  infligés  à  Ephèse,  à  la  fin  du  concile.  -—  Pour  les  dé- 
veloppements, V.  Dioscore,  Eusèbe  de  Dorylée,  Euty- 
chès, Chalcédoine  (Concile  œcuménique  de).     E.-H.  V. 

FLAVIENS  (Les).  On  désigne  sous  ce  nom  deux  dynas- 
ties d'empereurs  romains  :  la  première  maison  flavienne 
(ier  siècle),  représentée  par  Vespasien,  T.  Flavius  Vespa- 
sianus,  et  par  ses  deux  fils,  Titus  et  Domitien;  la  seconde 
maison  flavienne  (ive  siècle),  qui  comprend  Constance 
Chlore,  Flavius  Constantius  Chlorus,  et  sa  nombreuse 
descendance  :  Constantin  le  Grand,  Julien  l'Apostat,  etc. 

FLAVIGNAC.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Vienne,  arr. 
de  Saint-Yrieix,  cant.  de  Chalus;  1,632  hab. 

FLAVIGNEROT.  Com.  du  dép.  delà  Côte-d'Or,  arr.  et 
cant.  (0.)  de  Dijon;  401  hab. 

FLAVIGNY.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Saint- 
Amand-Montrond,  cant.  de  Nérondes:  520  hab. 

FLAVIGNY.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  d'Epernay, 
cant.  d'Avize;  142  hab. 

FLAVIGNY-le-Grànd-et-Beâurain.  Com.  du  dép.  de 
l'Aisne,  arr.  de  Vervins,  cant.  de  Guise;  1,122  hab. 

FLAVIGNY-le-Petit.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Vervins,  cant.  de  Guise  ;  277  hab. 

FLAVIGNY-sur-Ozerain.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la 
Côte-d'Or,  arr.  de  Semur,  sur  une  colline  dominant  le  Loze- 
rain  ;  1 ,063  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  P.-L.-M.  Marbre. 
Fabrique  d'anis  et  de  liqueur.  Cette  ville  est  surtout  connue 
par  l'abbaye  fondée  vers  722  par  un  certain  Viderad  en 
l'honneur  de  saint  Prœjectus,  évêque  de  Lyon,  et  unie  à 
un  monastère  de  fondation  plus  ancienne  dédié  à  saint 


FLA VIGNY  -  FLAVY 


582 


Pierre.  Ancienne  enceinte  avec  deux  portes  du  xvie  siècle. 
Eglise  du  xiir3  siècle,  décorée  de  vitraux  ;  clocher  carré  du 
xve  siècle  au-dessus  du  transept  ;  jubé  du  xvie  siècle  ; 
stalles  du  chœur  sculptées.  Vieilles  maisons.        M.  P. 

Bibl.  :  Dom  G.  Viole,  la  Vie  de  sainte  Reine,  vierge  et 
martyre;  Paris,  1649,  in-8  (autres  éditions).—  Catalogue  des 
principales  reliques  qui  sont  gardées  dans  Héglise  et  tré- 
sor de  l'abbaye  de  Saint-Pierre  de  F 'lavigny -Sainte-Reine; 
Auxerre,  1702,  in-fol.  —  Ansart,  Histoire  de  sainte  Reine 
d'Alise  et  de  Vabbaye  de  Flavigny  ;  Paris,  1783,  in-12. 

FLAVIGNY-sur-Moselle  (Flaviniacum,  xe  siècle).  Com. 
du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de  Nancy,  cant.  de 
Saint-Nicolas,  sur  la  Moselle,  à  15  kil.  au  S.  de  Nancy  ; 
1,090  hab.  Eglise  avec  tour  du  xne  siècle.  Une  abbaye  de 
religieuses  bénédictines  occupe  les  anciens  bâtiments  d'un 
célèbre  prieuré,  fondé  au  xie  siècle  par  un  évèque  de  Ver- 
dun. La  chapelle  du  couvent  date  du  xne  siècle. 

Bibl.  :  Guillaume,  Notice  sur  le  prieuré  de  Flavigny- 
sur-Moselle,  dans  Mém.  de  la  Soc.  archéol.  lorr.,  1877,  V, 
3°  sér.,  pp.  223-328. 

FLAVIGNY  (Valérien  de),  orientaliste  français,  né  à  Vil- 
lers-en-Prayères  (Aisne),  mort  à  Paris  le  29  avr.  1674. 
Docteur  de  Sorbonne  en  1628,  professeur  d'hébreu  au  Col- 
lège de  France  en  1630,  il  consuma  son  existence  dans  des 
polémiques  très  ardentes  et  très  savantes  sur  des  points 
de  controverse  biblique  tout  à  fait  oubliés  aujourd'hui.  En 
1632,  il  publia  une  édition  des  OEuvres  de  Guillaume  de 
Saint-Amour,  docteur  des  xne  et  xme  siècles.  En  1636, 
il  donna  quatre  lettres  sous  le  titre  de  :  Epistolœ  IV  de 
ingenti  Bibliorum  opère  septemlingui  (in-8).  En  1646, 
un  discours  apologétique  :  Pro  sacro-sanctœ  editionis 
hebraieœ  authentica  veritate,  et  depuis  beaucoup  d'autres 
ouvrages  de  polémiques  philologiques  et  de  critique,  à  pro- 
pos de  la  Bible  polyglotte  et  du  système  de  Copernic. 

FLAVIGNY  (Maurice -Adolphe -Charles,  vicomte  de), 
homme  politique  français,  né  à  Vienne  (Autriche)  le  3  déc. 
1799,  mort  à  Monnaie  (Indre-et-Loire)  le  7  oct.  1873. 
Secrétaire  de  M.  de  Polignac,  il  se  rallia  à  l'orléanisme  et 
entra  à  la  Chambre  des  pairs  le  25  déc.  1841.  Elu  repré- 
sentant d'Indre-et-Loire  à  la  Législative,  le  13  mai  1849, 
il  fit  partie  de  la  droite  monarchique,  puis  devint  un  des 
partisans  du  prince  Louis-Napoléon.  Candidat  officiel,  il  fut 
réélu  député  d'Indre-et-Loire  le  29  févr.  1852,  adhéra  à 
l'Empire,  fut  réélu  en  1857,  mais  échoua  en  1863  et  en 
1869,  l'administration  lui  ayant  retiré  son  appui  parce 
qu'il  avait  manifesté  en  faveur  du  pouvoir  temporel  du 
pape.  Durant  la  guerre  franco-allemande,  M.  de  Flavigny 
fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  internationale  de  secours 
aux  blessés  des  armées  de  terre  et  de  mer  qui  le  choisit 
pour  président. 

FLAVIN.  Com.  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  de  Rodez, 
cant.  de  Pont-de-Salars  ;  1,496  hab. 

FLAVIN E  (Chim.  industr.).  Cette  matière  colorante, 
d'origine  végétale,  nous  est,  depuis  une  trentaine  d'années, 
importée  d'Amérique  ;  elle  paraît  êlre  un  extrait  concentré 
de  quercitron  pulvérisé  et  contenir  du  quercitrin  et  du 
quercétin.  Elle  se  présente  sous  forme  d'une  poudre  brune 
foncée  et  est  douée  de  propriétés  tinctoriales  seize  fois  plus 
grandes  environ  que  le  quercitron.  Dans  le  commerce,  cer- 
taines maisons  ont  aussi  donné  le  nom  de  flavine  à  diffé- 
rents jaunes  d'aniline  pour  en  masquer  l'origine  et  la  com- 
position. Ch.  G. 

FLAVIO  (Biondo)  (V.  Biondo). 

FLAV1TSKY  (Constantin-Dmitrievitch),  peintre  russe, 
né  en  1829,  mort  en  1867.  Il  fit  ses  études  à  l'Académie 
des  beaux-arts  de  Saint-Pétersbourg  où  il  devint  professeur 
en  1864.  Ses  œuvres  les  plus  remarquables  sont  un  grand 
tableau,  les  Chrétiens  au  Cirque,  et  la  Mort  de  la  prin- 
cesse Tarakanov. 

FLAVIUS  (V.  Flavia  [Famille]  et  Flaviens). 
*  FLAVIUS  Caper  ,  grammairien  latin  de  la  fin  du 
ier  siècle  ap.  J.-C,  que  Priscien  appelle  Antiquitatis  doc- 
tissimus  inquisitor.  Les  grammairiens  citent  entre  autres 
de  lui  un  traité  De  Latinitate  ou  De  Lingua  latina,  un 
autre  De  Dubiis  Generibus.  Les  deux  opuscules  que  nous 


possédons  sous  son  nom,  De  Orthographia  et  De  Ver  bis 
dubiis,  ne  sont  que  de  maigres  extraits  des  ouvrages  pri- 
mitifs. Un  grammairien  du  ve  siècle,  Agrœcius,  qui  vécut 
probablement  en  Gaule,  composa  un  traité,  De  Orthogra- 
phia et  proprietate  et  differentia  sermonis,  qui  devait 
être  la  suite  de  l'œuvre  de  Caper  (V.  H.  Keil,  Gram.  lot., 
VII,  112  et  138).  A.  W. 

FLAVIUS  Charisius  (V.  Charisius). 

FLAVIUS  Félix,  poète  latin  du  vie siècle.  Il  était  Afri- 
cain comme  Florentinus  et  Luxorius, ,  ses  contemporains, 
dont  les  vers  ont  été  conservés  avec  les  siens  par  le  même 
manuscrit,  ayant  appartenu  à  Claude  de  Saumaise,  qui  se 
trouve  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale  sous  le 
n°  10,318.  L' Anthologie  latine  (Bœhrens,  Poetœ  lat. 
min.,  t.  IV,  p.  334)  renferme  huit  pièces  de  Félix, 
presque  entièrement  en  l'honneur  de  Thrasamond,  roi  des 
Vandales,  avec  des  puérilités  de  versification  telles  que 
acrostiche  avec  télestiche  et  mésastiche  et  nombre  égal  de 
lettres  dans  chaque  vers.  Les  deux  pièces  de  Florentinus 
que  renferme  le  même  volume  (p.  426)  sont  également 
consacrées  à  célébrer  Thrasamond  et  des  thermes  d'Aliana 
que  ce  prince  avait  fait  construire. 

FLAVIUS  Mallius  Theodorus  (V.  Theodorus). 

FLAV0PHÉNINE  (Syn.  Chrysamine  G.)  (Chim.  ind.). 
La  flavophénine  est  une  matière  colorante  dérivée  de  la 
houille  et  comprise  dans  la  série  des  colorants  azoïques  : 
c'est, le  sel  de  soude  de  l'acide  tétrazodiphénylsalicylique. 
On  obtient  ce  colorant  en  traitant  une  solution  de  tétrazo- 
diphényle  préparée  avec  18ks"r4  de  benzidine  par  une  solu- 
tion de  20  kilogr.  d'acide  salicylique  dans  750  litres  d'eau 
renfermant  140  kilogr.  de  soude  caustique  ;  on  attend 
douze  heures,  on  filtre  et  on  lave,  La  flavophénine  se  pré- 
sente sous  forme  d'une  poudre  brun  jaune,  soluble  dans 
l'eau  et  teignant  le  coton  sans  mordant  en  bain  de  savon . 

FLAVOPURPURINE  (Chimie  ind.).  Matière  colorante 
rouge  orangée  isomère  de  la  purpurine  et  de  |l'anthra- 
gallol  constituant  la  presque  totalité  de  certaines  marques 
commerciales  d'alizarine  pour  rouge.  Sa  formule  est 
C14H805.  Cette  matière  colorante,  étudiée  par  Schunk, 
Borner,  Bosensthiel,  Prud'homme,  etc.,  est  soluble  dans 
l'alcool  d'où  elle  se  dépose  en  aiguilles  jaune  doré.  La  solution 
sulfurique  est  rouge  brun,  la  solution  acétique  jaune  d'or. 
Par  la  potasse,  on  obtient  une  coloration  rouge  ;  les  autres 
solutions  alcalines  sont  jaune  orangé.  La  flavopurpurine 
bout  au-dessus  de  330°  et  se  sublime  en  aiguilles  jaunes. 
Elle  ne  teint  sur  mordant  qu'en  présence  d'eaux  calcaires 
ou  par  addition  de  chaux  aux  bains  de  teinture. 

FLAVUS  Alfius,  rhéteur  romain  du  siècle  d'Auguste, 
qui  jouissait  d'une  grande  réputation.  Auditeur  deCestius, 
il  avait  tant  de  succès  dans  les  déclamations  que  celui-ci 
n'osait  guère  parler  après  lui.  Il  cultiva  aussi  la  poésie  ; 
Cestius  lui  reproche,  dans  une  controverse,  de  subir  l'in- 
fluence d'Ovide  (V.  Teuffel,  Littér.  rom.,  §§  268  et  suiv.). 

FLAVY-le-Martel.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Saint-Quentin,  cant.  de  Saint-Simon;  2,011  hab. 

FLAVY-le-Meldeux.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Compiègne,  cant.  de  Guiscard;  250  hab..     . 

FLAVY  (Guillaume  de),  capitaine  français,  né  en  Picar- 
die vers  1398,  mort  en  1449.  Il  était  d'une  ancienne 
famille  de  chevalerie  et  fut  nommé,  en  1429,  capitaine  ou 
gouverneur  de  Compiègne.  Il  commandait  dans  cette  ville, 
lorsque  Jeanne  d'Arc  y  fut  prise.  On  l'accusa  de  l'avoir 
trahie  par  jalousie  et  d'avoir  fait  baisser  la  herse  au  mo- 
ment où  la  Pucelle  allait  rentrer.  Cambry  (Descript.  du 
dép.  de  l'Oise,  I,  328)  ajoute  même  que  les  habitants,  in- 
dignés et  désespérés,  le  pendirent  séance  tenante.  Or,  nous 
savons  par  des  actes  authentiques  qu'il  vécut  encore  près 
de  vingt  ans.  Il  était  encore  gouverneur  de  Compiègne  en 
1445  et  passa  toute  sa  vie  à  guerroyer  contre  les  Anglais. 
Sa  prétendue  trahison  est  très  probablement  une  calom- 
nieuse légende  qui  prit  naissance  au  milieu  de  cette  époque 
troublée.  Néanmoins  certains  auteurs,  sans  l'accuser  pré- 
cisément d'avoir  livré  la  Pucelle,  ont  prétendu  que  Flavy 


-  583  ^ 


FLAVY  -  FLAXMAN 


était  fort  jaloux  de  l'influence  qu'elle  exerçait  sur  ses  su- 
bordonnés et  qu'il  avait  été  heureux  d'en  être  débarrassé. 
Guillaume  de  Flavy  était  d'ailleurs,  tout  bien  considéré, 
un  aventurier  assez  peu  recommandable  ;  il  fut  assassiné 
par  des  sicaires  aux  gages  de  sa  femme,  Blanche  d'Aure- 
bruche  ou  d'Ourebruck.        Vte  de  Caixde  St-Aymour. 

Bibl.  :  G.  Du  Fresne  de  Beaucourt,  Jeanne  d'Arc  et 
Guillaume  de  Flavy,  dans  Bull.  Soc.  de  l'Hist.  de  France, 
1861-62.  —  Du  même,  Blanche  d'Aurebruche,  vicomtesse 
d'Aix,  et  ses  trois  maris,  dans  Mém.  Soc.  antiq.  de  Picardie, 
1863.  —  Alex.  Sorel,  la  Prise  de  Jeanne  d'Arc  devant 
Compiègne  ;  Paris,  1889. 

FLAXIEU.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Belley,  cant. 
de  Virieu-le-Grand  ;  427  hab. 

FLAXMAN  (John),  sculpteur  anglais,  né  à  York  en  4755, 
mort  à  Londres  en  4826.  Son  père  John  Flaxman  et  son 
frère  aîné  William  étaient  tous  deux  modeleurs.  De  santé 
très  délicate,  il  passa  presque  toute  son  enfance  dans  la 
maison  paternelle,  où  son  talent  se  développa  au  milieu 
des  copies  et  des  moulages  d'antiques,  tandis  que  son  ima- 
gination s'enrichissait  par  une  lecture  assidue  et  dans  le 
texte  des  plus  grandes  œuvres  des  littératures  latine  et 
grecque.  Soumis  à  cette  saine  et  forte  discipline,  il  pro- 
duisit de  très  bonne  heure.  Dès  4  767,  à  douze  ans,  il  exposa, 
à  la  Société  indépendante  des  artistes,  des  terres  cuites 
d'après  l'antique;  l'année  suivante,  des  bustes;  en  4769, 
une  Mort  de  César.  Cette  même  année  il  fut  admis,  à  quinze 
ans,  comme  élève  à  l'Académie  royale.  Après  avoir,  en 
4770  et  4774,  exposé  des  portraits  et  un  Neptune  moire 
à  l'exposition  de  lWcadémie,  il  concourut  en  4772  pour  la 
médaille  d'or,  qu'il  eut  le  chagrin  de  se  voir  refuser  :  Rey- 
nolds, qui  présidait,  lui  préféra  un  élève  obscur,  du  nom 
d'Engelheart.  Découragé  pendant  quelque  temps,  il  se  remit 
à  l'œuvre  avec  ardeur.  Successivement  il  exposa  un 
Pompée  et  une  Agrippine  (4777);  un  Hercule  couvert 
de  la  robe  de  Nessus  (4778);  Acis  et  Galatée,  la  Mort 
de  César  (4784),  dont  il  avait  donné  une  première  pensée 
en  4769  ;  un  buste  de  Vénus  (118%);  Prométhée  (4784); 
en  4785  et  4786,  il  exécuta  plusieurs  groupes  décoratifs, 
pour  les  tombeaux  du  Poète  Col  lins,  à  la  cathédrale  de 
Chichester,  et  de  Madame  Morley,  à  la  cathédrale  de  Glou- 
cester  :  peu  de  ses  œuvres  seront  aussi  gracieuses  et  aussi 
pathétiques.  Durant  toute  cette  époque,  il  fournissait  beau- 
coup de  modèles  et  de  dessins  à  la  fameuse  fabrique  de 
faïences  de  Wedgwood. 

En  4782,  il  avait  épousé  Anne  Denman,  qui  fut  la  con- 
fidente intelligente  et  dévouée  de  ses  travaux.  Profitant 
d'un  moment  de  liberté,  au  milieu  de  son  labeur  acharné, 
il  partit  en  4787,  avec  sa  jeune  femme  pour  l'Italie.  Retenu 
par  l'étude  de  tous  ces  trésors  de  l'antiquité,  auxquels 
il  avait  dû  l'éveil  de  son  génie,  Flaxman  demeura  à  Rome, 
dans  une  riche  maison  de  la  via  Felice,  pendant  sept  années 
entières.  Sa  réputation  y  grandit  rapidement  et  les  com- 
mandes lui  vinrent  en  foule.  Il  exécuta  notamment  pour  le 
comte  de  Bristol  un  groupe  en  marbre  de  quatre  figures, 
d'après  les  Métamorphoses  d'Ovide  :  la  Folie  d'Athamas. 
C'est  alors  que,  sous  l'inspiration  directe  des  plus  belles' 
collections  d'antiques,  il  entreprit  ces  séries  de  dessins  qui 
devaient  rendre  son  nom  populaire  dans  toute  l'Europe 
artiste  :  Hare  Taylor  lui  commanda  quatre-vingts  dessins 
poxwY  Iliade  etY  Odyssée  (ll$3A19§);  Tho'masHope  trente 
autres  pour  Eschyle  (4794);  en  4797  s'y  ajoutèrent  cent 
neuf  compositions  pour  Dante,  dont  les  originaux  furent 
achetés  par  la  comtesse  Dowager  Spencer.  Tous  ces  dessins, 
furent  gravés  à  Rome  par  Tommaso  Piroli,  sous  la  direc- 
tion de  l'artiste.  Il  compléta,  en  4846,  ce  vaste  cycle  de 
compositions  par  une  illustration  d'Hésiode.  Revenu  en 
Angleterre,  en  4794,  avec  le  titre  de  membre  honoraire 
des  Académies  de  Florence  et  de  Ferrare,  il  exécuta  cette 
année  même  le  Monument  de  lord  Mansfteld,  à  West- 
minster :  c'est  une  œuvre  de  grande  allure,  où  le  juge  su- 
prême d'Angleterre  est  représenté  siégeant  en  grand  cos- 
ume,  ayant  à  ses  côtés  la  Justice  et  la  Pitiés  et  derrière 
tui  la  Mort.  Flaxman  fut  nommé,  en  4797,  membre  associé 


et,  en  4800,  membre  titulaire  de  l'Académie  royale.  Dans 
cette  dernière  période  de  sa  vie,  comblé  de  gloire  et  d'hon- 
neurs, il  produisit  un  nombre  considérable  d'œuvres  de 
toutes  sortes,  dont  on  peut  trouver  le  catalogue  complet 
dans  YAnnual  Biogfaphy  and  Obituary  de  4834,  et 
dont  nous  citerons  seulement  les  plus  connues  :  Mercure 
et  Pandore;  le  Courage  (4805);  la  Résignation  (4809); 
V Amour  maternel  (4842);  Apollon  chez  Admète  (4844 
et  4824);  Saint  Michel  terrassant  le  Démon  (4822); 
l'Amour  et  Psyché,  Raphaël  et  Michel- Ange  (4825  ; 
collection  Rogers);  les  statues  de  /.  Kemble,  à  Westmins- 
ter ;  de  Pitt  et  de  John  Moore  à  Glasgow,  de  YEvêque 
Skinner  à  Aberdeen  ;  les  tombeaux  du  Comte  Benson, 
de  Walter  et  de  William  Long,  à  Salisbury;  du  Capi- 
taine Montagne,  de  Sir  Joshua  Reynolds  et  de  Y Amiral 
Howe,  à  Saint-Paul  ;  le  monument  assez  lourd  et  empha- 
tique de  Nelson,  à  Westminster.  Emporté  par  une  activité 
qui  ne  connaissait  pas  d'obstacle,  il  alla  jusqu'à  proposer 
l'entreprise  d'une  statue  colossale  de  la  Britannia,  haute 
de  200  pieds,  qu'il  voulait  dresser  sur  la  colline  de  Green- 
wich,  en  mémoire  des  victoires  navales  de  l'Angleterre. 
Enfin,  en  4848, il  modela  son  fameux  Bouclier  d'Achille, 
d'après  la  description  contenue  au  XVIIIe  chant  de  Y  Iliade, 
avec  plus  de  deux  cents  figures  d'hommes  et  d'animaux.  Il 
en  fut  coulé  quatre  épreuves  en  argent  par  les  orfèvres  Run- 
dell  et  Rridge,  pour  le  roi,  le  duc  d'York,  le  comte  de 
Lansdale  et  le  duc  de  Northumberland.  Cette  œuvre  a  vive- 
ment frappé  Gœthe,  qui  en  a  donné  une  description  enthou- 
siaste dans  Kunst  und  Alterthum.  La  femme  de  Flaxman 
mourut  en  4820,  et  jamais  il  ne  se  remit  de  cette  perte. 
Sa  santé  déclina  peu  à  peu,  sans  qu'il  cessât  de  tenir  l'ébau- 
choir  et  le  crayon  jusqu'à  son  dernier  jour,  et  le  7  déc. 
4826,  comme  dit  son  épitaphe,  «  il  rendit  son  âme  angélique 
à  Celui  qui  l'avait  donnée  ». 

Flaxman  est  aussi  respectable  par  la  simplicité  de  sa  vie 
privée,  la  gravité  de  son  caractère,  son  ardeur  au  travail  et 
son  désintéressement,  que  considérable  par  son  talent  et  son 
influence.  Comme  praticien,  son  habileté  est  assez  médiocre, 
et,  en  face  du  marbre,  il  semble  gêné  et  presque  gauche  ;  mais 
ses  compositions  sont  généralement  ingénieuses  et  harmo- 
nieuses. Surtout  il  est  comme  dessinateur  d'une  élégance 
rare  et  d'une  science  consommée.  Aussi  ses  illustrations  des 
grands  poètes  restent-elles  son  œuvre  la  plus  forte,  comme 
la  plus  célèbre.  Sans  doute  elles  ont  vieilli,  et  la  froideur  d'un 
dessin  de  sculpteur  y  est  rendue  encore  plus  sensible  par 
la  sécheresse  de  la  gravure  au  trait  ou  «  dans  le  genre  du 
crayon  ».  Mais  la  composition  est  magistrale,  l'effet  déco- 
ratif très  puissant  ;  le  style  des  meilleures  peintures  de  vases 
antiques  y  est  reproduit  avec  toute  l'insignifiance  des  visages, 
mais  aussi  avec  toute  la  sobriété  des  draperies  et  toute  la 
pureté  des  lignes.  Ces  œuvres  doivent  être  comptées  parmi 
les  plus  remarquables  de  l'art  néo-classique.  Il  est  impossible 
de  douter  de  leur  influence  sur  la  peinture  et  la  sculpture  de 
l'époque  impériale,  quand  on  les  voit  publiées,  non  seulement 
à  Rome  et  à  Londres,  mais  à  Gœttingue  (4803),  et  à  Paris 
(chez  Nitot-Dufresne,  an  XI).  Dans  cette  révolution  du  style 
fondée  sur  l'imitation  étroite  de  l'antiquité,  qui  commence 
dès  le  milieu  du  xvnr3  siècle,  pour  s'imposer  au  début  du 
xixe  siècle,  dans  cette  Renaissance  attardée  et  éphémère, 
si  curieuse  pour  l'histoire  de  l'art,  il  faut  donner  une  place 
importante  à  Flaxman,  à  côté  de  Canova  et  de  David. 

On  a  de  Flaxman  quelques  œuvres  littéraires  sans  grand 
intérêt  :  une  Lettre  au  duc  de  Gloucester  pour  le  monu- 
ment de  la  Britannia  (4799);  Dix  Leçons  professées  par 
lui  dans  la  chaire  de  sculpture  de  l'Académie  royale,  où  il 
fut  appelé  en  4840;  une  Etude  sur  la  manière  du 
peintre  Rowney,  insérée  dans  la  vie  de  ce  dernier  par 
Hayley  ;  différents  articles  pour  V Encyclopédie  de  Rees.  On 
a  publié  après  sa  mort  ses  Lectures  sur  la  sculpture 
(4829),  et  ses  Etudes  anatomiques  en  49  planches  gra- 
vées par  Lewis.  E.  Bertaux. 

Bibl.  :  Œuvre  de  J.  Flaxman,  gravé  par  Réveil  ;  1833, 
2  vol.  in-8. 


FLAXMAN  -  FLÈCHE 


—  584 


FLAXMAN  (Miss  Mary-Ann),  dessinateur  et  sculpteur, 
née  en  4768,  morte  en  1833.  Sœur  et  élève  du  grand 
sculpteur  JohnFlaxman,  elle  a  exposé  à  l'Académie  royale 
un  grand  nombre  d'œuvres  :  des  terres  cuites  ou  des  cires 
telles  que  des  Dames  turques  (4786);  une  Sapho  (iSiO); 
son  portrait  par  elle-même  (4841);  et  des  dessins  parmi 
lesquels  on  cite  Ferdinand  et  Miranda  jouant  aux  échecs 
(4789);  des  illustrations  pour  nombre  de  poésies,  et  no- 
tamment pour  la  ballade  populaire  de  la  Fille  du  men- 
diant (4817).  Ses  compositions  pour  Robin  Goodfelloiv 
et  pour  le  Triomphe  du  Génie  dans  les  Poems  and  Plays 
de  Hayley,  ont  été  gravées  par  Blake  en  1803. 

FLAYAT.  Com.  du  dép.  de  la  Creuse,  arr.  d'Aubusson, 
cant.  de  Crocq  ;  936  bab. 

FLAYOSC.  Com.  du  dép.  du  Var,  arr.  et  cant.  de  Dra- 
guignan,  sur  un  canal  d'irrigation  dérivé  de  la  Fioriège  ; 
2,514  hab.  Bois  de  chênes  verts  et  de  pins  maritimes. 
Gisement  de  gypse.  Cordonnerie  pour  l'exportation.  Cette 
localité,  très  anciennement  habitée,  ainsi  qu'en  témoigne 
son  nom  dont  le  suffixe  est  ligure,  fut  au  moyen  âge  ceinte  de 
murailles  flanquées  de  tours,  chef-lieu  d'une  seigneurie  qui 
de  la  famille  de  Villeneuve  passa  au  xvme  siècle  à  Fran- 
çois du  Perrier  en  faveur  duquel  elle  fut  érigée  en  mar- 
quisat par  lettres  patentes  de  janv.  1678.  Une  petite  église 
souterraine  passe  pour  dater  des  premiers  temps  du  chris- 
tianisme. Pont  très  ancien  sur  la  Fioriège. 

FLÊAC.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  et  cant. 
d'Angoulême,  sur  une  colline  dominant  la  rive  droite  de  la 
Charente  ;  926  hab.  Intéressante  église  du  xne  siècle  à 
trois  coupoles  octogonales.  Vestiges  de  l'ancien  château  du 
Tranchard. 

FLÉAC.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
de  Saintes,  cant.  de  Pons  ;  535  hab. 

FLÉAU.  I.  Archéologie.  —  Fléau  d'armes.  —  Arme 
de  guerre  d'un  usage  très  ancien,  et  qui  est  une  simple 
adaptation  du  fléau  à  battre  le  blé,  dans  lequel  on  a  rem- 
placé la  branche  mobile  par  une  masse  de  bois  dur  armée 
de  fer,  puis  par  une  masse  de  fer  dont 
la  forme  a  varié  à  l'infini.  Cette  masse 
mobile  est  rattachée  à  la  hampe  par 
une  chaîne  plus  ou  moins  longue;  la 
hampe  mesure  ordinairement  cinq 
pieds.  Le  fléau  d'armes  ne  dut  jamais 
être  d'un  très  fréquent  emploi,  car, 
entre  les  mains  de  gens  mal  exercés,  il 
pouvait  devenir  aussi  dangereux  pour 
celui  qui  le  maniait  et  pour  ses  com- 
pagnons que  pour  les  ennemis.  Les 
Orientaux,  les  Byzantins  ont  surtout 
employé  cette  arme  demeurée  célèbre 
entre  les  mains  du  fameux  Jean  Zyska. 
Mais  le  fléau  d'armes  qu'on  attribue 
au  chef  des  hussites  était  un  étrier, 
c.-à-d.  un  fût  auquel  étaient  fixées  trois 
ou  quatre  chaînes  terminées  chacune 
par  une  masse  de  fer  armée  de  pointes 
et  reliées  à  ce  fût  par  une  pièce  en 
forme  d'étrier.  Cette  forme  de  fléau 
d'arme,  nommé  aussi  goupillon,  était 
en  usage  chez  nous  au  xive  siècle;  les 
Suisses  en  avaient  d'à  peu  près  iden- 
tiques auxquels  ils  donnaient  le  nom 
de  morgensterns  quoique  ce  nom  con- 
vienne mieux  à  certaines  masses  d'ar- 
mes .  Le  fléau  d'armes  cessa  d'être  en 
usage  au  xve  siècle  ;  les  Orientaux  en 
continuèrent  plus  longtemps  l'emploi 
et  les  Allemands  continuèrent  à  s'y  exercer  bien  plus  tard, 
car  le  traité  d'escrime  de  Sutor  (1612)  donne  les  règles  du 
combat  à  cet  arme  et  des  figures  s'y  rapportant.  Dans  le 
fléau  d'armes  du  type  le  plus  simple,  on  distingue  la  hampe 
ou  fût,  et  la  verge  ou  battant,  cette  dernière  partie  pouvant 
être  en  bois  ou  en  fer,  ronde  ou  carrée,  barlongue,  etc. 


Fléau  d'armes 
du    xive    siècle. 


Lorsque  les  chaînes  sont  très  longues  et  les  masses  pe- 
tites, ces  armes  deviennent  des  fouets  de  guerre  ou  des 
scorpions,  terribles  engins  que  maniaient  les  cavaliers  orien- 
taux, en  Inde,  dans  la  région   Caspienne,  mongole,  etc. 

Maurice  Maindron. 

II.  Agriculture.  —  Le  fléau  est  un  instrument  qui  sert 
au  battage  des  grains  ;  il  est  formé  d'une  batte  ou  morceau 
de  bois  arrondi,  attaché  à  l'extrémité  d'un  long  manche,  au 
moyen  d'une  lanière  de  cuir  ou  d'une  corde.  L'habileté 
de  l'ouvrier  qui  manie  le  fléau  consiste  à  faire  tournoyer  la 
batte  en  l'air,  à  chaque  coup  de  fléau,  et  à  l'abaisser  en 
allongeant  les  bras,  de  manière  qu'elle  tombe  à  peu  près 
horizontalement  sur  les  épis.  Le  battage  au  fléau  est  long, 
coûteux  et  beaucoup  moins  parfait  que  le  battage  à  la  ma- 
chine (V.  Battage  et  Machine  à  battre).  A.  Larbalétrier. 

III.  Mécanique  (V.  Balance). 
FLECELLES  (Nicolas  de)  (V.  Brégy  [Comte  de]). 
FLÈCHE.  I.  Archéologie.  —  Projectile  lancé  par  un 

arc  ou  une  arbalète  et  destiné  à  percer,  ou,  par  exception,  à 
trancher.  La  flèche  peut  être  considérée  comme  le  projectile 
primitif  après  la  pierre  ou  le  javelot.  Dès  que  l'homme  connut 
les  propriétés  balistiques  de  l'arc,  —  cette  arme  paraît 
avoir  été  en  usage  dès  l'âge  de  la  pierre  taillée  comme  en 
témoignent  les  découvertes  faites  au  cours  des  fouilles  qui 
nous  ont  fait  connaître  les  ustensiles  usités  parmi  les  popu- 
lations primitives  de  l'Europe  —  il  semble  avoir  employé 
le  type  le  plus  ordinaire  des  flèches,  un  fût  de  bois  léger 
armé  d'une  pointe  formée  de  la  matière  la  plus  dure  et  la 
plus  résistante  qu'il  connût.  Cette  matière  était  la  pierre. 
Parmi  les  pierres  taillées,  il  s'en  rencontre  un  grand 
nombre  qui,  par  leurs  petites  dimensions  comme  par  la 
régularité  extrême  de  leurs  contours,  peuvent  être,  à  bon 
droit,  considérées  comme  ayant  été  fabriquées  dans  le  but 
d'être  utilisées  comme  pointes  de  flèche.  La  plupart  de 
ces  petits  objets  en  silex,  dont  les  plus  grands  ne  dépassent 
guère  3  centim.  de  long,  affectent  une  forme  d'amande. 
Fixée  dans  la  fente  d'une  tige  de  bois  par  quelque  gomme 
ou  résine,  en  plus  y  affermie  par  une  ligature  de  fibres 
végétales  et  de  nerfs  qui  formait  douille,  la  tête  de  ces 
pointes  de  pierre  formait  un  projectile  avantageux  à  la 
guerre  comme  à  la  chasse.  Si  elle  quittait  sa  tige  sous  le 
coup  d'un  .choc  trop  violent,  cette  pointe  de  flèche  n'en 
avait  pas  moins  pénétré,  et  la  pierre  tranchante  restait 
dans  la  plaie,  s'enfonçant  même  dans  les  os.  Ainsi  certains 
débris  de  squelettes  de  rennes  de  l'époque  paléolithique, 
conservés  au  musée  de  Saint-Germain,  présentent  des  ver- 
tèbres conservant  encore  des  pointes  de  flèche  en  silex 
qui  y  sont  restées  fixées. 

Les  pointes  de  flèche  les  plus  anciennes  que  l'on  con- 
naisse sont  des  petits  éclats  amygdaloïdes  soigneusement 
éclatés  ou  régularisés.  Certains  avaient  leur  extrémité 
inférieure  dégagée  en  continuation  formant  soie.  Il  est 
probable  que  cette  forme  assez  parfaite  ne  fut  obtenue 
qu'après  d'assez  longs  tâtonnements.  Car  ces.  pointes  de 
flèche  en  silex,  que  les  auteurs  anciens  appelaient  glosso- 
'  pêtres  et  céraunies  et  considéraient  comme  tombées  du  ciel 
après  les  éclipses  de  lune  et  aussi  comme  des  talismans 
dont  les  vertus,  du  reste,  ont  été  réputées  comme  certaines 
jusqu'aux  dernières  années  du  xvme  siècle,  ces  pointes  de 
flèche,  disons-nous,  comptent  parmi  les  objets  de  pierre  les 
plus  communs  que  les  archéologues  aient  colligés  en  tous 
endroits.  L'usage  des  pointes  de  flèche  en  pierre  s'est, 
du  reste,  prolongé  jusqu'à  notre  époque  moderne.  Aujour- 
d'hui encore,  comme  par  exemple  en  Nouvelle-Guinée,  des 
peuplades  usent  de  flèches  terminées  par  des  pointes  faites 
de  pierre.  La  forme  la  plus  simple  d'une  tête  de  flèche  est 
un  éclat  de  pierre  façonné  en  forme  de  losange  et  qui,  par 
émoussement  des  angles  latéraux,  prend  la*  forme  d'une 
feuille.  Certaines  de  ces  pointes  de  pierre  portent  sur  leurs 
côtés  de  petites  entailles  destinées  à  mieux  retenir  les 
ligatures  qui  les  fixaient  au  bois.  A  force  de  travail  on 
finit  par  façonner  des  éclats  plus  parfaits  de  forme  trian- 
gulaire et  portant  à  leur  base  une  petite  soie  plus  ou  moins 


585  — 


FLÈCHE 


dégagée  jusqu'à  former  ces  pointes  parfaites  aiguës,  bar- 
belées, grâce  à  deux  oreillons  qui  retombent  de  chaque 
côté  de  la  soie  qu'ils  dégagent.  Les  oreillons  ou  les  bar- 
bes affectent  des  contours,  suivent  des  dispositions  variées. 
Tantôt  ils  sont  aigus,  tantôt  coupés  carrément  ;  ailleurs 
ils  se  recourbent  vers  la  soie  avec  une  fermeté  de  courbe 
rappelant  l'ogive,  ou  bien  encore  ils  retombent,  très  longs, 
de  chaque  côté  du  fût.  La  forme  parfaite  et  typique  de  la 
flèche  barbelée,  du  barbillon,  comme  on  dira  au  moyen 
âge,  est  désormais  trouvée.  La  matière  variera;  on  fera 
des  flèches  à  têtes  de  bronze,  de  fer,  d'acier;  le  type 
demeure  à  peu  près  définitif.  11  a  existé,  sans  doute  aussi, 
des  pointes  de  flèche  en  os,  en  corne,  en  merrain  de  cerf, 
en  bois  dur,  comme  on  en  voit  encore  aujourd'hui  chez 
les  peuplades  sauvages. 

Les  pointes  de  flèche  en  pierre  présentent  les  types  les 
plus  divers,  suivant  qu'elles  comportent  ou  non  une  soie, 
un  ou  deux  oreillons,  ceux-ei  pouvant  être  égaux  ou  iné- 
gaux. Certaines  sont  dif- 
ciles  à  différencier  des 
petits  grattoirs  à  tran- 
chant transversal  ;  ce 
sont  de  petits  éclats  tran- 
chants, courts,  montés 
comme  un  petit  ciseau 
sur.  une  hampe  de  bois 
où  les  fixent  une  matière 
résineuse  et  des  corde- 
lettes faites  de  diverses 
écorces,  tilleul,  etc.  On 
a  retrouvé  de  ces  flèches 
encore  montées  en  Dane- 
mark (fig.  2).  Mais  il  ne 
faudrait  pas  croire  que 
toutes  les  pointes  de 
flèche  en  pierre  que  l'on 
rencontre  appartinssent 
à  l'époque  préhistorique; 
les  Egyptiens  se  sont  ser- 
vis de  tètes  en  pierre 
à  tranchant  transversal, 
comme  en  témoigne  une 
flèche  conservée  au  Bri- 
tish  Muséum  et  où  la 
tête  ou  pointe  est  fixée  à 
la  tige  par  du  bitume. 
Les  Ethiopiens  usaient 
de  flèches  à  pointe  de 
pierre,  et  Hérodote  re- 
marque que  ces  Africains 
combattant  au  compte  de 
Xerxès  avaient  des  flè- 
ches à  pointe  de  pierre, 
tandis   que    les   Perses 

n'en  avaient  qu'à  pointe  de  fer.  A  cette  époque,  les  Grecs 
usaient  de  pointes  de  bronze,  déjà  mentionnées  dans  Y  Iliade, 
et,  sur  le  champ  de  bataille  de  Marathon,  on  trouve  un  grand 
nombre  de  pointes  de  flèche  en  pierre  et  en  bronze.  Celles  de 
fer  auront  été  détruites  par  la  rouille.  D'ailleurs,  il  convient 
de  remarquer  que  tous  ces  petits  objets  en  métal  ont  tou- 
jours été  recueillis  soigneusement  parce  que  leur  matière 
était  toujours  susceptible  d'emploi  par  le  martelage  ou  la 
fonte.  Les  pointes  de  pierre,  au  contraire,  ne  sont  d'aucune 
utilité  pratique  et  ne  se  remarquent  guère  parmi  les  cail- 
loux que  l'on  trouve  mêlés  à  la  terre  ;  à  peine  les  recueil- 
lait-on jadis  comme  talisman;  c'est  ainsi  qu'un  collier 
étrusque  en  or  porte  une  pendeloque  formée  d'une  pointe 
de  flèche  en  pierre  montée  en  or.  En  Irlande,  encore  aujour- 
d'hui, beaucoup  de  gens  portent  de  ces  petits  objets  pen- 
dus à  leur  cou  comme  un  talisman  contre  les  artifices  des 
fées,  et  les  nomment  flèches  des  Elfes.  Des  superstitions 
analogues  persistent  encore  en  certaines  régions  de  l'An- 
gleterre et  de  la  Scandinavie,  en  Italie  où  l'on  conserve 


ces  pierres  taillées  comme  préservatif  contre  le  tonnerre, 
à  l'île  d'Elbe,  etc. 

Nous  figurons  ici  une  flèche  de  pierre  encore  munie  de 
son  fût  découverte  dans  un  marais  de  la  Suisse  (fig.  1). 
La  flèche  à  tranchant  transversal  (fig.  2)  ayant  encore  un 
débris  de  son  fût  auquel  la  pierre  est  fixée  par  une  liga- 
ture en  écorce  de  tilleul  provient  d'une  tourbière  de  l'île 
de  Fionie.  La  fig.  3  représente  une  flèche  à  un  seul  oreil- 
lon  trouvée  dans  le  Yorkshire  ;  ce  type  de  pointe  en  silex 
n'est  point  rare  en  Angleterre.  On  ne  sait  si  les  fûts  de 
flèches  en  pierre  étaient  empennés  ;  mais  les  témoignages 
des  auteurs  les  plus  anciens  nous  montrent  qu'on  garnissait 
le  talon  des  flèches  de  plumes  d'oiseaux.  Ce  qui  était  d'usage 
aux  âges  du  métal  ne  l'était  peut-être  point  aux  âges  de  la 
pierre,  et  il  suffit  d'examiner  les  flèches  des  sauvages  de  la 
Nouvelle-Guinée  et  des  Moluques  pour  voir  qu'ils  ne  met- 
tent point  d'empennes  aux  longs  fûts  en  jonc  de  leurs  flèches. 
Hésiode  montre  les  flèches  d'Hercule  garnies  des  plumes 

d'un  aigle  noir,  Homère 
parle  de  flèches  empen- 
nées ou  ailées  (tuts- 
pôsvisç).  Mais  Hérodote 
signale  les  flèches  des 
Lyciens  comme  dépour- 
vues d'empennes. 

Les  pointes  de  flèche 
en  bronze  sont  com- 
munes ;  mais  tout  porte 
à  croire  qu'aux  âges  de 
bronze  on  se  servait  en- 
core de  pointes  en  pierre. 
Ainsi,  à  My  cènes,  Schlie- 
mann  a  trouvé  peu  de 
pointes  de  flèche  en 
bronze,  mais  une  grande 
quantité  de  pointes  en 
obsidienne.  L'usage  des 
pointes  de  flèche  en 
bronze  s'est  cependant 
conservé  longtemps,  et 
les  Grecs  les  ont  em- 
ployées encore  à  l'époque 
des  guerres  médiques. 
Ce  sont  des  formes  bar- 
belées ,  munies  d'une 
douille  plus  ou  moins 
longue  ou  d'une  soie, 
car  tels  sont  désormais 
les  deux  seuls  modes  de 
monture  qui  restent  en 
usage.  Les  pointes  de 
bronze  les  plus  anciennes 
sont  aplaties,  en  forme 
de  feuilles  arrondies,  ter- 
minées par  une  soie  qui  entrait  dans  le  fût,  et  il  est  sou- 
vent difficile  de  distinguer  nettement  ces  petits  objets  des 
rasoirs  si  abondants  en  Grande-Bretagne.  D'autres  de  ces 
pointes  sont  à  douille  dans  laquelle  entrait  le  fût,  mais  elles 
paraissent  plutôt  avoir  appartenu  à  des  javelots.  Au  reste, 
on  croit  généralement  que  la  plus  grande  partie  de  ces 
pointes  de  bronze  appartient  au  premier  âge  du  fer. 

Yiollet-le-Duc  a  décrit  et  figuré  des  pointes  de  flèche  de 
la  période  gréco-italique  appartenant  au  musée  de  Naples. 
Nous  en  reproduisons  une  (fig.  4)  :  «  Ces  fers  sont  de  fer 
forgé,  très  menus  et  munis  d'une  petite  douille  dégagée  ou 
prise  entre  les  ailes.  Ces  fers  restaient  nécessairement  dans 
la  plaie,  si  la  flèche  s'enfonçait  de  plus  de  0,03  centim. 
Cette  forme  de  fer  fut  très  longtemps  adoptée  puisqu'on 
en  trouve  qui  paraissent  dater  du  xne  siècle.  »  Les  flèches 
dont  usaient  les  archers  dans  les  armées  romaines  et  grecques 
étaient  armées  d'un  fer  le  plus  souvent  en  forme  de  feuille, 
de  contour  ovale  (fig.  7)  ;  les  pointes  barbelées  paraissent 
avoir  été  plutôt  employées  par  les  Asiatiques  et  les  Bar- 


Types  de  flèches. 


FLÈCHE 


-  586 


bares  septentrionaux.  On  ne  possède  pas  de  flèches  com- 
plètes de  ces  époques  ;  il  est  probable  que  leurs  dimensions 
devaient  varier  suivant  la  forme  et  la  force  des  arcs,  sui- 
vant aussi  les  machines  de  guerre  qui  servaient  à  les  lancer. 
Les  Carduques,  montagnards  asiatiques  contre  lesquels 
eurent  à  combattre  les  Dix  Mille,  avaient  des  flèches  longues 
de  plus  de  deux  coudées  qu'ils  lançaient  avec  de  grands 
arcs  hauts  de  trois  coudées.  «  Pour  les  décocher,  ils 
tiraient  la  corde  vers  le  bas  de  l'arc,  en  y  appuyant  le 
pied  gauche.  Leurs  flèches  perçaient  les  boucliers  et  les 
cuirasses.  Les  Grecs,  qui  en  ramassaient,  s'en  servaient 
en  guise  de  dards,  après  y  avoir  mis  des  courroies.  » 
Xénophon,  qui  relate  ce  fait,  nous  montre  en  d'autres  pas- 
sages de  ses  œuvres  que  l'arc  était  peu  d'usage  en  Grèce, 
car,  dans  le  traité  sur  la  chasse,  il  parle  sans  cesse  de 
javelots,  et  jamais  de  flèches  (V.  Ânabase,  liv.  IV,  ch.  n, 
et  De  la  Chasse,  ch.  xi  et  suiv.).  —  Au  moyen  âge,  la 
dimension  des  flèches  fut  en  rapport  avec  celle  des  arcs  ; 
les  traits  lancés  par  les  arbalètes  étaient  toujours  très 
courts.  Ces  projectiles  furent  partout  d'un  usage  courant 
et,  malgré  l'interdiction  des  conciles,  notamment  celui  de 
Latran,  qui  en  défendaient  l'emploi  autrement  que  contre 
les  infidèles,  on  ne  cessa  de  les  employer  et  de  les  per- 
fectionner. On  substitua  bientôt  l'acier  bien  trempé  au  fer, 
de  telle  sorte  que  les  flèches  et  les  carreaux  perçaient  les 
hauberts  et  autres  défenses  de  mailles.  Dans  les  coutumes 
féodales,  les  flèches  figurent  fréquemment  à  titre  de  rede- 
vance, comme  symbole  d'hommage,  comme  valeur  de  ran- 
çon. On  les  trouve  fréquemment  mentionnées  dans  les 
lettres  de  rémission,  les  chartes,  etc.  Dans  les  vieilles 
chartes  anglaises,  on  les  cite  comme  objets  de  tribut  ;  au 
reste,  elles  avaient  une  certaine  valeur,  puisque,  au  xive 
siècle,  en  certaines  lettres  de  rémission,  il  est  fait  mention  de 
trois  douzaines  de  fers  de  flèche  comme  entrant  en  compte 
dans  la  rançon  d'un  chevalier.  On  les  nommait  alors  le 
plus  souvent  séettes,  mais  suivant  leur  espèce  on  les  appe- 
lait plus  spécialement  :  passadoux,  dondaines,  bougons, 
barbillons,  viretons,  carreaux,  matras.  Mais,  quelles 
que  fussent  leurs  dimensions  et  leurs  formes,  toutes 
étaient  ferrées  d'acier,  empennées  de  plumes,  de  cuir,  de 
parchemin  ou  de  bois  léger,  et  les  archers  avaient  cou- 
tume d'en  imbiber  le  fer  de  leur  salive  afin  de  les  empoi- 
sonner et  de  rendre  les  blessures  plus  dangereuses. 

Les  meilleures  flèches  du  moyen  âge  paraissent  avoir 
été  celles  dont  se  servirent  les  Anglais  pendant  la  guerre 
de  Cent  ans.  Comme  leurs  arcs  étaient  très  grands,  attei- 
gnant six  pieds  de  long,  leurs  flèches  mesuraient  jusqu'à 
95  centim.  Elles  rentraient  dans  la  catégorie  des  barbillons, 
c.-à-d.  que  leur  fer  était  barbelé  (fîg.  6  et  8)  et  il  con- 
serva longtemps  cette  forme,  car  Ambroise  Paré  signale 
les  flèches  anglaises  comme  barbelées.  Au  xve  siècle,  la 
flèche  française  était  plus  courte,  ne  mesurant  que  70  cen- 
tim. Les  fûts  étaient  de  bois  de  pin  ou  de  frêne,  l'empenne 
composée  de  trois  plumes  raides,  prises  dans  les  pennes 
de  l'aile  de  l'oie,  du  cygne,  de  paon.  Voici  (fîg.  43)  une 
flèche  du  xve  siècle  qui  peut  passer  pour  un  modèle  de 
passadoux.  Son  fer,  triangulaire,  non  barbelé,  se  conti- 
nue en  une  soie  enfoncée  en  la  tête  du  fût  à  laquelle  un 
fil  de  coton  enroulé  et  serré  la  fixe.  Cette  douille  de  fil  est 
recouverte  de  parchemin  collé.  Le  fût,  long  de  74  centim., 
est  en  bois  de  mélèze,  élégi  à  ses  extrémités.  L'empenne, 
composé  de  trois  plumes,  est  disposée  de  façon  à  ce  que  la 
flèche  ne  puisse  dévier.  Le  fût  est  peint  et  doré.  Cette 
flèche  provient  de  l'île  de  Rhodes,  et  est  peut-être  de 
fabrication  orientale,  comme  l'indiquerait  l'encoche  de 
l'extrémité  de  son  talon  où  doit  entrer  la  corde  de  l'arc. 
A  cette  époque,  les  flèches  françaises  étaient  beaucoup  plus 
longues,  car  nous  avions  adopté  les  modèles  anglais  et 
équipé  nos  archers  comme  ceux  de  la  Grande-Bretagne.  • 
L'archer  portait  alors  ses  flèches  dans  un  carquois  de  toile 
et  non  dans  un  carquois  de  cuir  ou  de  peau  de  truie  (couire), 
comme  précédemment.  Les  fers  dépassaient  au  dehors  de 
manière  que  les  empennes  ne  pussent  se  froisser  ;  l'archer 


prenait  la  flèche  par  la  pointe,  et  ane  corde  ceignait  l'en- 
trée du  sac  qui  la  serrait  par  son  propre  poids.  «  Une 
boucle  attachée  au  haut  du  sac  passait  dans  une  agrafe 
tenant  au  dos  de  la  brigantine  et  empêchait  la  trousse  de 
basculer.  Plus  le  cavalier  faisait  de  mouvements,  plus  la 
ligature  inférieure  bridait  les  flèches  qui  ainsi  ne  pou- 
vaient se  perdre  et  dont  les  pennes  n'étaient  pas  froissées 
par  la  marche  du  cheval;  ce  qui  n'aurait  pas  manqué 
d'arriver  avec  le  carquois  ordinaire.  »  (Viollet-le-Duc.) 
A  pied,  l'archer  posait  à  terre  quelques  flèches  sous  son 
pied  gauche  et  tirait  en  les  prenant  à  mesure  de  la  main 
droite  sans  perdre  le  but  des  yeux.  Ainsi  un  bon  archer 
anglais  tirait  douze  flèches  à  la  minute  et  atteignait  sûre- 
ment un  homme  à  deux  cent  cinquante  pas.  Ces  barbillons 
et  passadoux  perçaient  les  pièces  de  mailles. 

Mais  les  flèches  lancées  par  les  arbalètes  portaient 
encore  plus  loin;  toujours  beaucoup  plus  courtes,  elles 
avaient  une  empenne  composée  seulement  de  deux  pennes. 
Ces  flèches  sont  le  plus  souvent  nommées  carreaux  ou 
garrots;  robustes  et  courtes,  souvent  un  peu  renflées  au 
milieu  de  leur  fût,  elles  sont  terminées  par  des  pointes  de 
forme  variable,  mais  le  plus  souvent  massives.  Ces  fers 
sont  souvent  quadrangulaires,  se  continuant  en  un  cône 
creux  formant  douille;  parfois  ils  sont  barbelés,  comme 
dans  ce  carreau  du  musée  du  Louvre  (fig.  45).  Celui-ci  est 
un  trait  de  chasse,  de  travail  allemand,  datant  du  xvie  siècle  ; 
son  empenne  est  en  bois,  sculptée  dans  le  même  bloc  que 
le  fût.  Souvent  une  tige  d'acier  traverse  ce  fût  dans  toute 
sa  longueur.  Elle  se  rive  au  talon,  dépasse  à  la  tête  dont 
elle  forme  la  pointe.  Dans  ces  forts  carreaux  faits  pour  de 
grosses  arbalètes  de  rempart,  l'empenne  est  formée  de 
deux  feuilles  de  cuivre  légèrement  courbes  et  clouées  sur 
le  fût.  Cette  disposition  en  hélice  se  retrouve  aussi  dans 
les  empennes  des  viretons,  traits  qui  tournaient  sur  eux- 
mêmes  pendant  leur  trajectoire,  ce  qui  les  empêchait  de 
dévier.  Le  fût  ou  fustelle,  ordinairement  long  d'un  pied, 
était  de  bois  de  frêne. 

Il  y  eut  des  carreaux  destinés  à  être  lancés  par  de  petits 
canons  ;  ceux-là  étaient  munis,  aux  deux  extrémités  de 
leurs  fûts,  de  rondelles  épaisses  de  cuir  ayant  le  même 
calibre  que  l'âme  de  la  pièce  où  on  les  poussait  à  frotte- 
ment. Beaucoup  d'auteurs  militaires  du  moyen  âge  ont 
décrit  et  figuré  ces  garrots  à  feu  qui  apparaissent  au 
xive  siècle  et  disparaissent  au  xve.  Valturius,  qui  écrivait 
en  4472,  en  représente  avec  d'autres  engins  de  guerre. 

Les  dondaines  étaient  de  gros  carreaux  également  empen- 
nés de  cuivre  ;  on  s'en  servait  avec  les  arbalètes  et  les 
canons,  notamment  avec  les  crapaudeaux.  Leur  valeur 
nous  est  fournie  par  divers  comptes,  et  l'on  sait  qu'elles 
coûtaient  le  double  des  viretons  qu'on  payait  neuf  sous  le 
mille.  Les  dondaines  valaient  même  jusqu'à  trente  sous  le 
mille,  les  demi-dondaines  dix-huit  seulement.  Au  xve  siècle, 
la  valeur  des  flèches  d'arc  était,  en  Angleterre,  un  shelling 
deux  pences  le  paquet  de  vingt-quatre.  —  Les  viretons 
sont  les  carreaux  les  plus  ordinaires  ;  on  les  nomme  le 
plus  souvent  traits  communs  ;  leurs  empennes,  de  parche- 
min ou  de  cuir,  sont  habituellement  un  peu  tordues  en 
hélice  de  manière  à  permettre  au  trait  de  tourner.  —  Les 
matras  ou  bougons  sont  des  traits  d'arbalètes  destinés  sur- 
tout à  lâchasse,  certains  pouvaient  se  lancer  avec  l'arc,  aussi 
leur  fût  était-il  plus  long.  La  tète  massive  et  plate  (fig.  9) 
est  faite  pour  assommer;  c'est  une  arme  contondante  faite 
pour  abattre  le  gibier  sans  gâter  sa  fourrure  ou  son  plu- 
mage ;  certains  bougons  ont  leur  tête  traversée  par  une 
clavette  transversale  destinée  à  les  empêcher  de  pénétrer 
(fig.  40).  D'autres  traits  sont  en  forme  de  croissant  (fig.  5) 
ou  de  fer  de  hache  concave  (fig.  44),  de  manière  à  couper 
les  jarrets  des  bêtes  ;  de  semblables  flèches  sont  mention- 
nées par  les  auteurs  anciens  ;  l'empereur  Commode  s'en 
servit  pour  décapiter  des  autruches  dans  le  cirque. 

L'arbalète  disparut  comme  arme  de  guerre  à  la  fin  du 
premier  quart  du  xvie  siècle  ;  mais,  comme  arme  de  chasse, 
on  s'en  servit  beaucoup  plus  longtemps.  L'arc,  par  contre, 


—  587  — 


FLÈCHE 


fut  d'un  usage  beaucoup  plus  prolongé,  et  en  1572  les 
archers  anglais  figuraient  encore  sur  les  champs  de  bataille. 
Au  reste,  Ambroise  Paré,  dans  ses  œuvres  de  chirurgie, 
décrit  et  figure  des  flèches  de  divers  modèles  dont  certaines 
sont  très  barbelées  (fig,  11  et  12),  et  il  cite  les  flèches 
employées  par  les  Anglais  comme  ayant  de  forts  barbillons  ; 
on  se  servait  beaucoup,  d'après  lui,  de  flèches  empoison- 
nées. Leurs  fûts  étaient  de  bois,  de  canne  ou  de  roseau, 
leurs  têtes  de  fer,  plomb,  étain,  airain,  corne,  verre,  os. 
Les  unes  ont  le  fer  inséré  dans  le  fût,  les  autres  le  fût 
emmanché  dans  le  fer,  celui-ci  peut  être  même  cloué  au 
bois.  Le  grand  chirurgien  donne  la  méthode  opératoire, 
les  moyens  d'extraire  les  flèches,  figure  les  instruments 
employés  à  cet  effet.  Ces  projectiles  étaient  donc  encore 
en  usage  de  son  temps.  D'ailleurs,  en  Allemagne  et  dans 
les  marches  du  Danube,  on  se  servit  bien  longtemps  encore 
de  flèches,  et  en  1627  les  Anglais  en  envoyèrent  encore  à 
l'île  de  Ré.  En  1812,  nos  soldats  en  reçurent  en  Russie 
et  aujourd'hui  encore  les  Tatares,  les  Mongols  et  d'autres 
peuplades  nord-asiatiques  en  font  un  continuel  emploi.  — 
Jusqu'au  xvie  siècle  on  fit  un  fréquent  usage  de  flèches 
autour  desquelles  étaient  fixées  des  matières  inflammables, 
comme  dans  les  phalariques  de  l'antiquité.  Ces  engins 
dont  nous  donnons  un  spécimen  d'après  un  manuscrit  alle- 
mand du  xve  siècle  (fig.  16)  ont  été  employés  au  moyen 
âge  surtout  par  les  Byzantins.  Les  substances  incendiaires 
dont  on  les  enveloppait  ont  été  remarquablement  étudiées 
par  M.  Berthelot  dans  un  récent  travail.  Ce  trait  incen- 
diaire est  destiné  à  une  arbalète  ;  son  fer  barbelé  doit  s'en- 
foncer dans  les  ouvrages  en  bois  ;  autour  de  son  fût  est 
ficelée  une  saucisse  de  feu  grégeois,  saucisse  qui  s'étend 
jusqu'à  l'empenne  qui  semble  faite  de  deux  feuilles  de  cuir. 
D'autres  flèches  du  même  système  portent  à  leur  tète  une 
carcasse  de  fer  où  l'on  tassait  la  matière  inflammable. 
Léonard  Fronsperger,  dans  son  livre  de  guerres  publié  en 
1573,  a  figuré  nombre  de  ces  engins  qui  devaient  cepen- 
dant être  déjà  tombés  en  désuétude.     Maurice  Maindron. 

II.  Art  héraldique.  —  Figure  artificielle  symbolisant 
la  guerre  comme  arme  offensive  et  défensive.  Elle  est  d'habi- 
tude représentée  la  pointe  en  haut  ;  en  sens  contraire,  elle  est 
renversée  ;  lorsque  les  plumes  sont  d'un  émail  autre  que  le 
bois,  elle  est  empennée;  futée,  lorsqu'elle  est  garnie 
d'un  fer  de  métal  déterminé  ;  émoussée,  lorsque  la  pointe 
en  est  coupée  ;  encochée,  lorsque  la  flèche  est  posée  sur  un 
arc.  Trois  flèches  assemblées  et  nouées,  deux  en  sautoir  et 
l'autre  en  pal,  sont  dites  empoignées. 

III.  Thérapeutique. —  Les  flèches  caustiques  étaient 
autrefois  fréquemment  employées  en  chirurgie.  Elles  ser- 
vaient surtout  pour  l'ouverture  des  abcès,  des  kystes  pro- 
fonds, pour  l'ablation  ou  la  destruction  des  tumeurs  malignes. 
Le  procédé  de  Récamier  pour  l'ouverture  des  kystes  hyda- 
tiques  et  des  abcès  du  foie  au  moyen  de  pâtes  et  de  flèches 
caustiques  est  demeuré  longtemps  classique.  Ces  flèches 
étaient  le  plus  souvent  faites  au  moyen  de  la  pâte  dite  de 
Canquoin,  pâte  composée  d'une  partie  de  chlorure  de  zinc 
pour  deux  parties  de  farine  de  froment.  Leur  principal 
avantage  sur  le  bistouri  était  de  donner  des  plaies  moins 
exposées  aux  infections.  Aussi  leur  emploi  devait-il  cesser 
avec  les  progrès  de  l'antisepsie  chirurgicale.  Les  flèches 
caustiques  ne  sont  plus  employées  que  rarement,  soit  pour 

arrêter  les  hémorragies 
d'une  tumeur  maligne 
ulcérée  j  soit  pour  détruire  • 
les  bourgeons  sanieux 
formés  par  ces  tumeurs. 
IV.  Géométrie.  — 
On  appelle  flèche  d'un 
arc  de  cercle  la  portion 
PQ  du  rayon  perpendi- 
culaire à  la  corde  de  cet 

arc  comprise  entre  l'arc  et  sa  corde.  On  a  aussi  appelé  la 

flèche  d'un  arc  sinus  verse  de  cet  are. 
V.  Architecture.  —  Pyramide  carrée,  polygonale  ou 


circulaire,  souvent  ajourée,  de  pierre  ou  de  charpenterie 
de  bois,  de  fer  ou  de  fonte,  recouverte  de  plomb,  de  zinc 
ou  d'ardoises,  qui  surmonte  les  tours  et  tourelles  ou  les 
clochers  des  chapelles  ou  églises,  surtout  quand  ces  édi- 
fices appartiennent  au  style  roman  ou  gothique.  Mais  ce 
nom  de  flèche,  quoiqu'il  désigne  aussi  des  pyramides  de 
pierre,  comme  celle  du  clocher  vieux  (tour  Sud)  de  la 
cathédrale  de  Chartres  (xne  siècle)  ou  celle  qui  s'élève  au 
milieu  du  portail  de  la  cathédrale  de  Fribourg-en-Brisgau 
(xme  siècle),  s'applique  mieux  aux  constructions  d'aspect 
plus  léger,  qui  s'élancent  soit  au-dessus  du  point  central 
de  la  croisée  d'une  église,  comme  la  flèche  en  charpente 
de  la  cathédrale  d'Amiens  datant  du  xvie  siècle,  ou  celle 
de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  reconstruite  d'après  un 
dessin  du  xve  siècle,  et  la  haute  flèche'en  fonte  flanquée  de 
clochetons  de  cuivre,  construite  de  nos  jours  au-dessus  de 
la  croisée  de  la  cathédrale  de  Rouen  ;  soit  au-dessus  des 
tours  flanquant  le  portail  principal  ou  les  portails  des  tran- 
septs d'une  église.  Car,  en  principe,  dit  Viollet-le-Duc 
(Dict.  d'architecture  [Flèche'],  V,  p.  426),  «  tout  clo- 
cher appartenant  à  l'architecture  du  moyen  âge  est  fait 
pour  recevoir  une  flèche  de  pierre  ou  de  bois  ;  c'était  la 
terminaison  obligée  des  tours  religieuses  »  (V.  Eglise, 
t.  XV,  p.  612,  fig.  6,  une  vue  cavalière  d'une  cathédrale 
du  xme  siècle,  faisant  bien  comprendre  la  position  et  l'im- 
portance relative  des  sept  flèches  qui,  si  le  plan  primitif 
avait  été  achevé,  devaient  s'élever,  une  au-dessus  de  la 
croisée  et  deux  au-dessus  de  chacun  des  portails  en  avant 
de  la  nef  et  des  transepts) .  —  Viollet-le-Duc  indique  (article 
cité)  les  lois  générales  qu'il  convient  de  suivre  dans  l'érec- 
tion des  flèches,  soit  de  pierre,  soit  de  charpenterie  de  bois 
ou  de  métal,  afin  de  leur  donner  la  simplicité  de  la  masse, 
la  juste  proportion  des  diverses  parties  et  l'heureuse 
silhouette  qui,  en  tenant  compte  des  effets  perspectifs,  font 
de  la  flèche  octogonale  du  clocher  vieux  de  la  tour  Sud  de 
la  cathédrale  de  Chartres  —  la  plus  grande  flèche  construite 
en  pierre  que  nous  possédions  en  France  —  une  œuvre 
architectonique  que  l'on  ne  saurait  trop  étudier. 

Flèches  de  pierre.  A  partir  du  xne  siècle,  époque  la 
plus  ancienne  à  laquelle  on  puisse  faire  remonter  les  flèches 
de  pierre  encore  existantes,  ces  flèches,  quoique  élevées 
sur  des  tours  carrées,  sont  à  base  octogonale,  sauf  quelques 
rares  flèches  conservant  le  plan  carré  mais  appartenant  à 
des  églises  généralement  peu  importantes  ;  de  plus,  ces  pre- 
mières flèches  n'offrent  que  peu  ou  point  d'ouvertures,  ont 
leurs  arêtes  unies  et  paraissent  massives  au-dessus  des 
tours  souvent  ajourées  qui  les  portent.  Mais,  au  fur  et  à 
mesure  du  développement  du  style  gothique,  on  voit  percer 
de  nombreuses  ouvertures  dans  ces  flèches,  ce  qui  fait  bien 
comprendre  qu'elles  sont  creuses,  et  leurs  arêtes  s'ornent 
de  crochets  saillants  qui,  se  découpant  sur  l'azur  du  ciel, 
donnent  de  la  vie  aux  lignes  rigides  de  la  pyramide  ;  en 
outre,  il  semble  que,  au  fur  et  à  mesure  de  ces  modifica- 
tions, une  plus  grande  s'opère  dans  leurs  proportions,  et 
que  ces  flèches,  d'abord  d'une  hauteur  supérieure  à  celle 
des  tours  les  portant,  n'ont  plus  que  la  hauteur  de  ces  tours 
et  même  une  hauteur  moindre.  La  plus  extraordinaire  de 
toutes  ces  flèches  construites  en  pierre  est  celle  de  la 
cathédrale  de  Strasbourg,  dite  le  Munster,  élevée  sur  la 
tour  Nord  du  portail  occidental  et  dont  la  hauteur  totale, 
y  compris  le  bouton  terminant  la  croix  et  servant  de  base 
au  paratonnerre,  atteint  142  m.  Dans  cette  flèche,  achevée 
vers  la  fin  du  xve  siècle,  mais  avec  d'importantes  modifi- 
cations, sur  le  tracé  primitif  encore  conservé  et  datant  du 
xive  siècle,  six  étages  de  tourelles  ajourées  forment  la 
pyramide  centrale  avec  les  arêtes  de  laquelle  se  combinent 
huit  escaliers  extérieurs,  eux  aussi  ajourés,  qui  conduisent 
à  un  dernier  escalier  central  montant  à  une  lanterne  d'où 
l'on  parvient,  par  des  degrés  pratiqués  extérieurement,  à 
la  couronne  surmontée  de  la  croix. 

Flèches  de  charpenterie.  On  construisit  beaucoup  de 
flèches  en  bois  vers  la  fin  du  xne  siècle  et  le  commence- 
ment du  xme  siècle,  époque  à  laquelle  remontait  l'an- 


FLÈCHE 


-  588  — 


cienne  flèche  centrale  de  Notre-Dame  de  Paris,  démolie 
sous  la  Restauration  et  reconstruite,  il  y  a  trente  ans, 
d'après  le  plan  primitif,  par  Viollet-le-Duc,  qui  en  donne 
une  description  illustrée  dans  son  dictionnaire  (V.  une  vue 
de  cette  flèche,  Architecture  gothique,   t.  III,  p.  723, 
fig.  3).  Moins  importante,  il 
est    vrai,    mais    présentant 
une  disposition  très  originale, 
est  la   flèche  de  l'ancienne 
église  abbatiale  d'Eu,  flèche 
restaurée  par  le  même  maître, 
et  dont  la  pyramide  passe  du 
plan  carré  au  plan  octogonal 
dans  la  hauteur  des  combles 
de  manière  que  l'inclinaison 
des  faces  se  suit  sans  interrup- 
tion du  faîtage  de  ces  combles 
au    sommet   de    la   flèche. 
Au-dessus  des  lucarnes  ou- 
vertes dans  les  faces  don- 
nant sur  les  noues  des  com- 
bles est  une  galerie  servant  de 
guette,  rompant  l'aspect  uni- 
forme de  la  flèche  et  dont  les 
pinacles  fleurdelisés,  reliés 
à  la  construction  même  des 
arêtes,  sont  du  plus  heureux 
effet. On  peut  encore  citer,  en 
France,  parmi  les  plus  belles 
flèches  de  charpenterie  cou- 
vertes de  plomb,  la  flèche  de 
la  cathédrale  d'Amiens,  mal- 
heureusement  mutilée  dans 
le  dernier  siècle,  les  flèches 
de  Notre-Dame  de  Ghâlons- 
sur-Marne  et  la  flèche  de  la 
croupe  de  la  cathédrale  de 
Reims,   datant  de  la  fin  du 
xve  siècle.  —  Notre  époque 
a  vu  s'élever  des  flèches  de 
métal,  dont  l'exemple  le  plus 
extraordinaire,  sinon  le  plus 
heureux  de  proportions,  est 
celui  offert  par  la  flèche  cen- 
trale  de    la   cathédrale  de 
Rouen.  Sur  la  tour  de  pierre  construite  au-dessus  du  milieu 
du  transept  et  que  surmontait  une  pyramide  de  charpente 
recouverte  de  plomb,  atteignant  une  hauteur  de  132  m., 
l'architecte  Alavoine  (V.  ce  nom)  éleva,  sur  un  plan  octo- 
gonal, une  pyramide  en  fonte  ajourée  dont  on  dut  supporter 
le  poids  considérable  (plus  de  600,000  kilogr.)  par  des 
assises  de  pierre  dure  incrustées  dans  la  construction  pri- 
mitive,  pyramide   qui,  terminée  de  nos  jours,  atteint 
maintenant  une  hauteur  de  450  m.  au-dessus  du  niveau 
du  sol.  Charles  Lucas. 

VI.  Travaux  publics  (V.  Pont). 

VII.  Fortification.  —  On  donne  ce  nom  à  un  petit 
redan  (V.  ce  mot)  dont  les  faces  ont  au  plus  30  m.  de 
long.  Il  présente  à  un  plus  haut  degré  les  inconvénients  du 
redan  :  absence  de  flanquement  et  de  feux  directs,  secteur 
privé  de  feux,  faces  exposées  à  l'enfilade,  etc.  C'est  pour- 
quoi ce  genre  d'ouvrage  ne  peut  servir  qu'à  fermer  l'en- 
trée d'une  redoute,  à  couvrir  un  pont,  à  protéger  une 
grand'garde  et  à  défendre  un  avant-fossé  ou  un  avant- 
chemin  couvert. 

VIII.  Marine  (V.  Arbalète  [Marine]). 

IX.  Agriculture  (V.  Charrue). 

Bibl.  :  Archéologie.  —  Demmin,  Guide  de  l'amateur 
d'armes,  etc.,  Paris,  1879,  in-8.  —  Maurice  Matndron,  les 
Armes, dans  Biblioth.  de  l'Enseignement  des  Beaux  Arts; 
Paris,  1891,  in-8.  —  De  Belleval,  Du  Costume  français  en 
4844;  Paris,  1870, in-8.—  V. Foucque, Recherches  historiques 
sur  les  corporations  des  archers,  etc.  -,  Paris,  1852,  in-8. — 
Meyrick,  History  of  ancientarmours  ;  Londres,  1830,  3  vol. 
in-8.  —  Specht,   Geschichle  der  Waffen;  Leipzig,  1880, 


Flèche   de   1  église   d'Eu 
(Seine-Inférieure). 


4  vol.  in-8.  —  Penguilly  l'Haridon,  Cataloguedu  musée 
d'artillerie;  Paris,  1862,  in-8.  —  L.  Robert,  Catalogue  du 
musée  d'artillerie;  Paris,  1891,  in-8.  —M.  Berthelot,  les 
Compositions  incendiaires  dans  l'antiquité,  dans  Revue 
des  Deux  Mondes,  1892.  —  Evans,  l'Age  du  bronze;  Paris, 
1882,  in-4.  —  Du  même,  les  Ages  de  la  pierre;  Paris,  1878, 
in-4.  —  A.  Angelucci,  Catalogo  délia  armeria  Reale  ; 
Turin,  1890,  in-4.  —  Ambroise  Paré,  Œuvres  de  chirurgie; 
Paris,  1607,  in-fol.  —  Du  Cange,  Glossarium  mediœ  et  in- 
fimse  latinilatis,  art.  Sagitta,  2.  —  Muratori,  Antiquita- 
tis  ilalicœ,  t.  II,  p.  250.—  Rodios,  Péri  Polémikès  Technès  ; 
Athènes,  1868,  in-8.  —  Chantre,  Etudes  paléoethniques 
dans  le  Bassin  du  Rhône,  Age  du  bronze;  Paris,  1875, 
in- fol.,  et  Premier  Age  du  fer;  Paris,  1876,  in-fol.—  Desor 
et  Favre,  le  Bel  Age  du  bronze  lacustre;  Paris,  1874, 
in-fol. 

FLÈCHE  (La).  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  de  la  Sarthe,  sur 
le  Loir  ;  40,249  hab.  Stat.  du  chemin  de  fer  d'Orléans, 
au  croisement  des  lignes  d'Àubigné  à  Angers  et  de  Sablé 
à  Saumur,  embranchement  sur  la  Suze  et  le  Mans.  Fa- 
briques de  toiles,  de  bonneterie,  de  gants,  de  bougie,  de 
colle  forte,  de  fécule.  Tanneries  ;  papeterie.  La  ville  doit 
son  origine  à  un  château  bâti  au  xie  siècle  sur  pilotis  au 
milieu  du  Loir,  par  Jean  de  Beaugency  qui  fut  le  premier 
seigneur  de  La  Flèche.  Ce  château,  brûlé  en  1081  par  le 
comte  d'Anjou,  Foulques  le  Réchin,  fut  reconstruit  vers 
1090,  par  le  fils  de  Jean  de  Beaugency,  Hélie,  qui  devint 
comte  du  Maine.  Celui-ci  fonda,  près  de  son  château  de  La 
Flèche,  un  prieuré  en  l'honneur  de  saint  Thomas,  autour 
duquel  se  forma  une  ville  que  le  comte  entoura  de  murailles. 
Attaqué  par  le  roi  d'Angleterre  Guillaume  le  Roux ,  Hélie 
fut  fait  prisonnier  et  dut  faire  abandon  de  toutes  ses  sei- 
gneuries, moins  La  Flèche  ;  mais,  à  l'avènement  de  Henri  Ier, 
le  Maine  lui  fut  restitué.  A  la  mort  d'Hélie,  la  seigneurie 
de  La  Flèche  fut  portée  par  sa  fille  Eremburge  dans  la 
maison  des  Plantagenets.  Depuis  lors,  elle  passa  successi- 
vement aux  maisons  de  Brienne,  de  Chamaillart  et  d'Alen- 
çon.  Françoise  d'Alençon,  veuve  de  Charles  de  Bourbon,  duc 
de  Vendôme,  y  fit  élever,  en  4537,  un  manoir  nommé  le 
Châteauneuf  ;  son  fils,  Antoine  de  Bourbon,  y  résida  avec 
sa  femme  Jeanne  d'Albret,  de  1550  à  1553.  Ce  fut  en  sou- 
venir de  ses  parents  que  Henri  IV,  devenu  roi  de  France, 
donna  le  château  aux  jésuites  pour  y  établir  un  collège. 
L'institution  fonctionna  depuis  1604  ;  cependant  l'édit  de 
fondation  n'est  daté  que  de  1607.  Elle  devint  bientôt  flo- 
rissante et  quitta  en  1622  le  château  pour  de  nouveaux 
bâtiments  élevés  à  son  intention  ;  le  maréchal  de  Guébriant, 
Descartes,  le  P.  Mersenne,  le  prince  Eugène  de  Savoie, 
Voysin,  Séguier  furent  élèves  du  collège  de  La  Flèche.  Après 
l'expulsion  des  jésuites  en  1762,  le  collège  fut  remplacé 
par  une  école  préparatoire  à  l'Ecole  militaire  de  Paris.  La 
Tour  d'Auvergne  et  les  frères  Dupetit-Thouars  en  furent 
les  plus  illustres  élèves.  Transformée  en  1776  en  une  école 
confiée  aux  frères  de  la  doctrine  chrétienne  pour  les  jeunes 
gens  qui  se  destinaient  à  l'état  ecclésiastique  ou  à  la  ma- 
gistrature, elle  dura  jusqu'à  la  Révolution  française.  Sup- 
primée en  1793,  elle  fut  remplacée  en  1808  par  le  pryta- 
née  militaire  qui  existeencore(V.  Prytanée).  En  déc.  1793, 
La  Rochejucquelin ,    fuyant,  après  avoir  levé  le   siège 
d'Angers,  devant  les  colonnes  de  Marceau,  de  Westermann 
et  de  Kléber,  réussit  à  reprendre  la  ville  de  La  Flèche  et 
à  assurer  la  retraite  de  son  armée  sur  le  Mans. 

Les  bâtiments  du  Prytanée  militaire,  élevés  de  1620  à 
1653,  sont  les  édifices  les  plus  importants  de  la  ville.  Dans 
la  galerie  voûtée,  qui  fait  communiquer  la  cour  d'honneur 
avec  le  parc,  s'élève  une  statue  en  pied  de  Henri  IV  élevée 
en  1817.  Une  autre  statue  du  même  roi,  œuvre  de  Bon- 
nassieux,  a  été  élevée  en  1857  par  souscription,  sur  la  place 
nommée  depuis  Henri  IV.  L'église  de  Saint-Thomas  a  été 
reconstruite  en  style  gothique  du  xme  siècle  sur  l'empla- 
cement de  l'ancienne  église  prieurale.  La  chapelle  des  Vertus, 
près  du  cimetière,  a  conservé  une  porte  romane  et  renferme 
de  beaux  panneaux  de  bois  sculptés.  L'hôtel  de  ville,  élevé 
en  1836,  renferme  la  halle  aux  grains,  le  théâtre,  la  biblio- 
thèque publique  et  le  musée.  Le  quai  est  planté  de  beaux 
arbres  ;  la  promenade  du  mail  entoure  une  partie  de  la  ville. 
Les  deux  rives  du  Loir  sont  reliées  par  le  beau  pont  des  Carmes . 


—  589 


FLÉCHÈRE  —  FLÉCHIER 


FLÉCHÈRE  (J.-G.  de  La)  (V.  Fletcher). 

FLÉCHIER  (Esprit),  évèque  de  Nîmes,  né  en  1632  à 
Pernes,  diocèse  de  Carpentras,  mort  en  4740.  Au  siècle 
précédent,  sa  famille  avait  rendu,  dans  les  guerres  contre 
les  hérétiques,  des  services  qui  lui  valurent  des  titres  de 
noblesse,  auxquels  elle  dérogea  assez  promptement,  car  il 
semble  bien  résulter  d'une  repartie  de  Fiéchier  que  son 
père  tenait  un  commerce  de  chandelles.  Comme  un  évêque 
de  cour  se  plaignait  de  rencontrer  en  lui  un  confrère  élo- 
quent, mais  non  gentilhomme,  il  lui  répondit  :  «Avec  cette 
manière  de  penser,  je  crains,  monseigneur,  que  si  vous 
étiez  né  ce  que  je  suis,  vous  n'eussiez  jamais  fait  que  des 
chandelles.  »  Il  fut  confié  de  bonne  heure  à  un  oncle  ma- 
ternel, Hercule  d'Audrifret,  qui  dirigeait  alors  un  collège  des 
pères  de  la  Doctrine  chrétienne  à  Tarascon.  A  quinze  ans 
il  avait  achevé  ses  humanités  et  il  se  distinguait  déjà  dans 
la  versification  latine,  qu'il  ne  cessa  jamais  de  cultiver 
et  qui  facilita  ses  premiers  succès  dans  le  monde,  mais 
dont  les  procédés  reparaissent  fâcheusement  dans  ses  meil- 
leures œuvres.  En  4648,  il  entra  dans  la  congrégation  des 
Doctrinaires,  dont  son  oncle  venait  d'être  nommé  supérieur 
général.  Il  professa  les  humanités  à  Tarascon  et  àDragui- 
gnan,  puis,  à  partir  de  4652,  la  rhétorique  à  Narbonne,  où 
il  prononça,  en  4  658,  l'oraison  funèbre  de  l'archevêque 
Claude  de  Rébé.  Ce  fut  en  cette  année-là  qu'il  sortit  de  la 
congrégation  des  Doctrinaires.  Il  voulait  demeurer  à  Paris, 
oii  il  était  venu  pour  les  funérailles  de  son  oncle,  mais  on 
ne  lui  permit  point  de  résider  dans  la  maison  de  cette  ville, 
parce  qu'il  appartenait  à  la  province  de  Toulouse.  — 
Resté  à  Paris,  Fiéchier  y  commença  fort  obscurément, 
faisant  le  catéchisme  aux  enfants,  dans  une  paroisse.  Rien  - 
tôt  après,  il  entra  comme  précepteur  dans  une  famille 
noble,  ce  qui  lui  permit  de  se  faire  connaître  à  quelques 
personnes  dont  la  protection  lui  fut  très  utile.  Conrart, 
secrétaire  de  l'Académie,  le  présenta  à  M.  de  Montausier, 
à  M.  de  Caumartin  et  à  Mme  de  Sévigné.  Admis  dans  la 
société  de  l'hôtel  de  Rambouillet,  il  y  eut  du  succès  : 
surnommé  Damon  par  Mme  Deshoulières  et  Acaste  par 
Senecé.  En  4662,  il  décrivit  en  vers  latins,  sous  le  titre 
de  Cursus  regius,  un  carrousel,  que  Louis  XIV  avait  donné 
pour  divertir  Mlle  de  La  Vallière  ;  l'année  suivante,  il  reçut 
une  pension  annuelle  de  trois  mille  livres,  en  qualité  de 
poète  latin.  En  4665,  il  accompagnait  à  Clermont  M.  de 
Caumartin,  qui  allait  y  présider  les  Grands  Jours  d'Au- 
vergne ;  il  rédigea  pour  Mme  de  Caumartin  un  récit  de  ce 
voyage.  Cette  relation,  fort  intéressante  pour  les  lecteurs 
profanes,  mais  où  le  bel  esprit  semble  trop  oublier  le  prêtre, 
a  été  retrouvée  en  manuscrit  et  publiée  pour  la  première 
fois  en  4844,  sous  le  titre  :  Mémoires  sur  les  Grands 
Jours  de  Clermont.  A  un  genre  fort  voisin  et  à  la  même 
époque  de  sa  vie  appartient  le  commencement  de  la  cor- 
respondance peu  grave  que  Fiéchier  entretint  pendant  de 
longues  années  avec  Mlle  de  Vigne  et  plus  tard  avec 
Mme  Deshoulières.  Il  se  guérit  tard,  s'il  se  guérit  jamais, 
des  habitudes  de  galanterie  littéraire  qu'il  avait  contractées 
en  l'hôtel  de  Rambouillet. 

En  4668,  le  duc  de  Montausier  lui  procura  l'emploi  de 
lecteur  du  Dauphin.  Jusqu'à  sa  nomination  à  l'évêché 
de  Lavaur,  Fiéchier  resta  attaché  à  la  personne  de  ce 
prince,  pour  lequel  il  écrivit  une  Histoire  de  Théodose, 
qui  ne  fut  publiée  qu'en  4679.  Le  peu  de  mérite  que  pos- 
sède cet  ouvrage  provient  de  qualités  qui  conviennent 
mieux  à  la  chaire  qu'à  l'histoire.  Dès  qu'il  se  mit  à  tra- 
vailler à  la  prédication,  Fiéchier  y  obtint  un  succès  qui 
alla  toujours  croissant.  En  4672,  il  fut  appelé  à  pronon- 
cer l'oraison  funèbre  de  Mme  de  Montausier.  L'année 
suivante,  il  fut  nommé  à  l'Académie,  en  remplacement 
d'Antoine  Godeau,  évêque  de  Vence  ;  reçu  le  même  jour  que 
Racine,  il  prononça  un  discours  qui  fut  très  applaudi, 
tandis  que  celui  du  poète  produisit  un  si  piteux  effet  que 
l'Académie  ne  prit  même  pas  la  peine  de  l'insérer  dans  ses 
recueils.  —  Les  oraisons  funèbres  formant  le  principal 
titre  de  Fiéchier  à  la  célébrité,  leur  date  nous  semble 


devoir  être  notée,  comme  celle  des  événements  les  plus  con- 
sidérables de  sa  vie  :  la  duchesse  de  Montausier,  2  janv. 
4672,  en  l'église  de  l'abbaye  d'Hière  ;  la  duchesse  d'Ai- 
guillon, 42  août  4675,  en  l'église  des  Carmélites  de  la 
rue  Chapon  ;  Turenne,  40  janv.  4676,  en  l'église  Saint- 
Eustache  ;  le  premier  président  de  Lamoignon,  48  févr. 
4679,  en  l'église  Saint-Nicolas-du-Chardonnet  ;  la  reine 
Marie-Thérèse  d'Autriche,  24  nov.  4683,  en  l'église 
des  religieuses  du  Val-de-Grâce  ;  le  chancelier  de  France 
Michel  le  Tellier,  29  mai  4686,  en  l'église  de  l'Hôtel- 
Royal  des  Invalides  ;  Marie- Anne-Christine  de  Ravière, 
Dauphine  de  France,  45  juin  1690,  en  l'église  Notre- 
Dame;  le  duc  de  Montausier,  14  août  4690,  en  l'église 
des  Carmélites  du  faubourg  Saint- Jacques.  —  Le  roi  lui 
avait  donné  l'abbaye  de  Saint-Severin  et  la  charge  d'au- 
mônier ordinaire  de  Mme  la  Dauphine;  en  4685,  il  le 
nomma  à  l'évêché  de  Lavaur,  relevant  la  valeur  de  cette 
nomination  par  de  gracieuses  paroles  :  «  Je  vous  ai  fait 
un  peu  attendre  une  place  que  vous  méritiez  depuis  long- 
temps ;  mais  je  ne  voulais  pas  me  priver  sitôt  du  plaisir  de 
vous  entendre.  »  Entrant  dans  l'épiscopat,  Fiéchier  céda 
pour  vingt-cinq  mille  écus  sa  charge  d'aumônier  de  la  Dau- 
phine. 

Deux  ans  après,  il  fut  promu  à  l'évêché  de  Nîmes,  beau- 
coup plus  riche  et  par  conséquent  plus  envié.  A  cette 
occasion,  il  adressa  à  Louis  XIV  une  lettre  souvent  citée  et 
qui  mérite  de  l'être  ;  il  y  exprime  avec  dignité,  quoique 
dans  le  style  maniéré  qui  lui  était  devenu  naturel,  sa 
reconnaissance  pour  la  grâce  que  le  roi  lui  avait  faite  et 
son  désir  de  rester  à  Lavaur.  Dans  le  diocèse  de  Nîmes 
plus  encore  que  dans  celui  de  Lavaur,  les  protestants 
étaient  nombreux  ;  on  a  souvent  loué  la  bénignité  de  Fié- 
chier envers  eux.  Il  mérite  cet  éloge  encore  moins  que 
Rossuet  et  Fénelon,  à  qui  il  a  été  pareillement  décerné. 
Sans  doute,  ces  évêques,  qui  n'étaient  ni  sots  ni  méchants, 
aimaient  mieux  obtenir  la  conversion  des  hérétiques  par 
persuation  que  par  contrainte,  mais  ils  la  voulaient  atout 
prix  ;  quand  la  douceur  se  montrait  inefficace,  ils  n'hési- 
taient nullement  à  recourir  à  la  rigueur,  conformément  à 
la  tradition  constante  du  clergé  de  France.  Loin  de  les 
atténuer,  Fiéchier  aggrava  les  procédés  autorisés  par  les 
édits  de  persécution  ;  il  dépassa  même  les  désirs  de  la  cour. 
Les  édits  permettaient  d'enlever  aux  familles  protestantes 
les  enfants  âgés  de  moins  de  douze  ans,  pour  les  faire  éle- 
ver dans  la  foi  catholique,  aux  frais  de  leurs  parents  ; 
Fiéchier  les  enlevait  au-dessus  de  cet  âge,  malgré  les  re- 
montrances d'un  ministre  du  roi.  En  1698,  sur  les  con- 
seils de  Rossuet  et  de  l'archevêque  de  Paris,  Louis  XIV 
demanda  aux  évêques  s'il  ne  convenait  pas  de  ne  plus  con- 
traindre les  hérétiques  d'assister  à  la  messe  ;  les  évêques 
du  Languedoc,  Fiéchier  en  tète,  déconseillèrent  ce  projet. 
Quand  il  fut  adopté,  ils  sollicitèrent  et  obtinrent  une 
exception  pour  leur  province.  Les  protestants  finirent  par 
se  révolter  ;  Fiéchier  soutint  contre  eux  les  cadets  de  la 
croix,  que  le  maréchal  de  Montre vel  lui-même  réprouvait 
(V.  Camisards).  Dans  sa  Relation  du  fanatisme,  il  s'éver- 
tua à  ridiculiser  et  à  calomnier  les  malheureux  qu'il  avait 
contribué  à  exaspérer.  —  Ces  réserves  faites,  il  ne  reste 
plus  guère  à  rapporter  que  des  louanges  méritées.  Fiéchier 
fut  un  évêque  éclairé,  zélé  et  charitable.  Il  réunissait  tous 
les  ans  dans  des  assemblées  tenues  à  l'évêché  les  prêtres 
de  son  diocèse,  et  il  s'efforçait  de  rétablir  parmi  eux  la 
discipline,  les  bonnes  mœurs  et  l'étude.  Lui-même  em- 
ployait ses  loisirs  à  composer  des  ouvrages  de  littérature 
et  d'histoire  ou  à  diriger  les  travaux  de  l'académie  qu'il 
avait  fondée  à  Nimes.  Gardien  vigilant  de  la  dignité  du 
culte,  il  n'approuvait,  parmi  les  pratiques  extérieures,  que 
celles  que  l'Eglise  a  consacrées  par  un  long  usage  ;  il  inter- 
disait son  diocèse  aux  confréries  de  pénitents  blancs  ;  il  ne 
craignait  point  de  manifester  sa  défiance  à  l'égard  des  pè- 
lerinages et  des  miracles  nouveaux,  et  il  osait  écrire  que 
de  nos  jours  le  véritable  miracle  est  une  piété  édifiante. 
Plus  énergiquement  que  Rossuet,  il  affirmait  la  souverai- 


FLÉCHIER  —  FLÉCHIÈRE 


—  590  — 


neté  des  conciles  généraux  et  les  droits  des  évêques  dans 
leurs  diocèses. 

Il  nous  reste  de  Fléchier  un  portrait  peint  par  lui-même. 
Dans  une  page  adressée  à  un  de  ses  amis,  et  qui  nous  pa- 
raît être  une  de  ses  meilleures,  parce  que  le  sujet  devait 
lui  plaire,  et  que  le  genre  convenait  à  sa  manière,  il  s'est 
décrit  tel  qu'il  se  voyait.  Comme  rien  n'est  parfait  en  ce 
monde,  et  que  chacun,  dit-il,  a  ses  endroits  faibles,  il 
confesse  un  défaut  :  sa  mémoire  un  peu  ingrate,  non 
pas  infidèle.  Pour  le  reste,  il  détaille  les  traits  de  son 
caractère,  par  l'indication  d'un  grand  nombre  de  qualités 
aimables,  qu'il  possédait  vraisemblablement  à  un  degré 
quelconque,  et  dont  il  convient  de  lui  laisser  le  mérite,  ne 
fût-ce  que  pour  avoir  naïvement  cru  les  avoir,  ce  qui  était 
les  désirer.  Voici  les  principaux  de  ces  traits  :  «...  Sa 
figure  n'a  rien  de  touchant  ni  d'agréable  ;  mais  elle  n'a 
rien  aussi  de  choquant.  Sa  physionomie  n'impose  pas,  et 
ne  promet  pas  au  premier  coup  d'œil  tout  ce  qu'il  vaut  : 
mais  on  peut  remarquer  dans  ses  yeux  et  sur  son  visage  je 
ne  sais  quoi  qui  répond  de  son  esprit  et  de  sa  probité... 
Son  esprit  ne  s'ouvre  pas  tout  d'un  coup,  mais  il  se  dé- 
ploie petit  à  petit,  et  il  gagne  beaucoup  à  être  connu.  — 
Il  n'a  jamais  brigué  de  suffrage  :  il  a  voulu  être  estimé 
par  raison,  non  par  cabale... Il  sait  se  servir  de  son  esprit  ; 
mais  il  ne  sait  point  s'en  prévaloir  ;  et  quoiqu'il  se  sente  et 
s'estime  ce  qu'il  vaut,  il  laisse  à  chacun  son  jugement... 
Il  se  renferme  en  lui-même,  et  se  rend  la  justice  qu'on  lui 
refuse...  Quand  on  l'élève,  il  se  tient  dans  une  honnête 
modération,  et  sa  pudeur  est  embarrassée  ;  mais  si  l'on 
veut  l'abaisser,  il  prend  une  fierté  qui  le  met  au-dessus 
de  tous...  11  n'envie  la  gloire  de  personne,  mais  il  aime  à 
jouir  de  la  sienne...  —  Il  a  un  caractère  d'esprit  net,  aisé, 
capable  de  tout  ce  qu'il  entreprend.  Il  a  fait  des  Vers  fort 
heureusement  ;  il  a  réussi  dans  la  prose  ;  les  savants  ont 
été  contents  de  son  latin  :  la  cour  a  loué  sa  politesse,  et  les 
dames  les  plus  spirituelles  ont  trouvé  ses  lettres  ingénieuses 
et  délicates.  Il  a  écrit  avec  succès  ;  il  a  parlé  en  public, 
même  avec  applaudissement...  Pour  son  style  et  ses  ou- 
vrages, il  y  a  de  la  netteté,  delà  douceur  et  de  l'élégance  : 
la  nature  y  approche  de  l'art,  et  l'art  y  ressemble  à  la 
nature.  On  croit  d'abord  qu'on  ne  peut  ni  penser  ni  dire 
autrement  ;  mais  après  qu'on  y  a  fait  réflexion,  on  voit 
bien  qu'il  n'est  pas  facile  de  penser  et  de  dire  ainsi.  Il  a  de 
la  droiture  dans  le  sens,  de  l'ordre  dans  le  discours  et 
dans  les  choses,  de  l'arrangement  dans  les  paroles,  et  une 
heureuse  facilité,  qui  est  le  fruit  d'une  longue  étude.  On 
ne  peut  rien  ajouter  à  ce  qu'il  écrit,  sans  y  mettre  du  su- 
perflu, et  l'on  n'en  peut  rien  ôter,  sans  y  retrancher 
quelque  chose  de  nécessaire...  —  Tous  les  honneurs  du 
monde  lui  paraîtraient  trop  achetés,  s'ils  lui  avaient  coûté 
quelque  bassesse...  Quoiqu'il  n'y  ait  guère  d'homme  qui 
sache  mieux  louer  que  lui,  il  n'a  jamais  voulu  vendre,  ni 
même  donner  mal  à  propos  ses  louanges...  Il  est  facile, 
populaire,  officieux  à  ceux  qui  sont  au-dessous  de  lui, 
commode  à  ses  égaux.  Pour  les  grands  qui  se  prévalent  de 
ce  qu'ils  sont,  il  les  respecte  de  loin,  et  les  abandonne  à 
leur  propre  grandeur...  Son  cœur  a  de  la  grandeur  et  de 
la  générosité  ;  aucun  intérêt  ne  le  touche,  et  il  ne  vou- 
drait avoir  du  bien  que  pour  être  en  état  d'en  faire...  Il  a 
toujours  cru  que  le  mérite  pouvait  se  passer  de  la  fortune. 
Il  s'est  contenté  de  l'un,  et  ne  s'est  point  inquiété  de 
l'autre.  »  —  C'est  le  portrait  d'un  sage  ;  mais  il  n'est  point 
indifférent  de  constater  qu'il  ne  contient  aucun  trait  carac- 
térisant un  prêtre  ou  simplement  un  chrétien,  et  que 
toutes  les  maximes  de  cette  sagesse  peuvent  être  énoncées 
par  une  morale  absolument  indépendante  de  l'Evangile. 

Nous  avons  indiqué  la  date  des  Oraisons  funèbres. 
Chacune  d'elles  lut  imprimée  (Paris,  in-4)  après  avoir  été 
prononcée;  première  édition  complète  (Paris,  4691,  2vol. 
in-8).  Autres  ouvrages  édités  pendant  la  vie  de  Fléchier: 
Vie  du  cardinal  Commendon,  traduite  du  latin  de  A. -M. 
Gratiani  (Paris,  4671,  in-4);  Histoire  de  Théodose  le 
Grand  (Paris,  4679,  in-4)  ;  Histoire  du  cardinal  Xime- 


nès  (Paris,  4693,  2  vol.  in-42).  Après  la  mort  de  Fauteur 
parurent  d'autres  volumes  :  Panégyriques  et  autres 
sermons  (Paris,  in-4  et  in-4 2);  Lettres  choisies  sur 
divers  sujets  (Parts,  4745,  2  vol.  in-42)  ;  Sermons  de 
morale  prêches  devant  le  roi,  avec  des  Discours  syno- 
daux et  les  sermons  prêches  aux  Etats  du  Languedoc 
et  dans  la  cathédrale  (Paris,  3  vol.  in-42,  préface  de 
l'abbé  Du  Jarry)  ;  OEuvres  mêlées  comprenant  Harangues, 
Compliments,  Discours,  Poésies  latines  et  françaises 
(Paris,  in-4  2)  ;  Mandements  et  lettres  pastorales  (Paris, 
in-42).  Editions  des  OEuvres  complètes  :  Nîmes,  4782, 
40  vol.  in-8;  Paris, 4825-4828, 40  vol.  in-8.; Paris,  4856- 
4857,  2  vol.  gr.  in-8.  Sont  restés  en  manuscrit  6  vol.  in- 
fol.  d'un  Recueil  des  antiquités  du  Languedoc.  Les  Mé- 
moires sur  les  Grands  Jours  tenus  à  Clermont  en 
i 665-/666,  publiés  pour  la  première  fois  en  4844  (Paris, 
in-8),  ont  été  réédités  avec  notes  de  M.  Cheruel  et  préface 
de  Sainte-Beuve  (Paris,  4856,  in-8). 

L'appréciation  de  Fléchier  sur  ses  propres  ouvrages  a 
été  reproduite  plus  haut;  elle  nous  semble  très  juste.  Il  ne 
visait  point  au  génie  et  n'exagérait  point  son  talent;  il  ne 
prétend  nullement  aux  qualités  qu'on  lui  reproche  de  n'avoir 
point  ;  mais  il  possède  vraiment  celles  qu'il  réclame.  Sur 
ses  lettres,  il  est  assez  difficile  de  n'être  point  du  sentiment 
des  femmes  spirituelles  de  son  temps,  et  de  ne  point  les 
trouver  ingénieuses  et  délicates  :  souvent  précieux,  mais 
jamais  ridicule.  Il  est  plus  incontestable  encore  qu'il  avait 
un  caractère  d'esprit  net  et  aisé;  qu'il  a  écrit  avec 
succès  et  parlé  en  public  avec  applaudissement;  que 
son  style  a  de  la  netteté,  de  la  douceur  et  de  V élé- 
gance ;  qu'il  s'y  révèle  un  grand  art;  qu'on  y  trouve  de 
la  droiture  dans  le  sens,  de  l'ordre  dans  le  discours 
et  dans  les  choses,  de  l'arrangement  dans  les  paroles 
et  une  heureuse  facilité,  fruit  d'une  longue  étude. 
Ses  contemporains  y  trouvèrent  davantage.  On  dit  qu'en 
apprenant  sa  mort,  Fénelon  s'écria  :  Nous  avons  perdu 
notre  maître.  Le  roi  aimait  à  l'entendre,  et  le  disait.  Mme  de 
Sévigné  exprimait  son  admiration  avec  son  impétuosité 
habituelle.  Ce  sentiment  devait  être  alors  celui  de  toutes 
les  femmes  et  de  la  plupart  des  hommes  de  la  cour  et  delà 
ville.  Comme  on  ne  pouvait  éviter  de  comparer  entre  eux 
deux  prédicateurs  célèbres  pour  leurs  oraisons  funèbres,  il 
est  probable  que  beaucoup  préféraient  Fléchier  à  Bossuet, 
pour  les  raisons  qui  leur  auraient  fait  préférer  Mignard  à 
Michel-Ange,  peut-être  même  à  Raphaël.  Quelques-uns  seu- 
lement protestaient  contre  ce  goût,  mais  tout  bas,  comme 
La  Bruyère,  d'une  note  sourde  et  chagrine.  Naturellement 
une  réaction  devait  se  faire,  excessive  comme  toutes  les 
réactions.  On  trouvera  chez  les  professeurs  de  belles-lettres 
les  critiques  dont  Fléchier  a  été  l'objet.  En  énumérant  ses 
défauts  on  a  trop  souvent  oublié  ses  qualités,  et  en  signa- 
lant son  habileté  il  semble  qu'on  a  parfois  voulu  amoindrir 
sa  valeur  ;  quelques-uns  même  l'ont  appelé  un  rhéteur.  La 
probité  de  Fléchier  dément  cette  qualification  :  il  n'a  jamais 
loué  ou  blâmé  que  ce  qui  méritait  de  l'être.  Il  est  bien 
vrai  qu'il  serait  difficile  de  trouver  chez  lui  une  observa- 
tion profonde  ou  même  une  pensée  réellement  originale  ;  il 
est  vrai  aussi  qu'il  a  usé  avec  un  art  consommé  de  tous 
les  procédés  que  la  rhétorique  enseigne  ;  il  en  a  plus  d'une 
fois  abusé.  Mais  il  a  autre  chose:  dans  ses  oraisons  funèbres, 
particulièrement  celles  qui  ont  des  femmes  pour  sujet,  et 
surtout  dans  ses  sermons,  il  y  a  des  choses  excellentes,  en 
grand  nombre,  parfaitement  disposées,  exprimées  dans  le 
langage  qui  convenait  le  mieux  et  à  ces  choses  et  aux  per- 
sonnes pour  qui  elles  étaient  dites.  Ce  n'est  point  sans 
raison  que  Fénelon  l'a  appelé  notre  maître  ;  il  fut  un  des 
maîtres  de  la  chaire  catholique.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.:  Ch.LABiTTE^a  Jeunesse  de  Fléchier,  dansla.Reuue 
des  Deux  Mondes,  15  mai  1845.  —  A.  Delacroix,  Histoire  de 
Fléchier;  Paris,  1865,  2  vol.  in-12.—  J.  Bas-  tide,  art.  Flé- 
chier dans  YEncyclopédie  des  sciences  religieuses  ;  Paris, 
1877-1882,  13  vol.  in-8.—  De  Resle,  Examen  critique  des 
Mémoires  attribués  à  Fléchier  ;  Clermont,  1845,  in-8. 

FLÉCHIÈRE,  I.  Botanique  (V.  Sagittaire). 


—  591  — 


FLECHIÈRE  —  PLEEMING 


IL  Architecture.  —  Suite  de  feuilles  d'eau  aiguës 
comme  des  fers  de  flèche  et  sans  découpure  que  l'on  em- 
ploya pour  décorer  les  moulures  et  les  chapiteaux  dans  les 
monuments  d'architecture  byzantine  et  plus  tard  dans  ceux 
de  style  roman.  Les  iléchières  se  retrouvent  encore,  à 
l'époque  actuelle,  dans  certains  motifs  de  ferronnerie,  bal- 
cons ,  panneaux  de  grille,  artichauts,  etc.     Charles  Lucas. 

FLÉCHIN.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Saint-Omer,  cant.  de  Fauquembergues,  sur  le  Surgeon  ; 
•  649  hab.  Ancienne  église  restaurée  ;  des  constructions  an- 
ciennes subsistent  la  tour  du  xme  siècle  et  le  chœur  go- 
thique du  commencement  du  xvr3  siècle.  Ruines  d'un  ancien 
château  féodal.  Au  hameau  de  Boncourt,  pierre  tumulaire 
de  Simaïs  de  Boncourt,  trouvère  du  xme  siècle. 

FLÉCHISSANT  (Math.)  (V.  Poutre  et  Moment  flé- 
chissant). 

FLÉCHISSEURS  (Muscles).  Les  muscles  fléchisseurs 
sont  ceux  qui  déterminent  la  flexion  des  parties  auxquelles 
ils  s'attachent.  Nous  décrirons  ici  :  4°  Le  fléchisseur  su- 
perficiel ou  sublime  des  doigts  (épitrochléo-phalangien 
commun)  qui  s'attache  en  haut  à  l'épitrochlée  de  l'humé- 
rus, à  l'apophyse  coronoïde  du  cubitus  et  au  bord  anté- 
rieur du  radius,  et  qui,  par  quatre  tendons  qui  glissent 
dans  le  canal  carpien,  va  se  fixer  en  bas  aux  secondes  pha- 
langes des  doigts.  Dans  la  gaine  ostéo-fibreuse  des  doigts, 
chaque  tendon  se  creuse  en  gouttière  pour  recevoir  le  ten- 
don correspondant  du  fléchisseur  profond  des  doigts  et  forme 
bientôt  une  boutonnière  (tendon  perforé)  que  traverse  le 
tendon  du  fléchisseur  profond  (tendon  perforant).  —  2°  Le 
fléchisseur  commun  profond  des  doigts  (cubito-phalan- 
gettien  commun)  s'insère  sur  la  face  antérieure  du  cubi- 
tus et  du  ligament  interosseux,  un  peu  sur  l'aponévrose 
antibrachiale  et  le  radius  au-dessous  de  la  tubérosité  bici- 
pitale,  et  son  corps  charnu  donne  naissance  vers  le  milieu 
de  l'avant-bras  à  quatre  tendons  qui  donnent  insertion  aux 
lombricaux  dans  la  paume  de  la  main  et  vont  se  terminer 
à  la  dernière  phalange  des  quatre  derniers  doigts  après 
avoir  traversé  la  boutonnière  des  tendons  du  fléchisseur 
superficiel.  —  3°  Le  long  fléchisseur  propre  du  pouce 
(radio-phalangettien  du  pouce)  s'attache  aux  trois  quarts 
supérieurs  de  la  face  antérieure  du  radius  et  au  ligament 
interosseux,  et  va  se  fixer  d'autre  part  à  la  base  de  la  pha- 
lange unguéale  du  pouce.  L'existence  de  ce  fléchisseur  à 
l'état  indépendant  est  un  des  caractères  musculaires  de  l'es- 
pèce humaine.  ïl  perd  exceptionnellement  cette  indépendance 
en  s'unissant  aux  fléchisseurs  communs  et  se  rapproche 
dès  lors  des  formes  simiennes.  —  4°  Le  court  fléchisseur 
du  pouce  naît  du  ligament  annulaire  du  carpe,  du  trapèze 
et  de  la  gaine  du  grand  palmaire,  et  va  s'attacher  par  deux 
faisceaux  de  chaque  côté  de  la  base  de  la  première  pha- 
lange du  pouce.  Au  voisinage  de  leur  insertion,  ces  deux 
faisceaux  renferment  souvent  un  os  sésamoïde.  —  5°  Le 
court  fléchisseur  du  petit  doigt  s'étend  du  ligament  an- 
nulaire et  de  l'apophyse  de  l'os  crochu  au  bord  cubital  de 
l'extrémité  proximale  de  la  première  phalange  du  petit 
doigt.  —  7°  Le  long  fléchisseur  commun  des  orteils 
(tibio-sous-phalangettien  commun)  s'attache  supérieure- 
ment sur  la  face  postérieure  du  tibia,  et  inférieurement 
par  quatre  tendons  sur  la  base  de  la  dernière  phalange  des 
orteils.  —  8°  Le  court  fléchisseur  commun  des  orteils 
(calcanéo-sous-phalangien  commun)  s'étend  de  la  tubéro- 
sité interne  du  calcanéum  à  l'extrémité  postérieure  de  la 
deuxième  phalange  des  quatre  derniers  orteils  où  il  s'at- 
tache, après  s'être  laissé  traverser  (tendon  perforé)  par  le 
tendon  correspondant  du  long  fléchisseur  commun  (tendon 
perforant).  —  9°  Le  long  fléchisseur  du  gros  orteil 
(péronéo-sous-phalangien  du  gros  orteil)  naît  de  la  face 
postérieure  du  péroné,  du  ligament  interosseux  et  de  la 
cloison  intermusculaire  externe,  et  va  se  terminer  sur 
l'extrémité  postérieure  de  la  dernière  phalange  du  gros 
orteil.  A  la  plante  du  pied  ce  muscle  envoie  presque  cons- 
tamment une  anastomose  aux  tendons  du  fléchisseur  com- 
mun. —  10°  Le  court  fléchisseur  du  gros  orteil  (tarso- 


sous-phalangettien  du  gros  orteil)  s'attache  sur  le  cuboïde, 
le  troisième  cunéiforme  et  le  scaphoïde,  et,  d'autre  part, 
sur  les  bords  de  la  première  phalange  du  gros  orteil  et  sur 
les  os  sésamoïdes  de  l'articulation  métatarso-phalangienne. 
—  11°  Le  court  fléchisseur  du  petit  orteil  s'étend  de  la 
gaine  du  long  péronier  latéral  et  de  la  base  du  cinquième 
métatarsien  à  la  partie  postérieure  de  la  première  phalange 
du  petit  orteil  (V.  Triceps  crural  et  Psoas  iliaque;  Bras, 
Sterno-mastoïdien,  Cou,  etc.).  Ch.  Debierre. 

FLÉCHY  (Flechyes,  Fleceiae),  Corn,  du  dép.  de  l'Oise, 
arr.  de  Clermont,  cant.  de  Breteuil  ;  205  hab.  Eglise  du 
xvie  siècle,  contenant  un  beau  lambris  sculpté.  Souterrain- 
refuge  du  ixe  siècle,  autrefois  fortifié.  On  a  trouvé  des  an- 
tiquités romaines  à  la  fosse  Beauroy.  La  chapelle  à'Ecce 
homo  ou  des  Brabans,  construite  au  xvie  siècle,  a  été 
rebâtie  au  xvme.  C.  St-A. 

FLECK  (Konrad),  poète  allemand  de  Souabe.  du  xme 
siècle,  qui  composa,  d'après  l'original  français,  Flore  und 
Blanche flur  (éd.  Sommer;  Quedlinburg,  4846).  On  sait 
la  vogue  de  cette  légende  mettant  en  scène  l'amour  de  deux 
enfants,  réalisé  malgré  les  obstacles  et  les  périls  et  pro- 
longé jusqu'à  leur  mort  à  l'âge  de  cent  ans. 

FLECKENSTEIN.  Château  ruiné  de  la  Basse-Alsace,  à 
î  kil.  au  N.  de  Lembach,  arr.  de  Wissembourg.  Construit  au 
xiie  siècle,  à  une  ait.  de  370  m.,  sur  la  plate-forme  d'un 
rocher  escarpé  de  45  m.  de  haut,  le  château  de  Flecken- 
stein,  pendant  des  siècles,  était  considéré  comme  inexpu- 
gnable. Il  fut  pris  par  les  troupes  françaises,  probable- 
ment à  la  suite  d'une  trahison,  et  détruit,  en  4680,  parle 
baron  de  Montclar.  Il  existe  encore  une  partie  de  son  mur 
d'enceinte  et  plusieurs  grandes  salies,  creusées  dans  le 
rocher  et  soutenues  par  des  piliers  naturels.  En  avant  du 
grand  rocher,  du  côté  du  S.-O.,  se  dresse  une  roche  isolée, 
qu'on  avait  convertie  en  tour  en  y  creusant  un  escalier  en 
spirale  aboutissant  à  une  plate-forme.  Originairement  pro- 
priété allodiale,  la  terre  de  Fleckenstein,  à  la  suite  d'un 
différend  avec  Rodolphe  de  Habsbourg,  devint,  en  4276, 
fief  impérial.  Au  moyen  âge,  la  famille  de  Fleckenstein 
était  une  des  plus  puissantes  de  l'Alsace  ;  divisée  en  trois 
branches,  elle  s'éteignit  en  4720.  Henri-Jacques,  le  der- 
nier des  Fleckenstein,  sur  les  instances  du  roi  de  France, 
céda  ses  propriétés  à  la  famille  de  Rohan-Soubise,  qui  les 
posséda  jusqu'en  4789.  L.  W. 

Bibl.  :  Speckle,  Architectura  von  Vestungen  ;  Stras- 
bourg, 1589,  fol.  88.  —  Schœpflin,  Ails.  M.,  II,  241.  — 
Krieg  von  Hochfelden,  Gesch.  der  Militavarchitektur  ; 
Stuttgart,  1859,  323-328.  —  Hirt,  Château  de  Fleckenstein; 
Strasbourg,  1876.  —  Lehmann,  Dreizehn  Burgen  ;  Stras- 
bourg, 1878,  pp.  97  et  suiv.  —  Ihmé,  Zwei  Berichtigungen 
betreffend  Burg  Fleckenstein,  dans  Jahrb.  des  vogesen 
Clubs,  1885,  67-76.  —  Ganier  et  Frœhlich,  Voyage  aux 
châteaux  histor.  de  la  chaîne  des  Vosges  ;  Paris,  1889, 
79-87.  —  Kraus,  Kunst  und  Alterthum  in  Elsass-Lothrin- 
gen;  Strasbourg,  1876,  t.  I. 

FLECKNOE  (Richard),  poète  anglais,  mort  vers  4678. 
On  croit  qu'il  était  de  naissance  irlandaise  et  qu'il  fut 
prêtre  de  l'Eglise  catholique  romaine.  Il  voyagea  dans  les 
Pays-Bas,  en  Italie,  à  Constantinople,  au  Portugal  et  au 
Brésil.  Auteur  plus  remarquable  par  son  abondance  que 
par  son  talent,  Flecknoe  s'attira  les  épigrammes  de  Dry- 
den.  Ses  œuvres,  presque  toutes  tirées  à  petit  nombre, 
sont,  d'ailleurs,  devenues  rares.  Peut-être  est-il  intéressant 
de  citer,  parmi  tout  ce  fatras,  une  comédie,  The  Damoi- 
selles  à  la  mode  (4667),  tirée,  comme  le  déclare  la  pré- 
face, de  «  plusieurs  excellentes  pièces  de  Molière  ». 

FLÉE.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  et  cant.  de 
Semur  ;  337  hab. 

FLÉE.  Gom.  du  dép.  de  laSarthe,  arr.  de  Saint-Calais, 
cant.  de  Château-du-Loir  ;  849  hab.  Eglise  duxur3  siècle. 
Au  hameau  de  Sainte-Cécile,  ruines  d'un  château  féodal 
dont  il  subsiste  une  haute  tour  cylindrique. 

FLEEM I N  6-Jenkin  (J.-R.-S.),  né  à  Stowting  Court  (comté 
de  Kent)  en  4833,  mort  à  Edimbourg  en  4885.  Il  fit  ses 
études  d'abord  à  Edimbourg,  puis  successivement  à  Franc- 
fort-sur-le-Main, à  Paris  et  enfin  à  Gênes,  où  il  commença, 


FLEEMING 


FLEGEL 


592  — 


en  1850,  sa  carrière  d'ingénieur.  Après  un  apprentissage 
de  trois  ans  dans  la  maison  W.  Fairbairn,  de  Manchester, 
suivi  d'expériences  variées  dans  les  travaux  pratiques, 
Fleeming-Jenkin  entra,  en  1857,  au  service  de  MM.  Nerval, 
de  Birkenhead,  alors  qu'ils  avaient  entrepris  la  fabrication 
du  premier  câble  atlantique.  Chargé  pour  cette  fabrication 
des  travaux  d'ingénieur  en  chef  et  d'électricien,  il  entra 
ainsi  avec  toute  son  énergie  dans  une  voie  qu'il  devait 
parcourir  dès  lors  avec  des  succès  signalés.  C'est  de  cette 
époque  que  datent  ses  relations  avec  William  Thomson, 
qu'il  assista  dans  l'étude  des  instruments  qui,  les  premiers, 
rendirent  possible  l'exploitation  des  longues  lignes  sous- 
marines.  Bientôt  après  il  joua  un  rôle  important  dans  le 
comité  nommé  par  l'Association  britannique  pour  la  déter- 
mination des  unités  électriques.  Associé  avec  W.  Thomson 
et  F.  Varley,  il  fut  mêlé  à  tous  les  travaux  qui  ont  signalé 
la  pose  et  l'exploitation  technique  des  câbles  transatlan- 
tiques et  est  l'auteur  de  plusieurs  inventions  à  ce  relatives. 
En  1859,  il  fut  choisi  comme  expert  par  la  commission 
royale  sur  la  télégraphie  sous-marine,  et  c'est  de  cette 
époque  que  datent  ses  premiers  écrits  sur  l'électricité,  qui 
ont  été  dès  lors  aussi  nombreux  que  remarquables.  Appelé, 
en  4866,  aux  fonctions  de  professeur  de  génie  civil  à 
l'University  Collège,  de  Londres,  il  les  résigna  deux  ans 
plus  tard  pour  accepter  les  mêmes  fonctions  à  l'université 
d'Edimbourg.  Dans  ces  dernières  années,  il  avait  étudié  le 
problème  de  la  locomotion  électrique  et  imaginé  le  système 
connu  sous  le  nom  de  telphérage  dont  on  a  fait  plusieurs 
applications  en  Angleterre.  L.  K. 

FLEETWOOD.  Port  d'Angleterre,  dans  le  comté  de 
Lancastre,  à  30  kil.  au  N.-O.  de  Preston,  au  S.  et  à  l'en- 
trée de  la  baie  de  Morecambe,  sur  la  rive  gauche  de  l'es- 
tuaire du  Wyre.  Tète  de  ligne  d'un  chemin  de  fer  qui  va  à 
Preston,  avec  embranchement  sur  Lancaster.  Le  port  de 
Fleetwood  (4,430  hab.)  est  en  décadence  ;  il  est  toutefois  en 
relations  régulières  avec  l'Irlande,  l'Ecosse  et  l'île  de  Man. 

FLEETWOOD  ("William),  magistrat  anglais,  né  vers 
1535,  mort  à  Londres  le  28  févr.  1594.  D'une  vieille 
famille  du  Lancashire,  il  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Lon- 
dres. Membre  des  deux  premiers  parlements  du  règne  d'Eli- 
sabeth, pour  Lancaster,  il  fut  élu  le  26  avr.  1571  recorder 
de  Londres  et  député  de  la  Cité  à  la  Chambre  des  communes 
en  1572.  Sergent  de  loi  en  1580,  de  nouveau  député  de 
Londres  en  1586  et  1588,  il  devint  en  1592  sergent  de  la 
reine.  Grand  travailleur  et  fort  éloquent,  ce  magistrat  ne 
se  consola  jamais  de  n'avoir  pas  eu  une  plus  brillante  car- 
rière. Il  a  laissé  :  An  Oration  concerning  the  attempts 
of  the  Queeris  maiesties  evil  séditions  subjects  (1571, 
in-12)  ;  Annalium  tam  regum  Edwardi  F,  Ricardi  III, 
et  Henrici  VII,  quam  Henrici  VIII  titulorum  online 
alphab.  digestorwn  elenchus  (1579,  1597)  ;  The  Office 
of  a  justice  of  the  Peace  (1658,  in-8),  etc.,  et  de  nom- 
breux ouvrages  en  manuscrit.  R.  S. 

FLEETWOOD  (George),  général  au  service  de  la  Suède, 
né  à  Copie  (Bedfordshire)  en  1605,  mort  à  Nykôping  le 
11  juin  1667.  Il  leva  en  1629  une  troupe  de  cavaliers  et 
rejoignit  en  Allemagne  l'armée  de  Gustave- Adolphe  qui  lui 
conféra  le  grade  de  lieutenant-colonel.  En  1630,  il  revint 
en  Angleterre  lever  un  régiment  d'infanterie  pour  le  même 
souverain.  La  reine  Christine  le  créa  baron  en  1654. 
Charles  X  le  dépêcha  en  1655  comme  envoyé  extraordi- 
naire à  Cromwell.  Lieutenant  général  en  1656,  il  entra  au 
conseil  de  guerre  en  1665.  Fleetwood  avait  fait  preuve  de 
sérieuses  qualités  militaires  ;  ses  chefs  estimaient  fort  son 
énergie  et  sa  prudence.  On  a  de  lui  une  relation  de  la 
bataille  de  Lutzen  à  laquelle  il  prit  part  (Camden  Miscel- 
lany,  t.  I  [1847]).  R.  S. 

FLEETWOOD  (George),  régicide  anglais.  Gentilhomme 
du  Buckinghamshire,  il  leva,  en  1643,  un  régiment  de 
dragons  au  service  du  Parlement  et  fut  élu  en  juil,  1647 
membre  de  la  Chambre  des  communes.  Il  siégea  en  1648 
dans  le  tribunal  chargé  de  juger  Charles  Ier  et  signa  la 
sentence  de  mort.  Cromwell  l'appela  à  siéger  dans  la 


Chambre  des  lords  endéc.  1657;  mais  il  accepta  de  Monck 
le  commandement  d'un  régiment  et  proclama  Charles  II  à 
York  (11  mai  1660).  La  restauration  le  condamna  à  mort 
comme  régicide;  mais  il  obtint  sa  grâce,  à  force  de  basses 
prières  et  grâce  à  la  recommandation  de  Monck  ;  néanmoins 
son  patrimoine  fut  confisqué.  On  croit  qu'il  mourut  en 
Amérique.  Ch.-V.  L. 

FLEETWOOD  (William),  prédicateur  et  antiquaire  an- 
glais, né  à  la  Tour  de  Londres  le  1er  janv.  1656,  mort  le 
4  août  1723.  Il  fut  évêque  d'Ely  et  écrivit  de  nombreux- 
sermons  qui  ont  étéréunis  en  un  volume  in-fol.  (1737). 
Il  avait  publié  aussi  un  recueil  d'inscriptions  païennes  et 
chrétiennes  accompagnées  de  notes,  sous  le  titre  de  Ins- 
criptionum  antiquarum  Sylloge  (1691). 

FLEETWOOD  (Charles),  homme  politique  et  général 
anglais,  mort  en  1692.  Troisième  fils  d'une  famille  noble 
du  Northamptonshire,  il  entra  en  1642  dans  la  garde  du 
corps  du  comte  d'Essex  et  fut  blessé  à  la  première  bataille 
de  Newbury.  En  1644,  il  commandait  un  régiment  dans 
l'armée  du  comte  de  Manchester  et  passait  pour  un  parti- 
san décidé  des  sectaires  extrêmes  :  son  régiment  se  dis- 
tingua à  Naseby  et  à  Stow-in-the-Wold.  En  mai  1646, 
Fleetwood  fut  élu  membre  de  la  Chambre  des  communes 
pour  le  bourg  de  Marlborough  ;  mais  il  ne  joua  aucun  rôle, 
ni  dans  la  seconde  guerre  civile,  ni  dans  le  procès  de 
Charles  Ier.  Il  fut  nommé  gouverneur  de  l'île  de  Wight  en 
mai  1649,  et,  comme  lieutenant  général  de  cavalerie,  con- 
tribua au  gain  de  la  bataille  de  Dunbar  lors  de  l'expédi- 
tion de  Cromwell  en  Ecosse  (1650).  Le  17  févr.  1651,  il 
fut  élu  membre  du  conseil  d'Etat  et  chargé  du  commande- 
ment supérieur  des  troupes  en  Angleterre.  C'est  en  cette 
qualité  qu'il  gagna  le  combat  de  Worcester.  L'année  sui- 
vante, il  épousa  l'une  des  filles  de  Cromwell,  Bridget,  veuve 
de  Henry  Ireton,  et  fut  désigné  pour  commander  en  chef  en 
Irlande.  Il  resta  en  Irlande*  de  sept.  1652  à  sept.  1655, 
avec  la  plénitude  de  l'autorité  civile  et  militaire  ;  les  catho- 
liques, qu'il  persécuta  durement,  et  les  presbytériens,  au- 
quel il  préférait  les  sectaires  extrêmes,  ne  réussirent  pas  à 
l'ébranler.  Il  revint,  rappelé  par  les  vœux  des  indépen- 
dants et  pour  contribuer  à  l'établissement  du  protectorat. 
Pendant  le  protectorat,  il  occupa  sans  contredit  la  première 
place  à  la  cour  de  Cromwell,  toujours  d'accord  avec  son 
beau-père,  tant  en  politique  qu'en  religion  ;  on  prétend 
même  que  Cromwell  l'aurait  désigné  pour  lui  succéder. 
Fleetwood  n'en  prit  ?pas  moins  part  à  l'élévation  de  son 
beau-frère  Richard  ;  mais  il  ne  put  empêcher  les  officiers 
mécontents  du  parti  républicain  de  le  choisir  comme  lea- 
der de  leur  opposition  au  nouveau  protecteur.  A  la  tête 
d'une  démonstration  militaire,  il  força  Richard  Cromwell, 
le  22  avr.  1659,  à  dissoudre  son  parlement  ;  le  9  juin,  il 
reçut  une  commission  de  «  commandant  en  chef  »  de  l'ar- 
mée des  trois  royaumes,  dont  toutes  les  restrictions  furent 
effacées  en  octobre.  Cependant  le  mouvement  de  réaction 
royaliste  (V.  Monck)  se  dessinait  ;  Fleetwood  était  sondé 
par  les  agents  royalistes  et  les  défections  se  multipliaient 
autour  de  lui.  Il  semble  qu'il  se  soit  contenté  de  ne  pas 
agir  et  de  céder  sans  résistance.  La  Restauration  n'infligea 
à  ce  gendre  de  Cromwell,  non  régicide,  il  est  vrai,  d'autre 
châtiment  que  celui  de  l'incapacité  perpétuelle  à  exercer 
aucun  olfice  public.  En  1662  mourut  sa  femme,  Bridget 
Fleetwood  ;  il  épousa  dix-huit  mois  après  une  veuve,  dame 
Mary  Hartopp,  et  vécut  dès  lors  dans  une  maison  de  cette 
dame,  à  Stoke  Newington,  maison  qui  a  été  démolie  en 
1872.  Il  fut  enterré  au  cimetière  de  Bunhill  Fields,  où  son 
tombeau  a  été  retrouvé  en  1869,  à 7  pieds  au-dessous  delà 
surfacedusol  (V.  Illustrated London News,  23  oct.  1869). 

FLEGEL  (Eduard-Robert),  explorateur  de  l'Afrique 
occidentale,  né  à  Vilna  (Russie)  le  13  oct.  1855,  mort  à 
Brass,  sur  le  Nouveau-Calabar,  le  11  sept.  1 886.  En  1879, 
il  fit  partie  d'une  expédition  au  mont  Cameroun,  puis  il 
parvint  jusque  dans  l'Adamaoua  par  le  Bénué.  La  Société 
africaine-allemande  lui  fournit  les  mo}rens  d'explorer,  en 
1880-83,  le  Noupé,  Sokoto  et  une  partie  du  bassin  du 


-  593 


FLEGEL  —  FLEMING 


Bénué.  Grâce  à  une  subvention  du  gouvernement  alle- 
mand, il  put  entreprendre,  en  avr.  1885,  un  troisième 
voyage  dans  les  mêmes  contrées,  mais  qui  n'eut  pas  les 
résultats  politiques  qu'on  en  espérait,  en  raison  de  l'atti- 
tude de  l'Angleterre.  Il  fut  alors  rappelé  et  mourut  en 
route  vers  la  côte.  Les  relations  de  ses  voyages  ont  été 
insérées  en  grande  partie  dans  les  Mittheilungen  der 
Afrikanischen  Gesellschaft  in  Deutschland.  Ses  lettres 
ont  été  publiées  par  son  frère  :  Vom  Niger  bis  Binuë, 
Briefe  aus  Âfrika  (Leipzig,  4889).  G.  P-i. 

FLEIGNEUX.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  et  cant. 
(N.)  de  Sedan;  345  hab. 

FLEIN  Skald,  poète  norvégien,  vivait  vers  Tan  800. 
Né  dans  l'île  de  Josurheide  (Nordmseré),  il  fut  d'abord  skald 
des  rois  des  Upplands,  Rerjôlf  Hornabrjôt  et  Olaf.  Le  roi 
(danois?)  Eystein  Bêlé,  à  la  cour  duquel  il  vécut  ensuite, 
faisait  tant  "de  cas  de  ses  talents  qu'il  lui  donna  sa  fille  en 
mariage.  On  n'a  pas  conservé  de  ses  poésies,  mais  la  variété 
de  drôttkvœtt  que  Snorré  Sturluson  qualifie  de  mètre  de 
Flein  (Fleinshdttr,  dans  Hdttatal,  §  57)  se  distingue 
par  une  grande  richesse  d'assonances.  B-s. 

FLEISCHER  (Heinrich-Leberecht) ,  orientaliste  allem  and , 
né  à  Schandau  (Saxe)  le  21  févr.  4801,  mort  à  Leipzig 
le  40  févr.  4888.  Précepteur  de  la  famille  Gaulaincourt  à 
Paris  (4824-1827;,  il  s'adonna  aux  études  orientales  et  de- 
vint professeur  à  l'université  de  Leipzig  (4830).  Ses  prin- 
cipales œuvres  sont  :  le  catalogue  des  manuscrits  orientaux 
des  bibliothèques  de  Dresde  (4834-1834)  et  de  Leipzig 
(4838);  l'édition  de  Y  Histoire  musulmane  d'Aboulféda 
(4831-1834);  l'achèvement  de  l'édition  des  Mille  et  une 
Nuits  commencée  par  Habicht  (Breslau,  4842-4843,  t.  IX 
à  XII);  la  publication  du  Commentaire  du  «  Coran  » 
de  Baïdhawi  (Leipzig,  4846-4848,  2  vol.)  et  delà  Gram- 
maire du  persan  moderne  de  Mohammed  Ibrahim  (4875, 
2e  éd.).  Ses  nombreux  mémoires  ont  été  réunis  (Kleine 
Schriften;  Leipzig,  4888,  3  vol.). 

FLEIX  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Ber- 
gerac, cant.  de  La  Force,  sur  la  Dordogne  ;  4,245  hab. 
Ane.  château  gothique  transformé  en  temple  protestant. 

Paix  du  Fleix.  —En  1580,  se  tinrent  dans  le  château  du 
Fleix,  entre  François,  duc  d'Anjou,  au  nom  de  Henri  III, 
Montpensier,  Bellièvre,  Cossé,  Catherine  de  Médicis  et  Je 
roi  de  Navarre,  des  conférences  qui  aboutirent  à  une  paix 
signée  le  26  nov.  4580,  qui  termina  la  Guerre  des  Amou- 
reux. Cette  paix  est  souvent  aussi  désignée  sous  le  nom 
de  Paix  de  Monsieur  du  nom  de  son  principal  négociateur. 
Le  roi  la  ratifia  à  Blois  au  mois  de  décembre,  mais  eut 
beaucoup  de  peine  à  en  obtenir  l'enregistrement  au  Parle- 
ment. La  paix  du  Fleix  confirmait  les  principales  disposi- 
tions du  traité  de  Bergerac  ;  le  texte  en  est  publié  au  t.  II 
du  Corps  diplomatique  de  Dumont. 

FLEIX.  Corn,  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Montmo- 
rillon,  cant.  de  Chauvigny  ;  234  hab. 

FLEMAEL  ou  FLÉMALLE(Bertholet),  peintre  flamand, 
né  à  Flémalle,  près  de  Liège,  en  1 644,  mort  à  Liège  en  4  675. 
Après  avoir  reçu  les  leçons  de  Gérard  Douffet,  peintre  habile 
dont  il  reste  de  bons  portraits  à  la  Pinacothèque  de  Munich, 
Flemael  partit  pour  l'Italie.  Vers  4638,  il  était  à  Rome  et 
fit  ensuite  un  long  séjour  à  Florence.  Ce  voyage  éveilla 
son  imagination,  mais  ne  le  rendit  pas  coloriste.  A  son 
retour,  il  s'arrêta  à  Paris  et  il  exécuta  d'importants  tra- 
vaux. L'ouvrage  qui  lui  fit  le  plus  d'honneur  et  que  M.  Wau- 
ters  date  de  4644,  c'est  la  peinture  dont  il  décora  la  voûte 
de  l'église  des  Carmes  de  h  rue  de  Vaugirard.  Il  y  repré- 
senta le  prophète  Elie  enlevé  dans  un  chariot  de  feu. 
D'Argenville  attribue  en  outre  à  Flemael  une  Adoration  des 
mages  qu'il  peignit  pour  l'église  des  Grand s-Àugustins  et 
qui,  en  4778,  était  encore  placée  sur  la  porte  de  la  sacristie. 
Enfin,  le  peintre  liégeois  travailla  pour  les  maisons  royales. 
Il  fit  le  plafond  de  la  grande  chambre  du  roi,  aux  Tuileries  : 
on  y  voyait,  dit  Brice,  «  la  Religion  tenant  un  cartouche 
destiné  pour  un  portrait».  Flemael  revint  ensuite  dans  les 
Pays-Bas  et  paraît  avoir  un  instant  habité  Bruxelles;  mais 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVIL 


quelque  chose  manquait  à  son  bonheur  :  il  n'était  pas  de 
l'Académie  royale  de  peinture.  Il  vint  à  Paris  se  faire 
nommer  (16  oct.  1670),  puis  retourna  à  Liège,  où  il  avait 
été  nommé  chanoine  de  Saint-Paul.  Un  compatriote  de 
B.  Flemael,  le  médailliste  Jean  Du  vivier,  a  gravé  un  por- 
trait de  Bertholet  que  possède  le  Cabinet  des  estampes. 
Les  tableaux  du  peintre  liégeois  ne  sont  pas  très  nom- 
breux. On  peut  voir  au  musée  de  Lille  un  Episode  de  la 
vie  de  saint  Lambert;  à  Bruxelles,  le  Châtiment 
d'Héliodore.  D'après  le  catalogue  de  1856,  il  y  aurait  à 
Dresde  un  Pélopidas.  Le  Louvre  a  possédé  sous  le  second 
Empire  un  tableau  très  compliqué  que  le  livret  de  4852 
intitule  les  Mystères  de  V  Ancien  et  du  Nouveau 
Testament. 

Bibl.  :  Germain  Brice,  Description  de  Paris,  1752.  — 
A.-J.  Wauters,  la  Peinture  flamande  ;  1883.  —  E.  Fétis, 
Catalogue  du  musée  de  Bruxelles,  1882. 

FLÉMALLE.  Corn,  de  Belgique,  prov.  et  arr.  de  Liège, 
sur  la  Meuse  ;  7,000  hab.  Elle  est  divisée  en  Flémalle- 
Haute  et  Flém aile-Grande.  Stat.  du  chemin  de  fer  de 
Paris  à  Cologne.  Exploitation  de  mines  et  carrières.  Flé- 
malle était  au  xne  siècle  une  commanderie  de  l'ordre  du 
Temple.  Elle  a  vu  naître  le  peintre  Bertholet. 

FLEMING  (Richard),  évêque  de  Lincoln  (l'orthographe 
de  ce  nom  n'est  pas  fixe  :  on  le  trouve  écrit  Flemming  ou 
Flemyng),  né  vers  4360,  mort  en  4431.  Il  fit  ses  études 
à  l'université  d'Oxford  et  entra  dans  la  carrière  ecclésias- 
tique. La  lecture  des  traductions  de  la  Bible  et  des  autres 
écrits  de  Wycliffe  le  gagna  aux  idées  de  ce  réformateur.  Il 
mit  beaucoup  de  zèle  à  propager  et  à  défendre  ses  doc- 
trines. Mais  plus  tard,  étant  revenu  à  résipiscence,  il  les 
combattit  avec  non  moins  d'ardeur.  —  Fleming,  nommé 
évêque  de  Lincoln  en  4420,  exécuta  le  décret  du  concile  de 
Constance,  concernant  les  restes  de  Wycliffe,  qui  furent 
brûlés  par  la  main  du  bourreau  (4428).  Le  collège  de 
Lincoln  à  Oxford  fut  créé  par  Fleming  en  4427. 

FLEMING  (Philippe),  historien  belge  du  xvie  siècle.  Il 
était  auditeur  militaire  et  secrétaire  du  gouverneur  d'Os- 
tende  pendant  le  siège  mémorable  de  4604-4604.  Il  pu- 
blia une  relation  détaillée  de  ce  siège  :  le  Célèbre,  long 
et  sanglant  Siège  d'Ostende  (en  flamand,  La  Haye,  1624). 
FLEMING  (Clas-Eriksson),  homme  de  guerre  et  d'Etat 
finnois-suédois,  né  entre  4530  et  4540,  mort  à  Pojo  dans 
la  nuit  du  42  au  43  avr.  4597.  Appartenant  à  une  noble 
et  puissante  famille,  originaire  de  Flandre  (d'où  son  nom), 
mais  établie  en  Finlande  depuis  le  xve  siècle,  il  prit  d'abord 
parti  contre  le  roi  Jean  et  fut  l'un  de  ceux  qui  l'assiégèrent 
au  château  d'Âbo  (4563);  mais,  s'étant  ensuite  rallié  à  ce 
prétendant,  il  fut  baronnisé  et  créé  riksrâd  lors  du  cou- 
ronnement de  Jean  III  (4569).  Beau-frère  de  Gustave  Vasa 
par  son  mariage  avec  Ebba  Stenbock  (4573),  il  devint 
grand  amiral  (4588),  commandant  en  chef  des  troupes  de 
la  Finlande  et  de  TEsthonie  dans  la  guerre  contre  la  Russie 
(4591  ),  enfin  connétable.  Après  la  mort  de  son  bienfaiteur 
(4592),  il  soutint  son  fils,  le  roi  Sigismond,  contre  son 
oncle  le  duc  Charles  (IX).  Aussi  après  la  conclusion  d'une 
trêve  avec  les  Moscovites  (4593),  il  refusa  de  licencier  ses 
troupes  et,  au  lieu  de  renvoyer  sa  flotte  en  Suède,  il  alla 
chercher  à  Dantzig  le  roi  Sigismond  pour  le  transporter  à 
Stockholm.  Après  le  couronnement  (4594),  il  le  recon- 
duisit en  Pologne  et  reçut  des  pleins  pouvoirs  pour  gou- 
verner la  Finlande.  Refusant  de  se  soumettre  aux  décisions 
de  la  diète  de  Sœderkœping  (4595),  il  en  réunit  une  à 
Âbo  où  l'on  déclara  ne  reconnaître  que  l'autorité  du  roi.  Il 
eut  à  réprimer  la  révolte  des  paysans  de  l'OEsterbotten 
(guerre  des  Gourdins),  irrités  de  ce  que,  contrairement  à 
à  l'usage,  il  avait  cantonné  ses  troupes  dans  leurs  maisons. 
Après  les  avoir  battus  à  Nokia  (1596)  et  à  Ilmajoki  (24  févr. 
4597),  il  se  disposait  à  attaquer  le  duc  Charles,  lorsque  la 
mort  mit  fin  à  ses  desseins.  B-s. 

FLEMING  (James,ïord),  grand  chambellan  d'Ecosse,  né 
vers  4534,  mort  à  Paris  le  48  déc.  4558.  En  4548,  il 
accompagna  en  France  Marie  Stuart,  dont  sa  mère  était 

38 


FLEMENG 


—  594  — 


gouvernante,  et  fut  nommé  grand  chambellan  d'Ecosse  à 
vie  le  21  déc.  1553.  Il  fut  un  des  commissaires  désignés 
en  1 557  par  le  Parlement  pour  représenter  l'Ecosse  au 
mariage  de  la  reine  Marie  avec  le  dauphin  de  France 
(24  avr.  1558).  Les  commissaires  devaient  jurer  fidélité  au 
dauphin  (François  II),  mais  ils  déclarèrent  que  leurs  ins- 
tructions ne  leur  permettaient  pas  d'agréer  qu'il  portât, 
pour  recevoir  ce  serment,  les  insignes  de  la  royauté.  Ils 
furent  requis  de  consulter  le  Parlement  sur  cette  difficulté. 
Ils  retournaient  en  Ecosse  lorsque  trois  d'entre  eux  mou- 
rurent subitement.  Fleming,  gravement  atteint,  revint  à 
Paris,  où  il  mourut  aussi.  On  crut  que  la  cour  les  avait 
fait  empoisonner  parce  qu'ils  s'étaient  le  plus  vivement 
opposés  à  ses  prétentions.  R.  S. 

FLEMING  (John,  lord),  frère  du  précédent,  mort  àBig- 
gar  le  6  sept.  1572.  Grand  chambellan  d'Ecosse  en  1565, 
gouverneur  de  Dumbarton  en  1567  il  refusa  de  livrer  ce 
château  et  après  le  désastre  de  Langside  accompagna  Marie 
Stuart  durant  sa  fuite  aventureuse  jusqu'à  Garlisle.  La 
reine  voulut  l'envoyer  en  mission  en  France,  mais  Elisabeth 
refusa  obstinément  d'autoriser  cette  ambassade.  Il  fit  partie 
de  la  conférence  d'York,  puis  s'enferma  dans  son  château 
de  Dumbarton  par  où  passaient  les  communications  de 
l'Ecosse  avec  la  France.  De  Virac,  l'ambassadeur  français, 
y  vint  résider,  et  c'est  là  que  fut  comploté  l'assassinat  de 
Moray.  Le  2  mai  1570,  le  capitaine  Thomas  Crawford  réus- 
sissait à  pénétrer  par  surprise  dans  le  château  de  Dumbar- 
ton. Fleming  parvint  à  s'échapper  et  gagna  la  France  où 
il  organisa  une  expédition  en  faveur  de  Marie  Stuart.  Cette 
expédition  échoua  sur  les  côtes  anglaises.  Fleming  put  se 
réfugier  à  Edimbourg.  Le  5  juii.  1572,  il  fut  mortellement 
blessé  par  un  des  boulets  tirés  par  les  Français  au  moment 
où  ils  entraient  dans  cette  ville.  —  Son  fils  John,  premier 
comte  de  Wigtown  (1607),  chambellan  du  roi  depuis 
1587,  mourut  en  avr.  1619.  Il  laissait  un  fils,  John,  se- 
cond comte  de  Wigtown,  conseiller  privé  en  1641,  mort  à 
Gumbernauld  le  7  mai  1650.  R.  S. 

FLEMING  (Patrick-Christopher),  chroniqueur  irlandais, 
né  dans  le  comté  de  Louth  le  17  avr.  1599,  massacré 
le  7  nov.  1631.  Après  avoir  étudié  à  Douai  et  à  Louvain, 
où  il  prit  l'habit  de  saint  François,  il  fit  le_  voyage 
de  Rome  et  y  compléta  ses  études  au  collège  irlandais 
de  Saint-Isidore.  On  le  trouve  plus  tard  professeur  de 
philosophie  à  Louvain,  et  enfin  supérieur  et  professeur  de 
théologie  au  collège  de  l'Immaculée-Conception,  à  Prague  ; 
il  s'enfuit  de  cette  ville  devant  l'invasion  de  l'électeur  de 
Saxe,  et  fut  tué  par  des  paysans,  près  de  la  petite  ville  de 
Beneschau,  avec  le  diacre  Matthew  Hoar,  qui  l'accompa- 
gnait. On  a  de  lui  :  Vita  S.  Columbani  (Louvain,  1667, 
in-fol.)  ;  Vita  Revere?idi  Patris  Hugonis  Cavelli  (1626); 
Chronicon  Consecrati  Pétri  Ratisbonœ,  chronique  ma- 
nuscrite du  monastère  de  Saint-Pierre  à  Ratisbonne,  et 
des  lettres  sur  les  saints  irlandais,  imprimées  dans  VIrish 
Ecclesiastical  Record.  B.-H.  G. 

FLEMING  (Paul),  poète  allemand,  né  à  Hartenstein,  en 
Saxe,  le  5  oct.  1609,  mort  à  Hambourg  le  2  avr.  1640. 
Fils  d'un  pasteur  protestant,  il  reçut  sa  première  instruc- 
tion dans  la  maison  de  son  père,  et  il  se  rendit  ensuite  à 
l'université  de  Leipzig  pour  y  étudier  la  médecine.  Ses  vers 
latins  et  allemands  lui  valurent  tout  jeune  la  couronne  poé- 
tique qui  n'était  décernée  d'ordinaire  qu'à  des  hommes  d'une 
autorité  déjà  reconnue.  La  ville  de  Leipzig  ayant  été  pillée 
en  1633  par  les  troupes  impériales,  Fleming  se  réfugia 
dans  le  nord  de  l'Allemagne,  que  la  guerre  épargnait 
alors.  La  même  année,  il  se  fit  adjoindre  à  une  ambassade 
que  le  duc  de  Holstein  envoyait  en  Russie  et  en  Perse  pour 
y  nouer  des  relations  commerciales.  Il  eut  pour  compagnon 
de  voyage  le  savant  Oléarius,  qui  a  fait  un  récit  piquant 
de  leurs  aventures.  La  mission  échoua  par  l'inhabileté  et 
la  mauvaise  foi  de  son  chef,  et  les  voyageurs  revinrent  à 
travers  mille  dangers.  Fleming  mourut  au  moment  où 
il  allait  se  marier  avec  la  fille  d'un  négociant  de  Revei, 
et  ses  poésies,  dispersées  entre  les  mains  de  ses  amis, 


furent  recueillies   par  les  soins   d'Oléarius  et  du   père 
de  sa  fiancée.  Fleming  est  considéré  aujourd'hui  comme 
le  plus  grand  poète  de  l'école  de  Silésie.  Mais  son  mérite 
ne  fut   pas  reconnu   par  ses   contemporains  ;   c'est    à 
peine  si  l'on  osait  le  comparer  au  chef  de  l'école,  Opitz. 
La  première   voix   qui  s'éleva    en  sa  faveur   fut   celle 
de  l'historien  Morhof,  vers  la  fin  du  xvne  siècle.  Après 
avoir  payé  son  tribut  d'hommages  à  Opitz,  cet  historien 
continuait  :  «  Je  crois  que  la  poésie  allemande  s'est  élevée 
encore  plus  haut  dans  Fleming  ;  je  trouve  en  lui  un  esprit 
incomparable,  qui  tire  sa  force  de  lui-même,  plutôt  que  de 
l'imitation  étrangère.  »  Fleming  est,  en  effet,  le   seul 
poète  silésien  qui  ne  soit  pas  un  copiste  de  la  France  ou  de 
l'Italie  ;  sa  poésie,  c'est  sa  vie  même,  racontée  avec  une 
émotion  sincère  et  quelquefois  éloquente.  La  critique  mo- 
derne s'est  beaucoup  occupée  de  lui.  Lappenberg  a  publié 
une  édition  critique  de  ses  poésies  allemandes  (Stuttgart, 
186.6,  2  vol.)  et  de  ses  poésies  latines  (id.,  1863).  Des 
éditions  choisies  des  poésies  de  Fleming  ont  été  données 
par  G.  Schwab  (Stuttgart,  1820),  W.  Mùller  (dans  la 
Bibliothèque  des  poètes  allemands  du  wnG  siècle  ;  Leip- 
zig, 1822,  3  vol.)  et  par  Tittmann  (avec  une  introduction 
biographique  et  critique)  (id.,  1870).       A.  Bossert. 
Bibl.  :  K.-V.  Schmitt,  Paul  Fleming  nach  seiner  lite- 


,  rargeschichtlichen  Bedeutung  dargestellt;M.a,Ybourg,  1851. 
—  J.  Kirchner,  Paul  Flemings  Leben  und  Dichtung, 
nach  den  Quellen  dargestellt,  première   partie  (la   seule 


publiée);  Revel,  1835.—-  G.  Naumann,  Paul  Fleming  ;  Gûs- 
trow,  1874.  — Voir  aussi  Varnhagen  von  Ense,  Biogra- 
phische  Denkmdle,  t.  IV. 

FLEMING  (Robert),  théologien  et  poète  écossais,  né 
vers  1660,  mort  en  1716.  Fils  du  pasteur  dissident 
Robert  Fleming  (1630-1694),  qui  joua  un  grand  rôle 
dans  les  querelles  religieuses  de  l'époque  et  laissa  un  grand 
nombre  d'écrits  (dont  un  au  moins,  Fulfllling  of  the 
Scripture,  n'est  pas  encore  oublié),  il  fut  un  des  pasteurs 
presbytériens  les  plus  remarquables  de  son  temps.  Après 
des  études  à  Leyde  et  à  Utrecht,  il  prit  les  ordres  en 
Hollande,  fut  pendant  plusieurs  années  chapelain  parti- 
culier en  Angleterre,  revint  à  Leyde  prendre  la  direc- 
tion d'une  congrégation  presbytérienne  anglaise,  et  fut, 
en  1698  ,  appelé  à  la  Scots  Church  (Founder's  Hall, 
Lothbury).  La  largeur  de  ses  vues  et  son  esprit  de  tolé- 
rance, non  moins  que  ses  talents,  lui  assurèrent  une 
influence  considérable,  dont  il  n'usa  point  pour  accroître 
sa  fortune  ou  s'élever  en  dignité.  Dans  son  livre  le  plus 
connu,  Apocalyptical  Key  (1701),  il  prédit  la  chute  de 
la  royauté  française  pour  l'année  1794  au  plus  tard, 
et  témoigne,  en  plusieurs  endroits,  d'un  esprit  extra- 
ordinairement  pénétrant  et  sagace.  On  a  encore  de  lui, 
outre  plusieurs  ouvrages  purement  théologiques,  des  dis- 
cours et  des  sermons,  un  recueil  de  vers  intitulé  The 
Mirror  of  Divine  Love  (1691),  qui  contient  une  para- 
phrase du  Cantique  des  cantiques,  et  quelques  autres 
pièces  imitées  ou  originales.  B.-H.  Gausseron. 

FLEMING  (Clas-Adolf,  •  comte),  bibliophile  et  érudit 
suédois,  né  à  Lydinge  (Upland)  le  24  avr.  1771,  mort  à 
Stockholm  le  12  mai  1831.  Fils  d'un  maréchal  de  la  cour, 
il  fut  premier  chambellan  de  Gustave  IV  (1794),  maréchal 
de  la  diète  de  1810,  secrétaire  d'Etat  (1810-1824),  pré- 
sident de  la  cour  des  comptes  et  grand  maréchal  du 
royaume  (1824).  Son  éloquence  et  son  érudition  le  firent 
élire  membre  de  l'Académie  suédoise  (1799)  et  de  toutes 
les  sociétés  savantes  de  la  Suède.  Il  légua  à  la  bibliothèque 
d'Upsala  sa  riche  bibliothèque  historique.  B-s. 

FLEMING  (Margaret),  née  à  Kirkcaldy  le  15  janv. 
1803,  morte  le  19  déc.  1811.  Cette  enfant  témoigna  une 
précocité  remarquable  :  son  esprit  et  sa  grâce  avaient  charmé 
Walter  Scott  qui  ne  dédaignait  pas  de  jouer  avec  elle.  Elle 
écrivait  de  petites  poésies  et  tenait  un  journal.  Ces  œuvres 
enfantines,  pleines  d'humour  et  de  vivacité,  ont  été  publiées  : 
Pet  Margarie;  a  story  of  Child  Life  fifty  pars  ago 
(Edimbourg,  1858). 

FLEMING  (Charles),  philologue  anglais,  né  à  Perthen 


-  595 


FLEMING  —  FLERS 


4806,  mort  le  34  août  4875.  Professeur  d'anglais  au  lycée 
Louis-le-Grand  (4829-31),  à  l'Ecole  polytechnique  (4844- 
48),  au  collège  Bourbon  (4844-54),  on  a  de  lui  un  certain 
nombre  de  travaux  lexicographiques,  notamment  un  Grand 
Dictionnaire  anglais- français  et  français-anglais  (Pa- 
ris (4839-40,  2  vol.  in-4),  en  collaboration  avec  Tibbins  ; 
plusieurs  ouvrages  élémentaires  relatifs  à  l'enseignement 
de  l'anglais,  un  Traité  pratique  et  raisonné  de  gram- 
maire anglaise  (Paris,  4852,  in-4 2),  des  traductions  de 
Shakespeare  (Coriolan),  etc.  Il  a  encore  collaboré  aux  Veil- 
lées des  familles. 

FLEMMIN(3  (Heinrich-Heino  de),  militaire  allemand, né 
en  Poméranie  le  8  mai  4632,  mort  à  Buckow  le  4er  mars 
4706.  D'une  famille  noble  d'origine  néerlandaise,  il  servit 
dans  l'armée  brandebourgeoise,  notamment  contre  les  Turcs, 
passa  dans  l'armée  saxonne  (4682),  contribua  à  la  déli- 
vrance de  Vienne  (4683).  Rentré  au  service  du  Brandebourg 
(4690)  comme  feld-maréchal,  il  combattit  les  Français,  fut 
gouverneur  de  Berlin,  administrateur  de.  Poméranie  et 
élevé  au  titre  de  comte  (4700). 

FLEMMING  (Jakob-Heinrich),  militaire  allemand,  né  le 
3  mars  4667,  mort  à  Vienne  le  30  avr.  4728,  neveu  du 
précédent.  Il  servit  dans  l'armée  brandebourgeoise,  passa 
au  service  de  l'électeur  de  Saxe  ;  en  4697,  il  fut  envoyé 
par  celui-ci  comme  ambassadeur  à  Varsovie  et  réussit  à  lui 
faire  donner  la  couronne  de  Pologne.  En  1699,  il  com- 
mandait l'armée  dont  l'entrée  en  Livonie  commença  la 
guerre  contre  Charles  XII,  roi  de  Suède.  Médiocre  général, 
il  conserva  dans  la  mauvaise  fortune  la  confiance  de  son 
maître  qui  le  nomma  ministre  delà  guerre  en  4705,  feld- 
maréchal  en  4744. 

FLENSBURG,  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse, 
province  de  Slesvig-Holstein,  au  fond  du  golfe  de  Flensburg; 
36,894  hab.  L'industrie  et  le  commerce  y  sont  assez  actifs. 
Le  mouvement  du  port  est  d'environ  2,500  navires  et 
250,000  tonnes;  la  flotte  locale  de  60  navires  (30,000t.). 
Auprès  est  le  grand  établissement  métallurgique  de  Kru- 
sau  (laiton).  A  4kil.  est  la  station  balnéaire  de  Gliicks- 
burg.  La  ville,  bâtie  au  xne  siècle,  fortifiée  à  la  fin  duxme, 
fut  très  disputée.  C'était  après  4848  la  capitale  danoise  du 
Slesvig.  On  combattit  aux  environs  à  Bau  (9  avr.  4848), 
à  OEversee  (6  févr.  4864). 
Bibl.  :  Holbt,  Flensburg  frùher  undjetzt;  Flensburg, 

FLENSBURG  (Vilhelm),  théologien  suédois,  né  à  Sœdra- 
Rœrum  (Skanie)  le  3  août  4819.  Doc*3nt  (1847),  adjoint 
(4849),  professeur  de  dogmatique  (4858)  à  l'université 
de  Lund,  il  fut  ordonné  prêtre  en  4849,  promu  docteur 
en  théologie  (4860),  nommé  évêque  de  Lund  et  vice-chan- 
celier de  l'université  (4865),  et  fit  partie  du  comité  chargé 
(4872)  de  reviser  la  loi  ecclésiastique  de  4686.  Avec  E.-G. 
Bring  et  A.-N.  Sundberg,  il  rédigea  de  4855  à  4863  le 
Svensk  Kyrko-tidning ,  et  publia  un  essai  Sur  le  Mou- 
vement religieux  actuel  dans  l'Église  suédoise  (1876), 
ainsi  que  des  thèses  de  théologie  et  de  philosophie,  des 
discours  et  des  prêches.  B-s. 

FLÉNU.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr.  de 
Mons  ;  5,000  hab.  C'est  le  siège  de  la  houillère  la  plus 
importante  du  Borinage  (V.  ce  mot),  celle  deFlénu-Pro- 
duits.  On  a  trouvé  à  Flénu  beaucoup  d'outils  de  silex. 

FLÉRÉ-la-Rivière.  Corn,  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de 
Châteauroux,  cant.  de  Châtillon-sur-Indre ;  789  hab. 

FLÉRON.  Corn,  de  Belgique,  prov.  et  arr.  de  Liège; 
2,000  hab.  Stat.  du  chemin  de  fer  de  Liège  à  Verviers  par 
les  plateaux  de  Hervé  (V.  ce  mot),  centre  de  vastes  exploi- 
tations charbonnières.  La  vouerie  de  Fléron  était  une  terre 
d'Empire  appartenant  originairement  au  chapitre  de  Notre- 
Dame  d'Aix-la-Chapelle.  Elle  fut  réunie  par  achat  à  la 
principauté  de  Liège  en  1626  sans  y  être  confondue  et 
conserva  ses  usages  et  ses  coutumes  propres. 

FLÉRON  (Adrien  de),  homme  d'Etat  belge,  né  à  Liège 
en  1577,  mort  à  Liège  en  1633.  Après  avoir  pris  à  Lou- 
vain  le  grade  de  docteur  en  droit,  il  voyagea  en  France,  en 


Italie  et  en  Allemagne,  se  lia  d'amitié  avec  Tilly  et  fut 
chargé  par  le  célèbre  général  de  plusieurs  missions  diplo- 
matiques auprès  de  Wallenstein,  de  l'empereur  et  du  roi 
de  Danemark.  Il  rentra  alors  à  Liège,  devint  chanoine  et 
écrivit  ses  mémoires  restés  inédits  et  un  Eloge  de  Tilly, 
en  latin,  qui  fut  imprimé  à  Liège  en  1630.  E.  H. 

FLERS.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  (O.)  de 
Douai;  2,052  hab. 

FLERS.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Lille,  cant.  de 
Lannoy,  sur  laMarcq  ;  3,965  hab.  Commerce  de  céréales 
et  de  graines  oléagineuses.  Fabrique  de  passementerie, 
peignerie  de  laines,  blanchisserie  de  toiles,  teintureries, 
moulins.  Ruines  d'un  ancien  château  féodal.  La  seigneurie 
de  Fiers,  mentionnée  dans  les  documents  depuis  le  xie  siècle, 
fut  érigée  en  baronniepar  lettres  patentes  de  mai  4662  en 
faveur  de  Noël  Lamoral  d'Ostrel. 

FLERS.  Ch.-l.  de  cant  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de 
Domfront,  sur  une  colline  dominant  la  Vire,  affluent  du 
Noireau  ;  43,860  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  l'Ouest,  ligne 
de  Paris  à  Gran ville,  embranchement  sur  Domfront  et  Fa- 
laise. Fiers  doit  son  origine  à  son  château  dont  plusieurs 
seigneurs  furent  célèbres  dans  les  guerres  du  moyen  âge. 
La  seigneurie  fut  érigée  en  comté  en  4598  en  faveur  de 
Nicolas  Pellevé  ;  mais  la  ville  n'était  encore  qu'un  gros 
bourg  au  commencement  du  siècle  ;  elle  dut  à  l'industrie 
un  accroissement  très  rapide.  Cette  industrie  comprend  la 
filature,  la  teinture,  le  blanchiment  et  le  tissage  du  lin  et 
du  coton,  et  occupe,  tant  à  Fiers  que  dans  les  communes 
environnantes,  près  de  30,000  ouvriers.  Il  s'y  fabrique 
des  coutils  pour  literie,  des  satins  pour  ameublement,  du 
linge  de  table,  etc.  Fiers  possède  une  chambre  consultative 
des  arts  et  manufactures  et  une  succursale  de  la  Banque  de 
France.  Le  château,  situé  en  dehors  de  la  ville,  au  milieu 
d'un  parc  immense,  forme  un  ensemble  de  constructions 
de  diverses  époques  ;  les  tours  crénelées  sont  du  xve  siècle. 
Occupé  lors  des  guerres  vendéennes  par  les  royalistes, 
il  fut  incendié  le  48  févr.  4800  par  les  troupes  du  général 
Gardane.  Acquis  en  4806  par  le  comte  de  Redern,  il  fut 
alors  restauré.  L'église  Saint- Jean-Baptiste  a  été  construite 
de  4858  à  4864  sous  la  direction  de  M.  Ruprich  Robert, 
en  style  roman  avec  un  portail  surmonté  d'une  haute 
flèche  de  style  gothique.  Parmi  les  autres  édifices,  il  faut 
signaler  l'hôtel  de  ville,  l'hôtel  de  la  Banque  de  France  et 
le  cercle. 
Bibl.  :  H.  de  La  Ferrière,  Histoire  de  Fiers,  1855,  in-8. 

FLERS.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et  cant. 
de  Saint-Pol,  sur  un  affluent  de  la  Cançhe  ;  444  hab.  An- 
cien château.  Sur  la  place  s'élève  un  magnifique  tilleul. 

FLERS.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Péronne, 
cant.  de  Combles  ;  662  hab. 

FLERS-sur-Noye.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Montdidier,  cant.  d'Ailly-sur-Noye  ;  332  hab. 

FLERS  (Louis-Charles  La  Motte-Ango  de),  général  fran- 
çais, né  à  Paris  le  42  juin  4754,  décapité  à  Paris  le  22  juil. 
4794.  Il  entra  au  service  comme  sous-lieutenant  de  cavalerie 
le  4er  nov.  1774,  et  devint  colonel  du  3e  régiment  de  cava- 
lerie le  23  mars  4792.  Le  22  août  suivant,  il  fut  blessé  d'une 
balle  à  la  cuisse  dans  une  escarmouche  près  de  Maulde  et, 
le  7  sept.,  il  fut  promu  maréchal  de  camp  sur  la  proposition 
du  général  Biron.  Il  fit  la  campagne  de  Hollande  avec  Du- 
mouriez  et,  le  2  mars  1793,  rendit  aux  ennemis,  sur  l'ordre 
de  ce  général,  les  places  de  Breda  et  de  Gertruydenberg. 
Il  échappa  à  la  proscription  qui  frappa  les  lieutenants  de 
Dumouriez  et  devint  en  mai  4793  général  en  chef  de  l'ar- 
mée des  Pyrénées-Orientales.  Il  s'empressa  de  couvrir 
Perpignan,  mais  fut  battu,  le  49  mai,  à  Mas-d'Eu  par 
le  général  espagnol  Ricardos.  Il  prit  sa  revanche  à  Niel  le 
47  juil.  et  repoussa  victorieusement  les  Espagnols  qui 
étaient  venus  l'attaquer.  Après  cet  heureux  succès,  de  Fiers 
étant  resté  inactif  et  ayant  laissé  prendre  Villefranche  le 
3  août  4793,  les  représentants  Fabre  et  Gaston  le  desti- 
tuèrent le  24.  Emprisonné  au  Luxembourg,  de  Fiers  fut, 
l'année  suivante,  traduit  au  tribunal  révolutionnaire   et 


FLERS  -  FLESSELLES 


596 


condamné  à  mort  comme  complice  d'Arthur  Dillon  (4  ther- 
midor an  II).  Etienne  Charavay. 

Bibl.  :  Arch.  de  la  guerre. —  Jomini. —  Arch.  nat.,  W  428, 
n°  963. 

FLERS  (Camille),  peintre  français,  né  à  Paris  le  45  févr. 
1802,  mort  à  Ànnet  le  24  juin  4868.  Après  une 
jeunesse  aventureuse  et  des  voyages,  il  exposa  au  Salon 
de  4831  la  Cascade  de  Pissevache;  du  premier  coup 
il  fut  rangé  dans  le  petit  groupe  des  réformateurs  du 
paysage  français,  tels  que  Paul  Huet,  Delaberge,  Rous- 
seau, Dupré,  etc.  En  4833,  il  exposa  un  Moulin  sur  la 
Marne;  en  4834,  une  Vue  prise  à  Moulinot  et  une 
Vue  de  la  Malleraye ,  deux  paysages  normands,  pleins 
de  fraîcheur;  en  4835,  une  Ferme  à  Aumale,  Ani- 
maux dans  un  pâturage,  Environs  de  Dunkerque ; 
en  4836,  les  Patines  du  château  d'Arqués,  etc.  D'ail- 
leurs, plus  heureux  que  ses  compagnons  de  lutte  contre  le 
paysage  historique,  et  assez  habile  pour  ne  point  trop  heurter 
dans  ses  tableaux  les  préjugés  d'alors  par  un  artificieux 
mélange  de  hardiesse  et  de  banalité,  il  eut  la  chance  de 
trouver  assez  vite  des  acquéreurs.  Adoptant  la  Normandie 
pour  épuiser  la  plupart  de  ses  motifs  de  composition,  il 
envoya  chaque  année  à  Paris  des  peintures  et  d'excellents 
pastels,  qui  eurent  un  certain  temps  de  vogue.  Citons  en 
4840  ses  Environs  de  Toucqaes  et  son  Moulin  de 
Chelles;  en  4847,  ses  Prairies  de  Brispot  et  ses  Bords 
de  la  Marne.  Il  exposa  en  4849  un  de  ses  plus  remar- 
quables tableaux  :  Vue  prise  à  Charenton.  Parmi  les 
autres  œuvres  de  Camille  Fiers,  qui  n'a  cessé  d'exposer 
que  dans  les  cinq  dernières  années  de  sa  vie,  bornons- 
nous  à  rappeler  :  les  Quatre  Saisons  (à  l'Exposition 
universelle  de  4855),  qu'il  symbolisa,  non  au  moyen  de 
figures  allégoriques,  mais  quatre  paysagnes  indiquant  le 
Printemps,  l'Eté,  l'Automne  et  l'Hiver  :  des  amandiers 
fleuris,  les  blés  mûrs,  des  feuillages  jaunissants  et  la  neige  ; 
Un  Moulin  sur  le  Sichon  (Vichy)  et  Prairie  à  Aumale 
(4857);  Saules  sur  la  Beuvronne (Seine-et-Marne,  4859); 
Vile  Henriette  a  Annet,  Noisetiers  sur  les  bords  de  la 
Bresle,  Moulin  a  eau  près  Quillebœuf  (4864);  l'Allier 
à  Vichy  après  une  inondation,  Moulin  à  Annet,  Nature 
morte  (4863),  etc.  Camille  Fiers  a  publié  en  1846,  au 
journal  l'Artiste,  une  Etude  sur  le  Pastel  dans  laquelle 
il  a  fourni  quelques  détails  assez  intéressants  sur  les  pro- 
cédés employés  par  lui  avec  succès  pour  appliquer  le  pastel 
au  paysage.  Il  fut  le  maître  de  Cabat.    Victor  Champier. 

Bibl.  :  A.  Jal,  Salon  de  1833,  p.  351.  —  Bûrger,  Salon 
de  18k^,  p.  102.  —P. -H.  Burty,  Maîtres  et  petits-maîtres, 
1877,  p.  109,  in-18.    - 

FLERS  (Hyacinthe- Jacques  de  La  Motte- Ango,  marquis 
de), né  en  4803,  mort  à  Bruxelles  le  4erfévr.  4866.  Entré 
à  la  cour  des  comptes  en  4834,  conseiller  référendaire  en 
4860,  il  fut  en  4864  traduit  devant  la  cour  d'appel  de  Paris 
pour  avoir  écrit  dans  divers  journaux  étrangers  (Gazette 
d'Augsbourg,  Journal  de  Genève,  Indépendance  belge, 
etc.),  des  articles  où  l'Empire  était  fort  malmené.  Condamné 
à  trois  mois  de  prison  et  200  fr.  d'amende,  il  passa  en  Bel- 
gique. —  Son  fils,  le  marquis  de  Fiers,  né  à  Paris  en  4836, 
a  écrit:  le  Comte  de  Paris  (Paris,  4888,  in-8)  ;  le  Roi 
Louis-Philippe  (1894,  in-8). 

FLERS  (Alfred-Etienne  de  La  Motte-Ango,  comte  de), 
homme  politique  français,  né  à  Paris  le  27  oct.  4847,  mort 
à  Paris  le  23  juin  4883.  Grand  propriétaire  dans  l'Orne, 
il  fut  élu  sénateur  de  ce  dép.  le  30  janv.  4876,  siégea  à 
l'extrême  droite  et  combattit  notamment  le  cabinet  Dufaure. 
Il  fut  réélu  le  8  janv.  4882. 

FLESQUIÈRÉS.Com.dudép.  du  Nord, arr.de  Cambrai, 
cant  de  Marcoing;  662  hab. 

FLESSELLES.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'A- 
miens, cant.  de  Villers-Bocage ;  4,440  hab. 

FLESSELLES  (Jacques  de),  administrateur  français,  né 
en  4724,  mort  le  44  juil.  4789.  D'abord  maître  des 
requêtes,  il  fut  nommé  intendant  de  Moulins  en  4762, 
puis  de  Bretagne  en  4765.  Il  prit  parti  pour  le  duc  d'Aiguil- 


lon et  le  comte  de  Saint-Florentin  contre  le  parlement  de 
Bretagne  et  le  procureur  général  La  Chalotais  (V.  ce  nom). 
Il  fut  promu  à  l'intendance  de  Lyon  en  4767,  et  montra  de 
l'habileté  dans  ce  poste  difficile.  Soutenu  par  l'archevêché, 
dont  l'influence  restait  prépondérante  sur  la  population 
lyonnaise,  il  n'exécuta  qu'avec  regret,  et  non  sans  des  atté- 
nuations nécessaires,  les  ordonnances  libérales  de  Turgot 
en  matière  industrielle  et  commerciale.  Après  la  chute  de 
ce  ministre,  il  revint  aux  anciens  errements  du  «  gouver- 
nement paternel  »,  lutta  contre  le  colportage,  le  travail 
libre;  en  4777  (faible  compensation),  il  institua  pour  le 
perfectionnement  de  la  teinture  des  soies  en  noir  un  prix 
de  300  livres.  Il  passait  personnellement  pour  un  homme 
de  plaisir  et  d'intrigue,  aimant  la  représentation  extérieure, 
la  table,  le  spectacle.  Collot  d'Herbois  fut,  paraît-il,  au 
nombre  de  ses  parasites.  Conseiller  d'Etat  en  4784,  atta- 
ché à  l'administration  des  subsistances  de  Paris,  il  fut  con- 
sidéré, avec  Foullon  et  Bertier  (V.  ces  noms)  comme 
responsable  en  partie  des  mesures  innocentes  ou  coupables, 
mais  à  coup  sûr  maladroites,  que  le  peuple  continuait  à 
désigner  sous  le  nom  de  pacte  de  famine  (V.  ce  mot).  La 
démission  du  prévôt  des  marchands  de  Paris  Le  Peletier  de 
Moi  fontaine  ayant  été  acceptée  par  Louis  XVI  le  20  avr. 
4789,  de  Flesselles  fut  appelé  à  lui  succéder  le  24.  La 
place  n'était  d'ailleurs  plus,  depuis  longtemps,  élective  que 
pour  la  forme.  Le  nouveau  prévôt  ne  parut  voir  dans  les 
débuts  de  la  Révolution  qu'un  de  ces  mouvements  popu- 
laires dont  la  ruse  et  la  force  viennent  à  bout  tôt  ou  tard. 
Sa  légèreté  d'esprit  lui  tenait  lieu  de  sang-froid.  Tempori- 
ser, brouiller  les  cartes,  opposer  les  échevins  et  les  con- 
seillers de  l'ancien  régime,  restés  en  place,  aux  électeurs 
bourgeois  (jui  avaient  conquis  par  les  circonstances  le  droit 
de  se  réunir  à  l'Hôtel  de  Ville  (et  cela  malgré  une  première 
opposition. du  prévôt)  ;  solliciter  et  accepter  la  présidence 
d'une  assemblée  mixte  afin  de  suivre  et  de  diriger  les  évé- 
nements ;  informer  avec  soin  les  chefs  de  «  l'armée  du 
siège  »  de  Paris,  particulièrement  le  baron  de  Besenval  ; 
correspondre  avec  le  gouverneur  de  la  Bastille  de  Launay, 
tout  en  prodiguant  les  promesses  aux  citoyens  de  Paris 
qui  venaient  demander  des  armes  ;  faire  une  simple  garde 
bourgeoise  de  la  milice  parisienne  en  formation  qui  voulait 
s'opposer  par  la  force  aux  agissements  de  la  cour,  tel 
parut  être  le  plan  de  Flesselles  pendant  les  journées  du  1 2 
et  du  43  juil.  Aux  patriotes  impatients,  il  délivre  des 
ordres  pour  aller  chercher  des  fusils  ou  des  cartouches  aux 
Chartreux,  à  l'Arsenal,  partout  où  il  savait  qu'il  n'y  en  avait 
pas.  Il  est  bientôt  démasqué  par  le  Palais-Royal,  par  les 
districts  des  Blancs-Manteaux,  des  Mathurins,  de  Saint- 
André-des-Arts.  Il  balbutie  qu'il  s'est  trompé,  qu'on  l'a 
trompé.  Le  \  4  juil.  vers  six  heures,  après  la  prise  de  la 
Bastille  (V.  ce  mot),  les  accusations  deviennent  terribles. 
On  ne  possède  pas  le  texte  original  de  son  billet  à  de  Lau- 
nay :  «  J'amuse  les  Parisiens  avec  des  cocardes  et  des  pro- 
messes :  tenez  bon  jusqu'à  ce  soir,  vous  aurez  du  renfort.  » 
Mais  que  ces  mots  aient  été  écrits  ou  non,  il  n'en  rendent 
pas  moins  parfaitement  sa  conduite  équivoque  et  perfide. 
Les  électeurs  La  Poize,  Garan  de  Coulon  et  Francotay 
s'emportèrent  contre  Flesselles,  qui  fit  mine  de  se  retirer, 
puisqu'  «  il  était  suspect».  Les  modérés  voulaient  l'empri- 
sonner, en  faire  un  otage  de  guerre.  Mais  la  foule  cria  : 
«  Au  Palais-Royal  !  »  Flesselles  accepta  et  se  fit  fort  de 
se  justifier.  Il  n'eut  à  souffrir  aucune  violence  ni  dans  l'esca- 
lier, ni  sur  la  place.  C'est  au  coin  du  quai  Pelletier  qu'un 
inconnu,  peut-être  par  vengeance  personnelle,  plus  pro- 
bablement par  passion  politique,  l'abattit  d'un  coup  de 
pistolet  à  bout  portant.  Le  cadavre  fut  insulté.  La  tête, 
séparée  du  tronc,  fut  promenée  sur  une  pique  au  Palais- 
Royal  et  dans  les  rues.  Flesselles  laissait  une  sœur,  Jac- 
line,  veuve  de  Louis-Guillaume  de  Blair.  H.  Monin. 


Bibl.  :  AI.  Tuetey,  Répertoire  général  des  sources 
manuscrites  de  l'Histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution 
française  ;  Paris,  1890,  t.  I,  n°8  310-318,  320,  699,  2,655,  2,664, 
2,674,  2,677,  in-4.  —  Ch.-L.  Chassin,  les  Élections  et  les 
cahiers  de  Paris  en  1189  ;  Paris,  1888  et  1889,  t.  I,  p.  366  et 


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FLESSELLES  —  FLETCHER 


note  1,  pp.  367,  487  ;  t.  II,   p.  321  ;  t.  III,  p.   xxvii,   36  à  46 
passim,  392-396,  441  à  546  passim,  620,  in-8. 

FLESS1NGUE  (en  hollandais  Vlissingen).  Ville  des 
Pays-Bas,  prov.  de  Zélande,  à  5  kil.  S.-S.-O.  de  Middel- 
bourg,  et  à  54  kil.  0.-N.-0.  d'Anvers,  sur  la  côte  S.  de 
l'île  de  Walcheren,  à  l'embouchure  de  l'Escaut,  par  51° 
26'  42"  lat.  N.  et  1°  44'  42"  long.  E.;  10,000  hab. 
Ville  fortifiée,  défendue  par  plusieurs  forts  et  dont  les 
environs  peuvent  être  inondés.  C'est  un  port  militaire  et  de 
commerce,  siège  d'une  amirauté.  Le  port  peut  contenir  une 
flotte  de  80  vaisseaux  de  ligne  ;  les  chantiers  de  construc 
tion  sont  très  vastes.  Fabriques  de  cordages  et  approvi- 
sionnements pour  la  marine.-  Flessingue  est  assez  bien 
bâtie  ;  on  y  remarque  l'hôtel  de  ville  et  de  belles  prome- 
nades ;  il  y  a  une  académie  des  sciences  et  une  chambre 
de  commerce.  C'est  la  patrie  du  grand  amiral  de  Ruyter. 
On  y  fait  un  commerce  important  avec  les  Indes  orientales. 
Depuis  quelques  années,  on  a  exécuté  de  grands  travaux 
à  Flessingue  ;  on  a  construit  de  nouveaux  bassins  s'ouvrant 
d'un  côté  sur  la  mer  du  Nord  par  l'Escaut  dont  l'embou- 
chure a  une  largeur  considérable  et  permet  l'entrée  aux 
navires  du  plus  fort  tonnage  et  en  toute  saison.  D'autre 
part,  la  ville  est  reliée  au  réseau  général  des  chemins  de 
fer  de  l'Europe  centrale  par  un  chemin  de  fer  de  l'Etat 
qui  communique  avec  les  bassins.  Un  canal  la  met  en  outre 
en  rapport  avec  les  voies  navigables  vers  l'Allemagne.  Tous 
ces  ouvrages  sont  d'une  beauté  remarquable.  Les  quais  de 
ces  bassins  sont  en  pierre  de  basalte  et  ont  une  longueur 
de  2,000  m.  Les  bassins  ont  une  profondeur  de  8m30  et 
une  superficie  de  12  hect.  La  largeur  de  l'entrée  de  Y  avant- 
port  est  de  180  m.  Le  fort  Breskeus,  situé  sur  l'autre 
rive  de  l'Escaut,  en  face  de  la  ville,  commande  avec  les 
fortifications  de  Flessingue  l'entrée  de  ce  fleuve.  C'est  une 
situation  imprenable.  Les  Anglais,  qui  l'attaquèrent  en 
1809,  avec  une  flotte  superbe,  ne  réussirent  à  détruire, 
au  moyen  d'un  bombardement,  qu'une  centaine  de  mai- 
sons, parmi  lesquelles  deux  églises  et  l'hôtel  de  ville. 

FLET.  I.  Zoologie,  —  Nom  vulgaire  d'un  poisson  ayant 
les  formes  de  la  Plie  dont  il  est  une  espèce  (V.  Plie).  Il  a 
les  taches  plus  pâles  et  de  petits  grains  à  la  ligrfe  saillante 
de  la  tête.  On  l'appelle  aussi  Flételet,  Fleton  ou  Picaud. 

IL  Pêche.  —  Ce  poisson,  commun  sur  les  côtes  océa- 
niques de  France,  remonte  en  rivière,  assez  loin  des  em- 
bouchures ;  on  le  pêche  en  mer  au  chalut,  à  la  palancre, 
en  rivière  avec  des  gords,  des  guideaux,  la  ligne  de  fond, 
la  foëne.  La  chair  du  flet  est  beaucoup  moins  estimée  que 
celle  du  carrelet. 

FLETA  (Seu  commentarius  juris  anglicani).  C'est  un 
traité  de  droit  anglais  composé  sous  le  règne  d'Edouard  Ier. 
Les  savants  ne  s'entendent  pas,  d'ailleurs,  sur  l'année  de 
ce  règne  pendant  laquelle  il  aurait  été  écrit.  Il  existe  aussi 
un  grand  désaccord  sur  le  point  de  savoir  quel  a  pu  être 
l'auteur  de  ce  traité.  Quelques  anciens  écrivains  ont  cru 
tout  simplement  que  ce  traité  de  droit  anglais  est  l'œuvre 
d'un  certain  Guillaume  Flète.  Mais  cette  interprétation  est 
contredite  par  la  préface  de  l'ouvrage  où  il  est  dit  :  Trac- 
tatus  autem  iste,  qui  Fleta  merito  poterit  appellari, 
qui  in  Fleta  de  jure  Ànglicorum  fuit  compositus.  Ce 
passage  montre  bien  que  Fleta  n'est  pas  le  nom  de  l'au- 
teur, mais  le  titre  de  l'ouvrage,  et  l'auteur  lui  a  donné  ce 
titre  parce  qu'il  l'a  écrit  dans  la  prison  appelée  The  Flette. 
Selden  nous  apprend  en  effet  que,  sous  Edouard  Ier,  plu- 
sieurs jurisconsultes  célèbres  furent  punis  pour  des  crimes 
d'Etat  ;  les  uns  furent  frappés  de  fortes  amendes  ;  d'autres 
furent  jetés  en  prison  ;  d'autres  furent  même  exilés.  Houard 
a  beaucoup  exagéré  au  siècle  dernier  le  mérite  de  cet  ou- 
vrage. En  réalité,  ce  n'est  pas  autre  chose,  le  plus  souvent, 
qu'un  résumé  du  traité  de  JBracton  ;  les  deux  ouvrages  sont 
écrits  en  latin  ;  la  méthode  est  identique  dans  l'un  et  Vautre. 
La  Fleta  est  divisée  en  six  livres  :  le  premier  traite  du 
droit  des  personnes  ;  le  second,  des  juges  et  des  magis- 
trats ;  le  troisième,  des  modes  d'acquérir  les  biens  ;  le  qua- 
trième et  le  cinquième,  des  actions  relatives  à  la  posses- 


sion ;  le  sixième ,  des  rits  de  droit.  La  partie  la  plus 
intéressante  est  celle  qui  est  consacrée  aux  fonctionnaires 
et  aux  justices  des  seigneurs.  Il  n'a  encore  paru  jusqu'à  ce 
jour  que  des  éditions  fort  incorrectes  de  la  Fleta,  En  An- 
gleterre, il  faut  relever  celles  de  1647  et  de  1685  ;  en 
France,  Houard,  au  siècle  dernier,  a  aussi  publié  la  Fleta 
dans  le  troisième  volume  de  ses  Anciennes  Coutumes 
anglo-normandes,  E.  Glàsson. 

Bibl.  :  Brûnner,  Ueberblick  ùber  die  Geschichte  der 
franzœsischen,  normannischen  und  englischen  Rechts- 
quellen,  dans  l'Encyclopédie  der  Rechwissenschaft,  de 
Holtzendorff,  1877,  pp.  227  et  suiv.,  3°  éd.—  Glasson,  His- 
toire du  droit  et  des  institutions  de  l'Angleterre,  t.  III,  pp.  38 
et  suiv.  —  Maitland,  English  légal  History,  dans  le  Poli- 
tical  Science  quarterly,  année  1889,  t.  IV,  p.  635. 

FLÉTAN.  I.  Zoologie. —  Le  Flétan  (Pleuronectes  hip- 
poglossus  L.,  Hippoglossus  vulgaris  Flem.)  a  les  carac- 
tères généraux  des  Pleuronectes  (V.  ce  mot)  et  vit  dans 
les  mers  froides  de  l'hémisphère  boréal  ;  il  porte  les  yeux 
du  côté  droit  du  corps,  et  la  nageoire  dorsale  commence  à 
leur  niveau  et  au-dessus. 

II.  Pêche.  —  Ce  poisson,  le  plus  grand  des  pois- 
sons plats  (il  peut  atteindre 4  m.  de  long),  se  trouve  dans 
la  partie  nord  de  l'océan  Atlantique  ;  il  se  tient  au  large, 
le  plus  souvent  par  fond  de  sable.  La  pêche  se  fait  le  plus 
souvent  aux  lignes  de  fond  ;  sur  les  côtes  du  Groenland  le 
flétan  se  "trouve  parfois  dans  des  fonds  rapprochés  de  la 
surface  ;  on  le  tue  alors  à  coups  de  javelot.  La  pêche  du 
flétan  ou  halibut,  qui  est  très  active  aux  Etats-Unis,  se 
fait  principalement  par  le  port  de  Gioucester  ;  d'autres 
ports  du  Massachusetts,  du  Maine,  du  Connecticut,  de 
Rhode  Island,  arment  également  pour  cette  pêche  qui  est 
très  périlleuse,  car  elle  a  principalement  lieu  en  hiver.  Les 
schooners,  de  80  à  120  tonneaux,  se  rendent  sur  le  grand 
banc  de  Terre-Neuve  et  parfois  jusque  dans  le  détroit  de 
Davis  ;  on  pêche  aussi  sur  les  bancs  de  Saint-Georges  et  de 
l'Ile  au  Sable.  Le  poisson  est  surtout  vendu  à  l'état  frais, 
conservé  en  glacière  ;  une  partie  du  poisson  est  salée  à 
bord,  puis  fumée  à  terre  ;  on  prépare  encore  le  flétan  à 
l'état  de  conserves  à  l'huile.  —  Les  Hollandais  vont  pêcher 
le  flétan  sur  le  Dogger  BaiA  et  le  préparent  comme  la 
morue  ;  on  peut  évaluer,  en  moyenne,  à  500  barils  péchés 
annuellement  par  les  ports  hollandais.  Les  Norvégiens  se 
livrent  également  à  la  pêche  du  flétan,  dont  la  chair  est 
très  estimée  dans  tous  les  pays  du  Nord.       E.  Sauvage. 

FLETCHER  (Richard),  évêque  anglais,  mort  le  15  juin 
1596.  Fils  d'un  clergyman  anglican,  persécuté  pour  la  foi 
sous  Marie  Tudor,  il  fut  élevé  à  Cambridge  dans  le  collège 
de  l'archevêque  Parker  (Corpus  Christi).  Prébendier  d'Is- 
lington  à  la  cathédrale  de  Saint-Paul  en  1572,  ministre  de 
Rye  en  Sussex  en  1574,  il  fut  présenté  à  la  reine  Elisa- 
beth par  l'archevêque  Parker.  Il  sut  plaire  :  il  prêchait 
bien  et  c'était  un  courtisan  consommé.  Sa  fortune  fut  dès 
lors  rapide.  Chapelain  ordinaire  de  la  cour  en  1581,  doyen 
de  Peterborough  en  janv.  1586,  il  obtint  successivement 
plusieurs  bénéfices  considérables  :  Barnack  en  Northamp- 
tonshire,  Algarkirk  dans  le  diocèse  de  Lincoln.  C'est  lui 
qui  prêcha  devant  les  juges  de  Marie  Stuart,  dans  la  cha- 
pelle du  château  de  Fotheringay  le  12  oct.  1586,  et  qui 
officia  le  jour  de  l'exécution  avec  une  impitoyable  du- 
reté. Sa  conduite  en  cette  circonstance  lui  valut  le  siège 
épiscopal  de  Bristol  (déc.  1589);  il  demeura  du  reste 
dans  sa  maison  de  Chelsea,  près  de  Londres,  plus  assidu 
à  la  cour  que  dans  son  diocèse.  Il  fut  bientôt  (24  janv. 
1593)  transféré  au  siège  plus  riche  de  Worcester,  puis 
(juin  1594)  à  celui  de  Londres.  Mais  il  commit  alors 
deuT  imprudences  :  d'abord  il  collabora  avec  l'archevêque 
Whitgift  à  la  rédaction  des  «  articles  de  Lambeth  »,  qui 
auraient  fait  entrer,  s'ils  avaient  été  adoptés,  dans  le  Credo 
de  l'Eglise  anglicane,  quelques-unes  des  doctrines  essen- 
tielles du  calvinisme  ;  en  second  lieu ,  devenu  veuf  en 
déc.  1592,  il  épousa  deux  ans  après  une  jolie  femme,  riche, 
mais  d'une  vertu  médiocre,  la  veuve  de  sir  Richard  Baker 
de  Sissinghurst.  Or,Elisabethn'aimaitpasengénéralqueses 


FLETCHER 


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évèques  prissent  femme,  etle  mariage  deFletcher  était  entouré 
de  bien  des  circonstances  aggravantes:  le  25  févr.  1595, 
le  nouvel  évèque  de  Londres  fut  suspendu  de  ses  fonctions. 
La  suspension  ne  dura,  il  est  vrai,  que  six  mois,  grâce  à 
l'influence  de  Burghley,  que  l'évêque  accabla  des  plus  basses 
supplications  dans  des  lettres  autographes,  dont  l'ortho- 
graphe et  la  langue  sont  également  incorrectes.  Toutefois, 
Fleteher  avait  définitivement  perdu  la  faveur  royale.  Il 
mourut  en  fumant  une  pipe  de  tabac  (habitude  nouvelle 
qu'il  avait  adoptée  avec  passion),  insolvable  et  laissant  huit 
enfants  en  bas  âge  ;  sa  femme  épousa  en  troisièmes  noces 
sir  Stephen  Thonhurst.  Il  n'a  laissé  d'autres  écrits  que  le 
manuscrit  de  son  exhortation  à  Fotheringay. 

FLETCHER  (Giles),  diplomate  anglais,  frère  du  précé- 
dent, né  vers  4549,  enterré  le  44  mars  4644  (n.  st.).  Il 
fut  élevé  à  Eton  et  à  King's  Collège,  dont  il  devint  fellow 
en  4568.  En  4576,  il  prit  une  part  active  à  l'opposition 
dirigée  par  quelques-uns  de  ses  collègues  contre  le  prévôt  du 
collège,  Dr  Goad.  En  4585,  il  vivait  à  Cranbrook,  où  naquit 
son  fils  Phineas,  et  fut  élu  membre  du  Parlement  pour 
Winchelsea.  Il  fut  ensuite  chargé  de  missions  diplo- 
matiques en  Ecosse,  en  Allemagne  et  (4588)  en  Russie. 
Son  ambassade  en  Russie  fut  accidentée  ;  il  eut  à  subir 
des  mauvais  traitements,  mais  obtint  néanmoins  des  con- 
cessions commerciales.  De  retour  en  4589,  il  fut  fait  maître 
des  requêtes  et  secrétaire  ou  remembrancer  de  la  cité  de 
Londres.  11  conçut  alors  le  projet  d'écrire  en  latin  l'his- 
toire du  règne  d'Elisabeth  ;  en  attendant,  il  publia  (4594) 
une  relation  de  son  voyage  en  Russie,  qui  fut  interdite 
comme  contenant  des  choses  désagréables  pour  l'autocrate 
russe.  Le  patronage  du  comte  d'Essex  lui  fit  conférer  par 
Elisabeth,  en  4597,  l'office  de  trésorier  de  l'église  de  Saint- 
Paul  à  Londres  ;  mais  il  fut  emprisonné  quelque  temps  en 
4604,  pour  avoir  exprimé  sa  sympathie  à  l'égard  du  fa- 
vori tombé.  Il  a  laissé  beaucoup  devers  latins,  mais  le  seul 
ouvrage  qui  préserve  son  nom  de  l'oubli  est  :  Of  the  russe 
Gommon  Wealth...  with  the  mariner  s  and  fashions  of 
the  people  of  that  country  (Londres,  4594,  in-8,  et 
4643,  in-42);  réédité  par  E.-A.  Bond  :  Russia  at  the 
close  of  the  sixteenth  century  (publié  pour  YHakluyt 
Society)  (Londres,  4856,  in-8),  et  trad.  en  franc.  (4864, 
'2  vol.).  Ch.-Y.  L. 

FLETCHER  (John),  auteur  dramatique  anglais,  né  à 
Rye  (Sussex)  en  déc.  4579,  mort  en  août  4625,  (ils  de  Ri- 
chard Fleteher  (V.  ci-dessus).  Le  nom  de  cet  écrivain 
est  inséparable  de  celui  de  Beaumont,  son  collaborateur, 
et  la  biographie  de  Fun  ne  saurait  que  répéter  la  bio- 
graphie de  l'autre.  L'essentiel  à  ce  point  de  vue  a  été 
dit  à  l'art.  Beaumont.  Il  nous  reste  à  traiter  ici  quelques 
questions  accessoires  qui  ont  leur  intérêt.  La  liaison  des 
deux  écrivains  semble  dater  de  4607;  en  tout  cas  la  pre- 
mière pièce  qu'ils  ont  composée  ensemble,  Woman  Rater, 
est  de  cette  année.  Les  comédies  qu'ils  donnèrent  ensuite,  à 

-  partir  de  Philaster,  eurent  un  succès  considérable  et  se 
:  jouèrent  plus  souvent  que  le  théâtre  de  Shakespeare.  Une 

quinzaine  de  pièces  peuvent  être  attribuées  sans  conteste  à 
Fleteher  seul.  Deux  d'entre  elles  sont  des  comédies  bril- 
lantes :  Monsieur  Thomas  (4639)  et  Wildgoose-Chase 
(4652,  in-4);  la  troisième  est  la  meilleure  des  pastorales 
anglaises:  The Faithful Shepherdess(s.  d.  [4609],  in-4). 
Parmi  les  autres,  on  peut  mentionner:  Witwithout  Money 
(4639,  in-4);  Bonduca  (4647);  Valentinian  (4647); 
The  Mad  Lover  (4647);  Women  pleased  (4647);  The 
Woman' s prize  (4647);  A  Wife  for  a  mon#i(4647)  qui 
furent  représentées  entre  4644  et  4633.  Fleteher  eut  d'au- 
tres collaborateurs  :  Massinger,  Middleton  et  Rowley,  avec 
lesquels  il  donna  entre  autres  :  The  Queen  of  Corinth 
(4647)  et  Sir  John  Van  Olden  Barnavelt,  pièces  repré- 
sentées en  4649.  Même  on  lui  attribue,  sans  raison,  le 
grand  Shakespeare  pour  collaborateur  dans  ses  Two  Noble 

-  Kinsmen  (4634)  et  on  lui  donne,  sans  preuve  positive, 
■-  une  part  de  collaboration  à  Henry  VIII.  Le  théâtre  de 

Beaumont  et  Fleteher  a  été  réuni  d'abord  en  4647,  in-fol., 


puis  en  4679,  in-fol.  La  meilleure  édition  est  celle  de 
M.  Alex.  Dyce  (Londres,  4843-4846, 44  vol.  in-8).  Flet- 
eher excelle  dans  le  dialogue  et  dans  la  repartie  spiri- 
tuelle. Eeaumont  écrit  plus  élégamment  :  il  a  plus  de  fer- 
meté dans  le  tracé  de  ses  plans  et  le  développement  de  ses 
caractères.  R.  S. 

Bibl.  :  Dyce,  Biographie  de  Fleteher,  clans  le  1er  vol.  de 
son  éd.  —  Maoaulay,  Study  of  F.  Beaumont,  1883. 

FLETCHER  (Phineas),  poète  anglais,  baptisé  le  8  avr. 
4582,  mort  à  la  fin  de  l'année  4650,  cousin  du  précédent. 
Elevé  à  Eton  et  à  King's  Collège,  Cambridge  (où  il  resta  jus- 
qu'en 4646),  il. fut  jusqu'en 4624  chapelain  de  sir  Henri 
Willoughby,  dans  le  Derbyshire.  Il  obtint  ensuite  du  même 
seigneurie  rectorat  d'Hilgay  (Norfolk)  qu'il  conserva  jusqu'à 
la  fin  de  sa  vie.  Ld  principal  ouvrage  de  Fleteher  est  intitulé 
The  Purple  Island  or  the  isle  ofMan,  Together  with  Pis- 
catorie  Eclogs  and  other  poeticall  miscellanies  (Cam- 
bridge, 4633)  ;  The  Purple  Island,  qui  a  été  réédité  à  part 
en  4784  et  en  4846,  est  une  description  allégorique  du 
corps  humain  en  douze  chants,  imitation  directe  de  la 
Faerie  Queen  de  Spencer.  Quarles  a  dit  de  Fleteher  qu'il 
était  le  Spencer  de  son  temps.  On  s'accorde  à  louer  la  ver- 
sification du  poète,  mais  on  ne  goûte  plus  ses  allégories 
filantes  et  subtiles,  trop  rarement  interrompues  par  des 
descriptions  sincères  de  la  vie  champêtre.  Les  autres  pro- 
ductions de  Fleteher  sont  :  Locustce  vel  pietas  jesuitica 
(Cambridge,  4627),  vers  latins  et  anglais  contre  le  catholi- 
cisme romain  ;  Sicelides  or  Piscatory,  as  it  hath  been 
acted  in  King's  Collège  in  Cambridge  (Londres,  4634), 
et  dTinnombrables  vers  latins  répandus  dans  divers  recueils. 
Le  Dr  Grosart  a  publié  une  édition  complète  des  œuvres 
poétiques  de  Fleteher,  en  4  vol.,  dans  la  collection  intitulée 
Fullefs  Worthies  Library.  Ch.-V.  L. 

FLETCHER  (Andrew),  homme  politique  et  publiciste 
écossais,  né  en  4655,  mort  à  Londres  en  4746.  Elève  de  Gil- 
bert Burnet,  Andrew  Fleteher  fit  honneur  à  son  maître  par  ses 
talents  et  son  amour  du  pays  natal.  Partout  où  il  s'agit  de 
combattre  l'oppression  religieuse  ou  politique  contre  l'Eglise 
établie  et  l'administration  de  Lauderdale,  on  le  voit  au 
premier  rang.  Cette  conduite  le  mit  plusieurs  fois  dans  la 
nécessité  de  s'exiler  pour  éviter  la  prison.  Ami  d'Argyll 
et  de  Monmouth,  il  fit  tous  ses  efforts  pour  les  détourner 
de  leur  téméraire  tentative  ;  mais,  impuissant  à  les  arrêter, 
il  suivit  Monmouth  en  4685.  Une  querelle,  à  propos  d'un 
cheval  appartenant  à  un  autre  officier  de  Monmouth,  nommé 
Dare,  et  dont  Fleteher  avait  cru  pouvoir  se  servir,  aboutit 
à  la  mort  de  Dare,  qui  menaçait  Fleteher  de  sa  cravache 
et  que  celui-ci,  cédant  à  l'irascibilité  de  son  caractère,  tua 
d'un  coup  de  pistolet.  Obligé,  à  la  suite  de  ce  meurtre,  de 
quitter  l'armée  de  Monmouth,  il  se  réfugia  à  Bilbao,  où 
l'ambassadeur  anglais  à  Madrid  le  fit  arrêter  en  demandant 
son  extradition.  Mais  il  parvint  à  s'échapper,  erra  quelque 
temps  en  Espagne  et  passa  en  Hongrie  pour  combattre 
contre  les  Turcs.  Condamné  à  mort  par  contumace,  à 
Edimbourg,  le  4  janv.  4686,  il  ne  profita  pas  de  l'amnistie 
accordée  par  Jacques  II  le  29  avr.  de  la  même  année,  et 
ne  revint  en  Angleterre  qu'avec  Guillaume  d'Orange.  Sous 
ce  régime  nouveau,  il  continua  à  mettre  toute  son  énergie 
au  service  des  intérêts  de  l'Ecosse,  pour  laquelle  il  aurait 
voulu  une  autonomie  qu'il  n'était  plus  possible  de  lui  assu- 
rer. Son  zèle  de  patriote  était,  si  connu  du  gouvernement 
anglais  qu'il  fut  accusé  d'avoir  comploté  pour  favoriser 
une  descente  du  prétendant  soutenu  par  la  France  (4708). 
Il  se  disculpa  facilement,  et,  donnant  à  son  patriotisme  la 
seule  direction  désormais  pratique,  il  contribua  au  bien- 
être  et  à  la  richesse  de  son  pays  en  y  améliorant  l'agri- 
culture. 

Ses  écrits  sont  nombreux ,  et  non  moins  remar-  ' 
quables  par  la  vigueur  de  l'expression  et  la  chaleur  ora- 
toire que  par  leur  ton,  toujours  soutenu,  de  sincérité  et 
d'honnêteté  politiques.  On  peut  citer,  parmi  les  plus  im- 
portants ou  les  plus  curieux  :  A  Discourse  of  Govern- 
ment relating  to  Militias  (4698)  ;  An  Account  of  a 


599  — 


FLETCHER  —  FLEUR  - 


Conversation  concerning  a  Right  Régulation  of  Go- 
vernments  for  the  common  good  of  Mankind,  publié 
anonymement  sous  forme  de  lettre  au  marquis  de  Montrose 
et  aux  comtes  de  Rothes,  de  Roxburg  et  de  Haddington 
(1703),  et  An  Historicàl  Account  ofthe  Ancient  Right 
and  Power  of  the  Parliament  of  Scotland,  également 
anonyme  (Edimbourg,  1703).  La  plupart  de  ses  écrits  ont 
été  réunis  sous  le  titre  de  Political  Works  (Londres, 
1737,  et  Glasgow,  1747).  B.-H.  Gàusseron. 

FLETCHER  (John-William), aussi  FLÉCHIÈRE,  ou  DE 
LA  FLÉCHÈRE,  théologien  suisse,  fixé  en  Angleterre,  néà 
Nyon  (Vaud)  en  1729,  mort  en  1785.  Après  avoir  fait  ses 
études  théologiques  à  Genève,  il  mena  pendant  quelque 
temps  une  vie  assez  aventureuse.  Au  Portugal,  il  suivit 
le  parti  de  Pépée  dans  les  armées  de  ce  royaume.  Bientôt 
il  passa  en  Angleterrre.  Il  se  rattacha  à  l'Eglise  anglicane 
et  prit  les  ordres.  Apres  avoir  rempli  les  fonctions  de  pré- 
cepteur dans  plusieurs  familles  nobles,  notamment  celle  de 
la  comtesse  de  Huntingdon,  la  patronne  de  Whitfield  et 
des  méthodistes  dans  le  pays  de  Galles,  Fletcher  se  rap- 
procha de  Wesley,  dont  il  se  fit  un  des  plus  ardents 
défenseurs.  IL  publia  plusieurs  ouvrages  de  controverse, 
dont  le  plus  célèbre  est  Doctrines  of  grâce  and  justice 
(1778),  dirigé  contre  le  calvinisme. 

FLETCHER  (Archibald),  avocat  anglais,  né  dans  le 
comté  de  Perth  en  1746,  mort  près  d'Edimbourg  le  20  déc. 
1828.  Secrétaire  particulier  du  lord  avocat  James  Montgo- 
mery,  il  s'inscrivit  au  barreau  écossais  en  1790  et  y  rem- 
porta des  succès  considérables.  D'opinions  politiques  fort 
libérales,  il  prit  une  part  active  au  mouvement  en  faveur 
de  la  réforme  municipale  de  1784  ;  il  fut  un  partisan  con- 
vaincu de  la  guerre  de  l'indépendance  américaine  et  un 
admirateur  fanatique  de  la  Révolution  française.  Ami  intime 
du  philosophe  Dugald  Stewart,  il  était  en  relations  excel- 
lentes avec  Fox  et  Henry  Erskine.  On  a  de  lui  :  Essay  on 
church  patronage  (1783),  et  An  Examination  of  the 
grounds  on  which  the  convention  of  Royal  Burghs 
claimed  the  right  of  altering  and  amending  the  Setts 
or  Constitution  of  the  individual  Burghs  (1825).  — 
Le  16  juil.  1791,  il  avait  épousé  miss  Eliza  Dawson,  née 
à  Oxton  (Yorkshire)  le  15  janv.  1770,  morte  à  Edimbourg 
le  5  févr.  1858.  C'était  une  femme  charmante,  fort  intel- 
ligente, qui  a  laissé  un  journal  des  plus  intéressants  publié 
par  sa  fille  :  Autobiography  (Carlisle,  1874,  in-8). 

FLETCHER  (Maria-Jane),  femme  de  lettres  anglaise, 
née  à  Measham  (Derbyshire)  en  1800,  morte  en  1833. 
D'une  santé  délicate,  elle  sortit  toute  jeune  de  pension 
et,  avec  sa  famille,  habita  Manchester  qu'elle  quitta  pour 
suivre  son  mari,  le  Rév.  W,  Fletcher,  aux  Indes,  où  elle 
'  mourut  du  choléra  à  Poonah.  Beaucoup  de  ses  écrits  pa- 
rurent dans  YAthœneum  (de  1830  à  1832).  Citons  Phan- 
tasmagoria  (1825);  Letters  to  the  Young  (1828); 
Lays  ofleisure  hours  (1832).  Wordsworth  lui  dédia  son 
]>ohmeJLiberty  (1829). 

FLÊTRE  (en  flam,  Vleteren).  Corn,  du  dép.  du  Nord, 
arr.  d'Hazebrouck,  cant.  (S.-O.)  deBailleul,  surlaBecque 
du  Paradis  ;  967  hab.  Filage  à  la  main.  Fabrique  de  toiles 
grossières  ;  tanneries.  Eglise  des  xve  et  xvie  siècles.  An- 
cienne tour  du  château  des  sires  de  Vignacourt, 
FLETWOOD  (V.  Fleetwood). 
FLÉTY.  Corn,  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de  Château- 
Chinon,  cant.  deLuzy;  518  hab. 

FLEU  R.  I.  Botanique. —  On  donne  le  nom  de  fleur,  chez 
les  Phanérogames,  à  l'ensemble  des  organes  de  la  fécondation 
(androcée  et  gynécée),  qu'ils  soient  ou  non  entourés  d'enve- 
loppes florales  (corolle  et  calice,  ou  périanthe);  si  l'an- 
drocée  ou  le  gynécée  est  absent,  on  donne  encore  le  nom 
de  fleur  à  l'ovaire  ou  aux  étamines  qui  restent.  Enfin,  par 
extension,  on  appelle  fleurs  stériles  celles  qui  sont  ré- 
duites aux  enveloppes  florales,  soit  par  avortement,  soit 
par  transformation  des  organes  de  la  fécondation.  Toutes 
les  parties  de  la  fleur,  sépales,  pétales,  étamines,  carpelles, 
sont  des   feuilles  modifiées  (V.  Métamorphose  [Fleurs 


doubles  des  jardins]).  Quant  à  la  disposition  relative  des 
diverses  parties  d'une  fleur  complète,  elle  est  donnée  par 
son  diagramme. 

diagramme.  On  appelle  diagramme  d'une  fleur  le  plan 
en  projection  horizontale  de  cette  fleur,  c.-à-d.  des  diffé- 
rents verticilles  qui  la  composent.  Les  pièces  de  ces  ver- 
ticales viennent  se  placer  sur  des  circonférences  concen- 
triques, les  sépales  ou  pièces  du  calice  sur  la  circonférence 
la  plus  extérieure,  les  pétales  ou  pièces  de  la  corolle  sur 
la  deuxième  circonférence,  les  étamines  sur  la  troisième, 
ou  sur  la  troisième  et  la  quatrième,  etc.,  selon  le  nombre 
de  verticilles  que  comprend  l'androcée,  enfin  l'ovaire  sur  la 
circonférence  la  plus  interne.  On  construit  les  diagrammes 
en  menant  des  plans  perpendiculaires  à  Taxe  de  la  fleur  ou 
du  bouton  floral  ;  rarement  une  seule  section  perpendicu- 
laire suffit  pour  avoir  le  diagramme  complet  ;  le  plus  sou- 
vent on  doit  pratiquer  deux  sections,  l'une  au  niveau  de 
l'ovaire,  l'autre  à  une  certaine  distance,  et  Ton  superpose 
les  deux  sections  en  faisant  coïncider  leurs  centres  pour 
avoir  la  projection  de  toute  la  fleur  sur  un  même  plan 
horizontal.  Les  fig.  1,  2,  3  représentent  les  diagrammes 


Fig.  1.  —  Diagramme 
trimère. 


Fig.  2.  —  Diagramme 
têtramère. 


correspondant  aux  types  ternaire  (fleurs  trimères),  qua- 
ternaire (fl.  tétramères)  et  quinaire  (fl.  pentamères); 
on  trace  ces  diagrammes  en  décrivant  cinq  cercles  concen- 
triques dont  deux  pour  les  étamines  ;  on  divise  la  circon- 
férence extérieure  en  six,  huit  ou  dix  parties  égales  et  on 
joint  les  points  de  division  au  centre  par  des  lignes  droites; 
les  lignes  noires  indiquent  les 
rayons,  les  lignes  pointillées 
les  interrayons  ;  dans  les  dia- 
grammes trimère  et  pentamère , 
les  rayons  sont  le  prolonge- 
ment des  interrayons;  dans 
le  diagramme  têtramère  les 
rayons  et  les  intrarayons  sont 
des  lignes  différentes.  Dans  les 
exemples  choisis,  les  sépales, 
les  étamines  du  verticille  ex- 
terne et  les  loges  de  l'ovaire 
sont  sur  les  rayons,  les  pétales 
et  les  étamines  du  verticille 
interne  sur  les  interrayons. 

verticille  d'étamines  ;  les  pétales  et  les  sépales,  au:  lieu 
d'être  alternes,  peuvent  être  opposés ,  l'ovaire  peut  par 
exemple  être  trimère  (triloculaire)  et  les  autres  verticilles 
floraux  pentamères,  etc.,  d'où  des  diagrammes  de  type 
très  différents.  —  On  voit  donc  que  les  diagrammes  per- 
mettent de  saisir  d'un  coup  d'œil  la  disposition  relative  des 
différentes  parties  de  la  fleur.  De  plus,  la  comparaison  des 
diagrammes  de  groupes  plus  ou  moins  voisins  peut  faire 
ressortir  des  affinités  importantes. Réciproquement,  les  affi- 
nités connues  entre  des  groupes  de  plantes  permettent  de 
compléter  le  diagramme  de  certaines  fleurs  en  représentant 
les  parties  qui  devraient  s'y  trouver  et  qui  ont  avorté.  Le 
diagramme  obtenu  directement  est  appelé  empirique,  le 
diagramme  complété  est  le  diagramme  théorique.  Prenons 
pour  exemple  le  diagramme  empirique  et  théorique  d'une 
fleur  de  Graminée  (fig.  4).  —  Aux  fleurs  régulières,  irré- 


Fig.  3,  —  Diagramme 
pentamère. 

Il   peut  n'y  avoir  qu'un 


FLEUR 


600  — 


gulières  et  asymétriques  correspondent  naturellement  des 
diagrammes  réguliers  (présentant  plusieurs  plans  de  symé- 
trie), irréguliers  (offrant  un  seul  plan  de  symétrie  :  Vicia 


W 


>>l\\ 


Fig.  4.   —  Fleur  de  Graminée  :   a,   diagramme 
empirique  ;  b,  diagramme  théorique. 

cracca,  par  exemple),  asymétriques  (Alchemilla  arvensis, 
par  exemple).  Les  fleurs  régulières  sont  encore  appelées 
actinomorphes,  les  fleurs  irrégulières  zygomorphes. 

Dans  la  construction  des  diagrammes,  nous  avons  jus- 
qu'à présent  supposé  les  pièces  des  différents  verticilles 


Fig.  5.  —  Diagramme  du 
Laurier.  Corolle  gamo- 
pétale. 


Fig.  6.  —  Diagramme  du 
Géranium  pratense. 
Soudure  •  des  étamines. 


séparées  les  unes  des  autres  ;  or,  il  peut  y  avoir  concres- 
cence  des  pièces  d'un  même  verticille  entre  elles  (calice 
gamosépale,  corolle  gamopétale,  étamines  réunies  en  tube); 
ces  dispositions  peuvent  être  indiquées  sur  les  diagrammes  ; 
voici  l'exemple  d'une  corolle  gamopétale,  celle  du  Laurier 
(fig.  5),  et  l'exemple  d'une  fleur  {Géranium  pratense)  dont 
les  étamines  sont  soudées  (fig.  6).  De  plus  des  concrescences 


Fig.  7.  —  a,  corolle  de  la  Consoude  avec  étamines  soudées 
sur  elle;  b,  diagramme  de  la  même  fleur. 

peuvent  avoir  lieu  entre  les  parties  de  verticilles  différentes; 
ainsi  par  exemple  dans  la  grande  Consoude  il  y  a  soudure 
des  étamines  avec  la  corolle  (fig.  7).  D'autres  fois  il  y  a 
réduplication  des  organes,  ce  que  les  diagrammes  repré- 
sentent aisément.  —  Enfin,  outre  les  types  décrits,  il  existe 
des  diagrammes  avec  deux  ou  six  pièces  florales  par  verti- 
cille, c.-à-d.  dimères  et  hexamères;  ils  sont  rares  et  nous 
n'y  insisterons  pas. 

Organographie.  La  fleur  est  ordinairement  portée  sur 
un  pédicelle  ou  pédoncule;  lorsque  celui-ci  est  absent, 
la  fleur  est  dite  sessile.  Le  pédicelle  est  souvent  élargi  à  sa 
partie  supérieure,  où  il  forme  le  réceptacle  ou  thalamus, 
qui  supporte  toutes  les  parties  de  la  fleur,  tout  comme  un 
rameau  quelconque  supporte  les  feuilles.  Cette  analogie  est 
la  plus  nette  quand  le  réceptacle  a  la  forme  cylindro-co- 
nique  (Myosurus,  Magnolia,  etc.);  sur  cet  axe,  plus  ou 
moins  étiré,  s'insèrent  dans  V ordre  spiral  toutes  les 
pièces  qui  forment  les  verticilles  floraux,  comme  font  les 


feuilles  alternes  sur  une  branche.  Ailleurs  ce  réceptacle 
est  surbaissé  (certaines  Anémones),  ou  renflé  en  sphère 
(Renoncule),  sans  que  l'ordre  spiral  d'insertion  des  pièces 
de  la  fleur  soit  modifié  ;  souvent  le  réceptacle  affecte  la 
forme  d'un  cône  ;  alors  les  pièces  du  périanthe  s'insèrent 
près  de  la  base,  celles  de  l'androcée  et  du  gynécée  plus 
haut  ;  il  peut  aussi  arriver  que  le  réceptacle  prenne  la 
forme  d'un  plateau  horizontal  (Matthœa);  d'autres  fois  il 
se  creuse  en  cupule,  mais  la  portion  centrale  se  relève 
comme  le  fond  d'une  bouteille  (nombr.  Rosacées)  ;  cette 
portion  centrale  porte  ordinairement  le  gynécée  ;  le  som- 
met organique,  élevé  dans  le  réceptacle  convexe,  s'abaisse 
quand  il  se  creuse  en  cupule.  Nous  ne  pouvons  insister 
sur  toutes  les  formes  et  irrégularités  du  réceptacle  ;  on  con- 
çoit que  sa  forme  joue  un  rôle  important  au  point  de  vue 
de  la  hauteur  d'insertion  des  différents  verticilles,  d'où  les 
dispositions  connues  sous  les  noms  à'hypogynie  (le  plan 
de  l'androcée  est  situé  plus  bas  que  celui  du  gynécée,  le 
périanthe  et  les  étamines  sont  hypogynes),  de  périgynie 
(plan  du  réceptacle  horizontal  ou  dans  les  cas  de  concavité 
du  réceptacle  implantation  des  étamines  et  du  périanthe 
sur  les  bords  de  la  cupule  au  même  niveau  que  le  gynécée 
porté  sur  le  cône  central  relevé),  enfin  à'épigynie{le  plan 
de  l'androcée  est  plus  élevé  que  celui  du  gynécée);  il  est 
évident  qu'on  peut  observer  toutes  sortes  de  transitions 
d'une  disposition  à  l'autre.  Ajoutons  que  dans  Thypo- 
gynie  l'ovaire  est  dit  supère,  que  dans  l'épigynie  il  est 
dit  infère. 

Rarement  une  plante  ne  porte  qu'une  fleur  ;  lorsqu'il  en 
existe  un  grand  nombre,  elles  naissent  diversement  sur  la 
tige  ou  les  rameaux  et  se  groupent  diversement  ;  cette  dis- 
position a  reçu  le  nom  d'inflorescence  (V.  ce  mot).  Nous 
ne  décrirons  pas  ici  les  différents  verticilles  floraux  ;  leur 
étude  est  faite  aux  mots  Calice,  Corolle,  Périanthe, 
Etamines,  Pistil.  Lorsqu'un  ou  plusieurs  de  ces  verticilles 
manquent,  les  fleurs  sont  dites  incomplètes.  Assez  souvent, 
en  dehors  du  calice,  on  remarque  un  verticille  d'écaillés 
vertes  ou  de  bractées,  assez  semblables  à  des  sépales  et 
formant  comme  un  calice  supplémentaire  ;  c'est  le  cali- 
cule.  Toutes  les  fleurs  qui  renferment  à  la  fois  des  éta- 
mines et  un  pistil  sont  hermaphrodites  ;  celles  qui  ne  ren- 
ferment que  des  étamines  sont  appelées  fleurs  mâles,  celles 
qui  ne  renferment  que  le  pistil  sont  des  fleurs  femelles; 
ces  deux  sortes  de  fleurs  sont  dites  unisexuées.  Lorsque 
les  fleurs  mâles  et  femelles  se  développent  sur  un  même 
pied,  la  plante  est  dite  monoïque  (Bouleau,  Ortie,  Noise- 
tier, Concombre,  etc.);  lorsque  les  fleurs  mâles  et  les  fleurs 
femelles  sont  portées  sur  des  individus  différents,  la 
plante  est  dite  dioïqae  (Peuplier,  Saule,  Houblon,  Mercu- 
riale, etc.).  Les  plantes  qui  ont  à  la  fois  des  fleurs  mâles, 
femelles  et  hermaphrodites,  sont  dites  polygames  (Erable). 
Nous  avons  déjà  dit  que  les  fleurs  réduites  à  leurs  enve- 
loppes florales  sont  dites  stériles;  on  les  appelle  encore 
neutres;  les  plantes  qui  les  portent  possèdent  en  même 
temps  des  fleurs  sexuées  (fleurs  extérieures  des  Composées 
Corymbifères  et  de  la  Viorne,  dont  les  variétés  cultivées 
peuvent  n'avoir  que  des  fleurs  neutres).  —  Chez  certains 
Cryptogames,  les  Mousses,  par  exemple,  on  désigne  parfois 
sous  le  nom  de  fleurs  le  premier  état  des  organes  sexuels, 
archégone,  anthéridie,  etc.  (V.  ces  mots). 

Physiologie.  La  fleur  a  pour  fonction  spéciale  de  donner 
naissance  au  fruit  et  à  la  graine,  c.-à-d.  d'assurer  la  repro- 
duction de  l'espèce  (V. Fécondation).  DrL.  Hahn. 

IL  Nomenclature.  — -  Fleur  ambrevale  (V.  Polygala). 

—  F.  d'amour  (V.  Pied  d'alouette).  —  F.  d'araignée 
(V.  Nigelle).  —  F.  de  Constantinople  (V.  Lychnis).  —  F. 
de  coucou  (V.  Lychnis  et  Narcisse).  —  F.  de  douze  heures 
(V.  Ornithogale).  —  F.  delà  Passion  (V.  Passiflore). 

—  F.  delà  Saint-Jean  (V.  Galium).  —  F.  de  la  Trinité 
(V.  Violette).  — F.  de  musc  (V.  Ketmie).  —  F.  de  mol- 
let (V.  Pivoine).  —  F.  de  Pâques  (V.  Pâquerette).  — 

F.  DE  QUATRE  HEURES    (V.    MIRABILIS).    —    F.    DE    SA1NT- 

Jàcques  (V.  Séneçon).  —  F.  de  Saint- Jean  (V.  Armoise). 


—  601 


FLEUR 


—  F.  de  Saint-Joseph  (V.  Laurier  rose).  —  F.  de 

TOUS     LES     MOIS    (V.    SoUCl).    —   F.    DE  YEUVE    (V.    Scà- 

bieuse).  —  F.  d'hiver  (V.  Eranthis).  —  F.  des  Teintu- 
riers (V.  Genêt).  —  F.  d'un  jour  (V.  Tradescantià).  — 
F.  du  Parnasse  (V.  Parnassie).  —  F.  du  printemps 
(V.  Primevère).  —  F.  du  Saint-Esprit  (V.  Peristeria). 
F.  du  Vendredi-Saint  (V.  Lychnis).  —  F.  du  yent  (V. 
Anémone).  Ed.  Lef. 

III.  Industrie.  —  Fleurs  artificielles.  —  Les  peuples 
ont  recouru  de  bonne  heure  à  l'imitation  des  fleurs  naturelles 
dont  la  fraîcheur,  comme  la  floraison,  sont  de  si  courte  durée. 
Les  peuples  de  l'Inde  primitive  avaient  poussé  très  loin  la 
fabrication  des  fleurs  artificielles  ;  d'un  autre  côté,  les  sépul- 
tures antiques  de  Thèbes  ont  mis  à  découvert  des  fleurs  faites 
de  lin  de  couleur  qui  prouvent  que  les  Egyptiens  n'étaient 
pas  restés  étrangers  à  cette  industrie.  Suivant  M.  Natalis 
Rondot,  les  livres  chinois  ne  font  mention  des  fleurs  arti- 
ficielles qu'au  111e  siècle  de  notre  ère  ;  on  a  des  renseigne- 
ments assez  précis  sur  la  nature  de  ces  imitations  dans  le 
cours  du  xe  siècle.  Ainsi,  sous  les  Tchéou  postérieurs 
(951-960),  il  fut  enjoint  aux  dames  du  palais  de  faire  des 
fleurs  de  pêcher  avec  des  feuilles  de  mica  et  de  s'en  parer 
lorsqu'elles  devaient  manger  à  la  table  de  l'empereur,  et 
celui-ci  promettait  sa  faveur  à  la  dame  dont  les  fleurs 
seraient  les  plus  belles.  On  imita  les  fleurs  de  pêcher  jus- 
qu'au jour  où  des  fleurs  de  prunier,  détachées  par  le  vent, 
tombèrent  sur  la  joue  de  la  princesse  Cheou-Yang.  L'usage 
des  fleurs  artificielles  dans  la  coiffure  est,  notamment  depuis 
le  xme  siècle,  presque  universel  en  Chine.  Les  missionnaires 
ont  fait  connaître  le  mode  de  travail  et  le  degré  d'habileté 
des  ouvriers  de  Pékin  au  XYine  siècle  :  «  La  consommation 
prodigieuse  des  fleurs  artificielles  et  leur  bon  marché, 
lit-on  dans  les  mémoires  concernant  les  Chinois,  sont  au 
delà  de  tout  ce  que  nous  pouvons  dire.  Ce  qui  nous  frappa 
le  plus  fut  la  manière  dont  les  ouvriers  taillant  leurs  diffé- 
rentes espèces  d'étoffes  de  soie,  leur  font  prendre  la  forme 
qu'ils  veulent  avec  des  fers  chauds  et  des  moules,  puis  en 
varient  les  couleurs  à  leur  gré.  Ce  qui  sort  de  leurs  mains 
est  si  fini  que  l'empereur  Kang-Ki  défia  une  fois  le  père 
Parennin  de  distinguer  entre  divers  pieds  d'orangers  qui 
étaient  dans  la  salle,  les  naturels  d'avec  les  artificiels.  » 
Chez  les  Romains,  les  couronnes  de  fleurs  artificielles  eurent 
un  rôle  très  important.  Celles  d'hiver,  dont  on  se  servait 
quand  la  terre  ne  donnait  plus  de  fleurs,  étaient  faites  de 
lames  de  cornes  teintes  de  diverses  couleurs.  Mais  on  finit 
par  accorder  la  préférence  à  de  certaines  fleurs  parfumées, 
faites  en  soie,  exécutées  d'après  des  dessins  indiens  et  que 
l'on  fabriquait  à  Alexandrie.  De  Byzance,  l'usage  des  fleurs 
artificielles  passa  à  Venise,  d'où  les  Italiens  l'introduisirent 
en  France  dans  la  seconde  moitié  du  moyen  âge.  Au 
xive  siècle  et  au  xve,  les  chapeliers  de  fleurs  disposaient 
des  fleurs  naturelles  pour  l'ornement  de  la  coiffure,  et  il  est 
à  présumer  qu'à  certains  moments  de  l'année  ils  les  rem- 
plaçaient par  des  fleurs  faites  avec  du  parchemin,  du  velours 
et  de  la  soie  tissée.  Celles-ci,  connues  sous  le  nom  de  fleurs 
italiennes,  se  confectionnaient  à  l'aide  de  rubans  que  l'on 
faisait  et  auxquels  on  donnait  une  forme  aussi  naturelle 
que  possible  à  l'aide  de  fils  de  fer  ou  de  cuivre  adroitement 
dissimulés.  Mais  l'usage  des  fleurs  artificielles  ne  se  répan- 
dit sérieusement  qu'au  xvme  siècle,  lorsqu'on  eut  substitué 
aux  rubans  des  plumes,  matières  premières  beaucoup  plus 
élégantes,  mais  auxquelles  il  était  plus  difficile  de  donner 
les  nuances  requises.  Le  plumage  des  oiseaux  de  l'Amé- 
rique du  Sud,  qui  ne  perd  jamais  ses  teintes  brillantes,  est 
particulièrement  propre  à  cet  usage,  et  les  indigènes  de 
cette  partie  du  monde  ont  longtemps  pratiqué  avec  succès 
la  fabrication  des  fleurs  en  plumes. 

Les  plumassiers,  d'après  les  statuts  qui  leur  furent  accor- 
dés par  Henri  IV,  avaient  le  droit  de  teindre  les  bouquets 
de  fleurs  pour  mettre  sur  les  autels  des  églises,  sur  les 
buffets  et  sur  les  lits  de  personnes  de  condition  ;  mais  ce 
privilège  ne  concernait  que  les  fleurs  en  plumes  d'oiseaux 
et  aussi  les  fleurs  en  étoffe.  Dans  le  courant  du  xvme  siècle, 


la  fabrication  des  fleurs  artificielles  fit  des  progrès  sen- 
sibles :  ce  fut  alors  que  les  plumassiers  et  les  faiseuses  de 
modes  commencèrent  à  s'emparer  de  cette  industrie.  Mais, 
jusqu'à  cette  époque,  on  n'avait  reproduit  que  des  fleurs  de 
fantaisie*  Vers  1708,  un  nommé  Séguin,  natif  de  Mende, 
dans  le  Gévaudan,  étant  venu  s'établir  à  Paris,  eut  l'heu- 
reuse idée  d'appliquer  ses  connaissances  en  botanique  et 
en  chimie  à  la  reproduction  des  fleurs.  Il  découpait  aux 
ciseaux  tous  les  organes  gui  composent  les  fleurs  ;  c'est 
lui  qui,  le  premier,  introduisit  en  France  la  mode  des  fleurs 
artificielles  semblables  à  celles  fabriquées  en  Italie,  c.-à-d. 
en  étoffe  et  en  moelle  de  sureau.  Bientôt  de  nouvelles  ma- 
tières telles  que  la  gaze,  le  taffetas  et  la  batiste,  furent 
employées  en  même  temps  que  le  papier,  le  parchemin,  la 
coque  de  ver  à  soie  et  la  toile.  Enfin,  en  1770,  un  Suisse 
imagina  d'employer  l'emporte-pièce,  espèce  de  poinçon  évidé 
avec  lequel  on  découpe  d'un  seul  coup  plusieurs  feuilles  ou 
pétales.  Peu  à  peu,  on  se  servit  du  gaufroir  gravé  et  de  sa 
cuvette,  entre  lesquels  on  place  les  feuilles  découpées  pour 
leur  donner,  à  l'aide  d'une  presse,  les  nervures  caracté- 
ristiques. Lors  de  la  réorganisation  des  communautés,  en 
1776,  le  privilège  de  faire  des  fleurs  artificielles  fut  accordé 
aux  faiseuses  de  modes  et  aux  plumassiers  qui  prirent  le 
titre  de  maîtres  et  de  maîtresses  fleuristes  en  tête  des  sta- 
tuts que  la  nouvelle  communauté  reçut  en  1784.  A  la  fin 
du  xvme  siècle,  les -fleurs  fabriquées  à  Paris  avaient  une 
réputation  universelle  :  onze  grands  fabricants  s'occupaient 
de  cette  industrie,  entre  autres  le  sieur  Beaulard.  Plus  tard, 
ce  fut  Joseph  Wengel  qui  fit  les  fleurs  artificielles  de  Marie- 
Antoinette  ;  il  donna  des  leçons  aux  dames  de  la  cour,  et 
parmi  elles  à  Mme  de  Genlis  qui  excellait  surtout  dans  l'art 
de  faire  les  bleuets,  les  coquelicots  et  les  marguerites. 
Wengel,  à  la  fois  botaniste  et  artiste,  perfectionna  beau- 
coup la  fabrication  des  fleurs  artificielles  ;  il  publia  un 
livre,  en  1790,  où  il  proposait  de  créer  à  Paris  une  manu- 
facture capable  d'occuper  4,000  femmes  à  la  fabrication 
des  fleurs.  La  Révolution  ralentit  le  mouvement  en  avant 
des  fleurs  artificielles,  mais,  dans  les  dernières  années  du 
Directoire,  des  fleuristes  habiles  surgirent  de  toutes  parts. 
De  1820  à  1830,  la  fabrication  prit  un  nouvel  essor  ;  les 
fabriques  se  divisèrent  en  spécialités  et  obtinrent  de  cette 
manière  des  produits  plus  façonnés  et  d'un  prix  moindre. 
Les  fleuristes  artificiels  tels  que  Jourdan,  Mme  Roux,  Mme  Pré- 
vost, eurent  un  certain  succès  en  poussant  jusqu'aux  der- 
nières limites  l'art  d'imiter  la  nature.  Selon  .un  journal  de 
modes,  intitulé  le  Protëe  (juil.  1834),  les  coquettes  des 
premières  années  du  règne  de  Louis-Philippe  ne  connais- 
saient qu'un  fleuriste,  le  célèbre  Batton,  breveté  de  la  mode 
pour  ses  fleurs  chinoises  et  son  noisetier  des  Indes.  On 
vantait  surtout,  pour  la  garniture  des  chapeaux,  ses  longues 
grappes  d'acacia  rosé,  son  ébénier,  son  chèvrefeuille,  les 
roses  des  quatre  saisons.  Batton  avait  imaginé  des  épis  de 
riz,  dont  les  grains  transparents  formaient  de  longues  et 
fortes  grappes  entourées  de  barbes  touffues.  Constantin  fut, 
à  la  même  époque,  un  artiste  de  grand  talent. 

Après  1840,  les  fleurs  de  velours,  de  chenille,  les  feuil- 
lages de  taffetas  et  l'article  clinquant  ouvrirent  au  commerce 
des  fleurs  artificielles  des  débouchés  nouveaux.  A  cette 
époque,  on  comptait  à  Paris  143  fabricants  de  fleurs  et 
16  marchands  d'apprêts.  Les  événements  de  1848  ame- 
nèrent l'emploi  des  feuillages  artificiels  pour  les  fêtes  pu- 
bliques. Depuis  cette  époque,  l'art  du  fleuriste  n'a  point 
cessé  de  faire  des  progrès.  En  résumé,  les  progrès  de  la 
fabrication  des  fleurs  artificielles  n'ont  réellement  reçu  leur 
plein  développement  qu'à  partir  de  l'année  1826,  lorsque 
la  division  du  travail  eut  facilité  son  essor  ;  alors  seule- 
ment, les  diverses  opérations  qui  constituent  la  fabrication 
cessèrent  d'être  exécutées  dans  le  même  atelier,  et  il  s'éta- 
blit des  industriels  spéciaux  pour  la  fabrication  des  outils, 
pour  le  trempage  des  étoffes,  la  fabrication  des  diverses 
fleurs,  pour  l'assemblage  et  le  montage.  L'outillage  amé- 
lioré permit  de  produire  des  formes  plus  variées  ;  les  pro- 
cédés de  teinture  se  multiplièrent  et  donnèrent  des  nuances 


FLEUR 


—  602 


plus  fines  ;  la  fabrication  de  nouvelles  étoffes  et  de  nou- 
veaux papiers,  en  même  temps  que  l'emploi  de  matières 
récemment  découvertes,  comme  la  gutta-percha  et  le  collo- 
dion,  donnèrent  le  moyen  de  rendre  les  apprêts  plus  déli- 
cats. La  division  du  travail  est  poussée  si  loin  aujourd'hui 
que  certains  fabricants  s'adonnent  spécialement  à  la  repro- 
duction de  quelques  espèces,  notamment  de  la  rose,  de 
l'œillet  et  de  la  fleur  d'oranger  pour  bouquets  et  couronnes 
de  mariées.  Viennent  ensuite  les  fabricants  spéciaux,  dits 
marchands  d'apprêts,  qui  font  et  vendent  aux  fleuristes  les 
calices,  pistils,  étamines,  bourgeons;  ceux  qui  fabriquent 
les  fruits  et  les  boutons  pleins  ;  ceux  qui  préparent  exclu- 
sivement les  feuilles,  folioles  et  appendipes  nécessaires  pour 
monter  les  branches  fleuries  ;  des  industriels  appelés  ver- 
duriers  font  les  herbes,  les  épis,  les  graines  et  les  parures 
des  fleurs  et,  enfin,  d'autres  fabricants  ont  pour  spécialité 
les  poudres  diamantines  brillantes  qu'on  obtient  en  dispo- 
sant, sur  des  plaques  de  verre  collodionnées,  la  matière 
colorante  en  couche  mince  :  ces  plaques  sont  soumises  à 
une  haute  température  ;  la  peinture  s'écaille  ;  elle  est  re- 
cueillie, pulvérisée  très  finement  et  utilisée  pour  donner 
plus  de  fraîcheur  à  la  fleur.  Les  fleuristes  proprement  dits 
font  l'assemblage  et  la  soudure  des  organes  des  fleurs,  la 
confection  des  pétales  et  celle  des  branches  fleuries.  Ces 
industriels  teignent  chez  eux  ou  font  teindre  au  dehors  les 
étoffes  destinées  à  faire  les  fleurs  fines,  telles  que  les  mous- 
selines de  Tarare  et  de  Saint-Quentin,  soieries,  velours  de 
soie  et  de  coton  ;  puis  ils  font  mettre  en  œuvre  et  assembler  les 
apprêts  par  des  ouvrières  fleuristes;  Ces  ouvrières  se  divisent 
en  fleuristes  spéciales  pour  fleurs  sur  nature  et  en  ouvrières 
pour  fleurs  de  fantaisie.  Indépendamment  des  fleurs  fines, 
les  fleuristes  fabriquent  aussi  des  fleurs  communes  qui  ne 
sont  guère  employées  qu'à  composer  des  bouquets  d'église 
et  de  salon.  Ces  fleurs  se  font  en  papier  qu'on  achète  tout 
trempé  chez  les  fabricants  de  papier. 

Les  matières  principales  employées  pour  la  confection 
des  fleurs  artificielles  sont  :  le  nansouk,  le  jaconas,  la 
batiste,  le  taffetas,  le  satin,  la  mousseline,  la  gaze,  le  crêpe, 
pour  les  pétales  ;  le  taffetas  de  Florence,  le  velours,  la 
peluche,  pour  les  feuilles  ;  on  se  sert  encore  de  cocons  de 
vers  à  soie,  de  baleines  taillées  en  feuilles  et  blanchies, 
de  rubans,  de  plumes  d'oiseau,  de  cuir,  de  cire,  de  papier, 
de  fil  de  fer  et  de  laiton,  etc.  tes  outils  dont  les  fleuristes 
font  presque  exclusivement  usage  sont  peu  nombreux.  Les 
pinces  ou  brucelles  sont  employées  pour  saisir  les  parties 
des  fleurs  à  assembler.  C'est  en  tenant  la  pince  sur  le  côté 
qu'on  trace  les  stries  des  pétales,  et  c'est,  avec  la  tête  des 
brucelles  trempée  dans  la  colle  qu'on  fixe  les  parties  les 
plus  délicates.  Les  boules  de  bois  ou  de  fer  servent  à 
bouler,  c.-à-d.  rendre  concaves  ou  convexes  les  pétales.  Le 
nombre  des  boules  est  de  42,  variant  de  2  à  35  millim.  ; 
la  plus  petite  se  nomme  boule  d'épingle.  Le  pied-de-biche 
est  un  mandrin  à  crochet  dont  on  se  sert  pour  former  la  prin- 
cipale côte  des  pétales.  Le  découpoir  ou  emporte-pièce  sert 
à  découper  les  pétales  et  les  feuilles  et  à  leur  donner  l'ap- 
parence des  pétales  et  des  fleurs  naturelles.  Le  gaufroir  ou 
fer  à  frapper  les  feuilles  donne  aux  feuilles  l'apparence  de 
la  nature.  La  fabrication  des  fleurs  artificielles  comprend 
quatre  opérations  principales  :  le  découpage,  le  gaufrage, 
l'assemblage  et  le  montage.  Le  découpage  se  fait  générale- 
ment au  découpoir,  mais  souvent  aussi  on  découpe  les 
pétales  et  les  feuilles  à  l'aide  de  ciseaux  et  d'après  des 
patrons  tracés  à  l'avance  sur  des  feuilles  et  des  pétales 
naturels.  Le  gaufrage  s'exécute  ensuite  soit  à  la  pince, 
soit  à  la  boule.  L'assemblage  consiste  à  réunir  les  pétales 
autour  du  cœur  de  la  fleur.  Le  montage  a  pour  but  la 
réunion  des  diverses  parties  de  la  fleur  à  la  tige  et  des 
différentes  tiges  à  la  branche  principale. 

Les  procédés  mécaniques  permettent  aujourd'hui  de  fabri- 
quer très  rapidement  les  fleurs  artificielles.  L'étoffe,  mous- 
seline ou  nansouk,  reçoit  d'abord  à  la  brosse  un  apprêt 
d'amidon  et  de  gomme  plus  ou  moins  teintée.  Lorsqu'elle 
est  sèche,  on  découpe  à  l'emporte-pièce  l'étoffe  pliée  en 


neuf  et  l'on  obtient  ainsi  les  pétales  de  la  corolle  et  les 
sépales  du  calice,  appelés  araignes.  Le  frappeur,  ouvrier 
chargé  de  ce  travail,  fait  alors  un  certain  nombre  de 
pétales  et  les  passe  à  l'ouvrier  chargé  de  leur  donner  le 
trempé  et  les  nuances.  Cet  ouvrier,  après  avoir  plongé 
les  pétales  un  instant  dans  l'eau  pour  obtenir  une  teinte 
bien  égale,  les  débarrasse  à  l'aide  de  papier  buvard  de  leur 
excès  d'humidité,  puis  il  étage  ses  pétales  sur  un  coussinet 
et  laisse  tomber  sur  chacun  d'eux  une  goutte  de  couleur 
qu'il  dégrade  soit  au  pinceau,  soit  avec  le  doigt.  Ensuite, 
si  cela  est  nécessaire,  il  panache  le  pétale  au  pinceau  et 
imite  toutes  les  nuances  accidentelles  que  celui-ci  peut  pré- 
senter. On  termine  par  le  rinçage  dans  une  eau  additionnée  de 
mordants  qui  fixent  la  couleur,  par  le  séchage  à  l'étuve,  le 
triage  et  la  mise  en  boîtes.  Ces  boîtes,  contenant  en  général 
une  grosse,  sont  distribuées  aux  fleuristes. L'ouvrière  a  devant 
elle,  sur  une  table,  du  fil  de  fer  appelé  trait,  un  petit  pot  de 
colle  de  gomme  arabique,  de  la  ouate,  des  pinces,  des  boîtes 
contenant  les  pétales,  les  pistils  et  les  étamines.  Veut-elle  faire 
une  rose  à  demi  éclose,  elle  commence  par  gaufrer  les  pétales 
au  moyen  de  la  boule  et  presse  le  pétale  en  tous  sens, 
étirant  l'étoffe  pour  lui  faire  prendre  la  forme  imitée.  Avec 
la  baguette  de  fer  qui  surmonte  la  pince,  elle  modèle,  en 
les  retournant  plus  ou  moins,  les  bords  externes  des  pétales 
qui  doivent  être  différents,  suivant  qu'ils  appartiennent  au 
centre  ou  à  la  surface  de  la  feuille.  Les  pétales  sont  ensuite 
assemblés  sur  un  trait  à  l'extrémité  duquel  l'ouvrière  en- 
roule d'abord  de  la  ouate;  elle  colle  sur  la  ouate  par 
l'onglet  les  pétales  intérieurs,  puis  les  extérieurs,  puis  enfin 
le  calice.  Cela  fait,  elle  entoure  le  trait  d'une  bande  de 
papier,  d'étoffe  ou  de  baudruche  colorée  en  vert.  Enfin,  avec 
la  baguette  de  sa  pince,  elle  repasse  l'extrémité  des  sépales 
et,  quand  la  fleur  est  terminée,  elle  pique  son  trait  dans 
une  pomme  de  terre  fixée  sur  une  petite  tige  de  fer.  Les 
fleurs  terminées  sont  groupées  par  grosses  et  peuvent  être 
vendues  telles  quelles  pour  être  assemblées  ensuite  avec  des 
feuilles  et  d'autres  fleurs.  Découpées  comme  les  pétales, 
les  feuilles  passent  dans  les  mains  des  ombreurs  qui,  au 
moyen  de  gabarits  formant  réserves,  peignent  sur  le  pre- 
mier fond  uni  des  parties  nuancées  et  figurent  des  nervures 
avec  des  couleurs  à  l'eau.  Les  feuilles  sont  ensuite  munies 
d'un  trait  qui  servira  de  queue,  puis  sont  frappées  dans 
une  presse  à  balancier,  dont  le  poinçon  et  la  matrice  leur 
donnent  l'apparence  d'une  feuille  végétale.  On  les  passe 
ensuite  dans  un  bain  de  cire  vierge  ou  dans  un  vernis 
teinté  ;  enfin,  elles  reçoivent  à  la  brosse  une  très  légère 
couche  de  fécule  de  pommes  de  terre,  qui  leur  donne  un 
aspect  agréable".  Pour  velouter  les  feuilles,  on  étend  dessus 
une  substance  adhésive  et  transparente  et  on  les  saupoudre 
de  tontisse.  Les  boutons  de  fleurs  d'oranger,  faits  autrefois 
si  difficilement  en  fixant  sur  une  boule  d'ouate  les  rognures 
de  peau  blanche,  se  terminent  aujourd'hui  en  trempant  ces 
boutons  de  ouate  dans  la  cire  blanche. 

La  fabrication  des  fleurs  artificielles,  industrie  essen- 
tiellement parisienne,  a  acquis  depuis  quelques  années  un 
grand  degré  de  perfection,  et  elle  ne  s'arrête  pas  dans  cette 
voie.  Si  intéressante  à  beaucoup  de  titres,  elle  l'est  surtout 
au  point  de  vue  des  ressources  qu'elle  offre  aux  femmes, 
aux  jeunes  filles,  aux  enfants  ;  elle  leur  assure  un  salaire 
rémunérateur,  un  travail  facile,  pas  fatigant,  qui  développe 
le  goût  et,  comme  elle  ne  demande  qu'un  petit  capital  pour 
fonder  un  établissement  chez  soi,  elle  permet  aux  familles 
sérieuses  d'arriver  à  se  créer  une  position  indépendante. 
Paris  n'a  pas  seul,  comme  autrefois,  le  monopole  de  la 
fabrication  des  fleurs  artificielles  :  Lyon,  Bordeaux,  Nancy, 
Tours,  Nantes  et  Rouen  se  livrent  aussi  à  ce  genre  d'in- 
dustrie ;  mais  les  produits  parisiens  l'emportent  sur  tous 
ceux  des  autres  villes  de  France  et  de  l'étranger  par  la 
perfection  de  travail  et  le  bon  goût  qui  les  distingue.  L'An- 
gleterre, l'Amérique  et  surtout  l'Allemagne,  avec  ses 
grandes  manufactures,  luttent  vigoureusement  contre  nous 
sans  nous  égaler.  Il  y  a  dix  ans,  la  statistique  portait 
à  2,000  le  nombre  des  fabriques  ;  aujourd'hui  il  dépasse 


—  603  — 


FLEUR  -  FLEURANCE 


3,000  en  France.  Les  salaires  qui  étaient,  à  la  première 
époque,  de  2  fr.  à  2  fr.  50  pour  les  femmes,  sont  aujour- 
d'hui de  2  fr.  50  à  3  fr.  50  ;  celui  des  hommes  (trempeurs, 
découpeurs,  feuillagistes),  qui  variait  entre  3  et  4  fr.,  est 
maintenant  de  4  à  7  fr.  Le  chiffre  d'affaires  de  cette  indus- 
trie peut  être  évalué  à  30  millions,  dont  deux  tiers  pour 
la  consommation  et  un  tiers  pour  l'exportation  ;  les  impor- 
tations n'atteignent  pas  400,000  fr.  L.  Knab. 
Boyaux  pour  fleurs  artificielles  (V.  Boyauderie). 

IV.  Arts  décoratifs.  — -  La  fleur  a  été  de  tout  temps  un 
des  éléments  les  plus  importants  de  Jl'art  décoratif.  Les 
sculptures  les  plus  anciennes  présentent  à  côté  des  figures 
d'hommes  et  d'animaux  des  représentations  de  feuillages 
et  de  fleurs  ;  lourde  et  massive  aux  époques  primitives,  la 
fleur  devient  svelte  et  gracieuse  lorsque  les  arts  arrivent  à 
leur  apogée.  La  décoration  intérieure  des  maisons  de  Pom- 
péi  présente  d'admirables  modèles  de  fleurs  peintes  ou 
modelées  en  stuc.  Mais  c'est  dans  l'ornementation  des  édi- 
fices gothiques  de  la  belle  époque,  et  aux  débuts  de  la 
Renaissance  en  Italie,  que  l'on  trouve  cet  art  charmant 
porté  à  son  plus  haut  degré  de  perfection,  luttant  d'élé- 
gance et  de  précision  avec  la  nature  même.  Chaque  siècle  a 
apporté  son  génie  particulier  dans  la  compréhension  et  le 
rendu  de  la  flore  ornementale,  tantôt  la  contenant  dans 
des  lignes  sévères  et  symétriques,  comme  le  xvne,  tantôt 
la  laissant  s'épanouir  dans  une  liberté  et  une  fantaisie 
encore  de  convention,  comme  le  xvnr3.  En  dehors  de  leurs 
attributions  spécialement  décoratives,  et  subordonnées  aux 
exigences  de  l'architecture,  les  fleurs  ont  servi  de^hème 
favori  à  de  nombreux  artistes  ;  la  délicatesse  de  leur  forme 
et  de  leur  coloris  a  été  fixée  dans  de  véritables  chefs- 
d'œuvre.  Ad.  T. 

V.  Architecture.  —  Fleur  du  chapiteau.  —  Petite 
rosace,  palmette  ou  quintifeuille,  se  détachant  généralement 
au  milieu  de  chaque  face  du  tailloir  du  chapiteau ,  surtout 
dans  les  ordres  corinthien  ou  composite  et  dans  les  pilastres 
d'attique,  tant  dans  les  monuments  antiques  que  dans  ceux  de 
la  Renaissance  et  des  temps  modernes.  Souvent  cette  fleur  du 
chapiteau  fut  remplacée  par  des  motifs  symboliques,  comme 
une  étoile  à  l'Institut  de  France  (ancien  collège  Mazarin), 
un  lion  à  la  colonne  de  Juillet,  une  colombe,  image  du 
Saint-Esprit,  dans  ]es  édifices  chrétiens,  et  même  par  des 
têtes,  comme  au  temple  de  la  Paix,  à  Pœstum,  dans  un 
chapiteau  antique  trouvé  à  Cori  et  dans  nombre  d'édifices 
modernes.  Charles  Lucas. 

VI.  Alchimie.  —  Le  mot  fleur  est  employé  par  Diosco- 
ride  et  par  Pline  pour  désigner  certains  produits  métal- 
liques ou  salins  :  flos  œris,  fleur  de  cuivre,  projetée  par 
le  vent  du  soufflet  pendant  la  coulée  du  métal  ;  ce  mot  a 
désigné  aussi  le  protoxyde  de  cuivre  et,  plus  tard,  le  vert- 
de-gris  ;  flos  salis,  efflorescence  saline  :  ce  qui  signifie, 
suivant  les  cas,  le  sel  marin,  le  sesquicarbonate  de  soude, 
le  sulfate  de  soude  et  le  salpêtre. 

Chez  les  alchimistes,  le  "mot  a  pris  un  sens  plus  com- 
préhensif  et  dans  lequel  intervient  le  double  sens  des  mots 
flos  et  av8os,  qui  désignent  à  la  fois  la  fleur  d'une  plante 
et  la  couleur  ou  principe  colorant  d'une  dissolution.  C'est 
ce  que  montrent  certains  passages  de  Synésius.  Il  insiste 
notamment  sur  la  sublimation  des  matières  volatiles,  ap- 
pelées esprits  ou  fleurs  des  métaux,  assimilées  aux  âmes 
des  plantes  et  désignées  par  les  noms  de  celles-ci,  confor- 
mément aux  principes  de  la  nomenclature  des  prophètes 
égyptiens.  Ce  sont,  pour  nous,  des  oxydes  et  des  sulfures 
sublimés  et  entraînés  par  les  gaz,  pendant  les  opérations 
chimiques.  On  dit  encore  fleurs  aujourd'hui,  dans  un  sens 
analogue  aux  alchimistes  '.fleurs  argentines  d'antimoine, 
fleurs  de  zinc,  fleurs  de  soufre.  On  disait  également  au 
siècle  dernier  :  fleurs  d'antimoine,  pour  le  sublimé  jaune 
et  en  partie  oxydé,  que  fournit  le  sulfure  naturel  ;  fleurs 
rouges  d'antimoine,  pour  un  sulfure  rouge,  formé  en  pré- 
sence du  sel  ammoniac  ;  fleurs  d'arsenic,  pour  l'acide 
arsénieux  sublimé  ;  fleur  de  sel  ammoniac,  pour  ce  sel 
sublimé  ;  fleurs   de   benjoin ,   pour   l'acide  benzoïque 


sublimé.  Les  noms  fleurs  de  safran  et  safrans  désignaient 
diverses  matières  minérales  colorées,  des  sulfures  d'arse- 
nic, par  exemple  ;  le  safran  des  métaux  était  un  oxysul- 
fure  d'antimoine  ;  le  safran  de  Mars,  un  oxyde  ou  sel 
basique  de  fer,  etc.  Les  fleurs  d'alun  sont  l'alun  de 
plume  ;  les  fleurs  de  cobalt  sont  une  efflorescence  miné- 
rale rose,  annonçant  les  mines  de  cobalt. 

Rappelons  encore  que  le  mot  fleur  s'applique  de  nos 
jours  au  velouté  des  fruits,  à  la  farine  la  plus  fine,  aux 
mycodermes  qui  se  forment  à  la  surface  du  vin  et  de  la 
bière  altérés,  etc.  Une  fois  le  mot  fleur  prononcé,  il  était 
développé  de  toute  manière,  avec  des  sens  métaphoriques. 
De  même,  dans  d'autres  passages,  certaines  substances 
minérales  sont  appelées  plantes  ou  herbes  ;  on  assimile 
leur  accroissement  à  celui  des  végétaux,  et  les  teintures 
métalliques  fugaces  sont  assimilées  aux  couleurs  végétales. 
De  même  encore  les  écailles  ou  morceaux  du  cobathia 
rouge,  c.-à-d.  des  sulfures  d'arsenic,  sont  assimilés  aux 
écorces  et  rameaux  des  palmiers.  La  connaissance  de  ces 
analogies  et  de  ces  assimilations  est  indispensable  pour 
bien  entendre  les  textes  alchimiques.      M.  Berthelot. 

VIL  Gravure.  —  Fleur  de  soufre  (V.  Soufre). 

VIII.  Histoire.  —  Fleur  de  lts  (V.  Lis). 

IX.  Art  héraldique.—  Figure  naturelle  qui  ne  prend 
ce  nom  que  lorsqu'on  ne  peut  désigner  l'espèce  ;  les  plus  em- 
ployées' en  armoiries  sont  les  roses,  les  violettes,  les  lis  de 
jardin,  les  trèfles,  les  marguerites.  Si  elles  sont  tigées  et 
feuillées,  on  l'exprime  en  blasonnant,  en  ayant  soin  d'in- 
diquer l'émail  de  la  fleur,  de  sa  tige  et  de  ses  feuilles,  La 
famille  de  Galandot  porte  :  d'azur,  à  trois  fleurs  de 
lierre  d'or.  Les  bandes,  fasces  et  autres  pièces  dont  les 
bords  sont  terminés  par  des  fleurs,  sont  fleurées  ou 
contre-fleur êes  si  les  fleurs  sont  opposées . 

Fleur  de  lis  (V.  Lis). 

X.  Numismatique.  —  Fleur  de  coin.—  Une  monnaie 
est  dite  à  fleur  de  coin  lorsque  son  état  de  conservation  est  tel 
qu'on  pourrait  croire  qu'elle  vient  d'être  frappée,  en  d'autres 
termes  qu'elle  sort  du  coin.  Les  monnaies  antiques  et  du 
moyen  âge  à  fleur  de  coin  sont  particulièrement  recher- 
chées par  les  amateurs  à  cause  de  leur  beauté  artistique  et 
du  bon  effet  qu'elles  produisent  dans  les  collections.  Elles 
ne  sont  pas  moins  précieuses  pour  les  savants  qui  y  trou- 
vent des  documents  de  premier  ordre  pour  l'étude  des 
types  et  tout  spécialement  pour  la  détermination  des 
poids.  M.  P. 

FLEU  RAC.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de  Cognac, 
cant.  de  Jarnac  ;  253  hab. 

FLEU  RAC.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Sarlat, 
cant.  du  Bugue  ;  684  hab. 

FLEU  RAGE  (Industr.)  (V.  Boulangerie,  Meunerie). 

FLEURANCE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép,  du  Gers,  arr.  de 
Lectoure,  sur  le  Gers  ;  4,282  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du 
Midi,  ligne  d'Agen  à  Àuch.  Grand  marché  des  tins  et 
des  blés  de  l'Armagnac,  Minoteries,  bestiaux,  volailles, 
oies  grasses.  Fabriques  de  chaussures  et  de  ganterie,  fila- 
tures de  laine,  tanneries,  teintureries. 

Ancienne  bastide,  fondée  vers  1280  par  le  sénéchal  du 
roi  de  France,  Eustache  de  Beaumarchais,  sur  un  emplace- 
ment appartenant  aux  religieux  de  Bouillas.  Les  franchises 
qu'elle  reçut,  confirmées  successivement  par  les  rois  de 
France,  lui  assurèrent  un  prompt  développement;  mais,  en 
1425,  Charles  VII  ayant  donné  cette  ville  à  Charles  d'Al- 
bret,  les  habitants,  forts  de  leurs  privilèges,  se  résolurent 
à  interdire  à  leur  nouveau  seigneur  l'entrée  de  la  ville. 
Louis  XI,  ayant  confirmé  à  Jean  d'Albret  la  concession 
faite  à  son  père,  celui-ci  s'empara  de  Fleurance  en  1465, 
à  la  tète  d'un  corps  de  quatre  cents  arbalétriers,  fit  pendre 
les  quatre  consuls  aux  quatre  portes  de  la  ville,  noyer  le 
procureur  du  roi  qui  avait  fait  cause  commune  avec  les 
habitants,  massacrer  les  bourgeois,  chasser  dans  la  cam- 
pagne les  femmes  et  les  enfants  et  livra  la  ville  au  pillage. 
Fleurance  a  conservé  le  plan  régulier  des  villes  neuves  du 
moyen  âge.  Belle  église  du  xive  siècle  (mon.  hist.)  à  trois 


FLEURANCE  —  FLEURIEU 


—  604  - 


nefs,  flanquée  d'une  tour  octogonale  ;  elle  a  été  restaurée 
en  1845.  L'hôtel  de  ville  est  moderne.  Vaste  halle. 

FLEU RANGES  (Robert  III  de  La  Marck,  seigneur  de) 
(Y.  Robert  de  La  Marck). 

FLEURAT  (Floriacum),  Corn,  du  dép.  de  la  Creuse, 
arr.  de  Guéret,  cant.  du  Grand-Bourg  ;  734  hab.  Eglise 
dédiée  à  saint  Michel,  donnée  par  Févêque  de  Limoges, 
Humbaud,  à  l'abbaye  de  Bénévent,  vers  1090,  mentionnée 
dès  1002. 

FLEURBAIX.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Béthune,  cant.  de  Laventie;  2,525  hab. 

FLEURÉ.  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Argentan, 
cant.  d'Ecouché;  317  hab. 

FLEURÉ.  Corn,  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Poitiers, 
cant.  de  La  Villedieu  ;  425  hab. 

FLEURÉE  (Teint.)  (V.  Indigo).  L'indigo,  pour  être 
utilisé  en  teinture,  doit  passer  à  l'état  soluble  ;  on  prépare 
cette  substance  en  dissolution  par  divers  moyens.  Lorsque 
la  dissolution  a  été  pendant  quelque  temps  à  l'air,  une 
oxydation  survient  et  l'indigo  au  contact  de  l'air  s'oxyde, 
bleuit  et  perd,  par  conséquent,  ses  propriétés  tinctoriales. 
L'indigo  ainsi  oxydé,  et  qui  se  trouve  sous  forme  d'écume 
à  la  surface  des  cuves,  s'appelle  fleurée.  On  a  soin  de  la 
recueillir  et  de  la  traiter  à  nouveau  après  dessiccation  par 
les  moyens  ordinaires.  La  fleurée  constitue  de  l'indigotine 
presque  pure  ;  elle  entraîne  avec  elle  des  sels  d'étain  qui 
passent  à  l'air  à  l'état  de  carbonate  et  que  l'on  peut  faci- 
lement éliminer  par  l'acide  chlorhydrique  faible.  L.  K. 
FLEURET.  I.  Escrime. —  Sorte  d'épée  qui  sert  aux  leçons 
d'escrime.  La  lame,  très  flexible,  en  est  carrée  et  sans 
tranchant  ;  un  bouton  de  métal  garni  de  basane  en  couvre 
la  pointe  et  ôte  ainsi  tout  danger,  pour  l'adversaire,  au 
maniement  de  cette  arme.  Le  fleuret  est  dit  alors  moucheté. 
IL  Industrie.  —  Grosse  soie,  très  inférieure  et  peu 
tordue,  formée  de  frisons  moulinés  et  employée  à  la  fabri- 
cation de  certaines  passementeries. 

FLEUREY.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  deMontbéliard, 
cant.  de  Saint-Hippolyte  ;  211  hab. 

FLEUREY-lès-Faverney.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute- 
Saône,  arr.  de  Vesoul,  cant.  de  Port-sur-Saône;  466  hab. 
FLEUREY-lès-Lavoncourt  ou  lès-Morey.  Corn,  du 
dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Gray,  cant.  de  Dampierre- 
sur-Salon;  354  hab. 

FLEUREY-lès-Saint-Loup  (Floriacus).  Corn,  du  dép. 
de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Lure,  cant.  de  Saint-Loup- 
sur-Semouse  ;  179  hab.  Carrières  de  grès  bigarré.  Voie 
antique.  Chapelle  du  xme  siècle.  Prieuré  de  bénédictins, 
fondé  en  1134  par  Humbert,  archevêque  de  Besançon,  qui 
le  donna  à  l'abbaye  de  Chaumouzey,  laquelle  s'en  dessaisit 
en  faveur  des  jésuites  du  collège  de  Vesoul  en  1651. 

FLEUREY-sur-Ouche.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or, 
arr.  et  cant.  (O.)  de  Dijon;  823  hab. 

FL  E  U  R I .  I.  Architecture  (V.  Roman  et  Gothique  fleuri)  . 
IL  Littérature.  —  Style  fleuri  (V.  Genre). 
III.  Musique.  —  Contrepoint  fleuri  (V.  Contrepoint). 
FLEU  RIAIS    (Georges-Ernest),  marin  français,  né  à 
Paris  le  14  juin  1840.  Elève  de  l'Ecole  navale   (1855), 
promu  contre-amiral  en  févr.  1892,  il  se  distingua  dans  la 
campagne  du  Mexique  et  la  guerre  de  Chine.  Il  s'est  fait 
remarquer  par  ses  travaux  scientifiques,  observations  des 
passages  de  Vénus  (à  Pékin,   1874,   et  à  Santa  Cruz, 
1884)  et  de  Mercure  sur  le  soleil  (à  Payta,  1878)  ;  déter- 
minations de  méridiens,  relevés  hydrographiques,  etc. 

FLEU  RI  AU.  Famille  originaire  de  Tours  qui  a  fourni 
plusieurs  hommes  cPËtat.  Louis-Gaston  Fleuriau  d'Arme- 
non ville,  né  à  Paris  en  1662,  mort  le  10  juin  1733,  a  été 
évêque  d'Aire  (1698)  et  d'Orléans  (1706).  —  Joseph- 
Jean-Baptiste  Fleuriau  d'Armenonville,  mort  au  château 
de  Madrid,  près  de  Paris,  le  27  nov.  1728,  a  été  successi- 
vement intendant,  directeur  général  des  finances  (1701), 
ministre  de  la  marine  (1716) ,  garde  des  sceaux  (1722).  Il 
fut  l'auteur  d'une  loi  punissant  de  mort  le  vol  domestique  ; 
il  fut  disgracié  en  1727  et  se  retira  au  château  de  Madrid 


que  Louis  XIV  lui  avait  donné.  —  Charles-Jean-Baptiste 
Fleuriau,  comte  de  Morville,  fils  du  précédent,  né  à 
Paris,  le  30  oct.  1686,  mort  à  Versailles  le  2  févr.  1732, 
fut  avocat  du  roi  au  Châtelet  (1706),  conseiller  au  parle- 
ment de  Paris,  puis  procureur  général  au  grand  conseil.  Il 
fut  ensuite  ambassadeur  en  Hollande  (1718),  et,  après 
avoir  contribué  à  la  formation  de  la  quadruple  alliance,  il 
assista  au  congrès  de  Cambrai  en  1721  ;  il  succéda  à  son 
père  comme  ministre  de  la  marine  (1722)  et,  le  10  août 
1723,  passa  aux  affaires  étrangères.  La  même  année,  il 
avait  été  élu  membre  de  l'Académie  française  ;  destitué  par 
Fleury  le  49  août  1727,  il  entraîna  son  père  dans  sa  dis- 


grâce. 


G.  Regelsperger. 


FLEURIAU  de  Bellevue  (Louis-Benjamin),  géologue 
français,  né  à  La  Rochelle  le  23  févr.  1761,  mort  à  La 
Rochelle  le  9  févr.  1852.  Il  occupa  les  loisirs  que  lui  pro- 
curait une  certaine  aisance  à  des  études  et  à  des  recher- 
ches géologiques,  qui  lui  valurent  d'être  nommé  en  1816 
corespondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Il  a  pu- 
blié, de  1790  à  1847,  sur  la  géologie,  la  minéralogie  et 
la  météorologie,  une  vingtaine  d'intéressants  mémoires  pa- 
rus dans  le  Journal  de  physique,  le  Journal  des  mines, 
les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences  et  le 
Bulletin  de  la  Société  géologique  de  Paris.      L.  S. 

Bibl.  :  Catalogue  of  scientific  papers  of  the  Royal  So- 
ciety ;  Londres,  1868,  t.  II,  in-4. 

FLEURIE.  Corn,  du  dép.  duRhône,arr.  de  Villefranche- 
sur-Saône,  cant.  de  Beaujen  ;  2,001  hab. 

FLEURIEL.  Corn,  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  Gannat, 
cant.  deChantelle;  957  hab. 

FLEU  RI  ER.  Grand  village  de  Suisse,  dans  le  val  de 
Travers,  cant.  de  Neuchâtel;  3,329  hab.  Très  industriel, 
l'un  des  centres  de  la  fabrication  horlogère  ;  distilleries 
d'absinthe.  Fleurier  est  relié  à  la  grande  ligne  Berne-Pa- 
ris, par  Pontarlier,  au  moyen  d'un  chemin  de  fer  régional. 
FLEURIEU-sur-Saône,  Corn,  du  dép.  du  Rhône,  arr. 
de  Lyon,  cant.  de  Neuville-sur-Saône;  447  hab. 

FLEURIEU  (Comte  Charles-Pierre  Claret  de),  homme 
d'Etat  et  savant  français,  né  à  Lyon  le  2  juil.  1738,  mort 
à  Paris  le  18  août  1810.  Fils  d'un  lieutenant-général  du 
présidial  de  Lyon,  il  entra  en  1752  dans  la  marine  royale, 
fit  la  guerre  de  Sept  ans  et  reçut  en  1762  le  grade  d'en- 
seigne de  vaisseau.  En  1766,  il  aida  Ferd.  Berthoud  (V. 
ce  nom)  à  construire  le  premier  chronomètre;  il  fit  lui- 
même  l'essai  de  deux  nouvelles  montres  dans  une  cam- 
pagne spéciale  sur  la  frégate  l'Isis  (1768-69)  et  en  ren- 
dit compte  dans  une  relation  intitulée  Voyage  fait  par 
ordre  du  roi  pour  éprouver  les  horloges  marines  (Paris, 
1773,  2  vol.  in-4).  Lieutenant  de  vaisseau  en  1773,  capi- 
taine de  vaisseau  en  1776,  directeur  des  ports  et  arse- 
naux en  1777,  il  travailla  en  cette  dernière  qualité  à  la 
réorganisation  de  notre  marine  et  eut  pendant  toute  la 
durée  de  la  guerre  de  l'indépendance  américaine  (1778-83) 
la  direction  générale  des  opérations  navales.  Du  25  oct. 
1790  au  15  avr.  1791,  il  fut  ministre  de  la  marine  et  des 
colonies,  du  17  avr.  1791  au  10  août  1792,  gouverneur 
du  jeune  dauphin,  fut  incarcéré  aux  Madelonnéttes  dès  les 
premiers  jours  de  la  Terreur  et  en  sortit  sain  et  sauf  le 
9  thermidor.  Devenu  ensuite  et  successivement  membre  de 
l'Institut  et  du  Bureau  des  longitudes  (1795),  du  conseil 
des  Anciens  (1797),  du  conseil  d'Etat  avec  la  présidence  de 
la  section  de  la  marine  (1799),  appelé  à  quatre  reprises 
différentes,  de  1803  à  1804,  à  l'intérim  du  ministère 
de  la  marine,  il  eut,  dans  la  nouvelle  cour  impériale,  la 
charge  d'intendant  général  de  la  liste  civile  (juil.  1804) 
et  se  vit  nommer  coup  sur  coup,  l'année  suivante,  séna- 
teur, grand  officier  de  la  Légion  d'honneur,  gouverneur 
du  palais  des  Tuileries.  En  1808,  il  fut  fait  comte.  Dans 
l'exercice  de  ces  nombreuses  fonctions,  auxquelles  s'ajou- 
tèrent encore  plusieurs  missions  spéciales,  il  se  montra  à 
la  fois  officier  distingué,  administrateur  habile  et  homme 
d'Etat  éclairé.  Ses  admirables  travaux  hydrographiques  ont 
d'autre  part  rendu  les  plus  grands  services  à  la  science  et 


—  605  — 


FLEURIEU  —  FLEURON 


à  la  marine.  Son  Neptune  des  mers  du  Nord  ou  Atlas  du 
Cattégat  et  de  la  Baltique  (Paris,  1809,  in-4,  et  atlas 
in-fol.),  auquel  collaborèrent  Beautemps- Beaupré  et  Buache, 
est  une  œuvre  colossale,  qui  ne  lui  coûta  pas  moins  de 
vingt-cinq  années  de  labeurs  et  de  200,000  livres  de 
dépenses,  remboursées  d'ailleurs  à  sa  veuve.  On  lui  doit 
encore  :  Découverte  des  Français  en  il '68  et  H69 
dans  le  sud-est  de  la  Nouvelle- Guinée  (Paris,  1790, 
in-4)  ;  Fondements  des  cartes  du  Cattégat  et  de  la  Bal- 
tique (Paris,  1794,  in-4);  Voyage  autour  du  monde 
d'Et.  Marchand,  d'après  le  journal  d'un  officier  de  l'ex- 
pédition (Paris,  an  vi,  4  vol.  in-4).  Il  a  enfin  dirigé  l'exé- 
cution du  Neptune  américo-septentrional  de  Rigobert- 
Bonne  et  a  laissé,  en  manuscrit,  la  première  partie  d'une 
Histoire  générale  des  navigations  de  tous  les  peuples. 

Léon  Sàgnet. 
Bibl.  :  Moniteur  universel,  années  1790, 1791, 1797  à  1808. 
—  Haillon,  Discours  aux  obsèques  du  comte  de  Fleurieu; 
Paris,  1810,  in-4.  —  Eus.  Salvestre,  Notice  biographique 
surC.-P.Claretde  Fleurieu;  Paris,s.d.,in-8.—  Delambre, 
Notice  sur  le  comte  de  Fleurieu,  dans  les  Mémoires  de 


l'Académie  des  sciences  de  Paris,  année  1816, 1. 1,  p.  lxxiii. 
—  Fréd.  Chassériau,  Notice  sur  le  comte  de  Fie 
Paris,  1856,  in-8. 


FLEURI  EU  X-sur-l'Arbresle.  Corn,  du  dép.  du  Rhône, 
arr.  de  Lyon,  cant.  de  l'Arbresle;  718  hab. 

FLEURIGNÉ.  Corn,  du  dép.  d'IUe-et-Vilaine,  arr.  et 
cant.  de  Fougères  ;  965  hab. 

FLEURIGNY.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Sens, 
cant.  de  Sergines,  sur  l'Oreuse;  485  hab.  Eglise,  sous  le 
vocable  de  Saint-Memmy,  fin  du  xn°  siècle,  avec  une  cha- 
pelle de  la  fin  du  xve  siècle.  Château  de  la  Renaissance, 
avec  une  chapelle  de  1532  dont  la  voûte  à  compartiments 
est  remarquable  par  ses  pendentifs  finement  sculptés  ;  les 
vitraux  sont  attribués  à  Jean  Cousin.  Ancienne  porte  de  la 
comraanderie  de  Launay,  de  l'ordre  du  Temple.        M.  P. 

FLEURINES  (Florinœ).  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr. 
de  Senlis,  cant.  de  Pont-Sainte-Maxence  ;  672  hab.  Ce 
village,  enclavé  dans  la  forêt  d'Halatte,  dépendait  dû  prieuré 
de  Saint-Christophe,  situé  sur  une  butte  à  quelque  dis- 
tance. L'église  est  du  xvie  siècle.  Il  y  a  dans  le  village  une 
maison  du  xve.  —  Saint-Christophe  s'appelait  Hermenc  à 
l'époque  mérovingienne  ; ,  les  rois  de  cette  race  y  avaient 
une  maison  de  chasse  sur  l'emplacement  d'un  ancien  temple 
de  Mercure.  Jusqu'au  xve  siècle,  les  princes  capétiens  y 
résidèrent  souvent,  soit  dans  une  demeure  leur  appartenant, 
soit  au  prieuré.  C'est  à  Saint-Christophe  que  le  roi  Jean 
institua,  en  1351,  l'ordre  de  l'Etoile.  Le  prieuré  de  Saint- 
Christophe,  fondé  en  1061  par  Waleran,  chambrier  de 
France,  appartenait  à  l'ordre  de  Saint-Benoît,  sous  la  dé- 
pendance du  prieur  de  La  Charité-sur-Loire.  On  compte 
soixante  prieurs  à  Saint-Christophe  depuis  l'origine  jus- 
qu'à 1790  ;  le  cardinal  de  Bernis  fut  l'un  des  derniers. 
L'église  est  une  construction  du  xie  siècle  ;  elle  a  la  forme 
d'un  T  ;  l'abside  est  carrée,  à  trois  fenêtres  romanes  ;  l'in- 
térieur est  également  roman.  Le  prieuré,  reconstruit  en 
1764,  est  devenu  une  maison  de  plaisance  de  laquelle  on  a 
une  vue  magnifique.  Le  cartulaire  de  Saint-Christophe  a 
été  restitué  en  1876  par  l'abbé  Vattier.  Briqueteries,  tui- 
leries. C.  St-A. 

FLEURIOT  (Zénaïde-Marie-Anne),  romancière  française, 
née  à  Saint-Brieuc  en  1829,  morte  à  Paris  le  18  déc. 
1890.  Elle  débuta  en  1859  par  des  Souve?iirs  d'une 
douairière  dont  le  succès  l'encouragea  à  persévérer  dans 
la  carrière  littéraire .  Elle  a  écrit,  spécialement  pour  les 
femmes  et  les  jeunes  filles,  un  nombre  de  romans  consi- 
dérable. Elle  était  .la  collaboratrice  assidue  du  Journal  de 
la  Jeunesse  et  de  la  Bibliothèque  rose.  Nous  citerons 
seulement  :  Monsieur  Nostradamus  (Paris,  1875,  in-8)  ; 
la  Clef  d'or  (1870,  in-16,  7e  éd.)  ;  Sans  beauté  (1889, 
in- 16,  17e  éd.)  ;  le  Théâtre  chez  soi  (1873,  in-16)  ;  la 
Vie  en  famille  (1862,  in-16). 

FLEURIOT  de  Langle  (Alphonse-Jean-René,  vicomte 
de),  marin  français,  né  à  Prudaleu  (Finistère)  le  16  mai 
1809,  mort  à  Paris  le  22  juil.   1881.  Elève  de  l'école 


d'Angoulême,  et  du  vaisseau-école  V Orient,  il  fit  la  cam- 
pagne d'Alger  en  1830,  la  croisière  de  la  Manche  en  1832, 
prit  part  à  l'expédition  scientifique  du  Spitzberg  (1838- 
1839),  fut  chargé  de  la  répression  delà  traite  sur  la  côte 
d'Afrique  (1840),  fit  partie  de  la  mission  du  duc  de  Bro- 
glie  à  Londres  relative  à  la  revision  du  traité  sur  le  droit 
de  visite  (1845)  et  devint  aide  de  camp  de  l'amiral  Mon- 
taignès  de  La  Roque.  Après  avoir  commandé  divers  vais- 
seaux, il  fit  la  campagne  de  Crimée,  puis  fut  nommé  chef 
de  la  division  navale  de  l'Inde  et  de  Madagascar  (1858). 
Contre-amiral  en  1863,  major  général  à  Lorient,  chef  de 
la  croisière  d'Afrique  (1865),  il  prit  part  à  la  guerre  franco- 
allemande  comme  commandant  du  VIe  secteur  de  l'enceinte 
de  Paris.  Vice-amiral  le  23  janv.  1871,  il  se  présenta  sans 
succès  à  Paris  aux  élections  pour  l'Assemblée  nationale. 
On  a  de  lui  :  Campagne  de  la  Cordelière,  Etudes  sur 
V océan  Indien  (Paris,  1862,  in-8)  ;  Etudes  sur  les  oura- 
gans (1876,  gr.  in-8).  —  Son  frère,  Jacques-Charles,  né 
à  Saint-Herblon  (Loire-Inférieure)  le  24  août  1805,  mort 
à  Oudon  le  16  mars  1888,  entré  jeune  dans  la  cavalerie, 
démissionna  en  1830.  Il  fut  élu  le  8  févr.  1871  représen- 
tant de  la  Loire-Inférieure  à  l'Assemblée  nationale,  siégea 
à  droite  et  combattit  le  gouvernement  de  M.  Thiers. 

FLEURIOT-Lescot  (Jean-Baptiste-Edouard),  cinquième 
maire  de  Paris,  né  à  Bruxelles  en  1761,  guillotiné  à  Paris 
le  10  thermidor  an  II  (28  juil.  1794).  Après  le  triomphe 
des  troupes  autrichiennes  sur  les  révolutionnaires  du  Bra- 
bant  au  nombre  desquels  il  s'était  signalé,  il  vint  à  Paris. 
Membre  assidu,  et  même  à  un  moment  secrétaire  du  club 
des  Jacobins,  entièrement  dévoué  aux  idées  et  à  la  personne 
de  Robespierre,  il  fut  élu  substitut  de  Fouquier-Tinville  le 
13  mars  1793,  et  nommé  membre  de  la  commission  des  tra- 
vaux publics  le  28  avr.  Il  remplaça  Pache  à  la  mairie  de  Paris, 
alors  entièrement  subordonnée  aux  comités  de  Salut  public 
et  de  Sûreté  générale,  le  21  floréal  an  II  (10  mai  1794). 
Au  9  thermidor,  quand  Robespierre  fut  décrété  d'accu- 
sation, Fleuriot  se  rendit  à  l'Hôtel  de  Ville,  s'efforça  d'ani- 
mer la  Commune  à  la  résistance  contre  la  Convention,  fit 
fermer  les  barrières,  sonner  le  tocsin,  disposer  des  batte- 
ries de  canon  sur  la  place  de  Grève.  Un  décret  de  la  Con- 
vention le  rendit  responsable  des  troubles  de  la  capitale  et 
le  manda  ainsi  que  l'agent  national  Payan.  Il  refusa.  Quand 
Robespierre  fut  amené  à  l'Hôtel  de  Ville,  il  lui  donna  la 
présidence  de  la  Commune.  Fleuriot-Lescot  fut  arrêté  avec 
Robespierre  dont  il  partagea  le  sort  le  lendemain. 

Bibl.  :  Réimpression  du  Moniteur,  t.  XV,  p.  712  :  XVI, 
266  ;  XX,  443  ;  XXI,  334,  339,  560.  —  V.  Robespierre. 

FLEURON.  I.  Architecture.  —  Motif  d'ornementation 
inspiré  du  règne  végétal  et  terminant,  particulièrement  dans 
les  édifices  gothiques,  certains  membres  d'architecture  tels 
que  les  pignons,  les  pinacles  et  les  dais.  Les  architectes  de 
l'antiquité  classique  connurent  les  fleurons,  et  l'amortisse- 
ment de  la  coupole  du  monument  choragique  de  Lysicrates, 
à  Athènes  (V.  Choràgiques,  XI,  p.  229,  fig.  2),  amortis- 
sement qui  portait  un  trépied,  est  un  véritable  fleuron  ;  il 
en  est  de  même  de  la  fameuse  pomme  de  pin  colossale  en 
bronze  que  l'on  croit  avoir  couronné  le  tombeau  d'Adrien 
à  Rome.  Les  architectes  gothiques  ont  su  donner  à  leurs 
fleurons  bien  plantés,  fièrement  galbés  et  d'une  flore 
très  variée,  une  physionomie  franchement  végétale  et  per- 
mettant souvent  de  reconnaître  la  plante  dont  ils  s'étaient 
inspirés.  La  fig.  1  montre  un  de  ces  fleurons  du  milieu  du 
xnfl  siècle,  emprunté  à  l'un  des  pinacles  du  clocher  vieux 
de  la  tour  Sud  do  la  cathédrale  de  Chartres  et  présentant 
à  l'extrémité  des  arêtes  d'angles  de  ce  pinacle  une  réunion 
de  jeunes  feuilles  d'où  sort  une  tète  humaine,  fleuron  pris 
dans  une  seule  pierre  de  plus  de  1  m.  de  hauteur.  La 
fig.  2  représente  un  fleuron  duxme  siècle,  purement  végétal 
et  beaucoup  plus  développé,  qui  termine  un  arc-boutant 
du  chœur  de  l'église  de  Poissy  et  qui  semble  composé 
de  deux  efflorescences  réunies  par  une  bague  et  dont  la 
partie  supérieure  comprend  plusieurs  réunions  ou  rayons 
de  feuillages.  —  On  donne  aussi  le  nom  de  fleurons  aux 


FLEURON  —  FLEURUS 


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petites  rosaces  et  aux  petits  médaillons  plus  ou  moins  ornés, 
représentant  une  fleur  ou  un  bouton  de  fleur  au  milieu  de 
feuillage  et  décorant  le  gorgerin  du  chapiteau  dorique  ro- 
main, des  angles  de  caissons,  de  tables  ou  de  panneaux, 


Fig.  1. —  Fleuron  termi- 
nant un  pinacle  du  clo- 
cher vieux  de  la  ca- 
thédrale de  Chartres 
(xne  siècle). 


Fig.  2.—  Fleuron  ter- 
minant un  arc-bou- 
tant  du  chœur  de 
l'église  de  Poissy 
(xiii0  siècle). 


des  chambranles  ou  des  archivoltes  de  portes.  Ces  fleurons 
reçoivent  différents  noms  tirés  de  leurs  dispositions  parti- 
culières :  ainsi  les  fleurons  cruciformes,  lancéolés,  déta- 
chés, etc.  Charles  Lucas. 

IL  Typographie.  —  Ornement  représentant  le  plus  sou- 
vent des  feuilles  et  des  fleurs  que  Ton  place  dans  les  fron- 
tispices ou  dans  l'espace  blanc  laissé  à  la  fin  des  principales 
divisions  d'un  ouvrage.  Dans  ce  dernier  cas,  on  lui  donne 
ordinairement  le  nom  de  cal-de- lampe  (V.  ce  mot),  bien 
qu'il  affecte  peu  souvent  cette  forme. 

Bibl.  :  Typographie.  —  Théotiste  Lefèvre,  Guide  pra- 
tique du  compositeur  et  de  l'imprimeur  typographes, 
Paris,  1883. 

FLEURUS.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr.  de 
Charleroi  ;  5,500  hab.  Stat.  de  plusieurs  lignes  de  chemin 
de  fer;  exploitation  de  mines  et  carrières;  grand  commerce 
agricole.  On  y  ramasse  des  fragments  roulés  de  quartz 
hyalin,  connus  sous  le  nom  de  diamants  de  Fleurus. 
Les  archives  de  Fleurus  sont  considérables  et  dignes  d'in- 
térêt ;  il  n'en  existe  que  des  inventaires  manuscrits.  Les 
armoiries  de  Fleurus  sont  :  d'or  au  lion  de  sable,  armé, 
lampassé  et  couronné  de  gueules,  surmonté  et  accosté 
d'une  guirlande  de  fleurs. 

Batailles  de  Fleurus.—  La  position  de  Fleurus,  sur 
le  plateau  qui  domine  la  rive  gauche  de  la  Sambre,  lui  as- 
sure une  réelle  importance  stratégique.  Un  grand  nombre 
de  batailles  ont  été  livrées  dans  ces  parages,  et  quatre  ont 
reçu  le  nom  de  bataille  de  Fleurus.  Ce  sont  :  1°  celle  du 
29  août  1622  entre  les  Espagnols  et  les  protestants  alle- 
mands ;  2°  celle  du  1er  juil.  4690  entre  les  Français  et  les 
coalisés  allemands,  espagnols  et  hollandais  ;  3°  celle  du 
26  juin  4794  (8  messidor  an  II)  entre  les  Français  et  les 
Autrichiens  ;  4°  celle  du  46  juin  4845  entre  les  Français  et 
les  Prussiens.  Cette  dernière  étant  plus  connue  sous  le  nom 
de  bataille  de  Ligny,  nous  parlerons  seulement  des  trois 
autres.  La  première,  gagnée  par  l'armée  de  l'Union  protes- 


tante commandée  par  le  duc  Christian  de  Brunswick  et  le 
comte  de  Mansfeld  sur  les  Espagnols  du  général  Cordova  ; 
celui-ci  cherchait  à  couper  les  protestants  de  la  Hollande  ; 
ils  se  firent  jour  au  prix  de  pertes  sérieuses,  et,  unis  au 
prince  d'Orange,  ils  débloquèrent  Berg-op-Zoom. 

La  seconde  fut  gagnée  par  le  maréchal  de  Luxembourg 
sur  le  prince  de  Waldeck,  commandant  l'armée  de  la  coali- 
tion. Luxembourg  disposait  de  35,000  hommes,  Waldeck 
de  50,000  environ.  Le  général  français  passa  la  Sambre 
en  présence  de  l'ennemi  le  29  juin.  Il  détruisit  l'avant-garde 
de  Waldeck,  corps  de  cavalerie  commandé  par  le  comte 
Berlo,  puis  se  porta  sur  Fleurus  où  l'ennemi  avait  massé 
son  infanterie.  Luxembourg  prit  position  derrière  un  ravin, 
entre  Velaine  et  le  château  de  Melcourt  ;  Waldeck  plaça  sa 
gauche  entre  Wagnée  et  Saint-Amand,  sa  droite  entre  Hé- 
pignies  et  Wangenée,  derrière  deux  ruisseaux.  Au  matin 
du  1er  juil.  l'armée  française  déboucha  sur  cinq  colonnes, 
l'artillerie  au  centre  ;  les  impériaux  placèrent  leur  cavale- 
rie à  gauche,  devant  Fleurus,  puis  l'infanterie  entre  Fleu- 
rus et  Ligny  ;  l'aile  droite,  de  Ligny  à  Boignies.  Luxembourg 
s'aperçut  que  son  adversaire  avait  négligé  de  couvrir  son 
extrême  gauche  et  résolut  de  le  tourner.  Il  porta  de  ce  côté 
toute  la  cavalerie  de  son  aile  droite ,  comblant  les  vides 
par  les  renforts  qui  lui  arrivaient  ;  en  même  temps,  son 
aile  gauche,  cavalerie  et  infanterie,  occupait  le  village  de 
Fleurus,  et  son  artillerie  se  portait  entre  Fleurus  et  Saint- 
Amand  ;  cette  attaque  de  front  absorbant  l'attention  de  Wal- 
deck, Luxembourg  fila  avec  sa  cavalerie,  passa  le  ruisseau 
de  Ligny  et  l'attaqua  par  derrière.  La  cavalerie  impériale, 
la  seconde  ligne  et  la  réserve  essayèrent  de  l'arrêter  près 
de  Wagnée,  mais  furent  mises  en  déroute.  Au  centre,  la 
bataille  fut  chaude  ;  l'infanterie  hollandaise  résista  admi- 
rablement, et  l'artillerie  fit  de  grands  ravages  dans  les  rangs 
français.  Les  impériaux  s'efforçaient  de  reprendre  l'offen- 
sive de  ce  côté  et  de  déboucher  hors  des  villages  où  on  les 
avait  refoulés.  Ils  n'y  purent  parvenir.  Luxembourg,  pour 
en  finir,  ordonna  au  duc  du  Maine  de  rallier  sa  cavalerie 
etde  déborder  le  front  de  l'ennemi.  Le  mouvement  concen- 
trique de  toutes  les  forces  françaises  eût  enveloppé  com- 
plètement l'armée  impériale  qui  ne  pouvait  faire  de  trouée 
au  centre.  C'est  alors  que  Waldeck,  sentant  le  danger, 
donna  le  signal  de  la  retraite.  Il  se  retira  sur  Charleroi,  où 
il  ne  ramenait  que  le  tiers  de  son  armée.  L'infanterie  hol- 
landaise résista  jusqu'au  bout  et  refusa  de  se  rendre  ;  son 
chef  répondit  à  la  sommation  de  Luxembourg  qu'en  mou- 
rant les  armes  à  la  main  il  voulait  mériter  l'estime  d'un 
si  grand  homme.  Elle  fut  taillée  en  pièces,  mais  infligea 
de  grosses  pertes  à  la  cavalerie  française.  Les  détache- 
ments laissés  par  Waldeck  dans  les  villages  et  châteaux 
voisins  durent  se  rendre.  L'armée  impériale  perdit  ainsi 
6,000  morts,  44,000 prisonniers,  presque  toute  son  artille- 
rie (environ  90  canons)  et  420  drapeaux  ;  Luxembourg  y 
gagna  le  surnom  de  tapissier  de  Notre-Dame.  L'armée 
française  perdit  4,000  hommes  ;  parmi  ses  morts  était  l'in- 
génieur Dumetz,  émule  de  Vauban.  Cette  brillante  victoire, 
qui  fit  au  maréchal  le  plus  grand  honneur,  demeura  sans 
résultat.  Louvois  lui  retira  les  40,000  hommes  de  Boufflers 
qui  l'avaient  renforcé,  et,  du  côté  opposé,  le  prince  de  Wal- 
deck reçut  à  Bruxelles  des  renforts  considérables,  de  telle 
sorte  que  le  vainqueur  se  trouva  réduit  à  la  défensive. 

La  troisième  bataille  de  Fleurus,  qui  est  de  beaucoup 
la  plus  célèbre,  fut  gagnée  par  Jourdan,  le  26  juin  4794, 
sur  les  Autrichiens  commandés  par  le  duc  de  Cobourg. 
Jourdan,  commandant  de  l'armée  de  la  Moselle,  ayant 
réussi  à  se  dérober  à  l'ennemi,  s'était  porté  de  la  vallée 
de  la  Moselle  aux  bords  de  la  Sambre,  puis,  réunissant 
son  armée  à  celle  des  Ardennes  et  à  des  divisions  de 
l'armée  du  Nord,  en  avait  formé  la  célèbre  armée  de 
Sambre-et-Meuse.  Kléber  et  Marceau,  qui  venaient  de 
s'illustrer  en  Vendée ,  servaient  dans  ses  rangs.  Après 
être  parvenu  à  passer,  avec  80,000  hommes,  la  Sambre 
dont  on  avait  déjà  tenté  quatre  fois  le  passage  sans  succès, 
Jourdan  se  porta  sur  Charleroi  qui  capitula  le  25  juin. 


—  607  — 


FLEURUS  —  FLEURY 


Jourdan  avait  donné  à  son  armée  la  forme  d'un  demi- 
cercle  dont  les  deux  extrémités  s'appuyaient  à  la  Sambre, 
en  amont  et  en  aval  de  Charleroi.  Il  avait  donc  une 
rivière  à  dos.  Le  centre  s'avançait  jusqu'à  Gosselies,  à 
plus  d'une  lieue  de  Charleroi.  L'armée  de  Gobourg  dé- 
passait 80,000  hommes.  Si  ce  général  eût  accablé,  avec 
la  plus  grande  partie  de  ses  forces,  un  point  de  la  ligne 
de  Jourdan,  la  position  de  celui-ci  eût  été  fort  com- 
promise, avec  une  ligne  de  retraite  aussi  précaire  que  la 
sienne  ;  heureusement  le  prince  dissémina  ses  troupes  en 
5  corps  et  9  colonnes  qui  marchèrent  sur  nos  positions  le 
26  juin  au  point  du  jour.  Le  corps  de  droite  avait  à  sa  tête 
le  prince  d'Orange;  le  deuxième,  le  général  Quasdanowich; 
le  troisième,  Kaunitz  ;  le  quatrième,  l'archiduc  Charles  ; 
enfin  le  cinquième  ou  corps  de  gauche,  Beaulieu.  Bientôt 
le  combat  fut  engagé  sur  toute  la  ligne.  A  notre  gauche 
la  fortune  se  déclara  d'abord  pour  les  Autrichiens  qui 
nous  enlevèrent  Fontaine-l'Evêque  et  le  château  de  Vespe, 
mais  bientôt  elle  tourna  en  notre  faveur,  et  le  prince 
d'Orange,  après  s'être  épuisé  en  attaques  successives  contre 
le  général  Daurier  sans  pouvoir  avancer  davantage,  fut 
forcé  de  se  mettre  en  retraite.  En  avançant  vers  la  droite 
on  voit  le  général  Montaigu,  moins  heureux  que  Daurier, 
forcé  de  se  replier  sur  Marchiennes  et  d'y  traverser  la 
Sambre.  MaisKléber  est  de  ce  côté;  ayant  remarqué  dans 
les  troupes  autrichiennes  un  mouvement  d'hésitation  pro- 
duit par  la  retraite  du  prince  d'Orange,  il  se  précipite  sur 
leur  gauche  avec  la  brigade  Duhesme,  et  lance  Bernadotte 
sur  leur  droite.  Les  choses  sont  bientôt  rétablies  et  nos 
positions  recouvrées.  Au  centre,  Quasdanowich  a  égale- 
ment échoué  ;  quand  il  apprend  la  défaite  de  Cobourg,  il  se 
retire  entre  Frasne  et  Genappe.  A  notre  droite,  où  se 
portent  les  principaux  efforts  de  l'ennemi,  Championnet 
est  d'abord  forcé  de  reculer  devant  Kaunitz;  Jourdan, 
averti  par  les  aérostiers  dont  le  ballon  plane  au-dessus 
du  champ  de  bataille,  accourt  sur  ce  point  avec  six  batail- 
lons et  six  escadrons  de  la  réserve,  et  Championnet  rentre 
au  pas  de  charge  dans  ses  positions.  Le  nœud  de  la  ba- 
taille est  à  notre  extrême  droite.  Là,  les  troupes  légères  du 
général  Lefebvre  ont  été,  dès  le  matin, refoulées  par  l'archi- 
duc Charles  ;  elles  se  retirent  derrière  les  retranchements 
qui  abritent  le  gros  de  la  division,  et  où  toutes  les  attaques 
de  l'ennemi  sont  repoussées.  Dès  que  les  colonnes  assail- 
lantes du  prince  sont  arrêtés  par  la  mitraille,  elles  sont 
chargées  furieusement  par  nos  cavaliers  qui  surgissent  de 
tous  les  intervalles  de  la  ligne  et  les  poussent  Fépée  dans 
les  reins.  Mais  Marceau  n'a  pas  eu  le  même  succès  contre 
les  attaques  de  Beaulieu  ;  il  a  peine  à  se  maintenir  dans  les 
jardins  de  Lambusart  ;  ses  cavaliers  sont  sabrés  et  rame- 
nés, la  division  Mayer  a  même  repassé  la  Sambre  en  dé- 
sordre, Lefebvre,  découvert  sur  sa  droite,  recule  et  fait 
face  à  droite  d'une  partie  de  ses  troupes  appuyées  par  une 
batterie  de  douze  pièces.  C'est  que  Beaulieu  attaque  avec 
une  énergie  furieuse,  pour  arriver  à  tourner  notre  droite 
et  à  nous  prendre  à  revers.  Il  parvient  ainsi  à  enlever 
Lambusart,  mais  ne  peut  avancer  au  delà.  Ne  laissant  alors, 
qu'un  rideau  de  troupes  de  ce  côté,  il  se  porte  vers  sa 
gauche  pour  tourner  la  position  avec  trois  fortes  colonnes  ; 
c'est  son  dernier  atout.  Lefebvre  l'attend  à  demi-portée 
de  canon  et  repousse  trois  assauts  successifs,  en  jonchant 
le  terrain  des  morts  de  l'ennemi  :  «  Le  carnage  était  hor- 
rible, dit  l'historien  A.  Hugo,  l'opiniâtreté  égale  des  deux 
parts  ;  les  feux  croisés  des  deux  artilleries  avaient  incen- 
dié les  blés  et  les  baraques  du  camp,  et  les  bataillons 
combattaient  au  milieu  des  flammes  et  des  tourbillons  de 
fumée.  »  De  toutes  parts,  des  caissons  éclataient,  atteints 
par  le  feu  ;  Jourdan  était  là,  au  plus  fort  du  danger,  en- 
courageant ses  soldats  par  son  exemple.  Le  mot  de  retraite 
ayant  été  prononcé  :  «  La  retraite  !  s'écria  le  général  en 
chef.  Pas  de  retraite  !  Aujourd'hui  la  mort  ou  la  victoire  î  » 
Ces  paroles  héroïques  trouvent  de  l'écho  ;  mille  voix  les 
répètent  ;  le  courage  revient  plus  grand  encore  ;  nos  admi- 
rables généraux  républicains,  habiles  à  saisir  cet  instant 


d'enthousiasme,  se  mettent  avec  une  nouvelle  ardeur  à  la 
tête  des  troupes,  et  bientôt  Lefebvre  a  repris  Lambusart. 
A  six  heures,  le  brave  Beaulieu  abandonne  enfin  la  partie, 
mais  en  frémissant  et  sur  un  ordre  exprès  du  duc  de  Co- 
bourg. 

Telle  fut  la  bataille  de  Fleurus ,  l'une  des  deux 
grandes  victoires  républicaines  qui  sauvèrent  le  pays  de 
l'invasion  étrangère;  l'autre  est  la  bataille  de  Zurich.  Elle 
nous  coûtait  6,000  hommes  et  40,000  à  l'ennemi.  La 
France  en  ressentit  une  joie  inexprimable;  partout  éclatèrent 
des  transports  d'allégresse  ;  c'est  une  des  plus  belles 
pages  de  l'histoire  de  nos  guerres.  Il  ne  faut  pas  oublier 
que  le  jeune  conventionnel  Saint-Just,  en  mission  à  l'ar- 
mée de  Jourdan,  avait  tout  fait  pour  relever  le  courage  et 
exalter  l'ardeur  patriotique  de  cette  armée  que  quatre  ten- 
tatives infructueuses  de  passage  de  la  Sambre  n'avaient  pu 
affaiblir.  «  Charleroi  !  Charleroi  !  répétait-il,  en  arpentant 
la  salle  du  conseil  des  généraux,  la  veille  de  la  troisième 
tentative,  il  faut  demain  une  victoire  à  la  République  !  » 
Cette  victoire  se  fit  attendre  un  mois  encore,  mais  elle  vint 
enfin  complète  et  radieuse.  Les  alliés  évacuèrent  la  Bel- 
gique et  bientôt  les  troupes  de  la  République  entraient  à 
Bruxelles. 

FLEURUS.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Oran,  à 
21  kil.  S.-E.  de  la  ville  d'Oran,  fondé  sur  l'emplacement 
appelé  par  les  indigènes  Hassi  er  Kir  pour  y  installer  une 
des  colonies  de  4848.  Après  de  pénibles  commencements, 
le  village  est  entré  dans  une  voie  de  réelle  prospérité.  Il 
a  une  superficie  de  1,284-  hect.  dont  près  de  la  moitié  en 
vignes,  avec  une  pop.  de  1,262  hab.  presque  tous  Euro- 
péens; les  Espagnols  y  comptent  pour  710  individus  et  les 
Français  pour  237.  E.  Cat. 

FLEURY.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Soissons, 
cant.  de  Villers-Cotterets  ;  154  hab. 

FLEURY,  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Narbonne, 
cant.  de  Coursan;  2,220  hab.  Vignobles,  distilleries  d'eau- 
de-vie,  carrière  de  grès.  —  En  1736,  ce  village,  qui 
s'appelait  Pérignan,  fut  érigé  en  duché  pairie  en  faveur 
d'un  neveu  du  cardinal  Fleury  dont  il  prit  le  nom. 

FLEURY.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  d'Avranches, 
cant.  de  Viiledieu-les-Poêles  ;  837  hab. 

FLEURY.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beauvais, 
cant.  de  Chaumont;  302  hab.  La  façade  de  l'église  date  du 
xiie  siècle  et  le  chœur  de  1557. 

FLEURY.  Corn,  du  dép.  du Pas-de-Cala;s,  arr.  de  Saint- 
Pol-sur-Ternoise,  cant.  de  Heuchin  ;  182  hab. 

FLEURY.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Amiens, 
cant.  de  Conty;  246  hab. 

FLEURY-aux-Choux.  Corn,  du  dép.  du  Loiret,  arr.  et 
cant.  (N.-O.)  d'Orléans;  1,733  hab. 

FLÊURY-devant-Donàumont  ou  en-Argonne.  Corn,  du 
dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Verdun-sur-Meuse,  cant.  de 
Charny;  425  hab. 

FLEURY-en-Bière.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  et  cant.  (S.)  de  Melun,  sur  un  affluent  de  l'Ecole; 
498  hab.  Château  en  pierre  et  en  brique  construit  sous 
Henri  II  et  embelli  par  Richelieu. 

FLEURY-la-Forêt.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des 
Andelys,  cant.  de  Lyons-la-Forêt  ;  521  hab. 

FLEURY-la-Montagne.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire, 
arr.  de  Charolles,  cant.  de  Semur-en-Brionnais  ;  1,212  hab. 

FLEURY-la-Rivière.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr. 
et  cant.  d'Epernay,  sur  le  versant  d'une  colline  dominant 
le  Brunet,  affluent  de  la  Marne;  820  hab.  Exploitation  de 
carrières  de  sable  pour  les  verreries. 

FLEURY-Ménagis.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
de  Corbeil,  cant.  de  Longjumeau  ;  180  hab. 

FLEURY-sur-Aire.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de 
Bar-le-Duc,  cant.  de  Triaucourt  ;  256  hab. 

FLEUR  Y-sur-  Andelle.C1i.-1.  de  cant.  du  dép.  de  l'Eure, 
arr.  des  Andelys;  1,373  hab.  Filatures  de  coton.  Impri- 
meries d'indiennes.  Eglise  de  style  gothique  en  brique  re- 
construite  en  1846,  surmontée  d'une  tour  pyramidale 


FLEURY 


608 


flanquée  de  clochetons.  Il  s'y  trouve  un  tableau  de  Cour- 
bet, le  Couronnement  de  la  Vierge. 

FLEURY-sur-Loire.  Corn,  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr. 
de  Nevers,  cant.  de  Decize  ;  499  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  P.-L.-M.  Eglise  du  xne  siècle  ;  fonts  baptismaux 
du  xvie  siècle.  Château  de  la  Motte-Farchat,  de  la  Renais- 
sance. 

FLEURY-sur-Loire  (Abbaye  de).  Abbaye  bénédictine 
autour  de  laquelle  s'est  développée  la  ville  actuelle  de  Saint- 
Benoît-sur-Loire,  corn,  de  l'arr.  de  Gien  (Loiret).  Cette 
abbaye  fut  fondée  par  Léodebald,  abbé  de  Saint-Agnan 
d'Orléans,  sous  le  règne  de  Clovis  IL  La  basilique,  qui 
servit  de  centre  au  monastère,  fut  d'abord  dédiée  à  saint 
Pierre.  La  tradition  rapporte  que  sous  l'abbé  Mummoleeut 
lieu  la  translation  du  Mont-Cassin  à  Fleury  du  corps  de 
saint  Benoît,  d'où  le  nom  de  Saint- Benoît-de-Fleury  que 
prit  le  monastère.  La  présence  d'un  saint  aussi  vénéré 
attira  à  l'abbaye  les  faveurs  des  papes,  des  rois  et  des 
grands.  Les  richesses  de  l'abbaye  devinrent  considérables. 
Les  pèlerins  accouraient  de  toutes  parts.  La  vie  monastique 
s'y  développa  si  bien  que  le  pape  Léon  VII  la  qualifiait  la 
tête  de  tous  les  monastères  de  la  Gaule.  Au  commencement 
du  xvne  siècle,  il  n'y  avait  plus  que  quelques  religieux. 
Sous  l'influence  du  cardinal  de  Richelieu,  qui  reçut  l'abbaye 
en  1621,  elle  fut  affiliée  à  la  congrégation  de  Saint-Maur. 
Le  dernier  abbé  fut  l'archevêque  de  Bourges,  Georges-Louis 
Phélypeaux. 

Sous  les  Carolingiens  et  les  premiers  Capétiens,  le  mo- 
nastère de  Saint-Benoît  fut  un  centre  littéraire  des  plus 
actifs.  Une  école  y  prit  naissance  sous  Charlemagne  et  se 
développa  rapidement  sous  l'influence  de  Théodulfe,  évêque 
d'Orléans.  Cependant  le  monastère  fut  ravagé  par  les 
Normands  en  853,  854,  863,  877  et  878.  L'abbé  de 
Cluny,  Odon,  y  réforma,  en  930,  la  discipline  ecclésias- 
tique et  provoqua,  par  cette  reforme,  la  renaissance  des 
études  littéraires.  C'est  sous  la  direction  d'Abbon,  d'abord 
écolâtre,  puis  abbé,  que  les  écoles  de  Fleury  atteignirent 
leur  apogée  à  la  fin  du  xe  siècle.  Un  grand  nombre  d'ou- 
vrages historiques  et  littéraires  furent  composés  à  Saint- 
Benoît.  Adrevald  entreprit,  au  ixe  siècle,  d'écrire  le  récit 
des  miracles  arrivés  au  tombeau  de  saint  Benoît  (V.  les 
Miracles  de  saint  Benoît,  publiés  par  E.  de  Certain  ; 
Paris,  1858,  in-8,  Soc.  de  VHist.  de  France).  Il  cessa 
d'écrire  vers  878.  Aimoin  continua  son  œuvre.  Il  composa 
aussi  les  Gestes  des  Francs,  une  Histoire  des  abbés  et  la 
Vie  d'Abbon.  André  de  Fleury  continua,  en  1043,  la 
rédaction  des  Miracles;  Raoul  Tortaire,  né  en  1063,  puis 
Hugues  de  Sainte-Marie  ou  de  Fleury  lui  succédèrent  dans 
cette  œuvre.  C'est  à  la  même  abbaye  qu'appartenait  Hel- 
gaud,  auteur  de  la  Vie  du  roi  Robert.  La  bibliothèque 
de  Fleury  était  particulièrement  riche.  Elle  fut  en  partie 
détruite  par  les  calvinistes  en  4561.  Daniel,  bailli  de 
Saint-Benoît,  sauva  un  certain  nombre  de  manuscrits  ; 
mais,  une  fois  la  paix  rétablie,  il  n'en  restitua  qu'un  petit 
nombre.  Ce  sont  ceux-là  qui  sont  aujourd'hui  à  la  biblio- 
thèque municipale  d'Orléans.  Quant  aux  manuscrits  que 
Daniel  s'appropria,  il  les  vendit  à  Paul  Petau  et  à  Jacques 
Bongars.  Petau  ayant  vendu  sa  bibliothèque  à  la  reine 
Christine  de  Suède,  les  manuscrits  de  Fleury  qu'il  avait 
acquis  ont  passé  avec  les  autres  manuscrits  de  la  reine  de 
Suède  à  la  bibliothèque  du  Vatican.  Les  manuscrits  de 
Bongars,  donnés  par  lui  à  un  Strasbourgeois  nommé  Gra- 
civet,  sont  maintenant  conservés  dans  la  bibliothèque  de 
Berne  (V.  le  catalogue  de  cotte  bibliothèque  par  le 
Dv  Hagen). 

Des  bâtiments  de  l'abbaye,  il  ne  reste  que  l'église,  mais 
c'est  un  monument  considérable  et  l'un  des  plus  remar- 
quables parmi  les  édifices  romans  du  xne  siècle  en  France. 
Elle  est  précédée  d'un  porche  servant  de  base  à  une  tour, 
soutenu  par  cinquante  colonnes  adossées  à  seize  grosses 
piles  qui  forment  trois  travées  dans  tous  les  sens  ;  les  cha- 
piteaux sont  historiés.  On  remarque  aussi,  à  l'extérieur, 
une  porte  percée  au  xme  siècle  dans  le  collatéral  du  nord  ; 


elle  est  ornée  de  grandes  statues  de  patriarches  et  de  pro- 
phètes ;  dans  le  tympan,  un  bas-relief  représente  le  Christ 
triomphant  ;  sur  le  linteau  sont  sculptées  des  scènes  de  la 
translation  du  "  corps  de  saint  Benoît.  La  nef  centrale,  à 
laquelle  on  n'accède  du  porche  que  par  une  seule  porte,  est 
voûtée  sur  croisée  d'ogives  ;  cette  nef,  du  xme  siècle,  est 
moins  ancienne  que  le  chœur,  terminé  par  une  abside  en 
cul-de-four.  On  remarque  dans  l'église  le  tombeau  du  roi 
Philippe  Ier,  œuvre  du  xme  siècle/  M.  Prou. 

Bibl.  :  Gallia  christiana,  t.  VIII,  col.  1538.  —  L'abbé 
Rocher,  Histoire  de  l'abbaye  de  S aint-Benoît- sur-Loire  ; 
Orléans,  1865,  in-8.  —  L.  Delisle,  Vie  de  Gauzlin,  abbé 
de  Fleury  et  archevêque  de  Bourges,  dans  Bull,  de  la 
Soc.  archéolog.  de  l'Orléanais.  1853,  t.  II,  p.  257.  —  Cuis- 
sard-Gaucheron,  l'Ecole  de  Fleury-sur-Loire  à  la  fin  du 
x°  siècle  et  son  influence,  clans  Bull,  de  la  Soc.  archéol. 
de  l'Orléanais,  1875.  t.  XIV,  p.  551.  —  Cuissard,  V Etude 
du  grec  à  Orléans,  ibid.,  1883,  t.  XIX,  p.  645.  —  Du  même, 
Inventaire  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  d'Orléans, 
fonds  de  Fleury  ;  Orléans,  1885,  in-8. 

FLEURY-Vallée-d'Aillant.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne, 
arr.  deJoigny,  cant.  d'Aillant-sur-Tholon ;  4,180 hab. 

FLEURY  (Claude),  prieur  de  Notre-Dame  d'Argenteuil, 
né  à  Paris  en  1640,  mort  en  1723.  Fils  d'un  avocat  au 
conseil,  qui  était  originaire  de  Rouen,  il  fut  reçu  lui-même 
avocat  au  parlement  en  1658,  et  il  exerça  cette  profession 
pendant  neuf  ans.  Il  reste  des  mémoires  signés  de  lui  pen- 
dant cette  période  de  sa  vie.  On  ne  sait  pas  exactement  en 
quelle  année  il  entra  dans  les  ordres,  mais  il  avait  déjà 
reçu  la  prêtrise  en  1672,  lorsque  l'éducation  des  fils  du 
prince  de  Conti  lui  fut  confiée.  En  1680,  il  fut  nommé 
précepteur  du  comte  de  Vermandois,  fils  naturel  de 
Louis  XIV  et  de  Mlle  de  La  Vallière,  qui  mourut  en  1683. 
Le  roi  récompensa  ses  services  en  lui  donnant  l'abbaye 
cistercienne  de  Loc-Dieu  (1684).  Il  accompagna  plus  tard 
Fénelon  dans  sa  mission  contre  les  protestants  du  Poitou  ; 
et  lorsque  celui-ci  devint  précepteur  du  duc  de  Bourgogne 
(16  août  1689),  il  lui  fut  adjoint  en  qualité  de  sous-pré- 
cepteur de  ce  prince  et  des  ducs  d'Anjou  et  de  Berry.  Leur 
éducation  achevée,  Fleury  fut  nommé  prieur  de  Notre- 
Dame  d'Argenteuil  ;  donnant  un  exemple,  alors  fort  rare, 
de  fidélité  aux  prescriptions  canoniques,  il  résigna  l'abbaye 
de  Loc-Dieu.  En  1696,  il  fut  élu  à  l'Académie  pour  suc- 
céder à  La  Bruyère.  Quand  survint  l'affaire  du  quiétisme, 
il  faillit  être  compris  dans  la  disgrâce  de  Fénelon  ;  mais 
Bossuet,  qui  le  connaissait  bien,  répondit  de  son  ortho- 
doxie. Lorsqu'il  était  encore  avec  les  princes  de  Conti, 
Fleury  avait  été  admis  aux  conférences  de  Bossuet  et  y 
faisait  ordinairement  fonction  de  secrétaire  ;  il  avait  aussi 
traduit  en  latin  l'Exposition  de  la  doctrine  de  l'Eglise 
catholique,  et  Bossuet  avait  revu  lui-même  cette  version 
de  son  œuvre  (Anvers,  1678,  in-d2).  Depuis  longtemps, 
Fleury  ne  s'occupait  plus  que  de  ses  études  religieuses, 
lorsque  en  1716  le  régent  le  rappela  à  la  cour,  pour  être 
le  confesseur  du  jeune  roi  Louis  XV.  On  raconte  qu'à  cette 
occasion,  le  régent  lui  dit  :  «  Je  vous  ai  choisi  parce  que 
vous  n'êtes  ni  janséniste,  ni  moliniste,  ni  ultramontain.  » 
Fleury  remplit  avec  discrétion  cette  délicate  fonction  et 
s'en  démit  en  1722,  à  cause  de  son  grand  âge,  un  an  avant 
sa  mort.  —  Sa  piété  et  sa  modestie,  sa  droiture  et  sa 
science  sont  incontestées  même  par  ceux  qui  réprouvent 
les  conclusions  gallicanes  de  ses  écrits. 

Œuvres  principales  :  Histoire  du  droit  français  (Pa- 
ris, 1674,  in-12);  sous  le  titre  de  Précis  historique  dît 
droit  français  (Paris,  1826,  in-12),  Dnpin  en  a  donné 
une  édition  qui  continue  l'exposition  jusqu'en  1 789  ;  Ins- 
titution au  droit  ecclésiastique  ;  les  deux  premières  édi- 
tions (Paris,  1677,  1687,  2  vol.  in-8)  ont  été  publiées 
sous  le  pseudonyme  do  Bonnel  ;  à  partir  de  1704,  éditions 
sous  le  nom  de  Fleury;  Mœurs  des  israélites  (Paris, 
1681,  in-12);  Mœurs  des  chrétiens  (Paris,  1682,  in-12); 
Catéchisme  historique  (Paris,  1682,  in-12),  approuvé 
par  Bossuet  en  1683,  traduit  en  plusieurs  langues,  nom- 
breuses éditions  ;  Vie  de  la  vénérable  mère  Marguerite 
d'Arbouze,  abbesse  et  réformatrice  du  Val-de-Grâce 


(Paris,  1684,  in-8);  Traité  du  choix  et  de  la  méthode 
des  études  (Paris,  4686,  in-42),  document  intéressant 
pour  l'histoire  de  l'enseignement  au  x\ne  siècle;  Devoirs 
des  maîtres  et  des  domestiques  (Paris,  4688,  in-42),  à 
consulter  pour  l'étude  des  relations  sociales  à  cette  époque  ; 
Histoire  ecclésiastique  (Paris,  4791  et  suiv.,  20  vol. 
in- 4);  Fleury  a  travaillé  pendant  trente  ans  à  cet  ouvrage, 
et  l'a  mené  à  l'an  4444  ;  lorsqu'il  a  été  réimprimé  en  4840 
(Paris,  6  vol.  gr.  in-8),  on  a  ajouté  quatre  livres  inédits 
qui  conduisent  la  narration  jusqu'en  4517;  antérieure- 
ment, le  P.  Fabre  avait  composé  une  continuation  fort  mé- 
diocre allant  jusqu'à  4598  (Paris,  4726  et  suiv.,  46  vol. 
in-4);  Discours  sur  l'histoire  ecclésiastique  (Paris,  4708, 
4758,  2  vol.  in-42);  Discours  sur  la  poésie  des  Hébreux 
(Paris,  4742,  in-4 2);  Discours  sur  les  libertés  de 
l'Eglise  gallicane  (Paris,  4724,  in-42),  souvent  interpolé 
pour  les  besoins  de  la  jurisprudence  parlementaire;  la 
seule  édition  qui  paraisse  fidèle  a  été  donnée  par  l'abbé 
Emery  (Paris,  4807,  in-42)  ;  Discours  sur  la  prédication 
(Paris,  4733,  in-42);  Traité  du  droit  public  en  France 
(Paris,  4769,  in-42);  te  Soldat  chrétien  (Paris,  4772, 
in-42);  Opuscules  de  l'abbé  Fleury,-  recueillis  par  Ron- 
det  (Nîmes,  4780,  5  vol.  in-8);  Nouveaux  Opuscules  de 
Fleury,  publiés  par  Emery  (Paris,  4807,  in-8);  Œuvres 
de  V abbé  Fleury  (Paris,  4837,  gr.  in-8).  Le  Catéchisme 
historique,  V  Institution  au  droit  ecclésiastique,  Y  His- 
toire ecclésiastique  ont  été  mis  à  V index  à  Rome.  La 
bibliothèque  de  Cambrai  possède  en  manuscrit  une  Histoire 
de  France  par  Fleury,  composée  pour  les  Enfants  de 
France.  E.-H.  Yollet. 

FLEURY  (André-Hercule  de),  cardinal  et  homme  d'Etat 
français,  né  à  Lodève  le  26  juin  4653,  mort  à  Paris  le 
29  janv.  4743.  Fils  d'un  receveur  des  décimes  de  sa  ville 
natale,  Fleury  vint  à  Paris  très  jeune  et  fit  de  bonnes 
études  chez  les  jésuites,  au  collège  de  Clermont  d'abord, 
ensuite  à  celui  d'Harcourt.  Entré  dans  les  ordres,  il  fut 
pourvu  d'un  canonicat  à  Montpellier  dès  4668  ;  puis,  par 
la  protection  de  Bonsy  (V.  ce  nom),  il  devint  aumônier 
de  Marie-Thérèse  en  4679.  Ce  fut  l'origine  de  sa  prodi- 
gieuse fortune.  Introduit  par  sa  charge  dans  le  monde  de 
la  cour,  il  assista  à  l'assemblée  du  clergé  de  4682  et  devint 
aumônier  du  roi  après  la  mort  de  la  reine  (4683).  Ce 
prince,  après  lui  avoir  donné  successivement  l'abbaye  de  la 
Rivour  (4686)  et  l'évêché  deFréjus  (4698),  où  Fleury  se 
conduisit  très  habilement  pendant  l'invasion  sarde,  le  dé- 
signa, par  un  codicille  du  23  août  4745,  pour  être  pré- 
cepteur du  dauphin.  Fleury,  qui  venait  de  se  démettre  de 
son  siège  épiscopal  et  avait  obtenu  en  échange  la  riche 
abbaye  de  Tournus,  se  consacra  tout  entier  à  ses  nouvelles 
fonctions,  bien  décidé  à  tirer  de  l'influence  qu'elles  lui  don- 
naient tout  le  parti  possible.  Par  une  indulgence  insi- 
nuante, il  s'attacha  complètement  l'esprit  de  son  royal 
élève  et  l'habitua  insensiblement  à  ne  pouvoir  se  passer  de 
lui.  Aussi,  quand  en  août  4722  Villeroy,  dont  Fleury 
avait  été  le  protégé,  fut  exilé  à  Lyon,  le  jeune  prince  rap- 
pela-t-il  par  une  lettre  de  sa  main  son  précepteur  qui  avait 
cru  devoir  suivre  le  maréchal  dans  sa  disgrâce.  Quand  le 
roi  eût  été  déclaré  majeur  et  Dubois  premier  ministre, 
Fleury  eut  entrée  au  conseil  d'Etat  que  Louis  XV  était 
censé  présider  et  où  ne  se  trouvaient,  avec  lui  et  Dubois, 
que  les  ducs  d'Orléans,  de  Chartres  et  de  Rourbon  (févr. 
1723).  Après  la  mort  du  régent,  il  ne  jugea  pas  le  mo- 
ment venu  de  prendre  le  ministère,  et  ce  fut  sur  ses  con- 
seils que  le  roi  le  donna  au  duc  de  Rourbon  (2  déc.  4723). 
Il  resta  dans  l'ombre  pendant  le  ministère,  de  ce  prince, 
très  puissant  en  réalité,  mais  ne  se  signalant  que  par  son 
hostilité  contre  les  jansénistes.  Le  duc  de  Rourbon  essaya 
de  lutter  contre  son  influence  occulte.  Fleury  feignit  de  se 
retirer  à  Issy  ;  le  roi  l'ayant  fait  rappeler,  il  comprit  qu'il 
n'y  avait  plus  à  hésiter.  Le  duc  de  Rourbon  fut  exilé  à 
Chantilly  (44  juin  4726)  et  Fleury  resta  désormais  sans 
rival  maître  du  pouvoir.  Il  ne  prit  cependant  pas  le  titre 
de  premier  ministre  et  se  contenta  du  chapeau  de  cardinal 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


—  609  —  FLEURY 

(sept.  4726),  laissant  Louis  XV  dire  qu'il  voulait  être  dé- 
sormais son  propre  premier  ministre,  comme  Louis  XIV. 
Il  y  a  à  distinguer  dans  le  ministère  Fleury  la  politique 
intérieure  et  la  politique  extérieure.  Si  la  première  fut  sans 
grandeur,  elle  ne  fut  pas  sans  utilité  et  sans  mérite.  En 
gouvernant  le  moins  possible,  Fleury  arriva  à  donner  à  la 
nation  quelques  années  de  réelle  prospérité. 

Econome  par  nature,  Fleury  opéra  de  fortes  réductions 
sur  les  dépenses.  Grâce  à  l'augmentation  du  bail  des  grosses 
fermes,  grâce  au  développement  du  commerce,  il  put  faire 
ces  économies  non  seulement  sans  augmenter  les  impôts, 
mais  même  en  les  réduisant.  Les  tailles  furent  diminuées, 
le  cinquantième  modifié,  puis  supprimé  complètement  (juil. 
4727),  la  fixité  des  monnaies  établie,  on  peut  dire  défini- 
tivement, par  la  déclaration  du  45  juin  4726.  En  re- 
vanche, Fleury  capitula  au  sujet  du  cinquantième  devant 
l'inconcevable  opposition  du  clergé,  et  lui  accorda  d'être 
exempté  de  cet  impôt  (8  oct.  4726).  De  même,  il  réduisit 
les  rentes  en  août  4726,  mesure  vexatoire  et  inique,  mais 
à  l'aide  de  laquelle  il  parvint  cependant  à  combler  une 
partie  des  déficits  antérieurs.  La  corvée  royale,  rétablie 
en  4733,  fut  également  très  dure  pour  la  population,  au 
moins  dans  certaines  intendances,  mais  elle  aboutit  à  déve- 
lopper considérablement,  le  réseau  des  voies  de  communi- 
cation. Cette  administration,  en  somme  sage  et  prudente, 
permit  au  commerce  et  à  l'industrie  de  prendre  un  grand 
accroissement.  D'après  Voltaire,  la  marine  marchande  en 
arriva  à  compter  4,800  vaisseaux  en  4738,  au  lieu  de 
300  en  4745.  C'est  de  cette  époque  que  date,  on  peut  le 
dire,  la  ville  de  Lorient.  La  politique  de  Fleury  fut  plus 
discutable  au  point  de  vue  religieux.  Il  laissa  persécuter 
les  jansénistes.  L'évêque  de  Senez,  Soanen,  fut  condamné 
au  concile  d'Embrun  (4727),  et  les  derniers  docteurs  jan- 
sénistes de  la  Sorbonne  durent  se  retirer  à  Utrecht.  Il  est 
vrai  de  dire  que,  grâce  à  la  persécution,  le  jansénisme 
tendait  de  plus  à  cesser  d'être  un  parti  religieux  pour 
devenir  un  parti  politique  dont  les  parlementaires  se  ser- 
virent habilement  pour  accroître  leur  popularité  et  leur 
influence  ;  il  est  vrai  aussi  qu'il  n'avait  plus  les  grands 
caractères  qui  l'avaient  honoré  au  siècle  précédent,  et  que  les 
folies  des  convulsionnaires  au  tombeau  du  diacre  Paris 
(4732),  comme  les  polémiques  des  Nouvelles  ecclésias- 
tiques, n'étaient  pas  faites  pour  ajouter  à  sa  considé- 
ration, mais  ce  n'était  pas  une  raison  pour  abandonner 
toutes  les  affaires  religieuses  à  l'influence  des  jésuites, 
comme  le  fit  Fleury.  Les  protestants  furent  moins  persé- 
cutés que  les  jansénistes  ;  c'est  cependant  sous  le  ministère 
de  Fleury  que  se  passèrent  les  horreurs  de  la  tour  de 
Constance  à  Aiguës-Mortes  (4727-4729). 

La  politique  extérieure  de  Fleury  fut  moins  heureuse  que 
sa  politique  intérieure.  Elle  se  résume  dans  trois  affaires  : 
l'alliance  anglaise,  le  congrès  de  Soissons,  la  guerre  de  la  suc- 
cession dePologne,  caria  guerredela  succession  d'Autriche 
s'ouvrit  sans  lui  et  même  malgré  lui.  L'alliance  anglaise 
pouvait  se  justifier  et  elle  servit  au  moins  à  Fleury  à  rendre 
service  aux  Rourbons  d'Espagne,  nos  alliés  naturels.  Mais 
ce  fut  y  attacher  trop  de  prix  que  de  laisser  dépérir  notre 
marine  militaire  pour  désarmer  la  jalousie  britannique.  Le 
congrès  de  Soissons  (4729)  fut  un  succès  pour  Fleury,  et 
surtout  pour  son  ministre  des  affaires  étrangères,  Chau- 
velin  (V.  ce  nom).  Grâce  aux  négociations  qui  y  furent 
conduites,  un  Rourbon  d'Espagne,  don  Carlos,  fils  aîné  du 
second  lit  de  Philippe  V,  alla  régner  à  Parme  et  à  Plai- 
sance. Quant  à  la  guerre  de  la  succession  de  Pologne,  très 
mal  engagée  d'abord,  elle  se  termina  finalement,  grâce  à 
Chauvelin,  par  un  succès  diplomatique.  Il  fallait,  ou  s'en- 
tendre avec  l'électeur  de  Saxe  sur  le  terrain  de  l'établisse- 
ment de  l'hérédité  en  Pologne  dans  sa  maison,  ou  soutenir 
vigoureusement  les  prétentions  de  Stanislas.  Fleury  ne 
sut  se  résoudre  a  aucun  de  ces  deux  partis.  Il  soutint 
mollement  Stanislas  en  essayant  de  satisfaire  l'électeur  de 
Saxe  aux  dépens  de  l'héritage  de  Charles  VI.  Dès  lors, 
l'élection  de  Frédéric-Auguste,  le  débarquement  suivi  de 

39 


FLEURY 


—  640 


l'échec  complet  de  Stanislas,  malgré  l'héroïsme  de  Plélo  et 
le  courage  de  Monti,  portèrent  à  l'influence  française  en 
Pologne  un  coup  dont  elle  ne  devait  pas  se  relever.  L'Au- 
triche, qui  avait  soutenu  l'électeur  de  Saxe,  paya  les  frais 
de  la  guerre.  Elle  céda  à  Stanislas,  qui  abdiqua,  la  Lor- 
raine, patrimoine  du  mari  de  Marie-Thérèse,  et  dut  échanger 
Parme  et  Plaisance  pour  Naples,  la  Sicile  et  les  présides 
de  Toscane,  sur  lesquels  régna  don  Carlos.  Le  traité  de 
Vienne  (3  oct.  4735)  répara  ainsi  les  fautes  de  Fleury.  Il 
essaya  en  vain  d'empêcher  la  France  de  prendre  parti 
contre  l'Autriche  à  la  mort  de  Charles  VI  et  de  s'opposer 
aux  projets  aventureux  de  Belle-Isle  (1741).  Peut-être 
avait-il  raison  de  vouloir  dès  4741  former  cette  entente 
franco-autrichienne  que  Choiseul  réalisa,  quinze  ans  plus 
tard  ;  mais,  à  coup  sûr,  il  eut  tort,  dès  le  moment  où 
cette  idée  était  abandonnée,  de  ne  pas  adopter  et  suivre 
avec  énergie  la  politique  contraire  qui  avait  aussi  ses  avan- 
tages. Il  fallait,  la  guerre  contre  l'Autriche  une  fois  com- 
mencée, la  poursuivre  avec  vigueur  jusqu'au  bout  ;  arra- 
cher à  l'ennemi  la  paix  au  lieu  de  la  lui  demander,  comme 
le  fit  Fleury  en  rappelant  Belle-Isle  de  la  Bohême  (1742). 
Mais  la  décision  était  ce  qui  manquait  le  plus  à  Fleury.  Il 
n'eut  jamais  pour  guide  que  son  étroit  intérêt  personnel  et 
ne  montra  d'énergie  qu'au  service  de  celui-ci.      L.  Farges. 

FLEURY  (Abraham-Joseph  Bénàrd,  dit),  acteur  fran- 
çais, né  à  Chartres  le  26  oct.  1750,  mort  le  3  mars  1822. 
Il  fut  l'un  des  plus  grands  comédiens  de  son  temps  et  l'un 
de  ceux  dont  le  souvenir  est  resté  le  plus  glorieux.  Son 
père  s'était  vu  obligé,  par  suite  de  revers  de  fortune, 
de  se  montrer  à  la  tête  d'une  troupe  de  comédiens,  et 
c'est  en  cette  qualité  qu'il  fut  attaché,  à  Nancy,  à  la 
cour  du  roi  Stanislas.  C'est  là  que  le  jeune  Fleury  com- 
mença son  apprentissage  scénique.  Après  quatre  années 
passées  au  théâtre  de  Lyon,  il  vint  à  Paris  (1778), 
où  il  avait  fait  une  preniière  tentative  malheureuse.  Immé- 
diatement reçu  sociétaire  de  la  Comédie-Française,  il  ne 
parvint  que  peu  à  peu  à  gagner  la  grande  faveur  du  public. 
En  1793,  Fleury  fut,  ainsi  que  tous  ses  camarades  de 
la  Comédie-Française,  devenue  le  théâtre  de  la  Nation, 
incarcéré  à  la  suite  du  mouvement  provoqué  par  la  repré- 
sentation de  l'Ami  des  Lois,  de  Laya.  Il  sortit  de  prison 
un  peu  avant  le  9  thermidor,  se  retrouva  avec  ses  anciens 
camarades  sur  les  divers  théâtres  auxquels  ils  se  virent 
obligés  de  demander  asile,  et,  toujours  avec  eux,  reparut 
en  l'an  VII  (1799)  à  la  Comédie-Française  reconstituée. 
En  1818,  après  quarante  ans  de  services  à  la  Comédie- 
Française,  il  prit  sa  retraite  avec  une  pension  de  9,500  fr. 
et  se  retira  à  Ménars-le-Château,  près  d'Orléans.  —  Un 
écrivain,  nommé  J.-B.  Laffitte,  a  publié,  sous  ce  titre  : 
Mémoires  de  Fleury,  de  la  Comédie-Française  (1835- 
37,  6  vol,  in-8),  un  livre,  d'ailleurs  intéressant,  dont  il  a 
été  fait  plusieurs  éditions.  Cet  écrivain  prétendit  qu'il  avait 
rédigé  ces  mémoires  d'après  des  notes  et  des  papiers  laissés 
par  Fleury.  Cela  semble  peu  probable,  car  il  est  de  noto- 
riété publique  que  Fleury  était  à  peu  près  illettré. 

FLEURY  (Honoré-Marie),  homme  politique  français, né 
àQuintin  (Côtes-du-Nord)  le  17  janv.  1754,  mortàSaint- 
Brandan  (Côtes-du-Nord)  le  12  sept.  1827.  Clerc  de  no- 
taire, employé  aux  bureaux  du  domaine  de  Fougères,  avo- 
cat au  parlement  de  Rennes,  il  fut  élu  le  4  avr.  1789 
député  suppléant  du  tiers  aux  Etats  généraux  par  la  séné- 
chaussée de  Saint-Brieuc.  Le  9  sept.  1792,  le  dép.  des 
Côtes-du-Nord  l'envoya  siéger  à  la  Convention  où  il  vota  la 
détention  du  roi  et  signa  la  protestation  delà  droite  (6 juin 
1793).  Arrêté  et  emprisonné,  il  fut  délivré  par  le  décret 
de  la  Convention  du  2  frimaire  an  III.  Il  reprit  son  siège 
à  l'Assemblée  le  18  frimaire  et  remplit  en  1795  une  mission 
à  Chartres  relative  à  l'approvisionnement  de  Paris.  Député 
au  conseil  de  Cinq-Cents,  toujours  par  le  dép.  des  Côtes- 
du-Nord,  le  23  vendémiaire  an  IV,  il  fut  encore  juge  de 
paix  de  Quintin,  puis  de  Saint-Brandan.  Fort  spirituel, 
Fleury  a  écrit  une  foule  de  chansons,  de  contes,  de  cou- 
plets agréables. 


FLEURY  (Anne -Françoise -Aimée  de  Franquetot  de 
Coigny,  duchesse  de),  femme  de  lettres  française,  née  le 
12  oct.  1769,  morte  à  Paris  le  17  janv.  1820.  Fille  unique 
d'Auguste-Gabriel,  comte  de  Coigny,  frère  cadet  du  dernier 
maréchal  duc  de  Coigny,  et  d'Anne-Josèphe-Michelde  Roissy, 
elle  épousa,  le  5  déc.  1784,  André-Hercule  de  Rosset,  duc 
de  Fleury,  petit-neveu  du  cardinal.  Elle  eut  à  peine  le  temps 
de  se  produire  à  la  cour,  où  son  rang,  sa  beauté,  sa  haute 
culture  littéraire  lui  auraient  assuré  une  place  privilégiée. 
Mariée  presque  enfant  et  par  convenance  de  famille, c  elle 
reprit  sa  liberté  après  l'établissement  du  divorce,  son  mari 
ayant  émigré.  Emprisonnée  en  1794  en  raison  de  son  rang- 
social ,  elle  inspira  à  André  Chénier,  son  compagnon  de  cap- 
tivité, tout  au  moins  une  vive  compassion  que  le  grand  poète 
a  exprimée  dans  sa  célèbre  ode,  la  Jeune  Captive.  Mise 
en  liberté  après  le  9  thermidor,  elle  épousa  M.  de  Mont- 
rond,  mais  ne  fut  généralement  connue  que  sous  le  nom  de 
comtesse  de  Coigny.  Elle  cultiva  beaucoup  les  lettres,  mais 
ne  publia  qu'un  roman  anonyme,  Alvar  (Paris,  1818, 
2  vol.  in-12),  tiré  à  25  exemplaires.  Beuchot  assure  qu'elle 
laissa  en  manuscrit  des  Mémoires  et  une  Collection  de 
portraits  des  contemporains.  Son  second  mari  survécut 
jusqu'en  juin  1848.  G.  P-i. 

FLEURY  (Joseph-Nicolas-Robert)  (V.  Robert-Fleury). 
FLEURY  (François- Antoine-Léon),  peintre  français,  né 
à  Paris  le  18  déc.  1804,  mort  le  19  nov.  1858.  Elève  de 
Bertin  et  de  Hersent,  il  entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts  en 
1821.  Dans  sa  courte  carrière,  il  s'est  distingué  comme 
paysagiste.  On  voit  un  paysage  de  lui  au  musée  de  Nantes. 
Le  musée  d'Orléans  possède  de  cet  artiste  une  Vue  prise 
sur  les  côtes  de  Gênes.  Citons  encore  de  lui  un  Baptême 
du  Christ,  dans  l'église  de  Sainte-Marguerite,  et  une 
Sainte  Geneviève,  à  Saint-Etienne  du  Mont. 

FLEURY  (Jean- Augustin),  écrivain  français,  né  à  Paris 
en  1812,  mort  à  Douai  le  22  nov.  1887.  Professeur  d'his- 
toire, il  devint  proviseur  du  lycée  de  Douai,  puis  recteur  de 
l'académie  de  cette  ville.  On  a  de  lui  :  Histoire  d'Angle- 
terre (Paris,  1852,  2  vol.  in-12)  ;  Des  Piaces  qui  se  par- 
tagent V Europe  (1858,  in-8)  ;  Abrégé  de  l'histoire 
d  Angleterre  (1864,  in-12)  ;  Histoire  des  Français  par 
la  biographie  (1872,  in-12). 

FLEURY  (Edouard),  archéologue  français,  néàLaonen 
1815,  mort  à  Vorgesle4juil.  1883,  frère  aîné  de  Champ- 
fleury  (V.  ce  nom).  Imprimeur  à  Laon,  il  a  écrit  un  grand 
nombre  de  brochures  et  de  livres  qui  presque  tous  sont 
relatifs  au  Laonnais.  Nous  citerons  :  Antiquités  et  monu- 
ments du  dép.  de  V Aisne  (Paris,  1877-82,  4  vol.in-4)  ; 
la  Civilisation  et  Vart  des  Romains  dans  la  Gaule  Bel- 
gique (Laon,  1861,  in-8)  ;  le  Dép.  de  V Aisne  en  1814 
(1858,  in-8)  ;  le  Diocèse  de  Laon  pendant  la  Fronde 
(1858,  in-8)  ;  Etudes  révolutionnaires  (1849-58,13  vol. 
in-12  et  in-8);  les  Manuscrits  à  miniatures  de  la  bi- 
bliothèque de  Laon  [et  de  celle  de  Soissons]  (1863-65, 
3  vol.  in-4)  ;  Origine  et  développement  de  l'art  théâtral 
dans  la  province  de  Reims  (1881,  in-8);  Trompettes, 
jongleurs  et  singe  de  Chauny  (Saint-Quentin,  1874, 
in-8),  etc. 

FLEURY  (Emile-Félix,  comte),  général  français,  né  à 
Paris  le  23  déc.  1815,  mort  à  Paris  le  11  déc.  1884. 
Engagé  volontaire  aux  spahis  le  16  nov.  4837,  il  gagna 
successivement  tous  ses  grades  à  la  pointe  de  son  sabre  et 
se  fit  partout  remarquer  par  sa  brillante  valeur.  Devenu 
lieutenant,  le  14  sept.  1842,  il  fut  cité  à  l'ordre  pour  sa 
belle  conduite  à  la  prise  de  la  smalah  et  à  la  bataille 
d'Isly  (14  août  1844).  Chef  d'escadrons  le  5  juil.  1845, 
il  fut,  après  l'élection  du  prince  Louis  à  la  présidence,  un 
de  ses  officiers  d'ordonnance,  et  prit  une  part  active  au 
coup  d'Etat  du  2  déc.  1851.  Promu  colonel  le  22  nov. 
1852,  il  organisa  le  régiment  des  guides  et  en  eut  le  com- 
mandement. Son  crédit  auprès  de  l'empereur  ne  fit  que 
s'accroître  ensuite  ;  il  fut  nommé  général  de  brigade  le 
18  mars  1856  et  premier  aide  de  camp  du  souverain.  Ses 
principales  fonctions  étaient  la  direction  des'  écuries  impé- 


611  — 


FLEURY  -  FLEXION 


riales.  Pendant  la  campagne  de  1859,  en  Italie,  l'empe- 
reur l'envoya  auprès  de  l'ennemi  pour  traiter  des  condi- 
tions de  paix.  Nommé  divisionnaire  en  1863  (13  août),  il 
devint  ambassadeur  auprès  de  la  cour  de  Russie.  Après  la 
guerre  de  1870,  il  se  retira  du  service,  fut  mis  en  dis- 
ponibilité et  retraité  le  25  août  1879. 

FLEURY  (Jean-François-Ronaventure) ,  littérateur  fran- 
çais, né  à  Vasteville (Manche)  le  14  févr.  1816.  Après  avoir 
fait  ses  études,  en  qualité  de  boursier,  au  collège  de  Cher- 
bourg, il  débuta  de  très  bonne  heure  dans  la  vie  littéraire 
en  rédigeant  le  Journal  de  Cherbourg  (1837-1841).  De 
1841  à  1857,  il  collabora  à  divers  périodiques  de  Paris, 
notamment  à  la  Démocratie  pacifique,  au  Journal  des 
mères  et  des  enfants,  et  &Y  Encyclopédie  du  xixe  siècle. 
Après  le  coup  d'Etat  du  2  décembre,  il  s'occupa  surtout  de 
pédagogie.  En  1858,  il  passa  en  Russie  oiiil  remplit  l'em- 
ploi de  précepteur  dans  une  ancienne  famille  française.  Il 
avait  emmené  avec  lui  sa  jeune  fille  à  laquelle  il  s'était  plu 
à  donner  une  instruction  très  étendue,  et  qui  devint  plus 
tard  Mme  Henry  Gré  ville.  Son  préceptorat  ayant  été  inter- 
rompu par  la  mort  de  son  élève,  M.  Jean  Fleury  entra 
dans  l'enseignement  public  :   professant  la  langue  et  la 
littérature  françaises,  les  littératures  du  midi  de  l'Asie  et 
de  l'Europe  dans  plusieurs  instituts  et  gymnases,  à  l'Ecole 
de  droit,   etc.,  jusqu'au  jour  où  il  fut  nommé  au  con- 
cours (1873)  lecteur  en  langue  française  à  l'université 
de  Saint-Pétersbourg.  Dans  sa  longue  et  laborieuse  car- 
rière, M.  Fleury  a  publié  un  nombre  considérable  d'ou- 
vrages, parmi  lesquels  nous  citerons  :  Cherbourg  et  ses 
environs  (1840,  in-12);  Traditions  populaires  des  envi- 
rons de  Cherbourg  (1841-1842,  in-12);  Vie  de  Bernar- 
din de  Saint-Pierre  (1843,  in-12);  Krylov  et  ses  fables 
(1862,  in-12);  Histoire  élémentaire  de  la  littérature 
française  (1867,  in-12,  2  vol.;  9e  éd.,  1890,  in-12); 
Rabelais  et  ses  œuvres  (i$71,  2  vol.  in-8);  Marivaux  et 
le  Marivaudage  (1881,  in-8);  Littérature  populaire  de 
la  Basse-Normandie  (1883,  in-16);  Essai  sur  le  patois 
normand  de  la  Hague  (1866,  in-8);  la  Presqu'île  de 
la  Manche  et  l'archipel  anglo-normand  (1890,  in-8); 
des  poésies:  J.-F.  Millet  (Cherbourg,  1890,  in~8);  les 
Savoisiens  dans  la  littérature  française  (Annecy,  1888, 
in-8);  Mes  Délassements  (Saint-Pétersbourg,  1887);  une 
série  d'ouvrages  d'enseignement:  la  Grammaire  en  action 
(Paris,  1864,  3  vol.  in-12);  la  Grammaire  en  action  à 
V usage  des  Russes  (1892;  9e  éd.  in-12);  Conseils  aux 
maîtres  qui  enseignent  la  langue  française  en  Russie 
(1893,  in-12);  les  Aspects  et  les  temps,  la  Conjugaison 
dans  les  langues  romanes  et  dans  les  langues  slaves 
(1893,  in-12);  Récits  et  descriptions,  en  russe  et  en 
français  (1887  et  1892,  in-12)  ;  Un  Peuple  retrouvé  par 
la  grammaire  (1879,  in-8),  etc.  Mentionnons  encore  sa 
collaboration  au  Journal  de  Saint-Pétersbourg,  où  depuis 
1873  il  donne  des  critiques  littéraires  et  théâtrales  fort 
appréciées,  divers  travaux  dans  les  Mémoires  de  la  So- 
ciété de  linguistique,  dans  la  Revue  pédagogique,  etc., 
et  les  correspondances  sur  les  choses  russes,  envoyées  au 
Figaro,  à  la  Revue  internationale,  à  la  Bibliothèque 
universelle,  etc. 

FLEURY  (Louis-Joseph-Désiré),  médecin  français,  né  à 

Pétersbourg  de  parents  français,  mort  à  Paris  le  15  déc. 

1852.  Nommé  en  1844  agrégé  à  la  faculté  de  Paris,  il  se 

consacra  particulièrement  à  l'hydrothérapie  et  à  l'hygiène  ; 

il  dirigea  plusieurs  établissements  hydrothérapiques.  Parmi 

ses  écrits  très  nombreux,  citons  seulement  :  Mémoire  sur 

l'hydrothérapie  (Paris,  1848-1855,2  vol.  in-8);  Traité 

pratique  d'hydrothérapie  (Paris,  1852,    1856,  1866, 

1875,  in-8)  ;  Cours  d'hygiène,  etc.  (Paris,  1861-1872, 

3  vol.  in-8).  D'L.  Hn. 

FLEU  RY  (Jules  Husson),  dit  Champ  fleury  (V*.  ce  nom). 

FLEURY  (Alice)  (V.  Ddrand-Gréville  [Mme]). 

FLEURY    de  Chàboulon    (Pierre-Alexandre-Edouard, 

baron),  administrateur  français,  né  en  1779,  mort  le  28  sept. 

1835.11  entra  fort  jeune  dans  l'administration  des  finances, 


fut  auditeur  au  conseil  d'Etat  sous  le  Consulat,  admi- 
nistra ensuite  avec  talent,  comme  sous-préfet,  l'arr.  de 
Château-Salins,  où,  à  la  fin  de  1813  et  au  commence- 
ment de  1814,  il  se  comporta  vaillamment  en  face  de 
l'invasion,  et  alla,  pendant  la  campagne  de  France,  re- 
joindre à  Montereau  l'empereur  qui  le  chargea  d'aller  à 
Reims  organiser  la  résistance.  Sous  la  première  Restaura- 
tion, il  voyagea  en  Italie  et  contribua,  comme  agent  secret 
du  parti  bonapartiste,  au  retour  de  Napoléon,  dont  il  fut 
secrétaire  intime  pendant  les  Cent-Jours.  L'empereur  l'en- 
voya à  Râle  sous  un  faux  nom  pour  déjouer  l'intrigue  que 
le  ministre  Fouché  avait  nouée  avec  Metternich  (avr.  1815). 
Après  la  seconde  Restauration,  "Fleury  de  Chàboulon  se 
retira  en  Angleterre,  où  il  publia  sous  ce  titre  :  Mémoires 
pour  servir  à  l'histoire  de  la  vie  privée,  du  retour  et 
du  règne  de  Napoléon  en  18i5  (Londres,  1819,  2  vol. 
in-8),  un  ouvrage  qui  eut,  dans  toute  l'Europe,  un  grand 
retentissement.  Il  rentra  en  France,  où  il  dirigea  une  com- 
pagnie d'assurances,  fut  nommé  conseiller  d'Etat  sous  le 
gouvernement  de  Juillet  (1830),  et  représenta  l'arr.  de 
Château-Salins  à  la  Chambre  des  députés  à  partir  de  1834, 
FLEUVE  (V.  Rivière). 
FLEUVE  Rlanc  (V.  Bakhoy). 
FLEUVE  Céleste  (V.  Egypte  ancienne  [Religion]). 
FLEUVE  Rouge  (V.  Tonkin). 

FLÉVILLE.  Corn,  du  dép.  des  Àrdennes,  arr.  de  Vou- 
ziers,  cant.  de  Grandpré;  409  hab. 

FLÉVILLE.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr 
de  Nancy,  cant.  de  Saint-Nicolas-du-Port  ;  370  hab. 
.   FLÉVILLE-Lixières.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Mo- 
selle, arr.  de  Briey,  cant.  de  Conflans;  396  hab. 

FLEXAN VILLE.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
de  Rambouillet,  cant.  de  MontforM'Amaury  ;  324  hab. 

FLEXION.  I.  Physique.  —On  entend  par  flexion  la  dé- 
formation que  subit  une  barre  de  métal  quand  on  lui  applique 
une  force  qui  tend  à  la  courber.  Les  lois  de  la  flexion  peuvent 
être  déterminées  par  le  calcul  ;  l'expérience  les  a  vérifiées. 
Elles  sont  contenues  dans  la  formule  suivante  : 
KPL3 
/~~  Ea4 
dans  laquelle  f  représente  la  flèche  ou  déplacement  de  la  • 
barre  au  point  dont  la  distance  au  point  fixe  est  L,  P  le 
poids  qui  produit  le  déplacement,  K  un  coefficient  dépen- 
dant du  genre  de  flexion  considéré  et  E  un  autre  coefficient 
dépendant  de  la  nature  de  la  barre.  Nous  avons  représenté 
par  aA  une  fonction  du  4e  degré  des  dimensions  transver- 
sales de  la  barre,  fonction  qui  varie  avec  sa  forme.  Ainsi 
dans  le  cas  d'une  section  carrée,  a  représente  le  côté  de  ce 
carré  ;  dans  le  cas  d'une  section  rectangulaire  d'épaisseur 
e  et  de  largeur  l,  la  fonction  aA  sera  le%  si  la  barre  est  flé- 
chie dans  le  sens  de  l'épaisseur  ou  el3  si  elle  est  fléchie 
dans  le  sens  de  la  largeur  L  Si  la  section  est  circulaire 
il  faudra  remplacer  a4  par  3^R4,  R  étant  le  rayon  du 
cylindre.  Dans  le  cas  d'un  cylindre  creux,  le  rayon  exté- 
rieur R  et  le  rayon  intérieur  r,  aA  sera  égal  à  3tc(R4 — r4). 
En  outre,  la  constante  K  sera  égale  à  4  lorsque  l'un  des 
bouts  du  corps  sera  fixe  et  que  l'autre  supportera  la 
flexion  ;  si  le  corps  prismatique  ou  cylindrique  est  posé 
par  ses  extrémités  sur  deux  supports  fixes  et  fléchis  au 

milieu,  K  sera  égal  à  -j- .  Dans  le  cas  où  les  deux  bouts 

seraient  encastrés  dans  des  appuis  invariables,  on  prendra 

pour  K  la  valeur -r^.  Les  lois  contenues  dans  la  formule 
lo 

précédente  peuvent  s'énoncer  ainsi  :  la  flexion  est  propor- 
tionnelle au  poids  qui  la  produit  et  au  cube  de  la  longueur 
fléchie.  Dans  le  cas  d'une  barre  rectangulaire,  on  peut 
ajouter  qu'elle  est  inversement  proportionnelle  au  cube  de 
l'épaisseur  et  à  la  largeur  ;  dans  le  cas  d'une  barre  cylin- 
drique, elle  est  inversement  proportionnelle  à  la  quatrième 
puissance  du  rayon  ;  enfin  dans  le  cas  d'un  cylindre  creux 
elle    est  proportionnelle   à  la  différence  des  quatrièmes 


FLEXION 


—  612 


puissances  des  rayons  extérieur  et  intérieur.  Ces  diverses 
lois,  prévues  par  la  théorie  de  l'élasticité,  ont  été  vérifiées 
par  l'expérience  de  plusieurs  façons  :  on  a  mesuré  la  flèche 
de  flexion  en  traçant  sur  la  barre  en  expérience  un  trait  de 
repère  sur  l'extrémité  libre  et  en  mesurant  à  l'aide  du 
cathétomètre  le  déplacement  de  ce  point  de  repère  lors  de 
la  flexion. 

On  peut  aussi,  avec  Wiedemann,  fixer  normalement,  à 
l'extrémité  qui  doit  être  fléchie,  un  petit  miroir  devant  le- 
quel on  installe  une  règle  divisée  au-dessus  de  laquelle  se 
trouve  une  petite  lunette;  celle-ci  vise  le  miroir  à  peu  près 
normalement  et  on  aperçoit  ainsi  l'image  de  la  règle  dans 
le  petit  miroir  ;  on  note  la  division  qui  coïncide  avec  le 
point  de  croisement  des  fils  du  réticule  et  on  fléchit  la 
barre  par  un  poids  convenable.  La  flexion  déplace  le  mi- 
roir qui  fait  avec  sa  position  primitive  un  certain  angle  ; 
par  suite  la  division  de  l'échelle  visée  par  la  lunette  n'est 
plus  la  même;  la  différence  de  ces  divisions  en  millimètres 
divisée  "par  la  somme  des  distances  du  centre  optique  de 
l'objectif  et  de  la  règle  au  miroir  représente  la  tangente 
de  la  déviation  du  miroir.  On  peut  aussi  employer  la  mé- 
thode utilisée  par  Kupffer  dans  ses  recherches  sur  l'élas- 
ticité des  métaux  ;  un  miroir  est  fixé  à  l'extrémité  qui  doit 
être  fléchie,  et  on  regarde  normalement  dans  ce  miroir  avec 
la  lunette  d'un  théodolite  de  façon  à  apercevoir  dans  le 
miroir  en  coïncidence  avec  les  fils  du  réticule  l'image  de 
ces  fils  eux-mêmes.  Quand  ce  résultat  est  atteint,  l'axe  op- 
tique de  la  lunette  est  perpendiculaire  au  miroir  et  l'angle 
de  la  lunette  avec  l'horizon  mesuré  par  le  cercle  gradué 
du  théodolite  mesure  l'angle  que  fait  avec  la  direction  pri- 
mitive, qui  était  horizontale,  la  tangente  à  l'extrémité  de 
la  courbe  fléchie  ;  on  peut  en  déduire  la  flèche. 

Ces  diverses  méthodes  peuvent  servir  à  vérifier  les  lois 
énoncées,  mais  elles  sont  surtout  employées  pour  déter- 
miner la  constante  E  qui  entre  dans  la  formule  et  qui  est 
particulière  à  chaque  substance  employée.  On  peut  aussi, 
pour  ce  but  particulier,  comme  l'a  fait  M.  Phillips,  mettre 
le  métal  à  étudier  sous  forme  de  ressort  spiral  dont  on  se 
sert  ensuite  comme  d'un  balancier  pour  régler  le  mouve- 
ment d'une  sorte  de  montre  ;  la  théorie  montre  qu'il  existe 
entre  la  durée  d'une  oscillation,  les  dimensions  du  ressort 
et  la  constante  E  une  relation  qui  permet  de  déterminer 
celle-ci  ;  cette  méthode  est  précieuse  pour  déterminer 
l'élasticité  des  métaux  très  rares  dont  on  ne  possède  que 
de  petits  échantillons. 

On  peut  aussi  étudier,  dans  les  phénomènes  de  flexion, 
les  déformations  transversales  ;  elles  sont  très  apparentes 
avec  le  caoutchouc,  mais  existent  dans  tous  les  corps.  Si 
nous  considérons  une  barre  de  section  rectangulaire  dans 
son  état  d'équilibre,  on  constate  que,  lorsqu'elle  est  fléchie, 
elle  forme  une  sorte  de  gouttière,  le  côté  convexe  dirigé  du 
côté  vers  lequel  agit  la  force  de  flexion  ;  les  côtés  latéraux 
primitivement  parallèles  s'inclinent  tout  en  restant  recti- 
lignes  ;  le  rectangle  est  donc  transformé  en  une  sorte  de 
trapèze  curviligne.  Cette  étude  faite  par  M.  Cornu,  à  l'aide  de 
la  méthode  optique  employée  par  M.  Fizeau  pour  mesurer 
la  dilatation  des  cristaux,  lui  a  montré  que  le  rapport  du 
coefficient  de  contraction  transversale  au  coefficient  d'al- 


"i 


conformément  à 


longement  longitudinal  est  voisin 

la  théorie  de  Poisson.  Les  nombres  trouvés  pour  diverses 
lames  de  cristal  varient,  en  effet,  de  0,224  à  0,257. 

Une  autre  conséquence  des  lois  de  la  flexion  s'aperçoit 
quand,  de  la  formule  donnée  plus  haut,  on  tire  la. va- 
leur de  P  : 

Efk* 
~"  KL3  ' 

La  force  de  flexion  P  qui  est  égale  à  chaque  instant  à  la 
réaction  élastique  du  barreau  est  proportionnelle  à  l'écart  /", 
comme  dans  le  pendule  la  composante  utile  de  l'action  de 
la  pesanteur  et  pour  chaque  position  proportionnel  à  l'écart  ; 
il  en  résulte  que,  si  Ton  abandonne  à  elle-même  une  verge 


primitivement  fléchie,  elle  oscillera  de  part  et  d'autre  de 
sa  position  d'équilibre  en  donnant,  comme  le  pendule,  des 
oscillations  isochrones.  On  vérifie  cette  déduction  de  la 
théorie  en  remarquant  que  le  son  que  donne  une  pareille 
verge  conserve  sa  hauteur  quand  ses  amplitudes  dimi- 
nuent. On  peut  citer  les  applications  suivantes  des  phéno- 
mènes de  flexion  :  le  ressort  spiral  des  chronomètres,  les 
ressorts-moteurs  des  horloges,  les  ressorts  des  voitures, 
des  wagons,  des  arcs,  des  détentes  de  fusil  et  de  pistolet, 
les  baromètres  et  manomètres  métalliques  ;  le  rembourrage 
des  meubles  qui  utilise  la  flexibilité  de  certaines  matières, 
comme  le  crin,  est  encore  une  application  des  phénomènes 
de  flexion.  A.  Joannis. 

II.  Mécanique.  —  Barré  de  Saint-Venant  est  parvenu, 
en  1855,  à  déterminer  rigoureusement,  sous  certaines  condi- 
tions, au  moyen  des  équations  générales  de  l'élasticité,  les 
déformations  éprouvées  par  un  corps  cylindrique  ou  pris- 
matique. Dans  ce  problème,  connnu  aujourd'hui  sous  le 
nom  de  problème  de  Saint-Venant,  la  substance  du 
corps  est  supposée  homogène,  et  l'on  admet  en  outre  qu'il 
y  a  isotropie  pour  les  diverses  directions  transversales,  c- 
à-d.  perpendiculaires  aux  génératrices  du  cylindre;  l'élas- 
ticité peut  être  différente  dans  le  sens  longitudinal.  On 
regarde  comme  négligeables  les  forces  qui  s'exercent  tant 
sur  la  surface  latérale  qua  l'intérieur  du  corps.  L'une  des 
bases  est  assujettie  à  avoir  un  élément  linéaire  complète- 
ment immobile  et  à  conserver  en  un  point  de  cet  élément 
un  plan  tangent  invariable  ;  l'autre  base  est  soumise  à 
des  forces  extérieures  convenablement  choisies.  On 
cherche  alors  s'il  est  possible  de  faire  en  sorte  que  les 
fibres  longitudinales  ne  supportent  aucune  pression  laté- 
rale, c.-à-d.  perpendiculaire  à  leur  longueur.  Le  calcul 
montre  que,  s'il  en  est  ainsi,  la  déformation  du  cylindre 
résulte  de  la  composition  géométrique  des  déplacements 
dus  à  trois  déformations  simultanées,  qui  sont  :  Y  exten- 
sion simple,  la  torsion  et  la  flexion.  Nous  n'avons  à  nous 
occuper  ici  que  de  cette  dernière.  La  flexion  la  plus  géné- 
rale peut  elle-même  être  décomposée  en  deux  flexions 
simples,  dont  chacune  est  liée,  comme  on  va  le  voir,  à 
une  certaine  direction  de  flexion  ;  les  deux  directions  de 
flexion  sont  d'ailleurs  perpendiculaires  entre  elles.  Dans 
la  flexion  simple,  une  fibre  primitivement  rectiligne  et 
parallèle  aux  génératrices  du  cylindre  prend  la  forme  d'une 
parabole  cubique  plane.  Les  plans  de  toutes  ces  paraboles 
sont  parallèles  à  une  même  droite,  qui  donne  la  direction 
de  la  flexion,  et  qui  est  elle-même  parallèle  ou  perpen- 
diculaire à  l'élément  linéaire  immobile.  Le  plan  mené  par  un 
point  de  cet  élément  parallèlement  aux  génératrices  et  à  la 
direction  de  la  flexion  est  le  plan  de  flexion.  Le  déplacement 
de  l'extrémité  delà  fibre  passant  par  l'élément  immobile  (fibre 
principale)  mesure  la  flèche  de  flexion.  Les  fibres  situées 
dans  un  plan  mené  par  cette  fibre  perpendiculairement  au 
plan  de  flexion  n'éprouvent  aucune  variation  de  longueur. 
Contrairement  à  ce  que  suppose  la  théorie  élémentaire  de 
la  flexion,  les  sections  normales  se  trouvent  gauchies  et 
coupent  obliquement  la  fibre  principale  déformée.  Généra- 
lement, l'existence  de  la  flexion  entraîne  celle  d'une  torsion 
correspondante.  Il  y  a  exception  quand  la  section  droite  du 
cylindre  possède  des  axes  de  symétrie.  Quand  le  cylindre 
est  elliptique,  les  sections  droites  se  trouvent  transfor- 
mées par  la  flexion  en  surfaces  du  troisième  ordre.  En  ce 
qui  concerne  les  tensions,  on  trouve  qu'elles  sont  cons- 
tantes, pour  chaque  fibre,  en  tous  les  points  de  sa  longueur. 
Pour  que  ces  divers  résultats  se  vérifient,  il  faut,  comme 
nous  l'avons  dit,  que  les  forces  appliquées  sur  la  base 
libre  soient  distribuées  d'une  manière  convenable,  que  fait 
connaître  le  calcul.  Mais,  lors  même  que  ces  forces  sont 
autrement  distribuées,  ces  résultats  restent  approximati- 
vement exacts.  D'une  part,  en  effet,  il  existe  toujours  un 
système  de  forces  distribuées  comme  le  veut  la  théorie, 
et  statiquement  équivalentes  (V.  Force)  au  système  de 
forces  donné  ;  d'autre  part,  un  système  de  forces  appli- 
quées à  une  très  petite  partie  d'un  corps  solide  et  qui  se 


—  613  — 


FLEXION  —  FLEXURE 


feraient  équilibre  si  le  corps  était  rigide  ne  produit  pas  de 
déformations  sensibles  à  une  distance  notable  des  points 
d'application  des  forces,  d'où  il  résulte  que  deux  systèmes 
équivalents  produisent  à  une  distance  notable  de  leurs 
points  d'application  des  effets  peu  différents. 

Quand  la  section  d'une  tige  cylindrique  est  très  petite 
par  rapport  à  la  longueur,  on  peut  fléchir  assez  fortement 
cette  tige  sans  imposer  une  déformation  notable  aux  divers 
éléments  obtenus  en  divisant  mentalement  la  longueur  -en 
parties  comparables  aux  dimensions  linéaires  de  la  section. 
Il  en  résulte  que  la  théorie  de  l'élasticité  peut  s'étendre 
aux  déformations  de  ce  genre.  Kirchhoffet  Clebschse  sont 
occupés  de  ce  problème.  Si  la  tige  est  primitivement  rec- 
tiligne  et  s'il  n'y  a  pas  de  forces  appliquées  ailleurs  qu'aux 
extrémités,  les  équations  différentielles  d'équilibre  aux- 
quelles on  parvient  sont  identiques  à  celles  de  la  rotation 
d'un  corps  pesant  autour  d'un  point  fixe  :  de  sorte  qu'à 
chaque  problème  d'équilibre  d'une  tige  correspond  un  pro- 
blème de  rotation,  et  réciproquement.  En  particulier,  si  la 
tige  n'est  soumise  qu'à  des  couples  de  forces,  les  équations 
deviennent  semblables  à  celles  qui  expriment  la  rotation 
d'un  corps  non  pesant,  et  le  problème  se  résout  alors  par 
l'emploi  des  fonctions  elliptiques.  Si,  de  plus,  les  rayons 
principaux  d'inertie  de  la  section  droite  sont  égaux,  la 
forme  d'équilibre  est  une  hélice.  Le  calcul  peut  encore  être 
poussé  jusqu'au  bout  lorsqu'on  étudie  la  flexion  d'une 
tige  dans  un  plan,  et  la  solution  dépend  également  des 
fonctions  elliptiques.  Pour  les  flexions  très  faibles  d'une 
tige  rectiligne,  on  retrouve  les  formules  usuelles  de  la 
résistance  des  matériaux.  Dans  le  cas  d'une  tige  primiti- 
vement courbe,  Kirchhoff  a  imaginé  de  rectifier  d'abord  la 
tige  en  lui  appliquant  des  forces  convenables,  puis  de  la 
ramener  par  d'autres  forces  à  sa  forme  définitive.  Toutes 
ces  questions  reçoivent  une  extension  importante  lorsque 
l'on  fait  intervenir  les  forces  d'inertie  :  on  est  ainsi  con- 
duit à  l'étude  des  vibrations  des  tiges  élastiques. 

L.  Lecornu. 

III.  Construction. —  Flexion  des  poutres  (V.  Poutre). 

IV.  Art  militaire. —  Exercice  d'assouplissement  qu'on 
fait  exécuter  à  l'homme  de  recrue  au  début  de  son  ins- 
truction militaire.  Les  flexions  prennent  place  dans  le 
chap.  i  (art.  1)  de  Y  école  du  soldat.  Les  flexions  se 
décomposent  en  flexions  du  corps  en  avant  et  en  arrière  ; 
des  extrémités  inférieures;  de  la  cuisse  et  de  la  jambe. 
Ces  dernières  s'exécutent  d'abord  à  la  cadence  modérée, 
puis  à  la  cadence  accélérée. 

V.  Grammaire.  —  Dans  la  grammaire  des  langues  indo- 
européennes, le  nom  de  flexion  s'applique  à  deux  sortes  de 

,  phénomènes  distincts.  On  le  donne,  en  effet,  soit  aux  modi- 
fications vocaliques  que  présente  une  même  partie  radicale 
(parfois  aussi  un  suffixe)  dans  les  différents  dérivés  où 
elle  se  retrouve,  soit  à  l'ensemble  des  formes  que  revêtent 
les  désinences  casuelles  des  mots  déclinables  et  les  dési- 
nences personnelles  des  verbes  dans  la  déclinaison  et  la 
conjugaison.  Nous  examinerons  successivement  ces  deux 
manières  de  considérer  la  flexion. 

Flexion  vocalique.  —  On  peut  citer  comme  exemples  de 
ce  phénomène  le  rapport  du  vocalisme  radical  entre  les 
mots  grecs  Asyto,  Àoyoç  ou  les  mots  latins  tego,  toga.  Les 
différentes  explications  qu'on  a  essayé  de  donner  jusqu'ici 
de  la  flexion  vocalique  ont  le  défaut  commun  de  la  consi- 
dérer comme  trop  superficielle  et  de  faire  abstraction  des 
modifications  profondes  qu'a  subies  le  vocalisme  primitif 
indo-européen  avant  de  s'arrêter  à  l'aspect  que  nous  lui 
connaissons  dans  les  principaux  idiomes  de  la  famille.  On 
ne  saurait  entreprendre  d'exposer  ici  in  extenso  une  nou- 
velle théorie  de  la  flexion  ;  qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'elle 
ne  peut  résulter  d'un  changement  pur  et  simple  de  l's  de 
Xe'^o)  (pour  reprendre  les  exemples  déjà  cités)  en  Yo  de 
^oyoç,  ou  inversement  celui  de  o  en  s.  De  tels  changements 
ne  sont  justifiés  par  aucun  exemple  sûr  ni  en  grec  ni  en 
latin.  Il  est  infiniment  plus  vraisemblable  que,  dans  tous 
les  cas  analogues,  les  formes  primitives  contenaient  les 


deux  voyelles  côte  à  côte  et  que  des  modifications  ulté- 
rieures ont  amené  l'élimination  de  l'une  ou  de  l'autre  dans 
des  conditions  déterminées  sans  doute  par  l'influence  des 
autres  éléments  phonétiques  des  formes  en  question.  Cette 
hypothèse  s'appuie  sur  les  faits  très  nombreux  où  le  procédé 
supposé  est  encore  pris  sur  le  vif.  C'est  ainsi  qu'en  grec  on 
constate  l'élimination  de  l'a  d'un  groupe  aw  dans  Mouawv 
auprès  de  Mouaàœv,  de  l's  d'un  groupe  sa>  dans  <piXô 
auprès  de  oiàeco  ;  et,  en  revanche,  de  o  dans  un  groupe  ot 
comme  dans  l'S-(xsv  auprès  de  o!c5-a,  de  7u^iQ[xsv  auprès 
de  rc&uoiôa,  etc.  Phénomènes  analogues  en  latin  dans 
in-cludo  auprès  de  claudo  (intermédiaire  probable  in- 
clodo)  ;  dans  les  formes  libet  et  lubet  auprès  de  l'ar- 
chaïque loibet  ou  loebet,  etc. 

Flexion  désinentielle.  —  1°  Bans  la  déclinaison.  Le  v 
de  l'accusatif  singulier  Aoyo-v  en  grec  et  le  m  du  même 
cas  du  latin  hortu-m  sont  les  formes  de  la  flexion  de  ces 
cas  dans  les  deux  langues  en  ce  qui  concerne  les  mots  de 
la  seconde  déclinaison. 

-En  général,  les  flexions  désinentielles  peuvent  être  con- 
sidérées comme  les  variantes  simples  ou  complexes  d'une 
même  finale  primitive  entre  lesquelles  l'usage  a  réparti  les 
différentes  fonctions  casuelles  aux  trois  genres  et  aux  trois 
nombres.  Ici  encore  tout  essai  de  démonstration  nous 
entraînerait  trop  loin  ;  bornons-nous  à  ajouter  que  la  théorie 
de  Bopp,  d'après  laquelle  les  flexions  casuelles  seraient 
d'anciens  pronoms  qui  auraient  été  soudés  à  un  moment 
donné  de  l'évolution  de  la  langue  mère  indo-européenne 
aux  finales  primitives  des  mots  qu'elles  ont  rendus  décli- 
nables, est  une  hypothèse  dont  l'abandon  est  imposé  aux  lin- 
guistes par  des  considérations  décisives,  à  ce  qu'il  semble. 

2°  Bans  la  conjugaison.  Les  finales  v,  ç,  t  des  formes 
du  singulier  de  l'aoriste  second  actif  du  verbe  grec  8fôwf«, 
E-Sw-v,  e-8w-ç,  e-Sw-(t),  constituent  respectivement  les 
flexions  ou  désinences  personnelles  à  la  première,  deuxième 
et  troisième  personne  du  temps  en  question.  Ces  dési- 
nences sont  dites  secondaires  eu  égard  à  celles  du  présent 
de  l'indicatif,  entre  autres,  qui  sont  appelées  primaires.  Au 
point  de  vue  du  rapport  chronologique  qui  rattache  celles-ci 
à  celles-là,  il  conviendrait  d'intervertir  ces  dénominations  ; 
en  réalité,  les  flexions  secondaires  sont  les  plus  anciennes 
et  les  flexions  primaires  en  dérivent  par  voie  d'élargisse- 
ment. Ce  fait,  qui  paraît  absolument  sûr,  ne  permet  pas  de 
conserver  l'explication  d'après  laquelle  les  flexions  person- 
nelles (dites  primaires),  sous  la  forme  indo-européenne, 
mi,  si,  ti  au  singulier  actif  seraient  d'anciens  pronoms 
personnels  agglutinés  au  radical  des  verbes.  Si  l'on  com- 
pare, au  contraire,  aux  formes  d'aoriste  citées  plus  haut 
le  thème  primitif  du  participe  correspondant  Swvtç  (8o6ç), 
il  est  difficile  d'échapper  à  l'idée  que  ces  formes  sont 
autres,  en  ce  qui  regarde  les  finales  ou  les  flexions  per- 
sonnelles, que  des  variantes  de  la  finale  du  participe, 
réparties  par  l'usage,  et  à  l'aide  des  sujets  des  verbes,  entre 
les  différentes  personnes  qu'elles  désignent  respectivement. 
—  Nous  sommes  amenés  par  là  à  rattacher  à  un  même 
principe  l'origine  des  deux  sortes  de  flexions  désinentielles, 
et  nous  trouvons  dans  cette  conséquence  même  une  nou- 
velle garantie  de  l'explication  que  l'examen  des  faits 
particuliers  et  des  procédés  généraux  qui  président  à 
l'évolution  des  langues  indo-européennes  nous  a  conduit  à 
admettre.  Paul  Regnaud. 

Bibl.  :  Mathématiques.  —  Clebsch,  Théorie  de  Vélasti- 
citéd'es  corps  solides,  trad.  par  Barre  de  Saint-Venant 
et  Flamant;  Paris,  1883. 

FLEXURE  (GéoL).  Dans  les  régions  qui  n'ont  été  sou- 
mises qu'à  des  efforts  de  compression  peu  énergiques, 
souvent  on  observe  que  des  couches  restées  horizontales  se 
montrent  tout  à  coup  brusquement  coudées  et  reprennent 
ensuite,  à  un  niveau  plus  bas,  leur  horizontalité  première. 
Cette  dislocation  unilatérale,  qualifiée  autrefois  par  les  géo- 
logues américains  de  pli  monoclinal  (V.  B.  et  H.  D.  Rogers, 
OiithePhys.  Struct.  of  the  Appalachian  chain ;  Jrans. 
Americ.  Assoc.  Geolog.,  4842,  p.  485),  est  maintenant. 


FLEXURE  —  FLIBUSTIER 


—  614  — 


désignée  sous  le  nom  de  flexure.  Dans  ce  mode  de  plisse- 
ment fort  simple,  la  courbure,  qui  raccorde  les  couches  ho- 
rizontales situées  à  un  niveau  différent,  peut  être  plus  ou 
moins  inclinée,  verticale,  mais  jamais  on  n'observe  de  che- 
vauchement c.-à-d.  d'angle  rentrant  portant  la  marque 
d'un  refoulement  latéral.  C'est  en  somme  un  pli  à  un  seul 
flanc  attribuable  à  un  effort  vertical  tendant  à  faire  naître 
une  faille  et  qui  aurait  réussi  à  la  produire  si  les  couches 
intéressées  s'étaient  mal  prêtées  à  l'allongement.  Dans  les 
conditions  normales  une  flexure  représente  ainsi  une  faille 
sans  rupture,  et  de  même  que  dans  les  failles  il  y  a  lieu 
d'y  distinguer,  en  dehors  de  la  branche  coudée  (c,  fig.  1), 

a 


un  côté  soulevé,  a,  et  un  côté  abaissé,  b.  L'escarpement 
est  alors  formé,  non  plus  par  des  couches  vues  sur  la  tranche 
comme  dans  les  fractures  à  rejet  notable,  mais  par  une 
pente  continue.  Dès  lors  quand,  par  suite  d'une  prolonga- 
tion de  l'effort  vertical,  cette  branche  coudée  s'étire,  les 
couches  infléchies  s'amincissent  (fig.  2  et  3),  s'étranglent  au 
point  de  faire  disparaître  le  flanc  de  raccordement  (fig.  4), 
puis  finalement  les  deux  coudes  se  séparent  et  la  flexure 

Canon  de  Kanak 


rompue  se  résout  en  faille  (fig.  5).  Il  est  toujours  facile 
de  se  rendre  compte  de  la  nature  de  cet  accident  et  de  le 
différencier  des  failles  normales  en  examinant  l'allure  des 


Diverses  phases  de  la  résolution  d'une  flexure  en  faille, 
couches  sur  chacune  des  deux  lèvres  de  la  fracture; 
alors  que,  sur  la  lèvre  demeurée  en  saillie,  elles  apparais- 
sent courbées  vers  le  bas,  sur  la  lèvre  abaissée  elles  se 
redressent  en  sens  contraire  (fig.  5).  Dès  lors  ces  failles 
spéciales  dites  à  retroussement  deviennent  caractérisées 
par  ce  fait  que  sur  le  plan  de  fracture  les  couches  semblent 
aller  à  la  rencontre  l'une  de  l'autre. 


Fa  la  /se 
cU  KEcko 


Flexure  Horst 


Nacan  de  la  mer 


Fig.  6.  —  Coupe  dirigée  au  travers  du  plateau  dû  Colorado,  dans  le  N.  du  Grand  Canon.  1,  [carbonifère  inférieur; 
2,  terrains  houiller  et  permien  \  3,  terrains  secondaires  ;  H,  faille  des  Hurricane  fault  ;  T,  faille  du  Toroweap  ;  P  et  P',  plis 
du  Kaïbad. 


Mieux  que  toute  description,  la  fig.  6,  empruntée  à 
M.  Powel  (Exploration of  Colorado;  United  States  Geolog . 
Survey,  1884),  donnera  une  idée  du  rôle  bien  particulier 
joué  dans  le  relief  par  ces  flexures  qui,  correspondant  tou- 
jours à  des  plis  très  étalés,  donnent  naissance  à  de  grandes 
zones  de  plateaux.  Tels  sont  sur  le  versant  occidental  des 
montagnes  Rocheuses,  ceux  célèbres  du  Colorado  où  les 
couches,  sans  perdre  leur  horizontalité,  se  relèvent  par 
gradins  successifs,  raccordés  par  des  flexures,  qui  se  pour- 
suivent sur  de  grandes  étendues  en  offrant  toutes  les  transi- 
tions entre  les  plis  et  les  cassures.  Ch.  Vélain. 

Bibl.  :  Heim  etDEMARGERiE,  les  Dislocations  de  l'Ecorce 
terrestre;  Zurich,  1888. —  Geikie,  Text  Booh  of  Géologie; 
Londres,  1885,  2a  édit.  —  Von  Richtofen,  Fùrher  For- 
schungsreisende  ;  Berlin,  1886. 

FLEY.  Corn,  du  dép.de  Saône-et-Loire,  arr.  de  Chalon- 
sur-Saône,  cant.  de  Buxy;  654  hab. 

FLEYS.  Côm.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  et  cant.  de 
Tonnerre*  332  hab. 

FLIBUSTIER  ou  BOUCANIER.  Nom  donné  à  des  aven- 
turiers européens  établis  aux  Antilles  durant  le  xvne  siècle. 
Leurs  exploits  dans  leur  lutte  contre  les  Espagnols  sont  restés 
légendaires.  L'origine  de  leurs  établissements  remonte  aux 
premières  années  du  xvir3  siècle.  Les  forêts  et  les  savanes 
des  Antilles,  Haïti,  la  Guadeloupe,  la  Martinique,  Gre- 
nade, etc.,  nourrissaient  de  vastes  troupeaux  de  bœufs 
redevenus  sauvages.  Des  colons  français  abordèrent  dans 
ces  îles  et  y  cherchèrent  une  ressource  dans  la  chasse. 
Bientôt  ils  développèrent  l'industrie  du  boucanage,  rôtis- 
sant ou  fumant  la  viande,  séchant  les  peaux.  Leur  équi- 
page de  chasse  comportait  une  meute  de  25  à  30  chiens 
conduits  par  un  ou  deux  veneurs,  un  fusil  de  lm60  fabri- 
qué à  Dieppe  ou  à  Nantes  et  envoyant  des  balles  de 
30  gr.  ;  une  vingtaine  de  livres  de  poudre  venant 
surtout  de  Cherbourg  ;  de  plus,  un  sabre  court  et  des  cou- 


teaux. Leurs  vêtements  étaient  deux  chemises  de  toile, 
une  culotte  de  drap,  un  chapeau  de  feutre,  des  souliers  de 
cuir  ;,les  jambes  restaient  nues  ;  ils  emportaient  de  petites 
tentes  de  toile  mince.  Les  boucaniers  isolés,  sans  femmes, 
avaient  adopté  une  discipline  remarquable  qui  fit  leur  force. 
Ils  s'associaient  deux  à  deux,  mettant  tout  en  commun  ; 
leur  maison  ou  loge  restait  ouverte,nul  vol  n'étant  à  craindre. 
Les  querelles  se  réglaient  par  des  duels.  Leurs  provisions 
de  cuirs  ou  de  viande  boucanée  étaient  portées  à  la  côte 
par  des  engagés,  réduits  à  un  véritable  servage.  Les  bou- 
caniers prospérèrent  surtout  au  N.  de  l'Ile  de  Haïti.  Là  ils 
se  trouvèrent  en  conflit  avec  les  Espagnols  et  en  rapport 
avec  des  aventuriers  de  la  mer,  avec  lesquels  ils  se  con- 
fondirent, les  flibustiers. 

Les  flibustiers  (freeboters)  étaient  des  pirates  de  toute 
race  qui  dévalisaient  les  vaisseaux  de  commerce  espagnols. 
Le  premier  noyau  fut  formé  de  Français  établis  dans  l'île 
de  Saint-Christophe  vers  1625.  Quelques  années  plus  tard, 
ils  se  transportèrent  sur  la  côte  N.-O.  de  Haïti  et  occu- 
pèrent l'île  de  la  Tortue,  rocher  formidable,  à  peu  près 
inaccessible,  qui  leur  offrit  un  refuge  assuré.  Ils  s'enten- 
daient à  peu  près  avec  les  boucaniers,  colons  de  terre  ferme, 
originaires  surtout  de  la  Normandie.  Ceux-ci  finirent  par 
devenir  gênants  pour  les  Espagnols  qui  les  avaient  d'abord 
négligés.  Attaqués  jusque  dans  leurs  villes,  les  Espagnols 
entamèrent  une  guerre  en  règle  contre  les  boucaniers,  mas- 
sacrant les  gens  paisibles  comme  les  pillards.  La  résistance 
s'organisa  et  il  en  résulta  deux  conséquences.  D'une  part, 
le  gouvernement  français  protégea  ses  nationaux  et  trans- 
forma en  colonies  leurs  principaux  établissements.  D'autre 
part,  les  flibustiers  menacés  s'organisèrent  au  point  de 
former  une  véritable  puissance  maritime.  Il  se  fit  donc  un 
départ  entre  les  colons  et  les  pirates.  En  4637,  Louis  XIII 
nomme  gouverneur  de  la  Martinique  le  capitaine  Dupar- 


645  - 


FLIBUSTIER  —  FLINCK 


quet,  un  des  chefs  des  flibustiers.  En  4655,  les  boucaniers 
de  Haïti  se  mettent  sous  la  protection  de  la  France.  Les 
Espagnols,  désespérant  d'en  venir  à  bout  directement,  avaient 
exterminé  les  bœufs  sauvages,  ce  qui  forçait  les  chasseurs 
à  se  transformer  en  planteurs.  En  4665,  la  France  leur 
envoya  un  gouverneur  et  une  cargaison  de  femmes.  Ainsi  se 
fonda  la  colonie  française  de  Haïti,  qui  fut  au  xviii6  siècle 
la  plus  prospère  des  Antilles.  On  trouvera  des  détails  dans 
les  articles  spéciaux  (V.  Haïti,  Martinique,  etc.). 

Un  grand  nombre  d'aventuriers,  au  lieu  de  devenir  des 
colons,  préférèrent  continuer  leur  vie  batailleuse.  Les  fli- 
bustiers formaient  des  bandes  de  50  à  450  hommes,  montés 
sur  des  barques  où  parfois  ils  avaient  à  peine  la  place  pour 
se  coucher.  Bravant  les  tempêtes  et  les  intempéries,  ils 
guettaient  les  navires  espagnols.  Un  des  premiers,  le  Diep- 
pois  Legrand  se  jette  avec  une  barque  montée  par 
29  hommes,  armée  de  quatre  petits  canons,  sur  le  galion 
du  vice-amiral  ;  son  bateau  sombre,  mais  il  s'empare  de 
l'autre.  Les  exploits  des  flibustiers,  l'énorme  butin  qu'ils 
conquièrent  leur  attirent  des  milliers  de  recrues.  Leurs 
petites  bandes  de  25  à  30  hommes,  qu'on  appelait  des 
matelotages,  étaient  autonomes  ;  elles  grandissaient  avec 
le  succès,  s'unissaient  les  unes  aux  autres  pour  de  grandes 
expéditions,  essaimaient  comme  des  ruches  quand  elles 
devenaient  trop  nombreuses.  Les  keys,  récifs  et  îlots  à 
demi  noyés  du  S.  de  la  Floride  leur  fournissaient  des  re- 
paires impénétrables  où  ils  défiaient  toute  poursuite.  Dans 
ces  îlots  ou  sur  les  côtes  voisines,  ils  enterraient  leurs 
trésors,  et  plus  d'un  y  est  encore  dont  les  possesseurs  ont 
disparu  dans  quelque  tempête  ou  dans  quelque  assaut 
meurtrier.  Dans  leurs  orgies  ou  dans  les  partages  de  butin 
s'allumaient  de  terribles  querelles.  Nulle  organisation  d'en- 
semble ne  put  être  créée  par  ces  redoutables  pirates. 
Cependant  ils  furent  bientôt  assez  forts  pour  s'attaquer  non 
seulement  à  des  navires,  mais  à  des  villes,  aux  forteresses 
des  Espagnols.  Quelques-unes  de  ces  entreprises  ont  eu 
un  grand  retentissement. 

Les  flibustiers  dont  l'histoire  a  conservé  le  nom  sont  : 
les  Français  Montbars  l'Exterminateur ,  Nau  l'Olonais , 
Montauband,  François  Gramont  ou  Grandmont,  Michel  le 
Basque  ;  les  Anglais  Morgan,  Mansfield,  les  Hollandais 
Roe  Graff,  Van  Horn  (d'Ostende),  le  Portugais  Barthé- 
lémy, etc.  Leurs  plus  célèbres  hauts  faits  sont  rapportés 
au  nom  de  ces  étranges  héros.  Ils  commencèrent  vers  4660 
quand  les  Frères  de  la  Côte  s'organisèrent  avec  quelque 
méthode  sous  leur  étendard  noir  orné  de  la  tête  de  mort 
et  du  sablier.  Rappelons  l'expédition  de  Montbars,  Nau 
l'Olonais  et  Michel  le  Basque  qui,  avec  440  hommes,  sac- 
cagèrent Puerto  Gabello,  San  Pedro,  Gibraltar,  Maracaïbo  ; 
de  Morgan,  qui  dévasta  Portobello,  l'île  Santa  Gatarina, 
Chagres  et  Panama  (4670);  celle  de  Van  Horn  et  des 
4,200  flibustiers  français  contre  la  Vera  Cruz  (4683);  la 
grande  expédition  où  4,000  hommes  se  réunirent  pour 
essayer  la  conquête  du  Pérou  ;  l'indiscipline  la  fit  avorter. 
Citons  encore  l'extraordinaire  équipée  de  ces  50  flibustiers 
qui  promenèrent  leur  barque  du  détroit  de  Magellan  à  la 
Californie,  pillant  les  ports  espagnols,  capturant  un  navire 
de  guerre  de  premier  rang  chargé  de  plusieurs  millions  de 
numéraire.  La  dernière  grande  victoire  des  flibustiers  fut  la 
prise  de  Cartagena  par  les  corsaires  français.  La  guerre 
entre  la  France  et  l'Angleterre  divisant  les  flibustiers  en 
deux  camps  contribua  beaucoup  à  les  faire  disparaître  ;  la 
colonisation  méthodique  de  Haïti,  de  la  Jamaïque,  l'orga- 
nisation par  les  Anglais  d'une  immense  contrebande  offi- 
cieuse expliquent  qu'au  xvnr3  siècle  le  souvenir  seul  subsiste 
des  Frères  de  la  Côte. 

Bibl.:  Œxmelin,  Geschichte  der  Bukaniere,  1775.  — 
Archenholz,  Geschichte  der  Bukaniere  ;  Tubingue,  1804. 
—  Les  Flibustiers  au  xviii9  siècle  ;  Limoges,  1884. 

FL1GNY.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Rocroi, 
cant.  de  Signy-le-Petit  ;  242  hab. 

FL1MS.  Village  de  Suisse,  cant.  des  Grisons,  sur  le  ver- 
sant N.  de  la  vallée  du  Rhin,  à  800  m.  au-dessus  de  la 


mer  ;  798  hab.  de  langue  romanche.  Paysage  fort  pitto- 
resque, très  fréquenté  des  touristes,  qui  trouvent  à  Flims 
de  grands  hôtels  dont  le  confort  ne  laisse  rien  à  désirer. 
A  une  petite  distance,  se  voit  le  joli  petit  lac  de  Cauma, 
au  milieu  d'une  magnifique  forêt  de  sapins. 

FLIN  (Fluns,  4147).  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et- 
Moselle,  arr.  de  Lunéville,  cant.  de  Gerbéviller,  sur  la 
Meurthe  et  le  chem.  de  fer  de  Nancy  à  Saint-Dié;  588  hab. 
Filatures,  tréfilerie,  fours  à  chaux.  —  A  2  kil.  au  S.  s'éle- 
vait le  prieuré  de  Merva ville,  aujourd'hui  converti  en  ferme. 

FLINCK  (Govaert),  peintre  hollandais,  né  à  Clèves  en 
4645,  mort  à  Amsterdam  en  4660.  Ses  parents,  simples 
blanchisseurs,  voulaient  en  faire  un  commerçant  et  l'avaient 
placé  d'abord  chez  un  marchand  de  soieries  d'où  sans  cesse 
il  s'échappait  pour  aller  dessiner  chez  un  peintre  verrier. 
Son  père  entrava  de  toutes  ses  forces  cette  vocation  ;  enfin, 
un  jour  qu'il  avait  entendu  prêcher  un  anabaptiste  élo- 
quent, de  la  secte  des  memnonites,  il  apprit  que  ce  saint 
homme  n'était  autre  que  le  peintre  connu,  Lambert  Jacobsz. 
Cette  aventure  leva  tout  scrupule,  et  ce  fut  à  Jacobsz  lui- 
même  que  fut  confié  le  jeune  homme.  Dans  l'atelier  de  ce 
maître,  à  Leeuwarden,  Flinck  se  lia  avec  Jakob  Bakker  et 
avec  le  fils  de  Jacobsz,  Abraham  Lambert  van  der  Tempel. 
A  cette  première  période  appartiendrait  un  grand  tableau 
ambitieux  et  inexpérimenté,  représentant  Sept  Princes  de 
la  maison  de  Nassau  (palais  de  Leeuwarden),  si  toutefois 
il  est  bien  prouvé  qu'il  soit  de  Flinck  lui-même.  Venu  à 
Amsterdam  en  4636,  il  y  entra  aussitôt  dans  l'atelier  de 
Rembrandt.  Nature  aimable  et  souple,  Flinck  s'assimila 
rapidement  l'enseignement  puissant  du  maître.  Il  se  passa 
pour  lui  ce  qui  se  passait  pour  beaucoup  de  jeunes  peintres 
hollandais  :  les  tableaux  qu'il  exécuta  avant  son  admission 
à  la  maîtrise  et  que,  d'après  les  statuts  de  la  corporation 
de  Saint-Luc,  il  n'avait  pas  le  droit  de  signer,  furent 
vendus  comme  des  œuvres  de  Rembrandt,  et  on  en  re- 
trouve dans  les  musées,  avec  de  fausses  signatures.  Après 
avoir  quitté  l'atelier  de  Rembrandt,  où  il  ne  resta  pas 
deux  ans,  Flinck  conserva  quelque  temps  la  tradition  du 
maître,  qui  se  reconnaît  notamment  dans  ses  trois  Béné- 
dictions d'Isaac  (Amsterdam,  4638,  Alte  Pinacothek  de 
Munich,  collection  Six)  :  tout  y  vient  de  Rembrandt,  sujet, 
figures,  accessoires.  En  4644,  Flinck,. livré  à  lui-même, 
s'est  déjà  fait  une  belle  clientèle  de  portraitiste,  puisque 
de  cette  année  sont  datés  la  Petite  Fille,  de  la  collection 
des  Tombes  à  Amsterdam  ;  la  Petite  Bergère,  du  Louvre, 
et  le  Jeune  Homme,  de  Berlin.  Enfin,  en  4642,  il  peut 
aborder  les  grands  tableaux  de  corporations,  qui  n'étaient 
confiés  qu'aux  peintres  en  réputation.  Il  peint  d'abord  les 
Quatre  Doyens  de  la  corporation  des  «  kolveniers  »  ou 
arquebusiers,  puis,  en  4645,  les  Officiers  de  la  compa- 
gnie «  Orange  »  de  la  milice.  Dans  cette  œuvre  magis- 
trale, Flinck  se  sépare  déjà  de  Rembrandt  pour  se  rappro- 
cher de  maîtres  plus  calmes,  comme  Van  der  Helst  ;  jetant 
ses  personnages  si  vivants  en  pleine  lumière,  il  fait  jouer 
sur  leur  drapeau  et  leur  costume  une  série  de  teintes 
jaunes,  d'une  finesse  et  d'une  harmonie  extraordinaires. 
En  4645,  il  fait  un  riche  mariage  :  un  des  personnages 
les  plus  considérables  d'Amsterdam,  Thovelinck,  lui  donne 
sa  fille  Ingitta,  qui  devait  mourir  dès  4654,  déformée  par 
Fhydropisie.  C'est  en  4648  que  Flinck  exécute  son  œuvre 
capitale  :  la  Fête  des  gardes  civiques  après  la  paix  de 
Munster  (ou  de  Westphalie),  avec  une  vingtaine  de  figures. 
Ici  la  composition  savamment  équilibrée,  la  recherche  des 
_ ajustements  aristocratiques  et  des  attitudes  élégantes  et 
fières  trahit  l'imitation  non  des  Hollandais  simples  et  bour- 
geois, mais  des  Flamands  qui  travaillaient  pour  les  princes. 
Cette  transformation,  que  l'on  peut  attribuer  au  succès  de 
Van  Dyck,  a  frappé  même  les  contemporains,  mais  la  sou- 
plesse avec  laquelle  la  manière  de  Flinck  suivait  la  mode 
ne  faisait  qu'augmenter  sa  réputation,  et,  précisément  à 
propos  de  ce  tableau  de  4648,  Vondel,  le  détracteur  de 
Rembrandt,  comparait  Flinck  au  légendaire  Apelles.  Une 
autre  commande  importante  mit  le  comble  à  sa  gloire  :  il 


FL1NCK  —  FLINT 


616  — 


exécuta,  pour  l'hôtel  de  ville  d'Amsterdam,  deux  grandes 
compositions,  Gïirius  Dentatus  refusant  les  présents  des 
Samnites,  et  Salomon  demandant  à  Dieu  la  sagesse. 
Ces  peintures  officielles  et  pompeuses  étalent  une  habileté 
de  disposition  et  une  richesse  de  costumes  et  d'accessoires 
qui  font  immédiatement  penser  à  Rubens  ;  mais  la  couleur 
est  épaisse  et  criarde.  Le  magistrat  d'Amsterdam  se  mon- 
tra si  satisfait  que  Flinek  reçut  aussitôt  la  commande  de 
huit  toiles  nouvelles  ;  mais,  avant  que  les  esquisses  fussent 
terminées,  la  maladie  l'enleva  en  quelques  jours.  Sa  col- 
lection de  tableaux  et  gravures,  trop  vantée  par  Houbraken, 
devait  être  assez  médiocre,  car,  d'après  les  documents,  elle 
ne  se  vendit  que  \  ,200  florins.  Outre  les  œuvres  capitales, 
que  nous  avons  citées,  on  peut  encore  voir  :  une  Annon- 
ciation aux  bergers  (Louvre),  un  Portrait  de  femme 
(Bruxelles),  Abraham  chassant  Agar  (Berlin),  David  et 
Urie  (Dresde),  un  Corps  de  garde  (Alte  Pinacothek  de 
Munich),  deux  Portraits  à  Copenhague,  trois  Portraits 
à  l'Ermitage  (Saint-Pétersbourg),  Bethsabée  implorant 
David  (National  Gallery  de  Dublin).         E.  Bertaux. 

Bibl.  :  H.  Havard,  l'Art  et  les  Artistes  hollandais,  II. 
—  E.  Michel,  Rembrandt. 

FLINDELL  (Thomas),  publiciste  anglais,  né  à  Helford 
(Cornouailles)  en  1767,  mort  à  Exeter  le  11  juil.  1824. 
Apprenti  typographe,  il  fut  chargé  de  diriger,  en  1790,  la 
Doncaster  Gazette;  il  fonda  vers  1798  une  imprimerie  à 
Helston,  s'établit  à  Falmouth  en  1800  et  fonda  en  1801 
la  Cornwall  Gazette  and  Falmouth  Packet,  qui  dispa- 
rut bientôt  à  la  suite  de  la  faillite  des  bailleurs  de  fonds. 
Flindell  créa  un  nouveau  journal,  The  Royal  Cornwall 
Gazette (1803),  qui  existe  encore  aujourd'hui  (1893),  et  une 
publication  hebdomadaire,  The  Western  Luminary.  Un 
article  satirique  où  la  reine  Caroline  était  représentée  comme 
une  sectatrice  de  Bacchus  et  de  Vénus,  valut  à  Flindell  une 
condamnation  à  huit  mois  d'emprisonnement  (1821).  Il  mit 
à  profit  ses  loisirs  forcés  pour  composer  un  volume'  de  con- 
troverse religieuse,  Prison  Récréations  (1821).  Il  mourut 
des  suites  des  rigueurs  qu'il  avait  endurées  en  prison. 

FLINDERS  (Ile) .  Ile  de  l'Australasie,  au  N.-E.  de  la  Tas- 
manie,  dans  l'archipel  des  Furneaux  (V.  ce  mot).  On  y 
relégua  en  1835  les  derniers  Tasmaniens. 

FLINDERS  (Monts).  Montagnes  de  l'Australie,  colonie 
d'Australie  du  Sud,  à  l'E.  du  golfe  de  Spencer  et  du  lac  Tor- 
rens;  le  plus  haut  sommet,  le  mont  Remarkable,  atteint  969  m. 
FLINDERS.  Rivière  d'Australie,  colonie  de  Queensland; 
elle  coule  de  l'E.  à  l'O.  puis  du  S.  au  N.  et  débouche  par  deux 
branches  dans  le  golfe  de  Carpentarie  après  un  cours  de 
775  kil.  Elle  arrose  de  riches  pâturages.  Son  principal  tribu- 
taire est  le  Cloncurry .  Elle  a  été  découverte  par  Stokes  (  1 841  ) , 
explorée  par  Walker  (1862)  et  Landsborough  (1868). 

FLINDERS  (Matthew),  navigateur  et  hydrographe  an- 
glais, né  à  Donington  (Lincolnshire)  en  1770,  mort  à 
Londres  le  19  juil.  1814.  D'une  famille  de  médecins,  ses 
parents  le  destinaient  à  la  même  profession,  mais  il  avait 
la  passion  de  la  mer,  et,  après  avoir  étudié  seul  les  sciences 
qui  se  rattachent  à  la  navigation,  il  prit  du  service, 
d'abord  sous  les  ordres  du  capitaine  Pasley,  puis  sous 
ceux  du  capitaine  William  Bligh,  avec  lequel  il  fit  un  voyage 
dans  les  mers  du  Sud  où  ses  connaissances  de  dessinateur 
et  d'hydrographe  furent  mises  à  profit.  Arrivé  en  Australie 
(1795),  il  entreprit,  sur  une  frêle  embarcation,  de  concert 
avec  Georges  Bass  (Y.  ce  nom),  un  périlleux  voyage  d'ex- 
ploration dans  l'intérieur  du  pays,  qui  réussit  à  merveille. 
Ils  recommencèrent  en  1 798  et  découvrirent  alors  le  détroit 
qui  porte  le  nom  de  Bass.  Ces  succès  valurent  à  Flinders, 
en  1799,  de  la  part  du  gouverneur  John  Hunter,  le  com- 
mandement du  sloop  le  Norfolk  avec  la  mission  de  recon- 
naître les  côtes  et  les  détroits  du  groupe  des  îles  Furneaux. 
De  retour  en  Angleterre,  il  fut  nommé  lieutenant  de  vais- 
seau et  envoyé  sur  le  Xenophon  dont  le  nom  fut,  pour  la 
circonstance,  changé  en  celui  à'ïnvestigator,  pour  explo- 
rer plus  en  détail  la  côte  S.  de  la  Nouvelle-Hollande,  où 
il  se  rencontra  avec  le  capitaine  français  Nicolas  Baudin, 


commandant  le  Géographe.  Les  maladies  dont  souffrait  son 
équipage  et  le  mauvais  état  de  son  navire  le  forcèrent  de 
ne  pas  pousser  son  exploration  plus  loin  que  la  baie 
d'Arnhem.  Le  10  août  1803,  il  prit  passage  sur  le  Por- 
poise,  qui  partait  de  Port  Jackson  pour  l'Angleterre  ;  mais 
sept  jours  après,  le  navire  faisait  naufrage,  et  Flinders 
pouvait  à  grand 'peine  regagner  Port  Jackson.  Reparti  sur 
le  Cumberland,  il  fut  contraint  de  relâcher  à  l'île  Maurice, 
dont  le  gouverneur  français,  Decaen,  le  retint  prisonnier 
sous  l'accusation  d'espionnage.  Il  ne  fut  relâché  qu'au  bout 
de  sept  ans.  Enfin,  le  20  oct.  1810,  il  arriva  à  Portsmouth 
et  s'occupa  de  rédiger  la  relation  de  son  voyage,  qui  parut 
le  jour  même  de  sa  mort  (  Voyage  to  Terra  Australia  ; 
Londres,  1814,  2  vol.).  Flinders,  dont  les  travaux  font 
encore  autorité,  a  été  un  des  premiers  à  étudier  l'erreur 
de  la  boussole  due  à  l'attraction  du  fer  entrant  dans  ta  cons- 
truction des  navires  ;  un  mémoire  de  lui  sur  ce  sujet  est 
inséré  dans  les  Philosophical  Transactions  de  la  Royal 
Society  pour- 1806.  B.-H.  Gausseron. 

FL1 N  DERSIA  (FlindersiaR.Br.)  (Bot.).  Genre  déplantes 
de  la  famille  des  Méliacées  et  du  groupe  des  Cédrélées.  Les 
espèces  qu'il  renferme,  au  nombre  d'une  douzaine,  ha- 
bitent Amboine,  l'Australie  et  la  Nouvelle-Calédonie.  Ce 
sont  des  arbres  ou  des  arbustes  à  feuilles  coriaces,  simples 
ou  imparipennées,  à  fleurs  hermaphrodites,  pentamères, 
avec  un  androcée  diplostémone.  Le  fruit  est  capsulaire. 
Celui  du  F.  amboinensis  Poir.  ou  Radulier  (Arbor  radu- 
lifera  Rumph.)  est  hérissé  de  petites  pointes  aiguës  et 
coniques  ;  les  indigènes  s'en  servent  comme  de  râpes.  Une 
autre  espèce,  le  F.  xanthoxylon  H.  Bn  fournit  au  com- 
merce le  Bois  jaune  d'Australie.  Ed.  Lef. 

FL1NDT  (Paul),  orfèvre  et  graveur  allemand,  né  à  Nu- 
remberg vers  1570,  mort  vers  1620.  On  ne  le  connaît  que 
par  plusieurs  recueils  de  gravures  portant  son  nom,  tels 
que  le  Visirungs  Buch  (Vienne,  1593,  37  pi.  in-fol.)  ; 
un  recueil  de  vases  et  autres  ustensiles  du  xvie  siècle 
(4594,  42  pi.);  les  Douze  Mois  (Nuremberg,  1611, 
13  pi.)  ;  les  Grotesques  (1611,  12  pi.).  On  lui  attribue 
l'exécution  de  certains  vases  artistiques  conservés  dans  les 
musées  de  Berlin,  Nuremberg  et  Londres.  G.  P-i. 

FLINES-lez-Mortagne.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de 
Valenciennes,  cant.  de  Saint-Amand,  sur  la  rive  droite  de 
l'Escaut;  1,884  hab.  Construction  de  bateaux.  L'église 
conserve  d'anciennes  et  curieuses  pierres  tombales. 

FLINES-lez-Rachesou  lez-Marchiennes,  ou  l'Abbaye. 
Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  de  Douai,  près  de  la 
Scarpe;  4,016  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du  Nord,  ligne 
de  Douai  à  Tournai.  Fabriques  de  sucre,  distilleries,  tis- 
sage de  toiles,  teintureries.  Eglise  en  partie  du  xme  siècle; 
belles  tombes  du  xve  siècle. 

Abbaye  de  Flines.  —  Ancienne  abbaye  de  femmes  de 
l'ordre  de  Cîteaux,  établie  en  1234,  près  d'Orchies,par  Mar- 
guerite, fille  de  Baudoin  de  Flandre,  empereur  de  Cons- 
tantinople,  et  transférée  àFlines  en  1252.  Elle  était  à  la  fin 
du  siècle  dernier  l'une  des  plus  riches  abbayes  du  royaume. 

Bibl.  :  Hautcœur,  Histoire  et  cartulaire  de  l'abbaye 
de  Flines;  Lille,  1873-1874,  3  vol.  in-8,  av.  cartes. 

FLINS-Neuve-Eglise.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  de  Mantes,  cant.  de  Houdan  ;  126  hab. 

FLINS-sur-Seine.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
de  Versailles,  cant.  de  Meulan;  772  hab. 

FLINS  des  Oliviers  (Carbon  de)  (V.  Carbon). 

FLINT.  Comté  anglais  du  pays  de  Galles,  entre  ceux  de 
Denbigh  et  de  Chester,  sur  l'estuaire  de  la  Dee  ;  il  com- 
prend, avec  le  district  de  Maelor  Saesneg,  enclavé  à  l'E. 
de  la  Dee  entre  Denbigh,  Salop  et  Chester,  655  kil.  et 
80,000  hab.  Le  rivage  de  la  Dee  est  un  sol  alluvial  très 
fertile  ;  à  l'intérieur,  les  hauteurs  s'élèvent  jusqu'à  556  m. 
dans  le  Moel  Fammau.  A  l'O.  du  comté  coule  le  Clwyd. 
Le  chef-lieu  est  Mold  ;  les  principaux  centres  sont  Hawar- 
den,  Flint,  Holywell.  Sur  la  superficie  du  sol,  31  °/0  sont 
cultivés,  44  °/0  occupés  par  des  prairies,  4  1/2  °/o  par 
des  bois.  On  comptait  en  1885  environ  5,700  chevaux, 


—  647  - 


FLINT  -  FLINT-GLASS 


32,000  bœufs,  60,000  moutons,  45,000  porcs.  Il  existe 
des  mines  de  houille  et  de  plomb  qui  donnent  lieu  à  une 
exploitation  active. 

FLINT.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Miehigan,  comté  de 
Genesee,  sur  une  petite  rivière  appelée  Flint  ;  9,000  hab. 
Stat.  du  chem.  de  fer  de  Port  Huron  à  Lansing,  à  90  kil. 
N.-O.  de  Détroit.  Importantes  scieries. 

FLINT  River.-  Riv.  des  Etats-Unis  (Etat  de  Géorgie), 
affl.  de  gauche  du  fleuve  Chattahooehee,  qui,  après  sa  jonc- 
tion avec  la  rivière  Flint,  prend  le  nom  d'Apalachicola  (ri- 
vière des  Appalaches)  et  se  jette  dans  le  golfe  du  Mexique, 
au  N.-O.  de  la  Floride.  Le  Flint  a  un  cours  de  480  kil.  et 
est  navigable  jusqu'à  Albany  (225  kil.). 

FLINT  (Timothée),  ecclésiastique  et  littérateur  améri- 
cain, né  à  North  Reading  (Massachusetts)  le  41  juil.  4780, 
mort  à  Salem  le  46  août  4840.  Il  fut  pasteur  àLuenburg 
(Massachusetts)  de  4802  à  4844.  Des  dissentiments  poli- 
tiques avec  ses  paroissiens  lui  firent  ensuite  donner  sa 
démission.  Il  alla  comme  missionnaire  dans  l'Ouest  et  y 
demeura  de  4845  à  4825.  Parmi  les  romans,  essais  et 
articles  qu'il  publia  après  cela,  il  faut  relever  :  Recollec- 
tion of  ten  years  passed  in  the  Valley  of  the  Missis- 
sippi (Boston,  1826,  in-8),  et  Condensed  Geography  and 
History  of  the  Western  States  in  the  Mississippi  Valley 
(Cincinnati,  4828,  2  vol.  in-8),  qui  forment  des  documents 
importants  de  ce  temps  sur  ces  contrées.         F.-H.  K. 

FLINT  (Austin),  médecin  américain,  né  à  Peterham 
(Massachusetts)  le  20  oct.  4842,  mort  le  43  mars  4886. 
Professeur  de  pathologie  à  New  York  et  à  Brooklyn,  il  a 
été  l'un  des  médecins  les  plus  éminents  de  l'Amérique.  Il 
a  laissé  un  grand  nombre  d'excellents  ouvrages  parmi  les- 
quels :  Pract.  Treatise  on  the  diagnosis  and  treatm.  of 
diseases  of  the  heart  (Philadelphie,  4859,  in-8  ;  2e  éd., 
4879)  et  Treatise  on  principles  and  practice  ofmedi- 
cine  (Philad.,  4866,  in-8;  5e  éd.,  4884)  sont  devenus 
classiques.  Dr  L.  Hn. 

FLINT  (Austin),  physiologiste  américain  contemporain, 
fils  du  précédent,  né  à  Northampton  le  28  mars  4836. 
Professeur  de  physiologie  à  New  York.  Ouvrages  prin- 
cipaux :  The  Physiology  of  man  (New  York,  4866-4874, 
5  vol.  in-8)  ;  A  Text  Book  of  human  physiology  (New 
York,  4876,  in-8).       #  #  Dr  L.  Hn. 

FLINT  (Robert),  philosophe  anglais  contemporain,  né 
dans  le  comté  de  Dumfries,  en  Ecosse,  le  44  mars  4838. 
Il  entra,  à  l'âge  de  quatorze  ans,  à  l'université  de  Glasgow 
où  il  suivit,  pendant  huit  ans,  les  cours  de  lettres  et  de 
théologie  et  obtint  de  brillants  succès  dans  divers  concours 
universitaires.  Il  entra,  en  4859,  avec  le  grade  de  licencié 
dans  l'Eglise  d'Ecosse,  fut  nommé,  la  même  année,  pasteur 
de  la  paroisse  de  l'Est  d'Aberdeen,  puis,  en  4862,  pasteur 
de  Kilconquhar,  dans  le  comté  de  Fife.  En  4864,  il  fut 
appelé  à  succéder  à  l'illustre  professeur  Ferrier  dans  la 
chaire  de  philosophie  morale  et  d'économie  politique  de 
l'université  de  Saint- Andrews.  En  4876,  il  passa  dans  la 
chaire  de  théologie  de  l'université  d'Edimbourg  où  il  en- 
seigne encore  aujourd'hui.  M.  Flint  est  membre  corres- 
pondant de  l'Institut  de  France,  membre  honoraire  de  la 
Société  royale  de  Palerme  et  vice-président  de  la  Société 
royale  d'Edimbourg.  En  philosophie,  M.  Flint  n'accepte  ni 
ne  condamne  sans  rectriction  aucun  système.  Il  admet  que 
les  philosophies  positive,  critique,  métaphysique  ou  pra- 
tique ont  chacune  leur  légitimité  et  leur  sens  propre.  Il 
rejette  seulement  le  positivisme  et  le  criticisme  quand  ils 
dégénèrent  l'un  en  négativisme,  l'autre  en  agnosticisme, 
et  les  philosophies  pratique  ou  métaphysique  quand  elles 
se  refusent  à  admettre  le  contrôle  des  philosophies  critique 
et  positive  (V.  le  résumé  des  idées  philosophiques  de 
M.  Flint  dans  la  Princeton  Review  of  Philos.,  art.  Scien- 
tia  Scientiarum,  et  dans  la  Presbysterian  Review,  art. 
Classification  of  the  Sciences).  Parmi  les  ouvrages  de 
M.  Flint  nous  citerons  :  Christ' s  Kingdom  upon  Earth 
(4865)  ;  The  Philosophy  ofRistory  in  France  and  Ger- 
many  (Edimbourg,  4874);   cet  ouvrage  capital,   quia 


fondé  la  réputation  de  son  auteur,  a  été  traduit  en  fran- 
çais par  Lud.  Carrau  (Paris,  4878,  2  vol.  in-8)  ;  M.  Flint 
se  consacre  actuellement  (4893)  à  un  remaniement  complet 
de  ce  livre;  Theism  (Londres,  4877;  8e  éd.,  1894);  An- 
titheistic  Théories  (4879;  4e  éd.,  1894);  Vico,  dans  les 
Blackwood's  Philosophical  Classics  (4884),  traduit  en 
italien  par  F.  Finocchietti  (4888).  Il  faut  y  joindre 
de  nombreux  articles  dans  diverses  revues  :  The  Mind, 
The  Princeton  Review,  The  Juridical  Review,  Good 
Words,  The  Encyclopœdia  Britannica,  Chamber's  En- 
cyclopœdia, sur  différents  points  de  philosophie  générale, 
de  philosophie  religieuse,  d'histoire  de  la  philosophie  et  de 
sociologie,  enfin  un  certain  nombre  de  brochures,  de  ser- 
mons et  de  conférences.  Th.  Ruyssen. 

FLINT-GLASS  (Techn.).  Le  cristal  qui  entre  dans  la 
composition  des  pièces  d'optique,  et  désigné  sous  le  nom  de 
flint-glass  pour  le  distinguer  des  parties  en  simple  verre  dites 
crown-glass,  exige  une  série  de  qualités  propres  qui,  jadis, 
en  rendaient  la  fabrication  beaucoup  plus  difficile  que  lors- 
qu'il s'agissait  simplement  des  articles  de  cristallerie  ordi- 
naire. C'est  aux  travaux  de  Bontemps  et  de  Guinand  que 
l'industrie  est  redevable  de  la  fabrication  de  ce  cristal  spé- 
cial, avec  lequel  on  a  pu,  en  le  combinant  au  crown-glass, 
obtenir  des  objectifs  chromatiques.  Voici  les  compositions 
données  par  ces  auteurs  : 

Sable 400  kilogr. 

Minium 400     — 

Potasse 30     — 

Le  point  essentiel  à  réaliser  dans  une  pièce  de  cristal 
destinée  à  la  confection  d'une  lentille,  c'est  qu'il  soit  d'une 
homogénéité  absolue  et  que  sa  densité  n'offre  aucune  va- 
riation d'un  point  à  un  autre  de  sa  masse.  De  là  la  néces- 
sité d'un  brassage  énergique  des  matières  en  fusion,  afin 
d'éviter  les  phénomènes  de  liquation  des  couches  liquides, 
dus  aux  différentes  densités  des  matières  constituantes.  Le 
brassage  n'aurait  pu  se  pratiquer  sans  inconvénient  avec 
un  ringard  de  fer,  attaqué  lui-même  et  par  suite  altérant 
le  produit.  C'est  à  Guinand  que  l'on  doit  l'idée  de  l'emploi 
d'un  cylindre  en  terre,  analogue  à  celle  qui  constitue  le 
creuset,  garni  à  sa  partie  supérieure  d'un  rebord  plat, 
pour  s'appuyer  sur  la  surface  du  creuset,  dans  lequel  on 
introduit  un  crochet  de  fer  permettant  le  brassage  sans 
inconvénient.  Ce  brassage  doit  être  exercé  non  seulement 
au  moment  où  le  cristal  est  le  plus  liquide,  mais  encore 
jusqu'à  celui  où  la  matière,  en  se  refroidissant,  s'oppose 
à  cette  opération.  Mais  afin  d'éviter,  dans  cette  dernière 
période,  la  formation  de  bulles  qui  auraient  de  la  peine  à 
s'échapper  et  pourraient  rester  emprisonnées  dans  le  cristal, 
il  faut  prolonger  l'état  de  liquéfaction  assez  longtemps  pour 
que  le  cristal  s'épure  le  plus  possible  et  devienne  moins 
sujet  à  donner  encore  des  bulles  vers  la  fin  de  l'opération. 
Le  brassage  se  fait  en  deux  fois  :  la  première,  dès  que  le 
flint-glass  est  fondu,  suivi  d'une  période  de  refroidissement 
du  four,  et  la  seconde  après  la  remise  en  pleine  fonte.  Le 
second  brassage,  avec  une  charge  de  80  kilogr. ,  ne  dure 
pas  moins  de  deux  heures  et  sans  interruption.  Puis  on 
laisse  refroidir  lentement  le  four,  en  bouchant  hermétique- 
ment le  creuset,  que  l'on  extrait  avec  son  contenu.  Lors- 
qu'on brise  le  creuset,  la  masse  de  cristal  se  présente 
divisée  en  couches  plus  ou  moins  épaisses,  séparées  par  de 
petites  bandes  striées.  On  scie  la  masse,  suivant  ces  der- 
nières bandes,  en  formant  ainsi  des  pièces  où  l'homogénéité 
peut  être  supposée  aussi  complète  que  possible.  Ce  sont  ces 
disques  qui  servent  à  la  fabrication  des  lentilles.  Voici, 
d'après  Dumas,  la  composition  du  flint-glass  de  Guinand  : 

Silice .\...     42,5 

Alumine 4,8 

Oxvde  de  plomb 43,5 

Chaux 0,5 

Potasse 44,7 

400,0 
Le  flint,  doué  de  pouvoirs  réfringent  et  dispersif  supé- 


FLINT-GLASS  -  FLOBERT 


—  618 


rieurs  à  ceux  du  verre  ordinaire,  est  employé,  comme  nous 
l'avons  dit,  en  optique,  pour  former  des  prismes  propres 
à  décomposer  la  lumière  en  un  spectre  très  pur.     L.  K. 

FLIPART  (Jean-Charles),  graveur  français,  né  à  Paris 
vers  1684,  mort  à  Paris  le  23  mai  1751.  Il  produisit  peu 
et  on  ne  cite  de  lui  que  deux  planches  d'après  Raphaël, 
pour  le  cabinet  Crozat,  et  le  portrait  du  célèbre  avocat 
René  Choppin. 

FLIPART  (Jean-Jacques),  graveur  au  burin,  né  à  Paris 
le  15  févr.  1719,  mort  à  Paris  le  10  juil.  1782.  Fils  du 
précédent  et  élève  de  Laurent  Gars.  On  remarque  dans  son 
œuvre  une  Sainte  Famille  d'après  Jules  Romain  ;  une  série 
de  sujets  de  mœurs  d'après  les  maîtres  français  du  temps, 
Boucher,  Garesme,  Vien,  et  surtout  Greuze  (l'Accordée 
de  village,  le  Gâteau  des  rois,  la  Dévideuse,  la  Trico- 
teuse, le  Paralytique)  ;  enfin  de  bons  portraits,  parmi 
lesquels  ceux  du  peintre  Dumont  le  Romain  et  de  Greuze. 
L'élégance  d'exécution  de  ses  planches  le  fit  admettre  à 
l'Académie  royale  en  1755.  G.  P-i. 

FLIPON.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  Andelys, 
cant.  de  Fleury-sur-Andelle  ;  219  hab. 

FLIREY.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Tout,  cant.  de  Thiaucourt  ;  371  hab. 

FLISSA.  Yatagan  algérien  fabriqué  principalement  en 
Kabylie.  La  lame,  un  peu  recourbée  et  dont  le  tranchant 
esta  l'intérieur,  est  en  acier  trempé  à  l'air.  Le  fourreau  est 
généralement  formé  de  deux  plaquettes  de  bois  maintenues 
par  des  cercles  ou  bandes  de  ter-blanc. 

FLISSA.  Grande  tribu  berbère  d'Algérie,  dans  la  Kaby- 
lie du  Djurjura,  dép.  d'Alger,  arr.  de  Tizi-Ouzou,  dont  le 
vrai  nom  est  Iflissen,  Il  semble  qu'on  retrouve  ce  nom 
dans  celui  des  Isaflenses,  qui,  au  ive  siècle,  se  révoltèrent 
contre  l'autorité  romaine.  Aujourd'hui  la  tribu  est  divisée 
en  deux  groupes,  séparées  par  d'autres  tribus  :  1°  les  Flis- 
set-oum-el-Lil,  les  «  Flissa  de  la  nuit  »  ou  les  «  Fiissa 
des  bois  »,  qui  habitent  les  collines  séparant  le  bassin  de 
Tisser  de  celui  du  Sebaou  entre  Palestro,  Fort-National  et 
Tizi-Ouzou  et  qui  comptent  environ  10,000  individus.  Ils 
ont  souvent  lutté  contre  nous  et  ont  pris  notamment  une 
grande  part  à  l'insurrection  de  1871  ;  on  a  séquestré  alors 
une  partie  de  leurs  terres  et  on  y  a  créé  quelques  centres 
de  colonisation,  comme  Tizi-R'nif;  2°  les  Flisset-el- 
Bahar,  ou  «  Flissa  de  la  mer  »,  qui  habitent  les  hauteurs 
dominant  le  littoral  entre  le  cap  Tedlès  et  le  cap  Corbelin  ; 
leurs  hameaux  sont  entourés  de  figuiers,  de  caroubiers  et 
de  vignes.  Beaucoup  sont  forgerons,  armuriers  et  fabriquent 
ces  couteaux  longs,  pointus,  à  manche  de  bois,  qu'on  ap- 
pelle, de  leur  nom,  des  flissas.  Les  Flisset-el-Bahar  sont  au 
nombre  de  5,000  environ  ;  c'est  sur  leur  territoire  que  se 
trouvent  les  centres  de  colonisation  de  Tigzirt,  Taksebt  et 
Azeffoun,  sur  l'emplacement  de  villes  romaines.  E.  Cat. 
FLITA  ou  FLITTA.  Grande  tribu  algérienne,  parlant 
arabe,  mais  où  le  sang  berbère  prédomine,  qui  habite  des 
douars  épars  sur  les  collines  entre  Relizane  et  Tiaret  (dép. 
d'Oran),  Jadis  très  forte,  elle  nous  opposa  une  vive  résis- 
tance ;  même  en  1864  elle  se  révolta  encore,  saccagea  les 
environs  de  Relizane  et  attaqua  cette  ville.  Depuis,  ses 
diverses  fractions  ont  été  réduites  par  la  misère  et  la 
famine  à  une  population  beaucoup  moindre,  et  la  colonisa- 
tion française,  qui  pénètre  de  plus  en  plus  leur  pays,  achève 
de  désorganiser  la  confédération.  E.  Cm:. 

FLITCROFT  (Henry),  architecte  anglais,  né  àHampton 
Court  le  29  août  1697,  mort  à  Frognal  (Hampstead)  le 
25  févr.  1769.  Fils  de  Jefïery  Flitcroft,  jardinier  de  Guil- 
laume III,  et  d'abord  placé  en  apprentissage  chez  un  me- 
nuisier, Henry  Flitcroft  obtint  la  maîtrise  et  fut  même  plus 
tard  élu  gardien  honoraire  de  la  corporation  des  menui- 
siers ;  mais,  étant  occupé,  à  des  travaux  de  charpente  dans 
l'habitation  du  comte  de  Burlington,  il  s'y  cassa  la  jambe, 
ce  qui  le  fit  remarquer  par  ce  zélé  protecteur  des  arts, 
lequel,  expert  en  architecture,  le  fit  étudier  sous  la  direc- 
tion de  William  Kent.  C'est  ainsi  que  Flitcroft  travailla  à 
l'édition  des  dessins  d'Inko  Jones  que  Kent  donna  aux 


frais  du  comte  de  Burlington  sous  le  titre  de  The  Designs 
of  Inigo  Jones,  consisting  of  plans  and  élévations  of 
public  and  private  buildings  (Londres,  1727,  2  vol. 
in-fol.).  Par  la  protection  de  Burlington,  Flitcroft  devint 
successivement,  de  1726  à  1758,  surveillant  des  travaux 
du  roi,  maître  charpentier,  puis  maître  maçon  du  roi  et 
enfin  contrôleur  des  travaux  d'Angleterre,  poste  qu'il 
occupa  jusqu'à  sa  mort.  On  doit  à  cet  architecte,  en  dehors 
de  ses  travaux  dans  les  résidences  royales  de  Whitehall, 
Saint -James,  Westminster,  Richmond  et  Kew,  entre 
autres  édifices',  d'importants  agrandissements  à  Carlton 
House  pour  le  prince  de  Galles  Frédéric,  ainsi  qu'à 
Wentworth  (Yorkshire),  Woburn  Abbey  pour  le  duc  de 
Bedford,  et  les  églises  de  Saint- Giles-in-the-Fields,  de 
Saint-Olave,  Tooley  Street  (Southwark),  de  Saint-John 
(Hamsptead)  et  de  Wimpole  (Cambridge).  Charles  Lucas. 
F  L I TT  N  E  R  (Friedericke-Auguste-Konradine)  (Y .  Beth- 

MANN[M,me]). 

FLIXÉCOU  RT.  Corn,  du  dép.  delà  Somme,arr.  d'Amiens, 
cant.  de  Picquigny,  sur  la  Nièvre,  affluent  de  la  Somme  ; 
2,386  hab.  Importante  manufacture  de  cordages,  toiles  et 
bâches. 

F  LUE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de 
Mézières,  sur  la  Meuse;  540  hab.  Exploitation  de  cendres 
sulfureuses.  Forges.  Fabrique  de  chicorée.  Château  du 
xviie  siècle  avec  parc  dessiné  par  Le  Nôtre. 

FLOBECQ.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr. 
d'Ath  ;  4,500  hab.  Stat.  du  chemin  de  fer  de  Courtrai  à 
Braîne-le-Comte;  tanneries  et  corroiries. 

FLOBERT  (Armes).  Sous  le  nom  de  carabines  Flobert, 
on  comprend  les  petites  armes  à  feu  légères  se  chargeant 
par  la  culasse,  dont  l'usage  est  très  répandu  aujourd'hui, 
soit  pour  le  tir  à  balles  dans  les  appartements  ou  les 
tirs  qui  circulent  dans  les  fêtes  foraines,  soit  pour  le  tir  à 
plomb  des  petits  oiseaux  dans  les  jardins.  Ces  armes,  du 
calibre  de  6  à  7  millim.  en  général,  sont  caractérisées  par 
l'emploi  de  la  cartouche-amorce,  genre  Flobert,  qui  ne 
contient  que  de  la  poudre  fulminante  dont  la  détonation 
fait  peu  de  bruit  ;  la  portée  est  très  faible  et  la  justesse 
assez  médiocre,  surtout  avec  le  calibre  de  6  millim.;  pour 
le  calibre  de  9  millim.,  la  portée  ne  dépasse  pas  25  à  30  m. 
Les  premières  armes  de  ce  genre  ont  été  inventées,  vers 
1845,  par  l'armurier  Flobert  ;  aussi  les  désigne-t-on,  com- 
munément, ainsi  que  toutes  celles  qui  ont  été  imaginées 
depuis  par  des  concurrents  plus  ou  moins  heureux,  sous  le 
nom  générique  de  carabines  Flobert.  La  carabine  Flobert 
ordinaire,  du  premier  modèle,  est  dite  à  griffes  ;  extérieu- 
rement le  canon  est  de  forme  octogone  ;  le  chien  remplit, 
en  se  rabattant,  les  fonctions  de  culasse  mobile  et  ferme  le 
tonnerre  ;  la  tète  porte  une  petite  traverse  en  acier  qui, 
écrasant  le  bourrelet  de  l'amorce,  détermine  la  détonation 
du  fulminate,  et  deux  griffes  qui,  faisant  ressort,  saisissent 
le  bourrelet  et  permettent,  après  le  coup,  d'extraire  l'étui 
vide  en  armant  le  chien.  C'est  le  système  le  plus  simple 
que  l'on  puisse  imaginer  ;  seulement,  dans  le  cas  où  les  mu- 
nitions ne  seraient  pas  de  bonne  qualité,  rien  ne  garantirait 
le  tireur  contre  le  crachement  ou  les  éclats  des  capsules  ; 
de  plus,  l'extracteur  ne  fonctionne  pas  toujours  bien;  les 
griffes  s'émoussent,  crèvent  les  capsules,  occasionnent  de 
fréquents  ratés  et  ne  ramènent  pas  toujours  la  douille  vide. 
Pour  éviter  ces  inconvénients,  plusieurs  autres  modèles  du 
même  genre,  mais  plus  ou  moins  compliqués,  ont  été  ima- 
ginés. Dans  le  système  à  extracteur  ou  tirette,  le  chien  est 
plein,  avec  griffes,  ce  qui  rend  les  ratés  moins  fréquents  ; 
la  tranche  du  canon,  au  lieu  de  présenter  une  saillie  au 
milieu,  est  complètement  plate  ;  on  évite  ainsi  les  refoule- 
ments, écrasements  et  autres  altérations  de  la  tranche  du 
tonnerre.  L'extraction  de  la  douille  s'obtient  à  l'aide  d'un 
extracteur  à  charnière,  formant  la  moitié  inférieure  de  la 
tranche  du  canon,  que  l'on  manœuvre  à  la  main  à  l'aide 
d'une  tirette  à  tête  quadrillée  placée  sur  le  côté  droit  de 
la  culasse.  Dans  le  système  à  étrier,  une  sorte  de  bloc  de 
culasse  enveloppe  le  tonnerre  et  rend  impossible  tout  cra- 


619  — 


FLOBERT  -  FLODOARD 


chement  ;  il  est  relié  au  canon  par  un  étrier  avec  charnière 
et  il  se  relève  d'arrière  en  avant  lorsqu'on  veut  ouvrir  la  cu- 
lasse ;  un  mouvement  de  bascule  fait  manœuvrer  un  extrac- 
teur analogue  au  précédent.  Le  choc  du  chien  est  transmis  à 
la  cartouche  par  l'intermédiaire  d'une  tige  percutrice  logée 
dans  le  bloc  de  culasse  de  l'étrier.  Le  système  Remington- 
Flobert  n'est  qu'une  application  aux  carabines  du  genre 
Flobert  du  mécanisme  de  fermeture  du  fusil  de  guerre  Re- 
mington.  Entre  le  chien  et  la  tranche  du  tonnerre  est 
interposé  un  bloc  de  culasse  pouvant  se  rabattre  comme  le 
chien  d'avant  en  arrière  ;  son  mouvement  de  bascule  fait 
fonctionner  un  extracteur  semblable  à  celui  des  systèmes 
précédents.  Le  chien,  en  se  rabattant,  empêche  le  bloc  de 
culasse  de  pouvoir  s'ouvrir  ;  le  choc  est  transmis  à  la  car- 
touche par  un  percuteur  logé  dans  le  bloc.  Dans  ces  deux 
derniers  systèmes,  le  nombre  de  temps  de  la  charge  est  de 
quatre  :  armer,  ouvrir,  charger,  fermer  la  culasse,  tandis 
qu'il  est  réduit  à  deux  pour  la  carabine  Flobert  du  système 
primitif.  On  fabrique  également  des  carabines  Flobert  à 
bascule  comme  les  fusils  de  chasse  ;  un  clef-volute,  placée 
sous  la  sous-garde,  en  avant  du  pontet,  sert  à  la  ma- 
nœuvre ;  il  faut  avoir  soin  que  le  chien  ne  soit  pas  armé, 
lorsqu'on  fait  basculer  le  canon,  parce  que  c'est  le  bec  du 
chien  qui  retient  la  douille  vide.  La  maison  Flobert,  elle 
aussi,  a  établi,  dans  ces  dernières  années,  un  nouveau 
mouvement  de  carabine,  dit  à  mouvement  chassepot  qui  se 
manœuvre  comme  l'ancien  fusil  Chassepot,  et  dans  laquelle 
la  cartouche  se  trouve  enfermée  dans  la  culasse  mobile  de 
façon  à  éviter  toute  appréhension  de  crachements  et  de 
projection  d'éclats.  L.  K. 

FLOCHE  (Filât.).  Fil  peu  tordu;  nom  donné  aussi  à 
certains  fils  de  soie  organsin  à  deux  bouts  employés  pour 
la  fabrication  des  résilles  pour  retenir  les  cheveux. 

FLOCON  (Ferdinand),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  le  1er  nov.  4800,  mort  à  Lausanne  le  45  mars  1866. 
Il  débuta  en  4825  dans  le  journalisme  en  faisant  le  compte 
rendu  des  séances  de  la  Chambre  pour  le  Courrier  fran- 
çais. De  même,  chroniqueur  parlementaire  au  Constitu- 
tionnel, puis  rédacteur  politique  à  la  Tribune,  il  devint 
en  4845  rédacteur  en  chef  de  la  Réforme  dont  on  connaît 
le  rôle  et  l'influence  au  commencement  de  la  Révolution  de 
4848.  Il  dut  à  cette  situation  et  à  la  part  active  qu'il  avait 
prise  à  la  propagande  républicaine  durant  les  dernières 
années  de  la  monarchie  de  Juillet  d'être  nommé  secrétaire 
du  gouvernement  provisoire,  puis  membre  de  ce  gouverne- 
ment. Elu  le  23  avr.  4848  représentant  de  la  Seine  à  la 
Constituante  par  424,865  voix,  il  fut  pourvu  le  44  mai 
du  portefeuille  de  l'agriculture  et  du  commerce.  Soit  comme 
ministre,  soit  comme  représentant,  son  rôle  fut  assez  mo- 
deste. Il  réorganisa  l'institution  des  prud'hommes  et  mé- 
dita la  création  de  colonies  agricoles.  Il  avait  protesté  avec 
énergie  contre  l'insurrection  de  juin  et  demandé  la  mise  en 
état  de  siège  de  Paris  (23  juin).  Cavaignac  ne  le  conserva 
pas  au  ministère  du  28  juin.  Il  siégea  alors  à  la  Montagne 
et  réclama  l'amnistie  des  condamnés  de  juin  et  la  mise  en 
accusation  de  Louis-Napoléon.  Non  réélu  à  la  Législative, 
Flocon  rédigea  un  journal  démocratique  de  Colmar  qui  com- 
battit avec  acharnement  la  politique  de  l'Elysée.  Aussi  fut- 
il  exilé  à  la  suite  du  coup  d'Etat  du  2  décembre.  Il  s'ins- 
talla à  Lausanne  où  il  mourut  fort  pauvre.  On  a  de  lui  : 
Salon  de  1824  (Paris,  4  824,  in-8);  Dictionnaire  de 
morale  jésuitique  (4824,  in-48);  Ned  Wilmore,  roman 
de  mœurs  (4827,  3  vol.  in-42);  Ballades  allemandes 
tirées  de  Burger,  Kœrner  et  Kosegarten  (4827,  in-48); 
Révélations  sur  le  coup  de  pistolet  du  19  nov.  1832 
(4832,  in-8);  une  trad.  de  l'Alimentation  et  du  régime 
de  J.  Moleschott;  Distraction  (Paris,  4833,  2  vol.  in-8). 

FLOCQUES.  Corn,  du  dép.  de  Seine-Inférieure,  arr.  de 
Dieppe,  cant.  du  Tréport;  349  hab. 

FLODDEN  ou  FLOWDEN.  Colline  du  comté  de  Nor- 
thumberland  (Angleterre),  à  10  kil.,  auN.-O.  de  Wooler. 
C'est  là  que  fut  livrée  la  sanglante  bataille  de  Flodden,  le 
9  sept.  4  54  3 ,  où  les  Ecossais  furent  vaincus  par  les  Anglais. 


FLODERUS  (Johan),  écrivain  suédois,  né  à  Skatelœf 
(lsen  de  Kronoberg)  le  6  oct.  4724,  mort  le 28  avr.  4789. 
Docent  (4752),  adjoint  (4757),  professeur  de  grec  (4762) 
à  l'université  d'Upsala,  dont  il  fut  recteur  en  4  770  et  4  778, 
pasteur  de  Gamla-Upsala  (4779),  il  publia  cent  huit  thèses 
et  dissertations,  notamment  Sur  la  Version  suédoise  de 
l'Evangile  de  saint  Mathieu  (4763-74,  24  part.),  et  sur 
celle  des  Epîtres  de  saint  Paul  (4774-79,  24  part.).  Il 
parlait  et  écrivait  bien  le  latin,  et  son  fils  Mathias  a  édité 
ses  Opuscula  oratoria  et  poetica  (Upsala,  4794).  —  Son 
petit-fils  Manfred-Mustafa  Floderus,  né  en  4832,  recteur 
de  l'école  supérieure  à  Upsala  (4  866) ,  a  publié  des  Eléments 
dephysique  (4862-65;  4e  éd.,  4885-89),  et,  avecKrok, 
Catalogue  des  phanérogammes  et  des  fougères  de  la 
Scandinavie  (4860;  2e  éd.,  4864).  B-s. 

F  LO  D 1 N  G  (Per-Gustaf) ,  graveur  suédois,  né  à  Stockholm 
le  3  mars  4734,  mort  le  47  oct.  4794.  Elève  de  Rehn 
depuis  4747,  il  fut  envoyé  à  Paris  (4755-64)  pour  étudier 
à  l'Académie  des  beaux-arts  et  il  eut  pour  maîtres  Cochin, 
Cars,  N.-G.  Dupuis  etLebas.  Une  belle  gravure  allégorique, 
d'après  un  dessin  de  Ch.,,Nic.  Cochin  fils,  qui  représente 
Adolphe-Frédéric  entouré  des  Etats  et  recevant  de 
Minerve  les  quatre  génies  des  beaux-arts  (4764),  lui 
valut  dès  4763  le  titre  de  graveur  de  la  cour.  S'attribuant 
l'invention  de  la  gravure  au  lavis  (4762)  que  lui  contestait 
l'artiste  français  Charpentier,  il  publia  en  suédois  (4766) 
des  Documents  sur  une  nouvelle  manière  de  graver,  et 
il  appliqua  celle-ci  dans  sa  Tendre  Mère,  d'après  un  tableau 
de  Blanchard,  ce  qui  déterminâtes  Etats  à  fonder  une  école 
de  gravure  (4766)  dont  il  reçut  la  direction.  Il  fut  en  outre 
nommé  professeur  de  dessin  et  secrétaire  de  l'Académie  de 
peinture  et  de  sculpture  (4768)  ;  mais,  à  la  suite  de  brouilles 
avec  son  ancien  protecteur,  le  président  Adlercrantz,  et 
avec  ses  collègues,  il  fut  privé  du  secrétariat  (4777),  de  la 
moitié  de  son  traitement  (4778)  et  de  subvention  pour  son 
école  (4779).  Loin  de  gagner  un  procès  où  il  signalait  des 
désordres  de  comptabilité  dans  le  budget  académique,  il  fut 
condamné  à  une  légère  amende  (4784).  On  lui  reprocha 
d'avoir  négligé  son  enseignement,  et  en  effet  il  ne  forma 
aucun  des  bons  graveurs  suédois  de  ce  temps  ;  mais  on  ne 
peut  refuser  de  le  reconnaître  lui-même  comme  un  des  meil- 
leurs de  sa  patrie.  Son  burin  était  ferme,  mais  un  peu  sec; 
il  manquait  parfois  d'élégance  et  de  légèreté.  Outre  les 
planches  citées,-  on  loue  sa  Dormeuse,  d'après  Deshayes, 
et  ses  beaux  portraits  de  Gustave  Ier,  Gustave III (il 8%), 
Roslin,  la  Comtesse  Tessin.  On  fait  moins  de  cas  de  ses 
Solennités  de  Stockholm  en  1771  et  1772,  et  de  ses  eaux- 
fortes,  comme  V Enlèvement  des  Sabines  (4775).     B-s. 

FLODMARK  (Johan-Hugo-Andreas),  écrivain  suédois, 
né  en  4837.  Secrétaire  au  bureau  de  l'édilité  à  Stockholm 
(1880),  il  a,  de  4860  à  4875,  adapté  au  théâtre  suédois 
dix-sept  pièces  françaises  et  allemandes;  en  outre,  il  a  publié 
de  bons  mémoires  sur  V Origine  des  mélodies  de  Bellman 
(4882)  et  sur  le  Théâtre  suédois  à  Stockholm  de  1737 
à  1753  (4887).  B-s. 

FLODOARD,  chroniqueur  et  poète  latin,  né  à  Epernay 
en  894,  mort  à  Reims  le  28  mars  966.  Après  avoir  étudié 
dans  les  célèbres  écoles  de  Reims,  qui  venaient  d'être  res- 
taurées par  l'archevêque  Foulques,  il  fut  attaché  au  service 
religieux  dans  la  cathédrale  de  Reims  dont  il  devint  plus  tard 
chanoine.  Sous  le  pontificat  d'Artaud,  il  fut  chargé  de  mis- 
sions en  Germanie  et  à  Rome.  A  la  suite  de  démêlés  avec 
l'archevêque  Hugues  qui  avait  dépossédé  Artaud  du  siège  de 
Reims,  Flodoard  se  retira  dans  une  abbaye,  probablement 
à  Saint-Basie,  et  ne  tarda  pas  à  en  devenir  abbé.  Elu  évêque 
de  Noyon  et  de  Tournai  en  954 ,  il  se  vit  préférer  un  com- 
pétiteur par  le  roi  de  France.  En  962,  accablé  par  l'âge  et 
les  infirmités,  il  résigna  son  abbaye  et  mourut  en  odeur  de 
sainteté  trois  ans  après.  Son  œuvre  principale  est  l'/ïïs- 
toria  ecclesiœ  Remensis,  depuis  sa  fondation  jusqu'en  961 , 
pour  laquelle  il  put  mettre  à  profit  les  archives  de  l'église 
de  Reims  et  particulièrement  la  correspondance  d'Hinc- 
mar.  Cette  œuvre  capitale  et  d'une  importance  de  premier 


FLODOARD  —  FLOOD 


—  620 


ordre  pour  l'histoire  des  ixe  et  xe  siècles  a  été  publiée  pour 
la  première  fois  par  Sirmond  en  4611  ;  la  dernière  et  la 
meilleure  édition  est  celle  qui  a  été  donnée  par  ïïeller  et 
Waitz  au  t..  XIÏI  (1881)  des  Scriptores,  dans  le  Monu- 
menta  Germaniœ.  Il  composa  de  plus,  sous  forme  d'An- 
nales, une  histoire  de  son  temps,  qui  va  de  919  à  966, 
dont  la  meilleure  édition,  mais  encore  bien  insuffisante,  a 
été  donnée  par  Pertz  au  t.  III  (1839)  des  Scriptores,  dans 
les  Monumenta  Germaniœ.  Enfin  Flodoard  a  encore  com- 
posé un  vaste  poème  de  plus  de  quatorze  mille  vers  latins, 
divisé  en  trois  livres,  sur  les  triomphes  de  Jésus-Christ  et 
des  saints. 

Bibl.  :  Wattenbach,  Deutschlands  Geschichtsquellen, 
1885,  5°  éd.,  1. 1,  p.  378. 
FLŒTNER  (V.  Flôtner). 

FLOGNY.Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.de  Ton- 
nerre, sur  l'Armançon  et  le  canal  de  Bourgogne  ;  504  hab. 
Stat.  à  2  kil.  de  la  ville  du  ch.  de  fer  P.-L.-M.,  ligne  de 
Paris  à  Dijon.  Carrière  de  pierre  à  bâtir.  Fabrique  de  ci- 
ment. Pépinières.  Pont  suspendu  sur  l'Armançon.  Eglise  de 
diverses  époques  :  chœur  du  xve  siècle,  portail  du  xne,  tour 
du  xvne.  Château  moderne-  —  Al  kil.  à  l'O.  de  la  ville, 
se  trouve  une  enceinte  fortifiée  du  moyen  âge  connue  sous 
le  nom  de  Camp  de  César. 

FLOH  (Jacques-Henri),  théologien  protestant,  pédago- 
gue et  homme  d'Etat  hollandais,  né  à  Creteld  en  1758, 
mort  à  Enschede  en  1830.  Après  avoir  étudié  la  théologie 
à  Amsterdam,  il  devint  pasteur  de  la  paroisse  d' Enschede 
et  fut  élu  en  1799  membre  de  l'Assemblée  nationale.  Il  s'y 
occupa  surtout  des  questions  d'enseignement  et  prononça 
un  éloquent  discours  en  faveur  de  l'émancipation  des  juifs. 
Il  revint  ensuite  à  sa  modeste  cure,  partageant  son  temps 
entre  l'administration  de  sa  paroisse  et  la  publication 
d'ouvrages  théologiques  et  pédagogiques  hautement  appré- 
ciés de  ses  contemporains.  Voici  les  plus  importants  :  la 
Meilleure  Théorie  des  punitions  et  des  récompenses 
scolaires  (Amsterdam,  1794,  in-8);  Conseils  aux  insti- 
tuteurs (Groningue,  1808  ;  1821,  rééd., in-8);  De  l'Ins- 
titution des  écoles  industrielles  (Zutphen,  1813,  in-8); 
le  Troisième  Centenaire  de  la  Réforme  (Zwolle,  1818, 
in-8).  Tous  ces  ouvrages  sont  écrits  en  hollandais.  E.  H. 
Bibl.  :  Ypeij  et  Dermont,  Histoire  de  l'Eglise  réformée 
néerlandaise  ;  Breda,  1819,  in-4. 

FLOING.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  et  cant.  (N.) 
de  Sedan,  sur  un  affluent  de  la  Meuse  ;  2,345  hab.  Tis- 
sage de  laine.  Ferronnerie.  Ce  village,  situé  au  N.  de  Sedan, 
fut  occupé  le  1er  sept.  1870  par  les  Ve  et  XIe  corps  d'ar- 
mée allemands,  et  leur  servit  de  point  d'appui  pour  leurs 
mouvements  ultérieurs.  C'est  de  ce  côté  qu'eut  lieu  la 
grande  charge  de  cavalerie  française,  qui  fut  la  dernière 
tentative  sérieuse  pour  rompre  le  cercle  où  les  Français 
étaient  enfermés  (V.  Sedan). 

FLOIRAC.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  Saintes,  cant.  de  Cozes;  630  hab. 

FLOIRAC.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de  Carbon-Blanc;  2,311  hab. 

FLOIRAC.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Gourdon,  cant. 
de  Martel,  sur  la  Dordogne,  au  confluent  de  la  Tourmente  ; 
760  hab.  Château  avec  tour  octogonale  du  xvie  siècle. 
Eglise  du  xve  siècle,  dominée  par  deux  tours  dont  l'une  est 
un  ancien  donjon  du  xine  siècle. 

FLOOD  (Henry),  homme  d'Etat  irlandais,  né  en  1732, 
mort  à  Farmley  (comté  de  Kilkenny)  le  2  déc.  1791.  Fils 
naturel  de  Warden  Flood,  chief  justice  du  banc  du  roi  d'Ir- 
lande, il  fit  ses  études  à  Dublin  et  à  Oxford  et  s'inscrivit  à 
lTnner  Temple  de  Londres  en  1750.  En  1759,  il  était  élu 
membre  de  la  Chambre  des  communes  irlandaise  pour  le 
comté  de  Kilkenny  et,  après  la  dissolution  du  Parlement,  fut 
réélu  par  le  bourg  de  Callan.  Le  maiden  speech  qu'il  pro- 
nonça en  1763  produisit  une  grande  impression.  Flood 
devint  très  rapidement  le  leader  du  parti  populaire." Il  créa 
un  puissant  parti  d'opposition  qui,  en  1768,  réussit  à  ré- 
pousser l'augmentation  de  l'armée  irlandaise  et  amena  la 
dissolution  du  Parlement.  Réélu  à  la  fois  par  Longford  et 


par  Callan,  Flood  eut  avec  un  de  ses  concurrents  électoraux, 
James  Agar,  deux  duels  retentissants.  Ayant  blessé  mor- 
tellement son  adversaire,  il  fut  traduit  devant  la  cour  d'as- 
sises de  Kilkenny  et  acquitté  (1770).  Il  fit  rejeter  le  money 
bill  de  1769,  ce  qui  amena  une  prorogation  du  Parlement. 
Avec  Grattan,  Langrishe  et  d'autres,  Flood  continua  dans 
la  presse  son  opposition  au  gouvernement  et  poursuivit  avec 
opiniâtreté  le  rappel  du  vice-roi  Townshend  qu'il  obtint  en 
1772.  Bientôt  il  acceptait  du  comte  d'Harcourt,  qui  avait 
succédé  à  Townshend,  l'emploi  de  vice-trésorier  d'Irlande 
(1775).  Sa  popularité  commença  à  diminuer.  Il  fut  battu 
à  Callan  aux   élections  générales  de  1776;   peu  après, 
il  fut  élu  par  le  bourg  d'Enniskillen,  et  d'Harcourt,  ayant 
été  remplacé  par  Buckingham  et  celui-ci  par  le  comte  de 
Carlisle,  il  redevint  un  si  violent  adversaire  du  gouvernement 
qu'il  fut  révoqué  de  son  emploi  (1781).  Mais  toute  l'in- 
fluence dont  il  jouissait  jadis  sur  le  parti  populaire  était 
passée  à  Grattan  et  il  ne  réussit  pas  à  la  ressaisir  tout  en- 
tière. Il  en  conservait  assez  néanmoins  pour  qu'une  sourde 
animosité  régnât  entre  ces  deux  grands  orateurs.  Elleéclata 
en  pleine  Chambre  le  28  oct.  1783.  La  lutte  fut  piquante  : 
Flood  alla  jusqu'à  traiter  Grattan  de  «  mendiant  patriote  » 
et  Grattan  jusqu'à  comparer  Flood  à  une  «  chouette  à  la 
voix  sépulcrale  ».  Un  duel  en  résulta  qui  fut  interrompu 
par  la  police.  Réélu  aux  élections  de  1783  par  le  bourg 
de  Kilbeggan,  Flood  s'attacha  à  la  réforme  parlementaire. 
Re jetée  par  la  Chambre  irlandaise,  la  proposition  qu'il  avait 
rédigée  fut  représentée  par  lui  et  appuyée  par  les  pétitions 
de  vingt-six  comtés.  Elle  fut  de  nouveau  repoussée.  Flood 
se  fit  alors  nommer  député  à  la  Chambre  des  communes 
d'Angleterre  par  Winchester.  Il  ne  réussit  pas  du  tout  dans 
ce  nouveau  milieu,  où  il  voulut  s'occuper  de  politique  étran- 
gère sans  préparation  suffisante.  Non  réélu  par  Winchester 
en  1784,  élu  difficilement  par  Seaford,  il  essaya  de  pré- 
senter un  bill  de  réforme  parlementaire  que  Pitt  fit  échouer. 
En  1 790,  il  ne  trouva  ni  en  Angleterre  ni  en  Irlande  une 
circonscription  qui  voulût  l'élire.  Flood  a  été  un  des  plus 
grands  orateurs  de  son  temps.  Son  nom  est  intimement 
mêlé  à  toutes  les  grandes  mesures  réalisées  en  Irlande  de 
son  vivant.  Il  est  assez  curieux  de  constater  qu'il  accordait 
la  plus  grande  tolérance,  en  matière  de  religion,  aux  catho- 
liques irlandais,  mais  qu'il   leur  refusait  tout  droit  poli- 
tique. Il  a  laissé,  outre  ses  discours,  des  poésies  et  des  ar- 
ticles de  polémique.  On  lui  a  attribué  quelque  temps  les 
fameuses  Lettres  de  Junius  et  une  Letter  to  the  people 
of  ïreland  on  the  expediency  andnecessity  of  the  pré- 
sent association  in  Ïreland  in  favour  of  our  own  ma- 
nufactures (Dublin,  1799,  in-8).  R.  S. 

Bibl.  :  W.  Flood,  Memoirs  of  Henry  Flood,  1838.  — 
Lecky,  Leaders  on  public  opinion  in  ïreland,  1871.  —  Du 
même,  History  of  ïreland,  1892. 

FLOOD  (Constantius),  écrivain  norvégien,  né  à  Pors- 
grund  le  7  août  1837.  Après  avoir  navigué  quelques  années, 
puis  étudié  à  l'école  agricole  de  Munkvold  (1856),  il  fut 
quelque  temps  cultivateur  ;  mais,  encouragé  par  le  succès 
qu'avaient  obtenu  quelques-unes  de  ses  publications,  il 
alla  s'établir  à  Christiania  (1883)  pour  se  livrer  exclusi- 
vement à  ses  travaux  littéraires.  Depuis,  le  Storthing  lui 
alloue  une  subvention  annuelle  de  1,000  couronnes.  Outre 
deux  pièces  de  théâtre  jouées  à  Throndhjem  (1863-64),  il 
a  écrit  des  esquisses  fort  appréciées  de  la  vie  maritime  et 
champêtre:  le  Pays  de  Lister  (Stavanger,  1875;  2eédit., 
Christiania,  1876);  De  la  Côte  d'Agde  (Christiania,  1877); 
De  la  Montagne  et  des  récifs  (ibid.,  1879);  la  Vie  sur 
la  côte  (1879)  ;  Dans  les  brisants  (1882)  ;  Esquisses 
reliées  et  détachées  (1885)  ;  des  nouvelles  :  Petites 
Pièces  (1880);  Ritter  et  Cie  (1883),  continué  dans  le 
Fort  Jansen  (1 887)  ;  Entre  les  bancs  et  les  récifs  (1 884); 
les  Vicissitudes  de  la  destinée  (1887)  ;  Temps  d'insé- 
curité (1889);  Ratailles  et  Aventures  (1890);  des 
récits  biographiques  et  historiques  :  Povel  Juel  (Mandai, 
1876);  En  temps  de  guerre  (1881);  Types  roman- 
tiques :  Arnfred  Strœme,  Jan  Van  Reuch  (1881)  ;  Il  y  a 


621  — 


FLOOD  —  FLOQUET 


quatre-vingts  ans  (1890);  Pendant  la  guerre  (4892).    | 
Il  a  aussi  écrit  des  résumés  d'ouvrages  de  Prescott,  de 
W.  Irving,  et  des  traductions  des  voyages  de  Cook.        B-s. 

FLOOD  (Just-Wright),  écrivain  norvégien,  cousin  du 
précédent,  né  à  Hiterdal  le  11  déc.  1850.  Après  avoir 
navigué  treize  ans,  il  devint  employé  de  la  douane  à  Chris- 
tiania (1880).  Jl  a  publié  :  Cinq  Aïissur  mer  (Christiania, 
1884)  ;  Sur  terre  et  sur  mer  (1882)  ;  En  mer  et  sur 
le  rivage  (1884)  ;  Brise  de  mer  et  air  de  terre  (1885)  ; 
Marins  et  chercheurs  d'or  (1886)  ;  Trois  Récits  de  la 
vie  maritime  (1890).  —  Son  frère  Johannes,  né  au 
presbytère  de  Finnœ  le  24  juin  1842,  pasteur  de  Molde 
(1879),  puis  de  Hedrum  (1886),  a  publié  (1874)  la  biogra- 
phie de  son  père,  le  pasteur  Boye-Joakim  Flood  (1816-73) 
et  un  grand  nombre  de  traités  pour  ou  sur  les  missions. 
—  Un  autre  frère,  Jœrgen-Wright,  né  à  Hiterdal  le  30 
sept.  1857,  secrétaire  de  la  Société  pharmaceutique  depuis 
1886,  a  publié  une  notice  sur  la  Famille  Flood,  de  Skien 
(Christiania,  1884)  ;  les  Apothicaires  norvégiens  pen- 
dant trois  siècles,  de  i588à  1889  (1889);  Histoire  de 
la  pharmacie  du  Cygne  à  Christiania  (1889)  ;  les  Phar- 
maciens de  la  Norvège  de  1815  a  1890  (4890).     B-s. 

FLOQUET  (Etienne- Joseph),  compositeur  français,  né  à 
Aix  en  Provence  le  25  nov.  1750,  mort  à  Paris  le  10  mai 
1785.  11  commença  l'étude  delà  musique  dans  la  maîtrise 
de  sa  ville  natale  et  débuta  à  onze  ans  par  la  composition 
d'un  motet.  Venu  à  Paris  en  1750,  il  fit  représenter  à 
l'Académie  royale  de  musique,  le  7  sept.  1773,  un  opéra- 
ballet,  V  Union  de  V amour  et  des  arts,  dont  le  succès 
éclatant  le  rendit  immédiatement  célèbre.  Mais  l'opéra 
Azolan,  joué  le  15  nov.  1774,  n'eut  pas  la  même  for- 
tune. Floquet  partit  pour  l'Italie,  prit  à  Naples  et  à 
Bologne  des  leçons  de  Sala  et  du  P.  Martini,  et  se  fit 
recevoir  membre  de  l'Académie  alors  fameuse  des  philhar- 
moniques de  Bologne.  De  retour  à  Paris,  il  fit  jouer  à 
l'Opéra  Relié  (5  janv.  1779),  le  Seigneur  bienfaisant 
(14  déc.  1780)  et,  à  la  Comédie-Italienne,  la  Nouvelle 
Omphale  (1781).  Auteur  d'une  Alceste  qu'il  prétendait 
faire  applaudir  après  celle  de  Gluck,  il  éprouva,  dit-on,  de 
l'insuccès  de  cet  ouvrage  aux  répétitions  un  dépit  qui  le 
conduisit  au  tombeau.  Le  talent  facile  de  Floquet  n'était 
pas  de  ceux  qui  créent  une  œuvre  durable  et  qui  laissent 
une  empreinte  dans  l'art  ;  mais  il  pouvait  plaire  et  charmer 
pendant  un  temps  ses  contemporains.  M.  Brenet. 

FLOQU  ET  (Pierre-Amable),  né  à  Rouen  le  9  juil.  1797, 
mort  à  Formentin  (Calvados)  le  6  août  1881 .  Les  travaux  les 
plus  importants  de  cet  infatigable  érudit,  que  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres  s'attacha  comme  corres- 
pondant, sont  les  suivants  :  Histoire  du  privilège  de 
saint  Pwmain,  en  vertu  duquel  le  chapitre  de  la  cathé- 
drale de  Rouen  délivrait  anciennement  un  meurtrier, 
tous  les  ans,  le  jour  de  V Ascension  (1833,  2  vol.  in-8); 
Anecdotes  normandes  (4838)  ;  Histoire  du  Parlement 
de  Normandie  (1840-43,7  vol.  in-8);  Essai  historique 
sur  r Echiquier  de  Normandie  (1 840)  ;  Diaire  ou  Journal 
du  voyage  du  chancelier  Seguier  en  Normandie  après 
la  sédition  des  Nu-Pieds  (1842),  volume  qui  sert  de  com- 
plément à  Y  Histoire  du  Parlement  de  Normandie  ; 
Etudes  sur  la  vie  de  Bossuet  (1855-64,  4  vol.  in-8). 

Bibl.  :  V.  pour  la  bibliographie  complète  de  ce  savant, 
Edouard  Frère,  Manuel  du  bibliographe  normand.  — 
Mmo  Oursel,  Nouvelle  Biographie  normande  —  Ch.  de 
Beaurepaire,  Notice  sur  M.  Floquet. 

FLOQUET  (Charles-Thomas),  homme  politique  français, 
né  à  Saint- Jean-Pied-de-Port  (Basses-Pyrénées)  le  2  oct. 
1828.  Il  fit  ses  études  à  Paris,  au  collège  Saint-Louis.  En 
févr.  1848,  le  collégien  s'échappa,  se  mêla  aux  insurgés  et  se 
jeta  en  plein  cœur  de  la  lutte.  D'abord  élève  de  l'Ecole  d'ad- 
ministration, il  suivit  ensuite  les  cours  de  droit  et  devint 
docteur.  Le  21  avr.  1851,  il  fut  inscrit  avocat  au  barreau 
de  Paris,  et,  presque  en  même  temps,  la  conférence  Mole 
le  choisit  pour  président.  Le  2  déc.  M.  Floquet  se  battit  de 
nouveau  pour  la  liberté.  Il  ne  s'inclina  pas  devant  le  coup 
d'Etat  :   de  la  parole  et  de  la  plume,  il  entra  en  guerre 


contre  l'Empire.   Le  jeune  avocat  républicain  tint  son 
rôle  dans  toute  une  série  de  retentissants  procès  poli- 
tiques :  procès  du  complot  de  l'Opéra-Comique,  procès  de 
l'Hippodrome,  procès  Tibaldi,  etc.  Comme  journaliste,  il 
apporta  une  collaboration  active  au  Temps,  au  Courrier  de 
Paris,  au  Siècle,  àl' Europe  de  Francfort,  Aux  élections 
législatives  de  1863,  il  fit  dans  l'Hérault,  contre  la  candi- 
dature officielle,  un  essai  de  candidature  démocratique.  A 
Pézenas,  point  initial  de  son  voyage  de  candidat,  il  apprit 
que  l'administration  préfectorale,  en  grande  colère,  avait  dé- 
crété contre  lui  la  grève  des  colleurs  d'affiches  :  lui-même, 
à  deux  des  coins  de  la  place  du  Marché,  il  placarda  sa  pro- 
fession de  foi,  sous  les  yeux  ébahis  des  autorités,  qu'il 
avait  prévenues  de  son  intention.  Tirés  de  leur  torpeur, 
six  mille  républicains  de  l'Hérault  groupèrent  leurs  voix 
sur  son  nom.  L'année  suivante,  il  fut  déféré  à  la  po- 
lice correctionnelle  impériale  :  il  était  l'un  des  inculpés 
dans  le  fameux  Procès  des  Treize.  Le  3  juin  1867,  l'em- 
pereur de  Russie,  Alexandre  H,  que  l'Exposition  uni- 
verselle avait  attiré  à  Paris,  visitait  le  Palais  de  justice. 
Là,  comme  maintes  fois  déjà  dans  les  rues  et  sur  les  bou- 
levards, un  cri,  le  cri  de  :  «  Vive  la  Pologne  !  »  s'éleva, 
calme  et  ferme,  en  face  de  l'hôte  de  Napoléon  III.  Il  avait 
été  poussé  dans  un  groupe  d'avocats  en  robe,  parmi  lesquels 
M.  Floquet.  Très  en  vue  dans  le  monde  des  ennemis  de  l'Em- 
pire,  celui-ci  s'en   vit   attribuer  l'honneur  exclusif,  et 
même,  quelques  années  plus  tard,  une  légende,  purement 
fantaisiste,  fut,  pour  les  besoins  d'une  polémique,  improvisée 
par  le  Figaro  :  saluant  de  la  toque  le  tsar,  M.  Floquet 
aurait  dit:  «Vive  la  Pologne,  monsieur!  »  En  1869, 
nouvelle  tentative  de  candidature  d'opposition  démocra- 
tique dans  le  dép.  de  l'Hérault.  Cette  même  année,  M.  Flo- 
quet entrait  dans  une  vieille  et  républicaine  famille  d'Alsace, 
en  épousant  M110  Hortense  Kestner,  qui  devait  être  pour  lui 
une  collaboratrice  de  haute  intelligence  et  de  cœur  délicat. 
Nous  voici  en  1870.  Devant  la  haute  cour  de  justice 
réunie  à  Tours  pour  juger  l'assassin  Pierre  Bonaparte, 
M.  Floquet  se  présenta  au  nom  de  la  famille  de  Victor 
Noir,  la  victime  ;  il  prononça  un  plaidoyer  vengeur  où,  à 
côté  d'une  logique  serrée,  à  côté  de  mouvements  oratoires 
d'une  émotion  étrange  etfière,  dominaient  des  considérations 
politiques  élevées.  Après  le  procès  de  Tours,  le  procès  de 
Blois  :  une  fois  de  plus  M.  Floquet  était  à  la  barre  ;  une 
fois  de  plus  son  éloquence  soufflettait  l'Empire.  Le  4  sept., 
il  fut  l'un  des  premiers  qui  forcèrent  la  ligne  nombreuse  des 
gardes  municipaux  et  des  sergents  de  ville  barrant  le  pont 
de  la  Concorde.  Puis  il  entra  à  l'Hôtel  de  Ville,  avec  le 
gouvernement  de  la  Défense  nationale,  et  proclama  la  Ré- 
publique. Il  fut  nommé  adjoint  au  maire  de  Paris,  M.  Etienne 
Arago.  Il  collabora  à  la  liste  des  maires  provisoires  des 
vingt  arrondissements,  et  dans  toutes  les  mesures  prises 
par  la  mairie  centrale,  dans  tous  ses  actes,  il  eut  la  même 
part  d'initiative.  Le  3  oct.,  il  partagea  les  périls  de  l'auto- 
rité légale  ;  mais  le  gouvernement  ayant  refusé  de  procéder 
immédiatement  aux  élections  municipales,  selon  l'engage- 
ment contracté  par  la  mairie  centrale,  il  donna  sa  démis- 
sion. Dès  lors,  il  se  consacra  tout  entier  à  la  défense  de 
Paris.  Il  s'enrôla  dans  la  légion  d'artillerie  de  la  garde 
nationale,  continua  de  prendre  part  aux  séances  de  la 
commission  des  barricades,  et,  dans  la  nuit  du  1er  au 
2  déc,  le  général  Ducrot  ayant  fait  demander  à  la  com- 
mission un  envoi  de  quelques  centaines  de  travailleurs, 
ce  fut  lui  qui,  avec  MM.  Dréo  et  Albert,  se  chargea  de  ras- 
sembler les  volontaires  et  de  les  mener  à  Champigny.  Le 
8  févr.  1871,  le  dép.  de  la  Seine,  par  93,579  suffrages, 
nomma  M.  Floquet  député  à  l'Assemblée  nationale.  Dans 
l'Assemblée,  il  protesta  contre  les  conditions  de  paix  im- 
posées par  le  gouvernement  prussien;  il  vota  également 
contre  le  transfert  de  l'Assemblée  à  Versailles.  Lorsqu'  «  un 
vertige  terrible  eut  amené  le  18  mars  »,  il  tenta,  auprès 
de  l'émeute  comme  auprès  de  l'Assemblée,  de  persistants 
efforts  de  conciliation  ;  il  intervint  dans  les  résolutions 
médiatrices  délibérées  par  les  maires  ;  il  signa  la  célèbre 


FLOQUET 


—  622  — 


transaction  entre  le  gouvernement  et  les  fédérés  ;  puis,  le 
27  mars,  quand  l'attitude  de  l'Assemblée  eut  rendu  inévi- 
table la  guerre  civile,  il  lança,  en  pleine  séance,  à  la  face 
de  la  majorité  réactionnaire,  cette  réprobation  :  «  En  vé- 
rité, ces  gens-là  sont  fous  !  »  La  lutte  armée  s'étant  en- 
gagée le  2  avr.,  il  se  démit  de  son  mandat  de  député, 
pour  rester  à  Paris  et  y  partager  «  les  souffrances  et 
les  périls  réservés  à  ses  mandataires  ».  Sans  répit,  sans 
souci  des  risques  que  pût  courir  sa  popularité,  il  poursuivit 
sa  rude  besogne  de  médiateur.  Il  provoqua  chez  lui,  rue  de 
Seine,  des  réunions  qui  aboutirent  à  la  formation  de  la 
Ligue  d'union  républicaine  des  droits  de  Paris.  Cette 
Ligue,  dont  il  fut  nommé  président,  renouvela  la  tentative 
des  maires  pour  amener  une  transaction,  et,  simultanément 
de  Paris  et  de  Versailles,  réclama  la  paix.  Aux  efforts  de 
la  Ligue,  les  grandes  villes  décidèrent  de  joindre  les  leurs  : 
un  congrès  des  conseils  municipaux  de  France  fut  convoqué 
à  Bordeaux.  M.  Floquet  fut  l'un  des  délégués  de  la  Ligue 
à  ce  congrès.  Il  quitta  Paris  le  9  mai.  La  seule  annonce 
du  congrès  de  Bordeaux  avait  jeté  dans  le  monde  gouver- 
nemental le  trouble  et  l'épouvante  ;  il  dut  s'éloigner  de 
Bordeaux.  Il  était  depuis  quelques  jours  dans  sa  famille, 
aux  environs  de  Biarritz,  à  Arcangues,  lorsqu'il  fut.  mis 
en  état  d'arrestation.  M.  Thiers  le  soupçonnait  d'avoir 
voulu  rejoindre,  et  même  d'avoir  déjà  rejoint  Gambetta  à 
Saint-Sébastien,  dans  le  but  de  concerter  avec  lui  quelque 
mouvement  contre  l'Assemblée.  Il  fut  écroué  à  la  prison 
de  Pau  et  ne  fut  rendu  à  la  liberté  qu'au  bout  d'un  mois. 
Le  29  avr.  4 872,  le  quartier  Sain t-Ambroise  (XIe  arron- 
dissement) l'envoya  siéger  dans  le  premier  conseil  muni- 
cipal élu  de  Paris.  Nommé  à  nouveau  par  le  même  quar- 
tier le  27  nov.  1874,  le  conseil  municipal  le  choisit  bientôt 
pour  président.  Il  était  à  ce  moment  l'un  des  principaux 
rédacteurs  delà  République  française.  En  4876, lors  des 
élections  sénatoriales,  il  fut  désigné  comme  candidat  par 
le  conseil  municipal  ;  il  se  présenta  comme  «  républicain 
résolu,  radical  ».  Il  ne  fut  point  élu;  mais,  le 20  févr.  sui- 
vant, les  comités  républicains  du  XIe  arrondissement  le 
portèrent  candidat  à  la  Chambre  des  députés,  et  la  presque 
unanimité  des  électeurs  (22,000  sur  24,000)  ratifièrent 
ce  choix.  Il  prit  place  à  l'extrême  gauche  de  la  Chambre 
et,  non  seulement  à  la  tribune,   mais   aussi  dans  un 
journal  militant  qu'il  venait  de  créer,  le  Peuple,  il  affirma 
avec  énergie  toutes  les  aspirations  démocratiques.  Ses  pre- 
mières paroles  à  la  Chambre  furent  pour  une  question  qui  lui 
était  chère  entre  toutes,  celle  de  l'amnistie  pleine  et  entière 
des  condamnés  de  la  Commune  (48  mai  4876).  Le  Seize- 
Mai  survint.  Il  fut  l'un  des  premiers  parmi  les  363,  et, 
après  les  élections  d'oct.  4877,  où  il   fut  réélu  dans  le 
XIe  arrondissement  de  Paris,  par  24,440  voix  sur  27,083 
votants,  il  fit  partie  du  comité  des  Dix-Huit  que  la  Chambre 
créa  pour  sa  protection.  Il  accueillit  par  un  réquisitoire 
terrible  le  ministère  Rochebouët  et  provoqua  la  Chambre 
à  déclarer  qu'elle  ne  pouvait  entrer  en  relations  avec  lui. 
C'est  lui  qui  rédigea  le  rapport  sur  l'élection  de  Fourtou. 
Il  présida  la  délégation  ayant  mission  d'instruire  sur 
place,  dans  le  dép.  du  Gers,  l'élection  de  M.  Paul  de 
Cassagnac,  et,  la  discussion  de  cette  élection  venue,  pro- 
nonça une  implacable  et  véhémente  harangue  (7  nov.  4878). 
Après  la  constitution  du  cabinet  Dufaure,  M.  Floquet  fut 
nommé  président  du  groupe  de  l'Union  républicaine.  Il  se 
voua  à  la  défense  d'une  politique  résolument  réformatrice. 
Il  rentra  à  la  Chambre  de  4884,  toujours  comme  député  du 
XIe  arrondissement  (44,779  voix  sur  45,003  votants).  La 
Chambre  l'éleva  à  la  vice-présidence.  M.  Floquet  avait  pris, 
avec  M.  Allain-Targé,  la  direction  du  journal*  V Union  ré- 
publicaine, lorsque,  le  5  janv.  4882,  il  fut  nommé  préfet 
de  la  Seine,  en  remplacement  de  M.  Herold.  Il  dut,  de  par 
les  exigences  de  la  loi,  renoncer  à  son  mandat  législatif. 
Le  président  du  conseil  municipal  de  Paris,  en  souhaitant 
la  bienvenue  au  nouveau  préfet,  saluait  en  lui  «  le  défen- 
seur persévérant  des  intérêts  que  le  conseil  et  le  préfet 
ont  à  gérer  ensemble,  et  aussi  des  franchises  municipales  ». 


Bientôt,  en"effet,  à  l'annulation  par  le  gouvernement  d'un 
vœu  du  conseil  municipal  demandant  création  d'une  mairie 
centrale,  M.  Floquet  répondit  par  sa  démission  de  préfet 
(juil.  4882).  Après  avoir,  sur  les  instances  du  conseil  muni- 
cipal, retiré  cette  démission,  il  la  signa  définitivement  dès 
que,  définitivement,  il  considéra  comme  ajournées  toutes 
espérances  de  développement  de  la  liberté  municipale  de 
Paris  (34  oct.  4882).  Une  mémorable  journée  de  joyeuse 
fête  populaire  avait  marqué  son  administration  :  l'inaugu- 
ration de  l'Hôtel  de  Ville,  enfin  restauré  sur  ses  ruines. 
m  Depuis  quelques  mois,  les  amis  de  M.  Floquet  le  solli- 
citaient de  rentrer  à  la  Chambre.  II  avait  posé  sa  can- 
didature, et,  le  22  oct.,  il  avait  été  élu  député  de 
la  première  circonscription  de  Perpignan  ,  par  5,304 
voix  sur  9,644  votants.  Il  siégea  sur  les  bancs  de  la 
gauche  radicale,  Il  prit  l'initiative  d'une  proposition  tendant 
à  interdire  le  séjour  du  territoire  français  aux  membres 
des  familles  ayant  régné  en  France  et  à  les  priver  de  tous 
droits  politiques  (46  janv.  4883).  Contre  une  assertion  de 
M.  Ribot,  il  rétablit  la  vérité  sur  un  point  historique,  en 
s'écriant  :  «  Ce  ne  sont  pas  les  modérés  qui  ont  fait  la 
République,  c'est  le  pays  !  »  Il  intervint  dans  la  discussion 
sur  les  syndicats  professionnels.  A  propos  de  la  loi  sur  les 
récidivistes,  il  s'éleva  contre  l'obligation  de  la  rélégation. 
Il  défendit  le  principe  de  la  mairie  de  Paris.  Il  reclama 
l'élection  du  Sénat  par  le  suffrage  universel  direct.  Il  reven- 
diqua les  prérogatives  financières  de  la  Chambre.  Le 
8  avr.  4885,  il  fut  élu  président  de  la  Chambre;  il  suc- 
cédait à  M.  Brisson,  devenu  président  du  conseil.  Chez  le 
nouveau  président  de  la  Chambre,  l'homme  de  parti  allait 
s'effacer  pour  faire  place  à  l'homme  d'Etat,  à  l'arbitre  im- 
partial et  fin,  universellement  écouté  et  respecté.  Aux  élec- 
tions, par  le  scrutin  de  liste,  du  4  oct.  4885,  Paris  acclama 
M.  Floquet  représentant  de  la  Seine  :  sur  l'ensemble  des 
élus  de  Paris,  il  fut  nommé  le  second.  Son  élection  avait 
été  acquise  au  premier  tour  par  263,762  suffrages  sur 
434,044  votants.  En  même  temps,  il  fit  partie  de  la 
députation  des  Pyrénées-Orientales,  avec  26,440  voix  sur 
39,934  votants.  Il  opta  pour  ce  dernier  département. 
De  nouveau,  la  Chambre  le  porta  à  la  présidence.  De  plus  en 
plus  se  mettaient  en  relief  les  qualités  rares  qui  le  classaient 
au  premier  rang  des  présidents  d'assemblées  :  l'impartialité 
et  le  tact,  l'énergie  et  la  souplesse  s'alliant  à  l'esprit  d'à- 
propos  le  plus  alerte,  à  la  bonne  humeur  la  plus  courtoise. 
En  mai  4887,  après  la  chute  du  ministère  Goblet,  le 
soin  de  constituer  un  ministère  lui  fut  officiellement  pro- 
posé. La  même  année,  en  décembre,  au  moment  de  la 
démission  de  M.  Grévy,  sa  candidature  à  la  présidence  de 
la  République  fut  mise  en  avant  par  la  presse  et  une  frac- 
tion du  Parlement.  Bien  qu'elle  eût  obtenu  la  majorité  rela- 
tive des  suffrages  dans  la  première  réunion  préparatoire  des 
représentants  républicains  (404  voix  contre  94  à  M.  de 
Freycinet,  66  à  M.  Brisson,  49  à  M.  Sadi  Carnot),  cette 
candidature  fut  sacrifiée  ensuite  à  des  considérations  de 
tactique  qui,  finalement,  décidèrent  la  plupart  des  radicaux 
à  appuyer  M.  Sadi  Carnot.  M.  Floquet  fut  réélu  président 
de  la  Chambre. 

Le  boulangisme  naissait.  Le  programme  du  général  Bou- 
langer tenait  en  deux  mots  :  «  revision,  dissolution  ».  La 
première  de  ces  formules  semblait  populaire,  et  M.  Floquet 
était  de  ce  groupe  de  républicains  qui  pensaient  qu'il  valait 
mieux  donner  à  l'idée  une  sanction  au  profit  de  la  République 
que  de  la  laisser  au  parti  de  l'agitateur.  Lorsque  le  ministère 
Tirard  eut  été  renversé,  M.  Floquet  accepta  la  tâche  difficile 
de  diriger  la  politique  de  la  République  (34  mars  4888).  Il 
voulut  donner  au  parti  modéré,  en  offrant  des  portefeuilles 
à  quelques-uns  de  ses  membres,  des  gages  de  ses  intentions 
conciliatrices.  Mais,  à  la  suite  de  certains  refus  de  concours, 
il  constitua  un  ministère  nettement  radical,  prenant,  avec 
la  présidence  du  conseil,  le  ministère  de  l'intérieur.  Le 
3  avr.,  le  nouveau  cabinet  se  présenta  devant  le  Parlement. 
Sa  déclaration  promettait  la  mise  à  l'étude  de  la  séparation  de 
l'Eglise  et  de  l'Etat,  ainsi  que  la  revision  des  lois  consti- 


tutionnelles ,  mais  ajournait  l'examen  de  cette  dernière 
question  jusqu'au  moment  que  le  gouvernement  jugerait 
favorable.  La  déclaration  ministérielle  souleva  les  mur- 
mures à  peu  près  unanimes  du  Sénat,  qui  alla  jusqu'à 
témoigner  sa  défiance  envers  le  cabinet  en  réduisant  au 
minimum  la  durée  des  congés  de  Pâques.  On  disait  dans  le 
Parlement  les  jours  du  ministère  comptés  ;  des  intrigues  de 
couloirs  s'agitaient.  Quant  à  l'opinion  publique,  affirmant 
avec  plus  de  netteté  que  jamais  sa  volonté  des  réformes, 
elle  soutenait  et  encourageait  le  ministère  radical,  notam- 
ment par  des  adresses  qui,  de  tous  les  coins  du  pays, 
parvenaient,  par  centaines,  à  la  place  Beauvau.  Dès  la 
rentrée  de  la  Chambre  (19  avr.),  M.  Floquet  provoqua  ses 
adversaires  républicains  à  des  «  explications  claires  et 
nettes  »,  déclarant  que  la  résolution  du  ministère  était  de 
«  marcher  vers  la  gauche  »,  mais  précisant,  en  outre,  qu'il 
avait  demandé  «  d'attendre  que  la  revision  ne  fût  plus  le 
piège  tendu  par  les  partis  monarchiques  ou  le  manteau 
troué  de  la  dictature  ».  353  voix  républicaines,  c.-à-d.  la 
presque  unanimité  du  parti  républicain,  votèrent  un  ordre 
du  jour  de  confiance  au  gouvernement.  Les  ennemis  les 
plus  ardents  du  ministère  sentaient  le  besoin  de  se  serrer 
autour  de  lui  pour  garder  et  défendre  la  République.  Son 
premier  souci  fut  de  s'éclairer  entièrement  sur  l'organisa- 
tion et  les  menées  de  la  faction  boulangiste.  En  attendant, 
il  assura  l'ordre  avec  énergie.  Le  4  juin,  le  général  Bou- 
langer exposait  à  la  Chambre  son  programme  révisionniste. 
M.  Floquet  qualifia  ce  programme  de  «  manifeste  de  néo- 
césarisme  »,  et  s'écria  :  «  Il  faut  se  rassurer.  A  votre  âge, 
monsieur  le  général  Boulanger,  Napoléon  était  mort,  et 
vous  ne  serez  que  le  Sieyès  d'une  constitution  mort-née.  » 
L'urgence  de  la  revision  proposée  par  le  général  Boulanger 
fut  repoussée  par  377  voix  républicaines.  De  plus,  la 
Chambre  ordonna  que  le  discours  du  premier  ministre  serait 
affiché  dans  toutes  les  communes  de  la  République. 

Le  12  juil.,  le  général  Boulanger  reparaissait  à  la  tri- 
bune pour  y  proposer  la  dissolution  de  la  Chambre.  M.  Flo- 
quet l'attaqua  rudement.  Piqué  au  vif,  le  général  Boulanger 
répliqua  en  termes  outrageants.  A  l'instant,  M.  Floquet 
constitua  ses  témoins,  et  le  lendemain,  dans  la  matinée, 
une  rencontre  à  l'épée  eut  lieu,  à  Neuilly,  entre  le  président 
du  conseil  et  le  général.  Après  vingt  minutes  de  combat,  le 
général  fut  grièvement  blessé  à  la  gorge.  Dans  l'après-midi 
même,  le  président  prononçait  un  discours  à  l'inauguration 
du  monument  élevé  à  la  gloire  de  Gambetta,  place  du 
Carrousel.  Il  y  fut  l'objet  d'ovations  qui  se  continuèrent 
non  seulement  le  lendemain  au  banquet  rassemblant  au 
Champ  de  Mars  les  maires  des  chefs-lieux  de  cantons  de 
France,  mais  aussi  pendant  le  cours  d'un  voyage  offi- 
ciel que,  quelques  jours  après,  il  faisait  dans  l'Isère  et 
dans  la  Drôme,  en  compagnie  du  président  de  la  Répu- 
blique. Au  même  moment,  le  boulangisme  subissait  des 
échecs  électoraux  dans  l'Ardèche  et  dans  la  Dordogne. 
Pendant  les  vacances  parlementaires,  les  tentatives  plé- 
biscitaires, les  agitations  factieuses,  les  désordres  créés 
par  des  grèves  nombreuses,  qu'inspiraient  ou  attisaient  des 
mots  d'ordre  politique,  ne  cessèrent  de  tenir  le  ministère 
en  haleine.  Le  15  oct.,  à  la  reprise  des  travaux  parle- 
mentaires, M.  Floquet,  fidèle  aux  promesses  faites,  déposa 
un  projet  de  revision  de  la  constitution  dans  un  sens  plus 
favorable  à  la  souveraineté  du  suffrage  universel  et,  par 
un  nouvel  ordre  du  jour  de  confiance,  la  majorité  républi- 
caine applaudit  à  l'attitude  du  gouvernement.  Malgré  tant 
d'embarras  de  tous  côtés  accumulés  devant  lui,  le  minis- 
tère Floquet  préparait  ou  avait  déjà  réalisé  un  ensemble  de 
progrès  qui  atteignaient  au  fond  même  des  intérêts  sociaux 
du  pays  :  réformes  fiscales,  législation  des  associations,  loi 
sur  les  syndicats  de  communes,  etc.  En  outre,  par  l'élan 
d'activité  donné  aux  préparatifs  de  l'Exposition  universelle, 
le  ministère  ménageait  la  digne  célébration  du  centenaire 
prochain  de  la  Révolution  française. 

Lorsque,  le  27  janv.  1889,  l'élection  du  général  Boulanger 
par  le  dép.  de  la  Seine  fut  venue  aggraver  les  périls  de  la 


—  623  —  FLOQUET  —  FLOR 

République,  M.  Floquet,  dès  le  soir  même,  prit,  en  vue  de 
toutes  éventualités,  de  nouvelles  et  spéciales  mesures  d'ordre. 
Puis,  ayant  considéré  que  la  législation  existante  ne  lui  assu- 
rait contre  les  agissements  du  boulangisme  et  ses  desseins 
que  des  armes  insuffisantes,  il  mit  à  l'étude  une  réglementa- 
tion nouvelle  du  colportage  et  de  l'affichage,  ainsi  que  des 
dispositions  additionnelles  au  code  pénal  pouvant  permettre 
d'atteindre  plus  sûrement  les  menées  touchant  à  la  sûreté 
intérieure  de  l'Etat.  Pour  la  presque  unanimité  de  l'opinion 
républicaine,  le  vote  uninominal  par  arrondissement  était 
seul  capable  de  diviser  le  torrent  grandissant  du  boulan- 
gisme :  faisant  taire,  devant  la  nécessité,  ses  préférences 
personnelles  pour  le  scrutin  de  liste,  M.  Floquet  déposa, 
au  nom  du  gouvernement,  un  projet  de  loi  tendant  au  ré- 
tablissement du  scrutin  d'arrondissement  (31  janv.).  Quel- 
ques jours  plus  tard,  l'ancien  mode  de  votation  était  remis 
en  vigueur  (11  et  12  févr.).  La  Chambre,  à  la  demande  du 
président  du  conseil,  avait  décidé  d'examiner,  immédiate- 
ment après  la  loi  électorale,  la  proposition  de  revision  de 
la  constitution.  Mais  le  14  févr.,  elle  votait,  par  307  voix 
contre  218,  l'ajournement  indéfini  de  la  revision.  Les  bou- 
langistes,  la  droite  et  le  centre  avaient  voté  ensemble. 
M.  ^loquet,  suivi  de  tous  les  ministres,  quitta  la  salle,  en 
déclarant,  aux  acclamations  de  la  gauche  radicale  et  de 
l'extrême  gauche,  qu'il  savait  tenir  ses  engagements  et 
que,  en  conséquence,  le  cabinet  allait  donner  sa  démission. 
Redevenu  simple  député,  M.  Floquet  ne  cessa  de  tra- 
vailler à  la  concentration  des  républicains  contre  l'ennemi 
commun.  Elu  dans  la  première  circonscription  du  XP  arron- 
dissement de  Paris,  au  deuxième  tour  de  scrutin,  par 
5,284  voix  sur  8,669  votants,  il  reprenait,  le  16  nov.  sui- 
vant, dans  la  Chambre  renouvelée,  les  fonctions  de  prési- 
dent. Le  12  janv.  1892,  il  en  fut  de  nouveau  investi,  pour 
la  neuvième  fois.  L.  A. 

FLOR  (Roger  de),  chef  catalan,  né  à  Brindisi,  assas- 
siné par  les  Byzantins  à  Àndrinople,  en  1305.  Sa  mère 
était  Italienne  ;  son  père,  Richard  de  Flor,  d'origine  alle- 
mande, était  fauconnier  de  l'empereur  Frédéric  II  et  mou- 
rut àTagliacozzo  (1268),  combattant  pour  Conradin  contre 
Charles  d'Anjou.  Dépouillé  par  le  vainqueur,  le  jeune  Ro- 
ger entra,  à  l'âge  de  quinze  ans,  au  service  d'un  chevalier 
du  Temple  et  se  fit  plus  tard  recevoir  dans  l'ordre.  A  la 
prise  de  Saint-Jean  d'Acre  par  les  Sarrasins  (1291),  il 
sauva  sur  ses  vaisseaux  nombre  de  chrétiens  avec  leurs 
biens,  mais,  accusé  auprès  du  grand  maître  de  s'être  ap- 
proprié les  richesses  dérobées  au  pillage,  il  dut  s'enfuir. 
Il  vint  offrir  ses  services  à  Robert,  duc  de  Calabre,  qui 
les  refusa,  puis  à  Frédéric,  roi  de  Sicile,  dont  il  devint  le 
vice-amiral.  En  1303,  les  Almogavares,  aventuriers  cata- 
lans et  aragonais,  le  prirent  pour  chef,  lorsqu'ils  allèrent 
au  nombre  de  8,000  secourir  l'empereur  de  Constantinople, 
Andronic  II,  pressé  par  les  Turcs.  A  son  arrivée,  comblé 
d'honneurs  et  nommé  grand-duc,  Roger  de  Flor  entra  dans 
la  famille  impériale  par  son  mariage  avec  une  nièce  de 
l'empereur,  Marie,  fille  d'Azan,  roi  <  des  Bulgares,  et 
d'Irène,  sœur  d' Andronic.  En  Asie  Mineure,  le  courage 
féroce  des  Almogavares  vainquit  l'émir  Caraman  devant 
Philadelphie  qu'il  assiégeait,  et  détruisit  une  nouvelle  armée 
musulmane  aux  environs  des  monts  Taurus,  entre  l'Armé- 
nie et  la  Cilicie  (4304).  Les  Ottomans  durent  abandonner 
un  instant  les  provinces  envahies  ;  Byzance  eut  son  jour  de 
gloire.  Cependant  le  craintif  Andronic,  effrayé  par  les 
ravages  et  l'avidité  des  Almogavares  qui  pillaient  indiffé- 
remment Turcs  et  Grecs  (Magnésie  s'était  révoltée  contre 
eux)  rappela  Roger  de  Flor,  le  reçut  magnifiquement  et 
lui  décerna  le  titre  de  césar.  Celui  de  grand-duc  passa  à 
Berenguer  de  Entenza,  récemment  arrivé  à  la  tête  d'autres 
bandes.  Comme  on  refusait  de  leur  payer  leur  solde  ou 
qu'ils  ne  la  recevaient  qu'en  fausse  monnaie,  les  Catalans, 
établis  dans  Gallipoli,  traitaient  l'Empire  en  pays  conquis  ; 
leur  nombre  augmentait  sans  cesse  par  de  nouveaux  ren- 
forts. N'osant  attaquer  ouvertement  ses  terribles  alliés, 
l'empereur  Michel  Paléologue,  associé  au  pouvoir  par  son 


FLOR  —  FLORE 


—  624  — 


père  Andronic,  invita  Roger  de  Flor  à  l'aller  rejoindre 
dans  Andrinople,  afin  de  préparer,  disait-il,  une  seconde 
expédition  contre  les  Turcs.  Il  vint,  et  Michel  le  fit  assas- 
siner au  sortir  d'un  festin,  pendant  que  les  Alains  et  la 
populace  massacraient  partout  ses  compagnons.  Les  Almo- 
gavares  vengèrent  cette  perfidie,  battirent  les  Byzantins  et 
ravagèrent  affreusement  leur  pays  durant  plusieurs  années, 
sous  la  conduite  d'Entenza  et  de  Rocafort.     L.  Dollfus. 

Bibl.  :  Pachymère,  Histoire  d'Orient,  1666-69,  2  vol.  — 
Raraon  Muntaner,  Cronica  o  descripcio  dels  fets  e  ha- 
zanyes  del  inclyt  Rey  D.  Jaume  -primer,  etc.;  Stuttgart, 
1844.  —  Zurita,  Anales  de  la  Corona  de  Aragon;  S  ara- 
gosse,  1610-21,  10  vol.  —  Moncada,  Expedicion  de  los 
Catalanes  y  Aragoneses  contra  Turcos  y  Griegos,  éd.  de 
Paris,  1840. 

FLOR  (Christian),  patriote  et  écrivain  danois,  né  à 
Copenhague  le  1er  janv.  1792,  mort  le  31  mars  1875. 
Après  avoir  enseigné  et  pris  parti  pour  Oehlenschlaeger 
contre  Baggesen,  il  devint  pasteur  à  Tœllœse  (1822),  puis 
professeur  de  langue  et  de  littérature  danoises  à  l'université 
de  Kiel  (1826).  Ainsi  placé  aux  avant-postes,  il  soutint  en 
Slesvig  la  nationalité  danoise  menacée  par  les  Allemands, 
encouragea  les  patriotes  Paulsen,  Koch,  Nils  Lorenzen 
de  Lilholt,  Hjort  Lorenzen,  Fischer,  Manicus,  fonda  en 
1844  la  haute  école  populaire  et  grundtvigienne  de  Rœd- 
ding  qu'il  dirigea  jusqu'en  1847,  puis,  pour  la  remplacer 
après  qu'elle  eut  été  fermée  par  les  Prussiens  (1864),  une 
autre  à  Askov,  au  N.  de  la  frontière  dano-slesvigoise.  Il 
ne  joua  pas  grand  rôle  aux  diverses  assemblées  législatives 
dont  il  fit  partie.  On  lui  doit  d'utiles  ouvrages  d'enseigne- 
ment :  Manuel  de  la  littérature  danoise  (Kiel,  1831  ; 
9e  édit.,  Copenhague,  1886,  in-8),  recueil  de  morceaux 
choisis  en  prose  et  en  vers,  avec  courtes  notices  sur  les 
auteurs;  Lehrbuch  der  dœnischen  Sprache  (Kiel,  1833; 
2e  édit.,  1835);  Orthographe  cfomozs£(Copenhague,  1858; 
5e  édit.,  1874)  ;  Syntaxe  danoise  (1864).  B-s. 

FLOR  (Charles),  dit  Flor  O'Squar, publiciste  belge,  né 
à  Bruxelles  en  1830,  mort  à  Spa  en  1889.  Ce  brillant  et 
spirituel  écrivain  collaborait  à  une  foule  de  journaux  belges 
et  français,  YEtoile  belge,  la  Chronique,  le  Voltaire,  le 
Soir,  V Evénement  et  surtout  au  Figaro  qui  publia  pen- 
dant de  longues  années  d'intéressantes  lettres  de  Bruxelles 
signées  Perkéo,  pseudonyme  de  Flor  O'Squar.  Celui-ci 
traduisit  plusieurs  ouvrages  anglais,  américains  et  suédois, 
écrivit  de  nombreux  romans,  des  brochures  politiques  et  fit 
jouer  à  Bruxelles  des  revues  de  fin  d'année  qui  obtinrent 
un  vif  succès.  Ses  principales  œuvres  sont  :  la  Guen^e  eu- 
ropéenne contre  la  Russie.  Description  des  princi- 
pautés danubiennes,  précédée  d'un  historique  de  la 
question  d'Orient  (Bruxelles,  1854,  in-8)  ;  la  Guerre 
dans  la  Baltique  (ibid.,  1858,  in-8)  ;  les  Confes- 
sions d'un  officier  (ibid.,  1859,  3  vol.  in-12)  ;  les  Tré- 
sors de  Vart  flamand,  éd.  illust.  (ibid.,  1863,  in-fol.); 
Histoire  de  Charles  le  Téméraire,  duc  de  Bourgogne, 
par  John  Poster  Kirk,  traduction  de  l'anglais  (ibid.,  1866, 
3  vol.  in-8).  La  liste  complète  de  ses  traductions  des 
œuvres  de  Wiseman,  Mayne-Reid,  Washington  Irving, 
Dickens,  etc.,  se  trouve  dans  de  Koninck  (Bibliographie 
nationale  de  Belgique,  II,  51-53).  E.  H. 

FLORAC.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  delà  Lozère,  sur  le  Tarn, 
au  pied  du  causse  Méjan;  1,978  hab.  Fruits  et  légumes 
renommés.  Source  minérale.  Du  rocher  de  Rochefok  qui 
domine  la  ville,  jaillit  la  belle  et  abondante  source  du  Pécher 
formant  une  rivière  qui  traverse  la  ville  et  va  se  jeter  dans 
le  Tarnon.  Florac  était  au  moyen  âge  le  chef-lieu  de  l'une 
des  huit  baronnies  du  Gévaudan.  Pendant  les  guerres  reli- 
gieuses des  Cévennes  elle  fut  l'un  des  principaux  centres 
des  camisards,  fut  saccagée  plusieurs  fois  et  devint  le  siège 
d'une  chambre  ardente  pour  juger  les  protestants.  L'ancien 
château  féodal  flanqué  de  tours  modernes  a  été  transformé 
en  prison.  Ancienne  commanderie  de  templiers  surmontée 
d'une  large  tour  carrée,  occupée  aujourd'hui  par  le  cou- 
vent de  la  Présentation.  Promenade  de  l'Esplanade  ombra- 
gée de  platanes. 


FLORANES  Roble&  y  Encinas  (Rafaël),  érudit  espagnol 
de  la  deuxième  moitié  du  xvme  siècle.  Il  a  beaucoup  écrit, 
notamment  :  Anales  brèves  del  reinado  de  los  reyes  ca- 
tolicos,  suite  de  la  chronique  de  Carvajal  ;  Vida  litera- 
ria  de  Pedro  Lopez  de  Ayala;  Origen  de  los  estudios 
de  Castillan  especialmente  los  de  Valladolid,  Palencia 
y  Salamanca,  enque  se  vindica  su  mayor  antiguedad; 
Vida  y  obras  de  Lorenzo  Galindez  Carvajal;  Apunta- 
mientos  curiosos  sobre  behetrias,  su  condicion  y  privi- 
legios,y  modo  de  hacerse  en  ellas  filiaciones,  ouvrages 
qui  étaient  demeurés  manuscrits  jusqu'en  1861,  époque  où 
ils  furent  publiés  dans  les  vol.  XVIII,  XIX  et  XX  de  la 
Coleccion  de  documentos  ineditos;  ils  renferment  le  ré- 
sultat de  longues  recherches  et  des  renseignements  pré- 
cieux. c  e.  Cat. 
FLORAUX  (Jeux)  (V.  Jeu). 

FLORE.  I.  Botanique.  —  Ensemble  des  espèces  végétales 
qui  croissent  spontanément  dans  une  région,  dont  les  limites 
sont  déterminées  soit  par  des  conventions  politiques  (flore 
de  France,  par  exemple),  soit  par  la  nature  physique  ou 
géologique,  mers,  déserts,  montagnes,  etc.  (îles,  conti- 
nents, etc.),  soit  enfin  par  le  caractère  même  de  sa  flore, 
dépendant  principalement  des  conditions  climatologiques 
(flore  méditerranéenne,^ exemple).— En  paléontologie 
végétale,  on  désigne  sous  le  nom  de  flore  l'ensemble  des 
espèces  caractéristiques  d'une  époque  ou  d'un  terrain 
(V.  Géographie  botanique  et  Paléontologie).—  Enfin,  le 
nom  de  Flore  est  donné  aux  ouvrages  dans  lesquels  sont 
décrites  et  classées  les  espèces  végétales  d'une  contrée, 
d'une  province,  d'un  district,  etc.  Citons  comme  exemples 
la  Flore  de  France  de  Grenier  et  Godron,  la  Flore 
du  centre  de  la  France  par  Boreau,  la  Flore  de  la  Nor- 
mandie par  Brébisson,  la  Flore  de  Paris  par  Bautier, 
par  Bonnet,  par  Bonnier,  par  de  Lanessan,  etc.   Dr  L.  Hn. 

IL  Paléontologie  (V.  Paléontologie  végétale). 

III.  Architecture.  —  La  flore  monumentale  est  l'en- 
semble des  plantes  dont  les  artistes  se  sont  inspirés  pour 
l'ornementation  architecturale  des  monuments  qu'ils  étaient 
chargés  de  décorer.  Les  chapiteaux,  les  moulures,  les 
gorges,  les  balustres,  les  corniches  de  tous  les  monuments 
gothiques  sont  couverts  du  feuillage  d'une  foule  de  plantes, 
véritable  végétation  de  l'art,  fertile  en  renseignements 
archéologiques.  Jusqu'au  xne  siècle,  la  décoration  architec- 
turale suit  certains  canons  légués  par  les  siècles  précédents  ; 
à  ce  moment  la  tradition  romane  plane  encore  sur  la 
généralité  de  l'ensemble,  mais  elle  est  modifiée  profondé- 
ment par  des  motifs  monumentaux,  inspirés  par  l'étude  des 
fleurs  et  des  feuillages  que  les  artistes  ont  journellement 
sous  les  yeux.  Bientôt  les  entrelacs  byzantins  et  irlandais 
sont  remplacés  par  des  compositions  dérivant  des  plantes 
les  plus  simples,  et  l'école  laïque  cherche  uniquement  des 
silhouettes  dans  les  feuillages  les  plus  ordinaires. 

Au  xiie  siècle,  les  sculpteurs  interprètent  les  feuilles, 
s'emparent  de  leur  aspect  pour  un  effet  monumental  ;  ils 
prennent  dans  leurs  développements  successifs  les  fougères 
et  leurs  crosses,  les  feuilles  de  plantain,  sans  s'occuper  des 
détails,  n'en  retenant  qu'une  forme  pour  ainsi  dire  abs- 
traite ;  au  xme  siècle,  ils  reproduisent  le  chêne,  le  figuier, 
le  poirier,  le  séneçon,  l'érable,  très  reconnaissantes.  A  me- 
sure que  l'art  gothique  s'avance  vers  sa  décadence,  la  copie 
devient  plus  servile  ;  les  artistes  en  arriveront  bientôt  à  la 
préciosité  de  l'orfèvrerie,  oubliant  que  la  flore  monumen- 
tale est  un  art  qui  n'est  pas,  comme  on  l'a  compris  à  la 
Renaissance,  simplement  un  riche  et  admirable  accessoire. 
Quelques  plantes,  par  suite  des  copies  successives,  finis- 
sent par  se  réduire  à  des  formes  géométriques  que  les 
artistes  reproduisent  sans  le  comprendre.  La  chose  est  na- 
turelle pour  les  plantes  exotiques  qu'ils  ne  pouvaient  pas 
connaître,  comme  le  hom,  le  lotus  (V.  ces  mots)  qu'ils 
prenaient  sur  les  petits  monuments  étrangers  que  les  croi- 
sades et  les  pèlerinages  introduisirent  dans  l'Europe  occi- 
dentale. D'autres  plantes  prennent  rapidement  des  formes 
conventionnelles  et  deviennent  fleurs  nationales  :  tel  l'iris 


—  62o 


FLORE  —  FLORENCE 


normand,  qu'on  retrouve  jusqu'en  Pouille,  telle  surtout  la 
fleur  de  lis,  qui  est  en  quelque  sorte  le  sceau  français. 

La  flore  monumentale  peut  se  diviser  en  deux  classes,  la 
flore  symbolique  et  la  flore  régionale.  La  première  est  de  tous 
les  pays  ;  on  la  retrouve  au  nord  comme  au  midi  :  elle  rap- 
pelle les  passages  de  l'Ecriture  sainte  qui  la  cite  ;  il  est  tout 
naturel  qu'elle  fasse  partie  de  la  décoration  de  tous  les  mo- 
numents religieux  :  la  vigne,  le  raisin,  le  lierre,  le  rosier, 
le  figuier,  en  forment  la  partie  principale.  Certaines  fleurs, 
comme  les  marguerites  semées  du  pavé  aux  voûtes  de  l'église 
de  Brou  que  Marguerite  d'Autriche  fit  élever  à  la  mémoire 
de  Philibert  de  Savoie,  son  époux,  doivent,  par  leur  syno- 
nymie, rappeler  une  personne.  A  la  flore  symbolique  vien- 
nent se  mêler  le  chêne,  le  chardon,  la  fougère,  le  pommier, 
le  poirier,  l'artichaut,  le  sagittaire,  l'acanthe,  le  plantain 
qui  sont  de  tous  les  pays,  tandis  que  plus  particulièrement 
sur  les  bords  du  Rhin  on  trouve  le  houblon,  la  camomille, 
la  pivoine,  le  céleri  ;  en  Picardie,  le  trèfle  ;  en  Forez,  le  chou, 
le  nymphéa,  le  marronnier;  en  Poitou,  le  fraisier  ;  en  Cham- 
pagne, la  renoncule,  l'aigremoine,  le  châtaignier,  l'yeuse, 
le  laurier';  dans  la  partie  couverte  de  bois  de  la  Bourgogne, 
l'alisier,  le  hêtre,  l'érable,  l'églantier;  en  Saintonge,  la 
marguerite.  F.  de  Mély. 

IV.  Mythologie  romaine.  —  Déesse  romaine  des  fleurs 
et  du  printemps  en  l'honneur  de  laquelle  on  célébrait  à  la  fin 
d'avril  la  fête  des  Floralia.  Son  temple,  situé  près  du  Cir- 
cus  maximus,  avait  été  voué,  disait-on,  parTatius.  Elle  en 
avait  un  autre  sur  le  Quirinal.  On  identifia  plus  tard  Flore 
avec  la  Chloris  des  Grecs.  La  fête  des  Floralia,  sous  la  forme 
qu'elle  avait  à  la  fin  de  la  République,  était,  en  effet,  d'ori- 
gine gréco-orientale  ;  instituée  en  238  av.  J.-C.  sur  l'ordre 
d'un  oracle  des  livres  sybillins,  définitivement  organisée  en 
173.  Les  édiles  y  présidaient.  Les  manifestations  joyeuses 
allaient  jusqu'à  une  extrême  licence;  sur  le  théâtre  on  fai- 
sait paraître  des  femmes  nues  qui  amusaient  le  public  par 
des  gestes  et  danses  obscènes.  Les  campagnards  conser- 
vèrent l'ancienne  fête.  C'était  une  fête  populaire  à  laquelle 
tout  le  monde  prenait  part;  on  décorait  de  fleurs  les  mai- 
sons; les  femmes  se  paraient  d'habits  à  couleurs  éclatantes. 
Une  légende  èvhémériste  fit  de  la  déesse  de  la  fécondité 
(comme  d'Acca  Larentia)  une  courtisane.  —  Les  représen- 
tations figurées  de  Flore  sont  empruntées  à  des  modèles 
grecs;  elles  montrent  une  jeune  fille  parée  de  fleurs.  La 
plus  célèbre  est  celle  du  musée  de  Naples. 

V.  Astronomie.  —  Nom  du  8e  astéroïde  (V.  ce  mot). 
Bibl.  :  Architecture. —  Charles  Desmoulins,  Consi- 
dérations sur  la  flore  murale,  clans  le  Bulletin  monumen- 
tal, 1845,  t.  XI.  —  J.-B.-F.  Lajard  ,  Recherches  sur 
le  culte  public  et  les  mystères  de  Mithras,  en  Oi'ient 
et  en  Occident;  Paris,  1847-48,  in-fol.  —  Du  même,  Re- 
cherches sur  le  culte  du  cyprès  pyramidal  chez  les  peuples 
civilisés  de  Vantiquité;  Paris,  1854,  in-1.  —  Ruprich-Ro- 
bert,  Flore  ornementale;  Paris,  1876,  pet.  in-fol.  —  F.  de 
Mély,  Bulletin  archéologique  du  comité,  1891,  pp.  488-489. 
—  W.-H.  Goodyear,  The  Grammar  ofthe  Lotus  ;  Londres 
1891,  pet.  in-fol. 

FLORE  (Joachim  de)  (V.  Joachim). 

FLORE  (Frans),  peintre  flamand  (V.  Floris). 

FLOREAL.  Huitième  mois  de  l'année  républicaine  (V.  Ca- 
lendrier, t.  VIII,  p.  909),  le  second  du  printemps  (le  mois 
des  fleurs).  Il  correspondait  à  avril-mai. 

FLOREFFE.  Corn,  de  Belgique,  prov.  etarr.  de  Namur, 
sur  la  Sambre  ;  3,500  hab.  Stat.  du  chemin  de  fer  de  Pa- 
ris à  Cologne  ;  verreries,  manufacture  de  glaces,  fabriques 
de  produits  chimiques.  Floreffe  était  autrefois  la  résidence 
favorite  des  comtes  de  Namur  ;  elle  fut  assiégée  et  prise 
en  1488  et  en  4231.  Le  seul  monument  intéressant  de 
Floreffe  est  l'ancienne  abbaye  des  prémontrés,  fondée  en 
1141  dans  un  des  plus  beaux  sites  du  pays.  L'évêque  de 
Namur  y  a  établi  un  petit  séminaire. 

FLORÉIV30NT.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Mire- 
court,  cant.  de  Charmes  ;  361  hab. 

FLORENCE  {Firenze). I.  Géographie.— Ville  d'Italie, 
cli.-l.  de  prov.,  capitale  de  l'ancienne  Toscane,  puis, 
temporairement,    capitale  de   l'Italie  actuelle.    La   ville 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XVII. 


est  bâtie  sur  les  deux  rives  de  l'Arno,  à  égale  distance  du 
massif  du  Prato  Magno  et  des  défilés  de  la  Gonfolina,  à  55  m. 
d'alt.  ;  en  remontant  le  cours  de  l'Arno  et  le  val  de  Chiana, 
la  route  mène  vers  Rome  ;  en  remontant  FOmbrone  de  Pis- 
toia  et  le  col  de  la  Porretta,  on  arrive  à  Bologne  et  dans  les 
plaines  de  la  Lombardie  ou  de  la  Vénétie.  Ainsi  Florence  est 
au  croisement  des  deux  grandes  routes  de  Rome  vers  l'Alle- 
magne et  de  Pise  à  Ancône,  au  vrai  centre  de  l'Italie.  C'est 
ce  qui  explique  le  grand  développement  de  son  commerce 
au  moyen  âge  et  le  rayonnement  de  sa  langue  dans  toute 
l'Italie,  d'autant  qu'à  Rome  les  papes  conservaient  soigneu- 
sement le  latin.  Le  florentin  est  donc  devenu,  surtout  après 
Dante,  le  dialecte  littéraire  de  l'Italie  ou  pour  mieux  dire  le 
véritable  italien.  De  belles  collines,  aux  lignes  harmonieuses, 
aux  pentes  couvertes  d'oliviers  et  d'arbres  toujours  verts, 
les  hauteurs  de  Fiesole,  de  San  Miniato,  les  jardins 
Boboli,  le  poggio  di  Monte  Ughi  forment  autour  de  la 
ville  un  cadre  d'une  élégance  riante  et  gaie.  Des  villas 
construites  en  marbre  luisant  ou  en  pierre  grise  et  bleue 
s'étagent  sur  les  pentes.  Malheureusement  le  climat  y  est 
peu  salubre.  «  Souvent  les  vents  se  succèdent  par  de 
brusques  alternatives,  et  pendant  l'été  la  chaleur  est  acca- 
blante :  il  calao  di  Firenze  est  passé  en  proverbe  dans 
toute  l'Italie.  Il  faut  dire  que  l'étroitesse  des  rues,  et,  pour 
une  certaine  part,  la  négligence  des  lois  de  l'hygiène  rendent 
la  mortalité  annuelle  supérieure  à  celle  de  la  plupart  des 
villes  du  continent.  Au  moyen  âge,  ce  fut  également  l'une 
des  cités  que  la  peste  ravagea  le  plus.  Lors  du  fléau  que 
raconte  Boccace  en  lui  donnant  pour  contraste  ses  histoires 
joyeuses,  près  de  100,000  hab.  succombèrent,  les  deux 
tiers  de  la  population.  »  (EL  Reclus.) 

«  Une  ville  complète  par  elle-même,  dit  Taine ,  ayant 
ses  arts  et  ses  bâtiments,  animée  et  point  trop  peuplée, 
capitale  et  point  trop  grande,  belle  et  gaie,  voilà  la  pre- 
mière idée  sur  Florence.  »  On  comprend  donc  qu'elle  ait 
été  la  capitale,  de  1864  à  1870,  d'un  royaume  nouveau-né  ; 
on  comprend  aussi  que  Rome  lui  ait  été  préférée  plus  tard. 
Mais  elle  reste  toujours  la  véritable  capitale  des  lettres  et 
des  arts,  grâce  à  ses  grands  hommes,  à  ses  souvenirs,  à 
ses  musées  et  à  ses  bibliothèques,  à  l'esprit  subtil  et  aux 
instincts  artistiques  de  sa  population.  Elle  a  une  préfec- 
ture, une  cour  d'appel  et  une  cour  de  cassation,  un  arche- 
vêché, un  séminaire,  une  académie  des  beaux- arts,  un 
institut  royal  des  études  supérieures  et  un  institut  topogra- 
phique militaire.  Sa  population  de  134,992  hab.  (popula- 
tion agglomérée  en  1881)  ne  lui  donne  cependant  que  le 
septième  rang  en  Italie.  La  population  totale  de  Florence 
en  1891  est  évaluée  à  190,000  hab. 

Topographie.  —  Florence  «  la  Belle  »  a  l'aspect  sévère 
et  sombre.  Les  rues  y  sont  étroites  et  parfois  tortueuses. 
Les  maisons  très  élevées  sont  construites  en  gros  blocs  de 
pierre  noirâtre  ;  on  y  voit  des  étages  qui  surplombent  et 
des  toits  qui  dépassent  encore  le  dernier  étage.  On  com- 
prend en  la  visitant  qu'avant  d'avoir  été  la  ville  des  arts, 
elle  fut  la  cité  municipale,  agitée  par  les  factions,  ensan- 
glantée par  les  longues  guerres  de  rues.  Mais  ses  monu- 
ments sont  nombreux  et  d'aspect  .grandiose  ;  on  ne  les 
embrasse  dans  toute  leur  majestueuse  ampleur  qu'en  les 
contemplant  des  jardins  Boboli  ou  des  hauteurs  de  San 
Miniato  dans  le  panorama  complet  de  la  noble  cité.  Flo- 
rence a  eu  trois  enceintes  créées  successivement.  La  pre- 
mière, comprenant  l'ancienne  ville  romaine, était  tout  entière 
sur  la  rive  droite  de  l'Arno.  Les  deux  autres,  qui  datent  du 
xme  et  du  xvie  siècle,  englobèrent  quelques-uns  des  quar- 
tiers de  la  rive  gauche.  Mais  aujourd'hui  encore  les  deux 
tiers  environ  de  la  ville  sont  sur  la  rive  droite.  Les  nou- 
veaux quartiers  s'étendent  de  ce  côté  jusqu'aux  promenades 
des  Cascine,  le  bois  de  Boulogne  de  la  ville.  Ainsi  Florence 
se  développe  vers  l'O.  surtout,  comme  la  plupart  des 
grandes  villes  de  l'Europe  et  du  Nouveau-Monde,  et  sur- 
tout sur  la  rive  droite  du  fleuve,  comme  Paris.  Six  ponts, 
dont  deux  dans  les  nouveaux  quartiers,  relient  les  deux 
rives  de  l'Arno.  Le  plus  connu  est  le  ponte  Veccliio  où 

40 


FLORENCE 


—  6W  — 


court  une  galerie  couverte  qui  fait  communiquer  le  musée 
des  Uffizzi  avec  le  palais  Pitti.  Sur  les  deux  rives  de  l'Arno 
s'étendent  de  larges  quais  qui  constituent  la  promenade  du 
Liingarno.  La  rue  principale  de  la  ville,  la  via  dei  Cal- 
zajuoli,  réunit  les  deux  plus  beaux  monuments  qui  sont 


comme  la  tête  et  le  cœur  de  Florence  :  le  Palazzo  Vecchio 
et  le  Duomo;  la  via  del  Corso,  prolongée  par  la  via 
Strozzi,  forme  avec  la  précédente  la  grande  croisée  cen- 
trale de  l'ancienne  ville.  Les  rues  dei  Tornabuoni,  dei 
Cerretani  et  del  Proconsolo,  qui  se  coupent  à  angle  droit, 


FLORENCE 


JÉÉ1É 


Plan  de  Florence. 


Echelle  du  30.000o 


L. 
P.V. 

U. 

S.  Mi 
Br. 
D. 
S.  L. 


Loggia  de'  Lanzi  et  place  de  la  Signoria. 

Palazzo  Vecchio. 

Galerie  des  Uffîzi. 

Eglise  Or  San  Michèle. 

Bargello. 

Dôme  et  campanile  et  place  du  Dôme. 

Eglise  S.  Lorenzo  etbibiiothèque  Lorenziana. 
S.  M.N.  Eglise  Santa  Maria  Novella. 
P.  I.        Place  dell'Independenza. 
S.  M.      Eglise  et  musée  San  Marco. 
J.  B.       Jardin  botanique. 
B.A.       Académie  des  Beaux- Arts. 
S.  Ann.  Place  et  église  Santa  Annunziata. 


P.C. 
C.  f.  A. 
P.  A. 

Sy. 

S.  Cr. 

P.  V.  E.  Place  Vittorio  Emanuele. 


Palais  Capponi. 

Direction  des  chemins  de  fer  adriatiques. 

Place  d'Azeglio. 

Synagogue. 

Place  et  église  Santa  Croce. 


S.  H.  Société  d'horticulture. 

Pi.  Palais  Pitti. 

S.  Sp.  Place  et  église  San  Spirito. 

Car.  Place  et  église  du  Carminé. 

Se.  R.  Scuderie  Reali. 

V.  Viale  (avenue). 


déterminent  à  peu  près  l'emplacement  de  l'enceinte  romaine. 
Celle  du  xme  siècle,  commencée  en  1285,  partait  du  ponte 
aile  Grazie,  en  amont  de  l'Arno,  pour  aboutir  au  ponte 
alla  Carraja  en  aval.  La  ville  était  donc  encore  très 
ramassée  vers  son  centre  ;  la  colline  du  palais  Pitti  et  des 
jardins  Boboli  était  en  dehors.  La  stat.  du  chem.  de  fer  est 
située  dans  la  nouvelle  ville  auN.-O.  Deux  forts  déjà  anciens 


et  sans  importance  sont  bâtis  sur  les  hauteurs  de  chaque 
côté  de  l'Arno,  l'un  au  N.,  le  fort  San  Giovanni,  l'autre 
au  S.,  celui  du  Belvédère.  Malgré  ces  deux  forts,  Florence 
n'est  pas  considérée  comme  une  place  fortifiée. 

Monuments.  —  Le  Palazzo  Vecchio  domine  tout  Flo- 
rence de  ses  créneaux  menaçants  et  de  sa  tour  haute 
de  94  m.,  à  la  fois  beffroi  et  donjon,   faite  pour  le  guet 


-  627  — 


FLORENCE 


et  pour  la  défense.  C'est  une  colossale  forteresse  du 
moyen  âge,  commencée  en  1298  par  le  grand  architecte 
Arnolfo  del  Cambio  ;  les  fenêtres  y  sont  rares,  grillées  à 
l'étage  inférieur  et  situées  à  une  grande  hauteur  au-dessus 
du  sol  comme  dans  toute  forteresse  bien  conçue.  Cet  édi- 
fice fut  sous  la  République  le  siège  du  gouvernement  ;  il 
sert  maintenant  d'hôtel  de  ville  (Municipio).  La  salle  du 
Conseil,  la  chapelle  des  Prieurs,  les  appartements  des 
Médicis,  avec  la  fontaine  de  Bartolommeo  Ammanati,  en  sont 
les  parties  les  plus  intéressantes.  En  face  du  Palazzo  Vec- 
chio,  s'étend  la  piazza  délia  Signoria,  ou  place  de  la 
Seigneurie,  l'ancien  forum  de  la  République  ou  se  sont 


Palazzo  Vecchio  (d'après  une  photographie). 

déroulés  les  plus  notables  événements  de  son  histoire.  C'est 
là,  le  26  avr.  4478,  que  fut  pendu  Salviati,  l'arche- 
vêque de  Pise,  à  la  suite  de  la  conspiration  des  Pazzi;  là 
que  fut  dressé,  le  23  mai  1498,  le  bûcher  qui  devait 
«consumer  Jérôme  Savonarole  ;  là  aussi  se  déployèrent  les 
triomphes  de  Laurent  de  Médicis  et  les  fêtes  données  en 
1579  pour  le  mariage  du  grand-duc  François  Ier  avec  la 
célèbre  aventurière  Bianca  Capello.  La  loggia  dei  Lanzi 
occupe  un  des  côtés  de  la  place  ;  c'est  un  gracieux  portique, 
élevé  de  quelques  marches,  dont  le  toit  s'appuie  sur  de  déli- 
cates colonnes  supportant  des  ogives.  On  y  adressait  les 
proclamations  au  peuple,  ou  bien  on  y  réunissait  la  garde 
de  la  ville.  Cette  petite  loggia  est  toute  remplie  de  chefs- 
d'œuvre  de  sculpture  au  milieu  desquels  les  Florentins  se 
promènent,  causent  ou  dorment;  c'est  Y  Enlèvement  des 
Sabines  de  Jean  Bologne,  le  Persée  de  Benvenuto,  la 
Judith  de  Donatello,  etc.  L'architecte  du  Palazzo  Vecchio, 
Arnolfo  del  Cambio,  commença  presque  en  même  temps 
(1294)  la  cathédrale  ou  Duomo  placée  sous  l'invocation  de 
Santa  Maria  del  Fiore.  La  célèbre  coupole  à  huit  pans 
n'a  été  ajoutée  que  beaucoup  plus  tard.  Elle  est  l'œuvre 
de  Brunellesco.  Dans  tout  ce  monument  l'ogive  se  marie 
avec  le  plein  cintre  ;  des  panneaux  de  marbre,  tour  à  tour 
rouge,  jaune  et  noir,  le  revêtent  d'une  sorte  d'éclatante 
marqueterie.  Le  campanile,  commencé  en  1334  par  Giotto, 


achevé  en  1336  par  Andréa  Pisano,  se  dresse  à  quelque  dis- 
tance, avec  la  même  décoration  de  marbres  en  rectangles, 
en  losanges,  en  carrés.  En  face,  le  Baptistère,  vieille  église 
octogonale  imitée  du  Panthéon  romain,  remonte  au 
vme  siècle ,  mais  l'extérieur  a  été  mis  en  rapport  avec  la 
décoration  des  édifices  voisins.  On  y  admire  les  belles  portes 
en  bronze  dont  la  plus  célèbre,  celle  qui  fait  face  à  la  cathé- 
drale, a  été  exécutée  de  1427  à  1452  par  Lorenzo  Ghi- 
berti,  à  la  suite  d'un  concours  auquel  prit  part  Brunellesco. 
Cette  porte,  selon  Michel-Ange,  serait  cligne  de  servir  de 
porte  d'entrée  au  paradis.  Elle  représente  des  scènes 
bibliques  ;  deux  autres  portes  existent  de  chaque  côté  ; 
celle  du  N.  est  aussi  de  Ghiberti  ;  celle  du  S.  est  d'An- 
dréa Pisano.  Ces  édifices  ne  sont  malheureusement  pas 
assez  dégagés  des  maisons.  Les  architectes  ont  voulu  faire 
monter  trop  haut  leurs  tours  et  leurs  coupoles  comme  pour 
transporter  plus  près  du  ciel  la  pensée  des  fidèles  qui 
venaient  y  prier.  On  ne  peut  père  mesurer  de  la  base 
avec  l'œil  la  hauteur  du  campanile  (84  m.)  ;  la  coupole  du 
Duomo  n'apparaît  de  près  que  par  parties  ;  l'ensemble 
échappe  :  vue  de  l'intérieur  ,  l'œuvre  de  Brunellesco  ne 
produit  pas  encore  tout  son  effet,  parce  que  la  lumière  est 
insuffisante.  La  plupart  des  églises  de  Florence  sont  en  même 
temps  des  musées.  Santa  Croce,  une  sorte  de  Panthéon, 
où  sont  enterrés  la  plupart  des  plus  illustres  Florentins, 
est  ornée  de  belles  fresques  des  primitifs,  de  Giotto,  de 
Taddeo  Gaddi,  d'Orcagna,  etc.  Au  couvent  de  San  Marco 
éclate  dans  toute  sa  naïve  splendeur  l'œuvre  religieuse  de 
Fra  Angelico  da  Fiesole.  A  Santa  Maria  Novella  on  va 
admirer  les  plus  beaux  Ghirlandajo,  et,  dans  la  chapelle  des 
Strozzi,  les  fresques  du  Paradis  et  de  Y  Enfer,  où  André 
Orcagna  a  cherché  à  interpréter  les  étranges  rêveries  du 
Dante.  A  San  Lorenzo,  le  pèlerinage  est  encore  plus  inté- 
ressant :  la  sacristie  contient  les  mausolées  des  Médicis, 
œuvre  unique  de  Michel-Ange  :  le  Jour  et  la  Nuit,  le  Cré- 
puscule et  V Aurore,  Faction  et  la  pensée  sous  les  traits 
de  Julien  et  de  Laurent  de  Médicis,  s'y  opposent  dans  une 
belle  harmonie.  Combien  cette  simple  et  austère  chapelle 
est  supérieure  à  sa  voisine,  celle  qui  contient  la  sépulture 
des  grands-ducs,  malgré  la  profusion  de  marbres  multico- 
lores et  de  mosaïques  de  pierre  dans  laquelle  elle  est  noyée  ! 
Le  style  jésuite  du  xvne  siècle  ne  peut  soutenir  la  comparai- 
son avec  l'une  des  plus  imposantes  créations  de  la  Renais- 
sance. A  l'église  de  YÂnnunziata  on  goûte  dans  toute  la 
fraîcheur  de  son  talent,  si  peu  connu  en  France,  Andréa  del 
Sarto,  l'auteur  des  fresques  du  vestibule  et  des  grisailles 
du  cloître. 

Les  musées  sont  encore  bien  plus  que  les  églises  les 
sanctuaires  de  l'art.  Celui  des  Ufjîzi.est  célèbre  dans  le 
monde  entier.  Il  fut  d'abord  le  musée  des  Médicis  ;  il 
est  devenu  peu  à  peu  l'une  des  plus  splendides  collections 
des  chefs-d'œuvre  de  l'art.  Le  salon  de  la  Tribune  avec 
ses  Corrège,  ses  Raphaël,  ses  Titien  et  ses  antiques  en  est 
la  perle  la  plus  précieuse  ;  les  galeries  se  développent  dans 
de  nombreuses  salles,  à  travers  les  longs  corridors  du 
ponte  Vecchio  jusqu'au  palais  Pitti,  sur  une  longueur  de 
plusieurs  kilomètres.  Les  tableaux  et  les  statues,  les  des- 
sins, les  bronzes,  les  camées  y  forment  un  rare  assemblage 
d'inestimables  richesses.  Le  palais  Pitti  (maintenant  Palais- 
Royal)  ?  œuvre  de  Brunellesco,  construit  pour  un  riche 
bourgeois,  et  passé  par  héritage  entre  les  mains  des  Médi- 
cis, ne  contient  que  des  œuvres  de  choix.  V Académie  des 
beaux-arts  est  intéressante  à  cause  des  Primitifs,  dont 
le  groupement  bien  entendu  permet  de  reconstituer  l'his- 
toire de  la  peinture  florentine  du  xive  au  xvie  siècle.  Le 
Bargello,  ancien  palais  du  podestat,  dont  la  physionomie 
et  l'ordonnance  extérieure  ont  été  imitées  plus  tard  au 
Palazzo  Vecchio,  renferme  des  collections  d'armes,  de 
meubles,  de  bronzes  et  de  faïences  analogues  à  celles  de 
notre  musée  de  Cluny.  Beaucoup  d'autres  palais  sont  à  la 
fois  musées  et  bibliothèques  :  comme  le  palais  Corsini,  le 
palais  Strorjzi  et  le  palais  des  Médicis  ou  palais  Riccardi. 
Ces  deux  derniers  édifices  sont  d'énormes  constructions 


FLORENCE 


—  628  — 


massives,  aux  murs  solides,  aux  fenêtres  rares  et  forte- 
ment grillées  ;  on  y  voit  encore  les  écussons  des  vieilles 
familles,  les  anneaux  pour  attacher  les  chevaux  des  visi- 
teurs ;  on  y  tenait  garnison  ;  on  y  pouvait  soutenir  un  siège. 
Le  palais  Riccardi  a  été  occupé  de  1865  à  1871  par  le 
ministère  de  l'intérieur. 

La  bibliothèque  Laurentienne  occupe  un  édifice  cons- 
truit par  Michel-Ange,  sur  l'ordre  de  Clément  VII  près 
de  l'église  Saint- Laurent.  La  constitution  du  premier 
noyau  de  cette  collection  est  dû  à  Cosme  de  Médicis  et 
surtout  à  son  petit-fils  Laurent  le  Magnifique.  On  y  trouve 
beaucoup  de  manuscrits  extrêmement  rares.  La  bibliothèque 
Magliabecchiana,  fondée  au  xvne  siècle  par  Antonio  Maglia- 
becchi,  est  devenue  la  bibliothèque  nationale  ;  elle  est  ins- 
tallée sous  le  portique  des  Uffizi.  Elle  possède  environ 
170,000  volumes  et  12,000  manuscrits.    —   La   biblio- 


thèque Palatine,  fondée  par  le  grand-duc  Ferdinand  III, 
contient  60,000  volumes  et  2,000  manuscrits.  —  La  biblio- 
thèque Riecardiana,  fondée  au  xvne  siècle  par  Riccardo 
Riccardi,  compte  30,000  volumes  et  4,000  manuscrits. 
Elle  se  trouve  dans  l'ancien  palais  des  Médicis  devenu  le 
palais  Riccardi.  —  La  bibliothèque  MaruceUiana  fondée 
par  l'abbé  Marucelli,  est  riche  d'environ  60,000  volumes. 
—  La  bibliothèque  de  l' Académie  des  beaux-arts  en  a 
à  peu  près  9,000. —  Le  musée  à' histoire  naturelle,  avec 
d'intéressantes  coSections  de  fossiles  et  de  minéraux,  est 
installé  près  du  palais  Pitti. 

Industrie.—  L'industrie  à  Florence  est  secondaire.  Sans 
doute  elle  a  d'importantes  fabriques  de  soieries  et  de  lainages, 
de  chapeaux  de  paille,  de  pâtes  alimentaires  ;  les  industries 
d'art  qui  demandent  de  la  dextérité  de  main  et  du  goût  y 
sont  particulièrement  prospères,  comme  celles  du  meuble, 


Santa  Maria  del  Fiore  (d'après  une  photographie). 


de  la  porcelaine  et  des  faïences,  de  la  mosaïque,  travail 
véritablement  national,  et  de  l'ornementation  en  marbre,  de 
la  statuaire  et  de  la  sculpture.  La  plaine  toscane  est  fer- 
tile ;  l'olivier  et  le  mûrier  y  réussissent  ;  les  vins  de  Chianti 
sont  justement  estimés  ;  les  soffioni  y  produisent  l'acide 
borique,  et  les  fabriques  de  produits  chimiques  sont  pros- 
pères. Le  croisement  des  voies  ferrées  venant  de  Livourne, 
de  Bologne  et  de  Rome  fait  aussi  de  Florence  un  centre 
important  de  commerce.  Cependant  tout  ce  travail  indus- 
triel, tout  ce  mouvement  d'affaires  ne  réussiraient  pas  à 
élever  Florence  au-dessus  d'une  ville  italienne  de  second 
rang.  C'est  à  ses  monuments,  à  ses  musées,  à  ses  biblio- 
thèques, à  tant  de  souvenirs  toujours  glorieux  du  moyen 
âge  et  de  la  Renaissance  que  Florence  «  la  Belle  »  doit  d'être 
restée  une  des  villes  les  plus  curieuses  et  les  plus  visitées 
de  l'Italie  et  de  l'Europe,  par  les  touristes,  par  les  artistes 


et  par  les  savants.  Elle  est  comme  un  immense  musée.  Bien 
qu'ayant  perdu  le  rang  de  capitale,  l'Athènes  italienne 
reste  la  personnification  la  plus  éclatante  du  génie  ita- 
lien. 

Beaucoup  d'hommes  illustres  sont  nés  à  Florence  ;  nous 
citerons  principalement:  1°  comme  écrivains  :  Dante  (4265- 
1321),  Villani  (f  1348),  Passavanti  (1297-4357),  Àccia- 
juoli  (4340-4366),  Boccace  (4313-4375),  Coluccio  Salu- 
tati  (4330-4406),  Bonaccorso  Pitti  (4335-4425),  Agnolo 
Pandolfini  (4360-4466),  Marcile  Ficin  (4433-4499),  Sa- 
vonarole  (1452-4  498),  Machiavel  (4  469-1 527),  Guichardin 
(Guicciardini)  (4483-4540),  le  grand  savant  Galilée  (4564- 
4644);  2°  comme  artistes  :  les  architectes  Arnolfo  del  Cambio 
(4240-4322) ,  Brunellesco  (4377-4446),  Leo-Battista 
Alberti  (4404-4472)  ;  les  sculpteurs  Lorenzo  Ghiberti 
(4378-4455),  Donatello  (4386-1446),  Michellozzi  (1394- 


—  629  — 


FLORENCE 


1472),  le  Verrocchio  (1435-1488),  Luca  délia  Robbia 
(1400-1482),  les  Rossellini  (1463-1494),  Benedetto  da 
Majano  (1422-1497),  Antonio  Pollaiulo  (1429-1498), 
Michel-Ange  Buonarotti  (1474-1564),  Benvenuto  Cellini 
(1500-1571),  Baccio  Bandinelli  (1493-1560);  les  peintres 
Cimabue(f  1310),  Giotto 
(1276-1337),  Andréa  Or- 
cagna  (1329-1376),  Ma- 
zaccio  (1401-1428),  Be- 
nozzo  Gozzoli  (f  1498), 
Domenico  Ghirlandajo 
(1449-1495),  Filippo 
Lippi  (1406-1469)  et  son 
filsFilippino  (1457-1505), 
Andréa  del  Sarto  (1487- 
1530),  Fra  Bartolommeo 
ou  Baccio  délia  Porta 
(1475-1517),  Léonard  de 
Vinci  (1452-1519).  Citons 
encore  parmi  les  plus  illus- 
tres Florentins  :  Améric 
Vespuce  (f  1542),  le 
maréchal  Pierre  Strozzi 
(f  1558),  le  maréchal  de 
Retz  (f  1602),  le  musi- 
cien Lulli  (+1687),  le 
compositeur  Cherubini 
(t  1842).      H.  Vast. 

II.  Histoire.  —  Flo- 
rence a  joué  en  Italie  et 
dans  l'Europe,  du  temps 
de  la  Renaissance,  le  rôle 
d'Athènes  dans  l'antiquité 
classique.  Elle  fut,  sinon 
la  plus  puissante,  du  moins 
la  plus  intéressante  des 
cités  italiennes,  celle  dont 
l'histoire  est  la  plus  impor- 
tante pour  qui  veut  con- 
naître les  arts,  les  lettres,  l'organisation  politique  et  éco- 
nomique de  la  péninsule  entre  le  xme  et  le  xvie  siècle. 
Nous  résumerons  cette  histoire  à  grands  traits,  mais  sans 
rien  omettre  d'essentiel  et  en  signalant  tout  ce  qui  peut 
servir  de  commentaire  aux  œuvres  d'art  qui  ont  valu  aux 
riverains  de  l'Arno  une  gloire  impérissable. 

Origine  de  Florence.  — Florence  est  une  ville  d'origine 
romaine,  née  sur  le  rivage  septentrional  de  l'Arno,  au  pied 
de  la  cité  étrusque  de  Faesules  (Fiesole).  Celle-ci  descen- 
dait le  long  de  sa  haute  colline  par  un  faubourg  qui  se  pro- 
longeait le  long  duMugnone,  ruisseau  tributaire  de  l'Arno. 
Sur  le  bord  de  la  rivière,  les  commerçants  établirent  leur 
marché;  celui-ci  devint  le  berceau  d'une  nouvelle  ville.  Elle 
dut  sa  naissance  à  une  colonie  militaire  ;  Sulla  peut-être, 
les  triumvirs  certainement  y  établirent  leurs  vétérans.  La 
loi  Julia,  en  l'an  44  av.  J.-C.,  assigna  à  chacun  des  colons 
de  Florence  vingt  arpents.  A  ce  moment  le  Mugnone  cou- 
lait vers  l'E.  et  se  jetait  dans  l'Arno  au  lieu  où  est  le  cou- 
vent deSalvi;  on  le  détourna  vers  l'O.  le  faisant  passer  par 
l'emplacement  de  la  place  San  Marco  et  de  la  via  Larga,  et  dé- 
boucher au-dessous  du  yont  alla  Carraja;  plus  tard,  on  le 
détourna  au  delà  de  l'église  San  Lorenzo  qui  était  d'abord 
à  droite  et  se  trouva  à  gauche.  La  première  apparition  des 
Florentins  dans  l'histoire  est  la  députation  envoyée  à  Ti- 
bère en  l'an  15  ap.  J.-C.  afin  d'éviter  que  le  Clanis  fût  dé- 
chargé dans  l'Arno,  ce  qui  eût  reporté  de  ce  côté  les  inon- 
dations dont  souffraient  les  riverains  du  Tibre.  En  18,  les 
Florentins  instituèrent  des  jeux  annuels  en  l'honneur  de  Livie, 
d'Auguste  et  de  Tibère.  La  ville  progresse  lentement.  L'em- 
pereur Adrien  fait  continuer  la  voie  Cassia  jusqu'à  Flo- 
rence. 

La  légende  reporte  au  me  siècle  le  martyre  de  cinq  ou 
six  chrétiens  qui  devinrent  patrons  de  la  ville  :  Minias,  Fa- 
bianus,  Cornélius,  Sixtus,Laurentius,  Acrisius.  Minias  au- 


Palais  des  Médicis  (Palazzo  Riccardi) ,  d'après^une 
photographie. 


rait  été  pris  sur  la  colline  qui  garde  son  nom  (San  Miniato)  ; 
celui  de  saint  Laurent  fut  donné  à  une  des  plus  fameuses 
églises  de  Florence.  On  en  fait,  très  hardiment,  remonter  la 
consécration  jusqu'à  saint  Ambroise  en  393.  Elle  était  alors 
hors  les  murs.  Au  ive  siècle,  nous  trouvons  un  évêque  à 
Florence.  Quelques  années 
plus  tard,  la  ville,  assiégée 
par  les  hordes  de  Rada- 
gaise,  fut  délivrée  par  Sti- 
licon  qui  affama  les  Bar- 
bares dans  les  rochers  de 
Fiesole.  Le  salut  fut  ensuite 
attribué  à  sainte  Reparata, 
vierge  et  martyre.  Trois 
siècles  plus  tard,  l'évêque 
de  Florence,  Reparatus, 
consacra  à  cette  sainte  la 
vieille  église  du  Saint-Sau- 
veur. Elle  a  été  remplacée 
par  la  cathédrale  actuelle. 
A  l'origine,  la  cathédrale 
fut  à  Saint-Laurent;  en 
670,  ce  titre  passa  à  Saint- 
Jean,  etSainte-Reparata  ne 
fut  qu'un  baptistère  ;  mais, 
en  1128,  les  rôles  furent 
intervertis  et,  depuis  lors, 
Saint-Jean  est  resté  le  bap- 
tistère en  face  de  la  cathé- 
drale qui  a  pris  un  déve- 
loppement immense.  Les 
villes  souffraient  beaucoup 
dans  ces  temps  de  perpé- 
tuels ravages.  Florence,  au 
temps  de  la  guerre  go- 
thique, ouvrit  avec  une 
égale  facilité  ses  portes  à 
Totila  et  à  Narsès.  Quand 
vinrent  les  Lombards,  on 
préféra  la  forteresse  juchée  sur  la  colline  de  Fiesole  à  la 
ville  de  l'Arno. 

Celle-ci  se  releva  pourtant.  Elle  était  encore  bien  petite, 
mesurant  environ  26  hect.,  au  lieu  de  947  qu'elle  couvre 
aujourd'hui.  Située  entièrement  sur  la  rive  droite  du  fleuve, 
elle  allait  du  ponte  Vecchio,  défendu  par  une  tour,  à  la  place 
de  la  Seigneurie  ;  au  N.  elle  ne  dépassait  pas  l'église  San 
Michèle  in  orto.  A  côté  de  son  évêque,  elle  avait  un  duc. 
Charlemagne  la  favorisa.  An  ixe  siècle,  sous  les  puissants 
ducs  de  Spolète,  les  villes  toscanes  prospèrent.  Lambert 
tient  une  diète  à  Florence  (897)  et  donne  à  la  ville  l'église 
de  San  Miniato.  Au  xe  siècle,  Otton  Ier  est  bien  disposé  pour 
Florence  qui  lui  est  fidèle  ;  il  lui  octroie  un  territoire  de 
6  milles  autour  des  remparts.  L'abbaye  (Badia),  fondée  en 
975  en  l'honneur  de  la  vierge  Marie,  par  la  femme  d'Hu- 
bert, duc  de  Toscane,  est  enrichie  par  son  fils,  par  l'empe- 
reur, etc.  Florence  était  une  des  principales  stations  sur  la 
route  de  Pavie  à  Rome,  et  les  empereurs  y  passaient  et  sé- 
journaient fréquemment.  Le  margrave  de  Toscane,  Boni- 
face  III,  maître  des  vallées  apennines  de  Ferrare  à  Lucques, 
de  Mantoue  à  Florence,  eut  pour  héritière  sa  fille  Mathilde 
(1053).  Celle-ci  devint  la  protectrice  du  saint-siège  et  par- 
ticulièrement du  célèbre  Hildebrand,  lequel  habita  volon- 
tiers Florence.  Dans  cette  ville  fut  tenu  par  le  pape  Victor  II 
(1055)  un  concile  où  il  interdit  la  simonie  et  l'aliénation 
des  biens  ecclésiastiques.  Victor  II  y  mourut  et  fut  ense- 
veli à  Sainte-Reparata  (1057).  Etienne  IX  y  mourut  égale- 
ment (1058).  L'évêque  de  Florence,  Gérard  de  Savoie,  de- 
venu pape  sous  le  nom  de  Nicolas  II,  ne  quitta  pas  ses  fidèles 
et  fut  également  enseveli  à  Sainte-Reparata.  Son  successeur, 
Alexandre  II,  résida  souvent  à  Florence  avec  sa  pupille  la 
comtesse  Mathilde,  dans  le  palais  épiscopal,  situé  près  de 
Sainte-Reparata  et  de  Saint- Jean.  Le  commerce  enrichit 
la  ville  qui  s'étend  sur  la  rive  gauche  de  l'Arno;  en  1078, 


FLORENCE 


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elle  s'agrandit  ;  son  faubourg  d'Oltrarno  vient  prendre 
place  à  côté  des  six  quartiers  primitifs  (Sestieri). 

Le  vrai  maître  delà  ville  était  Févêque  ;  mais  en  4063 
éclata  entre  celui-ci  et  ses  ouailles  une  querelle  qui  affai- 
blit beaucoup  le  pouvoir  épiscopal.  Accusé  de  simonie  par 
les  moines  de  San  Salvi  de  Settimo,  Févêque  Mezzabarba 
finit  par  succomberai 068),  malgré  Fappui  du  margrave 
Godefroi,  beau-père  de  la  comtesse  Mathilde.  Dans  la  grande 
lutte  entre  Grégoire  VII  et  Henri  IV,  les  Florentins  res- 
tèrent fidèles  au  pape.  Vainement  l'empereur  les  assiégea 
quatre  mois  en  1081.  Les  nouvelles  fortifications  de  Flo- 
rence lui  résistèrent.  Dans  ces  guerres,  les  populations  ur- 
baines gagnèrent  quelques  privilèges.  Lors  de  la  première 
croisade,  ce  fut  un  Florentin,  Pazzo  dePazzi,  qu'Urbain  II 
nomma  surintendant  général  des  croisés  pour  toute  la  Tos- 
cane. Il  planta  le  premier  sa  bannière  sur  les  murs  de  Jé- 
rusalem, rapporta  dans  sa  patrie  quelques  pierres  du  saint 
sépulcre.  Les  Pazzi  instituèrent  alors  une  fête  qui  se  cé- 
lèbre encore  le  samedi  saint  ;  elle  est  marquée  par  des  feux 
d'artifice.  Du  temps  delà  comtesse  Mathilde,  les  villes  tos- 
canes, et  Florence  comme  les  autres,  acquirent  une  certaine 
autonomie.  Elles  commencèrent  à  mettre  à  la  raison  les 
seigneurs  pillards  qui  avaient  hérissé  les  collines  de  leurs 
châteaux  du  haut  desquels  ils  rançonnaient  voyageurs,  com- 
merçants, agriculteurs. 

La  première  campagne  fut  dirigée  dans  le  val  d'Eisa  contre 
la  petite  place  de  Pogna  (prèsde^larcialla).  Elle  entra  dans 
l'alliance  florentine,  ou  plutôt  sous  le  protectorat  de  Flo- 
rence (1101).  En  1107,  fut  enlevé  et  rasé  le  château  de 
Monte  Orlandi  (près  de  Signa),  d'où  les  Cadolingi,  comtes  de 
Settimo,  rançonnaient  quiconque  passait  sur  la  grande  route 
commerciale  de  Florence  à  Pise .  Les  Florentins  sont  assez 
forts  pour  envoyer  à  leurs  alliés  de  Pise  un  corps  d'auxi- 
liaires qui  défendent  la  campagne  pisane  contre  les  Lucquois, 
tandis  que  la  flotte  attaque  les  Sarrasins  des  îles  Baléares. 
En  récompense,  les  Florentins  rapportent  deux  colonnes  de 
porphyre  qui  décorent  encore  une  porte  du  baptistère  de 
Saint- Jean.  La  comtesse  Mathilde  laissait  faire.  Elle  était 
très  aimée  de  ses  sujets  et,  pendant  quatre  siècles,  les  Flo- 
rentins donnèrent  à  leurs  filles  le  nom  de  Contessa  abrégé 
en  Tessa,  en  souvenir  de  la  grande  comtesse.  Après  sa  mort 
(1445),  les  luttes  engagées  pour  son  héritage  laissent  le 
champ  libre  aux  villes.  Le  vicaire  impérial  installé  à  San 
Miniato  al  Tedesco  (entre  Florence  et  Pise)  ne  bouge  guère. 
Quand  il  veut  empêcher  les  Florentins  de  ruiner  le  château 
de  Monte  Cascioli,  il  est  vaincu  et  tué  (1119).  Les  comtes 
de  Settimo,  expulsés  de  leurs  repaires,  veulent  s'appuyer  sur 
Fiesole. 

Cette  ville  inexpugnable  sur  son  pic  devint  le  centre  des 
brigands  seigneuriaux  du  val  d'Arno  ;  ils  menèrent  contre 
la  ville  d'en  bas  une  guerre  de  rapines  et  d'escarmouches 
incessantes.  Les  Florentins  y  mirent  fin  en  1125.  Un  siège 
de  trois  mois  (30  juin-12  sept.)  affama  la  place  qui  se 
rendit.  La  population  opprimée  et  ruinée  par  les  nobles  ne 
paraît  pas  avoir  été  hostile  à  ses  voisins.  Après  la  capitu- 
lation, les  Fiésolains  furent  invités  à  venir  s'établir  à  Flo- 
rence ;  presque  tous  le  firent  et  Févêque  lui-même  y  des- 
cendit en  1228.  Ce  fut  le  signal  de  l'abandon  définitif  de 
la  vieille  cité  étrusque  où  ne  restèrent  que  des  couvents 
et  quelques  villageois.  L'événement  de  1125  eut  moins 
l'apparence  d'une  conquête  que  d'une  fusion  entre  les  deux 
peuples,  comme  jadis  entre  Albains  et  Romains.  Les  cou- 
leurs et  bannières  furent  confondues.  Florence  portait  la 
fleur  de  lis  sur  champ  rouge,  Fiesole  la  lune  bleue  sur 
champ  blanc  ;  on  supprima  la  lune  et  la  fleur  de  lis  et 
désormais  la  bannière  florentine  fut  formée  d'une  bande 
rouge  et  d'une  bande  blanche  réunissant  les  couleurs  des 
deux  villes. 

La  commune  de  Florence.  —  Florence  devient  la  ville 
la  plus  puissante  de  la  Toscane.  Elle  soumet  les  nobles  du 
voisinage;  les  Montebuoni,  les  Ubaldini  sont  contraints 
de  livrer  leurs  châteaux  et  de  s'engager  à  habiter  la  ville 
trois  mois  par  an.  Les  Guidi,  établis  "dans  la  val  di  Sieve, 


résistent  mieux  et  sont  d'abord  vainqueurs  (1148),  mais 
leur  forteresse   de  Montecroce  est  rasée  (1154).  Ainsi 
les  citadins  libéraient  les  routes  vers  Pise,  vers  Rome.  Ils 
entrent  en  conflit  pour  des  motifs  analogues  avec  ceux  des 
villes  voisines.  Les  petites,  Pogna,  Prato,  pouvaient  être 
conquises,  mais  avec  les  grandes,  Pise,  Lucques,  Pistoia, 
Sienne,  Arezzo,  il  fallait  transiger.  Au  xir3  siècle,  Florence 
est  l'alliée  de  Pise  qui  lui  ouvre  la  mer;  elle  est  l'ennemie 
des  autres  villes.  Sa  principale  rivale  est  Sienne.  Dès  lors 
se  manifeste  entre  les  deux  Etats  un  antagonisme  qui  durera 
autant  que  leur  autonomie.  En  1081,  les  Siennois  avaient 
aidé  l'empereur  assiégeant  Florence  ;  ils  avaient  ensuite 
défait  les  Florentins  à  San  Salvatore  a  Selva.  D'incessantes 
escarmouches  entretenaient  l'inimitié.  On  se  dispute  la  place 
dePoggibonzi  dans  le  val  d'Eisa.  La  lutte  de  Frédéric  Barbe- 
rousse  contre  la  papauté  profite  aux  villes  toscanes.  Flo- 
rence et  Pise  resserrent  leur  alliance  (1174),  réduisent  à 
l'impuissance  le  vicaire  impérial  et  se  rient  des  ordres  de 
l'empereur.  En  1185  se  forme  une  ligue  des  villes  tos- 
canes, imitée  de  la  ligue  lombarde.  Quand  les  nobles  se 
plaignent  à  Frédéric  des  empiétements  de  Florence,  il  est 
impuissant  à  leur  faire  rendre  leurs  biens  incorporés  au 
territoire  de  la  ville.  Quand  est  mort  Henri  VI,  on  se  sent 
tout  à  fait  libre.  Philippe  de  Hohenstaufen  néglige  son  duché 
de  Toscane  pour  briguer  l'Empire.  La  ligue  toscane  s'est 
reformée  à  l'instigation  du  pape  (1197)  ;  l'accord  est  juré 
à  Florence.  Innocent  III  la  dirige.  Cependant  la  lutte  par- 
ticulière contre  Sienne  continuait.  On  combat  sur  les  col- 
lines de  Chianti.  Florence  gagne  l'alliance  de  Montepulciano 
au  S-.-E.  de  Sienne,  de  Colle  dans  le  val  d'Eisa,  s'annexe 
Empoli  (1182).  Les  places  fortes  du  comte  Alberti,  Pogna, 
Certaldo,  sont  prises  (1198);  lui-même  se  soumet  à  Flo- 
rence. Semifonte  résista  longtemps;  mais  elle  succomba 
en  1202.  Les  principales  familles  vinrent  se  fixer  à  Flo- 
rence :  les  Pitti,  les  Barberini,  les  Velluti,  les  Del  Tusco. 
Les  turbulents  seigneurs  duMugello  (haute vallée  du  Sieve), 
Fortebracci  et  Ubaldini,  sont  mis  à  la  raison,  les  châteaux 
de  Borgognone,  Capraja  et  Malborghetta,  qui  tenaient  les 
deux  rives  de  l'Arno,  sont  rasés  (1204),  celui  de  Montelupo 
élevé  à  la  place  du  second.  De  ce  côté,  Florence  se  heurte 
à  Pistoia.  Elle  a  perdu  Carmignano  (1126),  mais  les  comtes 
Guidi  mettent  à  sa  disposition  Montemurlo  (1219).  Les 
Siennois  ont  le  dessous  au  début  du  xme  siècle  ;  ils  perdent 
Poggibonzi  (1208),  subissent  une  paix  onéreuse.  La  pré- 
potence florentine  s'affirme  :  les  habitants  de  la  campagne 
sont  soumis  à  l'impôt.  Lucques  prend  deux  fois  pour  préteur 
le  Florentin  Guido  degli  Uberti;   Lucques  (1184),  Pise 
(1214),  Bologne  (1216),  Pérouse  (1218)  concluent  des 
traités  d'alliance  avantageux  pour  la  cité  de  l'Arno.  La  petite 
ville  était  devenue  un  Etat  puissant.  Il  nous  faut  étudier 
maintenant  son  organisation  intérieure. 

Le  développement  de  Florence  fut  une  des  conséquences 
de  celui  de  Pise.  Il  fut  dû  à  l'industrie  et  réalisé  grâce  aux 
qualités  morales  de  la  population,  car  elle  ne  bénéficiait 
de  nul  avantage  spécial  :  loin  de  la  mer,  sur  un  fleuve  à 
peine  navigable,  elle  n'était  pas  l'entrepôt  naturel  d'une 
riche  région.  Les  industries  y  prospérèrent  tardivement, 
mais  très  rapidement.  La  première  fut  celle  de  la  laine. 
N'ayant  pas  sous  la  main  la  matière  première,  les  Floren- 
tins commencèrent  par  remettre  sur  le  métier  les  draps 
grossiers  de  l'Europe  septentrionale  achetés  en  Champagne, 
en  Flandre  ;  après  les  avoir  teints,  ils  les  réexportaient 
en  Orient.  A  côté  de  l'art  de  la  laine  dont  la  corporation 
existe  à  la  fin  du  xne  siècle,  de  celui  des  gros  lainages  qui 
remonte  aussi  haut,  figure  celui  de  la  soie  qui  prit  ultérieu- 
rement une  grande  importance.  Mais,  dès  ces  temps  anciens, 
les  Florentins  ont  comme  spécialité  la  banque  et  le  change. 
Dans  le  commerce  de  l'argent  ils  tiennent  le  premier  rang. 
Le  taux  de  l'intérêt  est  réglementé,  quatre  deniers  par  livre 
et  par  mois  (20  °/0  par  an).  Les  capitaux  sont  employés 
en  spéculations.  Une  des  causes  de  la  fortune  des  Floren- 
tins, c'est  qu'ils  ont  été  chargés  par  le  pape  de  percevoir, 
moyennant  une  commission,  les  revenus  du  saint-siège  ; 


—  631  — 


FLORENCE 


par  là  ils  deviennent  les  grands  manieurs  de  capitaux  du 
moyen  âge;  banquiers  et  changeurs  du  pape,  ils  le  sont  de 
la  chrétienté  entière.  Le  partage  de  ce  privilège  avec 
Sienne  aggrave  la  rivalité  des  deux  cités.  La  multiplicité 
et  la  complication  des  monnaies  donnent  aux  changeurs 
une  importance  énorme  et  leur  assurent  de  gros  bénéfices. 
Ils  simplifient  le  problème  par  la  création  de  la  lettre  de 
change  (V.  Change,  Commerce,  etc.)  Aux  quatre  corpora- 
tions ou  arts  que  nous  venons  de  citer  (laine,  calimala  ou 
laine  fine,  soie,  change),  il  faut  en  ajouter  trois  autres 
moins  considérables  :  celles  des  médecins  et  apothicaires, 
lesquels  faisaient  le  commerce  des  épices,  des  peaussiers  et 
fourreurs,  des  hommes  de  loi  (juges,  notaires).  Les  membres 
de  ces  sept  «  arts  »  ou  métiers  formaient  le  peuple, 
c.-à-d.  4,000  à  2,000  citoyens;  au-dessous  étaient  les 
serfs  de  la  glèbe,  les  ouvriers  de  condition  servile,  etc. 
D'ailleurs  dans  la  ville  c'étaient  les  classes  politiques,  no- 
blesse et  aristocratie  marchande,  qui  payaient  les  impôts. 
Elles  avaient  à  la  fois  les  charges  de  l'Etat  et  sa  direction. 
Les  chefs  des  sept  arts  s'appelaient  recteurs,  prieurs,  plus 
tard  capitudini.  Le  magistrat  suprême  fut,  à  l'origine, 
l'évêque.  Peu  à  peu  les  chefs  des  arts  deviennent  magis- 
trats municipaux,  sous  le  nom  de  consuls.  Elus  pour  un 
an,  ces  consuls,  dont  le  nombre  varia  de  deux  à  vingt, 
deviennent  des  délégués  des  divers  quartiers,  chacun  en 
élisant  un  ou  deux.  A  la  fin  du  xne  siècle  se  forme  un  sénat 
de  cent  buoni  uomini. 

Il  faut  faire  une  place  aux  nobles.  Il  y  en  a  d'origines 
diverses  :  immigrés  allemands  (Uberti,  Lamberti),  voisins 
gênants  qu'on  a  fait  descendre  de  leurs  châteaux  ;  d'autres 
qui  sont  venus  de  leur  plein  gré.  Entourés  de  leurs  hommes 
armés,  ils  vivent  dans  leurs  palais  de  la  ville  en  hiver  ; 
l'été,  dans  leurs  châteaux,  comme  des  feudataires  de  la 
commune  qu'ils  défendent  contre  l'étranger.  Dans  l'inté- 
rieur même  de  la  ville,  les  querelles  sont  fréquentes  ; 
aussi  les  nobles  ont-ils  fortifié  leurs  palais,  élevé  des  tours  ; 
au  xiie  siècle  il  y  avait  450  de  ces  tours  à  Florence  ;  plus 
tard  bien  davantage.  Ces  tours  carrées,  de  8  m.  de  côté, 
avec  des  murs  épais  de  2  m.,  bâtis  en  moellons,  cailloux 
de  l'Arno  solidement  cimentés,  étaient  indestructibles  ;  leur 
étroit  escalier,  leur  terrasse  crénelée  rendaient  une  attaque 
fort  périlleuse.  On  ne  peut  aujourd'hui  se  faire  une  idée 
de  ces  guerres  privées  incessantes  ;  elles  expliquent  l'as- 
pect que  conserve  encore  Florence  et  la  sévère  architecture 
de  ses  palais.  La  bourgeoisie  était  la  classe  prépondérante  ; 
des  nobles  y  entraient,  se  mettant  au  travail  ;  des  prolé- 
taires aussi  y  pénétraient,  s'étant  enrichis.  Pourtant  on 
confie  d'ordinaire  les  magistratures  aux  représentants  des 
grandes  familles.  C'est  toujours  à  un  noble  et  souvent  à 
un  étranger  qu'on  confie  la  charge  de  podestat,  juge  su- 
prême, chef  de  guerre  dont  les  pouvoirs  sont  mal  définis, 
ainsi  que  ceux  des  autres  magistrats,  mais  dont  les  Floren- 
tins surent  contenir  l'autorité,  lui  retirant  les  attributions 
politiques.  A  la  guerre,  la  noblesse  fournit  la  cavalerie,  la 
bourgeoisie  l'infanterie.  On  s'organise  par  quartiers  ;  on 
en  compte  six,  chacun  ralliant  sa  milice  autour  de  son 
gonfalon  :  San  Pier  Scheraggio  (aujourd'hui  les  Offices) 
arbore  des  bandes  noires  et  jaunes  ;  San  Pancrazio,  rouge 
et  blanc  ;  le  Borgo,  blanc  et  bleu  ;  la  Porta  del  Duomo, 
rouge  ;  la  Porta  San  Piero,  jaune  ;  Oltrarno,  blanc.  L'in- 
fanterie unit  d'abord  dans  ses  rangs  tous  les  roturiers,  la 
bourgeoisie  comme  les  prolétaires  (popolo  grasso  et  po- 
polo  minuto).  Plus  tard,  les  gens  des  métiers,  l'aristo- 
cratie marchande,  fusionnant  avec  la  noblesse,  monteront 
à  cheval.  En  campagne,  on  se  ralliait  autour  du  carroccio 
sur  lequel  on  plaçait  la  martinella,  la  cloche  communale. 

Rivalité  des  guelfes  et  des  gibelins.  —  De  bonne 
heure  la  ville  se  partage  en  deux  factions  qui  se  combattent 
avec  acharnement;  les  Uberti  dirigent  l'une  (4477).  On 
leur  fait  une  place  et,  à  partir  de  ce  moment,  on  élit  au 
consulat  des  nobles  des  grandes  familles.  A  dater  de  4482 
la  noblesse  prévaut  dans  le  gouvernement  ;  domptée  dans 
la  campagne,  elle  est  entrée  dans  l'Etat  et  est  mise  à  la 


tête  :  le  peuple  et  la  bourgeoisie  se  montrent  dociles.  Mais 
la  noblesse  se  divise  au  xme  siècle.  Il  faut  prendre  parti 
dans  la  guerre  à  mort  engagée  entre  l'empereur  Frédéric  II 
et  le  pape  ;  on  se  partage  à  Florence  comme  dans  toute 
l'Italie  en  guelfes  et  gibelins.  Une  querelle  privée  entre  les 
Buondelmonti  et  les  Amidei  allume  la  guerre  civile  (4245). 
Plus  faibles,  les  premiers  pour  gagner  le  peuple  s'appuient 
sur  l'Eglise  :  38  familles  sont  de  leur  côté,  surtout  les 
plus  nouvelles,  mais  aussi  les  Donati,  les  Merli,  les  Bardi, 
les  Adimati  venus  du  Mugello.  De  l'autre  côté  sont  32  fa- 
milles :  les  Uberti,  chefs  de  la  faction  ;  les  Lamberti  ;  les 
Caponsacchi  venus  de  Fiesole  au  Vieux-Marché;  les  Guidi, 
maîtres  de  l'Apennin  ;  les  Brunelleschi.  Dans  chaque  quar- 
tier, les  adhérents  des  deux  partis  se  retranchent  chez 
eux,  vivant  sur  le  qui-vive.  Ces  luttes  intestines  n'arrê- 
taient pas  l'industrie  ni  le  commerce.  Elles  se  prolongèrent 
durant  trente-trois  années  consécutives.  Telle  était  l'éner- 
gie des  hommes  de  ce  temps  que  les  travaux  publics 
ne  sont  pas  entravés  ;  en  4237,  on  pave  les  rues;  en  4248, 
1237  et  4252  on  construit  trois  nouveaux  ponts.  Simulta- 
nément Florence  continue  ses  guerres  extérieures. 

De  cette  époque  date  la  rupture  avec  Pise.  Se  jugeant 
plus  puissants  désormais  que  leurs  anciens  alliés,  les  Flo- 
rentins sont  jaloux  des  privilèges  que  l'empereur  prodigue 
à  sa  fidèle  cité.  Pise  eut  les  torts  dans  la  rupture,  confis- 
qua les  marchandises  florentines  sous  un  prétexte  futile. 
Son  armée  fut  détruite  à  Castello  del  Bosco  (4222).  Puis 
vient  le  tour  de  Pistoia  ;  vaincue,  elle  reperd  Carmignano 
(1226).  Mais  une  coalition  se  forme  de  Pise,  Pistoia, 
Sienne,  Poggibonzi  et  Arezzo  contre  Florence,  Lucques, 
Orvieto,  Montepulciano,  Pérouse,  appuyées  par  le  pape 
Grégoire  IX.  Florence  passe  décidément  aux  guelfes  ;  elle 
avait  d'ailleurs  toujours  été  plus  sympathique  au  pape 
qu'à  l'empereur  depuis  deux  siècles.  Mais  Frédéric  II  re- 
venu de  Palestine  abaisse  les  Florentins  devant  les  Sien- 
nois  (4232).  La  guerre  reprend  en  4234;  le  pape  cette  fois 
a  le  dessus  et  c'est  au  tour  de  Sienne  à  s'humilier  (4235). 
Mais  Grégoire  IX  se  brouille  avec  les  Florentins  qu'il  veut 
obliger  à  se  croiser  ;  il  met  leur  ville  en  interdit  (4237). 
Elle  élit  alors  des  podestats  dévoués  à  Frédéric  II,  lequel 
du  reste  s'est  établi  en  Toscane.  Dans  la  ville,  le  parti  im- 
périal et  le  parti  pontifical  se  différencient  profondément  : 
non  seulement  ils  ont  chacun  leur  lieu  de  réunion,  leur 
promenade,  mais  la  couleur  des  vêtements,  la  forme  des 
créneaux,  des  tours,  les  gestes  quand  on  prête  serment, 
tout  diffère  :  les  impériaux  portent  à  gauche  la  plume  du 
chaperon,  les  papalins  la  portent  à  droite  ;  les  créneaux 
des  premiers  étaient  évasés  par  le  haut  en  V  ;  ceux  des 
autres  rectangulaires  ;  les  premiers  ont  trois  fenêtres  de 
front  à  leurs  maisons,  les  seconds  n'en  ont  que  deux,  etc. 
En  4240,  on  adopte  les  noms  de  gibelins  et  de  guelfes  ; 
ceux-ci  se  réunissaient  à  Saint-Jean  (Baptistère),  ceux-là 
à  San  Pier  Scheraggio.  En  somme,  la  noblesse  tient  pour 
l'empereur,  le  peuple  pour  le  pape.  Mais  si  les  gibelins 
s'enorgueillissent  de  l'adhésion  des  Uberti,  Fifanti,  Capon- 
sacchi, Abati,  Lamberti,  Guidi,  les  guelfes  ont  aussi  beau- 
coup des  grandes  familles  :  Donati,  Pazzi,  Tornaquinci, 
Buondelmonti,  Nerli,  Rossi,  etc.  Ils  ont  l'avantage  du 
nombre,  mais  n'ont  pas  la  discipline  des  gibelins  où  les 
Uberti  sont  chefs  reconnus.  A  partir  de  4247,  on  bataille 
sans  relâche  dans  les  rues,  derrière  des  barricades.  Après 
une  année  de  combats,  l'arrivée  de  4,500  cavaliers  alle- 
mands décide  la. victoire  des  gibelins.  On  se  battit  encore 
trois  jours,  puis  les  guelfes  sortirent  de  la  ville  dans  la 
nuit  du  2  févr.  4248.  Ils  se  réfugièrent  dans  les  châteaux 
voisins  (Capraja,  Montevaschi,  Cascia,  etc.)  d'où  ils  har- 
celèrent leurs  ennemis.  Cet  exode  fut  un  fait  grave.  Désor- 
mais les  discordes  civiles  deviennent  de  véritables  guerres  ; 
les  vainqueurs  chasseront  les  vaincus  et  ceux-ci  formant 
une  armée  d'exilés  ne  leur  laisseront  aucune  sécurité.  On 
revit  les  jours  de  la  Grèce  antique  où  deux  factions  se 
partageaient  toutes  les  cités,  chacune  bannissant  la  rivale 
et  s' appuyant  sur  ses  amis  de  l'étranger  contre  ses  conci- 


FLORENCE 


632 


toyens  dissidents.  Les  gibelins  démolissent  les  tours  des 
exilés,  36,  dit  Villani,  notamment  le  palais  Tosinghi  (sur 
le  Vieux-Marché),  le  plus  beau  de  la  ville. 

Le  triomphe  des  gibelins  fut  court.  L'extermination  des 
guelfes  de  Capraja  fut  suivie  d'une  défaite  devant  Figline. 
Les  popolani  s'assemblèrent  au  couvent  de  Santa  Croce  et 
concertèrent  un  soulèvement  contre  les  Uberti.  Ils  eurent 
aisément  le  dessus.  Les  gibelins  cédèrent  sans  combat.  La 
constitution  fut  réformée  afin  de  garantir  le  popolo  vec- 
chio,  la  bourgeoisie,  contre  les  nobles.  Les  anciens  (an- 
%iani),  qui  avaient  remplacé  les  consuls,  réduisirent  de  120 
à  50  brasses  la  hauteur  des  tours  féodales  ;  les  six  quartiers 
furent  officiellement  délimités  et  organisés  ;  ils  eurent  leurs 
caporali  élus  annuellement  (trois  par  quartier,  quatre 
pour  Oltrarno  et  San  Pier  Scheraggio,  soit  vingt  en  tout), 
dont  chacun  commandait  une  compagnie  de  milice  ;  de 
plus,  chaque  quartier  fournit  une  compagnie  de  cavalerie  ; 
sans  compter  les  corps  spéciaux,  arbalétriers,  archers,  etc., 
les  quatre-vingt-seize  paroisses  de  la  campagne  (contado) 
devaient  fournir  chacune  une  compagnie.  Le  chef  militaire 
ou  capitaine  du  peuple  fut  pris  parmi  les  nobles,  mais  dans 
les  rangs  des  guelfes,  le  parti  populaire.  On  porte  le  nombre 
des  anziani  à  douze,  deux  par  quartier  ;  on  leur  adjoint 
trente-six  conseillers.  Le  podestat  n'a  plus  que  le  pouvoir 
judiciaire  civil  et  criminel  et  demeure  le  chef  de  la  cavalerie. 
En  somme,  on  juxtapose  un  nouvel  organisme  à  l'ancien  : 
d'un  côté,  le  podestat  assisté  de  deux  conseils;  de  l'autre,  le 
capitaine  ayant  également  deux  conseils  ;  les  uns  représen- 
tent la  noblesse,  l'ancienne  aristocratie  à  laquelle  on  réserve 
le  nom  de  commune;  les  autres  représentent  le  peuple. 
Quand  fut  mort  le  terrible  Frédéric  II,  les  guelfes  rentrèrent 
dans  leur  ville  natale.  Us  y  dominaient  à  leur  tour  (1254). 
Les  croyances  religieuses  a  Florence.  —  Un  des  prin- 
cipaux bienfaits  résultant  du  progrès  de  la  civilisation  ur- 
baine est  l'affranchissement  de  la  pensée.  Il  se  constate  à 
Florence  dès  le  xne  siècle.  Il  y  fut  précédé  et  accompagné 
d'un  mouvement  religieux  assez  vif,  se  manifestant  par  des 
hérésies.  En  11  Oo,  le  pape  Pascal  II  est  obligé  de  réunir  à 
Florence  un  concile  pour  condamner  ceux  qui  annoncent 
que  le  monde  va  finir,  que  l'antécbrist  est  déjà  né  ;  l'agi- 
tation populaire  est  telle  qu'il  n'ose  prononcer  la  condam- 
nation. Les  cathares,  traqués  en  Lombardie,  passent  en 
Toscane.  Ils  se  défendent  à  Orvieto  les  armes  à  la  main  ; 
nombreux  sont  leurs  adhérents  florentins,  malgré  les  sup- 
plices. Pierre  Lombard  les  groupe;  Florence  sert  de  refuge 
à  ceux  qu'on  pourchasse  ailleurs.  Les  patarins  de  la  ville 
sont  d'ailleurs  des  modérés.  La  classe  ouvrière  compte  beau- 
coup d'hérétiques  ;  à  leur  tête  sont  les  nobles  ennemis  du 
pape  et  de  la  société  religieuse.  L'évêque,  le  chef  spirituel 
des  patarins  de  la  Toscane,  réside  à  Florence,  bravant  les 
foudres  d'Innocent  III.  En  1227,  la  persécution  commence. 
Grégoire  IX  l'avive  en  1234,  mais  sans  gagner  de  terrain. 
Frédéric  II  protège  les  hérétiques  ;  ceux-ci  forment  le  tiers 
de  la  population.  En  1243,  nouvel  effort;  les  patarins  déli- 
vrés par  leurs  amis  s'abritent  chez  les  Pazzi.  Le  domini- 
cain Pierre  Martyr  vient  raviver  la  foi  par  sa  brûlante  élo- 
quence. Pour  lui  donner  un  plus  vaste  théâtre,  on  agrandit 
la  place  de  Santa  Maria  Novella.  Il  organise  dans  ce  cou- 
vent la  milice  catholique  des  chevaliers  de  Sainte-Marie.  Le 
podestat  défend  les  patarins,  mais  ne  peut  empêcher  leur 
massacre  (1244) .  La  pacification  vint  ensuite,  grâce  aux  fran- 
ciscains, substitués  aux  dominicains  dans  la  Toscane  (1255). 
L'hérésie  n'était  pas  tout  à  fait  extirpée.,  mais  elle  n'est 
plus  dangereuse.  Les  magistrats  se  montrent  indulgents  et 
peu  à  peu  les  patarins  disparaissent.  La  foi  religieuse  n'y 
gagne  rien,  au  contraire.  Le  scepticisme  règne  chez  les  plus 
intelligents ;  les  Cavalcanti  nient  l'immortalité  de  l'âme; 
les  grands  gibelins  sont  de  parfaits  incrédules,  par  exemple 
Farinata  degli  Uberti.  Les  guelfes  restent  fidèles  à  l'Eglise, 
mais  sans  ardeur,  pratiquants,  mais  peu  croyants.  L'ad- 
mirable essor  intellectuel  de  Florence  s'explique  par  cette 
indifférence  religieuse  dégagée  des  préjugés  qui  pesaient  si 
lourdement  sur  les  esprits  au  moyen  âge. 


Le  premier  gouvernement  des  guelfes.  —  Nous  avons 
vu  les  guelfes  rentrer  à  Florence;  ils  n'y  vécurent  pas 
longtemps  en  paix  avec  les  gibelins.  La  même  année  le 
conflit  éclate.  Les  gibelins  florentins  s'allient  à  Pise,  Sienne 
et  Pistoia.  Leurs  chefs  se  retirent  dans  leurs  châteaux  ou 
villes  voisines .  Sous  le  gouvernement  des  guelfes  la  ville 
prospère.  En  \  252,  elle  crée  une  monnaie  d'or  à  l'empreinte 
de  la  fleur  de  lis  qui  prend  le  nom  de  florin.  Le  florin  valait 
environ  11  fr.  70  de  notre  monnaie.  Le  commerce  floren- 
tin rivalise  avec  celui  de  Pise,  le  balance  déjà  à  Tunis.  En 
face  de  la  vieille  Badia  s'élève  dans  la  cité  l'imposant  palais 
du  Bargello  où  loge  le  podestat.  La  commune  travaille  à 
devenir  un  Etat,  grandissant  son  territoire  par  des  achats 
de  châteaux,  de  villages.  Mais  elle  se  heurte  à  Sienne  qui 
la  tient  en  échec  ;  à  Pise  qu'elle  neutralise  par  son  alliance 
avec  Lucques  et  Gênes  ;  dans  le  Mugello,  aux  puissants  Ubal- 
dini.  La  guerre  fut  menée  avec  vigueur.  Les  Pisans  et  les 
Siennois  furent  défaits  à  Pontedera  (1252),  les  Siennois 
devant  Montecalcino  ;  Figline  est  prise  ;  Pistoia  se  soumet 
et  reçoit  une  garnison  qui  appuiera  les  guelfes;  Sienne 
demande  la  paix  (1254);  les  guelfes  sont  mis  au  pouvoir 
à  Volterra;  Pise  même  traite;  elle  accepte  les  monnaies, 
poids  et  mesures  de  sa  rivale,  l'affranchit  de  tous  droits  de 
douane  et  autres  (1255).  Cependant  elle  reste  le  dernier 
boulevard  des  gibelins.  En  1258,  les  hostilités  reprennent 
entre  guelfes  et  gibelins  ;  les  grandes  familles  de  ce  dernier 
camp  sortent  de  Florence;  les  guelfes  décapitent  l'abbé 
gibelin  de  Vallombrosa.  Les  voilà  brouillés  avec  le  saint- 
siège,  mis  en  interdit.  Farinata  degli  Uberti,  chef  des  exi- 
lés, s'est  installé  à  Sienne  avec  ses  partisans.  Il  faut  en 
venir  aux  armes.  On  fortifie  le  quartier  d' Oltrarno  avec 
les  pierres  provenant  de  la  démolition  des  maisons  gibelines. 
Menacée,  Sienne  prête  serment  de  fidélitéàManfred,roi  de 
Naples,  qui  lui  envoie  un  capitaine,  Giordano,  comte  de  San 
Severino.  On  escarmouche  une  année  entière,  on  enrôle  des 
mercenaires  de  part  et  d'autre.  Les  Florentins  mettent  sur 
pied  une  armée  formidable  avec  les  contingents  de  tous  les 
guelfes  de  Toscane,  30,000 fantassins  et  3,000  cavaliers; 
les  Siennois,  renforcés  par  tous  les  gibelins  toscans  et  par 
800  lances  napolitaines  ou  allemandes,  avaient  une  armée 
de  20,000  hommes  environ.  La  bataille  eut  lieu  à  Monta- 
perti,  entre  la  Biena  et  la  Malena.  L'armée  guelfe  fut  écra- 
sée, le  carroccio  pris;  10,000  guelfes  périrent,  15,000 
furent  pris.  Le  triomphe  des  gibelins  fut  complet.  Florence 
leur  ouvrit  ses  portes  ;  les  guelfes  émigrèrent  à  leur  tour 
et  se  retirèrent  à  Lucques,  les  Soderini,  les  Macchiavelli, 
les  Aitoviti,  les  Rossi,  les  Cavalcanti,  les  Gherardini,  les 
Niccoli,  les  Pazzi,  les  Bardi,  les  Buondelmonti,  etc.  Les 
vainqueurs  songèrent  à  démolir  la  cité  de  l'Arno  et  à  trans- 
porter ses  habitants  à  Empoli.  Farinata  degli  Uberti,  pa- 
Iriote  ardent,  la  sauva.  Le  retentissement  de  la  victoire 
des  gibelins  fut  immense. 

Le  gouvernement  des  gibelins.  —  Le  revirement  imprévu 
qui  ramenait  au  pouvoir  les  gibelins  ne  le  leur  assura  pas 
longtemps  ;  Florence,  entraînée  dans  la  politique  générale 
de  l'Italie,  en  suivit  les  péripéties.  Tout  d'abord,  les  guelfes 
semblent  terrassés.  Malgré  une  obstinée  résistance,  ils 
perdent  les  petites  places  voisines  de  la  ville.  Les  Lucquois 
entrent  dans  la  ligue  gibeline  et  expulsent  les  exilés  qui 
sont  forcés  de  se  réfugier  à  Bologne  ;  plusieurs  s'enfuient 
jusqu'en  France.  Ils  y  font  la  banque,  le  change,  et  cette 
expatriation  involontaire  devient  pour  beaucoup  une  cause 
de  fortune,  pour  leur  patrie  une  occasion  d'étendre  ses 
relations  commerciales.  D'autres  de  ces  exilés  se  groupent 
en  compagnies  militaires  et  se  mettent  à  la  solde  des 
guelfes  des  cités  lombardes.  Mais  le  pape  Urbain  IV  trouve 
au  parti  guelfe  un  chef,  Charles  d'Anjou  ;  des  banquiers 
florentins  le  subventionnent.  Les  exilés  toscans  grossissent 
son  armée.  Quand  Manfred  eut  péri  à  Bénévent,  la  restau- 
ration des  guelfes  à  Florence  parut  imminente  (1266).  Le 
podestat  Guido  Novello  tenta  une  transaction.  Il  se  récon- 
cilia avec  l'Eglise,  s'appuya  sur  les  Frati  gaudenti  ou 
chevaliers  de  Sainte-Marie,  ordre  religieux  militaire,  nom- 


633  — 


FLORENCE 


niant  deux  podestats,  un  de  chaque  parti.  Mais  bientôt  une 
insurrection  le  chasse  de  Florence.  Bientôt  y  entrent  les 
Français  commandés  par  Guy  de  Montfort  (1267).  Les 
gibelins  s'exilent,  même  les  modérés. 

Protectorat  de  Charles  d'Anjou.    —  Ramenés  par 
l'étranger,  les  guelfes  subissent  sa  loi.  Ils  nomment  le  roi 
de  Naples  podestat  ou  seigneur,  obéissent  à  son  vicaire  ; 
le  véritable  podestat  n'est  plus  qu'un  juge  ;  le  capitaine  du 
peuple  un  chef  des  milices  urbaines.  Le  nombre  des  ma- 
gistrats du  conseil  est  réduit  de  36  à  12.  Les  biens  des 
gibelins  sont  confisqués.  Le  parti  guelfe  prend  son  appui 
sur  le  peuple  ;  il  s'organise  officiellement,  comme  une  sorte 
d'Etat  dans  l'Etat  ;  il  se  donne  ses  chefs  ou  magistrats 
particuliers,  ses  conseils,  tient  ses  assemblées  ;  le  peuple 
ne  fait  guère  que  ratifier  ses  décisions.  Désormais,  la  parte 
guelfa  figure  officiellement  dans  les  actes  publics.  Voici 
comment  se  fixent  alors  les  traits  de  la  constitution  floren- 
tine. Au  sommet,  le  vicaire  royal,  très  puissant,  mais  qui 
disparaîtra  bientôt.  Puis  les  anciens  pouvoirs,  le  podestat, 
le  capitaine  du  peuple,  le  conseil  des  douze  (deux  par 
quartier)  élu  pour  deux  mois  ;  on  leur  applique  le  nom 
nouveau  de  prieurs  des  arts.  En  dernier  lieu,  un  pouvoir 
nouveau  apparaît,  pouvoir  législatif  organisé  selon  un  sys- 
tème compliqué.  Toute  décision  du  conseil  des  douze  doit 
être  soumise  à  un  conseil  de  100  personnes  choisies  dans 
les  riches  bourgeois  (popolo  grasso),  puis  aux  deux  con- 
seils du  peuple  :  conseil  de  credenza  ou  de  confiance,  formé 
de  80  personnes,  et  conseil  général.  Il  faut  encore  la  rati- 
fication des  deux  conseils  du  podestat  dans  lesquels  les 
nobles  siègent  à  côté  des  popolani,  conseil  spécial  de 
90  membres  et  général  de  390.  Dans  de  grandes  occasions, 
on  réunit  tous  ces  conseils  en  assemblée  générale,  sous  la 
présidence  du  capitaine  du  peuple,  ou  même  un  parlement 
de  tous  les  citoyens  ;  nous  avons  dit  que  leur  nombre  total 
ne  dépassait  pas  2,000.  Ajoutez  que,  pour  des  affaires 
particulières,  on  peut  convoquer  des  assemblées  formées 
ad  hoc  et  qu'il  en  existe  d'autres,  mais  sans  attributions 
politiques,  par  exemple  celui  des  chefs  des  arts  majeurs. 
On  discerne  les  progrès  de  la  démocratie  ;  les  conseils 
des  cent,  des  quatre-vingts  et  l'assemblée  générale  sont 
exclusivement  ou  essentiellement  composés  de  bourgeois  ; 
les  nobles  [sont  mis  de  côté  ou  réduits  à  une  minorité.  La 
défaite  du  parti  gibelin,  auquel  la  plupart  se  rattachaient, 
les  affaiblit  beaucoup.  La  confiscation  des  biens  des  gibe- 
lins profita  surtout  au  trésor  du  parti  guelfe.  Tous  les 
acquéreurs  de  ces  biens  sont  intéressés  à  prévenir  un 
retour  des  exilés.  L'importance  des  intérêts  matériels  en 
jeu  rend  compte  de  la  solide  constitution  du  parti  guelfe. 
A  la  tête  sont  des  capitaines,  de  trois  à  neuf,  élus  pour 
deux  mois  ;  au-dessous,  les  six  prieurs  ou  trésoriers  et 
intendants  ;  le  trésor  et  les  archives  sont  conservés  dans 
l'église  des  Servi  ;  les  chefs  s'assemblent  à  Santa  Maria 
sopra  Porta,  près  du  Marché-Neuf,  centre  de  leurs  adhé- 
rents. Deux  conseils  dirigent  la  parte  guelfa:  conseil 
secret  de  14  personnes,  conseil  public  de    60.  Ils  pren- 
nent une  grande  place  dans  l'Etat,  reçoivent   la  garde 
des  forteresses,  des  remparts,  des  édifices  publics.  Cette 
organisation,  qui  dura  jusqu'au   xvr3  siècle,    assura  la 
prépondérance  aux  guelfes,  mais  créa  dans  Florence  un 
dualisme  ;  le  podestat  et  ses  conseils  deviennent  les  défen- 
seurs des  gibelins  ;  les  guelfes  disposent  du  capitaine  du 
peuple  ;  entre  les  deux  pouvoirs  antagonistes,  le  conseil 
des  douze,  buonuomini  ou  prieurs  des  arts,  voudrait 
rester  neutre. 

La  lutte  n'était  pas  finie  :  le  lis  rouge  des  guelfes  pré- 
valait à  Florence  sur  le  lis  blanc  des  gibelins,  mais  ceux-ci 
trouvaient  un  appui  à  Pise.  Ils  appellent  Conradin.  Charles 
d'Anjou  vient  en  Toscane,  fait  une  entrée  solennelle  à 
Florence  (1267);  sauf  Pise  et  Sienne,  toutes  les  villes  lui 
confèrent  la  dignité  de  podestat  pour  six  années  (jusqu'au 
1er  janv.  1274).  La  guerre  est  menée  rudement  ;  Poggi- 
bonzi  est  pris,  le  pays  pisan  dévasté.  Mais  Conradin  arrive  ; 
il  débarque  à  Pise,  traverse  la  Toscane,  battant  les  guelfes 


à  Ponte  a  Valle,  sur  l'Arno  supérieur.  Mais,  après  quelques 
féroces  représailles,  il  succomba  à  Tagliacozzo  malgré  sa 
supériorité  numérique.  Son  supplice,  achevant  la  ruine  de 
la  maison  de  Souabe,  consolida  Charles  d'Anjou.  Cepen- 
dant, de  l'Italie  entière,  c'est  la  Toscane  qui  restait  la  plus 
indépendante  sous*  son  protectorat.  Les  cités  gibelines  ré- 
sistaient. Sans  doute,  les  Florentins  battent  les  Siennois 
et  enlèvent  leur  carroccio  (1269),  mais  une  année  de 
famine  et  d'inondations  paralyse  leurs  efforts.  Charles 
d'Anjou  traite  avec  Pise  et  Sienne,  leur  accordant  des 
conditions  modérées  (1270).  Mais  la  paix  n'était  qu'appa- 
rente. Vainement  Grégoire  X  et  le  roi  de  Naples  se  réu- 
nissent à  Florence  (1273)  ;  le  pape  invite  guelfes  et  gibe- 
lins à  se  réconcilier,  mais  les  guelfes  refusent,  et  le  pape 
irrité  s'en  va,  frappant  la  ville  d'interdit.  L'anarchie  règne 
en  Toscane  et  Florence  en  profite.  Alliée  aux  Visconti  de 
Gallura  et  à  Ugolino  délia  Gherardesca,  elle  prend  le 
dessus  sur  Pise  et  lui  dicte  ses  conditions  (1276).  Charles 
d'Anjou,  qui  a  besoin  des  marchands  florentins,  les  paye  en 
privilèges  ;  aussi  font-ils  de  rapides  fortunes  dans  le  com- 
merce des  draps,  des  soies  ou  dans  les  opérations  finan- 
cières ;  alors  s'enrichissent  les  Peruzzi,  les  Bardi,  les 
Alberti,  les  Pazzi,  les  Villani,  etc.  La  rupture  du  pape 
Nicolas  III  avec  Charles  d'Anjou  achève  de  faire  disparaître 
l'autorité  de  celui-ci  à  Florence. 

Organisation  de  la  république.  —  A  cette  époque  de 
la  fin  du  xme  siècle,  la  cité  prend  sa  physionomie  défini- 
tive et  achève  d'élaborer  sa  constitution.  La  bourgeoisie, 
les  commerçants  et  les  industriels  qui  ont  fait  la  fortune  de 
Florence,  toute  cette  population  laborieuse  qui  par  le  tra- 
vail acquit  une  richesse  suffisante  pour  s'adonner  ensuite 
à  la  culture  intellectuelle  et  immortaliser  le  nom  florentin, 
cette  population  n'avait  pas  encore  la  haute  main  dans 
l'Etat.  Les  bourgeois  avaient  asservi  les  nobles  ;  mais,  en 
les  obligeant  à  entrer  dans  leur  ville,  ils  leur  avaient  donné 
la  première  place.  En  ce  temps  de  guerres  incessantes,  la 
classe  militaire  se  jugeait  indispensable  ;  elle  l'affichait 
avec  insolence.  Les  nobles  gibelins  étaient  expulsés  ou 
exclus  des  offices  publics,  mais  les  nobles  guelfes  n'étaient 
pas  plus  disposés  à  se  conformer  aux  lois.  L'impunité  était 
assurée  à  leurs  crimes,  grâce  à  leurs  relations  person- 
nelles. Ils  affectaient  de  mépriser  les  artisans  qui  étaient 
la  force  de  Florence.  On  n'osait  les  mettre  à  la  raison,  par 
crainte  des  gibelins.  Ils  s'affaiblirent  par  leurs  querelles 
intestines.  Ils  se  divisèrent  en  deux  fractions  suivant  les 
familles  des  Adimari  et  des  Donati.  Entre  celles-ci  et  leurs 
clients,  luttes  incessantes  ;  de  proche  en  proche,  tout  le 
monde  s'y  mêlait.  A  la  fin,  exaspérés,  les  gens  du  peuple 
s'adressent  au  pape  Nicolas  III,  implorant  sa  médiation 
(1279).  Il  leur  envoie  le  subtil  cardinal  Latino  Frangipani 
(des  Brancaleoni).  Celui-ci  réconcilie  les  guelfes  entre  eux 
et  avec  les  gibelins,  les  Adimari  avec  les  Donati,  les  Buon- 
deimonti  avec  les  Uberti.  On  jure  la  paix,  de  part  et 
d'autre,  à  peine  d'excommunication  ;  on  restitue  les  biens 
usurpés  de  part  et  d'autre;  une  amnistie  politique  est  pro- 
clamée (1280).  Dans  le  conseil  des  buonuomini  (porté 
de  12  à  14  membres)  on  introduit  les  deux  partis, 
laissant  une  majorité  aux  guelfes  et  aux  roturiers.  On  or- 
ganise une  force  publique,  1,000  hommes,  répartis  par 
quartiers,  en  six  compagnies  chacune  ayant  son  gonfalo- 
nier  ;  de  plus,  100  cavaliers  et  100  sbires  à  pied  assu- 
reront en  temps  ordinaire  le  respect  des  autorités.  On 
avait  la  chance  que  les  Siennois,  chez  qui  le  parti  guelfe 
dominait  depuis  1266,  la  démocratie  depuis  1273,  recou- 
raient également  à  l'entremise  du  cardinal  Latino  pour 
réformer  leur  gouvernement  et  réconcilier  guelfes  et  gibe- 
lins. Volterra,  Pistoia  suivent  cet  exemple. 

Malheureusement,  en  1282,  à  l'instigation  du  pape  Mar- 
tin IV,  créature  de  Charles  d'Anjou,  les  dissensions  repa- 
raissent; on  reconstitue  la  ligue  guelfe  de  Toscane,  équi- 
pant à  frais  communs  des  mercenaires  ;  Florence  fournit  le 
tiers,  Lucques  et  Sienne  le  quart  chacune,  Pistoia,  Prato, 
Volterra,  San  Gemignano,  Colle,  Poggibonzi,  le  reste.  Flo- 


FLORENCE 


634  — 


rence  secourt  Charles  dans  sa  guerre  de  Sicile,  donnant 
des  hommes  et  de  l'argent.  Irrité  de  l'opposition  des  gibe- 
lins, on  rompt  le  pacte  et  on  les  exclut  des    emplois 
publics,  forçant  les  plus  acharnés  à  se  faire  inscrire  sur 
les  registres  des  métiers  (arts)»  On  fait  ainsi  disparaître  la 
noblesse  en  tant  que  classe.  Les  chefs  habitués  à  la  vie 
urbaine  se  soumettent,  au  lieu  de  se  retirer  dans  leurs 
châteaux  de  la  campagne,  comme  eussent  fait  leurs  pères. 
On  établit  donc  le  gouvernement  exclusif  des  arts,  c.-à-d. 
des  corporations  industrielles.  On  remplace  la  magistrature 
de  14  par  un  conseil   de   3  membres  dont   au  moins 
2   guelfes.  On  n'y  admet  les  grands  que  s'ils  sont  ins- 
crits sur  le  registre  d'un  des  trois  arts  principaux  (cali- 
mala,  laine  ou  change).  Bientôt  on  porte  le  nombre  de  ces 
magistrats  ou  prieurs  à  6,  ajoutant  trois  arts  aux  trois 
premiers,  art  des  médecins,  apothicaires  et  épiciers,  des 
merciers  et  marchands  de  soie,  des  peaussiers  et  artisans 
du  cuir.  On  laissait  de  côté  Fart  des  gens  de  justice  (no- 
taires, juges)  qui  tenaient  déjà  une  grande  place  dans  le 
gouvernement*  Ainsi  fut  complétée  la  liste  des  arts  majeurs. 
Les  prieurs  étaient  élus  par  leurs  prédécesseurs  assistés 
des  pénitents  (capitudini)  des  sept  arts  majeurs  et  des 
cinq  suivants  et  de  12  notables  (2  par  quartiers).    La 
durée  du  pouvoir  des  prieurs  était  limitée  à  deux  mois  ; 
ils  n'étaient  rééligibles  qu'après  deux  ans,  devaient  se 
tenir  en  permanence  dans  la  tour  de  la  Castagna  (près  de 
la  Badia)  ;  il  leur  était  interdit  de  parler  à  personne,  sauf 
•dans  leurs  audiences  publiques  (trois  fois  par  semaine)  et 
dans  des  entretiens  sur  la  chose  publique  par  devant  deux 
témoins  ;  ils  devaient  se  faire  assister  de  deux  juristes 
dans  les  affaires  difficiles.  On  conçoit  qu'avec  de  telles  pré- 
cautions, rendant  le  pouvoir  peu  enviable,  on  ait  pu  en 
confier  beaucoup  aux  prieurs.  Cette  magistrature,  devenue 
la  principale,  le  demeura  longtemps.  Elle  fut  supprimée  en 
1532  par  Alessandro  de  Medici.  A  côté  d'elle  subsistaient 
le  podestat  et  le  capitaine  ;  le  premier,  chef  des  nobles,  est 
relégué  dans  les  fonctions  judiciaires  (justice  criminelle)  ; 
le  second,  chef  du  populaire,  et  des  guelfes,  reste  bien  plus 
important,  bien  que  hiérarchiquement  inférieur;  il  a  la 
juridiction  financière.  On  lui  donne  pour  suppléant  un  pro- 
consul choisi  dans  l'art  des  juges.  Podestat  et  capitaine 
conservent  leurs  conseils,  dont  nous  avons  parlé.  Toute 
affaire  notable  nécessite  donc  six  délibérations  :  des  prieurs, 
du  conseil  des  cent,  du  conseil  spécial  et  du  conseil  géné- 
ral du  capitaine,  du  conseil  spécial  et  du  conseil  général 
du  podestat,  chacun  de  ceux-ci  étant  assisté  des  chefs  des 
sept  arts  majeurs.  Chacune  de  ces  délibérations  et  chacun 
des  votes  est  entouré  de  formalités  réglementées  avec  soin. 
Le  but  poursuivi  est  évidemment  de  laisser  tous  les  groupes 
de  la  cité  se  faire  entendre,  toutes  les  opinions  s'exprimer. 
La  bourgeoisie  capitaliste  absorbe  tous  les  pouvoirs  ;  la 
noblesse  est  annihilée;  le  peuple  n'a  encore  aucune  place. 
Mais  il  ne  paraît  pas  mécontent  du  système  des  corpora- 
tions, où  très  probablement  les  grandes  industries  privilé- 
giées, les  sept  arts  majeurs  (surtout  en  ajoutant  les  cinq 
suivants)  renfermaient  la  majorité  de  la  population. 

Hégémonie  en  Toscane.  —  Les  réformes  intérieures  ac- 
complies en  1282  et  1283  furent  suivies  d'une  expansion 
de  la  puissance  florentine;  les  gibelins  du  dehors,  les  voi- 
sins et  rivaux  commerciaux  furent  vaincus.  Cette  ville  de 
100,000  hab.  devint  un  des  Etats  considérés  de  l'Europe, 
étendant  au  loin  ses  relations  politiques  et  financières. 
Il  s'agit  en  effet  avant  tout  d'une  politique  économique. 
«  On  ne  dira  jamais  assez,  écrit  M.  Perrens  (Hist.  de 
Florence,  t.  II,  p.  266),  que  la  politique  de  Florence  est 
essentiellement  commerciale.  Si  Florence  est  guelfe,  c'est 
parce  que  les  guelfes  ne  sont  pas,  comme  les  gibelins,  dédai- 
gneux du  travail  ;  c'est  parce  que  les  guelfes  seuls  peuvent 
être  les  changeurs,  les  banquiers  du  saint-siège,  et  faire 
ainsi  passer  par  leurs  mains  tous  les  deniers  de  la  chré- 
tienté. Si  elle  est  en  lutte  avec  les  autres  villes  de  la  Toscane, 
c'est  qu'elles  sont  aussi,  en  quelque  sorte,  des  maisons  de 
commerce,  gibelines  par  les  nécessités  de  la  concurrence.et 


l'antagonisme  des  intérêts.  Nul  ne  connaissait,  au  moyen 
âge,  les  lois  de  l'équité,  de  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  le 
droit  international.  Rien  ne  semblait  plus  légitime  que  de 
fermer  tout  passage  à  un  voisin,  ou  de  lui  imposer  des  taxes 
prohibitives,  intolérables.  De  là  des  haines  croissantes,  des 
querelles  sans  fin,  que  peut  seul  vider  la  raison  du  plus  fort. 
Tandis  que  Sienne,  Volterra  et  Pise  sont  invariablement  hos- 
tiles, pourquoi  Arezzo  oscille-t-elle  entre  Florence  et  Sienne? 
C'est  qu'elle  en  est  à  égale  distance.  Pourquoi  finit-elle  par 
se  prononcer  contre  Florence  ?  C'est  qu'elle  ne  peut  empê- 
cher Sienne  de  communiquer  avec  le  Sud,  tandis  qu'au  pas- 
sage elle  écrase  de  droits  les  marchands  florentins  qui  suivent 
la  même  direction,  et  qui  ne  peuvent  éviter  Sienne  qu'en 
traversant  Arezzo.  Les  mêmes  motifs  qui  déchaînent  la 
guerre  nouent  les  alliances.  Lucques  est  trop  jalouse  de 
Pise  pour  n'être  pas  alliée  des  Florentins.  Gênes,  n'ayant 
de  grands  intérêts  que  sur  mer,  n'a  qu'inimitié  pour  la  ville 
qui  lui  en  dispute  la  domination  et  qu'amitié  pour  un  peuple 
perdu  au  loin  dans  les  terres,  qui  contraint  Pise  à  diviser 
son  attention  comme  ses  forces  pour  se  défendre  sur  le  con- 
tinent. Quand  Gênes  rompra  avec  Florence,  ce  sera  un  signe 
certain  que  Florence  commande  à  Pise  et  n'a  plus  qu'inté- 
rêt à  la  défendre,  à  la  relever.  Bologne  est  une  alliée  non 
moins  fidèle.  C'est  que,  séparée  des  marchands  de  l'Arno  par 
le  massif  de  l'Apennin,  animée  d'intentions  semblables,  mais 
parallèles,  guelfe  par  haine  des  villes  voisines,  et  peu  com- 
merçante, elle  devait  ouvrir  ses  portes  aux  marchandises 
florentines,  ne  les  point  écraser  sous  le  poids  de  ses  taxes 
et  de  ses  tarifs.  Ainsi  Florence  cherchait  des  chemins  vers 
le  Nord  par  Bologne  et  par  Lucques,  vers  la  mer  par  Pise, 
vers  Rome  et  le  Sud  par  l'Ombrie,  par  Sienne  ou  Arezzo. 
Alors  même  qu'on  lui  opposait  des  refus,  qu'on  marchait 
en  armes  contre  elle,  il  lui  restait  toujours  l'espoir  d'une 
révolution  dans  ces  villes  gibelines  où  elle  entretenait  des 
intelligences  avec  les  guelfes,  où  les  guelfes,  après  comme 
avant  la  victoire,  devaient  acheter  son  appui.  La  guerre,  à 
vrai  dire,  malgré  toutes  ses  cruautés,  n'interrompait  pas 
beaucoup  plus  les  relations  privées  que  les  alliances  n'em- 
pêchaient les  querelles  de  péage  et  les  plaintes  des  mar- 
chands. Il  en  était  d'une  ville  à  l'autre,  comme  jadis  d'un 
parti  à  l'autre  dans  Florence,  quand  on  y  buvait  ensemble 
le  soir,  après  s'être,  dans  un  périodique  accès  de  fureur, 
en tr 'égorgés  le  matin.  On  admettait  au  droit  de  cité  des 
citoyens  d'une  ville  ennemie.  On  trafiquait  avec  eux  comme 
avec  des  amis.  »  La  prépondérance  industrielle  de  Florence 
sur  les  autres  cités  toscanes  lui  assure  une  influence  que 
seule  Pise  peut  balancer. 

Les  transformations  de  ces  institutions  se  répercutent 
dans  les  autres  cités.  En  1285,  Sienne  achève  l'expulsion 
des  gibelins,  se  donne  9  magistrats  pris  pour  deux  mois 
dans  la  classe  moyenne  et  les  marchands.  La  cité  féodale 
d' Arezzo  se  donne  un  gouvernement  populaire;  son  prieur 
du  peuple  rase  les  châteaux  des  nobles.  Pistoia  agit  de  même. 
A  Pise,  le  parti  guelfe  conseille  l'alliance  avec  Florence, 
comprenant  qu'elle  eût  été  singulièrement  profitable;  se 
réduisant  au  rôle  de  port,  de  débouché  des  villes  de  l'in- 
térieur, Pise  eût  grandi  avec  elles  au  lieu  de  s'affaiblir  à 
les  combattre.  Ce  sage  avis  ne  fut  pas  suivi  ;  la  décadence 
était  proche.  Vaincus  à  la  Meloria  par  la  flotte  génoise 
(1284),  perdant  11,000  prisonniers  dont  la  plupart  ne 
revirent  jamais  leur  patrie,  les  Pisans  ne  se  laissent  pas 
convaincre  par  le  comte  Ugolino  ;  ils  s'enfoncent  dans  la 
cause  gibeline.  Les  guelfes  s'unissent  à  Florence  contre 
eux,  s'allient  aux  Génois  pour  les  détruire.  Ils  préfèrent 
alors  s'humilier  devant  les  Génois  que  devant  les  Florentins . 
Ce  fut  en  vain.  Ugolino,  promu  à  la  dictature,  s'entend  avec 
les  guelfes  de  Florence,  sacrifiant  les  gibelins  de  sa  patrie 
(1285).  L'attention  se  tourne  alors  du  côté  d' Arezzo  d'où 
les  gibelins  viennent  d'exiler  les  guelfes.  Un  échec  des 
ligueurs  amène  une  prise  d'armes  générale  des  gibelins 
(1288).  Ugolino  est  renversé;  Farchevêque  le  fait  mourir 
de  faim.  Pise  met  à  sa  tête  le  redoutable  Guido  de  Monte- 
feltro,  tyran  d'Urbin,chef  des  gibelins  de  l'Italie  centrale. 


—  635 


FLORENCE 


Florence  appelle  Charles  II  d'Anjou  (4289).  Une  sanglante 
bataille  livrée  à  Campaldino  entre  guelfes  et  gibelins,  Flo- 
rentins et  Arétins,  donna  la  victoire  aux  premiers,  grâce 
au  courage  de  Corso  Donati.  Les  résultats  furent  médiocres. 
Montefeltro  tient  ses  adversaires  en  échec,  malgré  la  perte  de 
Porto  Pisano;  il  reprend  Pontedera  aux  Florentins  (1294). 
Enfin,  en  4294,  on  signe  la  paix-.  Elle  consacre  l'hégémo- 
nie florentine  :  Sienne  est  devenue  une  alliée  fidèle  ;  Pog- 
gibonzi  paye  tribut;  les  Guidi  et  les  autres  seigneurs  du 
Mugello  sont  vaincus  ;  Prato,  Pistoia  reconnaissent  la  suze- 
raineté florentine;  Arezzo  offre  son  amitié;  Pise  s'avoue 
vaincue,  rase  Pontedera,  congédie  Montefeltro.  Au  moment 
où  Florence  acquérait  complètement  la  prépotence  en  Tos- 
cane, elle  procédait  à  une  nouvelle  réforme  progressive  de 
ses  institutions. 

Les  ordonnances  de  justice.  —  La  noblesse  conservait 
à  Florence  un  grand  ascendant,  bien  que  ses  droits  poli- 
tiques semblassent  annihilés.  Elle  peut  tenir  en  échec  la  bour- 
geoisie ;  ses  exploits  guerriers  lui  valaient  une  popularité  et 
une  influence  considérables.  Sa  forteresse  était  le  parti  guelfe 
officiel,  la  parte  guelfa;  elle  est  tout  à  fait  aristocratique; 
même  un  demi-siècle  plus  tard,  elle  le  sera  encore  ;  les 
grands  écartent  les  popolani  de  ses  conseils .  Par  une  curieuse 
anomalie,  c'est  à  la  noblesse  que  les  magistrats  demandent 
des  ressources;  en  effet,  la  parte  guelfa  s'est  enrichie  des 
biens  confisqués  aux  gibelins;  chargée  de  les  administrer, 
elle  les  a  capitalisés,  est  devenue  la  première  puissance 
financère  de  la  commune.  Ajoutez  que  les  nobles  s'appuient 
sur  la  haute  bourgeoisie  des  popolani  grassi;  de  nom- 
breux mariages  les  solidarisent  ;  le  petit  peuple,  plus  jaloux 
des  riches  marchands  que  de  la  vieille  aristocratie,  passionné 
pour  les  fêtes  où  elle  parade,  se  met  volontiers  dans  sa  clien- 
tèle. Elle  est  beaucoup  plus  unie  que  ses  rivaux.  Les  liens 
de  famille  sont  très  forts;  tous  les  agnats  se  groupent, 
de  la  même  manière  que  les  marchands  d'un  métier  uni  en 
une  corporation  ;  autour  de  leurs  palais  bâtis  dans  un  même 
quartier,  porte  à  porte,  se  rangent  leurs  clients,  leurs  ser- 
viteurs, sans  compter  ceux  de  leurs  domaines  de  la  cam- 
pagne qu'ils  peuvent  appeler  à  la  rescousse.  Le  pouvoir 
central  ne  pouvait  désagréger  ces  groupes  ;  il  était  trop  ins- 
table, changeant  de  mains  tous  les  deux  mois.  Au  contraire, 
par  désir  d'éviter  les  tracas,  il  consolidait  les  groupements 
existants  ;  il  fallait  son  autorisation  pour  changer  de  rue, 
de  quartier  ;  on  cherchait  seulement  à  maintenir  l'équilibre 
entre  les  clans  jaloux  les  uns  des  autres  et  engagés  dans 
d'interminables  vendettas.  La  justice  ne  pouvait  rien  contre 
la  connivence  des  nobles  ;  ils  se  faisaient  justice  eux-mêmes 
et  dérobaient  leurs  coupables  à  l'action  des  lois. 

Les  magistrats,  las  de  se  sentir  bravés,  entreprirent  une 
lutte  méthodique  ;  ils  décrétèrent  la  solidarité  familiale 
pour  les  amendes  ;  afin  d'ôter  aux  nobles  l'appui  de  leurs 
serfs  des  campagnes,  on  abolit  la  servitude  (4289)  ;  l'or- 
donnance invoquait  le  droit  naturel  de  libre  arbitre  ;  les 
tribunaux  féodaux  furent  supprimés  ;  défense  faite  de 
porter  des  armes  dans  la  ville.  On  diminua  la  prépondé- 
rance des  popolani  grassi  alliés  aux  nobles  en  adjoignant 
aux  sept  arts  majeurs  les  cinq  qui  les  suivaient  (bouchers, 
cordonniers,  forgerons,  charpentiers  et  maçons,  fripiers)  ; 
c'était  la  petite  bourgeoisie  qui  se  voyait  appelée  à  la  vie 
politique  ;  en  même  temps  on  adjoignait  aux  six  prieurs 
un  septième  sous  le  nom  de  gonfalonier  de  justice  (4293). 
On  procéda  à  loisir  à  la  revision  des  statuts,  confiée  à  trois 
jurisconsultes.  Successivement  adoptés,  il  formèrent  une 
collection  d'environ  quatre-vingts  ordonnances  de  justice 
(ordinamenta  justitiœ).  Elles  réglaient  l'élection  des 
prieurs,  mettaient  aux  ordres  du  gonfalonier  de  justice  une 
milice  de  2,000  piétons.  Au-dessous  des  sept  arts  majeurs 
et  des  cinq  arts  intermédiaires,  on  classa  neuf  arts  mi- 
neurs :  cabaretiers,  hôteliers  (grands  aubergistes),  mar- 
chands d'huile,  sel  et  fromage,  tanneurs,  armuriers,  ser- 
ruriers, charretiers,  tabletiers  et  faiseurs  de  boucliers, 
menuisiers,  boulangers. 
L'organisation  des  arts  est  la  base  de  l'Etat.  Ils  élisent 


annuellement  leurs  syndics  qui  prêtent  serment  aux  ma- 
gistrats; toute  ligue  privée  est  prohibée  à  peine  d'amende 
à  payer  par  la  corporation.  Tout  homme  (popolano)  de 
dix-huit  à  soixante-dix  ans  doit  être  inscrit  sur  les  registres 
d'un  art;  les  consuls  des  arts  sont  tenus  d'appuyer  les 
plaintes  de  tout  artisan  de  leur  corporation  molesté  par  un 
grand.  Les  nobles  sont  matés.  Dès  4285,  Pistoia  les  avait 
exclus  du  gouvernement  ;  l'inscription  sur  le  registre  des 
nobles  était  une  peine  emportant  la  privation  des  droits 
politiques.  A  Florence,  on  exclut  les  nobles  des  principaux 
conseils  ;  les  nobles  inscrits  sur  les  registres  des  arts  ne 
peuvent  y  devenir  consuls  (capitudini);  exclus  de  presque 
toutes  les  fonctions  publiques,  on  leur  refuse  le  titre  d'hon- 
nête homme.  On  inscrit  clans  leur  classe  tout  homme  du 
peuple  qui  a  commis  un  vol,  un  inceste,  un  meurtre,  ou 
simplement  est  suspect  de  les  appuyer  ;  fugitifs,  ils  sont 
hors  la  loi.  Des  peines  draconiennes  sont  promulguées 
contre  tout  noble  qui  se  portera  à  des  violences  contre  un 
popolano  ;  les  familles  nobles  sont  astreintes,  à  peine  de 
bannissement,  à  fournir  une  caution  de  2,000  livres  qui 
répondra  des  amendes  prononcées  contre  un  de  leurs  mem- 
bres. La  procédure  est  rapide,  l'institution  confiée  au 
gonfalonier  de  justice.  En  somme,  la  loi  des  suspects 
faite  en  4283  contre  les  gibelins  est  faite  en  4293  contre 
le  «  vieux  peuple  ». 

Cette  révolution  avait  été  en  grande  partie  l'œuvre  de 
Giano  délia  Bella.  Les  grands  voulurent  se  venger  de  lui. 
Ils  gagnèrent  l'ordre  des  juges  et  celui  des  bouchers,  con- 
duit par  Dino  Pecora.  Leur  chef  était  le  redouté  Corso 
Donati.  Poursuivi  pour  un  meurtre  commis  par  ses  gens,  il 
fut  acquitté  par  le  podestat.  Une  émeute  éclata.  On  accusa 
Giano  délia  Bella  de  l'avoir  fomentée  ;  il  fut  excommunié 
par  le  pape,  quitta  Florence  et  se  retira  en  France.  La 
chute  du  chef  populaire  n'atteignit  pas  son  œuvre.  Sienne, 
Pise  se  donnèrent  des  lois  analogues.  Un  soulèvement  des 
grands  en  4295  consomma  leur  abaissement.  Ils  montèrent 
à  cheval  et  occupèrent  la  place  avec  leurs  vassaux  ;  le  parti 
populaire  résista,  tendit  des  chaînes  dans  les  rues  ;  les  mi- 
lices urbaines  prirent  aisément  le  dessus.  De  nouvelles 
rigueurs  furent  décrétées  contre  les  nobles  ;  défense  fut 
faite  d'arborer  d'autres  armes  et  couleurs  que  celles  de  son 
art  ou  de  sa  propre  famille.  Les  ordonnances  furent  stric- 
tement appliquées. 

Au  dehors,  l'autorité  de  Florence  croissait.  En  Toscane, 
elle  a  presque  à  ses  ordres  l'armée  de  la  ligue  guelfe  ;  sa 
parte  guelfa,  si  bien  organisée,  domine  aux  assemblées 
qu'on  réunit  à  Empoli  ;  le  plus  souvent  elle  désigne  le  ca- 
pitaine. Elle  soutient  de  ses  subsides  le  roi  Charles  II  de 
Naples,  envoie  des  secours  aux  guelfes  bolonais,  au  pape 
Boniface  VIII.  «  Jamais,  écrit  Machiavel,  notre  ville  ne  fut 
en  plus  grand  et  plus  prospère  état  qu'en  ce  temps  où  elle 
était  riche  d'hommes,  de  biens,  de  réputation,  où  elle 
comptait  dans  ses  murs  trente  mille  hommes  en  état  de 
porter  les  armes  et  sur  son  territoire  soixante-dix  mille, 
où  toute  la  Toscane,  alliée  ou  sujette,  lui  obéissait.  Il  y 
avait  bien  entre  les  nobles  et  le  peuple  des  motifs  de  co- 
lère et  de  soupçon,  mais  il  n'en  résultait  aucun  mauvais 
effet.  Florence  ne  craignait  plus  ni  ses  exilés,  ni  l'Empire, 
et  elle  était  en  force  pour  tenir  tête  à  tous  les  Etats  d'Ita- 
lie. »  Ne  nous  trompons  pas  aux  sarcasmes  du  Dante.  Les 
divisions  mêmes  et  l'instabilité  sont  la  marque  d'une  vie 
puissante,  d'une  activité  surabondante  ;  elles  ne  gênaient 
nullement  le  développement  individuel  ou  collectif.  A  par- 
tir de  la  fin  du  xme  siècle  se  manifeste  la  civilisation  flo- 
rentine par  des  œuvres  impérissables. 

On  reconstruit  la  vieille  église  de  Santa  Reparata  sous 
le  nom  nouveau  de  Santa  Maria  del  Fiore,  rappelant  à  la 
fois  la  Vierge  et  le  lis  «  qui  était  dans  les  armes  comme 
dans  le  nom  de  la  ville  ».  Ce  travail  fut  commencé  en 
4298.  Trois  ans  plus  tôt  on  avait  posé  la  première  pierre 
de  Santa  Croce  (église  des  Franciscains);  on  refaisait  Santo 
Spirito  et  Santa  Maria  Novella,  églises  des  Augustins  et 
des  Dominicains.  Enfin  on  édifiait  un  nouveau  palais  à  la 


FLORENCE 


—  636  — 


seigneurie  (1299).  Cet  important  édifice,  appelé  aujour- 
d'hui Palazzo  Vecchio,  engloba  la  tour  des  Foraboschi 
qui  fut  encore  exhaussée  ;  on  démolit,  pour  l'agrandir,  la 
vieille  église  de  San  Pier  Scherazzio.  Le  parallélogramme 
parfait  dont  l'architecte  Arnolfo  avait  donné  le  plan  fut 
plus  tard  modifié  par  des  agrandissements.  Enfin  on  donne 
à  la  ville  une  troisième  enceinte  (1298-1327),  quatre  fois 
plus  grande  que  la  seconde,  dix  fois  plus  que  la  première, 
d'un  circuit  de  6  milles,  percée  de  neuf  portes,  flanquée 
de  soixante-huit  tours  (de  40  et  60  brasses  de  haut). 
On  réparait  les  châteaux  forts  de  la  campagne;  on  en 
édifiait  de  nouveaux;  on  bâtissait  des  ponts,  traçait  des 
routes.  Avant  de  décrire  la  vie  florentine  en  ces  glorieuses 
années,  il  nous  faut  exposer  la  situation  politique  nouvelle 
d'alors,  d'autant  plus  que  Dante  (V.  ce  nom)  lui  a  donné 
une  grande  célébrité. 

Les  Blancs  et  les  Noirs.  —  Les  dissensions  intestines 
prirent  une  gravité  croissante  lorsque  les  dangers  exté- 
rieurs eurent  disparu.  On  avait  comprimé  la  noblesse,  les 
gibelins.  A  la  suite  des  ordonnances  de  justice,  les  partis 
se  transformèrent.  La  rivalité  de  Corso  Donati  et  de  Vieri 
de  Cerchi  divisa  toute  la  ville.  Les  Cerchi  avaient  pour 
eux  les  marchands  et  la  noblesse  gibeline,  les  Donati  la 
populace  et  les  grands  guelfes.  Dans  la  maison  des  Cerchi 
résidaient  les  prieurs  et  s'assemblait  d'ordinaire  la  sei- 
gneurie ;  mais,  malgré  leur  influence,  l'alliance  des  gibe- 
lins les  affaiblissait  surtout  vis-à-vis  de  l'énergique  Corso 
Donati.  A  ce  moment,  Florence  fut  impliquée  dans  les  que- 
relles des  gens  de  Pistoia.  Ceux-ci  s'étaient  divisés  en 
Blancs  et  Noirs.  Les  Blancs  invoquèrent  la  médiation  de 
Florence  (1294).  Ils  s'adressèrent  aux  Cerchi,  leur  offrant 
la  balia,  c.-à-d.  pleins  pouvoirs  de  régler  l'affaire,  selon 
la  coutume  de  ces  républiques.  Ils  la  lui  donnèrent  pour 
cinq  ans  en  1296,  avec  faculté  de  réformer  à  leur  gré  les 
institutions  de  Pistoia  et  de  la  gouverner  durant  ce  temps. 
Dès  lors,  les  Cerchi  deviennent  solidaires  des  Blancs  et  en 
prennent  le  nom  :  les  Donati  prennent  celui  de  Noirs.  Du 
côté  des  Blancs  étaient,  avec  les  Cerchi,  les  Adimari,  Ca- 
valcanti,  la  plupart  des  anciens  gibelins  ;  du  côté  des 
Noirs,  les  Pazzi,  Buondelmonti,  Tornaquinci,  Brunelleschi. 
D'autres  familles  étaient  divisées,  Bardi,  Rossi,  Nerli,  Adi- 
mari et  même  les  Cerchi.  Les  Blancs  en  possession  du  pou- 
voir étaient  fort  modérés,  se  défendant  à  peine.  De  leur  côté 
étaient  les  théoriciens,  Dante,  Guido,  Cavaleanti,  le  père  de 
Pétrarque  ;  les  Noirs,  moins  nombreux,  moins  intelligents, 
étaient  plus  énergiques.  Les  rixes  étaient  continuelles  ;  le 
pape  s'en  inquiéta,  mais  ne  put  réconcilier  les  adversaires. 
Invoqué  par  les  Noirs,  il  envoie  le  cardinal  Matteo  d'Ae- 
quasparta.  On  lui  accorde  une  balia;  il  propose  de  tirer 
au  sort  les  prieurs.  On  refuse  et  il  met  la  ville  en  interdit. 
Parmi  les  prieurs  d'alors  qui  appartenaient  à  la  faction  des 
Blancs  était  Dante  Alighieri,  de  l'art  des  apothicaires 
(1300).  Ce  fut  l'origine  de  ses  malheurs  (sur  ces  événe- 
ments, V.  l'art.  Dante,  t.  XIII,  p.  888).  On  tenta  de  réta- 
blir la  paix  en  exilant  les  chefs  des  deux  partis  (1301), 
mais  les  Blancs  rentrèrent  ;  Corso  Donati  se  rendit  à  Rome 
tandis  qu'à  Pistoia  les  Noirs  étaient  traqués  comme  des 
bêtes  fauves.  L'intervention  décidée  de  Boniface  VIII  et  de 
son  allié  Charles  de  Valois  en  faveur  des  Noirs  changea  la 
face  des  choses.  Les  Noirs  parurent  les  représentants  de 
l'ancien  parti  guelfe  ;  les  gibelins  se  rallièrent  décidément 
aux  Blancs  ;  originairement  démocrates,  ceux-ci  se  virent 
confondus  avec  les  aristocrates.  Charles  de  Valois  marche 
sur  Florence  et  y  rentre,  appuyé  par  les  Siennois;  Corso 
Donati  rentre  à  son  tour,  brûle  les  maisons  de  ceux  qui 
l'ont  condamné  ;  il  se  rend  maître  de  la  ville  sans  que  les 
Blancs  osent  résister  ;  six  jours  durant,  elle  est  livrée  au 
pillage  (nov.  1301).  On  proscrit  les  chefs  des  Blancs,  les 
anciens  prieurs,  Cerchi,  Adimari,  Gherardini,  Dante  avec 
eux.  Deux  mois  après,  sous  prétexte  d'une  fausse  conju- 
ration, Charles  de  Valois  bannit  de  la  ville  tous  les  Blancs 
(1302).  Comme  toujours,  les  riches  marchands  et  la  foule 
se  ralliaient  aux  vainqueurs. 


Dans  l'exil,  les  Blancs  deviennent  impopulaires  par  leur 
alliance  avec  les  gibelins  de  la  noblesse  féodale.  On  dé- 
crète contre  eux  des  mesures  d'une  incroyable  violence; 
leurs  têtes  sont  mises  à  prix  ;  quiconque  les  recevra  verr  a 
sa  maison  brûlée  et  ses  propriétés  détruites  ;  ordre  de  les 
arrêter  partout  où  on  les  trouvera.  Leurs  biens  sont  con- 
fisqués, leurs  descendants  mâles  et  leurs  mères  expulsées. 
Les  Blancs  se  dispersent  dans  les  villes  voisines.  Ils  es- 
sayent de  résister  dans  le  Mugello,  mais  sont  défaits.  Bo- 
logne les  soutient.  De  leur  côté,  les  Noirs  se  divisent;  au 
cruel  Rosso  délia  Tosa  s'oppose  Corso  Donati,  l'ennemi-né 
des  riches  bourgeois.  Il  s'entend  avec  l'évêque,  arme  la 
populace  ;  on  recommence  à  se  battre  dans  les  rues  (1304). 
Le  c.  rdinal  de  Prato  rétablit  la  paix  ;  il  tente  de  la  conso- 
lidr  en  rappelant  les  Blancs  exilés.  Un  parti  modéré  se 
forme,  grossi  des  banquiers  et  gros  bourgeois,  mais  les 
Noirs  incendient  la  ville  et  reprennent  le  dessus.  Vaine- 
ment les  Blancs  campent  aux  portes  avec  1,600  cavaliers 
et  9,000  fantassins.  Ils  ne  peuvent  forcer  les  portes  et 
s'enfuient  en  désordre  (1304).  Le  triomphe  des  Noirs  est 
assuré  par  Robert  de  Calabre,  fils  aîné  de  Charles  II  de 
Naples,  capitaine  de  la  ligue  guelfe.  La  guerre  devient 
atroce.  Pistoia  est  prise  et  partagée  entre  Lucques  et  Flo- 
rence. La  bourgeoisie  domine  si  bien  maintenant  parmi  les 
Noirs  qu'on  aggrave  les  fameuses  ordonnances  de  justice. 
Corso  Donati,  le  hautain  protagoniste  des  nobles,  se  rap- 
proche des  gibelins.  Il  compose  avec  eux  et  est  tué  (1308). 

Les  gibelins  font  alors  appel  à  l'Empire  ;  Dante  est  le 
théoricien  de  cette  école  qui,  pour  échapper  à  l'anarchie, 
se  tourne  vers  l'ancien  maître.  «  Guelfe  d'origine,  Blanc 
de  faction,  gibelin  par  réflexion  comme  par  désespoir  »,  il 
réclame  un  arbitre  suprême.  Henri  VII  de  Luxembourg, 
appelé  en  Italie,  espère  réconcilier  les  factions.  Florence 
lui  tient  tête,  reconstitue  la  ligue  guelfe,  rappelle  ses  exilés 
guelfes,  sauf  les.  plus  compromis  (900,  dont  Dante),  traite 
en  ennemis  les  ambassadeurs  impériaux  (1311).  Ses  con- 
tingents tiennent  deux  mois  Henri  VII  en  échec  dans  Rome. 
L'empereur  revient  par  la  Toscane,  accueilli  joyeusement 
par  la  gibeline  Arezzo(13d2),  mais  il  est  trop  faible  pour 
attaquer  Florence.  Au  bout  d'un  mois  passé  devant  la 
grande  ville,  il  se  retire  à  San  Casciano,  puis  à  Poggi- 
bonzi  et  se  borne  à  une  condamnation  solennelle  des  villes 
toscanes  et  des  chefs  de  la  résistance  à  Florence  (Corsini, 
Albizzi,  Macchiavelli,  Guicciardini,  Ferrucci,  etc.).  En  ré- 
ponse, Florence  donne  pour  cinq  ans  la  seigneurie  à  son 
ennemi  Robert,  roi  de  Naples.  Henri  VII  vient  échouer  àPise 
et  finit  par  mourir  près  de  Sienne,  emportant  dans  sa  tombe 
les  dernières  espérances  des  gibelins  et  des  Blancs.  Ainsi, 
malgré  leur  honnêteté,  leur  supériorité  intellectuelle  et 
morale,  ceux-ci  ont  succombé;  les  guelfes  noirs,  peu 
braves  sur  les  champs  de  bataille,  ont  eu  plus  de  décision 
et  d'énergie  ;  en  politique,  ils  l'emportent  sans  conteste. 
Ils  ont  élargi  leur  cercle  ;  ils  ont  une  politique  italienne, 
étendant  leurs  négociations  et  leur  influence  dans  toute  la 
péninsule  et  jusqu'en  France.  «  Rien  de  plus  surprenant  que 
ces  vues  larges  chez  un  peuple  de  cent  mille  âmes,  que  cette 
suite  dans  les  idées  chez  des  magistrats  élus  pour  deux 
mois.  Instruments  de  la  volonté  générale,  ils  ne  se  décou- 
rageaient pas  de  concevoir  ce  que  d'autres  exécuteraient  et 
ils  exécutaient  avec  une  docilité  patriotique  ce  que  d'autres 
avaient  conçu.  »  Florence  renouvelle  la  merveilleuse  his- 
toire d'Athènes. 

La  vie  sociale  de  Florence.  —  Florence  fut  avant  tout 
une  cité  industrielle  et  commerçante.  Il  est  donc  indispen- 
sable, pour  s'en  faire  une  image  exacte  et  se  rendre  compte 
de  son  histoire,  d'exposer  l'organisation  économique  de 
cette  illustre  cité.  Elle  dépassait  de  beaucoup  les  cadres  de 
son  territoire.  A  l'étranger,  les  négociants  florentins  forment 
des  colonies,  vivant  ensemble  à  frais  communs.  Dans  leur 
propre  pays,  ils  accueillaient  les  étrangers  et  facilement 
accordaient  le  droit  de  cité  à  qui  l'avait  habité  pendant 
cinq  ans,  deux  mois  par  an,  ou  payé  les  impôts  pendant 
dix  ans.  La  publication  des  statuts  de  l'art  de  calimala 


637 


FLORENCE 


(lainages  fins)  nous  a  renseigné  sur  le  mécanisme  de  ces 
corporations  qui  étaient  les  parties  constituantes  de  l'Etat. 
Tous  les  six  mois  les  chefs  de  magasins  et  de  boutiques 
s'assemblent  pour  élire  leurs  consuls  ;  tout  magasin  a  deux 
voix  ;  toute  boutique  une  ;  les  élus  ne  peuvent  refuser  le 
mandat.  Les  quatre  consuls  prennent  pour  chef  l'un  d'eux 
qui  est  le  prieur.  Ils  sont  assistés  d'un  conseil  général  et 
d'un  conseil  spécial,  surveillés  par  un  notaire  étranger  qui 
joue  ici  le  rôle  du  podestat  dans  l'Etat.  Les  consuls  veillent 
aux  intérêts  de  l'art,  les  protègent  à  l'étranger,  surveillent 
tous  les  membres  de  la  corporation  ;  une  fois  par  mois  se 
tient  une  assemblée  générale  des  consuls  de  tous  les  arts. 
Pour  entrer  dans  la  calimala,  il  suffit  d'avoir  exercé  l'in- 
dustrie pendant  un  an  ou  d'être  associé  à  un  des  membres  ; 
les  frères  et  descendants  masculins  en  font  partie  ;  les 
héritiers,  même  étrangers,  doivent  répondre  aux  consuls. 
Défense  est  faite  à  cet  art  de  vendre  d'autres  draps  que 
ceux  importés  d'outre-mont  (qu'il façonnait  à  nouveau).  Les 
jeux  de  hasard  sont  interdits  dans  les  boutiques  ;  seuls  les 
apprentis  ou  gardiens  assermentés  y  peuvent  coucher,  et 
ils  n'en  peuvent  sortir  la  nuit.  Tous  les  deux  ans  le  statut 
était  revisé  par  des  arbitres  munis  de  pleins  pouvoirs.  Les 
principales  manifestations  extérieures,  la  vie  des  apprentis 
surtout,  étaient  soigneusement  réglementées.  Cette  stricte 
discipline,  fort  nécessaire  en  un  temps  de  discordes  et  d'anar- 
chie gouvernementale,  valut  aux  arts  une  excellente  renom- 
mée. Les  draps  étrangers  étaient  dès  leur  arrivée  examinés 
par  des  experts  qui  ensuite  les  «  livraient  aux  diverses 
compagnies  de  l'art,  teinturiers,  tondeurs,  étireurs,  apprê- 
teurs,  qui  devaient  les  fouler,  les  carder,  les  teindre,  les 
lisser,  les  tailler,  les  plier,  leur  donner  les  dimensions,  la 
couleur,  le  lustre,  la  finesse  que  réclamaient  la  mode  et 
l'usage.  Ces  diverses  compagnies  habitaient  des  rues  por- 
tant leur  nom.  Elles  recevaient  défense  de  s'unir  en  société 
pour  se  rendre  maîtresses  des  prix.  »  (Perrens.)  Au  pre- 
mier rang  venaient  les  teinturiers  ;  la  qualité  du  travail  et 
la  probité  étaient  garanties  par  la  surveillance  d'officiers 
spéciaux  délégués  par  Fart  ;  celui-ci  fixait  les  prix  ;  sur 
tout  drap  devait  être  cousu  un  papier  visible  à  tous,  por- 
tant le  prix  fixé,  le  nom  de  la  maison  et  de  l'industriel  qui 
l'avaient  fabriqué.  Une  fraude  pouvait  entraîner  l'exclusion. 
Les  draps  venant  surtout  de  France,  ce  pays  était  pour  les 
Florentins  comme  une  seconde  patrie  ;  les  plus  célèbres  y 
sont  tous  venus,  souvent  plusieurs  fois,  Brunetto  Latini, 
Cino  de  Pistoia,  Dante,  Pétrarque,  Boccace,  Yillani,  desPe- 
ruzzi,  les  Alberti  (ancêtres  des  Luynes),  etc.  Les  marchands 
florentins  de  France  recevaient  de  ceux  de  leur  patrie  deux 
consuls  qui  exerçaient  la  même  surveillance  que  les  pre- 
miers. L'art  de  calimala  avait  ses  hôtelleries  à  Paris,  Saint- 
Denis,  Caen,  Rouen,  Montivilliers,  Provins,  Lagny,Troyes, 
Bourges,  Marseille,  Toulon,  Arles,  Saint-Gilles,. Avignon, 
Nîmes,  Montpellier,  Narbonne,  Béziers,  Perpignan,  Carcas- 
sonne,  Toulouse,  etc.  ;  les  hôteliers  étaient  surveillés  par 
les  consuls.  En  Angleterre,   en  Allemagne,  en  Espagne, 
comme  en  France,  s'opérait  le  double  commerce  de  la  cali- 
mala,  achat  de  draps  bruts,  vente  de  draps  façonnés.  Il 
était  concentré  en  un  petit  nombre  de  mains.  L'émigration 
des  artisans,  l'exportation  des  matières  premières  étaient 
interdites,  des  droits  énormes  imposés  aux  marchandises 
des  rivaux. 

Les  autres  arts  sont  organisés  de  même  que  celui  de 
calimala.  L'art  de  la  laine  qui  travaille  la  laine  brute  et 
fabrique  ses  draps  de  toutes  pièces,  achetait  à  l'étranger 
sa  matière  première,  surtout  en  Angleterre,  en  Portugal 
et  en  Espagne.  En  1300,  on  compte  à  Florence  300  bou- 
tiques de  cet  art,  fabriquant  annuellement  400,000  pièces 
de  drap  valant  environ  4,200,000  florins  et  donnant  du 
travail  à  30,000  personnes.  De  là  provenaient  le  tiers  des 
gains  de  l'industrie  florentine.  Le  grand  essor  de  l'art  de 
la  laine  fut  dû  à  la  confrérie  religieuse  des  Umiliati  éta- 
blie dans  le  faubourg  d'Ognissanti.  Les  consuls  de  la  laine 
résidaient  à  Or  San  Michèle.  —  Moins  important  était  l'art 
de  la  soie  dont  les  membres  façonnaient  aussi  les  brocarts 


d'or  et  d'argent  et  avaient  englobé  peintres,  brodeurs,  fila- 
teurs,  batteurs  d'or,  orfèvres.  Les  fabricants  de  velours 
faisaient  bande  à  part  sur  la  rive  gauche  où  s'établit  la 
famille  des  Veliuti  qui  l'introduisit. 

Les  capitaux  accumulés  par  les  fabricants  et  commer- 
çants de  lainages  et  soieries  donnèrent  lieu  à  un  nouveau 
commerce,  celui  du  numéraire  ;  les  Florentins  furent  par 
excellence  changeurs  et  banquiers.  Dans  cette  branche,  ils 
défièrent  toute  concurrence.  Le  change  devint  une  des  cor- 
porations principales.  Ses  affaires  se  faisaient  par  des  cour- 
tiers immatriculés  recevant  un  salaire  fixé  par  le  statut.  Le 
Marché-Neuf  fut  la  Bourse  de  Florence,  régulatrice  du  com- 
merce de  l'argent.  Non  seulement  on  y  changeait  et  on  y 
prêtait,  mais  on  y  faisait  la  hausse  et  la  baisse,  spéculant 
sur  les  emprunts,  surtout  quand  Florence  eut  sa  dette 
publique  à  capital  consolidé.  Nul  étranger,  nul  ecclésias- 
tique ne  pouvait  être  changeur  ;  la  tenue  des  livres  (en 
partie  simple)  était  imposée,  et  sa  législation  a  servi  de 
base  à  celles  des  temps  modernes.  On  comptait  en  1338 
environ  80  maisons  de  change  et  de  banque  ;  les  plus 
grandes  étaient  celles  des  Bardi  et  des  Peruzzi  ;  puis  ve- 
naient celles  de  Frescobaldi,  des  Acciajuoli  et,  plus  tard, 
des  Strozzi,  des  Medici,  des  Capponi,  etc.  On  évaluait  à  la 
fin  du  xive  siècle  le  numéraire  circulant  à  deux  millions  de 
florins.  Banquiers  du  pape,  des  rois  d'Angleterre,  des  ducs 
de  Bourgogne,  les  Florentins  ont  partout  des  comptoirs  ; 
les  Peruzzi  seuls  en  ont  seize  à  Londres,  Bruges,  Paris, 
Avignon,  Majorque,  Pise,  Gênes,  Venise,  Cagliari,  Naples, 
Palerme,  Clarentza  (Morée),  Rhodes,  Chypre,  Tunis.  De 
leurs  agents  27  furent  prieurs,  7  gonfaloniers.  La  diffusion 
de  la  lettre  de  change  fut  l'œuvre  de  ces  banquiers;  elle 
accrut  la  sécurité  du  commerce,  soustrayant  aux  bandits, 
seigneuriaux  ou  non,  le  numéraire.  Les  prêts  sont  facilités 
par  cet  admirable  instrument  de  crédit.  L'Etat  emprunte 
aux  particuliers  ;  lui-même  prête  à  ses  voisins  ou  même  à 
des  particuliers.  Il  a  les  mœurs  d'une  maison  de  banque, 
protège  soigneusement  la  propriété  de  ses  citoyens,  conclut 
des  traités  de  commerce  avec  les  villes  voisines,  y  place 
un  arbitre  du  trafic.  Contre  ceux  qui  refusent  de  réparer 
les  dommages  faits  à  un  Florentin,  on  prononce  des  repré- 
sailles, les  obligeant  à  donner  satisfaction  par  cette  sorte 
de  violence  légale. 

Le  commerce  avec  l'Orient  alimentait  le  cinquième  art, 
celui  des  médecins,  apothicaires,  épiciers  et  merciers.  On 
comptait  une  soixantaine  de  médecins,  une  centaine  d'apo- 
thicaires ;  parmi  ceux-ci  on  rangeait  les  parfumeurs,  les 
limonadiers.  —  L'art  des  juges  et  notaires  comptait  une 
centaine  de  juges  et  600  notaires.  Il  était  le  premier  dans 
la  hiérarchie,  bien  qu'il  ne  fit  nul  trafic.  Il  avait  9  consuls 
dont  le  chef  était  le  proconsul  entouré  d'un  conseil  de 
12  notaires.  L'autorité  juridique  du  proconsul  s'étendait 
sur  tous  les  arts.  Des  légistes  on  exigeait  une  grande  dignité 
dans  la  vie  ;  le  moindre  manquement  entraînait  leur  suspen- 
sion. Néanmoins,  leurs  prévarications  étaient  fréquentes, 
la  partialité  absolue.  La  justice  était  extrêmement  lente  et 
sans  nulle  sécurité,  le  régime  des  prisons  très  rigoureux. 

Des  arts  de  l'alimentation,  le  principal  était  celui  des 
bouchers  qui  tuaient  par  an  4,000  bœufs,  60,000  mou- 
tons, 20,000  chèvres  ;  comme  les  aubergistes  et  marchands 
de  vin,  ils  passaient  pour  peu  honnêtes.  Même  reproche 
aux  boulangers  qui  étaient  strictement  taxés;  le  staio 
(19  kilogr.)  de  pain  coûtait  4  deniers  en  été,  5  en 
hiver;  ils  employaient  70,000  kilogr.  de  grain  par  jour, 
et,  quoique  peu  considérés,  étaient  souvent  fort  riches. 

Florence  étant  une  ville  industrielle,  donna  dans  l'his- 
toire le  premier  exemple  d'un  Etat  où  la  propriété  foncière 
fut  méprisée  et  l'agriculture  regardée  comme  très  infé- 
rieure. On  sait  combien  dans  les  cités  antiques,  à  Athènes 
même,  on  s'efforçait  de  maintenir  la  supériorité  de  la  pro- 
priété foncière.  Ici  le  paysan,  le  contadino,  est  tenu  pour 
très  inférieur  à  l'artisan.  —  La  noblesse,  qui,  primitive- 
ment, représentait  la  classe  des  propriétaires  terriens, 
tend  à  disparaître,  se  fondant  avec  la  haute  bourgeoisie 


FLORENCE 


—  638 


financière  et  industrielle.  On  garde  pourtant  quelque  estime 
pour  les  chevaliers,  réduits  à  l'oisiveté  par  leur  dignité. 
Arrivés  à  la  vieillesse,  les  riches  parvenus  briguent  cet 
honneur.  —  Le  clergé  est  nombreux;  en  4839,  Florence 
possède  490  églises  réparties  en  57  paroisses;  5  abbayes, 
2  prieurés  (80  moines),  24  couvents  de  femmes  (500  reli- 
gieuses), 40  congrégations  de  frères  (700  membres), 
300  chapelains  d'hôpitaux  (30  renfermant  4,000  lits). 
Les  mœurs  de  ce  clergé  sont  médiocres,  surtout  celles  des 
moines.  —  Au  dernier  rang  des  classes  oisives  sont  les 
mendiants,  aveugles  surtout,  dont  on  recensa  22,000  en 
4330,  et  les  voleurs. 

Dans  la  vie  privée,  le  droit  romain  coexiste  avec  le  droit 
lombard  qui  mitigé  le  despotisme  paternel  ;  le  conseil  de 
famille  est  fréquemment  consulté  ;  la  fortune  patrimoniale 
est  en  partie  inaliénable  ;  mais,  pour  les  biens  personnels, 
on  teste  à  peu  près  librement.  Nul  droit  n'est  reconnu  aux 
bâtards  ;  guère  plus  aux  femmes.  Le  mariage  dotal  est  en 
vigueur.  Les  mœurs  étaient  libres;  les  courtisanes  nom- 
breuses, mais  persécutées.  Le  luxe  des  toilettes  était  re- 
marquable, et  Florence  donnait  le  ton  à  la  mode,  même 
à  Gênes  et  à  Venise.  Les  maisons  ont  toujours  au  dehors 
l'aspect  de  forteresses,  carrées  avec  cour  intérieur,  bâties 
en  bonne  pierre,  hautes  d'un  ou  deux  étages,  avec  de 
petites  lucarnes  au  rez-de-chaussée,  une  porte  étroite 
au  haut  d'un  perron  ;  le  long  des  murs,  j'allais  dire  des 
remparts ,  des  anneaux  de  fer,  de  bronze,  où  planter 
les  cierges,  les  bannières.  La  rue  tortueuse,  pavée  de 
dalles  irrégulières,  boueuse  ou  poussiéreuse,  est  mal- 
propre et  malsaine;  de  même  les  masures  populaires, 
nettoyées  à  peine  une  fois  la  semaine  ;  les  palais  ne 
l'étaient  guère  plus.  On  vit  beaucoup  au  dehors,  à  l'église, 
sur  les  places  publiques  ;  chaque  maison  de  quelque  impor- 
tance a  sa  loggia.  On  fréquente  surtout  le  Vieux-Marché  et 
le  Nouveau.  Les  fêtes  jouent  un  grand  rôle  dans  l'existence. 

Vie  intellectuelle.  — L'histoire  littéraire  et  artistique 
de  Florence  est  son  plus  beau  titre  de  gloire.  Elle  com- 
mence au  xiue  siècle.  Peu  à  peu  s'est  formée  la  langue 
vulgaire,  se  séparant  du  latin.  On  sait  que  le  dialecte  flo- 
rentin est  devenu  la  langue  italienne  moderne  ;  il  dut  ce 
succès  à  ses  grands  écrivains.  De  la  poésie  provençale  est 
dérivée  la  poésie  sicilienne  ;  le  mouvement  gagna  la  Tos- 
cane. Bien  que  Brunetto  Latini  écrive  en  français,  c'est  le 
dialecte  sicilien  qui  s'implante  à  Florence  et  y  devient  clas- 
sique. Le  premier  écrivain  de  marque  est  Brunetto  Latini; 
à  sa  suite  se  forme  toute  une  école  poétique  ;  citons  :  Lapo 
Gianni,  Chiazo  Davanzati,  Ottaviano  degli  Ubaldini,  Gianni 
Alfani,  Dino  Frescobaldi,  Francesco  de  Barberino.  Au- 
dessus  d'eux  brillent  Guido  Cavalcanti,  chef  des  Blancs, 
gendre  de  Farinata  degli  Uberti,  dialecticien  subtil,  ana- 
lyste de  l'amour  platonique;  Cino  de  Pistoia  (4270-1 337), 
jurisconsulte,  maître  de  Bartolo,  gibelin  obstiné,  fin  lettré, 
précurseur  de  Pétrarque  ;  Cavalcanti  et  Cino  furent  éclipsés 
par  leur  fameux  disciple  Dante  Alighieri  (V.  ce  nom).  On 
lira  ailleurs  l'appréciation  de  l'immense  influence  de  ce 
génie  dont  l'œuvre  créa  l'unité  intellectuelle  de  l'Italie. 
La  prose  littéraire  ne  remonte  guère  au  delà  de  Dante  ; 
des  traductions  du  latin,  des  ricordi,  annales  ou  registres 
domestiques  qui  devinrent  des  chroniques,  en  sont  les 
premières  manifestations.  Puis  vient  Giovanni  Villani,  un 
véritable  historien,  bien  que  sans  art  ni  critique,  qui  nous 
a  transmis  l'histoire  primitive  de  sa  patrie. 

Dans  les  beaux-arts,  Florence  n'eut  pas  d'abord  d'ori- 
ginalité; elle  adopta  l'architecture  romano-byzantine  dont 
l'église  de  San  Miniato  est  un  charmant  monument  (104  3). 
Du  même  temps  date  la  cathédrale  de  Fiesole  (4028). 
Bientôt  l'opulente  Pise  donne  l'exemple  ;  on  se  prend  à 
étudier  plus  méthodiquement  les  antiques  et  on  résiste  à 
l'invasion  du  style  français  ogival.  Ce  sont  des  Florentins, 
Fra  Ristoro  de  Campi  et  Fra  Sisto,  qui  bâtissent  le  palais 
du  podestat  ou  Bargelio  (4265),  commencent  Santa  Ma- 
ria No  vella.  Arnolfo  de  Cambio  (4232-4340)  les  éclipse. 
Il  continue  le  Bargelio,  la  troisième  enceinte,  bâtit  la  log- 


gia de  la  place  des  Prieurs,  celle  d'Or  San  Michèle,  donne 
le  plan  définitif  de  la  cathédrale  (continuée  par  Giotto, 
Taddeo  Gaddi,  Orcagna,  Lorenzo  Filippi,  etc.),  celui  de 
Santa  Croc'e.  Giotto  donne  le  dessin  du  fameux  campanile 
de  la  cathédrale.  —  La  sculpture  se  relève  comme  l'archi- 
tecture ;  l'étude  des  bas-reliefs  antiques  en  prépare  la  re- 
naissance. Niccola  Pisano,  le  maître  d'Arnolfo,  travailla  peu 
à  Florence,  mais  son  école  y  fut  bien  représentée  par  les 
bas-reliefs  d'Andréa  Pisano  au  campanile  et  sa  porte  du 
Baptistère.  —  En  peinture,  Florence  ne  suit  pas  l'initia- 
tive pisane;  elle  la  prend  concurremment  avec  Sienne.  L'art 
byzantin  est  importé  au  xie  siècle  ;  la  mosaïque  est  préférée 
à  la  fresque.  Les  vrais  peintres  paraissent  au  xm°  siècle  ; 
on  montra  longtemps  un  tableau  d'autel  de  Marchisello  re- 
montant à4494;  CoppodeMarcovaldo  est  contemporain  des 
Siennois  Guido  etDucciode  Boninsegna;  il  existe  dès  4  263 
une  rue  des  Peintres.  Tout  cela  est  encore  bien  mauvais, 
même  les  mosaïques  de  Tafi  qui  excitaient  l'admiration. 
Mais  c'est  à  Florence  que  parut  Cimabue.  Revenant  à  la 
nature,  au  modèle  vivant,  il  inaugura  l'ère  nouvelle.  Il  fit 
école  et  son  grand  mérite  fut  de  former  Giotto.  Ce  grand 
homme  exerça  une  action  décisive,  et  un  siècle  durant  tous 
le  reconnaîtront  comme  maître  et  suivront  docilement  ses 
traces.  C'est  par  lui  que  Florence  inaugure  un  rôle  prépon- 
dérant dans  l'histoire  de  l'art. 

Les  guerres  contre  Castruccio  et  Lucques.  —  La  ville 
que  nous  trouvons  si  glorieuse  au  début  du  xive  siècle 
consuma  la  moitié  de  ce  siècle  en  guerres  contre  ses  voi- 
sins où  elle  compromit  sa  liberté.  La  vieille  querelle  entre 
guelfes  et  gibelins  s'était  ravivée,  divisant  la  Toscane,  les 
guelfes  tenant  Sienne  et  Florence,  les  gibelins,  Pise  et 
Arezzo.  Uguccione  délia  Faggiuola,  redoutable  capitaine  gi- 
belin, tour  à  tour  chef  des  diverses  cités  de  la  Romagne, 
entre  au  service  de  Pise;  derrière  lui  viennent  se  ranger 
des  milliers  de  mercenaires  (4343).  Il  dicte  la  paix  à 
Lucques  et  y  ramène  Castruccio  Castracani  qui  lui  livre  la 
ville  (4344)  et  le  trésor  pontifical,  un  million  de  florins 
d'or.  L'exil  des  guelfes  porte  un  coup  mortel  à  l'industrie 
de  Lucques.  La  ligue  guelfe,  renforcée  des  contingents  na- 
politains, lève  50,000  piétons  et  4,000  cavaliers.  Uguccione 
avec  3,000  cavaliers  et30,000 piétons  inflige  une  sanglante 
défaite  aux  Florentins  (4315).  Ce  désastre  de  Montecatini 
eût  perdu  Florence  si  une  rupture  ne  fût  intervenue  entre 
Uguccione  et  Castruccio  ;  le  premier  dut  se  retirer  à  Vérone 
(1346).  A  Florence,  l'anarchie  règne;  nulle  entente  entre 
le  vicaire  du  roi  de  Naples  et  le  gonfalonier  de  justice.  Le 
premier  l'emporte  et  traite  avec  Pise  cl  Lucques  (4347). 
Mais  le  roi  Robert  engage  les  guelfes  toscans  dans  sa  lutte 
contre  les  gibelins  de  Lombardie  et  Matteo  Visconti.  Cas- 
truccio, seigneur  à  vie  de  Lucques,  tient  les  Florentins  en 
échec,  surtout  lorsqu'ils  ont  renoncé  à  la  seigneurie  du  roi 
Robert  (4322).  Ils  fortifient  l'élément  démocratique,  grou- 
pent le  peuple  par  sous-quartiers  dont  chacun  élit  les  chefs 
de  sa  compagnie  de  milice.  On  sévit  contre  les  grands  qui 
sont  assujettis  à  un  régime  draconien.  On  remplace  l'élec- 
tion par  le  tirage  au  sort  pour  désigner  les  membres  de  la 
seigneurie.  On  choisissait  en  une  fois  des  magistrats  pour 
vingt  et  une  seigneuries,  soit  quarante-deux  mois  ;  on  met- 
tait dans  une  bourse  le  nom  des  élus  et  on  tirait  au  sort 
tous  les  deux  mois;  la  bourse  vidée,  on  la  remplissait  de 
nouveau  pour  une  période  égale.  On  avait  soin  de  mettre 
dans  la  bourse  les  noms  de  citoyens  de  tous  les  partis.  En 
même  temps  on  rend  les  grands  officiers,  podestat,  capitaine 
du  peuple  et  exécuteur  de  justice,  responsables  devant  la 
seigneurie  et  révocables  par  elle;  jusqu'alors  ils  étaient 
censés  fictivement  représentants  de  l'empereur;  désormais 
ce  ne  furent  plus  que  des  instruments  des  prieurs. 

Cette  nouvelle  transformation  des  institutions  florentines 
ne  suffît  pas  à  leur  procurer  des  victoires  extérieures. 
Brouillé  avec  Pise,  Castruccio  acquiert  Pistoia,  détruit 
l'armée  florentine  à  Altopascio  (4325).  Cette  défaite  dé- 
moralise les  Florentins;  toujours  battus,  ils  renoncent  au 
service  militaire  ;  deux  ans  plus  tard  on  ne  trouvera  plus 


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FLORENCE 


chez  eux  que  100  citoyens  faisant  partie  des  cavallate. 
Ils  vont  se  livrer  à  des  mercenaires.  Ne  pouvant  tenir 
campagne  contre  le  condottiere,  ils  reviennent  à  la  suze- 
raineté angevine  ;  le  duc  de  Calabre,  Charles,  fils  de  Ro- 
bert, est  élu  seigneur  pour  cinq  années,  avec  des  pouvoirs 
très  étendus.  Son  vicaire,  Gautier  de  Brienne,  duc  d'Athènes, 
exige  le  serment  de  fidélité  et  nomme  tous  les  fonction- 
naires, même  les  prieurs.  Ce  concours  coûte  si  cher  aux 
riches  que  l'emprunt  fait  par  la  ville  aux  Scali  pour  y  sub- 
venir, emprunt  non  remboursé,  détermine  la  banqueroute 
de  ces  fameux  banquiers.  La  tyrannie  du  duc  de  Calabre 
coûte  à  la  république  450,000  florins  d'or  par  an.  Bien 
qu'il  ne  fasse  rien,  toutes  les  autres  cités  guelfes  se  don- 
nent à  lui  par  crainte  de  Castruccio.  Celui-ci,  d'accord 
avec  les  gibelins  du  Nord,  appelle  en  Italie  l'empereur  Louis 
de  Bavière  (4327).  Malgré  son  incapacité,  celui-ci  réussit 
à  prendre  Pise  ;  mais ,  tandis  qu'il  se  fait  couronner  à 
Rome,  les  Florentins  enlèvent  Pistoia.  Castruccio  revient 
se  faire  élire  seigneur  de  Pise,  reprend  Pistoia  ;  mais  i 
meurt  de  la  fièvre  (4328).  Avec  le  redoutable  condottiere 
disparaît  le  danger  de  voir  se  créer  en  Toscane  une  tyran- 
nie analogue  à  celle  des  Visconti  dans  le  Milanais. 

Louis  de  Bavière,  incapable  de  dompter  ses  ennemis,  se 
borne  à  rançonner  ses  amis.  La  mort  du  duc  de  Calabre 
affranchit  Florence.  On  remanie  encore  une  fois  la  consti- 
tution ;  on  perfectionne  le  système  du  tirage  au  sort  (im- 
borsazione)  ;  on  simplifie  les  conseils,  n'en  gardant  que 
deux  ;  celui  du  capitaine,  formé  de  300  popolani  guelfes, 
celui  du  podestat,  de  250  membres,  qui  reste  ouvert  aux 
grands  ;  ils  prennent  le  nom  de  conseils  du  peuple  et  de 
la  commune.  La  prospérité  renaît.  Pistoia  est  soumise 
(4334).  Les  villes  voisines  l'imitent,  et  cette  fois  la  domi- 
nation de  Florence  est  définitive.  Dans  le  Mugello  elle 
fonde  Firenzuola  pour  brider  les  inquiets  seigneurs  de 
l'Apennin.  Contre  le  roi  Jean  de  Bohême,  devenu  seigneur 
de  Lucques,  elle  se  coalise  avec  les  gibelins  lombards. 
Lucques  est  cédée  tour  à  tour  à  Philippe  de  Valois,  à  Mar- 
tino  délia  Scala,  le  maître  actuel  de  l'Italie  du  Nord.  Contre 
lui  Florence  s'allie  à  Venise  (4336).  A  la  guerre,  elle 
gagne  Arezzo  (4337). 

A  ce  moment  la  riche  cité  fut  frappée  d'un  grand  dé- 
sastre économique.  Les  Bardi  et  les  Peruzzi,  devenus  ban- 
quiers de  la  couronne  d'Angleterre,  avaient  en  garantie  de 
leurs  prêts  la  ferme  des  douanes  ;  les  emprunts  faits  par 
Edouard  III  montaient  à  4,365,000  florins  d'or  (180,000 
marcs  sterling  pour  les  Bardi,  435,000  pour  les  Peruzzi) , 
soit  en  poids  49  millions  de  francs  de  nos  jours,  en  valeur 
comparative  au  moins  420.  D'autres  souverains,  tel  le  roi 
de  Sicile,  étaient  aussi  débiteurs  de  ces  banquiers  qui  en- 
gageaient à  l'aventure  les  capitaux  de  leurs  commanditaires 
et  les  dépôts  de  leurs  clients.  Ne  rentrant  pas  dans  leurs 
fonds,  ils  durent  suspendre  leurs  payements  ;  leur  actif  fut 
liquidé  à  perte  et  en  fin  de  compte  les  créanciers  reçurent 
en  4347  moins  de  20  %.  Les  Anglais  ne  remboursèrent 
jamais  un  sou.  Survenant  après  l'effroyable  inondation  de 
4333,  cette  catastrophe  atteignit  profondément  la  répu- 
blique. Elle  était  alors  profondément  divisée  ;  l'oligarchie 
des  marchands  opprimait  le  peuple  qui  trouvait  un  appui 
dans  les  nobles  ou  magnats  et  leur  clientèle  ;  un  complot 
dirigé  par  les  Bardi  et  les  Frescobaldi  fut  réprimé  (4340). 
Dans  les  années  suivantes  trente  compagnies,  la  plupart  de 
l'art  de  la  laine,  firent  faillite  ;  l'argent  se  raréfiait  ;  les 
prix  de  toutes  choses  baissaient  sensiblement.  La  politique 
n'allait  pas  mieux. 

L'acquisition  de  Lucques,  vendue  par  Martino,  eut  pour 
conséquence  la  guerre  avec  Pise.  La  bataille  eut  lieu  devant 
la  ville  qu'on  se  disputait;  les  Florentins  furent  battus 
(1 344).  Après  une  nouvelle  campagne,  lesPisans  entrèrent  à 
Lucques  (4342).  Florence  tomba  sous  la  tyrannie  du  duc 
d'Athènes,  Gautier  de  Brienne  ;  en  quête  d'un  sauveur,  on 
avait  bien  mal  choisi.  Les  chefs  des  compagnies  financières 
ruinées  par  la  crise  l'appuyaient,  comptant  se  dispenser  de 
rendre  leurs  comptes.  Il  fut  élu  conservateur  et  protec- 


teur de  l'Etat.  Il  se  comporta  en  maître  absolu,  sévit  avec 
une  cruauté  atroce  contre  les  opposants,  se  fit  nommer  sei- 
gneur à  vie,  traita  avec  Pise  (4342).  Il  favorisait  les  petites 
gens  et  les  magnats  afin  de  comprimer  le  mécontentement 
de  la  classe  moyenne  des  popolani.  Ce  despotisme  fut  ren- 
versé l'année  suivante  (4343).  Le  roi  de  France  intervint 
en  faveur  du  duc,  et,  sur  le  refus  des  Florentins,  il  expulsa 
de  son  royaume  tous  les  marchands  (4346).  Ils  ne  ren- 
trèrent que  cinq  années  après. 

Débarrassés  du  tyran,  les  Florentins  sentirent  la  néces- 
sité du  rétablissement  de  la  concorde.  On  abolit  les  ordon- 
nances de  justice  ;  les  nobles  furent  réintégrés  parmi  les 
citoyens  (popolani).  On  remania  les  quartiers,  réduisant 
leur  nombre  à  quatre  :  Oltrarno  devint  San  Spirito  ;  San 
Pier  Scheraggio  avec  adjonction  du  tiers  de  Porta  San  Piero 
forma  le  quartier  de  Santa  Croce  ;  le  reste  de  Porta  San 
Piero  et  Porta  del  Duomo  formèrent  San  Giovanni  ;  enfin 
le  Borgo  et  San  Pancrazio  formèrent  Santa  Maria  Novella. 
Chaque  quartier  eut  trois  prieurs,  dont  un  magnat  et  deux 
bourgeois;  le  gonfalonier  de  justice  fut  supprimé;  dans 
le  collège  des  buonuomini,  réduit  à  huit  membres,  les 
magnats  eurent  quatre  sièges.  C'était  aller  trop  loin  ;  le 
peuple  se  souleva  contre  les  magnats  qui  appelaient  à  eux 
les  prolétaires  ;  Pisans,  Romagnols,  Lombards,  de  leur 
côté  ;  Pérugins  et  Siennois,  de  l'autre,  entraient  dans  la 
ville.  On  se  battit  avec  acharnement  ;  les  bourgeois  l'em- 
portèrent. On  procéda  à  une  réforme  démocratique  ;  des 
huit  prieurs,  deux  furent  donnés  aux  popolani  grassi, 
trois  aux  arts  moyens,  trois  aux  artisans.  On  remit  en 
vigueur  les  ordonnances  de  justice.  Cette  révolution  mar- 
qua l'abaissement  définitif  des  nobles  ;  plusieurs  familles 
changèrent  de  nom.  Avec  cette  classe  turbulente  disparut 
l'esprit  militaire.  Dès  lors,  Florence  n'aura  plus  à  compter 
que  sur  ses  mercenaires,  A  l'intérieur,  en  élevant  les  petits 
pour  faire  équilibre  aux  riches,  on  met  le  gouvernement 
aux  mains  des  arts  moyens.  La  banqueroute  définitive  des 
Bardi,  Peruzzi,  Acciajuoli,  etc.,  acheva  d'affaiblir  les  gros 
capitalistes  (4346).  L'année  précédente,  on  avait  créé  la 
dette  consolidée  ou  perpétuelle  (monte  comunè),  au  ca- 
pital de  570,000  florins  portant  5  °/0  d'intérêt  ;  cette  dette 
correspondait  aux  prêts  faits  par  les  citoyens  dans  les 
guerres  antérieures.  Bientôt,  la  faction  oligarchique  revient 
à  la  charge  ;  s'appuyant  sur  la  parte  guelfa,  elle  exclut 
des  offices  ses  adversaires,  les  accusant  d'être  gibelins. 
Toutes  les  dissensions  s'effacèrent  devant  le  terrible  fléau 
de  la  peste  noire.  Il  périt  en  six  mois  les  deux  tiers  de  la 
population,  96,000  hab.  sur  450,000  environ  ;  même 
proportion  à  Pise,  7  morts  sur  40  personnes  ;  à  Sienne, 
45,000  sur  60,000.  L'avilissement  de  la  richesse,  la  hausse 
des  salaires  furent  la  conséquence  de  cette  effroyable  mor- 
talité (4348). 

Lentement,  Florence  se  relève,  reconstitue  ses  corpora- 
tions, réoccupe  les  villes  voisines,  chasse  du  Mugello  les 
Ubaldini,  s'entend  avec  le  pape  et  les  guelfes  contre  Vis- 
conti, soumet  Prato  (1354),  Pistoia,  résiste  à  une  invasion 
milanaise,  s'entend  avec  l'empereur  Charles  IV  (4352). 
Quand  il  vient,  elle  l'accueille  de  mauvaise  grâce  (4354). 
La  lutte  reprend  contre  Pise  ;  Florence  porte  à  son  adver- 
saire un  coup  terrible  en  détournant  le  trafic  vers  le  port 
de  Telamone  (4356).  Cependant,  les  discordes  civiles 
s'aggravaient.  La  querelle  des  familles  des  Ricci  et  des 
Albizzi  devient  celle  des  bourgeois  et  des  grands  ;  les  Ricci 
sont  les  champions  des  arts  moyens  ;  les  Albizzi,  des  ma- 
gnats et  des  popolani  grassi  ;  ils  font  intervenir  la  parte 
guelfa,  cette  magistrature  parasite  qui,  maintenant,  est 
confondue  avec  l'Etat  ;  elle  est  le  dernier  refuge  de  l'aris- 
tocratie. Elle  reproduit  les  vieilles  accusations  contre  les 
gibelins,  qualifiant  ainsi  tous  ses  ennemis  ;  on  les  exclut 
des  offices  pendant  quinze  ans,  tenant  pour  tel  quiconque 
n'a  pas  juré  d'observer  les  règlements  du  parti  guelfe  et 
n'en  a  pas  été  reçu  membre.  Nul  ne  pourra  être  déclaré 
guelfe  qu'après  des  formalités  nombreuses  ;  tout  gibelin, 
dont  le  nom  aura  été  introduit  dans  les  bourses  d'où  l'on 


FLORENCE 


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tire  au  sort  le  nom  des  magistrats,  peut  être  puni  de  mort. 
Par  cette  Loi  des  suspects,  les  oligarques  frappent  à  leur 
gré  leurs  opposants,  ayant  eu  soin  de  composer  les  bourses 
où  l'on  devait  puiser  les  officiers  et  les  conseils  de  la  parte 
guelfa  ;  vingt-sept  citoyens  périrent  ainsi,  entraînant  dans 
leur  ruine  leurs  familles.  Devant  le  mécontentement  géné- 
ral, les  terroristes  atténuent  la  violence  ;  ils  se  contentent 
d'un  droit  de  veto  ;  lorsque  quatre  des  six  capitaines  du 
parti  guelfe  ont  décidé  qu'un  citoyen  est  gibelin,  on  l'avertit 
de  n'accepter  aucun  office,  sous  peine  d'être  puni.  Cette 
ammonizione  forme  une  classe  de  suspects,  indéfiniment 
extensible  au  gré  des  vieilles  familles. 

A  cette  époque  du  milieu  du  xive  siècle,  la  popula- 
tion florentine,  réduite  par  la  peste,  ne  dépassait  guère 
70,000  âmes.  Le  budget  s'élevait  à  300,000  florins  pour 
les  recettes  (en  4330),  124,270  pour  les  dépenses  fixes. 
La  principale  recette  venait  des  gabelles  ou  impôts  indi- 
rects. En  cas  de  guerre  on  recourait  aux  emprunts  forcés, 
gagés  sur  ces  impôts  ;  ces  emprunts  forcés  étaient  levés 
sur  tous  d'après  une  évaluation  (estimo)  de  leurs  biens 
et  charges.  Le  revenu  de  Florence  atteignait  ou  dépassait 
celui  des  rois  de  Naples,  de  Sicile  et  d'Aragon.  Cette  com- 
paraison rend  compte  de  la  prospérité  et  de  la  puissance 
de  la  cité  toscane. 

Elle  est  bien  plus  grande  qu'au  xme  siècle.  Quels  pro- 
grès accomplis  depuis  l'époque  où  Sienne  la  tenait  en 
échec,  où  elle  ne  pouvait  venir  à  bout  des  pillards  du  Mu- 
gello  !  Elle  est  de  taille  à  lutter  contre  les  grands  Etats  de 
l'Italie,  sans  infériorité.  Elle  est  la  capitale  de  la  Toscane. 
Malheureusement,  on  remarque  à  l'intérieur  des  germes  de 
ruine.  La  haute  bourgeoisie,  qui  avait  imposé  ses  règles  à 
la  noblesse,  eut  la  prétention  d'arrêter  le  progrès  ;  se 
retournant  contre  les  artisans,  ses  alliés  de  la  veille,  elle 
veut  leur  fermer  l'avenir,  les  immobiliser  dans  le  prolé- 
tariat, sans  droits  politiques.  C'est  la  fatale  évolution  ; 
l'aristocratie  capitaliste  succédant  à  l'aristocratie  militaire 
refuse  de  faire  une  place  dans  l'Etat  à  l'élément  populaire  ; 
celui-ci  réclame  à  la  fois  la  réforme  sociale  et  la  réforme 
politique.  Leurs  conflits  occupèrent  désormais  l'histoire 
florentine  jusqu'au  jour  où,  sentant  les  deux  partis  égale- 
ment épuisés,  également  incapables  d'un  succès  définitif,  le 
peuple  se  réfugiera  dans  la  tyrannie,  préférant  le  calme  à  la 
liberté.  L'histoire  de  l'antiquité  nous  a  préparés  à  cette 
solution,  inévitable  conséquence  de  l'égoïsme  des  capitalistes 
(V.  Démocratie).  Elle  nous  apprend  également  que  la  pé- 
riode de  crise  fut  dans  ces  républiques  urbaines  une 
période  d'incomparable  activité  intellectuelle  ;  jamais  les 
lettres  et  les  arts  ne  resplendirent  d'un  plus  vif  éclat.  Le 
calme  mortel  de  la  tyrannie  l'éteindra  vite. 

Au  xive  siècle,  cette  décadence  est  encore  impossible  à 
prévoir.  Jamais  Florence  n'a  été  plus  forte.  Avec  ses  seules 
forces  elle  vient  à  bout  de  la  grande  compagnie  de  routiers 
qui  terrorisaient  l'Italie  depuis  des  années  ;  elle  acquiert 
Bibliena  ;  les  derniers  seigneurs  féodaux  du  voisinage  se 
soumettent  comme  les  Ubaldini,  et  la  commune  devient  maî- 
tresse des  passes  de  l'Apennin  ;  elle  acquiert  Volterra, 
achevant  de  cerner  Pise.  Privée  de  ses  colonies  de  Corse  et 
de  Sardaigne,  écartée  de  la  mer  depuis,  le  désastre  de  la 
Meloria,  cette  ville  avait  reporté  son  activité  du  côté  de  la 
terre  ;  elle  avait  conquis  Lucques.  La  rivalité  avec  Florence 
s'aggravait.  De  part  et  d'autre,  on  enrôla  des  mercenaires 
et  la  guerre  éclata  (i  362) .  Les  Florentins  ont  le  dessus 
sur  mer,  s'emparent  de  l'île  de  Giglio.  Grâce  au  con- 
dotiere  Farnese  ils  sont  aussi  vainqueurs  sur  terre.  A  sa 
mort,  Pandolfo  Malatesta  le  remplace  mal.  Pise  enrôle 
la  compagnie  blanche  venue  de  France  et  dévaste  le  ter- 
ritoire florentin,  paradant  devant  les  portes  de  la  ville. 
Mais  les  Florentins  remportent  à  Cascina  une  brillante 
victoire  sur  les  Pisans  et  Hawkwood  (4364).  On  traite 
alors,  se  débarrassant  de  cette  vermine  de  mercenaires. 
La  seigneurie  négocie  alors  pour  ramener  le  pape  à 
Rome.  Urbain  Ier  à  peine  arrivé  se  brouille  avec  elle.  Le 
honteux  voyage  de  l'empereur  Charles  IV,  ce  mendiant 


couronné,  marque  la  disparition  de  l'idée  gibeline,  même  à 
Pise;  il  affranchit  Lucques  (4369).  Cependant  les  passions 
guelfes  sont  plus  ardentes  que  jamais  à  Florence  ;  dans 
la  parte  guelfa,  les  Albizzi  ont  supplanté  les  Ricci  ; 
ceux-ci  et  leurs  amis  les  Medici  complotent  avec  Bernabo 
Visconti,  tandis  que  leurs  rivaux  invoquent  le  pape.  Une 
courte  guerre  contre  les  Milanais  rend  les  Albizzi  tout- 
puissants  (4370).  Le  succès  des  guelfes  extrêmes  décide 
la  formation  d'un  parti  moyen.  Il  fait  exclure  des  magis- 
tratures les  Albizzi  (4373)",  mais  ne  peut  venir  à  bout  de 
la  tyrannie  croissante  de  h  parte  guelfa. 

L'esprit  guelfe  domine  si  bien  qu'il  entraîne  Florence 
à  faire  la  guerre  au  saint-siège  lorsque  celui-ci  s'en  écarte. 
On  ne  le  reconnaît  plus  comme  chef  de  la  secte  ;  on  cesse 
de  lui  être  allié.  Les  rigueurs  exercées  contre  les  clercs, 
la  taxation  des  églises,  irritent  Grégoire  XL  Contre  lui 
on  s'allie  à  Visconti.  On  crée  une  nouvelle  magistrature,  les 
«  huit  de  la  guerre  »  ;  cette  guerre,  les  prêtres  en  payent 
les  frais  (4375).  On  sent  que  les  Ricci  prennent  le  dessus  ; 
derrière  eux  marchent  les  anciens  gibelins  et  le  menu 
peuple;  tandis  qu'aux  Albizzi  se  sont  unis  les  magnats.  Les 
pontificaux  ont  le  dessous  dans  l'Italie  centrale  ;  mais  le 
pape  met  Florence  en  interdit  et  invite  les  souverains  chré- 
tiens à  expulser  ses  citoyens  et  à  confisquer  leurs  biens  ; 
c'était  un  coup  dangereux.  Les  Huit  poursuivent  la  guerre, 
gagnent  Pise  et  Bologne,  sécularisent  les  biens  ecclésias- 
tiques, se  bornant  à  garantir  la  rente.  Tandis  que  le  parti 
de  la  guerre  mène  si  rudement  les  hostilités,  les  Albizzi, 
maîtres  de  h  parte  guelfa,  le  déciment  peu  à  peu,  frap- 
.pant  à' ammonizione  ses  principaux  membres.  On  conclut 
la  paix  avec  Urbain  VI,  moyennant  restitution  des  biens 
ecclésiastiques  et  une  indemnité  de  20,000  florins,  payée 
au  pape  (4378).  Cette  guerre  de  trois  années,  conduite 
avec  une  véritable  politique  par  les  Huit,  qu'on  appela  les 
Huit  Saints,  parut  alors,  malgré  la  vanité  des  résultats, 
assez  glorieuse.  Elle  aboutit  à  ramener  le  pape  à  Rome, 
mais  ce  douteux  avantage  coûta  cher. 

Soulèvement  des  ciompi.  —  Les  pertes  matérielles  éprou- 
vées dans  la  guerre  des  Huit,  aggravant  le  malaise  écono- 
mique, déterminèrent  une  des  crises  les  plus  redoutables  de 
l'histoire  florentine.  Cette  fois,  la  question  sociale  prit  le 
pas  sur  la  question  politique.  L'inégale  répartition  des 
charges  et  des  droits,  le  rapide  changement  des  fortunes 
parmi  ces  spéculateurs  étaient  des  causes  d'instabilité  so- 
ciale. Partout  régnait  l'inégalité.  Quelques  corporations 
industrielles  formaient  tout  l'Etat;  mais,  dans  chacune  de 
celles-ci,  les  patrons  accaparaient  tout  le  pouvoir.  Derrière 
les  arts  majeurs  et  moyens  venaient  les  arts  mineurs  qui 
réclamaient  leur  assimilation.  Puis  les  métiers  englobés 
dans  les  arts  revendiquaient  leur  autonomie  et  par  là  des 
droits  civiques  ;  rien  que  pour  l'art  de  la  laine  on  comptait 
vingt-cinq  de  ces  métiers  subordonnés.  Dans  ces  corpora- 
tions inférieures  l'organisation  était  la  même  que  celle  des 
arts  ;  elles  avaient  toutes  reçu  des  consuls  lors  de  la  tyran- 
nie démagogique  du  duc  d'Athènes  et  ne  se  consolaient  pas 
de  les  avoir  perdus.  Au-dessous  de  ces  métiers  qui  reven- 
diquaient la  dignité  d'arts  figuraient  la  foule  des  manœuvres 
qui  n'avaient  que  des  devoirs  sans  droits,  soumis  à  un  véri- 
table esclavage,  car  on  pouvait  les  battre  de  verges.  On  les 
appelait  ciompi  (corruption  du  mot  français  compère).  Ces 
prolétaires  se  sentaient  indispensables  à  l'oligarchie  capita- 
liste qui  les  exploitait  sans  merci.  Ils  trouvaient  ou  espéraient 
des  protecteurs  dans  les  autres  déshérités  et  opprimés, 
métiers  secondaires  et  arts  mineurs,  sentant  que,  si  on 
cessait  d'immobiliser  la  société  dans  des  castes  fermées,  ils 
en  profiteraient.  Les  chefs  populaires,  facilement  privés  de 
leurs  droits  publics  par  Y  ammonizione,  devaient  pousser 
les  choses  à  l'extrême.  En  deux  ans,  les  aristocrates  avaient 
ainsi  frappé  deux  cents  familles.  Ils  s'attaquèrent  enfin  à 
l'un  des  Huit  qui  fut  remplacé  par  un  guelfe.  Ce  collège 
était  le  rempart  du  parti  populaire  ;  aux  Ricci  fatigués 
succédait  alors  Silvestro  de  Medici.  Sa  famille,  originaire 
du  Mugello,  riche  dès  le  xne  siècle,  était  au  xive  une  des 


—  641  — 


FLORENCE 


principales  de  la  bourgeoisie.  Lui-même  avait  été  gonfalo- 
nier  de  justice  (1370)  et  devait  le  redevenir,  son  nom  res- 
tant seul  dans  les  bourses  pour  représenter  son  quartier 
dont  le  tour  était  arrivé.  Les  Albizzi  ne  purent  l'écarter. 
Aussitôt  le  conflit  éclata  avec  les  capitaines  de  la  parte 
guelfa.  Il  fit  remettre  en  vigueur  les  ordonnances  contre 
les  magnats.  Mais,  pour  triompher  de  ses  adversaires,  il 
fallut  recourir  à  des  démonstrations  populaires,  et  le  peuple 
une  fois  déchaîné  ne  s'arrêta  pas  là.  Il  pilla  les  maisons 
des  aristocrates,  puis  les  couvents.  La  seigneurie  comprime 
la  sédition  et  on  donne  pleins  pouvoirs  (balia)  de  réformer 
l'Etat  à  une  commission  de  quatre-vingts  personnes,  réu- 
nissant tous  les  hauts  fonctionnaires,  prieurs, capitaines  de 
la  parte  guelfa,  syndics  des  arts,  Huit  de  la  guerre,  etc. 
On  proclama  grands,  c.-à-d.  exclus  des  offices  publics,  les 
chefs  aristocrates,  Piero  degli  Albizzi,  Carlo  Strozzi,  etc.  ; 
d'autres  furent  exilés  ;  les  procès  tfammonizione  furent 
revisés  et,  pour  l'avenir,  on  réglementa  la  procédure.  On 
créa  un  nouvel  Etat  dans  l'Etat  pour  résister  à  celui  de 
la  secte  guelfe;  on  l'intitula  Commission  des  Dix  de 
liberté  et  on  lui  donna  d'énormes  privilèges.  Pour  résister 
à  l'aristocratie,  les  démocrates  ne  savaient  que  créer  une 
nouvelle  aristocratie  en  l'armant  jusqu'aux  dents  ;  pour  se 
garantir  des  proscriptions,  ils  en  édictaient  d'autres.  Une 
pétition,  présentée  par  les  libéraux  et  transformée  en  loi, 
annihile  à  peu  près  Vammonizione  et  réserve  les  fonctions 
des  arts  aux  membres  effectifs,  c.-à-d.  aux  travailleurs,  à 
l'exclusion  des  nobles  ;  on  vit  alors  un  artisan  de  la  soie,  un 
marchand  de  vin  et  un  boucher  désignés  par  le  sort  comme 
capitaines  de  la  parte  à  côté  d'un  Bardi  et  d'un  Cavalcanti. 
Les  prolétaires  voulurent  aller  plus  loin  ;  ils  s'orga- 
nisent en  une  faction  nouvelle,  celle  qui  prit  le  nom  des 
ciompi.  Silvestro  de  Medici  s'entendit  peut-être  avec  eux. 
On  arrêta  quatre  des  meneurs  et  on  les  tortura.  Ce  fut  le 
signal  de  l'insurrection  ;  elle  délivra  les  prisonniers,  brûla 
les  maisons  de  ses  ennemis,  mais  sans  piller.  Le  menu 
peuple  déchaîné  crée  à  son  tour  des  chevaliers,  singeant  les 
puérilités  de  la  bourgeoisie  :  Silvestro  de  Medici,  un 
Strozzi,  et  seulement  deux  ciompi  sur  les  61  chevaliers 
(20  juil.  1378).  La  nuit  venue,  les  insurgés  neutres  du 
gonfalon  de  justice  bivouaquent  dans  le  quartier  San  Lo- 
renzo  ;  ils  somment  les  arts  d'adhérer  au  mouvement.  Le 
lendemain  ils  s'emparent  du  Bargello.  Parmi  leurs  exi- 
gences, la  principale  est  la  restitution  de  leurs  droits  aux 
citoyens  exclus  (ammoniti)  depuis  1357  et  la  diminution 
des  pouvoirs  de  la  parte  guelfa.  Les  petites  gens  deman- 
dent à  avoir  un  quart  des  offices  publics,  leur  maison  com- 
mune, trente-deux  consuls,  tirés  au  sort,  qui  prendraient 
place  à  côté  des  vingt  et  un  syndics  des  arts,  l'accession 
des  gens  des  arts  mineurs  et  du  menu  peuple  à  la  magis- 
trature suprême  de  gonfalonier  de  justice  ;  la  suspension 
de  la  prison  pour  dettes  durant  deux  ans  ;  l'amortissement 
de  la  dette  publique  ;  l'octroi  des  boutiques  du  ponte  Vec- 
chio  à  Silvestro  de  Medici.  En  somme,  ils  réclamaient  l'éga- 
lité politique.  Elle  leur  fut  octroyée,  mais  cela  n'arrêta 
pas  le  mouvement .  On  dispersa  la  seigneurie,  ne  laissant 
que  les  Huit.  Un  cardeur  de  laine,  contremaître  d'une  bou- 
tique des  Albizzi,  Michèle,  fils  de  Lando,  fut  proclamé  gon- 
falonier de  justice.  Il  appela  auprès  de  lui  Silvestro  de 
Medici  et  quelques  autres  conseillers,  se  fit  conférer  la 
balia,  c.-à-d.  plein  pouvoir  de  remplacer  les  magistrats  dis- 
parus. Son  rôle  personnel  fut  minime  ;  les  syndics  des  arts 
et  les  Huit  l'entouraient.  On  répartit  les  petits  métiers  en 
trois  arts  nouveaux  :  les  annexes  de  l'art  de  la  laine  ;  les 
teinturiers,  foulons,  tisseurs  de  soie  ou  drap  ;  les  tondeurs, 
ravaudeurs,  laveurs,  chaussetiers,  fabricants  d'ornements 
d'église;  le  premier  comptait  7,000  hommes;  les  deux 
autres  ensemble  4,000.  Dans  le  collège  électoral,  ces  trois 
arts  minutissimi  se  font  la  part  du  lion  :  soixante-cinq 
membres,  alors  que  chacun  des  vingt  et  un  autres  n'en  a 
que  trois  ;  cinq  membres  de  la  seigneurie  sur  neuf.  Pour 
l'avenir,  on  résolut  de  faire  part  égale  aux  trois  groupes 
d'arts  majeurs,  mineurs  et  nouveaux. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XY1L 


Malheureusement,  la  réforme  de  la  constitution  ne  mit 
pas  fin  à  la  situation  révolutionnnaire  ;  le  malaise  était 
général;  les  patrons  étaient  en  grande  partie  sortis  de  la 
ville  ou  ne  rouvraient  pas  leurs  boutiques,  malgré  les 
injonctions  du  gouvernement.  Les  ciompi  mouraient  de 
faim;  les  distributions  officielles  de  grains  ne  pouvaient 
suffire  à  leurs  besoins.  La  jalousie  populaire  se  déchaînait 
contre  les  chefs  de  la  révolution  qu'on  accusait  de  trahi- 
son. Un  nouveau  soulèvement  eut  lieu  le  28  août  1378  ; 
il  crée  un  gouvernement  insurrectionnel  et  en  réclame  l'ad- 
jonction au  gouvernement  légal.  Celui-ci,  après  avoir  paru 
plier,  résista  à  des  prétentions  qui  croissaient  d'heure  en 
heure  :  droit  de  veto  aux  consuls  des  nouveaux  arts,  règle- 
ment par  les  artisans  du  travail  et  des  salaires,  etc.  Mi- 
chèle de  Lando  chassa  les  délégués  des  ciompi  insurgés, 
déploya  le  gonfalon  de  justice  et  expulsa  les  perturbateurs 
de  la  place  publique  (31  août).  Les  révolutionnaires 
extrêmes  s'enfuirent  hors  de  la  ville.  La  réaction  commen- 
çait. Elle  alla  vite.  Le  lendemain,  au  moment  de  l'installa- 
tion de  la  nouvelle  seigneurie,  les  arts  majeurs  et  mineurs 
coalisés  chassèrent  deux  des  trois  prieurs  représentant  les 
ciompi;  l'art  des  cardeurs  fut  supprimé;  on  donnait 
quatre  prieurs  aux  sept  arts  majeurs  et  cinq  aux  seize  arts 
mineurs  (les  quatorze  anciens  et  les  deux  nouveaux  con- 
servés). Des  dispositions  analogues  assuraient  partout  une 
majorité  aux  arts  mineurs,  mais  non  pas  la  majorité  légale 
des  deux  tiers.  Le  menu  peuple  disparaissait  de  la  scène, 
mais  on  n'osait  encore  s'en  prendre  à  la  petite  bourgeoisie. 
Les  anciens  privilégiés  accentuent  la  réaction;  les  prolé- 
taires préfèrent  désormais  les  grands  à  la  nouvelle  couche 
des  gouvernants.  Les  ciompi  rentrés  dans  le  néant,  les 
arts  mineurs  réorganisèrent  les  pouvoirs  publics,  confir- 
mèrent la  moitié  des  chevaliers  du  peuple,  répartirent 
équitablement  les  impôts.  La  seigneurie  tirée  au  sort  à  la 
fin  d'octobre  comprend  un  maître  maçon,  un  corroyeur, 
un  coutelier,  un  chapelier,  un  sellier,  un  aubergiste.  L'oli- 
garchie conspire  avec  les  ciompi  de  nouveaux  troubles  ; 
quatre  conspirations  se  succèdent  dans  l'année  1379;  les 
popolani  grassi  des  sept  arts  majeurs  ne  peuvent  tolérer 
l'égalité  avec  les  arts  mineurs.  Malgré  les  supplices  où  périt 
entre  autres  le  fameux  Piero  degli  Albizzi,  malgré  l'énergie 
du  capitaine  du  peuple  Cante,  les  arts  mineurs  finirent  par 
succomber.  Peu  sympathiques  aux  artisans,  leurs  élus  ne 
pouvaient  maintenir  l'ordre.  En  1382,  la  réaction  est  com- 
plète, s'appuyant  sur  le  puissant  art  de  la  laine.  On  ré- 
forme la  constitution  de  manière  à  donner  la  majorité  des 
magistratures  aux  arts  majeurs,  y  faisant  une  place  aux 
magnats;  ils  furent  relevés  de  toutes  les  condamnations 
prononcées  contre  eux.  Les  deux  arts  nouveaux  étaient 
supprimés.  Les  chefs  populaires  furent  proscrits;  en  pre- 
mier lieu  les  Huit  de  la  guerre,  puis  Silvestro  de  Medici  et 
Michèle  de  Lando  comme  les  autres;  161  condamnations  à 
mort  furent  prononcées.  L'oligarchie  des  popolani  grassi 
triomphait;  la  bourgeoisie  inférieure  n'ayant  pu  contenir 
l'impatience  des  ciompi  lut  ravalée  à  son  rang  antérieur. 
L'aristocratie  capitaliste  conservera  assez  longtemps  le  pou- 
voir qu'elle  vient  de  ressaisir  ;  mais  désormais  Florence  est 
mûre  pour  la  tyrannie.  Le  tyran,  c'est  au  moins  le  ven- 
geur, sinon  le  protecteur  des  pauvres. 

Le  gouvernement  oligarchique.  —  Le  gouvernement 
oligarchique  dirigé  par  le  prudent  Maso  Albizzi  est  d'abord 
circonspect;  ses  adversaires,  à  leur  tête  les  Ricci,  Alberti 
et  Medici,  reconnurent  bientôt  pour  chef  Giovanni  de  Me- 
dici, fils  d'Averardo,  d'une  autre  branche  que  Silvestro. 
Ils  se  tinrent  à  l'écart;  pourtant  les  troubles  continuèrent 
dans  la  ville,  mais  au  bout  d'une  année  les  ciompi  ne  font 
plus  parler  d'eux.  L'oligarchie  victorieuse  achète  Arezzo 
au  roi  de  Naples  (1384),  établit  à  Sienne  un  régime  ana- 
logue (1385).  Elle  proscrit  les  Alberti,  restreint  au  tiers, 
puis  au  quart  la  part  des  arts  mineurs  dans  les  places  offi- 
cielles, supprime  en  fait  le  tirage  au  sort  par  la  formation 
d'une  liste  restreinte  de  ses  partisans.  Au  dehors,  elle  engage 
la  guerre  -contre  Jean-Galéas  Visconti  ;  le  protecteur  de 

41 


FLORENCE 


—  642  — 


Sienne  demande  contre  lai  l'alliance  du  roi  de  France 
Charles  VI.  Dans  les  deux  guerres  successives  (4390-92 
et  1397-1402)  elle  fut  vaincue.  La  mort  de  son  condot- 
tiere Hawkwood  (1394)  lui  fut  une  grosse  perte.  Le  duc  de 
Milan  achète  Pise  à  Jacopo  d'Appiano  qui  en  était  maître, 
lui  cédant  l'île  d'Elbe  et  Piombino  à  la  place  (1399).  Jean- 
Galéas  gagne  ensuite  Sienne,  Pérouse,  Lucques  (1400).  Les 
Florentins  recourent  à  l'empereur,  le  besogneux  Robert  de 
Wittelsbach;  mais  il  est  battu  parle  duc  de  Milan.  Celui-ci 
s'empare  de  Bologne  (1402)  et  allait,  selon  toute  vraisem- 
blance, mettre  fin  à  l'indépendance  florentine  quand  il  mou- 
rut de  la  peste  (3  sept.  1402).  Durant  cett.e  lutte  périlleuse 
les  discordes  civiles  se  perpétuent.  L'oligarchie  capitaliste 
fait  des  concessions  aux  magnats,  intimide  les  Medici, 
réitère  la  proscription  des  Àlberti,  réprime  aisément  les 
complots. 

Elle  profite  de  la  mort  de  Jean-Galéas  pour  reprendre 
l'offensive;  elle  convoite  Pise  où  le  bâtard  du  duc  de  Milan, 
Gabriele-Maria,  est  un  seigneur  impopulaire.  Maso  Albizzi 
négocie  cette  acquisition  ;  arrêtés  quelque  temps  par  Bou- 
cicaut,  gouverneur  français  de  Gênes,  ils  l'achètent  ;  leur 
condottiere,  Attendolo,  dit  Sforza,  bat  les  Pisans  ;  ceux-ci 
subissent  les  horreurs  d'un  siège  sans  merci  ;  la  famine  les 
décime  et  finalement  leur  capitaine,  Gambacorti,  les  livre 
à  leurs  ennemis  séculaires  (1406).  La  conquête  est  soli- 
dement organisée  ;  garnison  florentine  de  800  lances  et 
1,500  piétons,  dépeuplement  méthodique  ;  bien  peu  de  Pi- 
sans acceptent  le  titre  de  citoyens  florentins,  mais  beau- 
coup émigrent  à  Naples,  en  Sicile;  on  les  remplace  par 
des  immigrants  allemands.  Après  avoir  ruiné  Pise,  Flo- 
rence fut  incapable  de  lui  succéder.  Elle  voulait  devenir 
une  puissance  maritime,  mais  ne  put  y  parvenir,  n'osant 
même  pas  aventurer  les  capitaux  nécessaires.  Elle  hérita 
toutefois  d'une  partie  de  la  clientèle  commerciale  des  Pi- 
sans, surtout  en  Grèce  et  en  Orient.  Durant  le  xve  siècle 
son  commerce  d'outre-mer  fut  très  florissant. 

Florence  intervient  activement  dans  la  grande  querelle  du 
schisme,  s'offre  pour  le  concile  qui  doit  y  mettre  fin,  puis 
le  fait  réunir  à  Pise.  Le  résultat  de  l'élection  d'Alexandre  V 
fut  de  la  brouiller  avec  le  roi  de  Naples,  Ladislas,  parti- 
san de  Grégoire  XII,  qui  briguait  l'Empire.  Elle  s'entendit 
avec  son  compétiteur  Louis  d'Anjou  et  s'empara  de  Rome 
y  amenant  son  pape  Alexandre  V,  bientôt  remplacé  par 
Jean  XXIII.  La  mort  de  Ladislas  (1414)  assure  à  la  répu- 
blique dix  ans  de  paix.  Elle  est  maîtresse  de  la  Toscane; 
l'oligarchie  a  remporté  de  beaux  succès,  annexant  Pise, 
Livourne,  Arezzo,  Montepulciano,  Porto  Venere,  Cortone. 
La  dette  publique  s'élève  à  5  millions  de  florins,  la  richesse 
mobilière  à  2,  immobilière  à  25.  Le  trafic  ,prospère,  déli- 
vré des  entraves  de  voisins  jaloux.  Ce  moment  marque 
l'apogée  du  gouvernement  aristocratique.  A  Maso  Albizzi, 
mort  en  1417,  succèdent  à  la  tête  de  l'Etat  Gino  Capponi, 
le  conquérant  de  Pise  (mort  en  1420),  puis  Niccolo  d'Uz- 
zano.  On  s'efforce  d'imiter  Venise,  d'organiser  comme  elle 
un  gouvernement  occulte.  On  crée  une  nouvelle  noblesse, 
armant  chevaliers  les  enfants  de  douze  ans,  par  droit 
héréditaire,  dès  que  meurt  leur  père.  Les  magistrats  se 
réunissent  en  un  conseil  unique  dit  des  Cent-Trente  et  Un 
(seigneurie  et  ses  collèges,  de  2  buonuomini  et  de  16  gon- 
faloniers,  capitaines  de  la  parte,  10  de  la  liberté,  6  de 
la  marchandise,  21  consuls  des  arts,  48  notables  ad- 
joints). On  en  crée  un  nouveau  de  200  membres,  com- 
posé de  gens  sûrs,  afin  de  paralyser  le  conseil  du  peuple 
(250  membres)  et  celui  de  la  commune  (200  membres).  Le 
bas  peuple  et  les  opposants  rongent  leur  frein  en  silence. 
La  démoralisation  progresse  rapidement;  à  la  moindre  épi- 
démie les  officiers  publics  donnent  le  signal  de  la  fuite. 
L'honnêteté  commerciale  décroît.  La  société  paraît  usée; 
les  liens  de  la  famille  se  desserrent.  Il  est  vrai  que  pour 
l'instruction  on  dépense  sans  compter.  Le  scepticisme  et  le 
luxe  sont  également  favorables  au  progrès  artistique  et 
intellectuel  qui  illustre  alors  Florence. 

Les  lettres  et  les  arts  au  xive  siècle  et  au  début 


du  xve.  —  Il  nous  faut  rebrousser  un  peu  en  arrière  pour 
retracer  les  titres  de  gloire  de  la  grande  cité  toscane.  A 
côté  de  Dante,  elle  revendique  les  deux  autres  grands  écri- 
vains de  l'Italie  de  la  Renaissance,  Pétrarque  et  Boccace. 
Il  est  vrai  que  l'un  est  un  exilé  qui  n'y  revint  guère,  que 
l'autre  est  à  moitié  Français.  Citons  encore  Franco  Sac- 
chetti  (1335-1402),  conteur  médiocre,  et  Jacopo  Passa- 
vant, écrivain  religieux.  Le  goût  de  l'érudition  se  mani- 
feste. On  crée  une  université  à  Florence  (1348).  Elle 
languit,  faute  de  discipline  et  de  méthode,  fut  fermée  lors 
de  la  guerre  des  Huit ,  rouverte  en  1387 ,  fermée  en 
1404,  rouverte  en  1442.  Florence  ne  peut  devenir  un 
centre  d'enseignement,  chose  bizarre  pour  une  ville  qui 
eut  presque  l'initiative  de  la  Renaissance  et  eut  la  première 
école  d'érudits  et  de  lettrés  où  figuraient  l'évêque  Marsili, 
Coluccio  Salutati  (mort  en  1406),  le  fameux  chancelier 
Leonardo  Bruni,  dit  l'Arétin  (1369-1444),  Niccolo  Niccoli 
(1363-1447)  et  des  savants  grecs  de  la  valeur  de  Chry- 
soloras. 

Pour  les  arts,  même  supériorité.  L'école  siennoise  pâlit 
à  côté  de  celle  de  Giotto  ;  Taddeo  Gaddi,  peintre  et  archi- 
tecte, Andréa  Orcagna,  approchent  du  maître.  Or  San 
Michèle  et  son  tabernacle,  la  loggia  de'  Lanzi,  comptent 
parmi  les  merveilles  de  Florence,  sans  oublier  les  fresques 
de  Santa  Maria  Novella.  L'école  giottesque  épuisée  trouve 
son  théoricien  en  Cennino  Cenni.  Quoi  qu'on  en  pense,  on 
ne  peut  nier  la  profonde  originalité  de  l'art  florentin.  Ici 
le  progrès  se  continua  durant  deux  siècles.  Le  pas  décisif 
fut  fait  au  début  du  xve.  Nous  en  parlerons  tout  à  l'heure. 

Décadence  et  chute  de  l'oligarchie.  —  L'oligarchie 
dont  nous  avons  décrit  les  succès  vit  ensuite  une  période 
de  revers  où  elle  se  discrédita.  Malgré  l'accueil  fait  au 
pape  Martin  V  qui  érige  l'évêché  de  Florence  en  arche- 
vêché (1419),  elle  se  brouille  avec  lui.  Bientôt  il  lui  faut 
combattre  (1424)  Philippe-Marie  Visconti  et  ses  redou- 
tables condottieres  Carmagnola,  puis  Piccinino.  Les  échecs 
se  multiplient  ;  l'alliance  de  Venise  demeure  inutile;  la 
paix  conclue  à  Ferrare  en  1428  n'est  qu'une  trêve.  Ces 
mésaventures  coûteuses  affaiblissent  les  Albizzi  et  leur 
chef  Rinaldo,  tandis  que  grandit  l'ascendant  des  Medici, 
surtout  de  Gioavanni  (Jean).  On  juge  indispensable  de  le 
gagner,  mais  sans  y  parvenir.  L'état  des  finances  devient 
critique  :  la  dette  est  énorme,  la  dépense  se  monte  à  70,000 
florins  par  mois  ;  l'impôt  ne  frappant  pas  la  richesse  mo- 
bilière qu'on  dissimule  aisément,  devient  écrasant  pour  les 
petites  gens.  On  veut  y  remédier  et  on  dresse  un  catastro 
de  toutes  les  fortunes  ;  les  villes  sujettes  protestent  ;  non 
moins  les  riches  qui  se  posent  en  victimes  (1427).  Une 
nouvelle  guerre  est  entreprise  afin  d'annexer  Lucques,  avec 
l'aide  du  condottiere  Niccolo  Fortebracci.  Pour  cet  effort, 
se  réconcilient  momentanément  les  Medici,  dont  le  chef 
Jean  vient  de  mourir,  et  les  Albizzi.  Cela  n'empêche  pas 
un  honteux  échec.  Sforza  repousse  les  Florentins,  enlève 
Gunigi,  débonnaire  tyran  de  Lucques  (1430).  Piccinino 
consomme  la  défaite  des  assaillants  et  la  délivrance  de 
Lucques.  Abandonnée  par  ses  condottieres,  Florence  n'a 
rien  à  attendre  du  faible  empereur  Sigismond.  Elle  traite 
(1433). 

A  l'intérieur,  le  rapprochement  des  Albizzi  et  des  Medici 
n'était  qu'une  hypocrisie.  On  sent  que  la  liberté  est  per- 
due; la  seule  question  est  de  savoir  qui  deviendra  le 
maître.  Au  violent  Rinaldo,  on  préfère  le  rusé  Cosimo 
(Cosme)  de  Medici,  protecteur  des  artisans.  L'opposition 
s'est  réfugiée  dans  les  confréries  religieuses  puissantes, 
car  elles  étaient  riches,  capables  de  construire  à  leurs  frais 
le  dôme  de  Brunelleschi,  de  faire  exécuter  les  portes  de 
Ghiberti.  On  s'efforce  de  les  supprimer.  La  mort  du 
prudent  Niccolo  d'Uzzano  laisse  seul  chef  de  l'aristocratie 
Rinaldo  Albizzi,  fougueux  et  inconstant.  Il  n'inspire  pas 
confiance  ;  jamais  on  ne  le  choisit  pour  les  hauts  offices, 
Cosme  de  Medici,  son  rival,  est  un  «  renard  rusé  et  trom- 
peur »  ;  maigre,  laid,  mais  élégant,  peu  orateur,  mais  cau- 
seur séduisant,  il  courtise  le  peuple.  Sa  famille,  fortifiée 


—  643  — 


FLORENCE 


par  des  alliances  avec  les  magnats,  était  puissamment 
riche,  possédant  en  Europe  seize  maisons  de  banque  ;  Gio- 
vanni, banquier  du  pape,  fermier  général  de  la  république, 
a  laissé  178,221  florins  d'or,  sans  compter  les  créances  et 
les  immeubles.  A  la  mort  de  Lorenzo  (Laurent),  frère  de 
Cosme,  chacun  des  deux  frères  a  235,137  florins  d'or.  Ce 
sont  les  gens  les  plus  riches  de  Florence,  grande  supé- 
riorité dans  cet  Etat  marchand  ;  les  Albizzi,  les  Strozzi  ne 
viennent  qu'ensuite.  Les  Medici  font  un  noble  usage  de  ces 
ressources.  Ils  se  construisent  un  magnifique  palais,  œuvre 
de  Brunelleschi,  subventionnent  les  lettrés,  les  artistes, 
mais  en  même  temps  secourent  les  citoyens  appauvris, 
menacés  de  perdre  leurs  droits  civiques.  Averardo  de  Me- 
dici, cousin  de  Cosme,  est  le  guerrier  de  la  famille.  Après 
la'  guerre  de  Lucques,  les  hostilités  éclatèrent  entre  Albizzi 
et  Medici.  Les  premiers  l'emportèrent  d'abord  ;  Cosme  est 
incarcéré  ;  on  n'ose  le  faire  périr  ;  il  achète  ses  ennemis. 
Exilé,  il  accomplit  une  promenade  triomphale  jusqu'à  Ve- 
nise et  Padoue  (1433).  Maintenant  que  le  trafic  interna- 
tional est  consolidé,  les  financiers  cosmopolites  ne  sont 
nullement  affaiblis  par  l'exil  ;  grand  changement  depuis  le 
xme  siècle.  Les  intelligentes  générosités  de  Cosme  accrois- 
sent son  prestige.  Ses  partisans  sont  pleins  de  confiance. 
En  face  d'eux,  les  oligarques  se  divisent.  Rinaldo  est  im- 
populaire. Le  hasard  du  sort  amène  une  seigneurie  favo- 
rable à  l'exilé  ;  Palla  Strozzi  empêche  Rinaldo  d'essayer 
un  coup  d'Etat.  Il  prend  pourtant  les  armes  un  mois  après, 
mais  n'ose  attaquer.  Le  pape  Eugène  IV,  qui  est  venu  s'ins- 
taller à  Florence,  se  pose  en  médiateur.  Les  exilés  sont 
rappelés,  les  chefs  de  l'oligarchie  bannis  à  leur  tour,  con- 
finés à  Naples.  Cosme,  toujours  circonspect,  revenait  à 
petites  journées,  rentrant  modestement  dans  la  ville.  Mais 
il  n'y  a  pas  à  s'y  tromper  ;  il  est  le  maître.  Ses  adver- 
saires sont  exilés  en  masse,  Strozzi,  Peruzzi,  etc.;  il 
appelle  au  pouvoir  des  hommes  nouveaux,  beaucoup  de 
grands,  beaucoup  de  gens  des  arts  mineurs.  Sous  des 
dehors  d'une  hypocrite  modération,  Cosme  est  implacable  : 
la  peine  de  mort  est  prodiguée  en  détail  à  quiconque  com- 
plote contre  lui.  La  tyrannie  existe  dès  lors  sous  les  dehors 
de  la  république.  Il  serait  aussi  injuste  de  s'en  féliciter 
que  de  plaindre  l'égoïste  et  dure  oligarchie  des  grands 
capitalistes  groupés  autour  des  Albizzi.  Elle  tenta  encore 
bien  des  retours  offensifs  et  il  fallut  un  siècle  pour  que  la 
monarchie  prévalût  définitivement  à  Florence. 

La  domination  de  Cosme  de  Medici.  —  A  l'origine,  Cosme 
de  Medici  ne  règne  que  par  la  puissance  de  l'opinion  ;  la 
démocratie  le  soutient  et  fait  sa  force.  Lentement,  cet  habile 
politique  transforme  une  influence  en  autorité,  un  pouvoir  de 
fait  en  un  gouvernement  stable.  De  goûts  pacifiques,  il  par- 
tage les  préférences  de  ses  concitoyens  pour  l'industrie  et 
le  commerce,  les  arts  et  les  lettres,  sur  les  exploits  belli- 
queux ou  les  agitations  politiques.  Encourager  le  travail  et 
la  richesse,  c'est  mettre  de  son  côté  la  population  labo- 
rieuse qui  souhaite  la  sécurité  bien  plus  que  la  liberté.  Sa 
politique  extérieure  fut  habile,  et  la  guerre,  qu'il  ne  put 
éviter,  l'affermit.  Il  prit  pour  condottiere  Francesco  Sforza, 
fournissant  à  cet  aventurier  un  point  d'appui.  Vainqueur 
de  Fortebracci,  protégé  de  Visconti,  il  s'allie  contre  lui  à 
Gênes,  à  Venise  ;  toutes  deux  l'abandonnent  bientôt,  puis 
renouent  l'alliance;  Florence  prend  peu  de  part  à  la  guerre. 
En  1440,  Piccinino  paraît  devant  Florence,  appelant  aux 
armes  les  amis  des  Albizzi.  La  cité  reste  fidèle  à  Cosme. 
Une  bataille  eut  lieu  à  Anghiari,  où  les  Milanais  furent  mis 
en  déroute  par  Neri  Capponi,  perdant  60  morts,  200  bles- 
sés, 400  prisonniers;  les  vainqueurs  perdaient  10  morts  et 
200  blessés.  Lutte  peu  meurtrière,  ces  mercenaires  se  ména- 
geaient. La  victoire  d' Anghiari  consolidait  Cosme.  Il  proscrit 
les  familles  de  ses  ennemis,  torturant  même  les  femmes  ;  il 
fait  peindre  pendus  par  les  pieds  sur  la  façade  du  palais  du 
podestat  les  chefs  de  la  faction  opposée  :  Rinaldo  et  Ormanno 
Albizzi,  Lodovicco  de  Rossi,  Stefano  Peruzzi,  etc.  ;  il  les  fait 
diffamer  par  ses  poètes  et  ses  écrivains.  Rinaldo  meurt  ; 
de  ses  trois  fils,  deux  se  fixent  à  Ancône,  le  troisième  est 


discrédité  ;  le  premier  Albizzi  qui  pourra  rentrer  à  Flo- 
rence sera  un  arrière-petit-fils  de  Rinaldo  (en  1478)  ; 
l'héritier  des  Guidi,  le  comte  Poppi,  est  chassé  de  Toscane. 
Cependant  l'entente  du  dernier  Visconti  avec  Sforza  met 
fin  à  la  guerre  ;  une  fois  de  plus  on  se  rend  réciproque- 
ment ses  conquêtes  (1441).  L'affermissement  de  son  allié 
Sforza  allait  profiter  à  Cosme. 

Il  obtient  d'Eugène  IV  qu'il  réunisse  à  Florence  le  con- 
cile qui  siégeait  à  Bâle.  L'histoire  en  est  racontée  ci-après. 
La  ville  reprend  ainsi  son  rôle  de  cité  guelfe  ;  elle  obtient 
de  l'empereur  byzantin  de  grands  privilèges  ;  le  prestige  de 
Cosme  est  augmenté.  Jaloux  du  vainqueur  d'Anghiari, 
Neri  Capponi,  il  fait  tuer  son  ami,  le  capitaine  Baldaccio  ; 
Neri  se  soumet  sans  réserves.  Cosme  donne  satisfaction  au 
peuple  en  établissant  l'impôt  progressif,  les  riches  payant 
huit  fois  plus  que  les  pauvres.  L'impôt  sur  le  revenu 
variait  de  4  à  33  1/2  %  ;  on  évaluait  alors  les  revenus 
totaux  des  habitants  à  550,000  florins  ;  l'impôt  en  rap- 
portait 80,000.  La  perception  était  arbitraire,  perçue  im- 
pitoyablement, ruinant  une  foule  de  gens,  les  ennemis  du 
régime  enrichissant  ses  dévoués.  Joignez-y  le  système  des 
impôts  forcés  et  vous  comprendrez  que  l'Etat  écrasait 
quiconque  déplaisait.  Faisant  la  fortune  de  ses  partisans, 
accablant  ses  adversaires  par  des  voies  détournées,  le  cau- 
teleux Medici  formait  une  aristocratie  à  sa  dévotion.  Il 
procède  lentement,  sûrement. 

Autant  que  possible,  il  évite  la  guerre,  pratique  une 
politique  d'équilibre  contre  Naples  et  Milan  ;  il  s'entend 
avec  Venise  et  Sforza,  ce  qui  le  brouille  avec  le  pape  qui 
réclame  au  condottiere  la  Marche.  Quand  éclate  enfin  le 
grand  débat  pour  l'héritage  des  Visconti  (1447),  Cosme 
soutient  Sforza  malgré  l'avis  contraire  des  Florentins. 
Attaqué  par  Alphonse  d'Aragon,  il  le  neutralise  en  Tos- 
cane. Le  succès  définitif  de  Sforza  est  accueilli  avec  enthou- 
siasme. Cosme  se  sépare  de  Venise  ;  pour  vivre  tranquille, 
il  négocie  vainement  l'alliance  de  Naples,  puis  celle  du  roi 
de  France  Charles  VII  contre  les  Vénitiens.  La  guerre, 
menée  mollement,  prend  fin  après  la  chute  de  Constanti- 
nople  par  l'accord  de  Sforza  et  de  Venise  (paix  de  Lodi, 
1454). 

A  l'intérieur,  Cosme  était  tout-puissant,  arbitre  de  la 
paix  et  de  la  guerre  ;  les  délibérations  sur  les  affaires  pu- 
bliques ont  lieu  dans  sa  maison  ;  il  observe  les  dehors, 
comme  autrefois  Auguste  ;  il  affecte  d'être  un  citoyen, 
comme  les  autres,  sans  cour,  ni  gardes.  A  Luca  Pitti,  il 
dit  :  «  Vous  appuyez  vos  échelles  au  ciel,  moi  j'appuie  les 
miennes  à  la  terre  pour  ne  pas  tomber  en  montant  trop 
haut.  »  Il  ruine,  exile  quiconque  fait  de  l'opposition,  ne 
laisse  jamais  rentrer  ses  ennemis  ;  l'oppression  par  l'impôt 
lui  procure  les  moyens  de  tout  acheter,  consciences  et 
épées.  On  se  rallie  à  lui  pour  éviter  la  ruine  matérielle  ; 
tels  les  Pazzi.  En  1458,  une  tentative  d'opposition  se  pro- 
duit ;  on  rétablit  l'ancien  catastro  (cadastre)  pour  obte- 
nir l'égalité  dans  l'impôt  ;  on  restreint  l'usage  dictatorial 
de  la  balia.  Cosme  reste  neutre  en  apparence.  Mais  il  fait 
faire  par  Luca  Pitti,  gonfalonier  de  la  justice,  un  coup 
d'Etat,  malgré  la  résistance  de  Geronimo  Macchiavelli.  On 
accorde  à  la° seigneurie  la  balia,  plein  pouvoir  de  réformer 
l'Etat,  de  nommer  les  officiers  publics^  de  former  les 
bourses  d'où  l'on  tirait  au  sort  les  magistrats  pour  les 
cinq  années  à  venir,  de  présider  aux  jugements,  de  fixer 
les  impôts.  Cette  dictature  devait  durer  six  mois,  assurer 
le  pouvoir  à  ses  créatures  pendant  cinq  ans  et,  au  bout  de 
ce  terme,  être  renouvelée  périodiquement  dans  les  mêmes 
conditions.  Cosme  est  désormais  maître  absolu.  On  le  dissi- 
mule en  comblant  d'honneurs  nouveaux  les  magistrats.  En 
sous-ordre,  suppléant  Cosme  et  son  fils  perclus  de  goutte  et 
souvent  absents,  Luca  Pitti  tyrannise  la  ville,  édifiant  son 
fameux  palais.  Quand  Cosme  meurt,  en  1464,  on  inscrit 
sur  son  tombeau  le  titre  de  père  de  la  patrie.  La  postérité 
a  été  aussi  complaisante  que  ses  courtisans  pour  cet  habile 
homme  sans  scrupules,  fondateur  d'une  dynastie  qui  sut 
se  faire  un  honneur  immortel  de  la  civilisation  florentine. 


FLORENCE 


644  — 


Bien  que  Florence  ne  conserve  pas  au  xve  siècle  la  situa- 
tion exceptionnelle  qu'elle  avait  au  début  du  xive,  elle  est 
encore  un  des  plus  éclatants  foyers  de  la  Renaissance. 
L'université  (Studio)  languit,  fermée  de  temps  à  autre  (par 
exemple  de  1404  à  1442),  peu  soutenue  par  l'Etat  auquel 
elle  ne  coûte  que  1,000  à  2,000  florins  par  an.  Les 
étudiants  sont  soigneusement  embrigadés  ;  les  maîtres  sont 
mal  payés  ;  pourtant  on  en  peut  citer  d'illustres.  Chryso- 
loras  se  fixe  à  Florence  et  inaugure  l'étude  du  grec.  Le 
contact  de  cette  civilisation  merveilleuse  produit  d'excel- 
lents effets  ;  les  plus  grands  humanistes  de  la  Renaissance 
passeront  à  l'école  des  hellénistes  de  l'Arno.  Plusieurs  sont 
nés  en  Toscane:  Leonardo  Bruni,  Poggio  Bracciolini,  le 
fameux  rédacteur  de  discours  d'apparat  Coluccio  Salutati, 
l'érudit  Niccolo  Niccoli.  Filelfo  vient  enseigner  à  Florence 
avec  un  succès  énorme.  On  trouvera  dans  les  biographies 
de  ces  personnages  et  dans  l'art.  Renaissance  les  indica- 
tions relatives  au  rôle  de  Florence  et  des  Medici,  qui  rem- 
plirent glorieusement  le  rôle  de  mécènes.  Cosme,  très 
épris  de  belles-lettres,  néglige  l'enseignement,  mais  fonde 
des  bibliothèques  et  surtout  la  première  académie,  cette 
académie  platonicienne  dont  Marsile  Ficin  fut  l'oracle. 

Les  beaux-arts  délaissés  par  l'oligarchie  retrouvent  une 
grande  faveur  sous  les  Medici  ;  avec  les  Pitti,  les  Pazzi,  ils 
font  de  riches  commandes  aux  artistes.  A  ce  moment,  pa- 
rut Brunelleschi  (i  377-1446),  théoricien  de  Fart  nouveau 
autant  que  rénovateur  de  l'architecture;  puis  Ghiberti 
(1378-1455)  etDonatello  (1386-1468).  L'initiative  appar- 
tient encore  à  Florence  ;  ses  immortel  sculpteurs  et  toute 
cette  pléiade  d'artistes  qui  font  leur  apprentissage  dans 
l'orfèvrerie,  sont  à  la  fois  des  réalistes  et  de  fervents  ad- 
mirateurs des  antiques.  Par  l'observation  précise  de  la 
nature,  on  arrive  à  une  perfection  inconnue  aux  vieux 
maîtres.  De  ce  temps  datent  la  moitié  des  beautés  de  Flo- 
rence :  San  Spirito,  San  Lorenzo,  la  Badia  de  Fiesole,  le 
palais  Pitti,  la  coupole  de  Santa  Maria  del  Fiore,  chefs- 
d'œuvre  de  Brunelleschi,  les  portes  du  Baptistère  de  Ghi- 
berti, le  Saint-Georges  de  Donatello.  L'influence  de  ces 
génies  se  propage  au  dehors  ;  l'encyclopédique  Alberti 
(1404-1472)  y  contribue  plus  que  personne.  Luca  délia 
Robbia  (1400-1482)  crée  une  nouvelle  branche  de  l'art, 
compromis  entre  la  sculpture  et  la  peinture  en  imail.  La 
peinture  se  perfectionne  à  son  tour,  par  le  réalisme,  par 
l'étude  des  lois  de  la  perspective  et  du  coloris.  Masaccio 
meurt  inconnu,  tandis  que  Paolo  Uccello,  professeur  de 
perspective,  est  célèbre  ;  l'école  miniaturiste  et  mystique 
trouve  un  interprète  génial  en  FraAngelico  (1387-1455)  ; 
mais  il  est  en  dehors  du  grand  courant  naturaliste  auquel 
se  rattachent  Fra  Filippo  Lippi  (mort  en  1469)  et  ses  élèves 
(V.  les  art.  Art,  Architecture,  Peinture,  Sculpture,  Re- 
naissance et  les  biographies). 

Pierre  de  Medici  (4464-69),  indigne  successeur  de 
Cosme,  fut  accepté  avec  résignation  ;  bientôt,  cependant,  se 
dessine  une  opposition.  Luca  Pitti,  instrument  de  son  père, 
voudrait  passer  au  premier  rang.  Angelo  Acciajuoli,  Die- 
tisalvi  Neroni,  deux  autres  amis  de  Cosme,  sont  devenus 
des  ennemis  secrets.  Le  plus  influent  de  ceux-ci  est  Niccolo 
Soderini.  Ils  procèdent  avec  méthode,  suppriment  la  balia, 
reviennent  au  tirage  au  sort  des  officiers  publics  et,  en 
l'aidant  un  peu,  lui  font  désigner  comme  gonfalonier  de 
justice  Niccolo  Soderini.  Celui-ci  ne  put  rien  faire  ;  ses  par- 
tisans n'osèrent  recourir  à  la  force.  Pierre  de  Medici  reprit 
le  dessus  (1466),  réprima  durement  l'opposition,  exilant 
ses  chefs.  Ils  revinrent  avec  une  armée  commandée  par 
Colleoni,  mais  se  laissèrent  battre  à  la  Mulinella  (1467). 
Le  goutteux  Pierre  se  contente  d'assurer  la  transmission  de 
son  autorité  à  ses  fils  Laurent  et  Julien.  Ils  lui  succèdent 
en  1469. 

Domination  de  Laurent  de  Medici.  —  Ils  étaient  bien 
jeunes  (Laurent,  vingt  et  un  ans  ;  Julien,  seize  ans)  pour 
dominer  une  cité  qui  n'admettait  pas  l'hérédité.  Les  amis 
de  leur  famille  les  soutiennent  néanmoins  ;  plus  que  tout 
autre,  Tommaso  Soderini.  Galéas-Marie  Sforza  leur  fait 


une  solennelle  visite  à  Florence  (1471).  On  trouvera  dans 
la  biographie  de  Laurent  de  Medici  le  portrait  de  ce  fin  po- 
litique, mécène  hors  ligne.  Il  s'affermit  par  l'écrasement  de 
Volterra  (1472)  ;  mais  il  se  brouille  avec  le  pape  Sixte  IV. 
A  l'intérieur,  il  veut  aller  trop  vite,  pressé  de  besoins  d'ar- 
gent. Après  avoir  fait  vendre  les  biens  de  la  parte  guelfa 
et  réduit  cette  magistrature  autrefois  terrible  au  soin  des 
travaux  publics  (1471),  il  réduit  à  cinq  les  quatorze  arts 
mineurs  et  confisque  les  biens  des  neuf  corporations  sup- 
primées ;  on  sent  le  retour  à  l'aristocratie  capitaliste  ;  mais 
la  monarchie  transparaît.  Les  pouvoirs  sont  concentrés  aux 
mains  de  dix  accopiatori,  désignés  en  fait  par  Laurent  ; 
on  leur  accorde  une  balia  viagère,  c.-à-d.  le  pouvoir  dicta- 
torial de  remanier  à  leur  fantaisie  les  institutions.  La  sei- 
gneurie n'a  plus  qu'un  rôle  décoratif.  Le  maître  cesse  de 
se  dissimuler,  il  s'affiche.  Il  se  désigne  aux  conjurés  qui 
ne  manqueront  pas,  l'éducation  classique  leur  fournissant 
la  théorie  et  l'exemple  de  l'assassinat  politique  et  de  l'in- 
surrection, lien  est  à  Florence  comme  dans  les  autres  villes 
italiennes  ;  le  tyran  sent  sa  vie  menacée.  En  1477  se  noue 
la  conspiration  des  Pazzi.  Cette  riche  et  puissante  famille, 
descendant  de  la  noblesse  de  la  banlieue,  s'était  soumise  à 
Cosme.  Un  prêt  qu'elle  fit  au  pape,  au  refus  de  Laurent  de 
Medici,  décida  la  rupture.  Franceschmo  de  Pazzi,  qui  rési- 
dait à  Rome,  entraîna  ses  proches  dans  le  complot  ;  les  plus 
prudents  désiraient  attendre  la  banqueroute  privée  de  Lau- 
rent qui,  ruinant  sa  fortune,  lui  eût  fait  perdre  sa  situation 
dans  l'Etat.  L'adhésion  du  pape  décida  les  hésitants  :  Julien 
fut  égorgé  dans  la  cathédrale,  mais  Laurent  ne  fut  que 
blessé.  L'archevêque  Salviati  ne  put  s'emparer  du  palais  de 
la  seigneurie.  Le  peuple  qu'on  appelait  à  la  liberté  ne  bou- 
gea pas.  Les  conjurés  furent  écrasés  ;  l'archevêque  pendu 
aux  fenêtres  du  palais,  Franceschino  de  Pazzi  à  ses  côtés  ; 
bien  d'autres  membres  de  cette  famille,  innocents  ou  cou- 
pables, furent  exécutés  (1478).  Les  années  suivantes,  les 
supplices  continuèrent  contre  quiconque  était  suspect  de 
complicité.  Laurent  de  Medici  était  affermi,  débarrassé  à  la 
fois  de  son  frère,  qui  fût  devenu  gênant,  et  de  ses  ennemis. 
On  lui  donne  une  garde. 

La  fureur  du  pape  contre  des  gens  qui,  non  contents  de 
mettre  à  mort  un  archevêque  et  des  prêtres,  ont  empri- 
sonné son  neveu,  se  traduisit  par  l'excommunication  des 
Florentins,  suivie  d'une  déclaration  de  guerre.  Les  théolo- 
giens florentins  donnent  raison  à  Laurent  ;  Louis  XI  et  Ve- 
nise interviennent  en  sa  faveur.  Il  se  sent  pourtant  très 
isolé  en  face  d'ennemis  acharnés  qui  se  rangent  derrière  le 
pape  et  le  roi  de  Naples.  Par  un  coup  de  maître,  il  va  trou- 
ver àNaples  le  roi  Ferdinand  (Ferrante),  se  met  entre  ses 
mains,  le  séduit  et  obtient  la  paix  (1480).  Il  la  payait  d'un 
tribut  annuel  de  60,000  florins.  Le  pape  se  voit  obligé 
d'accorder  le  pardon  demandé.  Libéré  du  danger  extérieur, 
le  souple  tyran  achève  la  réforme  de  la  constitution.  Un 
nouveau  conseil  de  soixante-dix  membres  annule  tous  les 
autres  et  devient  le  principal  corps  de  l'Etat.  Au  dehors, 
Laurent  suit  une  politique  avisée,  cherchant  à  établir  un 
équilibre  entre  les  puissances  italiennes.  Dans  la  guerre  de 
Ferrare,  il  défend  le  duc,  d'accord  avec  Naples,  Milan, 
Mantoue,  Bologne,  contre  Venise,  le  pape,  Gênes  et  Mont- 
f errât  (1482).  Il  voudrait  bien  faire  quelques  conquêtes  et 
finit  par  s'emparer  de  Sarzane,  malgré  les  Génois  (1487). 
L'année  suivante,  il  profite  du  meurtre  de  Riario  Sforza 
pour  prendre  pied  dans  la  Romagne  ;  protecteur  de  Faenza, 
d'Imola,  de  Forli,  il  y  domine.  Il  semble  alors  un  arbitre 
entre  les  diverses  puissances  italiennes,  Innocent  VIII  et 
Ferdinand  de  Naples,  Ludovic  le  More  et  ses  compétiteurs. 
Quoi  qu'il  en  soit,  ce  n'est  pas  la  diplomatie  qui  a  fait  l'im- 
mortalité de  Laurent  de  Medici  ;  c'est  sa  vie  de  mécène. 

Depuis  la  conjuration  des  Pazzi,  il  règne  sans  obstacle  ; 
la  population  se  désintéresse  de  la  politique  ;  le  trafic  privé, 
les  fêtes,  qui  tiennent  une  place  énorme  dans  sa  vie,  lui 
suffisent.  Laurent  reçoit  et  traite  les  princes,  les  ambassa- 
deurs étrangers;  il  prend  l'attitude  de  souverain,  quoique 
dans  la  vie  courante  il  se  comporte  en  simple  citoyen, 


—  645  — 


FLORENCE 


cède  le  haut  du  pavé  aux  gens  âgés  ;  il  ne  paraît  pas  aux 
assemblées,  mais  là,  comme  dans  chaque  office,  un  affidé  le 
remplace  ;  son  chancelier  ou  secrétaire  Pierre  de  Bibbiena 
tient  tous  les  fils.  Chacun  sachant  qu'une  accusation  de  com- 
plot peut  coûter  la  vie ,  rivalise  d'obséquiosité  ;  ceux 
qui  ne  sont  pas  reconnus  amis  des  Medici  vivent  dans  une 
perpétuelle  inquiétude.  Le  côté  faible  est  la  situation  éco- 
nomique. La  constitution  des  grands  Etats  nationaux  dans 
l'Europe  occidentale  menace  le  commerce  florentin  (V.  Com- 
merce). Il  est  à  la  merci  des  caprices  des  rois.  A  l'inté- 
rieur, la  gestion  financière  est  mauvaise  ;  les  guerres  ont 
coûté  cher;  le  monte  (caisse  de  la  dette  publique)  a  dû 
suspendre  le  payement  des  intérêts  ;  la  vente  des  biens  des 
vieux  corps  a  peu  produit.  Laurent  est  un  mauvais  admi- 
nistrateur ;  sa  propre  fortune  périclite  ;  la  faillite  de  Por- 
tinari  à  Bruges  lui  fait  essuyer  de  grosses  pertes;  les  autres 
succursales  de  sa  banque  font  de  mauvaises  affaires.  Pour 
rétablir  les  siennes,  il  met  la  main  sur  les  deniers  de 
l'Etat,  sur  les  fondations  pieuses,  prélève  des  courtages  sur 
le  payement  de  la  solde  des  condottieres.  Ces  prévarications 
préparent  la  banqueroute  publique.  Il  recourt  à  des  impôts 
nouveaux,  revient  à  l'impôt  progressif  sur  le  revenu 
(scala)  et  érige  en  principe  la  taxation  arbitraire  par 
les  répartiteurs  (dispiacente  sgravato);  en  deux  ans  les 
contribuables  doivent  payer  vingt-six  fois.  Il  remanie  les 
monnaies,  en  frappe  une  nouvelle  et  diminue  d'un  cinquième 
la  valeur  nominale  de  la  monnaie  ancienne,  s'approprie 
les  biens  de  la  caisse  dotale  {monte  delledoti)  ou  les 
pères  déposaient  les  fonds  destinés  à  la  dot  de  leurs  filles  ; 
les  actions  de  100  écus  de  la  caisse  de  la  dette  publique 
tombent  à  11  1/2,  l'intérêt  étant  abaissé  à  1  1/2.  Laurent 
place  sa  propre  fortune  en  biens  fonciers,  et  devient  plus 
agriculteur  que  banquier.  Si  déshonnêtes  que  fussent  les 
moyens  employés,  on  ne  vit  que  le  résultat;  redevenu 
riche,  Laurent  est  inattaquable.  La  paix  extérieure  et  inté- 
rieure procure  une  ère  de  prospérité  générale  ;  les  fêtes 
splendides  offertes  par  le  tyran,  ses  largesses  aux  huma- 
nistes, aux  artistes,  semblent  justifier  suffisamment  sa  do- 
mination dont  il  fait  un  si  noble  usage.  La  postérité  a  ra- 
tifié ce  jugement. 

Une  opposition  se  dessine  pourtant  au  nom  de  la  morale; 
son  interprète  est  le  dominicain  ferrarais  Girolamo  Savo- 
narola.  Il  est  un  des  premiers  organes  de  la  réaction  reli- 
gieuse contre  le  paganisme  intellectuel  de  la  Renaissance, 
réaction  d'où  sortira  la  Réformation.  En  1483,  ses  rudes 
sermons  de  Saint-Laurent  n'ont  pas  vingt-cinq  auditeurs  ; 
Laurent  de  Medici  le  rappelle  à  Florence  en  4  490,  et  cette 
fois  le  prophète  produit  une  violente  impression  ;  il  annonce 
à  la  fois  le  châtiment  de  l'Italie  et  la  rénovation  de  l'Eglise; 
il  ne  ménage  pas  le  maître.  «  Le  bon  chien  aboie  toujours 
pour  défendre  la  maison  de  son  maître.  Si  le  voleur  vient 
et  lui  jette  pour  l'apaiser  un  os  ou  quelque  autre  chose,  le 
bon  chien  continue  d'aboyer  et  de  mordre  le  voleur.  »  Il 
a  prophétisé  la  mort  prochaine  d'Innocent  VIII,  de  Ferdi- 
nand de  Naples  et  de  Laurent  de  Medici.  Quand  celui-ci 
la  sentit  venir,  il  fit  appeler  l'austère  prieur  des  domini- 
cains de  San  Marco,  probablement  pour  lui  concilier  son 
fds  (1492).  On  a  raconté,  mais  sans  preuves,  que  Savo- 
narole  refusa  sa  bénédiction  au  moribond,  exigeant  qu'il 
rendît  la  liberté  aux  Florentins.  Ils  allaient  se  montrer 
peu  capables  de  la  reprendre. 

Laurent  de  Medici  est  resté  le  type  légendaire  des  mé- 
cènes de  la  Renaissance.  Ici  encore  il  sacrifie  l'Etat  à  sa 
personnalité.  Il  délaisse  l'université,  l'ampute  pour  en  créer 
une  nouvelle  à  Pise  ;  le  motif  est  caractéristique  ;  il  veut 
relever  la  cité  maritime  afin  d'accroître  la  valeur  des  pro- 
priétés qu'il  a  achetées  de  ce  côté.  Il  eut  pour  maître  Àn- 
gelo  Ambrosini  de  Montepulciano,  plus  connu  sous  le  sur- 
nom de  Politien  (1454-1494),  un  des  plus  distingués 
humanistes  du  xve  siècle,  qui  fit  de  son  élève  un  dilettante 
accompli.  Laurent  forme  une  belle  bibliothèque,  dépensant 
30,000  florins  par  an  en  achats  et  copies  de  manuscrits; 
les  érudits  accourent,  parmi  eux  Lorenzo  Valla,  Chalcon- 


dyle  qui  édite  (pour  la  première  fois)  les  poèmes  homé- 
riques (1488),  puis  d'autres  classiques  grecs.  L'académie 
platonicienne  fondée  par  Cosme  reste  le  centre  intellectuel 
de  Florence;  dans  ses  jardins,  à  sa  table,  Laurent  dispute 
avec  ses  philosophes,  les  Pulci,  Alberti,  Pic  de  la  Miran- 
dole,  Marsile  Ficin,  etc.  Ses  vers  sont  remarquables  ;  sa  pré- 
férence pour  l'idiome  vulgaire  contribue  à  faire  du  toscan 
la  langue  littéraire  de  l'Italie.  Il  s'intéresse  moins  aux 
beaux-arts,  fait  ajourner  l'achèvement  de  la  façade  de  la 
cathédrale,  méprise  les  artistes  de  basse  extraction  et  à  ce 
titre  Léonard  de  Vinci.  Ses  préférences  sont  pour  les  réa- 
listes, les  peintres-orfèvres  Pollajuolo  ;  les  peintres  du  temps, 
♦Botticelli,  Filippino  Lippi,  Ghirlandajo,  continuent  néan- 
moins la  grande  école  florentine,  nullement  inférieurs  à 
leurs  devanciers  ni  à  leurs  successeurs;  la  réaction  reli- 
gieuse est  sensible  dans  la  peinture  ;  la  tradition  scienti- 
fique se  conserve  chez  Verocchio  qui  la  transmet  à  Léo- 
nard de  Vinci  et  à  Michel-Ange.  Que  de  noms  il  faudrait 
citer,  Benedetta  da  Majano,  Mino  de  Fiesole,  les  Sangallo, 
les  Rossellini,  etc.,  architectes  et  sculpteurs  qu'éclipsera 
Michel-Ange.  Mais  beaucoup  ne  font  que  passer  à  Florence, 
y  travaillent  peu .  Les  artistes  florentins  ont  été  des  ini- 
tiateurs; maintenant  leur  esprit  est  répandu  dans  toute 
l'Italie  :  à  Milan,  à  Rome,  à  Urbin  plus  qu'à  Florence  se 
produisent  les  chefs-d'œuvre  ;  cependant  les  théories  de 
l'art  classique  sont  celles  de  Brunelleschi  et  d'Alberti;  la 
méthode  scientifique  sur  laquelle  s'appuieront  les  artistes  du 
xvie  siècle  a  été  élaborée  sur  les  rives  de  l'Arno.  Ils  ont 
formé  les  deux  grands  génies  du  dernier  âge,  Léonard  et 
Michel-Ange.  Il  est  injuste  de  faire  honneur  à  Laurent  de 
Medici  d'un  mouvement  auquel  il  prit  à  peine  part;  mais 
on  ne  saurait  exagérer  la  part  de  Florence  dans  la  Re- 
naissance. 

Il  est  curieux  de  noter  que  la  ville  qui  en  avait  été  le 
berceau,  qui,  au  xve  siècle  donna  le  signal  du  retour  aux 
formes  antiques,  donne  également  celui  de  la  réaction  reli- 
gieuse. Les  dernières  années  du  xve  siècle  sont  dominées 
par  Savonarole.  Laurent  était  mort  à  temps.  Livrée  aux 
mercenaires,  l'Italie  allait  tomber  sous  le  joug  de  l'étran- 
ger. Pierre  de  Medici  avait  les  vices  de  tant  de  princes  nés 
dans  la  pourpre.  Il  se  brouille  avec  les  Soderini  et  même 
avec  la  branche  cadette  de  sa  famille,  exilant  ses  deux 
cousins  Laurent  et  Jean  de  Medici,  blessant  son  frère  le 
cardinal,  rompant  avec  Savonarole.  A  l'extérieur,  il  s'allie 
à  Naples  contre  Milan  et  détermine  Ludovic  le  More  à 
faire  appel  à  Charles  VIII,  démarche  grosse  de  calamités 
(1492).  Lui-même  négocie  avec  le  roi  de  France,  mais 
sans  rien  conclure,  même  quand  l'expédition  se  met  en 
marche  ;  le  sentant  ennemi,  Charles  VIII  le  traite  comme  tel, 
expulse  ses  agents  de  Lyon.  Obstiné  dans  l'alliance  napoli- 
taine, Pierre  de  Medici  se  trouve  à  découvert  après  la  défaite 
des  Napolitains  en  Ligurie.  Les  mécontents  florentins  ex- 
cités par  Savonarole  se  déclarent  pour  les  Français.  Pierre 
se  soumet,  livre  ses  forteresses,  Sarzane,  Pise,  Livourne, 
Sa  lâcheté  achève  d'indisposer  les  Florentins  ;  ils  se  soulèvent, 
chassent  les  Medici  et  pillent  leur  palais,  mettent  leur  tête  à 
prix,  rappellent  les  exilés  :  Medici  de  la  branche  cadette, 
Pazzi,  etc.  En  présence  des  Français,  ils  font  bonne  con- 
tenance malgré  les  dangers  pour  leur  trafic  dans  le  royaume 
de  France.  Ils  les  accueillent  en  grande  pompe,  font  fête  à 
Charles  VIII;  mais,  malgré  l'enthousiasme  populaire,  les 
cris  de  Vive  la  France  !  ils  se  tiennent  sur  la  réserve.  Des 
rixes  éclatent  dans  les  rues  les  jours  suivants  ;  les  relations 
sont  difficiles.  Au  bout  de  huit  jours,  on  traite  ;  Charles  VIII 
reçoit  le  titre  de  protecteur  de  la  liberté  florentine  ;  Pise 
qu'il  a  affranchie  aura  son  pardon  ;  les  Medici  seront  exi- 
lés. Sur  le  chiffre  de  l'indemnité,  on  faillit  rompre.  Le  roi 
s'écriant  :  «  Eh  bien!  nous  sonnerons  nos  trompettes.  —  Et 
nous,  nous  sonnerons  nos  cloches  »,  répliqua  vivement 
Pier  Capponi.  Le  chiffre  fut  fixé  à  120,000  ducats  ou  florins 
d'or.  Les  Français  sortirent  de  la  ville  la  semaine  suivante. 
La  joie  des  Florentins  fut  extrême.  Ils  avaient  recouvré  la 
liberté  ;  restait  à  l'organiser. 


FLORENCE 


—  646 


Le  gouvernement  théocràtique.  —  Tout  était  à  faire; 
les  anciennes  institutions  n'existent  plus  que  de  nom  ; 
les  arts  sont  désorganisés.  La  désunion  est  partout.  On 
discerne  trois  partis  principaux  :  les  libéraux  ou  démo- 
crates qui  voudraient  restaurer  la  vieille  constitution  ;  à 
leur  tête  marche  Savonarole  qui  rêve  d'une  démocratie 
cléricale  dans  les  idées  du  moyen  âge;  ce  parti,  dont  les 
hommes  d'Etat  sont  Valori  et  Pagalantonio  Soderini,  est 
celui  des  blanchi  ou  frateschi  ;  à  lui  se  rallient  pour  le 
moment  les  palleschi  ou  bigi  (gris),  partisans  des  Medici 
qui  veulent  se  faire  oublier  et  voient  leur  principal  ennemi 
dans  la  faction  oligarchique.  Celle-ci,  dont  l'homme  d'ac- 
tion est  Pier  Capponi,  le  théoricien  et  le  jurisconsulte  Ves-* 
pucci,  s'appuye  sur  Rome  et  Milan  ;  elle  souhaite  le  ré- 
gime vénitien  et  prône  les  Medici  de  la  branche  cadette  ; 
elle  a  l'alliance  des  compagnacci,  sceptiques  anticléricaux, 
groupés  en  compagnies  et  guidés  par  Ridolfo  Spini.  Le 
parti  des  tiepidi,  des  tièdes,  souhaite  avant  tout  la  paix, 
afin  de  vaquer  à  ses  affaires  ;  avec  ces  bourgeois  indifférents 
marche  une  grande  partie  des  ouvriers  que  les  crises  pri- 
vent de  travail.  Dans  la  rédaction  de  la  nouvelle  consti- 
tution, Savonarole  fit  prévaloir  son  avis  :  concentration  des 
pouvoirs  aux  mains  de  la  seigneurie  et  d'un  grand  conseil 
formé  des  citoyens,  dont  le  père,  aïeul  ou  bisaïeul,  a  fait 
partie  des  grands  offices  (seigneurie,  biwnuomini,  gonfa- 
loniers  de  compagnies).  Ce  peuple  légal  comptait  2,300 
membres  dans  une  ville  de  400,000  âmes.  Des  armes  sont 
distribuées  au  peuple  pour  qu'il  puisse  défendre  sa  liberté. 
Aux  taxes  arbitraires  on  substitue  un  impôt  foncier  annuel 
de  10  °/0  sur  les  revenus.  Ce  qui  donne  à  ce  gouverne- 
ment sa  physionomie,  c'est  que  le  Christ  est  proclamé  roi 
de  Florence.  Savonarole  en  conclut  que  le  gouvernement 
nouveau  est  de  droit  divin,  infaillible.  Les  chefs  sont  les 
organes  de  Dieu.  C'est  la  théocratie  sans  ambages. 

Le  ministre  de  Dieu,  chef  unique  de  l'Etat,  est  le  pro- 
phète. Il  hérite  du  despotisme  des  Medici.  Du  fond  de  sa 
cellule,  il  lance  ses  avis,  qui  sont  des  ordres.  De  suite  il 
s'attelle  à  son  grand  œuvre,  la  réforme  des  mœurs.  L'en- 
thousiasme populaire  le  soutient  ;  il  supprime  l'usure  et 
attaque  même  le  prêt  à  intérêt ,  créant  un  mont-de-piété 
qui  réussit  admirablement  ;  le  crédit  est  relevé.  En  1495, 
le  succès  semble  assuré.  Au  dehors  les  choses  allaient 
moins  bien  ;  Charles  VIII  ne  rendait  pas  Pise  ;  bien  plus, 
il  favorise  les  Medici.  Quand  il  revient  au  nord,  on  n'ose  se 
déclarer  contre  lui.  Par  le  traité  de  Turin,  il  réitère  la 
promesse  de  rendre  les  forteresses  en  échange  d'un  prêt 
d'argent  pour  reprendre  Napies.  Les  capitaines  français 
évacuent  Pise,  mais  la  laissent  libre  à  la  grande  indigna- 
tion des  Florentins.  Ils  vendent  les  forteresses  aux  Pisans 
et  aux  Lucquois.  Toutes  les  intrigues  de  la  politique  ita- 
lienne tournent  autour  delà  malheureuse  ville.  Venise  etle 
duc  de  Milan  la  protègent  et  appellent  l'empereur  Maximilien, 
qui,  non  content  de  déclarer  Pise  libre,  met  le  siège  devant 
Livourne  (1496).  Florence  implore  l'aide  de  la  France  dont 
la  flotte  débloque  Livourne.  Les  hostilités  languissent.  Ces 
insuccès  affaiblissent  Savonarole;  la  guerre  est  d'autant 
plus  ruineuse  qu'on  a  perdu  les  douanes  de  Pise  et  la  mer. 
Sforza  encourage  les  oligarques,  espérant  mettre  la  main  sur 
Florence.  Alexandre  VI  et  Venise  s'entendent  avec  Pierre 
de  Medici.  Le  frate  (Savonarole)  résiste  à  tous  et  brave 
le  pape.  Il  supprime  les  fêtes;  sa  tyrannie  puritaine  qu'un 
moment  il  imagine  défaire  défendre  par  les  enfants  embri- 
gadés par  quartiers ,  devient  de  plus  en  plus  oppressive.  Il 

décrète  en  14971e  fameux  autodafé  de  tous  les  instruments 

de  perversion,  cartes,  dés,  parfums,  livres  de  poésie,  harpes, 
luths  ;  on  sait  qu'une  quantité  d'objets  d'art  périrent  vic- 
times de  ce  vandalisme.  Savonarole  se  mêle  delà  vie  privée, 
encourage  les  femmes  à  se  refuser  à  leurs  époux.  Le 
fanatique  lasse  tout  le  monde  ;  la  famine,  les  épidémies 
décimaient  la  population;  les  palleschi  relèvent  la  tête, 
annoncent  le  retour  de  Pierre  de  Medici  ;  ils  abandonnent 
les  piagnoni,  partisans  du  frate,  pour  voter  avec  les  arrab- 
biati aristocrates.  Le  premier  choc  est  repoussé,  mais  les 


compagnacci  viennent  à  la  rescousse,  chassent  de  l'église 
Savonarole,  interdisent  les  prédications.  Le  prophète  est 
excommunié  par  le  pape  ;  son  autorité  décline  ;  il  ne  fait 
plus  de  prosélytes  et  perd  de  ses  fidèles.  Néanmoins,  ils  sont 
encore  assez  forts  pour  comprimer  le  parti  de  Medici  ;  les 
cinq  principaux  palleschi  sont  arrêtés,  condamnés  à  mort  et 
exécutés  (1497).  On  frappe  à  l'effigie  du  frate  une  mé- 
daille avec  cette  redoutable  inscription  au  revers  au-dessous 
d'un  glaive  et  du  nom  de  Rome.  Gladium  Domini  saper 
terram  cito  et  velociter.  Mais  il  ne  faut  pas  s'y  tromper, 
la  théocratie  décline  ;  elle  a  eu  tort  de  toucher  à  la  hache  ; 
le  tiers  parti  lui  devient  hostile,  toutes  les  factions  vont 
se  coaliser  contre  elle.  Ses  adhérents  modérés,  tels  que 
Soderini,  l'abandonnent.  Valori,  son  champion,  juge  néces- 
saire une  garde  armée.  Au  carême  de  1498  Savonarole 
prêche  malgré  le  pape  et  renouvelle  l'autodafé.  Mais  la 
seigneurie  du  1er  mars  lui  est  hostile.  On  sait  la  fin  ;  dis- 
crédités par  l'échec  de  l'épreuve  du  feu,  les  dominicains  et 
leur  prieur  perdent  toute  influence  (V.  Savonarole).  Le 
gonfalonier  Piero  Popoleschi  attaque  les  piagnoni  avec 
l'aide  des  compagnacci.  On  se  bat  dans  les  rues  ;  Valori 
est  tué  ;  le  couvent  de  San  Marco  est  assiégé  ;  Savonarole 
fait  prisonnier.  On  lui  fait  son  procès;  les  dominicains 
l'abandonnent  et  il  est  brûlé  sur  la  place  de  la  Seigneurie 
comme  hérétique.  Ainsi  finit  cet  étrange  épisode  de  l'his- 
toire florentine.  La  ville  de  Boccace  et  de  Donatello  ne 
pouvait  devenir  une  Genève  ;  Savonarole  avait  peut-être 
l'énergie,  mais  non  les  talents  d'un  Calvin.  La  théocratie 
qu'il  avait  organisée  n'était  pas  viable. 

Dans  la  période  suivante,  on  essaye  d'organiser  un  gou- 
vernement républicain,  mais  sans  y  parvenir,  car  il  fallut 
bientôt  revenir  à  une  monarchie  déguisée.  Les  piagnoni, 
tenant  Savonarole  pour  un  martyr,  restaient  fidèles  à  son 
culte  ;  les  libertins  compagnacci  donnaient  aussi  fort  à 
faire  au  parti  victorieux  des  arrabbiati  ;  les  palleschi 
complotent.  En  somme,  l'anarchie  se  prolonge.  Au  dehors, 
la  guerre  contre  Pise  et  sa  garnison  vénitienne  ne  progresse 
pas,  malgré  l'adresse  du  condottiere  Paolo  Vitelli  ;  aban- 
donnés par  Venise,  les  Pisans  font  des  prodiges  d'énergie  ; 
le  supplice  de  Vitelli  est  une  mince  compensation  à  son 
échec.  On  s'allie  alors  à  Louis  XII  qui  vient  d'occuper 
Milan  ;  les  troupes  françaises  ne  peuvent  ou  ne  veulent 
prendre  Pise  (1500).  César  Borgia  envahit  le  Mugello, 
oblige  Florence  à  entrer  dans  sa  ligue,  prend  Piombino, 
fait  soulever  Arezzo  contre  les  Florentins.  Il  semble  que  le 
redoutable  fils  du  pape  aille  devenir  maître  de  la  Toscane. 
Louis  XII  ne  le  permet  pas  ;  il  fait  restituer  à  Florence 
ses  possessions.  Sortie  de  ce  danger,  la-  cité  réforme  ses 
institutions.  Les  arrabbiati  se  sont  rapprochés  des  fra- 
teschi, organisant  un  gouvernement  de  bourgeois.  On  ins- 
titue un  gonfalonier  à  vie,  âgé  d'au  moins  cinquante  ans, 
responsable  devant  les  hauts  officiers  publics  (Huit,  Dix, 
seigneurs,  collèges,  capitaines  de  la  parte)  et  révocable 
par  eux;  ses  fils,  frères  et  neveux,  ne  pourront  revêtir  les 
grands  offices  ni  faire  le  trafic.  L'élection  était  remise  au 
grand  conseil.  Pier  Soderini  fut  élu. 

Gouvernement  de  Soderini.  —  Le  nouveau  chef  de 
l'Etat  florentin  était  un  modéré  et  un  homme  capable.  Les 
dix  années  de  son  gouvernement  furent  relativement  heu- 
reuses, bien  qu'il  se  soit  trouvé  aux  prises  avec  de  grosses 
difficultés.  La  mort  de  Pierre  de  Medici  fit  du  cardinal  Jean 
le  chef  de  la  famille  (1503).  Il  la  releva  patiemment.  A 
Florence,  ses  adhérents  voyaient  se  rallier  à  eux  bien  des 
mécontents,  jadis  leurs  ennemis,  les  Pazzi,  les  Salviati. 
Soderini  s'efforce  de  restaurer  les  finances  et  de  recon- 
quérir Pise  ;  son  homme  de  confiance,  Machiavel,  lui  rend 
de  grands  services  comme  conseiller,  comme  ambassadeur. 
La  politique  tourne  dans  le  même  cercle  :  alliance  française 
achetée  à  deniers  comptants,  lutte  contre  Venise,  pour- 
parlers avec  le  pape  et  le  roi  d'Espagne.  Soderini  se  tient 
le  plus  possible  à  l'écart  de  la  politique  générale  de  l'Eu- 
rope, sentant  que  les  petits  n'y  ont  rien  à  gagner.  Un 
progrès  fut  la  réorganisation  des  milices  qui  fournit  une 


—  647  — 


FLORENCE 


armée  nationale  (1506).  Serrée  de  près,  après  une  conso- 
lidation de  l'alliance  de  Florence  avec  Louis  XII,  Pise  se 
soumet  enfin  ;  le  négociateur  de  la  capitulation  fut  Ma- 
chiavel (1509).  Les  vainqueurs  firent  preuve  d'une  extrême 
modération,  rare  en  ces  temps.  Le  but  était  atteint.  La 
chute  de  leur  rivale  séculaire  était  irréparable.  Elle  ne  s'en 
est  jamais  relevée. 

Malgré  ce  brillant  succès,  Soderini  manque  de  prestige. 
Il  vit  en  simple  citoyen,  néglige  les  arts  et  les  lettres, 
peut-être  faute  d'argent  ;  loyal  observateur  de  la  constitu- 
tion, il  n'a  pas  beaucoup  d'autorité.  La  situation  extérieure 
redevient  mauvaise.  Louis  XII  et  Maximilien  veulent  se 
partager  l'Italie.  Que  faire  entre  eux  et  Jules  II  ?  Les  deux 
souverains  convoquent,  malgré  Soderini,  un  concile  à  Pise, 
afin  de  déposer  le  pape.  Celui-ci  met  Florence  en  interdit. 
Elle  s'obstine  dans  sa  neutralité  timorée,  s'excusant  auprès 
du  roi  d'Espagne  de  fournir  quelques  lances  au  roi  de 
France,  tout  en  leur  défendant  de  combattre.  La  sainte 
ligue,  prenant  le  dessus  en  Italie,  ne  se  contente  plus  de 
cette  équivoque.  Le  gonfalonier  commet  l'imprudence  de 
refuser  de  l'argent  aux  Espagnols.  Les  Medici  aussitôt  en 
donnent  et  en  promettent  davantage.  Ramon  de  Cardona 
reçoit  l'ordre  de  les  rétablir.  Le  sac  de  Prato  terrorise  les 
Florentins.  Soderini  donne  sa  démission  et  quitte  la  ville. 
Les  Medici  rentrent  aux  acclamations  de  la  foule  (1512). 
La  seconde  domination  des  Medici.  —  Le  chef  de  la  fa- 
mille était  le  cardinal  ;  puis  venaient  son  frère  Julien,  son 
neveu  Laurent.  Ils  procédèrent  avec  prudence,  la  majorité 
appartenant  encore  au  parti  populaire.  Le  cardinal  Jean 
arriva  donc  avec  une  escorte  formidable.il  reconstitua  une 
balia,  commission  dictatoriale  qui  nommera  à  tous  les  em- 
plois, selon  le  système  primitif  des  Medici.  Les  Soderini 
furent  persécutés,  exilés.  Soupçonnés  de  conspirer,  quelques 
jeunes  gens  furent  mis  à  mort  ou  bannis.  Et  pourtant  le 
vainqueur  se  montra  relativement  clément.  L'année  suivante, 
il  fut  élu  pape  et  prit  le  nom  de  Léon  X.  Florence  fut  très 
fi  ère  de  cette  exaltation.  Elle  ne  gagna  pas  grand'chose  au 
pontificat  de  cet  épicurien  maladif,  à  qui  ses  prodigalités  ont 
valu  un  renom  peu  mérité  de  mécène  idéal.  Du  moins  sa 
ville  natale  vécut  en  paix  sous  son  pouvoir  et  celui  de  ses 
parents.  Ce  fut  Jules  de  Medici,  bâtard  du  premier  Julien, 
qui  gouverna  la  Toscane  avec  le  titre  de  cardinal-archevêque 
de  Florence  (1513).  Laurent,  fils  de  Pierre,  fut  le  vrai  prince 
jusqu'à  sa  mort  (1518).  Quand  Léon  X  fut  mort  et  rem- 
placé par  Adrien  VI,  Jules  rentra  dans  sa  ville.  Il  y  était 
menacé,  le  cardinal  Soderini  étant  très  écouté  du  nouveau 
pape.  Les  lettrés,  groupés  dans  la  société  des  Orti  Oricel- 
lari,  vantaient  la  liberté  perdue;  les  complots  se  succé- 
dèrent malgré  les  rigueurs.  Subitement,  la  mort  d'Adrien  VI 
porta  le  cardinal  Jules  de  Medici  au  saint-siège;  il  prit  le 
nom  de  Clément  VII  (1523).  Cette  élection  fut  funeste  à 
Florence.  Le  pape  la  confia  à  deux  bâtards,  Hippolyte,  fils 
de  Julien,  et  Alexandre,  fils  de  Laurent  II,  de  Julien  ou  de 
Clément  VIL  Ces  jeunes  tyrans  exaspérèrent  le  peuple.  Le 
pape  l'engagea  dans  la  ligue  avec  Venise  et  la  France  contre 
Charles-Quint  ;  le  seul  résultat  fut  d'attirer  en  Toscane  les 
bandes  du  connétable  de  Rourbon.  Effrayés  devant  l'orage 
dont  on  peut  mesurer  le  danger  quand  on  sait  quel  fut  le 
sort  de  Rome,  les  Florentins  veulent  se  débarrasser  des 
Medici  qui  l'ont  attiré.  Niccolo  Capponi  est  le  chef  des  mé- 
contents. Une  première  insurrection  n'aboutit  pas,  les  deux 
partis  rivalisant  de  mollesse.  La  nouvelle  du  sac  de  Rome 
en  détermine  une  seconde.  Les  Medici  quittent  la  ville  sans 
résister  (1527). 

Dernières  années  et  chute  de  la  république.  —  Cette 
révolution  de  la  peur  ne  pouvait  rien  fonder  de  durable  ; 
on  restaura  à  peu  près  les  institutions  de  Savonarole  et  l'on 
élut  gonfalonier  de  justice  Capponi.  Il  parut  surtout  craindre 
de  se  compromettre  vis-à-vis  des  maîtres  de  la  veille  qu'il 
prévoyait  devoir  être  ceux  du  lendemain.  Tommaso  Sode- 
rini fit  adopter  l'alliance  française  et  on  traita  avec  Fran- 
çois Ier,  renouvelant  la  ligue  où  figuraient  Venise,  Milan 
et  le  pape.  Rientôt  Capponi  négocie  avec  celui-ci  le  retour 


des  Medici;  démasqué,  il  est  déposé  (1529).  Sur  ces  entre- 
faites, Clément  VII  s'entend  avec  l'empereur,  et  naturelle- 
ment la  restauration  des  Medici  est  convenue.  Le  roi  de 
France  traite  à  son  tour,  abandonnant  ses  alliés  (1529).  Nul 
espoir  de  sauver  la  liberté.  Elle  ne  périt  pas  sans  combat. 
A  ce  moment  se  produisit  un  fait  admirable  ;  ce  peuple 
déshabitué  de  la  guerre,  abandonné  de  tous,  refusa  de 
s'abandonner  lui-même.  Le  siège  qu'il  soutint  avec  une 
héroïque  obstination  est  un  des  plus  beaux  faits  de  son 
histoire.  Une  ambassade  fut  envoyée  à  Gênes  pour  essayer 
d'apaiser  l'empereur.  Il  la  renvoya  au  pape  ;  celui-ci  refusa 
toute  transaction.  La  résistance  fut  décidée.  En  oct.  1529 
les  impériaux  commencent  le  siège  ;  beaucoup  d'habitants 
avaient  émigré,  malgré  l'interdiction  de  la  seigneurie. 
L'investissement  fut  complet  en  décembre;  les  sujets  de  la 
république  avaient  fait  défection,  Arezzo,  Cortone,  Pistoia, 
Prato,  etc.  Le  prince  d'Orange  conduisait  le  siège,  inquiété 
sur  ses  derrières  par  le  vaillant  Ferrucci,  tandis  que  Mala- 
testa  dirige  la  défense.  La  ville  est  affamée  en  quatre  mois, 
28,000  habitants  succomberont  aux  maux  du  siège.  La 
défaite  de  Ferrucci  à  Gavinana  ou  périrent  à  la  fois  ce  vail- 
lant capitaine  et  le  prince  d'Orange  décida  la  chute  de 
Florence,  désormais  sans  espoir.  Le  condottiere  Malatesta 
Raglioni  l'obligea  à  capituler.  Les  conditions  furent  douces, 
mais  on  remettait  à  l'empereur  le  soin  de  régler  la  cons- 
titution (août  1530). 

Après  quelques  mois  d'oppression  par  les  soldats,  le  sort 
de  Florence  fut  définitivement  fixé.  L'empereur  Charles- 
Quint  nomma  chef,  mainteneur  et  protecteur  de  la  cité 
Alexandre  de  Medici,  due  de  Penna,  son  gendre  désigné 
(1531).  La  proscription  des  opposants  laissait  les  voies 
libres.  Douze  réformateurs  furent  chargés  de  mettre  les 
institutions  d'accord  avec  les  faits.  La  seigneurie  fut  abolie  ; 
Alexandre  de  Medici  fut  proclamé  doge  héréditaire  de  la 
république  florentine.  On  conservait  un  conseil  de  deux 
cents  membres  investi  de  pleins  pouvoirs  ;  une  délégation 
de  quarante-huit  appelée  sénat  les  exerçait  et  conseillait 
le  prince.  Leur  mandat  est  viager  et  ils  se  recrutent  par 
cooptation.  Mais  ils  ne  font  qu'enregistrer  la  volonté  ducale. 
En  droit  comme  en  fait  la  république  de  Florence  est  dis- 
parue. Elle  n'est  plus  qu'une  municipalité  au  même  titre 
que  Pise,  Empoli,  Arezzo,  la  capitale  du  duché  de  Toscane. 
Ce  titre  que  prendra  Cosme  II  en  1569  ne  fera  que  con- 
firmer l'état  existant.  C'est  donc  à  l'art.  Toscane  qu'il 
faut  chercher  l'histoire  du  duché  des  Medici,  transféré  en 
1737  à  la  maison  de  Lorraine. 

Les  lettres  et  les  arts  au  xvie  siècle.  —  La  seconde 
floraison  du  génie  italien  se  place  dans  la  première  moitié 
du  xvie  siècle.  Florence  n'y  a  plus  la  part  prépondérante 
comme  au  xive  siècle;  cependant  elle  fournit  encore  son 
contingent  de  grands  écrivains  et  de  grands  artistes. 
Rucelïai,  Alamanni,  Rerni  sont  de  médiocres  poètes,  mais 
Machiavel  est  un  des  grands  historiens  de  l'Europe  et  un 
des  maîtres  incontestés  de  la  philosophie  politique;  son 
ami  Guicciardini  jouit  d'une  réputation  presque  égale.  Dans 
les  arts,  Florence  peut  revendiquer  Andréa  del  Sarto, 
Renvenuto  Cellini  et  surtout  Michel-Ange  <jui  prend  une 
place  unique  dans  la  Renaissance.  Après  lui  la  décadence 
est  rapide.  Avec  la  perte  de  l'indépendance  coïncide  l'affais- 
sement intellectuel.  Les  grands  Florentins  des  âges  suivants 
seront  Rronzino,  Carlo  Dolci,  Lulli  et  Cherubini.  Il  ne  faut 
pas  oublier  que  les  bouleversements  économiques  contri- 
buèrent beaucoup  à  ôter  son  importance  à  Florence  (V.  Com- 
merce). A. -M.  Rerthelot. 
•  Conciles  de  Florence.—-  En  1055  et  1104,  conciles 
sans  importance  pour  l'histoire  ecclésiastique  ;  il  n'y  a  été 
arrêté  que  des  dispositions  disciplinaires  d'intérêt  purement 
local  ou  personnel.  — 1439.  Au  mot  Ferrare,  on  a  dit  com- 
ment le  concile  assemblé  en  cette  ville,  par  Eugène  IV,  fut 
amené  à  Florence.  L'objet  principal  de  ses  délibérations 
était  la  suppression  du  schisme  qui  séparait  l'Eglise  grecque 
de  l'Eglise  latine.  Le  pape  et  l'empereur  Jean  Paléologue 
étaient  très  personnellement  intéressés  au  rétablissement 


FLORENCE 


648 


de  l'union  :  l'empereur,  pour  obtenir  les  secours  qu'il  sol- 
licitait en  Occident,  contre  les  Turcs,  devenus  de  jour  en 
jour  plus  menaçants;  le  pape,  pour  se  prévaloir,  contre 
ses  adversaires  du  concile  de  Bâle,  du  mérite  d'une  grande 
œuvre  accomplie.  Il  avait  fait  venir  à  ses  frais  et  il  entrete- 
nait magnifiquement  l'empereur  des  Grecs  et  le  patriarche 
de  Constantinople,  accompagnés  d'environ  sept  cents  per- 
sonnes, tant  officiers  de  l'Empire  que  prélats,  parmi  les- 
quels étaient  les  députés  des  sièges  patriarchaux  d'Alexan- 
drie, d'Antioche  et  Jérusalem.  Six  théologiens  choisis  par 
chaque  parti  devaient  discuter  les  articles  contestés.  Les 
sessions  tenues  à  Ferrare  n'avaient  abouti  à  aucun  résultat 
sérieux.  A  Florence ,  la  première  session  eut  lieu  le 
26  févr.  1439;  elle  se  passa  en  disputes  entre  le  cardinal 
Julien  Cesarini  et  l'empereur,  qui  avait  des  prétentions  à 
la  théologie.  Dans  la  deuxième  session  (2  mars),  on  aborda 
la  question  la  plus  importante,  la  procession  du  Saint- 
Esprit  ,  Marc,  archevêque  d'Ephèse,  parlant  pour  les 
Grecs;  Jean,  provincial  des  dominicains,  pour  les  Latins. 
La  discussion  sur  ce  point  fut  reprise  dans  sept  autres 
séances  (5,  7,  40,  14,  17,  21,  24  mars).  L'empereur  in- 
tervint pour  justifier,  en  l'expliquant,  l'addition  du  mot 
filioque,  que  les  Latins  ne  pouvaient  nier  avoir  faite  au 
symbole.  Comme  la  discussion  ne  menait  à  rien,  on  négo- 
cia. Enfin,  après  des  négociations  qui  durèrent  plus  de  deux 
mois,  on  convint,  dans  une  assemblée  convoquée  le  8  juin, 
d'une  définition  commune  aux  deux  Eglises.  Cette  défini- 
tion, rédigée,  dit-on,  par  Bessarion  (V.  ce  nom),  alors 
métropolitain  de  Nicée,  est  ainsi  conçue  :  «  Nous,  Latins 
et  Grecs...  confessons  que  tous  les  fidèles  chrétiens  doivent 
recevoir  cette  vérité  de  foi  :  que  le  Saint-Esprit  est  éter- 
nellement du  Père  et  du  Fils,  et  que  de  toute  éternité  il 
procède  de  l'un  et  de  l'autre,  comme  d'un  seul  principe,  et 
par  une  seule  production  qu'on  appelle  spiration.  Nous 
déclarons  aussi,  que  ce  que  quelques  saints  pères  ont  dit, 
que  le  Saint-Esprit  procède  du  Père  par  le  Fils,  doit  être 
pris  de  sorte  qu'on  entende  par  ces  paroles,  que  le  Fils  est, 
comme  le  Père  et  conjointement  a^vec  lui,  le  principe  du 
Saint-Esprit  ;  et  parce  que  tout  ce  qu'a  le  Père,  il  le  com- 
munique à  son  Fils,  excepté  la  paternité  qui  le  distingue 
du  Fils  et  du  Saint-Esprit  ;  aussi  est-ce  de  son  Père  que 
le  Fils  a  reçu  de  toute  éternité  cette  vertu  productive,  par 
laquelle  le  Saint-Esprit  procède  du  Fils  comme  du  Père.  » 
En  conséquence,  on  ajouta  à  cette  définition  un  article 
consacrant  l'addition  au  symbole  du  mot  filioque,  dont 
les  Grecs,  à  Ferrare,  avaient  demandé  la  suppression  préa- 
lablement à  toute  discussion  sur  le  fond.  Les  deux  articles 
lus  en  latin  et  en  grec,  furent  approuvés  et  applaudis  par 
tous,  à  l'exception  de  Marc  d'Ephèse.  Avant  de  signer,  l'em- 
pereur eut  la  précaution  de  s'assurer  des  secours  dont  il 
avait  besoin,  par  un  traité  particulier  qu'il  fit  avec  le  pape. 
Le  patriarche  'de  Constantinople  (Joseph)  mourut  un  jour 
après  avoir  signé  ces  premiers  canons.  On  lui  fit  de  pom- 
peuses funérailles. 

Sûr  les  autres  griefs  relevés  par  les  Grecs,  à  l'époque  du 
schisme,  pour  motiver  leur  séparation  de  l'Eglise  romaine, 
l'entente  se  fit  sans  difficulté  sérieuse,  excepté  en  ce  qui 
concernait  la  suprématie  du  pape.  Finalement,  l'accord 
s'établit  sur  tous  les  points  débattus,  moyennant  l'appro- 
bation de  la  doctrine  des  Latins  ou  la  tolérance  de  leurs 
usages.  Les  Grecs  n'admettaient  point  le  purgatoire  ;  ils 
professaient  que,  en  attendant  la  dernière  sentence  qui  sera 
solennellement  prononcée  à  la  fin  du  monde,  les  âmes  qui 
ne  sont  point  frappées  aussitôt  après  leur  mort  d'une  con- 
damnation absolue  restent  dans  un  état  provisoire,  où  les 
vivants  peuvent  leur  venir  en  aide  par  leurs  prières,  par 
leurs  œuvres  et  par  la  célébration  du  sacrifice  eucharistique. 
L'état  de  béatitude,  comme  l'état  de  damnation,  ne  sera 
définitif  qu'après  la  résurrection  du  corps  et  le  jugement 
dernier  :  jusqu'alors  aucune  âme  ne  peut  jouir  dans  le 
ciel  de  la  présence  et  de  la  vue  de  Dieu.  A  Florence,  on 
reconnut  un  purgatoire,  sans  déterminer  le  lieu  où  il  est, 
ni  les  peines  qu'on  y  endure,  feu,  ténèbres,  tempête  ou 


tout  autre  supplice.  Dans  ce  purgatoire,  les  âmes  de  ceux 
qui  sont  morts  en  état  de  grâce,  mais  avant  d'avoir  satis- 
fait pour  leurs  péchés,  sont  purifiées.  Les  suffrages  des 
fidèles,  les  prières,  les  aumônes  et  les  autres  bonnes  œuvres 
peuvent  les  soulager  et  les  délivrer  de  leurs  peines.  De 
plus,  on  déclara  que  les  âmes  qui  après  le  baptême  n'ont 
commis  aucun  péché  ou  qui,  après  en  avoir  commis  ont 
fait  pénitence  suffisante,  soit  dans,  cette  vie,  soit  dans  l'autre 
par  les  souffrances  du  purgatoire,  sont  reçues  au  même 
moment  dans  le  ciel,  où  elles  voient  clairement  Dieu,  selon 
le  degré  de  leurs  mérites.  —  Pour  les  Eléments  de  r Eu- 
charistie, on  statua  qu'on  peut  consacrer  le  corps  de  Jé- 
sus-Christ avec  du  pain  azyme  aussi  bien  qu'avec  du  pain 
levé,  chaque  prêtre  étant  obligé  de  s'en  servir  selon  la  cou- 
tume de  son  église  (V.  Azymites).  —  La  suprématie  du 
pape  fut  ainsi  définie  :  «  Le  pontife  romain  a  la  primauté 
sur  toute  la  terre;  il  est  le  successeur  de  saint  Pierre, 
prince  des  apôtres,  le  véritable  vicaire  de  Jésus-Christ,  le 
chef  de  toute  l'Eglise,  le  père  et  le  docteur  de  tous  les 
chrétiens.  Jésus-Christ  lui  a  donné,  en  la  personne  de  saint 
Pierre,  le  plein  pouvoir  de  paître,  de  régler  et  de  gouver- 
ner l'Eglise  catholique  et  universelle,  ainsi  qu'il  est  expli- 
qué dans  les  actes  des  conciles  œcuméniques  et  dans  les 
canons.  »  —  On  s'était  abstenu  de  toucher  à  d'autres 
points  contestés  entre  les  deux  Eglises,  tels  que  le  célibat 
des  prêtres,  l'usage  de  la  chair  des  animaux  étouffés  ou 
non  saignés,  du  lait  et  des  œufs  en  carême,  le  jeûne  du 
samedi,  la  suppression  de  Y  Alléluia  à  certains  jours,  l'onc- 
tion du  chrême  pour  le  baptême,  l'œcuménicité  du  concile 
Quinisexte,  la  désignation  du  huitième  concile  général 
(V.  Constantinople,  t.  XII,  p.  628,  col.  2),  etc. 

Le  décret  d'union  fut  signé,  en  la  dixième  session  (5  juil.) 
par  tous  les  membres  du  concile,  à  l'exception  de  Marc 
d'Ephèse.  Le  lendemain,  il  fut  lu  solennellement  dans  les 
deux  langues,  en  la  cathédrale  de  Florence.  Les  Grecs  quit- 
tèrent successivementFlorence,du22juil.  au 26  août  1439, 
et  ils  arrivèrent  sans  accident  à  Constantinople,  toujours 
aux  frais  du  pape  ;  mais  ils  furent  fort  mal  reçus  par  le 
peuple,  qui  acclama,  au  contraire,  Marc  d'Ephèse,  comme 
un  saint  confesseur  de  la  foi  et  Tunique  défenseur  de  la 
religion.  Après  avoir  attendu  vainement  les  secours  qu'il 
avait  espérés,  l'empereur  lui-même  renonça  à  un  pacte  qui 
ne  lui  avait  valu  que  la  réprobation  de  ses  sujets.  —  Dès  le 
mois  de  déc.  1439,  Bessarion,  qui  s'était  montré  si  accom- 
modant avec  les  Latins,  avait  été  créé  cardinal  par  Eu- 
gène IV.  En  1450,  un  concile  tenu  à  Constantinople  l'ac- 
cusa d'avoir  trahi  son  Eglise  et  d'être  une  cause  de  grands 
maux  pour  les  Grecs.  En  1561,  il  fut  nommé  par  Pie  II 
patriarche  in  partibus  de  Constantinople,  lui-même  fut 
deux  fois  près  d'être  élu  pape. 

Le  conflit,  de  jour  en  jour  plus  acerbe,  entre  le  concile 
de  Bâle  et  Eugène  IV  réduisant  l'Eglise  d'Occident  à  l'état 
de  schisme,  Eugène  avait  entrepris  de  supprimer  tous  les 
schismes  orientaux.  La  convocation  qui  avait  amené  les 
Grecs  à  Ferrare,  puis  à  Florence,  avait  été  pareillement 
adressée  aux  Arméniens  et  aux  Jacobites  d'Egypte  et  d'Ethio- 
pie. Les  Arméniens,  c.-àrd.  quatre  députes  envoyés  pir 
Constantin,  leur  patriarche,  arrivèrent  après  le  départ  des 
Grecs.  Le  22  nov.  1439,  on  fit  un  décret  qui  les  réunis- 
sait à  l'Eglise  romaine.  En  tète  de  ce  décret,  on  ne  trouve 
que  le  seul  nom  du  pape.  La  quatrième  session  après  le 
départ  des  Grecs  n'eut  lieu  que  le  5  févr.  1441  ;  on  y  fit 
pour  les  Jacobites  ce  qu'on  avait  fait  précédemment  pour 
les  Arméniens,  un  décret  d'union,  lequel  fut  accepté  par 
André,  abbé  de  Saint- Antoine,  présenté  comme  député  de 
Jean,  patriarche  des  Jacobites .  Il  est  assez  difficile  de  dis- 
cerner ce  qu'il  y  avait  de  sérieux  dans  ces  députations.  Le 
pape  prétendit  aussi  avoir  reçu  une  lettre  apportée  par  un 
nommé  Nicodème,  qui  se  disait  abbé  des  Ethiopiens  et  qui 
promettait  que  le  roi,  son  maître,  viendrait  lni-même  en 
Italie  pour  s'unir  à  l'Eglise  romaine.  Ce  roi  ne  vint  jamais. 
En  définitive,  les  actes  mis  sur  le  compte  des  Arméniens  et 
des  Jacobites  eurent  encore  moins  d'effets  que  le  pacte  con- 


—  649  — 


FLORENCE  —  FLORENSAC 


clu  avec  les  Grecs.  —  Le  26  avr.  1442  fut  tenue  à  Flo- 
rence une  dernière  session,  dans  laquelle  le  pape  transféra 
le  concile  à  Rome.  En  cette  ville,  on  réunit  à  l'Eglise  les 
Syriens,  les  Chaldéens  et  les  Maronites.  La  bulle*  qui  fut 
donnée  pour  cette  dernière  union,  au  mois  d'août  4445, 
dit  que  le  concile  œcuménique  se  tenait  encore  à  Saint-Jean 
de  Latran.  C'est  le  dernier  document  qui  reste  de  cette 
assemblée.  —  Les  Italiens  comptent  le  concile  de  Florence 
comme  seizième  concile  général,  L'Eglise  de  France 
attribuait  ce  rang  au  concile  de  Bâle,  jusqu'à  la  vingt- 
sixième  session.  En  conséquence,  la  plupart  des  théologiens 
et  des  canonistes  gallicans  contestaient  à  l'assemblée  de 
Florence  la  qualité  de  concile  général,  parce  qu'elle  avait 
été  tenue  contrairement  aux  décrets  de  Bâle,  et  que  les 
évêques  de  la  France  et  de  plusieurs  autres  nations  ne  s'y 
trouvaient  point,  leurs  princes  leur  ayant  défendu  d'y  assis- 
ter, et  que  d'ailleurs  on  ne  pouvait  pas  les  y  appeler  cano- 
niquement.  Parmi  ceux  qui  reconnaissaient  ce  concile  comme 
œcuménique,  plusieurs  lui  déniaient  ce  titre,  après  le  dé- 
part des  Grecs.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Perrens,  Histoire  de  Florence;  Paris,  1877- 
1890,  9  vol.  in-8.  —  Perrens,  la  Civilisation  florentine 
du  xine  au  xvi°  siècle  ;  1893,  in-8  (Collection  de  la  Biblio- 
thèque d'histoire  illustrée).  —  Sismondi,  Histoire  des 
républiques  italiennes  ;  Paris,  5  vol.  in-8.—  Ch.  Yriarte, 
Florence;  Paris,  1881,"  in-fol.  —  Taine,  Voyage  en 
Italie;  Paris,  1866,  2  vol.  in-8.  —  Durand,  la  Toscane, 
album  pittoresque  et  archéologique  ;  Paris,  1868,  in-32.  — 
L.  Simonin,  la  Toscane  et  la  mer  Tyrrhénienne  ;  Paris, 
1868,  in-18.  —  Ch.  Blanc,  Histoire  des  peintres.  Ecole  flo- 
rentine; Paris,  1874,  in-fol.  —  G.  Lafenestre,  {a  Peinture 
italienne;  Paris,  1888,  in-8.—  P.  Mantz,  les  Chefs-d'œuvre 
de  la  peinture  italienne  ;  Paris,  1870,  in-fol.  —  Eug.  Muntz, 
les  Arts  en  Italie  au  temps  de  la  Renaissance  ;  Paris, 
2  vol.  in-4.  —  Luigi  Lanzi,  Storia  pittorica  dell'Italia, 
trad.  de  Mme  Dieudé  ;  Paris,  1825,  5  vol.  in-8.  —  Wolt- 
mann  und  Wôrman,  Geschichte  der  Malerei;  Stuttgart, 
in-8  (en  cours  de  publication).  —  Bocchi,  Le  Bellezze  di 
Firenze,  1677.—  G  ori,  MusseumFlorentinum,  1731-1762.— 
Bartholo  Righi,  Annali  délia  città  di  Firenze;  Mantoue, 
1841.  —  Sieveking,  Florentinische  Geschichte  von  Cos- 
mus  I;  Hambourg,  1844. —  Napier,  Florentine  History  to 
the  accession  of  Ferdinand  III,  duke  ofTuscany;  Londres, 
1847.  —  Ad.  Trollope,  History  of  the  common  wealth  of 
Florence  ;  Londres,  1874,  4  vof.  —  Hartwig,  Quellen  und 
Forschungen  zur  altesten  Geschichte  der  Stadt  Florenz  ; 
Marbourg,  1875,  in-8.  —  Vannucci,  I  Primi  Tempi  délia 
libertà  fiorentina  ;  Florence,  1856.  —  G.  Cavalcanti, 
Istorie  florentine  ;  Florence,  1866.  —  Passerini,  Curiosità 
slorico  artisliche  florentine  ;  Florence,  1866.  —  Capponi, 
Storia  délia  repubblica  di  Firenze;  Florence,  1876,  2  vol. 
in-8.  —  R.  del  Bruno,  Galeria  reale  di  Firenze  illustrala; 
Florence,  1817-1831,  13  vol.  in-8.  —  L.  Bardi,  Galleria  Pitti 
illuslrata;  Florence,  1837-1842,  4  vol.  in-fol.  —  A.  Reu- 
mont,  Tavole  chronologiche  e  sincrone  delfistoria  fioren- 
tina dal  301  al  18b0;  Florence,  1841.  —  L.  Bruni  Aretino, 
Istoria  delpopolo  fiorentino  ;  Venise,  1476,  in-fol.  —  Gio- 
vanni, Matteo,  e  Filippo  Villani,  Le  Storie  florentine  ; 
Milan,  1729,  in-fol.—  Macghiavelli,  DelVIstorie  florentine 
(1205-lk9k);  Florence,  1532,  in-4.— F.  Guicciardini,  Storia 
fiorentina  ;  Florence,  1859,  in-8.  —  G.-M.  Bruti,  Historiée 
Florentins  libr.  VIII  (1286-1^92)  ;  Lyon,  1562,  in-4.—  Pog- 
gio  Bracciolini,  Historia?  Florentins  lib.  VIII  (1350- 
lk5o);  Venise,  1476,  in-fol.—  G.  Carbone, Storia  fiorentina 
dagli  Etruschi  a  noi;  Florence,  1840,  6  vol.  —  Delécluze, 
Florence  et  ses  vicissitudes  (1215-1190);  Paris,  1837, 
2  vol.  in-8.  —  L.  Orsini,  Storia  délie  monete  délia  rep- 
publica  fiorentina  ;  Florence,  1760,  in-4.  —  Florence  et  ses 
environs,  carte  en  9  feuilles  au  25,000e  de  Tlnstitut  typo- 
graphico-militaire  de  Florence.  —  Pour  les  conciles  de 
Florence,  V.  Schisme. 

FLORENCE  (Prov.  de).  La  province  de  Florence  fait 
partie  de  l'ancienne  Toscane  ;  elle  a  une  superficie  de 
5,861  kil.  q.  et  une  population  de  790,776  hab.  (1881). 
Elle  comprend  quatre  circondarii  qui  ont  pour  chefs-lieux  : 
Florence,  Pistoia,  Rocca  San  Casciano  et  San  Miniato. 

FLORENCE.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'Alabama,  comté 
de  Lauderdale  ;  1,500  hab.  en  1887,  10,000  environ  en 
oct.  1889.  Ville  d'eaux  minérales,  située  sur  un  plateau 
dominant  la  rivière  Tennessee,  dans  l'angle  N.  de  l'Etat. 
Siège  d'un  collège  normal  de  l'Etat  et  de  diverses  écoles 
publiques  et  privées  ;  université  baptiste.  Nombreuses  ma- 
nufactures établies  en  1889,  représentant  un  capital  de 
14  millions  de  dollars.  Centre  de  ch.  de  fer.  Dans  le  voi- 
sinage, le  canal  latéral  des  Muscle  Schoals  (rapides  du  Ten- 


nessee). Florence  est,  dit  M.  Elisée  Reclus,  l'une  des  cités 
actives  du  «  Nouveau  Sud  »,  après  Rirmingham,  du  même 
Etat. 

FLORENCE  de  Worcester,  chroniqueur  anglais,  mort 
en  1118.  C'était  un  moine  de  Worcester,  qui,  prenant 
pour  base  la  chronique  du  moine  irlandais  Marianus,  mort 
vers  1082,  écrivit  un  Chronicon  ex  Chronicis,  qu'il  porte 
jusqu'à  1117.  Dans  ce  qu'il  ajoute  à  son  modèle,  il  s'occupe 
surtout  des  affaires  anglaises.  11  a  eu  lui-même  plusieurs 
continuateurs,  si  bien  qu'un  des  neuf  manuscrits  connus 
va  jusqu'en  1295.  La  première  édition  du  Chronicon  date 
de  1592  (Londres,  in-4)  ;  une  mauvaise  réimpression  en 
fut  faite  à  Francfort,  avec  les  Flores  Historiarum  (1601, 
in-fol.).  B.  Thorpe  a  édité  la  portion  qui  va  de  1141  à 
1295  pour  YEnglish  Historical  Society  (1849,  2  vol. 
in-8).  Enfin,  une  traduction  anglaise  en  a  été  publiée  par 
T.  Forester  dans  la  Bibliothèque  historique  de  Bohn 
(1847)  et  par  J.  Stevenson  dans  ses  Historiens  de  V Eglise 
(Church  Historians,  1853). 

FLORENGIA  (Francisco),  fécond  écrivain  hispano-amé- 
ricain, né  dans  la  Floride  vers  1620,  mort  à  Mexico  en 
1695.  Entré  dans  la  Société  de  Jésus  en  1643,  il  enseigna 
avec  succès  la  théologie  et  la  philosophie  au  collège  de 
Saint-Pierre  et  Saint-Paul  à  Mexico.  En  1688,  il  passa  en 
Europe  comme  procureur  de  sa  province  à  Madrid  et  à 
Rome,  puis  il  demeura  quelques  années  à  Séville  comme 
procureur  de  toutes  les  provinces  de  la  Compagnie  en  Amé- 
rique. On  a  de  lui  :Menologio  de  los  varones  mds  sena- 
lados  de  la  compania  de  Jésus  de  la  provincia  de 
Nueva-Espana  (Barcelone,  1661,  in-4;  2e  édit.  augmentée 
par  J.-A.  de  Oviedo,  Mexico,  1747,  pet.  in-4)  ;  Historia 
de  la  provincia  de  la  compania  de  Jésus  de  la  Nueva- 
Espana  (Mexico,  1694,  in-fol.),  première  partie  seulement; 
la  seconde  devait  traiter  des  missions  ;  la  troisième  aurait 
contenu  comme  le  Menologio  des  notices  sur  les  jésuites 
américains  les  plus  distingués.  Il  publia  en  outre  des  bio- 
graphies des  PP.  Luis  de  Médina  (Séville,  1673,  in-4)  ; 
Nicolas  de  Guadalajara  (Mexico,  1684,  in-4);  Gerônimo 
Figueroa  (id.,  1689,  in-4);  des  histoires  et  descrip- 
tions des  sanctuaires  et  images  de  Nuestra  Senora  de 
losRemedios  de  Mexico  (id.,  1686;  Séville,  1745,  in-4); 
Nuestra  Senora  de  Guadalupe  (Mexico,  1688  et  J  741  ; 
Madrid,  1785);  S.  Miguel  de  las  Cuevas  (Cadix,  4690); 
Los  Sopilotes  de  la  provincia  de  Tlaxcala  (1692);  Ori- 
g  en  de  los  mds  insignes  santuarios  de  la  Nueva-Gali- 
cia,  obispado  de  Guadalajara  (Mexico,  1694),  concernant 
l'image  de  Tzapopan  et  celle  de  San  Juan  de  los  Lagos, 
qui  a  aussi  été  l'objet  d'une  publication  à  part  (Mexico, 
1796,  et  Madrid,  1801).  Son  Zodiaco  Mariano  :  historia 
gênerai  de  las  imageries  de  la  virgen  Maria  en  la  Ame- 
rica setentrional  fut  édité  par  J.  de  Oviedo  (Mexico,  1755). 
Il  donna  aussi  des  panégyriques  et  des  sermons.      R-s. 

FLORENSAC  (Florentiacum).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
de  l'Hérault,  arr.  de  Réziers,  près  de  la  rive  gauche  de 
l'Hérault;  3,752  hab.  Cette  localité,  probablement  romaine 
d'origine,  ne  paraît  pas  dans  les  actes  avant  Pan  966  ; 
après  avoir  appartenu  aux  vicomtes  de  Narbonne,  elle  passe 
à  ceux  d'Agde;  au  début  du  xvie  siècle,  elle  a  pour 
maître  l'évêque  d'Agde  (transact.  de  1219),  puis  est  donnée 
par  Amauri  de  Montfort  au  sire  de  Lévis.  Les  habitants, 
albigeois  endurcis,  sont  excommuniés  en  1222  ;  un  peu 
plus  tard  la  ville  est  occupée  violemment  par  les  officiers 
royaux,  qui  ne  la  rendent  à  Gui  de  Lévis  qu'en  1261  sur 
un  ordre  spécial  de  la  cour.  Au  xive  siècle,  la  place  est 
prise  successivement  en  1361  par  Séguier  de  Badefol,  en 
1371  par  le  bâtard  de  l'Ile,  en  1380  par  Renoît  Chappa- 
rel,  et  dévastée  chaque  fois.  En  1563,  Florensac,  dont  les 
habitants  sont  en  majorité  protestants,  est  saccagée  par  les 
troupes  du  vicomte  de  Joyeuse  ;  en  1625,  la  religion  ca- 
tholique y  est  rétablie  à  la  suite  d'une  conversion  en  masse. 
La  seigneurie  de  Florensac  avait  été  donnée  à  un  puîné 
de  la  maison  de  Lévis,  Philippe  (1279-1303),  mari  de 
Réatrix  de  Lautrec.   Un  descendant  de  Philippe,  Bernard, 


FLORENSAG  —  FLORES 


-  650  — 


épousa  l'héritière  des  seigneurs  de  La  Roche-en-Régnier  ; 
il  mourut  en  1382  ;  son  arrière-petite-fille,  Jeanne,  porta 
la  seigneurie  dans  la  famille  des  Crussol,  plus  tard  ducs 
d'Uzès.  —  L'église  (chœur  gothique),  dédiée  à  saint  Jean- 
Raptiste,  dépendait  de  l'abbaye  de  Saint-Thibéry.  Couvent 
de  cordeliers  détruit  au  xvie  siècle.  Débris  insignifiants  du 
château  des  Crussol.  Patrie  du  général  Montbrun.  Fa- 
briques d'eau-de-vie.  Plantations  du  mûriers,  d'oliviers, 
d'amandiers.  Foires  importantes  en  août.      A.  Molinier. 

Bibl.  :  Le  P.  Anselme,  VI,  pp.  25  et  suiv.  —  Donna- 
dieu,  Etudes  historiques  sur  Florensac  ;  Paris,  1877,  in-8. 

FLORENT.  Corn,  du  dép,  de  la  Marne,  arr.  et  cant.  de 
Sainte- Menehould;  602  hab. 

FLORENT,  saint  alsacien  du  vne  siècle,  d'origine  irlan- 
daise, évêque  de  Strasbourg.  Lorsque  Dagobert  II,  exilé 
en  Irlande,  fut  rappelé  en  Austrasie  après  la  mort  de  Chil- 
déric  II  (674),  le  moine  Florent  le  suivit,  s'établit  à  Has- 
lach,  dans  une  vallée  des  Vosges,  et  y  fonda  un  monastère. 
Il  succéda,  en  679,  à  Arbogast  sur  le  siège  épiscopal,  et 
devint  le  fondateur  de  l'église  Saint-Thomas,  ainsi  que  d'un 
monastère  du  même  nom,  qu'il  peupla  de  quelques  religieux 
irlandais.  Il  mourut  en  odeur  de  sainteté  en  693.  Son 
corps,  d'abord  enterré  à  Saint-Thomas,  fut  transféré  plus 
tard  à  Haslach.  Sa  fête  est  célébrée  le  7  nov. 

Bibl.  :  Légende  de  saint  Florent,  manusc.  du  xive  siècle, 
dans  les  archives  de  Saint-Thomas ,  publié  par  Ch. 
Schmidt,  Histoire  du  chapitre  de  Saint-Thomas;  Stras- 
bourg, 1860,  pp.  261-262,  283-285.  —  Surius,  Vîtes  S.  S., 
1618,  XI,  184.  —  Berain,  Mémoires  fiistor.  sur  le  règne 
des  trois  Dagobert...,  avec  un  abrégé  de  la  vie  de  saint 
Florent  ;  Strasbourg,  1717.  —  Histoire  de  la  vie  de  saint 
Florent,  évêque  de  Strasbourg  ;  Strasbourg,  1772.  —  Wat- 
tenbach,  Deutsche  Geschichtsquellen,  1873,  I,  95  ;  II,  359. 
—  Revue  d'Alsace,  1862,  pp.  203  et  suiv.  —Bull,  de  la  Soc. 
pour  la  cons.  des  mon.  histor.  d'Alsace^  I,  p.  257,  lre  série. 

FLORENT,  comtes  de  Hollande  (V.  ce  mot). 

FLORENT  (François),  canoniste,  né  à  Arnay-le-Duc 
(Bourgogne)  vers  4590,  mort  en  4650.  Il  fut  avocat  au 
parlement  de  Dijon,  puis  professeur  de  droit  à  Orléans  et 
de  droit  canon  à  Paris.  Il  a  composé  sur  le  droit  canon  de 
nombreux  traités  qui  ont  été  recueillis  par  Doujat,  son  suc- 
cesseur :  F.  Florentis  Opéra  juridica  (Paris,  4679,  in-4; 
Venise,  4763,  in-fol.). 

FLORENT  Bravonius  (V.  Florence  de  Worcester). 

FLORENT-Lefebvre  (Louis),  homme  politique  français, 
né  à  Beaumetz-les-Loges  (Pas-de-Calais)  le  26  mars  4821 , 
mort  à  Monchy-le-Preux  (Pas-de-Calais)  le  5  mai4887.  Avo- 
cat, il  se  présenta  sans  succès  à  une  élection  partielle  pour  le 
Corps  législatif  dans  le  Pas-de-Calais  (22déc.  4866),  comme 
candidat  libéral,  et  de  nouveau  le  24  mai  4869.  Il  fut  enfin 
élu  député  d'Arras  le  20  févr.  4876.  Membre  du  centre 
gauche,  puis  des  363,  il  ne  fut  pas  réélu  avec  eux  le  44  oct. 
4877.  Mais  il  reprit  possession  de  son  siège  le  24  août  4884, 
soutint  la  politique  opportuniste  et  échoua  aux  élections  du 
4  oct.  4885.  Il  a  écrit  :  De  l'Avenir  des  sociétés  mo- 
dernes et  du  Socialisme  (Paris,  4848,  in-8)  ;  De  la  Dé- 
centralisation (4849,  in-8)  ;  Chemins  vicinaux.  De  la 
Prestation  en  nature  et  de  la  nécessité  de  modifier 
cette  taxe  (4865,  in-8)  ;  Subventions  spéciales  ou  in- 
dustrielles  (4866,  in-8). 

FLORENT1A.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le- 
Saunier  ;  cant.  de  Saint-Julien  ;  75  hab. 

FLORENTIN.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Gaillae; 
cant.  de  Cadalen  ;  4,484  hab. 

FLORENTIN-la-Capelle.  Com.  du  dép.  de  l'Aveyron, 
arr.  d'Espalion,  cant.  de  Saint-Aman s-des-Cots  ;  538  hab. 

FLORENTIN  (Miguel),  sculpteur  italien  qui  fut  appelé 
en  Espagne  au  commencement  du  xvie  siècle.  Il  exécuta 
en  marbre,  en  4508-4540,  le  tombeau  de  l'archevêque 
D.  Diego  Hurtado  de  Mendoza,  placé  dans  la  chapelle  de 
la  Antigua,  dans  la  cathédrale  de  Séville.  Ce  monument, 
en  forme  d'arcade  ouverte  dans  la  muraille,  se  compose 
de  la  statue  gisante  de  l'archevêque,  revêtu  de  ses  habits 
pontificaux,  posée  sur  le  tombeau,  de  quatre  bas-reliefs 
qui  décorent  le  fond  de  la  niche  et  de  deux  autres,  for- 
mant socle,  avec  des  figures  allégoriques.  Des  pilastres, 


fermant  les  côtés  de  l'arcature,  sont  décorés  également  de 
figures  de  saints  et  enrichis  d'ornements  d'un  goût  très  pur. 
L'ensemble  de  ce  bel  ouvrage  appartient  au  style  de  la 
Renaissance  et  présente  un  grand  caractère  de  simplicité  et 
de  perfection  dans  son  exécution.  Engagé  par  le  chapitre 
à  prolonger  son  séjour  à  Séville,  maître  Miguel  continua 
de  travailler  à  la  cathédrale.  En  4547  et  4548,  il  faisait 
quelques  figures  pour  le  dôme  ;  en  4549,  les  statues  de 
Saint  Pierre  et  de  Saint  Paul  pour  l'ancienne  porte  du 
Pardon  ;  en  4522,  le  grand  bas-relief  représentant  Jésus 
chassant  les  marchands  du  temple,  qui  est  au-dessus  de 
cette  même  porte,  et  enfin  de  4523  à  4525  une  partie  des 
figures  de  saints  en  terre  cuite,  de  grandeur  naturelle,  qui 
décorent  extérieurement  la  grande  chapelle.  Postérieure- 
ment à  1525,  le  nom  de  l'habile  sculpteur  cesse  de  paraître 
sur  les  livres  de  compte  du  chapitre.  Peut-être  mourut-il  à 
Séville.  —  Son  fils  Antonio  continua  jusqu'en  4554  d'y 
exercer  l'architecture,  la  peinture  et  la  sculpture. —  Un  autre 
sculpteur  italien,  Domenico-Alexandro,  et  appelé  aussi 
Florentin,  sans  doute  comme  les  précédents  artistes  à 
cause  de  son  origine  florentine,  est  l'auteur  du  tombeau  de 
l'infant  don  Juan,  placé  dans  l'église  Saint-Thomas,  à  Avila, 
et  des  dessins  de  celui  du  cardinal  Ximenès  de  Cisneros, 
dans  la  chapelle  de  l'université  d'Alcalade  Henarès,  ouvrage 
qu'il  ne  fit  que  commencer,  car  il  mourut  à  Alcala  en  4  51 8, 
l'année  même  où  il  en  avait  passé  le  contrat.       P.  L. 

FLORENTINE  (Etoffe).  Etoffe  de  soie  fabriquée  à  Flo- 
rence, et  dont  le  secret  fut  importé  en  France  sous  Col- 
bert.  Les  comptes  du  roi  René  la  mentionnent  sous  le  nom 
de  taffetas  de  Florence. 

FLORENVILLE.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Luxem- 
bourg, arr.  de  Virton,  sur  la  Semoy  ;  2,500  hab.  Stat.  du 
chemin  de  fer  de  Bertrix  à  Virton  ;  grand  commerce  agri- 
cole, scieries  de  bois,  taillanderies. 
.  FLORES,  ENDE  ou  MADGIRAI.  Ile  de  la  Sonde  (Ma- 
laisie),  entre  7°  35'  et  9°  W  lat.  S.  et  147°  35'  et  420° 
45/  long.  E.,  à  l'E.  de  Soembawa,  à  l'O.  de  Timor  et  au 
S.-E.  d'e  Célèbes.  Longue  de  280  kil.,  large  de  80  kil., 
elle  est  peu  connue  et  paraît  très  montagneuse.  Sur  la 
côte  S.-È.  se  trouvent  plusieurs  volcans  dont  l'un,  le 
Lovotivo,  est  presque  continuellement  en  activité.  L'île 
offre  de  bons  ports,  dont  celui  d'Ende,  sur  la  côte  S.,  est 
le  principal.  Elle  est  fertile  en  grains,  bois  de  santal,  can- 
nelle. On  y  élève  des  buffles,  des  chèvres,  des  cochons,  des 
volailles,  des  tourterelles  et  des  abeilles.  Exportation  de 
porcs,  cire,  nid  d'oiseaux,  ambre  gris;  importation  de 
pierres  à  fusil,  poudre,  balles,  bouteilles,  verres,  coutel- 
lerie. Le  commerce  se  fait  en  général  avec  Célèbes,  la  Chine 
et  Timor.  Les  côtes  de  Fîle  sont  soumises  à  un  radjah  qui 
réside  à  Laventouka  et  qui  relève  du  sultan  de  Bima. 
L'administration  hollandaise  est  également  établie  à  Laven- 
toukav  Meyners  d'Estrey. 

FLORES  (Andrés),  théologien  espagnol,  né  à  Torrijos 
(Nouvelle-Castille)  en  4484,  mort  en  4560.  Il  entra  dans 
l'ordre  des  dominicains,  et,  à  la  demande  de  Charles-Quint, 
écrivit  un  catéchisme  qui  fut  très  répandu  :  De  la  Doc- 
trina  christiana  (4552,  in-8).  Avec  un  curé  des  envi- 
rons de  Madrid,  Pierre  Ortiz,  il  écrivit  aussi  :  'Suma  de 
toda  la  escritura  sagrada  en  verso  heroyco  castellano. 

FLORES  (Ildefonso-José,  aussi  appelé  Alonso),  lin- 
guiste hispano-guatémalien,  mort  en  4772,  Il  appartenait 
à  l'ordre  de  Saint-François  et  il  enseignait  à  l'université 
de  San  Carlos,  à  Guatemala,  la  langue  cakchiquel  dont  il 
publia  une  grammaire  :  Arte  de  la  languametropolitana 
del  reyno  cakchiquel,  con  un  paralelo  de  las  lenguas 
metropolitanas  de  los  reynos  kiche,  cakchiquel  y 
tmtuhil  (Guatemala,  4753,  in-4).  Il  laissa  en  manuscrit 
un  traité  dogmatique  à  l'usage  des  indigènes,  intitulé  Teo- 
logia  de  los  Indios.  B-s. 

FLORES  (Venancio),  général  et  président  de  la  répu- 
blique de  l'Uruguay,  mort  à  Montevideo  le  49  févr.  4868. 
Colonel  dans  l'armée  uruguayenne,  il  contribua  en  4853 
au  renversement  du  gouvernement  légal,  et  le  parti  avancé 


—  651  — 


FLORES  —  FLORIAN 


(Colorado),  dont  il  était  le  chef,  l'éleva  à  la  présidence. 
Renversé,  en  1855,  par  une  révolution  militaire,  il  entra 
au  service  de  Buenos  Aires  en  qualité  de  général  de  bri- 
gade, et  eut  sa  part  à  la  victoire  de  Pabon,  remportée  sur 
l'armée  de  la  Confédération  Argentine  (17  sept.  1861)  par 
le  général  Mitre,  qui  devint  par  suite  président  de  la  répu- 
blique. Soutenu  par  celui-ci,   le  général  Flores  débarqua, 
le  19  avr.  1863,  sur  la  côte  orientale  avec  une  poignée 
d'hommes  et  appela  l'Uruguay  à  l'insurrection.  Battu  par  le 
vieux  général  Médina  à  trois  lieues  de  Montevideo,  mais 
appuyé  par  le  Brésil,  il  s'établit  en  maître  dans  l'Ouest,  puis 
emporta  d'assaut  la  Florida,  s'empara  de  Durazno  et  de 
S  alto,  et  livra  Paysandû  au  pillage.  Enfin,  le  23  janv. 
1865,  il  entra  triomphalement  à  Montevideo,  prit  le  titre 
de  gouverneur  provisoire  de  la  république,  constitua  un 
ministère,  rouvrit  la  porte  aux  jésuites  expulsés  en  1859, 
auxquels  il  accorda  la  permission  de  rétablir  leurs  maisons 
d'éducation,  et  fit  avec  le  Brésil  et  la  République  Argen- 
tine un  traité  d'alliance  offensive  contre  le  Paraguay.  Il  se 
mit  à  la  tête  de  l'armée  uruguayenne,  remporta  d'abord 
quelques  succès,  mais,  après  l'échec  subi  par  les  alliés  à 
Curupayti  (22  sept.  1865;,  il  rentra  à  Montevideo  pour  y 
rétablir  l'ordre  moral  singulièrement  troublé.  Dès  lors,  il 
ne  s'occupa  que  des  affaires  intérieures,  développa  rapide- 
ment la  prospérité  matérielle  du  pays,   et  fit  reviser  tous 
les  codes,  agissant  toujours  en  dictateur,  en  l'absence  de 
toute  représentation  nationale.  Il  la  fit  élire  enfin,  sous  la 
pression  de  l'opinion  publique,  lui  remit  ses  pouvoirs  le 
15  fèvr.  1868,  et,  quatre  jours  plus  tard,  il  périt  assas- 
siné, victime  du  parti  des  «  Blancs  ».       G.  Pawlowski. 
FLORES  (Juan-José),  fondateur  et  président  de  la  répu- 
blique de  l'Equateur,  né  à  Puerto  Cabello  (Venezuela)  en 
1801,  mort  à  Guayaquil  le  1er  oct.  1864.  Ami  de  Bolivar, 
il  fut  son  aide  de  camp  pendant  la  guerre  d'indépendance, 
puis  commandant  de  la  province  de  Pasto  (1823),  et  rem- 
porta, le  25  févr.  1829,  la  victoire  de  Tarqui,  où  l'armée 
péruvienne  fut  presque  détruite.  Principal  promoteur  de  la 
séparation  de  l'Equateur  de  la  république  de  Colombie,  il 
fut  le  premier  président  du  nouvel  Etat  (1831-1835)  et 
lui  donna  la  forme  de  gouvernement  qu'il  a  conservée  jus- 
qu'à présent.  Chef  du  parti  conservateur,  il  eut  à  compri- 
mer en  1831  un  mouvement  révolutionnaire  dirigé  par 
Rocafuerte,  qu'il   fit  prisonnier   à  la  bataille  de  Quito 
(18  janv.  1835),  mais  auquel  il  céda  le  pouvoir  en  mai  sui- 
vant, pour  ne  garder  que  le  commandement  en  chef  de 
l'armée.  Il  le  remplaça  à  la  présidence  en  1839,  et  fit  voter 
une  nouvelle  constitution  le  34  mars  1843.  Réélu  pour  la 
troisième  fois  en  1843,  il  fut  renversé  par  les  libéraux  le 
6  mars  1845,  et  fit  de  vaines  tentatives  pour  ressaisir  le 
pouvoir.  Lorsque,  en  1859,  les  révolutionnaires  eurent  mis 
à  la  tête  du  gouvernement  le  général  Franco,  Flores,  investi 
par  les  conservateurs  du  commandement  en  chef  de  l'armée, 
battit  son  adversaire  à  Babahoyo  (8  août  1 860)  et  fît  éle- 
ver à  la  présidence  son  gendre,  le  savant  professeur  Garcia 
Moreno  (8  juil.  1861),  gardant  pour  lui-même  les  fonc- 
tions de  gouverneur  de  Guayaquil.  La  fin  de  sa  longue 
carrière  guerrière  fut  marquée  par  une  défaite  désastreuse 
qui  lui  fut  infligée  par  le  dictateur  de  la  Nouvelle-Grenade, 
Mosquera,  à  Cuaspud  (6  déc.  1863).    Celui  qu'on  appe- 
lait «  le  père  de  la  république  équatorienne  »,  et  qui  fut 
toujours  le  plus  ferme  soutien  de  la  prépondérance  de 
l'Eglise  dans  le  gouvernement  de  son  pays,  mourut  au 
moment  où  il  se  préparait  à  marcher  contre  le  général  révo- 
lutionnaire Urbina. 

FLORES  (Antonio),  diplomate  et  publiciste  équatorien, 
né  à  Quito  en  nov.  1835.  Fils  du  précédent,  il  fit  ses 
études  au  collège  Henri  IV  à  Paris,  puis  il  suivit  les  cours 
de  droit  à  l'université  de  sa  ville  natale  et  se  fit  recevoir 
avocat  à  Lima,  où  plus  tard  il  devint  professeur  au  célèbre 
collège  de  San  Carlos.  En  1856,  il  publia  dans  hRevista 
de  Lima  des  articles  sur  la  constitution  du  Pérou,  pour 
en  signaler  de  graves  défauts,  qui  furent  par  suite  cor- 
rigés. En  1859,  il  fit  paraître  une  Historia  antigua,  qui 


devint  classique  au  Pérou,  au  Chili  et  ailleurs.  Cette  même 
année,  il  alla  défendre  comme  simple  soldat  l'intégrité 
du  territoire  de  sa  patrie,  et  fut,  de  1860  à  1863,  ministre 
plénipotentiaire  de  l'Equateur  en  France  et  en  Angleterre. 
Il  ne  réussit  pas  dans  sa  mission  conciliatrice  auprès  du 
dictateur  Mosquera,  pas  plus  que  dans  celle  auprès  le  saint- 
siège  pour  la  réforme  du  concordat  (1864).  Après  la  mort 
de  son  père,  il  se  tint  à  l'écart  de  la  politique.  On  lui  doit 
des  poésies  pleines  de  sentiment.  G.  Pawlowski. 

FLORESSAS.  Corn,  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors, 
cant.  de  Puy-1'Evêque  ;  442  hab. 

FLORESTAN  Ier,  prince  de  Monaco  (V.  Grimaldi). 

FLORES CU  (Jean-Emmanuel),  homme  politique  rou- 
main, né  à  Rimnicul-Vilcei  en  1819.  Après  avoir  fait  ses 
études  au  collège  de  Saint-Sabbas,  à  Bucarest,  il  passa 
quelques  années  à  l'Ecole  d'état-major  de  Paris.  Revenu  en 
Valachie,  il  fut  aide  de  camp  du  prince  Bibescu,  dont  il 
épousa  la  fille.  Il  quitta  le  service  en  1848,  quand  la 
Révolution  éclata.  Nommé  peu  après  professeur  à  l'Ecole 
militaire,  il  devint  général  en  1849.  Plusieurs  fois  ministre 
de  la  guerre,  le  général  Florescu  contribua  beaucoup  à  la 
réorganisation  de  l'armée  roumaine.  Il  joua  un  rôle  assez 
important  dans  le  ministère  conservateur  de  1878.  Mis  en 
retraite  deux  années  plus  tard,  il  fut  un  des  chefs  de 
l'opposition  pendant  les  douze  années  de  régime  libéral. 
La  chute  des  junimistes  (9  déc.  1890)  le  porta  à  la  prési- 
dence du  conseil  dans  le  cabinet  libéral -conservateur 
qui  arriva  au  pouvoir.  Quand  le  parti  se  démembra,  une 
année  plus  tard,  M.  Florescu  suivit  dans  l'opposition  le 
groupe  libéral  des  vernescistes  qui  s'en  détachèrent  :  il  en 
est  un  des  chefs.  N.  Jorga. 

FLOREZ  (Henrigue),  archéologue  et  numismatiste  espa- 
gnol, né  à  Valladolid  le  14  févr.  1701,  mort  à  Madrid  le 
20  août  1773.  Depuis  son  entrée  dans  l'ordre  de  Saint- 
Augustin,  en  1715,  il  ne  cessa  de  s'occuper  de  travaux 
sur  l'histoire  et  les  antiquités  de  son  pays.  Ses  publica- 
tions sont  nombreuses  et  importantes  :  Cursus  theologiœ 
(1732-38,  5  vol.  in-4),  professé  à  l'université  d'Alcalâ; 
Clave  istorical  (1743,  in-4),  ouvrage  analogue  à  VArt  de 
vérifier  les  dates;  La  Espana  sagrada,  6  teatro  geogra- 
fico-historico  de  la  lglesia  de  Espana  (1747-73, 
29  vol.  in-4),  analogue  à  la  Gallia  Christiana,  qui  fut 
continuée  par  les  PP.  Risco,  Fernandez,  etc.  ;  Espana 
carpetana,  medallas  de  las  colonias,  mnnitipios  y 
pueblos  antiguos  de  Espana  (1757-75,  3  vol.  in-4); 
Memorias  de  las  Régnas  Catolicas  (1770,  2  vol.  in-4)  ; 
enfin  il  publia  un  important  commentaire  sur  l'Apocalypse, 
de  S.  Beatus  (V.  ce  nom). 

Bibl.  :  Mendez,  Noticia  de  la  vida  y  escritos  de  H.  Florez; 
Madrid,  1780. 

FLOREZ-Estrada  (Àlvaro),  publiciste  espagnol,  né  à 
Pola  de  Somiedo  (Asturies)  en  1769,  mort  en  1853.  Il 
entra  dans  la  magistrature  et  fut  investi,  en  1808,  des 
fonctions  de  procureur  général  de  sa  province  natale.  Ar- 
dent patriote  et  d'un  caractère  indépendant,  il  tint  tête 
d'abord  à  Napoléon  Ier,  puis  à  Ferdinand  VII,  auquel  il 
adressa  de  véritables  remontrances,  sous  ce  titre  :  Repré- 
sentation hecha  à  S.  M.  C.  el  Sr  D.  Fernando  VII  en 
defensa  de  las  Cortes  (1818).  Depuis  1820,  il  dirigea  le 
journal  oppositionniste  de  Cadix  :  El  Tribuno  del  Pueblo. 
Après  la  résurrection  de  l'absolutisme,  en  1823,  il  dut  se 
réfugier  en  Angleterre,  puis  en  France,  où  il  ne  s'occupa 
plus  que  d'économie  politique.  On  lui  doit  à  cet  égard  un 
ouvrage  estimé  en  son  temps  :  Curso  de  Economia  poli- 
tica  (Londres,  1827-1828,  2  vol.  ;  5e  éd.,  Madrid,  1840  ; 
trad.  en  franc.,  Paris,  1833,  3  vol.).  G.  P-i. 

FLORIAC1ENS.  Congrégation  fondée  par  Joachim  de 
Flore  (V.  ce  nom). 

FLORIAN,  saint  de  l'Eglise  catholique,  né  à  Zeiselmauer 
(Basse-Autriche)  vers  190,  mort  en  230.  Il  servit  dans 
l'armée  romaine  et  sous  le  règne  de  l'empereur  Dioclétien  ; 
il  fut  martyrisé  à  Laureacum  (Lorch).  Ses  reliques,  con- 
servées à  Linz,  auraient  été  transportées  à  Rome,  et  de 


FLORIAN  —  FLORIDE 


652  — 


là,  en  1484,  à  Cracovie.  Il  devint  l'un  des  patrons  de  la 
Pologne.  Il  passe  également  pour  préserver  du  feu.  L'Eglise 
célèbre  sa  fête  le  4  août.  L.  L. 

FLORIAN  (Jean-Pierre  Claris  de),  littérateur  français, 
né  au  château  de  Florian  (Gard)  le  6  mars  1755,  mort  à 
Sceaux  le  43  sept.  1794.  Le  père  de  Florian  commandait  une 
compagnie  de  cavalerie  et  ne  disposait  que  d'une  fortune 
médiocre;  son  mariage  avec  Gilette  de  Salgues,  d'origine  cas- 
tillane, fut  un  simple  mariage  d'inclination  et  qui  ne  releva 
point  ses  affaires  :  ainsi  s'explique-t-on  que  les  parents  du 
jeune  Florian  se  soient  débarrassés  de  lui,  sans  plus  déforme, 
sur  un  vieil  oncle  millionnaire  et  prodigue,  lequel,  du  reste, 
ne  se  préoccupa  point  autrement  de  son  éducation  et  eut  le 
tort  grave  de  mourir  intestat.  Florian  fut  mis  en  pension 
à  Saint-Hippolyte,  d'où  il  entra  comme  page  au  service  du 
duc  de  Penthièvre.  Elève  de  l'école  d'artillerie  de  Bapaume, 
capitaine  de  dragons  à  sa  sortie,  il  revint  près  du  duc  de 
Penthièvre,  qui  l'aimait  beaucoup,  et  fit  par  l'à-propos  et  la 
gentillesse  de  son  esprit  les  délices  de  la  petite  cour  d'Anet. 
Ses  débuts  dans  les  lettres  datent  de  1782,  où  il  donna  au 
théâtre  une  comédie  en  un  acte  et  en  prose  :  les  Deux 
Billets,  qui  fut  suivie  d'autres  comédies  et  pastorales. 
Vint  ensuite  Galatée  (1783),  conte  romanesque  à  l'imi- 
tation de  Cervantes  et  qui  eut  le  plus  grand  succès  ;  puis, 
coup  sur  coup,  le  Bon  Ménage  (1782),  comédie  en  un  acte, 
faisant  suite  aux  Deux  Billets;  Ruth,  églogue  couronnée 
par  l'Académie  (1784);  Six  Nouvelles  (1784)  ;  YEloge 
de  Louis  XII  (1785);  le  Bon  Père  et  la  Bonne  Mère 
(1785),  comédies  en  un  acte;  Numa  Pompilius,  roman 
(4786)  ;  Eliézer  et  Nepthali  (1787);  Estelle,  roman 
(1788);  Gonzalve  de  Cordoue,  roman  (1791);  Fables 
(1792),  Nouvelles  Nouvelles  (1792),  etc.  Il  fut  reçu  à 
l'Académie  française  le  24  mai  1788.  Sa  traduction  de 
Don  Quichotte  jouit  d'un  succès  mérité.  Florian,  que  ses 
vers  et  ses  romans  donneraient  volontiers  pour  un  homme 
méditatif  et  doux,  mena  une  existence  bruyante  de  libertin 
et  de  coureur  de  dots,  où  ses  contemporains  eux-mêmes 
trouvèrent  à  reprendre.  Emprisonné  sous  la  Révolution  et 
délivré  seulement  au  9  thermidor,  il  traîna  quelques  mois 
à  peine  et  alla  mourir  à  Sceaux  où  son  buste  est  chaque  an- 
née, de  la  part  des  félibres  parisiens,  l'objet  d'une  démons- 
tration toute  en  dehors.  Il  a  été  publié  de  Florian  après  sa 
mort  des  Nouveaux  Mélanges  de  poésie  et  de  littérature 
(1806)  ;  des  Lettres  à  M.  Boissy  d'Anglas  (1 807)  ;  la  Jeu- 
nesse de  Florian  ou  Mémoires  d'un  jeune  Espagnol 
(1807),  sorte  d'autobiographie  de  l'auteur.  Les  œuvres  com- 
plètes de  Florian  ont  été  éditées  par  Raynouard  en  1820 
(16  vol.);  il  y  faut  ajouter  quatre  volumes  d'oeuvres  inédites, 
publiées  en  1824  par  Guilbert  de  Pixérécourt.  On  attribue 
enfin  à  Florian  une  adaptation  d'une  œuvre  anglaise,  publiée 
l'année  qui  suivit  sa  mort  :  Henriette  Stuart  (1795) .  Florian 
eut  de  l'esprit,  de  la  grâce  et  une  certaine  imagination  ;  mais 
sa  fadeur  est  insupportable  ;  on  ne  lit  plus  guère  de  lui  que 
des  fables  pour  écoliers  et  quelques  contes.     Ch.  Le  Goffiç. 
FLORIAN  (Frédéric),  graveur  sur  bois  suisse,  né  à  Saint- 
Aubin  en  1858.  Il  décora  d'abord  des  pièces  d'horlogerie, 
puis  s'exerça  sans  maître  à  la  gravure  sur  bois  qu'il  étudia 
ensuite  à  Paris  sous  M.  Lepère.  Il  collabore  à  la  Revue 
illustrée,  où  il  signe  des  pièces  qui  l'ont  mis  au  nombre 
des  graveurs  contemporains  les  plus  estimés.  On  lui  doit 
des  illustrations  pour  les  Contes  et  Récits  de  M.  Coppée, 
pour  les  Contes  de  Paris  et  de  Provence  de  M.  Paul  Arène 
et  pour  plusieurs  autres  ouvrages  de  luxe. 

FLORIANO  (Flaminio),  peintre  vénitien  du  xvie  siècle. 
Sa  vie  est  inconnue,  et  les  Scènes  de  la  vie  de  saint 
Antoine  qu'il  avait  peintes  aux  Frari  de  Venise  ont  dis- 
paru. On  ne  connaît  de  lui  qu'un  tableau  de  sainteté,  à 
San  Lorenzo,  dans  lequel  semble  se  montrer  l'influence  du 
Tintoret. 

FLORIDA.  Ville  de  l'Uruguay,  ch.-l.  dudép.  de  ce  nom  ; 
2,500  hab.  Reliée  par  un  ch.  de  fer  à  Montevideo,  elle  se 
trouve  dans  une  région  riche  en  bétail. 

FLORIDA-Blanca  (Joset   Monino,  comte  de),  célèbre 


homme  d'Etat  espagnol,  né  à  Murcie  en  1728,  mort  à 
Séville  le  20  nov.  4808.  Issu  d'une  famille  noble,  mais 
.  peu  fortunée,  il  se  fit  avocat  et  acquit  rapidement  une 
renommée  telle  qu'il  fut  nommé  fiscal  au  tribunal  du 
conseil  de  Castille.  Auteur  du  rapport  concluant  à  l'expul- 
sion des  jésuites  (1767),  il  fut  plus  tard  chargé  d'une 
mission  à  cet  égard  auprès  du  pape  Clément  XIV  (1772) 
et  s'en  acquitta  d'une  façon  supérieure,  ce  qui  lui  valut  le 
titre  de  comte.  Le  19  févr.  1777,  il  remplaça  le  marquis 
d'Esquilache  à  la  tête  du  ministère.  Rarement  l'Espagne 
eut  un  chef  de  gouvernement  de  cette  valeur.  A  l'intérieur, 
Florida-Blanca  créa  des  routes  et  des  canaux,  protégea 
l'agriculture  et  développa  le  commerce  par  l'établissement 
de  la  Banque  nationale,  encouragea  efficacement  les  sciences 
et  les  lettres,  et  fit  sentir  dans  toutes  les  branches  de 
l'administration  l'ascendant  de  son  génie.  A  l'extérieur,  il 
resserra  les  liens  avec  le  Portugal,  conclut  un  traité  de 
commerce  avec  le  sultan  et  un  traité  politique  avec  Hyder- 
Ali  contre  les  entreprises  éventuelles  de  l'Angleterre,  et 
dans  la  guerre  qu'il  soutint  pendant  cinq  ans  contre  celte 
puissance,  il  fit  preuve  des  plus  hautes  qualités.  Il  bom- 
barda Alger,  réprima  la  piraterie  et  établit  la  liberté  de 
commerce  avec  l'Amérique.  Charles  III  le  maintint  au  pou- 
voir jusqu'à  la  fin  de  son  règne,  et  sous  son  successeur  il 
y  resta  encore  trois  ans.  Disgracié  ensuite  et  interné  à 
Pampelune  (1792),  puis  remis  en  liberté,  il  fut  mis  à  la 
tête  de  la  junte  centrale  de  gouvernement  dès  l'invasion 
napoléonienne,  mais  mourut  peu  de  temps  après.  Ses  écrits 
politiques  et  autres  furent  réunis  dans  le  t.  LIX  de  la  Bi- 
blioteca  de  Rivadeneyra  (1867),  par  les  soins  d'Antonio 
Ferrer  del  Rio.  G.  P-i. 

FLORIDE.  Un  des  quarante-quatre  Etats  de  l'Union 
américaine.  Situé  entre  24°  30  et  31°  lat.  N.  et  entre  82°  20 
et  90°  long.  0.,  il  occupe  la  presqu'île  qui  termine  au  S.-E. 
le  territoire  des  Etats-Unis  et  s'étend,  en  outre,  vers  le 
N.-O.,  sur  le  golfe  du  Mexique  jusqu'à  la  rivière  Perdido. 
Il  est  borné  au  N.  par  les  Etats  d'Alabama  et  de  Géorgie, 
àl'E.,  au  S.  et  à  l'O.  par  l'océan  Atlantique  et  le  golfe  du 
Mexique.  AuN.,  la  frontière  suit  le  31e  degré  depuis  le  Per- 
dido jusqu'au  Chattahoochee,  descend  le  cours  de  ce  fleuve 
jusqu'à  son  confluent  avec  le  Flint,  se  dirige  en  ligne  droite 
de  ce  point  vers  l'E.  jusqu'à  la  source  du  petit  fleuve  Saint- 
Mary's  et  longe  ce  cours  d'eau  jusqu'à  son  embouchure  en 
face  de  l'île  Amelia.  (Pour  la  géographie  physique  de  la 
Floride,  V.  Etats-Unis.)  La  Floride  occupe,  parmi  les  Etats 
et  territoires  de  la  République  américaine,  le  22e  rang  pour 
la  superficie  (151,981  kil.  q.),  le  32e  rang  pour  la  popu- 
lation en  1890  (391,422  hab.),  le  37e  pour  la  densité  kilo- 
métrique de  la  population  (25  hab.).  Les  villes  principales 
sont:  Key  West,  18,058  hab.;  Jacksonville,  17,160; 
Pensacola,  11,571  ;  Tampa,  3,525;  Fernandina,  3,207  ; 
Saint-Augustine,  3,051  ;  Apalachicola,  3,024;  Tallahas- 
see,  capitale  politique  de  l'Etat,  2,933.—  La  Floride  fut  oc- 
cupée primitivement  par  les  Espagnols  qui  y  fondèrent  Saint- 
Augustine,  la  plus  ancienne  ville  des  Etats-Unis  (1564). 
La  péninsule  passa  en  1763  sous  la  domination  des  Anglais, 
mais  fut  reprise  par  les  Espagnols  en  1781,  et  le  traité  de 
Versailles  la  laissa  entre  leurs  mains.  On  disait  alors  les 
Florides,  une  orientale  et  une  occidentale.  Pendant  toute 
la  période  coloniale,  les  Florides  avaient  offert  un  asile 
commode  à  tous  les  ennemis  des  établissements  de  la  Caro- 
line du  Sud  et  de  la  Géorgie,  esclaves  fugitifs  et  Indiens 
de  la  nation Creek,  surtout  delà  tribu  des  Séminoles.  Après 
de  longues  et  laborieuses  négociations,  l'Espagne  consentit 
à  céder  la  Floride  aux  Etats-Unis  en  1819  (V.  Etats-Unis 
[Histoire]).  Cette  acquisition  fut  organisée  en  Territoire, 
puis  en  Etat,  le  30  mars  4845.  La  Floride,  esclavagiste, 
participa  en  4864  à  la  formation  de  la  confédération  du 
Sud,  et  fut  réintégrée  dans  l'Union  en  4868.  Elle  comptait 
34,000  hab.  en  1^830, 54,000  en  1840,  87,000  en  1850, 
140,000  en  4  860,  187,000  en  1870,  269,000  en  1880 
et  391,000  en  1890.  Le  gouvernement  se  compose  d'un 
gouverneur  et   de   divers  fonctionnaires  exécutifs   élus 


pour  quatre  ans  et  de  76  représentants  élus  pour  deux 
ans.  La  limite  de  la  session  est  de  soixante  jours.  Le  mon- 
tant de  la  dette  publique  est  de  4,275,000  dollars.  Il 
est  levé  dans  l'Etat  des  taxes  au  montant  de  368,000  dol- 
lars pour  les  besoins  de  l'Etat  et  de  662,000  pour  ceux  des 
comtés.  La  propriété  imposable  est  évaluée  à  76,614,000 
dollars  (pour  4886).  Le  taux  de  la  taxation  est  d'envi- 
ron 40  cents  par  400  dollars,  et  sur  les  40  cents,  40  sont 
réservés  aux  écoles  publiques.  La  constitution  de  l'Etat  au- 
torise une  taxe  de  capitation  de  4  dollar. 

«  La  Floride,  dit  M.  E.  Reclus,  se  détache  nettement 
du  corps  continental  pour  s'avancer  vers  les  Antilles,  et, 
par  son  mode  de  formation  aussi  bien  que  par  son  climat, 
sa  flore  et  même  sa  faune,  sa  pointe  terminale  appartient 
au  monde  antillien.  »  Les  lacs,  les  bayous,  les  forêts  impé- 
nétrables qui  occupent  de  vastes  étendues  dans  la  moitié 
méridionale  (Y.  Everglades)  ont  longtemps  retardé  la  colo- 
nisation. Le  climat  est  mou,  humide  et  convient  peu  aux 
travailleurs  ;  en  revanche,  la  douceur  des  hivers  attire  des 
malades  du  Nord,  au  nombre  de  60,000  chaque  année,  vers 
quelques  points  du  littoral.  Aujourd'hui,  sur  391,000  hab., 
près  des  deux  tiers  sont  des  noirs.  Les  principales  indus- 
tries agricoles  sont  la  production  des  oranges  et  des  noix 
de  coco  et  l'exploitation  des  bois  d'ébénisterie.  Jacksonville, 
qui  a  47,000  hab.,  est  un  rendez- vous  à  la  fois  de  valétu- 
dinaires et  d'amateurs  de  sport.  La  ville  est  située  sur  la 
rivière  Saint-John,  qui  est  le  cours  d'eau  le  plus  important 
de  la  Floride.  Le  lac  George  qu'il  traverse  reçoit  sur  ses 
bords  ombragés  des  milliers  de  visiteurs.  Au  S.  de  la  pé- 
ninsule, le  travail  de  dessèchement  des  marécages  a  été 
entrepris  au  moyen  d'un  canal  débouchant  dans  le  Caloo- 
sahatchee,  tributaire  du  golfe  du  Mexique.  Le  sol  conquis 
se  couvre  de  plantations  d'orangers,  de  cocotiers  et  de  hene- 
quen  (sorte  de  chanvre).  Entre  les  Everglades  et  l'Océan 
vivent,  à  moitié  civilisés,  mais  sans  mélange  avec  les  blancs, 
quelques  centaines  d'Indiens,  restes  de  la  tribu  des  Sémi- 
noles  qui  furent  transportés  en  masse  au  delà  du  Mississippi 
en  4842.  A  l'extrémité  de  la  chaîne  de  récifs  de  corail 
(Keys  ou  Cayos)  qui  prolonge  au  S.-O.  la  côte  orientale  de 
la  Floride  jusqu'aux  îles  ïortugas,  se  trouve  l'îlot  de  Key 
West  sur  lequel  s'est  élevée  la  ville  de  même  nom,  la  plus 
peuplée  de  toute  la  Floride,  excellent  port,  point  d'escale 
pour  les  paquebots  qui  remontent  ou  descendent  le  courant 
par  le  canal  de  la  Floride,  lieu  de  refuge  aussi  pour  les 
proscrits  de  l'île  de  Cuba.  Sur  la  côte  occidentale  se  trou- 
vent Tampa,  puis  Cedar  Keys,  à  l'embouchure  du  Suwannee; 
au  N.-O.,  en  retour  sur  le  golfe  du  Mexique,  une  vieille 
cité  espagnole,  Saint-Mark's,  ruinée  depuis  4704,  port  na- 
turel de  la  petite  capitale,  Tallahassee.  A  l'O.  encore,  Apa- 
lachicola,  à  l'embouchure  du  fleuve  formé  par  la  réunion  du 
Chattahoochee  et  du  Flint;  et  près  de  la  frontière  occiden- 
tale, Pensacola,  port  de  commerce  qui  exporte  les  fontes 
de  Birmingham,  principal  centre  métallurgique  pour  FAla- 
bama  et  le  Tennessee.  La  Floride  a  2,000  kil.  de  côtes; 
elle  produit,  outre  les  fruits  et  surtout  les  oranges,  le  maïs, 
le  riz,  les  patates,  la  canne  à  sucre  et  le  coton  Sea  Island; 
le  sol  convient  à  toutes  les  productions  des  tropiques,  café, 
indigo,  arrowroot,  tabac.  Le  gibier,  le  poisson  abondent; 
la  végétation  est  magnifique.  Une  société  anglo-américaine 
a  acheté  en  4882  une  superficie  de  1,600,000  hect.  et 
entrepris  le  drainage  des  4  millions  et  demi  d'hect.  du  grand 
lac  Okeechobee.  A.  Motreau. 

Bibl.  :  D.-C.  Brinton,  Guide-Booh  to  Florida.  —  Elisée 
Reclus,  Nouvelle  Géographie  universelle,  t.  XVI  :  Les 
Elals-Unis.  —  Fairbanks,  The  History  ofFlorida;  Phila- 
delphie, 1872.  —  Lanïer,  Florida,  Us  scenery,  climales. 
—  Barbour,  Florida  for  tourists,  invalids  and  selliers, 
nouv.  éd.,  1881. 

FLORIDÉES  (Bot.)  (V.  Algue). 

FLORIDOR  (Josias  de  Soûlas,  sieur  de  Prinefosse, 
connu  sous  le  nom  de),  comédien  français  (V.  Soûlas). 

FLORIEN,  empereur  romain  en  276.  M.  Annias  Flo- 
rianus,  frère  de  l'empereur  Tacite,  prit,  après  la  mort  de 
celui-ci,  le  titre  impérial  (276)  ;  mais,  au  bout  de  deux 


—  653  —  FLORIDE  —  FLORIN 

mois,  il  fut  tué  par  les  soldats,  à  Tarse  en  Cilicie.  Sa  Vie, 
écrite  par  Vopiscus,  fait  partie  de  YHistoire  Auguste. 

FLORIGER10  (Sebastiano) ,  né  à  Udine,  au  début  du 
xvie  siècle,  mort  après  4543.  Il  travailla,  avec  Luca  Mon- 
verde,  Francesco  et  Antonio  Floriani,  sous  la  direction  de 
Pellegrino  da  San  Daniele,  dont  il  était  le  beau-fils.  Il 
peignit,  en  4525,  un  tableau  d'autel  à  Santa  Maria  di 
Villanuova,  près  de  San  Daniele,  et,  pour  la  corporation 
des  cordonniers  de  sa  ville  natale,  une  Madone  avec 
V Enfant,  entre  saint  Augustin  et  sainte  Monique,  ta- 
bleau d'une  ordonnance  habile  et  sage,  mais  d'une  couleur 
très  froide.  Dans  l'église  San  Giorgio  d'Udine,  on  voit  de 
sa  main  un  Saint  Georges  combattant  le  dragon }  peint 
en  4529,  et  remarquable  surtout  par  le  charme  du  paysage. 
Florigerio  se  rendit  ensuite  à  Padoue,  où  il  séjourna  jus- 
qu'en 4533  ;  il  y  peignit  pour  l'église  San  Bovo  une  Pietà, 
Saint  François,  Saint  Antoine  et  Saint  Jean-Baptiste 
(cette  dernière  figure  est  aujourd'hui  à  l'Académie  de  Ve- 
nise). A  la  suite  d'un  duel  où  il  tua  son  adversaire  (4535), 
il  dut  quitter  Udine  et  se  réfugia  à  Cividale,  où  il  demeura 
jusqu'en  4543.  Il  termina  sa  vie  à  Udine,  en  peignant 
quelques  portraits. 

Bibl.  :  Vasari,  Crowe  et  Cavalcaselle,  North  Italy, 
II.  —  Perkins,  Cyclopœdia  of  painters. 

FLORIMO  (Francesco),  compositeur  et  critique,  musi- 
cien italien,  né  à  San  Giorgio  Morgeto,  près  de  Naples,  le 
42  oct.  4800.  Elève  de  Zingarelli  et  de  Tritta,  il  composa 
d'abord  des  cantates  et  des  messes.  Une  symphonie  funèbre 
pour  la  mort  de  Bellini  fut  exécutée  aux  funérailles  de 
Zingarelli.  En  4826,  il  fut  nommé  archiviste  du  conserva- 
toire de  Naples.  Sous  sa  direction,  la  bibliothèque  est  de- 
venue une  précieuse  collection  d'ouvrages  sur  la  musique 
et  de  manuscrits  des  maîtres  napolitains.  Il  a  publié  sous 
le  titre  Cenno  storico  sulla  Scuola  musicale  di  Napoli 
(Naples,  4869,  2  vol.)  un  intéressant  ouvrage  sur  le  con- 
servatoire de  Naples.  On  lui  doit  encore  une  méthode  de 
chant  estimée,  une  brochure  intitulée  Riccardo  Wagner 
ed  i  Wagneristi  (Naples,  4876)  et  un  grand  nombre  d'al- 
bums de  mélodies  italiennes.  Ch.  Bordes. 

FLORIMONT.  Corn,  du  territoire  de  Belfort,  cant.  de 
Délie;  387  hab. 

FLORIMONT-et-Gaumier.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne, 
arr.  de  Sarlat,  cant.  de  Domme;  544  hab. 

FLORIN.  C'est  à  Florence,  vers  le  milieu  du  xme siècle 
(4252),  que  furent  frappées  les  premières  monnaies  d'or 
portant  le  nom  de  florins  ;  elles  étaient  à  la  taille  de  8  à 
l'once  d'or.  Ces  monnaies  se  répandirent  rapidement,  et  la 
faveur  dont  elles  jouissaient  les  fit  imiter  un  peu  partout  ; 
de  leur  apparition  jusqu'à  la  fin  du  xive  siècle,  on  trouve 
les  florins  ducats  de  Venise,  les  florins  ducats  de  Gènes, 
les  florins  ducats  de  la  chambre  apostolique  ;  en  Allemagne, 
les  florins  vieux,  florins  de  bon  poids,  florins  à  la  reine,  etc.; 
le  pape  Jean  XXII  en  fit  frapper  à  Avignon  au  commen- 
cement du  xive  siècle  ;  plus  tard,  on  trouve  les  florins  de 
Béarn,  du  Dauphiné,  des  ducs  de  Bourgogne,  de  Lorraine, 
ceux  de  la  république  de  Florence.  En  France,  ils  furent 
fabriqués  de  Louis  IX  à  Charles  V,  et  on  trouve  ainsi  les 
florins  à  l'aignel,  aux  fleurs  de  lis,  à  la  mape  ;  les  titres 
affaiblis  sous  le  roi  Jean  sont  rétablis  sous  Charles  V. 
Mais,  petit  à  petit,  le  titre  et  le  poids  des  florins  vint  à 
diminuer,  et  on  arriva  à  les  remplacer  par  des  florins  d'ar- 
gent, forme  sous  laquelle  le  florin  fut  longtemps  et  est 
encore  employé.  Il  existait  dans  nombre  d'Etats,  de  pro- 
vinces ou  de  villes  commerçantes,  comme  monnaie  réelle, 
monnaie  de  compte  ou  monnaie  de  change,  et  quelquefois 
simultanément  dans  un  même  lieu,  et  avec  des  valeurs  dif- 
férentes. A  la  fin  du  xvme  siècle,  voici  quelles  étaient  les 
places  où  le  florin  existait,  avec  les  subdivisions  alors 
en  usage  (l'abréviation  m.  de  cte  signifiant  monnaie  de 
compte)  : 

Amsterdam.  —  Florin  argent  =  3  4/2  escalins  =  20  sols 
=  40  gros  =  320  deniers.  Le  florin  d'or  était  compté 
pour  4  4/2  florin  ordinaire. 


FLORIN 


—  654 


Augsbourg.  —  Florin  argent  =  15  batzen  =  20  kaiser- 
groschen  =  60  kreutzers. 

Bâle.  —  Florin  argent  =15  bons  batzen  =  20  gros 
=  60  kreutzers. 

Berne.  —  Florin  argent  =  4  batzen  ou  8  sols. 

Brunswick.  — -  Florin  argent  =  16  bons  gros  =  24  ma- 
riengroschen  =  192  pfennigs. 

Bruxelles.  —  Florin  argent  =  20  sols  =  40  gros  =  320 
deniers. 

Cologne.  —  Florin  d'espèce  =  53  1/3  albus  courants  (Fai- 
blis était  la  80e  partie  du  thaler  d'espèce). 

Cologne.  —  Florin  courant  —  52  albus.  Il  y  avait  aussi 
comme  monnaies  de  compte  :  florin  de  rone  =  64  al- 
bus ;  florin  des  seigneurs  —  40  albus  ;  florin  de  Co- 
logne —  24  albus. 

Dantzig.  —  Florin  (m.  de  cte)  =  30  gros. 

Dunkerque.  —  Florin  argent  =  20  patars  =  40  gros 
=  320  pennings. 

Francfort-sur-le-Main,  Darmstadt,  Mayence.  —  Florin 
argent  =  60  kreutzers  =  240  pfennings. 

Genève.  —  Florin  argent  =  12  sols  =  48  quarts  =  144 
deniers. 

Hanovre.  —  Florin  or  =  2  thalers. 

Heidelberg.  —  Florin  (m.  de  cte)  =  60  kreutzer  =  240 
pfennigs. 

Kœnigsberg.  —  Florin  argent  =  8  bons  gros  =  30  gros 
=  90  escalins  =  540  pfennigs. 

Leipzig.  —  Florin  or  =  2  1/4  thalers. 

—  Florin  d'espèce  =zi6  bons  gros. 

Liebau,  Mittau  et  Windau.  —  Florin  argent  =  30  gros 

=  90  escalins  =  540  pfennigs. 
Munich.  =  Florin  argent  =  60  kreutzers  =  240  hellers. 
Munster.  —  Florin  argent  =  24  mariengrossen  =  224 

pfennigs  =  448  hellers. 
Nuremberg.  —  Florin  or  =  3  thalers  4  kreutzers  courants. 

—  Florin  (m.  de  cte)  =  20  kaisergroschen  =  60 
kreutzers  =  240  pfennigs. 

Osnabruck.  —  Florin  argent  =  24  mariengroschen  =  48 

mathiers  =  168  pfennigs  =  336  hellers. 
Pologne.  —  Florin  (m.  de  cte)  =  1/3  thaler  =  30  gros. 

Le  florin  de  la  Petite-Pologne  était  le  double  de  celui 

de  la  Grande-Pologne. 
Prague.  —  Florin  (m.  de  cte)  =  20  gros  =  60  kreut- 
zers =  180  deniers  blancs  =  240  deniers. 
Riga.  —  Florin  (m.  de  cte)  =  2/3  reichsthaler  =  30  gros. 
S*  Gall.  —  Florin  argent  =10  escalins  =15  batzen 

=  60  kreutzers  =  480  hellers. 
Stralsund.  —  Florin  argent  =  12  gros  =  24  escalins 

=  288  pfennigs. 
Strasbourg.  —  Florin  argent  =  2  livres  tournois  =  10 

escalins  =  60  kreutzers  =  240  pfennigs. 
Trieste.  —   Florin  argent  =  5  lire  =  60  crazie  = 

100  soldi  =  240  denari. 
Ulm.  —  Florin  argent  =  15  batzen  =  20  gros  =  60 

kreutzer  =  240  pfennigs  =  480  hellers. 
Vienne.  —  Florin  argent  =  60  kreutzers. 
Wurttemberg.  —  Florin  (m.  de  cte)  =  15  batzen  =  60 

kreutzer  =168  pfennigs. 
Zurich.  —  Florin  (m.  de  cte)  =  16  batzen  =  40  escalins 

=  60  kreutzers  =  480  hellers.  —  Le  florin  d'Empire 

valait  11/5  florin  de  Zurich. 

Des  monnaies  si  nombreuses  et  si  différentes  n'étaient 
pas  sans  causer  de  réels  inconvénients,  et,  en  1753,  il 
avait  été  adopté  dans  toute  l'Allemagne,  excepté  la  Prusse, 
le  Hanovre,  Hambourg,  Lubeck,  le  Holstein,  la  Poméranie 
suédoise,  un  florin  de  convention  à  la  taille  de  20  au  marc 
de  Cologne  ;  mais  les  anciennes  monnaies  subsistaient 
quand  même.  Enfin  en  1837  et  1838,  et  en  même  temps 
que  le  thaler,  deux  types  du  florin  furent  adoptés  comme 
devant  être  seuls  en  usage  :  le  florin  de  convention  ou 
d'Autriche,  à  la  taille  de  20,  et  le  florin  de  l'Allemagne  du 
Sud,  à  la  taille  de  24  1/2  au  marc  de  Cologne  argent  fin. 
Une    nouvelle    convention  plus   générale  fut  signée  le 


24  janv.  1857,  le  florin  de  convention  se  trouvant  dimi- 
nué de  5  %  environ  ;  le  titre  adopté  était  celui  de  9/10,  et 
il  devait  être  frappé  par  livre  métrique,  52  1/2  florins  de 
l'Allemagne  du  Sud  et  45  florins  d'Autriche  ou  de  conven- 
tion. Pour  l'Allemagne,  le  florin  a  disparu  dans  la  réorga- 
nisation monétaire  établie  par  la  loi  du  4  déc.  1871.  En 
Autriche-Hongrie,  le  florin  est  toujours  la  monnaie  effec- 
tive, mais  à  peu  près  uniquement  comme  papier-monnaie, 
les  monnaies  réelles  n'entrant  que  très  peu  dans  la  circula- 
tion. Cependant,  au  moment  où  ces  lignes  sont  écrites 
(mars  1892),  des  mesures  sont  prises  pour  revenir  à  une 
circulation  effective,  l'étalon  unique  d'or  étant  définitive- 
ment choisi.  On  ne  sait  encore  sur  quelles  bases  sera 
effectué  le  remboursement  du  papier-monnaie,  et  il  serait 
difficile  de  prévoir  les  résultats  de  cette  reprise  des 
payements  en  espèces.  En  Hollande,  le  florin  est  resté 
aussi  monnaie  de  compte  et  monnaie  réelle.  En  1816,  le 
florin  avait  été  stipulé  comme  devant  contenir  9^61  d'ar- 
gent fin  ;  mais  le  rapport  qui  en  résultait  entre  l'argent  et 
l'or  (1  à  15  7/8)  étant  supérieur  à  celui  pratiqué  en 
France,  les  monnaies  d'argent  s'exportaient  de  plus  en 
plus.  Pour  remédier  à  cet  état  de  choses,  la  création  du 
florin  de  10  gr.  au  titre  de  945  fut  faite  en  1839  ;  c'est 
celui  qui  existe  encore  aujourd'hui.  En  Angleterre,  on 
désigne  sous  le  nom  de  florin  la  pièce  de  2  shillings. 
-  Voici  les  titres  et  poids  des  principales  monnaies  du 
nom  de  florins  depuis  le  xvme  siècle  : 
Allemagne.  —  Florin  de  convention  cou-        ^ 

rant  (1753) 14*03  à  833 

Allemagne.  —  Florin  de  l'Allemagne  du 

Sud 10,60  à  900 

Allemagne.  —  Florin  de  l'Allemagne  du 

Sud  (1813,  1819,  1827) 12,72  à  750 

Anhalt-Bernbourg.  —  Florin 13,06  à  995 

Autriche.  —  Florin  de  Marie-Thérèse.  .     14,02  à  833 

—  Florin  de  Joseph  II 14,02  à  833 

—  Florin  de  convention.  ...     12,34  à  900 

—  Florin  de  1832  ......     12,99  à  900 

Bade.  —  Florin .  .  ,  .    12,71  à  752 

—  — 10,60  à  901 

Bâle.  —  Florin  or 3,18  à  695 

Bàle.  —  Florin  argent 14,07  à  868 

Bavière.  —  Florin  argent.  .......    10,00  à  900 

Berg  et  Cièves  (duché).  —  Florin.  .  .  .    17,35  à  750 

Brunswick.  —  Florin  (1817-1834  .  .  .    13,12  à  993 

—  Florin -14,02  à  833 

Francfort-sur-le-Main.  —  Florin  ....     10,60  à  900 
Hanovre.  —  Florin  or 3,24  à  786 

—  FI.  arg.  ou  pièce  de  2/3  thaler.     13,06  à  993 

—  —      —      13,23  à  993 

—  —      —      13,10  à  993 
__      __      11  72  à  993 

Hesse-Cassel.  —  Florin.  ........     14,02  à  833 

Hesse-Darmstadt.  —  Florin  ou  1/2  rixdale.    14,05  à  833 

—  Florin 10,58  à  900 

Hesse-Hombourg.  —  Florin  . 10,60  à  900 

Hohenzollern-Hechingen 10,60  à  900 

Hohenzollern-Sigmaringen.  —  Florin.  .  .     10,60  à  900 
Hollande.  —  Florin 10,55  à  907 

—  - 10,23  à  913 

—  —    .  . 10,51  à  917 

—  —   (1816) 10,76  à  893 

—  — 10,00  à  945 

—  —    (colonies)  ......     10,70  à  914 

—  —        —     10,00  à  945 

Lucerne.  —  Florin 13,38  à  764 

.      —  —   ....  0 7,65  à  820 

Mecklembourg-Schwerin.  — Florin (1789).     17,30  à  755 

—                    Florin  nouv.  .    17,40  à  750 
Nassau.  —  Florin 10,52  à  900 

—  —     10,62  à  900 

Palatinat  du  Rhin.  —  Florin 12,96  à  993 

Pologne.  —  Florin  onzlot 4,54  à  593 


655  — 


FLORIN  —  FLORIS 


Prusse.  —  Florin  de  Brandebourg ....     17,05  à  753 

Prusse.  —  Florin  de  Silésie  .......     14,71  à  750 

Royaume  Lombardo-Vénitien  .......     12,95  à  903 

Saxe.  —  Florin 14,02  à  834 

Saxe-Meiningen.  —  Florin 12,80  à  900 

—  —   . 10,62  à  900 

Schwarzbourg-Rudolstadt.—  Florin.  .  .  .     10,57  à  900 

Stolberg-Gedern.  —  Florin.  .......    13,06  à  995 

Toscane.  —  Florin  de  1  2/3  lira.  .....      6,87  à  916 

Wurttemberg.  —  Florin    ........     12,72  à  751 

—  — 10,60  à  900 

Zurich.  —  Florin 12,75  à  844 

G.  François. 
FLORINGHEM.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
de  Saint-Pol-sur-Ternoise,  cant.  de  Heuchin;  561  hab. 

FLORINSKY  (Timothée),  professeur  et  écrivain  russe 
contemporain,  né  vers  1 850.  Il  s'est  particulièrement  occupé 
de  l'histoire  des  Slaves  méridionaux  et  est  devenu  profes- 
seur d'histoire  à  l'université  de  Kiev.  Il  a  collaboré  à  divers 
recueils  scientifiques  et  publié  entre  autres  ouvrages  :  les 
Actes  duMont-Athos  (Saint-Pétersbourg,  1 880);  les  Slaves 
du  Sud  et  Byzance  à  la  fin  du  xive  siècle  (ib.,  1882)  ; 
Annuaire  slave  (Kiev,  1884);  la  Législation  du  tsar 
Douchan  (Kiev,  1888). 

FLORIN  US  (Henrik),  écrivain  finlandais,  né  à  Pemar 
ou  Paimio  en  1633,  mort  en  1705.  Recteur  de  l'école  de 
Tavastehus  (1664),  il  succéda  à  son  père  (1671  )  dans  le 
pastorat  de  Pemar,  qu'il  permuta  (1689)  contre  celui  de 
Kimito  ou  Kemiœ,  car  Pemar  était  devenu  une  prébende 
universitaire,  et,  lorsque  celle-ci  eût  été  attribuée  (1699)  à 
l'un  de  ses  fils  qui  étudiait  à  l'étranger  pour  devenir  pro- 
fesseur adjoint  en  théologie,  il  reprit  l'administration  de  sa 
première  paroisse,  après  avoir  cédé  celle  de  Kimito  à  son 
autre  fils  Henrik,  qui  fut  exécuté  en  1706,  avec  la  femme 
d'un  bailli,  dont  il  avait  assassiné  le  mari.  On  doit  au  père 
une  édition  revisée  (1685)  de  la  Bible  finnoise  de  1642  ; 
le  premier  essai  de  dictionnaire  finnois  (Nomenclatura 
rerum  brevissima  latino-sueco-finnonica;  Âbo,  1678  ; 
nouv.  éd.,  1683  ;  remaniée  sous  le  titre  de  Vocabularium 
avec  addition  de  l'allemand,  Stockholm,  1695;  nouv.  éd., 
1708, 1733)  ;  un  recueil  de  Vieux  Proverbes  finnois  (Âbo, 
1702),  commencé  par  Tammelinus  ;  des  écrits  de  théologie 
et  de  piété  en  latin  et  en  finnois  ;  enfin  Oratio  metrica  de 
poesi  (Abo,  1652).  ^  B-s. 

FLORIO  (John),  écrivain  anglais,  né  vers  1553,  mort 
en  1625.  Son  père,  Michael-Angelo  Florio,  était  un  pro- 
testant de  Florence,  réfugié  en  Angleterre,  où  il  prêchait 
et  donnait  des  leçons.  On  a  de  lui  quelques  ouvrages  de 
linguistique  et  d'histoire  en  toscan.  John  Florio  enseigna 
aussi  les  langues  étrangères  et  eut  pour  patrons  les  comtes 
de  Leicester,  de  Southampton  et  de  Pembroke.  En  1603, 
la  reine  Anne  le  nomma  son  lecteur  italien  aux  appointe- 
ments de  100  livres  sterling  par  an,  et  l'année  suivante 
il  fut  élevé  aux  fonctions  de  gentilhomme  valet  de  chambre 
du  roi.  A  sa  mort,  il  légua  au  comte  de  Pembroke  tous 
ses  livres  italiens,  français  et  espagnols,  au  nombre  de 
trois  cent  quarante  environ.  Malgré  son  style  fleuri  et 
emphatique,  Florio  fut  un  compilateur  et  un  traducteur, 
bien  plus  (ju'un  écrivain  original.  Il  fit  connaître  Montaigne 
aux  Anglais  par  sa  traduction  intitulée  The  Essayes  on 
Morall,  Politike,  and  Millitarie  Discourses  (1603), 
dont  Shakespeare  possédait  un  exemplaire.  On  a,  en  outre, 
de  lui  :  First  Fruits,  dialogues  anglo-italiens,  suivis  de  : 
Perfect  Induction  to  the  Italian  and  English  Touques 
(1578),  après  lesquels  il  donna  ses  Second  Fruits,  suivis 
du  Garden  of  Récréation  contenant  six  mille  proverbes 
italiens  (1591),  et  A  Worlde  ofWordes,  dictionnaire  ita- 
lien-anglais, son  œuvre  la  plus  considérable  (1598),  dont 
une  quatrième  édition,  revue  et  corrigée  par  J.  Davis, 
parut  en  1688.  ^  B.-H.  G. 

F  LORIOT  (Pierre),  écrivain  janséniste,  né  dans  le 
diocèse  de  Langres  en  1604,  mort  en  1691.  Il  fut 
d'abord  préfet  des  petites  écoles  que  les  solitaires  du  Port- 


Royal  avaient  établies  à  la  ferme  des  Granges,  puis  curé 
de  Lays,  près  des  Vaux-de-Cernay  et,  peu  de  temps  après, 
confesseur  des  religieuses  de  Port-Royal-des-Champs. 
—  OEuvres  :  Morale  du  Pater  (Rouen,  1672,  in-4),  réim- 
primée sous  le  titre  :  Morale  chrétienne  rapportée  aux 
instructions  que  Jésus-Christ  a  données  dans  l'Orai- 
son dominicale  (Paris,  4676,  in-4  ;  Rouen,  1741,5  vol. 
in-12)  ;  Homélies  morales  sur  les  évangiles  de  tous  les 
dimanches  de  Vannée  et  sur  les  principales  fêtes  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ  et  de  la  Sainte  Vierge 
(Paris,  1677,  2  vol.,  in-4,  1681,  1687)  ;  Traité  de  la 
messe  de  paroisse,  où  l'on  découvre  les  grands  mys- 
tères cachés  sous  le  voile  de  la  messe  publique  et  so- 
lennelle  (Paris,  1679,  in-8)  ;  Recueil  de  pièces  concer- 
nant la  morale  chrétienne  sur  f  Oraison  dominicale 
(Rouen,  1745,  in-12).  On  attribue,  en  outre,  à  Floriotun 
écrit  sur  les  Paroles  de  la  consécration. 

Bibl.  :  Besoigne,  Histoire  de  l'abbaye  de  Port-Royal  ; 
Cologne,  1752,  6  vol.  in-12.  —  Sainte-Beuve,  Port-Royal. 

FLORIS  (Frans  de  Vriendt,  dit  Frans),  peintre  fla- 
mand, né  à  Anvers  vers  1517,  mort  à  Anvers  en  1570. 
Sous  la  direction  de  son  père,  Cornélis,  qui  était  tailleur 
d'images,  il  apprit  d'abord  la  sculpture;  puis  il  partit 
pour  Liège,  où  il  travailla  dans  l'atelier  de  Lambert 
Lombard,  cet  admirateur  fanatique  de  l'Italie  et  de  l'an- 
tiquité, philologue  et  numismatiste  autant  que  peintre. 
Après  s'être  assimilé  avec  une  habileté  surprenante  la 
manière  classique  et  théâtrale  que  trahissent  les  très 
rares  peintures  de  ce  maître  et  les  gravures  que  Cock 
a  données  de  quelques  autres,  Frans  Floris  fit  un 
voyage  en  Italie,  où  il  copia  des  antiques  et  beaucoup  de 
figures  dans  les  fresques  de  Michel- Ange.  Il  s'y  lia  avec 
Yasari,  qui  le  comble  d'éloges  et  en  fait  le  Raphaël  des 
Pays-Bas.  Sa  renommée  le  suivit  à  Anvers,  où  il  revint 
avant  1540,  et  fut  admis  aussitôt  dans  la  gilde  des  pein- 
tres. Il  ouvrit  une  école,  où  il  forma  plus  de  120  élèves, 
dont  les  meilleurs  furent  Martin  de  Vos  et  les  Francken. 
Le  prince  d'Orange,  les  comtes  d'Egmont  et  de  Horn,  toute 
la  noblesse  des  Pays-Ras  lui  rendait  visite.  Le  luxe  de  sa 
table  était  célèbre,  et  sa  réputation  de  grand  buveur  lui 
attira  de  toutes  les  Flandres  des  défis  dont  il  sortit  toujours 
victorieux.  Dans  une  rue  d'Anvers  qui  prit  son  nom  (Flo- 
risslrasse,  aujourd'hui  par  corruption,  rue  aux  Fleurs), 
il  se  fit  bâtir  une  maison  très  riche,  sur  la  façade  de  laquelle 
il  peignit  sept  figures  allégoriques  des  arts  libéraux.  Sa  faci- 
lité merveilleuse  lui  permit  de  suffire  jusqu'au  bout  à  ces 
prodigalités  de  grand  seigneur.  Il  fut  enterré  dans  l'église  des 
Récollets,  où  l'on  pouvait  lire  autrefois  l'épitaphe  flamande 
de  toute  la  famille  Floris.  Ses  œuvres  les  plus  curieuses  et 
les  plus  personnelles  sont  de  grandes  scènes  violentes  et 
tourmentées,  telles  que  [le  triptyque  du  Jugement  der- 
nier (1566),  au  musée  de  Bruxelles,  et  surtout  la  Chute 
des  Anges  rebelles  (1554),  au  musée  d'Anvers.  On  y 
trouve  des  détails  monstrueux  et  grotesques  qui  sont  bien 
flamands,  à  côté  d'attitudes  compliquées,  de  raccourcis 
savants,  d'enchevêtrements  inextricables,  qui  trahissent 
l'imitation  directe  de  Michel-Ange  ;  le  dessin  est  énergique, 
mais  dur,  et  la  couleur  assez  crue.  Dans  le  Jugement  der- 
nier, Floris  s'est  représenté  lui-même  surgissant  d'un 
sépulcre  dont  le  Temps  lève  la  pierre.  Avec  ce  que  l'on  sait 
de  ses  débauches,  on  ne  peut  s'étonner  que  Floris,  à 
l'exemple  de  tant  d'Italiens  de  son  temps,  ait  aimé  les  su- 
jets licencieux,  qu'il  choisit  indistinctement  dans  la  mytho- 
logie ou  la  Bible  ;  tels  sont  :  Mars  et  Vénus  surpris  par 
Vulcain  (galerie  de  Brunswick  et  musée  de  Berlin)  ;  Vénus 
et  Cupidon  (Brunswick  et  Berlin)  ;  Loth  et  ses  filles 
(galerie  de  Dresde  et  Berlin),  etc.  Les  têtes  sont  insigni- 
fiantes, mais  les  chairs  ont  parfois  un  beau  coloris.  Quant 
aux  autres  peintures  de  Floris,  et  surtout  aux  tableaux 
religieux,  ce  sont  en  général  des  œuvres  habiles  et  froides  : 
Adoration  des  Bergers  (Anvers)  ;  les  Neuf  Muses,  le 
Christ  et'  les  Enfants  (Ryksmuseum  d'Amsterdam)  ; 
V Adoration  des  Mages,  terminée  en  1571  par  l'élève  de 


FLORIS  -  FLOTOW 


656  — 


F.  Floris,  Hieronymus  Francken  (Bruxelles);  Caïnet  A  bel 
(galerie  de  Copenhague);  un  Portrait  de  femme  (à la 
Pinacothèque  de  Munich)  ;  Adam  et  Eve  devant  V Arbre, 
Adam  et  Eve  chassés  du  Paradis,  une  Sainte  Famille 
(musée  de  Vienne)  ;  un  Déluge  et  deux  portraits  (Madrid) . 
Les  tableaux  les  plus  intéressants  de  cette  série  sont  le 
Saint  Luc  peignant  la  Vierge  (Anvers),  où  l'artiste  a 
donné  au  saint  les  traits  du  peintre  Rykaert  Aertsz,  et  s'est 
peint  lui-même  broyant  les  couleurs  ;" un  Christ  au  jardin 
des  Oliviers  (Cassel),  de  très  petites  dimensions,  mais 
d'une  lumière  saisissante  et  d'une  noblesse  rare  chez  ce 
peintre  facile  et  vulgaire. 

Les  frères  de  Frans  Floris  se  firent  tous  un  nom  dans 
les  arts  :  l'aîné,  Cornélis,  architecte  renommé,  construisit 
à  Anvers,  entre  autres  monuments,  l'hôtel  de  ville,  qui, 
terminé  en  4560,  fut  brûlé  en  4570,  et  reconstruit  en 
1581  dans  le  même  style,  mais  par  un  autre  architecte,  tel 
qu'on  le  voit  aujourd'hui.  —  Le  second,  Jakob,  fut  un  des 
meilleurs  peintres  verriers  de  la  Flandre  (V.  l'art,  suiv.). 
—  Enfin,  le  troisième,  Jean,  fut  si  connu  comme  mode- 
leur que  Philippe  II  l'appela  en  Espagne  où  il  mourut.  —  Les 
deux  fils  de  Frans  Floris,  Jean-Baptiste  et  Frans  furent 
également  peintres  tous  les  deux.  Le  premier  fut  tué  fort 
jeune  à  Bruxelles,  dans  une  rixe  avec  des  Espagnols  ;  le 
second  travailla  à  Rome,  où  il  produisit  des  tableaux  de 
genre  et  des  gravures  à  l'eau-forte.  E.  Bertaux. 

Bibl.  :  Perkins,  Cyclopœdia  of  Painters.  —  Waagen, 
Ecoles  allemande,  flamande  et  hollandaise,  liv.  IV, 
ch.  ier.  — Michiels,  Histoire  de  la  peinture  flamande,  t.  V. 
FLORIS  (Jakob  de  Vriendt,  dit),  frère  da  précédent, 
peintre  verrier,  mort  à  Anvers  en  1581.  Les  douze  vitraux 
de  la  cathédrale  de  Tournai,  avec  des  sujets  tirés  de  l'his- 
toire des  rois  mérovingiens,  lui  ont  été  longtemps  attri- 
bués, mais  doivent  être  restitués  à  L.  Adrians.  Deux  ver- 
rières de  sa  main,  placées  autrefois,  l'une  au-dessus  du 
portail  de  Sainte-Gudule  à  Bruxelles,  l'autre  (une  Adora- 
tion des  bergers)  dans  la  chapelle  dite  des  Pauvres  à 
Notre-Dame  d'Anvers,  ont  aujourd'hui  disparu.  On  ne  sait 
s'il  faut  l'identifier  avec  l'artiste  du  même  nom  qui  a  des- 
siné des  compositions  décoratives  gravées  par  Hieronymus 
Gocks  en  1567  et  par  Liefnnck  en  1564.  D'après  les  dates, 
il  est  certain  qu'il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  un  autre 
Jakob  Floris,  qui  a  peint  les  vitraux  du  monastère  des 
carmélites,  à  Anvers,  de  1592  à  1615  :  les  sujets  en  sont 
empruntés  à  l'histoire  du  prophète  Elie. 

Bibl.  :  Baron  Reiffeinberg,  la  Peinture  sur  verre  aux 
Pays-Bas,  dans  les  Nouveaux  Mémoires  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  1832. 

FLORNOY.  Com.  du  dép.  la  Haute-Marne,  arr.  etcant. 
de  Wassy;  156  hab. 

FLORUS  (Julius  ou  Gaius  Annius),  historien  romain  de 
la  première  moitié  du  ne  siècle  ap.  J.-C.  On  a  voulu 
l'identifier  avec  le  rhéteur  poète  Publius  Annius  Florus.  Il 
a  rédigé  un  abrégé  de  l'histoire  romaine  de  Tite  Live 
(Epitomœ  de  Tito  Livio  bellorum  omnium  annorum 
DUC  libri  duo).  Le  style  est  poétique  et  déclamatoire; 
l'ouvrage  a  l'allure  d'un  panégyrique  ;  c'est  une  narration 
philosophique.  Les  erreurs  sont  rares.  Outre  Tite  Live  qu'il 
copie  parfois  mot  à  mot,  Florus  a  utilisé  d'autres  sources. 
Le  premier  livre  va  jusqu'au  temps  des  Gracques  ;  le  se- 
cond raconte  la  fin  de  la  République  jusqu'à  l'avènement 
d'Auguste.  Les  meilleures  éditions  sont  celles  de  Dukerus 
(Leyde,  1722,  8  vol.,  souvent  réimprimée),  Jahn  (Berlin, 
4852)  et  Hahn  (Leipzig,  1854). 

Bibl.  :  Heyn,  De  Floro  historico  ;  Bonn,  1866.  —  Spren- 
gel,  Die  Geschichtsbiicher  des  Florus;  Munich,  1861. 

FLORUS  Drepanius,  diacre,  puis  prêtre  de  l'Eglise  de 
Lyon,  mort  vers  860.  Quelques-uns  de  ses  écrits  sont  inté- 
ressants pour  l'histoire  des  dogmes  au  moyen  âge.  Chez  ses 
contemporains,  Florus  était  renommé  non  seulement  pour 
sa  science,  mais  à  cause  d'une  bibliothèque  considérable 
qu'il  avait  rassemblée.  —  OEuvres  principales  :  Commen- 
tarius  sive  Expositio  in  canonem  missœ  (Paris,  1548, 
1589;  Lyon,  1677).  Dans  ce  traité,  composé  vers  834, 
Florus  combat  la  doctrine  de  la  transsubstantiation  expo- 


sée par  Radbert  (V.  Eucharistie).  Liber  de  prœdestina- 
tione ,  contra  Johannis  Scoti  erroneas  definitiones 
(Lyon,  1677);  Commentarius  in  omnes  S.  Pauli  epis- 
tolas  (Baie,  1553  ;  Cologne,  1612),  longtemps  attribué  à 
Bède  ;  De  episcoporum  electione  (Paris,  4605,  1666); 
Poésies  latines  (Paris,  1560),  exprimant  avec  un  senti- 
ment assezprofond  et  des  traits  caractéristiques  les  misères 
de  l'époque  ;  Collection  de  décrets  tirée  du  code  Théodo- 
sien  et  de  divers  conciles;  Additions  au  Martyrologe  de 
Bède.  La  bibliothèque  d'Avranches  possède  en  manuscrit 
(in-fol.  n°  2428)  une  Histoire  universelle  attribuée  à 
Florus.  E.-H.  V. 

Bibl.  :  Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  V. 

FLOTARD  (Eugène),  publiciste  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Saint-Etienne  le  21  mars  1821.  Après  de  fortes 
études  de  droit,  il  fut  en  1  848  attaché  au  parquet  de  Saint- 
Etienne,  démissionna  après  le  coup  d'Etat  du  2  décembre 
et  devint  administrateur  de  la  Banque  de  France  de  Saint- 
Etienne  (1852)  et  conseiller  municipal  de  cette  ville.  Ils'établit 
à  Lyon  en  1855,  collabora  à  divers  journaux  :  le  Progrès 
de  Lyon,  le  Temps,  l'Avenir  national,  etc.,  et  devint 
conseiller  de  préfecture  en  1870.  Le  8  févr.  de  la  même 
année,  il  fut  élu  représentant  du  Rhône  à  l'Assemblée  na- 
tionale, où  il  siégea  parmi  les  républicains  modérés  et  où 
il  s'occupa  surtout  de  questions  financières.  Il  échoua  aux 
élections  sénatoriales  dans  le  Rhône,  le  30  janv.  1876  et 
le  8  janv.  1882.  Un  des  fondateurs  as  l'Economiste  fran- 
çais (1861),  M.  Flotard  a  publié  :  Trois  Lettres  Èur  le 
Congrès  (Lyon,  1841,  in-8)  ;  la  France  démocratique 
(Paris,  1850,  in-8)  ;  Images  et  Pensées,  poésies  (1851, 
in- 12)  ;  Etudes  sur  la  théocratie  (1861,  in-8)  ;  la  Be- 
ligion  primitive  des  Indo-Européens  (1864,  in-8)  ;  le 
Mouvement  coopératif  à  Lyon  et  dans  le  midi  de  la 
France  (1867,  in-12);  la  Comédie  moderne  (1869, 
in-12)  ;  Principes  philosophiques  et  pratiques  de  droit 
pénalJiSM,  in-8),  etc. 

FLOTNER  (Peter-F.),  dessinateur  et  graveur  sur  bois 
nurembergeois,  mort  le  23  oct.  1546.  On  le  trouve  men- 
tionné pour  la  première  fois  dans  un  catalogue  manuscrit 
de  Paul  Behaim,  au  monogramme  P  F,  et  l'on  ne  sait  rien 
de  sa  vie.  Il  paraît  s'être  aussi  occupé  en  petit  de  sculp- 
ture. Ses  gravures  représentaient  principalement  des  scènes 
delà  vie  quotidienne  ;mais  ses  œuvres  les  plus  estimées,  ce 
sont  les  séries  de  modèles  qu'il  fournissait  aux  menuisiers, 
damasquineurs  et  orfèvres.  Une  de  ces  séries  a  paru  en 
1549  à  Zurich  chez  P.  Wyssenbach. 

FLOTOW  (Friedrich-Ferdinand-Adolf,  comte  de),  com- 
positeur allemand,  né  à  Teutendorf  (Mecklembourg)  le 
27  ayr.  1812,  mort  à  Darmstadtle  23  janv.  1883.  Elève 
de  Reicha,  il  débuta  comme  musicien  dramatique  par  quelques 
morceaux  écrits  pour  une  pièce  intitulée  le  Comte  de  Cha- 
rolais  et  par  Seraphina,  opéra-comique,  dont  Frédéric 
Soulié  avait  fait  le  poème,  joué  chez  le  marquis  de  Bellis- 
sen,  au  château  de  Royaumont  le  30  oct.  1836.  Un  autre 
petit  ouvrage  de  Flotow,  Pierre  et  Catherine,  sujet  que 
traita  aussi  Adolphe  Adam,  fut  représenté  par  des  amateurs 
sur  le  théâtre  de  l'hôtel  de  Castellane  ;  il  faut  citer  aussi 
un  air  écrit  pour  une  pièce  du  Vaudeville,  la  Champ- 
meslé  (1837).  Le  3  avr.  1840,  dans  une  soirée  au  béné- 
fice des  Polonais,  des  amateurs  jouèrent  la  Duchesse  de 
Guise,  opéra  tiré  par  le  comte  de  La  Bouillerie  du  drame 
d'Alexandre  Dumas,  Henri  III,  avec  musique  de  Flotow. 
Le  musicien  écrivit  encore  Bob-Boy,  joué  dans  un  château 
près  de  Paris,  un  opéra  allemand,  Theodor  Kôrners  Berg- 
knappen  et  la  musique  du  drame  le  Naufrage  de  la  Mé- 
duse (1839),  en  collaboration  avec  Pilati.  En  1840,  il 
donna  le  Forestier  à  l'Opéra-Comique  ;  en  1845,  l'Esclave 
du  Camoëns  et,  à  l'Opéra,  un  acte  du  ballet  Lady  Hen- 
riette (les  deux  autres  actes  étaient  de  Burgmùller  et  Del- 
devez).  Le  30  déc.  1844,  Alessandro  Stradella,  sur  un 
sujet  que  Niedermeyer  avait  déjà  mis  en  musique,  fut  bien 
accueilli  à  Hambourg  ;  le  succès  de  l'ouvrage  se  renouvela 
dans  les  autres  grandes  villes  d'Allemagne  et  valut,  dit-on, 


657  — 


FLOTOW  —  FLOTTE 


à  l'auteur,  le  titre  de  chambellan  du  duc  de  Mecklembourg. 
En  4846,  VAme  en  peine  fut  représentée  à  Paris;  on  a 
prétendu  que  Flotow  y  avait  utilisé  sa  musique  du  Fores- 
tier, musique  qui  n'a  jamais  été  gravée  ;  d'ailleurs,  sous 
le  titre  de  Léoline,  VAme  en  peine  reparut  à  Londres  en 
1848.  En  1847,  Flotow  écrivit  et  fit  jouer  à  Vienne  son 
opéra-comique  le  plus  célèbre,  Martha  ou  le  Marché  de 
Richemond,  où  il  avait  simplement  fait  reprendre  et  am- 
plifier le  sujet  de  Lady  Henriette.  La  représentation  vien- 
noise est  du  25  nov.  1847.  Depuis,  cet  ouvrage  agréable 
et  facile,  mais  dépourvu  d'originalité  et  dont  la  seule  mélo- 
die pénétrante  est  un  délicieux  thème  populaire  irlandais 
(dans  la  partition  :  Letzte  Rose,  etc.),  a  été  joué  avec 
succès  sur  un  grand  nombre  de  théâtres  en  Allemagne,  en 
France  et  ailleurs.  Une  faveur  très  marquée  a  également 
accueilli  V Ombre,  jouée  à  l'Opêra-Comique  le  7  juil.  1870. 
Les  autres  productions  scéniques  de  Flotow  sont  :  Veuve 
Grappin  (Paris,  1859)  ;  Pianella  (Paris,  1860,  sur  le 
sujet  de  la  Serva  Padrona)  ;  Un  Conte  d'hiver  (Vienne, 
1862);  Indra  (Vienne,  1864?);  Zilda  (Paris,1866)  ;  Am 
Runenstein,  en  collaboration  avec  Richard  Gênée  (Prague, 
1868)  ;  Naïda  (Milan,  1873)  ;  Il  Fior  d'Harlem  (Turin, 
1876)  ;  Aima  V Incantatrice  (Paris,  Théâtre-Italien,  1878) 
et  deux  ballets,  la  Libellule  (Vienne,  1866)  et  Tann- 
konig  (Darmstadt,  1867).  D'autres  ouvrages,  la  Grande 
Duchesse,  Albin,  Riibezahl,  écrits  pour  l'Allemagne,  pa- 
raissent n'avoir  pas  été  représentés,  ou  ont  passé  complè- 
tement inaperçus.  On  doit  encore  à  Flotow  quelques  lieder,- 
chants  à  quatre  voix,  romances,  des  duos  pour  violoncelle 
et  piano,  des  trios  pour  piano  et  cordes.  Comme  musicien, 
Flotow  n'était  qu'un  amateur  de  peu  de  savoir.  Ses  com- 
positions sont  parfois  aimables,  aisées,  d'un  certain  en- 
jouement et  d'une  sentimentalité  mélodique  tout  extérieure, 
mais  nullement  originales,  sans  accent  vrai  et  sans  valeur 
réelle.^  Alfred  Ernst. 

FLÔTRE  (Papet.).  On  désigne  sous  ce  nom,  dans  la 
fabrication  du  papier  à  la  main,  les  feutres  qui  servent  à 
recevoir  la  feuille  de  papier  humide  au  moment  où  elle 
quitte  la  forme.  Un  certain  nombre  de  feuilles  de  papier, 
alternant  chacune  avec  un  fïôtre,  composent  la  pile  que 
l'on  met  en  presse,  pour  en  extraire  la  plus  grande  quan- 
tité d'eau  contenue.  Les  flôtres  doivent  être  lavés  de  temps 
en  temps  à  l'eau  contenant  du  savon  ou  du  sel  de  soude  en 
dissolution.  Pour  augmenter  la  durée  des  flôtres  et  leur 
résistance  à  l'action  permanente  de  l'humidité,  on  les  passe, 
avant  emploi,  dans  une  dissolution  chaude  de  matières 
tannantes.  L'écorce  de  chêne  sert  généralement  dans 
ce  but.  L.  K. 

FLOTTAGE  (V.  Cours  d'eau). 

FLOTTAISON  (Ligne  de)  (Mar.).  Un  navire  enfonce 
dans  l'eau  d'une  certaine  quantité  (qu'il  soit  lège  ou  qu'il 
soit  en  charge)  jusqu'à  ce  qu'il  ait  déplacé  un  volume  d'eau 
dont  le  poids  soit  égal  à  son  propre  poids.  Il  est  alors 
dans  un  état  d'équilibre  ;  il  flotte,  ayant  une  partie  im- 
mergée et  l'autre  au-dessus  de  l'eau.  La  ligne  qui.  sépare 
ces  deux  parties  est  la  ligne  de  flottaison,  ligne  tracée  par 
l'eau  elle-même  le  long  de  la  carène  du  navire.  Il  résulte 
de  ce  que  nous  venons  de  dire  que  la  ligne  de  flottaison 
d'un  bâtiment  change  constamment  ;  ne  serait-ce  que  par 
le  charbon,  les  vivres,  l'eau  consommés  chaque  jour.  Mais 
deux  cas  seulement  sont  à  examiner.  C'est  la  ligne  de  flottai- 
son lège  et  la  ligne  de  flottaison  en  charge.  Rappelons  que  le 
poids  du  volume  d'eau  de  mer  contenue  dans  la  tranche 
comprise  entre  ces  deux  lignes  s'appelle  exposant  de 
charge  (V.  ce  mot).  C'est  cet  exposant  de  charge  qui  fera 
connaître  le  poids  que  l'on  peut  mettre  à  bord,  soit  comme 
marchandises,  s'il  s'agit  d'un  navire  de  commerce,  soit 
comme  artillerie,  charbon,  etc.,  s'il  s'agit  d'un  navire  de 
guerre,  afin  que  le  navire,  une  fois  armé,  soit  dans  des 
conditions  de  flottabilité,  de  lignes  d'eau  prévues  par  le 
constructeur.  Remarque  capitale  au  point  de  vue  de  la 
vitesse,  car  le  pas  de  l'hélice,  la  force  de  la  machine  ont 
été  calculés  en  vue  de  l'immersion  en  charge,  afin   de 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


donner  au  bâtiment  une  vitesse  prévue  de  tant  de  nœuds. 
Il  est  bien  évident  que  si  l'immersion  augmente,  la  résis- 
tance à  vaincre  est  plus  grande,  d'où  perte  de  vitesse.  Si, 
au  contraire,  l'immersion  est  trop  faible,  l'utilisation  de 
l'hélice  est  moindre  généralement  ;  de  ce  chef  encore, 
perte  de  vitesse,  et  à  notre  époque  il  ne  faut  pas  oublier 
que  vitesse  c'est  temps  et  par  suite  argent. 

FLOTTANTS  (Corps)  (V.  Archimède  [Principe  d'1). 

FLOTTE  (V.  Marine). 

FLOTTE  (Pèche).  Pour  soutenir  les  filets  ou  des  empiles 
attachées  à  une  ligne  de  fond,  on  emploie  des  corps  légers 
que  l'on  attache  à  la  tête  de  ces  filets,  en  ayant  soin  de  pro- 
portionner le  volume  des  flottes  à  la  pesanteur  des  filets 
qu'ils  doivent  soutenir  ;  les  flottes  peuvent  être  en  liège, 
en  verre.  Lorsque  les  filets  sont  très  grands  et,  par  con- 
séquent, très  pesants,  comme  les  filets  au  hareng,  au  ma- 
quereau, on  soulage  les  flottes  par  l'emploi  de  bouées  ou 
de  tonnelets  vides  dits  quarts-à-poche.  —  On  désigne  aussi 
sous  le  nom  de  flotte  le  flotteur  qui  sert  dans  la  pêche  à  la 
ligne  en  eau  douce  ;  ces  flottes,  dont  la  forme  est  très  va- 
riée, peuvent  se  rattacher  à  trois  systèmes  principaux  : 
flottes  verticales,  flottes  obliques,  flottes  horizontales. 

FLOTTE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
dans  l'île  de  Ré,  arr.  de  La  Rochelle,  cant.  de  Saint-Mar- 
tin-de-Ré  ;  2,447  hab.  La  Flotte,  autrefois  Navigium, 
possède  un  port  de  cabotage  dont  l'origine  remonte  au 
moins  à  1586  et  qui  peut  recevoir  des  navires  de  100  à 
150  tonneaux.  Al'E.  sont  les  restes  de  l'abbaye  des  Châte- 
liers,  bâtie  au  xne  siècle.  G.  R. 

Bibl.  :  Dr  Kemmerer,  Histoire  de  Vile  de  Ré,  1868,  2  vol. 
in-8,  passim,  et  t.  I,  p.  188.  —  Ministère  des  travaux 
publics.  Ports  maritimes  de  la  France,  1883,  t.  V,  p.  639 
(notice  de  M.  H.  Bonneau). 

FLOTTE  (Pierre),  chancelier  de  France,  l'un  des  mi- 
nistres de  Philippe  le  Rel,  mort  à  la  bataille  de  Courtrai 
le  11  juil.  1302.  On  sait  jusqu'à  présent  peu  de  choses  sur 
ce  légiste  qui  fut  jusqu'à  sa  mort  le  principal  ministre  de 
Philippe  le  Bel.  Pierre  Flotte  (ou  plutôt  Floté)  était  origi- 
naire d'Auvergne.  «  Chevalier  du  roi  »,  on  le  voit  chargé 
de  missions  dès  1293  (Olim,  II,  13)  et  siéger  à  la  cour 
du  roi  en  1298  (Olim,  II,  397).  A  partir  de  1297-98  au 
plus  tard,  il  fut  mêlé  aux  grandes  affaires  :  envoyé  à  Rome 
au  sujet  de  la  canonisation  de  Louis  IX  (cf.  une  bulle  de 
Boniface  VIII  en  sa  faveur,  datée  du  8  juil.  1298,  sous  le 
n°  2679  des  Registres  de  Boniface  V1IÏ),  et  comme  am- 
bassadeur en  Allemagne.  Les  envoyés  du  roi  d'Angleterre  qui 
menèrent  au  Louvre  les  négociations  avec  la  France  pendant 
l'hiver  de  1 299  nous  ont  conservé  une  relation  détaillée  de 
leurs  travaux  (Public  Record  Office  de  Londres,  Miscella- 
neous  Rolls,  n°  473)  ;  on  y  voit  Pierre  Flote  jouer  le  pre- 
mier rôle  et  porter  constamment  la  parole  au  nom  de  la 
couronne.  C'est,  dit-on,  P.  Flote  qui  rédigea  l'acte  d'accu- 
sation dans  le  procès  de  Bernard  Saisset  (V.  ce  nom),  et 
l'on  remarque  que  l'un  des  témoins  entendus  dans  le  pro- 
cès s'est  fait  l'écho  de  bruits  bien  peu  flatteurs  pour  le 
familier  de  Philippe  le  Bel  :  «  Petrus  Flote  nihil  sine 
muneribus  faciebat  »  (Preuves  du  Différend,.,,  p. 632). 
Ce  serait  P.  Flote  qui,  suivant  l'opinion  généralement  ad- 
mise, aurait  été  chargé  de  résumer  la  bulle  Ausculta,  fili^ 
de  manière  à  mettre  en  relief  les  prétentions  de  Boniface  VIII 
et  à  exciter  l'indignation  populaire  ;  ce  serait  encore  lui 
qui  aurait  rédigé  la  fameuse  réponse  :  «  Sciât  tua  maxima 
fatuitas.  »  On  sait  enfin  qu'il  prononça,  comme  chancelier, 
le  10  avr.  1302,  devant  les  trois  Etats  de  France  réunis  à 
Notre-Dame  de  Paris,  un  grand  discours  dont  le  texte  est 
malheureusement  perdu  (cf.  Histoire  littéraire  de  la 
France,  XXVII,  372),  mais  dont  on  connaît  la  substance 
et  qui  produisit  un  grand  effet.  Boniface  VIII  a  lancé  contre 
Pierre  Flote  de  terribles  invectives  ;  il  l'appelle  dans  ses 
bulles  Bélial,  Achitophel,  et  il  nous  apprend  qu'il  était 
borgne  :  «  Semividens  corpore,  menteque  totaliter  excœ- 
catus.  »  Le  chancelier  fut  tué  les  armes  à  la  main  à  la 
bataille  de  Courtrai.  —  Pierre  avait  un  frère ,  Géraud 
Flote,  qui  fut  bailli  de  Mâcon  en  1 295  et  de  Périgord  en 

42 


FLOTTE  —  FLOU 


658  - 


1299.  Gomme  la  plupart  des  ministres  de  ce  temps,  il 
fonda  une  grande  famille  féodale;  la  maison  de  Flote  fut 
peut-être  au  xive  siècle  la  plus  considérable  des  maisons 
de  noblesse  ministérielle  issues  des  légistes  de  Philippe  le 
Bel.  —  De  Guillaume  Flote,  fils  de  Pierre,  chevalier,  sire 
de  Revel,  on  a  une  quittance  datée  du  19  juil.  1313  qui 
mentionne  un  voyage  diplomatique  de  ce  personnage  en 
Angleterre;  il  fut  plus  tard,  lui  aussi,  chancelier  de  France, 
et  combattit  à  Crécy.  —  Son  fils,  Pierre  II,  fut  amiral  de 
France  et  épousa  une  fille  de  Gaucher  de  Châtillon.  —  Guil- 
laume II,  fils  de  Pierre,  fut  un  très  grand  seigneur  ;  il 
avait  d'immenses  possessions  et  beaucoup  d'influence  en 
Auvergne;  il  vivait  encore  en  1413;  il  avait  eu  un  fils, 
Antoine,  [dit  Floton  de  Revel,  qui  fut  tué  prématuré- 
ment, comme  le  fondateur  même  de  la  famille,  en  1382,  à 
la  bataille  de  Rosebeke.  —  La  dernière  héritière  du  nom  et 
des  titres  de  cette  maison  fut  Jeanne  Flote,  «  la  dame  de 
Revel  »,  qui  se  maria  trois  fois,  et  mourut  le  14  févr.  1431 , 
sans  enfants.  —  Il  y  aurait  lieu  de  faire  des  recherches  sur 
la  biographie  de  Pierre  Flote,  que  des  documents  inédits 
permettraient  certainement  de  préciser.  Sur  l'histoire  de  la 
famille  Flote  au  xive  et  au  xv6  siècle,  on  consultera  Y  His- 
toire généalogique  du  P.  Anselme  (VI,  pp.  275  et  suiv.); 
et  Fr.  du  Chesne  {Histoire  des  chanceliers  et  des  gardes 
des  sceaux  de  France;  Paris,  1680,  in-foL).     Ch.-V.  L. 

FLOTTE  (Etienne-Gaston,  baron  de),  littérateur  français, 
né  à  Saint-Jean-du-Désert  (Bouches-du-Bhône)  le  26  févr. 
1805,  mort  à  Saint-Jean-du-Désert  le  23  août  1882.  Colla- 
borateur assidu  de  la  Mode,  du  Souvenir,  de  la  Gazette  du 
Midi,  de  la  Revue  de  Paris  et  autres  périodiques,  très  lié 
avec  Méry,  Autran,  Barthélémy,  il  a  écrit  des  poésies  ani- 
mées du  royalisme  et  du  catholicisme  le  plus  ardents.  Ci- 
tons :  Dante  exilé  et  Souvenirs  (Marseille,  1833,  in-8); 
Essai  sur  Vétat  de  la  littérature  à  Marseille  depuis  le 
xvne  siècle  jusqu'à  nos  jours  (1836,  in-8)  ;  Jésus-Christ, 
poème  (1841,  in-18)  ;  la  Vendée,  poème  (1847,  in-18)  ; 
les  Sectes  protestantes  (Paris,  1856,  in-8);  Révues 
parisiennes.  Les  Journaux.  Les  Revues.  Les  Livres 
(1860,  in-12);  Souvenirs,  études,  mélanges  littéraires 
(1865,  in-12),  auxquels  il  a  joint  la  Correspondance  de 
Jean  Reboul  ;  Souvenirs,  poésies  (1868,  in-12)  ;  le  Cen- 
tenaire de  Voltaire  (1877,  in-8). 

F  LOTT  E  (Paul-Louis-François-René,  vicomte  de) ,  marin  et 
homme  politique  français,  né  à  Landerneau  le  lerfévr.  1817, 
mort  à  Reggio  (Italie)  le  22  août  1860.  Elève  de  l'Ecole  de  La 
Flèche  et  de  l'Ecole  navale,  il  prit  part  aux  expéditions  de 
la  Vénus  et  de  Y  Astrolabe,  servit  aux  Antilles  (1840)  et, 
parvenu  au  grade  de  lieutenant  de  vaisseau  (1843),  se 
lança  tout  à  coup  avec  ardeur  dans  le  socialisme  et  devint 
un  des  apôtres  les  plus  convaincus  de  la  doctrine  phalans- 
térienne.  Arrêté  pour  sa  participation  aux  événements  du 
15  mai  1848,  il  fut  interné  à  Belle-Isle  d'où  il  essaya  sans 
succès  de  s'échapper.  Condamné  à  un  mois  de  prison  pour 
cette  tentative  d'évasion,  on  le  laissa  en  liberté  après  l'ex- 
piration de  cette  dernière  peine.  Le  10  mars  1850,  sa  can- 
didature fut  posée  à  une  élection  partielle  dans  le  dép .  de 
la  Seine,  par  le  parti  démocratique.  Elu  avec  une  grosse 
majorité  en  même  temps  que  Carnot  et  Vidal,  de  Flotte  sié- 
gea sur  la  Montagne.  Expulsé  à  la  suite  du  coup  d'Etat  du 
Deux -Décembre,  il  s'établit  en  Belgique.  Il  eut  ensuite  une 
existence  fort  aventureuse,  revint  en  France  sous  un  faux 
nom  et  entra  au  service  d'une  compagnie  de  chemins  de  fer, 
commanda  un  corps  de  volontaires  français  dans  l'armée  de 
Garibaldi  en  Sicile,  dirigea  la  flottille  et  fut  tué  en  tentant 
un  débarquement  en  Calabre.  On  a  de  lui  :  la  Souverai- 
neté du  peuple  (Paris,  1851,  in-8);  Mémoires  sur  la 
substitution  de  l'hélice  aux  roues  du  bateau  à  vapeur 
(1843),  etc. 

FLOTTEMANVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr. 
de  Valognes,  cant.  de  Montebourg;  262  hab. 

FLOTTEMANVILLE-Hague.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche, 
arr.  de  Cherbourg,  cant.  de  Beaumont-Hague;  402  hab. 

FLOTTEMENT  (Art  milit.).  Ondulation  qui  se  produit 


dans  les  rangs  d'une  troupe  en  marche,  quand  le  pas  n'est 
pas  uniforme,  et  principalement  quand  le  guide  sur  lequel 
se  règle  la  marche  ne  suit  pas  une  direction  rigoureuse- 
ment perpendiculaire  à  celle  du  rang. 

FLOTTEUR.  I. Mécanique. — Appareil  destiné  à  indiquer 
le  niveau  de  l'eau  dans  une  chaudière.  Il  se  compose  d'une 
sphère  ou  d'une  lentille  creuse,  fixée  à  l'extrémité  d'un  bras 
de  levier  relié  à  un  axe  qui  traverse  la  façade  ou  l'enveloppe 
de  la  chaudière  en  passant  dans  un  presse-étoupe.  Cet  axe 
porte  à  l'extérieur  un  index,  dont  les  différentes  positions  sur 
un  cadran,  bien  en  vue  du  chauffeur,  indiquent  la  hauteur 
de  l'eau  à  l'intérieur  de  la  chaudière.  Les  positions  extrêmes 
de  l'index  correspondent  au  manque  d'eau  ou  à  un  ni- 
veau trop  élevé  ;  elles  sont  accusées  par  l'ouverture  d'un 
sifflet  à  vapeur  dont  le  bruit  strident  appelle  immédiatement 
l'attention  du  surveillant.  On  doit  visiter  assez  fréquem- 
ment le  flotteur,  car  si  sa  densité  change  par  suite  de 
dépôts  à  la  surface,  les  indications  ne  correspondent  plus 
avec  celles  de  la  densité  primitive;  ces  indications  varient 
aussi  avec  les  changements  de  densité  de  l'eau  de  la  chau- 
dière. Son  emploi,  limité  d'ailleurs  aux  chaudières  fixes, 
tend  à  tomber  en  désuétude  ;  on  se  sert  aujourd'hui  des 
tubes  de  niveau  d'eau  qui  remplissent  le  même  but.  L'in- 
dicateur magnétique  de  Lethuillier  et  Pinel,  très  répandu 
dans  les  usines,  se  compose  d'un  flotteur  en  forme  de  sphé- 
roïde, dont  la  tige  passe  librement  dans  un  piétement  en 
fonte  terminée  par  une  boîte  carrée  en  cuivre  fondu.  Le 
bout  de  la  tige  du  flotteur  porte  un  fort  aimant  magnétique. 
Contre  l'une  des  faces  de  la  boîte  en  cuivre,  il  existe  une 
aiguille  isolée  de  tout  support  mécanique  et  qui  n'est  main- 
tenue que  par  l'attraction  de  l'aimant  aujuel  elle  sert  d'ar- 
mure. Les  positions  de  cette  aiguille  indiquent  les  fluctua- 
tions du  niveau  intérieur  :  deux  sifflets  avertisseurs  du 
manque  ou  du  trop  d'eau  sont  mus  automatiquement  par 
des  taquets  placés  sur  la  tige  des  flotteurs.  L.  K. 

IL  Hydraulique  (V.  Vitesse  des  cours  d'eau). 

FLOTTILLE  (Mar.).  On  appelle  flottille  la  réunion  en 
nombre  quelconque  de  petits  bâtiments  de  guerre,  tels 
que  :  avisos  de  flottille,  canonnières  de  différents  types, 
chaloupes-canonnières,  torpilleurs,  etc.  La  réunion  d'une  flot- 
tille n'a  lieu  que  dans  certains  cas  déterminés,  en  première 
ligne  desquels  il  faut  mettre  :  les  opérations  combinées 
ou  mixtes,  c.-à-d.  celles  auxquelles  prennent  part  l'armée 
et  la  marine,  telles  que  transporter  et  débarquer  un  corps 
d'armée.  Les  grands  navires  étant  forcés,  par  leur  tirant 
d'eau,,  de  ne  pas  dépasser  au  grand  maximum  les  lignes 
de  11  à  12  m.  de  profondeur,  il  en  résulte  que  dans  cer- 
tains parages  à  fond  plat  (mer  du  Nord,  Baltique,  côte 
d'Egypte,  etc.),  ils  sont  obligés  de  se  tenir  fort  loin  des  côtes 
(plusieurs  milles).  Dans  ce  cas,  on  comprend  aisément  que, 
pour  protéger  le  débarquement  il  faut  avoir  recours  à  des 
navires  plus  petits,  à  moindre  tirant  d'eau,  qui,  de  leur 
artillerie,  relativement  très  puissante,  balayent  la  plage  et 
en  éloignent  l'ennemi.  De  même,  quand  il  s'agit  d'expédi- 
tions à  l'intérieur  d'un  pays,  de  remonter  de  grands 
fleuves,  comme  dans  les  expéditions  de  Chine  et  du  Tonkin, 
il  faut  encore  avoir  recours  à  de  petits  bâtiments,  calant 
peu. d'eau,  qui  peuvent  alors  remonter  très  haut,  servent 
de  transports,  de  remorqueurs,  appuient  les  colonnes  en 
marche  et  sont  une  base  puissante  d'opérations,  assurant 
le  ravitaillement  et  la  retraite  en  cas  d'échec  ou  de  ren- 
contre de  forces  supérieures. 

FLOTTWELL  (Eduard-Heinrich  de),  homme  d'Etat 
prussien,  né  à  Insterburg  (Prusse)  le  23  juil.  4786,  mort 
à  Berlin  le  25  mai  1865.  Il  se  fit  remarquer  comme  pré- 
sident supérieur  de  la  prov.  de  Posen  (1830-41),  devint 
ministre  des  finances^!  844-46),  siégea  à  l'extrême  gauche 
du  parlement  de  Francfort,  fut  encore  président  de  la 
prov.  de  Brandebourg  (1850-58  et  1859-62)  et  momen- 
tanément ministre  de  l'intérieur  et  président  du  conseil 
(1858-59). 

FLOU  (Peint.).  Excessive  fluidité  de  pinceau,  manière 
délavée  et  inconsistante  de  poser  la  couleur  dans  un  tableau. 


659  — 


FLOU  —  FLOURENS 


Cette  facture  douce  et  un  peu  vague,  qui  convient  parfai- 
tement à  certains  sujets,  présente  en  général  plus  d'incon- 
vénients que  d'avantages,  surtout  dans  la  peinture  de 
figures.  Quelques  artistes  ont  obtenu  un  succès  générale- 
ment éphémère,  avec  cette  manière,  plus  appréciée  du  gros 
public  que  des  amateurs  éclairés  :  Carlo  Dolce,  Alex.  Gri- 
mou,  Raoux,  Hamon  fournissent  les  exemples  les  plus 
connus  de  cette  exécution  que  les  Italiens  appellent  sfumata, 
effumée. 

FLOU  DÈS.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  et  cant. 
deLaRéole;  200  hab. 

FLOURE.Com.  du  dép.  de  l'Aude, arr.  de  Carcassonne, 
cant.  de  Capendu;  248  hab. 

FLOURENS.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  (S.)  de  Toulouse;  410  hab. 

FLOURENS  (Jean-Pierre-Marie),  célèbre  physiologiste 
français,  né  à  Thézau  (Hérault)  le  43  avr.  1794,  mort  à 
Montgeron  le  6  dée.  1867.  Reçu  docteur  en  médecine  à 
Montpellier  en  1813,  il  vint  l'année  suivante  à  Paris  avec 
une  recommandation  de  son  maître  de  Candolle  et  fut  reçu 
avec  bienveillance  par  Cuvier.  La  physiologie  expérimen- 
tale devint  sa  science  favorite  et  il  ne  tarda  pas  à  y  passer 
maître.  Ses  premières  publications,  en  1819,  eurent  un 
grand  succès;  les  leçons  qu'il  fit  en  1821  à  l'Athénée  de 
Paris  sur  la  théorie  physiologique  des  sensations  ne  furent 
pas  moins  goûtées.  En  1828,  il  fut  élu  membre  de  l'Aca- 
démie des  sciences  dans  la  section  d'économie  rurale  en 
remplacement  de  Bosc,  et  Cuvier  le  chargea  du  cours  d'his- 
toire naturelle  au  Collège  de  France  ;  deux  ans  après  il 
lui  confia  le  cours  d'anatomie  comparée  du  Muséum.  En 
1832,  Flourens  fut  nommé  titulaire  de  cette  chaire  et  l'an- 
née suivante  il  remplaça  Dulong  comme  secrétaire  perpé- 
tuel de  l'Académie  des  sciences  ;  enfin,  en  1840,  il  fut  élu 
membre  de  l'Académie  française  en  remplacement  de  Mi- 
chaud.  Elu  député  de  l'Hérault  en  1838,  il  devint  pair  de 
France  en  1846.  Par  son  enseignement,  comme  professeur 
de  physiologie  comparée  au  Muséum,  par  son  talent  d'écri- 
vain, il  sut  rendre  aimable  une  science  des  plus  ardues  et 
la  popularisa  dans  un  public  qui,  sans  lui  peut-être,  ne 
l'eût  jamais  connue.  Il  s'éleva  au-dessus  de  la  sphère  pure- 
ment physiologique,  surtout  à  partir  de  4840,  et  publia 
une  série  de  traités  philosophiques,  scientifiques  et  litté- 
raires qui  lui  valurent  une  réputation  universelle.  Nous  ne 
mentionnerons  ici  que  ses  principaux  travaux  :  Analyse  de 
la  philosophie  anatomique,  etc.  (Paris,  1819,  in-8); 
Recherches  expérimentales  sur  les  propriétés  et  les 
fonctions  du  système  nerveux  dans  les  animaux  verté- 
brés (Paris,  1824,  in-8),  suivi  ^'Expériences  sur  le 
système  nerveux  (Paris,  1825,  in-8);  dans  ces  duux  ou- 
vrages et  dans  des  monographies  sur  le  même  sujet  pré- 
sentées à  l'Académie  des  sciences  ou  publiées  séparément,  il 
montre,  en  s'appuyant  sur  des  expériences  aussi  ingénieuses 
que  hardies,  les  différences  de  fonctionnement  des  diffé- 
rentes parties  des  centres  nerveux,  cerveau,  cervelet, 
bulbe,  moelle,  et  établit  leur  rôle  et  celui  des  nerfs  dans 
les  phénomènes  d'ordre  physiologique  et  d'ordre  psychique  ; 
il  détermine  en  particulier  le  rôle  des  hémisphères  dans  les 
actes  de  sensibilité,  d'intelligence  et  de  volonté,  celui  du 
cervelet  comme  coordonateur  des  mouvements,  celui  du 
bulbe  comme  régulateur  de  la  vie  ;  il  existe,  dit-il,  «  dans 
la  moelle  allongée  (bulbe),  un  point  très  circonscrit,  lequel 
est  tout  à  la  fois  le  point  premier  moteur  du  mécanisme 
respiratoire,  et  le  point  central  et  vital  du  système  ner- 
veux »  ;  Cours  sur  la  génération,  Vovologie  et  V embryo- 
logie, etc.  (Paris,  1863,  in-8,  pi.);  De  VInstinct  et  de 
l'intelligence  des  animaux  (Paris,  1841,  1845,  in-8); 
Recherches  sur  le  développement  des  os  et  des  dents 
(Paris,  1842,  pi.);  Mécanisme  de  la  respiration  des 
poissons  (Paris,  1843,  gr.  in-4,pl.); Anatomie  générale 
de  la  peau  et  des  muqueuses  (Paris,  1843,  in-4,  pi.); 
Examen  de  la  phrénologie  (Paris,  1842,  1845,  in-8); 
Théorie  expérimentale  de  la  formation  des  os  (Paris, 
1847,  in-8);  Histoire  de  la  découverte  de  la  circulation 


du  sang  (Paris,  1854,  in-18);  Recueil  des  éloges  histo- 
riques lus  dans  les  séances  publiques  de  V Académie  des 
sciences  (Paris,  1856-1862,  2  vol.  in-18);  Cours  de  phy- 
siologie comparée,  DeV Ontologie,  etc.  (Paris,l  856,  in-8); 
De  la  Longévité  humaine  (Paris,  1856,  in-12,  3e  édit.), 
De  la  Vie  et  de  V intelligence  (Paris,  1858,  in-12);  On- 
tologie naturelle  (Paris,  1861,  in-18);  De  la  Raison, 
du  génie  et  de  la  folie  (Paris,  1861,  in-18);  Psychologie 
comparée  (Paris,  1864,  in-18).  Pour  l'appréciation  des 
travaux  scientifiques  et  littéraires  de  Flourens,  V.  les  dis- 
cours prononcés  par  Claude  Bernard  et  par  Patin  à  l'Aca- 
démie française  en  1869.  Dr  L.  Hn. 

FLOURENS  (Gustave),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  le  4  août  1838,  mort  à  Chatou  le  3  avr.  1871,  fils 
du  précédent.  Suppléant  de  son  père  en  sa  chaire  du  Col- 
lège de  France  en  1863,  il  eut  des  difficultés  avec  le  gou- 
vernement au  sujet  de  ses  cours,  passa  en  Belgique,  puis 
en  Grèce  et  en  Crète  où  il  prit  part  au  mouvement  contre 
la  Turquie  (1866).  Les  Cretois  le  nommèrent  membre  de 
l'Assemblée  nationale  et  l'envoyèrent  comme  plénipoten- 
tiaire au  gouvernement  grec.  De  retour  à  Paris,  vers  la  fin 
de  1868,  il  se  jeta  avec  ardeur  dans  la  politique  et  fit  une 
telle  opposition  à  l'Empire  qu'il  fut  condamné  en  1869  à 
trois  mois  de  prison  pour  offenses  à  l'empereur.  Il  eut  en- 
suite un  duel  retentissant  avec  Paul  de  Cassagnac  qui  le 
blessa  grièvement.  Après  avoir  soutenu  la  candidature  de 
Rochefort  dans  la  première  circonscription  de  Paris,  après 
avoir  assisté  Rochefort  lors  de  l'enterrement  de  Victor 
Noir,  il  participa  à  l'émeute  du  7  févr.  1870  et  fut  con- 
damné le  9  août  à  la  déportation  dans  une  enceinte  forti- 
fiée. Il  se  réfugia  en  Angleterre,  passa  en  Allemagne,  puis 
en  Grèce,  accourut  à  Paris  dès  le  8  sept,  et  aussitôt  rédigea 
un  plan  de  soulèvement  général  de  l'Europe.  Son  plan  n'étant 
pas  accepté,  il  tourna  ailleurs  son  activité,  forma  cinq  ba- 
taillons à  Belleville,  créa  un  corps  de  tirailleurs  et  le  31  oct. 
marcha  avec  lui  sur  l'Hôtel  de  Ville  où  il  proclama  la  dé- 
chéance du  gouvernement  de  la  Défense  nationale  et  l'avè- 
nement d'un  comité  provisoire  de  Salut  public.  Quelques 
jours  après  il  était  arrêté  et  emprisonné  à  Mazas  (7  déc). 
Délivré  par  ses  tirailleurs  à  la  fin  de  janv.  1871,  condamné 
à  mort  par  contumace  (10  mars  1871),  il  fut  élu  membre 
de  la  Commune  le  26  mars  par  le  XXe  arrondissement, 
devint  membre  de  la  commission  militaire  le  30  mars,  et, 
nommé  colonel,  livra  le  3  avr.  à  la  gare  de  Rueil  un  com- 
bat désespéré.  Ses  troupes  ayant  été  battues,  il  se  réfugia 
chez  un  aubergiste  près  du  pont  de  Chatou,  et,  découvert, 
fut  tué  par  un  capitaine  de  gendarmerie  qui  lui  fendit  la 
tête  d'un  coup  de  sabre.  Gustave  Flourens  a  beaucoup 
écrit.  Collaborateur  du  Courrier  d'Orient,  fondateur  à 
Constantinople  de  Y  Etoile  d'Orient,  à  Athènes  de  Y  Indé- 
pendance hellénique,  collaborateur  à  Naples  du  Popolo 
d'italia,  à  Paris  de  la  Marseillaise,  du  Dictionnaire  La- 
rousse, etc.,  il  a  encore  laissé  :  Histoire  de  l'homme 
(Paris,  1863,  in-12),  leçon  d'ouverture  de  son  cours  au 
Collège  de  France  ;  les  suivantes  ont  été  insérées  dans  la 
Revue  des  cours  scientifiques;  Discours  du  suffrage 
universel  (Bruxelles,  1865,  in-12);  Ce  qui  est  possible 
(Paris,  1864,  in-12);  Science  de  l'homme  (Bruxelles, 
1865,  in-12);  Paris  livré  (Paris,  1871,  in-12). 

FLOU  R  EN  S  (Léopold-Emile),  homme  politique  français, 
né  à  Paris  le  27  avr.  1841,  frère  du  précédent.  Auditeur 
au  conseil  d'Etat  de  1863  à  1868,  avocat  à  la  cour  d'appel, 
il  rentra  au  conseil  d'Etat  comme  maître  des  requêtes  après 
la  réorganisation  de  cette  assemblée  le  10  sept.  1872. 
Gendre  de  l'économiste  Michel  Chevalier,  il  faisait  en  même 
temps  un  cours  à  l'Ecole  libre  des  sciences  politiques.  Promu 
conseiller  d'Etat  en  1879,  il  dirigea  les  cultes  de  1877  à 
1885,  sauf  pendant  la  période  comprise  entre  nov.  1881 
et  mars  1882.  En  1885  il  fut  appelé  à  présider  la  section 
de  législation,  justice  et  affaires  étrangères  au  conseil  d'Etat. 
Le  13  déc.  1886  il  entrait  comme  ministre  des  affaires 
étrangères  dans  le  cabinet  Goblet.  Il  eut  à  régler  la  délicate 
affaire  Schnœbelé  (avr.   4887)  dans  un  sens  pacifique,  ce 


FLOURENS  —  FLUDD 


—  660  — 


qui  lui  fut  d'autant  plus  difficile  que  le  général  Boulanger, 
ministre  de  la  guerre,  était  tout  disposé  à  répondre  par 
une  manifestation  énergique  à  la  provocation  de  l'Alle- 
magne. En  février  déjà,  M.  Flourens  avait  réussi  à  empê- 
cher son  collègue  d'écrire  une  lettre  au  tsar  et  son  inter- 
vention à  ce  moment  avait  été  assez  sévèrement  interprétée. 
Il  conserva  son  portefeuille  dans  le  cabinet  Rouvier  du 
30  mai  1887,  puis  dans  le  cabinet  Tirard  du  12  déc.  1887. 
Il  eut  notamment  à  régler  le  différend  survenu  entre  les 
Ho  vas  et  M.  Le  Myre  de  Yilers  résident  général  à  Mada- 
gascar (24  sept.  1887)  et  à  signer  les  conventions  relatives 
aux  affaires  d'Egypte  et  aux  Nouvelles-Hébrides  (24  oct. 
1887).  Le  26  févr.  1888,  il  fut  élu  député  des  Hautes-Alpes 
où  il  avait  posé  sa  candidature  tout  en  conservant  ses  fonc- 
tions de  ministre,  attitude  qui  souleva  une  vive  opposition 
et  détermina  même  le  dépôt  à  la  Chambre  d'une  proposi- 
tion de  loi  interdisant  aux  ministres  d'être  candidats  dans 
les  élections  partielles,  proposition  dont  l'urgence  ne  fut 
repoussée  que  par  238  voix  contre  221.  Le  30  mars  1888 
il  tombait  avec  le  cabinet  Tirard  sur  la  question  de  la  revi- 
sion constitutionnelle  et  était  remplacé  le  3  avr.  par 
M.  Goblet.  Membre  du  centre  gauche,  il  combattit  le  bou- 
langisme  et  il  fut  réélu  le  22  sept.  1889  par  la  circons- 
cription d'Embrun,  avec  3,753  voix  contre  1,090  à  M.  Bou- 
chié-Debelle,  royaliste.  On  a  de  M.  Flourens  :  Organisa- 
tion judiciaire  et  administrative  de  la  France  et  de 
la  Belgique  (Paris,  1875,  in-8)  ;  il  collabore  à  divers 
journaux  politiques  et  il  a  contribué  à  la  fondation  de  la 
Démocratie  rurale  (1889)  et  de  la  revue  internationale 
Globus  Revue  (1891). 

FLOURNOIS  (Gédéon) ,  polémiste  genevois,  né  à  Genève 
en  1639  d'une  famille  originaire  de  la  Champagne,  mort  en 
Asie  vers  l'année  1700.  Il  devint  ministre  de  l'Hôpital 
en  1762  et  fut  l'un  des  écrivains  les  plus  populaires  parmi 
les  réformés  de  langue  française.  Trois  ouvrages  anonymes 
lui  sont  attribués  :  Lettres  sincères  d'un  gentilhomme 
français  (Cologne,  1681-82,  3  vol.);  Réponses  de  quatre 
gentilshommes  protestants...  et  surtout  les  Entretiens 
des  voyageurs  sur  mer,  roman  de  polémique  religieuse, 
plusieurs  fois  réédité  en  Hollande  et  en  Allemagne. 

FLOURSIES.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant. 
d'Avesnes;  185  hab. 

FLOUVE  (Bot.)  (V.  Anthoxanthum). 

FLOWER  (Benjamin),  publiciste  anglais,  né  à  Londres 
en  1755,  mort  à  Dalstonle  17  févr.  1829.  Fils  d'un  com- 
merçant, il  lui  succéda,  mais  ne  fit  pas  de  brillantes  affaires. 
Il  devint  vers  1785  voyageur  de  commerce,  parcourut  la 
Hollande,  l'Allemagne,  la  Suisse,  séjourna  assez  longtemps 
en  France  en  4791  et  s'éprit  des  principes  de  la  Révolu- 
tion. Après  avoir  écrit  un  ouvrage  sur  la  Révolution  fran- 
çaise (1792),  il  devint  rédacteur  en  chef  du  Cambridge 
Intelligencer  dans  lequel  il  prit  vaillamment  la  défense  de 
la  France  et  déclara  que  la  guerre  qu'on  lui  faisait  était 
absurde.  Il  publia  encore  un  ouvrage  dans  les  mêmes  idées, 
National  Sins  Considered  (1796)  et  en  1799  se  fit  con- 
damner à  six  mois  de  prison  pour  avoir  attaqué  l'évêque 
Watson.  Remis  en  liberté  il  dirigea  une  imprimerie  à  Har- 
low  (Essex)  et  fonda  The  Political Register  (1807-1811). 
On  a  encore  de  lui  une  vie  de  Robert  Robinson,  en  tête 
des  œuvres  de  cet  auteur,  une  sorte  d'autobiographie,  Sta- 
tement  offacts  (1808) et  quelques  brochures.  —  Sa  fille, 
Eliza,  née  à  Harlow  le  19  avr.  1803,  morte  le  12  déc. 
1846,  a  laissé  une  série  de  compositions  musicales  qui  sont 
pleines  de  talent.  R.  S. 

FLOWER  (Edward-Fordham),  écrivain  anglais,  né  à 
Marden  Hall  (Hertfordshire)  le  31  janv.  1805,  mort  à  Lon- 
dres le  20  mars  1883,  neveu  du  précédent.  Après  avoir 
passé  sept  ans  dans  l'Illinois  avec  son  père,  il  fonda  en  1832, 
à  Stratford- sur- Avon,  une  maison  de  banque,  devint  maire 
de  Stratforà  et  posa  sans  succès  sa  candidature  à  la  Chambre 
des  communes  à  Coventry,enl865,et  dans  leNorth  War- 
wickshire  en  1868.  Il  a  laissé  :  A  Few  Words  about  bear- 
ing  Reins  (1875)  ;  Bits  and  bearing  Reins(i81%  ;  7e  éd., 


1886);  Horses  and  Harness  (1876);  TheStones  ofLon- 
don  (1880). 

FLOXI CO  U  RT.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Amiens, 
cant.  de  Molliens-Yidame  ;  41  hab. 

FLOYD  (William),  général  américain,  né  à  Suffolk  (New 
York)  le  17  déc.  1734,  mort  à  Western  le  4  août  1821. 
Au  début  de  la  guerre  de  l'Indépendance  américaine  il  fut 
nommé  commandant  du  comté  de  Suffolk,  et  fut  délégué 
au  premier  congrès  de  Philadelphie;  Les  Anglais  ayant  tenté 
d'envahir  Long  Island,  il  repoussa  énergiquement  et  avec  le 
plus  grand  succès  cette  tentative.  Réélu  plusieurs  fois  au 
congrès  général,  il  devint  sénateur  de  l'Etat  de  New  .York 
en  1777.  Il  fut  en  1801  un  des  électeurs  pour  la  prési- 
dence et  donna  sa  voix  à  Jefferson.  La  même  année,  il  fut 
élu  membre  de  la  convention  qui  revisa  la  constitution  de 
New  York. 

FLOYD  (JohnBuchanan),  homme  d'Etat  américain,  né 
à  Montgomery  en  1805,  mort  à  Abingdon  le  26  août  1863. 
Avocat,  il  s'établit  à  Washington  en  1839  et  représenta 
cette  ville  à  la  Chambre  basse  de  l'Etat  de  1847  à  1849. 
Nommé  en  déc.  1849  gouverneur  de  l'Etat,  réélu  en  1855, 
il  obtint  en  1857,  du  président  James  Buchanan  le  porte- 
feuille de  la  guerre  et  démissionna  en  déc.  1860.  Son  ad- 
ministration fut  signalée  par  la  dispersion  des  troupes  sur 
des  points  éloignés  du  territoire  et  le  transfert  d'un  nom- 
breux matériel  de  guerre  des  arsenaux  du  Nord  dans  ceux 
du  Sud.  Accusé  de  concussion  par  le  grand  jury  de  Colom- 
bie, il  n'eut  garde  de  comparaître.  Au  début  de  la  guerre 
civile,  il  servit  dans  l'armée  confédérée  avec  le  grade  de 
brigadier  général.  Il  ne  fut  pas  heureux  :  le  10  sept.  1861 
il  fut  complètement  battu  par  le  général  Cox  et  perdit  ses 
bagages  et  ses  munitions.  Assiégé  en  févr.  1862  par  le 
général  Grant  au  fort  Donelson,  il  abandonna  brusquement 
ce  poste  avec  3,000  hommes  pour  se  réfugier  dans  le  Ten- 
nessee. Cette  retraite  fut  fortement  blâmée  par  le  gouver- 
nement confédéré,  et  Floyd  n'obtint  plus  aucun  emploi. 

FLOYER  (Sir  John),  médecin  et  polygraphe  anglais,  né 
à  Hintes  (Stafford)  en  1649,  mort  à  Lichtfield  le  1er  févr. 
1734.  Il  acquit  une  grande  réputation  dans  sa  profession, 
et  a  laissé  des  ouvrages  où  l'originalité  de  l'esprit  se 
mêle  à  la  science.  Le  premier,  en  Angleterre,  il  consulta 
les  battements  du  pouls  d'une  façon  méthodique;  il 
préconisait  les  bains  froids  au  point  de  vouloir  qu'on 
baptisât  les  enfants  par  immersion.  Ses  travaux  sur 
l'asthme  et  sur  cette  altération  du  poumon  qu'on  appelle 
aujourd'hui  emphysème  sont  restés  classiques,  et  pourtant 
il  prit  toutes  ses  observations  sur  une  jument  poussive. 
Voici  la  liste  de  ses  principaux  écrits  :  3>ap(xaxo-t?àaavoç, 
or  the  Touchstone  of  Medicines  (1687-1690,  2  vol. 
in-8)  ;  Preternatural  State  of  the  Animal  Humours 
(1696);  An  Enquiry  into  the  Right  Use  of  Baths 
(1697),  souvent  réédité  depuis  sous  différents  titres; 
Treatise  on  the  Asthma  (1698),  dont  une  traduction 
française  fut  publiée  à  Paris  en  1761  ;  The  Physiciaris 
Puise  Watch  (1707-1710,  2  vol.);  The  Sybilline  Ora- 
cles, traduits  du  grec  (1713);  deux  Essais  sur  la  Créa- 
tion et  le  Système  mosaïque  (Nottingham,  1717);  An 
Essay  to  restore  the  dipping  of  Infants  in  their  Baptism 
(1722);  Medicina  Geronomica,  ou  l'art  de  conserver  la 
santé  des  vieillards  (1724)  ;  A  Comment  on  Forty-two 
Historiés  described  by  Hippocrates  in  his  «  Epidémies  » 
(1726).  B.-H.  G. 

FLOYON.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  (S.) 
d'Avesnes;  944  hab. 

FLUCTUATION  (Méd.).  Signe  diagnostique  permettant 
de  reconnaître  la  présence  dans  les  tissus  d'une  collection 
liquide  ;  il  consiste  dans  la  sensation  de  mollesse  et  de 
flot,  de  mouvements  limités  d'oscillation,  dont  la  percep- 
tion exacte  exige  de  l'exercice.  La  fluctuation  sert  à  faire 
le  diagnostic  des  abcès,  des  épanchements  dans  les  cavités 
séreuses,  à  reconnaître  la  nature  de  certaines  tumeurs  ou 
kystes,  etc.  Dr  L.  Hn. 

FLUDD  (Robert)  (Robertusde  Fluctibus),  polygraphe 


—  661  — 


FLUDD  -  FLUEGEL 


anglais,  né  à  Milgate,  dans  le  comté  de  Kent,  en  1574, 
mort  à  Londres  le  8  sept.  4637.  Il  appartenait  à  une 
famille  noble  qui  le  destina  au  métier  des  armes.  Mais  il 
abandonna  de  bonne  heure  cette  carrière  pour  se  livrer,  à 
Oxford,  à  l'étude  de  la  philosophie,  de  la  médecine,  des 
sciences  naturelles,  de  l'alchimie  et  de  la  théosophie,  et 
devint  l'un  des  érudits  les  plus  célèbres  de  son  temps.  Il 
entreprit,  pour  enrichir  ses  connaissances,  une  série  de 
voyages  en  France,  en  Espagne,  en  Italie  et  en  Allemagne 
pendant  lesquels  il  se  lia  avec  un  grand  nombre  de  savants 
et  entra  en  relation  avec  diverses  confréries  de  rose-croix 
et  de  kabbalistes.  De  retour  en  Angleterre  (1601),  il  se 
fit  recevoir  docteur  en  médecine  à  l'université  d'Oxford  et 
se  fixa  à  Londres  pour  y  exercer  sa  nouvelle  profession. 
Adversaire  des  péripatéticiens  et  en  général  de  toute  la 
philosophie  païenne,  Fludd  importa  en  Angleterre  la  philo- 
sophie de  la  nature  et  la  théosophie  de  Paracelse  et  de 
Cornélius  Agrippa,  grâce  à  une  série  d'ouvrages  qui  ne 
forment  pas  moins  de  8  vol.  in-fol:  Utriusque  Cosmi  me- 
taphysica,  physica  atque  technica  historia  (Oppenheim, 
1617);  Tractatus  theologice  philosophicœ  (id.,  1617, 
in-4)  ;  Apologia  compendiaria  fraternitatem  de  Rosea- 
Cruce  suspicionis  et  infamiœ  maculis  aspersam  abluens 
(Leyde,  1617,  in-8);  Tractatus apologeticus  (id.,  1617, 
in-8)  ;  De  Supernaturali,  naturali,  prœternaturali  et 
contranatur ait  microcosmi  historia  (Oppenheim,  1619- 
21);  Veritatis  proscenium  (Francfort,  1621);  Mo- 
nochordon  lyrce  symphonicum  (id.,  1622  et  1623); 
A^atorniœ  theatrum  (id.,  1623);  DeNaturœ  simia  seu 
technivu,  macrocosmi  historia  (id.)  1624)  ;  Medicina 
catholica  (id.,  1629);  Philosophia  sacra  etverechris- 
tiana  (id.,  1629)  ;  Sophiœ  cum  Moria  certamen  (id., 
1629);  Summum  Bonum  (id.,  1629),  publié  sous  le 
pseudonyme  de  Joachim  Frizius;  Integrum  morborum 
mysterium  (id.,  1631);  Clavis  philosophiœ  et  alchy- 
miœ  Fluddanœ  (id.,  1633);  Philosophia  mosaica 
(Gouda,  l638);Pathologiadœmoniaca(id.,  1640).  Dans 
ces  ouvrages,  Fludd  tente  de  condenser  et  de  coordonner 
en  un  vaste  système  les  théories  éparses  des  théosophes  de 
la  Renaissance .  Sa  philosophie  est  un  panthéisme  matéria- 
liste présenté  sous  des  formules  singulières  et  mystiques. 
Deux  principes,  suivant  lui,  dominent  dans  la  nature  :  la 
haine  et  l'amour;  Dieu  en  se  condensant  lui-même  par 
l'amour  produit  la  lumière,  l'être  en  acte,  la  volonté;  en  se 
raréfiant  par  la  haine,  il  produit  les  ténèbres,  le  vide,  l'iner- 
tie, la  nolunté.  Ces  contraires  s'unissent  pour. former 
l'âme  du  monde  qui  est  proprement  un  intermédiaire  entre 
la  matière  et  Dieu  :  c'est  le  Messie,  le  Verbe  fait  chair, 
la  pierre  philosophale.  De  l'âme  du  monde  sont  issues  les 
âmes  des  hommes,  dans  lesquelles  l'entendement,  rayon  de 
la  lumière  incréée,  s'unit  à  un  corps  au  moyen  de  l'es- 
prit vital.  L'homme  qui  ouvre  son  âme  à  la  lumière  divine 
est  illuminé  par  elle  ;  il  devient  sage,  heureux  et  s'identi- 
fie avec  Dieu  ;  sinon  il  demeure  prisonnier  dans  la  matière 
et  malheureux  par  sa  propre  faute.  Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  Gassendi,  Epistolica  dissertatio,  in  qua  prœci- 
pua  principia  philosophiœ  Rob.  Fluddi  deteguntur  ;  Pa- 
ris, 1631,  in-12,  ou  Examen  philosophiœ  Fluddanœ,  t.  III 
des  œuvres  de  Gassendi. 

F  LU  E  (Le  bienheureux  Nicolas  de),  de  son  nom  de  famille 

Lewenbrugger,  appelé  aussi  Frère  Klaus  ou  Beatus  Nico- 

laus  de  Rupe,  né  à  Sachseln  (cant.  d'Unterwalden)  le 

21  mars  1417,  mort  le  21  mars  1487.  Il  se  distingua 

comme  soldat  par  sa  bravoure  autant  que  par  sa  bonté 

et  sa  générosité,  fut  pendant  dix-neuf  ans  un  conseiller 

et  un  juge  intègre,  et  éleva  ses  cinq  fils  et  ses  cinq  filles 

dans  la  vertu  et  la  piété.  Le  16  oct.  1467,  pieds  nus  et 

tête  découverte,  il  prit  congé  des  siens  et  alla  vivre  dans 

la  solitude,  au  Ranft,  gorge  sauvage,  aux  environs  de 

Sarnen.  La  légende  rapporte  que  pendant  vingt  ans  il 

ne  prit  d'autre  nourriture  que  l'eucharistie.  On  venait  le 

consulter,  et  il  put  un  jour  empêcher  une  guerre  civile  sur 

le  point  d'éclater.  Ses  compatriotes  auraient  voulu  le  faire 

canoniser,  mais  le  canton  était  trop  pauvre  pour  payer  les 


frais  du  procès.  Il  fut  béatifié  par  Clément  IX  (1669).  Le 
Piusverein  de  la  Suisse  a  fait  des  démarches  pour  obtenir 
sa  canonisation.  C.  P. 

Bibl.  :  Businger,  Bruder  Klaus  und  sein  Zeitalter  ; 
Lucerne,  1827.  —  J.  Ming,  Der  selige  Bruder  Nie.  von  der 
Flue,  seinLeben  und  Wirken;  Leipzig,  1861-71,  3  vol. 

FLUEGEL(Gustav-Lebrecht),  orientaliste  allemand,  né 
à  Bautzenle  18  févr.  1802,  mort  à  Dresde  le  5  juil.  1870. 
Il  étudia  d'abord  à  Leipzig,  puis  à  Vienne,  et  enfin  à  Paris 
où  il  fut  un  des  disciples  de  l'illustre  Silvestre  de  Sacy. 
A  l'âge  de  trente  ans,  il  retourna  dans  son  pays  et  fut 
nommé  professeur  à  l'école  de  Meissen,  mais  une  cruelle 
maladie  l'obligea,  en  1850,  de  se  démettre  de  ses  fonc- 
tions. Le  principal  ouvrage  publié  par  Fluegel  est  le  dic- 
tionnaire bibliographique  de  Hadji  Khalfa,  dont  il  a  édité 
le  texte  et  donné  une  traduction  latine  sous  le  titre  de 
Lexicon  bibliographicum  et  encyclopœdicum  a  Mus- 
tafa  ben  Abdallah  Katib  Jelebi  dicto  et  nomine  Haji 
Khalfa  celebrato  compositum  (Leipzig  et  Londres, 
1835-1858,  7  vol.).  On  lui  doit,  en  outre,  une  excel- 
lente édition  du  Coran,  une  concordance  du  Coran  ayant 
pour  titre  Concordaniiœ  Corani  arabicœ,  ad  litterarum 
ordinem  et  verborum  radices  diligenter  dispositœ 
(Leipzig,  1842). Nous  citerons  encore  de  lui:  Geschichte 
der  Àraber  (Leipzig,  1832-1840,  3  vol.);  Défini - 
tiones  viri  meritissimi  Sejjid  scherif  Dschordschani, 
texte  arabe  (Leipzig,  1845);  Al-Kindi,  der  Philosoph 
der  Araber  (Leipzig,  1857);  Die  Krone  der  Lebens- 
beschreibungen,  enthaltend  die  classen  der  Hanefiten 
von...  Ibn  Kuthûbugâ,  texte  arabe  (Leipzig,  1862; 
trad.  ail.,  Leipzig,  1860);  Die  Grammatischen  Schulen 
der  Araber  (Leipzig,  1862);  le  Catalogue  des  manus- 
crits arabes,  persans  et  turcs  de  la  Bibliothèque  de  la 
cour  impériale  et  royale  de  Vienne  (Vienne,  1865- 
1867,  3  vol.);  enfin  l'édition  magistrale  du  Kitâb  al- 
Fihrist,  une  encyclopédie  bibliographique  et  littéraire, 
composée  en  987  de  notre  ère  et  publiée  après  la  mort  de 
l'éditeur,  en  1871-1872,  par  MM.  J.  Rœdiger  et  A.  Muller. 

O.  Houdas. 

FLUEGEL  (Gustav),  compositeur  et  professeur  de  mu- 
sique allemand,  né  à  Dessau  en  1 819.  On  a  de  cet  artiste,  qui 
n'a  pas  obtenu  le  succès  qu'il  pouvait  attendre,  deux  grandes 
sonates  pour  piano,  l'une  en  si  majeur,  l'autre  en  si  mineur, 
et  une  composition  intitulée  Phalœnen,  qui  contient  deux 
scherzi,  une  élégie  et  un  allegro  appassionnato  remar- 
quables. Les  nombreux  recueils  de  ses  lieder  sont  aussi 
pleins  de  sentiment  et  d'expression. 

FLUEGEL  (Otto),  philosophe  allemand  contemporain, 
né  à  Lûtzen  le  16  juin  1842.  Il  a  fait  ses  études  au  gym- 
nase de  Schulpforta  et  à  l'université  de  Halle,  est  au- 
jourd'hui (1893)  pasteur  évangéliqueà  Wansleben,  près  de 
Halle,  et  dirige  la  revue  de  philosophie  fondée  en  1861  par 
Allihn  et  Ziller  et  qui  paraît  à  Langensalza  sous  le  titre 
de  Zeitschrift  fur  exacte  Philosophie  im  Sinne  des 
neueren  philosophischen  Realismus.  Dans  les  nombreux 
articles  qu'il  a  publiés  dans  cette  revue  et  dans  ses  ouvrages, 
M.  Flûgel  s'est  fait  le  continuateur  et  l'interprète  de  la 
philosophie  réaliste  d'Herbart  qu'il  oppose  au  monisme  et 
à  l'idéalisme  des  successeurs  de  Kant.  En  théologie,  il 
recourt  à  la  révélation  pour  transformer  en  certitudes  les 
probabilités  auxquelles  est  réduite  la  spéculation  en  ce  qui 
concerne  l'existence  de  Dieu.  Il  a  écrit  :  Der  Materialis- 
mus  vom  Standpunkte  der  atomist.-mechan.  Natur- 
forchimg  (Leipzig,  1865);  Das  Wunderund  die  Erkenn- 
barkeit  Gottes  (id.,  1869);  Die  Problème  der  Philos, 
u.  ihre  Lôsungen,  historisch-krit.  dargestellt  (Côthen, 
1875;  2e  éd.,  1888;  3e,  1892);  Die  Seelenfrage  (id., 
1878;  2e  éd.,  1888);  Die  spéculât.  Théologie  der  Ge- 
genw.  (id.,  1881  ;  2e  éd.,  1888);  Ueberdas  Seelenleben 
der  Thiere  (Langensalza,  1885;  2e  éd.,  1886)  ;  Das  Ich 
u.  die  sittl.  ldeen  imLeben  der  Vôlker  (id.,  1885; 
2e  éd.,  1888)  ;  RitscheV s philosophische  Ansichten  (id.* 
1884;  2e  éd.;  1892);  Die  Sittenlehre  Jesu  (id.,  1887; 


FLUEGEL  —  FLUM1NIC0LA 


—  662  — 


2e éd.,  1889;  3e  éd.,  1892);  Ueber  die  persônliche  Un- 
sterblichkeit  (id.,  1889  ;  2e  éd.,  1892).     Th.  Ruyssen. 
FLUEGGEN  (Gisbert),  peintre  allemand,  né  à  Cologne 
le  9  févr.  1841,  mort  à  Munich  le  3  sept.  1859.  Il  se 
forma  d'abord  dans  sa  ville  natale,  puis  à  l'Académie  de 
Dusseldorf  à  partir  de  1833,  enfin  à  Munich  où  il  se  fixa 
en  1835.  IL  n'est  guère  sorti  des  sujets  de  genre,  et  les 
empruntait  généralement  au  xvme  siècle,  en  s'inspirant  de 
Greuze  ou  de  Wilkie.  Citons  parmi  ses  meilleures  œuvres  : 
les  Serviteurs  surpris  (1839,  musée  de  l'Ermitage  à 
Saint-Pétersbourg);  les  Joueurs  d'échecs  (chez  le  duc  de 
Leuchtenberg,  lithographie  par  Kôhler);  le  Contrat  de 
mariage  interrompu  (1840,  lithographie  par  Driendl); 
le  Joueur  malheureux  (1841,  musée  de  Mayence);  la 
Mésalliance  (4844);  le  Jugement  du  procès  (1847);  les 
Captateurs  de  testament  déçus  (1848,  musée  de  Ha- 
novre); les  Changeurs  (4850,  gravé  parGeyer);  la  Saisie 
(1854);  les  Fiançailles,  etc.  Ce  sont  pour  la  plupart  des 
scènes  d'observation  sentimentale,  un  peu  lourdement  des- 
sinées et  peintes,  mais  qui  lui  valurent  le  surnom  de 
«  Wilkie  allemand  ».  Il  ne  s'est  essayé  qu'une  fois,  avec 
un  particulier  bonheur,  au  rendu  de  la  vie  contemporaine, 
et  a  presque  créé  une  page  d'histoire  dans  les  Derniers 
Moments  du  roi  Frédéric- Auguste  de  Saxe  (chez  le  roi  de 
Saxe) .  A  la  Nouvelle  Pinacothèque  de  Munich  est  sa  dernière 
toile,  restée  inachevée,  l'Antichambre  d'un  prince.  P.  L. 
J3ibl.:   F.   Pecht,    Geschichte   der  Mùnchenev  Kunst 
im  neunzehnten  Jahrhundert  ;  Munich,  1888,  pp.  152-153. 
FLU  EGGEN  (Joseph) ,  fils  du  précédent,  peintre  allemand, 
né  à  Munich  le  3  avr.  1842.  Il  se  forma  à  l'Académie  de 
Munich,  sous  Piloty,  qui  en  fit  un  coloriste  et  un  costu- 
mier comme  lui.  Le  jeune  peintre  voyagea  ensuite  pour 
compléter  ses  études,  vers  1866,  et  visita  Paris,  Londres, 
Bruxelles  et  Anvers,  où  il  subit  l'influence  de  Leys.  Il 
s'est  voué  aux  portraits  et  aux  sujets  d'histoire,  qu'il 
traite  un  peu  en  scènes  de  genre  :  Elisabeth  de  Thuringe 
en  fuite  avec  ses  enfants,  surprise  dans  une  hutte  en 
ruine  (1867);  la  Fille  de  V Hôtesse  (4869)  ;  Milton  dic- 
tant le  Paradis  perdu  ;  Regina  Imhof(iSll);  le  Bap- 
tême de  V empereur  Maximilien  (4879),  etc.  C'est  de 
l'imagerie  peinte  à  la  Delaroche.  P.  L. 

Bibl.  :    F.   Pecht,    Geschichte  der  Mùnchener  Kunst 
im  neunzehnten  Jahrhundert;  Munich,  1888,  p.  257,  in-4. 

FLUELA.  Passage  des  Basses-Alpes  grisonnes,  qui  con- 
duit de  la  vallée  de  Davos  dans  la  Basse-Engadine  ;  route 
carrossable.  Son  point  culminant  est  à  l'ait,  de  2,403  m. 
Deux  petits  lacs  s'aperçoivent  sur  le  sommet. 

FLUELEN.  Village  de  Suisse,  cant.  d'Uri,  à  l'extré- 
mité méridionale  du  lac  des  Quatre-Cantons,  sur  la  belle 
route  de  l'Axen  ;  732  hab.  Stat.  de  la  ligne  du  Saint- 
Gothard. 

FLU  ENTES  (Math.)  (V.  Fluxion). 
FLUEURS  blanches  (V.  Leucorrhée). 
FLUIDE  (Phys.).  Ce  nom  possède,  en  physique,  deux  si- 
gnifications bien  différentes  :  on  entend  souvent,  par  fluides, 
les  corps  liquides  et  gazeux  qui  ont>  un  certain  nombre  de 
propriétés  communes  ;  on  peut  alors  énoncer  les  lois  rela- 
tives à  ces  propriétés  d'une  façon  plus  générale  en  rempla- 
çant les  mots  liquides  ou  gaz  par  le  terme  unique  fluide  : 
ainsi  le  principe  d'Archimède,  applicable  aux  gaz  et  aux 
liquides,  s'énoncera  :  tout  corps  plongé  dans  un  fluide 
éprouve  une  poussée  verticale  de  bas  en  haut  égale  au 
poids  du  fluide  déplacé.  Ce  sens  du  mot  fluide  est  donc  net 
et  précis  ;  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'autre  :  on  a  désigné 
sous  le  nom  de  fluides  impondérables,  par  opposition  aux 
précédents,  des  matières  subtiles,  hypothétiques,  imaginées 
par  certaines  théories  pour  expliquer  à  l'aide  de  l'existence 
de  ces  fluides,  auxquels  on  attribuait  les  propriétés  néces- 
saires, toute  une  série  de  phénomènes  du  même  ordre;  c'est 
ainsi  qu'on  a  imaginé  un  fluide  calorifique,  un  ou  deux 
fluides  magnétiques,  un  ou  deux  fluides  électriques,  un 
fluide  lumineux  qui  a  reçu  le  nom  particulier  d'éther. 
L'existence  de  ces  divers  fluides  est  aujourd'hui  totale- 
ment abandonnée;  on  conserve  cependant  encore,  dans  la 


pratique,  les  mots  de  fluide  boréal  ou  austral  dans  le  ma- 
gnétisme, d'électricité  positive  et  négative  en  électricité, 
parce  que  ce  sont  des  expressions  commodes  qui  évitent 
souvent  de  longues  périphrases.  Mais  on  n'attache  plus  à 
ces  mots  leur  sens  primitif,  et  si  l'on  a  pu  laisser  sub- 
sister ces  mots  pour  les  besoins  de  la  pratique,  il  a  fallu 
remplacer  pour  la  théorie  par  une  autre  hypothèse  cette 
conception  des  divers  fluides.  Cette  nouvelle  hypothèse, 
c'est  l'existence  de  l'éther,  substance  matérielle  non  pe- 
sante, qui  remplit  les  espaces  intermoléculaires  de  tous 
les  corps,  solides,  liquides  ou  gazeux,  et  dont  les  vibrations 
produisent  tous  les  phénomènes  lumineux,  calorifiques, 
électriques,  etc.  Cette  conception  revient,  au  fond,  à  rem- 
placer les  divers  fluides  imaginés  avec  leurs  propriétés 
spéciales  par  un  fluide  unique  dont  les  propriétés,  plus 
générales,  permettent  d'expliquer  tous  ces  phénomènes. 
On  avait  vu,  presque  dès  le  début,  l'étroite  analogie  des 
phénomènes  calorifiques  et  lumineux,  ainsi  que  celle  des 
phénomènes  électriques  et  magnétiques  ;  mais  ces  deux 
grands  groupes  semblaient  beaucoup  plus  éloignés  quand 
les  expériences  si  remarquables  de  Hertz  (V.  Electricité) 
sont  venues  leur  donner  un  lien  étroit.  Pour  plus  de  détails 
et  pour  les  propriétés  de  Véther,  V.  ce  mot.  V.  aussi 
aux  mots  Electricité  et  Magnétisme  les  théories  des 
fluides  électrique  et  magnétique. 

Les  propriétés  des  fluides  pondérables,  c.-à-d.  com- 
munes aux  liquides  et  aux  gaz,  sont  les  suivantes  :  grâce  à 
la  mobilité  des  molécules  des  gaz  et  des  liquides,  toute  pres- 
sion exercée  en  un  point  dans  un  fluide  sur  un  petit  élé- 
ment de  surface  est  la  même  des  deux  côtés  de  cette  sur- 
face ;  elle  lui  est  normale  et  ne  varie  pas  quand  on  fait 
tourner  dans  tous  les  sens  le  petit  élément  de  surface  au- 
tour du  point  considéré.  Ce  principe  se  nomme  le  principe 
de  l'égalité  de  pression.  Si,  renfermant  un  fluide  dans  un 
vase,  on  exerce  sur  un  petit  élément  de  surface  une  pression, 
on  trouve  que  celle-ci  est  transmise  dans  tous  les  sens  et 
que  partout  elle  est  proportionnelle  à  l'étendue  de  l'élément 
de  surface  considéré.  C'est  le  principe  de  la  transmission 
égale  des  pressions.  Toutes  les  conséquences  de  ces  deux 
principes  se  retrouvent  quand  on  les  applique  soit  aux  gaz 
soit  à  un  liquide  ;  mais,  quand  on  considère  deux  ou  plusieurs 
gaz  en  présence  de  deux  ou  plusieurs  liquides,  on  trouve 
certaines  différences  tenant  à  ce  que  tous  les  gaz  sont  mis- 
cibles et  que  certains  liquides  ne  le  sont  pas  ;  en  outre,  la 
diffusion  des  gaz  les  uns  dans  les  autres  est  beaucoup  plus 
rapide  que  celle  des  liquides  ;  il  en  résulte  que  certaines 
expériences  d'hydrostatique  doivent  être  modifiées  lorsque 
l'on  veut  les  appliquer  aux  gaz.  A  côté  de  ces  ressem- 
blances entre  les  liquides  et  les  gaz  qui  les  font  réunir  sous 
le  nom  de  fluide,  il  faut  citer  leurs  différences  qui  ont  fait 
quelquefois  désigner  les  premiers  sous  le  nom  de  fluides 
incompressibles  et  les  seconds  sous  le  nom  de  fluides 
compressibles.  Il  y  a,  en  effet,  une  différence  considérable 
sous  ce  rapport  entre  les  deux  états  de  la  matière  ;  tandis 
que  lorsqu'on  exerce  sur  de  l'eau  une  pression  de  40  at- 
mosphères, la  diminution  de  son  volume  n'est  que  de 
quatre  millionièmes  et  demi  du  volume  primitif  ;  avec  les 
gaz  la  diminution  représente  les  neuf  dixièmes  du  volume 
primitif.  La  différence  des  densités  est  aussi  considérable 
dans  les  circonstances  ordinaires.  Les  liquides  pèsent  de  600 
à  43,600  gr.  par  litre,  les  gaz  de  0sr08  à  42  gr.  par  litre 
sous  la  pression  ordinaire.  Une  autre  différence  capitale 
entre  ces  deux  espèces  de  fluides,  c'est  la  simplicité  beau- 
coup plus  grande  des  lois  qui  s'appliquent  aux  gaz.  Ainsi 
tous  les  gaz  ont  même  coefficient  de  dilatation,  même  coef- 
ficient de  compressibilité  ;  chaque  liquide  possède  au  con- 
traire un  coefficient  spécifique  de  dilatation  et  de  compres- 
sibilité. A.  Joannis. 

FLU  M  ET.  Corn,  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  d'Albertville, 
cant.  d'Ugines;  943  hab. 

FLUMINICOLA  (Malac).  Genre  de  Mollusques-Gasté- 
ropodes, de  l'ordre  des  Prosobranches-Tsenioglosses,  édité 
par  Stimpson  en  4865,  offrant  les  caractères  suivants  ; 


coquille  imperforée  ou  perforée  ovale,  assez  épaisse,  à  sur- 
face lisse  ;  sommet  obtus  ;  ouverture  ovale  ;  bord  columel- 
laire  calleux  ;  bord  externe  très  avancé,  un  opercule  corné 
et  spirescent.  Sections  :  4°  Giîlia  Stimpson  1865,  coquille 
presque  perforée,  bord  externe  non  sinueux;  ex.  F.  altilis 
Lea;  2°  Cochliopa  Stimpson  1865,  coquille  conique  dé- 
primée à  base  concave,  carénée,  munie  d'un  ombilic  large 
et  profond  ;  ex.  :  F.  Rowelli  Stimpson  ;  3°  Somatogyrus 
Gill.  1863,  coquille  perforée,  ouverture  rliomboïdale  ; 
4°  F.  Isogonus  Say,  coquilles  fluviatiles  habitant  les  eaux 
douces  de  l'Amérique  du  Nord.  J.  Mab. 

FLUOR  (Chim.).  En  1771,  Scheele  démontra  que  le 
spath  fluor  était  un  minerai  calcaire,  donnant  avec  l'acide 
sulfurique  un  gaz,  l'acide  fluorique,  attaquant  le  verre  avec 
énergie.  Davy  admit  le  premier  que  cet  acide  était  une 
combinaison  d'hydrogène  avec  un  radical  métalioïdique, 
auquel  il  donna  le  nom  de  fluor.  L'acide  fluorique  de 
Scheele  est  en  effet  de  l'acide  fluorhydrique,  HF1,  analogue 
à  l'acide  chlorhydrique  ;  les  fluates  sont  des  fluorures, 
analogues  aux  chlorures,  avec  lesquels  ils  sont  isomorphes  ; 
le  spath  fluor,  fluorine  des  minéralogistes,  est  du  fluorure 
de  calcium.  De  nombreuses  tentatives  ont  été  faites  pour 
isoler  le  fluor.  Davy,  Linné,  les  frères  Knox,  Louyet  ont 
essayé  de  décomposer  par  le  chlore  certains  fluorures,  no- 
tamment ceux  d'argent  et  de  mercure.  Fremy  a  soumis  à 
l'électrolyse  le  fluorure  de  potassium  fondu  ;  il  a  obtenu 
au  pôle  positif  un  gaz  odorant,  décomposant  l'eau  à  froid, 
déplaçant  l'iode  des  iodures,  etc.  C'était  évidemment  le 
fluor  ;  mais,  dans  cette  expérience,  faite  à  une  haute  tem- 
pérature, l'électrode  en  platine,  plongeant  dans  le  fluorure 
fondu,  était  rapidement  attaqué,  et  l'appareil,  en  quelques 
instants,  était  hors  de  service.  Des  résultats  analogues  ont 
été  obtenus  par  Gore  au  moyen  du  fluorure  d'argent.  Ré- 
cemment, Moissan  est  arrivé  plus  facilement  au  but  en 
électrolysant  simplement  le  fluorure  de  potassium,  dissous 
dans   l'acide  fluorhydrique.  Pour   que   cette  expérience 


Appareil  Moissan. 

réussisse,  il  faut  opérer  dans  un  vase  en  platine  et  en 
dehors  du  contact  de  l'eau  ou  de  tout  autre  matière  sus- 
ceptible d'être  attaquée  notablement  par  le  fluor.  A  cet 
effet,  on  met  dans  un  tube  en  platine  à  deux  branches  de 
l'acide  fluorhydrique  anhydre,  tenant  en  dissolution  du 
fluorure  de  potassium  absolument  sec  ;  les  électrodes,  en 
platine  iridé,  passent  à  travers  des  bouchons  de  spath 
fluor,  ces  derniers  fermant  hermétiquement  l'extrémité  de 
chaque  branche  de  l'appareil  ;  enfin,  au-dessous  de  ces 
bouchons,  deux  ajutages  de  platine,  disposés  au-dessus  du 
niveau  du  liquide,  permettent  aux  gaz  de  s'échapper  au 
dehors.  On  refroidit  fortement  l'appareil  avec  du  chlo- 
rure de  méthyle  et  on  fait  passer  un  courant  électrique, 
produit  au  moyen  d'une  vingtaine  d'éléments  de  Bunsen, 
montés  en  série.  La  réaction  est  très  simple,  semblable  à 
celle  qu'on  obtient  avec  les  chlorures,  les  bromures  et 


—  663  —  FLUMINiCOLA  —  FLUORANTHÈNE 

les  iodures  :  le  fluorure  se  dédouble  en  ses  deux  élé- 
ments : 

F1K  =  F1+K 

Le  fluor  se  dégage  au  pôle  positif,  tandis  que  le  métal 
se  rend  au  pôle  négatif,  où  il  attaque  l'acide  fluorhydrique 
en  dégageant  de  l'hydrogène  et  en  le  transformant  en 
fluorure  de  potassium  : 

HF1  +  K  =  KF1  +  H. 

Voici,  d'après  Moissan,  les  propriétés  du  fluor  : 
C'est  un  gaz  incolore,  légèrement  jaunâtre  sous  une 
grande  épaisseur,  doué  d'une  odeur  pénétrante,  désa- 
gréable, rappelant  celle  de  l'acide  hypochloreux  ;  il  est 
irritant  et  attaque  vivement  les  muqueuses.  11  est  encore 
liquide  à  —95°  ;  sa  densité  est  de  1,265  (théorie  :  1,316). 
Il  se  combine  à  froid  avec  l'hydrogène,  même  dans  l'obs- 
curité. Il  enflamme  le  soufre,  le  sélénium,  le  tellure,  le 
phosphore  ;  l'iode  s'y  combine  avec  une  flamme  pâle,  et 
l'arsenic  en  poudre,  ainsi  que  l'antimoine,  avec  incandes- 
cence. Le  silicium  cristallisé  y  brûle  avec  beaucoup  d'éclat, 
avec  formation  de  fluorure  de  silicium  ;  il  en  est  de  même 
du  bore  adamantin,  du  potassium  et  du  sodium,  qui  pro- 
duisent des  fluorures  ;  les  autres  métaux  sont  également 
attaqués,  mais  moins  vivement  ;  l'or  et  le  platine  n'éprou- 
vent pas  d'action  sensible  à  la  température  ordinaire. 

^  Les  sels  halogènes,  chlorures,  bromures  et  iodures,  sont 
décomposés,  avec  dégagement  de  chlore,  de  brome  ou 
d'iode;  l'eau  est  décomposée  à  froid  en  fournissant  de 
l'acide  fluorhydrique  et  de  l'oxygène  ozonisé.  Enfin  les 
corps  organiques  sont  vivement  attaqués  :  l'alcool,  l'éther, 
la  benzine,  les  essences  prennent  feu,  le  liège  est  carbo- 
nisé, etc.  En  résumé,  le  fluor  est  doué  d'affinités  extrême- 
ment énergiques,  supérieures  à  celles  du  chlore.  On  remar- 
quera que  les  halogènes,  fluor,  chlore,  brome,  iode,  ont 
des  affinités  qui  sont  en  raison  inverse  de  leurs  équivalents, 
comme  l'indique  le  tableau  ci-dessous  : 

Fluor 19 

Chlore 35,5 

Brome 80 

Iode 127 

Ed.  Bourgoin. 

FLUORANTHÈNE  (Chim.).  Form.  \  Jg;;;  g^0 

Le  fluoranthène  est  un  carbure  d'hydrogène  trouvé  par 
Fittig  et  Gebhard  dans  les  produits  du  goudron  de  houille 
qui  ne  distillent  qu'à  une  haute  température.  On  utilise 
les  carbures  solides,  qui  contiennent  surtout  du  pyrène  et 
on  sépare  les  deux  carbures  en  passant  par  leurs  combi- 
naisons picriques,  qu'on  fait  cristalliser  un  grand  nombre 
de  fois.  D'après  Goldschmiedt,  le  même  carbure  se  ren- 
contre dans  les  dépôts  (Stupp)  qui  se  forment  dans  les 
chambres  de  condensation  du  mercure  à  Idria,  d'où  le 
nom  àHdryle.-—  Le  fluoranthène  cristallise  dans  l'alcool 
en  aiguilles  minces  ou  en  tables  monocliniques,  fusibles  à 
109°,  bouillant  à  250-251°.  Il  est  un  peu  soluble  dans 
l'alcool  froid,  davantage  dans  le  sulfure  de  carbone, 
l'éther,  l'acide  acétique  glacial.  A  l'oxydation,  il  fournit 
un  quinon,  C30H804,  puis  un  acide  monobasique,  C28H806; 
en  solution  chloroformique,  il  donne  avec  le  chlore  un  dé- 
rivé trichloré,  C30H7Cl3  ;  dissous  dans  le  sulfure  de  car- 
bone, il  fournit  avec  le  brome  un  dérivé  dibromé, 
C30H8Br2,  puis  un  dérivé  tribromé,  C30H7Br3.  Le  fluo- 
ranthène trinitré,  C30H7(Az04)3,  obtenu  avec  l'acide 
nitrique  fumant,  cristallise  en  aiguilles  jaunes,  fusibles  au- 
dessus  de  300°.  —  Le  dérivé  picrïque,  C30H10C12H3 
(Az04)302,  qui  se  prépare  en  mélangeant  à  chaud  des  so- 
lutions alcooliques  de  carbure  et  d'acide  picrique,  est  en 
aiguilles  rouges,  fusibles  à  182-183°.        Ed.  Bourgoin. 

Bibl.  :  Fittig  et  Gebhard,  Sur  un  Nouveau  Carbure 
d'hydrogène,  dans  Soc.  c/i.,  t.  XXX,  548  ;  t.  XXXII,  239.  — 
Goldschmiedt,  Sur  l'Idryle,  id.,  t.  XXXV,  31.  —  Goldsch- 
miedt et  Schmidt,  Recherches  sur  le  Stupp  fett.  zd., 
t.  XXXVI,  508. 


FLUORÈNE  —  FLUORESCENCE  —  664  — 

FLUORÈNE  ou  Diphénylméthylène  (Chim.). 

Form*  |  Atom...  C«H«> 
Carbure  contenu  dans  le  goudron  de  houille,  découvert 
par  M.  Berthelot,  étudié  depuis  par  MM.  Barbier  et  Fittig. 
11  se  présente  en  lamelles  cristallines,  incolores,  fusibles  à 
113°,  bouillant  à  305°.  L'acide  chromique  le  change  en 
un  dérivé  aldéhydique,  C26H802.  Le  brome  fournit  des 
produits  substitués.  Il  forme  avec  l'acide  picrique  un  com- 
posé cristallisé.  M.  B. 

FLUORESCÉINE(Chim.).Form.  \  *g[;;  ^oRf 

La  fluorescéine,  découverte  par  Baeyer,  est  la  phtaléine 
de  la  résorcine.  E.  Fischer  la  prépare  en  chauffant  1  p. 
d'anhydride  phtalique  avec  2  p.  de  résorcine,  à  une  tempé- 
rature de  200°  ;  la  masse  solide  est  épuisée  par  l'eau  et  le 
résidu  est  converti  à  chaud  en  dérivé  acétique,  au  moyen 
de  l'anhydride  acétique  ;  en  ajoutant  de  l'alcool  au  produit 
de  la  réaction,  il  se  précipite  des  lamelles  jaunes  d'une 
fluorescéine  diacétylée,  qu'on  saponifie  par  la  potasse  alcoo- 
lique. Elle  cristallise  dans  l'alcool  en  cristaux  microsco- 
piques, d'un  rouge  brique  ;  dans  l'esprit   de  bois,  en 
aiguilles  jaunes,  groupées  en  étoiles.  Elle  ne  peut  être 
fondue  ;  chauffée  graduellement,  elle  se  décompose  sans 
passer  à  la  distillation.  Sa  propriété  la  plus  caractéristique 
est  sa  magnifique  fluorescence  verte.  Elle  se  comporte 
comme  un  acide  faible,  ou  plutôt  comme  un  diphénol,  car 
ses  sels  sont  très  instables  ;  saturée  par  un  acide,  la  dis- 
solution sodique  abandonne  la  fluorescéine  sous  forme  d'un 
précipité  jaune,  floconneux,  retenant  une  molécule  d'eau. 
Le  mélange  nitrosulfurique  fournit  un  dérivé  dinitré, 
C40Hi0(Az04)2010.  Avec  le  brome,  on  obtient  successive- 
ment des  dérivés  mono,  bi  et  tétrabromés.  Ce  dernier,  qui 
a  pour  formule  C40H8Br40i0,  constitue  Yéosine.     Ed.  B. 
FLUORESGENCE(Phys.). Ce  nom  aété  donné  par  Stokes 
à  des  phénomènes  qu'il  a  observés  avec  certains  échantillons 
de  spath  fluor,  mais  qui  avaient  été  déjà  aperçus  autrefois 
par  Monarde  sur  une  infusion  de  bois  de  santal  bleu,  puis 
par  Musschenbrock  sur  le  pétrole.  Voici  en  quoi  consistent 
ces  phénomènes  :  si  l'on  fait  tomber  normalement  sur  un 
cristal  de  spath  fluor  un  rayon  de  faisceaux  lumineux  et 
que  l'on  place  l'œil  dans  le  plan  même  de  la  face  illuminée, 
on  constate  que  sa  surface  est  devenue  superficiellement 
lumineuse  ;  elle  émet  des  rayons  lumineux  analogues  à 
ceux    des   corps  phosphorescents.   Ces   deux  ordres  de 
phénomènes  sont  d'ailleurs   très  voisins.    La  différence 
principale  consiste  en  ce  que  les  corps  phosphorescents 
conservent  cette  propriété  pendant  un  temps  appréciable 
après  leur  exposition  à  la  lumière,  tandis  qu'il  résulte  des 
expériences  de  Becquerel  que  la  fluorescence  n'a  pas  une 
durée  appréciable  au  phosphoroscope  qui  permet  cepen- 
dant d'apprécier  un  dix  millième  de  seconde.  Pour  étudier 
ce  phénomène,  il  y  a  lieu  de  remarquer  la  nature  de  la 
lumière  qui  produit  la  fluorescence  ainsi  que  celle  de  la 
lumière  émise  de  cette  façon.  Disons  d'abord  que  c'est  un 
phénomène  très  général  ;  les  dissolutions  de  sulfate  de  qui- 
nine, d'esculine,  de  gaïac,  le  pétrole,  le  verre  d'urane,  les 
platinocyanures  métalliques  possèdent  cette  propriété  à  un 
degré  remarquable  ;  mais  avec  des  procédés  suffisamment 
sensibles,  on  a  pu  constater  des  phénomènes  de  fluorescence 
avec  tous  les  corps  que  l'on  a  examinés,  sauf  avec   le 
quartz  et  le  sel  gemme  (Lallemand).  Pour  étudier  l'in- 
fluence de  la  nature  de  la  lumière  qui  produit  la  fluores- 
cence, on  fait  tomber  sur  un  corps  fluorescent  un  spectre 
solaire  et  on  regarde  par  la  tranche  ainsi  illuminée.  On 
constate  alors  que  ce  sont  surtout  les  rayons  chimiques 
violets  ou  ultraviolets  qui  ont  l'action  la  plus  considérable; 
la  flamme  s'illumine  véritablement  dans  la  partie  violette 
du  spectre  et  même  dans  la  partie  invisible  qui  devient, 
alors  manifeste  et  qui  apparaît  avec  les  raies  noires  qui  y 
existent,  mais  que  l'œil  n'aperçoit  pas  sans  cela  et  que  la 
photographie  a  fait  découvrir.  L'apparition  de  lumière  dans 
la  partie  intraviolette  peut  faire  deviner  que  les  rayons 


qu'émet  la  substance  fluorescente  ne  sont  pas  les  mêmes 
que  ceux  qu'elle  reçoit  ;  en  effet,  les  rayons  que  reçoit  la 
partie  ultraviolette  du  spectre  n'impressionnent  pas  notre 
rétine,  tandis  que  ces  mêmes  rayons  reçus  et  transformés 
par  la  substance  fluorescente  deviennent  visibles.  Ce  ré- 
sultat a  été  formulé  de  la  façon  suivante,  et  il  porte  le  nom 
de  loi  de  Stokes  :  la  réfrangibilité  des  rayons  émis  par 
fluorescence  est  moindre  que  celle  des  rayons  excitateurs, 
ou  tout  au  plus  égale.  On  le  vérifie  de  la  façon  suivante  : 
on  forme,  à  l'aide  d'un  écran  percé  d'une  fente  verticale, 
un  faisceau  lumineux  que  l'on  reçoit  sur  un  prisme  dont 
l'arête  réfringente  est  dirigée  perpendiculairement  à  la 
grande  dimension  de  la  fente,  c.-à-d.  horizontalement  ;  on 
forme  ainsi  un  spectre  que  l'on  dirige  sur  une  substance 
fluorescente  ;  il  apparaît  sous  forme  d'un  spectre  déve- 
loppé verticalement,  très  étroit,  mais  très  brillant  et  assez 
peu  pur  ;  on  le  regarde  à  travers  un  second  prisme  d'arête 
réfringente  verticale.  S'il  n'y  avait  pas  de  substance  fluo- 
rescente, mais  un  simple  écran  à  la  place,  on  obtiendrait, 
d'après  l'expérience  des  prismes  croisés,  un  spectre  incliné, 
et,  si  les  deux  prismes  étaient  identiques  comme  angle  et 
comme  substance,  le  spectre  serait  incliné  à  45°.  En  effet, 
le  premier  prisme  dévie  davantage  et  vers  le  bas,  par 
exemple  les  rayons  les  plus  réfrangibles,  les  violets.  Ce 
spectre  vertical  dont  le  violet  est  en  bas,  regardé  avec  le 
second  prisme,  va  être  dévié  par  exemple  vers  la  droite  ; 
ici  encore,  le  violet  va  être  plus  dévié  que  le  rouge,  de 
sorte  que  la  partie  la  plus  basse  du  spectre  va  être  déviée 
plus  à  droite  que  la  partie  haute  ;  le  nouveau  spectre  ira 
donc  de  gauche  à  droite  quand  on  le  regardera  de  haut  en 
bas  ;  il  sera  donc  incliné.  Considérons  un  point  quelconque 
M  dans  le  premier  spectre,  dans  le  bleu  par  exemple.  Le 
second  prisme  donnera  en  W,  sur  le  spectre  incliné,  l'image 
de  M,  et  il  n'y  aura  de  lumière  ni  à  droite  ni  à  gauche  de 
M'  parce  que  en  M  il  n'y  avait  que  de  la  lumière  bleue  qui  a 
été  déviée  en  W  parle  second  prisme.  Mais  si  au  lieu  d'un 
écran  on  reçoit  sur  une  substance  fluorescente  le  premier 
spectre,  on  constate  qu'il  y  a  de  la  lumière  à  gauche  du  spectre 
incliné  ;  si  nous  considérons  encore  en  particulier  le  point 
M'  et  que  par  ce  point  nous  menions  une  horizontale,  nous 
apercevons  d'abord  du  bleu  en  M',  puis,  en  parcourant 
l'horizontale  vers  la  gauche,  nous  trouvons  successivement 
du  vert,  du  jaune  et,  en  un  mot,  des  couleurs  moins  ré- 
frangibles ;  il  y  avait  donc,  dans  ce  cas,  au  point  M  du 
premier  spectre,  reçu  par  le  corps  fluorescent,  non  seule- 
ment émission  de  lumière  bleue  que  l'on  voit  en  M',  mais 
émission  de  radiations  moins  réfringentes.  Cela  montre 
qu'un  corps  fluorescent,  éclairé  par  une  lumière  mono- 
chromatique, au  lieu  d'absorber  ou  de  laisser  passer  sim-* 
plement  cette  lumière,  la  transforme  en  rayons  d'une 
réfrangibilité  différente  et  toujours  plus  faible,  comme  l'a 
remarqué  Stokes. 

Nous  avons  vu  dès  le  début  que  la  fluorescence  n'était 
produite  que  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  surface  ; 
cette  particularité  montre  que  les  rayons  lumineux  qui 
produisent  cette  fluorescence  sont  absorbés  par  une  très 
faible  épaisseur  de  la  substance  ;  ainsi,  si  l'on  fait  tra- 
verser à  un  faisceau  lumineux  une  cuve,  même  étroite, 
remplie  d'une  substance  fluorescente,  la  lumière  qui  en 
sort  et  qui  nous  semble  à  peine  affaiblie  par  ce  passage, 
parce  que  ce  sont  surtout  ces  rayons  ultraviolets,  invisibles, 
qui  ont  été  absorbés,  est  incapable  de  produire  la  fluo- 
rescence. On  peut  faire  avec  les  corps  fluorescents  diverses 
expériences  très  frappantes  :  l'écorce  de  marronnier  d'Inde 
placée  dans  de  l'eau  au  soleil  fournit  un  liquide  d'une 
belle  fluorescence  verdâtre  ;  il  suffit  pour  cela  de  placer 
l'eau  au  soleil  et  de  faire  flotter  à  sa  surface  un  morceau 
d'écorce  ;  l'eau  dissout  de  l'esculine  en  donnant  une  solu- 
tion plus  lourde  que  ce  liquide  qui  descend  au  fond  de  l'eau 
par  longs  filets  fluorescents  qui  apparaissent  verts  et  lu- 
mineux au  milieu  de  l'eau.  Le  phénomène  devient  encore 
plus  brillant  si  on  interpose  entre  le  soleil  et  Feau  une 
plaque  de  verre  d'un  violet  foncé  qui  laisse  passer  les 


—  665  — 


FLUORESCENCE  —  FLUORURE 


rayons  violets,  c.-à-d.  ceux  qui  produisent  le  phénomène, 
tout  en  arrêtant  les  rayons  verts,  jaunes  et  rouges  qui 
masquent  en  partie  la  fluorescence.  Si  on  remplace  ensuite 
le  verre  violet  par  un  verre  jaune,  la  fluorescence  dispa- 
raît aussitôt  parce  que  ce  verre  a  arrêté  les  rayons  violets 
qui  peuvent  produire  la  fluorescence.  L'expérience  sui- 
vante est  aussi  très  remarquable  :  avec  une  dissolution  de 
sulfate  de  quinine  on  trace  sur  un  morceau  de  papier  un 
dessin  quelconque.  Cette  dissolution  étant  incolore,  rien 
ne  paraît  ;  la  feuille  a  un  aspect  absolument  uniforme.  Mais 
si  on  Téclaire  avec  une  lumière- riche  en  rayons  violets, 
comme  la  lumière  électrique,  la  lumière  du  magnésium, 
en  ayant  soin  d'interposer  un  verre  violet,  le  dessin  appa- 
raît ;  en  effet,  partout  où  se  trouve  du  papier,  la  lumière 
violette  reçue  est  diffuse  et  renvoyée  à  l'œil  avec  sa  nuance 
violette  peu  éclairante.  Partout  où  il  y  a  du  sulfate  de 
quinine,  la  lumière  violette  est  absorbée,  transformée  en 
rayons  d'une  réfrangibilité  moindre  et  d'un  éclat  plus 
grand  pour  notre  œil,  et  le  dessin  apparaît  en  vert  sur  un 
îbnd  sombre  violacé. 

Quand  on  fait  passer  des  décharges  d'induction  dans 
des  tubes  de  Geissler,  c.-à-d.  dans  des  tubes  contenant 
des  gaz  à  de  faibles  pressions,  on  constate  que  les  parois 
deviennent  fluorescentes.  Si  dans  ces  tubes  on  en  introduit 
d'autres  contenant  des  substances  vivement  fluorescentes, 
comme  les  sels  d'urane,  le  sulfate  de  quinine,  etc.,  on 
obtient  des  effets  lumineux  très  beaux  et  très  variés.  On 
a  essayé  d'utiliser  les  effets  que  produit  le  verre  d'urane 
dans  ces  conditions  pour  s'éclairer  dans  les  mines  sans 
craindre  les  explosions  de  grisou.  —  Les  phénomènes 
de  fluorescence  ont  été  utilisés  aussi  pour  l'étude  de  la 
partie  violette  des  spectres  :  cette  étude  peut  se  faire  à 
l'aide  de  la  photographie  qui  donne  une  image  intense 
de  la  partie  violette  et  ultraviolette  qui  n'ont  sur  notre 
œil  qu'une  action  faible  et  nulle  ;  elle  peut  aussi  se  faire 
par  la  fluorescence  qui  transpose  en  quelque  sorte  cette 
image  ultraviolette  écrite  dans  le  spectre  dans  une  gamme 
trop  haute,  c.-à-d.  en  vibrations  trop  rapides,  en  une  autre 
dont  les  vibrations,  plus  lentes,  affectent  notre  œil.  Pour 
cela,  M.  Soret  dispose  au  foyer  de  la  lunette  d'un  spectros- 
cope  une  lame  mince  en  verre  d'urane  qui  devient  fluores- 
cente dans  la  partie  ultraviolette  du  spectre  et  la  rend  visible 
avec  tous  ses  détails,  avec  les  raies  fines  et  noires  qu'elle 
contient  quand  la  lumière  reçue  dans  le  spectre  est  celle 
du  soleil.  Pour  mieux  apercevoir  la  fluorescence,  l'oculaire 
est  disposé,  en  général,  un  peu  sur  le  côté.  On  donne  à 
cette  réunion  d'une  plaque  fluorescente  et  de  l'oculaire  le 
nom  d'oculaire  fluorescent.  A.  Joannis. 

*  FLUORHYDR1QUE  (Acide)  (Chim.). 

Favm       S    EquW FlH 

Form'   !  Atom FlH. 

L'acide  fluorhydrique  est  un  hydracide  qui  a  été  préparé 
par  Gay-Lussac  et  Thénard  en  faisant  réagir,  dans  une 
cornue  en  plomb,  l'acide  sulfurique  sur  le  fluorure  de 
calcium  : 

2CaFl + S2H208 = S2Ca208 + 2HF1 . 

A  cet  effet,  on  calcine  fortement  du  spath  fluor  pur, 
réduit  en  poudre  fine  ;  on  l'introduit  avec  3  p.  d'acide 
sulfurique  dans  une  capsule  en  plomb  sur  laquelle  on  visse 
un  dôme  de  même  métal,  muni  d'une  allonge  dont  l'extré- 
mité recourbée  est  refroidie  dans  un  mélange  de  glace.  On 
lute  toutes  les  jointures  avec  du  kaolin  et  de  la  graine  de 
lin,  puis  on  élève  graduellement  la  température,  mais  sans 
dépasser  200  à  250°.  Pour  avoir  de  l'acide  anhydre, 
Fremy  commence  par  faire  de  l'acide  fluorhydrique  ordi- 
naire, qu'il  transforme  en  fluorhydrate  de  fluorure  de  po- 
tassium ;  on  dessèche  ce  sel  complètement  et  on  le  distille 
dans  des  vases  en  platine.  Il  reste  dans  la  cornue  du  fluo- 
rure de  potassium.  —  L'acide  fluorhydrique  pur  est  ga- 
zeux à  la  température  ordinaire  ;  dans  un  mélange  de 
glace  et  de  sel  marin,  ce  gaz  se  condense  en  un  liquide 
fluide,  incolore,  donnant  d'épaisses  fumées  au  contact  de 
l'air,  ayant  pour  densité  0,988,  bouillant  vers  19°.  Il  se 


dissout  avidement  dans  Feau,  en  dégageant  beaucoup  de 
chaleur.  La  solution  est  un  liquide  incolore,  fumant,  très 
acide,  à  odeur  piquante,  corrosif.  Aussi  ne  doit-elle  être 
maniée,  surtout  si  elle  est  concentrée,  qu'avec  une  grande 
prudence,  car  elle  occasionne  sur  la  peau  des  altérations 
profondes,  de  véritables  brûlures  ;  laisse-t-on  tomber  dans 
l'eau  quelques  gouttes  d'acide  anhydre,  il  se  produit  un 
bruit  strident,  analogue  à  celui  que  produit  un  fer  rougi 


Appareil  pour  la  préparation  de  l'acide  fluorhydrique. 

plongé  dans  l'eau.  Mélangé  d'acide  chlorhydrique,  l'acide 
fluorhydrique  fournit  un  réactif  plus  énergique  que  l'eau 
régale,  capable  d'attaquer  le  silicium.  Il  attaque  les  mé- 
taux, excepté  l'or,  le  platine  et  l'argent  ;  il  a  peu  d'action 
sur  le  plomb  ;  on  le  conserve  dans  des  vases  en  argent  ; 
à  leur  défaut,  dans  des  bouteilles  en  plomb  ou  en  gutta- 
percha. 

L'une  des  réactions  les  plus  importantes  de  ce  puissant 
hydracide,  c'est  celle  qu'il  exerce  sur  la  silice  et  les  sili- 
cates, et,  par  suite,  sur  tous  les  verres,  qui  sont  des 
silicates.  Avec  la  silice,  dès  la  température  ordinaire,  il  y 
a  formation  d'eau  et  de  fluorure  de  silicium  : 
SiO2  +  2HF1  =  H20*  +  SiFl2. 

Au  contact  de  l'eau,  le  sel  est  détruit  avec  production 
d'acide  hydrofluosilicique,  qui  reste  en  dissolution.  Cette 
réaction  est  utilisée  pour  la  gravure  sur  verre.  Il  suffit, 
par  exemple,  de  recouvrir  le  verre  d'une  couche  de  vernis 
et  d'enlever  avec  un  stylet  d'acier  tous  les  points  qui  doi- 
vent être  attaqués.  Au  lieu  d'employer  l'acide  libre,  on 
met  dans  une  cuvette  en  plomb  du  fluorure  de  calcium  pul- 
vérisé et  de  l'acide  sulfurique  ;  on  chauffe  légèrement  et  on 
expose  la  plaque  préparée  au-dessus  des  vapeurs  qui  se 
dégagent  ;  après  cinq  à  six  minutes  d'action,  on  enlève  le 
vernis  avec  un  linge  ou  par  un  lavage  à  l'essence  de  téré- 
benthine :  il  reste  un  dessin  opaque,  alors  que  les  traits 
sont  transparents  avec  l'acide  fluorhydrique  liquide  ;  dans 
ce  dernier  cas,  on  applique  avec  un  pinceau  l'acide  étendu 
de  sept  à  huit  fois  son  poids  d'eau.  —  L'acide  fluorhy- 
drique est  ordinairement  employé  dans  les  laboratoires 
pour  doser  la  silice  dans  les  terres,  les  poteries,  les 
verres,  etc.  Il  sert  à  caractériser  les  fluorures  ;  comme  le 
verre  est  légèrement  attaqué  par  l'acide  sulfurique,  il  est 
préférable,  dans  ce  cas,  de  remplacer  le  verre  par  du 
quartz,  qui  ne  subit  aucune  altération.        Ed.  Bourgoin. 

FLUORINE  (V.  Calcium  [Fluorure  de]).    - 

FLUORURE.  I.  Chimie.  —  4°  Protofluorures.  Fluo- 
rhydrates  de  fluorures.  Ils  répondent  à  la  formule  MF1  ou 
MFl.HFl  et  prennent  naissance  par  l'action  de  l'acide 
fluorhydrique  sur  les  protoxydes  ou  les  carbonates  corres- 
pondants. La  dissolution  s'effectue  avec  dégagement  de  cha- 
leur ;  avec  la  soude  et  l'acide,  en  solutions  étendues,  par 
exemple,  à  équivalents  égaux,  il  se  dégage  -+-  46c^3,  alors 
que  l'acide  chlorhydrique  dans  les  mêmes  conditions  ne 
dégage  que  13cal7  (Thomsen).  Les  fluorhydrates  se  for- 
ment toujours  en  présence  d'un  excès  d'acide.  Ils  sont 
ordinairement  solubles,  cristallisables,  transformables  par 
la  calcination  en  fluorures  neutres  ;  toutefois,  s'ils  sont 


FLUORURE  -  FLUTE 


-  666 


hydratés,  on  obtient  un  mélange  de  fluorure  et  d'oxyde  ou 
un  oxyfluorure.  Ce  sont  des  fondants  énergiques,  qui  atta- 
quent rapidement  les  oxydes  et  peuvent  remplacer  l'acide 
fluorhydrique  dans  la  préparation  des  fluosels. 

2°  Sesquifluorures.  Ils  résultent  de  l'action  de  l'acide 
fluorhydrique  sur  les  sesquioxydes.  Avec  l'alumine  cal- 
cinée, on  obtient  une  dissolution,  une  liqueur  qui  laisse  à 
l'évaporation  un  résidu  qu'on  distille  dans  un  courant 
d'hydrogène.  Ce  fluorure  d'alumine.  APF13,  cristallise  en 
rhomboèdres,  groupés  en  trémies,  inattaquables  par  l'acide 
sulfurique,  même  à  chaud.  Mêmes  réactions  avec  le  ses- 
quioxyde  de  fer,  avec  le  sesquioxyde  de  chrome,  etc. 

3°  Fluorures  acides.  Fluosels.  Les  oxydes  acides, 
comme  les  acides  titanique  et  antimonique,  les  fluorures 
acides  de  silicium,  de  titane  et  d'étain,  sont  attaqués  par 
l'acide  fluorhydrique  et  donnent,  en  présence  des  fluorures 
alcalins  ou  des  protofluorures  métalliques,  des  combinai- 
sons cristallisées  qui  ont  été  étudiées  par  Berzelius  et 
Marignac.  L'action  de  l'hydracide  est  surtout  remarquable 
avec  îa  silice  et  les  silicates  ;  s'il  est  anhydre,  l'attaque  est 
nulle  avec  le  verre  ;  mais,  en  présence  de  l'eau,  elle  est 
immédiate  et  il  y  a  finalement  formation  d'acide  hydro- 
fluosilicique  : 

SiO2  +  3HF1  =H20*+  (SiFP.HFl). 
Les  fluosilicates,  fluotitanates,  fluostannates,  fluozirco- 
nates  alcalins  sont  isomorphes  et  répondent  aux  formules 
suivantes  : 

2MFLSi2Fl4 
2MFl.Ti2Fl4 
2MFLSn«El* 
2MFl.Zr2Fl4. 
Les  acides  niobique  et  tantalique  se  dissolvent  dans 
l'acide  fluorhydrique  et  fournissent  également  avec  les  fluo- 
rures alcalins  ou  métalliques  des  fluoniobates,  des  fluotan- 
talates,  dont  quelques-uns  sont  isomorphes  avec  les  com- 
posés  correspondants   du  titane,  du   zirconium  et   du 
tungstène,  tandis  que  l'acide  tungstique  et  les  tungstates 
n'engendrent  que  des  fluoxytungstates.  Ces  relations  d'iso- 
morphisme  sont  importantes,  car  elles  permettent  de  fixer 
les  formules  des  composés  oxygénés  correspondants  (Mari- 
gnac). Ed.  Bourgow. 

IL  Industrie.  —  La  préparation  des  fluorures  n'est 
pas  l'objet  d'une  industrie  spéciale.  Cela  tient  à  ce  que 
le  seul  employé  en  quantité  notable  est  un  produit  na- . 
turel.  La  fluorine  ou  fluorure  de  calcium,  d'aspect 
original,  sert  à  fabriquer  des  objets  décoratifs  ;  la  métal- 
lurgie s'en  sert  également  comme  fondant,  surtout  dans 
l'industrie  du  cuivre.  Ainsi  que  l'acide  fluorhydrique,  les 
fluorures  alcalins  et  surtout  les  fluorhydrates  de  fluorures 
MHF12  corrodent  le  verre  ;  cette  propriété  les  fait  employer 
dans  la  gravure  (V.  Gravure  sur  verre).  Enfin  les  pro- 
priétés antiseptiques  de  l'acide  fluorhydrique  ayant  fait 
employer  cet  acide  pour  combattre  la  tuberculose,  M.  Effront 
eut  Fidée  d'utiliser  ce  caractère  pour  détruire  les  bactéries 
qui,  en  distillerie  et  en  brasserie,  sont  un  ennemi  si  redou- 
table de  la  levure  alcoolique  et  de  la  diastase.  Cette  ingé- 
nieuse application  est  un  des  plus  grands  progrès  accomplis 
dans  cette  branche  de  l'industrie  pendant  ces  dernières 
années  (V.  Diastase,  Fermentation).  Pour  préparer  les 
fluorhydrates  de  fluorures,  on  divise  un  volume  d'acide 
fluorhydrique  en  deux  parties  égales  ;  on  neutralise  exacte- 
ment l'une  et  on  la  mélange  à  l'autre.  Le  liquide  refroidi 
ne  tarde  pas  à  cristalliser.  Ch.  Girard. 

FLUOSILICATE(ïndustr.)  (V.  Durcissement). 
FLUQUIÈRES.Com.du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Saint- 
Quentin,  cant.  de  Vermand;  764  hab. 

FLUSHING.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  New  York 

sur  la  côte  N.  de  Long  Island,  à  quelques  kil.  à  l'E.  de 

Brooklyn.  Nombreuses'villas,  jardin  botanique;  6,700  hab. 

FLUSTRELLARIA  (V.  Membranipora). 

FLÛTE  (Mus.).  Instrument  à  vent,  en  bois  ou  en  métal, 

dont  l'invention  remonte,  chez  tous  les  peuples,  à  l'antiquité 


la  plus  reculée.  Primitivement,  la  flûte  a  dû  être  faite  d'un 
simple  roseau  creux,  ouvert  aux  deux  bouts,  dans  lequel 
une  colonne  d'air  vibrait  sous  l'action  du  souffle  humain, 
ou  bien  d'un  assemblage  de  tubes  simples  ainsi  formés,  per- 
mettant d'obtenir  de  la  sorte  plusieurs  sons  différents  ;  c'est 
la  syrinx,  c'est  la  flûte  de  Pan  de  la  légende  grecque. 
Puis,  on  eut  l'idée  de  pratiquer  des  trous  le  long  du  ro- 
seau, du  bois  creux,  de  la  corne  ou  de  l'os  évidés  qui 
constituaient  le  corps  de  l'instrument.  Une  même  flûte  put 
ainsi  donner  des  sons  divers,  suivant  le  trou  obturé  par  le 
doigt  du  joueur.  De  telles  flûtes  ont  été  retrouvées  en  des 
monuments  fort  anciens,  et  même  parmi  les  débris  décou- 
verts aux  grandes  stations  préhistoriques  d'Europe,  celles 
par  exemple  de  la  Vézère.  En  Orient  et  en  Grèce,  la  flûte 
prit  une  grande  importance  musicale  :  selon  son  origine, 
son  rôle,  la  perce  de  ses  trous  et,  par  conséquent,  la  na- 
ture de  son  échelle  sonore,  on  en  distingua  de  nombreuses 
variétés.  Ainsi  la  double  flûte  paraît  être  d'origine  phéni- 
cienne ;  l'Egypte  connut  les  flûtes  Man  et  Sebi ,  et  la  Chine 
la  flûte  Yo.  Les  Grecs  classèrent  leurs  flûtes  d'après  les 
types  suivants  .  Monaule,  Calamaule,  Plagiaule,  Ly- 
siode,  Chorikê,  Diopé,  Elymé,  Paratritès,  Hemiopé, 
Lotos  ou  Photingè,  Andrié,  Bombykos,  Paranié,  Kitha- 
ristris,  Parthené,  Hypotretè,  Adonime,  Skytalé,  Spon- 
dia,  Gingrine,  Embaraterié,  Pykné,  d'après  les  particu- 
larités de  la  construction.  A  d'autres  points  de  vue,  ils  les 
classaient  en  flûtes  thébaines,  béotiennes,  phrygiennes, 
argiennes,  égyptiennes,  libyennes,  lydiennes,  doriennes, 
grecques,  pythiennes,  dactyliques,  tragiques,  nuptiales.  La 
flûte,  encore  assez  en  usage  au  ve  siècle  (d'après  Cassiodore), 
et  au  viie  siècle  (si  l'on  s'en  rapporte  au  témoignage  d'Isi- 
dore de  Séville)  tombe  en  désuétude  pendant  la  plus  grande 
partie  du  moyen  âge,  où  seuls  les  musiciens  ambulants 
continuent  parfois  de  l'employer,  surtout  en  Allemagne  et 
en  Suisse.  Au  xvie  siècle,  les  flûtes  d'Allemagne,  flûtes 
traversières,  flûtes  suisses,  sont  connues  et  appréciées; 
on  cite  un  traité  italien,  publié  à  Venise  en  4535,  qui  est 
une  véritable  méthode  de  flûte.  On  construit  alors  des 
flûtes  petites  et  grandes,  donnant  des  échelles  sonores  de 
différentes  hauteurs,  et  appelée  flûte  de  déchant,  flûte 
alto,  flûte  ténor,  flûte  basse.  C'est  en  France  qne  l'on  a 
percé  pour  la  première  fois  sept  trous  au  lieu  de  six,  le 
septième  comportant  une  clef.  La  coutume  naquit  ensuite  de 
diviser  la  flûte  en  trois  parties  démontables,  et,  un  peu 
plus  tard,  en  quatre.  En  1752,  le  virtuose  Quantz  inventa 
la  vis  de  tête,  qu'il  nomma  bouchon  à  vis  et  qui  se  peut 
rapprocher  ou  éloigner  de  l'orifice  de  l'embouchure.  Le 
même  Quantz,  en  \  726,  avait  pourvu  la  flûte  d'une  deuxième 
clef;  Hoffmann  en  ajouta  une  nouvelle  en  4740,  et  les  per- 
fectionnements continuèrent  ainsi  jusqu'à  Gordon  et  Boehm. 
Boehm  modifia  profondément  la  construction  de  la  flûte  :  tout 
d'abord,  il  remplaça  le  bois  d'ébène  par  le  bois  plus^  dur 
de  cocotier  après  étude  des  instruments  dont  se  servait  le 
virtuose  anglais  Nicholson,  et  construisit  même  des  flûtes 
en  métal,  construction  devenue  aujourd'hui  ^  d'un  ^  usage 
courant  et  qui  dérive  de  ce  fait  général  que  l'intensité  des 
sons  émis  par  la  flûte  augmente  avec  la  dureté  de  la  matière. 
Il  modifia  le  calibrage  intérieur  de  la  flûte,  jusqu'alors  tantôt 
courte  et  conique,  tantôt  longue  et  cylindrique  ;  d'une  façon 
générale  il  adopta,  en  la  perfectionnant,  la  construction  de 
Denner,  comportant  des  dimensions  moyennes  et  une  forme 
légèrement  conique  vers  la  tête;  de  plus,  il  fit  ses  flûtes 
cylindriquement  calibrées  avec  une  légère  dilatation  dans  le 
voisinage  de  l'embouchure,  et  obtint  de  la  sorte  des  sons 
excellents,  surtout  en  appliquant  cette  forme  à  sa  flûte  mé- 
tallique. La  perce  des  trous  fut  également  améliorée,  spé- 
cialement par  l'augmentation  du  diamètre  de  ces  ouvertures. 
Enfin,  sacrifiant  f  ancien  doigté,  il  réalisa  un  jeu  nouveau 
de  clefs  d'obturation,  et  inventa  les  clefs  annulaires, 
dont  l'anneau  de  métal  s'applique  sur  le  trou,  de  manière 
à  en  diminuer  l'ouverture,  et  que  l'application  d'un  tampon 
actionné  par  le  doigt  peut  aussi  fermer  entièrement. 
Cet  historique  de  la  flûte  résume  en  même  temps  sa 


667 


FLUTE  -  FLUXION 


construction  et  sa  forme.  La  flûte  traversière,  c.-à-d.  tenue 
transversalement  par  l'exécutant  dans  une  position  presque 
perpendiculaire  à  celle  qu'occuperait  une  clarinette  ou  un 
hautbois,  est  la  seule  en  usage  aujourd'hui.  L'échelle  sonore 
de  la  flûte  actuelle  part  de  Y  ut  inférieur  de  la  clef  de  sol 
(lre  ligne  supplémentaire  au-dessous  de  la  portée)  et  embrasse 
trois  octaves  avec  tous  les  degrés  chromatiques  intermé- 
diaires. Le  son  de  la  flûte,  généralement  doux,  de  timbre 
«  blanc  »  comme  disent  quelquefois  les  musiciens,  est  très 
agréable  à  l'oreille,  encore  qu'il  laisse  souvent  à  désirer  sous 
le  rapport  de  la  justesse  rigoureuse.  Use  modifie  beaucoup 
dans  le  registre  grave.  La  petite  flûte,  flûte  beaucoup  plus 
courte  que  la  flûte  ordinaire  ougrande  flûte, est  aussi  appelée 
p  iccolo;  elle  a  des  sons  aigus  très  perçants.  Le  son  fondamen- 
tal de  la  petite  flûte  est  plus  élevé  d'une  octave  que  celui  de 
la  grande  flûte,  mais  la  notation  s'écrit  à  la  même  hauteur, 
bien  que  devant  être  transposée  à  l'octave  au-dessus.  On 
a  construit  des  flûtes  en  mi  bémol  et  mi  bémol  aigu, 
en  fa  et  fa  aigu,  mais  ces  instruments  «  transpositeurs  » 
ne  sont  employés  que  dans  les  orchestres  militaires.  D'autres 
flûtes,  demeurées  sans  usage,  ont  été  faites  en  sol  et  en  si 
bémol  (flûtes  d'amour).  Actuellement,  dans  l'orchestre  de 
symphonie  ou  de  drame  lyrique,  on  se  sert  de  deux  grandes 
flûtes  ou  de  trois  (ce  nombre  est  habituel  à  Richard  Wagner, 
dans  ses  dernières  œuvres),  et  d'une  petite  flûte,  rarement 
de  deux, 

Flûte  à  bec  ou  flûte  douce.  —  Instrument  à  vent  en 
bois,  percé  de  sept  trous,  dont  l'embouchure  comportait 
une  fente  étroite,  et  qui  fut  très  usité  aux  xive  et  xvne 
siècles.  Ce  bec  de  la  flûte  était  adapté  à  une  partie  plus 
large,  le  noyau,  où  aboutissait,  de  l'autre  côté,  le  tube  so- 
nore de  l'instrument  ;  le  souffle  venait  se  briser  partielle- 
ment sur  les  bords  amincis  de  l'orifice  du  tube  dans  le 
noyau,  et  il  en  résultait  un  timbre  tout  spécial.  L'échelle 
ordinaire  de  la  flûte  à  bec  allait  du  fa  inférieur  de  la  clef 
de  sol  au  sol  des  lignes  supplémentaires  au-dessus  de  la 
portée  ;  mais  on  construisait  plusieurs  espèces  de  ces  flûtes, 
à  des  hauteurs  diverses. 

Flûtes. —  «  Voix  »  de  l'orgue,  dépendant  surtout  du  Ma- 
nuel,  qui  présentent  une  certaine  analogie  de  son  avec  les 
flûtes  de  l'orchestre,  et  qui  sont  surtout  employées  à  réa- 
liser des  parties  accompagnantes  élevées,  de  timbre  doux, 
au-dessus  d'un  chant  principal.  Les  tuyaux  affectés  à  ces 
voix  sont  ordinairement  en  bois  de  poirier,  rarement  en 
métal,  de  forme  conique  droite  ou  renversée.  Les  variétés 
et  les  mesures  en  sont  si  nombreuses  qu'il  faut  de  toute 
nécessité  renvoyer  le  lecteur  aux  traités  spéciaux  intéres- 
sant la  facture  des  orgues.  Alfred  Ernst. 

Bibl.  iMendel,  Musikalisches  Conversations-Lexicon; 
Berlin,  1873,  t.  III,  in-8.  —  F.-J.  Fétis,  Histoire  générale 
de  la,  musique;  Paris,  1869-1876,  t.  I,  in-8.  —  H.  Lavoix, 
Histoire  de  l'instrumentation;  Paris  et  Bruxelles,  in-4. 

FLÛTEAU  (Bot.)  (V.  Alisme). 

FLUVIA.  Petit  fleuve  d'Espagne  (Catalogne),  qui  descend 
du  col  de  Oria  (600  à  700  m.)  situé  dans  les  montagnes 
du  Grao  de  Olot  (4 ,500  m.),  contrefort  des  Pyrénées  orien- 
tales, coule  de  10.  à  l'E.,  baigne  San  Esteve  den  Bas 
(442  m.),  Olot  (424  m.),  Castellfollit,  Besalû,  Bascara  et 
débouche,  après  un  cours  d'environ  80  kil.,dans  le  golfe  de 
Rosas,  près  de  San  Père  Pescador.  C'est  un  véritable  gave, 
ni  navigable  ni  flottable. 

FLUVIOGRAPHE  (Phys.).  Sorte  de  marégraphe  sim- 
plifié installé  sur  les  rivières  canalisées,  auprès  de  chaque 
barrage,  pour  enregistrer  les  variations  de  niveau  de  la 
retenue.  C'est  en  même  temps  un  appareil  d'avertissement 
pour  les  barragistes  qu'il  prévient,  par  une  sonnerie  spé- 
ciale, aussitôt  que  le  niveau  s'abaisse  ou  s'élève  au 
delà  des  limites  fixées  pour  éviter,  soit  l'échouage  des 
bateaux,  soit  la  submersion  des  propriétés  riveraines  ; 
ces  avertissements  dispensent  les  agents  d'une  surveillance 
assidue,  pénible  pendant  la  nuit,  tandis  que  les  diagrammes 
fournis  par  l'appareil  permettent  de  contrôler  leur  service. 
Le  fluviographe  se  compose  d'un  flotteur,  logé  dans  une 
gaine  en  planches  pour  le  soustraire  au  clapotement  de 


l'eau  ;  le  fil  auquel  le  flotteur  est  suspendu  s'enroule  sur 
une  poulie,  puis  s'attache  à  un  chariot  porte-crayon.  Le 
crayon  inscrit  les  mouvements  du  flotteur  sur  un  papier 
fixé,  soit  sur  un  cylindre,  soit  sur  un  disque,  entraîné  par 
un  mouvement  d'horlogerie.  L'appareil  à  cylindre  est  em- 
ployé pour  les  indications  hebdomadaires,  l'appareil  à 
disque  pour  les  indications  journalières.  Le  chariot  est  muni 
d'un  taquet  qui,  par  son  contact  avec  des  lames  flexibles, 
donne  passage  à  un  courant  électrique  et  actionne  la  son- 
nerie placée  dans  la  chambre  du  barragiste.  Ces  lames,  au 
nombre  de  deux,  sont  placées  de  façon  à  enfermer  les  va- 
riations de  la  retenue  dans  des  limites  fixées  d'avance  à 
0m50  environ.  Les  inscriptions  du  fluviographe  ne  dépas- 
sent pas  ces  limites,  les  seules  nécessaires  pour  le  règle- 
ment des  retenues  formées  par  les  barrages  mobiles. 
L'appareil  est  simplement  fixé  sur  deux  consoles,  contre 
la  face  amont  de  la  culée  du  barrage,  dans  une  boîte  en 
chêne  fermée  par  des  glaces  sur  trois  côtés,  recouverte 
d'une  toiture  et  protégée  par  un  rideau  mobile  en  toile  ; 
on  la  rentre  en  magasin  lorsque  les  eaux  atteignent  le 
couronnement  de  la  culée.  L.  K. 

FLUX.  I.  Physique.  — Flux  de  force.  —-Considérons 
une  surface  dans  un  champ  magnétiquelimitée  par  un  contour 
déterminé.  On  appelle  flux  de  force  .à  travers  ce  contour  l'in- 
tégrale /  FndS  étendue  à  toute  la  surface  limitée  par  le  con- 
tour considéré  et  dans  lequel  dS  est  un  élément  infiniment 
petit  de  cette  surface  et  Yn  est  la  composante  du  champ  ma- 
gnétique en  ce  point  dirigée  suivant  la  normale  à  l'élément 
de  surface  c£S.  Dans  le  cas  particulier  où  le  champ  magné- 
tique est  uniforme,  il  résulte  de  cette  définition  que  le 
flux  de  force  à  travers  une  surface  plane  est  proportionnel 
à  l'étendue  de  cette  surface  et  à  la  composante  de  l'inten- 
sité suivant  la  normale  à  la  surface,  ou,  si  l'on  veut,  il  est 
proportionnel  au  produit  de  cette  surface  par  l'intensité 
du  champ  magnétique  et  par  le  cosinus  de  l'angle  que  fait 
la  normale  à  la  surface  avec  la  direction  des  lignes  de 
force.  A.  J. 

IL  Astronomie  et  Hydrographie.— Flux  et  Reflux 
(V.  Marée). 

FLUXION.  I.  Mathématiques.  —  Le  calcul  des 
fluxions  imaginé  par  Newton  est  l'algorithme  employé  par 
ce  savant  pour  exposer  l'analyse  infinitésimale  ;  le  calcul  des 
fluxions  n'est  plus  ni  enseigné  ni  usité  aujourd'hui,  les  géo- 
mètres préférant  faire  usage  de  l'algorithme  différentiel  de 
Leibnitz,  qui  est  infiniment  plus  commode.  Le  calcul  des 
fluxions  n'est  que  le  développement  d'un  cas  particulier  de  la 
méthode  de  Roberval  pour  mener  les  tangentes  aux  courbes. 
Considérons  une  courbe  rapportée  à  deux  axes  rectangu- 
laires; soient  #,  y  les  coordonnées  d'un  point  mobile  décrivant 
la  courbe.  Newton  admet  que  nous  avons  intuitivement  la 
notion  de  vitesse  ;  alors  il  appelle  fluxion  de  x  et  désigne 
par  x  la  vitesse  avec  laquelle  croît  x  ;  il  définit  d'une  façon 
analogue  la  fluxion  y  de  y,  et  il  trouve  alors  pour  coeffi- 
cient angulaire  de  la  tangente  en  x  ;  y  à  la  trajectoire  du 

mobile  %  ,  en  définitive  %  est  la  dérivée  -^  et  la  repré- 

/Y*  rp  \XtAs 

sente  partout;  les  quantités  #,  y  portent  dans  la  théorie 
de  Newton  le  nom  de  fluentes.  Bien  qu'à  la  rigueur  il  soit 
possible  de  dégager  la  théorie  des  fluxions  de  cette  notion 
de  vitesse  et  par  suite  de  la  notion  étrangère  du  temps,  ses 
notations  sont  loin  de  présenter  les  avantages  et  la  simplicité 
de  celles  du  calcul  différentiel  qui  a  prévalu.  C'est  à  l'art. 
Différentiel  que  l'on  a  exposé  les  avantages  que  présente 
ce  dernier  calcul  sur  celui  des  fluxions.       H.  Laurent. 

IL  Médecine.  —  L'élément  fluxion  est  une  modalité 
pathologique  élémentaire  de  l'unité  vivante,  en  vertu  de 
laquelle  l'équilibre  habituel  de  distribution  des  liquides 
dans  l'économie  est  rompu  au  profit  d'un  organe  donné 
ou  d'une  série  d'organes  (Grasset).  Hippocrate  et  Galien 
considéraient  la  fluxion  comme  un  mouvement  par  lequel 


FLUXION  —  FLY 


—  668  — 


les  humeurs  (le  sang  en  particulier)  s'accumulent  dans 
telle  ou  telle  partie.  Cette  doctrine  fut  obscurcie  par  la 
théorie  et  la  métaphysique  entre  les  mains  de  leurs  succes- 
seurs et  des  Arabes  et  fut  rétablie  encore  par  la  clinique, 
sous  le  patronage  de  Bressot,  Fernel  et  Laurent  Joubert, 
au  XVIe  siècle.  Aux  xvne  et  xvme  siècles,  le  mécanicisme,  le 
solidisme,  l'animisme  défigurent  la  fluxion  et  semblent  se 
substituer  toutes  les  trois  à  l'humorisme  ancien.  Les  iatro- 
mécaniciens  voient  l'accumulation  humorale  dans  un  or- 
gane, mais  ils  méconnaissent  la  contrefluxion  et  ne  l'envi- 
sagent que  comme  un  phénomène  purement  physique  et 
hydraulique.  Les  solidistes  ne  considèrent  dans  la  fluxion 
que  l'état  local  réalisé  naturellement  ou  artificiellement  et 
n'ont  pas  la  notion  de  ce  mouvement  antérieur  qui  est  le 
fondement  même  de  la  vraie  fluxion.  Les  animistes  ad- 
mettent le  mouvement  fluxionnaire,  mais  ils  attribuent  à 
sa  cause  une  intelligence  qui  en  fausse  entièrement  la  con- 
ception. Vient  Barthez  et  l'école  de  Montpellier.  Il  appelle 
fluxion  tout  mouvement  qui  porte  le  sang  ou  toute  autre 
humeur  sur  un  organe  particulier  avec  plus  de  force  ou  sui- 
vant un  autre  ordre  que  l'état  naturel,  et  il  distingue  la  déri- 
vation et  la  révulsion,  pose  les  grandes  règles  qui  doivent 
présider  à  leur  emploi  et  les  énonce  en  cinq  propositions. 
De  plus,  Barthez  considère  la  fluxion  comme  un  élément 
de  la  maladie.  C'est  dans  cette  notion  seulement  qu'est  la 
clef  de  tout  l'enseignement  clinique  de  l'école  de  Montpel- 
lier. De  nos  jours,  la  tendance  générale  est  d'augmenter 
de  plus  en  plus  l'importance  de  la  lésion  locale  dans  les 
maladies,  grâce  aux  progrès  de  l'histologie  et  de  l'anatomie 
pathologique.  Les  travaux  sur  la  congestion,  l'anatomie  et 
la  physiologie  pathologique  ont  peu  à  peu  absorbé  l'atten- 
tion ;  on  n'a  plus  vu  que  les  conséquences  locales  de  la 
fluxion,  et  peu  à  peu  la  fluxion  a  été  identifiée  avec  la 
congestion.  On  peut  considérer  avec  Grasset  :  des  fluxions 
physiologiques,  pathologiques  ou  symptomdtiques,  cri- 
tiques, thérapeutiques .  Les  quatre  grandes  actions  thé- 
rapeutiques de  la  médication  fluxionnante  dont  on  peut 
facilement  déduire  les  indications,  peuvent  se  formuler 
ainsi  :  provoquer  ou  faciliter  des  fluxions  physiologiques 
ou  critiques,  détourner  une  fluxion  pathologique,  spolier 
l'économie  par  les  flux  qu'elle  provoque. 

Traitement  de  la  fluxion.  Il  ne  faut  pas  combattre  les 
fluxions  pathologiques  ou  critiques.  Ce  sont  des  actes  utiles, 
les  uns  au  maintien,  les  autres  au  rétablissement  de  la 
santé.  Les  fluxions  thérapeutiques  anciennes  doivent  être  res- 
pectées chez  les  individus  atteints  de  fluxions  pathologiques 
redoutables  (contre-indication  de  la  suppression  des  cau- 
tères chez  les  vieux  catarrheux).  On  peut  quelquefois,  bien 
que  dans  une  mesure  restreinte,  combattre  directement 
une  fluxion  pathologique  et  essayer  de  la  réduire  par  des 
moyens  thérapeutiques  appropriés.  Mais  le  plus  souvent 
on  emploie  une  méthode  plus  efficace,  qui  consiste  à  pro- 
voquer sur  un  autre  point  une  fluxion  thérapeutique,  une 
contre-fluxion  qui  détruira  la  fluxion  vicieuse. 

Dr  A.  Coustan. 

Fluxion  dentaire  (V.  Dent,  t.  XIV,  p.  437). 

III.  Art  vétérinaire.  —  Fluxion  périodique.  — 
Maladie  inflammatoire  de  l'œil  des  solipèdes,  caractérisée, 
comme  son  nom  l'indique,  par  un  afflux  sanguin  du  côté  des 
yeux,  afflux  auquel  succède  après  quelques  jours  le  trouble 
des  humeurs,  et  par  la  périodicité  de  ses  accès;  maladie 
grave,  se  terminant  toujours  par  la  perte  d'un  œil  ou  des 
yeux.  La  fluxion  périodique  sévit  principalement  dans  les 
pays  bas  et  humides,  à  sous-sol  argileux  et  marécageux, 
sur  les  chevaux  mous,  lymphatiques,  dont  l'œil  petit,  cou- 
vert, renfoncé  dans  l'orbite,  fait  dire  qu'ils  ont  la  vue 
grasse.  L'émigration,  le  transport  des  animaux  d'un  pays 
chaud  et  sec  dans  un  pays  froid  et  humide,  et  l'hérédité, 
telles  sont  les  causes  principales,  prédisposantes  ou  déter- 
minantes de  la  fluxion  périodique. 

La  fluxion  débute  par  de  la  tristesse  et  de  la  fièvre  ; 
l'animal  est  abattu  ;  ses  paupières  se  gonflent  et  se  con- 
gestionnent; la  conjonctive  devient  rouge  et  ses  vaisseaux 


se  remplissent  de  sang  ;  l'œil  est  chaud,  douloureux  et 
laisse  écouler  des  larmes  en  grande  abondance  ;  il  perd  sa 
transparence  et  la  cornée  s'obscurcit  de  la  circonférence 
vers  le  centre,  puis,  au  fur  et  à  mesure  que  l'inflammation 
gagne  l'intérieur  de  l'œil,  on  y  voit  peu  à  peu  les  symp- 
tômes extérieurs  de  conjonctivite  et  de  gonflement  des  pau- 
pières diminuer  et  s'amoindrir  sensiblement.  A  la  seconde 
période,  tous  les  phénomènes  se  concentrent  dans  l'inté- 
rieur de  l'œil  ;  les  humeurs  se  troublent  et  deviennent 
opaques  ;  des  petits  flocons  nébuleux  apparaissent  dans 
l'humeur  aqueuse  et  bientôt  se  précipitent  dans  la  chambre 
antérieure  sous  forme  de  segment  jaunâtre  à  concavité 
supérieure  aucjuel  on  a  donné  le  nom  tfhypopion.  Cette 
deuxième  période  dure  de  quatre  à  cinq  jours.  A  la  troi- 
sième période,  l'hypopion,  après  être  resté  stationnaire  pen- 
dant quelques  jours,  change  de  coloration  et  prend  une 
teinte  verdâtre,  cul-de-bouteille  ou  feuille  morte  ;  puis  il 
commence  à  se  résorber;  la  cornée  s'éclaircit,  et  l'œil  peu 
à  peu  reprend  ses  caractères  primitifs,  surtout  lorsqu'il  n'a 
encore  subi  qu'une  seule  attaque.  Après  le  premier  accès 
qui,  généralement,  ne  frappe  qu'un  œil  à  la  fois,  et  après 
un  temps  variable  écoulé,  un  mois,  deux  mois  et  six  mois 
parfois,  un  nouvel  accès  apparaît,  laissant  après  lui  des 
traces  de  son  passage  ;  l'œil  est  plus  petit,  les  paupières 
moins  ouvertes,  la  transparence  de  la  cornée  a  diminué  et 
dans  le  cristallin  apparaissent  des  points  blancs,  indice 
d'une  cataracte  commençante.  L'œil  finit  par  se  perdre 
entièrement  ;  tantôt  les  accès  sont  bien  déterminés  et 
se  manifestent  par  des  symptômes  caractéristiques  ;  d'autres 
fois,  et,  le  plus  souvent,  l'œil  demeure  sensible  à  la  lumière, 
douloureux  à  la  pression,  sans  cesse  larmoyant  ;  insensi- 
blement, le  travail  de  destruction  s'accomplit  et  s'achève, 
et  il  s'achève  par  la  perte  irrémédiable  de  l'œil  qui  reste 
frappé  pour  toujours  soit  de  cataracte,  soit  d'amaurose,  ces 
deux  inévitables  terminaisons  de  la  fluxion  périodique.  Six 
ou  sept  accès  sont  généralement  nécessaires  pour  entraîner 
la  perte  de  la  vue.  Si  les  deux  yeux  ont  été  frappés,  le 
cheval  est  aveugle  ;  si  le  mal  n'a  frappé  que  sur  un  seul, 
il  peut  arriver  que  le  second  reste  indemne,  si,  surtout, 
les  conditions  de  température  et  de  milieu  qni  ont  favorisé 
l'éclosion  de  la  fluxion  ont  été  modifiées,  soit  par  le  trans- 
port de  Tanimal  dans  un  pays  plus  sain,  soit  par  une 
bonne  alimentation,  soit  par  des  soins  hygiéniques  bien 
compris.  Maladie  des  plus  redoutables,  la  fluxion  pério- 
dique des  yeux  était,  sous  la  loi  du  2  mai  4838,  rangée 
au  nombre  des  vices  rédhibitoires.  La  loi  du  2  août  4884 
l'y  a  maintenue.  Le  délai  pour  intenter  l'action  est  de  trente 
jours  francs.  L.  Garnier. 

FLUY.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Amiens,  cant. 
de  Molliens-Vidame  ;  351  hab. 

FLUYXENCH  y  Trell  (Manuel),  peintre  catalan  con- 
temporain, né  à  Tarragone  et  élève  de  l'école  des  beaux- 
arts  de  Barcelone.  Après  un  court  séjour  à  Rome,  il  revint 
à  Barcelone  et  y  obtint  la  place  de  professeur  de  peinture 
à  l'école  des  beaux-arts.  Ses  principaux  ouvrages,  exposés 
à  Madrid,  à  Londres  et  à  Barcelone  de  1  858  à  1866,  sont  : 
la  Mort  de  saint  Bruno,  Fête  populaire  dans  les  envi- 
rons de  Tarragone,  Pénitence  du  roi  David,  Humilité 
et  Charité,  l'Amiral  Ramôn  de  Cortada  racontant  à 
Pierre  III  d'Aragon  la  victoire  remportée  sur  les  Génois 
et  les  Pisans,  Mosén  Juan  Fivaller  allant  au  nom  de 
la  ville  de  Barcelone  haranguer  le  roi  Ferdinand 
d'Antequera;  il  est  aussi  l'auteur  de  divers  portraits  de 
personnages  illustres  catalans  qui  ornent  les  salles  du  palais 
de  la  Députation  provinciale.  Il  a  fourni  quelques  dessins 
à  la  belle  édition  du  Don  Quichotte,  publiée  à  Barcelone 
en  1862.  P.  L. 

Bibl.  :  Ossorio  y  Bernard,  Galeria  biografica  des  ar- 
tistas  espanoles  delsiglo  XIX;  Madrid,  1868. 

FLY.  Fleuve  de  la  région  méridionale  de  la  Nouvelle- 
Guinée  et  le  plus  grand  cours  d'eau  connu  de  cette  île  ;  il  se 
jette  dans  le  golfe  de  Papoua,  vers  8°  40'  lat.  S.,  141° 
long.  E.  L'exploration  de  ce  fleuve  date  d'une  époque 


relativement  récente.  Les  reconnaissances  les  plus  sé- 
rieuses ont  été  faites  par  M.  d'Albertis  en  1875-1877  et 
par  W.  Mac  Grégor  en  1890.  Le  cours  d'eau  a  été  remonté 
en  bateau  par  ces  explorateurs  jusqu'à  1,000  kil.  environ 
de  son  embouchure.  Il  a  été  reconnu  navigable  pour  des 
embarcations  calant  5  à  6  pieds.  Les  rives  du  fleuve  sont 
occupées  par  de  vastes  et  épaisses  forêts  vierges,  habitées 
par  des  populations  sauvages,  très  hostiles  aux  blancs.  Les 
nombreux  îles  et  îlots,  à  l'entrée  du  fleuve,  sont  de  forma- 
tion allu vienne,  très  fertiles,  mais  inhabitables  pour  les 
Européens.  P.  Lemosof. 

FLYGARE (Mme  Emilie),  romancière  suédoise  (V.Carlén 
[Mme]). 

FLYSCH  (GéoL).  Sous  ce  nom,  emprunté  aux  géologues 
suisses,  on  désigne  un  puissant  ensemble  de  schistes  et  de 
grès  fissiles  ne  renfermant  d'autres  empreintes  que  des 
traces  de  fucoïdes,  et  spécialement  développés  sur  les  flancs 
des  chaînes  tertiaires  méditerranéennes.  D'un  bouta  l'autre 
de  la  grande  chaîne  alpine  en  particulier  et  jusque  dans 
les  Carpates,  ce  flysch  se  poursuit  toujours  identique  à 
lui-même,  en  dessinant  une  zone  extérieure  étroite,  bien  ho- 
mogène et  bien  continue  au  point  de  vue  orographique  ; 
malgré  cette  remarquable  continuité  et  ses  caractères  cons- 
tants dans  toute  cette  étendue,  il  est  loin  d'être  du  même 
âge.  Longtemps  considéré  comme  un  faciès  arénacé  propre 
aux  chaînes  alpines  appartenant  exclusivement  à  l'éocène 
supérieur,  on  sait  maintenant  qu'il  en  est  tout  autrement; 
sans  doute,  ce  flysch  est  surtout  tertiaire,  notamment  dans 
l'Ouest  ;  mais,  dans  la  Suisse  orientale,  ainsi  que  depuis 
Vienne  jusqu'à  Salzbourg  en  Autriche  (grès  de  Vienne),  il 
devient  crétacé  ;  dans  les  Carpates  occidentales,  il  descend 
jusqu'au  gault,  tandis  que  dans  l'E.  de  cette  région  il 
envahit,  sous  le  nom  de  grès  des  Carpates,  tout  le  cré- 
tacé et  le  tertiaire.  Ch.  V. 

FO.  Nom  du  Bouddha  en  Chine  (V.  Bouddha). 

FOA  (Eugénie),  romancière  française,  née  à  Bordeaux 
vers  la  lin  du  xvur3  siècle,  de  juifs  espagnols,  morte  à 
Paris  en  avr.  1853.  Son  nom  de  famille  était  Gradis. 
Elle  se  maria  fort  jeune,  mais  se  trouva  délaissée  presque 
tout  de  suite,  sans  ressources  et  dans  la  nécessité  de  ga- 
gner sa  vie.  Elle  se  fit  romancière,  publia  le  Bidouschim 
(Paris,  1830,  4  vol.  in-12);  la  Juive,  histoire  des  temps 
de  la  régence  (Paris,  1835,  2  vol.  in-8),  etc.  Sa  vocation 
n'était  point  là  ;  elle  s'en  aperçut  et  s'attacha  exclusive- 
ment à  la  littérature  instructive  et  morale.  On  a  d'elle, 
dans  ce  genre,  les  Mémoires  d'un  polichinelle  (Paris, 
1839,  in-8);  le  Petit  Robinson  de  Paris  (Paris,  1840, 
in-18)  ;  le  Vieux  Paris,  contes  historiques  (Paris,  1840, 
in-16),etc.  C'était  une  des  collaboratrices  les  plus  assidues 
du  Journal  des  enfants,  du  Journal  des  demoiselles  et  du 
Dimanche  des  enfants;  elle  publia  aussi  quelques  nou- 
velles dans  les  quotidiens  du  temps  sous  le  pseudonyme  de 
Maria  Fit%-Clarence.  On  lui  trouvait  de  la  grâce,  du 
sentiment  et  de  l'esprit.  Ch.  Le  G. 

FOA  ME  IX.  Coin,  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Verdun- 
sur-Meuse,  cant.  d'Etain  ;  173  hab. 

FOC  (Mar.).  Voile  triangulaire  placée  à  l'avant  du  bâti- 
ment, sur  le  mât  de  beaupré.  A  bord  des  navires  à  voiles, 
les  focs  sont  au  nombre  de  quatre  ;  le  plus  en  dedans 
(voile  de  gros  temps)  s'appelle  la  trinquette  ;  puis  vien- 
nent :  le  petit  foc,  le  grand  foc,  et  enfin,  tout  à  fait  à 
l'extrémité  du  bout-dehors,  le  clin-foc  qui,  lui,  est  une 
voile  de  beau  temps  et  ne  se  hisse,  généralement,  que 
quand  les  cacatois  (V.  ce  mot)  sont  établis.  Ces  quatre 
voiles  diffèrent  entre  elles  et  par  leurs  dimensions  et  par 
l'épaisseur  de  la  toile.  Les  focs  sont  plutôt  des  voiles 
d'évolution  que  des  voiles  de  marche.  On  le  comprendra 
aisément  par  cette  considération  :  un  bâtiment  évolue, 
tourne  autour  de  son  centre  de  gravité,  qui  est  toujours 
placé  sur  l'axe  longitudinal  et  à  peu  de  distance  du  centre 
de  figure.  Les  focs  étant  placés  à  l'extrémité  du  bras  de 
levier  ont  nécessairement  plus  d'action  que  les  autres 
voiles  de  l'avant  plus  rapprochées  dudit  centre  de  gravité. 


—  669  —  FLY  —  FOCAL 

Pour  être  utilisées,  ces  voiles  n'ont  besoin  que  de  trois 
points  d'attache,  contrairement  aux  voiles  carrées,  qui, 
elles,  sont  tendues  ou  enverguées  tout  le  long  des  vergues. 
Ces  trois  points  sont  :  le  point  d'amure  fixé  sur  le  beau- 
pré, qui  ne  bouge  jamais  (sauf  sur  les  focs  à  rocambeau)  ; 
le  point  de  drisse  qui  est  le  point  par  lequel  on  hisse  le 
foc,  et  enfin  le  point  d'écoute  qui  sert  à  tendre  plus  ou 
moins  la  voile  au  vent  suivant  l'allure  à  laquelle  le  bâti- 
ment court.  Cependant  pour  que  les  focs  établissent 
mieux ,  ils  sont  fixés  sur  un  cordage  rigide  appelé  draille 
(V.  ce  mot),  sur  lequel  la  voile  se  meut  au  moyen  d'an- 
neaux ou  de  bagues  comme  un  rideau  sur  la  tringle.  Pour 
compléter  le  gréement  nécessaire  à  la  manœuvre  de  ces 
voiles,  nous  citerons  encore  le  haie-bas  qui,  ainsi  que  son 
nom  l'indique,  sert  à  faire  descendre  le  foc  le  long  de  sa 
draille  ;  c'est  l'opposé  de  la  drisse.  Enfin,  à  bord  des  grands 
bâtiments,  une  cargue  étouffe  la  toile  en  son  milieu  et  per- 
met, en  dé  ventant  le  foc,  de  s'en  débarrasser  plus  facilement, 
en  diminuant  le  frottement  des  bagues  sur  la  draille  lors- 
qu'on le  haie-bas.  Il  va  sans  dire  que,  quand  on  agit  sur 
cette  vcargue,  il  faut  filer  l'écoute  à  la  demande.  * 

FOCA  ou  FOTCHA.  Ville  de  Bosnie  (cercle  de  Mostar), 
ch.-l.  de  cant.,  sur  la  rivière  Drina;  4,360  hab.,  pour  la 
plupart  mahométans.  On  y  fabrique  des  armes  damasquinées 
et  des  tapis. 

FOCAL.  I.  Mathématiques:  —  (V.  Congruence).  On 
appelle  focales  d'une  conique  le  lieu  des  points  tels  que 
leurs  distances  aux  points  de  la  courbe  soient  des  fonctions 
rationnelles  des  coordonnées  de  ces  points;  ce  sont  des 
coniques  qui  passent  par  les  foyers. 

On  appelle  foyer  d'une  surface  le  sommet  d'un  cône 
isotrope  (ou  d'une  sphère  de  rayon  nul)  doublement  tangent 
à  la  surface;  c'est  un  point  d'où  l'on  peut  mener  deux 
plans  tangents  isotropes  à  la  surface.  —  On  appelle 
focale  d'une  surface  le  lieu  de  ses  foyers;  ce  lieu 
est  en  général  une  ligne.  On  démontre  facilement  que  la 
focale  d'une  surface  est  la  ligne  double  de  la  développable 
isotrope  circonscrite  à  la  surface.  —  Deux  surfaces  homo- 
focaies  sont  deux  surfaces  ayant  les  mêmes  focales.  —  Les 
focales  de  l'ellipsoïde 

Xl  +  f  A-%1  —  A 

a^b^c*  ~~ 
sont  au  nombre  de  trois  ;  elles  ont  respectivement  pour 
équations  : 


a* 


b2- 


Z>2- 


-,  +  1  =  0,0  =  0; 
-  +  l=:0,y  =  0; 


c2  —  b< 


+  1  =  0,  %  =  0  ; 


la  première  (en  supposant  a  >  b  >  c)  est  imaginaire,  la 
seconde  est  une  hyperbole,  la  troisième  est  une  ellipse. 

Surfaces  focales,  Points  focaux  d'un  faisceau  ou  d'une 
congruence  (V.  ce  mot).  H.  L. 

II.  Physique.  —  Lignes  et  plans  focaux.  —  On  dé- 
montre, dans  la  théorie  des  lentilles  et  des  miroirs,  que 
l'image  d'une  droite  est  une  droite,  que  l'image  d'un  plan  est 
un  plan,  quand  on  emploie  des  lentilles  ou  des  miroirs  d'une 
faible  ouverture  et  que  l'on  néglige  des  quantités  du  second 
ordre.  On  appelle  plan  focal  conjugué  d'un  plan  donné  l'image 
de  ce  plan  fournie  par  une  lentille  ou  un  miroir  ;  il  mérite 
ce  nom  de  conjugué  parce  que  l'on  démontre,  parla  théorie 
et  l'expérience,  que  1  on  peut  permuter  l'objet  plan  qui, 
devant  un  miroir  ou  une  lentille,  donne  une  image  sur  un 
écran  avec  cet  écran.  Dans  cette  nouvelle  position  inverse 
de  l'écran  et  de  l'objet,  l'image  est  encore  nette,  de  telle 
sorte  qu'à  chaque  plan  il  en  correspond  un  autre  conjugué, 
et  la  position  de  ces  deux  plans  est  telle  que  chacun  d'eux 
peut  être  considéré  comme  l'image  de  l'autre.  Il  en  est  de 
même  des  lignes  ;  à  chaque  ligne  en  correspond  une  autre, 
dite  ligne  focale  conjuguée,  et  chacune  d'elles  peut  être 
considérée  comme  l'image  de  l'autre.  On  appelle  plan  focal 


FOCAL  —  FOEHN 


—  670 


principal  d'un  miroir  ou  d'une  lentille  le  plan  conjugué 
d'un  plan  situé  à  une  distance  infinie.  Ce  plan  passe  par 
le  foyer  (V.  ce  mot)  de  la  lentille  ou  du  miroir.    A.  J. 

Bibl.  :  Mathématiques.  —  Salmon,  Géométrie  analy- 
tique, trad.  française  de  Résal  et  Vaucheret. 

FOCE.  Corn,  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  et  cant.  de  Sar- 
tène;  445  hab. 

FO-CHAN  (V.  Fat-Chan). 

FOCICCHIA.  Com.  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de  Corte, 
cant.  de  Piedicorte-di-Gaggio  ;  193  hab. 

FOCILLON  (Adolphe- Jean),  naturaliste  français,  né  à 
Paris  le  41  oct.  1823,  mort  le  27  sept.  4890.  Il  débuta, 
en  4845,  comme  préparateur  du  cours  d'histoire  naturelle 
au  Collège  de  France,  professa  de  4846  à  4868  les 
sciences  physiques  et  naturelles  au  lycée  Louis-le-Grand 
et  fut  ensuite,  pendant  près  de  vingt  ans,  directeur  de  la 
nouvelle  école  municipale  Colbert,  à  Paris.  Il  a  été  le  col- 
laborateur de  Le  Play  (V.  ce  nom)  pour  l'organisation  des 
expositions  universelles  de  4855  et  de  4867.  Il  est  surtout 
connu  par  le  Dictionnaire  général  des  sciences  théo- 
riques et  appliquées  (Paris,  4864-69, 2  vol.  in-8  ;  3e  édit., 
4880),  dont  il  a,  avec  Privat-Deschanel,  dirigé  la  publica- 
tion, et  par  ses  ouvrages  de  vulgarisation  scientifique  : 
Expériences  et  instruments  de  physique  (Tours,  4884, 
in-8);  les  Grandes  Inventions  des  temps  modernes 
(Tours,  4885,  in-8);  le  Spectacle  du  Ciel  (Tours,  4888, 
in-8),  etc.  Il  a  en  outre  écrit  un  grand  nombre  de  petits 
traités  d'histoire  naturelle,  de  physique  et  de  chimie  pour 
les  écoles  primaires  et  l'enseignement  secondaire.  On  lui  doit 
enfin  une  traduction  du  livre  d'A.  Vogt  :  les  Aliments 
(Paris,  4875,  in-46)  et  quelques  mémoires  originaux  d'en- 
tomologie parus  dans  les  Comptes  rendus  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris  (4850-52)  et  dans  Revue  et  Ma- 
gazin  de.zoologie  (4850).  L.  S. 

Bibl.  :  Le  Temps,  n°  du  29  sept.  1890. 

FOGKEDEY  (Jean-Jacques),  homme  politique  français, 
né  à  Dunkerque  le  45  févr.  4758,  mort  à  Marcq-en-Barœul 
le  42  mai  4853.  D'une  famille  d'origine  anglaise,  il  se  fit 
recevoir  docteur  es  arts  à  Douai,  puis  docteur  en  médecine 
à  Montpellier  et  exerça  la  profession  de  médecin  à  Dun- 
kerque. Député  du  Nord  à  la  Convention,  il  y  siégea  parmi 
les  modérés  et,  dans  le  procès  de  Louis  XVI,  vota  pour  la 
détention.  Le  3  avr.  4793,  il  donna  sa  démission,  se  retira 
à  Dunkerque  où  il  fut  arrêté  le  2  frimaire  an  II,  et  remis 
quelques  semaines  après  en  liberté.  Le  reste  de  sa  vie 
s'écoula  dans  l'obscurité.  On  a  publié  d'intéressants  extraits 
de  ses  mémoires  dans  les  Documents  pour  servir  à  l'his- 
toire de  la  Révolution,  par  Ch.  d'Héricault  et  Gustave 
Bord  (Paris,  4885,  in-8,  2e  série).  F.-A.  A. 

FOCO MÈTRE.  C'est  un  instrument  destiné  à  mesurer 
la  distance  focale  principale  d'une  lentille  ;  il  a  été  ima- 
giné par  Silbermann  et  il  est  fondé  sur  le  principe  sui- 
vant :  lorsqu'un  objet  se  trouve  situé  à  une  distance  d'une 
lentille  convergente  égale  au  double  de  sa  distance  focale 
principale,  son  image,  située  à  une  distance  de  la  lentille 
égale  à  la  précédente,  a  exactement  les  mêmes  dimensions 
que  l'objet.  Le  focomètre  de  Silbermann  se  compose  d'une 
règle  divisée  sur  laquelle  peuvent  glisser  deux  petits  cercles 
*de  verre  dépoli  portés  par  des  pieds.  Sur  chacun  de  ces 
cercles  se  trouve  tracé  un  diamètre  horizontal  qui  les  divise 
en  parties  égales  \  la  partie  supérieure  de  l'un  porte  une 
division  en  traits  équidistants,  tandis  que  la  partie  infé- 
rieure de  l'autre  porte  une  division  exactement  semblable 
dont  les  traits  ont  même  écartement  que  ceux  de  l'autre. 
Entre  ces  deux  verres  dépolis,  dont  l'un  va  jouer  le  rôle 
d'objet  et  l'autre  d'écran,  on  place  la  lentille  que  l'on 
étudie  ;  l'image  de  la  première  graduation  se  fait  sur  la 
seconde,  et,  lorsqu'elles  sont  confondues,  l'objet  et  l'image 
ont  même  grandeur  ;  on  écarte  les  deux  verres  dépolis  de 
part  et  d'autre  de  la  lentille,  de  façon  que  l'on  obtienne 
ce  résultat.  Lorsqu'il  est  atteint,  la  distance  des  deux  verres 
dépolis  est  le  quadruple  de  la  distance  focale  cherchée.  Le 
verre  dépoli  servant  d'objet  est  fortement  éclairé  par  une 


lampe  ;  souvent  on  interpose  une  lentille  entre  les  deux 
pour  éclairer  la  division  d'une  façon  plus  uniforme,  et  l'on 
regarde  le  second  verre  dépoli  à  l'aide  d'une  loupe  qui 
permet  d'apprécier  avec  plus  d'exactitude  la  coïncidence  des 
deux  divisions.  On  peut  employer  cet  instrument  pour  la 
mesure  de  la  distance  focale  principale  des  lentilles  diver- 
gentes. Pour  cela,  à  la  lentille  divergente  que  l'on  étudie,  on 
en  ajoute  une  autre  convergente  de  distance  focale  prin- 
cipale connue  ou  que  l'on  mesure  comme  on  vient  de  le 
voir  ;  cette  lentille  doit  être  telle  que  l'ensemble  qu'elle 
forme  avec  la  lentille  divergente  soit  convergent  ;  à  l'aide 
du  focomètre,  on  mesure  la  distance  focale  <p  de  ce  sys- 
tème, les  deux  lentilles  se  touchant,  ce  qui  est  possible, 
puisque  le  système  est  convergent.  Si  l'on  désigne  par  fia 
distance  focale  principale  de  la  lentille  convergente  et  par 
x  celle  de  la  lentille  divergente,  on  déduit  cette  dernière 
delà  relation/*—  x  =z 9.  A.  Joannis. 

FOCSANI.  Ville  de  Roumanie,  sur  le  Milcov,  district  de 
Putna,  dép.  de  Gurile-Bilesci  ;  20,000  hab.  Préfecture, 
lycée,  24  églises.  Les  Russes  y  furent  battus  par  les  Turcs 
le  34  juin  4789. 

FODDA  (Oued).  Rivière  d'Algérie,  qui  prend  sa  source 
au  S.-O.  de  Teniet-el-Hâd,  passe  au  pied  de  la  haute  cime 
de  POuarensenis  proprement  dit  (4,985  m.),  serpente  à 
travers  des  gorges  profondes  et  pittoresques,  baigne  le 
centre  de  FOued-Fodda  et  se  jette  dans  le  Chélif  par  la  rive 
gauche,  après  un  cours  d'environ  400  kil.  La  rivière,  ayant 
une  masse  énorme  d'eau  en  hiver  et  même  à  l'étiage 
748  litres  par  seconde,  on  a  commencé  à  faire  à  la  sortie 
des  gorges  un  grand  barrage-réservoir  pouvant  retenir 
45  millions  de  m.  c.  et  permettre  d'irriguer  la  plaine  sur 
une  vaste  étendue.  Un  sanglant  combat,  dit  de  l'Oued- 
Fodda,  a  été  livré  par  Changarnier  le  46  sept.  4842  aux 
Beni-bou-Khamous.  E.  Cat. 

FODÉRÉ  (François-Emmanuel),  médecin  français,  né  à 
Saint- Jean-de-Maurienne  (Savoie)  le  8  janv.  4764,  mort 
à  Strasbourg  le  4  févr.  4835.  Il  étudia  à  Turin,  puis  ser- 
vit dans  l'armée  française  pendant  la  campagne  d'Italie  ; 
en  4844,  il  fut  nommé  au  concours  professeur  de  médecine 
légale  et  d'hygiène  à  l'Ecole  de  médecine  de  Strasbourg. 
Fodéré  a  laissé  une  trace  géniale  dans  la  science  ;  il  peut 
être  considéré  comme  le  fondateur  de  la  médecine  légale. 
Une  statue  lui  a  été  érigée  dans  sa  ville  natale.  Ouvrages 
principaux  :  Traité  du  goitre  et  du  crétinisme  (Turin, 
4789,  in-8  ;  Paris,  4800,  in-8);  les  Lois,.,  ou  Traité 
de  médecine  légale  et  d'hygiène  publique  (Paris,  4798, 

3  vol.  in-8  ;  Paris,  4845,  6  vol.  in-8)  ;  Essai  de  phy- 
siologie positive  (Avignon,  4806,  3  vol.  in-8)  ;  Traité 
du  délire  (Paris,  4847,  2  vol.  in-8)  ;  Leçons  sur  les 
épidémies  et  V hygiène  publique  (Strasbourg,  4822-24, 

4  vol.  in-8)  ;  Essai  historique  et  pratique  de  pneuma- 
tologie  humaine  (Strasbourg,  4829,  in-8),  etc. 

FODLI.  Tribu  arabe  du  Hadhramaout,  a  FE.  de  la  baie 
de  Seilân;  46,000  hab. 

FOE  (Daniel  de)  (V.  Defoe). 

FOÉGY.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Bourges,  cant. 
de  Mehun-sur-Yèvre  ;  4,745  hab. 

FŒHN  (Météor.).  On  appelle  ainsi,  en  Suisse,  un 
vent  tempétueux,  sec  et  brûlant,  qui,  vers  la  fin  de 
l'hiver  et  le  début  du  printemps,  descend  des  sommets 
dans  les  vallées,  éveillant  les  torrents  et  faisant  crouler 
les  avalanches.  C'est  lui  qui  débarrasse  les  hautes  vallées 
de  leurs  neiges  :  «  Sans  le  fœhn,  dit  un  proverbe  des  Gri- 
sons, le  bon  Dieu  ni  le  soleil  d'or  n'y  peuvent  rien.  »  Il 
coïncide  toujours  avec  une  baisse  notable  du  baromètre. 
Ce  paradoxe  d'un  vent  très  chaud  descendant  de  sommets 
glacés  a  vivement  excité  la  curiosité  des  savants.  On  a  voulu 
y  voir  un  contre-courant  supérieur  de  l'alizé  de  N.-E.  ou 
un  vent  chaud  dévié  du  Sahara  ;  ces  deux  opinions  sont 
insoutenables.  L'explication  de  M.  Hann  est  bien  plus  près 
de  la  réalité  :  un  vent  de  S.-O.,  appelé  par  le  centre  d'une 
dépression  barométrique,  monte  le  versant  S.  des  Alpes, 
par  conséquent  se  dilate,  se  refroidit  et  dépose  son  humi- 


—  671   — 


FOEHN  -  FOERSTER 


dite  ;  en  descendant  le  versant  opposé,  il  se  condense  et, 
comme  il  est  plus  sec,  il  devient  plus  chaud-  qu'il  n'était 
avant  l'ascension.  Cette  explication,  d'accord  avec  la  théorie 
mécanique  de  la  chaleur,  est  excellente  pour  la  partie  essen- 
tielle du  phénomène.  Reste  à  rendre  compte  de  ce  double 
l'ait  que  le  fœhn  souffle  d'ordinaire  en  tempête  et  qu'il  com- 
mence par  se  montrer  (grâce  aux  lambeaux  de  nuages  en- 
traînés) fort  au-dessus  des  montagnes  pour  descendre  ensuite 
jusqu'aux  sommets,  puis  jusqu'aux  vallées  :  cela  ne  peut 
s^expliquer  que  par  l'existence  d'un  tourbillon  violent  qui 
planerait  en  ce  moment-là  dans  les  régions  moyennes  de 
l'atmosphère  et  qui,  n'étant  pas  horizontal,  abaisserait  gra- 
duellement vers  la  terre  son  quadrant  de  vents  de  S.-O.  Le 
fœhn  est  un  vent  chaud  de  la  même  famille  que  le  sirocco, 
le  simoun,  le  khamsin,  l'harmattan,  le  pampero  ;  on  le 
retrouve,  sous  d'autres  noms,  dans  tous  les  déserts, 
parfois  aussi  dans  les  pays  à  riche  végétation  tels  que 
l'Inde,  et  jusqu'en  Islande.  E.  Durand-Gréville. 

FŒHR.  Ile  de  la  mer  du  Nord,  sur  la  côte  0.  du  Sles- 
vig;  72  kil.  q.;  4,200  hab.  Longue  de  43  kil.,  large  de  8, 
protégée  par  les  îles  de  Sylt  et  d'Amrum,  elle  a  peu  souf- 
fert de  la  mer.  Elle  est  partagée  par  moitié  entre  les  ma- 
rais et  le  terrain  sec,  tous  deux  très  fertiles.  La  population, 
de  race  frisonne,  est  très  énergique  ;  le  cabotage,  la  pêche, 
l'élevage  des  huîtres,  la  chasse  aux  oiseaux,  sont  des  res- 
sources notables.  Le  chef-lieu  est  Wyk. 

Bibl.  :  Wergelt,  Die  nordfriesischen  Insein;   Ham- 
bourg, 1873, 2«  éd. 

FŒ1L  (Le).  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Saint-Brieuc,  cant.  de  Quintin;  1,520  hab. 

FŒ-1SPAN.  Nom  magyar  du  premier  magistrat  de 
chaque  comitat  de  Hongrie,  en  allemand  Obergespann.  Le 
mot  paraît  venir  du  slave  joïipan. 

FŒLDVÂR.  Nom  qui  signifie  forteresse  de  terre,  et 
qui  appartient  à  plusieurs  villages  de  Hongrie  :  Tisza- 
Fœldvâr,  Iasz-Fœldvâr,  Duna-Fœldvâr. 

FŒLSING,  pédagogue  allemand,  né  en  1816,  mort  le 
18  juil.  1882.  Elève  de  l'Ecole  normale  de  Friedberg,  ins- 
tituteur à  l'école  de  la  garnison  de  Darmstadt  (1843),  il 
créa  un  institut  pour  former  des  institutrices  spécialement 
destinées  à  l'enseignement  des  tout  petits  enfants.  Cet  ins- 
titut, de  1843  à  1880,  a  fourni  plus  de  600  maîtresses 
d'école  à  l'Allemagne  du  Sud.  Fœlsing  n'admettait  pas  la 
théorie  de  Frœbel  où,  d'après  lui,  le  jeu  avait  une  part  trop 
considérable;  son  enseignement  était  borné,  mais  essentiel- 
lement pratique,  et  il  fit  faire  un  progrès  considérable  à 
l'instruction  élémentaire  en  transformant  en  véritables 
écoles  les  anciennes  garderies. 

FO EN  E  (Pèche).  Cet  engin  consiste  en  un  harpon  en  fer 
à  plusieurs  branches,  emmanché  d'une  longue  perche  et  re- 
tenu à  la  main  par  une  cordelette  ;  il  sert  à  transpercer  le 
poisson.  La  foëne  change  de  forme  suivant  les  pays  ;  l'en- 
gin typique  consiste  en  une  fourchette  à  plusieurs  dents 
barbelées  ;  en  certains  points  des  côtes  de  Bretagne,  on  se 
sert  d'un  trident  ;  la  foëne  en  lance,  à  une  seule  dent,  est 
parfois  employée  par  les  pêcheurs  de  la  Méditerranée  ;  en 
Norvège,  la  foëne  à  anguilles  se  compose  d'un  grand 
nombre  de  dents  peu  espacées  et  terminées  en  crochet  à 
leur  extrémité  ;  dans  les  pays  Scandinaves,  on  emploie 
une  foëne  composée  de  dents  assemblées  en  cercle,  for- 
mant comme  un  bouquet  ;  pour  la  pêche  des  poissons  plats, 
on  se  sert  dans  les  mers  de  Norvège  du  plomb-foëne,  engin 
qui,  comme  son  nom  l'indique,  consiste  en  un  plomb  de 
sonde  à  chaque  angle  duquel  se  trouve  une  pointe  barbe- 
lée. En  France,  la  foëne  est  principalement  employée  dans 
la  Méditerranée  pour  la  pêche  des  anguilles  dans  les  étangs 
salés,  et  pour  la  pêche  au  feu,  en  mer,  du  commencement 
de  mai  à  fin-octobre  ;  l'engin  ne  doit  pas  avoir  plus  de 
sept  dents  écartées  les  unes  des  autres  de  25  millim. 

FŒNUM  Gr^cum  (Bot.).  Nom  spécifique  de  la  Trigo- 

nelle  fenu-grec,  vulgairement  Fenu-grec  (V.  Trigonelle). 

FŒNUS  (Fœnus  Fabr.)  (Entom.).  Genre  d'Hyménop- 


tères-Térébrants,  delà  famille  desEvaniides,  dont  les  repré- 
sentants sont  caractérisés  par  le  corps  long  et  étroit,  les 
antennes  courtes  et  épaisses,  le  prothorax  rétréci  en  forme  de 
cou,  les  pattes  postérieures  fortement  élargies  à  l'extré- 
mité et  l'abdomen  allongé,  terminé  par  une  tarière  très 
longue.  L'espèce  type,  F.  jaculatorL.,  est  répandue  dans 
toute  l'Europe  ;  elle  vit  en  parasite  dans  les  nids  d'Hymé- 
noptères mellifères,  notamment  de  VOsmia  bicornis  Latr. 
Une  autre  espèce,  F.  affectator  Fabr.,  a  été  rencontrée 
dans  les  nids  de  VOsmia  tridentata  L.  Ed.  Lef. 

FŒRE  (Léon  de),  homme  politique  et  publiciste  belge, 
né  à  Thielt  en  1787,  mort  à  Bruges  en  1851.  Il  devint 
prêtre  en  1810  et,  dès  1815,  fonda  à  Bruges  le  Specta- 
teur belge,  excellente  revue  encyclopédique,  destinée  à 
réveiller  l'esprit  national.  Un  groupe  de  jeunes  gens  dis- 
tingués y  publia  des  travaux  très  remarqués  sur  la  philo- 
sophie, la  linguistique,  l'histoire  et  bientôt  sur  les  affaires 
intérieures  du  royaume  des  Pays-Bas.  Ces  articles  politiques 
brouillèrent  de  Fœre  avec  le  gouvernement  hollandais  et,  en 
1817,  il  fut  poursuivi  «  pour  avoir  provoqué  à  la  révolte 
contre  le  roi  ».  Malgré  ses  énergiques  protestations,  il  fut 
condamné  à  deux  ans  de  prison  par  un  tribunal  extra- 
ordinaire. En  1830,  les  électeurs  de  Bruges  se  souvinrent 
de  cet  abbé  qui  avait  si  vaillamment  donné  l'exemple  de 
la  résistance  légale,  et  ils  l'envoyèrent  au  Congrès.  De  Fœre 
défendit  dans  cette  assemblée  les  mesures  les  plus  libérales 
et  préconisa  éloquemment  l'alliance  de  la  religion  et  de  la 
liberté.  C'est  lui  qui  conduisit  à  Londres  la  députation 
chargée  d'offrir  la  couronne  de  Belgique  au  prince  Léo- 
pold  de  Saxe-Gobourg  (V.  ce  nom).  Après  la  dissolution 
du  Congrès,  il  siéga  pendant  dix-huit  ans  à  la  Chambre 
des  représentants  et  y  professa  toujours  les  doctrines 
unionistes  d'où  était  sortie  la  révolution  de  1830.  E.  H. 
Bibl.:  Huyttens  de  Terbeco,  Discussions  du  Congrès 
national  de  Belgique  ;  Bruxelles,  1844,  5  vol.  in-4.—  Ttio- 
imissen,  Histoire  du  règne  de  Léopold  Ier;  Louvain,  1861, 
3  vol.  in-8.  —  T.  Juste,  Histoire  de  la  révolution  belge  de 
1830;  Bruxelles,  1872,  2  vol.  in-8.  —  L.  Hymans,  Histoire 
parlementaire  de  la  Belgique  ;  Bruxelles,  1878-1882,  5  vol. 

FŒRNER  (Christian),  facteur  d'orgues  allemand,  né  à 
Wettin  en  1610,  mort  à  Wettin  en  1678.  Il  construisit 
plusieurs  orgues,  dont  deux  existent  encore,  à  Halle  et  à 
Weissenfels.  On  le  regarde  comme  l'inventeur  de  la  ba- 
lance pneumatique. 

FOERSOM  (Peter-Thun),  acteur  et  écrivain  danois,  né 
à  OEster-Lindet  (diocèse  de  Ribe)  le  20  févr.  1777,  mort 
à  Aarhus  le  24  janv.  1817.  Il  quitta  l'enseignement  pour 
le  théâtre  (1798),  où  son  zèle  pour  l'art,  son  intelligence 
des  rôles,  sa  mimique  et  sa  diction  parfaite  le  firent  appré- 
cier dans  plusieurs  pièces  de  Shakespeare  et  d'Oehlenschlae- 
ger  et  en  général  dans  les  comédies  de  caractère.  On  lui  doit 
une  remarquable  traduction  en  vers  de  diverses  Tragédies 
de  Shakespeare  (Copenhague,  1807-16,  4  vol.  in-8  ;  conti- 
nuée par  P.-F.  Wulff,  t.  V-IX,  1 81 8-25  ;  nouv.  éd. ,  1845-51 , 
11  vol.)  ;  des  Poésies,  publiées  d'abord  dans  des  calen- 
driers et  des  revues,  mais  réunies  après  sa  mort  (Digte, 
1818,   2  vol.,  avec  son  portrait  et  sa  biographie,  par 
OEllgaard)  ;  des  recueils  d'Anecdotes  (1812)  et  de  mor- 
ceaux de  Lecture  (1812,  1813-14  ;  3e  éd.,  1839),  et  des 
remarques  Sur  les  Collections  de  mots  patois,  de  cou- 
tumes,  de  particularités  et  de  superstitions  jut landaises 
(édition  posthume  par  Chr.  Molbech,  1820).  — •  Il  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  son  homonyme  Christen-Martin 
Foersom,  né  à  Odense  le  7  août  1794,  mort  le  2  déc.  1850, 
également  acteur  distingué  qui  parut  dans  trois  cents  rôles, 
parlés  et  chantés,  surtout  comiques  et  burlesques.      B-s. 
FŒRSTER  (Friedrich),  écrivain  allemand,  né  à  Miin- 
chengrosserstadt  le  24  sept.  4791,    mort    à  Berlin   le 
8  nov.  1868.  Engagé  volontaire,  puis  officier  en  1813.  Ses 
poésies  patriotiques  le  firent  connaître  ;  révoqué  pour  un 
article  libéral  en  1817,  il  entra  dans  le  journalisme.  Ses 
poésies  ont  été  réunies  (Berlin,  1838,  2  vol.).  On  cite  en- 
core son  drame  historique,  Gustav-Adolf  (Berlin,  1832), 
une  continuation  du  Peter  Schlemihl  de  Chamisso  (Leipzig, 


FOERSTER 


—  672-— 


1849,  2e  éd.)  ;  plusieurs  ouvrages  historiques  :  Der  Feld- 
marschall  Blûcher  und  seine  Umgebungen  (Leipzig, 
4821,  2e  éd.);  Friedrichs  der  Grossen  Jugendjahre 
Bildung  and  Geist  (Leipzig,  1822);  Albrecht  von  Wal- 
lenstein  (Berlin,  1828-29,  3  vol.);  Preussens  Eelden 
im  Krieg  und  Frieden,  Die  Hœfe  undKabinette  Europas 
im  XVHlten  Jahrh.  (Berlin,  1836-39,  3  vol.),  etc. 

FŒRSTER  (Christian-Friedrich-Ludwig),  architecte  alle- 
mand, né  à  Baireuth  le  8  oct.  1797,  mort  aux  bains  de 
Gleichenberg,  en  Styrie,  le  16  juin  1863.  Fils  de  Chris- 
tophe Fœrster,  inspecteur  des  forêts  et  ingénieur  en  chef 
des  principautés  d'Ansbach  et  de  Baireuth,  qu'il  eut  le 
malheur  de  perdre  en  1809,  une  fois  ses  études  termi- 
nées au  gymnase  d'Ansbach,  il  alla  à  l'Académie  de  Mu- 
nich, en  1816,  et  y  commença  l'architecture  ;  puis,  après 
deux  ans  de  séjour,  se  rendit  à  Vienne,  au  printemps  de 
184  8,  et  s'y  fixa  désormais,  ayant  trouvé  dans  Peter  No- 
bile,  directeur  des  travaux  d'architecture  à  l'Académie,  un 
chaud  protecteur.  Nommé  par  lui  correcteur  d'architecture, 
il  garda  cette  place  jusqu'en  1826,  puis  se  lança  dans 
diverses  entreprises  industrielles,  publia  quelques  livres 
(ldeen  ilber  dussere  architektonische  Ornamentik; 
Sammlung  von  Eandzeichnungen  alter  Meister  aus 
der  Albertina  in  Wien),  et  enfin,  en  1836,  réalisant  un 
projet  qu'il  rêvait  depuis  longtemps,  fonda  une  revue  spé- 
ciale d'architecture,  YAllgemeine  Bauzeitung ,  qu'il  a 
dirigée  jusqu'à  sa  mort,  et  qui  lui  donna  une  grande  im- 
portance en  Allemagne  et  à  l'étranger.  C'est  en  quelque 
sorte  l'œuvre  maîtresse  de  sa  vie.  De  1843  à  1846,  il  fut 
professeur  d'architecture  à  l'Académie  de  Vienne.  Les 
dignités,  les  honneurs  lui  furent  prodigués.  Mis  à  la  tête 
de  l'Association  des  ingénieurs  autrichiens  en  1855,  Fôrster 
a  beaucoup  contribué  par  sa  parole  et  ses  écrits  aux  em- 
bellissements et  à  l'agrandissement  actuel  de  Vienne.  Son 
plan  avait  été  parmi  les  trois  couronnés  en  1858.  Comme 
architecte,  il  a  construit  l'église  protestante  de  Gum- 
pendorf  (faubourg  de  Vienne),  celle  du  quartier  de  Ma- 
riahilf  à  Vienne  (1849),  la  synagogue  de  Leopoldstadt 
(1858),  le  pont  Elisabeth  (1854),  la  fabrique  d'armes  et  les 
ateliers  de  canons  à  l'Arsenal,  oii  il  collabora  avec  son  gendre 
Hansen  (1849-55),  sans  compter  grand  nombre  de  maisons 
particulières,  depuis  la  maison  Pereira  et  l'hôtel  Daum 
(1842),  jusqu'à  la  maison  Todesko  et  le  bazar  du  Haar- 
markt  (1863).  Ses  constructions  sont  généralement  dans 
le  style  de  la  Renaissance  italienne  et  d'effet  somptueux. 

FŒRSTER  (Ernst-Joachim), peintre  et  écrivaind'art  alle- 
mand, né  à  Mùnchengrosserstadt  sur  la  Saale  (Saxe)  le 
8  avr.  1800,  mort  à  Munich  le  29  avr.  1885,  frère  de 
Friedrich  Fœrster  (V.  ci-dessus).  Il  se  voua  d'abord  à 
l'archéologie,  fréquenta  les  universités  d'Iéna  (1818)  et 
de  Berlin  (1819),  où  une  dissertation  de  lui,  De  Expe- 
ditione  Bacchi,  fut  couronnée  en  1822.  Cependant, 
l'instinct  de  l'art  le  tourmentait  déjà.  Il  étudia  à  Berlin 
sous  Zimmermann  et  W.  Schadow,  puis  à  Dresde,  enfin  à 
Munich  entra  dans  l'école  de  Cornélius  en  1823.  Ce  fut  le 
fait  décisif  de  sa  carrière  de  peintre,  du  reste  peu  prolongée. 
Il  travailla  sous  la  direction  du  maître  aux  fresques  de  la 
Glyptothèque  ;  puis,  sous  celle  d'Hermann,  à  la  fresque  de 
la  Théologie,  dans  Faula  de  l'Université  de  Bonn  (1824-25). 
Quelques-unes  des  peintures  consacrées  à  l'histoire  du  peuple 
allemand,  sous  les  arcades  du  Hofgarten,  à  Munich,  sont 
également  de  lui  (1828).  Son  alliance  avec  la  famille  de 
Jean-Paul,  dont  il  avait  épousé  la  fille,  le  ramena  aux  tra- 
vaux littéraires.  Il  mit  en  ordre  les  manuscrits  laissés  par 
son  beau-père,  et  publia  divers  écrits  posthumes  de  sa  main 
ou  ouvrages  le  concernant  :  ainsi,  sa  Correspondance  avec 
Otto  ;  Wahrheit  aus  Jean-PauVs  Leben,  dont  il  continua 
la  publication  après  la  mort  du  premier  éditeur  (Breslau, 
1826-33)  ;  Politische  Nachklânge  von  Jean-Paul  (Hei- 
delberg,  1832)  ;  Jean-PauVs  literarischer  Nachlass 
(Berlin,  1836-38,  5  vol.)  ;  enfin,  plus  tard,  Denkwilr- 
digkeiten  aus  Jean-PauVs  Leben  (1863).  Entre  temps, 
des  voyages  répétés  en  Italie  l'inclinent  de  plus  en  plus 


vers  les  études  d'art.  Chargé,  en  1832,  par  le  prince  héri- 
tier Maximilien  de  Bavière  d'y  recueillir  tout  ce  qu'il  pour- 
rait de  dessins  d'après  des  œuvres  inédites  de  peinture  ou 
de  sculpture  du  moyen  âge,  il  amassa  ainsi  d'innombrables 
matériaux  pour  ses  écrits  futurs.  A  son  retour,  en  1833,  il 
reprend  encore  une  fois  le  pinceau  pour  exécuter,  d'après 
les  cartons  de  Kaulbach,  des  peintures  à  fresque  ou  à  l'en- 
caustique dans  les  appartements  de  la  reine,  au  Konigsbau 
ou  nouveau  palais  de  Munich.  On  lui  doit  également  quelques 
tableaux  à  l'huile  :  la  Grèce  délivrée;  Giotto  et  Cimabue; 
Portraits  du  duc  d'Altenburg,  de  la  duchesse  et  de 
leurs  enfants. 

Mais  c'est  surtout  comme  écrivain  d'art  qu'il  s'est  fait 
un  nom.  Il  commence  par  décrire  lui-même  les  peintures 
du  bâtiment  où  il  a  collaboré  :  Leitfaden  zur  Betrachtung 
der  Wand-und  Deckenbilder  des  neues  Kônigsbaues 
in  Milnchen  (Munich,  1834).  Viennent  ensuite  les  Bei- 
trage  zur  neueren  Kunstgeschichte  (Leipzig,  1835),  qui 
lui  valent  le  titre  de  doctor  philosophiœ  à  l'Université  de 
Tubingue.  En  1837,  il  découvre  les  intéressantes  fresques 
d'Altichieri  et  de  Jacopo  d'Avanzi,  dans  la  chapelle  Saint- 
Georges  de  Padoue,  et,  après  les  avoir  restaurées,  publie 
sur  les  peinturés  de  cette  chapelle  un  ouvrage  important 
avec  gravures  :  Die  Wandgemâlde  der  Saint-Georgenka- 
pelle  zu  Padua  (Berlin,  1841  ;  traduction  italienne,  1846). 
Les  livres  d'art  se  succèdent  nombreux  à  partir  de  cette 
époque.  Citons  parmi  les  principaux  :  Briefe  ùber  Malerei 
in  Bezug  auf  die  Gemâldesammlungen  zu  Berlin, 
Dresden  und  Milnchen  (Stuttgart,  1838)  ;  Milnchen,  ein 
Eandbuch  fur  Fremde  und  Einheimische  (Munich, 
1838  ;  nombreuses  éditions  et  traduction  française)  ;  Eand- 
buch fur  Reisende  in  Italien  (Munich,  1840;  nombreuses 
éditions  ;  traduction  française)  ;  Eandbuch  fur  Reisende 
in  Deutschland  (Munich,  1847  ;  2e  éd.,  1852)  ;  GenelWs 
Umrisse  zum  Eomer  mit  erlâuterndem  Text  (Stuttgart, 
1844)  ;  Joh.  Georg  Mutiler,  ein  Dichter-und  Kûnstler- 
leben  (Saint-Gall,  1851)  ;  la  Geschichte  der  deutschen 
Kunst,  un  excellent  livre  de  vulgarisation  (Leipzig,  1851- 
1860,  5  vol.  avec  gravures,  dont  les  deux  derniers  ont  paru 
également  séparés  sous  le  titre  de  Geschichte  der  neuen 
deutschen  Kunst;  Leipzig,  1863)  ;  Leben  und  Werke  des 
Fra  Beato  Angelico  da  Fiesole  (Ratisbonne,  1859)  ;  Ver- 
mischte  Scriften  (Munich,  1862)  ;  Reise  durch  Belgien 
nach  Paris  und  Burgund  (Leipzig,  1865)  ;  Rafaël,  sein 
Leben  und  seine  Werke  (Leipzig,  1867-69,  2  vol.); 
Geschichte  der  italienischen  Kunst  (Leipzig,  1869-78, 

5  vol.)  ;  Denkmale  der  italienischen  Malerei  (Leipzig, 
1869-82,  4  vol.)  ;  Peter  von  Cornélius  (Berlin,  1874, 
2  vol.);  Peter  von  Cornélius'  Entwurfzu  den  Fresken 
derLoggien  der  Pinakothekzu  Milnchen  (Leipzig,  1874, 
avec  grav.).  Un  de  ses  ouvrages  les  plus  considérables 
est  Denkmale  der  deutschen  Baukunst,  Bildnerei 
und  Malerei  (Leipzig,  1855-69, 12  vol.  in-fol.),  précieux 
pour  la  suite  nombreuse  de  gravures  qu'ils  contiennent.  Il 
en  existe  une  traduction  française  moins  complète  et  autre- 
ment disposée  (Paris,  Renouard).  Collaborateur  de  la  Kunst- 
blatt,  de  YAllgemeine  Zeitung  et  de  beaucoup  d'autres 
journaux  ou  revues  d'art  allemands  ou  étrangers,  il  a,  dans 
une  vie  très  activement  occupée  et  remplie,  produit,  outre 
ses  livres,  une  quantité  innombrable  d'articles.  On  lui  doit 
une  traduction  allemande  de  Vasari  (Stuttgart,  1843-49, 

6  vol.).  Son  rôle  fut  de  premier  ordre  en  histoire  de  l'art, 
dans  la  génération  des  Schorn,  des  Kugler  et  des  Waagen,  et 
mérite  encore  aujourd'hui  considération.     Paul  Leprieur. 

FŒRSTER  (Heinrich),  prince-évêque  de  Breslau,  né  à 
Grossglogau  le  24  nov.  1800,  mort  à  Johannisberg  (Au- 
triche^ le  6  oct.  1875.  Prédicateur  remarquable  et  cham- 
pion déclaré  de  l'orthodoxie  romaine,  député  au  parlement 
de  Francfort,  il  devint,  en  1853,  évêque  de  Breslau.  Il 
fut  un  instrument  aux  mains  des  jésuites  et  des  ultra- 
montains  menacés  en  Silésie  par  le  mouvement  catholique 
allemand.  Il  sévit  contre  Baltzer.  Cependant,  au  concile  du 
Vatican,  il  vota  contre  le  dogme  de  l'infaillibilité  et  signa 


—  673  — 


FOERSTER  —  FOETUS 


la  protestation  du  17  juil.  1870.  Il  se  soumit  bientôt  et 
censura  la  faculté  de  théologie  catholique  de  Breslau  qui 
résistait.  Au  moment  de  la  lutte  contre  les  lois  de  Mai,  il 
excommunia  les  prêtres  qui  se  soumettaient  à  l'Etat.  Les 
démonstrations  ultramontaines  dont  son  jubilé  de  prêtrise 
(17  avr.  1875)  fut  l'occasion  le  firent  poursuivre  ;  il  se 
réfugia  à  Johannisberg,  dans  la  partie  autrichienne  de  son 
diocèse,  et  fut  déposé  pour  la  Silésie  prussienne,  le  6  oct. 
1875.  Ses  sermons  ont  été  réunis  (Kanzelvortrœge; 
Breslau,  1854,  6  vol.). 

Bibl.  :   Franz,   Heinrich   Fœrster,  F ùrstbischof  von 
Breslau  ;  Breslau,  1875. 

FŒRSTER  (August),  anatomo-pathologiste  allemand, 
né  à  Weimar  le  8  juil.  1822,  mort  à  Wurtzbourgîe  15  mars 
1865.  Privat-docent  à  Iéna  (1849),  professeur  extraordi- 
naire à  Gottingue  (1852),  il  obtint  en  1858  la  chaire 
d'anatomie  pathologique  à  Wurtzbourg  et  enrichit  les  col- 
ection  de  cette  université.  L'anatomie  et  l'histologie  patho- 
logique et  la  tétratologie  lui  sont  redevables  de  grands  pro- 
grès. Fœrster  a  été  en  quelque  sorte  le  médiateur  entre  les 
écoles  de  Berlin  et  de  Vienne,  entre  Virchow,  représentant 
de  la  pathologie  cellulaire,  et  Rokitansky,  dont  les  descrip- 
tions se  bornaient  trop  aux  caractères  macroscopiques.  Ses 
publications  sont  très  nombreuses  ;  citons  seulement  :  Lehr- 
buch  der  pathol.  Anatomie  (Iéna,  1850,  in-8,  et  nom- 
breuses édit.  ;  trad.  fr.,  par  Kaula;  Strasbourg,  1853, 
in-8)  ;  Atlas  mikroskop.  pathol.  Anatomie  (Leipzig, 
1854-59,  gr.  in-4)  ;  Die  Missbildungen  des  Menschen^ 
avec  atlas  (Iéna,  1861,  gr.  in-4)  ;Handb.  derpatholog. 
Anatomie  (Leipzig,  1854-58,  et  autres  édit.).  Dr  L.  Hn, 

FŒRSTER  (Wilhelm),  astronome  allemand,  né  à 
Grtinberg  (Silésie)  le  16  déc.  1832.  Elève  d'Argelander, 
il  a  été  de  1855  à  1865  astronome  adjoint  à  l'observa- 
toire de  Berlin.  Depuis  la  mort  d'Encke,  il  dirige  cet 
établissement  ainsi  que  la  publication  de  YAstrono- 
mischeJahr buch.  Ses  travaux,  qui  ont  plus  particulière- 
ment porté  sur  les  petites  planètes,  dont  il  a  donné  des 
éphémérides,  sur  les  comètes,  sur  les  aurores  boréales,  et 
aussi  sur  la  réorganisation  et  l'unification  des  poids  et 
mesures  en  Allemagne,  ont  paru,  sous  forme  de  mémoires, 
dans  les  Astronomische  Nachrichten,  dans  le  Berliner 
astronom.  Jahrbuch  et  dans  quelques  autres  recueils  scien- 
tifiques. Il  a  en  outre  publié  à  part  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages :  Keppler  und  die  Harmonie  der  Sphdren  (Berlin, 
4862,  in-8)  ;  Metronomischen  Beitrdgen  (Berlin,  1870- 
82)  ;  Die  unverânderlichen  Tafeln  des  astronomischen 
und  chronolog.  Theils  des  preussischen  Normalkalen- 
ders  (Berlin,  4  872 à  4879,  in-8)  ;  Wahrheitund  Wahr- 
scheinlichkeit  (Berlin,  1875, in-8);  Sammlung  ivissen- 
schaftlicher  Vortràge  (Berlin,  1876,  in-8);  Sammlung 
populàrer astronomischer  Mittheilungen  (Berlin,  1878, 
m-8;  2e  éd.,  1884)  ;  Alex,  von  Humboldt  (Berlin,  1883, 
in-8);  Ortszeit  und  Weltzeit  (Berlin,  1884,  in-8); 
Sammlung  von  Vortrâgen  und  Abhandlungen  (Berlin, 
1886-87,  2  vol.  in-8);  Studienzur  Astrometrie  (Berlin, 
1888,  in-8),  etc.  L.  S. 

FŒRSTER  (Wendelin),  philologue  allemand,  né  en 
Bohême  en  1844.  Etudiant  à  l'université  de  Vienne, 
M.  W.  Fœrster  s'occupa  d'abord  de  philologie  latine,  mais 
ne  tarda  pas  à  se  tourner  vers  la  philologie  romane.  Une 
bonne  édition  d'un  ancien  roman  français,  Richars  li  Biaus, 
attira  l'attention  sur  lui  et  lui  valut  la  place  de  professeur 
extraordinaire  à  l'université  de  Prague  (1874),  puis  la  suc- 
cession de  l'illustre  Friedrich  Diez  à  l'université  de  Bonn, 
où  il  enseigne  actuellement.  M.  W.  Fœrster  a  fondé  en 
1879  YAltfranzœsische  Bibliotek,  où  ont  paru  sous  sa 
direction,  et  parfois  par  ses  soins,  d'intéressants  monu- 
ments des  anciennes  littératures  française  et  provençale,  et 
qui  se  continue  en  dehors  de  lui;  puis,  en  1889,  la  Ro- 
manische  Bibliothek.  Parmi  ses  nombreuses  publications 
isolées,  nous  citerons:  Li  Dialogue  Grégoire  lo  pape 
(Halle,  1876);  Aiol  et  Mirabel  (Heilbronn,  1876);  Elle 
de  Saint-Gille  (Heilbronn,  4882)  ;  Li  Chevaliers  as  deus 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XVII. 


espees  (Halle,  4877);  Las  Mocedades  del  Cid  (Bonn 
4878);  une  édition  des  œuvres  complètes  de  Chrétien  de 
Troyes  (Halle,  4883  et  suiv.),  qui  n'est  malheureusement 
pas  terminée,  etc.  Ant.  T. 

FŒRTSCH  (Johann-Philipp),  poète,  compositeur  et  mé- 
decin allemand,  né  à  Wertheim  (Franconie)  le  44  mai 
1652,  mort  à  Lubeck  vers  1708.  Il  fut  un  des  premiers 
auteurs  d'opéras  allemands,  et  fit  jouer  à  Hambourg,  de 
1684  à  1690,  neuf  opéras  dont  il  avait  écrit  les  paroles  et 
la  musique,  et  dans  lesquels  il  paraissait  comme  chanteur. 
Forcé  par  des  événements  politiques  d'abandonner  la  car- 
rière artistique,  il  chercha  des  moyens  d'existence  dans 
l'exercice  de  la  médecine,  qu'il  avait  étudiée  dans  sa  jeu- 
nesse, et  devint  médecin  de  l'évêque  d'Eutin,  puis  médecin 
et  conseillera  Lubeck.  M.  Br. 

FŒTUS.  I.  Anatomie,  Physiologie  et  Pathologie.  — 
Lorsque  l'embryon  a  acquis  la  forme  générale  de  son 
espèce  et  tous  les  organes  qui  constituent  son  corps,  ceux-ci 
n'ayant  plus  qu'à  grandir  dans  la  suite,  il  prend  le  nom 
de  fœtus.  Dans  l'espèce  humaine  l'embryon  atteint  son 
stade  fœtal  vers  la  fin  du  troisième  mois  (V.  Embryologie). 
Du  fœtus  au  troisième  mois.  La  tète  et  le  ventre 
forment  un  contraste,  en  raison  de  leur  volume,  avec  le 
reste  du  corps.  La  tête  forme  le  tiers  de  la  longueur  du 
corps  et  présente  de  vastes  fontanelles  et  de  larges  su- 
tures. La  face  est  fort  peu  développée  encore  ;  cependant 
elle  est  déjà  moins  écrasée  qu'au  deuxième  mois  de  la 
vie  intra-utérine.  La  peau  commence  à  acquérir  ses  ca- 
ractères; elle  cesse  d'être  une  membrane  visqueuse  et 
transparente  pour  devenir  rosée.  Quoique  mince  encore, 
elle  ne  laisse  plus  apercevoir  les  viscères  au  travers  d'elle. 
Les  yeux,  relativement  très  gros,  sont  fermés  par  les 
paupières  qui  viennent  de  naître  et  s'agglutinent  aussitôt 
l'une  contre  l'autre.  Les  points  lacrymaux  sont  visibles. 
Le  nez  est  à  peine  dégagé  de  la  face.  Les  lèvres  ne  sont 
point  encore  renversées  et  laissent  voir  entre  elles  un 
petit  mamelon  rougeâtre  qui  n'est  autre  chose  que  la 
langue.  Le  menton  est  déjà  bien  dessiné.  La  conque  de 
l'oreille  n'est  encore  qu'ébauchée  et  à  proprement  parler  il 
n'y  a  pas  encore  de  pavillon.  L'anus  est  ouvert  et  séparé 
des  organes  génitaux  par  un  pont  membraneux,  le  périnée. 
Le  sexe  est  dès  lors  reconnaissable.  Les  membres  supé- 
rieurs sont  relativement  plus  longs  que  les  membres  infé- 
rieurs. Les  articulations  des  doigts  et  des  orteils  sont 
visibles,  et  les  ongles  commencent  à  paraître.  Le  cordon 
s'insère  un  peu  au-dessus  du  pubis.  Le  duodénum  con- 
tient du  méconium  de  couleur  carton  mâché.  Le  cœcum 
est  placé  en  avant  du  rein  droit  et  n'a  pas  commencé  sa 
descente.  Le  foie  est  volumineux  et  remplit  presque  tout 
le  ventre  à  lui  seul.  La  moelle  épinière  commence  son 
mouvement  ascensionnel,  et  l'écorce  du  cerveau  acquiert 
le  pli  sylvien.  Les  villosités  choriales  ne  persistent  qu'en 
un  point  de  la  surface  de  l'œuf  où  elles  prennent  un  grand 
développement  et  forment  le  placenta.  Les  arcs  neuraux 
se  soudent  dans  la  région  dorsale  et  l'on  voit  apparaître 
des  points  d'ossification  dans  l'occipital,  le  sphénoïde,  le 
temporal,  l'unguis,  les  os  propres  du  nez,  le  maxillaire 
supérieur,  l'ischion  ;  l'épine  de  l'omoplate  s'élève.  Les 
muscles  acquièrent  peu  à  peu  leurs  caractères.  Au  com- 
mencement du  mois  l'œuf  est  gros  comme  un  œuf  d'oie, 
et  le  fœtus,  long  de  6  à  10  centim.,  pèse  60  à  80  gr. 

Du  fœtus  au  quatrième  mois.  Toutes  les  parties  se 
perfectionnent.  La  peau  se  couvre  d'un  duvet  soyeux 
(lanugo)  et  commence  à  se  doubler  de  tissu  adipeux. 
La  tête  n'a  plus  que  le  quart  de  la  longueur  du  corps  ; 
la  face  prend  peu  a  peu  l'aspect  qu'elle  aura  chez  le  nou- 
veau-né. Les  membres  pelviens  commencent  à  devenir 
plus  longs  que  les  membres  thoraciques,  et  les  ongles 
prennent  une  consistance  cornée.  L'insertion  du  cordon 
s'éloigne  de  plus  en  plus  du  pubis.  Les  capsules  surrénales 
sont  plus  volumineuses  que  les  reins.  Le  méconium  de- 
vient jaune  verdâtre  et  gagne  le  commencement  du  jéju- 
i   num.  Il  y  a  des  points  d'ossification  dans  l'astragale,  le 

43 


FOETUS 


674  — 


sternum,  l'ethmoïde.  Le  fœtus  a  de  12  à  20  centim.  et 
pèse  de  125  à  200  gr. 

Du  fœtus  au  cinquième  mois.  Les  formes  générales 
se  dessinent  de  plus  en  plus  ;  les  cheveux  sont  plus  abon- 
dants et  plus  longs,  et, les  cils  et  les  sourcils  commencent 
à  paraître.  La  peau  est  toujours  ridée  ;  rougeâtre  à  la 
face,  à  la  plante  des  mains  et  des  pieds,  elle  commence  à 
se  recouvrir  d'une  matière  blanchâtre,  onctueuse,  que 
déversent  à  sa  surface  les  glandes  sébacées  qui  viennent 
de  naître.  Le  scrotum  a  une  coloration  rouge  vif  ;  il  est 
toujours  vide.  Les  grandes  lèvres,  très  saillantes,  sont 
écartées  par  le  clitoris  toujours  volumineux.  Les  fonta- 
nelles sont  moins  larges  et  les  sutures  se  rapprochent.  La 
membrane  pupillaire  existe  toujours,  les  dents  temporaires 
s'ossifient,  le  côlon  commence  à  acquérir  ses  bosselures, 
et  le  vagin  et  l'utérus  se  délimitent  l'un  de  l'autre.  Les 
glandes  génitales  (ovaire  ou  testicule)  sont  toujours  dans 
la  région  lombaire.  Il  y  a  des  points  d'ossification  dans  le 
calcanéum.  Le  fœtus  mesure  de  18  à  28  centim.  et  son 
poids  varie  en  moyenne  de  250  à  350  gr. 

Du  fœtus  au  sixième  mois.  La  peau  s'épaissit  et  ac- 
quiert de  plus  en  plus  ses  caractères  spécifiques.  L'intestin 
grêle  s'est  allongé  et  a  de  cinq  à  six  fois  la  longueur  de  la 
bouche  à  l'anus  ;  le  cœcum  descend  vers  la  fosse  iliaque 
droite  et  le  méconium  envahit  le  gros  intestin.  Les  testi- 
cules descendent  vers  le  canal  inguinal.  Le  fœtus  mesure  de 
28  à  35  centim.  et  son  poids  moyen  varie  de  400  à  700  gr. 

Du  fœtus  au  septième  mois,  La  forme  du  corps  et 
des  organes  se  perfectionne.  La  membrane  pupillaire  a 
disparu  et  les  paupières  commencent  à  s'ouvrir.  —  La 
longueur  de  l'intestin  grêle  égale  huit  fois  la  distance  de 
la  bouche  à  l'anus  ;  les  testicules  sont  engagés  dans  l'an- 
neau; parfois  même  ils  ont  gagné  le  scrotum.  L'insertion 
du  cordon  atteint  presque  le  centre  du  corps,  à  2  ou 
3  centim.  près.  Un  point  d'ossification  apparaît  dans  la 
dernière  vertèbre  du  sacrum.  La  longueur  du  fœtus  est  de 
35  à  38  centim.  et  son  poids  de  1,200  à  1,500  gr.. 

Du  fœtus  du  huitième  mois  à  la  fin  de  la  grossesse. 
Dans  les  huitième,  neuvième  et  dixième  mois,  le  fœtus 
s'achève  et  acquiert  peu  à  peu  les  caractères  qu'il  présen- 
tera à  la  naissance.  Au  huitième  mois  les  ongles  arrivent  à 
l'extrémité  des  doigts  ;  la  longueur  ordinaire  est  de  40  à 
45  centim.  et  le  poids  de  2  à  3  kilogr.  Au  dixième  mois 
lunaire  enfin,  il  a  en  moyenne  50  centim.  de  long  et  un 
poids  de  3  kilogr.  Il  esta  remarquer  que  les  variations  des 
longueurs  et  des  poids  sont  extrêmement  nombreuses  ; 
que  la  progression  en  longueur  est  surtout  accentuée  pen- 
dant les  six  premiers  mois  ;  que  le  poids  qui  quadruple  du 
troisième  au  quatrième  mois,  triple  du  quatrième  au  cin- 
quième, et  double  ensuite  dans  les  mois  suivants  jusqu'au 
huitième  pour  augmenter  encore  de  600  gr.  environ  dans 
les  deux  derniers  mois.  Enfin,  d'après  les  recherches  de 
Hecker,  Matthews  Duncan,  Wernich,  on  peut  dire  que  le 
poids  des  nouveau-nés  augmente  avec  l'âge  de  la  mère 
jusqu'à  vingt-neuf  ans,  et  leur  longueur  jusqu'à  quarante- 
quatre  ans  ;  que  tout  produit  d'une  grossesse  répétée  dé- 
passe en  poids  et  en  longueur  les  précédents  ;  que  l'âge 
aussi  bien  que  le  nombre  des  accouchements  favorisent  le 
développement  du  fœtus  et  de  ses  annexes;  que  les  mères 
menstruées  très  tard  donnent  le  jour  à  des  enfants  moins 
gros  que  les  mères  menstruées  de  bonne  heure. 

Si  on  cherche  là  composition  chimique  comparative  du 
fœtus  à  terme  etde  l'adulte,  on  voit,  d'après  les  recherches 
de  Fehling,  que,  tandis  que  les  éléments  constituants  du 
corps  de  l'adulte  contiennent  :  eau,  58,5  °/0,  et  substances 
fixes  (cendres,  graisse,  albumines,  etc.),  41,5  °/0,  ceux  du 
fœtus  renferment  :  eau,  74,4  °/0,  et  substances  fixes, 
25,6  °/0.  Le  corps  du  fœtus  est  donc  beaucoup  plus  riche 
en  eau  que  celui  de  l'adulte,  d'où  la  viscosité  et  la  mol- 
lesse de  ses  tissus  et  de  ses  organes. 

Du  fœtus  à  terme.  La  peau  est  blanc  rosé,  générale- 
ment recouverte  du  vernix  caseosa  et  doublée  d'une 
épaisse  couche  graisseuse.  La  tête  est  ovoïde  ;  la  face  est 


peu  développée  dans  sa  partie  sous-frontale  ;  le  ventre  est 
proéminent  et  le  cordon  s'insère  un  peu  au-dessous  de  la 
longueur  du  corps.  Les  mamelles  contiennent  souvent,  et 
dans  les  deux  sexes,  un  liquide  lactescent  ;  le  scrotum 
renferme  d'ordinaire  les  testicules,  et  les  ongles  dépassent 
l'extrémité  des  doigts,  mais  non  pas  celle  des  orteils.  Le 
foie  est  très  volumineux  et  occupe  la  plus  grande  partie  de 
la  cavité  abdominale  ;  les  poumons  sont  rouges,  denses, 
appliqués  contre  la  colonne  vertébrale.  La  longueur  de 
l'intestin  grêle  égale  douze  fois  la  distance  de  la  bouche 
à  l'anus.  Le  méconium,  poisseux  et  d'un  vert  d'épinard, 
occupe  la  fin  du  gros  intestin. 

La  maturité  du  fœtus  n'a  aucun  caractère  pathognomo- 
nique.  Pour  affirmer  qu'un  fœtus  est  à  terme,  il  faut  se 
baser  sur  l'ensemble  des  caractères  que  nous  avons  donnés, 
car  même  le  point  d'ossification  du  centre  de  l'épiphyse 
inférieure  du  fémur  ne  saurait  à  lui  seul  permettre  une 
telle  diagnose.  C'est  ainsi  que  les  recherches  de  Hecker  et 
Hartmann  ont  montré  que  si  ce  noyau  osseux,  d'un  volume 
de  5  millim.  de  diamètre  en  moyenne,  chez  le  fœtus  de  dix 
mois  lunaires  (280  jours),  existe  le  plus  ordinairement, 
102  enfants  à  terme  ne  le  présentaient  cependant  que  90  fois, 
et  que  d'autre  part  40  fœtus  de  huit  mois  l'ont  présenté 
2  fois,  62  de  neuf  mois,  16  fois,  et  46  de  dix  mois,  27  fois. 

Situation  et  attitude  du  fœtus  dans  la  matrice.  On 
sait  que  le  fœtus  est  en  attitude  accroupie  dans  l'utérus. 
Cette  attitude  est  en  rapport  avec  l'adaptation  du  fœtus  à 
la  cavité  utérine.  Pendant  les  six  premiers  mois  de  la 
grossesse,  la  tête  du  fœtus  occupe  le  fond  de  la  matrice  ; 
dans  les  trois  derniers  mois,  la  tête  gagne  le  plus  souvent 
le  segment  inférieur  de  l'utérus  et  y  séjourne,  cela  en 
vertu  de  l'accommodation  du  fœtus  à  son  contenant  (forme 
de  l'utérus,  pelotonnement  du  fœtus,  tonicité  et  contraction 
de  l'utérus,  etc.).  C'est  pourquoi  95  fois  sur  100  la  pré- 
sentation a  lieu  par  la  tête. 

Nutrition  du  fœtus.  Dans  l'organisme  fœtal  il  n'y  a  ni 
digestion  ni  absorption  alimentaires.  C'est  le  placenta  qui 
est  l'organe  de  la  nutrition  du  fœtus  ;  c'est  à  travers  cet 
organe,  par  diffusion  et  endosmose,  que  se  font  les 
échanges  liquides  et  gazeux  entre  le  sang  de  la  mère  et 
celui  du  fœtus.  Aucune  particule  solide,  aucun  élément 
figuré,  à  part  quelques  microbes,  ne  passe  (Hoffmann  et 
Langerhans,  Jassinsky,  Fehling,  Cl.  Bernard,  Davaine, 
Brauell  et  Bôllinger);  seules  traversent  les  substances 
solubles  dans  les  humeurs  du  corps  (Benicke,  Gusserov, 
Zweifel  et  Fehling,  Max  Runge)  et  les  gaz  (Zweifel  et  Feh- 
ling). Le  fœtus  se  nourrit  donc  à  la  façon  d'un  animal  à 
qui  on  injecterait  les  aliments  directement  dans  le  sang. 

Respiration  du  fœtus.  Les  anciens,  avec  Authenrieth, 
Bichat,  Muller,  Bischoff,  Longet,  etc.,  niaient  la  respira- 
tion du  fœtus.  Mais  Zweifel,  à  l'aide  de  l'examen  spectros- 
copique,  a  péremptoireznent  établi  Fhématose  placentaire, 
que  Bohn  et  Hoboken  les  premiers  avaient  soupçonnée  en 
remarquant  que  la  couleur  du  sang  était  différente  dans  la 
veine  que  dans  les  artères  ombilicales.  Le  fœtus  absorbe 
donc  de  l'oxygène  par  l'intermédiaire  du  placenta  et  se 
débarrasse  de  son  acide  carbonique.  Il  puise  l'oxygène 
dans  les  globules  sanguins  de  la  mère  comme  ceux-ci  le 
puisent  dans  l'air  extérieur  pendant  la  respiration  pulmo- 
naire. Seulement  l'hématose  est  très  faible  chez  le  fœtus, 
ce  qui  explique  en  grande  partie  sa  résistance  à  l'asphyxie. 

Circulation  du  fœtus.  L'homme,  comme  les  autres 
mammifères  placentaliens,  possède  successivement  trois 
circulations  dans  le  cours  de  son  existence.  La  première 
est  la  circulation  omphalo-mésentérique,  circulation 
embryo-vitelline  ou  de  la  vésicule  ombilicale  (V.  Embryon 
et  Vésicule  ombilicale)  ;  la  seconde  est  la  circulation 
placentaire  qui  diffère  de  la  circulation  de  l'adulte  par 
l'existence  du  placenta  et  des  vaisseaux  ombilicaux  (V.  Pla- 
centa et  Circulation),  par  l'existence  du  trou  de  Botal, 
du  canal  artériel  de  Botal  et  du  canal  veineux 
d'Aranzi;  la  circulation  définitive  enfin  s'établit  après 
la  naissance  par  la  suppression  de  la  circulation  placen- 


6Î5 


FOETUS  —  FOGGÎA 


taire  et  rétablissement  de  la  respiration  pulmonaire  qui 
aboutit  à  l'oblitération  du  trou  de  Botal,  du  canal  artériel 
et  du  canal  veineux  (V.  Circulation). 

Sécrétions  du  fœtus.  La  peau  du  fœtus  sécrète  le  ver- 
nis caséeux  qui  recouvre  le  nouveau-né  ;  la  muqueuse  intes- 
tinale sécrète  du  mucus  qui,  mélangé  à  la  sécrétion  du 
foie  et  du  pancréas,  fournit  le  méconium.  Les  reins  enfin 
sécrètent  de  l'urine,  sans  qu'on  soit  encore  absolument 
certain  que  cette  urine  se  déverse  dans  les  eaux  de  l'amnios. 

Innervation  du  fœtus.  Le  fœtus  est  excitable  ;  il  exé- 
cute spontanément  des  mouvements,  et  ces  mouvements  on 
peut  les  provoquer  par  certaines  manœuvres  extérieures. 
Pour  qu'il  naisse  viable  le  fœtus  doit  avoir  des  organes 
déjà  suffisamment  développés  pour  être  aptes  à  fonctionner. 
Or,  si  la  loi  reconnaît  la  viabilité  à  partir  du  sixième  mois, 
les  accoucheurs  ne  l'acceptent  qu'à  partir  de  sept  mois. 
Avant  cette  époque,  presque  tous  les  accouchements  ne 
donnent  lieu  qu'à  des  mort-nés.  Ch.  Debierre. 

IL  Tératologie  (V.  Monstre  [Tératologie]). 

F06  (Bruun-Juul),  théologien  et  prédicateur  danois,  né 
à  Stege  le  11  mars  1819.  Après  avoir  enseigné  à  partir 
de  1843,  il  fut  nommé  pasteur  à  Nestelsœ  (1847),  puis 
chapelain  de  l'église  de  Holmen  à  Copenhague  (1857),  pré- 
vôt de  son  canton  (1867),  ensuite  évêque  d'Aarhus  (1881)  ; 
enfin,  le  15  avr.  1884,  il  succéda  à  Martensen  sur  le  siège 
épiscopal  de  Sélande.  Son  éloquence,  sa  pénétration  psycho- 
logique et  sa  finesse  dialectique  font  de  lui  un  des  meilleurs 
prédicateurs  du  Danemark.  Il  avait  pris  Descartes  pour 
sujet  de  sa  thèse  de  doctorat  en  philosophie  (1857),  et  fit 
des  conférences  à  l'université  (1859-62)  sur  Y  Etude  de  la 
théologie  (1861).  Il  a,  en  outre,  publié  des  Prêches  de 
Noël  au  Carême  (1867)  et  des  Discours  religieux  (1888). 

FOGA.  Village  du  Soudan  égyptien,  sur  le  tracé  de  la 
ligne  télégraphique  d'El-Obéid  à  El-Fâcher,  sur  le  khôr 
Omm-Deghig,  à  une  ait.  de  600  m.  Région  boisée;  bons 
pâturages.  Près  de  Foga,  vaste  étang,  qui  se  dessèche  pen 
dant  quelques  mois  de  l'année. 

F06AR  (El).  Oasis  et  village  du  Fezzan  (Tripolitaine),  à 
100  kil.  environ  O.-N.-O.  de  Mourzouk,  dans  l'Ouâdi  el- 
Gharbi.  L'oasis  est  habitée  par  des  marabouts  touaregs, 
les  Ihéhaouen. 

FOGA  RAS.  Comitat  de  la  Hongrie  méridionale,  limi- 
trophe de  la  Roumanie.  Le  sol  est  très  montagneux;  les 
sommets  pittoresques  des  Karpathes  de  Fogaras,  le  Negoj, 
le  mont  du  Roi,  dépassent  2,800  m.  Ces  sommets  sont 
dénudés  ;  les  vallées  possèdent  des  forêts  diffficiles  à  exploi- 
ter. Les  habitants  de  ce  comitat,  Roumains  pour  la  plupart, 
vivent  surtout  de  l'élève  du  bétail.  —  Le  chef-lieu  de  cet 
assez  pauvre  pays  s'appelle  aussi  Fogaras  :  simple  bourg 
de  5,300  hab.,  qui  est  pourtant  le  siège  d'un  évêché  grec- 
uni.  Rethlen-Gabor  y  bâtit  un  château  en  1610,  et  le  général 
Bem  y  fut  battu  par  les  Russes  en  1849. 

FOGARASSY(Jean),  philologue  et  jurisconsulte  hongrois, 
né  à  Kesmark  en  1801 ,  mort  à  Budapest  le  11  juin  1878. 
Très  actif,  il  sut  mener  de  front,  pendant  toute  sa  vie,  deux 
carrières,  qui  toutes  deux  ont  laissé  d'importantes  traces 
littéraires.  Légiste  spécialisé  dans  le  droit  commercial, 
tout  en  remplissant  d'importantes  fonctions  au  conseil  de 
commerce,  puis  à  la  cour  suprême,  il  a  écrit  sur  les  lois 
hongroises,  sur  la  banque  hongroise.  Mais  il  est  surtout 
connu  comme  le  plus  laborieux  des  lexicographes  de  son 
pays.  Son  dictionnaire  magyar-allemand  (Pest,  1836)  est 
fort  répandu  ;  mais  son  grand  travail,  entrepris  sur  l'ordre 
de  l'Académie  par  Czuczor  et  par  lui,  terminé  par  lui  seul, 
est  le  Grand  Vocabulaire  (Budapest,  1861-1874),  véri- 
table thésaurus  de  la  langue  magyare.  E.  S. 

FOGDE  (du  latin  advocatus).  Fonctionnaire  suédois 
qui  était  autrefois  procureur  du  roi,  mais  qui  depuis  le 
xviie  siècle  est  devenu,  sous  le  titre  de  kronofogde,  rece- 
veur des  contributions  et  officier  de  police.  —  En  Norvège, 
le  foged  a,  dans  les  campagnes,  •  à  peu  près  les  mêmes 
attributions  ;  dans  les  villes,  sauf  la  capitale,  le  by foged 
est  en  même  temps  juge  de  première  instance,  mais  rare- 


ment chef  de  la  police.  —  En  Danemark,  le  by  foged  dans 
les  villes,  le  herreds foged  dans  les  cantons  et  le  kongens- 
foged  à  Copenhague  (avec  son  substitut  le  under foged 
jusqu'en  1845)  sont  également  chargés  de  juger  en  pre- 
mière instance,  d'exécuter  leurs  propres  sentences,  sauf  en 
matière  correctionnelle,  d'opérer  les  saisies  et  de  lever  les 
amendes.  B-s. 

FOGELBERG  (Bengt-Erland),  célèbre  sculpteur  suédois, 
né  à  Gœteborg  le  8  août  1786,  mort  à  Trieste  le  22  déc. 
1854.  Fils  d'un  fondeur  en  cuivre,  il  travailla  d'abord  avec 
lui,  puis  à  Stockholm  (1803)  avec  l'habile  ciseleur  Rung, 
et,  tout  en  étant  compagnon,  il  étudia  à  l'Académie  des 
beaux-arts  qui  lui  décerna  plusieurs  médailles  et  l'élut 
agréé  (1812).  Une  bourse  de  voyage  pour  trois  ans  lui 
permit  de  se  rendre  à  Paris  (1820).  Il  se  perfectionna  dans 
la  peinture  sous  la  direction  de  Guérin  et  il  modela  dans 
l'atelier  de  Bosio.  Au  bout  d'un  an  il  partit  pour  Rome,  où 
il  s'établit,  n'ayant  visité  sa  patrie  qu'en  1845  et  1854. 
Sa  première  œuvre  importante  fut  un  Mercure  (  1 825  ;  en 
marbre,  1827),  qui  avait  à  peu  près  l'attitude  de  celui  de 
Thorvaldsen  et  qui  lui  valut  les  applaudissements  du  grand 
artiste.  Dès  lors,  sa  réputation  était  fondée.  Il  exécuta  peu 
après  un  Paris  (1827)  non  moins  apprécié,  et  le  gracieux 
Amour  à  la  coquille  (1827,  dont  il  donna  une  reproduc- 
tion en  1836).  Le  roi  Charles  XIV,  qui  avait  remarqué  à 
l'exposition  de  l'Association  gothique  (1818)  ses  trois  sta- 
tues de  dieux  eddaïques,  le  chargea  (1828)  de  les  exécuter 
en  marbre  (Odin,  1831  ;  Thor  et  Balder,  1842),  et,  dès 
lors,  ses  commandes  suffirent  à  occuper  l'artiste  à  qui  l'on 
doit  encore  :  V Amour  vainqueur  (1831),  Venus  Victrix 
et  Apollo  citharœdus  (1839)  ;  Charles  XIII  ((832),  le 
tout  en  marbre  ;  les  statues  suivantes  coulées  en  bronze  à 
Munich  :  Charles  XIV  (1835-38),  à  l'université  d'Upsaia; 
Gustave-Adolphe  (1849),  sur  la  place  de  la  Bourse  à 
Gœteborg  (un  premier  exemplaire,  qui  avait  été  submergé 
près  de  Heligoland,  fut  repêché  et  érigé  à  Brème)  ;  Birger 
Jarl  (1853),  sur  la  place  de  Riddarholm  à  Stockholm  ; 
sans  parler  de  beaucoup  d'esquisses  ou  de  plâtres.  On  voit 
par  cette  simple  nomenclature  combien  est  variée  l'œuvre 
de  Fogelberg;  il  traitait  aussi  habilement  les  sujets  anciens 
et  mythologiques  que  les  sujets  historiques  et  modernes . 
Savant  archéologue,  possédant  de  belles  collections  artis- 
tiques et  numismatiques,  il  sculptait  à  la  manière  antique 
sans  cesser  d'être  original  en  même  temps  qu'il  créait  des 
types  admirés  de  divinités  septentrionales.  Il  savait  exprimer 
la  grâce  et  l'élégance  aussi  bien  que  la  force  et  la  majesté. 
Aussi,  lorsqu'il  retourna  en  Suède  pour  la  seconde  fois 
(1854),  lors  de  l'inauguration  de  ses  trois  dernières  sta- 
tues nationales,  lui  rendit-on  rdes  honneurs  extraordinaires 
qui  juraient  avec  sa  modestie  et  la  simplicité  de  ses  goûts. 
La  moindre  subvention  eût  bien  mieux  fait  son  affaire  trente 
ans  auparavant,  alors  que  la  maladie  et  la  pauvreté  ren- 
daient sa  situation  si  pénible.  On  avait  mis  longtemps  à 
reconnaître  ses  mérites  ;  il  ne  fut  élu  membre  de  l'Académie 
des  beaux-arts  de  Stockholm  qu'en  1832  et  nommé  pro- 
fesseur de  dessin  qu'en  1839  ;  chevalier,  puis  commandeur 
de  l'Etoile  polaire  qu'en  1842  et  1854.  On  lui  éleva  un 
beau  monument  au  cimetière  de  Gœteborg,  où  ses  restes 
avaient  été  transportés.  Ses  collections  et  ses  modèles  ont 
été  achetés  pour  le  compte  de  l'Etat  et  déposés  au  musée 
national  de  Stockholm.  Beauvois. 

Bibl.  :  L'Œuvre  de  Fogelberg,  notice  sur  lui  par  Casimir 
Lecomte,  avec  son  portrait  et  37  pi.  gravées  sur  cuivre  ; 
Paris,  1856.  —  B.  von  Beskow,  Eloge,  dans  Svenska  Aka- 
demiens  handlingar,  1856,  t.  XXVIII.  —  G.  Planche,  dans 
Revue  des  Deux  Mondes,  15  juin  1855.  —  A.  Sohlman,  No- 
tice, dans  Svenskt  biografiskt  lexihon;  Œrebro,  1861-62; 
nouv.  sér.,  t.  IV,  pp.  331-362  ;  aussi  à  part.  —  J.  Bœttiger, 
B.-E.  Fogelberg,  not.  esthétique  et  biogr.  jusqu'à  l'année 
1822  ;  Gœteborg,  1880. 

FOGGIA.  Ville  de  l'Italie  méridionale,  ch.-l.  de  la  prov. 
du  même  nom  appelée  aussi  Capitanate  (V.  ce  mot); 
44,000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  d'Ancône  à  Brindisi  et 
important  embranchement  sur  Naples.  Foggia  est  construite 
de  maisons  basses,  qui  n'ont  pour  la  plupart  qu'un  rez-de- 


FOGGIA  -  FOGOLINO 


—  676 


chaussée  à  cause  du  tremblement  de  terre  de  1731 .  Elle  eut 
une  grande  importance  au  moyen  âge,  surtout  au  temps  de 
l'empereur  Frédéric  II,  qui  y  résida  souvent.  Son  fils  Man- 
fred  fut  couronné  dans  la  cathédrale  de  Foggia,  détruite 
par  le  tremblement  de  terre.  Il  ne  reste  debout  comme  sou- 
venir du  xme  siècle  qu'un  arc  monumental,  jadis  porte 
d'entrée  du  palais  de  l'empereur.  Foggia  est  un  très  grand 
marché  et  la  seconde  ville  de  tout  l'ancien  Etat  napolitain. 
Son  commerce  consiste  en  blés  et  en  bestiaux.  Toute  la 
plaine  environnante,  entièrement  dépourvue  d'arbres,  connue 
sous  le  nom  de  tavoliere  délia  Fuglia,  est  utilisée  comme 
pâturages  pendant  l'hiver,  les  moutons  passant  l'été  sur 
les  hauteurs. 

FOGGIA  (Prov.  de)  (V.  Gàpitanâte). 

FOGGIA  (Francesco),  compositeur  italien,  né  à  Rome 
en  1604,  mort  à  Rome  en  1707.  Elève  de  Cifra,  Nanini 
et  Agostini,  il  fut  attaché  successivement  au  service  de 
l'électeur  de  Cologne,  de  l'électeur  de  Bavière  et  de  l'ar- 
chiduc Léopold.  De  retour  à  Rome,  il  devint  maître  de  cha- 
pelle à  Saint- Jean-de-Latr an,  puis  à  Sainte-Marie-Majeure. 
Ses  œuvres,  consistant  en  nombreuses  messes  et  motets  à 
plusieurs  voix,  sont  estimées  pour  la  pureté  de  leur  har- 
monie. M.  Br. 

FOGG1N1  (Pietro-Francesco),  historien  et  antiquaire  ita- 
lien, né  à  Florence  en  1713,  mort  le  31  mai  1783.  Il  était 
prélat  romain  et  préfet  de  la  bibliothèque  du  Vatican.  Il 
publia,  en  1736,  des  Thèses  historiques  et  polémiques 
contre  les  quatre  articles  du  clergé  de  France  de  1682.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  les  suivants  :  De  Primis  Flo- 
rentinorum  apostolis  exercitatio  singularis  (1740, 
in-4)  ;  De  Romano  Domini  Pétri  itinere  et  episcopatu 
ejusque  antiquissimis  imaginibus  (  1  741 ,  in-4)  ;  La  Ver  a 
istoria  di  S.  Romulo,  vescovo  e  protettore  di  Fiesole 
(1742,  in-4)  ;  P.  Virgilii  Maronis  codex  antiquissimus 
a  Rufio  lurcio  Aproniano  distinctus  et  emendatus 
(Florence,  1741,  in-4),  ouvrage  célèbre  qui  ouvrit  à  Fau- 
teur les  portes  delà  plupart  des  académies  italiennes. 

FOGGO  (James),  peintre  anglais,  né  à  Londres  le 
11  juin  1790,  mort  à  Londres  le  14  sept.  4860.  Venu  de 
très  bonne  heure  à  Paris,  avec  son  père,  avocat  célèbre 
qui  avait  été  obligé  de  quitter  l'Angleterre,  il  s'adonna 
immédiatement  à  l'étude  des  arts.  A  son  retour  à  Londres 
(1815),  il  exposa  à  laBritish  Institution  Agar  et  Isrnaël, 
une  grande  toile  qui  le  fit  remarquer.  Son  frère  étant  venu 
le  rejoindre  en  1819,  ils  se  mirent  à  travailler  tous  deux  à 
de  vastes  compositions,  empruntées  pour  la  plupart  à  des 
épisodes  de  la  Bible.  Sa  peinture  est  médiocre  ;  mais  Foggo 
ayant  toujours  été  un  bon  professeur,  son  dessin,  quoique 
assez  banal,  est  toujours  très  consciencieux.  F.  T. 

FOGGO  (George),  peintre  anglais,  frère  du  précédent, 
né  le  14  avr.  1793,  mort  le  26  sept.  4869.  Il  collabora  à 
la  plupart  des  travaux  de  son  frère  et  exécuta  nombre  de 
dessins  et  de  lithographies  d'après  des  cartons  de  Raphaël. 
On  lui  doit  en  outre  une  Lettre  à  lord  Brougham  sur 
l'Histoire  et  le  caractère  de  la  Royal  Academy  (1855)  ; 
un  Rapport  sur  les  nouvelles  écoles  de  dessin  et  un  Ca- 
talogue de  la  National  Gallery  avec  des  notes  critiques 
(1847).  n  F.  T. 

FOGHÂ.  Vallée  d'Afrique  qui  débouche  perpendiculai- 
rement sur  le  cours  du  Niger  (direction  N.-S.)  dans  le 
royaume  de  Gando,à  lOOkil.  environ  en  amont  de  Gombê. 
On  y  exploite  des  dépôts  salins  pendant  la  saison  sèche  :  la 
vallée  se  remplit  à  l'époque  des  pluies.  Elle  sert  de  limite 
ethnographique  à  la  race  haoussa  à  l'E.,  à  la  race  son- 
ghaï  à  l'O.  On  peut  y  citer  les  villages  de  Kallioul  et  de 
Silétchollé. 

FOGHÂ  (El).  Bourgade  de  la  Tripolitaine,  dans  la  petite 
oasis  du  même  nom,  à  égale  distance  de  Sôkna  et  déZella, 
vers  le  S.;  400  hab.  de  race  berbère  et  de  mœurs  douces. 

FOGLAR  (Ludwig-Stephan),  poète  autrichien  contempo- 
rain, né  à  Vienne  le  24  déc.  1819.11  fit  ses  études  à  Vienne 
et  entra  au  service  de  la  compagnie  de  navigation  du  Danube. 
Il  a  publié  un  grand  nombre  de  poésies,  la  plupart  d'un 


caractère  lyrique  :  Cypressen  (Vienne,  1842  ;  2e  éd., 
1846)  ;  Strahlen  und  Schatten,  qui  rappelle  le  titre 
d'un  volume  de  Victor  Hugo  (Leipzig,  1846)  ;  Ein  Stûck 
Leben  (Pesth,  1847)  ;  Clara  von  Wissegrad  (ibid.,iMl); 
Freiheits  Br  évier  (ibid.,  1848)  ;  Neuere  Gedichte 
(Vienne,  1859  et  1883);  Still  und  bewegt  (Prague, 
1860);  Ein  poetisches  Pilgerbuch  (Pest,  1861)  ;  Reli- 
quien  eines  Honveds  (Hambourg,  1861);  Novellenbuch 
(Vienne,  1863,  2  vol.);  Minriehof  (Vienne,  4864); 
Freudvoll  und  leidvoll  (Leipzig,  1867);  Geschichten 
und  Gedenkblœtter  in  Versen  (Vienne,  1883).     L.  L. 

FOGUANI  (Luigi),  compositeur  et  écrivain  musical 
italien,  né  à  Modène  à  la  fin  du  xve  siècle,  mort  vers  1540. 
Il  est  auteur  d'une  Musica  theorica  (Venise,  4529).  Le 
recueil  Frottole,  publié  par  Petrucci  de  Fossombrone,  à 
Venise,  de  1504  à  1508,  contient  plusieurs  pièces  à  quatre 
voix  de  Fogliani.  Ch.  Bordes. 

FOGLIETTA  (Uberto),  historien  italien,  né  à  Gènes  en 
1518,  mort  le  5  sept.  1581.  Le  seul  événement  important 
de  sa  vie  dont  fassent  mention  les  biographes  est  son  ban- 
nissement de  la  ville  de  Gênes,  dont  il  a  cependant  infati- 
gablement narré  les  gloires  ;  on  ignore  la  cause  de  cette 
singulière  rigueur.  Réfugié  à  Rome,  il  y  passa  les  der- 
nières années  de  sa  vie,  sous  la  protection  du  cardinal 
Hippolyted'Este.  Ses  opuscules  historiques,  publiés  d'abord 
séparément,  ont  été  réunis  sous  ce  titre  :  Huberti  Folietœ 
Opéra  subseciva,  opuscula  varia,  de  linguœ  latinœ  usu 
et  prœstantia,  clarorum  Ligurum  elogia  (Rome, 
1579,  in-4)  ;  on  les  trouve  également  dans  le  Thésaurus 
Antiquitatum  de  Grsevius,  lequel  contient  aussi  son  His- 
toire des  Génois,  antérieurement  imprimée  à  Gênes  en 
1585:  Historiée  Genuensium  libri  XII  (in-fol.).  Autres 
ouvrages  de  Foglietta  :  De  Causis  magnitudims  Turca- 
rum  imperii,  dont  la  meilleure  édition  est  celle  que  donna 
David  Chytrseus  (Rostock,  1594,  in-8)  ;  De  Sacro  Fœdere 
in  Selimum  libri  IF,  necnon  variœ  expeditiones  in 
Africam  cum  Melitœ  obsidione  (Gênes,  1587,  in-4)  ; 
Conjuratio  J.-L.  Flisci;  TumultusNeapolitani  ;  Cœdes 
P.-L.  Farnesi,  Placentiœ  ducis  (Naples,  1571)  ;  De 
Philosophiœ  et  juris  civilis  inter  se  comparatione 
libri  III  (Rome,  1586,  in-4).  R.  G. 

Bibl.  :  Spotorno,  Storia  let ter aria  délia  Liguria  ;  Gênes, 
1824-1826,  4  vol.  in-8. 

F0GN1.  Gros  village  du  Soudan  occidental  (royaume  de 
Ségou)  sur  la  rive  droite  du  Niger,  à  40  kil.  en  amont  de 
Ségou-Sikoro  ;  population  de  piroguiers  qui  font  le  com- 
merce entre  Ségou-Sikoro  et  Yamina. 

FOGO  (Ilha  do).  Ile  de  l'archipel  portugais  du  Cap-Vert 
(île  du  Feu),  d'une  circonférence  de  60  kil.  environ; 
12,000  hab.  Climat  très  salubre;  sol  d'une  admirable  fer- 
tilité. L'île  est  agitée  quelquefois  par  les  éruptions  du  volcan 
le  Pico.  La  dernière  éruption  a  eu  lieu  en  1847.  Le  prin- 
cipal port  est  Nossa  Senhora  da  Luz. 

FOGOLINO  (Marcello),  peintre  et  graveur  vénitien  de 
la  première  moitié  du  xvie  siècle.  Né  dans  le  Frioul,  il  fit 
son  apprentissage  à  Vicence,  vécut  quelque  temps  à  San 
Vito  et  travailla  à  Pordenone  et  à  Trente.  Son  œuvre  la 
plus  ancienne  est  une  Adoration  des  Mages,  signée  en 
toutes  lettres,  provenant  de  l'église  Saint-Barthélémy  de 
Vicence,  et  aujourd'hui  au  palais  de  justice  de  la  ville.  On 
y  retrouve  encore  la  manière  de  Speranza  ;  dans  les  sui- 
vantes se  montre  l'influence  de  Raphaël  :  telles  sont  la 
Vierge  couronnée  par  les  anges,  dans  l'église  de  la 
Santissima  Trinita,  à  Trente;  une  Madone  avec  des 
Saints  dans  l'église  de  Bovo,  près  de  Trente  ;  une  autre  à 
San  Biagio  dans  la  petite  ville  de  Pordenone,  où  l'on  voit 
également  dans  la  cathédrale  un  Saint  François,  entre 
Daniel  et  saint  Jean-Baptiste;  enfin  au  musée  de  Berlin 
une  Madone  avec  l'Enfant,  entourée  de  saints.  On,  sait 
également  que  Fogolino  exécuta  en  1526  les  décorations 
pour  l'entrée  du  roi  Ferdinand.  Comme  graveur,  il  est 
connu  par  trois  épreuves  remarquables,  conservées  au 
cabinet  des  estampes  de  Dresde  ;  elles  représentent  une 


677  — 


FOGOLINO  —  FOI 


Femme  nue,  la  main  appuyée  sur  l'épaule  d'un  enfant, 
la  Statue  équestre  de  Marc-Aurèle,  et  une  Statue  de 
femme  antique,  sans  bras.  Les  tailles  en  sont  courtes  et 
inégales,  mêlées  de  pointillés. 

Bibl.  :  Perkins,  Cyclopsedia  ofpainters.  —  Crûwe  et 
Cavalcaselle,  History  of  painting,  dans  North  Ilaly,l. 
—  Bartsch,  le  Peintre  graveur,  XÏI1. 

FOHMANN  (Vincent),  anatomiste  belge,  d'origine  alle- 
mande, né  à  Assmannstedt  en  4794,  mort  à  Liège  le 
25  sept.  4837.  Il  étudia  à  Heidelberg  où  il  fut  professeur 
au  Théâtre  anatomique  et  passa  en  4827  à  Liège  pour  y 
occuper  la  chaire  ordinaire  d'anatomie  et  de  physiologie. 
Il  a  laissé  des  travaux  importants,  principalement  sur  les 
Vaisseaux  lymphatiques  (Heidelberg,  4824  ;  Heidelberg 
et  Leipzig,  4827,  pi.  ;  Liège,  4832;  Liège,  4833). 

FOHR  (Karl-Philipp) ,  peintre  allemand,  né  à  Hei- 
delberg le  26  nov.  4795,  mort  à  Rome  le  29  juin  4848. 
Il  vint  de  bonne  heure  à  l'Académie  de  Munich,  mais  se 
forma  surtout  d'après  la  nature  et  les  maîtres.  Contempo- 
rain de  Rottmann,  d'Ernest  Fries  et  de  toute  cette  géné- 
ration que  hanta  le  souvenir  de  Poussin,  il  se  voua  au 
paysage  historique  et  rêva  de  faire  grand.  Rome,  qu'on 
regardait  alors  en  Allemagne  comme  la  ville  sainte  où 
Fart  devait  se  renouveler,  se  retremper  à  des  sources  pures, 
était  le  séjour  obligé  pour  achever  de  préciser  son  rêve. 
Il  s'y  rendit;  mais  une  mort  aussi  prématurée  qu'impré- 
vue l'arrêta  dans  ses  espérances.  Il  se  noya  en  prenant  un 
bain  dans  le  Tibre.  Ses  œuvres  sont  relativement  rares. 
On  en  voit  aux  musées  de  Karlsruhe,  de  Darmstadt  et  à 
l'Institut  Staedel  de  Francfort-sur-le-Main.  P.  L, 

Bibl.  :  Dieffenbagh,  Leben  des  Malers  Karl  Fohr; 
Darmstadt,  1823. 

FOI.  I.  Philosophie.  —  La  foi  est  un  acte  d'adhésion  de 
l'esprit  à  certaines  propositions,  qui,  analogue  par  quelques 
côtés  à  la  croyance  et  à  la  certitude,  en  diffère  cependant, 
et  qu'il  est  assez  malaisé  de  définir  sans  risquer  d'offenser 
ceux  qui  font  profession  d'avoir  une  foi.  Les  philosophes 
et  les  logiciens  peuvent  bien  faire  des  distinctions  entre  la 
certitude  et  la  foi.  Ceux  qui  ont  la  foi  n'accorderont  jamais 
qu'ils  ne  sont  pas  certains,  que  leur  foi  n'enveloppe  pas 
la  certitude.  Il  semble  cependant  que  tout  le  monde  peut 
admettre  que,  si  la  foi  atteint  la  certitude,  elle  y  arrive 
par  d'autres  chemins  que  la  science  proprement  dite  ou  la 
raison.  Avoir  foi  en  un  homme,  en  une  institution,  en  une 
idée,  en  un  système  ;  avoir  foi  dans  l'avenir  ;  avoir  une 
foi  politique  ou  religieuse,  toutes  ces  expressions  supposent 
et  impliquent  que  l'esprit  fait  usage  d'autre  chose  que  de 
la  raison  pour  atteindre  la  vérité,  qu'il  est  éelairé  d'une 
autre  lumière  que  celle  qui  brille  pour  la  seule  intelligence. 
Ceux  qui  ne  veulent  pas  convenir  du  caractère  subjectif  et 
personnel  de  la  foi  expliquent  l'adhésion  pleine  et  entière 
qu'ils  donnent  à  la  vérité  qui  leur  apparaît  soit  par  un 
hasard  heureux,  par  une  sorte  d'intuition  ou  de  divination, 
soit  plutôt  par  l'action  exercée  sur  eux  par  un  être  bienveil- 
lant et  bon,  par  une  faveur,  par  un  privilège,  par  une 
grâce,  surtout,  comme  il  arrive  pour  la  foi  religieuse,  la 
foi  par  excellence,  par  une  révélation.  Une  telle  doctrine 
diffère  d'ailleurs  du  mysticisme,  puisque  la  distinction  entre 
le  sujet  et  l'objet,  entre  l'homme  et  Dieu,  est  maintenue. 
D'autres  ne  font  pas  difficulté  d'avouer  que  le  sentiment  et 
même  la  volonté  sont  pour  beaucoup  dans  la  production 
de  la  foi.  Loin  de  voir  dans  l'intervention  de  ces  mobiles 
subjectifs  une  cause  d'infériorité  ou  un  motif  de  suspicion, 
ils  revendiquent  pour  le  cœur,  pour  «  les  raisons  que  la 
raison  ne  connaît  pas  »,  le  privilège  d'atteindre  bien  plus 
sûrement  que  la  raison  raisonnante  à  la  vérité  absolue.  Il 
faut,  disent-ils  avec  Platon,  croire  avec  l'âme  tout  entière. 
La  vérité  (du  moins,  la  vérité  morale,  la  seule  qui  soit,  à 
proprement  parler,  objet  de  foi)  ne  se  découvre  pas  à  qui 
ne  la  cherche  pas  :  il  faut  aller  au-devant  d'elle,  l'aimer, 
la  vouloir,  s'offrir  à  elle.  Mais  si,  dans  cette  doctrine,  la 
foi  est  autre  chose  que  la  raison,  elle  n'en  est  pas  séparée. 
Les  vérités  qui  sont  objet  de  foi  sont  démontrées,  au  moins 
partiellement,  par  la  raison.  La  foi  ne  se  substitue  pas  à 


la  raison,  comme  dans  le  fidéisme,  mais  elle  achève  l'œuvre 
commencée  par  la  raison.  La  démonstration  rationnelle, 
pour  rigoureuse  qu'elle  soit,  est  incomplète  ;  elle  laisse 
place  à  quelque  obscurité  ;  elle  n'obtient  pas  pleinement 
le  consentement,  quoiqu'elle  force  l'assentiment.  A  la  foi 
seule  il  est  donné  d'aller  plus  loin,  d'arriver  à  la  pleine 
lumière  qui  échauffe  en  même  temps  qu'elle  éclaire  et  qui 
réjouit  le  cœur  en  même  temps  qu'elle  satisfait  définitive- 
ment l'esprit. 

Soit  que  l'on  considère  la  foi  comme  essentiellement 
opposée  à  la  raison  par  son  origine,  soit  qu'on  la  regarde 
comme  une  sorte  d'extension  de  la  raison,  provenant,  selon 
l'expression  de  Malebranche,  de  ce  que  «  nous  avons  du 
mouvement  pour  aller  plus  loin,  »  la  foi  diffère  de  la 
raison  et,  dès  lors,  se  pose  un  problème  inconnu  à  l'an- 
tiquité, mais  qui,  après  l'avènement  du  christianisme  et 
depuis  l'époque  où  saint  Anselme  intitulait  un  de  ses  livres  : 
Fides  quœrens  intellectum,  a  préoccupé  la  plupart  des 
philosophes.  Quels  doivent  être  les  rapports  de  la  raison  et 
de  la  foi  ?  Une  première  réponse  est  faite  à  cette  question 
par  les  partisans  exclusifs  de  la  foi  :  la  raison  doit  être 
entièrement  subordonnée  ;  elle  est  une  esclave  et  doit  obéir. 
Ainsi,  certains  penseurs  se  sont  complu  à  humilier,  à  froisser 
la  raison  humaine  ;  ils  ont  triomphé  de  ses  contradictions 
et  de  ses  faiblesses.  Plusieurs  même,  comme  on  le  voit  par 
le  célèbre  Credo  quia  absurdum  de  Tertullien,  sont  allés 
jusqu'à  faire  un  argument  en  faveur  de  la  foi  de  son  oppo- 
sition à  la  raison.  Il  s'en  trouve  encore  de  tels  aujourd'hui. 
Cependant,  une  solution  si  violente  ne  pouvait  rallier  les 
esprits  philosophiques.  Aussi  beaucoup  de  penseurs,  sur- 
tout au  xviie  siècle  et,  au  premier  rang  parmi  eux,  Leib- 
nitz,  se  sont-ils  donné  pour  tâche  de  concilier  la  raison 
et  la  foi,  l'ordre  de  la  nature  et  celui  de  la  grâce.  On  peut 
dire  qu'ils  ont  épuisé  leur  génie  à  chercher  la  solution  de 
ce  difficile  problème.  Mais  il  est  impossible  de  contester  que 
leurs  théories  soulèvent  encore  un  grand  nombre  de  diffi- 
cultés. Signalons  en  passant  une  doctrine  trop  peu  connue 
d'un  penseur  qui  fut  le  plus  rationaliste  de  tous,  le  plus 
âprement  attaché  à  l'évidence  mathématique,  Spinoza,  et 
qui  trouva  moyen  de  faire  place  dans  son  système,  ou 
plutôt  à  côté  de  son  système,  à  la  foi  et  même  à  la  révé- 
lation, considérant  la  foi  et  la  piété  comme  une  sorte 
d'équivalent  à  la  portée  des  humbles  et  approprié  à  leur 
degré  de  culture  des  hautes  vérités  que  la  raison  démontre. 
De  nos  jours,  semble- t-il,  la  question  se  pose  tout  autre- 
ment, et  les  termes  en  sont  pour  ainsi  dire  renversés.  La 
science  et  la  raison,  après  tant  de  progrès  accomplis  et  de 
vérités  définitivement  acquises,  loin  de  s'incliner  devant  la 
foi,  ou  même  de  consentir  à  traiter  d'égal  à  égal  avec  elle, 
ont  plutôt  une  tendance  marquée  à  l'exclure,  à  la  dédai- 
gner, à  la  tenir  pour  non  avenue.  C'est  une  disposition 
assurément  trop  répandue  chez  nos  contemporains,  qui  les 
porte  à  ne  tenir  compte  que  de  ce  qui  est  démontré  ou 
plutôt  (car  la  foi  a  la  prétention  de  reposer  sur  des  démons- 
trations) de  ce  qui  est  vérifiable  par  l'expérience.  Il  semble 
cependant,  du  moins  aux  esprits  sans  parti  pris,  qu'il  y  ait 
là  un  fâcheux  excès.  Après  une  période  d'enthousiasme,  de 
confiance  illimitée  dans  la  science,  et  en  quelque  sorte 
d'ivresse,  presque  tout  le  monde  reconnaît  aujourd'hui  que 
la  science  ne  peut  suffire  à  tout  ;  qu'il  y  a  nombre  de  ques- 
tions qui,  par  leur  nature,  lui  échappent  et  probablement  lui 
échapperont  toujours  ;  qu'elle  est  absolument  impuissante  à 
donner  la  solution  de  certains  problèmes,  surtout  de  ceux 
qui  intéressent  et  inquiètent  le  plus  la  société  moderne, 
les  problèmes  moraux  et  ceux  que  la  sociologie  s'est  donné 
pour  tâche  d'éclaircir.  D'ailleurs,  la  science  n'atteint  jamais 
que  des  abstractions.  Elle  est  toujours  relative.  De  plus, 
elle  repose  sur  des  principes  qui,  au  fond,  ne  sont  que  des 
actes  de  foi  :  même  on  a  pu  soutenir,  par  de  forts  bons 
arguments,  que  toutes  nos  affirmations,  quelles  qu'elles 
soient,  renferment  un  élément  de  croyance  très  analogue  à 
la  foi.  La  métaphysique  essaye  bien,  aidée  des  seules  forces 
de  la  raison,  d'apercevoir  l'être  même  dans  sa  réalité 


FOI  —  FOIE 


678  — 


concrète  et  absolue.  Mais  c'est  une  question  de  savoir  si 
elle  y  parvient,  et  cette  question  est  l'objet  d'éternelles  dis- 
putes. En  tout  cas,  les  moyens  dont  la  métaphysique  dispose 
sont  limités,  et  elle  n'est  pas  à  la  portée  de  la  foule.  De 
quel  droit  enfin  interdirait-on  à  l'humanité  de  trouver  dans 
la  foi  les  consolations  et  les  espérances  que  la  science  et 
la  métaphysique  sont  impuissantes  à  lui  donner?  Après 
tout,  la  science  et  la  métaphysique  elle-même  reposent  sur 
ce  postulat  implicite  que  le  fond  de  l'être  est  intelligible, 
que  rien  n'existe  qui  ne  soit  accessible  et  pénétrable  à  la 
pure  intelligence.  Mais  ce  postulat  lui-même  peut  être  con- 
testé. Il  y  a  peut-être  dans  l'absolu  comme  en  nous  autre 
chose  que  de  la  pensée.  C'est  pourquoi  ceux-là  semblent 
les  mieux  inspirés  qui,  à  l'exemple  de  Kant  et  de  ses  dis- 
ciples, commencent  par  circonscrire  nettement  le  domaine 
de  la  raison,  par  tracer  sévèrement,  non  pas  arbitraire- 
ment, mais  à  la  suite  d'analyses  précises  et  approfondies, 
les  limites  qu'elle  ne  doit  et  ne  peut  franchir,  mais  n'inter- 
disent pas  à  la  foi  de  dépasser  ces  limites  à  ses  risques  et 
périls,  pourvu  qu'elle  ne  donne  jamais  que  pour  ce  qu'elle 
est  et  ne  prétende  pas  se  confondre  avec  la  science.  La  foi 
n'a  rien  à  perdre  ;  elle  a  tout  à  gagner  à  éditer  les  conflits 
et  même  les  rencontres  avec  la  science.  Dans  cette  sphère 
qui  lui  appartient  en  propre,  ses  droits  sont  respectés, 
sa  légitimité  est  proclamée,  son  influence  heureuse  peut 
s'exercer  en  toute  liberté.  C'est  ainsi,  non  par  une  péné- 
tration réciproque,  comme  le  voulait  encore  Leibnitz,  mais 
au  contraire  par  une  distinction  précise  que  la  raison  et  la 
foi  peuvent  coexister  sans  se  nuire  et  que  peut  se  résoudre 
le  problème  tant  discuté  des  rapports  de  la  raison  et  de 
la  foi.  Victor  Brochard. 

IL  Théologie.  —  La  première  des  trois  vertus  théologales 
(V.  Espérance  et  Charité).  VEpître  aux  Hébreux  la  dé- 
finit :  «  Une  représentation  vive,  Ô7tdoxaatç,des  choses  qu'on 
espère,  une  démonstration, ïXs-^çoç,  de  celles  qu'on  ne  voit 
pas.  »  (XI,  4.)  Il  s'agit  ici  d'un  phénomène  d'ordre  essen- 
tiellement religieux,  d'une  puissance  ou  d'une  vertu  faisant 
apparaître  devant  la  pensée  des  choses  qu'on  ne  voit  pas  et 
produisant  une  certitude  au  moins  égale  à  celle  qui  résulte 
de  l'attestation  des  sens  ou  des  opérations  du  raisonnement. 
La  foi  ainsi  définie  est  nécessairement  un  fait  subjectif, 
une  image  produite  dans  la  pensée  du  croyant  et  qui  ne 
peut  représenter  que  ce  à  quoi  il  pense.  Non  seulement  on 
ne  croit  pas  aux  choses  auxquelles  on  ne  pense  pas;  mais, 
pour  croire,  il  ne  suffit  pas  de  se  soumettre  à  telle  ou  telle 
formule,  de  la  répéter  ou  de  la  souscrire  ;  il  faut  que  cette 
formule  saisisse  et  convainque  la  pensée.  A  défaut  de  cette 
conviction,  il  peut  y  avoir  acte  de  docilité  et  d1 obéissance , 
il  n'y  a  jamais  acte  de  foi  réelle.  De  là,  l'étonnement 
des  profanes  assistant  aux  palinodies  des  prélats  qui  ac- 
ceptent aujourd'hui,  comme  dogmes  nécessaires  au  salut, 
les  opinions  qu'ils  réprouvaient  hier  comme  erronées  et 
dont  ils  attribuaient  la  consécration  et  la  promulgation  à 
la  connivence  d'une  majorité  d'insensés,  ferœomnes,  comme 
disait  un  archevêque  de  Paris,  à  l'occasion  du  dogme  de 
l'infaillibilité  des  papes,  défini  au  concile  du  Vatican.  — 
Cependant  les  théologiens  catholiques  distinguent  deux  sortes 
de  foi:  la  foi  explicite,  qui  aperçoit  l'objet  particulier  qu'on 
lui  propose,  et  la  foi  implicite,  qui  admet  d'avance,  en 
bloc  et  sans  y  avoir  jamais  pensé,  tout  ce  que  l'Eglise  dé- 
clare ou  déclarera  être  un  article  de  foi.  A  un  ordre  d'idées 
fort  voisin  appartient  la  distinction  entre  la  foi  habituelle 
et  la  foi  actuelle.  La  première  est  une  disposition  surna- 
turelle de  l'entendement,  produite  par  la  grâce  prévenante 
et  incitant  à  croire  tout  ce  que  Dieu  a  révélé  et  tout  ce  que 
l'Eglise  propose  comme  tel.  La  seconde  consiste  dans  les 
actes,  extérieurs  ou  intérieurs,  résultant  de  cette  habitude 
de  la  foi.  La  foi  vive  est  celle  qui  est  animée  de  la  charité, 
laquelle  donne  la  vie  à  l'âme  et  engendre  les  bonnes 
œuvres  ;  la  foi  morte  reste  stérile  en  ces  œuvres,  n'étant 
point  accompagnée  de  la  charité.  La  foi  vive  est  la  seule  qui 
procure  la  justification  et  le  salut.  Les  scolastiques  appel- 
lent foi  formée  celle  qui  est  complétée  par  la  grâce  sanc- 


tifiante, et  foi  informe  celle  du  chrétien  qui  est  en  état  de 
péché.  —  La  foi  est  nécessaire,  d'une  nécessité  de  pré- 
cepte. En  effet,  Jésus-Christ  a  dit  :  «  Celui  qui  croira  et 
sera  baptisé  sera  sauvé  ;  mais  celui  qui  ne  croira  pas  sera 
condamné.  »  [Saint  Marc,  XVI,  16.)  Le  précepte  ne  portait 
alors  que  sur  un  seul  point,  essentiel  et  résumant  toute  la 
foi  des  chrétiens  de  ce  temps-là.  Longtemps  après,  les 
théologiens  ont  découvert  qu'il  est  affvrmatif,  en  ce  qu'il 
oblige  tous  les  chrétiens  à  croire,  non  seulement  tout  ce 
que  Dieu  a  révélé,  mais  tout  ce  que  l'Eglise  propose  en  son 
nom.  Il  serait  aussi,  suivant  eux,  négatif,  parce  qu'il  en- 
joindrait de  rejeter  toutes  les  doctrines  que  l'Eglise  a  con- 
damnées. —  On  est  astreint,  dans  l'Eglise  catholique,  à 
croire  explicitement  tous  les  articles  de  foi  qu'elle 
déclare  fondamentaux.  Ainsi,  tous  ceux  qui  ont  atteint 
l'âge  de  raison  sont  tenus,  sous  peine  de  péché  mortel, 
d'apprendre,  de  savoir  et  de  professer,  au  moins  quant  à 
la  substance,  le  symbole  des  apôtres,  les  commandements 
de  Dieu  et  de  l'Eglise,  tout  ce  qui  concerne  les  mystères  de  la 
Trinité,  de  l'Incarnation  et  de  la  Rédemption,  le  nombre, 
la  nature  et  les  effets  des  sacrements,  surtout  du  Baptême, 
de  la  Pénitence  et  de  l'Eucharistie.  Pour  les  autres  articles, 
moins  accessibles  aux  simples  fidèles,  il  suffit  à  ceux-ci  de 
les  croire  implicitement,  c.-à-d.  de  ne  pas  les  repousser 
quand  ils  leur  seront  présentés.  E.-H.  Vollet. 

Exposition  de  la  foi  (V.  Ecthesis). 
Confession  de  foi  (V.  Confession,  t.  XII,  p.  382). 
Règle  de  la  foi  (V.  Eglise,  t.  XV,  p,  646). 
ïiï.  Droit  féodal.  —  Foi  et  hommage  (V.  Fief). 
IV.  Art  héraldique.  —  Figure  naturelle  composée  de 
deux  mains  entrelacées  symbolisant  l'alliance  ou  l'amitié  et 
ordinairement  posée  en  fasce.  La  foi  parée  est  celle  dont  les 
poignets  sont  couverts  d'une  étoffe  d'émail  particulier.  Les 
deux  mains  doivent  être  dextres. 
FOIBLAGE  (V.  Faiblage). 

FOIE.  I.  Anatomie.  —  Dans  toute  la  série  animale 
on  trouve  annexé  au  tube  digestif  et  dans  des  rapports 
plus  ou  moins  directs  un  organe  que  l'on  désigne  sous  le 
nom  de  foie.  Il  y  a  toutefois  lieu  de  faire  remarquer  que 
l'identité  de  fonction  des  organes  ainsi  dénommés  en  ana- 
tomie comparée  n'est  pas  démontrée.  Chez  les  cœlentérés, 
les  vers,  les  insectes,  le  foie  se  présente  sous  la  forme 
d 'un  épithélium  en  connexion  avec  la  cavité  digestive,  puis 
tend  à  devenir  indépendant  ;  il  existe  alors  sous  forme  de 
glandes  tubuleuses  enchevêtrées,  s'ouvrant  soit  indivi- 
duellement, soit  par  un  canal  collecteur  dans  l'intestin. 
La  forme  tubuleuse  disparaît  enfin  chez  les  animaux  plus 
élevés  dans  l'échelle,  à  tel  point  qu'il  est  difficile  de  re- 
connaître la  structure  glandulaire.  Nous  ne  parlerons  ici 
que  du  foie  des  mammifères,  le  seul  dont  la  fonction  ou 
plutôt  les  fonctions  sont  à  peu  près  connues. 

Le  foie  est  constitué  par  une  série  d'organites  que  l'on 
désigne  sous  le  nom  de  lobules.  Chacun  des  lobules  présente 
une  disposition  identique  et  qui  est  caractéristique  de  la 
texture  du  foie.  Examiné  à  un  faible  grossissement  sur  une 
coupe,  on  aperçoit  au  centre  du  lobule,  qui  affecte  lui-même 
une  section  polyédrique,  la  lumière  d'un  vaisseau  :  c'est  la 
veine  sus-hépatique  ou  veine  intra-lobulaire  de  Kiernan  ;  de 
la  veine  sus-hépatique  partent  des  capillaires  radiées. 
Entre  ces  capillaires  et  en  contact  direct,  on  trouve  les 
cellules  propres  du  foie,  les  cellules  hépatiques,  mais  celles- 
ci  ne  forment  pas  une  masse  contiguë  :  elles  présentent 
entre  elles  des  espaces  lacunaires  qui  constituent  le  réseau 
d'origine  des  voies  biliaires.  Ces  réseaux,  au  lieu  de  pré- 
senter une  direction  convergente  vers  le  centre  du  glo- 
bule, comme  c'est  le  cas  dans  les  glandes  en  général,  se 
dirigent  vers  la  périphérie.  Chaque  lobule  est  limité  par 
des  branches  de  la  veine  porte,  entourées  d'une  gaine  con- 
jonctive. C'est  à  cette  branche  qu'aboutissent  les  capillaires 
émergeant  de  la  veine  sus-hépatique,  et  c'est  dans  sa  gaine 
conjonctive  que  se  forment  les  tissus  biliaires. 

La  structure  du  foie,  telle  que  nous  venons  de  la  décrire 
d'après  les  auteurs  classiques,   indique  une   différence 


679  — 


FOIE 


notable  avec  les  glandes.  Au  lieu  d'un  canal  excréteur  cen- 
tral, c'est  une  veine  qui  constitue  le  centre  du  système 
lobulaire.  Aussi  peut-on  dire  que  le  lobule  hépatique  n'est 
pas  une  unité  glandulaire,  mais  une  unité  vasculaire.  Ce 
qui  frappe  encore  dans  cette  histologie  du  foie,  c'est  l'absence 
de  membrane  basale  entre  les  cellules  hépatiques  et  les 
vaisseaux  ;  l'existence  d'un  endothélium  à  l'origine  du  ré- 
seau biliaire  jadis  affirmée  est  aujourd'hui  totalement  aban- 
donnée. Robin,  qui  avait  été  frappé  de  l'analogie  de  la 
structure  du  foie  avec  les  glandes  vasculaires  sanguines, 
s'appuyant  sur  les  indications  de  la  physiologie,  fait  entre 
le  foie  et  la  rate  un  parallèle  original.  «  Dans  l'hypocondre 
gauche,  dit-il,  le  pancréas  et  la  rate  forment,  le  premier 
une  glande  en  grappe,  la  seconde  une  glande  vasculaire 
sanguine  qui  reste  distincte  du  pancréas  et  ne  s'enche- 
vêtre pas  avec  lui,  bien  qu'elle  lui  soit  reliée  par  du  tissu 
conjonctif,  des  vaisseaux  et  des  nerfs.  Que  voyons-nous 
du  côté  droit  ?  le  foie  biliaire,  glande  en  grappe,  et  le  foie 
glycogénique,  glande  vasculaire  sanguine  ne  se  séparant 
pas  ;  au  lieu  de  former  deux  organes  distincts,  ils  restent 
confondus  et  nous  n'avons  à  droite  qu'un  seul  viscère, 
représentant  les  deux  viscères  séparés  du  côté  gauche.  C'est 
à  ce  titre  qu'il  est  permis  de  dire  que  le  foie  est  une 
glande  mixte  ou  double.  » 

Les  vues  exposées  si  nettement  par  Robin  sont  des  plus 
exactes;  le  foie  est  un  organe  à  fonctions  multiples,  et  sa 
structure  même  a  dû  être  modifiée  en  vue  de  ces  diverses 
fonctions.  Le  foie  est  en  effet  une  glande  vasculaire  san- 
guine, c.-à-d.  une  glande  dans  laquelle  le  sang  subit 
certaines  modifications,  pour  la  plupart  d'entre  elles  jus- 
qu'ici inconnues,  qui  font  que  le  sang  à  sa  sortie  de  l'or- 
gane présente  une  composition  différente  de  celle  qu'il 
avait  à  son  entrée;  mais,  outre  cette  fonction,  qui  ne  com- 
porte aucun  canal  excréteur,  le  foie  est  chargé  de  sécréter 
la  bile.  Il  rentre  donc  de  ce  côté  dans  les  glandes  ordinaires 
du  canal  excréteur,  dont  il  diffère  cependant  en  ce  que  les 
cordons  des  cellules  de  son  parenchyme  sont  orientées  par 
rapport  aux  vaisseaux,  qu'ils  sont  anastomosés  entre  eux 
et  n'ont  pas  de  membranes  propres. 

L'anatomie  comparée  et  l'embryogénie,  confirmées  d'ail- 
leurs par  l'anatomie  pathologique,  montrent  que  le  foie  est 
formé  de  glandes  en  tubes  (cirrhose  biliaire,  adénome  hépa- 
tique, foie  de  la  couleuvre).  Par  suite  de  l'organisation 
de  ces  cordons  hépatiques,  on  ne  peut  le  comparer  aux 
glandes  ordinaires,  mais  à  une  glande  toute  spéciale,  le 
poumon.  Pilliet  a  résumé  très  clairement  la  conception 
ingénieuse  de  Sabourin. 

Le  lobule  a  pour  centre  un  espace  porte.  Il  est  délimité 
à  sa  périphérie  par  une  surface  brisée  passant  par  les 
veines  sus-hépatiques  qui  l'entourent  immédiatement.  Il 
est  donc  composé  de  quatre  segments  égaux  pris  chacun 
sur  un  des  quatre  lobules  hépatiques  qui  entourent  l'es- 
pace porto-biliaire.  Chacun  de  ces  segments  forme  une 
nouvelle  division  du  lobule,  c'est  l'acinus  biliaire,  qu'on 
peut  regarder  comme  formé  d'un  seul  tube  pelotonné  et 
anastomosé,  s'abouchant  par  un  canal  biliaire  au  canal 
qui  occupe  l'espace  porte  et  recevant  deux  branches  vascu-  ; 
laires,  l'une  de  la  veine  porte,  et  l'autre  de  l'artère  hépa- 
tique. Le  foie  se  trouve  ainsi  logiquement  assimilé,  non 
pas  aux  autres  glandes,  comme  le  voulaient  les  anciens 
anatomistes ,  mais  à  une  autre  glande  en  particulier,  le 
poumon.  Le  canal  excréteur  correspond  à  la  bronche  intra- 
lobulaire,  la  veine  porte  et  l'artère  hépatique  à  l'artère 
pulmonaire  et  à  l'artère  bronchique  ;  enfin  la  circula- 
tion veineuse  périphérique  se  trouve  représentée  dans  le 
foie  par  les  veines  sus-hépatiques  et  dans  le  poumon  par 
les  veines  pulmonaires.  L'acinus  biliaire  correspond  rigou- 
reusement à  l'acinus  pulmonaire.  Le  problème  qui  préoccu- 
pait tant  les  anciens  est  ici  résolu,  grâce  au  choix  heureux 
de  l'organe  qui  sert  de  terme  de  comparaison.  Pourtant  il 
faut  noter  que  le  poumon  est  disposé  en  vue  de  modifica- 
tions à  faire  subir  au  sang  et  non  en  -vue  de  sécrétions 
excrémentitielles  ;  c'est  en  grande  partie  une  glande  vas- 


culaire sanguine,  et  sa  circulation  n'est  pas  rigoureuse- 
ment comparable  à  celle  des  glandes  salivaires. 

II.  Physiologie. —  Le  foie  exerce  des  fonctions  mul- 
tiples que  nous  étudierons  séparément,  bien  qu'il  existe 
nécessairement  des  connexions  intimes  entre  elles  :  sécrétion 
de  la  bile,  formation  du  sucre,  formation  de  la  graisse,  for- 
mation d'urée,  fonction  hématopoiétique,  action  antitoxique. 

Formation  de  la  bile  (V.  Biliaire). 

Formation  du  sucre  (V.  Glycogénie). 

On  voulait  autrefois  considérer  dans  le  foie  deux  organes 
distincts,  ayant  des  éléments  histologiques  propres.  A  la 
cellule  hépatique  était  dévolue  la  fonction  glycogénique  ; 
c'était  leur  agglomération  qui  constituait  le  foie  gly- 
cogénique ;  aux  cellules  tapissant  les  canalicules  biliaires 
était  réservée  la  sécrétion  biliaire,  l'ensemble  de  ces  cana- 
licules constituant  le  foie  biliaire  ;  mais  les  recherches 
actuelles,  comme  nous  l'avons  vu,  ont  montré  que  les  pré- 
tendues cellules  des  canalicules  biliaires  n'existaient  pas, 
que  ces  derniers  étaient  fermés  par  l'écartement  des  cel- 
lules hépatiques,  la  face  formant  les  parois  des  canali- 
cules étant  simplement  épaissie  pour  former  une  cuticule. 
Les  cellules  hépatiques  exercent  donc  directement  leur 
fonction  connexe  :  glycogénique  et  biligénique.  On  peut, 
dans  certains  cas,  déceler  la  matière  colorante  biliaire  dans 
les  cellules  hépatiques.  Beaunis  admet  que  la  sécrétion  de 
la  bile  exige,  outre  les  cellules  hépatiques,  l'intervention 
des  glandes  en  grappe  que  l'on  observe  sur  les  canaux 
biliaires.  Les  substances  spéciales  à  la  bile,  matières  colo- 
rantes, cholestérine,  acides  biliaires,  seraient  élaborés  par 
la  cellule  hépatique,  tandis  que  l'eau  et  les  sels  provien- 
draient des  glandes  en  grappe.  Les  glandes  en  grappe  ne 
seraient  donc  que  des  appareils  de  filtration  analogues  au 
rein  par  exemple,  alors  que  les  cellules  hépatiques  élabo- 
reraient du  sang  les  principes  spécifiques  de  la  bile. 

Production  de  la  graisse.  —  Les  observations  cliniques 
démontrent  la  fréquence  de  la  dégénérescence  graisseuse 
du  foie.  Normalement,  le  foie  formerait  en  même  temps 
que  de  la  glycose  aux  dépens  du  glycogène  une  graisse 
très  oxydable  (graisse  de  l'huile  de  foie  de  morue),  utile 
par  suite  à  la  thermogenèse,  surtout  quand  l'oxygénation 
est  faible.  L'anatomie  comparée  montre  en  effet  *  que  les 
animaux  à  respiration  faible  ont  un  foie  volumineux,  tandis 
que  ceux  à  respiration  active  (oiseaux)  ont  cet  organe  très 
réduit.  Pendant  la  grossesse  et  la  période  de  lactation  le 
foie  est  toujours  très  riche  en  graisse. 

Fonction  hématopoiétique.  —  L'existence  dans  la  bile  de 
dérivés  de  l'hémoglobine  (bilirubine)  indique  qu'il  doit  se 
produire  une  certaine  destruction  des  globules  sanguins. 
On  considère  donc  le  foie  comme  un  centre  de  destruction 
des  globules,  mais  il  est  possible,  très  admissible  même, 
que  de  nouveaux  éléments  figurés  prennent  naissance  dans 
cette  glande.  Le  fer  perdu  par  l'hémoglobine  transformé 
en  bilirubine  ne  passe  pas  dans  la  bile  en  quantité  appré- 
ciable et  doit  donc  être  fixé  de  nouveau. 

Formation  d'urée.  —  Meissner  a  considéré  le  foie  comme 
l'organe  principal  de  la  formation  de  l'urée  ;  toutefois,  ce 
n'est  pas  aux  dépens  du  tissu  hépatique  lui-même,  mais  du 
sang  qui  l'irrigue  que  se  formerait  ce  produit  de  déchet. 
Dans  l'atrophie  aiguë  du  foie,  on  voit  l'urée  disparaître 
totalement  de  l'urine.  C'est  la  seule  observation  en  faveur 
de  cette  opinion  ;  en  effet,  chez  les  grenouilles  privées  de 
foie,  on  trouve  de  l'urée  ;  le  sang  des  veines  sus-hépatiques 
n'est  pas  plus  riche  en  urée  que  le  sang  veineux  général. 
Que  le  foie  produise  cette  substance,  le  fait  est  probable  ; 
mais,  à  poids  égal,  il  n'est  certainement  pas  plus  actif  que 
les  muscles  en  travail. 

Action  antitoxique.  —  Le  foie  joue  contre  les  intoxica- 
tions, que  les  agents  toxiques  soient  introduits  dans  l'or- 
ganisme ou  qu'ils  y  prennent  naissance,  un  rôle  des  plus 
importants  :  en  accumulant  certains  principes  toxiques, 
pour  les  déverser  peu  à  peu  dans  le  torrent  circulatoire, 
où  leur  petite  quantité  les  rend  inoffensifs,  ou  encore 
en  les  éliminant  par  la  sécrétion  biliaire  (?)  ;  tels  le 


FOIE 


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cuivre,  le  plomb,  l'arsenic,  la  nicotine,  la  quinine,  la 
strychnine,  la  cocaïne,  les  peptones,  les  poisons  putrides. 
Mais  ces  produits  ne  sont  pas  tous  simplement  retenus 
par  le  foie  ;  ils  y  subissent  des  modifications  chimiques, 
modifications  qui  se  produiraient,  d'après  Roger,  par  l'ac- 
tion du  glycogène.  Quand  cet  organe  en  effet  est  privé 
de  glycogène,  son  action  antitoxique  est  supprimée.  On 
sait  du  reste  que  le  glycose  modifie  in  vitro  les  alca- 
loïdes (Tanret),  en  diminuant  l'intensité  des  fermentations 
intestinales,  grâce  à  l'action  antiseptique  de  la  bile.  Cette 
action  antiseptique,  bien  que  très  faible,  douteuse  même 
pour  Rohmann,  serait  due  en  grande  partie  à  l'acide  cho- 
lalique.  Dr  P.  Langlois. 

III.  Pathologie. — Le  rôle  considérable  que  les  anciens 
attribuaient  au  foie  dans  la  physiologie  humaine  avait  pour 
conséquence  forcée  un  rôle  presque  aussi  important  en  pa- 
thologie. Hippocrate  signale  les  troubles  fonctionnels  aux- 
quels, selon  lui,  ses  maladies  donnaient  naissance,  et  Galien 
met  sous  sa  dépendance  la  plupart  des  maladies  de  l'ap- 
pareil circulatoire,  l'anémie,  la  pléthore,  l'hydropisie, 
la  cachexie,  etc.  ;  à  la  bile  jaune  se  rattachaient  les  mala- 
dies aiguës  fébriles;  à  la  bile  noire  les  maladies  chro- 
niques, et  surtout  la  mélancolie  et  les  troubles  intellectuels. 
Les  idées  de  Galien  eurent  créance  jusqu'à  l'époque  où 
Aselli  et  Pecquet  découvrirent  les  vaisseaux  chylifères  et 
le  canal  thoracique,  mais  la  réaction  qui  se  produisit  alors 
contre  elles  fut  telle  que  l'on  dénia  au  foie  toute  autre 
fonction  que  celle  de  former  la  bile,  et  que  l'étude  de  sa 
pathologie  resta  stationnaire.  C'est  seulement  depuis  les 
travaux  de  Morgagni,  de  Sénac,  de  Haller,  de  Portai,  etc., 
qu'elle  fut  reprise,  et  c'est  depuis  ceux,  plus  récents,  de 
Cruveillier,  d'Andral  et  de  Rokitansky,  que  nos  connais- 
sances en  cette  matière  acquérirent  une  véritable  précision. 
Dans  ces  dernières  années,  des  recherches  histo logiques 
jetèrent  une  nouvelle  lumière  sur  la  structure  du  foie  et 
nous  firent  envisager  sa  pathologie  d'une  façon  plus  précise. 
Congestion  du  foie.  —  Elle  peut  reconnaître  une  origine 
inflammatoire  ou  être  la  conséquence  d'un  trouble  méca- 
nique de  la  circulation.  La  première  se  voit  au  début  de  la 
plupart  des  maladies  chroniques  du  foie  (surtout  quand 
elles  ont  une  intoxication  pour  cause),  dans  certains  états 
diathésiques  et  au  cours  de  la  plupart  des  maladies  infec- 
tieuses ;  elle  paraît  être  le  résultat  de  l'action  des  agents 
infectieux  ou  toxiques  sur  la  circulation  hépatique  et  sur  la 
nutrition  du  parenchyme.  La  seconde  est  due  le  plus  sou- 
vent à  la  gêne  de  la  circulation  cardio-pulmonaire,  et  la 
plupart  des  maladies  chroniques  du  cœur  et  du  poumon 
peuvent  la  déterminer;  dans  tous  les  cas,  les  lésions 
cardiaques,  comme  les  lésions  pulmonaires,  ne  provoquent 
la  stase  veineuse  dans  le  foie  qu'en  ralentissant  la  circu- 
lation du  sang  veineux  dans  le  cœur  droit  et  en  s'opposant 
à  la  déplétion  de  la  veine  cave  inférieure  dans  l'oreillette 
droite.  La  congestion  passive  du  foie  est  la  seule  dont 
l'étude  soit  actuellement  complète  ;  on  ne  connaît  guère  en 
effet  les  altérations  dont  s'accompagne  l'hyperémie  conges- 
tive.  Le  foie,  dont  la  congestion  dépend  d'une  affection  du 
cœur,  est  augmenté  de  volume  et  offre  à  la  coupe  un  aspect 
marbré  dû  à  la  coloration  rouge  du  centre  des  lobules  oc- 
cupé par  la  veine  sus-hépatique  dilatée  et  à  une  apparence 
jaunâtre  de  leur  périphérie  envahie  par  la  graisse.  Peu  à 
peu  sous  l'influence  du  contact  prolongé  avec  le  sang  vei- 
neux les  cellules  qui  entourent  la  veine  centrale  deviennent 
granuleuses  et  s'atrophient,  indice  d'une  nutrition  incom- 
plète ;  ce  phénomène  peut  déterminer  une  atrophie  de  l'en- 
semble de  l'organe.  Peu  de  symptômes  accompagnent  cette 
congestion  ;  ils  peuvent  se  borner  à  une  augmentation  de 
.  volume  du  foie  et  à  des  douleurs  sourdes  ;  l'ictère  se  ren- 
contre rarement,  mais  au  contraire  il  est  fréquent  quand  la 
congestion  est  sous  la  dépendance  d'un  trouble  de  l'inner- 
vation, ou  d'une  fluxion  irritative. 

Cirrhoses  du  foie  (V.  Cirrhose). 

Ictère.  —  C'est  un  syndrome  morbide  qui  apparaît  dans 
la  plupart  des  maladies  du  foie  et  qui  se  caractérise  par  une 


coloration  jaune  des  tissus  et  des  liquides  de  l'organisme 
et  par  la  résorption  des  sels  biliaires.  La  pathogénie  de 
l'ictère  est  encore  assez  mal  précisée;  le  plus  souvent  il  est 
dû  à  la  résorption  de  la  bile,  les  canaux  biliaires  étant 
obstrués  par  un  obstacle  mécanique  ou  par  un  spasme.  La 
bile  versée  à  flots  dans  le  tube  digestif  peut  aussi  être 
reprise  par  les  vaisseaux  sanguins  qui  le  tapissent.  Gubler 
a  décrit  sous  le  nom  d'ictère  hémaphéique  un  pseudo-ictère 
dont  la  coloration  est  beaucoup  moins  franche  et  où  l'urine 
ne  laisse  apparaître  aucune  trace  de  pigment  biliaire  sous 
l'influence  des  réactifs  ;  il  paraît  dû  à  la  coloration  des 
tissus  par  l'hématosine  des  globules  sanguins  détruits.  La 
coloration  de  la  peau  imprégnée  par  les  pigments  biliaires 
varie  du  jaune  clair  au  vert  et  au  brun  foncé;  les  mu- 
queuses et  surtout  la  conjonctive  sont  coloréesles  premières; 
cette  imprégnation  s'accompagne  d'un  prurit  parfois  insup- 
portable. La  coloration  des  milieux  de  l'œil  ou  plutôt  un 
trouble  des  centres  nerveux  détermine  quelquefois  de  la 
xanthopsie  ou  vision  des  objets  colorés  en  jaune.  Les  cra- 
chats et  le  lait  sont  souvent  colorés  en  jaune  ;  l'urine  prend 
une  teinte  rouge  brune  qui  passe  au  vert  par  l'addition  de 
quelques  gouttes  d'acide  nitrique  nitreux.  Par  suite  d'une 
intoxication,  soit  du  pneumogastrique,  soit  des  ganglions 
moteurs  du  cœur  par  les  sels  biliaires  résorbés,  le  cœur 
se  ralentit,  devient  irrégulier  et  laisse  entendre  temporai- 
rement des  souffles  au  niveau  des  valvules  mitrale  et  tri- 
cuspide.  L'état  saburral  des  voies  digestives  et  la  décolo- 
ration des  matières  fécales  accompagnent  toujours  l'ictère. 

L'ictère  survient  dans  bon  nombre  de  maladies  infec- 
tieuses bénignes  ou  graves  par  suite  de  l'action  exercée  sur 
le  foie  par  des  produits  infectieux  et  toxiques.  Sous  le  nom 
à'ictère  catarrhal,  on  désigne  une  fièvre  saisonnière  endé- 
mique avec  ictère  de  courte  durée  ;  sous  celui  àHctère  grave 
on  range  les  cas,  où  le  foie  étant  profondément  atteint,  sa 
désorganisation  se  traduit  extérieurement  par  un  ictère  très 
coloré.  Ces  formes  graves  d'ictère  reconnaissent  des  causes 
diverses  où  l'infection  et  l'intoxication  jouent  toujours  le 
principal  rôle  ;  ils  sont  donc  le  symptôme  d'affections  diffé- 
rentes par  leur  étiologie,  mais  semblables  par  leurs  effets.  Les 
empoisonnements  par  l'arsenic,  le  phosphore,  l'antimoine, 
des  conditions  miasmatiques  inconnues,  des  agents  patho- 
gènes peuvent  leur  donner  naissance.  Les  cellules  du  foie 
subissent  une  dissociation  qui  aboutit  à  leur  destruction  et 
à  l'atrophie  de  l'organe;  les  voies  biliaires  sont  enflammées, 
la  rate  est  tuméfiée,  le  sang  diffluent  et  noirâtre,  le  cœur 
mou  et  graisseux.  L'affection  débute  par  des  symptômes 
généraux  graves,  des  vomissements,  de  la  diarrhée,  puis  elle 
s'affirme  par  de  l'ictère  de  plus  en  plus  accusé,  par  des 
hémorragies  multiples  et  par  des  troubles  nerveux,  délire, 
état  typhoïdique,  dyspnée  et  coma.  La  durée  de  ces  états  ne 
dépasse  guère  huit  jours,  et  la  mort  est  presque  toujours  la 
règle,  produite  probablement  par  la  suppression  des  fonc- 
tions du  foie  et  l'accumulation  dans  le  sang  des  produits 
excrémentitiels. 

Hépatite  diffuse.  Abcès  du  foie.  —  C'est  surtout  une 
maladie  des  pays  chauds  qui  n'était  guère  connue  en 
France  avant  la  campagne  d'Alger  ;  elle  paraît  être  le  ré- 
sultat d'actions  microbiennes  sur  le  foie  et  se  montre  sur- 
tout à  la  suite  de  la  dysenterie,  par  suite  de  la  pénétration 
des  germes  pathogènes,  soit  dans  les  voies  biliaires,  soit 
dans  les  vaisseaux  portes.  Des  excès  de  nourriture  et  sur- 
tout l'alcoolisme  aident  à  ce  résultat.  La  maladie  débute 
insidieusement  par  des  symptômes  de  congestion  du  foie  et 
par  de  l'embarras  gastrique  avec  ictère  ;  la  fièvre  manque 
souvent  et  il  peut  y  avoir  un  début  tout  à  fait  latent.  Dès 
que  la  suppuration  commence  à  se  faire,  elle  s'accompagne 
de  frissons  d'une  durée  d'une  heure  environ  chaque  soir; 
la  température  peut  atteindre  40°  ;  le  malade  maigrit, 
s'affaiblit  et  les  symptômes  généraux  peuvent  prédominer 
au  point  de  faire  méconnaître  l'état  local.  Plus  souvent,  les 
signes  locaux  occupent  le  premier  rang  :  douleur  hépatique 
vive,  dyspnée,  toux  sèche  et  quinteuse,  gastrite,  ictère  et 
augmentation  de  volume  du  foie.  L'abcès  est  souvent  unique 


681 


FOIE 


et  siège  de  préférence  à  la  face  convexe  du  lobe  droit  ;  il 
paraît  débuter  vers  les  régions  centrales  et  s'étendre  peu 
à  peu  vers  la  convexité  ;  son  volume  peut  atteindre  celui 
d'une  grosse  orange.  Sa  forme  est  arrondie  ;  il  esf  quel- 
quefois cloisonné  et  contient  un  pus  fétide  quand  son  ori- 
gine est  intestinale.  Ces  abcès  peuvent  se  résorber  ou 
s'ouvrir  spontanément,  mais  en  général  on  est  amené  à  les 
vider,  soit  par  l'aspiration  ou  par  le  trocart,  soit  par  l'in- 
cision au  bistouri. 

Le  foie  peut  être  le  siège  d'abcès  d'une  autre  origine  ; 
abcès  métastatiques  dans  l'infection  purulente  et  à  la  suite 
de  plaies  ;  abcès  prenant  leur  point  de  départ  dans  les  voies 
biliaires,  parangiocholite  suppurée  ;  abcès  consécutifs  à  des 
kystes  hydatiques.  Les  symptômes  qu'ils  provoquent  dif- 
fèrent selon  la  cause  qui  leur  donne  naissance,  mais 
rentrent  par  leurs  grandes  lignes  dans  le  cadre  que  nous 
venons  de  tracer. 

Cancer  du  foie.  —  Il  fut  signalé  pour  la  première  fois  par 
Baillie  en  1812;  bien  que  sa  fréquence  soit  grande,  ses 
causes  sont  aussi  mal  connues  que  celles  des  autres  can- 
cers ;  mais  il  est  fort  rare  qu'il  soit  primitif,  et  il  n'atteint 
le  foie  que  secondairement.  Ce  cancer  se  présente  sous  la 
forme  de  tumeurs  d'un  blanc  jaunâtre,  de  nombre  et  de 
volume  variables  ;  celles  qui  font  saillie  à  la  surface  de 
l'organe  sont  évidées  à  leur  centre  en  forme  de  cupules 
par  suite  du  ramollissement  des  parties  centrales.  L'exa- 
men microscopique  de  ces  parties  d'un  nodule  ne  montre 
plus  rien  qui  rappelle  la  structure  des  lobules,  les  élé- 
ments de  néoformation  cancéreuse  ayant  tout  envahi  ; 
mais  à  sa  périphérie  on  assiste  au  travail  d'extension  du 
cancer  et  à  la  prolifération  active  des  conduits  biliaires, 
des  vaisseaux  portes  et  du  tissu  conjonctif  interlobulaire. 
Cliniquement,  le  cancer  du  foie  a  souvent  une  marche 
insidieuse  et  ne  détermine  d'abord  que  de  l'amaigrisse- 
ment par  suite  de  troubles  digestifs;  plus  tard  apparais- 
sent de  la  pesanteur  puis  de  la  douleur  dans  l'hypocondre 
droit,  et  la  palpation  du  foie  dénote  l'hypertrophie  et  la 
présence  à  sa  surface  de  bosselures  marronnées,  dures  et 
inégales.  L'ictère  et  l'ascite  se  rencontrent  avec  une  égale 
fréquence,  mais  seulement  quand  il  existe  de  la  compres- 
sion des  voies  biliaires  ou  de  l'obstruction  de  la  veine  porte. 
La  marche  de  ce  cancer  est  continue  et  aboutit  rapidement 
à  la  mort  ;  un  traitement  palliatif  ne  peut  même  guère  la 
retarder. 

Syphilis  du  foie.  —  C'est  une  localisation  de  la  syphilis 
assez  rare  chez  les  adultes,  mais  relativement  fréquente 
chez  les  enfants  dans  la  syphilis  héréditaire.  Dans  ce  der- 
nier cas  le  foie  peut  devenir  énorme,  de  façon  à  représen- 
ter 1/15  ou  1/12  du  poids  total  du  corps  au  lieu  de  1/25, 
en  même  temps  que  la  rate  présente  une  hypertrophie  ana- 
logue. Chez  l'adulte,  il  y  a  plutôt  une  tendance  à  l'atrophie 
par  suite  de  la  formation,  soitdegommes  qui  amènent  autour 
d'elles  de  la  rétraction  fibreuse,  soit  de  syphilomes  diffus 
aboutissant  aussi  à  de  la  sclérose.  Peu  de  symptômes  tra- 
duisent ces  lésions  dont  le  diagnostic  est  difficile  ;  c'est  par 
la  marche  des  accidents  et  l'ensemble  des  phénomènes 
morbides  qu'on  arrive  à  le  faire.  La  confusion  se  fait  sur- 
tout avec  la  cirrhose  atrophique,  et  la  syphilis  du  foie  ne 
peut  guère  être  séparée  d'elle  qu'en  tenant  compte  de  la 
mobilité  avec  laquelle  l'ascite  apparaît  et  disparaît,  et  de 
la  présence  assez  fréquente  de  l'ictère,  alors  qu'il  est  rare 
dans  cette  cirrhose  ;  mais  le  traitement  spécifique  est  sou- 
vent la  seule  pierre  de  touche  du  diagnostic. 

Tuberculose  du  foie.  — Elle  ne  se  voit  guère  que  dans  la 
tuberculose  généralisée  ou  dans  la  tuberculose  à  marche 
très  lente.  Les  tubercules  du  foie  sont  fort  petits  et  se 
montrent  comme  de  petits  grains  perlés  situés  au  milieu 
du  parenchyme,  dans  le  voisinage  immédiat  des  vaisseaux 
sanguins.  Leur  présence  détermine  de  la  congestion  hépa- 
tique, mais  ne  peut  que  rarement  être  décelée  par  la  cli- 
nique. Dans  le  cours  delà  tuberculose  on  observe  très  souvent 
la  dégénérescence  graisseuse  du  foie,  caractérisée  par  un 
dépôt  de  gouttelettes  de  graisse  dans  les  cellules  de  la 


périphérie  des  lobules.  Pareille  chose  se  voit  du  reste  au 
cours  de  la  plupart  des  maladies  infectieuses  et  paraît  être 
la  conséquence  de  l'action  des  toxines  sur  les  cellules 
hépatiques. 

Kystes  hydatiques.  —  Le  taenia  échinocoque,  auquel 
sont  dus  les  kystes  hydatiques  du  foie,  vit  sur  le  chien 
à  l'état  complet  de  développement  ;  qu'un  de  ses  œufs 
soit  absorbé  par  l'homme ,  il  se  segmente  rapidement 
et  donne  naissance  à  un  embryon  exacanthe  qui  perfore  les 
parois  de  l'intestin  et  se  laisse  entraîner  jusque  dans  le 
foie  par  le  sang  de  la  veine  porte.  Il  s'y  fixe  et  se  trans- 
forme en  une  vésicule  qui  devient  rapidement  une  poche  à 
paroi  épaisse  dont  la  surface  interne,  appelée  membrane 
germinative,  donne  naissance  à  des  échinocoques.  Ce  sont 
de  petits  corps  où  l'on  distingue  une  tête  et  une  vésicule 
caudale  séparée  de  la  tête  par  une  portion  rétrécie  au  col. 
La  tête  représente  la  tête  d'un  taenia  échinocoque  et  porte 
les  crochets  caractéristiques.  D'abord  pédicules  et  appen- 
dus  à  la  membrane  germinative,  les  échinocoques  finissent 
par  devenir  libres  dans  le  liquide  qui  remplit  le  kyste. 

Les  kystes  hydatiques  siègent,  de  préférence,  dans  la 
partie  convexe  du  lobe  droit  du  foie  ;  on  peut  en  rencon- 
trer trois  et  quatre  sur  le  même  sujet.  Autour  d'eux  ils 
déterminent  une  inflammation  qui  aboutit  à  la  formation 
d'une  coque  fibreuse  qui  les  isole.  Leur  contenu  est  un 
liquide  très  clair  tant  que  l'hydatide  vit  ;  il  devient  albu- 
mineux  et  louche  dès  qu'elle  est  morte,  et  peut  même  ac- 
quérir une  consistance  caséeuse. 

Leur  présence  peut  rester  ignorée  pendant  toute  la  du- 
rée de  l'existence  ;  il  n'en  est  pas  de  même  quand  ils  de- 
viennent volumineux  ;  ils  déterminent  alors  les  troubles 
digestifs  communs  à  la  plupart  des  affections  du  foie,  de 
la  pesanteur  persistante  et  quelquefois  de  l'ascite  et  de 
l'ictère  quand  ils  compriment  des  vaisseaux  sanguins  ou 
des  canaux  biliaires.  Les  seuls  symptômes  qui  permettent 
d'affirmer  le  diagnostic  sont  une  voussure  limitée  à  la  ré- 
gion hépatique  et  un  frémissement  particulier  appelé  hy- 
datique,  perçu  parla  palpation  et  la  percussion  simultanées 
du  foie.  Ces  kystes  peuvent  se  rompre  et  s'ouvrir,  soit  dans 
le  thorax,  soit  dans  l'abdomen  ;  dans  le  premier  cas  ils 
s'ouvrent  dansla  plèvre  ou,  plus  souvent,  dans  les  bronches; 
dans  le  second,  ils  se  vident  par  ordre  de  fréquence  dans 
l'estomac  ou  l'intestin,  les  voies  biliaires  ou  le  péritoine.  La 
rupture  du  kyste  est  une  complication  presque  toujours 
mortelle  quand  elle  se  produit  avant  la  formation  d'adhé- 
rences; mais,  dans  le  cas  contraire,  elle  est  assez  favorable, 
sauf  quand  elle  a  lieu  dans  le  péritoine  ou  dans  les  voies 
biliaires.  Le  traitement  médical  basé  sur  l'emploi  de  l'io-. 
dure  de  potassium,  des  mercuriaux  ou  même  de  l'électrolyse 
donne  des  résultats  incertains.  Il  est  préférable  d'avoir 
recours  à  la  ponction  capillaire  qui  guérit  souvent  d'em- 
blée, ou,  si  elle  ne  suffit  pas,  à  l'ouverture  du  kyste  au 
moyen  des  caustiques  ou  d'un  trocart  volumineux. 

Sous  le  nom  de  kystes  hydatiques  alvéolaires  on  décrit 
une  variété  de  tumeurs  à  échinocoques  dans  laquelle  les 
hydatides  se  disséminent  irrégulièrement  dans  le  paren- 
chyme du  foie.  C'est  une  affection  rare  et  qui  ne  se  ren- 
contre guère  qu'en  Allemagne. 

Lithiase  biliaire.  Coliques  hépatiques.  —  Des  calculs  se 
forment  fréquemment  dans  les  voies  biliaires  et  provoquent, 
lorsqu'ils  opèrent  leur  migration,  des  accès  douloureux 
d'une  intensité  et  d'une  durée  variables.  C'est  dans  la  vési- 
cule, plutôt  que  dans  les  canaux,  qu'ils  prennent  naissance  ; 
ils  peuvent  acquérir  le  volume  d'une  noix,  et  quand  ils  sont 
nombreux  au  lieu  d'être  arrondis  ils  sont  taillés  à  facettes 
par  suite  du  frottement  ;  leur  couleur  est  blanche  quand 
ils  ne  contiennent  que  de  la  cholestérine,  brune  quand  ils 
contiennent  du  pigment  biliaire.  Chacun  d'eux  est  consti- 
tué par  un  noyau  central  dû  à  du  mucus  concrète,  par  une 
zone  radiée  formée  par  des  cristaux  de  cholestérine  puis 
par  une  couche  externe  stratifiée.  Les  acides  biliaires  entrent 
pour  une  faible  part  dans  leur  composition  ;  la  cholestérine 
constitue  leur  majeure  partie.  La  formation  des  calculs 


FOIE  —  FOIN 


—  682  — 


paraît  être  sous  la  double  influence  d'un  catarrhe  des 
voies  biliaires  qui  permet  le  dépôt  du  mucus  et  du  pigment, 
et  d'un  excès,  dans  la  bile,  des  acides  gras  et  de  la  chaux 
qui  en  se  combinant  forment  des  savons  insolubles.  La 
lithiase  biliaire  est  plus  fréquente  chez  les  gens  sédentaires 
que  chez  les  autres  et  s'observe  surtout  à  l'âge  adulte.  Elle 
peut  ne  jamais  se  manifester  par  des  symptômes  bruyants, 
et  son  existence  n'est  ordinairement  décélée  que  lorsqu'un 
calcul  s'engage  dans  le  canal  cystique  pour  cheminer  jus- 
qu'au duodénum  et  détermine  par  sa  migration  un  accès  de 
colique  hépatique.  Celle-ci  est  caractérisée  par  une  douleur 
vive,  paroxystique,  localisée  d'abord  dans  Fhypocondre 
droit,  puis  s'irradiant  au  creux  épigastrique,  à  l'omoplate 
droite  et  dans  la  fosse  iliaque  ;  elle  s'accompagne  de  fris- 
sons, de  nausées  et  de  vomissements,  et  parfois  de  phéno- 
mènes nerveux  réflexes  tels  que  convulsions,  paralysies, 
syncope,  palpitations  de  cœur,  etc.  L'ictère  est  fréquent  et 
se  produit,  soit  par  suite  du  spasme  des  voies  biliaires,  soit 
quand  le  calcul  oblitère  le  canal  cholédoque  ;  il  n'est  jamais 
très  prononcé.  L'accès  se  termine  brusquement  quand  le 
calcul  tombe  dans  le  duodénum  après  une  durée  de  quelques 
heures  à  quelques  jours;  sa  cause  paraît  donc  résider 
dans  l'irritation  mécanique  de  la  muqueuse  biliaire  par  le 
calcul  qui  provoque  des  contractions  réflexes  des  fibres 
musculaires  de  la  paroi  du  canal  et  met  en  jeu  la  sensibi- 
lité des  plexus  nerveux  qu'elle  renferme. 

Des  complications  nombreuses  peuvent  survenir  :  1°  les 
unes  accompagnent  la  migration  des  calculs  dans  les  con- 
duits biliaires  :  syncope,  rupture  de  la  vésicule,  actions 
nerveuses  sur  le  poumon  ou  sur  le  cœur  ;  2°  les  autres 
sont  produites  par  l'arrêt  des  calculs  et  l'obstruction  des 
conduits,  rétention  biliaire,  abcès  du  foie,  fièvre  intermit- 
tente hépatique,  fièvre  hépatalgique  ;  3°  les  dernières  sont 
le  résultat  de  la  migration  des  calculs  hors  des  voies  natu- 
relles et  leur  passage  dans  les  cavités  voisines. 

Le  traitement  de  la  colique  hépatique  repose  sur  deux 
indications  principales  :  faciliter  la  marche  du  calcul  et 
calmer  les  douleurs  qu'elle  provoque.  La  première  indica- 
tion est  remplie  par  l'emploi  de  purgatifs  et  surtout  d'huile 
d'olive  à  la  dose  de  12  à  45  cuillerées  à  soupe  ;  son  absorp- 
tion est  souvent  suivie  d'une  disparition  complète  des 
symptômes  de  la  colique.  La  médication  calmante  s'adresse 
surtout  à  la  seconde,  bains  prolongés,  belladone,  opium  et 
surtout  injections  de  morphine  répétées.  Dans  l'intervalle 
des  accès  il  faut  employer  un  traitement  général  s'adressant 
à  la  lithiase,  et  qui  comporte  l'emploi  des  eaux  alcalines , 
en  particulier  celles  de  Vichy,  et  un  régime  alimentaire 
dont  sont  exclus  les  féculents,  les  graisses  et  les  épices. 

Dr  Georges  Lemoine. 

IV.  Art  culinaire.  —  Foie  de  boeuf,  de  porc,  de 
veau.  —  Le  foie  de  ces  animaux  se  mange  généralement 
coupé  en  tranches  que  l'on  fait  revenir  dans  du  beurre 
avec  un  assaisonnement  de  sel,  poivre,  persil  haché,  auquel 
on  ajoute  un  filet  de  vinaigre.  C'est  un  aliment  assez  indi- 
geste. —  Les  foies  de  mouton,  d'agneau  et  des  autres  ani- 
maux du  même  genre  peuvent  s'accommoder  comme 
ci-dessus. 

Foies  de  volailles.  —  On  les  emploie  comme  garnitures, 
surtout  pour  les  pâtés.  Après  avoir  retiré  le  fiel  on  les 
laisse  entiers  et  on  les  fait  blanchir  un  instant  dans  de 
l'eau  bouillante.  Puis  on  les  met  dans  une  casserole  avec 
un  peu  de  bouillon,  du  vin  blanc,  un  bouquet  garni,  du 
poivre  et  du  sel.  Après  un  quart  d'heure  d'ébullition,  on 
enlève  le  bouquet,  on  dégraissé  avec  soin,  on  lie  la  sauce 
avec  de  la  farine  et  on  sert. 

Pâtés  et  terrines  de  foies  gras  (V.  Pâté). 

Bibl.  :  Claude  Bernard,  Œuvres,  1853-1872.  —  Sghiff, 
Sulla  Glicogenia  animale,  1866.  —  Sabourin,  Recherches 
sur  Vanalomie  de  la  glande  biliaire;  Paris,  1888.  —  Roger, 
Action  du  foie  sur'  les  poisons;  thèse,  Paris,  1887.  — 
Pilliet,  les  Conceptions  modernes  sur  la  structure  du 
foie,  dans  Tribune  médicale,  1889. 

FOIGNET  (Charles-Gabriel),  professeur,  compositeur 
et  directeur  de  théâtre  français,  né  à  Lyon  vers  1750, 


mort  à  Paris  en  1823.  Il  vint  se  fixer  à  Paris  aux  environs 
de  1780,  et  y  devint  ce  qu'on  appelait  alors  professeur  de 
goût  de  chant,  en  même  temps  qu'il  publiait  quelques  pe- 
tites compositions  pour  la  voix.  La  Révolution  ayant  établi 
la  liberté  complète  des  théâtres,  Foignet  en  profita  d'abord 
pour  écrire  la  musique  d'un  grand  nombre  d'opéras-co- 
miques qu'il  fit  représenter  sur  les  théâtres  lyriques  secon- 
daires qui  se  fondaient  de  tous  côtés,  ensuite  pour  se  faire 
lui-même  directeur  de  spectacle.  Vers  1797,  en  effet,  il 
prit  la  direction  du  gentil  petit  théâtre  des  Jeunes-Artistes, 
situé  à  l'angle  des  rues  de  Bondy  et  de  Lancry,  et,  y  dé- 
ployant une  véritable  intelligence  et  une  activité  extraor- 
dinaire, il  en  fit  bientôt  l'une  des  petites  scènes  musicales 
les  plus  aimables  et  les  plus  fréquentées  de  Paris.  Un  peu 
plus  tard,  il  s'empara  aussi  du  théâtre  des  Victoires-Na- 
tionales, récemment  construit  rue  du  Bac,  qu'il  géra  con- 
jointement avec  celui-ci,  et  comme  si  cette  double  direc- 
tion n'était  pas  encore  assez  pour  lui,  il  prit  une  part  dans 
celle  du  théâtre  Montansier  (Variétés  actuelles)  et  devint 
l'un  des  cinq  administrateurs  associés  de  ce  théâtre.  Pen- 
dant ce  temps  il  ne  cessait  de  composer,  et  l'on  pourrait 
citer  plus  de  vingt-deux  pièces  de  lui,  dans  la  forme  dé  la 
première  :  la  Boiteuse,  un  acte  (en  société  avec  Simon, 
musicien,  qui  n'est  autrement  connu  que  par  la  jolie  ro- 
mance :  11  pleut,  bergère,  écrite  par  lui  sur  des  paroles 
de  Fabre  d'Eglantine  ;  théâtre  Montansier,  1791).  Voici  les 
titres  de  ses  opéras  les  plus  connus  :  V Apothicaire,  le  Mont 
Alphéa,  le  Pèlerin,  Michel  Cervantes,  les  Petits  Mon- 
tagnards, les  Deux  Charbonniers,  les  Divertissements 
de  la  Décade,  les  Jugements  précipités,  Robert  le  Bossu, 
les  Brouilleries,  les  Sabotiers,  l'Antipathie,  V Heureuse 
Rencontre,  les  Prisonniers  français  en  Angleterre, 
l'Orage,  le  Cri  de  la  Vengeance.  Quand  l'Empire  eut 
supprimé  la  liberté  des  théâtres,  ceux  de  Foignet  furent 
fermés  et  il  ne  fit  plus  parler  de  lui.  —  Son  fils  aîné,  Fran- 
çois, né  vers  1780,  mort  à  Strasbourg  le  22  juil.  1845, 
se  fit  connaître  comme  acteur  dans  les  théâtres  dirigés  par 
son  père.  Il  jouait  les  Arlequins  avec  beaucoup  de  grâce, 
de  finesse  et  de  légèreté,  et,  après  s'être  borné  à  introduire 
quelques  morceaux  de  sa  composition  dans  diverses  pièces, 
il  écrivit  ensuite  la  musique  d'un  certain  nombre  d'opéras- 
comiques  dans  lesquels  il  remplissait  généralement  le  rôle 
principal.  Après  le  décret  restrictif  de  1807,  il  passa  eh 
province  et  finit  par  mourir  de  misère,  à  l'hôpital  de  Stras- 
bourg, à  l'âge  de  soixante-cinq  ans.       Arthur  Pougin. 

FOIN.  Sous  le  nom  de  foin,  on  désigne  les  plantes  her- 
bacées, séchées  à  l'air  par  l'opération  du  fanage.  Il  y  a  tout 
d'abord  lieu  de  distinguer  le  foin  ordinaire,  provenant  des 
prairies  naturelles,  et  le  foin  de  trèfle,  de  luzerne,  etc., 
provenant  des  prairies  artificielles.  Le  foin  est  le  type  de 
l'aliment  complet  des  animaux  herbivores  ;  son  importance 
est  donc  considérable. 

Foin  des  prairies  naturelles.  —  L'aspect  et  la  nature 
nutritive  du  foin  varient  beaucoup  suivant  la  prairie  où  il 
a  été  récolté  et  la  nature  des  plantes  qui  le  constituent. 
Celui  que  produisent  les  prairies  sèches  ou  élevées  est  fitf, 
odorant  et  très  nutritif,  parce  qu'il  renferme  des  plantes 
graminées  à  tiges  déliées,  comme  la  fétuque,  hcrételle,  le 
paturin  des  prés,  etc.,  et  des  légumineuses  peu  élevées 
comme  le  trèfle  blanc  et  violet,  \è  lotier  corniculé,  etc. 
Il  doit  son  excellent  arôme  aux  plantes  labiées  (Flouve  odo- 
rante, Pimprenelle,  etc.).  Le  foin  produit  sur  les  prairies 
d'altitude  moyenne  est  long,  moins  fin  et  moins  aromatique. 
Les  prairies  basses  donnent  en  général  un  foin  grossier, 
sans  arôme  et  de  qualité  médiocre.  En  France,  le  rende- 
ment moyen  des  prairies  naturelles  est  de  3,600  kilogr. 
de  foin  par  hectare. 

Le  bon  foin,  fait  remarquer  M.  G.  Heuzé,  se  distingue 
par  des  tiges  fines,  déliées,  flexibles,  garnies  de  feuilles  ; 
une  couleur  légèrement  verte  et  uniforme  ;  une  saveur  douce, 
un  peu  sucrée  et  agréable  ;  une  odeur  un  peu  sensible  qui 
plaît  à  l'odorat.  Le  foin  qui  est  sec,  blanchâtre,  insipide, 
sans  odeur,  provient  des  prairies  marécageuses  ;  il  doit  être 


683  — 


FOIN 


regardé  comme  inférieur  au  premier.  Le  foin  ordinaire  n'a 
que  des  effets  favorables  sur  les  animaux,  lorsque  ceux-ci 
en  consomment  une  quantité  rationnelle.  Il  est  nutritif, 
digestif  et  entretient  la  santé.  La  viande  des  animaux 
engraissés  au  foin  est  de  bonne  qualité,  savoureuse,  et  le 
suif  est  ferme  et  abondant.  Le  lait  que  produisent  les  vaches 
nourries  au  foin  de  prairies  naturelles  et  de  bonne  qualité, 
est  excellent  et  riche  en  beurre,  mais  il  n'est  pas  très  abon- 
dant. Le  foin  nouveau  se  distingue :  du  foin  de  première 
qualité,  récolté  l'année  précédente,  par  sa  couleur  d'un 
vert  plus  vif,  plus  foncé,  et  par  son  odeur  très  forte,  aro- 
matique, pénétrante.  Le  foin  nouvellement  récolté  conserve 
ordinairement  ces  caractères  pendant  trois  mois  environ  s'il 
est  bien  conservé.  A  dater  de  cette  époque  sa  couleur  devient 
plus  pâle  et  son  odeur  moins  vive.  Le  foin  nouveau  n'est 
pas  un  excellent  aliment.  Il  est  échauffant,  irrite  les  organes 
digestifs  et  détermine  parfois  des  gastrites,  des  vertiges,  etc. 
Le  foin  vieux,  celui  qui  n'a  pas  été  consommé  pendant  les 
six  mois  qui  suivent  la  récolte  qui  succède  à  celle  où  il  a 
été  obtenu,  acquiert  une  teinte  blanchâtre  ou  jaunâtre,  et 
il  perd  presque  complètement  son  odeur  et  sa  saveur.  Il 
devient  sec,  cassant,  se  brise  avec  facilité  lorsqu'on  le  froisse 
entre  les  mains,  et  produit  beaucoup  de  poussière.  Le  foin 
vieux  est  peu  alimentaire  ;  il  nourrit  mal  le  bétail,  agite 
le  flanc  des  chevaux  et  les  rend  poussifs. 

Les  foins  de  deuxième,  troisième  et  quatrième  coupes, 
qu'on  fait  en  août,  septembre  ou  octobre,  sont  appelés 
regains.  Ils  sont  plus  verts,  plus  flexibles,  et  constituent 
un  bon  fourrage.  Le  foin  provenant  d'une  même  prairie  n'a 
pas  tous  les  ans  la  même  composition  et  la  même  valeur  ali- 
mentaire. Dans  les  années  où  les  printemps  sont  secs,  les 
plantes  qui  exigent  de  l'humidité  font  défaut  et  le  foin  change 
de  nature.  De  plus,  les  pluies,  les  arrosages  et  les  engrais 
rendant  plus  active  la  végétation  herbacée,  celle-ci  change 
également  de  nature.  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  les  ma- 
tières azotées  contenues  dans  le  foin  fourni  par  une  prairie 
peuvent  varier  d'une  année  à  l'autre  de  5  à  7  %.  La  nature 
botanique  des  plantes  n'est  pas  la  seule  cause  qui  fait 
varier  la  qualité  des  foins  des  prairies  naturelles.  Le  mode 
de  récolte  et  les  procédés  de  conservation  exercent  aussi 
une  grande  influence.  Lorsqu'on  fauche  trop  tardivement, 
on  a  un  fourrage  moins  aromatique,  plus  dur  et  moins 
nutritif.  [1  en  est  de  même  lorsque  l'herbe  a  été  mal  fanée 
et  quand  le  fanage  a  été  contrarié  par  des  pluies.  Enfin  la 
nature  du  foin  et  sa  qualité  varient  encore  avec  la  compo- 
sition du  terrain  sur  lequel  est  établie  la  prairie  où  il  a  été 
récolté,  les  plantes  qui  croissent  sur  un  terrain  calcaire, 
par  exemple,  n'étant  pas  les  mêmes  que  celles  qui  croissent 
sur  un  terrain  argileux  ou  silicieux.  C'est  pourquoi  le  foin 
est  loin  d'offrir  toujours  exactement  la  même  composition, 
comme  le  montrent  d'ailleurs  le  premier  tableau  de  la  col. 
suiv.  Mais  avant  nous  devons  donner  la  composition 
moyenne  du  foin  de  prairie  naturelle  de  bonne  qualité 
d'après  M.  Boussingault  (elle  peut  être  considérée  comme 
la  composition  type)  : 

Matières  azotées 7,20 

(soit  en  azote) 1,16 

Amidon,  sucre 44,20 

Ligneux,  cellulose 24,20 

Corps  gras 3,80 

Cendres 7,60 

Eau 13,00 

Les  7.60  de  cendres  renferment  : 

Silice t 2,56 

Chaux 1,55 

Potasse,  soude 1,31 

Magnésie 0,46 

Acide  phosphorique 0,40 

Soufre,  fer,  alumine,  chlore, etc..  1,32 

Comme  on  peut  le  voir,  il  y  a  des  différences  assez  mar- 
quées ;  mais  les  écarts  sont  bien  plus  grands  encore  lors- 


qu'on compare  les  chiffres  extrêmes  qui  résultent  des  ana- 
lyses faites  par  divers  auteurs  sur  des  foins  de  différentes 
qualités.  C'est  ainsi  que  d'après  J.  Kùhn,  on  voit  les  pro- 
portions varier  : 

Pour  les  matières  azotées entre 

Pour  les  glyclosides 

Pour  le  ligneux 

Pour  les  corps  gras 

Pour  l'eau 


5,8   et  18,5 

22.6  —  50,7 

19.7  —  39,9 
1,4  —  5,6 

10.8  —  21,7 

Le  regain  est  un  peu  plus  riche  en  azote  que  le  foin 
proprement  dit. 

Composition  de  différents  foins 


ÉLÉMENTS 

CONSTITUANTS 

SANSON 

AUTEURS 

GRANDE AU 

GAROLA 

Matières  azotées... 
Glycosides 

8.50 

38.30 

29.30 

3.00 

6.02 

14.30 

10.11 
40.90 
25.52 
2.34 
6.54 
14.59 

8.40 

41.00 

26.80 

2.90 

6.70 

14.20 

Ligneux,  cellulose. 
Corps  gras 

Sels  minéraux 

Eau. , 

Foin  brun.  Le  foin  brun  est  obtenu  en  fanant  l'herbe 
en  meules  ;  il  a  d'abord  été  préparé  en  Allemagne  par  Klap- 
mayer.  Pour  faire  du  foin  brun,  on  met  l'herbe  en  tas, 
immédiatement  après  le  fauchage  ;  l'essentiel  est  de  faire 
de  fortes  meules.  Ce  procédé  est  surtout  recommandable 
dans  les  contrées  humides  et  les  années  pluvieuses.  Le  foin 
brun,  bien  préparé,  quoique  visqueux  au  toucher,  d'une 
odeur  forte  et  d'une  couleur  brune,  doit  être  considéré 
comme  de  bonne  qualité.  Il  est  plus  sapide,  plus  facile  à 
digérer  et  plus  nutritif  que  le  foin  ordinaire,  surtout  lors- 
qu'on y  incorpore  du  sel  marin,  ce  qui  se  fait  d'ailleurs 
le  plus  souvent.  De  plus,  il  entretient  mieux  les  chevaux 
et  fait  donner  aux  vaches  beaucoup  de  lait. 

Foin  des  prairies  artificielles.  —  Les  plantes  les 
plus  généralement  cultivées  en  vue  de  donner  des  fourrages 
verts  ou  du  foin,  appartiennent  pour  la  plupart  à  la  famille 
des  légumineuses.  Elles  donnent  en  général  du  foin  plus 
riche  en  azote  et  plus  nutritif;  cependant  il  contient  moins 
de  corps  gras,  moins  de  glycosides  et  surtout  moins  d'acide 
phosphorique  que  le  foin  des  prairies  naturelles.  Il  y  a  d'ail- 
leurs des  différences  de  composition  assez  notables  suivant 
les  plantes  qui  fournissent  ce  foin.  C'est  ce  que  montre  le 
tableau  suivant  qui  résume  les  analyses  de  M.  Grandeau  : 


DESIGNATION 


Matières  azotées  . . . 

Glycosides 

Ligneux,  cellulose.. 
Matières  grasses... 

Sels 

Eau 


FOINS    DE 


14.76 

34.65 

24.08 

3.02 

8.42 
15.07 


12.97 
36.16 
24.45 
2.18 
5.86 
18,38 


14.85 
35.77 
26.42 
2.50 
6.20 
14.26 


14.60 
33.20 
26.20 
3.30 
6.00 
16.70 


15.97 
35.56 
22.41 
3.50 
8.95 
13.61 


17.60 
29.75 
26.45 
•  2.30 
9.00 
14.90 


Ces  foins  sont  considérés  comme  très  nutritifs  ;  tous  les 
auteurs  reconnaissent  qu'il  en  faut  moins  que  de  foin  ordi- 
naire pour  former  une  ration.  Cette  opinion  est  confirmée 
jusqu'à  un  certain  point  par  les  analyses  chimiques.  Et, 
cependant,  le  foin  de  luzerne,  comme  celui  du  trèfle,  est 
moins  estimé  que  le  foin  des  prairies  naturelles,  et  ce  n'est 
qu'en  l'associant  à  d'autres  aliments  qui  rétablissent  une 
relation  nutritive  favorable  qu'on  peut  l'utiliser  pour  l'alimen- 
tation du  bétail,  sans  être  exposé  à  donner  une  ration  qui 
peut  rester  insuffisante  dans  certains  cas,  et  qui  dans 
d'autres  peut  n'être  pas  convenablement  utilisée.  Les  ani- 


FOIN  —  FOISSAC 


—  684  — 


maux  se  dégoûtent  assez  vite  du  foin  des  prairies  à  base  de 
légumineuses,  et,  lorsqu'il  est  nouveau,  il  est  échauffant, et  se 
digère  assez  mal.  Le  foin  des  légumineuses  doit  être  réservé 
pour  les  ruminants  et  pour  les  chevaux  employés  à  des 
services  n'exigeant  pas  des  allures  rapides,  pour  les  che- 
vaux de  labour  et  les  bœufs  de  trait ,  par  exemple  ;  mais 
il  ne  doit  pas  former  leur  nourriture  exclusive.  Il  faut  le 
donner  associé  dans  une  juste  proportion  avec  d'autres 
fourrages. 

Altération  des  foins.  —  De  toutes  les  denrées  alimen- 
taires destinées  aux  herbivores,  le  foin  est  celle  qu'on 
trouve  le  plus  souvent  altérée  ;  alors,  non  seulement  il  n'a 
plus  ses  qualités  nutritives,  mais  encore  il  a  des  propriétés 
acres,  irritantes,  qui  en  font  un  aliment  nuisible.  Les  causes 
d'altération  sont  nombreuses  :  outre  la  présence  dans  le 
foin  de  plantes  nuisibles,  épineuses  ou  vénéneuses,  il  faut 
citer  le  foin  vase,  c.-à-d.  ayant  été  inondé  au  printemps 
par  des  eaux  limoneuses.  Ce  foin  est  sec,  cassant,  poudreux  ; 
il  répand  beaucoup  de  poussière  et  dégage  une  mauvaise 
odeur.  Il  est  susceptible  de  provoquer  des  altérations  du 
sang  chez  les  animaux  qui  s'en  nourrissent;  il  vaut  donc 
mieux  s'en  servir  comme  litière.  Si  on  est  obligé  de  l'em- 
ployer, il  faut  le  battre  et  l'agiter  énergiquement  hors  des 
habitations  et  l'arroser  avec  de  l'eau  salée.  Le  foin  mal 
récolté  ou  conservé  dans  des  endroits  humides  se  couvre 
parfois  de  moisissures  ;  ce  foin  moisi  a  un  vilain  aspect  ; 
de  plus,  il  dégage  une  odeur  sut  generis  détestable,  et  en 
général  les  animaux,  guidés  par  leur  instinct,  le  refusent. 
Le  foin  rouillé,  c.-à-d.  composé  de  tiges  et  de  feuilles 
de  graminées  couvertes  de  taches  rouges  ou  jaunes  pulvé- 
rulentes, est  acre  et  irritant;  il  doit  être  rejeté. 

Conservation  des  foins.  —  Les  foins  sont  conservés  en 
vrac  ou  bottelés,  soit  en  meules  permanentes,  soit  dans  des 
fenils,  soit  dans  les  greniers.  Les  meules  définitives  sont 
faites  dans  les  prairies  ou  dans  un  endroit  voisin  de  la 
ferme  ;  on  leur  donne  généralement  une  forme  allongée  ; 
le  foin  repose  non  pas  sur  la  terre  nue,  mais  sur  un  sous- 
trait de  fagots  ;  la  meule  est  recouverte  de  paille  de  seigle 
qui  abrite  le  foin  contre  la  pluie.  Le  bottelage  (V.  ce  mot) 
ne  se  pratique  guère  que  pour  les  foins  de  prairies  natu- 
relles qui  doivent  voyager.  Mais  le  foin  des  prairies  artifi- 
cielles doit  être  conservé  de  préférence  en  bottes  parce  que 
les  feuilles  des  légumineuses  se  détachent  facilement.  Ces 
derniers  foins  étant  beaucoup  plus  hygrométriques  que 
ceux  de  prairies  naturelles  doivent  être  conservés  dans  des 
locaux  très  sains,  des  greniers  par  exemple.  De  plus, 
comme  ils  se  décolorent  facilement,  on  doit  les  tasser  for- 
tement, qu'ils  soient  bottelés  ou  non.  Conservés  dans  des 
locaux  humides,  les  foins  des  prairies  artificielles  moisissent 
beaucoup  plus  rapidement  que  ceux  des  prairies  naturelles. 
—  Dans  quelques  départements  du  Nord-Est,  ainsi  qu'en 
Suisse,  au  moment  de  l'engrangement  des  foins,  on  répand 
de  1  à  2  kilogr.  de  sel  marin  par  1,000  kilogr.  de  foin. 
Cette  salaison  assure  sa  conservation  et  accroît  sa  valeur 
nutritive. 

Commerce  du  foin.  —  On  comptait,  en  1889,  en  France, 
4,822,261  hect.  de  prairies  naturelles  produisant  environ 
160  millions  de  quintaux  de  foin  et  33  millions  de  cjuintaux 
de  regain.  Il  y  avait  2,600,000 hect.  de  prairies  artificielles. 
Le  prix  du  foin  varie,  suivant  les  années,  entre  6  fr.  50  et 
13  fr.  50  le  quintal.  Nous  importons  année  moyenne 
20  millions  de  kilogr.  de  foin,  soit  une  valeur  totale  d'en- 
viron 1,200,000  fr.,  tandis  que  nous  en  exportons  en 
moyenne  70  millions  de  kilogr. ,  soit  une  valeur  de 
4,500,000  fr.  Albert  Larbalétrier. 

Bibl.  :  Magne  et  Baillet,  Traité  d'agriculture  pratique, 
1883,  t.  III.  —  G.  Heuzé,  les  Pâturages,  les  Prairies  natu- 
relles ;  Paris,  1884,  in-18. 

FOINARD  (Frédéric-Maurice),  théologien  catholique,  né 
à  Conches  (Normandie)  vers  1680, mort  le  19  mars  1743.  Il 
fut  curé  de  Calais.  Ses  traductions  et  commentaires  de  la 
Genèse  (Paris,  1732,  2  vol.  in-12)  et  des  Psaumes  (Paris, 
1742,  in-12)  n'ont  plus  qu'un  intérêt  historique  ;  mais 


son  Breviarium  ecclesiasticum,  etc.  (Embrick,  1726, 
2  vol.  in-8)  préparé  par  le  Projet  pour  un  nouveau  bré- 
viaire, etc.  (Paris,  1720,  in-12)  a  servi  de  mine  où  se 
sont  enrichis  tous  les  bréviaires  parus  depuis  lors. 

FOIRE  (V.  Marché). 

Conservateurs  des  foires  (V.  Conservateur,  t.  XII, 
p.  530). 

Théâtre  de  la  foire  (V.  Comédie). 

FOIROLLE  (Bot.)  '(V.  Mercuriale). 

FOI SC H  ES.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Rocroi, 
cant.  de  Givet,  sur  un  plateau  dominant  la  Meuse  ;  204  hab. 
Mines  de  fer.  Carrières  de  marbre. 

FOISONNEMENT  des  remblais.  L'excédent  de  rem- 
blai que  donne  1  m.  c.  de  déblai,  mesuré  par  le  vide  produit 
dans  la  masse  fouillée,  est  très  variable  ;  il  dépend  de  la 
nature  du  terrain,  de  la  manière  dont  le  déblai  et  surtout 
le  remblai  sont  faits.  GraëfF  cite  des  exemples  dans  lesquels 

I  m.  c.  de  déblai  de  roc  massif  a  donné  lm50  à  lm60 
de  remblai  ;  mais  lorsqu'on  y  ajoutait  le  produit  d'un  autre 
déblai  fait  dans  la  terre,  celle-ci  garnissait  les  vides  et 
dans  l'ensemble  on  n'avait  guère  que  mètre  pour  mètre. 

II  arrive  quelquefois  (terre  fine,  parfaitement  damée  et 
tassée  par  le  passage  des  hommes  et  des  brouettes)  qu'on 
constate  un  foisonnement  négatif.  On  voit  par  là  com- 
bien il  est  délicat  d'indiquer  des  foisonnements  dans  les 
projets  de  travaux.  M.  Pontzen,  dans  ses  Procédés  géné- 
raux de  construction  (Paris,  1891)  donne  des  rensei- 
gnements intéressants  sur  diverses  constatations  faites  à 
l'étranger  :  M.  Specht  (Californie)  a  trouvé  que  pour  de  la 
terre  lourde,  le  remblai  étant  mesuré  trois  semaines  après 
son  achèvement,  le  foisonnement  était  inférieur  à  1  % 
(0,75)  ;  que  pour  le  sable  très  argileux  il  variait  entre 
3  et  4 1/2;  que  pour  l'argile  très  compacte  avec  des  par- 
ties sablonneuses  il  s'élevait  à  9  1/2.  Dans  l'Indoustan, 
où  les  terrassements  pour  les  grandes  digues  de  réservoirs 
sont  encore  exécutés  à  l'aide  de  paniers,  de  0m03  de  ca- 
pacité, et  où  le  tassement  est  assuré  par  le  passage  des 
porteurs  et  par  le  pilonnage  (pilons  de  5  à  6  kilogr.),  où  de 
plus  on  arrose  quelquefois  les  terres  pour  rendre  le  rem- 
blai plus  compact,  M.  Flynn  affirme  que  les  tassements 
ultérieurs  sont  nuls  et  qu'il  n'y  a  généralement  pas  de  foi- 
sonnement. Un  ingénieur  américain,  M.  Elhvood  Morris, 
opérant  sur  des  terres  légères,  exécutant  les  remblais  par 
couches  et  arrêtant  les  travaux  en  hiver,  a  trouvé  comme 
M.  Graèff  un  foisonnement  négatif  (10  °/0)-  Sur  la  terre 
mélangée  de  gravier,  la  réduction  a  encore  été  de  8  % . 
M.  de  Kaven,  ingénieur  allemand,  admet  pour  les  travaux 
de  routes  et  chemins  de  fer  :  dans  les  marais  et  les  argiles 
tendres,  2  °/0  de  réduction,  dans  le  grès  tendre  &°lo, 
dans  F'argile  dure  5  °/0.  Un  autre  ingénieur  allemand, 
M.  Hentz,  trouve  que  le  volume  du  remblai  donne  une 
augmentation  de  1  à  12  %  suivant  les  terrains.  «  L'eau 
répandue  sur  la  terre  légère  ou  sur  le  sable  fin  doit  néces- 
sairement, dit  M.  Pontzen,  en  entraînant  les  petites  par- 
ticules dans  les  vides,  amener  une  réduction  considérable 
du  volume  des  remblais.  Qui  ne  connaît  l'effet  d'un  seau 
d'eau  jeté  sur  un  tas  de  sable  :  il  fait  son  trou.  »  D'après 
le  même  auteur,  on  admet  en  France  que  le  foisonnement 
est  de  1/15  à  1/1 0  pour  les  terrains  sablonneux  ou  la  terre 
ordinaire,  du  l/7e  au  l/5e  pour  l'argile  compacte  ou  les 
terres  crayeuses,  du  1/4  pour  les  blocailles.  En  Autriche, 
on  ne  compte  que  70  centièmes  pour  le  rapport  du  déblai  de 
rocher  au  remblai  neuf,  exécuté  sans  soins  particuliers  ;  ce 
rapport  atteint  80  %  quand  le  remblai  est  fait  par  assises. 

M.-C.  L. 
Bibl.  :   Pontzen,  Procédés  généraux  de  construction 
(Travaux  de  terrassement,  Tunnels,  Dragages  et  Déro- 
chements),  dans   l'Encyclopédie    des   Travaux  publics  ; 
Paris,  1891. 

FOISSAC.  Com.  du  dép.  de  FAveyron,  arr.  de  Ville- 
franche— de— Rouergue,  cant.  d'Asprières  ;  635  hab. 

FOISSAC.  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  d'Uzès,  cant.  de 
Saint-Chaptes  ;  196  hab. 


—  685  — 


FOISSIAT  —  FOIX 


FOISSIAT.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Bourg,  cant. 
de  Montrevel;  2,530  hab. 

F01SSY.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Sens,  cant. 
de  Villeneuve-F Archevêque  ;  388  hab. 

FOISSY-lès-Vézeiay.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr. 
d'Avallon,  cant.  de  Vézelay;  412  hab. 

FOIX  (Fuxum).  I.  Ville.  —  Ch.-l,  du  dép.  de  l'Ariège, 
sur  la  rivière  de  ce  nom,  station  de  la  ligne  de  Toulouse  à 
Aix-les-Bains  ;  7, 568  hab.  Cette  ville  paraît  devoir  son  origine 
à  une  abbaye  dédiée  à  saint  Volusien,  évêque  de  Tours  au 
ve  siècle.  La  fondation  de  cette  abbaye  a  été  attribuée  sans 
preuve  à  Charlemagne  ;  elle  existait  certainement  au  ixe  siècle 
et  fut  donnée  par  Charles  le  Chauve  (en  858  ou  859)  à 
l'abbaye  de  Saint-Thibéry  au  diocèse  d'Agde  ;  vers  964 ,  elle 
est  encore  mentionnée,  mais  le  château  de  Foix  est  nommé 
pour  la  première  fois  à  notre  connaissance  dans  le  testa- 
ment de  Roger  le  Vieux,  comte  de  Carcassonne  (vers  4  002), 
qui  le  donne  avec  le  Savartès  et  le  Fuxense  à  son  fils 
puîné  Bernard.  L'histoire  de  Foix  reste  assez  obscure  jus- 
qu'au xme  siècle;  pendant  la  guerre  des  Albigeois,  le 
château  est  sans  succès  assiégé  par  Simon  de  Montfqrt, 
puis  remis  au  légat  du  pape  par  le  comte  Raimond-Roger, 
qui  le  recouvre  quelques  années  plus  tard.   Philippe  le 
Hardi  l'assiège  dans  les  règles  en  4  272  et  oblige  les  dé- 
fenseurs à  se  rendre,  sous  peine  de  voir  s'écrouler  la  col- 
line, qu'il  a  fait  miner.  Les  habitants  ont  cependant  obtenu 
des  libertés  de  leurs  seigneurs  ;  une  charte  de  4244  recon- 
naît à  la  communauté  le  droit  d'élire  ses  consuls  (l'acte  en 
nomme  sept),  et  déclare  tous  les  membres  de  ladite  com- 
munauté exempts  du  servage.  L'éloignement  des  comtes, 
qui  à  dater  de  la  fin  du  xme  siècle  résident  le  plus  souvent 
dans  leurs  Etats  de  Béarn,  favorise  le  développement  des 
libertés  municipales.  Au  xvne  siècle  encore,  les  consuls 
avaient  conservé  la  juridiction  criminelle,  qu'ils  exerçaient 
au  nom  des  deux  coseigneurs,  le  roi-comte  et  l'abbé  de  Saint- 
Volusien.  Les  magistrats  municipaux  étaient  au  nombre  de 
quatre,  renouvelés  tous  les  ans  le  25  mars  par  le  conseil  de 
la  ville.  Au  xvie  siècle,  la  ville  est  fort  éprouvée  par  les 
guerres  de  religion.  En  4  561,  les  religionnaires  sont  maîtres 
de  la  ville;  l'abbaye  de  Saint- Volusien  est  saccagée  et  les 
religieux  expulsés.  Peu  après,  le  château  leur  est  enlevé 
par  le  sieur  de  Pailhès,  dont  l'agent,  le  juge  Abbatia, 
terrorise  la  ville  pendant  deux  ans.  En  4582,  nouvelle 
émeute,  catholiques  et  protestants  se  battent  dans  les  rues. 
Fortement  occupée  par  les  troupes  royales,  la  ville  ne 
prend  du  reste  aucune  part  aux  troubles  qui  agitent  le 
nord  du  comté  jusque  vers  l'année  4628.  Le  tiers  état 
prit  à  Foix  une  part  active  à  la  préparation  du  mouvement 
de  4789  ;  malgré  les  réclamations  de  Pamiers,  cette  ville 
devint  le  chef-lieu  du  dép.  de  l'Ariège  (déc.  4789),  mais 
c'est  à  Pamiers  que  siégea  le  tribunal  révolutionnaire,  qui 
fit  malheureusement  tant  de  victimes.  —  L'industrie  est  peu 
développée  à  Foix  ;  citons  toutefois  quelques  forges  et  des 
fabriques  de  faux  et  de  limes,  où  l'on  emploie  le  fer  de 
Vicdessos. 

Les  seuls  monuments  de  Foix  sont  le  château  comtal, 
l'église  Saint- Volusien  et  le  vieux  pont  sur  l'Ariège  ;  ce 
dernier  existait  dès  le  xne  siècle;  il  fut  reconstruit  au  xve, 
à  peu  près  tel  qu'il  existe  aujourd'hui.  Le  château,  cons- 
truit sur  un  monticule,  au  confluent  de  l'Ariège  et  du  Lar- 
get,  se  compose  de  trois  tours,  deux  carrées,  qui  peuvent 
remonter  au  xne  siècle,  une  autre,  ronde,  renfermant  six 
étages  voûtés.  On  a  attribué  la  construction  de  ce  beau 
"donjon  à  Gaston -Phéb us,  mais  beaucoup  de  bons  juges  le 
datent  du  milieu  du  xve  siècle.  L'église  Saint- Volusien  fut 
consacrée  en  4425  ;  la  nef  est  romane,  à  un  seul  vaisseau  ; 
les  voûtes  ont  été  refaites  au  xive  siècle  ;  de  ce  dernier 
temps  date  également  le  chœur,  voûté  d'ogive  et  entouré 
de  neuf  chapelles.  Les  anciens  bâtiments  de  l'abbaye  ser- 
vent aujourd'hui  de  préfecture  ;  au  second  étage  du  bâti- 
ment est  installée  la  bibliothèque  municipale  (40,000  vo- 
lumes). On  conserve  également  à  la  bibliothèque  quelques 
objets  d'art  recueillis  dans  le  pays.  Le  musée  départemental 


(au  palais  de  justice),  fondé  tout  récemment,  renferme  de 
curieux  débris  trouvés  dans  les  grottes  de  l'Ariège  :  quel- 
ques sculptures  antiques  de  l'époque  romane,  des  inscrip- 
tions, etc.  —  Pour  terminer,  quelques  mots  sur  l'ancienne 
abbaye  de  Saint- Volusien.  D'abord  dépendante  de  celle  de 
Saint-Thibéry,  cette  maison,  de  l'ordre  de  Saint-Augustin, 
fut  indépendante  dès  le  xe  siècle,  mais  le  premier  abbé 
connu,  Amélius,  vivait  en  4404.  Détruite  par  les  reli- 
gionnaires, l'abbaye  fut  restaurée  par  l'abbé  Louis  de 
Bassompierre,  évêque  de  Saintes  (4658),  qui  reconstruit 
les  bâtiments  et  y  installa  les  chanoines  réguliers  de  France. 
Elle  subsista  jusqu'en  4790. 

II.  Comté.  —  Province  de  l'ancienne  France,  com- 
prise aujourd'hui  tout  entière  dans  le  dép.  de  l'Ariège.  On 
connaît  mal  l'histoire  de  ce  pays  jusque  vers  le  xe  siècle  de 
notre  ère  ;  les  débris  nombreux  et  fort  curieux,  que  des 
fouilles  récentes  ont  mis  au  jour,  permettent  d'affirmer 
qu'habité  anciennement  par  des  populations  pastorales,  il 
fut  ensuite  occupé  par  les  Ibères,  puis  par  les  Volsques 
Tectosages,  enfin  par  les  Romains.  Mais  aucun  texte  an- 
tique ne  parle  expressément  de  ces  hautes  vallées,  et 
c'est  par  une  erreur  évidente  que  certains  érudits  locaux 
ont  voulu  placer  à  Vicdessos  la  tribu  aquitanique  des 
Sotiates,  vaincue  par  le  jeune  Crassus,  lieutenant  de 
César.  Dépendant  de  la  civitas  Tolosana,  le  futur  comté 
de  Foix  fut  évangélisé  au  ine  et  au  ive  siècle  par  les  suc- 
cesseurs de  saint  Saturnin  et  incorporé  au  diocèse  de  Tou- 
louse dont  il  ne  fut  séparé  que  neuf  cents  ans  plus  tard. 
Portion  du  comitatus  Tolosanus,  ce  pays  comprenait  le 
Savartense  suburbium  ou  Savartès  ;  sous  ce  nom,  que 
rappelle  encore  l'église  de  Notre-Dame  de  Sabart,  près  de 
Tarascon-sur-Ariège,  on  paraît  avoir  compris  la  vallée  de 
l'Ariège,  des  Pyrénées  au  Pas  de  la  Barre,  un  peu  au  N. 
de  Foix,  et  les  vallées  secondaires  qui  se  greffent  sur  cette 
artère  centrale.  Ce  suburbium  ne  tarda  pas  à  se  subdi- 
viser ;  on  y  trouve  successivement  le  Lordatense  minis- 
terium  (Lordat),  YOlm.ense  (Villeneuve  et  La  Roque 
d'Olmès),  le  Coliense  (Queille),  le  Ckercorbes  (Chercorb), 
le  Dunense  (Dun),  enfin  la  terra  Fuxensis,  à  laquelle 
on  rattacha  plus  tard  quelques  anciennes  vigueries  ou 
ministeria  de  la  plaine  du  Nord  :  Agarnagense  (entre 
l'Ariège  et  l'Hers),  Potamianès  (à  l'O.  du  précédent), 
Cortineme  (vers  Lézat),  le  Daumazanès,  enfin  le  Volvestre 
(Montesquieu- Volvestre).  La  plupart  de  ces  petits  pays 
appartenaient,  vers  la  fin  du  xe  siècle,  au  comte  de  Car- 
cassonne, Roger  le  Vieux,  et  furent  par  lui  attribués  à  son 
fils  cadet,  Bernard,  qui  prit,  étant  de  race  comtale,  le  titre 
de  comte  et  fonda  ainsi  une  nouvelle  principauté  dans  le 
midi  de  la  France. 

L'histoire  du  nouveau  comté  reste,  en  somme,  assez 
obscure  jusqu'à  la  guerre  des  Albigeois  ;  les  souverains  qui 
le  possèdent  passent  leur  temps  à  guerroyer  contre  leurs 
voisins  ;  tantôt  alliés,  tantôt  ennemis  de  leurs  suzerains 
naturels,  les  comtes  de  Toulouse,  ils  évitent  d'en  reconnaître 
expressément  l'autorité ,  sauf  pour  quelques  places  du 
N.,  dont  celle  de  Saverdun.  Au  xiue  siècle,  la  disparition 
des  grandes  familles  féodales  du  Midi  et  le  mariage  de  l'un 
des  comtes  avec  l'héritière  de  Béarn  accroissent  la  puis- 
sance de  ces  vassaux  éloignés  de  la  couronne  de  France. 
Ils  ont  reconnu  la  suzeraineté  de  celle-ci  en  4263  pour  le 
pays  auN.  du  Pas  de  la  Barre  (vers  Foix),  en  4272  pour 
l'ancien  Savartès,  mais  ils  savent  se  maintenir  à  demi 
indépendants,  et  la  guerre  de  Cent  ans  favorise  leurs 
prétentions.  Gaston-Phébus  reste  à  peu  près  neutre  entre 
les  deux  partis  et  administre  librement  ses  vastes  domaines 
sans  permettre  aux  officiers  royaux  de  le  surveiller  de  trop 
près.  Le  comté  de  Foix  a  le  même  sort  que  les  autres  do- 
maines de  la  famille  ;  il  passe  successivement  des  mains 
des  Foix-Grailly  à  celles  des  Foix-Navarre,  puis  des  Albret 
pour  devenir  une  partie  du  vaste  apanage  de  la  maison  de 
Bourbon.  Henri  IV,  dernier  comte  de  Foix,  réunit  le  pays 
au  domaine  royal.  Dans  cette  longue  suite  de  siècles,  le 
comté  a  éprouvé  bien  des  malheurs.  Ravagé  par  les  bandes 


FOIX 


-  6S6 


de  Simon  de  Montfort  au  xme  siècle,  envahi  un  peu  plus 
tard  par  les  soldats  de  Philippe  III,  puis  au  xrve  siècle  par 
les  troupes  du  connétable  de  Sancerre,  au  xvie  il  est  agité  par 
les  luttes  religieuses.  Sous  Jeanne  d'Albret  et  sous  son  fils 
Henri  IV,  beaucoup  d'habitants  et  de  nobles  se  sont  con- 
vertis au  protestantisme,  et  les  deux  partis  se  disputent 
l'autorité  avec  ardeur.  Chaque  ville  importante  est  tour  à 
tour  occupée  et  pillée  par  l'un  ou  par  l'autre.  L'édit  de 
Nantes  rétablit  la  paix  pour  un  temps  ;  les  troubles  re- 
prennent sous  la  régence  de  Marie  de  Médicis  et  se  termi- 
nent un  peu  plus  tard,  en  4629,  par  la  pacification  du 
pays,  à  la  suite  d'une  rude  campagne  du  prince  de  Condé, 
et  grâce  à  une  sanglante  répression.  Plus  tranquille  durant 
tout  le  xvme  siècle,  le  comté  de  Foix  devait  de  nouveau 
être  assez  agité  lors  de  la  Révolution,  mais  l'histoire  de 
ces  derniers  troubles  appartient  à  celle  du  dép.  de  YAriège 
(V.  ce  mot)  dans  lequel  l'ancien  gouvernement  avait  été 
incorporé  en  1790. 

Le  comté  de  Foix  comprenait  depuis  le  xme  siècle  la 
vallée  de  l'Ariège,  de  l'Hospitalet  au  confluent  de  l'Hers. 
A  l'E.  il  avait  perdu  la  seigneurie  de  Mirepoix  (cantons 
actuels  de  Lavelanet  et  de  Mirepoix)  et  le  Donezan  (cant. 
de  Quérigut).  A  l'O.  il  s'étendait  jusqu'aux  limites  des 
cantons  actuels  de  Vicdessos,  Foix,  La  Bastide-de-Sérou 
et  renfermait  la  majeure  partie  des  cant.  du  Mas-d'Azil  et 
du  Fossat  et  quelques  communes  de  la  Haute-Garonne  vers 
Montesquieu-Volvestre.  Le  pays  formait  anciennement  une 
sénéchaussée  comtale  (siégeant  à  Foix),  et  seize  châtellenies 
(Foix,  Mérens,  Ax,  Montaillou,  Lordat,  Castelverdun,  Quié, 
Tarascon,  Saint-Paul-de-Jarrat,  Montgaillard,  La  Bastide- 
de-Sérou,  Camarade,  Le  Cariât,  Saint- Ybars,  Saverdun  et 
Varilles).  On  doit  y  ajouter  les  cours  de  Mazères  et  de 
Pamiers,  paréages  entre  le  comte  d'une  part,  l'abbé  de 
Boulbonne  et  l'évêque  de  Pamiers  de  l'autre,  et  le  lieu  de 
Lézat  qui  ne  relevait  d'aucune  châtellenie.  Au  xvne  siècle, 
la  sénéchaussée  de  Foix  devint  siège  royal,  avec  titre 
de  présidial;  en  1746,  elle  fut  transportée  à  Pamiers.  Le 
comté  fut  toujours  du  ressort  du  parlement  de  Toulouse. 
En  1706,  il  fut,  au  point  de  vue  administratif,  rattaché  à 
l'intendance  de  Roussillon.  Au  point  de  vue  spirituel,  des 
130  paroisses  du  comté,  123  dépendant  de  l'ancien  diocèse 
de  Toulouse  faisaient  partie  depuis  le  xive  siècle,  30  de  celui 
de  Rieux,  1  de  celui  de  Mirepoix,  le  reste  de  celui  de 
Pamiers  ;  7  paroisses  relevaient  de  Saint-Lizier  ou  Couse- 
rans.  On  y  comptait  5  abbayes  :  Saint- Volusien  de  Foix, 
le  Mas-d'Azil,  Boulbonne,  Lézat  et  Combelongue. 

La  configuration  physique  du  pays,  avec  ses  petites 
vallées  bien  délimitées,  avait  dû  faciliter  la  formation  de 
petites  seigneuries  indépendantes.  Les  comtes  de  Foix  par- 
vinrent toutefois  assez  aisément  à  leur  imposer  leur  suze- 
raineté, mais  la  noblesse  du  pays  garda  toujours  une 
grande  influence  et  prit  une  part  effective  avec  le  tiers 
état  à  l'administration  du  pays.  A  la  tête  de  cette  classe 
figuraient  au  xie  et  au  xne  siècle  les  comtors  de  Villemur, 
Marquefave,  etc.  Plus  tard,  la  première  place  fut  occupée 
par  les  représentants  des  branches  cadettes  ou  illégitimes 
de  la  maison  comtale.  Les  Etats  du  comté,  qui  fonctionnent 
régulièrement  dès  le  xive  siècle,  se  composaient  de  trois 
ordres  :  1°  l'évêque  de  Pamiers,  président,  et  les  5  abbés 
des  monastères  plus  haut  nommés  ;  2°  le  baron  de  Rabat, 
les  4  premiers  barons  (Saint-Paul,  Arignac,  Mauléon  de 
Durban  et  Durfort)  et  66  seigneurs  ;  3°  4  villes  maîtresses  : 
Foix,  Mazères,  Tarascon  et  Saverdun,  16  villes,  dont 
Pamiers,  et"  23  villages  ;  le  tiers  état  comptait  dans  les 
Etats  120  représentants.  Ceux-ci  administraient  le  pays, 
répartissaient  les  impôts,  surveillaient  les  travaux  publics, 
en  un  mot,  malgré  les  progrès  de  l'autorité  royale,  le  pays 
jouissait  d'une  indépendance  relative. 

Les  sources  manuscrites  de  l'histoire  du  comté  sont  au- 
jourd'hui bien  dispersées  ;  le  chartrier  de  la  tour  de  Foix 
a  été  incendié  au  début  de  ce  siècle  ;  fort  heureusement, 
Colbert  en  avait  fait  copier  une  partie  notable  (auj.  à  la 
Bibl.  nat.,  coll.  Doat).  Les  archives  des  Basses-Pyrénées 


renferment  beaucoup  d'actes  sur  ce  pays,  principalement 
pour  les  xive,  xve  et  xvie  siècles.  Les  archives  départemen- 
tales de  l'Ariège,  dont  l'inventaire  n'a  pas  encore  paru, 
sont  plus  pauvres  ;  on  y  trouvera,  néanmoins,  beaucoup  de 
documents  précieux  pour  l'histoire  des  derniers  temps  de 
l'ancien  régime.  Enfin,  on  pourra  consulter  les  ouvrages 
imprimés,  nombreux,  mais  de  valeur  fort  inégale  cités  dans 
ja  bibliographie  ci-dessous.  A.  Molinier. 

Bibl.  :  De  Marca,  Histoire  de  Béarn;  Paris,  1640,  in-fol. 

—  D.  Vaissète,  Hist.  de  Languedoc  (nouv.  éd.),  passim, 
et  notamment,  t.  IV,  pp.  848-850.—  Castillon,  Histoire  du 
comté  de  Foix  ;  Toulouse,  1852,  2  vol.  in-8.  —  Jacques  de 
Lescazes,  le  Mémorial  historique  ;  Toulouse,  1644,  pet. 
in-4.  —  Congrès  archéologique  de  VAriège  (1886);  Foix, 
1886,  in-8.—  C.  Barrière-Flavy,  Dénombrement  du  comté 
de  Foix  sous  Louis  XIV  {1610-161^);  Toulouse,  1889,  in-8. 

—  Enfin,  les  publications  locales  de  la  Société  historique 
de  VAriège,  et  notamment  les  Mémoires  de  M.  F.  Pasquief, 
archiviste   du  département. 

FOIX  (Comtes  de).  Famille  féodale  de  la  France  méri- 
dionale, issue  de  celle  de  Carcassonne-Comminges  (V.  Car- 
cassonne).  On  a  vu  plus  haut  dans  quelles  circonstances 
avait  été  créé  le  comté  de  Foix.  La  suite  des  premiers 
comtes  est  assez  bien  connue,  grâce  à  D.  Vaissète,  mais 
quelques-unes  des  dates  proposées  par  le  savant  bénédictin 
semblent  encore  peu  sûres.  Bernard-Roger,  fils  de  Roger 
le  Vieux,  comte  de  Carcassonne,  a  pour  enfants  (de  Gar- 
sinde  de  Bigorre,  suivant  D.  Vaissète)  Boger  1er  et  Pierre. 
Roger  épouse  Amicia  et  meurt  sans  enfants,  vers  1064. 
Il  a  pour  héritier  son  frère  Pierre,  mari  de  Ledgarde 
(1064-1071),  que  remplace  le  fils  de  Pierre,  Roger  II 
(1072-v.  1124),  qui  se  croise  en  1095.  —  Roger  III 
(1124-1148)  épouse  Chimène  de  Barcelone.  •—  Roger- 
Rernard  Ier,  fils  du  précédent,  s'allie  à  plusieurs  reprises 
au  roi  d'Aragon  contre  le  comte  de  Toulouse.  Il  meurt  en 
1188,  laissant  de  sa  femme  Cécile,  fille  de  Raimond  Tren- 
cavel,  vicomte  de  Carcassonne,  Raymond-Roger.  Celui-ci  se 
croise  en  1190,  a  de  longs  démêlés  avec  le  vicomte  de  Cas- 
telbon,  son  beau-frère,  qui  le  fait  prisonnier  en  1203.  De 
1209  à  1223,  il  lutte  énergiquement  contre  les  Montfort 
et  se  montre  allié  fidèle  des  comtes  de  Toulouse.  Grand 
batailleur,  habile  capitaine,  il  meurt  en  avr.  1223;  son  nom 
est  souvent  cité  avec  éloge  par  le  poète  anonyme,  auteur 
de  la  Chanson  des  Albigeois,  et  par  les  troubadours  du 
temps.  De  sa  femme,  Philippe,  il  laissait  deux  fils  et  deux 
ûlies.—Roger-RernardII,  dit  le  Grand,  fils  aîné  du  précé- 
dent, suit  la  politique  de  son  père  et  embrasse  la  cause  de 
Raimond  VII  ;  en  1229,  il  se  soumet  à  l'Eglise,  ce  qui  ne 
le  sauve  pas  d'une  nouvelle  excommunication  en  1237.  Il 
meurt  en  mai  4241.  De  sa  femme,  Ermesinde  de  Castel- 
bon,  il  avait  eu  un  fils,  qui  lui  succéda,  et  une  fille.  Sa 
seconde  femme,  Ermengarde  de  Narbonne,  lui  donna  une 
fille.  —  Roger  IV  (1241-1265)  abandonne  la  cause  de 
Raimond  VII  et  devient  vassal  direct  de  la  couronne  pour 
la  terre  au  N.  du  Pas  de  la  Barre.  Il  a  guerre  en  Catalogne 
contre  le  roi  d'Aragon  et  le  comte  d'Urgel,  Alvare,  son 
beau-frère.  De  sa  femme  Brunesinde  de  Cardonne,  il  laisse 
un  fils  et  cinq  filles.  —  Roger-Rernard  III  (1265- 
1302)  se  révolte  contre  Philippe  le  Hardi  qui  marche 
contre  lui  en  1272,  occupe  le  comté  et  enferme  le  comte  à 
Carcassonne.  Mis  en  liberté  en  1273,  il  se  brouille  ensuite 
avec  le  roi  d'Aragon  et  est  fait  une  seconde  fois  prisonnier 
par  ce  prince  (1280).  En  1285,  il  accompagne  le  roi  de 
France  en  Catalogne.  En  1290,  il  se  brouille  avec  le  comte 
d'Armagnac,  son  beau-frère,  touchant  la  succession  de 
Béarn  ;  le  parlement  de  Paris  évoque  l'affaire  qui  se  ter- 
mine en  1295  par  un  combat  singulier  entre  les  deux 
prétendants,  combat  qui  a  lieu  en  présence  du  roi.  Il  avait 
épousé  Marguerite  de  Béarn,  principale  héritière  du  dernier 
vicomte  Gaston  VII.  —  Gaston  Ier,  fils  du  précédent 
(1302-1315)  (V.  ce  nom).  —  Gaston  II,  fils  du  précédent 
(1315-1343)  (V.  ce  nom).  —  Gaston  III  Phébus  (1343-  . 
1390)  (V.  ce  nom). —  Le  comté  de  Foix  fait  ensuite  retour 
à  la  couronne,  en  vertu  d'une  donation  expresse  de  Gaston- 
Phébus.  Mais  le  duc  de  Berry,  gouverneur  de  Languedoc, 


—  687  — 


FOIX  —  FOL 


décide  le  roi  à  le  céder  à  Mathieu,  vicomte  de  Castelbon 
(déc.  4394),  descendant  de  Gaston  Ier.  Ce  prince  meurt 
sans  enfants  en  4398.  Le  comté  est  alors  réclamé  par 
Isabelle,  sœur  de  Mathieu,  épouse  d'Archambaudde  Grailly, 
captai  de  Buch  ;  les  officiers  du  roi  et  notamment  le  conné- 
table de  Sancerre  lui  font  opposition  ;  après  une  guerre  assez 
vive,  Isabelle  et  Archambaud  abandonnent  le  parti  anglais, 
se  soumettent  à  la  France  et  prennent  possession  du  comté 
en  mars  4404.  Archambaud  de  Foix-Grailly  meurt  en 
4442,  laissant  cinq  fils,  dont  l'aîné,  Jean,  lui  succède  dans 
les  comtés  de  Foix  et  de  Bigorre  et  dans  les  vicomtes  de 
Béarn  et  de  Castelbon.  —  Jean  de  Foix-Grailly  (4442- 
4436)  (V.  ce  nom).  —  Gaston  IV,  fils  du  précédent 
(4436-4474)  (V.  ce  nom).  De  sa  femme  Eléonore,  fille  de 
Jean^  roi  d'Aragon  et  de  Navarre,  il  avait  eu  plusieurs 
enfants,  dont  Gaston,  mort  en  4470,  Jean,  vicomte  de 
Narbonne,  et  Pierre,  cardinal  de  Foix.  —  A  Gaston  IV 
succède  son  petit-fils,  François-Phébus,  fils  de  Gaston  et 
de  Madeleine  de  France,  sœur  de  Louis  XI.  Les  comtes  de 
Foix  deviennent  alors  rois  de  Navarre,  et  le  comté  passe, 
en  même  temps  que  ce  royaume,  aux  familles  d'Albret, 
puis  de  Bourbon.  Le  dernier  comte  de  Foix  est  Henri  IV, 
dont  les  Etats  patrimoniaux  sont  réunis  au  domaine  royal. 

Le  nom  de  Foix  devait  d'ailleurs  subsister  longtemps 
encore.  A  cette  famille  se  rattachent  plusieurs  branches 
que  nous  allons  énumérer  rapidement  :  4°  vicomtes  de 
Castelbon  et  seigneurs  de  Moncade,  issus  de  Roger-Ber- 
nard Ier,  fils  de  Gaston  Ier  ;  ils  s'éteignent  dans  la  per- 
sonne de  Mathieu,  comte  de  Foix,  en  4398  ;  2°  ducs  de 
Médina-Cœli,  issus,  dit-on,  d'un  fils  illégitime  de  Gaston- 
Phébus,  qui  serait  devenu  comte  de  Médina  et  aurait  épousé 
Isabelle  de  La  Cerda,  fille  et  héritière  de  Louis  d'Espagne, 
dit  de  La  Cerda  ;  3°  derniers  vicomtes  de  Narbonne,  issus 
de  Jean,  fils  puîné  de  Gaston  IV  et  père  du  célèbre  Gaston 
de  Foix  ;  4°  derniers  vicomtes  de  Lautrec  et  de  Villemur, 
issus  de  Pierre,  fils  puîné  de  Jean  de  Foix-Grailly  ;  il  eut 
pour  petit-fils  le  célèbre  Odet  de  Foix-Lautrec,  mort  en 
4528  ;  la  fille  d'Odet,  Claude,  épousa  successivement  Gui, 
comte  de  Laval,  puis  Charles  de  Luxembourg  ;  5°  comtes 
de  Bénauges,  d'Astarac,  de  Candale,  captaux  de  Buch, 
issus  de  Gaston,  fils  puîné  d'Archambaud,  qui,  partisan  de 
l'Angleterre,  épousa  la  comtesse  de  Candale,  d'où  le  titre 
de  ses  descendants  ;  le  nom  de  Candale,  éteint  dans  la  per- 
sonne de  Henri  de  Foix,  tué  à  Sommières  en  4572,  fut 
repris  par  les  d'Epernon  ;  6°  de  Jean,  fils  de  Gaston  et 
petit-fils  d'Archambaud,  sortent  les  vicomtes  de  Meilles, 
comtes  de  Gurson  et  de  Fleix,  ducs  de  Randan,  éteints  en 
4744;  7°  et  8°  barons  de  Douazit,  branche  illégitime  des 
Foix-Candale,  et  barons  du  Lau,  branche  légitime  des 
Douazit  ;  9°  seigneurs  de  Gerderest,  issus  d'un  fils  naturel 
de  Jean  de  Grailly,  éteints  au  xvie  siècle. 

De  la  maison  de  Foix  sortent  encore  les  barons,  puis 
comtes  de  Rabat.  On  les  croit  issus  de  Loup  de  Foix,  fils 
naturel  de  Raimond-Roger,  nommé  dès  4229  ;  ce  nom  de 
Loup  reparaît  plusieurs  fois  et  la  famille  donne  plusieurs 
branches;  l'une  d'elles  prend,  au  xvne  siècle,  le  titre  de 
comte  de  Foix,  et  des  Rabat  descendent  également  les  barons 
de  la  Gardiole  et  de  Canté,  qui  prendront  plus  tard  le  titre 
de  marquis  de  Foix,  les  seigneurs  de  Mardogne  et  vicomtes 
de  Couserans  au  xvie  siècle,  qui,  en  4588,  se  fondent  dans 
la  famille  de  Mauléon.  Les  Foix  portaient  d'or,  à  trois 
pals  de  gueules.  Le  comté  fut  érigé  en  comté-pairie  par 
Charles  VII  en  4458.  A.  Molinier. 

Bibl.  :  Le  P.Anselme,  t.  III.— D.  Vaissète  (nouv.  éd.), 
passim,  et  principalement,  IV,  note  22,  et  les  ouvrages 
cités  à  l'article  précédent. 

FOIX  (Pierre  de),  dit  le  Vieux,  cardinal  et  archevêque 
d'Arles,  né  en  4386,  mort  en  4464.  Cinquième  fils 
d'Archambault,  captai  de  Buch,  il  était  déjà  évêque  de  Les- 
cars,  à  l'âge  de  vingt-deux  ans  (4408).  Benoît  XIII  (Pierre 
de  Luna)  le  créa  alors  cardinal,  pour  attirer  dans  son  parti 
les  comtes  de  Foix.  Au  concile  de  Constance,  Pierre  de 
Foix  abandonna  la  cause  de  cet  antipape,  prit  part  à  l'élec- 


tion de  Martin  V  (nov.  4447)  et  fut  confirmé  par  celui-ci 
dans  son  titre  de  cardinal.  En  4429,  il  fut  envoyé  en  Ara- 
gon pour  extirper  les  restes  du  schisme,  et  il  réussit,  dans 
un  concile  tenu  à  Tortosa,  à  obtenir  la  démission  de  Gilles 
de  Munoz,  antipape  sous  le  nom  de  Clément  VIII.  Nommé 
archevêque  d'Arles  en  4450,  il  présida  deux  conciles  à  Arles 
et  Avignon  et  résigna  ses  fonctions  en  4462.  Il  avait  fondé 
à  Toulouse  le  Collège  de  Foix,  qu'il  dota  de  vingt-cinq 
bourses  pour  les  étudiants  pauvres.  E.-H.  V. 

FOIX  (Thomas  de),  seigneur  de  Lescun  (V.  Lescun). 

FOIX  (Gaston  de)  (V.Gaston). 

FOIX  (Françoise  de)  (V.  Chateaubriand  [Mme  de]). 

FOIX  (François  de),  comte  de  Candale  (V.  ce  nom). 

FOIX  (Paul  de),  jurisconsulte,  prélat  et  diplomate  fran- 
çais, né  dans  le  midi  de  la  France,  en  4528,  mort  à  Rome 
le  29  mai  4584.  Il  était  fils  de  Jean  de  Foix,  comte  de 
Carmain,  et  de  Madeleine  de  Caupène.  Après  avoir  étudié  à 
Paris,  puis  à  Toulouse,  il  obtint,  dès  4547,  une  charge 
de  conseiller-clerc  au  parlement  de  Paris.  Arrêté  en  4559 
avec  Anne  de  Bourg,  puis  absous  par  arrêt  du  8  févr.  4560, 
il  se  démit  de  sa  charge  en  1564.  Il  fut  dès  lors  succes- 
sivement ambassadeur  en  Angleterre  (4564),  à  Venise 
(4568),  à  Florence  (4573),  puis  à  Rome  (4575).  Chargé 
en  4576  d'une  mission  auprès  du  roi  de  Navarre  pour 
amener  une  pacification,  il  accompagna  Catherine  de  Médi- 
cis  en  Guyenne,  en  4578,  pour  revenir  à  Rome  comme 
ambassadeur  en  1579.  Il  y  resta  jusqu'à  sa  mort.  Paul 
de  Foix  avait  été  fait  archevêque  de  Toulouse  en  4577; 
il  était,  de  plus,  abbé  d'Aurillac.  Une  faible  partie  de  sa 
correspondance  a  été  publiée  par  Auger  de  Mauléon  sous  le 
titre  de  Lettres  à  Henri  III  (Paris,' 4628  et  4638,  in-4). 
Esprit  net  et  ferme,  lié  avec  du  Ferrier  (V.  ce  nom),  pro- 
tecteur de  tfOssat  (V.  ce  nom),  Paul  de  Foix  n'a  pas  été 
seulement  un  des  diplomates  les  plus  remarquables  du 
xvie  siècle,  il  a  été  aussi  un  des  membres  les  plus  influents 
du  parti  des  politiques  et  il  a  contribué  pour  sa  part  à  la 
pacification  des  guerres  civiles.  Louis  Farges. 

Bibl.  :  Gallia  Christiana.  —  Muret,  Oraison  funèbre  de 
Paul  de  Foix  ;  Paris,  1584,  in-8. 

FOIX  (Louis  de),  architecte  et  ingénieur  français  de  la 
fin  du  xvie  siècle.  D'une  famille  originaire  du  comté  de 
Foix  et  né  à  Paris  vers  4530,  Louis  de  Foix  vécut  long- 
temps en  Espagne  où,  si  l'on  ne  peut  prouver  qu'il  eut 
quelque  part  à  la  création  de  l'Escurial,  on  sait  au  moins, 
par  une  cédule  de  Philippe  II,  datée  de  4564  (Bermudez,%  II, 
76-77),  qu'il  fit  des  modèles  de  machines  pour  alimenter 
d'eau  du  Tage  les  quartiers  élevés  de  la  ville  de  Tolède. 
De  retour  en  France,  il  visita,  avec  Thomas  Gaudouin,  en 
4580,  la  ville  de  Caen  en  vue  d'y  créer  un  havre,  et  combla 
l'ancien  canal  de  l'Adour,  près  de  Bayonne,  en  creusa  un 
nouveau  et  aménagea  le  port  de  cette  ville  vers  4579. 
Mais  l'œuvre  la  plus  remarquable  de  Louis  de  Foix  fut  la 
célèbre  tour  ou  phare  de  Cordouan,  bâtie,  de  '1585  à  4644, 
sur  un  écueil  à  l'embouchure  de  la  Gironde,  à  six  lieues 
de  Bordeaux  (V.  une  vue  de  cette  tour  telle  que  l'avait 
fait  édifier  Louis  de  Foix  et  comme  les  deux  premiers  étages 
subsistent  encore,  à  l'art.  Cordouan,  t.  XII,  p.  957).  On 
croit  que  cet  architecte  fit  aussi  élever  le  château  de  Vayres 
en  4590.  Charles  Lucas. 

FOJNICA.  Ville  de  Bosnie  (cercle  de  Sarajevo); 
4,562  hab.  Elle  possède  un  monastère  franciscain  qui  a 
été  pendant  plusieurs  siècles  le  centre  politique  de  la  vie 
catholique  en  Bosnie. 

FO-KIEN  (V.  Fou-Kien). 

FOKSANY  (V.  Focsani). 

FOL  (Hermann),  savant  français,  né  près  de  Paris  en  4845 
de  parents  genevois,  présumé  mort  en  mars  4892.  Il 
descendait  de  Gaspard  Fol,  gentilhomme  de  laTouraine,  réfu- 
gié à  Genève  en  4590  pour  cause  de  religion.  Il  prit  son  grade 
de  docteur  en  médecine  à  Berlin  en  4869,  puis  s'adonna  à 
l'étude  de  la  zoologie.  C'est  dans  ce  but  qu'il  fit  plusieurs 
voyages  en  Norvège,  aux  Canaries,  au  Maroc,  en  Sicile,  etc. 
Ses  principaux  travaux  sont  ses  monographies  des  cténo- 


FOL  —  FOLENGO  —  6 

phores,  des  appendiculaires,  ses  études  sur  le  dévelop- 
pement des  mollusques,  sur  la  profondeur  atteinte  par  la 
lumière  dans  l'eau  et  surtout  ses  recherches  sur  la  fécondation 
et  la  division  des  cellules.  M.  Fol  a  fondé,  à  Villefranche,  près 
de  Nice,  un  laboratoire  zoologique.  Il  a  été  professeur  ordi- 
naire à  l'université  de  Genève  pendant  neuf  ans.  Parti  au 
printemps  de  4892  avec  son  yacht  V Aster  pour  accomplir 
une  mission  scientifique  du  gouvernement  français  en  Grèce, 
Turquie  et  Tunisie,  on  n'a  plus  eu  dès  lors  aucune  nouvelle 
de  lui.  Il  est  à  craindre  que  Y  Aster  ne  se  soit  perdu  corps 
et  biens.  Emmanuel  Kuhne. 

FOLARD  (Le  chevalier  Jean-Charles  de),  écrivain 
militaire  français,  né  à  Avignon  le  13  févr.  1669,  mort  à 
Avignon  le  23  mars  1752.  De  famille  noble,  il  embrassa 
à  seize  ans  la  carrière  des  armes  en  s'engageant.  Son 
père,  mécontent  de  sa  décision,  le  dégagea  et  le  fit 
enfermer  dans  un  couvent  d'où  il  s'échappa.  Sous-lieu- 
tenant à  dix-neuf  ans,  le  chevalier  Folard  servit  dans  un 
corps  de  partisans  en  Italie,  devint  aide  de  camp  du  duc 
de  Vendôme  (1702),  puis  suivit  le  grand  prieur  qui  com- 
mandait l'armée  de  Lombardie,  devint  son  familier  et  son 
conseiller  et  fut  cause  de  la  prise  de  Révéré,  puis  d'Hos- 
tiglia,  enfin  de  la  Cassine  de  la  Bouline  en  1705.  Ce  der- 
nier exploit  valut  au  chevalier  Folard  la  croix  de  Saint-Louis 
et  une  pension  de  400  livres.  Il  fut  grièvement  blessé  à  Cas- 
sano,  servit  ensuite  en  Flandre,  fut  fait  prisonnier  après  la 
bataille  de  Malplaquet,  et  passa  alors  au  service  du  roi  de 
Suède,  Charles  XII  ;  il  s'y  couvrit  de  gloire,  notamment  au 
siège  de  Friderikshall.  De  retour  en  France,  Folard  fit  sa 
dernière  campagne  en  1719  comme  mestre  de  camp.  Il  a 
écrit  des  ouvrages  militaires  fort  estimés  pendant  tout  le 
xvme  siècle  :  Nouvelles  Découvertes  sur  la  guerre  (1 724)  ; 
le  Commentaire  sur  Polybe  (Paris,  1727-1730,  6  vol. 
in-4).  Ce  dernier  ouvrage  a  été  longtemps  classique.  Les 
ouvrages  de  Folard  ont  été  vivement  critiqués  par  le  roi 
Frédéric  II,  qui  en  a  fait  lui-même  un  résumé.  Le  maréchal 
de  camp  de  Rohan-Chabot  a  publié  un  bon  Abrégé  des 
CommentairesdeM.de  Folard  (Paris,  1754, 3  vol.  in-4). 
Bibl.  :  Mémoires  pour  servir  à  V histoire  de  M.  le  che- 
valier de  Folard  ;  Ratisbonne  [Paris],  1753,  in-12.  —  Fré- 
déric II,  Esprit  du  chevalier  de  Folard,  dans  les  Œuvres 
du  grand  Frédéric. 

FOLARD  (Hubert,  chevalier  de),  diplomate  français,  né 
à  Avignon  le  29  juin  1709,  mort  vers  1799,  neveu  du 
précédent.  Employé  aux  conférences  qui  précédèrent  la 
diète  d'élection  de  l'empereur  Charles  VII  en  1741,  Folard 
fut  ensuite  envoyé  comme  ministre  auprès  de  l'évêque  de 
Wurzbourg  et  du  cercle  de  Franconie  (1742).  Il  remplit 
eusuite  les  mêmes  fonctions  auprès  de  la  diète  germanique 
à  Ratisbonne  (1749).  En  1755,  l'électeur  de  Ravière,  mani- 
festant le  désir  de  reprendre  les  relations  avec  la  France, 
interrompues  depuis  le  départ  du  comte  de  Raschi  (1750), 
Folard  fut  chargé  de  cette  négociation  pour  laquelle  il  reçut 
en  juin  une  instruction,  et  conclut  avec  la  Ravière  le  traité 
d'alliance  et  de  neutralité  du  21  juil.  1756.  Au  moment 
de  la  guerre  de  Sept  ans,  il  reçut  une  nouvelle  instruction 
(2  oct.  1756)  pour  obtenir  le  concours  militaire  de  l'élec- 
teur. Folard  réussit  à  amener  ce  prince  à  participer  à  la 
guerre  d'Empire.  Il  ne  fut,  du  reste,  rappelé  que  sur  sa 
demande  en  sept.  1776  et  eut  pour  successeur  le  chevalier 
de  La  Luzerne.  Pendant  la  Révolution,  il  vécut  dans  une 
assez  grande  détresse  et  le  Directoire  et  le  premier  consul 
vinrent  en  aide  soit  à  lui,  soit  à  sa  famille.  Dans  les 
demandes  qu'il  leur  adressait,  il  prenait  le  titre  de  con- 
seiller d'Etat.  Il  avait  épousé,  à  Munich,  Marie-Agnès  de 
Mantica,  de  laquelle  il  eut  sept  enfants.  Sa  correspondance 
est  conservée  aux  archives  des  affaires  étrangères. 

Bibl.  :  A.  Lebon,  Rec.  des  Instructions  aux  amb.  et  min. 
de  France  en  Bavière;  Paris,  1889,  in-8. 

FOLATIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  La 
Tour-du-Pin,  cant.  de  Pont-de-Reau voisin  ;  593  hab. 

FOLCARD  ou  F0ULCARD,  hagiographe  anglais  qui  flo- 
rissait  au  milieu  du  xie  siècle.  Flamand  de  naissance,  il 
vint  en  Angleterre  sous  le  règne  d'Edouard  le  Confesseur 


et  entra  au  monastère  de  «  Holy  Trinity  »  ou  de  «  Christ 
Church  »,  à  Canterbury.  Son  érudition  était  profonde  et 
s'étendait  jusqu'à  la  musique.  Il  dirigea  pendant  seize  ans 
l'abbaye  de  Thorney,  dans  le  comté  de  Cambridge  ;  mais 
un  dissentiment  survenu  entre  lui  et  l'évêque  de  Lincoln 
eut  pour  conséquences  sa  retraite  et,  probablement,  son 
retour  en  Flandre.  On  a  de  lui  plusieurs  vies  de  saints 
(de  saint  Rertin,  de  saint  Orner  et  de  saint  Oswald  de  Can- 
terbury), qui  sont  précieuses  pour  l'histoire  de  son  temps. 

Bibl.:  Mabillon,  Acta  sanctorum  ordinis  S .  Benedicti. 
FOLCARDE,  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  de  Villefranche-de-Lauragais  ;  166  hab. 

FOLCUIN  (Saint),  évêque  de  Thérouane  vers  816,  mort 
le  14  déc.  855.  Il  était  le  petit-fils  de  Charles-Martel.  Sa 
vie  a  été  écrite  au  xe  siècle  par  son  arrière-neveu  Folcuin, 
moine  de  Saint-Rertin  et  abbé  de  Lobbes. 

Bibl.  :  Mabillon,  Acta  SS.  O.S.  B.(1677),  t.  IV, part. I, 
pp.  622  et  suiv. 

FOLCUIN,  chroniqueur  et  hagiographe, moine  à  Saint- 
Rertin  en  948,  abbé  de  Lobbes  le  25  déc.  965,  mort  en 
990.  Reaucoup  de  biographes  ont  distingué  le  moine  de 
Saint-Bertin  qu'ils  faisaient  mourir  dans  son  couvent  vers 
975,  de  l'abbé  de  Lobbes,  mais  il  est  établi  aujourd'hui  que 
ce  n'est  qu'un  seul  et  même  personnage.  On  lui  doit  : 
1°  une  vie  de  son  grand-oncle  saint  Folcuin,  évêque  de  Thé- 
rouane, publiée  en  1677  par  Mabillon  (Acta  SS.  ord.  S. 
Ben.,  t.  IV,  part.  I,  p.  624)  ;  2°  une  chronique  de  l'ab- 
baye de  Saint-Rertin,  mélange  de  chartes  et  de  notes  his- 
toriques depuis  l'origine  de  l'abbaye  jusqu'en  962  ;  elle  a 
été  publiée  par  R.  Guérard  sous  le  titre  de  Cartulaire 
de  V abbaye  de  Saint-Bertin  (Paris,  1840,  in-4,  Coll. 
des  documents  inédits;  cf.  un  supplément  dû  à  F.  Mo- 
rand, Appendice  au  Cartul.  de  Vabb.  de  S.  Berlin, 
Paris,  1867,  in-4,  même  coll.),  et  depuis  en  un  meilleur 
texte,  mais  sans  les  documents  diplomatiques,  par  Holder- 
Egger,  sous  le  titre  de  Gesta  abbatum  S.  Bertini  Li- 
thiensium  (Monumentagermaniœ,  Scriptorum,l$8\, 
t.  XIII)  ;  3°  une  histoire  des  abbés  de  Lobbes  jusqu'en 
980  Gesta  abbatum  Lobiensium,  publiée  en  1841  par 
Pertz  (Monum.  germ.  SS.,  t.  IV).  A.  G. 

Bibl.  :  W.  Wattenbach,  Deutschlands  Geschichts- 
quellen,  1885,  5°  éd.,  t.  I,  p.  355. 

FOLEMBRAY.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Laon, 
cant.  de  Coucy-le-Château  ;  1,833  hab.  Verrerie  à  bou- 
teilles. 

Traité  de  Folembray  (janv.  1596).  —  Il  fut  conclu 
entre  Henri  IV  et  le  duc  de  Mayenne,  chef  de  la  Ligue,  et 
termina  l'œuvre  de  pacification  si  bien  commencée  durant 
les  années  précédentes  par  la  soumission  successive  des 
provinces  du  Centre,  de  l'Est,  du  Midi,  de  Paris  enfin.  Le 
traité  de  Folembray  stipulait  l'oubli  du  passé  en  faveur  de 
tous  ceux  qui,  dans  un  délai  de  six  semaines,  feraient 
adhésion  au  roi  ;  à  Mayenne  était  accordée,  mais  pour  six 
ans  seulement,  la  jouissance  de  trois  places  de  sûreté, 
Soissons,  Seurre  et  Chalon-sur-Saône.        L.  Marlet. 

FOLENGO  (Giovan-Rattista),  théologien  italien,  né  à 
Mantoue  en  1490,  mort  à  Rome  le  5  oct.  1559.  Rénédic- 
tin,  il  fut  abbé  du  monastère  de  Sainte-Marie,  dans  la 
Marche  trévisane.  11  fit  quelque  bruit  par  un  ouvrage  inti- 
tulé Commentaria  in  psalmos  (Râle,  1557),  dans  lequel 
on  crut  voir  des  tendances  luthériennes  et  qui  fut  mis  à 
l'index  par  le  pape  Paul  IV.  L'auteur  se  soumit,  et  un  autre 
pape,  Grégoire  XIII,  fit  réimprimer  ces  commentaires,  pur- 
gés de  tous  les  passages  suspects  (Rome,  1585). 

Bibl.  :  Bettinelli,  Délie  Lettere  e  délie  arti  manto- 
vane;  Mantoue,  1774,  in-4. 

FOLENGO  (Hieronymo),  poète  italien,  né  à  Mantoue 
le  8  nov.  1491,  mort  près  de  Rassano  le  9  déc.  1544. 
Entré  dans  l'ordre  de  Saint-Renoît  en  1507,  il  s'enfuit  avec 
une  femme  et,  après  une  dizaine  d'années  de  vie  de  bohème, 
rentra  dans  un  monastère  bénédictin  au  promontoire  de 
Minerve  (royaume  de  Naples),  passa  ensuite  à  ceux  de 
Santa  Maria  délia  Ciambra  (Sicile),  San  Martino  (Palerme) 
et  Santa  Croce  di  Campese,  près  de  Rassano.  Durant  sa  vie 


—  689  — 


FOLENGO  —  FOLIE 


mondaine,  il  composa  des  poésies  macaroniques  dont  il  est 
le  premier  auteur  réellement  connu,  et  un  ouvrage  plus 
étendu  qui  popularisa  le  nouveau  genre  burlesque  ;  il  fut 
publié  à  Venise  (1520,  in-8)  sous  le  titre  Opus  Mer  Uni 
Cocaii  Macaronicorum.  Ce  fut  une  des  sources  de  Rabe- 
lais. Il  en  existe  une  édition  revisée  par  Folengo  converti 
(Venise,  4561,  in-42),  une  traduction  française,  Histoire 
rnacaronique  de  Merlin  Coccaye(?ms,  4606,  in-42),  etc. 
Citons  encore  une  parodie  du  Roland  furieux,  Orlan- 
dino  (Venise,  4526,  in-8).  Quant  aux  œuvres  précises 
par  lesquelles  Folengo  tenta  de  faire  oublier  les  scandales 
de  sa  jeunesse,  elles  ne  valent  rien  :  Chaos  del  tri  peruno 
(Venise,  4527,  in-8)  ;  UUmanita  del  Figliulo  di  Dio 
(Venise,  4533,  in-8)  ;  Dialogi  (4533,  in-8). 

Bibl.  :  Bettinelli,  Délie  Lettere  e  délie  arli  manto- 
vane  ;  Mantoue,  1774,  in-4. 

FO  LEY  (Paul) ,  homme  politique  anglais,  né  dans  le  comté 
de  Worcester  vers  4645,  mort  le  43  nov.  4699.  Elu 
en  4679  par  la  ville  d'Hereford  à  la  Chambre  des  com- 
munes, il  la  représenta  pendant  sept  parlements  consécutifs. 
Tory  renforcé,  très  versé  dans  les  questions  de  finances  et 
d'une  scrupuleuse  honnêteté,  il  fut  élu  speaker  le  44  mars 
4695  et  occupa  ces  fonctions  avec  la  plus  grande  distinc- 
tion jusqu'en  4698.  En  4696, il  fit  de  grands  efforts  pour 
créer  un  crédit  foncier  national,  mais  son  plan  échoua. 

FOLEY  (Sir  Thomas),  amiral  anglais,  né  en  4757, mort 
à  Portsmouth  le  9  janv.  4833.  Entré  dans  la  marine  en 
1770,  il  servit  à  Terre-Neuve,  à  la  Jamaïque,  combattit 
contre  les  Espagnols  en  4780,  servit  en  Amérique,  aux 
Indes,  à  la  Dominique,  prit  part  aux  opérations  devant 
Toulon  en  4793-4795,  se  distingua  brillamment  à  la  ba- 
taille du  Nil  (4798),  sous  Nelson,  et,  passé  à  l'escadre  de 
la  Baltique  en  4804,  assista  aux  opérations  devant  Co- 
penhague. Nelson  avait  été  si  satisfait  de  ses  services  qu'il 
désira  l'avoir  comme  capitaine  d'état-major  lorsqu'il  prit 
le  commandement  de  la  flotte  de  Cadix  (4805),  mais  l'état 
de  santé  de  Foley  ne  lui  permit  pas  d'accepter  cet  hon- 
neur. Promu  contre-amiral  en  4808,  vice-amiral  en  4842 
et  amiral  en  4825,  il  fut  nommé  commandant  en  chef  à 
Portsmouth  en  4 830.  R.  S. 

Bibl.  :  J.-B.  Herbert,  Life  and  -Services  of  admirai 
sir  Thomas  Foley;  Cardiff,  1884. 

FOLEY  (John-Henry),  sculpteur  anglais,  né  à  Dublin  le 
24  mai  4848,  mort  à  Londres  le  24  août  4874.  Après  avoir 
l'ait  ses  premières  études  artistiques  dans  sa  ville  natale,  il 
vint  a  Londres  en  4834  et  compléta  son  éducation  à  l'Aca- 
démie royale.  A  partir  de  4  839,  ses  œuvres  figurèrent  régu- 
lièrement aux  expositions  annuelles.  Les  deux  statues  par 
lesquelles  il  débuta,  l'Innocence  et  Abel  mourant,  lurent 
très  remarquées.  On  loua  la  puissance  d'imagination  et 
l'originalité  de  son  talent,  sa  pureté  et  sa  vigueur  d'exé- 
cution ;  ces  qualités  se  retrouvent  dans  presque  toutes  ses 
œuvres.  On  peut  citer  comme  les  principaux  de  ses  groupes, 
statues  et  bustes-portraits,  les  suivants  :  le  Roi  Lear  et 
Cor  délia  (1844)  ;  Prospero  racontant  ses  aventures  à 
Miranda  (4843)  ;  Egérie  (4856)  ;  le  tombeau  de  Jacques 
Stuart  à  Ceylan  ;  les  statues  de  /.  Kampden  à  West- 
minster, de  Goldsmith  au  collège  de  la  Trinité  ;  les  statues 
équestres  du  Vicomte  Hardinge  et  du  Général  Ontram 
à  Calcutta,  du  Prince  Albert  à  Birmingham.  En  4858, 
J.-H.  Foley  avait  été  élu  membre  de  l'Académie  royale. 

FOLEY  (Mme  Margaret),  sculpteur  américain,  née  à  New 
Hampshire,  morte  à  Menau  (Tirol)  en  4877.  Cette  artiste 
de  talent  est  l'auteur  de  nombreux  médaillons  et  bustes 
qui  ont  fondé  sa  réputation  en  Amérique.  Son  principal 
ouvrage  est  la  statue  du  Général  Jackson,  décorant  une 
fontaine  à  Chicago.  On  cite  aussi  son  gracieux  bas-relief, 
le  Christ  et  le  Passereau,  inspiré  par  une  poésie  de 
Longfellow;  et  le  buste  du  poète  Bryant.  Ad.  T. 

FOLGOËT  (Le).  Corn,  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de 
Brest,  cant.  de  Lesneven,  près  de  l'Abervrac'h  ;  4,079  hab. 
Commerce  de  chevaux  ;  église  Notre-Dame,  but  d'un  pèle- 
rinage célèbre  et  l'un  des  plus  beaux  édifices  gothiques  du 
Finistère  :  il  s'y  rattache  une  légende  du  xive  siècle,  celle 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  ■—  XVII. 


du  Fou  du  bois  (foll,  coat),  d'où  le  nom  de  la  localité. 
C'est  sur  l'emplacement  de  la  fontaine  où  se  baignait  ce 
pauvre  solitaire,  honoré  comme  saint  en  Bretagne,  que 
l'église  fut  bâtie  par  les  ducs  Jean  IV  et  Jean  V,  de  4364 
à  4423.  On  y  remarque  les  deux  tours,  dont  l'une  à  flèche 
élancée  (50  m.)  ;  le  portique  dit  des  Douze  Apôtres, 
décoré  de  sculptures  admirables  ;  plusieurs  autels  et  des 


Jubé  de  l'église  Notre-Dame,  à  Folgoët. 

statues  du  xve  siècle  ;  c'est  sous  le  maître-autel  que  jaillit 
la  fontaine  légendaire;  enfin,  le  jubé,  véritable  merveille; 
autels  et  jubé  sont  exécutés  en  kersanton.  Le  doyenné 
servit  de  résidence  à  la  duchesse  Anne.  Ces  édifices  sont 
classés  dans  les  monuments  historiques.  Les  bâtiments  de 
l'ancienne  collégiale,  aujourd'hui  mairie  et  école,  ont  été 
reconstruits  à  la-  fin  du  xvne  siècle.  A  Lannuzien,  tom- 
beau du  saint.  Au  voisinage  du  Folgoët,  manoir  de  Gic- 
quelleau,  des  xve  et  xvie  siècles.  Ch.  Del. 

Bibl.  :  De  Fréminville,  Antiquités  du  Finistère,  1832, 
t.  J,  p.  124  et  1835;  t.  II,  p.  253.  —  Taylor,  Voy.pitt.  dans 
l'anc.  BreL,  1847,  t.  II,  pi.  94  à  99. 

FOLIE.  Sous  cette  qualification  on  pourrait  faire  l'étude 
de  toutes  les  maladies  mentales,  car  le  mot  folie,  qui  ap- 
partient beaucoup  plus  au  langage  vulgaire  qu'à  la  méde- 
cine, est  souvent  employé  à  la  place  du  mot  délire  et  sert 
à  désigner  la  plupart  des  formes  d'aliénation.  Nous  ren- 
voyons le  lecteur  aux  art.  Aliénation  et  Délire,  et  nous 
ne  parlerons  ici  que  de  certaines  formes  de  maladies 
mentales  dont  la  dénomination  comprend  toujours  le  vocable 
folie.  A  leur  place  il  sera  parlé  des  diverses  formes  de 
folie,  manie,  mélancolie,  monomanie,  délires  variés,  etc. 

Folie  avec  conscience.  —  On  range  habituellement  dans 
cette  catégorie  la  folie  du  doute,  l'hypocondrie  morale 
avec  idées  de  suicide,  les  impulsions  homicides  avec  cons- 
cience, l'agoraphobie. 

4  °  Folie  du  doute.  Elle  est  caractérisée  par  l'impossi- 
bilité où  sont  les  malades  de  se  convaincre  même  par  l'évi- 
dence ;  ils  peuvent  répéter  plusieurs  fois  de  suite  le  même 
acte  sans  être  pour  cela  sûrs  de  l'avoir  bien  exécuté  ;  ils 
éprouvent  le  besoin  de  diriger  leur  pensée  vers  les  mêmes 
idées  ou  de  se  poser  des  problèmes  insolubles.  Les  uns  se 
demandent  le  pourquoi  des  choses  les  plus  inexplicables; 
d'autres  le  pourquoi  des  choses  les  plus  insignifiantes.  A 
côté  de  ces  chercheurs  se  placent  ceux  qui  doutent  d'eux- 
mêmes,  qui  reviennent  plusieurs  fois  sur  leurs  pas  pour 
s'assurer  que  la  porte  qu'ils  ont  fermée  n'est  pas  restée 
ouverte,  qui  décachètent  une  lettre  plusieurs  fois  de  suite 
pour  vérifier  son  contenu  ;  puis  les  scrupuleux  pour  les- 
quels tout  devient  matière  à  scrupule;  enfin  les  compteurs 
qui  ne  peuvent  se  dispenser  de  compter  mentalement  tous 
les  objets  qui  se  présentent  à  eux.  Napoléon  Ier  comptait 
par  couples  les  fenêtres  des  maisons  devant  lesquelles  il 
passait.  Tous  ces  malades  se  rendent  parfaitement  compte 
de  leur  état  et  le  dissimulent  pendant  de  longues  années, 
mais  il  peut  arriver  un  moment  où  cela  leur  devient  im- 
possible et  où  ils  éprouvent  des  crises  angoissantes  très 


FOLIE  —  FOLIES-BERGÈRE 


—  690 


pénibles  et  durables  quand  ils  ne  peuvent  plus  vaincre  leurs 
doutes.  A  cette  période  la  maladie  prend  un  symptôme  très 
particulier,  le  délire  du  toucher,  caractérisé  par  des  soins 
de  propreté  ridicules  et  par  la  crainte  de  se  salir  ou  de 
contaminer  les  autres  en  touchant  certains  objets.  Plus 
tard,  bien  que  la  conscience  de  leur  état  persiste,  ces  ma- 
lades finissent  par  s'isoler  et  même  par  ne  presque  plus 
parler,  absorbés  par  leurs  idées  délirantes  et  par  les  pra- 
tiques qui  en  découlent,  mais  ils  n'arrivent  jamais  à  la 
démence.  La  folie  du  doute  se  voit  surtout  dans  les  familles 
où  il  y  a  eu  des  aliénés,  chez  des  individus  prédisposés,  et 
il  suffit  de  la  moindre  cause  occasionnelle  pour  la  faire 
naître  ;  son  pronostic  est  grave  à  moins  qu'on  ne  puisse 
obtenir  du  malade  qu'il  ne  soit  jamais  oisif  et  qu'on  lui 
ôte  le  loisir  de  penser  à  lui. 

2°  Mélancolie  avec  idées  de  suicide.  Elle  commence 
par  une  indifférence  complète  et  un  dégoût  de  tout  plaisir 
ou  de  toute  occupation;  plus  tard  elle  amène  des  idées  de 
ruine  ou  la  crainte  de  maladies  et  surtout  de  maladies 
mentales.  Comme  dans  toutes  les  formes  de  ce  genre,  le 
malade  se  rend  compte  de  l'inanité  de  ses  préoccupations, 
mais  il  ne  peut  les  éloigner  ;  aussi  a-t-il  souvent  peur  de 
devenir  aliéné.  J'en  ai  connu  un  qui  jouissait  d'une  belle 
fortune  et  que  la  crainte  de  la  mal  gérer  jeta  dans  une  tris- 
tesse profonde  ;  il  chercha  par  trois  fois  à  se  suicider  pour 
échapper  à  ce  tourment.  Cet  état  est  paroxystique,  et  pen- 
dant les  accès  le  suicide  est  à  craindre,  mais  dans  leurs 
intervalles  la  santé  morale  peut  être  complète.  Ces  malades 
n'ont  jamais  d'hallucinations,  jamais  de  délire,  car  leurs 
idées  ne  sont  pas  absurdes,  en  elles-mêmes  ;  elles  le  sont 
seulement  par  leur  ténacité  et  par  les  circonstances  dans 
lesquelles  elles  se  produisent.  La  guérison  est  fréquente, 
mais  les  rechutes  sont  assez  ordinaires. 

3°  Impulsions  homicides  avec  conscience.  Les  ma- 
lades rejettent  loin  d'eux  l'idée  de  commettre  un  crime, 
mais  l'impulsion  peut  être  irrésistible  et  ils  peuvent  tuer 
malgré  eux  et  en  sachant  fort  bien  qu'ils  commettent  un 
acte  de  folie.  On  cite  de  nombreux  cas  de  malades  qui  de- 
mandaient qu'on  les  mît  dans  l'impossibilité  de  nuire  quand 
ils  sentaient  venir  leur  accès  impulsif.  Ce  sont  presque 
toujours  des  héréditaires,  et  leur  guérison  reste  douteuse, 
alors  même  que  les  impulsions  ont  cessé  de  se  montrer 
depuis  longtemps  (V.  Responsabilité  légale  des  aliénés). 
Folie  circulaire  ou  à  double  forme.  —  C'est  sous  ce 
nom  que  Falret  et  Baillarger  ont  décrit  un  type  de  vésanie 
caractérisé  par  des  alternances  de  dépression  et  d'excitation. 
Le  plus  souvent  ces  deux  états  se  remplacent  avec  régula- 
rité et  sans  alternance  ;  quelquefois  ils  sont  séparés  par  une 
période  très  courte  de  lucidité  (folie  alternante),  ou  de  du- 
rée plus  ou  moins  considérable  (folie  à  double  forme).  Les 
accès  de  manie  et  de  mélancolie,  qui  se  succèdent  à  tour  de 
rôle,  offrent  cette  différence  avec  la  manie  et  la  mélancolie 
ordinaires,  qu'ils  coexistent  avec  une  conservation  à  peu 
près  complète  de  l'intelligence  et  présentent  le  type  raison- 
nant. Les  malades  se  rendent  compte  de  leur  état,  et  même 
dans  la  plus  grande  excitation  n'ont  pas  les  idées  incohé- 
rentes des  maniaques  ;  leur  délire  repose  toujours  sur  des 
faits  ou  des  idées  d'ordre  vraisemblable,  particulièrement 
les  idées  de  grandeur  et  derichesse.  «  Ces  malades  étonnent 
même  par  l'activité  et  la  fécondité  de  leurs  idées,  parleur 
esprit  et  leur  imagination  pleine  de  ressources,  mais  ils 
frappent  également  par  la  violence  de  leurs  sentiments  et 
de  leurs  impulsions  instinctives,  ainsi  que  par  le  désordre 
et  la  bizarrerie  de  leurs  actes.»  (Falret.)  A  cette  surexcitation 
s'ajoutent  souvent  de  la  dipsomanie  et  de  la  perturbation 
des  instincts  sexuels.  Pendant  tout  ce  temps  la  santé  phy- 
sique est  parfaite,  sauf  un  peu  d'insomnie  ;  il  peut  même  y 
avoir  augmentation  du  poids  du  corps.  La  période  de  dé- 
pression qui  survient  ensuite  peut  atteindre   aussi  une 
intensité  plus  ou  moins  grande  ;   elle  présente  des  symp- 
tômes diamétralement  opposés  aux  précédents,  tristesse, 
indifférence,  humilité  excessive,  affaissement  des   facultés 
et  surtout  de  la  volonté,  idées  enfantines,  etc.  Cet  état 


peut  aller  jusqu'à  la  stupeur  et  s'accompagne  d'amaigrisse- 
ment et  de  déchéance  physique.  La  durée  de  chaque  accès 
est  fort  variable,  mais  elle  présente  en  général  une  grande 
régularité  sur  le  même  sujet.  Son  pronostic  est  grave, 
beaucoup  plus  que  celui  de  la  manie  et  de  la  mélancolie 
prises  isolément;  on  n'obtient  guère  que  des  rémissions  et 
bien  rarement  la  guérison  complète.  Dr  Georges  Lemoine. 
FOLIE.  Ce  nom  a  été  appliqué  au  xvme  siècle  aux  petits 
hôtels  que  les  gens  riches  faisaient  aménager  auprès  de 
Paris  afin  de  s'y  ébattre  librement.  Il  y  en  eut  de  célèbres, 
et  plusieurs  ont  laissé  leur  nom  aux  quartiers  construits 
depuis  sur  leur  emplacement  ou  dans  les  environs  :  Folie- 
Méricourt,  Folie-Beaujon,  Folie-Regnault  (La  Ro- 
quette), etc.  Récemment  ce  nom  a  été  ressuscité  et  appliqué 
à  la  fastueuse  installation  édifiée  dans  l'isthme  de  Panama 
par  l'ingénieur  en  chef  Dingler.  Elle  coûta  plus  de  vingt 
millions.  Il  est  vraisemblable  que  l'étymologie  des  folies 
du  xvme  siècle  fut  la  même. 

FOLIE  (La).  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Bayeux, 
cant.  d'Isigny;  277  hab. 

FOLIE  (François -Jacques -Philippe),  mathématicien 
belge,  né  àVenloo  (auj.  Limbourg  holl.)  le  14  déc.  4833. 
Ancien  professeur  et  ancien  administrateur  de  l'université 
de  Liège,  il  est  actuellement  (4893)  directeur  de  l'obser- 
vatoire de  Bruxelles  et  membre  de  l'Académie  des  sciences 
de  Belgique.  Outre  de  nombreux  mémoires  et  notes  parus 
depuis  4865  dans  les  recueils  scientifiques  belges,  dans  le 
Journal  de  mathématiques  de  Liouville*  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  etc., 
il  a  écrit  :  Théorie  nouvelle  du  mouvement  d'un  corps 
solide  (Bruxelles,  486o-67,  3  part,  in-8)  ;  Fondements 
d\me  géométrie  supérieure  cartésienne  (Bruxelles  et 
Paris,  4872,  in-4)  ;  Sur  le  Calcul  de  la  densité  moyenne 
de  la  Terre  (Bruxelles,  4872,  in-8);  le  Commencement 
de  la  fin  du  monde  (Bruxelles,  4873,  in-8)  ;  Petite  Cli- 
matologie (Bruxelles,  4877,  in-42)  ;  Recherches  de  géo- 
métrie supérieure  (Bruxelles,  4878,  in-8);  Eléments 
d'une  théorie  des  faisceaux  (Bruxelles,  4879,  in-8); 
douze  Tables  pour  le  calcul  des  réductions  stellaires 
(Bruxelles et  Paris,4883,  in-4),  etc.  Il  a  aussi  donné  des 
éditions  d'ouvrages  de  J.-B.  Brasseur  et  de  Meyer  et  une 
traduction  des  célèbres  travaux  de  Clausius  (Y.  ce  nom)^  sur 
la  mécanique.  ^.  S. 

FOLIES.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Montdi- 
dier,  cant.  de  Rosières;  294  hab. 

FOLIES- BERGÈRE.  Les  Folies-Bergère  sont  un  éta- 
blissement dramatique,  chorégraphique,  acrobatique  et... 
galant,  qui  a  été  construit  en  4869  sur  l'emplacement 
occupé  jusque-là,  rue  Richer,  par  un  immense  magasin 
de  literie  dont  l'enseigne,  si  notre  mémoire  est  bonne, 
était  :  Aux  Colonnes  d'Hercule.  Quelques  années  aupa- 
ravant, l'auteur  glorieux  du  Désert,  le  compositeur  Féli- 
cien David,  avait  conçu  la  pensée  de  faire  élever  sur  cet 
emplacement  une  vaste  salle  de  concerts  dans  laquelle  il 
aurait  donné  de  grandes  séances  de  musique  symphonique 
et  vocale,  classique  et  moderne.  Ce  projet  n'avait  pas 
abouti,  et  ce  fut  alors  qu'on  mit  à  exécution  celui  d'un 
vaste  café-concert  ou  café-spectacle  auquel  on  donnerait, 
vu  la  proximité  de  la  rue  de  Trévise,  le  nom  de  Folies-Tré- 
vise.  Mais  les  héritiers  du  duc  de  Trévise,  irrités  à  la  seule 
pensée  d'une  telle  profanation  de  leur  nom  patronymique,  s'y 
opposèrent  de  toutes  leurs  forces  et  obtinrent  un  jugement 
qui  donnait  complètement  raison  à  leur  susceptibilité.  Les 
entrepreneurs  de  l'établissement  nouveau  donnèrent  donc 
définitivement  à  celui-ci  la  dénomination  de  Folies-Bergère 
et  en  firent  l'inauguration  le  4er  mai  4869.  Cette  première 
soirée  comprenait  deux  opérettes,  une  pantomime  dans  la- 
quelle on  voyait  le  fameux  pierrot  Paul  Legrand,  et  divers 
intermèdes  dont  l'un  produisait  deux  mandolmistes  très 
habiles,  M.  et  Mme  Armanini. 

Les  Folies-Bergère  furent  bientôt  classées  à  leur  genre 
dans  la  série  abondante  des  divertissements  parisiens.  Ceux 
qui  voulaient  du  spectacle,  spectacle  composé  d'opérettes, 


_  691  —       FOLIES-BERGÈRE  —  FOLIES-DRAMATIQUES 


de  vaudevilles,  de  pantomimes  et  d'une  foule  d'exhibitions 
de  tout  genre  :  clowns,  acrobates,  danseurs  de  corde, 
phénomènes,  dompteurs  de  bêtes  féroces,  etc.,  ceux-là  ne 
sortaient  pas  de  la  salle  et  restaient  tranquillement  assis 
dans  leur  fauteuil.  Les  autres,  gandins  et  donzelles ,  dé- 
sœuvrés des  deux  sexes,  chercheurs  d'intrigues  et  de 
plaisirs  plus  épicés,  ceux  qui  venaient  pour  rire,  pour 
coqueter,  pour  flirter,  avaient  à  leur  disposition  un  vaste 
promenoir  où  la  mère  n'aurait  certainement  pas  conduit  sa 
fille,  et  où  les  conversations,  aussi  décolletées  que  les  cor- 
sages, n'auraient  pas  été  de  mise  dans  une  réunion  de 
famille.  C'est  précisément  là  ce  qui  a  fait  une  partie  de  la 
fortune  des  Folies-Bergère,  ce  qui  leur  a  formé  une  clien- 
tèle tout  à  fait  à  part,  clientèle  composée  non  pas  seule- 
ment de  Parisiens,  comme  on  pourrait  le  supposer,  mais 
aussi  de  nombreux  étrangers  qui  ne  croiraient  pas  connaître 
Paris  s'ils  n'allaient  aux  Folies-Bergère  comme  ils  vont  à 
l'Opéra  et  à  la  Comédie-Française,  comme  leurs  devanciers 
allaient  jadis  au  Prado,  à  Mabille  ou  à  la  Grande-Chau- 
mière. 

Si  on  veut  considérer  les  Folies-Bergère  non  au  point 
de  vue  de  leur  atmosphère  morale  et  du  rôle  qu'elles  jouent 
dans  la  galanterie  parisienne,  mais  sous  le  rapport  du 
genre  de  spectacle  qu'elles  offrent  à  leur  public,  on  constate 
que  ce  spectacle,  chevaux  exceptés,  se  rapproche  beaucoup 
de  celui  qu'on  contemple  dans  nos  grands  cirques.  C'est 
surtout  le  haut  acrobatisme;  ce  sont  les  curiosités,  les 
excentricités  de  toute  sorte,  les  clowns,  les  baladins,  les 
gymnastes,  les  phénomènes,  les  jongleurs  étranges,  les 
dompteurs  de  fauves  ou  d'animaux  savants  qui  en  font  les 
plus  grands  frais.  On  a  bien  joué  là,  depuis  plus  de  vingt 
ans,  nombre  d'opérettes  dont  la  musique  était  signée  des 
noms  de  MM.  Hervé,  Métra,  Robillard,  Désormes,  Edé, 
Géraldy,  Walsh,  Georges  Lamothe,  Hubans,  Ben  Tayoux  ; 
on  y  a  bien  représenté  une  foule  de  ballets  et  divertisse- 
ments dont  les  danses  étaient  joliment  réglées  par  Mlle  Ma- 
riquita;  on  y  a  bien  applaudi  souvent  un  orchestre  qui 
avait  successivement  pour  chefs  MM.  Robillard,  Olivier 
Métra,  C.  Desormes  et  Hubans;  mais  ce  n'était  pas  là  ce 
qui  attirait  les  curieux  d'émotions  et  d'excentricités  pas- 
sionnantes. Ce  qui  amenait  la  foule  aux  Folies-Bergère, 
c'étaient  les  exploits  merveilleux  d'Achille,  l'homme-canon, 
de  «  la  vraie  Zazel,  la  femme-obus  »,  du  docteur  Carver, 
le  premier  tireur  du  monde,  ou  du  «  nouveau  Guillaume 
Tell  »  ;  c'était  l'exhibition  des  fauves  du  belluaire  Belliam 
ou  du  dompteur  nègre  Delmonico,  des  éléphants  savants 
d'Harrington  ou  de  sir  Edmunds,  ou  du  taureau  dompté  et 
dressé  par  je  ne  sais  plus  quel  patient  professeur  ;  c'étaient 
les  exercices  véritablement  étonnants  des  frères  Reynor, 
virtuoses  grotesques,  des  Phoïtes,  clowns  des  deux  sexes, 
des  Girard,  clowns  horriblement  disloqués,  des  Jockos, 
clowns  habillés  en  singes  et  qui  semblaient  donner  raison 
aux  doctrines  de  Darwin,  d'Holtum,  dit  «  l'Ecartelé  »; 
c'étaient  les  tours  prodigieux  du  vélocipédiste  Léonati,  de  la 
troupe  Brown,  qui  en  comprenait  plusieurs,  et  des  Elliot, 
les  bébés  vélocipédistes  ;  c'étaient  les  Geretta,  équilibristes 
et  charmeurs  de  pigeons,  et  les  Tsiganes  musiciens,  et  la 
troupe  japonaise  de  Yeddo,  et  le  «  spectre  de  Paganini  », 
et  le  jongleur-équilibriste  Dalvini,  et  le  jongleur  de  cou- 
teaux, et  le  jongleur  de  baïonnettes,  et  l'homme-protée, 
et  l'homme-poisson,  et  tant  d'autres  qu'il  serait  bien  im- 
possible de  rappeler.  Voilà  ce  qui  fait  des  Folies-Bergère 
un  spectacle  curieux,  sinon  d'un  goût  très  relevé,  et  ce 
qui,  avec  l'appoint  que  nous  avons  indiqué,  leur  a  conservé 
jusqu'à  l'heure  présente  la  vogue  des  premiers  jours. 

Arthur  Pougin. 

FOLIES-DRAMATIQUES  (Théâtre des).  Ce  théâtre, dont 
la  vogue  fut  ininterrompue  pendant  les  vingt-cinq  premières 
années  de  son  existence,  alors  qu'il  était  placé  sous  la  direc- 
tion de  Mourier,  doit,  comme  celui  du  Palais-Royal,  son 
existence  à  la  révolution  de  1830.  Le  privilège  fut  concédé 
à  Allaux  aîné,  ancien  directeur  du  défunt  Panorama-Dra- 
matique, qui  décida  de  l'élever  sur  l'emplacement  de  l'an- 


cien Ambigu-Comique,  incendié  en  4827  et  réédifié  alors 
sur  le  boulevard  Saint-Martin.  Il  fut  donc  construit  entre  le 
Cirque  Olympique  et  la  Gaîté,  au  n°  78  du  boulevard 
du  Temple,  par  les  soins  de  l'architecte  Allaux,  qui  était 
aussi  un  peintre  de  talent.  Il  était  de  proportions  modestes 
et  pouvait  contenir  environ  1,200  spectateurs.  Bien  que  le 
privilège  fût  au  nom  d' Allaux  aîné,  c'est  sous  la  direction 
d'un  auteur  dramatique  nommé  Léopold  qu'il  fit  son  ouver- 
ture, le  22  janv.  1831,  par  un  prologue  intitulé  les  Fous 
dramatiques  et  un  mélodrame  qui  avait  pour  titre  les 
Quatre  Parties  du  monde. 

Bientôt  l'administration  changea  de  mains  et  passa  dans 
celles  de  Mourier,  ancien  commerçant  qui  était  devenu  auteur 
dramatique  et  qui  faisait  représenter  ses  pièces  sous  le  pseu- 
donyme de  Valory.  Il  avait,  avec  le  sens  du  théâtre,  les  qua- 
lités d'un  administrateur  modèle.  Il  eut  la  chance,  deux  mois 
à  peine  après  l'inauguration  du  théâtre,  de  rencontrer  un 
succès  éclatant  avec  un  drame-vaudeville  des  frères  Cogniard, 
la  Cocarde  tricolore,  qui  fit  courir  tout  Paris  et  obtint  plus 
de  deux  cents  représentations.  Mourier  pourtant  était  un  peu 
hésitant  sur  le  genre  des  pièces  qu'il  devait  accueillir,  et  tâta 
le  public  pendant  deux  ou  trois  ans,  essayant  du  mélodrame 
pur,  du  vaudeville  grivois,  parfois  même  de  la  parade,  jus- 
qu'au jour  où  il  comprit  que  le  vaudeville  anecdotique  et  le 
drame  intime  mêlé  de  chant  étaient  ce  qui  convenait  le  mieux 
à  sa  clientèle.  Les  auteurs  qui  alimentèrent  tout  d'abord  son 
répertoire  étaient  Théodore  et  Hippolvte  Cogniard,  Rouge- 
mont,  Alexis  de  Camberousse,  Ponet,  Benjamin  Antier, 
Décour,  Francis,  Anicet-Bourgeois,  Paul  de  Kock,  Maurice 
Alhoy,  Michel  Masson,  Emile  Vanderbuck,  Lubize,  Simo- 
nin, Théaulon,  F.  de  Courcy,  Lockroy,  Jaime,  Th.  Muret, 
Brisebarre,  Carmouche,  Dennery,  Grange,  etc.  Parmi  les 
pièces  qui  furent  le  mieux  accueillies  dans  ces  premiers 
temps,  il  faut  citer  :  la  Laitière  de  Belleville,  le  Fils  du 
joueur,  le  Parc  aux  cerfs,  les  Factions,  les  Factieux  et 
les  Factionnaires,  le  Fils  de  l'empereur,  le  Jour  aux 
aventures,  Gig-Gig,  et  surtout  la  Courtepaille,  dont  le 
succès  fut  retentissant. 

En  1834,  Frederick  Lemaître,  ayant  quelques  démêlés 
avec  la  Porte-Saint-Martin,  vient  jouer  aux  Folies  Robert 
Macaire,  avec  lequel  il  attire  la  foule  pendant  trois  mois. 
Mais  ce  n'était  là  qu'un  caprice  de  grand  artiste.  Un  an 
après,  c'est  Odry,  le  fameux  comique  des  Variétés,  qui  vient 
faire  une  apparition  à  ce  théâtre,  où  il  joue  Coquelicot, 
des  frères  Cogniard,  et  l'Homme  à  femmes,  «  odryade  » 
en  cinq  chants,  de  Dupeuty  et  Fr.  de  Courcy.  Puis,  c'est  Ber- 
nard-Léon, qui,  lui  aussi,  vient  donner  une  série  de  repré- 
sentations. La  troupe  ordinaire  s'était  d'ailleurs  complétée 
et  améliorée  par  d'utiles  recrues,  au  nombre  desquelles  il 
faut  citer  Mlle  Nathalie,  qui,  après  avoir  passé  par  les  Va- 
riétés, devint  ensuite  sociétaire  de  la  Comédie-Française; 
Rébard  et  Neuville,  qu'on  vit  aussi  plus  tard  aux  Variétés  ; 
Villars,  qui  devait,  quelques  années  après,  appartenir  au 
Gymnase;  Lajarriette,  MmeHoudry,  quelques  autres  encore. 
Ces  noms  divers  prouvent  que  Mourier  avait  le  talent  de 
savoir  choisir  ses  artistes  ;  mais,  d'autre  part,  il  n'était 
pas  homme  à  faire,  pour  les  retenir,  des  sacrifices  que  ne 
comportait  pas  la  nature  modeste  de  son  exploitation.  Il 
comprenait  très  bien  que  son  théâtre  était  devenu  comme 
une  espèce  d'école  pratique  pour  de  jeunes  artistes  qui, 
fatalement,  devaient  le  quitter  un  jour  pour  des  scènes  plus 
relevées.  Aussi,  il  s'était  fait  une  loi  de  ne  jamais  dépasser 
un  maximum  de  4,000  fr.  par  an  pour  ses  premiers  sujets. 
Lorsqu'un  théâtre  plus  important  offrait  à  l'un  de  ceux-ci 
des  appointements  plus  considérables,  lui-même  l'engageait 
à  accepter,  ne  pouvant,  disait-il,  dépasser  le  chiffre  extrême 
qu'il  s'était  fixé.  Mais  comme  il  s'efforçait  d'avoir  une 
excellente  troupe  d'ensemble,  le  départ  d'un  artiste  ne  lui 
était  pas  préjudiciable,  et  le  vide  que  celui-ci  laissait  était 
bientôt  comblé  par  un  autre,  prudemment  tenu  en  réserve. 
C'est  ainsi  que,  pendant  la  longue  direction  de  Mourier,  on 
vit  nombre  de  ses  pensionnaires  passer  sur  telle  ou  telle 
scène  plus  importante.   En  dehors  de  ceux  qui  viennent 


FOLIES-DRAMATIQUES  —  692 

d'être  cités,  il  faut  encore  rappeler  les  noms  deMme  Judith, 
qui,  comme  Nathalie,  devint  sociétaire  de  la  Comédie-Fran- 
çaise, de  Mme  Pauline  Jarry,  qu'on  vit  à  la  Gaîté,  de  Péla- 
gie, qui  passa  aux  Variétés',  ainsi  que  Lassagne,  Christian 
et  Heuzey,  tandis  que  Charles  Potier  s'en  allait  au  Gym- 
nase, M.  Calvin  au  Palais-Royal,  M.  Paul  Boisselot  au 
Vaudeville,  Manuel  à  la  Gaîté,  Leriche,  Mmes  Thaïs  Petit, 
Àngélina  Legros  ailleurs  encore.  On  voit  que  c'était  là  une 
scène  bien  intéressante,  et  un  théâtre  non  seulement 
agréable  au  public,  mais  fort  utile  à  ses  grands  confrères. 

Mourier,  qui,  nous  l'avons  dit,  était  un  administrateur 
d'une  rare  habileté,  avait  fait  de  son  théâtre  un  des  mieux 
achalandés  et  des  plus  fréquentés  de  Paris.  Des  spectacles 
variés,  une  troupe  en  son  genre  excellente  et  la  modicité 
du  prix  des  places  y  attiraient  un  public  nombreux  et  spé- 
cial de  petits  bourgeois,  de  petits  rentiers,  d'employés, 
d'ouvriers  qui  venaient  passer  là,  pour  une  somme  modique, 
une  soirée  agréable.  C'était  un  théâtre  populaire  dans  le 
bon  et  vrai  sens  du  mot,  et  tel  qu'il  n'en  existe  plus  au- 
jourd'hui. En  dehors  des  avant-scènes,  les  places  les  plus 
chères  :  stalles  et  balcons  de  face,  étaient  à  2  fr.  50,  et 
il  y  en  avait  à  60  cent.  (2e  galerie)  et  même  à  40  (3e gale- 
rie) ;  le  parterre  était  à  75  cent.,  et  à  4  fr.  les  quelques 
centaines  de  stalles  d'orchestre  qui  s'étendaient  derrière 
l'orchestre  des  musiciens.  En  dehors  même  du  grand  public, 
les  Folies  avaient  une  clientèle  locale,  si  l'on  peut  dire,  qui 
se  recrutait  dans  le  faubourg  du  Temple  et  dans  le  quartier 
du  Marais,  et  certaines  familles  de  bons  bourgeois  avaient 
pris  l'habitude  de  venir  là  régulièrement  une  fois  par  se- 
maine. Lorsque  Mourier  s'en  fut  aperçu,  il  prit  lui-même 
la  coutume,  pour  ne  pas  fatiguer  cette  clientèle  de  quasi- 
abonnés  par  la  vue  trop  fréquente  du  même  spectacle,  de 
ne  jamais  jouer  une  pièce  plus  de  trente  fois  de  suite,  quel  que 
fût  d'ailleurs  son  succès,  quitte  à  la  reprendre  à  l'occasion, 
ce  qui  ne  manquait  jamais  lorsque  la  pièce  avait  fait  plai- 
sir. Ce  procédé  avait  pour  lui  deux  avantages  :  d'abord,  de 
lui  conserver  un  public  assidu  ;  ensuite  d'avoir  toujours,  en 
cas  d'insuccès,  un  répertoire  très  riche  de  pièces  non  usées 
dans  lequel  il  pouvait  puiser  à  loisir  pour  parer  d'une  façon 
heureuse  à  tout  événement  fâcheux.  La  continuité  de  la 
vogue  de  son  théâtre  suffit  à  prouver  combien  il  était  bien 
inspiré  eu  agissant  comme  il  le  faisait. 

Parmi  les  pièces  qui  furent  le  plus  heureuses  au  temps 
de  sa  direction,  il  faut  citer  particulièrement  :  l'Agnès  de 
Belleville,  les  Aventures  de  Jovial,  la  Révolte  des 
modistes,  les  Cuisinières,  le  Retour  du  conscrit,  la 
Fille  de  V air,  Blanche  et  Blanchette,  les  Bretelles,  Sans 
cravate,  les  Fumeurs,  laFilledufeu,  Minai* A  Isacienne, 
Pauvre  Jeanne,  le  Royaume  des  Femmes,  le  Mari  d'une 
grisette,  Une  Allumette  entre  deux  feux,  Paris  qui 
s'éveille,  Une  Mauvaise  Nuit  est  bientôt  passée,  les  Ingé- 
nues de  Pontoise,  la  Vie  de  carnaval,  le  Père  Jean,  la 
Chasse  aux  grisettes,  la  Pompadour  des  Porcherons, 
les  Dévorants,  la  Gamine  de  Paris,  la  Bouquetière  des 
Champs-Elysées,  la  Belle  Bourbonnaise,  Amour  et 
Amourette,  l'Espionne  russe... Vax  instants  et  pour  parer 
à  certaines  crises  accidentelles,  Mourier  appelait  à  lui  un 
acteur  célèbre  dans  de  grands  théâtres  et  libre  d'engage- 
ment pour  venir  donner  aux  Folies  une  série  de  représen- 
tations. C'est  ainsi  qu'on  y  vit  Lepeintre  aîné  dans  Mon- 
sieur Botte,  Mathias  l'Invalide,  l'Ami  intime,  Ferville 
dans  Aînée  et  Cadette,  la  Lectrice,  etc.  Quant  aux  auteurs 
qui  avaient  succédé  à  ceux  de  la  première  heure,  c'étaient 
Rochefort  père,  Nézel,  Honoré,  Couailhac,  Marc-Leprévost, 
Lambert-Thiboust,  Albert  Monnier,  Saint-Yves,  Guénée, 
Choler,  Michel  Delaporte,  Delacour,  Raymond  Deslandes, 
Laurencin,  Varin,  Elie  Sauvage,  Marc  Michel,  Clairville, 
N.  Fournier,  Henry  Thierry. 

Mourier  étant  mort  subitement  le  44  oct.  4857,  le  pri- 
vilège fut  transféré  à  M.  Tom  Harel,  fils  adoptif  de  l'ancien 
directeur  de  la  Porte-Saint-Martin  et  neveu  (d'autres  disent 
fils)  de  la  grande  tragédienne  Mlle  Georges.  La  direction 
Harel  ne  fut  pas  heureuse,  malgré  le  très  grand  succès 


d'un  grand  vaudeville  intitulé  les  Canotiers  de  la  Seine. 
Lors  de  la  suppression  inepte  de  la  partie  du  boule- 
vard du  Temple  sur  laquelle  étaient  situés  les  théâtres  et 
de  la  destruction  de  ceux-ci,  les  Folies  durent,  comme  leurs 
confrères,  songer  à  déménager.  Une  nouvelle  salle  fut  cons- 
truite à  leur  intention  au  n°  40  de  la  rue  de  Bondy,  sur  le 
terrain  des  anciennes  Caves  centrales,  et  l'inauguration  s'en 
fit,  le  30  janv.  4862,  avec  un  prologue  de  Henri  Thierry  : 
Bonheur  de  se  revoir,  et  les  Fables  de  La  Fontaine, 
pièce  en  quatre  actes  de  Henri  Luguet.  Mais  les  frais  occa- 
sionnés par  la  construction  de  cette  salle  avaient  ruiné  la 
direction  Harel.  La  situation,  d'ailleurs,  avait  bien  changé 
par  suite  du  déplacement  ;  les  dépenses  journalières  avaient 
doublé,  et  l'on  ne  pouvait  songer  à  suivre  les  errements 
de  Mourier.  M.  Harel,  peu  expérimenté,  passa  la  main  à 
M.  Dépy,  qui  eut  bientôt  lui-même  pour  successeur  M.  Mo- 
reau-Samti.  Après  quelques  essais  et  quelques  tâtonnements, 
celui-ci  se  décida  à  changer  complètement  le  genre  du 
théâtre  et  à  abandonner  le  vaudeville  pour  l'opérette,  alors 
en  vogue.  Il  obtint  d'abord  en  ce  genre  quelques  gros  suc- 
cès, avec  VOEU  crevé,  Chilpéric,  le  Petit  Faust,  de 
M.  Hervé,  le  Canard  à  trois  becs,  de  M.  Emile  Jonas, 
puis,  par  suite  de  divers  incidents,  fut  obligé  de  se  retirer. 
Il  fut  remplacé  par  M.  Cantin  qui  lança  définitivement  le 
théâtre  dans  la  nouvelle  voie  où  on  l'avait  engagé.  A  partir 
de  ce  moment,  les  Folies-Dramatiques  devinrent  un  rival 
actif  et  sérieux  des  Bouffes-Parisiens  et  des  Variétés;  l'opé- 
rette y  fut  maîtresse  absolue,  et  c'est  à  peine  si,  de  loin 
en  loin,  on  y  vit  se  risquer,  comme  jadis,  un  vaudeville  à 
couplets  ou  une  revue  de  fin  d'année.  Il  est  vrai  que,  dans 
le  nouveau  genre  qu'elles  avaient  adopté,  elles  obtinrent 
quelques  succès  retentissants,  qui,  comme  avec  la  Fille  de 
Mme  Angotâe  M.  Charles  Lecocq  et  les  Cloches  de  Corneville 
de  M.  Planquette,  se  prolongèrent  parfois  jusqu'à  cinq,  six 
et  sept  cents  représentations. 

Depuis  vingt  ans  environ,  les  Folies-Dramatiques  ont  fait 
une  énorme  consommation  de  pièces  de  ce  genre,  parmi  les 
plus  heureuses  desquelles  il  faut  citer,  outre  les  deux  pré- 
cédentes :  Héloïse  et  Abeilard,  deLitolff,  la  Foire  Saint- 
Laurenl,  Madame  Favart,  la  Fille  du  Tambour -major, 
d'Offenbach  ;  la  Princesse  des  Canaries,  de  M.  Charles 
Lecocq  ;  Fanfan  la  Tulipe,  les  Petits  Mousquetaires,  la 
Fille  de  Fanchon  la  vielleuse,  de  M.Varney;  Rip,  Sur- 
cou  f,  de  M.  Robert  Planquette  ;  François  les  Bas-Bleus, 
de  Bernieat  ;  la  Fauvette  du  Temple,  de  M.  Messager  ; 
le  Petit  Parisien,  de  M.  Léon  Vasseur  ;  Boccace,  de  Suppé  ; 
Jeanne,  Jeannette  et  Jeanneton,  Pâques  fleuries,  de 
M.  Lacome,  etc.  Il  va  sans  dire  que  le  personnel  du  théâtre 
avait  dû  se  modifier  en  vue  des  nouvelles  conditions  de  son 
exploitation  ;  l'ancienne  troupe  fut  peu  à  peu  renouvelée 
dans  son  entier,  et  l'on  vit  paraître  successivement  sur  la 
scène  des  Folies-Dramatiques  toute  une  série  d'actrices 
aimables  qui,  si  elles  n'étaient  point  des  cantatrices  au 
vrai  sens  du  mot,  étaient  douées  d'une  jolie  voix  dont  elles 
se  servaient  pour  la  plupart  avec  grâce  et  avec  goût  : 
Mmes  Ferdinand  Sallard  (celle-ci  une  vraie  chanteuse,  qui 
avait  passé  par  l'Opéra-Comique),  Paola  Marié,  Desclauzas, 
Juliette  Max-Girard,  Van  Ghel,  Gélabert,  Matz-Ferrare, 
Marguerite  Ugalde,  Montbazon,  Elisa  Frandin,  Blanche  et 
Jeanne  Thibault,  Prelly,  puis  Rose  Méryss,  Caroline  Julien, 
Mily-Meyer,Tondouze,  Jeanne- Andrée,  Dar court,  Dharville, 
Berthe  Stuart,  Jane  May,  Noémie  Vernon...  Pour  les 
hommes,  c'était  Mario  Widmer,  Luco,  Milher,  Plet,  Simon 
Max,  Maugé,  Vois,  Puget,  Lepers,  Gabel,  Montaubry  fils, 
Morlet,  Bouvet,  Sujol,  Gothi,  Paul  Ginet,  Gobin,  Riga, 
Péricaud,  Vauthier,  Fusier,  Dekernel,  Alexandre,  Larbau- 
dière,  Guyon,  Colombey,  Montrouge,  etc. 

Après  quelques  années  d'une  administration  exception- 
nellement prospère,  M.  Cantin  avait  quitté  la  direction  des 
Folies-Dramatiques  pour  prendre  celle  des  Bouffes-Parisiens. 
Il  eut  pour  successeur,  en  4878,  M.  Blandin,  qui  fit  place 
en  4883  à  M.  Louis  Gautier,  lequel  se  retira  au  bout 
de  deux  ans.  Les  Folies  passèrent  alors  aux  mains  de 


-  693  —        FOLIES-DRAMATIQUES  — FOLIES-NOUVELLES 


MM.  Micheau  et  Brasseur,  déjà  associés  pour  la  direction 
des  Nouveautés,  et  qui  conduisirent  ainsi  les  destinées  des 
deux  théâtres.  A  la  mort  de  Brasseur,  M.  Micheau  resta 
seul  jusqu'en  4890,  époque  à  laquelle  il  fut  remplacé  par 
M.  Albert  Yizentini,  ancien  chef  d'orchestre  et  directeur 
de  la  Gaîté.  Arthur  Pougin. 

FOLIES-MARIGNY.  Aux  premières  heures  du  second 
Empire,  un  prestidigitateur  nommé  Lacaze  avait  obtenu 
l'autorisation  de  faire  construire  dans  les  Champs-Elysées, 
au  carré  Marigny,  une  sorte  de  petite  salle,  ou  plutôt  de 
grand  pavillon,  dans  lequel  il  donnerait  des  séances  de  phy- 
sique amusante.  Il  donna  à  ce  petit  établissement  le  nom  de 
salle  Lacaze,  et  fit  appel  au  public  ;  mais  le  public  vint 
peu,  et  médiocre  fut  le  résultat  delà  spéculation.  Bref,  la 
salle  Lacaze  était  inoccupée  lorsqu'en  1855  le  compositeur 
Offenbach  obtint  le  privilège  d'un  nouveau  théâtre  qu'il 
devait  consacrer  au  culte  de  l'opérette  et  qu'il  baptisait  du 
nom  de  Bouffes-Parisiens.  Il  s'empara  de  cette  salle  mi- 
gnonne, assurément  trop  petite  pour  un  vrai  théâtre,  mais 
avec  l'idée  bien  arrêtée  de  ne  s'y  installer  que  provisoire- 
ment, et  seulement  en  attendant  mieux.  C'est  donc  là  que, 
le  5  juil.  4855,  les  Bouffes-Parisiens  firent  leur  inaugura- 
tion, avec  un  spectacle  ainsi  composé  :  Entrez  !  mes- 
sieurs, mesdames,  prologue  de  Méry  ;  Une  Nuit  blanche 
et  les  Deux  Aveugles,  opérettes  d'Offenbach,  et  Arlequin 
barbier,  pantomime.  Le  succès  fut  éclatant,  et  pendant 
dix-huit  mois  les  Bouffes-Parisiens  continuèrent  leur  car- 
rière aux  Champs-Elysées;  ce  n'est  que  le  29  déc.  4856 
qu'ils  prirent  possession,  au  passage  Choiseul,  de  la  salle 
qui,  depuis  près  de  quarante  ans,  était  occupée  par  le  théâtre 
Comte,  et  où  ils  résident  encore  aujourd'hui. 

Mais  la  salle  Lacaze  ne  resta  pas  longtemps  inoccupée. 
Charles  Debureau  fils  obtint  à  son  tour  l'autorisation  d'y 
établir  un  nouveau  petit  théâtre  d'opérette  et  de  panto- 
mime, auquel  il  donna  son  nom  :  théâtre  Debureau,  et 
qu'il  ouvrit  en  4858.  Les  interprètes  de  la  pantomime 
étaient  Debureau,  Derudder,  Négrier,  Willemot,  Mlles  Anna, 
Roger,  Ballotte,  Wolff,  Cracovie,  Maurice  ;  ceux  de  l'opé- 
rette, Hervé,  Montreuil,  Holzé,  Joly,  Alexandre,  Julien, 
Mmes  Fanolier,  de  Ribancourt,  Dargis,  Gabrielle,  Léopol- 
dine.  Dans  le  genre  de  l'opérette,  on  joua  :  I  Pifferari,de 
Nargeot,  Un  Duo  de  capons,  les  Do  de  la  rue,  de  Rosem- 
boom;  M.  et  Mme  Robinson,  de  Quesnel;  Il  Signor  Cas- 
carelli,  de  Pilati  ;  le  Magot  de  Jacqueline,  de  Paul  Bla- 
quière  ;  Ohé  !  les  grands  agneaux,  de  Ventéjoul  ;  la 
Chasse  aux  rats,  Femme  et  Femme,  le  Voiturin,  la 
Dette  de  Jacquot;  comme  pantomimes,  c'étaient  Pierrot 
conscrit,  Pierrot  coiffeur,  les  Deux  Jocrisses,  V Amour 
au  tambour,  le  Duel  de  Pierrot,  Cependant  le  théâtre  , 
Debureau,  ayant  médiocrement  réussi,  disparut  au  bout  de 
quelques  mois,  et  la  salle  Lacaze  demeura  vide  jusqu'à  ce 
que  Mme  Lionel  de  Chabrillan  (Céleste  Mogador)  vînt  la 
rouvrir  sous  le  titre  de  Théâtre  des  Champs-Elysées.  Le 
malheur  est  que  Mme  de  Chabrillan  y  faisait  jouer  et  y 
jouait  elle-même  ses  pièces,  ce  qui  n'était  pas  pouraffrian- 
der  le  public.  Au  bout  d'un  an,  elle  céda  la  place  à  un 
auteur  et  compositeur  dramatique,  Eugène  Moniot,  qui  fit 
comme  elle  et  ne  fut  pas  plus  heureux.  C'est  alors  que 
M.  Montrouge,  que  la  destruction  des  théâtres  du  boulevard 
du  Temple  avait  chassé  des  Délassements-Comiques  (4862), 
prit  la  direction  de  ce  petit  théâtre,  auquel  il  donna  le 
titre  définitif  de  Folies-Marigny,  et  qu'il  conserva  jusque 
vers  4869.  On  joua  alors  le  vaudeville,  et  surtout  l'opé- 
rette :  Ondines  au  Champagne,  le  Baiser  à  la  porte, 
Liline  et  Valentin,  le  Cabaret  de  Ramponneau,  de 
M.  Charles  Lecocq  ;  Dans  le  Pétrin,  de  J.  Nargeot  ;  Chez 
les  Montagnards  écossais,  les  Virtuoses  du  pavé,  l'Hé- 
ritage du  postillon,  d'Auguste  Léveillé,  chef  d'orchestre 
du  théâtre;  Gredin  dePigoche,  deM.  Vogel;  les  Gammes 
d'Oscar,  de  M.  Georges  Douay  ;  la  Revanche  de  Fortu- 
nia,  de  M.  Robillard  ;  la  Vipérine,  de  Débillemont  ;  Un 
Pierrot  en  cage,  l'Orphéon  de  Fouilly-les-Oies,deKvÏQ- 
sal,  etc.  On  voyait  aussi  aux  Folies-Marigny  des  revues 


et  des  «  pièces  de  femmes  »,  telles  que  Bu...  qui  s'avance 
et  les  Canards  l'ont  bien  passé. 

Lorsque  M.  Montrouge,  qui  avait  su  rendre  et  mainte- 
nir florissante  sa  petite  entreprise,  l'eut  quittée  pour 
prendre  la  direction  de  l'Athénée,  les  Folies-Marigny  pas- 
sèrent successivement  dans  une  foule  de  mains  sans  pou- 
voir retrouver  le  succès  dont  elles  avaient  joui  pendant 
quelques  années.  Elles  eurent  pour  directeurs  tour  à  tour 
le  ténor  Montaubry,  qui  avait  fait  les  beaux  jours  de 
rOpéra-Comique  et  qui  ne  craignit  pas  de  monter  sur  cette 
petite  scène,  puis  MM.  Garnier,  Leduc,  Mme  Gaspari, 
MM.  Vasse,  Vech,  Decamp,  Lacombe,  Fitte.  Mais  ce  théâtre 
était  très  difficile  à  mener,  en  raison  de  l'exiguïté  de  ses 
ressources,  et  la  plupart  de  ses  administrations  se  termi- 
naient par  une  catastrophe.  Il  faut  dire  qu'au  point  de  vue 
de  l'art,  il  allait  toujours  s'abaissant,  et  devenait  absolu- 
ment nul.  Il  finit  enfin  par  disparaître,  et  en  4884  on  le 
démolit  pour  construire  sur  son  emplacement  un  vaste  pa- 
norama. Arthur  Pougin. 

FOLIES-NOUVELLES  (Théâtre  des).  Voici  un  petit 
théâtre  charmant,  dont  l'existence,  sous  cette  appellation, 
a  été  courte,  mais  brillante  en  son  genre,  et  qui  offrait  une 
originalité  qu'on  n'a  pas  retrouvée  depuis.  Les  Folies-Nou- 
velles, devenues,  depuis  longtemps  déjà,  le  théâtre  Déjazet, 
renouvelaient  en  quelque  sorte,  au  xixe  siècle,  le  spectacle 
plein  de  grâce,  de  piquant  et  d'imprévu  que  cent  ans  au- 
paravant les  gentils  théâtres  des  foires  Saint-Germain  et 
Saint-Laurent  offraient  au  public  parisien.  On  y  voyait 
trôner  la  pantomime,  l'opérette  et  le  vaudeville,  agré- 
mentés d'intermèdes  de  danse,  de  chant,  de  tours  de  phy- 
sique et  autres  curiosités  qui  variaient  à  plaisir  les  repré- 
sentations et  tenaient  sans  cesse  en  éveil  la  curiosité  du 
spectateur.  Un  mime  de  premier  ordre,  Paul  Legrand,  le 
vrai  successeur  de  Debureau,  le  pierrot  qui  faisait  courir 
tout  Paris,  Vauthier  le  polichinelle,  qui  avait  été  la  gloire 
des  Funambules,  des  acteurs  excellents,  parmi  lesquels  un 
bouffon  épique,  Joseph  Kelm,  un  chanteur  merveilleux, 
Darcier,  un  comique  qui  depuis  lors  a  fait  la  fortune  des 
Variétés,  José  Dupuis,  de  gentilles  actrices,  tout  un  essaim 
de  danseuses  charmantes,  avec  cela  un  orchestre  peu  nom- 
breux, mais  choisi,  solide  et  expérimenté,  voilà  les  éléments 
avec  lesquels  s'offraient  au  public  les  pantomimes  de  Paul 
Legrand,  de  Durandeau,  de  Maurice  Sand,  de  Cham,  de 
Ch.  Bridault,  et  les  opérettes  tout  aimables  dont  la  musique 
était  écrite  par  Hervé,  Offenbach,  Darcier,  Laurent  de  Rillé, 
Léo  Delibes,  Pilati,  Adolphe  Nibelle,  Frédéric  Barbier, 
Montaubry  et  bien  d'autres. 

C'est  en  4852  qu'un  chanteur  comique  nommé  Mayer 
eut  l'idée  d'installer,  au  n°  44  du  boulevard  du  Temple, 
à  côté  du  passage  Vendôme,  dans  le  local  qui  formait  jadis 
le  jeu  de  paume  du  comte  d'Artois,  plus  tard  Charles  X, 
une  sorte  de  concert  quotidien  qu'il  appela  les  Folies-Mayer, 
et  dans  lequel  on  chantait  des  airs  d'opéra,  des  romances 
et  des  chansonnettes.  L'entreprise  dura  peu,  et  bientôt 
Mayer  ferma  sa  salle,  qui  fut  rouverte,  aussi  peu  de  temps 
et  sans  plus  de  succès,  par  le  prestidigitateur  Bosco.  C'est 
alors  que  le  compositeur  Hervé,  qui  venait  d'obtenir  le 
privilège  d'un  nouveau  théâtre  autorisé  à  jouer  des  opé- 
rettes à  deux  personnages  et  des  pantomimes,  choisit  ce 
local  pour  y  loger  son  théâtre,  auquel  il  donna  le  nom  de 
Folies-Concertantes  et  qu'il  ouvrit  à  la  fin  de  4853.  Il 
avait  arraché  le  pierrot  Paul  Legrand  aux  Funambules, 
l'arlequin  Delaquis  au  Petit-Lazary  ;  il  amenait  avec  lui  son 
compère  Joseph  Kelm,  et  c'est  avec  ses  premiers  éléments 
de  succès  qu'il  entama  sa  campagne.  Tour  à  tour  machi- 
niste, décorateur,  auteur,  compositeur,  chanteur  et  chef 
d'orchestre,  M.  Hervé,  dont  l'intelligence  et  l'activité  étaient 
d'ailleurs  indiscutables,  sut,  à  l'aide  d'efforts  inouïs,  faire 
de  ce  petit  spectacle  le  rendez-vous  d'une  certaine  société 
légère,  écrivant  lui-même  les  paroles  et  la  musique  de  la 
plupart  des  pièces  qu'il  y  faisait  représenter,  en  jouant  sou- 
vent le  principal  rôle,  et  se  mettant  à  la  tête  de  l'orchestre 
lorsqu'il  n'était  pas  occupé  sur  la  scène.  Il  donna  ainsi 


FOLIES-NOUVELLES  —  FOLIOLE 


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plusieurs  petites  pochades  musicales,  d'une  fantaisie  éche- 
velée  quant  aux  paroles,  d'un  tour  assez  aimable  quant  à 
la  musique,  qui  obtinrent  un  succès  fou  et  commencèrent 
la  fortune  de  ce  petit  théâtre.  Ces  saynètes,  vraiment  déso- 
pilantes parfois,  s'appelaient  la  Perle  de  V Alsace,  Un 
Drame  en  1779,  la  Belle  Espagnole,  Vadé  au  cabaret, 
la  Fine  Fleur  de  l'Andalousie,  le  Compositeur  toqué, 
Fifl  et  Nini.  Les  pantomimes  avai&nt  pour  titre  Arlequin 
ravisseur,  Jean  Gilles,  Pierrot  amoureux,  etc. 

Cependant,  au  bout  de  quelques  mois,  M.  Hervé  cédait 
son  privilège  et  son  entreprise,  qui  passaient  aux  mains 
de  deux  associés,  MM.  Louis  Huart,  directeur  du  Chari- 
vari, et  Altaroche,  ancien  directeur  de  l'Odéon.  Les  nou- 
veaux directeurs  transformèrent  la  salle  de  la  façon  la  plus 
heureuse,  renforcèrent  la  troupe,  attirèrent  à  eux  les  jeunes 
auteurs  et  les  jeunes  compositeurs,  et  changèrent  la  déno- 
mination du  théâtre,  qu'ils  appelèrent  désormais  les  Folies- 
Nouvelles  et  qui  jouit,  sous  leur  direction,  d'une  véritable 
vogue.  L'inauguration  des  Folies-Nouvelles  se  fit  le  21  oct. 
1854,  par  un  spectacle  ainsi  composé  :  les  Folies-Nou- 
velles, prologue  en  vers,  de  Théodore  de  Banville,  la  Fine 
Fleur  de  l'Andalousie,  saynète  musicale,  paroles  et  mu- 
sique de  M.  Hervé,  et  V Hôtellerie  de  Gaultier-Garguille, 
pantomime  de  Durandeau. 

Les  nouveaux  directeurs  obtinrent  du  ministère  la  fa- 
culté d'introduire  trois  et  même  quatre  personnages  dans 
leurs  opérettes,  au  lieu  dé  deux  primitivement  permis.  Cela 
permettait  de  véritables  petites  pièces,  à  la  place  de  simples 
saynètes  auxquelles  il  était  bien  difficile  de  donner  un  véri- 
table intérêt.  Les  auteurs  alors  ne  firent  pas  défaut  au 
théâtre  :  c'étaient  Paul  de  Kock,  Pol  Mercier,  Edouard  Four- 
nier,  Jules  Viard,  Ernest  Alby,  René  Lordereau,  Henry  de 
Kock,  Jules  Moineaux,  Mahiet  de  La  Chesneraye,  Commer- 
son,  Furpille,  Charles  Bridault...  Quant  aux  musiciens, 
c'étaient  presque  tous  de  jeunes  compositeurs,  bien  doués 
pour  la  plupart,  qui,  ne  pouvant  réussir  à  se  faire  jouera 
l'Opéra-Gomique  ou  au  Théâtre-Lyrique,  étaient  heureux 
de  se  présenter  au  public  même  dans  ces  conditions  mo- 
destes. Les  Folies-Nouvelles,  qui  faisaient  une  grande  con- 
sommation d'opérettes,  donnèrent  successivement  Tribly, 
Aimé  pour  lui-même,  Bel-Boul,  le  Jugement  de  Paris, 
Achille  à  Scyros,  le  Moulin  de  Catherine,  la  Demoiselle 
de  la  Hoche-Tromblon,  le  Sultan  Mysapouf,  de  M.  Lau- 
rent de  Rillé;  Freluchette,  la  Perruque  de  Cassandre, 
Vendredi,  d'Edouard  Montaubry;  le  Loup-Garou,  les 
Filles  du  Lac,  de  M.  Adolphe  Nibelle  ;  le  Pacha,  Fran- 
castor,  le  Page  de  Mme  Malbrough,  le  Faux  Faust,  le 
Docteur  Tam-Tam,  de  Frédéric  Barbier  ;  les  Doublons 
de  ma  ceinture,  le  Roi  de  la  Gaudriole,  Pornic  le 
hibou,  de  Darcier  ;  Jean  le  sot,  Une  Devinette,  Trois 
Dragons,  Vile  de  Calypso,  Peau  d'âne,  Ignace  le  re- 
tors, de  Pilati;  Un  Duo  de  serpents,  la  Revanche  de 
Vulcain,  de  Cottin  ;  Zerbine,  Madame  Mascarille,  A  la 
Brune,  de  Bovery;  Estelle  et  Némorin,Jean  et  Jeanne, 
Un  Iroc,  d'Aucessy;  Polkette,  Nous  n'irons  pliis  au 
bois,  P'titfi,  pHit  mignon,  de  Bernardin  ;  Toinette  et 
son  carabinier,  Femme  à  vendre,  V Alchimiste,  la  Dent 
de  Sagesse,  le  Pommier  ensorcelé,  de  M.  Hervé  ;  Deux 
Sous  de  charbon,  de  Léo  Delibes  ;  Oyayaye,  d'Ofienbach  ; 
Huis  clos,  de  M.  Charles  Lecocq  ;  la  Peau  de  l'ours,  de 
M.  Samuel  David  ;  Une  Minute  trop  tard,  de  M.  Ville— 
bichot  ;  Fra  Diavolino,  de  Roques;  le  Quart  iï  heure  de 
Rabelais,  de  Bazzoni  ;  la  Recherche  de  V inconnu,  de 
Mangeant  ;  Bon  Nègre,  d'Alfred  Musard  ;  le  Moujik,  de 
Lindheim  ;  etc.,  etc.  Parmi  les  comédiens  appelés  à  inter- 
préter ces  petits  ouvrages,  nous  citerons  les  noms  de 
Joseph  Kelm,  Darcier,  José  Dupuis,  Tissier,  Camille,  Dou- 
chet,  Gourdon,  et  de  Mmes  Géraldine,  Darcy,  Pellerin, 
Lestrade,  Rameau,  Caroline,  Julien,  Méneray,  Ferney. 

La  pantomime  contribuait  pour  sa  très  grande  part  au 
succès  du  théâtre,  grâce  surtout  au  talent  exquis  de  Paul 
Legrand,  très  heureusement  secondé  par  Vauthier,  Delquis, 
Laurent,  Cossard,  Charltonn,  Laplace,  Saqui,  et  quelques 


gentilles  danseuses,  Mlles  Suzanne  Senn,  Lebreton,  Sophie, 
Zélia,  Mélina,  Pélagie,  Julienne.  Il  y  en  avait  d'intimes, 
comme  Pierrot  bureaucrate ,  Une  Razzia  galante,  les 
Statues  vivantes  ;  de  dramatiques  :  Pierrot  Dandin,  la 
Sœur  de  Pierrot  ;  de  féeriques  :  le  Petit  Cendrillon,  le 
Grand  Poucet;  de  burlesques  :  le  Nouveau  Robinson, 
les  Carabins,  Ni  hommes  ni  femmes,  tous  Auvergnats; 
d'autres  encore,  comme  Pierrot  quaker,  Pierrot  qui  rêve, 
Mort  et  Remords,  Après  la  noce,  les  Jeux  innocents... 
Quelques-unes  étaient  signées  des  noms  de  Maurice  Sand, 
Cham,  Durandeau,  puis  Paul  Legrand,  Pol  Mercier,  Charles 
Bridault,  etc.  Tout  cela,  pantomime  et  opérette,  constituait 
des  spectacles  charmants,  spectacles  qui  réunissaient  ré- 
gulièrement quatre  pièces  par  soirée,  souvent  entremêlées 
d'intermèdes  de  danse  ou  de  chant,  dont  certains  affolaient 
le  public,  comme  la  légende  burlesque  du  Sire  de  Franc- 
Boisy ,  que  Joseph  Kelm  rendit  si  fameuse  et  qui  lui 
valait  un  succès  inouï.  Les  Folies-Nouvelles  offraient  vrai- 
ment ainsi,  comme  nous  le  disions,  un  ressouvenir  de  ces 
gentils  théâtres  de  la  foire,  qui  avaient  fait  jadis  la  joie 
de  nos  pères  et  qui  depuis  près  d'un  siècle  avaient  si  com- 
plètement disparu.  Et  pourtant,  en  dépit  de  leur  incontes- 
table vogue,  celles-ci  ne  durèrent  que  peu  d'années.  A  la 
fin  de  1859,  MM.  Huart  et  Altaroche,  satisfaits  des  résul- 
tats de  leur  exploitation,  jugèrent  à  propos  de  se  retirer 
et  cédèrent  à  leur  tour  leur  privilège,  dont^ Eugène  Déjazet, 
le  fils  de  la  grande  comédienne,  se  rendit  acquéreur.  Ce 
dernier,  au  lieu  de  suivre  les  errements  de  ses  prédéces- 
seurs, changea  bientôt  le  genre  du  théâtre,  qui  dut  d'abord 
au  talent  de  Virginie  Déjazet  et  aux  premières  pièces  de 
M.  Victorien  Sardou,  Monsieur  Garât,  les  Premières 
Armes  de  Figaro,  les  Prés  Saint-Gervais,  une  certaine 
continuité  de  succès,  mais  qui,  lorsque  ces  deux  éléments 
lui  firent  défaut,  et  lorsque,  d'autre  part,  il  eut  complète- 
ment perdu  l'originalité  qui  naguère  avait  fait  sa  fortune, 
tomba  au  rang  d'une  scène  de  cinquième  ordre.  C'est  grand 
dommage,  et  l'on  n'a  pas,  jusqu'à  ce  jour,  remplacé  les 
gentilles  Folies-Nouvelles.  Arthur  Pougin. 

FO  Ll  G N  0.  Ville  d'Italie,  ch.-l.  de  circondario  de  la  prov. 
de  Pérouse  (Ombrie),  très  importante  jonction  des  lignes 
du  chern.  de  fer  venant  d'Ancône  et  de  Florence  vers 
Rome,  dans  la  vallée  du  Topino,  affluent  de  la  rive  gauche 
du  Tibre  ;  9,000  hab.  Elle  à  beaucoup  souffert  de  fréquents 
tremblements  de  terre  en  1739,  1833  et  1854.  Les  prin- 
cipales industries  sont  celles  de  la  tannerie,  de  lacorroirie, 
de  la  confiturerie  et  de  la  stéarinerie.  C'est  un  évêché. 
Elle  a  plusieurs  églises  dont  une  belle  cathédrale  et  Sant' 
Anna  pour  laquelle  Raphaël  peignit  sa  célèbre  Madone  de 
■  Foligno.  Le  peintre  Niccolè  Alunno  y  est  né.  Dans  l'anti- 
quité la  ville  appartenait  à  l'Ombrie  et  s'appelait  Fulgi- 
nium.  En  1281  elle  fut  détruite  par  les  Pérugins,  passa 
plus  tard  sous  la  domination  de  la  famille  des  Trinci  et 
fut  annexée  aux  Etats  pontificaux  en  1439. 
-  FOLIO.  Le  folio  se  compose  dans  les  imprimés  et  manus- 
crits de  deux  pages  dont  la  première  s'appelle  recto  et  la 
deuxième  verso. \e  même  nom  s'applique  au  chiffre  que 
l'on  place  en  haut  de  chaque  page  d'un  livre  et  au  milieu 
de  la  ligne,  ou  seul,  ou  entre  deux  parenthèses,  deux  tirets 
ou  deux  vignettes  légères  quand  l'ouvrage  est  sans  titres 
courants.  Dans  le  cas  contraire,  on  rejette  le  folio  à  l'ex- 
trémité de  la  ligne,  du  côté  de  la  marge  extérieure.  Les 
préfaces,  introductions,  avant-propos,  etc.,  prennent  une 
pagination  particulière  en  chiffres  romains,  mais  du  même 
caractère  que  les  chiffres  arabes  du  folio  du  texte.  Dans  les 
ouvrages  à  deux  colonnes  qui  portent  deux  folios,  Je  folio 
impair  se  met  à  la  première  colonne  et  le  folio  pair  à  la 
seconde  de  chaque  page. 
In-folio  (V.  Format). 

FOLIOLE  (Bot.).  Petite  feuille.  On  désigne  particuliè- 
rement sous  le  nom  de  folioles  les  divisions  articulées  des 
feuilles  composées  (V.  Feuille)  ou  encore  les  bractées  qui 
constituent  l'involucre  du  capitule  dans  la  famille  des 
Composées. 


-  695  — 


FOLIUM  -  FOLK-LORE 


Folium  de  Descartes. 


FOLIUM  de  Descartes  (Math.).  Courbe  du  3e  degré 
qui  a  pour  équation  en  coordonnées  rectangulaires  : 

x3  -+•  y3  —  3axy  =  0, 
a  désignant  une  constante. 
Cette  courbe  a  un  point  double 
à  l'origine  et  une  asymptote 
perpendiculaire  à  son  axe  de 
symétrie  ;  elle  est  unicursale. 
FOLK  ES  (Martin),  numis- 
matiste  et  érudit  anglais,  né 
à  Londres  le  29  oct.  4690, 
mort  le  28  juin  4754.  Il  de- 
vint membre  de  la  Royal  So- 
ciety à  vingt-trois  ans  seu- 
lement, puis  membre  de  la 
Société  des  antiquaires  de  Londres  dont  il  fut  président. 
C'était  un  homme  d'une  grande  érudition.  Il  a  publié  :  A 
Table  ofEnglish  Gold  coins  from  the  1Bth  year  ofKing 
Edtuard  III  (Londres,  4736,  in-4)  ;  A  Table  of  English 
Silver  coins  from  the  Norman  Gonquest  to  the  Présent 
Time  (4745,  in-4).  J.-A.  Bl. 

FOLKESTAD  (Halvor-Olsen),  prédicateur  norvégien,  né 
à  Bœ  (Bas-Thelemarken)  le  28  nov.  4807,  mort  à  Hamar 
le  30  sept.  4889.  Autodidacte,  il  quitta  la  charrue  pour 
devenir  maître  d'école  ambulant,  reçut  des  leçons  de  la  fille 
du  pasteur  du  lieu  qui  devint  sa  femme  (4838),  entra  à 
l'université  de  Christiania  (4831),  enseigna  pendant  dix  ans 
et  devint  pasteur  de  Mo  (4844),  de  Hviteseid  (4849),  de 
Frederikshald(4859),  premier  titulaire  de  l'évêché  rétabli 
à  Hamar  (4864),  membre  du  gouvernement  intérimaire 
pendant  l'absence  du  roi  Oskar  II  (4875).  S'étant  beaucoup 
occupé  de  l'instruction  populaire,  il  fut  appelé  à  siéger  dans 
la  commission  qui  prépara  la  loi  du  46  mai  4860  sur  les 
écoles  primaires.  C'était  un  ecclésiastique  éminent  et  un 
puissant  orateur  de  la  chaire.  Cinq  de  ses  Prêches  ont  été 
publiés  (4867-4883).  Beauvois. 

FOLKESTONE.  Ville  maritime  d'Angleterre,  comté  de 
Kent,  sur  le  Pas  de  Calais;  W,000  hab.  Située  au  débou- 
ché d'une  étroite  vallée,  le  long  des  pentes  de  laquelle 
grimpent  ses  rues  et  au-dessus  de  laquelle  est  jeté  le  viaduc 
du  chemin  de  fer,  elle  a  un  excellent  port  muni  de  jetées 
et  d'entrepôt  et  accessible  aux  navires  d'un  tort  tonnage. 
Ce  port,  construit  en  4845  par  la  compagnie  du  chem.  de 
fer,  avait  en  4884  un  mouvement  de  4,460  navires,  jau- 
geant 252,000  tonnes  ;  la  valeur  des  importations  dépas- 
sait 225  millions,  celle  des  exportations  92  millions.  Le 
commerce  se  fait  surtout  avec  Boulogne  auquel  Folkestone 
est  relié  par  un  service  quotidien  de  vapeurs.  C'est  une  des 
deux  grandes  voies  de  communication  entre  la  France  et 
l'Angleterre  (Douvres-Calais,  Boulogne-Folkestone).  La  va- 
leur du  commerce  est  supérieure,  mais  le  nombre  des  pas- 
sagers moindre  que  par  la  voie  de  Douvres. 

FOLKETHING  (V.  Constitution,  t.  Xli,  p.  687). 
FOLK-LORE.  Ce  terme,  que  nous  avons  emprunté  aux 
Anglais  et  qui  désigne  aujourd'hui  la  science  de  la  littérature, 
des  traditions  et  des  usages  populaires,  est,  chez  nos  voisins 
même,  de  formation  assez  récente  :  il  apparaît  pour  la  pre- 
mière fois,  selon  M.  dePuymaigre  (Folk-lore,  p.  4),  dans  le 
numéro  du  22  août  4846  de  Y Athenœum.  Mais  la  chose 
est  beaucoup  plus  ancienne  que  le  mot  et  remonte  même 
plus  haut  qu'on  ne  le  croit  généralement  :  il  s'est  trouvé  à 
toutes  les  époques  des  esprits  indépendants  et  délicats  qui 
ont  été  sensibles  au  charme  naïf  de  la  poésie  populaire  ;  au 
nom  de  Montaigne,  qui  fut  chez  nous  le  premier  en  date 
de  ses  amis,  on  pourrait  ajouter  celui  de  Molière  (car  c'est 
bien  lui-même  qui  semble  parler  par  la  bouche  d'Alceste 
dans  une  scène  fameuse  du  Misanthrope).  En  Angleterre, 
dès  4740,  Addison,  dans  les  numéros  70  et  74  de  son 
Spectator,  exprimait  une  admiration  très  vive,  dont  peut- 
être  l'amour  du  paradoxe  lui  faisait  outrer  l'expression, 
pour  la  ballade  de  Chevy-Chase,  qu'un  de  ses  amis  avait 
recueillie  de  la  bouche  d'un  mendiant  aveugle.  Il  serait 
injuste  d'oublier,  parmi  les  précurseurs  des  études  folk- 


loriques, deux  de  nos  compatriotes  :  Ballard,  qui  publia 
plusieurs  recueils  de  chansons  puisées  dans  la  tradition 
orale  (Brunettes  ou  Petits  Airs  tendres,  4744  ;  Rondes 
à  danser,  4724),  et  Moncrif,  qui  fit  plusieurs  de  ses 
complaintes  sur  des  thèmes  populaires.  Cependant,  c'est 
en  Angleterre  que  ces  études  obtinrent  pour  la  première 
fois  droit  de  cité.  En  4760,  Macpherson,  alors  âgé  de 
vingt  ans,  publiait  ses  Fragments  of  ancient  poetry, 
réellement  traduits,  avec  une  fidélité  relative,  de  chants 
populaires  écossais;  en  4765,  Percy  faisait  imprimer 
ses  Reliques  of  english  poetry.  La  rude  simplicité  et 
la  couleur  réaliste  de  ces  pièces  charmèrent  une  géné- 
ration rassasiée  d'élégances  factices  et  de  raisonnements 
abstraits  :  ce  fut  alors,  en  faveur  de  la  poésie  populaire,  un 
engouement  dont  bénéficièrent  les  fameux  pastiches  de  Mac- 
pherson (4762-63)  et  de  Chatterton  (4778)  et  qui  fut  pour 
beaucoup  dans  la  vocation  littéraire  de  Walter  Scott  :  on 
sait,  en  effet,  que  celui-ci  préluda  à  la  composition  de  ses 
romans  par  la  publication  du  Minstrelsy  of  the  scottish 
border,  ou  Chants  populaires  des  frontières  écossaises 
(4802-4803). 

En  Angleterre,  le  mouvement  folk-lorique  conserva  long- 
temps le  caractère  littéraire  qu'il  devait  à  ses  origines  ; 
c'est  en  Allemagne  qu'il  prit  d'abord  une  direction  scienti- 
fique :  c'est  surtout  grâce  à  Herder,  philosophe  et  critique 
autant  que  poète,  que  l'enthousiasme  un  peu  factice  des 
premiers  jours  se  changea  en  une  admiration  réfléchie  et 
que  des  recherches  méthodiques  furent  entreprises.  En  même 
temps  que  Herder  initiait  le  grand  public  au  charme  de  la 
poésie  populaire  en  publiant  des  traductions  de  morceaux 
empruntés  à  celle  des  différentes  nations  de  l'Europe  et 
même  de  quelques  peuplades  sauvages  (Stimmen  der  Vol- 
ker  in  Liedern,  4778),  il  essayait  d'en  préciser  le  carac- 
tère et  d'en  définir  les  beautés  dans  un  Essai  sur  Ossian 
et  les  chants  des  anciens  peuples.  Ces  deux  ouvrages 
eurent  le  plus  beau  succès  que  l'auteur  pouvait  en  espérer  : 
ils  suscitèrent  une  foule  de  travaux  sur  les  mêmes  sujets 
ou  des  sujets  voisins.  Il  suffit  de  citer  les  recueils  de  contes 
de  Musaeus  (Volksmàrchen  der  Deutschen,  4782-4786), 
qui  crut  malheureusement  devoir  les  recouvrir  d'un  vernis 
littéraire,  et  surtout  des  frères  Grimm  (4842-4845,  4re  éd., 
en  2  vol.  ;  4849-4822, 2e  éd.  augmentée,  en  3  vol.;  le  3e  a 
une  importance  capitale  dans  l'histoire  du  folk-lore,  parce 
qu'il  a  inauguré  la  méthode  des  rapprochements).  Depuis 
Herder  et  les  frères  Grimm,  les  véritables  pères  du  folk- 
lore scientifique,  l'Allemagne  n'a  pas  cessé  d'être  au  pre- 
mier rang  dans  ce  domaine  par  le  nombre  et  la  valeur  de 
ses  publications. 

Bien  que  les  plus  anciens  précurseurs  du  folk-lore  soient 
des  Français,  le  mouvement  se  communiqua  assez  tard  à  la 
France,  qui  fut  même  précédée  par  les  autres  pays  latins  : 
c'est  au  Portugal  que  revient  l'honneur  d'avoir  le  premier 
recueilli  ses  poésies  nationales  :  le  Roman  ceiro  d'Almeida 
Garrett  parut  en  4839  (4863,  2e  éd.)  ;  puis  vint  l'Italie, 
qui  vit  se  succéder  assez  rapidement  les  recueils  de  Tom- 
maseo  (4834),  de  Marcoaldi  (embrassant  toutes  les  pro- 
vinces de  la  péninsule,  4855),  de  Nigra  (Chants  pié- 
montais,  4858-4864),  de  Tigri  (Chants  toscans,  4860),  et 
enfin  l'Espagne  (Romancero  gênerai,  de  D.  Agostin  Duran, 
4854  ;  Primavera  y  flor  de  romances,  de  F.-J.  Wolf  et 
C.  Hofmann  ;  Berlin,  4856).  Pour  nous,  comme  si  notre 
esprit  était  trop  classique  ou  trop  timide  pour  goûter  les 
grâces  souvent  négligées  de  la  poésie  populaire,  c'est  par 
des  traductions  que  nous  commençâmes  à  nous  y  intéresser, 
parce  qu'il  arrive  souvent  qu'une  traduction  voile  les  ru- 
desses de  l'original.  Le  public  fit  bon  accueil  aux  Chants 
populaires  de  la  Grèce  moderne,  de  Fauriel  (4825), 
qui  durent  peut-être  un  peu  de  leur  succès  aux  préoccupa- 
tions politiques  d'alors,  aux  Chants  populaires  d'Ecosse, 
d'Artaud  (traduits  du  recueil  de  Walter  Scott,  4826),  aux 
Chants  populaires  de  V Allemagne,  de  M.  de  Saint-Albin 
(4844),  aux  Chants  populaires  du  Nord,  de  X.  Mar- 
inier (4842).  Ce  fut  le  Barzaz-Breiz,  de  M.  de  La  Ville- 


FOLK-LORE 


696  — 


marqué  (1840;  2e  éd.  augmentée,  1846),  qui  nous  ouvrit 
les  yeux  sur  nos  richesses  nationales  ;  ce  n'était  rien  moins 
qu'un  recueil  sincère,  car  le  remaniement  y  touche  souvent 
à  la  falsification,  mais  on  ne  saurait  être  sévère  pour  un 
ouvrage  qui  provoqua  un  mouvement  de  curiosité  si  salu- 
taire. Cette  curiosité  était,  du  reste,  entretenue  par  quelques 
écrivains  qui  parlaient  avec  sympathie  de  la  poésie  du  peuple 
et  allaient  jusqu'à  en  insérer  quelques  spécimens  dans  leurs 
œuvres  (George  Sand,  passim  ;  E.  Souvestre,  la  Bretagne 
pittoresque,  les  Derniers  Bretons,  1835-1837,  le  Foyer 
breton,  1844  ;  P.  Féval,  les  Contes  de  Bretagne,  1844  ; 
la  Fée  des  grèves,  1851  ;  G.  de  Nerval,  les  Filles  du  feu, 
1854  ;  la  Bohème  galante,  1855).  Un  instant  on  put 
croire  que  le  gouvernement  allait  entreprendre  la  publica- 
tion d'un  corpus  général  de  notre  poésie  populaire  :  le 
13  sept.  1852,  le  président  Louis-Napoléon,  à  qui  cette 
idée  avait  été  suggérée  durant  son  exil  en  Suisse  par  Féru- 
dit  allemand  Firmenich,  faisait  rendre  par  son  ministre 
H.  Fortoul  un  décret  prescrivant  la  formation  d'un  recueil 
de  nos  chansons,  «  grand  et  complet  monument,  disait  le 
ministre,  élevé  au  génie  anonyme  et  poétique  du  peuple  ». 
Une  fouie  de  communications  furent  «adressées,  de  tous 
les  points  du  pays,  à  la  section  de  philologie  du  comité  de 
la  langue,  de  l'histoire  et  des  arts  de  la  France,  chargée 
de  les  centraliser  ;  mais  la  prétendue  difficulté  de  classer 
les  matériaux  en  fit  ajourner  indéfiniment  la  publication. 
On  finit  par  les  déposer  à  la  Bibliothèque  nationale,  où  ils 
sont,  depuis  le  mois  de  févr.  1877,  à  la  disposition  du  pu- 
blic (fonds  français,  ms.  3338-40).  Désespérant  de  voir 
paraître  le  recueil  promis,  des  amateurs  se  mirent  à  l'œuvre 
isolément,  et  bientôt  la  plupart  de  nos  provinces  eurent 
leur  recueil  de  chants  populaires.  Les  premiers  et  les  plus 
zélés  de  ces  explorateurs  furent  MM.  de  Coussemaker  {Chan- 
sons populaires  des  Flamands  de  France,  1856),  de  Beau- 
repaire  (Etudes  sur  la  poésie  populaire  en  Normandie, 
1856),  D.  Arbaud  (Chants  populaires  de  la  Provence, 
1862),  Tarbé  (Romancero  de  Champagne,  1863,  t.  II),  de 
Puymaigre  (Chants  populai?*es  du  pays  messin,  1861-  et 
1881),  Bujeaud  (Chants  populaires  du  Poitou,  1865),  à 
côté  desquels  il  faut  nommer  maintenant  MM.  Luzel  et 
Le  Braz  (Chansons  populaires  de  la  Basse-Bretagne, 
1874-1890),  Bladé  (Poésies  populaires  de  la  Gascogne, 
1 882) ,  Guillon  (Chansons  populaires  de  F  Ain,  1 883) ,  etc. 
Depuis  une  dizaine  d'années,  le  nombre  des  folk-loristes 
ou  «  traditionnistes  »,  comme  quelques-uns  préfèrent  qu'on 
les  appelle,  va  sans  cesse  en  augmentant,  et  surtout  leur 
activité  prend  des  proportions  vraiment  inquiétantes.  Le 
folk-lore  est  un  des  domaines  où  la  production  est  aujour- 
d'hui le  plus  abondante,  et  il  est  à  peu  près  impossible, 
même  aux  plus  actifs,  de  se  tenir  au  courant.  Il  n'est  guère 
de  région  en  Europe  dont  on  n'ait  recueilli  les  contes  et  les 
chansons,  et  les  travaux  du  même  genre  commencent  à  être 
nombreux  pour  les  autres  parties  du  monde.  Il  ne  peut 
entrer  dans  notre  plan  de  dresser  de  ces  sortes  d'ouvrages 
un  catalogue  qui  serait  forcément  incomplet  aujourd'hui  et 
arriéré  demain  ;  nous  croyons  qu'il  suffira  d'indiquer,  à 
côté  des  noms  des  maîtres  de  la  science,  les  sociétés  qui  se 
sont  vouées  aux  études  de  folk-lore  et  les  recueils  où  elles 
consignent  les  résultats  de  leurs  recherches. 

Ce  sont  les  pays  du  Nord  qui  ont  depuis  une  trentaine 
d'années  fourni  les  travaux  les  plus  solides.  Il  suffit  de  citer 
pour  l'Angleterre  les  noms  de  Max  Mùller,  A.  Lang,  Jacobs  ; 
pour  l'Allemagne,  de  Th.  Benfey,  Ad.  Kùhn,  W.  Schwartz, 
W.  Mannhardt,  R.Kôhler,  F.  Liebrecht;  pour  la  Russie,  de 
Vesselofski  ;  pour  la  Finlande,  de  Julius  Krohn  et  de  son  fils 
M.  Kaarle  Krohn;  pour  le  Danemark,  de  Svend  Grundtvig. 
En  Angleterre,  la  Folk-lore  Society  de  Londres,  fondée 
(1878)  par  M.  A.  Lang,  a  pour  organes  le  Folk-lore 
Record  (1878  et  suiv.)  et  le  Folk-lore  Journal  (1883)  ; 
à  côté  d'elle  s'est  formée  récemment  la  Gypsy-lore  Society, 
dirigée  par  M.  Leland,  qui  s'est  fait  une  spécialité  de  la 
littérature  populaire  des  Tsiganes  ;  enfin,  M .  Campbell  a  fondé 
une  collection  consacrée  au  folk-lore  gaélique  d'Ecosse. 


L'Amérique  anglaise  ne  se  montre  pas  moins  active.  Depuis 
1878,  le  Bureau  d'ethnologie,  qu'une  décision  du  Congrès 
a  annexé  à  l'institut  Smithson,  de  Washington,  publie  des 
Rapports  annuels,  et  une  Société  de  Folk-lore,  présidée 
par  M.  Child  (qui  est  en  train  d'élever  un  monument 
capital  à  la  littérature  populaire  de  la  métropole  dans  ses 
Englishand  Scotlish  Popular  Ballads  ;  Boston,  1885  et 
suiv.),  publie  depuis  1888  le  Journal  of  American  Folk- 
lore. En  Allemagne,  M.  H.  Weinhold  dirige  la  Zeitschrift 
des  Vereins  fur  Volkskunde,  qui  fait  suite  (1892)  aux 
vingt  volumes  de  la  Zeitschrift  fur  Vôlkerspsychologie 
und  Sprachwissenschaft,  et  M.  Veckensted  a  fondé,  en 
1888,  la  Zeitschrift  fur  Volkskunde.  En  Russie,  le  gou- 
vernement a  organisé  des  missions  ethnographiques  et  sta- 
tistiques qui  ont  publié  de  volumineux  Rapports,  Depuis 
1888,  M.  J.  Karlowicz,  à  Varsovie,  et  M.  Anton  Hermann,  à 
Budapest,  dirigent  respectivement  la  Wisla  et  les  Ethnolo- 
gische  Mittheilungen  aus  Ungarn,  revues  de  folk-lore 
local;  en  Finlande,  la  Société  finno-ougrienne,  fondée  en 
1886  par  MM.  Krohn,  fait  au  folk-lore  une  large  place  dans 
ses  travaux,  dont  les  résultats  ont  été  publiés  en  sept  vo- 
lumes. En  pays  latin,  il  semble  que  les  travailleurs  se  soient 
surtout  préoccupés  d'amasser  des  matériaux  ;  parmi  ceux 
qui  ont  essayé  de  les  coordonner  et  d'ébaucher  au  moins 
quelques  parties  de  l'édifice  futur,  on  ne  peut  guère  citer 
en  France  que  MM.  G.  Paris  (le  Petit  Poucet  et  la  Grande 
Ourse,  1875  ;  les  Contes  orientaux  dans  la  littérature 
française,  1875  ;  les  Chants  populaires  du  Piémont, 
1890,  etc.)  et  Gaidoz  (articles  et  comptes  rendus  dans 
la  Mélusine),  en  Italie,  que  MM.  d'Ancona  (la  Poesia 
popolare  italiana,  1878)  et  Nigra  (préface  de  la  nou- 
velle édition  des  Canti  popolari  del  Piemonte,  1888). 
En  revanche,  les  textes  et  les  observations  de  tous  genres 
se  multiplient  à  l'infini.  A  côté  de  la  Mélusine,  fondée  par 
MM.  H.  Gaidoz  et  E.  Rolland  (1877,  1884  et  suiv.), 
M.  Sébillot  dirige  la  Revue  des  traditions  populaires 
(1885),  et  la  Société  la  Tradition,  dirigée  par  MM.  E.  Blé- 
mont  et  H.  Carnoy,  publie,  outre  une  revue,  la  Collection 
internationale  de  la  tradition  (1888);  divers  éditeurs 
se  sont  mis  à  la  tête  de  vastes  collections  (les  Littéra- 
tures populaires  de  toutes  les  nations,  chez  Maison- 
neuve,  1881  et  suiv.  ;  Collection  de  contes  et  chansons 
populaires,  chez  Leroux,  1881)  ;  enfin,  les  principales 
revues  de  philologie  ou  de  patois  ont  autrefois  publié  ou 
publient  encore  fréquemment  des  textes  populaires  (Roma- 
nia,  Revue  des  langues  romanes,  Revue  des  patois 
gallo-romans,  Revue  de  philologie  française  et  proven- 
çale). En  Belgique  s'est  fondée  tout  récemment  (1891)  la 
Société  de  Folk-lore  wallon,  qui  publie  à  Liège  un  Bulletin 
de  Folk-lore.  En  Italie,  MM.  d'Ancona  et  Comparetti  dirigent 
la  collection  des  Canti  e  Racconti  del  Popolo  italiano 
(1870  et  suiv.),  qui  compte  actuellement  neuf  volumes  ; 
le  folk-lore  de  la  Sicile  a  trouvé  en  MM.  G.  Pitre  et  S.  Salo- 
mone-Marino  des  explorateurs  d'un  zèle  infatigable  :  le  pre- 
mier dirige  la  Biblioteca  délie  tradizioni  popolari  sici- 
liane(\81\  et  suiv.),  qui  en  est  arrivée  à  son  23e  volume, 
et,  depuis  1885,  une  collection  de  Curiosità  délie  Tradi- 
zioni popolari  (s'étendant  à  toute  la  péninsule),  qui  en 
compte  dix  ;  enfin,  M.  Sabatini  a  l'intention  de  consacrer 
au  folk-lore  romain  une  série  de  volumes  (Volgo  di  Roma), 
dont  deux  ont  paru  (1890).  L'Espagne  a  sa  Biblioteca  de 
las  Iradiciones  espanolas,  fondée  par  M.  Machado  y  Al- 
vares  (Demôfilo)  en  1881.  En  Portugal,  MM.  Coelho,  Braga, 
Leite  de  Vasconcellos  ont  publié  de  nombreux  travaux,  spé- 
cialement dans  la  Revista  dJethnologia  e  de  glottologia 
ou  dans  la  Revista  lusitana. 

La  vogue  subitement  obtenue  par  les  études  de  folk-lore 
ne  s'explique  pas  seulement  par  une  facilité  (plus  apparente 
que  réelle)  qui  permet  au  premier  venu  de  s'improviser 
auteur,  mais  aussi  par  la  variété  de  leurs  aspects,  par  le 
nombre  et  l'intérêt  des  problèmes  qu'elles  posent;  elles  en 
ont  posé  en  effet  jusqu'ici  plus  qu'elles  n'en  ont  résolu,  et 
il  semble  bien  que  la  vague  étendue  des  horizons  où  elles 


—  697 


FOLK-LORE  —  FOLLE 


invitent  à  se  mouvoir  soit  pour  quelque  chose  dans  l'espèce 
de  fascination  qu'elles  exercent  sur  certains  esprits.  Elles 
peuvent,  en  effet,  suivant  les  préoccupations  ou  les  apti- 
tudes qu'on  y  apporte,  intéresser  également  l'artiste,  le 
psychologue  et  l'historien.  La  préoccupation  esthétique, 
dominante  autrefois,  et  d'où  est  sorti  le  mouvement  folk- 
lorique, est  peut-être  actuellement  trop  négligée.  Il  n'est 
guère  de  recueils  de  contes  ou  de  chansons,  parmi  ceux  qui  se 
publient  tous  les  jours,  qui  ne  contiennent  des  pièces  d'une 
charmante  naïveté  d'expression  ou  d'une  rare  intensité  de 
sentiment  :  MM.  G.  Vicaire  et  M.  Bouchor  ont  montré  tout 
récemment  le  parti  qu'un  art  savant  et  délicat  en  pouvait 
tirer.  Le  côté  psychologique  séduit  aujourd'hui  un  grand 
nombre  d'esprits.  Mais  trop  de  folk-loristes  s'obstinent 
encore  dans  la  chimère  de  vouloir  retrouver  dans  les  œuvres 
qu'ils  publient  l'empreinte  du  caractère  national  ou  local  ; 
c'est  là  une  erreur  qui  devrait  être  dissipée  depuis  que 
l'on  a  constaté  l'existence  de  textes  quasi  identiques  sous 
tant  de  latitudes.  Ce  que  la  psychologie  peut  demander  au 
folk-lore,  ce  sont  des  documents  sur  l'état  d'esprit  de  popu- 
lations arrivées  ou  restées  à  un  certain  degré  de  culture, 
sur  leurs  besoins  religieux,  moraux  ou  poétiques,  sur  leur 
faculté  d'observation  ou  même  de  création  (et  encore  ne 
saurait-on  être,  sur  ce  dernier  point  du  moins,  trop  cir- 
conspect, car  il  est  impossible  de  nier  l'influence  de  la  litté- 
rature savante  sur  certaines  œuvres  populaires,  et  bien  diffi- 
cile d'en  déterminer  les  limites).  C'est  surtout  à  l'histoire 
que  le  folk-lore  peut  rendre  les  services  les  plus  étendus. 
Ce  n'est  point  qu'il  faille  lui  demander,  comme  on  l'a  essayé 
dans  la  première  moitié  de  ce  siècle,  la  solution  de  pro- 
blèmes d'ethnographie  ou  de  mythologie  préhistoriques  :  on 
a  renoncé  à  trouver  dans  les  contes  populaires  le  dernier 
écho  de  mythes  primitifs  et  comme  une  transposition  poé- 
tique des  idées  religieuses  des  Aryâs  de  l'Asie  centrale 
(V.  à  l'art.  Conte  l'exposition  du  système  de  Grimm  et  de 
M.  Millier)  ;  il  est  même  assez  chimérique  d'y  chercher, 
comme  M.  Lang,  l'incarnation  d'idées  communes  aux  sau- 
vages de  toutes  les  races,  et  de  les  considérer,  par  consé- 
quent, comme  un  document  authentique  sur  la  psychologie 
de  l'humanité  à  l'état  sauvage.  Le  folk-lore,  même  en  res- 
treignant le  champ  de  ses  ambitions,  a  une  part  assez  belle 
encore  et  il  est  probable  que,  plus  ses  prétentions  seront 
modestes,  plus  les  résultats  seront  rapides  et  assurés.  Ainsi, 
en  déterminant  exactement  la  part  de  l'élément  populaire 
dans  les  littératures  savantes,  il  jettera  une  lumière  nouvelle 
sur  l'histoire  de  celles-ci  et  aidera  à  mieux  comprendre 
l'originalité  de  chacune  d'elles.  Mais  son  principal  objet 
nous  paraît  être  l'explication  des  usages,  des  institutions, 
des  croyances,  des  rites,  dont  il  faut  rechercher  les  origines 
dans  les  régions  les  plus  humbles  et  les  milieux  les  plus 
divers  ;  voilà  pourquoi  le  folk-lore  aujourd'hui  ne  se  con- 
tente plus  de  rassembler  des  textes  poétiques,  mais  recueille 
aussi,  avec  les  contes  et  les  légendes,  les  prières  populaires 
qui  conservent  des  traces  évidentes  d'anciennes  croyances, 
les  pratiques  superstitieuses  ou  celles  qui  sont  attachées 
aux  principales  circonstances  de  la  vie  (naissance,  mariage, 
mort)  et  jusqu'aux  jeux  et  formulettes  enfantines  où  peuvent 
se  cacher  des  allusions  symboliques  ou  des  souvenirs  plus 
ou  moins  inconscients  de  principes  ou  de  rites  abolis. 

Le  folk-lore  serait  donc,  comme  le  disait  tout  récemment 
l'un  des  savants  qui  portent  dans  ces  études  la  plus  grande 
lucidité  d'esprit  et  la  critique  la  plus  rigoureuse,  moins  une 
science  à  part  qu'une  méthode  de  recherches,  consistant 
à  considérer  l'objet  à  expliquer  (croyances,  institutions, 
usages)  «  non  dans  la  cristallisation  complète,  mais  à  ses 
débuts,  à  le  suivre  à  tous  les  degrés  de  son  développement, 
à  tenir  compte  de  toutes  les  influences  qu'il  peut  avoir 
subies  et  en  même  temps  à  mettre  en  parallèle  toutes  les 
formations  analogues  qui  ont  pu  se  produire...  Il  faut 
chercher,  souvent  dans  divers  pays  et  en  divers  peuples, 
les  anneaux  épars  de  la  chaîne  qu'on  veut  reconstituer... 
Le  naturaliste  ne  fait  pas  autrement  lorsque,  voulant  res- 
tituer une  espèce  éteinte,  un  animal  d'une  époque  préhis- 


torique, il  en  cherche  les  fragments  épars  sur  un  vaste 
continent.  Faute  d'un  spécimen  conservé  complet,  il  est 
nécessaire  de  placer  ces  fragments  les  uns  près  des  autres 
pour  en  induire  le  plan  de  l'être  disparu.  Telle  est,  à  notre 
avis,  la  méthode  des  études  du  folk-lore.  Mais  elle  s'ap- 
plique à  un  domaine  où  la  masse  des  matériaux  est  immense, 
car  il  s'agit  de  l'homme,  de.  tout  l'homme  !  »  (H.  Gaidoz, 
dans  Mélusine,  V,  34.)  Ces  quelques  lignes  montrent  quelles 
difficultés  présentent  et  quelle  préparation  supposent  les 
études  de  folk-lore  quand  elles  ne  se  bornent  pas  à  la  cons- 
tatation des  faits  ;  elles  exigent  des  connaissances  très 
variées  (en  histoire,  en  linguistique,  en  ethnographie)  et  sur- 
tout une  grande  rigueur  de  méthode  et  de  critique  ;  le  folk- 
lore scientifiquement  pratiqué  est  donc  tout  autre  chose 
qu'une  branche  de  la  littérature  facile.       A.  Jeànroy. 

Bibl.  :  V.,  pour  les  matériaux,  les  différents  recueils  de 
documents  populaires  ;  pour  la  critique,  les  ouvrages  des 
savants  cités  dans  le  corps  de  l'article,  particulièrement 
de  M.  Muller,  Benfey,  M  annhardt,  Schwartz,  Lang,  etc. 

FOLKUNGS  (Folkunga-setten).  Dynastie  suédoise,  issue 
de  Folke,  très  noble  personnage  qui  vivait  vers  1100  et 
qui  avait  épousé  Ingegerd,  fille  du  roi  de  Danemark  saint 
Canut.  Son  fils,  Bengt,  fut  père  :  1°  de  Birger  Brosa,  jarl 
(duc)  de  Suède  et  de  Gœtaland  (f  1202),  marié  à  Birgitta, 
fille  de  Harald  Gillé,  roi  de  Norvège,  et  veuve  du  roi  de 
Suède,  Magnus  Henriksson  ;  leur  fille  Ingegerd  épousa  le 
roi  Sverker  Carlsson  et  eut  pour  fils  Johan  Ier,  roi  de 
Suède  (f  1222);  2°  Cari  Dœfue,  jarl,  mort  dans  une 
expédition  en  Esthonie  (1220),  père  du  jarl  Ulf  Fasi 
(f  1248);  3°  Magnus  Minneskœld,  père  du  célèbre  Bir- 
ger jarl  (f  1266)  qui  eut  de  Ingeborg  (f  1254)  :  Valde- 
mar, roi  de  1250  à  1278  (f  1302),  et  Magnus  Ladulâs, 
roi  en  1275  (f  1290).  De  la  comtesse  Helvig  de  Holstein, 
ce  dernier  eut  entre  autres  enfants  :  1°  Birger,  né  en  1 280, 
roi  de  1290  à  1319  (f  1321),  marié  à  Margareta,  fille  du 
roi  de  Danemark,  Erik  Glipping  ;  2°  Valdemar,  duc  de 
Finlande  (f  1318);  3°  Ingeborg,  mariée  à  Erik  Menved, 
roi  de  Danemark  ;  4°  Erik,  duc  de  Suède  (f  1318).  Ce 
dernier  eut  d'Ingeborg,  fille  de  Hâkon,  roi  de  Norvège  : 
1°  Eufemia,  née  en  1317  (f  vers  1370),  mariée  à  Albert 
l'Ancien,  duc  de  Mecklembourg  (f  1379),  père  d'Albert, 
roi  de  Suède  de  1364  à  1389  (f  1412);  2°  Magnus 
Eriksson  (1316-1371),  roi  de  Suède  de  1319  à  1365, 
roi  de  Norvège  à  partir  de  1319,  qui,  de  son  mariage  avec 
Blanche  de  Namur,  eut:  1°  Erik  XII  (1339-1359),  roi  de 
Suède  en  1356  ;  2°  Hdkon  (1340-1380),  roi  de  Norvège 
en  1355,  de  Suède  en  1362,  qui  épousa  la  Grande-Mar- 
guerite, fille  de  Valdemar  III,  roi  de  Danemark,  et  fut  père 
à'Olaf,  roi  de  Danemark  et  de  Norvège  (f  1387).     B-s. 

Bibl.:  Fant,  De  génie  Folkungica;  Upsala,  1815,  in-4. 
—  Strinholm,  Svenska  folkets  historia  ;  Stockholm,  1852- 
1854,  t.  IV,  V,  in-8.  —  Autres  sources  citées  par  Warm- 
holtz,  Bibl.  histor.  sveo-qothica.;  Stockholm,  1790,  n°3  2636- 
2711,  t.  V,  in-8. 

FOLLAIN VILLE.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
de  Mantes,  cant.  de  Limay;  518  hab. 

FOLLE.  I.  Artillerie.  —  Pièce  folle.  Pièce  de  canon 
dont  l'âme  irrégulièrement  forée  imprime  au  projectile  une 
direction  inattendue  et  nullement  en  rapport  avec  ce  qui 
devrait  résulter  du  pointage  de  la  pièce. 

IL  Mécanique.  — Poulie  folle  (V.  Poulie). 

III.  Pêche.  —  Filet  constitué  par  une  nappe  simple 
tendue  de  manière  à  faire  des  plis  dans  tous  les  sens,  plis  qui 
forment  des  poches  dans  lesquelles  le  poisson  s'embarrasse  ; 
les  mailles  doivent  avoir  110  millim.  de  côté  dans  le  pre- 
mier arrondissement  maritime,  120  dans  le  second,  130 
dans  le  troisième  ;  la  tête  du  filet  est  bordée  par  une 
ralingue  garnie  de  flottes  ;  le  pied  est  pourvu  de  lest,  con- 
sistant, le  plus  souvent,  en  pierres.  On  tend  toujours  par 
fond,  soit  sur  le  sable,  soit  entre  les  rochers.  Les  demi- 
folles  ne  diffèrent  des  folles  que  par  l'étendue  de  la  tessure, 
qui  est  moindre.  On  nomme  ces  filets  rieux  sur  les  côtes 
de  Picardie,  parce  qu'on  les  emploie  à  la  pêche  des 
raies,  et  bretelières  sur  les  côtes  de  Normandie  où  elles 
servent  surtout  à  prendre  des  roussettes  ou  chiens  de  mer. 


FOLLE  —  FOLLEVJLLE 


—  698 


Ces  filets  sont  sédentaires  et  garnis  de  flottes  et  de  câ- 
blières,  ainsi  que  les  folles  ;  étant  beaucoup  moins  grands 
que  ces  dernières,  on  peut  les  tendre  en  tout  temps,"  même 
en  vives  eaux,  principalement  du  commencement  de  février 
en  mai.  On  désigne  sous  le  nom  àejets,  aux  environs  de 
Saint-Val ery-en-Somme,  des  sortes  de  demi-folles  ayant 
de  20  à  25  brasses  de  longueur  sur  3  brasses  de  chute, 
dont  le  bas  est  plombé  et  dont  on  arrête  les  extrémités 
à  des  pieux  ;  cette  pêche  se  fait  avec  de  petits  bateaux  ; 
on  prend  surtout  des  poissons  plats,  tels  que  flets  et  car- 
relets. Les  picots  des  côtes  de  Normandie  sont  sédentaires, 
flottés  et  plombés  ;  ils  ont  de  40  à  50  brasses  de  long  sur 
2  ou  3  de  chute  et  s'établissent  par  fond  de  travers  à  la 
marée  ;  les  pêcheurs,  brouillant  le  fond  à  l'aide  d'une 
grosse  câblière,  relèvent  le  filet  en  réunissant  les  deux 
ralingues,  de  telle  sorte  que  le  poisson  reste  engagé  dans 
le  milieu,  qui  forme  poche.  Les  cibaudières,  pentières, 
sont  des  variétés  de  la  folle.  E.  Sauvage. 

FOLLE-Avoine  (Bot.)  (V.  Avoine). 

FOLLE-Blanche  (Vitic).  La  Folle  blanche,  qui  porte 
encore  les  noms  de  Erangeat,  Plant-Madame,  Grosse- 
Chalosse,  Grais,  R ébauche,  Piquepouille,  est  le  cépage  le 
plus  important  de  toutes  les  régions  viticoles  qui  pro- 
duisent les  grandes  eaux-de-vie  françaises.  Il  forme  la  base 
presque  exclusive  des  vignobles  des  deux  Charentes,  du 
Gers  (Armagnac),  de  la  Vendée,  d'une  partie  de  la  Dor- 
dogne.  C'est  une  vigne  d'une  très  grande  vigueur  et  très 
productive.  Son  vin  acide  a  peu  de  valeur  par  lui-même, 
mais,  distillé,  il  donne  des  eaux-de-vie  d'une  finesse  incom- 
parable ;  les  cognacs  et  les  armagnacs  sont  obtenus  par  les 
vins  de  Folle-Blanche.  La  production  de  ce  cépage  est  en 
moyenne  de  30  hectol.,  mais  elle  s'élève  souvent  (Bois  et 
Borderies  des  Charentes)  à  100  et  150  hectol.  à  l'hectare. 
C'est  dans  les  sols  crayeux,  de  calcaires  tendres,  surmonté 
d'un  sol  peu  riche  et  peu  profond,  que  la  Folle-Blanche 
donne  les  eaux-de-vie  qui  ont  le  plus  de  cachet  et  le  plus 
de  finesse.  Ses  fruits  sont  assez  précoces  et  mûrissent  à  la 
deuxième  époque.  —  La  Folle-Blanche,  à  cause  de  sa  grande 
vigueur,  peut  être  conduite  à  tous  les  systèmes  de  taille; 
on  la  conduit  cependant,  d'une  façon  générale,  à  la  taille 
en  gobelet,  à  coursons  et  à  trois  yeux  francs.  Elle  est  d'une 
résistance  relative  aux  diverses  maladies  cryptogamiques  et 
surtout  au  mildiou.  —  Sa  souche  est  forte,  les  sarments 
sont  gros,  à  mérithalles  courts,  de  couleur  brun  roussâtre, 
ses  feuilles  moyennes  sont  quinquelobées,  à  sinus  latéraux 
profonds  et  peu  ouverts,  à  face  inférieure  blanchâtre  par 
suite  du  tomentum  assez  abondant.  La  grappe  est  grosse, 
cylindrique,  serrée,  à  gros  grains  sphériques,  d'un  vert 
blanchâtre,  à  peau  épaisse,  juteux  et  d'un  goût  acidulé. 

FOLLE-Enchère  (V.  Enchère). 

FOLLE-Farine  (V.  Meunerie,  Boulangerie). 

FOLLE-Noire  (Vitic).  La  Folle-Noire  ou  Dégoûtant  est 
un  cépage  charentais,  à  raisins  rouges,  qui  était  peu  cul- 
tivé dans  les  deux  Charentes  et  dans  la  Vendée  et  qui  est 
à  peu  près  entièrement  abandonné  aujourd'hui. 

FOLLEN  (Adolf-Ludwig-August),  poète  allemand,  né  à 
Giessen  le  21  janv.  1794,  mort  à  Berne  le  26  déc.  1855. 
Combattant  de  1814,  répétiteur  de  droit,  journaliste,  pour- 
suivi et  emprisonné  (1819-21)  pour  ses  articles  démocra- 
tiques de  VAllgem.  Zeitung  d'Elberfeld,  il  se  fixa  en 
Suisse .  Ses  poésies  patriotiques  furent  remarquées  et  en 
dernier  lieu  ses  six  sonnets  An  die  gottlosen  Nicfitswû- 
teriche  (Heidelberg,  1846)  provoquèrent  de  vives  polé- 
miques. —  Son  frère  Karl,  néàRomrod  (Hesse)  le  3  sept. 
1795,  mort  dans  l'Atlantique  le  13  janv.  1840  ;  volontaire 
de  1814,  privat-docent  à  Iéna,  il  fut  poursuivi  comme  dé- 
mocrate, expulsé  de  France  (1820),  puis  de  Suisse  (1824), 
passa  aux  Etats-Unis,  devint  professeur  d'allemand  à  l'uni- 
versité Harvard  de  Boston.  Il  périt  dans  l'incendie  d'un  na- 
vire entre  Boston  et  New  York.  Il  a  écrit  des  poésies  patrio- 
tiques assez  médiocres,  une  Practical  Grammar  of  the 
german  language  (Boston,  1848, 13e  éd.);  sa  veuve  publia 
ses  œuvres  complètes  (Boston,  1842,  5  vol.).  —  Les  deux 


Follen,  dont  le  premier  fut  un  vrai  poète,  sont  intéressants 
parce  qu'ils  représentent  l'état  d'âme  de  la  jeunesse  alle- 
mande après  1815,  au  temps  de  la  Burscheschaft.  Dans 
leur  lyrisme,  l'influence  de  Klopstock  se  combine  avec  le 
romantisme  et  l'exaltation  patriotique. 

Bibl.  :  Comtesse  de  Reichenbach,  Arndt  und  Follen  ; 
Leipzig,  1862. 

FOLLES.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute- Vienne,  arr.  de 
Bellac,  cant.  de  Bessines;  1,678  hab. 

FOLLET  (Feu)  (Météor.)  (V.  Feu  follet). 

FOLLETAGE  (Vitic.).  Le  folletage  ou  apoplexie  est  une 
maladie  non  parasitaire  de  la  vigne  qui  fait  parfois  des 
dégâts  considérables.  On  observe  en  pleine  végétation, 
surtout  en  juillet  et  août,  des  ceps  qui  meurent  instanta- 
nément au  milieu  d'une  plantation.  Les  feuilles  se  fanent, 
ternissent  et  sèchent  ;  les  rameaux  et  même  les  bras  subis- 
sent le  même  sort.  En  quelques  minutes  les  vignes  peuvent 
périr.  Il  est  bien  rare  qu'elles  repoussent  quand  on  les 
recèpe,  ou  qu'elles  reprennent  l'année  suivante,  malgré 
tous  les  soins  qu'on  pourra  leur  donner,  une  vigueur  suf- 
fisante qui  leur  permette  de  se  relever.  Ce  ne  sont  que  des 
ceps  isolés,  exceptionnellement  nombreux  dans  une  vigne, 
qui  sont  atteints  par  cet  accident  ;  il  ne  se  manifeste  jamais 
sur  une  surface  continue.  Des  rameaux  entiers  ou  même 
des  bras  isolés  d'une  souche  sont  détruits  quelquefois,  sans 
que  les  autres  rameaux  ou  bras  soient  altérés.  —  Les  cas 
de  folletage  ont  été  constatés  plus  souvent  sur  les  vignes 
greffées.  Cette  maladie  se  produit  dans  tous  les  milieux, 
mais  plus  fréquemment  dans  les  sols  profonds,  frais  ou 
humides.  La  présence  d'une  couche  d'eau  dans  le  sous-sol 
est  une  cause  prédisposante  à  cet  accident.  C'est  à  la  suite 
de  fortes  pluies  ou  pendant  les  grandes  chaleurs,  lorsque, 
dans  les  années  humides,  soufflent  des  vents  chauds,  qu'on 
a  surtout  à  le  redouter.  Il  semble  que  le  folletage  vienne 
d'une  rupture  d'équilibre  entre  la  transpiration  par  les 
feuilles  et  l'absorption  par  les  racines.  '         P.  Vialà. 

FOLLETIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  de  Bouen,  cant.  de  Pavilly  ;  92  hab. 

FOLLETIÈRE-Abenon  (La).  Corn,  du  dép.  du  Calvados, 
arr.  de  Lisieux,  cant.  d'Orbec  ;  244  hab. 

F0LLEV1LLE.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Bernay, 
cant.  de  Thiberville  ;  29 1  hab. 

FOLLEVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Montdidier,  cant,  d'Ailly-sur-Noye,  surun  plateau;  214  hab. 
Jadis  chef-lieu  d'une  seigneurie  qui  fut  successivement 
possédée  par  les  Lannoy,  les  Gondi,  les  Sericourt  et  les 
Mailly.  Jolie  église  des  xve  et  xvie  siècles,  dont  la  nef  est 
voûtée  en  bois,  et  le  chœur  (construit  de  1513  à  1519 
par  Jeanne  de  Poix,  en  exécution  du  testament  de  Raoul  de 
Lannoy,  son  mari),  est  voûté  en  pierre.  On  remarque, 
dans  cette  église,  plusieurs  monuments  curieux,  entre 
autres  une  chaire  en  bois  du  xvne  siècle  du  haut  de  laquelle 
saint  Vincent  de  Paul  a  prêché  sa  première  mission  ;  une 
belle  vasque  baptismale  en  marbre  blanc  du  xvie  siècle  ; 
le  magnifique  tombeau  de  Raoul  de  Lannoy  (mort  en  1513) 
et  de  Jeanne  de  Poix,  son  épouse,  dont  les  statues  funé- 
raires en  marbre  blanc  ont  été  exécutées  et  signées  par 
Àntonino  de  Porta,  de  Milan,  et  son  neveu  Paxio  ;  celui 
de  François  de  Lannoy,  fils  du  précédent  (mort  en  1548) 
et  de  Marie  d'Hangest-Genlis,  sa  femme,  également  en 
marbre  blanc,  avec  les  statues  agenouillées  des  défunts  et 
les  quatre  vertus  cardinales  en  bas-relief;  enfin,  quelques 
vitres  peintes  du  xvie  siècle.  Ruines  intéressantes  de  l'an- 
cien château,  construit,  sans  doute,  au  xve  siècle,  de  forme 
quadrangulaire,  avec  une  tour  circulaire  à  chacun  des 
angles,  et  une  cinquième  au  milieu  d'un  des  grands  côtés, 
cette  dernière  d'une  structure  assez  curieuse,  fort  élevée  et 
contenant  un  bel  escalier  à  vis.  G.  Durand. 

Bibl.  :  B.  Taylor  et  Ch.  Nodier,  Voyages  pittoresques 
et  romantiques  dans  l'ancienne  France,  Picardie,  av.  pi. 
—  Goze,  Notice  sur  le  village,  le  château,  les  seigneurs, 
l'église  et  les  tombeaux  de  Folleville  ;  Montdidier,  1865 , 
in-8,  av.  pi.  —  Bazin,  Description  de  l'église  et  des 
ruines  du  château  de  Folleville  ;  Amiens,  1869,  in-8,  avec 
pi.  —  V,  pe  Beauvillé,  Recueil  de  docurnents  inédits. 


699  — 


FOLLEVILLE  —  FOLLIET 


concernant  la  Picardie,  5  vol.  in-4,  passim,  av.  pi.  — • 
G.  Durand,  Folleville,  notice  historique,  dans  Y  Annuaire 
du  département  de  la  Somme,  1892,  pp.  407  à  428. 

FOLLEVILLE  (Daniel  de)  (V.  Daniel). 

FOLLEVILLE  (  Anne  -  Charles  -  Gabriel ,  marquis  de), 
homme  politique  français,  né  au  château  de  Manancourt 
(Somme)  le  44  juil.  1749,  mort  au  château  de  Manancourt 
le  6  mai  4835. 11  était  lieutenant-colonel  d'infanterie  quand 
il  fut  élu,  le  5  avr.  4789,  député  suppléant  de  la  noblesse 
aux  Etats  généraux  par  le  bailliage  de  Péronne.  Il  vint 
siéger  le  26  déc.  par  suite  de  la  démission  de  M.  de  Mailly- 
Nesle.  Il  fut  un  des  membres  les  plus  ardents  de  la  droite 
et  se  signala  aux  côtés  de  l'abbé  Maury  et  de  Mirabeau- 
Tonneau.  Il  combattit  toutes  les  mesures  libérales,  notam- 
ment l'admission  des  juifs  aux  droits  de  citoyen  (48  janv. 
4794).  Et.  Ch. 

FOLLEVI LLE  (Pierre-François-Jean-Louis-Gabriel  Guil- 
lot  ou  Guyot  de),  dit  Vévêque  d'Agra,  né  à  Saint-Servan  ou 
à  Saint-Malo  (suiv.  Levot)  le  30  oct.  4760,  mort  à  Angers 
le  5  janv.  4794.  Fils  d'un  commissaire-ordonnateur  de  la 
marine  de  Saint-Malo,  il  fit  quelques  études  de  droit,  songea 
à  obtenir  un  siège  au  Châtelet,  mais  la  Révolution  ayant 
éclaté,  il  tourna  ses  vues  vers  l'Eglise.  Docteur  en  théo- 
logie, il  se  fit  élire  curé  de  Doi  le  2  avr.  4790.  Un  an 
après,  il  rétractait  solennellement  le  serment  constitutionnel 
qu'il  avait  prêté  de  fort  bonne  grâce  (23  oct.  4794).  Cette 
volte-face  soudaine  déplut  à  ses  paroissiens  qui,  à  force  de 
menaces,  l'obligèrent  à  se  démettre  de  sa  cure.  ^Folleville 
vint  à  Paris  (1792).  Les  événements  du  40  août  l'obli- 
gèrent à  se  réfugier  à  Poitiers.  Il  mena  en  cette  ville  une 
existence  des  plus  bizarres.  Fréquentant  chez  les  Filles 
de  la  Sagesse,  il  se  donnait  pour  une  victime  du  nouvel 
ordre  de  choses,  prétendait  avoir  été  nommé  évêque  d'Agra 
par  le  pape,  si  bien  que  les  bonnes  religieuses,  séduites 
par  ses  grâces  câlines,  sa  belle  prestance,  son  éloquence 
enflammée,  n'étaient  pas  loin  de  le  considérer  comme  un 
martyr,  et  dans  leur  correspondance  avec  les  missionnaires 
de  Saint-Laurent-sur-Sèvre,  ne  parlaient  de  Msr  d'Agra 
qu'avec  des  transports  d'enthousiasme.  Cependant  Guillot 
suivait  assidûment  les  séances  de  la  Société  des  Amis  de  la 
Liberté  et  de  l'Egalité,  y  présentait  les  motions  les  plus 
révolutionnaires,  étalait  sans  vergogne  sa  carte  d'affilié  au 
club  des  Jacobins  de  Paris.  Bien  mieux,  il  ne  faisait  nul 
mystère  de  ses  relations  avec  une  jeune  fille  de  la  ville, 
dont  il  se  montrait  fort  amoureux  et  avec  laquelle  il  échan- 
geait une  correspondance  des  plus  tendres,  voire  même  des 
vers  du  dernier  galant.  Enfin  il  collaborait  à  un  journal 
souvent  grivois,  la  Correspondance  du  département  de 
la  Vienne.  Les  autorités  de  Poitiers  finirent  par  concevoir 
des  doutes  sur  le  caractère  sacré  de  ce  singulier  prêtre.  Elles 
estimèrent  qu'il  possédait  toutes  les  qualités  nécessaires  à 
un  bon  soldat  et  lui  enjoignirent  de  s'enrôler  dans  un  régi- 
ment ou  dans  la  garde  nationale.  Folleville  se  fit  donner 
le  plus  bel  habit  de  volontaire  qu'on  put  découvrir  et  il 
faisait  partie  de  la  garnison  de  Thouars  lorsque  cette  ville 
fut  prise  parles  Blancs  (3  mai  4793).  Il  se  trouva  que 
Villeneuve  de  Cazeau  avait  été  son  ami  de  collège.  Folle- 
ville  conduit,  sur  sa  demande,  au  chef  royaliste,  fut  reçu 
par  lui  à  bras  ouverts  lorsqu'il  affirma  qu'on  l'avait  enré- 
gimenté de  force.  Il  fut  présenté  à  l'état-major  avec  le  titre 
d'évêque  d'Agra.  Il  était  déjà  connu  comme  tel  par  les  reli- 
gieux de  Saint-Laurent.  Personne  ne  parut  se  soucier  de 
faire  la  moindre  enquête  sur  son  compte.  Folleville  suivit 
donc  l'armée,  remplissant  ses  devoirs  sacerdotaux,  relevant 
le  moral  des  soldats  après  les  déroutes,  les  fanatisant  avant 
les  attaques.  Il  devint  bientôt  populaire  :  les  Vendéens 
étaient  enthousiasmés  d'avoir  parmi  eux  un  si  bel  évêque. 
Le  4er  juin  4793,  les  commandants  généraux  des  armées 
vendéennes  mettaient  à*  la  tête  du  conseil  ecclésiastique  de 
Saint-Laurent-sur-Sèvre  «  M§r  l'évêque  d'Agra,  vicaire  apos- 
tolique ».  Bientôt  ils  lui  confiaient  la  présidence  du  conseil 
d'administration  et  de  justice  installé  à  Châtillon-sur- 
Sèvre.  Le  curé  de  Saint-Laud,  Fambitieux  Bernier,  qui 


voulait  gouverner  ce  conseil  supérieur,  s'arrangea  pour  en 
expulser  l'intrus.  La  proclamation  du  1er  juin  avait  été 
transmise  à  Rome.  Grâce  à  l'abbé  Maury,  les  intrigues  de  Ber- 
nier eurent  plein  succès.  En  un  bref  daté  du  34  juil.  4793, 
Pie  VI  déclara  qu'il  n'existait  pas  d'évêché  d'Agra  et  que 
le  charlatan  qui  en  avait  pris  le  titre  n'était  qu'un  usur- 
pateur. Ce  bref  parvint  aux  armées  le  47  oct.  4793,  après 
le  désastre  de  Cholet.  Les  généraux,  réunis  en  conseil, 
décidèrent  d'étouffer  le  scandale  pour  ne  point  démora- 
liser davantage  leurs  troupes  à  la  veille  du  passage  de  la 
Loire.  Guillot  de  Folleville  demeura  donc  sans  conteste 
évêque  d'Agra  jusqu'à  la  fin  de  la  campagne.  Il  prêcha 
encore  l'assaut  au  pied  des  remparts  de  Granville  et  il 
présida  le  dernier  conseil  des  généraux  au  Mans  le  14  déc. 
Ses  dépouilles  épiscopales,  trouvées  dans  les  bagages  après 
la  déroute  finale  du  Mans,  furent  envoyées  à  la  Convention 
par  Westermann  le  48  nivôse  an  IL  Abandonné  à  Ancenis 
le  46  déc.  4793,  Guillot  erra  quelques  jours  dans  la  cam- 
pagne et  finit  par  se  livrer  à  une  patrouille  de  républicains. 
Transféré  à  Angers  le  5  janv.  4794,  il  y  fut  reconnu,  et, 
condamné  à  mort  le  46  nivôse  an  II  par  la  commission  mi- 
litaire, fut  exécuté  le  même  jour  sur  la  place  du  Rallie- 
ment. C'est  une  figure  énigmatique  que  celle  de  l'évêque 
d'Agra  :  le  peu  de  renseignements  qu'on  possède  sur  sa 
vie  ne  permet  pas  de  dégager  nettement  le  motif  de  ses 
actions.  Peut-être  n'était-ii  qu'un  aventurier  spirituel  et 
sans  scrupules,  se  recommandant  du  roi  ou  de  la  Révolu- 
tion, suivant  les  circonstances.  Peut-être  avait-il  été,  comme 
le  croit  M.  Chassin,  «  inventé  par  les  plus  habiles  des  pré- 
parateurs de  la  guerre  de  Vendée  pour  entretenir  l'exal- 
tation religieuse  des  paysans  en  armes  ».  Il  n'existe  aucune 
raison  péremptoire  qui  puisse  décider  le  choix  entre  l'une 
ou  l'autre  hypothèse,  et  nous  penchons  plutôt  pour  la 
première.  R.  S. 

Bibl.  :  Levot,  Biographie  bretonne  ;  Paris,  1852,  t.  I, 
in-4.  —  Mme  de  La.  Rochejacquelein,  Mémoires.  —  Muret, 
Guerres  de  Vendée.  —  E.  Veuillot,  les  Guerres  de  Ven- 
dée ;  Paris,  1853,  in-12,  —  Chassin,  la  Préparation  de  la 
guerre  de  Vendée;  Paris,  1892,  t.  III,  pp.  557  et  suiv.  — 
Eug.  Bossard,  l'Invention  de  Vévêque  d'Agra;  Angers, 
1893,  in-8. 

FOLLEVILLE  (Louis- Jean- André  de),  homme  politique 
français,  né  à  Morainville  (Eure)  le  12  nov.  1765,  mort 
à  Lisieux  le  8  juil.  1842.  Conseiller  au  parlement  de  Rouen, 
il  émigra  au  moment  de  la  Révolution  et  ne  rentra  en  France 
que  sous  le  Consulat.  Le  22  août  1815  il  fut  élu  député 
du  Calvados,  figura  dans  la  majorité  de  la  Chambre  introu- 
vable et,  réélu  le  4  oct.  1816,  se  montra  ultra-royaliste 
acharné.  Il  ne  reparut  plus  dans  une  assemblée  législative 
après  1821. 

FOLLI  (Sebastiano),  peintre  siennois,  né  vers  1568, 
mort  en  1620.  On  sait  qu'en  1618  il  travailla  à  la  déco- 
ration de  l'église  Saint-Sébastien,  avec  Rutilio  Manetti.  Ses 
figures  sont  maniérées  et  ses  fonds  surchargés  d'architec- 
tures savantes.  Jacopo  Florino  a  gravé  d'après  ses  dessins 
des  vues  de  monuments. 

FOLLICULE.  I.  Rotanique.—  Carpelle  sec,  polysperme, 
déhiscent  par  sa  suture  ventrale  ;  les  follicules,  souvent 
rangés  en  verticille,  forment  en  général  des  fruits  composés 
(V.  Fruit). 

II.  Anatomie  (V.  Glande). 

F0LL1CULITE   (V.  Vulve). 

FOLLIET  (André-Eugène),  homme  politique  français, 
né  à  Saint-Jean-de-Maurienne  le  18  mars  1838.  Avocat  à 
Paris  (1862),  il  posa  sa  candidature  à  l'Assemblée  natio- 
nale dans  la  Haute-Savoie  le  8  févr.  1871 ,  échoua  et  fut  élu 
peu  après  (2  juil.)  par  le  même  département  lors  d'une  élec- 
tion complémentaire.  Membre  de  la  gauche,  il  combattit  le 
cabinet  de  Rroglie  et  échoua  à  Thonon  le  20  févr.  1876 
aux  élections  pour  la  Chambre  des  députés.  La  Chambre 
ayant  invalidé  M.  de  Roigne,  son  concurrent  heureux, 
M.  Folliet  fut  élu  député  Te  21  mai  1876,  fit  partie  des 
363,  fut  réélu  avec  eux  le  14  oct.  1877,  puis  le  21  août 
1881,  le  4  oct.  1885  et  le  22  sept.  1889.  Il  fut  membre 


FOLLIET  —  FOLTZ 


—  700  — 


de  la  gauche  républicaine,  soutint  généralement  la  politique 
opportuniste  et  combattit  le  boulangisme.  A  la  Chambre,  il 
s'est  surtout  occcupé  des  questions  d'impôts  et  de  droit 
administratif.  Il  déposa  notamment  en  1880,  avec  Pascal 
Duprat,  un  projet  de  loi  municipale  dont  il  fut  rapporteur, 
et,  en  1888,  une  proposition  sur  la  réforme  de  l'impôt  des 
boissons,  une  autre  sur  la  réforme  de  la  prestation,  etc. 
Collaborateur  de  la  Revue  de  Paris  (1865),  de  la  Revue 
moderne  et  autres  périodiques,  M.  Folliet  a  publié  :  la 
Presse  italienne  et  sa  législation  (Paris,  4869,  in-8)  ; 
Piévolution  française,  les  Volontaires  de  la  Savoie 
(1887,  in-42)  ;  De  la  Décentralisation  administrative 
(1861,  in-8)  ;  les  Députés  savoisiens  aux  assemblées  de 
la  Révolution  (1884,  in-8).  Il  a  terminé  et  complété  l'ou- 
vrage de  Joseph  Dessaix  sur  le  Général  Dessaix,  sa  vie 
politique  et  militaire  (4879,  in-8). 

FO  LLI G  N  Y.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  d'Avranches, 
cant.  de  La  Haye-Pesnel;  527  hab. 

FOLLIN  (Elias),  érudit  suédois,  né  dans  l'OEstergœtland 
le  8  oct.  1746,  mort  le  18  déc.  1819.  Ordonné  prêtre  en 
1771,  il  devint  pasteur  d'Oxie  (1780),  de  Helsingborg 
(1785),  prévôt  du  cant.  de  Luggude  (4805).  II  laissa  une 
importante  collection  de  manuscrits  qui  appartient  à  l'uni- 
versité de  Lund.  Son  Histoire  de  Helsingborg  a  été  éditée 
par  P.  Wieselgren  (Upsala,  1851).  B-s. 

FOLLIN  (François-Anthime-Eugène),  chirurgien  fran- 
çais, né  à  Harfleur  le  25  nov.  1823,  mort  à  Paris  le  21  mai 
1867.  Après  de  nombreux  succès  dans  le  cours  de  ses 
études,  il  fut  nommé  prosecteur  à  la  faculté  de  Paris  en 
1849,  chirurgien  du  Bureau  central  et  agrégé  en  1853.  Le 
premier  il  a  introduit  en  France  les  nouveaux  moyens 
d'exploration  de  l'œil  ;  aussi  la  faculté  lui  confia-t-elle  le 
premier  cours  complémentaire  de  clinique  ophtalmologique. 
Il  renonça  à  ces  fonctions  au  bout  de  trois  ans,  pour  em- 
brasser la  chirurgie  dans  toutes  ses  parties.  Pendant  quinze 
ans,  il  dirigea  les  Archives  générales  de  médecine  (par- 
tie chirurgicale)  et  il  donna  d'excellents  articles  au  Dic- 
tionnaire encyclopédique  des  sciences  médicales.  En 
1866,  l'Académie  de  médecine  le  reçut  dans  son  sein.  Fol- 
lin  était  chirurgien  habile,  écrivain  distingué,  professeur 
disert.  Ses  publications  sont  extrêmement  nombreuses. 
Bornons-nous  à  citer  :  Traité  élémentaire  de  pathologie 
externe  (Paris,  1862, 1. 1,  II  [lre  partie],  in-8),  ouvrage 
continué  par  Duplay  ;  Leçons  sur  V exploration  de  Vœil 
Paris,  1863,  in-8);  Dr  L.  Hn. 

FOLLIOT  (François),  comte  de  Crenneville  (Y.  ce  nom). 

FOLNEGOV1C  (Franjo),  littérateur  croate  contemporain, 
né  à  Slanovac  en  1848.  Il  fit  ses  études  à  Agram  et  à  Graz  ; 
depuis  1875  il  a  été  à  diverses  reprises  député  à  la  diète 
de  Croatie;  il  a  collaboré  à  un  grand  nombre  de  journaux, 
dirigé  la  revue  Vienac  et  le  journal  la  Liberté,  publié  des 
nouvelles  estimées,  des  études  économiques  et  politiques,  etc. 

FOLO  (Giovanni),  graveur  italien,  né  à  Bassano  en  1764, 
mort  en  1836.  Elève  de  Volpato,  il  se  fit  remarquer  plus 
par  le  nombre  que  par  la  qualité  de  ses  estampes.  Il  s'ef- 
força néanmoins  d'interpréter  de  son  mieux  des  maîtres 
tels  que  Baphaël,  Titien,  Guido  Reni,  Corrège,  Rubens, 
Poussin,  etc.  "    G.  P-ï. 

FOLQUET  de  Lunel,  troubadour,  originaire,  selon  toute 
vraisemblance,  de  la  ville  dont  il  porte  le  nom,  néversl240, 
mort  dans  les  premières  années  du  xive  siècle.  On  sait  qu'il 
fréquenta  la  cour  du  comte  de  Rodez,  Henri  II,  un  des 
derniers  protecteurs  de  la  littérature  provençale.  Il  a  laissé 
quelques  poésies  lyriques  et  un  poème  moral  intitulé  La  Mon- 
dana  Vida  ;  le  tout  se  trouve  dans  l'édition  de  ses  œuvres 
donnée  à  Berlin,  en  1872,  par  M.  Eichelkraut.     Ant.  T. 

FOLQU  ET  de  Marseille,  célèbre  troubadour,  né  à  Mar- 
seille, d'un  marchand  génois  établi  dans  cette  ville  vers 
le  milieu  du  xne  siècle,  mort  évêque  de  Toulouse  le  25  déc. 
1231.  La  carrière  de  Folquet  de  Marseille  se  divise  en 
deux  parties  qui  semblent  n'avoir  aucun  point  commun. 
Maître  à  la  mort  de  son  père  d'une  brillante  fortune,  le  fils 
du  marchand  marseillais  fréquenta  le  monde  et  se  concilia 


la  faveur  du  vicomte  de  Marseille  Barrai  par  son  talent 
poétique,  puis  celle  d'autres  grands  seigneurs  du  Midi,  tels 
que  Raymond  V,  comte  de  Toulouse,  et  Guillaume  VIII, 
seigneur  de  Montpellier,  à  la  cour  desquels  il  dut  faire  de 
fréquents  séjours.  Il  fut  longtemps  amoureux  d'Adélaïde, 
femme  de  Barrai,  et  composa  beaucoup  de  chansons  en  son 
honneur  ;  il  célébra  également  Eudoxie,  femme  de  Guil- 
laume VIII  de  Montpellier  et  fille  de  l'empereur  Manuel 
Comnène,  et  d'autres  dames  du  Midi,  notamment  de  Nîmes. 
Ses  poésies  amoureuses  tranchent  sur  la  banalité  du  genre 
par  un  accent  de  sincérité  très  personnel.  La  mort  de 
Barrai  (1192)  affecta  vivement  Folquet:  le  troubadour  lui 
consacra  un  planh  qui  est  l'un  des  plus  beaux  que  nous 
ait  laissés  la  poésie  provençale.  Le  comte  de  Toulouse 
suivit  dans  la  tombe  le  vicomte  de  Marseille  (1194)  ; 
d'autres  deuils  atteignirent  sans  doute  encore  Folquet  de 
Marseille,  si  bien  qu'il  tourna  vers  le  ciel  l'ardeur  dont  il 
avait  brûlé  jusque-là  pour  les  beautés  terrestres  et  entra 
dans  l'ordre  de  Cîteaux.  Abbé  du  Toronet,  au  diocèse  de 
Fréjus,  dès  1198,  il  devint  évêque  de  Toulouse  en  1205 
et  poursuivit  les  nombreux  hérétiques  de  son  diocèse 
avec  une  passion  fanatique  qui  le  fit  s'associer  sans  pitié  à 
la  croisade  contre  les  Albigeois,  dont  le  succès  final  fut  dû 
en  grande  partie  à  son  énergie  farouche.  Les  gens  de 
l'époque  ne  se  firent  pas  faute  de  jeter  à  la  tête  de  Y  évêque 
les  souvenirs  peu  édifiants  de  sa  vie  de  troubadour  :  ces 
souvenirs  mêmes  contribuèrent  certainement  à  augmenter 
son  intolérance  et  son  ascétisme.  L'auteur  de  la  Chanson 
des  Albitjeois  le  traite  d'antéchrist,  mais  l'Eglise  catho- 
lique le  met  au  rang  des  vénérables,  et  Dante  lui  a  fait  une 
place  dans  son  Paradis.  Comme  troubadour,  Folquet  de 
Marseille  peut  aller  de  pair  avec  les  plus  grands,  Bernard 
de  Ventadour  et  Giraud  de  Borneil  ;  il  leur  est  peut-être 
même  supérieur  par  le  style  et  par  l'art  du  développement 
littéraire.  Ses  poésies,  au  nombre  d'une  trentaine,  n'ont 
malheureusement  pas  encore  été  l'objet  d'une  édition  cri- 
tique. A.  Thomas. 

Bibl.  :  Hugo  Pratsch,  Biographie  des  Troubadours, 
Folquet  de  Marseille;  Gœttingue,  1878. 

FOLQUET  de  Romans,  jongleur  et  troubadour,  né  à 
Romans  (Drôme)  dans  la  seconde  moitié  du  xne  siècle.  Il 
paraît  avoir  fréquenté  surtout  la  cour  des  marquis  de  Mont- 
ferrat  ;  il  s'y  rencontra  avec  un  trouvère  français,  qui  était 
en  même  temps  un  grand  seigneur,  Hugues  de  Berzé  ou 
Berzy  (V.ce  nom).  Mais,  quand  le  trouvère  invita  le  trou- 
badour à  suivre  Boniface  de  Montferrat  à  la  quatrième 
croisade  (1201),  celui-ci  se  déroba.  On  a  de  lui  une  quin- 
zaine de  poésies  lyriques  (notamment  une  belle  prière  à  la 
Vierge,  en  forme  à'alba,  parfois  attribuée  à  Folquet  de 
Marseille),  dont  on  n'a  pas  encore  d'édition  critique. 

FOLTZ  (Philipp),  peintre  allemand,  né  à  Bingen  le 
14  mai  4805,  mort  à  Munich  le  5  août  4877.  D'abord 
élève  de  son  père,  Ludwig  Foltz,  il  alla  en  4826,  à  Munich, 
étudier  sous  la  direction  *de  Cornélius,  et  fut  employé  à  la 
peinture  des  fresques  de  la  Glyptothèque.  Plus  tard,  il  exé- 
cuta dans  la  Nouvelle  Résidence  de  nombreuses  peintures 
dont  les  sujets  sont  tirés  de  poésies  de  Schiller  et  Btirger. 
En  4832,  il  dessina  son  célèbre  carton  représentant  le 
Prince  Othon  partant  pour  prendre  possession  du  trône 
de  Grèce.  Il  séjourna  ensuite  à  Rome,  devint  en  4839  pro- 
fesseur à  l'Académie  de  Munich,  et  en  4865  directeur  des 
Galeries  royales.  C'est  le  romantisme  qui  domine  dans  ses 
œuvres,  du  faire  le  plus  plat.  Il  fit  revivre  dans  ses  tableaux 
des  scènes  de  la  guerre  d'indépendance  de  la  Grèce,  des 
combats  dans  le  Tirol,  des  légendes  des  bords  du  Rhin,  etc. 
Il  exécuta  pour  leMaximilianeum  plusieurs  grandes  peintures 
à  l'huile  :  Frédéric  Ier  Barberousse,  Henri  le  Lion,  le 
Siècle  de  Périclès.  Il  fournit  aussi  des  illustrations  pour 
les  éditions  des  classiques  allemands  de  la  librairie  Cotter 
à  Stuttgart. 

FOLTZ  (Ludwig),  architecte  et  sculpteur  allemand,  né  à 
Bingen, en  4809,  mort  à  Munich  en  4867,  frère  du  précédent. 
Il  fut  mis  très  jeune  dans  l'atelier  de  l'architecte  Arnold  à 


Strasbourg,  où  il  travailla  à  la  restauration  de  la  cathé- 
drale ;  puis  il  eut  comme  maîtres  successivement  Lassaulx 
à  Coblentz,  le  sculpteur  Scholl  à  Mayence,  enfin  Schwan- 
thal  à  Munich.  Tout  en  étudiant  la  sculpture,  il  poursuivit 
ses  travaux  d'architecture  ;  la  restauration  du  château 
historique  du  ministre  Armansperg,  et  l'achèvement  de  la 
villa  que  le  roi  Max  se  faisait  construire  à  Ratisbonne 
dans  le  style  gothique,  le  mirent  hors  de  pair.  Nommé 
professeur  d'ornement  à  l'Ecole  polytechnique  de  Munich, 
il  restaura  le  Residenztheater,  termina  le  château  de  Taxis 
en  Wurttemberg,  bâtit  le  château  de  Braunenburg,  la  cha- 
pelle funéraire  de  la  princesse  Léopoldine  à  Steppen.  Par 
ses  œuvres  et  ses  enseignements  il  contribua  beaucoup  à 
remettre  le  gothique  en  honneur.  —  Comme  sculpteur,  il 
s'est  consacré  presque  uniquement  à  la  décoration  de  l'église 
de  la  Vierge  à  Munich,  où  il  a  exécuté  ou  dessiné  les 
Douze  Apôtres,  trente  autres  statues  de  pierre,  quarante 
figurines  en  bois,  cinq  autels,  etc.,  dans  le  style  du 
xive  siècle.  Il  a  également  donné  à  l'industrie  un  grand 
nombre  de  modèles. 

FOLZ  (Hans),  poète  allemand  de  la  seconde  moitié  du 
xve  siècle.  Il  mourut  vers  1515  ;  on  croit  qu'il  était  natif 
de  Worms.  Il  était  barbier  et  chirurgien  à  Nuremberg,  et 
il  appartenait  à  la  corporation  des  maîtres-chanteurs  de 
cette  ville.  Ses  œuvres  se  composent  de  meistergesœnge, 
de  sentences,  de  contes  et  de  jeux  de  carnaval.  C'est  par 
ses  jeux  surtout  qu'il  s'est  fait  une  réputation  ;  ce  sont  des 
scènes  d'un  comique  trivial  et  qui  n'ont  pu  plaire  qu'à  une 
époque  barbare.  Une  partie  des  œuvres  de  Folz  ont  élé 
réimprimées  dans  les  Fastnachtspiele  de  A.  von  Keller 
(Stuttgart,  1851-1859, 3  vol.  et  un  supplément)  et  dans  les 
Erzœhlungen  aus  altdeutschen  Handschriften  du  même 
auteur  (Stuttgart,  1855).  A.  B. 

FOMENTATION.  Application  sur  une  partie  du  corps, 
dans  un  but  thérapeutique,  de  substances  diverses,  solides 
ou  liquides,  dont  la  température  a  été  élevée  artificielle- 
ment. Par  extension  (en  contre-sens  avec  le  mot  fomenta- 
tion), on  appelle  parfois  ainsi  des  applications  froides.  Pour 
faire  des  fomentations,  on  se  sert  de  linges,  de  compresses, 
de  flanelles,  d'épongés  imbibées  du  liquide  médicamenteux 
(fomentations  humides),  ou  de  pièces  de  linge  ou  de  fla- 
nelle chauffées,  ou  encore  de  petits  sacs  de  toile  renfermant 
des  matières  pulvérulentes  telles  que  sable,  son,  poudres 
de  plantes,  etc.  (fomentations  sèches).  Les  fomentations 
demi-liquides  constituent  les  cataplasmes  (V.  ce  mot). 
On  donne  encore  le  nom  de  fomentation  au  liquide  même 
qu'on  emploie  et  à  cet  égard  on  distingue  les  fomentations 
simples  faites  avec  des  liquides  simples  et  les  fomentations 
composées  faites  avec  des  liquides  renfermant  une  sub- 
stance médicamenteuse  en  solution.  Enfin  on  désigne  les 
fomentations  humides  soit  d'après  la  nature  du  liquide  : 
aqueuses,  vireuses,  vinaigrées,  huileuses,  etc.,  soit  d'après 
la  nature  de  la  substance  dissoute  :  émollientes,  narco- 
tiques, aromatiques,  toniques,  astringentes,  résolutives, 
antiseptiques,  diurétiques.  Le  degré  de  température  a 
son  importance;  s'il  est  élevé,  la  fomentation  est  exci- 
tante. Les  fomentations  s'emploient  dans  les  maladies 
cutanées,  l'érysipèle,  les  fluxions,  engorgements,  tumeurs, 
ophtalmies,  etc.  Dr  L.  Hn. 

FOMEREY.  Corn,  du  dép,  des  Vosges,  arr.  et  cant. 
d'Epinal;  165  hab. 

FOMINE  (Alexandre-Ivanovitch),  historien  russe,  né 
dans  le  gouvernement  d'Arkhangelsk  en  1713,  mort  en 
1802.  En  1789  il  fonda  à  Arkhangelsk  une  société  qui  avait 
pour  objet  de  recueillir  des  documents  scientifiques  et  de  les 
transmettre  à  l'Académie  des  sciences.  Il  devint  correspon- 
dant de  cette  Académie  et  directeur  du  gymnase  d'Arkhan- 
gelsk. On  lui  doit  un  grand  nombre  de  travaux  historiques, 
publiés  les  uns  dans  les  Travaux  de  la  Société  savante 
adjointe  à  l'université  de  Moscou  (1774-1783),  les 
autres  dans  Y  Ancienne  Bibliothèque  russe.  Il  a  écrit  en 
outre  une  Description  de  la  mer  Blanche  (Saint-Péters- 
bourg, 1797).  L.  L. 


—  TOI  —  FOLTZ  —  FONÇAGE 

FOMPERRON.  Corn,  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de 
Parthenay,  cant.  de  Ménigoute;  845  hab. 

FONBEAUZARD.  Coin,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  et  cant.  (N.)  de  Toulouse;  129  hab. 

FONB  LAN  QUE  (John  de  Grenier),  jurisconsulte  anglais, 
né  en  1760,  mort  à  Londres  le  4  janv.  1837.  Fils  d'un 
Français  naturalisé  Anglais  et  grand  banquier  de  Londres, 
il  fit  ses  études  à  Oxford  et  se  fit  inscrire  au  barreau  de 
Londres  en  1783.  Il  acquit  bientôt  une  réputation  consi- 
dérable en  plaidant  surtout  de  grosses  affaires  commer- 
ciales. Del802  à  1806,  il  représenta  Camelfordàla  Chambre 
des  communes.  Conseil  du  roi  (1804),  Fonblanque  était 
un  ami  personnel  du  prince  de  Galles.  Il  a  publié  avec  de 
considérables  additions  le  Treatise  on  equity,  de  Henry 
Ballow  (Londres,  1820, 5e  éd.)  et  écrit  A  Serions  Exhor- 
tation to  the  Electors  of  Great  Britain  (1791)  et  Doubts 
as  to  the  expediency  of  adopting  the  recommendation 
of  the  Bullion  Commutée  (1810). 

FONBLANQUE(John-Samuel-Martin  de  Grenier), juris- 
consulte anglais,  né  à  Londres  en  mars  1787,  mort  à  Brig- 
ton  le  3  nov.  1865,  fils  du  précédent.  Il  fit  ses  études  à 
Cambridge  où  il  fut  un  des  fondateurs  de  V  Union  Debating 
Society,  s'engagea  dans  la  ligne,  servit  à  Cadix,  à  Gibral- 
tar, en  Italie,  puis  en  Amérique  où  il  assista  à  la  prise  de 
Washington,  à  la  bataille  de  Baltimore  et  à  la  défaite  de 
la  Nouvelle-Orléans,  où  il  fut  fait  prisonnier.  Après  Water- 
loo il  fit  partie  de  l'armée  d'occupation.  Revenu  en  Angle- 
terre en  1816,  il  s'inscrivit  au  barreau  de  Londres  et 
devint  commissaire  de  la  cour  des  faillites.  Il  a  laissé  : 
Médical  Jurisprudence  (Londres,  1823,  3  vol.)  en  colla- 
boration avec  J. -A.  Paris;  Observations  on  the  bill  for 
the  consolidation  and  amendment  of  the  laws  relat- 
ing  toBankrupts  (1824).  Il  a  été  l'un  des  fondateurs  de 
The  Jurist  (1 827),  revue  de  jurisprudence  et  de  législation. 

FONBLANQUE  (Albany-William),  publiciste  anglais, 
né  en  1797,  mort  à  Londres  le  13  oct.  1872.  Colla- 
borateur du  Morning  Chronicle,  puis  de  Y  Examiner, 
il  y  défendit,  pendant  près  de  trente  ans,  les  doctrines 
du  parti  libéral,  et  devint  directeur  de  ce  journal.  Il  le 
quitta  après  sa  nomination  au  poste  de  chef  de  la  statis- 
tique au  ministère  du  commerce.  Fonblanque,  qui  avait 
une  haute  réputation  de  l'autre  côté  du  détroit,  a  laissé 
un  ouvrage  :  England  under  seven  administrations 
(Londres,  1837). 

FO  N  Ç  A  G  E.  L  Mines.— Foncer  un  puits  peut  être  le  travail 
le  plus  simple  et  le  plus  difficile  ;  quelquefois  les  difficultés 
s'élèvent  jusqu'à  l'impossibilité.  Il  faut,  en  effet,  non  seu- 
lement excaver  le  sol,  mais  soutenir  les  parois  sur  des 
hauteurs  considérables  ;  il  faut  traverser  tous  les  terrains 
qui  peuvent  se  présenter;  il  faut,  enfin,  dominer,  masquer, 
autant  que  possible,  les  eaux  des  terrains  aquifères.  Les 
puits  de  mines  sont  appelés  fosses  lorsqu'ils  débouchent 
au  jour,  et  bures  ou  beurtas  lorsqu'ils  sont  renfermés 
à  l'intérieur.  On  désigne  sous  le  nom  d'avaleresse  un  puits 
en  fonçage,  particulièrement  lorsque  l'opération  est  très 
gênée  par  les  eaux  (V.  Avaleresse,  t.  IV,  p.  839).  La 
hauteur  des  puits  peut  varier  depuis  les  chiffres  les  plus 
minimes  jusqu'à  l'énorme  profondeur  de  1,100  m.  ;  la 
section  affecte  diverses  formes  (V.  Puits).  Si  le  terrain  est 
suffisamment  solide,  le  fonçage  des  puits  ne  présente 
aucune  difficulté,  on  n'a  qu'à  exécuter  successivement  les 
opérations  de  l'abatage  et  du  boisage.  Après  avoir  effectué 
le  fonçage,  sur  la  hauteur  jugée  convenable,  on  pose  un 
cadre  porteur  au  pied  de  cette  travée,  et,  sur  cette  base,  on 
élève  des  cadres  successifs,  en  les  mettant,  autant  que 
possible,  en  serrage  contre  la  roche  pour  soulager  le  cadre 
porteur  :  c'est  le  mode  montant.  Si,  au  contraire,  le 
terrain  ne  peut  être  laissé  à  nu  que  sur  de  très  faibles 
hauteurs,  on  emploie  le  mode  descendant;  on  commence 
alors  à  poser  pour  la  première  travée  un  cadre  de  super- 
ficie qui  déborde  largement  sur  les  dimensions  de  la 
section,  de  manière  à  porter  sur  la  roche,  et  pour  les 
suivants  un  cadre  porteur  enclavé  dans  des  potelles.  On 


FONÇAGE 


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se  rattache  alors  à  ce  point  d'appui  en  suspendant  les  uns 
aux  autres,  au  moyen  d'écrans,  les  cadres  successifs,  chaque 
fois  que  l'on  s'est  approfondi  suffisamment  pour  la  pose 
d'un  nouveau  cadre.  On  procède  dans  cette  méthode,  comme 
dans  les  exemples  suivants,  par  niveau  bas,  c.-à-d.  en 
épuisant  les  eaux  au  fur  et  à  mesure  de  leur  venue.  Si  le 
terrain  est  inconsistant,  sans  être  encore  aquifère,  on 
franchit  cette  passée  au  moyen  du  poussage,  comme  pour 
les  galeries  de  mines  (V.  Bouclier  [Mines],  t.  VII,  p.  578), 
en  remarquant  qu'ici  le  front  de  taille  se  trouvant  hori- 
zontal et  placé  sous  les  pieds  de  l'ouvrier,  il  est  inutile 
d'introduire  la  complication  du  bouclier.  Il  reste  à  consi- 
dérer le  cas  d'un  terrain  sérieusement  aquifère.  Nous  ren- 
verrons, pour  les  détails  de  l'opération  du  fonçage,  à  un 
autre  article  (V.  Avaleresse,  t.  IV,  p.  839). 

Avec  les  méthodes  précédentes,  on  risque  d'avoir  à  do- 
miner de  telles  venues  d'eau  que  tous  les  efforts  y  échouent 
et  que  l'on  est  obligé  d'abandonner  le  fonçage.  Avec  le 
système  à  niveau  plein,  on  supprime  l'épuisement  et  on 
évite  l'affouillement  du  massif  environnant  par  les  terrains 
souterrains  qui  alimentent  la  venue  d'eau  dans  le  puits, 
en  y  entraînant  toutes  les  parties  meubles.  On  rattache  à 
ce  principe  quatre  méthodes  distinctes  :  le  système  de  la 
trousse  coupante,  les  procédés  Triger,  Chaudron  et  Pœtsch. 
On  emploie  le  procédé  de  la  trousse  coupante  pour  tra- 
verser des  terrains  que  leur  manque  de  consistance  rend 
impraticables.  Le  cuvelage  se  construit  alors  hors  de  terre 
par  anneaux  successifs,  au  fur  et  à  mesure  que  l'on  déter- 
mine son  enfoncement  dans  le  sein  de  la  terre.  Pour  aider 
cette  descente,  on  munit  la  couronne  inférieure  d'un  sabot 
tranchant  qui  coupe  le  terrain  en  le  refoulant  dans  le  sens 
de  son  biseau,  vers  l'intérieur,  d'où  on  l'extrait  directe- 
ment avec  des  dragues.  L'enfoncement  est  provoqué  par  le 
poids  de  la  trousse,  du  cuvelage  et,  s'il  le  faut,  de  poids 
supplémentaires.  On  contrôle  incessamment  la  verticalité 
à  l'aide  d'un  fil  à  plomb  ;  lorsque  la  trousse  tend  à  se  dé- 
verser d'un  certain  côté,  on  contient  sur  des  tiges  reliées 
à  la  surface  la  partie  qui  prend  cette  accélération  et  l'on 
agit  du  côté  opposé,  en  affouillant  par  dessous  et  pressant 
sur  le  sommet,  de  manière  à  redresser  le  cuvelage.  Quand 
l'opération  est  terminée  et  le  cuvelage  assis  sur  sa  base, 
on  le  trouve  ordinairement  trop  fatigué  pour  offrir  des 
chances  suffisantes  de  durée  ;  on  ne  le  considère  alors  que 
comme  une  défense  provisoire  et  l'on  élève  avec  soin,  à 
son  intérieur,  une  tour  définitive  en  maçonnerie. 

Dans  la  méthode  Triger,  on  conserve  l'appareil  de  la 
trousse  coupante  et  on  lui  adjoint  l'emploi  de  l'air  com- 
primé ;  on  arrive  ainsi  à  tenir  les  eaux  basses,  en  leur 
opposant  une  tension  égale  à  la  pression  hydrostatique  qui 
est  due  à  leur  niveau  extérieur.  Les  hommes  travaillent 
alors  au  pied  de  la  trousse,  sans  pourtant  qu'on  ait  besoin, 
en  principe,  d'extraire  aucune  quantité  d'eau.  Un  cuvelage 
métallique,  muni  d'un  sabot  tranchant,  s'accroît  à  la  partie 
supérieure  par  l'adjonction  de  viroles  successives.  Des  cloi- 
sons placées  dans  ce  cuvelage  y  ménagent  deux  comparti- 
ments fermés  ;  le  premier,  appelé  la  chambre  du  travail,  se 
trouve  au  fond  du  puits  et  constamment  soumis  à  la  ten- 
sion du  compresseur,  dont  il  reçoit  l'air  par  un  tube 
débouchant  au  plafond.  Le  second  compartiment  porte  le 
nom  de  sas  à  air;  on  le  met  en  équilibre  de  pression,  tan- 
tôt avec  la  chambre  de  travail,  tantôt  avec  l'air  extérieur. 
L'air  comprimé  lui  est  fourni  au  moyen  d'une  tubulure 
insérée  sur  le  tuyau  précédent.  Deux  trappes,  qui  ne  seront 
jamais  ouvertes  à  la  fois,  servent  à  ménager  ces  commu- 
nications alternatives.  Le  fonçage  à  l'air  comprimé  ne 
pourra  être  employé  que  lorsque  la  hauteur  d'eau  à  main- 
tenir ne  dépassera  pas  30  m.,  les  ouvriers  ne  pouvant 
travailler  sans  danger  dans  une  atmosphère  comprimée  à 
plus  de  trois  atmosphères  effectives.  Il  devra  être  préféré 
toutes  les  fois  que,  sur  une  hauteur  de  quelques  mètres, 
on  aura  à  traverser  des  terrains  très  inconsistants. 

Le  procédé  Chaudron  peut  s'appliquer  au  plus  grand 
nombre  des  cas,  mais  il  n'est  économique  et  par  conséquent 


indiqué  que  lorsque  les  morts-terrains  aquifères  atteignent 
des  profondeurs  supérieures  à  30  m.  On  y  doit  distinguer 
deux  parties  essentielles,  le  sondage  à  niveau  plein  (V.  Son- 
dage) et  l'établissement  du  cuvelage.  Le  cuvelage  s'accroît 
à  son  sommet  par  l'adjonction  de  viroles  successives  ;  il 
est  soutenu  par  six  tringles  de  suspensions  filetées  en  vis 
à  leur  partie  supérieure  et  passant  dans  des  écrous  sup- 
portés par  une  charpente.  En  tournant  ces  derniers,  on 
fait  descendre  les  tringles  d'une  longueur  égale  à  la  hau- 
teur d'une  virole  ;  seulement,  il  est  évident  que,  sans  l'em- 
ploi de  moyens  détournés,  il  n'y  aurait  pas  de  charpente 
capable  de  supporter  des  cuvelages  métalliques  ;  c'est  ici 
que  s'introduit  une  des  deux  créations  essentielles  de 
M.  Chaudron  :  le  tube  d'équilibre.  Supposons  que  le  cuve- 
lage soit  complètement  fermé  par  une  cuvette  à  la  partie 
inférieure,  ce  sera  un  navire  qui  finira  par  flotter  libre- 
ment sur  l'eau,  quand  il  s'y  sera  enfoncé  de  la  quantité 
que  l'on  appelle  le  déplacement  et  qui  se  mesure  par  un 
nombre  de  mètres  cubes  égal  au  nombre  de  tonnes  de  son 
poids  ^  Arrivé  à  ce  point,  le  cuvelage  refusera  d'enfoncer, 
mais  il  n'exercera  plus  de  pression  sur  les  tringles.  Pour 
le  faire  filer  plus  bas,  il  faudra  le  charger  de  lest.  A  cet 
effet,  la  cuvette  inférieure,  réduite  à  une  simple  couronne 
annulaire  évidée  en  son  centre,  porte  un  tube  s'allongeant 
par  le  haut  comme  le  cuvelage  lui-même.  L'eau  y  prend 
son  niveau  naturel,  et  il  suffit,  pour  l'introduire  en  quantité 
voulue  dans  l'espace  annulaire,  en  vue  d'accroître  le  lest, 
d'ouvrir  des  robinets  ménagés  à  travers  des  viroles  succes- 
sives de  ce  tube.  Lorsque  les  écrous  ont  été  tournés  de 
manière  à  déterminer  un  enfoncement  du  cuvelage  égal  à 
la  hauteur  d'une  virole,  il  devient  nécessaire  d'ajouter  une 
couronne  de  plus  au  sommet.  On  soutient  le  cuvelage  sur 
une  clef  de  retenue  ;  on  démonte  les  tringles  ;  on  amène 
la  virole  que  l'on  assemble  à  la  dernière,  et  l'on  y  rattache 
les  tiges  qui  ont  été  remontées  dans  leurs  écrous.  Il  ne 
reste  alors  plus  qu'à  enlever  légèrement  tout  l'ensemble, 
pour  dégager  la  clef  que  l'on  retire  ;  après  quoi,  Ton  re- 
prend la  descente.  Le  système  arrive  ainsi  au  fond,  mais 
rien  n'assure  encore  l'étanchéité  du  joint  avec  la  roche. 
C'est  ici  que  se  place  la  seconde  conception  de  M.  Chau- 
dron :  la  boîte  à  mousse.  On  a  commencé,  avant  la  des- 
cente, par  disposer  à  la  base  du  cuvelage  une  virole  spé- 
ciale appelée  numéro  zéro  et  faisant  partie  du  système  qui 
porte  le  tube  d'équilibre.  A  un  niveau  inférieur  à  celui  de 
la  cuvette  se  trouve  une  cornière  annulaire  à  travers 
laquelle  sont  passés  des  boulons  suspendus  par  leurs  têtes, 
mais  susceptibles  de  remonter  quand  ils  y  seront  sollicités 
par  dessous.  Pour  le  moment,  ils  contiennent  la  boîte  à 
mousse,  c.-à-d.  un  cylindre  d'un  diamètre  un  peu  moindre 
que  celui  du  cuvelage  et  capable  d'y  glisser  en  remontant, 
s'il  s'y  trouve  provoqué.  Entre  son  collet  inférieur  et  celui 
du  numéro  zéro,  on  a  accumulé  une  quantité  suffisante  de 
mousse  comprimée  et  retenue  sur  le  pourtour  par  un  filet 
pour  empêcher  qu'elle  ne  se  disperse  pendant  la  descente. 
Quand  le  cuvelage  arrive  au  fond,  c'est  la  boîte  à  mousse 
qui  porte  la  première  ;  la  colonne  continue  son  mouvement 
en  comprimant  la  mousse.  Ce  n'est  que  lorsque  cette  der- 
nière aura  acquis  un  degré  de  tension  élastique,  capable 
d'équilibrer  ce  poids  gigantesque,  que  celui-ci  s'arrêtera  ; 
on  comprend,  d'après  cela,  que  la  mousse  pénètre  dans 
les  moindres  interstices.  Il  est  nécessaire  d'unir  le  cuve- 
lage à  la  roche,  dont  il  est  séparé  par  un  jeu  nécessaire 
pour  éviter  les  frottements  à  la  descente  ;  on  y  parvient  à 
l'aide  de  béton  descendu  dans  des  cylindres  appelés  cuillers. 
Au  fond  se  trouve  un  piston  par-dessus  lequel  on  tasse  le 
béton,  et,  la  cuiller  descendue  au  fond  dans  la  position 
renversée,  on  tire  plusieurs  fois,  de  manière  à  chasser  le 
contenu  au  dehors,  tant  par  sa  propre  secousse  que  par 
celle  du  piston. 

Le  procédé  Pœtsch  repose,  pour  le  fonçage  des  puits, 
sur  la  congélation.  On  congèle  la  masse  du  terrain  sur  une 
épaisseur  suffisante  pour  maintenir  la  pression  hydrosta- 
tique environnante  pendant  le  temps  nécessaire  pour  effec- 


703  - 


FONÇAGE  —  FONCINE 


tuer  le  fonçage  et  exécuter  le  muraillement.  M.  Pœtsch, 
dans  ce  but,  enfonce,  en  ceinture  autour  du  puits,  une 
série  de  vingt-trois  tubes  creux  en  fer  de  0m20  de  dia- 
mètre, munis  à  leur  partie  inférieure  d'un  sabot  tranchant. 
Une  fois  arrivés  au  ferme,  on  les  obstrue  à  la  base  avec 
une  fermeture  de  plomb,  de  ciment  et  de  goudron  ;  puis 
on  descend  dans  leur  intérieur  d'autres  tubes  plus  petits 
percés  de  part  en  part,  coifiés  de  chapeaux  à  tubulures  et 
permettant  d'y  distribuer  un  liquide  réfrigérant  qui  arrive 
du  jour  par  un  tuyau  conique.  Le  courant  pénètre  dans 
chaque  tube  central  sous  la  pression  d'une  pompe  foulante 
et  remonte  tout  autour  jusqu'au  chapeau  ;  tous  ces  cou- 
rants de  retour  sont  eux-mêmes  réunis  et  renvoyés  à  la 
surface  dans  un  autre  tuyau  conique.  Le  liquide  froid  sou- 
tire le  calorique  du  terrain,  en  s'en  chargeant  par  lui- 
même,  et  retourne  s'en  dépouiller  sous  l'action  d'une  ma- 
chine frigorifique  à  ammoniaque.  Le  fluide  est  une  solution 
de  chlorure  de  calcium  à  40°  Baume  et  la  machine  frigo- 
rifique l'envoie  dans  la  profondeur  à  une  température  de 
—  25°  ;  il  en  ressort  à  — 19°  pour  être  de  nouveau 
refroidi  et  refoulé  d'une  manière  continue.  On  a  ainsi 
obtenu,  au  bout  de  trente  jours  de  congélation,  une  masse 
qui  excédait  de  1  m.  environ  les  dimensions  de  la  section 
du  puits  et  l'on  jugea  son  épaisseur  suffisante  pour  la  tra- 
verser par  le  fonçage.  Plusieurs  puits  ont  été  foncés  par 
cette  méthode  qui,  en  réalité,  doit  plutôt  se  ranger  dans 
les  méthodes  de  sondage  à  niveau  bas.  L'inventeur  retire 
de  ce  procédé  une  grande  certitude  dans  les  résultats,  en 
ramenant  les  conditions  les  plus  compliquées  des  terrains 
aquifères  au  cas  simple  d'une  masse  solide  de  dureté 
moyenne  et  en  évitant  les  soutènements  immédiats,  ainsi 
que  les  dépenses  qu'entraîne  l'épuisement  des  eaux.  L.  IL 
IL  Travaux  publics  (V.  Fondation). 
FONCEGRIVE.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  de  Selongey;  121  hab. 

FONCEMAG NE  (Etienne  Lauréault  de),  érudit  et  litté- 
rateur français,  né  à  Orléans  le  23  mai  1694,  mort  à 
Paris  le  26  sept.  1779.  Il  entra  d'abord  dans  la  con- 
grégation de  l'Oratoire  et  professa  les  humanités  à  Sois- 
sons,  mais  le  mauvais  état  de  sa  santé  le  força  à  aban- 
donner l'enseignement  et  à  retourner  dans  la  maison 
paternelle.  Il  renonça  alors  à  la  carrière  ecclésiastique.  Le 
duc  d'Antin  le  prit  sous  sa  protection,  l'appela  à  Paris  et 
créa  pour  lui,  en  1723,  à  l'imprimerie  royale,  une  place 
d'inspecteur.  Foncemagne  occupa  ce  poste  jusqu'en  1737.  En 
1733,  il  avait  succédé  à  Félibien  comme  gardien  de  la  salle 
des  Antiques  du  Louvre.  Il  dut  se  démettre  de  cette  charge 
lorsqu'il  eut  été  choisi,  en  1752,  par  le  duc  d'Orléans  pour 
être  le  sous-gouverneur  de  son  fils,  le  duc  de  Chartres.  Il 
n'accepta  d'ailleurs  ces  fonctions  qu'après  une  longue  ré- 
sistance et  les  résigna,  en  1758,  après  la  mort  de  sa 
femme,  Violette  de  Beaumarchais.  En  1722,  il  était  entré 
à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  et,  en  1737, 
à  l'Académie  française.  Foncemagne  passa  les  dernières 
années  de  sa  vie  «  dans  un  état  de  souffrance  presque  con- 
tinuel ».  Son  éloge  fut  prononcé  par  Dupuy,  à  l'Académie 
,des  inscriptions,  dans  la  séance  de  Pâques  1780  (Hist.  de 
l'Acad.  des  iriser.,  1793,  t.  XLV,  pp.  73-84).  Foncemagne 
a  composé  de  nombreuses  dissertations  sur  différents  points 
de  l'histoire  de  France.  Elles  sont  toutes  imprimées  dans 
V Histoire  et  mémoires  de  V Académie.  Nous  citerons  : 
la  Déesse  Laverne  (V,  10);  Mémoires  pour  établir 
que  le  royaume  de  France  a  été  successif,  hérédi- 
taire dans  la  première  race  (VI,  680;  VIII,  464); 
Grégoire  de  Tours  ne  peut  être  V auteur  de  la  Vie  de 
saint  Yrier  (VII,  278)  ;  Sur  le  Partage  du  royaume  de 
France  dans  la  première  race  (VIII,  476);  Si  les  filles 
ont  été  exclues  de  la  succession  au  royaume,  en  vertu  de 
la  loi  salique  (VIII,  490)  ;  Sur  l'Etendue  du  royaume 
sous  la  première  race  (VIII,  504)  ;  Examen  d'une  opi- 
nion de  M.  le  comte  de  Boulainvilliers  sur  V ancien  gou- 
vernement de  France  (X,  525)  ;  Vues  sur  les  tournois 
et  la  Table  ronde  (XVIII,  311)  ;  Remarques  sur  deux  ins- 


criptions concernant  le  chancelier  de  V Hôpital  (XVIII, 
372)  ;  Observations  sur  la  tradition  touchant  le  voyage 
de  Charlemagne  à  Jérusalem  (XXI,  149)  ;  Eclaircisse- 
ments sur  quelques  circonstances  du  voyage  de 
Charles  VIII  en  Italie  et  particulièrement  sur  la  ces- 
sion que  lui  fit  André  Paléologue  du  droit  qu'il  avait 
à  l'empire  de  Constantinople  (XVII,  539)  ;  Examen  des 
différentes  opinions  proposées  sur  l'origine  de  lamaison 
de  France  (XX,  548)  ;  Mémoire  sur  l'origine  des  armoi- 
ries (XX,  579).  Foncemagne  a  composé,  en  outre,  une 
Dissertation  sur  la  fable  du  royaume  d' Yvetot,  qui  a  été 
imprimée  par  dom  Toussaints  du  Plessis,  dans  sa  Descrip- 
tion de  la  Haute-Normandie  (Paris,  1740,  t.  I,  p.  173, 
in-4).  Il  a  enfin  défendu  avec  raison  contre  Voltaire  l'authen- 
ticité du  Testament  politique  du  cardinal  de  Richelieu. 
Les  lettres  qu'il  publia  à  ce  sujet  ont  été  plusieurs  fois 
réimprimées.  C.  Couderc. 

FONCHES.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Mont- 
didier,  cant.  de  Roye;  210  hab. 

FONCHETTE.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Montdidier,  cant.  de  Roye;  39  hab. 
FONCIER  (Crédit)  (V.  Crédit  foncier). 
Impôt  foncier  (V.  Contributions  directes,  Impôt). 
FONGIN   (Pierre),  historien,  géographe  et  inspecteur 
général  de  l'Université,  né  le  2  mars  1841  à  Limoges,  où 
son  père  était  censeur  des  études.  Elève  tour  à  tour  dans 
les  divers  collèges  ou  la  carrière  administrative  amena  son 
père,  il  acheva  brillamment  ses  études  à  Amiens,  puis  vint 
comme  élève  de  Sainte-Barbe  refaire  sa  rhétorique  à  Louis- 
le-Grand,  où  il  eut  en  1860  le  prix  d'honneur  au  con- 
cours général.  Entré  à  l'Ecole  normale  cette  même  année, 
il  en  sortit  agrégé  d'histoire  en  1863,  enseigna  sucessi- 
vement  aux  lycées  de  Carcassonne,  de  Troyes,  de  Mont- 
de-Marsan  et  enfin  de  Bordeaux  (1869-1876).  Docteur 
es  lettres  en  1 876  avec  ces  thèses  :  Pagus  Garcassonnensis, 
et  Essai  sur  le  ministère  de  TurgotÇm-S),  il  fut  nommé 
aussitôt  professeur  de  géographie  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Bordeaux.  En  avr.  1879  il  devint  recteur  de  l'académie 
de  Douai.  Paul  Bert  l'appela  le  17  nov.  1881  à  la  direction 
de  l'enseignement  secondaire  ;  mais  il  tomba  avec  ce  mi- 
nistre, et  fut  nommé  le  9  févr.  1882  inspecteur  général 
de  l'instruction  publique.  En  dehors  de  ses  thèses,  M.  Fon- 
cin  a  publié  :  Guide  à  la  cité  de  Carcassonne  (Carcas- 
sonne, 1866,  in-4 6)  ;  les  Alliés  à  Troyes  et  en  Cham- 
pagne (Troyes,  4867,  in-8)  ;  le  Département  des  Landes, 
dans  la  collection  Joanne  (4868);  Textes  et  Récits  d'his- 
toire de  France  (Paris,  1873,  in-16),  souvent  réédités  ; 
un  cours  élémentaire  de  Géographie  en  quatre  années 
(cartes  en  regard  des  leçons)  (Paris,  1874-1889);  Géo- 
graphie historique,  Géographie  générale,  Atlas  (sans 
texte)  (Paris,  1885-90)  ;  Géographie  de  la  France  (ibid., 
1894).  Ces  ouvrages  d'enseignement,  très  répandus,  ne 
représentent  qu'une  partie  de  l'activité  de  M.  Foncin  : 
plein  d'initiative  et  doué  d'un  rare  esprit  d'organisation, 
il  a  attaché  son  nom  à  plusieurs  œuvres  et^fondations 
utiles,  au  service  desquelles  il  a  mis  sa  parole  et  sa  plume, 
depuis  la  Société  des  lettres,  arts  et  sciences  de  Mont-de- 
Marsan  (1867)  jusqu'à  l'Alliance  française  (pour  la  pro- 
pagation de  notre  langue  à  l'étranger)  dont  il  est  secré- 
taire général  depuis  sa  fondation  en  1883,  et  dont  il  dirige 
le  Bulletin.  La  Société  de  géographie  commerciale   de 
Bordeaux,  avec  ses  nombreuses  sections,  lui  doit  la  meil- 
leure part  de  son  développement  si  utile  (1874  à  1879). 
L'Union  géographique  duNord  lui  doit  sa  fondation  (1880), 
et  il  a  contribué  à  celle  de  l'Ecole  coloniale,  dont  il  pré- 
side le  conseil  d'administration.  Enfin  il  a  beaucoup  écrit 
dans  les  revues,  surtout  sur  l'Algérie  et  la  Tunisie,  qui 
ont  fait  de  sa  part  l'objet  d'un  rapport  remarqué  au  Con- 
grès colonial  national  de  1890.  C'est  un  des  collaborateurs 
de  la  Grande  Encyclopédie.  H.  M. 

FONCINE-le-Bas.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Po- 
ligny,  cant.  des  Planches-en-Montagne ;  519  hab. 

FONCINE-le-Haut.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de 


FONCINE  —  FONCTION  —  704  — 

Poligny,  cant.  des  Planches- en-Montagne,  au  fond  de  la 
vallée  de  la  Sène,  près  de  la  source  de  cette  rivière; 
4,142  hab.  La  paroisse  ne  remonte  qu'au  xvir3  siècle, 
mais  le  territoire  qu'elle  comprend  formait  depuis  long- 
temps une  seigneurie  relevant  de  Château- Vilain. 

FONCQUEVILLERS.Com.dudép.duPas-du-Calais,arr. 
d'Arras,  cant.  de  Pas  ;  698  hab. 

FONCTION.  I.  Physiologie  (V.  Physiologie). 

II.  Mathématiques.  —  Autrefois  on  appelait  fonctions 
d'une  quantité  les  diverses  puissances  de  cette  quantité. 
Depuis,  le  sens  du  mot  fonction  a  été  changé,  et  aujourd'hui 
on  dit  que  deux  quantités  sont  fonctions  l'une  de  l'autre 
quand  l'une  prenant  des  valeurs  déterminées  l'autre  prend 
des  valeurs  déterminées.  —  En  d'autres  termes  :  deux 
quantités  variables  sont  fonctions  l'une  de  l'autre  quand 
l'une  restant  constante  l'autre  reste  constante;  par  exemple 
x2,\Jx  sont  fonctions  de  x;  (x-hy)3  est  fonction  de  x  +  y; 
mais  xy  n'est  pas  fonction  de  x  +  y  parce  que  x  -f-  y 
restant  constant  il  n'en  est  pas  de  même  forcément  de  xy. 
—  Une  quantité  A  est  fonction  de  plusieurs  autres  quand 
celles-ci  restant  constantes  A  reste  constante. 

Fonctions  analytiques,  empiriques.  —  Une  fonction 
analytique  est  celle  que  l'on  peut  faire  connaître  au  moyen 
des  signes  employés  en  analyse;  telle  est  la  fonction 
\tx2  -f-  y2  -f-  z2  àex,y,z.  Une  fonction  qui  n'est  pas 
analytique  est  empirique;  par  exemple  la  température  d'un 
lieu  est  fonction  empirique  du  temps. 

Fonctions  implicites,  explicites.  —  Une  fonction  ana- 
lytique est  explicite  quand  on  en  donne  l'expression  immé- 
diate; #4,  x-\-y2...  sont  des  fonctions  explicites;  une 
fonction  est  implicite,  quand  elle  est  l'inconnue  d'une  ou 
de  plusieurs  équations  non  actuellement  résolues  :  y  est 
une  fonction  implicite  de  x  si  l'on  a  x2  -f-  y2  =  4  ;  elle 
devient  explicite  quand  on  la  tire  de  cette  équation  et  que 
l'on  pose  y  •=  %ji  —  x2. 

Fonctions  continues,  discontinues.  —  Si  nous  désignons 
par  la  notation  f(x)  une  fonction  de  x  et  par  f  (a)  la  va- 
leur qu'elle  prend  pour  x  ~  a,  on  peut  dire  que  f  (x)  est 
continue  pour  x  =  a,  si  x  subissant  à  partir  de  a  un  ac- 
croissement infiniment  petit  quelconque,  il  en  résulte  pour 
f(a)  un  accroissement  toujours  infiniment  petit  (V. Continu)  . 

Fonction  croissante,  décroissante  (V.  Croissant). 

Fonctions  simples  . —  Fonctions  de  fonctions.  —  Fonc- 
tions composées.  —  Les  fonctions  simples  sont  celles  dont 
on  fait  usage  pour  former  les  autres  ;  il  est  impossible  d'en 
donner  une  définition  précise,  la  simplicité  étant  une  chose 
tout  à  fait  relative  ;  toutefois  on  considère  comme  simples 
les  fonctions  xm,  a00-,  sin  x,  auxquelles  il  faut  joindre  une 
foule  de  transcendantes  qui  ne  peuvent  pas  s'exprimer  au 
moyen  de  celles-ci,  par  exemple  la  fonction  V  (x)  d'Euler 
et  de  Legendre.  —  Si  u  est  fonction  de  v,  si  v  est  fonction 
de  w, ...  et  si  y  est  fonction  de  x  on  dit  que  u  est  fonc- 
tion de  fonction  de  x.  —  Soient  w,  v,  w  des  fonctions  de  x 
en  nombre  quelconque,  soit  F  (w,  t>,  w)  une  fonction  de  u, 
v,  w,  on  dit  que  F  est  fonction  composée  de  x. 

Fonctions  entières,  rationnelles,  algébriques,  trans- 
cendantes. —  On  appelle  fonctions  {entières  (V.  ce  mot) 
les  polynômes  entiers,  fonctions  rationnelles,  les  quotients 
de  deux  fonctions  entières  ou  réductibles  à  cette  forme. 
Si  y  peut  être  définie  comme  racine  d'une  équation  de  la 
forme  f  {x,  y)  =  0,  où  /"désigne  une  fonction  entière  de 
x  et  y,  on  dit  que  y  est  une  fonction  algébrique.  Toute 
fonction  qui  n'est  pas  algébrique  est  transcendante. 

Fonctions  génératrices  (V.  Génératrices). 

Fonctions  homogènes.  —  On  appelle  fonctions  homo- 
gènes les  fonctions  de  plusieurs  variables  x,y,z...,t  qui 
se  trouvent  multipliées  par  une  puissance  de  k  quand  on 
change  x,  y,...  t  en  kx,  %,...  kt;  l'exposant  de  cette 
puissance  de  k  est  le  degré  de  la  fonction  (V.  Homogène). 

Fonctions  symétriques,  alternées.  —  On  appelle  fonc- 
tion symétrique  de  x,y,z,...  t  une  fonction  qui  ne  change 
pas  de  valeur  en  permutant  ses  variables  \x-\-y-\-z,  xyz 


sont  des  fonctions  symétriques  àex,  y,  z  (V.  Symétriques). 
Une  fonction  alternée  est  une  fonction  qui  change  simple- 
ment de  signe  quand  on  permute  deux  lettres;  le  carré  d'une 
fonction  alternée  est  évidemment  symétrique  (V.  Alterné). 
Fonctions  de  variables  imaginaires,  Monodromes,  Mono- 
gênes, Synectiques,  Holomorphes,  Méromorphes,  Uni- 
formes, Multiformes.  —  On  appelle  en  général  fonction 
de  x  -f  y  V  — - 1  une  expression  de  la  forme  X  +  Y  y/  —  4 
où  X  et  Y  sont  fonctions  de  x  et  y.  Mais  un  grand  nombre 
de  géomètres  ne  considèrent  X-j-Yy/^1  comme  fonction 
de  x  -f-  y  \/  —  1  que  si  X  +  Y  \J  —  1  a  une  dérivée  unique, 

nn   v    t       4  '.  dl-i-dY>J~l 

en  d  autres  termes  que  si  - — — — ~^  ou 


dx- 


-4 


dX 
dx 


dx- 


dX 


■v/" 


\-dysl~- 
(dY  dY  7  \ 

\Txdx+diïdy) 


dx  -f-  dy  y  —  4 
a  une  valeur  indépendante  de  -p.  On  voit  facilement  que, 

pour  qu'il  en  soit  ainsi,  il  faut  et  il  suffit  que 

dX_dY       dX___dY 

dx       dy*      dy  dx'' 

ou  que  ldy-{-YdxetXdx  —  Ydy  soient  des  différentielles 
exactes.  On  dit  quelquefois  avec  Cauchy  que  les  fonctions 
possédant  une  dérivée  unique  sont  monogènes. 

Une  fonction  est  uniforme  quand  elle  n'a  qu'une  valeur 
pour  chaque  valeur  de  sa  variable;  elle  est  multiforme 
dans  le  cas  contraire  ;  x2  est  une  fonction  uniforme  de  x, 
\Jx  est  multiforme  ;  quelques  géomètres  remplacent  le  mot 
uniforme  par  monodrome.  Mais  il  convient  d'entrer  dans 
quelques  détails  au  sujet  de  ces  définitions  qui  sont  incom- 
plètes. On  représente,  comme  l'on  sait  (V.  Imaginaires) 
la  quantité  x+ysj  —  1  au  moyen  d'un  point  qui  a  pour 
coordonnées  rectangulaires  x  et  y.  Ceci  rappelé,  traçons 
dans  le  plan  des  xy  un  contour  fermé  qui  ne  se  coupe  pas, 
ou  mieux,  considérons  une  aire  continue  A,  nous  dirons 
que  la  fonction  u  de  z  =  x-+-y  \l  —  i  est  monodrome 
ou  uniforme  dans  cette  aire  A,  si,  faisant  parcourir  au 
point  £une  courbe  fermée  C  quelconque  contenue  dans  cette 
aire,  la  fonction  u  reprend  la  même  valeur  aux  mêmes 
points  de  la  courbe  C  ;  pour  justifier  cette  définition  un  peu 
étonnante  au  premier  abord,  nous  allons  montrer  qu'il  y  a 
des  fonctions  non  monodromes.  —  Considérons  par  exemple 

la  fonction  \l z  =  v  x  •+•  y  y  —  4;  si  nous  posons 
x  ~  r  Cos  Q,y  —  r  Sin  6,  r  sera  le  module  de  z  ;  0  sera  son 


i\/«  =  r^Cos|+\/-4Sm|y 


argument,  et  l'on  aura  « 

et  aussi  \l~z  =  —  r2  fCos  ^  +  \/^Ti  Sin  ?Y 
Considérons  l'une  de  ces  valeurs 


,2  /, 


Cos  ^  +  si  —  4  Sin 


in  J). 


Si  nous  faisons  décrire  au  point  z  un  cercle  ABCD  de  rayon 
R  autour  de  l'origine  0  en  partant  de  A,  son  argument  Ô 
représenté  par  l'angle  koz  variera  en  croissant  de  0  k  2rc; 

A 

£  variera  alors  de  0  à  tu,  si  bien  que  le  point  z  revenant 

en  A,  6  qui  en  partant  avait  la  valeur  0,  aura  maintenant 
la  valeur  iz;  \j  z  aura  donc  la  valeur 

r2  l  Cos  7c  -f-  y  —  4  Sin  tc  )  ou  —  r2  en  arrivant,  tandis 

i 
que,  en  partant  de  A,  il  avait  la  valeur  +  f2.  Nous  ne 
saurions  entrer  dans  plus  de  détails  sans  donner  à  cet 


—  705 


FONCTION  —  FONCTIONNAIRE 


article  un  développement  trop  considérable  ;  ce  que  nous 
venons  de  dire  suffira  pour  faire  comprendre  qu'il  y  a  des 

fonctions  qui  ne  sont 
pas  monodromes. 
Une  fonction  est 
synectique  ou  ho- 
lomorphe  à  l'inté- 
rieur d'une  aire  A, 
quand  sa  variable 
restant  contenue 
dans  cette  aire,  elle 
reste  finie,  continue, 
monodrome  et  mo- 
nogène. Une  fonc- 
tion méromorphe 
dans  une  aire  A  est 
celle  qui,  abstrac- 
tion faite  de  certains  points  de  cette  aire  où  elle  devient 
infinie,  reste  liolomorphe  dans  cette  aire. 

Fonctions  périodiques.  —  Une  fonction  est  périodique 
et  admet  la  période  w,  quand  elle  ne  change  pas  de  valeur, 
quand  sa  variable  croît  de  w  (V.  Période). 

Fonctions  circulaires  ou  trigonométriques  (V.  Circu- 
laire), F.  elliptiques  (V.  ce  mot);  F.  hyperboliques 
(V.  ce  mot);  F.  de  Bessel,  d'Enter  (V.  ces  noms);  F.  géné- 
ratrices, sizygétiqnes,  caractéristique,  principale,  sphé- 
riques  (V.  ces  mots). 

Fonction  des  forces  ou  fonction  potentielle.  — 
Lagrange  dit  que  dans  un  système  il  existe  une  fonction 
des  forces,  lorsque  le  travail  virtuel  des  forces  qui  sollicitent 
ce  système  est  une  différentielle  exacte  ;  l'intégrale  de  cette 
différentielle  est  alors  la  fonction  des  forces.  —  Cette 
fonction  des  forces  porte  le  nom  de  potentiel  ou  de  fonction 
potentielle  (on  ne  voit  pas  pourquoi)  lorsque  les  forces 
proviennent  de  l'action  mutuelle  des  points  du  système  et 
varient  en  raison  inverse  du  carré  des  distances  et  propor- 
tionnellement aux  masses  enjeu  (V.  Force  vive). 

H.  Laurent. 

Bibl.  :  La  théorie  des  fonctions  de  variables  imaginaires 
a  été  créée  par  Cauchy,  c'est  dans  les  œuvres  de  ce  grand 
géomètre  qu'il  convient  de  l'étudier.  —  V.  Jordan,  Cours 
d'analyse,  t.  II.  —  Laurent,  Traité  d'analyse,  t.  III.  —  Le 
commencement  de  la  Théorie  des  fonctions  doublement 
périodiques  deBRiOT  et  Bouquet.—  Le  Cours  lithographie 
de  M.  Hermite,  à  la  Sorbonne,  etc. 

FONCTIONNAIRE.  Dans  l'art.  Administration  (t.  I, 
pp.  581  et  suiv.)  on  a  exposé,  avec  tous  les  développements 
nécessaires,  l'organisation  générale  de  l'autorité  adminis- 
trative et  du  personnel  administratif,  aussi  bien  dans 
l'antiquité  que  dans  les  temps  modernes,  aussi  bien  à 
l'étranger  qu'en  France.  Nous  ne  reviendrons  donc  point 
ici  sur  ces  questions  déjà  élucidées,  non  plus  que  sur  celles 
relatives  à  l'admission  aux  fonctions  publiques,  à  leur  col- 
lation, au  cautionnement,  au  cumul,  aux  incompatibilités, 
aux  pensions  de  retraites,  etc.,  qui  sont  traitées  sous  des 
rubriques  spéciales  (V.  Age,  Cautionnement,  Concours, 
Constitution,  Cumul,  Incompatibilité,  Pension).  Nous  trai- 
»  terons  uniquement  de  la  qualité,  des  droits,  des  obligations, 
de  la  responsabilité  et  des  garanties  des  fonctionnaires. 

I.  France.  —  Il  n'existe  point  de  définition  suffisamment 
claire  et  compréhensive  du  mot  fonctionnaire  public ,  et  ce 
manque  de  précision  a  donné  lieu  souvent  à  de  graves  dif- 
ficultés juridiques.  On  peut,  d'une  manière  très  générale, 
ranger  sous  ce  terme  toutes  les  personnes  qui  sont  chargées 
d'assurer  la  marche  des  services  publics,  qui  détiennent,  à 
ce  titre,  une  portion  si  minime  soit-elle  de  l'autorité  pu- 
blique et  qui  émargent  au  budget  de  l'Etat,  du  départe- 
ment ou  de  la  commune.  Cette  définition,  quoique  impar- 
faite, explique  bien  pourquoi  les  employés  des  caisses 
d'épargne,  les  avocats,  les  notaires  même,  les  experts,  les 
officiers  ministériels,  les  commissaires-priseurs,  les  huis- 
siers, les  secrétaires  de  mairie,  etc.,  ne  sont  pas  consi- 
dérés comme  fonctionnaires,  tandis  que  les  députés  et  les 
sénateurs,  les  préfets  et  les  maires  le  doivent  être.  Il  y  a 
grande  encyclopédie.  —  XV/1, 


toujours  eu  doute  sur  le  point  de  savoir  si  les  ministres 
de  divers  cultes  sont  ou  non  des  fonctionnaires. 

Pour  être  fonctionnaire-  en  France,  il  faut  être  Français, 
avoir  un  certain  âge  (V.  ce  mot),  remplir  certaines  con- 
ditions de  capacité  qui  varient  suivant  les  administrations 
et  sont  généralement  constatées  par  des  examens  souvent 
très  simples,  parfois  très  ardus,  présenter  un  casier  judi- 
ciaire intact  et  avoir  satisfait  aux  obligations  des  lois  mili- 
taires. Exception  est  faite  pour  les  fonctions  des  agents 
diplomatiques  et  des  préfets  qui  peuvent  être  confiées,  sans 
la  moindre  justification  préalable  d'aptitude,  aux  personnes 
dont  le  gouvernement  juge  le  concours  utile.  Les  fonction- 
naires sont  nommés  par  le  président  de  la  République  soit 
directement,  soit  par  délégation.  Les  nominations  qui  ne 
sont  pas  faites  directement  par  lui  le  sont  soit  par  les  mi- 
nistres, soit  par  les  présidents  des  deux  Chambres,  par  les 
préfets,  etc.  Enfin,  pour  en  terminer  avec  ces  généralités, 
mentionnons  les  conditions  que  doivent  remplir  les  fonc- 
tionnaires avant  d'avoir  le  droit  d'exercer  leurs  fonctions  ; 
ce  sont  :  la  prestation  d'un  serment  professionnel  (V.  Ser- 
ment), le  serment  politique  ayant  été  aboli  en  1870,  une 
réception  officielle,  le  dépôt  d'un  cautionnement  (V.  ce 
mot),  le  visa  ou  l'enregistrement  des  commissions. 

Les  rapports  de  commandement  et  d'obéissance  existant 
entre  fonctionnaires  du  même  ordre  ou  du  même  corps  sont 
réglés  par  la  hiérarchie  (V.  ce  mot);  les  rapports  entre 
fonctionnaires  de  corps  différents  sont  réglés  par  les  lois 
de  préséance  (V.  ce  mot)  ;  les  rapports  qui  doivent  exister 
entre  eux  dans  une  cérémonie  publique  sont  réglés  par  la 
loi  des  honneurs  (V.  ce  mot)'.  De  même  le  port  du  cos- 
tume a  été  institué  pour  faciliter  l'action  des  fonctionnaires 
dans  leurs  rapports  avec  le  public  et  pour  établir  entre  eux 
de  nettes  distinctions  fort  utiles  au  point  de  vue  de  la 
hiérarchie.  Les  ecclésiastiques  sont  astreints  au  port  du 
costume  sacerdotal  (V.  Habit  ecclésiastique)  ,  les  pro- 
fesseurs au  port  d'une  robe  d'étamine  noire  rehaussée  d'une 
chausse  et  d'une  bordure,  les  membres  de  cours  ou  tribu- 
naux au  port  du  costume  d'audience  ;  de  même  ceux  de  la 
cour  des  comptes,  les  préfets  et  sous-préfets,  les  secré- 
taires et  conseillers  de  préfecture.  Les  officiers  de  la  police 
judiciaire  et  les  agents  sous  leurs  ordres,  les  agents  des 
postes  et  télégraphes,  les  officiers  et  soldats  des  armées  de 
terre  et  de  mer  portent  un  uniforme  (V.  ce  mot).  Les 
maires  et  adjoints  portent  l'écharpe  tricolore.  Les  gardes 
champêtres  doivent  avoir  au  bras  une  plaque  de  métal  où 
sont  inscrits  les  mots  la  Loi,  le  nom  de  la  commune  et  le 
nom  du  garde.  Les  sénateurs  et  les  députés  ont  des  insignes 
(V.  ce  mot).  L'usurpation  du  costume  ou  de  l'uniforme  est 
punie  par  le  code  pénal  (art.  259). 

Les  fonctionnaires  reçoivent  un  traitement  fixe,  payable 
par  mensualité.  C'est  la  règle  générale.  Elle  comporte 
quelques  exceptions  :  1°  les  conseillers  généraux,  les  con- 
seillers d'arrondissement,  les  conseillers  municipaux,  les 
maires,  les  adjoints,  les  juges  au  tribunal  de  commerce  ne 
reçoivent  point  de  traitement  ;  2°  les  conservateurs  des 
hypothèques,  les  receveurs  des  contributions  et  de  l'enre- 
gistrement, les  percepteurs  sont  payés  par  remises  propor- 
tionnées aux  recettes  qu'ils  font  ;  3°  les  greffiers  des  tri- 
bunaux, les  chanceliers  des  missions  diplomatiques  reçoivent 
un  traitement  fixe  et  un  traitement  éventuel  ;  4°  les  curés 
ont  un  casuel  (V.  ce  mot)  ;  5°  les  officiers  ont  une  solde 
(V.  ce  mot).  Aux  traitements  viennent  s'ajouter  certaines 
indemnités.  Ainsi  un  grand  nombre  de  fonctionnaires  sont 
logés  par  l'Etat  (V.  Logement),  chauffés  et  éclairés  par  lui 
ou  bien  ils  reçoivent  des  indemnités  de  logement  ;  certains, 
comme  les  agents  des  douanes,  touchent  des  primes  spé- 
ciales (V.  Douane)  ;  les  archevêques  et  évêques  touchent 
des  indemnités  de  premier  établissement  ;  les  officiers  géné- 
raux, les  trésoriers-payeurs  généraux,  les  préfets  ont  des 
fonds  spéciaux  alloués  pour  leurs  frais  de  bureau.  Enfin, 
les  fonctionnaires  directement  rétribués  par  l'Etat  ont  droit 
à  une  pension  de  retraite  pour  laquelle  ils  subissent  une 
certaine  retenue  sur  leur  traitement  (V.  Pension).  Sont  dis- 

45 


FONCTIONNAIRE 


—  706 


pensés  de  la  retenue  :  les  ministres,  les  sous-secrétaires 
d'Etat,  les  membres  du  conseil  d'Etat,  les  préfets,  les  sous- 
préfets,  les  militaires,  les  ecclésiastiques.  Les  traitements 
ne  peuvent  être  saisis  que  jusqu'à  concurrence  du  cinquième 
(V.  Saisie-Arrêt,  Opposition). 

Les  fonctionnaires  étant  répartis  par  grades  subdivisés 
en  classes,  l'avancement  d'une  classe  à  la  supérieure  ou 
d'un  grade  au  supérieur  se  traduit  par  des  augmentations 
de  traitements  qui  constituent  des  récompenses  pour  les 
bien  méritants  :  cet  avancement  n'est  pas  un  droit  ;  un 
fonctionnaire  peut  être  maintenu  indéfiniment  dans  sa  classe 
ou  dans  son  grade  par  mesure  disciplinaire.  Les  règles  de 
l'avancement  varient  suivant  les  administrations.  Un  exemple 
pris  dans  l'administration  intérieure  du  Sénat  :  Les  chefs 
de  service  sont  divisés  en  quatre  classes,  aux  traitements 
de  8,000  à  11,000  fr.  ;  les  sous-chefs  en  quatre  classes, 
aux  appointemnts  de  5,000  à  6,500  fr.  ;  les  commis  prin- 
cipaux en  quatre  classes,  aux  appointements  de  3,600  à 
4,200  fr.  ;  les  commis  ordinaires  en  six  classes,  de  2,200 
à  3,200  fr.  d'appointements.  Le  passage  d'une  classe  à 
la  classe  supérieure  s'opère,  pour  les  chefs  de  service,  à 
raison  de  1,000  fr.  et  par  période  de  trois  ans;  pour  les 
sous-chefs,  à  raison  de  500  fr.  et  par  période  de  trois 
ans  ;  pour  les  commis  principaux  et  les  commis  ordinaires, 
à  raison  de  200  fr.  par  période  de  deux  ans.  Pour  passer 
d'un  grade  à  un  autre,  il  faut  avoir  au  moins  deux  ans 
de  service  dans  le  grade  inférieur  et  l'avancement  se  fait 
toujours  au  choix. 

Des  règles  analogues  sont  applicables  à  l'armée,  au  corps 
des  mines,  à  celui  des  ponts  et  chaussées,  etc.  Cependant 
dans  l'armée  l'ancienneté  est,  dans  une  certaine  mesure,  un 
droit  à  l'avancement.  Jadis  les  gratifications  aux  employés 
étaient  en  quelque  sorte  un  usage  ayant  force  de  loi.  Elles 
n'ont  point  complètement  disparu.  Les  ministres  en  dé- 
cernent toujours  pour  travaux  extraordinaires  ou  sous 
d'autres  prétextes.  Les  employés  des  Chambres  en  reçoivent 
lors  des  renouvellements  des  membres  du  Parlement.  Mais, 
en  somme,  les  gratifications  sont  devenues  plus  rares  et 
surtout  plus  restreintes.  Comme  récompenses  éventuelles, 
on  peut  encore  citer  l'admission  dans  la  Légion  d'honneur, 
les  diverses  décorations,  Yhonorariat  (V.  ces  mots).  Il 
est  admis  que  les  fonctionnaires  ont  droit  chaque  année  à 
des  vacances  ou  à  des  congés,  mais  ces  mesures  sont  accor- 
dées en  principe  à  titre  exceptionnel  et  elles  ne  doivent 
jamais  interrompre  les  services  publics.  C'est  pourquoi  les 
vacances  et  congés  sont  soumis  à  l'autorisation  préalable 
des  fonctionnaires  de  l'ordre  le  plus  élevé  en  procédant 
hiérarchiquement  (V.  Congé). 

Les  fonctionnaires  sont  de  par  leur  qualité  même  soumis 
à  certaines  obligations  spéciales.  Ils  doivent  exercer  en  per- 
sonne les  fonctions  qui  leur  sont  confiées,  résider  dans  le 
lieu  assigné  à  l'exercice  desdites  fonctions,  et  d'une  manière 
générale  avoir  une  conduite  régulière,  une  tenue  convenable 
et  faire  preuve  de  courtoisie  à  l'égard  du  public.  Les  mili- 
taires en  activité  de  service  ne  peuvent  se  marier  sans  l'au- 
torisation du  ministre  de  la  guerre,  de  même  les  employés 
des  contributions  indirectes  (service  actif)  sans  l'autorisa- 
tion de  leur  directeur,  de  même  enfin  les  agents  des  bri- 
gades de  douanes  sans  l'agrément  du  directeur  départemen- 
tal. Il  y  a  quelques  exceptions  à  la  rigueur  des  obligations 
ci-dessus.  Les  professeurs  de  l'enseignement  supérieur,  les 
évêques,  les  maires  peuvent  se  faire  suppléer  par  des  sup- 
pléants, des  coadjuteurs,  des  adjoints,  les  trésoriers  géné- 
raux par  des  fondés  de  pouvoirs  agréés  par  le  ministre  des 
finances. 

Les  infractions  des  fonctionnaires  à  leurs  devoirs  les 
exposent  à  des  peines  disciplinaires  (pour  l'armée  et  la  ma- 
gistrature, V.  Discipline;  pour  l'église,  V.  Culte  et  Appel 
comme  d'abus).  Pour  l'instruction  publique,  le  ministre  dis- 
pose des  moyens  suivants  :  réprimande  devant  le  conseil 
académique,  censure  devant  le  conseil  supérieur  de  l'ins- 
truction publique,  mutation  d'emplois  sur  avis  du  conseil 
supérieur,  suspension  sans  privation  de  traitement,  et  sus- 


pension avec  privation  de  traitement  prononcée  par  le  con- 
seil académique  ou  le  conseil  supérieur  en  appel.  Les  préfets 
qui  nomment  les  instituteurs  et  institutrices  peuvent  pro- 
noncer contre  eux  la  révocation,  mais  à  la  suite  seulement 
d'un  avis  motivé  du  conseil  départemental,  et  le  déplace- 
ment sur  la  proposition  de  l'inspecteur  d'académie.  Dans 
les  autres  administrations,  les  peines  disciplinaires  consistent 
dans  l'avertissement,  la  réprimande,  la  privation  d'avan- 
cement, l'amende,  la  privation  de  traitement,  la  destitution. 
Les  plus  graves  de  ces  peines  ne  peuvent  être  infligées  que 
par  le  ministre  et  sur  l'avis  du  conseil  d'administration. 
Les  crimes  commis  par  les  fonctionnaires  dans  l'exercice  de 
leurs  fonctions  (vols,  concussions,  corruption,  abus  d'au- 
torité, etc.),  sont  considérés  comme  forfaitures  (V.  ce 
mot)  et  punis  de  la  dégradation  civile. 

Mais  si  la  loi  punit  plus  durement  les  fonctionnaires  que 
les  particuliers,  elle  leur  accorde  d'autre  part  des  garan- 
ties exceptionnelles.  Ainsi  le  président  de  la  République, 
les  ministres  qui  auraient  commis  des  crimes  dans  l'exer- 
cice de  leurs  fonctions  ne  sont  justiciables  que  du  Sénat 
constitué  en  haute  cour  de  justice.  Les  autres  fonctionnaires, 
les  membres  de  la  magistrature  ne  peuvent  être  poursuivis 
devant  les  tribunaux  judiciaires  que  s'il  s'agit  de  faits 
personnels  et  non  d'actes  administratifs.  Même  certains 
hauts  fonctionnaires,  en  cas  de  délits  correctionnels,  com- 
mis en  dehors  de  leurs  fonctions,  sont  soustraits  à  la 
juridiction  correctionnelle  et  traduits  en  assises.  Tels  sont 
les  généraux  commandant  une  région  ou  subdivision,  les 
archevêques  et  évêques,  les  présidents  de  consistoire,  les 
membres  de  la  cour  de  cassation  et  de  la  cour  des  comptes, 
les  préfets. 

Les  fonctionnaires  ne  sont  pas  responsables  des  dommages 
qu'ils  commettent,  en  dehors  bien  entendu  de  toute  faute 
personnelle.  C'est  l'Etat  qui  en  répond  pour  eux.  Enfin,  les 
outrages,  violences  et  diffamations  commises  contre  les 
fonctionnaires  exerçant  légitimement  leurs  charges,  sont 
punies  par  les  lois.  Toute  attaque,  toute  résistance  avec  vio- 
lence et  voies  de  fait  envers  les  gardes  champêtres  ou  fores- 
tiers, la  force  publique,  les  employés  des  contributions  et 
des  douanes,  les  agents  de  la  police  administrative  et  judi- 
ciaire est  qualifiée  crime  ou  délit  de  rébellion  et  punie 
des  travaux  forcés,  ou  de  la  réclusion  ou  d'emprisonne- 
ment et  d'amendes.  Les  magistrats  de  Tordre  administratif 
ou  judiciaire  disposent  contre  tout  outrage  ou  violence  à 
leur  égard  d'un  arsenal  de  pénalités  fort  dures.  Les  offenses, 
diffamations  commises  envers  les  fonctionnaires  par  la  voie 
de  la  presse  sont  également  réprimées  par  une  législation 
spéciale  (V.  Presse). 

Les  fonctionnaires  perdent  leurs  fonctions  soit  par  décès, 
soit  par  suppression  d'emploi,  soit  par  démission,  soit  par 
mise  à  la  retraite.  Le  décès  de  certains  fonctionnaires  (offi- 
ciers généraux,  ministres,  anciens  ministres  et  tous  autres 
considérés  comme  dépositaires  publics)  entraîne  l'apposition 
des  scellés  (V.  ce  mot)  ;  la  démission  doit  être  acceptée 
pour  être  effective.  Le  code  pénal  qualifie  forfaiture  et  pu- 
nit de  la  dégradation  civique  les  fonctionnaires  qui  auraient 
arrêté  de  donner  des  démissions  dont  l'objet  ou  l'effet  serait 
d'empêcher  ou  de  suspendre  soit  l'administration  de  la  po- 
lice, soit  l'accomplissement  d'un  service  quelconque;  l'admis- 
sion à  la  retraite  a  lieu  soit  sur  la  demande  des  fonction- 
naires, soit  à  une  époque  fixée  par  les  règlements  des  diverses 
administrations,  mais  si  les  chefs  de  service  le  jugent  né- 
cessaire. Certains  fonctionnaires  sont  mis  de  plein  droit  à 
la  retraite  à  un  âge  déterminé  (V.  Age  et  Retraite).  Il 
existe  encore  quelques  causes  mettant  fin  aux  fonctions 
publiques,  par  exemple  la  perte  de  la  nationalité  française, 
celle  des  droits  civils,  la  dégradation  civique,  la  déchéance, 
la  suspension,  la  destitution,  la  révocation,  etc. 

Nous  empruntons  au  rapport  de  M.  Ballue  à  la  Chambre 
des  députés  (1886,  n°1314)  l'intéressante  statistique  ci- 
après  relative  au  nombre  des  fonctionnaires  civils  fran- 
çais, et  aux  traitements  qu'ils  reçoivent  soit  de  l'Etat,  soit 
des  départements  ou  des  communes. 


—  707  — 


FONCTIONNAIRE 


DESIGNATION 

des 

MINISTÈRES    ET    SERVICES 


Ministère  des  finances 

Postes  et  télégraphes 

Justice 

Instruction  publique  (non  compris 
les  instituteurs  qui  figurent  à 
Fart.  Communes) 

Cultes 

Beaux-arts 

Agriculture 

Commerce  et  industrie 

Marine 

Colonies 

Total 


10.915 
8.677 
247.943 
65.436 
51.938 
10.916 


16.864 

37.870 

1.659 

7.067 

1.267 

317 

93 


460.962 


22.397.500 
15.590.000 
210.580.000 
105.121.500 
65.648.000 
30.884.000 


40.075.000 

40.931.000 

3.400.000 

10.106.000 

2.931.000 

1.061.000 

306.000 


549.031.000 


Sous  l'ancien  régime,  les  fonctions,  émanant  d'un  pou- 
voir personnel  absolu  qui  les  distribuait  à  son  gré,  il  ne 
pouvait  être  question  de  droits  et  de  garanties  pour  les 
fonctionnaires.  Leur  nomination,  leur  avancement,  leur 
révocation  dépendaient  uniquement  du  bon  plaisir  du  roi 
et  de  ses  représentants.  La  constitution  du  3  oct.  1791  a 
proclamé  en  principe  que  tous  les  citoyens  doivent  avoir  un 
droit  égal  à  devenir  fonctionnaires  sans  d'autres  motifs  de 
préférence  que  l'aptitude  et  le  mérite  (V.  Constitution). 
Seulement  la  réalisation  pratique  et  complète  de  ce  prin- 
cipe n'a  jamais  été  obtenue.  Les  ministres  ont  un  trop  grand 
intérêt  politique  à  disposer  aussi  largement  que  possible 
des  emplois  publics  pour  se  laisser  enchaîner  par  des  lois  : 
ils  ont  été  grandement  favorisés  dans  la  voie  de  la  résis- 
tance par  les  membres  des  assemblées  législatives  qui  ont 
les  mêmes  intérêts  électoraux  à  pousser  leurs  protégés  dans 
l'administration.  Pourtant  des  tentatives  ont  été  faites  à 
diverses  époques  pour  régler  définitivement  et  uniformé- 
ment les  conditions  d'admission  et  d'avancement  dans  les 
fonctions  publiques.  En  1843,  à  la  Chambre  des  députés, 
Bignon,  rapporteur  de  la  commission  du  budget  de  1844, 
proposait  de  régler,  par  une  ordonnance  royale  insérée  au 
Bulletin  des  lois, l'organisation  centrale  de  chaque  ministère. 
Cette  proposition  fut  bien  votée,  mais  elle  ne  fut  jamais 
exécutée.  En  1844,  la  Chambre  fut  saisie  d'une  proposition 
ayant  pour  objet  de  faire  fixer  dans  une  loi  des  règles  pour 
l'admission  et  l'avancement  dans  les  fonctions  publiques  : 
rapportée  avec  le  plus  grand  talent  par  Dufaure,  cette  pro- 
position fut  rejetée  le  6  févr.  1845  par  157  voix  contre 
156.  En  1846,  M.  de  Gasparin  reprit  la  même  proposition 
qui  fut  repoussée  par  la  commission  nommée  pour  l'exami- 
ner. En  1848,  Desiongrais  soumit  à  l'Assemblée  constituante 
un  projet  de  loi  tendant  à  faire  régler  par  des  dispositions 
légales  l'admission  et  l'avancement  dans  les  fonctions  pu- 
bliques. Il  ne  put  aboutir.  Une  nouvelle  proposition  fut 
portée  par  Mortimer-Ternaux  devant  l'Assemblée  législative 
4e  4  avr.  1849.  Adoptée  difficilement  après  trois  délibéra- 
tions, considérablement  réduite  et  amoindrie,  elle  fut  enfin 
votée  le  5  juil.  1850.  Elle  ne  consistait  plus  que  dans  la 
mesure  suivante  :  «  Des  règlements  d'administration  pu- 
blique détermineront  les  conditions  d'admission  et  d'avan- 
cement pour  tous  les  services  publics  où  ces  conditions  ne 
sont  pas  réglées  par  une  loi.  Ces  règlements  seront  insérés 
au  Bulletin  des  lois  et  au  Moniteur.  »  Cette  loi  ne  fut 
jamais  appliquée  malgré  les  réclamations  réitérées  des  com- 
missions du  budget.  En  1871 ,  l'Assemblée  nationale  nomma 
une  commission  chargée  de  reviser  les  services  publics.  Le 
rapport  de  M.  Jozon  déposé  le  22  juil.  1873  fut  renvoyé 
au  conseil  d'Etat  d'où  il  n'est  plus  sorti.  En  4882,  un  ar- 
ticle de  la  loi  de  finances  réclama  de  nouveau  la  réforme 
textuellement  inscrite  dans  la  loi  du  24  juil.  1843  :  «  Avant 
le  14  janv.  1884,  l'organisation  centrale  de  chaque  minis- 
tère sera  réglée  par  un  décret  rendu  dans  la  forme  des 


règlements  d'administration  publique  et  inséré  dans  le  Jour- 
nal officiel.  »  Les  ministres  de  la  justice,  de  la  marine  et 
des  finances  finirent  par  se  conformer  à  ces  prescriptions. 
La  réforme  paraissait  devoir  se  borner  à  ce  commencement 
d'exécution,  lorsque  M.  Marcel  Barthe  présenta  au  Sénat, 
le  16  juil.  1885,  une  proposition  de  loi  fort  étudiée  sur  les 
conditions  d'admission  et  d'avancement  dans  les  fonctions 
publiques.  Cette  proposition  a  eu  le  sort  de  toutes  les  pré- 
cédentes. Les  autres  ministères  se  sont  bornés  à  publier  à 
l'Officiel  les  règlements  d'administration  publique  concer- 
nant leur  personnel.  En  sorte  qu'aujourd'hui  encore  on  peut 
répéter  avec  M.  Marcel  Barthe:  «  En  lisant  les  débats  légis- 
latifs concernant  la  question  des  fonctionnaires,  on  remarque 
que  depuis  1843  sous  tous  les  régimes  les  ministres  ont 
approuvé  la  pensée  d'une  loi  réglant  les  coiiditions  d'admis- 
sion et  d'avancement  dans  les  emplois  publics  ;  qu'il  est 
reconnu  qu'elle  serait  juste,  utile,  même  nécessaire  ;  mais 
que  néanmoins,  toutes  les  fois  qu'un  projet  bien  conçu,  bien 
étudié,  a  été  sur  le  point  d'être  voté  après  une  discussion 
approfondie,  ces  mêmes  ministres  ont  eu  recours  à  des 
moyens  détournés,  d'abord  pour  le  faire  ajourner  et  en  der- 
nière analyse  pour  le  faire  rejeter.  » 

IL  Etranger.  —  Allemagne.  Le  corps  des  fonctionnaires 
allemands  est  fortement  organisé,  soumis  à  des  règlements 
assez  sévères,  mais  il  jouit,  par  contre,  de  garanties  plus 
sérieuses  que  dans  tous  les  autres  Etats  de  l'Europe .  Sans 
compter  les  fonctionnaires  appartenant  aux  administrations 
locales,  il  faut  distinguer  les  fonctionnaires  de  l'Empire  et 
les  fonctionnaires  des  différents  Etats. 

Les  fonctionnaires  de  l'Empire  sont  ceux  qui  ont  été 
nommés  par  l'empereur  et  qui  sont  obligés  par  la  consti- 
tution à  obéir  aux  ordres  de  l'empereur.  Ils  sont  nommés 
à  vie  (sauf  une  réserve  formelle,  insérée  dans  l'acte  déno- 
mination) et  doivent  prêter  serment  de  remplir  tous  les 
devoirs  de  leurs  fonctions.  Leur  traitement  est  payé  par  mois 
et  par  avance;  leur  veuve  ou  leurs  descendants  légitimes 
ont  droit  à  l'intégralité  de  leur  traitement  pendant  le  tri- 
mestre qui  suit  leur  mort  (Gnadenquartal).  Tout  fonc- 
tionnaire est  responsable  de  la  légalité  de  ses  actes  ;  il  doit 
avoir  une  tenue  convenable,  même  en  dehors  de  ses  fonc- 
tions ;  il  est  tenu  strictement  au  secret  professionnel,  même 
après  avoir  cessé  d'être  fonctionnaire  ;  il  doit  refuser  de 
déposer  comme  témoin,  sur  les  faits  venus  à  sa  connais- 
sance par  suite  de  ses  fonctions,  à  moins  d'autorisation 
spéciale  de  ses  chefs.  Il  lui  est  défendu  d'accepter  des  gou- 
vernements étrangers,  sans  autorisation  de  l'empereur,  un 
titre,  un  présent,  une  décoration,  etc.,  d'accepter  un  em- 
ploi ou  une  occupation  accessoires  auxquels  est  attachée 
une  rémunération  permanente,  d'exercer  aucune  industrie, 
sans  autorisation  préalable  de  l'administration  supérieure, 
d'entrer  dans  le  conseil  de  direction,  d'administration  ou 
de  surveillance  de  sociétés  financières.  La  mise  en  dispo- 
nibilité avec  traitement  spécial  (Wartegeld)  est  applicable 
à  tous  les  fonctionnaires,  par  suite  de  suppression  d'em- 
ploi. L'empereur  peut  en  outre  mettre  en  disponibilité  à 
tout  moment  les  fonctionnaires  suivants  :  chancelier  de 
l'Empire,  président  de  la  chancellerie  de  l'Empire,  chef  de 
l'amirauté  impériale,  secrétaire  d'Etat  aux  affaires  étran- 
gères, directeurs  et  chefs  de  division  à  la  chancellerie  de 
l'Empire,  au  département  des  affaires  étrangères  et  dans  les 
ministères,  les  conseillers  principaux  et  auxiliaires  des 
affaires  étrangères,  les  intendants  des  armées  de  terre  et 
de  mer,  les  agents  diplomatiques  y  compris  les  consuls. 
Les  fonctionnaires  de  l'Empire  ont  droit  à  une  pension  de 
retraite,  qui  varie  des  20/80  aux  60/80  du  traitement. 
Tout  fonctionnaire  qui  devient  incapable  d'exercer  ses  fonc- 
tions doit  être  mis  à  la  retraite.  S'il  ne  le  demande  pas  lui- 
même,  l'administration  lui  notifie  qu'il  se  trouve  dans  le 
cas  où  la  retraite  doit  être  notifiée.  S'ilpersisteàne  pas  la 
demander,  on  procède  comme  s'il  l'avait  demandée  ;  s'il  ré- 
clame, l'administration  supérieure  décide  s'il  y  a  lieu  de 
donner  suite  à  sa  réclamation.  Le  fonctionnaire  a  droit 
d'appel  devant  le  Conseil  fédéral.  Les  peines  disciplinaires 


FONCTIONNAIRE 


-  708 


sont  :  l'avertissement,  la  censure,  l'amende,  la  privation 
d'emploi.  Cette  dernière  peine  peut  consister  soit  en  un  chan- 
gement d'emploi  ayant  un  caractère  pénal,  soit  en  renvoi  de 
service,  qui  entraîne  la  perte  du  titre  et  celle  du  droit  à 
une  pension.  La  privation  d'emploi  ne  peut  être  prononcée 
qu'à  la  suite  d'une  procédure  disciplinaire  en  forme  pro- 
voquée par  l'autorité  supérieure.  Elle  comprend  une  ins- 
truction écrite  et  un  débat  oral.  Il  y  a  deux  degrés  de  ju- 
ridiction disciplinaire,  des  chambres  de  discipline  et  une  cour 
de  discipline. 

Quant  aux  fonctionnaires  qui  ont  été  nommés  à  titre  d'es- 
sai, sous  la  réserve  de  dénonciation  d'engagement,  ou  sous 
celle  de  révocation,  ils  sont  renvoyés  par  les  personnes  qui 
ont  procédé  légalement  à  la  nomination. 

Nous  donnerons  quelques  renseignements  particulière- 
ment intéressants  sur  la  situation  des  fonctionnaires  dans 
plusieurs  des  Etats  allemands. 

Prusse.  Les  candidats  aux  fonctions  administratives 
doivent  justifier  qu'ils  ont  étudié,  pendant  trois  ans  au  moins, 
le  droit  et  les  sciences  administratives  dans  une  université 
et  fournir  en  outre  un  certificat  d'admission  aux  deux  exa- 
mens suivants:  1°  examen  de  droit  (droit  public,  droit 
privé,  histoire  du  droit,  principes  d'économie  politique)  ; 
2°  grand  examen  d'Etat,  passé  devant  la  commission  d'exa- 
men pour  la  réception  des  fonctionnaires  supérieurs  de 
l'administration.  Avant  de  passer  le  second,  il  faut  faire  un 
stage  de  deux  années  dans  des  fonctions  judiciaires  et  de  deux 
années  dans  des  fonctions  administratives.  Toutes  ces  forma- 
lités accomplies,  le  candidat  est  nommé  référendaire  du  gou- 
vernement par  le  président  du  district  dans  lequel  il  devra 
être  fonctionnaire.  Il  peut  être  employé  dans  une  mairie  de 
ville  et  doit  l'être  dans  une  administration  de  cercle  ou 
dans  un  tribunal  administratif  de  district,  ou  enfin  dans  une 
administration  du  gouvernement.  Ses  supérieurs  hiérar- 
chiques doivent  constater  son  aptitude  à  subir  les  épreuves 
du  deuxième  examen.  Ces  épreuves  subies  avec  succès,  le 
candidat  est  nommé  assesseur  du  gouvernement  et  peut 
aspirer  aux  fonctions  administratives  supérieures.  Les  fonc- 
tionnaires de  l'administration  provinciale  nommés  par  la 
diète  sont  soumis  aux  obligations  des  fonctionnaires  de 
l'Etat  et  ont  les  mêmes  droits  qu'eux.  Il  est  défendu  à  tous 
les  fonctionnaires  de  participer  comme  fondateurs  ou  ad- 
ministrateurs aux  sociétés  de  commerce  et  d'industrie. 

Bade.  Les  fonctionnaires  inscrits  au  tableau  des  traite- 
ments incorporé  au  budget  sont  dits  fonctionnaires  régu- 
liers. Pendant  les  cinq  années  qui  suivent  leur  nomination, 
ils  peuvent  être  révoqués  à  volonté.  Ce  stage  peut  s'étendre 
jusqu'à  sept  ans.  Après  cette  période,  les  employés  devien- 
nent inamovibles.  La  révocation  ne  peut  être  prononcée  que 
pour  des  motifs  graves  et  entourée  de  formalités.  Les  ma- 
gistrats et  les  fonctionnaires  assimilés  sont  inamovibles  dès 
leur  inscription  au  tableau.  Les  fonctionnaires  doivent  pré- 
venir leur  supérieur,  lorsqu'ils  se  proposent  de  contracter 
mariage  ;  certains  d'entre  eux  ne  peuvent  se  marier  sans 
autorisation  préalable.  Le  traitement  comprend  des  appoin- 
tements fixes,  l'indemnité  de  logement,  des  appointements 
accessoires,  des  rétributions  variables,  des  rétributions  en 
nature  ou  indemnités  proportionnées,  enfin  des  indemnités 
pour  dépenses  occasionnées  parle  service,  par  exemple  un 
déménagement.  Les  peines  disciplinaires  sont  :  la  répri- 
mande, l'amende,  la  rétrogradation,  la  révocation.  En  cas 
de  négligence,  on  peut  donner  aux  fonctionnaires  et  à  leurs 
frais  des  auxiliaires  pour  hâter  l'expédition  des  affaires. 

Wurttemberg .  Les  fonctionnaires  sont  ceux  qui  sont 
nommés  à  des  emplois  publics  par  le  roi  ou  par  les  auto- 
rités supérieures  de  l'Etat,  sauf  les  militaires  et  les  insti- 
tuteurs primaires.  Les  fonctionnaires  sont  nommés  à  vie 
ou  temporairement  ou  pour  une  période  non  déterminée, 
mais  avec  faculté  de  révocation.  Les  peines  disciplinaires 
sont:  la  censure,  l'amende,  la  prison,  le  changement  d'em- 
ploi, la  révocation  absolue.  Les  autres  dispositions  rela- 
tives à  l'autorisation  de  contracter  mariage,  aux  appointe- 
ments, à  la  mise  en  disponibilité,  à  la  retraite,  à  la  pension 


sont  analogues  à  celles  qui  existent  en  Prusse  et  dans  le 
grand-duché  de  Bade. 

Hesse.  La  situation  des  fonctionnaires  au  point  de  vue 
disciplinaire  est  particulièrement  bien  déterminée  dans  le 
grand-duché  de  Hesse.  La  révocation  d'un  fonctionnaire 
est  entourée  de  garanties  beaucoup  plus  sérieuses  que  dans 
la  plupart  dès  autres  pays.  Le  fonctionnaire  qui  viole  les 
obligations  de  sa  charge  ou  qui,  soit  dans  l'exercice,  soit 
en  dehors  de  ses  fonctions,  se  montre  indigne  de  la  consi- 
dération et  de  la  confiance  qu'exige  sa  mission,  encourt  les 
peines  disciplinaires  suivantes  :  avertissement,  réprimande, 
amendes,  destitution.  Les  trois  premières  sont  infligées  par 
les  autorités  supérieures,  mais  l'employé  a  le  droit  de  s'ex- 
pliquer par  écrit  ou  de  vive  voix,  sur  la  faute  qui  lui  est 
imputée  et,  d'autre  part,  la  peine  administrative  doit  être 
justifiée  par  écrit.  La  destitution  doit  être  précédée  d'une 
procédure  disciplinaire  dans  les  formes  légales  qui  doit  con- 
sister en  une  enquête  préparatoire  écrite  et  un  débat  oral. 
Le  tribunal  qui  prononce  en  première  et  unique  instance 
est  le. tribunal  administratif  supérieur  (Verwaltungsge- 
richtshof).  Cette  cour  disciplinaire  doit  juger  d'après  sa 
conviction  puisée  dans  l'ensemble  des  débats  et  des  preuves, 
jusqu'à  quel  point  l'accusation  est  fondée.  Si  l'accusation 
n'est  pas  fondée,  elle  déclare  l'accusé  libre  ;  si  elle  l'est, 
une  simple  peine  administrative  peut  être  prononcée. 

Grande-Bretagne.  En  raison  même  de  l'application  fort 
étendue  du  principe  du  self-government,  l'organisation 
administrative  de  la  Grande-Bretagne  est  extrêmement  com- 
pliquée (V.  Administration,  Constitution,  Angleterre). 
La  situation  du  personnel  administratif  présente  les  mêmes 
complications.  Longtemps  le  recrutement  des  fonctionnaires 
s'est  fait  au  moyen  du  'patronage,  c.-à-d.  qu'ils  étaient 
exclusivement  nommés  à  la  faveur,  par  les  ministres  et  les 
chefs  de  service.  Depuis  environ  quarante  ans,  on  y  a  subs- 
titué le  système  des  examens  qui  n'a  jamais  été  appliqué 
dans  toute  sa  rigueur,  mais  qui,  du  moins,  a  introduit  dans 
l'administration  anglaise  le  principe  de  l'avancement  au 
mérite.  De  chaque  administration  centrale  est  distraite  la 
section  du  personnel  chargée  de  pourvoir  à  la  nomination, 
à  l'avancement  et  à  la  destitution  des  fonctionnaires.  Un 
bureau  est  ainsi  formé  qui  se  nomme  Civil  Service  Com- 
mission. Il  comprend  2  commissaires  et!  secrétaire,  3  exa- 
minateurs, 1  adjoint  et  plusieurs  commis.  Chaque  ministère 
a  son  genre  d'examen  spécial,  variant  suivant  le  désir  du 
candidat,  de  servir  dans  le  service  de  bureau  ou  dans  le 
service  actif.  Les  examens  pour  l'administration  de  l'Inde 
sont  très  difficiles  et  exigent  de  très  sérieuses  capacités. 
La  plupart  des  fonctionnaires  anglais  reçoivent  des  traite- 
ments assez  élevés.  Les  commis  rédacteurs  ont  au  moins 
400  £  ;  ils  avancent  régulièrement  tous  les  deux  ans  jus- 
qu'à 300  £.  Passé  ce  chiffre,  l'avancement  se  fait  au  choix 
et  souvent  à  la  suite  de  concours.  Le  Public  Bodies  cor- 
rupt  practices  act  de  1889  punit  très  durement  la  cor- 
ruption des  fonctionnaires.  Quiconque  agrée  l'offre  d'un 
présent  pour  déterminer  un  fonctionnaire  public  à  l'effet 
d'accomplir  un  acte  de  sa  fonction  ou  de  s'en  abstenir  est 
coupable  de  misdemeanour  et  puni  d'un  emprisonne- 
ment de  deux  ans  au  maximum,  avec  ou  sans  travail 
forcé  et  d'une  amende  de  500  £.  La  récidive  est  punie 
de  l'incapacité  perpétuelle  d'exercer  aucune  fonction  pu- 
blique et  de  l'incapacité  pour  sept  ans  de  voter  aux  élec- 
tions. 

Canada.  Les  nominations  aux  emplois  du  Civil  Service 
n'ont  lieu  qu'après  un  examen  préparatoire  suivi  d'examens 
d'aptitudes.  Un  bureau  de  trois  membres,  nommés  par  le 
gouverneur,  procède  à  ces  examens  et  délivre  les  certificats 
de  capacité.  Le  service  est  partagé  en  deux  divisions  : 
1°  l'administration  intérieure  comprenant  les  chefs  de  dé- 
partements, les  officiers  relevant  d'une  profession  spéciale 
ou  technique,  les  premiers  commis,  les  commis  de  1 re,  2e 
et  3e  classe,  les  messagers,  emballeurs  et  trieurs  ;  2°  l'ad- 
ministration extérieure ,  comprenant  les  employés  des 
douanes,  du  revenu  de  l'intérieur,  des  postes,  les  inspec- 


709  - 


FONCTIONNAIRE 


teurs  des  pénitenciers.  En  principe,  tous  les  fonctionnaires 
sont  révocables  ad  nutum. 

Etats-Unis  d'Amérique.  Le  recrutement  des  fonction- 
naires aux  Etats-Unis  a  toujours  été  des  plus  simples.  Les 
magistrats  et  chefs  de  service  importants  ne  pouvaient  être 
nommés  qu'avec  l'agrément  du  Sénat  ;  quant  à  la  foule 
des  employés  subalternes,  elle  était  nommée  par  le  prési- 
dent des  Etats-Unis  ou  par  ses  chefs  de  service .  D'ordi- 
naire ces  choix  étaient  uniquement  inspirés  par  la  politique, 
en  sorte  qu'à  chaque  changement  de  président  un  grand 
nombre  d'employés  recevaient  leur  congé  et  étaient  rempla- 
cés par  des  créatures  du  nouveau  président.  Cela  s'appelait 
le  système  des  dépouilles  (spoils  System).  Ce  système 
ayant  produit  des  résultats  déplorables  (désorganisation 
administrative,  dépenses  inutiles,  concussions,  etc.),  à  di- 
verses reprises  on  essaya  d'entraver  ces  abus  par  des  lois. 
Ce  n'est  qu'après  de  longues  luttes  qu'a  été  votée  le 
16  janv.  1883  la  loi  pour  la  régularisation  et  l'améliora- 
tion du  service  civil.  Cette  loi  institue  une  commission  du 
Civil  Service  nommée  par  le  président  et  dotée  à  peu  près 
des  mêmes  attributions  que  celle  de  l'Angleterre.  Des  con- 
cours sont  créés;  tous  les  emplois  font  l'objet  d'un  clas- 
sement général  et  attribués  suivant  le  rang  obtenu  par  les 
candidats  dans  les  épreuves  de  concours.  Une  période  de 
stage  précède  toute  nomination  définitive.  Des  mesures 
sévères  sont  prises  pour  interdire  aux  fonctionnaires  de 
participer  à  des  souscriptions  politiques,  de  rendre  des  ser- 
vices politiques.  «  Aucune  personne  adonnée  à  un  usage 
excessif  des  boissons  enivrantes  ne  peut  être  nommée  à  un 
emploi.  »  Les  examinateurs  ne  devront  prendre  en  consi- 
dération aucune  recommandation  d'un  membre  du  Sénat 
ou  de  la  Chambre  des  représentants.  Une  loi  de  l'Etat  de 
New  York  (1890)  spécifie  que  tout  fonctionnaire  public 
qui  recevra  des  émoluments  illégaux  ou  quelque  récom- 
pense, propriété  ou  avantage  personnel  pour  accomplir  ses 
fonctions ,  sera  coupable  de  félonie  et  passible  d'une 
amende  de  4,000  dollars  maximum  ou  d'un  emprisonne- 
ment de  dix  années  au  plus  ou  de  ces  deux  peines. 

Espagne.  Tous  les  Espagnols  sont  admissibles  aux  em- 
plois publics  selon  leurs  mérites  et  capacités.  Les  emplois 
civils  sont  conférés  par  le  roi.  Les  gouverneurs  de  province 
donnent  l'investiture  aux  fonctionnaires  provinciaux.  Les 
employés  municipaux  dépendent  des  ayuntamientos  qui  les 
nomment,  les  dirigent,  les  révoquent.  Ils  sont  surveillés  et 
dirigés  par  les  alcades  qui  ont  le  droit  de  suspension  d'em- 
ploi et  de  solde  pour  trente  jours  au  maximum  et  proposent 
la  destitution  à  l'ayuntamiento.  Les  employés  de  l'Etat  ne 
peuvent  remplir  leurs  fonctions  dans  les  provinces  où  ils 
sont  nés  ou  dans  celles  où  ils  ont  fixé  domicile  deux  années 
avant  leur  nomination,  ou  dans  celles  où.  ils  possèdent  des 
biens  ou  exercent  une  industrie  ou  un  commerce  quelconque. 
Sont  exceptés  de  ces  obligations  les  employés  dont  le  trai- 
tement n'excède  pas  1,50(T pesetas,  ceux  qui  appartiennent 
à  l'administration  centrale  et  à  la  province  de  Madrid,  les 
gouverneurs,  les  secrétaires  des  universités  et  des  conseils 
de  l'instruction  publique.  On  distingue  les  catégories  sui- 
vantes de  fonctionnaires  :  chefs  supérieurs,  chefs  d'admi- 
nistration, chefs  de  bureau,  commis,  auxiliaires.  L'insti- 
tution des  concours  existe  pour  l'admission  aux  emplois, 
des  titres  scientifiques  ou  littéraires  peuvent  être  exigés  des 
candidats  ;  pour  les  promotions,  on  tient  compte  des  bons 
services  et  surtout  de  l'ancienneté.  Les  mêmes  règles  exis- 
tent pour  les  colonies  espagnoles. 

Italie.  Rien  de  particulier  à  signaler  en  ce  pays,  si  ce 
n'est  une  tendance  à  restreindre  le  nombre  des  fonction- 
naires proprement  dits  et  à  faire  expédier  la  besogne  admi- 
nistrative par  des  auxiliaires  travaillant  à  la  tâche.  Un  pro- 
jet de  loi  réorganisant  les  bases  générales  de  toutes  les  ad- 
ministrations publiques  a  bien  été  discuté  à  diverses  reprises 
par' les  deux  Chambres,  mais  les  circonstances  n'ont  pas 
permis  jusqu'ici  (1893)  son  adoption  définitive.  Ce  projet 
étant  fort  intéressant  nous  en  donnerons  un  court  aperçu. 
Il  consiste  à  créer  dans  l'Etat  trois  catégories  de  fonction- 


naires :  1°  les  rédacteurs  qui  devraient  être  pourvus  du 
certificat  d'études  dans  une  université  ou  dans  un  établis- 
sement d'enseignement  scientifique  supérieur;  2°  les  comp- 
tables, qui  devraient  présenter  un  diplôme  de  comptable 
obtenu  dans  un  établissement  de  l'Etat  ou  un  établisse- 
ment assimilé  ;  3°  les  commis  d'ordre  qui  devraient  fournir 
un  diplôme  de  licence  gymnasiale  ou  d'école  technique,  ou 
bien  un  certificat  d'engagement  comme  sous-officier  dans 
l'armée  ou  la  marine.  Malgré  le  certificat  les  employés  de- 
vraient passer  un  concours,  et  une  fois  admis  faire  un 
stage  de  six  mois.  Les  emplois  leur  seraient  ensuite  distri- 
bués par  ordre  de  classement  au  fur  et  à  mesure  des  va- 
cances, et  on  ne  pourrait  les  déplacer  que  par  suite  d'une 
promotion  ou  sur  leur  demande.  Les  peines  disciplinaires 
seraient  :  la  censure,  la  suspension  avec  retenue  de  trai- 
tement, la  révocation,  la  destitution.  Actuellement  les  con- 
cours et  les  examens  n'ont  lieu  que  pour  les  fonctionnaires 
supérieurs.  Ces  concours  sont  fort  sérieux  et  exigent  des 
connaissances  étendues  ;  par  exemple,  un  vice-secrétaire 
aux  finances,  dont  le  traitement  de  début  n'est  que  de 
1,500  lires,  doit  présenter  le  diplôme  de  licence  lycéale 
et  passer  des  examens  sur  le  droit  international,  l'histoire 
politique,  scientifique  et  littéraire  de  l'Italie,  la  géographie 
physique  et  politique,  la  langue  française,  anglaise  ou  alle- 
mande, le  droit  public  administratif,  le  code  civil,  le  droit 
commercial  et  maritime,  l'économie  politique. 

Grèce.  Les  fonctionnaires  ne  peuvent  être  destitués 
hors  les  cas  prévus  par  le  code  pénal  qu'après  avoir  subi 
deux  peines  disciplinaires  ou  si  pendant  un  mois  ils  se  sont 
abstenus  du  service  ou  pour  infirmité  dûment  constatée  ou 
pour  incapacité  ou  inconduite  notoire  ou  pour  suppression 
d'emploi.  C'est  le  conseil  des  ministres  qui  prononce  la 
révocation  sur  le  rapport  du  ministre  compétent. 

Autriche.  Les  fonctionnaires  civils  de  l'Etat  ont  une 
organisation  presque  militaire.  Ils  portent  un  uniforme  dans 
les  cérémonies  publiques  et  dans  toutes  les  circonstances 
extérieures  du  service.  Ils  sont  répartis  en  onze  classes. 
La  première  classe  ne  comporte  qu'un  seul  titulaire,  le  pré- 
sident du  conseil  des  ministres  ;  la  seconde  classe  com- 
prend les  autres  ministres,  le  premier  président  et  la  cour 
supérieure  de  justice,  le  président  de  la  cour  des  comptes, 
le  président  de  tribunal  de  l'Empire,  et  le  président  de  la 
cour  suprême  administrative,  etc.  Les  fonctionnaires  des 
services  provinciaux  portent  la  couleur  des  costumes  de 
l'administration  centrale  à  laquelle  ils  ressortissent.  Les 
fonctionnaires  en  uniforme  se  doivent  réciproquement  le 
salut  à  la  manière  militaire  :  l'inférieur  salue  le  premier. 
Tous  les  fonctionnaires  publics  sont,  dans  le  cercle  de 
leurs  attributions,  responsables  de  l'observation  des  lois 
constitutionnelles;  ils  prêtent  un  serment  et  jurent  l'obser- 
vation inviolable  des  lois  constitutionnelles.  En  dehors 
du  traitement  personnel,  augmentant  à  l'ancienneté  d'une 
manière  continue,  les  fonctionnaires  des  quatre  premières 
classes  ont  droit  à  un  supplément  de  fonctions  qui 
n'est  qu'une  sorte  d'indemnité  de  représentation.  Les 
fonctionnaires  des  sept  autres  classes  touchent  également 
une  indemnité  de  séjour,  ou  supplément  d'activité.  En  cas 
de  déplacement  il  est  alloué  à  tous  les  fonctionnaires  une 
indemnité  de  voyage.  Le  traitement  fixe  est  soumis  à  une 
retenue  pour  la  retraite  et  à  l'impôt  sur  le  revenu.  Outre 
les  onze  classes  de  fonctionnaires  supérieurs  il  y  a  trois 
classes  de  sous-agents  qui  composent  le  personnel  inférieur. 

Hongrie.  Le  système  hongrois  est  encore  plus  compli- 
pliqué.  11  distingue  vingt  et  une  sortes  de  fonctionnaires 
entre  lesquels  il  existe  encore  des  subdivisions  infinies.  Des 
examens  sont  exigés  à  l'entrée  dans  la  carrière  administra- 
tive et  ils  varient  selon  les  catégories  de  fonctions.  D'autre 
part,  les  comitats  et  les  villes  assimilées  jouissant  d'une 
autonomie  considérable  sont  les  grands  rouages  de  l'admi- 
nistration du  pays.  Sauf  certaines  hiérarchies  de  fonction- 
naires spéciaux  relevant  de  l'Etat,  l'administration  est 
presque  tout  entière  entre  leurs  mains.  Les  nominations 
sont  faites  pour  six  années  par  l'assemblée  du  municipe 


FONCTIONNAIRE  —  FOND 


—  740  — 


Pendant  six  ans  les  fonctionnaires  ne  peuvent  donc  être 
révoqués  sauf  au  cas  où  ils  mènent  une  vie  immorale  et 
scandaleuse  ou  violent  leurs  devoirs.  D'autre  part,  ils  sont 
soumis  à  des  réélections  fréquentes.  Ils  peuvent  être  pour- 
suivis disciplinairement  ;  les  peines  sont  :  la  réprimande, 
l'amende,  la  destitution,  les  dommages-intérêts. 

Bulgarie.  L'assiduité  des  fonctionnaires  est  assurée  au 
moyen  de  registres  de  pointage.  Le  ministre  seul  peut  pro- 
noncer les  peines  disciplinaires  qui  sont  :  l'avertissement, 
la  censure,  la  réduction  de  traitement,  la  rétrogradation. 
La  destitution  doit  être  prononcée  sur  l'avis  d'un  conseil 
de  discipline  soit  pour  négligence  grave  et  habituelle,  soit 
pour  désobéissance  persévérante,  soit  pour  inconduite  no- 
toire, ou  à  la  suite  d'une  condamnation  à  la  prison,  etc. 
Les  fonctionnaires  bulgares  jouissent  donc  d'une  sorte  d'ina- 
movibilité. 

Turquie.  Toutes  les  nominations  aux  fonctions  publiques 
doivent  avoir  lieu  conformément  aux  règlements.  Il  est 
exigé  des  candidats  la  preuve  de  leur  mérite  et  de  leur  ca- 
pacité. Tout  fonctionnaire  régulièrement  nommé  ne  peut 
plus  être  révoqué  ni  même  changé  s'il  n'est  pas  prouvé  que 
sa  conduite  justifie  légalement  sa  révocation,  s'il  n'a  pas 
donné  sa  démission  ou  si  «  sa  révocation  n'est  pas  jugée 
indispensable  par  le  gouvernement  ».  Tout  fonctionnaire 
est  responsable  dans  la  limite  de  ses  attributions. 

Russie.  La  nomination,  la  discipline,  l'avancement  de 
fonctionnaires  sont  déterminés  par  des  règles  calquées  sur 
celles  qui  régissent  l'armée.  Les  employés  civils  ont  des 
grades  qui  équivalent  à  ceux  de  caporaux  en  remontant 
l'échelle  hiérarchique  jusqu'au  grade  de  général  aide  de 
camp.  Une  loi  récente  (29  mars  1883)  exige  dans  l'état 
de  service  du  fonctionnaire  l'insertion  des  condamnations 
pour  crimes  ou  délits  judiciaires  qu'il  a. encourues.  Il  est 
d'usage  d'honorer  la  carrière  administrative  longue  et  bien 
remplie  des  dignitaires  de  l'Etat  par  la  célébration  de  l'an- 
niversaire de  leur  entrée  en  fonctions.  L'Etat  profite  géné- 
ralement de  cette  cérémonie  pour  récompenser  particuliè- 
rement ses  agents.  C'est  aussi  une  occasion  pour  les 
subordonnés  d'exprimer  à  leurs  chefs  leurs  sentiments  de 
respect.  Cependant  le  jubilé  des  fonctionnaires  ne  peut 
avoir  lieu  qu'avec  la  permission  de  l'autorité  supérieure. 
Cette  autorisation  n'est  accordée  qu'aux  fonctionnaires  qui 
ont  été  sans  interruption  depuis  vingt-cinq  ans  à  la  tête 
d'une  administration  ou  aux  militaires  qui  comptent  cin- 
quante ans  de  service  comme  officiers. 

Norvège.  Ne  peuvent  être  nommés  aux  emplois  publics 
que  les  citoyens  norvégiens  parlant  la  langue  du  pays.  Les 
membres  du  conseil  du  roi,  les  juges,  les  fonctionnaires 
ecclésiastiques,  les  professeurs  de  l'université  (faculté  de 
théologie),  les  instituteurs  primaires  publics,  les  institu- 
teurs libres,  le  directeur  d'écoles  d'enseignement  supérieur, 
les  hauts  fonctionnaires  civils  doivent  faire  profession  de 
la  religion  officielle  de  l'Etat.  Jadis  tous  les  fonctionnaires 
devaient  prêter  serment.  La  loi  du  22  mai  4  875  a  dispensé 
de  cette  formalité  un  très  grand  nombre  d'employés  ou  d'of- 
ficiers publics. 

Bibl.  :  Block,  Dictionnaire  de  L'administration  fran- 
çaise.—  Dalloz,  Répertoire.—  Bernard,  De  la  Responsa- 
bilité des  fonctionnaires  publics  ;  Paris,  1878,  in-8.  — 
Robert,  Responsabilité  pénale  et  civile  des  fonctionnaires 
de  l'Etat,  1877,  in-8.  —  Farcinet,  Classification  des  fonc- 
tions administratives  ;  Paris,  1879,  in-8.  —  Delafond, 
Responsabilité  des  fonctionnaires  publics  devant  les  tri- 
bunaux ;  Agen,  1882,  in-8.  —  Lacanal,  Responsabilité  des 
fonctionnaires  publics  envers  les  simples  particuliers, 
1884,  in-8.  —  Thévenot,  De  la  Situation  des  fonction- 
naires subalternes  en  France  ;  Troyes,  1871,  in-8.  —  Zed- 
litz-Neukirch,  Das  Gesetz  ùber  aie  Rechtsverhaltnisse 
der  Reichsbeamten  ;  Berlin,  1874,  2  vol.  —  Kanngiesser, 
Das  Recht  der  deulschen  Reichsbeamten  ;  Berlin,  1874.  — 
Thudichum,  Das  Reichsbeamtenrecht  ;  Leipzig,  1876.  — 
Bûnnecke,  Der  Reischs-und  Staatdienst  ;  Leipzig,  1889. 
Beltrami,  La  Nuova  Guida  per  gliuffizi  comunali;  Turin, 
1871,  3  vol.  in-8.  —  Blonski,  Die  œsterreichische  Civil- 
Staadstdienst;  Vienne,  1882,  in-8.  —  Wintersperger,  Der 
Staadsdienst,in  Œsterreich;  Vienne,  1883,.  in-8.—  Gonse, 
Etude  sur  le  recrutement  des  fonctionnaires  aux  Etats- 
Unis,  dans  Bulletin  de  législation  comparée  de  1869.  — 


Colmeiro,  Derecho  administrativo  espanol  ;  Madrid,1876, 
2  vol.  in-8.  —  Soler  y  Castello,  Derecho  administrativo 
espanol  ;  Madrid,  1886,  in-8. 

FONCTIONNEL.  Déterminant  fonctionnel  (V.  Détermi- 
nant). Calcul  des  équations  fonctionnelles  (V.  Equation). 
—  On  appelle  quelquefois  l'analyse  infinitésimale  calcul 
fonctionnel. 

FOND.  I.  Marine.  —  Cette  expression  indique,  en  ma- 
rine, la  hauteur  de  l'eau.  Ainsi,  quand  un  bâtiment  entre  dans 
une  passe,  les  sondeurs  placés  de  chaque  bord  indiquent 
cette  hauteur  de  la  façon  suivante  :  Fond,  30  m.;  tri- 
bord, 30  !  —  Dans  le  cas  contraire,  si  la  ligne  de  sonde 
n'est  pas  arrivée  au  fond  :  35  m.,  bâbord;  35,  pas  de 
fond  !  La  notation  du  fond  diffère  suivant  les  cartes  marines 
des  diverses  puissances.  C'est  ainsi  que  la  France  emploie 
le  mètre  et,  sur  les  vieilles  cartes,  la  brasse,  qui  vaut 
4m624.  L'Angleterre  emploie  le  fathom  valant  4m829,  ou 
le  foot  valant  0m305  ;  l'Espagne  la  brazza  valant  4m672; 
la  Russie  la  sagène  valant  2m134,  etc.  Sur  les  cartes,  à 
côté  du  chiffre  indiquant  la  hauteur  du  fond,  se  trouvent 
certaines  lettres  qui  en  indiquent  la  nature  et  qu'il  est  bon 
de  connaître.  En  voici  la  nomenclature  : 


France 

Angleterre 

Roche     .     .     . 

r. 

Rock     .     .     . 

r. 

Pierres  .     .     . 

P- 

Stones  .     . 

st. 

Corail    .     .     . 

cor. 

Coral     .     . 

cri. 

Coquilles     .     . 

coq. 

Shells    .     . 

sh. 

—     brisées 

coq.  br. 

Broken  shells 

.     brk.  sh. 

Gravier .     .     . 

gr- 

Gravel  .     . 

.        J.\ 

Argile    .     .     . 

a. 

Clay.     .     , 

Vase      .     .     . 

V. 

Mud.     .     . 

m. 

Vase  dure  .     . 

v.  d. 

Stiff.  Mud  . 

sff.  m. 

Vase  molle.     . 

v.  m. 

Soft  Mud  . 

sft.  m. 

Herbier .     .     . 

h. 

Weed    .     . 

wd. 

Sable     .     .     . 

s. 

Sand    .     . 

s. 

—    fin     .     . 

s.  f. 

—  fine   . 

s.  f. 

—    gros  .     . 

s.  g. 

—  coarse    . 

s.  c. 

—   jaune.     . 

S.  J. 

—  yellow 

s.  y. 

—    rouge     . 

s.  r. 

—  red    . 

s.  r.  d 

—    noir  .     . 

s.  n. 

—  black. 

s.  blk. 

Au  mot  fond  se  rattachent  aussi  deux  expressions  em- 
ployées en  marine  :  haut-fond  et  bas-fond.  Bas-fond  indique 
un  endroit  où  la  mer  est  peu  profonde,  mais  où  cependant 
on  peut  passer  sans  toucher.  Haut-fond,  au  contraire, 
signifie  place  où  le  peu  de  profondeur  de  l'eau  ne  permet 
pas  le  passage  du  navire. 

Double  fond  (V.  Double). 

II.  Archéologie.  —  Fond  de  coupe.  Le  fond  de  coupe 
est  la  portion  intérieure,  décorée,  des  patères  et  des  coupes 


Fond  de  coupe  (antiquité  chrétienne). 

de  verre  antiques.  Au  point  de  vue  de  leur  technique  déco- 
rative, ils  se  rapportent  à  trois  types  :  ceux  à  fond  d'or, 
ornés  de  dessins  tracés  à  la  pointe  sur  une  feuille  cTor  ; 


—  741 


FOND  -  FONDATION 


ceux  décorés  d'intailles  de  pâtes  de  verre  soudées  en  cercles 
concentriques  autour  d'un  sujet  principal,  enfin  ceux  qui 
sont  gravés  à  même  le  verre.  Les  sujets  qu'ils  représentent 
indiquent  les  usages  auxquels  ils  étaient  destinés  ;  ils 
peuvent  se  diviser  en  cinq  catégories  :  ceux  destinés  aux 
agapes  de  naissance,  aux  agapes  nuptiales,  aux  agapes 
funèbres,  aux  agapes  des  fêtes  de  saints,  enfin  aux  sou- 
venirs personnels  de  la  vie  de  famille,  comme  dans  la 
figure  que  nous  donnons  et  qui  représente  deux  époux, 
ayant  devant  eux  leurs  deux  enfants,  Pompeianus  et  Theo- 
dora,  auxquels  ils  souhaitent  longue  vie.  Tous  ces  fonds  de 
coupe  remontent  à  une  assez  haute  antiquité.  Buonarotti 
les  attribue  au  11e,  au  me  et  au  commencement  du  ive  siècle. 
M.  de'Rossi  en  restreint  la  période  aux  111e  et  ive  siècles. 
Aussi,  malgré  le  sentiment  artistique  païen  qui  laisse  sur 
nombre  d'entre  eux  sa  marque  indiscutable,  il  est  peu  de 
monuments  qui  offrent,  précisément  par  les  usages  privés 
auxquels  ils  étaient  destinés,  une  aussi  grande  importance 
pour  l'archéologie  chrétienne.  F.  de  M. 

III.  Architecture. — Ce  terme  reçoit  diverses  acceptions, 
suivant  les  différentes  industries  du  bâtiment.  Ainsi,  en 
construction,  dans  un  sens  général,  le  fond  d'un  bassin, 
d'une  niche,  d'un  chêneau  désigne  la  partie  la  plus  éloi- 
gnée de  la  surface  ouverte  et  on  dit  qu'un  bâtiment  ou 
qu'une  partie  de  construction  monte  de  fond  lorsque  ce 
bâtiment  ou  cette  partie  de  construction,  reposant  sur  des 
fondations,  s'élève  jusqu'à  la  partie  supérieure  de  l'ensemble 
de  l'édifice  ;  en  maçonnerie,  un  fond  de  cuve  est  une 
cavité  dont  les  angles  sont  arrondis  dans  tous  les  sens  ; 
en  menuiserie,  h  fond  de  parquet  est  le  bâti  ou  le 
panneau  destiné  à  recevoir  une  glace  ;  en  peinture,  on 
appelle  couches  de  fond  les  premières  couches  sur  les- 
quelles viendront  s'appliquer  les  ornements  et  sur  lesquelles 
sera  peint  un  décor,  bois  ou  marbre  ;  enfin,  dans  le  papier 
de  tenture,  le  fond  est  le  ton  uni  ou  travaillé,  le  champ 
sur  lequel  se  détachent  les  dessins  du  papier.      Ch.  L. 

IV.  Peinture.  —  Derniers  plans  de  la  composition  dans 
un  tableau,  champ  qui  entoure  un  objet  peint.  Le  choix  et 
l'exécution  de  cette  partie  d'une  peinture  ont  une  importance 
beaucoup  plus  grande  que  celle  qu'on  serait  tenté  de  lui 
assigner  tout  d'abord  ;  le  fond  doit  ou  rester  absolument 
neutre  pour  laisser  tout  l'intérêt  se  porter  sur  le  sujet  prin- 
cipal du  tableau  ou  faire  valoir  ce  sujet  d'une  manière  plus 
active,  par  un  habile  contraste  de  lignes  ou  de  tons.  Un 
fond  neutre  ne  doit  comporter  ni  lignes  se  coupant  per- 
pendiculairement, ni  valeurs  présentant  de  brusques  oppo- 
sitions de  lumières  et  d'ombres,  ni  tons  violents  ou 
juxtaposés  de  manière  à  attirer  l'œil.  11  doit  être  peint 
d'une  touche  douce,  égale  et  légère.  Lorsque  le  fond 
est  destiné  à  prendre  une  part  plus  active  dans  l'ensemble 
par  ses  lignes,  ses  valeurs  et  ses  tons,  il  doit  être  conçu 
cependant  de  manière  à  ne  pas  venir  en  avant  ;  dans  ce 
cas,  c'est  surtout  le  goût  de  l'artiste  et  son  sentiment  de 
la  perspective  qui  lui  dicteront  les  moyens  d'arriver  à  un 
juste  effet.  Ad.  T. 

V.  Gravure  (V.  Gravure). 

VI.  Photographie  (V.  Photographie). 
VIL  ThéAtre  (V.  Théâtre). 

Bibl.  :  Archéologie.  —  Le  moine  Théophile,  Diversa- 
rum  artium  schedula,  trad.  PEscalopier;  Paris,  c.  xm  et 
suiv.,  in-4.— Buonarotti, Osservazionisopra  alcunifram- 
menti  di  vasi  antichi  di  vetro,  ornati  di  figure,  trovati 
nei  cimiteri  di  Roma  ;  Florence,  1716,  in-4.  —  Garucci, 
Vetri  ornali  di  figure  in  oro,  trovati  nei  cimiteri  dei  cris- 
tiani  primitivi  di  Roma  ;  Rome,  1858,  in-fol.  —  J.-B.  de' 
Rossi,  Bull,  d'archéologie  chrétienne,  1882  et  passim.  — 
Du  même,  dans  Archives  de  l'Orient  latin  ;  Paris,  1884, 
in-4,  t.  II,  lro  partie,  pp.  439  et  suiv. 

FOND-du-Lac.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Wisconsin, 
à  l'extrémité  méridionale  du  lac  Winnebago,  d'où  sort  la 
rivière  Fox  qui  va  se  jeter  dans  la  baie  Verte  (lac  Michi- 
gan).  Nombreuses  fabriques  de  papier,  dont  les  produits 
sont  expédiés  en  grande  partie  directement  à  l'E.  parle  port 
de  Sheboygan.  Fondée  en  1763  par  un  Français,  Charles 
de  Langlade,  la  ville  de  Fond-du-Lac  compte  aujourd'hui 


12,000  hab.,  dont  beaucoup  d'Allemands.  La  population 
a  plutôt  légèrement  diminué  depuis  1870.  La  prospérité  de 
Fond-du-Lac  a  été  éclipsée  par  celle  de  la  ville  d'Oshkosh, 
sa  voisine,  située  sur  le  même  lac,  à  l'embouchure  de  la 
rivière  Wolf,  centre  d'un  énorme  commerce  de  bois  scié  et 
travaillé.     * 

FONDAMENTAL.  Le  mot  fondamental  a  été  employé, 
surtout  par  les  géomètres  allemands,  dans  un  grand  nombre 
de  cas.  Nous  ne  pouvons  énumérer  toutes  les  circonstances 
dans  lesquelles  on  le  rencontre;  nous  croyons  toutefois 
devoir  dire  ce  que  l'on  est  convenu  d'appeler  un  système 
«  de  lacets  fondamentaux,  cette  locution  ayant  été  em- 
ployée par  plusieurs  géomètres.  Considérons  une  fonction 
algébrique  et  soient  yL,  y%,**.ym  ses  diverses  valeurs  en 
un  point  x0.  Considérons  un  lacet  permutant  deux  valeurs 
quelconques  yL  et  î/2,  puis  un  lacet  permutant  y±  ou  y.2 
avec  une  autre  valeur  î/3,  puis  un  lacet  permutant  yi9  y2 
ou  y3  avec  une  nouvelle  valeur  yA  de  y  et  ainsi  de  suite, 
ces  lacets  formeront  un  système  fondamental;  on  peut 
toujours  passer  d'une  valeur  de  y  à  une  autre  en  suivant 
exclusivement  des  lacets  fondamentaux.  H.  L. 

FONDAMENTALE  (Basse)  (Mus.)  (V. Basse  [Mus.]). 

FON  DANT.  I.  Métallurgie.  —  On  nomme  fondant  toute 
matière  ajoutée  à  un  lit  de  fusion  pour  obtenir  la  sépara- 
tion de  la  gangue  d'avec  la  matière  utile.  Ainsi,  dans  la 
métallurgie  du  fer  au  haut  fourneau,  le  carbonate  de  chaux 
ou  castine  est  un  fondant  destiné  à  fournir  de  la  chaux  au 
silicate  qui  doit  constituer  le  laitier.  Dans  le  traitement  de 
certains  minerais  de  cuivre  oxydés,  le  sulfate  de  chaux  est 
un  fondant  apportant  le  soufre  qui  doit  produire  la  matte 
ou  sulfate  de  cuivre  et  de  fer.  Il  est  rare  que  l'on  soit 
obligé  de  se  servir  de  la  silice  comme  fondant  ;  les  mine- 
rais et  les  cendres  du  combustible  en  apportent  générale- 
ment en  excès  ;  on  est  conduit  à  ajouter  plutôt  des  bases 
pour  la  scorie,  comme  la  chaux,  la  magnésie,  la  baryte,  ou 
certains  éléments  spéciaux  comme  le  soufre,  l'arsenic,  qui 
doivent  se  combiner  au  métal  que  l'on  veut  obtenir.    L.  K. 

IL  Céramique.  —  Matière  vitrifiable,  incolore,  qu'on 
ajoute  aux  oxydes  métalliques  ou  aux  métaux  pour  les 
faire  adhérer  aux  excipients  et  les  glacer  (Brongniart)  ; 
8le  fondant  donne  le  corps  aux  couleurs,  les  rend  inatta- 
quables aux  agents  extérieurs  en  leur  servant  de  couverte 
en  même  temps  qu'ils  les  incorpore.  Il  doit  avoir  plusieurs 
qualités  :  1°  être  général,  c.-à-d.  pouvoir  servir  à  toutes 
les  couleurs  et  entrer  en  fusion  au  même  moment  ;  2°  in- 
corporer parfaitement  les  couleurs  et  les  faire  adhérer  uni- 
formément à  la  surface  à  décorer  ;  3°  être  clair,  transpa- 
rent, inattaquable  aux  acides  et  ne  contenir  aucune  matière 
qui  puisse  modifier  les  couleurs  pendant  la  cuisson.  Le  fon- 
dant est  la  base  de  tous  les  émaux.  Il  est  quelquefois  appelé 
à  tort  roquette;  mais  c'est  prendre  la  partie  pour  le  tout, 
car  la  roquette  se  combine  avec  le  tarse  pulvérisé  pour 
faire  la  fritte,  substance  vitreuse,  base  de  tout  verre,  qui 
doit  être  elle-même  fondue  avec  du  plomb  calciné  ou  de 
la  chaux  de  plomb  (minium),  pour  fournir  le  fondant  apte 
à  recevoir  la  coloration.  F.  de  Mély. 

III.  Confiserie  (V.  Bonbon,  t.  VII,  p.  272). 
Bibl.  :  Céramique.  —  Cyprian  Piccolpassi,  les  Troys 
Libvres  de  l'art  du  potier  (trad.  par  Claudius  Popelin)  ; 
Paris,  1861, in-4.—  J.-P.  FERRAND,TAr£  dufeuoude  peindre 
en  émail;  Paris,  1721,  in-12.  —  D'Arclais  de  Montamy, 
Traité  des  couleurs  pour  la  peinture  en  émail  et  sur  por- 
celaine; Paris,  1765,  in-8.  —  Brongniart,  Traité  des  arts 
céramiques;  Paris,  1844,  in-8.  —  Glaudius  Popelin, 
l'Email  des  peintres  ;  Paris,  1861,  in-8. 

FO  N  D  ATI  0  N .  I .  Architecture. — Partie  inférieure  d'un 
édifice,  établie  dans  le  sol  ou  dans  l'eau,  souvent  par  des 
procédés  tout  spéciaux,  et  servant  d'assiette  ou  de  base  à  la 
partie  supérieure  de  la  construction,  celle  dite  en  élévation. 
L'importance,  au  point  de  vue  de  la  durée  d'un  édifice,  de  la 
solidité  de  sa  fondation  et  les  divers  modes  d'établir  cette 
fondation  en  rapport  avec  la  nature  du  sol  et  avec  les  don- 
nées principales  de  la  construction  de  cet  édifice,  ont,  dans 
tous  les  temps,  occupé  l'attention  des  constructeurs  :  aussi 
les  auteurs  de  traités  d'architecture,  à  commencer  par 


FONDATION 


—  712 


Vitruve,  rappelant  au  ier  siècle  de  notre  ère  des  procédés  de 
fondation  employés  depuis  l'antiquité  la  plus  reculée,  jus- 
qu'à Jacques-François  Blondel,  qui  professait  à  l'Académie 
royale  d'architecture  au  milieu  du  siècle  dernier,  et  en  pas- 
sant par  Léon-Baptiste  Alberti,  qui  écrivait  à  l'aurore  delà 
Renaissance  italienne  ;  tous  ces  auteurs  ont-ils  fait,  au  com- 
mencement de  leurs  traités,  une  large  place  à  l'indication 
des  diverses  natures  du  sol,  ainsi  qu'à  l'étude  des  méthodes 
spéciales  à  employer  pour  en  combattre  les  défectuosités 
et  les  inconvénients  :  méthodes  encore  en  partie  en  usage 
de  nos  jours. 

Des  plus  remarquables  à  certaines  époques  de  l'antiquité 
et  surtout  vers  la  fin  de  la  république  romaine,  où  les  fon- 
dations consistaient  en  blocages  composés  de  débris  de  ma- 
tériaux résistants  formant  une  masse  homogène  et  comme 
un  roc  factice  grâce  à  leur  liaison  par  un  excellent  mor- 
tier, l'art  de  fonder,  qui  assura  alors  aux  édifices  des 
chances  de  durée  presque  éternelle,  tomba  en  décadence  avec 
les  invasions  des  peuples  germains  et  ne  se  releva  guère  en 
Europe,  après  les  premiers  siècles  de  l'art  roman,  que  vers 
le  xiie  siècle,  lorsque  les  maîtres  es  œuvres  des  châteaux 
forts  et  plus  tard  des  églises,  les  architectes  laïques  qui, 
écrit  Yiollet-Le-Duc  (Dict.  de  l'architecture,  V,  p.  325), 
«  avaient  vu  tant  de  constructions  romanes  s'écrouler,  par 
f*  ute  de  fondations,  ou  par  suite  de  la  poussée  des  voûtes 
mal  contrebutées,  voulurent  faire  en  sorte  d'éviter  ces 
sinistres,  et,  à  cet  effet,  mirent  un  soin  particulier  à  éta- 
blir des  fondations  durables  et  à  rendre  leurs  constructions 
assez  élastiques  pour  que  les  tassements  ne  fussent  plus  à 
craindre.  »  En  effet,  ajoute  Viollet-Le-Duc,  «  les  fonda- 
tions des  constructions  gothiques,  au  lieu  d'être  faites  en 
gros  blocages,  jetés  pêle-mêle  dans  un  bain  de  mortier, 
comme  celles  des  constructions  romanes,  sont,  au  contraire, 
souvent  revêtues  de  parements  de  pierres  de  taille  (libages), 
posées  par  assises  régulières  et  proprement  taillées;  les 
massifs  sont  maçonnés  en  moellons  bloqués  dans  un  excel- 
lent mortier.  Ces  fondations  sont  (quand  les  ressources  ne 
manquaient  pas)  très  largement  empattées  et  s'appuient  sur 
des  sols  résistants.  »  Mais,  depuis  la  Renaissance,  les  ar- 
chitectes ont  eu  recours  à  des  méthodes  très  différentes,  soit 
imitées  de  l'antiquité  et  du  moyen  âge,  soit  suggérées  par 
la  nature  même  du  sol  et  de  la  construction  à  élever  : 
aussi,  laissant  de  côté  les  fondations  toutes  spéciales  des 
ponts  et,  en  général,  tous  travaux  de  fondation  exécutés  à 
même  la  masse  d'eau,  anse  ou  bras  de  mer,  port  ou  cours 
d'un  fleuve,  nous  examinerons  brièvement  les  principales 
méthodes  employées  pour  fonder  les  édifices  dans  les  ter- 
rains de  constitutions  diverses  qui  s'offrent  le  plus  habi- 
tuellement à  la  science  du  constructeur. 

Les  terrains  peuvent  se  diviser  en  plusieurs  groupes  sui- 
vant leur  nature  :  les  terrains  secs,  roches  crayeuses  ou 
schisteuses,  graveleuses  ou  sablonneuses,  mais  incompres- 
sibles et  constituant  un  bon  sol  ou  au  moins  un  sol  que  l'on 
peut  considérer  comme  suffisant  dans  la  plupart  des  cas  ; 
les  terrains  de  même  nature,  mais  dans  lesquels  des  infil- 
trations peu  importantes,  dues  à  une  cause  accidentelle, 
nécessitent  un  simple  épuisement,  et  enfin  les  terrains  mou- 
vants et  compressibles,  tels  que  ceux  composés  en  grande 
partie  de  glaise,  de  tourbe,  de  terres  rapportées,  etc.  Pour 
les  premiers  terrains,  ceux  incompressibles,  il  suffit  de  faire 
'  une  fouille  peu  profonde,  avec  peu  d'empattement,  d'en 
dresser  le  fond  et  d'établir  dessus  les  fondations  de  l'édi- 
fice projeté  ;  mais,  dans  le  cas  où  le  sol  inégal  présenterait 
une  certaine  pente,  il  y  a  lieu  d'établir  les  fondations  par 
gradins.  En  outre,  pour  les  terres  graveleuses  ou  sablon- 
neuses ,  qui  n'offriraient  pas  une  résistance-  suffisante,  il 
faudrait  pousser  la  fouille  plus  profondément,  lui  donner 
plus  d'empattement  et  en  remplir  le  fond  de  couches  de  sable 
ou  de  béton  de  mortier  et  de  cailloux  bien  pilonnées. 
Lorsque  le  terrain  considéré  comme  bon  sol  n'est  qu'à  une 
faible  profondeur  du  niveau  inférieur  des  fondations  proje- 
tées, il  y  a  lieu  d'enlever  la  couche  intermédiaire  et  de  des- 
cendre les  fondations  sur  le  bon  sol  ;  mais  si  le  bon  sol  est 


à  une  trop  grande  profondeur,  il  faut  alors  l'aller  chercher 
à  l'aide  de  puits  que  l'on  remplira  de  béton  pour  former 
ainsi  des  piliers  sur  lesquels  reposeront  les  fondations,  ou 
encore  fonder  sur  pilotis,  comme  pour  les  terrains  mou- 
vants ou  compressibles  (V.  plus  loin).  Pour  les  terrains  dans 
lesquels  se  produisent,  au  moment  de  la  construction,  des 
infiltrations  accidentelles  et  peu  importantes,  il  suffit  d'épui- 
ser l'eau  par  les  moyens  ordinaires  ou  à  l'aide  de  pompes 
spéciales  ;  mais  si  ces  infiltrations  étaient  causées  par  une 
nappe  d'eau  persistante,  comme  à  Paris,  l'ancien  ru  de 
Ménilmontant  traversant  certains  quartiers  de  la  rive  droite 
de  la  Seine,  il  y  aurait  lieu  de  recourir  à  divers  moyens, 
tels  que  la  fondation  à  l'aide  de  caissons,  de  tubes  faisant 
le  vide  ou  de  l'air  comprimé,  tous  moyens  employés  dans 
la  fondation  des  piles  de  pont  et  dans  les  travaux  mari- 
times (V.  Caisson,  Pont,  Travaux  maritimes). 

Pour  les  terrains  mouvants  et  compressibles  sur  lesquels 
on  veut  élever  des  constructions,  on  augmente  au  préalable 
la  résistance  de  ces  terrains,  à  l'aide  de  puits  remplis  de 
béton  ou  à  l'aide  de  pilotis.  Les  puits,  de  formes  variées, 
circulaire,  ovale,  carrée  ou  rectangulaire,  sont  creusés  ou 
descendus  jusqu'à  la  profondeur  jugée  suffisante,  au-des- 
sous des  principaux  points  d'appui  ou  trumaux  de  l'édifice 
à  construire,  mais  en  ayant  bien  soin  de  blinder  au  fur  et  à 
mesure  le  pourtour  de  ces  puits  de  boiseries  maintenues 
par  des  cercles  en  fer,  et  on  remplit  ensuite  ces  puits  de  bé- 
ton de  mortier  et  de  cailloux  pilonnés  par  couches  de  faible 
hauteur.  En  outre,  ces  puits  sont  reliés  entre  eux,  à  leur 
partie  supérieure,  par  des  arcs  en  maçonnerie  d'une  épais- 
seur suffisante  et  qui  reçoivent  les  parties  de  construction 
en  élévation  montées  entre  deux  trumeaux.  Dans  le  cas  où, 
pendant  le  forage  des  puits,  se  décèleraient  des  cavités  in- 
térieures ou  poches,  on  remplirait  ces  vides  de  maçonnerie 
sèche,  afin  d'assurer  aux  puits  la  forme  qu'ils  doivent  avoir 
pour  recevoir  le  béton.  —  Les  fondations  à  l'aide  de  pilotis 
ou  mieux  sur  pilotis,  consistent  en  pieux  de  bois,  ferrés  ou 
non.  Dans  ce  dernier  cas,  si  les  pieux  sont  de  bois  de 
chêne,  il  suffit  d'en  faire  durcir  la  pointe  au  feu.  Ces  pieux, 
disposés  en  quinconce,  sont  enfoncés  à  coups  de  mouton 
par  le  battage  à  la  sonnette  ;  après  quoi,  on  en  coupe  l'ex- 
trémité supérieure  à  la  hauteur  voulue  pour  recevoir  un 
grillage  en  charpente  disposé  suivant  le  plan  des  maçonne- 
ries de  l'édifice  à  construire.  Parfois  aussi  on  enlève  les 
pieux  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  sont  enfoncés,  et  on  remplit 
les  cavités  ainsi  formées  à  l'aide  de  sable  ou  de  béton  de 
sable  (V.  Grillage,  Prise,  Sonnette).  —  Les  anciennes 
coutumes  et,  depuis  la  promulgation  du  code  civil,  les  nom- 
breux commentateurs  des  articles  de  ce  code  relatifs  aux 
servitudes  et  spécialement  à  la  mitoyenneté  des  murs,  in- 
diquent les  conditions  d'établissement  des  fondations  et  la 
part  de  frais  afférente  à  chaque  propriétaire  dans  la  cons- 
truction des  murs  mitoyens,  et  l'on  ne  saurait  trop,  sur  ce 
sujet,  renvoyer  à  ces  différents  auteurs  et  aussi  consulter 
la  jurisprudence  actuelle.  Charles  Lucas. 

Fondation  des  ponts  (V.  Pont). 
II.  Droit  administratif.  —  Ce  terme,  pris  lato  sensu, 
désigne  toute  donation  entre  vifs  ou  testamentaire  faite  à 
un  établissement  public  ou  religieux.  Mais  on  entend  plus 
particulièrement  par  fondation  toute  libéralité  en  faveur 
d'un  bureau  de  bienfaisance,  d'un  hospice  ou  hôpital,  d'une 
commune,  d'une  école,  d'une  fabrique,  à  la  charge  de  dis- 
tribuer des  aumônes  aux  pauvres,  de  créer  des  lits  nou- 
veaux dans  un  hospice  ou  hôpital,  des  bourses  dans  une 
école,  d'établir  des  maisons  d'éducation,  des  établissements 
de  bienfaisance,  des  communautés  religieuses.  Sous  le  ré- 
gime de  la  féodalité,  les  fondations  étaient  très  nombreuses  ; 
presque  toutes  les  paroisses  en  avaient  au  moins  une. 
Elles  devaient  être  approuvées  par  lettres  patentes  et  de- 
venaient alors  irrévocables.  Bien  que  plusieurs  édits  (V.  no- 
tamment l'édit  d'août  1749)  aient  réglementé  sévèrement 
les  conditions  et  formes  de  ces  libéralités,  beaucoup  d'abus 
se  produisirent.  Les  fondations  furent  supprimées  successi- 
vement, pendant  la  période  révolutionnaire,  par  la  loi  du 


—  713  — 


FONDATION 


12  juil.  1790,  les  décrets  des  10  févr.  et  26  sept.  1791 
et  13  brumaire  an  IL  Tous  les  biens  affectés,  à  quelque 
titre  que  ce  fût,  à  l'acquit  des  fondations,  furent  déclarés 
propriétés  nationales.  La  plupart  des  immeubles  provenant 
de  ces  actes  furent  vendus.  Le  concordat  rétablit  les  fon- 
dations, a  l'exception,  toutefois,  de  celles  dont  l'actif  avait 
été  aliéné,  et  permit  d'en  établir  de  nouvelles  (art.  13  et 
15).  Celles  dont  les  biens  étaient  restés  entre  les  mains  de 
l'Etat  furent  remises,  soit  aux  établissements  de  bienfai- 
sance, soit  aux  fabriques,  à  la  charge  de  payer  aux  curés, 
desservants  ou  vicaires,  selon  le  règlement  du  diocèse,  les 
messes,  obits  ou  autres  services  auxquels  lesdites  fonda- 
tions donnaient  lieu  (loi  du  4  ventôse  an  IX  ;  décr.  des 
22  fructidor  an  XIII  et  19  juin  1806). 

Les  fondations  se  divisent,  suivant  leur  objet,  en  reli- 
gieuses, séculières  ou  mixtes.  Toutes  sont  soumises,  quant 
à  l'instruction  et  au  mode  d'autorisation,  aux  mêmes  règles 
que  les  autres  libéralités.  Les  fondations  faites  au  profit 
d'un  établissement  de  bienfaisance  sont  autorisées  par  un 
arrêté  du  préfet,  sur  l'avis  du  sous-préfet  (décr.  du  25  mars 
1852,  tab.  A,  n°  42);  celles  faites  en  faveur  d'un  établis- 
sement religieux,  par  un  décret  rendu  en  conseil  d'Etat, 
sur  l'avis  préalable  de  l'évêque  (C.  civ.,  art.  910,  et  or- 
donn.  du  2  avr.  1817,  art.  1).  Les  deux  autorisations 
sont  nécessaires  quand  il  s'agit  de  fondations  mixtes.  Les 
fondations  ainsi  autorisées  sont  acceptées  comme  en  ma- 
tière de  dons  et  legs  (ordonn.  du  2  avr.  1817,  art.  3). 
Spécialement,  les  fondations  de  services  religieux  sont 
acceptées  par  la  fabrique.  Mais  il  n'est  pas  toujours  facile 
de  distinguer  le  cas  où  il  y  a  fondation  et,  par  conséquent, 
lieu  à  acceptation  de  la  part  des  fabriques.  On  consultera 
utilement,  à  cet  égard,  les  avis  du  conseil  d'Etat  des  29  mai 
et  17  oct.  1838  et  12  déc.  1839,  ainsi  qu'une  lettre  mi- 
nistérielle du  18  sept.  1865. 

Les  fondations  doivent  être  exécutées  dans  le  temps, 
dans  le  lieu  et  en  la  manière  prescrite  par  le  fondateur. 
Cette  obligation  est  de  droit  étroit,  la  fondation  constituant 
plutôt  un  contrat  commutatif  qu'une  véritable  libéralité. 
Les  fondations  religieuses  ont  surtout  fait  l'objet  d'une  ré- 
glementation spéciale,  dans  le  décret  du  30  déc.  1809, 
dont  nous  extrayons  les  dispositions  suivantes.  Les  mar- 
guilliers  sont  chargés  de  veiller  à  ce  que  toutes  fondations 
soient  fidèlement  acquittées  et  exécutées  conformément  à 
l'intention  des  fondateurs,  sans  que  les  sommes  puissent 
être  employées  à  d'autres  charges.  Au  commencement  de 
chaque  trimestre,  le  tableau  des  fondations  est  affiché  dans 
un  lieu  apparent  de  la  sacristie,  avec  les  noms  du  fonda- 
teur et  de  l'ecclésiastique  qui  doit  acquitter  chaque  fonda- 
tion. Il  est  rendu  compte,  à  la  fin  du  trimestre,  par  le  curé 
ou  desservant,  au  bureau  des  marguilliers,  des  fondations 
acquittées  pendant  le  cours  dudit  trimestre.  Les  annuels 
emportant  une  rétribution  quelconque  sont  donnés  de  pré- 
férence aux  vicaires,  à  moins  qu'il  n'en  ait  été  autrement 
ordonné  par  les  fondateurs  (art.  26  et  31).  Si  l'acquit  de 
la  fondation  ne  peut  être  continué  dans  le  lieu  fixé  par  le 
fondateur,  par  suite  d'un  événement  de  force  majeure, 
l'évêque  peut  désigner  l'église  ou  la  chapelle  dans  laquelle 
la    fondation   sera   désormais  acquittée   (cour  de  Paris, 
24  janv.  1840).  Il  peut  arriver  aussi  que  les  sommes  don- 
nées ou  léguées  par  le  fondateur  ne  soient  pas  suffisantes 
pour  l'exécution  des  charges  prescrites.  Dans    ce   cas, 
l'évêque  a  le  droit  de  réduire  les  services  dans  une  juste 
mesure  (décr.  du  30  déc.  1809,  art.  29).  Cette  réduction 
peut  encore  être  motivée  par  la  perte  accidentelle  d'une 
partie  du  capital  affecté  à  la  fondation  ou  la  diminution 
de  la  valeur  du  numéraire.  Ce  principe,  déjà  admis  très 
anciennement,  a  été  reconnu  par  un  arrêt  de  la  cour 
de  Nancy,  en  date  du  24  févr.  1877,  aux  termes  duquel 
«  l'acceptation,  même  sous  l'empire  du  code  civil,  d'une 
fondation  perpétuelle,  ne  constitue  pas  un  engagement  irré- 
ductible et  à  forfait  ».  Dans  le  cas  où  les  services  sont  irré- 
ductibles, il  appartient  aux  tribunaux  de  prescrire  un  nou- 
vel emploi  des  revenus,  en  se  conformant  à  la  volonté 


présumée  des  fondateurs.  Si  le  capital  a  péri  par  des  causes 
indépendantes  de  la  fabrique,  celle-ci  n'est  plus  tenue  d'ac- 
complir les  charges.  Si,  au  contraire,  le  revenu  de  la  fon- 
dation a  augmenté,  les  charges  ne  sont  pas  accrues,  à 
moins  que  cette  augmentation  n'ait  été  formellement  pres- 
crite par  le  fondateur.  Il  n'y  a  pas  lieu  à  réduction  quand 
la  diminution  du  revenu  provient  de  la  négligence  de  la 
fabrique. 

Les  fondateurs,  leurs  descendants  et  leurs  héritiers  ont 
qualité  pour  faire  contraindre  en  justice  les  marguilliers  à 
exécuter  la  fondation.  Cependant,  le  débiteur  de  la  rente 
destinée  à  la  servir  ne  peut  en  refuser  le  prix  sous  le  pré- 
texte qu'elle  n'est  pas  acquittée  (Affre,  Traité  de  Vadm. 
temp.  des  par.,  p.  210).  Un  arrêt  de  la  cour  de  cassation 
a  même  décidé  qu'il  appartient  aux  tribunaux,  jugeant  en 
fait,  de  déclarer  que  le  retard  apporté  à  la  célébration  d'un 
service  religieux  ne  constitue  pas  une  dérogation  à  l'inten- 
tion des  parties,  ni  un  titre  constitutif,  et  que,  dès  lors,  ils 
peuvent  refuser  de  prononcer,  à  raison  de  ce  retard,  une 
condamnation  à  des  dommages-intérêts  (Roullier,  22  mai 
1876).  On  ne  saurait  non  plus  se  baser  sur  l'exécution 
des  fondations  pour  refuser  d'en  payer  le  revenu.  En  ré- 
sumé, les  fondations  doivent  être  acquittées  et  la  rente  en 
être  payée.  Jules  Forestier. 

III.  Droit  ecclésiastique.  —  Quoique  le  nom  géné- 
rique de  fondation  convienne  aux  deux  espèces,  la  plupart 
des  canonistes  et  les  édits  de  nos  rois  faisaient  une  dis- 
tinction entre  Y  établissement  et  la  fondation.  Ils  appe- 
laient particulièrement  établissements  les  dispositions  ayant 
pour  objet  la  fondation  d'églises,  de  chapitres,  collèges, 
séminaires,  maisons  ou  communautés  religieuses  (même 
sous  prétexte  d'hospice),  congrégations,  confréries,  hôpitaux 
ou  autres  corps  et  communautés,  soit  ecclésiastiques  (régu- 
lières ou  séculières),  soit  laïques,  et  même  toute  érection 
de  chapelles  ou  autres  titres  de  bénéfices.  Dans  le  dernier 
état  de  notre  ancien  droit,  aucun  établissement  ne  pouvait 
être  formé  qu'avec  l'approbation  du  roi  donnée  par  lettres 
patentes.  Le  terme  de  fondations  ou  fondations  particu- 
lières était  ordinairement  réservé  aux  donations  ou  legs 
faits  à  des  églises  ou  communautés  établies  et  ayant  pour 
objet  la  célébration  de  messes  ou  obits,   la  subsistance 
d'étudiants,  l'assistance  des  pauvres  (ecclésiastiques  ou 
laïques),  le  mariage  des  filles  pauvres,  le  soulagement  des 
prisonniers  ou  des  incendiés  et  autres  œuvres  pies  de  même 
nature.  Il  n'était  point  nécessaire  d'obtenir  de  lettres  pa- 
tentes pour  ces  fondations  ;  il  suffisait  de  faire  accepter  par 
l'autorité  ecclésiastique  les  actes  qui  les  contenaient  et  de 
les  faire  homologuer  par  les  parlements  et  conseils  supé- 
rieurs. Ceux-ci,  chacun  en  son  ressort,  devaient  pourvoir 
à  l'administration  des  biens  destinés  aux  fondations  et  aux 
comptes  qui  en  seraient  rendus  (édit  d'août  1749,  art.  3). 
—  Une  fondation  faite  en  faveur  des  pauvres,   sous  dési- 
gnation particulière,  appartenait  au  bureau  de  charité.  Un 
curé  pouvait  être  contraint  par  saisie  de  son  temporel  d'ac- 
quitter les  messes  de  fondation.  En  principe,  il  doit  être 
satisfait  exactement  à  toutes  les  conditions  imposées  par 
l'acte  constitutif  :  temps,  lieu  et  manière  ;  mais  lorsque  les 
messes  de  fondation  étaient  devenues  si  nombreuses,  qu'on 
ne  pouvait  plus  les  dire  précisément  aux  jours  marqués  ou 
lorsque  les  aumônes  affectées  à  leur  célébration  devenaient 
si  faibles,  qu'on  ne  trouvait  plus  facilement  de  personnes 
qui  voulussent  les  dire,  le  concile  de  Trente  (Ses.  XXV, 
De  Reform.  c.  VI)  avait  autorisé  les  évêques,  après  exa- 
men dans  leur  synode  diocésain,  les  abbés  et  généraux 
d'ordre,  dans  leurs  chapitres  généraux,  à  réduire  les  fon- 
dations. En  conséquence  de  l'art.  3  de  l'édit  d'août  1749, 
cité  précédemment,  cette  réduction  se  trouva  soumise  au 
contrôle  des  parlements. 

Le  décret  du  23  oct.  1790,  ordonnant  la  vente  des  biens 
nationaux,  parmi  lesquels  étaient  compris  les  biens  du 
clergé  et  des  séminaires  diocésains,  excepta  de  cette  vente 
les  biens  des  fabriques,  des  fondations  religieuses,  des 
séminaires-collèges,  des  collèges,  des  établissements  d'étude 


FONDATION  —  FONDERIE 


714  — 


ou  de  retraite  ou  destinés  à  l'enseignement  public,  des 
hôpitaux,  des  maisons  de  charité  et  des  ordres  religieux- 
militaires.  Dans  l'art.  13  du  concordat  de  1801,  le  pape 
déclare  que  les  droits  et  revenus  attachés  aux  biens  ecclé- 
siastiques aliénés  demeureront  incommutables  entre  les 
mains  des  acquéreurs  ou  celles  de  leurs  ayants  cause  ;  mais 
l'art.  15  stipule  que  le  gouvernement  prendra  des  mesures 
pour  que  les  catholiques  français  puissent,  s'ils  le  veulent, 
faire  des  fondations  en  faveur  de  l'Eglise.  Un  arrêté  du 
7  thermidor  an  XI  porte  :  «  Les  biens  des  fabriques  non 
aliénés,  ainsi  que  les  rentes  dont  elles  jouissaient  et  dont 
le  transfert  n'a  pas  été  fait,  sont  rendus  à  leur  destination 
(art.  1).  Les  biens  des  fabriques  des  églises  supprimées 
seront  réunis  à  ceux  des  églises  conservées,  et  dans  l'ar- 
rondissement duquel  elles  se  trouvent  (art.  2).»  Un  arrêté 
du  25  frimaire  an  XII,  confirmé  et  étendu  par  un  avis  du 
conseil  d'Etat  du  21  frimaire  an  XIV,  un  décret  du  22  fruc- 
tidor an  XIII  et  un  autre  du  19  juin  1806,  remirent  aux 
fabriques  les  biens,  rentes  et  fondations  chargés  de  messes 
anniversaires  et  de  services  religieux.  Les  fabriques  nou- 
velles doivent  acquitter  les  services  religieux  anciennement 
fondés,  qui  sont  la  condition  tacite  et  inséparable  de  la 
restitution  des  biens  et  rentes  qui  y  étaient  affectés.  — 
(Pour  les  règlements  administratifs  concernant  l'acquitte- 
ment et  exécution  des  fondations,  V.  le  §  précédent.)  — 
L'art.  8  de  la  loi  du  18  germinal  an  X  déclare  communes 
aux  Eglises  protestantes  les  dispositions  portées  par  les 
articles  organiques  du  culte  catholique,  sur  la  liberté  des 
fondations,  et  sur  la  nature  des  biens  qui  peuvent  en  être 
l'objet.  E.-H.  Vollet. 

FONDE  (Cour  de  la)  (V.  Cour,  t.  XIII,  p.  79). 

FONDÉ  de  pouvoir  (Jurispr.).  On  nomme  ainsi  la  per- 
sonne qui  reçoit  le  pouvoir  de  faire  quelque  chose  pour  une 
autre  personne  et  au  nom  de  cette  dernière.  On  l'appelle 
aussi  mandataire  et,  plus  rarement,  procureur  fondé 
ou  simplement  procureur.  Le  pouvoir  donné  constitue  le 
mandat;  celui  qui  le  donne  prend  le  nom  de  mandant. 
Le  consentement  des  parties  suffit  pour  la  validité  du  man- 
dat. Le  mandat  peut  être  donné  par  acte  public,  par  acte 
sous  seing  privé,  et,  même,  verbalement,  ou  d'une  manière 
tacite.  Dans  certains  cas,  cependant,  le  mandat  doit  être 
authentique,  comme  pour  les  actes  de  l'état  civil  (C.  civ., 
art.  36),  les  oppositions  au  mariage  (iM.,art.  66)  et  les 
acceptations  de  donation  (ibid.,  art.  933).  Le  mandat  en- 
gendre des  obligations  entre  le  mandant  et  le  mandataire  et 
les  oblige  tous  les  deux  à  l'égard  des  tiers.  Mais  nous  ne 
pouvons  donner  ici  les  développements  que  comportent 
tous  ces  principes  ;  on  les  trouvera  au  mot  Mandat  (V.  aussi 
Percepteur,  Receveur  particulier  et  Trésorier-Payeur 
général).  Jules  Forestier. 

FONDERIE.-—  I.  Technologie.  —Les  fonderies  sont 
les  usines  où  l'on  fond  les  métaux  en  vue  de  leur  utilisa- 
tion dans  les  arts  et  métiers  et,  en  raison  de  l'importance 
considérable  de  cette  application  des  produits  de  la  fon- 
derie, on  a  dû  spécialiser  les  genres  de  fonderies,  et  chacun 
d'eux  est  l'objet  d'une  industrie  de  premier  ordre.  Les 
fonderies  de  fonte  de  fer  sont  les  plus  importantes  ;  nous 
nous  en  occuperons  tout  d'abord .  La  résistance  de  la  fonte 
tant  à  l'écrasement  qu'à  la  flexion  et  la  facilité  avec  la- 
quelle elle  peut  passer  à  l'état  liquide  ont  donné  naissance 
à  la  fonderie.  La  majeure  partie  de  nos  pièces  de  machines, 
beaucoup  de  nos  constructions  métalliques  sont  en  fonte 
moulée.  La  fonderie  emploie  plus  spécialement  la  fonte 
grise,  qui  a  une  grande  fluidité,  de  la  résistance  au  choc 
et  de  la  douceur  quand  on  la  travaille  à  l'outil.  La  fonte 
blanche  serait  trop  pâteuse  et  trop  fragile.  La  fonte  truitée 
n'est  qu'une  qualité  intermédiaire  entre  la  fonte  blanche 
et  la  fonte  grise  ;  on  ne  l'obtient  pas  en  marche  courante 
ordinaire,  et  d'ailleurs  elle  est,  comme  la  fonte  blanche, 
très  dure  et  quelquefois  même  impossible  à  travailler  aux 
outils.  On  ne  l'emploie  donc  qu'exceptionnellement,  pour 
des  usages  spéciaux.  Parmi  les  variétés  de  fonte  grise,  dé- 
signées par  les  nos  1  à  4,  en  descendant  l'échelle,  de  la 


fonte  la  plus  noire  à  celle  qui  se  rapproche  de  la  fonte 
truitée,  la  fonte  la  plus  communément  employée  dans  la 
fonderie  mécanique  et  d'ornement  est  la  fonte  n°  3.  La 
fonte  n°  1,  la  plus  chargée  en  graphite,  la  plus  noire  et 
celle  qui  a  le  plus  gros  grain,  manque  de  fluidité  ;  elle  est 
un  peu  pâteuse,  par  suite  de  l'excès  de  carbone  non  dis- 
sous; de  plus  elle  a  une  structure  poreuse  ;  d'ailleurs  .c'est 
la  plus  chère  à  produire  ;  on  ne  l'emploie  donc  qu'en  mé- 
lange et  on  la  recherche  pour  permettre  la  fusion  des  bo- 
cages et  débris  de  vieilles  fontes  que  leur  oxydation 
superficielle  transformerait  en  fonte  blanche.  Le  type  de 
la  fonte  du  moulage  est  la  fonte  n°  3,  mais  on  l'obtient  le 
plus  souvent  par  un  mélange  de  fontes  n°  1  et  n°  2  et  de 
vieilles  fontes  plus  ou  moins  blanches.  Il  y  a  deux  manières 
de  réaliser  la  qualité  de  fonte  la  plus  convenable  au  mou- 
lage :  la  première  fusion,  qui  se  fait  en  prenant  la  fonte  au 
haut  fourneau  même  et  ménageant,  dans  ce  but,  une  allure 
régulière  de  l'appareil  ;  la  deuxième  fusion,  la  plus  em- 
ployée et  qui  se  fait  au  four  à  réverbère  et  plus  générale- 
ment au  cubilot  (V.  ce  mot,  t.  XIII,  p.  547).  Autrefois, 
on  se  servait  d'un  appareil  appelé  calebasse,  dont  l'usage 
est  encore  répandu  en  Belgique,  qui  a  beaucoup  de  ressem- 
blance avec  le  cubilot  et  qui  peut  remplacer  ce  dernier 
lorsqu'on  n'a  besoin  que  de  petites  quantités  de  fonte  et 
par  intervalles  irréguliers.  Cet  appareil  était  employé  en 
France  dès  le  commencement  du  siècle  dernier,  mais  il  y 
est  aujourd'hui  fort  peu  répandu.  Il  y  a  deux  espèces  de 
calebasses  :  les  calebasses  ambulantes  à  poche  et  celles  qui 
sont  fixes  ou  à  demeure  ;  ces  dernières  peuvent  marcher  au 
coke  ou  à  la  houille  crue.  Quant  aux  dimensions  des  cale- 
basses, elles  varient  d'après  la  quantité  de  fonte  qu'on  veut 
liquéfier  en  une  seule  opération  ;  il  y  a  de  petits  fourneaux 
ambulants  dans  lesquels  on  ne  fond  que  quelques  kilo- 
grammes de  métal,  et  les  dimensions  des  fourneaux  à 
demeure  peuvent  être  telles  qu'elles  permettent  de  liqué- 
fier jusqu'à  500  kilogr.  de  fonte  en  une  seule  chaude. 
Dans  une  calebasse  fixe,  on  distingue  le  fourneau,  la  souf- 
flerie et  la  cheminée.  Les  parties  du  fourneau"  sont  :  le 
creuset,  aussi  appelé  calebasse,  d'où  vient  le  nom  qu'on 
a  donné  à  l'appareil  tout  entier,  et  la  cuve  ou  le  tour  de 
feu.  L'une  et  l'autre  sont  en  tôle  forte,  revêtue  intérieu- 
rement d'argile  ;  mais  le  creuset,  qui  n'est  qu'une  poche 
ordinaire  de  mouleur,  peut  aussi  être  en  fonte.  On  élève  le 
fourneau  le  long  d'un  mur,  en  tournant  la  cuve  de  manière 
que  le  mur  ferme  le  vide  qu'elle  présente  latéralement  et 
achève  ainsi  le  cylindre.  On  assemble  les  deux  parties 
du  fourneau  l'une  sur  l'autre  avec  un  lut  argileux  ;  on 
réunit  de  même  le  tour  de  feu  au  mur  et  on  enduit  tout 
l'intérieur  d'argile,  en  donnant  au  vide  du  fourneau  une 
forme  à  peu  près  cylindrique  ou  semblable  à  celle  du  vide 
d'un  cubilot.  Pour  conserver  la  chaleur,  on  enterre  le 
creuset  dans  du  sable  que  l'on  élève  un  peu  au-dessus  du 
cercle  de  jonction  de  la  calebasse  avec  le  tour  de  feu  et 
que  l'on  contient  en  bas,  à  droite  et  à  gauche,  par  deux 
petits  massifs  en  brique.  La  tuyère  qui  amène  le  vent 
passe  par  le  mur  et  rase  le  bord  du  creuset.  Enfin  le 
fourneau  est  surmonté  d'une  hotte  d'environ  2m50  de  hau- 
teur, pour  diriger  les  produits  de  la  combustion  à  l'exté- 
rieur. Dans  la  calebasse  au  coke  qui  reçoit  le  vent  peu 
comprimé  d'un  ventilateur,  la  tuyère  en  tôle  ordinaire  et 
de  forme  tronconique  n'a  pas  de  saillie  ;  l'inclinaison  est 
telle  que  le  vent  frappe  juste  au  milieu  de  la  section 
supérieure  du  creuset.  Dans  la  calebasse  à  la  houille,  la 
tuyère,  plus  inclinée,  lance  le  vent  au  milieu  du  fond  du 
creuset.  Un  vent  moins  plongeant  exercerait  une  action 
plus  faible  sur  la  fonte,  mais  ne  réchaufferait  pas  autant 
et  occasionnerait  une  plus  forte  consommation  de  combus- 
tible. Le  calebassier  doir  régler  l'inclinaison  de  la  tuyère 
d'après  le  résultat  qu'il  veut  obtenir. 

Les  diverses  qualités  que  l'on  peut  demander  à  la  fonte 
de  moulage  sont  la  fluidité  et  la  résistance.  La  fluidité  per- 
met aux  moindres  détails  des  moules  d'être  reproduits.  On 
l'obtient  par  un  numéro  convenable  de  carburation;  on 


—  T45  — 


FONDERIE 


peut  l'augmenter  par  la  composition  chimique  de  la  fonte. 
Les  fontes  phosphoreuses  sont  éminemment  fluides,  tandis 
que  les  fontes  sulfureuses  sont  généralement  pâteuses.  C'est 
avec  des  fontes  très  chargées  en  phosphore  que  l'on  fait 
ces  moulages  très  fins  et  très  délicats  dont  Berlin  a  eu,  jus- 
qu'à présent,  la  spécialité  (V.  Bijouterie,  t.  VI,  p.  824). 
La  résistance  de  la  fonte  est  maximum  dans  la  fonte  truitée, 
mais  elle  peut  être  influencée  également  par  la  composition 
chimique.  Les  fontes  pures  ou  légèrement  siliceuses  sont 
très  résistantes,  tandis  que  les  fontes  phosphoreuses  don- 
nent des  moulages  fragiles.  La  douceur  à  l'outil  qui  se  ma- 
nifeste, soit  dans  l'ébarbage,  soit  dans  le  travail  d'ajustage, 
est  une  des  conditions  à  remplir  par  les  fontes  mécaniques  ; 
elle  est  maximum  dans  les  fontes  n°  1  et  minimum  dans 
les  fontes  blanches.  En  première  fusion,  ces  diverses  qua- 
lités s'obtiennent  par  le  mélange  convenable  de  minerais  et 
l'allure  du  haut  fourneau  ;  en  seconde  fusion,  on  les  réa- 
lise par  le  mélange  des  fontes.  Ces  préliminaires  étant  posés 
relativement  à  la  qualité  de  la  fonte  de  moulage,  il  nous 
reste  à  traiter  la  question  de  la  fonderie  proprement  dite. 
Elle  comprend  :  le  moulage,  la  coulée,  l'ébarbage. 

Le  moulage  s'obtient  au  moyen  de  sable  siliceux,  auquel 
est  incorporée  de  l'argile,  pour  donner  du  liant  à  la  pâte. 
Le  mélange  destiné  à  produire  le  sable  de  moulage  le  plus 
convenable  se  fait  par  des  broyages  et  des  tamisages.  Quand 
on  a  une  argile  non  calcaire,  qui  se  trouve  dans  le  voisi- 
nage de  la  fonderie,  on  l'amaigrit  avec  du  sable  siliceux 
ou  du  poussier  de  coke  ou  de  charbon  de  bois.  On  appré- 
cie l'humidité  que  doit  avoir  le  sable  en  le  maniant  et  le 
formant  en  boule  ;  il  ne  doit  pas  mouiller  la  main  et  cepen- 
dant il  doit  conserver  la  forme  qu'on  lui  imprime.  Comme 
dans  la  coulée,  il  se  dégage  du  gaz  au  refroidissement,  le 
sable  doit  être  assez  poreux  pour  leur  donner  issue,  et  c'est 
dans  ce  but  qu'on  y  incorpore  du  sable  siliceux  et  du  pous- 
sier de  charbon.  On  doit  éviter  la  présence  de  la  chaux  qui 
foisonnerait  en  présence  de  l'eau  si  elle  était  cuite,  ou  qui 
se  cuirait  au  contact  de  la  fonte.  Pour  la  même  raison,  il 
faut  éviter  les  alcalis  et  les  oxydes  métalliques,  qui  pro- 
duiraient une  fusion  partielle  et  gâteraient  la  surface  des 
pièces.  Les  grains  de  sable  doivent  être  homogènes,  autant 
que  possible,  sans  poussière  trop  menue  qui  amènerait  des 
tassements  irréguliers.  Le  moule  est  généralement  en  bois, 
et  pour  tenir  compte  du  retrait  en  se  solidifiant  et  se  refroi- 
dissant, il  doit  avoir  des  dimensions  linéaires  de  4/95  à 
1/98  plus  grandes  que  la  pièce  à  obtenir.  Il  est  utile  de 
vernir  les  modèles  en  bois,  pour  empêcher  le  gonflement 
par  l'humidité.  Les  modèles  en  fonte  ou  en  autres  métaux 
sont  employés  lorsqu'on  a  à  couler  un  grand  nombre  de 
pièces  semblables.  Le  moulage  se  fait  de  deux  manières 
principales  :  à  découvert  ou  en  châssis.  Dans  quelques  cas 
spéciaux,  comme  lorsqu'il  s'agit  de  la  fonte  dure,  dont  on 
veut  obtenir  la  trempe  partielle  ou  totale,  on  moule  en  co- 
quilles, c.-à-d.  dans  des  moules  en  fonte.  Le  moulage  à 
découvert  s'emploie  quand  une  partie  des  faces  seulement 
de  la  pièce  doit  être  conforme  au  modèle,  les  autres  faces 
pouvant  être  plus  ou  moins  nettes  et  plus  ou  moins  planes. 
Ainsi,  par  exemple,  une  plaque  de  dallage  de  forme  carrée 
doit  avoir  une  face  unie  ou  portant  une  empreinte  nette, 
tandis  que  la  face  opposée  n'a  besoin  que  d'être  à  peu  près 
plane,  puisque  c'est  celle  qui  sera  placée  sur  terre.  Il  suf- 
fira donc  d'appliquer  le  modèle  sur  du  sable  égalisé  au  préa- 
lable et  de  l'enfoncer  à  la  profondeur  que  doit  avoir  la 
pièce  ;  on  amènera  ensuite  la  fonte  liquide  dans  la  cavité 
ainsi  formée  et,  en  lui  ménageant  un  déversoir  en  une  partie 
du  contour,  on  aura  une  partie  supérieure  suffisamment 
nette  dans  la  plupart  des  cas.  Le  moulage  à  découvert,  ainsi 
obtenu,  porte  aussi  le  nom  de  moulage  en  sable  vert,  parce 
qu'on  n'use  d'aucun  artifice  pour  communiquer  au  moule 
une  dureté  spéciale;  on  emploie  le  sable  dans  son  état  naturel. 
On  se  sert  du  moulage  à  découvert  toutes  les  fois  qu'on  n'a 
pas  besoin  d'une  grande  précision,  parce  qu'il  est  très  écono- 
mique. Dans  le  moulage  en  châssis,  qui  est  le  plus  usité,  on 
découpe  le  moule  en  plusieurs  parties  séparées  par  des  plans 


horizontaux,  et  chacune  de  ces  parties  est  moulée  à  part,  puis 
réunie  au  moment  de  la  coulée.  On  obtient  ainsi  un  creux 
complexe  qui  se  démoule  facilement  et  dont  toutes  les  faces 
sont  conformes  au  modèle.  Prenons  comme  exemple  simple 
une  sphère  creuse.  On  emploiera  un  premier  châssis  qui 
portera  l'empreinte  en  creux  de  la  moitié  de  la  sphère  et 
on  bourrera  du  sable  autour  du  modèle.  On  opérera  de 
même  avec  un  autre  châssis  qui  portera  l'empreinte  de 
l'autre  moitié  de  la  sphère  et  le  trou  par  lequel  arrivera  la 
fonte.  En  superposant  ces  deux  châssis,  on  aura  la  sphère 
complète.  Naturellement,  cette  superposition  devra  être 
faite  avec  soin  et  elle  sera  rendue  immuable  au  moyen  d'un 
clavetage.  Les  châssis  sont  des  cadres  en  fonte  ayant  en 
général  la  forme  carrée  ou  rectangulaire  et  dont  quelques- 
uns  portent  des  traverses  entre  deux  faces  pour  maintenir 
le  sable.  Ce  sont  des  sortes  de  boîtes  en  fonte,  sans  cou- 
vercle et  souvent  sans  fond,  et  que  l'on  ajuste  les  unes  au- 
dessus  des  autres,  au  moyen  d'oreilles  percées  de  trous  et 
dans  lesquelles  peuvent  passer  des  clavettes.  Quand  on  a 
un  grand  nombre  de  pièces  semblables  à  faire,  les  châssis 
se  rapprochent  de  la  forme  à  obtenir  ;  on  a  moins  de  sable 
à  tasser  dans  ce  cas  et  moins  de  main-d'œuvre.  Aussi 
l'outillage  d'une  fonderie  demande -t-il  un  matériel  de 
châssis  considérable  pour  opérer  économiquement  et  avec 
précision. 

Le  moulage  en  sable  étuvé  ne  diffère  du  moulage  en 
châssis  ordinaire  que  par  une  forte  dessiccation  du  moule, 
que  l'on  obtient  généralement  dans  des  étuves  à  air  chaud. 
On  arrive  ainsi  à  une  solidification  du  sable  qui  permet  de 
supporter  plus  facilement  la  pression  du  métal  en  fusion 
quand  le  simple  tassement  serait  insuffisant.  Quelquefois 
l'étuvage  du  moule  s'opère  à  feu  nu,  en  suspendant  chaque 
châssis  au-dessus  d'un  feu  de  cqke,  mais  cette  manière 
simple  d'opérer  amène  une  assez  grande  consommation  de 
combustible.  Il  est  préférable  d'employer  un  courant  d'air 
chaud  qui  n'amène  jamais  de  frittage  de  la  surface  du 
moule  et  permet  ainsi  d'obtenir  de  meilleurs  résultats.  Le 
moulage  est  une  industrie  de  tours  de  main  où  l'esprit  ingé- 
nieux des  ouvriers  peut  se  donner  carrière  ;  aussi  les  mou- 
leurs sont-ils,  en  général,  habiles  et  intelligents.  Chaque 
pièce  à  obtenir  est  un  problème  qu'il  s'agit  de  résoudre 
aussi  adroitement  et  aussi  économiquement  que  possible. 
Quand  le  moule  a  donné  son  creux  dans  le  châssis,  on  sé- 
pare la  surface  intérieure  en  projetant  une  pluie  d'eau  et 
tamisant  au-dessus  du  noir  fin,  composé  de  houille  maigre 
en  poudre  impalpable.  On  passe  ensuite  des  outils  polisseurs 
de  formes  variées  et  l'on  sépare  avec  soin  les  écornures 
qui  ont  pu  se  produire,  soit  dans  l'étuvage,  soit  dans  les 
manipulations  du  châssis.  Quand  certaines  parties  doivent 
venir  de  fonte  avec  des  creux,  on  ménage  ceux-ci  au 
moyen  de  noyaux.  Ce  sont  des  parties  solides,  étuvées  à 
part  à  cause  de  leurs  faibles  dimensions  et  que  souvent  le 
manque  de  dépouille  empêcherait  d'obtenir  dans  une  pre- 
mière empreinte.  Pour  les  pièces  qui  sont  répétées  un 
grand  nombre  de  fois,  on  a  imaginé  des  simplifications 
intéressantes.  Ainsi,  par  exemple,  pour  le  moulage  des 
projectiles  cyiindro-coriiques,  où  il  faut  ménager  les  parties 
qui  doivent  recevoir  les  ailettes,  on  emploie  des  moules 
métalliques  démontables  une  fois  le  moulage  obtenu.  Le 
moule  peut  alors  s'extraire  du  châssis  sans  craindre  c[ue 
les  parties  en  saillie  puissent  s'arracher.  On  supprime 
ainsi  l'emploi  de  noyaux  difficiles  à  poser,  ou  bien,  au 
contraire,  on  facilite  leur  pose,  suivant  les  systèmes  em- 
ployés. En  un  mot,  le  moulage  est  une  industrie  délicate 
qui  a  fait  de  grands  progrès  depuis  vingt  ans.  Quand  il 
s'agit  du  moulage  en  coquilles,  la  question  se  complique, 
car  il  s'agit  d'obtenir  une  trempe  d'une  certaine  épaissenr, 
tout  en  ayant  une  grande  résistance.  L'épaisseur  de  la 
coquille,  tout  en  amenant  un  refroidissement  plus  ou  moins 
rapide,  vient  aussi  jouer  un  rôle  important.  Cependant, 
pour  la  solution  des  problèmes  de  ce  genre,  la  composition 
et  le  mélange  des  fontes  jouent  le  rôle  principal. 
La  coulée  ne  présente  pas  autant  d'intérêt  que  la  question 


FONDERIE 


746  — 


du  moulage  ;  cependant,  pour  obtenir  de  bonnes  pièces  bien 
saines,  certaines  précautions  sont  indispensables.  La  fonte 
doit  couler  très  fluide  et  ne  jamais  être  près  de  son  point  de 
solidification  ;  exception  doit  être  faite  pour  les  moulages 
en  fonte  dure  où  la  trempe  réussit  mieux  avec  une  fonte  peu 
chaude.  Quand  la  fonte  doit  être  reçue  dans  une  poche,  ce 
qui  est  le  cas  le  plus  général,  celle-ci  doit  être  chauffée  au 
préalable.  Pour  assurer  le  dégagement  des  gaz  en  dissolution 
dans  la  fonte,  on  pratique  dans  l'intérieur  des  moules  des 
trous  avec  de  grandes  aiguilles  et  on  allume  ces  gaz  pen- 
dant la  coulée  au  moyen  de  bouchons  de  paille  enflammés. 
Quand  on  veut  éviter  les  soufflures  produites  par  le  déga- 
gement des  gaz  après  le  refroidissement  de  la  surface,  on 
emploie  ce  qu'on  appelle  des  masselottes.  Ce  sont  des  par- 
ties cylindriques  ou  coniques  qui  surmontent  le  moule  et 
doivent  exercer  simplement  sur  les  parties  inférieures  une 
pression  proportionnelle  à  sa  hauteur.   Cette  partie    du 
moulage  devra  être  enlevée  plus  tard  à  l'ébarbage.  La 
masselotte  a  encore  pour  but  d'empêcher  le  retassement 
dans  les  moulages  très  volumineux.  Si  la  communication 
entre  le  moulage  et  la  source  liquide  venait  à  être  inter- 
rompue avant  la  solidification  de  la  partie  centrale,    le 
retrait  se  ferait  de  l'extérieur  à  l'intérieur  et  il  se  produi- 
rait un  vide  dans  le  milieu.  Pour  obvier  à  cet  inconvénient, 
on  cherche,  par  un  large  orifice  de  coulée  et  par  un  certain 
volume  de  métal  placé  au-dessus,  à  alimenter  le  moule  au 
fur  et  à  mesure  que  se  produit  la  contraction  de  volume  au 
refroidissement.  La  masselotte  agit  de  même  et  empêche  le 
retassement  central.  Pour  faciliter  encore  son  action^  il 
est  de  bonne  pratique,  en  fonderie,  de  pousser  la  masse- 
lotte  avec  une  tige  de  fer;  on  cherche,  par  un  mou- 
vement de  va-et-vient,  à  briser  les  croûtes  solides  qui 
pourraient  interrompre  la  communication  entre  le  mou- 
lage qui  se  refroidit  et  la  masselotte  encore  liquide.  Quel- 
quefois même,  quand  on  voit  baisser  le  niveau  de  la 
fonte  au  sommet  de  la  masselotte,  on  ajoute  vivement  de 
la  fonte  liquide  pour  parachever  le  remplissage  du  moule 
et  l'abreuver.  Pour  éviter  le  blanchiment  de  la  fonte  dans 
les  parties  minces,  il  faut  employer  des  moules  bien  secs, 
mais  la  composition  chimique  de  la  fonte  est  surtout,  sur 
ce  point,  la  partie  importante.  On  évite  ce  blanchiment  des 
parties  minces,  parce  qu'il  est  généralement  accompagné  de 
fragilité  et,  en  tout  cas,  d'une'fragilité  qui  résiste  aux  ou- 
tils même  trempés.  Le  manganèse  facilite  le  blanchiment, 
tandis  que  le  silicium   s'y  oppose,  parce  que  le  premier 
augmente  la  proportion  de  carbone  combiné  et  que  le  second 
la  diminue  ;  tels  sont  les  principaux  éléments  chimiques 
sur  lesquels  on  peut  agir  dans  la  composition  des  mélanges 
soit  au  haut  fourneau,  soit  au  cubilot,  pour  éviter  le  blan- 
chiment des  moulages.  L'ébarbage  est  une  opération  qui  a 
pour  but  d'enlever  aux  moulages  la  terre  adhérente  et  les 
bavures  que  le  métal,  en  s' infiltrant  entre  les  châssis  mal 
joints,  a  pu  produire.  Il  est  aussi  nécessaire  quand  plu- 
sieurs pièces  sont  coulées  dans  le  même  châssis  et  com- 
muniquent ensemble  par  un  jet  de  métal.  Ce  travail  se  fait 
à  la  masse  et  au  ciseau  ;  on  frotte  ensuite  les  pièces  avec 
des  brosses  métalliques. 

L'acier,  plus  encore  que  la  fonte,  possède  la  propriété 
précieuse  de  pouvoir  donner  des  moulages  résistants  et  d'une 
grande  utilité  dans  l'industrie.  Il  est  incontestable  que  les 
premiers  aciers  coulés  sans  soufflures  furent  faits  en  Alle- 
magne ;  on  est  arrivé  aujourd'hui  en  France  à  produire 
des  aciers  qui  ne  le  cèdent  en  rien  aux  meilleurs  aciers  alle- 
mands. Il  existe  entre  le  moule  pour  fonte  et  le  moule  pour 
acier  quelques  différences  qui  proviennent  de  la  nature  de 
ces  deux  métaux.  L'acier  est  coulé  plus  chaud  que  la  fonte  ; 
il  est  moins  fluide  ;  sa  solidification  est  beaucoup  plus  ra- 
pide ;  le  retrait  est  plus  considérable,  les  retassures  ou  affais- 
sements sont  plus  importants  ;  les  gaz  qui  se  dégagent  du 
métal  dans  le  moule  même  atteignent  une  pression  plus 
forte  à  cause  de  la*chaleur  intense  et  de  la  facile  absorp- 
tion des  gaz  par  l'acier  fluide.  Les  précautions  que  prennent 
les  fondeurs  pour  établir  le  moule  à  acier  sont  nombreuses 


et  justifiées.  Les  petites  pièces  d'acier   sont  démoulées 
presque  aussitôt  après  la  coulée  ;  les  pièces  de  poids  plus 
considérable  sont  démoulées  le  plus  vite  possible  et,  tout 
chauds  encore,  les  moulages  sont  introduits  dans  un  four 
à  recuire  où  on  les  maintient  pendant  plusieurs  jours.  Le 
four  Martin-Siemens  convient  parfaitement  pour  la  pro- 
duction du  bon  métal  de  moulage.  Il  est  nécessaire,  pour 
éviter  autant  que  possible  les  actions  oxydantes,  de  mener 
lestement  l'opération  ;  il  faut,  pour  obtenir  ce  résultat,  em- 
ployer un  four  qui  chauffe  bien.  Un  four  Martin-Siemens 
de  capacité  moyenne  peut  faire  trois  coulées  en  vingt- 
quatre  heures  et  produire  de  25  à  30  tonnes  d'acier.  On 
corrige  l'oxydation  du  bain  par  une  addition  de  manganèse 
qui  ramène  les  oxydes  de  fer  à  l'état  métallique,  tandis  que 
le  manganèse  est  scorifié  et  passe  dans  le  laitier.  Les  souf- 
flures sont  aussi  combattues  par  l'addition  du  manganèse  et 
du  silicium,  dont  l'action  est  toute-puissante.  Il  faut  em- 
ployer des  substances  pures  par  elles-mêmes  et  pratiquer 
un  simple  affinage,  qui  a  pour  but  de  brûler  complètement 
le  silicium,  le  carbone  et  le  manganèse  ;  on  ajoute  ensuite, 
pour  la  recarburation,  la  proportion  de  fontes  spéciales  né- 
cessaires pour  donner  un  métal  à  composition  déterminée. 
Jusqu'à  ces  dernières  années,  la  fabrication  des  moulages 
moyens,  c.-à-d.  du  poids  de  30  à  100  kilogr.,  était  de- 
meurée difficile  :  le  four  Martin  produisait  trop  de  métal  et 
le  creuset  n'en  coulait  pas  assez.  Les  petits  convertisseurs 
du  système  Clapp  et  Griffith  n'ont  donné  que  des  résultats 
médiocres;  le  cubilot- convertisseur  Robert  paraît  au  con- 
traire avoir  résolu  le  problème  du  moulage  des  pièces 
moyennes.  Le  principe  de  l'appareil  réside  dans  le  soufflage 
latéral  qui  détermine  un  mouvement  giratoire  capable  d'af- 
finer le  métal.  L'acier  obtenu,  recarburé  à  dose  convenable, 
est  très  chaud  et,  par  suite,  très  fluide  et  parfaitement  ho- 
mogène. Dans  les  ateliers,  peu  importants,  où  l'on  n'a  pas 
encore  adopté  le  cubilot-convertisseur  Robert,  on  continue 
à  se  servir  des  creusets  pour  l'obtention  des  petits  mou- 
lages. La  fabrication  de  l'acier  au  creuset  est  parfaitement 
connue  (V.  Acier,  t.  I,p.  399)  et  n'a  pas  subi  depuis  long- 
temps de  modifications  bien  appréciables.  Le  four  à  vent 
de  Benjamin  Huntsmann  a  été  remplacé  par  les  fours  à  gaz 
du  système  Siemens.  Au  creuset  on  n'obtient,  en  général, 
dans  la  marche  courante  du  travail,  que  des  aciers  durs  ou 
demi-durs,  à  l'exclusion  des  aciers  doux.  Depuis  quelques 
années,  on  obtient  des  moulages  d'acier  qui  doivent  leurs 
propriétés  particulières  à  l'action  d'un  métal  étranger.  Tels 
sont  les  aciers  au  manganèse  contenant  de  10  à  15  °/0  de 
manganèse,   aciers  excessivement  durs,  inusables.  Une 
faible  quantité  d'aluminium  ajoutée  à  l'acier  fondu  donne 
de  la  fluidité  à  ce  métal,  ce  qui  permet  de  couler  des  mou- 
lages extra-doux,  analogues  au  métal  métis  de  M.  Norden- 
field.  Nous  ne  parlerons  pas  des  fonderies  de  bronze,  pour 
lesquelles  nous  renverrons  à  un  autre  article  (V.  Bronze, 
t.  VIII,  p.  139).  L.  Knab. 

Fonderie  de  caractères  (V.  Caractère,  t.  IX,  p.  271). 
II.  Artillerie.  —  Usine  appartenant  à  l'artillerie  et 
servant  à  fabriquer  les  bouches  à  feu.  Quand  les  canons 
en  bronze  étaient  en  service  dans  l'armée  et  les  canons  en 
fonte  dans  la  marine,  le  principal  objet  des  fonderies  était 
de  produire  des  blocs  de  bronze  ou  de  fonte  de  bonne 
qualité.  Aujourd'hui  l'acier  ayant  remplacé  le  bronze  et  la 
fonte,  l'armée  et  la  marine  ont  renoncé  à  fabriquer  elles- 
mêmes  les  blocs  d'où  sont  tirés  les  canons  :  elles  se  bor- 
nent à  les  recevoir  fondus,  forgés,  alésés,  tels  que  les 
produisent  les  usines  métallurgiques  privées,  particulière- 
ment celles  du  Creuzbt  et  les  aciéries  des  environs  de 
Saint-Etienne,  dans  la  Loire.  Les  établissements  de  Bourges 
et  de  Ruelle,  qui  ont  conservé  leur  ancienne  dénomination 
de  fonderies,  achèvent  la  fabrication  de  canons  fondus 
ailleurs  :  ils  ne  répondent  plus  à  leur  titre  primitif  qui  se 
rapportait  à  la  production  directe  des  métaux  sous  forme 
de  lingots  à  canon.  La  fonderie  de  Bourges  a  été  bâtie  en 
1864,  à  l'époque  où  le  matériel  de  l'armée  française  était 
constitué  exclusivement  de  canons  en  bronze.  Cet  établis- 


—  717  — 


FONDERIE 


sèment  fut  construit  à  grands  frais,  afin  de  remplacer  les 
trois  fonderies  séculaires  instituées  à  Strasbourg,  à  Douai 
et  à  Toulouse  qui  furent  supprimées  à  cette  époque.  La 
substitution  de  Tunique  fonderie  de  Bourges  aux  trois  an- 
ciennes fonderies  devait  unifier  la  méthode  de  fabrication 
des  bouches  à  feu  et  rendre  homogène  le  bronze  en  pro- 
venant, au  moment  où  la  transformation  du  matériel  d'ar- 
tillerie lisse  en  matériel  rayé  provoquait  le  perfectionne- 
ment des  procédés  de  fabrication  du  bronze  et  l'amélioration 
des  procédés  de  rayage  en  vigueur  depuis  1858.  Après  la 
guerre  franco-allemande,  la  fonderie  de  Bourges  a  exécuté 
la  fabrication  du  matériel  de  Refïye  en  bronze,  canons  dits 
de  7 ,  de  5,  de  1 38 .  Ce  furent  les  derniers  travaux  de  fonderie 
de  sérieuse  importance  auxquels  se  livra  cet  établissement. 
Depuis  cette  époque,  la  fonderie  de  Bourges  s'est  livrée  à 
des  recherches  longues  et  coûteuses  afin  de  mettre  en  œuvre 
des  sortes  nouvelles  de  bronze,  susceptibles  d'être  mandri- 
nées  et  même  d'être  trempées  de  façon  à  acquérir,  à  l'ins- 
tar du  bronze  Uchatins,  une  dureté  et  une  élasticité  supé- 
rieures à  celles  des  anciens  alliages  et  analogues  à  celles 
qui  font  le  mérite  de  l'acier  comme  métal  à  canon.  Dans 
cet  ordre  d'idées,  il  a  été  proposé  en  1880  un  type  de 
canon  de  120  en  bronze  et  un  type  de  canon  de  155  à 
grande  puissance,  également  en  bronze,  qui,  après  des 
essais  de  laboratoire  féconds  en  promesses,  n'ont  pu  être 
fabriqués  d'une  manière  courante  par  la  fonderie  de  Bourges. 
Il  faut  rapporter  aux  mêmes  efforts  la  fabrication  de  mor- 
tiers rayés  du  calibre  de  27  centim.  en  bronze  mandriné, 
tentée  en  1881,  sans  que  les  résultats  pratiques  de  ces 
essais  aient  permis  d'utiliser  la  moindre  part  du  stock 
énorme  de  bronze  devenu  disponible  par  le  déclassement 
des  bouches  à  feu  en  service  avant  l'adoption  des  canons 
en  acier.  Actuellement  la  fonderie  de  Bourges  a  renoncé  à 
fabriquer  des  canons  en  bronze  susceptibles  de  rivaliser 
avec  les  canons  en  acier.  La  halle  aux  fontes  qui  consti- 
tuait la  partie  essentielle  de  l'établissement  tel  qu'il  fut 
créé  en  1864  est  devenue  inutile  depuis  que  ses  fours  se 
sont  refroidis.  Cette  halle  est  affectée  à  divers  usages  acces- 
soires, après  avoir  été  utilisée  au  tubage  des  canons  de 
19  cent.,  tant  que  la  fabrication  de  ces  bouches  à  feu  était 
obtenue  au  moyen  d'un  corps  en  fonte  tube  d'acier. 

Les  opérations  actuelles  de  la  fonderie  de  Bourges  con- 
sistent dans  l'usinage  des  blocs  d'acier  expédiés  par  les 
usines  métallurgiques  privées,  de  façon  à  finir  les  canons 
et  à  y  adapter  les  diverses  pièces  de  la  culasse  qui  doivent 
les  rendre  propres  au  service.  Indépendamment  de  ces  tra- 
vaux qui  exigent  des  machines  lourdes  et  coûteuses,  par- 
ticulièrement lorsqu'il  s'agit  des  canons  du  calibre  de 
24  centim.  et  de  27  centim.,  la  fonderie  de  Bourges  est 
pourvue  d'un  service  d'expériences  et  de  contrôle  sou- 
mettant les  aciers  fournis  par  l'industrie  privée  à  des 
épreuves  de  traction  et  à  des  essais  chimiques  permettant 
d'apprécier  les  plus  importantes  qualités  physiques  du 
métal  et  de  comparer,  au  point  de  vue  de  l'homogénéité, 
les  divers  aciers  fournis  par  l'industrie  privée.  On  a  renoncé 
à  l'idée  d'installer  à  la  fonderie  de  Bourges  des  ateliers 
métallurgiques  permettant  de  couler  l'acier.  Cette  addition 
aurait  entraîné  des  dépenses  exorbitantes.  Dans  cette  hypo- 
thèse, le  personnel  d'officiers  experts  dans  la  fabrication 
métallurgique  serait  à  créer,  ce  qui  constituerait  une  diffi- 
culté des  plus  graves,  pour  ne  pas  dire  un  obstacle  presque 
insurmontable.  En  effet,  le  service  des  essais  chimiques  au 
point  de  vue  métallurgique  n'a  jamais  pu  être  assuré  d'une 
façon  satisfaisante  à  la  fonderie  de  Bourges  par  le  per- 
sonnel des  officiers  d'artillerie.  Il  a  fallu  par  la  force  des 
choses  que  le  service  de  l'artillerie  recourût  à  la  compétence 
d'ingénieurs  civils,  anciens  élèves  de  l'Ecole  centrale,  qui 
occupent  le  poste  technique  de  chimistes.  Il  en  a  été  de 
même  pour  le  service  des  machines  à  la  fonderie,  et  la  dif- 
ficulté serait  encore  plus  manifeste  dans  le  cas  où  les  exi- 
gences du  département  de  la  guerre  réclameraient  la  créa- 
tion de  hauts  fourneaux  ressortissant  à  la  fonderie  et 
coulant  eux-mêmes  l'acier  à  canons.  Une  addition  de  ce 


genre  serait  des  plus  dispendieuses  ;  aussi  semble-t-elle 
ne  pas  devoir  être  réalisée. 

Sauf  l'exception  signalée  plus  haut  au  sujet  des  essais 
chimiques  et  des  machines,  les  principaux  emplois  d'ingé- 
nieurs de  la  fonderie  de  Bourges  sont  occupés  par  des 
officiers  en  activité  de  service.  Le  directeur,  officier  du 
grade  de  lieutenant-colonel  ou  de  colonel,  est  secondé  par 
deux  officiers  supérieurs  ou  capitaines  en  premier,  prenant 
les  titres  de  directeur  adjoint  ou  de  sous-directeur.  Une 
dizaine  de  capitaines  en  second  se  répartissent  les  divers 
ateliers.  Ces  officiers  ne  possèdent  aucune  pratique  de  l'usi- 
nage de  l'acier  à  canon  quand  ils  entrent  dans  cet  établis- 
sement ;  ils  font  leur  apprentissage  tout  en  dirigeant  les 
ateliers  qui  leur  sont  confiés.  Le  séjour  de  ces  officiers  à  la 
fonderie  ne  dépasse  généralement  pas  trois  années,  temps 
à  peine  suffisant  pour  connaître  complètement  les  pratiques 
métallurgiques  ;  aussi  les  gardes  d'artillerie  et  les  ouvriers 
d'état  placés  sous  leurs  ordres  exercent-ils  la  direction 
effective  des  ateliers  dont  les  capitaines  en  second  sont 
titulaires.  La  création  d'un  corps  spécial  d'ingénieurs  mili- 
taires proposée  en  1887  sous  forme  de  projet  de  loi  sur  la 
réorganisation  de  l'armée  avait  pour  but  de  parer  aux 
inconvénients  de  cet  état  de  choses.  Il  sera  difficile  d'assu- 
rer à  la  fonderie  de  Bourges  une  gestion  économique  com- 
parable à  celle  des  établissements  de  l'industrie  privée,  tant 
que  la  direction  appartiendra  à  des  ingénieurs  empruntés 
aux  régiments,  devant  y  rentrer  à  bref  délai  et  par  consé- 
quent médiocrement  préparés  aux  difficultés  de  la  gestion 
industrielle.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  fonderie  de  Bourges 
constitue  un  établissement  de  premier  ordre,  tant  par  l'im- 
portance de  son  budget  annuel  que  par  le  fini  des  pièces 
qui  en  sort.  Elle  ne  fait  d'ailleurs  aucune  sorte  de  travaux 
qui  ne  puisse  être  opérée  couramment  dans  les  ateliers 
similaires  de  l'industrie  privée,  au  cas  où  le  besoin  l'exi- 
gerait. Pour  les  raisons  précédemment  indiquées,  le  prix 
de  revient  est  moins  élevé  dans  ces  derniers  ateliers,  à 
cause  du  meilleur  marché  de  la  main-d'œuvre  et  de  sa  plus 
parfaite  utilisation. 

Ce  qui  a  été  dit  plus  haut  de  la  fonderie  de  Bourges 
peut  s'appliquer  dans  une  large  mesure  à  la  fonderie  de 
Ruelle  qui  ressortit  au  département  de  la  marine  et  qui 
est  le  dernier  survivant  des  établissements  qui  produi- 
sent des  canons  pour  la  marine,  les  fonderies  de  Saint- 
Gervais  (Isère)  et  de  Ne  vers  ayant  été  fermées  successive- 
ment dans  les  dernières  années  et  leur  matériel  ayant  été 
transporté  à  Ruelle  pour  les  raisons  analogues  à  celles 
qui  ont  provoqué  en  1864  la  concentration  à  Bourges  des 
fonderies  du  département  de  la  guerre.  Les  fourneaux  de 
Ruelle  ont  coulé  des  canons  en  fonte  jusqu'en  ces  dix 
dernières  années,  tant  que  l'adoption  de  l'acier  n'excluait 
pas  l'usage  de  la  fonte  pour  le  corps  des  canons  des  calibres 
de  19  centim.,  de  24  centim.,  de  27  centim.  Présente- 
ment, l'emploi  exclusif  de  l'acier  pour  le  corps  du  canon 
aussi  bien  que  pour  les  tubes  et  pour  les  frettes  a  provo- 
qué le  chômage  des  fourneaux  de  Ruelle.  La  fonderie  de 
Ruelle,  avec  des  frais  généraux  inférieurs  à  cause  de  la 
fonderie  de  Bourges,  satisfait  à  des  besoins  semblables  : 
elle  peut  usiner  des  canons  du  calibre  de  32  centim.  et  de 
calibre  supérieur,  tandis  qu'à  Bourges  les  bancs  de  forage 
et  de  rayage  ne  permettent  pas  l'usinage  de  ces  énormes 
bouches  à  feu.  La  fonderie  de  Ruelle  n'a  pas  dans  ses 
attributions  la  confection  des  projectiles  et  des  corps  fusées 
qui  encombre  une  partie  notable  des  ateliers  de  la  fonderie 
de  Bourges  et  gène  l'usinage  des  canons.  Si  l'on  compare 
l'état  actuel  des  fonderies  de  Bourges  et  de  Ruelle  à  ce 
qu'elles  étaient  il  y  a  vingt  ans,  l'on  constate  des  agran- 
dissements considérables  et  quantité  de  bâtiments  nou- 
veaux. La  cause  en  est  à  la  complication  de  la  confection 
des  bouches  à  feu  actuelles  par  rapport  aux  canons  de 
cette  époque.  Loin  d'être  définitif,  l'état  actuel  de  la  fabri- 
cation représente  un  fort  médiocre  avancement  vers  les 
progrès  énormes  qu'exigera  de  l'acier  l'application  aux 
bouches  à  feu  des  poudres  puissantes  procurant  des  vitesses 


FONDERIE  —  FOND! 


-  718 


initiales  supérieures  de  moitié  à  celles  qui  sont  pratiquées 
par  les  bouches  à  feu  de  80  ou  de  90,  de  120  ou  de  155. 
IL  faut  considérer  comme  constamment  ouverte  la  phase  de 
transformations  où  est  placée  l'artillerie  française  depuis 
les  événements  de  1870  :  le  période  des  agrandissements 
imposés  depuis  vingt  ans  aux  fonderies  de  Bourges  et  de 
Ruelle  n'est  pas  près  d'être  close  :  elle  exigera  de  gigan- 
tesques efforts  pécuniaires  et  l'adoption  de  procédés  de 
fabrication  beaucoup  plus  perfectionnés  que  ceux  de  la 
fabrication  actuelle. 

FON DETTES.  Corn,  du  dép.  d'Indre-et-Loire,  arr.  et 
cant.  (N.)  de  Tours;  2,138  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  d'Or- 
léans, ligne  de  Tours  à  Vendôme.  Le  village  est  à  4  kil. 
de  la  station.  Fabrique  de  vermicelle.  Eglise  en  partie 
du  xme  et  en  partie  du  xve  siècle,  dont  le  portail  est  inté- 
ressant. 

FONDEUR.  I.  Métallurgie.  —  Ouvrier  qui  fond  les 
métaux  pour  la  fabrication  des  moulages  d'art  et  d'industrie, 
des  canons,  des  cloches,  des  caractères  d'imprimerie,  etc. 
(V.  Fonderie  et  Bronze,  t.  VIII,  p.  139).  Autrefois,  les 
fondeurs  ne  travaillaient  pas  toujours  dans  une  fonderie  ; 
on  les  appelait  alors  calebassiers,  allant  d'un  village  à 
l'autre  pour  fondre  de  petits  objets,  tels  que  poids  d'hor- 
loge, poids  de  balance,  barreaux  de  grille,  dragées  à 
giboyer,  etc.  Cette  industrie  a  presque  disparu  en  France 
depuis  que  les  fonderies  se  sont  multipliées,  mais  elle 
existe  encore  dans  les  pays  moins  avancés  en  métallurgie. 
L'outillage  du  calebassier  se  compose  d'une  simple  casse- 
role garnie  d'argile  servant  de  creuset  et  d'une  portion  de 
poêle  d'appartement  faisant  la  fonction  de  tour  de  feu  ; 
celui-ci  est  un  cylindre  complet  ;  il  n'y  a  pas  de  mur  ni 
de  cheminée,  comme  dans  la  calebasse  fixe,  et  le  fourneau 
se  monte  en  plein  air.  Il  est  difficile  d'imaginer  un  appa- 
reil plus  simple.  Le  vent  est  donné  par  deux  petits  souf- 
flets à  main  dont  les  buses  se  réunissent  dans  une  même 
tuyère  formée  d'un  tuyau  de  fer,  ou,  ce  qui  toutefois  n'est 
pas  aussi  avantageux,  se  rendent  dans  deux  tuyères  oppo- 
sées. D'après  le  témoignage  de  Réaumur,  on  faisait  déjà 
usage  de  ces  calebasses,  en  France,  au  commencement  du 
siècle  dernier.  Pour  y  fondre  du  fer  cru,  on  plaçait  le 
creuset  sur  un  châssis  en  fer  pourvu  d'une  anse  mobile, 
qu'on  pouvait  lever  ou  abattre.  Après  avoir  placé  le  tour 
de  feu  ou  cuve  sur  le  creuset,  on  y  jetait  d'abord  quelques 
charbons  de  bois  incandescents  ;  on  remplissait  ensuite  tout 
le  fourneau  de  ce  combustible  et  l'on  faisait  agir  les  souf- 
flets. A  mesure  que  le  charbon  descendait,  on  introduisait 
de  nouvelles  charges  dans  la  cuve,  jusqu'à  ce  que  les  parois 
extérieures  fussent  rouges  de  feu  ;  c'est  alors  seulement 
qu'on  chargeait  le  métal  concassé  en  petits  fragments.  On 
faisait  varier  le  poids  des  charges  d'après  l'aspect  de  la 
tuyère  :  si  les  matières  vues  à  travers  ce  trou  étaient  très 
blanches,  on  augmentait  la  dose  de  fer  cru  ;  on  la  dimi- 
nuait si  la  couleur  était  rougeâtre.  La  fonte  se  figeait  quel- 
quefois dans  le  creuset,  et  alors  on  avait  beaucoup  de  peine 
à  la  remettre  en  fusion.  Lorsqu'on  s'apercevait  que  toute 
la  poche  était  remplie,  on  laissait  descendre  les  charges, 
on  enlevait  la  cuve,  on  retirait  les  scories  de  la  fonte,  on 
soulevait  par  l'anse  toute  la  partie  inférieure,  y  compris 
le  châssis  et  on  versait  le  métal  dans  des  moules.  La  même 
marche  est  encore  suivie  aujourd'hui. 

En  Chine,  on  rencontre  de  nombreux  fondeurs  parcou- 
rant les  villages.  Les  Chinois  font  un  grand  usage  pour  la 
cuisine  de  vases  circulaires  en  forme  de  marmites  et  en 
fonte  mince.  Ces  marmites  servent  surtout  à  cuire  le  riz  et 
d'autres  légumes  ;  leur  principal  mérite,  aux  yeux  des  Chi- 
nois, consiste  dans  leur  faible  épaisseur  qui  permet  de 
consommer  très  peu  de  bois  pour  faire  bouillir  l'eau.  Des 
marmites  aussi  minces  sont  très  sujettes  à  se  briser  ou 
à  se  fêler  ;  on  en  confie  la  réparation  à  des  ouvriers  qui 
portent  leurs  attirails  dans  des  paniers,  sur  l'épaule.  On 
trouve  fréquemment  ces  fondeurs  dans  les  rues  en  Irain 
de  réparer  des  marmites  non  seulement  fêlées,  mais  aux- 
quelles il  manque  des  morceaux.  L'ouvrier  commence  par 


gratter  le  bord  de  la  cassure  avec  un  ciseau,  puis  il  le 
frotte  avec  un  morceau  de  brique  ;  après  quoi,  il  retourne 
le  vase  sur  un  trépied  peu  élevé,  de  manière  à  pouvoir 
promener  facilement  les  mains  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur. 
A  côté  de  lui  se  trouvent  sa  boîte  d'outils  et  divers  autres 
objets  de  son  métier.  Il  prend  un  petit  creuset  de  la  gros- 
seur d'un  dé  à  coudre  dans  lequel  il  met  un  petit  frag- 
ment de  fonte  ;  le  creuset  est  placé  à  son  tour  dans  un 
petit  fourneau  à  peu  près  aussi  grand  que  la  moitié  d'un 
verre  à  boire  ordinaire  ;  l'ouvrier  remplit  ce  fourneau  de 
charbon  de  bois  et,  au  moyen  d'un  soufflet,  il  produit  une 
chaleur  intense  qui  fait  fondre  la  fonte  après  quelques  ins- 
tants. Alors,  il  fait  couler  le  métal  sur  un  morceau  de 
feutre  couvert  de  cendre  ou  de  poussière  de  charbon  de 
bois  qu'il  introduit  de  la  main  gauche  dans  l'intérieur  du 
vase  renversé,  en  le  pressant  contre  la  partie  qu'il  s'agit 
de  souder.  Au  même  moment,  il  frappe  avec  un  petit  rou- 
leau de  feutre  couvert  également  de  cendre  le  métal  fondu 
qui  suinte  par  le  trou  ou  par  la  fêlure.  Il  répète  cette 
opération  jusqu'à  ce  que  le  joint  de  la  marmite  soit  bou- 
ché. Ensuite,  il  enlève  à  la  main  les  parties  raboteuses  ou 
en  saillie  et  frotte  la  surface  soudée  avec  un  morceau  de 
tuile  ou  de  brique  cassée,  de  façon  à  l'unir  autant  que 
possible.  Si  le  raccommodage  est  suffisant,  ce  qu'il  essaye 
en  mettant  de  l'eau  dans  le  vase,  il  retourne  près  du 
client  qui  lui  paye  de  0  fr.  30  à  0  fr.  40  par  vase.  Le  souf- 
flet est  très  puissant;  il  est  tout  en  bois,  sauf  la  garniture 
et  les  charnières  des  soupapes  qui  sont  en  fil  de  fer  ;  il 
consiste  principalement  en  une  caisse  rectangulaire  renfer- 
mant un  piston  qui  se  meut  horizontalement.  Le  fourneau 
est  un  petit  vase  de  tôle,  cylindrique,  peu  profond,  de 
0°M5  de  diamètre  au  sommet  et  de  0m15  de  hauteur,  revêtu 
à  l'intérieur  d'argile  réfractaire,  et  muni  de  quelques  petits 
barreaux  qui  forment  grille,  et  au-dessous  de  laquelle  est 
injecté  le  vent.  On  pourrait  difficilement  citer  un  trait  plus 
caractéristique  de  l'ingéniosité  mécanique  des  peuples  de 
l'Orient  :  ce  procédé  n'a  pu  naître  que  dans  un  pays 
dressé,  depuis  plusieurs  siècles ,  au  traitement  des  mé- 
taux. L.  Knab. 

IL  Artillerie.  —  Praticien  qui,  à  l'époque  où  les 
canons  étaient  en  bronze,  s'adonnait  spécialement  aux  ma- 
nipulations du  cuivre  et  de  l'étain,  de  manière  à  produire 
dans  de  bonnes  conditions  de  proportions,  de  température, 
de  moulage,  le  bronze  destiné  aux  lingots  à  canon.  Le  rôle 
du  fondeur  a  graduellement  diminué  d'importance  avec  la 
substitution  de  l'acier  au  bronze  dans  la  fabrication  des 
diverses  bouches  à  feu  de  l'artillerie  française  de  cam- 
pagne, de  siège  et  de  place.  L'art  du  fondeur  militaire  se 
borne  présentement  à  fabriquer  de  menus  attirails  en 
bronze.  Les  plus  importants  sont  les  boîtes  de  roues  et  les 
moyeux  métalliques  qui  ont  remplacé  les  moyeux  en  bois 
dans  la  confection  des  roues  employées  par  les  diverses 
voitures  de  l'artillerie.  Les  corps  de  fusée  en  bronze  sont 
toujours  fondus  à  la  fonderie  de  Bourges.  Dans  la  marine 
où  les  canons  en  fonte  furent  pourvus"  de  frettes,  puis  de 
tubes  en  acier,  avant  que  le  corps  du  canon  lui-même 
devînt  d'acier,  l'acier  a  complètement  éliminé  la  fonte,  ce 
qui  a  annulé  le  rôle  du  praticien  qui  préparait  les  fontes 
de  seconde  fusion  employées  pour  les  canons  de  la  marine. 
FONDI.  Ville  d'Italie,  prov.  de  Caserte  (Italie  cen- 
trale), à  égale  distance  de  Gaëte  et  de  Terracine,  sur  une 
hauteur,  à  10  kil.  de  la  mer  Tyrrhénienne  ;  7,520  hab.  C'est 
le  Fundi  des  anciens  ridiculisé  par  Horace  {Sat.  I,  v.  34), 
mais  apprécié  pour  les  fameux  crus  du  Cœcube  que  Ton 
récoltait  dans  les  coteaux  avoisinants.  La  voie  Appienne 
passait  à  travers  Fondi  et  constitue  encore  aujourd'hui  la 
principale  rue  de  la  ville.  L'ancien  couvent  des  Dominicains 
est  encore  représenté  par  une  chapelle  où  saint  Thomas 
d'Aquin  enseigna  la  théologie.  Le  château,  très  délabré,  fut 
saccagé  deux  fois  par  les  pirates  barbaresques  en  1534  et 
en  1594.  Cette  ville,  placée  aux  confins  des  Etats  pontifi- 
caux et  du  royaume  de  Naples,  fut  longtemps  un  centre  de 
brigandage.  Là,  le  chef  de  bandes  Marco  Sciarra  accorda 


719  — 


FONDI  —  FONDREMAND 


sa  protection  avec  un  sauf-conduit  au  Tasse.  Là  parut  sou- 
vent le  redouté  Michel  Pozza,  populaire  sous  le  nom  deFra 
Diavolo,  qui  infesta  la  contrée  de  1799  à  1806.  A  quelques 
kilomètres  à  l'O.  de  Fondi  se  trouve  le  lac  de  Fondi  que 
les  anciens  appelaient  aussi  lacusAmyclanus,  du  nom  d'une 
ancienne  cité,  Amyclœ,  fondée,  disait-on,  par  des  Laconiens 
fugitifs. 

FONDOIR  (Techn.).  Bâtiment  qui  fait  ordinairement 
partie  d'un  abattoir  et  où  l'on  fait  fondre  la  graisse  et  le 
suif  ;  souvent  aussi  les  fondoirs  sont  séparés  des  abattoirs 
qui  leur  fournissent  les  matières  premières.  Pour  isoler 
les  corps  gras  des  membranes  et  des  autres  matières  étran- 
gères, on  coupe  en  morceaux  le  suif  brut  et  on  le  fait 
fondre  ;  on  a  parfois  recours,  et  avec  raison,  à  des  meules 
pour  broyer  les  cellules  et  les  déchirer,  opération  qui  facilite 
la  liquation  du  suif.  L'action  de  la  chaleur  a  pour  effet  de 
détruire  les  cellules  et  de  fondre  les  particules  de  graisse 
qui  peuvent  ainsi  se  rassembler.  A  l'origine,  et  ce  procédé 
est  encore  très  répandu,  la  fusion  du  suif  s'opérait  à  sec 
par  la  seule  action  de  la  chaleur  portée  à  plus  de  100° 
pour  éviter  des  pertes  de  matières  trop  considérables.  Dans 
ce  procédé,  les  matières  grasses,  coupées  en  petits  mor- 
ceaux, sont  jetées  dans  des  chaudières  ou  caques  chauffées 
à  feu  nu.  La  dilatation  des  liquides  qui  s'échauffent  fait 
éclater  la  plus  grande  partie  des  cellules  ;  il  se  forme  un 
liquide  laiteux  qui  se  bonifie  peu  à  peu  au  fur  et  à  mesure 
que  la  chaleur  évapore  l'eau  des  cellules  ou  la  petite  pro- 
portion de  ce  liquide  qu'on  a  ajoutée.  On  chauffe  jusqu'au 
moment  où  les  membranes,  ayant  perdu  toute  leur  eau, 
paraissent  raccornies,  dures  et  ne  laissent  plus  couler 
de  graisse.  A  ce  moment  on  diminue  le  feu,  tout  en  lui 
laissant  assez  d'intensité  pour  maintenir  le  suif  liquide  à  la 
partie  supérieure  ;  on  le  décante  et  on  le  coule  à  travers 
un  tamis,  dans  des  moules  cylindro-coniques,  où  il  passe  à 
l'état  de  suif  en  pain.  Le  résidu  du  traitement,  qui  porte  le 
nom  de  boulée,  est  passé  à  chaud  et  donne  encore  une 
petite  quantité  de  suif  plus  coloré  et  de  qualité  inférieure. 
En  général,  on  retire  par  la  fusion  80  à  82  °/0  de  suif  en 
pain  et  de  10  à  15  °/0  de  résidu.  Ce  mode  de  traitement 
primitif  s'est  conservé  malgré  ses  inconvénients  dans  les 
petits  fondoirs.  Les  résidus  de  la  fusion  conservent,  en 
effet,  ainsi  toute  leur  valeur  comme  engrais,  et  leur  dessic- 
cation sous  l'action  de  la  chaleur  permet  d'en  séparer  faci- 
lement le  suif.  Cet  avantage  se  trouve  d'ailleurs  largement 
compensé  par  la  difficulté  de  conduire  le  feu  et  l'inconvé- 
nient que  présente  le  dégagement  d'odeurs  intolérables  pour 
le  voisinage.  On  comprend  dès  lors  l'importance  des  pro- 
cédés qui  permettent  d'obtenir  un  rendement  plus  avanta- 
geux et  de  supprimer  l'odeur  des  anciens  fondoirs. 

La  méthode  de  d' Arcet  a  pour  point  de  départ  l'action  de 
J'acide  sulfurique  étendu  sur  le  suif;  il  se  produit  à  la  fois 
une  décomposition  chimique  et  une  désorganisation  des 
cellules.  On  ajoute,  par  100  kilogr.  de  suif, 20  kilogr.  d'eau 
additionnée  de  500  à  1,500  gr.  d'acide  sulfurique  concen- 
tré. Au  bout  de  deux  heures  et  demie  d'ébullition,  la  sépa- 
ration de  la  graisse  et  des  cellules  est  complète  et  l'on  peut 
soumettre  les  résidus  à  la  pression.  Le  suif  décanté  est 
additionné  d'une  faible  quantité  d'alun  dissous  et  abandonné 
à  lui-même  pendant  quelques  heures  pour  permettre  aux 
matières  gélatineuses  de  se  déposer.  Le  procédé  de  d'Arcet 
peut  s'appliquer  aux  chaudières  à  feu  nu,  mais  il  est  pré- 
férable d'opérer  dans  des  chaudières  fermées,  à  la  tempé- 
rature de  105°,  soit  qu'on  fasse  agir  la  vapeur  intérieu- 
rement comme  dans  les  appareils  de  Tarlet,  soit  qu'on 
l'injecte  dans  la  matière  grasse  elle-même,  comme  dans 
l'appareil  de  Champy.  La  méthode  de  Lefébure,  qui  repose 
sur  le  même  principe  que  celle  de  d'Arcet,  consiste  à  faire 
macérer  le  suif  à  froid  pendant  trois  ou  quatre  jours  dans 
un  bain  contenant,  pour  100  kilogr.  de  suif,  1  kilogr.  d'acide 
sulfurique,  azotique  ou  chlorhydrique  et  à  opérer  ensuite  la 
fusion  du  suif  dans  de  l'eau  pure.  Evrard  recommande  de 
fondre  100  kilogr.  de  suif  en  branche  avec  200  kilogr.  d'eau 
renfermant  1  kilogr.  de  soude  rendue  caustique  par  la  calci- 


nation  du  carbonate  avec  la  chaux  ;  la  dissolution  s'opère 
avec  un  courant  de  vapeur.  Le  travail  de  fusion  par  voie 
humide,  dans  lequel  les  matières  des  cellules  se  décom- 
posent et  entrent  en  dissolution,  ne  laisse  pour  ainsi  dire 
pas  de  résidu  solide.  D'autre  part,  il  ne  développe  que  des 
odeurs  faibles  quand  on  opère  sur  des  suifs  de  qualité 
moyenne  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  ceux  de  qua- 
lité inférieure.  Aussi  a-t-on  souvent  cherché  à  supprimer 
ces  matières  odorantes  soit  en  les  brûlant,  soit  en  les  con- 
densant. Déjà  d'Arcet,  dans  ses  installations  pour  le  travail 
à  feu  nu,  avait  proposé  de  diriger  ces  vapeurs  à  volonté 
dans  le  foyer  ou  dans  la  cheminée.  Dans  les  installations 
de  Foucou,  les  vapeurs  de  diverses  chaudières  se  rendent 
dans  un  carneau  commun  et,  sous  l'action  d'une  cheminée 
d'appel,  traversent  la  flamme  d'un  foyer  spécial.  D'après 
Stein,  on  parvient  à  faire  disparaître  toute  odeur  en  re- 
couvrant la  chaudière  avec  un  grillage  chargé  de  quelques 
centimètres  de  noir  et  de  chaux  éteinte.  Ce  filtre  doit  natu 
rellement  former  une  fermeture  complètement  étanche  ;  les 
matières  désinfectantes  doivent  être  renouvelées  à  chaque 
chargement.  L.  Knab. 

FONDOLO  (Gabrino),  seigneur  de  Crémone,  mort  à 
Milan  en  1425.  Général  et  premier  ministre  d'Ugolino 
Cavacalbo,  tyran  de  Crémone,  il  profita  d'une  compétition 
entre  celui-ci  et  son  cousin  Carlo  Cavalcabo,  pour  les  atti- 
rer dans  une  forteresse,  sous  prétexte  de  conciliation  et  là 
les  faire  massacrer  durant  un  somptueux  repas.  L'armée  et 
le  peuple  ratifièrent  le  crime,  saluèrent  Fondolo  seigneur 
de  Crémone.  En  1413,  le  pape  Jean  XXIII  et  l'empereur 
Sigismond,  lors  des  pourparlers  qui  précédèrent  la  réunion 
du  concile  de  Constance,  visitèrent  Fondolo,  mais  leur 
visite  fut  brève  ;  ils  se  sentaient  peu  en  sûreté  et  quittèrent 
Crémone  subrepticement.  Fondolo  se  chargea  plus  tard  de 
justifier  ces  soupçons.  Etant  entré  dans  une  ligue  contre 
Filippo-Maria  Visconti,  duc  de  Milan,  il  fut  battu  parFran- 
cesco  Carmagnola,  obligé  à  un  traité  désastreux,  puis,  en 
1425,  enlevé  de  Crémone  par  trahison,  et  condamné  à  la 
décapitation.  Sur  l'échafaud,  aux  exhortations  à  se  repen- 
tir que  lui  faisait  son  confesseur,  il  répondit  :  «  Oui,  je  me 
repens,  en  effet,  d'une  irréparable  faute.  J'ai  tenu  à  ma 
merci  le  pape  et  l'empereur,  au  haut  de  mon  clocher  de 
Crémone,  et  je  ne  les  ai  pas  précipités  en  bas.  J'en  eus  la 
pensée,  j'accordais  ainsi  guelfes  et  gibelins  et  je  rendais 
ma  mémoire  impérissable.  Je  me  repens  d'avoir  lâchement 
laissé  échapper  une  telle  occasion.  »  R.  G. 

Bibl.  :  Andréa  Billius,  Histovia  mediolanensis  et  lom- 
bardicsi.  —  Sismondi,  Histoire  des  Républiques  ita- 
liennes, t.  VIII. 

FONDOUCK  (Le).  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Al- 
ger, à  32  kil.  S.-E.  de  la  ville  d'Alger,  à  une  ait.  de 
100  m.,  sur  les  premières  pentes  de  l'Atlas,  près  de  l'en- 
droit où  la  rivière  Hamise  débouche  dans  la  plaine.  En 
1839,  il  y  avait  là  un  poste  militaire,  autour  duquel  se 
groupèrent  quelques  colons  :  ils  eurent  beaucoup  à  souf- 
frir des  fièvres,  et  le  village,  malgré  la  fertilité  du  sol,  n'a 
guère  prospéré.  La  création  à  7  kil.  au  S.  d'un  grand  bar- 
rage-réservoir dans  les  gorges  de  la  Hamise,  pouvant  re- 
tenir 1,500,000  m.  c.  d'eau,  a  amélioré  la  situation  ; 
mais  le  manque  de  débouchés  et  l'isolement,  loin  des  routes 
que  suit  le  mouvement  commercial,  sont  des  obstacles  per- 
sistants au  développement  de  ce  centre.  Il  a  une  superficie 
de  8,500  hect.  avec  une  pop.  de  4,729  hab.  (avec  son  an- 
nexe Bou-Hamedi),  dont  seulement  720  agglomérés  ;  il  y 
a  339  Français  et  497  étrangers  européens  (Espagnols  et 
Maltais).  E.  Cat. 

FONDREMAND.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr. 
de  Vesoul,  cant.  de  Rioz,  sur  la  Romaine;  294  hab.  Car- 
rières de  pierres  à  bâtir.  Voie  antique  dite  Chemin  des 
Piomains.  Eglise  de  l'époque  de  transition  avec  dalles 
tumulaires  du  xme  et  du  xve  siècle.  Croix  de  pierre  et 
cloche  du  xvi°  siècle.  Ruines  du  château  féodal.  La  sei- 
gneurie appartenait,  au  moyen  âge,  à  une  famille  de  Fon- 
dremand  ;  Louis  XI  la  donna  à  Jean  de  Neuchâtel  en  1482  ; 


FONDREMAND  —  FONDS 


720 


du  xvie  siècle  au  xvur3,  les  marquis  de  Rosières-Sorans  en 
furent  possesseurs. 

FONDRIÈRE  (Art  niilit.).  Comme  tous  les  obstacles  du 
terrain,  les  fondrières,  c.-à-d.les  endroits  où  le  sol  n'est  pas 
assez  solide  pour  permettre  aux  troupes  de  manœuvrer  et  de 
combattre,  sont  appelées  à  jouer  leur  rôle  à  la  guerre  à  un 
moment  donné  et  doivent  entrer  dans  le  calcul  du  général. 
A  ce  titre  elles  doivent  être  soigneusement  notées  dans  les 
rapports  de  reconnaissance.  Telle  fondrière  réputée  infran- 
chissable a  pu  donner  parfois  passage  à  l'ennemi  et  déter- 
miner la  défaite  de  l'armée  qui  se  croyait  en  sécurité  en 
s'appuyant  sur  elle.  On  peut  parfois,  lorsque  l'on  a  les 
matériaux  sous  la  main,  consolider  les  fondrières  par  des 
troncs  d'arbre  ou  des  fascines. 

FONDS  d'abonnement.  La  rémunération  du  personnel 
des  bureaux  et  un  certain  nombre  des  dépenses  matérielles 
de  ^l'administration  sont  à  la  charge  des  préfets  et  des  sous- 
préfets,  qui,  par,  contre,  ont  à  leur  disposition  des  res- 
sources spéciales  qui  constituent  le  fonds  d'abonnement. 
C'est  sous  le  Consulat  (arrêté  du  26  ventôse  an  VIII)  que 
ce  système  commença  à  être  établi,  les  dépenses  faites 
étant  réglées  chaque  année  par  les  consuls  sur  le  rapport 
du  ministre  de  l'intérieur.  Sous  l'Empire  (décret  du  16  juin 
1806),  un  abonnement  fixe  fut  substitué  au  règlement  an- 
nuel, la  quotité  étant  variable  suivant  l'importance  des 
préfectures  et  sous-préfectures.  Des  décrets  et  règlements 
ultérieurs  modifièrent  à  plusieurs  reprises  l'importance  et 
la  répartition  du  fonds  d'abonnement  ;  actuellement,  les 
fonds  alloués  sous  cette  rubrique  forment  deux  chapitres 
distincts  :  la  partie  destinée  au  personnel  des  bureaux,  de 
beaucoup  la  plus  importante,  dont  les  préfets  et  sous-pré- 
fets ne  peuvent  plus  disposer  librement  et  sont  obligés  de 
rendre  compte  ;  la  seconde  partie  est  destinée  aux  dépenses 
matérielles,  et  les  bonis  appartiennent  aux  titulaires.  Ces 
dépenses  à  effectuer  sur  ce  fonds  ne  peuvent  être  limitât i- 
vement  établies  ;  le  règlement  de  comptabilité  du  30  nov. 
1840  porte  que  «  l'autre  portion  du  fonds  d'abonnement, 
matériel,  est  affecté,  à  titre  d'abonnement,  aux  dépenses 
de  papier  et  d'impression,  aux  frais  de  ports  de  lettres  et 
paquets,  d'éclairage  et  de  chauffage  des  bureaux  de  toute 
espèce,  aux  réparations  locatives  de  l'hôtel  de  préfecture 
et  des  bâtiments  accessoires,  aux  frais  de  bureau  du  pré- 
fet dans  l'étendue  du  département  et  aux  frais  des  assem- 
blées du  conseil  général  ».  On  peut  citer  ainsi  parmi  les 
frais  à  prélever  sur  le  fonds  d'abonnement:  les  frais  d'im- 
pression d'affiches  pour  la  publication  des  lois  d'impôt  ; 
les  arrêtés  préfectoraux  convoquant  les  électeurs  ;  l'abon- 
nement au  Journal  officiel,  l'affichage  des  dépêches  du 
gouvernement  dans  les  arrondissements;  les  frais  de  reliure 
des  listes  du  tirage  au  sort  ;  les  frais  d'impression  des 
formules  de  citation  pour  la  convocation  des  jurés  ;  les 
frais  d'impression  d'arrêtés  de  convocation  des  électeurs 
consulaires;  les  frais  de  tournée  du  secrétaire  général 
remplaçant  le  préfet  pendant  la  revision  ;  les  frais  de  mis- 
sion d'un  conseiller  de  préfecture  ;  les  frais  d'enquête  élec- 
torale, etc.  En  cas  de  changement  dans  le  cours  d'un  exer- 
cice, le  successeur  prend  le  fonds  d'abonnement  tel  qu'il 
est,  mais  le  fonctionnaire  qui  quitte  sa  résidence  doit  lais- 
ser les  fournitures  et  imprimés  achetés  en  vue  du  service. 
Le  successeur  ne  peut  en  refuser  le  payement  que  si  l'ap- 
provisionnement était  exagéré  ou  la  valeur  calculée  au- 
dessus  du  prix  de  revient.  G.  François. 

FONDS  de  chancellerie.  Le  décret  du  14  août  et  l'ins- 
truction du  8  oct.  1880  réglementent  le  rôle  des  chan- 
celiers et  drogmans-chanceliers  et  déterminent  l'étendue  de 
leurs  responsabilités  pour  la  gestion  des  deniers  qu'ils  per- 
çoivent pour  le  compte  de  l'agent  comptable  des  affaires 
étrangères.  Ces  ressources  se  sont  élevées  pour  l'exercice 
1887  à  la  somme  de  200,000  fr.  Depuis  l'ordonnance  du 
23  août  1 833  qui  a  fait  entrer  pour  la  première  fois  les 
droits  de  chancellerie  dans  la  nomenclature  des  impôts 
autorisés,  les  recettes  effectuées  servaient  tout  d'abord  à 
l'acquittement  des  frais  généraux  des  chancelleries,  et  l'ex- 


cédent formait  un  fonds  commun  qui  était  employé  à  com- 
pléter le  minimum  des  remises  accordées  aux  chanceliers 
sur  les  droits  perçus  par  eux.  Les  restes  disponibles  de  ces 
fonds  faisaient  retour  au  Trésor  public.  La  taxe  des  pas- 
seports qui  constituait  le  plus  important  denier  des  fonds 
de  chancellerie  ayant  été  supprimée  en  1861,  ce  compte, 
loin  de  présenter  un  reliquat  disponible,  dut  être  pourvu 
jusqu'en  1871  d'une  subvention  annuelle  fournie  par  le 
budget  des  affaires  étrangères.  Le  rétablissement  des  pas- 
seports en  1871  produisit  à  nouveau  des  excédents  de  re- 
cette qui  s'élevèrent  en  1873  à  497,294  fr.,  mais  leur 
suppression,  en  1874,  amena  dans  ce  compte  une  insuf- 
fisance de  recettes  ;  aussi  la  loi  du  29  déc.  1877  stipulâ- 
t-elle un  crédit  de  43,101  fr.  qui  fut  inscrit  au  budget  de 

1 879  pour  solder  le  découvert.  A  partir  de  cette  époque, 
les  recettes  et  dépenses  des  chancelleries  ne  figurèrent  plus 
seulement  au  budget  de  l'Etat  sous  la  forme  d'excédent  ou 
de  découvert,  elles  y  entrèrent  pour  leur  intégralité  en 
crédit  et  en  débit. 

Un  décret  du  16  janv.  1878,  complété  par  une  ins- 
truction du  24  avr.  suivant,  a  constitué  en  agents  per- 
cepteurs des  deniers  de  l'Etat  les  chanceliers  des  postes 
diplomatiques  et  consulaires,  les  drogmans-chanceliers  et 
les  chanceliers  intérimaires  ou  substitués,  de  même  aussi 
les  agents  vice-consuls  rétribués  et  les  gérants  de  vice- 
consulats.  De  ce  chef  ils  encourent  toutes  les  responsabilités 
qui  atteignent  tous  les  comptables  du  Trésor  public  et  ils 
adressent  au  chef  de  la  direction  des  fonds  au  ministère 
des  affaires  étrangères  le  relevé  de  toutes  leurs  opérations, 
de  manière  de  permettre  à  ce  haut  comptable  d'effectuer  la 
centralisation  et  de  présenter  à  la  cour  des  comptes,  dont 
il  est  justiciable,  le  compte  général  de  cette  administra- 
tion. L'agent  comptable  des  chancelleries  diplomatiques  et 
consulaires  est  seul  responsable  de  la  gestion  de  tous  les 
chanceliers  assimilés  ;  il  est  tenu  de  verser  un  cautionne- 
ment de  20,000  fr.;  il  est  soumis  au  contrôle  de  la  comp- 
tabilité publique  et  aux  vérifications  de  l'inspection  géné- 
rale des  finances.  Aux  termes  du  décret  du  16  janv.  1877, 
toutes  les  recettes  des  chancelleries  figuraient  parmi  les 
recettes  de  l'Etat,  en  sorte  que  l'emploi  des  fonds  ne  pou- 
vait être  fait  par  les  agents  de  perception  qui  étaient  forcés 
d'avancer  les  dépenses  sur  leurs  deniers  personnels  et  en 
étaient  remboursés  seulement  tous  les  trois  mois  au  moyen 
d'une  ordonnance,  laquelle  leur  bonifiait  2  %  d'intérêts. 
Sous  ce  régime,  les  fonds  ne  sortaient  de  la  caisse  des 
comptables  que  pour  être  transformés,  lors  de  la  liquidation 
trimestrielle,  en  une  traite  en  monnaie  française,  à  l'ordre 
du  caissier-payeur  central  du  Trésor. 

Pour  parer  aux  inconvénients  résultant  pour  nos  fonc- 
tionnaires à  l'étranger  de  la  nécessité  d'effectuer  des 
avances  en  vue  d'assurer  le  service,  le  décret  du  14  août 

1880  a  stipulé,  dans  son  article  37,  que  les  recettes  réa- 
lisées dans  les  postes  diplomatiques  ou  consulaires  seraient 
affectées  au  payement  des  frais  de  service  et  de  chancel- 
lerie. L'art.  84  du  même  décret  dispose  que  l'excédent  des 
recettes  fera  l'objet  de  traites  envoyées  par  les  chefs  de 
mission,  les  consuls  et  les  vice-consuls  rétribués  à  l'agent 
comptable  qui  les  transmet  au  caissier-payeur  central  du 
Trésor  public.  La  liquidation  s'opère  non  plus  par  trimestre, 
mais  mensuellement  ;  c'est  donc  à  la  fin  de  chaque  mois 
que  sont  payés  les  traitements  (même  décret,  art.  5).  Des 
avances  en  comptes  courants,  au  moyen  de  traites  sur  le 
Trésor  public,  peuvent  être  faites  aux  chanceliers  diploma- 
tiques et  consulaires  qui  ont  choisi  l'agent  comptable  des 
affaires  étrangères  pour  leur  mandataire  (même  décret, 
art.  67).  Des  facilités  analogues  sont  accordées  pour  les 
dépenses  intéressant  le  ministère  de  la  marine  aux  chefs 
de  mission  et  consuls  qui  peuvent  se  procurer  les  fonds 
nécessaires  en  négociant  sur  place  pour  le  compte  du  dé- 
partement de  la  marine  les  traites  qui  leur  sont  envoyées 
par  le  Trésor.  Victor  de  Swarte. 

FON  DS  de  commerce.  On  désigne  sous  la  qualification  de 
fonds  de  commerce  l'ensemble  des  choses  dont  se  compose 


un  établissement  commercial,  de  quelque  nature  que  ce 
soit.  Un  fonds  de  commerce  comprend  généralement  trois 
éléments  distincts  :  1°  les  marchandises"  existant  en  maga- 
sin et  le  matériel  d'exploitation  ;  2°  l'achalandage,  qui 
comprend  d'abord  les  relations  existant  entre  l'établisse- 
ment et  ses  clients,  et,  en  outre,  le  nom,  le  titre,  l'en- 
seigne, les  marques  et  tous  les  signes  distinctifs  sous  les- 
quels l'établissement  est  connu  du  public  ;  3°  le  droit  au 
bail  des  lieux  où  s'exploite  le  commerce.  De  ces  trois  élé- 
ments, le  seul  qui  constitue  essentiellement  le  fonds  de 
commerce  c'est  l'achalandage.  On  peut  concevoir  la  vente 
d'un  fonds  de  commerce  sans  marchandises  et  sans  maté- 
riel et  aussi,  quoique  plus  difficilement,  sans  droit  au  bail 
des  lieux  où  s'exerce  le  commerce  cédé  ;  mais,  sans  acha- 
landage, il  n'y  a  plus,  à  proprement  parler,  de  fonds  de 
commerce  ;  il  y  a  uniquement  des  marchandises  ou  un  droit 
au  bail. 

Le  contrat  de  vente  d'un  fonds  de  commerce  est  soumis, 
en  général,  aux  règles  du  droit  commun.  Dans  l'usage,  les 
conventions  relatives  à  la  vente  d'un  fonds  de  commerce 
s'établissent  d'une  manière  distincte  sur  l'achalandage,  sur 
les  marchandises  et  sur  le  droit  au  bail.  Mais,  à  défaut  de 
stipulation  expresse,  la  vente  d'un  fonds  de  commerce  com- 
prend tout  à  la  fois  l'achalandage,  les  marchandises  avec 
le  matériel  et  le  droit  au  bail.  En  conséquence,  l'acquéreur 
a  le  droit  :  1°  de  prendre  l'enseigne  et  les  attributs  de  son 
vendeur,  sans  toutefois  pouvoir  faire  usage,  sur  ses  pros- 
pectus et  factures,  sans  le  consentement  du  vendeur,  des 
médailles  et  des  titres  scientifiques  conférés  à  ce  dernier  ; 
2°  de  s'annoncer  comme  le  successeur  de  son  vendeur  ; 
3°  de  se  servir,  même  sans  autorisation  expresse,  du  nom 
de  son  vendeur  ou  même  du  nom  de  l'un  de  ses  prédéces- 
seurs, à  condition,  bien  entendu,  de  n'employer  ce  nom 
que  suivant  les  usages  du  commerce  et  pendant  le  délai 
nécessaire  pour  assurer  la  transmission  de  la  clientèle; 
toutefois  l'acquéreur  ne  peut  employer  le  nom  de  son  ven- 
deur seul  :  il  doit  y  ajouter  le  sien  comme  successeur.  Ces 
diverses  solutions  sont  généralement  admises  par  la  juris- 
prudence. 

Quelles  sont  les  obligations  qu'impose  aux  parties  la 
vente  d'un  fonds  de  commerce?  Le  vendeur  est  d'abord  tenu 
d'opérer  la  livraison  du  fonds  de  commerce  cédé.  Il  ne 
pourrait  s'y  refuser  et  demander  la  résiliation  de  la  vente, 
en  cas  d'insolvabilité  de  l'acquéreur,  que  si  cette  insolvabi- 
lité était  survenue  depuis  la  vente  et  le  mettait  en  danger 
de  perdre  le  prix.  Il  doit,  en  outre,  garantir  à  l'acquéreur 
la  paisible  possession  et  jouissance  du  fonds  de  commerce 
vendu.  Doit-on  considérer  cette  obligation  de  garantie 
comme  entraînant  pour  le  vendeur  l'interdiction  de  faire  un 
commerce  similaire  dans  le  lieu  où  il  exploitait  précédem- 
ment le  fonds  cédé  ?  La  jurisprudence  est  divisée  sur  cette 
question.  Certains  tribunaux,  se  fondant  sur  le  principe 
de  la  liberté  du  commerce  et  de  l'industrie  proclamée  par 
la  loi  des  2  et  17  mars  1891,  ont  admis,  d'une  manière 
absolue,  que  le  vendeur,  qui  n'a  pris  aucun  engagement 
contraire,  conserve  le  droit  d'exploiter  dans  la  même  loca- 
lité un  commerce  similaire.  D'autres  tribunaux  ont,  au 
contraire,  refusé  au  vendeur,  d'une  manière  absolue,  le  droit 
de  créer  dans  la  même  localité  un  établissement  rival.  Un 
système  mixte,  qui  a  l'avantage  de  concilier  la  liberté  du 
commerce  avec  les  droits  de  l'acheteur,  a  été  admis  par  la 
majorité  des  tribunaux.  D'après  ce  système,  la  création  par 
le  vendeur  d'un  établissement  similaire  au  fonds  vendu  ne 
peut  ni  être  prohibée,  ni  être  permise  d'une  façon  absolue  ; 
il  y  a  là  non  une  question  de  principe,  mais  une  simple 
question  de  fait,  celle  de  savoir  si,  d'après  les  circonstances 
de  la  cause  et  notamment  d'après  la  distance  séparant  l'éta- 
blissement vendu  du  nouvel  établissement  créé,  ou  d'après 
le  laps  de  temps  écoulé  entre  la  vente  et  la  création  du 
nouvel  établissement,  il  y  a  pour  l'acheteur  un  dommage 
certain,  un  trouble  réel  à  la  libre  jouissance  dont  le  ven- 
deur lui  doit  la  garantie.  Si  le  vendeur  s'est  formellement 
réservé  le  droit  de  créer  un  établissement  similaire,  il  ne 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE,   —   XVII. 


721  —  FONDS 

peut  néanmoins  rien  faire  qui  soit  de  nature  à  détourner 
la  clientèle  attachée  au  fonds  vendu.  Ainsi  il  ne  peut  ni  se 
servir  des  mêmes  enseignes,  ni  adresser  des  circulaires  à 
son  ancienne  clientèle,  ni  conserver  l'indication  de  son 
ancienne  demeure  sur  ses  prospectus  et  factures.  D'autre 
part,  le  vendeur  peut,  dans  le  contrat,  s'engager  formelle- 
ment, soit  à  ne  pas  se  rétablir  dans  le  même  commerce, 
soit  tout  au  moins  à  ne  pas  se  rétablir  dans  un  périmètre 
déterminé.  Cette  dernière  clause,  fort  en  pratique  dans  les 
usages  du  commerce,  emporte  pour  le  vendeur  l'interdic- 
tion d'accepter  un  emploi  dans  une  maison  rivale.  Mais  elle 
ne  peut  être  étendue  en  dehors  des  termes  du  contrat  et 
de  l'intention  des  parties,  et,  en  cas  de  doute,  il  y  a  lieu 
de  décider  en  faveur  de  la  liberté  du  commerce  :  c'est  ainsi 
qu'il  a  été  jugé  que  la  vente  d'un  fonds  de  commerce  de 
détail  laisse  au  vendeur  la  faculté  d'établir  une  maison  de 
gros.  —  Quant  à  l'acheteur,  son  obligation  principale  con- 
siste à  payer  son  prix  à  l'échéance  convenue.  Ce  prix  peut 
toutefois  être  réduit,  lorsque  l'estimation  des  marchandises 
ou  du  matériel  a  été  exagérée.  Il  est  d'usage,  à  Paris,  de 
publier  les  ventes  de  fonds  de  commerce  dans  les  journaux 
d'annonces  et  d'accorder,  à  partir  de  cette  publication,  un 
délai  de  dix  jours  aux  créanciers  du  vendeur  pour  faire  entre 
les  mains  de  l'acheteur  opposition  au  payement  du  prix. 
L'inexécution  par  le  vendeur  ou  l'acheteur  de  leurs  obli- 
gations réciproques  donne  lieu  à  la  résiliation  de  la  vente. 
On  considère  généralement  la  vente  d'un  fonds  de  commerce 
comme  constituant  un  acte  de  commerce  qui  rend  les  par- 
ties justiciables  du  tribunal  de  commerce.  Les  ventes  de 
fonds  de  commerce  sont,  en  général,  passibles  du  droit 
proportionnel  de  2  °/0  établi  pour  les  mutations  de  meubles 
à  titre  onéreux  par  l'art.  69  de  la  loi  du  22  frimaire  an  VII. 
Ce  droit  de  2  °/0  est  perçu  sur  le  prix  de  l'achalandage,  sur 
le  prix  de  cession  du  bail  et  sur  le  prix  des  objets" mobi- 
liers ou  des  immeubles  par  destination  servant  à  l'exploita- 
tion du  fonds  vendu.  Georges  Lagrésille. 

FONDS  de  concours.  Comme  leur  nom  l'indique,  les 
fonds  de  concours  s'entendent  des  sommes  versées  par  les 
particuliers,  les  communes  ou  les  départements,  pour 
concourir,  avec  les  versements  de  l'Etat,  à  des  dépenses 
d'intérêt  public.  Il  en  est  ainsi  lorsque  les  travaux  entre- 
pris ont  pour  certains  particuliers,  pour  certaines  villes 
ou  certaines  régions,  un  intérêt  tel  qu'il  importe  de  mettre 
le  Trésor  à  même  de  les  achever  le  plus  promptement  pos- 
sible. Ces  versements  se  présentent  sous  forme  de  subsides 
non  remboursables,  ou  sous  la  forme  d'avances  rembour- 
sables à  une  époque  ou  dans  une  période  déterminées. 
Conformément  à  l'art.  13  de  la  loi  du  6  juin  1843,  article 
reproduit  par  l'art.  52  du  décret  du  31  mai  1862,  les 
crédits  ouverts  par  décrets,  pour  un  montant  égal  à  celui 
des  sommes  versées  comme  fonds  de  concours,  viennent 
se  confondre  avec  les  crédits  législatifs,  et  sont  soumis  aux 
mêmes  justifications  et  aux  mêmes  contrôles.  Antérieure- 
ment à  1863,  les  versements  étaient  portés  directement  en 
recette  dans  les  produits  divers  du  budget,  ayant  pour 
contre-partie  les  crédits  égaux  ouverts  aux  ministres. 
Mais  il  en  résultait  forcément  des  reports  d'un  exercice  à 
un  autre,  et  ces  chevauchements,  sans  grande  importance 
tant  que  les  fonds  de  concours  n'avaient  pas  dépassé  un 
demi-million,  compliquaient  singulièrement  la  comptabilité 
et  faussaient  les  situations  budgétaires  alors  que,  comme 
en  1863,  ces  fonds  arrivaient  au  total  de  11,568,671  fr. 
Le  ministre  des  finances  prit  alors  un  arrêté  prescrivant 
l'ouverture  d'un  compte  spécial,  sous  le  titre  de  Fonds  de 
concours  pour  dépenses  d'intérêt  public,  compte  qui 
est  crédité  de  tous  les  versements  faits  pour  ce  motif,  et 
débité  du  montant  des  crédits  ouverts  au  fur  et  à  mesure 
que  les  dépenses  prévues  sont  effectuées.  Afin  d'assurer 
l'exécution  des  engagements  de  ce  genre  pris  avec  l'Etat, 
chaque  ministre,  depuis  1888,  établit  annuellement  l'état 
des  conventions  de  fonds  de. concours,  enregistrées  aus- 
sitôt qu'elles  se  produisent,  en  mentionnant  les  actes 
constitutifs  ou  approbatifs  des  conventions,  les  époques 

46 


FONDS 


in  — 


d'exigibilité,  et  le  montant  des  recettes  et  des  restes  à 
recouvrer.  Les  comptables  des  finances  sont  ainsi  mis  à 
même  de  faire  exécuter  en  temps  utile  les  engagements 
pris  envers  le  Trésor.  G.  François. 

FONDS  des  salaires.  La  théorie  du  fonds  des  sa- 
laires est,  comme  bien  d'autres ,  une  exagération  et  une 
déviation  des  idées  d'Adam  Smith  due  à  ses  successeurs  de 
l'école  anglaise.  Adam  Smith  avait  dit  (Richesse  des  na- 
tions, I,  ch.  vm)  que  «  la  demande  de  ceux  qui  vivent 
des  salaires  ne  peut  augmenter  qu'à  raison  de  l'accroisse- 
ment des  fonds  destinés  à  payer  des  salaires  ».  Cette  pro- 
position était  banale,  mais  correcte.  Ses  disciples,  notamment 
James  et  surtout  Stuart  Mill,  ont  entendu  ce  fonds  d'une 
quantité  fixe  d'approvisionnements  existant  dans  un  pays 
irréductible  et  inextensible.  Ils  en  concluaient  que  toute 
grève  est  absurde,  car  les  salaires  étant  déterminés  par  le 
chiffre  du  fonds  des  salaires  d'une  part,  le  chiffre  de  la 
population  laborieuse  d'autre  part,  on  ne  pouvait  songer  à 
élever  le  quotient  de  la  division  sans  augmenter  le  divi- 
dende (fonds  des  salaires,  wage  fund)  ou  diminuer  le  di- 
viseur (le  chiffre  de  la  population  laborieuse).  Mais  ce  qui 
était  absurde,  c'était  de  considérer  ces  deux  quantités  comme 
fixes,  alors  que,  non  seulement  d'année  en  année,  mais 
dans  une  période  de  temps  très  courte,  elles  peuvent  varier 
soit  par  la  volonté  des  capitalistes  (diminution  des  jouis- 
sances, emprunts  à  l'étranger),  soit  par  celle  des  travail- 
leurs (émigration,  diminution  de  l'armée  de  réserve  opérée 
par  les  soins  des  Trade's  Unions) .  Thornton,  dans  On  Labour 
(1888),  a  réfuté  ces  erreurs,  et  Stuart  Mill  s'est  déclaré 
convaincu.  Cairnes  a  essayé,  mais  sans  succès,  de  sauver 
cette  doctrine  répudiée  par  Stuart  Mill.     H.  Saint-Marc. 

Bibl.  :  Maurice  Block,  les  Progrès  de  la  science  éco- 
nomique depuis  Ad.  Smith,  t.  II,  pp.  269-276.  —  Ch.  Gide 
Principes  d'économie  politique,  1891,  pp.  538-537,  3°  édit1 

FONDS  de  secours.  Comme  le  nom  l'indique,  les  fonds 
de  secours  ont  été  institués  pour  permettre  au  gouverne- 
ment de  venir  en  aide  aux  individus  nécessiteux  subissant 
des  pertes  extraordinaires  pour  diverses  causes.  Jusqu'en 
1818,  les  fonds  de  secours  étaient  prélevés  sur  les  fonds 
de  non-valeurs,  institués  par  le  décret-loi  des  29  sept.- 
14  oct.  1791  ;  mais,  à  partir  de  1819,  les  fonds  de  secours 
furent  constitués  d'une  façon  distincte,  par  l'application 
d'un  centime  au  principal  des  contributions  foncière  et 
personnelle  mobilière,  produisant  une  somme  nette  de 
2  millions  et  demi  environ.  Les  secours  sont  distribués 
par  les  préfets,  après  constatation  des  dommages,  en  écar- 
tant tout  ce  qui  a  rapport  aux  êtres  collectifs  (communes, 
hospices,  communautés,  etc.),  à  ceux  dont  la  situation  ne 
se  trouve  pas  sensiblement  affectée,  ou  aux  réclamants 
riches,  aisés  ou  assurés.  La  quotité  allouée  a  subi  de  nom- 
breuses variations,  mais  sans  jamais  dépasser  6°/0  ;  depuis 
1880,  elle  est  maintenue  à  5%.  D'après  les  règlements 
généraux  sur  la  comptabilité  publique,  les  fonds  de  secours 
non  employés  dans  un  exercice  sont  reportés  à  l'exercice 
suivant  avec  la  même  affectation.  G.  François. 

FONDS  de  subvention.  Anciennement,  le  fonds  de  sub- 
vention portait  le  nom  de  fonds  commun  des  départe- 
ments ;  la  création  en  remonte  à  la  loi  du  11  frimaire 
an  VII  (art.  16)  qui  portait  que  chaque  département  impo- 
serait «  sous  le  nom  de  fonds  commun  des  départements, 
un  nombre  pareillement  déterminé  de  centimes  addition- 
nels pour  constituer  des  ressources  supplémentaires  aux 
départements  auxquels  le  produit  des  centimes  ordinaires 
et  le  fonds  de  supplément  ne  suffiraient  pas  pour  couvrir 
la  totalité  de  leurs  dépenses  ».  Ce  fonds  de  supplément 
devait,  en  outre,  pourvoir  à  des  dépenses  auxquelles  il  est 
maintenant  pourvu  par  les  fonds  de  secours  et  de  non- 
valeurs.  Jusqu'en  1838,  la  détermination  du  nombre  et 
l'affectation  des  centimes  avait  laissé  à  désirer  ;  la  loi  du 
10  mai  1838,  en  déterminant  les  attributions  des  conseils 
généraux  et  des  conseils  d'arrondissement,  divisa  le  bud- 
get départemental  en  six  sections,  dont  les  deux  premières 
comprenant  l'une   les   recettes  et  dépenses  ordinaires, 


l'autre  les  recettes  et  dépenses  facultatives,  étaient  seules 
expressément  déterminées  par  le  législateur,  les  quatre 
autres  résultant  d'une  instruction  ministérielle  du  24  juil-, 
1838.  Chaque  section  était  dotée  de  ressources  propres, 
et  les  virements  étaient  interdits.  Or  les  dépenses  de  la 
première  section  étant  obligatoires,  en  cas  d'insuffisance 
de  recettes,  il  pouvait  y  être  pourvu  au  moyen  de  sommes 
à  prélever  sur  le  fonds  commun;  l'autre  partie  de  ce  fonds 
était  destinée  à  être  distribuée  aux  départements  à  titre  de 
secours,  les  affectations  étant  faites  par  ordonnance  royale 
insérée  au  Bulletin  des  lois.  Bientôt  des  abus  se  produi- 
sirent et  les  réclamations  ne  tardèrent  pas  à  être  présen- 
tées ;  les  départements  qui  versaient  la  plus  forte  part  du 
fonds  commun  n'en  retiraient  qu'une  somme  insignifiante, 
alors  que  d'autres  exagéraient  l'usage  des  centimes  facul- 
tatifs pour  obtenir  sur  le  fonds  commun  une  part  plus  con- 
sidérable. En  1866,  on  décida  la  suppression  de  ce  fonds 
et  son  remplacement  par  un  fonds  de  subvention,  à  la 
charge  exclusive  de  l'Etat.  La  répartition  de  ce  nouveau 
fonds  devait  être  faite  par  décret  rendu  au  conseil  d'Etat. 
Ce  mode  de  répartition  subsista  jusqu'à  la  loi  du  10  août 
1871,  qui  décida  que  le  fonds  de  subvention  serait  réparti 
conformément  à  un  tableau  annexé  à  la  loi  de  finances, 
qui  en  déterminerait  en  même  temps  le  montant.  La  somme 
destinée  à  ce  fonds,  qui  était,  en  1886  et  1887,  de  4  mil- 
lions, n'a  plus  atteint  que  3,600,000  fr.  dans  les  bud- 
gets suivants.  G.  François. 

FONDS  publics  (V.  Rente  sur  l'Etat). 

FONDS  secrets.  On  appelle  fonds  secrets  les  crédits 
mis  à  la  disposition  de  certains  ministres  dans  l'intérêt  de 
la  défense  du  pays  ou  de  la  sûreté  intérieure,  et  dont  l'em- 
ploi échappe  aux  règles  delà  comptabilité  publique  et  à  tout 
contrôle,  qu'il  soit  d'ordre  parlementaire,  judiciaire  ou  ad- 
ministratif. Cependant  le  ministre  qui  dispose  de  fonds 
secrets  doit  en  rendre  compte  au  chef  de  l'Etat  à  la  fin 
de  chaque  exercice  financier  ou  lorsqu'il  quitte  le  pouvoir. 

1°  France.  —  Sous  l'ancien  régime,  il  ne  peut  être  ques- 
tion de  fonds  secrets  au  sens  actuel  du  mot,  puisque  le  roi 
n'était  soumis  pour  la  gestion  des  finances  du  royaume  à 
aucun  contrôle  parlementaire.  Toutefois,  dans  le  compte 
général  des  revenus  et  dépenses  au  1er  mai  1789,  dressé 
par  Necker,  on  remarque  une  affectation  de  30,000  livres 
pour  dépenses  secrètes.  Il  y  avait  donc  des  dépenses  dont  le 
gouvernement  ne  fournissait  pas  de  justification  à  ses  comp- 
tables. Il  faut  bien  remarquer  que  cette  faible  somme  doit 
être  augmentée  de  66,000  livres  qui  figurent  sous  la  ru- 
brique «  soins  de  police  de  toute  nature  »  et  du  total  in- 
connu des  dépenses  réalisées  pour  recherches  ou  opérations 
ordonnées  directement  par  les  ministres  et  prises  sur  des 
fonds  particuliers  dont  le  roi  autorisait  l'emploi.  Lors  delà 
création  du  ministère  de  la  police  générale  (1797),  les  cré- 
dits ouverts  pour  fonds  secrets  atteignirent  1,600,000  fr.; 
en  1807,  ils  dépassèrent  6,000,000  fr.,  en  1815,  ils  arri- 
vèrent à  leur  apogée  (7,900,000  fr.).  Ils  étaient  prélevés 
en  partie  sur  les  taxes  d'autorisation  de  journaux,  sur 
les  droits  qui  frappaient  les  maisons  de  jeux  et  les  maisons 
de  tolérance,  si  bien  qu'on  les  appelait  plaisamment  sous  la 
Restauration  Caisse  des  jeux  et  des  ris.  Cette  caisse  produi- 
sait, en  1809, 381 ,254  fr.  54,  et,  en  1819, 388,090  fr.  76. 
Villèle  ramena  les  fonds  secrets  au  chiffre  de  2,200,000  fr. 
et,  à  partir  de  1830,  ils  furent  inscrits  régulièrement  dans 
les  budgets,  sous  des  articles  spéciaux  (intérieur,  affaires 
étrangères,  guerre)  ;  en  1840,  l'organisation  de  l'Algérie 
nécessita,  paraît-il,  la  création  d'un  chapitre  de  dépenses 
secrètes  (250,000  fr.)  qui  a  été  réduit  depuis,  mais  qui 
n'a  pas  cessé  de  figurer  au  budget.  Les  ministres  rendaient 
compte  au  roi  de  ces  dépenses,  et  Louis-Philippe  faisait  col- 
lection des  états  annuels  qui  furent  retrouvés  aux  Tuileries 
en  1848.  Les  dépenses  du  ministère  de  la  guerre^ se  com- 
posent de  dépenses  des  divisions  territoriales  de  l'intérieur 
et  de  dépenses  de  l'Algérie.  Les  premières  sont  presque 
toutes  des  sommes  mises  à  la  disposition  des  commandants 
des  divisions  militaires  et  renferment  l'indication  de  mis- 


—  723  — 


FONDS 


sions  secrètes  à  l'étranger.  Dans  les  dépenses  de  l'Algérie, 
les  unes,  acquittées  en  Afrique,  sont  une  répartition  de  fonds 
mis  à  la  disposition  des  officiers  généraux  ou  supérieurs 
chargés  de  commandements  ;  les  autres,  acquittées  en  France, 
passent  pour  la  plupart  entre  les  mains  «  d'Arabes  fran- 
çais ». 

Pour  les  affaires  étrangères,  les  dépenses  sont  fort  éle- 
vées, mais  elles  n'apparaissent  que  sous  la  dénomination  de 
bons  du  ministre,  sans  autre  justification. 

Pour  l'intérieur,  deux  registres  sont  ouverts  :  l'un  de- 
meure entre  les  mains  du  ministre  et  nul  n'en  reçoit  com- 
munication ;  c'est  là  que  se  trouve  établie  l'affectation  dé- 
taillée de  chaque  payement  ;  l'autre  appartient  au  caissier 
et  sert  à  la  comptabilité.  On  remarquera  les  intitulés  des 
deux  chapitres  :  Traitements  et  indemnités  pour  services 
secrets  et  particuliers.  —  Dépenses  imprévues  pour  le  main- 
tien de  l'ordre  public.  Ces  sommes  s'appliquent  tantôt  à 
des  hommes  de  lettres  qui  avaient  acquis  une  certaine  cé- 
lébrité dans  la  presse  ministérielle  et  dont  on  reconnaissait 
ainsi  le  dévouement,  tantôt  à  des  fonctionnaires  de  l'ordre 
le  plus  élevé  dont  on  escomptait  la  démission  pour  satisfaire 
à  des  impatiences  parlementaires  devenues  pressantes, 
tantôt  à  des  députés  qui  révélaient  à  ces  feuilles  secrètes 
le  secret  de  leur  conscience.  On  y  voit  des  suppléments  de 
traitement  refusés  par  les  Chambres,  des  traitements  en- 
tiers pour  des  fonctions  non  consenties  par  le  Parlement, 
des  indemnités  pour  logements  supprimées,  des  indemnités 
pour  équipages  affectés  toute  l'année  à  des  employés  supé- 
rieurs ;  des  indemnités  pour  des  femmes  tristement  célè- 
bres, pour  des  auteurs  complaisants,  pour  une  infinité 
d'agents  administratifs  ou  littéraires  qui  grossissent  la  cour 
des  ministres  (analyse  du  Rapport  de  Théodore  Ducos  à  la 
Constituante  ;  1848,  t.  II,  pp.  304  et  suiv.).  Donnons  comme 
exemple  la  répartition  des  fonds  secrets  du  ministère  de 
l'intérieur  pour  4836  (22  févr.  au  6  sept.).  Les  crédits  se 
montaient  à  2,465,500  fr.  M.  Thiers  avait  rendu  compte  au 
roi  le  24  févr.  de  sa  gestion,  soit  458,097  fr.  43.M.  de  Mon- 
talivet  rendit  compte  d'une  dépense  de  1,499,884  fr.  70 
ainsi  distribuée  : 

Francs 
Frais  de  police  de  la  préfecture  de  police. .        168 .  000    » 
Frais  de  police  des  fonctionnaires  publics 

dans  les  départements 147.504  68 

Frais  de  police  militaire  et  de  police  ju- 
diciaire   54.333  34 

Traitements  ou  indemnités  pour  services 

secrets  ou  particuliers 224. 306  81 

Traitements  des  employés   attachés  au 

service  des  fonds  spéciaux 41 .359  82 

Secours  à  divers  titres 48 .  947  99 

Secours  aux  gens  de  lettres,  savants, 

artistes  et  à  leurs  veuves 41 .  071  34 

Dépenses  extraordinaires  pour  maintien 

de  l'ordre  public 774.300  72 

Total 1.499.884  70 

La  République  de  1 848  était  fort  mal  disposée  à  l'égard 
des  fonds  secrets  ;  elle  en  médita  la  suppression,  mais  les 
membres  du  pouvoir  exécutif  en  sollicitèrent  de  nouveaux 
avec  des  arguments  irrésistibles.  «  En  présence,  disaient- 
ils,  des  partisans  de  la  royauté  qui  ne  sont  pas  tous  inac- 
tifs ;  en  présence  des  anarchistes  qui  eux  aussi  font  les 
affaires  du  royalisme,  l'autorité  manquerait  à  son  devoir 
si  elle  ne  se  mettait  en  mesure  d'écraser  les  manœuvres  d'un 
double  ennemi  et  de  faire  prévaloir  la  cause  du  peuple.  » 
(5  juin  4848.)  Les  fonds  secrets  furent  maintenus,  mais 
fortement  réduits.  De  plus,  le  ministre  de  l'intérieur  dut 
rendre  compte  de  leur  emploi  à  une  commission  spéciale 
désignée  par  l'Assemblée  nationale.  Ce  contrôle  fonctionna 
jusqu'à  l'avènement  de  l'Empire  et  ne  donna  lieu  à  aucune 
indiscrétion.  Il  ne  s'agissait  en  l'espèce  que  des  dépenses 
de  sûreté  générale,  mais  les  ministres  de  la  guerre  deman- 
dèrent eux-mêmes  à   rendre  compte  de  leurs  dépenses 


secrètes  à  une  commission  analogue.  Th.  Ducos  constata 
au  début  de  1848  certaines  irrégularités  qu'il  attribue  au 
désordre  qui  avait  nécessairement  suivi  le  changement  de 
régime  politique.  Ainsi  123,000  fr.  avaient  été  affectés 
pour  éloigner  de  Paris  12  à  14,000  ouvriers  allemands, 
italiens  et  polonais  ;  beaucoup  d'allocations  étaient  attri- 
buées à  des  commissaires  du  gouvernement  envoyés  dans 
les  départements;  on  avait  prélevé  sur  les  fonds  secrets 
des  dépenses  d'habillement  pour  la  garde  nationale  et  la 
garde  civique,  des  frais  de  nourriture  pour  des  soldats, 
des  ouvriers,  des  gardes  nationaux,  des  agents  du  minis- 
tère de  l'intérieur  ;  des  subventions  pour  missions  extra- 
ordinaires, pour  frais  de  voyage  et  de  route,  des  dépenses 
d'impressions,  des  petits  secours  accordés  aux  ouvriers 
sans  travail,  etc. 

Le  second  Empire  fit  une  grande  consommation  de  fonds 
secrets  :  plus  de  3,000,000  defr.  par  an  en  moyenne  ;  encore 
ne  suffisaient-ils  pas  toujours  aux  besoins  ;  en  ce  cas,  on 
recourait  à  la  caisse  particulière  de  l'empereur.  Dans  les 
papiers  saisis  aux  Tuileries  en  1870,  on  a  trouvé  quelques 
détails  relatifs  à  l'emploi  de  ces  crédits.  Les  frais  de  police 
de  la  préfecture  s'élevaient  à  600,000  fr.,  les  frais  de  po- 
lice des  préfets  à  223,400  fr.,  les  frais  de  police  militaire 
et  judiciaire  à  67,600  fr.  ;  le  service  de  la  presse  coûtait 
297,540  fr.  ;  les  indemnités  pour  secours  et  subventions 
particulières  se  montaient  à  255,860  fr.  ;  les  mandats  sou- 
mis périodiquement  pour  engagements  à  78,850  fr.,  et  il 
restait  encore  à  la  libre  disposition  du  ministre  476,750  fr. 
Les  crédits  attribués  aux  ministres  des  affaires  étrangères 
et  de  la  guerre  étaient  comme  toujours  employés  à  rétri- 
buer de  précieux  services  diplomatiques  et  à  payer  les  ren- 
seignements sur  les  dispositions  et  les  armements  des  Etats 
étrangers.  Plusieurs  journaux  allemands  émargeaient  à  la 
caisse  impériale  :  par  exemple  la  Coblenzer  Zeitung  rece- 
vait 4,000  fr.  par  an  ;  la  Rheinische  Zeitung,  de  22  à 
23,000  fr.  ;  la  Speyer  Zeitung  de  8  à  9,000  fr.  etVEcho 
der  Gegenwart,  5,000  fr.  Les  dépenses  électorales  absor- 
baient des  sommes  considérables.  Quelques  jours  avant  les 
élections  générales  de  1869  (6  avr.),  le  ministre  de  l'inté- 
rieur, M.  de  Forcade  de  La  Roquette,  ayant  épuisé  les  fonds 
secrets  dont  il  pouvait  disposer,  tira  sur  la  caisse  de  l'Em- 
pereur et  en  reçut  cinq  bons  de  100,000  fr.  chacun  sur 
MM.  de  Rothschild.  Son  reçu  porte  la  justification  suivante  : 
«  Pour  dépenses  secrètes  de  sûreté  générale.  » 

Le  24  sept.  1870,  Gambetta  supprima  par  arrêté  les  fonds 
secrets  :  cette  décision  fut  purement  platonique,  car  l'Assem- 
blée nationale  rétablit  l'ancien  ordre  de  choses.  On  pour- 
rait même  dire  que  les  crédits  n'ont  fait  que  s'accroître. 
Ce  n'est  pas  que  les  Chambres  les  votent  sans  protestation. 
En  1888,  le  rapporteur  du  ministère  de  l'intérieur,  M.  Pi- 
chon,  fit  rayer  au  budget  le  titre  ancien  de  dépenses  se- 
crètes de  sûreté  publique  pour  le  remplacer  par  celui 
d'agents  secrets  de  sûreté  générale.  «  Le  but  de  cette  déci- 
sion, disait-il,  est  de  faire  disparaître  du  budget  de  la  Répu- 
blique les  dépenses  secrètes  qui  peu  vent  servir  à  une  besogne 
de  corruption  et  de  laisser  subsister  un  fonds  de  police 
pour  les  renseignements  nécessaires  à  la  sécurité  publique, 
au  bon  ordre  et  au  respect  des  lois.  »  C'était  une  réforme 
bien  anodine  que  le  gouvernement  accepta  sans  difficulté  ; 
mais  il  ne  voulut  pas  consentir,  comme  le  proposait  la  com- 
mission, à  abaisser  le  chiffre  des  fonds  secrets  de  2,000,000 
à  800,000  fr.  ;  il  abandonna  pourtant  400,000  fr.  et  le 
chiffre  définitif  de  1,600,000  fr.  ne  fut  voté  que  par 
248  voix  contre  220  le  23  févr.  1888.  Un  nouvel  effort  tenté 
par  M.  Gaussorgues  le  3  juil.  1889  aboutit  cette  fois  à  la 
suppression  totale  des  fonds  secrets  au  budget  de  1890.  Ils 
furent  rétablis  peu  après  par  une  loi  spéciale  (26  déc.  1889). 

La  question  des  fonds  secrets  a  toujours  passionné  l'opi- 
nion publique,  probablement  à  cause  de  ce  caractère  mys- 
térieux qu'ils  n'ont  qu'en  apparence  :  elle  préoccupe  et 
inquiète  toujours  les  partis  d'opposition,  car  c'est  une  arme 
que  le  gouvernement  ne  se  fait  nul  scrupule  d'employer 
contre  leurs  agissements  ;  elle  attriste  enfin  les  républicains 


FONDS 


—  724  — 


sincères  qui  ne  croient  guère  à  l'efficacité  de  la  corruption 
systématique  dans  une  démocratie  bien  ordonnée  et  qui 
constatent  d'ailleurs  qu'elle  n'a  jamais  sauvé  un  gouverne- 
ment aux  heures  critiques  d'une  révolution.  Laissons  de 
côté  les  crédits  mis  à  la  disposition  des  ministres  des 
affaires  étrangères,  de  la  guerre  et  de  la  marine  dans  l'in- 
térêt supérieur  de  la  défense  nationale  —  encore  que  leur 
utilité  pratique  n'en  soit  pas  très  clairement  démontrée  — 
il  faut  bien  reconnaître  que  les  2  millions  inscrits  chaque 
année  au  budget  de  l'intérieur  ne  sont  que  pour  une  très 
faible  part  employés  en  dépenses  secrètes  réelles,  c.-à-d. 
en  frais  de  sûreté  générale.  C'est  un  fait  notoire  qu'ils  servent 
à  provoquer  et  à  alimenter  les  sympathies  ministérielles,  à 
subventionner  des  journaux  auxquels  les  lecteurs  manquent, 
à  pensionner  des  publicistes  douteux,  à  encourager  d'au- 
dacieux monteurs  d'affaires  qui  parfois  viennent  échouer 
sur  les  bancs  de  la  cour  d'assises,  à  stimuler  le  zèle  des 
comités  électoraux,  à  payer  des  traitements  ou  des  supplé- 
ments de  traitements  supprimés  ou  non  autorisés  par  les 
Chambres.  On  conçoit  donc  que  de  bons  esprits  réclament 
avec  une  insistance  croissante  leur  radiation  définitive  du 
budget  de  la  France. 

CRÉDITS  AFFECTÉS  AUX  DÉPENSES  SECRÈTES  DEPUIS  LÀ 
RESTAURATION 

Affaires  étrangères 

1822  à  4828 700.000  fr.  par  an. 

1832  à  1848 650.000        — 

(De  1828  à  4831,  il  y  eut  pour  8,927,433  fr.de  dé- 
penses secrètes  extraordinaires;  en  1839,  30,000  fr.; 
en  1844,  300,000  fr.;  en  1848,  270,000  fr.). 

1849 400.000  fr. 

1850 339.827 

1851 319.973 

1855 1.150.000 

1856  à  1869 550.000  fr.  par  an. 

1870 650.000 

■2871 550.000 

1872  à  1883 500.000  fr.  par  an. 

1884 >.        486.260 

1885 500.000 

1886-1891 700.000  fr.  par  an. 

1893 1.000.000  de  fr. 

Guerre 


1823.. 

.     6.624.832  fr. 

4846.. 

4.042.736  fr 

1824. . 

485.584 

1848.. 

828.222 

1825.. 

366.474 

4849.. 

924,324 

1826.. 

4.060.695 

4854.. 

4.049.592 

1829... 

1. 346. 849 

4855.. 

473.641 

1830.. 

4.524.815 

4860... 

210.675 

1834... 

4.344.476 

4866... 

255.672 

1835... 

873.395 

4867... 

437.433 

(Jusqu'en  4868,  le  chapitre  se  compose  de  dépenses  acci- 
dentelles, temporaires  et  secrètes.  On  y  comprend  par 
exemple  les  dépenses  des  ordres  de  Saint-Louis  et  du  Mérite 
militaire,  soit  3,022,970  fr.  de  4825  à  4834  ;  les  dépenses 
motivées  par  la  guerre  d'Espagne  de  4823,  soit  plus  de 
6  millions  de  fr.  ;  les  dépenses  administratives  faites  en 
Afrique  de  4830  à  4834  ;  le  montant  des  traitements  tempo- 
raires et  de  réformes,  la  subvention  aux  fonds  de  retraite). 


4868. 

4869  à  4874 . 

4872 


49.700  fr. 
50.000  fr. 
400.000 


par  an. 


4873-4874 200.000  fr.  par  an. 

4875 250.000 

4876  à  4882 300.000  fr.  par  an. 

4883-4885 550.000   — 

1886-4889 700.000   — 

4890 500.000 

4894-4893 600.000  fr.  par  an. 

Marine 

Depuis  le  budget  de  4884. . . .  65.000  fr.  par  an. 


1840 

4849 

4854 

4858 

4859-4894. 
4893 


Algérie 


250.000  fr. 

200.000 

450.000 
50.000 
80.000  fr.  par  an. 

420.000 

Intérieur 

4833  à  4836 2.465.000  fr.  par  an. 

1837 3.265.500 

4842  à  4847 4.932.000  fr.  par  an. 

4848 4.996.245 

4849 865.324 

4854 •....  1.532.000 

4852 1.800.000 

1853  à  4857 2. 000. 000 de  fr. par  an 

4858 3.200.000  fr. 

4860 3.300.000 

4868  à  4887 2. 000. 000  de  fr.  par  an. 

4888  à  4893 4.600.000  fr.   — 

Le  préfet  du  Rhône  dispose  de  quelques  fonds  secrets. 
C'est  une  irrégularité  contre  laquelle  la  cour  des  comptes 
a  protesté  à  plusieurs  reprises. 

En  somme,  au  budget  de  4893,  les  fonds  secrets  figurent 
pour  3,385,000  fr.  ainsi  répartis  : 

Affaires  étrangères 1 .000. 000  de  fr. 

Guerre 600.000  fr. 

Marine 65.000 

Algérie 420.000 

Intérieur 1.600.000 

Total '  3.385.000  fr. 

2°  Etranger.  —  La  plupart  des  grands  Etats  étrangers 
emploient  des  fonds  secrets,  mais  il  n'est  pas  très  facile 
d'en  connaître  le  chiffre  exact  par  l'examen  de  leurs  bud- 
gets; de  plus,  ce  chiffre  même  ne  peut  que  servir  d'indica- 
tion, car  il  doit  être  presque  toujours  majoré  des  revenus 
de  certains  fonds  spéciaux.  Ainsi  l'Angleterre  n'inscrit  que 
300,000  fr.  environ  à  son  budget  des  affaires  étrangères, 
la  Belgique  80,000  fr.  au  budget  de  la  justice,  l'Espagne 
95,000  fr.,  le  Portugal  112,000  fr.  à  l'intérieur  et 
9,600  fr.  aux  affaires  étrangères,  l'Autriche -Hongrie 
650,000  fr.  pour  les  deux  pays  et  300,000  fr.  pour  les 
pays  cisleithans,  l'Italie  100,000  fr.  aux  affaires  étrangères 
et  1  million  à  l'intérieur.  En  Allemagne,  on  trouve  (bud- 
get de  1892-93)  93,000  marks  sous  la  rubrique  :  Dispo- 
sitions fonds  fur  allgemeine  politische  Zivecke;  500,000 
marks  au  budget  des  affaires  étrangères  ;  ce  chapitre 
n'était,  depuis  1870,  que  de  48,000  marks,  mais  en  1892 
on  Fa  majoré  fortement  sous  le  simple  prétexte  que 
«  d'autres  Etats  employaient  en  dépenses  secrètes  des 
sommes  vingt  fois  plus  élevées  »,  enfin  34,500  marks  à  la 
guerre  et  de  la  charge  de  la  Prusse.  L'ensemble  ne  don- 
nerait que  784,375  fr.  environ.  Mais  il  faut  tenir  compte  de 
la  caisse  des  Reptiles  (Reptilien fonds).  En  1848,  M.  de 
Manteuffel  organisa  en  Prusse,  auprès  du  ministère  de  l'in- 
térieur, un  bureau  de  la  presse  qui  fut  doté  de  plus  de 
200,000  fr.  de  fonds  secrets.  La  Chambre  ayant  supprimé 
le  traitement  du  directeur  en  1866,  le  service  n'en  subsista 
pas  moins,  et  son  chef  fut  directement  payé  sur  les  fonds 
secrets.  Le  bureau  littéraire  forçait  fort  habilement  l'en- 
trée des  rédactions  de  journaux  des  Etats  allemands,  de 
la  France,  de  l'Angleterre,  des  Etats-Unis,  et  leur  four- 
nissait des  articles  favorables  à  la  Prusse.  Ces  articles 
étaient  traduits  en  allemand  et  passaient  en  Allemagne  pour 
exprimer  le  jugement  sincère  des  Français,  des  Anglais, 
des  Américains,  sur  la  politique  prussienne.  M.  de  Bis- 
marck excella  à  façonner  par  ces  moyens  l'opinion  de 
l'Europe  au  début  de  chacune  des  grandes  entreprises  de 
la  Prusse.  Avant  l'annexion  du  Slesvig,  les  journalistes 
subventionnés  firent  passer  à  l'étranger  pour  factieux  les 
patriotes  qui  ne  voulaient  pas  se  séparer  du  Danemark.  La 


—  725  — 


FONDS  —  FONS 


guerre  contre  l'Autriche  fut  de  même  précédée  d'une  série 
de  manœuvres  de  presse,  et  personne  n'a  oublié  le  rôle 
joué  par  la  fameuse  dépêche  d'Ems  dans  l'histoire  de  la 
guerre  franco-allemande.  Comme  on  l'a  vu,  le  budget  du 
bureau  littéraire  fut  d'abord  modeste.  En  4866, les  Cham- 
bres prussiennes  ne  lui  affectèrent  que  31,000  thalers 
(116,252  fr.)  ;  l'allocation  fut  portée  un  peu  plus  tard  à 
70,000  thalers  (262,500  fr.).  Mais  les  fonds  guelfes  lui 
procurèrent  d'énormes  ressources.  Le  roi  Georges  de  Ha- 
novre avait  été  dépouillé  de  19,000,000  de  thalers 
(71,250,000  fr.);  la  confiscation  de  la  fortune  personnelle 
de  l'électeur  de  Hesse  ajouta  à  cette  disponibilité  400,000 
thalers  de  rente  (1,500,000  fr.).  Cet  argent,  déclara  le 
prince  de  Bismarck,  doit  être  employé  à  «  contrecarrer  les 
intrigues  ourdies  contre  la  Prusse  »,  et,  lors  des  débats  par- 
lementaires qui  s'ouvrirent  à  ce  sujet,  il  dit  «  qu'il  était 
condamné  à  poursuivre  jusque  dans  leurs  repaires  des 
reptiles  malfaisants  afin  de  déjouer  leurs  projets  »  (30  janv. 
1869).  Les  Berlinois  s'empressèrent  dès  lors  de  qualifier 
les  fonds  secrets  fonds  des  Reptiles  et  depuis  appliquè- 
rent le  mot  reptiles  aux  employés  du  bureau  de  la  presse 
et  aux  journalistes  allemands  et  étrangers  émargeant  à  ces 
fonds.  Auparavant  on  les  appelait  les  bourbeux  (Schlamm- 
bader). 

FONDU  (Impress.).  L'impression  sur  étoffe,  comme  elle 
se  fait  en  général,  main,  rouleau  ou  perrotine,  ne  donne 
qu'une  seule  couleur.  On  est  arrivé  par  des  moyens  détour- 
nés à  produire  avec  une  planche  unique,  non  seulement  la 
dégradation  d'un  ton,  mais  encore  plusieurs  couleurs  diverses 
se  fondant  l'une  dans  l'autre,  comme  dans  l'arc-en-ciel.  On 
donne  à  ce  genre  d'impression  le  nom  de  fondu.  Le  fondu 
à  la  planche  se  fait  au  moyen  de  l'agencement  suivant  : 
supposons  que  l'on  veuille  imprimer  un  rouge  foncé  allant 
en  dégradations  au  rose  clair,  puis  celui-ci  passant  au  vert 
clair  pour  terminer  par  du  vert  foncé,  on  préparera  une 
série  de  couleurs  présentant  ces  divers  tons  par  des  cou- 
pures différentes.  Il  est  évident  que  la  composition  de  ces 
couleurs  devra  être  telle  que  l'une  ne  nuise  pas  à  l'autre. 
Au  lieu  de  garnir  le  châssis  avec  la  brosse,  comme  le  tireur 
le  fait  d'ordinaire,  on  installe  une  série  d'autant  de  godets 
longs  qu'il  y  a  de  couleurs.  Dans  ces  godets  on  plonge  une 
planche,  munie  de  fils  métalliques  ou  de  lames,  qui  prennent 
la  couleur  disposée  dans  les  godets  ;  ces  fils  ou  lames  servent 
à  transporter  les  couleurs  sur  le  châssis.  Pour  former  alors 
le  fondu,  on  promène  sur  le  drap  une  sorte  de  rouleau- 
tampon  garni  de  feutre  et  formé  d'autant  de  petits  rouleaux 
qu'il  y  a  de  couleurs.  En  tamponnant  la  surface  du  châssis, 
on  fait  varier  la  marche  du  rouleau  de  quelques  centimètres 
soit  à  droite*  soit  à  gauche,  et  de  cette  façon  on  les  égalise  et 
on  obtient  ainsi  le  fondu  sur  le  châssis.  Pour  l'obtenir  sur 
l'étoffe,  on  le  prend  au  moyen  de  la  planche  à  imprimer  et 
on  le  dépose  sur  l'étoffe.  La  marche  du  tampon  se  règle 
d'après  le  fondu  à  faire  ;  si  ce  fondu  est  à  faire  en  longueur, 
le  tampon  ne  fonctionnera  pas  dans  le  sens  rectiligne  ;  s'il 
doit  former  des  festons,  il  faudra  aller  en  ondes  ;  que  le 
»  fond  soit  à  faire  en  cercle,  il  faudra  tourner  le  tampon 
suivant  une  circonférence  avec  une  des  extrémités  comme 
centre  et  le  tampon  formant  rayon,  mais,  de  toute  façon, 
s'arrangera  ne  mélanger  que  les  couleurs  voisines.  Le  fondu 
au  rouleau  s'obtient  par  la  gravure  ;  plus  celle-ci  est  pro- 
fonde, plus  la  couleur  est  intense.  Le  fondu  au  rouleau  à 
plusieurs  couleurs  nécessite  plusieurs  cylindres.  Cependant 
on  est  arrivé  à  le  produire  avec  un  seul.  Les  fondus  à 
la  perrotine  se  font  d'une  façon  analogue  à  ceux  de  la 
planche. 

FONDUE  (Art  cul.).  Sorte  d'entremets  composé  d'œufs 
et  de  fromage,  que  l'on  prépare  en  mélangeant  dans  une 
casserole,  sur  un  feu  doux,  six  jaunes  d'œufs,  20  centil. 
de  crème  et  250  gr.  de  fromage  de  gruyère  coupé  en 
petits  dés.  Quand  le  fromage  commence  à  fondre,  on  en 
ajoute  de  nouveau  250  gr.  et  l'on  continue  à  tourner  sur 
le  feu  en  ayant  soin  de  ne  pas  faire  bouillir  la  fondue. 
Quand  elle  est  bien  liée  et  de  consistance  un  peu  ferme,  on 


la  verse  dans  une  croûte  à  flan  toute  chaude  et  déposée 
sur  un  plat. 

FONFRÈDE  (Henri),  publiciste  français,  fils  de  J.-B. 
Boyer-Fonfrède  (V.  ce  nom),  né  à  Bordeaux  le  21  févr.  1 788, 
mort  à  Bordeaux  le  23  juil.  1 841 .  Ne  pouvant,  à  cause  de  sa 
santé,  exercer  la  profession  d'avocat,  il  dirigea  quelque  temps 
une  maison  de  commerce  avec  son  oncle  Armand  Ducos,  frère 
du  girondin,  puis  se  jeta  dans  les  luttes  politiques  en  fondant 
à  Bordeaux  (1820)  la  Tribune,  journal  d'opposition  libérale 
qui  fut  supprimé  après  plusieurs  procès  retentissants,  mais 
qu'il  remplaça  quelques  années  après  par  Y  Indicateur, 
feuille  hardie,  dont  l'influence  dépassa  bientôt  les  limites 
de  la  région  du  Sud-Ouest.  En  1830,  Henri  Fonfrède  pro- 
testa énergiquement  contre  les  ordonnances  de  Charles  X 
et  donna  l'exemple  de  la  résistance.  Après  la  révolution,  il 
fut  envoyé  à  la  Chambre  par  un  des  collèges  de  la  Gironde, 
mais  n'y  put  siéger  parce  qu'il  n'était  pas  éligible.  Il  fit 
longtemps  partie  du  conseil  général  de  son  département, 
écrivit  encore  avec  éclat  dans  divers  journaux  (l'Indica- 
teur, le  Mémorial,  la  Paix,  le  Journal  de  Paris,  le 
Courrier  de  Bordeaux,  qu'il  fonda  en  1837)  et  défendit 
le  gouvernement  de  Juillet  aussi  ardemment  qu'il  avait 
attaqué  celui  de  la  Restauration.  Citons  parmi  les  ouvrages 
qu'il  a  publiés  :  Réponse  à  la  brochure  de  M.  de  Cha- 
teaubriand intitulée  :  De  la  Nouvelle  Proposition  rela- 
tive au  bannissement  de  Charles  X  et  de  sa  famille 
(Paris,  1831,  in-8);  Du  Gouvernement  du  roi  et  des 
limites  constitutionnelles  de  la  prérogative  parlemen- 
taire (Paris,  1839,  in-8).  Une  édition  de  ses  Œuvres  a 
été  donnée  en  1844  (Bordeaux  et  Paris,  10  vol.  in-8). 

FON GALOP.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Sarlat,  cant.  de  Belvès;  204  hab. 

FONGRAVE.  Corn,  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Villeneuve-sur-Lot,  cant .  de  Monclar  ;  568  hab. 

FONGNEUSEMARE.  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  du  Havre,  cant.  de  Criquetot-Lesneval; 
254  hab. 

FONGUS  (Anat.  pathol.).  On  donnait  anciennement  ce 
nom  à  certaines  tumeurs  dont  la  forme  extérieure  rappelle 
plus  ou  moins  celle  d'un  champignon  :  fongus  de  la  dure- 
mère,  du  testicule  ;  fongus  hématode  (c.-à-d.  très  vascu- 
laire).  Ce  sont  des  productions  généralement  envahissantes, 
de  nature  histologique  variable  (épithéliomes,  sarcomes,  etc.) 
et  ne  constituant  pas  une  espèce  définie  dans  la  série  des 
néoplasmes  (V.  Tumeur). 

FONNEREAU  (Thomas-George),  écrivain  anglais,  né  à 
Reading  le  25  août  1789,  mort  à  Haydon  Hill,  près  de 
Bushey  (Hertfordshire),  le  13  nov.  1850*.  Descendant  d'une 
famille  française  établie  en  Angleterre  à  la  suite  de  la  ré- 
vocation de  l'édit  de  Nantes,  il  pratiqua  quelque  temps 
comme  avoué  à  Londres.  Très  répandu  dans  le  monde 
artistique  et  littéraire,  il  a  écrit  quelques  ouvrages  qui  ne 
manquent  pas  d'agrément  :  A  Practical  View  of  the  ques- 
tion of  parliamentary  Reform  (Londres,  1831)  ;  Memo- 
ries  of  a  tour  in  Italy  (Londres,  1840)  ;  The  Diary  of  a 
dutiful  Son  (1849;  nouv.  éd.,  1864). 

FON  NES  BEC  H  (Christian -Andréas),  homme  politique 
danois,  né  à  Copenhague  le  7  juil.  1817,  mort  le  17  mai 
1880.  Après  s'être  préparé  à  la  carrière  judiciaire,  il  se  fit 
agriculteur  (1843).  Député  au  Folkething  (1858)  qui  l'élut 
membre  du  Rigsraad  (1861  ),  il  discuta  avec  compétence  les 
questions  économiques  et  financières,  devint  ministre  des 
finances  dans  le  cabinet  Frijs  (6  nov.  1865),  puis  de  l'in- 
térieur (28  mai  1870)  dans  le  cabinet  Holstein-Holstein- 
borg,  enfin  président  du  conseil  (14  janv.  1874-11  juin 
1875).  Il  étendit  le  réseau  des  chemins  de  fer  et  des  télé- 
graphes, fit  voter  des  lois  sur  le  rachat  du  cens  (1872)  et 
l'inspection  des  manufactures  (1873).  Ses  tergiversations 
avaient  fini  par  lui  faire  perdre  une  grande  partie  de  l'auto- 
rité qu'il  avait  gagnée  par  ses  talents.  B--s. 

FONROGUE.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Bergerac,  cant.  d'Eymet;  354  hab. 

FONS  ou  FQNTUS,  dieu  des  sources  dans  la  mythologie 


FONS  —  FONSECA 


—  7£6  — 


romaine,  fils  de  Janus  et  de  Juturna.  L'importance  de  son 
culte  était  grande  dans  la  Rome  primitive,  très  mal  par- 
tagée au  point  de  vue  de  l'eau  potable  ;  partout  oix  jail- 
lissait une  source  continue,  l'esprit  religieux  concluait  à 
l'existence  d'une  divinité  ;  on  y  élevait  des  autels;  on  apai- 
sait le  génie  du  lieu  par  des  offrandes  qui  consistaient 
généralement  en  vin,  fleurs  ou  jeunes  victimes  animales. 
Il  était  impie  de  souiller  une  source  et,  dans  certains  cas, 
de  la  franchir  ou  d'en  détourner  le  cours.  La  grande  fête 
des  sources  à  Rome,  appelée  Fontinalia,  se  célébrait  le 
13  oct.  ;  il  était  d'usage  ce  jour-là  d'orner  les  fontaines 
de  guirlandes  et  d'y  jeter  des  fleurs.  Les  Fontes,  personni- 
fications masculines  des  sources,  ont  pour  pendant  les 
Nymphes  (V.  ce  nom)  ;  ces  deux  ordres  de  divinités  avaient 
un  pouvoir  prophétique  qui  motivait,  au  moins  autant  que 
leur  caractère  utilitaire,  la  vénération  dont  elles  furent 
l'objet.  Le  culte  des  sourcas  est  un  de  ceux  qui  se  défen- 
dirent le  mieux  contre  l'invasion  du  christianisme. 

FONS.  Corn,  dudép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Privas,  cant. 
d'Aubenas;  253  hab. 

FONS.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  et  cant.  (0.)  de 
Figeac;  932  hab. 

FONS-outre-Gardon.  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  de 
Nîmes,  cant.  de  Saint-Mamert  ;  417  hab. 

FONS-sur-Lussan.  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  d'Uzès, 
cant.  de  Lussan  ;  387  hab, 

FONSAGRADA.  Village  d'Espagne,  prov.  de  Lugo  (Ga- 
lice), qui  n'a  que  quelques  centaines  d'habitants,  mais  est 
le  chef-lieu  d'une  commune  d'une  trentaine  de  paroisses 
ou  hameaux  très  rapprochés  et  ayant  15,916  hab.  C'est 
aussi  le  chef-lieu  d'un  district  comprenant  quatre  grosses 
communes.  E.  Cat. 

FONSECA  (Golfe  de).  Sur  la  côte  occidentale  de  l'Amé- 
rique centrale,  entouré  par  les  Etats  de  Salvador,  Hondu- 
ras et  Nicaragua,  point  terminus  du  chemin  de  fer  interocéa- 
nique projeté  du  Honduras. 

FONSECA  (Pierre  de),  jésuite,  surnommé  l'Aristote 
portugais,  né  en  1528  àGortèzadaou  Ruenza  Nova,  mort 
en  1599.  11  avait  étudié  à  l'université  d'Evora,  sous  Bar- 
thélémy des  Martyrs  ;  il  professa  la  philosophie  à  l'univer- 
sité de  Coïmbre,  que  le  roi  Jean  avait  cédée  aux  jésuites. 
Non  seulement  il  parvint  aux  plus  hautes  dignités  de  son 
ordre,  où  il  exerça  les  fonctions  de  vicaire  général  et  celles 
de  père  visiteur  de  la  Lusitanie,  mais  il  fut  ministre  du 
Portugal,  quand  Philippe  II  devint  maître  de  ce  royaume 
(1582).  Il  fut  aussi  chargé  de  plusieurs  missions  par  le 
pape  Grégoire  XIII.  Continuant  l'œuvre  commencée  par 
Jacques  Ledesma  et  François  Toletus,  il  contribua  puis- 
samment à  la  renaissance  de  la  scolastique,  par  ses  com- 
mentaires sur  Aristote  et  ses  études  sur  la  dialectique. 
Dans  l'histoire  de  la  théologie,  il  est  resté  célèbre,  à  côté 
de  Molina,  par  la  doctrine  de  la  science  moyenne,  scientia 
média,  destinée  à  concilier  la  prédestination  et  l'infailli- 
bilité de  la  prescience  divine  avec  la  liberté  de  l'homme. 
D'après  cette  doctrine,  l'homme  reste  libre  ;  mais  en  vertu 
d'une  science  moyenne,  c.-à-d.  distincte  de  la  science  de 
vision  et  de  la  science  de  simple  intelligence,  Dieu  pré- 
voit ou  plutôt  sait  d'avance  comment  l'homme  se  décidera 
dans  les  diverses  circonstances  où  il  sera  placé  pendant  sa 
vie.  En  conséquence  de  cette  prévision,  ex  consensu  ho- 
minis  prœviso,  il  donne  ou  retire  la  grâce  nécessaire,  et 
il  prononce  sur  le  salut  ou  la  damnation  des  hommes,  selon 
qu'il  prévoit  que  chacun  sera  bon  ou  pervers.  —  OEuvres 
principales  :  Institutionum  dialecticarum  libri  octo 
(Lisbonne,  1564;  Rome,  1567;  Cologne,  1567,  1605, 
1616;  Venise,  1575, 1611  ;  Lyon,  1625);  Commentant 
in  libros  metaphysicorum  Aristotelis  (Rome,  1577, 
1580,  1589,  4  vol.  in-4  ;  Strasbourg,  1594;  Francfort, 
1599)  ;  Isagoge  philosophica  (1591).    E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  K.  Werner,  Franz  Suarez  und  die  Scholastik 
der  letzten  Jahrhunderte  ;  Ratisbonne,  1861,  2  vol.  in-8.  — 
Ribadaneira  et  Alegambe,  Bibliotfieca  scriptorum  Socie- 
tatis  Jesit,   1643. 


FONSECA  (E.  de)  (V.  Enriqïjez). 

FONSECA  Soares  (Ant.  da)  (V.  Chagas). 

FONSECA  (Manoel  de  Silveira  Pinto  de)  (V.  Chaves 
[Marquis  de]). 

FONSECA  (Manoel-Deodoro  da),  général  et  le  premier 
président  de  la  république  des  Etats-Unis  du  Brésil,  né  à 
Alagôas  le  5  août  1827,  mort  à  Rio  de  Janeiro  le  23  août 
1891.  Troisième  fils  d'un  lieutenant-colonel,  Manoel-Mendes 
da  Fonseca  (mort  en  1859),  il  entra  à  l'Ecole  militaire  de 
Rio  le  6  mars  1843  et  en  sortit  sous-lieutenant  d'artillerie 
en  1849.  Lieutenant  en  1852,  capitaine  en  1856,  il  avait 
ce  grade  lorsque  éclata,  en  1864,  la  guerre  entre  le  Brésil 
et  le  gouvernement  de  Montevideo,  suivie  bientôt  de  la 
longue  lutte  contre  le  dictateur  du  Paraguay,  Solano  Lopez 
(1865-70).  Le  capitaine  Deodoro  fit  la  campagne  de  l'Uru- 
guay, puis  toutes  celles  du  Paraguay,  auxquelles  prirent 
également  part  cinq  de  ses  frères.  Nommé  major  en  1866, 
il  mérita  le  grade  de  lieutenant-colonel  (1 867)  pour  sa  vail- 
lance à  la  tête  d'un  bataillon  de  volontaires  ;  il  se  signala 
par  son  intrépidité  dans  plusieurs  batailles  et  fut  blessé  à 
celle  d'Itororô  (8  déc.  1868).  Promu  colonel  (1869),  il  fut 
chargé  du  commandement  d'une  brigade  d'infanterie,  mais 
ne  reçut  le  grade  de  général  de  brigade  que  le  14  oct.  1874. 
Au  bout  de  quelques  années,  il  devint  maréchal  de  camp 
(général  de  division).  Depuis  la  guerre,  il  exerça  plusieurs 
commandements  militaires,  et,  en  1886,  il  fut  nommé,  par 
le  ministère  conservateur  du  baron  de  Cotegipe  (V.  ce  nom), 
gouverneur  de  la  province  de  Rio  Grande  do  Sul.  Cette  même 
année  commença  au  Brésil  l'agitation  qui,  trois  ans  plus 
tard,  amena  la  chute  de  l'empire.  Pour  bien  s'expliquer  les 
causes  réelles  de  cette  révolution,  accomplie  sous  la  direction 
apparente  du  maréchal  Deodoro,  il  ne  faut  point  oublier  que, 
dans  l'Amérique  latine,  le  rôle  de  l'armée  dans  la  société  et 
le  devoir  militaire  sont  compris  tout  autrement  qu'en  Eu- 
rope. Les  exemples  que  fournissent  constamment  à  cet  égard 
les  annales  des  républiques  hispano-américaines  ne  pou- 
vaient laisser  d'influencer  l'élément  militaire  du  Brésil.  A  la 
faveur  d'une  constitution  extrêmement  libérale,  des  officiers 
brésiliens  s'arrogeaient  le  droit  de  s'occuper  de  politique, 
de  discuter  dans  la  presse  les  actes  de  leurs  supérieurs  et 
même  de  protester  contre  ceux  du  ministre  de  la  guerre. 
Plusieurs  libéraux  et  conservateurs  ont  exploité  tour  à  tour, 
depuis  1886,  dans  le  but  d'user  et  de  renverser  des  minis- 
tères, l'esprit  de  révolte  qui  se  répandait  dans  l'armée  et 
la  marine,  et  qui  était  admirablement  servi  par  un  profes- 
seur à  l'Ecole  militaire,  le  lieutenant-colonel  Benjamin- 
Constant  Botelho  de  Magalhâes,  un  fervent  adepte  des 
doctrines  philosophiques  d'Auguste  Comte.  I]'autre  part, 
les  républicains,  qui  eurent  toutes  les  facilités,  sous  le 
régime  paternel,  et  aussi  quelque  peu  anarchique  des 
deux  dernières  années  de  l'empire,  pour  s'organiser  et 
battre  en  brèche  le  gouvernement,  ne  manquèrent  pas  de 
tirer  parti  de  cette  situation  en  appuyant  toutes  les  récla- 
mations des  militaires.  Le  général  Deodoro  s'étant  cons- 
titué ouvertement  leur  défenseur,  le  baron  de  Cotegipe, 
alors  chef  du  cabinet,  après  lui  avoir  fait  observer  (1er  nov. 
4866)  «  qu'une  armée  délibérante  était  incompatible  avec 
la  liberté  civile  de  la  nation»,  le  fit  révoquer  de  ses  fonc- 
tions de  gouverneur  et  de  commandant  militaire  de  Rio 
Grande  do  Sul.  Rappelé  dans  la  capitale  et  nommé  direc- 
teur du  service  du  matériel  de  l'armée,  le  général  n'en 
continua  pas  moins  d'encourager  l'insoumission  des  offi- 
ciers. Le  ministre  de  la  guerre,  Alfredo  Chaves,  ayant 
voulu  empêcher  la  continuation  des  actes  d'indiscipline,  ne 
fut  point  soutenu  par  ses  collègues,  et  il  démissionna. 
L'empereur,  atteint  d'une  grave  maladie,  se  trouva  pen- 
dant plusieurs  mois  hors  d'état  de  s'occuper  d'affaires  gou- 
vernementales. A  ce  moment,  les  généraux  vicomte  de 
Pelotas,  sénateur,  appartenant  au  parti  libéral,  et  Deo- 
doro da  Fonseca,  qui  se  réclamait  toujours  du  parti  con- 
servateur, publièrent  (14  mai  1887)  un  manifeste  «  au 
Parlement  et  à  la  Nation  »  pour  la  défense  des  «  droits 
politiques  »  des  officiers,  manifeste  qui  fut  un  véritable 


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FONSECA 


ultimatum  à  l'adresse  du  cabinet.  Le  baron  de  Cotegipe 
voulut  résister,  mais  plusieurs  membres  de  l'opposition 
libérale  au  Sentit,  parmi  lesquels  MM.  Silveira  Martins  et 
Alfonso  Celso  (V.  ce  nom),  vicomte  d'Ouro-Preto ,  l'en 
dissuadèrent.  Le  ministère,  dans  l'impossibilité  d'instruire 
l'emppreur  de  la  gravité  de  la  situation,  se  laissa  faire  et 
accorda  à  l'opposition  ce  qui  était  exigé  par  les  deux  géné- 
raux. Dès  lors,  l'influence  du  maréchal  Deodoro  ne  fit  que 
grandir  dans  l'armée.  L'opposition  libérale  le  porta  même 
candidat  dans  une  élection  sénatoriale  à  Rio  ;  il  échoua, 
cependant.  Des  conflits  s'étant  produits,  en  4888,  dans  les 

,  rues  de  la  capitale,  entre  des  militaires  et  la  police,  à 
propos  de  l'emprisonnement  d'un  officier  de  marine  en  re- 
traite, la  princesse  impériale  régente  (l'empereur,  malade, 
était  parti  pour  l'Europe  en  juin  1887  et  ne  rentra  au 
Brésil  qu'en  août  4888)  prit  le  parti  des  militaires  contre 
le  préfet  de  police,  et  le  ministère  Cotegipe  fut  remplacé 
par  un  autre  cabinet  conservateur,  présidé  par  M.  Corrêa 
d'Oliveira  (V.  ce  nom).  Le  général  Deodoro  eut  avec  lui 
d  excellents  rapports  ;  il  déclara  même  que,  s'étant  beau- 
coup compromis  dans  l'agitation  militaire,  il  désirait  quitter 
Rio.  On  lui  confia  alors  le  commandement  d'un  corps 
d'armée  d'observation  aux  frontières  de  Matto  Grosso,  où 
il  se  rendit  le  27  déc.  1888.  Cependant,  dans  la  capitale, 
à  Sâo  Paulo  et  à  Minas  Geraes,  la  propagande  républicaine, 
dirigée  depuis  longtemps  par  un  journaliste  d'un  talent 
incontestable,  M.  Quintino  Bocayuva,  rédacteur  en  chef  du 
journal  0  Paiz,  de  Rio,  devenait  de  plus  en  plus  active, 
surtout  depuis  l'adoption  de  la  loi  abolissant  définitivement 
l'esclavage  au  Brésil  (13  mai  1888).  En  présence  de  la 
scission  des  conservateurs,  l'empereur  confia  au  vicomte 
d'Ouro-Preto,  du  parti  libéral,  la  tâche  de  former  un  nou- 
veau cabinet  (7  juin  1889).  La  Chambre  des  députés  fut 
dissoute  et  les  élections  donnèrent  une  énorme  majorité 
aux  libéraux.  D'autre  part,  différents  actes  du  nouveau 
ministère,  au  lieu  de  calmer,  irritèrent  encore  plus  les  mi- 
litaires. Le  général  Deodoro  da  Fonseca,  rappelé  de  Matto 
Grosso,  arriva  à  Rio  le  13  sept.  1889.  Un  grand  journa- 
liste et  orateur,  M.  Ruy  Barbosa,  jusqu'alors  libéral,  s'était 
déclaré  contre  le  cabinet  Ouro-Preto,  qu'il  combattait  à 
outrance,  ne  trouvant  pas  satisfaisant  son  projet  d'exten- 
sion de  l'autonomie  provinciale  :  il  réclamait  l'établisse- 
ment du  régime  fédéral  complet,  déjà  demandé  en  1885 
par  M.  Joaquim  Nabuco ,  dont  la  propagande  à  ce  sujet 
avait  trouvé  un  grand  nombre  de  partisans  dans  toutes  les 
provinces. 

M.  Ruy  Barbosa,  dans  les  colonnes  du  Diario  de  No- 
ticiaSi  secondait  l'action  dissolvante  de  M.  Bocayuva  contre 
le  cabinet  et  en  faveur  des  prétentions  des  officiers,  conflit 
que  le  lieutenant-colonel  Benjamin-Constant  poussait  à  un 
état  aigu.  C'est  lui  qui  organisa  la  levée  immédiate  de 
boucliers,  vainquit  les  hésitations  du  général  da  Fonseca 
et  le  décida  à  prendre  la  direction  du  mouvement,  qui  se 
fit  dans  la  matinée  du  15  nov.  Une  partie  de  la  garnison 
de  Rio  prit  les  armes  contre  le  gouvernement  qui  réunit 

1  aussitôt  des  troupes  plus  nombreuses  pour  combattre  l'in- 
surrection. Tous  les  ministres,  excepté  celui  de  la  marine, 
se  trouvaient  réunis  au  ministère  de  la  guerre,  bâtiment 
formant  l'une  des  faces  d'un  vaste  carré  dont  les  autres 
côtés  sont  occupés  par  des  casernes.  Le  maréchal  de  camp 
Floriano  Peixoto,  chef  de  l'état-major  général,  était  auprès 
du  gouvernement,  mais  M.  d'Ouro-Preto  accepta  l'offre 
du  général  Almeida  Barreto  de  se  mettre  à  la  tête  des 
troupes.  Celui-ci  appartenait  au  parti  conservateur,  et 
le  cabinet,  pour  des  raisons  politiques,  l'avait  révoqué  d'un 
commandement  quelques  mois  auparavant.  Ils'était  entendu, 
la  veille  du  mouvement,  avec  Deodoro  da  Fonseca,  son  en- 
nemi personnel,  en  vue  de  renverser  le  ministère.  Il  ne 
tenait  qu'à  Almeida  Barreto  d'écraser  la  petite  colonne  d'in- 
surgés qui  s'avançait  par  une  longue  voie,  facile  à  balayer  ; 
mais  il  les  attendit  sans  broncher,  et  dès  que  Fonseca  eut 
pris  position  en  face  du  ministère  de  la  guerre,  il  se  mit  à 
ses  ordres,  chose  dont  il  se  glorifia  ensuite.  A  partir  de 


ce  moment,  toutes  les  troupes  de  terre  et  de  mer  fraterni- 
sèrent et  les  ministres  restèrent  prisonniers  des  insurgés. 
Les  seuls  commandants  qui  soient  demeurés  fidèles  furent 
le  colonel  Pego,  commandant  la  forteresse  de  Santa  Cruz, 
et  le  colonel  Fausto  de  Souza,  directeur  de  l'arsenal  de 
guerre.  Le  contre-amiral  baron  de  Ladario,  ministre  de  la 
marine,  venu  pour  se  joindre  à  ses  collègues,  trouva  déjà 
le  ministère  au  pouvoir  des  insurgés.  Sommé  de  se  rendre, 
il  tira  un  coup  de  revolver  et  tomba  grièvement  blessé 
par  la  décharge  d'un  peloton  de  carabiniers.  Ce  fut  le  seul 
sang  versé  dans  cette  affaire.  L'intention  du  général  Fon- 
seca parait  n'avoir  été  que  de  renverser  le  ministère  ;  du 
moins  il  le  déclara  aux  ministres,  en  les  assurant  qu'il  irait 
solliciter  de  l'empereur  la  formation  d'un  nouveau  cabinet. 
Mais  il  céda  aux  conseils  de  Benjamin-Constant  et  des  chefs 
civils  du  parti  républicain.  On  proclama  alors  la  déposition 
de  la  dynastie  impériale  et  l'établissement  de  la  république. 
Un  gouvernement  provisoire,  se  déclarant  «  constitué  par 
l'armée  et  la  flotte  au  nom  de  la  nation  »  fut  formé  sous  la 
présidence  du  général  Fonseca.  M.  Aristides  Lobo  eut  le 
portefeuille  de  l'intérieur  ;  M.  Ruy  Barbosa,  celui  des 
finances;  M.  Campos  Salles,  celui  de  la  justice;  M.  Bo- 
cayuva, celui  des  affaires  étrangères  ;  M.  Benjamin-Cons- 
tant Botelho  de  Magalhâes,  celui  de  la  guerre  ;  le  contre- 
amiral  Wandenkolk,' celui  de  la  marine;  enfin, M. Demetrio 
Ribeiro,  celui  de  l'agriculture,  du  commerce  et  des  travaux 
publics.  Le  conseil  d'Etat  fut  aboli  et  le  Sénat,  ainsi  que 
la  Chambre  dea  députés,  dissous.  L'empereur,  revenu  à  la 
hâte  de  Pétropolis,  fut  gardé  à  vue  dans  son  palais,  puis 
invité  à  quitter  le  territoire  brésilien,  avec  toute  sa  famille, 
dans  le  délai  de  vingt-quatre  heures.  Dans  sa  réponse  au  mes- 
sage du  général  Fonseca,  il  déclara  céder  «  à  l'empire  des 
circonstances  »,  en  faisant  des  vœux  ardents  pour  la  gran- 
deur et  la  prospérité  de  la  patrie,  et  il  fut  transporté,  le  17, 
à  trois  heures  du  matin,  à  bord  d'un  croiseur,  et  de  là  sur 
un  paquebot  qui  arriva  le  7  déc.  à  Lisbonne.  L'empereur 
ayant  refusé  une  donation  faite  par  décret  du  gouvernement 
provisoire,  et  le  vicomte  d'Ouro-Preto  ayant  publié  à  Lisbonne 
un  manifeste,  où  il  déclarait  que  dom  Pedro  II  n'avait  pas 
abdiqué  et  que  ses  droits  subsistaient  tant  que  la  nation ,  libre- 
ment consultée,  n'avait  pas  confirmé  l'avènement  de  la  ré- 
publique, le  gouvernement  provisoire  rapporta  son  premier 
décret  et  prononça  le  bannissement  de  la  famille  impériale 
(20  déc.  1889).  Ainsi  s'accomplit  ce  grave  événement  pro- 
voqué par  une  révolte  militaire  qui  aboutit  à  une  révolu- 
tion. Englobant  toute  la  force  armée,  elle  ne  put  rencon- 
trer aucune  résistance  et  fut  consacrée  par  l'enthousiasme 
des  uns  et  l'assentiment  passif  des  autres. 

Pendant  un  an,  le  gouvernement  provisoire,  ainsi  que  les 
gouverneurs  des  provinces,  exerça  des  pouvoirs  dictato- 
riaux. Toutes  les  réformes,  telles  que  la  séparation  de  l'Eglise 
et  de  l'Etat  (24  janv.  1890),  le  mariage  civil  obligatoire,  la 
grande  naturalisation,  la  loi  électorale,  etc.,  furent  décré- 
tées dictatorialement  et  ratifiées  ensuite  par  le  Congrès. 
On  s'efforça,  en  général,  de  copier  les  institutions  poli- 
tiques des  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord,  à  l'exemple 
de  plusieurs  républiques  hispano-américaines.  Les  élections 
au  Congrès  fédéral  se  firent  dans  les  conditions  anormales 
de  l'état  de  siège  et  de  la  presse  réduite  au  silence  (les 
délits  politiques  et  de  presse  étaient  justiciables  d'une 
commission  militaire)  ;  aussi  près  des  deux  tiers  des 
électeurs  s'abstinrent-ils  de  prendre  part  au  vote  (15  sept. 
1890).  Toutefois,  un  grand  nombre  d'anciens  chefs  du 
parti  conservateur  et  du  parti  libéral  se  rallièrent  promp- 
tement  à  la  république.  La  constitution  provisoire  sou- 
mise à  l'examen  du  Congrès  réuni  à  Rio  le  15  nov.  fut 
profondément  modifiée  et  promulguée  définitivement  le 
24  févr.  1891.  La  forme  du  gouvernement  adoptée  fut  le 
fédéralisme  basé  sur  l'autonomie  complète  des  Etats  et 
sur  le  suffrage  universel,  à  l'exclusion  des  sous-officiers, 
des  soldats  et  des  religieux.  L'ancien  régime  parlementaire 
fit  place  à  une  république  présidentielle  où  le  chef  seul  est 
responsable  et  où  les  ministres,  dont  les  fonctions  sont 


FONSECA 


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incompatibles  avec  le  mandat  législatif,  ne  relèvent  point 
du  Congrès  et  n'ont  pas  avec  lui  de  rapports  directs.  Le 
nouveau  drapeau  national  a  pour  emblème  un  losange 
jaune  sur  un  champ  vert,  chargé  d'une  sphère  bleue,  semée 
de  vingt  et  une  étoiles,  représentant  autant  d'Etats,  et  tra- 
versée obliquement  par  une  bande  blanche  avec  la  devise  : 
Orclem  e  Progressa.  Les  armes  de  la  république  offrent 
héraldiquement  une  forme  étrange  affectant  celle  d'un  osten- 
soir ;  elles  consistent  en  une  étoile  verte,  jaune  et  rouge, 
ayant  au  centre  une  sphère  bleue  avec  les  cinq  étoiles  de 
la  croix  du  Sud,  sphère  bordée  d'un  cercle  bleu,  semé  de 
vingt  et  une  étoiles  d'argent.  Derrière  ces  armes  passe  un 
glaive  placé  verticalement,  et,  sur  les  côtés,  elles  sont 
accompagnées  de  deux  branches  de  café  et  de  tabac. 

Dès  1890,  des  changements  avaient  eu  lieu  dans  le  gou- 
vernement provisoire.  M.  Aristides  Lobo,  se  trouvant  en 
désaccord  avec  le  dictateur,  quitta  le  ministère  de  l'inté- 
rieur et  de  l'instruction  publique  et  y  fut  remplacé  par 
M.  Benjamin-Constant  de  Magalhâes,  qui  avait  été  acclamé 
général  de  brigade.  Le  portefeuille  de  la  guerre  fut  confié  au 
général  Floriano  Peixoto.  M.  Demetrio  Ribeiro  abandonna 
le  ministère  de  l'agriculture  et  fut  remplacé  par  M.  F.  Gly- 
cerio.  Après  la  mort  du  général  Magalhâes  (23  janv.  1891), 
M.  Cesario  Alvim  lui  succéda  au  ministère  de  l'intérieur. 
Mais  dès  le  mois  suivant  des  dissensions  profondes  entre  le 
cabinet  et  le  chef  du  pouvoir  amenèrent  la  retraite  de  tous 
les  ministres.  Le  général  Deodoro  chargea  de  la  reconsti- 
tution du  cabinet  le  baron  de  Lucena,  son  ami  person- 
nel, ancien  conservateur  devenu  un  fervent  adepte  de  la 
république.  Le  nouveau  ministère,  qu'on  croyait  réaction- 
naire, fut  accueilli  avec  méfiance  par  le  Congrès.  Malgré 
cela,  le  25  févr.  1891,  le  général  Deodoro  da  Fonseca  fut 
élu  président  de  la  république  par  129  voix  contre  97  don- 
nées à  un  candidat  civil,  M.  Prudente  de  Morâes,  président 
du  Congrès,  et  \  0  bulletins  blancs,  outre  22  abstentions.  Le 
général  Floriano  Peixoto  fut  élu  vice-président  par  153  voix 
contre  57  données  à  son  concurrent  le  contre-amiral  Wan- 
denkolk. 

Au  mois  de  mai  1891,  une  lutte  s'engagea  entre  le  Con- 
grès et  le  gouvernement.  Le  président  Fonseca,  usant  à 
chaque  instant  de  son  droit  de  veto,  refusait  de  sanction- 
ner des  lois  votées  par  le  Congrès.  Sur  cette  lutte  politique 
se  greffa  la  question  des  banques  d'émission,  et  le  général, 
qui  n'avait  pas  le  droit  de  dissoudre  le  Congrès,  prononça 
néanmoins  sa  dissolution  le  4  nov.  1891.  La  dictature  fut 
ainsi  rétablie,  mais  ne  dura  que  peu  de  jours.  Dans  l'Etat 
de  Rio  Grande  do  Sul  l'armée  et  la  population  se  soule- 
vèrent sous  la  conduite  du  général  Ozorio.  Le  gouverneur 
de  Para,  Lauro  Sodré,  refusa  de  reconnaître  ce  coup  d'Etat. 
Dans  la  nuit  du  22  au  23  nov.,  la  marine  à  Rio  de  Janeiro, 
dont  le  contre-amiral  Custodio  de  Mello,  député,  prit  le  com- 
mandement, se  révolta.  Plusieurs  congressistes  qui  étaient 
dans  le  secret  de  ce  mouvement,  parmi  lesquels  M.  Serze- 
delloCorrea,  s'unirentaux  marins.  Deodoro  da  Fonseca  acquit 
la  conviction  qu'il  ne  pouvait  compter  que  sur  la  fidélité  d'une 
portion  de  la  garnison.  L'imper ator  acclamé  le  15  nov. 
1889,  se  voyant  abandonné,  se  résigna  et  remit  le  pouvoir 
suprême  au  vice-président  de  la  république,  le  général 
Peixoto.  Depuis  lors,  presque  toujours  malade,  il  ne  joua 
aucun  rôle  politique.  Il  garda  seulement  une  vive  rancune 
à  l'armée  qui  ne  l'avait  pas  soutenu  dans  sa  dernière  aven- 
ture ;  il  ne  revêtit  plus  jamais  son  uniforme,  et,  quelques 
jours  avant  sa  mort,  il  déclara  qu'il  ne  voulait  point  rece- 
voir les  honneurs  militaires  dus  à  son  grade  et  recommanda 
expressément  d'être  mis  au  tombeau  revêtu  d'un  simple 
habit  civil. 

Deodoro  da  Fonseca  fut  un  brave  officier  et  rien  de  plus. 
Il  n'était  nullement  préparé  au  rôle  politique  que  les  évé- 
nements lui  firent  jouer.  Sujet  à  des  entraînements  irréflé- 
chis, contradictoire  dans  ses  actes,  il  subissait  toujours  l'in- 
fluence de  son  entourage  occasionnel.  Ses  apologistes  le 
comparaient  à  Washington,  dont  il  ne  fut  que  l'antithèse 
à  tous  égards;  mais,  dans  un  article  remarquable  publié 


après  la  mort  du  dictateur,  M.  Bocayuva  conclut  plus  jus- 
tement que  celui-ci  fut  «  une  force  inconsciente  au  service 
delà  révolution  brésilienne  ». 

Les  six  frères  de  Deodoro  da  Fonseca,  tous  natifs  d'Ala- 
gôas,  ont  plus  ou  moins  marqué  dans  les  fastes  militaires 
de  leur  pays.  L'aîné,  Hermès,  né  en  1824,  mort  à  Rio  de 
Janeiro  le  8  févr.  1891,  se  signala  dans  les  campagnes  de 
1848  à  Pernambuco,  de  1864-1865  dans  l'Uruguay,  et  de 
1866  à  1870  au  Paraguay,  où  il  fut  blessé  à  la  bataille 
d'Itororé.  Parvenu  au  grade  de  maréchal  de  camp,  il  com- 
mandait les  troupes  à  Bahia  au  moment  de  la  proclamation 
de  la  république,  et  il  refusa  de  suivre  son  frère.  Il  ne  se 
rallia  au  nouveau  régime  qu'après  l'acceptation  générale  des 
faits  accomplis,  et,  en  1890,  il  occupa  pendant  quelques 
mois  le  poste  de  gouverneur  de  Bahia.  —  Le  second,  Seve- 
riano  da  Fonseca,  baron  d'Alagôas,  né  en  1825,  mort  à  Rio 
le  19  mars  1889,  prit  également  une  part  brillante  à  la 
guerre  du  Paraguay.  Parvenu  au  grade  de  lieutenant  géné- 
ral, il  jouit  d'un  grand  prestige  dans  l'armée.  —  Paulino 
da  Fonseca,  né  en  1829,  promu  colonel  honoraire  en  1889, 
exerça  ensuite  les  fonctions  de  gouverneur  de  l'Etat  d'Ala- 
gôas, et  fut  élu  sénateur  en  1890.  —  Hippolyto  da  Fon- 
seca, né  en  1831 ,  fut  tué  à  l'assaut  de  Curupaity  (Paraguay) 
le  22  sept.  1886,  à  la  tête  du  36e  bataillon  de  volontaires 
qu'il  commandait.  —  Eduardo  da  Fonseca,  né  en  1833, 
fut  tué  à  la  bataille  d'Itororô,  le  6  déc.  1868,  à  la  tète 
du  40e  bataillon  de  volontaires.  —  Le  plus  jeune,  Joao- 
Severîano  da  Fonseca,  né  en  1835,  fit  la  campagne  du 
Paraguay  en  qualité  de  médecin  militaire.  Il  publia  un  ou- 
vrage intéressant  sur  ses  excursions  dans  l'intérieur  du  pays 
(Viagem  ao  redor  do  Brazil;  Rio,  1880,  2  vol.  in-8). 
Elu  sénateur  par  la  ville  de  Rio  de  Janeiro  en  1890,  il  rési- 
gna son  mandat  en  1892.  G.  Pawlowski. 

Bibl.  :  Mello  Moraes,  dans  Brazil  historico,  1868,  t.  III, 
pp.  82-91, 2e  série.  —  J.-J.  de  Carvalho,  Primeiras  Linhas 
da  Historia  da  Repiiblica  do  Brazil;  Rio,  1889.  —  Max 
Leclerc, Lettres  du  Brésil;  Paris,  1890.  — Campos  Porto, 
Apontamentos  para  a  historia  da  Republica  dos  Estados- 
Unidos  do  Brazil  ;  Rio,  1890.  —  C.  Ottoni,  0  Advento 
da  Republica  no  Brazil;  Rio,  1890.  —  Frederico  de  S. 
(Eduardo  Prado),  Fastos  dadictadura  militar  no  Brazil; 
Paris,  1890.  —  Joachim  Nabuco,  Respsta  as  mensagens 
do  Recife  e  Nazareth;  Rio,  1890.  —Du  même,  Porquecon- 
tinuoa  ser  monarchista;  Londres,  1890.  —  Anfriso  Fialho, 
Historia  dafundaçào  da  Republica  no  Brazil;  Rio,  1891. 
Vicomte  d10uRO-PRETO,  Advento  da  diclatura  militar  no 
Brazil;  Paris,  1891.  —  Alberto  de  Carvalho,  Imperio  e 
Republica  dictatorial;  Rio,  1891.  —  Silva  Jardim,  Mémo- 
nas  e  viagens  ;  campanha  de  um  propagandista,  1887-1890; 
Lisbonne,  1891.  —  Teixeira  Mendes,  Benjamin  Constant; 
esboço  de  uma  apreciaçao  sintetica  da  vida  i  da  obra  do 
Fundador  da  Republica  brazileira;  Rio,  1892.  —  Vicomte 
d'Ourém,  Constitution  de  la  Rèp.des  Etats-Unis  du  Brésil; 
Paris,  1892. 

FONSECA  (Antonio-Manoel  da),  peintre  portugais  con- 
temporain. On  cite  de  lui  :  Enée  portant  Anchise,  le 
Christ  chassant  les  vendeurs  du  temple,  les  portraits 
du  roi  Ferdinand  de  Portugal  et  de  plusieurs  princes  de 
la  famille  royale.  Il  a  également  exposé  un  groupe  en 
marbre,  Adonis  blessé  par  le  sanglier. 

FONSECA-Benevides  (Francisco  da),  physicien  et  écri- 
vain portugais,  né  à  Lisbonne  le  28  janv.  1835.  Fils  d'un 
médecin,  il  a  débuté  dans  la  marine  comme  aspirant  en 
1851,  et,  à  sa  sortie  de  l'école  navale,  a  été  successive- 
ment nommé  :  en  1854,  professeur  de  physique  à  l'insti- 
tut industriel  de  Lisbonne,  dont  il  a  par  la  suite  organisé 
et  dont  il  dirige  encore  l'important  musée  technologique  ; 
en  1855,  professeur  adjoint  de  mécanique  et  d'artillerie  à 
l'école  navale.  Il  est  devenu  titulaire  de  cette  dernière 
chaire  en  1865.  L'Académie  des  sciences  de  Lisbonne  l'a 
élu  membre  en  1866.  Délégué  par  son  gouvernementaux 
diverses  expositions  internationales,  il  a  personnellement 
été  récompensé  à  celle  de  Paris,  en  1878,  pour  quelques 
appareils  scientifiques  de  son  invention.  Il  est  depuis 
1884  inspecteur  des  écoles  industrielles  du  Portugal 
et  il  a,  à  ce  titre,  effectué  à  travers  l'Europe  un  long 
voyage  d'études.  Il  a  publié  de  nombreux  ouvrages,  dont 
quelques-uns  sont  écrits  en  français  et  dont  les  plus  inté- 


729  — 


FONSECA  —  FONTAINE 


ressants  ont  pour  titres:  Curso  de  artilheria  (Lisbonne, 
1850,  in-fol.);  Curso  de  physica  (Lisbonne,  4863, 
2  vol.  in-8)  ;  Relatorio  sobre  a  exposiçâo  de  Paris  em 
1867  (Lisbonne,  4867,  in-8);  Principios  de  optica 
(Lisbonne,  1868,  2  vol.  in-8);  0  Fogo  (Lisbonne,  4869, 
in-8)  ;  Noçôes  de  physica  moderna  (Lisbonne,  4870, 
in-8;  2e  édit.,  4880);  Elementos  de  balistica  (Lis- 
bonne, 4872,  in-8;  2e  éd.,  4882);  As  Raïnhas  de  Por- 
tugal (Lisbonne,  4878-79,  2  vol.  in-4);  Mémoire  sur  la 
vitesse  de  propagation  des  flammes  (4880).  Il  est  en 
outre  l'auteur  de  nombreux  mémoires,  notes  et  articles 
parus  dans  le  Jornal  das  sciencias  mathematicas  e  phy- 
sicas  de  Lisbonne,  dans  YArchivo  pittoresco,  dans  le  Jor- 
nal do  Commercio,  dans  la  Revista  militar,  etc.  L.  S. 
Bibl.  :  Le  Cosmos,  du  4  déc.  1869.  —  Silva,  Diccionario 
bibl.  portuguez;  Lisbonne,  1870,  in-8,  t.  IX,  p.  291. 

FONSEGR1VE  (Georges-Pierre  Lespinasse),  professeur 
et  philosophe  français,  né  à  Saint-Capraise  de  Lalinde  (Dor- 
dogne)  le  49  oct.  4852.  Il  fit  ses  études  au  petit  séminaire 
de  Bergerac,  fut  quelques  mois  instituteur,  un  an  maître 
d'étude,  prit  sa  licence  es  lettres  à  Bordeaux  (juil.  4874), 
enseigna  l'histoire  au  collège  de  Blaye,  puis  la  philosophie 
au  collège  de  Bergerac  (1875  à  4880). Reçu  cette  année-là 
agrégé  de  philosophie,  il  a  été  professeur  tour  à  tour  aux 
lycées  deMontauban,  Pau,  Angoulême  et  Bordeaux  (4887)  ; 
il  l'est  depuis  oct.  4889  au  lycée  Buffon,  à  Paris.  L'Aca- 
démie des  sciences  morales  a  décerné  en  4885  le  prix  du 
budget  à  son  mémoire  sur  le  Libre  Arbitre,  sa  théorie  et 
son  histoire  (Paris,  4887,  in-8).  Il  a  publié  depuis  des 
Eléments  de  philosophie  (Paris,  4894-4892,  2  vol.  in- 
18).  Il  a  fourni  des  articles  à  divers  recueils,  surtout  à  la 
Revue  philosophique,  et  il  est  un  des  collaborateurs  les 
plus  actifs  de  la  Grande  Encyclopédie,  principalement 
pour  les  questions  de  logique.  H.  M. 

FONSOMMES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et  cant. 
de  Saint-Quentin  ;  70 1  hab. 

FONSORBES.  Corn,  du  dép.  delà  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  de  Saint-Lys  ;  864  hab. 

FONSSAGRIVES  (Jean-Baptiste),  médecin  français,  né 
à  Limoges  le  14  mars  1823,  mort  à  Auray  (Morbihan)  le 
22  nov.  1884.  Entré  de  bonne  heure  dans  le  corps  de  ser- 
vice de  santé  de  la  marine,  il  y  a  conquis  tous  les,  grades 
depuis  celui  d'aide-chirurgien* en  1840,  jusqu'à  celui  de 
médecin  en  chef  en  1856.  Il  s'est  occupé  surtout  d'hygiène 
et  de  thérapeutique.  Docteur  en  médecine  en  1852,  pro- 
fesseur à  l'Ecole  de  médecine  navale  de  Brest  dès  1853,  il 
fut  nommé  en  1864  professeur  d'hygiène  à  la  faculté  de 
médecine  de  Montpellier,  à  la  mort  du  professeur  Ribes. 
Après  avoir  été  chargé  de  la  clinique  spéciale  des  vieillards 
et  des  enfants,  il  succéda  à  Fuster  comme  professeur  de 
thérapeutique.  Travailleur  infatigable,  il  est  l'auteur  de 
plus  de  deux  cents  ouvrages,  mémoires  ou  articles.  Plu- 
sieurs de  ces  ouvrages,  récompensés  par  les  académies, 
adoptés  par  le  ministère  de  la  marine,  ont  contribué  à  la 
légitime  notoriété  de  leur  auteur.  Nous  citerons  entre 
autres  :  Traité  d'hygiène  navale  (1856);  Thérapeutique 
de  la  phtisie  pulmonaire  (1866);  Du  Rôle  des  mères 
dans  les  maladies  des  enfants  (1868  ;  plus,  édit.);  Prin- 
cipes de  thérapeutique  générale  (1875);  Traité  de  thé- 
rapeutique appliquée  (1878, 2  vol.  ;  2e  éd.,  1882).  Il  était 
correspondant  de  l'Académie  de  médecine .      D r  A .  D ureau . 

FONT-Romeu.  Ermitage  de  la  Cerdagne  (Pyrénées-Orien- 
tales), arr.  de  Prades,  com.  d'Odeillo,  but  d'un  pèlerinage 
célèbre  dans  ces  contrées.  Les  foules  s'y  rendent  les  jours 
de  fête,  notamment  le  8  sept.,  pour  vénérer  une  image  de 
Notre-Dame.  La  chapelle  n'est  pas  très  ancienne  ;  mais  la 
madone  paraît  remonter  au  xne  ou  xur3  siècle.  Font-Romeu 
possède,  en  outre,  une  belle  Vierge  en  marbre  due  au  ciseau 
d'Oliva.  Les  goigs  ou  cantiques  de  l'ermitage  ont  une 
tournure  archaïque  remarquable.  Le  calvaire  domine  un 
panorama  d'une  rare  beauté.  Au  g.  Brut  ails. 

Bibl.  :  Abbé  Emile  Rous,  Histoire  de  Notre-Dame  de 
Font-Romeu  ;  Lille,  1890. 


FONTAIN.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant.  (S.) 
de  Besançon;  481  hab. 

FO  NTAI N  E.  I.  Archéologie.  —  La  fontaine  est  le  vase 
dans  lequel  on  conserve  l'eau  destinée  aux  usages  d'une 
maison  et  principalement  celle  pour  se  laver  les  mains.  Au 
moyen  âge,  la  fontaine  occupait  une  place  importante  dans  le 
mobilier  civil.  On  la  posait  soit  sur  une  crédence,  soit  au  mur, 
en  l'accostant  d'un  rouleau  de  bois  pour  la  serviette  (fig.  I). 
Lorsque  la  céramique  prit  sa  place  dans  le  mobilier,  on 
remplaça  les  fontaines  de  métal  par  des  fontaines  de  terre 
;  c'est  surtout  au  xvnr3  siècle  que  les  fabriques 


Fig.  1.  —  Fontaine  en  cuivre  jaune  repoussé  et  gravé. 

françaises  créèrent  les  modèles  les  plus  élégants,  les  uns 
en  forme  de  vase,  les  autres  d'applique.  —  La  fontaine  était 
également  un  riche  vase  d'orfèvrerie  que  l'on  plaçait  au 
milieu  de  la  table  pour  contenir  le  vin,  l'hypoeras  ou 
d'autres  ligueurs  :  véritables  monuments  d'orfèvrerie  qui 
représentaient  des  châteaux  complets,  avec  leurs  cheva- 
liers et  leurs  hommes  d'armes.  D'autres  plus  petites  étaient 
à  surprises,  comme  celle  de  l'album  de  Villard  de  Hon- 
necourt,  surmontée  d'une  colombe  qui  laissait  conti- 
nuellement couler,  sans  qu'on  sût  par  quel  artifice,  du  vin 
par  le  bec.  F.  de  Mély. 

II.  Technologie.  —  La  fontaine  ou  vase  dans  lequel 
on  conserve  l'eau  destinée  aux  usages  domestiques,  se  fai- 
sait autrefois  en  cuivre  étamé,  sans  filtre,  ce  qui  n'était  pas 
sans  danger,  car  l'étamage  n'empêche  pas  le  vert-de-gris 
de  pénétrer  tôt  ou  tard  jusqu'à  l'eau.  On  en  fit  plus  tard 
en  plomb,  en  étain,  qui  n'étaient  pas  non  plus  sans  incon- 
vénients. C'est  en  1745  que  furent  construites  les  premières 
fontaines  domestiques  filtrantes  ;  on  employait  des  coffres  de 
bois  entièrement  revêtus  de  plomb  laminé  et  divisés  en 
compartiments,  dans  lesquels  l'eau  passait  à  travers  du 
sable  et  des  éponges.  Aujourd'hui  les  fontaines  filtrantes 
se  composent  d'un  ou  de  deux  éléments  principaux  :  une 
substance  poreuse  que  l'eau  traverse  et  qui  retient  les 
impuretés  solides;  une  substance  absorbante,  charbon  ou 
autre  agent  désinfectant,  opérant   l'épuration  chimique. 


FONTAINE 


730. 


Dans  un  grand  nombre  de  fontaines,  on  n'opère  que  la  pu- 
rification mécanique,  et  la  matière  filtrante  est  le  plus  sou- 
vent un  diaphragme  en  pierre  calcaire  ou  en  grès  poreux. 
Dans  un  autre  appareil,  appelé  fontaine  Ducommun,  du 
nom  de  son  inventeur,  la  plaque  de  grès  poreux  est  rem- 
placée par  un  diaphragme  horizontal  au  milieu  duquel  est 
pratiqué  un  orifice  bouché  par  un  tampon  d'épongés  que 
l'eau  doit  traverser,  et  à  la  suite  duquel  elle  passe  dans  une 
couche  de  charbon  de  bois,  puis  une  couche  de  sable  qui 
en  effectuent  la  purification  complète.  D'autres  fontaines 
ménagères  sont  en  usage  (V.  Filtration,  t.  XVII,  p.  477). 

III.  Architecture.  — Les  fontaines  ont,  à  toutes  les 
époques  et  dans  toutes  les  civilisations,  joué  un  grand  rôle 
dans  la  décoration  des  villes  et  des  habitations  de  plaisance  : 
aussi,  en  dehors  des  fontaines  proprement  dites,  dans  les- 
quelles des  Happes  et  des  jets  d'eau  constituent  seuls  toute 
la  beauté  des  effets  qu'on  y  admire,  a-t-ii  été  souvent,  de- 
puis l'antiquité  la  plus  reculée  jusqu'à  nos  jours,  fait  appel 
au  talent  de  l'architecte  et  à  celui  du  sculpteur  pour  enca- 
drer d'une  façon  monumentale  et  pour  agrémenter  de  figures 
et  de  motifs  d'ornement  les  efiets  ou  seulement  les  conduits 
d'eau  amenés  par  la  science  de  l'ingénieur  hydraulicien.  — 
On  ne  peut  douter  que  les  anciens  édifices  de  la  Ghaldée,  dont 
la  construction  massive  témoigne  un  tel  souci  de  ménager 
aux  voyageurs  des  renfoncements  pourvus  d'ombre,  n'aient 
compris  une  ou  plusieurs  fontaines,  tant  à  l'extérieur  qu'à 
l'intérieur  de  leur  enceinte,  et  M.  de  Sarzec  (Découvertes 
en  Chaldée;  Paris,  1883,  p.  16,  dem.-fol.)  a  retrouvé 
encore  en  place,  en  avant  de  la  grande  façaae  N.-E.  du 
palais  chaldéen  de  Tello  et  au  milieu  d'une  plate-forme 
dallée,  un  bassin  de  pierre  remarquable  par  les  bas-reliefs 
dont  il  est  orné,  bas-reliefs  représentant  une  suite  de 
figures  de  femmes  debout,  les  bras  étendus  et  tenant  de 
chaque  côté,  dans  leurs  mains  réunies,  un  vase  d'où 
s'échappe  un  double  flot  de  liquide  qui  retombe  ensuite 
en  bouillonnant  jusqu'à  terre.  —  Du  monde  oriental  où 
elle  s'est  perpétuée  et  a  trouvé  des  encouragements  dans 
les  prescriptions  du  Coran,  la  tradition  des  fontaines  mo- 
numentales a  gagné  la  Grèce,  et  Pausanias  (Corinthie; 
Paris,  1814,  t.  I,  passim)  donne  l'origine  et  une  trop 
courte  description  de  nombreuses  fontaines  encore  exis- 
tantes au  commencement  du  ne  siècle  de  notre  ère,  entre 
autres,  à  Corinthe  :  la  fontaine  Pirène,  ornée  de  marbre 
blanc  et  dans  laquelle  étaient  pratiquées  des  loges  en 
forme  de  grottes  d'où  l'eau  coulait  dans  un  bassin  décou- 
vert, et  la  fontaine  de  Lerne,  qui  était  entourée  de  colonnes 
et  où  étaient  disposés  des  sièges  pour  ceux  qui  voulaient 
y  venir  prendre  le  frais  pendant  l'été.  —  Rome  fut,  plus 
que  toute  autre  ville  de  l'antiquité,  la  ville  des  fontaines 
monumentales  et  des  fontaines  ornées  de  sculptures,  et 
les  anciennes  fontaines  de  cette  ville  pouvaient  se  répartir 
en  trois  classes  :  les  vastes  châteaux  d'eau  (V.  ce  mot) 
construits  à  l'arrivée  des  nombreux  aqueducs  amenant 
Peau  de  sources  souvent  lointaines  ;  les  fontaines  jaillis- 
santes et  enfin  les  fontaines  à  bassin  ou  abreuvoirs.  Pline 
l'Ancien  (Hist.  nat.,  XXXVI,  15  et  24)  rapporte  à  ce  sujet 
qu'Agrippa  qui,  pendant  son  édilité,  donna  une  attention 
toute  particulière  à  la  mise  en  état  des  travaux  hydrau- 
liques de  la  ville  de  Rome,  n'y  fit  pas  construire  ou  réparer 
moins  de  700  bassins,  de  105  fontaines  jaillissantes  et  de 
130  châteaux  d'eau,  et  on  doit  croire,  autant  d'après  de 
nombreuses  traditions  que  d'après  les  ruines  que  l'on  ren- 
contre fréquemment  en  Italie,  en  Gaule  et  dans  les  autres 
provinces  de  l'Empire,  que  tout  le  monde  romain  avait  suivi 
l'exemple  de  la  capitale. 

Les  traditions  de  l'antiquité  romaine  se  perpétuèrent 
longtemps  en  Gaule,  et  Viollet-le-Duc  [Dict.  de  t' Archi- 
tecture, V,  527)  n'hésite  pas  à  reconnaître  ces  traditions 
dans  le  programme,  presque  toujours  le  même,  des  plus 
anciennes  fontaines  établies  pendant  le  moyen  âge  au  bord 
des  routes  :  il  cite  notamment,  en  dehors  de  Poitiers,  le 
long  du  Clain,  une  fontaine  placée  en  contre-bas  de  la  route 
et  remontant  au  xive  siècle,  mais  restaurée  en  1579.  Cette 


fontaine  se  compose  d'une  niche  en  maçonnerie  abritant  le 
bassin  de  puisage,  niche  surmontée  d'une  statue  et  ornée 
des  armoiries  du  fondateur.  Des  bancs,  en  prolongation  des 
côtés  de  la  niche,  invitent  à  se  reposer,  et  un  escalier, 
établi  le  long  d'une  des  parois,  permet  de  descendre  de  la 
route  au  niveau  du  bassin.  Dans  les  villes,  les  plus  an-  , 
ciennes  fontaines  isolées,  presque  les  seules  que  l'on  déco- 
rât à  cette  époque,  consistaient  en  un  bassin  peu  profond, 
élevé  au-dessus  du  sol  et  au  milieu  duquel  une  colonne, 
parfois  ornée  et  surmontée  d'un  chapiteau  et  peut-être  d'une 
statue,  recevait  intérieurement  les  tuyaux  de  distribution 
d'où  l'eau  s'échappait  par  des  sortes  de  gargouilles  en  pierre 
ou  en  métal.  Plus  tard,  la  colonne  ou  le  faisceau  de  co- 
lonnes fut  remplacé  par  un  pinacle  orné  de  sculptures, 
comme  on  le  voit  à  la  fontaine  dite  de  laPucelle,  à  Rouen, 
laquelle  date  du  milieu  du  xve  siècle.  —  C'est  surtout  de 
la  colonne  surmontée  d'une  statue  et  s'élevant  au  milieu 
d'un  bassin  que  procèdent  une  grande  partie  des  fontaines 
isolées  que  la  Renaissance  vit  s'élever  à  profusion  dans  cer- 
taines villes  de  Suisse,  d'Italie,  d'Allemagne  et  de  France  ; 
les  fontaines  de  Berne  entre  autres,  lesquelles  sont  entre- 
tenues avec  un  soin  pieux  par  l'éa'ilité  de  cette  ville,  doivent 
à  la  statue  surmontant  leur  colonne  centrale  les  noms  de 
fontaines  de  l'Ogre,  de  l'Ours,  de  l'Arbalétrier,  de  l'Arque- 
busier, du  Banneret,  du  Héraut,  du  Joueur  de  cornemuse, 
de  Samson,  de  Moïse,  de  Berthold  V,  d'Anna  Seiler,  de  la 
Justice,  etc.  Cependant,  sous  la  Renaissance,  dans  les  fon- 
taines soit  isolées,  soit  adossées  à  des  constructions,  l'ar- 
chitecture tendit  à  reprendre  une  plus  grande  place,  et  Pa- 
ris, par  exemple,  vit  s'élever,  en  1550,  la  fontaine  des 
Innocents,  d'abord  composée  de  trois  travées  disposées  à 
l'angle  de  la  rue  aux  Fers  et  de  la  rue  Saint-Denis,  plus 
tard  complétée  lors  de  son  transport,  en  1788,  à  son  em- 
placement actuel,  d'une  quatrième  travée  et  offrant  d'élé- 
gantes arcades  ornées  de  chaque  côté  de  deux  pilastres 
corinthiens  encadrant  des  bas-reliefs  ;  de  même  aussi  la  fon- 
taine Mèdicis,  élevée  dans  les  jardins  du  Luxembourg  et 
transportée  à  sa  place  actuelle  en  1861,  se  distingue  par 
une  masse  imposante  comme  architecture  et  bien  mise  en 
valeur  par  l'allée  d'arbres  et  le  bassin  qui  la  précèdent. 
Mais,  malgré  le  grand  luxe  de  fontaines  qui  décorèrent  à 
la  fin  de  cette  période  les  jardins  et  les  palais  de  plusieurs 
villes  d'Italie,  fontaines  dans  lesquelles  les  statues  faisaient 
corps  et  s'harmonisaient  avec  les  vasques,  les  rochers  et 
les  motifs  d'une  architecture  souvent  tourmentée  dans  ses 
lignes,  c'est  à  Versailles  que  furent  obtenus,  sous  Louis  XIV, 
les  effets  les  plus  splendides  et  les  plus  variés  de  cette  ar- 
chitecture spéciale  de  fontaines  monumentales,  et  c'est  à 
Versailles  aussi  que  la  plus  innombrable  quantité  de  jets 
d'eau,  l'élément  par  excellence  des  fontaines,  a  été  mise  en 
œuvre  pour  donner  la  vie  à  des  ensembles  vraiment  inimi- 
tables. 

Depuis  le  commencement  de  ce  siècle,  les  fontaines  offrent 
la  plus  grande  variété  de  formes  et  aussi  de  motifs  décora- 
tifs, les  unes  et  les  autres,  il  est  vrai,  empruntés  aux  mo- 
dèles du  passé,  et,  soit  adossées,  soit  isolées  ou  parfois 
élevées  en  vue  de  rendre  hommage  à  un  homme  illustre  ou 
de  perpétuer  le  souvenir  d'un  grand  événement,  les  fon- 
taines font  toujours  appel  à  la  sculpture  ou  à  l'architec- 
ture, souvent  un  peu  au  détriment  des  effets  d'eau,  mais  avec 
une  telle  liberté  de  composition  qu'il  serait  difficile  de  les 
classer,  comme  le  faisait  Quatremère  de  Quincy  à  la  fin  du 
dernier  siècle,  en  fontaines  de  sculpture,  fontaines  d'archi- 
tecture et  fontaines  composées  de  sculpture  et  d'architec- 
ture. Au  reste,  les  plus  beaux  exemples  de  fontaines  mo- 
dernes sont  donnés,  dans  le  cours  de  cet  ouvrage,  au  nom 
des  villes  qui  les  ont  vu  élever,  et  il  suffit,  en  dehors  des 
fontaines  isolées,  adossées, en  encoignure  et  m  renfon- 
cement, fontaines  dont  les  noms  expliquent  la  situation, 
de  rappeler,  avec  quelques  détails,  les  noms  le  plus  généra- 
lement donnés  aux  fontaines  eu  égard  à  leur  forment  à  leur 
décoration.  —  Fontaine  à  bassin.  Fontaine  consistant  en 
un  bassin  adossé  ou  isolé,  de  forme  polygonale  ou  circu- 


731  — 


FONTAINE 


laire  et  dans  lequel  un  jet  d'eau,  une  statue  ou  même  un 
groupe  de  figures  sert  à  amener  l'eau  :  souvent,  dans  les 
fontaines  de  ce  genre  placées  au  milieu  des  places  publiques, 
une  ou  plusieurs  vasques  reçoivent  l'eau  à  la  partie  supé- 
rieure de  la  fontaine  et  la  déversent  en  nappes  dans  le  bas- 
sin proprement  dit.  —  Fontaine  à  coupe.  Fontaine  qui 
comprend  au-dessus  de  son  bassin  une  seule  vasque  portée 
par  un  motif  central  et  aont  la  forme,  en  calotte  sphérique, 
rappelle  les  coupes  antiques. —  Fontaine  couverte  ou  dé- 
couverte. Noms  donnés  aux  fontaines  adossées  ou  isolées 
suivant  que  tout  leur  ensemble  est  protégé  par  une  cons- 
truction ou  laissé  à  découvert.  —  Fontaine  en  buffet. 
(V.  Buffet  d'eau  et  fig.).  —  Fontaine  en  demi-lune,  en 
grotte  ou  en  niche.  —  Fontaine  élevée  sur  un  plan  demi- 
circulaire  et  en  partie  comprise  dans  un  renfoncement  de 
même  forme  et  dont  la  décoration  simule  une  grotte  ou  se 
compose  d'une  simple  niche.  —  Fontaine  en  pyramide. 
Fontaine  dans  laquelle  plusieurs  vasques,  disposées  l'une 
sur  l'autre  et  diminuant  de  diamètre  à  mesure  qu'elles  s'é- 
lèvent, permettent  à  l'eau  de  tomber  en  nappes  successives 
mais  de  façon  à  former  une  nappe  unique  entourant  le 
corps  de  la  fontaine  d'urïfcône  ou  d'une  pyramide  liquide. 
—  Fontaine  en  portique.  Sorte  de  château  d'eau  (V.  ce 
mot)  rappelant  par  son  dessin  les  arcs  de  triomphe  an- 
tiques. —  Fontaine  rustique,  satyrique  ou  statuaire. 
Noms  divers  donnés  aux  fontaines  suivant  les  éléments  qui 
entrent  dans  leur  décoration  :  bossages,  rocailles  et  coquil- 
lages; thermes,  faunes,  satyres,  mascarons  et  grotesques 
ou  simplement  figures  sculptées.  — Fontaine  symbolique. 
Cette  dernière  fontaine  doit  son  nom  à  l'intention,  révélée 
par  les  figures  ou  les  attributs  qui  la  décorent,  de  rappeler 
et  de  perpétuer  des  souvenirs  personnels  à  son  fondateur  ou 
telle  circonstance  mémorable.  Charles  Lucas. 

IV.  Travaux  publics.  —  Fontaines  publiques.  — 
On  a  désigné  parfois,  sous  le  nom  de  fontaines  publiques, 
tout  l'ensemble  du  service  d'eau  d'une  ville.  C'est  ainsi  que 
Darcy  a  décrit  la  belle  distribution  d'eau  qui  lui  est  due 
dans  un  ouvrage  intitulé  les  Fontaines  publiques  de  la 
ville  de  Dijon.  Mais  le  plus  souvent  le  mot  est  pris  dans 
un  sens  beaucoup  plus  restreint  et  s'applique  aux  appareils 
qui  débitent  l'eau  sur  la  voie  publique  ou  dans  les  pro- 

menades  pour 
l'usage  des  habi- 
tants ou  l'agrément 
des  promeneurs. 
C'est  un  terme  gé- 
néral sous  lequel 
on  confond  les  ap- 
pareils de  puisage 
et  les  fontaines  dé- 
coratives. 

Le  type  primitif 
de  la  fontaine  pu- 
blique de  puisage 
est  cet  appareil 
qu'on  rencontre 
aux  carrefours  des 
villages  et  qui  se 
compose  d'un  ori- 
fice fournissant 
l'eau  à  jet  continu  au-dessus  d'une  auge  servant  à  la  fois  pour 
l'abreuvage  du  bétail  et  le  lavage  du  linge  et  où  les  ménagères 
viennent  remplir  leurs  seaux.  Sous  des  formes  diverses  ce 
même  appareil  se  retrouve  dans  la  plupart  des  villes  qui  du- 
rant des  siècles  n'ont  pas  connu  d'autre  mode  de  distribution 
de  l'eau  :  seulement  l'auge  est  supprimée  assez  souvent  et, 
pour  économiser  l'eau,  l'écoulement  est  rendu  discontinu 
par  l'interposition  d'une  soupape  ou  d'un  robinet.  A  Paris, 
jusqu'au  commencement  de  notre  siècle,  l'eau  ne  parvenait 
aux  habitants  que  par  l'intermédiaire  des  fontaines  pu- 
bliques de  puisage  :  aussi  avaient-elles  reçu  souvent  une 
ornementation  en  rapport  avec  leur  importance,  qu'elles 
fussent  adossées  comme  la  fontaine  de  Jarente,  ou  isolées 


Fig.  2.  —  Fontaine  banale  à  écoule- 
ment continu. 


comme  la  fontaine  de  Birague.  Dans  certaines  localités  on 
rencontre  des  puits  publics,  plus  rarement  des  citernes  pu- 
bliques comme  à  Venise,  où  la  cour  du  palais  des  Doges  en 
compte  deux  dont  les  margelles  sont  richement  ornées.  Dans 
les  villes  modernes,  où  l'eau  est  amenée  jusque  dans  l'in- 
térieur des  habita- 


h-g  tira*,    fcy 


I*:    //ni/if' 


Fig.  3.  —  Fontaine  de  Jarente. 


tions,  les  appareils 
de  puisage  n'ont 
plus  une  utilité 
aussi  grande  :  il 
convient  néan- 
moins de  les  mul- 
tiplier encore  afin 
de  mettre  partout 
l'eau  à  la  portée  de 
ceux  qui  ne  sont 
point  abonnés; 
mais  ils  prennent 
alors  un  aspect 
plus  modeste  et  en 
rapport  avec  le  rôle 
très  restreint  qu'ils 
sont  appelés  à  jouer 
désormais.  Ce  sont 
le  plus  ordinaire- 
ment de  simples 
bornes  -  fontaines 
en  fonte,  isolées  ou 
adossées  contre  un  mur  et  dont  la  hauteur  est  calculée 
de  façon  que  l'orifice  se  trouve  précisément  au  niveau  con- 
venable pour  servir  au  remplissage  de  seaux  placés  sur  le 
trottoir,  c.-à-d.  à  0m60  ou  0m70  du  sol.  L'écoulement, 
presque  toujours 
discontinu,  est  com- 
mandé par  un  ro- 
binet à  vis,  à  con- 
trepoids ou  à  re- 
poussoir, disposé 
autant  que  possible 
de  manière  à  éviter 
les  coups  de  bélier. 
Il  est  réglé  de  ma- 
nière à  remplir  un 
seau  ordinaire  de  6 
à  10  litres  en  vingt 
secondes  environ , 
ce  qui  correspond 
à  un  débit  normal 
de  1/2  litre  par  se- 
conde. Les  bornes- 
fontaines  sont  d'ail- 
leurs placées  à  des 
intervalles  assez 
rapprochés  pour  que 
le  parcours  néces- 
saire à  l'effet  d'at- 
teindre l'appareil  le 
plus  voisin  ne  dé- 


Fig.  4.  —  Fontaine  de  Birague. 


passe  jamais  une  longueur  raisonnable  fixée  d'avance  et 
qui  varie  suivant  les  localités. 
Depuis  quelques  années  on  a  introduit  à  Paris  un  type 


Fig.  5. —  Citerne  de  la  cour  du  palais  des  Doges, 
à  Venise. 

nouveau  de  fontaine  publique,  qui  convient  particuliè- 
rement aux  villes  où  la  distribution  est  double  et  qui  est 


FONTAINE 


—  732  — 


destiné  à  fournir  spécialement  Feau  de  bonne  qualité  réservée 
pour  la  boisson,  de  telle  sorte  que  les  passants  puissent 
s'y  désaltérer  en  toute  sécurité.  Elles  sont  connues  sous  le 
nom  de  fontaines  Wallace,  parce  que  sir  Richard  Wal- 
lace  a  fait  installer  de  ses  deniers  les  cinquante  premières, 
en  fonte  ornementée,  d'une  forme  assez  élégante,  avec 
écoulement  continu  d'un  mince  filet  d'eau.  Depuis  on  en  a 
augmenté  le  nombre  et  d'autres  types  ont  été  créés,  dont 
un  applicable  aux  promenades 
se  compose  d'une  borne  de 
petite  dimension  munie  d'un 
robinet  à  repoussoir.  Des  go- 
belets nickelés ,  suspendus 
par  des  chaînettes,  servent  à 
la  fois  au  puisage  et  à  la 
boisson.  L'espacement  des 
fontaines  de  ce  genre  peut  être 
beaucoup  plus  grand  que  celui 
des  bornes-fontaines,  car  elles 
ne  répondent  pas  à  un  besoin 
aussi  impérieux,  et,  d'ailleurs, 
l'eau  qu'on  y  puise  étant  con- 
sommée sur  place,  il  n'y  a 
pas  à  se  préoccuper  de  la  lon- 
gueur du  transport. 
Dans  la  plupart  des  villes  on 
,,  trouve  des  fontaines  publiques 

fcflï"!       TBft  décoratives,  qui  ne   servent 

— BËJ BBlL  .       pas  au  puisage  et  n'ont  d'autre 

Fig.  6.— FontaineWallace.  objet  que  d'orner  un  carrefour, 
une  place,  une  promenade, 
d'y  répandre  la  fraîcheur,  de  charmer  les  yeux  par  des 
effets  d'eau  heureusement  combinés,  ou  l'oreille  par  le  mur- 
mure que  produit  l'écoulement  et  la  chute  de  l'eau.  Jadis 
l'eau  était  rare  et,  par  suite,  dans  les  anciennes  fontaines 
publiques  de  ce  genre,  la  part  de  l'architecte  et  du  sculpteur 
l'emportait  de  beaucoup  sur  celle  de  l'hydraulicien  :  tel  est 
le  cas  de  la  fontaine  des  Innocents,  de  la  fontaine  de  Mé- 
dicis  à  Paris.  Les  distributions  d'eau  modernes,  beaucoup 
plus  abondamment  pourvues  et  fournissant  l'eau  à  haute 
pression,  ont  permis  d'obtenir  des  effets  d'eau  plus  variés, 
comme  ceux  qu'offrent  aux  regards  la  fontaine  Saint-Mi- 
chel, les  fontaines  de  la  place  de  la  Concorde  et  de  l'avenue 


Fig.  7.  —  Fontaine  de  la  place  de  la  Concorde  à  Paris. 

de  l'Observatoire  à  Paris.  Souvent  même  l'eau  fait  seule 
les  frais  de  l'ornementation  ;  toute  disposition  architectu- 
rale a  disparu,  et  de  simples  ajutages  disposés  au  milieu  de 
vastes  bassins  lancent  dans  les  airs  des  jets  d'eau  élancés 
ou  des  gerbes  gracieuses  qui  retombent  en  belles  nappes 
blanches  écumantes  où  se  joue  agréablement  la  lumière. 
Quelquefois  on  groupe  dans  un  ensemble  complexe  une 
série  d'effets  divers  pour  obtenir  de  grandes  pièces  d'eau 
comme  la  fontaine  de  Trevi  à  Rome,  les  grandes  eaux  de 
Versailles  et  de  Saint-Cloud,  la  cascade  du  Trocadéro  à 
Paris,  etc.  G.  Bechmann. 

V.  Physique. — Fontaine  de  compression.  —  Cet  appa- 
reil se  compose  d'un  vase  en  métal  dans  lequel  on  met  de 
l'eau  ;  sur  l'ouverture  du  vase  peut  se  visser  un  tube  plon- 


geant jusqu'au  bas  de  l'appareil  et  muni  à  sa  partie  supé- 
rieure d'un  robinet.  Celui-ci  étant  ouvert  et  le  tube  étant 
vissé  sur  le  réservoir,  on  envoie  de  l'air  dans  l'appareil  à 
l'aide  d'une  pompe  de  compression  ;  cet  air  pénètre  dans  le 
vase  en  traversant  l'eau.  On  ferme  ensuite  le  robinet;  on 
retire  la  communication  avec  la  machine  de  compression  et 
on  visse  sur  le  tube  un  ajutage  de  forme  convenable,  à  un  ou 
plusieurs  trous.  On  ouvre  alors  le  robinet  ;  la  pression  de  l'air 
enfermé  dans  l'appareil,  notablement  supérieure  à  celle  de 
l'atmosphère,  presse  le  liquide  qui  jaillit  à  l'extérieur  à  une 
hauteur  d'autant  plus  grande  que  la  pression  intérieure  du 
gaz  est  plus  considérable. 

Fontaine  de  Héron  (V.  Air,  1. 1,  p.  4036). 

Fontaine  intermittente. —  On  désigne  sous  ce  nom,  en 
physique,  divers  appareils  destinés  à  reproduire  dans  leurs 
traits  essentiels  les  caractères  des  fontaines  intermittentes 
naturelles.  On  sait  qu'il  existe  un  certain  nombre  de  sources 
qui  jaillissent  de  terre  à  intervalles  assez  réguliers  ;  on  a 
expliqué  ce  phénomène  de  la  façon  suivante  :  supposons 
qu'il  existe  sous  le  sol  une  cavité  qui  reçoive  des  eaux 
par  infiltration  ;  cette  cavité  communique  avec  l'extérieur 
par  un  canal  en  forme  de  V  renversé  ;  supposons  au  début 
la  cavité  vide  ;  l'eau  qui  arrive  continuellement  élève  peu 
à  peu  le  niveau  dans  cette  sorte  de  réservoir  et  dans  la 


Fig.  8.  —  Fontaine  intermittente. 

première  branche  du  canal  en  A  ;  mais  Peau  ne  s'écoule 
pas  ;  au  moment  où  l'eau,  montant  toujours,  atteindra 
dans  le  canal  le  sommet  du  A,  celui-ci  fonctionnera  comme 
un  siphon  qui  se  trouve  subitement  amorcé  et  l'eau  jaillira 
au  dehors  à  une  hauteur  variable  en  rapport  avec  les 
dimensions  du  A.  Si  le  débit  de  ce  canal  est  plus  grand  que 
celui  des  sources  qui  alimentent  la  cavité,  celle-ci  se  trouvera 
vide  plus  ou  moins  rapidement  ;  le  siphon  sera  désamorcé 
et  les  mêmes  phénomènes  se  reproduiront  indéfiniment.  On 
réalise  en  physique  une  fontaine  intermittente  de  la  façon 
suivante  :  on  prend  un  vase  muni  d'une  tubulure  inférieure; 
dans  cette  ouverture,  on  fait  pénétrer  un  tube  replié  en 
forme  de  siphon  (fig.  8)  et  on  fait  arriver  dans  le  vase  un 
mince  filet  d'eau  ;  on  a  ainsi  réalisé  les  diverses  conditions 
dont  nous  avons  parlé  et  bientôt  le  siphon  donne  passage 
à  un  jet  d'eau  qui  ne  tarde  pas  à  cesser.  La  fig.  9  repré- 
sente une  disposition  souvent  adoptée  et  désignée  sous 
le  nom  de  vase  de  Tantale.  Une  petite  figurine  représen- 
tant ce  personnage  occupe  le  milieu  du  vase  ;  à  l'intérieur 
de  la  petite  statuette  est  dissimulé  un  siphon  qui  s'amorce 
avant  que  Peau  n'atteigne  le  niveau  de  la  bouche  du 


—  733  — 


FONTAINE 


personnage,  de  sorte  que  le  vase  se  \ïde  par  le  pied 
sans  que  l'eau  mouille  les  lèvres  de  Tantale.  Une  autre 
disposition  de  fontaine  intermittente  consiste  en  un  vase 
contenant  de  l'eau  et  de  l'air  ;  l'eau  peut  s'échapper  par 
de  petits  ajutages  dans  un  bassin  ;  celui-ci  peut  se  vider, 
mais  lentement,  par  de  petits  orifices.  L'air  du  premier  vase 
communique  avec  l'extérieur  par  un  tube  qui  vient  s'ouvrir 
presque  au  fond  du  bassin,  de  telle  sorte  que,  lorsque 
celui-ci  contient  de  l'eau,  la 
communication  de  l'air  du 
vase  avec  l'extérieur  se 
trouve  interrompue  ;  aussi, 
bientôt  l'écoulement  de  l'eau 
qu'il  contient  s'arrête  ;  mais 
le  bassin  continuant  à  se 
vider,  il  arrive  un  moment 
où  le  bas  du  tube  de  com- 
munication se  trouve  de 
nouveau  dans  l'air  ;  celui-ci 
pénètre  alors  dans  le  pre- 
mier vase,  y  rétablit  la  pres- 
sion atmosphérique;  l'eau 
s'écoule  de  nouveau  dans 
le  bassin,  supprime  encore 
la  communication  avec  l'air 
et  les  mêmes  phénomènes 
se  reproduisent  tant  qu'il 
reste  de  l'eau  dans  le  vase. 
A.  Joannis. 
Fontaine  lumineuse.  — 
L'Exposition  universelle  de  1889  a  popularisé  les  fontaines 
lumineuses  qui  avaient  déjà  fait  leur  apparition  en  Angleterre 


Vase  de  Tantale. 


Fig\  10. —  Fontaine  lumineuse  (coupe,  éclairage  des  gerbes 
et  jets  verticaux,  et  jets  paraboliques). 

en  1884.  Le  principe  en  est  dû  à  un  savant  physicien  de  Ge- 
nève, Colladon,  qui  a  communiqué  en  1842  à  l'Académie  des 
sciences  la  description  d'un  appareil  au  moyen  duquel  il  était 


parvenu  à  illuminer  une  veine  liquide.  Dans  les  grandes  appli- 
cations qui  en  ont  été  faites,  les  effets  d'eau  verticaux  produits 
par  des  ajutages  multiples  et  composés  de  minces  filets  re- 
tombant en  gouttelettes,  sont  vivement  éclairés  par  dessous 
à  travers  une  dalle  en  verre  :  des  verres  de  couleur  inter- 
posés sur  le  trajet  des  rayons  lumineux  permettent  de  les 
colorer  à  volonté.  Au  Champ  de  Mars  on  est  parvenu  à 
éclairer  de  même  des  veines  paraboliques  de  gros  diamètre, 
grâce  à  une  disposition  imaginée  par  M.  Bechmann,  ingé- 
nieur en  chef  des  eaux  de  l'Exposition  de  i  889,  et  qui  con- 
siste à  introduire  la  lumière  au  centre  d'un  jet  d'eau  creux 
produit  par  un  ajutage  annulaire»  Tous  les  appareils  sont 
d'ailleurs  disposés  souterrainement  ou  masqués  par  des 
écrans  de  manière  que  l'illusion  soit  complète  et  que  le 
spectateur  croie  apercevoir  des  gerbes  de  feu  brillantes  et 
colorées  comme  les  fusées  d'un  feu  d'artifice. 

Le  déplacement  des  verres  de  couleur  obtenu  d'abord  à 
la  main,  pour  chaque  appareil  séparément,  sous  la  direc- 
tion du  colonel  Bolton  à  Londres  en  1884,  a  été  perfec- 
tionné par  MM.  Galloway  and  Sons,  qui,  à  Manchester  en 
1887,  ont  ingénieusement  groupé  plusieurs  séries  de  verres, 
de  telle  sorte  qu'on  pût  les  manœuvrer  d'ensemble  au 
moyen  d'un  seul  appareil  de  commande  par  série.  Des  le- 
viers, placés  à  distance  dans  un  kiosque  surélevé  et  disposé 
comme  un  poste  d'aiguillage  sur  les  lignes  de  chemin  de 
fer,  permettaient  de  manœuvrer  en  même  temps  les  clapets 
placés  sur  les  conduites  d'amenée  de  l'eau  et  de  modifie»'  à 
l'infini  l'aspect  delà  gerbe  lumineuse.  A  Paris,  en  1889, 
le  même  procédé  mécanique  mettait  dans  la  main  d'un  seul 
homme  les  effets  d'eau  multiples  qui  composaient  la  grande 
gerbe  et  les  séries  de  verres  au  moyen  desquels  on  modifie  la 
coloration  des  faisceaux  de  lumière  produits  par  48  foyers 
électriques  de  40  et  de  60  ampères.  L'ensemble  des  fon- 
taines lumineuses  du  Champ  de  Mars,  qui  ont  été  conser- 
vées après  l'Exposition  et  qui  fonctionnent  chaque  dimanche 
pendant  l'été,  comprend  près  de  trois  cents  ajutages  débi- 
tant 350  litres  d'eau  par  seconde,  sous  une  pression  de 
40  m.,  et  il  ne  faut  pas  moins  de  300  chevaux  de  force  pour 
fournir  le  courant  électrique  nécessaire.       G.  Bechmann. 

VI.  Géologie  (V.  Source). 

VII.  Histoire  religieuse.—  Congrégation  de  la  fon- 
taine jaillissante.  —  L'origine  de  cette  congrégation 
remonte  à  l'institution  des  Frères  de  la  vie  commune  ébau- 
chée, dès  1381,  à  Deventer,  par  Gérard  de  Groote.  11  s'agis- 
sait alors  d'une  association  de  jeunes  gens  pieux  qui  se 
consacraient,  sans  prononcer  de  vœux,  à  la  copie  des  manus- 
crits de  la  Bible  et  des  Pères  et  à  l'instruction  des  clercs 
pauvres.  Bientôt  après,  ils  se  rattachèrent  à  un  monastère 
fondé  à  cet  effet  et  soumis  à  la  règle  de  Saint-Augustin. 
D'autres  maisons  furent  établies  pour  le  même  objet;  celles 
de  Munster,  de  Cologne  et  de  Wesel  s'unirent  ensemble  et 
formèrent  une  congrégation  de  chanoines,  qui  fut  approu- 
vée en  4439  par  Eugène  IV,  sous  le  nom  de  Congregatio 
Fontis  salientis.  Elle  recevait  trois  sortes  de  personnes  : 
des  frères  perpétuels,  des  chanoines  et  des  domestiques. 

E.-H.  V. 

FONTAINE.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et  cant.  de 
Vervins;  925  hab. 

FONTAINE.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant.  de 
Bar-sur-Aube  ;  288  hab. 

FONTAINE.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Baume- 
les-Dames,  cant.  de  Clerval;  483  hab. 

FONTAINE»  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble, 
cant.  de  Sassenage,  au  confluent  de  l'Isère  et  du  Drac  ; 
1,349  hab.  Carrières  de  pierre  exploitées,  les  unes  à  ciel 
ouvert  et  d'autres  en  galeries.  Aux  hameaux  des  Balmes, 
curieuses  grottes  qui  s'ouvrent  dans  une  muraille  de  ro- 
chers à  pic  de  100  m.  environ  de  haut. 

FONTAINE.  Corn,  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Reims, 
cant.  d'Ay,  sur  la  Livre;  196  hab. 

FONTAINE  ou  BRUNN.  Ch.-i.  de  cant.  du  territoire  de 
Belfort:  372  hab. 


FONTAINE 


-  734  — 


FONTAINE-au-Bois.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr. 
d'Avesnes,  cant.  de  Landrecies  ;  949  hab. 

FONTAINE-au-Pire.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de 
Cambrai,  cant.  de  Carrières  ;  2,240  hab. 

FONTAINE-Bellenger.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
de  Louviers,  cant.  de  Gaillon  ;  245  hab. 

FONTAINE-Béthon  (V.  Béthon  [Marne]). 

FONTAINE-Bonneleau  ou  sous-Cateux.  Com.  du  dép. 
de  l'Oise,  arr.  de  Clermont.  cant.  de  Crèvecœur;  356  hab. 
Stat.  du  ch.  de  fer  du  Nord.  A  quelque  distance  de  ce 
village  se  trouvent  des  eaux  minérales  qui  ont  joui  d'une 
certaine  vogue  au  siècle  dernier.  Dans  l'église,  du  xvie siècle, 
lambris  sculpté  du  même  temps.  Souterrain-refuge.,  Car- 
rières, fabriques  de  laine. 

FONTAlNE-CHALENDRAY.Com.  du  dép.  de  la  Charente- 
Inférieure,  arr.  de  Saint-Jean-d'Angély,  cant.  d'Aulnay; 
748  hab. 

FONTAINE-Couverte.  Com.  du  dép.  de  la  Mayenne, 
arr.  de  Château-Gontier,  cant.  de  Saint-Aignan-sur-Roë  ; 
855  hab. 

FONTAINE-Denis.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr. 
d'Epernay,  cant.  de  Sézanne,  près  de  la  forêt  de  La  Tra- 
conne;  709  hab.  Ruines  d'un  ancien  château  féodal. 

FONTAINE-d'Ozillac.  Com.  du  dép.  de  la  Charente- 
Inférieure,  arr.  et  cant.  de  Jonzac  ;  626  hab. 

FONTA1NE-en-Beauce.  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher, 
arr.  de  Vendôme,  cant.  de  Savigny  ;  727  hab. 

FONTAINE-en-Bray.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  de  Neufchâtel-en-Bray,  cant.  de  Saint-Saens  ; 
223  hab. 

FONTAINE-en-Dormois.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr. 
de  Sainte-Menehould,  cant.  de  Ville-sur-Tourbe,  à  la  source 
d'un  affluent  de  la  Dormone;  106  hab.  Château. 

FONTAINE-en-Duesmois.  Com,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or, 
arr.  de  Châtilion,  cant.  de  Baigneux-les- Juifs,  près  de  la 
rivière  de  la  Laigne  ;  328  hab.  Eglise,  sous  le  vocable  de 
saint  Germain,  gothique  et  de  la  Renaissance.  Restes  de 
l'enceinte.  M.  P. 

Bibl.  :  Courtépée,  Description  générale  et  particulière 
du  duché  de  Bourgogne,  éd.  1848,  t.  IV,  p.  266. 

FONTAINE-en-Sologne.  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher, 
arr.  de  Blois,  cant.  de  Bracieux  ;  935  hab. 

FO  NTA1 N  E-Etoupefour.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr. 
de  Caen,  cant.  d'Evrecy,  sur  l'Odon;  461  hab.  Eglise  du 
xive  et  du  xve  siècle,  mais  dont  la  façade  curieuse  remonte 
au  xue.  Beau  château  seigneurial  de  l'époque  de  Louis  XII, 
auquel  aboutissent  de  superbes  avenues.  Les  corps  de  logis 
en  arrière  de  la  cour  ont  été  édifiés  au  xvme  siècle. 

FONTAINE-Fourche.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Provins,  cant.  de  Bray-sur-Seine;  700  hab. 

FONTAINE-Françajse.  ChU.  de  cant.  du  dép.  de  la 
Côte-d'Or,  arr.  de  Dijon,  sur  un  étang;  1,004  hab.  Haut 
fourneau.  La  seigneurie  appartint  à  la  maison  de  Vergy 
jusqu'en  1379;  elle  fut  vendue  à  la  maison  de  Longwy, 
d'où  elle  passa,  par  mariage,  dans  celle  de  Chabot.  Phi- 
lippe le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  dispensa  les  habitants  de 
la  gabelle  et  de  toute  imposition  sur  leurs  denrées,  en  leur 
accordant,  en  outre,  le  privilège  de  négocier  partout  sans 
payer  de  redevances.  Eglise  sous  le  vocable  de  saint  Sul- 
pice.  Château  des  xvie  et  xvne  siècles.  Au  Pré-Moreau, 
restes  d'un  monument  commémoratif  de  la  victoire  rem- 
portée par  Henri  IV  le  5  juin  1595  sur  le  duc  de  Mayenne 
et  les  Espagnols.  M.  P. 

Bibl.  :  Courtépée,  Description  générale  et  particulière 
du  duché  de  Bourgogne,  éd.  1847,  t.  II,  p.  195. 

FONTAINE-Guérard.  Ancienne  abbaye  de  filles  de 
l'ordre  de  Citeaux,  au  diocèse  de  Rouen,  fondée  en  1136 
par  Amaury  de  Meuient.  Il  en  subsiste  de  pittoresques 
ruines  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Radepont 
(Eure). 

FONTAINE-Guérin.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  de  Baugé,  cant.  de  Beaufort-en- Vallée,  sur  le  Couas- 
non  ;  1,127  hab.  Nombreuses  usines.  Plusieurs  dolmens. 
Eglise  en  grande  partie  romane  dont  la  nef  est  recouverte 


de  lambris  peints.  Ancienne  motte  féodale  du  tertre  Mou- 
ron. Château  de  la  Tour-du-Pin  en  ruine,  auprès  duquel 
a  été  édifié  au  xvie  siècle  un  autre  château  restauré  de  nos 
jours. 

FONTAINE-Henry.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de 
Caen,  cant.de  Creully,  sur  la  Mue  ;  335  hab.  Eglise  (mon. 
hist.)  dont  le  chœur  roman  est  orné  extérieurement  d'une 
galerie  aveugle  à  colonnettes  élégantes.  La  façade,  la  tour 
et  la  nef  sont  modernes  et  sans  intérêt.  Beau  château  de 
la  Renaissance  auprès  duquel  s'élève  une  intéressante  cha- 
pelle du  xme  siècle. 

FONTAINE-Heudebourg.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
de  Louviers,  cant.  de  Gaillon  ;  150  hab. 

FONTAINE-l'Abbé.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  et 
cant.  de  Bernay  ;  508  hab. 

FONTAINE-la-Gaillarde.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne, 
arr.  et  cant.  de  Sens;  333  hab. 

FONTAINE-là-Guyon.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir, 
arr.  de  Chartres,  cant.  de  Courville;  540  hab. 

FONTAINE-la-Louvet.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
de  Bernay,  cant.  de  Thiberville  ;  553  hab. 

FONTAINE-la-Mallet.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-In- 
férieure, arr.  du  Havre,  cant.  deMontivilliers,  à  la  source 
de  la  Fontaine,  affluent  de  la  Lézarde  ;  682  hab.  Eglise 
dont  le  chœur  et  le  clocher  sont  du  xie  siècle  ;  les  piliers 
du  clocher  sont  surmontés  de  curieux  chapiteaux  ;  les  cha- 
pelles du  transept  sont  du  xvie  siècle,  la  nef  moderne. 
Château  d'Eprémesnil,  construction  du  xvme  siècle  dans 
une  belle  situation. 

FONTAINE-la-Rivière.  Com.  du  dép.  de  Seine-et- 
Marne,  arr.  d'Etampes,  cant.  de  Méréville  ;  111  hab. 

FONTAINE-la-Soret.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de 
Bernay,  cant.  de  Beaumont-le-Roger,  sur  la  Rille  ;  463  hab. 
Au  hameau  de  La  Ri vière-Thibou ville,  stat.  du  ch.  de  fer 
de  l'O.,  ligne  de  Serquigny  à  Rouen.  Ce  hameau  était  au 
moyen  âge  le  ch.-l.  d'une  importante  seigneurie,  dont  le 
château  fut  pris  en  1417  par  le  duc  de  Clarence.  Il  en 
subsiste  la  chapelle  du  style  de  transition.  Près  delà  s'élève 
un  beau  château  construit  à  la  fin  du  xvme  siècle  par  le 
fermier  général  d'Augny.  L'église  de  Fontaine-la-Soret  est 
de  l'époque  romane  avec  une  intéressante  tour  carrée. 

FÛNTAINE-Lavaganne.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Marseille-le-Petit  ;  350  hab.  Stat.  du 
ch.  de  fer  du  Nord.  Ce  lieu  a  pris  son  nom  d'une  famille 
Vagan  qui  en  était  propriétaire  dès  le  xne  siècle.  Il  pos- 
sédait une  forteresse  qui  joua  un  rôle  important  pendant 
les  guerres  du  xve  siècle.  Elle  fut  assiégée,  prise  et  rasée 
par  les  Anglais  en  1419  ;  mais  on  la  reconstruisit  peu  après. 
Ce  château  fut  encore  pris  par  les  ligueurs  d'Amiens  en 
1589,  puis  il  servit  ensuite  de  refuge  en  1592,  au  sieur 
de  Boufflers,  chef  de  la  Ligue  à  Beauvais.  Il  existe  encore 
en  partie,  ainsi  que  les  fossés.  L'église  est  du  xvne  siècle. 
On  y  voit  le  tombeau  de  Jean  de  Pisseleu,  seigneur  de 
Fontaine,  qui  mourut  en  1508,  âgé  de  cent  quinze  ans. 
Fabrique  de  bonneterie .  C.  St-A. 

FONTAINE-le-Bourg.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  de  Rouen,  cant.  de  Clères,  sur  le  Cailly  ; 
1,434  hab.  Filatures  de  coton  ;  minoteries,  distillerie. 
Eglise  à  abside  romane  ;  la  nef  et  le  clocher  sont  du 
xvie  siècle,  le  chœur  est  moderne  ;  elle  renferme  des  fonts 
baptismaux  du  xvie  siècle.  Le  ruisseau  de  Fontaine-Nour- 
rice alimente  une  ancienne  fontaine  de  la  fin  du  xvie  siècle, 
surmontée  d'un  groupe  colossal  représentant  une  Pietà 
et  où  l'eau  sortait  de  la  blessure  du  flanc  du  Christ.  An- 
ciennes constructions  de  la  sénéchaussée  (xvie  siècle). 

FONTAINE-le-Comte.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr. 
et  cant.  (S.)  de  Poitiers  ;  669  hab. 

FONTAINE-le-Dun.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Seine- 
Inférieure,  arr.  d'Yvetot  ;  452  hab.  Rouenneries.  Eglise  de 
diverses  époques  (xne-xvie  siècles)  ;  fonts  baptismaux  sculp- 
tés du  xve  siècle.  Dans  le  cimetière,  pierre  tumulaire  du 
xive  siècle  ;  croix  de  1547. 

FONTAINE-le-Pin.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de 


735 


FONTAINE 


Falaise,  cant.  de  Bretteville  ;  305  hab.  Ancienne  comman- 
derie  du  Temple  de  Voixmer,  fondée  au  milieu  du  xne  siècle, 
convertie  en  ferme.  Il  en  subsiste  les  ruines  d'une  chapelle 
servant  de  hangar,  à  l'intérieur  de  laquelle  sont  encore 
plusieurs  pierres  tombales. 

FONTAINE-le-Port.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Melun,  cant.  du  Ghâtelet;  271  hab. 

FONTAINE-le-Puits  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Savoie, 
arr.  et  cant.  de  Moutiers;  482  hab. 

FONTAINE-les-Bassets.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
d'Argentan,  cant.  de  Trun;  203  hab. 

FÔNTAINE-les-Boulans.  Com.  du  dép.  du  Pas-de- 
Calais,  arr.  de  Saint-Pol-sur-Ternoise,  cant.  de  Heuchin; 
199  hab. 

FONTAINE-lès-Cappy.  Com.  du  dép.  de  la  Somme, 
arr.  de  Péronne,  cant.  de  Chaulnes;  103  hab. 

FONTAINE-les-Clercs.  Com.  du  dép.. de  l'Aisne,  arr. 
de  Saint-Quentin,  cant.  de  Saint-Simon  ;  349  hab. 

FONTAINE-les-Cornus   (par  corruption  les  Corps- 
nuds).  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Senlis,  cant.  de 
Nanteuil,  sur  la  Nonette  ;  355  hab.  La  seigneurie  apparte- 
nait au  moyen  âge  à  une  très  ancienne  et  très  noble  famille 
Cornu,  de  laquelle  le  village  a  pris  son  surnom.  Elle  rele- 
vait de  l'abbaye  de  Saint-Denis.  Au  xvme  siècle,  elle  appar- 
tint à  la  maison  Davêne,  puis  elle  passa  au  duc  de  Valmy 
et  enfin  au  comte  Bordesoulle,  pair  de  France.  L'église,  du 
xie  siècle,  a  été  remplacée  par  une  autre  construite  au  com- 
mencement de  ce  siècle  parle  duc  de  Valmy.  —  Four  cher  et 
(Fulcheretus)  est  une  vieille  ferme  aux  champs,  où  l'on 
remarque  encore  beaucoup  de  restes  gothiques.  L'abbaye 
de  Châlis  (Chaalis,  Chaslis,  Calisium,  Karolilocus)  était 
située  sur  le  territoire  actuel  de  Fontaine.  Elle  fut  fondée 
le  9janv.  1136  par  Louis  le  Gros,  en  mémoire  de  son  frère 
Charles,  à  la  place  d'un  ancien  prieuré  de  Saint-Benoist, 
qui  existait  au  lieu  dit  aujourd'hui  La  Chapelle.  Louis  VII 
le  Jeune  lui  donna  une  charte  en  1138.  Ces  deux  rois 
firent  de  grandes  libéralités  aux  moines  de  Cîteaux  qui 
vinrent  s'y  établir.  En  1258,  saint  Louis  confirma  la  fon- 
dation de  Châlis  et  Philippe  de  Valois  agit  de  même  en  1348. 
Ce  monastère  devint  un  des  plus  considérables  du  royaume. 
Il  tomba  en  commende  en  1541  et  malgré  ses  grandes 
richesses,  les  quatre  moines  qui  restaient  à  Châlis  en  1789, 
au  moment  de  sa  suppression,  laissèrent  600,000  livres 
de  dettes.  Plusieurs  abbés  de  Châlis  jouèrent  un  rôle  im- 
portant. L'église,  fondée  en  1202,  fut  dédiée  le  20  oct.  1219 
parGuérin,  évêquede  Senlis,  assisté  des  évêques  de  Chartres 
et  de  Toulouse.  Cet  édifice,  richement  décoré  à  l'intérieur, 
était  orné  de  tableaux  précieux,  de  statues,  de  bas-reliefs 
et  de  nombreuses  sépultures,  parmi  lesquelles  les  tombes 
de  beaucoup  d'évêques  de  Senlis  et  de  grands  personnages 
du  pays.  Il  a  été  détruit  pendant  la  Révolution.  Les  restes 
qui  sont  encore  debout  sont  néanmoins  très  intéressants 
et  maintenant  à  l'abri,  grâce  aux  soins  de  la  famille  Hain- 
guerlot,  propriétaire  du  monastère  reconstruit  au  xvnr3  siècle 
et  transformé  aujourd'hui  en  une  magnifique  habitation. 
Cette  église  appartenait  au  style  gothique  ;  le  chœur  repo- 
sait sur  de  grosses  colonnes  avec  chapiteaux  ornés.  Près 
de  la  grande  église   se  trouve  une  petite  chapelle  du 
xme  siècle,  parfaitement  conservée  sous  le  titre  de  Notre- 
Dame.  —  Montlignon  (Mont-Laignon,  Muleinum),  an- 
cienne commune,  est  depuis  1825  un  simple  hameau  de 
Fontaine-les-Cornus.  Le  portail  de  l'église  est  du  commen- 
cement du  xie  siècle.  Il  y  avait  en  ce  lieu  un  pèlerinage 
fréquenté.  C.  St-A.  ' 

FONTAINE-lès-Croisilles.  Com.  du  dép.  du  Pas-de- 
Calais,  arr.  d'Arras,  cant.  de  Croisilles  ;  481  hab. 

FONTAINE-lès-Dijon.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or, 
arr.  et  cant.  (N.)  de  Dijon;  488  hab. 

FONTAINE-le-Sec.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Amiens,  cant.  d'Oisemont;  327  hab. 

FONTAINE-les-Grés.  Com.   du  dép.  de  l'Aube,  arr. 
de  Nogent-sur-Seine,  cant.  de  Romilly  ;  451  hab. 

FONTAINE-les-Hermans.  Com.   du   dép.  du  Pas-de- 


Calais,  arr.  de  Saint-Pol-sur-Ternoise,  cant.  de  Heuchin; 
124  hab. 

FONT  MNE-lès-L\jxe\jil  (Fontana).  Com.  du  dép.  de  la 
Haute-Saône,  arr.  de  Lure,  cant.  de  Saint-Loup-sur- 
Semouse  ;  1,560  hab.  Stat.  de  la  ligne  d'Aillevillers  à 
Lure.  Tourbières.  Carrières  de  grès  bigarré.  Moulins,  pape- 
terie, tissage,  poteries,  briqueteries,  fours  à  chaux.  Traces 
de  voies  antiques.  Prieuré  de  bénédictins,  supprimé  à  la 
Révolution  et  dont  les  bâtiments  subsistent  en  partie. 

FONTAINE-les-Ribouts.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir, 
arr.  de  Dreux ,  cant.  de  Châteauneuf-en-Thymerais  ; 
215  hab. 

FONTAINE-les-Sèches.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or, 
arr.  de  Châtillon-sur-Seine,  cant.  de  Laignes  ;  125  hab. 
FONTAINE-lès-Vervins.  Com.du  dép.  de  l'Aisne,  arr. 
et  cant.  de  Vervins  ;•  925  hab. 

FONTAINE-l'Etalon.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais, 
arr.  de  Saint-Pol-sur-Ternoise,  cant.  d'Auxy-le-Château  ; 
207  hah. 

FONTAINE-l'Evêque.  Ville  de  Belgique,  prov.  de  Hai- 
naut,  arr.  de  Charleroi  ;  5,700  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
de  Mons  à  Charleroi  ;  coutelleries,  ferronneries,  clouteries, 
exploitation  de  carrières.  —  Fontaine-l'Evêque  fut  donné 
à  l'abbaye  de  Lobbes  (V.  ce  nom)  par  Carloman  en  743. 
Cette  ville  fit  pendant. des  siècles  l'objet  de  contestations 
entre  les  comtes  de  Hainaut  et  les  princes-évêques  de  Liège  ; 
en  1759  Marie-Thérèse  la  fit  occuper  par  ses  troupes. 
L'église  de  Saint-Christophe,  construite  dans  le  style  ogival 
dujcv6 siècle,  est  remarquable.  Les  armoiries  de  Fontaine- 
l'Evêque  sont  :  d'or,  a  V aigle  de  sable,  lampassée  et 
onglée  de  gueules,  à  une  cotice  de  gueules  brochant 
sur  le  tout. 

FONTAINE-Luyères.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr. 
et  cant.  d'Arcis-sur-Aube;  81  hab. 

FONTAINE-Milon.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  de  Baugé,  cant.  de  Seiches;  476  hab. 

FON  TAlNE-NoTRE-DAME.Com.  du  dép.  de  F  Aisne,  arr. 
et  cant.  de  Saint-Quentin  ;  650  hab. 

FONTAINE-Notre-Dame.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr. 
et  cant.  (0.)  de  Cambrai;  2,106  hab. 

FONTAINE-Raoul.  Com.  du  dép.  du  Loir-et-Cher,  arr. 
de  Vendôme,  cant.  de  Droué;  678  hab. 

FONTAINE-Saint-Georges  (V.  Fontaine-les-Grès)  . 
FON TAINE-Saint- Lucien.  Com.  du  dép.  de  l'Oise, 
arr.  de  Beauvais,  cant.  de  Nivillers  ;  163  hab. 

FONTAINE-Saint-Martin.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe, 
arr.  de  La  Flèche,  cant.  de  Pontvallain,  à  la  source  de  la 
Vezanneet  à  la  lisière  de  la  forêt  de  Courcelle;  721  hab. 
Belle  fontaine  décorée  d'un  portique  avec  une  colonnade  de 
marbre. 

FONTAINE-Simon-la-Ferrière.  Com.  du  dép.  d'Eure- 
et-Loir,  arr.  de  Nogent-le-Rotrou,  cant.  de  La  Loupe  ; 
639  hab. 

FONTAINE-sous-Jouy.  Com.  du  dép.  deFEure,  arr.  et 
cant.  (S.)  d'Evreux  ;  424  hab. 

FONTAINE-sous-Montaiguillon.  Com.  du  dép.  de  Seine- 
et-Marne,  arr.  de  Provins,  cant.  de  Villiers-Saint-Georges  ; 
189  hab. 

FONTAINE-sous-Montdidier.  Com.  du  dép.  de  la 
Somme,  arr.  et  cant.  de  Montdidier  ;  219  hab. 

FONTAINE-sous-Préaux.  Com.  du  dép.  delà  Seine- 
Inférieure,  arr.  de  Rouen,  cant.  de  Darnetal  ;  173  hab. 

FONTAINE-sur-Coole.  Com.  du  dép.  delà  Marne,  arr. 
de  Chalons,  cant.  d'Ecury-sur-Coole  ;  108  hab.  Eglise  du 
xie  siècle. 

FONTAINE-sur-Maye.  Com.  du  dép.  delà  Somme,  arr. 
d'Abbeville,  cant.  de  Crécy;  285  hab. 

FONTAINE-sur-Somme  (Fontanœ).  Com.  du  dép.  de 
la  Somme,  arr.  d'Abbeville,  cant.  d'Hallencourt,  sur  la 
Somme  ;  821  hab.  Jadis  chef-lieu  d'une  seigneurie  qui, 
après  avoir  appartenu  à  la  famille  de  ce  nom,  passa  suc- 
cessivement à  celles  d'Ailly,  d'Auxy,  de  Mailly,  de  Mon- 
sures  et  de  Boencourt.  Jolie  église  du  xvie  siècle  en  style 


FONTAINE 


—  736  — 


gothique  flamboyant,  avec  voûtes  en  pierre  fort  riches,  avec 
liernes,  tiercerons  et  clefs  pendantes  ;  élégant  portail  laté- 
ral, haute  flèche  en  pierre,  fragments  de  vitraux  de  la 
même  époque,  cuve  baptismale  en  pierre  de  la  Renaissance, 
avec  curieux  couvercle  en  bois.  G.  Durand. 

Bibl.  :  Prarond,  Histoire  de  cinq  villes  et  de  trois 
cents  villages  ;  Paris  et  Abbeville,  1861,  in-12,  l™  partie, 
pp.  308  à  332.  — A.  Le  Sueur,  Fontaine-sur-Somme  (Notice 
historique),  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  anti- 
quaires de  Picardie,  1891,  in-8,  t.  I,  4e  série  (XXXI  delà 
collection),  pp.  189  à  292,  av.  pi. 

FONTAINE-Uterte.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Saint-Quentin,  cant.  de  Bohain  ;  247  hab. 

FONTAINE  (Charles),  poète  français,  né  à  Paris  le 
43  juil.  1513,  mort  après  1588.  Ami  de  Clément  Marot, 
de  Ronsard  et  des  poètes  de  la  pléiade,  il  a  laissé  lui-même 
quelques  livres  de  vers  qui  ne  manquent  pas  d'agrément. 
Citons  :  la  Contf  Amye  de  Court  (1541,  in-8);  Es- 
treines  à  certains  seigneurs  et  dames  de  Lyon  (Lyon, 
1546)  ;  le  Quintil  Horatian  (i  551 ,  in-12);  les  Ruisseaux 
de  Fontaine  (1555,  pet.  in-8);  une  traduction  des 
Epîtres  d'Ovide  (4  556,  2  vol.  in-16);  les  Dicts  des  Sept 
Sages  (1557,  in-8);  Odes,  énigmes  et  épigrammes 
(1557,  in-8).  Tous  ces  volumes  sont  rares. 

FONTAINE  (Nicolas),  théologien  janséniste,  né  à  Paris 
en  1625,  mort  en  1709.  A  l'âge  de  vingt  ans,  il  entra  à 
Port-Royal,  où  il  fut  d'abord  employé  à  réveiller  les  soli- 
taires et  à  leur  apporter  de  la  lumière  ;  il  leur  servit  en- 
suite de  secrétaire  et  finalement  fut  attaché  à  Lemaistre  de 
Sacy.  En  1666,  il  fut  arrêté  avec  lui  et  conduit  à  la  Bas- 
tille ;  il  y  fut  détenu  pendant  deux  ans.  Après  la  mort  de 
son  maître,  il  se  retira  à  Saint-Mandé,  à  Viris  près  de  Cor- 
beil,  puis  à  Melun.  —  OEuvres  principales  :  Abrégé  de 
saint  Jean  Chrysostome  sur  le  Nouveau  Testament 
(Paris,  1670,  in-8)  ;  Abrégé  de  saint  Jean  Chrysostome 
sur  V Ancien  Testament  (Paris,  1688,  in-8)  ;  Histoire 
de  V Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  avec  des  expli- 
cations édifiantes,  tirées  des  SS.  Pères,  par  le  sieur 
de  Royaumont,  prieur  de  Sombreval  (Paris,  1674, 
in-4  ;  nombreuses  réimpressions  ;  cet  ouvrage ,  connu 
aussi  sous  les  noms  de  Figures  de  la  Bible  et  de  Bible 
de  Royaumont,  a  été  longtemps  attribuée  à  Lemaistre  de 
Sacy)  ;  Explication  du  Nouveau  Testament,  tirée  de 
saint  Augustin  et  des  autres  Pères  latins  (Paris,  1675, 
4  vol.  in-8  ;  1685,  2  vol.  in-4)  ;  la  Vie  des  saints  pour 
tous  les  jours  de  Vannée  (Paris,  1679,  4  vol.  in-8  et 
in-fol.  ;  édit.  très  augmentée,  Paris,  1714, 4  vol.  in-fol.)  ; 
Vies  des  prophètes*  avec  des  réflexions  tirées  des 
saints  Pères  (Paris,  1693,  in-8)  ;  Mémoires  pour  servir 
à  Vhistoire  de  Port-Royal  (Utrecht,  1736,  2  vol.  in-12). 
Nombreuses  traductions,  parmi  lesquelles  celle  des  Homé- 
lies de  saint  Jean  Chrysostome  sur  les  épîtres  de  saint 
Paul,  accusée  de  tendance  nestorienne  par  des  jésuites  et 
condamnée  par  M.  de  Harlay,  archevêque  de  Paris. 

E.-H.  V. 
FONTAINE  (Jacques),  dit  de  la  Roche,  appelé  aussi 
par  les  contemporains  La  Roche-Fontaine,  gazetier  jan- 
séniste, né  en  1688  à  Fontenay-le-Comte,  mort  en  1761. 
En  1729,  il  se  chargea  de  la  direction  et  de  l'impression 
des  Nouvelles  ecclésiastiques.  La  publication  de  ces  Nou- 
velles avait  commencé  vers  1727,  à  l'époque  de  la  crise  la 
plus  aiguë  du  jansénisme  ;  elle  avait  consisté  d'abord  en 
feuilles  manuscrites,  contenant  la  relation  des  faits  les  plus 
intéressants  pour  le  parti,  accompagnée  de  commentaires 
attaquant  à  outrance  les  acceptants,  et  défendant  de  la 
même  manière  la  cause,  les  actes  et  les  hommes  de  l'oppo- 
sition à  la  bulle  Unigenitus.  Il  se  débitait  régulièrement 
une  de  ces  feuilles  chaque  semaine.  On  se  les  arrachait, 
le  mystère  en  augmentant  la  valeur.  La  Roche-Fontaine, 
se  soumettant  à  la  plus  stricte  retraite,  avait  établi  ses 
presses  dans  un  bateau  sur  la  Seine.  Le  9  févr.  1731,  le 
Parlement  condamna  les  cinq  premières  feuilles  de  cette 
année  à  être  lacérées  et  brûlées  par  le  bourreau.  A  Rome, 
plusieurs  feuilles  furent  brûlées  de  la  même  manière.  Les 


évêques  de  Laon,  de  Marseille,  de  Chartres  censurèrent 
les  Nouvelles  ecclésiastiques.  En  4732,  M.  de  Vintimille, 
archevêque  de  Paris,  fit  contre  elles  un  mandement  ;  mais 
vingt-deux  curés  de  Paris  refusèrent  de  le  publier,  et,  dans 
les  paroisses  où  il  fut  lu,  les  partisans  de  la  gazette  s'en- 
fuirent pour  ne  point  participer  à  cette  condamnation. 
L'archevêque  fit  signifier  de  nouveau  son  mandement  aux 
curés,  leur  enjoignant  de  le  publier.  Ils  persistèrent  dans 
leur  refus,  à  l'exception  d'un  seul,  et  se  pourvurent  au 
Parlement.  Le  Parlement  reçut  et  approuva  leur  appel, 
malgré  un  arrêt  du  conseil  et  malgré  l'exil  infligé  à  plu- 
sieurs de  ses  membres.  Plus  de  cent  cinquante  conseillers 
avaient  donné  leur  démission  pour  les  soutenir.  —  La 
publication  de  cette  gazette  fut  continuée  jusqu'en  1803, 
par  Guénin,  dit  Vabbé  de  Saint-Marc,  et  par  Mouton. 

E.-H.  Vollet. 
FONTAINE  (Pierre-François-Léonard),  architecte  fran- 
çais, né  àPontoise  le  20  sept.  1762,  mort  à  Paris  le  10  oct. 
1853.  Fils  d'un  entrepreneur  de  construction  et  élève 
d'André  de  Peyre  le  jeune  et  de  Heurtier,  Fontaine  obtint 
le  second  grand  prix  d'architecture,  en  1785,  sur  un  projet 
de  chapelle  sépulcrale,  et  une  pension  d'élève  de  l'Académie 
à  Rome  où,  dès  1786,  il  se  lia  intimement  avec  Percier 
(V.  ce  nom),  son  camarade  de  l'atelier  Peyre.  Les  deux 
artistes  furent  dès  lors  associés  dans  de  nombreux  travaux 
jusqu'en  1814,  époque  où  Percier  cessa  d'exercer  active- 
ment la  profession  d'architecte.  C'est  ainsi  que,  à  son  retour 
de  Rome  en  1792,  Fontaine  étant  allé  à  Londres  où  il  fit 
des  dessins  industriels,  Percier,  qui  venait  de  succédera 
Paris  comme  directeur  des  décorations  de  l'Opéra,  le  rap- 
pela pour  se  l'adjoindre  dans  l'exécution  de  nombreux 
décors,  puis  dans  la  restauration  de  l'hôtel  Chauvelin,  où 
ils  firent  la  connaissance  du  peintre  David  qui  les  présenta 
au  général  Bonaparte.  Percier  et  Fontaine  restaurèrent 
ensemble  les  châteaux  de  la  Malmaison,  de  Saint-Cloud, 
de  Compiègne  et  les  résidences  impériales  de  Belgique, 
d'Allemagne  et  d'Italie.  Ils  firent  élever,  au  palais  du 
Louvre,  un  bel  escalier  qui  fut  démoli  lors  de  la  jonction 
du  Louvre  aux  Tuileries  sous  le  second  Empire,  puis  l'arc 
de  triomphe  du  Carrousel,  une  partie  de  la  galerie  près  du 
pavillon  de  Marsan  sur  la  rue  de  Rivoli,  et  le  monument 
de  Desaix,  place  Dauphine.  On  leur  doit  aussi  des  projets 
de  résidences  impériales  à  Lyon,  dans  le  quartier  Perrache, 
et  à  Paris,  sur  les  hauteurs  du  Trocadéro.  Resté  seul  en 
activité,  Fontaine,  conservé  dans  ses  fonctions  d'architecte 
par  les  souverains  qui  se  succédèrent,  fit  élever  la  Cha- 
pelle expiatoire,  rue  d'Anjou-Saint-Honoré,  la  galerie 
d'Orléans,  au  Palais-Royal,  dirigea  les  aménagements  in- 
térieurs du  palais  du  Louvre  et  des  Tuileries,  du  château 
de  Versailles  et  fit  construire  l'hôtel-Dieu  de  Pontoise.  Il 
avait  exposé  à  de  nombreux  Salons,  de  1791  à  1810  et  fut 
nommé  membre  de  l'Institut  en  1811.  Fontaine  a  publié, 
en  collaboration  avec  Percier,  les  ouvrages  suivants  :  Pa- 
lais, maisons  et  autres  édifices  de  Rome  moderne 
(Paris,  1802,  in-fol.,  pi.);  Choix  des  plus  célèbres  mai- 
sons de  plaisance  de  Rome  et  des  environs  (Paris, 
1809-1813,  in-fol.,  pi.);  Descriptions  de  cérémonies  et 
de  fêtes,  etc.  (Paris,  1807  et  1810,  2  vol.  in-fol.,  pi.)  ; 
Résidences  des  souverains,  Parallèle,  etc.  (Paris,  1833, 
texte  in-4,  atlas,  in-fol.).  Fontaine  a  publié  seul  Y  Histoire 
du  Palais-Royal  (Paris,  in-4,  pi.).       Charles  Lucas. 

FONTAINE  (Emile),  littérateur  français,  né  près  de 
Bergerac  en  1814.  Après  avoir  collaboré  à  plusieurs  jour- 
naux politiques  parmi  lesquels  nous  citerons  le  Globe,  la 
France,  la  Gazette  de  France,  l'Union,  il  se  consacra 
plus  particulièrement  au  théâtre  et  écrivit  des  drames  et 
des  vaudevilles  qui  ont  obtenu  du  succès.  Mentionnons  : 
Un  Neveu  du  Faubourg  (1840,  in-8)  ;  Louisette  ou  la 
Chanteuse  des  rues  (1840,  in-8);  Rifolard  (1840,  in-8); 
Qui  se  ressemble  se  gêne  (1842,  in-8);  le  Nourrisson 
(1842,  in-8);  la  Chasse  du  roi  (1843,  in-8);  l'Epicier  de 
Chantilly  (1844,  in-8),  la  plupart  en  collaboration  avec 
Marc  Michel  ;  Sarah  la  Juive  (1838),  en  collaboration 


737  — 


FONTAINE  —  FONTAINEBLEAU 


avec  Deschamps  ;  une  comédie  en  cinq  actes,  les  Spécu- 
lateurs, représentée  à  la  Comédie-Française.  Il  a  collaboré 
à  d'autres  pièces  avec  Dumersan  et  Siraudin  (V.  ces 
noms). 

FONTAINE  de  Resbecq  (Adolphe-Charles-Théodore), 
littérateur  français,  né  à  Fives  (Nord)  le  3  avr.  1813, 
mort  à  Paris  en  janv.  1865.  Chef  de  bureau  au  ministère  de 
l'instruction  publique,  il  a  écrit,  outre  une  série  de  volumes 
édifiants,  des  manuels  utiles  comme  :  Notice  sur  le  doc- 
torat en  droit  (Paris,  1857,  gr.  in-8)  ;  Notice  sur  V en- 
seignement et  les  études  dans  les  neuf  facultés  de  droit 
de  V  Empire  (1858,  in-8);  Guide  administratif  et  sco- 
laire dans  les  facultés  de  médecine  (1860,  in-18).  Mais 
l'ouvrage  qui  a  le  plus  contribué  à  lui  acquérir  quelque 
notoriété  est  une  intéressante  bibliographie  écrite  sous 
forme  de  lettres  à  un  bibliophile  de  province  et  intitulée 
Voyages  littéraires  sur  les  quais  de  Paris  (Paris, 
1857,  in-18;  2e éd.,  1-864,  in-12). 

FONTAINE  de  Resbecq  (Eugène-Hippolyte-Marie-Théo- 
dore  de),  littérateur  français,  né  à  Paris  en  1837.  Fils  du 
précédent,  il  fut  comme  lui  employé  dans  les  bureaux  du 
ministère  de  l'instruction  publique.  Parmi  ses  écrits,  nous 
citerons  :  l'Abbaye  royale  de  Faremoutiers  (Paris, 
1863,  in-12);  la  Grande  Chartreuse  (Lille,  1859,  in-12); 
la  Famille  de  Marignan  (Limoges,  1865,  in-12);  Voyage 
a  Botany  Bay  (1865,  in-12);  les  Héros  de  Mentana 
(Lille,  1868,  in-12);  les  Zouaves  pontificaux  (1874, 
in-12);  Histoire  de  V enseignement  primaire  avant 
i789  (1878,  in-8);  les  Projets  de  loi  sur  renseigne- 
ment primaire  (1881,  in-18),  etc.  Il  a  signé  plusieurs 
de  ses  ouvrages  du  pseudonyme  d'E.  de  Walincourt.  — 
Son  frère  Louis  est  l'auteur  de  De  la  Transmission  entre 
vifs  de  la  propriété  foncière  (Paris,  1864,  in-8). 

FONTAINE  des  Bertins  (Alexis),  géomètre  français, 
né  à  Bourg- Argental  (Loire),  et  non  à  Claveyson  (Drôme), 
vers  1705,  mort  à  Cuiseaux  (Saône-et-Loire)  le  21  août 
1771.  Destiné  par  sa  famille  au  barreau,  il  s'appliqua 
aux  mathématiques,  qu'il  vint  étudier  à  Paris,  se  lia  avec 
Clairaut,  attira  bientôt  sur  lui  l'attention  par  quelques 
solutions  de  problèmes  et  quelques  méthodes  ingénieuses  et 
fut  reçu  en  1733  membre  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris.  Il  vécut  retiré  sur  sa  terre  d'Anel,  près  de  Com- 
piègne,  et,  sauf  les  soins  donnés  à  ce  domaine,  ne  connut 
d'autres  préoccupations  que  ses  recherches  mathématiques. 
En  1765,  il  cessa  tout  travail  et  alla  finir  ses  jours  à  Cui- 
seaux. «  Ses  solutions,  dit  Condorcet,  sont  dues  à  des 
vues  fugitives...  On  n'a  de  lui  que  des  essais.  »  On  lui 
doit  cependant  une  méthode  de  résolution  des  problèmes  de 
maxima,  une  étude  remarquable  du  fameux  problème  des 
tautochrones  (V.  ce  mot),  étude  qui,  sans  épuiser  la  ques- 
tion, lui  fit  faire  un  grand  pas,  une  méthode  d'approxima- 
tion pour  les  équations  déterminées,  la  découverte  des 
conditions  d'intégralité  d'une  fonction  différentielle  du  pre- 
mier ordre  à  plus  de  deux  variables.  Il  a  également  cherché 
une  méthode  générale  d'intégration  des  équations  différen- 
tielles ;  naturellement,  il  n'a  pas  trouvé,  mais  plusieurs 
théorèmes  qu'il  a  posés  au  cours  de  ses  tentatives  ont  exercé 
une  heureuse  influence  sur  l'avenir  du  calcul  intégral.  Il 
est  enfin  l'auteur  de  la  notation  qui  porte  son  nom  et  qui 
est  usitée  pour  la  représentation  des  dérivées  partielles 
d'une  fonction  de  plusieurs  variables.  —  Il  a  publié  dans 
le  recueil  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  une  douzaine 
de  mémoires,  qui  se  trouvent  presque  tous  réunis  en  un 
volume  (Paris,  1764,  in-4).  Léon  Sàgnet. 

Bibl.  :  Condorcet,  Eloge  de  M.  Fontaine,  dans  Hisl. 
de  l'Acad.  des  sciences  de  Paris,  année  1771,  in-4,  p.  105. 
—  A.  Rochas,  Biographie  du  Dauphiné;  Paris,  1856-60, 
in-8,  t.  I. 

FONTAINE-Malherbe  (Jean),  écrivain  français,  né  près 
de  Coutances  vers  1740,  mort  en  1780.  Il  collabora  aux 
principaux  recueils  littéraires  du  temps,  entre  autres  à 
VAlmanach  des  Muses,  et  fut  pendant  plusieurs  années 
inspecteur  de  la  librairie  et  censeur  royal.  Comme  poète,  il 
écrivit  des  héroïdes,  des  discours  en  vers,  des  épîtres,  des 
grande  encyclopédie.  —  XVII. 


fables,  etc.  Son  poème  sur  la  Rapidité  de  la  vie  (Paris, 
1766,  in-8)  et  son  Epître  aux  pauvres  (Paris,  1768, 
in-8)  furent  couronnés  par  l'Académie  française.  Il  donna 
aussi  dansl'«  éloge  »,  genre  fort  à  la  mode  dans  la  seconde 
moitié  du  xvme  siècle,  et  publia  pour  sa  part  V Eloge  de 
Charles  Vanloo  et  l'Eloge  de  M.  Deshayes.  On  lui  doit 
enfin  un  certain  nombre  de  pièces  dramatiques  sans  valeur 
appréciable  :  Argillan  ou  le  Fanatisme  des  croisades, 
tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers  (Paris,  1769,  in-8)  ;  les 
Noces  d'un  fils  de  roi  ou  le  Gouverneur,  drame  en  trois 
actes  (Amsterdam  [Paris],  1770,  in  8)  ;  le  Cadet  de  fa- 
mille ou  V Heureux  Retour,  V Ecole  des  Pères,  les  Ma- 
riages assortis,  etc.  Il  collabora  en  outre  à  la  traduction 
des  œuvres  de  Shakespeare,  de  Letourneur.       Ch.  Le  G. 

FO  NTAI N  EA  (Fontainea  Ileck.)  (Bot.).  Genre  d'Euphor- 
biacées,  du  groupe  des  Jatrophées,  dont  l'unique  espèce  (F. 
Pancheri  Heck.)  est  un  arbre  de  moyenne  taille,  à  feuilles 
alternes,  à  fleurs  dioïques,  blanches,  très  odorantes,  for- 
mées d'un  calice  gamopétale  à  quatre  ou  cinq  dents  et 
d'une  corolle  à  trois  ou  six  pétales  charnus.  Dans  les  fleurs 
mâles,  les  étamines  sont  centrales  et  en  nombre  indéfini  ; 
dans  les  fleurs  femelles,  l'ovaire  devient,  à  la  maturité, 
une  drupe  oliviforme,  dont  la  graine  non  arillée  est  pour- 
vue d'un  albumen  abondant  et  oléagineux.  Le  F.  Pancheri 
croît  à  la  Nouvelle-Calédonie  dans  les  terrains  calcaires, 
principalement  à  l'île  Nou  et  dans  les  environs  de  Nouméa. 
Le  tronc  laisse  découler,  par  incisions,  un  suc  laiteux 
jaune  orangé,  chargé  de  résine,  qui  devient  rouge  pourpre 
par  la  dessiccation.  On  extrait  des  graines  une  huile  douée 
de  propriétés  drastiques  extrêmement   énergiques. 

FONTAINEBLEAU.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  de  Seine- 
et-Marne,  entouré  d'une  forêt,  à  3  kil.  de  la  Seine 
(pont  de  Valvins),  sur  la  voie  ferrée  de  Paris  à  Lyon; 
•  14,222  hab.  (non  compris  la  population  militaire  qui  est 
de  3,300  individus).  Ce  fut  d'abord  un  rendez-vous  de 
chasse  que  les  rois  de  France  possédaient  au  milieu  de  la 
giboyeuse  forêt  de  Bierre.  Son  nom,  qu'on  a  voulu  attri- 
buer à  une  fontaine  «belle  eau  »  ou  à  l'épisode  d'un  chien 
nommé  Blaud,  lui  vient  plus  probablement  d'un  nom  d'homme 
dont  l'origine  et  l'histoire  sont  inconnus.  Ce  fut  Louis  VII 
qui  le  premier  donna  plus  d'importance  à  Fontainebleau, 
en  y  tenant  sa  cour  et  en  y  édifiant  une  chapelle  dédiée  à 
saint  Saturnin,  que  consacra  Thomas  Becket,  archevêque 
de  Canterbury,  alors  réfugié  en  France.  Cette  localité  dé- 
pendait du  Gâtinais  français,  réuni  au  domaine  royal  par 
Philippe  Ier,  de  la  paroisse  d'Avon  et  de  l'archevêché  de 
Sens.  Le  château  primitif,  construction  fort  peu  impor- 
tante, paraît  avoir  occupé  une  partie  des  édifices  qui  en- 
tourent la  cour  Ovale  actuelle,  et  l'entrée  devait  être  à 
l'endroit  où  se  trouve  aujourd'hui  la  porte  Dorée;  des 
fossés  tout  à  l'entour  en  défendaient  l'accès.  Les  rois  qui 
préférèrent  le  séjour  de  Fontainebleau  furent  Philippe- 
Auguste,  Louis  IX,  qui  donna  la  chapelle  à  l'ordre  des  reli- 
gieux mathurins  ;  Philippe  IV,  qui  y  naquit  et  y  mourut  ; 
Charles  V,  qui  y  fonda  une  bibliothèque,  et  François  Ier  qui 
fit  agrandir,  embellir  et  orner  le  château  par  des  maîtres 
chargés  de  le  transformer. 

François  Ier  avait  le  goût  du  beau  et  savait  dépenser  sans 
compter.  Il  s'adressa  aux  grands  artistes  de  l'Italie  ;  mais 
Michel-Ange  resta  sourd  à  ses  propositions  ;  Léonard  de 
Vinci  ne  vint  guère  en  France  que  pour  y  mourir,  André 
del  Sarto,  entraîné  par  une  fatale  passion  pour  une  femme 
infidèle,  abusa  de  la  confiance  du  roi  qui  l'avait  chargé 
d'acheter  en  Italie  des  objets  d'art  pour  une  somme  consi- 
dérable, et  n'osa  plus  reparaître  à  la  cour.  En  1527, 
on  se  décida  à  raser  à  peu  près  complètement  le  manoir 
féodal,  et  l'année  suivante  fut  dressé  le  devis  général  des 
nouvelles  constructions  à  élever.  On  utilisa  cependant  quel- 
ques vieilles  tours  d'enceinte.  Les  religieux  mathurins 
restituèrent,  pour  une  somme  d'argent  assez  ronde,  les 
terrains  voisins  qui  leur  avaient  été  jadis  concédés,  et  l'hon- 
neurde  l'entreprise  revint  en  grande  partie  à  un  architecte 
parisien,  Gilles  Le  Breton.  D'après  les  plus  récents  travaux, 

47 


FONTAINEBLEAU 


—  738  - 


cet  architecte  serait  l'auteur,  en  dehors  du  plan  général, 
d'une  partie  de  la  façade  sur  la  cour  du  Cheval-Blanc,  de 
la  galerie  de  François  Ier,  de  la  galerie  de  Henri  II,  de  la 
nouvelle  chapelle  Saint-Saturnin,  du  péristyle  de  la  cour 
Ovale.  Deux  contemporains,  Pierre  Chambiges  et  Pierre 
Girard  (dit  Castoret)  se  seraient  partagé  l'honneur  de  bâtir 
le  reste  du  palais,  le  premier  ayant  élevé  les  bâtiments  de 
pierre  et  de  brique  qui  garnissaient  la  cour  du  Cheval-Blanc 
et  dont  un  seul  côté  subsiste  aujourd'hui  ;  le  second  ayant 
construit  le  corps  de  bâtiment  fermant  la  cour  de  la  Fon- 
taine et  l'ancien  théâtre.  Les  travaux  durèrent  pendant  tout 
le  règne  et  furent  continués,  sous  le  suivant,  par  Philibert 
Delorme.  Mais,  à  côté  de  ces  architectes  français,  il  y  eut 
toute  une  pléiade  d'artistes  italiens  qui  prirent  une  part 
active  et  considérable  à  la  construction  et  surtout  à  la  dé- 
coration du  nouveau  palais.  LePrimatice,  le  Rosso,  Nicolo' 
dell'  Abbate  et  Sébastien  Serlio  formèrent  une  école  qui  a 
conservé  le  nom  à' école  de  Fontainebleau.  Pour  son  sé- 
jour préféré,  le  roi  avait  rêvé  un  luxe  inusité  et  permanent: 
fresques,  marbres,  stucs,  boiseries  l'ornèrent  à  l'envi.  On 
fit  de  magnifiques  préparatifs  pour  la  réception  de  Charles- 
Quint  à  Fontainebleau,  en  1540  ;  on  fit  des  fêtes  somp- 
tueuses à  l'occasion  du  baptême  du  futur  roi  François  II, 
et  deux  ans  après,  en  1545,  pour  le  mariage  d'Elisabeth, 
fille  de  Henri  II,  avec  Philippe  II  d'Espagne.  Le  Primatice, 
qui  fut  nommé  surintendant  des  bâtiments  de  Fontaine- 
bleau après  la  mort  du  Rosso,  son  rival,  exécuta  la  déco- 
ration de  la  porte  Dorée  et  entreprit  celle  de  la  galerie 
d'Ulysse,  qui  dura  de  longues  années;  mais  aujourd'hui 
on  ne  peut  réellement  le  juger  que  d'après  les  peintures, 
d'ailleurs  plusieurs  fois  retouchées,  de  la  salle  de  Bal  ou 
galerie  Henri  II,  la  merveille  du  château.  L'art  de  cette 
époque  a  multiplié  à  Fontainebleau  l'image  de  Diane,  la 
déesse  chasseresse,  et  de  ses  attributs,  pour  complaire  à  la 
maîtresse  du  roi,  Diane  de  Poitiers,  protectrice  des  arts  et 
des  lettres.  Les  croissants  de  la  duchesse  de  Valentinois  alter- 
nent partout  avec  la  salamandre,  emblème  de  François  Ier. 
La  bibliothèque  royale  de  Blois  fut  transportée  en  1544 
à  Fontainebleau  et  s'augmenta  de  nombreuses  acquisitions 
de  manuscrits  faites  en  Italie  par  ordre  du  roi,  à  l'insti- 
gation de  Janus  Lascaris  et  de  Guillaume  Budé  ;  mais  elle 
ne  devait  pas  demeurer  longtemps  dans  ce  château  où  elle 
occupait  le  deuxième  étage  de  la  galerie  François  Ier  ;  elle 
fut  transportée  à  Paris.  Les  maître  et  gardes  de  la  librairie 
royale  à  Fontainebleau  furent  Guillaume  Budé,  Pierre 
Duchcstel,  Pierre  de  Montdoré,  Mellin  de  Saint-Gelais, 
Mathieu  La  Bisse  et  Jean  Gosselin. 

Le  pavillon  central  de  la  cour  du  Cheval-Blanc  date  du 
règne  de  Charles  IX.  De  la  même  époque  était  le  premier 
escalier  auquel  succéda  le  célèbre  escalier  en  fer  à  cheval 
construit  par  l'architecte  Lemercier  sous  Louis  XIII  ;  de  la 
même  époque  aussi  le  cabinet  de  la  Reine,  dit  aussi  des 
Empereurs,  parce  que  les  douze  césars  y  étaient  repré- 
sentés à  cheval,  avant  que  Louis  XIII  ne  l'eût  fait  entière- 
ment modifier.  Mais  bientôt  l'art  fut  délaissé  et  fit  place 
à  la  politique.  La  cour  vint,  il  est  vrai,  au  palais,  mais 
c'était  pour  y  amener  à  sa  suite  les  soucis  et  les  luttes  intes- 
tines. C'est  à  Fontainebleau  que  se  tint,  le  21  août  1560, 
une  assemblée  de  notables,  provoquée  par  la  reine  mère 
pour  calmer  les  haines  religieuses,  et  où  l'amiral  de  Coli- 
gny,  présent,  demanda  la  tolérance  pour  les  partisans  de 
la  nouvelle  religion  réformée.  C'est  à  Fontainebleau  qu'eut 
lieu  l'entrevue  de  Catherine  de  Médicis  et  de  Charles  IX, 
le  31  janv.  1564,  avec  les  ambassadeurs  du  pape,  de 
l'empereur,  du  roi  d'Espagne  et  autres  princes  catholiques, 
chargés  de  demander  que  le  gouvernement  de  la  France 
revînt  sur  l'édit  de  pacification  d'Amboise  ;  après  la  récep- 
tion solennelle  eurent  lieu  de  magnifiques  réjouissances, 
festins  et  tournois. 

Délaissé  pendant  près  de  quarante  ans,  Fontainebleau 
reprit  une  nouvelle  vie  sous  Henri  IV  qui  y  venait  fréquem- 
ment, soit  avec  Gabrielle  d'Estrées,  soit  plus  tard  avec  la 
reine  Marie  de  Médicis.  Henri  IV  fit  faire  de  grands  em- 


bellissements et  de  nouvelles  constructions;  il  y  dépensa, 
de  1593  à  1609,  la  somme  énorme  de  2,500,000  livres. 
Entre  autres  travaux,  il  fit  faire  la  grande  galerie  de  Diane, 
la  cour  des  Offices,  les  bâtiments  de  la  place  d'Armes,  le  dôme 
élevé  au-dessus  de  la  porte  de  la  cour  Ovale  et  appelé  depuis 
le  Baptistère  de  Louis  XIII,  parce  que  ce  prince  y  fut  baptisé 
solennellement  le  14  sept.  1606,  les  bâtiments  de  la  cour 
des  Princes,  et  le  pavillon  Sully,  destiné  spécialement  à  son 
surintendant  des  finances.  Il  fit  agrandir  les  jardins,  creuser 
le  grand  canal  de  1,200  m.  de  long  sur  39  de  large,  cons- 
truire le  réservoir  voûté  qui  fournissait  l'eau  au  château  et 
transformer  le  jardin  du  Roi,  qui  devint  le  jardin  du  Tibre, 
à  cause  d'une  grande  figure  placée  sur  un  rocher  et  coulée 
en  bronze,  le  tout  sous  l'habile  direction  de  l'ingénieur  ita- 
lien Francini.  Henri  IV  fit  orner  la  chambre  où  naquit  le 
dauphin  de  tableaux  d'Ambroise  Dubois  et  de  paysages  de 
Paul  Bril  ;  à  l'endroit  où  se  trouvait  le  lit  de  Marie  de 
Médicis  se  voit  aujourd'hui  la  première  glace  apportée  en 
France  et  offerte  par  les  Vénitiens  au  roi.  C'est  au  palais 
de  Fontainebleau  que  fut  arrêté  et  détenu  le  maréchal  de 
Biron,  accusé  de  trahison,  avant  d'être  emmené  à  la  Bas- 
tille où  il  fut  exécuté.  C'est  là  que  se  tint  une  célèbre 
conférence  entre  le  cardinal  Du  Perron,  alors  évêque 
d'Evreux,  et  Duplessis-Mornay,  au  sujet  d'un  livre  publié 
par  ce  dernier  pour  soutenir  les  droits  de  la  religion  ré- 
formée. C'est  là  aussi  que  fut  reçu,  en  1608,  l'ambassa- 
deur d'Espagne,  don  Pedro  de  Tolède. 

Au  début  du  règne  de  Louis  XIII,  une  nouvelle  pléiade 
d'artistes  fut  invitée,  par  ordre  du  surintendant  Sublet  de 
Noyers,  à  décorer  les  parties  neuves  ou  remaniées  du  châ- 
teau. Les  peintures  de  la  galerie  des  Cerfs  furent  confiées 
au  peintre  Pierre  Poisson  ;  les  ouvrages  de  sculpture  de 
la  grande  chapelle  furent  faits  par  Barthélémy  du  Tremblay 
et  par  son  gendre  Germain  de  Gissey,  tandis  que  toute  la 
décoration  fut  l'œuvre  de  Martin  Fréminet.  En  même  temps, 
Claude  d'Hoey  fut  chargé  des  peintures  et  dorures  de  la 
chapelle  basse.  Pendant  l'été  de  4625,  le  roi  reçut  à  Fon- 
tainebleau le  cardinal  Barberini,  neveu  du  pape  Urbain  VIII, 
venu  pour  arranger  les  affaires  de  la  Valteline  ;  l'année 
suivante  s'y  dénoua  l'intrigue  de  cour  qui  coûta  la  vie  au 
malheureux  Henri  de  Talleyrand,  comte  de  Chalais.  La 
reine  d'Angleterre,  Henriette  de  France,  y  fit  un  court 
séjour  en  1644;  deux  ans  après  vint  le  comte  de  La 
Gardie,  ambassadeur  de  la  reine  Christine  de  Suède,  et,  en 
1657,  cette  reine  elle-même,  qui  jeta  le  trouble  dans  cette 
paisible  résidence  par  une  tragique  et  funèbre  histoire,  le 
meurtre  de  son  secrétaire  Monaldeschi,  à  laquelle  fut  invo- 
lontairement mêlé  le  père  Lebel,  supérieur  des  mathu- 
rins  et  desservant  la  chapelle  du  château.  Un  fils  na- 
quit à  Louis  XIV,  dans  le  château  de  Fontainebleau,  le 
lei\nov.!661. 

Fontainebleau  reçut  encore  la  visite  de  quelques  ambas- 
sadeurs ;  des  fêtes  s'y  donnèrent  fréquemment  ;  mais  déjà  ce 
n'était  plus  le  séjour  ordinaire  de  la  cour.  Louis  XIV  fit 
transformer  Saint-Germain  et  construire  Versailles.  Fon- 
tainebleau demeurera  seulement  la  maison  de  plaisance  d'au- 
tomne, où  le  roi  et  sa  suite  viendront  surtout  pour  se 
livrer  aux  plaisirs  de  la  chasse  et  assister  aux  représen- 
tations des  opéras  et  des  tragédies  en  vogue.  A  la  fin  du 
xvne  siècle,  la  veuve  de  Scarron,  maîtresse  du  grand  mo- 
narque, fut  la  véritable  reine  à  Fontainebleau.  Louis  XIV 
lui  fit  aménager  une  série  de  pièces  à  son  usage  particulier, 
entre  la  salle  des  Gardes  et  la  galerie  Henri  II.  Elles  ont 
conservé  le  nom  d'appartements  de  Maintenon.  A  Fontai- 
nebleau fut  signée,  le  22  oct.  1685,  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes  ;  à  Fontainebleau  moururent,  à  quelques  mois 
d'intervalle,  le  prince  de  Conti  et  le  prince  de  Condé.  On 
y  reçut  solennellement,  en  1695,  la  princesse  Adélaïde  de 
Savoie,  fiancée  du  jeune  duc  de  Bourgogne;  on  y  célébra, 
avec  une  magnificence  inouïe,  en  1697,  les  noces  d'Elisa- 
beth-Charlotte d'Orléans,  nièce  du  roi,  avec  le  duc  Léopold 
de  Lorraine.  Les  travaux  faits  au  château  à  cette  époque, 
dont  on  possède  la  trace  dans  les  Comptes  des  bâtiments, 


—  739 

sont  importants  en  raison  des  dépenses,  mais  beaucoup 
moins  en  raison  des  résultats  ;  il  n'y  a  guère  lieu  de  se 
féliciter  des  modifications  introduites  dans  l'aménagement 
général  du  palais  pendant  la  seconde  partie  du  xvue  siècle. 
On  restaura  toutefois  et  on  entretint. 

En  1717,  le  tsar  Pierre  Ier  alla  visiter  Fontainebleau 
que  la  cour  délaissait,  mais  qui  redevint  le  séjour  ordinaire 
d'automne,  pour  le  roi  et  son  entourage,  à  partir  de  1725, 
année  où  Louis  XV  épousa,  dans  la  chapelle  de  la  Trinité, 
la  princesse  Marie  Leczinska,  fille  de  Stanislas  de  Pologne. 
Mais  le  goût  était  bien  modifié  et  tout  fut  sacrifié  au  con- 
fortable :  c'est  là  un  des  effets  du  progrès.  Aussi  vit-on 
alors  détruire  l'admirable  galerie  d'Ulysse,  dont  les  pein- 
tures nous  ont  été  conservées  par  les  gravures  de  Van 
Thulden,  et  que  remplaça  la  très  disgracieuse  aile  gauche 
(dite  aile  Louis  XV)  de  la  cour  du  Cheval-Blanc  ;  aussi  vit- 
on  doubler  sur  le  jardin  de  Diane  le  bâtiment  où  se  trouve 
la  galerie  de  François  Ier,  autrefois  éclairée  par  des  fenêtres 
sur  ses  deux  façades,  pour  augmenter  le  nombre  des  appar- 
tements. Il  fallait  satisfaire  aux  exigences  des  courtisans  qui 
augmentaient  de  jour  en  jour.  Au  mois  d'oct.  1745,  Mme  de 
Pompadour  prenait  possession  des  logements  qu'avait  occu- 
pés, au  dernier  voyage,  la  duchesse  de  Châteauroux.  Vers 
la  même  époque,  la  salle  de  la  Belle-Cheminée  fut  trans- 
formée, à  grands  frais,  en  salie  de  spectacle.  Les  repré- 
sentations succédaient  aux  représentations,  les  fêtes  aux 
fêtes.  Voltaire  y  vint  plusieurs  fois  surveiller  l'interpréta- 
tion de  ses  pièces.  Rousseau  y  vint  à  son  tour  en  1752,  à 
l'occasion  de  la  première  audition  de  son  opéra,  le  Devin 
du  village,  qui  obtint  un  grand  succès.  Le  lendemain  on 
devait  présenter  l'auteur  au  roi  ;  mais  Rousseau  prit  peur, 
s'enfuit  sans  crier  gare,  et  perdit  ainsi  la  pension  qui  lui 
était  promise.  En  1768,  Christian  VII,  roi  de  Danemark, 
qui  voyageait  en  France,  visita  Fontainebleau  et  y  vit  jouer 
Tancrède.  En  1771  et  1773,  de  nouvelles  et  brillantes 
fêtes  furent  données  au  palais  à  l'occasion  du  mariage  du 
comte  de  Provence  et  du  comte  d'Artois  avec  les  princesses 
de  Savoie.  La  tradition  des  voyages  annuels  à  Fontaine- 
bleau se  continua  sous  Louis  XVI  jusqu'en  1786;  Marie- 
Antoinette  affectionnait  particulièrement  ce  séjour;  le  roi 
y  chassait  et  s'y  occupait  de  serrurerie  artistique  qui  cons- 
tituait son  plaisir  favori.  Le  31  janv.  1784,  le  roi  dota 
la  ville  d'une  administration,  composée  d'un  maire,  de 
deux  échevins,  d'un  procureur-syndic,  d'un  secrétaire- 
greffier  et  d'un  receveur.  Ainsi  se  complétait  l'organisation 
de  la  localité,  devenue  paroisse  seulement  en  1661.  Le 
premier  maire,  entièrement  dévoué  aux  intérêts  de  la  ville, 
fut  le  comte  de  Montmorin,  massacré  dans  la  prison  de 
l'Abbaye  le  12  sept.  1792. 

La  ville  s'était  grandement  transformée  pendant  le  cours 
du  xvme  siècle,  depuis  l'incendie  du  9  juin  1702  qui  fit 
d'énormes  dégâts  et  coûta  200,000  livres  de  réparations, 
jusqu'au  jour  où  le  palais,  devenu  propriété  nationale,  se 
vit  dépouillé  de  beaucoup  de  ses  objets  d'art,  aux  dépens 
de  la  capitale  et  du  musée  constitué  aux  Petits-Augustins. 
Auprès  du  parc  s'était  élevé  l'hôtel  Pompadour,  construit 
par  ordre  du  roi  sur  les  dessins  de  l'architecte  Gabriel,  et 
devenu  de  nos  jours  successivement  la  propriété  de  Michel 
Ephrussi  et  du  comte  de  Gramont  ;  l'hôtel  de  Foix  était 
devenu  la  surintendance  des  bâtiments  ;  l'hôtel  du  Maine 
allait  être  converti  en  maison  commune,  qui  se  transforma 
en  1865  pour  devenir  le  bel  hôtel  de  ville  actuel  ;  l'hôtel 
des  Quatre-Secrétaires  fut  acquis  en  1666  ;  l'hôtel  de  la 
Coudre  fut  occupé  par  diverses  manufactures  royales  ; 
l'hôtel  de  Guise  fut  converti  en  bureaux  pour  les  contrô- 
leurs des  bâtiments;  l'hôtel  de  Conti  devint  la  petite 
écurie  du  roi  ;  l'hôtel  de  la  Vieille-Poste  fut  réservé  aux 
officiers  du  dauphin  ;  l'hôtel  du  Grand- Ferrare  aux  officiers 
du  duc  d'Orléans  ;  l'hôtel  d'Ecosse  et  l'hôtel  de  Villequier 
aux  compagnies  des  gardes  du  corps.  L'hôtel  de  Sens 
appartenait  aux  princes  de  Condé  ;  l'hôtel  de  Schomberg 
aux  Rohan-Soubise.  Pour  les  agrandissements  du  château 
et  de  ses  dépendances,  le  roi  avait  acheté  l'hôtel  d'Aibret 


FONTAINEBLEAU 

jadis  habité  par  le  cardinal  de  Richelieu,  l'hôtel  d'Armagnac, 
l'hôtel  de  Chevreuse,  l'hôtel  de  Bassompierre  et  l'hôtel 
d'Estrées  dont  le  dernier  propriétaire  fut  le  maréchal  de 
Noailles.  Dans  les  rues  avoisinantes  se  trouvaient  encore 
les  hôtels  de  Toulouse,  d'Eu,  de  Rohan,  de  Béthune,  de 
Charost,  de  La  Vrillière,  de  Biron,  de  Maillebois,  de  La 
Rochefoucauld,  d'Humières,  etc.  L'hôtel  de  Madame  Eli- 
sabeth .était  devenu  l'hôtel  Guérin.  L'ancien  hôtel  de  Mar- 
tigues  avait  fait  place  à  la  maison  de  la  Mission,  construite 
en  1663  et  donnée  aux  lazaristes.  L'hôtel  de  Brionne  est 
devenu  aujourd'hui  la  maison  des  sœurs  de  Saint- Vincent- 
de-Paul.  Un  hôtel-Dieu  avait  été  créé  par  Anne  d'Autriche, 
en  1646,  pour  recevoir  les  pauvres  femmes  et  filles  de  la 
ville;  un  autre  hôpital,  dit  de  la  Sainte-Famille  ou  du 
Mont-Pierreux,  et  qui  existe  toujours,  avait  été  fondé  par 
Mme  de  Montespan,  en  1686,  pour  les  orphelins  et  les 
vieillards.  Signalons  enfin,  pour  être  complet,  l'érection 
d'une  chapelle  de  Bon-Secours,  sur  la  route  de  Paris,  au 
xvue  siècle,  en  mémoire  d'un  miracle  arrivé  en  ce  même 
lieu  à  Dauberon,  capitaine  au  régiment  de  Conde. 

La  Révolution,  en  modifiant  absolument  l'état  de  choses 
établi  de  tout  temps  à  Fontainebleau,  en  éloigna  pour  tou- 
jours les  vieilles  familles  attachées  à  la  cour,  et  fit  dispa- 
raître en  partie  les  serviteurs  dévoués  à  la  royauté,  de  père 
en  fils,  depuis  deux  siècles,  les  Dubois,  les  Dorehemer, 
les  Chabouillé,  les  Desboutz,  les  Nivelon,  les  Jamin  : 
un  descendant  des  Jamin  devint  maire  de  Fontainebleau 
en  1800.  A  cette  époque,  la  ville  eut  à  lutter  contre  Ne- 
mours, sa  voisine,  qui  ambitionnait  de  devenir  sous-pré- 
fecture ;  Fontainebleau  finit  par  l'emporter.  Napoléon,  à 
peine  devenu  empereur,  reprit  cependant  les  traditions 
de  la  cour.  En  même  temps  qu'il  affectait  l'aile  neuve  du 
palais  à  l'Ecole  militaire,  qui  ne  devait  pas  tarder  à  être 
transférée  à  Saint-Cyr,  il  ordonna  les  réparations  les  plus 
urgentes,  et  remeubla  avec  luxe  les  appartements  qu'il 
occupait,  tant  au  rez-de-chaussée  qu'au  premier  étage,  avec 
l'impératrice  Joséphine.  La  première  fois  que  le  pape  Pie  VII 
vint  en  France,  pour  le  couronnement  de  l'empereur  (nov. 
1804),  celui-ci  alla  au-devant  de  son  hôte  en  forêt  jusqu'à 
la  croix  de  Saint-Hérem,  et  les  premières  entrevues  eurent 
lieu  dans  l'appartement  des  Reines-Mères,  au  château.  La 
seconde  fois  (juin  1812),  Pie  VII  revint  en  prisonnier  ; 
l'arrivée  fut  moins  triomphale  et  le  séjour  se  prolongea 
dix-neuf  mois. 

Le  31  mars  1814,  le  jour  même  où  l'empereur  de  Russie 
et  le  roi  de  Prusse  entraient  à  Paris,  Napoléon  gagnait  Fon- 
tainebleau ;  le  5  avr. ,  il  y  signait  son  abdication  sur  un 
guéridon  devenu  historique  et  religieusement  conservé. 
Après  des  adieux  touchants  à  ses  vieux  soldats  de  la  garde 
douloureusement  émus,  dans  la  cour  du  Cheval-Blanc, 
l'empereur  se  décida  à  partir  et  quitta  le  palais  le  20  avr., 
à  destination  de  l'île  d'Elbe.  Louis  XVIII  et  Charles  X  vin- 
rent peu  au  château  ;  Louis-Philippe  s'y  plaisait,  au  con- 
traire, beaucoup,  et  fit  exécuter,  notamment  dans  la  galerie 
de  Diane  et  dans  la  galerie  des  Assiettes,  de  nombreux 
aménagements  et  d'importantes  restaurations,  pour  lesquels 
il  a  été  dépensé  une  somme  de  3  millions  et  demi  ;  en  gé- 
néral, les  anciennes  peintures  retouchées  ont  perdu  de  leur 
originalité,  par  exemple  dans  la  galerie  de  Diane  où  le 
peintre  Alaux  travailla  de  longues  années,  et  les  décora- 
tions nouvelles  se  ressentent  du  funeste  et  déplorable  goût 
de  cette  époque,  dont  Abel  de  Pujol  et  Blondel  ont  été  à 
Fontainebleau  les  tristes  interprètes.  C'est  au  palais  que  fut 
reçue  en  grande  pompe  la  princesse  Hélène  de  Mecklem- 
bourg,  fiancée  du  duc  d'Orléans.  Le  30  mai  1837,  au 
milieu  de  fêtes  superbes,  le  mariage  civil  fut  célébré  dans 
la  galerie  Henri  II,  le  mariage  catholique  dans  la  chapelle 
de  la  Trinité,  et  le  mariage  protestant  dans  la  salle  qui 
s'étend  sous  la  galerie  Henri  IL  La  cour  de  Napoléon  III 
a  fréquemment  visité  Fontainebleau,  qui  disputait  à  Com- 
piègne  l'honneur  d'être  choisi  pour  la  résidence  d'automne. 
On  y  donna  des  fêtes  nombreuses  et  brillantes  et  l'on  y 
construisit  la  gracieuse  salle  de  spectacle  située  à  l'extré- 


FONTAINEBLEAU 


—  740 


mité  de  l'aile  neuve  de  la  cour  du  Cheval-Blanc,  et  due  à 
l'architecte  Lefuel.  Les  deux  hôtes  étrangers  de  marque 
qui  vinrent  à  Fontainebleau  furent  le  grand-duc  Constantin 
de  Russie  et  le  roi  de  Bavière.  L'impératrice  prit  un  grand 
intérêt  à  la  création  et  à  l'organisation  du  musée  chinois, 
formé  par  de  précieux  objets  enlevés  à  Pékin  par  le  général 
Palikao  et  installé  dans  un  pavillon  donnant  sur  la  cour  de 
la  Fontaine. 

Après  la  guerre  de  1870  et  la  perte  de  la  ville  de  Metz, 
l'Ecole  d'application  de  l'artillerie  et  du  génie  fut  installée 
à  Fontainebleau,  et  la  cour  des  Princes,  isolée  pour  ainsi 
dire  du  reste  du  palais,  fut  affectée  aux  différents  ser- 
vices de  cette  école,  qui  tend  d'ailleurs  chaque  jour  à 
s'agrandir  et  à  empiéter  sur  les  parties  avoisinantes.  L'ad- 
ministration des  beaux-arts  n'a  pas  négligé,  de  nos  jours, 
les  restaurations  devenues  nécessaires  au  château.  La  ga- 
lerie des  Cerfs  a  été  rétablie  dans  son  état  primitif  par 
l'architecte  Paccard  ;  les  peintures  du  Primatice  et  du 
Rosso  ont  été  refaites  par  le  peintre  Brisset,  et,  en  4885, 
enfin,  a  été  achevée  la  réparation  de  la  chapelle  Saint- 


Saturnin  et  la  restitution  du  clocheton  qui  surmontait  au- 
trefois l'abside  de  cette  chapelle,  du  côté  du  parc,  et  qui, 
ayant  disparu,  lui  enlevait  son  caractère.  Une  partie  des 
appartements  compris  dans  l'aile  Louis  XV  ont  été  amé- 
nagés récemment  pour  recevoir  l'été  au  palais  M.  Carnot, 
président  de  la  République,  sa  famille  et  sa  maison  mili- 
taire, depuis  1888  ;  le  chef , de  l'Etat  y  vit  sans  faste  et 
sans  luxe,  recevant  simplement  ceux  qui  lui  demandent 
audience  ou  avec  qui  il  désire  s'entretenir.  Le  roi  de  Grèce 
et  quelques  autres  princes  étrangers  y  sont  venus  lui  rendre 
visite  dans  le  cours  de  ces  dernières  années. 

Le  palais  est  en  grande  partie  ouvert  au  public  chaque 
jour,  et,  malgré  les  modifications  subies  dans  l'ameuble- 
ment et  dans  la  décoration  au  fur  et  à  mesure  que  des 
besoins  impérieux  l'exigent,  paraît-il,  il  n'en  demeure  pas 
moins  un  merveilleux  musée  d'art  que  l'on  ne  se  lasse  pas 
d'admirer  et  de  visiter.  Des  insinuations  malveillantes  ont 
bien  été  lancées,  il  y  a  peu  de  temps,  dans  le  public  et 
dans  certains  journaux  de  Paris,  contre  l'administration  du 
château  ;  mais  on  doit  convenir  qu'avec  les  frais  d'entre- 


àmamm 


Château  de  Fontainebleau  (d'après  une  photographie). 


tien  votés  chaque  année  par  les  Chambres,  —  somme  dé- 
risoire, —  pour  l'entretien  du  plus  vieux  de  nos  palais 
nationaux,  le  conservateur  actuel,  M.  Carrière,  ne  reste 
pas  au-dessous  de  la  lourde  tâche  qui  lui  incombe.  Tel  qu'il 
nous  apparaît  aujourd'hui,  le  château  de  Fontainebleau  est 
formé  de  nombreux  bâtiments  construits  à  des  époques  bien 
éloignées,  imposants  par  leur  grandeur,  confus  dans  leur 
disposition  générale,  disparates  dans  leur  architecture,  mais 
dont  la  diversité  même  est  un  objet  d'admiration  pour  nos 
yeux  éblouis. 

Il  ne  nous  est  pas  possible  de  donner  ici  une  des- 
cription même  sommaire  des  diverses  pièces  du  palais, 
telles  que  l'étranger  les  visite,  et  à  énumérer  les  plus 
précieuses  œuvres  d'art  qui  les  ornent.  On  y  remarque, 
notamment  dans  les  appartements  de  Maintenon,  dans  l'es- 
calier de  stuc,  et  dans  les  appartements  du  Pape,  de  ma- 
gnifiques tapisseries  des  Gobelins  représentant  entre  autres 
Y  Histoire  de  Psyché,  les  Triomphes,  d'après  N.  Coypel, 
les  Saisons,  d'après  Le  Brun  ;  Y  Histoire  cVEsther,  les 
Chasses  de  Louis  XV,  les  Eléments,  d'après  Audran.  On 
y  remarque  les  curieuses  toiles  d'Oudry,  représentant 
des  chasses,  et  une  série  de  tableaux  de  toutes  les  écoles 


et  de  toutes  provenances,  déposées  par  le  musée  du  Louvre 
pour  former  galerie.  On  y  remarque  de  superbes  pendules- 
gaines  de  Boulle,  de  l'époque  Louis  XIV,  et  d'autres  de 
l'Empire  ;  des  commodes  et  des  bureaux  de  Boulle  et  de 
Riesener  ;  des  appliques,  consoles  et  ciselures  de  Gouthière  ; 
de  curieux  cabinets  et  crédences  de  la  Renaissance,  en 
ébène  ou  en  noyer  ;  le  lit  de  Marie-Antoinette,  le  trône 
de  Napoléon  et  le  berceau  du  roi  de  Rome  ;  le  char- 
mant salon  du  Conseil  peint  par  Boucher  et  Vanloo  ;  de 
précieuses  lanternes  en  bronze  doré  de  l'époque  Louis  XV, 
parmi  lesquelles  une  de  Philippe  Caffieri;  les  plafonds  peints 
par  Barthélémy  ;  le  cabinet  des  glaces  installé  pour  Marie- 
Antoinette  ;  de  nombreux  vases  de  Sèvres,  des  marbres, 
des  sculptures,  des  curiosités  de  toute  espèce.  On  peut 
compter,  parmi  les  curiosités  peu  artistiques,  la  galerie  des 
Assiettes,  ainsi  nommée  parce  qu'elle  est  ornée,  depuis  le 
règne  de  Louis-Philippe,  de  cent  dix -huit  assiettes  de 
Sèvres,  représentant  des  vues  de  châteaux  nationaux,  ou 
reproduisant  des  faits  historiques  qui  ont  eu  le  château  de 
Fontainebleau  pour  témoin. 

La  cour  du  Cheval-Blanc  ou  des  Adieux  est  ainsi  nommée 
à  cause  du  cheval  en  plâtre  moulé  sur  celui  de  la  statue 


741 


FONTAINEBLEAU 


de  Marc-Aurèle  à  Rome,  qui  y  avait  été  placé  et  fut  détruit 
en  1626.  Elle  mesure  152  m.  de  longueur  sur  14 2  de  lar- 
geur. Quatre  pavillons  à  toits  aigus  et  à  deux  étages,  reliés 
entre  eux  par  des  bâtiments  à  un  seul  étage,  forment  la 
façade  principale.  Ces  pavillons,  à  partir  du  Jeu  de  paume, 
qui  est  à  gauche  du  spectateur,  s'appellent  pavillon  de 
l'Horloge,  pavillon  des  Armes,  pavillon  des  Peintures,  et 
pavillon  des  Poêles  ou  des  Reines-Mères.  Toute  cette  façade 
était  primitivement  en  grès  ou  en  brique;  sous  Charles IX 
on  fit  revêtir  de  pierre  et  orner  de  pilastres  les  pavillons 
des  Peintures  et  des  Poêles.  Au  centre  se  développe  l'escalier 
du  Fer  à  cheval,  qui  manque  de  proportions  avec  la  petite 
porte  qui  le  surmonte  et  qui  donne  accès  dans  les  appar- 
tements du  premier  étage.  A  gauche,  l'aile  des  Ministres, 
qui  date  de  Louis  XV,  présente  un  aspect  imposant  malgré 
sa  simplicité;  à  droite,  l'aile  neuve,  qui  date  de  Louis- 
Philippe,  est  banale  et  sans  caractère.  —  La  cour  de  la 
Fontaine  est  moins  hétérogène  ;  pilastres,  fenêtres,  chemi- 
nées, lucarnes  forment  un  ensemble  harmonieux  sur  lequel 
se  détache  très  heureusement  la  terrasse  qui  s'étend  le 
long  de  la  galerie  de  François  Ier.  Non  loin  de  là,  la  porte 
Dorée,  dont  les  voûtes  ornées  de  caissons  dorés  justifient 
le  nom  qu'elle  a  reçu,  est  malheureusement  défigurée  par 
les  lourdes  restaurations  du  peintre  Picot  sous  lesquelles 
on  a  peine  à  reconnaître  l'œuvre  primitive  du  Primatice  ou 
du  Rosso.  —  La  cour  Ovale,  si  charmante  avec  sa  façade 
de  la  galerie  Henri  II,  et  ses  deux  rangs  de  vastes  arcades 
superposées,  avec  le  portique  situé  vis-à-vis  et  la  galerie 
qui  règne  au  rez-de-chaussée,  presque  tout  autour  de  cette 
cour,  plaît  infiniment,  mais  exigerait  une  sérieuse  restau- 
ration qui,  il  faut  l'espérer,  ne  se  fera  pas  trop  longtemps 
attendre  ;  elle  n'a  point  subi  de  transformations  depuis 


Baptistère  de  Louis  XIII  (d'après  une  photographie). 

l'époque  où  a  été  construit  le  pavillon  des  Chasses,  à  la  fin 
du  xvie  siècle,  et  le  lourd  et  bizarre  Baptistère  qui  en  ferme 
l'entrée  du  côté  méridional,  au  commencement  du  xvne. 
Le  jardin  de  Diane,  situé  entre  les  bâtiments  de  la  cour 
des  Princes  et  les  pavillons  principaux,  s'appelle  ainsi  à 
cause  d'une  statue  en  bronze,  fondue  par  les  Keller,  de 
cette  déesse  chasseresse,  élevée  au-dessus  d'une  fontaine 
ornée  de  têtes  de  cerf  en  bronze,  d'où  l'eau  s'échappe  et 
tombe  dans  un  bassin  de  marbre  blanc.  C'est  sous  Louis  XV 
qu'ont  été  dénaturées  la  plupart  des  constructions  qui  en- 
tourent ce  jardin  ;  on  détruisit  alors  la  galerie  des  Che- 


vreuils dont  la  façade  était  parallèle  à  celle  de  la  galerie 
des  Cerfs,  et  l'orangerie  qui  reliait  ces  galeries  et  fermait 
le  jardin.  On  apercevait  encore,  au  milieu  de  ce  siècle, 
dans  ce  jardin,  la  trace  des  fossés  du  vieux  château  pri- 
mitif. Au-dessus  de  la  galerie  des  Cerfs  s'étend  et  prend 
jour  la  galerie  de  Diane,  devenue  la  bibliothèque  du  palais 
dont  les  principaux  conservateurs  ont  été,  dans  ce  siècle, 
Aug.  Barbier,  Vatout,  Champollion-Figeac,  Octave  Feuillet 
et  J.-J.  Weiss,  le  dernier.  —  A  droite  de  l'étang  des  carpes 
s'étend  le  jardin  anglais,  tracé  sous  le  règne  de  Napoléon  Ier, 
sur  l'emplacement  du  jardin  des  Pins,  et  d'où  l'on  peut 
aller  visiter  ce  qui  reste  de  la  fameuse  grotte  des  Pins  : 
quatre  figures  colossales  de  thermes,  formées  de  blocs  de 
grès  à  peine  dégrossis,  encadrant  au  fond  d'une  cour  de 
service  trois  arcades  maintenant  bouchées.  A  gauche  de 
l'étang  a  été  dessiné  le  parterre,  belle  esplanade  plantée 
d'arbres  qui  encadrent  quatre  massifs  de  fleurs  et  un  bassin 
carré.  A  l'extrémité  se  trouve  une  pièce  d'eau  en  forme 
de  fer  à  cheval,  au  centre  duquel  existe  le  bassin  du  Tibre. 
On  a  derrière  soi  le  pavillon  Sully,  actuellement  habité  par 
le  commandant  en  second  de  l'Ecole  d'application,  devant 
soi  l'allée  de  Maintenon  qui  conduit  en  forêt.  Versl'E.,  le 
parterre  se  termine  par  une  terrasse  dominant  le  beau  canal 
de  1,200  m.  de  long,  accompagné  de  chaque  côté  de  plu- 
sieurs rangées  d'arbres  séculaires,  et  s'étendant  jusqu'au 
village  voisin  d'Avon.  Le  parc  est  vaste  et  plein  d'ombra- 
geux bosquets  ;  on  ne  manque  pas  d'aller  y  admirer,  le 
long  d'une  belle  muraille  exposée  en  plein  midi,  la  fameuse 
treille  du  roi,  importée  des  environs  de  Cahors  sous  le 
règne  de  François  Ier  et  qui  produit  annuellement  jusqu'à 
4,000  kilogr.  d'excellent  chasselas. 

Fontainebleau  est  aujourd'hui  une  ville  de  villégiature  et 
de  plaisir  ;  les  distractions  y  sont  nombreuses,  surtout  pen- 
dant l'automne  et  pendant  l'hiver  où  sont  organisés,  deux 
fois  par  semaine  au  moins,  des  rallyes  et  des  chasses  à 
courre  auxquelles  prennent  part  les  membres  de  la  colonie 
étrangère,  de  l'aristocratie  et  un  certain  nombre  d'officiers. 
Les  courses  de  chevaux,  organisées  par  la  Société  de  Sport 
de  France,  n'ont  plus  lieu  que  deux  fois  par  an;  elles 
étaient  plus  fréquentes  autrefois;  la  première  eut  lieu  à 
Fontainebleau  en  1776.  L'animation  est  toujours  grande 
en  ville,  même  aux  saisons  les  moins  agréables,  par  suite 
de  la  présence  des  élèves  et  des  professeurs  de  l'Ecole  d'ap- 
plication, d'un  régiment  de  cavalerie  légère,  d'un  régiment 
de  ligne,  de  plusieurs  escadrons  d'artillerie,  de  génie  et  de 
remonte  qui  sont  installés  soit  dans  la  ville  elle-même,  soit 
aux  Héronnières  et  dépendances,  sur  la  lisière  de  la  forêt, 
du  côté  d'Avon,  et  des  écoles  à  feu  auxquelles  se  rendent 
tantôt  l'Ecole  de  Saint-Cyr,  tantôt  l'Ecole  d'artillerie  de  Ver- 
sailles. —  La  principale  industrie  est  la  céramique  d'art, 
qui  a  toujours  été  fort  en  faveur  à  Fontainebleau  et  aux 
environs.  Le  principal  commerce  consiste  en  bois,  et  la  fa- 
brication de  petits  objets  de  luxe  et  de  tabletterie  en  bois 
de  genévrier  (provenant  de  la  forêt)  est  spéciale  au  pays. 
La  ville  possède  une  belle  halle  couverte,  un  petit  théâtre, 
une  bibliothèque,  une  chapelle  protestante  et  une  synagogue. 
Une  association  savante,  la  Société  historique  et  archéo- 
logique du  Gâtinais,  y  a  été  fondée  en  1883.  On  y, voit  la 
statue  du  générai  Damesme,  enfant  du  pays,  et  le  buste 
du  peintre  Decamps,  qui  y  séjourna  longtemps.  D'autres 
célébrités  ou  des  bienfaiteurs  du  pays  ont  leurs  noms 
attribués  à  des  rues  :  tels  Dancourt,  que  Ton  suppose 
y  être  né,  le  conventionnel  Geoffroy,  le  sculpteur  Adam- 
Salomon,  et  le  maire  Guérin,  qui  est  resté  plus  de  trente 
ans  pendant  ce  siècle  à  la  tête  de  l'administration  com- 
munale. 

Forêt  de  Fontainebleau.  —  La  forêt  de  Bierre  ou  de 
Fontainebleau,  qui  entoure  la  ville  de  tous  côtés  et 
jouit  d'une  réputation  européenne,  a  une  contenance,  d'a- 
près la  triangulation  calculée  en  1840,  de  17,091  hect. 
47  ares,  dont  173  hect.  71  ares  en  routes  et  chemins.  Le 
pourtour  est  de  80  kil.  Elle  est  traversée  par  la  voie 
ferrée  au  N.-E.,  entre  Bois-le-Roi  et  Moret,  et  au  N. 


FONTAINEBLEAU  —  FONTAINES 


742  — 


entre  Moret  et  Bourron  ;  l'aqueduc  des  eaux  de  la 
Vanne,  qui  va  des  environs  de  Sens  à  Paris,  la  coupe  en 
plusieurs  endroits.  Quelques  enclaves  ont  été  réservées 
pour  les  maisons  forestières,  au  nombre  de  vingt-neuf, 
pour  le  réservoir  des  eaux  de  la  ville  de  Fontainebleau,  la 
pompe  à  feu,  l'abattoir  et  le  cimetière.  En  outre,  diverses 
concessions  temporaires  du  sol  domanial  ont  été  faites  en 
forêt  :  un  champ  de  manœuvres  de  plus  de  22  hect.,  dans 
la  plaine  du  Mont-Morillon,  pour  les  troupes  de  la  garni- 
son ;  un  polygone  ou  champ  de  tir,  entre  le  Mont-Morillon 
et  le  Mont-Merle,  coupant  la  route  de  Nemours,  pour  les 
exercices  à  feu  de  l'artillerie  ;  un  champ  de  courses,  dans 
la  vallée  de  la  Solle  ;  un  restaurant  et  ses  annexes  à  Fran- 
chard,  dans  les  ruines  de  l'Ermitage. 

Un  grand  maître  de  l'Ile-de-France  ou  grand  forestier, 
placé  sous  les  ordres  du  souverain  grand  maître  et  réfor- 
mateur des  eaux  et  forêts  de  France,  fut  créé  en  4534. 
avec  résidence  à  Fontainebleau,  qui  devint  par  la  suite 
également  le  siège  d'une  capitainerie  des  chasses  royales. 
Parmi  les  titulaires  de  l'importante  fonction  de  maître 
particulier  de  Fontainebleau,  on  peut  citer  MM.  d'Augas, 
de  L' Hôpital- Vitry,  de  Souvray,  de  Monlmorin  de  Saint- 
Hérem,  qui  ont  tous  laissé  leur  nom  à  des  croix  monu- 
mentales élevées  en  différents  carrefours  de  la  forêt. 

Le  sol,  entièrement  sablonneux,  est  coupé  par  de 
longues  chaînes  de  roche,  évaluées  à  4,000  hect.,  qui  s'élè- 
vent jusqu'à  100  m.  au-dessus  du  niveau  de  la  Seine,  et 
marchent  parallèlement  avec  elle,  presque  en  ligne  droite, 
de  l'E.  à  l'O.;  entre  elles  s'allongent  des  gorges  déchirées 
et  profondes,  d'un  aspect  sauvage  et  tourmenté.  La  forma- 
tion sableuse  n'est  complète  que  dans  les  parties  où  elle  est 
protégée  par  le  calcaire  lacustre  supérieur  qui  la  recouvre. 
On  remarque  souvent,  dans  les  parties  supérieures,  des 
bancs  d'un  grès  généralement  dur,  présentant  une  surface 
ondulée,  de  nombreuses  fissures,  et  recouverts  d'un  peu  de 
terre  végétale  aride  et  improductive;  le  grès  n'est  autre 
que  du  sable  solidifié  par  un  ciment  siliceux.  L'attention 
des  promeneurs  est  plus  spécialement  attirée  par  des  cris- 
taux de  grès  ayant  les  formes  polyédriques  du  carbonate 
de  chaux  et  produits  par  la  présence  de  cet  élément  dans 
le  ciment  qui  a  agglutiné  les  sables  quartzeux.  Le  commerce 
et  l'exploitation  du  grès,  pour  le  pavage,  et  du  sable  blanc, 
pour  les  verreries  et  manufactures  de  glace,  occupent  un 
grand  nombre  d'ouvriers.  Les  plantations  de  la  forêt  se 
composent  surtout  de  hêtres,  de  chênes,  de  charmes,  de 
bouleaux,  de  pins,  de  genévriers.  Le  chêne  surtout  y  atteint 
une  hauteur  et  une  largeur  considérables  ;  quelques-uns  de 
ces  vieux  chênes  ont  acquis  une  véritable  célébrité  et  ont 
reçu  les  noms  de  Charlemagne,  Clovis,  François  Ier,  Henri  IV, 
Sully.  Les  plus  belles  futaies  sont,  dans  le  voisinage  de  la 
route  de  Paris,  le  Bas-Bréau,  du  côté  de  Barbison,  le  Gros- 
Fouteau,  la  Tillaie.  Les  points  dé  vue  du  camp  de  Chailly, 
de  la  vallée  de  la  Solle,  du  Long-Rocher,  du  rocher  Saint- 
Germain,  de  la  Tour-Denecourt  sont,  dans  la  belle  saison, 
visités  par  un  nombre  considérable  de  touristes  ;  mais  les 
endroits  les  plus  fréquentés  sont  toujours  Franchard,  jadis 
prieuré  dépendant  de  Saint-Euverte  d'Orléans  et  dont  il 
reste  des  ruines,  au  milieu  de  gorges  et  de  plâtrières  dont 
le  site  est  magnifiquement  pittoresque  et  d'un  effet  saisis- 
sant ;  les  gorges  d'Apremont,  solitudes  désolées  où  l'œil 
n'aperçoit  de  toutes  parts  que  blocs  de  grès  accumulés, 
abrupts  et  arides,  dont  la  teinte  grisâtre,  à  peine  tamisée 
par  le  rideau  des  pins  environnants,  prend  des  formes  tour- 
mentées et  fantastiques;  la  gorge  aux  Loups,  au  S.,  aux 
chemins  encaissés  et  aux  zigzags  capricieux,  avec  une 
grande  variété  de  sites  agréables  qui  contrastent  avec  les 
autres  parties  sauvages  de  la  forêt.  Le  système  des  routes 
qui  la  traversent  date  du  règne  de  Louis  XIV;  des  amélio- 
rations successives  ont  été  opérées  depuis  et  l'entretien  en 
est  excellent.  Une  mention  spéciale  est  due  à  la  route  ronde 
qui  va  de  Thomery  à  La  Rochette  (Table  du  roi)  et  réunit 
entre  eux  tous  les  carrefours  importants.  Quant  aux  sen- 
tiers qui  sillonnent  en  tous  sens,  et  permettent  au  touriste 


de  parcourir  à  pied,  sans  danger  et  sans  perte  de  temps, 
les  coins  les  plus  abrupts  et  les  moins  abordables,  ils  sont 
en  grande  partie  l'œuvre  de  Denecourt,  surnommé  le  Syl- 
vain de  Fontainebleau,  qui  a  consacré  sa  vie  et  sa  fortune 
à  étudier  la  forêt  dans  toutes  ses  parties,  de  4844  à  1877, 
à  en  signaler  les  innombrables  curiosités,  à  en  faciliter 
l'accès  et  à  tracer  des  signes  indicateurs  qui  empêchent 
de  s'égarer.  C'est  à  lui  que  l'on  doit  la  véritable  révélation 
de  la  forêt  ;  son  œuvre  est  aujourd'hui  continuée  par  son 
successeur,  M.  Colinet,  dont  le  zèle  est  soutenu  par  les 
subventions  administratives  et  les  généreuses  offrandes  des 
particuliers.  On  reproche  à  la  forêt  de  Fontainebleau  de 
manquer  d'eau  et  d'oiseaux  ;  les  oiseaux,  en  effet,  y  sont 
peu  nombreux,  et  les  quelques  mares,  plus  pittoresques 
qu'agréables,  qu'on  y  voit,  ne  sont  guère  faites  pour  les  attirer. 
Par  contre,  l'orvet,  la  couleuvre  et  même  la  dangereuse 
vipère  n'y  sont  pas  rares  ;  la  chasse  à  la  vipère  constitue  une 
petite  industrie  qui  consiste  à  vendre  ces  animaux  vivants  aux 
curieux,  morts  aux  pharmaciens.  Le  plus  grand  fléau  de  la 
forêt,  après  les  hivers  rigoureux  qui,  comme  celui  de  1879- 
1880,  ont  causé  des  ravages  considérables  dans  les  plus 
belles  futaies,  est  l'incendie  toujours  redoutable  sur  un 
sol  sec  et  recouvert  de  bruyères.  Sous  l'ancien  régime, 
de  nombreuses  ordonnances  furent  rendues  pour  éviter 
d'y  allumer  du  feu  et  punir  les  incendiaires  ;  les  sinistres 
s'y  succédèrent  néanmoins  avec  rapidité  ;  l'on  cite  parmi 
les  plus  graves  ceux  de  4726,  4858,  4870  et  4890.  Les 
derniers,  dus  en  partie  à  la  malveillance,  ont  fait  des 
dégâts  très  importants  au  rocher  d'Avon  et  au  rocher  Saint- 
Germain.  C'est  à  Fontainebleau  qu'a  été  entièrement  cons- 
truit le  très  remarquable  pavillon  de  l'administration  des 
forêts  à  l'Exposition  universelle  de  4889.        H.  Stein. 

Ecole  d'application  de  Fontainebleau  (V.  Ecole,  t.  XV, 
p.  443). 

Bibl.  :  Le  Père  Dan,  le  Trésor  des  merveilles  de  la  mai- 
son royale  de  Fontainebleau,  contenant  la  description  de 
son  antiquité;  Paris,  1642,  in-fol.  —  L'abbé  Guilbert,  Des- 
cription historique  du  château,  bourg  et  forêt  de  Fontai- 
nebleau; Paris,  1731,  in-12.—  A.-L.  Castellan, Fontaine- 
bleau, études  pittoresques  et  historiques  ;  Paris,  1840,  in-8. 

—  J.Vatout,  Souvenirs  historiques  des  résidences  royales 
de  France  (palais  de  Fontainebleau);  Paris,  s.  d.,  t.  IV, 
in-8.  —  Jamin,  Fontainebleau,  précis  historique;  Fontai- 
nebleau, 1854,  in-8.  —  J.-J.  Champollion-Figeac,  le  Palais 
de  Fontainebleau,  ses  origines,  son  histoire  ;  Paris,  1866, 
in-fol.  et  pi.  —  R.  Pfnor,  Monographie  du  palais  de  Fon- 
tainebleau; Paris,  1873,  2  vol.  in-fol.  —  Du  même,  Guide 
artistique  et  historique  au  palais  de  Fontainebleau;  Paris, 

1889,  in-8  et  pi.  —  H.  Valentino,  le  Palais  de  Fontaine- 
bleau, histoire  et  description  ;  Fontainebleau,  1889,  in-12. 

—  C.  Colinet,  Indicateur  de  Fontainebleau,  palais,  forêt, 
environs  (Guide-Denecourt)  ;  Fontainebleau,  1888,  in-32, 
17e  éd.,  —  J.  Androuet  du  Cerceau,  les  Plus  Excellents 
Bastiments  de  France,  nouv.  éd.  par  H.  Destailleur  ;  Paris, 
lo65,  2  vol.  in-fol.  —  L.  Palustre,  la  Renaissance  en 
France;  Paris,  1884,  t.  I,  in-fol.  —  P.  Perret  et  Eug. 
Sadoux,  les  Châteaux  historiques  de  la  France  ;  Paris, 

1890,  2«  série,  t.  I,  in-fol.  —  Baltard,  Galerie  de  la  Reine, 
dite  de  Diane,  peinte  par  A.  Dubois  en  1600,  sous  le  règne 
de  Henri  IV;  Paris,  1858,  in-fol.—  Th.  Van  Thulden,  la 
Galerie  du  château  représentant  les  travaux  d'Ulysse; 
Paris,  1633,  in-fol.  —  E.  Williamson,  les  Trésors  d'art  du 
garde-meuble  national;  Paris,  1882,  2  vol.  in-fol.  —  Revue 
française  [Nouvelle],  t.  V,  VI  etX  (art.  de  A.  Poirson).— 
Gazette  archéologique,  1889  (art.  deEm.MoLiNiER  etL.  Pa- 
lustre). —  Eug.  Mûntz  et  Em.  Molinier,  (e  Château  de 
Fontainebleau  au  xvir3  siècle,  d'après  des  documents  iné- 
dits, dans  les  Mémoires  de  la  Soc.  de  l'histoire  de  Paris  et 
de  V Ile-de-France,  1885,  XII,  pp.  255-358.  — H.  Omont,  Ca- 
talogue des  monuments  grecs  de  Fontainebleau  sous  Fran- 
çois Ier  et  Henri  II;  Paris,  1889,  in-fol.  —  E.  Quantin- 
Bauchart,  la  Bibliothèque  de  Fontainebleau  et  les  livres 
des  derniers  Valois  a   la  Bibliothèque  nationale  ;  Paris, 

1891,  in-8.—  E.  Bourges,  Quelques  Notes  sur  le  théâtre  de 
la  cour  à  Fontainebleau  (lldl-1181);  Paris,  1892,  in-16.  — 
P.  Domet,  Journal  de  Fontainebleau  {1189-1199)  ;  Fontai- 
nebleau, s.  d.,  2  broch.  in-8.  —  Du  même,  Histoire  de  la  fo- 
rêt de  Fontainebleau  ;  Paris,  1873,  in-12.  —  Annales  de  la 
Société  historique  et  archéologique  du  Gâtinais,  années 
1883  et  suiv.  —  U Abeille  de  Fontainebleau  (57e  année),  1892. 

FONTAINES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Wassy,  cant.  de  Chevillon  ;  352  hab. 

FONTAINES.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Mont- 
médy,  cant.  de  Dun-sur-Meuse  ;  237  hab. 


743  — 


FONTAINES  -  FONTAN 


FONTAINES  {Fontanœ).  Corn,  du  dép.  de  Saône-et- 
Loire,  arr.  de  Chalon-sur-Saône,  cant.  de  Chagny,  sur  la 
Thalie  et  près  le  canal  du  Centre;  1,541  hab.  Stat.  de  la 
ligne  du  chemin  de  fer  de  Paris  à  Lyon.  Carrières  de 
pierres.  Fours  à  plâtre  et  à  chaux.  Tuilerie.  Moulins.  Hui- 
lerie. La  seigneurie  a  été  le  berceau  de  la  maison  de  Fon- 
taines, importante  au  moyen  âge.  A  la  mort  de  Guillaume, 
en  1275,  le  roi  la  vendit  à  Guillaume  du  Blé,  évêque  de 
Chalon.  Eglise  des  xive-xve  siècles,  à  bas  côtés  ettriforium  ; 
chœur  du  xvie  siècle.  Ruines  du  prieuré  bénédictin  de 
Saint-Hilaire.  L-x. 

Bibl.:  L.  Lex,  Inventaire  des  archives  communales  de 
Fontaines,  antérieures  à  1790;  Mâcon,  1892,  in-8. 

FONTAINES.  Corn,  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  et  cant. 
de  Fontenay,  au  bord  du  Marais  ;  784  hab.  Eglise  avec 
façade  romane  et  voûte  en  ogive.  Chapelle  ancienne  des 
Sept-Chemins. 

FONTAINES.  Corn,  du  dép. de  l'Yonne,  arr.  de  Joigny, 
cant.  de  Saint-Fargeau  ;  962  hab. 

FONTAINES-Saint-Martin.  Corn,  du  dép.  du  Rhône, 
arr.  de  Lyon,  cant.  de  Neuville-sur-Saône  ;  721  hab. 

FONTAINES-sur-Marne.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute- 
Marne,  arr.  de  Wassy,  cant.  de  Chevillon;  352  hab.  Cu- 
rieuse pyramide  nommée  la  Haute-Borne ,  haute  de  près 
de  7  m.,  portant  une  inscription  latine.  Longtemps  prise 
pour  un  monument  mégalithique,  elle  a  été  reconnue  de 
nos  jours  pour  un  monument  romain  appartenant  à  un 
aqueduc. 

FONTAINES-sur-Saône.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr. 
de  Lyon,  cant.  de  Neuville-sur-Saône  ;  1,235  hab. 

FONTAINES  (Pierre  de),  jurisconsulte  français  du 
xme  siècle,  probablement  originaire  du  Vermandois,  mort 
vers  1289.  Il  fut  bailli  de  Vermandois  en  1253.  Vers  cette 
époque,  il  rédigea  son  principal  ouvrage,  Conseil  de 
Pierre  de  Fontaines,  le  plus  ancien  ouvrage  de  droit 
coutumier  que  nous  possédions.  Chargé  par  Louis  IX,  dont 
il  était  conseiller,  d'instruire  son  fils  dans  l'art  de  bien 
gouverner,  ce  fut  vraisemblablement  à  cette  occasion  qu'il 
écrivit  cet  ouvrage  ;  le  titre  en  a  été  emprunté  à  la  ru- 
brique du  chap.  ii,  dont  les  premiers  mots  sont:  Ci  com- 
mence li  conseulz  que  Pierres  de  Fontaines  done  à  son 
ami.  Quelques  auteurs  avaient  attribué  à  tort  le  Conseil 
à  un  certain  Guido  ou  à  Guy  Foulquois.  Ce  qui  caractérise 
l'œuvre  de  Pierre  de  Fontaines,  c'est,  de  même  que  les 
Etablissements  de  saint  Louis,  le  rapprochement  qui  y  est 
fait  entre  le  droit  romain  et  le  droit  coutumier  ;  l'auteur 
a  cherché  à  fusionner  et  à  mettre  en  harmonie  les  deux 
législations  et,  s'il  a  donné  des  paraphrases  des  textes  du 
droit  romain,  c'est  pour  mettre  en  lumière  des  principes 
sur  lesquels  puisse  s'appuyer  le  droit  coutumier,  mais  il 
ne  s'est  guère  préoccupé  que  des  coutumes  du  Vermandois. 
L'ouvrage  comprend  trente-cinq  chapitres,  dont  le  premier 
est  un  prologue.  Dans  le  second,  l'auteur  énonce  quelques 
préceptes  de  religion  et  de  morale.  Puis  il  parle  de  la  pro- 
cédure et  du  mode  de  preuve,  et  il  expose  successivement 
les  principes  des  obligations  et  les  règles  relatives  aux  vices 
du  consentement,  à  la  compétence  civile  et  criminelle,  aux 
incapables  ;  il  traite  ensuite  des  testaments,  de  la  quotité 
disponible,  des  donations  faites  par  le  père  à  son  enfant, 
enfin  de  la  possession  et  des  actions  possessoires.  La  ré- 
daction est  souvent  sous  forme  de  questions.  Les  textes 
romains  auxquels  il  se  réfère  sont  ceux  du  Digeste  et  du 
Code.  Il  est  à  remarquer  que  les  citations  ne  sont  pas  faites 
dans  un  ordre  arbitraire  ;  elles  suivent  celui  du  Code, 
auquel  elles  rapportent  les  textes  du  Digeste,  selon  l'usage 
des  Sommes  du  Code.  Les  textes  du  Digeste  que  Pierre  de 
Fontaines  a  rapprochés  du  Code  sont  précisément  ceux 
qu'avait  empruntés  Vacarius  pour  les  joindre  à  sa  Summa 
Codicis.  Une  compilation  intitulée  le  Livre  la  Roine  a 
été  attribuée  à  Pierre  de  Fontaines.  Il  y  a  une  grande  ana- 
logie entre  cet  ouvrage  et  le  Conseil  ;  il  est  croyable  cepen- 
dant que  le  Livre  la  Roine  n'est  pas  de  Pierre  de  Fon- 
taines, mais  qu'il  a  été  composé  en  partie  de  ses  ouvrages 


et  en  partie  des  œuvres  d'autres  jurisconsultes  anonymes 
qui  vivaient  de  son  temps.  Le  Conseil  de  Pierre  de  Fon- 
taines a  été  édité  par  Du  Cange,  d'après  un  manuscrit  qui 
existait  à  Amiens,  à  la  suite  de  la  Vie  de  saint  Louis, 
par  le  sire  de  Joinville  (Paris,  1668,  in— fol.)  ;  il  a  été 
édité  plus  tard  par  Marnier  (1846,  in-8).  Cette  dernière 
édition,  bien  supérieure  à  la  précédente,  a  été  faite  d'après 
une  copie  manuscrite  conservée  à  la  bibliothèque  de  Troyes, 
et  qui  avait  appartenu  d'abord  à  Pierre  Pithou,  puis  aux 
oratoriens  de  Troyes.  Pierre  de  Fontaines  fut  maître  au 
Parlement,  c.-à-d.  conseiller,  en  1260,  et  ii  assista,  en 
cette  qualité,  à  un  jugement  qui  fut  rendu  pour  le  roi  contre 
l'abbé  de  Saint-Benoît-sur-Loire.  Son  nom  est  mentionné 
deux  fois  dans  le  vol.  I  des  Olim,  sous  les  dates  de  1258 
et  de  1266.  Il  paraît  avoir  été  une  seconde  fois  bailli  de 
Vermandois,  en  1289,  et  il  fut  remplacé  par  Philippe  de 
Beaumanoir.  Gustave  Regelsperger. 

Bibl.  :  H.  Hardouin,  Notice  sur  Pierre  de  Fontaines  ; 
Amiens,  1841,  in-8.  —  A.-J.  Marnier,  le  Conseil  de  Pierre 
de  Fontaines  ;  Paris,  1846,  in-8,  introduction.  —  Histoire 
littéraire  de  la  France,  1838,  t.  XIX,  p.  131  (notice  de  Petit- 
Radel)  ;  1847,  t.  XXI,  pp.  544  (notice  de  Félix  Lajard)  et 
844  (notice  d'Edouard  Laboulaye). 

FONTAINES  (Des),  poète  dramatique  et  romancier 
français,  né  à  Rouen  dans  les  premières  années  du 
xvne  siècle.  On  connaît  de  cet  auteur  :  la  Vraie  Suite  du 
Cid,  tragédie-comédie  (1638)  ;  Bélisaire,  trag.-com. 
(1641);  l'Illustre  Comédien  ou  le  Martyre  de  saint 
Genest  (1645).  Parmi  ses  romans,  nous  citerons  :  les 
Heureuses  Infortunes  de  Céliante  et  de  Marilinde, 
veuves  pucelles  (Paris,  1663)  (sous  des  noms  supposés, 
l'auteur  raconte  les  aventures  de  plusieurs  personnages 
illustres  de  son  temps  :  les  deux  veuves  pucelles  sont 
Mmes  de  Charny  et  de  Marigny  ;  Cambises  n'est  autre 
que  Louis  XIII  et  Protésilas  désigne  assez  clairement 
M.  le  Prince)  ;  F  Inceste  innocent  (1644)  ;  l'Illustre 
Amalazonthe  (1645),  etc. 

FONTAINES  (Guyot,  abbé  des)  (V.  Desfontaines). 
FONTAINIEUX   (Source  des)    (V.   Drôme,   t.   XIV, 
p.  1121). 

FONTAINS.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Provins,  cant.  de  Nangis;  243  hab. 

FONTAN.  Com.  du  dép.  des  Alpes-Maritimes,  arr.  de 
Nice,  cant.  de  Breil;  1,158  hab. 

FONTAN  (Louis-Marie),  littérateur  français,  né  à  Lorient 
le  4  nov.  1801,  mort  à  Thiais,  près  de  Paris,  le  10  oct. 
1839.  D'abord  commis  de  la  marine  à  Lorient,  il  fut  ré- 
voqué en  1820  pour  participation  à  un  banquet  offert  à 
M.  Villemain  lors  du  changement  de  la  loi  électorale,  vint 
à  Paris  et  fit  du  journalisme  d'opposition  dans  les  lablettes 
et  dans  V Album.  Ce  dernier  journal  ayant  été  supprimé 
par  M.  de  Corbières,  Fontan  qui  avait  débuté  dans  la  poé- 
sie en  1823  par  une  ode  libérale  intitulée  V Aigle  et  le 
Proscrit,  puis  par  un  recueil  de  vers  politiques  intitulé 
Odes  et  Entres  (Paris,  1 827, in-1 2),  utilisa  ses  loisirs  dans 
la  composition  d'un  certain  nombre  de  pièces  de  théâtre 
dont  la  plupart  furent  représentées  à  l'Odéon  :  l'Actrice 
ou  les  Deux  Portraits,  comédie  en  un  acte,  en  vers,  avec 
Ader  (1826)  ;  V Homme  entre  deux  âges  (1827);  Per- 
kins  Werbec;  V Espion  (1828),  etc.,  en  collaboration  avec 
divers.  L' Album  ayant  reparu  en  1828,  Fontan  y  inséra 
un  article  d'une  violence  inouïe  pour  l'époque  :  le  Mouton 
enragé,  où  il  s'en  prenait  directement  à  Charles  X  et  à 
sa  famille  ;  Y  Album  fut  saisi  seulement  et  Fontan  redoubla 
dans  le  numéro  qui  suivit.  Sûr,  cette  fois,  d'une  condam- 
nation, Fontan  voulut  la  prévenir  et  s'enfuit  en  Belgique. 
On  l'en  expulsa  de  force  et  il  ne  trouva  pas  un  meilleur  ac- 
cueil dans  la  Hollande,  la  Prusse  et  le  Hanovre.  En  déses- 
poir de  cause  le  malheureux  regagna  Paris  et  se  constitua 
prisonnier.  Il  avait  été  condamné  par  contumace  au  maxi- 
mum de  la  peine  :  cinq  ans  d'emprisonnement,  cinq  ans 
de  surveillance  et  10,000  francs  d'amende.  On  le  traita 
d'abord  avec  quelque  ménagement,  et,  comme  Harel  voulait 
jouer  à  l'Odéon  son  drame  de  Jeanne  la  folle,  on  permit 


FONTAN  —  FONTANA 


-  744  — 


même  aux  acteurs  de  venir  conférer  avec  lui.  Mais  cette 
douceur  relative  allait  avoir  un  triste  revers  :  une  nuit  il 
fut  enlevé  de  Sainte-Pélagie  et  expédié  sur  Poissy  où  on  le 
soumit  au  régime  du  pénitencier  avec  les  voleurs  de  grand 
chemin.  Vainement  ses  amis  Frédéric  Soulié  et  Jules  Janin 
insistèrent-ils  auprès  de  lui  pour  qu'il  consentît  à  signer  un 
pourvoi  en  grâce  :  Fontan  refusa.  Il  ne  sortit  de  Poissy 
qu'après  les  journées  de  Juillet.  Harel  en  profita  pour  mettre 
à  la  scène  son  drame  de  Jeanne  la  folle  qui  fut  joué  au 
milieu  d'un  enthousiasme  considérable.  On  a  de  lui  un  grand 
nombre  de  pièces  ;  la  plupart  sont  politiques  ou  contiennent 
des  allusions  directes  au  régime  tombé  auquel  Fontan  ne  par- 
donnait pas.  Il  faut  citer  la  Bossue,  un  acte  en  vers,  avec 
Ader  ;  Gillette  de  Narbonne,  vaudeville  en  trois  actes,  avec 
Ch.  Desnoyer  et  Ader;  André  le  chansonnier  (sorte 
d'autobiographie  dramatique),  avec  Ch.  Desnoyer;  le  Ma- 
réchal Brune,  drame  en  cinq  actes,  avecDupeuty  (1830); 
le  Moine,  drame  en  quatre  actes  en  prose  (1831)  ;  Jacques 
ou  le  Voyage  de  la  liberté,  vaudeville  politique  en  quatre 
actes  avec  Desnoyer  et  Muller  (1831);  surtout  le  Procès 
d'un  maréchal  de  France,  drame  en  trois  actes  avec 
Dupeuty,  qui  mettait  en  scène  le  procès  de  Ney  et  les  prin- 
cipaux acteurs  de  cette  lamentable  affaire  dont  la  plupart 
étaient  encore  vivants. La  pièce  fut  interdite  le  soir  même  de 
la  première  représentation.  On  a  encore  de  Fontan  :  Jero- 
nimo  ou  le  Dominicain,  drame  en  trois  actes,  avec  Che- 
valier; le  Barbier  du  roi  d'Aragon,  drame  en  trois  actes, 
avec  Ader  et  Dupeuty  (i  832)  ;  le  Fils  de  l'empereur,  vau- 
deville en  deux  actes,  avec  les  frères  Cogniard  et  Dupeuty  ; 
la  Camargo,  vaudeville  en  quatre  actes,  avec  Dupeuty; 
le  Pauvre  Idiot,  drame  en  cinq  actes,  avec  Dupeuty 
(1838);  Arthur,  drame -vaudeville  en  deux  actes,  avec 
Dupeuty  et  d'Avrigny  (1838);  la  Mexicaine,  drame- 
vaudeville  en  deux  actes,  avec  Laurencin  et  Mallian  (1839)  ; 
enfin  le  Massacre  des  Innocents,  drame  en  cinq  actes, 
avec  Mallian  (1839).  Fontan  avait  de  la  verve,  de  l'esprit, 
mais  un  peu  dur  et  âpre  ;  ce  fut,  du  reste,  un  caractère 
fort  estimable,  encore  que  trop  entier  peut-être.  Dédai- 
gneux de  toute  compromission,  il  ne  savait  envelopper  sa 
pensée  d'aucune  réticence  et  parlait,  écrivait,  comme  il 
agissait,  en  homme  travaillé  d'une  idée  fixe  et  soucieux 
seulement  de  la  faire  triompher,  fût-ce  à  ses  dépens. 

Ch.  Le  Goffic. 
FONTANA  (Prospero),  peintre  italien,  né  à  Bologne  en 
1512,  mort  à  Bologne  en  1597.  Il  fut  successivement  l'élève 
d'Innocenzo  d'Imola,  de  Vasariet  dePerino  del  Vaga.  Il  tra- 
vailla quelque  temps  à  Bologne,  où  l'on  voit  de  sa  main  à 
l'église  délie  Grazie  une  Adoration  des  mages,  qui,  pour 
la  magnificence  des  costumes,  rappelle  les  Véronèse.  Mais 
son  amour  de  l'argent  et  du  luxe  l'empêcha  de  mettre  assez 
de  soin  dans  ses  grandes  compositions,  et  ses  meilleures 
œuvres  sont  ses  portraits.  C'est  comme  portraitiste  que 
Michel- Ange  le  présenta  à  Jules  III,  qui  l'attacha  à  la  cour 
pontificale  et  lui  fit  décorer  sa  villa.  P.  Fontana  ouvrit  une 
école  renommée,  dont  le  meilleur  élève  fut  sa  propre  fille, 
Lavinia,  également  connue  comme  peintre  de  portraits. 
Cette  école  disparut  devant  la  vogue  croissante  de  celle  des 
Carrache,  et  le  maître  mourut  assez  pauvre.  On  peut  voir 
parmi  ses  œuvres  une  Mise  au  tombeau  (Galerie  de  Bo- 
logne), une  Visitation  (Galleria  Estense,  Modène),  une 
Annonciation  (Brerade  Milan),  une  Sainte  Famille  (Ga- 
lerie de  Dresde). 

Bibl.  :  Vasari,  Le  Vite  dei  Pittori.  —  Charles  Blano 
Ecole  bolonaise.  —  Boni,  Biografia  degliarlisti. 

FONTANA  (Gianbattista),  peintre  et  graveur  italien,  né 
à  Ala,  dans  le  Tirol,  vers  1525,  mort  en  1584.  Il  passa 
la  première  partie  de  sa  vie  à  Vérone  où  il  eut  pour  maître 
Giovanni  Carotto  et  travailla  quelque  temps  à  Venise.  Ap- 
pelé à  la  cour  de  Vienne  parle  prince  impérial  Ferdinand, 
il  y  mourut.  On  connaît  de  lui  soixante-huit  estampes,  dont 
les  plus  remarquables  sont  :  des  Scènes  de  VEnéide,  le 
Prophète  Ezéchiel  ayant  la  vision  du  jugement  der- 
nier, Saint  Martin  à  cheval,  l'Histoire  de  Romulus,  la 


Bataille  du  Cadore,  entre  les  Vénitiens  et  l'empereur, 

Saint  Pierre  martyr,  d'après  le  fameux  tableau  du  Titien. 

Bibl.  :  Bartsch,  le  Peintre  graveur.  —  Bernasconi, 

Studj  sopra  la  storia  délia  scuola  veronese  ;  Vérone,  1864. 

FONTANA  (Orazio),  peintre  de  majoliques  italien,  né  à 
Urbin,  mort  en  1571.  Il  est  le  plus  célèbre  d'une  dynastie 
d'artistes,  qui  commence  avec  son  père,  Guido  de  Castel- 
Durante,  dit  Fontana,  et  continue  avec  son  wevmFlami- 
nio,  qui  travailla  à  Florence  pour  le  grand-duc  Cosme  Ier. 
Il  est  impossible  de  préciser  la  part  de  chacun  dans  les 
.œuvres  nombreuses  sorties  de  la  «  boutique  »  fondée  par 
maître  Guido  :  Fatto  in  Urbino  in  bottega  di  M0  Guido 
da  Castel  Durante.  Sans  parler  des  pièces  dispersées  dans 
les  musées  et  les  collections  d'Europe,  c'est  aux  artistes 
de  cette  famille  que  l'on  doit  presque  tous  les  vases,  au 
nombre  de  380,  qui  sont  conservés  dans  la  pharmacie  de 
la  Santa  Casa,  à  Lorette.  Beaucoup  des  dessins  de  ces  ma- 
joliques sont  empruntés  à  Baphaël  et  aux  estampes  de  Marc- 
Antoine  ;  d'autres  furent  donnés  par  les  artistes  qu'attira 
à  Urbin  le  duc  Guidobaldo  II  (après  1540),  Raphaël  del 
Colle,  Battista  Franco,  Federigo  Zucchero.  Quant  à  Orazio 
Fontana  lui-même,  il  a  travaillé  moitié  pour  Guidobaldo, 
qui  envoyait  de  ses  œuvres  au  roi  d'Espagne  et  à  l'empe- 
reur, moitié  pour  le  duc  Philibert  de  Savoie  (vers  1565), 
pour  lequel  il  peignit  un  service  complet.  Les  pièces  signées 
de  son  nom  (Fatto  in  Urbino  in  bottega  de  Orazio  Fon- 
tana) ou  de  son  monogramme  (0  seul,  ou  0  entrelacé  avec 
un  double  F  et  un  R)  sont  très  rares.  On  peut  citer  parmi 
les  plus  belles,  r  Enlèvement  d'Europe,  le  Massacre  des 
Innocents  (musée  duXouvre),  Un  Repas  public  à  Rome 
(collection  A.  de  Rothschild),  les  Exploits  de  Jules  César 
(South  Kensington  Muséum),  la  Mort  de  Virginie  (col- 
lection Soltykoff),  le  Jugement  de  Paris  (Urbin).  Pour 
le  fondu  des  couleurs  et  la  perfection  de  la  glaçure,  ces 
pièces  sont  irréprochables  :  malheureusement,  Orazio  ne  se 
contente  pas  de  faire  des  œuvres  décoratives,  il  prétend 
faire  de  vrais  tableaux  ;  ses  successeurs  voudront  l'imiter, 
mais  leur  talent  ne  sera  pas  à  la  hauteur  de  leur  ambition 
et  les  dernières  productions  de  la  famille,  mollement  dessi- 
nées et  pauvrement  modelées,  n'ont  plus  rien  d'une  œuvre 
d'art.  E.  Bertaux 

Bibl.  :  Passeri,  Histoire  des  peintures  sur  majoliques 
faites  à  Pesaro  et  dans  les  lieux  circonvoisins,  tr.  H.  De- 
lange,  1853.  —  Campori,  Notizie  storiche  e  artistiche  délia 
Majolica  e  délia  Porcellana  di  Ferrara,  1873.  —  Fort- 
num,  Catalogue  du  musée  de  South  Kensington.  —  Jac- 
quemart, Histoire  de  la  céramique,  1884. 

FONTANA  (Giovanni),  architecte  italien,  néàMili,  sur 
le  lac  de  Côme,  en  1540,  mort  à  Rome  en  1614.  Il  alla  très 
jeune  étudier  l'architecture  à  Rome,  où  son  frère  Domenico 
(V.  ci-dessous)  le  rejoignit.  Il  aida  ce  dernier  dans  la  plu- 
part de  ses  grands  travaux  et  donna  lui-même  les  plans  du 
palais  Giustiniani.  Le  pape  le  nomma  architecte  de  Saint- 
Pierre  et,  une  fois  revêtu  de  ce  titre  honorifique,  il  s'oc- 
cupa exclusivement  de  travaux  hydrauliques.  Il  "surveilla 
le  curage  du  Tibre  à  Ostie,  régla,  au  moyen  d'un  canal,  le 
cours  du  Velino,  conduisit  YAqua  Algida  prise  à  Frascati 
dans  les  villas  du  Belvédère  et  de  Mondragone,  enfin  res- 
taura la  Cloaca  Maxima.  C'est  encore  lui  gui  bâtit  des 
aqueducs  à  Lorette  et  à  Recanati  et  qui  établit  les  murs  et 
les  parapets  autour  des  cascatelles  du  Teverone,  à  Tivoli. 
Enfin  le  pape  l'envoya  à  Ferrare  et  à  Ravenne  pour  indi- 
quer le  cours  du  Pô.  La  maladie  le  prit  dans  ce  voyage  et 
il  revint  à  Rome  pour  y  mourir. 

FONTANA  (Domenico),  architecte  italien,  né  à  Mili,  sur 
le  lac  de  Côme,  en  1543,  mort  à  Naples  en  1607.  A  vingt 
ans,  il  alla  retrouver  à  Rome  son  frère  aîné  Giovanni,  qui 
achevait  dans  cette  ville  ses  études  d'architecture.  Au  mi- 
lieu des  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité  et  de  la  Renaissance 
savante,  il  se  forma  rapidement,  et  fut  bientôt  remarqué 
du  cardinal  Montalto,  qui  lui  commanda  la  chapelle  dite 
del  Presepio,  à  Santa-Maria  Maggiore,  et,  dans  le  voisi- 
nage de  cette  église,  le  palazzetto  appelé  depuis  villa 
Negroni.  Mais  la  fortune  du  cardinal  n'était  pas. à  la  hau- 
teur de  ses  ambitions,  et  le  pape  Grégoire  XIII  ayant  pris 


745  — 


FONTANA 


prétexte  de  ces  entreprises  magnifiques  pour  supprimer  la 
pension  qu'il  lui  servait,  Montalto  se  voyait  obligé  de  re- 
noncer à  ses  projets,  quand  Fontana  le  tira  d'embarras  en 
continuant  les  constructions  à  ses  frais  ;  il  y  consacra  mille 
écus.  Ce  sacrifice  devait  être  magnifiquement  récompensé. 
Eu  effet,  à  la  mort  de  Grégoire  XIII,  le  cardinal  Montalto 
devint  pape  sous  le  nom  de  Sixte-Quint.  Aussitôt  l'argent 
afflua  dans  les  mains  de  Fontana  ;  les  édifices  commencés 
furent  rapidement  achevés,  et  l'artiste  reçut  le  titre  d'ar- 
chitecte pontifical.  Le  nouveau  pape  conçut  alors  un  gigan- 
tesque projet:  il  s'agissait  de  transporter  sur  la  place  Saint- 
Pierre  et  d'y  dresser  en  face  de  la  basilicjue  neuve  un  obé- 
lisque antique,  haut  de  407  palmes,  qui  avait  été  apporté 
à  Rome  sous  Caligula,  avait  un  moment  orné  le  Grand 
Cirque,  et  depuis  longtemps  gisait  misérablement  au  milieu 
de  décombres,  le  long  de  l'ancienne  sacristie  de  Saint- 
Pierre.  C'était  une  entreprise  difficile  et  périlleuse,  car  il 
fallait  retrouver  des  méthodes  et  des  machines  complètement 
oubliées  ;  mais  le  pape  tenait  à  cette  œuvre  à  cause  de  sa 
difficulté  même.  Il  voulut  faire  appel  à  tous  les  talents  et 
demanda  officiellement  l'avis  des  meilleurs  mathématiciens 
et  architectes  de  l'Europe  entière  ;  il  arriva  plus  de  500  pro- 
jets, parmi  lesquels  celui  de  Fontana,  cmi  tranchait  sur 
tous  les  autres  par  sa  hardiesse  et  son  originalité.  Le  pape 
en  fut  frappé  et  l'adopta,  après  en  avoir  vu  l'essai  fait  sur 
un  obélisque  plus  petit  ayant  appartenu  au  mausolée  d'Au- 
guste. D'abord,  par  prudence,  il  voulut  adjoindre  à  Fon- 
tana deux  architectes  renommés,  Giacomo  délia  Porta  et 
Bartolomeo  Ammanati.  Mais  l'artiste,  qui  ne  pouvait  ac- 
cepter l'idée  de  partager  avec  d'autres  sa  gloire,  représenta 
au  pape  que  nul  ne  pouvait  appliquer  l'invention  aussi  bien 
que  l'inventeur.  Sixte-Quint  l'autorisa  à  courir  seul  les 
risques  de  l'entreprise.  A  partir  du  7  mai  1506,  on  roula 
lentement  sur  un  remblai  recouvert  de  poutres  l'obélisque 
revêtu  de  planches  et  on  le  fit  avancer  ainsi  jusqu'au  centre 
delà  place.  L'érection  eut  lieu  solennellement  le  10  sept. 
Le  pape  avait  défendu  d'entrer  dans  l'enceinte  ou  de  trou- 
bler le  travail  par  un  cri,  sous  peine  de  mort.  900  ouvriers 
et  140  chevaux  furent  employés  aux  poulies  et  aux  cabes- 
tans; enfin  l'obélisque  se  redressa  lentement  entre  les 
quatre  tours  de  bois  élevées  d'avance  et  fut  mis  en  place, 
au  milieu  d'un  enthousiasme  immense.  Le  pape  nomma 
l'heureux  architecte  patrice  et  chevalier,  lui  fit  une  pen- 
sion de  2,000  écus,  et  lui  donna,  outre  6,000  écus  en  or, 
tous  les  matériaux  et  agrès  qui  avaient  servi  à  l'opération, 
représentant  une  somme  de  20,000  écus.  Dans  la  suite, 
Fontana  éleva  encore  trois  obélisques  à  Rome  ;  celui  du 
mausolée  d'Auguste,  devant  Santa  Maria  Maggiore,  et  deux 
autres,  l'un  devant  Saint- Jean  de  Latran,  l'autre  sur  la 
place  voisine  de  la  Porta  del  Popolo.  Les  plus  magnifiques 
commandes  lui  vinrent  en  foule  ;  il  revêtit  la  façade  de 
Saint-Jean  de  Latran  d'un  portique  en  travertin,  et  près  de 
cette  basilique  construisit  pour  le  pape  le  grand  palais 
apostolique  et  la  loggia  à  arcades  d'où  le  souverain  pon- 
tife bénit  la  foule.  Il  édifia  la  nouvelle  bibliothèque  du  Va- 
tican, achevée  sous  Clément  VIII,  et  termina  le  palais  ponti- 
fical du  Quirinal.  Le  pape  le  chargea  encore  de  transporter 
des  Thermes  de  Dioclétien  sur  la  place  du  Monte  Cavallo 
les  deux  statues  équestres  colossales  des  Dioscures,  de  res- 
taurer les  colonnes  Antonine  et  Trajane,  et  de  dresser  sur 
l'une  la  statue  de  saint  Paul,  sur  l'autre  celle  de  saint 
Pierre.  Enfin,  pour  lutter  avec  les  anciens  même  dans 
leurs  œuvres  les  plus  colossales,  Sixte-Quint  fit  construire 
par  Fontana  l'aqueduc  de  l'Acqua  Felice,  long  de  5  lieues, 
de  Frascati  au  Monte  Cavallo.  A  cet  aqueduc,  qui  fournit 
d'eau  non  seulement  le  palais  du  pape,  mais  tous  les  mo- 
nastères et  plusieurs  palais,  furent  employés  jusqu'à 
4,000  ouvriers.  Mais  ces  travaux  et  ces  succès  suscitèrent 
à  l'architecte  beaucoup  d'envieux.  Lorsque  son  grand  pro- 
tecteur fut  mort  et  eut  été  remplacé  par  Clément  VIII, 
Fontana  fut  accusé  de  détournements  de  fonds.  Disgracié 
par  le  pape,  il  accepta  les  propositions  du  comte  Miranda, 
vice-roi  de  Naples,  qui  lui  donna  les  titres  de  premier  ar- 


chitecte et  ingénieur  du  roi  des  Deux-Siciles.  En  1592,  il 
se  rendit  à  Naples  et  s'y  maria.  Après  avoir  ouvert  des 
canaux  pour  préserver  la  Terre  de  Labour  des  inondations 
et  avoir  pratiqué  la  route  de  Chiaja  le  long  de  la  mer,  il 
entreprit  un  de  ses  ouvrages  capitaux,  le  Palais  du  roi, 
que  des  travaux  postérieurs  devaient  complètement  défigu- 
rer. Il  avait  dessiné  de  grands  projets  pour  doter  Naples 
d'un  port  et  d'un  grand  môle,  quand  la  mort  l'arrêta,  à 
cinquante-quatre  ans.  Comme  ingénieur,  c'est  un  esprit 
hardi  et  fécond  et  un  véritable  créateur  ;  comme  architecte, 
il  répète  avec  moins  de  pureté  et  de  liberté  les  formules  de 
San  Gallo  et  de  Michel-Ange.  Domenico  Fontana  a  laissé 
un  livre  important  pour  la  connaissance  de  son  œuvre  : 
Del  modo  tenuto  nel  trasportare  Vobelisco  Vaticano  et 
délie  fabriche  faite  da  IY.-S.  Papa  Sixto  V  (Rome, 
1589,  in-fol.).  Le  frontispice  contient  un  portrait  de  l'au- 
teur tenant  à  la  main  un  petit  modèle  de  l'obélisque  ;  les 
planches  sont  belles  et  curieuses.  E.  Bertâux. 

Bibl.  :  Boni,  Biografîa  degli  artisti.  —  Journal  des  Sa- 
vants, déc.  1760  et  janv.  1761. 

FONTANA  (Lavinia),  peintre  italien,  née  à  Rologne 
en  1552,  morte  à  Rome  en  1614.  Sans  occuper  le  pre- 
mier rang  dans  la  liste  des  femmes  peintres,  Lavinia  Fon- 
tana a  donné  des  preuves  d'un  talent  très  réel.  Son  père, 
Prospero  Fontana,  fut  son  maître  et  trouva  en  elle  une 
imitatrice  tout  à  fait  docile.  Jeune  fille,  elle  peignait  déjà 
des  tableaux  religieux  achevés  avec  une  très  grande  dou- 
ceur de  pinceau.  Dans  son  livre  sur  Bologne,  Gualandi 
enregistre  soigneusement  les  tableaux  que  possèdent  encore 
les  églises  de  la  ville.  On  retrouve  à  San  Giacomo  Maggior 
la  Vierge  et  l'Enfant;  à  la  Trinité,  la  Naissance  de  la 
Vierge  ;  àla  Madonna  del  Baraccano,  une  Sainte  Famille; 
aux  Mendicanti,  la  Multiplication  des  pains.  A  ces  pein- 
tures, il  faut,  pendant  qu'on  est  à  Bologne,  ajouter  celle 
que  possède  la  Pinacothèque  et  qui  représente  Saint 
François  de  Paule  bénissant  le  fils  de  Louise  de  Savoie, 
Ce  tableau,  d'une  exécution  très  caressée,  est  signé  Lavi- 
nia Fontana  de  Zappi  facieb  MDLXXXX.  Cette  signa- 
ture doit  être  expliquée.  Lavinia  avait  épousé  Gio-Paolo 
Zappi,  fils  unique  d'un  riche  citoyen  d'Imola.  Depuis  lors, 
elle  ajouta  à  son  nom  celui  de  son  mari.  Les  peintures, 
toujours  soignées,  parfois  un  peu  dévotes,  de  Lavinia, 
obtenaient  du  succès  à  Bologne  et  dans  les  villes  voisines. 
Cependant,  sans  renoncer  aux  sujets  religieux,  l'artiste 
s'en  inspira  plus  rarement  et  se  consacra  peu  à  peu  au 
portrait  où  elle  réussissait  mieux  encore.  Elle  était  bien 
connue  à  Rome  où  elle  avait  de  grands  amis.  Baglione, 
dont  la  chronologie  est  toujours  un  peu  flottante,  déclare 
que  Lavinia  arriva  dans  la  ville  des  papes  sous  le  pontificat 
de  Clément  VIII,  c.-à-d.  un  peu  après  1592.  Mais  cette 
indication  est  très  discutable,  car  Lavinia  Fontana  était 
déjà  protégée  par  Grégoire  XIII,  qui  était  Bolonais  comme 
elle  et  pour  qui  la  Saint-Barthélémy  fut  un  jour  de  fête. 
D'un  autre  côté,  soit  qu'elle  ait  prolongé  son  séjour,  soit 
qu'elle  soit  venue  plusieurs  fois,  Lavinia  était  à  Rome  en 
1609,  comme  on  le  "voit  par  une  lettre  à  laquelle  Bottaria 
donné  place  dans  le  recueil  des  Lettere  pittoriche.  Aux 
dernières  années  de  sa  vie,  elle  faisait  surtout  des  portraits, 
et  la  noblesse  romaine,  qui  a  toujours  aimé  à  être  peinte, 
la  traitait  en  enfant  gâtée.  Les  églises  considéraient  aussi 
comme  un  honneur  de  posséder  quelque  peinture  de  cette 
main  savante.  On  voyait  à  Saint-Paul-hors-les-Murs  une 
Lapidation  de  saint  Etienne  ;  à  San  Maria  délia  Pace, 
une  Sainte  Claire.  Les  œuvres  de  Lavinia  Fontana  ne 
sont  pas  rares  en  Italie.  Nous  avons  déjà  cité  celles  que 
Bologne  a  conservées.  Aux  Offices  de  Florence,  nous  retrou- 
vons, outre  son  portrait  par  elle-même,  celui  du  prédica- 
teur Panigaro la,  et  l'Apparition  de  Jésus-Christ  à  la 
Madeleine,  tableau  signé  Lavinia  Fontana  de  Zappis 
faciebat  1581  ;  au  palais  Pitti,  un  portrait  de  femme.  A 
Milan,  au  musée  Brera,  nous  avons  sept  portraits  réunis 
dans  un  même  cadre.  Malgré  l'intérêt  que  peuvent  pré- 
senter les  peintures  religieuses  de  Lavinia,  ce  sont  les 


FONTANA  —  FONTANE 


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portraits  surtout  qui  restent  intéressants.  On  y  remarque  de 
grandes  recherches  d'exactitude  dans  le  rendu  des  cos- 
tumes, et,  pour  les  carnations,  un  modelé  attentif  bien 
conforme  aux  méthodes  du  xvr3  siècle,  sérieuse  époque  à 
laquelle  Lavinia  Fontana  appartient  encore.  P.  M. 

Bibl.  :  Baglïone,  le  Vite  de'  pittori  ;  Rome,  1649.  — 
Malvasia,  Felsina  pittrice  ;  Bologne,  1678  —  Gualandi, 
Tre  Giorni  in  Bologna,  1865. 

FO  NTA N  A  (Flaminio) ,  peintre  de  majoliques  du  x vie  siècle 
(V.  Fontana  [Orazio] . 

FONTANA  (Giuho-Cesare),  architecte  italien,  fils  de 
Domenico  (V.  ci-dessus).  Il  hérita  des  biens  considérables 
de  son  père  et  de  son  titre  d'architecte  du  roi  de  Naples. 
La  plus  célèbre  de  ses  constructions  est  Y  Université,  ou 
palais  des  Studj,  aujourd'hui  converti  en  musée. 

FONTANA  (Francesco),  astronome  italien,  né  à  Naples 
vers  4580,  mort  à  Naples  en  juil.  1656.  Il  étudia  d'abord 
le  droit,  se  fit  recevoir  docteur,  puis  s'appliqua  aux  mathé- 
matiques et  à  l'astronomie.  Il  perfectionna  divers  instru- 
ments d'optique  et  prétendit  assez  invraisemblablement, 
dans  ses  Novœ  cœlestium  et  terrestrium  rerum  observa- 
tiones  (Naples,  1646,  in-4),  avoir  inventé  dès  4608  le 
télescope  astronomique.  L.  S. 

Bibl.  :  Lorenzo  Crasso,  Elogj  d'huomini  letterati; 
Venise,  1656,  in-4,  t.  II.  —  Montugla,  Hist.  des  mathéma- 
tiques; Paris,  an  VII,  t.  II,  in-4. 

FONTANA  (Carlo),  architecte  et  archéologue  italien,  né 
à  Brusciato,  près  de  Côme,  en  1634,  mort  à  Rome  en  4  74  4. 
On  ne  sait  pas  s'il  est  de  la  même  famille  que  les  autres 
architectes  du  même  nom.  Il  alla  à  Rome,  dans  l'atelier  du 
Bernin,  dont  il  devint  le  meilleur  élève  et  fut  chargé,  très 
jeune  encore,  de  commandes  importantes,  comme  les  palais 
Grimazzi  et  Bolognetti,  le  mausolée  de  la  reine  Chris- 
tine à  Saint-Pierre,  les  fontaines  de  Saint-Pierre  et  de 
Santa  Maria  a  Trastevere.  Innocent  XI  lui  fit  construire 
l'église  de  San  Michèle  a  Ripa  et  le  palais  de  Monte 
Citorio,  Clément  IX  le  portail  de  Santa  Maria  a  Tras- 
tevere, la  bibliothèque  de  la  Minerve,  la  villa  Visconti  à 
Frascati.  Malgré  le  maniérisme  et  la  lourdeur  de  ses  cons- 
tructions, il  avait  une  grande  réputation,  même  à  l'étranger, 
car  le  chapitre  de  Fulda  lui  demanda  un  modèle  de  cathé- 
drale, et  l'empereur  différents  dessins  pour  le  palais  de 
Vienne.  C.  Fontana  a  laissé  des  ouvrages  techniques  et  ar- 
chéologiques remarquables  :  Il  Tempio  vaticano  esua  ori- 
gine, con  gli  edijici  più  cospicui  antichi  e  moderni 
(4694)  ;  Utilissimo  Irattato  délie  acquecorre7iti(16\)6); 
VAnfiteatro  Flavio  (1725). 

FONTANA  (Gaëtano),  astronome  italien,  né  àModène, 
en  1645,  mort  à  Vérone  le  25  juin  1719.  Il  professa 
diverses  sciences  à  Rome,  à  Padoue,  à  Vérone  et  à  Modène, 
dans  des  maisons  de  l'ordre  des  théatins,  dont  il  faisait 
partie,  mais  s'appliqua  surtout  à  l'astronomie  et  fut  en 
correspondance  suivie  avec  Dominique  Cassini.  Plusieurs 
de  ses  observations  se  trouvent  consignées  dans  les  recueils 
de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  (années  1701  à  4706). 
Il  a  en  outre  publié  :  Institutio  physico-astronomica 
(Modène,  4695,  in-4);  Ânimadversiones  in  historiam 
sacro-politicam  (Modène,  1718,  in-4).  L.  S. 

FONTANA  (Felice),  physiologiste  et  naturaliste  italien, 
né  à  Pomarole  (Tirol)  le  15  avr.  1730,  mort  à  Florence 
le  9  mars  1805.  Ses  études  terminées,  l'empereur  Fran- 
çois Ier,  alors  grand-duc  de  Toscane,  le  nomma  professeur 
de  philosophie  rationnelle  à  Pise  ;  plus  tard,  l'empereur 
Léopold  II  appela  Fontana  à  Florence  et  lui  confia  la  direc- 
tion du  célèbre  muséum  d'histoire  naturelle  de  cette  ville  ; 
il  voyagea  beaucoup  pour  augmenter  ces  collections  et  exé- 
cuta des  préparations  en  cire  qui  font  encore  aujourd'hui 
l'ornement  du  cabinet  de  Florence.  Fontana  était  un  ami 
enthousiaste  de  la  France,  ce  qui  lui  valut  pas  mal  de  per- 
sécutions delà  part  des  Autrichiens.  Ouvrages  principaux;, 
Nuove  Osservaz.  sopra  i  globetti  rossi  del  sangue 
(Lucques,  1766,  in-8)  ;  Dei  Moti  del  iride  (Lucques, 
1767,  in-8)  ;  Rie.  filos.  sopra  ilveleno  délia  vvpera 
(Lucques,  1767,  in-8)  ;  Traité  sur  le  venin  de  la  vipère, 


sur  les  poisons  américains,  sur  le  laurier-cerise,  etc., 
on  y  a  joint  des  observations  sur  la  structure  primi- 
tive du  corps  animal,  etc.  (Florence,  1781,  2  vol.  in-4, 
fig.,  trad.  de  J.  Gibelin)  ;  c'est  un  ouvrage  remarquable, 
dont  le  texte  italien  a  paru  à  Naples,  1787,  4  vol.  pet. 
in-8  ;  Choix  d'observations  physiques  et  chirurgicales 
(Paris,  1785,  in-8). 

FONTANA  (Gregorio),  mathématicien  italien,  frère  du 
précédent,  né  à  Villa  de  Nogarola,  près  de  Rovereto 
(Tirol),  le  7  déc.  1735,  mort  à  Milan  le  24  août  1803. 
Entré  de  bonne  heure  dans  l'ordre  des  Ecoles  pies,  il 
professa  à  Rome,  à  Sinigaglia,  à  Bologne,  fut  nommé  en 
1763  directeur  de  la  bibliothèque  de  Pavie  et  succéda  en 
1768  à  Boscovich  dans  la  chaire  de  mathématiques  trans- 
cendantes de  l'université  de  cette  ville.  Bonaparte  le  nomma 
membre  de  la  Consulta  de  la  république  cisalpine.  Ses 
écrits  se  composent  de  quelques  ouvrages  publiés  à  part  : 
Analyseos  sublimions  opuscula  (Venise,  1763),  Memo- 
rie  matemaliche  (Pavie,  1796,  in-4),  etc.  ;  d'une  soixan- 
taine de  mémoires  de  mathématiques  et  de  physique  insérés 
dans  les  Atti  de  l'Académie  de  Sienne  (1774  à  1781), 
dans  les  Memorie  délia  Societa  italiana  (1782  à  1802), 
dans  la  Biblioteca  fisica  d'Europa,  dans  le  Giornale 
fisico-medico  de  Pavie,  dans  les  recueils  de  l'Académie 
de  Turin,  dans  YAstronomische  Jahrbuchde  Bode;  de 
traductions  annotées  d'ouvrages  de  Bossut,  d'Atwood, 
d'Euler  et  de  Moivre.  L.  S. 

FONTANA  (Mariano),  mathématicien  italien,  né  à  Casai 
Maggiore  (Tirol)  le  48  févr.  (?)  1746,  mort  à  Milan  le 
4  8  nov.  1808.  Entré  à  seize  ans  dans  l'ordre  des  barnabites, 
il  professa  d'abord  la  philosophie  à  Bologne  (1774)  et  à 
Livourne,  puis  les  mathématiques  à  Mantoue  (1780),  à 
Milan,  à  Pavie  (1785).  C'était  en  outre  un  bibliographe  et 
un  critique  d'art  distingué.  Il  était  membre  de  nombreuses 
sociétés  savantes.  Il  a  laissé  un  traité  très  estimé  :  Corso 
di  dinamica  (Pavie,  1790-95,  3  vol.  in-4),  et  a  consigné 
dans  les  Atti  de  l'Institut  de  Pavie  (t.  I  et  II)  de  curieuses 
observations  intéressant  l'histoire  des  sciences.    L.  S. 

FONTANA  (Francesco-Lodovico),  cardinal  italien,  né  à 
Casai  Maggiore,  dans  le  Milanais,  le  28  août  1750,  mort  à 
Rome  le  19  mars  1822.  Il  entra  dans  la  congrégation  des 
barnabites,  dont  il  devint  en  1804  le  supérieur  général. 
Comme  la  plupart  des  autres  généraux  d'ordres  religieux, 
il  accompagna  le  pape  Pie  VII  à  Paris.  Il  fit  partie,  en  1 809, 
de  la  commission  instituée  pour  étudier  les  affaires  de 
l'Eglise,  puis,  peu  de  temps  après,fut  emprisonné  àVincennes, 
à  la  suite  de  la  découverte  de  papiers  compromettants.  La 
Restauration  le  délivra.  De  retour  à  Rome,  il  fut  nommé 
cardinal  (1846),  placé  à  la  tête  de  la  congrégation  de  l'In- 
dex, puis  de  la  congrégation  de  la  Propagande  (1818). 
C'était  un  érudit  et  un  helléniste  de  premier  ordre,  mais, 
outre  quelques  vers  grecs,  quelques  Eloges  académiques, 
il  n'a  rien  laissé  d'un  peu  important  que  son  édition  en 
15  vol.  in-4  des  œuvres  du  cardinal  Gerdil.  R.  G. 
Bibl.  :  L'Ami  de  la  Religion,  1822. 

FONTANA  (Pietro),  graveur  italien,  né  à  Bassano  en 
1762,  mort  à  Rome  en  1837,.  Il  apprit  la  peinture  avec 
Mingardi  et  la  gravure  avec  Raphaël  Morghen.  Ses  es- 
tampes les  plus  connues  sont  les  quinze  planches  qu'il 
grava  pour  l'ouvrage  de  Hamilton,  Schola  italicœ  picturœ; 
les  Sibylles,  d'après  le  Dominiquin;  Hérodiade,  d'après 
Guido  Reni  ;  Judith,  Jupiter  et  Sémélé,  une  Mise  au 
tombeau,  d'après  le  Corrège  ;  le  Christ  devant  Pilate, 
d'après  Ludovico  Caracci  ;  Hercule  et  Ajax,  d'après  Ca- 
nova;  les  Apôtres,  d'après  Thorwaldsen. 

FONTANA,  poète  italien  contemporain,  né  à  Milan  le 
30  janv.  1 850 .  Il  a  mené  une  vie  d'aventures  et  de  voyages,  a 
collaboré  à  de  nombreux  journaux.  Ses  poésies  sont  remar- 
quables; nous  citerons  ses  poèmes  :  Il  Canto  deWodio, 
Il  Convento,  Il  Socialismo;  ses  pièces  en  patois  mila- 
nais :  El  Barchett  de  Buffalora  et  La  Statua  del  sor 
Incioda  dont  le  succès  fut  très  vif;  ses  livrets  d'opéra  et 
de  ballets,  etc. 


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FONTANE  —  FONTANES 


FONTANE  (Theodor),  écrivain  allemand,  né  à  Neurup- 
pin,  dans  la  marche  de  Brandebourg,  le  30  déc.  1819.  A 
treize  ans,  il  entra  à  l'Ecole  industrielle  de  Berlin,  et  il  se 
rendit  ensuite  à  Leipzig  pour  étudier  la  chimie.  Peu  à  peu 
il  se  mit  en  relations  avec  des  groupes  d'écrivains  et  de 
journalistes.  En  1841,  il  fit  son  premier  voyage  en  Angle- 
terre; il  étudia  les  vieilles  ballades  anglaises  dont  l'influence 
est  visible  dans  le  recueil  de  poésies  qu'il  publia  au  retour 
(Dessau,  1849).  On  y  remarque  surtout  une  série  de  bal- 
lades intitulées  Von  der  schœnen  Rosamunde,  d'un  style 
élégant  et  d'un  rythme  facile.  Fontane  fit  encore  plusieurs 
voyages  en  Angleterre  et  s'établit  ensuite  à  Berlin.  En  1 860, 
il  entra  comme  collaborateur  à  la  Nette  Preussiche  Zei- 
'tung.  Il  suivit  les  armées  allemandes  pendant  la  guerre 
de  1870,  fut  fait  prisonnier  par  les  francs-tireurs  au  mo- 
ment où  il  visitait  la  maison  de  Jeanne  d'Arc  à  Domrémy, 
fut  interné  à  l'île  d'Oléron  et  enfin  rendu  à  la  liberté  sur 
l'ordre  de  Gambetta.  Il  a  raconté  ses  aventures  de  guerre 
dans  Krieg  sgefang  en  (Berlin,  1871).  A  son  retour,  il  ré- 
digea le  feuilleton  théâtral  de  la  Vossische  Zeitung.  Il  a 
écrit  l'histoire  de  la  guerre  du  Slesvig  (Der  Schleswig- 
Holstenische  Krieg;  Berlin,  1866),  de  la  guerre  entre  la 
Prusse  et  l'Autriche  (Der  Krieg  gegen  OEsberreich;  Ber- 
lin, 1870,  2  vol.)  et  de  la  guerre  franco-allemande  (Der 
Krieg  gegen  Frankreich;  Berlin,  1876, 2  vol.).  Les  résul- 
tats de  ses  voyages  furent  :  Ein  Sommer  in  London 
(Dessau,  1854),  Aus  Englancl  (Stuttgart,  1860)  ;  Jenseit 
des  Tweed  (Berlin,  1 860)  et  Wanderung  durai  die  Mark 
Rrandenburg  (Stuttgart,  1861,  4  vol.).  Dans  les  derniers 
temps  il  a  publié,  avec  un  succès  moindre,  le  roman  Vor 
dem  Sturm  (Berlin,  1878,  4  vol.)  et  une  série  de  nou- 
velles. A.  B. 

FONTANE  (Marius),  littérateur  français,  né  à  Marseille 
le  4  sept.  1838.  Voyageant  en  Orient  pour  le  compte  d'une 
maison  de  commerce  de  Marseille,  il  y  rencontra  M.  Fer- 
dinand de  Lesseps  dont  il  devint  le  secrétaire  ;  il  travailla 
dans  les  bureaux  du  canal  de  Suez  comme  chef  d'exploi- 
tation, puis  comme  secrétaire  général,  et,  par  la  suite,  fut 
nommé  administrateur  de  la  Compagnie  du  canal  de  Pa- 
nama. C'est  en  cette  qualité  qu'il  a  été  impliqué  dans  les 
poursuites  intentées  en  déc.  1892  aux  administrateurs  du 
Panama  et  condamné,  le  10  févr.  1893,  à  deux  ans  de 
prison.  On  a  de  M.  Marius  Fontane  une  Histoire  uni- 
verselle (Paris,  1881  et  suiv.,  in-8)  qui  doit  comprendre 
seize  volumes  et  dont  sept  seulement  ont  paru  :  l'Inde  vé- 
dique, les  Iraniens,  les  Egyptiens,  les  Asiatiques,  la  Grèce, 
Athènes  et  Borne.  Outre  cette  œuvre  volumineuse,  citons  : 
les  Marchands  de  femmes  (Paris,  1863,  in-12);  Confi- 
dences de  la  vingtième  année  (1863,  in- 12);  la  Tribu 
des  Chacals  (1864,  in-12);  Selim  V égorgent  (1865, 
in-12);  la  Guerre  d'Amérique  (1866,  2  vol.  in-12)  ; 
Zaïra  la  rebelle  (1866,  in-12);  De  la  Marine  mar- 
chande (1868,  in-8);  le  Canal  maritime  de  Suez 
(1869,  gr.  in-8);  Essais  de  poésie  védique  (187 6,  in-16); 
Voyage  pittoresque  à  travers  l'isthme  de  Suez  (s.  d., 
in-fol.),  etc. 

FONTANELLA  (Juan-Pedro),  jurisconsulte  espagnol,  né 
à  Olot  (Catalogne)  en  1576,  mort  à  Barcelone  en  1660.  Il 
acquit  une  grande  célébrité  comme  avocat,  fut  député  de 
Barcelone  aux  Cortès  en  1622,  chef  des  jurats  à  l'époque 
où  la  ville  fut  prise  par  les  troupes  royales,  commandées 
par  le  marquis  de  Vêlez.  Il  a  laissé  quelques  ouvrages  :  De 
Pactibus  nuptialibus,  sive  capitulis  matrimonialibus 
tractatus  (Barcelone,  1512, 2  vol.  in-fol.,  réimprimé  quatre 
fois,  à  Gènes  et  à  Venise)  ;  Sacri  senatus  Cataloniœ  De- 
cisiones  (Barcelone,  2  vol.  in-fol.,  réimprimé  trois  fois  à 
Gènes  et  à  Venise).  E.  Cat. 

FONTANELLA  (Francesco),  philologue  italien,  né  à 
Venise  le  28  juin  1768,  mort  le  22  mars  1827.  Il  ensei- 
gna la  grammaire,  l'éloquence  latine,  l'hébreu  et  le  grec, 
mais  la  dernière  chaire  qu'il  occupait  à  Venise,  au  sémi- 
naire, ayant  été  supprimée,  il  se  trouva  réduit  à  gagner  sa 
vie  comme  correcteur  d'épreuves.  Parmi   ses  nombreux 


ouvrages,  on  remarque  :  La  Ortografia  del  nomeJohannes 
(Venise,  1790)  ;  Prosodia  latina  (Venise,  1812)  ;  Ad- 
denda ad  grozcam  grammaticen  (Milan,  1819);  La 
Paleortoepia  délia  lettera  greca  H  (Venise,  1819)  ; 
Limen  grammaticum  (Venise,  1819-1821),  grammaire 
grecque  en  deux  parties  ;  Vocabolario  greco-italiano  ed 
italiano-greco  (Venise,  1821)  ;  Vocabolario  ebraico- 
italiano  ed  italiano-ebraico  (Venise,  1824)  ;  Lettera 
alla  nazione  Ebrea  per  eccitarla  allô  studio  (Venise, 
1827),  etc.  Il  a  raconté  lui-même  sa  vie  dans  l'autobio- 
graphie intitulée  Vita  di  Francesco  Fontanella,  prête 
veneûano,  scritta  da  lui  medesimo  (Venise,  1825, in-8), 

FONTANELLE  (V.  Crâne). 

FONTANES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Limoux, 
cant.  de  Belcaire;  183  hab. 

FONTANES.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Mont- 
pellier, cant.  de  Claret;  127  hab. 

FONTANES.  Com.  du  dép.  delà  Loire,  arr.  de  Saint- 
Etienne,  cant.  de  Saint-Héand;  440  hab. 

FONTANES.  Com.  du  dép.  de  la  Hâùte-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Brioude  ;  637  hab. 

FONTANES.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors, 
cant.  de  Lalbenque  ;  592  hab. 

FONTANES.  Com.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr.  de  Mende, 
cant.  de  Langogne  ;  388  hab, 

FONTANÈS-de-Légues.  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  de 
Nîmes,  cant.  de  Sommières;  538  hab. 

FONTANES-Lunegarde.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de 
Gourdon,  cant.  de  La  Bastide-Murat ;  536  hab. 

FONTANES  (Louis,  marquis  de),  écrivain  et  homme 
d'Etat  français,  né  à  Niort  le  6  mars  1757,  mort  à  Paris 
le  17  mars  1821.  Catholique  par  sa  mère,  issu  par  son 
père  d'une  famille  protestante  originaire  d'Alais  (Lan- 
guedoc), Fontanes  fut  élevé  chez  les  oratoriens  de  Niort, 
et,  se  trouvant  sans  fortune,  accepta  les  fonctions  d'ins- 
pecteur des  manufactures  qu'il  exerça  successivement  à 
Sâint-Gaudens,  à  Niort  et  aux  Andelys.  Son  père  mourut 
en  1774,  et  comme  Turgot,  qui  le  connaissait  et  l'appré- 
ciait, venait  d'être  nommé  contrôleur  général  des  finances, 
il  fit  profiter  le  fils  de  l'intérêt  qu'il  avait  porté  au  père  et 
lui  accorda  une  pension  de  800  livres.  Cette  pension  lui 
ayant  été  supprimée  en  1777  à  la  suite  des  mesures  d'éco- 
nomie décidées  par  Necker,  Fontanes  vint  à  Paris  pour 
solliciter  sa  réintégration  sur  la  liste  des  pensionnés  de  la 
couronne.  Il  ne  l'obtint  pas  et  pendant  plusieurs  années 
vécut  dans  une  situation  fort  précaire.  Le  séjour  de  Paris 
l'aida  du  moins  à  se  faire  connaître  et  apprécier  des  prin- 
cipaux écrivains  du  temps.  Il  s'était  senti  poète  dès  l'ado- 
lescence ;  il  eut  vite  fait  de  marquer  sa  place  dans  les 
recueils  littéraires  à  la  mode;  on  goûta  pour  leur  mélodie 
et  leur  pureté  des  pièces  comme  :  le  Jour  des  Morts  dans 
une  campagne,  la  Forêt  de  Navarre,  la-  Chartreuse  de 
Paris,  les  fragments  du  poème  sur  les  Montagnes,  etc. 
La  traduction  de  YEssai  sur  V homme  de  Pope  (1783) 
frappa  moins  par  elle-même  que  par  sa  préface  où  les  idées 
et  le  style  révélèrent  un  prosateur  de  mérite.  En  1788, 
parut  le  Verger,  poème  descriptif  dans  la  manière  de  De- 
lille  et  de  Saint-Lambert  et  qui,  avec  YEssai  sur  l'Astro- 
nomie et  YEpître  sur  l'édit  en  faveur  des  non-catho- 
liques (1789),  acheva  de  classer  Fontanes  au  premier  rang 
des  poètes  contemporains.  La  Bévolution  trouva  dans  Fon- 
tanes un  partisan  convaincu,  comme  en  témoigne  le  Poème 
séculaire  sur  la  fédération  de  1790  ;  mais  les  excès 
qui  suivirent  refroidirent  sensiblement  son  zèle.  En  atten- 
dant il  fondait  le  Modérateur,  journal  dont  le  titre  est 
tout  un  programme,  et  qui  n'eut  qu'une  durée  éphémère. 
Il  se  trouvait  à  Lyon,  où  il  avait  contracté  en  1791  un 
_  mariage  qui  lui  assurait  pour  l'avenir  une  entière  indépen- 
dance, quand  eurent  lieu  le  siège  et  la  prise  de  cette  ville. 
Témoin  des  indignes  cruautés  de  Collot  d'Herbois,  il  osa 
rédiger  une  protestation  que  trois  ouvriers  lyonnais  assistés 
de  Changeux  de  Bourges  portèrent  le  20  déc.  1793  à  la 


FONTANES  —  FONTANIEU 


748  — 


barre  de  la  Convention.  Proscrit  lui-même  pour  cet  acte 
de  courage,  il  échappa  à  Fouché  et  ne  sortit  de  la  retraite 
qu'après  le  9  thermidor.  On  le  retrouve  en  1795  à  Paris 
où  il  est  nommé  de  l'Institut  (classe  de  littérature), 
presque  en  même  temps  qu'on  lui  confie  la  chaire  de 
belles-lettres  à  l'ancien  collège  des  Quatre-Nations  trans- 
formé en  école  centrale.  Le  48  fructidor  refit  un  proscrit 
de  Fontanes  ;  son  crime,  aux  yeux  du  Directoire,  était 
d'avoir  collaboré  au  Mémorial  de  La  Harpe  et  de  l'abbé 
de  Vauxcelles.  Durant  son  exil  en  Angleterre,  il  se  lia  avec 
Chateaubriand,  proscrit  comme  lui,  et  avec  lequel,  La  Harpe, 
Esménard  et  de  Bonald,  il  fonda  à  son  retour  après  le 
48  brumaire  un  journal  politique  et  littéraire  qui  prit  l'an- 
cien nom  de  Mercure  de  France.  C'est  à  cette  époque  qu'il 
connut  Lucien  Bonaparte  qui  se  l'attacha  pendant  quelque 
temps  au  ministère  de  l'intérieur  et  le  chargea  de  prononcer 
aux  Invalides  l'éloge  funèbre  de  Washington.  Son  intimité 
avec  Elisa  Bonaparte  ne  le  servit  pas  moins  auprès  du  pre- 
mier consul  :  celui-ci  le  nomma  membre  du  Corps  légis- 
latif, dont  il  devint  président  en  1804.  Dans  l'intervalle 
il  avait  été  réintégré  dans  son  fauteuil  de  l'Institut  où 
Cailhava  l'avait  remplacé  quelque  temps;  en  1801,  il 
s'était  fait  le  promoteur  du  rétablissement  de  l'Empire. 
En  1808,  Napoléon  l'appelait  à  la  tête  de  l'Université  réor- 
ganisée; en  1810,  il  entrait  au  Sénat.  Créé  pair  de  France 
et  membre  de  la  commission  préparatoire  de  la  Charte  en 
1814,  il  se  dérobait,  lors  des  Cent-Jours,  aux  sollicitations 
de  l'empereur  et  s'en  voyait  récompensé  au  retour  de 
Louis  XVIII  par  le  titre  de  ministre  d'Etat  et  son  élévation 
au  conseil  privé.  Fontanes  fut  cependant  un  des  juges  qui 
se  refusèrent  à  voter  la  mort  du  maréchal  Ney.  Cette  atti- 
tude, tout  à  son  honneur,  ne  l'empêcha  pas,  en  1817, 
d'être  créé  marquis  par  Louis  XVIII,  auprès  duquel,  il 
demeura  l'orateur  officiel  de  la  Chambre  des  pairs,  comme 
il  avait  été  celui  du  Corps  législatif  et  du  Sénat  auprès  de 
Napoléon.  Fontanes  venait  d'être  investi  en  1821  de  la 
présidence  delà  Société  des  bonnes  lettres  quand  sa  santé, 
altérée  déjà  par  la  mort  de  son  lils  adoptif,  M.  de  Saint- 
Marcellin,  déclina  brusquement  :  il  mourut  peu  après. 
Outre  les  poèmes  et  traductions  dont  nous  avons  déjà  parlé, 
on  doit  à  Fontanes  des  Extraits  critiques  du  Génie  du 
Christianisme,  un  poème  de  la  Grèce  délivrée,  un  autre 
intitulé  le  Vieux  Château,  une  ode  sur  les  Tombeaux  de 
Saint-Denis,  des  stances,  des  épîtres,  un  choix  de  mor- 
ceaux de  critique  littéraire  et  de  discours  qui  ont  été  réunis 
par  les  soins  de  Sainte-Beuve  (OEuvres  de  Fontanes; 
Paris,  1839,  2  vol.  in-8).  Ch.  Le  Goffic. 

FONTANES  (Ferdinand),  prédicateur  protestant,  né  à 
Nîmes  le  15  mai  1797,  mort  à  Nîmes  le  9  janv.  1862. 
Sauf  un  court  ministère  à  Tonneins  (1822-1826),  il  a 
consacré  toute  sa  vie  à  l'Eglise  de  Nîmes.  Il  fut  l'un  des 
chefs  du  libéralisme  protestant  du  second  tiers  de  ce  siècle, 
fortement  attaché  au  surnaturel,  ennemi  de  toute  autorité 
extérieure.  Il  publia  presque  à  lui  seul,  de  1837  à  1860, 
VEvangéliste,  journal  bi-mensuel,  et  plusieurs  brochures 
intéressantes  pour  l'histoire  interne  du  protestantisme  de 
son  temps.  F. -H.  K. 

FONTANEY  (A.),  littérateur  français,  mort  en  juin  1837. 
«  Si  nous  ne  disons  pas  son  prénom,  écrit  M.  Ed.  Four- 
nier  dans  ses  Souvenirs  poétiques  de  V école  romantique, 
c'est  que  jamais  on  n'en  a  connu  que  l'initiale.  On  croit  qu'il 
était  de  Paris  et  du  même  âge  à  peu  près  que  Victor  Hugo, 
qui  fut  son  guide  et  son  dieu.  Il  fit  partie  du  cénacle.  »  Il 
publia  en  1829  un  premier  volume  de  vers,  le  seul  qu'il 
ait  signé  de  son  nom,  Ballades,  mélodies  et  poésies 
diverses.  On  le  retrouve  à  la  Revue  des  Deux  Mondes 
presque  dès  sa  fondation,  en  1832,  où  il  débute  par  un 
article  sur  les  Romans  de  Victor  Hugo;  il  écrivit  égale- 
ment dans  la  ^Revue  de  Paris.  Il  fut  chargé  à  plusieurs 
reprises  de  la  chronique  littéraire  et  politique  dans  le  pre- 
mier de  ces  recueils.  Tendre  aux  hommes,  il  était  particu- 
lièrement dur  pour  les  femmes-écrivains  et  fut  en  son 
temps  la  terreur  des  bas-bleus.  Le  duc  d'Harcourt  l'ayant 


attaché,  en  1833,  à  l'ambassade  de  Madrid,  Fontaney  rap- 
porta d'Espagne  une  ample  provision  de  croquis  et  de  sou- 
venirs dispersés  d'abord  dans  les  revues  et  réunis  plus  tard 
dans  un  volume  intitulé  Scènes  de  la  vie  castillane  et 
andalouse  (1835).  Fontaney  s'occupa  aussi  de  la  vie  an- 
glaise. On  a  de  lui  des  études  sur  Washington  Irving  et 
sur  Wordsworth,  une  Histoire  du  Parlement  anglais 
en  1835  et  les  Exhibitions  artistiques  à  Londres  en 
1836.  Volontiers  mystérieux  sur  lui-même,  il  signa  presque 
toutes  ses  œuvres  des  pseudonymes  de  Lord  Feeling  et  de 
O'Donnoz.  Sa  fin,  selon  Ch.  Asselineau,  fut  un  roman  dou- 
loureux, dont  le  t.  IX  de  Y  Histoire  de  ma  vie  par  George 
Sand  «  nous  a  livré  à  demi  le  secret  ».  Ch.  Le  Goffic. 
FONTANGES  (V.  Coiffure,  t.  XI,  p.  860). 
F0NTANGES.  Corn,  du  dép.  du  Cantal,  arr.  de  Mauriac, 
cant.  de  Salers  ;  849  hab.  La  seigneurie  appartenait  à  la 
famille  de  ce  nom,  dont  la  dernière  héritière,  Guilielmine  de 
Fontanges,  la  porta  par  mariage  en  1616  à  Louis  de  Sco- 
raille.  Leur  fille,  Marie- Angélique ,  fut  la  belle  duchesse 
de  Fontanges,  un  moment  aimée  de  Louis  XIV.  —  Eglise 
commencée  en  1468  avec  un  tableau  curieux  ;  ruines  du 
château  et  de  la  chapelle  de  Beauclair  ;  château  de  Palmont 
(xve  siècle,  restauré  de  nos  jours).  Les  curiosités  naturelles 
sont  très  nombreuses  et  ont  donné  à  la  vallée  de  Fontanges 
une  réputation  locale  méritée  ;  citons  en  particulier  :  les 
sources  minérales  de  la  Bastide,  les  gorges  et  les  cascades 
de  la  forêt  du  Bois-Noir,  les  cascades  de  Chavaroche,  la 
cascade  et  les  grottes  creusées  de  main  d'homme  de  Cuzol, 
la  grotte  tapissée  d'efflorescences  de  sulfate  de  fer  et  ren- 
fermant deux  arbres  fossiles  de  la  Peyre-del-Cros,  la  cas- 
cade de  Pissa-del-Coin,  etc.  L.  F. 

FONTANGES  (Marie-Angélique  de  Scoraille  de  Rous- 
sille,  duchesse  de),  maîtresse  de  Louis  XIV,  née  en  1661, 
morte  au  monastère  de  Port-Royal  le  28  juil.  1681.  Elle 
appartenait  à  une  ancienne  famille  du  Rouergue  et  fut  placée 
comme  fille  d'honneur  auprès  de  Madame.  Louis  XIV  fut 
séduit  par  sa  beauté,  et  Mme  de  Montespan,  qui  redoutait 
l'influence  de  Mme  de  Maintenon,  vanta  elle-même  au  roi 
les  charmes  de  Mlle  de  Fontanges.  Mais  celle-ci,  ayant 
promptement  acquis  une  grande  influence  sur  le  roi,  n'eut 
que  des  dédains  pour  Mme  de  Montespan  et  se  livra  à  de 
folles  prodigalités.  Louis  XIV  lui  avait  donné  le  titre  de 
duchesse  de  Fontanges.  Elle  avait  eu  du  roi  un  fils  qui 
mourut  peu  après  sa  naissance  ;  à  ce  moment,  son  état  de 
langueur  l'obligea  de  quitter  la  cour  et  elle  se  retira  à 
Port-Royal,  où  elle  mourut  peu  de  temps  après. 

FONTANGY.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Semur,  cant.  de  Précy-sous-Thil  ;  445  hab. 

FONTAIN1ÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Creuse,  arr.  d'Au- 
busson,  cant.  d'Evaux  ;  803  hab. 

FONTANIER  (Victor),  voyageur  français,  né  à  Saint- 
Flour  le  23  sept.  1796,  mort  à  Cività  Vecchia  le  26  mai 
1857.  Elève  de  l'Ecole  normale  (promotion  de  1814),  il 
dut  démissionner  à  cause  de  ses  opinions  libérales  et  entra 
en  1819  à  l'Ecole  des  naturalistes  voyageurs.  De  1822  à 
1829,  il  voyagea  en  Orient  pour  le  compte  du  gouverne- 
ment français  et  publia  le  compte  rendu  de  ses  missions. 
Il  entra  ensuite  dans  la  carrière  consulaire  et  il  était 
en  1840  consul  par  intérim  lorsqu'il  fut  mis  d'office  à 
la  retraite  pour  avoir  rompu  de  son  propre  chef  avec 
l'Angleterre.  Il  redevint  en  1846  consul  à  Singapour  et 
mourut  consul  à  Cività  Vecchia.  Il  avait  été  élu  membre 
correspondant  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  le  23  déc.  1846.  On  a  de  lui  :  Voyage  en  Orient 
{1821-1829),  Turquie  d'Asie,  Constantinople,  Grèce 
•(Paris,  1829,  2  vol.  in-8)  ;  Voyage  en  Orient  (1831-32) 
(Paris,  1834,  in-8);  Voyage  dans  Vlnde  et  dans  le 
golfe  Persique  (1844-47,  '3  vol.  in-8)  ;  Voyage  dans 
F  archipel  Indien  (1852,  in-8). 

FONTANIEU  (Gaspard-Moïse),  marquis  de  Fiennes,éru- 
dit  et  collectionneur  français,  né  en  1693,  mort  à  Paris, 
au  «  petit  hôtel  de  Conty  »,  paroisse  de  Saint- André  des 
Arcs,  le  26  sept.  1767.  Il  fut  intendant  de  Grenoble  de 


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FONTANIEU  --  FONTARABIE 


1724  à  4740,  et  suivit  en  cette  qualité  l'armée  qui  entra 
en  Italie,  en  1733.  Il  devint  ensuite  conseiller  d'Etat  ordi- 
naire et  contrôleur  général  des  meubles  de  la  couronne. 
Il  avait  formé  une  très  belle  bibliothèque  et  réuni  une 
énorme  quantité  de  pièces,  tant  imprimées  que  manus- 
crites, sur  l'histoire  et  le  droit  public  de  la  France.  Il 
vendit  toutes  ses  collections  au  roi,  par  acte  du  27  août 
1765,  moyennant  le  payement,  à  sa  mort,  d'une  somme 
de  90,000  livres  et  une  rente  viagère  de  8,000  livres. 
Elles  sont  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale.  Les 
imprimés  et  les  estampes  n'ont  pas  été  gardés  à  part.  Les 
seules  séries  qui  aient  conservé  leur  intégrité  sont  les  deux 
suivantes  :  1°  Les  Portefeuilles  dans  lesquels  sont  rangés 
suivant  l'ordre  chronologique,  pour  la  première  partie,  et 
suivant  l'ordre  méthodique  pour  la  seconde,  la  copie  ou 
l'analyse  d'environ  100,000  pièces.  Ils  ne  comprennent 
pas  moins  de  881  numéros.  Les  volumes  876-88 1  ne  con- 
tiennent que  des  pièces  originales.  Un  catalogue  sommaire 
en  a  été  publié  dans  la  Bibliothèque  historique  du  père 
Lelong  (éd.  4  768-78,  t.  IV,  2e  partie,  pp.  1-11).  2°  Un 
recueil  de  pièces  fugitives  tant  imprimées  que  manuscrites 
qui  comprend  366  vol.  in-4  et  10  vol.  de  tables.  Il  est 
conservé  à  la  Réserve  du  département  des  imprimés. 

Les  manuscrits  anciens  ou  modernes  que  Fontanieu  pos- 
sédait, ses  ouvrages  personnels  et  les  papiers  de  ses  inten- 
dances de  Dauphiné  et  de  l'armée  d'Italie  furent  insérés 
dans  le  Supplément  français  (nos  4779  à  4987),  dans 
le  Supplément  latin  (nos  890-929)  et  dans  le  fonds  des 
Cartulaires  (nos  143-145).  Ils  ont  été  fondus  depuis  dans 
le  fonds  français  et  dans  le  fonds  latin.  Le  seul  des  ou- 
vrages de  Fontanieu  qui  ait  été  imprimé  est  le  suivant  : 
la  Rosalinde,  imitée  de  V italien  (La  Haye  [Paris],  1732, 
2  vol.  in-12).  Nous  ne  pouvons  énumérer  ici  les  nombreux 
travaux  personnels  de  Fontanieu  qui  sont  restés  manuscrits. 
Le  père  Lelong  a  mentionné  les  principaux  dans  sa  Biblio- 
thèque historique. 

FONTANIL  (Le).  Coin,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  et  cant- 
(N.)  de  Grenoble,  dans  la  vallée  du  Graisivaudan  ;  465  hab. 
Fontaine  de  la  Lutinière,  vaste  grotte  au  fond  de  laquelle 
un  puits  profond  donne  naissance  à  un  torrent.  Au  sommet 
du  rocher  du  Cornillon,  qui  domine  le  village,  vestiges 
romains,  ruines  d'un  château  féodal  et  de  constructions  du 
xvie  siècle. 

FONTANIN1  (Giusto),  littérateur  et  professeur  italien, 
né  à  Saint-Daniel  (Frioul)  le  30  oct.  1666,  mort  à  Rome 
le  17  avr.  1736.  Elève  des  jésuites  de  Goritz,  puis  biblio- 
thécaire du  cardinal  Renato  Imperiali,  Fontanini  vint  à 
Rome  en  1697  et,  nommé  professeur  d'éloquence  par  Clé- 
ment XI,  fit  preuve  parfois  d'un  certain  libéralisme  et 
aussi  de  singuliers  emportements,  mais  toujours  d'un  grand 
dévouement  pour  la  cause  de  la  papauté,  ce  qui  lui  valut, 
après  une  courte  disgrâce  sous  Innocent  XIII,  les  faveurs 
de  Benoît  XIII  et  le  titre  d'archevêque  d'Ancyre.  Mais, 
disgracié  à  nouveau  par  Clément  XII,  Fontanini  ne  s'oc- 
cupa plus  que  d'accroître  la  longue  liste  de  ses  œuvres 
littéraires  et  juridiques  dont  les  dernières  furent  publiées 
à  Venise  par  son  neveu  et  biographe,  Domenico  Fontanini. 
On  doit  à  Giusto  Fontanini,  entre  autres  publications,  de 
nombreux  mémoires  touchant  les  droits  temporels  du  pape, 
tant  sur  la  ville  de  Commachio  (Rome,  1709  et  1711, 
in-fol.),  que  sur  les  duchés  de  Parme  et  de  Plaisance 
(1720,  in-fol.);  le  catalogue  de  la  bibliothèque  du  cardinal 
Imperiali  (Rome,  1711,  in-fol.);  une  édition  des  décrets 
de  Gratien  (Rome,  1724,  2  vol.  in-fol.)  ;  des  traités  de 
morale,  une  histoire  littéraire  du  Frioul  restreinte  malheu- 
reusement à  la  seule  ville  d'Aquilée,  etc. 

Bibl.  :  Domenico  Fontanini,  Vita  ciel  Fontanini  ;  Ve- 
nise, 1755.  —  Liruti,  Notizie  délie  vite  ecl  opère  scritte  da 
letterati  del  Friuli  ;  Venise,  1760,  in-4.  —  Fabroni,  Vita- 
rum  Italorum  doctrina  excellentium{êd.  1778-1804),  t.  XIII, 
p.  202.  —  Baseggio,  dans  Tipaldo,  Biografia  degli  Itaitani 
illustrati,  t.  VII,  p.  438. 

FONTANNES.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Rrioude  ;  623  hab. 


FO  NTAN 0 N  (Antoine),  jurisconsulte  français  du  xvie  siè- 
cle, né  en  Auvergne.  Suivant  Lacroix  du  Maine,  il  vivait 
encore  en  1584. 11  étudia  le  droit  à  Rourges  et  fut  avocat 
au  Parlement  de  Paris.  Il  entreprit,  avec  l'aide  de  Pierre 
Pithou,  de  Bergeron  et  d'autres  jurisconsultes,  de  faire  un 
recueil  des  ordonnances  des  rois  de  France  qui  parut  sous 
ce  titre  :  les  Edits  et  ordonnances  des  roys  de  France, 
depuis  saint  Loys  jusqu'à  présent  (Paris,  1580,  4  vol. 
in-fol.).  Gabriel-Michel  de  La  Rochemaillet  revit  cet  ou- 
vrage, sur  l'ordre  du  chancelier  de  Sillery,  et  en  donna 
une  nouvelle  édition  augmentée  (Paris,  1611,  3  vol.  in- 
fol.).  Les  ordonnances  recueillies  par  Fontanon  ont  été, 
depuis,  insérées  dans  la  collection  publiée  par  de  Laurière 
et  ses  continuateurs,  sous  ce  titre  :  Ordonnances  des  rois 
de  France  de  la  troisième  race  (Paris,  1723-1849, 
21  vol.  in-fol.).  Fontanon  a  fait  une  traduction  française 
de  la  Pratique  de  Masuer  (Paris,  1577,  in-4)  ;  une  der- 
nière édition  a  été  augmentée  par  Pierre  Guenois  (Paris, 
1620,  in-4).  On  doit  aussi  à  Fontanon  des  notes  sur  un 
ouvrage  d'Azo.  G.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Taisand,  les  Vies  des  plus  célèbres  juriscon- 
sultes; Paris,  1721,  p.  268.  —  De  Laurière,  Ordonnances 
des  rois  de  France  de  la  troisième  race;  Paris,  1723, 
préface. 

FONTANS.  Corn,  du  dép.  delà  Lozère,  arr.  de  Marve- 
jols,  cant.  de  Serverette;  821  hab. 

FONTANT  (Antoine),  maître  d'oeuvre  et  sculpteur  fran- 
çais du  commencement  du  xvie  siècle.  Fontant  travailla 
pendant  dix  ans,  de  1528  à  1538,  au  château  de  La 
Rochefoueault  (Charente)  et  y  fut  l'auteur  de  la  grande  vis 
ou  escalier  de  cent  huit  marches  au  haut  duquel  il  sculpta 
son  buste,  puis  de  deux  autres  parties  de  bâtiments,  d'une 
galerie  à  jour  et  peut-être  de  la  chapelle.  On  attribue 
aussi  à  Fontant  la  chapelle  du  prieuré  de  Saint-Florent. 

Bibl.  :  L'abbé  Michon,  Statist.  monum,  de  la  Charente; 
Angoulême,  in-4,  fig. 

FONTARABIE.  Ville  d'Espagne, (en  espagnol  Fuenter- 
rabia),  ch.-l.  de  la  prov.  de  Guipiizcoa  ;  3,200  hab.  Celte 
ville  est  située  près  de  l'embouchure  de  la  Ridassoa,  au 
pied  d'un  contrefort  du  Jaizquibel.  Fontarabie,  connue  des 
anciens  sous  le  nom  à'OEaso,  et  désignée  en  latin  moderne 
sous  celui  de  Fons  Rapidus,  tire  son  nom  du  basque  et 
signifie  gué  des  sables.  Les  magnifiques  écussons  sculptés 
sur  quelques-unes  des  maisons  de  la  Galle  Mayor,  ou 
grand'  rue  de  Fontarabie,  témoignent  de  l'importance  qu'eut 
autrefois  cette  ville,  aujourd'hui  ruinée  et  appauvrie.  Son 
château,  maintenant  délabré,  fut  construit  par  le  roi  de 
Navarre,  Sanche  le  Fort,  au  xe  siècle,  et  rebâti  par 
Charles-Quint.  Fontarabie  fut  plusieurs  fois  assiégée,  no- 
tamment en  1521  par  François  Ier,  et  en  1638  par  Condé 
et  par  l'archevêque  de  Rordeaux  qui  ne  purent  s'en  empa- 
rer. C'est  à  Fontarabie  que  le  mariage  de  Louis  XIV  avec 
Marie-Thérèse  d'Autriche  fut  signé  par  procuration  le 
2  juin  1660.  Cette  ville  fut  de  nouveau  assiégée  en  1719 
par  Rerwick  qui  s'en  rendit  maître.  Les  murailles  de  Fon- 
tarabie ont  été  en  grande  partie  démolies  par  les  canons 
français  en  1794.  En  1808,  1813  et  1837,  elle  fut  encore 
prise  ou  reprise.  Au  N.  de  la  ville  est  le  petit  faubourg 
moderne  de  la  Magdalena,  habité  par  une  population  de 
pêcheurs  et  fréquenté  par  les  étrangers  comme  station  de 
bains  de  mer.  G.  Regelsperger. 

Ra taille  de  Fontarabie.  —  Gagnée  par  Moncey  sur  les 
Espagnols  le  1er  août  1794.  Ayant  réussi  à  chasser  les 
Espagnols  de  la  vallée  de  Raztan,  Moncey  rassembla  à  Le- 
saca  environ  1,200  hommes,  afin  d'attaquer  Fontarabie. 
Son  mouvement,  commencé  dès  le  31  juil.,  ne  put  être 
achevé  que  le  1er  août,  tant  le  brouillard  était  épais.  Les 
postes  que  l'ennemi  avait  établis  sur  le  mont  d'Aya  furent 
emportés  presque  sans  résistance.  Les  Espagnols  s'étant  re- 
tirés sur  Oyarzun,  le  poste  dTrun  fut  pris,  découvrant  ainsi 
Fontarabie  qui  ne  possédait  que  600  hommes  de  garnison 
et  capitula  à  la  première  sommation.  L'armée  française 
trouva  dans  la  place  une  quantité  énorme  de  munitions  et  de 
vivres;  en  outre,  elle  fit  2,000  prisonniers,  prit  250  ca- 


FONTARABIE  —  FONTE 


—  750  — 


nons,  5  drapeaux  et  un  nombre  considérable  d'effets  mili- 
taires. 
Bibl.  :  André  Favyn,  Histoire  de  Navarre  ;  Paris,  1612. 

FONTARÈCHE.  Corn,  du  dép.  du  Gard,  arr.  d'Uzès, 
can»t.  de  Lussan  ;  253  hab. 

FONTCLAIREAU.  Com.  du  dép.  delà  Charente,  arr.  de 
Ruffec,  cant.  de  Mansle  ;  441  hab.. 

FONTCOUVERTE.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Narbonne,  cant.  de  Lézignan  :  541  hab. 

FONTCOUVERTE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Infé- 
rieure, arr.  et  cant.  (N.)  de  Saintes  ;  607  hab.  Fontcou- 
verte  est  près  delà  source  du  Morillon,  affluent  de  droite 
de  la  Charente.  Elle  possède  une  église  du  xie  ou  du 
xiie  siècle,  et,  ce  qui  lui  a  valu  son  nom,  un  aqueduc  ro- 
main qui  portait  les  eaux  du  Douhet  à  Saintes. 

Bibl.  :  R.-P.  Lesson,  Fastes  historiques  du  dép.  de  la 
Charente-Inférieure,  1842-45,  t.  II,  p.  45.  —  Recueil  de  la 
Commission  des  arts  et  monuments  historiques  de  la 
Charente-Inférieure,  1886,  1. 1,  p.  12,  3e  série. 

FONTCOUVERTE.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  et 
cant.  de  Saint-Jean-de-Maurienne  ;  1,287  hab. 

FONTE.  I.  Chimie. —  La  fonte  est  le  produit  immédiat 
de  la  réduction  des  minerais  de  fer,  c.-à-d.  du  fer  uni  à  du 
carbone,  du  silicium,  et,  ordinairement,  à  de  faibles  quan- 
tités de  phosphore,  de  soufre,  de  manganèse,  d'arsenic. 
Les  aciers  sont  également  des  fers  carbures,  mais  ce  qui 
les  distingue  de  la  fonte,  c'est  qu'ils  jouissent  de  la  pro- 
priété de  recevoir  la  trempe.  Le  fer  et  l'acier  se  distin- 
guent de  la  fonte  par  leur  malléabilité,  propriété  qui  fait  à 
peu  près  défaut  dans  cette  dernière.  Le  carbone  n'est  pas 
le  seul  corps  capable  d'influer  d'une  manière  aussi  ex- 
traordinaire sur  les  propriétés  physiques  du  fer  doux  ;  le 
silicium  et  le  manganèse  sont  dans  le  même  cas.  Au  com- 
mencement du  siècle,  on  pensait  que  l'acier  était  un  car- 
bure de  fer  pur,  tandis  que  la  fonte  renfermerait,  en  outre, 
du  silicium,  du  phosphore,  du  chrome,  du  manganèse,  etc. 
Le  carbone  donne  au  fer  la  dureté,  la  ténacité,  la  malléabi- 
lité, l'élasticité,  les  qualités  de  la  trempe,  mais  seulement 
dans  des  limites  spéciales.  Aussi,  ne  peut-on  fonder  une 
distinction  précise  et  baser  une  classification  des  aciers  et 
des  fontes  sur  la  composition  chimique.  Lorsqu'ils  ne  ren- 
ferment que  du  fer  et  du  carbone,  0,15  °/0  de  carbone 
suffit  pour  que  le  métal  commence  à  posséder  la  faculté 
d'être  trempé  ;  une  teneur  de  1,50  %  est  une  limite  au  delà 
de  laquelle  le  fer  carburé  cesse  d'être  malléable.  On  admet 
dans  la  pratique  que  le  métal  qui  renferme  moins  de  0,15  % 
de  carbone  est  du  fer  doux;  entre  0,15  et  1,50  °/0  vien- 
nent prendre  place  les  aciers  ;  au  delà  de  cette  dernière 
quantité,  le  métal  est  de  la  fonte.  Il  résulte  de  ce  qui  pré- 
cède que  la  fonte  décarburée  doit  donner  successivement 
de  l'acier  et  du  fer  doux  :  c'est  ce  que  l'expérience  con- 
firme (V.  Acier,  1. 1,  p.  394). 

II.  Métallurgie.—  Les  fontes  portent  différents  noms 
suivant  l'aspect  de  leur  cassure  et  leur  composition  chimique. 
Les  fontes  grises  sont  d'une  teinte  foncée  et  le  carbone  en 
excès  s'y  est  séparé  à  l'état  de  graphite;  aussi  leur  donne- 
t-onle  nom  de  fontes  graphiteuses.  Une  partie  seulement  du 
carbone  qu'elles  renferment  se  trouve  à  l'état  combiné,  l'autre 
s'est  séparée  de  la  masse  au  moment  de  la  solidification.  Les 
fontes  blanches  renferment  le  carbone  à  l'état  combiné. 
Les  fontes  truitées  sont  un  intermédiaire  entre  les  fontes 
blanches  et  les  fontes  grises  ;  c'est  un  mélange  des  deux 
qualités.  Tantôt  c'est  la  fonte  blanche  qui  domine  et  alors 
la  fonte  grise  disséminée  en  petites  sphères  se  présente 
sous  la  forme  de  taches  circulaires  noires  résultant  de 
l'intercession  du  plan  de  la  cassure  avec  les  sphères  de 
fonte  grise.  Ou  bien,  quand  la  fonte  grise  domine,  la 
fonte  blanche  se  présente  sous  forme  de  taches  blanches 
sur  le  fond  gris  de  la  cassure.  Dans  le  premier  cas,  on 
dit  que  la  fonte  est  truitée  blanche  et,  dans  le  second  cas, 
on  l'appelle  fonte  truitée  grise.  Le  mot  truite  a  été  appli- 
qué à  cette  nature  de  fonte  parce  que  sa  cassure  rappelle 
l'aspect  de  la  peau  de  la  truite.  Les  fontes  se  classent 
dans  le  commerce  en  numéros  qui  indiquent  leur  nature. 


Les  fontes  les  plus  graphiteuses,  les  plus  grises,  portent  le 
n°  1  ;  elles  sont  généralement  tendres  à  l'outil,  mais  l'excès 
de  carbone  qu'elles  renferment  leur  donne  peu  de  fluidité 
et  peu  de  résistance.  Le  n°  3  est  le  type  de  la  fonte  de 
moulage,  facile  à  couler  et  assez  résistante.  Le  n°  2  est 
intermédiaire.  Le  n°  4  est  à  grain  très  serré;  on  n'y 
aperçoit  guère  de  points  noirs  de  graphite,  c'est  la  plus 
résistante  des  fontes.  Pour  les  numéros  supérieurs,  la  clas- 
sification varie  avec  les  pays  et  les  usines.  Généralement, 
les  nos  5  et  6  sont  de  nuance  truitée  ;  au  delà  ce  sont  des 
fontes  blanches.  Les  fontes  blanches  se  divisent  en  fonte 
lamelleuse,  correspondant  à  une  allure  du  haut  fourneau 
relativement  chaude  ;  fonte  grenue,  moins  carbonée  que 
la  précédente  ;  fonte  caverneuse,  présentant  des  soufflures 
résultant  de  la  réaction  de  l'oxyde  de  fer  du  minerai  sur 
le  carbone  combiné,  avec  production  d'oxyde  de  carbone, 
qui  est  resté  emprisonné  dans  la  masse.  Un  des  corps  que 
renferme  fréquemment  la  fonte,  c'est  le  silicium  ;  les  fontes 
qui  en  ont  une  proportion  de  plus  de  1  °/0  sont  appelées 
fontes  siliceuses.  Elles  ont  été  mises  en  lumière  par  l'opé- 
ration Bessemer  où  elles  jouent  un  rôle  important.  Le  sili- 
cium qu'elles  renferment  est  un  élément  calorifique  pré- 
pondérant qui  se  transforme  en  silice  pendant  l'affinage. 
Au  contraire,  dans  le  puddlage  et  l'affinage  au  bas  foyer, 
on  évite  la  présence  du  silicium,  car  il  retarde  la  décarbu- 
ration et  cause  un  déchet  supplémentaire  par  la  grande 
quantité  de  silice  qu'il  produit.  Les  fontes  Bessemer  doi- 
vent renfermer  au  moins  1,5  °/o  de  silicium,  pas  plus  de 
2  millièmes  de  soufre  et  moins  de  1  millième  de  phos- 
phore. Les  fontes  Thomas,  destinées  à  la  déphosphoration, 
doivent  contenir  au  plus  1  °/0  de  silicium,  moins  de  2  mil- 
lièmes de  soufre  et  près  de  2  °/0  de  phosohore.  Le  man- 
ganèse dans  la  proportion  de  1  à  2  °/0  semble  un  auxiliaire 
très  utile. 

La  fonte  étant  chauffée  se  dilate,  et  si  on  développe 
l'action  du  feu  elle  entre  en  fusion.  Elle  possède  à  ce  mo- 
ment une  propriété  d'expansion  telle  que,  liquide,  elle  peut 
s'étendre  partout  où  elle  trouve  des  issues.  C'est  pourquoi 
les  contours  des  objets  coulés  les  plus  délicats  sont  atteints 
et  formés  avec  une  perfection  d'autant  plus  grande  que  le 
métal  coulé  est  plus  chaud  et  plus  liquide.  La  contraction 
que  les  fondeurs  appellent  le  retrait  de  fonte  est  d'autant 
plus  prononcée  que  la  fonte  est  plus  blanche.  Ce  phéno- 
mène est  en  raison  inverse  de  l'expansion.  La  résistance  de 
la  fonte  grise  dépasse  de  1/2  à  1/3  celle  de  la  fonte  blanche. 
La  fonte  grise,  refroidie  lentement  et  à  l'abri  du  contact 
de  l'air  extérieur,  conserve  toute  sa  qualité  ;  mais  si,  au 
contraire,  elle  est  maintenue  en  bain  et  soumise  à  l'action 
d'un  courant  d'air,  elle  se  couvre  d'une  couche  oxydée, 
devient  poreuse,  perd  de  sa  résistance  et  subit  un  déchet 
considérable.  La  fonte,  exposée  à  l'air  humide,  s'oxyde  et 
se  recouvre  plus  ou  moins  rapidement  d'une  couche  jau- 
nâtre appelée  rouille.  Ces  quelques  notions  préliminaires 
sur  les  fontes  étant  données,  nous  parlerons  des  fontes 
spéciales  rencontrées  fréquemment  dans  l'industrie. 

On  donne  les  noms  de  fonte  miroitante,  fonte  spécu- 
laire,  fonte  à  facettes,  à  la  fonte  renfermant  une  propor- 
tion de  manganèse  supérieure  à  4  ou  5  °/0.  Cette  qualité 
de  fonte  est  blanche,  très  carbonée,  car  elle  renferme 
jusqu'à  6  °/0  de  carbone  combiné,  sans  aucun  graphite,  et 
sa  cassure  est  tout  à  fait  différente  de  celle  des  autres 
fontes.  Elle  se  brise  en  grandes  lamelles,  toujours  irisées 
quand  elles  se  sont  produites  à  chaud,  mais  qui  peuvent 
être  d'un  blanc  brillant  quand  la  cassure  a  été  obtenue  à 
froid.  C'est  de  ce  nom  que  vient  le  nom  de  fonte  spéculaire, 
ou  miroitante,  en  allemand  spiegel-eisen.  On  donne  le 
nom  de  fonte  trempée  à  la  fonte  durcie  superficiellement 
par  un  refroidissement  rapide  au  contact  d'un  corps  froid. 
La  fonte  grise  devient  blanche  par  la  trempe  et  acquiert  de 
la  fragilité  ;•  aussi  on  ne  s'en  sert  que  dans  des  cas  spé- 
ciaux et  on  l'évite  dans  la  fonderie  des  pièces  mécaniques 
ordinaires.  La  trempe  de  la  fonte  semble  due  au  passage, 
à  l'état  combiné,  de  tout  le  carbone  que  renferme  celle-ci  ; 


donc,  toute  autre  cause  qui  empêchera  la  dissolution  du 
carbone  empêchera,  en  même  temps,  la  trempe  de  la  fonte  ; 
c'est  ainsi  que  les  fontes  siliceuses  sont  peu  propres  à  la 
trempe,  tandis  que  les  fontes  manganésifères  la  favorise- 
ront. Il  existe  plusieurs  procédés  pour  obtenir  la  fonte 
trempée  ;  nous  allons  les  passer  en  revue.  En  se  servant 
du  cubilot,  on  fait  des  mélanges  de  fonte  grise  à  grain 
serré  et  de  fonte  truitée  ou  blanche.  On  recherche,  dans 
ce  but,  les  fontes  au  bois  faites  à  l'air  froid  pour  éviter  le 
silicium.  Avant  la  coulée  des  pièces,  on  rassemble  la  fonte 
liquide  dans  une  poche,  et  on  ne  l'introduit  dans  les  moules 
en  fonte  que  lorsque  sa  température  s'est  notablement 
abaissée.  L'épaisseur  et  le  volume  du  moule  en  fonte, 
appelé  coquille,  influent  sur  le  degré  de  trempe.  Celle-ci 
semble  d'autant  plus  forte  que  la  fonte  est  moins  chaude 
par  rapport  à  la  température  de  la  coquille.  Ce  fait,  qui 
est  le  contraire  de  ce  qu'on  observe  dans  la  trempe  de 
l'acier,  tient  sans  doute  à  ce  que  les  rapports  de  masse 
sont  différents  dans  les  deux  cas.  On  trempe  généralement 
l'acier  en  objets  relativement  petits,  dans  une  masse  liquide 
assez  grande  et  où  les  surfaces  en  contact  sont  renouvelées. 
La  fonte  se  trempe,  au  contraire,  en  grandes  masses  rela- 
tivement aux  moules  qui  les  renferment,  et  réchauffe  ceux- 
ci  d'autant  plus  que  sa  température  initiale  est  plus  élevée. 
La  fonte  trempée  s'obtient  aussi  par  la  fusion  au  cubilot 
d'un  mélange  de  fonte  et  de  fer.  On  prend  de  la  bonne 
fonte  grise,  aussi  peu  siliceuse  que  possible,  en  y  mélan- 
geant des  ferrailles  de  bonne  qualité  ;  on  arrive  ainsi  à  une 
teneur  en  silicium  très  faible  et  les  fontes  obtenues  peu- 
vent être  très  denses,  sans  cependant  manquer  de  résis- 
tance. On  obtient  enfin  les  fontes  trempées  par  la  fusion 
au  four  Siemens,  d'un  mélange  de  fonte  et  d'acier.  Par 
cette  méthode,  on  peut  employer  des  fontes  siliceuses  sans 
inconvénient,  car  le  mélange  avec  les  ribions  d'acier  plus 
ou  moins  oxydés  fait  disparaître  presque  totalement  le 
silicium  introduit. 

En  ayant  soin  de  prendre  des  échantillons  fréquents 
pendant  la  fusion,  on  peut  opérer  avec  beaucoup  de  certi- 
tude et  obtenir  des  produits  plus  réguliers  que  par  les 
autres  procédés.  Au  lieu  de  débris  d'acier,  on  peut  ajouter 
de  la  fonte  mazée,  ce  qui  a  également  l'avantage  de  ne  pas 
incorporer  de  silicium  dans  le  mélange  à  fondre.  La  fonte 
trempée  ne  servait  guère  qu'à  la  fabrication  des  cylindres 
de  laminoirs  pour  tôles  minces,  lorsque  dans  ces  dernières 
années,  surtout  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  on  a  trouvé 
des  débouchés  nouveaux  à  cette  matière.  Un  industriel  de 
Magdebourg,  M.  Gruson,  a  beaucoup  travaillé  la  fabrica- 
tion et  les  applications  de  la  fonte  trempée  ;  il  y  a  même 
quelques  années  on  avait  donné  le  nom  de  métal  Gruson  à 
la  qualité  qu'il  avait  réussi  à  produire  et  qui  présentait, 
à  la  fois,  de  la  dureté  et  de  la  résistance.  On  a  fait  sur- 
tout des  croisements  et  des  changements  de  voie  en  fonte 
trempée  ;  mais,  sous  le  choc  répété  des  trains,  il  finit  par 
se  produire  des  fissures.  Un  emploi  important  du  métal 
Gruson,  c'est  l'application  aux  fortifications  permanentes. 
Ajoutons  que,  sous  les  coups  multipliés  de  l'artillerie,  la 
fonte  trempée  se  fissure  et  finit  par  se  pulvériser.  En 
4867,  à  l'Exposition  universelle,  M.  Gruson  montrait  des 
projectiles  en  fonte  trempée  qui  avaient  percé  d'épais  blin- 
dages de  fer  ;  ces  projectiles,  ogivo-cylindriques,  n'étaient 
trempés  et  blanchis  que  dans  l'ogive,  le  corps  cylindrique 
restant  gris,  à  texture  serrée.  En  tir  normal,  ces  projec- 
tiles se  comportaient  bien,  tandis  qu'en  tir  oblique  ils  tom- 
baient en  morceaux.  Gruson  en  Allemagne,  Gradatz  en 
Styrie,  Gregorini  en  Lombardie,Finspong  en  Suède,  Wool- 
wich  en  Angleterre,  Commentry  et  autrefois  Terre-Noire 
en  France,  telles  sont  les  meilleures  marques  de  projectiles 
en  fonte  dure  et  trempée,  fonte  qu'on  remplace  actuelle- 
ment par  l'acier  chromé.  Il  existe  à  Budapest  un  centre 
important  de  fabrication  de  fonte  trempée  pour  cylindres 
de  meunerie. 

Il  nous  reste  à  parler  de  la  fonte  malléable.  Il  est  pro- 
bable que,  dès  le  xve  siècle,  on  a  cherché  à  adoucir  la 


754  —  FONTE 

fonte  moulée  au  moyen  d'opérations  qui  étaient  restées  plus 
ou  moins  secrètes.  La  première  publication  sur  ce  sujet  est 
due  à  Réaumur  dans  VArt  de  convertir  le  fer  forgé  en 
acier  et  VArt  d'adoucir  le  fer  fondu,  paru  en  4722;  il 
a  jeté  les  bases  de  l'industrie  de  la  fonte  malléable.  En 
4863,  il  ne  se  produisait  guère  en  France  que  4,500  tonnes 
de  fonte  malléable  par  an  et  à  peu  près  autant  en  Alle- 
magne, tandis  qu'en  Angleterre  il  s'en  faisait  près  de 
30,000  tonnes.  Actuellement,  ces  chiffres  se  sont  beau- 
coup augmentés  et  le  bon  marché  des  objets  ainsi  obtenus 
en  a  développé  l'usage.  Beaucoup  de  pièces  que  l'on  fabri- 
quait autrefois  en  fer  forgé  s'obtiennent  maintenant  en 
fonte  malléable,  au  détriment  parfois  du  consommateur, 
car  la  fragilité  du  métal  n'a  pas  toujours  entièrement  dis- 
paru. La  base  de  l'industrie  de  la  fonte  malléable,  c'est  le 
recuit  des  objets  moulés  en  fonte  en  présence  de  matières 
neutres  ou  oxydantes.  La  première  opération,  c'est  d'obtenir 
un  moulage  bien  net;  et,  comme  la  fluidité  de  la  fonte  ne 
doit  pas  tenir  à  une  cause  étrangère,  comme  la  présence 
du  phosphore,  par  exemple,  il  faut  que  la  fonte  soit  très 
chaude,  ce  qu'on  n'obtient  sûrement  que  par  la  fusion  au 
creuset.  Cette  fusion  se  fait,  soit  dans  des  petits  foyers  à 
coke,  comme  ceux  que  l'on  emploie  à  Sheflield  pour  l'acier 
à  outils,  ou  chez  Krupp,  à  Essen,  pour  l'acier  à  canons  ; 
soit,  ce  qui  est  plus  économique,  dans  des  creusets  chauf- 
fés au  gaz  par  le  système  Siemens.  On  arrive  ainsi  à  une 
fluidité  au  moins  aussi  grande  en  ne  consommant  que  de 
la  houille  et,  de  plus,  comme  le  creuset  n'est  pas  en  con- 
tact avec  les  cendres  des  combustibles,  il  peut  encore  ré- 
sister à  des  fusions  répétées.  La  meilleure  matière  pour  le 
creuset  est  le  graphite;  il  est  complètement  réfractaire  et 
n'introduit  pas  de  silicium  dans  la  fonte  comme  lorsque  la 
pâte  est  argileuse,  et  nous  verrons  qu'on  évite  la  pré- 
sence du  silicium  dans  la  fonte  destinée  à  être  rendue 
malléable.  Pour  les  pièces  plus  volumineuses  et  dont  la 
qualité  est  plus  négligée,  on  se  contente  de  la  fusion  au 
cubilot  avec  un  excès  de  coke.  Le  moulage  doit  être  fait 
avec  soin,  les  fontes  employées  ayant  un  retrait  de  2  % 
et  se  refroidissant  assez  vite.  Il  faut  éviter  les  épaisseurs 
supérieures  à  3  ou  4  centim .  et  n'employer  que  les  angles 
arrondis.  La  fonte  étant  bien  fluide,  on  procède  à  la  coulée. 
Dès  que  le  métal  est  solidifié,  on  démoule  rapidement  pour 
éviter  la  production  des  fentes  dans  les  parties  minces, 
au  point  où  elles  sont  reliées  anx  parties  plus  épaisses. 
On  ébarbe  et  on  nettoie  avec  soin,  ce  qui  est  une  opération 
délicate,  amenant  beaucoup  de  rebuts.  La  fonte  étant  plus 
ou  moins  blanche  est  assez  fragile  et  le  détachage  des  jets 
de  coulée  peut  amener  des  ruptures  par  un  coup  frappé 
à  faux.  Avant  de  disposer  les  pièces  dans  les  caisses  à 
recuire,   on  les  enduit  quelquefois  d'une  couche  de  blanc 
d'Espagne  en  suspension  dans  du  sel  ammoniac.  On  évite 
ainsi  les  collages,  les  adhérences  pendant  le  chauffage.  La 
fonte  recherchée  pour  la  fabrication  des  objets  malléables 
est  en  général  sans  soufre  ni  phosphore  et  peu  siliceuse. 
On  l'obtient  surtout  dans  le  Cumberland  et  le  Lancashire 
avec  des  hématites  rouges  de  première  qualité.  On  repasse 
dans  la  fusion  les  pièces  manquées,  les  jets  de  coulée  en 
proportion  plus  ou  moins  forte  suivant  la  qualité  que  l'on 
cherche  à  obtenir.   La  fonte  réellement  graphiteuse  est 
écartée  ;  on  se  contente  de  fontes  d'un  gris  clair  pour  les 
objets  les  plus  volumineux  ou  dont  la  qualité  est  moins 
soignée  ;  en  général,  on  n'emploie  que  des  fontes  blanches 
chaudes  ou  truitées  blanches,  afin  d'éviter  la  présence  du 
graphite,  autant  que  possible,  tout  en  conservant  de  la 
fluidité.  Ces  fontes  ont,  de  plus,  l'avantage  de  renfermer 
peu  de  silicium,  puisqu'elles  sont  produites  à  une  tempé- 
rature relativement  basse  et  que  le  silicium  se  réduit  sur- 
tout  en  présence  d'un  excès   de  chaleur  dans  le  haut 
fourneau.  Ces  précautions  de  n'employer  au  moulage  des 
pièces  qui  doivent  être  transformées  en  fonte  malléable 
que  de  la  fonte  peu  siliceuse  et  peu  graphiteuse,  sont  le 
résultat  de  la  pratique,  mais  elles  sont  parfaitement  justi- 
fiées par  l'étude  scientifique  des  transformations  chimiques 


FONTE 


—  752  — 


que  subit  le  métal  pendant  le  recuit.  On  a  étudié  ce  que 
deviennent  les  difîérents  éléments  de  la  fonte  pendant  cette 
opération  Dans  un  exemple  cité  par  Davenport,  on  a  les 
résultats  suivants  : 


DÉSIGNATION 

Avant 

'  Après 

un  premier 

recuit. 

Après 

un  deuxième 

recuit. 

Carbone 

Silicium 

Soufre 

0,465 
0,585 
0,105 
0,280 
0,585 

0,430 
0,614 

0,147 
0,290 
0,616 

moins  de  0, 1 
0,614 
0,162 
0,290 
0,575 

Phosphore 

Manganèse 

Quoique  le  carbone  n'ait  pas  été  distingué  en  carbone 
graphiteux  et  carbone  combiné,  ces  résultats  sont  intéres- 
sants. Le  silicium,  le  phosphore  et  le  manganèse  ne  sont 
pas  modifiés,  et  le  soufre  est  un  peu  augmenté  par  l'in- 
fluence  du  combustible  employé  au  chauffage.  Seul  le  car- 
bone est  éliminé  sérieusement  sous  la  forme  gazeuse  de 
l'oxyde  de  carbone  probablement;  tandis  que  les  autres 
éléments  ne  pouvant  donner  lieu  qu'à  des  composés  solides 
et  non  volatiles  à  la  température  à  laquelle  on  opère,  ils 
ne  sauraient  diminuer  ;  ils  n'ont  donc  pour  efiet  que  d'agir 
défavorablement  sur  la  résistance  du  produit.  Dans  une 
étude  qui  a  paru  en  4881   (Annales  de  chimie  et  de 
physique),   M.  Forquignon  a  publié  le  résultat  de  ses 
recherches  sur  les  effets  que  produisent  sur  la  fonte  les 
différents  recuits.   Quand  on  recuit  la  fonte   dans  une 
matière  inerte,  comme  le  charbon,  voici  ce  qui  se  produit  : 
par  la  seule  action  d'une  température  élevée,  il  y  aurait 
changement  d'état  du  carbone  combiné  ;  il  se  formerait  une 
espèce  de  carbone  amorphe  d'une  nature  spéciale,  se  sépa- 
rant du  fer  et  lui  laissant  alors  une  douceur  plus  grande. 
Ce  qui  est  plus  probable  encore,  c'est  qu'il  se  forme  un 
nouveau  carbure  de  fer,  moins  riche  en  carbone,  tandis 
que  l'excès  de  celui-ci  se  sépare  et  forme  de  petites  agglo- 
mérations disséminées  plus  ou  moins  irrégulièrement.  La 
présence  du  manganèse  entrave  cet  adoucissement,  sans 
doute  à  cause  de  la  grande  affinité  de  ce  corps  pour  le  car- 
bone. Quand  on  recuit  la  fonte  dans  une  matière  oxydante, 
comme  c'est  le  cas  dans  l'industrie  de  la  fonte  malléable, 
les  choses  se  passent  différemment.  Le  carbone  est  éliminé 
de  proche  en  proche,  en  commençant  par  la  couche  super- 
ficielle ;  le  graphite  de  la  couche  suivante  se  combine  avec 
le  fer  de  la  couche  décarburée  et  disparaît  ensuite  par  l'ac- 
tion oxydante,  etc.,  et  l'opération  continue  jusqu'au  mini- 
mum de  carburation  possible.  C'est  l'inverse  de  ce  qui  se 
passe  dans  la  cémentation  où  le  fer  se  charge,  de  proche 
en  proche,  de  carbone,  en  commençant  par  la  surface  exté- 
rieure. La  matière  oxydante  employée  actuellement  dans  le 
recuit  pour  la  fonte  malléable  est  l'oxyde  rouge  de  fer  ou 
peroxyde  anhydre  ;  c'est  lui  qui  aide  le  plus  facilement 
son  oxygène  à  se  transformer  en  oxyde  magnétique.  Cet 
oxyde  s'emploie  plutôt  en  grains  fins  qu'en  poudre.  L'oxyde 
de  fer  est  stratifié  par  couches  minces  avec  les  objets  en 
fonte  qui  sont  généralement  de  petite  dimension,  clefs  de 
serrure,  boucles  de  harnais,  éperons,  etc.;  leur  diamètre 
ne  doit  pas  dépasser  10  à  12  centim.,  autrement  l'action  se- 
rait incomplète  ;  la  décarburation  ne  pénétrerait  pas  jus- 
qu'au centre  et  il  faudrait  plusieurs  recuits.  Le  tout  est 
placé  dans  des  vases  clos  empilés  dans  un  foyer  en  forme 
de  four.  On  évite  soigneusement  l'action  de  l'air  sur  les 
pièces  à  recuire,  ce  qui  s'obtient  par  une  bonne  fermeture 
des  caisses  et  leur  lutage   avec  de  l'argile.   Ces  caisses 
durent  très  peu  et  se  font  généralement  en  fonte  de  même 
nature  que  celle  que  l'on  doit  rendre  malléable.  La  fonte 
grise  se  ramollit  et  donne  lieu  à  des  déformations.  Le  four 
à  recuire  employé  est  un  four  de  galère,  ayant  des  grilles 
sur  toute  la  longueur  du  grand  côté  du  rectangle  et  qui 
porte,  sur  un  massif  central  élevé  au-dessus  du  niveau  de  la 
houille,  une  série  de  caisses  cylindriques  de  30  à  35  centim. 
de  diamètre  sur  environ  autant  de  hauteur  ;  il  y  a  quatre 


rangées  de  ces  caisses.  Lorsque  le  four  est  rempli,  on 
allume  le  feu  et  on  fait  progresser  lentement  la  tempéra- 
ture qui  atteint  le  rouge  vif  au  bout  de  vingt-quatre  heures  ; 
on  l'y  maintient' pendant  trente-six  à  quarante-huit  heures  ; 
puis  on  cesse  d'alimenter  les  grilles  en  bouchant  les  cen- 
driers. Le  refroidissement  dure  de  trente-six  à  quarante- 
huit  heures,  après  quoi  on  passe  au  défournement.  La 
consommation  de  houille  est  assez  forte  avec  un  sem- 
blable mode  de  chauffage.  Un  type  de  four  à  recuire  très 
usité  en  Angleterre  est  le  four  du  système  Siemens,  qui 
permet  de  régler  facilement  la  température;  mais,  pour 
'  qu'il  soit  économique,  il  faut  que  les  gazogènes  soient  réu- 
nis et  desservent  un  ensemble  de  plusieurs  fours.  La  fonte 
malléable  est  poreuse  et  de  densité  assez  faible,  7,10  au 
lieu  de  7,7  à  7,8  que  possèdent  l'acier  et  le  fer.  Quand  la 
malléabilisation  a  été  bien  faite,  le  métal-  est  devenu  mou 
et  flexible  à  froid  ;  il  est  rare  cependant  qu'il  ne  reste  pas 
un  noyau  central  un  peu  fonte ux.  La  fonte  malléable  peut 
atteindre  une  résistance  à  la  traction  de  35  kilogr.  par 
millimètre  carré,  mais  avec  peu  ou  point  d'allongement. 
Après  le  recuit,  les  pièces  qui  ont  3  ou  4  millim.  d'épais- 
seur sont  assez  minces  pour  être  considérées  comme  suffi- 
samment décarburées  ;  quand  l'épaisseur  atteint  10  à 
20  millim.,  il  faut  deux  recuits,  et  de  20  à  30  ou 
40  millim.,  au  moins  trois  recuits.  Les  pièces,  recuites 
sont  placées  dans  des  tonneaux  tournants  remplis  de  sable 
pour  enlever  le  minerai  et  le  sable  de  moulage  qui  peuvent 
adhérer.  Les  objets  rendus  malléables  sont  ensuite  livrés 
aux  ouvriers  pour  leur  donner  le  fini  demandé. 

La  production  des  fontes  s'est  élevée  en  France,  en  1891 , 
à  1,919, 185 tonnes,  en  diminutionde43,011surl890.Sur 
le  total,  il  y  a  1,888,985  tonnes  de  fonte  au  coke,  11,631 
tonnes  de  fonte  au  charbon  de  bois  et  18,567  tonnes  au 
mélange  des  combustibles.  A  un  autre  point  de  vue,  le  total 
se  partage  en  1,497,751  tonnes  de  fontes  d'affinage, 
421,431  tonnes  de  fonte  de  moulage  ou  de  fonte  moulée 
en  première  fusion.  La  Meurthe-et-Moselle  a  produit 
1,076,632  tonnes,  soit  plus  de  la  moitié  du  total  ;  après 
vient  le  Nord  pour  220,470;  Saône-et-Loire  pour  87,158  ; 
le  Pas-de-Calais,  qui  était  troisième  en  1890,  ne  vient  en 
1891  qu'en  quatrième  lieu  avec  82,382  tonnes.  Nous  don- 
nons en  détail  la  fabrication  des  fontes  à  l'art.  Haut 
Fourneau.  L.  Knab. 

Bronzage  de  la  fonte  (V.  Bronzage). 

III.  Travaux  publics  (V.  Charpente  et  Construction 
métalliques). 

IV.  Beaux- Arts.  —  Historique.  —  Les  Grecs,  qui 
ont  entouré  de  légendes  merveilleuses  l'invention  de  tous 
les  arts,  faisaient  remonter  la  découverte  de  l'art  de  fondre 
les  métaux,  et  en  particulier  le  cuivre  pur  ou  le  bronze, 
à  des  êtres  mythiques  qu'ils  appelaient  Cabires  ou  Dac- 
tyles. La  révélation  de  cette  technique  se  serait  faite  à 
la  suite  d'un  vaste  incendie  qui,  embrasant  des  forêts  en- 
tières sur  les  montagnes,  aurait  fondu  des  blocs  de  mi- 
nerai et  fait  couler  sur  les  pentes  le  métal  liquéfié.  Quoi 
qu'il  en  soit  de  cette  tradition,  les  découvertes  modernes 
ont  confirmé  la  haute  antiquité  de  l'emploi  du  cuivre  pur 
ou  allié  avec  l'étain  et  le  plomb,  et  une  longue  période  de 
l'histoire  des  premières  civilisations  humaines  est  aujour- 
d'hui nommée  l'âge  du  bronze.  Mais  pendant  longtemps  le 
métal  fut  simplement  coulé  par  plaques,  qui  étaient  ensuite 
travaillées  au  marteau.  Les  armes  étaient  battues,  puis 
probablement  trempées,  comme  le  sont  aujourd'hui  les 
armes  de  fer  ;  les  objets  mobiliers  ou  décoratifs  étaient  for- 
més de  plaques  travaillées  au  repoussé  et  assemblées  au 
moyen  de  clous.  Même  les  plus  anciennes  statues  étaient 
formées,  si  l'on  en  croit  Pausanias  (III,  17,  6),  de  lames 
soudées  ou  rivées.  Tel  est  encore  l'état  de  l'industrie  hel- 
lénique du  métal,  à  l'époque  homérique  (Iliade,  XVIII, 
378,  etc.).  Mais,  longtemps  auparavant,  les  Egyptiens,  ces 
grands  initiateurs,  avaient  fait  le  progrès  décisif,  en  sub- 
stituant au  travail  du  marteau  la  fonte  dans  un  moule.  Les 
monuments  les  plus  anciens  de  cette  nouvelle  technique 


—  753  — 


FONTE  —  FONTENAY 


sont  la  virole  du  sceptre  du  roi  Pdpi  (VIe  dynastie),  au 
British  Muséum,  et  deux  statuettes  de  moyenne  grandeur, 
ayant  fait  partie  de  la  collection  Posno,  et  que  Longpérier 
attribue  à  la  période  memphite.  Le  plus  remarquable,  c'est 
que,  tandis  que  les  bronzes  archaïques  de  la  Grèce  et  de 
l'Etrurie  sont  pleins,  ces  bronzes  égyptiens  sont  encore 
remplis  du  sable  qui  avait  formé  le  noyau.  L'Egypte  pra- 
tiquait donc  la  fonte  creuse  dix-huit  siècles  av.  J.-C.  Elle 
produisit  par  la  suite  un  nombre  immense  de  figurines  en 
bronze  dont  on  a  retrouvé  de  véritables  dépôts  destinés  au 
commerce,  et  qui  se  répandirent,  par  l'intermédiaire  des 
Phéniciens,  dans  l'archipel  et  la  péninsule  grecque.  Les 
Grecs  ne  croyaient  avoir  connu  la  fonte  à  noyau  qu'au 
vme  siècle,  époque  où,  disent-ils,  Rhœkos  et  Theodoros  de 
Samos  l'inventèrent  :  on  sait  que  lorsque,  à  propos  des  ori- 
gines de  leur  art,  les  historiens  grecs  parlent  d'invention, 
il  faut  lire  importation.  Mais  l'introduction  même  des  œuvres 
égyptiennes  doit  être  reportée  plus  haut  et,  sans  parler  des 
statuettes  venues  de  Sidon,  la  ville  riche  en  bronze  (izokû- 
XaXxoç)  et  connues  à  l'époque  homérique,  on  a  trouvé 
en  Crète  (4885)  des  boucliers  votifs,  de  fabrique  phéni- 
cienne, remontant  au  ixe  siècle,  et,  auprès,  des  cratères  de 
fabrique  indigène,  en  bronze  coulé.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
que  l'art  de  la  fonte,  une  fois  connu  dans  la  Grèce,  y  fit 
de  rapides  progrès.  Sicyone  y  devint,  dès  le  vme  siècle,  un 
centre  d'art  et  d'industrie  très  important  pour  le  bronze,  et 
au  vie  siècle,  nous  trouvons  des  œuvres  comme  V Apollon 
de  Piombius  (au  Louvre),  qui,  pour  la  finesse  de  la  fonte 
et  la  perfection  du  finissage,  ne  laissent  rien  à  désirer.  Les 
grands  bronziers  de  l'antiquité,  parmi  lesquels  il  suffit  de 
citer  Polyclète  et  Myron,  opéraient  eux-mêmes  la  fonte  de 
leurs  œuvres,  comme  feront  à  la  Renaissance  Ghiberti  et 
Benvenuto  Cellini.  Le  procédé  employé  était  la  fonte  à  la 
cire  perdue,  d'un  seul  jet.  Quant  au  "procédé  de  la  fonte 
par  pièces  rapportées,  il  était  certainement  employé  dès  les 
premiers  temps  au  moins  pour  les  objets  mobiliers. 

Tandis  que  la  Grèce  portait  ainsi  l'art  du  bronze  à  sa 
perfection,  les  pays  celtiques,  qui  étaient  restés  à  l'âge  de 
bronze,  apprenaient  aussi,  peut-être  de  l'Orient,  l'art  de 
couler  le  métal  dans  des  moules.  On  a  même  retrouvé  de 
ces  moules  à  haches  en  Angleterre  (1779)  et  à  Quettetot 
en  Normandie  (1827). 

Au  moyen  âge,  les  fondeurs  exécutèrent  à  profusion  des 
cloches  et  des  objets  décoratifs  (le  trône  de  Dagobert,  at- 
tribué à  saint  Eloi  ;  les  fonts  baptismaux,  les  portes  et 
les  colonnes  d'Hildesheim,  etc.),  mais,  en  revanche,  très 
peu  de  statues.  On  sait  comment  l'art  de  la  fonte  monu- 
mentale fut  ressuscité  à  l'époque  de  la  Renaissance  par  les 
plus  grands  artistes.  Qu'il  suffise  de  citer  le  tabernacle 
d'Or  San  Michèle,  par  Orcagna  ;  les  portes  du  Baptis- 
tère (chaque  tableau  fondu  à  part),  par  Ghiberti,  et  de  la 
sacristie  de  San  Lorenzo,  par  Donatello  ;  la  statue 
équestre  de  Gattamelata,  par  Donatello  ;  celle  du  Col- 
leone,  œuvre  de  Verrocchio,  fondue  par  le  célèbre  Véni- 
tien Alessandro  Leopardi,ie  Persée  dont  Cellini  a  raconté  la 
fonte  émouvante,  les  innombrables  plaquettes  de  bronze,  etc. 
On  sait  que  les  admirables  médailles  des  Pisanello,  des 
Sperandio,  etc.,  sont  toutes  fondues  à  la'  cire  perdue,  et 
non  frappées.  Depuis  le  xvie  siècle,  on  peut  citer  parmi  les 
fontes  célèbres  :  les  bronzes  exécutés  aux  environs  de  1540 
par  Guillaume  Durant,  Pierre  Bontemps,  J.  Le  Roux  dit 
Picart,  Cardin  du  Monstier,  P.  Beauchêne,  J.  Challuau, 
sur  les  moulages  d'antiques  envoyés  de  Rome  par  le  Pri- 
matice  (la  plupart  sont  aujourd'hui  au  Louvre)  ;  la  statue 
équestre  de  Louis  XIV,  par  Girardon,  de  21  pieds  de 
haut,  coulée  d'un  seul  jet,  en  1699,  par  Jean-Balthasar 
Relier  ;  celle  de  Louis  XV,  par  Bouchardon,  fondue  de 
même  en  1758  par  Gor;  la  statue  équestre  de  Pierre  le 
Grand,  masse  de  1,500,000  kil.,  fondue  à  Saint-Péters- 
bourg par  Falconnet,  après  douze  ans  de  travail  ;  la  co- 
lonne Vendôme,  fondue  en  425  plaques,  de  1806  à  1810, 
par  J.-B.  Launay  ;  la  colonne  de  Juillet,  par  Soyez;  le 
Lion  de  Barye,  aux  Tuileries,  fondu  d'un  seul  jet  par  Ho- 

GRÀNDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


noré  Gonon  ;  le  bas-relief  colossal  de  M.  Dalou,  les  Etats 
généraux,  23  juin  1189,  aujourd'hui  à  la  Chambre 
des  députés,  fondu  de  même  par  le  fils  d'Honoré, 
Eugène  Gonon  (V.  ce  nom),  etc.  On  sait  que  cet  artiste 
revint  au  procédé  de  fonte  à  cire  perdue  ;  il  en  a  indiqué 
tous  les  détails  dans  un  manuscrit  déposé  en  1876  au 
ministère  des  beaux-arts.  Pendant  longtemps,  les  procédés 
ne  furent  pas  conservés  par  une  tradition  écrite,  si  bien  qu'en 
1758,  par  exemple,  le  souvenir  de  la  technique  des  Keller 
s'étant  perdu,  on  dut  tout  réinventer  sur  nouveaux  frais. 
Cependant,  comme,  le  principe  étant  donné,  les  principales 
applications  s'ensuivent  logiquement,  il  n'y  a  que  des  dif- 
férences de  détail  entre  les  procédés7  employés  depuis  le 
xvie  siècle  et  les  procédés  actuels  (pour  les  détails  complé- 
mentaires, V.  l'art.  Bronze,  t.  VJII,  p.  144).  E.  Bertaux. 
Bibl.  :  E.  Guillaume,  art.  Bronze,  dans  Dictionnaire 
de  V Académie  des  Beaux-Arts.—  Perrot  et  Chipiez, His- 
toire de  l'art  dans  Vantiquité,  I,  II,  V.  —  Collignon,  la 
Sculpture  grecque,  I.  —  Archœologia,  Y.—  E.  Guillaume, 
la  Sculpture  en  bronze,  conférence  faite  en  1868.  —  Lau- 
rent-Daragon,  V  Art  du  bronze.—  Barbey  deJouy,  les 
Fontes  du  Primatice. 

FONTEBUONI  (Anastasio),  peintre  italien,  né  à  Flo- 
rence vers  1576,  mort  en  1610.  Elève  du  chevalier  Pas- 
signano,  fixé  de  bonne  heure  à  Rome,  il  y  exécuta  de 
nombreuses  peintures  dans  les  églises  de  Santa  Bibiana, 
San  Giacomo  degli  Spagnuoli,  Santa  Prisca,  San  Paolo  et 
San  Giovanni  dei  Fiorentini.  —  Son  frère,  Bartolommeo, 
étudia  également  la  peinture  ;  s'étant  fait  jésuite,  il  fut 
envoyé  comme  missionnaire  dans  l'Inde  et  y  exécuta  des 
fresques  dans  l'église  de  Goa. 

FONTEIA  (Gens),  famille  plébéienne  de  l'ancienne  Rome, 
originaire  de  Tusculum.  Ses  membres  portaient  les  noms 
(cognomen)  à' Agrippa,  Balbus  et  Capito.  Les  principaux 
furent  : 

T.  Fonteius,  légat  de  Cornélius  Scipion  en  Espagne 
(212  av.  J.-C),  prit  le  commandement  après  la  mort  des 
deux  Scipions,  mais  se  vit  préférer  par  les  soldats  un  officier 
inférieur,  L.  Marcius. 

M.  Fonteius,  propréteur  de  la  Gaule  narbonnaise,  de 
75  à  73  av.  J.-C.  De  retour  à  Rome,  il  fut  accusé  de  con- 
cussion sur  la  plainte  des  Gaulois.  Cicéron  le  défendit  (69) 
dans  un  plaidoyer  que  nous  ne  possédons  que  par  frag- 
ments, mais  qui  fournit  de  curieux  renseignements  sur  la 
façon  dont  on  comprenait  alors  à  Rome  l'administration 
provinciale. 

P.  Fonteius,  jeune  plébéien  qui  serait  de  père  adoptif 
du  patricien  Clodius,  quand  il  prit  fantaisie  à  celui-ci  de 
passer  dans  les  rangs  de  la  plèbe  (V.  Clodius). 

C.  Fonteius  Capito.  a,  consul  en  12  ap.  J.-C,  procon- 
sul d'Asie  ;  —  b,  consul  en  59  ap.  J.-C 

Fonteius  Agrippa,  proconsul  d'Asie  (69  ap.  J.-C), 
gouverneur  de  Mésie  (70)  où  il  fut  tué  par  les  Sarmates. 

FONTEIUS  (V.  Fonteia  [Gens]). 

FONTELAYE(La).  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  de  Dieppe,  cant.  de  Tôtes  ;  77  hab. 

FONTENAILLES.Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr. 
de  Melun,  cant.  de  Mormant  ;  680  hab. 

FONTEN AILLES.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne,  arr. 
d'Auxerre,  cant.  de  Courson;  174  hab. 

FONTENAY.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  Andelys, 
cant.  d'Ecos  ;  250  hab. 

FONTENAY.  Corn,  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  d'Issoudun, 
cant.  de  Vatan  ;  356  hab. 

FONTENAY.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  et  cant. 
de  Mortain  ;  440  hab. 

FONTENAY.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de  Va- 
lognes,  cant.  de  Montebourg  ;  432  hab. 

FONTENAY.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Charolles  ;  83  hab. 

FONTENAY.  Corn,  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  La 
Flèche,  cant.  de  Brûlon;  543  hab. 

FONTENAY  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  du  Havre,  cant.  de  Montivilliers  ;  422  hab.  Intéres- 

48 


FONTENAY 


754 


santé  église,  moderne  mais  qui  a  conservé  un  clocher  du 
xiie  siècle,  une  chapelle  seigneuriale  et  des  fonts  de  la 
Renaissance.  Château  féodal  de  Tôt-sur-1  a-Mer.  Château 
d'Epréménil. 

FONTENAY.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  d'Epinal, 
cant.  de  Bruyères;  506  hab. 

FONTE NÂY-aux-Roses.  Corn. du  dép.  de  la  Seine, arr. 
et  cant.  de  Sceaux  ;  2,652  hab.  Stat.  du  chemin  de  fer 
de  Paris  à  Limours  (embranchement  de  Bourg-la-Reine  à 
Sceaux).  Cette  localité  est  connue  depuis  le  xne  siècle  ; 
elle  appartenait  alors  à  l'abbaye  de  Sainte-Geneviève  de 
Paris  qui  en  posséda  la  seigneurie  principale  jusqu'à  la 
Révolution.  La  culture  des  roses  y  est  bien  moins  impor- 
tante aujourd'hui  qu'il  y  a  deux  siècles,  époque  à  laquelle 
le  lieu  commença  à  recevoir  le  surnom  qu'il  a  gardé  ; 
jusque-là,  on  le  trouve  toujours  nommé  Fontenay-sous- 
Bagneux.  L'Ecole  normale  supérieure  d'institutrices  (V. 
Ecole,  t.  XV,  p.  378)  est  située  à  Fontenay-aux-Roses, 
ainsi  que  le  petit  collège  Sainte-Barbe,  connu  sous  le  nom 
de  Sainte-Barbe-des  -Champs. 

Bibl.  :  L'abbé  Lebeuf,  Histoire  du  diocèse  de  Paris, 
t.  III,  pp.  559-565  de  redit,  de  1883. 

FONTENAY-de-Bossery.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr. 
et  cant.  de  Nogent  ;  109  hab.  Vestiges  d'une  voie  ro- 
maine. Eglise  du  xne  siècle. 

FONTENAY-le-Comte.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  de  la 
Vendée,  sur  le  versant  d'une  colline  dominant  la  Vendée  ; 
9,864  hab.  Collège  communal,  bibliothèque  publique. 
Fabriques  importantes  de  chapeaux.  Par  la  Vendée  se  fait 
un  commerce  assez  actif  de  céréales,  bois  de  construction 
et  de  chauffage,  merrains,  œillards,  charbons  de  bois, 
houille,  chanvre,  cordes,  lin,  etc.,  dirigés  sur  Marans  en 
vue  de  l'exportation.  L'importation  consiste  en  vins,  en- 
grais, bois  du  Nord,  etc. 

Le  site  de  Fontenay  était,  dès  l'époque  préhistorique, 
un  centre  habité,  ainsi  que  l'ont  démontré  des  découvertes 
successives  de  silex  taillés,  de  poteries  ;  il  s'y  développa 
plus  tard  une  ville  gauloise,  comme  en  témoignent  des 
monnaies  et  des  instruments  de  bronze  qui  y  ont  été 
trouvés.  On  y  a  mis  au  jour  également  d'assez  nombreux 
vestiges  de  l'époque  gallo-romaine,  et  notamment  des  subs- 
tructions  sur  le  rocher  au  pied  duquel  jaillit  la  fontaine 
à  laquelle  la  ville  doit  son  nom,  et  les  ruines  de  plusieurs 
villas.  Dans  l'une  d'elles,  les  fouilles  ont  amené,  en  4843, 
la  très  curieuse  découverte  de  la  sépulture  d'une  femme 
peintre  du  me  siècle,  enterrée  avec  de  nombreux  instru- 
ments de  son  art.  A  l'époque  mérovingienne,  Fontenay 
acquit  une  certaine  importance  par  suite  de  l'atelier  moné- 
taire de  la  villa  de  Thiversay  (Theodeberciacus) ,  où 
furent  frappées  un  grand  nombre  de  monnaies  mérovin- 
giennes. Plus  tard,' les  comtes  de  Poitou  construisirent  à 
Fontenay  un  château  dont  subsistent  un  pan  de  muraille 
dominant  la  rivière,  deux  arcades  romanes,  une  partie  de 
la  terrasse  du  S.-O.  et  deux  poternes  du  xive  siècle.  Ce 
château  passa  successivement  plus  tard  aux  maisons  de 
Mauléon,  puis  de  Lusignan.  Louis  IX  l'enleva  à  cette  der- 
nière, en  1242,  pour  le  donner  à  son  frère  Alfonse  de  Poi- 
tiers, sous  lequel  la  ville  devint  la  capitale  du  Bas-Poitou  ; 
c'est  depuis  lors  qu'à  l'ancien  nom  de  Fontenay  s'est  ajoutée 
la  spécification  de  le  Comte.  Le  traité  de  Brétigny  céda  la 
ville  aux  Anglais  ;  elle  fut  reconquise  par  Duguesclin  en 
1372.  Pendant  les  guerres  de  religion,  Fontenay  fut  jus- 
qu'à sept  fois  prise  et  reprise  par  les  protestants  et  les 
catholiques.  En  1568,  un  des  lieutenants  de  Coligny,  Plu- 
viant,  s'en  étant  emparé,  un  capitaine  catholique,  Haute- 
combes,  se  jeta  avec  sept  bourgeois  dans  le  château  et  ne 
se  rendit  que  lorsque  les  assiégeants  eurent  mis  le  feu  aux 
portes.  En  1570,  La  Noue  et  Pluviant  revinrent  après  la 
bataille  de  Sainte-Gemme  attaquer  la  place  qui  se  rendit 
au  moment  où  les  assiégeants  allaient  abandonner  leur 
entreprise.  En  1574,  la  ville  fut  enlevée  par  surprise, 
pendant  la  nuit  du  mercredi  des  Cendres,  par  les  protes- 
tants Saint-Etienne  et  Dessay.  Enfin  le  duc  de  Montpen- 


sier,  après  une  première  tentative  inutile,  vint  assiéger  la 
ville  le  1er  sept,  de  cette  même  année  ;  elle  se  rendit  le  21 , 
après  une  vigoureuse  résistance.  Le  20  juin  1616  fut 
signée  à  Fontenay  entre  Louis  XIII  et  le  prince  de  Condé 
une  trêve  qui  précéda  de  quelques  semaines  l'ouverture  des 
conférences  de  Loudun.  En  1621,  la  place  fut  démantelée. 
Devenu,  en  1790,  ch.-l.  du  dép.  de  la  Vendée,  Fontenay 
eut  beaucoup  à  souffrir  des  guerres  vendéennes  ;  le  1 6  mai 
1793,  les  républicains  y  battirent  les  Vendéens  et  s'établi- 
rent dans  la  ville  ;  mais,  le  25  mai,  Bonchamps,  Lescure, 
Cathelineau,  d'Elbée  et  La  Rochejaquelein,  à  la  tête  de 
35,000  hommes,  la  reprirent  au  général  Chalbos.  Le 
10  août  1806,  le  chef-lieu  du  dép.  de  la  Vendée  fut  trans- 
féré à  LaRoche-sur-Yon.—  Fontenay,  qui  était  au  xvie  siècle 
un  centre  littéraire,  artistique  et  scientifique,  a  donné  le 
jour  à  un  grand  nombre  d'hommes  célèbres,  parmi  lesquels 
il  faut  citer  les  jurisconsultes  Tiraqueau,  Imbert  et  Bris- 
son,  le  médecin  Brissot,  le  mathématicien  Fr.  Viète,  le 
poète  Rapin,  l'historien  Besly,  le  physicien  Brisson.  Rabe- 
lais vécut  à  Fontenay  de  1508  à  1524  et  y  reçut  des  leçons 
de  grec  et  de  latin  du  père  Amy. 

Monuments.  —  L'église  Notre-Dame  (mon.  hist.),  qui, 
dans  son  ensemble,  est  une  construction  du  xvne  siècle,  a 
conservé  plusieurs  parties  d'édifices  antérieurs  successive- 
ment détruits,  et  notamment  une  crypte  romane  composée 
de  trois  nefs.  Le  clocher,  surmonté  d'une  flèche  octogo- 
nale, haute  de  79  m.,  a  été  reconstruit  en  style  gothique, 
vers  1700,  par  Leduc  de  Toscane.  La  sacristie  est  un  joli 
édifice  de  la  Renaissance.  L'église  Saint- Jean,  reconstruite 
en  1604  après  sa  destruction  par  les  protestants,  est  éga- 
lement surmontée  d'une  flèche  de  style  gothique  élevée  au 
xvn6  siècle.  La  grande  fontaine  est  un  monument  de  la 
Renaissance.  Le  marché  aux  Porches  est  bordé  au  S.  par 
une  suite  de  maisons  à  arcades  des  xvie  et  xvne  siècles. 
Les  maisons  ou  hôtels  du  xvie  siècle  sont  encore  assez 
nombreux  ;  il  faut  citer  l'hôtel  de  La  Rochefoucauld  où 
l'auteur  des  Maximes  passa  son  enfance,  l'hôtel  de  Terre- 
Neuve,  construit  pour  Nicolas  Rapin  et  restauré  par  le 
graveur  0.  de  Bochebrune,  et  enfin  sur  les  bords  de  la 
rivière  des  maisons  à  étage  en  surplomb  d'un  aspect  très 
pittoresque.  La  place  Royale  est  une  promenade  établie  sur 
l'emplacement  du  petit  bois  des  Amourettes.  Buste  du 
général  Belliard,  élevé  en  face  de  la  maison  où  il  est  né, 
sur  une  place  à  laquelle  on  a  donné  son  nom. 

Bibl.  :  B.  Fillon,  Recherches  historiques  et  archéolo- 
giques sur  Fontenay-le-Comle;  Fontenay,  1847,  in-8. 

FONTENAY-le-Fleury.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  et  cant.  de  Versailles  ;  565  hab. 

FONTE NAY-le-Marmion.  Com.  du  dép.  du  Calvados, 
arr.'  de  Caen,  cant.  de  Bourguébus  ;  549  hab.  Eglise  en 
partie  romane,  dont  le  chœur  est  du  xme  siècle,  et  la  nef 
refaite  à  différentes  époques.  Dans  le  chœur  et  près  de  la 
nef  s'élève  une  belle  tour  romane  à  plusieurs  étages  d'ar- 
cature.  Vestiges  de  l'ancien  château  des  Marmion,  souvent 
cité  par  Robert  Wace  dans  le  Roman  de  Rou.  Il  en 
subsiste  la  motte  qui  supportait  le  donjon  et  quelques 
constructions  des  xve  et  xvie  siècles.  Au  N.-O.  du  village, 
débris  d'un  vaste  tumulus  en  pierres  sèches,  où  les  fouilles 
ont  amené  la  découverte  de  plusieurs  caveaux  funéraires 
contenant  avec  des  ossements,  des  poteries  et  des  huches 
en  pierre  verte. 

FONTENAY-le=Pesnel  ou  sur-Seulles.  Com.  du  dép.  du 
Calvados,  arr.  de  Caen,  cant.  de  Tilly-sur-Seulles  ;  682  hab. 

FONTENAY-lès-Briis-  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  de  Rambouillet,  cant.  de  Limours  ;  553  hab. 

FONTENAY-les-Louvets.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
d'Alençon,  cant.  de  Carrouges  ;  618  hab. 

FONTE NAY-lès-Louvres.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  de  Pontoise,  cant.  d'Ecouen  ;  555  hab. 

FONTENAY-le-Vicomte.  Com.  du  dép.  de  Seine-et- 
Oise,  arr.  et  cant.  de  Corbeil;  278  hab. 

FONTENAY-Mauvoisin.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  de  Mantes,  cant.  de  Bonnières;  178  hab. 


-  755  - 


FONTENAY  —  FONTENELLE 


FONTENAY-près-Chablis.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne, 
arr.  d'Auxerre,  cant.  de  Chablis;  284  hab. 

FONTENAY-près-Yézelay.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne, 
arr.  d'Avallon,  cant.  de  Yézelay;  560  hab. 

FONTENAY-Saint-Pèue.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et- 
Oise,  arr.  de  Mantes,  cant.  deLimay;  603  hab. 

FONTENAY-sous-Bois.  Corn,  du  dép.  de  la  Seine,  arr. 
de  Sceaux,  cant.  de  Vincennes  ;  5,836  hab. 

FONTENAY-sous-Fouronne.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne, 
arr.  d'Auxerre,  cant.  de  Coulanges-sur-Yonne  ;  204  hab. 

FONTENAY-sur-Conie.  Corn,  du  dép.  d'Eure-et-Loir, 
arr.  de  Châteaudun,  cant.  d'Orgères;  490  hab. 

FONTE NAY-sur-Eure.  Corn  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr. 
et  cant.  (S.)  de  Chartres;  561  hab. 

FONTENAY-sur-Loing.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de 
Montargis,  cant.  de  Ferrières;  580  hab. 

FONTENAY-sur-Orne.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  et 
cant.  d'Argentan;  277  hab. 

FONTENAY-Torcy.  .Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Songeons;  258  hab.  L'église  est  en 
grande  partie  gothique,  avec  une  façade  du  xvie  siècle  et 
de  curieux  lambris  sculptés  de  la  même  époque  ;  le  clocher 
carré  et  central  est  roman  et  antérieur  au  xn°  siècle.  Ha- 
meaux :  Torcy,  Bec-aux-Vents,  etc.  Fabrique  de  miroite- 
rie et  de  lunettes.  C.  St-A. 

FONTENAY-Trésigny.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Coulommiers,  cant.  de  Rozoy,  sur  un  affluent  de 
l'Yères;  1,473  hab.  Eglise  du  xme  siècle  avec  un  remar- 
quable clocher,  des  fonts  baptismaux  du  xYie  siècle  et  des 
restes  intéressants  de  vitraux.  Fossés  et  murailles  d'une 
ancienne  enceinte  fortifiée.  Ruines  d'un  château  royal  de 
la  Renaissance,  et  au  hameau  du  Yivier  restes  d'une  autre 
résidence  royale  du  xrve  siècle  (mon.  hist.). 

FONTENAY  (Julien),  graveur  français  (V.  Codoré). 

FONTENAY  (François  du  Val,  marcmis  de),  plus  connu 
sous  le  nom  de  Fontenay-Mareuil,  diplomate,  homme  de 
guerre  et  historien  français,  né  vers  1594,  mort  à  Paris 
le  25  oct.  1665.  D'abord  enfant  d'honneur  de  Louis  XIII, 
il  accompagna  Mayenne  en  Espagne,  puis  Nevers  à  Ratis- 
bonne,  après  un  voyage  en  Italie.  11  passa  ensuite  en  Hol- 
lande et  en  Angleterre,  et,  mestre  de  camp  du  régiment  de 
Piémont  depuis  le  8  oct.  1616,  il  participa  au  siège  de 
Soissons  sous  Boisdauphin  en  1617.  Il  assista  ensuite  à  la 
campagne  de  Normandie  (1619),  à  l'affaire  des  Ponts-de-Cé 
(1620),  aux  sièges  de  Saint-Jean-d'Angély,  Clérac,  Mon- 
tauban  (1624),  Saint-Antoine  et  Montpellier  (1622).  Après 
être  resté  à  Metz  de  1624  à  1626,  il  assista  à  l'affaire  de 
l'île  de  Ré  (1627)  et  au  siège  de  La  Rochelle  (1628),  où 
il  se  distingua,  puis  à  ceux  de  Privas  et  d'Alais  (1629). 
Chargé  d'annoncer  au  duc  de  Savoie  la  prise  de  La  Ro- 
chelle, puis  de  conduire  à  la  cour  Mlle  de  Montpensier  et 
de  traiter  avec  Rohan,  il  fut  envoyé  comme  ambassadeur 
en  Angleterre  en  1630.  Il  en  revint  en  mai  1633  et, 
nommé  maréchal  de  camp  le  22  avr.  1635,  servit  à  l'armée 
d'Allemagne  aux  sièges  de  Spire  et  de  Vaudemont  (1635). 
Il  est  à  Corbie  en  1636,  à  l'armée  de  Champagne  en  1637, 
au  siège  de  Saint-Omer  en  1638.  Nommé  ambassadeur  à 
Rome  en  1640,  il  y  resta  jusqu'en  1650.  Ses  mémoires 
ont  été  publiés  dans  la  collection  Petitot,  lre  série,  t.  LI 
(Paris,  1826,  in-8).  Louis  Farges. 

FONTENAY  (Jean -Baptiste  Belin  de  [et  non  Blin]), 
peintre  français,  né  à  Caen  le  9  nov.  4  653,  mort  à  Paris 
le  12  févr.  1715.  Fils  du  peintre  Louis  Belin,  qui  appar- 
tenait à  la  religion  calviniste,  il  abjura  la  religion  de  sa 
famille,  et  se  forma  sous  la  direction  de  Monnoyer,  peintre 
de  fleurs  renommé,  dont  il  épousa  la  fille  (1687).  Louis  XIV 
l'employa  à  la  décoration  des  principaux  palais  royaux,  lui 
donna  un  logement  au  Louvre,  et  le  fit  entrer  à  l'Académie 
des  beaux-arts.  La  légèreté  de  ses  fleurs  et  le  velouté  de 
ses  fruits  témoignent  d'une  habileté  comparable  à  celle  des 
Saint- Jean  et  des  Van  Huysum.  —  Il  eut  un  fils,  Jean- 
Baptiste,  né  en  1688,  mort  en  1730,  qui  continua  quelque 
temps  sa  tradition,  mais  avec  bien  moins  de  talent. 


FONTENAY  (Louis-Abel  de  Bonaeous ,  abbé  de),  écri- 
vain et  jésuite  français,  né  à  Castelnau-de-Brassac,  près  de 
Castres,  en  1737,  mort  à  Paris  le  28  mars  1806.  Profes- 
seur au  collège  de  Tournon,  il  se  fixa  à  Paris  après  la  sup- 
pression de  son  ordre  et,  sous  le  nom  d'abbé  de  Fontenay, 
y  rédigea  pour  une  grande  part  les  Affiches  de  province 
et  le  Journal  général  de  France,  Ardent  royaliste,  il 
passa  à  l'étranger  au  10  août  et  rentra  en  France  après  le 
1 8  brumaire.  Fontenay  n'a  aucun  talent  :  c'est  un  compi- 
lateur, sans  plus.  On  a  de  lui  :  Antilogies  et  fragments 
philosophiques  (Paris,  1774,  4  vol.  in-12)  ;  Diction- 
naire des  artistes  (Paris,  4777,  2  vol.  in-8);  Abrégé  de 
la  vie  des  peintres  (Paris,  1786,  in-fol.);  l'Ame  des 
Bourbons  ou  Tableau  historique  des  princes  de  V au- 
guste maison  des  Bourbons  (Paris,  1783-1790,  4  vol. 
in-12);  le  texte  presque  tout  entier  de  la  Galerie  du 
Palais-Boyal  (1786-1808,  59  livr.  in-fol),  sans  compter 
des  éditions  et  des  traductions  d'histoires  et  de  géographies 
françaises  et  étrangères.  Ch.  Le  G. 

FONTENAY  (Jean-Baptiste-Léonard  Daligé  de  Fontenay 
de  Saint-Cyran,  connu  sous  le  nom  de),  acteur  français, 
né  à  Chaillot  (Paris)  le  21  avr.  1786,  mort  à  Neuilly  (Seine) 
le  23  avr.  1874.  Issu  d'une  famille  que  ruina  la  Révolu- 
tion, il  avait  à  peine  seize  ans  lorsque,  en  1802,  il  dé- 
buta au  petit  théâtre  Mareux,  situé  rue  Saint- Antoine.  Il 
alla  passer  ensuite  quelque  temps  en  province,  puis  fut 
engagé  au  théâtre  des  Jeunes-Elèves  de  la  rue  de  Thionville 
(Dauphine),  d'où  il  passa,  lors  de  la  fermeture  de  ce  théâtre 
par  suite  du  décret  de  1807,  à  celui  du  Vaudeville,  qu'il 
ne  devait  plus  quitter  jusqu'à  sa  retraite,  en  1841.  Il  y 
conquit  bientôt  une  situation  prépondérante,  d'abord  dans 
l'emploi  des  premiers  comiques,  ensuite  dans  celui  des 
financiers  et  des  pères  nobles.  Il  se  retira,  en  1841,  avec 
une  pension  du  Vaudeville.  —  Une  fille  de  cet  artiste,  Lise 
Fontenay,  devenue  plus  tard  Mme  Blanche,  fit  partie  pen- 
dant plusieurs  années,  avec  son  père,  du  personnel  de  la 
troupe  du  Vaudeville.  A.  P. 

FONTENAY  (Alexis  Daligé  de),  fils  du  précédent,  peintre 
français,  né  à  Paris  le  29  avr.  184  3.  Elève  de  Watelet  et  de 
Hersent,  il  entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts  en  4  831  ;  mais,  au 
lieu  de  se  livrer  à  l'histoire,  il  se  tourna  vers  le  paysage, 
et  exposa  au  Salon  de  1841  une  Vue  prise  sur  la  route 
de  Grimsel.  Il  voyagea  dans  plusieurs  de  nos  colonies 
d'Amérique,  puis  dans  les  Pyrénées  et  en  Suisse.  Il  en  rap- 
porta beaucoup  d'esquisses  assez  remarquables  par  l'exacti- 
tude des  paysages  qui  plurent  au  public  et  le  mirent  en  vue. 
Il  a  exposé  les  Environs  de  Luz  (1 844)  ;  la  Grande  Sou- 
frière (4845);  Port-Boyal  (1847);  Vues  de  VOberland 
bernois  (1848);  la  Boute  de  Bastiaà  Ajaccio  (1852);  la 
Ferme  et  le  Château  (1855)  ;  Lauterbrilnnen  (1855)  ; 
le  Wetterhorn  dans  la  vallée  de  Grindelwald  (1861)  ; 
Vue  du  château  d'Unspunnen  ;  Vue  prise  des  hauteurs 
de  VOberland  bernois  (1863)  ;  Vue  prise  près  dlln- 
terseen  ;  les  Buines  du  Château-Gaillard  (4  864)  ;  Vil- 
lage d'Unterseen  en  Suisse;  l'église  de  Saint-Ber- 
trand-de-Comminges  (1866);  Village  de  Vezillon,  en 
Normandie  ;  la  Montée  du  flot  entre  le  Havre  et  la 
côte  de  Honfleur  (1868)  ;  les  Bords  de  la  Seine  entre 
Bouen  et  le  Havre  (1869);  Ferme  en  Picardie  (1882)  ; 
les  Falaises  à  Puy,  près  de  Dieppe  (1883);  la  Mon- 
tagne «  le  Niesen  »  (1 884)  ;  Chemin  du  Grand-Saint- 
Bernard  (1885);  le  Pic  du  Midi  (1887);  Vue  prise 
sur  le  chemin  de  la  Handeck  (1889)  ;  les  Femmes  et 
le  Secret  (1892).  Challamel. 

FONTENAY-Mareuil  (marquis  de)  (V.  Bastard  [Denis 
de]). 

FONTENELLE.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Châ- 
teau-Thierry, cant.  de  Condé-en-Brie  ;  278  hab. 

FONTENELLE.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Ver- 
vins,  cant.  de  La  Capelle  ;  633  hab. 

FONTENELLE.  Com.  du  territoire  de  Belfort,  cant,  de 
Belfort;  83  hab. 


FONTENELLE 


756  — 


FONTENELLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  de  Fontaine-Française;  304  hab. 

FONTENELLE  (La).  Gom.  du  dép.  d'Ille-et- Vil  aine, 
arr.  de  Fougères,  cant.  d'Antrains;  4,098  hab. 

FONTENELLE  (La).  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher, 
arr.  de  Vendôme,  cant.  de  Droué;  606  hab. 

FONTENELLE-Montby.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr. 
de  Baume-les-Dames,  cant.  de  Rougemont;  224  hab. 

FONTENELLE  (Guy-Eder  de  La),  capitaine  français,  sup- 
plicié le  47  sept.  4  602.  On  ignore  et  la  date  et  le  lieu  précis 
de  sa  naissance.  On  sait  seulement  qu'il  vit  le  jour  en  Bre- 
tagne, qu'il  fut  élevé  à  Paris,  au  collège  de  Boncourt,  et  qu'il 
y  montra,  aux  dépens  de  ses  condisciples,  l'humeur  turbu- 
lente à  laquelle  les  événements  allaient  lui  permettre  de 
donner  libre  carrière  sur  un  plus  vaste  théâtre.  En  effet,  à  la 
mort  de  Henri  III,  lorsque  l'anarchie,  régnant  déjà  depuis 
dix-sept  ans  sur  la  France,  fut  a  son  comble,  il  vendit  ses 
livres  et  jusqu'à  ses  habits  pour  s'acheter  des  armes,  puis 
s'empressa  de  rentrer  dans  son  pays  natal.  Fermes  incen- 
diées, châteaux  pillés,  Lannion,  Paimpol,  Landerneau  ran- 
çonnés ;  Penmarc'h,  alors  la  rivale  commerçante  de  Nantes, 
ruinée  pour  jamais  ;  le  «  plat  pays  »  changé  en  désert  : 
paysans  torturés  à  plaisir,  femmes  violées  ;  tel  est  son  bilan 
de  1589  à  4602.  Ce  sera  l'éternelle  honte  du  duc  de  Mer- 
cœur,  chef  de  la  Ligue  en  Bretagne,  de  ne  s'être  pas  débar- 
rassé, coûte  que  coûte,  de  ce  bandit,  bien  plus  d'avoir  accepté 
son  appui  pour  soutenir  les  droits  qu'il  revendiquait  sur 
la  souveraineté  de  la  province  comme  époux  de  Marie  de 
Luxembourg,  descendante  directe  du  comte  Charles  de  Blois, 
le  concurrent  malheureux  de  Jean  de  Montfort  :  de  tels  auxi- 
liaires compromettent  les  meilleures  causes.  C'est  cepen- 
dant à  cette  dernière  circonstance  que  La  Fontenelle  doit  la 
glorieuse  place  que  les  descendants  de  ses  victimes  lui  ont 
gardée  dans  leur  mémoire,  oubliant  généreusement  ses 
crimes  pour  ne  se  souvenir  que  de  ses  prétendus  efforts 
en  faveur  de  leur  indépendance.  Il  convient,  du  reste, 
d'ajouter  qu'il  était  pourvu  du  singulier  prestige  que  l'on 
a  coutume  d'attribuer  aux  mauvais  sujets  sur  le  sexe  faible. 
Une  riche  héritière,  Marie  de  Koadelan,  qu'il  avait  enlevée 
dès  le  bas  âge  et  qu'il  épousa  (de  gré  ou  de  force,  la  chose 
est  restée  incertaine),  à  peine  eut-elle  quatorze  ans,  se 
prit  pour  lui  d'un  amour  éperdu.  Bref,  quand  Henri  IV 
l'envoya  expier  sur  la  roue  toute  une  vie  de  forfaits,  il  n'y  eut 
qu'une  voix  pour  déplorer  la  fin  tragique  du  «  capitaine- 
voleur  »,  tout  à  coup  transformé  dans  l'opinion  générale  en 
un  héros,  en  un  martyr,  dont  les  bardes  populaires  célèbrent 
encore  aujourd'hui  les  hauts  faits.  Léon  Marlet. 

Bibl.  :  Louis  Grégoire,  la.  Ligue  en  Bretaqne  ;  Paris, 
1856,  in-8,  ch.  iv. 

FONTENELLE  (Bernard  Le  Bovier  de),  écrivain  fran- 
çais, né  à  Rouen  le  44  févr.  1657,  mort  à  Paris  le  9  janv. 
4757.  Il  était  fils  d'un  avocat  au  parlement  et  de  Marthe 
Corneille,  sœur  de  Pierre  et  Thomas.  A  treize  ans,  au 
collège  des  jésuites  de  Rouen,  il  concourut  avec  éloges  au 
prix  des  Palinods  et  il  traduisit  peu  après  en  vers'  fran- 
çais quelques  pièces  latines  du  père  Commire  ;  il  plaida 
une  cause  et  renonça  au  barreau.  Honoré  d'un  accessit  par 
l'Académie  en  4675,  il  donna  au  Mercure  galant  diverses 
pièces  trop  ingénieuses,  notamment  F  Amour  noyé  et  His- 
toire de  mes  conquêtes  où  il  s'est  lui-même  dépeint  joli- 
ment. Sa  tragédie  à'Aspar  (4684)  tomba  lourdement; 
mais  les  opéras  de  Psyché  et  de  Bellérophon,  dans  les- 
quels il  avait  mis  beaucoup  du  sien,  eurent  du  succès  sous 
le  nom  de  Thomas  Corneille.  Etabli  à  Paris,  il  donna  coup 
sur  coup  :  les  Dialogues  des  morts  (1683),  où  il  faisait 
Platon  galant  et  Pliryné  moraliste  ;  le  Jugement  de  Plu- 
ton  (4684),  critique  des  dialogues  et  réponses  aux  cri- 
tiques; les  Lettres  du  chevalier  d'Her...  (4685),  badi- 
nage  un  peu  sec  ;  même  année,  un  Eloge  de  M.  Corneille, 
qu'il  étendra  en  4742,  en  y  joignant  deux  autres  pièces 
(Histoire  du  théâtre  français  jusqu'à  Corneille,  curieuse 
par  un  goût  assez  vif  du  théâtre  du  moyen  âge  et  de  la 
poésie  spontanée  des  trouvères  ;  Réflexions  sur  la  poé- 


tique, à  rapprocher  de  sa  Description  de  l'empire  de  la 
poésie,  4678,  et  du  morceau  intitulé  Sur  la  Poésie  en  gé- 
néral); les  Entretiens  sur  la  pluralité  des  mondes 
(4686),  mélange  délicat,  et  qui  réussit  à  souhait,  d'astro- 
nomie et  de  bel  esprit,  de  physique  cartésienne,  de  ré- 
flexions morales  et  d'ironie  ;  même  année,  les  Doutes  sur 
les  Causes  occasionnelles ,  critique  courtoise  du  système 
du  P.  Malebranche;  Y  Histoire  des  oracles  (4687),  tout 
son  bagage  pour  l'Académie  des  inscriptions  à  laquelle  il 
sera  associé  en  4708;  abréviation  libre  d'un  ouvrage  du 
Hollandais  Van  Date,  où  il  se  complaisait  à  réfuter  quelques 
théologiens,  tout  en  préludant  à  la  satire  des  anciens  ;  les 
Poésies  pastorales  (4688),  trop  spirituelles,  avec  un  Dis- 
cours sur  Vèglogue  et  une  Digression  sur  les  anciens 
et  les  modernes  dans  laquelle  il  donnait  aux  modernes 
assez  d'avantage  et  à  l'idée  du  progrès  assez  d'appui  pour 
déplaire  à  l'Académie  :  elle  le  refusa  quatre  fois  et  ne  le 
reçut  qu'en  1694;  elle  avait  couronné  en  4687  son  Dis- 
cours sur  la  patience.  L'opéra  de  Thétis  et  Pelée  réus- 
sit en  4689,  Enée  et  Lavinie  beaucoup  moins  en  4690. 
Citons  un  Parallèle  de  Corneille  et  de  Piacine  (4693). 
Plus  encore  que  sa  préface  pour  l'Analyse  des  infiniment 
petits  du  marquis  de  l'Hôpital  (4696),  ses  Entretiens  sur 
la  pluralité  des  mondes  le  tirent  choisir  comme  secré- 
taire de  l'Académie  des  sciences,  renouvelée  en  4699;  et 
ses  Eléments  de  la  géométrie  de  l'infini  (1727,  in-4) 
ont  moins  fait  pour  la  gloire  de  cette  assemblée  que  son 
Histoire  de  l'Académie  royale  des  sciences,  avec  deux 
préfaces,  recueil  contenant  des  extraits  des  mémoires  des 
savants  et  les  éloges  des  académiciens  morts  ;  en  1702, 
l'Histoire  depuis  l'année  1699  ;  en  1733,  depuis  l'an- 
née 1666.  Par  ses  éloges  académiques,  Fontenelle  a  ma- 
gistralement ouvert  la  voie  à  d'Alembert,  Condorcet,  Cu- 
vier,  Arago,  etc.  En  1752,  il  publia  deux  volumes  conte- 
nant une  tragédie  et  six  comédies,  avec  préface;  même 
année  la  Théorie  des  tourbillons  cartésiens,  avec  des 
réflexions  sur  l'attraction  newtonienne.  L'édition  de  ses 
œuvres  de  1766  donne  en  outre  divers  morceaux  :  De 
V Existence  de  Dieu,  Du  Bonheur,  De  l'Origine  des 
fables,  Sur  l'Instinct,  Sur  l'Histoire,  et  trois  frag- 
ments :  Traité  de  la  raison  humaine,  De  la  Connais- 
sance de  l'Esprit  humain,  enfin  ce  qu'il  appelait  Ma 
République. 

Le  «  prudent  »  et  «  discret  »  Fontenelle  est  taxé  par  un 
contemporain  d'orgueil  approbateur,  traité  d'homme  im- 
passible qui  louait  pour  être  loué,  d'homme  indulgent  par 
vanité,  attentif  à  sa  gloire  et  à  ses  moindres  gestes.  Ce  fut 
une  façon  de  sage  occupé  de  son  bonheur,  mais  bienveil- 
lant et  même  secourable.  Son  intelligence  souple  et  lucide 
a  très  bien  servi  les  lettres  et  surtout  les  sciences,  qu'il 
sut  excellemment  rendre  accessibles  et  même  attrayantes 
en  gardant  l'exactitude.  La  qualité  d*homme  de  lettres  fut 
relevée  par  la  brillante  considération  attachée  à  la  per- 
sonne de  cet  académicien  qui  ne  fut  rien  de  plus,  quoique 
familier  du  duc  d'Orléans  et  de  Fleury.  Comme  Voltaire, 
il  exerça  la  royauté  littéraire  et  mondaine,  et,  comme  lui, 
il  eut  une  sorte  d'universalité,  à  la  fois  causeur  fêté,  poète 
badin  et  dramatique,  philosophe,  critique,  historien  des 
idées  et  géomètre.  Ses  vues  sur  la  philosophie  en  poésie, 
sur  l'amour  et  l'intérêt  au  théâtre,  sur  l'histoire,  sur  le 
progrès  sont  attachantes  ;  et,  comme  dit  Trublet  «  la  main- 
d'œuvre  est  toujours  bonne  chez  Fontenelle  »,  quand  il  ne 
se  travaille  pas  trop.  Fontenelle  donna  lui-même  trois  édi- 
tions de  ses  œuvres  (1724, 1742,  1752-1757).  Nous  cite- 
rons encore  :  Œuvres  diverses  (La  Haye,  1728-1729, 
3  vol.  in-fol.;  3  vol.  gr.  in-4);  OEuvres complètes  (Paris, 
1758-1866,  11  vol.  in-12  ;  1818,  3  vol.  in-8;  4790, 
8  vol.  in-8  ;  4824-4825). 

Bibl.  :  L'abbé  Trublet,  Mémoire  sur  la  vie  et  les 
œuvres  de  Fontenelle;  Amsterdam,  1759,  in-12,  et  l'article 
Fontenelle,  du  même,  dans  le  Dictionnaire  Moreri  de  1759.— 
Voltaire,  Siècle  de  Louis  XIV  et  Correspondance.  — 
Mercure  de  France,  1756,  1757,  1758.  —  Ses  éloges  par 
Grandjean  de    Fouchy,  Mémoire   de    l'Académie  des 


—  757 


FONTENELLE  —  FONTENU 


sciences,  1757  \  par  Le  Beau,  Mémoire  de  l'Académie  des 
inscriptions,  t.  XXVII  ;  par  Le  Cat  ;  Rouen,  1759  ;  par 
d'Alembert,  Garât,  etc.  —  Grimm,  Correspondance  lit- 
téraire. —  Cuvier,  Leçons  sur  l'histoire  des  sciences  natu- 
relles, 2°  partie.  —Charma,  Biographie  de  Fontenelle  ; 
Paris,  1846. —  P.  Flourens,  Fontenelle  ou  de  la  Philoso- 
phie moderne,  etc.;  Paris,  1847.  —  France  littéraire, t.  III, 
154.  —  Œuvres  de  Fontenelle,  Etude  sur  sa  vie,  etc;  Paris, 
1852,  in-12.—  Sainte-Beuve,  Causeries  du  lundi,  t.  III  et  la 
table.  —  Faguet,  Dix-huitième  Siècle;  Paris,  1890. 

FONTENELLE  (Granges de)  (V.  Granges).) 

FONTENELLE  de  Vaudoré  (Armand-Désiré  de  La), 
historien  français,  né  à  Saint-Jouin-de-Milly  (Deux-Sèvres) 
en  1784,  mort  à  Poitiers  en  1847.  La  Fontenelle  de  Vau- 
doré a  été  conseiller  à  la  cour  d'appel  de  Poitiers  (1813) 
et  correspondant  de  l'Académie  des  inscriptions  (1838). 
On  lui  doit  :  Vie  et  correspondance  de  Duplessis-Momay 
(avec  Auguis)  (1822-42,  12  vol.  in-8)  ;  Histoire  d'Oli- 
vier de  Clisson  (4826,  2  vol.  in-8);  Philippe  de  Co- 
mynes  en  Poitou  (1836,  in-8)  ;  Chroniques  fontenai- 
siennes  (1841,  in-8)  ;  Histoire  des  rois  et  des  ducs 
d'Aquitaine  et  des  comtes  de  Poitou  (1842,  in-8)  ; 
Histoire  du  monastère  et  des  évêques  deLuçon  (1847, 
2  vol.  in-8). 

FONTEN ELLES  (Les).  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr. 
de  Montbéiiard,  cant.  du  Russey;  482  hab. 

FONTEN ERMONT.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de 
Vire,  cant.  de  Saint-Sever;  246  hab. 

FONTEN  ET.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  et  cant.  de  Saint-Jean-d'Angély  ;  627  hab. 

FONTEN ILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de 
Ruffec,  cant.  de  Mansle  ;  514  hab.  On  a  trouvé  aux  envi- 
rons divers  monuments  préhistoriques.  Près  de  Fontenille, 
on  remarque  les  ruines  du  château  de  Renau,  sur  la  Cha- 
rente. 

FONTENILLE.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de 
Melle,  cant.  de  Chef-Boutonne  ;  334  hab. 

FONTEN ILLES.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Sarlat,  cant.  de  Villefranche-de-Belvès;  277  hab. 

FONTEN  ILLES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Muret,  cant.  de  Saint-Lys  ;  637  hab. 

FONTENIS.  Com.  du  dép.  de  la  Haute*-Saône,  arr.  de 
Vesoul,  cant.  de  Rioz;  64  hab. 

>  FONTENOIS-ia-Ville.  Com.  du  dép.  de  la  Haute- 
Saône,  arr.  de  Lure,  cant.  de  Vauvillers  ;  514  hab. 

FONTENOIS-lès-Montbozon  (Fontinetum).  Com.  du 
dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Vesoul,  cant.  de  Mont- 
bozon;  441  hab.  Carrières  de  pierres  de  taille.  Ruines  d'un 
château  féodal  détruit  parles  Suédois  au  commencement  du 
xviie  siècle.  Eglise  moderne  contenant  des  pierres  tumu- 
laires  anciennes.  Très  vieille  croix  de  pierre. 

FONTENOTTE.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant. 
de  Baume-les- Dames;  90  hab. 

FONTEN  OU  ILLES.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de 
Joigny,  cant.  de  Charny;  551  hab. 

FONTE  NO  Y.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Sois- 
sons,  cant.  de  Vie- sur-Aisne;  482  hab. 

FONTENOY.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Plainaut,  arr. 
de  Tournai  ;  800  hab.  Célèbre  par  la  sanglante  bataille  qui 
y  fut  livrée  le  11  mai  1745  par  les  Français  aux  Anglais, 
Autrichiens  et  Hollandais  coalisés  (V.  ci-après). 

Bataille  de  Fontenoy.  —  Le  11  mai  1745,  l'armée  fran- 
çaise commandée  par  le  maréchal  de  Saxe  rencontra,  dans 
la  plaine  comprise  entre  le  bois  de  Bary  et  l'Escaut,  l'armée 
anglo-hollandaise  sous  les  ordres  de  Cumberland.  Le  ma- 
réchal s'appuya  sur  trois  points  en  forme  d'équerre  :  Antoing 
à  droite,  Fontenoy  au  centre,  et  à  gauche  deux  redoutes 
qu'il  fit  élever  sur  le  front  et  le  flanc  droit  du  bois  de  Bary. 
Les  ennemis  étaient  près  de  Vezon.  L'engagement  com- 
mença à  quatre  heures  du  matin.  De  huit  heures  à  deux 
heures  de  l'après-midi,  la  situation  demeura  indécise.  Par 
de  nombreuses  charges  de  cavalerie  le  maréchal  empêchait 
ses  adversaires  de  se  porter  sur  Fontenoy,  le  point  capital. 
Enfin,  il  rallia  lui-même  l'infanterie  qui  avait  plié  et  se 


porta  sur  le  flanc  droit  de  l'ennemi  pendant  que  la  maison 
du  roi,  la  gendarmerie  et  les  carabiniers,  conduits  par  le 
duc  de  Richelieu,  fonçaient  l'épée  à  la  main  sur  le  centre. 
Cette  action  fut  décisive  ;  la  colonne  d'attaque,  prise  en 
écharpe,  ne  forma  bientôt  plus  que  des  monceaux  de  mou- 
rants et  de  blessés.  Les  Anglais  et  les  Hanovriens,  qui 
possédaient  encore  un  effectif  de  10,000  hommes,  aban- 
donnèrent le  champ  de  bataille  et  une  partie  de  leur  artil- 
lerie. La  victoire  de  Fontenoy  eut  un  retentissement  énorme. 
Louis  XV  et  le  dauphin  y  assistaient  et,  durant  les  quatre 
heures  où  le  succès  demeura  douteux,  ils  firent  preuve  du 
plus  grand  calme  et  du  plus  grand  courage.  Maurice  de 
Saxe  s'acquit  une  gloire  immortelle.  Les  ennemis  avaient 
53,000  hommes  effectifs  et  nous  en  avions  à  peine  40,000. 
Ils  perdirent  environ  7,000  hommes  (tués),  2,500  prison- 
niers, 40  canons  ;  les  Français  eurent  environ  3,000  tués 
et  3,600  blessés.  A  la  suite  de  cette  bataille,  Tournai, 
Gand,  Bruges,  Audenarde,  Dendermonde,  Ostende  et  Nieu- 
port  tombèrent  entre  nos  mains.  C'est  à  Fontenoy  que  fut 
prononcé  le  mot  célèbre  :  Messieurs  les  Anglais,  tirez 
les  premiers.  Nous  empruntons  au  général  Pajol  (les 
Guerres  sous  Louis  XV,  t.  III),  le  récit  exact  de  cet  épi-  * 
sodé  :  «  Un  régiment  des  gardes  anglaises  de  Campbel  et 
du  Royal-Ecossais  marchait  en  tête,  commandé  par  le  comte 
d'Albemarle  et  M.  de  Churchil,  petit-fils  naturel  du  duc 
de  Marlborough.  Les  officiers  anglais  saluèrent  les  Fran- 
çais en  ôtant  leurs  chapeaux  ;  les  Français  leur  rendirent 
leur  salut.  Milord  Charles  Hay,  capitaine  aux  gardes  an- 
glaises, s'étant  avancé  hors  des  rangs,  le  comte  d'Aute- 
roche,  lieutenant  des  grenadiers,  ne  sachant  ce  qu'il  vou- 
lait, fut  à  lui  :  Monsieur,  lui  dit  Charles  Hay,  faites 
tirer  vos  gens.  —  Non,  monsieur,  répondit  le  comte 
d' Auteroche ,  à  vous  l'honneur.  » 

FONTENOY-en-Puisaye  (Fontanetum) .  Com.  du  dép. 
de  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre,  cant.  de  Saint-Sauveur,  sur 
un  affluent  de  l'Ouanne  ;  703  hab.  Poteries,  tuyaux  de 
drainage.  Le  territoire  de  cette  commune  fut  le  théâtre  de 
la  bataille  à  laquelle  beaucoup  d'historiens  donnent  abusi- 
vement le  nom  de  Fontanet  ou  de  Fontenailles,  et  qui  con- 
sacra le  démembrement  de  l'empire  carolingien.  Les  armées 
de  Charles  le  Chauve  et  de  Louis  le  Germanique  se  trou- 
vèrent, le  25  juin  841,  en  présence  de  celle  de  leur  frère, 
l'empereur  Lothaire,  qui  prétendait  les  obliger  à  recon- 
naître son  autorité.  Après  un  combat  assez  court,  mais 
sanglant,  Lothaire  fut  complètement  battu  et  s'enfuit  aban- 
donnant aux  vainqueurs  un  immense  butin.  Un  obélisque 
monolithe,  élevé  en  1860,  rappelle  le  souvenir  de  la  ba- 
taille. 

FONTENOY-la-Joute.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et- 
Moselle,  arr.  de  Lunévilie,  cant.  de  Baccarat  ;  558  hab. 

FONTE  NO  Y-le-ChAteau.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr. 
d'Epinal,  cant.  de  Bains;  2,170  hab.  Broderies,  fréfilerie 
de  la  Pipée;  fabrique  d'ustensiles  en  fer  battu.  Kirsch. 
Eglise  gothique  renfermant  le  tombeau  de  la  princesse 
Yolande  de  Ligne.  Ruines  d'un  château  féodal.  Chapelle 
du  Bois-Béni,  but  d'un  pèlerinage  fréquenté. 

FONTE  NO  Y-sur-Moselle.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et- 
Moselle,  arr.  et  cant.  (N.)  de  Toul  ;  217  hab. 

FONTENU.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le- 
Saunier,  cant.  deClairvaux  ;  171  hab.  Le  lac  de  Chalain, 
d'une  superficie  de  220  hect.,  est  situé  dans  cette  commune. 
A  l'une  des  extrémités  de  ce  lac  se  dresse  un  château  dont 
la  construction  première,  due  aux  seigneurs  de  Fontenu  de 
la  maison  de  Marigny,  remonte  au  xme  siècle  et  qui,  re- 
construit probablement  au  commencement  duxvie,  est  d'un 
aspect  des  plus  pittoresques.  Ce  lieu  est  visite  chaque  année 
par  de  nombreux  touristes. 

FONTENU  (Louis-François  de) , archéologue  français,  né 
au  château  de  Lilledon,  en  Gâtinais,  le  16  oct.  1667,  mort 
à  Paris  le  3  sept.  1759.  Après  quelques  années  passées 
auprès  de  son  oncle,  M.  de  Buzenval,  évêque  deBeauvais, 
il  fut  envoyé',  à  douze  ans,  au  collège  de  Grassins,  à  Paris  ; 
puis  il  entra  au  séminaire  de  Saint-Magloire  que  son  état 


FONTENU  —  FONTEVRAULT 


—  758  — 


de  santé  l'obligea  à  quitter.  Une  s'engagea  pas  dans  les  ordres 
au  delà  du  diaconat.  Un  voyage  en  Italie  avait  accru  le  goût 
qu'il  avait  eu  dès  sa  jeunesse  pour  les  études  de  l'antiquité. 
Admis  en  1714  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  en  qualité  d'élève,  il  passa  dans  la  classe  des  asso- 
ciés en  1716.  Les  mémoires  qu'il  a  écrits  ont  tous  été 
publiés  dans  Y  Histoire  ou  dans  les  Mémoires  de  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres.  Ils  sont  relatifs 
pour  la  plupart  soit  à  la  mythologie  et  particulièrement  aux 
cultes  primitifs,  soit  aux  monuments  gallo-romains  et  parti- 
culièrement aux  camps  dits  de  César,  soit  encore  à  la  numis- 
matique. Les  recherches  de  Fontenu  ayant  porté  sur  des 
sujets  dont  l'étude  a  été  entièrement  renouvelée,  ses  disser- 
tations ne  sont  plus  guère  consultées.  Il  paraît  inutile  d'en 
rapporter  ici  les  titres  ;  on  les  trouvera  dans  la  Table  géné- 
rale et  méthodique  des  mémoires  contenus  dans  les 
recueils  de  V Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 
rédigée  par  MM.  E.  de  Rozière  et  Chatel.  On  lui  attribue 
une  traduction  de  Théagène  et  Chariclée,  publiée  à  Paris, 
en  1727,  2  vol.  in-12. 

Bibl.  :  Le  Beau,  dans  Histoire  de  l'Académie  des  ins- 
criptions  et  belles-lettres,  t.  XXIX,  p.  349. 

FONT  EN  Y.  Gom.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Poligny,  cant. 
de  Salins;  105  hab. 


FONTENY  (Pierre  Bizot  de)  (V.  Bizot  de  Fonteny). 

FONTERS-du-Razès.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Castelnaudary,  cant.  de  Fangeaux;  210  hab. 

FONTES  (Art  milit.)  (V.  Selle). 

FONTES.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Béziers, 
cant.  de  Montagnac;  823  hab. 

FONTET.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  et  cant.  de 
La  Réole  ;  692  hab. 

FONTETTE.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar-sur- 
Seine,  cant.  d'Essoyes  ;  508  hab. 

FONTEVRAULT  (Fons  Ebraldi).  Corn,  du  dép.  de 
Maine-et-Loire,  arr.  et  cant.  (S.)  de  Saumur,  dans  un  vallon 
au  milieu  d'une  forêt  ;  2,698  hab.  Maison  centrale  de  dé- 
tention, établie  depuis  1811  dans  les  bâtiments  de  l'ancienne 
abbaye.  Poteries ,  corderies ,  rouenneries  ;  fabriques  de 
toiles,  de  boutons,  de  ressorts  de  voitures,  de  chaussures  ; 
vannerie,  bijouterie,  ébénisterie  ;  bois  de  charpente.  La 
ville  doit  son  origine  à  la  célèbre  et  puissante  abbaye  fondée 
vers  1099  par  Robert  d'Arbrissel,  sur  ce  territoire  qui  ap- 
partenait aux  seigneurs  de  Montreuil-Bellay.  Après  avoir 
habité  des  cabanes  ou  des  grottes  creusées  dans  le  tuf,  la 
communauté  fit  construire  dès  le  début  du  xne  siècle  une 
vaste  abbaye  dont  l'église  fut  consacrée  en  1119  par  le  pape 
Calixtell.  Les  Plantagenets,  devenus  roi  d'Angleterre,  en- 


Abbaye  de  Fontevrault  (d'après  une  photographie). 


richirent  considérablement  l'abbaye  de  Fontevrault,  et  plu- 
sieurs d'entre  eux  voulurent  être  enterrés  dans  son  église. 
L'église  (mon.  hist.),  désignée  sous  le  nom  de  Grand  Mou- 
tier,  a  été  bâtie  de  1101  à  1119  ;  elle  a  subi  des  dégrada- 
tions considérables,  des  restaurations  et  des  appropriations 
qui  lui  ont  été  plus  funestes  encore.  C'est  un  vaste  édifice 
à  coupoles  assez  analogue  à  la  cathédrale  d'Angoulême  ; 
une  seule  de  ces  coupoles,  celle  du  transept,  subsiste  telle 
qu'elle  était  au  xne  siècle.  Le  tombeau  de  Robert  d'Arbris- 
sel, dégradé  en  1793,  est  situé  dans  la  sacristie  de  la  cha- 
pelle des  détenus.  Les  tombeaux  des  rois  d'Angleterre  étaient 
autrefois  dans  la  nef  ;  il  n'en  subsiste  que  quatre  statues 
d'un  intérêt  exceptionnel  pour  l'histoire  de  l'art  du  xne  siècle, 
qui,  après  avoir  subi  bien  des  vicissitudes  et  avoir  failli  plu- 
sieurs fois  passer  en  Angleterre,  sont  aujourd'hui  déposées 
dans  une  petite  chapelle  sombre  au  fond  du  transept  à 
droite.  Ce  sont  celles  de  Henri  II,  d'Eléonore  de  Guyenne, 
de  Richard  Cœur  de  Lion  et  d'Isabelle  d'Angoulême;  trois 
de  ces  statues  sont  en  tuf  et  de  dimensions  colossales,  celle 
d'Eléonore  de  Guyenne  est  en  bois  et  de  grandeur  naturelle. 
Le  cloître  roman,  restauré  au  xvie  siècle,  sert  de  préaux  aux 
prisonniers.  La  salle  capitulaire,  de  style  gothique,  a  con- 
servé des  peintures  intéressantes.  A  l'extrémité  du  réfec- 
toire s'élève  une  bizarre  construction  du  xne  siècle,  la 


tour  d'Evrault.  C'est  un  édifice  pyramidal  qui  s'élève  sur 
trois  plans  successifs,  octogone,  carré,  puis  octogone,  sur- 
monté d'une  flèche  terminée  par  une  lanterne.  Il  est  dé- 
montré aujourd'hui  que  c'étaient  les  cuisines  de  l'abbaye. 
On  en  trouvera  la  description  accompagnée  d'illustrations 
au  mot  Cuisine  (V.  t.  XIII,  p.  575).  L'église  Saint- 
Benoît,  avec  son  cloître  particulier,  est  une  petite  cons- 
truction du  xne  siècle,  qui  s'élève  près  des  anciens  dortoirs. 
La  fontaine  Saint-Robert,  protégée  par  une  construction 
circulaire,  fournit  de  l'eau  en  abondance.  La  chapelle  Sainte- 
Catherine  (mon.  hist.)  est  un  édifice  du  xme-  siècle,  sur- 
monté d'une  tour  pyramidale  terminée  par  une  lanterne. 
L'église  paroissiale  de  Saint-Michel,  construction  gothique 
angevine,  a  recueilli  plusieurs  objets  d'art  de  l'abbaye. 

Ordre  monastique  de  Fontevrault  (  Ordo  Fontis 
Ebraldi).  —  Le  fondateur  de  cet  ordre  était  né  vers  1045 
à  Arbrissel  (diocèse  de  Rennes),  de  parents  pauvres  ;  il  mou- 
rut en  1117.  Vers  1074,  il  alla  à  Paris%et  y  fut  promu  à 
la  maîtrise  en  théologie.  En  1 085,  Sylvestre  de  La  Guierche, 
évêque  de  Rennes,  le  rappela  auprès  de  lui  et  lui  conféra 
la  dignité-  d'archiprêtre  et  celle  d'official.  A  la  mort  de  cet 
évêque  (1089  ?)  Robert  d'Arbrissel  se  trouvant  en  butte 
aux  ressentiments  des  chanoines,  qu'il  s'était  efforcé  de 
réformer,  quitta  le  diocèse  et  alla  enseigner  la  théologie  à 


—  759  — 


FONTEVRAULT 


Angers.  Mais  il  se  dégoûta  tellement  du  siècle,  à  cause  de 
la  corruption  qui  y  régnait  et  dont  lui-même,  paraît-il,  avait 
subi  quelques  pernicieuses  atteintes,  qu'il  se  retira  avec  un 
seul  compagnon  dans  la  forêt  deCraon.  Il  y  vivait  d'herbes 
et  de  racines,  couchant  sur  la  terre  nue  et  portant  une 
tunique  de  poils  de  porc,  afin  de  rudement  affliger  sa  chair. 
Une  pareille  discipline  devait  attirer  auprès  de  Robert 
beaucoup  d'admirateurs  ;  il  en  retint  plusieurs  et  les  sou- 
mit à  la  règle  de  Saint-Augustin  (4094).  Le  comte  de  Craon 
fit  bâtir  pour  eux  dans  la  forêt,  en  un  lieu  appelé  le  Roé, 
une  abbaye  dont  Robert  fut  le  premier  supérieur.  —  Chargé 
par  le  pape  Urbain  de  prêcher  la  croisade,  il  s'en  alla  pieds 
nus,  non  seulement  par  les  villes,  mais  par  les  bourgs  et 
les  villages,  exhortant  ceux  qui  n'étaient  point  capables  de 
combattre  en  Terre  sainte,  à  tout  abandonner  pour  servir 
Dieu  sous  sa  conduite.  Il  fréquentait  même  les  lieux  de 
prostitution  pour  sermonner  les  pécheresses  :  Quadamdié, 
cum  venisset  Rotomagum,  lupanar  est  ingressus,  se- 
densque  ad  focum  pedes  cale  facturas ,  a  meretricibus 
circumdatur,  œstimantes  eum  causa  fornicandi  esse 
ingressum  :  Sed  prœdicante  eo  verba  vitœ,  ac  miseri- 
cordiam  Christi  eis  promittente. . .  (extrait  d'un  manus- 
crit de  l'abbaye  des  Vaux-de-Cernay,  daté  de  4210).  Il  fut 
bientôt  suivi  d'une  multitude  d'hommes  et  de  femmes  ; 
pendant  les  deux  années  que  dura  cette  première  prédica- 
tion, il  les  garda  près  de  lui,  les  nourrissant  des  aumônes 
qui  lui  étaient  abondamment  offertes  partout  où  il  passait. 
Pour  leur  assurer  une  retraite  où  ils  pussent  travailler  à 
leur  salut,  il  s'établit  sur  les  confins  de  l'Anjou  et  du  Poi- 
tou, près  de  Candes  (Indre-et-Loire) ,  en  un  endroit  nommé  la 
Fontaine-d'Evrault  (Fons  Ebraldi).  Il  y  avait  là  de  vastes 
terrains  incultes;  Robert  y  fit  disposer  des  cabanes  pour 
abriter  ses  disciples  Cl  099),  séparant  celles  des  hommes  et 
celles  des  femmes  par  un  fossé  garni  d'une  haie  ;  en  cha- 
cune des  deux  enceintes,  un  oratoire  spécial  pour  éviter 
toute  occasion  de  réunion.  L'unique  occupation  des  femmes 
était  de  chanter  les  louanges  de  Dieu  :  les  hommes  devaient, 
après  les  exercices  spirituels,  défricher  et  cultiver  la  terre 
ou  travailler  à  quelque  métier,  pour  la  subsistance  des  deux 
espèces  de  communautés.  Tous  ceux  qui  se  présentaient 
étaient  admis,  jeunes  ou  vieux,  valides  ou  invalides,  même 
les  lépreux. 

Afin  de  consolider  l'œuvre,  plusieurs  monastères  furent 
bâtis  à  Fontevrault.  Trois  pour  les  femmes:  le  Grand 
Moutier,  dédié  à  la  sainte  Vierge  et  qui  devait  renfermer 
trois  cents  religieuses,  vierges  ou  veuves  ;  Saint-Lazare, 
pour  les  infirmes  et  les  lépreuses,  au  nombre  de  cent 
vingt;  la  Madeleine,  pour  les  pécheresses.  Le  couvent 
des  hommes  était  dédié  à  saint  Jean  VEvangéliste.  Une 
grande  église  fut  construite  pour  les  quatre  monastères. 
Tous  ces  établissements  furent  placés  sous  la  direction  su- 
prême d'une  proche  parente  du  comte  d'Anjou,  Herlande  de 
Champagne,  veuve  du  seigneur  de  Montsoreau,  à  qui  fut 
adjointe,  comme  assistante  et  coadjutrice,  Pétroniile  de 
Craon,  veuve  du  baron  de  Chemillé.  Le  fondateur  lui- 
même  se  soumettait  à  ces  femmes.  La  règle  était  celle  de 
Saint-Benoît.  En  4406,  l'évêque  de  Poitiers  sollicita  et  ob- 
tint dePaschal  II  l'approbation  de  cette  institution,  appro- 
bation qui  fut  renouvelée  et  étendue  en  4443,  par  une  bulle 
spécifiant  que,  comme  Jésus-Christ,  sur  la  croix,  voyant  sa 
mère  et,  près  d'elle,  saint  Jean,  ledisciple  qu'ilaimait,  avait 
dit  à  sa  mère:  Femme,  voilà  ton  fils,  et  au  disciple  :  Voilà 
ta  mère,  l'abbesse  et  les  religieuses  auraient  autorité  sur 
les  religieux.  La  supérieure  générale  devait  toujours  être 
choisie  parmi  des  femmes  élevées  dans  le  monde  «  parce 
qu'une  religieuse  de  cloître,  ne  connaissant  que  les  choses 
spirituelles  et  la  contemplation,  ne  saurait  gouverner  les 
affaires  extérieures  et  se  reconnaître  au  milieu  du  tumulte 
du  monde  ».  En  4224,  Honoré  III  exempta  formellement 
l'ordre  de  Fontevrault  de  la  juridiction  des  ordinaires.  —  Cet 
ordre  se  développa  avec  une  rapidité  merveilleuse.  Après 
avoir  pourvu  à  la  construction  et  à  l'administration  des 
monastères  de  Fontevrault,  Robert  se  remit  en  chemin  pour 


prêcher  la  pénitence  et  amener  à  la  retraite  monastique 
ceux  et  surtout  celles  qu'il  convertirait.  Il  retira  de  l'ab- 
baye de  Roé,  pour  les  associer  à  son  œuvre,  Vital  de  Mor- 
tain,  Raoul  de  La  Futaye  et  Bernard  d'Abbeville  :  ces  dis- 
ciples devaient  s'occuper  des  hommes,  tandis  que  lui-même 
prendrait  soin  des  femmes.  En  4407  et  4408  furent  fondés, 
dans  l'Anjou,  le  Poitou  et  la  Touraine,  les  monastères  de 
Chaufournois,  de  La  Puye,  des  Loges,  de  Relay,  de 
VEncloître,  de  Gaisne  et  de  Gironde;  en  4440,  dans  le 
diocèse  de  Bourges,  celui  à'Orsan;  en  4442,  trois  dans  les 
diocèses  d'Orléans  et  de  Poitiers  :  La  Lande-en-Beauchêne, 
Tyron  et  La  Madeleine  d'Orléans,  dans  le  diocèse  de 
Chartres,  La  Haute-Bruyère,  et  en  4444,  Boubon  et  La 
Gasconnière,  dans  le  Limousin  ;  Cadouin,  dans  le  Périgord, 
et  Lespinasse.  D'autres  maisons  furent  établies  en  divers 
endroits.  On  en  compta  bientôt  trente  en  Bretagne.  En 
4145,  Suger  écrivait  au  pape  Eugène  III  que  les  reli- 
gieuses étaient  au  nombre  de  cinq  mille .  Il  y  en  avait 
neuf  cents  dans  le  seul  monastère  de  Blessac,  au  diocèse 
de  Limoges.  Des  établissements  furent  aussi  fondés  en 
Espagne  et  en  Angleterre  par  des  religieuses  de  l'ordre  de 
Fontevrault. 

Cependant  les  contemporains  étaient  fort  loin  d'être 
unanimes  en  l'admiration  de  l'œuvre  et  des  procédés  de 
Robert  d'Arbrissel.  En  4640,  l'auteur  des  Concilia  anti- 
qua  Galliœ,  le  P.  Sirmond,  jésuite,  publia,  d'après  un 
manuscrit  de  l'abbaye  de  La  Couture,  une  lettre  dans  laquelle 
Geoffroy,  abbé  de  Vendôme,  avertissait  Robert  des  bruits 
répandus  sur  sa  conduite  et  de  l'inconvenance  de  cette 
conduite.  On  l'accusait  de  partager  le  lit  de  ses  religieuses, 
non,  il  est  vrai,  pour  en  mal  user,  mais  pour  s'exercer  à  com- 
battre les  plus  vives  tentations  et  à  en  triompher  ensemble . 
Fœminarum  quasdam,  ut  diciiur,  nimis  familiari- 
ter  tecum  habitare  permittis,  et  cum  ipsis  et  inter 
ipsas,  noctu  fréquenter  cubare  non  erubescis.  Hoc  si 
modo  agis  vel  egisti,  novum  et  inauditum  sed  infruc- 
tuosum  martyrii  genus  invenisti...  Mulierum  qui  bus- 
dam,  sicut  fama  sparsit  et  nos  ante  diximus,  sœpe 
privatim  loqueris,  et  earum  accubitu  novo  martyrii 
génère  cruciaris.  La  même  accusation  est  exprimée  dans 
une  lettre  attribuée  à  Marbodus,  écolâtre  de  l'église  d'An- 
gers, puis  évêque  de  Rennes,  laquelle  se  trouvait  dans  la 
bibliothèque  de  Saint- Victor  à  Paris,  parmi  les  lettres  de 
Hildebert,  évêque  du  Mans,  puis  archevêque  de  Tours. 
Marbodus  ou  Hildebert  blâme,  en  outre,  Robert  d'avoir 
fait  prendre  trop  légèrement  l'habit  de  nonne  à  des  jeunes 
filles  fort  peu  vierges  et  lui  rappelle  les  accidents  qui  s'en- 
suivirent :  Taceo  de  juvenculis,  quas  sine  examine  re- 
ligionem  professas,  mutata  veste,  per  diuersas  cellulas 
inclusisti.  Hujus  igitur  facti  tementatem  exituspro- 
bat.  Alice  enim,  urgeniepartu,  fractis  ergastulis  elapsce 
sunt,  alice  in  ipsis  ergastulis  pepererunt.  Cette  lettre 
témoigne  aussi  qu'on  reprochait  à  Robert  de  se  faire  suivre 
en  ses  courses  missionnaires  de  beaucoup  de  femmes  et 
d'en  distribuer  un  grand  nombre  dans  les  hôpitaux  et  les 
cabarets,  pour  servir  les  pauvres  et  les  voyageurs.  Cette 
charité  avait  produit  assez  d'enfants  pour  qu'on  la  jugeât 
coupablement  imprudente.  Le  P.  Viguier,  de  l'Oratoire,  affir- 
mait avoir  eu  entre  les  mains  un  écrit  de  Pierre  d'Autun, 
moine  de  Saint-Florent,  mentionnant  des  faits  du  même 
genre  ;  il  rapportait,  de  plus,  que  devant  un  concile  tenu 
à  Albi,  les  hérétiques  avaient  invoqué  l'exemple  de  Robert, 
pour  se  justifier  de  mener  des  femmes  avec  eux  :  Sic  nos 
docuit  Christus  Dominus,  sic  nos  docuit  magister  nos- 
ter  Robertus,  qui  nuper  conventum  virginum  insti- 
tua. Au  dire  d'Abailard,  Roscelin  doit  être  pareillement 
compté  parmi  les  censeurs  de  Robert  d'Arbrissel. 

Il  est  vraisemblable  que,  dès  le  commencement,  les  clercs 
et  les  moines  critiquèrent  la  suprématie  attribuée  aux 
femmes  dans  le  gouvernement  de  l'ordre  mixte  de  Fonte- 
vrault contrairement  au  précepte  de  saint  Paul  ;  mais  nous 
ne  connaissons  aucun  document  contemporain  énonçant 
cette  réprobation.  Plus  tard,  les  religieux  des  autres  ordres 


FONTEVRAULT  —  FONTJONCOUSE 


—  760  — 


ne  se  faisaient  point  faute  de  railler  les  fontevristes  de  ce 
que  leur  royaume  était  tombé  en  quenouille  ;  à  quoi  les 
fontevristes  répondaient  très  catholiquement  que  le  royaume 
des  cieux  y  est  aussi  tombé,  puisque  l'Eglise  a  donné  à  la 
sainte  Vierge  les  titres  de  reine  des  cieux  et  de  reine  des 
anges.  Néanmoins,  ils  tentèrent  à  diverses  reprises  de 
s'affranchir  de  cette  domination.  Soumis  d'abord  à  la  règle 
de  Saint-Benoît,  ils  avaient  pris  le  titre  de  chanoines  régu- 
liers et  adopté  la  règle  de  Saint- Augustin.  Ils  parvinrent 
même  pendant  quelque  temps  à  réduire  l'abbesse  à  leur 
surveillance.  Ces  tentatives  d'émancipation  furent  répri- 
mées sous  les  gouvernements  des  abbesses  Marie  de  Bre- 
tagne  (1459-,  Anne   d'Orléans  (1475-1504),   Jeanne- 
Baptiste  de  Bourbon  (1641)  ;  par  les  statuts  de  réforme 
approuvés  en  1475,  par  décret  de  Sixte  IV  ;  par  un  arrêt 
du  grand  Conseil  (1520).  par  des  bulles  de  Clément  VII  et 
d'Urbain  VIII,  par  un  airêt  du  8  oct.  1641.  La  formule 
des  vœux  que  les  religieux  devaient  prononcer  était  ainsi 
conçue  :  «  ...  proposant  servir  aux  servantes  de  Jésus- 
Christ  jusqu'à  sa  mort,  avec  la  révérence  de  soumission 
due,  je  promets  stabilité,  conversion  de  mes  mœurs,  chas- 
teté pure,  pauvreté  nue  et  obéissance,  selon  les  statuts  de 
la  réformation  de  l'ordre  de  Fontevrault  ordonnés  au  pré- 
sent monastère,  par  décret  du  pape  Sixte  IV  en  l'honneur 
de  notre  Sauveur,  de  sa  très  digne  Mère  et  de  saint  Jean 
l'Evangéliste,  en  votre  présence,  mère  pieuse  de  ce  monas- 
tère. »  En  plusieurs  endroits,  on  substitua  aux  religieux 
des  chapelains,  des  directeurs  et  des  confesseurs  à  gage, 
pour  servir  les  monastères  de  filles.  Asservis  aux  heures, 
aux  coutumes  et  aux  besoins  spirituels  de  ces  monastères, 
ils  dépendaient  des  religieuses  pour  la  nourriture  et  la  sub- 
sistance et  ils  ne  pouvaient  sortir  ni  s'éloigner  sans  l'agré- 
ment des  supérieures.  —  Les  statuts  de  réformation  de 
1475  permettaient   aux  religieuses  deux  robes  blanches 
avec  une  coule  noire,  un  surplis  sur  leur  habit  blanc  avec 
une  ceinture  noire  ou  de  fil.  En  fait,  leur  costume  plus  ou 
moins  conforme  à  la  règle  se  composait  d'une  robe  blanche, 
d'un  rochet  plissé  en  batiste,  bas  et  souliers  blancs,  cein- 
ture noire  et  voile  noir.  Quand  elles  sortaient,  elles  por- 
taient une  longue  robe  d'étamine  noire.  Tous  les  jours, 
depuis  le  dimanche  des  Rameaux  jusqu'à  Pâques,  elles  de- 
vaient recevoir  la  discipline  de  la  main  de  la  prieure,  qui 
la  recevait  elle-même  de  la  main  d'une  sœur.  L'habillement 
des  religieux  consistait  en  une  tunique  ou  robe  noire,  une 
ceinture  de  laine,  une  chape  et  par-dessus  un  chaperon 
ou  grand  capuce,  auquel  étaient  attachés  deux  roberts, 
c.-à-d.    deux  pièces  de  drap  de  la  largeur  d'une  main, 
l'une  par  devant,  l'autre  par  derrière.  Ils  recevaient  la 
discipline,  des^mains  de  leurs  confesseurs,  le  même  jour  que 
les  sœurs. 

Robert  avait  voulu  appeler  les  multitudes  dans  son 
ordre  ;  mais  en  y  soumettant  les  hommes  aux  femmes  et 
en  prescrivant  que  les  supérieures  fussent  choisies  parmi 
des  femmes  élevées  dans  le  monde,  il  y  avait  introduit  deux 
dispositions  qui  devaient  aristocratiser  cet  ordre  et  le  ré- 
server aux  filles  de  haute  famille.  Dès  1248,  le  nombre 
des  religieuses  était  réduit  à  sept  cents,  en  1360  à  cinq 
cents.  En  même  temps  que  ce  nombre  diminuait,  la  richesse 
des  monastères  augmentait.  L'usage  s'établit  d'envoyer  à 
Fontevrault  les  filles  de  France  pour  y  être  élevées.  Parmi 
les  abbesses,  on  compte  jusqu'à  seize  princesses,  dont  cinq 
de  la  branche  royale  de  Bourbon.  —  L'ordre  était  réparti 
en  quatre  provinces  :  France,  Aquitaine,  Auvergne  et 
Bretagne,  La  première  avait  quinze  prieurés,  la  seconde 
quatorze,  la  troisième  quinze,  la  quatrième  treize.  En  1789, 
l'abbesse  de  Fontevrault  était  la  baronne  de  Pardaillan 
d'Antin,  arrière-petite-fille  de  Mme  de  Montespan.  L'abbaye 
comptait  alors  cent  cinquante  femmes  et  soixante  hommes  ; 
les  rêve  us  étaient  évalués  à  100,000  livres,  en  vue  de  la 
perception  des  décimes,  évaluation  fort  inférieure  à  la  réa- 
lité. L'ordre  de  Fontevrault,  supprimé  à  l'époque  de  la 
Révolution,  n'a  point  été  rétabli.  Il  n'en  reste  plus  que  des 
bâtiments  très  laïquement  affectés  à  une  maison  centrale 


de  détention  et  un  chapitre  curieux  d'histoire  monastique. 

E.-H.  Vollet. 
Bibl.  :  G.MALiFAUD,rA6baye  de  Fontevrault,  notice  his- 
torique et  archéologique  ;  Angers,   1866,  in-8.  —  L.  Cou- 
rajod,  Sépulture  des  Plantagenets  à  Fontevrault;  Paris, 
1867,  in-8. 

Ordre  monastique  de  Fontevrault.  —  Constitutions 
de  Vordre  de  Fontevrault;  Paris,  1643.  —  Jean  de  La 
Mainferme,  Clypeus  nascentis  Fontebraldensis  ordinis  ; 
Paris,  1684-1692,  3  vol.  —  Ménage,  Histoire  de  Sablé.  — 
Dissertation  apologétique  pour  le  bienheureux  Robert  oVAr- 
brissel;  Anvers  et  Amsterdam,  1701,  in-12.  —  Hélyot  et 
Bullot,  Histoire  des  ordres  monastiques  ;  Paris,  1714- 
1721,  4  vol.  in-4,  fig. 

FONTFROIDE.  Abbaye  de  l'ordre  de  Gîteaux,  au  dio- 
cèse de  Narbonne  qui  paraît  avoir  été  fondée  à  la  fin  du 
xie  siècle,  vers  1093,  à  10  kil.  au  S.-O.  de  la  capitale  du 
diocèse  ;  d'abord  soumise  à  la  règle  de  Saint-Benoît,  elle 
fut  plus  tard  affiliée  à  Tordre  de  Gîteaux  et  placée  sous  la 
dépendance  de  l'abbaye  de  Grandselve  au  diocèse  de  Tou- 
louse. Comblée  de  bienfaits  par  les  princes  du  pays,  elle 
devient  à  son  tour  la  mère  de  beaucoup  de  monastères  sur 
les  deux  versants  des  Pyrénées.  Elle  possédait  de  grands 
biens  dans  tous  les  pays-  environnants,  en  Narbonnais  et  en 
Roussillon.  Parmi  ses  abbés  et  ses  moines,  on  doit  citer 
le  célèbre  Pierre  de  Castelnau,  le  cardinal  Arnaud  Novelli 
et  le  neveu  de  ce  dernier,  Jacques  Fournier,  plus  tard  pape 
sous  le  nom  de  Benoît  XII.  Au  xvie  siècle  elle  était  en 
pleine  décadence;  la  commende  y  avait  été  établie  dès 
1476  ;  en  1764,  le  titre  d'abbé  fut  réuni  à  celui  d'évêque 
de  Perpignan.  La  maison  en  1789  ne  comptait  plus  que 
7  religieux  ;  encore  considérables,  malgré  beaucoup  d'alié- 
nations, les  revenus  s'élevaient  à  plus  de  63,000  livres,  que 
les  derniers  habitants  de  la  maison  dépensaient  aisément. 
L'abbaye  disparut  en  1791.  Les  bâtiments  ont  en  grande 
partie  subsisté.  On  y  remarque  l'église  en  partie  ancienne, 
une  salle  capitulaire  du  xme  siècle,  avec  colonnes  et  cha- 
piteaux en  marbre,  et  un  cloître  du  même  temps,  bien 
conservé  et  admirablement  construit.  Grands  agriculteurs, 
les  moines  de  Fontfroide  avaient  défriché  une  partie  des 
collines  environnantes  et  desséché  plusieurs  marais.  Les 
archives  de  l'abbaye  sont  aujourd'hui  bien  dispersées  : 
M.  Gauvet  a  pu  toutefois  en  retrouver  une  portion  notable, 
qu'il  a  utilisée  dans  l'ouvrage  indiqué  plus  bas. 

A.  Molinier. 
Bibl.  :  D.Vaissète,  Histoire  de  Languedoc  (nouv.  éd.), 
t.  III,  passim  et  t.   IV.  —   Gallia   Christiana,  t.  VI.  — 
E.  Cauvet,  Etude  historique  sur  l'abbaye  de  Fontfroide  ; 
Paris,  1875,  in-8. 

FONTGOMBAULT  (Fous  Gombaldï).  Corn,  du  dép.  de 
l'Indre,  arr.  du  Blanc,  cant.  de  Tournon,  sur  la  Creuse  ; 
450  hab.  Colonie  et  pénitencier  agricole  installé  par  les 
trappistes  dans  les  bâtiments  de  l'ancienne  abbaye.  Celle-ci, 
à  laquelle  la  ville  doit  son  origine,  avait  été  fondée  à  la  fin 
du  xie  siècle  par  Pierre  de  l'Etoile.  Il  en  subsiste  une  vaste 
église  romane  (mon.  hist.)  bâtie  de  1110  à  1142  et  consi- 
dérablement restaurée  de  nos  jours.  Les  parties  anciennes 
sont  :  la  façade,  le  transept,  le  chœur  et  les  murs  laté- 
raux. L'église  paroissiale  a  recueilli  quelques  sculptures 
provenant  de  l'abbaye. 

FONTGUENAND.Com.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de  Châ- 
teauroux,  cant.  deValençay;  472  hab. 
FONTICULE  (V.  Cautère  et  Exutoire). 
FONT1ENNE.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  de 
Forcalquier,  cant.  de  Saint-Etienne-les-Orgues  ;  133  hab. 
FONTIERS-Cabardès.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Carcassonne,  cant.  de  Saissac  ;  368  hab. 

FONTIÈS-d'Aude.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Carcassonne,  cant.  de  Capendu  ;  298  hab. 

FONTJONCOUSE.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Narbonne,  cant.  de  Durban  ;  280  hab.  Village  insigni- 
fiant aujourd'hui,  mais  dont  on  peut  suivre  l'histoire  de- 
puis la  première  origine.  Il  date  de  la  fin  du  vme  siècle. 
Fontjoncojiise  fut  donné  par  Louis  le  Pieux,  roi  d'Aqui- 
taine, à  l'un  de  ses  fidèles,  un  Espagnol  nommé  Jean,  qui 
s'était  distingué  dans  des  combats  contre  les  Sarrasins  d'Es- 
pagne.  Cent  ans  plus  tard,  il  est  cédé  par  un  certain 


Jean,  descendant  du  premier,  à  l'archevêque  de  Narbonne, 
Àimeri,  sous  réserve  de  l'usufruit,  sa  vie  durant.  Cet  acte, 
daté  de  963,  nous  apprend  que  la  seigneurie  de  Fontjon- 
couse  était  encore  un  alleu.  Un  peu  plus  tard,  au  xne  siècle, 
on  cite  le  château  de  Fontjoncouse,  qui  est  tenu  à  titre  de 
fief  des  archevêques  par  un  certain  Roland,  fils  de  Ban- 
garde.  Vers  le  début  du  siècle  suivant,  les  archevêques 
avaient  définitivement  racheté  la  seigneurie  et  l'avaient  unie 
à  leur  domaine.  A.Molinier. 

Bibl.  :  Cartulaire  de  Fontjoncouse,  publié  dans  le  Bul- 
letin de  la,  commission  archéologique  de  Narbonne,  1877, 
pp.  107-141.  —  E.  Cauvet,  Mémoire,  ibid.,  pp.  478  et  suiv. 

FONTOY  (Ad  Fontes,  959,  en  allem.  Fentsch).  Ch.-l. 
de  cant.  de  la  Lorraine  allemande,  arr.  de  Thionville,.sur 
le  chem.  de  fer  de  Thionville  à  Sedan  ;  \  ,082  hab.  Bras- 
serie, tannerie,  moulin,  carrières,  autrefois  hauts  four- 
neaux. Au  pied  du  château  féodal,  construit  sur  les  fonde- 
ments d'une  forteresse  romaine  et  ruiné  par  les  Suédois  en 
1635,  sortent  les  sources  de  la  Fentsch,  affluent  de  la 
Moselle.  La  seigneurie  de  Fontoy  appartenait,  au  moyen 
âge,  aux  comtes  de  Luxembourg,  faisait  partie  plus  tard 
des  Trois-Evêchés  et  fut  réunie  à  la  France  en  1643.  C'est 
près  de  Fontoy  que  l'armée  républicaine,  le  19  août  1792, 
livra  le  premier  combat  aux  alliés,  commandés  par  le  duc 
de  Brunswick.  D'après  les  préliminaires  de  Versailles, 
cette  ville  devait  rester  à  la  France  ;  elle  fut  annexée  à 
l'empire  d'Allemagne  par  le  traité  de  Francfort  de  1874 . 

—  Patrie  de  Jean-Pierre  Gama,  un  des  premiers  profes- 
seurs de  médecine  au  Val-de-Grâce. 

Bibl.:  Jean  Bertholet,  Hist.  du  duché  de  Luxem- 
bourg; Luxembourg,  1741,  VI,  pp.  261  et  suiv.  —  Bull,  de 
la  Soc.  d'archéol.  et  d'hist.  de  la  Mos.,  VI,  pp.  73  et  suiv. 

—  Austrasie,  II,  pp.  241  et  suiv.  —  H.  Kiepert,  Der  Ge- 
bietsaustausch  zwischen  Frankreich  und  Deutschland, 
clans  Zeitschr.  d.  Ges.  f.  Erdhunde,  1877,  pp.  277  et  suiv. 

FONTPÉDROUSE.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées-Orien- 
tales, arr.  de  Prades,  cant.  de  Montlouis,  sur  la  Têt, 
642  hab.  Minerai  de  cuivre.  Au  ham.  de  Saint-Thomas, 
sources  thermales.  Un  petit  établissement  y  a  été  élevé 
en  1842. 

FONTPERTUIS  (Adalbert  Frout  de),  publiciste  fran- 
çais, né  à  Rennes  en  1825.  Après  avoir  servi  dans  l'ar- 
tillerie de  marine,  il  obtint  en  1851  un  emploi  dans  les 
bureaux  de  la  préfecture  d'Ille-et- Vilaine,  devint  chef  de 
division  de  la  préfecture  d'Eure-et-Loir  en  1853  et  exerça 
ces  fonctions  jusqu'en  1865.  Collaborateur  de  nombreux 
périodiques,  entre  autres  de  Y  Economiste,  de  la  Revue 
scientifique,  de  la  Nature,  etc.,  il  a  écrit  :  De  V Organi- 
sation générale  des  bureaux  de  préfecture  (Le  Puy, 
1856,  in-8)  ;  Considérations  sur  la  propriété  commu- 
nale et  les  biens  communaux  (1856,  in-8)  ;  Etude 
critique  sur  les  moyens  de  combattre  la  misère  (1856, 
in-8)  ;  Etudes  sur  les  enfants  assistés  (1860,  in-8)  ; 
Etudes  de  littérature  étrangère  (1859,  in-8)  ;  les 
Français  en  Amérique.  Le  Canada  (Paris,  1867,  in-12); 
les  Etats-Unis  de  l'Amérique  septentrionale  (1873, 
in-8)  ;  l'Etat  économique  moral  et  intellectuel  de  l'Inde 
anglaise  (1875,  in-8)  ;  Chine,  Japon,  Siam  et  Cam- 
bodge (1882,  in-12)  ;  les  Etats  latins  de  l'Amérique 
(1883,  in-12),  etc. 

FONTRABIOUSE.  Corn,  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
de  Prades,  cant.  de  Mont-Louis,  dans  la  vallée  du  Capcir; 
248  hab.  Elle  possède  une  fontaine  abondante  qui  a  donné 
son  nom  au  village. 

FONTRAILLES.Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Tarbes,  cant.  de  Trie  ;  503  hab. 

FONTRAILLES  (Louis  d'AsTARAc,  vicomte  de),  mar- 
quis de  Marestang,  sénéchal  d'Armagnac,  né  dans  les  pre- 
mières années  du  xvne  siècle,  mort  le  25  juil.  1677.  Il 
s'attacha  d'abord  au  comte  de  Soissons  et  prit  part  à 
divers  complots  contre  la  vie  'de  Richelieu.  En  1642,  il 
joua  le  rôle  d'intermédiaire  entre  Cinq-Mars,  Monsieur  et 
le  duc  de  Bouillon.  Il  alla  en  Espagne,  de  la  part  de  Mon- 
sieur, pour  signer,  avec  le  comte-duc  d'Olivarez,  le  traité 
secret  de  Madrid  (13  mars).  Apprenant  que  la  conspira- 


—  761  —  FONTJONCOUSE  —  FONTS 

tion  était  découverte,  il  se  réfugia  en  Angleterre  (août).  Il 
ne  revint  en  France  qu'après  la  mort  de  Louis  XIII,  et 
dut  prendre  des  lettres  d'abolition.  Il  entra  dans  la  cabale 
des  Importants,  prit  part  à  la  Fronde,  et  fut  blessé  d'un 
coup  de  pistolet  le  jour  des  Barricades.  Le  Parlement  ren- 
dit un  arrêt  contre  lui,  le  23  mai  1650.  Excepté  nomina- 
tivement de  l'amnistie  du  21  oct.  1652,  il  dut  prendre 
de  nouvelles  lettres  d'abolition.  —  Il  a  laissé  une  courte 
Relation...  des  choses  particulières  de  la  cour  pendant 
la  faveur  de  M.  le  Grand,  qui  parut,  avec  les  Mémoires 
de  Montrésor,  dans  un  Recueil  de  plusieurs  pièces... 
(Cologne,  1663,  in-12).  Le  P.  Le  Long  (Bibl.  hist.,  t.  III, 
p.  102)  signale  un  recueil  de  lettres  de  Fontrailles,  datées 
du  13  juil.  1643  au  24  oct.  1649,  qui  appartenait  à  M.  de 
Bouthillier,  évêque  de  Troyes.  H.  Hauser. 

Bibl.  :  Relations  de  Fontrailles  (Petitot,  2e  série, 
t.  LIV;  Michaud,  3e  série,  t.  III).  —  Mémoires  de  Montré- 
sor, Retz,  Joly,  etc. 

FONTS  baptismaux.  I.  Archéologie.  —  On  nomme  fonts 
baptismaux  le  grand  vaisseau  qui  sert  à  conserver  l'eau  du 
baptême.  Ils  étaient  autrefois  en  dehors  de  l'église,  dans 
le  baptistère;  aujourd'hui  on  les  place  dans  une  chapelle 
spéciale,  appelée  chapelle  des  fonts,  placée  près  de  la 
grande  porte  d'entrée,  sur  la  gauche.  Lorsque  l'Eglise 
ordonna  d'administrer  ce  sacrement  dans  un  lieu  uniquement 
destiné  à  cet  usage,  des  cuves  spéciales  furent  consacrées  à 
cette  cérémonie.  Le  baptême  par  immersion  (V.  Baptême), 
le  plus  fréquent  à  l'origine,  nécessita  de  grandes  cuves  dans 
lesquelles  le  néophyte  devait  entièrement  se  plonger.  Elles 
remplaçaient  les  piscines  des  anciens  baptistères  et  de- 
vaient être  de  pierre,  symbolisant  ainsi  le  Christ,  comparé 
dans  récriture  sainte  à  un  rocher,  non  poreuses  et  fermées 
par  un  couvercle  pour  que  l'eau  s'y  conservât  pure.  Ce 
n'est  que  dans  le  cas  d'impossibilité  d'avoir  un  vaisseau  de 
pierre  convenable  que  le  concile  de  Lérida,  en  524,  auto- 
risa les  prêtres  à  se  servir  de  cuves  en  métal  ;  il  existe 
encore  quelques-unes  de  ces  dernières,  en  plomb  et  en 
bronze,  qui  datent  du  xne  siècle.  Lorsqu'on  abandonna 
l'usage  de  plonger  les  catéchumènes  dans  un  bassin  et  que 
le  baptême  par  infusion  fut  passé  dans  les  rites,  on  ferma 
la  cuve  par  un  couvercle,  et  à  travers  une  étroite  ouver- 
ture on  puisa  l'eau  nécessaire  au  sacrement.  Cette  modifica- 
tion conduisit  à  diminuer  la  grandeur  de  la  cuve  :  au  xve  siècle 
on  la  divisa  en  deux  parties,  l'une  pour  contenir  l'eau,  l'autre 
pour  servir  de  piscine  et  recueillir  l'eau  qui  coulait  sur  le 
front  du  baptisé.  Un  trou  qui  traversait  le  pied  de  la  cuve 
conduisait  l'eau  jusque  dans  la  terre.  Ce  sont  les  fonts  encore 
en  usage  de  nos  jours. 

Les  fonts  furent  de  formes  bien  différentes.  A  l'origine 
on  fit  usage  des  cuves  en  granit  et  en  marbre  qui  dans  l'an- 
tiquité servaient  aux  bains  publics.  On  dut  même  faire 
usage  de  sarcophages  antiques,  sur  lesquels  furent  copiés 
plus  tard  les  fonts  de  forme  longue,  comme  ceux  d'Amiens, 
de  Sainte-Trophime  d'Arles,  de  Saint-Caunat  près  d'Aix, 
d'Espondeillan,  qui  d'ailleurs  rappelaient,  parleur  destina- 
tion primitive,  la  sépulture  mystique,  symbolisée  par  le 
baptême.  On  trouve  aussi  de  grandes  cuves  antiques  trans- 
formées en  cuves  baptismales,  comme  celles  du  baptistère 
de  Saint- Jean  in  fonte  de  Borne.  Il  y  en  avait  en  forme 
de  croix  ;  d'autres  étaient  rondes,  entourées  de  colonnettes, 
comme  celles  de  Chartres  ;  carrées,  comme  celles  de  Chignac 
(Dordogne)  ;  octogones,  comme  celles  de  Jugazan  (Gironde). 
Les  fonts  reposaient  directement  sur  terre.  Ceux  à  pied, 
semblables  à  des  vasques,  tout  aussi  anciens,  comme  nous  le 
montre  l'antique  peinture  de  Sainte-Pudentienne  de  Borne, 
furent  cependant  d'un  usage  restreint  jusqu'au  xvie  siècle. 
A  ce  moment  les  fonts  deviennent,  en  Allemagne  et  en  Prusse 
principalement,  de  véritables  monuments;  le  couvercle  est 
en  effet  presque  un  édifice,  haut  souvent  de  plusieurs 
mètres.  Quelques  princes  furent  baptisés  dans  des  baptistères 
spéciaux.  Le  vase  qui  a  servi  aux  enfants  de  saint  Louis  et  à 
d'autres  enfants  de  France,  actuellement  au  musée  du  Louvre, 
est  un  bassin  arabe  du  xme  siècle.  Le  fils  de  Napoléon  III  fut 


FONTS  —  FONVIELLE 


—  762 


baptisé  dans  une  vasque  de  porcelaine  de  Sèvres,  large  de 
6  pieds.  Dans  beaucoup  d'églises,  les  anciens  fonts  ont  été 
transformés  en  bénitiers,  mais  il  est  facile  de  les  reconnaître 


Fonts  baptismaux  de  la  cathédrale  de  !Sion. 

aux  sculptures  symboliques  dont  ils  sont  généralement 
ornés  (la  passion  et  le  baptême  du  Christ),  et  aux  traces  de 
ferrures  du  couvercle  qui  a  disparu  lors  de  leur  nouvelle 
destination.  F.  de  Mély. 

IL  Liturgie.  —  La  bénédiction  des  fonts  baptismaux  se 
fait  solennellement  deux  fois  par  an  :  la  veille  de  Pâques 
et  la  veille  de  la  Pentecôte.  Ce  qu'on  bénit  ainsi,  c'est  l'eau 
destinée  aux  baptêmes.  Les  cérémonies  et  les  oraisons  em- 
ployées sont  toutes  relatives  à  l'ancien  usage  de  baptiser  les 
catéchumènes  en  ces  jours-là. 

Bibl.  :  Archéologie.  —  Albert  Lenoir,  Architecture 
monastique;  Paris,  1856,  in-4. —  L'abbé  Van  Drival,  Etudes 
sur  les  fonts  baptismaux,  dans  la  Revue  de  l'art  chrétien, 
1858,  t.  11.  —  A. de  Caumont,  Architecture  religieuse;  Caen, 
1867,  in-8.  —  L'abbé  Corblet,  Histoire  du  sacrement  du 
baptême;  Paris,  1882,  in-8. —  L'abbé  Van  de  Vyvère,  Etude 
sur  les  fonts  baptismaux  des  Flandres,  clans  Bull,  de  la  Com- 
mission d'archéologie  de  Belgique,  1885.  —  Camille  Enlart, 
Etudes  sur  quelques  fonts  baptismaux  du  nordde  la  France, 
dans  Bull,  archéologique  du  Comité,  1890. 

FONTVANNES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Troyes, 
cant.  d'Estissac,  aux  sources  de  la  Vannes;  347  hab. 
L'église  renferme  un  curieux  retable  du  xvie  siècle  en  bois, 
orné  de  bas-reliefs  représentant  la  Résurrection. 

FONTVIEILLE.  Corn,  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône, 
arr.  et  cant.  (E.)  d'Arles;  2,591  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  dép.  d'Arles  à  Salon.  Importantes  carrières  de  pierres 
connues  sous  le  nom  de  pierres  d'Arles.  Source  thermale 
qui  a  donné  son  nom  à  la  ville.  Au  lieu  dit  les  Forges, 
bas-relief  antique  taillé  dans  le  roc  (mon.  hist.)  repré- 
sentant un  taureau  paré  de  bandelettes  auprès  d'un 
autel  votif. 

F0NV1ELLE  aîné  (Bernard-François-Anne,  dit  le  che- 
valier de),  littérateur  français,  né  à  Toulouse  vers  4759, 
mort  en  juin  1837.  Commis  de  la  régie  à  Perpignan  quand 
éclata  la  Révolution  française,  il  s'en  montra  d'abord  un 
des  plus  chauds  partisans  ;  son  enthousiasme  tomba  net 
tout  d'un  coup,  et  il  n'y  eut  pas  de  plus  ardent  royaliste; 
on  le  vit  bien  à  Lyon,  où  il  fut  un  des  fomenteurs  de 
l'insurrection  de  1793  ;  mais  sa  prudence  égalait  pour  le 


moins  ses  convictions  :  il  sut  disparaître  à  temps  et  gagner 
la  Suisse  avant  que  la  ville  fût  prise.  Même  jeu  à  Marseille, 
d'où  il  gagne  l'Espagne,  puis  l'Italie.  Même  jeu  encore  à 
Lyon  entre  le  9  thermidor  et  le  13  vendémiaire.  Il  avait 
réussi  entre  temps  à  se  faire  admettre  au  nombre  des  agents 
secrets  de  Louis  XVIII.  Mais  le  Consulat  détermina  chez 
lui  une  volte-face  complète;  l'Empire  l'en  récompensa  en 
le  nommant  chef  de  bureau  au  ministère  de  la  guerre  ;  il 
passa  de  là  à  la  Banque  de  France,  lança  des  affaires,  etc., 
et  se  trouva  sur  le  pavé  à  la  Restauration.  Ses  dernières 
années  s'écoulèrent  dans  la  misère  la  plus  profonde.  Il  n'en 
persistait  pas  moins  à  se  décorer  des  titres  les  plus  ron- 
flants et  les  plus  bizarres  :  chevalier  de  l'Eperon  d'or,  se- 
crétaire fondateur  de  l'Académie  des  ignorants,  etc.  Picard, 
suivant  un  on-dit,  se  serait  souvenu  du  personnage  qu'il 
aurait  peint  dans  son  Gil  Blas  de  la  Révolution  sous  le 
nom  du  perruquier  gascon  Giffard  de  Quissac.  Les  livres, 
pamphlets, poèmes,  odes,  fables,  comédies,  tragédies,  etc., 
du  chevalier  de  Fonvielle  sont  innombrables.  Cela  va  d'un 
Essai  sur  F  état  actuel  de  la  France  au  Ier  mai  1796 
à  une  tragédie  lyrique  à'Agar  au  désert,  en  passant  par 
les  Trois  Fonvielle  ramenés  à  leur  honorable  et  inva- 
riable unité,  ou  Justification  éclatante  du  chevalier  de 
Fonvielle,  affermi  pour  jamais  dans  ses  incontestables 
droits  aux  bontés  du  roi,  à  l'intérêt  des  ministres  de 
Sa  Majesté,  a  V estime  des  honnêtes  gens,  etc.  (Paris, 
1825,  in-8).  —  Sa  femme  ne  laissait  pas  que  de  faire  sa 
partie  avec  quelque  agrément.  On  a  d'elle  le  Dernier  Cri 
d'une  famille  royaliste  ruinée  par  la  Restauration 
(Paris,  1825,  in-8).  C'est  dans  le  ton  du  reste.     Ch.  Le  G. 
FONVIELLE  (Wilfrid  de),  publiciste  et  savant  fran- 
çais, né  à  Paris  en  1828.  Ancien  professeur  de  mathéma- 
tiques, M.  de  Fonvielle  collabora  de  bonne  heure  à  un  grand 
nombre  de  journaux  et  de  revues  scientifiques  et  s'occupa 
plus  particulièrement  d'aérostation.  Il  fit  lui-même  plusieurs 
ascensions  dont  deux  sont  demeurées  célèbres  :  l'une  en 
4858,  où  il  demeura  deux  jours  pleins  dans  les  airs  entre 
Paris  et  Compiègne;  l'autre  en  4  869,  avec  M.  Gaston  Tis- 
sandier,  où  le  ballon  que  montaient  les  deux  aéronautes 
fit  90  kil.  en  trente-cinq  minutes.  M.  de  Fonvielle  a  publié 
un  nombre  considérable  de  volumes.  Comme  publiciste  po- 
litique, onade  lui  :  le  Souverain  (Jersey,  4853);  V En- 
trevue de  Varsovie  (1 860);  la  Croisade  en  Syrie  (1 860)  ; 
la  Foire  aux  candidats  ou  Paris  en  juin  1871  (1 871  );  les 
Dernières  Causeries  de  M.  H.  Roche  fort  (1871)  ;  la  Ter- 
reur ou  la  Commune  de  Paris  en  1871  dévoilée  (1871); 
Paris  en  flammes  (1871)  ;  la  République  sans  phrases 
(1872);  les  Dialogues  républicains  (1873);  Amédée  Ier 
et  la  République  espagnole  (4873);  la  Politique  an- 
glaise dans  le  passé  et  dans  l'avenir  (4874),  etc.  Comme 
savant,  on  lui  doit  :  V Homme  fossile  (4865);  les  Mer- 
veilles du  monde  invisible  (4  865)  ;  Eclairs  et  tonnerres 
(4866)  ;  V Astronomie  moderne  (4868),  ainsi  que  de  nom- 
breux livres  et  opuscules  sur  l'aérostation.  Enfin  M.  de 
Fonvielle  a  écrit,  sur  le  plan  des  romans  de  Jules  Verne, 
un  certain  nombre  d'ouvrages  pour  la  jeunesse,  parmi  les- 
quels nous  nous  plaisons  à  signaler  :  la  Conquête  du  pôle 
nord  (4877);  le  Glaçon  du  «Polarisa  (4877);  Néridah 
(4880);  VÉspion  aérien  (4884);  les  Affamés  du  pôle 
nord  (4885)  ;  les  Endormeurs  (4887)  ;  le  Pôle  sud,  etc. 
FONVIELLE  (Ulrich  de),  publiciste  français,  né  à  Paris 
en  1833.  M.  Henri  Rochefort  ayant  été  élu  député  de  la 
première  circonscription  de  Paris  au  mois  de  nov.  1869, 
M.Llrichde  Fonvielle  fut  désigné,  avecMM.  Paschal  Grous- 
set,  Malon,  Flourens,  Casse,  Francis  Enne,  etc.,  par  la 
.  réunion  publique  des  électeurs  du  quartier  de  La  Villette, 
pour  faire  partie  de  la  rédaction  du  journal  chargé  de  sou- 
tenir la  politique  de  M.  Rochefort,  la  Marseillaise,  qui 
parut  le  mois  suivant.  Le  10  janv.  1870,  choisi  avec  Victor 
Noir  par  M.  Paschal  Grousset  pour  aller  porter  au  princse 
Pierre  Bonaparte  un  cartel  motivé  par  les  attaques  du 
journal  l'Avenir  de  la  Corse,  qu'inspirait  directement  le 
prince,  contre  la  rédaction  de  la  Revanche,  autre  journal 


—  763  — 


FONYIELLE  —  FOOT-BALL 


corse  dont  M.  Grousset  était  le  représentant  à  Paris , 
M.  Ulrich  de  Fonvielle  eut  à  essuyer  à  deux  reprises  le  feu 
du  prince  qui  venait  de  blesser  à  mort  Victor  Noir  (V.  ce 
nom).  M.  de  Fonvielle  affirma,  lors  du  retentissant  procès 
auquel  donna  lieu  cette  déplorable  affaire,  que  le  prince  avait 
fait  feu  sans  aucune  provocation  de  sa  part  ni  de  celle  de 
Victor  Noir;  le  prince  prétendit  le  contraire  et  fut  ac- 
quitté. Précédemment,  à  l'enterrement  de  la  victime,  M.  de 
Fonvielle  s'était  avancé  devant  la  fosse  et  avait  juré  qu'il 
disait  la  vérité  et  qu'il  tirerait  vengeance  de  l'attentat  du 
prince.  Le  nom  de  M.  Ulrich  de  Fonvielle  n'a  été  mêlé  de- 
puis lors  à  aucune  polémique  importante.       Ch.  Le  G. 

FOOT-BALL.  C'est  un  jeu  de  balle  au  pied,  fort  popu- 
laire en  Angleterre,  mais  qui  parait  avoir  une  origine  fran- 
çaise, et  qui  depuis  quelques  années  a  repris  chez  nous 
une  grande  vogue.  On  le  nomme  aussi  la  bavette.  Les 
règles  de  ce  jeu  ne  sont  pas  absolument  fixes  :  il  y  a 
même  des  différences  assez  marquées  entre  la  méthode 
anglaise  et  la  méthode  française,  mais  ces  différences 
portent  surtout  sur  les  détails,  et  le  règlement  que  nous 
donnons  peut  être  considéré  comme  un  règlement  classique. 

Le  nombre  des  joueurs  est  variable,  de  dix  à  quarante 
et  plus,  mais  il  doit  toujours  être  pair.  On  forme  deux 
camps  égaux  dont  chacun  est  commandé  par  un  capitaine. 
Le  terrain  est  une  esplanade  sur  laquelle  on  dessine  avec 
des  cordes,  des  pieux  ou  des  guidons,  soit  même  avec 
de  simples  raies  tracées  sur  le  sol,  un  parallélogramme  de 
150  m.  sur  6o.  Au  milieu  de  chacun  des  petits  côtés  du 
rectangle  on  marque  par  une  paire  de  poteaux  plantés  à 
5m50  l'un  de  l'autre  les  buts.  D'un  poteau  à  l'autre  on 
tend  horizontalement  une  corde  à  environ  4  m.  du  sol. 
C'est  par-dessus  cette  corde  que  l'on  doit  lancer  le  ballon 
pour  qu'un  coup  soit  considéré  comme  bon.  Les  lignes 
qui  marquent  les  deux  petits  côtés  du  parallélogramme 
sont  les  lignes  de  but.  Celles  qui  marquent  les  deux  grands 
côtés  sonf  les  lignes  de  touche.  L'intervalle  délimité  par 
les  lignes  s'appelle  le  champ. 


Ligne 
de   touche. 


Ligne  de  but. 


Le  ballon,  oubarette,  est  ovoïde  ;  il  a  0m30  de  diamètre 
sur  0m38.  Il  doit  être  extrêmement  solide  et  il  est  d'ordi- 
naire formé  d'une  vessie  de  caoutchouc  ou  d'une  vessie  de 
porc  enfermée  dans  une  forte  gaine  de  gros  cuir. 

Les  deux  camps  une  fois  formés,  les  capitaines  tirent  au 
sort  le  choix  du  côté  (le  côté  du  vent  étant  le  meilleur), 
puis  les  deux  partis  se  placent  en  avant  de  leur  but  res- 
pectif, en  ordre  dispersé,  chacun  ayant  une  avant-garde, 
un  centre  et  une  arrière-garde.  Il  faut  envoyer  la  barette 
entre  les  poteaux  et  par-dessus  la  corde  du  but  adverse, 
ce  qui  compte  un  point.  La  partie  se  compose  de  plusieurs 
reprises  de  trois  points  dans  un  temps  fixé.  Bien  entendu, 
les  conventions  peuvent  être  différentes.  Voici,  brièvement 
résumées,  les  conditions  du  jeu.  Le  ballon  ne  doit  jamais 
être  lancé  avec  les  mains,  mais  il  peut  être  saisi,  em- 


porté et  déposé  au  but.  On  peut  le  lancer  de  trois  façons  : 
1°  en  le  posant  à  terre  dans  un  petit  creux  et  prenant  un 
élan  pour  le  frapper  du  pied  ;  2°  en  le  laissant  tomber  et 
le  frappant  du  pied  avant  qu'il  ait  touché  terre  ;  3°  en  le 
laissant  tomber  à  terre  et  le  frappant  du  pied  après  un 
premier  bond.  Les  joueurs  étant  en  place,  le  capitaine  du 
camp  qui  n'a  pas  eu  le  choix  du  côté  pose  la  barette  au 
milieu  du  champ  et  d'un  coup  de  pied  l'envoie  yers  le  but 
adverse.  Jusqu'à  ce  moment  l'avant-garde  des  deux  armées 
doit  demeurer  à  au  moins  40  m.  de  la  barette.  Mais  dès 
qu'elle  a  quitté  le  sol,  les  évolutions  sont  libres.  Quand  le 
ballon,  du  premier  coup,  franchit  la  ligne  de  touche,  le 
coup  est  nul  et  doit  être  recommencé  si  la  partie  adverse 
l'exige.  Il  en  est  de  même  s'il  est  saisi  par  un  adversaire 
derrière  le  but  avant  d'avoir  touché  terre.  Le  ballon  une 
fois  lancé  correctement,  chaque  joueur  doit  s'efforcer  de  le 
faire  passer  derrière  les  deux  poteaux  de  l'adversaire  ou 
tout  au  moins  derrière  la  ligne  de  but.  Tous  les  moyens 
sont  bons  :  on  a  le  droit  de  lancer  le  ballon  d'un  coup  de 
pied  ou  de  le  saisir  et  de  l'emporter  vers  l'autre.  Les  ad- 
versaires, de  leur  côté,  poursuivent  le  ravisseur,  tentent  de 
lui  couper  le  chemin,  de  l'arrêter.  La  poursuite  dégénère 
souvent  en  pugilat,  en  véritables  luttes  corps  à  corps.  Il 
est  de  tradition  en  France  que  celui  qui  atteint  le  fugitif 
se  contente  d'effleurer  la  barette  en  criant  :  Touché!  Alors 
tout  le  monde  s'arrête,  le  ballon  est  posé  à  terre  et  l'avant- 
garde  des  deux  partis  se  plaçant  en  rond  autour  de  lui, 
épaule  contre  épaule,  laiace  vers  le  centre,  forme  le  cercle. 
Le  cercle  se  resserre,  on  pousse  à  qui  mieux  mieux,  mais 
il  est  interdit  de  frapper  volontairement  le  ballon  avec  le 
pied  ou  de  le  saisir  avec  les  mains  jusqu'à  ce  qu'il  sorte  en 
roulant  de  la  masse  compacte  des  joueurs.  Dès  qu'il  est 
sorti,  s'en  empare  qui  peut  et  tâche  de  l'envoyer  au  but. 
Les  joueurs  doivent  toujours  se  tenir  entre  la  barette  et 
leur  camp,  sans  quoi  on  crie  En  place!  et  c'est  un  nouveau 
cas  de  cercle.  Lorsqu'un  joueur  s 'enfuyant  avec  le  ballon 
et  sur  le  point  d'être  pris,  le  lâche  ou  le  lance  autrement 
qu'avec  le  pied,  on  crie  A  faux!  et  le  camp  adverse  a  droit 
à  un  coup  franc.  À  cet  effet,  un  des  joueurs  de  ce  camp 
prend  la  barette  et  la  frappe  du  pied,  debout  sur  le  sol, 
tous  les  autres  restant  à  6  m.  de  distance  au  moins.  Pour 
faire  le  but  d'emblée,  en  courant  avec  le  ballon,  il  faut 
l'envoyer  d'un  coup  de  pied  entre  les  poteaux  à  la  hauteur 
voulue,  ou  bien  il  faut  contourner  le  but  et  venir  déposer 
le  ballon  entre  les  poteaux.  Généralement,  le  coureur  qui 
emporte  le  ballon  n'arrive  qu'à  lui  faire  toucher  terre 
au  delà  de  la  ligne  du  but.  Ce  faisant,  il  gagne  un  avan- 
tage, car  il  acquiert  le  droit  de  frapper  un  coup  franc  vers 
le  but.  Lorsque  la  barette  a  passé  la  ligne  de  but,  chacun 
s'efforce  de  la  saisir  et  de  lui  faire  toucher  terre  le  premier 
ce  qui  donne  droit  au  coup  franc.  Si  le  joueur  qui  l'a  sai- 
sie appartient  au  camp  de  ce  côté,  il  fait  vingt-cinq  pas  vers 
le  camp  ennemi  et  frappe  son  coup  dans  le  même  sens.  Au 
cas  contraire,  on  marque  seulement  quinze  pas  et  le  coup 
est  envoyé  vers  le  but  auquel  on  a  tourné  le  dos  en  mar- 
quant ces  quinze  pas.  Si  le  ballon  est  lancé  hors  de  la 
ligne  de  touche,  qui  peut  le  relève  et  le  place  au  point  où 
il  a  franchi  la  ligne.   Tous  les  joueurs  de  son  parti  se 
rangent  face  à  face  devant  lui  sur  deux  rangs,  de  manière 
à  former  une  sorte  de  couloir.  Lui,  choisissant  bien  son 
moment  fait  toucher  terre  au  ballon  et  l'envoie  vivement  à 
l'un  de  ses  partisans,  ou  encore,  après  une  feinte,  il  l'em- 
porte en  courant  vers  le  but  tandis  que  les   adversaires 
surveillent  les  joueurs  qui  forment  couloir.  Tout  joueur 
qui  saisit  et  arrête  la  barette  au  vol  a  droit  à  un  coup 
franc.  Pour  compter  un  point,  il  faut  que  le  ballon  ait 
passé  correctement  le  but  ;  s'il  a  passé  plus  bas  que  la 
hauteur  convenue  on  marque  seulement  une  touche,  ce  qui 
correspond  à  un  quart  de  point.  Généralement,  les  deux 
camps  changent  de  côté  au  milieu  du  temps  assigné  pour 
la  partie. 

Le  capitaine  a  la  haute  direction  de  ses  compagnons  ; 
lui  seul  a  le  droit  de  parler  au  nom  de  l'équipe  qu'il  corn- 


FOOT-BALL  —  FOPPA 


764  — 


mande,  d'élever  des  réclamations,  de  discuter  un  coup,  d'en 
appeler  aux  arbitres  (dans  les  matchs  les  équipes  désignent 
chacune  un  arbitre).  Pour  les  autres,  le  silence  est  de  règle. 
D'autre  part,  le  jeu  exige  une  abnégation  complète  de 
soi-même  ;  on  joue  pour  son  camp  et  non  dans  l'espoir,  qui 
serait  vain  la  plupart  du  temps,  de  briller  personnellement. 
Le  foot-ball  fait  partie  du  programme  des  épreuves  du 
Lendit.  Il  donne  lieu  à  des  matchs  animés  entre  les  dif- 
férentes écoles  françaises  et  même  à  des  luttes  internatio- 
nales. En  avr.  1892  et  1893,  l'équipe  du  stade  français  a 
lutté  avec  désavantage  contre  l'équipe  anglaise  de  Ros- 
slyn  Park,  venue  sous  les  auspices  de  l'ambassadeur 
d'Angleterre,  lord  DufFerin. 

On  a  imaginé  de  jouer  le  foot-ball  dans  des  piscines. 
Les  règles  sont  à  peu  près  les  mêmes  que  pour  le  foot- 
ball terrestre.  Mais  forcément  les  circonstances  amènent 
des  détails  nouveaux.  Ainsi  on  peut  en  plongeant  et  en 
nageant  dans  l'eau  dissimuler  le  ballon,  le  porter  vivement 
vers  le  camp  ennemi,  ou  tromper  les  adversaires  en  le  tenant 
entre  les  jambes  et  en  s'avançant  lentement  vers  le  but. 
FOOTE  (Samuel),  acteur  et  auteur  dramatique  anglais, 
né  à  Truro  (Cornouailles)  en  4720,  mort  à  Douvres  le 
21  oct.  1777.  Issu  d'une  famille  influente  de  Truro,  il  se 
fit  remarquer ,  dès  le  collège ,  par  ses  extravagances.  Il 
eut  \ïte  dévoré  son  patrimoine  et  il  songea  alors  à  tirer 
parti  de  ses  dispositions  naturelles  pour  le  théâtre.  Sifflé 
à  Londres,  il  fut  mieux  reçu  à  Dublin  et  put  se  montrer 
bientôt  sur  le  théâtre  de  Drury  Lane.En  1747,  il  ouvrit  le 
théâtre  de  Haymarket  où  il  ne  joua  que  la  farce;  il  était  en 
plein  succès  lorsque  ses  représentations  furent  interdites  par 
l'autorité,  gardienne  de  la  morale  publique.  Pendant  quelques 
mois,  il  organisa  chez  lui  des  séances  privées,  puis  il  rou- 
vrit le  Haymarket,  où  il  donna  des  comédies  satiriques  de 
sa  composition,  fit  un  héritage  qu'il  courut  dissiper  à  Paris, 
et  reparut  à  Drury  Lane  comme  auteur  et  comme  acteur, 
avec  des  succès  fort  divers.  En  1756,  il  est  au  théâtre 
de  Covent  Garden,  jouant  dans  sa  pièce  The  Englishman 
returned  from  Paris.  L'année  suivante,  on  le  revoit  à 
Dublin.  Engagé  dans  la  troupe  de  Garrick,  à  Covent  Garden, 
il  lui  emprunte  de  l'argent  et  fait  une  tournée  en  Ecosse, 
où  il  inaugure  les  «  matinées».  Son  activité  comme  acteur 
et  comme  écrivain  était  extrême  ;  mais  ses  pièces,  dont 
l'idée  première  et  le  plan  général  sont  ordinairement  em- 
pruntés, durent  surtout  leur  vogue  aux  caricatures  de  per- 
sonnages, vivants  alors,  dont  elles  sont  pleines.  Cette  ma- 
nière diffamatoire  et  scandaleuse  de  comprendre  la  liberté 
de  la  scène  finit,  malgré  l'habileté  et  la  souplesse  de  Foote, 
par  lui  faire  des  ennemis  puissants  qui  lui  suscitèrent  des 
démêlés  désagréables  avec  la  justice.  Fatigué  et  découragé, 
il  allait  prendre  quelque  repos  dans  le  midi  de  la  France  ; 
mais  la  fièvre  le  saisit  à  Douvres  et  il  y  mourut. 
Parmi  les  très  nombreuses  pièces  qu'il  a  laissées,  on 
peut  citer  le  Devil  upon  two  Sticks  ou  Diable  Boiteux, 
The  Matcl  of  Bath,  The  Trip  io  Calais,  TheBankrupt. 
On  a  encore  de  lui  quelques  écrits  comme  A  Treatise  on 
the  Passions  so  far  as  they  regard  the  Stage  (1747)  ; 
The  Roman  and  English  Comedy  consider'd  and  com- 
parai, etc.  On  a  publié  plusieurs  recueils  de  bons  mots  et 
d'anecdotes  qui  lui  sont  attribués,  William  Cooke  a  écrit 
sa  vie  :  Memoirs  of  Samuel  Foote  esq.  (1805,  3  vol.). 

FOOTE  (Andrew-Hull),  amiral  américain,  né  à  New 
Haven  (Connecticut)  le  12  sept.  1806,  mort  à  New  York 
le  26  juin  1863.  Le  commodore  Foote,  avec  une  flottille  de 
canonnières,  participa  à  la  campagne  du  général  Grant  contre 
les  forts  Henry  (sur  le  Tennessee)  et  Donelson  (sur  le  Cum- 
berland)  en  févr.  1862.  Après  la  prise  de  ces  deux  places, 
il  réunit  toutes  ses  canonnières  à  Cairo,  descendit  le  Mis- 
sissippi et  força  le  général  confédéré  Polk  de  se  retirer  sur 
Memphis.  Avec  l'aide  du  général  fédéral  Pope,  il  s'empara 
en  avril  de  l'île  n°  10.  Le  10  mai  il  parut  devant  le  fort 
Pillow,  le  rendit  intenable  aux  confédérés,  et  les  poursuivit 
jusqu'à  Memphis,  où  il  détruisit  la  flotte  de  canonnières  de 
l'armée  sudiste.  Les  bateaux  de  Foote  ne  furent  arrêtés  que 


par  la  forteresse  de  Vicksburg.  Ces  succès  lui  valurent  le 
grade  de  contre-amiral.  L'année  suivante  il  fut  désigné  par 
le  ministre  de  la  marine  Gedeon  Weiles  pour  remplacer 
l'amiral  Dupont  qui  venait  d'échouer  dans  une  attaque  contre 
Charleston.  La  maladie  empêcha  l'amiral  de  prendre  son 
commandement  ;  il  mourut  la  même  année.      Aug.  M. 

FOPPA  (Vincenzo)  ou  FOPPA  le  Vieux,  peintre  italien, 
né  à  Brescia  dans  les  premières  années  du  xve  siècle,  mort 
en  4492.  La  nationalité  de  Foppa,  un  instant  douteuse, 
est  aujourd'hui  déterminée  ;  un  des  tableaux  du  maître  est 
signé  Vincencius  Brixensis  (on  l'a  parfois  confondu  avec 
Vincenzo  Civerchio  [V.  ce  nom]),  et,  d'autre  part,  nous 
possédons  des  documents  dans  lesquels  les  citoyens  de 
Brescia  le  traitent  de  compatriote.  Foppa  est  donc  né  à 
Brescia,  et  non  à  Milan,  comme  le  croyait  Lomazzo,  mais 
il  est  certain  qu'il  a  fait  un  long  séjour  dans  cette  dernière 
ville  et  qu'il  y  a  tenu  une  école  qui  fut  florissante  et 
suivie.  Pour  cette  première  partie  de  sa  carrière,  les  dates 
sont  rares.  Il  était  surtout  peintre  à  fresque.  On  a  la 
preuve  qu'il  a  travaillé  à  l'ancienne  église  de  Santa  Maria 
di  Brera,  et  c'est,  en  effet,  d'une  des  murailles  de  cet  édi- 
fice qu'a  été  détaché  le  Saint  Sébastien  percé  de  flèches 
qu'on  peut  voir  aujourd'hui  dans  la  salle  d'entrée  de  la 
galerie  Brera  à  Milan.  C'est  une  belle  œuvre  fortement 
marquée  du  caractère  un  peu  rude  de  la  première  école 
milanaise,  de  celle  qui  ne  songe  pas  encore  à  Léonard  de 
Vinci  et  que  ce  grand  artiste  doit  transformer.  Foppa  exé- 
cuta à  Milan  d'autres  peintures  importantes  et  qui  ont 
malheureusement  péri.  Comme  son  contemporain  Mantegna, 
il  aimait  les  sujets  et  les  types  de  l'antiquité,  passion 
essentielle  de  l'art  renaissant.  C'est  dans  ce  goût  qu'il 
décora  le  palais  que  Francesco  Sforza  donna,  en  1456,  à 
Cosme  de  Médicis  et  qui,  changeant  de  nom,  est  devenu 
le  palais  Vismara.  Les  peintures  ont  disparu  ;  on  sait 
qu'elles  comprenaient  une  série  de  médaillons  représentant 
les  douze  Césars.  C'est  à  propos  de  ces  travaux  que  Vasari 
a  parlé  sommairement  de  Foppa  que,  par  une  distraction 
de  plume,  il  appelle  Zoppa.  Slorza  employa  aussi  l'artiste 
à  l'embellissement  de  l'Ospedale  Maggiore.  Foppa  y  avait 
représenté,  avec  de  nombreux  portraits,  les  cérémonies 
relatives  à  la  fondation  et  à  l'inauguration  de  ce  merveil- 
leux hôpital.  Il  occupait  à  Milan  une  situation  très  en 
lumière,  et  les  autres  villes  de  l'Italie  du  Nord  eurent  sou- 
vent recours  à  son  pinceau.  Des  documents  récemment 
publiés  prouvent  qu'en  1461  la  confrérie  de  Saint-Jean- 
Baptiste  l'appela  à  Gênes  pour  décorer  une  des  chapelles 
de  la  cathédrale.  Vers  4465,  Foppa  se  maria  à  Pavie.  Il 
travailla  aussi  à  Bergame  et  à  Crema.  Bientôt,  il  se  lassa 
de  cette  vie  un  peu  errante  et,  en  1489,  il  résolut  de 
retourner  à  Brescia  où  il  avait  conservé  des  amis.  On  con- 
naît la  requête  qu'il  adressa  au  conseil  de  ville  et  dans 
laquelle  il  expose  qu'il  désire  revenir  à  Brescia  avec  sa 
famille  pour  y  exercer  son  art  et  instruire  les  jeunes  gens 
dans  la  pratique  du  dessin  et  de  l'architecture.  On  fit  bon 
accueil  à  cette  demande.  Le  texte  de  la  délibération  muni- 
cipale, tout  à  fait  honorable  pour  Foppa,  le  traite  de  conci- 
toyen et  lui  accorde  une  pension  annuelle.  En  1491 ,  le  peintre 
sollicita  et  obtint  la  permission  de  se  rendre  à  Pavie  pour 
soutenir  un  procès  auquel  avait  donné  lieu  la  succession  de 
sa  femme.  Foppa  mourut  à  Brescia  et  fut  enterré  au  cloître 
de  SanBarnabas.  L'inscription  tumulaire,  aujourd'hui  per- 
due, lui  donnait  le  titre  de  Civis  Brixiœ. 

Foppa  a  été  essentiellement  un  fresquiste,  et  ses  œuvres 
ont  péri  pour  la  plupart.  Il  reste  pourtant  de  lui  quelques 
rares  tableaux.  On  en  retrouve  deux  au  musée  de  Bergame. 
Le  premier,  qui  a  fait  partie  de  la  galerie  Lochis,  est  un 
Saint  Jérôme  en  prière,  sur  un  fond  de  paysage.  Il  est 
signé  Opus  Vincentii  Foppa.  Le  second,  infiniment  plus 
remarquable,  provient  de  la  collection  Carrara,  et  Bottari 
nous  a  conservé  le  texte  de  la  lettre  en  date  du  22  déc. 
1759  dans  laquelle  l'amateur  annonce  l'acquisition  de  cette 
peinture,  Christ  crucifié  entre  les  deux  larrons.  Cha- 
cune des  figures  est  placée  sous  une  arcade.  Dans  les 


765 


FOPPA  —  FORAGE 


angles  formés  par  le  cintre  est  un  médaillon  d'empereur 
romain,  étudié  avec  le  sentiment  d'une  archéologie  farouche 
à  la  Mantegna,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  que  les  deux 
maîtres  se  soient  connus,  mais  qu'ils  ont  travaillé  en  vue 
du  même  idéal.  L'expression  douloureuse  des  têtes  est 
inspirée  par  la  même  préoccupation  et  se  précise  par  une 
recherche  réaliste  que  caractérise  une  sauvagerie  savou- 
reuse. Ce  tableau  est  prodigieux  pour  l'énergie  et  l'intensité 
des  colorations.  Il  est  signé  :  1456.  Mensis  Aprilis  Vin- 
cencius  Brixensis  pinxit.  Comme  beaucoup  de  touristes 
ont  la  coupable  habitude  d'aller  de  Milan  à  Vérone  sans 
s'arrêter  à  Bergame,  cette  peinture  est  peu  connue  ;  nous 
la  considérons  comme  une  des  œuvres  maîtresses  de  Vin- 
cenzo  Foppa.  Paul  Mantz. 

Bibl.  :  Stefano  Fenaroli,  Dizionario  degli  artisti  Bres- 
ciani;  Brescia,  1877.  V.  aussi  la  lettre  de  G.  Carrara 
(22  déc.  1759)  dans  les  Lettere  pittoriche,  1822,  t.  IV.  — 
E.  Muntz,  Histoire  de  l'art  pendant  la  Renaissance^.  I,  II. 

FOPPA  (Ambrosio)  (V.  Caradosso). 
FOPPENS  (Jean-François),  historien  et  bibliographe 
belge,  né  à  Bruxelles  le  17  nov.  1689,  mort  à  Malines  le 
16  juil.  1761.  Il  entra  de  bonne  heure  dans  les  ordres  et 
professa  la  théologie  à  Bruges,  puis  il  fut  nommé  archidiacre 
et  censeur  des  livres  à  Malines.  Il  consacra  ses  loisirs  à  la 
rédaction  de  nombreux  ouvrages  historiques  et  bibliogra- 
phiques qui  sont  encore  consultés  aujourd'hui.  Les  plus 
importants  sont  :  Historia  episcopatus  antverpiensis 
(Bruxelles,  1717,  in-4);  Historia  episcopatus  Sylvœ- 
ducensis  (Bruxelles,  1721,  in-4);  Bibliotheca  Belgica, 
sive  virorum  in  Belgio  vita  scriptisque  illustrium 
catalogus  (Bruxelles,  1739,  2  vol.  in-4).  E.  H. 

FOR-l'Evêque.  Siège  primitif  de  la  juridiction  tempo- 
relle de  l'évêque  (archevêque  depuis  4622)  de  Paris,  rue 
Saint-Germain-l'Auxerrois;  reconstruit  en  16£2  :  la  juri- 
diction épiscopale  fut  alors  transférée  près  de  Notre-Dame, 
dans  la  première  cour  de  l'archevêché;  mais  For-V  Evoque 
continua  à  servir  de  prison  jusqu'à  la  déclaration  du 
30  août  4780,  «  portant  établissement  de  nouvelles  pri- 
sons pour  dettes  et  autres  »  ;  les  prisonniers  qui  y  étaient 
fort  resserrés  et  dans  les  conditions  les  plus  contraires  à 
l'hygiène  et  à  la  décence  furent  distribués  (art.  3)  entre 
la  Conciergerie  et  le  Grand-Châtelet.  For-1'Evêque  fut 
alors  détruit.  H.  Monin. 

Bibl.  :  Isambert,  Anciennes  Lois  françaises,  t.  XXVI, 
pp.  376-379.  —  Dulaure,  Histoire  de  Paris  ;  Paris,  1839, 
nouv.  éd.  par  Belin  •  t.  II,  pp.  86-87  ;  VU,  18  ;  VI,  193-194, in-8. 

F0RAB0SC0  (V.  Ferrabosco). 

FO RAGE. I. Industrie.  —  Opération  qui  consiste  à  percer 
dans  une  pièce  métallique  un  trou  cylindrique,  avec  un 
outil  appelé  foret.  Cet  outil  doit  être  animé  à  la  fois  de  deux 
mouvements  :  un  mouvement  de  rotation  afin  de  décrire  la 
surface  de  révolution  demandée  et  un  mouvement  d'avance, 
afin  d'opérer  le  trou  sur  toute  la  longueur  de  la  pièce.  De 
ces  deux  mouvements,  celui  de  rotation  est  en  général  re- 
latif :  la  pièce  tourne  et  le  foret  ne  fait  qu'avancer  en  ligne 
droite;  de  cette  façon,  s'il  venait  à  dévier  de  sa  direction, 
on' en  serait  averti  par  les  oscillations  de  la  barre  porte-ou- 
til. Unemachineà  forer  est  donc  le  plus  généralement  cons- 
tituée par  la  combinaison  d'un  tour  horizontal,  quelquefois 
même  vertical  et  d'un  banc  de  forage  en  fonte  dressée  pa- 
rallèlement à  l'axe  du  tour  et  dans  son  prolongement.  Sur 
le  banc  glisse  dans  une  coulisse  un  chariot  porte-outil  : 
le  mouvement  de  ce  chariot  est  pris  sur  la  poupée  du  tour 
et  on  peut,  en  changeant  les  engrenages,  faire  varier  à  vo- 
lonté le  rapport  des  vitesses.  Le  même  banc  de  forage  peut 
également  servir  à  l'alésage,  c.-à-d.  à  l'agrandissement 
d'un  trou  déjà  percé. 

Dans  son  acception  générale,  le  forage  est  l'opération  qui 
a  pour  but  de  creuser  un  puits;  on  en  trouvera  l'exposé  à 
ce  dernier  mot  (V.  Puits),  et  nous  ne  retenons  ici  que  ce 
qu'on  entend  par  forage  ou  mine  forée  dans  l'exploitation 
des  mines.  Le  forage  d'un  trou  de  mines  peut  se  faire  à  la 
main  ou  avec  des  moteurs  ;  dans  le  premier  cas,  on  se  sert 
de  tarière  donnant  une  rotation  continue,  ou   de  barres 


agissant  par  choc.  Les  tarières  ne  sont  admissibles  que 
dans  les  roches  relativement  tendres  ;  on  les  met  en  jeu  à 
l'aide  d'une  sorte  de  vilebrequin  et,  si  le  trou  de  mine  doit 
être  foré  dans  un  angle,  on  lui  substitue  le  criquet.  On  fa- 
cilite beaucoup  l'emploi  de  la  tarière  par  l'usage  de  châs- 
sis portatifs  qui  constituent  les  perforateurs  rotatifs  à  la 
main  ;  le  plus  répandu  est  le  perforateur  Lisbet  qui  se 
compose  d'un  montant,  dont  les  deux  parties  peuvent  jouer 
à  coulisse  l'une  dans  l'autre  ;  la  portion  inférieure  se  pique 
dans  le  sol  à  l'aide  d'une  pointe  fixe  ;  la  seconde  s'y  adapte 
à  l'aide  d'une  broche.  On  complète  le  serrage  avec  une  vis 
qui  commande  la  pointe  supérieure  pour  la  piquer  dans  le 
plafond  ;  le  porte-outil  est  mobile  le  long  du  montant  et 
s'y  fixe  en  divers  points,  de  manière  à  procurer  aux  trous 
de  mine  toutes  les  situations.  Le  palier,  taraudé  k  l'inté- 
rieur, sert  d'écrou  à  une  vis  qui  est  elle-même  creuse  et 
traversée  par  la  vis  de  la  tarière  ;  un  manchon  à  griffe  s'em- 
braye et  se  désembraye  suivant  que  l'on  tire  ou  que  l'on 
pousse  sur  la  manivelle  pendant  la  rotation  pour  rendre  la 
tarière  et  la  vis  à  volonté  solidaires  ou  indépendantes  ;  par 
ce  dispositif,  on  gradue  la  vitesse  d'avancement  suivant  la 
nature  de  la  roche.  Quand  on  emploie  le  choc,  on  se  sert 
de  la  barre  à  mine  ou  trépan  que  l'ouvrier  soulève  et  laisse 
retomber  par  son  poids  ;  toutes  les  fois  que  l'on  dispose  de 
la  place  nécessaire  pour  forer  de  grands  coups  de  mine, 
sans  se  préoccuper  de  la  solidité  des  parois,  on  manoeuvre 
des  barres  à  mine  à  deux  hommes,  plus  longues  et  plus 
lourdes.  Mais  le  moyen  classique  de  forage  des  trous  de 
mine  consiste  dans  l'emploi  du  fleuret,  sorte  de  grand 
ciseau  en  fer  armé  à  son  extrémité  d'un  biseau  aciéré  un 
peu  courbé  afin  que  les  angles  ne  soient  pas  brisés  et  un 
peu  plus  large  que  le  diamètre  de  la  tige,  afin  que  le  trou 
soit  plus  grand  qu'elle.  Le  mineur  frappe  sur  le  fleuret 
avec  une  masse,  en  tournant  après  chaque  coup  son  fleuret 
d'un  douzième  à  un  sixième  de  circonférence.  Avec  la  ma- 
chine à  camouflets,  on  peut  pratiquer  à  l'intérieur  même 
des  galeries  et  à  peu  près  dans  toutes  les  directions,  des 
forages  de  0,20  de  diamètre  avec  une  longueur  de  5  à  6  m. 
et  plus.  La  grande  tarière  qui  exige  pour  sa  manœuvre 
une  équipe  de  six  hommes  et  un  espace  assez  large  se  com- 
pose :  d'un  couple  de  tarières  et  cuillers  pontées  et  mu- 
nies d'un  galet  directeur,  l'une  tournant  à  gauche,  l'autre 
à  droite,  d'une  tige  de  manœuvre  sur  laquelle  s'applique 
un  tourne-à-gauche,  d'un  jeu  d'allonges  en  fer  à  section 
carrée  avec  olives  directrices,  d'un  volet  muni  d'un  treuil 
de  traction,  d'un  pieu  à  vis  destiné  à  fournir  un  point  d'ap- 
pui au  volet  de  manœuvre,  d'un  refouloir,  d'un  jeu  d'al- 
longes de  refouloir  munies  d'olives  à  raclettes,  d'une  cu- 
rette. Enfin  on  emploie  beaucoup,  depuis  quelques  années, 
le  forage  mécanique  qui  se  fait  à  l'aide  de  perforateurs 
mécaniques  (V.  Perforateur).  L.  K. 

II.  Génie.  —  On  appelle  mines  forées  ou  forages  des 
conduits  cylindriques  de  diamètre  variant  avec  l'outil  em- 
ployé, à  l'extrémité  desquels  on  place  une  charge  de  poudre, 
soit  dans  le  forage  lui-même,  soit  dans  une  cavité  ou 
chambre  d'un  diamètre  plus  grand.  L'idée  des  forages  re- 
monte à  une  certaine  époque.  Les  Turcs,  en  effet,  l'avaient 
mise  en  pratique  au  siège  de  Candie  ;  dans  les  travaux 
des  mines,  on  faisait  déjà  usage  de  petites  machines  à 
forer,  telles  que  les  sondes  et  les  trépans,  mais  ce  ne  fut 
guère  qu'à  partir  de  4830  que  les  mines  forées  firent  leur 
apparition  réelle  dans  les  travaux  du  génie.  L'importance 
de  cette  invention,  surtout  à  son  début,  fut  fortement  exa- 
gérée. Après  les  premiers  perfectionnements  apportés  à  son 
outillage,  on  parvint  à  faire  rapidement  et  sans  déviations 
sensibles  des  forages  d'une  vingtaine  de  mètres  de  longueur, 
de  sorte  que  les  contremines  parurent  perdues,  parce  qu'il 
semblait  que  tous  les  dangers  courus  par  le  mineur  de  l'at- 
taque disparaissaient  avec  ces  instruments  à  longue  portée. 
Cependant  les  succès  des  forages  ne  furent  pas  toujours 
aussi  certains  ;  une  petite  .pierre,  le  moindre  obstacle  suffi- 
saient pour  arrêter  la  cuiller  ;  le  casse-pierre  était  souvent 
impuissant,  et  la  plupart  des  essais  oh  l'on  tenta  de  briser 


FORAGE 


766  — 


l'obstacle  par  une  petite  explosion  avaient  presque  toujours 
pour  résultat  la  destruction  du  forage.  Le  mode  d'attaque 
par  les  forages  fut,  à  la  suite  du  siège  de  Sébastopol,  re- 
connu incertain,  applicable  seulement  dans  quelques  cas 
particuliers,  où  l'on  pourrait  du  reste  s'en  garantir  par 
des  tranchées  remplies  de  pierres  sèches  et  placées  de  dis- 
tance en  distance  au-dessus  du  système  de  contremines. 

Néanmoins,  grâce  à  de  nombreux  perfectionnements  ap- 
portés à  l'ancien  outillage,  grâce  à  la  dynamite,  et  aujour- 
d'hui à  la  mélinite  dont  les  efiets  tout  à  fait  locaux  per- 
mettent :  1°  de  briser  les  obstacles  que  rencontre  la  tarière 
sans  détruire  le  forage;  2°  de  transformer  en  forages  à 
grand  diamètre  les  forages  à  petit  diamètre  obtenus  avec  les 
barres  à  mine  de  création  relativement  récente  ;  3°  d'éta- 
blir à  l'extrémité  des  forages  des  chambres  à  poudre  d'une 
capacité  voulue  sans  détruire  le  forage;  grâce  à  ces  diverses 
causes,  les  mines  forées  reprennent  depuis  quelques  années 
leur  première  importance  et  sont  appelées,  à  notre  avis, 
à  un  avenir  considérable. 

Les  appareils  à  forer  existant  actuellement  dans  les  poly- 
gones du  génie  sont  de  deux  sortes:  1°  les  appareils  à  grand 
diamètre,  dits  aussi  appareils  à  rotation  ;  2°  les  appareils 
à  petit  diamètre  dits  aussi  appareils  à  percussion.  Les  appa- 
reils à  grand  diamètre  sont  les  suivants  :  1°  le  trépan, 
sorte  de  tarière  en  fer  de  0m12  de  diamètre;  cet  instru- 
ment muni  de  dix  rallonges  en  fer  est  mû  par  un  ou  deux 
hommes  et  produit  un  forage  de  0m13  à  0m15  de  dia- 
mètre, pouvant  atteindre  une  longueur  de  4  m.  ;  2°  la  pelle 
d'Arras,  formée, d'une  pelle  carrée  ou  louchet  dont  les 
ailes  sont  recourbées  en  un  demi-cylindre  de  0m48  de 
diamètre.  Cet  outil  muni  de  rallonges  en  bois  est  ma- 
nœuvré comme  le  trépan,  et  fournit  un  forage  de  0m20 
environ  de  diamètre.  Mais  il  n'est  possible  de  l'employer 
que  dans  des  terrains  de  peu  de  consistance  et  de  consti- 
tution bien  homogène  ;  3°  la  machine  à  camouflets  com- 
prenant une  tarière  de  0ml  8  de  diamètre,  avec  rallonges 
mises  en  mouvement  par  deux  hommes  à  l'aide  d'un  jeu 
d'engrenages  ;  4°  la  grande  tarière,  du  colonel  Bussière, 
composée  d'une  cuiller  pontée  ou  tarière  de  0m20  de  dia- 
mètre, d'une  série  de  rallonges  en  fer  munies  d'olives  di- 
rectrices, et  le  tout  terminé  par  une  tige  de  manœuvre  sur 
laquelle  agissent,  pour  mettre  l'appareil  en  mouvement,  un 
tourne-à-gauche  muni  de  quatre  bras  pour  la  rotation,  et 
un  appareil  de  traction  comprenant  une  poulie  à  dents  et 
une  chaîne  de  Gall  pour  la  propulsion.  Cet  appareil  produit 
des  forages  de  0m22  de  diamètre,  et  dans  les  conditions 
les  plus  favorables  permet  un  avancement  de  2  m.  environ 
à  l'heure  jusqu'à  8  m.  de  profondeur.  Il  existe  aussi  une 
tarière  Bussière  dont  les  différentes  rallonges  sont  tubu- 
laires  ;  cet  appareil  présente  une  force  de  pénétration  plus 
considérable  que  le  précédent  et  permet  d'attaquer  le  roc 
et  la  maçonnerie.  A  citer  pour  mémoire  les  anciennes  ta- 
rières produisant  des  forages  de  diamètre  considérable 
variant  de  30  à  50  centim.,  et  exigeant  jusqu'à  43  et 
14  hommes  pour  leur  mise  en  œuvre.  Ces  anciens  outils 
étaient  arrêtés  par  le  moindre  obstacle,  déviés  par  la  plus 
petite  pierre  et  le  résultat,  quand  on  en  obtenait  un,  était 
plus  que  discutable.  Ces  outils  étaient  généralement  suivis 
dans  leur  trou  par  un  mineur  qui  les  aidait,  les  dirigeait, 
et  à  l'aide  de  sa  pioche,  débarrassait  leur  chemin  de  toute 
pierre  gênante. 

Les  appareils  de  forage  à  petit  diamètre  sont  les  suivants  : 
1°  la  barre  à  mine  et  le  pistolet  de  mine  du  carrier,  que 
tout  le  monde  connaît  et  qui  sont  spécialement  employés 
au  forage  des  roches  pour  en  faire  le  pétardf  ment  ;  2°  l'ap- 
pareil Pitoy,  composé  d'une  série  de  tubes  vissés  les  uns 
sur  les  autres  et  terminé  par  un  tube  crépine  en  forme  de 
flèche.  Sur  ces  tubes  sont  serrés,  par  quatre  boirons  de 
fer,  les  deux  moitiés  d'une  tête  de  turc  sur  laquelle  vient 
frapper  un  mouton  actionné  par  deux  tiraudes  supportées 
par  un  haut  trépied  en  fer.  Le  but  de  cet  appareil  est 
d'atteindre  avec  la  crépine  la  nappe  d'eau  souterraine  ;  ce 
résultat  obtenu,  on  visse  une  pompe  aspirante  sur  l'extré- 


mité supérieure  du  dernier  tube  et  l'on  a  ainsi  en 
quelques  instants  de  l'eau  pure  en  abondance;  3°  des 
barres  à  mine  de  divers  systèmes,  dont  le  seul  adopté 
jusqu'à  présent  est  la  barre  à  mine  de  M.  le  commandant 
Binet  qui,  en  1877,  s'inspira  de  l'appareil  Pitoy  pour  en 
appliquer  le  principe  à  un  appareil  perçant  des  forages  de 
0m06  seulement  de  diamètre.  En  1883,  l'auteur,  après  de 
nombreuses  expériences,  débarrassa  son  appareil  de  la 
tête  de  turc  et  de  son  mouton,  et  constitua  la  barre  à 
mine  existant  aujourd'hui.  Elle  se  compose  d'un  outil  pro- 
prement dit,  portant  le  nom  de  pistolet,  et  dont  la  tranche 
appelée  à  travailler  présente  la  forme  de  deux  ciseaux- 
diamants  en  croix.  Cet  outil,  de  0m26  de  long  et  de  57 
millim.  de  diamètre,  est  vissé  sur  une  barre  pleine  dite 
porte-pistolet  de  0m70  de  longueur,  qui,  elle-même,  est 
vissée  sur  une  série  de  rallonges  de  1  m.  de  longueur  et 
formées  de  tubes  en  acier  étiré  sans  soudure  de  0,034  de 
diamètre  intérieur  et  de 0,041  de  diamètre  extérieur.  Pour 
exécuter  un  forage  à  l'aide  de  cet  appareil,  on  procède  de 
la  façon  suivante.  Après  avoir  déterminé  le  point  de  départ 
du  forage  et  l'inclinaison  qu'il  doit  avoir,  on  visse  le  pis- 
tolet sur  le  porte-pistolet  et  sur  le  tout  une  rallonge. 
Deux  hommes,  prenant  à  deux  mains  cet  appareil,  le  pré- 
sentent sur  le  point  de  départ  en  lui  donnant  l'inclinaison 
voulue,  et,  à  petits  coups,  entament  la  croûte  du  terrain. 
Petit  à^  petit  l'outil  pénètre,  et,  au  fur  et  à  mesure  de 
cette  pénétration,  les  travailleurs  lui  impriment  un  mou- 
vement de  va-et-vient  d'une  amplitude  de  plus  en  plus 
grande,  et  qui  permet,  par  conséquent,  d'avancer  de  plus 
en  plus  vite.  Quand  l'amorce  du  forage  ainsi  obtenue  a 
atteint  une  profondeur  de  lm50  environ,  on  allonge  la 
barre  d'une  rallonge  et  on  continue.  A  mesure  de  l'allon- 
gement de  la  barre  et  de  la  résistance  du  terrain,  le 
nombre  des  travailleurs  est  augmenté  et  poussé  jusqu'à 
quatre. 

Comme  on  vient  de  l'indiquer  succinctement,  cet  appa- 
reil procède  par  compression  du  terrain  et,  par  consé- 
quence, dispense  complètement  de  l'extraction  des  déblais. 
Or  on  facilite  singulièrement  son  travail  en  introduisant 
de  l'eau  dans  le  forage  pour  détremper  le  terrain  autant 
que  possible  au  point  où  travaille  l'outil;  pour  cela,  il 
suffit  de  verser  de  l'eau  dans  la  barre,  qui  est  creuse,  et 
dont  le  vide  est  continué  par  un  petit  canal  percé  dans  le 
porte-pistolet.  Il  est  difficile  d'indiquer  une  vitesse  d'avan- 
cement, même  approximative,  car  cette  vitesse  dépend  du 
terrain  dans  lequel  opère  la  barre.  La  nature  de  ce  ter- 
rain, sa  consistance,  sa  composition,  son  homogénéité 
essentiellement  variables  non  seulement  d'un  forage  à  un 
autre,  mais  aussi  dans  le  même  forage,  sont  autant  d'élé- 
ments qui  entrent  en  ligne  de  compte  et  qui  font  de  la 
vitesse  une  quantité  à  laquelle  il  est  bien  difficile  d'assigner 
des  limites  bien  déterminées.  Tandis  que,  dans  les  condi- 
tions les  plus  favorables,  on  aura  pu  forer  jusqu'à  8  m. 
.par  exemple,  en  5  ou  6  minutes,  on  rencontrera  à  cette 
profondeur  une  pierre,  ou  même  un  banc  de  roche  qui 
exigera  des  heures  entières  pour  se  laisser  traverser,  et 
qui  même  suivant  son  épaisseur  pourra  entraîner  l'abandon 
du  forage.  Un  forage  étant  exécuté,  il  faut  procéder  au 
chambrage  pour  permettre  l'établissement  d'un  fourneau 
(V.  ce  mot).  Pour  cela,  on  introduit  à  l'extrémité  du  fo- 
rage une  ou  plusieurs  cartouches  de  mélinite  et  on  en  dé- 
termine l'explosion.  Cette  explosion  a  pourrésultat  l'écar-  • 
tement  des  terres  par  compression  et  la  formation  d'un 
globe  ou  chambre  de  forme  généralement  ellipsoïdale  et 
d'une  dimension  variant  avec  la  charge  employée.  On  ob- 
tient des  chambres  de  grandes  dimensions,  pouvant  conte- 
nir 500  kilogr.  de  poudre  et  même  plus,  à  l'aide  de  deux 
ou  plusieurs  élargissements  successifs  exécutés  au  même 
point.  Dans  la  chambre  ainsi  obtenue,  on  coule  de  la 
poudre  libre  ou  on  introduit  des  gargousses  chargées  de 
poudre,  suivant  l'inclinaison  plus  ou  moins  grande  du  fo- 
rage ;  le  poids  de  cette  charge  varie  suivant  l'effet  que 
l'on  veut  obtenir  et  suivant  l'épaisseur  de  la  couche  de 


—  767 


FORAGE 


terrain  mesurée  de  la  surface  de  ce  dernier  au  centre 
de  la  charge,  cette  épaisseur  étant  la  ligne  de  moindre 
résistance  ;  on  l'amorce,  soit  à  l'aide  d'un  procédé  pyro- 
technique, soit  à  l'aide  d'un  procédé  électrique,  et  le  four- 
neau est  alors  prêt  à  jouer  pour  le  moment  le  plus  oppor- 
tun. Le  bourrage  (V.  ce  mot),  lorsqu'il  est  nécessaire, 
se  fait  avec  des  cylindres  de  terre  argileuse  façonnés  au 
moule  ;  pour  les  forages  descendants,  on  emploie  aussi 


Fig.  1. 

des  boules  d'argile,  qui  roulent  d'elles-mêmes.  La  fig.  1 
donne  l'idée  d'un  forage  vertical  et  d'un  forage  incliné. 

Le  forage  a  été  assez  peu  employé  jusqu'ici.  Son  uti- 
lité est  néanmoins  indiquée  dans  une  foule  de  circons- 
tances à  la  guerre.  Dans  l'attaque  d'un  système  de  contre- 
mines  couvrant  le  point  faible  d'une  place  assiégée,  l'at- 
taque peut  s'en  servir  pour  tenter  d'écraser  les  rameaux 
que  la  défense  a  tout  intérêt  à  pousser  pour  tourner  les 
attaques  et  les  prendre  à  revers.  Elle  peut  aussi  s'en  ser- 
vir en  tête  des  attaques  pour  produire  quelques  petites 
explosions  d'abord,  ayant  pour  résultat  le  jeu  prématuré 
de  quelques  fourneaux  de  la  défense,  et,  par  suite  lui  per- 
mettant d'établir  rapidement  et  presque  sans  risques,  à 
l'aide  d'autres  forages,  un  ou  plusieurs  gros  fourneaux 
qui  lui  font  gagner  du  terrain. 

La  défense,  de  son  côté,  peut,  en  peu  de  temps,  à  l'aide 
de  forages  rapidement  établis,  bouleverser  les  entonnoirs 
de  l'attaque  et  lui  reprendre  ainsi  tout  ou  partie  du  terrain 
qu'ils  lui  avaient  fait  gagner.  Des  forages  judicieusement 
établis  en  éventail,  dès  le  début  d'une  guerre  souterraine, 
à  l'extrémité  des  galeries  du  système  de  contre-mines, 
peuvent  avoir  pour  résultat  d'abord  d'entendre  les  travaux 
de  l'attaque,  de  l'écouter  venir,  de  prévenir  ses  explosions 
et,  au  besoin  même,  de  bouleverser  le  logement  du 
mineur  et  de  l'obliger  à  l'établir  plus  loin,  lui  faisant 
perdre  ainsi  un  temps  aussi  long  que  précieux.  Dans  les 
travaux  d'approche  d'un  siège,  a-t-on  un  abri  à  construire, 
on  fait  un  trou  de  barre  à  mine  à  l'emplacement  de  cha- 
cun des  montants  qui  supportent  le  ciel  de  l'abri  ;  on  élar- 
git chacun  de  ces  trous,  et  simultanément,  soit  au  cordeau 
détonant,  soit  à  l'aide  d'un  petit  saucisson  de  mélinite,  on 
plante  les  montants,  on  coule  du  sable  ou  de  la  terre  sèche 
que  l'on  pilonne  dans  le  vide  restant,  et  il  ne  reste  plus 
qu'à  les  recéper  à  longueur.  Du  couronnement  du  chemin 
couvert,  on  pousse  un  forage  jusqu'à  la  contrescarpe  qui 
est  bientôt  enlevée.  Si  l'on  a  un  remblai  à  enlever  pour 
couper  une  ligne  ou  une  route,  à  l'aide  d'un  forage  forte- 
ment chambré,  bien  chargé,  en  quelques  instants  le  rem- 
blai n'existe  plus.  De  même,  on  démolit  une  maison  en 
quelques  minutes,  au  moyen  d'un  ou  deux  forages  portant 
des  fourneaux  sous  ses  fondations. 

Si  l'on  a  une  position  ou  un  ouvrage  à  défendre,  on  a 
recours  encore  à  la  barre  à  mine,  et  l'on  procède  de  la 
manière  suivante:  on  établit  une,  deux  ou  plusieurs  lignes 
de  forages  de  2  m.  à  2m50  de  profondeur,  espacés  les  uns 
des  autres  de  6  à  7  m.,  tandis  que  les  lignes  sont  environ 
à  10  m.  les  unes  des  autres;  on  chambre  ces  forages  à  2 
ou  3  cartouches  de  mélinite,  et  on  les  charge  de  4 o, 20  ou 


30  kilogr.  de  poudre  suivant  la  nature  du  sol  ;  les  forages 
de  chacune  des  lignes  sont  amorcés  pour  leur  explosion 
simultanée;  tous  les  cordeaux,  soit  détonants,  soit  conduc- 
teurs, installés  pour  la  mise  du  feu,  sont  noyés  dans  des 
petites  tranchées  de  0m40  de  profondeur,  et  tous  les  bouts 
aboutissent  dans  l'ouvrage  ou  derrière  la  ligne  à  soutenir. 
Au  premier  mouvement  offensif  de  l'ennemi,  un  immense 
rideau  de  terre  s'élève,  retombe,  fait  de  nombreuses  vic- 
times et  jette  le  désarroi  dans  les  rangs.  L'ennemi  se  re- 
forme, revient  de  son  étonnement  et  tente  un  retour  offen- 
sif ;  il  est  reçu  par  une  deuxième  ligne  de  fougasses.  Y  en 
a-t-il  d'autres,  et  combien  ?  Telle  est  la  question  qu'il  se 
pose  et  qui  peut  l'amener  à  renoncer  à  son  entreprise.  On 
peut  facilement  juger  de  l'immense  effet  moral  produit  par 
ces  dispositions  qui,  pour  leur  établissement,  exigent  à 
peine  quelques  heures.  En  effet,  des  expériences  sérieuses 
et  suivies  ont  permis  de  constater  que  Cinquante  hommes, 
munis  de  deux  barres  à  mine,  ont  mis  en  moyenne  trois 
heures  pour  forer,  chambrer,  charger,  amorcer,  noyer  les 
conducteurs  dans  leurs  petites  tranchées  et  mettre  le  feu,  à 
deux  lignes  de  25  fougasses  chacune.  Ce  dernier  résultat 
indique  qu'on  pourrait  utiliser  ce  mode  de  défense  même 
sur  un  champ  de  bataille  dèfensif,  à  organiser  en  quelques 
heures. 

Un  forage  peut  être  aussi  rapidement  transformé  en  un 
puits  ou  en  une  communication  souterraine,  suivant  qu'il 
est  vertical  ou  horizontal,  en  y  introduisant  un  chapelet 
simple  ou  double  de  cartouches  de  mélinite  et  en  en  déter- 
minant l'explosion.  Ce  genre  d'opération,  encore  dans  l'en- 
fance, a  besoin  d'être  étudié,  expérimenté  ou  perfectionné. 
En  effet,  les  communications  obtenues  jusqu'ici  avec  .la  dy- 
namite étaient  de  formes  très  ir régulières,  et  aujourd'hui 
la  dynamite  étant  remplacée  par  la  mélinite,  ce  dernier 
explosif  introduit  un  obstacle  plus  grave  en  imprégnant, 
par  son  explosion,  les  parois  de  ces  communications  avec 
de  l'oxyde  de  carbone  qui,  refluant  petit  à  petit,  les  ren- 
dra inhabitables  jusqu'à  ce  qu'un  réductif  puissant  de  ce 
gaz  toxique  ait  été  trouvé  et  employé  d'une  façon  simple 
et  pratique. 

Comme  on  le  voit  par  ce  qui  précède,  l'utilité  du  forage 
est  incontestable,  et  la  barre  à  mine  est  appelée  à  devenir 
à  la  guerre  l'instrument  de  tous  les  instants.  Malgré 
l'adoption  de  l'appareil  Binet,  de  nouvelles  expériences 
ont  été  faites  et  se  font  encore;  de  nouveaux  appareils 
ont  été  présentés,  et  sont  sur  le  point  d'être  expérimen- 
tés, car  l'importante  question  des  forages  ouvrira  long- 
temps encore  peut-être  un  vaste  champ  d'études  au  cher- 
cheur. Il  est  certain,  en  effet,  que  le  forage  rapidement 
établi,  un  chambrage  exécuté  avec  précision  au  point 
même  où  l'on  désirait  faire  jouer  le  fourneau  qu'il  est  des- 
tiné à  recevoir,  un  chargement  sûr  et  rapide  dans  une 
direction  et  avec  un  explosif  quelconque  ;  ou  bien  un  élar- 
gissement rapide,  donnant  avec  des  dimensions  exactement 
prévues  une  communication  souterraine  ou  à  ciel  ouvert, 
seront  des  faits  de  nature  à  modifier  profondément  non 
seulement  les  opérations  de  l'attaque  et  de  la  défense  des 
places,  mais  même  les  opérations,  les  moyens  d'action  des 
troupes  sur  le  champ  de  bataille. 

Les  forages  dans  le  roc  et  dans  la  maçonnerie  sont  ap- 
pelés pétards  (V.  ce  mot) . 

III.  Artillerie.  —  Opération  consistant  à  percer,  dans 
l'axe  du  canon  et  dans  le  sens  de  sa  longueur,  un  trou 
cylindrique  d'un  diamètre  inférieur  à  celui  que  doit  avoir 
l'âme  et  qui  est  ramené  à  ce  diamètre  par  l'alésage. 

Forage  des  bouches  à  feu.  Pour  les  bouches  à  feu, 
l'outil  n'a  qu'un  simple  mouvement  de  translation,  et  c'est 
la  pièce  qui  reçoit  un  mouvement  de  rotation.  Ce  procédé 
a  été  reconnu  plus  avantageux  pour  constater  les  déviations 
qui  viendraient  à  se  produire  dans  le  perçage  du  trou, 
dont  le  calibre  est  sensiblement  inférieur  à  celui  que  doit 
avoir  la  pièce  achevée.  La  machine  à  forer  est  constituée 
par  un  tour  et  un  banc  de  forage,  ce  dernier  supportant 
un  chariot  qui  possède  un  mouvement  automatique  d'aller 


FORAGE  —  FORAIN 


—  768  — 


et  de  retour.  Il  suffit  de  changer  les  engrenages  pour  mo- 
difier la  vitesse  de  ce  mouvement.  La  barre  de  forage  ou 
foret,  en  acier  fondu,  est  fixée  dans  une  cavité  du  chariot 
placée  exactement  sur  le  prolongement  de  l'axe  du  tour; 
un  coussinet  soutient  cet  outil  près  de  la  pièce.  Le  forage 
des  canons  se  chargeant  par  la  culasse  peut  se  faire  :  4°  en 
allant  de  l'extrémité  jusqu'au  fond  avec  le  même  foret  ; 
2°  en  commençant  successivement  par  les  deux  bouts, 
que  l'on  ne  fore  que  jusqu'au  milieu  du  canon  ;  3°  en 
attaquant  la  pièce  par  les  deux  bouts  à  la  fois.  L'amorçage, 
ou  commencement  du  travail,  doit  s'efîectuer  avec  les  plus 
grands  soins,  car  de  sa  bonne  exécution  dépend  la  régu- 
larité du  travail  du  foret.  On  l'exécute  à  l'aide  d'un  chariot 
spécial,  manié  à  la  main,  et  de  forets  de  diverses  espèces 
qui  sont  différents  pour  l'acier  et  pour  le  bronze.  Pour  ce 
dernier,  dont  le  métal  n'est  pas  homogène,  la  barre  de 
forage  a  une  forme  demi-cylindrique  ;  la  tête  porte  une 
lame  tranchante,  qui  est  destinée  à  enlever  le  métal  (fig.  2). 
Pour  forer  les  canons  en  acier,  on  emploie  un  foret  annu- 
laire, appelé  foret  russe  (fig.  3).  La  lame  n'enlève  qu'une 


I 


Fig-  2. 


Fi-.  3. 


Fig.  4. 


partie  du  métal  en  forme  de  couronne  en  laissant  au  milieu 
une  tige  cylindrique  pleine  qu'il  est  facile  d'enlever  en- 
suite. Pour  cela,  la  barre  de  forage  et  la  tête  porte-outil 
sont  creuses.  Afin  de  rendre  le  travail  encore  moins  pénible , 
l'outil  tranchant  ne  mord  le  métal  que  progressivement, 
par  gradins.  Cette  façon  de  procéder  économise  beaucoup 
de  temps  et  de  métal.  Toutefois,  la  tige  réservée  au  centre 
ne  peut  avoir  un  diamètre  de  plus  de  0m20,pour  ne  pas 
dépasser  la  limite  de  résistance  de  la  barre,,  et  il  faut 
alors  enlever  avec  l'outil  tout  l'excédent  du  métal.  Quand 
il  est  nécessaire  d'agrandir  le  trou  primitivement  percé,  on 
se  sert  d'une  barre  de  forage  dont  la  tête  porte  un  rou- 
leau cylindrique  ayant  le  calibre  du  premier  trou,  et  en 
arrière  une  lame  coupante  ayant  la  saillie  voulue.  Cet  ou- 
til porte  le  nom  de  foret-rouleau.  Après  le  premier  forage, 
les  pièces  sont  soumises  à  des  épreuves  de  résistance,  à  la 
suite  desquelles  on  leur  donne  leurs  formes  définitives,  et 
c'est  alors  qu'on  alèse  l'arme  au  calibre  voulu.  Telle  est 
la  marche  générale  suivie  pour  le  forage  des  canons  ou 
mortiers;  on  s'en  écarte  dans  certaines  pièces  ou  pour 
certains  métaux,  pour  employer  des  procédés  qui  ne  dif- 
fèrent des  précédents  que  par  des  détails  ou  l'ordre  dans 
lequel  ils  sont  exécutés. 

Forage  des  canons  de  fusil.  Le  trou  cylindrique  que 
l'on  perce  tout  d'abord  dans  ces  fusils  n'est  que  peu  infé- 
rieur au  diamètre  définitif  de  l'arme.  Des  précautions  mi- 
nutieuses doivent  être  prises  pour  déterminer  rigoureuse- 
ment l'axe  de  figure  du  canon,  dont  le  forage  doit  être 


exécuté  strictement  suivant  cet  axe.  Ce  forage  s'effectue  à 
l'aide  de  forets  à  deux  tranchants,  formant  un  angle  de 
120°  environ  (fig.  4)  et  disposés  de  manière  à  faciliter  le 
dégagement  des  copeaux.  Le  canon  disposé  verticalement 
a  ici  un  mouvement  de  rotation  suivant  l'axe,  et  l'outil 
descend  doucement  suivant  la  direction  de  cet  axe.  L'amor- 
çage doit  également  être  fait  avec  les  plus  grands  soins, 
sur  une  profondeur  de  0m06  environ,  avec  un  diamètre  de 
1/40  de  millim.  supérieur  à  celui  du  foret  proprement  dit, 
pour  faciliter  l'introduction  de  ce  dernier.  Pour  achever  le 
forage,  onse  sert  d'une  machine  à  percer,  dans  laquelle  le 
foret  est  simplement  maintenu  par  deux  lames  de  ressort, 
qui  lui  permettent  de  fléchir  sans  se  fausser,  et  cette  dis- 
position limite  les  déviations,  qui  se  traduisent  par  une 
série  de  légères  oscillations  dans  tous  les  sens.  Après  un 
perçage  d'environ  0ra0o,  on  retire  le  canon  pour  s'assurer, 
au  moyen  d'un  cylindre  vérificateur,  que  le  trou  est  bien 
dans  l'axe.  Les  légères  déviations  existantes  sont  redres- 
sées à  coups  de  marteau  sur  une  enclume  à  table  légère- 
ment concave,  de  manière  à  amener  la  partie  non  encore 
forée  dans  le  prolongement  de  l'axe  du  foret.  On  s'assure 
en  outre  que  l'axe  du  trou  coïncide  avec  l'axe  de  figure 
du  canon  au  moyen  d'un  instrument  vérificateur  spécial,  et 
l'on  continue  le  forage  par  parties  de  0m0o  jusqu'à  son 
achèvement.  On  amène  ainsi  progressivement  le  canon  à 
son  calibre  définitif  au  moyen  d'alésages  successifs ,  qui 
achèvent  de  donner  à  l'âme  une  forme  parfaitement  cylin- 
drique. 

VI.  Droit  féodal.  —  Le  forage  était  une  redevance  due, 
dans  certains  pays,  au  seigneur  par  les  débitants  vendant  du 
vin  au  détail.  Les  droits  sur  les  boissons  n'étaient  pas  réglés 
au  moyen  âge  d'une  façon  systématique  ;  leur  quotité  et 
leur  mode  de  perception  variaient  selon  les  localités,  et  ces 
impôts  prenaient  en  même  temps  des  noms  très  divers.  Le 
forage  tirait  son  nom  de  ce  qu'il  était  perçu  quand  la  pièce 
était  mise  en  perce  et  le  foret  placé  au  tonneau.  Ce  droit 
ne  semble  pas  être  différent  de  Vafjorage  (V.  ce  mot), 
bien  que  de  Laurière  recommande  de  ne  pas  les  confondre  ; 
les  deux  mots  de  forage  et  iïafforage  sont  souvent  em- 
ployés indifféremment  l'un  pour  l'autre,  sans  qu'ils  parais- 
sent désigner  des  droits  distincts.  Dans  quelques  parties  du 
Berry,  le  même  droit  s'appelait  jallage. 

Bibl.  :  Droit  féodal.  —  De  Laurière,  Glossaire  du 
droit  français  ;  Niort,  1882,  p.  244,  nouv.  éd. 

FORAIN.  I.  Moeurs  et  coutumes.  —  On  appelle  .géné- 
ralement forains  les  marchands  et  les  bateleurs  de  toute 
sorte  qui  fréquentent  les  foires  ;  mais  la  véritable  étymo- 
logie  du  mot,  celle  aussi  qui  répond  le  mieux  au  carac- 
tère nomade  de  ces  marchands,  c'est  foras  qui  signifie  «  qui 
est  étranger,  qui  vient  du  dehors  ».  Si  haut  qu'on  re- 
monte dans  l'histoire,  on  trouve  en  effet,  chez  tous  les 
peuples,  des  individus  isolés  ou  même  des  groupes  d'indi- 
vidus, impatients  de  toute  règle  et  de  toute  contrainte  so- 
ciales, qui  usent  leur  vie  à  voyager  de  pays  en  pays,  s'ar- 
rêtant  à  peine  quelques  semaines  au  même  endroit  pour 
exercer  une  industrie  primitive  (forge,  étamage)  ou 
donner  des  spectacles  rudimentaires.  Où  qu'ils  aillent  ils 
sont  toujours  du  dehors;  ils  sont  toujours  des  étrangers, 
avec  leurs  coutumes  bizarres,  leur  insouciance  fataliste, 
leur  horreur  du  travail  régulier,  leur  irrespect  du  bien 
d'autrui,  leur  amour  du  bruit,  des  oripeaux,  du  clinquant. 
Ils  parlent  toutes  les  langues,  s'assimilent  toutes  les  civi- 
lisations ;  ils  n'ont  point  de  patrie,  point  de  home.  Leurs 
villes  sont  des  bourgades  de  toiles ,  de  mâts ,  de  chariots , 
de  planches  qu'ils  élèvent  et  qu'ils  détruisent  en  peu 
d'heures.  Ils  sont  bien  les  descendants  ataviques  des  races 
qui,  aux  premiers  âges  de  l'humanité,  parcouraient,  sans 
autre4  but  que  l'attrait  de  l'inconnu,  les  forêts  immenses  et 
les  steppes  désolés  avec  leurs  tentes  et  avec  leurs  bêtes. 

Dans  l'Inde,  rien  de  plus  commun,  depuis  des  temps 
immémoriaux,  que  les  jongleurs  vagabonds,  les  ménétriers 
errants  faisant  danser  sur  un  rythme  étrange  des  fillettes 
lascives,  les  charmeurs  de  bêtes,  les  danseurs  du  diable 


les  diseurs  de  bonne  aventure,  les  thaumaturges,  les  ven- 
deurs de  recettes  contre  toutes  les  maladies.  Terre  clas- 
sique de  la  magie,  berceau  des  sciences  occultes,  l'Inde  a 
produit  naturellement  le  merveilleux  comme  une  des  fleurs 
prodigieuses  de  son  sol,  dont  les  effluves  semblent  s'être 
répandus  sur  le  monde  en  suivant  de  mystérieux  courants. 
En  Chaldée,  en  Egypte,  en  Chine,  au  Japon,  on  retrouve 
ces  colporteurs  de  merveilleux,  inspirant  comme  en  se 
jouant  aux  peuples  grossiers  qu'ils  traversent  le  frisson 
de  l'au-delà  et  le  respect  craintif  de  l'inconnu.  Au  Japon, 
ils  exhibent  une  chapelle  portative,  vendent  des  rosaires, 
des  talismans,  des  recettes  médicales  ;  en  Chine,  ils  courent 
le  pays  en  montrant  des  tigres,  disent  la  bonne  aventure 
et  vendent  des  philtres,  des  secrets,  et  jusqu'à  du  vent. 

La  Grèce  et  Rome  les  ont  vus  :  les  joueurs  de  gobelets, 
les  jongleurs,  les  devins,  les  astrologues,  les  hercules,  les 
danseurs  de  cordes,  les  promeneurs  de  chèvres  savantes, 
d'éléphants  et  de  chameaux,  les  acrobates,  les  marchands 
d'anneaux. contre  la  morsure  des  bêtes  venimeuses  portaient 
le  nom  significatif  de  circulatores  ou  de  circumforanei, 
et  ces  forains  étaient  pour  la  plupart  des  Arabes,  des  Chal- 
déens,  des  Egyptiens,  des  Juifs.  On  ne  distinguait  guère 
d'eux  les  agyrtes,  prêtres  mendiants  qui  s'étaient  infiltrés 
dans  le  monde  hellénique,  puis  avaient  pénétré  dans  le 
monde  romain  avec  les  dieux  de  l'Orient,  accueillis  par- 
tout par  la  crédulité  publique  et  une  sorte  de  terreur  reli- 
gieuse, méprisés  pourtant  à  cause  de  leurs  pratiques  et  de 
leurs  mœurs  dissolues.  Ils  conduisaient  avec  eux  des  bêtes 
féroces  apprivoisées,  dansaient  au  son  des  flûtes,  des  tam- 
bours et  des  cymbales,  distribuaient  des  présages  sous 
forme  de  sentences  écrites  sur  des  tablettes,  tirées  d'une 
urne  par  un  jeune  garçon,  ou  des  secrets  pour  guérir,  et 
ne  négligeaient  jamais  de  faire  la  collecte, 

A  Rome,  des  Syriennes  et  des  Gaditanes,  par  leurs  danses 
mystiques  et  leurs  costumes  étranges,  attiraient  les  passants 
aux  abords  du  cirque,  où  toutes  sortes  de  spectacles  et 
d'amusements  sollicitaient  d'ailleurs  les  oisifs.  A  Constan- 
tinople,  à  la  fin  du  ive  siècle,  l'Agora  est  toujours  pleine 
de  charlatans,  de  sorcières,  de  devins,  d'empiriques  qui 
proposent  des  remèdes  contre  la  stérilité,  de  magiciens  qui 
se  livrent  aux  incantations,  de  bateleurs,  de  montreurs  de 
bètes  traînant  parmi  la  foule  des  lions  apprivoisés,  de 
mimes,  de  danseuses  en  robes  bleues,  d'acrobates,  de  fu- 
nambules, volant  comme  des  oiseaux,  s'habillant  et  se 
déshabillant  dans  l'espace,  de  jongleurs  jouant  avec  des 
épées  et  des  coupes,  d'équilibristes  portant  sur  leur  front 
une  perche  au  haut  de  laquelle  sourient  deux  petits  enfants, 
de  déséquilibrés  faisant  la  roue  en  roulant  les  yeux  d'une 
manière  effrayante,  rongeant  le  cuir  des  vieilles  chaus- 
sures, s' enfonçant  des  clous  dans  la  tête.  En  France,  du 
vne  au  xe  siècle,  les  représentations  foraines  sont  données 
par  des  histrions  qui  élèvent  de  fragiles  théâtres  au  milieu  des 
rues,  dans  les  foires,  et  se  font  accompagner  par  des  bouf- 
fons, des  mimes,  des  joueurs  de  cithares.  Plus  tard  circulent 
des  jongleurs  menant  en  laisse  des  ours,  des  singes,  des  ani- 
maux fantastiques,  sortes  de  salamandres  à  tête  humaine  et 
à  griffes  acérées,  des  bateleurs,  des  funambules.  D'abord  les 
jongleurs  et  ménestrels  sont  de  vrais  nomades  qui  vont  de 
ville  en  ville  en  jouant  des  tours  de  passe-passe.  Puis,  à  la 
fin  de  l'époque  carolingienne,  ils  se  mettent  à  chanter  les 
poèmes  nationaux.  Au  xive  siècle,  ils  retombent  dans  leurs 
premiers  errements  :  dansent  à  l'épée,  montrent  des  truies 
qui  filent,  des  cochons  savants  déguisés  en  seigneurs  et 
châtelaines,  des  ours  qui  font  le  mort,  des  singes  qui  che- 
vauchent, des  chèvres  qui  jouent  de  la  harpe.  Ils  se  mêlent 
aussi  de  sorcellerie  et  de  médecine.  Les  mires  et  physi- 
ciens étalent  sur  les  places  publiques  des  herbes,  des 
drogues,  des  philtres.  Ils  assemblent  les  passants  par  des 
concerts  d'instruments,  des  chansons,  des  tours,  des  ca- 
brioles, la  bizarrerie  de  leur  accoutrement  et  des  boni- 
ments qui  ne  diffèrent  guère  de  ceux  des  charlatans  d'au- 
jourd'hui, comme  on  en  pourra  juger  par  le  spécimen 
suivant  :  «  Otez  vos  chaperons,  tendez  les  oreilles,  regar- 

GRÀNDE   ENCYCLOPÉDIE.   —  XVII. 


-  769  -  FORAIN 

dez  mes  herbes  que  madame  envoie  en  ce  pays  et  en  cette 
terre  ;  et  pour  ce  qu'elle  veut  que  le  pauvre  en  puisse  avoir 
aussi  bien  que  le  riche,  elle  me  dit  d'en  faire  bon  marché, 
car  tel  a  un  denier  en  sa  bourse  qui  n'a  pas  cinq  livres. 
Et  elle  me  commanda  de  prendre  un  denier  de  la  monnaie 
qui  aurait  cours  dans  la  contrée  où  je  viendrais.  Je  les 
donne  aussi  pour  du  pain,  pour  du  vin  à  moi,  pour  du  foin, 
pour  de  l'avoine  à  mon  cheval,  car  qui  sert  l'autel  doit  vivre 
de  l'autel.  —  Et  j'ajoute  que  s'il  y  avait  quelqu'un  de  si 
pauvre,  homme  ou  femme  qu'il  ne  pût  rien  donner,  qu'il 
vienne  à  moi,  je  lui  prêterai  l'une  de  mes  mains  pour  Dieu, 
l'autre  pour  sa  mère,  à  condition  que  d'ici  à  un  an  il  fera 
chanter  une  messe  pour  l'âme  de  ma  dame.  Ces  herbes, 
vous  ne  les  mangerez  pas,  car  il  n'y  a  si  gros  bœuf,  ni  si 
vigoureux  destrier  qui  ne  mourût  de  maie  mort,  s'il  en  avait 
seulement  gros  comme  un  pois  sur  la  langue,  tant  elles 
sont  fortes  et  amères  ;  mais  ce  qui  est  amer  à  la  bouche 
est  doux  au  cœur.  Vous  les  mettrez  dormir  trois  jours  dans 
du  bon  vin  blanc  ;  si  vous  n'avez  pas  de  vin  blanc,  prenez 
du  vermeil,  et,  si  vous  n'avez  pas  de  vermeil,  prenez  de  la 
belle  eau  claire,  car  tel  a  un  puits  devant  sa  porte  qui  n'a 
pas  un  bon  tonneau  dans  son  cellier.  Vous  en  déjeunerez 
pendant  treize  matins.  C'est  en  cette  manière  que  je  vends 
mes  herbes  et  onguents  ;  celui  qui  en  voudra  qu'il  en 
prenne,  et  celui  qui  n'en  voudra  pas  qu'il  les  laisse.  »  (Rute- 
beuf.)  Nous  avons  supprimé  à  dessein  les  quolibets  énormes 
et  les  obscénités  qui  agrémentent  ce  discours.  Enfin,  il  y 
avait  les  menestrandies,  véritables  bandes  organisées,  com- 
prenant des  poètes,  des  musiciens,  des  saltimbanques,  des 
farceurs,  des  chanteurs,  qui  faisaient  des  tournées  sur  tout 
le  territoire  et  à  l'étranger. 

Au  xve  siècle,  les  Bohémiens  font  une  apparition  sensa- 
tionnelle. En  1417,  on  les  avait  vus  dans  les  contrées  qui 
avoisinent  l'embouchure  de  l'Elbe  ;  ils  s'étaient  portés  vers 
la  Hanse  teutonique,  avaient  gagné  Hambourg,  Lubeck, 
Greifswald,  au  grand  émoi  des  populations  ;  en  1418,  on 
les  trouve  en  Saxe,  puis  en  Suisse;  en  1419,  une  horde 
surgit  en  Provence,  à  Sisteron,  en  1422,  une  autre  est  à 
Bologne  ;  enfin,  en  1427,  ils  se  présentent  sous  les  murs 
de  Paris.  Quand  ils  furent  à  La  Chapelle  «  on  ne  veit 
jamais  plus  grand  allée  de  gens  à  la  bénédiction  de  la  foire 
du  Landit  qu'il  n'en  alloit  de  Paris,  de  Saint-Denis  et  d'ail- 
leurs pour  les  veoir  ».  Et  voici  l'impression  qu'ils  pro- 
duisent :  «  Et  vray  est  que  le  plus  ou  presque  tous  avoient 
les  oreilles  percées,  et  en  chacune  oreille  un  annel  d'ar- 
gent ou  deux  en  chacune  et  disoient  que  c'estoit  gentillesse 
en  leur  pays.  Item  les  hommes  estoient  très  noirs,  les  che- 
veux crespez  ;  les  plus  laides  femmes  que  l'on  peut  voir 
et  les  plus  noires,  toutes  avoient  le  visage  déplayé,  cheveux 
noirs  comme  la  queue  d'un  cheval,  pour  toutes  robbes,  une 
vieille  flossoye,  très  grosse,  d'un  lien  de  drap  ou  de  corde, 
liée  sur  l'espaule,  et  dessus  un  pauvre  roguet  ou  chemise 
pour  paremens.  Bref,  c'estoient  les  plus  pauvres  créatures 
que  l'on  veit  oncques  venir  en  France  d'aage  d'homme  et, 
néanmoins  leur  pauvreté  en  la  compagnie  estoient  sorcières 
qui  regardoient  les  mains  des  gens  et  disoient  ce  qu'advenu 
leur  estoit  ou  à  l'advenir  et  meirent  contens  en  plusieurs 
mariages.  Car  elles  disoient,  ta  femme  t'a  fait  coup  ;  et 
qui  pis  estoit  en  parlant  aux  créatures  par  art  magique 
ou  autrement  par  l'ennemy  d'Enfer  ou  par  entreject  d'ha- 
bileté, faisoient  vider  les  bourses  aux  gens  et  les  mettoient 
en  leurs  bourses,  comme  on  disoit.  »  (Bourgeois  de  Paris,) 

On  sait  que  les  bohémiens  (V.  ce  mot),  sont  originaires 
de  l'Inde.  Ce  sont  les  forains  par  excellence.  Errants  et  va- 
gabonds, ils  ont  parcouru  toute  la  terre.  C'étaient  eux  les 
colporteurs  de  merveilleux  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure  ; 
c'étaient  eux  les  Kaulis  de  Perse,  les  Uxiens  d'Arménie,  les 
Massaliens  de  Thrace  et  de  Bulgarie,  les  Bogomiles,  les 
Egyptians,  les  Zingares  d'Italie,  les  Gypsies  d'Angleterre, 
les  Tsiganes,  les  Romes,les  Romanichels.  Une  légende,  qui 
ne  tient  pas  compte  des  charmes  de  la  vie  d'aventures  et  de 
la  volupté  de  l'indépendance  absolue,  en  fait  les  descen- 
dants de  l'inceste  d'un  frère  et  d'une  sœur,  condamnés  à 

49 


FORAIN 


—  770  — 


errer  sans  cesse  en  punition  du  crime  commis,  mais  .doués 
aussi  du  don  de  divination,  sans  doute  parce  qu'ils  ont 
atteint  la  science  parfaite  en  réalisant  l'hermaphrodisme. 
Depuis  lors,  il  n'est  point  de  fêtes  foraines  où  n'assistent 
les  bohémiens  ;  il  n'est  point  de  village  où  ils  n'aient  campé 
au  bord  d'une  route  dans  leurs  misérables  charrettes  grouil- 
lantes d'enfants  bruns  ;  maraudeurs  décidés,  ouvriers  ha- 
biles dans  le  travail  des  métaux,  surtout  dans  l'étamage, 
mais  flâneurs  incorrigibles  ;  préférant  à  tout  l'exécution  de 
leur  musique  originale  et  exubérante  et  les  danses  hiéra- 
tiques de  leurs  jeunes  filles  nues  sur  les  peaux  d'ours. 
Effroi  des  paysans  et  du  menu  peuple,  les  vieilles  bohé- 
miennes qui  se  transmettent  les  secrets  d'une  savante  chi- 
romancie disent  la  bonne  aventure,  prédisent  l'avenir, 
guérissent  les  bestiaux  malades,  découvrent  les  objets  volés, 
composent  des  remèdes  avec  des  simples,  vendent  des  * 
amulettes  faites  de  pâte  sans  levain  et  chargées  de  figures 
magiques,  des  pierres  pour  rendre  heureux  en  amour  et  au 
jeu,  font  sonner  l'heure  dans  un  verre.  Les  jeunes  dansent 
au  son  des  tambourins.  Malgré  les  ordonnances  royales  qui 
les  bannissent  et  les  menacent  des  galères,  les  bohémiens 
reviennent  sans  cesse  ;  c'est  un  genre  chez  les  élégants  de 
la  cour  de  Louis  XIII  d'aller  admirer  les  belles  Egyptiennes 
qui  dansent  sur  les  places  publiques  et  sur  le  parvis  Notre- 
Dame.  Ce  goût  raffiné  dure  jusqu'en  4653.  Gombaud  écrit 
en  l'honneur  de  la  fantasque  Liance  : 

C'est  la  belle  vagabonde 

Qui  n'est  ny  blanche,  ny  blonde, 

Qui  nous  va  tous  consumer, 

Qui  ne  vit  que  de  rapine, 

Qui  n'use  pour  nous  charmer 

Que  du  fard  de  Proserpine. 

Aux  xviie  et  xvme  siècles,  le  lieu  d'élection  des  fo- 
rains est  le  Pont-Neuf,  où  les  charlatans  de  tous  les  pays 
vendent  des  drogues,  des  baumes,  de  l'orviétan,  de  la  thé- 
riaque,  où  les  bateleurs  rivalisent  d'adresse  et  d'agilité,  où 
se  pressent  les  petits  marchands  ambulants  de  mercerie  et 
de  quincaillerie.  On  voit  d'extraordinaires  arracheurs  de 
dents  (spécialité  qui  tend  à  disparaître  aujourd'hui),  vêtus 
du  costume  rutilant  des  pandours  et  débitant,  à  cheval, 
des  fioles  de  dentrifrices .  D'autres,  coiffés  de  gigantesques 
panaches,  occupent  des  estrades  par  permission  de  M.  le 
lieutenant  de  police  ;  d'autres  possèdent  des  équipages  somp- 
tueux où,  juché  sur  la  capote,  un  orchestre  polonais  fait 
rage,  tandis  que  le  maître,  en  uniforme  brodé  d'or,  bran- 
dit un  grand  sabre  et  vante  avec  conviction  un  élixir  in- 
dispensable. Les  forains  peuplent  aussi  les  foires  Saint- 
Germain  et  Saint-Laurent  où  ils  exhibent  des  léopards,  des 
tigres,  des  lions,  des  ours,  des  géants;  l'un  d'eux,  génial, 
amène  en  4749  un  rhinocéros  qui  fait  courir  tout  Paris. 
Et,  avec  les  sauteurs,  les  bateleurs  et  les  devins  qui  sont 
éternels,  viennent  toujours  les  marchands  de  gâteaux,  de 
gaufres,  d'épices,  de  confitures,  d'orfèvrerie,  de  lingerie, 
de  mercerie,  leurs  frères  nomades.  Les  saltimbanques  par- 
ticipent à  toutes  les  fêtes.  Après  le  sacre  de  Louis  XV, 
parmi  les  divertissements  qui  lui  furent  offerts  à  Villers- 
Cotterets  figurait  une  foire  où  l'on  vit  un  bohème  attirer 
l'attention  du  roi  et  lui  expliquer  les  différentes  propriétés 
des  secrets  qu'il  possédait  et  dont  il  lui  remit  d'ailleurs  la 
liste.  A  partir  de  4764,  ils  trouvèrent  un  nouveau  champ 
d'exploitation  sur  la  place  Vendôme,  lors  de  l'ouverture 
de  la  foire  Saint-Ovide  qui  devint  notre  foire  au  pain 
d'épices. 

En  somme,  depuis  l'origine  jusqu'à  nos  jours,  les  forains 
n'ont  guère  varié  leurs  exercices,  et  c'est  toujours  la  même 
énumération  monotone  qu'il  nous  faut  reproduire,  comme 
si  la  foule  de  tous  les  temps  était  identique  et  s'amusait 
des  mêmes  spectacles  simples  et  enfantins. 

Et  cela  est  vrai  des  pays  les  plus  différents  comme  mœurs 
et  comme  climat.  Ainsi,  au  Japon  et  en  Chine,  on  retrouve 
tout  comme  en  Europe  les  hercules  qui  jonglent  avec  des 
balles  de  riz  au  lieu  de  poids,  ou  forment  des  pyramides 
humaines,  les  lutteurs,  les  jongleurs,  les  prestidigitateurs, 
les  équilibristes,  les  diseurs  de  bonne  aventure,  les  astro- 


nomes populaires,  comme  aussi  les  marchands  de  mort  aux 
rats,  de  beignets,  de  glaces  frites,  de  confiseries. 

C'est  toujours  l'attrait  de  l'inconnu  qui  nous  pousse,  le 
désir  de  contempler  une  chose  rare,  l'ambition  de  dérober 
au  destin  son  secret,  et  les  multiples  déconvenues  ne  nous 
découragent  point.  «  Enferme  20  pieds  carrés  d'un  rouleau 
de  toile  et  publie  seulement  que  tu  caches  une  merveille, 
tout  le  monde  la  voudra  voir.  »  (E.  Ourliac.)  C'est  sur  ce 
sentiment  bien  humain  que  spéculent  beaucoup  de  forains, 
et  ils  en  profitent  pour  ne  nous  rien  montrer.  Mais  d'autres 
sont  plus  consciencieux.  Vers  4840,  une  foraine  parfaite 
devait  posséder  tous  les  instruments,  trombone,  trompette, 
cor,  tambour,  violon,  clarinette,  caisse  roulante,  savoir 
exécuter  à  fond  les  exercices  de  voltige,  d'équilibre,  de 
ventriloquie,  de  physique  amusante,  être  assez  forte  pour 
enlever  un  cuirassier  par  les  dents,  avoir  six  doigts  àchaque 
pied,  des  ongles  en  griffes,  du  poil  plein  le  corps,  manger 
de  la  viande  crue  et  avaler  des  sabres.  Aujourd'hui,  on  se 
montre  moins  difficile  ;  on  ne  réclame  plus  il  est  vrai  de 
si  nombreux  talents,  mais  on  exige  des  spécialistes  extrê- 
mement distingués,  de  véritables  artistes. 

Les  grandes  foires  actuelles  (entre  autres  celles  de 
Neuilly,  la  foire  au  pain  d'épices,  celle  de  Troyes,  etc.) 
sont  toutes  composées  des  mêmes  spectacles,  à  de  très  rares 
exceptions  près.  On  y  distingue  d'abord  les  entresorts. 
Ce  sont  les  baraques  où  le  spectacle  est  permanent,  où  le 
public  ne  fait  qu'entrer  et  sortir  ;  par  exemple  :  les  mu- 
sées d'anatomie,  où  l'on  peut  considérer  des  monstres  plus 
ou  moins  authentiques,  des  spécimens  assez  peu  ragoûtants 
des  désordres  produits  par  les  principales  maladies,  des 
noyés  verdâtres,  et  toujours  — c'est  la  grande  attraction  — 
un  exposé  indiscret  des  mystères  de  la  génération  ;  —  les 
musées  d'horreurs  où  l'on  assiste  aux  supplices  les  plus 
cruels  et  les  plus  compliqués  :  les  victimes  de  cire  étalent 
avec  un  réalisme  outré  leurs  membres  torturés  et  leurs 
visages  angoissés  ;  et,  par  un  contraste  poétique,  sous  des 
vitrines  dorment  de  jolies  nymphes  dont  les  seins  demi-nus 
battent  rythmiquement  au  souffle  d'un  Cupidon  joufflu,  qui 
volète  et  darde  une  flèche  ;  tout  autour  sont  rangés,  dans 
une  pittoresque  promiscuité,  les  portraits  extraordinaire- 
ment  dissembîants  des  assassins  célèbres  et  des  hommes 
d'Etat  les  plus  honorables  ;  —  les  dioramas,  toujours  au 
courant  des  crimes  de  l'année,  des  explosions  et  catastro- 
phes sensationnelles;  — l'enfer  du  Dante;  —  le  musée  du 
Progrès  où  fonctionnent  mécaniquement  de  minuscules  re- 
productions des  exploitations  industrielles;  —  les  exhibi- 
tions de  nains  (le  général  Mite,  la  princesse  Paulina,Millie 
Edwards)  ;  quelques-uns  de  ces  petits  forains  ont  eu  une  vé- 
ritable célébrité,  le  général Tom  Pouce  entre  autres;  quel- 
ques-uns sont  morts  tragiquement, victimes  du  devoir, comme 
le  nain  Joseph,  dévoré  en  4882  par  des  chats,  déguisés  en 
tigres  au  moyen  d'une  savante  peinture,  qu'il  faisait  ma- 
nœuvrer dans  une  cage; — les  exhibitions  de  puces  savantes, 
de  phoques  parlants,  d'animaux  fantastiques,  de  prodiges 
de  toutes  sortes,  etc.,  etc.  Viennent  ensuite  les  fosses  mys- 
térieuses. Ce  sont  les  baraques,  en  général  de  petites  di- 
mensions, où  l'on  est  admis  à  contempler  des  femmes 
colosses  (elles  tendent  à  disparaître)  ;  de  jolies  filles  légè- 
rement vêtues  qui  s'appellent  presque  toutes  la  belle  Fat- 
mah  ;  des  danseuses  pseudo-orientales  ou  espagnoles  qui 
exécutent  la  danse  du  ventre  ou  le  tengo- mieux  que  les 
autochtones;  des  ondines  aux  cheveux  flottants  qui  nagent 
gracieusement  dans  un  aquarium  ;  des  femmes  torpilles, 
des  femmes-chiens,  des  femmes  à  quatre  jambes,  des  her- 
maphrodites, etc.  On  peut  compter  au  nombre  des  fosses 
mystérieuses  le  manoir  de  la  métamorphose,  où  grâce  à  des 
combinaisons  de  miroirs  et  des  variations  d'intensité  d'éclai- 
rage, on  voit  une  belle  romanichelle  se  transformer  en  un 
hideux  squelette,  qui  devient  à  son  tour  un  buisson  de  roses. 
C'est  un  des  plus  attrayants  spectacles  de  la  foire,  comme 
aussi  le  musée  des  tableaux  vivants  dont  les  sujets  ne  sont 
rien  moins  que  les  plus  charmants  modèles  des  grands  ate- 
liers de  peintres. 


Les  théâtres  sont,  avec  les  ménageries  et  les  cirques,  les 
établissements  forains  les  plus  considérables.  On  en  ren- 
contre de  trois  sortes  :  1°  les  théâtres  de  chant  qui  don- 
nent fort  abrégé  et  fort'  écorché  le  répertoire  le  plus  ordi- 
naire des  cafés-concerts  ;  2°  les  théâtres  à  grand  spectacle 
qui  jouent  le  drame,  la  comédie,  l'opérette;  quelques-uns 
(Marquetti,  Emile  Cocherie)  se  distinguent  par  un  grand 
luxe  ;  3°  les  théâtres  de  physique  amusante,  dont  le  prin- 
cipal (Delille)  donne  des  représentations  mêlées  d'inter- 
mèdes (clowns,  gymnasiarques,  danseuses,  tableaux 
vivants)  qui  soutiennent  la  comparaison  avec  celle  des 
théâtres  du  boulevard  et  fait  des  recettes  supérieures. 
Les  ménageries  (Bidel,  Pezon,  Nouma-Hawa,  etc.),  sont  des 
établissements  de  grand  rapport,  comme  aussi  certains 
cirques  —  celui  de  Corvi  entre  autres  —  qui  donne  des 
pantomimes  curieuses  dont  tous  les  acteurs  sont  des  ani- 
maux (chiens,  caniches,  poneys,  chèvres,  cochons).  Le 
spectacle  offert  par  ces  établissements  n'a  guère  changé 
depuis  l'antiquité,  sauf  en  ce  qui  concerne  les  arènes  où 
nous  ne  voyons  plus  que  des  lutteurs  bouffis  et  inélégants, 
bornant  leurs  exercices  à  des  pugilats  de  carrefour,  au  lieu 
des  athlètes  harmonieux  et  savants  delà  Grèce  (V.  Cirque). 
Avant  de  passer  aux  forains  indépendants,  ou  du  moins  ne 
rentrant  dans  aucune  des  catégories  que  nous  venons  de 
distinguer,  donnons  une  mention  spéciale  à  la  parade,  qui 
toujours  fleurit,  bien  que  les  excellents  bonisseurs  soient 
devenus  bien  rares.  La  parade  (V.  ce  mot)  est  pour  le 
grand  public  l'attrait  principal  de  la  foire,  le  seul  qui  ne 
cause  point  de  désillusions  :  c'est  l'apothéose  des  pitres 
faméliques,  des  mélancoliques  coureurs  de  grandes  routes, 
des  mornes  filles  brunes  et  crasseuses,  qui  apparaissent 
transfigurées  dans  l'éclat  de  leurs  maillots  de  couleur  vive, 
dans  la  blancheur  de  leurs  jupes  de  mousseline,  dans  les 
feux  de  leurs  parures  de  clinquant,  sous  les  rayons  éblouis- 
sants de  la  lumière  électrique  ou  du  soleil  des  beaux 
après-midi. 

Innombrable  est  l'armée  des  petits  forains.  Les  uns  sont 
des  marchands  nomades  :  pétrisseurs  de  guimauve,  confec- 
tionneurs de  crêpes  et  de  beignets  si  dorés  et  si  malodorants, 
commissionnaires  en  pain  d'épices  de  Dijon,  de  Reims  ou  de 
Paris,  fabricants  de  pommes  de  terre  frites,  confiseurs,  mar- 
chands d'articles  de  Paris,  glaciers,  pâtissiers,  photo- 
graphes, bouilleurs  de  thé  russe,  gaufriers,  merciers, 
bonnetiers,  quincailliers,  marchands  de  porcelaine,  de  balais, 
de  toile,  de  saucissons  et  tutti  quanti.  Les  autres  sont 
des  teneurs  de  jeux  :  carrousels  de  chevaux  de  bois, 
modestes  ou  d'un  luxe  effréné  (le  Palais  de  cristal,  avec  ses 
glaces,  ses  dorures,  ses  rampes  de  gaz,  ses  orchestres,  ses 
orgues  perfectionnés,  a  80  fr.  de  frais  par  jour  et  fait  sou- 
vent des  recettes  de  4,000  fr.),  billards,  loteries,  mail- 
loches (ce  sont  ces  têtes  burlesques  sur  lesquelles  on  frappe 
des  coups  de  maillet  pour  mesurer  sa  force),  vélocipèdes, 
montagnes  russes  simples  ou  compliquées,  massacres  des 
innocents,  balançoires,  ballons  tournants,  bateaux  à  vapeur 
qui  tournent  en  tanguant,  chemins  de  fer,  chevaux  hygié- 
niques, tirs  à  la  carabine,  à  l'arbalète,  aux  pigeons,  jeux 
de  couteaux,  de  palets,  d'anneaux,  de  bonnets  de  coton, 
de  boules,  bazars  tournants,  etc. 

D'autres,  les  humbles,  domptent  et  vendent  des  rats 
blancs,  dressent  des  oiseaux  qui  savent  faire  le  mort  et 
choisir  les  destinées  parmi  de  petits  papiers,  avalent 
des  sabres,  dansent  sur  la  corde,  fracassent  des  bâtons 
d'un  coup  de  dent,  absorbent  et  recrachent  des  cigares 
allumés,  jonglent  avec  des  poids,  lient  une  femme  sur  une 
chaise  jusqu'à  ce  qu'elle  blêmisse  et  provoque  parmi  les 
passants  une  admiration  apitoyée  qui  se  manifeste  par  une 
pluie  de  gros  sous,  présentent  en  de  misérables  cahutes 
des  phénomènes  :  veaux  à  tête  de  boule-dogue  et  à  queue 
d'ours,  rats  à  trompe,  poulets  apocalyptiques,  cochons 
monstrueux,  lapins  à  six  pattes,  cobayes  défigurés,  etc. 
Enfin,  répandues  çà  et  là  sur  le  champ  de  foire,  les  mys- 
térieuses somnambules,  élèves  de  Mlle  Lenormantou  héri- 
tières de  la  tradition  bohémienne,  dévoilent  les  destins  en 


—  774  —  FORAIN 

des  voitures  proprettes  meublées  d'un  lit  d'acajou  recouvert 
de  la  classique  courte-pointe. 

Il  existe  entre  tous  ces  forains  des  distinctions  assez  dif- 
ficilement saisissables  pour  le  profane.  La  tribu  des  sal- 
timbanques s'appelle  la  banque.  Elle  est  composée  d'indi- 
vidus de  toutes  les  nations  ;  les  romanichels  y  dominent, 
les  Français  n'y  entrent  que  dans  la  proportion  de  5  °/0. 
La  banque  comprend  les  grands  banquistes  et  les  petits 
banquistes.  Parmi  les  grands,  on  peut  citer  Barnum(N.  ce 
nom),  Bidel,  Pezon,  Cocherie, Marquetti, Delille, Corvi,  etc. 
La  banque  riche  a  de  somptueuses  voitures  formant  salon, 
salle  à  manger,  chambres  à  coucher,  et  possède  même  des 
immeubles.  On  peut  ranger  dans  cette  catégorie  les  artistes  : 
écuyerset  écuyères  de  panneau,  gymnastes  célèbres,  clowns 
(les  Hanlon-Lees,  les  Hanlon-Volta,  les  Cragg),  les  tireurs 
habiles,  les  dresseurs  d'éléphants,  etc.,  qui  attirent  la  foule 
dans  les  grands  cirques  des  deux  mondes,  car  ce  sont  essen- 
tiellement des  nomades  :  presque  tous  ont  fait  le  tour  de 
la  terre,  et  quelques-uns  ont  donné  des  représentations  en 
Chine.  Les  forains  proprement  dits  sont  les  marchands  et 
les  tenanciers  de  jeux. 

Banquistes  et  forains  ont  des  journaux  spéciaux  qui  leur 
permettent,  en  quelque  lieu  qu'ils  se  trouvent,  de  demeu- 
rer en  relation  soit  avec  les  directeurs  de  spectacles,  soit 
avec  leurs  camarades.  Ce  sont  :  The  Era,  fondé  à  Londres 
en  1837,  indicateur  d'adresses,  de  24  pages  à  6  colonnes  ; 
The  ]Sew  York  Mirror,  qui  donne  les  mêmes  indications 
et  des  portraits  d'artistes  ;  Die  Revue,  créée  à  Berlin  en 
4885  ;  Der  Artist,  créé  à  Dusseldorf  en  4882,  qui  four- 
nissent des  adresses,  des  réclames,  des  notices  biographi- 
ques, des  nécrologies,  des  récits  d'accidents,  etc.  ;  le  Voya- 
geur forain,  fondé  à  Paris  en  4882,  bi-mensuel,  organe 
de  la  chambre  syndicale  des  voyageurs  forains,  c.-à-d.  de 
la  petite  banque;  Y  Union  mutuelle,  créée  en  4887,  jour- 
nal officiel  de  tous  les  industriels  et  artistes  forains,  organe 
de  la  grande  banque,  indiquant  toutes  les  foires  du  mois, 
avec  des  remarques  fort  pratiques  sur  les  chances  des  ventes 
et  les  inconvénients  des  déplacements  inutiles.  De  plus, 
les  grandes  villes  du  monde  ont  leurs  agents  de  banquistes, 
qui  perçoivent  généralement  4  0°/o  sur  tous  les  engagements 
qu'ils  procurent.  Un  écuyer  de  cirque  est  payé  en  moyenne 
2,000  fr.  par  mois,  une  bonne  écuyère  de  panneau  2,000  fr. 
également,  un  clown 4,500  fr.  par  mois,  une  famille  d'acro- 
bates de  3  à  4,000  fr.,  un  artiste  extraordinaire  de  700  à 
7,000  fr.  et  jusqu'à  4  5,000  fr.  et  plus  par  mois.  Les  forains 
sont  régis  par  les  lois,  règlements  et  ordonnances  de  police, 
sur  les  marchés,  halles  et  foires  (V.  Marché).      R.  S. 

II.  Administration.  —  L'autorité  municipale,  chargée 
du  maintien  du  bon  ordre  dans  les  lieux  publics,  peut 
prendre  toutes  les  mesures  qu'elle  juge  nécessaires  relative- 
ment à  l'arrivée,  au  séjour  et  à  ia  vente  des  marchands 
forains  sur  les  marchés  et  dans  les  rues.  C'est  ainsi  que  le 
maire  d'une  commune  a  le  droit  de  déterminer  le  lieu  et  le 
jour  où  les  marchands  forains  pourront  y  vendre  leur  mar- 
chandise (Cass.,  30  juil.  4829),  de  défendre  aux  boulan- 
gers forains  d'offrir  leur  pain  ailleurs  qu'au  marché  et  de 
le  porter  dans  les  rues,  de  les  contraindre  à  avoir  des 
échoppes  dressées  dans  la  commune  où  ils  viennent  vendre 
(Cass.,  26  vendémiaire  an  XIII,  41  juin  1830,  22  juin 
1832).  La  police  exerce,  en  outre,  un  droit  de  surveillance 
sur  les  forains  :  elle  peut  exiger  la  représentation  de  leur 
patente,  examiner  leurs  poids  et  mesures  et  vérifier  la  na- 
ture et  la  qualité  des  objets  qu'ils  vendent.  —  On  entend 
aussi  par  forain  celui  qui  n'habite  pas  la  commune  dans 
laquelle  il  a  des  propriétés  et  qui  participe  à  ses  charges.  Il 
peut  être  inscrit  sur  la  liste  électorale  de  cette  commune  ; 
il  y  est  même  éligible  avec  une  restriction,  toutefois  (V.  lois 
des  40  août  4874,  art.  6  et  47  et  5  avr.  4884,  art.  44, 
34  et  49).  —  On  donne,  enfin,  le  nom  de  débiteur  forain  à 
celui  qui  n'a  ni  domicile ,  ni  résidence  dans  la  commune  qu'ha- 
bite son  créancier.  Il  peut  y  avoir  momentanément  des  effets. 
Dans  ce  cas,  le  créancier,  même  sans  titre,  peut,  sans 
commandement  préalable ,  mais  avec    la  permission  du 


FORAIN  —  FORAMINIFÈRES 


—  772  — 


président  du  tribunal  de  première  instance  et  même  du 
juge  de  paix,  faire  saisir  les  effets  trouvés  en  la  com- 
mune qu'il  habite,  appartenant  à  son  débiteur  forain 
(C.  de  procéd.  civ.,  art.  822).  C'est  ce  qui  constitue  la 
saisie  foraine. 

[IL  Instruction  publique.  —  Elève  forain  (V.  Elève). 
Bibl.  :  Mœurs  et  coutumes.  —  A.  Vaillant,  lesRomes, 
histoire  vraiedes  vrais  bohémiens;  Paris,  1857,  in-8. —  Cam- 
pardon,  les  Sjoectacles  de  la  foire  ;  Paris,  1877,  2  vol.  gr. 
in-8.—  Escudier,  les  Saltimbanques  ;  Paris,  1874,  gr.  in-8. 
—  Fournel,  les  Rues  du  vieux  Paris,  1879,  gr.  in-8.—  H.  Le 
Roux,  les  Jeux  du  cirque  et  la,  Vie  foraine  ;  Paris,  1889,  in-4. 

FORAIN  (Jean-Louis),  caricaturiste  français  contempo- 
rain, né  à  Reims  en  1852.  Cet  artiste,  qui  a  conquis  de- 
puis une  demi-douzaine  d'années  une  grande  réputation, 
n'eut  pas  de  maître  ;  il  reçut  quelques  conseils  de  Car- 
peaux  et  étudia  longtemps  au  Louvre.  Mais  malgré  son 
admiration  pour  les  maîtres  primitifs  et  spécialement  pour 
l'école  de  Sienne,  les  mœurs  et  les  types  du  jour,  les  faits 
et  gestes  de  la  bourgeoisie  prudhommesque,  du  monde  et 
du  demi-monde,  hypocrite  ou  cynique,  ne  tardèrent  pas  à 
absorber  presque  complètement  son  crayon  ;  les  «  repus  » 
les  «  satisfaits  »  et  les  «  ventres  »  ont  trouvé  en  lui  un 
illustrateur  impitoyable  dans  sa  satire,  d'un  réalisme  amer 
et  désenchanté.  On  l'a  déjà  comparé  à  Daumier,  mais, 
comme  son  crayon  est  plus  léger,  plus  réellement  obser- 
vateur, sa  verve  caricaturale  porte  aussi  plus  directement 
sur  l'actualité  politique  et  sociale  que  celle  de  l'artiste  de 
Valmondois.  Le  Courrier  français,  le  Journal  amusant, 
le  Figaro  et  quantité  d'autres  publications  moins  impor- 
tantes contiennent  journellement  des  dessins  de  J.-L. 
Forain.  Ad.  Thiers. 

FORAMINIFÈRES.  I. Zoologie.  —  Ordre  très  important 
de  l'embranchement  des  Protozoaires,  classe  des  Rhizopodes, 
caractérisé  par  l'existence  d'un  «  test  percé  d'une  grande 
ouverture  ou  de  nombreux  pores,  pour  le  passage  des  pseu- 
dopodes ».  La  ressemblance  du  test  de  beaucoup  de 
Foraminifères  avec  les  coquilles  des  Nautiles,  formées  aussi 
de  loges  superposées,  avait  fait  croire  d'abord  qu'ils 
étaient  produits  par  des  animaux  analogues,  mais  extrê- 
mement petits  ;  aussi  furent-ils  considérés  comme  des 
Mollusques  Céphalopodes  et  comme  des  Nautiles  micros- 
copiques et  dégradés,  mais  la  découverte  et  l'étude  d'es- 
pèces vivantes  fit  bientôt  voir  qu'il  s'agissait  d'êtres  infi- 
niment plus  simples  en  organisation  et  qu'on  ne  pouvait 
classer  ailleurs  que  parmi  les  Protozoaires.  Le  corps  de 
ces  animaux  est  formé  d'un  protoplasme  homogène,  sans 
enveloppe  cellulaire,  sans  vésicule  contractile  d'ordinaire, 
pourvu  d'un  noyau  ;  le  test  qui  l'entoure  est  ordinairement 
calcaire,  mais  il  peut  être  chitineux  ou  arénacé.  Tantôt  la 
coquille  forme  une  seule  chambre  (Monothalames),  ou  bien 
elle  présente  une  série  de  cavités  semblables,  diversement 
situées  les  unes  à  l'égard  des  autres,  qui  communiquent  entre 
elles  par  des  pores  percés  dans  les  cloisons  de  séparation 
(Polythalames)  ;  dans  tous  les  cas,  la  coquille  commence  par 
présenter  une  seule  cavité,  et  l'augmentation  progressive  des 
loges  est  une  conséquence  de  son  accroissement.  La  coquille 
des  Foraminifères  présente  la  plus  grande  variété  de  formes  ; 
le  plus  souvent,  elles  sont  de  dimensions  microscopiques, 
mais,  dans  les  terrains  anciens,  setrouvent  des  Foraminifères 
de  taille  considérable,  qui  atteignent  jusqu'à  6  centim.  de  dia- 
mètre ;  —  c'est  la  dimension  que  présente,  de  nos  jours,  le 
Cycloclypeus  de  la  mer  des  îles  de  la  Sonde  ;  de  même,  les 
coquilles,  calcaires  pour  la  plupart,  varient  par  leur  texture  ; 
elles  peuvent  être  blanches  et  opaques,  compactes  comme  de 
la  porcelaine,  ou  hyalines  et  traversées  d'innombrables  pores 
perpendiculaires  à  leur  surface  ;  enfin,  chez  les  types  les 
plus  élevés,  il  se  forme  des  dépôts  calcaires  homogènes 
(in  ter  squelette),  à  la  surface  de  la  coquille  ou  dans  son 
épaisseur,  en  différents  points.  Les  coquilles  arénacées 
commencent  par  être  formées  d'une  membrane  chitineuse 
qui  agglutine  de  petits  grains  de  quartz  et  des  corps  variés 
(coccolithes ,  débris  de  Foraminifères  et  de  Mollusques, 
spicules  d'Epongés,   etc.)  ;  on  trouve  d'ailleurs  tous  les 


passages  entre  les  coquilles  calcaires  normales  et  les  coquilles 
entièrement  arénacées. 

Les  portions  de  protoplasme  comprises  dans  les  diffé- 
rentes loges  d'un  individu  restent  en  communication  entre 
elles  par  les  canaux  des  cloisons  :  c'est,  pour  ainsi  dire, 
une  même  masse,  sans  discontinuité  de  substance,  qui 
remplit  la  carapace  :  le  protoplasme  émet,  par  les  pores  de 
la  coquille,  des  prolongements  (pseudopodes)  dont  la  forme 
est  très  variable,  qui  peuvent  revêtir  entièrement  la  cara- 
pace d'une  couche  continue  au  dehors  et  qui  présentent 
toutes  les  transitions,  depuis  la  forme  d'appendices  lobés 
jusqu'à  celle  de  prolongements  très  grêles,  réunis  en  réseaux 
délicats  ou  disposés  comme  des  rayons  sans  connexions 
entre  eux.  —  La  reproduction  de  ces  animaux  et  les  phé- 
nomènes du  développement  de  leur  coquille  sont  encore 
très  imparfaitement  connus  ;  il  en  est  de  même  de  la  valeur 
des  différences  spécifiques  et  génériques  dans  beaucoup  de 
cas  ;  on  peut  dire  même  que,  sur  tous  ces  points,  l'his- 
toire de  peu  d'animaux  présente  autant  d'obscurité.  Les 
Foraminifères  sont  marins  ou  habitent  l'eau  saumâtre  pour 
la  plupart  ;  quelques-uns  habitent  l'eau  douce.  Ils  vivent 
partout  réunis  en  grande  quantité;  aussi  trouve-t-on,  en 
certains  points  des  côtes,  leurs  carapaces  accumulées  après 
la  mort  en  nombre  incalculable.  Max  Schulze,  c'est  là  un 
exemple  classique,  a  évalué  à  50,000  le  nombre  de  coquilles 
de  Foraminifères  que  l'on  peut  compter  dans  un  gramme 
de  sable  pris  au  môle  de  Gaëte.  R.  Moniez. 

IL  Paléontologie.  —  Les  Foraminifères  étaient  aussi 
abondants  dans  les  anciennes  mers  que  dans  les  océans  de 
l'époque  actuelle.  Sur  plus  de  2,000  espèces  décrites,  les 
deux  tiers  environ  sont  éteintes.  On  sait  que  l'on  trouve 
des  passages  entre  les  formes  les  plus  diverses,  de  telle 
sorte  que  ces  chiffres  ne  sont  qu'approximatifs,  le  genre 
ayant  ici  à  peu  près  la  même  valeur  que  l'espèce  dans  les 
classes  plus  élevées.  De  là,  des  divergences  considérables 
dans  la  nomenclature  suivant  les  auteurs.  Les  plus  anciens 
Foraminifères  que  l'on  connaisse  datent  du  silurien  et 
forment  la  famille  des  Receptaculidœ  que  l'on  ne  réunit 
qu'avec  doute  à  cet  ordre  ;  mais  dans  le  calcaire  carboni- 
fère on  trouve  des  bancs  entiers  de  Fusulina  qui  appar- 
tiennent incontestablement  aux  Perforata.  Les  formes  à 
coquille  siliceuse  prédominent  à  cette  époque  :  les  genres 
Lituola,  Lagena,  etc.,  encore  vivants,  sont  représentés. 
Les  Globigérines  apparaissent  et  forment  presque  en  entier 
le  calcaire  en  plaquette  de  l'infralias  de  l'Echernthal. 
Le  lias  de  Lorraine  est  également  riche  en  Foraminifères, 
ainsi  que  l'oolithe  de  la  même  région  ;  les  Lagenidœ  sont 
très  abondants;  les  Orbitulites  et  Nummulites  appa- 
raissent dans  le  jurassique.  Dans  le  crétacé,  ce  sont  les 
Rotalines  et  les  Globigerinidœ;  puis  le  genre  Orbitolina 
qui  prennent  de  l'importance,  ce  dernier  surtout  dans  l'ap- 
tien,  le  cénomanien  et  même  le  turonien.  Les  Miliolides 
(Imperforata)  abondent  dans  la  craie  blanche  et  se  con- 
tinuent dans  le  tertiaire  où  elles  prédominent  bientôt  avec 
les  Alvêolines  (dans  l'éocène).  Parmi  les  Perforata,  ce 
sont  les  Orbitoïdes  et  surtout  les  Nummulites  qui  prennent 
alors  une  grande  extension,  pour  diminuer  ou  disparaître 
dans  le  pliocène  où  les  Amphistegina  les  remplacent  : 
les  Textularidœ  siliceuses  sont  aussi  nombreuses  que  dans 
le  crétacé,  et  la  faune  de  nos  mers  actuelles  fait  son  appa- 
rition. —  Lituola,  Lagena,  Dentalina,  Textularia,  Val- 
vulina,  Pulvilunila,  etc.,  peuvent  être  cités  comme  da- 
tant du  paléozoïque  et  vivant  encore.  Les  Fusulinidœ,  au 
contraire,  n'ont  pas  dépassé  le  dyas,  les  Parkeridœ,  l'éo- 
cène. A  part  Fusulinella  (carbonifère),  toutes  les  Pene- 
roplidœ  sont  néozoïques  ;  Orbitolina  est  mézosoïque  et  les 
Nummulitidœ  ont  eu  leur  plus  grand  développement  dans 
l'éocène. —  Bien  qu'on  ne  connaisse  pas  les  parties  molles  des 
Foraminifères  fossiles,  on  peut  admettre  que  c'est  la  famille 
des  Nummulites  qui  est  la  plus  élevée  en  organisation  parmi 
les  Perforata  dont  les  Lagenidœ  sont  le  type  le  plus 
simple.  Lès  Imperforata  forment  une  série  inférieure, 
mais  parallèle  à  la  précédente,  dont  les  Cornuspiridœ 


—  773  — 


FORAMINIFÈRES  —  FORBES 


monoloculaires  peuvent  être  cités  comme  une  des  formes 
primitives  (V.  Coccolithe).  E.  Trouessârt. 

FORANT  (Job),  marin  français,  né  à  La  Tremblade  (Cha- 
rente-Inférieure) en  1630,  mort  à  Brest  en  août  1692.  Il 
se  distingua  de  bonne  heure,  en  1641  ;  près  de  l'embou- 
chure du  rio  de  la  Plata,  en  1658,  il  attaqua  quatre  bâti- 
ments espagnols  et  s'empara  de  l'un  d'eux  ;  il  battait 
(1664)  cinq  navires  turcs  sur  les  côtes  du  Portugal.  Ca- 
pitaine de  vaisseau  en  1665,  il  passa  les  deux  années  sui- 
vantes en  Hollande,  occupé  à  surveiller,  pour  le  compte  de 
Louis  XIV,  la  construction  de  six  vaisseaux.  Dans  la  bataille 
navale  du  7  juin  1673  en  vue  de  l'île  Walcheren,  sous 
le  comte  d'Estrées,  il  eut  la  gloire  de  se  mesurer  avec  le 
grand  Ruyter.  Il  se  distingua  encore  sous  Château-Renault 
contre  les  Espagnols,  en  faisant  de  nombreuses  prises,  et 
il  assistait  à  l'action  de  Rantry  (mai  1689).  Il  devint  chef 
d'escadre  et  il  fut  même  anobli.  Il  était  issu  d'une  famille 
de  marins  protestants  originaire  de  l'île  de  Ré. — Son  père, 
Jacques,  mort  en  1649,  sous  lequel  il  servit  dans  son 
adolescence,  fut  amiral  de  Venise  et  de  la  flotte  rochelaise. 
Son  aïeul,  nommé  aussi  Job,  périt  victime  de  son  dévoue- 
ment, à  la  façon  d'un  d'Assas,  après  la  défaite  de  Soubise 
à  Riez  (16%%).  La  famille  de  Chasseloup-Laubat  devint 
alliée  aux  Forant  parla  femme  de  Job.  Ch.  Del. 

BibL.  :  Levot  et  Doneaud,  les  Gloires  maritimes  de  la 
France  ;  Paris,  1866. —  L.  de  Rïchemond,  les  Marins  roche- 
laiSi  1870.  —  L.  Delavaud,  Job  Forant,  dans  l'Avenir  de 
la  Ghar.-Inf.,  de  1881. —  Lételié^  Fénelon  en  Saintonge..., 
dans  Arch.  histor.  de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis,  1885, 
t.  XIII.  —  Archiv.  précéd.,  t.  XI  et XVI.  —Bull,  de  la  Soc. 
de  ces  archives,  1884,  1885,  1887-89. 

FORBACH  (Furpac,  xe  siècle  ;  Forbacum,  1015). 
Ch.-l.  d'arr*  de  la  Lorraine  allemande,  sur  un  affluent  de 
la  Rosselle  et  le  chem.  de  fer  de  Metz  à  Sarrebrïick  ; 
9,575  hab.  (y  compris  une  garnison  de  1,309  h.).  Fa- 
briques de  tabatières  et  d'articles  en  papier  mâché,  de  cartes 
à  jouer,  de  dragées  et  de  colle  forte;  verreries  à  vitres  et 
à  bouteilles,  tanneries,  huileries,  imprimerie  qui  publie  la 
Forbacher  Zeitung,  commerce  de  bois  ;  dans  le  voisi- 
nage, plusieurs  mines  de  houille  ;  école  réale,  collège  de 
jeunes  filles  (hôhere  Tôchterschule) ,  hospice,  église  de 
1686,  temple  protestant,  château  des  comtes  de  Forbach 
en  style  Renaissance  ;  sur  le  Kreuzberg,  chapelle  de  957. 
—  La  ville  de  Forbach,  autrefois  fortifiée,  doit  son  origine 
au  château  féodal  du  Schlossberg,  assis  sur  les  fondements 
d'un  temple  romain  et  détruit  sous  Louis  XIV.  Après  le 
démembrement  de  l'empire  de  Charlemagne,  Forbach  était 
Tune  des  principales  châtellenies  du  Westrich.  Pendant 
longtemps  fief  des  ducs  de  Lorraine,  cette  seigneurie,  éri- 
gée en  comté  en  1717,  fut  accordée  en  1757,  avec  le  titre 
de  comtesse  de  Forbach,  à  la  comédienne  française  Marie- 
Anne  Camasse,  épouse  morganatique  du  duc  Christian  IV 
de  Deux-Ponts,  qui  la  garda  jusqu'en  1792.  Patrie  du 
général  Houchard,  exécuté  en  1792.  Forbach  portait  à'ar- 
gents  au  lion  de  sable  armé  et  lampassé  de  gueules. 
Le  6  août  1870,  Forbach  tomba  au  pouvoir  des  Prussiens 
après  une  lutte  sanglante  contre  le  2e  corps  de  l'armée  du 
Rhin  commandé  par  le  général  Frossard  qui  dut  se  retirer 
sous  Metz. 

Bibl.  :  E.  d'Huart,  Notice  sur  le  comté  de  Forbach, 
dans  Mém.  de  VAcad.  de  Metz,  XXIII,  112-130. 

FORBERG  (Friedrich-Karl),  philosophe  allemand,  né  à 
Meuselwitz,  près  d'Altenbourg,  en  1770,  mort  à  Hild- 
burghausen  en  1848.  Privat-docent  (1792),  puis  professeur 
adjoint  de  philosophie  (1793)  à  l'université  d'Iéna,  il  s'at- 
tacha d'abord,  à  la  suite  de  Reinhold,  aux  idées  kantiennes 
et  c'est  sous  cette  influence  qu'il  écrivit  sa  dissertation 
inaugurale  De  JEsthetica  transcendentali  (Iéna,  1792, 
in-8)  et  divers  écrits:  Ueb.  die  Grûnde  und  Gesetze  freier 
Handlungen  (id.,  1795);  Fragmente  (id.,  1795); 
Klatschroten  (id.,  1797)  et  de  nombreux  articles  qui 
parurent  dans  les  Beitrâge  de  Fùlleborn  (Zullichan  et 
Freystadt,  1796-99),  dans  le  Phil.  Journal  de  Niethammer 
(1796)  et  dans  lePsych.  Magazin  deSchmid(1796).  Mais 
peu  à  peu  il  se  laissa  séduire  par  la  philosophie  de  Fichte 


et  écrivit  dans  le  journal  publié  par  Fichte  et  Niethammer 
une  série  de  «  lettres  »  sur  la  nouvelle  philosophie  et  un 
article,  Entwickelung  des  Begriffs  der  Religion,  dont 
Fichte  écrivit  la  préface,  Ueb.  den  Grund  unseres  Glau- 
bens  an  eine  gôttliche  Weltordnung  et  qui  valut  aux 
deux  philosophes  une  accusation  d'athéisme.  Forberg  ne 
reconnaissait  à  la  religion  d'autre  fondement  que  le  désir 
éprouvé  par  tout  honnête  homme  de  voir  triompher  dans 
le  monde  le  bien  sur  le  mal  ;  il  établissait  que  la  croyance 
à  un  ordre  moral  de  l'univers  était  indépendante  de  la 
croyance  à  l'existence  d'un  Dieu  que  ne  découvrent  ni  l'ex- 
périence ni  la  spéculation.  Il  se  défendit  contre  l'accusa- 
tion d'athéisme  dans  son  Apologie  seines  angeblichen 
Atheismus  (Gotha,  1799,  in-8).  Mais  il  se  retira  bientôt 
de  la  scène  philosophique;  il  devint,  en  1802,  archiviste 
et,  en  1806,  conseiller  ordinaire  de  la  chancellerie  de  Co- 
bourg,  enfin,  en  1807,  conservateur  de  la  bibliothèque  de 
cette  ville  et  se  consacra  entièrement  à  ces  fonctions. 

FORBES  (William),  évêque  d'Edimbourg,  né  à  Aber- 
deen  en  1585,  mort  le  12  avr.  1634.  Professeur  de  logique 
au  Marischal  Collège,  il  vint,  en  1606,  poursuivre  ses 
études  dans  les  universités  de  Pologne,  d'Allemagne  et  de 
Hollande.  Il  s'y  lia  avec  les  savants  du  temps,  entre  autres 
Grotius,  Scaliger,  Vossius.  De  retour  en  Ecosse,  il  entra 
dans  les  ordres,  devint  ministre  à  Aberdeen  en  1616,  à 
Edimbourg  en  1621.  Il  soutint  les  articles  de  Perth  avec 
un  zèle  exagéré  et  souleva  un  tel  mécontentement  en  vou- 
lant rapprocher  les  doctrines  de  la  Réforme  de  celles  de 
l'Eglise  romaine  qu'il  dut  démissionner  et  reprendre  son 
ancien  siège  d' Aberdeen.  En  1633,  il  prêcha  à  Holyrood 
devant  Charles  Ier,  gagna  ainsi  la  faveur  du  roi  quf  créa 
en  sa  faveur  l'épiscopat  d'Edimbourg  (févr.  1634).  Forbes, 
doué  d'une  remarquable  intelligence  et  fort  érudit,  avait 
excité  la  haine  des  presbytériens  par  ses  tendances  catho- 
liques. Il  a  écrit  :  Considerationes  modestœ  et  pacificœ 
controversiarum,  etc.  (1658,  plus,  éd.)  ;  Animadver- 
sions  on  the  works  of  Bellarmine,  dont  le  manuscrit  a 
été  perdu.  R.  S. 

FORBES  (John),  théologien  anglais,  né  en  1593  & 
Aberdeen,  où  son  père  était  évêque,  mort  en  1648.  Il 
commença  ses  études  dans  sa  ville  natale  et  les  compléta 
à  Heidelberg.  A  son  retour  en  Ecosse,  il  entra  à  l'uni- 
versité d' Aberdeen  en  qualité  de  professeur  de  théologie  de 
King's  Collège.  En  1629,  il  publia  son  premier  ouvrage, 
Irenicon  pro  ecclesiâ  scotianâ,  tentative  de  conciliation 
entre  les  presbytériens  et  les  partisans  de  l'Eglise  angli- 
cane. Mais,  ces  derniers  ayant  voulu  introduire  dans  les 
Eglises  d'Ecosse  la  nouvelle  liturgie  établie  par  Laud, 
Forbes  fut  expulsé  de  sa  chaire  par  les  covenantaires 
(1640).  Il  se  réfugia  en  Hollande,  où  il  continua  à  se  li- 
vrer à  l'étude  et  fit  paraître  son  principal  ouvrage,  Insti- 
tutiones  historice-theologicœ  (1645). 

FORBES  (Sir  Arthur),  premier  comte  de  Granard,  né 
en  1623,  mort  au  château  de  Forbes  (comté  d'Aberdeen) 
en  1696.  Son  père  ayant  été  tué  en  duel  en  1632,  il  se 
trouva,  à  peine  âgé  de  dix-huit  ans,  obligé  de  défendre  son 
château  de  Forbes,  au  moment  de  la  révolte  de  l'Irlande 
(1641)  et  d'y  soutenir  un  siège  qui  dura  neuf  mois.  Il 
servit  ensuite  en  Ecosse  où  il  soutint  la  cause  de  Charles  Ier. 
Fait  prisonnier  en  1645,  il  fut  interné  à  Edimbourg.  Remis 
en  liberté,  il  demeura  fidèle  aux  Stuarts.  A  la  Restaura- 
tion, il  fut  nommé  commissaire  de  la  cour  des  requêtes 
d'Irlande,  représenta  au  Parlement  de  1661  le  bourg  de 
Mullingar,  entra  au  conseil  privé  d'Irlande  en  1670,  fut 
créé  la  même  année  maréchal  et  commandant  en  chef  de 
l'armée  et  devint  lord  justice  en  1671 .  Il  rendit  de  grands 
services  à  l'Eglise  presbytérienne  d'Irlande  dont  il  était 
membre.  En  1675,  il  reçut  le  titre  de  baron  Clanehugh  et 
vicomte  Granard  ;  en  1684,  il  leva  un  régiment  de  ligne 
et  fut  promu  comte  Granard.  Jacques  II  lui  enleva  le  com- 
mandement de  l'armée,  parce  qu'il  refusa  de  s'employer  en 
faveur  des  catholiques.  Furieux,  les  Irlandais  l'assiégèrent 
dans  son  château,  mais  sans  succès.  A  l'avènement  de 


FORBES 


—  774  — 


Guillaume,  il  recouvra  toute  sa  faveur.  Mis  à  la  tête  d'une 
armée  de  5,000  hommes,  il  assiégea  et  prit  Sligo.  Il  de- 
meura ensuite  dans  la  vie  privée. 

George  Forbes,  petit-fils  du  précédent,  troisième  comte 
de  Granard,  né  en  4685,  mort  en  1765,  entra  jeune  dans 
la  marine,  servit  à  Gibraltar,  assista  à  la  bataille  de  Ma- 
laga,  fit  la  croisière  dans  la  Manche,  prit  part  au  siège 
d'Ostende  (4706),  servit  ensuite  aux  Indes,  puis  en  Espagne, 
fut  blessé  à  la  bataille  de  Yillaviciosa  (1710).  Après  la 
paix  d'Utrecht,  il  commanda  une  escadre  dans  la  Méditer- 
ranée, fut  nommé,  en  1717,  gouverneur  de  Saint-Philippe 
à  Minorque.  En  1719,  il  fut  chargé  d'une  mission  à  Vienne  ; 
en  1726-27,  il  défendit  Gibraltar  contre  l'Espagne,  devint, 
en  1729,  gouverneur  des  îles  Sous-le-Vent  et,  en  1730, 
proposa  sans  succès  au  gouvernement  d'établir  au  lac  Erié 
une  colonie  pour  entraver  le  développement  du  Canada. 
Envoyé  extraordinaire  et  ministre  plénipotentiaire  près  la 
tsarine  Anne  en  1733,  il  conclut  un  traité  de  commerce 
avec  la  Russie.  Il  fut  promu  amiral  en  1734.  Il  avait 
représenté  Queensborough  à  la  Chambre  des  communes, 
avant  1727,  avait  siégé  ensuite  à  la  Chambre  des  pairs 
d'Irlande.  Il  joua  encore  un  certain  rôle  politique  comme 
député  d'Ayr  aux  Communes  en  1741  et  avait  été  nommé 
membre  de  la  commission  d'enquête  sur  les  agissements 
de  Robert  Walpole. 

John,  fils  du  précédent,  né  à  Minorque  en  1714,  mort 
le  10  mars  1796,  entra  aussi  dans  la  marine.  Il  servit  aux 
Indes,  à  Port-Mahon,  prit  part  à  Faction  contre  Toulon 
(4744),  figura  comme  témoin  dans  le  procès  de  l'amiral 
Lestock  (1746)  et  promu  contre-amiral  en  1747,  fut  nommé 
commandant  en  chef  dans  la  Méditerranée  en  1749.  L'état 
de  sa  santé  le  contraignit  à  refuser  le  gouvernement  de 
New  York  (1754).  Incapable  de  prendre  la  mer  au  début 
de  la  guerre  contre  la  France  (1755),  il  siégea  à  l'ami- 
rauté (1756-1763)  qu'il  quitta  un  moment  à  la  suite  de 
son  refus  d'autoriser  les  poursuites  contre  l'amiral  Byng 
(V.  ce  nom).  Il  fut  promu  amiral  en  1781.  Il  avait  repré- 
senté le  bourg  de  Saint-Johnstown  au  Parlement  irlandais 
en  1751,  et  Mullingar  en  1764. 

George,  sixième  comte  de  Granard,  petit-fils  du  troi- 
sième comte  (V.  ci-dessus),  né  le  14  juin  1760,  mort  à 
Paris  le  9  juin  1837,  voyagea  fort  longtemps  sur  le  conti- 
nent, résidant  de  préférence  à  Vienne  et  à  Paris.  Revenu 
en  Angleterre,  il  s'occupa  de  politique  et  soutint  les  leaders 
du  parti  libéral  irlandais  :  Grattan,  Curran,  Charlemont. 
Lieutenant-colonel  en  1794,  il  se  distingua  à  la  bataille  de 
Castelbar  (1798)  et  à  celle  de  Ballinamuck.  Il  fut  un  des 
adversaires  les  plus  acharnés  de  l'union  de  l'Irlande  avec 
l'Angleterre  et  perdit  son  siège  à  la  Chambre  des  lords  lors- 
qu'elle eut  été  réalisée.  En  1806,  il  fut  créé  pair  anglais 
avec  le  titre  de  baron  Granard  et  nommé  clerc  de  la  cou- 
ronne en  Irlande.  En  1813,  il  fut  promu  lieutenant  géné- 
ral. Il  soutint  au  Parlement  l'émancipation  des  catholiques 
et  la  réforme  parlementaire.  R.  S. 

Bibl.  :  Forbes,  Memoirs  of  the  earls  of  Granard  ; 
Londres,  1858. 

FORBES  (Alexander),  lord  de  Pitsligo,  né  le  22  mai 
■1678,  mort  le  21  déc.  1762.  Venu  jeune  en  France,  il  y 
fit  la  connaissance  de  Fénelon,  de  Mme  Guyon  et  d'autres 
quiétistes  qui  l'inclinèrent  au  mysticisme.  Partisan  exalté 
des  Stuarts,  il  s'opposa  à  l'acte  d'union,  prit  part  à  la 
rébellion  de  1715  et  se  réfugia  en  France  après  la  retraite 
de  Mar.  Revenu  en  Ecosse  en  1720,  il  s'occupa  uniquement 
de  religion  jusqu'en  1 745,  date  à  laquelle  malgré  son  grand 
âge  il  prit  de  nouveau  les  armes  pour  défendre  la  cause 
des  Stuarts.  Après  la  défaite  de  Culloden  il  se  tint  caché 
dans  les  environs  de  Pitsligo  et  réussit  à  échapper,  déguisé 
en  mendiant,  à  toutes  les  recherches  des  Anglais.  Ses 
biens  furent  séquestrés.  On  a  de  lui  :  Essays  moral  and 
philosophical  (1734);  Thonghts  concerning  maris  con- 
dition (1732).  R.  S. 

FORBES  (Duncan),  magistrat  écossais,  né  le  10  nov. 
1685,  mort  le  10  déc.  1747.  Il  étudia  le  droit  à  Edim- 


bourg, puis  à  Leyde  et  se  fit  inscrire  au  barreau  d'Edim- 
bourg en  1709.  Peu  après,  il  devint  sheriff  du  Midlothian, 
prit  parti  pour  le  gouvernement  lors  de  la  rébellion  de 
1715  et  contribua  à  la  prise  d'Inverness.  Nommé  avocat  de 
la  couronne  en  1716,  il  fut  élu  au  Parlement  en  1722  pour 
les  bourgs  d'Inverness  et  devint  lord  avocat  en  1725.  Il 
exerça  en  cette  qualité  une  partie  des  fonctions  de  secré- 
taire d'Etat  pour  l'Ecosse.  Promu,  en  1737,  lord  président 
de  la  cour  de  session,  il  occupa  cette  charge  avec  une  haute 
distinction  et  rendit  de  grands  services  lors  de  la  rébellion 
de  1745.  Il  protesta  contre  la  cruauté  de  la  répression  et 
s'attira  l'animosité  du  duc  de  Cumberland  qui  le  ridiculi- 
sait en  ces  termes  :  «  Cette  vieille  bonne  femme  qui  parle 
d'humanité  !  »  Il  mourut  des  suites  des  fatigues  qu'il  avait 
éprouvées  durant  cette  période  d'agitation.  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages  théologiques  réunis  sous  le  titre  de 
Works  (s.  d.).  R.  S. 

Bibl.  :  Memoirs  of  the  life  of  the  laie  Duncan  Forbes, 
1748. 

FORBES  (James),  voyageur  et  écrivain  anglais,  né  en 
1749,  mort  à  Aix-la-Chapelle  en  4819.  De  1765  à  1784, 
il  occupa  les  loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonctions  d'employé 
de  la  Compagnie  des  Indes,  à  accumuler  des  dessins  et  des 
notes  sur  la  faune,  la  flore,  les  antiquités,  les  religions  et 
les  mœurs  de  l'Inde.  De  retour  en  Europe,  il  parcourut  la 
Suisse  et  l'Allemagne.  Il  était  en  France  lorsque  le  décret 
parut  qui  déclarait  prisonniers  tous  les  sujets  anglais  se  trou- 
vant sur  le  territoire.  Relégué  à  Verdun,  il  ne  fut  autorisé 
à  retourner  dans  son  pays  qu'en  1804,  malgré  les  démarches 
du  président  de  la  Société  royale,  sir  Joseph  Banks,  auprès 
de  Lazare  Carnot.  Il  a  raconté  cet  épisode  de  sa  vie  dans  ses 
Letters  from  France  (1806).  Il  se  consacra  dès  lors  à  la 
rédaction  et  à  la  publication  de  ses  Oriental  Memoirs,  qui 
parurent  en  4  volumes  in-4,  abondamment  illustrés,  de 
1813  à  1815.  —  Sa  fille  avait  épousé  un  émigré,  Marc-René 
de  Montalembert,  et  de  cette  union  naquit  Charles  deMon- 
taîembert,  qui  devait  avoir  une  si  noble  carrière  d'orateur 
et  d'historien.  Forbes  prit  soin  de  l'éducation  de  son  petit- 
fils,  qui  lui  resta  confié  jusqu'en  1817,  époque  où  il  le 
reconduisit  à  son  père,  alors  ambassadeur  de  France  à 
Stuttgart.  B.-H.  G. 

FORBES  (Charles),  homme  politique  anglais,  né  dans  le 
comté  d'Aberdeen  en  1774,  mort  à  Londres  le  20  nov. 
1849.  Après  avoir  terminé  ses  études  à  l'université  d'Edim- 
bourg, il  passa  aux  Indes  où  il  fonda  à  Bombay  une  impor- 
tante maison  de  commerce.  De  retour  en  Angleterre  il  repré- 
senta Beverley  au  Parlement  de  4812  à  1818,  fut  ensuite 
élu  par  Malmesbury  qu'il  représenta  jusqu'en  1 832.  Tory 
renforcé,  il  appuya  néanmoins  l'émancipation  des  catho- 
liques et  il  prononça  un  panégyrique  ému  de  Wellington 
au  moment  de  sa  plus  forte  impopularité.  Il  fut  aussi  l'avo- 
cat le  plus  convaincu  des  droits  politiques  des  femmes.  Mais 
il  combattit  avec  la  dernière  énergie  la  réforme  parlemen- 
taire de  1832  et  demeura  dans  la  vie  privée  après  son 
adoption.  Forbes  durant  son  long  séjour  au  Bengale  avait 
rendu  les  plus  grands  services  aux  habitants  qui  lui  ont 
élevé  une  statue  à  l'hôtel  de  ville  de  Bombay.      R.  S. 

FORBES  (John),  médecin  écossais,  né  à  Cuttlbrse  le 
1 8  oct.  1787,  mort  à  Whitchurch,  près  de Reading,  le  1 3  nov. 
1861.  Il  exerça  à  Penzance,  puis  à  Chichester  et  en  1840 
vint  à  Londres  ;  en  1841,  il  fut  nommé  médecin  du  prince 
consort  et  de  la  maison  de  la  reine;  en  1854,  il  organisa 
à  Smyrne  un  hôpital  pour  les  blessés  de  la  guerre  de  Cri- 
mée. Il  fut  médecin  consultant  à  l'hôpital  pour  la  phtisie 
et  membre  de  la  Société  royale  de  Londres.  En  1832,  il 
commença  avec  Conolly  et  Tweedie  la  célèbre  Cyclopœdia 
of  pract.  medicine,  achevée  en  4835,  puis  fonda  avec 
Conolly  le  British  and  foreign  Médical  Review.  Il  s'ef- 
força de  vulgariser  en  Angleterre  la  pratique  de  l'ausculta- 
tion due  à  notre  Laënnec.  Ennemi  de  tout  charlatanisme,  il 
combattit  vivement  l'homœopathie,  le  mesmérisme  et  la 
phrénologie,  mais  toujours  en  faisant  la  part  du  vrai  ;  enfin 
il  s'occupa  avec  succès  de  météorologie,  de  climatologie  et 


—  775  — 


FORBES  —  FORBICINI 


de  géologie.  De  là  un  grand  nombre  d'ouvrages  qu'il  nous 
est  impossible  d'énumérer.  Dr  L.  Hn. 

FORBES  (Duncan),  philologue  anglais,  né  à  Kinnaird 
(comté  de  Perth)  le  28  avr.  1798,  mort  le  17  août  1868. 
Il  prit  ses  grades  à  l'université  de  Saint-Andrews,  fut 
nommé  en  1823  professeur  à  l'Académie  de  Calcutta,  mais 
dut  revenir  en  Angleterre  pour  raisons  de  santé  en  1826. 
Après  avoir  été  adjoint  de  John  Borthwick  Gilchrist,  profes- 
seur d'hindoustani,  puis  suppléant  du  Dr  Arnot,  il  devint 
en  1837  professeur  de  langues  orientales  au  King's  Col- 
lège de  Londres.  Il  occupa  cette  chaire  jusqu'en  1861 .  De 
1849  à  1855,  il  fut  un  des  administrateurs  du  British 
Muséum  où  il  catalogua  un  millier  de  manuscrits  persans. 
Il  a  écrit  une  quantité  d'ouvrages  qui  manquent  à  la  fois 
d'originalité  et  de  fond.  Citons  seulement  :  Observations 
on  the  origin  and  progress  of  Cliess  (Londres,  1855, 
in-8);  .The  History  of  Chess  (1860,  in-8)  ;  A  New 
Persian  Grammar  (1828,  in-8)  en  collaboration  avec 
S.  Arnot  ;  An  Essay  on  the  origin  and  structure  of 
the  Hindostanee  longue  (1828,  in-8, plusieurs  éd.); 
The  Hindustani  Manual  (1845,  in-18)  ;  A  Grammar  of 
the  Hindustani  Language  (1846,  in-8);  A  Dictionary 
Hindustani  and  English  (1848,  2  vol.  in-8)  ;  A  Gram- 
mar of  the  Bengali  Language  (1861,  in-8)  ;  A  Gram- 
mar of  the  Arabie  Language  (1863,  in-8);  Arabie 
reading  Lessons  (1864,  in-8).  R.  S. 

FORBES  (James-David),  physicien  et  géologue  anglais? 
né  à  Edimbourg  le  20  avr.  1809,  mort  à  Clitton  (comté 
de  Gloucester)  le  31  déc.  1868.  Elève  de  Brewster, 
membre  de  la  Société  royale  d'Edimbourg  à  dix-neuf  ans,  de 
celle  de  Londres  à  vingt-trois  ans,  il  fut  nommé  en  1833  pro- 
fesseur de  physique  à  l'université  d'Edimbourg  et  conserva 
cette  chaire  jusqu'en  1860.  Il  était  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Paris  depuis  1842.  Il  est  surtout  connu 
par  ses  expériences  fondamentales  sur  la  polarisation  de  la 
chaleur  (1834)  et  par  ses  travaux  sur  les  glaciers  des  Alpes 
et  de  la  Norvège,  qu'il  a  explorés  à  plusieurs  reprises 
(1840  à  1851).  Il  fut  l'un  des  fondateurs  de  la  British 
Association  (1831).  Il  n'a  publié  à  part  que  des  relations 
de  ses  voyages  scientifiques  :  Travels  through  the  A  Ips 
of  Savoy  (Londres,  1843,  in-8  ;  2e  éd.,  1845)  ;  Norway 
and  its  glaciers  (Edimbourg,  1853,  in-8;  trad.  allem., 
Leipzig,  1854).  Mais  il  a  donné  à  divers  recueils  scienti- 
fiques de  son  pays  et  aux  Comptes  rendus  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris  cent  vingt-cinq  mémoires  ou  notes 
d'un  très  grand  intérêt,  parmi  lesquels  il  convient  de  citer 
plus  particulièrement  :  On  the  Températures  of  hot 
springs  (Philosophical  Transactions,  1836)  ;  Researches 
on  heat  (Edinb.  Roy,  Soc.  Transactions,  XIII,  XIV  et 
XV,  1836-40-44);  On  the  Transparency  of  the  atmo- 
sphère (Philos.  Trans.,  1842)  ;  On  the  Viscous  theory 
of  glacier  motion  (ib.,  1843  et  1846);  Experiments 
on  the  température  of  the  Earth  {Edinb.  Roy.  Soc. 
Trans.,  XVI,  1849);  On  the  Volcanic  Geology  of  the 
Vivarais  (ib.,  XX,  1853),  etc.  Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  Shairp,  Tait  et  Adams-Reilly,  Forbes's  life 
and  letters,  1873.  —  Tyndall,  Forbes  and  his  biogra- 
phers,  1873.  —  Liste  des  mémoires  signalés  ci-dessus 
dans  le  Catalogue  ofseientific  papers  of  the  Royal  Society  ; 
Londres,  1868,  t.  II,  in-4. 

FORBES  (Edward),  naturaliste  anglais,  né  à  Douglas 
(île  de  Man)  le  12févr.  1815,  mort  à  Edimbourg  le  18  nov. 
1854.  Il  étudia  à  Edimbourg  et  à  Paris,  prit  part  en  1841 
à  une  expédition  scientifique  en  Syrie  et  en  Asie  Mineure, 
fut  nommé  en  1843  professeur  de  botanique  au  King's 
Collège  à  Londres,  puis  bibliothécaire  et  conservateur  des 
collections  de  la  Société  géologique,  enfin,  en  1845,  prit  les 
fonctions  de  paléontologiste  du  musée  géologique  de  Londres 
et  de  professeur  d'histoire  naturelle  à  l'Ecole  des  mines. 
En  1854,  il  passa  à  Edimbourg  comme  professeur.  Forbes 
a  laissé  des  travaux  remarquables  sur  la  zoologie  et  la  pa- 
léontologie ;  citons  seulement  :  Malacologiamonensis,  etc. 
(Londres,  1858);  History  of  British  Star-Fishes,  etc. 
(Londres,  1841,  pi.)  ;  Descript.  of  Fossil  Invertebrates 


from  South-India  (Londres,  1846)  ;  avecHanley  :  Hist. 
of  British  Mollusca  (Londres,  1853,  4  vol.  in-8,  pi.)  ; 
Zoology  of  the  European  Seas  (Londres,  1859). 

FORBES  (David),  géologue  anglais,  né  à  Douglas  le 
6  sept.  1828rmort  le  5  déc.  1876.  Surintendant  des  mines 
à  Espedal,  il  fit  en  1857  un  voyage  dans  l'Amérique  du 
Sud  à  la  recherche  de  gisements  de  nickel  et  de  cobalt, 
de  1857  à  1860  un  voyage  d'études  en  Bolivie  et  au  Pé- 
rou, d'autres  voyages  dans  les  Cordillères,  dans  les  îles  de 
la  mer  des  Indes,  en  Europe  et  en  Afrique  (1860-1866). 
Il  avait  été  élu  membre  de  la  Société  royale  en  1856.  Ses 
études  géologiques  ont  été  publiées  dans  les  recueils  spé- 
ciaux :  le  Geological  Magazine,  le  Journal  of  the  Che- 
mical Society,  les  comptes  rendus  de  la  Société  de  géo- 
logie, etc.  Parmi  les  plus  importantes  on  peut  citer 
Chemical  Geology  (Chemical  News,  1867  et  1868)  et 
On  the  Chemistry  of  the  premieval  earth  (Geological 
Magazine,  1867). 

FORBES  (Archibald),  journaliste  anglais,  né  dans  le 
comté  de  Moray  (Ecosse)  en  1838,  mort  en  1891.  Fils 
d'un  ministre  presbytérien,  il  fit  ses  études  à  l'université 
d'Aberdeen,  s'engagea  aux  dragons  et,  après  diverses  aven- 
tures, entra  au  Morning  Advertiser  comme  correspondant 
militaire  au  début  de  la  guerre  franco-allemande,  puis  au 
Daily  News  où.  il  envoya  des  lettres  remarquables  republiées 
l'année  suivante.  Il  passa  ensuite  en  Espagne  au  moment, 
de  l'insurrection  carliste,  partit  aux  Indes  étudier  les  causes 
de  la  famine  du  Bengale  et  revint  en  Espagne  assister  au 
triomphe  des  alphonsistes.  Toujours  représentant  le  Daily 
News,  il  accompagna  le  prince  de  Galles  pendant  son 
voyage  aux  Indes,  suivit  la  guerre  russo-turque  où  il 
courut  de  grands  dangers,  assista  à  l'occupation  de  Chypre, 
aux  premiers  combats  de  l'Afghanistan  et  à  la  bataille 
d'Ulundi  dans  le  Zululand.  Pour  être  le  premier  à  en 
envoyer  la  nouvelle  en  Angleterre,  il  franchit  à  cheval 
110  milles  en  quinze  heures.  Un  autre  de  ses  tours  de 
force  équestres  fut  de  parcourir  280  milles  en  quatre-vingt- 
seize  heures  pour  apporter  au  général  Wolseley  à  Pieter- 
maritzburg  des  nouvelles  du  front  d'opération.  Forbes  est 
l'auteur  d'un  roman,  Drawn  from  Life  (1870),  de  plu- 
sieurs esquisses  militaires,  Glimpses  through  the  Cannon 
Smoke  (1880),  Soldiering  and  Scribbling  (1882),  et 
d'une  vie  de  Chinese  Gordon  et  de  William  of  Germany 
(1884  et  1889).  Hector  France. 

FORBES  (Edwin),  peintre  et  graveur  américain  con- 
temporain, né  à  New  York  en  1839.  Elève  du  peintre 
A. -F.  Tait.  Durant  la  guerre  civile,  il  suivit  (1862-64) 
l'armée  du  Sud  en  qualité  de  dessinateur  pour  le  compte 
de  l'éditeur  Frank  Leslie.  Son  tableau,  Bataille  dans  le 
désert,  exposé  en  mai  1864  à  l'Académie  nationale  de  New 
York,  puis  à  l'Atheneum  de  Boston,  fut  très  remarqué.  A 
l'exposition  de  Philadelphie,  en  1876,  il  obtint  un  vif  succès 
avec  ses  Etudes  de  la  vie  de  la  Grande-Armée,  série 
d'eaux-fortes  d'un  intérêt  considérable,  parmi  lesquelles  se 
distingue  surtout  une  Marche  de  nuit.  Postérieurement,  il 
se  voua  à  la  peinture  de  paysages  et  d'animaux.     G.  P-i. 

FORBES  (Charles-Stanhope),  peintre  américain  contem- 
porain, né  à  Genève  de  parents  américains.  Elève  de  Ca- 
rolus  Duran,  cet  artiste  s'est  fait  connaître  par  les  portraits 
qu'il  a  exposés  aux  Salons  de  1887,  1888,  1889  et  1891. 
Ces  portraits  de  jeunes  filles,  d'un  dessin  correct,  d'une 
touche  large  et  grasse,  ont  été  remarqués  à  l'Exposition 
universelle  de  1889  (section  de  la  Grande-Bretagne),. 

FORBICINI  (Eliodoro),  peintre  italien  du  xvie  siècle. 
Eliodoro  Forbicini,  dont  la  vie  n'est  pas  connue,  est  un 
artiste  de  Vérone.  Ticozzi  le  fait  naître  au  commencement 
du  xvie  siècle,  mais  il  ignore  la  date  de  sa  mort.  Vasari, 
qui  le  cite  dans  sa  notice  sur  Michèle  San  Micheli,  n'est 
pas  mieux  informé.  Il  déclare  que  Forbicini,  habile  dans 
tous  les  genres,  excellait  surtout  dans  l'art  de  peindre  des 
grottesche,  c.-à-d.  des  ornements  de  fantaisie  à  la  mode 
de  la  Renaissance.  Plusieurs  peintres  de  Vérone  ont  eu 
recours  à  son  pinceau  de  décorateur  pour  encadrer  des 


FORBICINÏ  —  FORBIN 


—  T76  - 


trophées,  d'arabesques  et  de  guirlandes  leurs  compositions 
mythologiques.  Ainsi,  dans  le  palais  du  comte  Girolamo  da 
Canossa,  il  travailla  avec  Bernardino,  surnommé  Vlndia, 
dont  la  période  laborieuse  correspond  à  4570  environ.  Ces 
peintures  décoratives  existaient  encore  à  Vérone  en*  1864. 
Forbicini  paraît,  en  outre,  avoir  fait  un  séjour  à  Vicence 
et  on  voyait  de  lui  des  ornements  dans  la  maison  de  Marc- 
Antonio  del  Tiene.  Il  fut  aussi  le  collaborateur  de  Felice 
Brusasorci,  mort  en  4605.  P.  M. 

Bibl.  :  Dal  Pozzo,  Vite  de'  pittori  veronesi,  1718.  — 
Bernasconi,  Studj  sopra  la  storia  délia  pittura  italiana, 
1864. 

FORBIN  (De) .  Originaire  de  Provence,  la  famille  de  Forbin 
remonte  à  Jean  Ier  de  Forbin,  qui  mourut  en  4453.  Des 
trois  fils  qu'il  eut  de  son  mariage  avec  Isoarde  Marin, 
l'aîné,  Jean  II,  seigneur  de  La  Barberet,  marié  avec  Mar- 
thonne  degli  Pazzi,  mort  vers  1498,  fut  premier  consul  de 
Marseille  en  4488  ;  les  deux  cadets,  Palamède  Qt  Jacques, 
furent  la  tige,  l'un  des  seigneurs  de  Soliers,  l'autre  des 
seigneurs  de  Gardanne.  —  Jean  III,  fils  de  Jean  II,  sei- 
gneur de  Janson,  de  Villelaure,  des  Trois-Emines,  de  Saint- 
Etienne,  de  La  Roque,  d'Auteron  et  de  Gontaut,  fut,  comme 
son  père,  premier  consul  de  Marseille  (4506).  —  Son 
petit-fils,  Melchior,  marquis  de  Janson  en  mai  4626,  baron 
de  Villelaure,  seigneur  des  Trois-Emines,  deManez,  etc., 
conseiller  du  roi  en  ses  conseils  et  capitaine  de  cent  hommes 
d'armes  de  ses  ordonnances,  fut  député  de  la  ville  d'Aix, 
pour  prêter  serment  de  fidélité  à  Henri  IV  (4594)  et  viguier 
de  Marseille  (4642).  —  Son  fils,  Gaspard,  mestre  de 
camp  d'infanterie  (4  nov.  4625),  commandant  de  la  com- 
pagnie d'ordonnance  du  duc  d'Angoulême  (8  août  4632), 
mort  à  Béziers  en  1 644 ,  fut  également  viguier  de  Mar- 
seille (4627).  —  Le  fils  aîné,  issu  de  son  second  mariage 
avec  Claire  de  Libertat,  Laurent,  viguier  de  Marseille 
comme  ses  ancêtres  (4653),  fut  mestre  de  camp  du  régi- 
ment d'Auvergne  (4655),  gouverneur  d'Antibes  (4660)  et 
mourut  le  2  juil.  4692.  De  son  mariage  avec  Geneviève 
Briançon  de  La  Saludie,  il  eut  de  nombreux  enfants,  parmi 
lesquels  nous  citerons  :  François-Toussaint,  mort  en 
4740,  qui  entra  dans  les  ordres  sous  le  nom  de  frère 
Arsène  et  établit  la  Trappe  en  Toscane  (4705)  ;  Joseph, 
maréchal  de  camp  (V.  plus  loin)  ;  Jacques,  qui  fut  arche- 
vêque d'Arles  en  4714. — Le  fils  aîné  de  Joseph,  Michel, 
fut  mestre  de  camp  du  régiment  de  Bretagne-cavalerie  et 
gouverneur  d'Antibes  et  de  Grasse.  Il  avait  épousé  Fran- 
çoise-Christine de  Nicolaï.  —  La  famille  de  Forbin  a  donné 
naissance  à  plusieurs  branches.  —  Le  fondateur  de  celle 
de  Soliers,  Palamède  Ier,  a  joué  un  rôle  politique  impor- 
tant. Vicomte  de  Martigues,  seigneur  de  Peyruis,  Pierrefeu, 
Porquerolles,  Puymichel  et  Soliers,  conseiller  et  cham- 
bellan du  roi  René,  puis  de  son  neveu  et  successeur  Charles 
d'Anjou,  président  de  la  chambre  des  comptes  d'Aix,  il 
eut  la  part  principale  dans  la  décision  par  laquelle  le  der- 
nier comte  de  Provence  légua  ses  Etats  au  roi  de  France 
(4484).  Louis  XI,  en  récompense,  le  nomma  son  lieutenant 
et  gouverneur  général  en  ses  comtés  de  Provence  et  de 
Forcalquier,  seigneuries  de  Marseille  et  d'Arles  et  îles 
adjacentes  et  contiguës,  gouverneur  du  Dauphiné  (49  déc. 
4484).  Disgracié  sous  Charles  VII,  Palamède  de  Forbin 
mourut  à  Aix  en  févr.  4508.  —  De  son  mariage  avec  Jeanne 
de  Castillon,  il  eut  un  fils,  Louis,  qui,  premier  président 
de  la  chambre  des  comptes  de  Provence,  conseiller  et  cham- 
bellan du  roi,  fut  ambassadeur  de  Louis  XII  au  concile  de 
Latran  et  mourut  après  4524.  —  Un  autre  de  ses  descen- 
dants, Palamède  II,  défendit  en  Provence  le  parti  de 
Henri  IV.  —  Le  troisième  fils  de  Jean  II,  Bernardin,  fut 
la  tige  des  seigneurs  de  La  Barberet.  Le  second  fils,  issu 
de  son  mariage  avec  Melchionne  de  Cabanne,  Vincent, 
donna  naissance  à  la  branche  delà  F  are  d'Oppède.  Parmi 
ses  membres,  nous  citerons  :  Louis,  qui  fut  évêque  de 
Toulouse  en  4664  et  Jean-Baptiste,  marquis  d'Oppède, 
seigneur  de  Bezaudun,  LaFare,Peyrolles,  LeRouvet,  Saint- 
Julien,  Varages  et  La  Verdière,  né  le  5  févr.  4648.  Prési- 


dent à  mortier  au  parlement  de  Provence  (4672),  puis 
intendant  de  la  flotte  de  Messine  (mai  4676),  il  remplaça 
M.  de  Guénégaud  comme  ambassadeur  en  Portugal  au  com- 
mencement de  4684.  Sa  mission  fut  marquée  par  l'extrême 
âpreté  qu'il  apporta  dans  sa  négociation.  Remplacé  à  la  fin 
de  4683  par  M.  de  Saint-Romain,  il  fut,  après  son  retour, 
nommé  premier  président  au  parlement  de  Provence.  — 
Ànnibal  de  Forbin,  petit-fils  de  Jean  III  et  frère  cadet 
de  Melchior,  fut  la  tige  des  seigneurs  de  La  Roque.  Il  est 
surtout  connu  par  son  duel  au  couteau  avec  Alexandre 
du  Mas  de  Castellane  (4642),  auquel  aucun  des  adversaires 
ne  survécut.  La  branche  des  Forbin  La  Roque  s'éteignit 
avec  son  petit-fils,  Melchior,  qui  ne  laissa  point  d'enfants  ' 
de  son  mariage  avec  Françoise  d'Oraison.    Louis  Fakges. 

Bibl.  :  Le  P.  Anselme,  Hist.  généalogique,  t.  VIII.  — 
Maury,  Notice  sur  lamaison  de  Forbin  ;  Paris,  1815,  in-8. 

FORBIN  (Claude  de),  marin  français,  né  le  6  août  4656 
au  village  de  Gardanne  (Bouches-du-Rhône),  mort  à  Mar- 
seille le  4  mars  4733.  Il  se  fit  remarquer  dans  son  enfance 
par  la  violence  de  son  caractère,  et,  s'étant  enfui  de  la 
maison  paternelle,  il  se  réfugia  chez  son  oncle,  le  com- 
mandant de  Forbin,  qui  le  reçut  comme  cadet  à  bord  de 
la  galère  qu'il  commandait  et  le  recommanda  ensuite  au 
maréchal  de  Vivonne.  Il  servit  sous  ce  dernier,  en  4675, 
dans  l'expédition  de  Messine.  Après  quelque  temps  passé 
à  l'armée  de  terre,  il  rentra  dans  la  marine  et  fit,  sous  le 
comte  d'Estrées,  la  campagne.d' Amérique  et  de  la  Nouvelle- 
Espagne;  il  prit  part,  en  4683,  aux  deux  bombardements 
d'Alger.  En  4685,  il  fut  nommé  major  de  l'ambassade 
envoyée  auprès  du  roi  de  Siam,  et  il  accepta  de  ce  dernier 
la  charge  d'amiral  et  de  généralissime  qu'il  garda  jusqu'en 
4688.  Rayé  pour  ce  motif  des  listes  de  la  marine,  il  y 
rentra  lors  de  la  guerre  avec  l'Angleterre,  en  4689,  et 
commanda  une  frégate  avec  laquelle  il  fit  une  croisière 
dans  la  Manche.  Après  un  sanglant  combat  devant  l'île  de 
Wight,  Forbin  et  Jean  Bart  furent  pris  et  conduits  à  Ply- 
mouth,  d'où  ils  ne  tardèrent  pas  à  s'échapper.  En  4690, 
Forbin  participa  à  un  nouveau  combat  à  la  hauteur  de  File 
de  Wight  avec  Tourville  ;  puis,  avec  Jean  Bart,  il  fit  des 
prises  considérables  sur  les  Hollandais.  Au  combat  de  La 
Hogue  (4692),  Forbin  commandait  un  des  vaisseaux  de 
l'armée  du  comte  de  Tourville,  et  son  vaisseau  échappa  au 
désastre.  A  Lagos  (4693),  Forbin  contribua  puissamment 
à  la  déroute  des  Anglais.  En  4696,  il  accompagna  le  comte 
d'Estrées  au  siège  de  Barcelone.  Dans  la  guerre  de  la  suc- 
cession d'Espagne,  il  fit  des  croisières  dans  l'Adriatique 
et  se  signala  par  des  actions  d'éclat.  En  4706,  il  reçut  le 
commandement  d'une  escadre,  et  dans  ses  deux  campagnes 
de  4706  et  de  4707,  il  fut  mis  à  la  tête  d'une  escadre 
chargée  de  porter  en  Ecosse  le  prétendant  Jacques  Stuart, 
mais  il  fut  empêché  de  débarquer  par  une  flotte  anglais  e 
et  ne  dut  qu'à  son  habileté  de  pouvoir  regagner  Dunkerque. 
Forbin  se  retira  alors  du  service.  Il  avait  rédigé  des  Mé- 
moires qui  ont  été  revus  et  publiés  par  Reboulet  (Ams- 
terdam, 4729,  4730,  4748,  2  vol.  in-42).  Ils  sont  insérés 
dans  la  Nouvelle  Collection  des  Mémoires  pour  servir 
a  V histoire  de  France  par  MM.  Michaud  et  Poujoulat, 
t.  IV.  G.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Righer,  Vie  du  comte  de  Forbin  ;  Paris,  1816, 
in-12,  4°  éd. 

FORBIN  (Joseph  de),  marquis  de  Janson,  général  fran- 
çais, mort  à  Antibes  en  janv.  4728.  Il  leva,  le  20  oct. 
4683,  une  compagnie,  dans  le  régiment  de  Roquevieille, 
mais  elle  fut  réformée  l'année  suivante. 'Il  en  leva  une 
nouvelle  dans  le  régiment  royal  le  20  août  4688  et  fit  les 
sièges  de  Philipsbourg,  Mannheim  et  Frankenthal.  En  juil. 
4692,  il  obtint,  à  la  mort  de  son  père,  le  gouvernement 
d'Antibes.  Nommé  en  4603  premier  enseigne  de  la  4re 
compagnie  des  mousquetaires,  il  combattit  avec  distinction 
à  Neerwinde  et  au  siège  de  Charleroi.  Brigadier  de  cava- 
lerie en  1702,  il  est  à  Nimègue  et  à  Eckeren  (4703).  Le 
26  oct.  4704,  il  est  fait  maréchal  de  camp  ;  c'est  en  cette 
qualité  qu'il  est  blessé  grièvement  à  la  sanglante  bataille 
de  Ramilies.  Depuis  il  vécut  dans  son  gouvernement.  Ses 


777 


FORBIN  —  FÔRBONNAIS 


armes  -étaient  d'or  au  chevron  d'azur  accompagné  de 
trois  têtes  de  léopard  arrachées  de  sable,  lampassées 
de  gueules  et  posées  deux  en  chef  et  une  en  pointe. 

FORBIN  (Loùis-Nicolas-Philippe-Auguste,  comte  de), 
peintre  et  écrivain  d'art  français,  né  au  château  de  La  Roque 
d'Antron  (Bouches- du-Rhône)  le  19  août  1777,  mort  à 
Paris  le  23  févr.  1841.  Cadet  de  l'ancienne  et  célèbre  fa- 
mille de  Forbin,  il  avait  à  peine  seize  ans  lorsqu'il  vit 
périr  sous  ses  yeux  son  père  et  son  oncle,  lors  de  l'insur- 
rection delà  ville  de  Lyon  contre  la  Convention  en  1793. 
Dénué  de  ressources,  il  trouva  asile  auprès  de  Boissieu, 
l'habile  peintre  lyonnais,  et  fortifia  auprès  de  celui-ci  son 
goût  déjà  très  vif  pour  les  arts.  Deux  années  se  passèrent 
ainsi  ;  puis  sa  mère  ayant  pu  recueillir  les  débris  de  sa  for- 
tune, il  revint  enfin  en  Provence  et  se  décida,  pendant  le 
Directoire,  à  se  rendre  à  Paris  pour  y  compléter,  dans  les 
ateliers  de  Demarne  et  de  David,  son  éducation  de  peintre. 
Très  lié  avec  Granet,  il  gagna  bientôt  l'amitié  d'autres 
artistes,  tels  que  Gérard,  etc.  Ses  premiers  tableaux  pa- 
rurent au  Louvre,  aux  expositions  de  1796,  1799,  1800, 
1801,  non  sans  être  remarqués.  Napoléon,  qui  cherchait  à 
reconstituer  une  cour,  le  nomma,  en  1804,  chambellan  de 
la  princesse  Pauline  Bonaparte.  DHme  tournure  élégante, 
doué  de  toutes  les  qualités  de  l'homme  du  monde,  le  comte 
de  Forbin  réussit  aussitôt  dans  cette  société.  C'est  lui, 
dit-on,  qui  composa  les  paroles  de  la  fameuse  romance  : 
Partant  pour  la  Syrie,  dont  la  reine  Hortense  fit  la  mu- 
sique. Chateaubriand,  qui  le  vit  à  cette  époque,  en  a  fait 
un  portrait  où  on  remarque  ce  sarcasme  :  «  Le  noble  gen- 
tilhomme, peintre  par  le  droit  de  là  Révolution,  commen- 
çait cette  génération  d'artistes  qui  s'arrangent  eux-mêmes 
en  croquis,  en  grotesques,  en  caricatures.  »  La  faveur 
même  dont  il  était  comblé  par  la  princesse  excita  des  ja- 
lousies qui  le  décidèrent  à  prendre  du  service  dans  l'armée. 
Il  fit  les  campagnes  de  Portugal,  d'Espagne  et  d'Autriche, 
rentra  dans  la  vie  privée  après  la  paix  de  1809,  avec  le 
grade  de  lieutenant-colonel.  Il  alla  se  fixer  à  Rome  et  se 
remit  à  la  peinture  en  même  temps  qu'il  écrivait  un  ro- 
man sentimental  :  Charles  Barimore.  Revenu  en  France, 
à  l'époque  de  la  Restauration,  le  comte  de  Forbin  fut 
nommé  directeur  des  musées  nationaux.  Dans  cet  emploi, 
qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort,  il  déploya  des  qualités 
vraiment  remarquables  et  qui,  mieux  que  ses  tableaux, 
sont  l'honneur  de  sa  mémoire.  Il  réorganisa  le  musée  du 
Louvre  à  demi  dépouillé  par  les  armées  de  l'invasion,  fit 
acquérir  d'importants  chefs-d'œuvre,  V Enlèvement  des 
Sabines  et  les  Thermopyles  de  David,  malgré  de  vives 
oppositions,  le  Naufrage  de  la  Méduse  de  Géricault,  la 
collection  Borghèse,  de  précieuses  antiquités,  recueillies 
par  lui  eh  Grèce,  en  Syrie  et  en  Egypte,  durant  un  voyage 
qu'il  a  retracé  lui-même  dans  un  bel  ouvrage  orné  de 
80  planches  lithographiques  :  Voyage  dans  le  Levant, 
1817-1818  (Paris,  1819,  in-fol.).  C'est  pendant  sa  direc- 
tion que  le  Louvre  s'enrichit  de  la  Yénus  de  Milo ,  que 
fut  ouverte  la  galerie  des  antiquités  étrusques  et  égyp- 
tiennes, et  que  furent  commencées  les  collections  de  sculp- 
tures de  la  Renaissance.  On  ne  doit  pas  oublier  non  plus 
que  c'est  à  son  initiative  que  l'on  doit  la  création  du  musée 
du  Luxembourg,  destiné  à  recevoir  les  œuvres  des  artistes 
contemporains. 

Comme  peintre,  le  comte  de  Forbin  ne  cessa  d'exposer 
de  18)  7  à  1840.  Loin  d'être  opposé  aux  idées  romantiques, 
il  les  adopta  avec  ardeur,  comme  en  témoigne  son  tableau 
de  la  Procession  de  la  Ligue  partant  de  Saint-Ger- 
main-V Auxerrois  très  remarqué  en  1831.  Sa  Chamelle 
dans  le  Colisée  à  Rome,  qu'il  exécuta  en  1835,  en  colla- 
boration avec  son  ami  Granet,  lequel  d'ailleurs  a  peint  sou- 
vent des  figures  dans  les  compositions  du  comte  de  For- 
bin, est  aujourd'hui  au  musée  du  Louvre.  Il  faut  signaler 
aussi  son  Intérieur  d'un  ancien  monument,  dont  un 
personnage  a  été  peint  par  Gérard  (1800);  V Eruption  du 
Vésuve  (1806);  Inès  de  Castro  (1819),  etc.  En  1840,  il 
exposait  encore  trois  tableaux  ;  mais  depuis  plusieurs  années 


sa  main  incertaine  le  trahissait,  et  ses  amis  essayaient  en 
vain  de  dérober  au  public  ses  erreurs  séniles.  Il  peignait 
encore  quand  une  attaque  de  paralysie  le  foudroya.  Il  avait 
été  nommé  membre  libre  de  l'Académie  des  beaux-arts  en 
1816.  V.  Champier. 

Bibl.  :  Comte  Siméon,  Notice  historique  sur  M.  le 
comte  de  Forbin,  lu  à  l'Académie  des  beaux-arts  le 
27  mars  1841. 

FORBIN  des  Issarts  (Joseph-Charles-Louis-Henri,  mar- 
quis de),  général  et  homme  politique  français,  né  à  Avi- 
gnon le  25  août  1775,  mort  à  Avignon  le  12  févr.  1851. 
Emigré,  il  fit  dans  la  marine  toutes  les  campagnes  de 
l'étranger  contre  la  France  et  se  distingua,  en  1813,  par 
l'ardeur  de  son  zèle  en  faveur  de  la  cause  royale.  Nommé, 
en  1814,  lieutenant  des  gardes  du  corps,  il  suivit  le  roi  à 
Gand  et  à  la  seconde  restauration  fut  promu  colonel  d'état- 
major.  Elu  député  de  Vaucluse  le  22  août  1815,  réélu  le 
13  nov.  1820,  il  eût,  en  4822,  un  duel  retentissant  avec 
Benjamin  Constant  à  la  suite  d'une  polémique  de  presse. 
Toujours  ultra-royaliste,  il  fut  encore  réélu  le  6  mars  1824 
et  fut  créé  pair  de  France  le  5  nov.  1827.  Il  avait  été 
promu  maréchal  de  camp  le  17  août  1822  et  nommé  con- 
seiller d'Etat  en  1823.  Il  perdit  toutes  ces  faveurs  à  la 
révolution  de  Juillet  et  fut  même  exclu  de  la  Chambre  des 
pairs.  Il  se  tint  alors  dans  la  vie  privée. 

FORBIN-Jânson  (Toussaint  de),  dit  Janson,  évêque  de 
Beauvais,  né  en  1625,  mort  en  1713.  Chevalier  de  Malte 
dès  sa  naissance,  il  entra  dans  les  ordres  et  devint  suc- 
cessivement évêque  de  Digne,  de  Marseille  et  de  Beauvais. 
Ambassadeur  en  Pologne,  il  favorisa  l'élection  de  Sobieski, 
qui  lui  témoigna  sa  reconnaissance  en  le  faisant  élever  au 
cardinalat.  Il  représenta  ensuite  la  France  à  Rome,  sous 
les  pontificats  d'Innocent  XII  et  de  Clément  XL  En  1706, 
la  charge  de  grand  aumônier  lui  fut  donnée  en  récompense 
de  ses  services.  La  sévérité  avec  laquelle  il  traitait  les 
docteurs  de  la  morale  relâchée,  dans  une  censure  qu'il 
publia  contre  Y  Apologie  des  casuistes,  lui  valut  les 
louanges  des  jansénistes. 

FORBIN  -Janson  (Charles-Théodore-Palamède-Antoine- 
Félix,  marquis  de),  homme  politique  français,  né  à  Paris 
le  14  juin  1783,  mbrt  à  Paris  le  4  juin  1849.  Chambellan 
du  roi  de  Bavière,  chambellan  de  Napoléon  Ier,  il  devint, 
en  1814,  chef  dé  légion  des  gardes  impériales  de  la  Nièvre. 
Considéré  comme  suspect  par  la  Restauration,  il  fut  pen- 
dant les  Cent- Jours  colonel  de  cavalerie  et  pair  de  France 
(2  juin  1815).  Secrétaire  de  la  Chambre  des  pairs,  il  pro- 
testa violemment  contre  l'évacuation  de  Paris.  Aussi  fut-il 
proscrit  par  Louis  XVIII  et  ne  rentra- t-il  en  France  qu'en 
1820.  On  a  de  lui:  Examen  impartial  et  solution  de 
toutes  les  questions  qui  se  rattachent  à  la  loi  des  sucres 
(Paris,  1840,  in-8).  Il  était  entré  le  6  mai  1845  à  l'Aca- 
démie de  Marseille. 

FO  R B I  N-Janson  (Charles-Auguste-Marie- Joseph,  comte 
de),  prélat  français,  né  à  Paris  le  3  nov.  1785,  mort  près 
de  Marseille  le  12  juil.  1844.  Fils  d'émigrés,  ramené  en 
France  en  1802,  attaché  comme  auditeur  au  conseil  d'Etat 
(1805),  il  entra  quelques  années  après  dans  les  ordres 
(1811),  fut. en  France,  sous  la  Restauration,  avec  l'abbé 
de  Rauzan,  ie  principal  organisateur  de  ces  missions^  inté- 
rieures, qui  étaient  une  œuvre  plus  politique  que  religieuse, 
et  fut  promu  en  1824  à  l'évêché  de  Nancy,  où  l'excès  de  son 
zèle  royaliste  et  ultramontain  le  rendit  impopulaire.  Il  dut, 
après  les  journées  de  Juillet  1830,  se  faire  nommer  un 
coadjuteur,  passa  plusieurs  années  au  Canada  où  il  obtint, 
comme  missionnaire,  d 'importants  succès,  revint  en  France 
et  mourut  au  moment  de  partir  pour  la  Chine,  où  il  se 
proposait  de  se  rendre  au  même  titre.        .  A.  Debidour. 

FORBONNAIS  (Francis-Véron  Duverger  de),  le  publi- 
ciste  financier  français  le  plus  instruit,  le  plus  éclairé  et  le 
plus  important  de  l'ancien  régime,  né  au  Mans  le  3  oct.  1 722 , 
mort  en  1800.  C'est  grâce  à  ses  divers  ouvrages  que  l'on  peut 
se  faire  une  certaine  idée  des  finances  de  la  France  depuis 
Henri  IV  jusqu'à  Louis  XVÎ.  Issu  d'une  riche  famille  indus- 


FORBONNAIS  —  FORCALQUIER 


—  778  — 


trielle,  associé  dans  la  maison  d'un  de  ses  oncles  à  Nantes, 
Forbonnais  put  compléter  ses  études  par  de  longs  voyages 
en  Italie,  en  Espagne.  Au  retour  de  ses  voyages  il  se  mit 
à  écrire  et  débuta  par  un  commentaire  de  YEsprit  des  lois. 
Cet  ouvrage,  un  séjour  à  Paris  le  firent  connaître.  Il  publia 
bientôt  le  Négociant  anglais,  à  la  suite  duquel  Y  Encyclo- 
pédie lui  commanda  les  art.  Champs,  Commerce.  Il  prit 
dès  ce  moment  parti  contre  les  physiocrates ,  Quesnay 
notamment,  dont  il  réfuta  le  tableau  économique.  Mais  on 
doit  à  Forbonnais  deux  ouvrages  bien  autrement  importants 
qu'il  put  mener  à  bien,  grâce  à  ses  relations  avec  la  cour  et 
le  duc  de  Choiseul,  Considérations  sur  les  finances  de 
l 'Espagne  ('1753),  et  Recherches  et  considérations  sur 
les  finances  de  la  France.  Ces  deux  ouvrages  font  le 
plus  grand  honneur  à  Forbonnais.  Non  seulement  il  y 
déploie  une  connaissance  bien  rare  pour  son  époque,  des 
finances  de  l'Espagne  et  de  la  France,  mais  il  propose  des 
réformes  qui  les  auraient  améliorées.  Il  devint  inspecteur 
général  des  monnaies,  conseiller  au  parlement  de  Metz.  Le 
comité  des  finances  de  la  Constituante  l'appela  auprès  de 
lui  pour  le  consulter.  Forbonnais  reprit  aussitôt  la  plume 
et  s'engagea  dans  les  polémiques  financières  de  4789.  Il 
publia  successivement  :  Prospectus  des  finances  (1789)  ; 
Observations  sur  les  assignats  (1790)  ;  Aperçu  sur  la 
circulation  des  denrées  (1800).  Devenu  membre  de  l'Ins- 
titut (section  des  sciences  morales  et  politiques)  il  publia  des 
articles  jusqu'à  ses  derniers  jours.     E.  Fourmer  de  Flaix. 
FORÇA  DE  (Théodore-Augustin),  évêque  français,  né  à 
Versailles  le  2  mars  1816,  mort  à  Aix  le  11  sept.  1885. 
Evêque  in  partibus  de  Samos,  vicaire  apostolique  du  Ja- 
pon (1846),  évêque  de  la  Basse-Terre  (1853),  il  fut  promu 
au  siège  de  Nevers  le  18  mars  1861  et  à  l'archevêché  d'Aix 
le  21  mars  1873.  On  a  de  lui  :  Notice  sur  la  vie  de 
sœur  Marie  Bernard  (Bernadette  de  Lourdes)  (Nevers, 
1879,  in-12).  En  1879,  il  fut  un  des  évèques  qui  protes- 
tèrent le  plus  violemment  contre  les  lois  Ferry.  La  lettre 
pastorale  qu'il  publia  à  ce  sujet  contenait  de  virulentes 
attaques  contre  le  gouvernement  républicain  :  elle  excita 
l'enthousiasme  de  son  clergé  qui  prit  fait  et  cause  pour  lui. 
FO  RC  AD  E  (Eugène),  publiciste  français,  né  à  Marseille 
en  4  820,  mort  à  Billancourt  le  7  nov.  1869.  Fondateur 
du  Sémaphore  de  Marseille  (1837),  collaborateur  assidu 
de  la  Revue  des  Deux  Mondes,  il  fut  rédacteur  en  chef 
de  la  Patrie,  du  Messager  de  rassemblée  et  de  la  Se- 
maine  financière.  Il  a  laissé  :  Etudes  historiques  (Paris, 
1853,  in-12)  ;  Histoire  des  causes  de  la  guerre  d  Orient 
(1854,  in-42). 

FORCADE  de  Là  Roquette  (Jean-Louis- Victor-Adolphe 
de),  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  8  avr.  1820, 
mort  à  Paris  le  15  août  1874.  Avocat  à  la  cour  d'appel  de 
Paris  en  1 841 ,  maître  des  requêtes  au  conseil  d'État  en 
1852,  il  devint  en  18n7  directeur  général  des  forêts  et 
en  1859  directeur  général  des  douanes  et  des  contributions 
indirectes.  Le  26  nov.  1860,  il  remplaçait  au  ministère 
des  finances  M.  Magne  créé  ministre  sans  portefeuille.  Il 
eut  à  réaliser  l'émission  d'obligations  trentenaires  prépa- 
rée par  son  prédécesseur  et  céda  la  place  à  Achille  Fould 
le  14  nov.  1861.  Il  fut,  en  compensation,  pourvu  d'un 
siège  au  Sénat.  Après  avoir  rempli  une  mission  d'études 
en  Algérie,  il  fut  nommé  vice-président  du  conseil  d'Etat 
(1863)  et  pourvu  du  portefeuille  de  l'agriculture,  du  com- 
merce et  des  travaux  publics  le  20  janv.  1867.  Le  17  déc. 
1868,  il  remplaçait  à  l'intérieur  M.  E.  Pinard  démission- 
naire. En  ce  dernier  poste  il  combattit  la  presse  libérale 
avec  la  dernière  rigueur  et  prépara  le  triomphe  de  la 
pression  administrative  aux  élections  de  1869  en  organi- 
sant savamment  les  circonscriptions  électorales.  Il  fit  à  ce 
sujet  en  pleine  tribune  l'apologie  de  la  candidature  offi- 
cielle. Démissionnaire,  avec  ses  collègues,  le  12  juil.  1869 
lors  de  la  conception  politique  de  l'Empire  libéral,  il  ne 
fit  aucune  difficulté  pour  reprendre  le  portefeuille  de  l'in- 
térieur dans  le  ministère  du  17  juil.  1869,  qui  céda  la 
place  le  2  janv.  1870  au  cabinet  Emile  Ollivier.  LBientôt 


même  il  devint  libéral,  et  pour  mieux  servir  le  gouverne- 
ment se  fit  élire  député  le  10  janv.  1870  par  le  Lot-et- 
Garonne  et  fut  un  des  leaders  de  la  droite  au  Corps  légis- 
latif. Après  la  chute  de  l'Empire,  il  passa  en  Espagne.  De 
retour  en  France  six  mois  après,  il  se  présenta  vainement 
à  plusieurs  reprises  aux  élections  pour  le  conseil  général 
de  la .  Gironde  et  même  aux  élections  complémentaires 
du  20  oct.  1872  pour  l'Assemblée  nationale.  Il  n'obtint  à 
ce  moment  que  47,641  voix  contre  66,308  à  M.  Caduc, 
républicain.  On  a  de  lui  :  Défense  du  traité  de  commerce 
avec  l'Angleterre  (Paris,  1872,  in-8);  les  Nouveaux 
Traités  de  commence  et  la  loi  sur  les  matières  premières 
(1873,  in-8). 

FORCADEL  (Etienne)  ou  FORCATU LUS,  jurisconsulte, 
historiographe  et  poète  français,  né  à  Béziers  en  1534, 
mort  en  1574.  Il  fut  professeur  à  Toulouse  en  1554  ;  on 
a  dit  à  tort  qu'il  avait  été  préféré  à  Cujas  pour  cette  chaire* 
Il  a  écrit  des  ouvrages,  tombés  aujourd'hui  dans  l'oubli, 
comme  :  Tractatio  dilucida  rei  criminalis  in  IV  partes 
digesta;  Commentarius  in  titulum  Digestorum  de 
justitia  et  jure.  Quelques-uns  avaient  des  titres  ridicules  : 
Sphœra  legalis,  Necyomantia-,  Cupido  juris  peritus, 
Aviarium  juris  civilis,  Penus  juris  avilis,  sive  de 
alimentis  tractatus.  Parmi  ses  ouvrages  d'histoire,  on 
cite  :  De  Gallorum  imperio  et  philosophia  libri  Vil 
(Paris,  1569,  in-4  ;  Lyon,  1595,  in-8)  ;  Montmorency, 
gaulois,  opuscule  dédié  à  M.  d'AnvilIe,  maréchal  de 
France  (Lyon,  1571,  in-8),  et  parmi  ses  poésies  :  le  Chant 
des  seraines  (sirènes)  (Lyon,  4548,  in-8  ;  Paris,  1548, 
in-16).  Après  sa  mort,  son  fils  a  fait  paraître  les  Œuvres 
poétiques  de  Estienne  Forcadel  (Paris,  1579,  in-8). 

Bibl.  :  Denis  Simon,  Nouvelle  Bibliothèque  historique 
des  auteurs  du  droit  civil  ;  Paris,  1692-1695,  t.  I,  p.  143.  — 
Albéric  Allard,  Histoire  de  la  justice  criminelle  au 
xvp  siècle,  1868,  p.  514„ 

FORÇAGE  (Hortic).  On  désigne  par  ce  mot  les  procé- 
dés spéciaux  de  culture  en  usage  pour  obtenir  des  végé- 
taux des  produits  qu'ils  ne   donneraient   qu'en  d'autres 
saisons.  Le  forçage  s'applique  aux  légumes,  aux  plantes  à 
fleurs  et  aux  arbres  fruitiers.  On  le  pratique  souvent  sans 
grandes  dépenses,  mais  fréquemment  aussi  il  exige  des 
soins,  des  frais  et  un  matériel  considérables,  compensés 
largement,  il  est  vrai,  par  la  haute  valeur  des  produits 
sur  le  marché.  Aussi  le  forçage  se  répand-il  de  plus  en 
plus  et  jusqu'à  une  grande  distance  des  villes  autour  des- 
quelles il  était  d'abord  restreint.  Le  forçage  met  en  œuvre 
les  couches  et  le  fumier,  les  cloches,  les  serres  permettant 
de  fournir  et  retenir  autour  des   plantes  une  somme  de 
chaleur  suffisante  pour  les  faire  végéter,  fleurir  et  fructi- 
fiera contre-saison.  L'emploi  du  fumier  est  très  important 
et  avantageux.  Après  avoir  fourni  sa  chaleur  aux  plantes 
forcées,  le  fumier  peut  être  utilisé  pour  les  cultures  ordi- 
naires. Le  forçage  à  l'aide  du  fumier  se  pratique  aisément 
et  s'applique  aux  divers  légumes,  au  melon,  au  fraisier. 
Selon  les  exigences  particulières  de  ces  plantes,  on  les  sème, 
on  repique  sur  des  couches,  ou  bien,  lorsqu'il  est  plus 
avantageux  ou  nécessaire  de  les  forcer  sur  place,  on  dis- 
pose autour  d'elles  un  coffre  et  un  réchaud  de  fumier.  Les 
cloches,  communément  employées  dans  la  culture  potagère 
en  retenant  la  chaleur  autour  des  plantes  sur  lesquelles 
on  les  place,  activent  leur  développement.  La  vigne  et  les 
arbres  fruitiers  sont  forcés  dans  des  serres  de  formes  et 
de  dimensions  variées  et  dont  on  élève  graduellement  la 
température,  ou  bien  on  les  cultive  en  place  sous  des  abris 
vitrés  et  chauffés.  C'est  aussi  dans  des  serres  qu'on  force 
le  lilas  et  beaucoup  d'autres  plantes  à  fleurs.     G.  Boyer. 
FORCALQUEIRET-Garéoult.  Com.  du  dép.  du  Var, 
arr.  de  Brignolles,  cant.  de  La  Roquebrussanne  ;  324  hab. 
FORCALQUIER   (Forum  Neronis,  Forcalquerium). 
Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  sur  le  versant 
d'une  colline  calcaire,  à  laquelle  la  ville  doit  son  nom  ; 
3,038  hab.  Stat.du  chem.de  fer  P.-L. -M., embranchement 
de    Saint-Maime  à  Forcalquier.    Bibliothèque  publique. 
Athénée  avec  cours  publics.  Fabriques  d'étoffes  et  de  toiles. 


779  — 


FORCALQUIER  —  FORCE 


Forcalquier  existait  dès  l'époque  barbare  et  était  au  ixe  siècle 
une  ville  fortifiée.  La  translation  des  reliques  de  saint 
Mary,  qui  y  furent  apportées  au  commencement  du  xe  siècle, 
contribua  à  la  prospérité  de  la  ville.  D'abord  comprise  dans 
le  comté  de  Sisteron,  elle  devint  elle-même  au  xie  siècle 
le  chef-lieu  d'un  comté  particulier  comprenant  la  plus 
grande  partie  de  la  Haute-Provence,  entre  la  Durance, 
l'Isère  et  les  Alpes.  Possédé  d'abord  en  coseigneurie  par 
Guillaume- Bertrand  et  Geoffroi,  neveu  de  Geoffroi  1er, 
comte  de  Provence,  il  fut  apporté  en  dot  par  la  fille  de 
Guillaume-Bertrand  à  Ermengaud  IV,  comte  d'Urgel  ;  son 
fils,  Guillaume  Ier,  lui  succéda  en  1094  ;  celui-ci  laissa  le 
comté  en  1129  à  ses  deux  fils,  Bertrand  Ier  et  Guigues, 
auxquels  succédèrent,  vers  1150,  les  fils  de  Bertrand  Ier, 
Guillaume  II  et  Bertrand  IL  Après  la  mort  de  Guillaume  II, 
qui  survécut  à  son  frère  jusqu'en  4209,  le  comté  fut 
réuni  au  comté  de  Provence  dont  les  comtes  joignirent  dé- 
sormais à  leurs  titres  celui  de  comte  de  Forcalquier.  La 
ville  de  Forcalquier  ne  cessa  plus  dès  lors  de  décroître. 
La  peste  de  1630  y  fit  plus  de  2,000  victimes. 

L'église  (mon.  hist.),  décorée  au  xine  siècle  du  titre  de 
cathédrale,  qu'elle  partageait  avec  l'église  de  Sisteron  et 
qu'elle  a  conservé  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime,  est  un 
édifice  de  diverses  époques,  en  partie  roman  et  en  partie 
gothique.  Le  portail  du  xni9  siècle  est  surmonté  d'une 
belle  rose.  Les  bas  côtés  sont  du  xvie  siècle.  De  l'ancienne 
église,  oti  fut  transféré  au  xe  siècle  le  corps  de  saint  Mary, 
ne  subsistent  que  d'informes  débris.  Sur  une  colline  domi- 
nant la  ville  s'élevait  le  château  des  comtes  de  Forcalquier, 
démoli  en  1601  à  la  requête  des  habitants.  Sur  son  em- 
placement a  été  élevée  une  chapelle  de  style  roman  sur- 
montée d'une  statue  de  la  Vierge  immaculée.  La  ville  a 
conservé  des  rues  étroites  et  tortueuses  ;  les  boulevards 
des  Cordeliers  et  de  la  Tourrette,  ainsi  que  l'esplanade  du 
Bourguet,  sont  des  promenades  plantées  d'arbres. 
FORÇAT  (V.  Bagne). 

FORCE.  I.  Philosophie.  —La  notion  de  force  confine 
à  celle  de  cause.  Elle  y  ajoute.  L'idée  de  cause  éveille  celle 
d'effet,  de  changement.  L'idée  de  force  évoque  l'idée  de  résis- 
tance ;  les  deux  idées  sont  dès  lors  nettement  distinctes 
(V.  Cause  et  Activité)  .  Toute  force  tend  à  produire  un  mou- 
vement, un  déplacement,  par  suite  un  changement.  D'où  il 
résulte  qu'il  n'est  pas  de  force  qui  ne  soit  une  cause.  La  réci- 
proque est-elle  vraie?  Toute  cause  doit-elle  être  conçue  sur 
le  type  de  la  force?  Pas  nécessairement.  La  notion  de  cause 
joue  un  rôle  prépondérant  dans  la  métaphysique  de  Descartes. 
La  notion  de  force  en  est  absente.  Le  dynamisme  (V.  ce 
mot)  est  anticartésien.  La  notion  de  force  est-elle  d'origine 
externe  ou  d'origine  psychologique?  C'est  de  quoi  l'on  dis- 
pute. Le  sens  attaché  au  terme  force  dans  les  sciences  de 
la  nature  et  qui  varie  avec  l'objet  de  ces  sciences  donne- 
rait gain  de  cause  aux  adversaires  de  l'origine  psycholo- 
gique, puisque  à  remplacer  ce  mot  par  un  autre  on  ne  per- 
drait guère.  Les  savants  ne  sont  pas  très  loin  de  craindre 
précisément  qu'à  prendre  ce  mot  au  pied  de  la  lettre  on 
imagine  je  ne  sais  quelles  vertus  occultes  agissant  à  l'inté- 
rieur des  corps.  Dire  qu'une  force  réside  quelque  part, 
n'est-ce  pas  considérer  ce  «  quelque  part  »  comme  le  siège 
d'un  esprit?  Or,  quand  on  parle  des  forces  de  la  nature  et 
qu'on  en  parle  entre  savants,  on  n'entend  rien  de  tel.  Mais 
c'est  que  peut-être  on  a  dépouillé  le  terme  force  de  ce  qu'il 
signifie  essentiellement.  Que  signifie-t-il  essentiellement  ? 
Il  nous  paraît  signifier  essentiellement  la  capacité  de 
vaincre  une  résistance,  et  de  la  vaincre  par  un  déploiement 
d'effort.  Cette  signification  admise,  on  voit  qu'il  serait  déplacé 
d'affirmer  la  force  là  où  manqueraient  les  raisons  d'affirmer 
l'effort.  Et  ces  raisons  manquent  à  leur  tour  là  où  font 
défaut  les  signes  extérieurs  de  la  conscience.  Tout  effort 
non  senti  et  même  non  voulu  semble  contradictoire.  Il 
doit  être  voulu  :  car  faire  effort  c'est  en  premier  lieu  se 
résister  à  soi-même,  c'est  arrêter  le  cours  spontané  des 
images  ou  des  idées  qui  vont  et  viennent  dans  la  conscience. 
Ce  pouvoir  d'arrêt  implique  la  volonté.  L'effort  doit  être 


senti,  car,  s'il  n'a  pas  d'intensité,  il  n'a  pas  de  réalité.  Et 
comment  distinguer  l'intensité  d'un  effet  de  l'intensité  de  la 
conscience  qui  l'accompagne  ?  La  notion  de  force  est  donc 
une  notion  innée,  si  Ton  appelle  de  ce  nom  tout  ce  qui  pro- 
vient de  la  connaissance  prise  par  l'âme  de  sa  propre  acti- 
vité. 

Cette  activité  se  manifeste  :  1°  dans  l'action  exercée  sur 
l'âme  par  l'âme  même  ;  2°  dans  l'action  exercée  par  l'âme 
sur  le  corps  qui  lui  est  adjoint  (encore  que  l'on  adhère  au 
matérialisme,  ces  deux  sortes  d'actions  ne  peuvent  être 
mises  en  doute  ;  le  fait  d'être  matérialiste  ou  spiritualiste 
conduit  à  les  interpréter  différemment,  rien  de  plus).  Une 
discussion  s'est  élevée  entre  les  philosophes  pour  savoir  en 
quoi  l'action  de  l'âme  sur  le  corps  pourrait  bien  consister. 
Faut-il  dire  qu'à  un  effort  conscient  correspond  un  chan- 
gement corporel  et  que  cette  correspondance  est  l'effet  d'une 
harmonie  ?  Doit-on  croire  que  l'âme  communique  au  corps 
quelque  chose  d'elle  comme  la  bille  qui  en  heurte  une  autre 
a  l'air  de  lui  communiquer  son  mouvement?  Si  ce  n'est 
point  là  ce  que  pensent  les  défenseurs  de  la  causalité  tran- 
sitive, il  est  bien  difficile  de  donner  à  leur  théorie  une  autre 
signification,  et  par  conséquent  de  ne  pas  déclarer  leur  con- 
ception inintelligible.  La  notion  de  transit  est  liée  à  celle 
d'un  objet  matériel  que  l'on  fait  mouvoir,  passer  d'un  lieu 
dans  un  autre.  Se  figurer  sur  ce  type  l'action  du  moral  sur 
le  physique,  et  réciproquement,  c'est  tenter  de  se  repré- 
senter l'irréprésentable.  Aussi  la  conception  leibnizienne 
qui  ramène  la  causalité  à  une  harmonie,  trouve  aujourd'hui 
encore  bon  nombre  de  partisans.  Cette  harmonie  ne  semble 
pas  rendre  compte  de  la  nécessité   de  l'effort.  Pour  peu 
que  l'on  y  réfléchisse  néanmoins  on  ne  tarde  pas  à  com- 
prendre qu'une  différence  de  degré  dans  l'antécédent  doit 
en  déterminer  une  dans  le  conséquent,  que  la  négation  d'une 
telle  proportionnalité  équivaudrait  à  celle  de  l'harmonie. 
La  difficulté  consiste  à  maintenir  cette  proportionnalité  sans 
se  laisser  dominer  par  de  fausses  images.  Et  l'image  de  la 
prétendue  communication  du  mouvement,  outre  qu'elle  ne 
peut  s'appliquer  à  rendre  compte  des  faits  d'action  réci- 
proque du  moral  et  du  mental,  risque  de  nous  rendre  inca- 
pables de  comprendre  le  mouvement.  Les  mots  mêmes  de 
«  perte  »,  de  «  gain  »,  usités  à  propos  du  mouvement,  ne  sont 
que  des  mots  ;  ils  rendent  compte  d'une  apparence,  mais  il 
s'en  faut  que  la  réalité  s'y  conforme.  Il  s'en  faut  de  tant,  que, 
loin  d'être  obligés  de  nier  toute  action  à  distance,  aux  yeux 
d'un  grand  nombre  de  bons  esprits,  nous  le  sommes  de  nier 
le  contact,  attendu  que  si  les  corps  sont  constitués  par  des 
monades  —  l'hypothèse  est  permise  —  la  nécessité  que  ces 
monades  jouissent  d'une  existence  distincte  leur  impose  non 
pas  d'être  essentiellement  impénétrables,  mais  de  revêtir  à  tout 
le  moins  le  simulacre  de  l'impénétrabilité.  Il  y  aurait  donc 
dans  la  sphère  d'action  de  chaque  monade  une  portion  où 
nulle  autre  qu'elle  ne  saurait  agir.  D'où  l'impossibilité  de 
tout  contact.  Les  défenseurs^de  ces  théories  ne  les  donnent 
point  pour  autres  que  ce  qu'elles  sont.  Et  ils  se  bornent, 
pour  la  plupart,  à  en  plaider  la  vraisemblance.  La  simple 
possibilité  que  de  telles  théories  trouvent  des  partisans 
démontre  à  quel  point  un  esprit  qui  se  gouverne  peut  résis- 
ter à  la  tyrannie  des  images  les  plus  naturellement  domi- 
nantes, et,  par  suite,  secouer  le  joug  de  la  notion  de  cause 
transitive.  Les  adversaires  de  cette  notion  ne  sont  pas, 
comme  on  l'a  pu  croire,    des  esprits  fermés  à  l'évidence 
et  auxquels  il  plaît  de  contester  la  réalité  de  l'effort.  Cette 
réalité,  ils  l'affirment.  Mais  ils  ont  leur  façon  à  eux  de 
l'interpréter. 

De  même,  on  se  fait  aisément  la  réputation  de  tenir 
cette  réalité  pour  douteuse,  lorsqu'on  se  refuse  à  conclure, 
du  sentiment  de  l'effort,  la  réalité  objective  dn  monde  exté- 
rieur. Maine  de  Biran  passe  pour  avoir,  grâce  à  sa  magis- 
trale analyse  de  la  notion  de  force,  réduit  à  néant  les  pré- 
tentions de  l'idéalisme»  Mais  le  réalisme  et  l'idéalisme  sont 
deux  conceptions  qui  se  sont  formées  en  dehors  de  la  psycho- 
logie et  qui,  par  conséquent,  n'en  sauraient  être  justi- 
ciables. L.  Dauriac. 


FORCE 


780 


ïî.  Mathématiques.  —  Force  vive.  —  On  entend  par 
force  vive  d'un  point  matériel  le  produit  de  sa  masse  par  le 
carré  de  sa  vitesse.  L'expression  est  impropre,  car  une  telle 
quantité  n'est  aucunement  comparable  à  une  force.  La  force 
vive  d'un  système  quelconque  est  la  somme  des  forces  vives 
despointsqui  le  composent.  Considérons  un  point  de  massem, 
qui  se  meut  sous  l'action  d'une  force  F.  Celle-ci  est  égale,  à 
chaque  instant,  au  produit  de  la  masse  par  l'accélération 
totale  y.  La  projection  de  y  sur  la  direction  de  la  vitesse  v 

est  l'accélération  tangentielle  j-  ;  la  projection  de  la  force 

dv 
sur  la  même  direction  est  donc  m  -rr.  D'ailleurs,  le  dépla- 
ce 

cernent  dans  le  temps  clt  est  égal  à  vdt.  Le  travail  élémen- 
taire de  la  force  (V.  ci-dessous,  §  Mécanique)  est  donc  égal 

à  m  -T-,  X  vdt,  c.-à-d.  à  mvdu  ou  encore  à  -  d  (mv2).  On 
dt  '  1     x       ' 

peut  donc  énoncer  ce  théorème  fondamental  :  le  travail  élé- 
mentaire de  la  force  est  égal  à  la  différentielle  de  la  demi- 
force  vive.  En  intégrant  pour  un  déplacement  fini,  on  voit  que 
le  travail  est  égal  à  la  demi-variation  de  la  force  vive.  Pour 
•un  système  quelconque  de  points  matériels,  le  théorème 
l'applique  à  chaque  point  pris  séparément,  et  l'on  en 
conclut  que  :  la  demi-variation  de  force  vive  d'un  système 
quelconque  à  la  suite  d'un  déplacement  quelconque  est  égale 
à  la  somme  des  travaux  de  toutes  les  forces.  C'est  le 
théorème  des  forces  vives.  Quand  il  y  a  une  fonction  de 
forces,  la  demi-variation  de  force  vive  est  égale  à  la  varia- 
tion de  cette  fonction,  et,  chaque  fois  que  la  fonction 
reprend  la  même  valeur,  il  en  est  de  même  de  la  force 
vive.  C'est  sur  cette  remarque  que  se  base  la  démons- 
tration de  l'impossibilité  du  mouvement  perpétuel 
(V.  ce  mot).  L.  Lecornu. 

III.  Mécanique. —  On  comprend,  en  mécanique,  sous  le 
nom  de  forces,  toutes  les  causes  capables  de  modifier  l'état 
de  repos  ou  de  mouvement  des  corps.  Ces  causes  peuvent 
être  d'origine  et  de  nature  très  diverses  ;  mais  la  méca- 
nique ne  se  préoccupe  pas  de  cette  question  :  envisageant 
les  forces  uniquement  au  point  de  vue  des  effets  produits, 
elle  considère  comme  identiques  deux  forces  qui,  en  toute 
circonstance,  agissent  de  la  même  façon.  Voici,  dès  lors, 
par  quelle  suite  d'idées  on  parvient  à  définir  mathématique- 
ment la  grandeur,  la  direction  et  le  sens  d'une  force  quel- 
conque. Le  mouvement  élémentaire  d'un  corps  solide  peut 
toujours  être  décomposé  en  deux  parties  :   d'abord  une 
translation  d'ensemble,  faisant  décrire  à  l'un  des  points  sa 
trajectoire  réelle,  puis  une  rotation  autour  du  même  point, 
destinée  à  donner  au  corps  son  orientation  réelle  dans  l'es- 
pace. Si  les  dimensions  du  corps  sont  très  petites,  on  peut 
admettre  que  le  phénomène  du  changement  d'orientation 
devient  négligeable  en  présence  de  celui  de  la  translation, 
et  l'on  n'a  plus  à  s'occuper  que  de  ce  dernier.  Tout  se  passe 
donc  comme  si  la  matière  était  concentrée  dans  un  volume 
infiniment  petit  :  c'est  ce  qu'on  appelle  un  point  maté- 
riel. Considérons  un  pareil  point,  et  supposons  qu'il  ne  soit 
sollicité  par  aucune  force.  On  admet  que,  si  ce  point  est  en 
repos,  il  va  y  rester,  et  que,  s'il  est  animé  d'une  certaine 
vitesse,  cette  vitesse  ne  va  pas  être  modifiée,  ou,  en  d'autres 
termes,  le  mouvement  va  être  rectiligne  et  uniforme.  Cette 
hypothèse  constitue  le  principe  de  l'inertie.  L'influence 
d'une  force  appliquée  à  un  point  matériel  doit  donc  se  tra- 
duire par  certaines  variations  dans  la  direction  et  la  gran- 
deur de  la  vitesse .  Or,  l'étude  cinématique  du  mouvement 
d'un  point  enseigne  à  définir  et  à  mesurer  très  simplement 
la  variation  de  la  vitesse  au  moyen  de  Y  accélération  totale 
(V.  ce  mot).  Il  est  donc  naturel  de  prendre  l'accélération 
totale  pour  mesure  de  la  force  elle-même  et  de  dire  que  la 
force  est  numériquement  égale  au  produit  de  l'accélération 
totale  par  un  certain  coefficient  m,  arbitrairement  choisi 
mais  constant  pour  un  même  point  matériel.  Si  donc  F  est 
la  grandeur  de  la  force  et,y  l'accélération  correspondante, 
on  écrira  :  F  —  m  -y.  La  direction  et  le  sens  de  la  force 


sont  en  outre,  par  définition,  identiques  avec  la  direction  et 
le  sens  de  l'accélération.  Cette  conception  de  la  force  sup- 
pose nécessairement  qu'une  même  force,  agissant  sur  le 
même  point  matériel,  lui  imprime  toujours  la  même  accé- 
lération, quel  que  soit  l'état  de  repos  ou  de  mouvement  du 
point  :  c'est  là  un  second  postulatum  que  l'on  est  obligé  de 
joindre  à  celui  de  l'inertie.  Du  reste,  l'observation  des  phé- 
nomènes naturels  montre  que  l'accélération  totale  est  bien 
l'élément  dynamique  par  excellence:  c'est  elle  qui,  dans  les 
mouvements  planétaires,  varie  en  raison  inverse  du  carré 
de  la  distance  au  soleil  ;  c'est  elle  aussi  qui  reste  constante 
dans  le  mouvement  d'un  corps  pesant  à  la  surface  de  la 
terre.  Cependant  on  ne  trouverait  pas  là  une  raison  suffi- 
sante pour  mesurer  la  force  au  moyen  de  l'accélération  plu- 
tôt que  du  carré  ou  de  toute  autre  puissance  de  l'accéléra- 
tion. Ici  intervient  un  troisième  postulatum,  qui  est  le 
suivant.  Quand  plusieurs  forces  agissent  simultanément  sur 
un  point  matériel,  leurs  effets  se  produisent  indépendamment 
les  uns  des  autres,  et  l'accélération  prise  par  le  point  maté- 
riel est  la  résultante  géométrique  des  accélérations  dues  à 
chacune  des  forces  agissant  isolément.  En  particulier,  s'il 
n'y  a  que  deux  forces,  et  si  ces  deux  forces  sont  dirigées 
dans  le  même  sens,  l'accélération  obtenue  est  la  somme  des 
accélérations  dues  à  chacune  des  forces.  Dès  lors,  il  est 
clair  que  les  forces  doivent  être  simplement  proportionnelles 
aux  accélérations  correspondantes. 

Le  troisième  postulatum  conduit  immédiatement  à  la 
règle  de  composition  des  forces  appliquées  à  un  même  point 
matériel.  Cette  règle  consiste  en  ce  que  toutes  ces  forces 
peuvent  être  remplacées  par  une  force  unique,  égale  à  leur 
résultante  géométrique.  S'il  n'y  a  que  deux  forces  appliquées, 
leur  résultante  est  la  diagonale  du  parallélogramme  cons- 
truit sur  les  deux  composantes  :  c'est  la  règle  du  parallé- 
logramme. Si  les  deux  forces  sont  égales  et  directement 
opposées,  leur  résultante  est  nulle  ;  l'accélération  du  point 
s'annule  également,  et  le  point  demeure  en  repos  ou  bien 
conserve  un  mouvement  rectiligne  et  uniforme  :  on  dit 
alors  que  les  deux  forces  se  font  équilibre. 

En  somme,  tant  que  l'on  se  borne  à  la  considération  d'un 
seul  point  matériel,  la  notion  dynamique  de  force  ne  dif- 
fère de  la  notion  cinématique  d'accélération  que  par  l'intro- 
duction du  coefficient  constant  arbitraire  que  nous  avons 
désigné  par  m.  Cherchons  maintenant  à  comparer  les  actions 
d'une  même  force  sur  différents  points  matériels.  Pour  cela, 
introduisons  encore  un  postulatum  qui  pourrait  s'appeler 
le  principe  de  l'unité  de  matière  et  qui  consiste  à  dire 
que  tous  les  points  matériels  peuvent  être  regardés  comme 
formés  par  la  réunion  de  molécules  toutes  identiques  entre 
elles,  de  telle  sorte  que  les  points  se  distinguent  unique- 
ment les  uns  des  autres  par  le  nombre  de  molécules  cons- 
tituantes. Convenons  alors  que,  pour  une  molécule  élémen- 
taire, îe  coefficient  arbitraire  sera  pris  égal  à  l'unité.  Si  un 
point  matériel  se  compose  de  m  molécules,  il  faudra,  pour 
imprimer  à  chacune  d'elles  une  accélération  y,  employer 
une  force  numériquement  égale  à  y.  La  force  capable  d'im- 
primer la  même  accélération  au  point  considéré  sera  donc 
égale  à  my.  On  est  ainsi  conduit  à  regarder  le  coefficient 
m,  qui  intervient  dans  l'expression  générale  de  la  force, 
comme  la  mesure  du  nombre  de  molécules  équivalent  au 
point  matériel,  et  l'on  donne  en  conséquence  à  ce  coefficient 
le  nom  de  masse  du  point  matériel.  La  masse  est  donc  la 
quantité  de  matière  contenue  dans  chaque  point.  Bien 
entendu,  la  grandeur  absolue  du  nombre  qui  exprime 
la  masse  est  tout  à  fait  arbitraire  :  la  seule  chose  bien  défi- 
nie est  le  rapport  des  différentes  masses  à  l'une  d'elles 
prise  pour  unité.  Ceci  posé,  si  une  force  donnée  imprime 
une  accélération  y  à  un  point  de  masse  m  et  une  accélé- 
ration Y  à  un  Pomt  ^e  masse  m'y  on  a  évidemment 
my=m'Y»  D'oii  ce  théorème  :  les  accélérations  imprimées 
par  une  même  force  à  différents  points  matériels  sont  en 
raison  inverse  des  masses. 

Pour  définir  mathématiquement  la  force  et  la  masse, 
nous  avons  été  obligés  d'admettre,  chemin  faisant,  un  cer- 


—  784  — 


FORCE 


tain  nombre  de  principes  :  ceux-ci  se  trouvent  justifiés  par 
l'accord  complet  des  théories  mécaniques  avec  l'expérience. 
Du  reste,  on  constate  sans  peine,  au  début  de  la  géométrie 
elle-même,  l'intervention  de  principes  qui  dérivent  égale- 
ment de  l'observation  du  monde  extérieur.  Tel  est  le  fameux 
postulatum  d'Euclide,  et  telle  aussi  cette  propriété  implici- 
tement attribuée  à  l'espace,  d'être  partout  identique  à,  lui- 
même,  ou  bien  encore  celle  d'avoir  trois  dimensions,  et  pas 
davantage. 

Considérons  maintenant  un  système  matériel  quelconque. 
Si  l'on  imagine  que  ce  système  soit  décomposé  en  un  grand 
nombre  de  parties  suffisamment  petites,  chacune  de  ces  par- 
ties peut  être  traitée  comme  un  point  matériel  possédant 
une  certaine  masse  et  soumis  à  l'action  de  certaines  forces. 
Mais  pour  avoir  le  mouvement  de  l'ensemble  du  système, 
il  faut  tenir  compte  à  la  fois  des  forces  appliquées  en 
chaque  point  et  des  liaisons  auxquelles  ce  point  est 
soumis,  soit  par  suite  delà  présence  de  corps  étrangers  tels 
que  lignes  ou  surfaces  fixes,  soit  par  suite  des  actions  mu- 
tuelles qui  s'exercent  entre  les  divers  points  du  système 
considéré.  Ces  liaisons,  quelles  qu'elles  soient,  peuvent 
d'ailleurs  être  remplacées  par  des  forces  capables  de  pro- 
duire les  mêmes  effets,  et  appelées  pour  ce  motif  forces  de 
liaison.  C'est  ainsi  qu'une  surface  fixe  sur  laquelle  un 
point  est  assujetti  à  se  mouvoir  peut  être  remplacée  parla 
force  de  réaction  de  cette  surface.  La  recherche  du  mou- 
vement d'un  système  matériel,  soumis  à  des  forces  données, 
constitue  l'objet  essentiel  de  la  dynamique.  La  statique 
n'est  qu'un  cas  particulier  de  la  dynamique  :  c'est  l'étude 
des  conditions  auxquelles  doivent  satisfaire  les  forces  appli- 
quées à  un  système  donné  pour  que  celui-ci  soit  en  équi- 
libre. Une  propriété  fondamentale  que  l'on  attribue  aux 
molécules  d'un  système  quelconque,  et  qui  constitue  le  der- 
nier postulatum  de  la  mécanique,  est  le  suivant  :  étant  don- 
nés deux  points  matériels  A  et  B,  si  A  agit  sur  B  avec  une 
certaine  force  dirigée  suivant  la  ligne  AB,  réciproquement 
le  point  B  agit  sur  le  point  A  avec  une  force  égale.  Ces 
deux  forces  sont  de  sens  contraires,  c.-à-d.  toutes  les  deux 
attractives  ou  toutes  les  deux  répulsives.  C'est  le  principe 
de  l'égalité  entre  l'action  et  la  réaction,  énoncé  pour  la  pre- 
mière fois  par  Newton. 

Unité  de  force.  En  vertu  de  la  relation  F  =  ray,  si 
l'on  a  numériquement  m  =  1  et  y  =  4 ,  l'on  a  aussi 
F  — 1.  L'unité  de  force  est  donc  la  force  qui,  en  agissant 
sur  une  masse  égale  à  l'unité,  lui  imprime  une  accélération 
égale  à  l'unité.  Comme,  d'autre  part,  la  valeur  numérique 
de  l'accélération  s'exprime  en  fonction  des  unités  de  longueur 
et  de  temps,  on  voit  que  le  choix  de  l'unité  de  force  résulte 
du  choix  des  unités  de  masse,  de  longueur  et  de  temps. 
Dans  le  système  CGS,  l'unité  de  force  est  la  force  qui,  en 
agissant  sur  une  masse  égale  à  celle  d'un  centim.  c.  d'eau 
distillée  (gramme),  lui  fait  parcourir,  à  partir  du  repos, 
une  longueur  d'un  4/2  centim.  dans  la  première  seconde. 
Car,  sous  l'action  d'une  force  constante,  en  grandeur  et  en 
direction,  un  point  matériel  prend  un  mouvement  unifor- 
mément accéléré  et  parcourt  au  bout  du  temps  t>  à  partir 

1  4 

du  repos,  l'espace  ez=  -yt2,  d'où,  pour  t  =  l,e=^  y. 

L'unité  de  force  ainsi  définie  est  la  dyne.  En  pratique,  on 
emploie  ordinairement  comme  unité  de  force  l'action  de  la 
pesanteur  s'exerçant  dans  des  conditions  données  :  on 
prend,  par  exemple,  le  poids  d'un  kilogr.  Mais  il  importe 
de  remarquer  que,  tandis  que  la  masse  d'un  certain  volume 
d'eau  est  invariable,  son  poids  change  avec  la  latitude. 

Moment  d'une  force.  Le  moment  d'une  force  par  rap- 
port à  un  axe  est  le  produit  obtenu  en  projetant  la  force 
sur  un  plan  perpendiculaire  à  l'axe,  et  multipliant  cette 
projection  par  sa  distance  à  l'axe.  Ce  moment  est  positif  ou 
négatif,  suivant  que  la  force  tend  à  faire  tourner  son  point 
d'application  dans  un  sens  convenu  autour  de  l'axe,  ou  en 
sens  contraire.  Le  moment  d'une  force  par  rapport  à  un 
plan  parallèle  à  cette  force  est  le  moment  de  la  force  par 


rapport  à  un  axe  situé  dans  le  plan  et  perpendiculaire  à  la  force . 
Travail  d'une  force.  Le  travail  élémentaire  d'une  force 
est,  par  définition,  le  produit  de  la  force  par  le  déplace- 
ment du  point  d'application,  projeté  sur  la  direction  de  la 
force.  En  d'autres  termes,  si  F  désigne  la  force  et  ds  le 
déplacement,  le  travail  élémentaire" a  pour  expression: 

Fds  Cos  (F  ds).  Le  travail  correspondant  à  un  déplacement 
fini  est  l'intégrale  du  travail  élémentaire  étendue  à  l'en- 
semble de  la  courbe  décrite  par  le  point  d'application.  Quand 
il  s'agit  d'un  mouvement  de  rotation  autour  d'un  axe  fixe, 
on  vérifie  sans  peine  que  le  travail  élémentaire  d'une  force  est 
égal  au  moment  de  cet  te  force  multiplié  par  l'angle  derotation. 
Composition  des  forces.  Composer  les  forces  appliquées 
à  un  corps  solide,  c'est  trouver  les  forces  les  plus  simples 
qui  puissent  être  substituées  à  celles-là  sans  changer  les 
conditions  d'équilibre  ou  de  mouvement.  Dans  le  cas  d'un 
solide  entièrement  libre,  les  forces  données  peuvent  être 
remplacées  par  trois  forces  appliquées  en  trois  points  arbi- 
traires, ou  bien  par  deux  forces  dont  l'une  est  appliquée  en  un 
point  arbitraire,  ou  bien  encore  par  une  force  et  un  couple. 
Si  le  couple  est  nul,  on  obtient  une  résultante  unique. 

Un  cas  particulier  important  est  celui  où  il  s'agit  de 
composer  des  forces  parallèles  à  une  même  direction.  Si 
l'on  commence  par  considérer  seulement  deux  forces,  on 
trouve  qu'elles  admettent  une  résultante  unique,  parallèle 
à  ces  forces,  et  située  dans  le  même  plan.  La  résultante  est 
égale  à  la  somme  ou  à  la  résultante  des  deux  forces  suivant 
que  celles-ci  sont  de  même  sens  ou  de  sens  contraires.  En 
outre,  si  les  forces  données,  F  et  F',  sont  appliquées  en 
deux  points  A  et  B,  la  force  résultante  peut  être  regardée 
comme  appliquée  en  un  point  C,  situé  sur  la  droite  A  B,  et 
tel  que  les  produits  F  X  A  C  et  F'  X  B  C  aient  la  même 
valeur  absolue.  Quand  les  forces  sont  de  même  sens,  le 
point  C  est  entre  les  points  A  et  B  ;  quand  elles  sont  de 
sens  contraires,  il  est  sur  le  prolongement  de  la  droite  AB, 
du  côté  de  la  plus  grande  force.  Si  les  forces  F  et  ¥  tournent 
autour  de  leurs  points  d'application  en  restant  parallèles  et 
conservant  les  mêmes  grandeurs,  la  résultante  tourne  éga- 
lement autour  de  son  point  d'application  C.  Dans  le  cas  très 
particulier  où  les  forces  F  et  W  sont  égales  et  de  sens  con- 
traires, le  point  C  est  rejeté  à  l'infini,  en  même  temps  que 
la  résultante  devient  nulle  :  il  n'y  a  plus  alors,  à  vrai  dire, 
de  résultante  unique.  Un  pareil  système  constitue  un 
couple  (V.  ce  mot).  Supposons  maintenant  qu'on  ait  à 
composer  un  nombre  quelconque  de  forces  parallèles.  On 
composera  d'abord  deux  forces  et  on  les  remplacera  ainsi 
par  une  force  unique,  de  même  direction,  qu'on  composera 
a  son  tour  avec  une  autre  force  du  système  et  ainsi  de  suite. 
Finalement,  on  obtiendra  une  résultante  unique,  ou  bien, 
exceptionnellement,  un  couple.  Lorsqu'il  y  a  une  résultante, 
on  peut,  sans  changer  sa  grandeur  non  plus  que  son  point 
d'application,  faire  tourner  simultanément  toutes  les  forces 
autour  de  leurs  points  d'application  respectifs,  à  condition 
de  conserver  leurs  grandeurs  et  leur  parallélisme.  Le  point 
d'application  de  la  résultante  s'appelle  le  centre  des  forces 
parallèles. 

Systèmes  _  de  forces  équivalents.  Deux  systèmes  de 
forces  sont  dits  équivalents  quand  ils  peuvent  être  substi- 
tués l'un  à  l'autre  sans  troubler  les  conditions  d'équilibre 
d'un  corps  solide.  Si  un  corps  solide  est  en  équilibre  sous 
l'action  de  forces  données,  et  si  l'on  partage  celles-ci,  d'une 
manière  arbitraire,  en  deux  groupes  distincts,  l'un  des 
groupes  est  évidemment  équivalent  au  système  formé  par 
les  forces  de  l'autre  changées  de  signe.  * 

Fonction  de  forces.  Soient  x,y,  %  les  coordonnées  rec- 
tangulaires de  l'un  des  points  matériels  qui  constituent  un 
système  donné  quelconque  et  soient  X,  Y,  Z  les  compo- 
santes de  la  force  qui  s'exerce  en  ce  point.  S'il  existe  une 
fonction  cp  de  toutes  les  coordonnées  telle  que  l'on  puisse 
écrire  : 


X  — 


do 
dx1 


Y  = 


Z  =  ^ 


do 


FORCE 


782  — 


on  dit  que  le  système  admet  une  fonction  de  forces,  égale 
à  ».  Pour  un  déplacement  élémentaire  (dx,  dy,  dz)  du  point 
considéré,  le  travail  de  laforceestégalàX<fcr-{-Ycfa/  -\-ldz. 

Si  l'on  fait  la  somme  V  (Xdx  -+■  Ydy  -+-  U%\  de  tous 

les  travaux  analogues  on  obtient  le  travail  élémentaire  total, 
et  l'on  constate  immédiatement  qu'il  est  exprimé  par  la  dif- 
férentielle dy.  Par  conséquent,  quand  le  système  passe 
d'une  position  à  une  autre,  la  somme  des  travaux  de  toutes 
les  forces  est  égale  à  la  variation  éprouvée  par  la  fonction 
de  forces,  et,  dans  les  limites  où  celle-ci  se  comporte 
comme  une  fonction  uniforme,  le  travail  total  est  indépen- 
dant de  la  forme  des  chemins  parcourus  par  les  divers 
points  pour  passer  delà  position  initiale  à  la  position  finale. 
Si  le  système  revient  finalement  à  sa  position  initiale,  le 
travail  total  est  nul.  La  fonction  de  forces  est  souvent  dési- 
gnée sous  le  nom  de  potentiel  (V.  ce  mot).   L.  Lecornu. 

Force  d'inertie  (V.  Inertie). 

Force  motrice.  —  On  appelle  force  motrice  toute  force 
capable  d'être  utilisée  pour  les  usages  industriels.  Les  forces 
motrices  naturelles  sont  les  chutes  d'eau,  la  force  du  vent, 
la  force  musculaire  de  l'homme  et  des  animaux.  Les  forces 
motrices  artificielles  sont  empruntées  soit  à  la  pression  de 
la  vapeur  d'eau,  comme  dans  les  machines  à  vapeur,  soit 
à  la  détonation  d'un  gaz  sous  l'action  de  la  chaleur,  comme 
dans  les  machines  à  air  chaud  et  à  gaz,  soit  à  l'énorme  ten- 
sion des  gaz  produits  subitement  dans  une  action  chimique, 
comme  dans  la  conflagration  de  la  poudre  et  des  matières 
explosives,  soit  enfin  aux  actions  électriques,  comme  dans 
les  machines  mues  par  les  courants  des  piles.  Les  machines 
employées  dans  l'industrie  peuvent  se  répartir  en  deux 
grandes  classes.  Les  unes  n'ont  pas  d'autre  objet  que  de 
produire  du  mouvement  ou  du  travail  :  ce  sont  les  ma- 
chines motrices.  Les  autres,  qui  reçoivent  le  mouvement  de 
la  machine  motrice,  servent  à  produire  l'effet  utile  qu'on 
veut  obtenir:  ce  sont  les  machines-outils.  Au  point  de  vue 
mécanique,  la  valeur  dune  machine  motrice  dépend  de  la 
quantité  de  travail  qu'elle  est  capable  de  produire  dans  un 
temps  donné,  puisque  c'est  ce  travail  qu'utilisent  les  ma- 
chines-outils. On  sait  que  l'unité  de  travail  est  le  kilo— 
grammètre,  travail  nécessaire  pour  élever  un  poids  de 
1  kilogr.  à  1  m.  de  hauteur;  mais,  ici,  le  temps  est  un 
élément  essentiel  pour  la  détermination  de  la  puissance 
d'une  machine  motrice,  car  on  conçoit  qu'à  la  longue  une 
machine  de  très  faible  puissance  finirait  par  produire  un 
nombre  infini  de  kiiogrammètres.  La  puissance  nominale 
des  machines,  ou,  suivant  l'expression  consacrée,  leur  force 
nominale,  se  mesure  donc  d'après  le  nombre  de  kiiogram- 
mètres qu'elles  fournissent  en  une  seconde.  L'unité  adoptée 
en  France  est  le  cheval-vapeur  :  c'est  la  puissance  d'une 
machine  capable  de  produire  7 5  kiiogrammètres  par  seconde. 
Ainsi  une  machine  produisant  375  kiiogrammètres  par  se- 
conde sera  dite  d'une  force  de  5  chevaux.  Il  faut  reconnaître 
que  le  mot  force  est  ici  mal  choisi  ;  on  arrive  à  faire  prévaloir 
celui  de  puissance  qui  donne  une  idée  beaucoup  plus  nette 
de  la  quantité  qu'il  s'agit  de  mesurer  (V.  Cheval-vapeur, 
t.  X,  p.  1136).  Toutes  les  machines  sont  construites  en 
vue  d'une  allure  et  d'une  pression  déterminées,  de  façon 
que  leur  rendement  économique  soit  le  meilleur  possible 
quand  on  les  fait  marcher  dans  les  conditions  prévues  à 
l'avance.  C'est  la  puissance  de  la  machine,  quand  elle 
fonctionne  dans  ces  conditions  normales,  qu'on  appelle  la 
force  nominale  de  la  machine.  La  puissance  nominale  d'une 
chute  d'eau  peut  aussi  s'évaluer  en  chevaux-vapeur.  Mais 
la  machine  hydraulique  destinée  à  recueillir  le  travail  pour 
le  transmettre  à  l'arbre  moteur  ne  le  transmettra  jamais 
tout  entier,  de  sorte  que  la  puissance  de  la  machine  sera 
toujours  inférieure  à  celle  de  la  chute  d'eau.  Au  point  de 
vue  économique,  la  force  motrice,  ou  plus  exactement  le 
travail  moteur,  est  une  véritable  marchandise  que  peut 
vendre  tout  propriétaire  de  machine.  Un  pareil  contrat 
s'appelle  une  location  de  force  motrice  ;  le  locataire  est 
autorisé  à  faire  mouvoir  ses  machines-outils  en  empruntant 


le  mouvement  à  l'arbre  de  la  machine  motrice  du  proprié- 
taire ;  il  achète  ainsi  tout  le  travail  consommé  par  ces  ou- 
tils pendant  la  durée  de  la  location.  Dans  le  même  ordre 
d'idées,  on  a  cherché  à  subdiviser  et  à  transmettre  au  loin 
le  travail  d'un  moteur.  Le  problème  du  transport  de  la 
force  motrice  à  distance  a  été  en  partie  réalisé  par  l'em- 
ploi des  câbles  télodynamiques  (V.  Transmission).  Une 
solution  préférable  est  fournie  par  l'emploi  de  machines 
dynamo-électriques,  qui  transforment  le  travail  moteur  en 
énergie  électrique  au  point  de  départ  et,  inversement,  les 
courants  électriques  en  travail  au  point  d'arrivée.  Il  n'est 
pas  téméraire  de  prévoir  qu'à  une  époque  peu  éloignée,  de 
puissants  courants  électriques  parcourront,  dans  les  villes, 
un  vaste  réseau  de  fils  métalliques,  apportant  dans  chaque 
habitation,  dans  chaque  atelier,  la  lumière,  la  chaleur  et 
la  force  motrice.  L.  Knab. 

Loi  des  forces  (V.  Atwood  [Machine  d']). 

IV.  Physique.  —  Force  ascensionnelle  (V.  Aé- 
rostat). 

Force  centrifuge  (V.  Inertie). 

Force  centripète  (V.  Centripète). 

Force  coercitive.  —  On  donne  le  nom  de  force  coerci- 
tive  à  la  cause,  inconnue  d'ailleurs,  qui  s'oppose  aux  chan- 
gements de  magnétisme  des  corps;  cette  cause  agit  quand 
on  cherche  soit  à  augmenter,  soit  à  diminuer  le  magnétisme 
d'un  corps  ;  elle  varie  beaucoup  d'intensité  avec  les  divers 
corps  :  le  fer^doux  est  presque  entièrement  dénué  de  force 
coercitive  ;  aussi  il  s'aimante  facilement  quand  on  le  place 
dans  un  champ  magnétique,  et  il  perd  aussi  facilement  le 
magnétisme  qu'il  a  acquis  lorsqu'on  le  soustrait  à  l'action 
du  champ.  L'acier  trempé,  au  contraire,  n'acquiert  que 
lentement  des  propriétés  magnétiques  faibles,  même  lors- 
qu'il est  placé  dans  un  champ  magnétique  puissant  ;  mais 
ce  magnétisme,  une  fois  développé,  persiste  lorsque  le 
champ  disparaît.  La  force  coercitive  nous  apparaît  donc 
agir  à  la  façon  du  frottement  :  un  corps  soumis  à  diverses 
forces  et  placé  dans  un  liquide  visqueux  ne  prendra  que 
lentement  sa  position  d'équilibre,  et  ces  forces,  venant  à 
disparaître,  il  ne  reprendra  que  lentement  sa  nouvelle 
position  d'équilibre  ;  un  corps  plongé,  au  contraire,  dans 
un  milieu  sans  résistance,  prend  aussitôt  la  position  que  lui 
assignent  les  forces  auxquelles  il  est  soumis,  et  quelques- 
unes  de  celles-ci,  venant  à  disparaître,  il  reprend  aussitôt 
sa  nouvelle  position  d'équilibre. 

Non  seulement  la  force  coercitive  varie  avec  les  divers 
corps,  mais  elle  varie  aussi  avec  certaines  modifications 
qu'on  leur  fait  subir  ;  on  peut  dire  aussi  d'une  façon  géné- 
rale que  les  causes  qui  augmentent  la  ductilité  diminuent  la 
force  coercitive.  Ainsi  la  trempe  de  l'acier  augmente  de 
beaucoup  la  force  coercitive  ;  il  en  est  de  même"  quand  la 
teneur  en  carbone  de  l'acier  augmente.  Le  fer  le  plus  pur 
a  une  force  coercitive  très  faible  ;  le  fer  pur  martelé  en  a 
une  plus  considérable.  Les  actions  qui  diminuent  le  frotte- 
ment diminuent  aussi  la  force  coercitive  ;  ainsi  on  sait  que 
les  chocs  diminuent  le  frottement  parce  qu'ils  substituent 
dans  les  machines  en  équilibre  le  frottement  de  mouve- 
ment au  frottement  de  repos  toujours  plus  considérable  ; 
ainsi,  pour  connaître  la  position  d'équilibre  d'un  baromètre 
à  cadran,  pour  vaincre  la  paresse  de  l'instrument,  c.-à-d. 
pour  diminuer  les  frottements,  on  lui  donne  une  série  de 
petits  chocs  :  toutes  les  pièces  de  l'appareil  vibrent,  et  les 
frottements  au  repos  qui  s'opposaient  tout  à  l'heure  à  l'éta- 
blissement de  l'équilibre  sont  remplacés  par  des  frotte- 
ments de  mouvement  beaucoup  moins  considérables.  De 
même,  une  barre  d'acier  trempé  placée  dans  un  champ 
magnétique  puissant  s'aimante  beaucoup  plus  facilement 
quand  on  lui  imprime  de  légers  chocs  ou  des  vibrations. 
Inversement,  une  barre  d'acier  trempé,  fortement  aimanté 
à  l'aide  de  ces  chocs,  conservera  son  magnétisme  une  fois 
hors  du  champ  magnétique,  mais  si  on  le  soumet  alors  à 
une  nouvelle  série  de  chocs,  ou  si  on  le  laisse  tomber,  par 
exemple,  son  magnétisme  diminuera.  Les  propriétés  ma- 
gnétiques d'un  aimant  semblent  donc  consister  en  une 


—  783  — 


FORCE 


orientation  particulière  des  éléments  magnétiques  des  corps, 
orientation  plus  ou  moins  gênée  dans  certains  corps  par 
une  force  analogue  à  un  frottement,  la  force  coercitive. 
Force  condensante  (V.  Condensation). 

FOKCE  DÉMAGNÉTISANTE  (V.  DÉMAGNÉTISANTE). 

Force  électromotrice  (V.  Constante  des  piles). 

Force  portative  des  aimants.  —  La  force  portative  des 
aimants  dépend  non  seulement  de  la  quantité  de  magné- 
tisme qu'ils  renferment,  mais  aussi  de  leur  forme  et  de 
celle  du  contact  que  l'on  met  en  présence  de  leurs  pôles.  Les 
aimants  recourbés  en  forme  de  fer  à  cheval  présentent  des 
phénomènes  particuliers;  leur  force  portative,  lorsque  le 
contact  est  mis  en  présence  des  deux  pôles,  est  plus  du 
double  de  celle  d'un  barreau  droit  de  même  section  et  de 
longueur  égale  à  leur  développement.  Quand  on  applique  à 
un  barreau  aimanté  une  armature  de  fer  doux,  on  constate 
que  la  quantité  de  magnétisme  extérieur  ne  change  pas  : 
un  point  extérieur  éprouve  de  la  part  du  barreau  une  action 
moins  considérable  qu'avant  la  mise  du  contact,  mais  celui-ci 
fait  éprouver  à  ce  point  une  action  qui  vient  compenser 
sensiblement  cette  diminution.  Il  n'en  est  pas  de  même 
avec  les  aimants  en  fer  à  cheval .  Jamin  a  constaté  qu'un 
aimant  en  fer  à  cheval,  muni  de  son  contact,  n'a  plus  sur 
les  points  extérieurs  qu'une  action  très  faible.  Si  l'on  con- 
sidère les  aimants  comme  formés  par  une  sorte  de  faisceau 
de  filets  magnétiques  dont  les  pôles  sont  aux  extrémités, 
on  doit  envisager  les  aimants  en  fer  à  cheval  comme  cons- 
titués par  l'ensemble  d'un  grand  nombre  de  ces  filets  ayant 
tous  la  forme  d'un  fer  à  cheval  ;  le  contact  que  l'on  met 
vis-à-vis  des  deux  pôles  a  pour  effet  de  fermer  tous  les 
filets  dont  les  extrémités  passent  par  les  points  de  contact 
de  l'aimant  et  de  son  contact.  Or,  l'action  d'un  filet  fermé 
sur  un  point  extérieur  est  nul  ;  on  explique  ainsi  le  peu 
d'action  qu'exerce  sur  les  points  extérieurs  un  aimant  en 
fer  à  cheval,  même  puissant,  quand  il  est  muni  de  son  con- 
lact.  On  a  quelquefois  désigné  ce  phénomène  par  l'expres- 
sion de  magnétisme  dissimulé  pour  le  rapprocher  de  ce  que 
l'on  appelle  l'électricité  dissimulée  dans  la  théorie  de  la 
condensation  électrique.  Jamin  a  étudié  les  modifications 
qu'éprouve  le  fer  doux  qui  constitue  le  contact  lorsqu'on 
l'approche  lentement  des  branches. du  fer  à  cheval.  Pour 
une  certaine  distance  entre  l'aimant  et  le  fer  doux,  ce 
dernier  se  trouve  aimanté  par  influence  et  possède  des  pôles 
de  noms  contraires  à  ceux  de  l'aimant  qui  sont  en  regard; 
puis,  pour  une  distance  plus  petite,  le  fer  doux  est  à  l'état 
neutre  ;  si  on  l'approche  davantage,  il  s'aimante  d'une 
façon  inverse  de  la  première.  Jamin  a  trouvé  que  si  l'on 
désigne  par  M  la  quantité  de  magnétisme  dissimulé,  par  S 

M2 
la  surface  d'adhérence,  la  force  portative  est  égale  à  -^-. 

On  a  donc  intérêt  à  prendre  un  contact  pouvant  dissimuler 
la  plus  grande  quantité  de  magnétisme  possible.  Par  la 
superposition  de  50  lames  d'acier  aimantées  séparément, 
Jamin  a  pu  obtenir  un  aimant  portant  500  kilogr.,  soit  à 
peu  près  dix  fois  son  poids. 

Couple  de  forces  (V.  Couple). 

Lignes  de  force.  —  Considérons  un  champ  électrique, 
c.-à-d.  un  espace  dans  lequel  se  trouvent  des  masses  élec- 
trisées.  Le  potentiel  (V.  ce  mot)  est  variable  aux  divers 
points  du  champ,  mais  il  existe  une  infinité  de  points  ayant 
même  potentiel  ;  le  lieu  de  ces  points  se  nomme  une  sur- 
face équipotentielle.  Etant  donné  un  système  de  masses  élec- 
triques il  existe  une  infinité  de  ces  surfaces  équipotentielles; 
pour  les  représenter,  on  coupe  le  champ  électrique  par  un 
plan  et  l'on  figure  sur  ce  plan  les  traces  des  surfaces  équi- 
potentielles correspondant  à  des  potentiels  croissant  ou 
décroissant  suivant  les  termes  d'une  progression  arithmé- 
tique. On  aura  alors  un  graphique  analogue  aux  courbes 
de  niveau  des  cartes  géographiques.  On  appelle  lignes  de 
force  les  trajectoires  orthogonales  des  surfaces  équipoten- 
tielles ;  ces  lignes  jouissent  delà  propriété  d'être  tangentes 
en  chaque  point  à  la  direction  de  la  force  électrique  en  ce 


point.  On  peut  même  avoir  une  valeur  approchée  de  l'in- 
tensité de  la  force  ;  en  un  point  du  graphique  l'inten- 
sité est  sensiblement  en  raison  inverse  de  la  distance  des 
deux  courbes  équipotentielles  qui  comprennent  le  point, 
distance  comptée  sur  la  ligne  de  force  du  point  P.  C'est 
ainsi  que  sur  une  carte  géographique  où  sont  tracées  des 
lignes  de  niveau,  la  grandeur  de  la  pente  du  terrain  aux 
divers  points  est  d'autant  plus  considérable  que  les  lignes 
de  cotes  égales  sont  plus  serrées.  La  construction  de  pa- 
reils graphiques  contenant  les  traces  des  surfaces  équipo- 
tentielles et  les  lignes  de  force  est  donc  très  utile  dans 
bien  des  cas.  Nous  reproduisons  ici  comme  exemple  le 


F 


Lignes  de  force. 

graphique  qui  correspond  à  un  champ  électrique  composé 
de  deux  points  M  et  N  chargés  d'électricités  de  signe  con- 
traire. A.  Joannis. 

V.  Chimie.  —  Force  de  la  poudre  et  des  matières 

EXPLOSIRLES  (V.  POUDRE  et  EXPLOSIF). 

VI.  Physiologie  (V.  Dynamogénie  et  Inhibition). 

VII.  Economie  politique  (V.  Agents  naturels). 

VIII.  Théologie  (V.  Ange). 

IX.  Jurisprudence.  —  Cas  de  force  majeure  (V.Cas). 

X.  Droit  administratif.— Force  publique.  — On  en- 
tend par  force  publique  la  réunion  des  forces  individuelles 
organisées  pour  la  défense  du  pays  contre  les  attaques  exté- 
rieures et  l'exécution  des  lois  à  l'intérieur.  Elle  se  compose 
de  l'armée  de  terre,  de  l'armée  de  mer  et  de  divers  autres 
éléments  qui  sont  :  les  gardes  forestiers,  gardes  cham- 
pêtres, gardes  particuliers  ;  les  préposés  du  service  actif 
des  douanes  ;  les  officiers  de  paix,  inspecteurs,  gardes  mu- 
nicipaux, gardiens  de  la  paix,  appariteurs  et  autres  agents 
de  police.  Dans  le  cas  de  flagrant  délit,  toute  personne  peut 
même  devenir  un  agent  de  la  force  publique  (C.  instr.  crim. , 
art.  106).  Autrefois,  la  force  publique  comprenait  aussi  la 
garde  nationale.  Le  président  de  la  République  dispose  de 
la  force  armée  (loiconst.  du  25  févr.  4875,  art.  3). 

La  force  publique  a  donc  été  instituée  dans  un  double 
but  :  combattre  l'ennemi  de  l'extérieur  et  maintenir  l'ordre 
à  l'intérieur.  La  défense  nationale  a  été  confiée  aux  armées 
déterre  et  de  mer  (V.  Armée);  la  gendarmerie  a  été  prin- 


FORCE 


—  784  — 


cipalement  chargée  du  maintien  de  Tordre.  Ce  corps  a  été, 
en  effet,  créé  pour  veiller  à  la  sûreté  publique  et  pour 
assurer  l'exécution  des  lois  dans  toute  l'étendue  du  teri- 
toire  (décr.  du  1er  mars  1854,  art.  1).  La  gendarmerie 
et  les  autres  parties  de  l'armée  peuvent  être  mises  en  mou- 
vement par  les  autorités  civiles,  soit  administratives,  soit 
judiciaires,  au  moyen  de  réquisitions.  C'est  là  une  des  plus 
graves  et  des  plus  importantes  attributions  du  pouvoir 
civil  ;  elle  a  donné  lieu  à  bien  des  difficultés.  La  réqui- 
sition et  l'emploi  de  la  force  publique  sont  encore  régis  par 
la  loi  du  40  juil.  1791,  dans  ses  art.  9,  13,  17  et  19  du 
titre  III. 

Ces  articles  expliquent  la  nature  des  rapports  qui  doivent 
exister  entre  l'autorité  civile  et  l'autorité  militaire,  en  cas 
d'action  simultanée  ;  ils  peuvent  être  résumés  comme  suit: 
le  pouvoir  civil  n'a  pas  le  droit  de  donner  des  ordres  di- 
rects à  l'armée  ;  il  ne  peut  agir  sur  elle  que  par  voie  de 
réquisition.  L'autorité  militaire  est  seule  chargée  des  mou- 
vements de  troupes  et  des  autres  détails  d'exécution.  La 
réquisition  est  adressée  au  général  commandant  la  subdi- 
sion  du  département  ;  en  cas  d'urgence,  elle  peut  être  re- 
mise au  chef  militaire  le  plus  voisin,  Les  commandants  des 
divisions  et  des  subdivisions  ont  aussi  la  faculté  de  délé- 
guer à  leurs  subordonnés  leurs  pouvoirs  pour  répondre 
aux  réquisitions,  à  la  condition  d'en  rendre  compte  immé- 
diatement au  ministre  de  la  guerre.  L'autorité  civile  a  le 
droit,  même  après  la  transmission  de  ses  instructions,  d'in- 
tervenir officieusement  par  des  avis,  des  indications  et  des 
conseils.  Enfin,  les  chefs  militaires  sont  tenus  de  veiller  à 
l'exécution  des  réquisitions,  jusqu'à  ce  que  les  magistrats 
civils  leur  aient  notifié  que  leur  tâche  est  terminée.  Nous  ajou- 
terons que  les  réquisitions  ne  doivent  jamais  avoir  qu'un 
caractère  temporaire  et  transitoire,  en  vue  de  maintenir  ou 
de  rétablir  l'ordre  par  des  actes  spéciaux  et  définis.  S'il 
s'agissait  de  mesures  plus  générales  et  plus  durables,  tels 
que  changements  ou  renforts  de  garnison,  l'accord  préa- 
lable des  autorités  supérieures  serait  toujours  indispen- 
sable. 

Le  droit  de  requérir  directement  la  force  publique  appar- 
tient à  tous  les  officiers  de  police  judiciaire  dans  l'exercice 
de  leurs  fonctions  (G.  instr.  crim.,  art.  9  et 25).  Il  a  été  éga- 
lement donné  aux  huissiers  (décr.  du  11  juin  181 1),  aux 
préposés  des  douanes,  des  contributions  directes  et  indi- 
rectes, des  octrois,  des  postes,  des  eaux  et  forêts  (loi  du 
6  août  1791,  titre  13,  art.  14  ;  loi  du  28  germinal  an  VI, 
art.  133;  arrêté  du  27  prairial  an  IX,  art.  9  ;  décr.  du 
1er  floréal  an  XIII,  art.  34;  ordonn.  du  9  déc.  1814, 
art.  65;  décr.  du  1er  mars  1854,  art.  459;  C.  for., 
art.  64  ;  loi  du  15  avr.  1829,  art.  43)-.  Ce  pouvoir  de  ré- 
quisitionner la  force  publique  n'appartient  qu'aux  fonction- 
naires auxquels  il  a  été  expressément  conféré.  Ainsi,  le 
président  d'un  conseil  général,  bien  que  chargé  du  main- 
tien de  l'ordre  dans  la  salle  des  séances,  n'a  pas  le  droit 
de  requérir  directement  les  agents  de  la  force  publique.  Il 
doit  s'adresser  au  préfet,  lequel  a  qualité  pour  agir  (Cass., 
3  déc.  1874).  Les  commandants,  officiers  ou  sous-officiers 
de  la  force  publique  sont  tenus  d'agir,  quand  ils  en  ont  été 
légalement  requis,  sous  peine  d'emprisonnement  et  de  ré- 
parations civiles,  s'il  y  a  lieu  (C.  pén.,  art.  234). 

Les  règles  que  nous  venons  d'énoncer  ne  sont  plus 
applicables  quand  l'état  de  siège  a  été  proclamé.  Tous  les 
pouvoirs  sont  alors  dévolus  à  l'autorité  militaire,  et  c'est 
le  commandant  de  place  qui  est  chargé  du  maintien  de 
l'ordre  et  de  la  police  aux  lieu  et  place  des  magistrats  civils 
(lois  des  10  juil.  1791  et  24  déc.  1811).  L'état  de  siège, 
qui  est  essentiellement  transitoire  et  ne  doit  être  motivé 
que  par  des  circonstances  graves,  ne  peut  être  déclaré  que 
par  une  loi  (loi  du  3  avr.  1878,  art.  1). 

Toute  attaque,  toute  résistance  avec  violence  et  voies  de 
fait  envers  les  agents  de  la  force  publique,  dans  l'exercice 
de  leurs  fonctions,  est  qualifiée,  suivant  les  circonstances, 
crime  ou  délit  de  rébellion  et  punie  des  peines  portées 
aux  art.  210  à  221  du  C.  pén.  Les  art.  224  et  suivants 


du  même  code  prévoient  le  cas  d'outrages  envers  lesdits 
agents,  par  paroles,  gestes  ou  menaces.  -  Jules  Forestier. 
Bibl.  :  Philosophie.  —  Sur  la  Notion  de  force,  consul- 
tez :  Maine  de  Biran,  Œuvres  ;  l'Essai  vigoureux  de 
F.  Magy  :  la  Science  et  la  Nature  ;  Paris,  1866,  in-8.  — 
L.  Dauriac,  Des  Notions  de  matière  et  de  force  dans  les 
sciences  de  la  nature  ;  Paris,  1878,  in-8.  —  Alexis  Ber- 
trand, la  Psychologie  de  l'effort  ;  Paris,  1889. 

FORCE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Castel- 
naudary,  cant.  de  Fangeaux  ;  232  hab. 

FORCE  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Dordogne, 
arr.  de  Bergerac,  sur  une  colline  dominant  la  vallée  de  la 
Dordogne;  1,248  hab.  Orphelinat  et  asile  d'idiots, d'incu- 
rables et  d'aveugles  fondés  par  le  pasteur  John  Bost.  Tourbes. 
Restes  de^  l'ancien  château  de  La  Force,  détruit  en  1793. 

FORCÉ.  Corn,  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr.  de  Laval, 
cant.  d'Argentré;  280  hab.. 

FORCE-Réal.  Ruines  d'une  forteresse  du  dép.  des  Py- 
rénées-Orientales, arr.  de  Perpignan,  corn,  de  Millas.  Elle 
paraît  avoir  été  bâtie  par  Sanche  de  Majorque  ;  elle  est 
citée  pour  la  première  fois  en  1318  et  résista,  en  1389,  à 
des  compagnies  ;  la  tour  a  été  démolie  en  1438  ;  le  châ- 
teau était  en  ruine  en  1493.  La  tour  faisait  partie  du 
réseau  à'atalayes  qui  servaient  à  la  fois  à  surveiller  le 
pays  et  à  transmettre  les  signaux.  Près  des  restes  de  la 
forteresse  est  un  ermitage  fondé  à  la  fin  du  xvne  siècle 
par  la  baronne  de  Montclar.  Le  logis  de  l'ermite,  grâce  à 
sa  situation  exceptionnelle  et  à  la  blancheur  de  sa  paroi 
orientale,  est  visible  de  la  plaine  du  Roussillon  et  de  la 
mer.  Aug.  Brutails. 

Bibl.  :  Alart,  Notices  historiques,  t.  I,  pp.  114  et  suiv. 

—  Président  Aragon  et  abbé  J.  Tolra  de  Bordas,  No- 
tice sur  Force-Réal;  Perpignan,  1859. 

FORCE  (De  La).  Famille  de  Guyenne  appartenant  à  la 
branche  de  Castelnau,  de  la  maison  de  Caumont.  Elle  prit 
le  nom  de  La  Force  lorsque  la  terre  de  ce  nom  passa  dans 
la  famille  par  le  mariage  de  François  de  Caumont,  seigneur 
de  Castellane,  avec  Philippes  de  Beaupoil,  dame  de  La  Force. 
François  de  La  Force,  né  en  1524,  embrassa  le  protes- 
tantisme et  fut  tué  à  la  Saint-Barthélémy  avec  son  fils  aîné, 
Armand.  Son  fils  cadet,  Jacques,  devint  le  premier  maré- 
chal de  La  Force  (V.  ci-dessous)  et  eut  un  fils,  Armand, 
qui  fut  aussi  maréchal  de  France.  —  Parmi  les  autres 
membres  de  cette  famille,  nous  citerons  :  Armand,  petit- 
fils  de  Jacques,  né  vers  1615,  mort  à  La  Haye  le  16  mai 
1701,  qui  suivit  la  fortune  de  Guillaume  III,  fut  gentil- 
homme ordinaire  de  sa  chambre,  lieutenant  général  des 
armées  des  Etats  de  Hollande  et  gouverneur  de  Naërden. 

—  Son  petit-neveu,  Jacques  ou  Henry,  mort  à  La  Bou- 
laye,  près  d'Evreux,  le  19  avr.  1699,  fut  persécuté  à  cause 
de  ses  opinions  religieuses  par  Louis  XIV  et  enfermé  deux 
ans  à  la  Bastille  (1689-1691).  —  En  revanche,  son  fils, 
Henry,  né  le  5  mars  1675,  mort  à  Paris  le  20  juil.  1726, 
enlevé  à  ses  parents  et  élevé  par  les  jésuites,  persécuta  ses 
coreligionnaires.  Colonel  d'un  régiment  de  son  nom,  membre 
de  l'Académie  française  (28  janv.  1715),  président  du 
conseil  des  finances  (1716)  et  membre  du  conseil  de  régence, 
protecteur  de  l'Académie  de  Bordeaux,  il  se  signala,  sous 
Law,  par  ses  honteuses  spéculations  qui  le  firent  poursuivre 
et  blâmer  par  arrêt  du  Parlement.  Louis  Farges. 

Bibl.:  Haag,  la  France  protestante.  —Le  P.  Anselme, 
Hist.  généalogique,  t.  IV. 

FORCE  (Jacques  de  Caumont,  seigneur,  ensuite  duc  de 
La),  maréchal  de  France,  né  le  30  oct.  1558,  mort  à  Ber- 
gerac le  10  mai  1652.  Il  était  encore  enfant,  lorsqu'il 
parvint  à  échapper  au  massacre  de  la  Saint-Barthélémy 
(1572),  à  la  suite  duquel  il  fut  obligé  de  rester  longtemps 
caché.  Henri  IV  étant  monté  sur  le  trône,  Jacques  de  La 
Force  le  servit  brillamment  à  Arques  (1589).  Créé  ensuite 
gouverneur  de  Sainte-Foy  et  de  Bergerac,  il  y  servit  avec 
distinction.  Après  la  mort  du  roi  Henri,  on  le  voit  se  jeter 
avec  ardeur  dans  le  parti  calviniste  et  se  distinguer  à 
la  défense  de  Montauban  (4621),  contre  l'armée  royale. 
Condamné  à  mort  pour  rébellion,  il  fit  l'année  suivante 
son  accord  avec  la  cour  et  fut  créé  maréchal  de  France  le 


785  — 


FORCE  —  FORCEMENT 


27  mai  1622.  A  l'armée  de  Piémont  en  1630,  il  prit 
Pignerol  et  battit  les  Espagnols  à  Carignan.  Envoyé  en 
Lorraine  (1634-1638)  il  s'y  tit  remarquer  et  remporta  de 
grands  avantages.  Louis  XIII  le  nomma  gouverneur  de 
Béarn,  puis  duc  et  pair.  Armes  :  d'azur  à  trois  léopards 
d'or  L'un  sur  Vautre,  armés  et  lampassés  de  gueules. 

FORCE  (Armand-Nompar  de  Caumont,  marquis  de  La), 
maréchal  de  France,  fils  aîné  du  précédent,  mort  au  châ- 
teau de  La  Force  le  16  déc.  1675.  Capitaine  de  la  compa- 
gnie des  gardes  du  corps  du  roi  en  16 14,  il  fut  cassé  pour 
avoir  pris  les  armes  en  faveur  des  protestants  (1620). 
Rentré  sous  l'obéissance  du  roi  en  1622,  il  fut  créé  maré- 
chal de  camp  et  se  distingua  à  Carignan  (1630).  Maître  de 
la  garde-robe  du  roi  en  1632,  il  exerça  ces  fonctions  pen- 
dant cinq  années  et  s'en  démit  volontairement  (1637). 
Envoyé  entre  temps  en  Lorraine  (1634),  il  avait  fait  le 
fameux  siège  de  La  Mothe,  pris  plusieurs  autres  places  et 
fait  le  siège  de  Corbie  (1636).  Nommé  lieutenant  géné- 
ral en  1638,  il  servit  au  siège  de  Fontarabie  et  fut  élevé  à 
la  dignité  de  maréchal  de  France  le  29  août  1652. 

FORCE  (Peter),  publiciste  américain,  né  en  1790,  mort 
en  1868.  D'abord  imprimeur  à  New  York,  il  s'établit 
à  Washington,  où  il  publia  le  National  Journal  (1823- 
1830)  et  le  National  Calendar  (1830-1836).  Il  avait 
réuni  une  collection  unique  de  livres  et  de  documents  rela- 
tifs à  l'histoire  de  l'Amérique.  Il  y  puisa  les  matériaux  de 
ses  American  Archives  (1837-1853),  dont  le  dixième 
volume  n'a  pas  été  imprimé,  et  de  quatre  volumes  de  Tracts 
and  other  Paper  s  (1836-1847).  Le  Congrès  acheta  en 
bloc  cette  collection,  en  1867,  pour  100,000  dollars.  Force 
fut  maire  de  Washington  pendant  plusieurs  années.  Il  a 
laissé,  en  outre  de  ses  compilations  historiques,  une  étude 
sur  les  aurores  boréales:  Record  of  auroral Phenomena 
(1856)  et  un  autre  ouvrage  intitulé  Grinnell  Land  (  1 852). 

FORCE  LLES-Saint-Gorgon  {Ecclesia  de  Forcelle, 
1176).  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Nancy,  cant.  de  Vézelise,  sur  le  chem.  de  fer  de  Nancy  à 
Lângres  ;  222  hab.  Eglise  avec  chœur  et  tour  du  xne  siècle; 
château  ruiné.  Le  fief  de  Morcelles  relevait  du  comté  de 
Vaudémont. 

FORCELLES-sous-Gugney.  Com.  du  dép.  de  Meurthe- 
et-Moselle,  arr.  de  Nancy,  cant.  de  Vézelise  ;  249  hab. 

FORCELLINI  (Egidio),  célèbre  lexicographe  italien,  né 
à  Fener,  dans  la  Marche  trévisane  le  26  août  1688,  mort 
le  4  avr.  1768,  C'est  au  séminaire  de  Padoue,  alors 
renommé  pour  les  études  classiques,  qu'il  apprit,  déjà 
avancé  en  âge,  le  latin  et  le  grec.  Ses  premiers  travaux 
furent  la  re vision  du  lexique  grec  de  Schrevelius,  du  voca- 
bulaire d'Ambroise  Calepino  (Calepin)  ;  en  1718,  il  com- 
mença de  rassembler  les  documents  du  grand  ouvrage  qu'il 
méditait,  le  Totius  latinitatis  Lexicon.  Ce  dictionnaire  fut 
terminé  entièrement  le  9  avr.  1753;  on  en  commença  alors 
la  revision  et  transcription  qui  ne  demandèrent  pas  moins 
de  huit  ans;  en  tout  quarante- trois  ans  de  travail.  Forcel- 
lini  mourut  avant  d'avoir  vu  son  œuvre  imprimée  ;  elle  ne 
le  fut  qu'en  1771  (4  vol.  in-fol),  au  séminaire  de  Padoue, 
par  les  soins  de  Gaetano  Cognolato  et  de  Facciolati.  Ce  der- 
nier passa  longtemps  pour  avoir  été  le  collaborateur  assidu 
de  Forcellini,  et  le  Lexicon  fut  souvent  appelé  de  son  nom  ; 
lui-même  dut  reconnaître  que  Forcellini  seul,  dont  on  pos- 
sède d'ailleurs  le  manuscrit  autographe  en  12  vol.  in-foi., 
en  était  l'auteur.  Les  principales  éditions  suivantes,  plus  ou 
moins  augmentées  par  divers  reviseurs,  furent  celles  de 
Londres  (1826,  2  vol.  gr.  in-4),  Padoue  (1827-1831, 
4  vol.  in-4),  enfin  Schneeberg,  Saxe  (1828-1835,  4  vol. 
in-fol.),  contrefaçon  de  la  dernière  édition  de  Padoue. 
Bibl.  :  Ferrari,  Vita  di  Forcellini  ;  Padoue,  1792,  in-4. 

FORCELLINI  (Marco),  littérateur  italien,  frère  du  pré- 
cédent, né  à  Campo,  dans  la  Marche  trévisane,  en  1711, 
mort  à  San  Salvador  en  1794.  Il  a  laissé  les  ouvrages 
suivants  :  Le  F  este  Triuigiane  d'amore  (Venise,  1745)  ; 
Lettere  famigliari  (Venise,  1835),  publiées  par  Gamba  ; 
Le  Opère  di  Sperone  Speroni (Venise,  1740,5  vol. in-4); 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


Le  Opère  di  Mons.  délia  Casa  (Venise,  1752, 3  vol.  in-4)  ; 
La  Biblioteca  italiana  di  Fontanini  (Venise,  1758). 

Bibl.:  Ricordi  délia  provincia  di  Treviso  e  Belluno  ; 
Bellune,  1«86,  in-8. 

FORCEMENT  des  projectiles  (Artill.).  On  verra, dans 
l'étude  de  la  trajectoire,  que  le  projectile  ne  peut  se  frayer 
un  passage  dans  l'air  qu'en  le  déplaçant,  mais  qu'il  use 
ainsi  à  chaque  instant  la  force  de  projection  dont  il  est 
animé  et  perd  peu  à  peu  sa  vitesse.  On  a  remédié  à  cet 
inconvénient  dans  la  mesure  du  possible  :  1°  en  donnant 
au  projectile  une  forme  cylindro-ogivale,  qui  offre  moins 
de  résistance  à  l'air  par  sa  forme  et  par  sa  masse  ;  2°  en 
imprimant  à  ce  projectile  un  mouvement  de  rotation  autour 
de  son  axe,  pour  que  cet  axe  reste  constamment  dans  la 
direction  du  mouvement  ou  s'en  écarte  fort  peu,  car,  si  ce 
projectile  était  animé  uniquement  d'un  mouvement  de  pro- 
jection suivant  la  ligne  de  tir,  il  n'aurait  ni  portée,  ni  jus- 
tesse, ni  pénétration.  Divers  procédés  ont  été  étudiés  pour 
obtenir  le  mouvement  de  rotation,  mais  on  reconnut  que 
le  meilleur  consistait  à  créer  cette  rotation  pendant  le 
trajet  du  projectile  dans  l'âme  de  la  bouche  à  feu,  et  l'on 
arriva  de  la  sorte  aux  armes  rayées  dont  l'emploi  est  au- 
jourd'hui général.  Mais,  pour  forcer  le  projectile  à  suivre 
la  direction  des  rayures,  on  a  employé  d'abord  le  système 
à  ailettes,  avec  les  premières  bouches  à  feu  rayées  (1858), 
qui  se  chargeaient  par  la  bouche.  Vers  la  même  époque,  la 
marine  adoptait,  au  lieu  d'ailettes,  des  projectiles  munis 
d'une  couronne  de  tenons  directeurs  s'engageant  dans  les 
rayures,  et  d'une  couronne  de  plaques  isolantes  s'appuyant 
sur  les  cloisons.  L'adoption  du  chargement  par  la  culasse 
pour  toutes  les  armes  rayées,  portatives  ou  non,  a  permis 
d'obtenir  le  forcement  direct  du  projectile  dans  l'âme  du 
canon.  Dans  ce  cas,  il  faut  que  le  projectile,  ou  au  moins 
la  partie  qui  doit  entrer  dans  les  rayures,  soit  d'un  métal 
moins  dur  que  celui  de  l'arme  à  feu.  Ainsi,  dans  les  armes 
portatives,  la  balle,  qui  est  en  plomb,  a  exactement  le 
diamètre  de  l'âme  entre  les  cloisons.  Au  moment  de  l'ex- 
plosion, sa  partie  postérieure  reçoit  brusquement  une  pres- 
sion énorme,  qui  lui  fait  subir  une  compression  par  l'effet 
même  de  l'inertie.  Dans  ces  conditions,  la  balle  s'épanouit 
dans  les  rayures,  qui  n'ont  qu'un  quart  de  millimètre  de 
profondeur,  et  elle  prend  le  mouvement  de  rotation  en  hé- 
lice qui  lui  est  communiqué  dans  l'âme  du  canon  et  qu'elle 
conserve  dans  son  trajet  dans  l'air,  où  elle  suit  ainsi  une 
marche  régulière. 

Chemise  de  plomb.  Pour  appliquer  le  même  principe 
aux  projectiles  des  canons,  on  imagina  d'abord  de  recouvrir 
la  fonte  de  ces  projectiles  d'une  chemise  de  plomb,  allant 
du  culot  à  la  naissance  de  J'ogive,  en  présentant  parfois 
une  interruption  sur  sa  partie  moyenne. 
Cette  chemise,  d'un  diamètre  égal  à 
celui  des  rayures,  présente  un  certain 
nombre  de  bourrelets  d'un  diamètre 
égal,  ou  même  un  peu  supérieur  à  celui 
de  l'âme  au  fond  des  rayures.  Ces  pro- 
jectiles sont  introduits  par  l'arrière  dans 
une  chambre  lisse  raccordée  avec  la 
partie  rayée  par  une  portion  tronconique 
destinée  à  faciliter  leur  pénétration.  Le 
forcement  se  produit  à  peu  près  de  la 
façon  indiquée  pour  la  balle.  C'est  ainsi 
que  sont  faits  les  projectiles  des  canons 
de  7  et  de  138  millim.  (fig.  1).  Mais 
on  reconnut  bientôt  que  la  chemise  de 
plomb  présente  les  inconvénients  sui- 
vants :  1°  elle  est  assez  fréquemment 
arrachée  du  projectile  ;  2°  elle  ne  convient  pas  aux  canons 
à  rayures  progressives,  reconnues  indispensables  pour  obte- 
nir les  grandes  vitesses  initiales  ;  3°  elle  fonctionne  médio- 
crement sous  les  énormes  pressions  que  le  projectile  a  à 
supporter;  4°  elle  emplombe  l'âme,  malgré  l'emploi  d'une 
matière  grasse  logée  entre  les  bourrelets  et  destinée  à  faci- 
liter le  mouvement. 

50 


Fig.  1. 


FORCEMENT  -  FORCEPS 


786 


Ceinture  de  cuivre.  Pour  remédier  aux  inconvénients 
signalés  et  obtenir  les  avantages  recherchés,  on  adopta, 
après  de  nombreuses  expériences,  l'emploi  de  deux  cein- 
tures fixées  l'une  près  de  l'ogive,  l'autre  près  du  culot  de 
projectile.  La  première,  formée  par  une  surépaisseur  de 
fonte,  a  un  diamètre  égal  à  celui  de  l'arme  entre  les  cloi- 
sons et  sert  simplement  d'appui  à  la  partie  antérieure  de 
l'obus.  La  ceinture  d'arrière,  faite  d'un  anneau  de  cuivre 
rouge,  encastrée  dans  la  fonte  pendant  la  coulée,  est  seule 
forcée.  Au  début,  on  la  faisait  tronconique  avec  inclinai- 
son vers  l'avant,  pour  faciliter  l'introduction  du  projectile 
dans  la  chambre  et  rendre  le  forcement  progressif.  C'est 
la  forme  qu'ont  les  ceintures  des  obus  de  95  millim.  et  de 
19  centim.,  dans  lesquelles  étaient  creusées  une  rainure 
pour  les  premiers  et  pour  les  derniers  deux  rainures  rem- 
plies de  graisse,  destinées  à  recevoir  le  métal  refoulé  et  à 
lubrifier  l'âme  de  la  pièce.  On  a  reconnu  que  ces  rainures 
étaient  plutôt  nuisibles  qu'utiles  et  on  les  a  supprimées,  en 
même  temps  qu'on  a  donné  à  la  ceinture  la  forme  cylin- 
drique, pour  les  obus  de  80  mil- 
lim., 90 millim.,  120  millim., 
155  millim.  et  24  centim.  Cette 
ceinture  de  cuivre  a  un  diamètre 
supérieur  de  4  à  6  dixièmes  de 
millimètres  à  celui  du  fond  des 
rayures  et  elle  n'a  qu'un  centi- 
mètre de  largeur  environ.  Dans 
ces  conditions,  au  départ -du 
coup,  la  ceinture  est  facilement 
entamée  par  l'acier  des  cloi- 
sons, et  le  projectile  est  ainsi 
guidé  et  forcé  de  suivre  les 
rayures,  qui  lui  communiquent 
le  mouvement  de  rotation  voulu 
(fig.  2).  Etant  admis  que  les 
dimensions  de  l'âme  des  bou- 
ches à  feu  et  celles  des  projec- 
tiles ne  comportent  que  des 
tolérances  très  faibles,  le  for- 
cement au  moyen  de  ceintures 
de  cuivre  a  réalisé  les  avantages  suivants  :  1°  une  plus 
grande  justesse  du  tir,  par  le  centrage  plus  régulier  du 
projectile  ;  2°  une  plus  grande  portée,  par  la  suppression 
complète  du  vent  rendant  impossible  toute  déperdition  des 
gaz  de  la  poudre;  3°  une  organisation  meilleure  de  la 
pièce,  par  l'emploi  de  rayures  plus  nombreuses  et  par  suite 
moins  profondes. 

Systèmes  à  expansio?i.Dm$hs  systèmes  à  expansion, 
employés  avec  les  pièces  se  char- 
geant par  la  bouche,  la  partie  qui 
doit  se  mouler  dans  les  rayures 
n'acquiert  le  diamètre  exigé  par 
le  forcement  qu'au  moment  du 
départ,  par  l'effet  de  la  pression 
des  gaz.  Comme  dans  le  cas  pré- 
cédent, les  divers  projectiles  de 
ce  genre  peuvent  se  ramener  à 
deux  types  :  celui  à  chemise  et 
celui  à  ceinture.  Dans  le  premier 
type,  représenté  dans  le  projectile 
Hotchkiss,  employé  aux  Etats- 
Unis,  le  corps  de  l'obus  se  ter- 
mine à  l'arrière  par  une  partie 
cylindrique  qui  s'emboîte  dans  un 
culot  creux  (tig.  3).  Le  projectile 
n'est  pas  enfoncé  à  fond  dans  ce 
dernier,  et  la  position  relative  de 
ces  parties  est  maintenue  par  une 
chemise  de  plomb  qui  se  trouve 
refoulée  dans  les  rayures  par  le 
culot  au  moment  du  tir  et  produit  ainsi  le  forcement.  Les 
formes  les  plus  perfectionnées  de  la  ceinture  expansive  ont 
été  trouvées  par  la  maison  Armstrong,  et  nous  citerons  à  ce 


Fig.  2. 


Fig.  3. 


Fig.  4. 


sujet  le  projectile  des  fameux  canons  de  100  tonnes,  adoptés 
en  1876  par  l'artillerie  italienne.  Toute  la  partie  cylin- 
drique de  ce  projectile  a  un  diamètre  plus  petit  que  celui 
des  cloisons. du  canon,  de  manière  qu'on  ne  soit  pas  obligé 
de  la  tourner.  En  avant 
est  ménagé  un  renfle- 
ment tourné  au  dia- 
mètre voulu  et  rem- 
plissant le  rôle  de 
ceinture  d'appui.  La 
ceinture  forçante  pré- 
sente deux  parties  à 
angle  droit ,  l'une , 
plane,  est  fixée  au  cu- 
lot par  douze  vis; 
l'autre,  cylindrique, 
entoure  l'arrière  de  ce 
projectile  et  est  taillée 
en  dents  de  scie  (fig.  4). 
La  surface  intérieure 
de  cette  partie  cylin- 
drique vient  s'incruster 
dans  ces  dents  de  scie, 
et  sa  surface  extérieure  s'engage  dans  les  rayures,  en  im- 
primant au  projectile  un  mouvement  de  rotation.  La  seule 
différence  sensible  entre  la  ceinture  en  cuivre  et  la  ceinture 
forçante,  c'est  que  celle-ci  est  généralement  adjacente  au 
culot,  tandis  que,  dans  les  autres,  elle  peut  en  être  à  une 
distance  plus  ou  moins  grande. 

FORCEPS.  Le  forceps  est  essentiellement  une  pince  à 
deux  branches  séparées  et  croisées,  destinée  à  saisir  le 
fœtus  pour  l'extraire  des  parties  maternelles.  Il  fut  décou- 
vert au  xvne  siècle  par  Peter  Chamberlan,fils  d'un  huguenot 
français  qui  avait  été  obligé  de  se  réfugier  en  Angleterre 
pour  causes  de  religion.  Celui-ci  le  garda  longtemps  secret 
pour  l'exploiter  à 
son  profit  et  à  celui 
de  quelques  mem- 
bres de  sa  famille. 
Plus  tard,  il  le 
vendit  à  Roonhuy- 
sen  d'Amsterdam, 
et  ce  fut  de  ce  mo- 
ment que  le  for- 
ceps commença 
d'être  connu  et  em- 
ployé. Le  forceps 
de  Çhamberlan  , 
dont  on  a  retrouvé 
quelques  spéci- 
mens, se  composait 
de  deux  branches 
à  cuillers  fenê- 
trées,  croisées  et 
articulées.  Il  ne 
présentait  qu'une 
courbure  destinée 
à  saisir  la  tête  du 
fœtus.  Abandonné 
en  France,  on  en 
retrouve  le  type 
dans  le  forceps 
unicourbe  de 
Simpson,  assez 
employé  en  Angleterre.  En  1747,  Levret  en  France,  et,  en 
1749,  Smellie  en  Angleterre,  eurent  l'idée  de  faire  décrire 
à  l'instrument  une  courbe  qui  reproduisît  la  direction  du 
bassin.  Le  véritable  forceps  était  dès  lors  trouvé,  car,  à 
part  certaines  modifications  de  détail,  le  forceps  de  Levret 
est  celui  qui  est  resté  dans  la  pratique  obstétricale.  La 
modification  la  plus  importante  a  été  introduite  en  1877 
par  Tarnier  qui,  aux  deux  courbures  du  forceps  fran- 
çais, en  a  joint  une  troisième,  la  courbure  céphalique. 


Forceps    de  Levret. 


787  — 


FORCEPS  —  FORCES 


Le  forceps  français,  dit  forceps  de  Levret,  se  compose  de 
deux  branches  dont  l'une  reçoit  le  nom  débranche  gauche, 
mâle  ou  à  pivot,  et  l'autre  de  branche  droite,  femelle  ou  à 
mortaise.  Chaque  branche  comprend  :  1°  une  cuiller; 
2°  un  manche  ;  3°  une  articulation.  La  cuiller  est  évidée 
en  son  centre  ;  les  bords  en  sont  aplatis  et  courbés  ;  la  face 
externe  est  convexe  :  c'est  elle  qui  se  met  en  rapport  avec 
les  parois  du  bassin  ;  la  face  interne  est  concave  :  elle 
s'applique  sur  la  tête  fœtale.  De  plus,  chaque  cuiller  est 
courbée  suivant  Taxe  antéro-postérieur,  de  façon  que,  le 
forceps  posé  à  plat,  l'extrémité  des  cuillers  s'élève  à 
87  millim.  au-dessus  de  la  ligne  horizontale.  C'est  la  cour- 
bure pelvienne.  Le  manche  se  termine  par  une  extrémité 
recourbée  :  au  bout  du  manche  gauche  est  une  boule  oli- 
vaire  qui  masque  un  crochet  aigu  :  l'autre  manche  se  dévisse 
en  son  milieu  de  manière  à  découvrir  une  pointe  acérée. 
Dans  le  forceps  de  Levret,  le  manche  est  métallique  ;  dans 
d'autres  forceps,  en  particulier  dans  ceux  de  Smellie,  de 
Stolz,  de  Nœgele,  les  manches  sont  garnis  de  plaques  de 
bois  pour  donner  plus  de  prise  à  la  main  de  l'accoucheur. 
A  la  rencontre  de  la  cuiller  et  du  manche  est  l'articulation 
consistant  pour  la  branche  gauche  en  un  pivot  destiné  à 
s'introduire  dans  une  mortaise 
dont  est  creusée  la  branche 
droite.  La  longueur  du  forceps 
de  Levret  est  de  0ra45  et  le  plus 
grand  écartement  des  cuillers  est 
de  54  millim.  Pajot  a  cherché  à 
en  diminuer  la  longueur  de  deux 
manières,  soit  en  réduisant  toutes 
les  dimensions,  donnant  ainsi  à 
l'instrument  0m32  de  largeur  et 
43  millim.  de  courbure  cépha- 
lique,  ou  bien  encore  en  cons- 
truisant chaque  branche  en  deux 
parties,  s 'articulant  en  leur  mi- 
lieu. Le  forceps  de  Stolz  est 
également  moins  long;  il  n'a 
que  42  centim.  de  longueur; 
mais  le  plus  grand  écartement 
des  cuillers  est  de  7  centim.  Les 
manches  en  sont  garnis  de  bois 
et  présentent,  un  peu  au-dessous 
de  l'articulation,  des  saillies  des- 
tinées à  appliquer  l'index  et  le 
médius  ou  l'annulaire  pendant 
l'extraction.  Ces  saillies  sont 
mobiles,  de  manière  à  être  re- 
levées contre  les  manches  ou 
abaissées  à  volonté. 

Le  forceps  de  Tarnier  ne  dif- 
fère de  celui  de  Levret  que  par 
:  1°  par  la  présence  d'une  vis 
de  pression  placée  à  côté  de  l'articulation,  pour  suppléer 
à  l'action  des  mains  en  maintenant  l'instrument  fermé  ; 
2°  par  l'addition  de  deux  tiges  mobiles,  destinées  a  trans- 
mettre la  traction  ;  1  3°  par  un  manche  de  traction  qui 
s'adapte  aux  tiges  précédentes  et  qui  dessine  la  courbure 
périnéale.  Ces  différentes  modifications  ont  pour  but  de 
permettre  de  tirer  dans  l'axe  génital  et  de  laisser  à  la  tête 
toute  sa  mobilité.  Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  les 
forcées  à  branches  parallèles  dont  l'usage  n'a  pas  prévalu, 
le  léniceps  de  Mattei,  le  rétroceps  de  Hamon,  le  sériceps 
de  Poullet,  les  forceps  de  Baumers,  de  Sloan,  de  Belluzzi 
et  différents  appareils  de  traction  destinés  à  s'adapter  au 
forceps  ordinaire,  tels  que  ceux  de  Chassagny,  Joulin, 
Pros,  Delore,  Poullet. 

L'action  du  forceps  est  double  :  c'est  d'abord  une  action 
dynamique  qui  se  manifeste  par  l'augmentation  des  dou- 
leurs existantes,  ou  par  la  provocation  des  contrations  sus- 
pendues pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  ;  cette  action 
si  évidente  quelquefois,  qu'elle  s'exerce  dès  l'application 
d'une  seule  cuiller,  peut  manquer,  et  l'on  voit  même  l'arrêt 


Forceps  de  Tarnier. 
trois  points  principaux 


des  douleurs  être  la  conséquence  de  l'application  d'une  ou 
deux  branches.  L'autre  action  est  mécanique  ;  elle  est  pro- 
duite par  un  effort  de  traction  seule  et  non  de  compression, 
car  en  effet  le  forceps  ne  doit  comprimer  la  tète  qu'autant 
que  cela  est  nécessaire  à  la  préhension.  En  faire  un  agent 
de  compression  est  le  détourner  de  son  but  et  le  transfor- 
mer en  un  instrument  des  plus  dangereux.  Son  application 
est  assujettie  à  des  conditions  dont  on  ne  saurait  s'écarter 
sans  porter  préjudice  soit  à  la  mère,  soit  à  l'enfant.  C'est 
ainsi  que  l'orifice  du  col  utérin  doit  être  suffisamment  dilaté 
ou  dilatable  pour  laisser  pénétrer  les  cuillers,  que  la  poche 
des  eaux  doit  être  rompue  et  les  membranes  assez  retirées 
pour  que  le  forceps  soit  appliqué  directement  sur  la  partie 
foetale.  La  tète  du  fœtus  doit  pouvoir  être  saisie,  et  il  n'en 
sera  ainsi  que  dans  le  cas  où  elle  sera  engagée  dans  le 
bassin  et  où  elle  y  sera  solidement  fixée.  Il  faut  enfin  que 
les  rapports  de  la  tête  et  du  bassin  soient  tels  que  l'extrac- 
tion soit  possible,  et  l'on  admet  généralement  que  le  forceps 
ne  doit  plus  être  employé  au-dessous  d'un  diamètre  sacro- 
pubien  de  7  centim.  11  va  sans  dire  que  toute  application 
de  forceps  suppose  la  connaissance  exacte  de  la  présentation 
et  de  la  position  du  fœtus. 

Toutes  ces  conditions  réunies,  il  ne  reste  plus  qu'à  con- 
naître les  indications  générales  de  l'emploi  du  forceps  : 
elles  sont  de  deux  genres,  des  indications  d'urgence  et  des 
indications  laissées  à  la  libre  appréciation  de  l'accoucheur. 
Dans  les  premières  se  comprennent,  du  côté  de  la  mère, 
l'éclampsie,  les  hémorragies  graves,  par  exemple,  dans 
l'insertion  vicieuse  du  placenta,  les  menaces  d'asphyxie 
dans  les  maladies  des  organes  respiratoires  ;  du  côté  de 
l'enfant,  la  procidence  du  cordon,  l'expulsion  du  méconium 
en  dehors  d'une  présentation  du  siège,  le  ralentissement 
des  battements  du  cœur.  Pour  les  secondes,  ce  sont  l'inertie 
utérine  ou  l'insuffisance  des  forces  expulsives,  la  dispro- 
portion entre  le  fœtus  et  le  bassin,  la  présence  de  hernies 
chez  l'accouchée,  l'impossibilité  de  dégager  assez  vite  la 
tête  avec  les  doigts  dans  les  présentations  du  siège. 

Les  contre-indications  résultent  nécessairement  des  no- 
tions précédentes  ;  c'est  ainsi  que  le  forceps  n'étant  destiné  à 
saisir  qu'une  des  trois  présentations  de  l'ovoïde  céphalique 
(sommet,  front,  face)  ne  saurait  être  d'aucun  usage  dans 
les  présentations  du  thorax  ou  de  l'abdomen  ;  qu'il  est  de 
toute  nécessité,  si  l'on  ne  veut  s'exposer  à  des  déchirures 
et  à  des  ruptures  du  segment  inférieur,  que  le  col  soit 
dilaté  ou  dilatable,  et  qu'enfin,  en  cas  de  rétrécissement,  le 
diamètre  sacro-pubien  ne  soit  pas  inférieur  à  7  centim. 
Dans  les  cas  faciles,  c.-à-d.  quand  il  n'y  a  pas  de  dispro- 
portion entre  le  fœtus  et  les  voies  génitales  ou  quand  cette 
disproportion  est  peu  marquée,  et  si,  par  ailleurs,  l'appli- 
cation en  est  faite  en  temps  opportun  par  une  main  exercée, 
le  forceps  est  un  instrument  parfait,  exempt  de  tout  dan- 
ger pour  la  mère  et  pour  l'enfant.  Cependant,  malgré  son 
innocuité  dans  ces  conditions,  on  ne  saurait  en  faire  une 
opération  de  complaisance,  et  son  application  doit  toujours 
être  subordonnée  à  la  marche  du  travail.  L'accoucheur  ne 
s'y  doit  déterminer  que  s'il  acquiert  la  conviction  que  la 
nature  est  désormais  impuissante  et  qu'une  plus  longue 
attente  deviendrait  nuisible  ou  à  la  mère  ou  à  l'enfant.  C'est 
qu'en  effet,  et  on  en  a  la  preuve  dans  les  cas  difficiles,  le 
forceps  n'est  pas  toujours  sans  danger  :  du  côté  maternel 
il  peut  occasionner  des  déchirures  du  périnée,  des  contu- 
sions des  parties  molles  des  voies  génitales,  des  fistules, 
des  inflammations  de  la  matrice  et  de  ses  annexes,  de  la 
paralysie  du  col  vésical,  voire  des  paralysies  des  membres 
inférieurs,  par  suite  de  la  pression  "exercée  sur  les  gros 
troncs  nerveux  qui  se  trouvent  à  la  région  postérieure  du 
bassin  ;  du  côté  du  fœtus,  des  fractures  et  des  enfonce- 
ments du  crâne,  le  décollement  du  cuir  ch  lu,  le  déchire- 
ment des  sutures,  des  plaies  des  tégument,  l'hémiplégie 
faciale,  la  paralysie  complète  ou  incomplète  du  bras  par 
compression  des  branches  du  plexus  brachial  à  leur  sortie 
des  vertèbres  cervicales.  Dr  Donon. 

FORCES.  I.  Technologie.  — -  Grands  ciseaux  dont  les 


FORCES  —  FORD 


-  788 


deux  branches  sont  unies  par  une  portion  de  cercle  qui 
fait  l'office  de  ressort  et  en  facilite  ainsi  le  jeu.  Ils  servent 
à  tondre  les  draps.  On  les  appelle  aussi  tondeuses  (V.  ce 
mot). 

11.  Blason.  —  Figure  artificielle  représentant  l'instru- 
ment dont  se  servent  les  tondeurs.  Il  est  ordinairement 
posé  en  pal  et  la  pointe  en  haut. 

FO  RC  £V  I L  LE.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr .  d'Amiens, 
cant.  d'Oiseinont  ;  239  hab. 

FORCEV1LLE.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Doullens,  cant.  d'Acheux  ;  426  hab. 

FORGEY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Chaumont,  cant.  d'Andelot  ;  246  hab. 

FORCHHAMMER  (Johann-Georg),  géologue  danois,  ne 
à  Hu&um  (Slesvig)  le  24  juil.  1794,  mort  à  Copenhague 
le  14  déc.  4863.  il  lit  des  voyages  scientifiques,  fut  pro- 
fesseur de  chimie  et  de  minéralogie  à  l'Institut  polytech- 
nique de  Copenhague  (1829),  à  l'Université  (1850), 
membre  de  l'Académie  des  sciences  (1825)  et  plus  tard  son 
secrétaire  perpétuel.  Il  a  fait  progresser  la  géologie  et  la 
minéralogie  ;  en  1850,  il  entreprit  avec  Steenstrup  et 
"Worsaœ  des  publications  relatives  à  l'anthropologie  pré- 
historique, genre  d'études  qui  a  acquis  depuis  une  impor- 
tance considérable  dans  la  région  du  Nord.  Ouvrages 
principaux  :  Lœrebog  istoffemes  amincie  lige  chemic  (Co- 
penhague, 1834-35,  in-8)  ;  Krislallographie{id.,  1833)  ; 
Danmarks  geognostike  forhold  (ici.,  1835,  gr.  in-4)  ; 
Skandinaviens geognostike natur  (id. ,  1 843),  Dr  L.  Hn. 

FORCHHAIMER  (Peter-Wilhehn),  archéologue  alle- 
mand, frère  du  précédent,  né  à  Husum  le  23  oct.  1803. 
Il  fit  en  1830  et  1838  des  voyages  en  Italie,  en  Grèce, 
en  Asie  Mineure  et  en  Egypte.  11  devint  professeur  à  l'uni- 
versité de  Kiel  en  1837.  Il  a  publié  de  nombreux  travaux 
sur  la  topographie  et  la  mythologie  antiques  :  llellenika 
(1837, 1. 1)  ;  Topographie  von  Athen  (Kiel,  1841  )  ;  Be- 
schreibung  der  Ebene  von  Troja  (Francfort ,  1 850)  ; 
Topographia  Thebarum  heptapylarum  (Kiel,  1854)  ; 
Halkyonia  (Berlin,  1857),  Ueber  die  Reinheitder  Bau- 
kunst  (Hambourg,  1856),  importantes  recherches  sur  l'ori- 
gine et  le  développement  des  styles  d'architecture  ;  Die 
cyldopischen  Mauern  (Kiel,  1847)  ;  Ueber  den  Ursprung 
der  Mythen,  dans  le  Philologus  (année  1860)  ;  Achitl 
(Kiel,  1853)  ;  Daduchos  (Kiel,  1875).  Forchhammer  a 
secondé  Jahn  dans  l'établissement  du  musée  archéologique 
de  Kiel.  De  1871  à  1873,  il  a  été  représentant  au  Reichs- 
tag  allemand  dans  le  parti  progressiste.  J.-A.  Bl. 

FORCHHEIM.  Ville  de  Bavière,  prov.  de  Haute-Fran- 
conie,  sur  la  Regnitz  ;  4,500  hab.  Eglise  gothique,  avec 
tableaux  de  Wohlgemuth  et  sculptures  de  Veit  Ston  ;  vieux 
château.  A  l'E.  de  la  ville,  le  château  de  Jaegersburg.  — 
Forchheim  parait  au  ixe  siècle  sous  le  nom  de  Forachevm 
comme  résidence  de  Charlemagne  et  de  ses  successeurs  ; 
plusieurs  diètes  y  furent  tenues,  notamment  celles  qui 
élurent  Louis  l'Enfant  et  Conrad,  celle  qui  déposa  Henri  IV 
(1077)  et  élut  à  sa  place  Rodolphe  de  Souabe.  Henri  II 
l'avait  donnée  à  l'évèché  de  Bamberg  à  qui  Henri  III  la 
reprit,  mais  Henri  IV  la  rendit.  Dévastée  en  1 552  par  le 
margrave  Albert-Alcibiade  de  Brandebourg,  elle  se  défendit 
avec  succès  dans  la  guerre  de  Trente  ans  ;  le  8  août  1796, 
les  Français  y  vainquirent  les  Autrichiens.  Elle  passa  à  la 
Bavière  en  1802.  Ses  fortifications  turent  rasées  en  1838. 

Bataille  de  Forchheim.  —  Gagnée  par  Kléber  contre 
Warten&leben,  le  8  août  1796.  Kléber,  commandant  en 
chet  l'armée  par  suite  d'une  grave  indisposition  du  géné- 
ral Jourdan,  se  mit  en  marche  le  7  août  pour  aller  atta- 
quer l'ennemi  qui  occupait  les  rives  de  la  Regnitz,  entre 
Ebermaniistadt^orchhàmet  Hocht>t3edt.  L'attaque  eut  lieu 
le  8.  La  division  Lolaud,  qui  était  à  Bamberg,  reçut  Tordre 
de  marcher  sur  Forchheim.  L'ennemi  occupait  la  plaine  et 
les  hauteurs.  L'avant-garde  française,  que  Ney  comman- 
dait, reçut  une  formidable  décharge  de  canon  à  laquelle 
elle  ne  put  répondre  que  faiblement,  n'ayant  que  deux 
pièces  d'artillerie  légère.  Mais  elle  soutint  néanmoins  le 


combat  qui  fut  terrible  et  parvint  à  refouler  les  Autrichiens 
dans  la  place.  Ney  se  mit  à  leur  poursuite  et,  arrivé  à 
portée  de  canon  de  la  ville,  envoya  un  parlementaire  pour 
la  mettre  en  demeure  de  se  rendre,  ce  qu'elle  ht  du  reste 
sur-le-champ.  On  y  trouva  soixante-deux  canons,  ainsi 
qu'une  grande  quantité  de  munitions  et  de  vivres.  Ney, 
qui  avait  montré  dans  cette  journée  une  grande  bravoure 
et  une  rare  intelligence,  fut  nommé  générai  de  brigade  sur 
le  champ  de  bataille. 

Bibl.  :  Hûbsch,  Chronih  der  S tadt  Forchheim  ;  Nurem- 
berg, 1867. 

F0RC10LI  (Dominique),  homme  politique  français,  né 
à  Ajaccio  le  6  avr.  1838.  Avocat  à  Constantine,  il  se  pré- 
senta sans  succès  aux  élections  législatives  dans  cette  cir- 
conscription le  21  août  et  le  4  dec.  1881. 11  avait  un  pro- 
gramme radical.  Le  7  oct.  1883,  il  fut  élu  sénateur  de 
Constantine.  Membre  de  l'extrême  gauche  du  Sénat,  il  ap- 
puya le  boulangisme  et  fut  battu  par  M.  Lesueur  au  renou- 
vellement triennal  du  5janv.  1888.  Le  5  oct.  1885,  sans 
se  démettre  de  son  mandat  sénatorial,  il  s'était  porté  aux 
élections  pour  la  Chambre  sur  la  liste  radicale  du  dép.  de 
Constantine.  11  n'avait  obtenu  que  5,698  voix  sur  11,918  vo- 
tants. H  se  représenta  le  22  sept.  1889  et  fut  élu  député 
avec  un  programme  où  il  réclamait  la  revision  de  la  cons- 
titution et  la  suppression  du  Sénat.  Il  obtint  4,029  voix 
contre  1,600  partagées  entre  cinq  concurrents  (deux  bou- 
langistes,  deux  radicaux  et  un  royaliste).  Il  a  écrit  une  bro- 
chure politique  :  Jules  Ferry  est-il  coupable?  Oui  (Pa- 
ris,  1885),  ou  il  blâmait  l'expédition  du  Tonkin. 

FORCI OLO.  Com.  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  d'Ajaccio, 
cant.  de  Saiute-Marie-et-Sicche;  395  hab. 

FORCI  PRESSURE  (V.  Pince). 

F0RCKENBECK  (Max  de),  homme  politique  allemand,  né 
à  Munster  le  21  oct.  1821,  mort  à  Neuwahlen  le  21  févr. 
1887.  Membre  du  parti  démocratique,  il  siégea  à  la  Chambre 
des  députés  de  Prusse  de  1858  à  1873,  fut  un  des  chefs 
des  progressistes  lors  du  conflit  avec  le  roi  (1862-66),  puis 
un  des  fondateurs  du  parti  national-libéral  (1866)  et  devint 
après  la  réconciliation  président  de  la  Chambre.  Il  entra, 
en  1873,  à  la  Chambre  des  seigneurs.  Député  au  Reichs- 
tag  depuis  1867,  il  le  présida  de  1874  à  187y,  démissionna 
à  propos  de  la  loi  du  tarif  des  douanes  ;  en  1881,  il  sortit 
du  parti  national-libéral  avec  les  sécessionnistes  et  se  rallia 
aux  progressistes.  11  fut,  à  partir  de  1878,  bourgmestre 
de  Berlin. 

F0RCLAZ  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr. 
de  Thonon,  cant.  du  Biot  ;  290  hab. 

F0RCRAND  (Hippolyte-Robert),  chimiste  français, né  à 
Paris  le  31  août  1856.  D'abord  préparateur  au  Collège  de 
France  (1882-84),  puis  maître  de  conférences  à  la  Faculté 
des  sciences  de  Caen,  il  est,  depuis  1887,  professeur  de 
chimie  à  la  Faculté  des  sciences  de  Montpellier.  On  lui 
doit  d'intéressants  travaux  de  thermochimie,  portant  plus 
particulièrement  sur  les  alcoolates  et  les  phénates  alca- 
lins. Les  résultats  s'en  trouvent  consignés  dans  une  cen 
taine  de  mémoires  originaux,  notes  et  articles  publiés 
depuis  1878  par  les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences  de  Paris,  les  Annales  de  chimie  et  de  phy- 
sique^ la  Revue  générale  des  sciences,  etc.  Il  a,  en  outre, 
collaboré  à  Y  Encyclopédie  chimique  de  Fremy,  pour 
laquelle  il  a  écrit  les  art.  Lithium,  Rubidium,  Cœsium, 
Argent,  etc.  L.  S. 

FORD  (Emanuel),  littérateur  anglais  du  xvie  siècle. 
Imitateur  de  la  manière  espagnole,  il  a  écrit  quelques  ro- 
mans dont  la  vogue  a  été  considérable.  Citons  :  Parismus, 
the  renowned  prince  of  Bohemia  (Londies,  1598),  dont 
la  seconde  partie  parut  Tannée  suivante  sous  le  titre  de 
Parismenos  (Londres,  1599);  cet  ouvrage  a  été  très  sou- 
vent réimprimé;  The  Most  Pleasant  History  ofOrnatus 
and  Artesia  (Londres,  1607)  ;  The  Famous  History  of 
Montelion,  Knight  of  the  Oracle  (Londres,  1633). 

FORD  (John),  auteur  dramatique  anglais,  né  à  Llington 
(Devonshire)  en  avril  1586,  mort  vers  1640.  Avocat  du 


-  789  - 


FORD  -  FORELAND 


«  Middle  Temple  »  depuis  1602,  il  paraît  avoir  débuté  dans 
la  littérature  par  la  publication  d'une  élégie  sur  la  mort 
du  comte  de  Devonshire  :  Famé' s  Memoriall  (1606  , 
in-4).  On  a  de  lui  d'autres  poésies  et  un  traité  de  mo- 
rale intitulé  A  Line  of  Life  (1620).  Ses  pièces  de 
théâtre  n'ont  pas  été  toutes  imprimées.  Ses  tragédies,  dont 
le  sujet  est  souvent  scabreux,  valent  mieux  que  ses  comé- 
dies Les  œuvres  de  Ford  ont  été  recueillies  par  Weber 
(1811,  2vol.)  et  par  Gifford  (1827,  2  vol.).  Cette  dernière 
édition  a  été  revue  par  Dyce  (1869,  3  vol.).        B.-H.  G. 

FORD  (Sir  Edward),  mécanicien  et  officier  anglais,  né 
à  Harting  (Sussex)  en  1605,  mort  en  Irlande  le  3  sept.  1 670. 
Il  fut  haut  sheriff  de  Sussex  et  reçut  en  1642  le  grade  de 
colonel  dans  l'armée  de  Charles  Ier  (V.  t.  X,  p.  688), 
qui  le  créa  en  outre  chevalier  l'année  suivante.  Fait  pri- 
sonnier en  1644  par  les  parlementaires  et  enfermé  dans  la 
Tour  de  Londres,  il  s'en  échappa  deux  mois  après.  De 
nouvelles  poursuites  furent  exercées  contre  lui  en  1647, 
sous  l'accusation  d'avoir  aidé  le  roi  à  s'évader  du  château 
de  Hamptoncourt  ;  mais  de  puissantes  protections  lui  firent 
obtenir  sa  grâce  en  1649.  En  1656,  il  inventa  et  cons- 
truisit, sur  l'invitation  de  Croniwell,  une  machine  pour  éle- 
ver l'eau  de  la  Tamise  dans  les  hauts  quartiers  de  Londres  ; 
le  principe  en  fut  reconnu  excellent  et  elle  fut  bientôt 
employée  dans  diverses  contrées  pour  le  dessèchement  des 
terres  et  l'épuisement  des  mines.  On  lui  doit  encore  quel- 
ques autres  engins  hydrauliques  et  une  machine  à  frapper 
la  monnaie.  Il  s'occupa  enfin  de  questions  économiques.  Il 
a  publié  :  A  Design  for  bringing  a  river  to  St.  Gyles 
(Londres,  1641,  in-4;  2e  éd.,  1720);  Expérimentée, 
Proposais  how  the  king  may  hâve  money  (Londres, 
1666,  in-4).  L.  S. 

FORD  (Richard),  écrivain  anglais,  né  en  1796,  moitié 
1er  sept.  1858.  Il  prit  ses  grades  au  Trinity  Collège  d'Ox- 
ford, se  fit  inscrire  à  Lincoln's  Inn,  et  reçu  avocat  ne  pra- 
tiqua pas.  Il  vint  en  Espagne  en  1830  et  parcourut  ce 
pays  pendant  quatre  ans.  De  retour  en  Angleterre,  il  col- 
labora à  la  Quarterly  Review,  à  Y  Edinburgh  Review  et 
autres  périodiques,  où  il  donna  de  remarquables  critiques 
d'art.  On  a  de  lui  :  The  Handbook  for  travellers  in  Spain 
(Londres,  1845  2  vol.),  véritable  trésor  d'érudition  et  de 
renseignements,  qui  fut  accueilli  avec  une  faveur  marquée 
et  qui  a  été  réimprimé  plusieurs  fois,  mais  considérable- 
ment réduit;  Ristorical  Enquiry  into  the  unchangeable 
character  of  a  war  in  Spain  (1837),  etc. 

FORD  (Samuel),  peintre  anglais,  né  à  Cork  le  8  avr.  1 805, 
mort  le  23  juil.  1828.  Malgré  sa  faible  constitution,  encore 
altérée  par  les  privations,  il  réussit  par  sa  persévérance  à  ap- 
prendre le  latin,  le  français  et  l'italien,  età  se  faire  connaître 
dans  l'école  de  dessin  de  sa  ville  natale,  où  il  travaillait  à  côté 
de  Maclise.  En  1828,  il  fut  nommé  professeur  à  l'Institut 
d'arts  et  métiers  de  Cork.  Cette  situation  lui  permit  enfin 
de  se  donner  librement  à  la  peinture.  Il  exposa  le  Génie 
de  la  Tragédie,  et  commençait  un  grand  carton  de  la  Chute 
des  Anges,  quand  il  mourut  d'une  pneumonie. 

FORDE  (Thomas),  littérateur  anglais  du  xvne  siècle.  On 
ne  possède  aucun  détail  sur  sa  vie.  Parmi  ses  ouvrages 
nous  citerons  -:  The  Times  anatomized  in  several  cha- 
racters  (Londres,  1647);  Lusus  Fortunce  (Londres, 
1 649)  ;  Virlus  rediviva  or  A  Panegyrick  on  the  late 
King  Charles  I  (1660);  Love' s  Labyrinth  (1660); 
A  Théâtre  of  Wits  ancient  and  modem  (1660)  ;  Fœnes- 
tra  in  pectore  (1660);  Fragmenta  poetica  (1660). 

FORDUN  (John  de),  chroniqueur  écossais  de  la  fin  du 
xive  siècle.  On  ne  sait  guère  rien  de  lui,  sinon  qu'il  était 
dans  les  ordres,  probablement  attaché  à  la  cathédrale  d'Aber- 
deen.  On  a  de  lui  :  Chronica  Gentis  Scotorum  et  Gesta 
Annalia.  Le  Scotichronicon  de  Walter  Bower  est,  dans 
sa  première  partie  du  moins,  une  reproduction  des  écrits 
de  John  de  Fordun.  Ils  ont  été  édités  savamment  par 
M.  Skene,  dans  The  Historians  of  Scotland  (1871-72). 

FORDYCE  (David),  moraliste  écossais,  né  à  Aberdeen  en 
1711 ,  mort  en  1751 .  Il  professa  la  morale  à  Marischal  Col- 


lège (Aberdeen)  où  il  avait  été  élevé.  On  a  de  lui  :  Dia- 
logues concerning  Education  (1745-48,  2  vol.)  ;  The 
Eléments  of  Moral  Philosophy  (1 754),  écrits  d'abord  pour 
le  Modem  Preceptor  de  Dodsley.  Parti  en  1750  pour  visiter 
le  continent,  il  périt  dans  une  tempête  sur  les  côtes  de 
Hollande.  Son  frère  (V.  ci-dessous)  a  publié  après  sa  mort 
Theodorus,  dialogue  sur  l'éloquence  (1752),  et  The 
Temple  of  Virtue;  a  Dream  (1757).  B.-H.  G. 

FORDYCE  (James),  prédicateur  écossais  célèbre,  frère 
du  précédent,  né  à  Aberdeen  en  1720,  mort  à  Bath  le 
1er  oct.  1796.  Après  avoir  fait  ses  études  à  l'université 
d 'Aberdeen,  il  entra  dans  la  carrière  ecclésiastique.  La 
haute  portée  de  ses  sermons  et  son  talent  d'orateur  lui 
valurent,  de  la  part  de  l'université  de  Glasgow,  le  titre  de 
docteur  en  théologie.  A  Londres,  où  il  remplit  les  fonc- 
tions pastorales  pendant  une  vingtaine  d'années  (1762- 
1782),  il  obtint  aussi  les  plus  grands  succès  oratoires.  Il 
publia  un  grand  nombre  de  sermons  parmi  lesquels  on  cite 
surtout  :  Sermons  to  young  women  (1765);  Addresses 
to  young  men  (1777).  Il  est  en  outre  l'auteur  d'un  vo- 
lume de  poésies . 

FORE1GN  OFFICE.  Nom  donné  au  ministère  des  affaires 
étrangères  (littéralement  :  bureau  étranger)  du  Royaume- 
Uni  de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande.  Le  ministre  prend 
le  titre  de  Secretary  of  State  for  Foreign  A  flairs.  Le 
marquis  de  Salisbury  est,  dans  ce  siècle,  le  seul  ministre 
des  affaires  étrangères  qui  ait  été  à  la  tête  du  cabinet,  en 
qualité  de  Prime  Minister ;  cette  dignité  va  le  plus' sou- 
vent avec  celle  de  premier  lord  de  la  Trésorerie.  Voici  la 
liste,  dans  Tordre  de  leur  succession,  des  titulaires  du 
Foreign  Office  depuis  1783  :  Grenville,  Hawkesbury, 
Harrowby,  Mulgrave,  Ch.-J.  Fox,  vicomte  Howick,  G.  Can- 
ning,  Bathurst/Wellesley,  Castlereagh,  G.  Canning,  Dud- 
ley,  Aberdeen,  Palmerston,  Wellington,  Palmerston,  Aber- 
deen, Palmerston,  Gran ville,  Malmesbury,  J.  Russell, 
Clarendon,  Malmesbury,  J.  Bussell,  Clarendon,  Stanley, 
Clarendon,  Granville,  Derby,  Salisbury,  Granville,  Salis- 
bury, Roseberv,  Iddesleigh,  Salisbury,  Jlosebery. 

FOREIRO  (Francisco),  en  latin  Forerius,  dominicain 
portugais,  né  à  Lisbonne  au  commencement  du  xvie  siècle, 
mort  au  couvent  d'Almada  (près  de  Lisbonne)  le  10  janv. 
1581.  Membre  du  concile  de  Trente,  il  y  fit  partie  des 
commissions  qui  rédigèrent  le  Catéchisme  et  Y  Index  libr. 
prohibitorum.  Puis^  il  fut  prédicateur  et  confesseur  du 
roi  Joào  III  et  devint  provincial  de  son  ordre.  Il  publia  un 
commentaire  sur  Isaïe  (Venise,  1563  ;  Anvers,  1565  et 
1567;  Londres,  1660,  dans  les  Critici  sacrù  t.  V)  et 
une  Oratio  ad  Patres  Tridentini,  etc.  (Brescia,  1563). 

FOREL  (François- Alphonse),  savant  suisse,  né  à  Morges 
le  2  févr.  1 841 .  Docteur  en  médecine,  professeur  à  l'uni- 
versité de  Lausanne,  il  a  écrit  de  nombreux  travaux  dans 
les  publications  médicales  de  la  Suisse  romande,  mais  la 
principale  branche  de  son  activité  concerne  l'étude  des  lacs 
suisses  et  surtout  du  lac  Léman.  On  lui  doit  plus  de  150  mé- 
moires relatifs  à  ce  lac,  au  régime  de  ses  eaux,  leur  tem- 
pérature, leur  hauteur,  les  seiches,  les  taches  d'huile,  la 
faune  profonde,  etc.  —  Son  frère,  Auguste  Forel, 
médecin  et  naturaliste,  est  né  à  Morges  le  1er  sept. 
1848.  Docteur  en  médecine,  il  est  aujourd'hui  professeur 
de  psychiatrie  à  Zurich  et  directeur  de  l'asile  d'aliénés  de 
ce  canton.  On  lui  doit,  outre  de  nombreux  travaux  médi- 
caux, entre  autres  sur  l'hypnotisme,  un  remarquable  ou- 
vrage sur  les  Fourmis  de  la  Suisse  (Genève,  1874), 
couronné  par  la  Société  helvétique  des  sciences  naturelles 
et  l'Académie  des  sciences  de  Paris. 

FORELAND.  On  appelle  cap  North  et  cap  South  Fore- 
land,  deux  caps  de  la  côte  de  Kent,  en  Angleterre.  Le  North 
Foreland  (51°  21'  28"  lat.  N.,  et  0°  53'  21"  long.  0.), 
entre  Margate  et  Ramsgate,  est  à  l'extrémité  de  la  pres- 
qu'île qui  ferme  au  S.  l'estuaire  de  la  Tamise.  Le  South 
Foreland,  à  26  kil.  au  S.  du  précédent  (51°  8'  23"  lat. 
N.  et  0°  57'  47"  long.  0.),  près  de  Douvres,  fait  face  aux 
cap  Gris-Nez  de  l'autre  côté  du  pas  de  Calais.  Ces  deux 


FORELAND  -  FORESTIER 


—  790  - 


caps  sont  signalés  chacun  par  un  phare  très  important. 

FORENS.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Nantua,  cant. 
de  Châtillon-de-Michaille  ;  350  hab. 

FOREN VILLE.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  (E.) 
de  Cambrai  ;  81  hab. 

FORERIE  (Artill.).  Atelier  où  est  opéré  l'usinage  des 
canons.  Une  forerie  se  compose  d'une  douzaine  de  bancs  sur 
chacun  desquels  est  disposé  un  des  hlocs  d'acier  à  forer. 
Le  banc  atteint  une  longueur  de  40  m.  quand  il  doit  per- 
mettre le  forage  de  canons  du  calibre  de  27  centim.  Le 
forage  des  canons  comprend  un  nombre  variable  de  passes 
suivant  le  calibre  :  la  prise  du  foret  va  en  diminuant  à 
chaque  passe  jusqu'à  la  passe  finale  qui  emporte  seulement 
quelques  centièmes  de  millimètres  et  produit  le  forage  par- 
fait. Cette  passe  est  suivie  immédiatement  du  rayage,  opé- 
ration qui  est  exécutée  sur  des  hancs  spéciaux  appelés 
machines  à  rayer.  Chacune  des  rayures  du  canon  est  opé- 
rée successivement  :  pour  chacune  d'elles,  il  y  a  lieu  à 
plusieurs  passes.  La  forerie  comprend  aussi  le  dégrossis- 
sage extérieur  du  canon,  de  manière  à  donner  à  celui-ci 
son  profil  définitif,  à  l'extérieur  aussi  bien  qu'à  l'intérieur. 

FOR  EST  (La).  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de 
Brest,  cant.  de  Landerneau,  près  de  la  forêt  de  Lander- 
neau,  sur  la  rive  droite  de  l'Elorn  ;  620  hab.  Ruines  du 
château  de  Joyeuse-Garde,  fameux  dans  les  Chroniques 
de  la  Table-Ronde;  il  n'en  reste  qu'un  souterrain  voûté  et 
une  arcade  gothique,  moins  ancienne  (xne  siècle). 

Bibl.  :  De  FréminvIlle,  Antiquités  du  Finist.,  1832, 1, 
p.  267.— Taylor,  Voy.vitt.  dans  l'anc.  France;  Bretagne, 
1847,  t.  II,  pi.  22  et  23. 

FOR  EST.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes,  cant. 
de  Landrecies  ;  1,430  hab. 

FOR  EST.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Lille,  cant. 
de  Lannoy  ;  718  hab. 

FOR  EST  (Le).  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Béthune,  cant.  de  Carvin  ;  1,790  hab.  Houillères  de  la  So- 
ciété de  l'Escarpelle.  La  seigneurie  appartint,  jusqu'au 
xvie  siècle,  à  la  maison  de  Luxembourg  et  passa  ensuite 
successivement  aux  familles  de  Contay,  de  La  Tramerie,  de 
Croy  et  de  Calonne. 

FOR  EST  (Le).  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Pé- 
ronne,  cant.  de  Combles  ;  86  hab. 

FOR  EST.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Brabant,  arr.  de 
Bruxelles;  5,500  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Bruxelles 
à  Paris.  Fabriques  d'indiennes,  de  toiles  cirées  ;  teintureries, 
brasseries. 

FOREST-l'Abbàye.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Abbeville,  cant.  de  Nouvion-en-Ponthieu  ;  392  hab. 

FOREST-Saint-Julien  (Le).  Com.  du  dép.  des  Hautes- 
Alpes,  arr.  de  Gap,  cant.  de  Saint-Bonnet  ;  522  hab. 
FOR  EST  (Pierre  de  La)  (V.  La  Forest). 
FOR  EST  (Jean-Baptiste),  peintre  français,  né  à  Paris 
en  1636,  mort  à  Paris  en  1742.  Après  lui  avoir  donné  les 
premières  notions  artistiques,  son  père  l'envoya  en  Italie, 
où  il  se  mit  sous  la  direction  de  J.-F.  Mola.  Son  talent, 
tourné  surtout  vers  le  paysage,  porta  l'empreinte  indélé- 
bile de  ce  maître  ;  on  ne  voit  dans  ses  tableaux  que  sites 
sauvages,  rochers  tourmentés  et  dénudés,  violentes  oppo- 
sitions de  lumières  et  d'ombres,  comme  dans  ceux  de  Sal- 
vator  Rosa.  Reçu  à  l'Académie  royale  en  1674,  il  en  fut 
exclu  comme  protestant  et  y  fut  enfin  réintégré  en  1699. 
Esprit  fier  et  indépendant,  il  avait  refusé  de  travailler  pour 
Louis  XIV  et  cette  déclaration  avait  grandement  contribué 
à  lui  attirer  l'attention  et  les  commandes  du  public.  Ses 
œuvres  sont  rares,  excessivement  poussées  au  noir,  et 
connues  surtout  par  les  gravures  qu'en  ont  faites  Bernard, 
Pierolesi  et  Coëlmans.  Le  Louvre  possède  de  lui  un  seul 
dessin  :  Une  Vue  des  bords  de  la  mer,  ornée  de  fabriques. 
Le  portrait  de  J.-B.  Forest  a  été  peint,  en  1704,  par  son 
gendre  Largillière.  Ad.  T. 

FOREST  de  Belidor  (Bernard)  (V.  Belidor). 
FORESTE.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Saint- 
Quentin,  cant.  de  Vermand;  374  hab. 


FORESTI  (Giacomo-Filippo),  aussi  connu  sous  le  nom 
de  Philippus  Bergamensis ,  historien  italien ,  né  près 
de  Bergame  en  1434,  mort  le  15  juin  1520.  Il  entra,  dès 
l'âge  de  dix-sept  ans,  dans  l'ordre  des  ermites  de  Saint- 
Augustin,  où  il  devint  prieur,  fonda  des  bibliothèques  en 
divers  couvents  qu'il  dirigea,  et  écrivit  les  ouvrages  sui- 
vants, qui  sont  plutôt  curieux  que  bien  sérieusement  docu- 
mentés :  Supplementum  chronicorum  orbis,  ab  initio 
mundi  ad  annum  1485  (Brescia,  1485,  et  Venise,  1500, 
in-fol.)  ;  De  Claris  Mulieribus  chrislianis commentarius 
(Ferrare,1497,in-foL),  réimprimé  par  J.-RavisiusTextor, 
dans  la  compilation  intitulée  De  Memorabilibus  et  Cla- 
ris Mulieribus  aliquot  diversorum  scriptorum  opéra 
(Paris,  1521,  in-fol.)  ;  Confessionale,  seu  interrogato- 
rium  aliorum  novissimum  (Venise,  1487,  in-4,  et  1500, 
in-8).  Dans  le  De  Claris  Mulieribus,  Foresti  a  rassemblé 
d'amusantes  fables,  des  légendes  telles  que  l'histoire  de  la 
papesse  Jeanne.  R.  G. 

Bibl.  :  Doriato  Calvi,  Scena  letteraria  degli  scrittori 
Bergamaschi  ;  Bergame,  1660,  in-4. 

FORESTIER  (Pierre-Jacques),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Vichy  le  30  juil.  1739,  mort  à  Genève  le 
31  mai  1823.  Avocat,  il  acheta  en  1783  la  charge  de 
maire  de  Vichy,  qu'il  transmit  bientôt  à  une  autre'  per- 
sonne. Procureur-syndic  du  district  de  Cusset  (1790),  il 
fut  élu  député  de  l'Allier  à  la  Convention  le  6  sept.  1792. 
Il  siégea  à  la  Montagne,  vota  la  mort  du  roi,  remplit  plu- 
sieurs missions  dans  l'Allier.  Arrêté  après  les  événements 
de  prairial  an  III  et  ju^é  par  la  commission  militaire ,  il 
fut  condamné  à  la  réclusion  et  incarcéré  jusqu'au  4  bru- 
maire. Il  rentra  alors  dans  la  vie  privée,  s'occupa  d'agri- 
culture. Exilé  comme  régicide  au  début  de  la  Restauration 
(1816),  il  fut  conduit  à  Genève  où  il  mourut  presque 
misérable. 

Bibl.  :  Docteur  Cornillon  ,  Pierre- Jacques  Forestier; 
Vichy,  1887.  —  Du  môme,  le  Bourbonnais  sous  la  Révolu- 
tion française;  Vichy,  1888-1892,  4  vol. 

FORESTIER  (Mlle  Anne-Marie- Julie),  peintre  français, 
née  à  Paris  en  1789.  Elève  de  David  et  de  Debret,  cette 
artiste,  d'un  talent  estimable,  mais  froid,  exposa  successi- 
vement :  Minerve,  déesse  de  la  Sagesse  et  des  Beaux-Arts 
(S.  1804);  Renaud  et  Armide  (S.  1809);  Sacrifice  à 
Minerve  (S.  1 81 2)  ;  la  Princesse  de  JSeuers  à  l'abbaye  de 
Gravite  (S.  1814);  les  Filles  de  Milton  faisant  la  lec- 
ture à  leur  père  aveugle  (S.  1819).  On  lui  doit  aussi 
quelques  portraits,  entre  autres  celui  du  poète  dramatique 
chartrain  Gaillard,  au  musée  de  Chartres. 

FORESTIER  (Henri-Joseph  de),  peintre  français,  né  à 
Saint-Domingue  en  1790,  mort  à  Paris  en  1868,  Elève  de 
Vincent,  il  remporta  le  grand  prix  de  Rome  en  1813  avec 
la  Mort  de  Jacob.  En  1819,  il  exposa  pour  la  première 
fois  ;  son  tableau,  Ecce  homo,  fut  loué  pour  la  simplicité 
pleine  de  grandeur  dans  lequel  il  était  conçu.  La  plus 
connue  de  ses  œuvres  est  le  Jésus-Christ  guérissant  un 
possédé  (S.  1827),  qui  a  figuré  au  Louvre.  Cette  compo- 
sition, comme  presque  toutes  celles  qui  sont  sorties  de  son 
pinceau,  est  théâtrale,  emphatique  ;  si  le  dessin  en  est 
correct  et  académique,  le  coloris  en  est  glacial  et  dénué 
d'harmonie.  Fougueux  républicain,  H.-J.  Forestier  prit 
part,  comme  colonel  de  la  6e  légion  de  la  garde  nationale, 
au  mouvement  insurrectionnel  de  juin  1849  ;  arrêté  et 
traduit  devant  la  haute  cour,  il  fut  acquitté.  Il  exposa  pour 
la  dernière  fois  en  1 855  ;  le  sujet  de  ce  dernier  tableau 
était  les  Funérailles  de  Guillaume  le  Conquérant. 

•FORESTIER  (Benoît- Auguste),  ingénieur  français,  né 
à  Ambert  (Puy-de-Dôme)  le  26  oct.  1811,  mort  le 
28  juin  1873.  Il  appartenait  au  corps  des  ponts  et  chaus- 
sées, et  a  exécuté  de  grands  travaux  de  ports  maritimes. 
Il  est  connu  pour  un  grand  mémoire  sur  la  Conservation 
des  bois  à  la  mer  (Annales,  1868),  qu'on  consulte  encore 
avec  fruit.  —  Son  fils,  Benoît-François-Georges,  est  au- 
jourd'hui (1893)  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées. 

FORESTIER  de  Boinvilliers  (V.  Boinvilliers). 


-  791 


FORESTIÈRE  —  FORÊT 


FORESTIÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Marne,  arr. 
d'Epernay,  cant.  d'Esternay  ;  423  hab. 

FORESltliO^llEHS  (Forestense  monasterium)Xom. 
du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Abbeville,  cant.  de  Nouvion, 
à  l'extrémité  occidentale  de  la  forêt  de  Crécy  ;  562  hab. 
Ancienne  abbaye  d'hommes,  de  Tordre  de  Saint-Benoît, 
fondée  au  vne  siècle  par  saint  Riquier. 
Bibl.  :  Gallia  Christiana,  t.  X,  col.  1307  à  1310. 

FORET.  I.  Technologie.  —  Outil  qui  sert  à  percer  les 
métaux,  la  pierre  ou  le  bois.  La  partie  travaillante  du  foret 
est  en  acier  trempé  ;  elle  présente  la  forme  d'une  pointe 
plus  ou  moins  obtuse  à  biseau  généralement  double  ou  quel- 
quefois simple.  Ces  pointes  doivent  être  assez  aiguës  pour 
pénétrer  facilement  dans  le  métal  et  assez  obtuses  pour  ne 
pas  se  briser.  L'angle  des  arêtes  coupantes  varie  de  70  à 
80°  et  il  est  plus  élevé  pour  la  fonte  et  l'acier  en  raison  de 
leur  dureté  que  pour  le  fer  et  le  bronze.  Pour  obtenir  un 
angle  de  coupe  suffisamment  aigu,  on  ménage  habituelle- 
ment sur  les  flancs  du  foret  deux  gorges  cylindriques  tan- 
gentes au  plan  de  coupe  et  dont  les  génératrices  sont  pa- 
rallèles aux  arêtes  coupantes.  Les  forets  ont  généralement 
au-dessus  de  la  pointe  un  diamètre  supérieur  à  celui  du 
corps  pour  faciliter  le  dégagement  des  copeaux  ;  toutefois 
cette  disposition  présente  cet  inconvénient  que  l'outil  est 
moins  bien  guidé.  Les  forets  sont  commandés  à  la  main  à 
l'aide  d'un  archet  et  d'un  vilebrequin,  ou  ils  servent  d'ou- 
tils dans  des  machines  à  percer.  Les  forets  conduits  à  l'aide 
d'un  archet  sont  animés  d'un  mouvement  de  rotation  alter- 
natif; ils  doivent  être  à  un  double  biseau,  et  ils  sont  mu- 
nis d'une  pointe  qui  sert  à  guider  l'outil  et  qui  doit  être 
placée  bien  au  centre  pour  que  le  trou  soit  exactement  rond. 
Les  forets  à  vilebrequin  travaillent  en  tournant  d'un  mou- 
vement continu  de  rotation  et  ils  sont  appuyés  par  la  pres- 
sion de  l'ouvrier  qui  les  conduit,  ou  mieux  par  une  vis 
de  pression  spéciale  qui  appuie  la  tête  du  vilebrequin  et 
sert  en  même  temps  à  le  guider.  Les  forets  des  machines- 
outils  sont  guidés  par  des  porte-outils  spéciaux  qui  doivent 
les  maintenir  parfaitement  dans  l'axe  de  l'arbre  ;  ces  forets 
sont,  en  général,  à  double  biseau  avec  gorge  d'évidement, 
mais  on  applique  fréquemment  aujourd'hui  le  type  hélicoï- 
dal connu  sous  le  nom  de  foret  américain.  Cet  outil  est 
formé  d'une  tige  cylindrique  en  acier  terminée  par  une 
pointe  en  biseau  et  creusée  d'une  rainure  hélicoïdale,  dis- 
position qui  présente  l'avantage  d'assurer  un  angle  de  coupe 
bien  constant  sur  toute  la  longueur  de  l'hélice.  Avec  la  plu- 
part des  métaux  on  peut  faire  agir  le  foret  à  sec,  mais  avec 
le  fer  ou  l'acier,  il  est  nécessaire  de  le  lubrifier  d'une  ma- 
nière continue.  L.  K. 

IL  Chirurgie.  —  On  donne  le  nom  de  forets  à  des  tiges 
métalliques  à  extrémités  de  formes  diverses  ;  les  tiges 
s'adaptent  à  des  manches  ou  au  corps  d'autres  instruments, 
de  façon  que  les  chirurgiens  puissent  s'en  servir  pour  per- 
forer les  os.  Middeldorpfles  utilisait  pour  le  diagnostic  des 
affections  du  crâne  et  des  maladies  intra-osseuses.  Ces 
forets  varient  de  formes  et  de  dimensions  suivant  les  cas. 
Middeldorpf  recommande  le  foret  en  cuiller  pour  découper 
la  lame  vitrée  sans  la  briser  en  éclats.  —  Pour  la  suture 
des  os  on  se  sert  d'un  perforateur  composé  d'un  arbre  mis 
en  mouvement  par  une  roue  à  angle,  arbre  auquel  s'adap- 
tent des  forets  de  formes  différentes  ;  les  uns  sont  percés 
d'un  chas  à  leur  bec  pour  recevoir  le  fil  métallique  après 
avoir  traversé  les  os  ;  les  autres  sont  armés  d'un  crochet 
pour  attirer  une  anse  métallique  ;  d'autres  sont  perforés 
dans  toute  leur  longueur.  Suivant  l'indication  à  remplir, 
on  se  sert  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  forets  qui  sont 
assez  rarement  employés  aujourd'hui.        Dr  Coustan. 

FORÊT.  I.  Sylviculture.  —  On  nomme  forêt  une  sur- 
face boisée  d'une  grande  étendue.  Les  surfaces  boisées  peu 
étendues  sont  dites  bois.  La  destination  principale  des  forêts 
étant  de  produire  du  bois,  les  réunions  d'arbres  destinés  à 
l'agrément  ou  à  donner  des  fruits  ne  sont  pas  des  forêts.  Une 
forêt  dans  laquelle  on  laisse  les  arbres  .atteindre  de  grandes 
dimensions  et  où  la  reproduction  se  fait  par  les  semences, 


graines  ou  fruits  des  arbres,  se  nomme  futaie.  La  futaie 
est  régulière  quand  l'ensemble  du  peuplement  est  uniforme 
et  complet,  et  les  arbres  d'âges  gradués.  Elle  est  dite  irré- 
gulière dans  le  cas  contraire,  lorsque  le  peuplement  est 
inégal  et  incomplet,  les  âges  mal  gradués.  La  futaie  prend 
les  noms  de  fourré,  lorsque  les  jeunes  tiges  sont  encore 
ramifiées  dès  la  base  ;  gaulis,  quand  les  tiges  se  dégar- 
nissent de  leurs  branches  inférieures;  perchis,  quand  les 
tiges  atteignent  0m10  de  diamètre  environ.  La  durée  des 
révolutions  dans  les  futaies  est  longue;  elle  varie  de 
cinquante  à  deux  cent  cinquante  ans  et  elle  est  le  plus 
souvent  de  cent  vingt  ans.  Le  capital  représenté  par  les 
forêts  soumises  à  ce  mode  de  traitement  s'accroît  vite;  le 
taux,  au  contraire,  va  diminuant  et  la  rente  s'accroît  len- 
tement. On  les  exploite  quand  elles  donnent  le  maximum 
d'utilité  ou  lemaximumd'argentdansun  temps  déterminé, 
mais  elles  ne  donnent  jamais  le  maximum  de  revenu  qu'on 
peut  attendre  des  taillis.  Ceux-ci  sont  des  forêts  ou  bois 
exploités  à  de  courtes  révolutions  dont  la  durée  est  com- 
prise le  plus  souvent  entre  douze  et  vingt-cinq  ans.  Le 
taillis  est  simple  si  chaque  coupe  enlève  tous  les  rejets  ;  il 
est  composé  si  des  tiges  sont  réservées  pour  parcourir  une 
ou  plusieurs  autres  révolutions.  Les  jeunes  réserves  se 
nomment  baliveaux;  on  appelle  modernes  et  anciens 
les  réserves  plus  âgées.  Une  mesure  importante  à  prendre 
pour  assurer  le  bon  développement  et  la  conservation  des 
forêts,  consiste  à  y  interdire  l'accès  des  troupeaux.  On  les 
met  ainsi  en  défens  pendant  un  temps  déterminé,  jus- 
qu'au moment  où  le  sommet  des  tiges  est  assez  élevé  pour 
échapper  à  la  dent  du  bétail.  En  France,  les  forêts  appar- 
tiennent aux  particuliers,  aux  communes,  aux  établisse- 
ments publics,  à  l'Etat,  et  couvrent  une  surface  de  plus 
de  9  millions  d'hect.,  46  °/0  du  territoire,  soit,  en  chiffres 
ronds,  4  million  d'hect.  pour  l'Etat,  2  millions  pour  les 
communes  et  établissements  publics  et,  pour  les  particu- 
liers, environ  6  millions.  Les  forêts  de  l'Etat,  celles  des  éta- 
blissements publics  et  des  communes  sont  soumises  au  ré- 
gime forestier  ;  l'administration  forestière  les  régit.  Les 
forêts  sont  inégalement  réparties  en  France.  Elles  sont 
nombreuses  dans  les  Vosges,  les  plaines  du  centre,  le 
Morvan,  les  Landes,  les  Maures  et  l'Esterel.  D'autres  ré- 
gions comme  la  Normandie,  la  Champagne,  sont  presque 
dépourvues  de  bois.  Certaines  forêts  couvrent  des  surfaces 
considérables  :  la  forêt  d'Orléans,  35,000  hect.  ;  celles  de 
Fontainebleau,  47,000  hect.;deChaux  (Jura), 45,000  hect.; 
de  Compiègne,  4  4,500  hect.;  de  Rambouillet,  43,000  hect.; 
de  Tronçais  (Allier),  40,400  hect.;  de  la  Grande-Char- 
treuse, 6,200  hect.  Ces  forêts  appartiennent  à  l'Etat.  On 
compte  en  Algérie  environ  2,350,000  hect.  de  forêts  et 
bois.  Les  pays  les  plus  boisés  sont  :  l'Allemagne,  24  °/0 
du  territoire";  la  Russie,  40  °/0;  la  Scandinavie,  80  °/0, 
chiffre  sans  doute  trop  élevé.  L'Italie  comprend  proportion- 
nellement autant  de  bois  que  la  France,  tandis  que  la  surface 
boisée  n'occupe  que  6  °/o  du  territoire  en  Portugal,  3  °/0 
en  Espagne,  et  2  %  seulement  en  Angleterre  (V.  Europe 
et  les  articles  consacrés  à  chaque  pays  ou  subdivision, 
département,  comté,  etc.). 

Les  produits  principaux  des  forêts  sont  :  4°  les  bois  de 
feu,  comprenant  rondins,  bois  de  quartier,  fagots,  bour- 
rées, bois  à  charbon  ;  2°  les  bois  d'oeuvre,  distingués  en  bois 
de  service  employés  aux  constructions,  et  en  bois  de  travail 
utilisés  après  la  fente  ou  le  sciage.  Les  forêts  fournissent 
encore  les  produits  de  la  chasse,  l'écorce  pour  le  tan- 
nage des  cuirs,  des  fruits  (faînes),  des  essences  (essences 
de  thym,  de  lavande),  etc.  D'autre  part,  les  forêts 
exercent  une  influence  heureuse  sur  le  climat  ;  elles  régu- 
larisent le  régime  des  eaux,  retiennent  les  terres  sur  les 
pentes  des  montagnes.  L'influence  des  forêts  sur  le  climat 
local  est  incontestable.  Il  suffit  d'un  simple  rideau  d'arbres 
pour  modifier  le  développement  des  végétaux  qu'il  abrite 
ou  même  pour  en  rendre  la  culture  possible.  L'eau  tom- 
bée sur  les  terrains  boisés  ne  ruisselle  pas  à  la  surface  ; 
elle  est  retenue  par  l'humus,  les  feuilles,  les  débris,  et 


FORÊT 


m  — 


s'infiltre  lentement  à  travers  le  sol  pour  sortir  plus  loin 
à  l'état  de  sources.  Les  forêts  régularisent  la  ion  te  des 
neiges,  arrêtent  les  avalanches;  elles  s'opposent  au  ravi- 
nement des  terrains  en  pente,  empêchent  la  formation  des 
torrents,  en  provoquent  l'extinction  ou  en  diminuent  la 
violence.  G.  Boyer. 

II.  Droit  administratif.—  Les  bois  et  forêts,  c.-à-d. 
les  espaces  plantés  d'arbres  non  fruitiers  formant  masse, 
constituent  une  partie  importante  de  la  richesse  d'un  pays.  Le 
sol  forestier  delà  France,  y  compris  la  Corse,  compte  aujour- 
d'hui 9,1 85,310  hect.,dont4,070,477appartiennentàï'Etat 
et  1,915,370  à  des  communes  ou  établissements  publics. 
Mais,  plus  que  toute  autre,  cette  richesse  veut  être  ména- 
gée, à  raison  de  la  lenteur  avec  laquelle  elle  se  forme  et  se 
développe,  de  la  rapidité  avec  laquelle  elle  s'épuise  lors- 
qu'on en  laisse  la  libre  disposition  aux  propriétaires,  à 
raison  enfin  de  l'influence  considérable  que  les  forêts 
exercent  sur  le  climat  et  la  salubrité  d'un  pays  et  sur  le 
régime  de  ses  eaux. 

Aussi,  et  dès  les  temps  les  plus  reculés,  les  forêts  ont- 
elles  été  soumises  à  une  législation  spéciale  et  gérées  par 
une  administration  distincte.  Parmi  les  monuments  de 
cette  législation,  on  doit  citer  au  passage  les  édits  ou  or- 
donnances de  1319  et  de  1376  sur  les  forêts  royales, 
de  1515  et  de  1583  sur  les  eaux  et  forêts  royales,  de 
1515  et  de  1583  sur  les  eaux  et  forêts,  le  célèbre  édit 
d'août  1669,  œuvre  de  Colbert  et  qui  a  servi  de  modèle  à 
la  législation  moderne,  la  loi  du  19  sept.  1791,  enfin  le 
code  forestier  du  31  juil.  1827,  complété  par  l'ordonnance 
d'exécution  du  1 er  août  de  la  même  année.  Le  code  a  lui- 
même  été  modifié  et  complété  parles  lois  du  18  juin  1869, 
sur  le  défrichement,  du  4  avr.  1882,  sur  le  reboisement 
des  montagnes,  du  23  nov.  1883,  sur  l'affouage. 

En  droit,  les  deux  termes  bois  et  forêts  sont  synonymes, 
quoique,  dans  le  langage  courant,  le  mot  forêt  désigne  une 
étendue  plus  grande  que  le  mot  bois.  Mais,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  la  législation  spéciale  forestière  ne  s'applique 
qu'aux  arbres  formant  masse  :  ceux  qui  constituent  les  buis- 
sons, bocqueteaux,  parcs,  jardins  ou  prés-bois,  sont  régis 
par  les  dispositions  du  droit  civil  ordinaire. 

En  principe,  les  particuliers  ont  un  droit  de  propriété 
absolu  sur  les  bois  ou  forêts  qui  leur  appartiennent  ;  ils 
peuvent  donc  les  exploiter,  les  couper  comme  bon  leur 
semble  sans  être  soumis  à  aucun  contrôle  de  l'administra- 
tion forestière.  Deux  restrictions  seulement  sont  apportées 
à  ce  principe  :  d'une  part,  les  bois  qui  appartiennent  par 
indivis  à  un  particulier  et  à  une  commune  sont  soumis, 
comme  s'ils  appartenaient  exclusivement  à  la  commune, 
au  régime  forestier  tel  que  nous  l'exposerons  plus  loin  ; 
d'autre  part,  les  bois  des  particuliers  sont  assujettis  à  des 
règles  particulières  en  ce  qui  concerne  leur  défrichement, 
c.-à-d.  leur  transformation  en  terres  arables.  D'après 
l'art.  219  du  C.  forest.,  aucun  particulier  ne  peut  ar- 
racher ou  défricher  ses  bois  qu'après  en  avoir  fait  la 
déclaration  à  la  sous-préfecture,  au  moins  quatre  mois 
avant  le  commencement  des  travaux  ;  pendant  ce  temps, 
l'administration  peut  s'opposer  au  défrichement  :  cette 
obligation  ne  s'applique  ni  aux  jeunes  bois,  pendant  les 
vingt  premières  années  qui  suivent  leur  semis  ou  planta- 
tion, ni  aux  parcs  et  jardins  clos  attenant  aux  habitations, 
ni  aux  bois  clos  d'une  étendue  au-dessous  de  10  hect., 
lorsqu'ils  ne  sont  pas  situés  sur  le  sommet  ou  la  pente 
d'une  montagne.  En  résumé,  donc,  doivent  seuls  faire  la 
déclaration  :  les  propriétaires  de  bois  âgés  de  plus  de  vingt 
ans,  d'une  étendue  supérieure  à  10  hect.,  non  clos  et  n'at- 
tenant  pas  aux  habitations;  les  propriétaires  de  bois 
moindres  de  10  hect.,  mais  faisant  partie  d'un  bois  qui 
complète  cette  contenance;  les  propriétaires  de  bois 
moindres  de  10  hect.,  mais  situés  sur  le  sommet  ou  la 
pente  d'une  montagne.  Si,  dans  les  quatre  mois  qui  suivent 
la  déclaration  du  propriétaire  à  la  sous-préfecture,  l'admi- 
nistration n'a  fait  aucune  opposition,  le  défrichement  peut 
avoir  lieu.  Dans  le  cas  contraire,  il  faut  attendre  qu'une 


décision  ministérielle  intervienne  sur  l'opposition  de  l'ad- 
ministration :  cette  décision  ministérielle  levant  ou  confir- 
mant l'opposition  doit  être  rendue  dans  les  six  mois  qui 
suivent  le  jour  où  l'administration  a  fait  notifier  son  oppo- 
sition au  propriétaire  :  ce  délai  passé  sans  que  le  ministre 
ait  fait  connaître  sa  décision,  le  défrichement  peut  avoir 
lieu,  comme  au  cas  où  l'opposition  n'est  pas  confirmée. 
D'après  l'art.  220,  l'opposition  ne  peut  être  formée  que 
pour  les  bois  dont  la  conservation  est  reconnue  nécessaire  : 
1°  au  maintien  des  terres  sur  les  montagnes  ou  sur  les 
pentes  ;  2°  à  la  défense  du  sol  contre  les  érosions  et  les 
envahissements  des  fleuves,  rivières  ou  torrents  ;  3°  à 
l'existence  des  sources  et  cours  d'eau  ;  4°  à  la  protection 
des  dunes  et  des  côtes  contre  les  érosions  de  la  mer  et 
l!envahissement  des  sables  ;  5°  à  la  défense  du  territoire, 
dans  certaines  limites  fixées  par  les  décrets  des  31  juil. 
1861,  3  mars  1874  et  8  sept.  1878.  Le  propriétaire  qui 
défricherait  sans  déclaration  préalable  ou  nonobstant  une 
opposition  administrative  est  condamné  à  une  amende  de 
500  fr.  au  moins,  de  1,500  fr.  au  plus  par  hect.  défriché, 
et  le  ministre  peut  de  plus  exiger  qu'il  rétablisse  les  lieux 
défrichés  en  nature  de  bois  dans  un  délai  qui  ne  peut  excé- 
der trois  ans. 

La  seconde  et  très  grave  restriction  au  droit  de  pro- 
priété résulte  d'une  loi  du  4  avr.  1882  relative  à  la  res- 
tauration et  à  la  conservation  des  terrains  en  montagne. 
On  sait  que  le  déboisement  des  montagnes  a  comme  eflet 
direct  de  favoriser  les  inondations  :  les  ravages  de  certains 
cours  d'eau  en  Savoie,  dans  les  Hautes  et  Basses-Alpes, 
dans  le  Var,  n'ont  pas  d'autre  cause.  Pour  remédier  à  ces 
fléaux,  il  est  pourvu  à  la  restauration  des  terrains  en  mon- 
tagne au  moyen  de  travaux  exécutés  par  l'Etat  ou  par  les 
propriétaires  avec  subvention  de  l'Etat:  l'utilité  de  ces  tra- 
vaux est  déclarée  par  une  loi  qui  fixe  le  périmètre  dans 
lequel  ils  doivent  être  exécutés.  Ils  le  sont  par  les  soins  de 
l'administration  et  aux  frais  de  l'Etat  qui  acquiert  à 
l'amiable  ou  par  expropriation  les  terrains  nécessaires. 
Toutefois,  les  particuliers  peuvent  éviter  cette  expropria- 
tion en  s'engageant  à  exécuter  les  travaux  dans  le  délai 
fixé,  avec  ou  sans  indemnité,  et  à  pourvoir  à  leur  entre- 
tien, sous  le  contrôle  et  la  surveillance  de  l'administration 
forestière.  Les  bois  ainsi  créés  bénéficient  pendant  trente 
ans  de  l'exemption  d'impôts  établie  par  l'art.  226  du 
C.  forest.  Si  les  terrains  n'exigent  pas  actuellement  des 
travaux  de  restauration,  mais  seulement  des  mesures  de 
conservation,  l'administration  des  forêts  provoque  leur 
mise  en  défens,  qui  est  prononcée  par  un  décret  en  conseil 
d'Etat,  et  qui  ne  peut  durer  plus  de  dix  ans.  Pendant  ce 
temps,  les  particuliers,  les  communes  ou  établissements 
publics  ne  peuvent  plus  exercer  leurs  droits  de  pâturage  : 
cette  privation  de  jouissance  est  d'ailleurs  compensée  par 
une  indemnité  fixée,  soit  à  l'amiable,  soit,  en  cas  de  désac- 
cord, par  le  conseil  de  préfecture.  De  plus,  pendant  la 
durée  de  la  mise  en  défens,  l'Etat  peut  exécuter,  sur  les 
terrains  interdits,  tels  travaux  que  bon  lui  semble,  sous 
la  seule  condition  de  ne  pas  changer  la  nature  du  sol,  et 
sans  qu'aucune  indemnité  de  plus-value  soit  due  parle  pro- 
priétaire, à  raison  des  améliorations  que  ces  travaux  ap- 
portent à  son  bien.  Les  délits  ou  contraventions  commis 
sur  les  terrains  mis  en  défens  sont  constatés  et  poursuivis 
comme  ceux  commis  dans  les  bois  soumis  au  régime  forestier. 
Les  bois  et  forêts  qui  font  partie  du  domaine  de  l'Etat, 
ceux  des  communes  ou  sections  de  commune,  ceux  des  éta- 
blissementspublics  (hospices,  bureaux  de  bienfaisance,  etc.), 
enfin  ceux  dans  lesquels  l'Etat,  les  communes,  sections  de 
commune  ou  établissements  publics  ont  des  droits  indivis, 
sont  soumis  à  des  règles  particulières  touchant  leur  déli- 
mitation, leur  aménagement,  leur  exploitation,  les  servi- 
tudes dont  ils  peuvent  être  grevés  :  l'ensemble  de  ces  règles 
constitue  le  régime  forestier.  Ce  régime  est  appliqué  aux 
bois  que  nous  venons  d'énumérer,  par  l'administration  fo- 
restière, et,  pour  indemniser  l'Etat  des  frais  qu'il  entraîne, 
il  est  payé  au  Trésor  sur  les  produits  principaux  et  accès- 


—  793  — 


FORÊT 


soires  5  cent,  par  franc  en  sus  du  prix  principal  de  leur 
adjudication  ou  cession  et,  pour  les  produits  délivrés  en 
nature,  le  vingtième  de  leur  valeur,  laquelle  est  définitive- 
ment fixée  par  le  préfet.  Moyennant  cette  allocation,  toutes 
les  opérations  de  conservation  et  de  régie,  les  poursuites, 
l'arpentage,  le  récolement,  etc., sont  effectués  parles  agents 
de  l'Etat.  Cette  combinaison,  qui  a  pour  effet  d'asburerune 
meilleure  exploitation  des  richesses  forestières  de  la  France, 
présente  pour  les  communes  un  intérêt  considérable,  puis- 
qu'elles n'ont  plus  aucun  soin  à  prendre  de  leurs  bois,  et 
qu'elles  se  déchargent  de  toute  administration  au  moyen 
d'une  sorte  d'abonnement. 

Le  bornage,  qui  a  pour  but  de  fixer  matériellement  les 
limites  des  bois  qui  seront  soumis  au  régime  forestier,  peut 
être  demandé  soit  par  l'Etat  ou  les  communes,  soit  par 
les  propriétaires  voisins  ;  il  se  fait  à  l'amiable  ou,  à  défaut 
d'accord,  judiciairement  par  les  tribunaux  civils,  seuls  com- 
pétents pour  toutes  les  questions  de  propriété.  Toutefois, 
l'administration  peut  éviter  de  procéder  au  bornage  en  dé- 
clarant que,  dans  le  délai  de  six  mois,  elle  opérera  une  déli- 
mitation générale  de  la  forêt  ;  celle-ci  se  fait  par  les  agents 
forestiers  et  devient  exécutoire  après  avoir  été  homologuée 
par  décret. 

On  appelle  aménagement  une  division  de  la  forêt  en  un 
certain  nombre  de  lots  sur  lesquels  les  coupes  seront  effec- 
tuées à  tour  de  rôle  et  annuellement,  de  telle  sorte  qu'elles 
porteront  toujours  sur  des  arbres  en  pleine  valeur  et  qu'un 
même  canton  de  la  forêt  soit  mis  en  coupe  périodiquement, 
tous  les  vin^t  ans  par  exemple.  L'aménagement,  duquel  dé- 
pendent la  conservation  de  la  forêt  et  son  exploitation  fruc- 
tueuse, est  réglé  et  modifié  pour  chaque  forêt  par  un  décret, 
rendu  sur  la  proposition  de  l'administration  forestière  qui 
met  ensuite  les  coupes  en  adjudication  successivement  et  dans 
l'ordre  déterminé.  Aucune  coupe  extraordinaire,  c.-à-d.  au- 
cune coupe  non  prévue  par  l'aménagement,  aucune  coupe 
intervertissant  Tordre  établi  par  l'aménagement,  ou  faite 
par  anticipation,  ou  portant  sur  des  bois  désignés  pour  croître 
en  futaie  (qu'on  appelle  massifs  ou  quarts  en  réserve),  ne 
peut  être  autorisée  que  par  un  décret  spécial.  Ce  décret, 
qui  fixe  l'aménagement,  étant  un  acte  de  pure  administra- 
tion, n'est  susceptible  d'aucun  recours,  ni  devant  les  tribu- 
naux judiciaires,  ni  mêmedevantles  tribunaux  administra- 
tifs, toutefois,  il  n'est  pas  abandonné  à  l'arbitraire  absolu 
de  l'administration,  et  l'ordonn.  du  1er  août  1827  rendue 
pour  l'exécution  du  C.  forest.,  indique  quand,  comment 
et  suivant  quelles  règles  techniques  il  doit  être  fait  (art.  68 
et  suiv.).  Pour  l'exploitation  des  bois  soumis  au  régime 
forestier,  la  vente  des  coupes  se  fait  toujours  par  adjudica- 
tion publique,  par-devant  les  préfets,  sous-préiets,  maires, 
selon  l'importance  et  la  situation  des  coupes.  Toute  vente 
qui  ne  serait  pas  faite  par  adjudication  publique,  ou 
qui,  bien  que  faite  par  adjudication  publique  n'aurait 
pas  été  précédée  d'affiches  l'annonçant  (art.  17),  est  nulle 
et  expose  celui  qui  y  a  procédé  à  une  amende  de  1 ,000  à 
6,000  fr.  Pour  assurer  la  sincérité  de  ces  ventes,  la  loi 
considère  comme  incapables  de  devenir  adjudicataires 
certaines  catégories  de  personnes  (art.  21)  et  frappe  des 
peines  de  l'art.  412  du  C.  pén.  toute  association  ou  ma- 
nœuvre entre  les  marchands  de  bois  tendant  à  nuire  aux 
enchères  et  à  obtenir  la  coupe  à  plus  bas  prix.  Ces  règles 
sont  applicables  aux  adjudications  de  glandée,  panage  et 
paisson,  c.-à-d.  du  droit  d'introduire  des  porcs  dans  une 
forêt  pour  leur  faire  manger  sur  place  les  glands,  faînes  et 
autres  produits  tombés  à  terre  ;  les  adjudicataires  de  ces 
droits  n'ont  pas,  en  effet,  la  faculté  de  cueillir  ces  pro- 
duits et  de  les  emporter  hors  de  la  forêt  pour  en  faire  la 
nourriture  de  leurs  animaux  à  l'étable. 

Aucune  coupe  ne  peut  être  commencée,  même  en  vertu 
d'une  adjudication  régulière,  avant  que  l'agent  forestier 
local  en  ait  donné  l'autorisation,  sous  peine,  pour  l'adjudi- 
cataire, d'être  considéré  comme  délinquant  pour  tous  les 
bois  coupés  par  lui.  Cette  autorisation  une  fois  accordée,  il 
peut  commencer  ses  travaux,  mais  en  se  conformant  stric- 


tement à  son  cahier  des  charges,  tant  pour  le  nombre,  la 
qualité  et  l'espèce  des  bois  à  abattre,  que  pour  le  nombre 
et  l'espèce  de  ceux  qui  sont  marqués  du  marteau  et  qu'il 
doit  réserver,  sans  pouvoir  jamais  invoquer  aucune  com- 
pensation entre  les  manquants.  Toute  fraude,  toute  erreur 
même  involontaire  donne  lieu  contre  lui  à  une  amende 
triple  de  la  valeur  des  bois  abattus  à  tort.  Chaque  adjudi- 
cataire doit  faire  agréer  à  l'administration  un  garde-coupe, 
ou  facteur,  chargé  de  la  surveillance  de  la  coupe,  et  ayant 
dans  l'étendue  de  celle-ci  le  droit  de  dresser  des  procès- 
verbaux,  soit  dans  l'étendue  même  de  la'  vente,  soit  à 
F  «  ouïe  de  la  cognée  »,  c.-à-d.  dans  un  rayon  de  250  m. 
des  limites  de  la  coupe.  Les  procès- verbaux  des  gardes- 
vente  sont  soumis  aux  mêmes  formalités  que  ceux  des 
gardes  forestiers,  mais  ils  ne  font  jamais  foi  que  jusqu'à 
preuve  contraire.  A  dater  du  permis  d'exploiter,  et  jusqu'à 
ce  qu'ils  aient  obtenu  leur  décharge,  les  adjudicataires  sont 
responsables  de  tout  délit  forestier  commis  dans  leurs 
ventes  et  à  l'ouïe  de  la  cognée,  si  leurs  facteurs  ou  gardes- 
vente  n'en  font  leurs  rapports,  lesquels  doivent  être  remis  à 
l'agent  forestier  dans  les  cinq  jours.  Ils  sont  de  plus,  confor- 
mément au  droit  commun,  responsables  des  délits  ou  con- 
traventions commises,  soit  dans  les  coupes,  soit  en  dehors, 
par  leurs  commis  ou  employés.  Dans  les  diverses  opérations 
de  leur  exploitation  les  adjudicataires  doivent  se  conformer 
aux  art.  301  et  suiv.  du  C.  forest.,  et  aux  indications  de 
l'administration  :  c'est  ainsi  qu'ils  ne  peuvent  pasécorcer  les 
arbres  sur  pied,  ni  établir  de  charbonnière  ailleurs  qu'aux 
endroits  qui  leur  sont  indiqués,  ni  sortir  des  chemins  dési- 
gnés au  cahier  des  charges,  ni  prolonger  la  coupe  au  delà 
des  délais  fixés,  ni  déposer  dans  la  vente  d'autres  bois  que 
ceux  provenant  de  la  coupe,  etc.  Dans  les  trois  mois  qui 
suivent  le  jour  fixé  pour  la  vidange  de  la  coupe,  l'adminis- 
tration doit  procéder  par  ses  gardes  et  agents  et  en  pré- 
sence de  l'adjudicataire,  au  réarpentage  et  au  récolement, 
c.-à-d.  à  une  double  vérification  qui  a  pour  but  d'établir 
l'étendue  de  la  coupe  et  de  constater  si  l'adjudicataire  a 
exploité  conformément  à  son  contrat.  Après  que  ces  deux 
opérations  ont  été  faites  et  si  le  procès-verbal  ne  mentionne 
aucune  contravention,  ou  si  l'administration  ne  fait  pas  ce 
réarpentage  et  ce  récolement  dans  le  délai  d'un  mois  à  par- 
tir de  la  mise  en  demeure  qui  peut  lui  être  signifiée  par 
l'adjudicataire,  celui-ci  est  définitivement  déchargé,  et  on 
ne  peut  plus  le  rechercher  à  raison  d'aucun  délit  ou  con- 
travention commis  dans  sa  vente  et  à  l'ouïe  de  la  cognée. 

Les  bois  et  forêts  appartenant  à  l'Etat  font  partie  de  son 
domaine  privé,  et  ils  sont  aliénables,  conformément  aux 
règles  applicables  aux  aliénations  du  domaine  privé.  Il  en 
est  autrement,  toutefois,  des  grandes  masses  de  forêts, 
c.-à-d.  de  celles  qui  dépassent  150  hect.  et  qui  sont  éloi- 
gnées des  autres  bois  de  moins  de  1  kil.  Ces  grandes  masses 
ne  peuvent  être  aliénées  qu'exceptionnellement  et  en  vertu 
d'une  loi  spéciale.  Dans  l'ancien  droit,  les  forêts  royales 
étaient  souvent  l'objet  de  servitudes  considérables  qui  en 
réduisaient  beaucoup  la  valeur.  Actuellement,  ces  servitudes 
sont  très  limitées,  et  le  code  forestier  en  favorise  autant  que 
possible  la  disparition. 

On  appelle  affectation  le  droit  qui  était  reconnu  à  cer- 
taines exploitations  industrielles  et  à  quelques  paroisses 
de  prendre  chaque  année,  gratuitement,  une  quantité  de 
bois  déterminée  dans  les  forêts  de  l'Etat.  Ces  affectations, 
qui  s'étaient  introduites  par  abus,  sont  prohibées  pour 
l'avenir  par  l'art.  60  du  C.  forest.  Quant  à  celles  qui 
existaient  au  moment  de  sa  promulgation,  elles  ne  devaient 
plus  avoir  qu'une  durée  de  dix  ans  à  partir  de  cette  date, 
à  moins  que  les  concessionnaires  n'eussent  obtenu  un  juge- 
ment déclarant  que,  malgré  les  dispositions  nouvelles,  leurs 
droits  étaient  irrévocables:  les  décisions  ont  été  très  rares, 
et  il  n'existe  pour  ainsi  dire  plus  aujourd'hui  d'affectations. 
Tous  les  bois  soumis  au  régime  forestier  sont  frappés  d'une 
servitude  dite  de  martelage,  en  vertu  de  laquelle  l'admi- 
nistration de  la  marine  peut  marquer  de  son  marteau  et  se 
réserver  les  bois  qu'elle  juge  propres  à  son  service  ;  mais, 


FORÊT 


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bien  entendu,  elle  en  paye  le  prix,  de  telle  sorte  qu'en 
définitive  le  droit  de  martelage  est  plutôt  un  droit  de 
préemption  ;  d'ailleurs,  l'administration  de  la  marine  pré- 
fère le  plus  souvent  ne  pas  l'exercer,  et  se  fournir  de  bois 
de  commerce. 

L'art.  62  du  C.  forest.  interdit  de  créer  dans  les  fo- 
rêts de  l'Etat  aucun  droit  d'usage,  de  quelque  nature  et 
sous  quelque  prétexte  que  ce  soit;  quant  aux  droits 
d'usage  qui  existaient  lors  de  la  promulgation  du  G.  forest., 
celui-ci  en  facilite  la  restriction  et  l'extinction.  D'abord, 
l'administration  forestière  a  toujours  le  droit  de  réduire 
l'exercice  de  ces  servitudes,  suivant  l'état  et  la  possibilité 
des  forêts,  et  sans  aucune  indemnité  au  profit  des  usagers; 
cependant,  et  pour  éviter  les  abus  d'une  restriction  arbi- 
traire, ceux-ci  peuvent  recourir  au  conseil  de  préfecture 
pour  faire  vérifier  la  possibilité  de  la  forêt.  En  second  lieu, 
l'administration  a  le  droit  de  réglementer  l'exercice  de 
l'usage  ;  pour  les  droits  de  pacage,  paisson  ou  panage,  elle 
en  fixe  la  durée  qui  ne  peut  être  supérieure  à  trois  mois 
par  an  ;  elle  ne  les  tolère  que  dans  les  bois  ou  portions  de 
bois  déf ensables i  c.-à-d.  qui,  par  leur  âge  et  leur  essence, 
peuvent  se  défendre  de  la  dent  des  animaux.  Elle  indique 
les  chemins  que  ceux-ci  devront  suivre,  sous  peine  de  con- 
travention et  d'amende  ;  elle  fixe  le  nombre  de  ces  animaux. 
Ceux-ci  doivent  porter  au  cou  une  clochette,  être  marqués 
d'un  signe  spécial  ;  de  plus  ils  doivent  être  gardés  par  un  pâtre 
commun  qui  est  responsable  des  dégâts.  L'usager  en  bois 
est  également  soumis  à  certaines  prescriptions  destinées  à 
éviter  l'abus  et  le  pillage  des  forêts.  En  principe,  les  usa- 
gers, particuliers  ou  communes,  ne  peuvent  jamais  abattre 
et  façonner  eux-mêmes  le  bois  auquel  ils  ont  droit  :  ce 
bois  leur  est  fourni  par  l'adjudicataire  des  coupes,  après  la 
délivrance  faite  par  les  gardes  forestiers.  Parfois  la  déli- 
vrance se  fait  en  concédant  une  coupe  aux  usagers  ;  dans 
ce  cas,  ils  ne  doivent  pas  l'exploiter  eux-mêmes,  mais  faire 
agréer  un  entrepreneur  unique  par  l'administration.  S'il 
s'agitde  bois  de  charpente,  ils  ne  sont  jamais  délivrés  qu'après 
que  leur  emploi  a  été  justifié  par  les  plans  du  bâtiment  à 
construire,  et  ils  doivent  être  mis  en  œuvre  dans  les  deux 
ans  de  l'abattage,  passé  lequel  délai  l'administration  fores- 
tière est  en  droit  de  s'en  emparer.  Il  est  interdit  aux  usa- 
gers de  vendre  ou  d'échanger  les  bois  qui  leur  sont  déli- 
vrés et  d'en  changer  la  destination.  Le  droit  reconnu  aux 
usagers  de  ramasser  le  bois  mort  ne  peut  s'exercer  que  sur 
le  bois  gisant  à  terre,  et  il  est  défendu  d'employer  aucun 
instrument  ou  crochet,  etc.  Enfin,  et  c'est  la  troisième 
manière  de  restreindre  les  usages  forestiers,  l'administra- 
tion peut  les  éteindre  définitivement  en  les  rachetant  aux 
titulaires  ;  le  prix  est  fixé  de  gré  à  gré,  ou,  en  cas  de  dé- 
saccord, par  les  tribunaux  :  cette  faculté  de  rachat  s'ap- 
plique indistinctement  à  tous  les  usages  ;  mais,  en  ce  qui 
concerne  le  droit  de  pâturage,  elle  ne  peut  pas  s'exercer 
lorsque  ce  pâturage  est  absolument  indispensable  aux  habi- 
tants d'une  commune.  Les  droits  d'usage  qui  s'exercent  sur 
le  bois  peuvent,  de  plus,  être  éteints  par  le  cantonnement. 
On  appelle  ainsi  une  opération  particulière  qui  consiste  à 
transformer  le  droit  d'usage  en  un  droit  de  pleine  propriété 
sur  une  portion  ou  canton  de  la  forêt  :  c'est  une  sorte 
d'échange  que  seule  l'administration  peut  demander,  et  qui 
se  règle  de  gré  à  gré,  ou  par  l'intermédiaire  des  tribunaux, 
esquels  ont  habituellement  recours  à  une  expertise.  A  côté 
des  droits  d'usage  que  nous  venons  de  parcourir  et  qui 
s'exercent  dans  les  bois  de  l'Etat,  les  habitants  d'une  com- 
mune ont  un  droit  particulier  sur  les  bois  et  forêts  de  cette 
commune  :  c'est  ce  qu'on  appelle  le  droit  d'affouage  qui 
consiste  à  prendre  chaque  année  et  gratuitement  une  cer- 
taine quantité  de  bois  de  chauffage  dans  les  forêts  commu- 
nales (V.  Affouage). 

L'administration  a  encore  pour  mission  de  constater  et  de 
poursuivre  les  délits  forestiers  et  les  délits  de  chasse  qui 
leur  sont  assimilés,  lorsque  ces  infractions  ont  été  com- 
mises dans  des  bois  soumis  au  régime  forestier.  Les  prin- 
cipaux délits  forestiers  sont  :  l'enlèvement  de  produits  du 


sol  forestier  (art.  144),  le  passage  en  forêt  avec  instruments 
prohibés  (146),  avec  voitures  (147),  avec  bestiaux  (199), 
la  coupe  ou  la  mutilation  d'arbres  (192),  les  délits  des 
adjudicataires  de  coupes  (30)  et  des  usagers  (67),  enfin,  la 
construction  de  certains  bâtiments  et  usines  à  proximité 
d'une  forêt  et  dans  un  rayon  prohibé  (151).  La  constatation 
matérielle  de  ces  diverses  infractions  appartient  aux  gardes 
et  agents  forestiers.  D'après  les  art.  8  et  9  du  C.  d'instr. 
criin.,  les  gardes  forestiers  sont  des  officiers  de  police  judi- 
ciaire chargés  de  constater  par  procès- verbaux  les  délits  et 
contraventions  commis  dans  les  bois  soumis  au  régime 
forestier,  dans  l'arrondissement  du  tribunal  devant  lequel 
ils  ont  prêté  serment. 

Ils  ont  de  plus  le  droit  de  procéder  à  des  saisies  soit 
pour  garantir  le  payement  des  dommages-intérêts  qui  pour- 
ront être  dus,  soit  pour  confisquer  les  instruments  qui  ont 
servi  à  commettre  un  délit,  ou  pour  restituer  à  l'adminis- 
tration les  bois  coupés  à  son  préjudice.  Les  saisies  sont 
réelles  si  le  garde  s'empare  effectivement  des  objets  saisis; 
elles  sont  virtuelles  s'il  se  borne  à  en  prendre  une  des- 
cription exacte  tout  en  les  laissant  aux  mains  du  délinquant. 
Ils  peuvent  également  procéder  à  des  visites  domiciliaires 
quand  les  bois  de  délit  ont  été  transportés  dans  une  habi- 
tation ou  dans  ses  dépendances  ;  mais,  pour  l'exercice  de 
ce  droit  de  perquisition,  les  gardes  doivent  être  accompa- 
gnés du  juge  de  paix,  de  son  suppléant,  du  maire  ou  de 
l'adjoint.  On  admet  toutefois  que  le  procès-verbal  dressé 
par  le  garde  à  la  suite  d'une  visite  domiciliaire  à  laquelle 
il  a  procédé  seul  n'est  nul  que  si  le  propriétaire  de  la  mai- 
son s'est  opposé  à  l'envahissement  de  son  domicile  ;  au  cas 
contraire,  on  le  considère  comme  ayant  renoncé  aux  ga- 
ranties de  la  loi,  et  le  procès-verbal  est  valable.  A  la  suite 
d'une  saisie  réelle,  le  garde  forestier  met  l'objet  saisi  en 
séquestre,  c.-à-d.  qu'il  en  confie  la  garde  à  un  tiers  choisi 
par  lui  et  présentant  des  garanties  de  solvabilité.  Le  sé- 
questre prend  l'objet  en  charge  et  en  devient  responsable, 
mais  par  contre  il  a  droit  à  une  indemnité  proportionnelle 
aux  soins  qu'il  donne  à  la  chose  confiée  à  sa  vigilance.  Sur 
le  procès- verbal  même  de  saisie ,  le  garde  mentionne  la 
mise  en  séquestre  et  dépose  une  expédition  de  cet  acte  au 
greffe  de  la  justice  de  paix.  La  mise  en  séquestre  ne  peut 
s'appliquer,  d'aprèsl'art.161  duC.  forest.,  qu'aux  bestiaux 
trouvés  en  délit,  aux  voitures  et  attelages,  et  aux  instru- 
ments du  délit  :  ces  derniers  sont  définitivement  perdus 
pour  le  délinquant,  à  qui  on  les  confisque;  ils  sont  vendus 
alors  par  le  receveur  des  domaines,  et  le  prix  entre  dans  la 
caisse  du  Trésor.  Au  contraire,  les  bestiaux,  voitures  et 
attelages  peuvent  être  restitués  au  délinquant,  s'il  les  ré- 
clame dans  les  cinq  jours  du  procès-verbal,  et  si,  après 
avoir  payé  les  frais,  il  donne  caution  bonne  et  valable.  Si 
ces  conditions  ne  sont  pas  remplies,  le  juge  de  paix  ordonne 
la  vente  des  animaux  au  marché  le  plus  voisin  ;  le  produit 
sert  tout  d'abord  à  payer  à  l'administration  les  frais, 
amendes,  dommages-intérêts,  et  le  surplus,  s'il  y  en  a,  est 
remis  au  délinquant.  Pour  faciliter  leur  mission,  les  gardes 
forestiers  ont  le  droit  de  se  faire  prêter  main-forte  par  la 
force  publique  qu'ils  réquisitionnent  à  cet  effet.  Les  com- 
mandants de  la  force  armée  sont  tenus  d'obtempérer  à 
cette  réquisition,  sous  les  peines  de  l'art.  234  du  C.  pén. 
Enfin,  mais  en  cas  seulement  de  flagrant  délit,  les  gardes 
forestiers  peuvent  procéder  à  l'arrestation  du  contreve- 
nant et  le  conduire  devant  le  juge  de  paix  ou  le  maire 
(G.  forest.,  art.  163). 

Ces  divers  droits  de  saisie,  de  séquestre,  de  visite  domi- 
ciliaire, de  réquisition  à  la  force  armée  et  d'arrestation 
appartiennent  non  seulement  aux  gardes  de  l'administra- 
tion dans  les  bois  soumis  au  régime  forestier,  mais  encore 
aux  gardes  particuliers  et  aux  gardes  champêtres,  dans  les 
bois  des  particuliers  et  des  communes  ;  nous  signalerons 
seulement  deux  différences  :  c'est  que  les  gardes  particu- 
liers et  les  gardes  champêtres  ne  peuvent  requérir  la  force 
publique  que  par  l'intermédiaire  du  maire,  et  que,  en  cas 
de  vente  de  bestiaux  saisis,  le  prix,  défalcation  faite  des 


-  m 


FORÊT 


frais  et  amendes,  est  versé  à  la  caisse  des  dépôts  et  consi- 
gnations. Nous  pensons  que  ces  mêmes  droits  appartiennent 
aussi  aux  agents  forestiers  qui  sont  chargés  comme  les 
gardes,  par  l'art.  460,  de  rechercher  et  de  constater  par 
procès- verbal  les  délits  et  contraventions  commis  dans  les 
bois  soumis  au  régime  forestier. 

En  principe,  les  procès-verbaux  sont  écrits  en  entier  par 
le  garde  ou  l'agent,  sur  papier  libre  ;  toutefois,  en  cas  d'em- 
pêchement absolu,  ils  peuvent  être  écrits  par  une  autre 
personne,  pourvu  qu'ils  soient  signés  du  garde  ou  de 
l'agent,  après  que,  pour  éviter  toute  fraude,  le  juge  de  paix 
en  a  donné  lecture.  Ainsi  écrit,  daté  et  signé,  le  procès- 
verbal  n'est  pas  encore  parfait;  il  doit  être  affirmé  devant 
le  juge  de  paix,  le  maire  ou  l'adjoint,  au  plus  tard  le  len- 
demain de  sa  clôture  :  cette  affirmation  est  simplement 
la  déclaration  sous  serment  que  le  procès-verbal  est  l'ex- 
pression de  la  vérité.  Les  procês-verbaux  émanant  des 
agents  en  sont  dispensés.  Enfin,  tout  procès-verbal  doit 
.  être  enregistré  dans  les  quatre  jours  qui  suivent  l'affirma- 
tion, pour  ceux  qui  y  sont  soumis,  ou  la  clôture,  pour  les 
autres.  L'enregistrement  se  fait  en  débet,  pour  les  procès- 
verbaux  des  gardes  ou  agents  de  l'administration  ;  ceux 
des  gardés  particuliers,  au  contraire,  acquittent  les  droits. 
Une  fois  toutes  ces  formalités  (qui  sont  prescrites  à  peine  de 
nullité)  remplies,  les  procès-verbaux  font  foi  jusqu'à  ins- 
cription de  faux  des  constatations  matérielles  qu'ils  ren- 
ferment, à  condition  qu'ils  aient  été  dressés  et  signés  par 
deux  agents  ;  s'ils  n'ont  été  dressés  que  par  un  seul,  ils 
font  foi  jusqu'à  inscription  de  faux  si  la  contravention  ouïe 
délit  n'entraînent  pas  une  condamnation  totale  de  plus  de 
•  400  fr.  ;  sinon,  ils  ne  font  foi  que  jusqu'à  preuve  contraire. 
D'ailleurs,  le  procès-verbal  n'est  pas  le  seul  mode  de  prouver 
une  infraction  en  matière  de  forêts  ;  des  poursuites  peuvent 
-  encore  se  justifier,  soit  par  la  preuve  par  témoins,  soit  par 
l'aveu  du  délinquant  lui-même.  Mais,  pour  exciter  la  vigilance 
des  gardes,  l'art.  6  du  C.  forest.  les  rend  responsables  des 
délits  et  dégâts  qui  ont  lieu  dans  leurs  triages,  lorsqu'ils  ne 
les  ont  pas  régulièrement  constatés,  alors  même  qu'ils  n'au- 
raient commis  aucune  négligence  ;  mais  il  est  évident  que 
cette  rigueur  absolue  est  tempérée  dans  la  pratique,  et  que 
l'administration  ne  poursuit  contre  les  gardes  la  réparation 
d'un  délit  qu'ils  n'ont  pas  constaté,  qu'autant  qu'on  peut 
leur  reprocher  une  faute  grave. 

La  constatation  d'un  délit  forestier  ou  d'un  délit  de 
chasse  dans  un  bois  soumis  au  régime  forestier  n'entraîne 
pas  toujours  des  poursuites  devant  les  tribunaux  de  ré- 
pression. L'administration  a  en  effet,  d'après  l'art.  459, 
la  faculté  de  transiger  avant  tout  jugement  définitif.  Cette 
transaction  est,  en  général,  proposée  par  le  délinquant  qui 
y  trouve  le  double  avantage  de  payer  moins  de  frais  et  de 
ne  pas  encourir  une  condamnation  correctionnelle.  La 
somme,  moyennant  laquelle  la  poursuite  est  abandonnée,  est 
fixée,  soit  par  le  conservateur,  soit  par  le  vice-président  du 
conseil  d'administration,  soit  par  le  ministre,  suivant  l'im- 
portance du  délit  ;  elle  doit  être  payée  dans  les  trente 
jours,  à  peine  de  déchéance,  et  dès  le  moment  qu'elle  est 
acquittée,  ni  l'administration,  ni  même  le  ministère  public 
ne  peuvent  plus  exercer  de  poursuites  à  raison  de  ce  fait. 

A  défaut  de  transaction,  la  justice  répressive  est  saisie, 
et  le  tribunal  correctionnel  est  seul  compétent  pour  con- 
naître des  délits  et  contraventions  en  matière  de  forêts  et  de 
chasse,  commis  dans  les  bois  soumis  au  régime  forestier 
(C.  forest.,  art.  474).  Quant  aux  délits  ou  crimes  de  droit 
commun  prévus  par  le  code  pénal,  par  exemple  les  incen- 
dies volontaires  et  involontaires,  ils  sont  jugés,  soit  par  le 
tribunal  correctionnel,  soit  par  la  cour  d'assises,  confor- 
mément aux  règles  ordinaires  ;  celles-ci  s'appliquent  encore 
aux  infractions  commises  dans  les  bois  des  particuliers.  Mais 
le  tribunal  correctionnel  n'est  compétent  que  pour  le  délit  ou 
la  contravention,  et  il  ne  doit  pas  trancher  les  questions 
d'étatoude  propriété;  notamment  lorsqu'un  individu  pour- 
suivi pour  délit  forestier  soutient  que  le  terrain  sur  lequel 
s'est  accompli  le  fait  incriminé  est  sa  propriété,  tandis  que 


d'après  l'administration  il  dépend  des  terrains  soumis  au 
régime  forestier,  il  y  a  là  une  question  préjudicielle  de  pro- 
priété, que  les  tribunaux  civils  seuls  peuvent  trancher  ; 
dans  ce  cas,  le  tribunal  correctionnel  doit  surseoir  jus- 
qu'après la  décision  des  juges  civils.  L'art.  482  du  G.  forest. 
qui  prévoit  cette  hypothèse  détermine  les  règles  suivant 
lesquelles  l'exception  préjudicielle  doit  être  admise  et 
jugée. 

La  poursuite  est  dirigée  et  le  tribunal  est  saisi,  soit  par 
le  ministère  public,  comme  en  matière  pénale,  soit  par 
l'administration  forestière,  en  la  personne  du  garde  géné- 
ral, de  l'inspecteur  ou  du  conservateur.  Le  même  droit  de 
citation  directe,  sans  plainte  préalable  au  parquet,  appar- 
tient encore  à  l'administration,  mais  par  exception >  pour 
certains  délits  commis  dans  les  bois  non  soumis  au  régime 
forestier,  notamment  pour  les  infractions  aux  art.  249,  en 
matière  de  défrichement,  78  et  420,  en  matière  de  pâtu- 
rage de  moutons.  Quand  l'administration  agit  ainsi  sans 
l'intermédiaire  du  ministère  public,  c'est  elle-même  qui 
rédige  et  fait  délivrer  par  ses  gardes  au  délinquant  la  cita- 
tion qui  l'appelle  devant  le  tribunal  ;  c'est  elle  qui,  par  ses 
agents,  soutient  la  prévention  et  prend  des  conclusions  et 
qui,  en  un  mot,  joue  le  rôle  du  ministère  public.  Elle  peut 
aussi,  et  c'est  la  voie  le  plus  généralement  suivie,  se  bor- 
ner à  porter  plainte  au  procureur  de  la  République  qui  agit 
alors  selon  les  règles  ordinaires. 

L'action  publique  se  prescrit  par  un  laps  de  temps  diffé- 
rent selon  que  l'infraction  a  ou  n'a  pas  été  constatée  par 
un  procès-verbal.  Au  premier  cas,  la  prescription  s'opère 
par  trois  mois,  si  le  nom  du  délinquant  est  énoncé  au 
procès-verbal,  par  six  mois  si  ce  nom  n'y  figure  pas. 
Quand  il  n'y  a  pas  eu  de  procès- verbal,  la  prescription  ne 
s'opère  que  par  les  délais  de  droit  commun,  dix  ans  pour 
les  crimes,  trois  ans  pour  les  délits,  un  an  pour  les  con- 
traventions. 

En  même  temps  qu'elle  poursuit  la  répression  d'un  fait 
délictueux,  l'administration  peut  se  porter  partie  civile  et 
demander  des  dommages-intérêts  pour  la  réparation  du  pré- 
judice causé  aux  forêts  dont  elle  a  la  garde  :  le  ministère 
public  a  d'ailleurs  le  même  droit.  Par  dérogation  aux  règles 
ordinaires,  l'action  civile  survit,  en  matière  de  forêts,  à 
l'action  publique,  et  lorsque  celle-ci  est  éteinte  par  la  mort 
du  délinquant,  par  prescription  ou  toute  autre  cause, 
l'administration  conserve  le  droit  de  réclamer  des  dom- 
mages-intérêts devant  le  tribunal  correctionnel  et  non  pas 
devant  le  tribunal  civil.  De  même  qu'elle  a  le  droit  de 
transiger  avant  tout  jugement,  l'administration  forestière 
peut  transiger,  après  jugement,  sur  le  chiffre  des  condam- 
nations pécuniaires  prononcées  par  le  tribunal.  Cette  tran- 
saction peut  être,  soit  une  remise  définitive  d'une  partie  de 
l'amende  ou  des  dommages-intérêts,  soit  l'autorisation  ac- 
cordée au  délinquant  de  se  libérer  au  moyen  de  prestations 
en  nature  consistant  en  travaux  d'entretien  ou  d'amélio- 
ration dans  les  forêts  et  sur  les  chemins  vicinaux  (art.  °240). 
C'est  là,  bien  entendu,  un  acte  de  bienveillance  auquel 
l'administration  peut  mettre  telles  conditions  qu'elle  juge 
convenables  ;  elle  exige  assez  ordinairement  que  les  pres- 
tations soient  faites  immédiatement  ou  dans  un  délai  déter- 
miné. Enfin,  à  défaut  de  transaction,  les  peines  se  prescrivent 
par  les  délais  ordinaires  :  deux  ans,  pour  les  peines  infé- 
rieures à  cinq  jours  de  prison  et  4o  fr.  d'amende,  cinq  ans 
dans  le  cas  contraire.  Les  jugements  et  arrêts  rendus  en 
matière  forestière  sont  susceptibles  d'opposition,  d'appel 
et  de  pourvoi  en  cassation,  d'après  les  règles  ordinaires 
dans  lesquelles  nous  n'avons  pas  à  entrer  (V.  Opposition, 
Appel,  etc.).  F.  Girodon. 

III.  Administration.  —  Direction  des  forêts.  — 
L'administration  des  forêts,  chargée  de  gérer  les  forêts 
de  l'Etat,  des  communes  et  des  établissements  publics, 
d'opérer  les  travaux  de  reboisement  et  de  regazonnement 
des  montagnes  et  de  la  fixation  des  dunes,  forme  une 
direction  importante  du  ministère  de  l'agriculture. 

Notions  historiques.  Les  forêts  firent  partie  du  domaine 


FORÊT 


796 


jusqu'à  la  fin  du  xme  siècle,  époque  à  laquelle  fut  créée 
une  administration  spéciale  des  eaux  et  forêts  qui  subsista 
jusqu'au  15  sept.  1791  (V.  Domaine,  t.  XIV,  p.  843). 
Alors  fut  organisée  une  conservation  générale  des  forêts 
qui  dépendit  de  la  régie  de  l'enregistrement;  le  16  nivôse 
an  IX  (6  janv.  1801),  elle  fut  affranchie  de  cette  dépen- 
dance et  confiée  à  cinq  administrateurs  résidant  à  Paris  ; 
de  nouveau  rattachée  à  l'administration  de  l'enregistre- 
ment et  des  domaines  le  17  mai  1817,  elle  recouvra  encore 
son  indépendance  le  11  oct.  1820.  D'autres  modifications 
furent  apportées  à  ce  régime  le  26  août  1 824  :  l'adminis- 
tration des  forêts  fut  confiée  à  un  directeur  général  assisté 
de  trois  administrateurs  et  rattachée  au  ministère  des 
finances.  L'ordonnance  du  roi  pour  l'exécution  du  code 
forestier  (1er  août  1827)  maintint  cette  organisation. 
Les  places  de  directeur  général  et  d'administrateurs  furent 
supprimées  par  l'ordonnance  du  5  janv.  1831  qui  stipula 
que  l'administration  des  forêts  serait  à  l'avenir  dirigée 
par  un  directeur  assisté  de  trois  sous-directeurs  formant 
avec  lui  le  conseil  d'administration.  Enfin,  la  direction 
générale  des  forêts  fut  distraite  le  15  déc.  1877  du  mi- 
nistère des  finances  et  rattachée  au  ministère  de  l'agri- 
culture et  du  commerce. 

Organisation  actuelle.  Elle  est  réglée  par  le  décret 
du  14  janv.  1888.  Le  directeur  des  forêts  dirige,  sous 
l'autorité  du  ministre  de  l'agriculture  et  dans  les  limites 
le  délégation  qu'il  lui  donne,  l'administration  forestière.  Il 
a  sous  ses  ordres  trois  administrateurs.  Le  conseil  des 
forêts,  chargé  d'assister  le  ministre,  est  composé  du  direc- 
teur et  des  trois  administrateurs.  L'administration  centrale 
se  compose  :  1°  D'un  bureau  du  personnel  intérieur  des 
forêts  placé  sous  les  ordres  immédiats  du  directeur  et 
chargé  des  travaux  suivants  :  Distribution  du  courrier 
d'arrivée.  Préparation  du  travail  pour  la  nomination  des 
agents  et  préposés,  mutations,  intérims,  congés,  retraites, 
missions.  Feuilles  de  notes  et  renseignements  sur  le  per- 
sonnel. Avancement.  Distinctions  honorifiques.  Mesures 
disciplinaires.  Répartition  du  fonds  de  secours.  Indemnité, 
organisation  militaire.  Nomination  des  officiers.  Mobilisa- 
tion. Ecole  nationale  forestière,  école  secondaire  d'enseigne- 
ment professionnel  et  Ecole  des  Barres.  Affaires  réservées. 
—  2°  Du  premier  hureau  divisé  en  deux  sections  :  A.  Con- 
tentieux, Acquisitions,  où  sont  examinées  les  questions 
de  propriété,  de  servitude,  d'usage  et  d'affectation.  Bois 
possédés  à  titre  d'apanage  et  de  majorât.  Cantonnements 
et  rachats.  Echanges,  partages  dans  les  bois  domaniaux, 
communaux  et  d'établissements  publics.  Instances  adminis- 
tratives et  judiciaires.  Instances  correctionnelles.  Remises 
et  modérations  de  condamnations.  Dépaissance  des  bêtes 
à  laine.  Concessions  et  tolérances  dans  les  forêts  doma- 
niales. Suite  des  affaires  de  chasse  devant  les  tribunaux. 
Exécution  des  lois  et  règlements  sur  la  chasse,  la  louve- 
terie  et  la  destruction  des  animaux  dangereux  ou  nuisibles. 
Conservation  des  espèces  utiles.  Etablissement  et  vérifi- 
cation des  créances  concernant  les  frais  d'instances  et  les 
salaires  dus  aux  conservateurs  des  hypothèques.  Acqui- 
sitions des  terrains  compris  dans  le  périmètre  de  restau- 
ration des  terrains  pouvant  compléter  ces  périmètres. 
Projets  de  contrats.  Liquidation  des  acquisitions  et  expro- 
priations. —  B.  Enseignement  forestier.  Matériel  des 
forêts  :  Secrétariat  du  conseil  des  forêts.  Administrateurs. 
Tournées  spéciales.  Examen  des  rapports  de  tournées  et  de 
gestion  des  conservateurs  et  inspecteurs,  des  rapports 
présentés  aux  conseils  généraux  et  d'arrondissements. 
Ecoles  forestières.  Indemnités  et  gratifications  à  l'occasion 
d'incendies  dans  les  forêts.  Instructions  et  circulaires  con- 
cernant le  service  technique.  Matériel  forestier.  Habille- 
ment et  équipement  des  chasseurs  forestiers.  Masse 
d'entretien.  Inspection  d'armes.  Bibliothèques  forestières. 
Marchés  pour  le  transport  d'objets  de  matériel.  Fourni- 
tures de  bureau.  —  3°  Du  second  bureau  également  divisé 
en  deux  sections  :  A.  Aménagements  :  Préparation  des 
plans  de  campagne  annuels  pour  études  d'aménagements. 


Aménagements  domaniaux  et  communaux  (partie  forestière 
et  partie  géodésique).  Etats  d'assiette.  Coupe  d'améliora- 
tion, produits  accidentels  en  bois,  chablis,  bois  morts  et 
dépérissants,  arbres  mitoyens.  Recépages,  élagages,  essar- 
tements.  Délimitation  des  bornages,  délivrance  de  bois  à 
la  marine,  à  la  guerre  et  aux  services  publics.  Délivrance 
de  bois  de  chauffage  aux  préposés,  aux  employés  de  divers 
services  publics.  Travaux  de  régénération,  de  démasclage 
et  de  mise  en  valeur  des  forêts  de  chêne-liège.  Questions 
économiques.  Importations.  Exportations.  Mercuriales.  Ré- 
gime douanier.  Industries  utilisant  les  bois  et  les  produits 
divers  des  forêts.  Statistique.  Recherches  et  expériences 
scientifiques.  Météorologie  forestière.  —  B.  Exploitations  : 
Constitution  et  établissement  du  régime  forestier  domanial. 
Affectation  aux  divers  services  publics  (champs  de  tir,  de 
manœuvre,  etc.).  Régime  forestier  communal  et  des  éta- 
blissements publics.  Soumission  et  distraction.  Défriche- 
ments et  aliénations.  Coupes  extraordinaires.  Vente  des 
coupes  et  produits  de  toute  nature.  Cahier  des  charges. 
Concessions  et  locations  :  terrains,  carrières,  mines, 
résines,  écorces,  lièges,  alfa,  menus  produits.  Amodia- 
tion du  droit  de  chasse  dans  les  forêts  de  l'Etat.  Location 
de  la  pêche  dans  l'intérieur  des  forêts.  Chasses  réservées  : 
entretien  et  exploitation.  Exercice  de  la  dépaissance  dans 
les  bois  communaux  et  établissements  publics  et  autres 
tolérances  dans  ces  bois.  —  4°  Du  troisième  bureau,  divisé 
en  deux  sections  :  A.  Reboisement.  Repeuplement.  Dé- 
frichement :  Création  et  entretien  des  pépinières.  Re vision 
ou  établissement  de  périmètres  de  restauration  et  de  mise 
en  défens.  Travaux  et  dépenses  de  toute  nature.  Subven- 
tions. Réglementation  des  pâturages  communaux.  Défri- 
chement des  bois  particuliers.  —  B.  Travaux:  Dunes, 
travaux  de  mise  en  valeur  d'entretien,  de  conservation  et 
de  fixation.  Routes,  chemins,  ponts,  construction,  restau- 
ration, entretien.  Subventions  pour  établissements  de 
voies  de  toute  nature  utiles  à  l'exploitation  des  forêts. 
Expositions  forestières.  Concours  régionaux.  Emploi  des 
journées  et  fournitures  obtenues  au  moyen  de  concessions 
des  menus  produits  ou  d'impositions  mises  sur  les  coupes 
dans  les  forêts  de  l'Etat.  Relevé  des  travaux  exécutés  dans 
les  forêts  communales  et  d'établissements  publics  par  les 
adjudicataires  et  entrepreneurs  de  coupes,  les  concession- 
naires de  menus  produits  et  les  préposés.  Construction, 
réparation  et  entretien  des  maisons  forestières.  Scieries  et 
bâtiments  divers.  Clôture  et  assainissement  des  forêts. 
Curage  des  ruisseaux.  Tranchées,  précautions  contre  les 
incendies.  Assurances.  Tableau  général  des  propriétés  de 
l'Etat.  Revision  annuelle. 

Services  extérieurs.  La  France  est  divisée  en  32  con- 
servations forestières  ainsi  réparties  :  lre  conservation 
(Oise,  Seine,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise)  ;  2e  (Calvados, 
Eure,  Eure-et-Loir,  Seine-Inférieure);  3e  (Côte-d'Or); 
4e  (Meurthe-et-Moselle);  5e  (Savoie,  Haute-Savoie);  6e  (Ar- 
dennes,  Marne);  7e  (Aisne,  Nord,  Pas-de-Calais,  Somme); 
8e  (Aube,  Yonne);  9e  (Vosges);  40e  (Hautes-Alpes);  41e  (Ar- 
dèche,  Drôme,  Vaucluse);  12e  (Doubs,  Belfort);  43e  (Jura); 
44e  (Isère,  Loire,  Rhône):  45e  (Finistère,  Ille-et-Vilaine, 
Mayenne,  Morbihan.  Orne,  Sarthe);  46e  (Meuse);  47e  (Ain, 
Saône-et-Loire);  48e  (Ariège,  Haute-Garonne,  Tarn-et-Ga- 
ronne)  ;  19e  (Indre-et-Loire,  Loiret,  Loir-et-Cher,  Loire- 
Inférieure,  Maine-et-Loire);  20e  (Cher,  Indre,  Nièvre); 
24e  (Allier,  Creuse,  Puy-de-Dôme,  Haute-Vienne);  22e (Bas- 
ses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées);  23e  (Alpes-Maritimes, 
Var);  24e  (Charente,  Charente-Inférieure,  Deux-Sèvres, 
Vendée,  Vienne);  25e  (Aude,  Pyrénées-Orientales,  Tarn); 
26e  (Basses-Alpes,  Bouches-du-Rhône);  27e  (Gard,  Hérault, 
Lozère);  28e  (Aveyron,  Cantal,  Corrèze,  Lot,  Haute-Loire); 
29e  (Gironde,  Lot-et-Garonne,  Landes);  30e  (Corse); 
34e  (Haute-Marne);  32e  (Haute-Saône).  Pour  les  attribu- 
tons  des  conservateurs,  V.  Conservateur  des  forêts,  t.  XII, 
p.  533.  Le  service  des  aménagements  est  assuré  par  douze 
inspecteurs  répartis  à  Paris  (4 re  conservation),  Nancy  (4e), 
Chambéry  (5e),  Epinal  (9e),  Gap  (40e),  Valence" (41e), 


-  797  — 


FORÊT  —  FORÊTS 


Besançon  (12e  et  13e),  Grenoble  (14e),  Toulouse  (18e), 
Pau  (22e),  Nice  (23e),  Carcassonne  (25e);  celui  du  reboi- 
sement par  5  inspecteurs  répattis  dans  les  5e,  lUe,  14e, 
22e  et  23e  conservations.  Enfin,  un  service  d'études  d'amé- 
liorations pastorales  est  installa  dans  la  région  des  Alpes, 
sous  la  direction  d'un  inspecteur  en  résidence  àChambery. 
Le  service  forestier  de  l'Algérie  comprend  trois  conser- 
vations (Alger,  Oran,  Constantine),  avec  des  inspections 
à  Alger,  Aumale,  Médéah,  Milianab,  Orléansville,  Mosta- 
ganem,  Mascara,  Sidi-bel-Abbès,  Tlemcen,  Constantine, 
Batna ,  Bône ,  Bougie ,  Djidjeli,  Pbilippeville ,  Sétif  et 
une  chefferie  à  La  Galle.  Il  faut  compter  encore  parmi  les 
services  extérieurs  l'Ecole  forestière  de  Nancy  et  l'Ecole 
des  Barres  (V.  Ecole). 

Outre  les  conservateurs  et  inspecteurs  des  forêts,  le 
personnel  administratif  comprend  des  gardes  généraux, 
des  brigadiers,  des  gardes  domaniaux  et  mixtes,  des  gardes 
cantonniers,  des  préposés  (V.  Conservateur,  Inspecteur, 
Garde  forestier).  Le  personnel  de  l'administration  des 
forêts  entre  dans  la  composition  des  forces  militaires  du 
pays,  Les  préposés  sont  organisés  suivant  l'effectif  des 
compagnies,  sections  ou  détachements  de  chasseurs  fores- 
tiers. Ces  unités  sont  destinées  à  seconder  en  principe, 
dans  la  région  de  leur  service  de  paix,  les  opérations  des 
armées  actives  ou  de  la  défense  des  places  fortes.  Les 
conservateurs  sont  assimiles  aux  lieutenants-colonels  de 
réserve  ou  de  territoriale,  les  inspecteurs  aux  chefs  de 
bataillon,  les  inspecteurs  adjoints  aux  capitaines,  les  gardes 
généraux  aux  lieutenants,  les  gardes  généraux  stagiaires 
aux  sous-lieutenants.  Dès  que  l'ordre  de  mobilisation  de 
l'armée  est  dressé,  le  corps  des  chasseurs  forestiers  est  à  la 
disposition  du  ministre  de  la  guerre  qui  pourvoit  à  son 
armement  et  au  grand  équipement  ainsi  qu'à  la  fourniture 
du  havresac  et  aux  objets  de  campement.  Le  département  de 
l'agriculture  assure  l'habillement  et  le  petit  équipement 
ainsi  que  l'entretien  des  armes  en  temps  de  paix.  L'uni- 
forme des  chasseurs  forestiers  se  compose  d'une  jaquette 
ajustée  en  drap  vert  croisée  sur  la  poitrine,  collet  droit 
passepoiié  en  drap  jonquille  avec  deux  cors  de  chasse  de 
même  couleur,  d'un  pantalon  en  drap  gris  bleuté  clair  avec 
passepoils  jonquille,  d'un  kepi  en  drap  vert  avec  passe- 
poils  jonquille  et  cor  de  chasse  sur  le  bandeau,*  d'un  collet 
à  capuchon  en  drap  gris  bleuté,  d'une  cravate  en  crêpe  de 
coton  bleu  de  ciel  foncé.  Les  brigadiers  ont  un  galon  de 
soie  verte  sur  fond  argent,  les  gardes  une  tresse  en 
laine  jaune  et  noire.  L'uniforme  des  agents  forestiers  se 
compose  d'une  tunique  de  drap  vert  foncé,  col  droit,  avec 
cor  de  chasse  brodé  argent  mat,  d'un  pantalon  en  drap 
gris  bleuté  orné  de  deux  bandes  en  drap  vert  foncé.  — 
Pour  les  administrateurs  et  le  directeur,  le  pantalon  est 
orné  d'une  bande  en  galon  d'argent  brodé,  d'une  capote- 
manteau  en  drap  vert  foncé  (sur  le  modèle  des  officiers 
d'infanterie)  avec  cor  de  chasse  en  cannetille  d'argent  mat 
brodé  au  collet,  d'un  képi  en  drap  vert  foncé  toujours 
avec  le  cor  de  chasse  d'argent.  Les  gants  sont  en  peau  de 
chevreau  blanc  (grande  tenue)  ou  rouge  brun  (petite  tenue) . 
Les  gardes  généraux  stagiaires  ont  comme  insignes  un 
rang  de  soutache  d'argent  ;  les  gardes  généraux,  deux  rangs  ; 
les  inspecteurs  adjoints,  trois  rangs;  les  inspecteurs,  quatre 
rangs  ;  les  conservateurs,  cinq  rangs  (le  2e  et  le  4e  rang 
en  or)  ;  les  administrateurs  et  le  directeur  portent  au  cof, 
aux  parements  de  la  tunique  et  au  képi,  des  broderies 
argent  encadrées  de  deux  baguettes  dentelées  se  regardant, 
avec  dents  au  passé.  Le  directeur  porte  une  écharpe  en 
soie  tricolore  avec  glands  à  grosses  torsades  d'argent. 

Conservateur  des  forêts  (V.  Conservateur,  t.  XII, 
p.  533). 

IV.  Art  militaire.  —  Les  forêts  jouent  un  rôle  impor- 
tant à  la  guerre,  soit  qu'elles  favorisent  la  marche  d'une 
armée  en  masquant  ses  mouvements,  soit  qu'on  les  utilise 
comme  obstacle  dans  la  défense  d'un  terrain  (V.  Bois).  On 
sait  le  parti  que  Dumouriez  sut  tirer  des  collines  boisées  de 
TArgonne  pour  cacher  à  l'ennemi  l'audacieuse  marche  de 


flanc  qui  décida  du  succès  de  la  campagne.  A  Hohenlinden, 
c'est  au  milieu  d'une  forêt  que  Moreau  écrase  les  colonnes 
de  l'archiduc  Jean  qu'il  a  pu  prendre  entre  deux  feux, 
gi'âce  aux  facilités  que  cette  forêt  lui  a  données,  pour  dé- 
rober sa  manœuvre  tournante  à  l'ennemi.  A  Waterloo, 
c'est  grâce  à  la  forêt  de  Soignes  que  Wellington,  surpris  à 
Bruxelles  par  la  nouvelle  de  l'approche  de  Napoléon,  a  pu 
prendre  ses  dispositions  à  l'abri  des  regards  de  nos  recon- 
naissances. En  1870,  les  Prussiens  que  la  connaissance 
des  aptitudes  de  leurs  troupes  rend  très  prudents  et 
qui  aiment  à  dérober  à  la  vue  de  l'ennemi  une  infanterie 
qu'ils  savent  peu  propre  aux  attaques  à  découvert,  ont  su 
tirer  un  grand  parti  de  nos  bois  et  forêts,  tandis  que  la 
forêt  d'Orléans  mise  à  loisir  et  avec  soin  par  nous  en  état 
de  défense,  ne  nous  rendit  pas  les  services  que  nous  étions 
en  droit  d'en  attendre  et  cela  par  le  manque  de  direction 
dont  souffraient  nos  armées  à  cette  néfaste  époque.  La 
forêt  de  Marchenoir,  cependant,  dont  Chanzy  avait  su 
faire  le  point  d'appui  de  sa  gauche,  ne  contribua  pas  peu  à 
la  belle  résistance  de  quatre  jours  qu'il  oppo&a  (7  au  10 
déc.)  aux  troupes  allemands  de  Mecklembourg  et  de  Fré- 
déric-Charles, sur  les  hauteurs  de  Yillorceau.  Plus  que 
jamais,  à  cause  des  effets  meurtriers  des  nouvelles  armes, 
on  devra  se  servir  des  forêts,  dans  les  campagnes  de  l'avenir. 
Bibl.  :  Droit  administratif. —  Herbin  de  Halle,  Petit 
Manuel  forestier,  1827.  —  Baudrillart,  Code  forestier, 
1832.  —  Dupin,  Code  forestier,  1834.  —  Curasson,  Code 
forestier,  1836.  —  Coin-Delisle  et  Fréderich,  Codé  fores- 
tier, 1839.  —  Meaume,  Commentaire  du  Code  forestier, 
1845. —  Puton, Législat ion  forestière,  1876.  — Des  Chênes, 
le  Droit jpénal  forestier,  1882. 

FORÊT  (La).  Corn,  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Quim- 
per,  cant.  de  Fouesnant  ;  1,858  hab.  Petit  port,  dans  une 
anse  au  fond  de  la  baie  de  la  Forêt  ;  mouillage  derrière  le 
cap  Coz.  Commerce  de  bois,  pêche  d'engrais  calcaires  ma- 
rins. Chapelle  du  xvie  siècle  ;  clocher  léger,  point  de  recon- 
naissance pour  les  navires.  Autrefois,  châtellenie  qui  ap- 
partint, en  4382,  à  Jeanne  de  Retz,  passa  aux  ducs  de 
Rohan,  puis  fut  réunie  à  la  couronne.  Ch.  Del. 

Bibl.  :  De  Miniac,  Notice,  dans  Ports  marit.  de  Fr., 
1879,  t.  IV. 

FORÊT.  Corn,  de  Belgique,  prov.  et  arr.  de  Liège,  sur 
la  Vesdre;  4,000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Liège  à 
Cologne.  Forges,  laminoirs  à  zinc,  fonderies  de  plomb, 
usines  de  canons  à  fusil,  filatures  et  fabriques  de  draps. 

FORÊT-Auvray  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Ar- 
gentan, cant.  de  Putanges  ;  601  hab.  Tissus  de  chanvre 
et  de  coton.  Ancien  château  féodal  en  ruine.  Menhir. 

FQRÊT-de-Tessé  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Charente, 
arr.  de  Ruffec,  cant.  de  Villefagnan  ;  6°24  hab. 

F0RÊT-du-Pau  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr. 
d'Evreux,  cant.  de  Saint-André  ;  247  hab. 

FORÊT-du-Temple  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Creuse, 
arr.  de  Guéret,  cant.  de  Bonnat  ;  464  hab. 

FORÊT-la-Folie.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  An- 
delys,  cant.  d'Ecos  ;  459  hab. 

FORÊT-le-Roi  (La).  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  de  Rambouillet,  cant.  de  Dourdan  ;  315  hab. 

FORÊT-NOIRE    (V.    SCHWARZWALD,   ALLEMAGNE,    BADE, 

Wurttemberg). 

FORÊT-Sainte-Croix  ou  Saint-Nicolas  (La).  Corn,  du 
dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  d'Etampes,  cant.  de  Mériville  ; 
U6  hab. 

FORÊT-sur-Sèvre  (La).  Com.  du  dép.  des  Deux- 
Sèvres,  arr.  de  Bressuire,  cant.  de  Cerisay,  sur  la  Sèvre- 
Nantaise  ;  920  hab.  L'ancien  château  de  la  Forêt-sur- 
Sèvre  fut  bâti  par  Duplessis-Mornay  qui  y  mourut  en 
1623.  Démoli  pendant  la  guerre  de  Vendée,  le  château  a 
été  reconstruit  depuis. 

FORÊTS  (Dép.  des).  Ce  département  fut  formé  lors  de 
la  réunion  de  la  Belgique  à  la  France,  le  9  vendémiaire 
an  IV  (1er  oct.  1795).  11  était  borné  :  au  N.,  par  les  dép. 
de  FOurthe,  de  Sambre-et-Meuse  et  du  Rhin-et-Moselle  ;  à 
TE.,  par  ceux  du  Rhin-et-Moselle  et  de  la  Sarre  ;  au  S., 
par  ceux  de  la  Moselle,  de  la  Meurthe  et  des  Ardennes  ;  à 


FORÊTS  -  FORËY 


—  798 


l'O.,  par  ceux  des  Ardennes  et  de  Sambre-et-Meuse.  Le 
département  des  Forêts  avait  pour  chef-lieu  Luxembourg. 
Il  était  divisé  en  4  arrondissements  (Neufchâteau,  Luxem- 
bourg, Bitbourg  etDieckirch),en  28  cantons  et  en  383  com- 
munes. D'après  le  dénombrement  envoyé  par  le  préfet  au 
ministre  de  l'intérieur,  le  21  pluviôse  an  IX,  sa  population 
était  à  cette  époque  de  218,404  hab.  F. -A.  A. 

Bibl.  :  Charles  Oudiette,  Dictionnaire  géographique  et 
topographique  des  13  départements;  Paris,  1804-1805, 2  vol. 
in- 8. 

FOREUSE  (Mécan.).  La  plus  simple  des  foreuses  se 
compose  d'un  C  rigide  dont  la  branche  supérieure  porte  une 
vis  terminée  par  une  pointe  conique  qui  s'engage  dans  la 
tête  d'un  vilebrequin  solide,  en  fer,  muni  d'une  mèche.  La 
branche  inférieure  du  C  est  formée  de  deux  pattes  que  l'on 
fixe  sur  ou  contre  l'objet  à  percer.  La  pression  sur  la  mèche 
est  exercée  au  moyen  de  la  vis  dont  la  tète  en  boule  est 
percée  de  quatre  trous,  ce  qui  permet  de  la  serrer  avec  une 
broche.  Si  le  trou  à  forer  est  de  dimension  assez  grande 


Foreuse  à  moteur. 

pour  que  l'effort  de  l'ouvrier  ou  le  vilebrequin  ne  soit  pas 
suffisant,  on  remplace  ce  dernier  par  un  fût  à  vis  que  l'on 
maintient  dans  la  direction  voulue,. avec  sa  mèche,  à  l'aide 
de  cales  ;  la  partie  inférieure  du  fût  est  dentée  et  reçoit 
une  clef  dite  clef  à  rochet,  dont  la  longueur  du  levier,  ou 
manche,  varie  avec  la  dimension  du  trou.  Lorsque  dans  les 
ateliers  le  nombre  de  trous  à  forer  est  considérable,  on  em- 
ploie des  machines  mues  par  une  transmission  ;  le  mouve- 
ment communiqué  à  la  mèche  est  ainsi  beaucoup  plus  rapide 
et  les  trous  sont  percés  plus  vite.  Ces  machines  sont  de 
formes  très  diverses;  nous  n'en  décrirons  que  quelques 
types.  La  machine  à  percer  comprend  un  socle  solide  en 
fonte,  scellé  sur  une  fondation  et  surmonté  d'une  colonne 
sur  laquelle  est  enclaveté  un  bâti  en  U,  à  branches  iné- 


gales, qui  porte  les  divers  agencements  de  la  machine.  La 
commande  de  la  machine,  placée  entre  ces  deux  bran- 
ches, se  compose  d'un  mouvement  de  tour  ;  sur  l'extré- 
mité de  l'arbre  porteur  du  cône,  on  voit  un  engrenage 
conique  qui  imprime  un  mouvement  de  rotation  au  porte- 
outil  ;  celui-ci  est  guidé  par  deux  forts  colliers  ajustés  sur 
la  face  avant  de  la  longue  branche  du  bâti  supérieur.  Le 
mouvement  de  serrage  de  l'arbre  porte-mèche  peut  être 
effectué  automatiquement  à  l'aide  d'une  vis  réunie  à  la 
partie  supérieure  de  cet  arbre,  et  ayant  pour  écrou  la  che- 
ville d'une  roue  d'engrenage.  Le  pignon  qui  commande  cette 
roue  est  monté  à  l'extrémité  supérieure  d'un  arbre  verti- 
cal à  la  main  de  l'outil  ;  sur  ce  même  arbre  sont  placés 
un  rochet  fixe  et  un  levier  à  douille  libre  qui  porte  à  l'une 
de  ses  extrémités  un  cliquet  qui  peut  commander  le  rochet, 
et  son  autre  extrémité  s'articule  avec  le  levier  d'un  excen- 
trique que  porte  la  douille  du  pignon  qui  fait  tourner  le 
porte-mèche.  A  chaque  tour  de  la  mèche,  l'excentrique  fait 
faire  au  levier  une  oscillation  et  par  suite  une  fraction  de 
tour  du  rochet  qui  commande  ainsi  le  serrage.  La  table  de 
la  machine  est  mobile  autour  de  la  colonne  et  peut  être 
élevée  ou  abaissée  en  mettant  en  jeu  la  vis  commandée  par 
des  clefs  à  rochet.  L'un  des  côtés  de  cette  table  est  formé 
d'un  plateau  sur  lequel  on  peut  poser  l'objet  à  percer  ; 
l'autre  porte  des  mors  entre  lesquels  l'objet  peut  être  saisi. 
Lorsque  les  pièces  sont  de  trop  grandes  dimensions  pour 
pouvoir  être  convenablement  placées  sur  le  plateau  d'une 
machine  à  colonne,  on  fait  usage  d'une  foreuse  dite  radiale  ; 
un  socle  en  fonte  porte  boulonné  un  pivot  autour  duquel 
peut  tourner  toute  la  machine,  et  le  chariot  porte-mèche 
peut  occuper  n'importe  quelle  position  sur  toute  la  longueur 
d'un  bras  horizontal. 

Pour  la  construction  des  navires  en  fer,  les  tôles  doivent 
être  percées  d'un  grand  nombre  de  trous  ;  on  fait  usage  à 
cet  effet  d'un  banc  à  forer.  Cette  machine-outil  se  compose 
d'un  banc  horizontal  actionné  par  une  machine  à  vapeur  ou 
par  une  transmission  ;  sur  cet  arbre  on  cale  autant  d'en- 
grenages coniques  que  l'on  veut  mener  de  forets  à  la  fois. 
Des  désembrayages  appropriés  permettent  d'employer  le 
nombre  de  forets  que  l'on  désire.  Pour  cette  même  construc- 
tion et  principalement  pour  la  liaison  des  plaques  du  blin- 
dage avec  le  bordé,  le  perçage  des  trous  est  parfois  diffi- 
cile ;  on  fait  alors  usage  d'une  invention  américaine  connue 
sous  le  nom  d'arbre  flexible,  qui  permet  le  forage  dans  une 
position  gênée,  grâce  aux  contours  que  l'on  peut  faire  éprou- 
ver à  cet  arbre.  Lorsqu'il  s'agit  de  percer  des  pièces  d'une 
matière  moins  résistante  que  les  métaux,  comme  le  bois, 
par  exemple, on  emploie  des  vrilles  ou  des  tarières;  mais, 
dès  que  le  nombre  des  trous  devient  un  peu  considérable, 
il  faut  avoir  recours  à  des  procédés  plus  perfectionnés.  On 
se  sert  alors  de  mèches  que  l'on  peut  mouvoir,  soit  à  l'aide 
d'un  arçon  qui  leur  imprimera  un  mouvement  de  rotation 
alternatif  très  rapide,  soit  en  les  emmanchant  à  l'extrémité 
d'un  vilebrequin  analogue  à  celui  dont  on  se  sert  pour  les 
métaux.  L.  Knab. 

FOREY  (Elie-Frédéric),  maréchal  de  France,  né  à  Paris 
le  5  janv.  1804,  mort  à  Paris  le  20  juin  1872.  Sorti  de 
l'Ecole  militaire  de  Saint-Cyr  en  1824,  il  fut  nommé  sous- 
lieutenant  au  2°  léger  et  n'eut  d'abord,  malgré  la  part  qu'il 
prit  à  nos  premières  campagnes  d'Afrique,  qu'un  avance- 
ment assez  lent.  Il  ne  devint  capitaine  qu'en  1835.  Sa 
belle  conduite  pendant  la  retraite  de  Constantine  (1836)  et 
à  l'affaire  des  Portes  de  Fer  (1839)  lui  valut  d'être  appelé 
en  1840  au  commandement  d'un  bataillon  de  chasseurs  à 
pied,  à  la  tête  duquel  il  se  distingua  de  nouveau  et  conquit 
rapidement  sous  Bugeaud  le  grade  de  colonel  (4  nov.  1844). 
Rentré  en  France,  il  fut,  après  la  révolution  de  Février  et 
par  la  protection  de  Cavaignac,  nommé  général  de  brigade. 
Il  n'en  fut  pas  pour  cela  plus  fidèle  à  la  République.  Gagné 
secrètement,  comme  plusieurs  autres  généraux,  par  Louis- 
Napoléon,  il  seconda  de  toute  son  énergie  le  coup  d'Etat  du 
2  décembre  1851  et  réprima  sur  les  boulevards  de  Paris, 
avec  une  grande  rigueur,  dans  la  journée  du  4,  la  résis- 


799  — 


FOREY  —  FOREZ 


tance  des  citoyens  qui  s'étaient  armés  pour  la  défense 
de  la  constitution.  Aussi  devint -il  divisionnaire  peu  de 
jours  après  (22  déc).  Placé  en  1854  à  la  tête  de  la  division 
de  réserve  de  l'armée  d'Orient,  il  exerça  quelque  temps 
par  intérim  et  sans  succès  le  commandement  des  troupes 
de  siège  devant  Sébastopol.  La  faveur  de  Napoléon  III  ne 
l'abandonna  pourtant  pas.  Chef  de  la  première  division  de 
l'armée  de  Paris  (1857),  il  fit,  à  ce  titre,  deux  ans  plus 
tard,  partie  du  1er  corps  de  l'armée  des  Alpes,  eut  l'hon- 
neur de  culbuter  l'avant-garde  autrichienne  à  Montebello 
(20  mai  1859),  dut  à  ce  succès  le  grade  de  grand-croix 
de  la  Légion  d'honneur  et,  à  la  fin  de  la  campagne,  fut 
élevé  à  la  dignité  de  sénateur  (16  août). 

La  guerre  du  Mexique  ayant  éclaté  à  la  fin  de  1861  et 
n'ayant  pas  été  tout  d'abord  très  heureuse  pour  nos  armes, 
Forey  fut  mis,  en  juil.  1862,  à  la  tète  du  corps  expédition- 
naire qui,  sous  le  générai  de  Lorencez,  venait  d'échouer 
devant  Puebla.  Pourvu  de  puissants  moyens  d'exécution, 
que  n'avait  pas  eus  son  prédécesseur,  nommé  ministre  plé- 
nipotentiaire, investi  d'une  autorité  civile  aussi  étendue 
que  ses  pouvoirs  militaires,  il  commença  par  assurer  pu- 
bliquement la  nation  mexicaine  qu'il  ne  venait  pas  attenter 
à  sa  liberté  et  qu'elle  resterait  maîtresse  de  se  donner  un 
gouvernement  de  son  choix.  Mais  en  même  temps  il  frappait 
de  séquestre  les  biens  des  Mexicains  qui  résisteraient  aux 
armes  et  aux  vues  du  gouvernement  français  (sept.  1862). 
Ses  opérations  militaires,  qu'il  ne  put  commencer  que 
quelques  mois  plus  tard,  eurent  bientôt  pour  résultat  la 
prise  de  Puebla  (17  mai  1863)  et  la  soumission  de  Mexico, 
où  Forey  se  hâta  d'instituer  de  sa  propre  autorité  un  trium- 
virat qui  allait  préparer  les  voies  à  Maximilien  (V.  ce 
nom).  Récompensé  de  ses  derniers  services  par  le  bâton  de 
maréchal  (2  juil.),  il  ne  tarda  pas  à  repartir  pour  la 
France  (1er  oct.  ),  où  il  reçut  le  commandement  du 
2e  corps  d'armée  (24  déc.  1863)  et  plus  tard  (1867)  celui 
du  camp  de  Châlons.  Mais  à  dater  de  cette  dernière  époque 
il  fut  atteint  de  paralysie.  Aussi  ne  put-il  prendre  aucune 
part  à  la  guerre  de  1870-1871,  qui  ne  précéda  que  de 
peu  de  temps  sa  mort.  A.  Debidour. 

FOREZ  (Forisium,  comitatus  Forensis  ou  Forisien- 
sis,  Four  ays,  Forey  s,  Forets).  Ancienne  province  de  la 
France.  Son  nom  vient  du  nom  latin  de  son  ancienne  capi- 
tale Feurs  (Forum  Segusiavorum).  Les  armes  de  la  pro- 
vince étaient  :  de  gueules,  au  dauphin  d'or. 

Histoire  territoriale  du  Forez.  —  Le  Forez  occupe 
l'ancien  territoire  des  Ségusiaves  et  pendant  la  domination 
romaine  fit  partie  de  la  circonscription  dont  Lyon  était  le 
chet-lieu.  Après  les  invasions  et  la  formation  du  royaume 
burgonde,  il  fut  incorporé  au  pagus  Lugdunensis  et  divisé 
en  trois  parties  :  Yager  Forensis  avec  Feurs  pour  capi- 
tale, qui  s'étendait  sur  les  archiprêtrés  de  Mostbrison,  de 
Pommiers,  de  Néronde  et  de  Courzieux  ;  Yager  Rodanensis 
ayant  Roanne  pour  centre,  et  Yager  Garensis,  depuis  le 
pays  de  Jarez  s'étendant  sur  le  bassin  du  Gier.  A  la  mort 
de  Gondicaire,  le  Forez  appartint  avec  le  Lyonnais  au 
royaume  de  Gondebaut  jusqu'à  la  conquête  franque  de 
534  ;  uni  ensuite  au  royaume  de  Provence  créé  pour  Charles, 
troisième  fils  de  l'empereur  Lothaire,  incorporé  à  la  Lo- 
tharingie, puis  au  royaume  de  Bourgogne  que  Boson  cons- 
titua en  870,  il  forma  avec  le  Lyonnais,  à  partir  de  Louis 
l'Aveugle,  un  comté  qui  comprenait  la  portion  de  l'ancien 
pagus  Lugdunensis  située  sur  la  rive  droite  de  la  Saône  et 
du  Rhône.  Cette  union  dura  jusqu'au  xie  siècle,  où,  à  la 
suite  de  discussions  entre  le  comte  et  l'archevêque,  ce  der- 
nier garda  seul  la  possession  de  la  ville  de  Lyon.  Les  comtes 
qui  avaient  successivement  pris  pour  capitale  Feurs  et  Ise- 
ron  s'établirent  avec  Guillaume  III  définitivement  à  Mont- 
brison.  Le  royaume  de  Bourgogne  avait  été  rattaché  à  l'Em- 
pire ;  le  comté  de  Forez  reconnut  le  roi  de  France  pour 
suzerain.  La  lutte  entre  les  comtes  et  les  archevêques  de 
Lyon  se  termina  en  1173  par  une  transaction  qui  contient 
F  «  acte  de  naissance  du  comté  de  Forez  ».  L'archevêque 
gardait  la  ville  de  Lyon,  le  territoire  de  Vienne,  une  partie 


de  la  vallée  de  la  Saône  et  le  district  de  Saint-Chamond  ; 
le  nouveau  comté  se  composait  de  tout  le  territoire  situé  au 
N.  de  Nervieux,  Amions,  Urfé,  Cervières  et  Thiers.  Néan- 
moins ses  frontières  étaient  encore  vagues  ;  le  diocèse  de 
Mâcon  l'entamait  et  s'étendait  jusqu'à  la  rive  gauche  de  la 
Loire  avec  les  paroisses  de  Briennon  et  le  Charluois  ;  un  arrêt 
de  1222  passé  entre  Guy  IV,  Renaud  et  Ulrich,  enfants  du 
comte  de  Mâcon,  rattacha  au  Forez  la  châtellenie  deCrozet 
et  ses  appartenances.  Un  acte  de  1223  conclu  entre  le 
même  comte  et  Marie  de  Bourgogne,  dame  de  Semur, 
arrêta  le  Brionnais  à  Changy  et  à  Semur.  En  1222,  Guy  IV 
et  flumbert  VI  de  Beaujeu  fixent  les  limites  entre  le  Forez 
et  le  Beaujolais,  limites  qui  s'étendent  depuis  le  ruisseau 
de  Ganz  au  port  de  Roanne  et  à  la  voie  Sayette.  Enfin  par 
une  convention  signée  en  1317  entre  Jean  Ier  et  le  sieur 
de  La  Roue,  la  frontière  entre  le  Forez  et  le  Livradois  fut 
marquée  par  deux  cents  bornes,  et  cette  frontière  fut  la 
même  que  celle  qui  sépare  encore  aujourd'hui  le  dép.  de 
la  Loire  et  celui  du  Puy-de-Dôme  ;  par  celle  de  1368  entre 
Louis  Ier  et  Jeanne,  comtesse  du  Velay,  on  adopta  comme 
séparation  entre  les  deux  provinces  l'embouchure  de  la 
rivière  d'Anse.  Le  Forez  augmenté,  sous  le  gouvernement 
de  Jean  et  par  son  mariage  avec  Alix  de  Viennois,  de  toute 
la  partie  du  diocèse  de  Vienne  qui  se  trouvait  sur  la  rive 
droite  du  Rhône,  partie  qui  forma  plus  tard  le  bailliage  de 
Bourg -Argental,  ensuite  de  la  vicomte  de  Thiers  qu'il  per- 
dit au  xiii8  siècle  et  momentanément  de  la  seigneurie  de 
Beaujeu,  resta  circonscrit  dans  ces  limites  jusqu'au  moment 
où  il  passa  à  la  maison  de  Bourbon,  puis  fut  réuni  à  la 
couronne.  Il  forma  ensuite  avec  le  Lyonnais  la  généralité 
de  Lyon,  sous  la  Révolution  le  dép.  de  Rhône-et-Loire 
(V.  ce  mot),  et  aujourd'hui,  avec  la  majeure  partie  de 
l'ancien  Beaujolais,  le  Jarez,  quelques  parcelles  du  Lyon- 
nais, du  Maçonnais,  de  la  Bourgogne,  et  le  Charluois,  le 
dép.  de  la  Loire. 

Histoire  politique  des  comtes  et  du  comté  de  Forez. 
—  Le  Forez  et  le  Lyonnais,  détachés  du  royaume  de  Bour- 
gogne, furent  sous  les  Carolingiens  gouvernés  par  des  fonc- 
tionnaires, des  comtes,  que  La  Mure  et  Aug.  Bernard  ont 
voulu  considérer  comme  la  souche  des  comtes  héréditaires 
du  Forez.  Ceux-ci  n'apparaissent  qu'avec  Guillaume  Ier 
institué  par  Louis  l'Aveugle  et  vivant  en  913.  Son  fils  Guil- 
laume II,  vivant  vers  923,  mourut  sans  enfants  et  laissa  le 
gouvernement  à  son  frère  Artaud  Ier  (945-960)  dont  l'au- 
torité devint  à  peu  près  souveraine.  Son  fils,  Gérard  IGV 
(960-990),  lui  succéda.  L'histoire  de  ces  comtes  est  assez 
obscure  et  leur  nom  n'apparaît  que  dans  les  suscriptions 
de  donations  ou  de  fondations  religieuses.  Avec  Artaud  II, 
mort  vers  999,  les  traits  de  leur  vie  politique  se  précisent. 
C'est  sous  son  gouvernement  que  commence  à  Lyon  la 
lutte  entre  le  pouvoir  spirituel  et  le  pouvoir  temporel,  lutte 
qui  devait  aboutir  à  la  création  du  comté  de  Forez.  Conrad, 
roi  de  Bourgogne,  avait  fait  élire  en  979  son  fils  naturel, 
Burchard,  archevêque  de  Lyon,  et  lui  conféra  d'importants 
privilèges,  tels  que  le  droit  de  battre  monnaie  et  d'exercer 
une  autorité  absolue  sur  la  ville  de  Lyon  et  sa  banlieue. 
L'exercice  de  la  souveraineté  devenant  impossible  à  Ar- 
taud II,  il  émigra  à  Feurs  et  à  Iseron.  En  mourant  il  laissa 
deux  fils  mineurs,  Artaud  et  Gérard  ;  leur  mèreThéodeberge, 
usufruitière  du  comté,  se  remaria  avec  Ponce  de  Gévaudan 
qui  prit  pendant  quelque  temps  le  titre  de  comte  de  Forez  ; 
enfin,  à  la  majorité  à' Artaud  III,  décédé  vers  1017,  Gé- 
rard II,  son  frère,  lui  succéda  et  essaya  vainement,  à  la 
mort  de  Burchard,  de  lui  donner  son  fils  comme  successeur; 
il  fut  chassé  de  Lyon  par  les  soldats  de  l'empereur.  Ar- 
taud IV,  fils  de  Gérard  (10S0-1079),  continua  la  guerre 
contre  l'église  de  Lyon  ;  le  pape  Grégoire  Vît  l'excommu- 
nia au  concile  de  Worms  de  1076.*  Après  lui  vint  Guil- 
laume III,  dit  Guillaume  l'Ancien,  très  pieux,  qui  fonda 
l'hôpital  de  Montbrison  peu  de  temps  avant  de  partir  pour 
la  première  croisade  à  laquelle  il  prit  part  avec  les  évêques 
du  Puy  et  d'Avranches,  et  Gérard,  comte  de  Roussillon  ;  il 
fut  tué  dans  un  assaut  au  siège  de  Nicée  en  1097.  Son 


FOREZ 


800  - 


fils,  Guillaume  IV,  mort  en  1107,  déclara  officiellement 
Montbrison  capitale  du  comté. 

Avec  lui  s'éteint  la  lignée  des  comtes  de  la  première  race. 
Ceux  de  la  seconde  race,  issus  des  dauphins  de  Viennois, 
vont  gouverner  jusqu'en  1372. 

Après  la  mort  de  Guillaume  IV,  le  comté  échut  à  son  cousin, 
Guy  Ier,  fils  de  Guy-Raymond  d'Albon  et  d'Ida  Raymonde, 
sœur  de  Guillaume  III.  Sous  son  fils,  Guy  7/(1135-1210), 
la  vieille  querelle  entre  les  comtes  et  les  archevêques  reprit 
plus  active.  Tandis  que  les  archevêques  de  Lyon  se  tour- 
naient du  côté  de  l'empereur  et  qu'Héracle  venait  en  1157 
taire  à  Arbois,  à  Frédéric  Barberousse,  hommage  en  échange 
duquel  l'empereur  lui  donna  d'importants  privilèges  par  la 
Bulle  d'or,  les  comtes  de  Forez  se  ralliaient  à  la  cause  de 
la  monarchie  capétienne,  et  Guy  Ier  avait  reçu  à  Montbrison 
le  roi  Louis  le  Gros,  allant  guerroyer  dans  le  Velay,  et  lui 
fit  hommage  de  son  comté.  En  mourant  il  recommanda  son 
fils  en  bas  âge  à  Louis  le  Jeune  ;  celui-ci  le  fit  élever  à  la 
cour  et  le  renvoya  comblé  de  bienfaits.  Héracle,  fort  de 
l'appui  impérial,  entreprit  de  dépouiller  Guy  II  et  l'attaqua 
dans  Iseron.  Celui-ci  écrivit  pour  demander  du  secours  à 
Louis  VII  occupé  à  soumettre  la  seigneurie  de  Polignac  ; 
le  roi  en  Forez  et  sa  présence  fit  tout  rentrer  dans  Tordre. 
Il  lui  concéda  même  en  route  la  garde  de  tous  les  grands 
chemins  dans  toute  l'étendue  du  comté  et  des  terres  qui  en 
dépendaient,  concession  qui  fut  confirmée  par  Philippe- 
Auguste  en  1198.  La  lutte  se  termina  par  un  accord  fait 
en  1167  par  lequel,  tout,  excepté  la  dîme,  fut  déclaré  com- 
mun dans  Lyon  entre  les  deux  pouvoirs.  Cet  acte  était  la 
source  de  trop  de  conflits  pour  qu'il  pût  durer.  Louis  VII 
intervint  auprès  d'Alexandre  III  qui  ménagea  en  1173  une 
autre  transaction  par  laquelle  la  séparation  entre  Lyon  et 
le  comté  fut  prononcée  et  des  limites  lurent  tracées.  Guy  II 
se  croisa  en  1182;  après  quelques  succès  dans  l'Escia- 
vonie,  il  revint  en  Forez  en  1184  et  se  retira  au  monas- 
tère de  La  Bénissons-Dieu  qu'il  avait  fondé  et  où  il  mourut. 
On  lui  doit  aussi  rétablissement  des  hospitaliers  à  Chazelles 
et  à  Montbrison,  et  la  fondation  de  l'abbaye  de  Beaulieu  près 
de  Roanne  qu'il  donna  à  l'ordre  de  Fontevrault.  Guy  III 
d'Outremer  (1198-1202),  son  fils,  mourut  avant  lui.  Il  prit 
part  à  la  quatrième  croisade  ;  mais,  laissant  le  gros  de  l'armée 
aux  prises  avec  les  Vénitiens,  il  alla  droit  en  Palestine  où 
il  mourut;  il  fut  enterré  à  Nicée.  Guy  IV  (1202-1241) 
n'avait  que  quatre  ans  à  la  mort  de  son  père  et  eut  pour 
tuteur  son  oncle  Renaud  dont  l'élection  au  siège  de  Lyon 
avait  mis  définitivement  fin  aux  luttes  séculaires  entre  le 
Forez  et  le  Lyonnais.  Son  gouvernement  fut  très  impor- 
tant, car  c'est  avec  lui  que  se  fixent  les  frontières  du 
Forez  et  que  commence  le  mouvement  communal  dans  le 
comté,  mouvement  qu'il  favorisa.  Il  guerroya  contre  le 
seigneur  de  Thiers  et  le  comte  d'Auvergne  et  se  fit  re- 
marquer par  son  attachement  à  la  couronne  de  France. 
Pendant  que  Philippe-Auguste  gagnait  la  bataille  de  Bou- 
vines,  il  remportait  une  victoire  contre  Ferdinand,  oncle  de 
Ferdinand  de  Portugal,  qui  avait  envahi  le  bassin  du  Rhône, 
et  l'amena  prisonnier  à  Paris.  Il  octroya  des  chartes  de 
franchises  et  des  privilèges  à  Montbrison  (nov.  1223),  à 
Saint-Rambert  (1224),  Sury-le-Comtal,  Crozet  (1236).  Sur 
la  fin  de  sa  vie,  il  se  croisa  en  1239  et  mourut  à  son  re- 
tour sur  les  confins  de  la  Pouille  le  29  oct.  1241.  Il  se 
signala  par  ses  libéralités  aux  églises,  fonda  la  collégiale 
de  Montbrison,  et  posa  la  première  pierre  de  l'église  de 
Montbrison  qui  devint  le  lieu  de  sépulture  des  comtes.  Il 
avait  épousé  en  premières  noces  Mahaut,  fille  de  Guy  de 
Dampierre,  comte  d'Auvergne,  et  en  1225  la  veuve  du 
comte  de  Nevers,  Mahaut  de  Courtenay.  Son  fils,  Guy  V, 
surnommé  Guigonet  (1241-1259),  lui  succéda  après  quel- 
ques difficultés  que  lui  suscita  Guillaume  de  Baffie,  le  fils 
d'une  femme  que  son  père  avait  répudiée  ;  il  le  jeta  en  pri- 
son, puis  obtint  sa  renonciation  grâce  à  l'intermédiaire  de 
saint  Louis  (1244).  Il  prit  part  à  la  septième  croisade  et 
mourut  le  12  sept.  1259  sans  enfants  ;  il  accorda  des  fran- 
chises à  Villerest  en  1252.  Se  voyant  sans  postérité,  il 


avait  associé  au  gouvernement  son  frère  Renaud  qui  lui 
succéda.  Marié  en  1247  à  Isabeau  de  Beaujeu,  veuve  de 
Simon  de  Semur,  il  est  désigné  généralement  sous  le  nom 
de  Henaud  de  Semur;  il  fit  la  dernière  croisade  et  mourut 
à  Montbrison  le  13  nov.  1270  des  suites  de  ses  fatigues  ;  il 
concéda  des  franchises  à  Saint-Galmier  (1266)  et  à  Saint- 
Haon-le-Châtel  (1270).  Son  fils,  Guy  F/,  meurt  en  1278. 
Avec  Jean  Ier  (1278-1 333)  le  caractère  de  serviteurs  de  la 
royauté  française  qu'avaient  pris  les  comtes  de  Forez  devient 
plus  net.  Très  jeune  à  la  mort  de  Guy  VI,  il  eut  pour  tuteur 
Guy  de  Levis,  et  épousa  Alix  de  Viennois  en  1295,  et,  une 
fois  en  possession  de  son  comté,  fut  un  de  ses  seigneurs  à  la 
fois  guerriers,  diplomates  et  légistes  tels  que  les  aimait  Phi- 
lippe le  Bel.  Il  prit  part  à  la  campagne  de  Flandre,  repré- 
senta plusieurs  fois  le  roi  à  la  cour  des  souverains  pontifes, 
contribua  à  la  réunion  de  Lyon  à  la  couronne  et  eut  dans 
cette  ville,  en  1316,  la  garde  du  conclave  d'où  sortit  l'élec- 
tion de  Jean  XXIII.  Cependant,  s'il  ne  prit  pas  part  au  mou- 
vement de  réaction  féodale  qui  signala  le  règne  de  Louis  X, 
il  ne  fit  rien  pour  empêcher  les  révoltes  qui  eurent  lieu  dans 
le  Forez  et  qui  aboutirent  à  la  ligue  de  protestation  contre 
le  gouvernement  du  feu  roi,  dont  les  réclamations  sont  con- 
tenues dans  l'acte  d'union  entre  les  nobles  de  Bourgogne,  du 
Forez  et  de  Champagne  de  1325.  Il  acquit  une  grande  faveur 
sous  Philippe  le  Long,  fit  partie  du  conseil  étroit,  jouit  d'une 
grande  réputation  comme  administrateur  et  jurisconsulte; 
il  lut  convoqué  pour  tenir  les  grands  jours  du  Languedoc. 
C'est  lui  qui  acheta  à  Paris,  en  1320,  les  maisons  appel- 
les depuis  hôtel  du  Forez.  Pour  le  récompenser  de  tous 
ces  services,  Charles  le  Bel  déclara  par  lettres  de  1327  que 
le  comté  de  Forez  ressortirait  dorénavant  du  parlement  de 
Paris.  Son  fils,  Guy  VU  (1313-1358),  servit  Philippe  VI 
dans  sa  lutte  contre  l'Angleterre  au  N.  de  la  France,  fut 
désigné  par  lui  comme  un  des  chefs  de  l'armée  qu'il  donna 
à  Jean,  roi  de  Bohême,  pour  l'aider  à  faire  la  conquête  de  la 
Lombardie,  expédition  qui  fut  infructueuse,  et  porta  le  titre 
de  lieutenant  général  pour  le  roi  en  Touraine,  Anjou, 
Maine,  Poitou,  A  unis  et  Saintonge.  Après  le  désastre  de 
Poitiers,  les  Anglais  sous  la  conduite  de  Robert  Knolles 
envahissent  le  Limousin;  en  face  du  danger  prochain, 
Guy  VII  s'unit  au  comte  d'Auvergne  et  arrête  les  progrès 
de  l'étranger.  Il  mourut  le  23  juin  1358  après  avoir  épousé 
Jeanne  de  Bourbon.  Son  successeur,  Louis  Ier  (1358- 
1362),  vit  les  ravages  des  Anglais  dans  le  Forez,  l'incendie 
de  Montbrison,  et,  après  la  paix  de  Brétigny,  une  fraction 
des  grandes  compagnies,  les  Tard- Venus,  pénétrèrent  dans 
le  Lyonnais  venant  du  Beaujolais  ;  les  seigneurs  coalisés 
de  la  région  les  battirent  à  la  bataille  de  Briguais  (4  mars 
1362)  ou  Louis  fut  tué  et  son  frère  Renaud  fait  prisonnier. 
Le  cousin  de  Louis,  Jean  II  (1362-1372),  lui  succéda; 
mais  c'était  un  esprit  faible  et  sa  mère  lui  donna  comme 
tuteur  son  oncle  Renaud  récemment  sorti  de  captivité. 
Renaud  mourut  en  1368,  laissant  de  fort  mauvais  souvenirs 
de  son  administration  ;  pressé  d'argent,  il  engagea  le  comté 
de  Forez  au  duc  d'Anjou,  roi  des  Deux-Siciles,  pour 
30,000  fr.  d'or.  Louis  de  Bourbon  fut  nommé  tuteur  de 
Jean  II,  et,  avant  qu'il  ait  pris  possession  de  sa  charge, 
Jean  fit  à  sa  mère  Jeanne  de  Bourbon  une  donation  de  son 
comté.  Celle-ci  voulut  considérer  l'acte  comme  valable, 
malgré  l'imbécillité  de  son  fils,  et  Louis  de  Bourbon  éprouva 
de  sérieuses  difficultés  qui  se  terminèrent  en  1371  par  une 
convention  dans  laquelle  Jeanne  obtenait  que  son  nom 
figurât  sur  les  actes  publics  à  côté  de  celui  de  son  fils.  Louis 
de  Bourbon  épousa  à  Arde  en  Auvergne,  en  1368,  Anne, 
fille  de  feue  Jeanne  de  Forez,  sœur  de  Jean  II,  qui  devait 
apporter  le  comté  dans  sa  maison .  A  la  mort  de  Jean  II, 
la  douairière  renouvela  ses  prétentions  à  son  héritage  ;  pen- 
dant quelque  temps  il  y  eut  deux  gouvernements  ;  finalement, 
Louis  transigea  en  acceptant  le  conseil  qu'elle  avait  choisi, 
puis  elle  se  désista  de  ses  droits  en  1 376  et  mourut  en  1402. 
Avec  Louis  Ier  de  Bourbon,  comte  de  Forez,  commence 
la  troisième  et  dernière  branche  des  souverains  de  ce  pays. 
Le  nouveau  comte  débuta  par  faire  exécuter  en  1373  un 


801  — 


FOREZ 


inventaire  général  par  Pierre  Gayand,  secrétaire  de  la 
chambre  des  comptes  de  Beaujolais,  de  tous  les  titres  exis- 
tant dans  la  chambre  des  comptes  de  Montbrison,  puis  en 
1395  il  fit  renouveler  tous  les  terriers.  Louis,  dont  la  chro- 
nique a  été  écrite  par  Jean  Cabaret  d'Orville,  fut  avant 
tout  un  chevalier.  Il  alla  en  Prusse  combattre  les  Lithua- 
niens (1374),  en  Espagne  les  Portugais  (4387),  en  Afrique 
les  musulmans  de  Tunis  (1391).  Sous  son  administration 
les  ravages  des  Anglais  recommencèrent  en  Forez  ;  chacun 
se  défendait.  Le  pays  comptait  plus  de  quarante  villes 
closes  et  autant  de  bourgades,  et  les  envahisseurs  furent 
battus  entre  Roanne  et  Perreux  au  lieu  dit  cimetière  des 
Anglais.  Louis  mourut  en  1410.  Sa  femme,  Anne,  resta 
seule  chargée  d'administrer  le  Forez.  Cette  province  qui 
sous  le  premier  comte  de  la  maison  de  Bourbon  possédait 
encore  quelque  reste  d'une  vie  propre,  sous  son  succes- 
seur Jean  Ier  (1410-1423)  est  définitivement  rattachée  au 
Bourbonnais.  Elle  eut  à  souffrir  delà  guerre  civile,  fut  dé- 
vastée par  les  bandes  bourguignonnes  et  tandis  que  le  duc 
de  Bourbon  reconnaissait  Henri  VI,  un  seigneur  de  Da- 
nières  équipa  tous  les  hommes  valides  de  son  fief  en  1422 
et  les  amena  au  roi  de  Bourges.  Son  dévouement  fut  ré- 
compensé par  l'exemption  à  perpétuité  pour  lui  et  ses 
hommes  de  toute  espèce  d'impôts  :  de  là  l'origine  des  exempts 
de  Dernières.  Jean  mourut  en  Angleterre  en  1433.  — 
Charles  Ier  succéda  à  Jean  ;  il  nomma  son  frère  naturel 
Guy  de  Bourbon  son  lieutenant  général  dans  le  Roannais  ; 
Charles  prit  parti  pour  le  dauphin  Louis  pendant  la  révolte 
de  la  Praguerie  et  Guy  lui  ouvrit  les  portes  de  Saint-Haon- 
le-Châtel  que  Charles  VII  assiégea  ;  le  pays  fut  pacifié  lors 
du  mariage  de  Louis  avec  Charlotte  de  Savoie  à  Feurs 
(1452).  A  Charles,  mort  en  1456,  succède  Jean  II  (1456- 
1487).  Il  s'associa  à  la  ligue  du  Bien  public  et  provoqua 
la  campagne  de  Louis  XI  dans  le  Forez  ;  dans  la  suite  il 
resta  fidèle  à  la  cause  royale  et  repoussa  les  Bourguignons 
de  Charles  le  Téméraire.  —  Pierre  II  (1487-1503),  le 
mari  d'Anne  de  France,  ne  laissa  qu'une  fille, qui  épousa 
Charles  de  Bourbon,  connu  sous  le  nom  de  connétable  de 
Bourbon.  Sa  femme  Suzanne  avait  fait  un  testament  en 
sa  faveur,  testament  dont  la  validité  fut  attaquée  par  la 
reine  mère  Louise  de  Savoie,  descendante  des  ducs  de  Bour- 
bon. La  trahison  du  connétable  permit  de  saisir  le  comté 
de  Forez  qui  fut  réuni  effectivement  à  la  couronne,  malgré 
les  stipulations  du  traité  de  Madrid  par  lequel  Charles- 
Quint  assignait  la  restitution  des  biens  du  connétable.  La 
réunion  officielle  fut  prononcée  en  1531  et  effectuée  en 
1 532  ;  les  réclamations  des  Bourbons-Montpensier  furent 
annulées  en  1560. 

Le  Forez  n'a  dorénavant  plus  d'histoire  ni  d'institutions 
propres.  Au  moment  de  sa  réunion  à  la  couronne,  il  était 
administré  par  le  bailli  du  Forez  ou  de  Montbrison,  dont 
l'autorité  s'étendait  sur  tout  le  comté.  Sous  le  rapport  judi- 
ciaire, il  avait  sous  ses  ordres  le  bailliage  de  Bourg- Ar- 
gental,  ou  d'au  delà  des  bois,  ou  encore  Entre-Forêts 
(auparavant  Malleval),  au  S.-E.  ;  au  S.-O.,  le  bailliage  des 
ressorts  de  Forez  en  Velay  ou  du  Chauffour,  et  enfin  le 
bailliage  de  Saint-Ferréol.  La  cour  présidiale  siégeant  à 
Montbrison  était  tenue  par  le  bailli  et  souvent  par  le  juge 
du  Forez,  lieutenant  général  des  quatre  baillis,  assisté  du 
procureur  général  du  comté.  A  cette  cour  aboutissaient  les 
appels.  Au-dessous  étaient  trente-quatre  châtellenies  ;  enfin 
chaque  mandement  avait  un  sergent  chargé  de  l'exécution  des 
ordres  judiciaires.  Auprès  du  comte  était  le  chancelier.  Sous 
le  rapport  financier,  une  cour  des  comptes  siégeait  à  Mont- 
brison, un  trésorier-receveur  était  assisté  d'un  contrôleur 
et  d'un  secrétaire-greffier  du  domaine.  Le  Forez  était  un 
pays  de  droit  écrit.  Après  sa  réunion  à  la  couronne,  le  Fo- 
rez devint  l'apanage  du  duc  d'Anjou,  ensuite  il  fut  donné 
en  jouissance  à  la  reine  Isabelle,  veuve  de  Charles  IX,  puis 
à  Louise  de  Vaudemont,  veuve  de  Henri  III  ;  enfin,  il  fit  partie 
de  l'apanage  des  reines  mères  Marie  de  Médicis  et  Anne  d'Au- 
triche jusqu'en  1 643,  après  quoi  il  resta  dans  le  domaine  tant 
que  dura  l'ancienne  monarchie.  Maurice  Dumoulin. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —  XVII. 


Bibl.  :  De  La  Mure,  Histoire  universelle,  civile  et  ecclé- 
siastique du  pays  de  Forez;  Lyon,  1674,  in-4,  suivi  de 
l'Astrée  sainte.  —  Du  même,  Histoire  des  ducs  de  Bour- 
bon et  comtes  de  Forez;  Paris,  1868,  3  vol.  in-4.  —  Du 
même,  Histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de  Lyon  ;  Lyon, 
1671,  in-4.  —  Le  Laboureur,  les  Mazures  de  l'isle  Barbe } 
Lyon,  1665,  2  vol.  in-4.  —  Aug.  Bernard,  Histoire  du  Fo  • 
rez  ;  Montbrison,  1835,  2  vol.  in-8.  —  Du  même,  Histoire 
territoriale  du  Lyonnais,  dans  Recueil  de  mémoires  et  de 
documents  sur  le  Forez  publié  par  la  «  Diana  »,  t.  I  à  V. 

—  Antoine,  Histoire  du  Forez;  Saint-Etienne,  1883,  in-12. 

—  P.  Gras,  Armoriai  du  Forez;  Saint-Etienne,  1874,  in-8. 
FOREZ  (Monts  et  plaine   du).  Les  monts  du  Forez 

comprennent  le  vaste  groupe  montagneux  qui  sépare  la 
vallée  de  la  Loire  de  celle  de  l'Allier  et  qui  commence  aux 
environs  du  Donjon  et  de  La  Palisse.  Il  augmente  graduel- 
lement de  hauteur  et  de  largeur  à  mesure  que  l'on  s'avance 
vers  le  S.,  et  sa  base  se  trouve  nettement  limitée  par  deux 
lignes  droites  divergentes,  partant  de  l'embouchure  de  la 
Besbre  et  allant  l'une  à  TE.  sur  Montbrison  et  Saint-Mar- 
cellin,  l'autre  à  l'O.  sur  Issoire.  Le  massif  atteint  là  son 
maximum  de  largeur  et  il  est  borné  par  deux  autres  lignes 
qui  suivent  le  cours  de  la  Loire  et  celui  de  l'Allier  pour  se 
réunir  à  Pradelles  où  les  deux  cours  d'eau  ne  sont  séparés 
que  par  une  arête  de  14  kil.  d'épaisseur.  De  même  que  sa 
largeur,  son  altitude  augmente  en  allant  du  N.  au  S.  ; 
son  point  culminant  est  au  mont  Herboux  ou  Pierre-sur- 
Haute  (1,640  m.  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  et  1,270 
au-dessus  de  la  plaine  du  Forez).  Son  altitude  moyenne 
est  de  1,300  m.  —  Vus  de  loin,  les  monts  du  Forez  pré- 
sentent l'aspect  de  croupes  arrondies,  s'abaissant  en  pentes 
douces  ;  point  de  pics,  nulle  sommité  saillante;  ils  sont  ce- 
pendant sillonnés  transversalement  par  des  vallées  étroites 
et  profondes.  Les  monts  du  Forez  se  divisent  en  trois  par- 
ties :  les  monts  du  Forez  proprement  dits  au  centre, 
orientés  S.-S.-E.,  N.-N.-O.;  les  monts  de  la  Madeleine, 
parallèles  aux  premiers,  et  les  monts  de  la  Chaise-Dieu 
plus  connus  sous  le  nom  de  monts  de  Livradois  et  dis- 
tingués des  monts  du  Forez  par  la  plupart  des  géographes. 
La  chaîne  du  Forez  proprement  dite  s'étend  sur  une  lon- 
gueur de  110  kil.,  et  avec  une  épaisseur  de  25  kil.  de 
Cusset  sur  l'Allier  à  Monistrol  sur  la  Loire  ;  elle  se  com- 
pose d'une  succession  de  chaînons  obliques  essentiellement 
granitiques.  En  allant  du  N.  au  S.  on  rencontre  successi- 
vement le  chaînon  des  Bois-Noirs  avec  le  puy  de  Monton- 
celle(i^9^  m.)  comme  point  culminant;  celui  du  bois 
la  Faye  au  pied  duquel  passe,  au  col  de  Noirétable,  la 
ligne  de  Saint-Etienne  à  Thiers  ;  le  chaînon  de  VHermitage, 
couvert  de  bois  ;  le  chaînon  de  Pierre-sur^  Haute  (d'au- 
cuns l'écrivent  Pierre-sur- Autre),  la  cime  la  plus  haute 
de  tout  le  système,  et  enfin  la  crête  de  Saint-Bonnet-le- 
Château.  —  Les  monts  de  la  Madeleine  constituent  un 
groupe  à  part,  en  majorité  porphyrique,  limité  à  l'O.  par 
la  Besbre,  à  l'E.  par  la  plaine  de  Roanne,  et  couvrant  une 
espace  de  15  kil.  sur  60.  Ils  naissent  aux  environs  de 
Saint-Just-en-Chevalet  et  se  perdent  au  N.  dans  la  plaine 
aux  environs  du  Donjon  ;  leur  point  culminant  est  aux 
Bois  de  l'Assise  (1,165  m.).  Ils  se  rattachent  aux  monts 
du  Forez  par  le  col  de  Saint-Priest-la-Prugne,  au  pied  du 
Montoncelle.  Les  monts  de  la  Madeleine  sont  flanqués  à 
FO.  de  la  plaine  de  Roanne,  d'une  longue  crête  s'étendant 
de  Saint-Martin  d'Estreaux  à  la  route  de  Roanne  à  Saint- 
Just-en-Chevalet  et  connue  sous  le  nom  générique  de  la 
Côte* 

Aux  pieds  des  monts  du  Forez  s'étendent  deux  plaines 
séparées  par  le  plateau  de  Neulize  que  la  Loire  franchit 
au  saut  du  Pinay  :  la  plaine  du  Forez  et  la  plaine  de 
Roanne.  La  plaine  du  Forez  commence  au  S.  du  plateau 
triangulaire  de  Saint-Etienne  accoté  à  la  base  N.  du  Pilât. 
Elle  est  bornée  à  l'E.  par  les  monts  du  Beaujolais,  à  l'O. 
par  les  monts  du  Forez,  au  N.  par  le  plateau  de  Neulize. 
La  Loire  la  divise  en  deux  parties  inégales;  son  ait. 
moyenne  est  de  370  m.  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
Elle  doit  sa  faible  pente  à  l'horizontalité  de  ses  bancs  ter- 
tiaires ;  en  quelques  points,  toutefois,  surgissent,  formés 
par  des  couches  redressées,  de  petits  cônes  d'origine  vol- 

51 


FOREZ  —  FORFICULE 


802  — 


canique.  A  l'extrémité  N.  de  la  plaine  du  Forez  se  trouve 
la  plaine  de  Roanne  formée  au  N.  par  les  derniers  escar- 
pements des  monts  du  Charolais.  Ces  deux  plaines  étaient 
jadis,  la  première  dans  la  partie  qui  avoisine  Montbrison  à 
TE.,  la  seconde  dans  sa  partie  N.-O.,  couvertes  d'étangs 
qui  ont  été  asséchés.  L'une  et  l'autre  sont  très  fertiles, 
principalement  sur  les  points  formés  par  les  alluvions  de 
la  Loire  et  qu'on  nomme  les  chambons  ;  elles  possèdent 
de  beaux  pâturages,  des  prés  d'embouche  qui  servent  à 
l'élève  du  bétail  et  atteignent  des  prix  fort  élevés. 

Maurice  Dumoulin. 
FORFAIT.  Convention  faite  entre  deux  parties,  et  d'après 
laquelle  un  contrat  doit  être  exécuté  dans  des  conditions 
déterminées,  et  sans  que  les  bases  n'en  puissent  être 
ultérieurement  discutées,  quel  que  soit  le  résultat  de  l'opé- 
ration. On  appelle  aussi  forfait  la  négociation  d'effets  de 
commerce,  avec  la  convention  que,  en  cas  de  non-paye- 
ment, celui  qui  escompte  (tireur  ou  endosseur)  ne  sera 
soumis  à  aucune  responsabilité  ni  recours.  Cette  convention 
donne  lieu  à  la  perception  d'une  commission,  variable  avec 
l'importance  de  l'opération  et  ;  urtout  avec  la  solvabilité  du 
payeur  qui,  dans  presque  tous  les  cas,  devient  pour  l'es- 
compteur le  seul  obligé.  G.  François. 
Clause  à  forfait  (V.  Clause). 
Forfait  de  communauté  (V.  Communauté  convention- 
nelle). 

FORFAIT  (Pierre-Alexandre-Laurent),  ingénieur  mari- 
time et  administrateur  français,  né  à  Rouen  le  2  avr.  4752, 
mort  à  Rouen  le  9  nov.  1807.  Nommé  dès  1773  membre 
de  l'académie  de  Rouen,  il  obtint  la  même  année  une  com- 
mission d'ingénieur-construcleur  surnuméraire  au  port  de 
Brest,  fut  envoyé  en  4  783  devant  Cadix,  à  bord  du  Ter- 
rible, rendit  dans  cette  circonstance  de  précieux  services 
et  fut  chargé  en  1787  de  construire  des  paquebots  trans- 
atlantiques pour  les  relations  de  la  France  avec  ses  colo- 
nies et  les  Etats-Unis  ;  son  type  de  800  tonneaux  réunit 
tous  les  suffrages.  Enl791,  au  retour  d'une  mission  d'études 
en  Angleterre,  il  fut  envoyé  par  le  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure à  l'Assemblée  législative.  Il  y  siégea  parmi  les  mo- 
dérés. A  l'expiration  de  son  mandat,  il  ne  fut  pas  réélu, 
reprit  les  fonctions  de  directeur  du  service  maritime  du 
Havre,  qui  lui  avaient  été  confiées  en  1789,  et  donna  une 
vive  impulsion  aux  chantiers  de  construction  de  ce  port, 
pour  lesquels  il  inventa  une  frégate  d'un  nouveau  modèle  : 
la  Seine.  Inquiété  durant  quelques  jours  seulement  sous 
la  Terreur,  il  reçut  en  4795  le  titre  d'inspecteur  général 
des  forêts,  eut  à  la  même  époque  le  service  d'approvisionne- 
ment de  Paris  par  la  Seine,  qu'il  assura  au  moyen  de  lougres 
exécutés  d'après  ses  plans,  et  présenta  en  4797  au  premier 
consul,  au  sujet  de  l'établissement  d'un  port  militaire  à 
Anvers,  un  remarquable  travail  qui  détermina  la  création 
dans  cette  ville  d'un  grand  arsenal.  Ce  fut  encore  lui  qui, 
après  la  victoire  d'Augereau,  reçut  mandat  d'aller  prendre 
possession  de  la  flotte  vénitienne  et  qui,  lorsque  l'expédition 
d'Egypte  eût  été  décidée,  fut  chargé  de  tous  les  détails  de 
l'organisation  navale.  Après  le  48  brumaire,  Bonaparte 
l'appela  au  ministère  de  la  marine  et  des  colonies.  Il  con- 
serva ce  portefeuille  jusqu'au  1er  oct.  4804  et  signala  ses 
vingt-trois  mois  d'administration  par  d'importantes  réformes: 
organisation  du  conseil  des  prises,  création  des  préfec- 
tures maritimes,  etc.  Nommé  ensuite  conseiller  d'Etat,  ins- 
pecteur général  de  la  flottille  de  débarquement  en  Angle- 
terre, préfet  maritime  au  Havre,  -—  d'où  il  repoussa  à  deux 
reprises  les  Anglais,  en  4798  et  en  4805,  —  puis  à  Gênes, 
il  fut  en  butte  durant  les  dernières  années  de  sa  vie  à  des 
accusations  calomnieuses  qui  aboutirent  à  sa  disgrâce  (4806). 
Il  était  depuis  4784  membre  de  l'académie  de  marine  et 
depuis  4789  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris.  Outre  de  nombreux  mémoires,  articles  et  rapports 
insérés  dans  les  recueils  des  sociétés  dont  il  faisait  partie 
et  dans  le  Dictionnaire  de  marine  de  Y  Encyclopédie  métho- 
dique, il  a  écrit  :  Traité  élémentaire  de  la  mâture  des 
vaisseaux  (Paris,  1788,  in-4).  Léon  Sagnet. 


Bibl.  :  P.   Levot,  Notice  biographique  sur  M.  Forfait; 
Brest,  1845,  in-8. 

FORFAITURE.  En  ancien  droit  on  désignait  ordinai- 
rement sous  ce  nom  une  prévarication  commise  par  un 
officier  public  dans  l'exercice  de  sa  charge  et  pour  laquelle 
il  encourt  la  destitution.  D'après  une  ordonnance  de  Louis  XI 
du  24  oct.  4467,  la  forfaiture  pouvait  donner  lieu  à  la 
confiscation  d'un  office  au-  profit  du  roi,  mais  l'office  ne 
pouvait  recevoir  une  nouvelle  attribution  qu'après  que  la 
forfaiture  avait  été  jugée.  On  appelait  aussi  forfaiture  des 
délits  commis  en  matière  d'eaux  et  forêts  (ordonn.  de 
4669).  Enfin,  en  droit  féodal,  on  nommait  quelquefois  for- 
faiture la  félonie  du  vassal  envers  son  seigneur  ;  forfai- 
ture implique  l'idée  de  déchéance,  forts  factura,  mise 
hors.  Le  fief  était  enlevé  au  vassal,  soit  pour  toujours,  soit 
pour  un  temps  limité.  Les  cas  où  cette  déchéance  était 
encourue  étaient  nombreux  et  les  seigneurs  ne  craignaient 
pas,  pour  augmenter  leurs  revenus,  de  les  multiplier 
(V.  Félonie  et  Fief).  G.  R. 

Le  code  pénal  qualifie  forfaiture  «  tout  crime  commis  par 
un  fonctionnaire  public  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  » 
(art.  466).  Toute  forfaiture  pour  laquelle  la  loi  ne  pro- 
nonce pas  de  peines  plus  graves  est  punie  de  la  dégrada- 
tion civique  (art.  167).  Les  simples  délits  ne  constituent 
pas  les  fonctionnaires  en  forfaiture.  Le  forfaiture  est  pro- 
noncée contre  les  magistrats  qui  auraient  fait  poursuivre 
ou  mis  en  accusation  un  ministre  ou  un  membre  des 
Chambres  ou  du  conseil  d'Etat  sans  les  autorisations  pres- 
crites par  les  lois  de  l'Etat  ;  contre  les  fonctionnaires  qui  se 
seraient  mis  en  grève  ;  contre  les  magistrats  qui  s'immis- 
ceraient dans  l'exercice  du  pouvoir  législatif  ou  dans  les 
matières  attribuées  aux  autorités  administratives;  contre 
tout  juge  ou  administrateur  qui  se  serait  décidé  par  fa- 
veur pour  une  partie  ou  par  inimitié  contre  elle. 

FORFAR  ou  ANGUS.  Comté  d'Ecosse  (V.  .ce  mot); 
2,279  kil.  ;  284,116  hab.  Il  touche  à  l'E.  à  la  mer  du  Nord, 
s'adosse  à  l'O.  aux  Highlands.  Il  s'étend  entre  les  comtés 
d'Aberdeen  et  de  Kincardine  au  N. ,  de  Fife,  au  S.  et  de  Perth 
à  l'O.  Il  comprend  quatre  régions  distinctes,  auN.  le  Braes 
d'Angus,  région  montagneuse  couverte  dé  landes  et  de 
marécages,  coupée  de  belles  vallées  fertiles  ;  entre  celle-ci 
et  la  zone  côtière,  plaine  riche  et  fertile,  s'étendent  des  pays 
de  collines,  le  Strathmore,  et  les  collines  de  Sidlaw.  Le 
principal  sommet  est  le  Glas  Meal  (4,067  m.);  le  plus 
haut  du  district  de  Sidlaw,  formé  de  grès,  est  le  Kinpirnie 
(346  m.).  Le  comté  d'Angus  est  bien  arrosé  par  un  grand 
nombre  de  cours  d'eau  parmi  lesquels  nous  citerons  le 
Dean  Water,  l'Isla,  l'Esk  du  S.  et  l'Esk  du  N.  Les  champs 
occupent  40  °/0  de  la  superficie  totale,  les  bois  6  °/0,  les 
prairies  5  °/0.  On  comptait,  en  1885,  50,000  bœufs  et 
432,000  moutons.  La  chasse  et  la  pêche  (du  saumon 
surtout)  sont  fort  productives.  Les  principales  industries 
sont  la  confection  des  draps  et  des  toiles,  qui  occupent  près 
de  50,000  personnes.  Le  chef-lieu  du  comté  est  Forfar. 

FORFAR  (Archibald  Douglas,  comte  de),  né  le  3  mai 
4653,  mort  le  23  déc.  4712,  fils  d'Archibald,  comte  d'Or- 
monde.  Créé  comte  de  Forfar  après  la  Restauration  (2  oct. 
4664),  il  siégea  au  Parlement  de  4670,  fut  un  partisan 
actif  du  prince  d'Orange  et  servit  avec  zèle  la  couronne 
dans  les  Parlements  du  règne  de  Guillaume  III.  Il  fut  lord 
de  la  Trésorerie  de  4  688  à  4707.  —  Son  fils  Archibald,  né  le 
25  mai  4693,  mort  à  Stirling  le  3  déc.  4845,  porta  le 
titre  de  lord  Wandell  jusqu'à  la  mort  de  son  père.  Nommé 
colonel  en  4743,  il  fut  en  4744  envoyé  extraordinaire 
à  la  cour  de  Prusse,  servit  dans  l'armée  du  duc  d'Argyll 
lors  de  la  répression  de  la  révolte  de  l'Ecosse  en  1715, 
et  reçut  une  blessure  mortelle  à  la  bataille  de  Scheriffmuir 
(13  nov.). 

FORFICULE  ou  PERCE-OREILLES.  I.  "Zoologie.  — 
Placés  primitivement  par  Fùssly  (4775)  parmi  les  Coléop- 
tères, sous  le  nom  de  Coléoptères  à  pinces,  les  Forficules 
forment,  dans  l'ordre  des  Orthoptères,  un  groupe  spécial  et 
très  remarquable,  celui  des  Forficulides,  qui  correspond  aux 


803  — 


FORFICULE  —  FORGACH 


Labidoures  de  Duméril  et  Léon  Dufour,  aux  Labiroïdes 
d'Erichson,  aux  Dermaptères  des  auteurs  anglais  (Leach, 
Kirby,  Stephens),  aux  Dermatoptères  de  Burmeister  et 
d'Huxley,  aux  Euplexoptères  de  Westwood  et  aux  Har- 
moptères  de  Fieber. 

Ces  insectes  ont  un  faciès  des  plus  caractéristiques; 
leurs  couleurs  varient  entre  le  brun  et  le  jaune  testacé 
pâle;  ce  n'est  qu'exceptionnellement  qu'elles  présentent 
un  éclat  métallique.  Le  corps  est  allongé,  déprimé,  avec  la 
tête  dégagée,  rétrécie  postérieurement,  en  forme  de  cou, 
le  prothorax  carré  ou  rectangulaire,  et  l'abdomen  élargi, 
terminé,  dans  les  deux  sexes,  par  une  pince  formée  de 
deux  branches  cornées,  recourbées  et  mobiles,  que  Bur- 
meister considère  comme  les  homologues  des  cerques 
anaux  des  Orthoptères  proprement  dits.  La  tête,  dépourvue 
d'ocelles  sur  le  front,  porte  deux  antennes  filiformes,  de 
longueur  variable,  insérées  entre  les  yeux  et  ayant  de  42 
à  40  articles.  Les  segments  de  l'abdomen,  imbriqués  obli- 
quement sur  les  côtés  comme  chez  les  Guêpes,  cachent  les 
stigmates.  Les  pattes  sont  courtes  et  exclusivement  propres 
à  la  course,  et  les  ailes  antérieures,  lorsqu'elles  existent, 
sont  des  élytres  coriaces,  toujours  beaucoup  plus  courtes 
que  l'abdomen,  à  suture  droite  et  tout  à  fait  analogues 
aux  élytres  des  Coléoptères  du  groupe  des  Staphylinides. 
Quant  aux  ailes  inférieures,  elles  ont  une  structure  com- 
pliquée et  très  remarquable.  D'abord  en  éventail  comme 
dans  les  Orthoptères  proprement  dits,  chacune  d'elles  se 
replie  ensuite  deux  fois  en  travers  comme  chez  les  Coléop- 
tères, de  sorte  qu'au  repos  complet  le  bord  supérieur  dépasse 
plus  ou  moins  l'élytre  sous  forme  d'une  petite  écaille  colorée. 
Les  Forficules  ne  subissent  qu'une  demi-métamorphose. 
Les  femelles,  dépourvues  d'oviscapte,  pondent  leurs  œufs 
en  tas  dans  de  petites  cavités 
du  sol,  sous  les  pierres,  dans 
les  lieux  humides;  elles  les 
surveillent,  les  transportent 
au  besoin  çà  et  là  afin  qu'ils 
aient  toujours  l'humidité  né- 
cessaire à  leur  évolution,  et 
paraissent  même  les  couver. 
Les  jeunes  larves  et  les  nym- 
phes ne  diffèrent  guère  des 
adultes  que  par  la  taille  plus 
petite,  l'absence  totale  d'ailes 
et  le  moindre  développement 
de  la  pince  abdominale  ;  celle- 
ci  paraît  constituer,  pour  les  adultes,  une  arme  défensive, 
mais  elle  est  peu  redoutable,  et  il  faut  que  les  espèces  soient 
de  bien  forte  taille  pour  qu'elle  puisse  entamer  la  peau 
jusqu'au  sang.  Elle  leur  sert  surtout  à  déployer  leurs  ailes 
dont  les  replis  sont  si  complexes. 

Les  Forficules  sont  des  insectes  lucifuges  qui  re- 
cherchent les  endroits  obscurs.  On  les  trouve,  presque  tou- 
jours réunies  en  petites  sociétés,  sous  les  pierres,  dans  les 
fissures  des  arbres  ou  des  murs,  sous  lesécorces,  dans  les 
excréments  desséchés,  dans  les  débris  végétaux,  souvent 
même  au  milieu  des  feuilles  enroulées  par  d'autres  insectes 
et  dans  les  fruits  fissurés  ou  gâtés.  Elles  sont  très  agiles 
et  courent  avec  rapidité  dès  qu'on  a  mis  à  découvert  le 
lieu  de  leur  retraite  ;  leur  nourriture  est  exclusivement 
végétale;  toutefois,  renfermées  ensemble  sans  aliments, 
elles  se  dévorent  les  unes  les  autres.  Depuis  les  temps  les 
plus  reculés,  on  a  affirmé,  et  l'on  croit  encore  communé- 
ment aujourd'hui,  qu'elles  pénètrent  dans  les  oreilles  des 
personnes  endormies,  et  qu'à  l'aide  de  leur  pince  abdo- 
minale, elles  parviennent  à  s'introduire  dans  la  tète  ;  d'où 
leur  nom  vulgaire  de  Perce-Oreilles.  C'est  là  une  grosse 
erreur  qu'on  ne  doit  pas  se  lasser  de  réfuter  chaque  fois 
que  l'occasion  se  présente.  Il  n'est  pas  impossible,  sans 
doute,  qu'un  de  ces  insectes  pénètre  fortuitement,  pour 
se  cacher,  dans  le  conduit  auditif  de  personnes  couchées 
par  terre,  mais  cette  pénétration  ne  peut  être  que  momen- 
tanée ;  car,  arrêté  par  la  membrane  du  tympan,  l'insecte 


Forficula  auricularia  mâle. 


ne  peut  aller  bien  loin  et  il  ressort  vite  de  cette  cavité.  En 
réalité,  le  nom  de  Perce-Oreilles  vient  simplement  de  la 
ressemblance  que  présente  leur  pince  anale  avec  l'instru- 
ment dont  se  servaient  autrefois  les  joailliers  pour  percer 
le  lobule  auriculaire  afin  d'y  placer  un  anneau. 

Pour  l'étude  du  groupe  des  Forficulides,  il  convient  de 
consulter  surtout  l'importante  monographie  (  Versuch  einer 
Monogr.  der  Dermaptoren)  publiée  par  M.  H.  Dohrn 
dans  Stettin  Entomol.  Zeitung,  4863-1867.  Ce  groupe 
a  des  représentants  dans  toutes  les  régions  du  globe,  avec 
prédominance  du  nombre  des  genres  et  des  espèces  dans 
les  pays  chauds,  suivant  la  loi  la  plus  habituelle  du  dé- 
veloppement organique.  En  Europe,  l'espèce  la  plus  répan- 
due est  le  Forficula  auricularia  L.,  ou  Grand  Perce- 
Oreilles  de  Geoffroy,  au  corps  glabre,  d'un  blanc  ferru- 
gineux, avec  les  yeux  noirs  et  quatre  tubercules  sur  le 
dernier  segment  de  l'abdomen.  Sa  longueur  varie  entre 
9  et  45  millim.  Chez  le  mâle,  la  pince  anale,  aplatie  et 
dentée  à  sa  base,  est  ensuite  cylindrique,  complètement  lisse 
et  fortement  infléchie  en  dehors  vers  son  milieu  ;  celle  de 
la  femelle  est  plus  courte,  à  peu  près  droite  et  courbée  en 
dedans  au  bout.  Cet  insecte,  extrêmement  commun  partout, 
occasionne  souvent  de  grands  dégâts  dans  les  jardins  en 
rongeant  les  boutons  des  pêchers  en  espalier,  les  tiges  à 
fleurs  des  œillets  ou  des  auricules  et  les  jeunes  pousses 
des  dahlias.  Ils  attaquent  également  certains  fruits  mûrs, 
comme  les  abricots,  les  prunes,  les  pêches,  les  poires,  sur- 
tout quand  ils  sont  fissurés.  Très  souvent  aussi  on  en  trouve 
dans  les  grappes  de  raisin.  Pour  s'en  débarrasser,  les  jar- 
diniers emploient  divers  moyens  :  les  uns  se  servent  d'er- 
gots de  mouton,  de  cornes  de  bœuf  ou  simplement  de 
cornets  de  papier;  les  autres,  des  tiges  creuses  de  roseau, 
du  grand  soleil  (Heliantkus  annuus  L.),  ou  de  quelque 
grande  ombellifère;  d'autres,  enfin,  font  des  petits  fagots 
avec  de  la  paille  légèrement  humectée  ou  des  brindilles, 
qu'ils  suspendent  le  soir  le  long  des  espaliers  ou  autour 
des  œillets  et  des  dahlias.  Dès  que  le  jour  commence  à  pa- 
raître, les  Forficules  viennent  se  réfugier  dans  ces  abris 
pour  se  mettre  à  l'abri  de  la  lumière  ;  il  suffit  alors  de  les 
secouer  pour  faire  tomber  les  insectes  que  l'on  écrase  ou 
que  l'on  brûle.  Ed.  Lefèvre. 

II.  Paléontologie.  —  On  trouve  des  insectes  de  la  fa- 
mille des  Forflcularidœ  dans  le  lias  inférieur  de  Schambe- 
len  (Argovie)  :  c'est  le  genre  Baseopsis  (Heer)  qui  indi- 
querait des  passages  entre  les  Orthoptères  et  les  Coléop- 
tères. —  D'autres,  plus  nombreux,  se  trouvent  dans  le 
tertiaire,  mais  ne  sont  abondants  nulle  part.  Le  genre 
Labiduromma  (Scudder)  est  de  l'oligocène  de  Florissant 
(Colorado).  Ce  genre,  remarquable  par  ses  gros  yeux,  a 
quelques  espèces  d'assez  grande  taille  (V.  Orthoptères 
[Paléont.]).  E.  Trt. 

FORFRY.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Meaux,  cant.  de  Dammartin;  477  hab. 

FORG.  Ville  de  la  province  de  Laristan  en  Perse.  Elle  a 
20,000  hab.  qui  exercent  différentes  industries,  et  est  très 
riche  en  plantations  de  dattiers.  Elle  est  assez  moderne  ; 
le  nom  pourtant  se  retrouve  déjà  dans  les  textes  de  Darius, 
comme  attaché  à  la  montagne  tout  près  de  laquelle  elle  est 
située,  et  nommée  le  mont  Paraga. 

FO  R6AC  H .  Nom  d'une  grande  famille  hongroise,  dont  les 
membres  se  sont  signalés  dans  l'Eglise  catholique,  dans  l'ar- 
mée ou  dans  les  hautes  fonctions  civiles.  Les  plus  connus  sont  : 
Biaise  Forgâch,qui  en  4  386  délivra  la  reine  Marie  de  Charles 
de  Durazzo  :  dès  lors,  chaque  fois  qu'un  Forgâch  avait  une 
audience  du  roi  de  Hongrie,  une  épée  nue  devait  se  trouver 
sur  la  table.  — -  François  Forgâch  (4506-4560),  évêque  de 
Nagyvarad  et  annaliste.  —  Adam  Forgâch  (4604-4681) 
qui  gagna  son  titre  de  comte  dans  les  guerres  contre  les 
Turcs.  —  Le  comte  Ignace  Forgâch  (4702-4772),  un  des 
bons  généraux  de  Marie-Thérèse.  —  Le  comte  Antoine 
Forgâch  (4849-4885),  savant  juriste,  administrateur  et 
financier,  qui  se  montra  dévoué  à  la  maison  d'Autriche 
dans  les  années  les  plus  difficiles.  E.  S, 


FORGE 


—  804 


FORGE.  I.  Industrie.  —  On  appelle  forge  l'établisse- 
ment où  se  fabrique  le  fer.  C'est  dans  cette  acception  que 
Ton  dit  :  forge  à  la  catalane,  forge  comtoise  ou  à  l' alle- 
mande, forge  à  l'anglaise.  On  donne  aussi  le  nom  de  forge 
à  l'opération  par  laquelle  on  communique  au  fer  la  forme 
que  réclament  les  besoins  de  l'industrie,  et  à  l'atelier  où 
cette  opération  s'exécute  (V.  Forgeàge).  Ici  nous  ne  nous 
occuperons  que  de  la  première  acception  du  mot;  nous 
caractériserons  chacun  des  genres  de  forge  en  nous  éten- 
dant un  peu  sur  les  forges  à  la  catalane  qui  ont  été  les 
premiers  progrès  réalisés  sur  les  méthodes  simples  qu'em- 
ployaient les  peuples  de  l'antiquité  dès  l'âge  du  fer  et  que 
nous  retrouvons  encore  chez  les  peuplades  sauvages.  Le 
minerai  de  fer  est  converti,  dans  une  seule  opération,  en  une 
matière  soudable  et  malléable,  par  Faction  du  charbon  de 
bois.  La  forge  ou  foyer  catalan  doit  son  nom  d'une  part  à 
sa  forme,  d'autre  part  à  la  Catalogne,  où  pendant  des 
siècles  elle  fut  exclusivement  employée.  Le  procédé  catalan 
a  été,  jusqu'au  milieu  du  siècle,  en  grande  faveur  dans  le 
midi  de  la  France,  surtout  dans  le  dép.  de  l'Ariège,  séparé 
de  la  Catalogne  par  les  Pyrénées.  Une  forge  catalane  se 
compose  essentiellement  d'un  foyer  ouvert,  d'une  soufflerie 
et  d'un  lourd  marteau  ;  si  l'on  emploie,  pour  donner  le 
vent,  l'appareil  appelé  trompe^  la  forge  doit  s'établir  dans 
une  localité  pourvue  d'une  chute  d'eau  d'au  moins  3m50. 
L'hématite  brune,  pas  trop  compacte,  et  les  minerais  spa- 
thiques,  sont  les  minerais  ordinairement  traités  ;  le  com- 
bustible est  toujours  le  charbon  de  bois.  Des  documents 
historiques  prouvent  que  le  procédé  direct  d'extraction  du 
fer  était  pratiqué  dès  \  293  dans  les  Pyrénées  françaises, 
mais  il  est  probable  qu'il  existait  même  avant  cette  époque. 
A  l'origine,  il  paraît  avoir  été  établi  sur  une  très  petite 
échelle,  dans  le  genre  des  installations  actuelles  des  Hin- 
dous. Le  creuset  déjà  en  usage  au  xvne  siècle  dans  les  pro- 
vinces espagnoles  de  la  Navarre  et  du  Guipuzcoa,  ainsi 
que  sur  la  frontière  française  au  bord  de  la  Bidassoa,  con- 
sistait en  une  petite  cavité  ovale,  plus  large  en  haut  qu'en 
bas,  de  manière  à  présenter  la  forme  d'un  tronc  de  cône 
aplati  et  renversé.  Il  n'y  avait  qu'une  tuyère  débordant  à 
l'intérieur  et  à  l'extérieur,  au-dessus  et  au  milieu  de  l'une 
des  longues  faces  de  l'ovale.  Le  creuset  était  en  maçon- 
nerie revêtue  de  bandes  de  fer  et  fixée  dans  une  cuve  en 
cuivre  qui  le  garantissait  de  l'humidité. 

De  nos  jours  le  creuset,  feu  ou  foyer,  consiste  simplement 
en  une  cavité  formée  par  quatre  faces.  Il  est  renfermé 
dans  une  halle,  sur  un  des  murs  de  laquelle  il  s'appuie 
toujours  et  dont  il  est  seulement  séparé  par  un  petit  mur. 
Les  dimensions  ont  varié  dans  les  différentes  forges,  sou- 
vent dans  les  mêmes,  à  diverses  époques.  C'est  dans  le 
creuset  que  se  fait  la  réduction  du  minerai  ;  au  fond  est  un 
mélange  d'argile  et  de  poussière  de  charbon  de  bois  destiné 
à  protéger  le  sol  contre  la  corrosion  des  scories  produites. 
Chaque  paroi  porte  un  nom  particulier,  la  tympe,  les 
costières,  la  rustine  ;  une  tuyère  servait  à  introduire  le  vent. 
Voici  comment  le  travail  se  faisait  dans  les  dernières  années  : 
le  minerai  était,  entassé  sur  le  devant  du  creuset,  les  plus 
gros  morceaux  au  fond  et  les  plus  fins  à  la  surface.  Le 
creuset  étant  rempli  de  charbon  de  bois,  était  chauffé  par 
le  vent  de  la  tuyère.  Les  gaz  produits  par  cette  combustion 
agissaient  sur  le  minerai  et  en  préparaient  la  réduction. 
En  marche  courante,  le  charbon  de  bois  occupait  le  côté 
de  la  tuyère  et  le  minerai  restait  sur  le  devant.  Au  fur  et 
à  mesure  que  la  réduction  se  faisait,  les  morceaux  de  mi- 
nerai entraient  en  fusion,  le  fer  se  carburait,  passant  à 
Tétat  de  fonte  et  celle-ci  s'affinait  sous  l'action  oxydante 
de  la  tuyère  pour  passer  à  l'état  de  fer  aciéreux.  Le  fer 
spongieux  se  rassemblait  en  une  sorte  de  boule  ou  loupe 
qui  flottait  sur  un  bain  de  scories.  Lorsque  l'opération 
avait  produit  une  boule  de  métal  suffisamment  volumineuse 
et  convenablement  affinée,  les  ouvriers  la  soulevaient  au 
moyen  de  ringards  ou  leviers  en  fer,  et,  la  saisissant  avec 
une  grosse  tenaille,  la  portaient  sous  un  marteau  puissant 
mû  mécaniquement  et  qui  séparait  les  scories.  Dans  la 


même  opération,  cette  loupe  était  façonnée  en  une  barre 
plate  ou  carrée.  Comme  procédé  métallurgique,  la  méthode 
catalane  n'était  pas  bien  parfaite,  car  elle  nécessitait  en- 
core, dans  ces  dernières  années,  plus  de  trois  tonnes  de 
minerai  à  60  °/0  de  fer  et  tout  autant  de  charbon  de  bois. 
On  chargeait  donc  environ  1,800  kilogr.  de  fer  pour  n'en 
retirer  que  1,000  kilogr.  Ce  qui  constituait  le  véritable 
progrès,  c'était  la  diminution  de  la  main-d'œuvre  par 
l'emploi  de  moyens  mécaniques  pour  le  soufflage  et  le 
martelage.  Le  soufflage  se  faisait  par  la  trompe,  'appareil 
d'origine  italienne  (V.  Trompe  catalane),  et  le  martelage 
par  des  marteaux  hydrauliques  (V.  Marteau). 

Dans  les  contrées  montagneuses,  abondantes  en  minerais 
riches  et  en  bois  propre  à  faire  du  charbon,  le  procédé 
catalan  a  pu  prospérer  jusqu'en  ces  dernières  années.  Les 
feux  des  Pyrénées  espagnoles,  les  feux  de  la  Finlande,  de 
la  Suède,  les  feux  liguriens  des  Alpes  liguriennes,  les  feux 
corses,  les  feux  russes  diffèrent  peu  des  feux  catalans  ;  la 
méthode  consiste  toujours  dans  l'extraction  directe  du  fer 
des  minerais  sans  passer  par  la  fonte,  en  se  servant  du 
foyer  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Dans  cette  méthode, 
la  température  produite  étant  relativement  faible  et  la 
déperdition  de  la  chaleur  étant  très  grande  à  cause  de  la 
nature  du  fourneau,  on  ne  peut  employer  que  des  minerais 
contenant  au  moins  40  °/o  de  fer  ;  mais  le  peu  de  frais  d'éta- 
blissement que  nécessite  son  emploi  a  fait  qu'elle  s'est  conser- 
vée jusqu'à  nos  jours.  Pourtant,  nous  l'ajoutons,  elle  aura 
complètement  disparu  d'ici  peu  d'années  devant  les  procédés 
industriels  nouveaux  de  fabrication  du  fer  et  de  l'acier. 

La  forge  comtoise  obtient  la  réduction  complète  des  mi- 
nerais par  le  traitement  au  haut  fourneau,  tandis  que,  dans 
la  forge  cajtalane,  la  gangue  entraîne  à  l'état  de  silicate  une 
grande  partie  de  l'oxyde  de  fer.  On  peut  donc  obtenir  du 
fer  avec  tous  les  minerais,  riches  ou  pauvres,  par  la  mé- 
thode comtoise.  La  fonte,  en  sortant  du  haut  fourneau,  est 
coulée  en  longs  parallélépipèdes  ou  gueuses  que  l'on  décar- 
bure ensuite  dans  un  bas  foyer  ou  feu  d'affinerie.  Cet 
affinage  ou  décarburation  se  fait,  comme  dans  la  méthode 
catalane,  en  présence  du  charbon  de  bois  et  par  l'action 
oxydante  d'une  soufflerie  également  hydraulique,  mais 
moins  primitive  que  la  trompe. 

La  forge  à  l'anglaise  permet  de  traiter  tous  les  mine- 
rais par  le  combustible  minéral,  généralement  moins  cher 
et  plus  abondant  que  le  combustible  végétal.  La  forge  à 
l'anglaise  comporte  le  haut  fourneau,  la  finerie  et  le  pud- 
dlage.  Dans  le  haut  fourneau,  le  minerai  est  transformé 
en  fonte  par  le  coke  produit  par  la  carbonisation  de  la 
houille  (V.  Haut  Fourneau).  Dans  la  finerie  ou  mazerie, 
la  fonte  subit  un  commencement  d'affinage  au  contact  du 
coke  et  est  transformée  en  fme-métaf  ou  fonte  mazée 
(V.  Fine-métal),  qui  se  distingue  surtout  de  la  fonte  or- 
dinaire en  ce  que  la  majeure  partie  du  silicium  de  celle-ci 
a  disparu,  ce  qui  facilite  l'opération  finale  du  puddlage.  La 
décarburation  du  fine-métal  se  fait  sur  la  soie  d'un  four  à 
réverbère,  chaufié  par  la  combustion  de  la  houille,  mais 
sans  contact  avec  celle-ci  (V.  Puddlage).  Le  fer  obtenu 
sous  forme  de  loupes  ou  d'épongés  imprégnées  de  scories 
est  séparé  de  celles-ci  par  le  cinglage  (V.  ce  mot,  t.  XI, 
p.  405).  Le  produit  obtenu  a  la  forme  de  prismes  irrégu- 
liers appelés  blooms,  que  l'on  transforme  en  barres  plates 
ou  en  billettes  carrées  par  l'ébauchage  et  le  finissage  entre 
.  des  cylindres  de  laminoirs  cannelés.  Le  côté  défectueux 
des  foyers  à  l'anglaise  est  le  puddlage,  opération  pénible 
pour  l'ouvrier.  L'introduction  du  puddlage  mécanique  n'a 
guère  donné  de  résultats  satisfaisants  ;  il  faut  donc  se  féli- 
citer de  l'importance  de  plus  en  plus  grande  que  prend  la 
fabrication  de  l'acier  doux  et  de  l'extension  des  applications 
de  ce  nouveau  métal  partout  où  on  employait  le  fer. 

L.  Knab. 

IL  Artillerie.  —  Voiture  à  quatre  roues  servant  pour 

le  ferrage  des  chevaux  en  route  et  en  campagne  et  pour 

les  menues  réparations  du  matériel.  Les  forges  en  service 

dans  l'artillerie  sont  de  quatre  modèles  différents,  savoir  : 


—  805  — 


FORGE  —  FORGEAGE 


pour  les  batteries  montées,  la  forge  de  90  et  la  forge 
modèle  4827  transformée;  pour  les  batteries  à  cheval,  la 
forge  de  80  et  la  forge  modèle  1858  transformée.  Toutes 
sont  formées  de  deux  trains  réunis  à  suspension.  La  forge 
de  80  (V.  fig.  ci-dessous)  a  un  avant-train  semblable  à 
celui  de  la  pièce  ;  le  coffre  qui  le  surmonte  s'ouvre  par  le 
haut  et  renferme,  indépendamment  des  outils  de  forgeur  qui 
constituent  son  chargement  régulier,  les  approvisionnements 
en  clous  à  cheval,  fers  forgés  et  fers  en  barre,  ainsi  que  des 
outils  spéciaux  pour  le  ferrage  des  chevaux.  L'arrière-train 
est  suspendu  et  se  compose  essentiellement  d'une  plate- 


forme constituée  par  deux  brancards  entretoisés  et  suppor- 
tant une  flèche.  La  plate-forme  porte  en  avant  l'âtre  sur 
lequel  la  bigorne  et  son  bloc  sont  couchés  pendant  les 
marches  ;  derrière  l'âtre  est  un  contre-cœur,  plaque  mé- 
tallique formant  écran ,  puis  un  soufflet  à  enveloppe  métal- 
lique et  à  double  effet  ;  enfin,  plus  en  arrière,  se  trouvent 
deux  coffres  renfermant:  le  premier  du  charbon,  le  second 
des  outils  de  serrurier.  En  enlevant  ce  coffre  d'outils,  on 
découvre  une  tablette  qui  peut  servir  d'établi  aux  ouvriers. 
Une  servante  portée  par  la  flèche  de  l'arrière-train  permet 
de  maintenir  la  forge  horizontale  lors  même  qu'elle  est 


Forge  de  80  de  campagne.  A,  armon  ;  B,  brancard  ;  C,  coffre  d'avant-train;  C,  caisse  à  charbon  ;  C",  coffre  d'outils  de 
serrurier  ;  D,  côté  d'âtre  ;  F,  flèche  ;  G,  bloc  de  bigorne  ;  H,  contre-cœur  -,  I,  soufflet  à  enveloppe  métallique  ;  K,  sabot 
d'enrayage  ;  R,  ressort  de  la  suspension  ;  S,  servante  d'avant-train  ;  S',  servante  d'arrière-train  ;  T,  timon. 


séparée  de  son  avant-train  ;  un  sabot  sert  pour  l'enrayage 
de  la  voiture.  La  l'orge  modèle  4827  transformée  ressemble 
à  la  précédente,  mais  ses  parties  essentielles  sont  en  bois  au 
lieu  d'être  en  tôle  d'acier.  L'une  et  l'autre  ont  une  voie  de 
4m52,  pèsent  vides  1 ,270  kilogr.  et  chargées  1 ,830  kilogr. , 
et  s'attellent  à  six  chevaux.  La  forge  de  80  ne  diffère  de 
celle  de  90  que  par  ses  dimensions  ;  elle  a  une  voie  de  4m43, 
pèse  vide  990  kilogr.  et  chargée  4,480  kilogr.,  et  s'attelle 
à  quatre  chevaux.  La  forge  modèle  4858  transformée  a  la 
même  organisation,  mais,  comme  celle  modèle  4827,  elle 
est  construite  en  bois.  Il  existe  une  forge  par  batterie  mon- 
tée ou  à  cheval,  par  section  de  munitions  et  par  section  de 
parc  ;  la  section  de  parc  n°  4  a  en  plus  sept  forges  spécia- 
lement destinées  aux  réparations  ;  enfin  l'équipage  de  pont 
de  corps  d'armée  est  doté  de  trois  forges.  Dans  les  batte- 
ries de  montagne,  la  forge  n'est  pas  montée  sur  roues  ; 
elle  est  transportée  à  dos  de  mulet.  La  forge  de  montagne 
modèle  4884  actuellement  réglementaire  est  renfermée  dans 
deux  caisses  de  transport  contenant  :  l'une  un  soufflet  à 
enveloppe  métallique  et  un  âtre  ;  l'autre  une  bigorne  et 
son  bloc,  un  seau  et  les  outils  de  maréchal  ferrant.  Sur  le 
bât  portant  les  caisses  est  brêlée  une  sacoche  à  charbon 
chargée. 

Service  des  forges.  —  L'Etat  ne  possède  pas  de  forges 
et  a  recours  à  l'industrie  privée  pour  la  fabrication  des  fers, 
foutes,  acier,  projectiles,  etc.,  nécessaires  pour  approvi- 
sionner ses  ateliers  de  construction  et  de  réparations.  Les 
forges  dans  lesquelles  ces  matières  sont  produites,  dissé- 
minées sur  toute  l'étendue  du  territoire,  ont  été  réparties, 
pour  la  commodité  du  service,  en  cinq  arrondissements  ou 
sous-inspections,  dépendant  du  service  de  l'artillerie,  savoir  : 
les  sous-inspections  du  Nord,  ch.-l.  Mézières  ;  de  l'Ouest, 
ch.-l.  Rennes;  du  Centre,  ch.-l.  Nevers;  de  l'Est,  ch.-l. 
Besançon  ;  du  Midi,  ch.-l.  Toulon.  Un  colonel  d'artillerie, 
sous  le  titre  d'inspecteur  des  forges,  centralise  le  service  des 
cinq  arrondissements.  Il  reçoit  du  ministre  les  commandes 
et  les  répartit  entre  les  arrondissements.  Il  réside  à  Paris. 
A  la  tête  de  chaque  arrondissement  se  trouve  un  officier 
supérieur  (lieutenant-colonel  ou  chef  d'escadron)  ayant  le 


titre  de  sous-inspecteur.  Il  est  assisté  d'un  sous-inspec- 
teur adjoint  et  a  sous  ses  ordres  le  nombre  d'officiers  et 
d'employés  nécessaire.  Les  capitaines  en  second  d'artillerie, 
détachés  de  leurs  régiments  au  service  des  forges,  sont 
d'abord  envoyés  à  la  sous-inspection  du  Centre  où  ils  sont 
initiés  à  ce  service  particulier.  Le  sous-inspecteur  passe 
les  marchés  de  gré  à  gré  afin  de  n'avoir  affaire  qu'à  des 
industriels  éprouvés.  Les  marchés  sont  soumis  à  l'approba- 
tion ministérielle.  Dans  chaque  usine  se  trouve  un  ouvrier 
d'état  ou  un  garde  d'artillerie  secondé  par  des  militaires 
ou  des  civils  ;  cet  employé  est  chargé  de  la  réception  des 
objets  fournis  par  l'usine  et  de  leur  expédition.  Les  sommes 
dues  aux  maîtres  de  forges  sont  ordonnancées  par  le  mi- 
nistre. Les  officiers  appartenant  au  service  des  forges  sont 
aussi  chargés  de  surveiller  la  fabrication  du  matériel 
(bouches  à  feu,  affûts,  etc.)  qui  peut  être  demandé  à  des 
établissements  de  l'industrie  privée. 

FORGE  (La).  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant. 
de  Remiremont  ;  358  hab . 

FORGE  (Louis  de  La)  (V.  Delaforge). 

FORGEAGE  (Métall.).  Le  forgeage,  fondé  sur  la  mal- 
léabilité du  fer  chauffé  au-dessus  de  la  chaleur  rouge,  se 
fait  presque  exclusivement  au  marteau,  c.-à-d.  par^choc 
d'un  bloc  métallique  sur  l'objet  placé  sur  une  enclume. 
Quand  il  s'agit  de  pièces  de  petite  dimension,  le  forgeage 
se  fait  à  la  main  au  moyen  de  marteaux  mus  à  bras 
d'homme.  C'est  ainsi  que  se  fait  la  petite  et  la  grosse 
serrurerie,  en  ce  qui  concerne  la  forme  à  donner  aux 
pièces  avant  le  finissage  et  l'ajustage.  Le  feu  de  forge  qui 
sert  à  ce  travail  est  un  foyer  soufflé.  La  petite  forge  se 
compose  d'une  aire  en  brique  surmontée  d'une  hotte  en 
tôle  pour  l'évacuation  des  produits  de  la  combustion.  A 
l'extrémité  de  cette  aire,  du  côté  où  s'élève  la  hotte,  on 
trouve  une  buse  ou  tuyère  par  laquelle  pénètre  le  vent. 
Ce  vent  est  donné,  soit  par  un  soufflet  à  contrepoids, 
comme  dans  les  forges  des  maréchaux,  soit  au  moyen  d'un 
ventilateur,  quand  plusieurs  feux  sont  réunis  dans  le  même 
atelier.  Devant  la  tuyère,  on  maintient  un  conduit,  en 
tassant  de  la  houille  menue  et  mouillée  sur  un  mandrin 


FORGEAGE  —  FORGER 


-  806  - 


que  Ton  retire  ensuite.  On  empêche  ainsi  la  concentration 
du  foyer  trop  près  de  la  tuyère,  le  conduit  ainsi  formé  se 
carbonisant  quand  on  allume  du  feu  à  son  extrémité  et 
permettant  à  un  moment  donné  d'avoir  un  plus  grand 
volume  de  foyer.  Le  conduit  est  recouvert  de  charbon 
mouillé,  et  c'est  à  son  extrémité  que  se  place  l'objet  à  chauf- 
fer que  l'on  recouvre  de  combustible  humide.  Le  charbon 
étant  en  contact  direct  avec  la  pièce  de  fer  que  l'on 
chauffe,  il  faut  éviter  qu'il  renferme  du  soufre,  autrement 
celui-ci  pourrait  influencer  la  qualité  du  fer.  Lorsqu'on  a 
de  grosses  pièces  à  manier,  on  emploie  un  feu  de  forge 
ayant  une  forme  circulaire,  plus  commode  pour  l'accès  cje 
tous  les  côtés  et  qui  généralement  n'a  pas  de  hotte.  11 
faut  alors  un  atelier  plus  aéré,  avec  une  lanterne  ouverte 
à  la  partie  supérieure  du  toit  pour  faciliter  l'écoulement 
des  produits  de  la  combustion,  qui  autrement  incommode- 
raient les  ouvriers.  A  côté  de  chaque  feu  de  forge  se 
trouve  une  ou  plusieurs  grues  servant  à  faciliter  le  ma- 
niement des  pièces.  Pour  le  chauffage  des  petits  objets, 
comme  les  rivets,  les  chevillettes  et  qui  a  lieu  générale- 
ment en  plein  air,  on  se  sert  de  forges  portatives;  ce 
sont  des  caisses  cylindriques  ou  prim astiques  en  tôle. 
Dans  la  partie  intérieure  est  le  soufflet,  mû  par  un  levier 
à  mouvement  alternatif  ou  par  un  petit  volant  que  l'on 
manœuvre  d'une  main.  Dans  la  partie  supérieure  est  la 
plate-forme  de  chauffe  et  la  buse  qui  amène  le  vent. 

La  grosse  forge,  qui  agit  sur  des  blocs  quelquefois  con- 
sidérables, a  un  matériel  tout  différent.  Le  chauffage  se 
fait  dans  des  fours  à  réverbère,  souvent  de  dimensions 
très  grandes.  Les  blocs  sont  transportés  par  des  grues 
puissantes  sous  un  marteau-pilon,  disposé  de  manière  à 
laisser  libre  l'accès  tout  autour  de  la  pièce.  L'introduction 
dans  la  grosse  forge  du  marteau  à  vapeur  ou  marteau- 
pilon  (V.  ce  mot)  a  été  un  grand  progrès.  Il  a  seul 
permis  d'aborder  le  forgeage  de  pièces  que  les  bras  hu- 
mains, quelque  multipliés  qu'ils  fussent,  n'auraieut  pu 
réussir.  Les  progrès  croissants  de  l'emploi  de  l'acier  sont 
destinés  à  jeter  une  grande  perturbation  dans  le  forgeage. 
Autrefois,  les  plus  grosses  pièces  en  fer  se  faisaient  par  le 
soudage  successif  de  mises  de  fer  puddlé  ;  on  pouvait  donc, 
avec  une  puissance  de  choc  très  limitée,  obtenir  des  pièces 
d'un  poids  considérable,  puisqu'on  accroissait  petit  à  petit 
le  volume  et  le  poids  des  pièces.  L'acier  se  trouvant  en 
blocs  ou  lingots  d'un  seul  morceau,  il  faut  nécessairement 
des  marteaux  beaucoup  plus  puissants  pour  étirer  et  façon- 
ner de  semblables  masses.  Aussi  le  forgeage  au  pilon  s'ob- 
tient actuellement  avec  des  poids  de  marteaux  de  plus  en 
plus  lourds.  Dans  quelques  usines  on  emploie  un  mode  de 
forgeage  qui  n'est  compatible  qu'avec  l'emploi  de  l'acier  : 
c'est  le  forgeage  à  la  presse  hydraulique  qui  se  fait  sans 
choc  et  par  compression  lente  (V.  Presse  hydraulique). 
On  l'applique  surtout  au  matriçage  des  pièces  d'un  profil 
compliqué  ;  il  faut  alors  que  les  étampes,  entre  lesquelles 
se  trouve  comprimé  le  métal,  reproduisent  avec  une  dé- 
pouille convenable  la  forme  désirée.  Ce  mode  de  forgeage 
peu  répandu  d'abord  prend  depuis  4890  une  extension  con- 
sidérable. L.  Knab. 

FORGEMOL  de  Bostquénard  (Léonard-Léopold),  géné- 
ral français,  né  à  Azeralbes  (Creuse)  le  17  sept.  4821. 
Après  avoir  fait  ses  études  au  Prytanée  militaire  de  La 
Flèche,  il  entra  à  l'Ecole  de  Saint-Cyr  en  1839  et  en  sortit 
en  4844  dans  le  service  d'état-major.  Lieutenant  le  9  janv. 
4844,  capitaine  le  44  mars  4847,  il  ne  tarda  pas  à  être 
envoyé  en  Algérie  où  il  fit  dès  lors  presque  toute  sa  car- 
rière. Il  y  prit  part  à  de  nombreuses  expéditions,  notam- 
ment aux  deux  campagnes  dirigées  contre  la  Kabylie  en 
4854  et  4857.  Nommé  ensuite  commandant  supérieur  du 
cercle  de  La  Galle,  puis  du  cercle  de  Biskra,  il  se  fit  remar- 
quer dans  ces  deux  postes  par  sa  connaissance  des  affaires 
arabes,  ce  qui  lui  valut  d'être  appelé  à  Alger  en  4866 
comme  sous-directeur  du  bureau  politique  du  gouverneur 
général.  Dans  l'intervalle,  il  avait  été  promu  chef  d'esca- 
drons (44  août  4860)  et  lieutenant-colonel  (47  juil.  4865). 


Le  46  août  4870,  au  début  de  la  guerre  avec  l'Allemagne, 
il  recevait  le  grade  de  colonel.  Rappelé  en  France  après 
nos  premiers  revers,  il  fit  la  campagne  de  l'armée  de  la 
Loire  comme  chef  d'état-major  du  47e  corps,  et  fut  nommé 
général  de  brigade  le  30  janv.  4874.  Après  la  paix,  il 
commanda  un  moment  la  subdivision  de  l'Aisne,  devint 
chef  d'état-major  de  l'armée  de  Versailles  (4872-4874), 
passa  avec  la  même  qualité  au  7e  corps  (4874-78),  puis 
fut  mis  à  la  tête  du  dép.  de  Seine-et-Oise  (4878-79).  Le 
4  mars  4879,  il  était  nommé  général  de  division  et  envoyé 
de  nouveau  en  Algérie,  à  Constantine.  Il  venait  de  répri- 
mer une  tentative  d'insurrection  dans  le  sud  de  la  province, 
lorsque  surgirent  les  événements  qui  amenèrent  l'occupa- 
tion de  la  Tunisie  par  nos  troupes.  A  la  tête  de  23,000 
hommes  qu'il  avait  reçu  l'ordre  de  concentrer  vers  Bône, 
le  général  Forgemol  franchit  la  frontière  tunisienne,  tra- 
versa les  montagnes  de  la  Kroumirie  et  occupa  toute  la  plaine 
de  la  Medjerdah  (avril-mai  4884).  Le  nord  de  la  Régence 
était  conquis.  Mais  quelques  mois  plus  tard  une  grande 
insurrection  éclatait  dans  le  Sud.  On  dirigea  aussitôt 
trois  colonnes  sur  Kairouan,  la  ville  sainte  de  la  Tunisie, 
centre  de.  la  rébellion.  Parties  de  trois  points  opposés, 
Sousse,  le  Kef  et  Tébessa,  les  colonnes,  dont  l'une  était 
conduite  par  Forgemol,  se  réunirent  devant  Kairouan  du 
26  au  29  sept.,  à  la  suite  d'un  ensemble  de  marches  qui 
sont  citées  comme  un  modèle.  La  ville  ouvrit  ses  portes  et  la 
région  fut  promptement  pacifiée.  Depuis  lors  l'ordre  n'a 
cessé  d'y  régner.  Le  général  Forgemol  eut  le  commandement 
du  corps  expéditionnaire  jusqu'en  oct.  4883,  époque  où 
il  fut  appelé  à  commander  le  4de  corps  d'armée.  Un  dé- 
cret d'avr.  4886  l'ayant  maintenu  sans  limite  d'âge  dans 
le  cadre  d'activité,  il  garda  ce  poste  jusqu'en  févr.  4890. 
A  ce  moment  il  quitta  le  service  actif. 

FORGEOT  (Nicolas-Julien),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  en  juil.  4758,  mort  à  Paris  le  4  avr.  4798. 
Reçu  avocat,  Forgeot  abandonna  le  barreau  pour  entrer 
dans  l'administration  des  postes  où  il  parvint  au  grade  d'ins- 
pecteur. Encore  qu'il  soit  mort  jeune,  Forgeot  fut  un  des 
plus  féconds  auteurs  dramatiques  de  son  temps.  Ses  meil- 
leures pièces  sont  :  les  Deux  Oncles  (4780);  Lucette  et 
Lucas  (4784);  l'Amour  conjugal  (4784);  les  Rivaux 
amis  (4782)  ;  les  Epreuves  (4785)  ;  les  Pommiers  et  le 
Moulin  (4791)  ;  le  Double  Divorce  (1795)  ;  le  Mensonge 
officieux  (1796).  Toutes  ces  pièces  sont  en  un  acte  et  en 
vers.  Mais  on  a  encore  de  Forgeot  les  Dettes  (deux  actes, 
4787);  le  Rival  confident  (deux  actes,  1788);  la  Res- 
semblance (trois  actes,  1796).  Forgeot  n'a  écrit  que  des 
comédies  et  des  opéras-comiques.  Ch.  Le  G. 

FORGEOT  (Jules-Etienne-Marie),  général  français,  né 
à  Nantes,  mort  à  Arcachon  en  mai  1877.  Admis  à  l'Ecole 
polytechnique  en  1826,  sous-lieutenant  d'artillerie  en  1828, 
lieutenant  en  1830,  capitaine  en  1837,  il  servit  en  Algérie 
pendant  la  plus  grande  partie  de  sa  jeunesse  et  s'y  distingua. 
Au  moment  de  la  guerre  de  Crimée  il  était  colonel  ;  il  prit 
en  cette  qualité  une  part  brillante  aux  opérations  de  l'ar- 
mée d'Orient  et  obtint  le  grade  de  général  de  brigade  à  son 
retour  en  France  (1856).  Après  avoir  commandé  l'artille- 
rie du  i er  corps  pendant  la  campagne  d'Italie,  puis  celle 
de  la  garde  impériale,  il  fut  promu  général  de  division 
(1861)  et  appelé  à  faire  partie  du  comité  de  l'arme  avec 
les  fonctions  d'inspecteur  général.  Il  occupait  encore  cet 
emploi  lorsque  éclata  la  guerre  de  1870  ;  il  reçut  alors  le 
commandement  de  l'artillerie  du  1er  corps,  assista  aux  ba- 
tailles de  Reischoffen  et  de  Sedan  et  suivit  l'armée  prison- 
sonnière  en  Allemagne,  Rentré  en  France  après  la  paix,  il 
devint  d'abord  président  du  comité  d'artillerie  (1871),  puis 
commandant  en  chef  du  10e  corps  (1873).  En  1875  sa 
santé  l'obligea  à  quitter  le  service  actif.  Il  mourut  deux 
ans  après. 

FORGER  (Art  vét.).  Ce  mot  désigne  une  particularité 
de  l'allure  de  certains  chevaux  chez  lesquels,  pendant 
l'allure  du  trot,  les  pieds  de  derrière  viennent  frapper  les 
pieds  de  devant.  Ce  défaut  se  remarque  chez  les  chevaux 


—  807  — 


FORGER  —  FORGET 


jeunes,  ou  trop  courts,  ou  trop  longs.  Chez  ces  derniers, 
la  trop  grande  flexibilité  de  la  colonne  vertébrale  s'oppose 
aux  mouvements  harmoniques  des  membres,  parce  que 
cette  colonne,  qui  se  plie  au  lieu  de  résister  quand  la  pro- 
pulsion de  l'arrière  à  l'avant  est  communiquée  par  la 
détente  des  ressorts  postérieurs,  tend  par  sa  flexion  exagé- 
rée à  rapprocher  l'un  de  l'autre  l'arrière  et  l'avant-main. 
Quant  aux  chevaux  trop  courts,  s'ils  forgent,  c'est  Jqu'il 
n'existe  pas  chez  eux  une  distance  suffisante  entre  les 
membres  du  devant  et  ceux  du  derrière,  et  que  ceux-ci, 
arrivés  à  l'extrémité  de  leurs  parcours,  rencontrent  les 
membres  de  devant  qui  n'ont  pas  quitté  leur  place  assez  à 
temps  pour  leur  laisser  le  champ  libre.  —  Empêcher  la  ren- 
contre des  pieds,  ou  en  atténuer  les  effets,  telle  est  l'indica- 
tion à  remplir  pour  combattre  le  vice  de  forger,  et  on  y 
parvient  en  diminuant  autant  que  possible  le  volume  des 
parties  percutantes  et  percutées  dans  les  points  mêmes  où 
elles  sont  susceptibles  de  se  toucher,  et,  pour  diminuer  ce 
volume,  c'est  à  une  ferrure  raisonnée  et  méthodique  qu'il 
faudra  recourir.  On  diminuera  la  longueur  de  la  pince  des 
pieds  de  derrière  et,  sous  ces  pieds,  on  appliquera  le  fer 
dit  à  pince  tronquée,  fer  à  deux  pinçons  latéraux  qu'on 
placera  en  arrière  de  la  pince  du  pied  proprement  dit.  En 
avant,  on  appliquera  des  fers  à  courtes  éponges,  de  manière 
à  éviter  et  le  choc  des  fers  l'un  contre  l'autre  et  le  bruit 
désagréable  à  l'oreille  qui  en  est  la  conséquence.  Une  bonne 
nourriture  qui  soutient  et  augmente  les  forces,  le  dévelop- 
pement de  l'animal  avec  l'âge,  sont  deux  conditions  encore 
auxquelles  résiste  rarement  le  vice  de  forger.  L.  Gàrnier. 

FORGERON  (Métier).  Ouvrier  qui  travaille  le  fer  à 
chaud.  C'est  un  des  métiers  qui  exigent  le  plus  de  force  et 
d'intelligence  de  la  part  de  l'ouvrier.  En  effet,  lorsqu'il 
s'agit  de  manier  sur  une  enclume,  à  l'extrémité  de  longues 
tenailles  ou  au  bout  d'un  ringard,  un  lopin  de  fer  ou 
d'acier,  il  faut  avoir  une  poigne  solide  ;  pour  donner  à  ce 
lopin  la  forme  déterminée  par  un  gabarit  ou  par  un  dessin 
coté,  il  faut  apprécier  à  l'œil  la  quantité  de  métal  néces- 
saire, prévoir  l'épaisseur  convenable  pour  que  la  pièce  ne 
garde  pas  de  traces  du  feu  si  elle  doit  être  polie,  lui  laisser 
un  excès  de  dimensions  à  chaud  pour  que,  à  froid,  elle 
possède  juste  les  cotes  du  dessin  ou  la  forme  du  gabarit, 
toutes  choses  qui  ne  s'acquièrent  que  par  une  pratique 
intelligente.  Dans  les  forges  où  le  marteau-pilon  n'a  pas 
encore  pénétré ,  les  frappeurs ,  masseurs  ou  daubeurs 
sont  les  aides  du  forgeron  qui  commande,  pendant  que  le 
marteau  à  devant  du  frappeur  tombe  en  cadence  sur  la 
pièce  à  étendre  ou  à  souder.  Dans  ce  dernier  cas,  les  coups 
sont  moins  rudes,  mais  plus  rapides,  les  masseurs  vont  en 
rabattant.  La  description  des  diverses  opérations  du  for- 
geron nous  conduirait  trop  loin,  contentons-nous  de  dire 
que  l'on  distingue  trois  espèces  de  soudures  :  celle  à  chaude 
portée,  celle  bout  à  bout  et  la  soudure  à  gueule  de  loup. 
Les  principaux  outils  du  forgeron  sont  :  les  tenailles,  dont 
la  forme  du  mors  caractérise  le  nom  ;  les  marteaux  et  les 
masses  ;  les  tranches  ;  les  chasses  ;  les  dégorgeoirs  ;  les 
poinçons  et  les  matrices.  L.  K. 

FORGES.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr.  de 
Thuin  ;  1,000  hab.  Sur  le  territoire  de  Forges  s'élève  la 
fameuse  abbaye  de  la  Trappe  de  Notre-Dame  de  Scour- 
mont.  On  y  a  découvert  des  sépultures  franques. 

FORGES.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
de  Rochefort,  cant.  d'Àigrefeuille  ;  906  hab. 

FORGÉS.  Corn,  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de  Tulle, 
cant.  d'Argentat;  906  hab. 

FORGES  (Les).  Corn,  du  dép.  de  la  Creuse,  arr.  de 
Boussac,  cant.  de  Jarnages  ;  158  hab. 

FORGES.  Corn,  du  dép.  d'Ille-et-Vilaine,  arr.  de  Vitré, 
cant.  de  Rhétiers  ;  523  hab. 

FORGES.  Corn,  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  de  Sau- 
mur,  cant.  de  Doué  ;  176  hab. 

FORGES.  Corn,  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Montmédy, 
cant.  de  Montfaucon  ;  544  hab. 


FORGES  (Les).  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de 
Ploërmel,  cant.  de  Josselin  ;  954  hab. 

FORGES.  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  et  cant.  (E.) 
d'Alençon  ;  206  hab. 

FORGES.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de  Fon- 
tainebleau, cant.  de  Montereau  ;  285  hab. 

FORGES  (Les).  Corn,  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de 
Parthenay,  cant.  de  Ménigoute  ;  336  hab. 

FORGES  (Les).  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant. 
d'Epinal;  1,596  hab. 

FORGES-les-Bains.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  de  Rambouillet,  cant.  de  Limours,  desservie  par  le 
chemin  de  fer  de  Paris  à  Limours  (4  kil.  de  Limours); 
1,050  hab.  Ce  lieu,  bien  qu'ancien  (l'église  actuelle  a  con- 
servé des  parties  du  xme  siècle) ,  n'a  de  réputation  que  par 
son  site  pittoresque  et  l'établissement  thermal  qui  s'y  est 
créé  à  notre  époque.  Les  sources  qu'on  y  exploite  sont 
riches  en  carbonates  et  s'utilisent  surtout  pour  combattre 
l'appauvrissement  du  sang,  la  chlorose,  la  scrofule.  La  ville 
de  Paris  y  a  fondé,  en  1859,  un  vaste  hôpital  où  elle  fait 
soigner  200  enfants  scrofuleux  des  deux  sexes. 

Bibl.  :  L'abbé  Lebeuf  ,  Histoire  du  diocèse  de  Paris, 
t.  III,  pp.  437-441  de  l'êdit.  de  1883,  et  plusieurs  monogra- 
phies sur  rétablissement  thermal. 

FORGES-les-Eaux.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Seine- 
Inférieure,  arr.  de  Neufchâtel,  dans  la  forêt  de  Bray,  sur 
l'Andelle,  1,867  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  l'Ouest,  ligne 
de  Paris  à  Dieppe  par  Pontoise.  Poteries  ;  fabriques  de 
produits  chimiques,  de  céruse,  de  pipes.  Cette  localité  doit 
certainement  son  nom  à  l'exploitation  des  nombreux  mi- 
nerais de  fer  qui  a  dû  y  être  faite  dès  l'antiquité.  Les  eaux 
minérales  découvertes  en  1573  durent  leur  célébrité  au 
séjour  qu'y  firent  Louis  XIII  et  Anne  d'Autriche  qui, 
n'ayant  point  d'enfants  après  dix-huit  ans  de  mariage, 
étaient  venus  demander  aux  eaux  de  Forges  un  remède 
contre  la  stérilité.  La  vogue  des  eaux  de  Forges  a  duré 
jusqu'au  milieu  de  notre  siècle  ;  elles  ont  été  depuis  lors 
un  peu  délaissées.  L'établissement  thermal,  entouré  d'un 
parc,  est  un  bâtiment  rectangulaire,  dont  le  pavillon  central 
renferme  une  salie  de  fêtes,  des  salons  de  jeu  et  de  lecture  ; 
les  deux  ailes  sont  occupées  par  des  cabinets  de  bains  et 
des  installations  hydrothérapiques. 

Eaux  minérales.  —  Les  eaux  athermales,  créosotées, 
ferrugineuses  faibles,  carboniques  faibles,  s'administrent 
en  boisson,  en  douches  et  en  bains  chauds  et  froids.  Elles 
sont  reconstituantes,  diurétiques  et  sédatives  et  conviennent 
dans  l'anémie  et  la  chlorose,  la  dyspepsie,  la  gravelle,  les 
névroses.  Elles  sont  contre-indiquées  chez  les  pléthoriques 
et  les  apoplectiques.  Dr  L.  Hn. 

FORGET  (Saint)  (V.  Ferréol). 

FORGET  (Pierre),  sieur  du  Fresne,  homme  d'Etat  fran- 
çais, né  vers  1 544,  mort  au  mois  d'avr.  164  0.  Il  était  d'une 
famille  de  Touraine.  Il  fut  ambassadeur  en  Espagne  en 
1589,  ministre  secrétaire  d'Etat  sous  Henri  III  et  Henri  IV, 
intendant  général  des  bâtiments  du  roi.  Il  accompagna 
Henri  IV  en  Savoie,  lorsque  le  prince  y  alla  traiter  l'échange 
du  marquisat  de  Saluées  et  prît  une  part  active  à  la  rédac- 
tion de  l'édit  de  Nantes.  Il  mourut  du  chagrin  que  lui  causa 
l'assassinat  de  son  maître  en  1610.  On  lui  a  attribué  :  la 
Fleur  de  lys,  qui  est  le  discours  d'un  Français,  où  Von 
réfute  la  déclaration  du  duc  de  Mayenne  (1593,  in-8)  ; 
mais  Arnauld  d'Andilly  assure  que  cet  ouvrage  est  de  son 
père.  Le  recueil  des  Lettres  de  Forget  était  conservé  à  la 
bibliothèque  de  Saint-Germain-d es-Prés.  C.  St-A. 

FORGET  (Pierre),  sieur  de  Beau  vais  et  de  La  Picar- 
dière,  diplomate  et  poète  français,  mort  en  1638.  Conseiller 
d'Etat  et  maître  d'hôtel  ordinaire  du  roi,  il  fut  plusieurs 
fois  envoyé  en  Allemagne  en  mission  diplomatique  et  sé- 
journa à  Constantinople  en  qualité  d'agent.  Il  avait  été 
nommé  en  1609  historiographe  de  l'ordre  de  Saint-Mi- 
chel. C'était  un  poète  assez  estimé  de  son  temps.  On  cite 
de  lui  :  Hymne  à  la  reine  régente,  mère  du  roi  (Paris, 
1613,  in-4),  réimprimée,  avec  d'autres  pièces  du  même 


FORGET  —  FORLI 


—  808  - 


auteur,  dans  les  Délices  de  la  poésie  française  (Paris, 
1620)  ;  les  Sentiments  universels  (Lyon,  4630,  in-8  ; 
Paris,  1630,  in-fol.  ;  1636,  in-4).  Ce  sont  des  quatrains 
politiques,  philosophiques  et  moraux.  C.  St-A. 

FORGET  (Charles-Polydore),  médecin  français,  né  à 
Saintes  le  17  juil.  1800,  mort  à  Strasbourg  le  19  mars 
1861.  Ancien  chirurgien  de  la  marine,  il  fut  agrégé  de  la 
faculté  de  Paris  (1832)  et  professeur  de  clinique  interne 
à  Strasbourg  (1836).  Professeur  hors  ligne,  clinicien  dis- 
tingué, penseur  profond,  Forget  a  laissé  un  grand  nombre 
d'ouvrages  se  référant  à  la  philosophie  médicale,  à  la  thé- 
rapeutique, à  la  pathologie,  et  reflétant  tous  cette  idée  maî- 
tresse, c'est  que,  sans  ordre  et  sans  principes,  il  n'y  a  pas 
de  vraie  science.  Citons  seulement  :  Médecine  navale,  etc. 
(Paris,  1832, 2  vol.  in-8);  Influence  de  la  médecine  sur 
le  développement  et  le  bien-être  de  l'humanité  (Paris, 
4836,  in-4)  ;  De  la  Réalité  delà  médecine  (Strasbourg, 
1839,  in-8)  ;  Statistique  médicale  de  Strasbourg  (Paris, 

1839,  in-4)  ;  Traité  de  V entérite  folliculeuse  (Paris, 

1840,  in-8  ;  ouvrage  capital)  ;  Prodrome  de  médecine 
positive  (Strasbourg,  1841,  in-8);  Clinique  médicale 
de  la  faculté  de  Strasbourg  (Paris,  1843,  in-8)  •;  Etudes 
cliniques  sur  les  maladies  du  cœur  (Paris,  1844,  in-8)  ; 
Du  Mouvement  médical  au  xixe  siècle  (Strasbourg,  1 847 , 
in-8)  ;  Précis,. .  des  maladies  du  cœur  (Strasbourg,  1 851 , 
in-8)  ;  Principes  de  thérapeutique  générale  et  spé- 
ciale (Paris,  4860,  in-8).  DrL.  Hn. 

FORGUES.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Muret,  cant.  de  Rieumes  ;  270  hab. 

FORGUES  (Paul-Emile  Daurand),  littérateur  français, 
né  à  Paris  le  20  avr.  1813,  mort  à  Cannes  en  nov.  1883. 
Il  se  fit  recevoir  avocat  à  Toulouse  et  vint  exercer  à  Paris 
où  il  fut  attaché  quelque  temps  au  cabinet  de  Me  Delangue  ; 
membre  de  la  conférence  des  avocats,  il  prononça  à  la 
séance  de  rentrée  de  1836  un  Eloge  de  Henrion  de  Pan- 
sey.  Il  écrivait  depuis  1830  dans  un  certain  nombre  de 
feuilles  politiques,  entre  autres  la  Charte  de  1830.  Mais 
il  n'abandonna  définitivement  le  barreau  pour  la  littérature 
qu'en  1837.  Il  entra  alors  smJownaldu  Commerce,  où 
il  signa  du  pseudonyme  iïOld  Nick  des  chroniques  litté- 
raires qui  le  firent  remarquer.  Rédacteur  à  la  Revue  de 
Paris,  à  la  Revue  des  Deux  Mondes,  au  National  et  au 
Charivari,  il  dut  quitter  ce  dernier  journal  à  la  suite  d'un 
article  un  peu  vif  sur  les  Bur graves  de  Victor  Hugo.  Sa 
vraie  place  était  à  la  Revue  britannique  où  il  entra  en 
1840  et  dont  il  resta  le  collaborateur  assidu.  Forgues  a 
publié,  en  effet,  plusieurs  ouvrages  sur  l'Angleterre  et  tra- 
duit ou  adapté  un  certain  nombre  d'auteurs  anglais.  Citons 
en  ce  genre  :  Originaux  et  beaux  esprits  de  l'Angleterre 
contemporaine;  la  Révolte  des  Cipayes;  Histoire  de 
Nelson  ({$60);  puis  la  traduction,  avec  Ad.  Joanne,  de 
V Histoire  générale  des  Voyages^&v  Desborough  Cooley  ; 
les  traductions,  avec  le  même,  de  la  Case  de  V oncle  Tom 
et  de  la  Clef  de  la  Case  de  l'oncle  Tom;  d'autres  traduc- 
tions, sans  collaborateur,  des  Essais  de  Macaulay  (1860); 
des  Voyages  du  capitaine  Speke  aux  sources  du  Nil 
(1865)  et  de  différents  romans  de  Currer  Bell,  de  Natha- 
niel  Hawthorn,  de  mistress  Norton,  de  Holme  Lee,  de 
Wilkie  Collins,  etc.  Comme  ouvrages  originaux  on  lui  doit  : 
les  Petites  Misères  de  la  Vie  humaine,  illustrées  par 
Gran ville  (1843)  ;  la  Chine  ouverte,  illustrée  par  Borget 
(1845)  et  une  part  dans  les  Cent  Proverbes  anonymes, 
illustrés  par  Granville  (1846).  Il  publia  encore  les  Nove- 
lets  ;  Rose  et  gris;  Elsie  Venner;  Gens  de  bohème  et 
Têtes  fêlées  .(1862)  et  fut  chargé  en  1854  par  Lamennais 
mourant  de  diriger  l'édition  complète  de   ses  œuvres. 
Forgues  avait  déjà  édité  la  traduction  de  la  Divine  Comédie 
(1855)  et  deux  volumes  de  la  Correspondance  (1858), 
quand  un  procès  engagé  par  la  famille  de  Lamennais  arrêta 
cette  publication.  Forgues  avait  également  reçu  en  dépôt  les 
Mémoires  de  M.  de  Vitrolles.  En  1848,  lors  des  élections 
générales  pour  la  Constituante ,  il  s'était  présenté  sans  suc- 
cès dans  les  Hautes-Pyrénées  ;  il  ne  fut  pas  plus  heureux 


dans  le  Gers  à  l'occasion  d'une  élection  partielle.  Retiré  de 
la  vie  politique  à  partir  du  coup  d'Etat,  il  reprit  sa  place 
dans  le  journalisme  militant  en  1859  et  collabora  active- 
ment à  la  Presse  jusqu'à  l'arrivée  de  Girardin.  Dès  lors, 
son  nom  ne  parut  plus  que  dans  les  recueils  littéraires, 
à  la  Revue  britannique,  à  la  Revue  des  Deux  Mondes, 
à  Vlllustration  et  à  Ylllustrated  London  News.  Forgues 
tenait  beaucoup  des  humoristes  anglais:  il  avait  de  l'ob- 
servation, un  esprit  plus  solide  que  brillant;  il  était  sur- 
tout connu  sous  son  pseudonyme  à'Old  Nick  qu'il  conserva 
toute  sa  vie.  Ch.  Le  Goffic. 

FORIE  (La).  Corn,  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  et 
cant.  d'Ambert  ;  440  hab. 

F0RI0S0.  Famille  desauteurs  et  danseurs  de  corde  dont 
le  nom  est  resté  célèbre  dans  les  fastes  de  l'acrobatie.  C'est 
en  1801  et  dans  la  salle  du  théâtre  Louvois,que  ces  bate- 
leurs fameux  vinrent  pour  la  première  fois  se  présenter  au 
public  parisien,  auprès  duquel  leur  succès  fut  formidable. 
Forioso  père,  qui  jadis  s'était  cassé  une  jambe  dans  ses 
exercices,  ne  pratiquait  plus  alors,  mais  exerçait  sa  surveil- 
lance sur  toutes  les  parties  du  spectacle,  dont  les  princi- 
paux acteurs  étaient  ses  trois  fils  et  sa  fille.  Le  second  fils, 
Pierre  Forioso,  né  le  10  juin  1772,  mort  près  de  Bagnères- 
de-Bigorre  le  9  juin  1846,  était  le  plus  habile  et  le  plus 
agile  de  tous,  et  faisait  avec  sa  sœur,  sur  une  ou  sur  deux 
cordes  tendues,  les  exercices  les  plus  surprenants,  dansant 
avec  elle,  entre  autres,  et  sans  balancier,  une  valse  entraî- 
nante. La  famille  Forioso  revint  à  Paris  à  diverses  reprises, 
obtenant  toujours  d'énormes  succès.  Ce  qui  amena  surtout 
du  bruit  autour  du  nom  de  Pierre  Forioso,  ce  fut  l'espèce 
de  duel  acrobatique  qui  eut  lieu,  en  1807,  entre  lui  et  un 
autre  danseur  de  corde  fameux,  nommé  Ravel,  qu'il  avait 
provoqué  lui-même  et  par  qui  il  fut  vaincu,  sur  le  jugement 
rendu  par  les  deux  plus  célèbres  danseurs  de  l'époque,  Ves- 
tris  et  Paul  Duport.  Tout  Paris  s'entretint  pendant  plu- 
sieurs jours  de  cette  lutte  mémorable,  qui  passionnait  les 
esprits  à  l'égal  d'une  campagne  de  Napoléon  Ier. 

F0RKEL  (Johann-Nicolaus),  compositeur  de  musique 
et  théoricien  allemand,  né  à  Meeder,  près  de  Cobourg,  le 
22  févr.  1749,  mort  à  Gœttingue  le  17  mars  1818.  En 
1769,  il  entra  à  l'université  de  Gœttingue,  où  il  com- 
mença ses  recherches  sur  l'histoire  de  la  musique.  En 
1778,  il  obtint  le  titre  de  directeur  de  musique  de  l'Uni- 
versité, et,  deux  ans  après,  celui  de  docteur  en  philosophie. 
A  la  mort  d'Emmanuel  Bach,  il  sollicita  la  place  de  maître 
de  chapelle  à  Hambourg.  Schwenke  lui  fut  préféré.  Il  acheva 
sa  vie  à  Gœttingue.  Forkel,  bon  organiste,  était  un  com- 
positeur médiocre.  Mais  comme  théoricien,  il  mérite  sa 
grande  réputation.  Voici  la  liste  de  ses  plus  célèbres  ou- 
vrages :  Ueber  die  Théorie  der  musik,  etc.  (Gôttin- 
gen,  1774)  ;  Musikalisch-kritische  Ribliothek  (Gotha, 
1774)  ;  Musikalischer  Almanach  fur  Deutschland  (Leip- 
zig, 1782-83-84-89)  ;  Allgemeine  Geschichte  der  Musik 
(Leipzig,  1788-1801),  son  œuvre  principale,  attestant  une 
lecture  immense  et  une  érudition  exceptionnelle;  Allge- 
meine Litteratnr  der  Musik  (Leipzig,  1792),  bibliogra- 
phie musicale  excellente,  qui  a  servi  de  base  aux  travaux 
de  Lichtenthal  et  de  Beeker.  Forkel  a  publié  une  biogra- 
phie de  Bach,  Ueber  J.-S.  RacKs  Leben,  Kunst  und 
Kunstwerke  (Leipzig,  1802).  Bach  n'y  est  étudié  que 
comme  organiste  et  compositeur  pour  l'orgue  et  le  clavecin. 

FORLANE  (V.  Danse,  t.  XIII,  p.  866). 

FORLÉANS.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  et  cant. 
de  Semur;  195  hab. 

FORLI.  I.  Ville.  —  Ville  d'Italie,  ch.-l.  de  la  prov.  du 
même  nom,  sur  le  Montoné,  tribut,  de  l'Adriatique,  à  26  kil. 
S.-O.  de  Ravenne  ;  44,000  'hab.  Cette  ville  est  l'ancien 
Forum  Livii  fondé  par  M.  Livius  Salinator  après  la  défaite 
d'Asdrubal.  Forliestune  des  étapes  de  la  grande  voie  Emi- 
lienne  entre  Bologne  et  Rimini.  Ataulf  y  épousa  Placidie, 
sœur  d'Honorius  (410  ap.  J.-C).  Cité  guelfe  au  moyen  âge, 
-  elle  passa  successivement  entre  les  mains  des  Ordelaffl  jus- 
qu'en 1480,  puis  de  Jérôme  Riario,  de  César  Borgia  et  fut 


—  809 


FORLI  —  FORMABIAGE 


enfin  réunie  aux  Etats  de  l'Eglise  en  4504.  C'est  la  patrie 
du  poète  Cornélius  Gallus  (f  en  27  av.  J.-C),  de  l'historien 
Biondo  Fiavio  (xve  siècle) ,  des  peintres  Fr.  Melozzo,  Fr.  Min- 
zochi  et  Marco  Palmezzano  (xve  et  xvie  siècles),  de  l'anato- 
miste  Morgagni  (f  1771)  et  du  savant  Carlo  Mateucci 
(f  4868).  Près  de  Forli,  à  4  kik  S.-O.,  se  trouve  la 
petite  localité  de  Forlimpopoli  (Forum  Popilii  des 
anciens). 

IL  Province.  —  Cette  province  faisait  partie  de  l'an- 
cienne Emilie  et  des  Etats  pontificaux.  Elle  est  boisée,  en 
partie  couverte  de  forêts  de  châtaigniers  et  de  egras  pâtu- 
rages. Sa  superficie  est  de  4,879  kil.  q.  et  sa  population 
de  267,374  hab.  en  4894. 

FORLI  (Ansuino  da),  peintre  italien  du  xve  siècle,  qui 
fut,  dit-on,  l'élève  de  Squarcione,  et  travailla  avec  Man- 
tegna  au  «  Eremitani  »  de  Padoue.  On  ne  connaît  de  lui 
qu'un  dessin  à  l'Académie  de  Venise,  signé  :  Opus  Ansuine 
pittoris  forlivese. 

Bibl.  :  Crowe  et  Cavalcaselle,  Histoire  de  la  pein- 
ture italienne,  II. 

FORLI  (Melozzo  da),  peintre  italien,  né  à  Forli  en  4438, 
mort  à  Forli  en  4494.  Elève  d' Ansuino  da  Forli,  qui  lui 
transmit  la  tradition  de  Mantegna,  il  arriva  à  l'âge  d'homme 
au  moment  où  l'influence  de  Piero  délia  Francesca  devenait 
prépondérante  ;  enfin  il  entretint  des  relations  amicales 
avec  Giovanni  Santi,  le  père  de  Raphaël.  Il  semble  même 
que  ce  soit  par  Santi  qu'il  fut  connu  du  duc  d'Urbin,  le 
magnifique  Federigo  da  Montefeltro.  Celui-ci,  à  son  tour, 
présenta  Melozzo  au  pape  Sixte  IV,  ce  protecteur  éclairé 
des  arts  qui  fit  construire  la  chapelle  Sixtine  (1473),  res- 
taura la  bibliothèque  du  Vatican  (4475),  les  églises  des 
SS.  Apostoli,  de  Saint-Pierre-ès-liens,  de  Saint-Sixte,  et 
fonda  l'Académie  de  Saint-Luc,  sur  les  registres  de  laquelle 
Melozzo  inscrivit  de  sa  main:  «  Melotius  pictor  papalis  ». 
Devenu  peintre  officiel  de  la  cour  de  Rome,  Melozzo  fut 
chargé  de  représenter  Platina ,  nommé  directeur  de  la 
Bibliothèque  Vaticane,  rendant  hommage  au  pape,  en- 
touré des  cardinaux  Pietro  Riario  etGiuliano  délia  Rovere. 
Cette  fresque,  composée  avec  une  grande  simplicité  et  dont 
l'architecture  dénote  une  science  profonde  de  la  perspec- 
tive, a  été  transportée  sur  toile  et  est  aujourd'hui  au  musée 
du  Vatican.  Lorsque  l'église  des  SS.  Apostoli  eut  été  restau- 
rée, le  cardinal  Riario,  neveu  de  Sixte  IV,  en  confia  la 
décoration  à  Melozzo  (4492).  Il  y  peignit  au-dessus  de  la 
tribune  une  grande  Ascension,  dont  les  fragments,  dis- 
persés en  1744,  se  trouvent  au  musée  du  Quirinal  et  dans 
la  sacristie  de  Saint-Pierre.  Les  anges  musiciens  qui  ont  été 
conservés  ont  une  allure  superbe,  avec  leurs  draperies  har- 
diment jetées  et  leur  type  étrange,  têtes  brunes  énergiques 
et  mâles,  à  la  forte  chevelure,  gonflée  en  boucles  épaisses. 
Melozzo  dut  quitter  Rome  en  4480,  lorsque  la  ville  de  Forli 
se  donna  au  pape  et  reçut  comme  gouverneur  Girolamo 
Riario,  un  des  protecteurs  du  peintre  ;  il  suivit  sans  doute 
ce  seigneur,  dont  il  était  l'écuyer,  et  resta  jusqu'à  sa  mort 
dans  sa  ville  natale,  où  son  épitaphe  se  lit  encore  dans  l'église 
de  la  Trinité.  Il  est  étrange  que  cette  ville  n'ait  conservé 
de  son  enfant  le  plus  célèbre  qu'une  œuvre  insignifiante  : 
c'est  une  enseigne  d'épicier,  où  le  peintre  a  représenté, 
avec  un  réalisme  hardi,  un  Apprenti  qui  pile  dans  un 
mortier  (aujourd'hui  au  Collège).  Dans  la  dernière  période 
de  sa  vie,  Melozzo  fut  appelé  à  Urbin  par  Federigo  da 
Montefeltro  qui  lui  commanda  des  personnifications  des 
Sciences,  dont  deux  sont  conservées  à  Londres  et  deux 
autres  à  Berlin  ;  quant  aux  fameux  portraits  de  savants 
illustres,  qui  du  château  d'Urbin  ont  passé  au  Louvre 
et  dans  la  collection  Barberini,  ils  sont  en  majorité  de 
Justus  de  Gand  et  aucun  n'est  de  Melozzo.  Après  la  mort 
du  peintre  de  Forli,  son  compagnon  de  travail,  Marco 
Palmezzano,  qui  vécut  jusqu'en  4536,  exécuta  des  œuvres 
qui  ont  été  souvent  attribuées  à  Melozzo  et  dont  quelques- 
unes  portent  même  la  fausse  indication  :  Marchas  de 
Melotius  Foroliviensis,  avec  des  dates  postérieures  à  la 
mort  de  l'artiste. 


Bibl.  :  Crowe  et  Cavalcaselle,  Histoire  de  la  pein- 
ture italienne,  II.  —  E.  Mùntz,  Histoire  de  l'art  pendant  la 
Renaissance,  I  et  II.  —  Schmarzow,  Melozzo  da  Forli  ; 
Berlin  et  Stuttgard,  1886. 

FORMAGE  (Bonneterie)  (V.  Bonneterie,  t.  VII,  p.  335). 

F0RMALE0N1  (Vincenzo) ,  historien  et  voyageur  italien, 
né  à  Venise  en  4752,  mort  à  Mantoue  en  4797.  Après  de 
malheureux  essais  littéraires,  il  voyagea  en  Egypte,  en 
Turquie,  explora  minutieusement  le  littoral  de  la  mer  Noire, 
revint  en  Italie,  fut  forcé  de  s'expatrier  en  4792,  gagna 
Paris.  Là,  accusé  d'avoir  fait  connaître  au  gouvernement 
vénitien  certains  projets  secrets  du  gouvernement  français, 
il  fut  jeté  en  prison.  Ayant  réussi  à  s'échapper,  il  retourna 
en  Italie,  où,  pour  une  cause  ignorée,  la  prison  l'attendait 
encore  ;  il  mourut  à  Mantoue,  sans  avoir  recouvré  la 
liberté.  Ses  ouvrages,  pleins  de  documents  curieux  et  nou- 
veaux, sont  les  suivants  :  Descrizione  topogra/ica  e  sto- 
rica  del  Dogado  di  Venezia  (Venise,  4777,  in-8)  ;  un 
abrégé  de  Y  Histoire  des  Voyages  de  La  Harpe  et  une  con- 
tinuation de  cet  ouvrage  en  42  vol.  in-8,  avec  une  disser- 
tation intitulée  Illustrazione  di  due  carte  antiche  délia 
biblioteca  di  San  Marco  ch%dimostrano  l'Isole  Antillie 
cognosciute  prima  délia  scoperta  di  Cristoforo  Colombo, 
ce  qui,  malgré  les  cartes,  semble  assez  paradoxal  ;  Storia 
curiosa  délie  avventure  di  Caterino  Zeno  in  Persia 
(Venise,  4783),  ouvrage  traduit  dans  ['Encyclopédie  mé- 
thodique, qui  oubliait  de  nommer  l'auteur;  Storia  filoso- 
fica  e  politica  délia  navigazione  nel  mare  Nero 
(Venise,  1788,  2  vol.),  traduit  en  français  par  d'Hénin 
(Venise,  4789)  ;  c'est  le  meilleur  et  même  le  seul  ouvrage 
sur  ce  sujet.  R.  G. 

FORMALITÉS.  Conditions  que  doit  réunir  un  acte  pour 
être  valable  ;  quoique  ce  mot  serve  parfois  à  désigner  les 
conditions  intrinsèques  de  validité,  c.-à-d.  celles  qui 
tiennent  à  l'essence  même  de  l'acte,  comme  la  capacité,  le 
consentement,  il  désigne  plus  habituellement  les  conditions 
extrinsèques,  c.-à-d.  celles  qui  servent  à  constater  l'accom- 
plissement des  conditions  intrinsèques,  comme  la  rédaction 
d'un  écrit,  la  présence  d'un  officier  public,  la  publication 
par  affiches,  etc.  (V.  Exploit,  Obligation,  Nullité). 

FORMAN  (Simon),  astrologue  anglais,  né  en  4552, 
mort  en  4641.  La  mort  de  son  père  le  laissa  de  bonne 
heure  sans  ressources  ;  Jl  n'en  poursuivit  pas  moins  ses 
études  dans  les  conditions  les  moins  favorables,  tantôt 
commis  marchand,  tantôt  sous-maître  dans  des  écoles,  jus- 
qu'à ce  que,  en  4579,  il  se  découvrit  le  don  de  lire  dans 
les  astres,  de  prédire  l'avenir  et  de  guérir  les  maux.  Nous 
ne  le  suivrons  pas  dans  toutes  les  aventures  de  son  exis- 
tence en  Angleterre  et  sur  le  continent.  Emprisonné  plus 
d'une  fois,  menacé  d'un  procès  devant  la  Chambre  étoilée, 
il  se  distingua  pendant  la  peste  de  4592,  et  faillit  être  lui- 
même  victime  de  la  contagion.  Il  finit,  en  4603,  par  obte- 
nir de  l'université  de  Cambridge  l'autorisation  de  pratiquer 
la  médecine.  Il  avait  une  clientèle  féminine  nombreuse,  et 
les  dames  de  la  cour  recouraient  fréquenftnen  ta  ses  philtres 
et  à  ses  évocations  magiques,  non  seulement  pour  la  con- 
servation de  leur  santé,  mais  aussi  et  surtout  pour  la  réus- 
site de  leurs  intrigues.  Forman  publia  de  son  vivant  un 
ouvrage  d'astrologie  :  The  Grounds  of  Longitude  (4594). 
Il  a  laissé  beaucoup  de  manuscrits  conservés  à  la  biblio- 
thèque Bodléienne.  M.  Halliwell-Phillipps  en  a  tiré  un  Diary 
ou  journal,  plein  de  détails  licencieux  (4564-4602),  qu'il 
a  fait  imprimera  petit  nombre  en  4849.        B.-tl.  G. 

FORMANT1NE  (Vicomte  de)  (V.  Aberdeen). 

FORMARIAGE  (Dr.  féodal).  Mariage  contracté  par  un 
mainmortable,  soit  avec  une  personne  franche,  soit  avec 
une  personne  qui  demeure  hors  de  la  seigneurie  où  il  est 
né.  Lorsque  de  tels  mariages  étaient  célébrés  sans  l'autori- 
sation du  seigneur  duquel  dépendait  le  mainmortable,  le 
seigneur  percevait  un  droit,  appelé  droit  de  formariage,  à 
titre  de  peine.  Ce  droit  consistait  ordinairement  dans  une 
amende  de  60  sols.  Lorsque  le  seigneur  consentait  au  ma- 
riage, la  peine  n'était  plus  encourue  ;  néanmoins,  le  seigneur 


FORMARIAGE  —  FORME 


—  810 


prélevait  la  moitié,  le  tiers  ou  une  autre  portion  des 
biens  de  celui  qui  avait  épousé  une  personne  de  condition 
franche  ou  dépendant  d'un  seigneur  étranger.  Le  droit  de 
formariage  existait  dans  de  nombreuses  coutumes,  notam- 
ment dans  celles  de  Bourgogne,  Meaux,  Troyes,  Vitry, 
Chaumont,  Laon.  D'après  la  coutume  de  Bourgogne,  le 
droit  de  formariage  n'avait  lieu  que  dans  le  cas  où  une  fille 
serve  se  mariait  hors  de  la  seigneurie  où  elle  était  née  ; 
dans  ce  cas,  la  femme  perdait  les  héritages  qu'elle  possé- 
dait dans  le  lieu  de  la  mainmorte,  ou  leur  valeur,  si  elle 
aimait  mieux  conserver  ses  biens.  Anciennement,  les  bâ- 
tards et  les  aubains  avaient  été  assujettis,  dans  quelques 
coutumes,  au  droit  de  formariage  ;  cette  rigueur  avait  été 
expressément  abolie  par  plusieurs  coutumes,  Laon,  Reims, 
Châlons.  Le  droit  de  formariage  a  été  perçu  dans  le  pays 
de  Verdun  jusqu'en  1789.  G.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Encyclopédie  méthodique,  Jurisprudence,  1784, 
t.  IV,  p.  579. 

FORMAT.  I.  Librairie.  —  On  donne  le  nom  de  format 
aux  dimensions  d'un  livre  considéré  sous  le  rapport  de  sa 
hauteur  et  de  sa  largeur.  Chaque  format  prend  son  nom 
du  nombre  de  feuillets  que  renferme  chaque  feuille  im- 
primée; la  feuille  pliée  donne  ainsi  un  nombre  de  pages 
double  du  chiffre   dont  elle  tire  son  nom.  Ainsi  l'in- 
plano,  employé  pour  les  atlas  et  les  estampes,  n'a  que  deux 
pages  ;  l'in-folio,  quatre  ;  Fin-quarto,  huit,  etc.  ;  il  n'est 
pas  toujours  facile  de  déterminer  à  la  vue  le  format  d'un 
ouvrage,  car  l'imprimeur  employant  quelquefois  un  papier 
plus  grand  ou  plus  petit,  on  peut  prendre  un  in-folio  pour 
un  in-quarto,  un  in-douze  pour  un  in-octavo  et  récipro- 
quement. En  général,  c'est  aux  signatures  des  feuilles 
qu'on  reconnaît  le  format,  bien  que  cette  donnée  ne  soit 
pas  toujours   d'une  certitude  absolue  (V.  Bibliographie, 
t.  VI,  p.  628).  On  désigne  encore  par  format  oblong 
tout  format  dont  les  pages,  pour  une  raison  quelconque, 
ont  plus  de  largeur  que  de  hauteur.  —  Dans  la  papeterie,  les 
formats  connus  sont  la  couronne,  la  coquille,  le  raisin, 
le  jésus,  le  colombier,  le  grand  aigle,  etc.  (V.  Papier). 
IL  Beaux -Arts.   —  Dimension  d'une  oeuvre  d'art; 
cette  expression,  empruntée  à  la  librairie,  s'emploie  plus 
spécialement  pour  désigner  les  dimensions  d'une  œuvre 
exécutée  sur  une  surface  plane,  tableau,  bas-relief,  gra- 
vure surtout.  Le  choix  du  format  d'un  tableau  est  loin 
d'être  indifférent  :  un  sujet  religieux  ou  épique  demandera 
de  vastes  dimensions  ;  une  composition  humoristique,  gra- 
cieuse, se  traitera  mieux  en  petit  format.  Un  châssis  ovale 
sera  préférable  pour  peindre  le  portrait  en  buste  d'une 
jeune  femme  ;  une  toile  rectangulaire  contiendra  mieux  à 
un  portrait  d'homme.  Il  y  a  encore  pour  les  toiles  à 
peindre,  vendues  dans  le  commerce,  des  formats  spéciaux 
adoptés  dès  longtemps  par  les  artistes  :  le  format  figure, 
le  format  paysagei  le  format  marine,  ainsi  désignés  pour 
le  rapport  de  leur  hauteur  avec  leur  largeur.        Ad.  T. 
FORMATION  (Art  milit.).  On  appelle"  ainsi  la  disposi- 
tion donnée  aux  troupes,  afin  de  rendre  au  plus  haut  de- 
gré faciles,  prompts  et  sûrs  les  mouvements  qu'elles  au- 
ront à  faire  dans  les  marches  ou  dans  les  batailles.  Les 
formations  ont  varié  en  raison  des  transformations  qui 
s'opéraient  dans  l'armement;  ainsi  les  effets  de  plus  en  plus 
meurtriers  des  canons  et  des  fusils  ont  amené  un  amincis- 
sement progressif  de  l'ordre  de  bataille.  Pour  une  même 
époque,  elles  varient  également  suivant  le  caractère,  les 
aptitudes  des  différentes  armées  et  aussi  la  nature  du  ter- 
rain où  Ton  est  appelé  à  combattre.  Ainsi,  au  xvie  siècle, 
les  Suisses,  qui  ont  pour  caractéristiques  la  taille,  la  soli- 
dité et  le  sang-froid,  se  forment  en  ordre  profond  et  cons- 
tituent une  masse  inébranlable  où  viennent  se  briser  les 
efforts  de  l'ennemi,  jusqu'à  ce  qu'ils  chargent  eux-mêmes 
la  pique  basse  et  toujours  à  rangs  serrés.  Les  troupes 
françaises,  agiles  et  pleines  de  vivacité  et  d'initiative,  ont 
toujours  au  contraire  une  forte  proportion  iï  enfants  per- 
dus, c.-à-d.  de  soldats  qui  harcèlent  l'ennemi  et  com- 
battent en  essaims.  En  Crimée,  nos  soldats  se  jettent 


individuellement  sur  les  positions  russes,  alors  que  les 
Anglais,  qui  n'ont  rien  de  cette  furïa  audacieuse  due  à 
notre  vieux  sang  gaulois,'  restent  formés  sur  trois  rangs 
et  alignés  pour  marcher  à  l'ennemi.  Une  grave  question  se 
pose  en  ce  moment  et  préoccupe  grandement  les  tacticiens  : 
quelle  est  la  meilleure  formation  à  adopter  dans  les  ba- 
tailles en  face  des  nouveaux  engins  et  de  la  poudre  sans 
fumée  ?  Jusqu'à  présent  nul  n'a  pu  trouver  à  ce  problème 
une  solution  satisfaisante. 

FORME.  I.  Philosophie.  —  Quand  un  être  renferme 
un  certain  npmbre  d'éléments,  la  manière  dont  ces  éléments 
sont  unis  entre  eux  constitue  la  forme  de  cet  être.  Dans  les 
êtres  matériels  où  les  éléments  sont  séparables  et  peuvent 
exister  séparément,  ces  éléments  constituent  la  matière 
de  l'être.  De  là  vient  que  dans  la  philosophie  d'Aristote  et 
dans  la  philosophie  scolastique  la  forme  est  ordinairement 
opposée  à  la  matière.  Dans  la  philosophie  de  Kant  le  mot 
matière  a  même  été  employé  ponr  désigner  les  éléments 
idéaux  dont  sont  formés  des  êtres  abstraits;  c'est  ainsi  que 
Kant  a  distingué  une  forme  et  une  matière  de  la  morale. 
—  Si  nous  considérons,  en  effet,  un  objet  quelconque, 
une  table,  par  exemple,  nous  voyons  tout  de  suite  que 
l'arrangement  et  la  disposition  des  morceaux  de  bois  qui 
composent  la  table  diffèrent  de  l'ordre  et  de  la  disposition 
que  prendraient  les  mêmes  morceaux  de  bois  si  on  avait 
voulu  en  faire  toute  autre  chose,  un  coffre,  par  exemple. 
La  forme  de  la  table  diftère  donc  de  la  forme  du  coffre  par 
l'ordre  et  la  disposition  des  parties.  Cet  ordre  et  cette  dis- 
position constituent  donc  quelque  chose  de  tout  à  fait  dis- 
tinct des  parties  elles-mêmes.  C'est  ce  qu'Aristote  a  appelé 
forme.  La  forme  est  donc  la  loi  selon  laquelle  les  éléments 
sont  unis.  C'est  la  forme  qui  constitue  l'essence  la  plus 
intime  de  l'être;  c'est  elle  que  la  définition  (V.  ce  mot) 
doit  exprimer  pour  expliquer  l'être.  La  forme  dans  la  chose 
correspond  à  l'idée  qu'a  eue  l'auteur  de  la  chose.  La  table 
par  sa  forme  réalise  le  plan  du  menuisier,  l'idée  qu'il  avait 
auparavant.  La  forme  est  donc  ce  que  l'effet  a  retenu  de  la 
cause.  L'idée  représentative  de  la  forme  future  du  coffre 
doit  exister  dans  la  cause  ;  c'est  cette  idée  que  l'on  a  ap- 
pelée cause  formelle  ou  cause  exemplaire.  C'est  ce  que 
voulait  dire  Platon  quand  il  donnait  les  Idées  pour  causes 
à  tous  les  êtres  de  l'univers.  —  On  voit  donc  qu'à  chaque 
être  doit  correspondre  une  forme.  Quand  cette  forme  est 
liée  à  l'existence  même  de  l'objet,  de  sorte  que  l'être  existe 
quand  elle  est  réalisée  et  disparaît  lorsqu'elle  cesse  elle- 
même  d'exister,  cette  forme  est  alors  appelée  substantielle, 
elle  est  au  contraire  accidentelle  lorsque  l'être  peut  sub- 
sister malgré  un  certain  changement  de  forme.  Ainsi  le 
carbonate  de  chaux  n'existe  que  lorsque  la  formule  chi- 
mique CaO,  CO2  est   réalisée,  la  forme   exprimée   par 
CaO,  CO2  est  donc  une  forme  substantielle;  mais  le  car- 
bonate de  chaux  peut  avoir  tel  ou  tel  poids,  telle  ou  telle 
figure;  qu'il  pèse  1  kilogr.  ou  100  kilogr .,  qu'il  soit  taillé 
en  parallélépipède  ou  en  prisme,  il  demeure  toujours  carbo- 
nate de  chaux.  La  figure  et  le  poids  sont  donc  des  formes, 
mais  des  formes  accidentelles  et  non  substantielles.  De  là 
vient  que  les  scolastiques  ne  voulaient  pas  qu'on  dise  in- 
différemment la  forme  ou  la  figure  d'un  chapeau  ;  la  figure 
en  effet  est  bien  une  forme,  mais  une  forme  accidentelle. 

G,  Fonsegrive. 
II.  Mathématiques.  —  Une  forme  algébrique  est 
un  polynôme  homogène  relativement  aux  variables  qu'il 
renferme.  La  forme  est  dite  binaire,  ternaire,  quater- 
naire, etc.,  suivant  qu'elle  renferme  2,  3,  4,  etc.,  va- 
riables. Le  degré  ou  l'ordre  de  la  forme  n'est  autre  chose 
que  le  degré  du  polynôme  ;  une  forme  est  dite  linéaire, 
quadratique,  cubique,  biquadr atique  quand  elle  est 
du  1er,  du  lie,  du  3e,  du  4e  degré.  On  a  parfois  occasion 
de  considérer  les  variables  d'une  forme  comme  constituant 
plusieurs  groupes  distincts,  ce  qui  conduit  à  l'emploi  de 
nouveaux  termes.  Par  exemple,  une  forme  est  appelée  bili- 
nèaire  (V.  ce  mot)  quand  elle  est  linéaire  à  la  fois  par 
rapport  à  deux  groupes  de  variables  envisagés  séparément. 


Une  forme  est  biternaire  si  elle  renferme  deux  groupes 
de  trois  variables,  etc.  En  écrivant  une  forme,  il  est  avan- 
tageux de  placer  devant  chaque  terme  un  coefficient  numé- 
rique égal  à  celui  qui  figure  dans  le  terme  correspondant 
d'une  somme  da  même  nombre  de  variables  élevée  à  une 
puissance  de  même  degré.  Par  exemple,  la  forme  cubique 
binaire  s'écrira  : 

ax3  -h  3bx2y  +  3cxy2  +  dy3. 
L'objet  principal  de  la  théorie  des  formes  est  d'étudier 
ce  qui  arrive  quand  on  effectue  sur  les  variables  une  sub- 
stitution linéaire  telle  que  : 

X=:H    +p.Y    +VZ 

(4)  y  =  VX  +u/Y  +v'Z 

s  =  )//X  +  [*//Y  +  v//Z. 

(Nous  supposons  ici  le  cas  de  trois  variables.) 

Le  déterminant  des  coefficients  X,  p.,  v...  est  souvent 
appelé  le  module  de  la  transformation  et  la  transformation 
est  dite  unimodulaire,  quand  ce  module  est  égal  à  l'unité. 
Deux  formes  sont  équivalentes  si  elles  peuvent  se  ramener 
l'une  à  l'autre  par  une  transformation  unimodulaire.  Le 
module  est  toujours  supposé  être  différent  de  zéro,  de  telle 
façon  que  la  transformation  soit  réversible,  X,  Y  et  Z  pou- 
vant s'exprimer  linéairement  en  fonction  de  x,  y,  z.  On 
conçoit  immédiatement  l'intérêt  de  ce  genre  d'études  si 
l'on  remarque  qu'au  point  de  vue  géométrique,  de  pareilles 
substitutions  équivalent  à  un  changement  d'axes  de  coor- 
données. 

La  première  notion  qui  se  présente  est  celle  des  inva- 
riants. Considérons  d'abord,  pour  plus  de  clarté,  une  forme 
ternaire  de  degré  quelconque.  Cette  forme,  égalée  à  zéro, 
représente,  en  coordonnées  homogènes,  une  courbe  géné- 
ralement dépourvue  de  points  doubles.  Pour  qu'il  y  ait  un 
point  double,  il  faut  que  les  coefficients  soient  liés  par  une 
relation  convenable  ;  en  d'autres  termes  on  aura  la  condi- 
tion d'existence  d'un  pareil  point  en  égalant  à  zéro  une 
certaine  fonction  ©  (a,  b,  c....)  des  coefficients  de  la  forme. 
Supposons  maintenant  qu'on  vienne  à  changer  d'axes.  Les 
coefficients  a,  b,  c  prennent  de  nouvelles  valeurs  af ,  l/,  c', 
et  la  condition  obtenue  devient  <p  (a'?  if,  c')  =  0.  Mais  il 
est  clair  qu'une  pareille  propriété  subsiste  indépendamment 
de  la  position  des  axes.  Les  fonctions  <p  (a,  b,  c.)  et 
o  {af ,  f/,  cf...)  doivent  donc  s'annuler  simultanément  pour 
tous  les  changements  d'axes  possibles.  Il  faut  pour  cela,  et 
il  suffit,  qu'elles  ne  diffèrent  que  par  un  facteur  numé- 
rique, ou  encore  par  une  puissance  quelconque  du  module 
de  la  substitution  (puisque  celui-ci  n'est  jamais  nul).  On 
désigne,  d'une  manière  générale,  par  invariants  de  la 
forme  donnée  les  fonctions  des  coefficients  qui  possèdent 
ainsi  la  propriété  de  conserver  la  même  valeur,  à  une 
puissance  près  du  module,  quand  on  effectue  une  substitu- 
tion linéaire  quelconque.  L'invariant  est  dit  absolu  quand 
la  puissance  du  module  est  nulle,  et  quand  par  suite  l'in- 
variant n'éprouve  aucun  changement.  Dès  que  l'on  connaît 
deux  invariants  ordinaires,  1  et  J,  correspondant  à  deux 
puissances  quelconques  p  et  q  du  module,  on  peut  en 
déduire  un  invariant  absolu  :  il  suffit  de  prendre  le  quotient 
de  (1)2  par  (J)p.  Quand  le  module  est  égal  à  (— 1)  et 
figure  à  une  puissance  impaire,  la  substitution  change  le 
signe  de  l'invariant  sans  changer  sa  valeur  absolue  :  on  dit 
alors  que  Tin  variant  est  gauche.  Un  invariant  particuliè- 
rement remarquable  est  le  discriminant  (V.  ce  mot). 

Les  invariants  dépendent  uniquement  des  coefficients 
de  la  forme.  Il  existe  certaines  fonctions,  renfermant  à  la 
fois  les  coefficients  et  les  variables,  qui  jouissent  de  la 
même  propriété,  c.-à-d.  qui  se  reproduisent  à  une  puis- 
sance près  du  module  dans  toute  substitution  linéaire.  De 
pareilles  fonctions  se  nomment  des  co variants.  Au  point 
de  vue  géométrique,  un  covariant  d'une  forme  à  trois 
variables  représente,  si  on  l'égale  à  zéro,  une  courbe  qui 
possède,  par  rapport  à  la  courbe  donnée,  une  relation 
indépendante  de  la  position  des  axes.  Le  hessien  (V.  ce 
mot  à  l'art.  Déterminant)  est  en  général  un  covariant  ; 
dans  le  cas  particulier  des  formes  quadratiques,  c'est  sim- 


—  811  —  FORME 

plement  un  invariant.  Les  invariants  et  les  covariants  d'un 
covariant  sont  en  même  temps  des  invariants  et  des  cova- 
riants de  la  forme  primitive.  11  peut  arriver  qu'un  covariant 
renferme,  en  même  temps  que  les  variables  et  les  coordon- 
nées de  la  forme,  les  coordonnées  a/,  yf,  %',  a/',  y",  z" ,  etc., 
de  divers  points  fixes,  coordonnées  qui  doivent  naturelle- 
ment éprouver  les  mêmes  substitutions  linéaires  que  les 
coordonnées  variables.  Par  exemple,  si  l'on  remplace  dans 
la  forme  donnée  x,  y  et  z  respectivement  par  x  +  kœf, 
y-\-ky' ',  %  +  kzf  et  que  l'on  développe  ensuite  suivant 
les  puissances  de  /c,  chacun  des  coefficients  de  k  est  un 
covariant  renfermant  à  la  fois  x,  y,  z  et  xf,  yf,  z'.  Les 
covariants  obtenus  par  ce  procédé  portent  le  nom  d'éma- 
nants. Dans  le  cas  d'une  forme  binaire  dont  x  et  y  sont 
les  variables,  on  peut  encore  obtenir  des  covariants  en 
considérant  la  substitution  x  =  X  -f-  XY,  [xzrr  Y  et  remar- 
quant que  la  valeur  d'un  covariant  doit  rester  la  même, 
soit  qu'on  introduise  d'abord  cette  substitution  dans  la 
forme,  soit  qu'on  l'effectue  dans  le  covariant  lui-même.  Ceci 
posé,  si  l'on  considère  un  polynôme  homogène,  d'ordre  p, 
en  x  et  y,  ayant  pour  premier  terme  Ax*,  et  si  l'on  sup- 
pose que  ce  soit  un  covariant  de  la  forme  donnée,  on 
trouve,  en  écrivant  que  la  condition  précédente  est  rem- 
plie, une  série  d'équations  qui  permettent  de  calculer  tous 
les  coefficients  du  covariant  en  fonction  de  A  et  des  coeffi- 
cients de  la  forme.  En  raison  de  cette  propriété,  le  terme  A 
est  appelé  source  du  covariant.  On  le  désigne  aussi  sous 
le  nom  de  semi-invariant,  ou  bien  encore  de  pénin- 
variant. 

Les  contrevariants  sont  des  formations  invariantes 
différant  des  covariants  en  ce  que,  au  lieu  des  coordonnées 
ponctuelles  x,  y,  z,  elles  renferment  des  coordonnées 
lignes  ou  coordonnées  tangentielles,  c.-à-d.  les  paramètres 
u,v,w,  qui  figurent  dans  l'équation  ux -{- vy -\- zw  =  0 
de  la  ligne  droite.  Dans  la  substitution  linéaire  (1),  déjà 
envisagée,  la  forme  ux  -+-  vy  +  ivz  se  change  identique- 
ment en  UX  +  VY  +  WZ,  et  l'on  a  les  relations 

U  =  lu  H-  \'v  +  \"w, 
(2)  V  =  \lu  +  {l'y  +  p."w, 

W=  vu  +v^+  v"w , 
qui  expriment  une  substitution  appelée  inverse  de  la  pre- 
mière. Les  variables  qui  se  transforment  par  la  substitu- 
tion (1)  sont  dites  cogrédientes  ;  celles  qui  éprouvent  la 
substitution  (2)  sont  dites  contragrédientes.  On  étend  le 
nom  de  contrevariants  à  toutes  les  formations  invariantes 
qui  renferment  des  variables  contragrédientes  associées 
aux  coefficients  de  la  forme. 

Etant  donnée  une  forme  <p  d'ordre  n,  devenant  <ï>  à  la 
suite  d'une  substitution  linéaire,  si  la  même  substitution 
transforme  ux  -h  vy  -+-  wz  en  UX  +  VY  +  WZ,  la  fonc- 
tion 9  +  k(ux  4-  vy  +  wz)n,  que  nous  appellerons  <|>, 
se  change  évidemment,  quelle  que  soit  la  constante  k,  en 
$  +  &(UX  +  VY  +  WZ)W.  Si  l'on  sait  former  un  certain 
invariant  de  la  forme  9,  on  peut  calculer  l'invariant  cor- 
respondant de  la  forme  ty.  Exprimant  alors  que  ce  dernier 
jouit  de  la  propriété  de  l'invariance,  on  obtient  une  équa- 
tion dont  les  deux  membres  sont  des  fonctions  de  k.  Comme 
k  est  arbitraire,  on  peut  égaler  séparément  les  coefficients 
de  ses  différentes  puissances,  et  l'on  trouve  ainsi  que  chaque 
coefficient  est  une  fonction  invariante  de  u,  v,  w  et  des 
coefficients  de  la  forme  <p  ;  c'est  donc  un  contrevariant  de 
cette  forme.  Les  contrevariants  obtenus  par  ce  procédé 
portent  le  nom  tfévectants.  On  remarque  l'analogie  du 
procédé  qui  les  fournit  avec  celui  qui  donne  les  émanents. 

On  appelle  covariant  mixte  ou  divariant  une  forma- 
tion invariante  qui  renferme  à  la  fois  les  coordonnées 
ponctuelles  et  les  coordonnées  tangentielles.  Si  les  coeffi- 
cients n'y  figurent  pas,  on  dit  que  l'on  a  affaire  à  un 
covariant  identique  ;  telle  est  l'expression  ux  -\-  vy-\-wz. 
L'ensemble  des  invariants,  des  covariants,  des  contreva- 
riants et  des  divariants  constitue  les  concomitants  de  la 
forme. 

Au  lieu  d'une  forme  unique,  on  peut  avoir  à  considérer 


FORME 


—  812  — 


simultanément  un  ensemble  de  formes.  Les  divers  conco- 
mitants peuvent  alors  renfermer  les  coefficients  de  toutes 
ces  formes  ;  mais  leur  définition  n'est  pas  autrement 
modifiée.  Si  l'on  égale  à  zéro  n  formes  de  n  variables  et 
si  Ton  élimine  entre  ces  n  équations  les  rapports  de  n  —  1 
variables  à  la  dernière,  le  premier  membre  de  l'équation 
résultante  s'appelle  le  résultant  ou  bien  Y  éliminant  du 
système  :  c'est  un  invariant  de  ces  n  formes.  Parmi  les 

invariants  simultanés  de  plusieurs  formes  ©4,  o2,  <p3 , 

il  y  a  lieu  de  distinguer  en  particulier  ceux  qui,  en  outre 
de  la  propriété  de  l'invariance,  possèdent  celle  de  rester 
inaltérés  quand  on  remplace  chacune  des  formes  par  une 
combinaison  linéaire  telle  que  \  y±  -f-  X2  <p2  -f  X3  cp3  + . . . , 
où  X^,  X2,  X3  désignent  des  constantes  arbitraires.  Les 
invariants  de  cette  espèce  se  nomment  des  combinants; 
on  voit  facilement  que  le  résultant  est  un  combinant. 

Si  Ton  prend  en  particulier  trois  formes  quaternaires 
quadratiques,  représentant,  quand  on  les  égale  à  zéro,  trois 
surfaces  du  second  degré,  il  existe  deux  combinants  remar- 
quables, dont  l'un  s'annule  si  quatre  des  huit  points  com- 
muns aux  trois  surfaces  sont  dans  un  même  plan  et  dont 
l'autre  (appelé  le  tact-invariant)  s'annule  quand  deux  de 
ces  huit  points  coïncident.  —  Comme  exemple  de  covariant 
simultané,  on  doit  citer  le  jacobien,  autrement  dit  le 
déterminant  fonctionnel  (V .  Déterminant).  Un  exemple 
de  contrevariant  simultané  se  rencontre  dans  la  théorie  des 
formes  ternaires  quadratiques  et  correspond  à  la  condition 
pour  que  trois  coniques  données  coupent  une  droite  en  six 
points  formant  une  involution. 

Il  existe  des  formes  plus  complexes  que  celles  dont  il  a 
été  question  jusqu'ici  :  ce  sont  les  formes  renfermant  à  la 
fois  des  variables  cogrédientes  et  des  variables  contragré- 
dientes,  analogues,  par  conséquent,  aux  divariants  d'une 
forme  ordinaire.  La  forme  étudiée  peut,  par  exemple, 
contenir  à  la  fois  trois  coordonnées  ponctuelles,  x,  y,  z, 
et  trois  coordonnées  tangentielles,  u,  v,  w.  Si  on  l'égale 
à  zéro ,  on  définit  une  certaine  corrélation  géométrique, 
laquelle  porte  le  nom  de  connexe  (Y.  ce  mot).  On  démontre 
que,  quelle  que  soit  la  complication  d'une  forme,  son  étude 
peut  toujours  être  ramenée  à  celle  d'un  système  simultané 
de  formes  simples,  c.-à-d.  dont  chacune  renterme  au  plus 
une  série  de  coordonnées  ponctuelles  et  une  série  de  coor- 
données tangentielles.  Ce  système  possède  les  mêmes  con- 
comitants que  la  forme  donnée,  et  l'on  dit  qu'il  constitue 
un  système  réduit  équivalent  à  cette  forme. 

Un  problème  important  et  difficile  est  celui  qui  consiste 
à  trouver  méthodiquement  les  concomitants  d'une  forme 
donnée  ou  d'un  système  donné  de  formes.  Nous  devons 
nous  borner  ici  à  de  brèves  indications.  Pour  les  formes 
binaires,  une  méthode  féconde,  due  à  M.  Cayley,  est  basée 
sur  l'emploi  des  fonctions  symétriques.  La  méthode  sym- 
bolique d'Aronhold  et  Ciebsch,  dont  le  principe  est  indiqué 
au  mot  Binaire,  fournit  également  d'intéressants  résultats. 
Un  autre  principe,  dû  à  Ciebsch,  permet  de  déduire  des 
invariants  d'une  forme  binaire  certains  contrevariants 
d'une  forme  ternaire.  C'est  le  principe  de  translation 
qui  s'énonce  ainsi  :  «  Si  une  droite  est  assujettie  à  couper 
une  courbe  du  nième  ordre  en  un  groupe  de  points  qui 
possède  une  propriété  projective  particulière,  l'équation  de 
la  courbe  enveloppée  par  la  droite  s'obtient  de  la  manière 
que  voici  :  on  représente  symboliquement  l'invariant  de  la 
forme  binaire  du  nième  ordre,  dont  l'évanouissement  exprime 
la  propriété  demandée  et  l'on  remplace  chaque  déterminant 
binaire  qui  s'y  rencontre  par  un  déterminant  ternaire 
(a,  &,  u)  les  u  désignant  les  coordonnées  lignes  et  les  a, 
b,  ...  des  symboles  de  la  forme  ternaire  demandée.  » 

Le  nombre  des  invariants  distincts  d'une  ou  plusieurs 
formes  données  est  nécessairement  limité.  Car,  en  expri- 
mant pour  chacun  d'eux  la  propriété  de  l'invariance,  on 
obtient  une  série  d'équations  renfermant  uniquement,  avec 
les  coefficients  anciens  et  nouveaux  du  système,  le  déter- 
minant de  la  substitution,  et  si  le  nombre  de  ces  équations 
dépassait  une  certaine  limite,  on  pourrait  éliminer  le 


déterminant  de  la  substitution  et  les  coefficients  nouveaux 
du  système,  de  manière  à  obtenir  certaines  relations  entre 
les  coefficients  anciens  du  système  :  résultat  évidemment 
absurde.  En  particulier,  le  nombre  des  invariants  d'une 
forme  unique  est  au  plus  égal  au  nombre  des  relations  qui 
peuvent  exister  entre  les  cofficients  de  cette  forme  et  ceux 
de  sa  transformée,  augmenté  d'une  unité.  Au  sujet  du 
nombre  des  invariants,  M.  Hermite  a  encore  fait  connaître 
la  remarquable  loi  de  réciprocité  que  voici  :  «  Le  nombre 
des  invariants  du  nième  ordre  par  rapport  aux  coefficients 
que  possède  une  forme  binaire  de  degré  p  est  égal  au 
nombre  des  invariants  de  l'ordre  p  que  possède  une  forme 
de  degré  n,  »  Cette  loi  s'étend  également  aux  co variants. 
On  dit  qu'une  forme  est  rendue  canonique  lorsque,  par 
des  substitutions  linéaires,  on  l'a  simplifiée  autant  qu'il  est 
possible  sans  restreindre  sa  généralité.  Voici  quelques 
exemples  de  formes  canoniques  (les  lettres  x,  y,  z,  w,  v 
désignent  ici  des  formes  linéaires,  qui  sont,  suivant  les 
cas,  dépendantes  ou  indépendantes). 
Forme  quadratique  binaire x2  -f-  y2 


—  —        ternaire ...  x2  +  y2  +  z2< 

—  —        quaternaire.  ax2~\-by2- 

—  cubique  binaire xs  -»-  ?'3 


-cz& 


ternaire x3  -f-  yB  - 

—      quaternaire ...  x3-\-y3-\ 


-z* 


—  biquadratique  binaire 

—  quintique  — 

—  sextique  — 

—  octique  — 


-du2r 

\-§axyz. 
-u3. 


-r 


6ax2y2. 
#D  +  y*  +  zb. 
x6  -+-  y6  -+-  z6  +  axyz 

(%— y)(y— *)(*—#). 

x8  -h  ys  -+-  zs  +  u8 
4-  ax2y2z2u2. 

Toute  forme  binaire  de  degré  impair  %n  —  1  peut  être 
réduite  à  une  somme  de  n  puissances  de  même  degré  ;  la 
réduction  n'est  possible  que  d'une  seule  manière.  Toute 
forme  binaire  de  degré  pair  <2n  peut  être  réduite  à  une 
somme  de  n  termes  suivie  d'un  terme  additionnel.  Le  coeffi- 
cient de  ce  dernier  terme  porte  le  nom  de  catalecticant. 
C'est  un  invariant  dont  l'annulation  exprime  que  la  forme 
se  réduit  à  la  somme  de  n  puissances.  La  réduction  des 
formes  d'ordre  pair  est  possible  de  plusieurs  manières. 

L'étude  des  formes  quadratiques  est  particulièrement 
intéressante,  en  raison  de  ses  applications  aux  questions 
de  maxima  et  de  minima,  à  la  théorie  des  nombres,  à  la 
géométrie  des  courbes  et  des  surfaces  du  second  degré,  etc. 
On  démontre  qu'une  forme  quadratique  renfermant  n  va- 
riables peut,  d'une  infinité  de  manières,  être  ramenée  à  la 
somme  algébrique  de  n  carrés  indépendants.  Mais,  quel 
que  soit  le  mode  de  décomposition  adopté,  pourvu  que  les 
coefficients  de  la  forme  et  ceux  de  la  substitution  soient 
réels,  on  parvient  toujours  au  même  nombre  de  carrés 
positifs,  négatifs  ou  nuls.  Cette  proposition,  due  à  Jacobi, 
a  été  appelée  par  Sylvester  loi  de  l'inertie.  La  forme  est 
dite  définie  quand  tous  les  carrés  y  figurent  positivement  ; 
elle  est  indéfinie  dans  le  cas  contraire.  Si  le  hessien  est 
différent  de  zéro,  la  réduction  donne  réellement  n  carrés 
indépendants.  Si  le  hessien  est  nul,  on  est  conduit  à  un 
nombre  de  carrés  inférieur  à  n.  Le  hessien  est  le  seul 
invariant  que  possède  une  forme  quadratique.  Si  l'on  dé- 
signe par  %,  w2,  u3,  ...  un  les  dérivées  de  la  forme  <p 
relatives  aux  variables  x±,  #2,  #3,  xn  qu'elle  renferme, 
et  si  l'on  considère  la  substitution 


efcp 

dxi 


do 
dx9 


dy 

dx„ 


on  obtient  une  nouvelle  forme  ^{u^  u2,  ...  u3)  équiva- 
lente à  la  première  tant  que  le  module  de  la  substitution 
n'est  pas  nul.  La  fonction  ty  est  dite  adjointe  à  la  pre- 
mière, et  il  est  aisé  de  voir  que  c'est  un  contrevariant  de 
cette  forme.  Géométriquement,  si  cp  =  0  représente  une 
conique  en  coordonnées  ponctuelles,  <\>  =  0  est  l'équation 
tangentielle  de  la  même  conique.  Deux  formes  quadratiques 
peuvent  être  ramenées  simultanément  à  deux  sommes  de 
carrés  par  une  même  substitution.  Le  nombre  des  in  va- 


riants  résultant  de  deux  formes  quadratiques  d'ordre  n  est 
au  plus  égal  à  n  -f-  1 . 

Dans  certaines  questions  concernant  la  théorie  des 
nombres,  on  est  conduit  à  envisager  des  invariants 
arithmétiques  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  inva- 
riants algébriques  dont  il  a  été  question  jusqu'ici.  Pour 
les  invariants  algébriques,  l'invariance  a  lieu  quels  que 
soient  les  coefficients  de  la  substitution;  dans  le  cas  des 
invariants  arithmétiques,  l'invariance  n'a  lieu  que  si  ces 
coefficients  sont  entiers.  En  outre,  on  se  borne  générale- 
ment aux  substitutions  dont  le  déterminant  est  égal  à 
l'unité.  Une  fonction  linéaire  telle  que  ax  -+-  by  n'a  pas 
d'invariant  algébrique  ;  elle  admet,  au  contraire,  des  inva- 
riants arithmétiques,  tels  que  la  série  convergente  double 

y  -, rr^  >  où  k  est  un  nombre  entier  arbitraire, 

£*  (am  -4-  bnfh 

mais  fixe,  tandis  que  m  etn  sont  des  entiers  variant  sépa- 
rément de  —  ex:  à  -f-  go,  exception  faite  des  valeurs 
simultanées  m  =  n  =  0.  L.  Lecornu. 

III.  Botanique.  —  Formes  végétales.  —  Les  espèces 
appartenant  à  un  même  groupe  naturel,  envisagé  sur  un  ter- 
ritoire restreint,  présentent  généralement  entre  "elles  une 
grande  ressemblance  ;  ainsi  la  plupart  des  Labiacées  de 
France  se  ressemblent  morphologiquement  et  par  l'habitus, 
à  la  taille  près  ;  il  en  est  de  même  de  la  plupart  des  Borra- 
ginacées,  des  Scrofulariacées,  etc.  ;  de  plus  on  ne  saurait 
méconnaître  (nie  beaucoup  de  Labiacées,  de  Borraginacées, 
de  Scrofulariacées  se  ressemblent  entre  elles,  ont  une  phy- 
sionomie presque  identique,  présentent  certains  caractères 
morphologiques  communs.  On  conçoit  donc  la  possibilité  de 
classer  les  plantes  d'après  leur  port  et  certains  caractères 
extérieurs,  non  essentiels.  La  question  mérite  d'être  exa- 
minée de  plus  près. 

Si  par  exemple  on  compare  la  flore  de  la  plaine  avec 
celle  de  la  vallée  avoisinante  ou  avec  celle  de  la  montagne, 
on  est  frappé  de  la  ressemblance  que  présentent  dans  ces 
régions  voisines  les  espèces  appartenant  à  un  même  genre 
ou  à  une  même  famille,  mais  en  même  temps  on  observe 
des  différences  qui  ont  précisément  servi  à  établir  la  dis- 
tinction des  espèces.  Pour  expliquer  les  ressemblances,  on 
dira  que  les  centres  de  création  sont  voisins  l'un  de  l'autre  ; 
pour  expliquer  les  différences  spécifiques,  on  fera  inter- 
venir l'action  du  climat  et  des  autres  conditions  physiques  ; 
mais  on  se  défend  difficilement  de  la  pensée  que  ces  espèces, 
aujourd'hui  si  bien  établies,  ont  pu  dériver  les  unes  des 
autres,  ou  bien  que  des  conditions  physiques  et  biologiques 
différentes,  en  agissantsur  un  même  substratum,  aient  donné 
naissance  à  ces  espèces,  tout  en  leur  laissant  la  forme  an- 
cestrale  générale.  Malheureusement  les  intermédiaires  font 
défaut  et  toute  affirmation  serait  hasardée  dans  l'état  ac- 
tuel de  la  science.  Ailleurs,  les  espèces  ou  les  genres  d'une 
même  famille  offrent  un  parallélisme  remarquable  dans 
des  régions  très  distantes,  mais  à  climat  semblable  ;  ainsi 
aux  mêmes  latitudes  dans  les  deux  mondes  correspondent 
des  espèces  parallèles,  qui  se  remplacent  mutuellement  en 
quelque  sorte  ;  le  Platanus  occidentalis  L.,  par  exemple, 
remplace  dans  l'Amérique  du  Nord  le  PI.  orientalis  L.  de 
notre  Orient  ;  ces  espèces  sont  très  voisines  ;  on  peut  sup- 
poser qu'elles  se  sont  formées  dans  des  centres  de  création 
différents,  éloignés,  mais  où  les  conditions  physiques  et  bio- 
logiques étaient  semblables  ;  il  est  peut-être  préférable  de 
penser  que  les  deux  espèces  sont  issues  d'une  même  espèce 
tertiaire,  le  Platanus  aceroides  Gôpp.,  qui  existait  dans 
tout  l'hémisphère  N.  Nous  observerons  encore  des  faits 
analogues  en  comparant  les  régions  à  climats  analogues  des 
hémisphères  boréal  et  austral;  ainsi,  si  l'on  compare  le  Cap 
à  l'O.  de  l'Europe,  on  constatera  que  dans  les  deux  régions 
les  Ericacées,  par  exemple,  sont  représentées  par  des  espèces 
autres,  mais  semblables  par  leurs  formes  générales  et  par 
le  port.  Ces  ressemblances  se  retrouvent  également  chez 
des  plantes  très  éloignées  dans  le  système  naturel  ;  citons 
comme  exemples  les  Cactées  du  Mexique  et  les  Euphorbes 


813  —  FORME 

d'Afrique,  dont  les  organes  de  nutrition  sont  absolument 
semblables  ;  les  deux  groupes  offrent  des  tiges  succulentes, 
conséquence  de  l'adaptation  de  ces  plantes  à  un  climat  sec 
et  chaud.  En  revanche,  si  nous  comparons  nos  Euphorbes 
françaises  à  celles  de  l'Afrique  tropicale,  les  différences  de 
formes  sautent  aux  yeux  ;  dans  nombre  de  familles  il  en 
est  de  même  ;  les  différences  sont  multiples  et  dépendent 
généralement  de  la  diversité  des  conditions  dans  lesquelles 
les  plantes  se  sont  développées  ;  il  arrive  même  qu'une 
espèce  donnée  diffère  de  forme  selon  qu'elle  se  développe 
dans  un  lieu  sec  ou  un  lieu  humide  ;  ces  formes  ne  sont 
que  des  variétés  (V.  ce  mot). 

On  voit  par  ce  qui  précède  que  les  formes  végétales 
correspondent  dans  un  grand  nombre  de  cas  à  des  groupes 
naturels  ;  que,  d'autre  part,  ces  formes  peuvent  être  sem- 
blables dans  des  groupes  très  éloignés  dans  la  série  systé- 
matique ;  aussi  plusieurs  botanistes  ont-ils  eu  l'idée  d'éta- 
blir un  lien  entre  ces  formes  semblables  et  de  constituer 
une  classification  morphologique  des  plantes,  un  système 
physionomique,  selon  l'expression  de  Humboldt,  à  qui  l'on 
doit  du  reste  une  tentative  de  ce  genre.  Mais  ce  ne  peut 
être  qu'un  système  artificiel  fondé  sur  des  similitudes  d'ha- 
bitus  ou  de  port,  sur  des  caractères  qui  ne  sont  que  l'ex- 
pression de  l'adaptation  d'espèces  souvent  très  éloignées 
dans  l'ordre  naturel  à  des  conditions  biologiques  sem- 
blables, système  ne  tenant  aucun  compte  des  caractères 
invariables  tirés  des  organes  de  la  reproduction.  Grisebach, 
à  l'exemple  de  Humboldt  et  en  tenant  compte  dans  une 
certaine  mesure  des  caractères  systématiques  des  plantes, 
a  distingué  cinquante-quatre  formes  végétales  qu'il  serait 
trop  long  d'énumérer  ici  ;  pour  donner  une  idée  de  cette 
classification,  citons  seulement  dans  la  division  des  plantes 
ligneuses  les  formes  de  Palmiers,  de  Fougères,  de  Bam- 
bous, de  Conifères,  de  Lauriers...,  d'Ericacées,  de  Myrta- 
cées,  de  Protéacées...,  d'arbustes  épineux,  etc.  Drude  a 
considérablement  réduit  le  nombre  de  ces  formes.  Une  des 
tentatives  les  plus  récentes  de  classification  de  ce  genre  est 
due  à  Wiesner,  qui  s'est  appuyé  à  la  fois  sur  les  caractères 
biologiques  et  systématiques  et  a  distingué  les  catégories 
suivantes  :  4°  les  arbres,  à  cime  large  et  à  cime  étroite 
toujours  verts  ou  à  feuilles  caduques  ;  2°  les  arbustes, 
soit  verts,  soit  à  feuilles  caduques,  les  arbustes  grimpants 
et  épineux,  les  genêts  (forme  Spartium),  les  Casuarinées, 
les  Protéacées  ;  3°  les  arbrisseaux  et  sous-arbrisseaux, 
verts  ou  à  feuilles  caduques  ;  4°  les  plantes  herbacées, 
éphémères,  annuelles,  bisannuelles,  à  tige  ligneuse,  épi— 
phytes,  mousses  ;  5°  les  plantes  charnues  ou  succulentes, 
soit  à  tige,  soit  à  feuilles  succulentes,  les  plantes  à  rosette 
de  feuilles;  6°  les  aérophytes;  7°  les  hydrophytes  d'eau 
douce  ou  des  marais  ;  8°  les  lichens  ;  9°  les  saprophytes  ; 
4  0°  les  parasites  verts  ou  privés  de  chlorophylle.  —  Kerner, 
enfin,  tenant  compte  du  substratum,  du  mode  de  nutrition 
et  des  caractères  morphologiques,  a  établi  des  groupes  tels 
que  ceux  des  plantes  aquatiques,  saxicoles,  terricoles, 
épiphytes,  saprophytes,  carnivores,  parasites,  commen- 
sales (lichens),  à  feuilles  planes,  charnues,  etc.  Le  défaut 
général  de  toutes  ces  classifications,  c'est  qu'aucune  ne  re- 
pose sur  des  caractères  purement  biologiques. 

Dans  certains  cas,  grâce  à  la  similitude  du  port  à  d'autres 
caractères  extérieurs  des  plantes,  les  formes  végétales 
peuvent  devenir  le  facteur  prépondérant  de  certaines  asso- 
ciations ;  mais  le  plus  souvent  celles-ci  dépendent  de 
conditions  multiples  et  complexes  et  l'on  peut  y  trouver 
côte  à  côte  des  végétaux  de  formes  différentes  (V.  Asso- 
ciation). Les  associations  naturelles  résultant  du  groupe- 
ment de  ces  formes  végétales  différentes  ont  reçu  de  Gri- 
sebach, en  4835,  le  nom  de  formations.  Un  exemple 
d'une  formation  naturelle,  c'est  la  forêt  avec  ses  arbres, 
ses  arbustes,  ses  plantes  herbacées  et  ses  mousses  et 
lichens,  formant  selon  l'expression  de  Kerner,  comme  quatre 
étages  superposés.  Il  est  évident  que  les  formations  natu- 
relles sont  les  plus  importantes  et  offrent  le  caractère  de 
constance  le  plus  remarquable  dans  les  régions  où  la  main 


FORME  -  FORMENT 


-  844  — 


de  l'homme  est  le  moins  intervenue.  Comme  formations 
naturelles,  à  côté  des  forêts,  citons  les  prairies  natu- 
relles, les  marais,  les  tourbières,  les  eaux,  les  éboulis, 
les  rochers,  le  littoral  maritime,  etc.  L'homme,  en  mo- 
difiant diversement  le  sol  et  les  conditions  biologiques  par 
la  culture,  a  déterminé  la  production  d'associations  égale- 
ment très  constantes,  qu'on  peut  nommer  des  formations 
artificielles,  telles  que  champs,  jardins,  vignobles,  bords 
des  chemins,  etc.  Dr  L.  Hahn. 

IV.  Beaux-Arts. —  Apparence  sous  laquelle  les  objets 
solides  se  révèlent  à  notre  œil  et  à  notre  tact  ;  cette  appa- 
rence est  composée  du  contour,  qui  en  limite  l'étendue,  et 
du  modelé^  qui  en  indique  le  relief.  La  reproduction  de 
la  forme,  par  le  contour  et  les  ombres,  sur  une  toile  ou 
une  feuille  de  papier,  est  l'objectif  du  dessin  ;  le  peintre 
doit  y  ajouter  le  coloris  qui  donne  à  la  forme  l'apparence 
de  la  vie.  Le  sculpteur  reproduit  la  forme  d'une  manière 
plus  réelle  et  plus  effective,  au  moyen  de  la  terre  ou  du 
marbre,  mais  son  œuvre  est  privée  du  charme  du  coloris. 
C'est  évidemment  pour  cette  raison  que  la  forme  est  géné- 
ralement rendue  d'une  manière  plus  sévère  et  plus  cons- 
ciencieuse dans  les  œuvres  de  sculpture  que  dans  celles  de 
peinture.  Ad.  T. 

V.  Mobilier.  —  Siège  d'honneur  à  plusieurs  places  et 
surmonté  d'un  dais  reposant  sur  le  dossier.  Dans  le  chœur 
des  églises  et  des  abbayes,  la  forme  était  divisée  en  stalles 
par  des  accoudoirs;  mais,  dans  les  salles  des  châteaux,  elle 
était  souvent  mobile  et  destinée  à  être  occupée  par  le  sei- 
gneur et  les  .membres  de  sa  famille  qui  présidaient  les 
banquets  officiels.  Devant  la  forme  et  faisant  corps  avec 
elle,  était  placée  une  marche  sur  laquelle  s'appuyaient  les 
pieds.  Au-devant  s'élevait  la  table  supportée  par  des  tréteaux 
mobiles  que  Ton  enlevait  après  le  repas,  pour  organiser 
les  danses.  Certaines  salles  capitulaires  conservent  des 
formes  à  trois  places  de  hauteurs  différentes,  dans  les- 
quelles s'asseyaient  l'abbé  et  les  prieurs.  Les  bancs  d'œuvre 
de  nos  églises  ne  sont  que  des  formes  empruntées  aux  anciens 
mobiliers  ecclésiastiques  du  moyen  âge.  On  trouve  dans  les 
musées  et  dans  plusieurs  églises  un  assez  grand  nombre  de 
ces  sièges  qui  sont  parfois  d'un  beau  travail.  Leur  dossier 
est  orné  de  panneaux  à  fenestrages  richement  découpés  ou 
de  rouleaux  de  parchemin  déployés,  tandis  que  sur  le  dais 
règne  une  dentelure  de  fleurons  détachés  et  séparés  par  des 
pinacles  élancés.  Les  formes  disparurent  du  mobilier  civil 
vers  l'époque  de  la  Renaissance  ;  elles  furent  remplacées 
par  des  sièges  plus  légers  et  moins  encombrants,  mais  le 
nom  ne  s'en  perdit  pas  et  pendant  longtemps  on  persista  à 
l'appliquer  à  des  bancs  et  à  des  banquettes  qui  ne  rappe- 
laient que  par  leur  désignation  les  anciennes  formes  du 
moyen  âge.  A.  de  Ch. 

VI.  Technologie.  —  On  donne  le  nom  de  formes  à 
divers  appareils  servant  à  façonner,  monter  ou  confection- 
ner différents  objets  :  tels  sont  les  châssis  garnis  d'une 
toile  métallique  employés  dans  la  fabrication  du  carton  et 
du  papier  (V.  ce  mot)  ;  l'instrument  en  bois  massif  de  la 
grosseur  de  la  tête  dont  se  servent  les  chapeliers  pour 
enformer  les  chapeaux  (V.  ce  mot)  ;  les  moules  coniques 
en  terre  cuite  dans  lesquels  on  coule  le  sirop  pour  le  faire 
cristalliser  et  le  réduire  en  pain  (V.  Sucre)  .  En  typogra- 
phie, on  appelle  forme  toute  composition  renfermée  dans 
un  châssis,  ainsi  que  le  châssis  lui-même  avec  ses  garni- 
tures. Chaque  moitié  de  feuille  imposée  (V.  Imposition) 
constitue  généralement  une  forme  :  l'une  se  nomme  côté  de 
première,  l'autre,  côté  de  seconde  ou  de  deux,  et  chacune 
contient  le  nombre  de  pages  indiqué  par  le  chiffre  du  for- 
mat ;  la  forme  in-octavo,  par  exemple,  se  compose  de  huit 
pages.  —  La  forme  du  cordonnier  consiste  en  un  morceau 
de  bois  de  hêtre  ou  de  frêne  imitant  à  peu  près  le  pied  et 
sert  à  monter  les  souliers,  les  chaussons,  les  bottines,  etc. 
Les  chaussures  d'hommes  se  font  sur  deux  formes,  une 
pour  le  pied  droit  et  une  pour  le  pied  gauche  ;  celles  des 
enfants  et  une  partie  de  celles  des  femmes  sur  une  seule. 
La  chaussure  étant  terminée,  afin  de  faciliter  l'extraction 


de  la  forme,  celle-ci  est  divisée  obliquement  en  deux  mor- 
ceaux dont  l'une  représente  le  cou-de-pied  et  se  termine 
en  pointe  vers  le  milieu  du  pied,  l'autre  représente  le 
talon,  le  gras  du  pied  et  les  doigts.  Pour  les  hottes  on 
emploie  les  embouchoirs  qui  ont  de  plus  la  forme  de  la 
jambe.  Quand  on  veut  élargir  des  chaussures  trop  étroites, 
on  fait  usage  de  formes  particulières  dites  formes  brisées 
qui  sont  sciées  dans  toute  leur  longueur  et  dont  les  deux 
morceaux  peuvent,  grâce  à  un  mécanisme  quelconque,  être 
écartées  à  volonté.  —  Les  formes  de  la  modiste  sont  de 
deux  sortes  :  ou  bien  c'est  une  tête  en  carton  peint  qui  lui 
sert  à  assembler  et  à  épingler  les  différents  plis  d'une 
coiffure  pour  permettre  de  juger  de  l'effet  qu'elle  produit, 
ou  c'est  la  pièce  principale  d'un  chapeau,  destinée  3.  être 
recouverte  d'étoffes,  ou  garnie  de  rubans,  de  dentelles, 
de  plumes,  de  fleurs  artificielles,  etc. 

VII.  Marine.  --  Formes  de  radoub  (V.  Bassin  de  ra- 
doub). 

VIII.  Art  vétérinaire.— ■  Les  formes  sont  des  tumeurs 
osseuses  ou  exostoses  qui  se  développent  à  la  surface  des 
os  du  pied  du  cheval,  paturon  ou  couronne,  ou  dans  les 
tissus  du  fibro-cartilage  complémentaire  de  l'os  du  pied. 
Les  formes  sont  donc  ou  phalangiennes  ou  cartilagineuses. 
Les  coups,  les  heurts,  les  blessures,  les  javarts  sont  la  cause 
la  plus  commune  de  ces  dernières  ;  les  premières  sont  cau- 
sées par  la  fatigue,  l'excès  de  travail,  l'usure,  les  tiraille- 
ments exercés  sur  les  ligaments  articulaires,  lesquels,  inti- 
mement liés  au  périoste,  enflamment  cette  membrane  et 
provoquent  à  sa  face  interne  une  sécrétion  exagérée  de 
matière  osseuse,  appelée,  d'une  manière  générale,  exostose, 
et  forme  quand  elle  a  son  siège  sur  les  phalanges.  La  forme 
est  un  mal  grave,  en  ce  sens  qu'il  tare  l'animal  et  lui 
occasionne  souvent  une  boiterie  qu'il  est  difficile  de  guérir. 
Les  onguents  fondants,  le  feu  en  pointes  et  l'application 
d'un  fer  à  planche  si  la  forme  a  envahi  les  cartilages,  tels 
sont  les  moyens  curatifs  à  employer  pour  la  combattre. 

L.  Garnier. 
Bibl.  :  Mathématiques.  —  Saumon,  Leçons  d'algèbre 
supérieure,  trad.  Bazin;  Paris,  1868.  -  Clebsch,  Leçons 
sur  la  géométrie,  trad.  Benoist;  Paris,  1879.  —  H.  Lau- 
rent, Traité  d'analyse;  Paris,  1885,  t.  I. 

FORMENT  (Damian),  sculpteur  espagnol,  né  à  Valence 
vers  1480,  mort  à  Huesca  vers  4534.  Il  étudia  son  art  en 
Italie  et,  croit-on,  auprès  de  l'un  des  élèves  de  Donatello. 
Revenu  en  Espagne,  il  traitait,  en  4541,  avec  le  chapitre 
de  la  cathédrale  del  Pilar,  à  Saragosse,  pour  l'exécution 
du  maître-autel  de  cette  cathédrale,  moyennant  le  prix  de 
4,200  ducats  d'or.  Le  maître  imagier  disposa  sa  décora- 
tion en  trois  parties  juxtaposées,  chacune  d'elles  se  compo- 
sant d'un  haut-relief  peuplé  de  nombreuses  figures,  sculptées 
dans  l'albâtre.  Au  centre,  il  prit  pour  motif  Y  Assomption 
de  la  Vierge  et,  sur  les  côtés,  la  Naissance  et  la  Purifi- 
cation. Toute  la  décoration  extérieure  de  style  gothique 
forme  un  riche  encadrement  à  ces  hauts-reliefs  ;  il  est 
peuplé  lui-même  d'un  monde  de  statuettes  entourées  de 
caprices  décoratifs  de  l'exécution  la  plus  exquise.  Parmi 
les  grands  ouvrages  de  sculpture  que  Forment  entreprit  à 
Saragosse,  l'un  des  plus  importants  est  le  retable  en  bois, 
de  l'église  Saint-Paul,  qui  fut  achevé  vers  4547,  et  dont 
les  figures  furent  ensuite  peintes  au  naturel  par  divers 
artistes  estof adores.  Il  se  compose  de  nombreux  hauts  et 
bas-reliefs,  de  statues  de  saints,  avec  l'image  de  saint  Paul 
au  centre,  encadrés  par  des  pilastres  et  des  motifs  d'orne- 
ments, des  feuillages,  dont  le  style  est  mi-parti  gothique 
et  renaissance.  Plusieurs  fragments  d'un  retable  "existant 
autrefois  dans  l'église  de  la  Magdalena,  à  Saragosse,  et  dont 
la  sculpture  était  attribuée  à  Forment,  ont  été  utilisés  dans 
la  décoration  de  la  chapelle  du  Saint-Christ  dans  cette  même 
église.  Ces  reliefs,  jadis  peints  en  tons  naturels,  ont  été 
maladroitement  recouverts  d'une  couche  de  peinture  blanche. 
Dans  la  chapelle  Saint-Thomas  d'Aquin,  un  groupe  poly- 
chrome, représentant  le  Christ  mort,  entouré  de  la 
Vierge,  de  saint  Jean  et  de  la  Madeleine,  paraît  égale- 
ment pouvoir  être  attribué  à  Forment.  On  le  regarde  aussi 


—  815  — 


FORMENT  —  FORMICARIIDÉS 


comme  Fauteur  du  précieux  retable  d'albâtre,  enrichi  de 
nombreuses  sculptures,  de  l'église  paroissiale  de  Velilla  de 
Ebro.  En  4520,  Forment  commençait  à  Huesca  le  grand 
retable  de  la  cathédrale  qu'il  ne  terminait  qu'en  1533  et 
qu'il  décorait  avec  le  même  goût  et  la  même  profusion  de 
figures  et  d'ornements  de  style  gothique  mêlé  de  renais- 
sance, qu'il  avait  précédemment  employés  à  la  cathédrale 
del  Pilar.  Il  fit  en  même  temps,  à  Huesca,  les  sculptures 
de  deux  petits  retables  pour  les  chapelles  du  Sagrario  et 
de  Santa  Anna,  ouvrages  d'une  exécution  admirable. 
L'empereur  Charles-Quint,  à  l'incitation  de  son  sculpteur 
Berruguete,  qui  avait  collaboré  avec  Forment  à  quelques- 
uns  de  ses  ouvrages  à  Saragosse  ou  à  Huesca,  avait  mandé 
l'artiste  auprès  de  lui  pour  lui  confier  des  travaux  de  son 
art.  Mais  celui-ci  tomba  malade  à  Huesca  et  y  mourut  peu 
après  l'achèvement  de  son  superbe  retable.  Paul  Lefort. 
FORMENTERA  (Ile)  (V.  Baléares). 
FORMENT1N.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Pont- 
PEvêque,  cant.  de  Cambremer  ;  275  hab. 

FOR  MENTOR  .Pointe  la  plus  avancée  vers  le  N.  de  l'île 
de  Majorque  (Baléares),  partie  terminale  d'une  longue  et 
étroite  presqu'île  qui  ferme  au  N.  la  remarquable  baie  de 
Pollenza. 

FQRMER1E  (Fromeriœ,  Fourmeries).  Ch.-l.  de  cant. 
du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beauvais;  1,365  hab.  Stat.  du 
ch.  de  fer  du  Nord.  C'était  une  des  quatre  baronnies  du 
vidamé  de  Gerberoy.  Elle  appartint  dès  une  époque  très 
reculée  aux  Montmorency-Beaussault,  puis  passa  par  diver- 
ses alliances  dans  les  maisons  de  Roye,  d'Estoute\ille  et  de 
Sainte-Maure.  Le  dernier  propriétaire  de  cette  famille  eut 
pour  héritier  Antoine  Duprat,  seigneur  de  Nantouillet, 
chancelier  de  France,  puis  cardinal,  dont  les  successeurs 
portèient  le  titre  de  barons  de  Formerie  jusqu'en  1790. 
L'église  paroissiale  a  un  clocher  central  du  commencement 
du  xvne  siècle.  On  a  trouvé  des  substructions  et  des  anti- 
quités de  l'époque  romaine  sur  le  territoire.   Brasserie, 
ateliers  d'apprêts  pour  la  bonneterie,  teinturerie,  bimbelo- 
terie, verrerie,  faïencerie.  Commerce  de  bestiaux. 
FOR  MER  ET  (Archit.)  (V.  Arc,  t.  III,  p.  595). 
FORMEY    (Jean-Henri-Samuel),  littérateur  allemand, 
français  par  sa  famille  qui  était  protestante  et  avait  quitté 
la  France  après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  né  à 
Berlin  le  31  mai  1711,  mort  à  Berlin  le  8  mars  1797. 
Il  devint,  en  1721,  ministre  de  l'Eglise  française  réformée 
de  Brandebourg  et,  en  1736,  pasteur  de  l'Eglise  de  Berlin, 
fonction  qu'il  cumula  avec  celle  de  professeur  d'éloquence 
au  Collège  français.  Adepte  de  Wolf,  il  publia,  de  1741 
à  1750,  une  manière  de  fantaisie  philosophique  en  six 
tomes,  intitulée  la  Belle  Wolfienne  ou  Abrégé  de  la 
philosophie  wolfienne  et  qui  lui  valut  de  faire  partie, 
dès  son  origine,  de  l'Académie  de  Berlin  (1744).  Nommé 
en  1748  secrétaire  perpétuel  de  cette  compagnie,  et,  en 
1789,  directeur  de  la  section  de  philosophie,  il  s'acquitta  de 
ses  fonctions  avec  le  plus  grand  zèle,  une  érudition  consi- 
dérable et  un  parfait  mauvais  goût  d'écrivain.  On  lui  doit 
de  nombreux  éloges  académiques,  une  Histoire  de  l' Aca- 
démie des  sciences  de  Berlin  (1746)  ;  un  recueil  de  ser- 
mons intitulé  le  Philosophe  chrétien  (1750);  des  Mé- 
langes philosophiques  (1754);  un  Abrégé  de  V Histoire 
de  la  philosophie  (1760);  les  Souvenirs  d'un  citoyen 
(1789),  sans  compter  quelques  compilations  dans  le  genre 
de  la  Bibliothèque  critique  ou  Mémoires  pour  servir  à 
Vhistoire  littéraire  ancienne  ou  moderne  (Berlin,  1746, 
3  parties,  in-12).  Formey  collabora  aussi  à  X  Encyclopédie 
française,  à  V Encyclopédie  d'Yverdun,  au  humai  ency- 
clopédique, etc.  Ch.  Le  G. 

FOR  Ml  A  (Formies,  autrefois  Formiœ).  Ville  d'Italie, 
prov.  et  circondario  de  Gaëte,  à  7kil.  N.-E.  de  cette  ville, 
appelée  souvent  à  cause  de  cette  proximité  Mola  di  Gaeta; 
8,565  hab.  Beaucoup  de  voyageurs  aiment  mieux  y  sé- 
journer que  dans  l'étroite  forteresse  de  Gaëte,  d'autant  qu'on 
y  jouit  d'une  fort  belle  vue  sur  la  campagne,  sur  le  golfe  de 
Gaëte  et  sur  Ischia.  Les  coteaux  du  voisinage  produisent 


un  vin  qu'Horace  comparait  au  Falerne.  On  y  trouve  de 
nombreux  restes  de  villas  construites  jadis  par  les  Romains 
qu'attirait  la  beauté  du  site.  La  plus  visitée  est  celle  de 
Cicéron.  C'est  là  que  le  grand  orateur  se  livra  lui-même  aux 
émissaires  d'Antoine. 

F0RMIAmDE(Chim0.Form.jE:::SlY 

Le  formiamide  ou  formamide,  découvert  par  Hof- 
mann,  est  l'amide  normal  de  l'acide  formique  : 
C2H204AzH3  —  H202  =  C2H3Az02. 

On  le  prépare  en  chauffant  en  tubes  scellés,  pendant 
cinq  heures  et  à  230°,  du  formiate  d'ammonium,  et  en 
distillant,  de  manière  à  recueillir  lé  liquide  qui  passe  vers 
190°  (Hofmann).  Le  même  corps  prend  naissance  dans 
plusieurs  réactions  :  lorsqu'on  chauffe  à  100°  de  l'éther 
formique  saturé  de  gaz  ammoniac;  par  l'action  de  l'hy- 
drogène naissant  sur  le  cyanate  de  potassium  ;  en  chauf- 
fant des  formiates  avec  du  sel  ammoniac  ;  en  abandonnant 
à  basse  température  un  mélange  d'acide  cyanhydrique  et 
d'acide  chlorhydrique.  Le  formiamide  est  un  liquide  inco- 
lore, bouillant  à  190°,  et  se  décomposant  un  peu  au-des- 
sous de  cette  température  en  oxyde  de  carbone  et  ammo- 
niaque : 

C2H3AzO*  =  C202  +  AzH3. 
Il  est  très  soluble  dans  l'eau,  insoluble  dans  l'éther.  Les 
lessives  alcalines  dégagent  de  l'ammoniaque  ;  les  déshy- 
dratants, comme  l'acide  phosphorique,  donnent  de  l'acide 
cyanhydrique  : 

C2H3Az02  =  H202  -f-  C2AzH. 
Il  fournit  plusieurs  dérivés  :  avec  l'acide  chlorhydrique, 
un  produit  d'addition  cristallisé;  avec  le  brome,  un  dérivé 
de  substitution  ;  avec  les  alcools,  des  dérivés  de  substitu- 
tion, comme  le  méthylformiamide,  l'éthylformiamide,  le 
diéthylformiamide,  etc.  Ed.  Bourgoin. 

Bibl.  :  Basarow,  Soc.  ch.,  t.  IX,  250.  —  Berend,  id.9 
t. 1,  277.  —  Claison  et  Matthews,  id.,  t.  XL,  199.— -Hof- 
mann, id.,  t.  XXXVIII,  278.  —  Lorin,  id.,  t.  II,  207. 

FORMICARIIDÉS  (Ornith.).  Les  Passereaux  qui  cons- 
tituent la  famille  des  Formicariidés  et  qui  appartiennent 
tous  à  la  faune  du  Nouveau-Monde  ont  été  rapprochés  par 
les  anciens  auteurs,  soit  des  Timéliidés  asiatiques  (V.  ce 
mot)  auxquels  ils  ressemblent  par  leurs  mœurs  et  aussi 
par  la  nature  de  leur  plumage,  abondant  et  floconneux 
sur  les  reins ,  soit  des  Laniidés  (V.  ce  mot  et  Pie- 
Grièche),  qu'ils  rappellent  souvent  par  la  forme  de  leur 
bec,  dont  la  mandibule  supérieure  est  crochue  et  dentée. 
Les  Formicariidés,  toutefois,  comme  l'ont  montré  d'Orbi- 
gny,  Ménétrier,  le  prince  de  Wied,  Nitzsch,  J.  Millier  et  le 
Dr  Cabanis,  offrent  des  caractères  qui  leur  sont  propres  et 
ont  un  faciès  qu'on  ne  peut  méconnaître.  Ils  ont  tous  les 
tarses  grêles,  le  doigt  externe  réuni  au  doigt  médian  à  la 
base,  les  ongles  médiocrement  développés,  les  ailes  courtes 
et  arrondies,  le  plumage  varié  de  brun,  de  noir  ou  de 
blanc,  cette  dernière  couleur  se  montrant  assez  fréquem- 
ment, au  moins  chez  les  mâles,  à  la  base  des  plumes  de  la 
région  interscapulaire. 

Comme  le  dit  M.  Ph.-L.  Sclater  dans  le  travail  très 
étudié  et  très  complet  qu'il  a  consacré  à  cette  famille  (Cat. 
B.Brit.Mus.,  1890,  t.  XV,  pp.  177  et  suiv.),  la  subdi- 
vision intérieure  de  Formicariidés  présente  de  très  grandes 
difficultés,  car  si  les  formes  extrêmes,  telles  que  les  Tham- 
nophiles  et  les  Grallaria,  les  premiers  avec  leur  physionomie 
de  Pies-Grièches,  les  secondes  avec  leur  physionomie  de 
Brèves,  paraissent,  au  premier  abord,  suffisamment  dis- 
tinctes, on  trouve  néanmoins  certaines  formes  qui  établissent 
la  transition  entre  ces  deux  groupes  et  qui  constituent  la 
tribu  intermédiaire  des  Formicariidés. 

Les  Formicariidés  sont  très  répandus  dans  les  contrées 
tropicales  du  Nouveau-Monde  :  on  en  connaît  une  ving 
taine  d'espèces  dans  l'Amérique  centrale,  une  cinquantaine 
dans  la  Guyane,  au  moins  autant  au  Brésil  et  en  Colombie 
et  près  de  cent  au  Pérou.  Ils  paraissent  être  sédentaires  et 
vivent  dans  les  broussailles  et  les  taillis.  Les  uns,  comme 


FORMICARIIDÉS  —  FORMIQUE 


—  846  — 


les  Thamnophiles  et  certains  Formicariinés,  se  perchent  sur 
les  buissons,  tandis  que  d'autres,  comme  les  Grallaria, 
courent  sur  le  sol  à  la  manière  des  Brèves  (V.  ce  mot). 
Ces  Grallaria  sont,  en  général,  de  la  taille  d'un  Merle  ou 
d'une  Grive  et  ont  la,  tête  assez  forte,  le  corps  épais,  les 
ailes  courtes,  la  queue  très  réduite,  les  pattes  hautes  et  bien 
dégagées.  Des  caractères  analogues  avec  des  dimensions 
beaucoup  plus  réduites  se  retrouvent  chez  les  Conopopha- 
gidés  que  l'on  réunissait  autrefois  aux  Formicariidés,  mais 
dont  on  fait  maintenant  une  famille  distincte. 

Les  Thamnophiles ,  au  contraire,  ont,  comme  nous 
l'avons  dit,  non  seulement  le  bec  mais  les  formes  générales 
des  Pies-Grièches,  tandis  que  beaucoup  de  Formicariidés, 
avec  leur  queue  de  longueur  moyenne,  leurs  ailes  arron- 
dies et  leur  bec  assez  grêle  rappellent  un  peu  les  Fau- 
vettes. Certaines  espèces  de  Formicaridés  ont,  en  dépit  de 
leur  petite  taille,  un  chant  extrêmement  sonore  et  plus  ou 
moins  comparable  au  son  d'une  cloche.  D'autres  font  en- 
tendre un  gazouillement  harmonieux  ou  poussent  au  con- 
traire des  croassements  désagréables.  Le  régime  de  ces 
oiseaux  est  essentiellement  insectivore.  Ils  se  montrent 
d'un  naturel  farouche  et  ne  peuvent  être  conservés  en  cap- 
tivité. Leur  mode  de  nidification  est  encore  assez  mal 
connu.  On  sait  cependant  que  certains  d'entre  eux  déposent 
leurs  œufs  sur  le  sol,  tandis  que  les  Thamnophiles  nichent 
dans  les  buissons. 

Dans  les  anciens  traités  d'ornithologie  et  dans  les  rela- 
tions de  voyages,  les  Formicariidés  sont  souvent  désignés 
sous  le  nom  de  Fourmiliers  qui  a  été  appliqué  du  reste 
également  à  des  Passereaux  asiatiques  (V.  le  mot  Timé- 

LIIDÉS).  E.  OUSTALET. 

FORNICATION  (V.  Fourmillement). 

FOR  MIES.  Ancienne  ville  d'Italie  (Latium),  sur  la  mer 
Tyrrhénienne ,  près  de  Minturnes,  dans  le  pays  des 
Volsques  (V.  Formia). 

FORNIIGA.  Ville  du  Brésil,  dans  l'Etat  de  Minas  Geraes, 
sur  la  rive  gauche  de  la  rivière  du  même  nom,  affluent  du 
Lambary,  qui  se  déverse  dans  le  rio  Grande  ou  Paranâ 
supérieur. 

FORMIGÉ  (Jean),  architecte  français,  né  au  Bouscat 
(Gironde)  le  24  juil.  4845.  Elève  de  Laisné  et  de  l'Ecole 
des  beaux-arts.  Entré,  dès  4869,  dans  le  service  d'architec- 
ture de  la  ville  de  Paris,  il  fut  nommé  inspecteur  des  tra- 
vaux de  reconstruction  de  l'Hôtel  de  Ville  et  chargé,  suivant 
les  dernières  volontés  de  feu  Th.  Ballu,  de  l'achèvement  de 
la  décoration  de  cet  édifice  ;  il  est,  en  outre,  architecte  en 
chef  du  service  des  promenades  et  plantations  de  la  ville  de 
Paris.  Attaché,  depuis  4873,  au  service  des  monuments 
historiques,  M.  Formigé  a  restauré  plusieurs  édifices  dans 
les  dép.  de  la  Vienne,  du  Lot  et  de  l'Aveyron,  le  théâtre 
antique  d'Orange  et  les  cathédrales  de  Meaux  et  de  Laval. 
Enfin,  M.  Formigé  a  fait  élever,  pour  l'Exposition  univer- 
selle de  1889,  les  deux  palais  des  Beaux-Arts  et  des  Arts 
libéraux  sur  les  côtés  du  Champ  de  Mars  ainsi  que  les 
motifs  extérieurs  de  décorations  des  terrasses  et  jardins. 

FORMIGNY.Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Bayeux, 
cant.  de  Trévières,  sur  un  affluent  de  l'Aure  ;  556  hab.  Le 
18  août  4450,  les  Anglais  commandés  par  Thomas  Kyriel 
y  furent  vaincus,  après  un  combat  très  meurtrier,  par  le 
comte  de  Clermont  et  le  connétable  de  Richemont,  victoire 
décisive  qui  assura  à  Charles  VII  la  conquête  de  la  Nor- 
mandie. Une  chapelle,  construite  en  \  486,  par  le  comte  de 
Clermont  lui-même  sur  l'emplacement  de  la  bataille  au  bord 
de  la  rivière,  a  été  restaurée  sous  le  règne  de  Louis-Phi- 
lippe. En  4834,  la  Société  française  d'archéologie  fit  éle- 
ver sur  la  colline  voisine  une  borne  monumentale  revêtue 
d'une  inscription  commémora tive.  Eglise  (mon.  hist.), 
dont  la  nef  est  en  partie  romane,  le  chœur  et  la  tour  de 
style  gothique  primitif. 

Bibl.  :  E.  Cosneau,  le  Connétable  de  Richemont  ;  Paris, 
1886,  pp.  407-413,  in-8.  On  y  trouvera  avec  un  plan  de  la  ba- 
taille une  bibliographie  complète. 

FORMIGUÈRES.  Corn,  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 


de  Prades,  cant.  de  Mont-Louis,  dans  la  vallée  du  Capcir; 
724  hab.  Elle  possédait  un  château  où  l'on  prétend  que 
Sanche  de  Majorque  mourut  en  4324.  Une  église  fut  con- 
sacrée à  Formiguères  en  874  et  une  autre  en  4049  ;  de 
ces  édifices  il  ne  reste  rien  ou  bien  peu.  Aug.  Brutails. 
FORMILLON  (Techn.)  (V.  Conformâtes)] 

FORMIQUE  (Acide)  (Chim.).  Form.  J  jg;;;  ™ 

L'acide  formique,  ainsi  nommé  parce  qu'il  a  été  retiré 
des  fourmis,  est  le  plus  simple  de  tous  les  acides  orga- 
niques. Il  a  été  étudié  par  plusieurs  chimistes,  notamment 
par  Daniel  Fischer  qui  l'a  découvert  (4670);  Margraff, 
qui  l'a  distingué  de  l'acide  acétique  (4749)  ;  Liebig,  qui  a 
fixé  sa  composition  (4834)  ;  Dumas  et  Peligot,  qui  ont  établi 
ses  relations  avec  l'alcool  méthylique  (4835)  ;  Berthelot, 
qui  en  a  fait  la  synthèse,  en  partant  de  l'oxyde  de  carbone 
et  de  l'eau  (4856)  : 

C202  +  H202  — C2H204; 
réaction  qui  n'a  pas  lieu  directement,  mais  qui  s'effectue 
sous  l'influence  d'un  alcali.  L'acide  formique  prend  encore 
naissance  :  en  attaquant  l'acide  carbonique  par  le  potas- 
sium et  la  vapeur  d'eau  (Kolbe),  ou  en  attaquant  le  carbo- 
nate d'ammonium  par  l'amalgame  de  sodium;  en  oxydant  le 
gaz  des  marais  indirectement  (Dumas),  ou  l'alcool  méthylique 
(Dumas  et  Peligot);  en  oxydant  brusquement  l'acétylène 
par  l'acide  chromique  concentré  (Berthelot)  ;  dans  l'hydra- 
tation de  l'acide  cyanhydrique  par  l'acide  chlorhydrique 
(Pelouze)  ;  en  attaquant  le  chloral  ou  le  bromal  par  des 
solutions  alcalines  (Dumas).  En  général,  l'acide  formique 
est  l'un  des  produits  ultimes  de  l'oxydation  des  matières 
organique*;  dans  les  liqueurs  acides.   Il  existe  dans  les 
fourmis,  dans  plusieurs  insectes  irritants,  comme  les  che- 
nilles processionnaires;  dans  l'ortie  brûlante;  dans  les 
aiguilles  du  sapin  ;  dans  certains  liquides  de  l'économie, 
comme  le  sang,  la  sueur.  On  le  prépare  en  chauffant  dans 
une  cornue  4  kilogr.  de  glycérine  avec  4  kilogr.  d'acide 
oxalique  cristallisé  et  450  gr.  d'eau  ;  on  chauffe  vers  400°, 
tant  qu'il  se  dégage  de  l'acide  carbonique  ;  on  ajoute  un 
litre  d'eau,  puis  500  gr.  d'acide  oxalique,  et  on  distille 
pour  recueillir  425  gr.  de  produit  environ.  On  ajoute  alors 
une  nouvelle  quantité  d'eau  et  d'acide  oxalique,  et  on 
continue  la  distillation  en  recommençant  deux  ou  trois  fois 
la  même  opération.  Pour  obtenir  l'acide  pur,  on  passe  par 
le  formiate  de  plomb,  qu'on  décompose  par  l'hydrogène 
sulfuré  à  une  température  de  420°  : 

-   C2JlPb04-f-SHz=SPb4-C2H204. 
On  recueille  le  produit  de  la  réaction  dans  un  récipient 
bien  refroidi. 

L'acide  formique  est  un  liquide  incolore,  limpide,  fu- 
mant à  l'air,  odorant,  caustique;  sa  densité  est  de  4,226 
à  45°;  il  bouta  404°  et  cristallise  vers  zéro  lorsqu'il  est 
chimiquement  pur.  Chauffé  vers  260°,  il  se  dédouble  en 
eau  et  oxyde  de  carbone,  avec  dégagement  de  chaleur 
(Berthelot);  la  décomposition  a  lieu  au-dessous  de  400° 
en  présence  de  l'acide  sulfurique,  ce  qui  donne  un  bon 
procédé  pour  préparer  l'oxyde  de  carbone.  Les  corps 
oxydants  engendrent  de  l'eau  et  de  l'acide  carbonique  : 

C2H204  +  02  =  C204  +  H202. 
Avec  le  chlore,  il  y  a  production  d'acides  carbonique  et 
chlorhydrique  : 

C2H204-f-Cl2  =  2HCl  +  C204, 
tandis  que  les  alcalis  fournissent  par  fusion  de  l'acide 
oxalique  et  de  l'hydrogène  (Peligot)  : 

2C2H204—  C4H208  +  H2. 
L'acide  formique  est  un  réducteur  énergique  :  il  ramène 
à  chaud  les  oxydes  d'argent  et  de  mercure  à  l'état  métal- 
lique ;  il  réduit  l'azotate  d'argent,  surtout  en  liqueur  neutre, 
ramène  le  sublimé  à  l'état  de  calomel,  etc.  Soumis  à 
l'électrolyse,  il  ne  donne  que  de  l'acide  carbonique  au  pôle 
positif  (Bourgoin)  : 

4°  Action  fondamentale  du  courant  : 

2(C2H204)  —  2(C2H03  +  O)  +  H2 


847  — 


FORMIQUE  —  FORMOSE 


2°  Action  secondaire  (oxydation)  : 

2(C2H03  +  0)  =  C2H204  +  C204. 
C'est  un  acide  énergique,  saturant  parfaitement  les  bases, 
décomposant  les  carbonates  avec  effervescence,  à  la  manière 
de  l'acide  acétique.  Il  donne  naissance  à  de  nombreux 
dérivés,  notamment  les  suivants  :  4°  des  sels  neutres, 
acides  et  même  basiques,  bien  qu'il  soit  monobasique; 
2°  des  éthers  avec  les  alcools,  comme  l'éther  méthylfor- 
mique,  l'éther  éthylformique,  etc.  ;  3°  des  amides,  comme 
le  formiamide,  l'acide  cyanhydrique.  On  ne  connait  ni  le 
chlorure  formique,  C2H02CI,  ni  l'anhydride  formique 
(C2H03)2,ni  les  anhydrides  mixtes.  Les  formiates  neutres 
sont  des  sels  cristallisables,  solubles  dans  l'eau,  insolubles 
dans  l'alcool;  chauffés  avec  l'acide  sulfurique,  ils  laissent 
dégager  de  l'oxyde  de  carbone  pur;  ils  réduisent  à  l'ébul- 
lition  les  sels  d'argent  et  de  mercure.  On  les  prépare  en 
saturant  directement  l'acide  libre  par  les  carbonates. 
L'union  de  l'acide  formique  avec  les  bases  dissoutes  dégage 
sensiblement  autant  de  chaleur  que  celle  qui  répond  à  la 
formation  des  azotates  correspondants  (Berthelot).  Ed.  B. 

FORMIQUE  (Aldéhyde)  (Chim.). 

«  (  Equiv. . .     C2H202. 

Form-  |  Atom...     CI1»0. 

Valdéhyde  formique,  méthylal  ou  formaldéhyde  a 
été  découvert  en  4868  par  Hofmann  en  faisant  passer  sur 
une  spirale  de  platine  chauffée  un  courant  d'air  saturé 
d'esprit  de  bois.  Ce  corps,  qui  n'a  pas  encore  été  préparé 
à  l'état  de  pureté,  se  forme  encore  dans  la  distillation 
sèche  du  formiate  de  chaux  (Lieben  et  Rossi),  ou  lorsqu'on 
fait  passer  vers  400°  un  mélange  d'éthylène  et  d'oxygène 
en  excès.  C'est  un  gaz  qui,  en  dissolution,  réduit  énergi- 
quement  le  nitrate  d'argent  ammoniacal,  avec  production 
d'un  miroir  métallique.  Chauffé  avec  de  la  potasse,  il  se 
résinifie;  en  présence  de  l'acide  sulfhydrique,  il  engendre 
une  masse  cristalline,  feutrée,  d'une  blancheur  éclatante, 
fusible  à  216°,  le  sulfaldéhyde  méthylique,  C2H2S2,  qui 
prend  naissance  d'après  l'équation  suivante  : 

C*H*0*  -h  S2H2  =  H20*  +  C2H2S2. 
Abandonnée  à  elle-même,  la  solution  aldéhydique  sulfurée 
se  polymérise  spontanément  pour  former  plusieurs  dérivés, 
dont  le  plus  important  est  le  trioxyméthyiène  sulfuré  : 

3C2H2S*  =  C6H6S\ 
Il  en  est  de  même  de  l'aldéhyde  formique,  qui  donne  le 
trioxyméthyiène,  C6H606,  corps  cristallin,  fusible  à  453°, 
isomérique  avec  l'acide  lactique.  Ed.  Bourgoin. 

FORMOBENZOYLIQUE  (Acide)  (Chim.). 
P  m  S  Equiv...  Ci6H806 
Form'   (Atom...  CW 

L'acide  for mobenzoy iique,  benzylalo  formique,  phé- 
nylglycollique  ou  mandélique,  a  été  obtenu  synthé- 
tiquement  en  4832  par  Winckler  en  faisant  réagir  un 
mélange  d'acide  cyanhydrique  et  d'essence  d'amandes 
amères,  en  présence  de  l'acide  chlorhydrique  : 

C2AzH  H-  C14H602  +  2H202  z=  AzH3  +  C16H806. 

C'est  un  acide-alcool  qui  prend  encore  naissance  :  lors- 
qu'on fait  bouillir  l'acide  phénylchloracétique,  C16H7C104, 
avec  une  lessive  alcaline;  ou  encore,  en  chauffant  au 
bain -marie  le  dibromure  d'acétophénone ,  C16H6Br202, 
avec  une  solution  étendue  de  potasse.  On  le  prépare  en 
chauffant  au  bain  de  sable  et  au  réfrigérant  ascendant 
une  cornue  contenant  45  litres  d'eau,  400  gr.  d'essence 
d'amandes  amères,  un  peu  d'acide  chlorhydrique  et  une 
quantité  d'acide  cyanhydrique  trois  fois  plus  grande  que 
celle  qu'indique  la  théorie;  après  vingt -cinq  à  trente 
heures  de  chauffe,  on  évapore  le  liquide  au  bain-marie, 
on  reprend  le  résidu  par  l'éther,  et  ce  dernier,  à  l'éva- 
poration,  fournit  un  produit  qu'on  purifie  par  de  nouvelles 
cristallisations.  L'acide  formobenzoy lique  cristallise  en 
tables  rhomboïdales,  fusibles  à  445°,  assez  solubles  dans 
l'eau,  très  solubles  dans  l'alcool  et  dans  l'éther.  A  la 
distillation  ou  soumis  à  l'action  des  oxydants,  il  donne 
de  l'essence  d'amandes  amères  ;  l'acide  sulfurique  en  dé- 
gage de  l'oxyde  de  carbone,  et  les  réducteurs  le  ramènent 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


à  l'état  d'acide  a-toluique,  C16fl804.  D'après  Lewkowitsch, 
cet  acide  n'est  neutre  à  la  lumière  polarisée  que  par  com- 
pensation :  c'est  un  racémique,  dédoublable  par  le  Péni- 
cillium glaucum  en  acides  droit  et  gauche,  ce  dernier 
étant  détruit,  tandis  que  le  Saccharomices  ellipsoidens 
ne  fournit  que  l'acide  gauche.  L'acide  formobenzoylique 
est  à  la  fois  monobasique  et  monoalcoolique.  C'est  un  acide 
énergique  qui  s'unit  avec  les  alcalins,  la  soude  par  exemple, 
en  dégageant  beaucoup  de  chaleur,  soit  43cal8  pour  des 
solutions  diluées  (Berthelot).  —  Les  sels  alcalins  et 
alcalino-terreux  sont  cristallins.  Le  sel  de  cuivre  est 
un  précipité  bleu  clair;  le  sel  de  plomb,  un  précipité 
blanc,  cristallin,  fort  peu  soluble;  le  sel  d'argent  est 
une  poudre  blanche,  que  l'eau  bouillante  abandonne  en 
lamelles  brillantes,  rhombiques,  noircissant  à  la  lumière. 

FOR  MO  NT  (Jean-Baptiste-Nicolas),  né  à  Rouen,  mort  en 
nov.  4758.  Il  n'est  connu  que  par  son  amitié  avec  Voltaire 
et  les  plus  célèbres  littérateurs  et  artistes  du  temps,  et  sa 
liaison  avec  Mme  du  Deffand  (V.  ce  nom).  Formont  com- 
posait des  poésies  agréables  dont  quelques-unes  figurent 
dans  les  œuvres  de  Voltaire. 

FORMOSA  (Russie)  (V.  Cahulu). 

FORMOSA.  Ville  du  Brésil,  dans  l'Etat  de  Goyaz,  sur 
le  plateau  de  Couros,  à  4  kil.  à  l'O.  du  lac  Feia.  Elle  se 
trouve  près  des  montagnes  et  plateaux  qui  séparent  les 
bassins  du  Tocantins,  du  Paranâ  et  du  Sâo  Francisco.  On 
l'a  proposée  pour  la  capitale  du  Brésil  (4892).  Formosa 
s'appelait  primitivement  Arraial  dos  Couros.  Sa  fondation 
date  du  commencement  du  xvme  siècle. 

FORMOSA  (Lagoa).  Quelques  lacs  du  Brésil  portent  ce 
nom.  Le  plus  important  se  trouve  dans  l'Etat  de  Goyaz. 
C'est  dans  ce  lac  que  prend  sa  source  la  riv.  Maranhâo, 
affl.  du  Tocantins.  Dans  l'Etat  de  Sâo  Paulo,  district  de 
Sâo  Joâo  da  Boa  Vista,  il  y  a  aussi  une  lagoa  Formosa. 

FORMOSA  (Bahia).  Baie  du  Brésil,  dans  l'Etat  de  Para- 
hyba  (Brésil),  entre  le  mont  Sibahuma  au  N.  et  le  cap 
Bacopary  au  S.  Cette  baie  a  5  milles  de  longueur  N.-S. 
et  2  milles  de  largeur.  Bon  mouillage  au  IN.  du  cap.  Le 
village  de  Formosa  est  dans  la  pointe  N.-E. 

FORMOSE.  Grande  île  de  la  mer  de  Chine.  Son  nom 
chinois  est  Taï-ouan  ;  ce  sont  les  navigateurs  espagnols  qui 
l'ont  baptisée  Hermosaou  Formosa  (la  belle)  à  cause  de  ses 
paysages  enchanteurs.  Sa  superficie  est  de  38,803  kil.  q.  ; 
sa  population  d'environ  3,000,000  d'hab.  Elle  est  sé- 
parée de  la  province  de  Fou-kien  par  le  détroit  des  Pesca- 
dores,  des  îles  Bâchi  (Philippines)  par  le  détroit  de  For- 
mose,  du  Japon  par  les  îles  Liou-kiou. 

Côtes.  —  La  côte  0.  de  Formose,  à  partir  du  cap  Sud 
jusqu'à  la  pointe  Siao-ki,  au  N.-E.  de  l'île,  est  fermée 
par  une  plaine,  peu  accidentée,  qui  n'est  qu'un  étroit  cor- 
don littoral  du  cap  Sud  jusqu'au  port  de  Taï-ouan,  qui 
s'élargit  considérablement  ensuite  pour  redevenir  une 
bande  étroite  dans  le  N.-E.,  un  peu  au-dessous  de  Ke- 
loung.  On  distingue  sur  cette  côte,  du  S.  au  N.,  quelques 
mouillages  :  Liang-kiau,  Tang-kang,  en  face  duquel  se 
trouve  l'îlot  de  Lambay,  Ta-kau-kon,  le  grand  port  de 
Taï-ouan,  qui  fait  face  à  l'archipel  des  Pong-hou  ou  Pes- 
cadores ,  Paou-tan-chuy,  Tyka,  Tenkcham,  Tam-soui  et 
Keloung.  La  côte  E.,  qui  esta  peu  près  inconnue,  est  for- 
mée de  rochers  arides,  très  escarpés  et  d'abords  très  dif- 
ficiles. On  n'y  rencontre  guère  qu'un  petit  village  de  pê- 
cheurs, Sao-o. 

Montagnes.  —  La  grande  arête  montagneuse  qui  sépare 
ces  deux  côtes,  dirigée  du  N.-E.  au  S.-O.,  est  nommée  Ta- 
chan  ou  Grandes  Montagnes.  Elle  présente  des  sommets 
très  élevés,  entre  autres  le  mont  Morrison  (3,300  m.) 
et  le  mont  Sylvia  (3,600  m.).  C'est  une  chaîne  volca- 
nique où  l'on  trouve  de  nombreuses  solfatares  et  un  petit 
volcan  en  activité  près  de  la  ville  de  Kiaï-chan.  Au  reste, 
toute  cette  région  montagneuse  qui  forme  l'E.  de  l'île  est 
peu  connue. 

Rivières.  —  Les  rivières  sont  nombreuses,  mais  peu 
importantes  :  elles  mériteraient  mieux  le  nom  de  torrents. 

52 


FORMOSE  —  FORMULAIRE 


-  818  — 


On  peut  citer  le  Taï-ouan-fou,  le  Black  River  qui  aie  cours 
le  plus  considérable  mais  n'est  point  navigable ,  le  Lo- 
kan,  le  Taïka,  le  Tiou-kan,  le  Tonk-chan,  enfin  le  Tam- 
soui,  navigable  jusqu'à  3  milles  dans  l'intérieur  et  dont 
les  deux  branches  finales  viennent  former  l'une  le  port 
de  Tam*soui,  l'autre  le  port  de  Keloung.  Près  de  Posia  on 
trouve  le  joli  lac  de  Tsoui-sia-hai. 

Climat.  —  11  est  très  chaud  en  juin,  juillet,  août  et 
septembre,  atteignant  en  moyenne  21°  à  22°,  et  en  janvier 
10°.  Des  pluies  abondantes  tombent  pendant  lelnois  de 
janvier,  février,  mars  et  mai.  La  végétation  est  luxu- 
riante ;  les  fleurs,  surtout  les  orchidées,  atteignent  des 
proportions  et  un  éclat  peu  communs  ;  des  forêts  considé- 
rables occupent  toute  la  région  de  montagnes. 

Habitants.  —  On  peut  les  diviser  en  trois  groupes  : 
1°  des  immigrants  chinois  qui  habitent  la  plaine  et  se 
livrent  à  l'agriculture;  2°  des  Hakkas  qui  habitent  le 
pays  compris  entre  les  possessions  chinoises  et  celles  des 
aborigènes  ;  3°  les  aborigènes,  d'origine  malaise,  qui  sont 
cantonnés  dans  les  montagnes  et  forment  eux-mêmes  deux 
groupes  distincts;  les  uns  à  demi  civilisés,  les  Pepo- 
hoans,  les  autres  tout  à  fait  insoumis  et  féroces,  même 
cannibales,  si  Ton  en  croit  du  moins  les  relations  chi- 
noises qui  les  nomment  Sang-fan  ou  les  sauvages. 

Histoire.  —  Les  Chinois  ont  connu  Formose  à  une 
époque  reculée,  mais  ils  ne  l'ont  pas  occupée  avant  les 
temps  modernes  ;  ils  se  contentaient  de  la  possession  des 
Pescadores.  Signalée  par  les  navigateurs  espagnols  au  com- 
mencement du  xvie  siècle  elle  ne  fut  pourtant  envahie  qu'en 
1622,  date  à  laquelle  les  Hollandais  s'établirent  à  Taï-ouan 
où  ils  construisirent  un  fort  en  1634.  Ils  furent  expulsés 
en  1661  par  le  pirate  Tchen-tching-kong.  En  1683,  For- 
mose était  rattachée  à  la  Chine  qui  eut  sans  cesse  à  lutter 
contre  la  rébellion  des  aborigènes  qu'elle  n'a  pas  encore 
réussi  à  dompter.  En  1874,  les  Japonais  ont  fait  une  expé- 
dition dans  la  petite  baie  de  Liang-kiao  au  S.-E.  de  l'île, 
mais  ils  se  sont  retirés  presque  aussitôt,  la  Chine  leur 
ayant  payé  une  indemnité  en  argent  :  le  prétexte  donné  à 
l'expédition  était  l'assassinat,  par  les  tribus  sauvages,  de 
quelques  sujets  japonais  naufragés.  En  1884,  le  gouverne- 
ment français  donna  l'ordre  à  l'amiral  Courbet  d'occuper 
Keloung.  Il  y  entra  le  1er  oct.  après  avoir  mis  les  Chinois 
en  pleine  déroute,  mais  pendant  ce  temps  l'amiral  Lespès 
éprouvait  un  échec  à  Tam-soui  (2  au  8  oct.),  où  l'éner- 
gique défense  des  Chinois  l'obligea  de  battre  en  retraite. 
Le  2  nov.,  l'ennemi  tentait  une  attaque  vigoureuse  sur 
Keloung  ;  elle  fut  repoussée  après  un  combat  acharné.  Il  y 
eut  d'autres  engagements,  mais  faute  d'effectifs  l'amiral 
fut  condamné  pendant  deux  mois  à  l'inaction.  Il  quitta  For- 
mose le  5  janv.  1885  pour  remonter  vers  le  Nord  avec  l'es- 
cadre et  occuper  les  Pescadores  où  il  mourut  le  11  juin. 
Le  blocus  fut  levé  et  l'île  évacuée  peu  après. 

Géographie  politique.  —  Formose  dépend  de  la  province 
chinoise  de  Fou-kien  ;  un  gouverneur  général  réside  à  Taï- 
ouan-fou,  sa  capitale.  Dans  chaque  village  appartenant 
au  territoire  des  Pepo-hoans,  il  y  a  un  chef  nommé  par  le 
gouverneur.  L'île  est  partagée  en  six  districts  :  1°  Nord- 
Formose  qui  comprend  deux  anciens  districts  réunis  en  un 
seul  en  1876  :  Ko-mo-lan  et  Tam-soui;  2°  Tchang-houa; 
3°  Kiaï  ;  4°  Taï-ouan  ;  5°  Fengchan  ;  6°  Penghou  compre- 
nant les  îles  du  détroit  de  Fou-kien.  Taï-ouan,  la  capi- 
tale, a  environ  120,000  hab.  et  une  garnison  chinoise  de 
10,000  hommes.  Ses  rues  sont  étroites,  coupées  à  angle 
droit,  et  remplies  de  petites  boutiques  regorgeant  de  produits 
chinois  ;  on  ne  peut  guère  citer  comme  monuments  qu'une 
petite  église  construite  par  les  Hollandais.  Le  port  peut 
recevoir  1,000  jonques;  Tam-soui  a  environ  95,000  hab.  et 
un  port  bien  situé  où  résident  des  consuls  étrangers  ;  Takao 
est  une  vdle  douanière  importante  où  résident  également 
des  consuls  :  Keloung  a  220,000  hab.  A  l'intérieur,  il  y  a 
quelques  villes  assez  importantes  :  Chin-lo-san  ;  Tchang- 
hoa  (70,000  hab.),  Teuk-cham;  Banka  (30,000  hab.). 

Géographie  économique.  =  Le  sol  de  Formose  est  très 


fertile;  il  produit  du  riz  en  abondance,  ce  qui  a  valu  à  l'île 
le  surnom  de  grenier  de  la  Chine  ;  du  blé,  du  millet,  du 
maïs,  des  truffes,  des  patates,  des  cannes  à  sucre,  du 
camphre,  du  thé,  du  poivre,  de  Tabès,  des  fruits,  notam- 
ment des  oranges  et  des  noix  de  coco  ;  un  peu  de  café,  de 
coton  et  de  soie.  Les  gîtes  minéraux  sont  très  importants  : 
il  y  a  des  mines  de  plomb,  d'argent,  de  cuivre.  L'exploi- 
tation du  charbon  (dans le  N.  de  l'île,  à  Keloung),  du  soufre 
et  du  camphre  donne  lieu  surtout  à  des  transactions  con- 
sidérables. Les  articles  d'exportation,  principalement  en 
Chine  (province  de  Fou-kien),  en  Amérique,  en  Angleterre, 
en  Australie,  sont  le  charbon,  le  camphre  et  le  sucre. 
L'importation  comprend  surtout  de  l'opium,  des  laines  et 
du  coton.  Le  mouvement  du  commerce  est  d'environ 
20,000,000  de  fr.  à  l'importation  et  18,000,000  à  l'expor- 
tation. 

Bibl.  :  Candidius,  A  short  Account  of  the  island  of 
Formosa;  Londres,  1704.  —  Grosier,  Description  de  l'île 
Taï-ouan  ou  Formose  ;  Paris ,  1785.  —  Klaproth,  Des- 
cription de  Formose,  dans  Nouvelles  Annales  des  voyages, 
de  1823.  t.  XX.  —  Swinhoe,  Visit  to  Formosa  :  Londres,  1859. 
—  Morrison,  Description  of  the  island  of  Formosa,  dans 
Geographical  Magazine  de  1877.—  Corner,  A  Tour  through 
Formosa,  dans  Proceedings  of  the  R.  G.  Society,  1878. 
^  FORMOSE,  114e  pape,  élu  le  7  sept.  891,  mort  en  avr. 
896.  Il  était  évèque  de  Porto  depuis  864,  lorsque  il  prit 
ou  fut  accusé  d'avoir  pris  part  à  un  complot  tramé  par  le 
parti  allemand  contre  Charles  le  Chauve  et  contre  le  pape 
Jean  VIII  qui  l'avait  couronné.  Il  fut  excommunié  par  le 
pape  et  cette  condamnation  fut  confirmée  par  des  conciles 
tenus  à  Ponthion  et  à  Troyes.  Il  n'obtint  l'absolution  qu'à 
la  condition  de  se  résigner  à  la  communion  des  laïques,  ab- 
diquant toutes  fonctions  épiscopales  et  promettant  de  ne 
jamais  rentrer  à  Rome.  En  883,  le  pape  Marin  (Martin  II) 
le  releva  de  ce  serment.  Il  se  trouva  ainsi  rétabli  dans  ses 
fonctions  épiscopales,  sous  les  pontificats  d'Adrien  III  (884- 
885)  et  d'Etienne  V  (885-891).  A  la  mort  de  ce  dernier, 
il  fut  élu  évêque  de  Rome,  malgré  les  prescriptions  du 
XVe  canon  du  concile  de  Nicée  et  du  Ier  canon  du  concile 
de  Sardique  interdisant  aux  évêques  de  passer  d'un  siège 
à  un  autre.  En  896,  obéissant  aux  exigences  de  sa  situa- 
tion et  aux  désirs  du  parti  qui  l'avait  élu,  il  couronna  em- 
pereur Arnulf,  roi  de  Germanie  (V.  Arnoul,  t.  III,  p.  1077, 
col.  1),  qui  était  venu  en  Italie,  pour  le  défendre  contre 
Guy  de  Spoiète.  Celui-ci  était  mort  avant  l'arrivée  d'Ar- 
nulf  ;mais  Formose  mourut  bientôt  après  lui.  Boniface, 
qui  lui  succéda  (11  avr.  896),  ne  survécut  que  quinze  jours 
à  son  élection.  Etienne  VI  le  remplaça  (mai  896).  Arnulf 
ayant  quitté  Rome  au  mois  de  janv.  897,  Etienne  VI  se  fit 
l'instrument  des  vengeances  du  parti  du  duc  de  Spoiète  et 
procéda  sur  le  cadavre  de  Formose  aux  horribles  repré- 
sailles qui  sont  relatées  au  mot  Etienne  VI.  Le  prétexte  de 
la  condamnation  qui  prétendait  les  motiver  était  que  For- 
mose, étant  déjà  évêque  de  Porto,  s'était  fait  élire  évêque 
de  Rome.  Mais  Etienne  VI  lui-même  avait  été  évêque  d'Ana- 
gni  avant  d'être  pape  ;  d'ailleurs  le  XIVe  canon  apostolique 
permettait  une  élection  de  ce  genre,  en  cas  de  nécessité  et 
sur  les  instances  de  plusieurs  évêques.  Dans  une  assem- 
blée tenue  à  Rome  en  898,  Jean  IX  déclara  Formose  in- 
nocent parce  qu'il  avait  été  promu  par  nécessité,  de  Porto 
au  siège  apostolique,  à  cause  des  mérites  de  sa  vie,  et  il 
ordonna  que  les  actes  du  concile  qui  l'avait  condamné  fussent 
brûlés.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Dûmmeler,  Auxilius  und  Vulgarius  ;  Leipzig, 
1866,  in-8. 

FORM0SO.  Cap  d'Afrique  formé  par  un  puissant  dépôt 
de  terres  alluviales  et  qui  constitue  le  point  le  plus  sail- 
lant du  delta  du  Niger.  Il  sert  de  délimitation  aux  deux 
golfes  de  Bénin  et  de  Biafra. 

FORMULAIRE.  I.  Histoire  du  droit.  —  On  a  composé 
dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  pays,  à  l'usage  des  pra- 
ticiens, des  recueils  de  modèles  d'actes,  de  lettres,  de  con- 
trats, etc.  Il  nous  en  est  parvenu  qui  remontent  à  l'anti- 
quité romaine  et  un  plus  grand  nombre  qui  datent  du 
moyen  âge.  Ces  anciens  recueils  ont  un  grand  intérêt  pour 


-  819  — 


FORMULAIRE  —  FORMULE 


l'histoire  du  droit  et  des  institutions  en  même  temps  qu'au 
point  de  vue  de  la  critique  diplomatique  ;  aussi  les  a-t-on 
depuis  longtemps  recueillis  et  publiés.  Ceux  du  haut  moyen 
âge  en  particulier  ont  été  l'objet  de  nombreuses  études.  Il 
en  existe  deux  éditions  complètes.  Dans  l'une,  due  à  M.-E. 
de  Rozière  (Recueil  général  des  formules  usitées  sous 
V empire  des  Francs  du  ve  au  xe  siècle;  Paris,  1861- 
1871,  3  vol.  in-8),  toutes  les  formules  ont  été  classées 
d'après  leur  objet  dans  un  ordre  méthodique  et  juridique  ; 
un  volume  entier  de  tables  donne  la  concordance  avec  les 
anciens  formulaires,  avec  les  manuscrits  et  avec  les  an- 
ciennes éditions.  Dans  l'autre,  due  à  M.  R.  Zeumer  (For- 
mulée Merovingici  et  Karolini  aevi  (Hanovre,  1886, 
in-4,  dans  la  collection  des  Monumenta  germaniœ),  la 
composition  des  anciens  formulaires  a  été  conservée,  et  ces 
divers  recueils  ont  été  publiés  les  uns  à  la  suite  des  autres. 
Les  formulaires  postérieurs  à  l'époque  carolingienne 
ont  été  jusqu'ici  moins  étudiés  parce  que  la  multiplicité  des 
documents  qui  nous  sont  parvenus  les  rend  moins  inté- 
ressants pour  l'histoire  et  le  droit  que  les  recueils  anté- 
rieurs, mais  ils  n'ont  pas  moins  d'importance  au  point  de 
vue  diplomatique.  On  peut  les  classer  en  deux  catégories  : 
les  uns  sont  des  formulaires  de  chancellerie,  les  autres 
des  recueils  de  modèles  de  contrats  spécialement  à  l'usage 
des  notaires. 

IL  Jurisprudence.  — *  Recueil  de  modèles  servant  à 
faciliter  la  rédaction  des  divers  actes  judiciaires  et  extra- 
judiciaires. Ces  modèles  ou  formules  présentent  pour  les 
praticiens  la  plus  grande  utilité.  Ils  énumèrent  en  effet 
toutes  les  conditions  intrinsèques  et  extrinsèques  néces- 
saires à  la  validité  des  actes  ;  de  plus,  et  spécialement 
pour  les  contrats,  ils  rappellent  aux  rédacteurs  les  clauses 
qu'il  est  d'usage  d'y  inscrire,  que  l'expérience  a  fait  recon- 
naître utiles.  Enfin,  grâce  à  ces  formules,  les  actes  étant  tou- 
jours calqués  sur  un  même  modèle,  les  gens  de  loi  qui  ont 
l'habitude  de  ces  formules  ne  sont  pas  dans  la  nécessité 
de  lire  la  totalité  d'un  acte  pour  chercher  telle  ou  telle 
clause,  mais  ils  savent  de  suite  et  à  première  vue  dans 
quelle  partie  de  l'acte  elle  se  trouvera.  Les  formulaires 
étaient  fort  en  usage  dans  notre  ancien  droit,  où  ils  pre- 
naient le  nom  de  styles  :  c'est  ainsi  qu'il  y  avait  le  style 
des  huissiers,  le  style  des  procureurs,  etc.  Sous  Louis  XIV, 
une  déclaration  du  19  mars  1673  décida  que,  pour  main- 
tenir l'uniformité  des  divers  actes,  il  serait  dressé  des 
formulaires.  Cette  prescription  resta  lettre  morte,  et  nos 
codes  actuels  ne  contiennent  pas  non  plus  de  formulaires, 
mais  seulement  l'énutnération  des  diverses  mentions  qui 
doivent  se  trouver  dans  les  actes  de  procédure.  Nos  an- 
ciens jurisconsultes  terminaient  volontiers  leurs  ouvrages 
par  un  recueil  de  formules  qui  les  complétait,  mais  cet 
usage  semble  disparaître,  et  les  formulaires  ne  se  ren- 
contrent plus  que  dans  les  manuels  spéciaux  aux  divers 
praticiens,  huissiers,  notaires,  greffiers,  avoués,  etc. 

III.  Histoire  religieuse  (V.  Jansénisme). 

IV.  Thérapeutique,  —  On  donne  en  médecine  le  nom 
de  formulaire  à  un  recueil  de  formules  officinales  et  ma- 
gistrales. Après  avoir  fait  son  diagnostic,  le  médecin  doit 
formuler  ;  le  plus  souvent  les  prescriptions  consistent  en 
médicaments.  Le  codex  (V.  ce  mot)  met  à  sa  disposition 
tous  les  médicaments  officinaux  qui  sont  préparés  par  une 
méthode  invariable  ;  mais  la  forme  pharmaceutique  ayant 
parfois  une  influence  considérable,  il  convient  d]approprier 
le  médicament  à  un  usage  spécial,  et  le  médecin  fait  une 
prescription  magistrale.  C'est  la  réunion  des  formules 
usuelles  ou  consacrées  par  un  long  usage,  comme  la 
décoction  blanche,  la  tisane  de  Feltz,  etc.,  qui  constitue  le 
formulaire  pharmaceutique.  Mais  on  conçoit  qu'on  puisse 
faire  des  formulaires  spéciaux,  un  formulaire  antiseptique, 
un  formulaire  pour  les  injections,  etc.,  à  l'usage  des  mé- 
decins et  des  spécialistes.  Les  formulaires  subissent  natu- 
rellement toutes  les  fluctuations  des  doctrines  médicales  : 
aussi  se  renouvellent-ils  souvent.  Il  est  indispensable  au 
praticien  d'avoir  un  grand  nombre  de  formules  à  sa  dispo- 


sition pour  lui  permettre  de  modifier,  selon  les  circons- 
tances, les  formes  des  médicaments  qu'il  prescrit.  Ordinai- 
rement un  formulaire  comprend  un  résumé  sommaire  des 
principales  indications  du  traitement  à  suivre  dans  la  plu- 
part des  maladies.  Cette  partie  du  livre  prend  le  nom  de 
Formulaire  thérapeutique.  Ed.  Bourgoin. 

Bibl.  :  Histoire  du  droit.—  A.  Giry,  Manuel  de  diplo- 
matique, pp.  479-492.  On  y  trouvera  une  bibliographie  dé- 
taillée. 

FORMULE.  I.  Mathématiques.  —  On  appelle  formule 
en  mathématiques  le  tableau  des  opérations  à  faire  sur  des 
quantités  données  pour  en  déduire  les  valeurs  des  quantités 
que  l'on  cherche.  Telle  est  la  définition  donnée  par  Lagrange 
dans  son  traité  des  équations  numériques.  —  Peut-être 
serait-il  plus  clair  de  dire  que  les  formules  sont  des  équa- 
tions, des  congruences,  des  équipollences,  des  égalités  ou 
des  inégalités. 

II.  Chimie.  —  Les  formules  chimiques  représentent  la 
composition  des  corps,  c.-à-d.  leurs  éléments  constituants, 
leurs  proportions  relatives  et  leurs  équivalents.  Soit  le 
sel  marin.  L'analyse,  ainsi  que  la  synthèse,  démontre  que 
ce  corps  est  uniquement  formé  de  chlore  et  de  sodium, 
dans  la   proportion  de  35,5  du  premier  pour  23   du 
second  ;  la  formule  CINa  représente  donc  :  1°  la  nature 
des  éléments  du  composé  ;  2°  la  composition  centési- 
male ;  3°  Téquivalent,  qui  est  égal  à  35,5  -+-  23.  On 
désigne  d'ailleurs  les  équivalents  des  corps  simples  par 
une  lettre  majuscule,  qui  est  en  général  la  première  de 
leur  nom  latin,  et  elle  est  suivie  d'une  minuscule  lorsqu'il 
existe  plusieurs  éléments  commençant  par  la  même  lettre  : 
tel  est  le  cas  des  mots  carbone,  cadmium,  calcium, 
chlore,  cuivre,  qu'on  représente  respectivement  par  les 
symboles  suivants  :  C,  Cd,  Ca,  Cl,  Cu.  Pour  fixer  la  for- 
mule des  corps  minéraux  ou  organiques,  il  faut  déterminer 
la  composition  élémentaire  et  l'équivalent  (V.  ce  mot). 
Pour  les  corps  organiques,  le  carbone  se  dose  à  l'état 
d'acide  carbonique  ;  l'hydrogène  à  l'état  d'eau  ;  l'oxygène 
par  différence  ;  l'azote  à  l'état  libre  ou  sous  forme  d'am- 
moniaque; les  autres  corps  simples,  métaux  ou  métaltoï- 
diques,  d'après  les  méthodes  usuelles  (V.  Analyse  chimique). 
L'analyse  élémentaire  d'un  corps  organique  ne  suffit  pas 
pour  établir  sa  formule  chimique  :  elle  indique  seulement 
les  rapports  qui  existent  entre  les  poids  des  éléments  qui 
la  composent,  et  plusieurs  formules,  multiples  les  unes 
des  autres,  répondent  aux  résultats  analytiques.  Quelle 
est  celle  qu'il  faut  adopter  ?  C'est  en  étudiant  les  diverses 
combinaisons  qu'il  peut  engendrer  et  les  nouveaux  dérivés 
qu'il  fournit  par  oxydation,  réduction,  substitution,  etc., 
qu'on  peut  résoudre  le  problème.  Ce  n'est  que  lorsque  le 
principe  immédiat  a  été  étudié  sous  toutes  ses  faces,  sur- 
tout lorsqu'il  se  prête  à  un  grand  nombre  de  réactions 
faciles  à  réaliser,  que  la  formule  adoptée  présente  toute 
certitude.  Prenons  comme  exemple  l'acide  acétique.  Soumis 
à  l'analyse  élémentaire,  il  donne  les  résultats  suivants  : 

Hydrogène 6,67  ) 

Carbone 40       [  =  100. 

Oxygène 53,33  ; 

En  divisant  le  poids  de  chacun  de  ces  éléments  par  son 
équivalent,  on  obtiendra  des  quotients  qui  seront  néces- 
sairement entre  eux  comme  les  nombres  d'équivalents  des 
éléments  simples  qui  existent  dans  le  composé.  On  a  : 

Pour  l'hydrogène -^fi  ==  6,670 


—  le  carbone. 


1 

40 


—  l'oxygène. 


.    6     " 
53,33 

8;   : 


:  6,666 
:  6,666. 


Ces  trois  quantités  étant  égales,  l'acide  acétique  pur  ren- 
ferme équivalents  égaux  de  carbone,  d'hydrogène  et  d'oxy- 
gène, et  la  formule  la  plus  simple  est  évidemment  CHO  ; 
mais  les  formules  C2H202,  C4H404,  C6H606,  C8H808,  etc., 


FORMULE 


—  820  — 


représentent  également  bien  les  résultats  analytiques.  D'un 
autre  côté,  l'analyse  des  acétates,  notamment  de  l'acétate 
d'argent,  démontre  que  l'équivalent  de  l'acide  acétique  est 
égal  à  60;  donc  la  formule  de  l'acide  acétique  est  C4H404  : 

C4  =  24  ) 

H4  =    4  [  =  60. 

04  =  32  ) 

Une  méthode  analogue  s'applique  à  la  détermination  de 
la  formule  d'un  alcali  organique,  d'un  alcool,  d'un  éther,  etc. 
En  thèse  générale,  toutes  les  fois  qu'un  principe  immédiat 
a  été  bien  étudié,  on  fixe  sa  formule  avec  quelque  certitude 
en  se  fondant  sur  les  données  tirées  des  poids  relatifs  des 
corps  qui  se  combinent.  Le  corps  peut-il  se  volatiliser  sans 
décomposition,  le  problème  se  simplifie,  car  les  densités 
gazeuses,  qu'il  s'agisse  de  corps  simples  ou  de  corps  com- 
posés, sont  proportionnelles  aux  équivalents,  ou  du  moins 
dans  un  rapport  très  simple  avec  ces  derniers.  Pris  sous 
des  poids  équivalents,  à  l'état  de  vapeur,  les  composés  or- 
ganiques occupent  le  même  volume;  comme  ce  volume  est 
quadruple  de  celui  qui  représente  l'équivalent  de  l'oxygène, 
on  exprime  parfois  ce  fait  en  disant  que  les  corps  orga- 
niques représentent  quatre  volume  de  vapeurs. 

Déterminées  par  les  considérations  qui  précèdent,  les 
formules  chimiques  représentent  des  formules  brutes. 
Les  formules  rationnelles  ont  été  exposées  et  discutées 
à  l'art.  Chimie  (V.  en  outre  Stéréochimie). 

III.  Pharmacie.  —  Les  formules  représentent,  en  phar- 
macologie, les  médicaments  simples  ou  composés  qui  peuvent 
être  administrés  aux  malades.  Elles  sont  magistrales  ou 
officinales,  suivant  qu'elles  comprennent  des  médicaments 
préparés  à  l'avance  ou  sur  les  indications  du  médecin  ;  les 
premières  peuvent  varier  à  l'infini,  tandis  que  les  secondes 
sont  fixes  et  invariables.  Ce  sont  ces  dernières  qui,  réunies 
en  corps  de  doctrine,  constituent  le  codex  ou  formulaire 
légal.  Ed.  Bourgoin. 

IV.  Armée.  —  On  donne  ce  nom  à  certains  textes  établis 
d'une  façon  définitive  par  les  lois,  décrets  ou  instructions 
ministérielles  dont  on  doit  se  servir  dans  des  cas  déter- 
minés. La  plupart  des  formules  sont  imprimées  à  l'avance, 
en  laissant  les  blancs  nécessaires  pour  y  inscrire  à  la  main 
les  indications  éventuelles.  Ces  formules  sont  cataloguées 
et  numérotées  par  service  dans  des  nomenclatures  établies 
au  ministère  de  la  guerre  ;  telles  sont  :  les  formules  de  la 
justice  militaire  (ordres  d'informer,  de  mise  en  jugement, 
d'ordonnance  de  non  lieu,  etc.);  celles  de  la  comptabilité- 
matières  ;  du  service  des  marches,  des  transports,  de  l'ha- 
billement, des  fonds,  des  hôpitaux,  du  génie,  de  l'artil- 
lerie ;  en  un  mot,  de  tous  les  rouages  militaires.  Il  est 
également  certaines  formules  inscrites  dans  les  règlements 
qui  doivent  être  lues  ou  prononcées  dans  certaines  circons- 
tances et  dont  on  ne  peut  s'écarter  ;  telles  sont  :  les  for- 
mules de  réception  aux  divers  grades  de  la  hiérarchie  mili- 
taire et  de  la  Légion  d'honneur  ;  les  formules  de  prestation 
de  serment,  etc. 

Formules  de  salutation.  Les  correspondances  mili- 
taires se  terminaient  jadis  par  des  formules  différentes 
suivant  la  qualité  et  la  hiérarchie  des  personnes  qui  corres- 
pondaient entre  elles.  On  disait  à  un  officier  général  :  «  Je 
suis,  avec  un  profond  respect,  votre  très  obéissant  et  tout 
dévoué  subordonné  »;  à  son  tour  il  répondait  à  son  infé- 
rieur, même  à  la  suite  d'un  blâme  ou  d'une  punition  : 
«  Recevez,  mon  cher  camarade,  l'assurance  de  mes  senti- 
mente  affectueux.  »  Une  décision  ministérielle  du  28  mai 
4880  a  supprimé  cette  manière  de  faire.  Toute  correspon- 
dance militaire  doit  actuellement  (4893)  porter  en  commen- 
çant le  nom  de  celui  qui  écrit,  suivi  de  sa  qualité,  puis 
la  désignation  et  l'adresse  du  destinaire,  par  exemple  : 
«  Le  général  X. . . ,  commandant  la  Ne. . .  division  d'infanterie, 
à  M.  le  colonel  du  Ne...  régiment,  à  Paris.  »  La  lettre  doit 
se  terminer  par  le  nom  du  signataire  sans  être  précédé 
d'aucune  formule  de  salutation.  Les  formules  ont  été  cepen- 
dant conservées  dans  les  correspondances  des  autorités 


militaires  avec  la  marine  et  les  administrations  civiles  où 
elles  sont  encore  en  usage. 

V.  Droit  romain.  —  Acte  de  procédure  par  lequel  le 
magistrat  (le  plus  ordinairement  à  Rome  le  préteur)  expose 
au  juge  les  prétentions  des  plaideurs,  lui  renvoie  l'affaire 
et  lui  fait  connaître  sa  mission.  Sous  le  premier  système 
de  procédure  des  Romains,  celui  des  legis  actiones,  le 
rôle  du  magistrat  se  bornait,  en  général,  à  assister  à  des 
rites  et  à  des  pantomimes  accompagnées  de  certaines  pa- 
roles de  la  part  des  plaideurs;  quant  au  rôle  du  juge,  des 
décemvirs  ou  des  centumvirs,  il  était  tracé  par  les 
cérémonies  qui  avaient  été  accomplies  devant  le  prêteur.  Ce 
système  de  procédure  des  legis  actiones  fut  supprimé  en 
partie  par  la  loi  iEbutia,  en  partie  par  les  lois  Julia,  et  il 
fut  remplacé  par  une  nouvelle  procédure  connue  sous  le 
nom  de  système  formulaire,  précisément  parce  que  cette 
nouvelle  procédure  reposait  avant  tout  sur  une  formule  que 
rédigeait  le  magistrat.  Dans  quels  termes  devait  être  con- 
çue cette  formule?  C'était  précisément  là  l'objet  du  débat 
qui  s'élevait  devant  le  préteur.  Les  parties  pouvaient  pré- 
senter leurs  observations  en  termes  quelconques,  sans  être 
soumises  à  aucunes  paroles  solennelles  ;  c'était  ensuite  au 
préteur  qu'il  appartenait  de  rédiger  un  écrit,  pour  déter- 
miner au  juge,  à  l'arbitre  ou  au  recuperator,  la  difficulté 
à  résoudre,  et  il  devait,  dans  la  rédaction  de  cet  écrit, 
suivre  certaines  formules,  d'où  le  nom  même  de  formule 
donné  à  l'écrit.  Dans  ce  second  système  de  procédure,  il 
existe  donc  encore  des  certa  et  solemnia  verba,  mais  ils 
sont  maintenant  à  la  charge  du  magistrat,  et  les  parties 
sont  débarrassées  de  tout  rite  gênant  et  dangereux.  C'est 
dans  ce  nouveau  pouvoir  que  le  préteur  a  trouvé  la  source 
de  son  influence  sur  la  justice  et  sur  la  jurisprudence.  Dé- 
sormais le  préteur  eut  le  soin  de  créer  à  l'avance  des  for- 
mules spéciales,  pour  chaque  classe  de  droits,  et  de  les 
insérer  dans  son  édit  pour  les  porter  à  la  connaissance  de 
tous.  Ce  pouvoir  lui  donna  aussi  le  moyen  de  créer,  de  sa 
propre  autorité,  de  nouvelles  actions  pour  combler  les 
lacunes  du  droit  civil.  Quant  à  la  question  de  savoir  de 
quelle  manière  s'est  introduit  le  système  formulaire,  elle 
est  restée  assez  obscure.  On  admet  assez  généralement  que 
les  formules  existaient  déjà  sous  le  système  des  actions  de 
la  loi  pour  les  procès  entre  citoyens  et  étrangers  ;  elles 
étaient  délivrées  par  le  préteur  pérégrin  chargé  d'organiser 
ces  procès.  Il  semble  bien  aussi  que  la  formule  fonction- 
nait déjà  à  cette  époque,  même  entre  citoyens  romains,  à 
propos  de  l'action  de  certa  re  établie  par  la  loi  Calpur- 
nia,  et  à  défaut  de  la  sponsio  qui  était  employée  dans 
Faction  de  certa  crédita  pecunia.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
d'exposer  comment  la  formula  se  généralisa  ensuite  et 
devint  commune  à  toutes  les  actions  (V.  Procédure  [Droit 
romain]).  On  distingue  dans  les  diverses  formules  des 
actions  jusqu'à  quatre  parties  principales  ;  d'ailleurs  le  plus 
souvent  ces  quatre  parties  ne  sont  pas  réunies.  On  place 
en  tête  de  la  formule  la  nomination  du  juge;  mais  elle 
n'est  pas  considérée  comme  une  pars  formulée.  Vient  en- 
suite la  démonstration  première  partie  de  la  formule,  qui 
a  pour  objet  d'indiquer  le  point  de  fait  à  raison  duquel  les 
plaideurs  sont  en  procès;  ellefest  surtout  destinée  à  faire 
connaître  le  nom  propre  de  l'action,  car  il  pourrait  très 
bien  arriver  que  le  nom  de  l'action  ou  du  contrat  ne  se 
trouvât  pas  dans  les  autres  parties  de  la  formule.  Exemple  : 
Quod  Au  lus  Agerius  Numerio  Negidio  hominem  ven- 
clidit;  —  Quod  Aulus  Agerius  apud  Numerium  Negi- 
dium  hominem  deposuit  (Gaius,  Commentaires,  IV, 
§  40).  Vient  ensuite  Vintentio,  seconde  partie  principale 
de  la  formule,  qui  fait  connaître  les  conclusions  du  deman- 
deur ;  elle  exprime  les  conséquences  juridiques  que  le  plai- 
deur entend  tirer  des  faits  exposés  dans  la  demonstratio. 
Si  l'action  est  réelle,  on  n'indique  pas  dans  Vintentio  le 
nom  du  défendeur,  mais  il  figure  dans  Vintentio  de  l'action 
personnelle.  Exemples  :  Si  par  et  Numerium  Negidium 
Aulo  Agerio  sestertium  decem  millia  dare  oportere; 
—  Quiquid,  paret  Numerium  Negidium  Aulo  Agerio 


821 


FORMULE 


dare  facere  oportere;  —  Siparet  hominem  ex  jure  Qui- 
ritiumAuliAyeriiesse  (Gaius,  Commentaires,  IV,  §41). 
La  condemnatio  forme  la  troisième  partie  de  la  formule  : 
le  préteur  y  donne  au  juge  le  pouvoir  de  condamner  ou 
d'absoudre,  selon  que  les  conclusions  du  demandeur,  con- 
tenues dans  Yintentio,  sont  justifiées  ou  non.  Mais  le  juge 
ne  peut  jamais  condamner  qu'à  une  somme  d'argent,  et  on 
dit  que  la  condemnatio  est  certœ  pecuniœ  ou  incertœ 
pecuniœ,  selon  que  le  préteur  détermine  au  juge  la  somme 
à  laquelle  il  doit  condamner  ou  abandonne  cette  somme  à 
son  appréciation.  La  condemnatio  est  certaine  ou  incer- 
taine, selon  que  Yintentio  est  elle-même  certaine  ou  ne 
l'est  pas.  La  condemnatio  incertœ  pecunice  est  de  deux 
sortes  :  infinita,  si  le  préteur  ne  fixe  pas  de  maximum  au 
juge;  cum  taxatione  lorsque  le  préteur,  tout  en  laissant 
au  juge  de  la  latitude  pour  l'appréciation,  lui  impose  cepen- 
dant certaines  limites.  Ex.  :  .Index  Numerium  Negi- 
dium  Aulo  Agerio  sestercium  decem  mil  lia  condemna; 
si  non  paret,  absolve.  —  Quanti  ea  res  erit,  judex 
tantam  pecuniam  Numerium  Negidium  Aulo  Agerio 
condemnato.  —  Quidquid  ob  eam  rem  Numerium  Ne- 
gidium Aulo  Agerio  dare  facere  oportet,  ex  bona  fide 
ejus,  id  judex  Numerium  Negidium  Aulo  Agerio  con- 
demnato. La  quatrième  partie  principale  de  la  formule, 
l'adjudication,  ne  se  rencontre  que  dans  les  trois  actions 
divisoires,  action  en  partage  d'une  hérédité  (familiœ  ercis- 
cundœ),  action  en  partage  d'une  chose  indivise  quel- 
conque (communidividundo),  action  en  bornage  (finium 
regundorum)  ;  elle  donne  au  juge  le  pouvoir  de  trans- 
férer la  propriété  et  même  de  créer  des  droits  réels  dans 
les  opérations  du  partage  ;  ainsi  le  juge  peut,  s'il  s'agit 
d'un  immeuble  à  partager,  en  donner  la  propriété  par  moitié 
à  chacun  des  deux  coparta géants  ou  attribuer  à  l'un  la 
nue  propriété  de  tout  l'immeuble  et  à  l'autre  tout  l'usufruit. 
On  a  dit  que,  dans  ces  trois  actions  divisoires,  la  condem- 
natio et  Yadjudicatio  étaient  confondues.  Mais  cela  ne 
paraît  pas  exact,  car  le  juge  devait  avoir,  outre  le  droit  de 
transférer  la  propriété,  celui  de  condamner  à  des  souites 
en  cas  d'inégalité  dans  les  lots.  Quant  aux  trois  autres 
parties  principales  de  la  formule,  pour  qu'on  les  rencontre 
toutes  dans  une  action,  il  faut  que  cette  action  soiUVi  jus, 
qu'elle  soit  in  personam,  qu'elle  ne  porte  pas  sur  une 
certa  res.  Ainsi  la  demonstratio  et  Yintentio  se  con- 
fondent dans  les  actions  in  factum  où  pour  mieux  dire 
dans  ces  actions  Yintentio  renferme  tout  ce  que  hdemons- 
tratio  pourrait  contenir.  Dans  les  actions  réelles,  il  n'est 
pas  nécessaire  de  faire  connaître  la  cause  en  vertu  de 
laquelle  on  est  propriétaire  ou  titulaire  d'un  droit  réel,  et, 
dans  les  actions  personnelles  qui  tendent  à  une  certa  pe- 
cunia,  le  motif  de  la  prétention  n'a  pas  besoin  d'être  indi- 
qué. De  là  encore  la  suppression  de  la  demonstratio.  Il  y 
a  même  des  actions  dont  la  formule  tout  entière  se  réduit 
à  une  intentio  :  ce  sont  les  actions  préjudicielles,  c.-à-d. 
celles  qui  ont  pour  objet  d'établir  un  point  de  droit  sans 
qu'il  puisse  être  question  de  condamnation  ;  telles  sont  les 
actions  relatives  à  l'état  des  personnes.  Fort  souvent  ces 
actions  sont  préparatoires  :  elles  ont  pour  objet  de  faire 
décider  une  question  qui  doit  servir  dans  un  autre  procès^ 
Ainsi  lorsqu'un  patron  se  plaint  d'avoir  été  assigné  par  son 
affranchi,  sans  l'autorisation  préalable  du  magistrat,  et  que 
le  demandeur  répond  qu'il  n'est  pas  affranchi,  mais  ingénu, 
le  préteur  commence  par  renvoyer  devant  le  juge  pour  faire 
statuer  sur  la  question  d'état.  Toutefois  il  ne  faudrait  pas 
croire  que  les  actions  préjudicielles  aient  toujours  ce  carac- 
tère préparatoire  ;  il  peut  très  bien  arriver  qu'elles  fassent 
l'objet  unique  du  procès  comme  dans  le  cas  où  une  personne 
se  prétend  fils  de  telle  autre.  —  Indépendamment  de  ces 
parties  principales,  la  formule  peut  aussi  contenir  cer- 
taines parties  accessoires,  suivant  les  circonstances.  Ainsi 
les  prœscriptiones  étaient  des  clauses  accessoires,  insé- 
rées dans  l'intérêt  de  l'une  ou  de  l'autre  des  parties  et 
placées  en  tête  de  la  formule.  La  prescription  était  établie 
dans  l'intérêt  du  demandeur,  lorsqu'il  était  créancier  de 


prestations  successives,  par  exemple  de  cent  sesterces  par 
an.  Dans  ces  circonstances,  s'il  avait  agi  conformément  au 
droit  commun,  il  aurait,  en  intentant  son  action,  déduit 
toute  l'obligation  en  justice  ;  il  aurait  sans  doute  obtenu 
tous  les  termes  échus,  mais  non  les  termes  à  échoir  et  dans 
la  suite,  lorsque  ceux-ci  seraient  venus  à  échéance,  s'il  les 
avait  réclamés,  il  aurait  été  repoussé  par  Yexceptio  rei  in 
judicium  deductœ.  Mais  le  créancier  pouvait  éviter  ce 
danger  et  réserver  ses  droits  pour  l'avenir,  précisément  au 
moyen  d'une  prœscriptio  par  laquelle  il  limitait  sa  pré- 
tention actuelle  aux  termes  échus  :  ea  res  agatur  cujus 
dies  fuit.  De  même  celui  qui  revendiquait  un  bien  pou- 
vait, au  moyen  d'une  prœscriptio,  limiter  son  action  à  tel 
mode  d'acquérir,  par  exemple  à  une  mancipation  cju'il  pré- 
tendait invoquer  à  son  profit,  et  il  se  réservait  ainsi  le  droit 
de  faire  valoir  les  autres  modes  d'acquérir  antérieurs  au 
procès,  pour  le  cas  où  il  viendrait  à  en  découvrir  en  sa 
faveur.  D'autres  prescriptions,  également  établies  en  faveur 
du  demandeur,  avaient  pour  objet,  non  plus  de  restreindre 
la  demonstratio,  mais  d'en  tenir  lieu,  parce  que  cette  der- 
nière partie  de  la  formule  faisait  défaut.  Ainsi,  lorsqu'une 
personne  en  puissance,  par  exemple  un  fils  de  famille, 
avait  passé  un  contrat,  donnant  lieu  à  une  actio  certa  et 
que  cette  action  était  plus  tard  intentée  par  le  paterf ami- 
lias,  Yintentio  de  la  formule  contenait  bien  le  nom  de 
celui  qui  intentait  l'action,  mais  on  n'aurait  pas  su  par 
qui  le  contrat  avait  été  passé  si  une  prœscriptio  n'avait 
pas  été  placée  à  cet  effet  en  tête  de  la  formule  :  Ea  res 
agatur  quod  Primus  Auli  Agerii  filius  de  Numerio 
Negidio  decem  dari  stipulatus  est.  De  même,  au  com- 
mencement de  l'Empire,  l'école  proculienne  avait  fait  accep- 
ter une  théorie  suivant  laquelle,  toutes  les  fois  que  deux 
personnes  avaient  passé  une  convention  bilatérale  sans 
employer  les  formes  des  contrats,  l'exécution  par  l'une  des 
parties  de  son  engagement  constituerait  à  son  profit  et 
vis-à-vis  de  l'autre  une  causa  civilis  obligandi,  de  telle 
sorte  qu'il  existait  en  sa  faveur  un  contrat  de  bonne  foi, 
muni  d'une  action.  Cette  action  était  sans  doute  in  jus, 
mais  elle  tendait  toujours  et  nécessairement  à  un  incer- 
tum,  de  sorte  qu'elle  aurait  dû  avoir  une  demonstratio, 
mais  cela  était  impossible,  car  dans  la  demonstratio 
il  fallait  indiquer  le  nom  du  contrat  et  dans  l'hypothèse 
il  s'agissait  d'un  contrat  qui  n'avait  pas  de  nom  légal  dé- 
terminé. C'est  pourquoi  on  remplaçait  h  demonstratio  par 
une  prœscriptio,  qui  précédait  Yintentio  et  dans  laquelle 
on  exposait  les  faits  :  Ea  res  agatur  quod  Aulus  Age- 
rius  Numerio  Negidio  decem  ea  lege  dédit  ut  Stichum 
servum  suum  manumitteret.  Quant  aux  prescriptions 
dans  l'intérêt  du  défendeur,  elles  avaient  pour  objet  ou  de 
prévenir  le  juge  de  ne  pas  préjuger  une  question  qu'on 
entendait  réserver,  ou  de  soutenir  que  l'action  était  éteinte 
par  l'expiration  du  délai  dans  lequel  elle  aurait  dû  être 
intentée.  Il  faut  aussi  faire  rentrer,  parmi  les  parties  acces- 
soires de  la  formule,  les  exceptions  par  lesquelles  le  défen- 
deur, sans  nier  directement  la  prétention  du  demandeur, 
entendait  cependant  la  faire  écarter,  par  exemple  pour 
cause  de  dol  ou  de  violence  ou  comme  contraire  à  une  loi 
ou  à  un  sénatus-consulte.  D'autres  exceptions  avaient  seu- 
lement pour  objet  de  modifier  la  condamnation,  et  par 
exemple  de  décider  que,  si  le  défendeur  succombait,  au  lieu 
d'être  condamné  pour  le  tout,  il  le  serait  seulement  jus- 
qu'à concurrence  de  son  enrichissement  ou  dans  la  me- 
sure qui  lui  permet  de  payer  sans  se  mettre  dans  la  misère 
(in  id  quod  facere  potest).  On  trouve  aussi  la  clause 
nisi  restituât  arbitratu  tuo  placée  avant  la  condemna- 
tio dans  les  actions  arbitraires.  Cette  clause  fait  allusion 
au  pouvoir  qui  appartient  au  juge  dans  ces  mêmes  actions 
de  donner  un  ordre  au  défendeur  avant  d'arriver  à  la  con- 
damnation, par  exemple  l'ordre  de  restituer  la  chose  reven- 
diquée, de  sorte  que  le  défendeur  évite  d'être  condamné 
s'il  obtempère  à  cette  injonction.  Le  juge  a  le  pouvoir  de 
donner  cet  ordre  dans  toutes  les  actions  réelles  et  par 
exception  seulement  dans  certaines  actions   personnelles 


FORMULE  —  FORNELIUS 


(action  ad  exibendum,  action  en  bornage,  action  de  dol, 
action  de  violence,  action  de  eo  quod  certo  loco).  Les 
actions  personnelles  de  bonne  foi  sont-elles  aussi  arbi- 
traires lorsqu'elles  tendent  à  obtenir  une  restitution  maté- 
rielle, un  transport  de  propriété  et  d'une  manière  plus 
générale  une  satisfaction  qui  ne  consiste  pas  en  argent  et 
que  le  défendeur  peut  fournir?  L'affirmative  n'est  pas  dou- 
teuse si  l'on  admet  que  la  formule  de  ces  actions  contient 
aussi  la  clause  accessoire  nisi  restituât.  Mais  le  passage 
de  Gaius  (Commentaires,  IV,  §  47),  relatif  à  cette  ques- 
tion, est  resté  très  obscur  et  les  auteurs  ne  s'entendent  pas 
sur  la  manière  de  déchiffrer  le  manuscrit  qui  le  contient. 
VI.  Diplomatique.  —  Les  actes  publics  ont  été  de  tout 
temps  soumis  à  des  règles  particulières  de  rédaction.  Comme 
on  devait  s'appliquer,  notamment  à  exprimer  les  mêmes 
clauses,  toujours  de  la  même  manière,  afin  qu'il  ne  puisse  s'y 
trouver  ni  équivoques  ni  malentendus,  il  en  est  résulté  une 
recherche  particulière  des  phrases  toutes  faites  toujours  re- 
copiées d'actes  antérieurs  ou  de  recueils  et  qui  constituent 
les  formules.  La  connaissance  des  formules  qui  devaient  se 
trouver  dans  les  diverses  catégories  d'actes  aux  différentes 
époques  et  dans  les  différents  pays  a  naturellement  une 
grande  importance  pour  permettre  de  discerner  les  actes 
faux  ;  aussi  la  science  de  la  diplomatique  (V,  ce  mot)  re- 
pose en  partie  sur  l'étude  des  formules. 

On  désigne  également  sous  le  nom  de  formules  des  actes 
destinés  à  servir  de  modèles  à  d'autres  actes,  et  réunis 
dans  des  recueils  nommés  formulaires  (V.  ce  mot). 

VIL  Procédure  civile.  —  Formule  exécutoire.  Ordre 
qui  termine  tous  les  jugements  ou  arrêts,  les  grosses  et 
expéditions  des  contrats  notariés  et  tous  autres  actes  sus- 
ceptibles d'exécution  forcée  et  par  lequel  le  chef  de  l'Etat 
prescrit  aux  agents  de  la  force  publique  de  veiller  et  au 
besoin  de  concourir  à  cette  exécution.  D'après  Fart.  545 
du  C.  de  procéd.  civ.,  en  effet,  «  nul  jugement  ni  acte  ne 
pourront  être  mis  à  exécution  s'ils  ne  portent  le  même 
intitulé  que  les  lois,  et  ne  sont  terminés  par  un  mande- 
ment aux  officiers  de  justice,  ainsi  qu'il  est  dit  à  l'art.  146  ». 
Cette  formule,  dont  les  termes  ont  varié  avec  les  divers 
régimes  politiques,  est  aujourd'hui  fixée  par  l'art.  2  du 
décret  du  2-8  sept.  4871  ;  elle  est  ainsi  conçue  :  «  En  con- 
séquence, le  président  de  la  République  française  mande  et 
ordonne  à  tous  huissiers  sur  ce  requis  de  mettre  ledit  arrêt 
(ou  ledit  jugement)  à  exécution,  aux  procureurs  généraux 
et  aux  procureurs  de  la  République  près  les  tribunaux  de 
première  instance  d'y  tenir  la  main,  à  tous  commandants 
et  officiers  de  la  force  publique  de  prêter  main-forte  lors- 
qu'ils en  seront  légalement  requis.  »  Cette  formule  est 
apposée  sur  les  grosses  et  expéditions  des  jugements  et 
arrêts  par  le  greffier,  sur  les  grosses  des  contrats  authen- 
tiques par  les  notaires.  Les  arrêts  du  conseil  d'Etat  sont 
également  munis  d'une  formule  exécutoire,  mais  celle-ci 
diffère  de  celle  que  nous  venons  de  reproduire  ;  elle  est  ainsi 
conçue  :  «  La  République  mande  et  ordonne  au  ministre 
de  (ajouter  le  département  ministériel  désigné  par  la  déci- 
sion), en  ce  qui  le  concerne,  et  à  tous  huissiers  à  ce  requis, 
en  ce  qui  concerne  les  voies  de  droit  commun  contre  les 
parties  privées,  de  pourvoir  à  l'exécution  de  la  présente 
décision.  »  (Décr.  2  août  1879,  art.  25.)  Les  arrêtés  des 
conseils  de  préfecture  peuvent  être  munis  de  la  formule 
exécutoire,  mais  celle-ci  n'est  pas  obligatoire  ;  c'est  ce  qui 
résulte  d'un  avis  du  conseil  d'Etat  du  5  févr.  1826,  et, 
malgré  l'absence  de  cette  formule,  les  arrêtés  n'en  sont  pas 
moins  exécutoires.  Par  exception  la  formule  est  obligatoire 
pour  les  arrêtés  des  conseils  de  préfecture  en  matière  de 
comptabilité  des  communes  et  établissements  publics  (Décr. 
31  mai  1862  sur  la  comptabilité  publique,  art.  434,  §  1). 
VIII.  Histoire  religieuse.  —  Formule  de  concorde 
(V:  Confession,  t.  XII,  p.  382,  et  Concorde). 

Bibl.  :  Droit  romain.  —  Rudoff,  Rômische  Rechts- 
geschichte,  t.  II,  §  27. —  Bethmann-Holweg,  Der  rômische 
Civilprocess,  t.  II,  §  85,  pp.  207  et  suiv.  —  Kuntze,  Cursus 
des  rômischen  Rechts,  §§  215  et  suiv.  —  Puchta,  Institu- 
tionen,  t.  II,  §§  80  et  suiv.  —  Maintz,  Cours  de  droit 


romain,  t.  I,  §  100.  —  Accarias,  Précis  de  droit  romain, 
t.  II,  §§  556  et  suiv. 

F0RNAR1  (Simone),  littérateur  italien,  né  à  Reggio 
(Calabre)  vers  1500,  mort  en  1560.  Il  a  écrit  un  commen- 
taire sur  le  poème  de  l'Arioste,  Sposizione  sopra  l'Orlando 
furioso  (Florence,  1549-1550,  2  vol.  in-8)  ;  une  Vitadi 
Lodooico  Ariosto,  imprimée  en  tête  AzVOrlando  (Venise, 
1566,  in-4). 

Bibl.  :  A.  Zavarroni,  Bibliotheca  Calabria  seu  illus- 
trium  virorum  Calabrise  qui  literis  claruerunt  elenchus; 
Naples,  1753,in-4. 

FORNARI  (Giovanni-Battista),  sculpteur  italien,  né  à 
Parme.  Il  travaillait  dans  cette  ville  dans  la  deuxième 
moitié  du  xvie  siècle.  On  connaît  de  lui  deux  bénitiers 
pour  Saint-Jean-l'Evangéliste,  surmontés  des  statuettes  de 
marbre  des  deux  saints  Jean,  et  le  buste  d'Octave  Farnèse, 
placé  sur  son  tombeau. 

Bibl.:  Bertoluzzi,  Nuovissima  Guida  per  osservare  le 
pitture...  nelle  chiese  diParma. 

FORNARI  (Maria- Vittoria),  religieuse  italienne,  née  à 
Gênes  en  1562,  morte  le  15  déc.  1617.  Mariée  à  Angelo 
Strate,  elle  en  eut  cinq  enfants  qui  tous  entrèrent  dans  la 
vie  religieuse.  Devenue  veuve,  elle  fonda  l'ordre  des  annon- 
ciades  célestes,  qui  se  propagea  rapidement  en  Italie  et  en 
France,  grâce  peut-être  au  costume  qui  est  formé  d'une 
robe  blanche  et  d'un  manteau  bleu  de  ciel.  On  appelle  égale- 
ment ces  religieuses  les  célestines.  Il  y  en  a  encore  en 
France  quelques  maisons. 

Bibl.  :  P.  Ferdinando  Melzi,  Vita  di  M.  Vittoria  For- 
nari  ;  Lyon,  1631,  in-8.  —  P.-F.-A.  Spinola,  Vita  Mariœ 
Victoriœ  Fornari  ;  Gênes,  1640,  in-8. 

FORNARI  NE,  maîtresse  de  Raphaël  (V.  ce  nom). 

FORNASIERO  (Guilian),  sculpteur  italien  (V.  Guilian 
[Fiorentino]). 

FORNASINI  (Nicolas),  compositeur  dramatique  italien, 
né  à  Bari  le  17  août  1803,  mort  à  Naples  le  24  juin  1861 . 
Après  avoir  fait  ses  études  au  Conservatoire  de  Naples,  il 
fit  représenter  quelques  ouvrages  dramatiques:  Oh!  quante 
imposture,  Un  Matrimonio  per  medicina,  UAdvocato  in 
Augustie,  La  Vedora  Scaltra,  Roberto  di  Costanzo. 
Musicien  médiocre,  il  possédait  d'excellentes  qualités  comme 
professeur. 

FORNAZERIS  (Jacques de),  graveur  français  des  xvie  et 
xviie  siècles.  On  ne  sait  rien  sur  la  vie  de  cet  artiste  qui 
travailla  entre  les  années  1594  et  1622  et  qui  fut  un  re- 
marquable graveur  de  portraits,  comme  en  témoignent 
entre  autres  les  portraits  équestres  de  Henri  IV  et  de 
Charles-Emmanuel,  duc  de  Savoie,  ou  ceux  de  Henri  IV 
et  de  Marie  de  Médicis  assis  an  milieu  de  leurs  courti- 
sans et  écoutant  la  leçonrécitée par  le  dauphin  (1605). 

Bibl.:  Robert-Dumesnil,  le  Peintre-Graveur  français, 
t.  X,  pp.  172-197,  et  t.  XI,  pp.  105-106.  —  Renouvier,  Des 
Types  et  Manières  des  maîtres  graveurs;  Montpellier, 
1856. 

FORNELIUS  (Lars),  latiniste  suédois,  né  à  Fornâsa 
en  1606  (OEstergœtland),  mort  à  Upsala  le  8  juil.  1673. 
Après  avoir  étudié  à  Upsala  (1624),  où  il  fit  un  discours 
en  vers  grecs  (1626),  puis  à  Leyde  où  il  fut  promu  ma- 
gister  (1629),  il  suivit  Gustave-Adolphe  jusqu'à  sa  mort 
(1632).  La  reine  Christine  le  prit  pour  bibliothécaire 
(1634),  le  nomma  professeur  de  poésie  à  l'université 
d'Upsala  (1635)  dont  il  fut  deux  fois  recteur  (1641, 
1647),  enfin  professeur  de  théologie  et  pasteur  de  Gamla- 
Upsala  (1646).  Il  publia  plusieurs  poèmes  en  grec  ou  en 
latin,  notamment  sur  Upsala  (1630);  sur  l'Horloge  de 
cette  ville  (1630),  construite  par  Dasypodius;  Gustavus 
sago-togatus  (1631),  épopée  sur  les  campagnes  de  Gus- 
tave-Adolphe, remplie  de  réminiscences  de  Virgile  à  qui  les 
compatriotes  de  ce  versificateur  osaient  le  comparer.  On 
lui  doit  en  outre  dix  dissertations  (1642-52);  un  recueil 
de  Sermons,  édité  par  E.  Dryselius  (Jœnkœping,  1697)  et 
une  Poetica  tripartita  (Upsala,  1643),  la  première  qui 
ait  été  composée  par  un  Suédois,  peu  originale  d'ailleurs 
et  tirée  principalement  de  Scaliger.  —  Son  fils,  Jonas- 
Laurentii  Fornelius  (1635-1679),  fut  professeur  à  l'uni- 
versité d'Upsala  (1664).  Il  construisit  les  instruments 


823  — 


FORNELIUS  —  FORNOUE 


astronomiques  dont  il  se  servait  (Y.  C.-J.  Lénstrœm, 
L.  Fornelius,  Sveriges  fcersta  œsthetiker ;  Upsala, 
1838).  Beauvois. 

FORNELL  (Bror-Edvard),  écrivain  suédois,  né  à  Eckran 
(près  Gœteborg)  le  28  juil.  1  820,  mort  à  Karlskrona  le 
22  mai  1869,  avec  le  grade  de  lieutenant-colonel  (1866) 
du  régiment  de  marine.  Il  publia  sous  le  pseudonyme  Jere- 
mias  Munter  :  des  Etudes  (4848)  qui  avaient  paru  dans 
divers  périodiques;  Une  Etincelle,  roman  (485-1) ;  la 
Bonne  Fortune,  nouvelle  (1855);  esquisses  de  V Italie 
(1858),  que  l'on  regarde  comme  sa  meilleure  production. 
Une  de  ses  trois  Etudes  dramatiques  (1862)  fut  jouée 
avec  peu  de  succès.  Ses  ouvrages,  écrits  d'une  plume  alerte 
et  humoristique,  se  distinguent  moins  par  l'imagination  que 
par  le  sentiment  et  la  réflexion.  B-s. 

FORNELLA.  Golfe  sur  la  côte  septentrionale  de  l'île 
de  Minorque  (Baléares),  parfaitement  abrité  contre  les 
vents  d'E.  et  d'O.  et  fortifié,  mais  qui  n'a  que  peu  d'im- 
portance. 

FORNELLI  (Nicolas), écrivain  et  pédagogiste  italien,  né 
à  Bitonto,  province  de  Bari,  le  23  mai  1843.  Professeur 
d'histoire  à  Rome,  d'histoire  du  moyen  âge  à  l'université 
de  Padoue,  de  pédagogie  à  l'université  de  Bologne,  colla- 
borateur à  YUniversità,  M.  Fornelli  a  publié  entre  autres 
ouvrages  :  SuW  hisegnamento  pubblico  ne'  tempi  nos- 
tri  (Rome,  1881);  Educatione  moderna  (Turin,  1884); 
Vita  pubblica  (Chieti,  1885);  Délie  Laurec  flloso fiche 
(Bologne,  1888);  Una  Proprieta  dei  classici  latini 
(Rome,  1889). 

FO R N  E R  (Juan-Pablo) ,  critique  espagnol  du  xvme siècle, 
né  à  Mérida  (Estrémadure)  en  1756,  mort  à  Séville  en 
1798.  Il  remplissait  dans  cette  ville  les  fonctions  de  fiscal 
du  conseil  de  Castille,  employant  ses  loisirs  à  écrire  sur 
les  lois  et  à  faire  des  vers.  Un  opuscule  qu'il  fit  paraître  à 
Madrid  en  1786,  Oracion  apologetica  por  la  Espanaysu 
merito  literario,  appela  sur  lui  l'attention,  et,  pendant 
douze  ans,  il  ne  cessa  de  combattre  l'affectation  et  la  mo- 
notonie où  était  tombée  la  poésie  castillane.  Ses  écrits,  gé- 
néralement courts  et  dirigés  conire  les  mauvais  auleurs, 
parurent  presque  toujours  sous  des  pseudonymes  comme 
ceux  de  Tome  Cécial,  Varas,  Bartolo  ;  les  principaux  sont 
Sdtira  contra  los  vicios  introducidos  en  la  poesia;  Pre- 
servativo  contra  et  ateismo  ;  Nuevas  Consideraciones 
sobre  la  tortura  ;  La  Corneja  sin  plumas.  Ses  poésies 
sont  d'une  bonne  langue,  simple  et  vigoureuse  ;  on  en  trouve 
éparses  dans  la  Biblioteca  selecta  de  Mendibil  y  Silvela 
(Bordeaux,  1819)  et  dans  les  Poesias  selectas,  publiées 
par  Quintana.  Un  volume  d'une  édition  de  ses  œuvres  com- 
plètes a  seul  paru  à  Madrid  en  1843.  E.  Cat. 

FORNEROD  (Constant),  homme  politique  suisse,  né  à 
Avenches  (Vaud)  en  1820.  Il  étudia  le  droit  à  Lausanne, 
en  Allemagne  et  en  France  et  revint  en  Suisse  au  moment 
de  la  révolution  vaudoise  de  1845.  Le  parti  radical  le 
porta  au  conseil  d'Etat  en  1848  ;  il  devint  successivement 
député  au  conseil  des  Etats,  président  de  ce  corps,  conseil- 
ler fédéral  (1857)  et  président  de  la  Confédération  (1866). 
Il  fut  délégué  comme  commissaire  fédéral  à  Genève  lors  des 
troubles  de  1864.  Il  quitta  bientôt  le  pouvoir  exécutif  pour 
se  lancer  dans  des  affaires  financières,  où  sombrèrent  sa 
réputation,  et  qui  le  conduisirent  en  1874  au  tribunal 
correctionnel.  Il  a  vécu  dès  lors  très  retiré.  E.  K. 

FORNERON  (Henri),  historien  français,  né  à  Troyesle 
16  nov.  1834,  mort  à  Paris  le  26  mars  1886.  Inspecteur 
des  finances,  il  a  laissé  des  études  historiques  importantes 
auxquelles  on  peut  reprocher  toutefois  de  manquer  d'im- 
partialité. Nous  citerons  :  les  Amours  du  cardinal  de 
Richelieu  (Paris,  1870,  in-16);  Histoire  des  débats  po- 
litiques du  parlement  anglais  depuis  la  révolution  de 
1688  (1871,  in-8)  ;  les  Ducs  de  Guise  et  leur  époque 
(1877,  2  vol.  in-8);  Histoire  de  Philippe  II  (1880-82, 
4  vol.  in-8)  ;  Histoire  générale  des  émigrés  pendant  la 
Révolution  française  (1884-90,  3  vol.  in-8)  ;  Louise  de 
Kéroualle,  duchesse  de  Portsmouth  (1886,  in-18);  Revi- 


sion du  procès  d'Anne  Boleyn  (1879,  in-8)  ;  Un  Diplo- 
mate sous  François  Ier,  le  cardinal  de  Grammont  (Or- 
léans, 1880,  in-8). 

FORNEX.  Corn,  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Pamiers, 
cant.  de  Mas-d'Azil  ;  308  hab. 

FQRNIER  de  Saint-Lar y  (Bertrand-Pierre-Dominique), 
homme  politique  français,  né  à  Saint-Lary  (Hautes-Pyré- 
nées) le  11  mars  1 763,  mort  à  Montrejeau  le  15  nov.  1847. 
Délégué  des  Hautes-Pyrénées  à  la  Fédération  de  1790,  ad- 
ministrateur du  même  département,  il  fut  élu  député  à 
l'Assemblée  législative  le  2  sept.  1791  et  siégea  parmi  les 
royalistes.  Depuis  le  18  août  1792  jusqu'au  18  brumaire, 
il  se  tint  dans  une  retraite  absolue.  En  1811,  il  fut  dési- 
gné comme  député  des  Hautes-Pyrénées  au  Corps  législatif 
où  il  se  montra  un  partisan  zélé  de  la  Restauration.  Il  fut 
encore  réélu  député  des  Hautes-Pyrénées  le  22  août  1815, 
le  4  oct.  1816  et  le  13  nov.  1 820.  Il  fut  quelque  temps  ques- 
teur de  la  Chambre.  —  Son  fils  Gustave-Joseph-Glaire,  né 
à  Tarbes  le  4  févr.  1796,  mort  à  Toulouse  le  27  oct.  1870, 
colonel  d'état-major  et  chef  de  cabinet  du  ministre  de  la 
guerre,  général  Rullière  (1848-1849),  fut  élu  député  des 
Hautes-Pyrénées  le  1 3  mars  1849.  Il  siégea  à  droite  et  après 
la  législature  ne  reparut  plus  dans  la  vie  politique. 

FORNJOT  (Antique  géant,  aborigène),  roi  légendaire 
du  Jôtland  (pays  des  Sitones  que  Tacite  plaçait  au  N.  des 
Suédois;  les  Hiides  ou  Hittolais  des  Finnois).  Il  vivait 
de  vingt  à  vingt-cinq  générations  avant  la  fin  du  ixe  siècle 
de  notre  ère.  Son  fils  Logé  ou  Hdlogé  s'établit  dans  le 
Hâlogaland,  au  N.  du  golfe  de  Throndhjem  ;  l'arrière- 
petit-neveu  de  celui-ci,  Thorri,  régnait  sur  le  Gotland,  la 
Finlande  et  le  Kvenland,  situé  des  deux  côtés  du  golfe  de 
Botnie,  et  était  père  de  Nor  et  Gor,  qui  traversèrent  la 
chaîne  du  Kjœlen,  prirent  possession  de  la  Norvège  méri- 
dionale, et  furent  les  tiges  de  nombreuses  dynasties.  Parmi 
les  descendants  de  Gor,  on  cite  Gaungu-Rolf,  notre  Rollon, 
premier  duc  de  Normandie  ;  parmi  ceux  de  Nor,  Harald 
Hdrfagré,  qui  unifia  la  Norvège  au  ixe  siècle,  les  Bud- 
lungs,  chefs  des  Saxons;  les  Niflungs  ou  Nibelungs, 
d'où  étaient  issus  les  Gjûkungs  ou  enfants  de  Gifika  : 
Gunnar,  Hœgné  et  Gudrune,  chef  des  Burgondes  au 
ive  siècle.  De  ce  que  les  plus  anciens  de  ces  personnages 
portent  les  noms  des  éléments  et  des  phénomènes  de  la 
nature,  on  a  conclu  qu'ils  étaient  purement  mythiques  ;  mais 
comme  il  en  était  ainsi  des  plus  anciens  noms  connus  de 
la  Finlande,  c'est  une  raison  de  croire  qu'il  y  a  un  fonde- 
ment de  vérité  dans  ces  légendes  (V.  Découverte  et  colo- 
nisation de  la  Norvège,  dans  Flateyjarbôk ,  t.  I, 
pp.  21-29  et  219-220.  —  Cf.  Beauvois,  Origine  des 
Burgondes;  Dijon,  1869). 

FORNOUE  ou  FORNOVO  (Forum  Novum).  Bourg 
d'Italie,  prov.  de  Parme,  situé  au  S.-O.  de  Parme,  sur  le 
Taro,  au  débouché  de  l'Apennin. 

Bataille  de  Fornoue.  —  Charles  VIII,  averti  par  Com- 
mines  qu'une  ligue  venait  d'être  conclue  à  Venise  entre 
la  République,  le  pape,  Ludovic,  Maximilien,  Alphonse 
et  les  rois  Catholiques ,  laissa  Montpensier  et  d'Aubigny 
dans  le  royaume  de  Naples  (20  mai  1495),  et  traversa, 
avec  toute  son  artillerie  et  9,000  soldats,  le  défilé  qui  va 
de  Pontremoli  à  Fornoue.  L'armée  confédérée,  forte  de 
40,000  hommes,  attendait,  sous  le  commandement  de  Gon- 
zague,  sur  la  rive  droite  du  Taro.  Les  Français  occupèrent 
Fornoue  le  5  juil.  Le  lendemain,  après  des  négociations 
inutiles,  leur  avant-garde  passa  sur  la  rive  gauche  du 
Taro.  Pendant  que  Trivulce  attirait  les  estradiots  en  leur 
laissant  piller  le  camp  du  roi,  Charles  VIII,  avec  300  gens 
d'armes,  enfonçait  en  un  quart  d'heure  le  gros  de  l'armée 
ennemie.  Les  Français  perdirent  200  hommes,  les  con- 
fédérés 3,500.  Les  Italiens  furent  épouvantés  par  la  furia 
francese,  et  laissèrent  Charles  VIII  repasser  les  Alpes 
(7  nov.).  H.  Hauser. 

Bibl.  :  Andrelinus,  De  Neap.  Fornoviensique  Victoria  ; 
Paris,  1496,  in-4.  —  M.  Sanuto,  La  Spedizione  cli  G.  VIII, 
(R.  Fulin);  Venise,  1883,  in-8.  —  Rosmini,  Vita  di  J.-J.  Tri- 
vulzio;  Milan,  1815,  2  vol.  in-4.— Renier  et  Luzio,  Fr.  Gon- 


FORNOUE  —  FORSELL 


-  824  - 


zaga  alla  battaglia  di  F.,  dans  Archivio  stor.  itaL,  5°  sér., 
t.  VI,  p.  205. 

FORNOVO  (Giusto),  architecte  italien  de  la  fin  du 
xvie  siècle.  Fornovo  donna  les  plans  et  fit  commencer 
l'exécution  de  la  grande  et  belle  église  de  l'Annunziata  à 
Parme  dont  le  duc  Ottavio  Farnèse  posa  la  première  pierre 
le  4  juin  1566. 

FORNYRDALAG  ou  FORNYRDISLAG,  c.-à-d.  antique 
assemblage  de  mots  ou  mètre  archaïque,  usité  aux  débuts 
de  la  poétique  norraine.  Il  ne  comporte  pas  les  assonances, 
mais  l'allitération  y  est  de  rigueur,  c.-à-d.  que  dans  chaque 
distique  deux  ou  trois  mots  doivent  commencer  par  la 
même  consonne  ou  par  une  voyelle.  Quelques-unes  des 
pièces  les  plus  remarquables  de  l'ancienne  poésie  norvégo- 
islandaise  sont  composées  dans  ce  mètre  fort  simple  dont 
les  variétés  sont  le  kviduhdtt,  le  Ijôdahcitt  et  le  mdlahdtt. 

FOROGHÉ.  Peuplade  du  Dar-For  méridional  établie  entre 
l'ouadi  Kabasa  et  l'ouadi  Ibra.  Les  Foroghé  sont  musul- 
mans et  tributaires  du  Dar-For. 

FORREST,  peintre  sur  verre  anglais  du  xvme  et  du 
xixe  siècle.  Elève  de  Jarvis,  il  collabora  aux  principaux 
travaux  de  son  maître,  notamment  aux  verrières  de  la 
chapelle  Saint-Georges  à  Windsor.  De  1792  à  1796,  il 
exécuta  pour  la  même  chapelle  deux  grands  vitraux, 
V Annonciation  aux  bergers  et  V Adoration  des  rois, 
d'après  les  cartons  de  West.  Ces  œuvres  estimables 
pèchent  cependant  par  le  manque  de  vigueur  et  d'harmonie 
dans  les  tons  ;  elles  ne  sont  pas,  du  reste,  placées  dans  un 
cadre  architectural  qui  puisse  les  faire  valoir.  On  cite  en- 
core de  cet  artiste  quelques  verrières  peintes  en  collabora- 
tion avec  Eginton  à  Birmingham. 

FORREST  (Edwin),  tragédien  américain,  né  à  Philadel- 
phie le  9  mars  1806.  Dès  l'âge  de  douze  ans,  dit-on,  il 
remplissait  des  rôles  de  femme  sur  différents  théâtres  de 
cette  ville,  après  quoi  il  fit  partie  d'une  troupe  que  diri- 
geaient dans  l'Ouest  MM.  Jones  et  Collins.  C'est  après  s'être 
ainsi  préparé  qu'il  aborda  enfin  New  York,  où  il  se  fit  re- 
marquer par  la  largeur  et  la  nouveauté  de  son  interpréta- 
tion des  grands  drames  de  Shakespeare.  Il  se  produisit 
ensuite  avec  un  très  grand  succès  dans  la  plupart  des 
grandes  villes  de  la  république  américaine.  Ses  compatriotes 
ne  parlaient  de  lui  qu'avec  enthousiasme,  et  le  comparaient 
volontiers  à  notre  Frédérik  Lemaître.  On  assure  pourtant 
que  Forrest  avait  plus  de  fougue  et  d'inspiration  que  de 
goût  et  de  mesure.  Il  obtint  pourtant  aussi  de  grands  suc- 
cès lorsqu'il  vint  à  diverses  reprises  en  Angleterre,  no- 
tamment en  1834, 1837  et  1844,  et  qu'il  s'y  montra  aux 
côtés  de  l'illustre  Macready,  auprès  duquel  son  talent  ne 
pâlissait  point.  C'est  en  1834  que  Forrest  épousait  miss 
Sainclair,  fille  d'un  chanteur  anglais,  artiste  elle-même 
distinguée,  et  qui  lui  servit  souvent  de  partenaire.  Un  pro- 
cès en  divorce,  dont  le  retentissement  fut  énorme,  brisa 
cette  union  en  1852. 

FORRESTER  (Charles-Robert),  littérateur  anglais,  né 
à  Londres  en  1803,  mort  à  Londres  en  1850.  Fils  d'un 
notaire  auquel  il  succéda.  Les  loisirs  et  les  gros  émoluments 
de  sa  charge  lui  permirent  de  suivre  ses  goûts  littéraires. 
Spirituel  et  érudit,  sachant  plusieurs  langues,  entre  autres  le 
français  et  l'allemand,  il  publia  sous  différents  pseudonymes 
ou  sous  l'anonymat  un  grand  nombre  d'ouvrages  amusants 
que  son  frère  illustra  :  Castle  Baynard ;  Sir  Roland; 
Absurdities  in  Prose  and  verse;  The  Ladies'  Muséum  ; 
The  Old  Man's  Plaint;  Excentric  Taies; M.  Crocodile; 
.  The  Battle  of  the  Annuals;  The  lord  Mayor's  Fool,  et 
qui  parurent  sous  le  nom  de  Hall  Willis,de  W.-F.  von 
Kosewitz  et  même  de  Alfred  Crowquill,  pseudonyme  de 
son  frère.  Il  collabora  au  New  Monthly  Magazine  sous  la 
direction  de  Théodore  Hook  et  au  Bentley' s  Miscellany, 
par  de  nombreux  articles  réunis  en  deux  volumes  sous  le 
titre  de  Phantasmagoria  of  Fun.        Hector  France. 

FORRESTER  (Alfred-Henry),  littérateur  et  dessinateur 
anglais,  plus  connu  sous  son  pseudonyme  d'Alfred  Crow- 
quill, né  à  Londres  le  10  sept.  1804,  mort  à  Londres  le 


26  mai  1872.  Il  travailla  jusqu'en  1839  dans  l'étude  de 
notaire  dirigée  par  son  père.  Collaborateur  de  The  Rive  et 
du  Mirror,  dessinateur  et  graveur  de  talent,  il  donna  de 
nombreux  dessins  au  Punch,  à  Ylllustrated  London 
News  et  illustra  un  grand  nombre  d'ouvrages  et  ses  propres 
œuvres  qui  sont:  Guide  to  ivatering  places  (1839)  ;  A 
Good  Natural  Hint  about  California(i849)  ;  A  Missile 
for  papists  (1850)  ;  Gold,  a  legendary  Rhyme  (1850)  ; 
A  Bund  of  Crowquills  (1854)  ;  Fun  (1854)  ;  Taies  oj 
magie  and  meaning  (1856)  ;  Picture  Fables  (1854)  ; 
Gruffel  Swillendrinken  (1856)  ;  The  Little  Pilgrim 
(1856)  ;  Fairy  Taies  (1857);  A  New  Story  Book  (1858); 
Honesty  and  Cunning  (1859)  ;  Kindness  and  Cruelty 
(1859)  ;  The  Red  Cap  (1859)  ;  The  Two  Sparrows 
(1859)  ;  What  Uncle  sold  us  (1861)  ;  Taies  for  Chil- 
dren  (1863)  ;  The  Two  Puppies  (1870)  ;  The  Boys  and 
the  Giants  (1870);  The  Pictorial  Grammar  (1875),  etc. 

FORS  de  Béarn  (V.  Béarn,  t.  V,  p.  989). 

FORS.  Corn,  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de  Niort, 
cant.  de  Prahecq  ;  690  hab.  C'est  au  château  de  Fors  que 
fut  enfermé  le  duc  Jean  de  Bretagne,  en  1419  ;  Fran- 
çois Ier,  alors  duc  d'Angoulème,  le  fit  restaurer  pour  sa 
maîtresse,  Anne  Poussart.  Assez  bien  conservé  au  com- 
mencement de  ce  siècle,  ce  château  est  aujourd'hui  ruiné. 
Le  marquisat  de  Fors  a  appartenu  à  une  branche  de  la 
famille  Maboul  ayant  fourni,  entre  autres,  Louis  Maboul, 
secrétaire  du  roi,  et  Jacques  Maboul,  évêque  d'Alet  et 
orateur  de,  la  chaire.  G.  R. 

Bibl.  :  Léo  Desaivre,  la  Famille  Maboul  et  le  château 
de  Fors,  dans  Mémoires  de  la  Société  de  statistique  du 
dép.  des  Deux-Sèvres,  1889. 

FORSBERG  (Ulrika-Carolina),  poétesse  suédoise,  née  à 
Stockholm  le  24  nov.  1764,  morte  le  19  févr.  1841.  Fille 
d'un  laquais  de  Gustave  III,  elle  avait  reçu  une  éducation 
soignée  qui,  jointe  à  sa  grâce  et  à  son  esprit,  la  mit  à 
même  de  frayer  avec  les  beaux  esprits  de  la  cour.  Mariée 
avec  le  violoniste  Widstrœm  (1790),  elle  s'en  sépara  en 
1810,  devint  veuve  en  1812,  et  vécut  en  enseignant  ou  en 
tenant  un  pensionnat  à  Mariestad  à  partir  de  1830.  Dès 
1785,  elle  publia  quelques  poésies  dans  les  journaux,  mais 
son  premier  recueil  ne  parut  qu'en  1799  (Chants  ero- 
tiques, Stockholm,  in-8).  Elle  donna  plus  tard  les  Soi- 
rées d'automne  (1811),  traduisit  des  romans  du  français 
et  de  l'anglais,  une  pièce  de  théâtre,  et  dramatisa  Victor, 
de  Ducray-Duminil.  Il  y  a  de  jolies  pièces,  simples  et 
émues,  dans  le  Recueil  de  ses  essais  poétiques  édité  par 
C.-J.  Lénstrœm  (1840,  lre  et  2e  éd.,  avec  une  notice  sur 
elle  par  Franzén),  qui  lui  valut  une  médaille  de  l'Académie 
suédoise.  B-s. 

FORSBERG  (Nils),  peintre  suédois,  né  à  Riseberga 
(Skanie)  en  1841.  D'abord  ouvrier  rural,  puis  peintre  à 
Gœteborg,  il  reçut  une  subvention  (1867)  pour  étudier  à 
Paris  sous  Bonnat,  servit  dans  les  ambulances  pendant  le 
siège  et  se  fit  remarquer  à  l'Exposition  universelle  de  1878 
par  un  tableau  d'un  réalisme  saisissant  et  d'une  bonne 
exécution,  Une  Famille  d'acrobates  (au  musée  de  Gœte- 
borg). Parmi  ses  autres  œuvres,  on  cite  la  Mort  d'un 
héros  (1888,  au  Musée  national  de  Stockholm).      B-s. 

FORSELL  (Cari  af),  ingénieur  militaire  et  statisticien 
suédois,né  à  Skôttorp  (lsen  de  Skaraborg)  le  1 8  mars!783, 
mort  à  Stockholm  le  25  oct.  1848.  Il  fut  élève  de  l'Aca- 
démie de  Carlsberg,  prit  part  en  1 809  au  renversement  de 
Gustave  IV,  devint  l'aide  de  camp  du  prince  Christian- 
Auguste,  fut  nommé  en  1810  major  dans  le  corps  des  ingé- 
nieurs, adjudant  de  Bernadotte  et  professeur  de  mathé- 
matiques de  son  fils,  le  prince  Oscar,  assista  en  1813  aux 
bataille  de  Grossbeeren,  de  Dennewitz,  de  Leipzig,  fit  la 
campagne  de  Norvège  (1814)  avec  le  grade  de  lieutenant- 
colonel,  entra  en  1817  à  la  Diète  du  royaume,  fut  promu 
colonel  en  1824  et  reçut  la  même  année  le  titre  de  direc- 
teur général  du  cadastre.  De  1809  à  1817  il  avait  levé 
et  dressé,  pour  le  compte  du  gouvernement,  une  belle 
carte  de  la  Scandinavie  ;  mais  il  fut  surtout  connu  à  l'étran- 


ger  par  les  ouvrages  de  statistique  qu'il  publia  à  Stockholm 
de  4830  à  1839  et  qui  contiennent  de  nombreux  et  inté- 
ressants renseignements  sur  la  géographie  et  sur  l'état 
économique  de  la  Suède.  L.  S. 

FORS  ELLES  (Jacob-Henrik),  ingénieur  et  minéralogiste 
finno-suédois,  né  à  Strœmfors  (Nyîand)  le  27  déc.  4785, 
mort  à  Stockholm  le  43  juin  4855.  Avant  même  d'avoir 
achevé  ses  études,  il  construisit  un  bateau  pour  se  rendre 
de  Finlande  à  Upsala  (4840)  et  peu  après  il  perfectionna 
la  roue  hydraulique  de  manière  à  en  doubler  l'effet.  Ins- 
pecteur aux  mines  d'argent  de  Sala  (4813),  il  en  devint 
ingénieur  en  chef  (4847)  et  il  y  introduisit  beaucoup 
d'améliorations.  Après  avoir  travaillé  avec  d'autres  à 
l'exploration  géognostique  de  la  Suède  (4838-4850),  il 
proposa  de  dresser  la  carte  géologique  de  ce  royaume  qui 
fut  mise  sous  presse  en  4850.  On  lui  doit  en  outre:  Ex- 
périences hydrauliques  faites  dans  les  mines  de  Fahlun 
de  1811  à  1815,  avec  P.  Lagerhjelm  et  G.-S.  Kallste- 
nius  (Stockholm,  4848-24,  2  vol.  in-8  avec  38  pi.); 
Rapport  sur  les  mines  de  Sala  (ibid.,  4848,  in-fol.  avec 
6  cartes);  Catalogue  raisonné  d'une  collection  des  mi- 
nerais répandus  en  Suède  (4854).  B-s. 

FORSETT  (Edward),  écrivain  anglais,  mort  vers  4630. 
Juge  de  paix,  il  eut  à  s'occuper  de  la  conspiration  des 
poudres  et  eut  la  garde  de  la  Tour  de  Londres  pendant 
l'absence  de  W.  Waad.  On  a  de  lui  deux  ouvrages  poli- 
tiques qui  ont  fait  un  certain  bruit  en  leur  temps.  Ce  sont  : 
A  Comparative  Discourse  of  the  bodies  natural  and 
politique  (Londres,  4606,  in-4)  et  A  Defence  of  the 
right  of  Kings  (Londres,  4624,  in-4). 

FORSIUS,  aussi  HELSINGFORSIUS  (Sigfrid-Aron), 
astronome  finno-suédois,  né  à  Helsingfors  vers  4550,  mort 
en  4627.  Après  avoir  été  précepteur  du  célèbre  G.  Horn  et 
avoir  complété  ses  études  dans  les  universités  d'Allemagne, 
il  fut  aumônier  militaire  dans  les  provinces  baltiques  (4599- 
4600),  puis  l'un  des  explorateurs  de  la  Laponie  de  Torneâ 
(4 604).  Avant  son  départ  il  avait  reçu  comme  prébende  le 
pastorat  de  Nerpes  ;  à  son  retour  (4602),  il  obtint  celui  de 
Kimito.  On  ne  sait  si,  pendant  un  nouveau  voyage  en  Alle- 
magne (4  605  ) ,  il  avait  réellement  corn  ploté  contre  Charles  IX, 
comme  E.  Tegel  l'en  accusa,  mais  il  fut  emprisonné  pendant 
un  an  (4606)  etdépouillédesaprébende(4607).CharlesIX, 
revenu  de  ses  soupçons,  l'indemnisa  en  lui  donnant  la  chaire 
d'astrologie  à  l'université  d'Upsala  (4608)  et  en  le  nommant 
peu  après  pasteur  de  l'église  de  Riddarholm  à  Stockholm  et 
astronome  royal  (1642),  avec  privilège  pour  la  publication 
des  almanachs  (4643).  Le  chapitre  de  la  cathédrale  d'Up- 
sala lui  ayant  vainement  interdit  les  prédictions  qu'il  faisait 
parfois  avec  succès,  le  suspendit  (4645)  et  le  fit  révoquer 
(4649).  Forsius  tomba  dans  la  misère  et  dut  se  contenter 
du  plus  petit  pastorat  de  la  Finlande,  celuid'Ekenaes(4624). 
Ses  connaissances  étaient  très  variées  ;  il  écrivit  une  Chro- 
nique  de  Finlande  (perdue);  deux  Psaumes  ;  des  Prêches  ; 
rédigea  les  Almanachs  de  4608-10,  4643-45,  4647-49, 
4624-24,  les  premiers  qui  aient  été  calculés  sur  le  méridien 
de  Stockholm.  Il  publia  en  outre  :  Spéculum  vitœ  hu- 
manœ  (Greifswald,  4582;  Stockholm,  4620)  ;  Mineralo- 
gia  en  suédois  (Stockholm,  4643,  4643).  B-s. 

Bibl.  :  Notice  sur  lui  par  S.Loenbom  ;  Stockholm,  1772, 
in-8.  —  Pipping,  Bidrag  till  Finlands  calendariographi  ; 
Helsingfors,  1858-61. 

FORSKÂL  (Peter),  célèbre  naturaliste  suédois,  né  à 
Kalmar  (Smâland)  en  4736,  mort  de  la  peste  à  Djérim 
(Arabie)  le  44  juil.  4763.  Il  fit  ses  études  à  Gottingue  et 
les  termina  par  la  soutenance  d'une  thèse  qui  fit  beaucoup 
de  bruit  :  Dubia  de  principiis  philosophiœ  recentioris. 
Peu  après,  il  publia  en  Suède  une  brochure  :  Pensées  sur 
la  liberté  civile  (4759),  qui  le  fit  bannir;  il  se  retira  à 
Copenhague  et  y  devint  professeur  en  4759.  En  4764,  il 
prit  part  à  une  expédition  scientifique  en  Asie  Mineure, 
Egypte  et  Arabie  ;  il  ne  devait  pas  en  revenir.  Les  dix- 
huit  mois  qu'avait  duré  son  voyage  lui  avaient  suffi  pour 
recueillir  plus  de  deux  mille  espèces  de  plantes,  dont  un 


825  —  F0RSELL  —  FORSSELL 

quart  absolument  nouvelles,  qu'il  décrivit  avec  les  noms 
vulgaires  grecs,  turcs  et  arabes,  sans  compter  la  descrip- 
tion d'une  foule  d'animaux  qu'on  retrouva  dans  ses  papiers: 
Descriptio  animalium,  avium,  amphibiorum,piscium, 
insectorum,  verminum,  quœ  in  itinere  orientali  ob- 
servavit  (Copenhagne,  4775,  in-4)  ;  Flora  œgyptiaco- 
arabica,sive  descriptiones  plantarum...  (Copenhague, 

4775,  in-4)  ;  Icônes rerumnaturalium,  etc.  (Copenhague, 

4776,  in-4).  Dr  L.  Hn. 

FORSKALIA  (Zool.)  (V.  Siphônophores). 

FOR  S  M  AN  (Georg-Zachris),  historien  et  homme  poli- 
tique suédois  anobli  sous  le  nom  de  Yrjœ-Koskinen  (V.  ce 
nom). 

FORSMAN  (Jacob-Oscar),  juriste  et  publiciste  finnois, 
frère  du  précédent,  né  le  30  juil.  4839  au  presbytère  de 
Lillkyrœ.  Professeur  de  droit  criminel  à  l'université  de  Hel- 
singfors (extraordinaire  4  869  ;  ordinaire  1879)  ;  doyen  de 
la  faculté  de  droit  (4  882)  ;  représentant  de  l'ordre  du  clergé 
du  diocèse  de  Kuopio  depuis  4882,  il  a  pris  une  part  impor- 
tante aux  réformes  législatives,  surtout  pénales,  soit  en  les 
discutant  à  la  Diète,  soit  en  en  traitant  dans  divers  pério- 
diques suédois,  allemands  et  surtout  finnois,  soit  enfin  dans 
des  publications  à  part  :  De  la  Sujétion  à  la  contrainte 
en  droit  criminel  (Helsingfors,  4874)  ;  Remarques  sur 
le  projet  de  code  pénal  (4878)  ;  les  Vues  divergentes 
de  nos  contemporains  sur  la  pénalité  (4883)  ;  Du  Code 
pénal  en  préparation  (4884);  Addition  au  projet  de 
Code  pénal  soumis  aux  Etats  (4885).  Il  a  édité  le  Code 
suédois  de  1734,  avec  textes  ou  extraits  des  lois  et  ordon- 
nances postérieures,  le  tout  traduit  en  finnois  par  Cannelin 
(4874,  gr.  in-8).  —  Son  oncle,  Cari-Rudolf  Forsmm,né 
à  Œfvervetil  le  45  août  4802,  mort  à  Vasa  le  29  juil. 
4882,  enseigna  dans  diverses  écoles  pendant  vingt  et  un 
ans  (4834-52)  et  devint  pasteur  d'Ilmajoki  (4850).  Il 
publia  une  Grammaire  latine  en  suédois  (4852)  ;  quelques 
textes  latins;  Du  Culte  des  saints  en  finnois  (4859). 

FORSSELL  (Olof-Hansson),  mathématicien  suédois,  né 
à  Jersœ  (Helsingland)  le  22  sept.  4762,  mort  à  OEster- 
Vâla  le  9  nov.  4838.  Adjoint  (4794),  puis  lecteur  en  ma- 
thématiques (4796)  à  l'Académie  militaire  de  Carlsberg,il 
contribua  à  la  fondation  de  l'Académie  des  sciences  mili- 
taires et  publia  des  manuels  à' Algèbre  et  d'Arithmétique 
qui  furent  en  usage  pendant  un  demi-siècle.  Ayant  reçu  les 
ordres  en  4805,  il  devint  pasteur  de  Hudiksvall  (4808), 
d'OEster-Vâla  (4  825).  —  L'aîné  de  ses  huit  enfants,  Johan- 
Erik  (4802-4877),  pasteur  et  prévôt  dans  le  diocèse  mé- 
tropolitain, publia  Matricule  de  l'archevêché  d'Upsala 
(4840);  Souvenirs  des  membres  du  corps  enseignant 
de  Varchidiocèse,  morts  de  1843  à  1859  (4859).' —  Un 
second  fils,  Car l-Adolf  (4807-4869),  lecteur  à  Gefle,  puis 
pasteur  et  prévôt  dans  le  diocèse  de  Strœngnses,  publia 
un  traité  d'algèbre  (4842).  —  Le  fils  de  ce  dernier, 
Hans-Ludvig,  publiciste,  économiste  et  homme  politique 
suédois,  est  né  à  Gefle  le  44  janv.  4843.  Après  avoir  été 
docent  en  histoire  à  l'université  d'Upsala  (4866),  il  devint 
secrétaire  de  divers  comités  administratifs,  financiers  et 
politiques,  et  finalement  de  la  banque  nationale  (4874)  ; 
chef  du  département  des  finances  (44  mai  4  875-déc.  4880); 
président  de  la  chambre  des  comptes  depuis  4880.  Il  repré- 
sente le  laen  de  Gefleborg  à  la  première  Chambre  depuis 
4879  et  fait  partie  de  l'Académie  suédoise  (4884),  ainsi 
que  de  la  plupart  des  sociétés  savantes  de  son  pays.  Outre 
les  articles  parus  dans  de  nombreux  périodiques  édités  ou 
dirigés  par  lui  et  réunis  sous  le  titre  d'Etudes  critiques 
(Stockholm,  4875,  4888),  il  a  publié  la  Question  moné- 
taire en  Suède,  en  Norvège  et  en  Danemark  (4872), 
question  qu'il  a  grandement  contribué  à  résoudre  par  une 
convention  Scandinave  ;  et  d'importants  travaux  d'érudition 
historico-statistique  :  Histoire  intérieure  de  la  Suède 
depuis  Gustave  Ier ',  surtout  aux  points  de  vue  admi- 
nistratif et  économique  (ibid.,  4869-75);  la  Suède  en 
1571,  essai  de  description  statistico-administrative  (4872- 
83)  ;  Notices  sur  l'agriculture  en  Suède  au  xvr9  siècle 


FORSSELL  -  FORSTER 


—  826  - 


(4884),  et  d'amples  biographies  de  :  Anders  Fryxell  (Actes 
de  r Académie  suédoise,  4882,  t.  LVII)  ;  Erik  Benzelius 
(ibid.,  4883,  t.  LVIII)  ;  Gustaf  af  Wetterstedt  (ibid., 
4889,  t.  III)  ;  enfin  de  HansJœrta,  en  tête  des  Œuvres 
choisies  de  cet  écrivain  (4882-84).  B-s. 

FORSSELL  (Christian- Didrik),  graveur  suédois  distin- 
gué, né  à  Helsinghorg  le  22  avr.  4777,  mort  à  Stockholm 
le  49  oct.  4852.  Etudiant  à  Zeist  (Hollande)  chez  les  frères 
Moraves(4794-95),il  servit  d'interprète  à  Pichegru(4794), 
puis  il  entra  en  apprentissage  chez  un  graveur  d'Amster- 
dam, se  fit  remarquer  en  exécutant  le  sceau  de  la  munici- 
palité de  cette  ville,  obtint  du  roi  Louis  une  pension  de 
4,000  florins  pour  se  perfectionner  à  Paris  (4806-1840) 
et  fut  élève  de  Bervic.  Il  devint  bientôt  maître  à  son  tour, 
après  avoir  publié  des  Têtes  caractéristiques,  gravé  une 
composition  originale  pour  V Enfer  de  Dante  et  le  beau 
portrait  de  Fénelon  (1808) .  Il  travailla  aux  planches  de  la 
grande  Description  de  l'Egypte,  et  combattit  pour  la  dé- 
fense de  Paris  dans  les  rangs  de  la  garde  nationale  en  mars 
4844.  Etant  retourné  dans  sa  patrie  en  4846,  après  avoir 
gravé  les  portraits  de  Ducis  d'après  Gérard,  et  de  Louis  X  VIII 
d'après  Augustin,  il  fut  nommé  membre  de  l'Académie  des" 
beaux-arts  à  Stockholm  (4847)  et  vice-professeur  de  des- 
sin. Un  portrait  de  Charles  XIV,  fait  à  la  sépia  (1848) 
d'après  le  tableau  de  Gérard,  plut  tellement  à  ce  monarque 
qu'il  en  demanda  la  gravure,  achevée  en  4823.  Il  forma  de 
bons  élèves  :  J.  Cardon,  Billmark,  Maria  Rœhl  et  Holm- 
bergsson.  Les  cuivres  de  Une  Année  en  Suède,  gravés  en 
partie  d'après  les  dessins  de  J.-G.  Sandberg,  avec  texte 
suédois  par  A.  Grafstrœm  (Stockholm,  4827-35  ;  traduc- 
tion française,  4  836  ;  lithographie,  4  864),  furent  retouchés 
par  lui.  On  cite  parmi  ses  autres  œuvres  :  le  Camoëns 
d'après  Gérard  ;  Pestalozzi  d'après  Mlle  Rath  (4844)  ; 
Tegnér  d'après  M.  Rœhl  (4830)  ;  De  Geer  d'après  Sand- 
berg  ;  Ptosenstein  d'après  Sergel  (4838)  ;  Saint  Pierre 
d'après  Moritz  ;  une  Madeleine  d'après  Pieneman.  Se  rat- 
tachant à  l'école  française,  il  allie,  dans  la  gravure  hachée, 
la  fermeté  du  dessin  à  l'élégance  et  à  l'extrême  finesse  du 
modelé,  qui  semblent  parfois  affectées  ;  aussi  manque-t-il 
de  vigueur  et  de  variété.  Les  mêmes  défauts  sont  plus  sen- 
sibles dans  ses  rares  gravures  au  pointillé.  Il  excellait  dans 
les  dessins  à  la  sépia,  au  crayon  noir  et  au  lavis  (notice 
sur  lui  par  son  gendre,  T. -G.  Rudbeck,  4864).      B-s. 

FORSSLUND  (Jonas),  peintre  et  sculpteur  suédois,  né 
à  Fors  (Jsemtland)  en  1754,  mort  à  Stockholm  le  9  mars 
4809.  Membre  de  l'Académie  des  beaux-arts  de  Stockholm 
(4794),  où  il  devint  professeur,  il  fit  beaucoup  de  por- 
traits à  l'huile  (Gustave  III  avec  la  reine  et  son  fils; 
Gustave  IV  en  promenade  avec  la  reine)  ;  au  pastel 
(Nils  Gyllenstjerna  et  la  comtesse)  ;  des  bustes  (Linné, 
en  bronze  ;  M.  Rosenblad,  en  plâtre)  ;  des  médaillons  en 
biscuit  et  en  plâtre.  Ses  tableaux  valent  mieux  que  ses 
sculptures.  B-s. 

FORST  (Jean-Bernard),  chanteur  allemand,  né  à  Mies 
(Bohême)  en  4660,  mort  à  Prague  en  4740.  Il  fut  un  des 
artistes  les  plus  célèbres  de  son  temps.  Il  voyagea  en  Italie, 
puis  en  Allemagne,  où  il  fut  recherché  avec  empressement 
par  divers  souverains,  l'électeur  de  Bavière,  l'électeur  de 
Saxe,  et  surtout  l'empereur  Léopold  Ier  d'Autriche.  Ce  der- 
nier l'attacha  à  sa  musique  particulière,  et  lui  témoigna  une 
telle  faveur  qu'elle  excita  la  jalousie  des  musiciens  italiens 
de  la  chapelle,  et  qu'on  accusa  ceux-ci  d'avoir  voulu  em- 
poisonner Forst.  Les  suites  de  cet  empoisonnement  détrui- 
sirent en  partie  l'étonnante  puissance  de  sa  voix,  mais 
sans  diminuer  la  perfection  de  son  chant.  Forst  retourna 
à  Prague  et  devint  maître  de  chapelle  à  l'église  de  Saint- 
Wenceslas  et  à  celle  de  Tous-les-Saints.  Lorsqu'il  mourut, 
son  fils  Wenceslas  lui  succéda  dans  la  première  de  ces 
fonctions. 

FORSTER  (Johann),  orthographié  aussi  Fœrster  ou 
Vorster,  latinisé  en  Forsthemius  (c.-à-d.  Forstheim), 
hébraïsant  et  théologien  luthérien,  né  à  Augsbourg  le 
40  juil.  4495,  mort  à  Wittenberg  le  8  déc.  4556.  Elève 


de  Reuchlin,  il  enseigna  l'hébreu  à  Tubingue  (4539-4544) 
et  à  Wittenberg  (depuis  4549).  II  mena  d'ailleurs  une 
vie  assez  agitée  et  nomade  à  cause  de  la  vivacité  de  son 
caractère  et  de  son  ultra-luthéranisme.  Sur  son  lit  de 
mort,  il  réussit  à  mettre  la  dernière  main  à  son  grand 
ouvrage  :  Dictionarium  hebraicum  novum,  non  ex 
rabbinorum  commentis  nec  ex  nostratium  doctorum 
stulta  imitatione  descriptum,  sed  ex  ipsis  thesauris 
S.  Bibl.  et  eorumdem  accurata  locorum  collatione 
depromptum  (Bâle,  4557,  in-fol.;  nouv.  éd.,  4564). 
Ce  titre  indique  à  la  fois  le  caractère  de  Forster,  le  réel 
intérêt  de  son  livre,  l'originalité  et  la  faiblesse  inévitable 
de  sa  méthode.  F. -H.  K. 

FORSTER  (Georg),  musicien  et  médecin  allemand,  né  à 
Amberg,  mort  à  Nuremberg  le  43  nov.  4568.  Il  est  sur- 
tout connu  et  estimé  par  sa'publication  d'un  grand  nombre 
de  chansons  allemandes,  religieuses  et  profanes,  à  plu- 
sieurs voix,  des  principaux  compositeurs  de  son  temps, 
réunies  et  publiées  par  lui  en  cinq  recueils  imprimés  à  Nu- 
remberg de  4539  à  4556,  sous  le  titre  Fin  Auszugguter 
alter  und  neuer  Teutscher  Liedlein,  etc.  Des  chansons 
de  Forster  lui-même  figurent  dans  ses  recueils,  à  côté  de 
celles  de  Ducis,  Hofheimer,  [saac,  Mahu,  Othmayer,  Senfl, 
Stoltzer  et  autres.  M.  Br. 

Bibl.  :  Monatshefte  fur  Musikgeschichte,  1. 1.  —  Eitner, 
Bibliographie  der  Musiksammetwerke  ;  Berlin,  1887,  in-8. 

FORSTER  (Valentin),  jurisconsulte  allemand,  né  à 
Wittenberg  le  20  janv.  4530,  mort  à  Melmstâdtle  28  oct. 
1608.  Après  avoir  étudié  le  droit,  la  philosophie  et  les 
mathématiques  et  suivi  les  leçons  de  Luther  et  de  Melan- 
chthon,  il  se  fit  recevoir  docteur  en  droit  à  Bourges  et 
retourna  en  Allemagne.  Il  professa  à  Ingolstadt  et  à  Wit- 
tenberg, puis  fut  nommé  administrateur  supérieur  à  Min- 
den,  dans  le  Hanovre;  en  4569,  il  fut  nommé  professeur 
à  Marbourg,  en  4580  à  Heidelberg,  et  plus  tard  à  Helm- 
stâdt.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Historia  juris  civilis 
romani  (Bâle,  4565,  in-fol.;  Cologne,  4594,  in-fol.; 
Mayence,  4607)  ;  de  Juridictione  romana  (Lyon,  4586, 
in-fol.)  ;  enfin,  un  recueil  de  traités  de  jurisprudence  (Bâle, 
in-fol.  ;  Francfort,  4565),  dont  plusieurs  avaient  été  publiés 
à  part  :  De  Pignoribus  et  hypoihecis  (4580,  in-4)  ;  De 
Jurejurando  (Heidelberg,  4584,  in-4.  —  Son  fils,  Va- 
lentin-Guillaume,  né  à  Marbourg  en  4574,  mort  en 
4620,  fut  aussi  professeur  de  droit  à  Wittenberg  et  publia  : 
Tractatio  justinianea,  Paratitla  in  Pandectas,  De  Jure 
canonico,  De  Nuptiis,  De  Donationibus,  De  Substitu- 
tionibus.  G.  R. 

FORSTER  (Nathaniel),  érudit  anglais,  né  à  Stadscombe 
(Devonshire)  le  3  févr.  4747,  mort  le  20  oct.  4757.  Après 
avoir  occupé  plusieurs  postes  ecclésiastiques  où  son  talent 
et  ses  connaissances  ne  paraissent  pas  toujours  avoir  été 
appréciés  à  leur  valeur,  il  fut  pourvu  d'une  prébende  à 
l'église  de  Bristol  et,  quelque  temps  après,  nommé  chapelain 
de  George  II.  Un  riche  mariage,  qu'il  contracta  vers  cette 
époque  (4757),  allait  le  mettre  à  même  de  se  consacrer 
entièrement  aux  études  d'érudition  où  il  excellait,  lorsque 
la  mort  le  surprit.  Helléniste  et  hébraïsant  de  valeur,  il 
fit  partie  de  la  Société  royale  de  Londres.  On  a  de  lui  :  Re- 
flections  on  the  Natural  Foundation  of  the  high  Anti- 
quity  of  Government,  Arts,  and  Sciences  in  Egypt 
(Oxford,  4743);  une  édition  de  cinq  dialogues  de  Platon 
(4745)  ;  des  remarques  sur  le  texte  de  Tite  Live  :  Appen- 
dix  Liviana  (4746)  ;  une  édition  de  la  Bible  en  hébreu, 
sans  points-voyelles  (Oxford,  4750),  des  sermons  et  des 
dissertations. 

FO  RSTER  (Nathaniel),  économiste  et  théologien  anglais, 
né  vers  4726,  mort  en  4790.  Entré  dans  les  ordres,  il 
devint  recteur  de  l'église  de  Tous-les-Saints,  à  Colchester, 
chapelain  de  la  comtesse  douairière  de  Northington  et  rec- 
teur de  Tolleshunt  Knights,  dans  le  comté  d'Essex.  On  a 
de  lui  quatre  sermons  fort  remarquables  et  plusieurs  écrits 
sur  des  questions  d'économie  politique,  parmi  lesquels  on 
peut  citer  An  Enquiry  into  the  Causes  of  the  présent 


827  — 


FORSTER 


High  Pnce  of  Provisions  (4767),  publié  sans  nom  d'au- 
teur. B.-H.  G. 

FORSTER  (George),  voyageur  anglais,  au  service  de  la 
Compagnie  des  Indes,  mort  en  4792.  Son  voyage  de  Cal- 
cutta en  Russie,  par  le  Cachemire,  l'Afghanistan,  Hérat 
et  le  Khorassan,  jusqu'à  la  mer  Caspienne,  qu'il  traversa, 
mérite  de  ne  pas  être  oublié.  La  relation  en  a  été  publiée 
en  4798  :  A  Journey  from  Bengal  to  England  (2  vol. 
in-4).  Envoyé  en  ambassade  chez  les  Mahrattes,  il  mourut 
à  Nagpore.  Il  avait  publié  un  opuscule  intitulé  Sketches  of 
the  Mythology  and  Customs  of  the  Hindoos  (4785). 

FORSTER  (Edward),  polygraphe  anglais,  né  en  4769, 
mort  en  4828.  Entré  tard  dans  les  ordres,  il  se  fit  remar- 
quer par  son  talent  de  prédicateur.  En  4815,  il  vint  se  fixer 
à  Paris.  Il  prononça,  à  l'oratoire  du  Louvre  et  à  la  chapelle 
de  l'ambassade  d'Angleterre,  dont  il  se  fit  nommer  chapelain, 
plusieurs  sermons,  réunis  plus  tard  en  dix  volumes  par  une 
de  ses  filles,  Lavinia  (1828).  Il  est  surtout  connu  par  les 
éditions  luxueuses  qu'il  publia,  avec  des  illustrations  de 
Smirke  et  d'autres  artistes  :  Don  Quixote  (1804, 4  vol.)  ; 
The  Arabian  Nights  (4802,  5  vol.);  Anacreon  (4802)  ; 
Rasselas  (4805);  The  British  Drama,  The  New  Bri- 
tish  Théâtre,  The  English  Drama,  etc.  En  4809,  il  fit 
imprimer  à  petit  nombre  un  volume  de  ses  vers  :  Occa- 
sional  Amusements,  Mais  sa  graude  œuvre  aurait  été  The 
British  Gallery  of  Engravings,  avec  texte  en  anglais  et 
en  français,  si  les  frais  énormes  de  cette  belle  publication 
ne  l'avaient  obligé  à  la  suspendre  après  le  premier  volume 
(4843).  Il  donnait  ses  soins  à  une  édition  de  Plaute  lors- 
qu'il mourut.  B.-H.  G. 

FORSTER  (Thomas-Ignatius-Maria),  naturaliste,  astro- 
nome et  écrivain  anglais,  né  à  Londres  le  9  nov.  4789, 
mort  à  Bruxelles  le  2  févr.  4860.  Fils  d'un  botaniste 
distingué,  il  étudia  d'abord  plus  particulièrement  les  sciences 
naturelles,  fonda  en  4805  un  Journal  of  the  Weather, 
publia  la  même  année  un  Liber  rerum  naturalium  et, 
en  4808,  des  Observations  on  the  brumal  retreat  of  the 
Swallow  (Londres,  4817,  6e  édit.,  in-8),  s'occupa  ensuite 
d'astronomie,  mais  négligea  bientôt  cette  science  pour  le 
droit,  puis  pour  la  médecine,  puis  pour  la  physique.  De 
4849  à  4834,  il  effectua  sur  le  continent  de  nombreux 
et  longs  voyages,  au  cours  desquels  il  se  livra  à  une 
série  d'observations  scientifiques  d'un  certain  intérêt.  Il 
était  membre  de  la  Société  astronomique  de  Londres 
depuis  4824.  On  lui  doit  de  curieuses  recherches  relatives 
à  l'influence  des  spiritueux  et  à  celle  de  l'atmosphère 
sur  la  santé,  la  découverte  d'une  comète  (4849),  des 
observations  sur  les  couleurs  des  étoiles,  sur  le  pouvoir  dis- 
persif  de  l'atmosphère,  un  calendrier  perpétuel  (4824),  etc. 
Il  cultiva  aussi  la  poésie  et  la  musique.  Il  a  écrit  pour  le 
Philosophical  Magazine  et  pour  plusieurs  autres  recueils 
scientifiques  une  trentaine  de  mémoires  de  météorologie 
et  d'astronomie.  Il  a  en  outre  publié  à  part  :  Researches 
about  atmospheric phœnomena  (Londres,  4842 ;  3e  éd., 
4823)  ;  The  Circle  of  the  seasons  (Londres,  1828)  ;  Beo- 
bachtungen  ilber  den  Einfluss  des  Luftdruckes  aufdas 
Gehôr  (Francfort,  4835)  ;  Recueil  de  ma  vie,  autobiogra- 
phie (Francfort,  4835);  Philozoia  (Londres,  4839);  Elogio 
e  vita  di  Boecce  (4839)  ;  Philosophiamusarum  (4842)  ; 
Annales  d'un  physicien  voyageur  (4848)  ;  VAge  d'or 
(4848),  etc.,  etc.  Il  a  enfin  donné  des  éditions  annotées 
d'Aratus  (4843)  et  de  Catulle  (4846).      Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  Epistolarium  Forsterianum;  Bruges,  1845-50. 

FORSTER  (François),  graveur  français,  né  au  Locle 
(alors  principauté  de  Neufchâtel),  en  Suisse,  le  22  août 
4790,  mort  à  Paris  le  27  juin  1872.  Venu  à  Paris  en 
4805,  il  entra  dans  l'atelier  du  graveur  P.-J.  Langlois, 
puis  à  l'Ecole  des  beaux-arts,  et  obtint  le  deuxième  prix 
de  Rome  en  4809,  et  le  premier  grand  prix  en  4844.  Il 
avait  déjà  exécuté  nombre  de  planches  pour  le  Musée  Na- 
poléon, pour  le  Musée  royal,  pour  la  Galerie  de  Flo- 
rence, etc.  Pendant  son  séjour  en  Italie,  il  s'appliqua  à 
graver  des  peintures  d'histoire  des  vieux  maîtres.  Les  es- 


tampes qui  lui  valurent  une  place  des  plus  honorables 
parmi  les  graveurs  du  siècle  vinrent  tardivement;  ce  sont  : 
François  1er  et  Charles -Quint  visitant  V  église  de 
Saint-Denis,  d'après  Gros  (4833);  la  Vierge  au  bas- 
relief,  d'après  Léonard  de  Vinci  (4835)  ;  la  Vierge  de  la 
maison  d'Orléans,  d'après  Raphaël  (4838)  ;  Sainte  Cé- 
cile, d'après  Paul  Delaroche  (4840);  les  Trois  Grâces, 
d'après  Raphaël  (4841).  Il  excellait  également  dans  le 
portrait,  comme  en  témoignent  ceux  de  Durer,  de  Ra- 
phaël, de  Humboldt,  de  Wellington,  etc.  Il  fut  élu 
membre  de  l'Académie  des  beaux-arts  le  44  sept.  4844,  en 
remplacement  de  Tardieu.  *  G.  P-i. 

FORSTER  (Christian-Friedrich-Ludwig)  (V.  Foerster). 

FORSTER  (Charles),  écrivain  polonais,  né  à  Varsovie 
en  4800,  mort  en  Allemagne  vers  4870.  Après  avoir  servi 
comme  fonctionnaire  en  Pologne,  il  quitta  sa  patrie  en 
4830  et  vint  s'établir  à  Paris;  il  y  résida  pendant  dix- 
sept  ans,  voyagea  en  Allemagne  comme  correspondant  de 
la  Patrie  et  finit  par  s'établir  à  Berlin.  Il  a  beaucoup  écrit. 
Ses  principaux  ouvrages  français  sont  :  la  Vieille  Pologne 
(Paris,  4839);  la  Pologne  (Paris,  4840,  dans  la  collec- 
tion de  l 'Univers)',  Souvenirs  historiques  (Paris,  4840); 
Physiologie  de  l'étranger  (Paris,  4844);  Quinze  Ans  a 
Paris  (Paris,  4848).  En  polonais  il  a  surtout  écrit  sur  les 
questions  philosophiques  et  sociales  et  publié  une  Biblio- 
thèque des  sciences  morales  et  politiques  (Berlin,  4857- 
4868,20  vol.)  L.  L. 

FORSTER  (Ernst-Joachim)  (V.  Foerster). 

FORSTER  (John),  biographe  et  journaliste  anglais,  né 
à  Newcastle  en  4842,  mort  à  Londres  le  4er  févr.  4876. 
Fils  d'un  boucher,  il  étudia  le  droit  à  Londres,  fournit 
des  critiques  littéraires  à  l'Examiner  et  des  articles  his- 
toriques et  biographiques  à  différentes  revues.  Ses  bio- 
graphies Statesmen  of  the  commonwealth  of  England 
parues  d'abord  dans  Cyclopedia,  puis  réunies  en  volumes 
(1844-44,  5  vol.),  lui  ouvrirent  les  cercles  littéraires.  En 
4846,  il  succéda  à  Charles  Dickens  comme  rédacteur  en  chef 
du  Daily  News,  puis  retourna  à  l'Examiner,  s'occupant 
de  nombreux  travaux  historiques  parmi  lesquels  :  Arrest 
of  the  Five  Members  (4859);  Debates  on  the  Grand 
Remonstrance  (4860),  épisodes  du  règne  de  Charles  Ier. 
Ses  vies  de  Sir  John  Eliot  (4864,  2  vol.)  et  Goldsmith 
(4848,  2  vol.)  passent  pour  des  modèles  du  genre.  Il  faut 
ajouter  la  biographie  de  Walter  Savage  Landor  (4868, 
2  vol.),  et  celle  en  trois  volumes  de  son  ami  Charles 
Dickens  (4874-74,  3  vol.).  Il  avait  commencé  la  vie  de 
Swift  lorsque  la  mort  l'interrompit  au  moment  où  il  com- 
plétait le  premier  volume.  H.  France. 

FORSTER  (William-Edward),  homme  d'Etat  anglais, 
né  à  Bradpole  (Dorsetshire)  le  44  juil.  4848,  mort  à 
Londres  le  5  avr.  4886.  Fils  d'un  pasteur,  élevé  d'après 
la  rude  discipline  des  quakers,  il  reçut  une  assez  forte 
instruction  et  débuta  dans  le  commerce.  En  1842,  il  devint 
l'associé  d'un  fabricant  de  laine,  William  Fison,  et  réalisa 
ainsi  une  certaine  fortune.  De  bonne  heure,  il  s'était  occupé 
de  politique,  et  il  avait  de  constantes  relations  avec  Robert 
Owen,  Thomas  Cooper,  Denison,  Sterling,  Carlyle,  etc.  Il 
suivit  avec  intérêt  la  révolution  de  4848  en  France,  s'affi- 
lia aux  chartistes  et  commença  à  se  faire  connaître  par  les 
conférences  qu'il  fit  à  Bradford  ou  à  Leeds  sur  le  paupérisme 
et  ses  remèdes,  les  classes  ouvrières,  la  réforme  parlemen- 
taire et  l'esclavage.  Le  44  févr.  4864  il  était  élu  repré- 
sentant de  Bradford  aux  Communes  et  fut  successivement 
réélu  par  cette  circonscription  aux  élections  de  4865, 1868, 
4874,  4880  et  4885.  Libéral  avancé,  il  prit  une  part  con- 
sidérable aux  débats  relatifs  à  la  guerre  de  la  Sécession,  et 
il  se  signala  de  prime  abord  comme  un  debater-d'un  talent 
vigoureux  et  persuasif.  Il  connaissait  à  fond  la  politique 
anglaise  et  les  questions  sociales.  Aussi  entra-t-il  en  4864 
dans  le  cabinet  Russell  comme  sous-secrétaire  des  colonies 
en  même  temps  que  M.  Goschen  obtenait  la  vice-prési- 
dence du  bureau  du  commerce.  C'était  une  concession 
aux  tendances  libérales    qui  s'accentuaient  de  plus  en 


FORSTER  —  FORSYTHIA 


—  828  — 


plus.  En  4867,  il  voyagea  en  Orient  et  à  son  retour  il  devint 
vice-président  du  conseil  dans  le  ministère  Gladstone 
(1868).  Le  17  févr.  1870,  il  présentait  le  projet  de  loi  qui 
a  organisé  l'instruction  publique  en  Angleterre.  Sur  tout  le 
territoire  il  instituait  des  School  Boards  (conseils  des  écoles) 
auxquels  il  donnait  tous  pouvoirs  de  prendre  les  arrêtés 
nécessaires  pour  assurer  la  présence  à  l'école  des  enfants 
de  cinq  à  douze  ans.  La  plupart  des  écoles  existantes  étaient 
conservées,  même  elles  recevaient  une  subvention  du  gou- 
vernement à  condition  de  justifier  de  certaines  garanties 
pédagogiques,  de  se  soumettre  au  contrôle  des  inspecteurs 
du  gouvernement,  et*  de  dispenser  les  enfants  de  rensei- 
gnement religieux  si  les  parents  le  demandaient.  Les  dé- 
penses nécessitées  par  la  nouvelle  loi  étaient  couvertes  par 
une  taxe  locale,  une  subvention  de  l'Etat  et  un  prélèvement 
sur  les  rémunérations  scolaires  dans  les  écoles  payantes. 
Des  écoles  absolument  gratuites  étaient  instituées  dans  les 
communes  où  les  autorités  locales  jugeaient  cette  mesure 
nécessaire.  Attaqué  sans  merci  par  les  non-conformistes,  le 
projet  finit  par  être  voté.  Forster  fut  moins  heureux  avec 
le  bill  sur  le  mode  de  scrutin  qu'il  présenta  le  20  févr.  1871 . 
Entre  autres  innovations  jconsidérables,  ce  bill  introduisait 
le  scrutin  secret  et  supprimait  l'action  des  agents  électo- 
raux. Il  fut  adopté  par  les  Communes  à  une  faible  majorité 
et  rejeté  par  la  Chambre  des  lords.  A  l'avènement  de  Dis- 
raeli (1874),  Forster  fit  un  voyage  aux  Etats-Unis.  Il  faillit 
remplacer  Gladstone  comme  leader  des  libéraux  :  il  se  désista 
en  faveur  de  lord  Hartington.  En  1880,  à  la  prière  de 
Gladstone,  il  accepta  le  poste  de  secrétaire  chef  de  l'Ir- 
lande :  il  essaya  en  vain  de  remédier  aux  souffrances  des 
tenanciers  en  faisant  présenter  le  Compensation  for 
disturbance  bill  (1880)  qui  fut  repoussé  par  la  Chambre 
des  lords  et  il  eut  à  batailler  continuellement  contre  la 
Land-League  qui  le  rendait  responsable  de  cet  échec.  Après 
la  suppression  de  la  ligue  et  l'arrestation  deParnell,  sa  vie 
fut  menacée.  Il  échappa  miraculeusement  à  tous  les  atten- 
tats et  démissionna  en  mai  1 882  pour  ne  point  contresi- 
gner le  fameux  traité  de  Kilmainham.  Il  fut  remplacé  par 
lord  Frederick  Cavendish  qui,  le  6  mai  1882,  fut  assassiné 
à  Phœnix  Park.  Il  offrit  aussitôt  de  reprendre  son  poste, 
offre  que  le  gouvernement  n'accepta  point.  Depuis,  il  s'oc- 
cupa surtout  au  Parlement  des  questions  coloniales  et  no- 
tamment des  affaires  d'Egypte  et  de  l'Afrique  du  Sud.  Sa 
santé,  gravement  compromise  en  Irlande,  ne  fit  que  décliner 
et  il  mourut  après  une  saison  à  Baden-Baden.        R.  S. 

Bibl.  :  Notice  dans  le  Times  du.  7  avril  1886.—  Wemyss 
Reid,  Li/e  of  the  R.  H.  W.  E.  Forster  ;  Londres,  1888. 

FORSTER  (Wilhelm),  astronome  allemand  (V.  Foerster). 

FORSYTH  (Joseph),  écrivain  écossais,  né  à  Elgin  le 
18  févr.  1763.  Il  voyagea  en  Italie  de  1801  à  1803, 
époque  à  laquelle  il  fut  envoyé  prisonnier  à  Nîmes,  au  fort 
de  Bitche,  puis  à  Verdun,  à  cause  de  la  guerre  entre  la 
France  et  l'Angleterre.  Il  fut  libéré  en  1814  et  mourut  le 
20  sept.  1815.  Ses  Remarks  on  Antiquities,  Arts  and 
Letters,  during  an  excursion  in  Jtaly  in  the  years 
1802  et  '1803,  furent  publiées  à  Londres  en  1813.  Il  y 
en  eut  d'autres  éditions  en  1816  et  1820.  C'est  un  des 
meilleurs  ouvrages  sur  l'Italie  publiés  en  Angleterre. 

FORSYTH  (Robert),  écrivain  anglais,  né  en  1766,  mort 
en  1846.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Glasgow,  il  se  fit, 
non  sans  peine,  recevoir  avocat  en  1712  et  n'obtint,  à 
cause  de  ses  convictions  socialistes,  aucun  succès  dans  cette 
carrière.  Il  se  tourna  vers  la  littérature,  collabora  à  YEn- 
cyclopœdia  Britannica  et  écrivit  quelques  ouvrages  parmi 
lesquels  nous  citerons  :  Principles  and  practwe  of  agri- 
culture (Londres,  1804,  2  vol.)  ;  The  Principles  of 
moral  Science  (1805);  Political  Fragments  (1830); 
Observations  on  the  book  of  Genesis  (1 846)  ;  The  Beau- 
ties  ofScotland  (1805-1808,  5  vol.);  Remarks  on  the 
Church  of  Scotland  (1843). 

FORSYTH  (William),  homme  politique,  juriste  et  litté- 
rateur anglais  contemporain,  né  à  Greenock  en  1812. 
Avocat  des  plus  éminents,  il  fit  partie  du  conseil  de  la 


reine  en  1857.  Elu  député  de  Cambridge  en  1858,  il  dut 
renoncer  à  son  siège  comme  quasi-fonctionnaire.  Il  fut 
membre  du  Parlement,  pour  Marylebone,  de  1874  à  1880. 
En  dehors  de  plusieurs  ouvrages  de  droit,  il  publia  de 
nombreux  travaux  historiques  et  littéraires,  tels  que  : 
Napoléon  at  St-Helena  and  sir  Hudson  Lowe  (1853); 
The  Life  of  Cicero  (1864);  The  Novels  and  novelists 
of  the  18th  century  (1871);  Essays  critical  and  nar- 
rative (1874);  The  Slavonic  Provinces  south  of  the 
Danube  (1876),  et  un  drame  :  Hannibal  in  Italy  (1872). 
—  Il  était  le  frère  aîné  du  diplomate  sir  Thomas-Douglas 
Forsyth  (V.  ci-dessous). 

FORSYTH  (William),  publiciste  anglais,  né  à  Turriff 
(Aberdeenshire)  le  24  oct.  1818,  mort  le  21  juin  1879. 
Il  fit  des  études  médicales,  exerça  quelque  temps  et  aban- 
donna tout  à  fait  cette  carrière  pour  la  littérature.  Rédacteur 
de  Ylnverness  Courier  (1842),  il  s'occupa  très  activement 
de  la  préparation  de  la  Chambefs  Encyclopœdia,  passa 
en  1843  à  Y  Aberdeen  Herald,  en  1848  à  VAberdeen 
Journal;  il  y  rendit  de  grands  services  au  parti  des 
conservateurs-libéraux.  On  a  de  lui  :  A  Letter  on  lay 
patronage  in  the  church  of  Scothnd  (1867)  ;  The  Day 
of  open  questions  (1868);  The  Province  and  workof 
voluntary  charitable  agencies  in  the  management  of 
the  poor  (1877);  The  Martyrdom  of  Kelavane  (1861); 
Idylls  and  Lyrics  (1872),  etc. 

FORSYTH  (Sir  Thomas-Douglas),  administrateur  an- 
glais, né  à  Birkenhead  le  7  oct.  1827,  mort  à  Eastbourne 
le  17  déc.  1886.  Entré  au  service  de  la  Compagnie  des 
Indes,  il  devint,  en  1 849,  vice-commissaire  du  Pendjab  et 
fut  promu,  peu  après,  commissaire  adjoint  à  Simla.  Après 
avoir  occupé  divers  autres  postes,  il  était,  en  1857,  à  Um- 
balla  où  il  rendit  d'importants  services  au  commencement  de 
la  grande  révolte  de  l'Inde.  Secrétaire  d'Outram,  de  Mont- 
gomery,  puis  de  Wingfield,  il  fut  nommé,  en  1860,  com- 
missaire du  Pendjab.  En  1867,  il  négocia  un  traité  de 
commerce  aveclefurkestan  et  réussit  à  engager  un  mouve- 
ment commercial  entre  l'Inde,  les  provinces  de  l'Asie  cen- 
trale et  la  Russie.  Lord  Mayo  le  chargea  d'une  mission  à 
Saint-Pétersbourg,  relative  à  la  délimitation  des  posses- 
sions de  l'émir  de  Caboul.  Au  retour  de  ce  voyage,  il  fut 
envoyé  en  députation  à  l'émir  de  Yarkand  (1869).  Il  fut 
chargé,  en  1872,  de  réprimer  une  insurrection,  à  carac- 
tère religieux,  qui  avait  pris  naissance  à  Malair  Kotla.  Il 
entra  en  conflit  à  ce  sujet  avec  Cowan,  le  commissaire  de 
Loodiana,  et  tous  deux  furent  destitués  par  le  gouvernement. 
Forsyth  revint  bientôt  en  faveur  et  fut  envoyé,  en  1873, 
à  l'émir  de  Kashgar  pour  conclure  un  traité  de  commerce. 
Il  s'acquitta  heureusement  de  cette  mission  et  fut  encore 
employé,  en  1875,  à  négocier,  avec  le  roi  de  Birmanie,  la 
neutralisation  des  Etats  frontières  entre  la  Birmanie  et  les 
possessions  anglaises.  Il  revint  définitivement  en  Angleterre 
en  1876,  et  s'occupa  de  la  direction  des  compagnies  de 
chemins  de  fer  de  l'Inde.  Forsyth  a  laissé  des  mémoires, 
publiés  par  sa  fille  sous  le  titre  de  Autobiography  and 
Réminiscences  of  sir  Douglas  Forsyth  (Londres,  1887). 

FORSYTH  (James),  voyageur  anglais,  né  en  1838,  mort 
à  Londres  le  1er  mai  1871.  Conservateur  des  forêts  de 
l'Inde,  attaché  à  l'état-major  de  l'armée  du  Bengale,  il 
voyagea  en  cette  qualité  dans  toutes  les  provinces  centrales 
de  l'Inde  (1862-64).  On  a  publié  après  sa  mort  le  compte 
rendu  de  ses  explorations,  sous  le  titre  de  The  Highla?ids 
of  central  India  (Londres,  1871).  Outre  cet  ouvrage 
fort  intéressant  et  fort  détaillé,  il  a  laissé  :  Sporting 
rifle  and  its  projectiles  (1862). 

FORSYTHIA  (Forsythia  Wahl).  Genre  de  plantes  de  la 
famille  des  Oléacées  et  du  groupe  des  Syringées,  dont  on 
connaît  seulement  deux  espèces  :  le  F.  vwidissima  Linàl. , 
de  la  Chine,  et  le  F.  suspensa  Lieb.,  du  Japon.  Ce  sont 
des  arbustes  à  feuilles  opposées,  à  fleurs  opposées  et  axil- 
laires,  s'épanouissant  avant  les  feuilles.  Ces  fleurs  sont 
tétramères  avec  un  calice  court,  une  corolle  campanulée. 
de  couleur  jaune  et  deux  étamines  insérées  dans  la  corolle. 


829  — 


FORSYTHIA  —  FORT 


L'ovaire,  supère,  devient  à  la  maturité  une  capsule  locu- 
licide  dont  les  graines  sont  pourvues  d'un  albumen  charnu. 
Les  deux  espèces  sont  fréquemment  cultivées  en  Europe 
comme  ornementales.  Ed.  Lef. 

FORT  (Temps)  (Mus.)  (V.  Mesure). 

FORT.  On  donne  le  nom  de  fort  à  un  ouvrage  unique 
de  fortification  permanente,  construit  dans  un  but  impor- 
tant et  bien  déterminé,  ne  renfermant  pas  de  population 
civile  et  pouvant  en  général  se  suffire  à  lui-même.  Ce  n'est 
pas  autre  chose  qu'une  petite  forteresse  (V.  ce  mot)  ;  elle 
doit  donc  être  construite  dans  des  positions  et  dans  des 
conditions  lui  permettant  de  résister  à  tous  les  genres 
d'attaque.  Suivant  le  rôle  que  ces  forts  ont  à  jouer,  on  les 
désigne  sous  des  acceptions  particulières  :  les  forts  déta- 
chés sont  ceux  qui  sont  construits  autour  d'une  grande  for- 
teresse pour  mettre  le  noyau  de  celle-ci  à  l'abri  d'un  bom- 
bardement, et  qui  font  ainsi  partie  de  la  ligne  principale 
de  défense  de  cette  forteresse.  Dans  ces  conditions,  la  par- 
tie tournée  vers  l'intérieur  de  la  place  (la  gorge)  est  consi- 
dérée comme  ne  pouvant  être  l'objet  d'attaques  régulières, 
en  raison  de  la  protection  qu'elle  peut  recevoir  de  l'artil- 
lerie du  noyau.  Les  forts  isolés  sont,  au  contraire,  com- 
plètement livrés  à  eux-mêmes,  sans  avoir  à  compter  sur 
le  concours  d'aucun  autre  ouvrage  ;  aussi,  comme  ils 
peuvent  être  attaqués  de  tous  les  côtés,  il  y  a  lieu,  en 
principe,  sauf  les  conditions  du  terrain ,  de  leur  assurer 
sur  toutes  les  faces  une  force  suffisante.  On  leur  donne 
aussi  le  nom  de  forts  d'arrêt,  parce  que  généralement  ils 
ont  à  intercepter  une  ou  plusieurs  voies  de  communication 
importante.  Mais  cette  dénomination  pouvant  s'appliquer 
également  aux  forts  détachés  ou  aux  forts  de  liaison  dans 
bien  des  cas,  il  est  préférable  de  ne  parler  que  du  titre  de 
forts  isolés,  comme  distinction  absolue.  On  a  construit  en 
certaines  positions  dangereuses  ou  un  peu  en  dehors  du 
rayon  d'action  de  la  place,  des  forts  pour  empêcher  l'en- 
nemi d'occuper  lui-même  ces  positions,  par  exemple  à  Giro- 
magny,  devant  Belfort,  à  Dampierre,  près  deLangres,  etc. 
On  les  appelle  forts  d'occupation,  en  raison  de  leur  situation 
saillante  ;  ils  reçoivent  à  la  rigueur  une  certaine  protection 
de  la  place  du  côté  de  la  gorge,  qui  peut,  comme  dans  les 
forts  détachés,  être  tenue  moins  forte.  Enfin,  on  a  donné 
le  nom  de  forts  ds  liaison  ouàeprotectionkdes  ouvrages 
plus  ou  moins  nombreux  construits  pour  relier  ensemble 
deux  places  ;  ils  se  prêtent  ainsi  un  appui  réciproque  et 
tiennent  jusqu'à  un  certain  point  des  forts  détachés.  Tels 
sont  les  forts  de  la  Meuse  entre  Toul  et  Verdun  (Génicourt, 
Troyon,  des  Paroches,  Camp  des  Romains,  Gironville, 
Jouy),  ceux  de  la  Haute-Moselle  entre  Epinal  et  Belfort  (des 
Arches,  Remiremont,  Rupt,  Château-Lambert,  Ballon  de 
Servance  et  Giromagny).  Les  forts  d'occupation  et  les  forts 
de  liaison  n'étant  que  des  intermédiaires  entre  les  forts 
détachés  et  les  forts  isolés,  nous  nous  occuperons  donc 
uniquement  de  ces  deux  dernières  catégories. 

Forts  détachés  avant  1885. —  Un  fort  détaché  devant 
pourvoir  à  sa  propre  défense  et  au  flanquement  de  ses  fos- 
sés doit  être  disposé  de  manière  à  présenter  sa  plus  grande 
résistance  de  front  et  sur  ses  faces  latérales,  la  gorge  étant 
organisée  simplement  de  manière  à  préserver  contre  les 
surprises.  Leur  but  général  et  les  conditions  précédentes 
permettent  d'en  déduire  la  forme  générale,  en  tenant 
compte  en  outre  de  la  position  et  du  terrain.  Le  front  don- 
nant sur  la  campagne  ou  front  de  tête,  doit  présenter  un 
assez  grand  développement  de  feux  d'artillerie  pour  battre 
le  terrain  des  attaques  et  la  ligne  d'investissement,  ainsi 
que  pour  soutenir  la  lutte  d'artillerie.  Sa  crête  est  en  gé- 
néral légèrement  brisée  en  avant,  pour  mieux  battre  le 
terrain  ;  quelquefois  elle  est  rectiligne,  dans  le  cas  d'un 
petit  fort  ou  pour  avoir  une  caponnière  de  moins.  L'obliga- 
tion pour  ces  forts  de  se  soutenir  mutuellement  a  conduit 
à  donner  aux  faces  latérales,  ou  flancs,  une  direction  sen- 
siblement perpendiculaire  à  celle  des  côtés  adjacents  du 
polygone  défensif,  ou  autrement  dit  une  direction  permet- 
tant de  battre  les  intervalles  jusqu'aux  forts  voisins.  Ces 


flancs  sont  presque  toujours  en  ligne  droite,  et  ils  doivent 
faire  avec  les  faces  du  front  des  angles  de  420°  au  moins, 
en  vue  de  supprimer  le  secteur  privé  de  feux  à  l'angle 
d'épaule.  Ces  trois  fronts  principaux  doivent  être  construits 
de  manière  à  résister  aux  projectiles  les  plus  puissants 
auxquels  ils  sont  exposés.  Le  front  de  gorge,  ou  simple- 
ment la  gorge,  n'est  fortifié  que  d'une  manière  suffisante 
pour  assurer  la  fermeture  de  l'ouvrage  et  la  sécurité  des 
défenseurs.  Elle  est  rarement  en  ligne  droite,  mais  affecte 
en  général  la  forme  bastionnée.  Tout  en  tenant  le  plus 
grand  compte,  pour  le  choix  de  l'emplacement  des  forts 
détachés,  des  positions  naturelles  qu'offre  le  terrain,  il  est 
indispensable  dans  ce  choix  de  ne  pas  perdre  de  vue  les 
considérations  suivantes,  au  sujet  de  la  distance  des  ou- 
vrages au  noyau  ou  entre  eux. 

La  raison  d'être  des  forts  détachés  étant  de  tenir  l'as- 
siégeant suffisamment  éloigné  pour  que  le  noyau  central 
n'ait  rien  à  craindre  d'un  bombardement,  il  reste  à  déter- 
miner jusqu'à  quelle  distance  l'artillerie  la  plus  puissante 
peut  lancer  des  projectiles  pouvant  encore  exercer  une 
action  efficace.  Cette  portée  étant  de  7,000  à  8,000  m., 
et  l'artillerie  puissante  des  ouvrages  détachés  tenant  l'as- 
saillant à  4,500  ou  2,000  m.  de  distance,  on  peut  ad- 
mettre que  les  forts  seront  placés  entre  5,500  et  6,500m. 
Plus  leur  éloignement  du  noyau  serait  grand,  non  seule- 
ment plus  serait  grande  la  sécurité  contre  le  bombarde- 
ment, mais  encore  plus  s'augmenterait  la  zone  d'action  de 
la  défense  mobile,  ainsi  que  les  difficultés  de  l'investisse- 
ment et  du  siège.  Mais  il  en  résulterait  également  un  plus 
grand  développement  du  périmètre  de  la^ ligne  principale 
de  défense,  déjà  considérable,  et  par  suite  de  la  surface  à 
défendre,  ainsi  que  de  la  garnison.  Ainsi,  avec  un  noyau 
de  faibles  dimensions,  ce  périmètre  avec  une  distance  de 
6,000  m.  pour  les  forts,  serait  de  36  kil.  au  moins.  Aussi, 
sans  rien  préciser  d'une  manière  absolue  et  en  tenant 
compte  dans  la  mesure  du  possible  de  la  configuration  du 
sol,  on  peut  admettre  un  minimum  de  5,000  m.,  sans 
qu'il  y  ait  un  maximum.  Mais  il  faut  remarquer  que,  jus- 
qu'à 6,000  m.,  les  ouvrages  détachés  ont  l'avantage  de 
pouvoir  être  protégés  par  l'artillerie  du  noyau  central. 
Donc,  en  principe,  les  forts  devront  être  tenus  entre  5,000 
et  6.000  m.  de  ce  dernier,  et  si  l'occupation  de  certaines 
positions  en  dehors  de  ces  limites  était  commandée  par  les 
formes  du  terrain,  il  y  aurait  lieu  d'établir  des  ouvrages 
d'un  genre  particulier  que  nous  avons  indiqué  sous  le  nom 
de  forts  d'occupation.  De  même,  il  faut  y  être  absolument 
contraint  par  les  positions  pour  descendre  au-dessous  de 
5,000  m.,  sous  peine  de  voir  les  projectiles  ennemis  atteindre 
le  noyau.  Dans  ces  conditions,  on  constate  que  la  principale 
ligne  de  défense  doit  former  un  polygone  aussi  régulier  que 
possible,  ne  présentant  ni  saillants  trop  prononcés  facile- 
ment enveloppables,  ni  rentrants  caractérisés,  qui  augmen- 
teraient le  périmètre  à  défendre,  sans  aucun  avantage. 

L'écartement  de  deux  ouvrages  consécutifs  se  déduit  de 
la  nécessité  de  se  soutenir  réciproquement,  tout  en  proté- 
geant la  défense  mobile,  afin  que  les  forts  ne  puissent  être 
tournés  par  la  gorge  ou  que  des  troupes  ennemies  ne 
puissent  circuler  dans  leurs  intervalles  sans  pouvoir  être 
atteintes  par  leur  artillerie  à  bonne  portée.  Celle-ci,  pour  le 
tir  à  mitraille,  étant  admise  de  3,000  m.,  il  s'ensuit  que,  à 
la  rigueur,  l'écartement  de  deux  forts  pourrait  aller  jusqu'à 
6,000  m.  au  maximum  et  ne  pas  être  moindre  de  3,000m. 
Afin  d'obtenir  un  recroisement  suffisant  de  feux  et  de  ne 
pas  augmentera  défense  résultant  d'un  trop  grand  nombre 
de  forts,  on  a  adopté  une  moyenne  entre  les  chiffres  pré- 
cédents et  pris  comme  écartement  pratique  moyen  4,000 
à 5,000 m.  dans  les  terrains  de  forme  ordinaire.  Lorsqu'on 
a  dépassé  6,000  m.,  c'est  que  les  conditions  du  terrain  le 
permettaient  ou  l'imposaient  (inondation,  cours  d'eau)  ou 
qu'il  suffisait  de  quelques  batteries  au  moment  du  besoin 
pour  assurer  convenablement  la  continuité  de  la  défense  de 
la  ligne.  En  dehors  des  considérations  précédentes,  il  faut 
tenir  compte  en  outre,  dans  le  choix  de  l'emplacement  des 


FORT  —  830  — 

forts,  de  l'action  des  positions  sur  le  terrain  extérieur  en 
vue  de  favoriser  la  défense  active  et  d'entraver  l'ennemi 
dans  toutes  ses  opérations,  ainsi  que  de  l'action  de  ces 
positions  sur  la  zone  rapprochée.  Enfin,  il  est  tout  indiqué 
d'utiliser  pour  le  mieux  les  obstacles  naturels  du  sol,  tels 
que  ravins  ou  vallons  parallèles  à  la  ligne  de  défense,  ainsi 
que  les  bois  d'une  certaine  étendue.  L'armement  de  ces 
forts  comprenait  :  1°  environ  42  pièces  légères,  dites  de 
garnison,  destinées  à  agir  spécialement  sur  les  travaux 
d'approche  ou  affectées  au  flanquement;  2°  l'artillerie  de 
combat,  constituée  par  25  à  30  pièces  puissantes,  tirant 
quelquefois  sous  casemate  ou  sous  coupole,  ayant  pour 
but  d'obtenir  des  effets  décisifs  par  leur  tir  puissant  et  à 
longue  portée.  —  La  garnison  ne  dépassait  pas  en  géné- 
ral 1,200  hommes,  mais  elle  n'était  le  plus  souvent  que 
de  300  à  400  hommes.  On  comptait  45  hommes  par 
pièce  pour  le  service  de  l'artillerie.  Dans  ces  conditions, 
la  longueur  du  front  de  tête  était  au  plus  de  300  m.,  et 
en  général  de  200  à  250  m.,  pour  ne  pas  dépasser  450 
et  même  420  m.  dans  les  petits  forts.  La  profondeur  de 
l'ouvrage  dépendait  de  l'importance  à  donner  aux  flancs 
et  de  l'espace  nécessaire  pour  les  installations  intérieures. 
Les  intervalles  assez  considérables  existant  entre  les  anciens 
forts  seront  occupés  par  divers  ouvrages  ou  constructions 
disposés  de  la  manière  générale  suivante  :  4°  dans  le 
voisinage  de  la  crête  militaire,  des  ouvrages  pour  demi- 
compagnies  d'infanterie,  sans  abri  bétonné,  mais  pourvus 
de  quelques  abris  blindés  en  rails  ou  en  bois  à  l'épreuve 
des  éclats  de  projectiles  et  de  la  mitraille  ;  2°  sur  les  points 
culminants,  des  ouvrages  intermédiaires  pour  demi-compa- 
gnies d'infanterie,  mais  avec  abri  bétonné,  pour  aider  les 
forts  à  flanquer  les  intervalles  ;  3°  en  arrière  des  crêtes 
et  sur  les  contre-pentes,  des  batteries  enterrées  et  hors  de 
vue,  destinées  à  l'artillerie  de  combat  et  disséminées  dans 
tout  l'intervalle;  exceptionnellement  quelques  tourelles 
près  des  forts  pourront  être  ajoutées  dans  le  même  but  ; 
4°  plus  en  arrière  encore  et  dissimulés  par  les  accidents  de 
terrains,  les  magasins  à  poudre,  dépôts  de  munitions, 
logements  pour  les  garnisons,  etc.,  installés  en  galeries 
souterraines,  si  c'est  possible,  ou  sinon  on  abrite  simple- 
ment les  troupes  dans  les  villages,  dans  des  baraques  ou 
sous  latente.  De  ces  divers  ouvrages,  les  batteries  enterrées 
seules  paraissent  devoir  être  construites  dès  le  temps  de 
paix,  au  moins  dans  les  places  frontières  ;  la  plupart  des 
autres  peuvent  n'être  élevés  qu'au  moment  de  la  guerre. 

Forts  à  cavalier.  De  4874  à  4877,  les  premiers  forts 
détachés  construits  après  la  guerre  franco-allemande  furent 
établis  d'après  le  principe  que  toute  fortification  permanente 
doit  présenter  deux  parapets  distincts  ;  l'un  plus  élevé  et 
appelé  cavalier,  destiné  à  la  lutte  éloignée,  armé  de  grosses 
pièces  ayant  un  grand  commandement  ;  l'autre  destine  uni- 
quement à  la  défense  rapprochée,  recevant  les  pièces  de 
petit  calibre  et  l'infanterie.  Toutes  les  bouches  à  feu  tirant 
à  découvert  faisaient  du  tir  de  plein  fouet,  et  celles  desti- 
nées au  tir  indirect  ou  sous  de  grands  angles  étaient  pla- 
cées sous  casemates.  Le  cavalier  avait  environ  42  m.  de 
relief  (ce  relief  était  déterminé  par  la  condition  de  bien 
découvrir  le  terrain  dans  un  rayon  étendu)  et  8  m.  d'é- 
paisseur, de  manière  à  permettre  l'établissement  de  locaux 
souterrains  à  étages  ;  les  pièces  qui  s'y  trouvaient  étaient 
séparées  par  des  traverses  avec  abris.  Le  rempart  bas 
n'avait  que  strictement  le  relief  nécessaire  pour  couvrir 
les  mouvements  de  matériel  effectués  en  arrière,  c.-à-d. 
environ  4m50,  avec  une  épaisseur  de  6  m.,  et  par  parties 
successives  des  banquettes  d'artillerie  et  des  banquettes 
d'infanterie.  On   construisait  également  sur  ce  rempart 
quelques  traverses-abris  servant  à  limiter  le  tir  d'enfilade 
et  à  loger  les  projectiles  nécessaires  pour  la  défense  de  ce 
rempart.  Nous  n'entrerons  pas  dans  les  détails  d'organisa- 
tion de  ces  forts,  dont  la  fig.  4  donne  le  plan  et  le  profil  ; 
cette  figure  permet  de  se  faire  une  idée  suffisante  de  ce 
genre  de  forts.  Ceux-ci  présentent  de  bonnes  conditions 
de  commandement,  d'approvisionnement  des  pièces,  etc., 


mais  ils  offrent  par  contre  l'inconvénient  de  coûter  fort 
cher,  car  les  locaux  ne  peuvent  être  couverts  qu'en  aug- 
mentant la  profondeur  de  la  cour  intérieure,  et  en  outre 


Fig.  1. 

les  traverses  et  les  emplacements  de  pièces  se  découpent 
sur  l'horizon,  ce  qui  facilite  beaucoup  le  tir  de  l'ennemi. 
Ces  diverses  causes  ont  conduit  à  les  abandonner  à  partir 
de  4877. 

Fort  à  massif  central  et  à  batterie  basse.  On  recon- 
nut que,  pour  l'artillerie  tirant  à  grande  distance,  et  par 
conséquent  avec  trajectoires  fort  courbes,  un  grand  com- 
mandement était  à  peu  près  inutile,  à  la  condition  d'avoir 
un  bon  observatoire.  C'est  pourquoi  on  installa  l'artillerie 
sur  un  rempart  bas  qui,  à  l'origine,  ne  comportait  qu'une 
banquette  d'artillerie  sans  banquette  d'infanterie.  Les  locaux 
furent  disposés  à  l'arrière,  sous  un  massif  central  servant 
de  parados,  couronné  par  une  simple  banquette  d'infante- 
rie, mais  avec  un  terre-plein  assez  large  pour  recevoir  au 
besoin  quelques  pièces  légères.  On  gagnait  ainsi  une  dimi- 
nution de  longueur  de  50  à  60  m.,  puisque  le  relief  de  la 
batterie  basse  était  moindre  que  celui  du  cavalier,  et  les 
traverses-abris  étant  fondées  sur  le  sol  n'avaient  que  peu 
de  hauteur,  d'où  économie  sérieuse  de  temps  et  d'argent 
pour  leur  construction.  De   plus,  l'artillerie  était  mieux 
couverte  et  avait  l'avantage  de  donner  des  feux  rasants  et 
de  mieux  battre  les  abords.  Mais  on  a  nié  que  le  réglage  du 
tir  soit  moins  facile  sur  ces  forts  que  sur  ceux  à  cavalier, 
attendu  que  le  parados  constitue  également  une  grande 
cible  verticale,  sur  laquelle  on  pourra  observer  les  points 
de  chute.  Par  contre,  ils  ont  l'inconvénient  de  disposer  de 
vues  moins  étendues  et  de  sacrifier  ainsi  la  défense  rap- 
prochée, de  morceler  la  défense  d'infanterie,  puisque  les 
hommes  sont  groupés  par  petits  paquets  entre  les  traverses, 
enfin  de  ne  pas  empêcher  les  éclats  en  retour  des  projec- 
tiles passant  au-dessus  de  la  crête  du  rempart  bas.  Leur 
front  de  tête  a  varié  entre  200  et  300  m.  de  longueur. 
Pour  un  égal  armement  de  combat,  les  forts  ont  moins 
d'étendue,  mais  plus  de  profondeur.  En  supposant  que  les 
forts  à  massif  central  n'aient  présenté  qu'une  économie 
de  temps  et  d'argent,  cette  considération  ne  serait  pas  à 
dédaigner.  Nous  devons  ajouter  d'ailleurs  que  l'expérience 
d'une  guerre  n'a  pas  permis  d'établir  une  comparaison 
pratique,  et  que  ni  l'un  ni  l'autre  ne  pourrait  aujourd'hui 
faire  une  défense  convenable. 

Forts  plats  à  crête  unique  ou  sans  massif  central. 
Les  deux  systèmes  précédents  ont  le  grand  inconvénient  de 
permettre  facilement  le  repérage  du  tir  et  d'avoir,  en  ar- 
rière du  rempart,  un  massif  faisant  éclater  tous  les  coups 
longs  qui  pouvaient  former  fougasses  et  devenir  très  dan- 
gereux. On  a  donc  adopté  à  l'étranger  et  proposé  en  France 
de  réduire  le  fort  au  simple  parapet  polygonal  de  l'ouvrage 
avec  une  crête  unique  pour  l'artillerie,  sans  construction  à 
l'intérieur  de  la  cour.  Les  locaux,  à  un  seul  étage,  sont 
installés  sous  le  parapet  de  tête  ou  sous  la  gorge  en  façade 
sur  le  fossé,  ou  sous  les  deux  simultanément.  Lasuppres- 


-  834  - 


FORT 


sion  du  cavalier  ou  du  massif  central  présente  le  grand 
avantage  de  réduire  au  minimum  la  profondeur  du  fort, 
c.-à-d.  d'en  augmenter  l'aplatissement,  ce  qui  les  a  fait 
désigner  sous  le  nom  de  forts  plats.  Quand  le  front  de 
gorge  est  surmonté  d'un  parapet,  on  peut  le  paradosser 
sans  grand  inconvénient  et  sans  augmenter  sensiblement 
la  profondeur.  Les  quelques  forts  de  ce  genre  que  l'on  a 
construits  en  France  depuis  4880  sont  plutôt  des  batteries 
(V.  ce  mot).  On  est  parti  de  cette  idée  que  la  plupart  des 
forts  détachés  devant  presque  uniquement  servir  de  points 
d'appui  sérieux  à  la  défense  mobile,  n'ont  besoin  que  d'une 
garnison  et  d'un  armement  restreints,  attendu  en  outre 
que,  s'il  est  nécessaire,  ils  peuvent  être  puissamment  se- 
courus par  cette  défense  extérieure  et  par  le  noyau  central. 
Dans  ce  système  (fig.  2)  les  locaux,   qui  sont  enterrés, 


Fig.  2. 

sont  humides  et  malsains;  en  outre,  ils  peuvent  être  ren- 
dus inhabitables  par  des  coups  provenant  des  vues  de  revers 
auxquelles  ils  sont  exposés.  Ils  ont  en  outre  l'inconvénient 
de  n'avoir  pas  de  crête  d'infanterie  et  de  se  prêter  mal  à  la 
défense  rapprochée  ;  il  n'y  a  pas  de  cours  de  rassemble- 
ment, eUes  communications  à  ciel  ouvert  sont  tortueuses 
et  peu  sûres  ;  les  surprises  sont  rendues  plus  faciles  en 
raison  des  nombreuses  ouvertures  sur  le  fossé  ;  enfin,  au 
cas  où  le  fort  est  pris,  la  façade  des  locaux  échappe  plus 
facilement  aux  vues  de  la  place. 

Réduit  dans  les  forts.  Dans  presque  tous  les  forts 
construits  à  l'étranger  avant  4870,  on  a  organisé  un  ré- 
duit, tandis  qu'il  n'en  existe  nulle  part  en  France.  Il  con- 
vient d'ajouter  que,  depuis  4874,  on  n'a  admis  nulle  part 
l'utilité  de  ces  réduits.  En  effet,  un  réduit,  pour  remplir 
convenablement  son  rôle,  devrait  être  assez  vaste  pour 
recevoir  un  nombre  suffisant  de  défenseurs  et  construit  de 
manière  à  être  intact  au  moment  du  besoin,  c.-à-d.  pour 
l'assaut.  Son  organisation  augmenterait  donc  l'étendue  des 
forts,  par  suite  leur  prix  de  revient,  sans  qu'on  puisse  être 
certain  qu'ils  résisteront  aux  projectiles  nombreux  qui  les 
atteindront,  de  manière  à  remplir  en  temps  utile  leur  but. 
Il  paraît  préférable,  pour  prolonger  la  résistance  pied  à 
pied  dans  l'intérieur  du  fort,  d'organiser  en  conséquence 
certaines  parties  qui  peuvent  s'y  prêter.  En  outre,  les  forts 
sont  appuyés  par  une  deuxième  ligne  de  résistance,  à 
créer  entre  la  première  et  le  noyau  central,  et  cette  ligne 
de  soutien  constitue  le  vrai  réduit  des  forts. 

Locaux,  communications,  dehors,  etc.  Les  forts 
doivent  contenir  les  locaux  nécessaires  pour  les  trois  quarts 
de  la  garnison  du  temps  de  guerre,  ainsi  que  les  magasins 
nécessaires  pour  les  divers  services.  Ces  abris  sont  ins- 
tallés sous  les  massifs,  traverses,  parties  les  plus  résistantes 
et  les  moins  exposées.  Les  communications  couvertes 
(gaines,  poternes,  corridors,  etc.)  doivent  être  suffisantes 
pour  permettre  de  se  rendre  à  couvert  d'un  point  quel- 
conque à  un  autre  du  fort.  En  général,  les  forts  n'ont  pas 
d'autres  dehors  (V.  ce  mot)  qu'un  chemin  couvert  et 
quelquefois  un  ravelin  de  gorge,  avec  corps  de  garde  dé- 
fensif,  servant  à  protéger  l'entrée.  Celle-ci  est  ménagée 
au  milieu  de  la  gorge,  pour  une  gorge  bastionnée  ou  flan- 
quée par  une  caponnière  ;  sinon  elle  est  disposée  à  côté 
de  la  caponnière  ou  même  elle  traverse  cette  dernière  dans 
certains  cas  qu'il  faut  éviter  autant  que  possible.  Le  che- 
min couvert  peut  être  au  besoin  renforcé  par  une  palissade 


établie  au  pied  du  talus  intérieur.  Mais,  il  y  aura  lieu 
d'organiser,  dans  la  plus  large  mesure  possible,  des  dé- 
fenses accessoires  en  avant  du  glacis ,  pour  accroître  la 
valeur  de  l'obstacle,  tels  que  abatis ,  grilles,  réseaux  de 
fil  de  fer,  trous  de  loup,  palissades,  etc.  Il  sera  bon  aussi, 
dans  les  forts  les  plus  exposés,  d'amorcer  quelques  gale- 
ries permanentes  permettant  d'essayer  de  faire  une  guerre 
de  mines. 

Transformation  des  forts  existants.  La  transforma- 
tion des  forts  existants  porte  sur  les  points  suivants  :  on 
supprime  les  caponnières  existantes,  l'escarpe,  la  plupart 
des  traverses  et  quelques  locaux.  Le  flanquement  est  as- 
suré par  des  galeries  de  revers  ou  des  coffres  de  contres- 
carpe en  béton  à  embrasures  élevées,  afin  d'éviter  que  les 
feux  ne  soient  masqués  par  les  décombres.  Ces  coffres, 
construits  en  béton  de  ciment,  seront  facilement  installés 
dans  l'échancrure  de  la  contrescarpe,  au  droit  des  capon- 
nières actuelles  (fig.  3).  Les  locaux  laissés  béants  par  la 
démolition  des  caponnières  seront  supprimés  et  le  profil 
régularisé  tout  autour  du  fort.  C'est  le  parapet  enveloppant 
qui  devient  le  véritable  parapet  de  combat  de  l'ouvrage 
transformé.  Les  quelques  pièces  à  conserver  dans  le  fort 
seront  généralement  placées  sur  le  front  de  tête  du  parapet 
bas.  Ces  pièces  seront  séparées  par  des  pare-éclats  d'au 
moins  6  m.  de  largeur,  dont  le  niveau  ne  doit  pas  dépasser 
celui  de  cette  crête.  En  dehors  de  ces  pièces,  le  parapet 


Fig.  3. 


sera  organisé  pour  l'infanterie,  avec  larges  banquettes 
pour  pièces  de  campagne.  Ce  front  sera  complété  par  l'ins- 
tallation, aux  extrémités  du  parapet  bas,  de  tourelles  pour 
canons  à  tir  rapide  et  par  la  construction  d'au  moins  un 
abri  pour  le  piquet  destiné  à  garnir  la  crête  en  cas  d'alerte. 

La  difficulté  du  flanquement  des  fossés  peut,  dans  cer- 
tains cas,  faire  substituer  avec  avantage  à  leur  forme  ordi- 
naire trapézoïdale  un  profil  triangulaire  (V.  Profil)  per- 
mettant de  battre  toute  leur  surface  par  les  feux  de  la 
crête.  C'est  la  disposition  adoptée  pour  les  ouvrages  d'in- 
fanterie élevés  dans  les  intervalles  des  forts.  Nous  indique- 
rons au  mot  Locaux  souterrains  les  modifications  à  faire 
subir  aux  anciens  abris  ou  casemates  et  les  conditions  dans 
lesquelles  doivent  être  construits  les  nouveaux.  La  contres- 
carpe et  tous  les  murs  ou  locaux  conservés  sont  recons- 
truits en  béton  de  ciment  ;  on  crée  quelques  nouveaux 
abris  et  on  assure  les  communications.  Le  parapet  est 
épaissi  à  10  ou  42  m.;  la  banquette  d'artillerie  n'est  con- 
servée que  pour  les  pièces  de  l'armement  de  sûreté.  L'obs- 
tacle est  en  outre  renforcé  par  une  grille  d'escarpe.  Le 
fort  peut  aussi  être  entouré  de  réseaux  de  fil  de  fer.  Les 
flancs  reçoivent  des  coupoles  à  éclipse  pour  les  pièces  à 
tir  rapide  et  de  flanquement.  Ces  tourelles,  émergeant  d'un 
massif  de  béton  à  formes  fuyantes,  placé  au  fond  du  fossé, 
ne  constituent  pas  une  solution  avantageuse,  en  raison  de 
la  faible  saillie  des  tourelles  au-dessus  de  massif  de  béton. 
On  peut  aussi  recourir,  pour  le  flanquement  des  inter- 
valles, aux  casemates  bétonnées,  aux  batteries  à  ciel  ouvert 
construites  sur  la  gorge  et  dissimulées  parles  autres  faces, 
enfin  aux  casemates  de  gorge.  Dans  certains  cas,  on  établira 
des  tourelles  pour  calibres  moyens  dans  les  forts,  ou  dans 
leur  voisinage  immédiat. 

Types  proposés  pour  les  forts  de  nouvelle  création. 


FORT 


832  - 


Si  tous  les  ingénieurs  militaires  sont  d'accord  pour  pros- 
crire les  dispositions  adoptées  pour  les  anciens  forts,  il 
n'en  est  plus  de  même  lorsqu'il  s'agit  de  l'organisation  des 
forts  à  créer  actuellement,  et  les  opinions  divergent  notam- 
ment sur  les  points  suivants  :  1°  le  fort  doit-il  simplement 
flanquer  les  intervalles  (système  des  ouvrages  flanquants) 
ou  en  outre  prendre  part  à  la  lutte  éloignée  (système 
Briaimont)  ;  2°  le  fort  doit-il  être  entouré  de  fosses  pour 
sa  défense  propre,  ou  celle-ci  peut-elle  avoir  lieu  unique- 
ment au  moyen  de  défenses  accesoires,  aidées  par  la  mous- 
cpieterie  et  la  mitraille  ?  —  La  Belgique  a  admis,  comme 
il  est  indiqué  ci-après,  des  forts  se  suffisant  à  eux-mêmes 
et  prenant  part  à  la  défense  éloignée.  Mais  cette  solution 
très  coûteuse  ne  peut  s'appliquer  aux  ouvrages  existants, 
et  elle  attire  l'artillerie  ennemie  sur  les  pièces  qui  doivent 
agir  de  flanc  et  de  revers,  les  plus  importantes.  Dans  le 
système  des  ouvrages  flanquants,  on  préserve  le  mieux 
possible  les  pièces  et  les  mitrailleuses,  et  on  peut  en 
admettre  de  deux  espèces. 

4°  Forts  flanquants.  Ces  forts,  répartis  sur  tout  le 
périmètre,  à  une  distance  de  6  à  8  kil.  les  uns  des 
autres,  continueront  à  être  les  points  d'appui,  servant  de 
caponnières  flanquantes  pour  la  ligne  d'artillerie,  et  pour- 
ront recevoir  des  cou- 
poles pour  canons  de 
gros  et  de  moyen  ca- 
libre. Ils  seront  établis 
en  des  points  culmi- 
nants, mais  en  les  pla- 
çant un  peu  en  arrière 
de  ces  positions  et  en 
les  dissimulant  le  plus 
possible,  pour  ne  pas 
être  découverts  par 
l'ennemi  à  grande  dis- 
tance. Ils  n'ont  plus, 
comme  par  le  passé,  à 
appuyer  la  défense  ex- 
térieure ni  à  défendre  le 
terrain  en  avant  de  la 
ligne  principale.  La 
forme  du  fort  continue 
à  dépendre  des  formes 
du  terrain  et  des  direc- 
tions du  flanquement, 
en  s'attachant  à  donner 
à  l'ouvrage  le  moins  de 
profondeur  possible. 
On  admet  également  en 

France  que  l'obstacle,  constitué  très  sérieusement,  doit  être 
flanqué,  alors  que  le  flanquement  des  fossés  est  discuté  à 
l'étranger.  L'obstacle  comprend  un  fossé  avec  gnlles  rem- 
plaçant l'escarpe,  mais  il  est  renforcé  par  des  défenses  acces- 
soires établies  sur  un  glacis  avec  contrescarpe  revêtue.  Le 
flanquement  est  assuré  par  des  coffres  de  contrescarpe  ou 
des  galeries  de  revers;  à  la  gorge,  où  le  profil  est  renversé, 
le  flanquement  peut  se  faire  par  une  caponnière  en  béton. 

Le  parapet  a  12  à  15  m.  d'épaisseur,  à  moins  d'être 
triangulaire,  auquel  cas  tout  l'espace  en  avant  de  la  crête 
étant  battu  par  celle-ci,  il  n'y  a  pas  lieu  d'avoir  des  or- 
ganes de  flanquement,  mais  il  faut  alors  une  contrescarpe 
en  béton  de  3  m.  de  hauteur.  La  banquette  d'infanterie 
sera  assez  large  (6  à  8  m.)  pour  recevoir  au  besoin  des 
pièces  à  tir  rapide.  Vers  les  saillants,  en  des  points  quel- 
conques du  parapet,  on  placera  des  tourelles  cuirassées  à 
éclipse  pour  deux  canons  à  tir  rapide.  A  défaut  de  tou- 
relles de  ce  ^enre,  on  pourrait  les  remplacer  dans  la  me- 
sure du  possible  par  des  canons  à  tir  rapide,  des  canons 
à  balles,  des  canons-revolvers,  des  mitrailleuses,  etc., 
montés  sur  affûts  très  mobiles  et  remisés  en  temps  ordi- 
naire. L'armement  des  flancs  serait  également  assuré  au 
moyen  de  tourelles  à  éclipse  pour  canons  à  tir  rapide  ou 
canons  légers  de  campagne,  en  se  ménageant  en  outre  la 


possibilité  de  mettre  en  batterie  sur  ces  flancs  des  canons 
de  campagne  protégés  par  des  abris  légers  en  tôle.  La  gar- 
nison de  ces  forts  sera  très  restreinte  et  on  pourra  la  loger 
dans  des  conditions  relativement  satisfaisantes  à  la  gorge 
de  l'ouvrage.  Il  en  résultera  que  les  magasins  ou  locaux 
accessoires  de  toute  espèce  seront  moins  nombreux  et  les 
communications  seront  également  simplifiées.  L'installation 
des  pièces  de  gros  calibre  destinées  à  être  mises  en  batterie 
au  moment  de  l'ouverture  du  feu  par  l'assiégeant  peut  se 
faire  de  deux  manières  :  1°  organiser  une  batterie  de  quatre 
à  six  pièces  au-dessus  de  la  caserne,  si  le  fort  a  une  certaine 
profondeur  ;  un  simple  épaulement  suffirait  aies  protéger,  et 
elles  auraient  un  commandement  bien  suffisant  pour  le  but 
qu'elles  ont  à  remplir,  sans  compter  les  facilités  d'armement 
et  de  désarmement  ;  2°  dresser  des  plates-formes  sur  les  ban- 
quettes d'infanterie,  ce  qui  permet  de  diminuer  la  profon- 
deur du  fort,  mais  rend  le  désarmement  plus  difficile. 

2°  Ouvrages  flanquants.  Ces  ouvrages,  de  dimensions 
très  restreintes,  puisque  leur  garnison  n'est  que  d'une  tren- 
taine d'hommes,  sont  placés  dans  les  intervalles  des  forts 
flanquants,  à  une  distance  de  1,000  à  2,000  m.  les  uns  des 
autres,  de  manière  à  se  soutenir  réciproquement.  Ce  genre 
d'ouvrage  ressemble  à  une  caponnière  à  orillons  très  déve- 
loppés et  à  faces  très 
courtes;  une  ou  deux 
embrasures  de  chaque 
côté  donnent  des  feux  de 
flanc  et  de  revers  (fig .  4) . 
Le  ciel  est  formé  d'une 
table  compacte  en  béton, 
dont  le  relief  est  d'envi- 
ron 5  m.  pour  une  bat- 
terie à  un  seul  étage.  Un 
observatoire  blindé, 
d'une  faible  saillie  sur  le 
massif,  permet  à  une 
sentinelle  de  surveiller 
les  approches.  Ces  ou- 
vrages, de  proportions 
très  réduites,  sont  pla- 
cés en  arrière  des  points 
culminants.  Dans  les 
conditions  indiquées,  ils 
ont  peu  à  redouter  les 
conséquences  d'une  at- 
taque de  vive  force,  et  il 
n'y  a  pas  lieu  de  se 
préoccuper  de  leur  dé- 
fense propre. 

Forts  construits  récemment  en  Belgique.  Le  général 
belge  Briaimont,  qui  fait  autorité  en  matière  de  fortification, 
vient  de  faire  prévaloir  ses  idées  dans  la  création  des  forts 
de  la  Meuse  et  de  ceux  qui  constituent  le  camp  retranché 
de  Bucarest.  En  principe,  il  est  partisan  de  conserver  aux 
forts  un  grand  relief,  afin  d'avoir  un  tir  fichant  contre 
l'assiégeant  et  il  les  entoure  de  fossés  flanqués.  Il  admet 
deux  types  de  forts  détachés,  tous  deux  de  forme  trian- 
gulaire, parce  que  cette  forme  réduit  au  minimum  le 
nombre  des  organes  de  flanquement  et  qu'elle  permet  la 
création  de  coffres  de  contrescarpe  peu  exposés  au  tir  de 
l'adversaire.  Le  fort  proprement  dit  reçoit  comme  garnison 
une  compagnie  d'infanterie  et  une  batterie  d'artillerie,  soit 
450  hommes.  L'autre  type,  plus  petit,  a  reçu  le  nom  de 
fortin  (V.  ce  mot).  Ces  ouvrages  sont  construits  en  béton 
de  ciment  ayant  jusqu'à  3  m.  d'épaisseur,  dont  les  voûtes 
sont  recouvertes  de  2  m.  de  terre  au  moins.  Toutes  les 
pièces  destinées  au  tir  éloigné  sont  sans  coupoles,  et  celles- 
ci  sont  toutes  groupées  en  un  massif  central  de  béton, 
offrant  une  grande  résistance  aux  projectiles  ennemis  et 
permettant  la  création  facile  de  magasins  et  de  logements. 
Pendant  la  lutte  éloignée ,  elles  sont  protégées  'par  des 
bonnettes  (V.  #  ce  mot)  qui  disparaissent  dès  que  com- 
mence la  deuxième  période  du  siège,  car  alors  les  forts 


doivent  fournir  des  feux  dans  toutes  les  directions  et 
surveiller  activement  les  attaques  dirigées  sur  les  inter- 
valles. Le  nombre  des  coupoles  varie  suivant  l'importance 
de  l'ouvrage  ;  les  forts  ont  environ  9  coupoles,  comptant 
8  canons  de  gros  calibre  et  10  de  calibre  moyen  ou  petit, 
pour  la  défense  éloignée  ;  des  coupoles  pour  mortiers,  mas- 
quées aux  vues  et  disposées  pour  le  tir  indirect  ;  les  mi- 
trailleuses et  pièces  légères  destinées  au  flanquement  sont 
placées  dans  des  coffres  de  contrescarpe.  Des  coffres  pla- 
cés au  saillant  servent  à  flanquer  les  faces,  et  un  autre 
coffre  flanque  la  gorge.  Des  crêtes  d'infanterie  font  le  tour 
du  fort,  mais  avec  des  interruptions  à  leur  rencontre  avec 
les  coupoles.  Des  escaliers  font  communiquer  les  locaux 
souterrains  avec  le 
terre-plein  (fig.  5). 
Le  profil,  très  va- 
riable d'an  ouvrage 
à   l'autre,  ne  peut 
pas  être  bien  défini  ; 
d'ailleurs  l'épais- 
seur   du   parapet , 
qui  est  son  élément 
principal,  n'a  plus 
ici  qu'une   impor- 
tance  secondaire, 
puisque  toute  l'ar- 
tillerie est  placée 
sous    coupoles.    II 
existe    aussi  des 
forts  plus  grands, 
destinés  à  renforcer 
les  points  les  plus 
importants  des  sec- 
teurs   d'attaque  et 
renfermant  un  ré- 
duit où  se  trouvent 
des  coupoles  mas- 
quées aux  vues  de 
l'extérieur.-    Mais 
alors  la  forme  trian- 
gulaire ne  peut  plus 
convenir,  et  le  gé- 
néral Brialmont  leur 

donne  la  forme  d'une  demi-redoute  assez  profonde,  dont 
chacune  des  faces  forme  une  ligne  brisée  légèrement  ren- 
trante au  centre. 

Forts  isolés  ou  d'arrêt.  —  Nous  avons  indiqué  déjà  le 
but  des  forts  d'arrêt,  qui  est  d'intercepter  des  voies  de  com- 
munication ;  ils  peuvent  également,  surtout  en  pays  de  mon- 
tagnes, servir  à  appuyer  les  opérations  prévues  à  l'avance 
sur  des  lignes  d'opération  bien  marquées.  Leur  emplace- 
ment est  déterminé  par  le  but  qu'on  se  propose,  par  la  confi- 
guration du  terrain  sur  lequel  l'ennemi  peut  s'installer 

pour  les  combattre, 
par  les  obstacles  du 
sol,  etc.  Mais,  dans 
tous  les  cas,  pour 
que  l'ouvrage  puisse 
faire  une  bonne  ré- 
sistance, il  importe 
de  donner  à  la  for- 
tification des  vues 
aussi  étendues  que 
possible.  Les  forts 
isolés  pouvant  en 
général  être  atta- 
qués de  tous  les 
côtés  et  étant  plus 
exposés  aux  atta- 
ques par  surprise  et  de  vive  force  que  les  forts  de  cein- 
ture, il  y  a  lieu  d'organiser  tous  leurs  fronts  avec  le  plus 
grand  soin  et  de  renforcer  l'obstacle,  en  augmentant  la 
profondeur  du  fossé  et  l'intensité  du  flanquement.  On 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


Fig.  6. 


—  833  —  FORT 

admettait  généralement  un  armement  de  30  à  45  pièces, 
dont  8  à  12  pour  le  flanquement,  et  une  garnison  de  500 
à  700  hommes.  Ces  données  permettaient  de  restreindre  les 
dimensions  des  forts,  qu'il  y  avait  intérêt  à  réduire  au 
minimum  (fig.  6).  Dans  l'organisation  intérieure  on  s'at- 
tache surtout  à  bien  protéger  les  locaux  et  à  restreindre 
les  maçonneries  exposées.  On  doit  avoir  recours  le  plus 
possible  aux  casemates  cuirassées  et  aux  coupoles.  On 
paradosse  toutes  les  faces  exposées  aux  feux  de  revers, 
et  l'on  traverse  chaque  pièce.  L'artillerie  est  disposée  sur 
des  crêtes  basses  de  6  à  8  m.  de  relief,  et  l'on  réserve 
pour  l'infanterie  des  portions  de  ces  crêtes  dont  le 
terre-plein  est  séparé  en  petites  cours  bien  couvertes  au 

moyen   de   nom- 
~    , .  breuses    traverses. 

Les  dehors  doivent 
être  plus  complets 
que  dans  les  forts 
détachés,  en  vue  de 
mieux  se  prémunir 
contre  une  attaque 
brusquée,   qui   est 
ici  plus  à  craindre. 
On   organise   donc 
toujours  un  chemin 
couvert,  coupé  par 
quelques  traverses, 
et  quelquefois  aussi 
des  places  d'armes 
dans   ce    chemin 
couvert.  Il  y  a  lieu 
de  faire  un  emploi 
très  sérieux  des  dé- 
fenses accessoires. 
On  fera  aussi  usage 
de   mines   dans  la 
mesure   du  pos- 
sible. Tous  ces  ou- 
vrages sont   reliés 
aux    forts   voisins 
ou  aux  places  les 
plus    rapprochées 
par  des  communi- 
cations électriques  et  optiques,  soigneusement  préparées. 
Malheureusement,  tous  les  forts  de  ce  genre  construits  avant 
1885  ne  sont  pas  en  mesure  de  résister  aux  obus-torpilles, 
et  par  suite  leur  situation  serait  critique  dès  lors  qu'ils 
seraient  attaqués  par  un  équipage  de  siège,  s'ils  n'avaient 
pas  été  considérablement  améliorés  au  préalable. 

Transformation.  La  réorganisation  de  ces  forts  se  ferait 
en  principe  comme  il  a  été  indiqué  pour  les  forts  détachés. 
Toutes  les  traverses  seraient  dérasées  au  niveau  de  la  crête 
dont  la  continuité  serait  rétablie  par  une  tranchée  à  travers 
le  massif  des  traverses.  L'armement  serait  autant  que  pos- 
sible placé  sous  cuirasse,  dans  l'ordre  suivant  :1°  l'armement 
d'interdiction  ;  2°  les  pièces  destinées  à  la  défense  rappro- 
chée; 3°  les  autres  pièces.  On  prendrait  dans  tous  les  cas 
pour  les  pièces  à  ciel  ouvert  les  mesures  les  plus  convenables 
pour  les  abriter  lorsqu'elles  n'auraient  pas  à  tirer.  On  sera 
obligé  de  recouvrir  de  béton  la  cour  des  casernes  et  de 
procurer  à  celle-ci  un  éclairage  et  une  ventilation  artifi- 
ciels, en  complétant  au  besoin  par  d'autres  moyens  qui  ne 
sont  que  des  palliatifs  insuffisants.  Heureusement  que  la 
plupart  de  nos  forts  d'arrêt  sont  construits  dans  le  roc,  où 
il  ne  s'agit  guère  que  d'assurer  à  l'armement  une  protec- 
tion efficace,  que  l'on  obtient  au  moyen  de  la  cuirasse 
métallique.  Pour  les  autres,  à  moins  d'avoir  une  importance 
exceptionnelle,  il  sera  préférable  en  général  de  les  raser, 
car,  ne  pouvant  rendre  aucun  service  dans  leur  état  actuel, 
il  ne  faut  pas  risquer  de  les  voir  tomber  facilement  entre 
les  mains  de  l'ennemi,  après  y  avoir  immobilisé  une  garnison. 
Forts  d'arrêt  en  cas  de  création  nouvelle.  Il  n'y  a 
rien  de  modifié  dans  le  choix  et  l'emplacement  des  positions 

53 


Fig.  5. —  a,  phare  électrique  et  observatoire;  b,  coupole  pour  2  canons 
de  15  centim.;  c,  coupole  pour  1  mortier  de  21  centim.;  d,  d,  coupoles 
pour  1  canon  de  12  centim. 


FORT 


—  834 


des  ouvrages  ;  quant  à  la  forme  de  ces  derniers,  elle  dé- 
pendra des  régions  accessibles  à  l'ennemi.  Le  tracé  des 
crêtes,  le  profil,  le  fossé  et  son  flanquement  seront  orga- 
nisés en  principe  comme  dans  les  forts  détachés  construits 
après  1885,  sans  pourtant  admettre  le  profil  triangulaire. 
IL  n'y  aurait  en  principe  qu'un  seul  parapet,  de  42  à  15  m. 
d'épaisseur,  précédé  d'un  fossé  suffisamment  large  et  pro- 
fond, avec  une  grille  d'escarpe,  et  contrescarpe  en  béton  de 
ciment,  dont  le  flanquement  doit  être  assuré.  Le  relief, 
qui  ne  dépasse  pas  5  à  6  m.,  sera  déterminé  par  la  condi- 
tion de  bien  voir  les  passages  à  interdire  et  de  battre 
convenablement  les  abords.  Mais,  dans  ce  cas,  l'armement 
doit  rester  groupé  dans  le  fort,  où  il  y  aura  lieu  de  lui 
assurer  une  protection  efficace.  On  pourra  prendre  à  ce  sujet 
les  dispositions  suivantes.  L'armement,  servant  à  inter- 
dire les  passages  pour  la  surveillance  desquels  l'ouvrage  a 
été  construit,  sera  placé  sous  des  casemates  cuirassées  ou 


des  coupoles  généralement  à  éclipse,  parce  que  seules  elles 
permettent  le  tir  de  plein  fouet  à  toutes  les  distances  ;  cet 
armement  consistera  en  canons  longs  de  gros  ou  de  moyen 
calibre.  Les  canons  à  tir  rapide  seront  avantageusement 
établis  sous  des  tourelles  à  éclipse  placées  aux  saillants 
principaux;  ils  seront  aidés,  dans  la  défense  rapprochée  et 
dans  la  défense  même  du  fort,  parles  feux  de  mousqueterie 
de  la  garnison  et  par  ceux  de  mitrailleuses  sur  chevalets. 
Pour  ces  dernières,  ou  autres  pièces  tirant  à  ciel  ouvert, 
des  plates-formes  seront  ménagées  sur  le  parapet  et  sépa- 
rées par  des  pare-éclats  en  terre  ne  dépassant  pas  la  crête  ; 
leurs  magasins  et  abris  en  béton  de  ciment  seront  disposés 
sous  la  plongée  correspondante.  Il  serait  préférable  de 
placer  sous  cuirasse  les  pièces  qui  devront  s'opposer  à 
l'installation  et  au  feu  des  batteries  de  bombardement,  mais, 
par  raison  d'économie,  on  se  bornera  à  les  installer  dans  des 
batteries  à  ciel  ouvert.  Les  casemates  cuirassées  sont  en- 


Plan 


Fig.  7.  —  a,  coupoles  pour  canons  à  tir  rapide;  6,  coupoles  pour  mortiers  de  21  centim.;  c,  coupoles  pour  canons 
de  12  centim.;  d,  coupole  pour  2  canons  de  15  centim.;  e,  coupole  pour  canons  à  tir  rapide. 


castrées  dans  le  massif  même  du  parapet  ;  les  tourelles  à 
éclipse  seront  disposées  sur  ce  dernier  s'il  a  un  relief  suf- 
fisant, ou  noyées  dans  un  massif  de  béton  de  ciment  dans 
le  cas  contraire  ;  les  coupoles  pour  canons  courts  seront 
également  placées  dans  les  parties  basses  de  ce  massif,  afin 
de  les  dissimuler  aux  vues  du  dehors.  De  larges  banquettes 
d'infanterie  seront  organisées  entre  les  groupes  de  plates- 
formes  ;  les  hommes  de  piquet,  prêts  à  se  porter  sur  le 
rempart  en  cas  d'alerte  et  à  y  transporter  les  mitrailleuses 
dont  il  a  été  question,  se  tiendront  dans  des  abris  sous 
plongée  constitués  en  béton  de  ciment  en  deux  ou  trois  points 
convenables  du  parapet.  Le  casernement,  calculé  pour  la  gar- 
nison entière,  sera  construit  avec  toutes  ses  annexes,  sous 
un  vaste  massif  de  béton  de  ciment,  fermé  de  tous  les  côtés 
et  dont  on  sera  obligé  d'assurer  artificiellement  l'éclairage 
et  la  ventilation.  Cette  condition  compliquera  sensiblement 
l'organisation  intérieure  par  suite  de  l'adjonction  de  ma- 
chines à  vapeur.  Ces  logements  et  magasins  seront  reliés 


par  des  communications  bétonnées  avec  l'extérieur,  avec 
les  terre-pleins  à  ciel  ouvert,  avec  les  substructions  des 
tourelles,  et  enfin  avec  les  organes  de  flanquement.  C'est 
sur  cette  sorte  de  carapace  que  pourront  être  disposées  les 
tourelles  pour  canons  courts  ou  à  tir  vertical.  L'ensemble 
d'une  telle  organisation  coûterait  fort  cher,  et  encore  ne 
pourrait-on  garantir  qu'elle  assurerait  une  protection  ab- 
solue aux  divers  organes  ou  parties.  C'est  pourquoi  il  est 
peu  probable  que  l'on  construise  de  pareils  forts  complète- 
ment isolés.  Les  forts  d'arrêt  préconisés  par  le  général 
Brialmont  sont  hexagonaux  et  possèdent  un  réduit.  Leur 
artillerie  est  sous  coupole  et  leur  organisation  ressemble 
beaucoup  à  celle  qui  a  été  indiquée  pour  les  forts  détachés. 
Le  flanquement  est  assuré  au  moyen  de  trois  caponnières  en 
fer  laminé  (fig.  7). 

Forts  en  pays  de  montagnes.  Avant  4885,  ces  forts 
consistaient  simplement  en  batteries  (V.  ce  mot)  dont  la 
forme  était  imposée  par  le  terrain.  Des  crêtes  d'infanterie 


—  835 


FORT 


étaient  organisées  entre  les  groupes  de  pièces  ou  sur  les 
côtés,  ou  même  en  avant  dans  des  conditions  de  terrain 
favorables.  L'obstacle  était  constitué  solidement  pour  parer 
aux  éventualités  d'attaques  de  vive  force  ou  par  surprise, 
et  son  flanquement  bien  assuré.  L'armement  était  protégé 
efficacement,  au  besoin  par  des  casemates  cuirassées,  rare- 
ment par  des  tourelles.  Ces  forts  ont  peu  à  craindre  les 
nouveaux  projectiles,  parce  que  la  plupart,  en  raison  des 
difficultés  d'accès,  peuvent  tout  au  plus  être  attaquées 
dès  le  début  des  opérations  avec  du  matériel  de  siège,  et 
alors  leur  transformation  s'impose.  En  ce  c[iù  concerne 
l'obstacle,  il  suffira  de  remplacer  les  caponnières  par  des 
galeries  de  revers;  les  locaux  seront  renforcés,  mais  pour- 
ront en  général  recevoir  l'air  et  la  lumière  par  une  face. 
L'armement  d'interdiction  sera  de  préférence,  si  c'est 
possible,  protégé  par  des  casemates  bétonnées  à  visière, 
qui  sont  plus  économiques. 

Forts  côtiers.  On  donne  ce  nom  aux  forts  élevés  sur  les 
côtes  pour  s'opposer  aux  débarquements.  En  France,  ces 
forts  ont  été  érigés  seulement  sur  les  points  du  littoral 
où  il  y  avait  lieu  de  protéger  par  un  même  obstacle  géné- 
ral un  certain  nombre  de  batteries  importantes.  Mais  ail- 
leurs et  notamment  en  Angleterre,  les  forts  de  ce  genre  se 
rapprochent  sensiblement  des  forts  de  l'intérieur,  où,  au 
lieu  de  disséminer  l'artillerie  comme  chez  nous,  on  la  con- 
centre. Dans  tous  les  cas,  ces  forts  doivent  être  placés  de 
manière  à  exercer  une  action  efficace  sur  les  navires  enne- 
mis et  à  bien  voir  le  terrain  en  avant  et  latéralement.  On 
aura  soin  de  donner  au  parapet  des  fronts  qui  ont  action 
sur  la  mer  le  profil  nécessaire  à  l'installation  des  canons  de 
côte.  Leur  organisation  comprendra  sans  doute  des  cou- 
poles dans  une  notable  proportion. 

Fort  bastionné  ou  fort  étoile.  Ouvrage  de  fortification 
passagère,  comprenant  quatre  à  huit  fronts  bastionnés 
(V.  Bastion).  Leur  tracé  satisfaisait  à  la  condition  de 
réaliser  un  bon  flanquement,  ce  qui  pouvait  avoir  son  im- 
portance à  l'époque  où  l'on  n'arrivait  à  supprimer  les 
angles  morts  et  les  secteurs  privés  de  feux  que  par  le  tracé. 
On  a  renoncé  à  leur  emploi  depuis  qu'on  a  trouvé  d'autres 
dispositifs  de  flanquement,  parce  que  les  faces  de  ces  ou- 
vrages étaient  en  prise  aux  feux  d'enfilade  et  de  revers, 
sans  même  bien  voir  le  terrain  qu'elles  étaient  chargées  de 
battre. 

FORT  de  la  Halle  (V.  Halle). 

FORT  Ajuda.  Possession  portugaise  delà  côte  de  Gui- 
née, à  2  kil.  du  littoral,  à  12  kil.  0.  de  Whydah.  Le  ter- 
ritoire portugais,  dont  Fort  Ajuda  est  le  point  principal, 
mesure  seulement  35  kil.  q.  et  compte  4,000  hab.  L'accès 
par  mer  est  difficile;  le  port  d'Andra,  qui  dessert  Fort 
Ajuda,  est  barré  par  un  banc  de  sable  très  dangereux. 
Quatre  maisons  de  commerce  portugaises  et  une  maison 
française. 

FORT  Auguste.  Forteresse  d'Ecosse,  à  50  kil.  S.-O. 
d'inverness,  construite  en  4730  en  l'honneur  du  prince  de 
Galles,  père  de  George  III,  et  démantelée  en  1818. 

FORT  Beaufort.  Ville  de  l'Afrique  australe  (colonie  du 
Cap),  ch.-l.  de  la  division  du  même  nom,  sur  un  affluent 
de  la  Great  Fish  River,  le  Cat,  que  traverse  un  beau 
pont  de  pierre  ;  1,200  hab.  La  contrée,  au  pied  de  Win- 
terberg,  est  arrosée  et  boisée.  La  ville  a  été  bâtie  autour 
d'un  poste  d'avant-garde  établi  en  1818,  lors  de  la  pre- 
mière inyasion  des  Cafres,  puis  agrandi  en  1838,  et  qui  eut 
à  repousser,  en i  851 ,  les  assauts  des  indigènes.     Ch.  Del. 

FORT  Benton.  Fort  et  village  des  Etats-Unis,  Etat  de 
Montana,  sur  la  rive  gauche  du  Missouri,  au  point  où  com- 
mence la  navigabilité  de  cette  rivière;  1,800  hab.  Un 
embranchement  du  chemin  de  fer  relie  Fort  Benton  au  Paci- 
fique Nord. 

FORT-Dauphin  (V.  Dauphin). 

FORT-de-France,  autrefois  Fort-Royal  et  Fort-Libre. 
Capitale  de  la  Martinique,  située  sur  le  côté  N.  de  la  baie 
de  Fort-de-France,  à  l'extrémité  de  la  plaine  du  Lamentin; 
12,000  hab.  Fondée  en  1673,  la  ville  presque  toute  en 


bois  a  des  rues  larges  et  régulières.  Résidence  du  gouver- 
neur, siège  de  la  cour  d'appel,  d'un  tribunal  de  première 
instance,  d'une  chambre  de  commerce.  Séminaire,  école 
d'art,  quatre  églises,  hôpital  militaire,  hospice  civil. 
Le  port  (Le  Carénage)  est  excellent  et  a  une  impor- 
tance commerciale  considérable  :  c'est  une  escale  des 
paquebots  de  la  Compagnie  générale  transatlantique.  Fort- 
de-France,  situation  stratégique  de  premier  ordre,  est  pro- 
tégé par  des  ouvrages  militaires,  entre  autres  le  fort  Louis, 
le  fort  Tartenson  et  le  fort  Desaix.  Lieu  de  naissance  de 
l'impératrice  Joséphine  dont  la  statue  orne  une  des  places 
de  la  ville. 

FORT  de  Kock  (en  malais  Boukit  Finggi).  Ville  for- 
tifiée de  Sumatra,  chef-lieu  de  la  résidence  de  la  côte  O.  de 
cette  île,  située  sur  le  plateau  volcanique  d'Agam  des 
monts  Barisan,  à  peu  de  distance  du  lac  Singkarah,  dans 
une  contrée  délicieuse,  à  3,000  pieds  d'alt.  Le  fort  est 
occupé  par  les  fonctionnaires  civils  et  militaires  et  la  gar- 
nison hollandaise.  Le  climat  étant  très  sain,  les  Européens 
de  Padang  et  d'autres  endroits  de  Sumalra  viennent  y 
séjourner  quelquefois  afin  de  refaire  leur  santé.    M.  d'E. 

FORT-de-l'Eau.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Alger, 
à  18  kil.  de  la  ville  d'Alger,  à  l'E.,  près  du  bord  de  la 
mer.  Il  doit  son  nom  à  un  fort  turc  qui  y  fut  construit  par 
Djafar  Pacha  en  1581.  Il  a  été  créé  en  grande  partie  par 
des  Mahonais  qui  se  sont  adonnés  à  la  culture  maraîchère, 
et  est  un  des  plus  beaux  et  des  plus  prospères  de  la  Mi- 
tidja  ;  on  y  cultive  surtout  les  légumes  pour  primeurs, 
artichauts,  petits  pois,  pommes  de  terre  précoces  et  depuis 
quelque  temps  la  vigne.  Fort-de-1'Eau  forme  avec  ses  an- 
nexes, Rassauta  et  les  Sables,  une  commune  de  plein 
exercice  de  2,250  hect.  avec  une  pop.  de  1,845  hab.  dont 
626  Français  et  632  Européens  (la  plupart  Mahonais). 

FORT  Dodge.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'iowa,  sur 
la  rive  gauche  de  la  rivière  des  Moines,  et  dans  la  partie 
supérieure  de  son  cours  ;  3,586  hab. 

FORT  Donelson.  Forteresse  des  Etats-Unis,  Etat  de 
Kentucky,  sur  la  rivière  Çumberland.  Enlevée  pendant  la 
guerre  de  la  Sécession  (févr.  1862)  aux  confédérés  par  le 
général  Grant  et  le  commodore  Foote. 

FORT-du-Plasne.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Saint- 
Claude,  cant.  de  Saint-Laurent  ;  557  hab. 

FORT  Erié.  Village  du  Canada,  province  d'Ontario, 
comté  de  Welland,  près  de  Buffalo,  sur  la  rive  gauche  du 
Niagara;  1,000  hab.  Pont  reliant  les  chemins  de  fer  du 
Canada  occidental  au  réseau  de  l'Etat  de  New  York. 

FORT  Fairfield.  Village  et  fort  des  Etats-Unis,  Etat 
du  Maine,  qui  a  eu  une  certaine  importance  lors  des 
démêlés  entre  l'Angleterre  et  les  Etats-Unis,  en  1839. 

FORT  Francis.  Fort  de  la  Compagnie  de  la  baie  d'Hud- 
son  (Canada),  à  4  kil.  S.  du  lac  de  la  Pluie,  chef-lieu  d'un 
des  dix  districts  du  département  du  N.  de  la  Compagnie. 

FO  RT  Franklin.  Ancien  poste  de  la  Compagnie  de  la  baie 
d'Hudson  (Canada),  par  65°  U/  50"  lat.  N.  et  123°  32' 
44//  long.  0.,  aujourd'hui  ruiné.  Ce  fort  fut  élevé,  en  1825, 
à  l'occasion  d'un  voyage  de  Franklin. 

FORT  Gibson.  Poste  militaire  des  Etats-Unis,  dans  le 
Territoire  indien,  au  confluent  du  fleuve  Arkansas  et  du 
Neoslio,  en  amont  de  Fort  Smith  et  à  quelque  distance  à  l'O. 
de  Tahlequah.  Siège  de  la  législature  des  Indiens  Gherokees. 
.  FORT  Laramie.  Poste  militaire  des  Etats-Unis,  Etat  de 
Wyoming,  sur  la  branche  N.  delà  rivière  Platte,  à  quelque 
distance,  à  l'E.,  du  pic  Laramie,  et  au  N.  de  la  ville  de 
Cheyenne  qui  est  une  station  de  chem.  de  fer  Union-Pacific. 

FORT-les-Bains.  Petit  fort  carré,  construit,  au-dessus 
d'Àmélie-les-Bains,  sur  l'emplacement  d'une  tour  qui  avait 
été  démolie  en  1668.  Vauban  appelait  dédaigneusement  une 
gentilhommière  cet  ouvrage,  qui  est  dominé  de  près,  mais 
d'où  l'on  pourrait  inquiéter  un  parti  ennemi  qui  suivrait 
le  fond  de  la  vallée  du  Tech.  Aug.  Brutails. 

Bibl.  :  J.  de  Gazanyola  et  colonel  Guiraud  de  Saint-* 
Marsal,  Hist.  du  Roussillon,  p.  457. 

FORT-Louis  (V.  Fort-Louis). 


FORT  -  FORTALEZA 


836  — 


.  FORT  Madison.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'Iowa,  située 
à  l'extrême  pointe  S.-E.  de  l'Etat,  sur  la  rive  droite  du 
Mississippi  ;  5,000  hab. 

FORT  Mardyck.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  (0.) 
de  Dunkerque;  1,607  hab. 

FORTMonroe.  Forteresse  des  Etats-Unis,  située  dans 
FEtat  de  Virginie,  à  Fextrémité  N.  de  la  péninsule  York, 
en  face  de  Fentrée  de  la  baie  de  Chesapeake.  C'est  dans  le 
voisinage,  au  milieu  de  la  rade  formée  par  cette  pointe  et 
le  promontoire  de  NewportNews,  appelée  Hampton  Roads, 
que  fut  livré  en  1862  le  combat  célèbre  entre  les  deux  cui- 
rassés, le  Merrimac  (confédéré)  et  le  Monitor  (fédéral). 
Pendant  la  guerre  de  la  Sécession,  Fort  Monroe  fut  occupé 
par  une  garnison  fédérale.  Jefîerson  Davis  y  fut  interné 
après  sa  capture  qui  suivit  de  près  la  chute  de  la  Confédé- 
ration. Près  de  la  citadelle  s'est  développée  une  petite  ville 
de  bains.  Fort  Monroe  possède  un  hôtel  des  Invalides  (Na- 
tional Soldiers'  Home),  un  Normal  Instituiez  un  collège 
d'arts  et  de  métiers,  une  ferme-école  pour  les  fils  des  nègres 
affranchis  et  les  jeunes  Indiens.  Aug.  M. 

FORT-National,  autrefois  Fort-Napoléon.  Ville  d'Al- 
gérie, dép.  d'Alger,  arr.  de  Tizi-Ouzou,  située  entre  901 
et  961  m.  d'alt.,  sur  un  plateau  taillé  presque  à  pic  au- 
dessus  d'un  ravin  de  plusieurs  centaines  de  mètres  de  pro- 
fondeur, et  à  131  kil.  d'Alger  à  laquelle  elle  est  reliée  par 
une  route  nationale.  De  ce  point,  où  le  climat  est  froid  en 
hiver  et  où  il  tombe  beaucoup  de  pluie  et  de  neige,  on 
domine  une  centaine  de  pitons  couronnés  de  villages  kabyles 
de  la  confédération  des  Zouaoua.  Avant  l'occupation  fran- 
çaise, il  n'y  avait  là  qu'un  petit  village,  Ichérouga,  de  la 
tribu  des  Aït-Iraten,  où  se  tenait  un  marché  chaque  mer- 
credi, d'où  aussi  son  nom  de  Souk-el-Arba,  le  marché  du 
mercredi.  C'est  en  1857  que  le  maréchal  Randon  décida 
la  création  du  fort  destiné  à  comprimer  les  Aït-Iraten; 
commencé  le  14  juin  de  cette  année,  il  était  terminé  cinq 
mois  après.  Il  consiste  en  une  enceinte  de  2,200  m.  de 
développement,  flanquée  de  dix-sept  bastions  et  percée  de 
deux  portes  ;  l'intérieur,  très  accidenté,  présente  une  sur- 
face de  12  hect.,  coupée  de  rues  larges  et  droites  et  couverte 
de  bâtiments  nécessaires  à  une  forte  garnison.  Assiégé  par 
les  hordes  kabyles,  en  1871,  Fort-National,  qui  n'avait 
alors  pour  sa  défense  que  ses  habitants  civils  et  une  cen- 
taine de  mobilisés,  soutint  un  siège  en  règle  de  deux  mois. 
La  population  civile  s'est  notablement  accrue  et  est  de  300 
à  400  hab.  français,  qui  vivent  de  la  garnison,  d'un  peu 
de  commerce  et  de  la  fabrication  d'un  petit  vin,  pour  lequel 
ils  achètent  le  raisin  des  indigènes.  Fort-National  est  le 
chef-lieu  :1°  d'une  commune  de  plein  exercice  de  3,688  hect. 
avec  9,434  hab.,  dont  317  Français  ;  2°  d'une  commune 
mixte  de  30,260  hect.  avec  52,804  hab.  dont  seulement 
125  Européens.  E.  Cat. 

FORT-Philippe  (Grand).  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de 
Dunkerque,  cant.  de  Gravelines;  2,843  hab. 

FORT  Pillow.  Forteresse  des  Etats-Unis,  Etat  de  Ten- 
nessee, sur  un  bluff  de  la  rive  gauche  du  Mississippi,  en 
amont  de  Memphis,  prise  et  perdue  à  plusieurs  reprises  et 
tour  à  tour  par  les  fédéraux  et  les  confédérés  pendant  la 
guerre  de  la  Sécession. 

FORT  Reliance.  Fort  et  poste  de  la  Compagnie  de  la  baie 
d'Hudson  (Canada),  par  62°  46'  29"  lat  N.  et  112°  43'  44" 
long.  0.,  actuellement  ruiné.  C'est  le  lieu  où  se  produisent 
les  froids  les  plus  vifs  du  continent  N.  américain. 

FORT  Riley.  Forteresse  des  Etats-Unis,  Etal  de  Kan- 
sas,  au  confluent  des  rivières  Republican  et  Smoty  Hill. 
Stat.  du  chem.  de  fer  de  Kansas  Pacific. 

FORT  Rosalie.  Poste  établi  en  1716  aux  Etats-Unis  par 
les  Français,  sur  la  rive  gauche  du  Mississippi,  au  point 
où  est  située  aujourd'hui  la  ville  de  Natchez,  Etat  de 
Mississippi. 

FORT-Saint-Joseph.  Ancien  poste  militaire  français, 
établi  dans  une  île  de  la  rive  gauche  du  Sénégal,  en  1699, 
par  la  Compagnie  royale  du  Sénégal.  Fort-Saint-Joseph  est 
situé  dans  le  Kaméra,à  63  kil.  E.-S.-E.  de  Rakel,  et  tout 


près  de  Makhana.  Le  fort  de  Médine  a  rendu  à  peu  près 
inutile  aujourd'hui  Fort-Saint-Joseph. 

FORT  Scott.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Kansas,  avec 
un  fort,  une  fabrique  de  lainages,  une  fonderie,  des  mou- 
lins. Située  à  l'extrémité  orientale  de  l'Etat,  sur  la  ligne 
de  Kansas  City,  au  S.  et  sur  un  petit  affluent  de  l'Osage  ; 
11,946  hab.  Dans  le  voisinage,  des  carrières  et  une  source 
de  gaz  naturel. 

FORT  Smith.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'Arkansas,  à 
l'extrémité  occidentale  de  l'Etat,  sur  la  rive  droite  du  fleuve 
Arkansas,  navigable  jusqu'en  ce  point.  Commerce  actif 
avec  le  Territoire  indien  ;  11,300  hab.  en  1890. 

FORT  Snelling.  Poste  militaire  des  Etats-Unis,  au  con- 
fluent du  Mississippi  et  du  Minnesota,  près  de  Saint-Paul, 
établi  en  1820;  le  plus  ancien  point  habité  dans  toute 
l'étendue  de  l'Etat. 

FORT  Sumter.  Forteresse  des  Etats-Unis,  Etat  de  la 
Caroline  du  Sud,  bâtie  sur  un  îlot  rocheux,  à  l'entrée  de 
la  rade  de  Charleston  entre  les  îles  Sullivan  et  Morris. 
C'est  au  fort  Sumter  que  s'engagèrent  les  premières  hosti- 
lités de  la  guerre  de  la  Sécession.  Le  major  Anderson,  qui 
commandait  la  place,  refusa  de  la  livrer  aux  confédérés. 
Le  général  Reauregard  bombarda  le  fort  le  12  avr.  1861, 
et  l'officier  fédéral,  manquant  dé  munitions,  capitula  le 
même  jour. 

FORT  Wayne.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'Indiana,  sur 
la  rivière  Maumee,  affluent  du  lac  Erié,  et  sur  le  canal  du 
lac  Erié  au  Wabash;  33,393  hab.  La  ville  s'est  développée 
sur  l'emplacement  d'un  ancien  fort  élevé  en  1794  contre  les 
Indiens.  Nombreuses  manufactures.  Centre  important  de 
chemins  de  fer,  l'une  des  principales  stations  de  la  Trunk 
Line  de  Pittsburg  à  Chicago  (Compagnie  Pennsylvania). 

FORT  William.  Fort  d'Ecosse,  à  l'extrémité  0.  du  canal 
Calédonien  et  à  l'extrémité  E.  du  lac  de  Linnhe,  construit 
par  le  général  Monck,  démantelé  en  1818.  Dans  les  envi- 
rons se  trouve  une  des  plus  hautes  montagnes  de  l'Ecosse, 
le  Ben  Nevis  (V.  ce  mot). 

FORT  Worth.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  du  Texas,  sur 
une  branche  supérieure  du  fleuve  Trinidad,  à  50  kil.  en 
amont  et  à  l'O.  de  Dallas.  Moulins,  commerce  de  coton,  de 
céréales  et  de  bestiaux  :  20.725  hab.  en  1890  (6,600  en 
1880).  '      ' 

FORT  (Jean-Antoine-Siméon),  peintre  français,  né  à 
Valence  le  28  août  1793,  mort  à  Paris  le  24  déc.  1861.  Elève 
de  C.  Brune,  cet  artiste  se  consacra  exclusivement  à  l'aqua- 
relle, à  la  gouache  et  à  la  sépia.  Il  arriva,  dans  ce  genre,  à 
un  talent  remarquable,  soutenu  par  un  dessin  savant  et  éner- 
gique. Il  s'était  déjà  fait  connaître  par  d'excellents  dessins 
pour  Y  Album  de  la  duchesse  de  Berry  (1828)  et  pour 
Y  Album  des  Grecs  (1829)  et  par  de  charmantes  aquarelles 
de  paysage,  lorsqu'il  fut  chargé,  en  1835,  de  reproduire 
pour  Versailles  les  principaux  événements  et  les  grandes 
batailles  de  la  Révolution  et  de  l'Empire.  Fort  consacra 
dix  ans  à  ce  grand  travail  pour  lequel  il  entreprit  des 
voyages  d'études  en  Europe  et  en  Egypte.  Cette  collection, 
aussi  intéressante  au  point  de  vue  artistique  que  par  l'exac- 
titude des  sites,  des  types  et  des  costumes,  a  figuré  en 
détail  aux  expositions  annuelles.  Ad.  T. 

FORTALEZA.  Ville  maritime  du  Rrésil,  ch.-l.  de  l'Etat 
de  Cearâ,  désignée  ordinairement  à  l'étranger  sous  ce  dernier 
nom  qui  dans  le  pays  s'applique  à  l'Etat  tout  entier  et  jamais 
à  la  ville.  Elle  est  située  sur  un  plateau  qui  s'élève  graduel- 
lement jusqu'à  40  m.  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  ; 
36,000  hab.  environ.  Palais  du  Gouvernement,  du  Sénat, 
de  la  Chambre  des  députés,  de  l'Evèché;  cour  d'appel, 
douane,  lycée,  école  militaire.  Tête  de  ligne  du  chemin 
de  fer  de  Raturité  et  Maranguape.  Son  port  est  une 
rade  foraine,  et  le  seul  de  l'Etat  en  communication  directe 
avec  l'Europe  par  des  lignes  régulières  de  bateaux  à 
vapeur.  L'origine  de  celte  ville  a  été  un  fort  construit  en 
1610  par  Martin  Soares  Moreno  sur  la  rive  droite  et  près 
de  l'embouchure  du  Cearâ.  En  1624  et  1625,  ce  capitaine 
y  repoussa  deux  attaques  des  Hollandais.  Le  20  déc.  1637, 


le  fort  fut  pris  d'assaut  par  le  major  hollandais  Joris 
Garstman,  malgré  l'héroïque  défense  de  Barthoiomeu  de 
Brito.  Les  Indiens  s'en  emparèrent  en  janv.  1 644  et  égor- 
gèrent la  garnison  hollandaise,  dirigée  par  Gédéon Morritz  ; 
mais  les  Hollandais  revinrent  bientôt  et  élevèrent  un  nou- 
veau fort  qu'ils  occupèrent  paisiblement  jusqu'au  20  mai 
1654,  date  où  Garstman  le  remit  au  capitaine  Alvaro  de 
Azevedo  Barreto,  envoyé  de  Pernambuco  pour  en  prendre 
possession  en  vertu  de  la  capitulation  signée  le  27  janv. 
par  les  gouverneurs  et  le  général  hollandais.  Peu  à  peu  les 
habitants  se  transportèrent  plus  à  l'E.  autour  d'un  nouveau 
fort,  et  ce  village  devint  la  ville  actuelle  de  Fortaleza  (villa 
ou  bourg  en  1723  ;  cidade  ou  cité  en  1823). 

FORTAN.  Corn,  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de  Ven- 
dôme, cant.  de  Savigny  ;  350  hab. 

FORTASAou  FORTASSA.  Village  d'Algérie,  dép.d'Oran, 
arr.  de  Mascara,  à  60  kil.  E.  de  Mascara,  sur  la  route 
qui  mène  à  Tiaret.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  Mostaganem  à 
Tiaret.  11  a  joué  un  rôle  dans  les  guerres  de  la  conquête, 
parce  qu'il  se  trouvait  placé  à  la  frontière  des  deux  plus 
puissantes  tribus  qui  suivirent  Abd-el-Kader,  les  Hachem 
à  l'O.,  les  Flitta  à  l'E.  E.  Cat. 

FORTE  (Gramm.).  On  appelle  ainsi,  d'après  l'intensité 
de  leur  prononciation,  une  série  de  consonnes  accompa- 
gnées chacune  d'une  autre  consonne  de  même  nature  qu'on 
prononce  avec  moins  de  force  et  qu'on  appelle  douce. 
K,  t,  p,  f,  s,  ch  sont  des  fortes  auxquelles  correspondent 
les  douces  g,  d,  b,  v,  %,  j.  Les  anciens  appelaient  les  fortes 
tenues,  les  ténues,  les  faibles.  C'est  qu'ils  n'avaient  en  vue 
que  les  explosives  et  prenaient  comme  point  de  départ  l'al- 
phabet grec  où  chaque  forte  est  accompagnée  non  seulement 
d'une  douce,  mais  encore  d'une  aspirée,  équivalente  à  une 
forte  Suivie  d'une  aspiration.  —  De  nos  jours,  on  tend 
plutôt  à  dénommer  les  consonnes  d'après  le  caractère  physio- 
logique de  leur  prononciation,  et  les  fortes  sont  appelées 
sourdes  parce  qu'elles  ne  sont  accompagnées  d'aucune  réso- 
nance glottale,  par  opposition  aux  sonores  (les  douces)  qui 
sont  accompagnées  d'une  vibration  laryngienne.  Le  méca- 
nisme de  leur  prononciation  est  d'ailleurs  identique,  et  les 
unes  comme  les  autres  peuvent  devenir  aspirées  si  elles 
sont  prononcées  avec  une  forte  expiration.  D'ailleurs,  la 
division  en  fortes  et  en  douces  étant  fondée  sur  un  carac- 
tère accessoire  de  la  prononciation  est  parfois  inexacte. 
Ainsi  le  b  latin,  qu'il  faudrait  ranger  dans  la  catégorie  des 
douces,  avait  à  l'origine  un  son  très  fort  et  les  Latins  s'en 
sont  servis  pour  transcrire  la  forte  grecque  %  (Burrus  = 
IIuppoç,  carbasus  =  xapTuaaoç). 

Les  fortes  ou  sourdes  explosives  étaient  en  sanscrit  au 
nombre  de  10,  donc  5  aspirées  et  5  non  aspirées,  à  savoir  : 
2  gutturales  kh  et  k,  2  palatales  ch  et  c,  2  linguales  th 
et  |,  2  dentales  th  et  t  et  2  labiales  ph  et  p.  Le  grec  n'en 
a  que  6,  3  aspirées  et  3  non  aspirées  :  2  gutturales  ^  et  x, 

2  dentales  0  et  t,  2  labiales  <p  et  rc.  Le  latin  n'a  plus  que 

3  fortes  non  aspirées  c  (qu,  /c),  p  et  t.  Parmi  les  conti- 
nues, la  distinction  des  fortes  et  des  douces  n'a  guère  d'im- 
portance pour  les  liquides  et  les  nasales.  Mais  il  faut  dis- 
tinguer la  sifflante  forte  s  de  la  douce  %,  la  chuintante 
forte  ch  de  la  douce  j  et  la  labiale  forte  /"de  la  douce  v.  C'est 
une  règle  générale,  conforme  à  la  loi  de  l'affaiblissement, 
que  les  fortes  se  transforment  naturellement  en  douces.  Les 
exemples  de  la  transformation  inverse  ou  bien  sont  contes- 
tables, ou  bien  proviennent  de  l'assimilation  devant  une 
forte,  ou  enfin  s'expliquent  par  des  raisons  particulières, 
comme  en  français  à  la  fin  des  mots  (nefàe  navem).  Il  pa- 
raît prouvé  également  que  les  fortes  non  aspirées  proviennent 
des  aspirées  correspondantes.  Paul  Gjqueaux. 

FORTE-piano  (V.  Piano). 

FORTEBRACCIO  (Niccolô),  condottiere  italien,  seigneur 
de  Pérouse,  mort  en  1435.  Il  apprit  le  métier  des  armes  sous 
son  oncle  Andréa  Braccio  di  Montone  dont  il  devint  le  lieute- 
nant et  qu'il  seconda  au  siège  de  Rome  et  en  diverses  guerres 
contre  les  [Sforza  et  leurs  partisans.  A  la  mort  d'Andréa 
(1424),  il  fut  reconnu  pour  chef  par  les  soldats  du  célèbre 


—  837  —  FORTALEZA  —  FORTERESSE 

aventurier  et  il  continua  ses  exploits,  au  profit  de  la  répu- 
blique de  Florence  qui  s'était  assuré  ses  services.  En  1429, 
il  réprima  la  révolte  des  habitants  de  Volterra,  puis  chercha 
à  s'emparer  de  Lucques  que  gouvernait  Paolo  Guinigi.  C'est 
à  ce  siège  que  les  Lucquois,  dit-on,  employèrent  pour  la  pre- 
mière fois  en  Italie  des  fusils  (schioppi)  ;  quoi  qu'il  en  soit, 
ils  se  défendirent  si  bien  avec  le  secours  des  Siennois  com- 
mandés par  Antonio  Petrucci  et  des  Milanais  de  Francesco 
Sforza,  que  Fortebraccio  dut  se  retirer.  En  1433,  allié  cette 
fois  avec  Francesco  Sforza  et  Filippo-Maria  Visconti,  il  s'atta- 
qua aux  Etats  de  l'Eglise  et  réussit  à  entrer  dans  Rome  d'où 
s'était  enfui  le  pape  Eugène  IV.  Mais  ce  succès  ne  fut  guère 
de  conséquence,  du  moins  pour  le  condottiere,  qui,  forcé  de 
guerroyer  incessamment,  harcelé  par  les  papalins  et  trahi 
par  Sforza,  fut  tué,  un  an  et  demi  plus  tard,  au  combat 
de  Capo  di  Monte.  Son  parent,  Niccolô  Piccino,  lui  succéda. 

Bibl.  :  Sismondi,  Storia  délie  Repubbliche  italiane  nei 
secoli  di  mezzo.  Traduzione  italiana  per  cura  di  L.  Tocca- 
gni  ;  Milan,  1851-1852,  5  vol.  in-8. 

FORTEGUERRIouFORTIGUERRA(Scipione),  dit  Car- 
teromaco  ou  Carteromacus,  érudit  italien,  né  à  Pistoiele 
4  févr.  1466,  mort  le  16  oct.  1515.  Il  fut  l'un  des  hellé- 
nistes chargés  par  Aide  Manuce  de  surveiller  la  correction 
de  ses  éditions  grecques,  de  rédiger  des  préfaces,  des  notes, 
des  traductions",  travaux  qu'il  signa  du  pseudonyme  sous 
lequel  il  est  surtout  connu.  11  séjourna  ensuite  à  Rome,  fut 
nommé,  par  Léon  X,  précepteur  de  Jules  de  Médicis,  suivit 
son  élève  à  Florence  et  y  mourut.  Il  a  laissé  :  Oratio  de 
laudibus  litterarum  grœcarum  (Venise,  1504,  in-4), 
souvent  réimprimé,  notamment  par  Henri  Estienne,  en 
tète  de  son  Thésaurus  linguœ  grœcœ  ;  Aristidis  oratio 
de  laudibus  urbis  Romce  e  greco  in  latinum  versa 
(Venise,  1519,  in-8)  ;  Claudii  Ptolemœi  de  Geographia 
libri  F7i/(Rome,  1507,  in-fol.);  les  Règlements  de  V aca- 
démie Aldine,  rédigés  en  grec,  des  épigrammes  en  la 
même  langue  et  divers  opuscules  recueillis  par  Ciampi. 

Bibl.  :  Ciampi,  Memorie  diScipione  Carleromaco;  Pise, 
1811,  in-8. 

FORTEGUERRI  (Niccolô),  prélat  et  poète  italien,  né  à 
Pistoiele  25  nov.  \  674,  mort  à  Rome  le  17  févr.  1735.  Après 
un  séjour  en  Espagne  où  il  avait  suivi  le  légat  Zondadari,  il 
se  fixa  à  Rome  et  y  remplit  divers  emplois  à  la  cour  pontifi- 
cale. C'est  à  la  suite  d'une  gageure,  en  une  discussion  avec 
quelques-uns  de  ses  confrères  de  l'académie  des  Arcades, 
qu'il  rédigea  son  Ricciardetto^  continuation  du  Roland 
furieux  ;  ce  poème  assez  licencieux,  qui  circula  longtemps 
manuscrit,  l'empêcha,  dit-on,  d'arriver  au  cardinalat  ;  il 
en  serait  mort  de  chagrin.  On  a  de  lui:  Oratio  in  funere 
Innocenta  XII  (Rome,  1700,  in-4)  ;  Oratio  in  trans- 
latione  sacratissimi  corporis  S.  Leonis  Magni  (Rome, 
1715,  in-4);  Commedie  di  Terenzio  tradotteper  la 
primavolta  inversi  #a/zam (Urbin,  1736, 2  vol.  in-fol.) ; 
Ricciardetto  (Venise  [sous  la  rubrique  Paris'],  1738, 
in-4)  ;  Raccoltà  di  rime piacevoli  (Florence,  1763, in-8)  ; 
divers  traités  insérés  dans  les  Prose  degli  Arcadi,et  des 
vers  qui  se  trouvent  dans  les  Rime  degli  Arcadi^  etc. 
Ricciardetto  a  été  traduit  en  français  par  Mancini,  duc 
de  Nivernais  :  Œuvres  (Paris,  1796,  8  vol.  in-8),  et  par 
le  père  de  Dumouriez,  commis  des  guerres  et  poète  galant  : 
Richardet  (Paris,  2  vol.  in-12).  R-  G. 

Bibl.  :  Ag.  Oldini,  Athenœum  pistoriense^  dans  P.  Zec- 
caria,  Bibliottieca  pisloriensis  ;  Turin,  1752,  in-fol. 

FORTEL.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Saint- 
Pol-sur-Ternoise,  cant.  d'Auxy-le-Château  ;  272  hab. 

FORTERESSE.  On  désigne  sous  le  nom  de  forteresse 
toute  localité  habitée  qui  est  fortifiée  au  moyen  de  retran- 
chements permanents,  complétés  au  besoin  par  des  fortifi- 
cations provisoires  et  même  passagères.  La  désignation  de 
place  forte  marque  plus  particulièrement  un  ensemble  d'ou- 
vrages qui,  dans  un  siège,  sont  investis  du  même  coup  et 
défendus  par  une  garnison  fractionnée  ou  non,  obéissant 
aux  ordres  d'un  gouverneur  unique.  Une  ville  forte  et 
celle  qui  est  entourée  de  fortifications  permanentes  et;  qui 
renferme  un  centre  d'habitations  et  de  population  civiles 


FORTERESSE 


838  - 


d'une  certaine  importance»  En  général*  on  confond  dans 
le  discours  ces  trois  dénominations^  parce  qu'en  réalité 
elles  satisfont  aux  mêmes  conditions  et  remplissent  le 
double  but  suivant  :  1°  empêcher  l'ennemi  d'occuper  des 
positions  importantes  au  point  de  vue  stratégique  et  des 
ressources  qu'elles  pourraient  lui  procurer  ;  2°  donner  un 
point  d'appui  solide  à  des  armées  nationales  opérant  en 
rase  campagne  ou  à  la  garnison  elle-même.  Les  Allemands 
ont  d'ailleurs  le  mot  unique  de  festung  (lieu  fort)  pour 
désigner  une  localité,  un  point  solidement  fortifié,  où  la 
force  agissante  peut  en  outre  être  condensée  de  manière 
à  être  prête  au  rôle  le  plus  avantageux  pour  la  défense.  On 
distingue  généralement  deux  sortes  de  forteresses  :  les 
grandes  et  les  petites* 

Les  grandes  forteresses  ont  pour  objet  :  1°  d'occuper  des 
positions  stratégiques  importantes,  des  villes  frontières  des- 
tinées à  appuyer  la  mobilisation  ou  la  concentration  ou  celles 
dont  il  y  a  intérêt  d'interdire  l'accès  à  l'ennemi  ;  2°  de  pro- 
téger les  grands  centres  de  population  ou  d'établissements 
civils  et  mditaires  oii  d'approvisionnements  de  toute  nature  ; 
3°  de  constituer  des  points  d'appui  pour  des  opérations  mili- 
taires importantes  ;  4°  de  détendre  les  points  qui  peuvent 
servir  de  réduits  à  la  défense  nationale.  Les  appellations  de 
places  de  manœuvre,  de  dépôt,  d'arrêt,  de  refuge  que  l'xon 
a  voulu  donner  à  ces  forteresses  n'ont  pas  de  raison  d'être/ 
car  toute  place  forte  doit  être  aussi  une  place  de  dépôt  et 
d'arrêt.  On  peut  cependant  admettre  la  qualification  de 
camps  retranchés  (V.  ce  mot)  lorsque  la  forteresse  est 
entourée  de  forts  détachés  (V.  ce  mot)  et  a  pour  but  de 
recevoir  momentanément  une  armée  venant  s'y  refaire 
pour  reprendre  la  campagne.  Cependant,  les  diverses  con- 
sidérations à  faire  entrer  en  ligne  de  compte  pour  le  choix 
des  positions  ont  conduit  à  fortifier  des  centres  de  popula- 
tion importants,  ce  qui  à  constitué  ce  que  l'on  appelle  les 
grandes  forteresses  stratégiques. 

Les  petites  forteresses  ont  pour  but  de  défendre  spécia- 
lement un  point  ou  une  communication,  d'étendre  l'action 
des  grandes  forteresses  sous  la  dépendance  de  celles-ci, 
ou  de  les  relier  entre  elles  dans  un  groupe  défensif,  d'as- 
surer la  liberté  des  mouvements  de  l'armée  nationale.  On 
peut  y  classer  les  têtes  de  pont,  places  et  forts  d'arrêt. 
Elles  ont  simplement  un  but  tactique  bien  défini,  et  il  y  a 
avantage  à  ce  qu'elles  soient  exclusivement  militaires.  En 
effet,  elles  sont  alors  d'étendue  plus  restreinte,  plus  faciles 
à  organiser  et  à  proportionner  au  but.  Les  anciennes  petites 
places  à  simple  enceinte  peuvent  y  être  rangées,  lorsqu'on 
les  a  conservées  dans  le  but  de  protéger  des  approvision- 
nements ou  des  rassemblements  de  troupes  territoriales. 

L'utilité  des  forteresses  a  été  contestée  de  tout  temps,  et 
la  difficulté  d'en  organiser  dans  de  bonnes  conditions  pour 
résister  aux  obus-torpilles  a  de  nouveau  remis  en  question 
leur  nécessité.  On  leur  reproche:  1°  de  coûter  fort  cher, 
mais  la  sécurité  du  pays  ne  peut  être  marchandée  ;  2°  de 
pouvoir  être  négligées  en  se  contentant  de  les  masquer  ; 
mais  pour  cela  il  faudra  une  armée  d'observation  bien 
supérieure  à  la  garnison  ;  3°  d'affaiblir  les  armées  natio- 
nales; mais  elles  arrêteront  un  ennemi  bien  supérieur  en 
nombre  aux  défenseurs,  qui  peuvent  être  choisis  en  outre 
dans  les  troupes  les  moins  solides  ;  4°  d'attirer  les  géné- 
raux qui  manœuvrent  dans  les  environs;  mais  c'est  la 
faute  des  généraux  et  non  celle  des  fortifications  ;  5°  de 
ne  pouvoir  résister  à  l'artillerie  actuelle  ;  le  contraire  est 
prouvé,  sinon  les  diverses  puissances  ne  consacreraient 
pas  des  sommes  considérables  à  la  construction  d'ouvrages 
permanents. 

Il  faut  bien  remarquer  d'ailleurs  que  les  forteresses 
sont  des  engins  de  guerre,  des  armes  à  la  fois  offensives 
et  défensives  comme  les  canons  et  les  fusils,  mais  qu'il 
est  de  la  plus  haute  importance  de  les  connaître,  de 
savoir  s'en  servir,  pour  en  tirer  tout  le  parti  possible  et 
ne  pas  vouloir  leur  faire  jouer  un  rôle  qui  ne  leur 
convient  pas.  Dans  tous  les  cas,  les  forteresses  ont  pour 
but  unique  de  favoriser  la  manifestation  matérielle  de  la 


force  des  batailles*  avec  le  secours  de  forces  matérielles 
plus  ou  moins  variées  ;  à  ce  titre,  elles  ont,  comme  les 
armées,  à  tenir  compte  de  la  stratégie  et  à  protéger  l'in- 
dépendance nationale.  Mais  on  n'est  pas  parvenu  encore 
à  se  mettre  bien  d'accord  sur  les  rapports  qui  doivent 
exister  entre  les  forteresses  et  les  mouvements  des  ar- 
mées. Cependant,  il  paraît  hors  de  doute  qu'une  même 
place  ne  peut  pas  remplir  tous  les  rôles,  qu'il  faut  bien 
déterminer  ceux  qui  seront  assignés  à  chacune  pour  les 
organiser  en  conséquence  et  ne  pas  aller  au  delà.  Il  ne 
faut  pas  perdre  de  vue  que,  si  une  forteresse  ne  peut  se 
défendre  toute  seule,  il  importe  de  la  mettre  en  état  de 
faire  une  bonne  résistance  par  tous  les  moyens  propres  à 
bien  remplir  son  but,  et  que  la  fortification  ne  doit  être 
comptée  que  comme  un  instrument  passif  dont  il  faut 
savoir  se  servir  lorsque  se  présentent  les  éventualités 
pour  lesquelles  elles  ont  été  créées.  En  dehors  de  la  force 
passive  de  la  fortification,  dont  la  résistance  dépend  de 
la  force  propre  des  différents  ouvrages  pris  isolément  et 
dans  leur  ensemble,  il  y  a  lieu  de  tenir  compte  des 
moyens  actifs  de  la  défense,  c.-à-d.  du  gouverneur,  de 
la  garnison,  de  l'armement  et  des  approvisionnements. 
Ces  deux  facteurs  sont  naturellement  en  rapport  inverse, 
attendu  que  la  force  passive  devra  être  d'autant  plus 
grande  que  la  garnison  et  ses  ressources  seront  plus 
faibles  et  réciproquement.  Mais  ces  deux  éléments  doivent 
toujours  être  combinés  de  manière  qu'une  forteresse 
puisse  faire  le  maximum  de  résistance  avec  le  minimum  de 
défenseurs.  Il  en  résulte  que,  surtout  en  présence  de  l'ar- 
tillerie actuelle,  les  forteresses  doivent  réunir  ail  plus  haut 
point  toutes  les  conditions  de  résistance  voulues  contre  les 
moyens  d'attaque  les  plus  violents. 

Sans  entrer  dans  le  détail  de  l'organisation  des  forte- 
resses, on  peut  dire  que  les  perfectionnements  apportés  à 
l'artillerie  et  l'invention  des  obus-torpilles  n'ont  fait  que 
confirmer  les  idées  qui  avaient  prévalu  pour  la  constitution 
des  grandes  forteresses,  c.-à-d.  :  4°  la  conservation  du 
noyau  central  formant  l'enceinte  de  sûreté  ;  2°  la  création 
de  forts  détachés  constituant  la  ligne  de  combat  et  situés 
assez  en  avant  du  noyau  pour  le  mettre  à  l'abri  d'un  bom- 
bardement; 3°  une  deuxième  ligne  de  défense,  ou  ligne  de 
soutien,  constituée  au  moyen  d'ouvrages  généralement  en 
fortification  semi-permanertte,  entre  la  première  ligne  et  le 
noyau,  mais  uniquement  dans  le  secteur  des  attaques.  Dans 
un  certain  nombre  de  nos  places,  cette  deuxième  ligne  se 
trouve  constituée  tout  naturellement  par  d'anciens  forts  dé- 
tachés, maintenant  trop  rapprochés  du  noyau  central.  A  cette 
organisation  purement  passive  doit  s'adjoindre  une  nom- 
breuse et  puissante  artillerie,  ainsi  qu'une  garnison  suffi- 
sante pour  faire  rendre  à  la  place  son  maximum  d'utilité. 
Le  rôle  de  la  principale  ligne  de  résistance  n'est  pas  mo- 
difié, mais  il  est  aujourd'hui  réparti  d'une  autre  manière 
qu'avant  l'apparition  des  obus-torpilles.  Quant  aux  petites 
forteresses,  généralement  des  forts  d'arrêt  (V.  ce  mot), 
livrées  à  elles-mêmes  et  devant  se  suffire  avec  leurs  seules 
ressources,  il  importe  avant  tout  de  bien  choisir  leur  em- 
placement pour  le  but  nettement  déterminé  qu'elles  ont  à 
remplir,  puis  de  leur  donner  une  organisation  aussi  solide 
que  le  permettent  toutes  les  ressources  et  les  progrès  de 
l'art  de  la  fortification.  Les  anciennes  places  à  simple  en- 
ceinte seraient  ruinées  rapidement  par  le  bombardement,  et 
une  loi  du  27  mai  1889  a  déclassé  avec  raison  la  plupart 
d'entre  elles,  en  ne  conservant  que  celles  où  la  population 
civile  est  peu  élevée,  car,  pour  le  genre  de  services  qu'elles 
peuvent  rendre,  des  forteresses  exclusivement  militaires 
sont  préférables. 

Il  y  a  lieu  encore  de  mentionner  spécialement  les  forte- 
resses maritimes,  dont  la  situation  est  jusqu'à  présent 
moins  critique,  parce  que  l'artillerie  navale  n'a  pas  encore 
de  canons  courts  ni  d'obus-torpilles.  Cependant,  on  peut 
prévoir  que  ces  progrès  ne  tarderont  pas  à  être  réalisés  et, 
pour  cette  éventualité,  les  trois  solutions  indiquées  pour 
les  autres  forteresses  se  trouvent  également  en  présence  : 


839 


FORTERESSE  —  FORTESCUE 


cuirassements,  bétonages  et  dispersion  de  l'artillerie  dans 
des  batteries  enterrées. 

Les  forteresses  en  pays  de  montagnes  présentent  égale- 
ment un  caractère  particulier,  et  elles  affectent  générale- 
ment le  caractère  de  position  d'arrêt  ;  à  ce  titre,  elles  sont 
établies  de  préférence  aux  noeuds  de  vallées.  Elles  forment, 
en  principe,  des  groupes  de  fortification  destinés  au  ras- 
semblement des  réserves  stratégiques  et  à  leur  servir  de 
base  d'opérations,  aux  mouvements  offensifs  qu'elles  pour- 
ront tenter  sur  les  flancs  de  l'ennemi  ;  telles  sont  les  posi- 
tions de  Briançon,  d'Albertville,  etc.  La  place  principale, 
entourée  ou  non  de  forts  détachés,  est  toujours  plus  diffi- 
cile, sinon  impossible  à  investir,  et  les  troupes  spéciales 
de  montagne  qui  manœuvreront  dans  leur  orbite  pourront 
étendre  leur  action  à  des  distances  plus  considérables  que 
dans  l'intérieur  du  pays.  Les  forts  qui  existent  peuvent  ne 
pas  toujours  se  prêter  l'appui  mutuel  désirable;  on  doit  faire 
tout  le  possible  pour  l'obtenir,  mais  la  situation  particulière 
de  ces  forts  permet  de  se  dispenser  au  besoin  de  cet  appui. 
La  forme  des  ouvrages,  ainsi  que  leur  position,  est  souvent 
imposée  par  le  terrain. 

FORTERESSE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de 
Saint-Marcellin,  cant.  de  Tullins  ;  395  hab. 

FORTESCUE.  Famille  anglaise  qui  descend  de  sir  Ri- 
chard le  Fort,  un  des  compagnons  de  Guillaume  le  Conqué- 
rant, qu'il  protégea  de  son  bouclier  à  la  bataille  d'Hastings, 
d'où  la  devise  des  Fortescue  :  Forte  scutum  salus  ducum. 
Parmi  les  membres  de  cette  famille  on  peut  citer  : 

Henry,  chief  justice  des  plaids  communs  d'Irlande  en 
1426,  fut  désigné  en  4427  en  Angleterre  pour  porter  de- 
vant le  roi  les  revendications  du  Parlement  irlandais. 

Sir  John,  chief  justice  du  banc  du  roi  (V.  ci-dessous). 

Sir  Adrian,  né  vers  1476,  mort  en  1539,  prit  part  à 
l'insurrection  de  1513  contre  la  France,  figura  aux  côtés 
de  Catherine  à  l'entrevue  du  camp  du  Drap  d'or  en  1520, 
combattit  de  nouveau  la  France  en  15"22  et  jouit  d'une 
grande  faveur  à  la  cour  de  Henri  VIII,  à  cause  de  sa  parenté 
avec  Anne  Boleyn.  En  févr.  1539,  il  fut  emprisonné  à  la 
Tour  sous  l'accusation  de  haute  trahison  et  exécuté  au  mois 
de  juillet. 

Sir  John,  fils  du  précédent,  né  vers  1531,  mort  le 
23  déc.  1  607,  fut  chargé  de  surveiller  les  études  de  la  reine 
Elisabeth  (161 5)  qui  le  nomma,  lors  de  son  avènement  au 
trône,  garde  de  la  grande  garde-robe.  A  partir  de  1572  il 
siégea  au  Parlement  comme  représentant  de  Waîlingford 
ou  de  Buckingham  et  de  Middlesex.  En  1589,  il  fut  nommé 
chancelier  de  l'Echiquier  et  réalisa  dans  cette  situation  une 
énorme  fortune.  Chancelier  du  duché  de  Lancastre  en  1601, 
il  fut  comblé  de  faveurs  par  Elisabeth  et  perdit  presque  tous 
ses  emplois  à  l'avènement  de  Jacques  VI. 

Sir  Anthony,  frère  du  précédent,  né  vers  1535,  mort 
vers  1608,  se  convertit  au  catholicisme.  En  nov.  1558,  il 
fut  emprisonné  quelque  temps  pour  avoir  tiré  l'horoscope 
de  la  reine  et  avoir  fait  des  calculs  sur  la  durée  probable 
de  sa  vie  et  de  son  gouvernement.  Il  fut  de  nouveau  ar- 
rêté en  1561  sous  l'accusation  de  haute  trahison.  Il  avait 
projeté  de  passer  en  Flandre  et  d'y  proclamer  roi  Arthur 
Pôle.  Condamné  à  mort,  il  fut  gracié  par  Elisabeth  et  en- 
fermé à  la  Tour  jusqu'en  1577. 

Sir  Nicholas,  né  vers  1575,  mort  le  2  nov.  1633,  éga- 
lement catholique,  fut  impliqué  en  1605  dans  la  conspi- 
ration des  poudres.  Il  réussit  à  se  disculper  et  devint  en 
1618  chambellan  de  l'Echiquier. 

George,  petit-fils  d'Anthony  (Y.  ci-dessus),  né  vers 
1578,  mort  en  1659,  a  laissé  des  poésies,  entre  autres 
Feriœ  academicœ  (Douai,  1630,  in-12),  The  Sovles  Pil- 
gr image  to  heavenly  Jérusalem  (1650,  in-4). 

Sir  Faithful,  né  vers  1581,  mort  en  mai  1666.  Cons- 
tate de  Carrickfergus  (1606),  il  représenta  au  Parlement 
Charlemont  et  le  comté  d'Armagh;  il  obtint  en  1624  le 
commandement  du  corps  envoyé  aux  Pays-Bas  pour  y  ser- 
vir sous  Mansfeld,  mais  il  changea  ce  commandement  pour 
servir  en  Irlande.  Gouverneur  de  Drogheda  en  1641,  il  en 


fut  chassé  par  la  rébellion  de  l'Ulster,  et  reçut  le  comman- 
dement d'une  armée  pour  rétablir  l'ordre*  Mais  il  fut  forcé 
de  servir  dans  l'armée  parlementaire  durant  la  guerre  ci- 
vile. A  Edgehill  (23  oct.  1642),  il  déserta  avec  tout  un 
régiment  et  mit  le  désordre  dans  l'armée  du  Parlement. 
Nommé  alors  commandant  du  10e  régiment  de  l'infanterie 
royale,  il  accompagna  en  1647  le  marquis  d'Ormonde  dans 
sa  campagne  en  Irlande.  Après  la  déroute  définitive  des 
royalistes  à  Drogheda,  il  fut  pris  à  Beaumaris  et  empri- 
sonné. Relâché  peu  après,  il  assistait  à  la  bataille  de 
Worcester.  Il  se  retira  ensuite  en  France  jusqu'à  la  restau- 
ration qui  lui  rendit  son  emploi  de  constable  de  Carrick- 
fergus et  le  nomma  gentilhomme  de  la  chambre. 

Sir  Nicholas,  né  vers  1605,  mort  en  1644,  fils  de  Ni- 
cholas ci-dessus.  Chevalier  de  Malte  en  1638,  il  servit  dans 
l'armée  royale  contre  le  Parlement  et  fut  tué  à  la  bataille 
de  Marston  Moor. 

Sir  Edmund,  né  en  1610,  mort  en  1647.  Haut  scheriff 
du  comté  de  Devon  en  1642,  il  servit  dans  l'armée  royale, 
assiégea  Plymouth,  y  fut  battu  et  pris  par  le  colonel  Ruth- 
ven  et  enfermé  à  Windsor,  puis  à  Winchester  et  fut  relâché 
à  la  fin  de  1643.  Chargé  de  tenir  le  fort  de  Salcombe  pour 
le  roi,  il  y  soutint  un  siège  de  plus  de  quatre  mois  et,  forcé 
de  capituler  avec  les  conditions  les  plus  honorables,  passa 
en  Hollande  et  mourut  à  Delft. 

Sir  John,  lord  Aland,  né  en  1670,  mort  le  19  déc. 
1746,  fils  du  précédent,  inscrit  au  barreau  de  Londres  en 
1712,  devint  sohcitor  gênerai  en  1715,  baron  de  l'Echiquier 
en  1717  et  justice  du  banc  du  roi  en  1718.  Il  fut  juge 
des  plaids  communs  de  1728  à!746.  On  a  de  lui  :  Reports 
on  sélect  cases  in  ail  the  courts  of  Westminster  hall 
(1748). 

William,  né  à  Buckland  en  1687,  mort  le  16  déc. 
1749.  Avocat  à  Londres  en  1715,  secrétaire  particulier  de 
Robert  Walpole,  il  fut  élu  membre  du  Parlement  en  1727 
par  Newport  et  représenta  ce  bourg  jusqu'en  1736.  Attor- 
ney  gênerai  du  prince  de  Galles  en  1730,  baron  de  l'Echi- 
quier en  1736,  il  devint  juge  à  la  cour  des  plaids  communs 
en  1738  et  maître  des  rôles  en  1741.  Il  fut  l'ami  intime  de 
Pope  et  de  Gay.  R.S. 

Bibl.  ;  Lord  Clermont,  History  of  the  family  of  For- 
tescue, 1880. 

FORTESCUE  (Sir  John),  homme  politique  et  écrivain 
anglais,  né  à  Wear  Gifford  (Devonshire)  vers  1394,  mort 
à  Ebrington  (Gloucestershire)  vers  1476.  Il  était  le  second 
fils  de  sir  John  Fortescue,  gouverneur  de  Meaux  sous 
Henri  V.  Après  avoir  passé  par  l'université  d'Oxford,  il 
reçut,  vers  1430,  le  titre  de  serjeant-at-law,  et  son  nom 
est  dès  lors  fréquemment  mentionné  dans  les  «  Year- 
books  ».  En  1442,  il  devint  chief  justice  du  banc  du  roi. 
Il  fut  employé  par  plusieurs  Parlements,  de  1445  à  1455, 
comme  trier  des  pétitions,  et  il  paraît,  en  1443,  comme 
membre  des  commissions  chargées  de  faire  enquête  sur  les 
troubles  de  Norwichet  du  Yorkshire.  Il  s'attira,  comme  il 
semble,  une  certaine  impopularité,  car  il  est  nommément 
récusé  dans  la  proclamation  de  Cade  (1450).  Fortescue 
appartenait  au  parti  iancastrien,  et,  après  les  batailles  de 
Northampton  (1460)  et  de  Towton  (1461),  il  fut  décrété 
d'attainder  comme  rebelle  au  nouveau  roi  Edouard  IV.  Il 
était  alors  fort  riche,  tant  par  lui-même  que  par  sa  femme, 
fille  de  J.  Jemyss  of  Philips  Norton,  Somersetshire.  Il  se 
réfugia  en  Ecosse,  où  il  passa  deux  ans,  occupé  à  rédiger 
divers  traités  historiques  à  l'appui  de  la  cause  lancas- 
trienne.  Chancelier  in  partibus  de  Henri  YI,  il  suivit  la 
reine  Marguerite  en  Flandre  (1463)  et  resta  sur  le  conti- 
nent jusqu'en  1471.  Il  passa  ces  huit  années  dans  la  gène, 
se  dévouant  à  l'éducation  du  jeune  prince  de  Galles,  inter- 
médiaire très  actif  entre  les  princes  exilés  de  Lancastre  et 
la  cour  de  Louis  XI,  d'une  part  ;  Warwick,  de  l'autre. 
Grâce  à  Warwick,  la  restauration  des  Lancastre  s'effectua 
en  1470  ;  la  reine,  le  prince  Edouard  et  Fortescue  débar- 
quèrent en  Angleterre  en  avr.  1471,  mais  la  bataille  de 
Barnet  ruina  bientôt  leurs  espérances;  Fortescue  était 


FORTESCUE  —  FORTrA  —  840  — 

présent  à  la  bataille  de  Tewkesbury,  où  le  prince  de  Galles 
fut  tué.  Comprenant  alors  que  tout  était  perdu,  il  se  rési- 
gna à  accepter  le  pardon  du  vainqueur  ;  ses  biens  lui  furent 
rendus  à  condition  qu'il  réfuterait  ses  écrits  anciens  en 
faveur  de  la  Rose  rouge,  ce  qu'il  consentit  à  faire.  Il  vécut 
depuis  dans  la  retraite,  à  Ebrington,  jusqu'à  sa  mort.  — 
Fortescue  doit  presque  toute  sa  célébrité  à  un  livre,  écrit, 
sous  forme  de  dialogue,  vers  1470,  pour  l'instruction  du 
prince  de  Galles:  De  Laudibus  Legum  Anglice;  c'est  le 
plus  ancien  des  traités  de  droit  constitutionnel  anglais.  Il 
a  été  imprimé  pour  la  première  fois  en  1537  ;  on  n'en  a 
pas  encore  d'édition  critique.  Un  second  traité,  longtemps 
moins  estimé,  ne  le  cède  cependant  guère  en  intérêt  au  De 
Laudibus;  c'est  le  De  Dominio  regali  etpolitico,  plus 
généralement  désigné  sous  le  titre  de  :  On  the  Governance 
of  the  Kingdom  of  England;  on  croit  qu'il  a  été  com- 
posé en  1471,  entre  les  batailles  de  Barnet  et  de  Tewkes- 
bury. Moins  théorique  que  le  De  Laudibus,  plus  nourri 
de  faits  et  d'allusions  aux  événements  contemporains,  il 
est  peut-être  le  meilleur  résumé  des  idées  de  Fortescue  sur 
la  constitution  anglaise  (cf.  Stubbs,  Constitutional  His- 
tory  of  England,  III,  pp.  240  et  suiv.).  Fortescue  dis- 
tingue le  Dominium  regale  ou  monarchie  absolue,  et  le 
Dominium  politicum  et  regale  ou  monarchie  constitu- 
tionnelle ;  il  institue  de  fréquentes  comparaisons,  à  titre 
d'exemple,  entre  les  usages  de  France  et  ceux  d'Angle- 
terre. On  the  Governance  of  England  a  été  publié  pour 
la  première  fois  en  1714  par  lord  Fortescue  de  Credon. 
M.  Charles  Plummer  en  a  donné  une  édition  critique,  à 
Oxford,  en  1885  (Clarendon  Press).  Lord  Clermont,  des- 
cendant d'un  fils  cadet  du  célèbre  légiste  lancastrien,  a 
publié,  en  1869,  les  œuvres  complètes  de  Fortescue;  on 
y  trouve  jusqu'aux  articles  des  Yearbooks  où  Fauteur  est 
nommé  comme  chief  justice.  Ch.-V.  L. 

FORTESCUE  (James),  littérateur  anglais, né  en  1716, 
mort  à  Wootton  (Northamptonshire)  enl777.Feliow  d'Exe- 
ter  Collège,  il  entra  dans  les  ordres  et  devint  recteur  de 
Wootton  en  1764.  On  a  de  lui  des  poésies  qui  ne  manquent 
pas  de  talent  :  A  View  of  Life  (Londres,  1749,  in-8)  ; 
Science  (Oxford,  1750,  in-8)  ;  Essays  moral  andmiscel- 
laneous  (Londres,  1752,  in-8)  ;  Pomery  Hill  (1754, 
in-8),  etc. 

FORTESCUE  (Hugh)  (V.  Clinton). 

FORTESCUE  (Chichester  Samuel  Parkinson)  (V.  Car- 
lingford). 

FORTH.  Fleuve  d'Ecosse,  qui  se  jette  dans  la  mer  du 
Nord.  Il  prend  sa  source  dans  la  région  montagneuse  du 
Ben  Lomond,  arrose  les  comtés  de  Stirling  et  de  Perth, 
qu'il  sépare  pendant  une  partie  de  son  cours,  passe  à  Stir- 
ling et  s'élargit  à  Alloa,  où  il  devient  navigable.  Il  a 
185  kil.  de  cours. 

FORTH  (Golfe  ou  firth  de).  Golfe  de  la  côte  orientale 
de  l'Ecosse,  sur  la  mer  du  Nord.  Il  s'ouvre  entre  Dunbar 
au  S.,  et  la  pointe  dite  Fifeness  au  N.  (16  kil.  de  lar- 
geur); le  phare  qui  en  éclaire  l'entrée  est  situé  par 
56°  117  8"  lat.  N.  et  4° 53' 31"  long.  0.  A  52  kil.  de  la 
mer,  le  golfe  s'étrangle  en  un  défilé  ;  entre  Queensferry 
et  North  Queensferry,  il  n'a  plus  que  1  kil.  et  demi  de 
largeur  ;  c'est  là  que  l'on  a  jeté  un  gigantesque  pont  en 
fer  qui  joint  les  deux  rives.  Au  delà  de  Queensferry  s'étend 
encore  sur  22  kil.  de  long  l'estuaire  du  Forth,  large  en 
moyenne  de  3  à  4  kil.  Le  golfe  de  Forth  baigne  au  N.  les 
comtés  de  Fife  et  de  Clackmannan  ;  au  S.  ceux  de  Stir- 
ling, Linlithgow,  Edimbourg  et  Haddington.  Ses  bords  sont 
fertiles  et  peu  élevés.  La  navigation  y  est  très  active  aux 
abords  des  ports  d'Edimbourg  :  Leith,  Newhaven,  Gran- 
ton,  etc.,  et  des  ports  de  la  côte  N.  :  Kirkcaldy,  Dysart. 
Un  canal  relie  l'estuaire  du  Forth  à  celui  de  la  Clyde. 
Pont  du  Forth  (V.  Pont). 

FORTH.  Fleuve  de  la  Tasmanie,  comté  de  Lincoln,  qui 
se  jette  dans  le  détroit  de  Brass  après  un  parcours  d'en- 
viron 40  kil.  (V.  Tasmanie). 

F0RT1  (Giacomo),  peintre  bolonais,  qui  travailla,  en  | 


1484,  en  collaboration  avec  Marco  Zoppo.  On  lui  attribue 
une  Madone  peinte  à  fresque  dans  l'église  San  Tommaso 
in  Mercato,  et  une  Descente  de  croix,  dans  la  collection 
Maluzzi.  Ce  sont  des  œuvres  très  médiocres. 

FORTI  (Angelo),  mathématicien  italien,  né  à  Pesaroen 
1818.  Professeur  de  mathématiques  et  de  mécanique  au 
lycée  de  Pise  depuis  1859,  il  s'est  principalement  occupé  de 
l'application  du  calcul  et  de  la  géométrie  aux  sciences  phy- 
siques et  a  aidé  ses  maîtres,  Matteucci  et  Mossotti,  dans 
leurs  recherches  sur  l'électricité,  le  magnétisme,  la  dilata- 
tion des  gaz  et  l'optique.  Ses  ouvrages  sont  très  nombreux  : 
Di  un  Obbiettiuo  a  tre  lenti  (Florence,  1853);  Di  un 
Oculare  a  due  lenti  (ici,  1854)  ;  Tavole  dei  logaritmi 
délie  funzioni  circolari  ed  iperboliche  (Pise,'  1863  ; 
Turin,  1870)  ;  Monografla  degli  spettri  luminosi  (Pise, 
1 865)  ;  Teoria  delV  attrazione  délie  sfere  (Rome,  1 874)  ; 
Saggio  di  nuove  tavole  di  funzioni  iperboliche  (Pise, 
1881);  Intomo  aile  macchie  solari  (Rome,  1886),  etc. 

FORTI  A  de  Piles  (Alphonse-Toussaint-Joseph-André- 
Marie-Marseille,  comte  de),  littérateur  français,  né  à  Mar- 
seille le  18  août  1758,  mort  à  Sisteron  le  18  févr.1826. 
Il  entra  en  1773  dans  les  chevau-légers  de  la  garde  royale 
etparvint  au  gradede  lieutenant.  Il  quitta  l'armée  en  1790, 
fit  un  grand  voyage  dans  l'Europe  septentrionale,  et  de 
retour  en  France  en  1792  fut  quelque  peu  inquiété  pen- 
dant la  Terreur.  D'une  fortune  fort  modeste,  il  écrivit 
pour  vivre.  Ses  ouvrages,  en  général  intéressants,  manquent 
un  peu  d'impartialité.  Ses  critiques  littéraires  se  ressentent 
trop  de  ses  opinions  politiques.  Citons  :  Correspondance 
philosophique  de  Caillot-Duval  (Paris,  1795,  in-8)  ; 
réimpr.  dans  h  Bibliothèque  originale  (1864)  ;  Voyage 
de  deux  Français  au  nord  de  l'Europe  (Paris,  1796, 
5  vol.  in-8)  ;  ces  deux  ouvrages,  auxquels  collabora  le  che- 
valier de  Boisgelin,  obtinrent  du  succès  ;  Six  Lettres  à  Mer- 
cier sur  son  Nouveau  Paris  (1801,  in-12);  Examen 
de  trois  ouvrages  sur  la  Russie  (1802,  in-12)  ;  Coup 
d'œil  rapide  sur  Vêtat  présent  des  puissances  euro- 
péennes  (1805,  in-8);  Omniana  ou  Extraits  des  Archives 
de  la  Société  universelle  des  gobe-mouches  (1808,  in-8), 
en  collaboration  avec  Guy  de  Saint-Charles  ;  Quelques  Ré- 
flexions d'un  hommedu  monde  sur  les  spectacles  (1812, 
in-8)  ;  A  bas  les  masques  (1813,  in-8)  ;  Souvenirs  de 
deux  anciens  militaires  (1813,  in-12);  Nouveau  Re- 
cueil d'anecdotes  (1814,  in-12)  ;  l'Ermite  du  faubourg 
Saint-Honoré  à  l'ermite  de  la  Chaussée-d'Antin(18U, 
in-8),  polémique  avec  Jouy  ;  Quatre  Conversations  entre 
deux  gobe-mouches  (1816,  in-8)  ;  Nouveau  Dictionnaire 
français  (1818,  in-8)  ;  Préservatif  contre  la  Biographie 
universelle  des  contemporains  (1822-25,  5  vol.  in-8), 
où  il  relève,  mais  avec  trop  d'acrimonie,  les  nombreuses 
erreurs  de  cette  publication,  etc.  Fortia  de  Piles  a  fait  re- 
présenter aussi,  en  1784  et  1785,  quatre  opéras  à  Nancy. 

FORTIA  d'Urban  (Agricole-Joseph-François-Xavier- 
Pierre-Esprit-Simon-Paul-Antoine,  marquis  de),  mathéma- 
ticien et  archéologue  français,  né  à  Avignon  le  18  févr. 
1756,  mort  à  Paris  le  4  août  1843.  Il  entra  en  1771  à 
l'Ecole  militaire,  en  sortit  comme  sous-lieutenant,  donna 
sa  démission  (1777)  pour  suivre  à  Rome  un  procès  impor- 
tant qui  l'y  retint  deux  ans  et  pendant  lequel  il  occupa  ses 
loisirs  à  l'archéologie  et  aux  mathématiques.  Revenu  en 
France  et  nommé  par  le  pape  colonel  des  milices  d'infan- 
terie du  Comtat-Venaissin,  il  quitta  Avignon  pour  venir  à 
Paris,  dès  que  le  parti  révolutionnaire  triompha  dans  sa 
patrie,  vécut  caché  à  Vitry  pendant  la  Terreur  et  ne  s'oc- 
cupa plus  que  de  ses  travaux.  Sa  grande  fortune  lui  permit 
de  venir  en  aide  à  nombre  de  gens  de  lettres  qu'il  aida  pour 
leurs  publications,  sans  qu'il  ait  su  cependant  attacher  son 
nom  à  aucun  monument  durable.  En  1830,  il  fut  nommé 
membre  libre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. 
Fortia  d'Urban  a  laissé  un  très  grand  nombre  d'ouvrages  sur 
les  sujets  les  plus  divers.  Il  a,  en  outre,  donné  avec  notes 
diverses  éditions  et  collaboré  à  nombre  de  revues,  recueils 
périodiques,  entreprises  de  publications  nouvelles,  et  pris 


notamment  une  part  importante  à  la  continuation  de  Y  Art 
de  vérifier  les  dates.  La  Bibliographie  de  ses  œuvres  a 
été  publiée  à  Paris  en  1840.  —  Erudit  consciencieux, 
mais  écrivant  trop  facilement,  Fortia  a  produit  des  travaux 
utiles  et  estimables,  mais  qui,  aujourd'hui,  n'offrent  que 
rarement  de  l'intérêt.  T. 

FORTIFICATION.  D'une  manière  générale,  la  fortifi- 
cation est  l'art  d'organiser  une  position,  au  moyen  d'obs- 
tacles naturels  ou  artificiels,  de  manière  à  permettre  aux 
troupes  qui  l'occupent  de  résister  avec  avantage  à  un 
adversaire  supérieur  en  nombre.  On  l'a  défini  aussi:  l'art 
de  modifier  un  terrain  d'une  manière  avantageuse  pour 
celui  qui  l'occupe  et  désavantageuse  pour  celui  qui  l'attaque. 
Par  extension  on  a  donné  aussi  le  nom  de  fortification  aux 
modifications  que  l'on  fait  subir  au  terrain,  aux  travaux  que 
Ton  exécute  pour  arriver  au  but  qui  vient  d'être  indiqué. 
Certaines  positions  du  terrain  sont  fortes  naturellement, 
soit  par  le  commandement  qu'elles  donnent  (hauteurs, 
monticules,  etc.),  soit  parce  qu'elles  offrent  un  couvert  ou 
un  obstacle  (pentes  escarpées,  bois,  marécages,  ravins, 
cours  d'eau,  etc.)  ;  certaines  constructions  qui  s'y  trouvent 
(villages,  maisons,  clôtures,  etc.)  présentent  un  couvert. 
On  donne  à  ces  différents  objets  le  nom  de  fortifications 
naturelles,  par  opposition  aux  fortifications  créées  de 
toutes  pièces,  qui  sont  dites  artificielles.  Pourtant  ces 
fortifications  sont  rarement  en  état  de  rendre  de  bons 
services,  sans  être  améliorées  ou  complétées  par  un  travail 
d'organisation  souvent  peu  important,  qui  leur  assure  une 
sérieuse  valeur  défensive.  Aussi,  dans  toute  organisation 
de  position,  il  est  formellement  indiqué  de  mettre  à  profit 
les  avantages  naturels  qu'elle  offre,  de  manière  à  n'exécuter 
que  le  moins  possible  de  fortifications  artificielles. 

Eléments  de  la  fortification.  Mais,  quel  que  soit  le 
genre  de  fortification,  les  dispositions  matérielles  à  em- 
ployer pour  le  renforcement  du  terrain  ont  pour  consé- 
quence la  création  de  deux  éléments  essentiels  :  4°  un 
obstacle,  généralement  un  fossé  (V.  ce  mot),  destiné  à 
arrêter  la  marche  de  l'assaillant  et  l'obliger  à  rester  le 
plus  longtemps  possible  exposé  aux  feux  du  défenseur  ;  2°  un 
couvert,  protégeant  le  mieux  possible  le  défenseur  contre 
les  effets  du  tir  ennemi,  et  lui  permettant  l'emploi  le  plus 
favorable  de  ses  armes.  On  doit  rechercher  aussi,  quand 
c'est  possible,  à  procurer  à  l'occupant  l'avantage  d'une 
position  dominante  par  rapport  à  celle  de  l'adversaire, 
c.-à-d.  en  lui  assurant  un  commandement;  on  ob- 
tient ce  résultat  en  plaçant  les  fortifications  sur  les  points 
élevés  du  terrain  et  en  organisant  convenablement  le 
rempart  et  le  parapet  (V.  ces  mots).  Le  personnel  et  le 
matériel  placés  sur  le  parapet  et  le  rempart  sont  protégés 
à  l'aide  du  défilement.  Les  formes  essentielles  de  toutes 
fortifications  sont  déterminées  et  peuvent  être  représentées 
par  le  tracé  et  le  profil  (V.  ces  mots) .  Le  tracé  ou  plan 
donne  la  projection  horizontale  des  lignes  ou  crêtes  des 
ouvrages,  indiquant  leurs  formes  et  leurs  dispositions  sur 
le  terrain.  Il  est  le  plus  souvent  défini  par  quelques  lignes 
principales  (magistrale,  crête  intérieure),  desquelles  dé- 
pendent toutes  les  autres.  —  Le  profil  est  la  coupe  du 
massif  de  la  fortification  par  un  plan  vertical  généralement 
perpendiculaire  à  la  direction  des  lignes  principales  du 
tracé.  L'emploi  bien  entendu  de  la  fortification  comporte, 
en  outre,  dans  des  proportions  dépendant  du  temps  et  des 
ressources  dont  on  dispose  et  du  genre  de  fortification, 
les  mesures  suivantes  :  1°  dégager  le  champ  de  tir,  dans 
la  limite  de  la  bonne  portée  des  armes  actuelles,  car  la 
force  de  résistance  d'une  position  réside  dans  l'action  de 
ses  feux  ;  2°  faciliter  les  mouvements  des  troupes  amies 
au  moyen  de  travaux  de  communication  (V.  Communi- 
cation), et  entraver  ceux  de  l'adversaire  par  des  travaux 
de  destruction  ;  3°  organiser  pour  l'artillerie  des  empla- 
cements destinés  à  faciliter  le  tir  de  ses  pièces,  tout  en 
préservant  ces  derniers  contre  les  coups  de  l'artillerie  ad- 
verse (V.  Banquette,  Barbette,  Batterie,  Càponnière, 
Coupole  ,   Embrasure  ,  Epaulement)  ;  4°  créer  de  nou- 


—  841  —  FORTIA  —  FORTIFICATION 

veaux  couverts  et  améliorer  ceux  qui  existent  (V.  Champ 
de  bataille)  ;  5°  organiser  des  abris  pour  le  personnel  au 
repos,  pour  le  matériel  et  les  approvisionnements  (V.  Abri, 
Casemate,  Locaux). 

La  mise  en  œuvre  et  la  combinaison  des  éléments  pré- 
cédents se  traduisent  sous  la  forme  de  lignes,  d'ouvrages 
ouverts  ou  fermés,  de  retranchements,  d'épaulements,  de 
défenses  accessoires,  d'organisation  défensive  des  obstacles 
naturels,  etc.  La  fortification  doit  être  examinée  au  point 
de  vue  stratégique  et  au  point  de  vue  tactique.  —  La  for- 
tification stratégique,  c.-à-d.  considérée  au  point  de 
vue  de  la  protection  qu'elle  assure  au  territoire  de  l'Etat, 
sera  examinée  lorsqu'il  sera  question  de  l'organisation 
défensive  des  Etats.  La  fortification  tactique,  c.-à-d. 
considérée  au  point  de  vue  de  la  protection  immédiate 
qu'elle  occupe,  est  de  la  nature  de  celle  que  donne  l'ar- 
mure au  guerrier.  Cette  protection  est  plus  ou  moins  com- 
plète, suivant  le  plan  et  les  ressources  dont  on  dispose. 
En  principe,  lorsqu'on  parle  de  fortification,  c'est  de  la 
fortification  tactique  qu'il  s'agit.  On  divise  en  général  la 
fortification  en  deux  grandes  classes  :  la  fortification  pas- 
sagère et  la  fortification  permanente,  qui  comportent 
chacune  des  subdivisions. 

I.  Fortification  passagère.— Elle  comprend  les  ouvrages 
ou  travaux  de  toute  dimension  et  de  toute  espèce  exécutés 
dans  le  cours  d'une  campagne  pour  renforcer  momentané- 
ment une  position.  Vu  le  peu  de  temps  dont  on  dispose,  il 
y  a  lieu  d'utiliser  dans  la  plus  large  mesure  les  accidents 
ou  couverts  du  sol  et  de  n'employer  dans  la  construction 
des  ouvrages  que  la  terre,  ou  parfois  du  bois  ou  des  rails 
pour  les  abris.  Ces  ouvrages  sont  souvent  appelés  retran- 
chements (V.  ce  mot).  Leur  importance,  ainsi  que  celle 
de  tous  les  travaux  de  fortification  passagère,  varie  suivant 
les  positions  sur  lesquelles  on  les  construit,  le  rôle  qu'ils 
sont  appelés  à  jouer,  le1  temps  et  les  ressources  dispo- 
nibles, etc.  Le  plus  souvent  l'obstacle  (le  fossé)  des  ouvrages 
est  supprimé  ou  il  est  considérablement  réduit;  le  relief 
est  presque  nul  et  le  commandement  ne  s'obtient  que  par 
l'élévation  de  la  position,  car  la  banquette  {y.  ce  mot)  est 
quelquefois  au-dessous  du  terrain  naturel  ou  placé  sur  ce 
terrain.  —  Au  point  de  vue  de  son  degré  de  résistance  et 
du  temps  qu'on  peut  y  consacrer,  la  fortification  passagère 
se  subdivise  en  deux  grandes  catégories,  dont  la  ligne  de 
démarcation  est  d'ailleurs  fort  bien  tranchée  :  la  fortifica- 
tion passagère  ou  de  champ  de  bataille  et  la  fortification 
de  campagne  ou  position. 

La  fortification  rapide,  improvisée  ou  de  champ  de 
bataille,  est  celle  que  les  troupes  exécutent  immédiatement 
avant  ou  pendant  le  combat,  avec  les  moyens  les  plus  sim- 
ples dont  on  dispose  dans  le  moment,  en  vue  d'augmenter 
la  force  défensive  des  positions  et  de  chercher  à  soustraire 
les  troupes  à  l'action  de  plus  en  plus  meurtrière  du  feu  de 
l'ennemi.  Le  temps  à  y  consacrer  peut  varier  entre  quelques 
minutes  et  quelques  heures  (rarement  une  demi-journée  et 
la  nuit  suivante).  Cette  fortification  consiste  :  1°  à  utiliser 
les  abris  ou  couverts  naturels  que  présente  le  terrain,  en 
les  améliorant  pour  leur  permettre  la  meilleure  défense 
possible  ;  2°  à  improviser  des  abris  artificiels,  là  où  les 
couverts  naturels  font  défaut,  à  l'aide  des  matériaux  qu'on 
a  sous  la  main. 

«  Les  retranchements  élevés  sur  le  champ  de  bataille 
accroissent  la  force  des  positions,  agissent  favorablement 
sur  le  moral  des  troupes  qui  les  défendent  et  les  préservent 
des  feux  ennemis.  Ils  augmentent  les  pertes  de  l'assaillant 
qui  souvent  ignore  leur  existence  au  moment  de  l'attaque 
et  ne  peut,  par  suite,  apprécier  exactement  leur  impor- 
portance  ni  prendre  à  temps  les  dispositions  nécessaires 
pour  les  éviter  ou  les  tourner.  En  outre,  couverts  le  plus 
souvent  par  une  mince  levée  de  terre,  ils  sont  facilement 
franchissables  et  permettent  aux  défenseurs  de  quitter 
l'abri  momentané  qui  les  couvre  pour  prendre  l'offensive 
au  moment  opportun.  »  (Instr.  minist.  du  9  août  1890.) 
—  Pendant  longtemps  les  travaux  de  champ  de  bataille 


FORTIFICATION  —  842 

ont  été  exécutés  uniquement  par  les  troupes  du  génie  aux- 
quelles on  adjoignait  des  travailleurs  d'infanterie.  Mais 
depuis  que  les  dernières  guerres  ont  prouvé  l'importance 
toujours  croissante  de  ces  travaux,  on  a  reconnu  que  les 
sapeurs  du  génie  n'étaient  plus  assez  nombreux  pour  effec- 
tuer les  travaux  aussi  multiples  que  disséminés  que  com- 
porte la  fortification  improvisée.  En  conséquence,  l'infan- 
terie a  été  dotée  d'un  outillage  spécial  comprenant  des 
outils  portatifs  et  des  outils  de  transport,  qui  la  mettent  en 
mesure  d'effectuer  les  travaux  les  plus  urgents,  en  général 
suffisants  en  pareil  cas.  La  cavalerie  a  reçu  également  un 
petit  nombre  d'outils  lui  permettant  d'exécuter  les  travaux 
improvisés  dont  elle  aura  besoin  quand  elle  agira  seule, 
mais  elle  participera  rarement  à  l'organisation  défensive 
d'une  position  d'ensemble. 

Donc,  en  principe,  les  travaux  de  champ  de  bataille  se- 
ront exécutés  par  l'infanterie.  A  proximité  immédiate  de 
l'ennemi,  elle  exécutera  avec  les  outils  portatifs  des  ou- 
vrages de  construction  très  simple,  tels  que  tranchées- 
abris,  mise  en  état  de  défense  des  obstacles  ou  couverts 
naturels  du  sol,  dégagement  du  champ  de  tir,  etc.  Dans 
l'attaque,  elle  aura  en  outre  à  renverser  les  obstacles  accu- 
mulés par  la  défense,  et  que  l'artillerie  n'aura  pu  suffisamment 
détruire.  Si  l'ennemi  est  à  une  distance  permettant  de  dispo- 
ser de  quelques  heures,  il  y  aura  lieu  d'établir,  en  utilisant 
les  outils  de  transport,  des  ouvrages  plus  solides,  sur  des 
emplacements  bien  choisis,  d'organiser  l'ensemble  de  la  posi- 
tion d'une  manière  plus  complète,  plus  étendue,  en  créant 
des  lignes  de  retranchements,  des  défenses  accessoires,  etc. 

Dans  la  fortification  de  campagne  ou  de  position,  on 
est  moins  limité  par  îe  temps,  et  l'on  dispose  d'un  ou  deux 
jours  au  moins  ;  en  outre,  ce  qui  en  constitue  la  différence 
essentielle,  c'est  que  cette  fortification  ne  peut  être  cons- 
truite qu'avec  l'intervention  des  troupes  du  génie,  et  au 
moyen  de  ressources  plus  grandes  et  plus  variées  que  pour 
la  fortification  de  champ  de  bataille. 

Elle  peut  s'employer  en  même  temps  que  cette  dernière 
pour  renforcer  les  points  les  plus  importants  d'une  position 
défensive,  ou  pour  occuper  par  des  ouvrages  solides  des 
points  isolés  qui  doivent  être  particulièrement  forts,  tels  que 
têtes  de  pont  et  défilés  importants,  postes  d'arrêt  sur  les 
flancs  des  lignes  d'opérations,  etc.,  ou  pour  constituer  l'or- 
ganisation défensive  des  lignes  de  défense  ou  d'investisse- 
ment des  places  fortes.  Tous  les  ouvrages  devront  être  mis 
en  mesure  d'être  défendus  par  une  garnison  minima  et  de 
résister,  si  c'est  possible,  à  un  bombardement  de  quelque 
durée  exécuté  par  des  pièces  de  campagne.  Il  faudra,  en 
conséquence,  donner  à  ces  ouvrages  des  reliefs  et  des 
épaisseurs  de  parapet  plus  considérables,  des  abris  à 
l'épreuve,  un  obstacle  sérieux  constitué  par  un  fossé  pré- 
cédé de  défenses  accessoires  et  même  flanqué. 

Il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que,  avec  la  nouvelle  artil- 
lerie de  campagne,  de  pareils  ouvrages  devront  être  parti- 
culièrement solides  pour  résister  à  ses  projectiles  ;  à  l'avenir, 
les  ouvrages  devront  avoir  le  moins  de  relief  possible,  de 
manière  à  être,  pour  ainsi  dire,  invisibles  ;  leur  profondeur 
devra  également  être  très  restreinte. 

Les  principes  essentiels  qui  doivent  présider  à  l'emploi 
de  la  fortification  passagère  sont  les  suivants  :  4°  tirer  le 
meilleur  parti  des  ressources  dont  on  dispose  en  vue  d'ob- 
tenir en  temps  opportun  une  résistance  utile,  et  organiser 
le  travail  de  manière  que  l'on  puisse  marcher  de  résultat 
en  résultat  ;  ù2°  employer  la  fortification  dans  des  conditions 
telles  qu'elle  ne  puisse  être  utilisée  par  l'ennemi  qui  s'en 
serait  emparée,  c.-à-d.  qu'elle  ne  soit  jamais  nuisible; 
3°  subordonner  les  travaux  à  exécuter  aux  mouvements 
des  troupes,  à  la  stratégie,  car  la  fortification  doit  favoriser 
les  mouvements  des  armées  et  non  les  entraver  ;  4°  ne  pas 
perdre  de  vue  que  la  fortification  et  la  tactique  sont  inti- 
mement liées,  de  sorte  que  la  première  n'est  qu'un  outil 
mis  à  la  disposition  de  la  seconde,  c.-à-d.  que  les  formes 
de  la  fortification  doivent  se  combiner  intimement  avec  la 
manière  de  combattre. 


La  manière  d'appliquer  ces  principes,  suivant  les  cas  et 
les  ressources,  pour  l'organisation  de  positions  plus  ou 
moins  étendues  ou  de  champs  de  bataille  est  en  grande 
partie  du  ressort  de  l'ingénieur  militaire,  qui  doit  faire 
preuve  de  rapidité  de  jugement,  de  netteté  de  conception, 
d'intelligence  de  la  situation.  Pour  acquérir  toutes  ces 
qualités,  il  faut  évidemment  connaître  théoriquement  tous 
les  détails  de  la  fortification  passagère  et  en  avoir  fait  une 
large  application  pratique.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue 
que,  en  campagne,  le  soin  d'organiser  les  positions  incom- 
bera aux  troupes  de  toutes  armes  et  que  les  fonctions 
d'ingénieur  deviendront  communes  à  tous  les  officiers,  au 
moins  dans  de  certaines  limites.  Aussi  est-ce  avec  raison 
que  le  règlement  allemand  du  13  mars  4890,  sur  le  ser- 
vice des  pionniers  en  campagne,  dit  :  «  Tout  officier  doit 
connaître  tous  les  détails  d'exécution  des  divers  travaux 
de  campagne,  et  être  à  même  de  les  diriger  personnelle- 
ment, en  sachant  discerner  non  seulement  de  quelle  ma- 
nière, mais  aussi  où  et  quand  on  doit  faire  usage  des 
outils  de  campagne.  »  A  ce  point  de  vue,  il  est  donc  im- 
portant de  former  de  bons  instructeurs  de  fortification  dans 
l'infanterie.  La  fortification  passagère  peut  aussi  rendre  de 
bons  services  dans  l'attaque  et  la  défense  des  places,  car  alors 
on  dispose  d'un  temps  suffisant  et  des  ressources  nécessaires. 
Pendant  la  période  'd'investissement,  l'assiégeant  doit  for- 
tifier solidement  le  terrain  qu'il  gagne,  et  que  les  tranchées- 
abris  de  la  première  occupation  ne  suffiraient  pas  à  défendre 
pour  une  occupation  de  quelque  durée.  La  défense  doit 
s'étendre  le  plus  loin  possible  dans  le  rayon  de  protection 
des  forts.  On  créera  notamment,  à  4,200  ou  4,500  m. 
en  avant  de  ceux-ci,  une  ligne  de  défense  extérieure  ayant 
pour  objet  de  retarder  l'établissement  des  batteries  de  siège 
de  l'attaque.  Il  y  a  lieu  d'organiser  également  une  ligne  de 
défense  dans  l'intervalle  des  forts  pour  éviter  les  dangers 
d'une  attaque  brusquée. 

Historique.  Un  coup  d'œil  rapide  jeté  sur  l'histoire  de 
tous  les  temps  et  de  tous  les  pays  prouve  que  l'emploi  de 
la  fortification  passagère  a  toujours  joué  un  rôle  important. 
Ce  rôle  et  les  travaux  à  exécuter  ont  nécessairement  varié 
suivant  les  époques  et  la  nature  des  armes  employées.  — 
Dans  h  période  qui  a  précédé  l'invention  de  la  poudre, 
les  anciens  ont  connu  l'emploi  de  lignes  continues  plutôt  que 
celui  de  retranchements  ou  d'ouvrages  isolés.  Les  camps 
roulants,  ou  l'ensemble  des  impedimenta  constitués  en  en- 
ceinte, autour  de  laquelle  on  combattait,  furent  la  première 
forme  de  fortification  rapide.  Les  Grecs  connurent  l'emploi 
de  retranchements,  constitués  non  seulement  par  un  obstacle 
et  une  masse  courante,  mais  complétés  déjà  par  une  sorte 
de  flanquement  et  par  des  défenses  accessoires,  telles  que 
trous  de  loup,  chausse-trapes,,  abatis,  etc.  —  On  sait 
que  les  Romains  ne  manquaient  jamais  d'établir  chaque  soir 
leur  camp  solidement.  Ce  camp  était  entouré  d'un  fossé  de 
3m55  de  largeur  sur  2m70  de  profondeur.  Pour  l'exécu- 
tion des  travaux  de  terrassement,  chaque  légionnaire  por- 
tait un  outil  et  un  pieu.  Les  Romains  firent  un  emploi 
considérable  et  judicieux  de  la  fortification  de  campagne, 
notamment  à  Aix  par  Marius  et  dans  la  conquête  des  Gaules 
par  César.  «  C'est  en  remuant  la  terre,  dit  un  historien, 
que  les  Romains  ont  conquis  le  monde.  »  A  l'époque  mé- 
rovingienne on  ne  connut  guère  que  la  protection  procurée 
par  l'enceinte  des  chariots.  Pourtant,  les  musulmans  em- 
ployaient des  camps  retranchés,  car  si,  en  732,  Charles- 
Martel  a  réussi  à  sauver  l'empire  des  Francs  de  l'invasion 
sarrasine,  c'est  grâce  au  succès  de  l'attaque  par  surprise 
du  camp  musulman  par  Eudes  d'Aquitaine.  Au  moyen 
âge,  la  fortification  fut  constituée  à  peu  près  uniquement 
par  l'armure  des  chevaliers,  et  l'on  ne  trouve  guère  trace 
de  l'exécution  de  retranchements  de  campagne.  En  résumé, 
jusqu'alors,  c'est  l'obstacle  qui  avait  le  plus  d'importance, 
de  sorte  que  l'on  s'ingénia  à  le  rendre  d'autant  plus  sé- 
rieux que  les  armes  ou  les  moyens  d'attaque  se  perfection- 
nèrent. Le  tracé  pouvait  être  quelconque,  mais  on  donnait 
généralement  à  l'enceinte  une  forme  circulaire  ou  rectan- 


—  843  — 


FORTIFICATION 


gulaire  ;  on  fit  ensuite  précéder  cette  enceinte  d'un  fossé, 
en  avant  duquel  on  disposa  des  défenses  accessoires. 

Mais  après  l'invention  de  la  poudre,  ce  fut  au  con- 
traire le  parapet  qui  eut  pour  mission  de  s'opposer  à  dis- 
tance à  la  prise  des  retranchements  par  l'adversaire.  Pour- 
tant, on  n'arriva  à  ce  résultat  que  progressivement  et  à 
partir  de  l'époque  à  laquelle  les  armes  à  feu  devinrent  réel- 
lement portatives.  Ainsi,  dans  les  guerres  d'Italie,  on  sut 
déjà  tirer  un  bon  parti  de  retranchements  de  diverses 
formes.  Mais  ce  fut  Charles-Quint  qui,  le  premier  dans  les 
temps  modernes,  accorda  aux  ouvrages  de  campagne  l'im- 
portance qu'ils  méritaient.  Il  avait  attaché  à  chaque  régi- 
ment de  lansquenets  une  compagnie  de  pionniers  de  quatre 
cents  hommes.  Il  faut  ajouter  que  les  travaux  de  campagne 
exécutés  dans  la  guerre  des  Pays-Bas  étaient  trop  déve- 
loppés et  employés  uniquement  dans  le  défensive.  Dans  la 
guerre  de  Trente  ans,  la  fortification  de  campagne  fut 
appliquée  de  la  manière  la  plus  complète,  surtout  à  la  ba- 
taille de  Fribourg(1643),  surnommée  la.  journée  des  Aba- 
Us,  et  à  la  bataille  de  Nordlingen  (1646)  où  la  prise  du 
village  d'Allerheim,  organisé  défensivement  en  quelques 
heures,  donna  lieu  à  un  combat  acharné  et  décida  le  suc- 
cès. A  partir  de  cette  époque,  l'emploi  de  ce  genre  de  for- 
tification, laissé  jusque-là  sans  règles  précises  et  sans  but 
bien  déterminé,  devient  à  peu  près  général  et  méthodique. 
Nous  ne  pouvons  plus  suivre  pas  à  pas  son  développement, 
et  nous  devons  nous  borner  à  indiquer  que  tous  les  grands 
capitaines  firent  usage  de  la  fortification  de  campagne  sous 
toutes  ses  formes  chaque  fois  que  l'occasion  s'en  présenta, 
c.-à-d.  dans  presque  toutes  les  batailles.  Cette  fortification 
joua  un  rôle  remarquable  entre  autres  :  1°  à  la  bataille  de 
Pultava,  où  Pierre  le  Grand,  toujours  battu  jusque-là,  ré- 
sista avec  succès  aux  attaques  des  Suédois,  grâce  aux  tra- 
vaux qu'il  avait  fait  exécuter  devant  son  front  pendant  la 
nuit  précédente;  2°  à  la  bataille  de  Kiuinersdorff  (1759), 
gagnée  par  les  Russes  sur  les  troupes  du  grand  Frédéric, 
et  qui  aurait  été  perdue  sans  le  secours  de  la  fortification. 
Dans  les  guerres  de  la  Révolution,  les  troupes  françaises, 
peu  instruites  et  peu  disciplinées,  firent  surtout  usage  de 
la  fortification  improvisée,  c.-à-d.  de  l'organisation  défen- 
sive de  positions  et  de  villages,  de  défenses  accessoires,  etc. 
On  voit  pourtant  que,  à  Montenotte,  le  colonel  Rampon 
défendit  avec  4,200  hommes  une  redoute  contre  les  Autri- 
chiens beaucoup  plus  nombreux  et  repoussa  trois  fois  leur 
assaut.  «  Cette  résistance  héroïque,  dit  M.  Thiers,  sauva 
les  plans  du  général  Bonaparte  et  peut-être  l'avenir  de  la 
campagne.  »  Sous  le  premier  Empire,  on  trouve,  dans 
toutes  les  guerres,  l'emploi  de  retranchements  ;  les  batailles 
de  Wagram  etd'Essling(1809),  notamment,  ne  furent  que 
des  luttes  contre  des  positions  fortifiées.  Les  Autrichiens 
organisèrent  de  solides  positions  en  diverses  occasions,  à 
Taufers  et  à  Feldkirch  (1799),  à  Caldiero  (1805)  et  les 
Anglais  construisirent  en  1809  les  fameuses  lignes  de  Tor- 
res  Vedras,  que  Masséna  n'osa  attaquer  directement  et  qui 
l'obligèrent  à  évacuer  le  territoire  portugais.  Wellington 
obtint  un  succès  de  même  genre  contre  Masséna  à  Fuentes 
d'Onoro  (1811),  grâce  à  une  ligne  de  retranchements  cons- 
truite pendant  la  nuit.  Les  Russes  obtinrent  un  excellent 
résultat  en  fortifiant  des  positions  à  Heilsberg  (1807),  à 
Borodino  (1812)  et  le  camp  de  la  Drissa.  On  voit  par  les 
citations  qui  précèdent,  et  qui  pourraient  être  multipliées, 
que,  malgré  l'emploi  des  grandes  masses  et  les  mouvements 
rapides,  les  diverses  armées  ne  négligèrent  pas,  pendant 
les  guerres  du  premier  Empire,  d'avoir  recours  au  secours 
de  la  fortification  de  campagne,  dans  la  mesure  du  possible. 
Il  est  toutefois  à  remarquer  que  les  conditions  générales  de 
son  emploi  conduisirent  à  admettre  les  profils  les  plus  fai- 
bles et  les  tracés  les  plus  simples,  parce  qu'on  ne  pouvait 
y  consacrer  que  peu  de  temps  et  de  ressources  (outils). 

A  partir  de  1815,  la  fortification  passagère  ne  fut  de 
nouveau  employée  activement  que  pendant  la  guerre  de  Cri- 
mée, devant  Sébastopol,  où  les  Russes  tirèrent  le  plus  grand 
profit  des  embuscades  ou  trous  de  tirailleurs.  Les  Fran- 


çais organisèrent  des  ouvrages  autour  de  Kamiesch,  pow* 
protéger  leur  débarquement.  Dans  la  guerre  de  là  Sécession 
d'Amérique,  les  deux  partis  firent  un  emploi  exagéré  des 
retranchements,  car  il  était  de  règle  de  ne  jamais  occuper 
une  position  sans  l'organiser  défensivement,  avant  de  son- 
ger à  préparer  le  repas  et  sans  attendre  d'ordres.  C'était 
la  mise  en  pratique  de  la  tactique  des  légions  romaines, 
mais  modifiée  suivant  les  progrès  de  la  science.  On  peut 
dire  que  ce  sont  les  Américains  qui  ont  inventé  la  tran- 
chée-abri. Dans  la  guerre  de  1866,  entre  l'Autriche  et  la 
Prusse,  le  général  autrichien  de  Pidoll  imagina,  pour  for- 
tifier le  champ  de  bataille  de  Sadowa,  un  type  de  lignes  à 
intervalles  qui  porte  son  nom  (V.  Ligne).  Leur  .mauvaise 
disposition  permit  de  constater  que  la  fortification  devait  venir 
en  aide  à  la  tactique  autrement  que  dans  la  défensive  pure, 
c.-à-d.  sans  choisir  d'avance  le  champ  de  bataille  et  sans 
disposer  d'un  temps  donné.  C'est  alors  qu'on  voit  naître  la 
fortification  du  champ  de  bataille,  organisée  immédiate- 
ment avant  et  même  pendant  le  combat.  La  guerre  de  1870 
présente  de  nombreux  exemples  de  ce  genre  de  travaux  de 
champ  de  bataille,  dans  le  détail  desquels  il  serait  trop  long 
d'entrer  ici.  Les  Français,  réduits  à  la  défensive,  ne  surent 
ou  ne  purent  pas  toujours  en  tirer  tout  le  parti  possible, 
parce  que  les  voies  et  moyens,  l'outillage  notamment, 
n'étaient  pas  suffisamment  prévus,  et  que  ses  applications 
étaient  un  peu  livrées  au  hasard.  Ainsi,  jusqu'alors,  les 
troupes  du  génie  étaient  à  peu  près  seules  chargées  de  l'exé- 
cution des  travaux  de  campagne,  dont  elles  ne  purent  exécuter 
qu'un  nombre  trop  restreint.  Les  Allemands,  au  contraire, 
dont  le  rôle  était  l'offensive  à  outrance,  ne  manquèrent  ja- 
mais d'organiser  tous  les  points  occupés,  soit  pour  assurer 
leur  retraite  éventuelle,  soit  pour  empêcher  toute  tentative 
d'offensive  de  l'adversaire.  Mentionnons  en  passant  les  tra- 
vaux qui  furent  exécutés  pendant  l'insurrection  carliste,  de 
1874  à  1876,  car  il  ne  se  livra  pas  Un  combat  où  la  for- 
tification n'ait  joué  un  rôle  et  jamais  peut-être,  relativement, 
on  n'exécuta  autant  de  travaux  de  campagne.  Dans  la  der- 
nière guerre  d'Orient,  en  1877-78,  on  sait  que  les  Turcs  ne 
négligèrent  pas  un  jour  d'appeler  à  leur  aide  la  pelle  et  la 
pioche,  de  sorte  que  les  Russes  durent  les  suivre  dans  cette 
voie,  mais  sans  y  être  aussi  bien  préparés.  On  n'a  pas 
perdu  de  vue  la  lutte  acharnée  autour  des  positions  forti- 
fiées de  la  prise  de  Schipka  et  surtout  le  rôle  considérable 
que  joua  la  fortification  de  Plewna.  C'est  grâce  à  l'in- 
fluence de  la  fortification  que  les  Turcs  ont  pu  prolonger 
la  lutte  acharnée  qu'ils  soutinrent  contre  un  ennemi  bien 
supérieur  en  nombre. 

Utilité.  L'utilité  de  la  fortification  passagère  ressort 
manifestement  de  l'historique  précédent.  Tous  les  grands 
capitaines  ont  d'ailleurs  été  d'accord  sur  ce  point,  et  il  suf- 
firait de  citer  les  instructions  ou  l'opinion  de  Turenne,  de 
Vauban,  du  grand  Frédéric,  de  l'archiduc  Charles,  etc*,  à 
ce  sujet.  Nous  nous  bornerons  à  donner  ies  passages  sui- 
vants des  écrits  de  Napoléon  Ier  :  «  Il  faut  encourager  les 
ingénieurs  à  perfectionner  les  principes  de  la  fortification 
de  campagne,  à  porter  cette  partie  de  leur  art  au  niveau 
des  autres.  Il  est  plus  facile,  sans  doute,  de  proscrire,  de 
condamner  avec  un  ton  dogmatique,  dans  le  fond  de  son 
cabinet.  On  est  sûr,  d'ailleurs,  de  flatter  l'esprit  de  paresse 
des  troupes  ;  officiers  et  soldats  ont  de  la  répugnance  à 
manier  la  pelle  et  la  pioche.  Ils  font  donc  écho  et  répètent 
à  l'envi  :  les  fortifications  de  campagne  sont  plus  nuisibles 
qu'utiles  ;  il  n'en  faut  pas  construire.  La  victoire  est  à 
celui  qui  marche,  manœuvre  ;  il  ne  faut  pas  travailler.  La 
guerre  n'impose-t-elle  pas  assez  de  fatigues?...  Discours 
flatteurs  et  cependant  méprisables!...  »  Et  ailleurs  :  «  Il 
est  des  militaires  qui  demandent  à  quoi  servent  les  places 
fortes,  les  camps  retranchés,  l'art  de  l'ingénieur;  nous 
leur  demanderons  à  notre  tour  comment  il  est  possible  de 
manœuvrer  avec  des  forces  inférieures  ou  égales,  sans  le 
secours  des  positions  de  fortification  et  de  tous  les  moyens 
supplémentaires  de  l'art.  Ceux  qui  proscrivent  des  lignes 
et  tous  lés  secours  que  l'art  de  l'ingénieur  peut  donner 


FORTIFICATION 


—  844  — 


se  privent  gratuitement  d'une  force  et  d'un  moyen  auxi- 
liaire jamais  nuisibles,  presque  toujours  utiles  et  souvent 
indispensables.  » 

On  a  quelquefois  prétendu  que  la  fortification  pouvait 
détruire  l'esprit  d'offensive  et  entraver  les  mouvements  tac- 
tiques. Ce  reproche  est  loin  d'être  fondé,  car  non  seulement 
on  ne  peut  citer  aucun  cas  où  le  fait  se  soit  produit,  mais 
on  peut  affirmer  au  contraire  que  la  fortification  facilite 
l'offensive  dans  une  certaine  mesure,  en  donnant  aux  sol- 
dats ce  sentiment  de  sécurité  sans  lequel  ils  sont  incapables 
de  tirer  avec  précision  ou  d'affronter  à  découvert  le  feu 
meurtrier  de  l'adversaire.  Ce  n'est  pas  parce  qu'on  occupe 
et  que  l'on  défend  des  positions  qu'on  doit  y  attendre  l'as- 
saut final.  Le  général  Brialmont  réfute  ce  reproche  comme 
il  suit  :  «  Tout  dépend  de  l'éducation  que  l'on  donne  et 
des  idées  que  Ton  inculque  au  soldat  dès  le  temps  de  paix. 
Lorsqu'on  lui  aura  fait  comprendre  que  les  abris  naturels 
et  les  abris  artificiels  ne  sont  que  des  moyens  de  le  sous- 
traire temporairement  à  des  pertes  inutiles,  mais  que,  au 
moment  décisif,  ces  obstacles  doivent  être  abandonnés  sans 
regret  pour  transporter  la  lutte  sur  d'autres  points,  il  ne 
sera  ni  timide  dans  l'offensive,  ni  démoralisé  à  la  retraite, 
ni  cloué  au  sol  par  la  crainte  de  se  présenter  à  l'ennemi 
la  poitrine  découverte.  » 

On  a  prétexté  aussi  que  les  travaux  de  campagne  fati- 
guaient considérablement  les  soldats  et  leur  enlevaient 
ainsi  la  force  dont  ils  avaient  besoin  pour  le  combat.  Cette 
critique  ne  serait  fondée  que  si  l'on  voulait  transformer 
les  soldats  en  terrassiers  et  leur  faire  exécuter  des  travaux 
sans  utilité  réelle.  Le  cas  ne  se  présentera  que  si  l'on  ne 
sait  pas  user  de  la  fortification  de  campagne  avec  discer- 
nement, car  on  s'est  toujours  bien  trouvé  de  s'en  être  servi 
utilement,  et  l'on  a  soufferUlu  contraire.  Mais  il  faut  pour 
cela  que  l'infanterie  surtout  soit  familiarisée  avec  son  em- 
ploi, au  point  d'en  tirer  parti  sans  attendre  d'ordres  ni  le 
concours  des  troupes  spéciales,  sans  faire  abus  des  travaux 
et  des  forces  des  nommes.  On  ne  saurait  trop  à  ce  propos 
méditer  les  paroles  suivantes  du  général  Brialmont  :  «  L'in- 
fanterie comprend  aujourd'hui,  dans  tous  les  pays,  que  la 
pelle  est  presque  aussi  utile  au  soldat  que  le  fusil,  et  qu'en 
le  forçant,  par  la  construction  des  tranchées,  à  verser  sa 
sueur  sur  le  champ  de  bataille,  on  augmente  ses  chances 
de  succès  et  Ton  épargne  son  sang.  »  D'ailleurs,  actuellement, 
avec  les  armes  à  tir  rapide  et  la  poudre  sans  fumée,  on 
peut  dire  que  l'emploi  de  la  fortification  passagère  est  plus 
indispensable  que  jamais,  car  elle  seule  constitue  l'arme 
défensive  par  excellence.  Il  importe  donc  de  profiter  de 
tous  les  instants  disponibles,  dans  les  circonstances  oppor- 
tunes, pour  tirer  parti  du  terrain,  des  obstacles,  en  les 
organisant  défensivement  ou  en  les  améliorant  dans  la  me- 
sure du  possible.  Les  ouvrages  ou  retranchements  à  créer 
devront,  en  raison  des  progrès  réalisés  dans  l'armement, 
avoir  des  reliefs  peu  élevés  et  être  masqués  où  dissimulés, 
afin  de  ne  pas  faire  découvrir  les  positions  occupées  par  la 
défense.  C'est  pour  exécuter  les  travaux  dont  elle  peut  avoir 
hesoin  que  l'infanterie  a  été  pourvue  d'outils  et  qu'une  ins- 
truction spéciale  est  donnée  à  ce  sujet.  Mais  on  n'obtiendra 
un  résultat  utile  et  assuré  que  lorsque  le  maniement  de 
l'outil  sera  devenu  au  fantassin  aussi  familier  que  la  ma- 
nœuvre du  fusil,  et  lorsque  les  officiers  et  les  sous-officiers 
seront  parfaitement  à  la  hauteur  de  la  tâche  d'ingénieur 
ou  d'instructeur  qui  leur  incombe  pour  le  tracé  pratique  et 
la  bonne  exécution  des  travaux. 

IL  Fortification  permanente.  —  La  fortification  perma- 
nente se  subdivise  en  permanente  proprement  dite  et  en 
semi-permanente  ou  provisoire.  —  La  fortification  per- 
manente a  pour  but  de  renforcer  de  la  manière  la  plus 
solide  et  la  plus  durable  les  points  dont  l'importance  mili- 
taire est  considérable  et  permanente,  ou  qui  sont  appelés 
à  jouer  un  grand  rôle  dans  le  cours  d'une  guerre.  Ces  points 
sont  ceux  où  il  y  a  lieu  d'établir  des  forteresses  (V.  ce 
mot),  et  on  peut  les  classer  en  général:  1°  en  points  de 
défense,  constitués  par  la  fortification  des  villes  prises 


isolément  telles  que  Paris,  Lyon,  Lille:  2°  en  points 
d'appui, «comprenant  la  fortification  de  positions  en  corréla- 
tion stratégique,  comme  Toul,  Commercy,  Verdun,  Epinal, 
Belfort,  Laon,  La  Fère,  etc.  ;  3°  en  points  d'arrêt,  formés 
par  l'installation  en  un  terrain  à  vues  convenables  d'un 
couvert  solide  et  puissamment  armé  destiné  à  battre  et  à 
intercepter  des  routes,  des  voies  ferrées,  des  canaux,  comme 
les  forts  de  Manonvilliers,  Hirson,  etc.  En  raison  de  l'im- 
portance de  ces  positions  dont  la  fortification  est  en  géné- 
ral destinée  à  remplacer  des  frontières  naturelles  solides, 
on  construit  cette  fortification  dès  le  temps  de  paix  et  on 
assure  tout  le  degré  de  force  nécessaire  pour  résister  aux 
moyens  d'attaque  les  plus  dangereux  et  les  plus  violents, 
et  pour  rendre  leur  prise  impossible  autrement  que  par  un 
siège  en  règle  (V.  Attaque  des  places). 

D'après  cela,  la  durée  de  la  résistance  doit  être  prolon- 
gée aussi  longtemps  que  possible.  Elle  dépend  :  4°  de  la  force 
naturelle  du  terrain  dans  son  ensemble  et,  en  particulier, 
de  l'emplacement  sur  lequel  est  bâtie  la  fortification,  et  du 
degré  de  protection  que  le  terrain  peut  assurer;  2°  de  la 
force  de  résistance  artificielle,  qui  dépend  de  l'organisation 
d'ensemble  et  de  détail  de  la  fortification  ;  3°  des  moyens 
mis  en  œuvre  par  la  défense,  c.-à-d.  du  gouverneur,  des 
éléments  actifs  (troupes)  et  des  ressources  en  vivres  et  en 
munitions.  En  conséquence,  en  supposant  son  emplacement 
bien  choisi,  tout  ouvrage  de  fortification  doit  remplir  les 
conditions  générales  suivantes  :  1°  être  parfaitement  à  l'abri 
de  l'escalade,  au  moyen  d'un  obstacle  rendant  impossible 
un  assaut;  2°  avoir  un  tracé  réunissant  les  dispositions  les 
meilleures  pour  mettre  les  différentes  parties  en  mesure  de 
se  flanquer  réciproquement  et  de  bien  battre  les  abords  de 
la  position  ;  3°  posséder  un  profil  ayant  les  formes  et  les 
dispositions  nécessaires  pour  résister  aux  bouches  à  feu  les 
plus  puissantesde  l'artillerie  de  siège;  4°  établir,  pour  l'utili- 
sation des  éléments  actifs  de.  la  défense,  des  emplace- 
ments destinés  à  faciliter  le  tir  de  l'artillerie,  tout  en  étant 
protégés  contre  le  tir  de  l'artillerie  adverse  (traverses,  case- 
mates en  maçonnerie  ou  cuirassées,  coupoles,  etc.) ,  et  des 
emplacements  pour  permettre  l'action  efficace  de  la  mous- 
queterie  dans  la  lutte  rapprochée  (V.  Banquette);  5°  pré- 
parer des  locaux  souterrains  (V.  Abri,  Casemate)  en  quan- 
tité suffisante  pour  abriter  le  personnel  au  repos,  le  matériel 
de  rechange  ou  de  réserve,  les  approvisionnements  en  vivres 
et  en  munitions  ;  6°  disposer  des  communications  servant 
à  circuler  à  couvert  et  commodément  dans  les  ouvrages  et 
entre  eux,  afin  de  permettre  le  déplacement  rapide  de  la 
garnison  pour  garnir  les  crêtes  ou  pour  prendre  part  à  des 
sorties  à  l'extérieur;  7°  avoir  des  ouvrages  auxiliaires, 
pour  forcer  l'assiégeant  à  vaincre  la  résistance  d'une  série 
d'obstacles  successifs,  tels  que  les  dehors  et  les  retranche- 
ments intérieurs,  ou  des  moyens  accessoires,  tels  que  les 
mines  (Y.  Guerre  souterraine). 

On  voit  que,  en  principe,  les  éléments  essentiels  de  la 
fortification  permanente  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  for- 
tification passagère,  mais  avec  cette  différence  considérable 
qu'on  les  rend  aussi  complets,  aussi  étendus,  aussi  résistants 
que  le  permettent  les  progrès  de  l'art  et  de  l'industrie. 
On  n'épargne  ni  temps  ni  argent  pour  donner  aux  ouvrages 
toute  la  solidité  nécessaire  au  moyen  de  travaux  dans 
lesquels  on  met  en  œuvre  les  matériaux  les  plus  résistants  : 
massifs  déterre,  béton,  cuirassements ,  coupoles,  etc. 
Un  autre  principe  essentiel,  c'est  de  plier  la  fortification  à 
la  configuration  du  sol  dans  chaque  cas  particulier,  c.-à-d. 
de  l'adapter  au  terrain.  A  cet  effet,  sur  chaque  côté  exté- 
rieur du  polygone  à  fortifier  dans  un  ouvrage  ou  une  en- 
ceinte, on  dispose  les  divers  éléments  de  manière  que  chaque 
côté  de  ce  polygone  soit  en  état  de  se  flanquer  lui-même 
(V.  Front,  Tracé);  on  a  ainsi  un  front  de  fortification  qui 
constitue  une  sorte  d'unité  tactique  de  la  défense.  Mais  si 
les  préceptes  de  l'art  de  fortifier  sont  fixes,  il  n'en  est  pas 
de  même  de  l'application,  qui  reste  toujours  soumise  aux 
conditions  locales.  C'est  ainsi  que  l'on  a  été  amené,  presque 
généralement,  à  ne  pas^employer  des  types  invariables  et 


à  modifier  même  les  meilleurs  suivant  les  conditions  géné- 
rales ou  particulières.  On  comprend,  en  outre,  que  les 
conditions  de  tracé  et  d'établissement  ne  sont  pas  les  mêmes 
en  terrain  accidenté  ou  de  montagne  qu'en  terrain  uni, 
quand  le  sol  est  rocheux  ou  marécageux,  au  lieu  d'être  ferme 
et  friable  ;  enfin  les  fortifications  de  mer  ne  sont  pas  organi- 
sées de  la  même  manière  que  les  fortifications  continentales. 
Bien  que,  en  principe,  la  question  de  dépense  ne  soit  qu'ac- 
cessoire en  pareil  cas,  il  faut  cependant  toujours,  avant 
d'établir  des  fortifications  permanentes,  faire  entrer  en 
ligne  de  compte,  d'un  côté  l'importance  de  la  protection  du 
point  qu'il  s'agit  d'occuper,  et  d'autre  part  le  montant,  des 
frais  de  la  construction.  Gela  revient  à  dire  que,  tout  en 
cherchant  à  tirer  le  meilleur  parti  des  fortifications  exis- 
tantes, il  convient,  surtout  en  raison  du  prix  élevé  qu'elles 
coûtent  actuellement,  de  n'en  construire  de  nouvelles  que 
lorsque  leur  nécessité  est  impérieusement  démontrée.  L'ap- 
plication des  principes  et  la  combinaison  des  éléments  pré- 
sentent, pour  l'ingénieur  militaire,  des  difficultés  plus 
grandes  et  exigent  des  connaissances  plus  complètes  et 
plus  étendues  que  pour  la  fortification  de  campagne.  Ils 
ressortiront,  d'une  manière  plus  claire  et  avec  preuves  à 
l'appui,  de  l'historique  de  la  fortification  permanente. 

Historique.  Pour  expliquer  et  justifier  les  formes  et  les 
systèmes  actuellement  employés  pour  la  fortification  per- 
manente, il  est  indispensable  d'en  suivre  la  transformation 
progressive  à  travers  les  âges  :  nous  aurons  ainsi  la  forti- 
fication déduite  de  son  histoire.  En  effet,  les  procédés  appli- 
qués dans  cet  art  ont  dû  suivre  forcément  les  méthodes  ou 
engias  à  l'usage  de  l'attaque  et  de  la  défense  (V.  Attaque 
et  Défense  des  places),  et  tenir  compte  des  progrès  réa- 
lisés dans  les  arts  industriels.  A  ce  point  de  vue,  on  peut 
diviser  l'histoire  de  la  fortification  en  quatre  périodes  bien 
distinctes  :  1°  l'antiquité  et  le  moyen  âge  jusqu'à  l'appa- 
rition de  l'artillerie  ;  2°  depuis  l'apparition  de  l'artillerie 
jusqu'à  celle  de  l'artillerie  rayée  (i  859)  ;  3°  à  partir  de  l'ar- 
tillerie rayée  jusqu'à  l'artillerie  à  obus-torpilles  (4885); 
4°  l'époque  actuelle  depuis  1885.  En  développant  som- 
mairement cet  historique,  nous  nous  attacherons  surtout  à 
faire  ressortir  les  principes  et  les  éléments  constitutifs  de 
la  fortification  permanente. 

ire  période  :  Depuis  l'antiquité  jusqu'à  V apparition 
de  V artillerie .  Au  début,  les  moyens  dont  disposaient  nos 
ancêtres  pour  protéger  leurs  habitations  étaient  fort  pri- 
mitifs et  des  plus  précaires.  Ils  commencèrent  par  occuper 
des  positions  faciles  à  défendre  par  leur  situation  domi- 
nante ou  isolée;  un  peu  plus  tard,  ils  cherchèrent  à  s'iso- 
ler artificiellement  en  formant  une  enceinte  continue  à  l'aide 
de  clayonnages  plus  ou  moins  grossiers,  de  palissades  ou 
de  troncs  d'arbres,  ou  bien  en  créant  sur  pilotis  de  petites 
îles.  On  peut  toutefois  constater  que,  dès  l'origine,  les  trois 
éléments  indispensables  de  toute  fortification  :  commande- 
ment, obstacle,  couvert,  se  trouvaient  appliqués.  Lorsque 
des  agglomérations  se  constituèrent,  on  dut  songer  à  rendre 
impuissants  les  moyens  d'attaque  connus  alors  :  l'escalade, 
l'incendie,  la  hache.  C'est  alors  qu'on  employa  la  maçon- 
nerie, même  la  plus  primitive,  pour  entourer  de  murailles 
les  localités  habitées,  et  qu'on  voit  apparaître  en  Grèce  et 
en  Italie  les  tarisses  pélasgiques,  murailles  très  épaisses 
et  très  élevées,  formées  d'énormes  blocs  accolés  ou  super- 
posés sans  le  secours  d'aucun  mortier.  Les  mursdeTyrinthe 
avaient  7m60  d'épaisseur  et  présentent  encore  aujourd'hui 
une  hauteur  de  13  m.,  avec  des  blocs  ayant  jusqu'à  1  m. 
d'épaisseur. 

Les  forteresses  ne  jouaient  alors  qu'un  rôle  passif,  sauf 
en  cas  de  défaite,  car  les  combats  se  livraient  dans  leurs 
environs  :  Troie,  vers  le  xne  siècle  avant  l'ère  chrétienne, 
s'est  trouvée  dans  ce  cas.  Un  peu  plus  tard,  il  se  forma, 
chez  les  peuples  stables  et  déjà  civilisés,  de  grands  centres 
d'habitation,  où  les  richesses  s'accumulèrent.  Il  fallut  alors 
donner  aux  enceintes  un  développement  tel  qu'on  pût  son- 
ger à  organiser  à  l'intérieur  un  centre  de  résistance  très 
sérieux,  qui  donna  naissance  à  la  ville  forte.  C'est  ainsi 


«P^ 


-  845  -  FORTIFICATION 

que  Babylone  avait  deux  murs  concentriques,  ayant  l'un 
88  kil.  et  l'autre  66  kil.  de  développement.  Thèbes, 
Memphis,  Tyr,Ninive,Sidon,etc,  fortifiées  à  la  même  épo- 
que, se  trouvaient  dans  des  conditions  à  peu  près  analogues. 
Les  murailles  étaient  assez  hautes  pour  constituer  un  obs- 
tacle suffisant  contre  l'escalade  et  assurer  un  grand  com- 
mandement, en  même  temps  qu'assez  épaisses  pour  résister 
à  l'action  des  engins  démolisseurs  de  l'époque  et  permettre 
aux  défenseurs  de  se  tenir  à  leur  partie  supérieure  ;  cette 
dernière,  appelée  plate-forme  ou  promenoir,  était  assez 
large  pour  permettre  à  trois  chars  d'y  passer  de  front,  et 
elle  était  bordée  d'un  mur  crénelé  derrière  lequel  les  défen- 
seurs pouvaient  s'abriter  pour  le  tir.  Quelques  auteurs  pré- 
tendent que  ces  murs  étaient  dès  lors  entourés  de  fossés, 
mais  cette  assertion  est  loin  d'être  prouvée.  Le  tracé,  dans 
lequel  il  était  rarement  tenu  compte  de  la  configuration  du 
terrain,  affectait  la  forme  d'un  polygone  plus  ou  moins 
régulier  :  pour  Babylone,  c'était  un  carré  ;  pour  Ninive  un 
parallélogramme.  Des  tours  rondes  ou  polygonales  faisaient 
partie  des  enceintes, 
mais  elles  étaient  plus 
élevées  que  le  rem- 
part sur  lequel  elles 
faisaient  saillie 
(fig.  1).  Ces  tours 
étaient  toujours  à  une 
bonne  portée  de  flèche 
l'une  de  l'autre  (50 
à  200  m.),  pour 
battre  le  pied  des 
murs  et  prendre  les 
assiégeants  de  flanc  ; 
il  y  en  avait  toujours 
aux  points  faibles, 
constitués  par  les 
saillants  et  les  portes. 
On  peut  donc  remar- 
quer, dès  lors,  l'application  des  trois  principes  suivants  : 
1°  la  nécessité  de  flanquer  les  enceintes;  2°  le  besoin 
de  transformer  les  points  faibles  en  points  forts;  3°  la 
localisation  de  la  défense  dans  les  points  forts. 

Mais  la  construction  de  murs  aussi  épais  que  ceux  de 
Babylone  était  très  longue  et  fort  coûteuse.  Aussi,  vers 
l'époque  romaine,  on  se  borne  à  lui  donner  une  hauteur 
de  10  à  20  m.,  et  une  épaisseur  de  5  à  7  m.  Tantôt  on  les 
évidait,  en  faisant  supporter  la  plate-forme  par  des  voûtes 
longitudinales  ou  transversales  (méthode  rhodienne)  ;  tantôt 
on  adossait  au  mur  un  rempart  en  terre  (Rome  au  vie  siècle 
av.  J.-C),  ou  l'on  remplissait  de  terre  l'intervalle  compris 
entre  deux  murs  (Rome,  au  ive  siècle  av.  J.-C);  d'autres 
fois,  sur  la  partie  inférieure  des  murs,  seule  massive,  on 
élevait  deux  étages  de  casemates  (Carthage).  Les  murailles 
des  forteresses  gauloises  étaient  formées  de  couches  alter- 
natives de  terre  et  de  poutres,  avec  parement  extérieur  en 
grosses  pierres.  Vers  la  même  époque,  on  songea  à  faire 
précéder  le  rempart  d'un  fossé,  dans  le  double  but  de  se 
procurer  les  terres  nécessaires  au  terrassement  et  d'arrê- 
ter la  marche  des  engins  d'attaque  (béliers,  hélépoles, 
tours).  On  eut  dès  lors,  nettement  caractérisés  :  la  masse 
couvrante,  le  rempart,  et  Y  obstacle,  le  fossé. 

Les  Romains  rendirent  les  tours  indépendantes  des  pro- 
menoirs, pour  empêcher  l'ennemi  maître  d'une  de  ces  tours 
de  se  répandre  dans  la  place.  Pour  mieux  protéger  les  dé- 
fenseurs contre  les  coups  de  l'adversaire  et  les  abriter  contre 
les  intempéries,  on  recouvrit  quelquefois  la  plate-forme  d'un 
petit  toit  ou  d'une  voûte.  Les  enceintes  construites  alors 
étaient  souvent  très  vastes,  au  point  de  pouvoir  contenir 
des  peuples  entiers  avec  leurs  troupeaux  ;  en  outre,  il  exis- 
tait presque  toujours  plusieurs  enceintes  successives.  Adru- 
mète,  Carthage,  Utique,  presque  toutes  les  villes  du  litto- 
ral africain  en  avaient  trois,  portant  des  noms  différents. 
De  même,  pour  prolonger  la  résistance  jusqu'à  la  dernière 
extrémité,  à  une  époque  où  les  vaincus  étaient  passés  au 


Tour  ronde. 


FORTIFICATION  -  846  — 

fil  de  l'épée  ou  réduits  en  esclavage,  les  anciens  construi- 
saient quelquefois  des  réduits  ou  citadelles  (V.  ce  mot), 
placés  sur  les  côtés  ou  à  l'intérieur  de  la  ville,  et  qui  leur 
servaient  de  refuge  après  la  prise  de  cette  dernière.  Il  y  a 
lieu  de  citer  également  la  muraille  de  la  Chine  (fig.  2), 
construite  tout  le  long  d'une  frontière  de  5,000  kil.  de  dé- 
veloppement ;    cette 
muraille,  qui  subsiste 
encore  en  grande  par- 
tie, a,  en  moyenne, 
8  m.  de  hauteur  sur 
5  m.  d'épaisseur,  avec 
des    tours    tous    les 
75    m .     L'empereur 
Adrien  construisit  un 
retranchement  de  100 
kil.  d'étendue  de  l'em- 
bouchure de  la  Tyne 
au  golfe  de  Solway. 
C'est  ce  vallum  Ha- 
clriani  (fig.  3),  qui 
est  également  connu 
sous  le  nom  de  mur 
des  Pietés,  du  nom 
des  indigènes  du  Nord , 
dont    les    incursions 
dans  la  Bretagne  ro- 
maine  devaient    être 
arrêtées  par  ce   re- 
tranchement. 

Après  la  chute  de 
l'empire    romain ,    à 

l'époque  des  migrations  des  peuples,  l'art  de  la  fortification 
tomba  dans  un  état  profond  de  décadence,  ainsi  que  toutes 
les  sciences  en  général.  C'est  à  peine  si  l'on  peut  mentionner 
les  châteaux  forts  (Y.  ce  mot)  que  Charlemagne  fit  cons- 
truire en  certains  points  stratégiques  pour  maintenir  divers 
peuples  conquis  dans  l'obéissance,  ou  les  donjons  (V.  ce  mot) 


que,  lors  de  la  féodalité,  les  seigneurs  organisèrent  pour 
pourvoir  à  leur  indépendance  et  à  leur  sûreté.  Ces  fortifica- 
tions étaient  établies  sur  des  escarpements  ou  au  milieu 
d'étangs  et  de  marais,  pour  les  rendre  inaccessibles  ;  on  les 
entourait  de  fossés  quand  on  était  obligé  de  les  construire 
en  plaine.  Les  points  faibles  (portes  et  saillants)  étaient 

protégés  et  renforcés 
tout  particulièrement. 
De  vastes  souterrains 
permettaient  le  plus 
souvent  de  communi- 
quer secrètement  avec 
la  campagne.  Le  châ- 
teau de  Coucy  est 
l'exemple  le  plus  com- 
plet de  ce  genre  de 
fortification,  qui  fut 
imité  alors  par  toutes 
les  nations  de  l'Eu- 
rope. Comme  il  était 
de  la  plus  haute  im- 
portance de  surveiller 
le  pied  des  murs,  on 
employa  dans  ce  but 
des  procédés  rapportés 
d'Orient,  tels  que  mâ- 
chicoulis,hourds,  mou- 
charabys  et  meur- 
trières. 

La  période  féodale, 
en  brisant  l'unité  du 
pays,  n'avait  guère 
permis  le  développement  des  grandes  cités.  Mais,  dès 
que  le  pouvoir  central  se  reconstitua,  on  reconstruisit  ou 
l'on  créa  un  certain  nombre  de  villes  fortes,  parmi  les- 
quelles il  faut  citer  Paris,  Rouen,  Carcassonne,  Gournay, 
auxquelles  on  donna  généralement  plusieurs  enceintes.  On 
y  ajouta  des  barbacanes  et  des  bastilles  pour  la  défense  des 


Muraille  de  la  Chine. 


RanpavL  & 

Le  rempart  relie  entre  eux        \ 

,  17  camps  retranches-  siài&s  en  arrière,  j 


j7iaçonhefif>. 

Fossé 
'A  20Û  pas       ^-ôSpsds-^  fc-A^11 


Fig.  3.  —  Vallum  Hadriani. 


portes,  et  des  lices  comme  chemin  de  ronde.  Ces  forteresses 
se  caractérisaient  par  les  points  suivants  :  i°  énorme  épais- 
seur des  murs,  avec  tours  flanquantes  nombreuses  et  à  fort 
relief  ;  2°  nombreux  locaux  voûtés  ou  casemates  ;  3°  plate- 
forme à  la  partie  supérieure  avec  parapet  à  créneaux,  em- 
brasures ou  mâchicoulis  pour  le  tir  horizontal  et  le  tir  ver- 
tical; 4°  ressauts,  coupures,  escaliers  formant  une  sorte 
de  dédale  inextricable  et  favorisant  la  guerre  de  chicanes. 
Deuxième  période  :  Depuis  l'invention  de  la  poudre 
jusqu'à  celle  des  canons  rayés.  Les  premières  bombardes 
(V.  ce  mot)  apparurent  vers  la  fin  du  xive  siècle,  mais  leur 
poids  et  la  difficulté  de  leur  maniement  les  rendaient  plus 
favorables  à  la  défense  qu'à  l'attaque,  de  sorte  qu'elles 
n'exercèrent  aucune  influence  sur  l'art  de  fortifier.  Ce  ne 
fut  que  vers  la  fin  du  xvie  siècle  que  l'on  reconnut  la  né- 
cessité de  modifier  la  fortification  des  places  fortes,  lorsque 
les  frères  Bureau  eurent  inventé  des  canons  permettant 
l'emploi  d'affûts  plus  légers  et  substitué  les  boulets  en  fonte 
aux  boulets  en  pierre.  Divers  moyens  furent  employés  alors 
pour  augmenter  la  résistance  des  maçonneries.  Leur  épais- 
seur fut  portée  à  5  et  6  m.  ;  on  les  consolida  par  des  cram- 
pons en  fer,  en  y  mélangeant  du  bois,  et,  pour  diminuer 
leur  volume,  on  eut  recours  à  des  voûtes  ou  contreforts  de 
toute  espèce.  Mais  ces  expédients  ne  furent  pas  suffisants 
et  l'on  dut  adosser  les  murs  contre  une  masse  d'appui  (les 
remparer)  qui  augmentait  leur  résistance  et  diminuait  les 


oscillations.  La  création  d'un  fossé  résulta  surtout  du  besoin 
des  terres  nécessaires  à  la  construction  du  rempart  ;  il  ser- 
vit en  même  temps  à  couvrir  les  maçonneries  contre  les 
projectiles.  On  eut,  dès  lors,  un  chemin  couvert  et  un  gla- 
cis battu  du  terre-plein  du  rempart.  Comme  il  n'était  pas 
possible  d'adapter  ces  dispositions  aux  forteresses  existantes, 
on  eut  recours  dans  ce  but  à  l'emploi  de  braies  et  de  fausses 
braies. 

L'artillerie  fut  d'abord  installée  sur  la  plate-forme  des 
tours,  pour  le  tir  à  découvert,  ou  à  l'intérieur,  pour  tirer 
sous  casemate  à  travers  des  créneaux  percés  dans  les  murs 
et  nommés  canonnières.  Mais  3a  fumée,  l'exiguité  de  l'em- 
placement, le  champ  de  tir  limité  résultant  du  tir  sous  case- 
mate lui  firent  préférer  les  embrasures  dites  à  la  française, 
pratiquées  dans  les  remparts.  En  outre,  comme  l'artillerie 
détruisait  facilement  les  tours  de  loin,  on  essaya  de  placer 
les  canons  sur  les  remparts  de  l'enceinte,  puis,  quand  on 
eut  reconnu  que  cette  installation  ne  pouvait,  faute  de  place, 
convenir  que  dans  des  cas  assez  rares,  on  préféra  les  placer 
en  dehors  de  cette  enceinte.  On  utilisa  dans  ce  but  les  an- 
ciennes barbacanes  qu'on  dérasa  en  partie  et  qu'on  remplit 
de  terre.  Ces  ouvrages  prirent  le  nom  de  boulevards  ou 
bastillons  (petites  bastilles),  d'où  est  venu  le  mot  bastion. 
Les  pièces  tiraient  à  embrasure  ou  à  barbette  (tir  à  barbe). 
On  voit  donc  que,  au  début,  les  bastions  sont  des  ouvrages 
terrassés,  situés  soit  à  côté,  soit  en  avant  des  portes,  soit 


enfin  sur  toutes  les  parties  de  l'enceinte,  et  qu'ils  sont  des- 
tinés à  éclairer  les  abords  de  la  fortification  et  à  surveiller 
les  points  éloignés.  Tout  en  donnant  au  rempart  une  résis- 
tance suffisante  contre  l'artillerie,  la  défense  prit  les  dispo- 
sitions nécessaires  pour  organiser  ce  rempart  de  manière  à 
obtenir  la  supériorité  de  ses  feux  sur  ceux  de  l'attaque. 
Elle  ajouta  donc  au  rempart  un  parapet  défensif  ou  masse 
couvrante,  d'abord  en  pierre,  puis  en  terre,  de  6  à  7  m. 
d'épaisseur,  dont  la  partie  supérieure,  dite  plongée,  permet 
de  tirer  au-dessus  de  l'horizon.  On  eut,  dès  le  xve  siècle, 
un  profil,  qui  subit  peu  de  modifications  jusqu'à  l'emploi 
des  canons  rayés.  Les  revêtements  des  escarpes  et  des 
contrescarpes  étaient  généralement  surmontés  d'une  pierre 
plate  en  saillie  et  destinée  à  rejeter  les  eaux  de  pluie  au 
pied  des  murs;  cette  pierre  s'appelait  cordon  ou  tablette. 
La  magistrale,  sur  laquelle  s'appuie  le  tracé  bastionné, 
est  l'intersection  du  plan  supérieur  du  cordon  ou  de  la  ta- 
blette avec  le  plan  du  parement  extérieur  du  mur  supposé 
prolongé. 

Pour  remplacer  les  créneaux  et  mâchicoulis  qui  ne  pou- 
vaient résister  à  l'artillerie,  on  songea  d'abord  à  employer 
des  chemins  de  ronde  (V.  ce  mot)  pour  battre  les  espaces 
en  angle  mort.  Mais  ce  moyen  fut  insuffisant  et  l'on  dut 
rechercher  un  tracé  permettant  de  battre  au  moyen  de 
crêtes  les  angles  morts  des  autres  crêtes.  On  créa  dans  ce 
but  les  moineaux,  qui  ne  tardèrent  pas  à  être  hors  d'état 
de  résister  quand  l'artillerie  fut  assez  mobile  pour  amener 
ses  pièces  jusque  sur  la  contrescarpe.  On  eut  recours  aussi 
à  des  galeries  de  contrescarpe,  mais  elles  étaient  difficiles 
à  aérer  et  l'ennemi  pouvait  s'en  servir  pour  pénétrer  dans 
la  place.  C'est  alors  que  la  question  du  flanquement  néces- 
sita une  transformation  radicale  dans  le  tracé  et  que  l'on 
chercha  à  utiliser  les  bastions  pour  le  flanquement  des  cour- 
tines. Les  Italiens,  considérés  à  cette  époque  comme  les 
maîtres  dans  l'art  de  l'ingénieur  militaire,  entrèrent  les 
premiers  dans  cette  voie,  et  la  méthode  de  fortification  qui 
en  résulta  a  pris  le  nom  d'école  italienne. 

Ecole  italienne.  Les  ingénieurs  ou  écrivains  militaires 
qui  en  font  partie  appartiennent  à  toutes  les  conditions, 
même  à  plusieurs  à  la  fois.  Les  principaux  sont,  par  ordre 
de  date  :  Giorgio  Martini,  Machiavel,  San  Michel  (Micheli), 
Michel-Ange,  Castriotto,  Girolamo  Maggi,  délia  Valle,  Pa- 
ciotto  d'Urbin,  Cattaneo,  Alghisi  do  Carpi,  Marchi,  Busca, 
Sardi,  Floriani,  Donato  R.ossetti.  Chacun  de  ces  ingénieurs 
ajouta  quelques  modifications  aux  travaux  de  ses  prédéces- 
seurs, mais  tous  étudièrent  la  fortification  telle  qu'elle  exis- 
tait de  la  manière  la  plus  complète,  sous  toutes  ses  formes 
et  dans  toutes  ses  combinaisons.  Leur  méthode  générale 
est  caractérisée  :  1°  par  de  petits  bastions  avec  de  longues 
courtines,  ainsi  que  des  flancs  hauts  repliés  en  arrière  et 
des  flancs  bas  casemates,  protégés  par  un  orillon  (V.  Bas- 
tion) ;  2°  par  la  grande  élévation  des  murs  d'escarpe  ; 
3°  par  l'emploi  de  nombreux  dehors,  sous  le  rapport  des- 
quels on  n'a  guère  innové  depuis  ;  4°  par  des  communica- 
tions incommodes.  En  principe,  ils  étaient  arrivés  au  tracé  à 
bastion  et  tenailles,  grâce  auquel  toutes  les  parties  d'un  front 
pouvaient  se  défendre  et  se  soutenir  réciproquement.  Mais, 
bien  que  remarquables  pour  l'époque,  ces  résultats  étaient 
d'autant  plus  insuffisants  que  les  procédés  d'attaque  furent 
imaginés  seulement  alors. 

Ecole  française.  Pendant  le  xvie  siècle,  la  France  em- 
ploya des  ingénieurs  italiens  pour  fortifier  un  certain  nombre 
de  places  :  Calais,  La  Rochelle,  etc.  Mais  lorsque  Sully  eut 
fondé  le  corps  des  ingénieurs  du  roi,  ceux-ci  ne  tardèrent 
pas  à  devenir  très  habiles  et  très  pratiques  ;  ils  eurent  leur 
système  particulier,  pour  lequel  ils  empruntèrent  aux  mé- 
thodes hollandaise  et  italienne  ce  qu'elles  avaient  de  meil- 
leur. Les  principaux  membres  de  l'école  française  sont  : 
Errard,  de  Bar-le-Duc  ;  le  chevalier  de  Ville,  qui  employa 
la  demi-lune  et  les  retranchements  intérieurs,  mais  recom- 
manda surtout  de  bien  adapter  la  fortification  au  terrain  ; 
Pagan,  qui  donna  un  réduit  à  la  demi-lune  et  fit  usage  de 
contregarde.  Vauban  perfectionna  les  méthodes  de  ses  pré- 


-  847  -  FORTIFICATION 

décesseurs  et,  mieux  qu'aucun  d'eux,  sut  plier  celle-ci  au 
terrain.  Aussi,  bien  qu'on  parle,  en  général,  de  trois  sys- 
tèmes ou  manières  de  Vauban,  cet  illustre  ingénieur  n'a 
pas  fortifié  deux  places  de  la  même  manière,  et  c'est  sim- 
plement pour  faciliter  l'enseignement  que  ses  successeurs 
ont  inventé  cette  classification.  Il  fit  également  progresser 
les  méthodes  d'attaque  des  places,  en  assurant  à  l'attaque 
une  supériorité  décisive  sur  la  défense.  C'est  pour  mettre 
la  fortification  en  mesure  d'y  résister  qu'il  modifia  cons- 
tamment sa  manière  de  fortifier.  On  lui  doit  la  tenaille,  la 
double  caponnière,  les  cavaliers,  les  places  d'armes  ren- 
trantes et  saillantes  du  chemin  couvert,  des  locaux  voûtés 
et  des  communications  mieux  comprises.  Il  employa  aussi 
comme  dehors  les  tenaillons,  les  ouvrages  à  cornes 
(V.  Corne),  les  ouvrages  à  couronne,  les  bonnets  de  prêtre 
et  les  queues  d'hironde.  En  résumé,  Vauban  a  rendu  les 
bastions  et  les  demi-lunes  suffisamment  spacieux,  disposé 
judicieusement  les  flancs  par  rapport  aux  lignes  de  défense, 
renforcé  la  demi-lune  et  le  chemin  couvert,  organisé  des 
dehors  et  su  plier  la  fortification  au  terrain.  Cormontaingne, 
qui  vint  ensuite,  présenta  un  système  dans  lequel  il  réalisa 
les  améliorations  suivantes  :  facilité  relative  des  communi- 
cations, fermeture  de  la  trouée  de  la  demi-lune,  indépen- 
dance des  fossés  du  réduit  de  demi-lune,  création  de  cava- 
liers intérieurs  rendus  isolés  au  moyen  de  coupures  et  de 
batardeaux. 

h' Ecole  de  Mézières,  fondée  en  1748,  fut  la  première 
où  l'on  enseigna  l'art  de  la  fortification  ;  on  y  étudia  la 
construction  d'une  place  forte  sur  un  terrain  varié,  mais 
idéal,  à  l'aide  d'un  front  d'étude  nommé  front  moderne, 
qui  améliorait  celui  de  Cormontaingne  et  tenait  à  la  fois  de 
ce  dernier  et  du  premier  système  de  Vauban.  Le  relief  était 
abaissé,  les  maçonneries  mieux  défilées,  la  demi-lune  et 
son  réduit,  ainsi  que  les  places  d'armes  rentrantes,  étaient 
agrandies.  L'enseignement  méthodique  de  cette  école  donna 
de  bons  résultats  et  produisit  des  ingénieurs  distingués, 
notamment  :  Michaud  d'Arçon,  partisan  des  ouvrages  déta- 
chés se  flanquant  par  eux-mêmes  ;  le  général  Chasseloup- 
Laubat,  auteur  de  deux  systèmes  de  fronts;  le  général 
Meusnier,  surtout  célèbre  par  ses  idées  sur  la  défense  exté- 
rieure active  des  places  ;  le  général  Marescot,  le  générai 
Rogniat,  qui  imagina  le  système  des  lignes  à  intervalles  et 
était  partisan  des  ouvrages  détachés;  Carnot,  qui  proposa, 
un  corps  de  place  plus  élevé,  de  nombreux  abris  en  ma- 
çonnerie, une  escarpe  détachée  et  crénelée,  des  glacis  en 
contrepente,  des  caves  à  mortier  ou  batteries  couvertes 
pour  le  tir  indirect;  le  général  Haxo,  inventeur  de  la  case- 
mate à  canons  qui  porte  ce  nom,  etc. 

A  l'Ecole  deMézières  succéda  V Ecole  de  Metz  (V.  Ecole 
d'application  de  l'artillerie  et  du  génie),  dont  les  ingé- 
nieurs les  plus  célèbres  sont  :  le  général  Noizet,  qui  ima- 
gina un  front  d'étude  purement  théorique,  pouvant  être  con- 
sidéré comme  le  type  le  plus  complet  de  discussion,  mais  qui 
n'a  jamais  été  exécuté;  le  commandant  Choumara,  connu 
par  ses  idées  originales,  dont  la  plus  pratique  est  celle  de 
l'indépendance  des  crêtes  et  des  magistrales  ;  il  se  prononça 
aussi  d'une  manière  formelle  contre  le  tracé  bastionné,  alors 
seul  admis  en  France.  Ce  sont  les  officiers  du  génie  de 
l'Ecole  de  Metz  qui  ont  construit  les  fortifications  exécu- 
tées de  4830  à  1870,  à  Paris,  Lyon,  Langres,  Toulon,  Sois- 
sons,  etc.  Ils  reconnurent  déjà  ïa  nécessité  d'employer  des 
forts  détachés  pour  accroître  la  résistance  de  la  place,  mais 
ces  forts  étaient  trop  rapprochés  de  cette  dernière  (2,500  m.) . 
Le  système  bastionné,  rendu  aussi  simple  que  possible,  fut 
débarrassé  de  toutes  les  complications  théoriques.  La  for- 
tification fut  bien  adaptée  au  terrain  et  l'on  donna  une 
action  prépondérante  à  l'artillerie  et  à  la  défense  éloignée. 

Ecole  hollandaise.  Les  Hollandais  surent  tirer  parti 
de  la  situation  basse  et  presque  aquatique  de  leur  pays, 
pour  constituer  l'obstacle  à  l'escalade  au  moyen  de  fossés 
pleins  d'eau,  au  lieu  de  murailles.  Ces  fossés,  très  larges, 
étaient  garnis  de  palissades  pour  le  cas  de  gelée.  La  grande 
largeur  du  fossé  à  flanquer  força  à  donner  des  flancs  assez 


FORTIFICATION 


-  848 


longs  au  tracé  bastionné.  Les  ingénieurs  les  plus  distin- 
gués de  cette  école  sont  :  Marolois,  Stevin,  Freytag,  Schei- 
ter  et  Coëhorn,  le  plus  illustre  de  tous.  Frappé  de  la 
faiblesse  des  fortifications  de  son  pays,  qui  n'avaient  opposé 
qu'une  courte  résistance  aux  armées  de  Louis  XIV,  le 
baron  Minno  de  Coëhorn  s'appliqua  à  y  remédier,  au  moyen 
de  principes  basés  sur  la  nature  particulière  du  sol,  et  l'on 
peut  dire  que  sa  méthode  pour  fortifier  un  terrain  maréca- 
geux pourra  toujours  être  consultée  avec  fruit  pour  ce 
genre  de  fortification,  en  tenant  compte  des  modifications 
imposées  par  les  progrès  accomplis  depuis  dans  cette 
branche. 

Ecole  allemande.  Malgré  la  prétention  des  Allemands 
d'avoir  eu  une  école  spéciale  et  un  système  de  fortification 
bien  à  eux  avant  tous  les  autres  peuples,  la  vérité  est  qu'ils 
eurent  quelques  ingénieurs  de  talent,  mais  sans  lien  entre 
eux  dans  les  idées  qu'ils  émirent  sur  la  fortification.  Ce 
sont  :  Albert  Diirer,  Franz,  qui  fortifia  l'enceinte  d'An- 
vers; Daniel  Speckle,  qui  dirigea  l'exécution  des  fortifica- 
tions de  Schelestadt,  Haguenau,  Ulm,  Colmar  et  Stras- 
bourg ;  Rimpler,  Suttinger  et  Griendel  d'Ach.  D'ailleurs  les 
projets  de  ces  ingénieurs  ne  furent  pas  appliqués  et,  dans 


les  constructions  faites  en  Allemagne,  on  admit  presque 
généralement  le  système  italien. 

Apparition  du  tracé  polygonal.  Depuis  Vauban,tous 
les  ingénieurs  avaient  employé  le  tracé  bastionné.  Mais  peu 
à  peu  les  inconvénients  de  ce  tracé  se  firent  jour  et  l'on  se 
rendit  compte  que  le  rôle  de  la  fortification  devait  être 
avant  tout  de  permettre  uniquementl'utifisation  des  moyens 
de  combat  et  leur  conservation  jusqu'au  moment  décisif,  de 
sorte  (ju'il  y  avait  lieu  de  rechercher  la  force  des  places 
moins  dans  une  combinaison  de  formes  péniblement  éla- 
borées que  dans  l'adaptation  bien  entendue  du  terrain  et 
dans  la  défense  elle-même.  C'est  alors  que  les  propositions 
de  Montalembert  et  de  Carnot  furent  sérieusement  discu- 
tées et  préparèrent  une  transformation  des  formes  adoptées 
jusqu'alors. 

Montalembert,  général  de  cavalerie,  avait  assisté  à  un 
grand  nombre  de  sièges,  où  il  avait  été  frappé  du  peu  de 
résistance  des  places  fortes  de  son  temps,  faiblesse  qu'il 
attribuait  au  tracé  bastionné  et  à  laquelle  il  chercha  à  re- 
médier par  des  propositions  soigneusement  étudiées  et  dé- 
duites. Nous  résumons  ci-après  "les  critiques  qu'il  adressait 
au  tracé  bastionné,  en  les  complétant  par  celles  qu'a  fait 


Fig.  4. 


Front  bastionné  simplifié,  a,  magasin  à  poudre;  b,  caserne  à  1  étage;  c,  caserne  à  2  étages;  d,   cavaliers 

ou  bonnettes  ;  e,  parados. 


naître  l'adoption  des  canons  rayés  :  4°  les  bastions  sont 
des  nids  à  projectiles  ;  les  faces  et  les  flancs  sont  enfilables, 
et  en  outre  ces  derniers  sont  pris  à  revers  ;  2°  la  tenaille 
et  la  courtine  sont  presque  inutiles  pour  la  défense,  et 
l'espace  compris  entre  les  flancs  et  la  courtine  est  perdu 
pour  la  capacité  de  la  place  ;  3°  la  demi-lune  a  des  faces 
très  enfilables;  elle  masque  les  feux  d'une  partie  du  corps 
de  place  et  ne  communique  que  très  difficilement  avec 
celui-ci;  4°  les  côtés  extérieurs  sont  trop  courts,  ce  qui 
conduit  à  des  petits  bastions,  dans  lesquels  il  est  difficile 
d'installer  des  retranchements  intérieurs  convenables;  5°  la 
fortification  avec  tous  ses  dehors  et  toutes  ses  brisures  est 
trop  profonde,  de  telle  sorte  que  les  coups  trop  longs  font 
encore  de  grands  ravages  en  arrière  des  points  battus  par 
l'artillerie  ;  6°  les  maçonneries  sont  toutes  aux  prises  aux 
coups  plongeants;  7°  l'enceinte  étant  unique,  la  surprise 
en  un  point  amène  la  chute  du  corps  de  place  ;  8°  l'ins- 
tallation d'une  artillerie  suffisante  sur  les  remparts  n'est 
pas  possible  faute  de  place;  9°  il  n'y  a  pas  d'abris.  —  Un 
certain  nombre  de  ces  défauts  ne  sont  pas  inhérents  au  tracé 
bastionné,  et  il  est  facile  d'y  remédier,  ainsi  que  d'atténuer 
les  autres.  On  a  donc  cherché  à  améliorer  et  à  simplifier 
le  front  bastionné,  au  point  de  ne  plus  comporter  que  le 
tracé  de  la  figure  4.  Mais,  malgré  tous  les  perfectionne- 
ments, ce  tracé  donne  encore  lieu  aux  critiques  suivantes  : 
1°  les  brisures  de  l'enceinte  exposent  les  faces  et  les  flancs 
à  l'enfilade;  en  y  remédiant  par  l'emploi  de  traverses,  on 
diminue  d'autant  la  place  disponible  pour  l'infanterie  et 
l'artillerie  ;  2°  malgré  les  précautions  prises,  on  ne  peut 
garantir  que  les  flancs  puissent  résister  jusqu'à  la  fin  du 
siège  ;  3°  le  croisement  des  lignes  de  défense  empêche  d'uti- 


liser complètement  la  bonne  portée  des  armes  qui  servent 
au  flanquement  ;  4°  le  tracé  bastionné  n'est  pas  applicable 
à  des  côtés  extérieurs  de  moins  de  250  m. 

Aussi,  malgré  sa  propriété  de  pouvoir  seul  satisfaire  au 
flanquement  d'une  enceinte  par  les  crêtes  mêmes  de  cette 


enceinte,  on  n'emploie  plus  le  tracé  bastionné  que  dans  des 
cas  particuliers,  notamment  à  la  gorge  des  forts,  pour  des 
sites  aquatiques  où  la  construction  des  maçonneries  est 
très  onéreuse,  etc.  Mais  en  général  on  lui  a  substitué  le 
tracé  polygonal,  dans  lequel  le  flanquement,  au  lieu  d'être 
obtenu  par  les  crêtes,  l'est  au  moyen  de  caponnières.  Le 
tracé  des  crêtes  étant  indépendant  du  flanquement  peut  être 
aussi  souple  que  possible  et  se  confondre  même  avec  celui 


—  849  — 


FORTIFICATION 


du  polygone  à  fortifier.  Les  idées  de  Montalembert  contri- 
buèrent puissamment  à  amener  ce  résultat.  Après  avoir 
remanié  trois  fois  ses  propositions,  en  tenant  compte 
des  critiques  fondées  auxquelles  les  premières  avaient  donné 
lieu,  il  présenta,  pour  l'enceinte  de  Cherbourg  (fig.  5), 
un  nouveau  système  qui  constituait  un  immense  progrès 
sur  Jes  autres  méthodes  et  qui  a  servi  de  base  au  tracé 
polygonal.  Montalembert  préconisa  aussi  les  forts  détachés, 


destinés  à  accroître  le  rayon  d'action  des  places  fortes  et  à 
les  mettre  à  l'abri  du  bombardement.  Les  propositions  de 
Carnot,  sur  le  profil  et  la  disposition  du  rempart,  complé- 
taient en  quelque  sorte  celles  de  Montalembert  sur  le  tracé. 
Les  principes  que  posèrent  ces  deux  ingénieurs  furent  mis 
en  application  à  partir  de  1815,  en  Autriche  et  en  Alle- 
magne :  lorsqu'il  s'agit  de  reconstituer  la  défense  des  nou- 
velles frontières ,  on  admettait  un  corps  de  place  aussi 


Fig.  6.  —  Front  néo-prussien,  a,  traverse  casematée  pour  canons;  b,  réduits-blockhaus  des  places  d'armes^rentrantes; 
d,  coffre  de  flanquement  ;  e,  contrescarpe  à  feux  de  revers. 


simple  que  possible,  à  tracé  polygonal,  sans  exclure  au 
besoin  les  autres  formes  de  tracé,  des  caponnières  à  plu- 
sieurs étages,  des  escarpes  détachées  avec  chemin  de  ronde, 
des  batteries  casematées  en  arrière  du  rempart  pour  le  tir 
indirect,  des  glacis  en  contrepente  et  peu  de  dehors,  uni- 
quement le  ravelin  et  le  chemin  découvert  avec  réduits. 
C'est  dans  cet  ordre  d'idées  que  furent  fortifiées  Coblentz, 
Cologne,  Germerstieim,  Ingolstadt,  etc.  Mais,  à  partir  de 
1840,  les  Allemands  admirent  un  nouveau  tracé,  dit  néo- 
prussien, qui  fut  appliqué  aux  enceintes  de  Kœnigsberg, 
Stettin,  Posen,  etc.,  et  qui  sert  de  type  pour  l'enseigne- 
ment à  l'Ecole  militaire  de  Berlin  (fig.  6).  Ce  type  ne 
présente  pas  d'avantages  bien  sérieux  sur  les  précédents  : 


Fig.  7.  —  Front  polygonal  autrichien. 


sa  caponnière  centrale,  construction  gigantesque  et  fort 
coûteuse,  n'en  est  pas  moins  insuffisamment  défilée  et 
exposée  à  être  détruite  facilement  de  loin.  On  commença  à 
faire  usage  de  forts  détachés,  d'abord  rapprochés  du  noyau 
et  uniquement  destinés  à  favoriser  l'offensive,  puis  placés 
à  distance  suffisante  pour  protéger  contre  le  bombardement. 
Les  ingénieurs  autrichiens,  dans  leur  construction  de  nou- 
velles places,  copièrent  moins  servilement  les  tracés  de 
Montalembert,  tout  en  acceptant  ses  principes  fondamen- 
taux. La  fig.  7  donne  le  type  du  front  polygonal  qu'ils 
employèrent.  Ils  appliquèrent  également,  dans  la  place  de 
Rastadt,  le  système  de  fortification  par  groupes.  Ils  éle- 
vèrent autour  de  la  ville  de  Linz  un  camp  retranché  d'un 
genre  particulier,  de  6,000  m.  de  diamètre  et  défendus 
par  32  tours,  dites  maximiliennes,  du  nom  de  l'archiduc 
Maximilien  qui  les  avait  inventées.  Enfin  ils  construisirent, 
de  1835  à  1856,  trois  séries  d'ouvrages  très  variés,  mais 
généralement  très  petits,  qui  formaient  autour  de  Vérone 
trois  zones  concentriques  se  masquant  réciproquement  et 
se  soutenant  assez  mal  entre  elles.  En  résumé,  on  peut 
conclure  de  ce  qui  précède  que  les  places  fortes  du  système 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


polygonal,  des  types  les  plus  divers,  construites  jusqu'en 
1860,  présentèrent  presque  autant  de  complications  et  de 
défectuosités  que  les  places  du  système  bastionné.  Il  est 
donc  logique  de  supposer  que  la  plupart  d'entre  elles  n'au- 
raient pas  résisté  avec  plus  de  succès  que  nos  forteresses 
aux  canons  rayés,  car  leur  seul  avantage  réel  consistait 
dans  un  meilleur  armement  d'artillerie  et  dans  un  plus 
grand  nombre  d'abris  casemates. 

Troisième  période  :  Depuis  V artillerie  rayée  (1859) 
jusqu'à  V artillerie  à  obus-torpille  (i885).  L'apparition 
de  l'artillerie  rayée,  en  1859,  fit  reconnaître  la  nécessité 
de  modifier  la  fortification,  mais  les  expériences  faites  à  ce 
sujet  ne  furent  pas  suffisantes  dès  le  début  pour  permettre 
de  se  rendre  compte  qu'il  s'agissait  alors  d'une  transfor- 
mation aussi  radicale  que  celle  à  laquelle  donna  lieu,  au 
moyen  âge,  l'emploi  des  canons.  Cependant  les  propriétés 
principales  de  la  nouvelle  artillerie  avaient  été  mises  en 
évidence;  l'accroissement  de  portée,  l'augmentation  de  la 
justesse  et  de  la  précision,  même  dans  le  tir  sous  les  grands 
angles,  avaient  fait  ressortir  la  faiblesse  des  fortifications 
existantes,  surtout  au  point  de  vue  de  la  lutte  rapprochée. 
Pour  remédier  à  cet  état  de  choses,  on  pensa  qu'il  était 
suffisant  de  protéger  les  forteresses  par  une  ceinture  de 
forts  détachés,  de  défiler  les  murs  d'escarpe  au  1/4,  de 
créer  de  nombreux  abris  voûtés  et  d'organiser  des  traverses 
pour  défiler  le  parapet. 

Les  Anglais  entrèrent  les  premiers  dans  cette  voie,  en 
faisant  de  Portsmouth  un  camp  retranché.  Le  général 
Brialmont  fortifia  Anvers  au  moyen  d'une  enceinte,  de 
forts  détachés  et  de  batteries  pour  la  défense  de  l'Escaut. 
Les  Allemands  complétèrent  dans  le  même  sens  la  défense 
de  Mayence  et  les  Autrichiens  organisèrent  celle  d'Olmutz. 
En  France,  on  construisit,  de  1860  à  1870,  des  forts  dé- 
tachés à  Metz,  à  Belfort  et  à  Langres.  Mais  tous  ces  forts 
étaient  trop  rapprochés  de  la  place  et  n'étaient  pas  orga- 
nisés de  manière  à  résister  aux  effets  des  nouveaux  pro- 
jectiles. 

Aussi,  lorsque  les  expériences  résultant  de  la  guerre  de 
1870-71  eurent  bien  fait  ressortir  les  propriétés  de  l'artil- 
lerie nouvelle  et  de  l'emploi  des  voies  ferrées  pour  le  siège 
des  places,  les  diverses  puissances  ne  purent  méconnaître 
l'obligation  de  remanier  complètement  leurs  forteresses.  En 
conséquence,  on  se  mit  résolument  à  l'œuvre  dans  toute 
l'Europe,  mais  notamment  en  France,  pour  constituer  un 
système  défensif  à  la  hauteur  des  exigences  de  l'époque.  Sans 
entrer  ici  dans  des  considérations  sur  le  choix  à  faire  entre 

54 


FORTIFICATION 


—  850  — 


les  tracés  bastiongé  ou  polygonal,  la  nouvelle  puissance  de 
l'artillerie  a  imposé  les  conditions  suivantes  :  4°  pour  sou- 
tenir le  plus  longtemps  possible  la  lutte  à  grande  distance, 
la  défense  doit  comprendre  une  artillerie  nombreuse  et 
bien  abritée,  au  moyen  de  casemates  cuirassées  ou  en  ma- 
çonnerie et  de  coupoles;  2°  les  parapets,  d'épaisseur  ren- 
forcée, doivent  être  protégés  contre  le  tir  d'écharpe  et 
d'enfilade  par  des  traverses,  et  contre  le  tir  à  dos  ou  de 
revers  par  des  parados  ;  3°  les  maçonneries  doivent  être 
défilées  au  4/4  et  le  profil  modifié  en  conséquence,  parce 
que  les  maçonneries  découvertes  sont  facilement  destruc- 
tibles et  qu'il  n'est  pas  possible  de  les  réparer  pendant  un 
siège  ;  4°  il  y  a  lieu  d'organiser  et  de  renforcer  des  locaux 
souterrains  en  aussi  grand  nombre  que  possible  ;  5°  les 
forts  doivent  être  plus  éloignés  du  noyau  et  entre  eux  ; 
6°  il  convient  de  prendre  les  mesures  nécessaires  pour 
conserver  les  organes  du  flanqùement  jusqu'à  la  fin  du 
siège. 

C'est  dans  cet  ordre  d'idées,  et  sous  l'impulsion  du 
général  Séré  de  Rivière,  qu'à  été  remaniée  l'organisation 
défensive  de  la  France,  notamment  Paris,  Lille,  Dunkerque, 
Toul,  Verdun,  Epinal,  Belfort,  Besançon,  Reims,  Langres, 
Dijon,  Grenoble,  Briançon,  Nice,  etc. 

Quatrième  période.  Depuis  l'invention  des  obus- 
torpilles.  Mais,  pendant  la  période  de  construction  de 
notre  système  défensif,  de  1874  à  4885,  l'artillerie  ne 
s'était  pas  arrêtée  dans  la  voie  du  progrès.  Grâce  à  l'em- 
ploi et  au  perfectionnement  du  tir  plongeant,  et  à  la  créa- 
tion des  mortiers  rayés  et  des  canons  courts  de  siège,  elle 
avait  réalisé  les  avantages  suivants  :  4°  facilité  d'amener 
des  pièces  relativement  légères  et  donnant  un  tir  courbe 
très  précis  jusqu'à  2,500  m.;  2°  augmentation  de  justesse 
des  petits  calibres  ;  3°  allongement  des  obus  au  delà  de 
trois  calibres  qui,  en  permettant  d'accroître  la  charge,  aug- 
mente la  puissance  de  pénétration  et  la  puissance  destruc- 
tive des  projectiles  ;  4°  emploi  général  des  obus  à  tir  fusant 
ou  schrapnels  et  perfectionnement  de  ce  genre  de  tir,  ren- 
dant illusoire  la  protection  des  parapets  ;  5°  perfectionne- 
ment des  procédés  de  pointage  indirect,  plus  commode  que 
le  tir  direct  contre  les  buts  fixes  et  rendant  désormais 
inutile  l'emploi  de  parapets  élevés. 

En  conséquence,  pour  démonter  les  pièces,  fouiller  les 
terre-pleins  et  les  banquettes,  il  n'était  plus  nécessaire  de 
démolir  préalablement  les  parapets,  ni  d'amener  un  maté- 
riel aussi  lourd  et  aussi  encombrant  qu'autrefois.  La  pré- 
cision du  tir  était  d'ailleurs  telle  qu'il  n'était  plus  possible 
de.  songer  à  maintenir  concentrée  dans  un  espace  aussi 
restreint  que  les  forts  un  aussi  grand  nombre  de  pièces  sur 
les  remparts.  Les  propriétés  précitées  de  l'artillerie  avaient 
donc  \  pour  résultat  de  faire  ressortir  les  défectuosités 
générales  suivantes  pour  les  fortifications  construites  de 
4874  à  4885  :  4°  but  trop  visible  ofîert  par  les  ouvrages  ; 
2°  défaut  de  résistance  au  tir  plongeant  ;  3°  espace  trop 
restreint  et  trop  dangereux  pour  le  personnel  et  le  maté- 
riel ;  4°  intervalle  trop  grand  des  forts  entre  eux.  Néan- 
moins, il  aurait  été  possible  de  remédier  en  grande  partie 
à  ces  inconvénients  et  d'améliorer  suffisamment  nos  forti- 
fications pour  assurer  une  protection  convenable  au  per- 
sonnel et  au  matériel,  en  même  temps  qu'une  entière 
sécurité  pour  les  troupes  au  repos,  si  l'apparition  des 
obus-torpilles  n'était  venue  remettre  tout  en  question. 

L'obus- torpille  est  un  projectile  très  allongé  (jusqu'à  six 
fois  le  calibre),  à  charge  intérieure  brisante,  caractérisé 
par  le  remplacement  de  la  poudre  à  canon,  comme  charge 
d'éclatement,  par  un  explosif  brisant  analogue  à  la  dyna- 
mite. Cet  explosif  est  le  fulmi-coton  comprimé  ou  pyroxyline 
en  Allemagne,  la  mélinite  en  France,  etc.  Ces  projectiles 
produisent  des  effets  destructeurs  d'une  puissance  inconnue 
jusqu'alors  par  l'artillerie  et  absolument  analogues  à  ceux  de 
véritables  fourneaux  de  mine  chargés  de  dynamite.  Ainsi, 
on  a  constaté  en  Allemagne  qu'un  seul  obus  de  45centim., 
chargé  de  fulmi-coton,  peut  renverser  un  pan  d'escarpe 
de  6  à  8  m.  de  large,  et  qu'un  projectile  du  mortier  rayé 


de  24  centim.  est  suffisant  pour  détruire  les  voûtes  des 
abris  casemates,  dès  magasins  à  poudre,  etc.  Des  expé- 
riences furent  faites  à  Bourges,  à  La  Malmaison,  pour  être 
fixé  sur  les  effets  des  divers  genres  d'obus-torpilies  et  sur 
le  degré  de  résistance  de  certaines  espèces  de  matériaux 
spéciaux  à  adopter  pour  le  renforcement  des  différents  élé- 
ments de  la  fortification.  Les  études  faites  dans  ce  but 
portèrent  sur  trois  ordres  d'idées  :  4°  augmenter  l'épais- 
seur des  massifs  ;  mais  le  surépaississement  des  maçonneries 
et  des  terres  ne  donna  pas  de  bons  résultats  et  l'on  fut 
obligé  d'y  renoncer  ;  2°  changer  la  nature  des  matériaux 
de  construction,  de  manière  à  obtenir  la  résistance  néces- 
saire avec  des  épaisseurs  et  des  espaces  restreints  ;  on 
constata  qu'une  maçonnerie  de  béton  de  ciment  de  2m50 
d'épaisseur,  recouverte  d'un  matelas  de  sable  de  4  m., 
résistait  fort  bien,  ce  matelas  localisant  les  effets  des  pro- 
jectiles, amortissant  les  vibrations  et  diminuant  la  péné- 
tration des  projectiles  ;  3°  modifier  le  mode  d'organisation 
des  ouvrages  pris  séparément  et  dans  leur  ensemble.  C'est 
ainsi  que  l'on  fut  amené  à  condamner  l'artillerie  fixe  à 
ciel  ouvert  et  à  la  remplacer  par  des  coupoles  et  des  case- 
mates cuirassées. 

Ces  données  eurent  pour  résultat  de  faire  envisager  la 
situation,  d'ailleurs  fort  grave,  avec  plus  de  sang-froid,  en 
laissant  entrevoir  les  moyens  de  résister  aux  engins  destruc- 
teurs de  l'artillerie,  et  de  soutenir  la  lutte  entre  la  cuirasse 
et  le  projectile;  on  sait  que  la  marine  n'y  a  jamais  renoncé, 
et  les  ingénieurs  militaires,  qui  disposent  non  seulement 
de  blindages  et  de  cuirasses,  mais  encore  de  bétonnages  en 
ciment,  sont  encore  beaucoup  mieux  outillés  pour  la  con- 
tinuer avec  chances  de  succès.  D'ailleurs,  les  projets  ou 
procédés  de  construction  ne  manquèrent  pas,  se  basant  sur 
la  combinaison  plus  ou  moins  pratique  des  éléments  précé- 
dents. Nous  nous  bornerons  à  citer  ici  les  propositions 
émises  :  4°  par  le  général  bavarois  von  Sauer,  qui  veut 
remplacer  l'ancienne  ligne  des  forts  par  une  ligne  simple 
ou  double  de  coupoles  assez  rapprochées;  2°  le  lieute- 
nant-colonel allemand  Schumann  qui,  dans  la  ligne  de 
von  Sauer,  remplace  les  coupoles  isolées  par  des  batte- 
ries normales ,  constituées  par  un  groupement  d'affûts 
cuirassés  dont  la  mobilité  permet  l'installation  rapide; 
3°  le  commandant  Mougin,  du  génie  français,  qui  propose 
un  système  de  défense  basé  sur  la  grande  mobilité  de  l'artil- 
lerie et  propose  de  nombreux  projets  de  batteries  mobiles 
cuirassées  ;  4°  le  lieutenant-colonel  Voorduin,  du  génie  hol- 
landais, qui  propose  une  ligne  de  forts  très  plats,  espacés 
de  2,000  m.  environ,  comprenant  au  centre  une  coupole 
et  en  arrière  une  batterie  pour  six  pièces,  tirant  dans  l'in- 
tervalle et  en  avant  des  forts  collatéraux  :  5°  le  colonel  du 
génie  français  Laurent,  qui  partage  les  idées  du  colonel  Voor- 
duin et  flanque  ses  lignes  par  les  feux  de  revers  de  forts 
qui  ne  sont  que  des  sortes  de  caponnières  ;  6°  le  général 
Brialmont,  du  génie  belge,  qui  représente  la  tradition  et 
ne  demande  que  des  modifications  de  détail  en  faisant  con- 
tribuer des  forts  très  solides  à  la  défense  éloignée  ;  c'est 
dans  cet  ordre  d'idées  qu'ont  été  construites  les  fortifica- 
tions de  Namur,  connues  sous  le  nom  de  forts  de  la  Meuse, 
et  celles  de  Bucarest  ;  7°  le  lieutenant-colonel  Graini- 
cianu,  du  génie  roumain,  qui  est  partisan  d'une  organisa- 
tion empruntant  à  la  fois  les  idées  des  colonels  Laurent  et 
Voorduin  sur  les  ouvrages  flanquants,  celle  du  commandant 
Mougin  sur  le  principe  de  mobilité  et  celle  du  général 
Brialmont  sur  le  concours  de  l'artillerie  fixe  des  forts. 

Nous  indiquerons,  en  parlant  de  Y  organisation  défen- 
sive des  forteresses  et  de  celle  des  Etats,  la  manière 
dont  le  problème  a  été  résolu  en  France,  en  mentionnant 
simplement  ici  les  idées  générales  qui  ont  été  admises 
comme  modifications  de  détail  :  l'escarpe,  pouvant  être 
actuellement  renversée  sur  une  longueur  de  45  à  20  m. 
par  un  seul  projectile  à  mélinite  tombant  à  quelque  distance 
de  son  parement  intérieur,  doit  être  supprimée  complète- 
ment et  remplacée  par  des  grilles  en  fer  ou  des  réseaux 
de  fils  de  fer  (V.  Défenses  accessoires)  offrant  peu  de 


-  851  - 


FORTIFICATION 


prises  à  l'artillerie.  Par  contre,  la  contrescarpe  gagne  en 
importance  et  doit  être  mieux  défilée  et  organisée,  de  ma- 
nière à  défier  les  coups  des  nouveaux  projectiles.  Il  n'y  a 
plus  de  raison,  par  suite,  pour  ne  pas  élargir  le  fossé.  Le 
flanquement  des  fossés  ne  pouvant  plus  se  faire  par  des 
caponnières  qui  ne  sont  plus  en  état  de  résister,  est  effectué 
au  moyen  de  galeries  de  revers  ou  de  coffres  de  contres- 
carpe. On  a  également  dans  le  même  but  proposé  de  petites 
tourelles  à  éclipse  (V.  Coupole),  émergeant  d'un  massif  de 
béton  à  formes  fuyantes  et  placé  au  fond  du  fossé,  mais  ce 
procédé  a  été  reconnu  peu  pratique.  Enfin  la  difficulté  du 
flanquement  des  fossés  peut,  dans  certains  cas,  faire  subs- 
tituer avec  avantage  à  leur  forme  trapézoïdale  un  profil 
triangulaire  (V.  Profil)  permettant  de  battre  toute  leur 
surface  par  les  feux  de  la  crête.  C'est  la  disposition  adoptée 
pour  les  ouvrages  d'infanterie  élevés  dans  les  intervalles 
des  forts.  Tous  les  locaux  ont  dû  être  reconstruits  dans 
des  conditions  nouvelles  (abris  bétonnés,  cuirassés  ou 
cavernes  dans  les  terrains  rocheux),  fort  coûteuses,  qui  ont 
conduit  à  en  restreindre  le  nombre  et  l'espace  au  strict 
indispensable.  Pour  l'observation  du  tir,  on  fera  usage 
d'observatoires  cuirassés,  de  ballons,  de  communications 
électriques  ou  téléphoniques.  Les  dehors  ou  ouvrages  exté- 
rieurs seront  sensiblement  réduits  et  simplifiés. 

La  fortification  d'une  position  comprendra  :  1°  une  pre- 
mière ligne  de  défense,  composée  d'un  certain  nombre  de 
forts  et  de  points  d'appui,  avec  des  batteries  disséminées 
dans  les  intervalles  et  une  série  de  positions  permettant 
l'installation  de  l'infanterie.  Un  système  de  bonnes  com- 
munications, par  voies  ferrées  de  préférence,  relie  ces 
divers  ouvrages,  en  vue  de  faciliter  l'armement  et  de  per- 
mettre la  concentration  facile  de  tout  le  matériel  disponible 
sur  le  point  d'attaque .  Les  forts  de  nouvelle  création  sont 
construits  comme  nous  l'avons  indiqué  au  mot  Fort  ;  2°  une 
deuxième  ligne  de  défense  ou  ligne  de  soutien,  construite 
uniquement  dans  le  secteur  des  attaques  et  pendant  la  lutte 
sur  la  première  ligne  ;  elle  comportera  une  série  de  bat- 
teries et  de  positions  d'infanterie  ayant  pour  but  d'arrêter 
les  progrès  de  l'ennemi,  de  favoriser  les  retours  offensifs 
et  de  constituer  une  position  toute  prête  pour  continuer  la 
résistance  dans  de  bonnes  conditions  ;  3°  un  noyau  central 
(V.  Enceinte),  car  l'utilité  d'une  enceinte  entourant  la  ville 
ou  place  centrale,  longtemps  contestée,  est  presque  géné- 
ralement admise  aujourd'hui.  —  Les  forteresses  existantes 
ne  peuvent  naturellement  pas  être  utilisées  sans  modifica- 
tions, mais  elles  peuvent  rendre  de  bons  services  au  moyen 
de  transformations  intelligentes,  qui  seront  indiquées  lors- 
qu'il sera  traité  de  l'organisation  défensive  des  forte- 
resses. 

Conclusion.—  Nous  avons  résumé,  en  parlant  des  forte- 
resses, quelques-uns  des  reproches  que  l'on  fait  à  la  for- 
tification permanente  et  nous  en  avons  fait  ressortir  l'ina- 
nité. Nous  devons  les  compléter  parles  critiques  suivantes  : 
1°  la  fortification  passagère,  même  improvisée,  suffirait  pour 
organiser  des  couverts  aux  points  voulus  et  presque  sans 
dépense  ;  mais  il  faut  des  places  fortes  pour  couvrir  la  mo- 
bilisation de  la  frontière,  ainsi  que  pour  entraver  la  cir- 
culation sur  les  voies  principales  qui  y  aboutissent  ;  car 
la  rapidité  des  mouvements  actuels  permettrait  à  l'ennemi 
d'interdire  dans  cette  région  la  création  de  fortifications 
quelconques  ;  2°  le  rôle  des  places  fortes  est  négligeable, 
parce  que  ce  point  fort  est  trop  restreint  en  surface  devant 
l'espace  considérable  occupé  par  le  déploiement  des  effec- 
tifs en  jeu  dont  l'infanterie  est  armée  de  fusils  à  répétition 
et  à  longue  portée;  à  cela,  on  peut  répondre  que  les  empla- 
cements des  forteresses  sont  subordonnés  à  la  marche  pro- 
bable des  armées,  et  que  forcément  quelques-unes  des 
places  entraveront  la  marche  de  l'assaillant  ou  serviront  de 
point  d'appui  au  défenseur  ;  les  autres  serviront  de  maga- 
sins à  l'abri  d'un  coup  de  main,  et  l'ennemi  sera  obligé  de 
les  observer  en  laissant  devant  elles  un  effectif  de  beaucoup 
supérieur  à  celui  qu'elles  renferment  ;  3°  l'attaque  brus- 
quée, ou  de  vive  force  de7nos  forts  de  première  ligne  suffit 


pour  en  emporter  un  ou  deux  et  ouvrir  une  trouée  qui  ren- 
dra inutile  tout  l'ensemble.  Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de 
vue  que,  dans  l'un  ou  l'autre  cas,  on  estime  au  moins  à 
quinze  jours  le  temps  nécessaire  pour  venir  à  bout  de  la 
résistance  des  forts,  et  que  ce  serait  déjà  un  fort  beau  résul- 
tat de  pouvoir,  avec  un  faible  effectif,  arrêter  pendant  ce 
temps  quatre  ou  cinq  corps  d'armée,  qui,  sans  cela, 
seraient  en  mesure  de  prendre  l'offensive  et  d'attaquer  les 
nôtres. 

Nous  croyons  qu'en  examinant  le  chemin  parcouru,  on 
peut  constater  que  la  fortification  permanente  a  été  en  per- 
pétuel état  de  transformation  pour  arriver  à  se  mettre  en 
mesure  de  résister  aux  moyens  d'attaque  et  aux  progrès 
de  l'artillerie.  Le  problème  est  devenu  déplus  en  plus  ardu, 
mais  toujours  il  a  pu  recevoir  une  solution  satisfaisante  et 
on  a  pu  voir  que,  malgré  la  crise  de  l'heure  présente,  la 
fortification  est  encore  en  mesure  de  remplir  le  rôle  qui  lui 
incombe  et  qui  n'est  pas  moins  important  que  par  le  passé. 
—  Ce  rôle  et  l'utilité  de  la  fortification  ne  peuvent  mieux 
être  démontrés  que  par  quelques  exemples,  que  nous  em- 
prunterons tous  aux  temps  modernes.  —  Sous  Louis  XIV, 
le  prince  de  Savoie  perd  une  campagne  à  prendre  Lille,  et 
le  siège  de  Landrecies  offre  à  Villars  l'occasion  de  changer 
la  fortune,  de  sorte  que  le  système  des  places  fortes*  de 
Vauban  a  peut-être  sauvé  l'Etat.  —  En  4793,  ce  sont  les 
places  de  Flandre  qui  sauvent  de  nouveau  la  capitale,  lors 
de  la  trahison  de  Dumouriez.  —  En  4814,  nos  lignes  de 
forteresses  forcent  les  alliés  à  s'engager  dans  les  défilés  du 
Jura,  et  à  laisser  pour  bloquer  nos  places  un  nombre  de 
troupes  bien  supérieur  aux  effectifs  de  leurs  garnisons.  — 
La  guerre  de  Crimée  se  réduit  au  long  siège  de  Sébasto- 
pol.  —  La  campagne  d'Italie,  en  1859,  se  termine  par  un 
arrêt  de  notre  armée  victorieuse  devant  le  quadrilatère  ita- 
lien (Mantoue,  Vérone,  Legnago,  Peschiera)  qui  amène  le 
vainqueur  à  conclure  la  paix.  —  En  1866,  l'appui  de  ce 
même  quadrilatère  permet  à  l'archiduc  Albert  de  sauver 
l'honneur  des  troupes  autrichiennes  àCustozza. —  En  1870, 
les  sièges  de  Strasbourg,  de  Metz,  de  Paris,  de  Belfort 
immobilisent  pendant  un  temps  très  long  des  forces  consi- 
dérables et  auraient  pu,  s'ils  avaient  toujours  été  bien  con- 
duits, changer  la  face  delà  guerre.  Dans  la  dernière  guerre 
d'Orient  (1877-78),  l'opération  la  plus  célèbre  est  le  siège 
de  Plewna.  On  ne  pourra  jamais  empêcher  les  discussions 
et  les  critiques,  et  il  est  certain  que  la  fortification  n'a 
jamais  traversé  une  période  aussi  difficile  que  celle  qui  a 
suivi  l'invention  des  obus-torpilles,  dont  l'emploi  a  porté 
un  coup  terrible  à  la  défense  des  places,  et  l'a  mise,  pour 
un  instant,  dans  un  état  d'infériorité  manifeste  par  rapport 
à  l'attaque.  Mais  il  est  hors  de  doute  que  les  moyens  de 
remédier  à  la  crise  ne  manquent  pas  ;  il  s'agit  d'en  faire 
un  choix  judicieux  et  une  application  bien  entendue.  D'ail- 
leurs, la  réaction  qui  s'est  produite  a  peut-être  eu  son  bon 
côté  en  prouvant  :  1°  qu'une  nation  doit  avant  tout  compter 
sur  la  valeur  et  le  nombre  de  ses  soldats,  en  n'accordant 
à  la  fortification  qu'un  rôle  secondaire,  quoique  fort  impor- 
tant ;  2°  qu'il  faut  avoir  le  moins  de  forteresses  possible, 
mais  donner  à  chacune  d'elles  son  maximum  de  forces  dé- 
fensives. 

Fortification  semi-permanente.  —  Cette  fortification, 
dite  aussi  provisoire,  est  une  sorte  de  fortification  mixte, 
qui  tient  à  la  fois  de  la  passagère  et  de  la  permanente. Elle 
est  destinée  à  défendre  certaines  positions  que  l'on  a  inté- 
rêt à  conserver  pendant  toute  la  durée  d'une  campagne, 
mais  que  diverses  raisons  ont  empêché  de  fortifier  d'une 
manière  permanente  :  tel  serait  le  cas  d'un  centre  d'appro- 
visionnements, d'un  point  de  passage  important  sur  la  ligne 
de  ravitaillement  ou  de  retraite.  On  en  fait  également  usage 
pour  remplacer  la  fortification  permanente  en  certains  points 
d'une  place  forte,  pour  les  ouvrages  intermédiaires  entre 
les  forts  détachés,  lorsque  ces  ouvrages  n'ont  pu  être  cons- 
truits dès  le  temps  de  paix,  pour  la  constitution  des  ou- 
vrages de  la  deuxième  ligne  de  défense,  etc.  Cette  fortifica- 
tion est  donc  caractérisée  :  1°  en  ce  que  son  utilité  n'a 


FORTIFICATION  —  FORTIN 


—  85u2  - 


qu'une  durée  limitée  au  temps  pendant  lequel  la  position 
défensive  intéresse  le  salut  de  l'armée  qui  l'occupe  ;  2°  en 
ce  qu'elle  est  destinée  à  résister  avec  des  forces  minima  à 
des  forces  considérables  et  munies  d'une  artillerie  puis- 
sante. Les  ouvrages  de  fortification  provisoire,  étant  des- 
tinés à  tenir  lieu  d'ouvrages  permanents  et  à  nécessiter  un 
siège  en  règle,  doivent  être  aussi  forts  que  le  permettent 
le  temps  et  les  ressources  disponibles  au  moment  de  leur 
exécution.  Dans  tous  les  cas,  les  études  et  projets  s'y  rap- 
portant sont  préparés  dès  le  temps  de  paix ,  et  tous  les 
moyens  d'exécution  sont  prévus  de  telle  sorte  qu'on  en 
puisse  commencer  la  construction  rapide  au  moment  voulu, 
généralement  au  début  des  hostilités.  Comme  matériaux,  il 
ne  faut  compter  que  sur  la  terre,  le  bois  et  les  rails,  avec 
une  faible  proportion  de  maçonnerie.  Alors  que  les  ouvrages 
permanents,  solidement  construits,  pourront  à  peine  résis- 
ter aux  obus-torpilles,  on  comprend  que  des  fortifications 
du  genre  précédent,  élevées  en  quelques  semaines,  avec  des 
ressources  restreintes,  ne  pourront  remplir  qu'imparfaite- 
ment et  pour  un  temps  restreint  les  conditions  exigées. 
Pourtant,  dans  certaines  circonstances,  ce  secours  n'est 
pas  à  dédaigner,  et  à  Sébastopol,  à  Paris,  à  Langres,  à 
Belfort,  à  Plevna,  il  a  été  des  plus  précieux. 

Dépôt  des  fortifications  (Y.  Dépôt). 

Bibl.  :  Fortification  en  général.  —  Cours  de  VEcole 
d'application  de  V artillerie  et  du  génie. —  Cours  de  VEcole 
supérieure  de  guerre  {non  dans  le  commerce).— Bulletin  de 
la  Réunion  des  officiers.— Mémorial  de  Vofficier  du  génie. 

—  Revue  du  Cercle  militaire.— Revue  du  Génie  militaire. — 
Revue  militaire  de  Vétranger. —  Plessix  et  Legrand,  Ma- 
nuel complet  de  fortification;  Paris,  1890.—  Aide- Mémoire 
de  Laisné  à  l'usage  des  officiers  du  génie,  1883  à  1886, 
5°  éd.  —  Encyclopédie  des  sciences  civiles  et  militaires; 
Paris,  1880-92. 

Fortification  passagère.  —  De  Clairac,  l'Ingénieur 
de  campagne;  Paris,  1757.  —  De  Foissac,  Traité  de  la 
guerre  des  retranchements  ;  Strasbourg,  1789.  —  Général 
Rognât,  Considérations  sur  l'art  de  la  guerre;  Paris,  1817. 

—  Colonel  Dufour,  Mémoire  pour  les  travaux  de  guerre  ; 
Paris  et  Genève,  1831.  —  Général  Brialmont,  la  Fortifi- 
cation improvisée  ;  Bruxelles,  1872  ;  la  Fortification  de 
champ  de  bataille  ;  Bruxelles,  1878  ;  Manuel  de  fortification 
de  campagne  ;  Bruxelles,  1879.  —  Commandant  Bailly, 
Cours  élémentaire  de  fortification  passagère  ;  Paris,  1875. 

—  Capitaine  Girard,  la  Fortification  de  campagne  appli- 
quée ;  Bruxelles,  1876.  —  Capitaine  Bornecque,  Emploi 
de  la  pelle  d'infanterie  ;  Paris,  1877  ;  Emploi  des  retran- 
chements de  campagne  sur  le  champ  de  bataille  et  leur 
influence  sur  la  tactique;  Paris,  1881  ;  Rôle  de  la  fortifi- 
cation dans  la  dernière  guerre  d'Orient  ;  Paris,  1881.  — 
Ministère  de  la  guerre,  Fortification  de  campagne  ;  Paris, 
1880.  —  Général  Delambre,  la  Fortification  dans  ses  rap- 
ports avec  la  tactique  et  la  stratégie;  Paris,  1887.  —Capi- 
taine d'infanterie,  Manuel  pour  l'exécution  des  travaux  de 
fortification  de  campagne;  Paris,  1889.  —  Brunner, Guide 
pour  l'enseignement  de  la  fortification  de  campagne  ;  Pa- 
ris, 1890.  —  Générai  Pierron,  Stratégie  et  grande  tactique 
d'après  l'expérience  des  dernières  guerres  ;  Paris,  1890-92. 

—  Capitaine  V.  Déguise,  la  Fortification  passagère  en  liai- 
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Fortification  permanente.  —  Phîlon  de  Bisance 
(trad.  de  Rochas  d'Aiglun),  Traité  de  fortification.  — 
Albert  Durer,  Instruction  sur  la  manière  de  fortifier  les 
villes,  les  châteaux  et  les  bourgs,  1527.  —  Tartaglia, 
Questions  et  inventions  diverses,  1551.  —  Daniel  Speckle, 
Architecture  des  forteresses,  1589.  —  Marchi,  De  l'Archi- 
tecture militaire,  1599.  —  Errard,  la  Fortification  démon- 
trée et  réduite  en  art  (fin  du  xvi°  siècle).  —  Marolois,  la 
Fortification,  1615.  —  Simon  Stevin,  Nouveau  Manuel  de 
fortification  par  les  écluses,  1618.  —  Freitag,  Architec- 
ture militaire,  1635.  —  Pagan,  Traité  des  fortifications, 
1645.  —  De  Ville,  la  Fortification  du  chevalier  de  Ville, 
1645.  —  Manesson  Mallet,  Travaux  de  Mars.  1672.  — 
Rimpler,  Fortification  des  bastions  moyens.  —  Coëhorn, 
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chitecture militaire  en  France  et  en  Allemagne,  1718.  — 
Vauban,  Mémoire  sur  les  fonctions  des  différents  officiers 
employés  dans  les  fortifications.  —  Bélidor,  Sommaire 
d'un  cours  d'architecture  militaire,  civile  et  hydraulique  ; 
Paris,  1720  j  la  Science  des  ingénieurs  dans  la  conduite  des 
travaux  de  fortification  et  d'architecture  civile  ;  Paris, 
1729-1813;  Dictionnaire  portatif  de  l'ingénieur  et  de  l'artil- 
leur ;  Paris,  1755-68;  Ecole  de  la  fortification  permanente  ; 
Dresde,  1769.  —  Le  Blond,  Eléments  de  fortification  ; 
Paris,  1784.  —  Landsbergen,  Nouveaux  Plans  et  projets 
pour  fortifier  les  villes  ;  La  Haye,  1758.  —  Cugnot,  Théo- 
rie de  la  fortification  ;  Paris,  1778.  —  Montalembert,  la 
Fortification  perpendiculaire;  Réponse  aumémoire  sur  la 


fortification  perpendiculaire;  Paris,  1787;  l'Art  défensif 
supérieur  à  l'offensif;  Paris',  1793.  —  Trincano,  Eléments 
de  fortification  ;  Paris,  1786.  —  J.  Belair,  Eléments  de 
fortification  ;  Paris,  1793.  —  Bousmard,  Essai  général  de 
fortification,  d'attaque  et  de  défense  des  places;  Dresde, 
1797.  —  Mandar,  De  l'Architecture  des  forteresses;  Paris, 
1801.  —  Merlet,  Réflexions  critiques  sur  l'art  de  la  for- 
tification; Paris,  1804.—  Cormontaingne,  Mémoire  pour 
la  fortification  permanente  et  passagère;  Paris,  1809  et 
1824.  —  Chasseloup-Laubat,  Extraits  de  mémoires  sur 
quelques  parties  de  l'artillerie  et  des  fortifications  ;  Paris, 
1805  ;  Essais  sur  quelques  parties  de  l'artillerie  et  des  for- 
tifications; Paris,  1811.  —  Noizet  Saint-Paul,  Eléments 
de  fortification;  Paris,  1811-12.  —  Carnot,  Mémoire  sur 
la  fortification  permanente  ;  Paris,  1812-23.—  Choumara, 
Mémoires  sur  la  fortification  ;  Paris.,  1827.  —  Duvignan, 
Exercice  complet  sur  le  tracé,  la  construction,  Vattaque 
et  la  défense  des  places;  Paris,  1830.  —  Capitaine  Man- 
gin,  Mémoire  sur  la  fortification  polygonale  construite  en 
Allemagne  depuis  1815  ;  Paris,  1851.—  Général  de  Blois, 
De  la  Fortification  en  présence  de  l'artillerie  nouvelle  ; 
Paris,  1845  ;  Influence  de  la  fortification  sur  la  puissance 
et  la  stabilité  des  engins;  Paris,  1867;  Défense  de  la  for- 
tification polygonale  ;  Paris,  1867.  —  Général  Noizet,  la 
Fortification  existante;  Paris,  1856  ;  Principes  de  fortifi- 
cation; Paris,  1859.  —  Colonel  Ratheau,  Traité  de  forti- 
fication ;  Paris,  1858-66  ;  Elude  sur  la  fortification  polygo- 
nale. —  Prévost  de  Vernois,  la  Fortification  depuis 
Vauban;  Paris,  1861.  —  Général  de  Villenoisy,  Appli- 
cation de  la  fortification  au  terrain;  Paris,  1867;  Répar- 
tition des  places  fortes  ;  Paris,  1869  ;  Principes  de  Vart  de 
fortifier;  Paris,  1869.  —  Général  Brialmont  (V.  Brial- 
mont).—Wagner,  Cours  de  fortification  professé  à  l'Aca- 
démie militaire  de  Berlin,  1893.  —  Brunner,  Guide  pour 
l'enseignement  de  la  fortification  permanente;  Paris,  1877. 
t  —  Cambrelin,  la  Fortification  de  l'avenir;  Bruxelles,  1885. 

—  Commandant  Mougin,  les  Nouveaux  Explosifs  et  la  for- 
tification ;  Paris,  1887.  —  Général  Pierron,  les  Méthodes 
de  guerre  actuelle  et  vers  la  fin  du  xixe  siècle  ;  Paris, 
1889.  .  '  ' 

Historique.  —  De  Zastrow  (trad.  de  La  Barre-Du- 
parcq),  1  Hstoire  de  la  fortification  permanente;  Paris, 
1848.  —  Colonel  Augoyat,  Aperçu  historique  sur  les  for- 
tifications en  France  ;  Paris,  1860-64.  —  Viollet-le-Duc, 
Histoire  d'une  forteresse  ;  Paris,  1857.  —  Général  Tri- 
pier, la  Fortification  déduite  de  son  histoire;  Paris,  1860. 

—  Général  Prévost,  Etudes  historiques  sur  la  fortifica- 
tion. —  Général  de  Villenoisy,  Essai  historique  sur  la 
fortification  ;  Paris,  1869.—  Colonel  Delair,  Essai  sur  les 
fortifications  anciennes  ;  Paris,  1875.  —  Colonel  de  La 
Noë,  Principes  de  la  fortification  ancienne  ;  Paris,  1888. 

F0RT1GUERRA  (V.  Forteguerri). 

FORTIN  (Fortif.  ).  On  désigne  en  principe  sous  ce 
nom  un  fort  de  petite  espèce",  construit  généralement 
à  la  hâte  et  dans  le  genre  des  ouvrages  de  campagne, 
mais  ayant  un  tracé  bastionné  ou  polygonal.  Les  *  re- 
doutes d'une  certaine  capacité  et  dépassant  les  dimensions 
ordinaires  sont  aussi  quelquefois  appelées  ainsi.  Les  ou- 
vrages de  fortification  semi-permanente  sont  en  général 
de  simples  fortins,  car  leurs  dimensions  et  leur  genre  de 
construction  ne  permettent  pas  de  leur  donner  le  nom  de 
forts.  En  Belgique,  on  a  même  désigné  sous  le  nom  de 
fortin  le  fort  triangulaire  permanent  de  petite  dimension, 
pour  le  distinguer  du  fort  de  même  forme.  Le  fortin  reçoit 
la  même  organisation  que  le  fort,  mais  il  n'a  que  cinq  cou- 
poles et  deux  cents  hommes  de  garnison.  A  ce  titre,  il 
serait  rationnel  de  ranger  dans  cette  classification  les  bat- 
teries annexes  construites  en  France  en  fortifications  per- 
manentes, lorsqu'elles  sont  très  éloignées  des  ouvrages 
principaux  dont  elles  servent  à  défendre  les  intervalles. 
Ces  ouvrages  ont  leurs  magasins  propres  et  leurs  case- 
mates-logements, mais,  en  raison  de  leur  situation,  ils 
doivent  être  mis  à  l'abri  d'une  surprise,  tout  en  étant 
organisé  le  plus  simplement  possible.  Diverses  batteries 
du  camp  retranché  de  Paris  répondent  à  cet  ordre  d'idées  ; 
ce  ne  sont  pas  de  véritables  forts  et  ce  sont  plus  que  des 
batteries  (Y.  ce  mot). 

FO  RTI N  (Jean),  ingénieur  français,  né  à  Mouchy-la-Ville 
(Oise)  le  9  août  4750, mort  en  1831  (?).  11  était  membre 
du  Bureau  des  longitudes  et  a  perfectionné  un  grand  nombre 
d'instruments  de  physique  ;  on  lui  doit,  entre  autres,  la 
balance  et  le  baromètre  bien  connus  qui  portent  son  nom 
(V.  t.  V,  pp.  55  et  446).  Il  a  d'autre  part  donné  une 
réduction  au  tiers  de  Y  Atlas  céleste  de  Flamsteed  (Paris, 
1776,  in-4).  —  Il  ne  doit  pas  être  confondu  avec  Jean 


—  853  — 


FORTIN  —  FORT-LOUIS 


Frotin,  dit  Fortin  (1749-96),  qui  fut  professeur  d'hydro- 
graphie à  Brest  et  publia  des  observations  sur  l'éclipsé  de 
soleil  de  \  764  et  sur  le  passage  de  Vénus  de  1769.     L.  S. 

FORTIN  (Augustin-Félix),  peintre,  lithographe,  et  sur- 
tout sculpteur  français,  né  à  Paris  en  1763,  mort  à  Paris 
le  4  juill.  1832.  Neveu  et  élève  du  sculpteur  Félix  Le- 
comte,  il  eut  le  deuxième  prix  de  sculpture  en  1782,  le 
grand  prix  en  1783,  et  fut  agréé  à  l'Académie  royale  le 
25  avr.  1789.  Parmi  ses  nombreux  travaux  de  sculpture, 
les  plus  connus  sont  :  le  Fronton  de  la  porte  du  Louvre 
faisant  face  au  pont  des  Arts  ;  la  Victoire,  bas-relief  de 
l'arc  de  triomphe  du  Carrousel  ;  les  bustes  de  Baron  et 
de  Ùresset  au  foyer  du  Théâtre-Français  ;  la  Soumission 
aux  lois,  bas-relief  au  Panthéon  ;  le  Monument  de  De- 
saix ,  à  la  place  Dauphine  ;  Minerve  et  Apollon,  bas- 
reliefs  du  grand  escalier  du  Louvre  ;  le  Tombeau  du  duc 
de  Beaujolais,  à  Malte  ;  Sainte  Geneviève  et  la  Reli- 
gion, bas-relief  dans  une  chapelle  à  Saint-Etienne-du-Mont  ; 
plusieurs  bas-reliefs  de  la  Colonne  de  la  place  Vendôme, 
représentant  des  batailles.  Ses  tableaux  ont  généralement 
pour  sujets  des  allégories  mythologiques.  G.  P-r. 

FORTIN  (Charles),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
12  juin  1815,  mort  à  Paris  le  19  oct.  1865.  Elève  de  J. 
Beaume  et  de  C.  Roqueplan.  Il  peignit  surtout,  et  avec 
talent,  des  intérieurs  rustiques  et  des  scènes  villageoises 
de  la  Normandie  et  de  la  Bretagne.  Le  musée  du  Luxem- 
bourg possède  de  lui  le  Benedicite  (1855),  et  plusieurs 
de  ses  bons  tableaux  se  trouvent  aux  musées  de  Nantes, 
de  Boulogne-sur-Mer,  de  Lille,  de  Grenoble,  etc.     G.  P-i. 

FORTIN  (L'abbé  A.),  météorologiste  français,  né  à 
Châteauneuf  (Loiret)  en  1837,  curé  de  la  petite  paroisse  de 
Châlette,  près  de  Montargis.  Il  a  repris  vers  1863,  au  cours 
de  recherches  sur  l'électricité  et  le  magnétisme,  l'hypothèse, 
émise  par  le  P.  Secchi,  d'une  relation  intime  entre  les  taches 
solaires  éruptives  et  les  variations  magnétiques  d'une  part, 
entre  les  variations  magnétiques  et  les  tempêtes  terrestres 
d'autre  part,  et  il  a  construit,  en  partant  de  cette  donnée, 
un  petit  appareil,  le  magnéto-mètre  atmosphérique,  qui 
doit,  par  la  simple  observation  des  agitations  de  son  aiguille, 
révéler  le  temps  cinq  ou  six  jours  à  l'avance.  Ce  système 
de  prévision  météorologique,  que  son  auteur  a  exposé  en 
détail  dans  un  livre  intitulé  le  Magnétisme  atmosphé- 
rique (Paris,  1890,  in-12),  a  été  récemment  l'objet,  delà 
part  de  quelques  journaux  parisiens,  d'une  campagne  assez 
bruyante  et  d'éloges  peut-être  un  peu  hâtifs  ;  car  il  n'a  à 
peu  près  rencontré  jusqu'ici  qu'incrédulité  auprès  des  gens 
compétents,  et,  dans  la  séance  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris  du  2  févr.  1892,  deux  de  nos  savants  les  plus  autori- 
sés ont  publiquement  et  formellement  nié  toute  espèce  de 
valeur  à  la  théorie,  aux  prédictions  et  même  à  l'appareil. 
M.  l'abbé  Fortin  a  récemment  publié  :  Almanach  pour 
1893  (Paris,  1893,  in-16).  L.  S. 

Bibl.  :  Figaro  des  20  sept.  1890  et  9  juin  1891.  —Journal 
officiel  du  6  févr.  1892. 

FORTIS  (Abbé  Giovan-Battista,  dit  Alberto),  voyageur 
et  littérateur  italien,  néàPadoue  le  11  nov.  1741,  mort  à 
Bologne  le  21  oct.  1803.  Il  entra  dans  l'ordre  des  cha- 
noines réguliers  de  Saint-Augustin,  puis,  mal  fait  pour  la 
vie  monastique,  entreprit  une  série  de  voyages  qu'il  a 
racontés  en  des  livres  pleins  d'intéressantes  observations  : 
Saggio  d'osservazioni  sopra  V isola  di  Cherso-ed-Osero 
(Venise,  1771,  in-4)  ;  Viaggio  in  Dalmazia  (Venise, 
1774, 2  vol.  in-4),  son  ouvrage  capital,  où  il  fit  connaître 
pour  la  première  fois  de  précieuses  poésies  populaires 
serbo-croates  ;  Délia  Y  aile  vulcanico-marina  di  Borna 
(Venise,  1778,  in-4);  Lettere  geografico-flsiche  sulla 
Calabria  e  sulla  Puglia  (Naples,  1784,  in-8)  ;  Belle 
Ossadi  Elefanti  ecl  altre  curiosità  naturali  de'  monti 
di  Romagnano  nel  Veronese  (Vicence,  1786,  in-8); 
Bel  Nitro  minérale  (Vicence,  1787,  in-8);  Tre  Let- 
tere intorno  aile  produzioni  fossili  dei  monti  Euga- 
nei  (Gesena,  \  791 ,  in-8)  ;  Délia  Torba  cke  trovasiappié 
de'  colli  Euganei  (Venise,  1795,  in-8)  ;  Mémoires  pour 


servir  à  l'histoire  naturelle  et  principalement  à  Voryc- 
tographie  de  Vîtalie,  etc.  (Paris,  1802,  2  vol.  in-8). 
Comme  littérateur  il  a  laissé  :  Versid'amore  et  d'amicizia 
(Vicence,  1783,  in-8)  ;  //  Principe  Cloro,  o  la  rosa  senza 
spine,  novella  morale  (Vicence,  1784,  in-8).     R.  G. 

Bibl.  :    Tipaldo,  Biografia  degli  Italiani   illustri. 

FORTIS  (Louis),  20e  général  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  élu  le  18  oct.  1820,  mort  le  27  janv.  1829.  La 
congrégation  qui  procéda  à  son  élection  arrêta  diverses 
mesures  pour  mettre  fin  aux  discordes  qui  s'étaient  pro- 
duites parmi  les  jésuites  ;  elle  confirma  en  outre  les  an- 
ciennes constitutions,  règles  et  formules  de  l'institut,  mais 
résolut  d'adopter  la  Ratio  studiorum  aux  besoins  de  la 
société  moderne.  Par  une  encyclique  du  4  oct.  1823, 
Fortis,  d'accord  avec  les  assistants,  enjoignit  aux  membres 
de  l'ordre  une  neutralité  absolue  à  l'égard  de  la  doctrine 
de  Lamennais,  leur  faisant  défendre,  soit  d'enseigner,  soit 
de  combattre  cette  doctrine.  E.-H.  V. 

FORTIS  (François-Marie,  comte  de),  littérateur  français, 
né  à  Chambéry  en  1768,  mort  à  Paris  le  25  janv.  1847. 
Avocat  à  Genève,  puis  avocat  général  à  la  cour  royale  de 
Lyon.  Ses  ouvrages  assez  agréables  sont  écrits  d'un  style 
un  peu  alambiqué.  Citons  :  Voyage  pittoresque  et  histo- 
rique à  Lyon  (Paris,  1821-22,  2  vol.  in-8  avec  atlas  in- 
fol.)  ;  Amélie,  ou  Voyage  à  Aix-les-Bains  (Lyon,  1829, 
in-8);  Notice  sur  la  statue  d'Emmanuel-Philibert,  duc 
de  Savoie  (Paris,  1838,  in-8)  ;  Eloge  historique  de  Jac- 
quard (1840,  in-8). 

FORTIS  (Leone),  littérateur  et  auteur  dramatique  ita- 
lien, né  à  Trieste  le  5  oct.  1822,  mort  en  1880.  Il  débuta 
par  un  drame  tiré  d'un  célèbre  fait  divers,  La  Duchessa 
di  Praslin,  qui  fut  joué  à  Padoue  en  1847.  Viennent 
ensuite  II  Camoens,  joué  à  Padoue  en  1850  ;  Cuore  ed 
Arte,  joué  à  Milan,  en  1853  ;  Industria  e  Speculazione 
(Milan,  1854),  etc.  Littérateur,  il  s'est  surtout  fait  con- 
naître comme  critique  dramatique  et  polémiste,  collaborant 
à  un  grand  nombre  de  journaux,  quelques-uns  fondés  par 
lui-même,  notamment  il  Pungolo,  de  Naples.       R.  G. 

Bibl.  :  G.-C.  Bottura,  Storia  del  tealro  di  Triste  ;  Trieste, 
1885,  in-8. 

FORTLAGE  (Arnold-Rudolf-Karl),  philosophe  allemand, 
né  à  Osnabrûck  le  12  juin  1806,  mort  à  Iéna  le  8  nov.  1881 . 
Il  était  professeur  à  l'université  d'Iéna.  Fortlage  est  un  con- 
tinuateur original  de  la  philosophie  empirique  de  Beneke, 
qu'il  transpose  en  se  plaçant  à  un  point  de  vue  voisin  de 
celui  de  Kant  et  de  celui  de  Fichte.  En  psychologie,  il  préco- 
nise la  méthode  d'observation  par  la  conscience  et  a  laissé 
nombre  de  très  fines  analyses  des  données  du  sens  intime. 
En  métaphysique,  il  se  rapproche  de  Fichte  et  tente  une 
conciliation  mystique  du  théisme  et  du  panthéisme.  Il  a 
écrit,  entre  autres  ouvrages  :  Genêt.  Gesch.  d.  Philos, 
seit  Kant  (Leipzig,  1852)  ;  System  der  Psychologie  als 
empirische  Wissenschaft  aus  der  Beobachtung  des 
inneren Sinnes  {id.,  1855,  2  vol.)  ;  Acht  psychol.  Vor- 
trâge  (Iéna,  4868)  ;  Sechs  philos.  Vortrage  {id.,  1869; 
2e  éd.,  1872)  ;  Vier psychol.  Vortrage  {id.,  1874)  ;  Bei- 
trâge  zur  Psychol.  als  Wissensch.  aus  Spekulation  u. 
Erfahrung  (Leipzig,  1875)  ;  Menschheitsideal  der  Mora- 
litât  nach  dem  Christenthum  (posthume),  dans  le  t.  IX 
des  Jahrbûcher  fur  protestant.  Theol.    Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  R.  Eucken  ,  Fortlage  als  Religionsphilosoph., 
dans  la  Zeitschr.  f.  Philos.,  1883,  pp.  180  et  suiv.  —  Mor. 
Brasch,  Fortlage,  ein  philos.  Charaklerbild,  dans  Unsere 
Zeit,  1883,  pp.  730  et  suiv. 

FO  RT- LO  U  l  S  {Fort-  Vauban,  Fortalicium  Ludovicia- 
num).  Corn,  de  la  Basse-Alsace,  arr.  de  Haguenau,  cant. 
de  Bischwiller,  à  40  kil.  au  N.-E.  de  Strasbourg,  sur  le 
Rhin,  près  de  l'embouchure  de  la  Moder  ;  244  hab.  Fort- 
Louis,  autrefois  ville  de  4,000  hab.,  doit  son  origine  à 
une  forteresse,  construite  par  Vauban  en  1688,  dans  une 
île  du  Rhin.  Bombardée  et  prise  en  \  793  par  les  Autri- 
chiens, la  place  fut  rasée  par  les  alliés  en  1815.  Après 
une  déchéance  rapide,  Fort-Louis  n'est  plus  qu'un  petit 


FORT-LOUIS  —  FORTUNAT 


854  — 


village  ;  seuls,  son  hospice  et  son  église  témoignent  encore 
de  son  ancienne  grandeur. 

Bibl.  :  Rev.  d'Alsace,  1862,  431.  —  Bull,  de  la  Soc.  pour 
la  conserv.  des  mon.  hist.  d'Aïs.,  I,  2°  sér.,  p.  15. 

FORTMOVILLE.  Corn,  dudép.  de  l'Eure,  arr.  de  Pont- 
Audemer,  cant.  de  Reuzeville,  sur  la  Corbie;  657  hab. 
Fabriques  de  cordages  pour  la  marine  et  de  fil  à  ligneul  ; 
filature  de  coton. 

FORTNER  (Andréas),  sculpteur  et  ciseleur  aile—  - 
mand,  né  à  Prague  le  46  juin  1809,  mort  à  Munich  le 
44  mars  4862.  Fils  d'un  orfèvre  de  Prague  et  destiné 
d'abord  à  continuer  le  métier  paternel,  if  commence  ses 
études  à  l'école  de  dessin  de  sa  ville  natale  ;  puis,  en 
4840,  voulant  apprendre  davantage,  vient  à  Munich,  le 
centre  attirant  par  excellence  en  Allemagne  à  cette  époque, 
et  s'y  fixe,  avec  l'intention  de  devenir  peintre.  Le  hasard 
le  fit  rentrer  dans  la  voie  qu'il  ne  devait  plus  quitter.  Un 
service  de  table  composé  par  son  ami  Eugène  Neureu- 
ther,  et  qu'il  fut  chargé,  à  défaut  d'un  autre,  d'exécuter 
en  argent  pour  le*  prince  héritier  Maximilien  de  Ravière, 
attira  sur  lui  l'attention,  et  lui  valut  aussitôt  un  grand 
nombre  de  commandes  semblables.  Par  l'ingéniosité  du 
goût,  par  la  précision  et  la  finesse  du  faire,  il  a  presque 
rivalisé  avec  les  vieux  maîtres  allemands  de  la  ciselure,  et 
suscité  à  Munich  une  sorte  de  Renaissance  de  la  sculpture 
en  métal.  Parmi  ses  travaux  les  plus  remarquables,  signa- 
lons un  service  de  table  pour  le  comte  Pallavicini,  des 
armes  et  objets  divers  pour  le  baron  de  Frankenstein,  un 
bassin  à  eau  pour  le  comte  de  Waldpot-Rassenheim,  un 
sabre  d'honneur  pour  le  prince  Charles  (4860),  une 
décoration  de  chambre,  qu'il  ne  put  achever,  pour  le  ban- 
quier von  Stieglitz,  à  Saint-Pétersbourg.  Il  figura  à  l'ex- 
position de  Prague  en  4847  et  à  celle  de  Munich  en  4854. 
Les  sujets  traités  par  lui  sont  des  plus  variés,  et  il  sut  y 
mettre  sa  inarque.  Ce  fut  un  novateur  et  un  maître  excel- 
lent. P.  Leprieur. 

Bibl.  :  F.  Pecht,  Geschichte  der  Mùnchener  Kunst  im 
neunzehnten  Jahrhundert;  Munich,  1888,  p.  182,  in-4. 

FORTOUL  (Hippolyte-Nicolas-Honoré) ,  professeur  et 
homme  politique  français,  né  à  Digne  le  43  août  4841, 
mort  aux  eaux  d'Ems  le  7  juil.  4856.  Avant  de  jouer 
un  rôle  important  comme  ministre  de  l'instruction  pu- 
blique, comme  organisateur  d'une  université  façonnée  selon 
les  idées  et  les  principes  du  second  Empire,  Fortoul  s'était 
fait  connaître  par  des  travaux  littéraires  et  par  un  livre 
sur  l'Art  en  Allemagne  (1844).  Tour  à  tour  professeur 
de  littérature  française  à  la  faculté  de  Toulouse  et  à 
celle  d'Aix,  il  devint  député  en  i  849  et  se  rallia  immé- 
diatement au  parti  du  futur  empereur.  Il  passa  d'abord 
quelques  mois  au  ministère  de  la  marine  et  devint  ministre 
de  l'instruction  publique  le  3  déc.  4851 ,  le  lendemain  même 
du  coup  d'Etat,  et  il  garda  son  portefeuille  jusqu'à  sa  mort. 
Chargé  pendant  quatre  ans  d'appliquer  et  de  compléter  la  loi 
du  4  5  mars  4  850,  Fortoul  chercha  surtout  à  servir  fidèlement 
les  intérêts  dynastiques,  qu'il  confondait  sans  doute  avec  les 
intérêts  de  la  France,  et  il  s'efforça  de  faire  de  l'Université 
un  corps  docile,  un  instrument  de  règne.  La  loi  de  4850 
avait  dû  surtout  son  origine  à  une  réaction  violente  des 
partis  religieux  contre  l'esprit  relativement  libéral  de  l'Uni- 
versité. Les  cléricaux  y  avaient  collaboré  plus  encore  que 
les  politiques.  Fortoul  fut  surtout  un  politique  et,  tout  en 
faisant  aux  ennemis  de  l'enseignement  public  les  plus  re- 
grettables concessions,  il  semble  qu'il  ait  essayé  de  sauver 
l'Université  en  l'amoindrissant.  Les  plus  mauvais  souvenirs 
ne  s'en  rattachent  pas  moins  à  son  administration.  C'est 
Fortoul  qui  suspendit  les  cours  de  Jules  Simon  à  la  Sor- 
bonne,  qui  révoqua  au  Collège  de  France  Quinet,  Michelet 
et  Mickiewicz.  Il  fallait  à  tout  prix  obtenir  que  l'Univer- 
sité donnât,  comme  son  chef,  une  adhésion  complète  au 
régime  impérial.  Nous  avons  vu  ailleurs  (V.  Rifurcation) 
comment  Fortoul  comprit  la  réforme  des  études  secondaires. 
Il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  que  c'est  lui  qui  supprima 
la  chaire  de  philosophie,  suspecte  de  former  des  esprits 
indépendants,  et  qui  la  remplaça  par  la  chaire  de  logique. 


De  même,  l'obligation  du  baccalauréat  es  lettres  n'était  plus 
imposée  aux  étudiants  en  médecine.  A  part  quelques  petites 
réformes  heureuses,  comme  l'introduction  de  l'agriculture 
dans  l'enseignement  des  écoles  primaires,  comme  la  réor- 
ganisation de  l'enseignement  du  dessin  dans  les  lycées  et 
dans  les  collèges,  l'œuvre  de  Fortoul  a  été  celle  d'un 
courtisan  de  l'Empire  plus  que  d'un  ami  sincère  de  l'Uni- 
versité. G.  Compayré. 

FORTOUL  (Jean-Raptiste-Fortuné),  homme  politique 
français,  né  à  Digne  le  4  juil.  484*2,  mort  le  48  janv.  4890, 
frère  du  précédent.  Avocat  à  Digne,  secrétaire  de  la  pré- 
fecture des  Rasses-Alpes,  il  fut,  avec  l'appui  du  gouver- 
nement, élu  député  de  ce  département  au  Corps  législatif 
le  29  févr.  4852.  Mais  il  démissionna  bientôt  pour  entrer 
dans  la  magistrature.  Il  était  premier  président  à  la  cour 
de  Poitiers  lorsqu'il  fut  mis  à  la  retraite  en  4874. 

FORTROSE.  Port  du  comté  de  Ross,  en  Ecosse,  au 
N.-N.-E.  d'Inverness,  à  l'entrée  du  firth  d'Inverness.  Ce 
bourg,  qui  compte  aujourd'hui  un  millier  d'habitants,  était 
au  xve  siècle  la  résidence  des  évêques  du  Ross.  La  ville 
fut  détruite  par  Cromwell  ;  on  y  voit  encore  des  ruines  con- 
sidérables. 

FORTUNAT  ou  FORTUNATUS  (Venantius-Honorius- 
Clementianus),  né  dans  le  N.  de  l'Italie  entre  530  et  540. 
Il  fit  son  éducation  à  Ravenne.  Postérieurement  à  560  il 
vint  en  Austrasie,  fut  bien  accueilli  par  le  roi  Sigebert, 
de  là  se  rendit  à  Tours  en  pèlerinage  au  tombeau  de  saint 
Martin.  Il  visita  ensuite  Poitiers  où  il  se  lia  avec  sainte 
Radegonde,  princesse  thuringienne,  qui,  après  avoir  été  la 
femme  du  roi  Clotaire,  s'était  retirée  dans  cette  ville  au 
monastère  de  Sainte-Croix,  fondé  par  elle.  Ce  fut  là  qu'il 
vécut  désormais  et  qu'il  se  fit  prêtre.  Cependant  ses  poé- 
sies le  rendaient  célèbre  dans  toute  la  Gaule  et  lui  valaient 
de  nombreuses  relations.  Il  devint  évêque  de  Poitiers  et 
mourut  probablement  au  commencement  du  vne  siècle. 
C'est  à  l'instigation  de  Grégoire,  l'évêque  de  Tours  et 
l'historien  des  Francs,  que  Fortunat  a  réuni  et  publié  ses 
poèmes.  Ce  recueil  comprend  onze  livres.  Ces  œuvres  fort 
nombreuses  et  de  caractères  fort  divers  offrent  un  tableau 
fort  intéressant  de  la  société  de  cette  époque.  Fortunat, 
qui  avait  l'âme  d'un  courtisan  et  qui  prodiguait  facilement 
les  louanges,  a  composé  les  éloges  de  la  plupart  des 
évêques  avec  lesquels  il  s'est  trouvé  en  rapport;  il  s'est 
fait  aussi  le  panégyriste  des  rois  francs,  de  Chilpéric,  de 
Sigebert,  de  Caribert.  Son  épithalame  de  Sigebert  et  de 
Rrunehaut,  son  poème  sur  le  mariage  et  la  mort  d'e  Galswinthe 
en  particulier,  ont  été  souvent  cités.  A  ces  farouches  rois 
mérovingiens  il  attribue  généreusement  les  vertus  qui  leur 
étaient  le  plus  étrangères,  et  les  compare  gravement  aux 
plus  sages  personnages  de  l'antique  Rome.  Néanmoins, 
saus  cette  phraséologie  pompeuse  apparaissent  bien  des 
traits  des  mœurs  du  temps.  La  verve  poétique  de  Fortu- 
nat était  d'ailleurs  mise  à  contribution  à  tout  propos  :  s'il 
s'élève  en  Gaule  quelque  belle  église,  il  célèbre  cet  événe- 
ment ;  si  un  évêque,  un  personnage  important  disparaît, 
il  compose  en  son  honneur  une  épitaphe.  Ce  sont  encore 
des  épîtres  adressées  à  ses  amis,  des  billets  de  remercie- 
ment à  Radegonde  et  à  l'abbesse  de  Sainte-Croix,  Agnès, 
qui  l'accablent  de  friandises.  Ailleurs  il  raconte  le  voyage 
qu'il  a  fait  sur  la  Moselle.  Il  a  écrit  aussi  des  hymnes  dont 
quelques-unes,  comme  le  Vexilla  régis  prodeunt  et  le 
Pange  linguale  chantent  encore  dans  nos  églises.  Enfin, 
il  est  Fauteur  d'un  grand  poème  biographique  en  quatre 
chants  sur  saint  Martin  ;  cette  œuvre  n'a  du  reste  aucune 
valeur  historique  et  il  se  contente  de  mettre  en  vers  les 
récits  de  Sulpice  Sévère.  Fortunat  est  un  esprit  aimable  et 
médiocre,  un  versificateur  ampoulé.  C.  Rayet. 

Bibl.  :  La  meilleure  édition  de  Fortunat  est  celle  de 
Léo  dans  les  Monumenta  Germaniœ  historica,  série  in-4. 
Ch.  Nisard  en  a  donné  une  édition  avec  trad.  française 
en  1887  dans  la  Collection  Nisar'd;  il  a  placé  en  tête  une 
traduction  de  la  vie  de  Fortunat  par  le  bénédictin  Luchi, 
qui,  en  1786,  a  donné  une  édit.  de  Fortunat.  —  En  outre, 
V.  Hamelin,  De  Vita  et  operibùs  Fortunati  ;  Rennes,  1878. 


—  855  — 


FORTUNAT  —  FORTUNE 


—  Ebert,  Histoire  de  la,  littérature  latine  au  moyen  âge, 
trad.  fr.,  t.  I. 

FORTUNATA  (Zool.).  Genre  type  d'une  petite  famille 
de  Crustacés,  du  groupe  des  Amphipodes,  établi  par  Chun 
(1889)  pour  un  type  très  remarquable  péché  entre  Téné- 
riffe  et  la  Grande  Canarie  ;  le  mâle  a  été  trouvé  à  1,600  m. 
de  profondeur;  la  femelle,  au  contraire,  a  été  prise  à  la 
surface,  abritée  entre  les  flotteurs  d'un  Hippopodms,  à 
la  façon  dont  s'abritent  les  Phronimes.  Les  Fortunata 
sont  caractérisés  par  la  forme  du  corps  qui  est  arrondie  et 
non  comprimée  latéralement  comme  chez  la  plupart  des 
autres  Amphipodes,  par  les  yeux  semblables  à  ceux  des 
Gammarides,  par  les  antennes,  dont  la  première  paire  est 
semblable  dans  les  deux  sexes,  tandis  que  la  seconde  paire 
existe  seulement  chez  les  mâles  ;  les  pattes  thoraciques  ont 
un  ongle  simple  et  sont  dépourvues  de  plaque  épimérique. 
Type  :  F.  lepisma.  JR.  Moniez. 

FORTUNAT1  (Francesco),  compositeur  de  musique  ita- 
lien, né  à  Parme  le  24  févr.  1746.  Ne  se  sentant  aucun 
goût  pour  la  profession  d'avocat  à  laquelle  le  destinaient 
ses  parents,  il  se  livra  tout  entier  à  l'étude  de  la  musique.  En 
1769,  il  composa  son  premier  opéra,  I  Cacciatori  e  la  Ven- 
dilatte.  D'abord  maître  de  chapelle  de  la  cour  de  Parme, 
il  se  rendit  ensuite  à  Berlin,  près  de  Frédéric-Guillaume  II, 
qui  y  attirait  les  artistes  de  valeur.  Parmi  ses  ouvrages, 
on  cite  encore  VJncontro  inaspetto;  La  Contessa  per 
equivoco  et  Ipermnestra.  A.  E. 

FORTUNATIANUS,  grammairien  latin  (V.  Atilius). 

FORTUNATUS(V.  Fortunât), 

FO RTU  N  E  (Myth.)  (en  grec  Tyché).  Personnification  du 
sort  bon  ou  mauvais  qui  s'attache  aux  êtres  et  aux  choses 
de  ce  monde  et  règle  leur  vie.  Tandis  que  le  Destin  (en 
grec  [xoîpa  ou  aiaa,  en  latin  fatum)  est  une  force  aveugle 
et  invincible,  expression  de  l'ordre  absolu  et  primitif  du 
monde,  la  Fortune  est  une  divinité  mobile,  essentielle- 
ment humaine,  qui  représente  surtout  l'imprévu  et  l'ines- 
péré de  notre  existence  (rad.  fors,  hasard,  qu'il  faut  rat- 
tacher à  ferre,  porter) .  Le  nom  qui  la  désigne  en  grec  est 
postérieur  à  Homère,  chez  qui  domine  la  conception  reli- 
gieuse de  l'idée  du  Destin  (V.  Démon).  Mais  avec  le  pro- 
grès des  idées  philosophiques,  le  culte  de  la  Fortune  gagne 
dans  l'opinion  ;  il  est  surtout  en  honneur,  dans  tout  le 
monde  antique,  sous  la  domination  romaine,  si  bien  que 
Pline  l'Ancien  peut  dire  en  toute  vérité  qu'elle  est  la  seule 
divinité  qu'on  invoque  en  tous  lieux  et  à  chaque  instant. 
La  légende,  comme  on  doit  s'y  attendre  avec  une  person- 
nification aussi  vague  et  aussi  abstraite,  est  des  plus  simples. 
Chez  les  Grecs  la  Fortune  est  tantôt  une  Nymphe,  tantôt 
une  compagne  de  la  Moïra  ou  Destin  proprement  dit.  Chez 
les  Romains,  on  parle  à  peine  de  ses  origines  ;  le  trait 
caractéristique  de  sa  légende  est  tiré  de  ses  rapports  avec 
la  personnalité  du  roi  Servius  Tullius.  Ce  fils  d'esclave, 
élevé  aux  plus  hautes  fonctions,  est  devenu,  devant  l'opi- 
nion, l'image  par  excellence  de  la  chance  ici-bas  ;  il  est  ou 
le  fils  de  la  Fortune  (Fortunée  filius),  expression  qui  de- 
vient proverbiale,  ou  son  heureux  amant.  Des  fables  naïves 
ont  cours  dans  l'opinion  sur  les  relations  de  ce  roi  avec  la 
divinité  de  la  chance  favorable.  C'est  à  lui  qu'on  attribue 
l'institution  de  son  culte  et  la  dédicace  du  premier  temple 
qu'elle  ait  eu  en  Italie. 

Le  caractère  abstrait  de  la  Fortune  se  prêtait  à  un  mor- 
cellement en  quelque  sorte  indéfini  de  son  être  qui  finit 
par  être  honoré  en  Italie  sous  les  aspects  les  plus  divers. 
Elle  est  tout  d'abord  la  personnification  du  sort  indéter- 
miné, c.-à.-d.  qu'elle  prend,  suivant  les  occasions,  un  sens 
défavorable  (Fortuna  mala).  Peu  à  peu  cependant  elle  est 
surtout  la  déesse  du  bonheur  et  de  la  réussite  :  Fortuna 
bona,  celle  qui,  chez  les  Grecs  déjà,  sous  le  nom  de 
Agathe  Tyché,  faisait  pendant  au  Bon  Démon,  appelé  en 
latin  le  Bon  Succès  :  Bonus  Eventus.  On  trouve  de  même 
les  dénominations  de  Fortuna  Félix,  Obsequens,  et,  quand 
il  s'agit  d'exprimer  ce  qui  est  réputé  comme  le  caractère 
le  plus  rare  de  son  action,  de  Fortuna  manens,  c.-à-d. 


immuable.  La  notion  en  est  ensuite  détaillée  suivant  les 
êtres  ou  collectifs  ou  individuels  auxquels  elle  s'attache  : 
elle  est  invoquée  à  titre  de  Fortune  publique  (publica),  de 
Fortune  du  peuple  romain  ;  puis,  sous  des  vocables  spé- 
ciaux, tantôt  par  des  corporations,  tantôt  par  des  familles 
déterminées  ;  elle  est  barbue  (barbata)  ou  virile  (virilis) 
quand  elle  préside  au  sort  des  hommes  et  du  mariage;  elle 
est  mammosa  (aux  puissantes  mamelles)  ou  muliebris 
quand  elle  incarne  la  destinée  des  femmes.  Après  l'établisse- 
ment de  l'Empire,  elle  s'identifie  en  quelque  sorte  avec  la 
personne  même  des  empereurs  et  prend  divers  titres,  suivant 
les  circonstances  où  ils  sont  placés.  Un  vocable  fréquent,  qui 
a  d'ailleurs  aussi  son  emploi  dans  la  vie  des  hommes  privés, 
est  celui  de  Fortuna  redux  ou  dux,  c.-à-d.  de  la  Fortune 
qui  ramène  au  port  après  un  dangereux  voyage  ou  qui 
guide  dans  une  entreprise  difficile.  Quand  les  cultes  égyp- 
tiens s'acclimatèrent  à  Rome,  elle  fut  confondue  avec  ïsis  (V. 
ce  nom)  et  représentée  avec  les  attributs  combinés  de  cette 
déesse  et  les  siens  propres.  Le  dernier  -terme  de  révolu- 
tion de  son  être  mythique  est  la  conception  de  la  Fortuna 
Panthea  qui  résume  en  elle,  ainsi  que  son  nom  l'indique, 
la  puissance  de  toutes  les  divinités  traditionnelles.  A  cette 
puissance  syncrétiste  s'appliquent  en  toutes  lettres  les 
paroles  de  Pline  l'Ancien  :  «  Profits  et  pertes,  tout  relève 
de  la  Fortune,  et  dans  la  comptabilité  de  la  vie  elle  rem- 
plit à  la  fois  la  page  du  doit  et  celle  de  l'avoir.  » 

Les  représentations  figurées  de  Tyché-Fortuna  sont 
aussi  anciennes  que  nombreuses.  La  ville  de  Smyrne  avait 
un  temple  où  le  sculpteur  Bupalos  l'avait  représentée  por- 
tant sur  la  tête  le  polos,  symbole  de  la  voûte  céleste,  et 
dans  la  main  droite  la  corne  d'Amalthée  ou  d'abondance. 
Un  grand  nombre  de  villes  grecques  possédaient  des  temples 
analogues,  où  on  mettait  la  Fortune  en  rapport  avec  les 
divinités  ou  les  héros  topiques  ;  à  Egire,  en  Achaïe,  elle  était 
vénérée  avec  Eros;  à  Thèbes,  en  Béotie  avec  Plutus  ;  ailleurs, 
à  Elis  par  exemple,  en  compagnie  du  Bon  Démon  sur- 
nommé Sosipolis,  qui  sauve  la  ville.  Praxitèle  avait 
sculpté  deux  statues  qui,  probablement  à  Athènes,  repré- 
sentaient ces  deux  personnifications  divines.  Le  culte  avait 
surtout  une  grande  importance  dans  le  monde  romain  ;  on 
l'y  associait  quelquefois  à  Mercure,  à  l'Espérance  (Spes), 
a  la  Bonne  Foi  (Fides),  à  Mars  aussi  et  à  la  Victoire.  Les 
centres  les  plus  célèbres  de  ce  culte  en  Italie  étaient  Pré- 
neste,  où  elle  était  vénérée  sous  le  vocable  de  Primigenia, 
celle  qui  est  à  l'origine  de  tout,  et  représentée  comme  une 
fille  de  Jupiter  ;  puis  la  ville  d'Antium  où  sa  personnalité 
était  double,  ainsi  que  nous  le  voyons  par  les  monnaies  de 
la  gens  Bustia.  Les  sorts  de  Préneste  étaient  connus  de 
toute  l'antiquité  et  le  temple  d'Antium  comptait  parmi  les 
plus  riches  et  les  plus  considérés. 

Les  représentations  figurées  de  la  Fortune  en  général 
n'ont  guère  varié  et  sont  très  reconnaissables  ;  la  déesse 
nous  est  offerte  sous  l'image  d'une 
femme  imposante  et  belle,  debout 
dans  le  plus  grand  nombre  des 
cas,  assise  quand  l'artiste  se  pro- 
pose d'exprimer  qu'elle  est  cons- 
tante; d'une  main  elle  tient  la 
corne  d'abondance  d'où  s'échap- 
pent des  productions  variées,  sym- 
bole de  la  richesse  ;  de  l'autre  elle 
s'appuie  sur  un  gouvernail  qui 
signifie  qu'elle  règle  la  destinée  à 
travers  la  mer  mobile  du  monde  ; 
parfois  à  côté  d'elle  figure  la  proue 
d'un  navire,  sans  doute  parce  que  les  navigateurs  ont  plus 
que  d'autres  à  se  préoccuper  de  sa  puissance.  A  ses  pieds 
est  une  boule  qui  indique  ou  sa  nature  versatile  ou  l'éten- 
due du  pouvoir  qu'elle  exerce  sur  l'univers.  On  la  trouve 
également  représentée  avec  des.  ailes,  ou,  comme  dans 
l'œuvre  archaïque  de  Bupalos,  avec  le  polos  ou  le  mo- 
dius  (mesure  des  céréales)  sur  la  tète  et  des  épis  dans 
une  de  ses  mains.  Un  symbole  fréquent  remplaçant  la  boule 


Monnaie  de  Vespasien 
représentant  la  For- 
tune. 


FORTUNE  —  FORTUNY 


—  856 


est  une  roue  qui  dans  le  langage  devient  proverbial  et 
fournit  des  métaphores  aux  écrivains  de  tout  ordre.  On 
rapportait  au  roi  Servius  le  temple  qu'elle  possédait  à 
Rome  sur  le  forum  boarium,  marché  aux  bœufs,  où  était 
placée  son  image  en  bois,  et  à  côté  la  statue  voilée  de  son 
favori.  La  fig.  ci-dessus  la  représente  avec  le  vocable  de 
Redux,  d'après  une  monnaie  de  Vespasien.  J.-A.  Hild. 
Bibl.  :  Hartung,  Religion  der  fiœmer,  t.  II,  pp.  233  et 
suiv.  —  Preller,  Griech.  Mythol.,  I,  441,  3e  éd.  —  Du 
même,  Rœm.  MythoL,  II,  pp.  179  et  suiv.,  3e  éd.  —  Ros- 
cher,  Ausfùhrl.  Lexikon,  I,  pp.  1503  et  suiv.  (art.  de  R. 
Peter).  —  Allègre,  Etude  sur  la  déesse  grecque  Tyché  ; 
Paris,  1889. 

FORTUNE  (Baie  de).  Belle  et  vaste  baie  sur  la  côte 
méridionale  de  l'île  de  Terre-Neuve  renfermant  un  certain 
nombre  de  petites  îles  et  formant  plusieurs  anses,  presque 
toutes  ports  de  pêche.  Elle  donne  son  nom  à  l'un  des  quinze 
districts  de  Terre-Neuve,  dont  le  chef-lieu  est  Harbour- 
Briton. 

FORTUNY  (Mariano),  peintre  espagnol,  né  à  Reus  le 
41  juin  1838,  mort  à  Rome  le  21  nov.  1874.  Après  avoir 
étudié  les  premiers  principes  du  dessin  auprès  d'un  peintre 
amateur  et  avoir  été  admis  à  suivre  les  cours  de  l'école  des 
beaux-arts  de  Barcelone,  il  obtint  au  concours,  en  1857, 
une  bourse  de  pensionnaire  à  Rome.  Son  premier  envoi  fut 
un  Saint  Ermite  pénitent,  exposé  à  Barcelone  en  1859. 
En  1860,  il  fut  chargé  par  la  députation  provinciale  de 
suivre  la  guerre  du  Maroc  et  de  peindre  une  toile  de  15  m. 
représentant  la  Prise  des  campements  de  Muley  el  Abbas 
par  V armée  espagnole.  Pour  exécuter  cette  vaste  compo- 
sition, qu'il  ne  fit  d'ailleurs  qu'ébaucher,  et  dont  il  n'a 
laissé  que  des  esquisses  et  des  études,  Fortuny  consulta  à 
Versailles  la  Prise  de  la  Smalah,  d'Horace  Vernet.  Mal  à 
l'aise  pour  rendre  son  sujet,  il  retourna  au  Maroc  ;  mais 
au  lieu  d'utiliser  pour  l'achèvement  de  sa  commande  ses 
nouvelles  et  nombreuses  études  africaines,  il  revint  à  Rome 
où  il  s'occupa  presque  entièrement  de  laver  de  superbes  et 
chaudes  aquarelles,  de  graver  à  l' eau-forte,  et  de  peindre 
des  sujets  pittoresques  tels  que  ses  Fêtes  de  Kabyles  et 
de  Nègres  ;  des  Bateleurs  kabyles  (1861)  ;  les  Bar  oc- 
chi,  le  Jardin  de  la  villa  Borghèse;  r  Odalisque;  Il 
Contino  ;  des  Collectionneurs  visitant  un  musée  d'an- 
tiquités (musée  de  Barcelone)  ;  Coutumes  marocaines  ; 
Une  Mauresque,  etc.,  dont  la  plupart  figurèrent  sucessi- 
vement  aux  expositions  de  Barcelone  et  de  Madrid.  C'est 
de  1866  que  date  réellement  la  célébrité  de  Fortuny.  Venu 
à  Paris,  il  y  connut  Meissonier,  Gérôme,  Rico,  Zamacois, 
et  leurs  conseils  lui  furent  précieux.  Après  avoir  épousé  la 
fille  de  M.  Federico  de  Madrazo,  il  retourna  à  son  atelier 
de  Rome  où  il  reçut  la  visite  de  Henri  Regnault,  alors 
pensionnaire,  qui  vivement  frappé  de  l'exécution  de  ses 
aquarelles  et  de  ses  peintures  écrivait  à  son  ami  Duparc  : 
«  J'ai  passé  hier  la  journée  chez  Fortuny  et  cela  m'a  cassé 
bras  et  jambes.  Il  est  étonnant  ce  gaillard-là  !  Il  a  des 
merveilles  chez  lui  ;  c'est  notre  maître  à  tous.  »  Et  ailleurs 
encore  à  propos  des  études  que  Fortuny  lui  montrait  : 
«  Elles  sont  prodigieuses  de  couleur  et  de  hardiesse  de 
peinture.  Ah  !  qu'il  est  peintre  ce  garçon-là  !  J'ai  vu  aussi 
des  eaux-fortes  ravissantes  delui.»Au  printemps  de  1868, 
Fortuny  commençait  à  Madrid  son  tableau  :  le  Mariage  à 
la  Vicaria.  11  copiait  en  même  temps  au  musée  du  Prado 
Velazquez  et  Goya.  C'est  à  l'occasion  de  l'exposition  chez 
Goupil  du  Mariage  à  la  Vicaria  (1870)  que  se  produisit 
la  vogue  inouïe  dont  furent  tout  de  suite  l'objet  en  France,  en 
Angleterre  et  en  Amérique,  les  ouvrages  de  l'artiste  ;  son 
tableau  traité  d'abord,  comme  exécution,  avec  largeur  et 
hardiesse,  ayant  quelque  chose  de  la  touche  de  Goya,  fut 
repris  postérieurement  et  achevé  dans  une  sorte  de  précio- 
sité de  facture  qui  en  énerva  les  primitives  qualités.  On  sait 
ce  qu'est  la  scène  représentée  :  c'est,  au  xvme  siècle,  un 
cortège  de  mariage  dans  une  sacristie  espagnole  ou  italienne, 
d'une  architecture  pittoresque.  Les  tons  chatoyants  et  pleins 
d'éclat  des  costumes  des  personnages  forment  un  piquant 
contraste  avec  le  caractère  de  l'édifice.  Les  physionomies 


des  jeunes  époux,  des  invités,  des  prêtres,  des  sacristains 
sont  bien  observées  et  rendues  avec  esprit.  Avec  ses  défauts 
et  ses  qualités,  ce  tableau,  aujourd'hui  la  propriété  de 
Mme  de  Cassan,  peut  être  considéré  comme  donnant  une 
idée  complète  du  talent  de  Fortuny.  La  Réception  d'un 
modèle  a  l'Académie  est  une  autre  toile  importante  dans 
son  œuvre;  elle  fut  achevée  en  1870  ;  c'est  également  le 
xvme  siècle  que  l'artiste  a  choisi  pour  époque  ;  pour  inté- 
rieur, il  a  peint  une  salle  d'une  grande  richesse,  telle  qu'en 
conservent  quelques  vieux  palais  à  Rome,  avec  des  colonnes 
de  marbre  et  de  porphyre,  des  glaces  de  Venise,  des  bras 
de  lumière,  des  bronzes,  des  consoles  dorées,  des  étoffes 
somptueuses  ;  sur  une  table  drapée,  le  modèle  féminin, 
éclairé  en  plein,  offre  sa  gracieuse  nudité  aux  regards  des 
académiciens,  vêtus  d'habits  pimpants  de  style  Louis  XV. 
Telle  est  cette  composition,  où  les  tendances  de  l'artiste  à 
ne  subordonner  aucun  détail,  aucun  "accessoire  à  la  chose 
principale:  la  représentation  de  la- figure  humaine,  se 
montrent  ouvertement.  Point  de  sacrifices,  point  de  sous- 
entendus  ni  de  clair-obscur  ;  tout  est  mis  en  valeur  et 
peint  en  pleine  lumière  avec  une  même  stupéfiante  inten- 
sité. Comme  adresse  de  la  main,  c'est  vraiment  prestigieux  ; 
mais,  en  art,  la  virtuosité  du  métier  n'est  pas  le  dernier 
mot.  Là,  évidemment,  étaient  le  péril  et  l'écueil  pour  les 
triomphantes  pratiques  de  Fortuny.  Des  études  faites  à  Gre- 
nade et  le  plus  souvent  d'après  l'Alhambra  occupèrent 
ensuite  l'artiste.  De  cette  époque  datent  :  la  Halte  des 
voyageurs,  l'Arquebusier  ivre,  le  Jardin,  Une  Basse- 
cour  à  l'Alhambra,  la  Salle  des  Abencérages,  Une 
Fantasia  arabe  à  Grenade  (1870  à  1872)  ;  il  ébaucha  en 
même  temps  deux  toiles  plus  importantes  qu'il  termina  en 
1873:  le  Jardin  des  Arcadiens  et  les  Académiciens  de 
Saint-Luc.  Après  son  séjour  à  Grenade,  Fortuny  fit  une 
courte  excursion  en  Angleterre,  revint  en  Italie  et  alla 
s'établir  à  Portici.  Il  s'y  mit  tout  de  suite  à  peindre  avec 
ardeur  un  tableau  qu'il  désignait  sous  le  titre  :  Villégia- 
ture et  qui  a  figuré  à  la  vente  de  son  atelier  faite  à  Paris 
en  1875.  Il  représente  la  plage  de  Portici,  animée  par  de 
jeunes  femmes  élégamment  parées,  des  enfants  jouant  au 
milieu  des  plantes  et  des  fleurs,  des  petits  paysans  napoli- 
tains et  des  baigneurs;  les  murs  d'un  jardin,  l'entrée  d'un 
village  et  les  ruines  d'un  vieux  château  encadrent  cette 
scène,  peinte  tout  entière  en  pleine  lumière,  sous  le  grand 
soleil  et,  comme  l'artiste  l'écrivait  lui-même,  «  sans  en  esca- 
moter un  seul  rayon  ».  Il  commença  également  un  tableau 
plus  petit  avec  le  portrait  de  ses  deux  enfants,  une  quan- 
tité d'esquisses  et  d'études  détachées,  et  des  aquarelles.  Au 
commencement  de  nov.  1874-,  il  quittait  non  sans  regrets 
Portici  pour  Rome  et  peu  de  jours  après,  il  était  enlevé 
presque  subitement  par  une  fièvre  pernicieuse.  Une  fouie 
énorme  accompagna  son  convoi,  et  les  artistes,  appartenant 
à  toutes  les  nationalités,  se  disputèrent  l'honneur  de  porter 
son  cercueil  depuis  son  atelier  de  la  Viaflaminia  jusqu'au 
Campo  Varano. 

L'influence  de  Fortuny  a  été  considérable  sur  les  pein- 
tres italiens  et  espagnols,  ses  contemporains;  on  le  vit 
bien  lors  de  l'Exposition  universelle  de  1878,  où,  à  côté 
des  tableaux  du  jeune  maître,  parurent  ceux  de  ses  nom- 
breux imitateurs.  Il  avait  presque  créé  une  école,  exclu- 
sivement objective,  il  est  vrai,  et  où  le  procédé  subtil,  la 
technique  adroite,  la  recherche  des  colorations  vibrantes, 
le  souci  constant  du  rendu  et  l'exubérance  du  détail  acces- 
soire dominent  et  l'emportent  de  beaucoup  sur  l'idée.  Chez 
Fortuny,  l'intérêt  du  sujet  est  absolument  nul  ou  s'efface 
devant  les  virtuosités  delà  pratique.  Peu  ou  pas  du  tout  de 
composition,  pas  de  style,  pas  de  caractère  dans  ses 
tableaux  ;  mais  en  revanche  une  dextérité  de  main  inouïe, 
guidée  par  une  acuité  de  vision  extraordinaire  ;  c'est  une 
séduction,  un  charme  pour  les  yeux,  qu'un  tel  art,  mais  qui 
ne  parle  et  ne  parlera  jamais  ni  à  l'esprit,   ni  au  cœur. 

Paul  Lefort. 

Bibl.  :  Walther  Fol,  Fortuny,  dans  la  Gazette  des 
Beaux-Arts,  mars  et  avr.  1875.  —  Baron  Ch.  Davillier, 


—  857  - 


FORTUNY  —  FORZATE 


Fortuny,  sa  vie,  son  œuvre,  sa  correspondance  ;  Paris, 
1875.  —  Atelier  de  Fortuny,  Catalogue  de  la  vente,  avec 
notices  par  le  baron  Davillier,  E.  de  Beaumont  et 
Dupont- Auberville  ;  Paris,  1875.  —  José  Yxart,  For- 
tuny.  Noticia  biogràfica  critica  ;  Barcelone,  1881,  in-8,  fig. 

FORUM.  I.  Antiquité  (V.  Rome). 

II.  Architecture.  —  Nom  donné  dans  les  villes  ro- 
maines de  l'antiquité  aux  places  publiques,  que  ces  places 
fussent  affectées  aux  transactions  commerciales  ou  qu'elles 
servissent  de  lieu  de  réunion  pour  l'accomplissement  des 
actes  de  la  vie  politique  et  municipale  ou  même  qu'elles 
fussent  simplement,  comme  les  places  publiques  de  nos 
villes  modernes,  réservées  à  la  circulation  et  à  l'embellis- 
sement d'un  quartier.  Ce  mot  forum  qui,  à  l'origine,  dési- 
gnait chez  les  peuples  latins  un  emplacement  découvert 
réservé  devant  un  édifice  et  plus  spécialement  devant  un 
tombeau,  désigna  bientôt,  dans  le  monde  romain,  une 
place  analogue  à  X agora  des  Grecs  (V.  ce  mot)  et  devint, 
comme  cette  dernière,  une  partie  essentielle  de  la  cité. 
Laissant  de  côté  les  forums  plus  ou  moins  nombreux  qui, 
suivant  l'importance  des  villes  antiques,  étaient  affectés 
particulièrement,  comme  dans  les  villes  du  moyen  âge, 
au  commerce  des  différentes  marchandises  et  portaient  un 
nom  rappelant  leur  destination  —  Rome  avait  ainsi  le 
forum  boarium  (marché  au  bétail),  le  forum  olitorium 
(marché  aux  légumes),  le  forum  piscarium  (marché  aux 
poissons),  le  forum  coquinum  (marché  aux  comestibles) 
—  et  donnant  seulement  un  souvenir  en  passant  aux 
divers  forums  qui  furent  surtout  créés  en  vue  do  l'embel- 
lissement des  villes,  comme  à  Rome,  le  forum  Trajani, 
le  forum  Aureliani,  le  forum  Diocletiani,  forums  en- 
tourés de  somptueux  édifices  et  dont  les  noms  rappelaient 
ceux  des  empereurs  sous  le  règne  desquels  ils  furent  éta- 
blis, chaque  ville  romaine,  depuis  la  capitale  de  l'Empire 
jusqu'à  la  ville  servant  de  siège  à  la  colonie  située  à  ses 
extrêmes  confins,  comptait  un  forum  (Rome  seule  en  comp- 
tait trois)  consacré  exclusivement,  au  moins  à  certaines 
époques,  aux  assemblées  populaires  ou  comices  et  au  juge- 
ment des  procès,  en  un  mot  à  toutes  les  manifestations  de 
la  vie  politique,  municipale  ou  judiciaire.  Nombre  de  ces 
forums  aujourd'hui  ruinés  —  et  parmi  eux  le  grand  fo- 
rum de  Pompéi  et  le  forum  triangulaire  de  cette  ville  — 
ont  laissé  d'assez  importants  vestiges  pour  que  l'on  puisse 
se  rendre  compte  de  leurs  dispositions  générales,  toujours 
à  peu  près  les  mêmes,  .malgré  les  variantes  apportées  par 
la  forme  de  leurs  emplacements,  la  différence  des  climats 
et  aussi  les  particularités  des  cultes  locaux  :  nous  rappelle- 
rons seulement  ici  brièvement  ce  que  fut  le  forum  ro- 
main ou  simplement  le  forum  de  Rome,  dont  de  nom- 
breux travaux  des  architectes  et  archéologues  italiens  et 
étrangers  et  dont  surtout  les  études  de  restauration  totale 
ou  partielle  que  lui  ont  consacrées  depuis  trois  quarts  de 
siècle  les  architectes,  pensionnaires  de  l'Académie  de  France 
à  Rome,  permettent  de  se  faire  une  idée  assez  exacte. 

Connu  à  la  fin  de  la  République  et  sous  l'Empire, 
lorsque  Rome  compta  de  nombreux  forums,  sous  le  nom 
de  forum  vêtus,  ou  de  forum  magnum  (forum  ancien 
ou  grand  forum),  le  forum  romain,  qu'occupe  aujourd'hui 
le  Campo  vaccino,  fut  d'abord  un  marais,  situé  entre  les 
monts  Palatin  et  Capitolin  et  que,  d'après  la  tradition,  com- 
blèrent Romulus  et  Tatius.  Il  comprenait  alors  deux  par- 
ties inégales  et  distinctes  :  la  plus  petite,  le  comitium, 
où  les  patriciens  se  réunissaient  pour  les  comices  par 
curies,  et  la  plus  grande,  le  forum  proprement  dit,  d'abord 
lieu  de  marché  sans  aucune  destination  politique,  mais  qui 
devint  par  la  suite  le  lieu  de  réunion  des  plébéiens  pour 
les  comices  par  tribus  :  les  rostres  ou  plate-forme,  en- 
tourée d'une  balustrade  et  devant  ce  nom  aux  éperons  de 
navires  dont  elle  avait  été  décorée  vers  l'an  416,  après  la 
défaite  des  Antiates,  plate-forme  d'où  les  orateurs  haran- 
guaient le  peuple,  séparaient  ces  deux  parties.  Dès  le 
règne  de  Tarquin  l'Ancien,  des  boutiques,  affectées  aux 
changeurs  ou  banquiers,  s'élevaient  autour  du  forum  et 
plus  tard,  au  fur  et  à  mesure  des  [ embellissements  de  la 


Rome  républicaine  et  de  la  Rome  impériale,  des  édifices 
publics  reliés  par  des  portiques,  des  statues  de  grands 
hommes  et  des  monuments  commémoratifs,  décorèrent  le 
forum  et  en  firent  une  place  unique  dans  le  monde  entier 
et  dont  la  splendeur  monumentale  ne  fut  jamais  égalée, 
même  à  Constantinople,  aux  plus  beaux  jours  de  l'empire 
d'Orient. 

Une  série  de  dessins  consacrés  de  4872  à  1874  au 
forum  romain  par  M.  F.  Dutert  et  qui  constituent  l'envoi 
de  pensionnaire  de  Rome  de  cet  architecte,  retracent  l'état 
actuel  et  l'état. restauré  du  forum  ainsi  que  de  nombreux 
détails  trouvés  dans  les  fouilles  alors  en  cours  d'exécution 
et  peuvent  donner  une  idée  assez  exacte  de  ce  que  fut  le 
forum  romain  sous  les  derniers  Antonins  (V.  Architec- 
ture romaine,  t.  III,  pp.  705  et  706,  fig.  4  et  5,  une 
vue  et  le  plan  du  forum,  d'après  M.  Dutert).  Les  des- 
sins de  cet  architecte,  outre  qu'ils  fixent  nettement  la 
forme  trapézoïdale  du  forum,  restituent  les  principaux  édi- 
fices qui  l'entouraient  alors,  tels  que  la  curie  Julia,  la 
basilique  Emilia,  le  temple  d'Antonin  et  de  Faustine,  le 
temple  et  le  bois  de  Vesta,  le  palais  des  Césars,  le  temple 
de  Jules  César,  le  temple  des  Dioscures,  la  basilique  Julia, 
l'arc  de  Tibère,  le  pilier  d'Horace,  le  temple  de  Saturne, 
le  temple  de  la  Concorde,  le  temple  de  Vespasien,  le 
portique  des  douze  Dieux,  le  temple  de  Jupiter  Tonnant, 
la  Tabularium,  et  enfin  les  Rostres  ou  Tribune.  Sur  cette 
dernière  étaient  fixées  des  plaques  de  marbre  de  grandes 
dimensions,  ornées  de  bas-reliefs,  et  dont  six,  retrouvées 
en  1872  et  ayant  appartenu,  croit-on,  à  la  première  tri- 
bune aux  harangues,  celle  transférée  en  710  par  Jules 
César  du  centre  du  forum  à  son  extrémité  occidentale, 
offrent  un  intérêt  exceptionnel  pour  l'ensemble  des  édifices 
ornant  le  forum  sous  la  République.  —  Nous  avons  dit 
que  Rome  comptait  trois  forums  consacrés  à  la  vie  pu- 
blique :  en  effet,'  Jules  César  créa  un  second  forum  judi- 
ciaire, appelé  de  son  nom,  forum  Cœsaris  ou  forum 
Julii  et  qu'ornait  un  magnifique  temple  de  Vénus  Genitrix, 
divinité  à  laquelle  il  rattachait  l'origine  de  sa  famille,  et 
un  troisième  forum  fut  élevé  par  Auguste,  le  forum  Au- 
gustin consacré  spécialement  aux  jugements  d'intérêt 
public,  forum  orné  par  Auguste  d'un  temple  de  Mars  et 
des  statues  des  plus  éminents  citoyens  de  la  République. 
Plusieurs  villes  romaines,  à  l'origine  simples  marchés  ou 
emplacements  de  tribunaux,  portèrent  le  nom  de  forum 
avec  l'indication  de  leur  fondateur  :  Ainsi  le  forum 
Appii ,  fondé  dans  le  Latium  sur  la  voie  Appienne  par  le 
censeur  Appius  Claudius,  et  le  forum  Julii  (aujourd'hui 
Fréjus),  colonie  fondée  par  Jules  César  dans  la  Gaule 
Narbonnaise.  Charles  Lucas. 

FOR  VAL,  diplomate  français  du  xvne  siècle,  mort  pro- 
bablement à  Paris  en  mai  1702.  Venu  en  Pologne  avec 
Réthune  en  1675,  il  avait  été  de  là  dans  l'armée  de 
Tekeli,  servit  d'abord  comme  colonel  dans  ses  troupes 
auxiliaires,  puis  enfin  résida  comme  ministre  de  France 
auprès  de  sa  personne.  Après  la  paix  de  Nimègue,  il  revint 
en  Hongrie  par  Venise  et  Relgrade,  et  il  s'y  trouvait  encore 
au  moment  du  siège  de  Vienne  et  des  campagnes  qui  sui- 
virent. On  lui  attribue,  vraisemblablement  sans  raison,  une 
mission  en  Angleterre  en  1688,  dont  il  n'y  a  pas  trace  aux 
archives  des  affaires  étrangères.  En  1697,  il  fut  choisi 
pour  une  mission  en  Pologne  que  sa  mauvaise  santé  ne  lui 
permit  pas  de  remplir. 

Bibl.  :  Mém.  de  Saint-Simon.  —  Dalerac,  Anecdotes 
de  Pologne  ;  Paris,  1700,  in-12.  —  L.  Farges,  Rec.  des  ins- 
tructions aux  amb.  de  France  en  Pologne;  Paris,  1888, 
t.  I,  2  vol.  in-8. 

FORZATE  ou  FORZATI  (Claudio),  poète  italien,  né  à 
Padoue  vers  1550,  mort  vers  1610.  Il  est  surtout  connu 
par  une  tragédie,  Recinda  (Venise,  4609,  in-12),  qui  fut 
fréquemment  imprimée.  De  plus,  il  a  laissé  des  Rime 
(Padoue,  1585,  in-12)  et  des  poésies  en  patois  padouan, 
Scareggio  tandarello  (Padoue,  1583,  in-4). 

Bibl.  :  Colle,  Storia  scie ntifico-letter aria  dello  studio 
di  Padua  ;  Padoue,  1824-1825,  in-4. 


FOS  —  FOSCOLO 


—  858  — 


FOS.  Corn,  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône,  arr.  d'Aix, 
cant.  d'Esvres,  entre  l'étang  de  l'Estomac  et  le  grand  ma- 
rais de  la  Basse-Crau,  sur  le  golfe  de  Fos  dans  lequel 
débouche  le  canal  Saint-Louis;  4,464  hab.  Fabrique  de 
produits  chimiques.  Ce  village  fut  jusqu'au  ixe  siècle  un 
port  important  de  la  Méditerranée  ;  il  fut  ruiné  à  cette 
époque  par  les  ravages  des  Sarrazins.  Vestiges  de  fortifi- 
cations romaines  sur  lesquelles  s'élève  un  château  fort  du 
xive  siècle.  Eglise  du  xnr3  siècle  (mon.  hist.).  Sur  un  ro- 
cher en  deçà  du  village  s'élève  une  intéressante  chapelle 
romane  (mon.  hist.). 

FOS.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de  Saint- 
Gaudens,  cant.  de  Saint-Béat,  sur  la  Garonne,  située  à 
quelques  kil.  de  la  frontière,  près  du  Pont -du- Roi  ; 
1,006  hab.  Localité  importante  jusqu'à  ces  dernières  an- 
nées, grâce  à  la  franchise  douanière  dont  jouissaient  les 
habitants  du  Val  d'Aran.  Scieries  importantes,  filatures, 
bureau  de  douanes.  Restes  d'un  ancien  château. 

FOS.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Béziers,  cant. 
de  Roujan  ;  447  hab. 

FOSBROKE  (Thomas  Dudley),  archéologue  et  historien 
anglais,  né  le  27  mai  4  770,  mort  à  Walford  le  4er  janv. 
4842.  Il  étudia  à  Saint-Paul's  School  à  Londres,  puis  à 
Pembroke  Collège  à  Oxford.  Curé  de  Horsley  (Gloucester- 
shire)  en  4792,  puis  curé  de  Walford  (Herefordshire)  en 
4840,  et  vicaire  de  la  même  paroisse  en  4830,  il  consacra 
toute  sa  vie  à  l'étude  de  l'archéologie  et  de  l'histoire.  Il 
était  devenu  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  en  4799. 
Les  deux  ouvrages  qui  lui  ont  acquis  la  célébrité  sont  : 
British  Monachism  (Londres,  4802,  2  vol.  in-8  ;  autres 
éditions  en  4817,  in-4,  et  4843,  in-8),  etYEncyclopœdia 
of  Antiquities  (Londres,  4825,  2  vol.  in-4,  et  4840, 
in-8).  Citons  parmi  ses  autres  livres  :  Abstracts  of 
Records  and  mss.  respecting  the  County  of  Gloucester 
(Gloucester,  4807,  2  vol.  in-4)  ;  Histonj  of  the  City  of 
Gloucester  (Londres,  4849,  in-fol.).  Il  collabora  au  Gent- 
lemaris  Magazine  et  au  Cabinet  Cyclopœdia.    M.  P. 

FOSGARARl  (Egidio)  (en  latin  Egidius  Foscherarius) , 
théologien  italien,  né  à  Bologne  le  27  janv.  4542,  mort  à 
Rome  le  23  déc.  4564.  Dominicain,  inquisiteur  et  prieur 
du  couvent  de  Bologne  (4544),  il  devint  évêquede  Modène 
et  se  fit  remarquer  par  son  intelligente  charité.  Soupçonné 
d'hérésie,  il  fut  quelque  temps  incarcéré  au  château  Saint- 
Ange,  mais  Pie  IV  le  rendit  à  ses  fonctions.  Il  prit  une 
part  active  au  concile  de  Trente  et  fut  l'un  des  membres  de 
la  commission  chargée  de  réformer  le  bréviaire  romain  que 
devait  promulguer  Pie  V.  R.  G. 

Bibl.  :  G.-A.  Burmaldi  (Ovidio  Montalbani),  Minerva- 
lia  bononiensium  civium,  seu  Bibliotheca  bononiensis  ; 
Bologne,  1641,  in-12. 

F0SCAR1  (Francesco),  doge  de  Venise,  né  vers  4372, 
mort  le  34  oct.  4457.  Elu  en  4423,  à  la  mort  de  Tomaso 
Mocenigo,  il  engagea  presque  aussitôt  la  république  dans 
une  série  de  guerres  inutiles  et  ruineuses,  dont  voici  le 
résumé  :  guerre  contre  le  duc  cle  Milan,  terminée  par  la 
paix  du  48  avr.  4427  ;  reprise  de  la  campagne  en  4434, 
défaite  des  Vénitiens  qui  condamnent  à  mort  leur  général, 
Carmagnola  (4432).  Ce  fut  ensuite  contre  Bologne  que  se 
tourna  la  manie  guerroyante  du  doge,  mais  cette  nouvelle 
campagne,  plus  heureuse,  aboutit  en  4  444- à  un  traité  qui 
agrandissait  provisoirement  le  territoire  de  Venise  ;  peu 
après,  Foscari  s'empara  encore  de  Ravenne,  mais,  par  com- 
pensation, le  Soudan  d'Egypte  confisquait  les  possessions 
vénitiennes  en  Orient.  La  guerre  reprit  bientôt  (1443)  et 
-  ne  se  termina,  après  diverses  alternatives  et  le  ravage  de 
toute  l'Italie  du  Nord,  que  le  5  avr.  4454,  par  la  paix  de 
Lodi.  Venise  connut  alors  et  enfin  le  repos,  mais  les  enne- 
mis de  Foscari  profitèrent  de  la  paix  pour  se  débarrasser 
de  lui.  Accusé,  à  tort  probablement,  de  la  mort  de  l'amiral 
Pietro  Loredano,  il  fut  déposé  par  le  conseil  des  Dix,  à 
l'instigation  de  Jacopo  Loredano.  R.  G. 

Bibl.  :  Sismondi,  Histoire  des  républiques  italiennes 
du  moyen  âge;  Paris,  1826,  16  vol.  in-8. 

FOSCARI  (Francesco),  diplomate  vénitien,  de  la  famille 


du  précédent,  né  le  30  déc.  4704,  mort  le  47  déc.  4790.  Il 
fut  ambassadeur  à  Rome  (4748),  à  Constantinople  (4756), 
à  Vienne  (4765),  à  Saint-Pétersbourg  (4784).  En  même 
temps,  il  cultivait  et  surtout  protégeait  les  lettres  ;  il 
contribua  notamment  à  la  publication  de  la  Bibliotheca 
Patrumàe  Galland  et  du  Thésaurus  Antiquitatum  sacra- 
rum,  R.  G. 

Bibl.  :  Solari,  Elogio  storico  di  Francesco  Foscari  ; 
Venise,  1791,  in-4. 

FOSCARI  NI  (Michèle),  historien  italien,  né  à  Venise  en 
4632,  mort  le  34  mai  4692.  Après  avoir  rempli  quelques 
charges  importantes  dans  l'Etat,  il  succéda  en  4678  à  Nani 
comme  historiographe  de  la  république.  L'ouvrage  qu'il 
écrivit  en  cette  qualité  a  pour  titre  :  Istoria  délia  Repub- 
blica  Veneta  (Venise,  4696,  in-4)  ;  il  a,  de  plus,  donné 
deux  nouvelles,  imprimées  dans  les  Novelle  Amarose  degli 
Academici  incogniti  (Venise,  4654,  in-4),  et  une  édition 
du  Muséum  illustrium  Poetarum  de  Caramella,  imprimé 
à  la  suite  de  la  Sacra  Purpura  (Venise,  4653,  in-42). 

Bibl.  :  Marco  Foscarini,  Délia  Letteratura  veneziana  ; 
Padoue,  1752,  in-fol. 

FOSCARI  NI  (Marco),  doge  et  littérateur  vénitien,  né  le 
30  janv.  4696,  mort  le  34  mars  4763.  Nommé  historio- 
graphe de  la  république,  il  résolut  de  composer  une  his- 
toire littéraire  de  Venise,  mais  il  n'en  put  rédiger  que  quatre 
livres,  au  lieu  de  huit  qu'il  avait  annoncés  en  livrant  la 
première  partie  de  son  œuvre  à  l'impression  :  Délia  Let- 
teratura veneziana  libri  otto  (Padoue,  4752,  in-fol.) . 
Il  ne  fut  doge  que  quelques  mois  (4762-4763).     R.  G. 

Bikl.  :  Moschini,  Délia  letteratura  veneziana  del  secolo 
XVIII  ;  Venise,  1806-1808,  in-4. 

FOSCHl  (Ferdinando),  peintre  de  l'école  bolonaise,  qui 
vivait  dans  le  xvme  siècle.  Le  Louvre  possède  de  sa  main 
un  Effet  de  neige  qui  n'est  pas  sans  mérite.  On  connaît 
deux  autres  peintres  de  ce  nom  :  Sigismond,  dont  une 
Vierge  et  quatre  Saints  sont  conservés  au  musée  de  la 
Bréra,  à  Milan,  et  Fra  Salvator,  élève  de  Vasari,  et  qui 
l'aida  à  Rome  dans  ses  travaux. 

FOSCHl  NI  (Antonio),  architecte  et  professeur  d'archi- 
tecture italien,  né  à  Corfou  en  4744,  mort  à  Ferrare  en 
4843.  D'une  famille  originaire  de  Ferrare,  Foschini  revint 
fort  jeune  dans  cette  ville  où  il  fut  appelé  à  professer  le 
cours  d'architecture  civile  et  militaire  à  l'université.  On 
doit  à  cet  architecte  plusieurs  édifices,  parmi  lesquels  l'hô- 
pital de  Commachio,  le  théâtre  de  Ferrare  et  le  grand 
escalier  de  l'université  de  cette  ville. 

FOSCOLO  (Ugo),  célèbre  poète  italien,  né  à  l'île  de 
Zante  le  26  janv.  4778,  mort  à  Turnham  Green,  près  de 
Londres,  le  40  oct.  4827.  Fils  d'un  Vénitien  et  d'une 
Grecque,  Diamanta  Stathi.  Sa  mère,  demeurée  veuve,  lui 
donna  les  premières  leçons,  puis  l'envoya  compléter  ses 
études  à  Venise,  d'abord,  ensuite  à  l'université  de  Padoue. 
Alfieri  était  alors  le  grand  poète  des  jeunes  gens  épris  à  la 
fois  de  stoïcisme  et  de  patriotisme  un  peu  mélodramatique  ; 
Foscolo  écrivit  sa  tragédie  alfiérienne,  Tieste,  qui  fut  jouée 
avec  quelque  succès  au  théâtre  Saint-Ange,  à  Venise,  le 
4  janv.  4797.  La  nouvelle  république  cisalpine  l'attira  ; 
il  se  rendit  à  Milan,  s'engagea  dans  la  légion  lombarde, 
où  il  devint  officier  ;  partageant  le  sort  des  armes  françaises, 
il  subit  le  siège  de  Gênes.  Sa  tragédie,  quelques  vers  heu- 
reux avaient  mis  son  nom  en  lumière  ;  le  Discours  à  Bona- 
parte augmenta  singulièrement  sa  naissante  importance  ; 
enfin,  en "4 802,  parurent  les  Ultime  Lettere  di  Jacopo 
Ortis  dont  le  succès  fut  européen.  Ici  s'interrompt  sa  car- 
rière militaire  ;  après  avoir  fait  partie  du  contingent  italien 
réuni  à  Calais  et  à  Saint-Omer  pour  l'expédition  d'Angle- 
terre, il  revint  à  Milan,  puis  se  retira,  afin  de  se  livrer  à 
l'étude,  dans  une  petite  campagne  près  de  Brescia.  C'est 
là  que  le  vice-roi  d'Italie,  qui  avouait  de  l'estime  pour  les 
poètes  et  surtout  pour  Foscolo,  vint  le  chercher  pour  lui 
offrir  la  chaire  d'éloquence  à  l'université  de  Padoue  (4808). 
Il  eut,  comme  professeur,  le  plus  vif  succès  parmi  la  jeu- 
nesse, mais  l'admirateur  de  Bonaparte  n'avait  jamais  pu 
admettre  Napoléon  ;  il  le  laissa  entendre  et  on  le  pria  de 


859  - 


FOSCOLO  —  FOSS 


se  taire.  Il  dut  quitter  non  seulement  sa  chaire,  mais  même 
la  Lombardie  et  il  s'exila  encore  une  fois  à  la  campagne, 
non  loin  de- Florence.  A  la  chute  de  Napoléon,  il  reprit 
momentanément  du  service,  mais  son  caractère  trop  indé- 
pendant ne  pouvait  s'accommoder  à  l'esprit  de  réaction  qui 
s'élevait  en  Italie  ;  il  disparut,  passa  à  Zurich,  puis  à 
Londres.  Il  vécut  d'abord  très  facilement  en  Angleterre, 
grâce  4  un  cours  public  de  littérature  italienne  qu'il  avait 
ouvert  et  où  il  fut  de  mode  de  courir,  mais  l'indifférence 
succéda  à  l'enthousiasme  et  ce  fut  la  gêne,  presque  la 
misère.  Il  mourut  hydropique  à  quarante-neuf  ans. 

M.  Carducci  a  dit  de  la  poésie  de  Foscolo  :  «  C'est  la 
seule  poésie  lyrique,  de  lyrisme  pindarique,  que  possède 
l'Italie.  »  Je  croîs  bien  que  si  Foscolo  émeut  si  fortement 
les  poètes  et  les  lettrés  italiens  d'aujourd'hui,  ou  d'hier, 
c'est  par  son  patriotisme  encore  plus  que  par  son  génie, 
car  ce  génie,  qu'il  soit  pindarique  si  l'on  veut,  est  singu- 
lièrement fermé  à  qui  n'appartient  pas  à  la  tradition  patrio- 
tique et  classique  italienne.  Sans  doute  il  est  supérieur  aux 
poètes  de  son  temps,  au  médiocre  Pindemonte,  au  suranné 
Monti,  au  sentencieux  Alfieri,  mais  il  est  de  ce  temps  et  il 
est  mythologique  et  faux  comme  la  fausse  mythologie  que 
le  romantisme  allemand  devait  vaincre  à  tout  jamais.  Ainsi, 
dans  les  Sepolcri,  les  seuls  vers  de  Foscolo  restés  vivants, 
l'émotion  que  pourrait  donner  l'agréable  mélancolie  du 
poème  est  mise  en  déroute  par  l'armée  des  Dieux  et  des 
Héros  homériques  qui  surgissent  on  ne  sait  pourquoi  à 
propos  d'une  tombe  abandonnée.  Et  puis,  vraiment,  cela 
manque  d'originalité  :  ce  sont,  traduits  en  italien,  en  une 
fort  belle  langue,  d'ailleurs,  des  centons  de  Lucrèce,  de 
Térence,  de  Virgile,  d'Homère,  de  Tibulle,  etc.  C'était  la 
mode,  soit  ;  mais  si  Foscolo  avait  été  un  grand  poète,  il 
aurait  innové  ;  il  est  simplement  le  dernier  des  bons  poètes 
classiques.  —  Quant  à  son  Jacopo  Ortis,  apologie  du  sui- 
cide patriotique,  transposition  romanesque  des  durs  héros 
d'Alfieri,  histoire  d'amour  en  même  temps,  ce  recueil  de 
lettres  passionnées,  mais  froides,  n'a  plus  qu'un  intérêt 
historique  et  de  psychologie  rétrospective;  c'est  encore 
beaucoup,  mais  une  œuvre  n'existe  que  par  ce  qu'elle  con- 
tient de  permanent,  d'éternellement  humain,  et  Jacopo 
Ortis  ne  représente  que  le  plus  factice  et  le  plus  passager 
des  états  d'âme  ;  en  ce  genre,  Werther  suffit.  —  Poète  et 
écrivain  imaginatif,  Foscolo  fut  aussi  un  littérateur,  un 
érudit,  un  bon  commentateur  des  textes,  bien  dans  la  tra- 
dition florentine,  c.-à-d.  un  peu  rhéteur  ;  il  fut  encore  un 
grand  amoureux,  d'innombrables  lettres  en  témoignent  ;  il 
fut  enfin  le  plus  désintéressé  des  citoyens,  le  plus  inflexible 
des  raisonneurs.  Il  voulait  le  bien  de  l'Italie,  mais  la  notion 
de  ce  bien  demeura  toujours  imprécise  dans  son  esprit.  En 
littérature  comme  en  politique,  homme  des  bonnes  et  par- 
fois des  grandes  intentions,  Foscolo  n'a  peut-être  rempli, 
par  la  faute  de  son  caractère  inquiet,  que  la  moitié  de  sa 
destinée  ;  cela  suffit  pour  cpi'il  garde,  malgré  tout,  une 
importante  place  dans  l'histoire  des  vicissitudes  de  la  litté- 
rature italienne. 

Voici  l'indication  des  meilleures  éditions  de  ses  différents 
ouvrages  ;  les  manuscrits  sont  presque  tous  conservés  à  la 
Bibliothèque  nationale  de  Florence,  en  12  vol.  dont  la  Cul- 
turel du  45  janv.  1885  a  publié  la  table  :  Dei  Sepolcri, 
carme  (éd.  U.  A.  Canello,  Padoue,  1883,  in-8  ;  éd. 
F.  Trevisan,  Vérone,  1883,  in-42)  ;  Le  Poésie  (éd.Biagi, 
Florence,  1883,  in-64;  éd.  G.  Mestica,  con  riscontri  su 
lutte  le  stampe;  Florence,  1880,  in-16,  et  1884,  2  vol. 
in-64;  éd.  G.  Chiarini,  edizione  critica,  Livourne,  1882, 
in-8)  ;  Lettere  di  Jacopo  Ortis  (Florence,  1858,  in-42)  ; 
Prose  letterarie  (Florence,  1860,  4  vol.  in-42);  Prose 
politiche  (Florence,  1850,  in-42)  ;  Epistolario  (Flo- 
rence, 1854,  3  vol.  in-42)  ;  Saggi  di  critica  storico-let- 
teraria,  tradotti  dalVinglese,  éd.  Orlandini  et  Mayer 
(Florence,  4859,  in-42)  ;  Lettere amorose  ad  Antonietta 
Fagnani,  éd.  G.  Mestica  (Florence,  1884,  in-16).  — 
La  bibliographie  foscolienne,  foscoliana,  comme  disent 
les  Italiens,  est  déjà  immense  ;  considéré  tel  qu'un  clas- 


sique, Foscolo  a  été  étudié,  commenté  à  l'infini  ;  parmi  les 
documents  qui  le  concernent,  nous  avons  choisi  les  plus 
importants  et  les  plus  récents.  R.  de  Gourmont. 

Bibl.  :  G.  Pecchio,  Vita  di  Ugo  Foscolo  ;  Lugano,  1830. 
—  G.  Caleffi,  Cenni  sulla  vita,  la  persona,  il  carattere  e 
le  opère  di  Ugo  Foscolo,  en  tête  des  Opère  scelte;  Fiesole, 
1835.  —  Etienne,  Ugo  Foscolo,  dans  Revue  des  Deux 
Mondes,  1er  sept.  1854.  —  G.  Carducci,  Bozzetti  critici  e 
discorsi  letterarii  ;  Livourne,  1876.  —  Antona-Traversi, 
Di  un  Amore  di  Ugo  Foscolo  con  tre  bigliettini  amorosi 
inediti;  Milan,  1880.—  C.  Gemellï,  Délia  Vita  e  délie  opère 
di  Ugo  Foscolo;  Bologne,  1881.  —  Martinetti,  Délie 
Guerre  letterarii  contro  U.  Foscolo;  Turin,  1881.  —  G. 
Chiarini,  I  Sepolcri  di  U.  Foscolo,  dans  Nuova  Antolo- 
gia,  1882,  t.  IL—  F.-C.  Buggiani,  Sui  Sepolcri  di  U.  Fos- 
colo ;  Cagliari,  1882.  —  Pietro  di  Colloredo  Mels,  Note 
e  impressioni  ricavate  dalle  opère  di  U.  Foscolo;  Flo- 
rence, 1883.  —  Martinetti,  Documenti  délia  vita  militare 
di  U.  Foscolo  ;  Turin,  1883.—  Antona-Traversi,  Ugo  Fos- 
colo academico,  dans  Fanfulla  délia  Domenica  ;*Rome, 
20  avr.  1884.  —  F.  Gilbert  de  Winckels,  Ugo  Foscolo  nella 
rivoluzione  democratica  di  Venezia  net  1Î91,  dans  Prelu- 
dio;  Ancône,  30  août  1884.—  Antona-Traversi,  La  Vera 
storia  dei  Sepolcri  di  Foscolo;  Milan,  1884.  —  Du  même 
et  Martinetti,  Dei  Sepolcri  di  Foscolo  ;  Rome,  1884.  — 
P.  Pavesio,  Critici  ed  edilori  délie  opère  di  U.  Foscolo  ; 
Rome,  1884.  —  Antona-Traversi,  Studi  su  U.  Foscolo, 
con  documenti  inediti  ;  Milan,  1884.  —  Du  même  et  Dorae- 
nico  Blanchi,  U.  Foscolo  nella  famiglia,  con  lettere  e  docu- 
menti inediti  e  un  appendice  di  cose  inédite  o  rare  ;  Milan, 
1884.  —  Una  Leltera  médita  di  Foscolo  a  Andréa  Calbo, 
dans  Nuova  Antologia,lh  juil.  1884. —  Chiarini,  Il  Secondo 
Delitto  di  U.  Foscolo  {ibid.,  15  mars  1885).  —  Pietro  Gori, 
Bibliografia  Foscoliana  ;  Florence,  1886.—  Achille  Neri, 
Minuzie  Montiane  e  Foscoliane,  dans  Gazzetta  letteraria, 
6  juin  1891  et  6  juil.  1892.  —  G.  Chiarini,  Gli  Amori  di  U. 
Foscolo  nelle  sue  lettere  ;  Bologne,  1892,  2  vol.  in-8.  — 
F.  Gilbert  de  Winckels,  Vita  di  Ugo  Foscolo,  con  prefa- 
zione  dei  cav.  prof.  F.  Trevisan  ;  Vérone,  1892,  2  vol.  in-8. 
F0SF0R1STER  ou  PHOSPHORISTES.  Nom  que  l'on 
donne  aux  romantiques  suédois  ou  adeptes  de  la  Nouvelle 
Ecole  (Nya  Skolan),  d'après  leur  organe,  le  périodique 
Phosphoros  (1840-43). 

FOSS  (Anders),  érudit  dano-norvégien,  né  en  4543, 
mort  le  25  janv.  4607.  Après  avoir  voyagé  en  Allemagne, 
en  France  et  en  Hollande,  il  fut  recteur  de  l'école  d'Ant- 
vorskov  (Sélande),  pasteur  à  Stege,  enfin  évêque  de  Ber- 
gen (4583).  Il  publia  :  Genealogia  regum  Daniœ  etNor- 
vegiœ  (Copenhague,  4582,  in-8;  en  danois,  par  Jacob 
Matson,4592,  in-fol.).  Dans  sa  Censura  de  Saxone  Gram- 
matico,  il  fut  le  premier  érudit  de  son  pays  qui  fit  preuve 
d'un  grand  sens  critique.  Il  laissa  en  manuscrit  un  Cata- 
logue des  écrivains  qui  ont  traité  du  Danemark  et 
4  vol.  d'Annales.  B-s. 

FOSS  (Edward),  publiciste  anglais,  né  à  Londres  le 
46  oct.  4787,  mort  à  Londres  le  27  juil.  4870.  Solicitor 
à  Londres  de  4844  à  4840,  directeur  de  la  Law  Life 
Assurance  Society,  il  collabora  de  bonne  heure  à  la  Monthly 
Review,  au  London  Magazine,  au  Morning  Chronicle 
et  autres  périodiques,  publia  des  études  archéologiques 
qui  le  firent  élire  membre  de  la  Société  des  antiquaires  en 
4822,  devint  membre  de  la  Société  royale  de  littérature 
en  4837  et  de  la  Camden  Society  en  4850.  Citons  parmi 
ses  ouvrages  de  jurisprudence  :  The  Beauties  of  Massin- 
ger  (4847),  un  abrégé  des  Commentaires  de  Blackstone 
(4820)  ;  The  Grandeur  of  the  Law  (4843)  ;  Judges 
of  Enqland  (4848-4864,  9  vol.)  ;  Tabulas  curiales, 
(4865)",  etc.  R.  S. 

FOSS  (Herman-Henrik),  homme  politique  et  écrivain 
norvégien,  né  à  Bergen  le  47  sept.  4790,  mort  à  Aker  le 
24  sept.  4853.  Entré  dans  l'armée  danoise  en  4809,  il  con- 
tinua de  servir  en  Norvège  (4843),  jusqu'au  grade  de  lieu- 
tenant-colonel (4843).  De  4827  à  4845,  il  fit  partie  du 
Storthing,  dont  il  présida  constamment  l'Odelsthing  à  par- 
tir de  4833  et  fut  chef  du  département  de  la  marine  du 
22  mars  1845  au  46  oct.  4848.  Ses  mérites  patriotiques 
lui  avaient  procuré  une  autorité  dont  il  usa  avec  succès, 
comme  médiateur  dans  la  querelle  littéraire  de  Welhaven 
et  de  Wergeland,  à  laquelle  mit  fin  son  poème  des  Parques 
{Tidsnornerne  ;  Christiania,  4835).  Il  donna  une  traduc- 
tion réussie  de  h  Frithjofs  sag  a  àeTegnèr  (Bergen,  iS%); 
des  traductions  d'ouvrages  de  Walter  Scott  ;  une  Descrip- 


FOSS  —  FOSSE 


-  860  - 


tion  de  Bergen,  avec  L.  Sagen(4824)  ;  diverses  brochures 
militaires  et  politiques  ;  enfin  des  articles  dans  des  pério- 
diques, notamment  dans  le  Spectateur  norvégien  de  Ber- 
gen, qu'il  édita  avec  C.-M.  Falsen  et  J.  Rein,  de  4817  à 
4821.  B-s. 

FOSS  (Frithjof),  écrivain  norvégien,  né  à  Arendal  en 
4830.  Après  avoir  été  avoué  dans  sa  ville  natale  (4859)  et 
à  Christiania  (4864),  journaliste,  agent  d'affaires  en  Fin- 
lande (4872-79),  chargé  par  le  gouvernement  de  la  Grande- 
Principauté  d'une  mission  économique  en  Angleterre  (4  879- 
84),  il  est  maître  de  langues  et  publiciste  à  Christiania. 
Sous  le  pseudonyme  d'Israël  Dehn,  il  a  écrit  d'un  style 
facile  des  Esquisses  de  Londres  (Christiania,  4  862)  et 
une  dizaine  de  nouvelles.  On  lui  doit  encore  :  Norvegian 
Grammar  (4858);  Manuel  commercial  de  la  Grande- 
Principauté  de  Finlande  (Âbo,  4878-79,  3fasc.);itop- 
port  sur  l'Exposition  norvégienne  de  1883  (4884). 

FOSS  (Harald-Frederik),  paysagiste  danois,  né  à  Fre- 
dericia  le  24  août  4843.  Ancien  élève  de  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Copenhague,  il  expose  depuis  4865  des  pay- 
sages parmi  lesquels  on  remarque  surtout  ceux  qui  repré- 
sentent les  landes  du  Jutland.  B-s. 

FOSSA,  poète  italien  de  la  fin  du  xve  siècle,  né  à  Cré- 
mone. Il  est  Fauteur  d'un  roman  de  chevalerie  en  vers, 
qui  eut  plus  d'un  siècle  de  succès  :  Libri  novo  de  lo  in- 
comenciamento  de  Galvano  (Milan,  vers  4500,  in-4; 
une  autre  édition  date  de  4607). 

Bibl.  :  G.  Melzi,  Bibliografia  ciel  romanzi  e  poemi  ca- 
vallereschi  italiani  ;  Milan,  1838,  gr.  in-8. 

FOSSA  NO.  Ville  d'Italie,  de  la  prov.  et  du  circondario 
de  Coni  (Cuneo),  Piémont,  sur  la  Stura,  affluent  de  la  rive 
gauche  du  Tanaro;  -1 8,340  hab.  Elle  est  située  à  377  m. 
d'alt.  à  la  jonction  des  routes  de  Mondovi  et  de  Coni  sur 
Turin.  Sa  position  stratégique  explique  l'existence  de  ses 
anciens  remparts  et  de  son  château,  où  le  brave  La  Roche 
du  Maine  fut  obligé  de  capituler  en  4536,  après  une  belle 
résistance  contre  les  troupes  de  Charles-Quint.  Fossano  a 
une  industrie  assez  prospère  (draps,  soieries,  papeteries). 

FOSSANO  (V.  Borgognone). 

FOSS  AT  (Le).  Ch.-i.  de  cant.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr. 
de  Pamiers;  956  hab. 

FOSS  ATI  (Giovanni-Francesco),  historien  italien,  né  à 
Milan  vers  4590,  mort  en  4653.  Bénédictin  et  évèque  de 
Tortone,  il  faisait  également  partie  sous  le  nom  d'Assi- 
curato  de  l'Académie  des  Animosi.  Son  principal  ouvrage 
a  pour  titre  :  Memorie  istoriche  délie  guérite  dltalia 
del  secolo  présente  dalV  anno  1600  (Milan,  4640,  in-4). 
Bibl.  :  Argelati,  Bibliotheca  scriptorum  mediolanen- 
sium  ;  Milan,  1745,  4  vol.  in-fol. 

FOSSATO  (Davide- Antonio),  peintre  et  graveur  italien, 
né  à  Morco,  dans  le  Tessin,  en  4720,  mort  à  Venise  vers 
4780.  Elève  du  P.  Vincenzo  Mariotti,  il  aida  ensuite  Daniel 
Gran  aux  fresques  de  la  villa  Cornaro,  puis  à  la  décoration 
de  la  bibliothèque  impériale  de  Vienne.  Le  palais  Conta- 
rini  à  Venise  possède  de  lui  plusieurs  fresques.  On  lui  doit 
encore  des  eaux-fortes,  représentant  :  vingt-quatre  Vues 
de  Venise  et  de  ses  environs  ;  la  Famille  de  Darius  aux 
pieds  d'Alexandre,  Jupiter  et  les  Vices,  la  Vocation  de 
saint  Pierre,  d'après  Paul  Véronèse.  G.  P-i. 

FOSSE.  I.  Technologie.  —  Cavité  pratiquée  dans  le 
sol  pour  servir  à  divers  usages  :  fosse  à  chaux,  trou  dans 
lequel  se  conserve  la  chaux  éteinte;  espace  entouré  de 
murs  au  milieu  duquel  le  fondeur  place  l'objet  à  fondre  ; 
cuve  du  tanneur  pour  y  mettre  le  cuir  imbibé  ;  cavité  pra- 
tiquée au-devant  du  balancier  où  se  frappent  les  mon- 
naies; fosse  à  piquer  le  feu,  longue  cavité  établie  dans 
une  gare,  entre  les  rails,  et  dans  laquelle  le  mécanicien 
peut  descendre  pour  piquer  le  feu,  vérifier  les  pièces  de  la 
machine  et  au  besoin  faire  les  petites  réparations  ;  fosse  à 
purin,  établie  dans  la  cour  des  fermes  pour  recueillir  les 
eaux  des  fumiers.  L.  K. 

II.  Mines  (V.  Mines). 

III.  Administration.  —  Fosse  commune.  —  On 
appelle  ainsi,  dans  les  cimetières,  les  tranchées  où  sont 


inhumés  les  morts  pour  lesquels  on  n'a  point  payé  de  con- 
cession. Depuis  l'ordonnance  de  police  de  4850,  les  cer- 
cueils ne  sont  plus  placés  les  uns  sur  les  autres,  mais  côte 
à  côte.  Les  tranchées  sont  ouvertes  tous  les  cinq  ans  et 
leur  emplacement  sert  à  l'inhumation  de  nouveaux  morts 
(V.  Cimetière).  Dans  quelques  circonstances  exceptionnelles 
(choléra,  guerre  civile),  on  a  enterré  directement  les  cada- 
vres, pêle-mêle  dans  la  fosse  commune  en  les  noyant  dans 
la  chaux. 

IV.  Construction.  —  Fosse  d'aisances.  —  Réceptacle 
disposé  au  sous-sol,  dans  les  habitations,  pour  emmaga- 
siner provisoirement  les  matières  fécales,  amenées  des 
étages  supérieurs  par  une  canalisation  spéciale.  On  distingue 
les  fosses  fixes  et  les  fosses  mobiles.  Les  premières  sont  des 
espèces  de  réservoirs  ou  citernes  établis  dans  la  hauteur 
de  l'étage  des  caves,  soit  sous  la  maison,  soit  à  l'extérieur, 
mais  attenant  à  l'un  des  mm  s  de  fondation.  Ces  fosses  peu- 
vent donner  lieu  à  des  infiltra  lions  de  matières  éminem- 
ment fermentescibles,  susceptibl-  s  de  corrompre  les  eaux 
des  puits  plus  ou  moins  éloignés,  de  déterminer  la  formation 
de  salpêtre  sur  les  murs  voisins,  démettre  des  gaz  qui 
attaquent  l'odorat  et  compromettent  la  santé  publique. 
Aussi  la  construction  de  ces  réceptacles  est-elle  soumise 
à  des  règlements  administratifs.  En  vertu  des  ordonnances 
de  police  du  23  oct.  4849  et  du  4er  déc.  4853,  il  est  inter- 
dit, à  Paris  et  dans  les  communes  avoisinantes,  d'employer 
comme  fosses  les  puits,  puisards,  égouts  et  carrières  aban- 
données. Ces  fosses  doivent  être  construites  en  pierre  meu- 
lière et  en  mortier  de  chaux  maigre  avec  enduit  lissé  à  la 
truelle,  être  voûtées  en  plein  cintre  avec  2  m.  de  hauteur 
sous  clef.  Il  est  prescrit  de  faire  le  fond  en  forme  de  cuvette, 
de  pratiquer  une  ouverture  d'extraction  de  4  m.  sur  0m65, 
de  donner  au  tuyau  de  chute  au  moins  0m25  de  diamètre 
s'il  est  en  terre  cuite  et  0m20  s'il  est  en  fonte,  d'établir 
parallèlement  un  tuyau  d'évent  de  0m2o  au  moins  de  dia- 
mètre, élevé  jusqu'à  la  hauteur  des  souches  de  cheminée. 
Il  est  défendu  de  faire  dans  les  fosses  des  compartiments, 
piliers  apparents  ou  angles  rentrants.  A  ces  prescriptions, 
nous  ajouterons  que  l'emplacement  de  ces  réservoirs  doit 
être  choisi  de  manière  à  rendre  l'opération  de  la  vidange 
le  moins  incommode  possible.  Toutefois,  ces  dispositions  ne 
peuvent  faire  disparaître  les  inconvénients  des  réactions 
chimiques  auxquelles  donnent  lieu  le  contact  prolongé  des 
matières  et  d'où  résulte  la  production  do  gaz  méphitiques 
et  explosibles.  On  a  donc  cherché  à  changer  le  système  des 
fosses  fixes.  On  sait  que  dans  beaucoup  de  localités  les  ma- 
tières fécales  sont  reçues  dans  des  tonneaux  ou  des  baquets 
•  que  l'on  va  vider  dans  la  campagne,  où  leur  contenu  est 
très  recherché  comme  engrais.  C'est  ce  système  régularisé 
et  perfectionné  que  l'on  s'est  efforcé  de  substituer  à  l'an- 
cien. Dans  les  fosses  dites  mobiles  sont  placés  des  récipients 
appelés  tinettes,  auxquels  aboutit  le  tuyau  de  chute  et  où 
la  séparation  des  matières  se  fait  automatiquement.  A  Pa- 
ris, dans  les  rues  pourvues  d'égouts,  les  liquides  sont  éva- 
cués à  la  conduite  publique  à  l'aide  d'un  branchement  par- 
ticulier mis  en  communication  avec  la  tinette  par  une 
canalisation  en  fonte.  Les  solides  restent  dans  les  tonneaux 
qu'on  enlève  quand  ils  sont  trop  pleins  et  que  l'on  rem- 
place par  des  récipients  vides.  La  fosse  même  est  un  caveau 
de  petites  dimensions  pris  dans  la  hauteur  des  caves  et 
aménagé  d'une  façon  spéciale  (V.  Latrines  et  Vidange). 

L.  Knab. 
Hygiène.  Les  dépôts  de  matières  fécales  dans  le  sous- 
sol  des  habitations  exercent  une  influence  capitale  au  point 
de  vue  de  la  salubrité,  de  la  propagation  des  maladies  et 
de  la  mortalité  des  habitants.  Un  adulte  rejette  de  4,400 
à  4,500  gr.  de  matières  excrémentitielle s  par  jour,  dont 
4,200  à  4,300  gr.  d'urines,  420  à  200  gr.  de  matières 
fécales  ;  donc,  une  collectivité  de  4,000  hommes  rejette 
par  jour  de  4,400  à  4,500  kilogr.  et  par  an  de  544,000 
à  547,500  kilogr.  de  ces  matières,  qui,  mélangées  les  unes 
avec  les  autres,  entrent  en  fermentation  et  donnent  des 
torrents  de  gaz  ammoniacaux  ou  de  gaz  hydrocarbonés, 


—  861  — 


FOSSE  —  FOSSÉ 


fétides  et  éminemment  dangereux.  De  plus,  elles  déter- 
minent des  infiltrations  dans  le  sol,  le  pénètrent  de  pro- 
duits fermentescibles  et  de  micro-organismes  sortis  souvent 
des  corps  malades,  et  contaminent  les  cours  d'eau,  puits, 
conduits  voisins.  On  a  retrouvé  la  bacille  d'Eberth  dans  des 
puits  attenant  à  des  fosses  mal  construites  ;  j'ai  vu  des 
angines  graves  frapper  les  habitants  d'une  maison  dont  les 
fosses  exhalaient  une  odeur  infecte  ;  les  cas  cessèrent  avec 
la  mauvaise  odeur.  Dans  les  fosses,  il  y  a  diminution  con- 
sidérable de  l'oxygène  et  production  d'acide  sulthydrique  et 
de  sulfhydrate  d'ammoniaque  ;  aussi  les  vidangeurs  sont-ils 
exposés  à  la  mitte,  irritation  de  la  conjonctive  et  de  la 
muqueuse  nasale.  Le  plomb  désigne  des  accidents  plus 
graves.  S'il  y  a  simplement  absence  d'oxygène,  les  ouvriers 
peuvent  s'asphyxier,  mais  au  contact  de  l'air  ils  reprennent 
vite  connaissance.  Dans  l'empoisonnement  par  l'acide  sulfhy- 
drique,  on  remarque  des  phénomènes  nerveux  spéciaux, 
parfois  débutant  brusquement  et  toujours  caractérisés  par 
une  grande  excitation. 

Le  méphitisme  des  fosses  d'aisance  est  favorisé  par  la 
chaleur,  le  séjour  prolongé  des  matières,  la  mauvaise  cons- 
truction, la  profondeur  des  fosses.  L'hygiène  la  plus  élé- 
mentaire indique  donc, qu'il  faut  abandonner  les  fosses 
fixes,  le  séjour  des  matières  dans  notre  sous-sol  étant  un 
danger  permanent.  Si  l'on  ne  peut  pas  y  arriver  partout, 
il  convient  de  pratiquer  le  «  tout  à  l'égout  »,  qui  chasse 
hors  de  nos  demeures  les  produits  toxiques  éliminés  par 
notre  corps.  Le  système  séparateur  ou  diviseur  est  un 
terme  moyen  qui  consiste  à  pousser  à  l'égout  les  matières 
liquides,  en  conservant  les  matières  solides  dans  les  fosses. 
L'indication  en  est  urgente,  car  les  urines  renferment  les 
douze  treizièmes  de  l'azote  de  toutes  les  matières  usées,  et 
l'on  peut  dire  que  ce  liquide  a,  pour  cultiver  les  microbes, 
douze  chances  sur  treize  qu'en  ont  les  matières  réunies.  Ce 
système  sera  un  pis-aller  si  l'on  est  obligé  de  conserver 
les  fosses  que  l'on  désinfectera  à  outrance,  une  ventilation 
puissante  étant  à  la  tête  des  procédés  de  désinfection. 
Il  faudra  aussi  interrompre  par  une  valvule  mobile  la 
communication  entre  la  cuvette  et  le  tuyau  de  chute,  enfin 
irriguer  largement  la  fosse,  d'une  façon  permanente  ou 
intermittente.  En  définitive,  avec  les  fosses  fixes,  l'étan- 
chéité,  la  ventilation,  1a  substitution  de  sièges  avec  cuvettes 
à  siphons  et  soupapes  aux  anciens  trous  à  la  turque  laissant 
dégager  les  émanations  délétères  qui  montent  de  la  fosse, 
sont  des  nécessités  qui  s'imposent.  Dans  ces  siphons,*  il 
reste  toujours  une  colonne  d'eau  suffisante  pour  empêcher 
le  reflux  des  gaz  d'en  bas  à  l'air  libre.  Une  chasse  d'eau 
automatique  ou  provoquée  de  10  litres  après  chaque  séance 
suffit  pour  supprimer  toute  odeur.  Mais  il  ne  faut  pas  ou- 
blier que  les  fosses  mobiles  sont  ce  qui  convient  le  mieux. 
Dans  ce  système,  une  série  de  tinettes  en  tôle  est  déposée 
dans  le  sous-sol;  à  l'intérieur  de  ces  récipients  s'exonèrent 
les  habitants  delà  maison.  Tous  les  matins,  les  tinettes  sont 
emportées  et  remplacées  par  de  nouvelles.  Les  tinettes  Goux, 
en  usage  dans  nos  casernes,  ont  diminué  pour  leur  part  les 
chances  d'infection  typhoïdique  de  nos  soldats.  Elles  sont 
préalablement  remplies  de  paille  hachée,  de  terre  ou  d'écorce 
de  tan,  de  tourbe  ;  aucune  odeur  ne  s'en  dégage. 

La  désinfection  des  fosses  d'aisance  fixe  doit  se  faire 
d'une  façon  régulière  ;  le  lait  de  chaux  à  20  °/0  est  un  bon 
agent  de  désinfection  journalier,  mais  il  en  faut  une  grande 
quantité.  L'huile  lourde  de  houille,  en  petite  proportion, 
constitue  un  excellent  procédé  de  désodorisation.  Une  solu- 
tion aqueuse  de  sulfate  de  fer  à  raison  de  25  gr.  par  homme 
et  par  jour  ;  le  crésyl  (créoline),  à  5  et  à  20  %,  sont  de 
puissants  moyens  de  neutralisation  des  miasmes  des  fosses 
d'aisance.  La  vidange  d'une  fosse  fixe  ne  se  fera  pas  sans 
qu'elle  soit  restée  ouverte  au  moins  pendant  douze  heures  ; 
avant  l'opération,  on  constatera  qu'une  chandelle  allumée 
peut  y  brûler  ;  on  versera  sur  les  matières  de  l'eau  de 
chaux,  du  chlorure  de  calcium,  des  poudres  absorbantes 
(charbon,  cendres,  terre  végétale).  Le  système  de  vidange 
pneumatique  est  le  dernier  mot  du  progrès.  Dr  A.  Coustan. 


V.  Anatomie.  —  Fosse  iliaque  (V.  Iliaque). 

Fosse  nasale  (V.  Nez). 

Fosse  orbitaire  (V.  Crâne). 

FOSSÉ.  I.  Technologie.  —  Fosse  prolongée,  creusée  le 
long  d'une  grande  route  ou  des  terres  et  destinée  à  servir 
de  limite  ou  d'écoulement  des  eaux.  Leur  construction,  qui 
doit  toujours  être  soignée,  dépend  de  la  nature  du  sol  ;  si 
la  terre  est  compacte,  argileuse,  on  donne  à  la  paroi  inté- 
rieure une  inclinaison  de  45°  ;  si  elle  est  sablonneuse,  mo- 
bile, la  pente  doit  être  plus  douce.  Les  dimensions  du  fossé 
dépendent  de  sa  destination,  et  son  entretien  est  l'une  des 
conditions  essentielles  de  sa  conservation  ;  un  curage  pério- 
dique et  le  gazonnement  augmentent  la  durée  des  fossés  et 
diminuent  les  frais  d'entretien  ;  en  outre,  des  haies  vives 
maintiennent  les  terres  de  la  berge  et  consolident  les 
parois.  L.  K. 

II.  Fortification.  —  Excavation  pratiquée  en  avant  du 
parapet  des  ouvrages  ou  retranchements  de  manière  à  cons- 
tituer un  obstacle  suffisant  à  l'escalade  et  à  fournir  les 
terres  nécessaires  au  remblai.  Lorsque  le  fossé  est  placé 
en  arrière  du  parapet,  il  porte  le  nom  de  tranchée  (V.  ce 
mot),  car  alors  il  ne  forme  pas  d'obstacle,  mais  sert  à  cou- 
vrir les  défenseurs  et  à  fournir  tout  ou  partie  des  terres 
du  remblai.  On  distingue  dans  tout  fossé  Yescarpe,  la 
contrescarpe  (V.  ces  mots),  le  fond  ou  plafond  et  le  haut 
ou  partie  supérieure.  Les  fossés  sont  dits  revêtus  lorsque 
leurs  talus  d'escarpe  ou  de  contrescarpe  sont  recouverts  en 
maçonnerie  ayant  pour  objet  de  tenir  leurs  parois  plus 
raides.  On  admet  que  pour  constituer  un  obstacle  suffi- 
sant, le  fossé  des  ouvrages  de  campagne  doit  avoir  au  mi- 
nimum 4  m.  de  largeur  à  la  partie  supérieure  et  lm90  à 
2  m.  de  profondeur.  On  aura  rarement  à  dépasser  cette 
largeur  et  on  n'a  pas  intérêt  à  aller  au  delà  de  5  à  6  m. 
dans  ce  sens.  Si  l'on  a  du  temps  ou  si  l'on  a  besoin  de 
terre,  il  est  préférable  d'augmenter  la  profondeur  que  l'on 
ne  doit  pas  porter  au  delà  de  3mo0,  à  cause  des  difficultés 
de  construction  ou  de  la  nature  du  sol.  Avec  la  profondeur 
de  2  m.,  l'assaillant  peut  sauter  dans  le  fossé,  mais  il  ne 
lui  sera  pas  facile  d'en  sortir  si  l'ouvrage  est  bien  flanqué 
et  bien  défendu.  Dans  la  fortification  permanente  (V.  ce 
mot),  l'obstacle  doit  être  constitué  aussi  solidement  que  pos- 
sible, c.-à-d.  que  la  largeur  et  la  profondeur  du  fossé  sont 
plus  grandes  et  que  ses  talus  sont  en  général  revêtus.  Il  y 
a  lieu,  dans  cette  fortification,  de  distinguer:  l°les  fossés 
secs;  2°  les  fossés  pleins  d'eau  (inondés)  ;  3° les  fossés  à 
manœuvre  d'eau  (à  écluses),  c.-à-d.  qui  peuvent  à  volonté 
être  rendus  secs  ou  pleins  d'eau.  Il  faut  que  l'obstacle  ma- 
tériel constitué  par  le  fossé  soit  assez  large  et  assez  pro- 
fond pour  qu'il  ne  soit  possible  de  le  franchir  dans  aucun 
sens  sans  le  secours  d'engins  particuliers  (échelles  ou 
ponts-échelles),  de  manière  à  empêcher  l'escalade  ou  la 
surprise  même  après  un  bombardement  préalable. 

Fossés  secs,  La  largeur  est  déterminée  par  la  condi- 
tion de  couvrir  l'escarpe  contre  le  tir  plongeant,  tout  au 
moins  de  manière  qu'on  ne  puisse  y  faire  une  brèche  prati- 
cable dans  un  temps  relativement  court.  Pour  cela  il  faut 
que  la  pente  de  la  ligne  qui,  dans  le  profil,  joint  la  crête 
couvrante  (du  chemin  couvert  ou  du  glacis)  au  point  à  cou- 
vrir (sommet  de  l'escarpe)  soit  environ  celle  du  quart 
(V.  Défilement).  En  effet,  on  a  reconnu,  théoriquement  et 
pratiquement,  que  sous  une  inclinaison  (angle  de  chute) 
variant  du  4/4  au  1/fi,  les  projectiles  qui  viendront  atteindre 
la  crête  ou  toute  autre  partie  de  l'escarpe  n'auront  plus  la 
force  vive  restante  (8,000  kilogrammètres)  nécessaire  pour 
détruire  les  maçonneries.  On  peut  encore  augmenter  cette 
protection,  soit  en  diminuant  la  distance  horizontale  qui 
sépare  la  crête  couvrante  de  la  magistrale,  c.-à-d.  en  ré- 
trécissant le  fossé,  en  diminuant  ou  en  supprimant  le  che- 
min couvert,  soit  en  augmentant  la  différence  de  niveau  de 
ces  deux  lignes,  en  approfondissant  le  fossé,  en  diminuant 
la  hauteur  d'escarpe  ou  en  exhaussant  la  crête  du  glacis. 
Ces  cinq  éléments  peuvent  varier  dans  des  limites,  dont 
l'examen  a  conduit  aux  considérations  pratiques  suivantes. 


FOSSÉ 


-  862 


La  largeur  du  fossé  qui,  autrefois,  était  en  moyenne  de 
30  m.,  avait  l'inconvénient  de  laisser  exposée  aux  vues  la 
plus  grande  partie  de  l'escarpe,  qui  pouvait  ainsi  être  dé- 
truite de  loin  à  peu  de  distance  de  son  pied  par  le  tir  plon- 
geant. Mais  elle  peut  être  actuellement  ramenée  à  12  m. 
en  haut  au  minimum,  en  raison  de  l'efficacité  procurée  au 
flanquement  par  les  armes  à  tir  rapide  et  les  canons-revol- 
vers. Cependant,  pour  quelques  fossés  secondaires,  elle  a 
été  réduite  souvent  à  8  m.,  mais  il  y  aurait  danger  à 
descendre  au-dessous,  comme  on  l'a  fait  quelquefois^  Il  a 
été  dit,  en  parlant  de  l'escarpe  et  de  la  contrescarpe,  que, 
pour  augmenter  la  valeur  de  l'obstacle,  il  y  a  lieu  de  rai- 
dir la  pente  de  ces  talus  au  moyen  de  revêtements  en  ma- 
çonnerie ;  dans  bien  des  cas,  pour  les  fossés  peu  exposés 
ou  pour  des  raisons  d'économie,  on  se  contente  de  ne  revêtir 
que  la  contrescarpe. 

La  profondeur  du  fossé  ne  variait  guère  autrefois  qu'entre 
5  et  6  m.;  elle  pourra  être  augmentée  aujourd'hui  et  portée 
à  7  ou  8  m.,  et  même,  tout  à  fait  exceptionnellement,  à 
10  m.,  car  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'une  grande 
profondeur  accroît  sérieusement  la  difficulté  des  transports 
verticaux  des  déblais.  La  hauteur  de  l'escarpe  ne  devra 
jamais  être  inférieure  à  6  m.,  pour  que  l'escalade  n'en 
soit  pas  possible,  même  à  des  hommes  isolés. 

La  contrescarpe,  qui  est  mieux  couverte,  peut  être  plus 
élevée  que  l'escarpe,  mais  sans  avoir,  en  principe,  plus  de 
7  m.,  à  moins  que,  le  chemin  couvert  étant  supprimé,  on 
ne  surmonte  son  revêtement  d'une  murette  de  2  à  3  m. 
A  moins  que  les  fonds  de  fossés  ne  soient  perméables,  il  y 
a  lieu  d'empêcher  les  eaux  d'y  séjourner,  ce  qui  conduit  à 
y  organiser  une  cunette  (V.  ce  mot)  qui  recueille  les  eaux 
pluviales  au  moyen  de  légères  pentes  transversales  (0m20 
à  0m30).  Une  pente  générale  de  ces  fonds  dans  le  sens  lon- 
gitudinal, ou  tout  au  moins  une  pente  du  fond  de  la  cu- 
nette, sert  à  l'écoulement  général  des  eaux.  Dans  quelques 
cas  très  rares,  le  fossé  peut  être  supprimé  et  remplacé  par 
des  obstacles  naturels,  tels  que  cours  d'eaux  larges  et  pro- 
fonds, escarpements  très  raides,  etc.  Actuellement,  l'obs- 
tacle des  ouvrages  de  fortification  permanente  est  constituée 
par  un  fossé  dont  l'escarpe  est  tenue  à  terre  coulante,  avec 
une  grille  en  fer  à  son  pied.  La  contrescarpe  est  en  prin- 
cipe revêtue  en  maçonnerie  de  béton,  dans  l'intérieur  de 
laquelle  on  ménage  généralement  un  couloir  voûté.  Dans 
certains  cas,  le  fossé  peut  avoir  un  profil  triangulaire 
(V.  ce  mot),  c.-à-d.  que  la  plongée  du  parapet  est  prolongée 
en  forme  de  glacis  jusqu'au  fond  du  fossé  qui  a  alors  une 
contrescarpe  généralement  en  béton  précédée  par  une  grille 
en  fer.  Dans  la  fortification  provisoire  (V.  ce  mot),  la 
profondeur  du  fossé  sera  de  4  à  5  m.  au  plus,  et  les  es- 
carpes ou  contrescarpes  qu'il  ne  sera  pas  possible  de  revêtir 
seront  tenues  aussi  raides  que  possible. 

Fossés  pleins  d'eau.  Des  fossés  inondés  sur  une  pro- 
fondeur de  2  m.  constituent  un  obstacle  suffisant  lorsqu'ils 
ont  une  largeur  de  10  m.  au  moins.  Mais  celle-ci  est 
portée  jusqu'à  40  et  50  m.  pour  augmenter  la  valeur  de 
l'obstacle,  fournir  des  déblais  en  quantité  suffisante  et 
arriver  à  battre  complètement  la  contrescarpe.  Il  est  inu- 
tile de  revêtir  les  escarpes  et  contrescarpes  lorsqu'on  n'a 
pas  à  craindre  la  gelée  ;  d'ailleurs,  on  dispose  actuellement 
de  moyens  suffisants  pour  briser  facilement  la  glace  qui 
viendrait  à  se  former.  Il  faut  prévoir  au  besoin  les  moyens 
de  s'opposer  à  un  débarquement  à  l'aide  de  bateaux,  s'il 
était  possible  à  l'ennemi  d'essayer  d'employer  ce  moyen  de 
franchir  les  fossés.  Dans  tous  les  cas,  on  creusera  une  cu- 
nette de  4  m.  au  moins  de  largeur  au  milieu  du  fossé  pour 
servir  à  curer  celui-ci  et  maintenir  l'obstacle  si  le  niveau 
de  l'eau  venait  à  baisser. 

Fossés  à  manœuvres  d'eau.  Au  moyen  d'écluses,  on 
obtient  des  fossés  qui  peuvent  à  volonté  être  rendus  secs 
ou  inondés.  Ils  présentent  par  suite  les  avantages  des  fossés 
pleins  d'eau  sans  en  avoir  les  inconvénients,  mais  leur  or- 
ganisation est  assez  compliquée  et  exige  des  conditions  par- 
ticulières. Les  dispositifs  nécessaires  en  pareil  cas  sont  : 


1°  une  écluse  de  chasse  ou  des  barrages  servant  à  faire 
monter  l'eau;  2°  des  écluses  d'entrée  et  de  fuite  per- 
mettant de  remplir  ou  de  vider  les  fossés  pouvant  recevoir 
l'eau  du  barrage.  Ces  dernières  sont  dites  écluses  de  ma- 
nœuvres lorsque,  au  moyen  de  plusieurs  déversoirs  pa- 
rallèles, elles  peuvent  être  utilisées  à  la  fois  comme  écluse 
d'entrée  et  comme  écluse  de  fuite.  En  manœuvrant  conve- 
nablement ces  diverses  écluses,  on  obtient  dans  les  fossés 
une  chasse  d'eau  assez  puissante  pour  détruire  tous  les 
travaux  que  l'assiégeant  aurait  pu  y  exécuter.  Dans  tous 
les  cas,  il  sera  très  difficile  à  ce  dernier  de  faire  des 
travaux  d'approche  dans  un  terrain  détrempé  par  une 
inondation.  Dans  les  places  à  forts  détachés,  les  inonda- 
tions ne  peuvent  avoir  de  valeur  sérieuse  que  lorsqu'elles 
peuvent  couvrir  à  la  fois  le  corps  de  place  et  les  forts. 
Cependant,  il  sera  toujours  utile  d'employer  ce  moyen  dans 
la  mesure  du  possible  devant  une  place  assiégée.  Il  est 
d'ailleurs  fort  important  d'arriver  à  protéger  convenable- 
ment les  écluses  contre  les  vues  et  les  coups,  puisque  sans 
cette  protection  la  manœuvre  ne  pourrait  s'effectuer. 

Fossé  diamant.  Un  fossé  diamant  sert  à  mettre  à  l'abri 
des  coups  de  main  les  faces  des  caponnières  de  flanque- 
ment (V.  Diamant,  t.  XIV,  p.  439). 

Fossés  existants.  Les  fossés  pleins  d'eau,  les  canaux, 
les  ruisseaux  constituent  un  obstacle  naturel  qu'on  peut 
rendre  défensif  en  organisant  un  couvert  en  arrière.  Ce 
couvert  sera  le  plus  souvent  une  tranchée-abri  (V.  ce 
mot) .  Les  fossés  des  routes  peuvent  facilement  être  orga- 
nisés comme  obstacles.  Lorsque  leur  profondeur  est  infé- 
rieure à  1  m.,  on  les  transforme  en  tranchées-abris.  De 
1  m.  à  lm30  de  profondeur,  on  se  borne  à  raidir  les  talus 
s'il  est  nécessaire.  Avec  une  profondeur  plus  grande,  on 
taille  à  hauteur  convenable  une  banquette  pour  les  ti- 
reurs. 

III.  Droit  civil.  —Un  fossé  est  un  espace  de  terrain 
creusé  en  long  pour  clore  et  renfermer  un  héritage  ou 
pour  servir  à  l'écoulement  des  eaux  pluviales.  Le  code  civil, 
dans  ses  art.  666  à  669,  s'occupe  des  fossés  à  propos  de 
la  mitoyenneté.  Le  fossé  mitoyen  est  celui  qui  appartient 
en  commun  aux  propriétaires  des  héritages  entre  lesquels 
il  se  trouve.  La  mitoyenneté  d'un  fossé  peut  résulter  de 
deux  causes  :  soit  de  sa  construction  à  frais  communs  par 
les  propriétaires  voisins,  soit  de  l'acquisition  que  l'un  d'eux 
a  faite  de  la  mitoyenneté  quand  l'autre  avait  creusé  le 
fossé^  et  le  possédait  exclusivement.  Mais  la  cession  de 
la  mitoyenneté  d'un  fossé  n'est  pas  obligatoire  comme  la 
cession  de  la  mitoyenneté  d'un  mur  :  effectivement,  si 
l'intérêt  public  exige  que  le  propriétaire  d'un  mur  sépa- 
ratif  de  deux  héritages  puisse  être  contraint  d'en  céder 
la  copropriété,  afin  d'éviter  les  frais  qu'entraînerait 
la  construction  d'un  nouveau  mur,  il  n'en  est  pas  de 
même  par  rapport  au  fossé  établi  entre  deux  héritages  : 
on  ne  peut  pas  obliger  le  propriétaire  qui  le  possède 
exclusivement  à  faire  abandon  d'une  partie  de  son  droit 
au  profit  du  voisin,  parce  que  celui-ci  peut,  à  très,  peu  de 
frais,  établir  un  nouveau  fossé  sur  ses  fonds,  s'il  veut  les 
clore  de  cette  manière.  En  principe,  la  mitoyenneté  ou  la 
non-mitoyenneté  d'un  fossé  se  prouve  par  titre,  c.-à-d. 
par  acte,  sous  seing  privé  ou  authentique,  qui  constate 
que  le  fossé  a  été  creusé  à  frais  communs  ou  que  la  mi- 
toyenneté a  été  acquise  par  celui  des  deux  voisins  qui  n'a 
pas  contribué  à  le  creuser.  S'il  n'existe  pas  de  titre, 
quelles  sont  les  présomptions  de  mitoyenneté  ou  de  non- 
mitoyenneté  d'un  fossé  ?  La  mitoyenneté  d'un  fossé  est 
présumée  par  la  loi  d'une  façon  beaucoup  plus  large  que 
toute  autre.  Un  fossé  est  présumé  mitoyen  par  le  seul  fait 
qu'il  est  placé  entre  deux  héritages.  Il  en  est  ainsi  alors 
même  que  l'un  de  ces  héritages  se  trouve  en  état  complet 
de  clôture,  et  que  l'autre  n'est  clos  que  du  côté  où  existe 
le  fossé  :  en  effet,  un  fossé  n'a  pas  seulement  pour  objet 
la  clôture,  mais  encore  l'écoulement  des  eaux.  Au  con- 
traire, un  fossé  est  présumé  non  mitoyen  lorsque  la  levée 
ou  le  rejet  de  la  terre  se  trouve  d'un  seul  côté  du  fossé  : 


-  863  - 


FOSSÉ  —  FOSSEUSE 


le  fossé  est  alors  censé  appartenir  exclusivement  au  pro- 
priétaire du  côté  duquel  se  trouve  le  rejet.  En  effet,  de 
deux  choses  l'une  :  ou  la  terre  rejetée  est  utile,  et  en  ce 
cas,  si  le  fossé  eût  appartenu  aux  deux  riverains,  aucun 
d'eux  évidemment  n'eût  souffert  que  son  co riverain  s'at- 
tribuât exclusivement  cet  avantage  ;  ou  elle  est  sans  valeur 
aucune  et  constitue  un  embarras,  et  dans  cette  hypothèse, 
si  le  fossé  eût  été  commun,  le  riverain  sur  le  côté  duquel 
elle  se  trouve  n'eût  évidemment  pas  consenti  à  la  recevoir 
seul.  Les  propriétaires  mitoyens  d'un  fossé  sont  tenus  de 
l'entretenir  à  frais  communs.  Mais,  comme  cette  obliga- 
tion ne  les  astreint  pas  personnellement  l'un  envers 
l'autre  et  qu'on  ne  peut  la  leur  imposer  qu'à  raison  de  leur 
qualité  de  copropriétaires  du  fossé,  chacun  d'eux  peut 
s'en  dégager  en  abandonnant  la  mitoyenneté  du  fossé.  Tou- 
tefois, la  faculté  d'abandon  du  droit  de  mitoyenneté  ne 
s'appliquerait  pas  :  1°  aux  fossés  qui  servent  de  bornes 
(C.  civ.,  art.  646)  ;  2°  aux  fossés  qui  sont  établis  dans 
les  localités  où  il  existe  des  règlements  qui  obligent  à  les 
faire  et  à  les  entretenir  dans  l'intérêt  de  l'agriculture  et 
de  la  salubrité  publique  :  dans  ce  cas,  on  ne  pourrait 
s'affranchir  de  l'obligation  d'entretenir  le  fossé  qu'en  re- 
nonçant à  son  héritage  entier,  car,  tant  que  l'on  conserve 
un  héritage  dans  ces  localités,  le  principe  de  l'obligation 
subsiste.  —  Le  code  pénal,  dans  son  art.  456,  prononce 
contre  quiconque  comble  frauduleusement,  en  tout  ou  en 
partie,  des  fossés,  un  emprisonnement  d'un  mois  à  un  an 
et  une  amende  égale  au  quart  des  restitutions  et  dommages- 
intérêts,  qui,  dans  aucun  cas,  ne  pourra  être  au-dessous 
de  50  fr.  Louis  André. 

FOSSÉ.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Vouziers, 
cant.  de  Buzancy  ;  195  hab.  Chapelle  de  Marne. 
FOSSE  (La)  Gironde  (V.  Lafosse). 
FOSSÉ.  Corn,  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  et  cant. 
(0.)  de  Blois  ;  377  hab. 

FOSSE.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  de 
Perpignan,  cant.  de  Saint-Paul-de-Fenouillet  ;  124  hab. 

FOSSÉ  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure,  arr. 
de  Neufchâtel-en-Bray,  cant.  de  Forges;  481  hab. 

FOSSE-Cordouan.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  deNo- 
gent,  cant.  de  Romilly,  sur  l'Ardusson  ;  223  hab.  Bon- 
neterie. Dolmen  dit  de  la  Pierre-aux- Alouettes.  Vestige 
de  chaussée  romaine. 

FOSSE-de-Tigné.  Corn,  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  de  Saumur,  cant.  deVihiers;  278  hab. 

FOSSÉ  (Pierre-Thomas du),  écrivain  janséniste  (V.  Tho- 
mas [Pierre]). 

FOSSE  (Charles  de  La),  peintre  français  (V. Lafosse). 
FOSSÉ  (Charles-Louis-François),  écrivain  militaire  fran- 
çais, né  en  1734,  mort  en  1812.  Il  se  distingua  sur  les 
champs  de  bataille  de  la  guerre  de  Sept  ans,  obtint  le 
grade  de  lieutenant-colonel,  reçut  le  commandement  de  la 
place  d'Huningue.  Il  a  beaucoup  écrit  sur  la  tactique  ;  on  a 
souvent  cité  :  Idée  d'un  militaire  pour  la  disposition  des 
troupes  confiées  aux  jeunes  officiers  pour  la  défense 
et  r attaque  des  postes  (1783,  in-4)  ;  Précis  sur  la  dé- 
fense relative  au  service  de  campagne  (1802,  in-8)  ; 
Cours  pratique  militaire  (1804,  in-4).  Ces  ouvrages 
sont  oubliés  aujourd'hui. 

FOSSÉ  (Augustin-François-Thomas,  baron  du),  écrivain 
protestant  français  (V.  Thomas). 

FOSSEMAGNE.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Périgueux,  cant.  de  Thenon;  838  hab. 

FOSSEMANANT.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Amiens,  cant.  deConty;  94  hab. 

FOSSES.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de  Pon- 
toise,  cant.  de  Luzarches  ;  230  hab. 

FOSSES  (Les).  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr. 
de  Melle,  rcant.  de  Brioux;  436  hab. 

FOSSÉS-et-Baleyssac.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde, 
arr.  et  cant.  de  La  Réole  ;  231  hab. 

FOSSES-Mariennes  (Fossœ  Marianœ).  Nom  donné  au 
canal  que  Marius  fit  creuser  en  Provence  par  ses  soldats, 


en  104  av.  J.-C,  pour  faire  communiquer  la  mer  avec  le 
Rhône  un  peu  au-dessus  d'Arles  en  évitant  les  atterrisse- 
ments  formés  à  l'embouchure  du  fleuve.  Ce  canal  qui  tra- 
versait laCrau,  fut  entretenu  longtemps  par  les  habitants 
de  Marseille  ;  à  son  embouchure  s'éleva  une  ville  qui  en 
a  retenu  le  nom,  Fos.  Lorsqu'elle  eut  été  ruinée  au  ixe  siècle, 
le  canal  se  combla  peu  à  peu. 

FOSSETTE  (Anat.)  (V.  Face,  t.  XVI,  p.  1046). 
FOSSEUSE  (Fosseux).  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Méru;  190  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer 
du  Nord.  La  seigneurie  de  ce  lieu,  qui  s'appelait  alors 
Baillet-sur-Esches,  appartenait  au  xive  siècle  à  la  mai- 
son d'Orgemont,  de  laquelle  elle  passa  par  alliance  à  la  fin 
du  xve  aux  Montmorency-Fosseux,  qui  lui  donnèrent  leur 
nom.  Elle  fut  érigée  pour  eux  en  baronnie  au  mois  de 
mars  1578  et  ils  la  gardèrent  jusqu'à  la  fin  du  xvue  siècle. 
Puis  elle  fut  titrée  marquisat  en  faveur  de  Philippe  de 
Thomé,  conseiller  au  Parlement.  Le  château,  construction 
moderne,  appartient  aujourd'hui  à  la  famille  de  Kergorlay. 
L'église,  en  partie  du  xvie  siècle,  contient  un  curieux 
chœur  polygonal  et  plusieurs  sépultures  des  Montmorency. 
FOSSEUSE  (Françoise  de  Montmorency,  dite  la  Belle), 
née  en  1566.  Elle  était  la  dernière  des  onze  enfants  issus 
du  mariage  de  Pierre  de  Montmorency,  marquis  de  Thury, 
comte  de  Château villain,  baron  de  Fosseux,  et  de  Jacque- 
line d'Avaugour.  Devenue  fille  d'honneur  de  Marguerite 
de  Valois,  reine  de  Navarre,  elle  accompagna  sa  maîtresse, 
ainsi  que  Mlle  de  Rebours,  investie  des  mêmes  fonctions 
près  de  Marguerite,  lorsque  celle-ci  se  décida,  d'ailleurs 
d'assez  mauvaise  grâce,  à  rejoindre  son  mari  qui  l'avait 
réclamée  par  deux  fois  à  Henri  III  (1578).  Elle  apportait, 
bien  qu'indirectement,  un  puissant  aliment  de  distraction 
au  Béarnais. 


Il  y  a  bien  de  la  besogne 
A  regarder  ce  petit  roy. 
Comme  il  a  mis  en  désarroy 
Toutes  les  filles  de  sa  femme  ! 

dira  un  peu  plus  tard  un  pamphlet  populaire,  et  à  trop  juste 
titre.  Il  adressa  d'abord  ses  hommages  à  MUe  de  Rebours  ; 
puis,  bientôt,  séduit  par  la  jeunesse  et  la  grâce  piquante  de 
sa  compagne,  il  s'en  prit  à  elle.  La  vertu  de  la  demoiselle 
capitula  vite  devant  ses  brûlantes  déclarations,  et  Mar- 
guerite ne  songea  point  à  s'en  formaliser.  Il  est  vrai 
qu'elle  était,  de  son  côté,  fort  occupée  pour  l'instant,  se 
faisant  à  la  fois  conter  fleurette  et  par  le  chancelier  de 
Pibrac,  dont  elle  s'amusait,  et  par  le  beau  Chanvallon  pour 
qui  elle  s'était  prise  d'une  passion  payée  de  retour.  Il 
serait  injuste,  néanmoins,  d'aller  plus  loin  que  cette  indul- 
gence, —  déjà  en  soi  passablement  grosse,  —  et  d'accepter 
pour  vraie  la  méchanceté  que  lui  décoche  L'Estoile  à  ce 
propos  :  «  Elle  la  procura  elle-même  au  roy  son  mary  pour 
le  déterminer  à  faire  la  guerre  au  Roy.  »  Le  malheur 
(malheur  qui  ne  sortait  pas,  en  somme,  du  cercle  étroit 
des  éventualités  aisées  à  prévoir),  le  malheur  fut  que  Fos- 
seuse  devînt  enceinte  sur  ces  entrefaites.  Dès  lors  l'idylle 
tourne  au  vaudeville.  Marguerite,  avertie  par  le  bruit 
public  delà  position  de  sa  suivante,  lui  propose  de  l'emme- 
ner de  Nérac  «  sous  couleur  de  la  peste  »  et  de  la  conduire 
en  «  une  maison  écartée  »,  afin  de  dérober  aux  yeux  une 
faute  qui,  sans  cela,  ne  tarderait  guère  à  n'être  plus  un 
secret  pour  personne.  Fosseuse  réplique  d'un  air  courroucé  : 
«  Je  ferai  mentir  tous  ceux  qui  ont  parlé  de  cela  !  »  Le 
roi  de  Navarre  épouse  la  querelle  de  sa  belle,  fait  une 
scène  à  Marguerite  et  la  boude  pendant  plusieurs  mois..., 
jusqu'au  matin  où,  informé  par  le  médecin  que  l'événe- 
ment est  proche,  dans  sa  terreur  que  Fosseuse  ne  soit 
«  mal  secourue  »,  il  chuchote  tout  penaud  à  l'oreille  de 
la  princesse  :  «  Ma  mie,  je  vous  ai  celé  une  chose  'qu'il 
faut  que  je  vous  avoue.  Je  vous  prie  de  m'en  excuser  et  de 
ne  vous  souvenir  de  ce  que  je  vous  ai  dit  pour  ce  sujet. 
Mais  obligez-moi  de  vous  lever  à  cette  heure  et  aller  se- 
courir Fosseuse  qui  est  fort  malade.  Je  m'assure  que  vous 


FOSSEUSE  —  FOSSILE 


—  864  — 


ne  voudriez  pas,  la  sachant  en  cet  état,  vous  ressentir  de 
ce  qui  s'est  passé.  Vous  savez  combien  je  l'aime.  »  Et  Mar- 
guerite de  répondre  tranquillement  :  «  J'y  vais  et  j'y 
ferai  comme  si  c'étoit  ma  fille.  Allez  cependant  à  la  chasse 
et  emmenez  tout  le  monde,  afin  qu'il  n'en  soit  point  ouï  par- 
ler. »  Ainsi  fut  fait,  et  elle  conclut  avec  satisfaction  :  «  Je 
la  fis  très  bien  secourir  »,  sans  paraître  nullement  confuse 
du  rôle  de  sage-femme  joué  en  sa  personne  par  une  fille 
de  France.  A  sa  honte,  si  docilement  acceptée,  elle  ne 
gagna  rien,  du  reste  :  Fosseuse  continua  d'animer  le  Béar- 
nais contre  elle,  et  le  Béarnais  continua  de  se  laisser  en- 
doctriner par  Fosseuse;  il  était  écrit  que,  dans  cette  vilaine 
aventure,  chacun  s'abaisserait  à  l'envi.  De  guerre  lasse,  et 
lasse  surtout  de  ne  plus  coqueter  que  par  lettres  avec  Chan- 
vallon,  qui  était  allé  reprendre  son  service  au  Louvre  auprès 
du  duc  d'Anjou,  elle  demanda  au  roi  de  Navarre  l'autori- 
sation de  faire  un  séjour  de  quelques  mois  à  la  cour  de 
France  «...  pour  y  accommoder  ses  affaires  »,  dit-elle  ; 
puis  elle  ajoute  avec  une  belle  franchise  :  «  J'estimois 
qu'il  serviroit  aussi  comme  de  diversion  pour  l'amour  de 
Fosseuse,  que  j'emmeuois  avecmoy  ;  que  leroy  mon  mary, 
ne  la  voyant  plus,  s' embarquer  oit  possible  avec  quelque 
autre,  qui  ne  me  seroit  pas  si  ennemie.  J'eus  assez  de 
peine  à  le  faire  consentir  à  ce  voyage,  pource  qu'il  se 
fàchoit  d'éloigner  Fosseuse.  »  Elle  y  parvint  enfin  (mars 
1582)  pour  son  malheur.  Plus  soucieuse  que  sa  fille  de  la 
décence  de  la  maison  royale,  lorsque  l'intérêt  de  sa  poli- 
tique n'exigeait  pas,  de  sa  part,  le  sacrifice  de  ses  principes 
rigides  (V.  Escadron  volant),  Catherine  de  Médicis  n'eut 
rien  de  plus  pressé  que  de  congédier  haut  la  main  cette 
singulière  fille  d'honneur.  Ce  renvoi  mécontenta  extrême- 
ment le  Béarnais,  et  l'échange  de  lettres  qui  en  résulta 
entre  lui,  sa  belle-mère  et  sa  femme,  acheva  de  l'indisposer 
contre  celle-ci  ;  ils  ne  se  virent  plus  dès  lors  qu'ennemis, 
puis  époux  divorcés.  Quant  à  la  belle  Fosseuse,  cause  de  tout 
le  mal,  elle  disparaît  désormais  de  la  scène  du  monde.  On  sait 
seulement  qu'elle  se  maria  par  la  suite  à  messire  François 
de  Broc,  seigneur  de  Saint-Mars-La-Pile.  LéonMARLET. 
Bibl.  :  Mémoires'  et  lettres  de  Marguerite  de  Valois, 
éd.  Guessard.  —  P.  Anselme,  Histoire  généalogique  de 
la  maison  de  France  et  des  grands  officiers  de  la  cou- 
ronne, t.  III,  p.  582.  —  M.  de  Lescure,  les  Amours  de 
Henri  IV.  —  Comte  Hector  de  La  Ferrière,  Trois 
Amoureuses  au  xvp  siècle  ;  Paris,  1885,  in-18. 

FOSSEUX.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  d'Arras, 
cant.  de  Beaumetz-les-Loges  ;  319  hab. 

FOSSILE.  I.  Paléontologie.  —  On  désigne  sous  le 
nom  de  fossiles  les  débris  d'animaux  ou  de  végétaux  que 
l'on  trouve  dans  les  différentes  couches  géologiques  qui 
forment  l'écorce  du  globe  terrestre.  La  branche  des  sciences 
naturelles  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  paléontologie 
(V.  ce  mot)  est  basée  sur  l'étude  des  fossiles,  la  paléozoo- 
logie s'occupant  des  animaux  et  la  paléophytologie  des 
plantes  fossiles.  Ces  débris  sont  généralement  «  pétrifiés  », 
c.-à-d.  que  la  matière  organique  des  tissus  de  l'organisme 
vivant  a  été  remplacée  par  une  substance  minérale  :'il  en 
résulte  que  les  parties  molles  (peau,  muscles,  viscères,  pa- 
renchyme des  feuilles)  ne  sont  généralement  pas  conservées 
et  que  les  parties  dures  (os  des  vertébrés,  coquille  ou  test 
des  invertébrés,  squelette  chitineux  des  arthropodes,  tronc, 
branches,  nervures  des  végétaux)  sont  les  seuls  débris  qui 
permettent  de  se  faire  une  idée  de  l'organisation  des  ani- 
maux ou  des  plantes  auxquels  ils  ont  appartenu.  Cepen- 
dant, il  y  a  des  organismes  que  l'on  doit  considérer  comme 
des  fossiles  bien  que  leur  mode  de  conservation  s'écarte  de 
celui  que  nous  venons  d'indiquer  :  les  cadavres  de  mam- 
mouth et  de  rhinocéros  gelés  avec  leur  chair  et  leur  peau 
dans  les  glaces  de  la  Sibérie,  les  insectes  englobés  dans 
l'ambre  tertiaire,,  ne  présentent  pas  trace  de  pétrification. 
D'un  autre  côté,  les  organismes  minéralisés  à  l'époque  ac- 
tuelle (feuilles  et  os  incrustés  des  tufs  calcaires),  ne  sont 
pas  de  véritables  fossiles.  On  ne  considérera  donc  comme 
fossiles  que  les  débris  trouvés  dans  les  couches  géologiques 
antérieures  à  l'époque  actuelle  (Zittel). 


En  général,  ces  débris  sont  très  modifiés  sous  l'influence 
des  causes  chimiques  et  physiques  qui  ont  agi  sur  eux. 
Lorsque  le  cadavre  d'un  animal  est  enfoui  da'ns  la  boue 
d'un  lac,  du  bord  d'une  rivière  ou  dans  le  sable  d'uri  rivage 
maritime  —  et  c'est,  le  plus  souvent,  dans  ces  conditions 
que  cette  dépouille  a  pu  se  fossiliser  de  manière  à  se  con- 
server pendant  des  périodes  géologiques  successives  —  la 
putréfaction  détruit  lentement  toutes  les  parties  molles  sans 
épargner  les  cartilages,  les  parties  cornées,  chitineuses,  et 
la  gélatine  du  squelette  externe  ou  interne.  La  désagré- 
gation qui  en  résulte  peut  aller  jusqu'à  réduire  les  os  et 
les  coquilles  à  l'état  d'une  substance  farineuse  qui  tombe 
en  poussière  dès  qu'on  y  touche;  de  tels  fossiles  ne  peuvent 
rendre  aucun  service  aux  naturalistes.  Mais,  dans  les  cas 
plus  favorables,  les  vides  produits  par  la  putréfaction  dans 
les  parties  solides  se  remplissent  lentement  de  substance 
minérale  amenée  à  l'état  de  dissolution,  et  il  s'opère  une 
véritable  pétrification.  Le  carbonate  de  chaux  est  l'agent 
habituel  de  cette  transformation  :  la  silice,  sous  forme  de 
silex  ou  de  calcédoine,  d'autres  minéraux  encore  peuvent 
constituer  la  substance  des  fossiles,  dont  la  structure  his- 
tologique  est  souvent  assez  bien  conservée,  comme  chez  les 
coralliaires,les  échinodermes  et  dans  leboissilicifié.  Lorsque 
la  substance  minérale  cristallise,  elle  détruit  complètement 
la  structure  intime  des  tissus.  Dans  d'autres  cas,  la  subs- 
tance primitive  du  fossile  peut  être  entièrement  détruite  et 
remplacée  par  une  autre  :  on  n'a  plus  alors  qu'une  espèce 
démoule  reproduisant  exactement  la  forme  extérieure,  mais 
non  la  structure  des  tissus.  La  silice,  la  pyrite,  la  limonite, 
la  calamine,  la  malachite,  la  baryte,  etc.,  peuvent  ainsi  se 
substituer  à  la  substance  minérale  qui  donnait  primitive- 
ment leur  dureté  aux  squelettes  et  aux  coquilles.  La  silice 
en  particulier  peut  affecter  des  aspects  très  divers,  suivant 
la  manière  dont  s'opère  la  fossilisation  :  tantôt  elle  con- 
serve exactement  la  structure  histologique,  tantôt  elle  la 
détruit  complètement. 

On  appelle  moulage  l'empreinte  de  la  forme  extérieure 
ou  intérieure  de  fossiles  qui  se  trouve  ainsi  conservée,  alors 
que  ces  fossiles  eux-mêmes  ont  été  détruits.  Les  mollusques, 
les  échinodermes,  les  coralliaires,  etc.,  laissent  leur  em- 
preinte lorsque  leurs  parties  molles  ayant  été  décompo- 
sées puis  remplacées  par  le  sédiment  de  la  couche  géolo- 
gique, les  parties  calcaires  du  fossile  sont  dissoutes  à  leur 
tour  par  des  agents  chimiques  :  la  masse  du  sédiment  qui 
s'est  introduite  et  déposée  à  l'intérieur  de  la  coquille,  s'ap- 
pelle le  moule  interne.  Quand  le  fossile  a  été  complète- 
ment dissous  après  la  formation  du  sédiment,  on  ne  trouve 
plus  que  son  moule  externe.  Quand  la  cavité  formée  par 
la  destruction  du  fossile  se  remplit  postérieurement  d'une 
substance  étrangère,  on  dit  que  Ton  n'a  que  son  modèle, 
^incrustation  est  une  fossilisation  produite  dans  des 
couches  relativement  récentes  ;  clans  ce  cas,  le  fossile  est 
recouvert  d'une  enveloppe  calcaire  ou  siliceuse  déposée  par 
des  eaux  qui  contiennent  des  sels  en  dissolution.  Souvent 
il  ne  reste  que  ce  moule  externe,  le  corps  organique  se  dé- 
composant à  la  longue. 

La  carbonisation  se  produit  par  suite  de  la  désoxyda- 
tion  lente  qui  a  lieu  généralement  sous  l'eau  et  dans  des 
conditions  où  l'air  a  peu  d'accès  et  ne  peut  produire  la  pu- 
tréfaction ;  ce  sont  surtout  les  végétaux  qui  sont  ainsi  fos- 
silisés :  la  tourbe,  les  lignites,  la  houille  ne  sont  que  des 
stades  plus  ou  moins  avancés  de  cette  carbonisation.  Les 
feuilles  et  les  tiges  sont  souvent  transformées  en  minces 
pellicules  charbonneuses  mélangées  de  matières  minérales 
et^ montrant  encore  leurs  nervures  et  leurs  plus  fins  dé- 
tails (fougères  des  schistes  houillers).  La  chlorophylle  est 
toujours  détruite  dans  les  végétaux  fossiles.  Les  animaux 
peuvent  également  subir  la  carbonisation  (insectes  de 
l'ambre,  graptolithes).  Dans  les  schistes  bitumineux  du  Tirol 
autrichien,  on  trouve  une  grande  quantité  iïiiiclusions  de 
poissons,  c.-à-d.  que  les  parties  molles  de  ces  poissons  se 
sont  carbonisées  lentement  en  laissant  leur  empreinte  dans 
la  roche  qui  les  renferme,  et  le  bitume  ou  le  goudron  par- 


ticulier  qui  en  résulte  est  exploité  sous  le  nom  àHchthyol. 

D'après  ce  que  nous  venons  de  dire,  on  voit  que  la  cou- 
leur primitive  du  fossile  est  rarement  conservée.  On  cite 
cependant  des  insectes  tertiaires  qui  présentent  encore  des 
traces  de  reflets  métalliques.  Les  coquilles  et  les  os  des 
vertébrés  ont  généralement  la  couleur  de  la  substance  mi- 
nérale qui  les  imprègne  ;  cette  couleur,  blanche  dans  les 
couches  calcaires,  devient  rouge,  brune  ou  jaune,  lorsqu'il 
s'y  trouve  des  oxydes  de  fer,  et  noire  dans  les  couches  mé- 
talliques, carbonifères  ou  bitumineuses.  La  consistance  est 
aussi,  comme  nous  l'avons  dit,  très  variable  :  souvent  des 
os,  incrustés  dans  une  roche  très  dure,  sont  extrêmement 
friables  :  on  est  donc  obligé,  avant  de  les  étudier  et  sur- 
tout de  les  séparer  de  la  gangue  (enveloppe  minérale)  qui 
les  renferme  de  leur  faire  subir  une  préparation  qui  con- 
siste à  les  imprégner  de  gélatine,  de  manière  à  leur  rendre 
la  consistance  dure  et  élastique  des  os  de  l'animal  vivant. 

On  désigne  sous  le  nom  de  coprolites  (V.  ce  mot)  les 
excréments  pétrifiés  que  l'on  rencontre  assez  souvent  dans 
les  couches  géologiques.  Cette  terminaison  :  lithe  ou  lite 
(pierre)  était  autrefois  très  employée  pour  désigner  les  fos- 
siles :  on  disait  anthropolithe  au  lieu  d'homme  fossile  ; 
ichiyolithe  pour  poisson  fossile,  etc.  Ces  expressions  sont 
actuellement  presque  inusitées,  sauf  les  cas  où  la  nature 
douteuse  d'un  débris  fossile  force  à  le  désigner  sous  un 
nom  vague  et  indéterminé.  —  Les  empreintes  ou  traces 
laissées  par  les  animaux,  pendant  leur  vie,  portent  le  nom 
àHclinites,  et  la  science  qui  s'en  occupe  s'appelle  ichno- 
logie  (V.  ce  mot)  ;  ainsi  les  omithichnites  sont  des  em- 
preintes de  pas  d'oiseau.  Des  mammifères,  des  reptiles,  des 
crustacés,  des  mollusques,  des  annélides  ont  ainsi  laissé 
des  pistes  ou  traces  de  leur  passage  sur  le  sable  ou  la  boue 
dans  des  couches  souvent  anciennes.  Des  végétaux  même 
ont  produit  de  ces  empreintes.  Les  plus  célèbres  sont  les 
traces  de  pattes  à  trois  doigts  qui  abondent  sur  les  grès 
rouges  triasiques  des  Etats-Unis  et  qui  ont  été  décrites 
par  Hitchcock.  Les  empreintes  de  méduses  des  schistes  li- 
thographiques de  Solenhofen  sont  le  seul  indice  qui  nous 
permette  d'affirmer  l'existence  de  ces  animaux  à  corps  mou 
aux  époques  géologiques  antérieures.  —  Des  actions  phy- 
siques ou  mécaniques  ont  souvent  modifié  considérablement 
la  forme  des  fossiles,  en  déformant,  écrasant  et  comprimant 
jusqu'aux  crânes  de  certains  vertébrés.  Le  paléontologiste 
doit  tenir  compte  de  ces  déformations  qui  peuvent  être  une 
source  d'erreur  (V.  Paléontologie).      E.  Trouessart. 

IL  Anthropologie.  —  Races  fossiles  (V.  Race). 

FOSSOMBRONE.  Ville  d'Italie,  de  la  prov.dePesaroet 
Urbino  (Italie  centrale),  sur  le  Metauro,  tributaire  de  l'Adria- 
tique; 9,120  hab.  Possession  des  M  alatesta  incorporée  par 
Sixte  IV  aux  Etats  pontificaux.  L'ancien  Forum  Sem- 
pronii,  qui  a  donné  son  nom  à  cette  ville,  se  trouvait  à 
4  kil.  et  fut  détruit  par  les  Goths  et  les  Lombards.  Fos- 
sombrone  a  des  fabriques  de  soie  et  des  eaux  minérales. 

FOSSOMBRONE  (Petrucci  da)  (V.  Petrucci). 

FOSSOMBRONI  (Le  comte  Vittorio),  savant  et  homme 
d'Etat  italien,  né  à  Arezzo  (Toscane)  le  45  sept.  1754, 
mort  à  Florence  le  43  avr.  4844.  Inspecteur  des  biens 
(4782),  puis  commendataire  (4785)  de  Tordre  de  San 
Stefano,  il  fut  appelé  en  1796  au  ministère  des  affaires 
étrangères  par  le  grand-duc  de  Toscane  Ferdinand  III,  suivit 
ce  prince  à  Vienne  (1799),  rentra  dans  sa  patrie  en  1801, 
fut  nommé  en  4807,  par  Napoléon  Ier,  président  de  la 
commission  d'assainissement  de  la  campagne  romaine,  et, 
après  le  départ  des  Français  (4814),  reprit  son  portefeuille 
avec  la  présidence  du  conseil  et  celle  de  la  commission 
législative  ;  il  conserva  ces  hautes  fonctions  jusqu'à  sa  mort. 
Administrateur  habile  et  libéral,  il  fut  en  même  temps  un 
mathématicien  distingué.  L'Académie  des  sciences  de  Paris 
l'élut  correspondant  en  1 824.  Outre  plusieurs  mémoires 
parus  dans  les  recueils  des  Académies  de  Sienne,  deModène 
et  de  Vérone,  il  a  écrit  :  Sur  les  Equations  irréductibles 
du  3e  degré  (Pise,  1778)  ;  Essai  sur  l'intensité  de  la 
lumière  (1782);  Memorie  idrolicostoriche  (4789); 
grande  encyclopédie.  —  XVII. 


865  —  FOSSILE  —  FOSSOYEUR 

Sur  V Equation  conditionnelle  et  V invention  de  la 
Brachistochrone  (1794)  ;  Sur  le  Principe  de  la  vélocité 
virtuelle  (1796);  Essai  sur  V amélioration  des  marais 
Pontins  (Vérone,  1805),  etc.  L.  S. 

Bibl.  :  Ch.-Ecl.  Saint-Maurice-Caban  y,  le  Comte  V. 
Fossombroni;  Paris,  1845.,  in-8. 

FOSSOY.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et  cant.  de 
Château-Thierry  ;  270  hab. 

FOSSOYEUR.  «  Allons,  ma  bêche,  il  n'y  a  pas  déplus 
anciens  gentilshommes  que  les  jardiniers,  les  terrassiers 
et  les  fossoyeurs  ;  ils  continuent  la  profession  d'Adam.  » 
Ainsi  parle,  dans  la  scène  du  cimetière,  le  premier  fos- 
soyeur de  Shakespeare  (Hamlet,  acte  V,  scène  i).  Si  l'an- 
cienneté fait  la  noblesse,  il  n'existe  pas  en  effet  de  titres 
plus  indiscutables  que  ceux  des  fossoyeurs.  Mais,  où  la 
logique  du  facétieux  personnage  est  prise  en  défaut,  c'est 
quand  il  prétend  que  la  tombe  est  une  demeure  destinée  à  * 
durer  jusqu'au  jugement  dernier.  Au  moment  même,  il  se 
donne  un  démenti  en  faisant,  d'un  coup  de  pioche,  rouler 
le  crâne  d'Yorick  hors  de  la  fosse  à  laquelle  il  avait  lui- 
même  confié  la  dépouille  du  bouffon  royal.  C'est  que  le  mé- 
tier de  fossoyeur  consiste,  dans  presque  toutes  les  nécro- 
poles, à  inhumer  et  à  exhumer  tour  à  tour.  Il  est  bien  peu 
d'enclos  funèbres  assez  vastes  pour  assurer  à  leurs  hôtes 
la  perpétuité  de  leurs  tombes  ;  les  générations  successives 
s'y  dépossèdent  l'une  après  l'autre,  et  les  règlements  admi- 
nistratifs ont  consacré  cette  façon  d'exploiter  les  champs 
de  sépulture,  en  la  rendant  légale,  méthodique,  au  lieu 
de  l'abandonner  au  hasard  ou  à  l'arbitraire  du  fossoyeur. 
Les  hommes  primitifs  ne  prévoyaient  guère  cette  nécessité  ; 
il  ne  dut  pas  non  plus  leur  venir  à  l'idée  que  le  soin  d'en- 
terrer les  morts  serait  laissé  un  jour  par  les  parents  ou  les 
amis  à  des-  mains  mercenaires,  et  deviendrait  un  métier, 
un  gagne-pain.  A  quelle  antiquité  remonte  l'institution  du 
fossoyeur  salarié  ?  Nul  témoignage  ne  nous  renseignera  à 
ce  sujet.  L'âge  classique  lui-même^  été  très  sobre  de  détails 
à  l'égard  des  inhumations;  bien  a;u'à  Rome  l'usage  de  brû- 
ler les  morts  n'ait  été  que  tardivement  adopté  et  fût  loin 
d'être  général,  il  faut  arriver  aux  premiers  temps  du 
christianisme  pour  y  trouver  le  fossor  institué  par  les 
papes  ;  mais  le  fossor  était-il  le  fossoyeur  proprement  dit, 
ou,  comme  on  tend  à  le  croire,  un  clerc  chargé  de  diriger 
les  travaux  des  catacombes  ?  Les  inscriptions  ne  précisent 
pas  ;  elles  se  réduisent  à  quelques  mots,  comme  celle-ci, 
touchante  dans  sa  simplicité  :  Fossor  Léo  sibi  fecit  et 
Virginiœ  suce,  mur.  4790,  39. 

L'Eglise,  dans  son  culte  pour  les  morts,  et  conformé- 
ment à  la  doctrine  qui  faisait,  du  soin  de  les  enterrer,  une 
des  sept  œuvres  de  charité,  devait  attacher  une  consécra- 
tion même  au  travail  du  fossoyeur  salarié  qu'elle  attachait 
à  ses  paroisses  et  au  cimetière  dépendant  de  chacune  d'elles. 
Aujourd'hui  encore,  le  prêtre  officiant,  lorsqu'il  bénit  une 
fosse,  s'associe  pour  ainsi  dire  à  l'ouvrier,  en  jetant  sur  le 
cercueil  la  première  pelletée  de  terre;  dans  plusieurs  ordres 
religieux,  les  moines  creusent  eux-mêmes  leur  propre  tombe 
et  c'est  par  la  main  de  ses  frères  que  chacun  d'eux  y  sera  dé- 
posé; ces  pratiques  ne  tendent-elles  pas  à  assurer  le  respect 
à  l'artisan  qui  se  voue  à  un  labeur  ainsi  sanctifié  ?  Le  vœu 
de  l'Eglise  n'a  cependant  guère  prévalu  sur  l'horreur  ins- 
tinctive et  les  terreurs  superstitieuses  qu'inspire  la  destruc- 
tion du  corps  et  sur  le  sentiment  d'effroi  qu'éveille  le  nom 
seul  du  fossoyeur.  Sur  les  deux  versants  des  Pyrénées, 
pendant  des  siècles,  a  subsisté  une  sorte  de  caste  tenue  à 
l'écart  par  les  populations,  les  cagots  ou  cahouëts,  assimi- 
lés aux  lépreux  et  traités  en  parias  ;  une  seule  fonction 
publique  leur  était  laissée  comme  impure,  celle  d'enterrer 
les  morts  ;  c'étaient  eux  aussi  qui  faisaient  les  cercueils. 
Dans  la  funèbre  mascarade  de  la  danse  macabre,  le  per- 
sonnage de  la  Mort  et  celui  du  Fossoyeur  sont  identifiés 
dans  le  squelette  qui  porte  alternativement  la  faux  et  la 
pelle  ou  la  pioche.  Au  milieu  de  cette  tragi-comédie  où 
le  grotesque  s'associait  à  l'horrible,  de  quel  œil  pouvait 
être  vu  le  fossoyeur  en  chair  et  en  os  quand  le  travail 

55 


FOSSOYEUR 


866  — 


quotidien  l'appelait  sur  la  scène  de  l'orgie?  Au  cimetière  des 
Innocents,  sa  tâche  était  pénible  ;  il  lui  avait  fallu  aguer- 
rir son  cœur  et  ses  sens  pour  retourner  sans  faiblir  ce  sol 
formé  de  débris  humains,  auxquels  il  ne  pouvait  même 
laisser  le  temps  de  devenir  squelettes,  car  il  devait  sans 
cesse  faire  de  la  place  pour  de  nouveaux  cadavres,  et  il 
entassait  dans  les  galetas  du  charnier  les  os  tels  qu'il  les 
avait  tirés  de  la  terre. 

Les  cimetières  de  paroisse,  à  l'étroit  entre  les  mai- 
sons, n'étaient  guère  moins  encombrés,  guère  moins  dan- 
gereux pour  le  fossoyeur,  hôte,  gardien  et  ouvrier  de 
l'enclos  si  funeste  pour  la  salubrité  de  la  ville.  Les  Inno- 
cents, qui  recevaient  les  morts  de  toutes  les  paroisses 
dépourvues  de  cimetières  particuliers,  avaient  besoin  d'un 
personnel  nombreux,  afin  de  pourvoir  même  aux  nécessi- 
tés ordinaires;  mais,  en  temps  de  famine  ou  d'épidémie, 
"  c.-à-d.  bien  souvent,  les  fossoyeurs  devaient  s'adjoindre  des 
compagnons.  Les  Antiquités  de  Sauvai  nous  apprennent 
qu'après  la  Saint-Barthélémy,  ils  prirent  huit  auxiliaires 
pour  enfouir  les  deux  mille  cadavres  laissés  sur  le  pavé,  ou 
rejetés  au  bas  de  Chaillot  par  le  courant  de  la  Seine  ;  d'après 
un  extrait  des  comptes  de  la  prévôté,  il  leur  fut  alloué  pour 
ce  travail  15  livres  tournois  par  un  premier  mandement, 
20  par  un  second.  Sous  Louis  XVI,  on  comprit  enfin 
qu'il  y  avait  urgence  à  reléguer  les  cimetières  hors  de 
Paris;  celui  des  Innocents  disparut  le  premier;  en  4788, 
il  avait  cessé  d'exister.  Les  autres  furent  successivement 
fouillés  et  le  terrain  défoncé;  en  1790,  un  décret  de  l'As- 
semblée nationale  généralisa  la  mesure  et  prescrivit  à  toutes 
les  villes  et  à  tous  les  villages  de  se  créer  des  cimetières 
extérieurs  ;  les  communes  devinrent  maîtresses  des  cime- 
tières, et  les  fossoyeurs  furent  mis  sous  la  dépendance  de 
l'autorité  municipale.  A  Paris,  c'est  la  ville  qui  règle  et 
paye  leurs  salaires  ;  ils  sont  subordonnés  au  conservateur 
de  leur  cimetière  respectif,  et  leurs  travaux  sont  dirigés 
et  surveillés  par  l'architecte,  soumis  lui-même  à  l'inspec- 
teur général  des  cimetières.  Paris,  devant  pourvoir  à  près 
de  50,000  funérailles  par  an  (le  chiffre  des  décès  s'est 
même  élevé  au  delà  de  73,000  en  4870,  et  a  atteint 
presque  87,000  en  4874),  la  place  fait  plus  que  jamais 
défaut  pour  recevoir  tant  de  corps. 

Voici  comment  les  fossoyeurs  procèdent  à  la  sépulture  : 
ils  ont  ouvert  à  l'avance  la  fosse  sur  le  terrain  assigné  par 
l'administration,  ou  bien  les  marbriers  ont  préparé,  soit 
le  caveau  de  famille,  soit  le  caveau  provisoire  ;  en  cas  de 
concession  gratuite,  le  nouveau  venu  prendra  rang  à  la 
suite  de  ceux  qui  l'ont  précédé  dans  la  longue  tranchée  ; 
les  fossoyeurs  attendent  le  convoi  au  nombre  de  deux  ;  les 
porteurs  des  pompes  funèbres  déposent  la  bière  sur  le  bord 
de  la  fosse  ou  à  l'entrée  du  monument  ;  c'est  aux  fossoyeurs 
de  la  faire  glisser  à  l'aide  de  cordes,  soit  dans  la  fosse 
creusée  à  la  profondeur  réglementaire  de  4m50,soit  sur  la 
dalle  du  caveau,  quelquefois  placée  à  6  m.  au-dessous  du 
sol  ;  quand  la  cérémonie  religieuse  ou  civile  est  terminée, 
ils  comblent  rapidement  la  fosse  ou  laissent  au  marbrier 
le  soin  de  sceller  une  seconde  dalle  au-dessus  du  corps. 
Un  agent  de  l'administration  veille  à  ce  que  tout  se  passe 
avec  la  plus  grande  décence,  et  à  ce  que  la  tenue  des 
fossoyeurs  soit  irréprochable  en  présence  des  familles. 
C'est  un  inconnu  que  ces  hommes  déposent  ainsi  dans  la 
tombe  ;  cependant  l'égalité  de  la  mort  n'existe  pas  à  leurs 
yeux,  du  moins  au  point  de  vue  de  la  rémunération;  il 
ne  leur  est  pas  indifférent  de  voir  arriver  le  lourd  cer- 
cueil de  chêne  ou  la  volige  de  bois  blanc.  Il  leur  est 
formellement  interdit  de  solliciter,  mais  non  de  recevoir 
la  gratification  qui,  là  encore,  garde  le  nom  de  pourboire, 
justifié  d'ailleurs  par  son  emploi  ordinaire.  A  ce  point  de 
vue,  les  privilégiés  sont  les  fossoyeurs  attachés  aux  cime- 
tières intramuros,  où  il  n'y  a  plus  de  concessions  tempo- 
raires, par  suite  plus  d'admission  pour  le  modeste  corbil- 
lard, tandis  que,  hors  de  l'enceinte  fortifiée,  les  nouvelles 
nécropoles  admettent  toutes  les  classes.  Partout  du  moins 
a  été  supprimé  le  système  de  la  fosse  commune,  où  les 


fossoyeurs  couchaient  les  bières  côte  à  côte,  puis,  sur  la 
première  rangée,  en  superposaient  successivement  deux 
autres  et  les  recouvraient  seulement  de  30  centim.  de 
terre.  La  tranchée  gratuite  est  plus  décente  ;  chaque  bière 
y  est  à  4m50  de  profondeur,  isolée  de  sa  voisine,  et,  pour- 
tant, les  garanties  de  la  salubrité  ne  sont  pas  encore  suf- 
fisantes, surtout  par  suite  de  ces  exhumations  périodiques, 
les  terrains  étant  repris  au  bout  de  cinq  ans  et  fouillés  en 
vue  de  nouvelles  sépultures.  Lorsque  le  dépôt  des  corps 
s'y  est  renouvelé  trois  et  quatre  fois,  le  sol,  saturé  de 
matières  animales,  ne  peut  plus  opérer  son  travail  de  dé- 
composition, et  alors  se  renouvellent  les  horreurs  et  les 
dangers  qui  avaient  fait  proscrire  les  vieux  cimetières.  Le 
terrassier,  fait  à  ce  métier,  en  a  pris  son  parti,  et,  sans 
être  écœuré,  jette  les  ossements  dans  les  tombereaux,  en 
chargement  pour  les  catacombes;  mais,  en  dépit  des  me- 
sures de  désinfection,  il  n'est  pas  à  l'abri  de  tout  risque, 
et  d'ailleurs  l'habitude  le  porte  à  négliger  les  précautions 
commandées  par  la  prudence.  M.  Maxime  du  Camp  cite 
l'exemple  de  trois  ouvriers  qui,  en  4872,  furent  foudroyés 
par  l'asphyxie,  pour  avoir,  par  mégarde,  crevé  un  caveau 
contigu  à  leurs  fouilles. 

En  dehors  des  exhumations  collectives,  les  fossoyeurs  en 
font  d'individuelles,  soit  pour  les  particuliers,  soit  par  ordre 
de  l'autorité  judiciaire,  pour  des  enquêtes  légales.  Les 
frais  d'exhumation  et  de  translation  dans  un  nouveau  ter- 
rain comprennent  un  salaire  de  42  fr.  alloué  au  fossoyeur 
(arrêt  du  44  juin  4828). 

Le  m.étier  de  fossoyeur  ne  suppose  pas  des  natures  bien 
impressionnables;  mais  c'est  préjugé  de  croire  qu'en  dehors 
des  nécessités  professionnelles  ils  arrivent  à  un  degré  de 
cynisme  capable  d'en  faire  des  êtres  à  part.  S'il  est  pour 
le  chirurgien,  l'infirmier,  le  soldat,  des  grâces  d'état  qui 
leur  permettent  de  se  familiariser  avec  la  vue  du  sang,  des 
plaies,  de  la  souffrance,  de  l'agonie  et  de  la  mort,  et  de 
rester  froids  dans  l'accomplissement  des  plus  cruels  devoirs, 
sans  dépouiller  pour  cela  les  attributs  de  l'humanité,  l'en- 
durcissement est  peut-être  moindre,  à  ne  déplacer,  après 
tout,  que  des  restes  insensibles.  Une  fois  l'horreur  phy- 
sique surmontée,  le  champ  funèbre  n'est  plus,  pour  son 
manœuvre,  que  le  chantier  qui  lui  assure  un  salaire  régu- 
lier, et  sans  crainte  de  chômage  ;  il  n'en  sort  pas  plus  rude 
ni  plus  sinistre  que  s'il  eût  ouvert  des  tranchées  ordinaires 
sur  la  voie  publique.  Les  observations  qu'il  a  faites,  le 
vocabulaire  qu'il  s'est  créé  dans  son  expérience  de  la  décom- 
position cadavérique  peuvent  nous  faire  frissonner,  mais  ce 
sont  termes  de  métier;  le  langage  delà  science  ne  ménage 
pas  mieux  nos  nerfs.  Ce  je  ne  sais  quoi  qui,  pour  Bossuet, 
n'a  de  nom  dans  aucune  langue,  en  a  pris  un  aussi  expres- 
sif dans  la  langue  technique  du  laboratoire  que  dans  l'argot 
des  cimetières;  ce  qui  est,  pour  le  premier,  un  résultat  de 
!a  saponification,  est  pour  l'autre,  h  gras  du  cadavre. 

La  poésie,  et  spécialement  la  poésie  romantique,  s'étant 
plu  à  idéaliser  le  personnage  du  fossoyeur,  à  en  faire  une 
sorte  de  rêveur  mélancolique,  de  sage  rasséréné  par  la  mé- 
ditation et  philosophant  sur  la  destinée  humaine,  il  était 
prudent  à  elle  de  le  placer  au  village,  à  l'ombre  de  la  vieille 
église,  au  sein  de  la  nature;  là  seulement  il  pouvait  être 
vrai,  ou  du  moins  vraisemblable.  Nos  nécropoles  urbaines 
ne  sauraient  inspirer  que  le  roman  réaliste.  L'ouvrier  qui 
y  travaille  du  matin  au  soir  a  bien  assez  du  labeur  matériel 
pour  remplir  sa  journée  ;  une  fois  l'heure  de  la  clôture 
sonnée,  il  va  se  perdre  parmi  la  foule  dans  son  faubourg, 
et  son  cimetière  ne  lui  est  plus  rien.  Le  fossoyeur' de  cam- 
pagne, au  contraire,  a  le  loisir  de  regarder  autour  de  lui, 
de  se  recueillir  dans  l'isolement  de  son  travail  solitaire,  la 
mort  le  laissant  inoccupé  pendant  bien  des  journées,  et, 
quoiqu'il  ait  creusé  plus  d'une  fosse,  son  cœur  n'est  pas 
fermé  à  l'émotion  lorsqu'il  donne  la  sépulture  à  un  parent, 
à  un  ami,  à  un  voisin,  à  quelqu'un  qu'il  a  au  moins  connu. 
Et  puis,  il  fait,  pour  ainsi  dire,  partie  de  son  cimetière  ; 
c'est  une  sorte  de  domaine  que,  souvent,  il  habite,  dont  il 
s'est  approprié  quelque  coin  inoccupé,  pour  l'exploiter  sans 


867  — 


FOSSOYEUR  -  POSTER 


préjugé,  mais  sans  idée  de  profanation.  Dickens,  dans  son 
Magasin  d'antiquités,  fait  figurer  un  fossoyeur  rustique, 
peint  peut-être  d'après  nature.  Ce  n'est  ni  le  drôle  cynique, 
créé  par  l'humour  de  Shakespeare,  ni  le  phraseur  vaporeux 
des  iakistes.  Toute  la  vie  du  bonhomme  un  peu  bavard  a 
été  consacrée  à  ses  morts  ;  il  est  le  nécrologe  vivant  de  sa 
paroisse.  C'est  chose  naturelle  pour  lui  que  chacun  lui 
arrive  à  son  tour,  ou  avant  son  tour  ;  il  ne  trouve  même 
pas  les  gens  si  à  plaindre  d'être  venus  dormir  sous  sa 
garde,  dans  son  cimetière,  sous  ses  ombrages,  près  de  ses 
fleurs,  car  tout  est  bien  à  lui.  Une  seule  nécessité  ne 
frappe  pas  ses  yeux  :  celle  de  mourir,  lui  aussi  ;  il  est  sep- 
tuagénaire, presque  le  seul  survivant  de  sa  génération; 
quelque  ombre  de  pressentiment  vient-elle  à  l'effleurer  : 
il  la  dissipe  à  l'instant.  Il  s'accorde  du  temps,  se  berce 
avec  des  illusions  de  longévité.  C'est  une  faiblesse  dont 
nulle  expérience  ne  guérit  les  hommes,  même  les  fossoyeurs; 
peut-être  est-ce  elle  qui  fait  leur  force,  lorsqu'ils  écoutent, 
impassibles,  le  bruit  de  la  terre  qui  résonne  en  tombant 
sur  le  cercueil.  Marcel  Charlot. 

Bibl.  :  Mercier,  Tableaude  Paris,  chap.  xliii. —  Maxime 
Du  Camp,  Paris,  ses  organes,  etc.,  t.  VI,  chap.  xxxm  (les 
Cimetières). —  Décret  du  18  août  1811,  relatif  au  service  des 
inhumations.  Règlement  général  des  cimetières  de  la  ville 
de  Paris. 

FOSTAT.  Vieux  Caire  (V.  Caire). 
FOSTER  (Samuel),  mathématicien  et  astronome  anglais, 
né  dans  le  comté  de  Northampton  vers  1600,  mort  à  Londres 
en  mai  1652.  11  fut  pendant  quelques  mois  de  l'année 
1636,  puis  de  1641  jusqu'à  sa  mort,  professeur  d'astro- 
nomie au  Gresham  Collège,  à  Londres.  On  lui  doit  plu- 
sieurs observations  d'éclipsés  et  d'importants  perfectionne- 
ments apportés  à  divers  instruments.  Il  a  écrit  :  The  Use 
of  the  quadrant  (Londres,  1624,  in-4)  ;  The  Art  of 
dialling  (Londres,  1638,  in-4;  2e  éd.,  1675)  ;  The  Des- 
cription of  a  ruler  (Londres,  1652,  in-4)  ;  Elliptical 
Horologiography  (Londres,  1654,  in-4)  ;  Miscellanea 
(Londres,  1659,  in-fol.),  etc.  L.  S. 

FOSTER  (Sir  Michael),  magistrat  anglais,  né  à  Marl- 
borough  (Wiltshire)  le  16déc.  1689,  mort  le  7  nov.  1763. 
Entrevu  barreau  de  Londres  en  1713,  il  n'y  réussit  pas 
et  exerça  avec  plus  de  succès  à  Marlborough,  puis  à  Bris- 
tol. Sergent  de  loi  en  1736,  il  devint  juge  au  banc  du  roi 
en  1745.  Il  a  laissé  quelques  ouvrages':  A  Letter  of  ad- 
vice  to  protestant  dissenters  (1720)  ;  On  Examination 
of  the  scheme  of  Chureh  power  (1735,  in-8)  ;  The  Case 
of  the  King  againstA.  Broadfoot  (Oxford,  1758, in-4)  ; 
A  Report  of  some  proceedings  on  the  commission,.,  for 
the  trial  ofthe  Rebels  (1762,  in-fol.),  etc. 

Bibl.  :  Dodson,  Life  ofsir  Michael  Foster,  1811.  —  Foss» 
Judges  of  England,  1864,  t.  VIII. 

FOSTER  (John),  essayiste  anglais,  né  à  Halifax 
(Yorkshire)  en  1770,  mort  en  1843.  Il  fut  jusqu'en  1806 
prédicateur  baptiste,  mais  une  affection  du  larynx  l'obligea 
de  renoncer  à  la  chaire.  Il  publia  la  même  année  un  vo- 
lume d'Essays  dont  l'un  d'eux,  On  Décision  of  Character, 
attira  l'attention.  Il  se  livra  dès  lors  exclusivement,  à  la 
littérature  et  envoya  de  nombreux  articles  à  YEcleciic 
Review.Le  meilleur,  Popular  Ignorance,  paru  en  1820, 
fit  quelque  bruit  à  cette  époque,  mais  actuellement  le  nom 
de  cet  auteur  est  tombé  dans  l'oubli. 

FOSTER  (John),  architecte  anglais,  né  à  Liverpool  en 
1784,  mort  à  Liverpool  le  21  avr.  1846.  Fils  d'un 
constructeur  à  la  fois  surveillant  des  travaux  de  la  muni- 
cipalité de  Liverpool,  John  Foster,  d'abord  initié  par  son 
père  à  la  pratique  des  constructions,  vint  à  Londres  étudier 
l'architecture  chez  James  Wyatt,  puis  accompagna  en  Grèce 
Ch.-Robert  Cockerell  lors  de  ses  découvertes  des  sculp- 
tures des  frontons  du  temple  d'Athéné  à  Egine.  Revenu  à 
Liverpool  en  1814,  Foster  obtint,  après  une  courte  asso- 
ciation avec  son  frère,  le  poste  d'architecte  de  la  ville  de 
Liverpool,  poste  qu'il  conserva  jusqu'à  la  proclamation  de 
l'acte  de  réforme  municipale  en  1832  et  fut,  pendant 
quinze  années,  l'auteur  de  nombreux  édifices  publics  parmi 


lesquels  les  Revenue  Buildings  ou  Hôtel  des  Douanes, 
dont  la  grande  salle,  d'une  surface  de  950  m.,  est  sur- 
montée d'un  dôme  ;  les  églises  Saint-Michaèl  et  Saint-Luke, 
la  station  de  Lime  Street,  l'Ecole  des  aveugles,  la  première 
ouverte  en  Angleterre,  etc.  Charles  Lucas. 

FOSTER  (Henry),  navigateur  et  astronome  anglais,  né 
à  Wood  Plumpton  (Lancashire)  en  août  1796,  mort  dans 
l'isthme  de  Panama  le  5  févr.  1831.  Entré  en  1812  dans 
la  marine  royale,  sous-lieutenant  en  1815,  il  signala  ses 
premières  campagnes  par  d'importants  travaux  scientifiques 
qui  le  firent  élire  en  1824  membre  de  la  Société  royale 
de  Londres.  La  même  année,  il  fit  partie,  comme  astro- 
nome, de  la  troisième  expédition  du  capitaine  Parn/(V.ce 
nom)  à  la  recherche  d'un  passage  N.-O.,  et,  en  1827,  ac- 
compagna de  nouveau  le  célèbre  navigateur  dans  son  voyage 
au  pôle  Nord.  Ses  observations  furent  le  sujet  d'intéres- 
sants mémoires  insérés  dans  les  Philosophical  Transac- 
tions de  1826  et  1827  :  Account  of  experiments  made 
with  an  invariable  pendulum  ;  Observations  on  the 
diurnal  variation  of  the  magnetic  needle  ;  Magnetical 
Observations  at  Port  Bowen; Observations  to  détermine 
the  amount  of  atmospherical  re  fraction  at  Port  Bowen; 
On  the  Changes  of  magnetic  intensity  in  the  dipping 
and  horizontal  needles  in  Spitzbergen.  Elles  lui  valurent 
le  grade  de  capitaine  et  la  médaille  Copley  (1827).  Il  en- 
treprit ensuite,  avec  la  corvette  The  Chanticleer  et  d'après 
les  instructions  de  la  Société  royale,  une  expédition  ayant 
pour  but  principal  la  détermination  de  la  forme  de  la 
terre  au  moyen  d'expériences  sur  les  variations  de  lon- 
gueur du  pendule  ;  il  devait  en  même  temps  procéder  à 
diverses  observations  sur  la  direction  des  grands  courants 
océaniques,  sur  le  magnétisme  terrestre,  sur  la  météoro- 
logie, etc.  Parti  de  Sphhead  le  27  avr.  1828,  il  fit  escale 
aux  îles  Madères  et  du  Cap-Vert,  à  Rio  de  Janeiro,  à 
Montevideo,  dépassa  le  cap  Horn,  reconnut  l'île  de  Smith, 
dans  les  South-Shetland,  aborda  le  7  janv.  1829,  après 
une  violente  tempête,  la  terre  de  la  Trinité  et  séjourna  deux 
mois  dans  une  île  voisine,  à  laquelle  il  donna  le  nom  de 
Déception  (62°  55'  lat.  S.  et  62°55'  long.  0.).  Il  remonta 
ensuite  vers  le  cap  Horn,  demeura  six  mois  au  cap  de  Bonne- 
Espérance  (juill.-déc.  1829),  puis  visita  Sainte-Hélène,  l'As- 
cension, la  côte  du  Brésil,  les  Antilles,  et  arriva  à  Panama 
le  28  janv.  1 831 .  Huit  jours  après,  il  se  noyait  dans  le  Chagres 
en  faisant  un  faux  pas  à  bord  d'une  pirogue.  Ses  notes 
ont  été  publiées  par  la  Royal  astronomical  Society,  dont 
il  était  membre  :  Experiments  made  by  the  late  captain 
Foster  with  pendulum  (Mem.,  VII,  1834).  Quant  à  la 
relation  de  son  voyage,  elle  a  été  donnée  par  W.-H.-B. 
Webster,  chirurgien  de  l'expédition,  sous  le  titre  :  Voyage 
to  the  Southern  Atlantic  Océan  (Londres,  1834,  2  vol. 
in-8  ;  trad.  franc,  par  A.  de  Lacaze,  1849).  Léon  Sagnet, 
FOSTER  (Thomas),  peintre  anglais,  né  en  Irlande  en 
1798,  mort  à  Londres  en  1826.  Venu  en  Angleterre  tout 
enfant,  il  fit  ses  études  artistiques  à  l'Académie  royale. 
En  1819,  il  débuta  aux  expositions  par  le  portrait-groupe 
des  Enfants  de  V honorable  J.-W.  Croker.  Il  dut  aux 
relations  de  ce  riche  protecteur  la  commande  de  nombreux 
portraits.  On  citr,  parmi  les  meilleurs,  celui  du  général 
français  Dumouf  \ez,  dans  sa  quatre-vingt-deuxième  année 
(1820),  et  celui  û  u  Colonel  Phillips,  qui  se  trouvait  au- 
près du  capitaine  T.ook  lorsqu'il  fut  assassiné.  Foster  fré- 
quentait en  mêmel  emps  les  ateliers  du  sculpteur  J.  Nolle- 
kens  et  de  sir  T.  L  rwrence  ;  les  conseils  qu'il  reçut  de  ces 
artistes  éminents  eurent  la  meilleure  influence  sur  son 
talent.  En  1822,  il  exposa  Mazeppa,  son  œuvre  la  plus 
puissante,  et,  en  1825,  Louis  XVIII  recevant  l'ordre  de 
la  Jarretière  à  Carlton  House,  commande  officielle.  Mal- 
gré les  grandes  qualités  que  l'on  observe  dans  ces  peintures 
fraîches,  brillantes,  d'un  dessin  correct,  Foster  était  loin 
d'avoir  donné  toute  la  mesure  de  son  talent,  lorsqu'il  ter- 
mina sa  vie  par  le  suicide.  Ad.  T. 

FOSTER  (La  Fayette),  homme  politique  américain,  né 
à  Franklin  (Connectait)  le  22  nov.  1806,mortlel9  sept. 


FOSTER  —  FOU  —  8 

1886.  Légiste,  il  fit  partie  de  l'assemblée  législative  du  Con- 
necticut  de  1839  à  1840,  de  1846  à  1848  et  en  1854. 
Président  de  la  Chambre  en  1847,  en  1848  et  1854,  il  fut 
élu  membre  du  Sénat  des  Etats-Unis  vers  le  4  mars  1855 
et  réélu  en  1860.  Après  l'assassinat  de  Lincoln,  il  devint, 
comme  président  du  Sénat,  vice-président  des  Etats-Unis. 
FOSTER  (Thomas-Campbell),  jurisconsulte  anglais,  né 
à  Leeds  en  1813,  mort  à  Londres  le  1er  juil.  1882.  Ins- 
crit au  barreau  de  Londres  en  1846,  il  devint  recorder  de 
Warwick  en  1874.  Il  se  présenta  sans  succès  aux  élections 
pour  la  Chambre  des  communes  à  Sheffield  en  1867,  comme 
conservateur- libéral.  On  a  de  lui:  Plain  Instructions  for 
the  attainment  of  an  improved  System  of  Shorthand 
(1838)  ;  Letters  on  the  condition  ofthe  people  of  Ire- 
land  (1846)  ;  A  Review  of  the  Law  relating  to  mar- 
riages  (184/)  ;  A  Treatise  on  the  ivrit  of  scire  facias 
(1851)  ;  Reports  of  cases  decided  at  nisiprius  and  at 
the  crown  side  (1858-1867),  en  collaboration  avec  Fin- 
lason. 

FOSTER  (John-Wells),  ingénieur  américain,  né  le  3  mars 
1815  à  Petersham  (Massachusetts),  mort  à  Chicago  le 
20  juin  1873.  Il  s'occupa  spécialement  d'études  géologiques 
dans  TOhio  et  dans  le  district  des  mines  de  cuivre  de  l'Etat 
de  Michigan.  Il  a  publié  :  The  Mississippi  Valley  (Chicago, 
1869),  et  Prehistoric  Races  of  the  United  States  of 
America  (Chicago,  1873). 

FOSTER  (Birket),  dessinateur  anglais,  né  à  North 
Shields  en  1825.  De  remarquables  illustrations  ô'Evan- 
geline(i8$0)  de  Longfellow  attirèrent  sur  lui  l'attention  et, 
depuis,  la  plupart  des  œuvres  des  poètes  anglais  s'enri- 
chirent de  ses  dessins.  Il  excelle  à  représenter  les  scènes 
d'enfance  et  la  vie  rurale. 

FOSTER  (Stephen-Collings),  chansonnier  américain,  né 
en  Pennsylvanie  en  1826,  mort  en  1864.  La  plupart  de 
ses  chansons  dont  il  composait  lui-même  les  airs  eurent  un 
succès  énorme,  et  les  suivantes  sont  restées  populaires  : 
The  Old  Folks  at  Home;  Old  Vncle  Ned;  Old  Doq 
Tray  ;  Willie,  we  hâve  missed  y  ou;  Corne  where  my 
love  lies  dreaming. 

FOTHERGILL  (John),  médecin  anglais,  né  à  Carr  End, 
près  de  Richmond,  le  8  mars  1712,  mort  à  Londres  le26  déc. 
1780.  Il  étudia  à  Edimbourg,  à  Londres  et  sur  le  conti- 
nent et  devint  par  la  suite  le  praticien  le  plus  célèbre  de 
Londres.  Il  se  livrait  en  outre  avec  passion  à  l'étude  des 
sciences  naturelles  et  avait  créé  à  Upton  un  jardin  bota- 
nique merveilleux.  Il  légua  toute  sa  fortune  (200,000  gui- 
nées)  aux  pauvres.  Ouvrages  principaux  :  An  Account  of 
thesore  throat  attended  with  ulcers  (Londres,  1748, 
1754,  in-8  ;  trad.  fr.,  Paris,  1749,  in-12)  ;  Rules  for  the 
préservation  of  health  (Londres,  1762,  in-8)  ;  On  the 
Management  proper  at  the  cessation  of  the  menses 
(Med.  obser.  a.  Inq.,  t.  IV  ;  trad.fr.,  1800',  in-12  ;  3eéd., 
4812;  autre  trad.,  Paris,  1805,  in-42)  ;  de  plus  une 
foule  d'opuscules  et  d'articles  réunis  en  3  vol.  in-8  (Londres, 
1783-1784)  ;  un  autre  recueil  traduit  en  allemand  parut 
à  Altenbourg  (1785,  2  vol.  in-8).  Dr  L  Hn. 

FOTOUNA  (Iles)  (Boom  des  cartes  anglaises).  Groupe 
de  deux  îles  françaises  de  l'océan  Pacifique  méridional, 
situées  au  N.-O.  des  Tonga,  par  14°  10'  lai.  S.  et  179° 
33'  long.  E.,  d'une  superficie  totale  d'environ  160  kil.  q., 
avec  une  population  de  2,500  hab.,  en  voie  d'accroisse- 
ment. Ce  sont  des  terres  volcaniques  et  montagneuses  d'un 
accès  facile  présentant  de  nombreux  havres  où  les  navires 
de  petit  tonnage  trouvent  un  abri  sûr.  Commerce  peu  con- 
sidérable. Ces  deux  îles  ont  été  placées  en  1887  sous  le 
protectorat  de  la  France  et  dépendent  du  gouvernement  de 
la  Nouvelle-Calédonie.  Les  Fotouniens  semblent  appartenir 
à  la  race  maorie  pure  et  eu  possèdent  la  langue  et  les 
caractères  physiques. 

FOU.  I.  Médecine  (V.  Aliénation,  Délire,  Folie). 

II.  Droit  romain.  —  Curatelle  du  fou  (V.  Curatelle). 

III.  Histoire.  —  Fous  de  cour.  —  Les  fous  de  cour 
appartiennent  à  la  catégorie  des  bouffons  (V.  ce  mot)  ; 


mais,  en  donnant  à  l'expression  de  fous  de  cour  son 
sens  le  plus  étroit,  il  est  possible  de  distinguer  ceux-ci 
des  bouffons  de  cour,  comme  d'autre  part  ils  se  distin- 
guent déjà  des  fous  domestiques  en  général  et  des  fous 
publics,  tels  que  ceux  qui  recevaient  des  gages  de  cer- 
taines villes.  En  qualité  de  fous,  et  non  de  baladins 
ou  de  simples  grotesques,  ils  ont  à  provoquer  le  rire  sur- 
tout par  leurs  mots  imprévus  et  leur  esprit  d 'à-propos. 
Aussf  a-t-on  voulu  établir  qu'ils  étaient  probablement  tous, 
au  point  de  vue  pathologique,  des  imbéciles  ou  des  idiots, 
comme  Caillette,  et  des  rachitiques  principalement,  comme 
Brusquet,  mais  non  pas  des  crétins.  Dans  toutes  les  anciennes 
représentations  artistiques,  les  fous  de  cour  apparaissent 
avec  la  face  large,  plate,  la  tête  penchée,  rasée,  la  bouche 
grande,  le  regard  hébété,  la  taille  difforme.  Parfois  ce  sont  des 
monstres  :  le  fou  de  Jacques  IV  d'Ecosse  était  un  monstre 
double.  Ordinairement  de  petite  taille,  ils  ne  se  confondent 
pas  néanmoins  avec  les  nains  proprement  dits. — Pour  mon- 
trer comment  cet  usage  a  existé  de  tout  temps  et  partout, 
il  suffit  de  dire  qu'on  trouve  la  mention  de  fous  dans  le 
Ramayana,  que  Plutarque  parle  de  celui  que  le  roi  de 
Perse  avait  à  sa  table,  qu'on  en  peut  citer  exerçant  leurs 
fonctions  près  de  Philippe  de  Macédoine,  d'Attila,  d'Haroun- 
al-Raschid,  même  de  Montezuma.  En  France,  on  relève  la 
présence  d'un  fou,  nommé  Jean,  à  la  cour  de  Charles  le 
Simple,  vers  894.  A  partir  du  xive  siècle,  la  mode  des  fous 
paraît  se  développer  sans  cesse.  Les  reines,  les  dauphins, 
les  frères  du  roi  ont  aussi  leurs  fous  ou  leurs  folles.  Cette 
mode  était  entrée  à  un  tel  point  dans  les  mœurs  qu'elle  ne 
subit  aucune  interruption  pendant  la  folie  de  Charles  VI  et 
qu'un  roi  du  caractère  de  Louis  XI  eut  au  moins  un  fou.  Si 
L'Angely,  sous  Louis  XIV,  fut  le  dernier  fou  de  roi  de 
France,  il  y  eut  des  fous  et  des  folles  dans  l'entourage  du 
roi  et  dans  sa  propre  cour  jusqu'à  la  Révolution  ;  Marie- 
Antoinette  aurait  eu  encore  son  fou.  En  Angleterre,  l'usage 
de  ces  fous  semble  s'être  perdu  dès  le  règne  de  Charles  Ier. 
En  Allemagne  il  fut  assez  persistant.  En  Italie,  pendant 
la  Renaissance,  il  était  si  fort  et  si  répandu  que  Léon  X  ne 
craignait  pas  d'admettre  ses  fous  à  sa  table.  Alors  que 
d'une  manière  générale  il  disparaît  dans  le  reste  de  l'Eu- 
rope vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  il  survécut  en  Russie. 
Encore  au  commencement  du  xixe  siècle,  les  tsars  avaient 
des  fous. 

Le  mépris  s'était  attaché  à  la  personne  de  cette  espèce  de 
fous  comme  un  effet  naturel  du  rôle  qu'ils  jouaient.  Leurs 
facéties  étaient  le  plus  souvent  grossières.  C'est  le  dernier 
rang  qui  leur  était  assigné  parmi  les  familiers  et  commensaux 
de  leur  maître.  On  voit  que  les  fous  en  titre  d'office  accom- 
pagnaient le  roi  partout,  à  la  guerre,  ainsi  Tri  boulet,  en 
voyage,  ainsi  les  fous  de  Pierre  le  Grand.  Fréquemment  le  fou, 
qui  en  somme  ne  portait  pas  toujours  le  costume  officiel  de 
son  emploi,  adoptait  les  couleurs  de  la  maîtresse  en  titre  et 
s'habillait  de  même  que  son  maître,  à  la  forme  des  habits 
près.  A  côté  des  fous  en  titre  d'office,  il  y  eut  du  reste  des 
fous  non  attachés  à  la  cour,  mais  momentanément  employés. 
Sans  doute,  ce  métier  de  bouffon  avait  ses  humiliations  et 
à  l'occasion  ses  dangers,  mais  il  avait  ses  avantages  et 
pouvait  prendre  un  certain  éclat.  A  la  cour  de  France,  les 
fous  touchaient  un  traitement  sur  le  fonds  des  menus 
plaisirs.  Ils  coûtaient  cher.  On  voit  figurer  dans  un  compte 
de  4404  une  dépense  de  quarante-sept  paires  de  souliers 
fournies  à  l'un  d'eux.  On  leur  faisait  des  présents.  Ils 
avaient  même  souvent  leur  valet  de  chambre  ou  leur  gou- 
verneur, qui  remplissait  les  fonctions  de  précepteur,  quand 
le  fou  était  d'intelligence  particulièrement  débile.  D'un 
autre  côté,  on  a  pu  dire  que,  ayant  seuls  le  droit  de  parler 
sincèrement,  ces  fous  représentaient  auprès  des  rois  la 
liberté  de  la  parole.  Ils  furent  ainsi  mêlés  parfois  à  des 
affaires  sérieuses.  Quelques-uns  arrivèrent  à  une  véritable 
renommée.  Le  nom  de  Maître  Guillaume  a  servi  de  pseudo- 
nyme pour  un  si  grand  nombre  de  libelles  qu'on  a  dit  de 
lui  qu'il  fut  à  son  époque  une  espèce  de  Père  Duchesne. 
D'ailleurs,  les  prétendus  fous  étaient,  dans  certains  cas, 


—  869  — 


FOU  —  FOUAGE 


plutôt  des  simulateurs  :  Brusquet,  L'Angely.  Will  Sum- 
mers,  fou  de  Henri  VIII,  n'était  sans  doute  pas  non  plus 
un  bouffon  ordinaire.  En  Espagne,  en  Scandinavie,  la  con- 
dition des  fous  paraît  avoir  été  assez  relevée,  alors  qu'en 
Italie  c'étaient  de  simples  bouffons.  Ce  type  de  personnage 
a  été  bien  des  fois  transporté  au  théâtre  depuis  les  pièces 
de  Shakespeare  jusqu'au  Fantasio  de  Musset.  —  On  a 
constaté  récemment  encore  que  l'usage  des  fous  persiste, 
non  seulement  en  Afrique,  mais  chez  les  descendants  des 
princes  de  Mingrélie.  Marius  Barroux. 

Fête  des  fous  (V.  Innocents  [Fêtes  des]).  M.  F.  Bour- 
quelot  a  publié  à  Sens,  en  1856  (in-8),  d'après  le  manus- 
crit de  la  bibliothèque  de  Sens,  le  célèbre  Office  de  la  fête 
des  fous  de  Sens,  attribué  à  l'archevêque  Pierre  de  Corbeil. 

IV.  Ordres.  —  Ordre  des  fous.  —  Créé  par  Adolphe, 
comte  de  Clèves,  en  1386,  dans  le  dessein  de  donner 
l'exemple  de  l'amitié  et  de  la  bienfaisance  unies  dans  le 
plaisir.  Il  fut  conféré  à  trente-cinq  compagnons  d'Adolphe 
qui  prirent  le  titre  de  chevaliers.  Ceux-ci  étaient  tenus  de 
porter  un  fou  d'argent  brodé  sur  leurs  manteaux.  Ils  ne 
pouvaient  paraître  en  public  sans  avoir  cet  insigne,  et 
chaque  fois  qu'ils  manquaient  de  le  porter  ils  payaient  une 
amende  de  3  livres  tournois  au  profit  des  pauvres.  L'ordre 
ne  tarda  pas  à  disparaître  ;  bien  qu'il  n'eût  jamais  d'exis- 
tence sérieuse,  il  ne  figure  pas  moins  dans  les  anciens  re- 
cueils de  chevalerie. 

V.  Jeux  (V.  Echecs). 

Bibl.  :  Fous  de  cour.— J.  Doran,  The  History  of  court 
fools;  Londres,  1858,  in-8.  —  A.-F.  Nick,  Die  Hofnarren 
und  Folknarren;  Stuttgart,  1861,  2  vol.  in-16.  —  A.  Ga- 
zeau,  les  Bouffons  ;  Paris,  1882,  in-12  (d'après  les  études 
de  Dreux  du  Radier,  Jal,  A.  Canel).  —  Dr  P.  Moreau  de 
Tours,  Fous  et  Bouffons;  Paris,  1885,  ia-16.  —  A.  Jou- 
bert,  les  Fous,  les  Folles  et  les  Artistes  de  la  cour  du 
roi  René;  Laval,  1889,  in-8  (extrait  de  la  Revue  de  Bretagne 
et  d'Anjou,  t.  IV,  p.  14). 

FOU  (Ornith.).  Les  Fous, que  les  naturalistes  désignent 
sous  le  nom  générique  de  Sula,  appartiennent  à  la  sub- 
division des  Palmipèdes  totipalmes  (V.  ce  mot).  Ils  se 
distinguent  des  Cormorans  (V.  ce  mot)  par  leurs  formes 
plus  massives,  par  leur  bec  plus  robuste  et  finement  den- 
telé sur  les  bords  de  la  mandibule  supérieure  qui  est  sil- 
lonnée latéralement  et  fortement  convexe  en  dessus,  et  par 
leur  plumage  généralement  moins  serré,  moins  lisse  et 
moins  lustré  ;  mais  ils  ont,  comme  les  Cormorans,  les  pattes 
très  courtes,  les  pieds  largement  palmés,  les  ailes  allon- 
gées et  la  queue  formée  de  pennes  rigides.  L'ensemble  de 
leur  organisation  dénote  des  oiseaux  destinés  non  à  courir 
sur  la  terre  ferme,  mais  à  passer  la  majeure  partie  de 
leur  existence  dans  les  airs  ou  sur  l'eau.  Les  Fous,  en 
effet,  vivent  au  bord  de  la  mer  et  tantôt  s'élèvent  à  de 
grandes  hauteurs,  pour  planer  à  la  façon  des  Oiseaux  de 
proie  et  se  laisser  brusquement  tomber  sur  le  poisson  qu'ils 
épiaient,  tantôt  nagent  avec  aisance  ou  se  laissent  bercer 
au  gré  des  flots.  Leurs  nids,  faits  de  quelques  poignées 
d'herbe  ou  de  varech,  grossièrement  entrelacées,  sont  pla- 
cés dans  de  légères  excavations  creusées  dans  la  mince 
couche  de  terre  qui  recouvre  les  assises  des  falaises  et  ne 
contiennent  d'ordinaire  qu'un  seul  œuf  à  surface  crayeuse. 
Dans  les  contrées  où  les  Fous  ne  sont  pas  persécutés,  et 
notamment  sur  les  côtes  du  Pérou  et  dans  quelques  îles 
voisines,  ces  nids  sont  très  rapprochés  les  uns  des  autres, 
et  associés  à  ceux  d'autres  oiseaux  de  mer,  Goélands,  Hiron- 
delles de  mer,  Cormorans,  etc.,  qui  forment,  d'immenses 
colonies  et  dont  les  excréments,  lentement  accumulés, 
finissent  par  constituer  d'importants  dépôts  de  guano. 

L'œuf  est  couvé  alternativement  par  le  mâle  et  la  femelle, 
et  le  petit  qui  en  sort  a  besoin,  pendant  de  longues  se- 
maines, d'être  nourri  par  les  parents.  Il  naît  complètement 
nu,  et  avec  sa  peau  noirâtre,  son  abdomen  tuméfié,  son  cou 
décharné  et  sa  grosse  tête,  il  présente  un  aspect  fort 
déplaisant.  Plus  tard,  il  est  recouvert  d'un  duvet  jaunâtre 
et  enfin  il  prend  des  plumes  noires  et  blanches.  Jusqu'à  ce 
qu'il  soit  en  état  de  faire  usage  de  ses  ailes,  il  ne  quitte 
point  le  lieu  où  il  a  été  élevé,  circulant  sur  les  rochers 


avec  les  autres  jeunes  et  dévorant  la  nourriture  que  les 
parents  lui  apportent  une  ou  deux  fois  par  jour. 

Les  Fous  se  nourrissent  presque  exclusivement  de  pois- 
sons, Maquereaux,  Harengs  et  Sardines,  qu'ils  pèchent  avec 
beaucoup  d'adresse  en  nageant  ou  en  plongeant.  Sur  le 
sol  ils  se  meuvent  avec  la  plus  grande  gaucherie,  les  ailes 
légèrement  soulevées  et  prêtes  à  servir  de  points  d'appui  ; 
mais  ils  volent  hardiment,  surtout  avec  vent  contraire.  Au 
moment  où  ils  s'élèvent  et  quand  ils  sont  au  repos,  se  chauf- 
fant au  soleil,  ils  poussent  des  cris  rauques  qui,  répétés 
par  des  milliers  d'individus,  font  un  vacarme  assourdissant. 

Sur  les  côtes  septentrionales  et  occidentales  de  l'Europe 
et  de  l'autre  côté  de  l'Atlantique,  a  l'embouchure  du  Saint- 
Laurent,  vit  une  grande  espèce  de  Fou,  à  plumage  d'un 


Fou. 

blanc  jaunâtre,  avec  le  bout  des  ailes  foncé.  Cette  espèce, 
que  Linné  a  nommée  Sula  bassana  ou  Fou  de  Bassan,  est 
représentée  dans  l'hémisphère  austral  par  plusieurs  formes 
dont  les  unes,  comme  le  Fou  d'Australie  (Sula  serrator 
Banks)  et  le  Fou  du  Cap  (Sula  capensis  Licht.),  lui  res- 
semblent tellement  qu'on  peut,  à  la  rigueur,  les  considérer 
comme  de  simples  races,  tandis  que  les  autres,  comme  le 
Fou  manche-de-velours  (Sula  dactijlatra  Less.),  le  Fou 
varié  (S.  variegata  Tsch.),  le  Fou  de  Néboux  (S.  Ne- 
bouxii  A.  M.  E.),  le  Fou  nain  (S.  parva  Gm.)  le  Fou 
pêcheur  (S,  piscator  L.),  se  distinguent  par  leur  taille  plus 
faible,  par  leur  plumage  tantôt  tacheté  de  blanc  et  de  noir, 
tantôt  varié  de  brun  foncé  et  de  blanc,  par  leur  bec  coloré 
en  rouge  ou  par  leurs  yeux  entourés  d'un  espace  dénudé. 
Ces  deux  dernières  espèces  sont  largement  répandues  sur 
les  côtes  du  Japon,  de  la  Chine  et  de  l'Inde,  dans  la  mer 
Rouge,  autour  des  îles  Mascareignes  et  dans  la  mer  des 
Antilles  ;  le  Fou  de  Néboux  n'a  été  signalé  jusqu'ici  que  sur 
les  côtes  0.  de  l'Amérique  du  Sud  et  le  Fou  manche-de- 
velours  habite  l'île  de  l'Ascension  et  est  très  commun  sur 
les  côtes  du  Pérou  où  se  trouve  également  le  Ftfu  varié 
qui  descend  jusqu'au  détroit  de  Magellan.    E.  Oustalet. 

Bibl.  :  Gould,  Birds  of  Europa,  1867,  pi.  412,  et  Birds  of 
Australia,  t.  VII,  pi.  76  et  77.  -  Degland  et  Gerbe, 
Ornith.  europ.,  1867,  2e  éd.,  t.  II.  —  A.  Milne-Edwards, 
Faune  des  régions  australes,  ch.  vu,  p.  31,  dans  Ann.Sc. 
nat.  zool,  t.  XIII,  art.  n°  4. 

FOUAGE  (Dr.  féod.).  Le  droit  de  fouage,  qu'il  ne  faut 
pas  confondre  avec  l'affouage,  était  celui  perçu  annuel- 
lement par  le  roi  ou  par  un  seigneur  sur  chaque  feu  et 


FOUAGE  -  FOUCAULD 


—  870  - 


maison  de  ses  hommes  et  sujets.  Le  mot  de  fouage  vient  du 
latin  focus,  d'où  Ton  a  fait  focagium,  par  corruption 
foagium,  et  de  là  fouage.  Ce  droit,  fort  ancien,  a  existé 
dans  diverses  régions  sous  d'autres  noms,  blande  dans  le 
Forez,  hostelage  et  ostise  dans  le  Duno's  et  le  Blésois  ; 
l'ancienne  coutume  de  Normandie  l'appelait  monéage.  Dès 
l'époque  de  la  première  race  et  longtemps  encore  sous  la 
troisième,  les  rois  de  France  levèrent  cette  imposition  par 
feu.  Elle  fut  exigée  d'abord  à  titre  à'aide,  pour  fournir 
aux  besoins  de  l'Etat  dans  les  circonstances  extraordi- 
naires ;  plus  tard,  elle  fut  distincte  des  aides,  d'où  il 
résultait  que  certaines  personnes  ou  certaines  villes  pou- 
vaient être  exemptes  des  fouages.  Le  droit  de  fouage  pou- 
vait cesser  quelquefois  moyennant  d'autres  impositions  qui 
le  remplaçaient.  Charles  V  avait  fait  lever  un  droit  de 
fouage  de  4  livres  par  feu  pour  la  solde  des  troupes.  Sous 
Charles  VI,  le  prince  de  Galles  tenta  d'imposer  l'Aquitaine 
à  raison  du  taux  uniforme  de  1  franc  par  feu.  A  partir  de 
Charles  VII,  le  fouage  devint  perpétuel  et  reçut  le  nom  de 
taille.  En  Normandie,  le  fouage,  qui  y  était  d'un  usage 
ancien,  avait  été  accordé  au  duc  de  Normandie  pour  l'em- 
pêcher de  changer  la  monnaie  et  le  dédommager  du  profit 
qu'il  aurait  pu  faire  sur  la  refonte  des  pièces.  En  Bre- 
tagne, le  fouage  tenait  lieu  de  l'imposition  de  la  taille. 
Dans  les  autres  pays  de  France,  où  les  seigneurs  pouvaient 
lever  cet  impôt,  il  paraît  avoir  eu  la  même  raison  d'être 
qu'en  Normandie.  Le  fouage  était  un  impôt  personnel  qui 
se  percevait  séparément  du  cens  et  ne  se  confondait  pas 
avec  lui.  G.  Regelsperger. 

FOU  AH.  Ville  de  la  Basse-Egypte,  prov.  de  Bahirièh, 
sur  la  branche  de  Rosette  (rive  droite),  élevée  sur  l'em- 
placement de  l'ancienne  Metelis.  Très  florissante  pendant 
tout  le  moyen  âge,  elle  ne  se  distingue  plus  aujourd'hui 
des  petites  villes  environnantes  que  par  sa  petite  industrie 
de  tarbouches,  de  plus  en  plus  amoindrie  par  l'importation 
européenne. 

FO  U  B  ERT  (Paul-Louis-Amédée),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Entrammes  (Mayenne)  le  21  mai  1812,  mort  à 
Paris  le  19  janv.  1886.  Avoué,  puis  avocat  à  Paris,  maire 
de  Saint-Sauveur-le-Vicomte,  de  1853  à  1872,  il  se  pré- 
senta sans  succès  dans  la  Manche  à  l'élection  législative 
qui  eut  lieu  en  1868  pour  le  remplacement  de  Havin.  Elu 
le  8  févr.  1871  à  l'Assemblée  nationale  par  le  dép.  de  la 
Manche  avec  un  programme  conservateur,  il  siégea  au 
centre  droit,  puis  se  rallia  à  la  conception  de  la  République 
conservatrice  et  passa,  au  centre  gauche.  Il  combattit  le 
cabinet  de  Broglie  et  fut  élu  sénateur  inamovible  par  l'As- 
semblée nationale  le  10  déc.  4875.  Membre  du  centre 
gauche  du  Sénat,  il  lutta  contre  le  gouvernement  du  16  mai, 
vota  l'article  7,  la  réforme  de  la  magistrature  et  le  réta- 
blissement du  divorce. 

FO  U  B  E  RT  (Emile-Louis),  peintre  français  contemporain, 
né  à  Paris  ;  élève  de  l'école  municipale  de  Bayonne,  de 
MM.  Bonnat  et  Busson.  On  lui  doit  de  nombreux  dessins 
et  pastels.  Citons  le  Satyre  et  le  Passant  (S.  de  1882)  ; 
Eglogue  (1883);  Départ  pour  la  chasse  (1884);  Ten- 
tation (1885);  Dans  l'Atelier  (1886);  Idylle  (1887); 
la  Fortune  et  V Enfant  (1888);  Diane  et  Endymion 
(1889);  plus,  nombre  de  portraits.  En  1892,  il  exposa 
celui  de  Corot. 

FOUCARD.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure,  arr. 
d'Yvetot,  cant.  de  Fauville  ;  332  hab. 

FOUCARMONT.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  deJNieufchâtel,  cant.  de  Blangy,  surl'Yères;  710  hab. 
Culture  et  commerce  de  houblon.  Cette  localité  fut  au  moyen 
âge  un  bourg  important  compris  dans  le  comté  d'Eu.  Une 
abbaye  de  l'ordre  de  Cîteaux  y  fut  établie  en  1130  par  le 
comte  d'Eu,  Henri  Ier;  il  en  subsiste  divers  bâtiments,  la 
grange  (xvie  siècle) ,  les  écuries,  le  portail  de  l'église,  le  jardin 
et  le  vivier.  L'église  paroissiale  a  recueilli  le  maître-autel,  les 
stalles  et  le  buffet  d'orgues.  Chapelle  de  l'Epinette,  jolie, 
construction  de  style  gothique  flamboyant.  Stalles  construites 
par  le  prince  de  Dombes,  comte  d'Eu,  au  xvme  siècle. 


FOU  G  ART  (Paul-François),  archéologue  français,  né  à 
Paris  le  15  mars  1836.  Elève  de  l'Ecole  normale  (promo- 
tion de  1855),  il  fut,  après  avoir  professé  à  Charlemagne 
et  à  Bonaparte,  chargé  de  la  suppléance  du  cours  d'épi- 
graphie  et  antiquités  grecques  au  Collège  de  France  en 
1874  et  devint  titulaire  de  cette  chaire  en  1877.  Le  29  nov. 
1878  il  était  élu  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres.  Il  fut  chargé  de  la  direction  de  l'Ecole  fran- 
çaise d'Athènes  de  1878  à  1890.  Parmi  ses  ouvrages  nous 
citerons  :  Mémoires  sur  les  ruines  et  l'histoire  de 
Delphes  (Paris,  1865,  in-8);  Mémoire  sur  l'affranchis- 
sement des  esclaves  (1867,  in-8);  Des  Associations  reli- 
gieuses chez  les  Grecs  (1873,  in-8);  Mélanges  d'épi- 
graphie  grecque  (1881,  in-8),  et  un  grand  nombre  d'études 
savantes  insérés  dans  le  Recueil  des  Mémoires  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions,  dans  la  Revue  archéologique, 
Bulletin  de  Correspondance  hellénique,  etc. 

FOUCARVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Valognes,  cant.  de  Sainte-Mère-Eglise  ;  256  hab. 

FOUCAUCOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de 
Bar-le-Duc,  cant.  de  Triaucourt  ;  215  hab. 

FOUCAUCOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Péronne,  cant.  de  Nesle  ;  496  hab. 

FOUCAUCOU  RT-hors-Nesle.  Com.  du  dép.  de  la  Somme, 
arr.  d'Amiens,  cant.  d'Oisemont;  152  hab. 

FOUCAUD  (Jean),  publiciste  et  fabuliste  français,  né  à 
Limoges  le  5  avr.  1747,  mort  à  Limoges  le  14  janv.  1818. 
Fils  d'un  marchand,  il  étudia  d'abord  chez  les  jésuites  et 
les  jacobins  de  sa  ville  natale,  puis  se  fit  prêtre  et  entra 
dans  l'ordre  des  jacobins.  Connu  pour  partager  les  idées 
philosophiques  du  xvme  siècle,  il  fut  chargé,  le  14  juil. 
1790,  de  célébrer  sur  l'une  des  places  de  Limoges  la  messe 
de  la  Fédération,  et  entra  dès  lors  résolument  dans  le  mou- 
vement politique  comme  fondateur,  secrétaire  et  enfin  pré- 
sident de  la  Société  des  amis  de  la  Constitution.  Prêtre  con- 
stitutionnel, puis  défroqué,  collaborateur  de  Pédon  au 
Journal  du  département  de  la  Haute-Vienne,  il  publia 
dans  cette  feuille  plusieurs  parodies  violentes  du  culte  catho- 
lique. Il  devint  ensuite  juge  de  paix,  payeur  du  départe- 
ment, professeur  à  l'Ecole  centrale  de  Limoges,  puis  chef 
d'une  institution  de  jeunes  gens.  Sous  l'Empire,  il  continua 
de  vivre  à  Limoges,  mais  dans  une  retraite  profonde,  com- 
posant des  chansons  patoises,  étudiant  La  Fontaine  et  s'exer- 
çant  à  traduire  ses  fables  en  patois  limousin.  Le  recueil 
de  ces  traductions  fut  dédié,  en  1808,  à  la  Société  d'agri- 
culture de  Limoges  dont  Foucaud  était  membre.  Les  der- 
nières années  de  Fauteur  sont  peu  connues.  On  sait  seule- 
ment qu'il  mourut  pénitent.  —  On  a  de  Foucaud  divers 
écrits  :  Discours  sur  l'organisation  civile  du  clergé... 
prononcé  le  iS  janvier,  Van  II  de  la  Liberté,  qui  fut 
suivi  d'une  polémique  de  l'auteur  avec  l'abbé  de  Montbrial  ; 
Statuts  de  la  confédération  civile  du  clergé  (Limoges, 
1791);  Recueil  de  chansons  et  de  pièces  fugitives  en 
patois  limousin  (1849)  ;  les  Fables  de  La  Fontaine 
imitées  et  traduites  en  vers  patois  du  Limousin  (lre éd., 
1809  ;  2e  éd.,  1835;  3e  éd.,  Limoges,  1849;  4e  éd., 
Paris,  1886).  Un  Choix  des  plus  jolies  fables  patoises 
de  Foucaud  a  paru  à  Limoges  en  1850.    A.  Leroux. 

Bibl.  :  0.  Péconnet,  Jean  Foucaud,  notice  biogra- 
phique et  littéraire,  dans  le  Bull,  de  la  Soc.  arch.  du  Li- 
mousin, 1854,  t.  V,  p.  30,  reproduit  en  tête  de  l'édition  des 
Fables  de  1866. 

FOUCAU  LD  de  Làrdimalie  (Louis,  marquis  de),  homme 
politique  français,  né  au  château  de  Làrdimalie  (Dordogne) 
le  7  déc.  1755,  mort  au  château  de  Làrdimalie  le  2  mai 
1805.  Capitaine  aux  chasseurs  du  Hainaut,  chevalier  de 
l'ordre  de  Malte,  il  fut  élu,  en  mars  1789,  député  de  la 
noblessse  aux  Etats  généraux  par  la  sénéchaussée  du  Péri- 
gord.  Il  fut  d'abord  un  des  plus  ardents  à  faire  abandonner 
les  privilèges  de  la  noblesse  dans  la  nuit  du  4  août,  mais 
bientôt  il  soutint  avec  âpreté  les  droits  de  la  royauté  et  se 
fit  remarquer  par  la  violence  de  ses  discours.  Mirabeau 
n'eut  pas  d'adversaire  plus  tenace  et  l'abbé  Maury  d'aco- 
lyte plus  fidèle.  Foucauld  obtint  que  les  jésuites  eussent 


871 


FOUCAULD  —  FOUCAULT 


des  pensions  égales  à  celles  des  autres  religieux  (20  févr. 
4790),  réclama  que  la  religion  catholique  fût  déclarée  reli- 
gion nationale  et  eut  à  cette  occasion  un  duel  oratoire  avec 
Mirabeau  (13  avr.  1790),  s'opposa  à  l'abolition  des  titres 
nobiliaires  (19  juin  1790)  et  rédigea  une  protestation  que 
Le  Peletier  de  Saint-Fargeau  refusa  de  communiquer  à  l'As- 
semblée. Foucauld,  toujours  plus  fougueux,  parla  contre  la 
substitution  du  drapeau  tricolore  au  drapeau  blanc  (21  oct. 
1790),  défendit  les  ecclésiastiques  qui  avaient  refusé  le  ser- 
ment (4  janv.  1791)  et  sortit  de  la  salle  pour  ne  point 
prendre  part  à  la  discussion  de  la  constitution  civile  du 
clergé  (21  janv.).  Il  émigra  après  la  session  et  alla  servir 
dans  l'armée  de  Condé.  Rentré  en  France  en  1801,  il  périt 
victime  de  l'écroulement  d'une  terrasse  de  son  château. 

Etienne  Ghabavay. 
Bibl.:  Moniteur;  Archives  parlementaires;  Dictionnaire 
des  parlementaires.  —  G.  Bussière,  le  Constituant  Fou- 
cauld de  Lardimalie,  dans  le  t.    XXII  de  la  Révolution 
française,  p.  204. 

FOUCAULT  (Louis  de  Saint-Germain-Beaupré,  comte 
du  Daugnon),  maréchal  de  France,  né  dans  le  comté  de 
la  Marche  vers  1616,  mort  à  Paris  le  10  oct.  1659.  Il  fut 
d'abord  page  du  cardinal  de  Richelieu,  s'attacha  peu  après 
au  duc  de  Brezé  et  obtint  la  charge  de  vice-amiral.  Il  servit 
en  cette  qualité  de  1640  à  1648  et  se  trouva  à  plusieurs 
combats  de  mer  qui  se  livrèrent  à  cette  époque.  Ayant  levé 
un  régiment  d'infanterie  de  son  nom,  le  6  juin  1648,  et 
s 'étant  prononcé  en  faveur  du  prince  de  Condé,  il  vit  licen- 
cier son  régiment  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  faire  sa  soumis- 
sion au  roi  qui  le  nomma  maréchal  de  France  le  16  mars 
1654.  C'est  alors  qu'il  abandonna  le  nom  de  comte  du 
Daugnon,  pour  celui  de  maréchal  de  Foucault.  Quelque 
temps  après,  il  se  démit  de  la  lieutenance  générale  du  pays 
d'Aunis  et  se  retira  à  Paris.  Armes  :  d'azur  semé  de  fleur 
de  lis  d'or. 

FOUCAULT  (Nicolas- Joseph),  mémorialiste  français,  né 
le  8  janv.  1643,  mort  à  Paris  le  7  févr.  1721.  Il  était  fils 
de  Joseph,  greffier  de  la  chambre  des  comptes,  mort  le 
6  juil.  1691,  et  de  Marie-Métézeau,  dont  le  père  s'était 
rendu  célèbre  comme  architecte.  Elevé  aux  jésuites  de  Cler- 
mont,  puis  au  collège  de  Navarre,  il  fut  reçu  licencié  en 
droit  et  avocat  au  parlement  de  Paris.  Nommé  secrétaire  de 
la  commission  pour  la  réformation  de  la  justice  en  oct.  1665, 
procureur  général  de  la  recherche  de  la  noblesse  en  sept. 
1666,  il  acquit  cette  même  année  la  charge  de  procureur 
du  roi  des  requêtes  de  l'Hôtel,  dont  il  se  démit  en  1672, 
ayant  acheté  quelques  mois  auparavant  celle  d'avocat  géné- 
ral au  grand  conseil.  Pourvu,  en  févr.  1674,  d'une  des 
quatre  nouvelles  charges  de  maître  des  requêtes,  il  fut 
nommé  intendant  de  Montauban  à  la  fin  du  même  mois  ; 
de  Pau,  en  janv.  1684  ;  de  Poitou,  en  août  1685,  se  signa- 
lant dans  ces  deux  provinces  par  ses  poursuites  contre  les 
religionn aires  ;  puis  de  Caen  (25  janv.  1689),  où  il  avait 
obtenu  d'être  envoyé,  grâce  à  Seignelay.  Il  y  demeura  dix- 
sept  ans,  refusant  de  passer  à  Rouen  en  1693,  et  à  Lyon 
en  1694.  En  1699,  Chamillart,  son  ami,  l'aurait  nommé 
intendant  des  finances,  sans  Mme  de  Maintenon.  Fait  con- 
seiller d'Etat  de  semestre  en  1704,  il  reçut  en  août  1706 
son  fils  pour  successeur  à  Caen,  devint,  le  20  nov.  1717, 
conseiller  ordinaire  et,  en  1712,  fit  partie  du  conseil  de  la 
duchesse  d'Orléans  douairière.  Ami  des  lettres  et  des  anti- 
quités, il  était  membre  honoraire  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions depuis  1 701 ,  et  avait  réuni  une  riche  collection  de 
livres,  de  médailles,  de  figures  antiques  (passées  à  la  Bi- 
bliothèque du  roi).  On  a  de  lui  :  Discours  prononcé  à 
l'ouverture  des  séances  de  l'Académie  des  belles4ettres 
de  Caen  (Caen,  1705,  in-4)  et  des  Mémoires  (Paris,  1862, 
in-4),  publiés  par  F.  Baudry,  qui  s'étendent  de  1 641  à  1718. 
—  De  son  mariage  avec  Marie  de  Jassaud  (24  nov.  1675),  il 
avait  eu  huit  enfants,  dont  deux  fils  :  Nicolas- Joseph, 
marquis  de  Magny,  né  le  22  févr.  1677,  mort  en  août 
1772,  et  Guillaume,  né  le  7  nov.  1685,  mort  aux  Indes 
en  1704.  Eugène  Asse. 

Bibl.:  Dangeau,  Journal,  XVIII,  61,  etpassim.  —  Saint- 


Simon,  Mém.,  éd.  Chéruel,  in-12,  XVII,  213,  et  passim.  — 
Hénault,  Mém.,  p.  5.  —  Le  P.  Lelong,  Bibl.  hist., 
n°  6214.  —Le  P. Montfaucon,  Antiq.  expliquée,  I,  XIX.  — 
G.  Brice,  Descript.  de  Pam,1717,  II,  132.— Boze,  VHist.  de 
l'Académie  des  Inscr.,  1740,  in-12,  II,  223.— F.  Baudry, 
Introduction  aux  Mémoires. 

FOUCAULT  (Léon),  physicien  français,  né  à  Paris  le 
18  sept.  1819,  mort  le  11  févr.  1868.  Fils  d'un  libraire- 
éditeur  assez  connu,  Foucault  fit  ses  études  seul  chez  lui 
et,  au  moment  de  prendre  une  carrière,  opta  pour  la  mé- 
decine, qu'il  abandonna  cependant  avant  d'avoir  atteint  le 
grade  de  docteur.  Le  daguerréotype  qui  venait  d'apparaître 
excita  chez  Foucault  une  admiration  enthousiaste  et  fut  l'ob- 
jet de  ses  premiers  travaux  dans  cette  science  de  l'optique 
qui  l'occupa  toute  sa  vie  et  qui  lui  doit  des  progrès  de  la 
plus  grande  importance,  au  point  de  vue  pratique  et  au 
point  de  vue  théorique.  En  collaboration  avec  M.  Fizeau, 
il  montra,  entre  autres  faits  curieux,  que  quand  sur  une 
plaque  de  daguerréotype  qui  a  reçu  uniformément  l'action 
de  la  lumière  blanche,  on  projette  un  spectre,  la  partie 
rouge  de  ce  spectre  détruit  l'effet  produit  primitivement 
sur  la  plaque  par  la  lumière  blanche  (Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences,  XXIII,  679).  Ce  fut  vers  cette 
époque  qu'il  aida,  comme  préparateur,  Donné,  dans  son 
cours  de  microscopie  médicale.  Souvent,  pour  les  expé- 
riences qu'il  avait  à  faire,  le  soleil  manquait;  il  créa,  pour 
y  remédier,  cet  ingénieux  appareil,  le  régulateur  électrique, 
qui  permet  de  maintenir,  pendant  des  heures,  un  arc  élec- 
trique entre  deux  charbons,  malgré  leur  usure  rapide, 
grâce  à  un  système  de  régulation  qu'actionne  lui-même 
une  partie  du  courant  électrique  qui  produit  l'arc  (Comptes 
rendus,  XXVIII,  68  ;  LXI,  1,148).  L'association  de  Fou- 
cault et  de  M.  Fizeau  donna  naissance  à  une  série  brillante 
de  découvertes  en  optique,  au  moment  où  les  travaux 
d'Huygens,  d'Arago  et  surtout  de  Fresnel  semblaient  avoir 
épuisé  cette  branche  de  la  physique.  Parmi  ces  travaux 
faits  en  commun,  il  faut  citer  les  interférences  produites 
par  deux  rayons  ayant  une  grande  différence  de  marche  ; 
l'emploi  d'une  lumière  homogène  permet  de  reproduire  avec 
éclat  le  phénomène  des  anneaux  de  Newton  ;  au  lieu  des 
quelques  anneaux  observés  jusque-là,  on  put  en  compter 
des  milliers.  L'interférence  des  rayons  calorifiques  a  été 
aussi  observée  par  ces  deux  physiciens  qui  complétèrent 
sur  ce  point  et  sur  d'autres  les  immortels  travaux  de  Fres- 
nel (Comptes  rendus,  XXV,  447).  Mais  la  plus  belle 
expérience  de  Foucault  est  celle  qu'il  entreprit  pour  détermi- 
ner la  vitesse  de  la  lumière  (Comptes  rendus,  XXV,  551  ; 
LV,  501,  79u2).  Cette  vitesse  est  d'environ  77,000  lieues 
par  seconde  ;  Foucault  la  détermina  dans  sa  chambre  avec 
un  rayon  lumineux  long  de  quelques  mètres  ;  il  fit  plus  : 
il  montra  que  cette  vitesse  est  plus  considérable  dans  l'air 
que  dans  l'eau.  C'est  là  un  des  plus  grands  résultats  ob- 
tenus en  physique  dans  ce  siècle  ;  il  permettait,  en  effet, 
de  trancher  d'une  façon  définitive  cette  querelle  scienti- 
fique des  théories  de  l'émission  et  des  ondulations.  Tous  les 
phénomènes  lumineux  connus  étaient,  en  effet,  explicables 
par  ces  deux  théories  :  Kepler,  Newton,  Laplace  ont  sou- 
tenu la  théorie  de  l'émission.  Descartes,  Huygens,  Euler, 
ont  adopté  celle  des  ondulations.  La  première  conduisait  à 
admettre  pour  la  vitesse  de  la  lumière  dans  l'eau  un  nombre 
plus  considérable  que  dans  l'air  ;  la  seconde  conduisait  au 
résultat  inverse  ;  Foucault  montra  que  cette  dernière  était 
vérifiée  par  l'expérience.  Une  autre  expérience  de  Foucault, 
sur  une  autre  question  également  de  premier  ordre,  est 
aussi  très  importante  :  Foucault  montra,  à  l'aide  d'expé- 
riences faites  d'abord  dans  une  cave,  que  la  terre  tour- 
nait (Comptes  rendus,  XXXII,  135;  XXXV,  421);  il 
fallait  pour  cela  trouver  une  mire  fixe  remplaçant  les  étoiles 
dont  le  mouvement  apparent  est  une  démonstration  de  la 
rotation  de  la  terre  ;  cette  mire,  Foucault  l'obtint  par  l'os- 
cillation d'un  pendule  reposant  sur  un  plan  à  l'aide  d'une 
pointe.  La  théorie  établie  par  Foucault  montre  qu'un  pa- 
reil instrument  oscille  dans  un  plan  d'une  direction  inva- 
riable, malgré  le  mouvement  de  la  terre  qui  l'emporte  ; 


FOUCAULT  —  FOUCHÉ 


—  872  — 


l'expérience  montra  que  l'angle  de  cette  direction  invariable 
avec  un  plan  invariablement  lié  à  la  terre  était  variable  ; 
on  en  concluait  que  ce  dernier  n'avait  pas  une  position 
fixe  dans  l'espace  et  que,  par  suite,  la  terre  n'était  pas 
immobile.  Les  lois  de  la  mécanique  fournirent  à  Foucault 
une  nouvelle  invention  d'apparence  aussi  paradoxale  que 
la  précédente;  elle  permettait,  en  effet,  de  résoudre  cette 
proposition  en  apparence  insoluble  :  déterminer  la  direc- 
tion du  méridien  d'un  lieu  sans  observation  astronomique 
ou  magnétique;  le  gyroscope  (V.  ce  mot)  est  le  petit  ins- 
trument qui  sert  pour  cela  (Comptes  rendus,  XXXV,  424, 
469).  Dans  ces  derniers  temps,  on  a  même  proposé  d'em- 
ployer cet  appareil  à  bord  des  navires  pour  remplacer  les 
boussoles  dont  l'emploi  sur  les  cuirassés  ou  sur  les  navires 
construits  en  fer  devient  de  plus  en  plus  difficile.  Ces  di- 
verses découvertes,  qui  exigeaient  des  connaissances  théo- 
riques approfondies,  avaient  aussi  exigé  une  habileté  que 
Foucault  possédait  au  plus  haut  point,  comme  il  le  montra 
dans  les  travaux  qu'il  nous  reste  maintenant  à  examiner. 
La  construction  des  miroirs  de  télescope  et  des  grandes 
lentilles  des  lunettes  astronomiques  lui  doit  les  plus  grands 
perfectionnements  ;  il  montra  quelles  méthodes  on  pouvait 
employer  pour  transformer  les  miroirs  sphériques  en  mi- 
roirs paraboliques  par  une  série  de  retouches  méthodiques  ; 
il  en  construisit  de  ses  propres  mains  qui  montrèrent  une 
supériorité  incomparable  sur  les  meilleurs  instruments  con- 
struits jusqu'alors.  La  mort  seule  l'a  empêché  de  terminer 
le  grand  miroir  et  le  grand  objectif  qu'il  avait  commencé 
pour  l'Observatoire  de  Paris.  On  lui  doit  aussi  cette  expé- 
rience remarquable  (Comptes  rendus,  XLI,  450)  :  lors- 
qu'on fait  tourner  rapidement  un  disque  d'un  métal  quel- 
conque entre  les  pôles  d'un  fort  aimant,  le  disque  s'échauffe 
considérablement  et  l'on  doit  vaincre  une  grande  résistance 
pour  le  faire  tourner  ;  cette  propriété  a  été  souvent  utili- 
sée depuis  pour  diminuer  les  oscillations  des  aiguilles  ai- 
mantées. Ce  travail  lui  valut  la  grande  médaille  de  Copley, 
la  plus  haute  récompense  de  la  Société  royale  de  Londres  ; 
elle  lui  fut  décernée  en  1850.  En  4855,  on  créa  pour  lui 
une  place  de  physicien  près  l'Observatoire  de  Paris  et  ce 
fut  l'origine  de  ses  beaux  travaux  sur  les  lentilles  et  les 
miroirs.  Il  fut  membre  du  Bureau  des  longitudes  et  membre 
de  l'Académie  des  sciences  en  janv.  4865.      A.  Joannis. 

Interrupteur  de  Foucault  (V.  Bobine,  t.  VI,  p.  4496). 

FOUCAUX  (Philippe-Edouard),  orientaliste  français,  né 
à  Angers  en  4844.  Elève  d'Eugène  Burnouf,  il  entreprit 
sur  les  conseils  de  son  maître  l'étude  de  la  langue  tibé- 
taine afin  d'examiner  les  monuments  de  la  religion  et  de 
la  littérature  bouddhique  conservés  dans  les  monastères  du 
Tibet  après  la  ruine  du  bouddhisme  dans  l'Inde.  Chargé 
d'enseigner  le  tibétain  à  l'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes  de  4842  à  4852,  il  fut,  après  la  mort  prématurée 
de  Burnouf  et  après  un  intérim  de  quelques  années  de 
Th.  Pavie,  nommé  à  la  chaire  de  sanscrit  du  Collège  de 
France.  Les  principales  publications  de  M.  Foucaux,  qui 
consistent  surtout  en  des  traductions,  sont  :  V Histoire  du 
Bouddha  Sakyamouni,  Rgya  Cher  Roi  Pa,  texte  et  tra- 
duction de  la  version  tibétaine  du  Lalita-Vistara  (Paris, 
4847-4848,  2  vol.  in-4)  ;  Grammaire  de  la  langue 
tibétaine  (4859)  ;  Parabole  de  l'Enfant  égaré,  texte 
tibétain  et  sanscrit  avec  traduction  française  (1854); 
le  Trésor  des  Belles  Paroles,  choix  de  sentences  traduites 
du  tibétain  en  français  (4858);  Vikramorvasi,  drame 
de  Kalidasa,  traduit  du  sanscrit  en  français  (4864);  Onze 
Episodes  du  MaM-£/iârafa,  traduits  du  sanscrit  (1862)  ; 
le  Bouddhisme  au  Tibet  (  \  864  )  ;  la  Doctrine  des 
Bouddhistes  sur  le  Nirvana  (4864)  ;  Sacountala,  drame 
de  Kalidasa  traduit  du  sanscrit  (4877).  Enfin  M.  Foucaux 
a  donné  dans  les  Annales  du  Musée  Guimet  (t.  VI) 
la  traduction  exécutée  sur  l'original  sanscrit  du  Lalita- 
Vistara  (le  développement  des  jeux)  dont  il  avait  fait 
connaître  la  version  tibétaine  (4884);  un  second  volume, 
qui  vient  de  paraître  dans  la  même  collection  (t.  XIX) 
donne  des  notes,  des  variantes  et  un  index.  M.  Foucaux 


est,  de  plus,  le  collaborateur  régulier  de  plusieurs  revues, 
particulièrement  du  Lotus  et  de  la  Revue  de  VEistoire 
des  religions.  Sylvain  Lévi. 

FOUCHÉ  (Joseph),  duc  d'Otrante,  fameux  homme  d'Etat 
français,  né  au  Pellerin  (Loire-Inférieure)  le  49  sept.  4754, 
mort  à  Trieste  le  25  déc.  4820.  Fils  d'un  capitaine  de  la 
marine  marchande,  il  entra  dans  la  congrégation  de  l'Ora- 
toire et  professa  tour  à  tour  à  Juiily,  à  Arras  et  à  Vendôme. 
Au  début  de  la  Bévolution,  il  était  principal  du  collège  de 
Nantes.  On  dit  que  c'est  alors  qu'il  se  défroquaet  se^  lança 
dans  la  politique.  Mais  ici  les  dates  et  les  faits  sont  incer- 
tains. Il  fut  élu  député  de  la  Loire-Inférieure  à  la  Convention 
nationale,  où  il  fit  partie  du  comité  d'instruction  publique 
du  43  oct.  4792  au  45  vendémiaire  an  IL  Dans  le  procès  de 
Louis  XVI,il  émitles  votes  les  plus  rigoureux.  Le  9  mars  4793, 
la  Convention  l'envoya  avec  Villers  dans  la  Loire-Inférieure 
et  la  Mayenne  pour  y  activer  la  levée  de  300,000  hommes 
décrétée  le  24  févr.  précédent.  Le  24  juin,  il  reçut  une 
mission  dans  les  départements  du  Centre  et  de  l'Ouest,  en 
vue  «  d'inviter  et  requérir  les  citoyens  à  prendre  les  armes 
contre  les  rebelles  delà  Vendée  ».  Il  se  rendit  à  Troyes,  où 
il  assura  le  triomphe  du  parti  montagnard,  puis  à  Nevers, 
où,  de  concert .  avec  Chaumette,  il  fit  une  célèbre  ten- 
tative pour  détruire  le  christianisme  et  en  préparer  le 
remplacement  par  le  culte  de  la  Baison.  Le  40  oct.  4793, 
il  défendit  toute  manifestation  religieuse  en  dehors  des 
églises  ;  il  imposa  un  caractère  purement  civil  aux  funé- 
railles ;  il  remplaça  dans  les  cimetières  les  emblèmes  chré- 
tiens par  une  statue  du  Sommeil  et  ordonna  que  l'on  écrivît 
«  sur  la  porte  de  ce  champ  consacré  par  un  respect  reli- 
gieux aux  mânes  des  morts  :  la  Mort  est  un  sommeil 
éternel  ».  Le  30  oct.,  il  fut  envoyé  à  Lyon  avec  Collot 
d'Herbois  et  s'y  montra  cruel.  Non  seulement  il  partagea  avec 
son  collègue  la  responsabilité  des  mitraillades,  mais,  après 
le  départ  de  Collot,  il  activa  les  opérations  de  l'inexorable 
commission  militaire  qui  fit  périr  tant  de  Lyonnais  et  il  se 
vanta  publiquement  de  ces  effusions  de  sang(V.  par  exemple 
sa  lettre  à  Collot,  Moniteur,  XIX,  37).  Rentré  à  Paris  peu 
avant  la  mort  de  Danton,  il  fut  élu  président  des  Jacobins 
le  8  prairial  an  II,  au  moment  des  préparatifs  de  la  fête  à 
l'Etre  suprême  et  parut  être  le  chef  de  l'opposition  à  la  po- 
litique de  Robespierre.  Celui-ci  lui  reprocha  publiquement 
ses  crimes  et  le  fit  exclure  du  club  le  26  messidor.  Il  se 
sentit  désigné  pour  l'échafaud  et  contribua  sans  doute  à  la 
journée  du  9  thermidor.  Mais,  quand  la  réaction  eut  triom- 
phé, de  nouveaux  périls  le  menacèrent.  Dénoncé  à  la  séance 
du  43  germinal  an  III,  au  moment  des  premières  proscrip- 
tions contre  les  montagnards,  il  bénéficia  d'abord  de  l'ordre 
du  jour>  puis  fut  décrété  d'arrestation.  L'amnistie  du  4  bru- 
maire an  IV  lui  rendit  la  liberté.  C'est  alors  qu'il  déve- 
loppa tout  son  génie  d'intrigue.  Lié  avec  Babeuf  et  ses 
amis,  il  dénonça  leurs  projets  au  Directoire,  et,  en  récom- 
pense, fut  nommé,  par  l'influence  de  Barras,  ministre  plé- 
nipotentiaire à  Milan,  en  remplacement  de  Trouvé  (vendé- 
miaire an  VII).  Là,  de  concert  avec  le  général  Brune,  il  tenta 
une  sorte  de  coup  d'Etat  contre  le  gouvernement  de  la  Ré- 
publique cisalpine.  Désavoué  et  expulsé  en  nivôse  an  VII, 
il  fut  nommé,  au  mois  de  prairial  suivant,  ambassadeur  en 
Hollande,  puis,  le  2  messidor,  ministre  de  la  police  générale. 
Il  ferma  le  club  des  Jacobins  reconstitué  au  Manège,  sup- 
prima onze  journaux,  organisa  un  puissant  système  d'espion- 
nage et  se  donna  cette  réputation  de  génie  policier,  qui  lui 
valut  d'être  craint  et  recherché  par  tous  les  partis.  Il  aida 
Bonaparte  à  faire  le  coup  d'Etat  du  48  brumaire  et  conso- 
lida le  nouveau  régime.  Mais,  n'ayant  pas  su  prévoir  l'af- 
faire de  la  machine  infernale,  il  eut  beau  faire  proscrire  les 
républicains,  il  dut  quitter  le  ministère  le  15  sept.  4802. 
Le  premier  consul  le  nomma  sénateur  et  titulaire  de  la  sé- 
natorerie  d'Aix  et  le  combla  d'argent.  Le  24  avr.  4808, 
il  fut  nommé  comte  de  l'Empire  et,  le  45  août  4809,  duc 
d'Otrante. 

Les  conspirations  et  les  dangers  qui  assaillirent  le  pre- 
mier consul  après  le  départ  de  Fouché  devaient  amener  son 


873  — 


FOUCHÉ  —  FOUCHER 


retour  au  pouvoir.  On  assure  qu'il  essaya  vainement  d'em- 
pêcher le  meurtre  du  duc  d'Enghien  et  dit  alors  à  Bona- 
parte le  mot  fameux  :  C'est  plus  qu'un  crime,  c'est  une 
faute.  Après  l'établissement  de  l'Empire,  Fouché  fut  rap- 
pelé au  ministère  de  la  police  (40  juil.  1804).  Napoléon 
n'eut  d'abord  qu'à  se  louer  des  services  de  l'habile  homme 
qui  maintenait  la  paix  à  l'intérieur,  pendant  que  lui-même 
était  hors  de  France,  à  la  tête  de  ses  armées.  Mais,  dès 
4809,  Fouché  prévit  la  chute  de  Napoléon  et  il  commença 
à  intriguer  avec  les  Bourbons  d'une  part  et  avec  les  répu- 
blicains de  l'autre.  Chargé  à  ce  moment-là  d'exercer  l'in- 
térim du  ministère  de  l'intérieur,  il  prit  sur  lui  d'or- 
donner à  Bernadotte  d'aller  repousser  un  débarquement  des 
Anglais  en  Zélande.  Napoléon  n'aimait  pas  Bernadotte:  il 
se  tacha,  ôta  à  Fouché  le  ministère  de  l'intérieur  et,  comme 
celui-ci  avait  un  peu  plus  tard  ouvert  à  son  insu  une  né- 
gociation avec  l'Angleterre,  il  le  remplaça  au  ministère  de 
la  police  par  Savary  (3  juin  1840)  et  le  chargea  du  gou- 
vernement de  Rome,  où  il  ne  se  rendit  pas.  Ayant  éludé 
la  demande  que  lui  avait  faite  l'empereur  de  rendre  les 
papiers  compromettants  dont  il  était  possesseur,  il  eut  peur, 
s'enfuit  en  Italie,  obtint  de  rentrer  et  de  résider  à  Aix,  puis 
dans  sa  terre  de  Pont-Carré.  En  4843,  Napoléon  le  nomma 
gouverneur  des  provinces  iilyriennes,  puis  l'envoya  à  Naples 
en  vue  d'y  surveiller  Murât  ;  mais  Fouché  se  garda  bien  de 
dissuader  ce  prince  de  ses  projets  de  défection.  Rentré  à 
Paris  le  40  avr.  4844,  il  s'aboucha  avec  les  Bourbons,  in- 
trigua en  leur  faveur  et  cependant  refusa  d'eux  le  porte- 
feuille de  la  police,  parce  que  la  Restauration  ne  lui  sem- 
blait pas  solide.  Au  retour  de  l'île  d'Elbe,  il  redevint  ministre 
de  la  police  de  Napoléon.  Après  Waterloo,  il  insista  pour 
l'abdication,  devint  président  de  la  commission  de  gouver- 
nement nommé'  par  les  Chambres  (23  juin  4845)  et  se 
tourna  vers  les  Bourbons.  C'est  lui  qui  tira  de  prison  M.  de 
Vitrolles,  dont  les  démarches  contribuèrent  tant  à  la  se- 
conde Restauration.  C'est  aussi  lui  qui  força  Napoléon  à 
quitter  la  Malmaison.  Louis  XVHI  accepta  ses  services  et 
il  fut  pour  la  quatrième  fois  ministre  de  la  police.  Il  s'op- 
posa tant  qu'il  put  aux  mesures  de  proscription  et  de  réac- 
tion violente.  Il  signala  publiquement  dans  des  rapports 
et  des  notes  les  dangers  de  la  politique  ultra-royaliste.  Elu 
à  la  Chambre  des  députés  par  trois  départements ,  il  n'ac- 
cepta pas  et  donna  sa  démission  de  ministre  de  la  police 
le  49  sept.  4815.  Nommé  ministre  à  Dresde,  il  ne  tarda 
pas  à  être  atteint,  comme  régicide,  par  la  loi  de  4846.  Il 
se  retira  à  Prague-,  se  fit  naturaliser  Autrichien  en  4848  et 
alla  finir  ses  jours  à  Trieste.  Il  s'était  marié  deux  fois  : 
d'abord,  le  9  oct.  4842,  avec  Mlle  Coignard  ;  puis,  en  août 
4815,  avecMlle  de  Castellane,  qui  lui  survécut  jusqu'en  4  850 . 
Il  existe  des  Mémoires  de  Fouché,  duc  d'Otrante,  mi- 
nistre de  la  police  générale  (Paris,  4824,  2  vol.  in-8). 
La  famille  de  Fouché  les  désavoua  et  les  fit  saisir.  D'après 
Quérard,  ils  ont  été  rédigés  par  Alphonse  de  Beauchamp, 
sur  des  notes  fournies  par  Jullian,  ancien  agent  de  Fouché. 
C'est  une  compilation  sans  valeur.  Il  n'existe  pas  de  biogra- 
phie sérieuse  et  complète  de  Fouché.  Le  Mémoire  historique 
sur  Fouché  (Paris,  4815,  in-8)  et  Fouché  (de  Nantes), 
sa  vie  privée,  politique  et  morale  (Paris,  4816,  in-8),  ne 
sont  que  des  pamphlets.  F.-A.  A. 

Bibl.  :  Comte  de  Martel,  Etude  sur  Fouché;  Paris, 
1873-1879,  2  vol.  in-12. 

FOUCHÉCOURT.  Corn,  dudép.  de  la  Haute-Saône, 
arr.  de  Vesoul,  cant.  de  Combeaufontaine  ;  244  hab. 

FOUCHÉCOURT.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de 
Neufchâteau,  cant.  de  Lamarche;  227  hab. 

FOUCHER  (Simon),  philosophe  français,  né  à  Dijon  le 
4ermars  4644,  mort  à  Paris  le  27  av.  4696.  Entré  de 
bonne  heure  dans  les  ordres,  il  avait  reçu  en  même  temps 
que  la  prêtrise  le  titre  de  chanoine  honoraire  de  la  Sainte- 
Chapelle  de  Dijon.  Désireux  de  s'instruire,  il  renonça  aux 
avantages  que  lui  assurait  cette  situation,  et  vint  à  Paris 
prendre  le  titre  de  bachelier  en  Sorbonne,  s'y  fixa  et  entra 
en  relations  avec  les  principaux  savants  de  l'époque.  Fou- 


cher  s'attacha  d'abord  à  la  philosophie  cartésienne  et  fut 
même  chargé,  suivant  Baillet,  d'écrire  l'éloge  de  Descartes 
quand  les  cendres  du  grand  philosophe  furent  rapportées 
en  France,  en  4667.  Mais  il  ne  garda  guère  de  Descartes 
que  le  doute  méthodique  et  tenta  de  restaurer  la  philoso- 
phie académicienne,  c.-à-d.  une  sorte  de  probabilisme  pru- 
dent analogue  à  celui  de  Cicéron.  Toutefois,  il  admettait 
des  vérités  premières,  la  spiritualité  et  l'immortalité  de 
l'àme  et  l'existence  de  Dieu  ;  mais  il  se  prononça  franche- 
ment pour  l'idéalisme  dans  la  question  de  l'existence  des 
corps.  Il  se  plaisait  à  insister  sur  les  avantages  que  cette 
doctrine  offrait  à  la  religion  pour  éviter  les  hérésies  et 
entretenir  la  paix  entre  les  princes  temporels.  Quand  parut 
la  première  partie  de  la  Recherche  de  la  vérité  de  Male- 
branche,  Foucher  •  publia  un  examen  minutieux  de  la 
théorie  de  la  vision  en  Dieu  :  Critique  de  la  Recherche 
de  la  vérité  (Paris,  4675,  in-12)  ;  il  en  résulta  entre 
les  deux  philosophes  une  longue  polémique  qui  eut  un 
grand  retentissement  parmi  les  contemporains  et  qui  est 
encore  d'un  grand  intérêt  pour  l'étude  de  la  philosophie 
de  Malebranche.  On  trouvera  la  liste  complète  des  ou- 
vrages de  Foucher  dans  la  Bibliothèque  des  auteurs 
de  Bourgogne,  de  Papillon  (Dijon,  1745,  in-fol.,  t.  I, 
pp.  422  etsuiv.).  Voici  les  titres  des  principaux  :  Disser- 
tation sur  la  Recherche  de  la  vérité,  ou  sur  la  phi- 
losophie des  académiciens  (Paris,  4673,  in-42);  Cri- 
tique de  la  Recherche  de  la  vérité  où  Von  examine 
en  même  temps  une  partie  des  principes  de  M.  Des- 
cartes (id.,  4675,  in-42)  ;  Réponse  pour  la  critique  à 
la  Préface  du  second  volume  de  la  Recherche  de  la 
vérité  (id.,  4676;  2e  éd.,  4679,  in-42);  De  la  Sagesse 
des  anciens,  où  Von  fait  voir  que  les  principales 
maximes  de  leur  morale  ne  sont  pas  contraires  au 
christianisme  (id.,  4682  et  4683,  in-42)  ;  Dissertation 
sur  la  Recherche  de  la  vérité,  contenant  V apologie  des 
Académiciens  (id.,  4687,  in-42);  une  deuxième  édition 
parut  en  4690  accompagnée  de  Y  Histoire  des  Académi- 
ciens. Foucher  y  joignit  une  troisième  partie  (4692),  puis 
une  quatrième  (4693).  Tous  ces  opuscules  furent  alors 
réunis  sous  ce  titre  :  Dissertations  sur  la  Recherche  de 
la  vérité,  contenant  l'histoire  et  les  principes  de  la 
philosophie  des  Académiciens,  avec  plusieurs  réflexions 
sur  les  sentiments  de  M.  Descartes  (Paris,  4693,  in- 
42)  ;  Lettre  à  M.  Lantin,  conseiller  au  Parlement  de 
Bourgogne,  sur  la  question  si  Carnéade  a  été  con- 
temporain d'Epicure  (Journal  des  savants,  4694); 
Deux  lettres  à  Leibniz  publiées  dans  l'éd.  Dutens  (t.  II, 
pp.  402  et  240).  Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  F.  Rabbe,  l'Abbé  Simon  Foucher;  Dijon,  1867. 
FOUCHER  (Paul),  érudit  français,  né  à  Tours  en  mars 
4704,  mort  à  Paris  le  4  avr.  4778.  Elevé  au  collège  des 
jésuites  de  Tours,  où  il  se  fit  remarquer  dès  sa  jeunesse 
par  un  poème,  le  Combat  des  Piats  et  des  Chats,  inspiré 
par  la  Batrachomyomachie,  il  entra  à  la  fin  de  4748 
dans  la  congrégation  de  l'Oratoire,  fit  ses  études  de  théo- 
logie à  Paris,  et,  fort  peu  favorisé  de  la  fortune,  se  résigna 
à  diriger  l'éducation  des  fils  du  comte  de  Chateluz ,  puis 
celle  du  fils  de  la  duchesse  de  la  Trémoille.  Elu,  en  4753, 
membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 
l'abbé  Foucher  est  l'auteur  d'un  Traité  historique  de  la 
religion  des  Perses  et  de  Recherches  sur  V origine  et  la 
nature  de  Vhellénisme  insérés  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  (t.  XXV  à  XXIX  et  XXXIV  à  XXXIX),  d'une 
Géométrie  métaphysique  (Paris,  1758,  in-8)  et  de 
divers  ouvrages  demeurés  en  manuscrits,  entre  autres  une 
Histoire  de  la  maison  de  La  Trémoille  et  des  Entre- 
tiens sur  la  religion. 

FOUCHER  (Victor-Adrien),  magistrat  français,  né  à 
Paris  le  4er  juin  4802,  mort  à  Paris  le  2  févr.  4866.  Après 
une  carrière  judiciaire  et  administrative  bien  remplie,  au 
cours  de  laquelle  il  occupa  les  fonctions  de  directeur  des 
affaires  civiles  en  Algérie  (1846),  de  président  de  la  com- 
mission des  transportés  de  Juin  (4848)  et  de  procureur 


FOUCHER 


874  — 


de  la  République  près  le  tribunal  de  la  Seine  (1849),  il 
fut  nommé  conseiller  à  la  cour  de  cassation  (chambre  cri- 
minelle le  20  jnil.  4850.  Il  fit  partie  de  la  commission 
chargée  de  l'étude  des  réformes  à  apporter  dans  la  procé- 
dure criminelle,  du  conseil  de  l'ordre  de  la  Légion  d'hon- 
neur (4852-1860)  et  fut  membre  de  la  chambre  des  mises 
en  accusation  de  la  haute  cour  de  justice  (1852).  Directeur 
de  la  Collection  des  lois  civiles  et  criminelles  des  Etats 
modernes  (1833-1862),  collaborateur  de  la  Gazette  des 
Tribunaux,  de  la  Revue  Fœlix,  de  la  Revue  Wolowski, 
où  il  donna  d'importants  travaux  sur  la  législation  étran- 
gère, il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages  parmi  lesquels  nous 
citerons  :  De  l'Admin.  de  la  justice  militaire  en  France 
et  en  Angleterre  (Paris,  1825,  in-8);  De  la  Législation 
en  matière  d'interprétation  des  lois  en  France  (1834- 
1835,  in-8);  Sur  la  Réforme  des  prisons  (Rennes,  1838, 
in-8);  Assises  duroyaume  de  Jérusalem  (1839-1841, 
2  vol.  in-8);  Mme  de  Chevreuse,  épisode  de  la  Fronde 
(Rennes,  1841,  in-8);  Rapport  sur  l'organisation  de  la 
justice  musulmane  en  Algérie  (1854,  in-fol.);  les  Ru- 
reaux  arabes  (1858,  in-18);  Commentaire  sur  le  code 
de  justice  militaire  pour  V armée  de  terre  (1858,  in-8); 
DÛ  Mouvement  des  études  historiques  et  philosophiques 
en  province  (1863,  in-8). 

FOUCHER  (Paul),  littérateur  français,  né  à  Paris  le 
21  avr.  1810,  mort  à  Paris  le  24  janv.  1875.  Beau-frère 
de  Victor  Hugo,  qui  avait  épousé  en  1822  sa  sœur  aînée 
Adèle,  il  fut  quelque  temps  employé  dans  un  ministère  et 
signa  pour  son  beau-frère  la  pièce  d'Amy  Robsart,  drame 
en  cinq  actes  et  en  prose,  qui  fut  représentée  à  l'Odéon  le 
13  fév.  1828.  Son  vrai  début  date  de  1830  où  il  donna 
Iseult  et  Rimbault,  pièce  moyenâgeuse  et  confuse,  que 
suivirent  à  de  courtes  distances  Saynètes  (1831);  la  Mi- 
sère dans  V amour  (1832)  ;  les  Passions  dans  le  monde 
(1833);   Toutou  rien  (1834),  plus  une  soixantaine  de 
pièces  de  toutes  sortes,  parmi  lesquelles  nous  citerons  ;  le 
Caravage  (trois  actes,  1834),  avec  Ch.    Desnoyer;   le 
Transfuge  (trois  actes,  1836),  avec  A.  de  Lavergne; 
VOffider  bleu  (cinq  actes,  1837),  avec  Alboize;  Jeanne 
de  Naples  (cinq  actes,  même  année)  ;  les  Chevaux  du 
Carrousel  (cinq  actes,  1839),  avec  Alboize;  le  Pacte  de 
Famine  (cinq  actes,  1839),  avec  ElieBerthet;  la  Voisin 
(cinq   actes,  1842),  avec  Alboize;   la  Justice  de  Dieu 
(cinq  actes,  1843),  avec  Anicet  Bourgeois;  V Héritier  du 
Czar  (cinq  actes,  1849),  avec  Goubaux  et  Duport  ;  Notre- 
Dame  de  Paris  (1850),  pièce  en  cinq  actes  et  en  quinze 
tableaux,  tirée  du  célèbre  roman  de  Victor  Hugo,  interdite 
à  sa  reprise  en  1868,  et  donnée  à  nouveau  en  1879  avec 
un  grand  succès.  A  proprement  parler,  c'est  la  seule  pièce 
de  Paul  Foucher  qui  ait  vaincu  quelque  temps  l'attention. 
Qui  se  souvient  encore  de  l'Institutrice  (quatre   actes, 
1861);  de  Delphine  Gerbet  ou  les  Comptes  de  jeunesse 
(quatre  actes,  1862),  en  collaboration  avec  Régnier;  du 
Carnaval  de  Naples  (cinq  actes,  1864);  de  la  Rande 
noire  (sept  actes,  1866),  avec  Delaporte,  etc.?  Il  est 
piquant  de  voir  ce  farouche  romantique  de  la  première 
heure  présenter  à  l'Académie  en  1839  une  tragédie  qu'elle 
couronna  :  Dom  Sébastien  de  Portugal.  Paul  Foucher  a 
écrit  aussi  en  1842  et  en  1844  les  livrets  de  deux  opéras  : 
le  Vaisseau  Fantôme  et  Richard  en  Palestine,  et  en 
1844  et  en  1866  les  livrets  des  ballets  de  Paquita,  en 
collaboration  avec  Mazelier,  et  de  l'Etoile  de  Messine,  en 
collaboration  avec  Bori.  Paul  Foucher,  lorsqu'il  mourut, 
s'était  depuis  longtemps  retiré  dans  la  critique  dramatique 
et  le  journalisme.  Ses  articles  de  la  France  et  de  l'Epoque 
ont  été  recueillis  sous  le  titre  à' Entre  Cour  et  Jardin 
(1867,  in-18)  et  de  les  Coulisses  du  passé  (1873,  in-18). 
Il  envoyait  depuis  1848  un  courrier  politique  quotidien  à 
l'Indépendance  belge.  Ch.  Le  G. 

FOUCHER  (Victor-Charles-Paul),  publiciste  français, 
né  à  Paris  le  8  sept.  1849,  fils  du  précédent.  Elève  de 
l'Ecole  centrale ,  il  fit  dans  l'armée  de  Vinoy  la  guerre 
franco-allemande  de  1870-71.  Il  entra  à  la  fin  de  1871 


dans  la  rédaction  du  National,  devint,  en  1885,  rédacteur 
en  chef  de  ce  journal  et,  trois  ans  après,  prit  la  direction 
du  Siècle  jusqu'en  1890.  On  a  de  lui  :  le  Catéchisme  ré- 
publicain du  libre  penseur  (Paris,  1881,  in-12);  Ceux 
qui  souffrent,  roman  (1885,  in-4). 

FOUCHER  de  Careil  (Comte  Louis -François),  géné- 
ral français,  né  à  Guérande  le  14  déc.   1762,  mort  le 
22  août  1835.  Entré  au  service  comme  aspirant  d'artillerie 
dès  1781,  il  se  distingua  par  ses  talents  et  sa  bravoure 
pendant  les  guerres  de  la  Révolution  (notamment  aux 
armées  du  Rhin  sous  Custine,  de  Sambre-et-Meuse  sous 
Jourdan  etHoche,  du  Rhin  sousMoreau)  et  devint  général  de 
brigade  après  Hohenlinden.  De  nouveaux  et  brillants  ser- 
vices lui  valurent  le  grade  de  général  de  division  le  8  mars 
1807  et  le  titre  de  baron  en  1808.  Il  contribua  puissam- 
ment à  la  prise  de  Saragosse  en  1809  et  à  celle  d'Astorga 
en  1810.  Il  commanda  l'artillerie  du  maréchal  Ney  à  la 
bataille  de  la  Moskowa  (7  sept.  1812)  et  prit  encore  une 
part  importante  aux  campagnes  de  1813  et  1814.  Il  fut 
mis  à  la  retraite  après  la  seconde  restauration  (1815)  pour 
avoir  servi  Napoléon  pendant  les  Cent-Jours.  A.  Debidour. 
FOUCHER  de  Careil  (Comte  Louis-Alexandre),  litté- 
rateur et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  1er  mars 
1826,  mort  le  10  janv.  1.891,  fils  du  précédent.  Il  se 
livra  de  bonne  heure  à  l'étude  de  la  philosophie  et  com- 
mença, en  1854,  la  publication  d'une  édition  des  Œuvres 
de  Leibniz,  dont  il  avait  découvert,  en  Allemagne,  des 
manuscrits  inédits.  Cette  édition,  qui  devait  comporter 
douze  volumes,  n'est  pas  achevée  :  sept  volumes  seulement 
ont  paru.  Il  fit  paraître  aussi  un  grand  nombre  d'études 
concernant  des  points  spéciaux  de  l'histoire  de  la  philoso- 
phie, touchant  la  vie  des  philosophes  Leibniz,  Hegel,  Des- 
cartes, etc.,  ainsi  que  des  ouvrages  littéraires  et  diploma- 
tiques. Grand  propriétaire  dans  le  Calvados,  il  fut  de  1859 
à  1870  conseiller  général  dans  ce  département  ;  il  avait 
été  candidat  indépendant  au  Corps  législatif  lors  du  renou- 
vellement de  1863.  Pendant  la  guerre,  il  fut  directeur  géné- 
ral des  ambulances  de  l'Ouest,  puis  successivement  préfet 
des  Côtes-du-Nord  (21  mars)  et  de  Seine-et-Marne  (18  avr. 
1872).  Elu  sénateur  de  Seine-et-Marne  le  30  janv.  1876 
et  en  nov.  1877  conseiller  général  de  ce  département  dans 
une  lutte  où  il  eut  pour  concurrent  le  baron  Alphonse 
de  Rothschild,  il  ne  tarda  point  à  devenir  président  de 
cette  assemblée  départementale,  fonction  qu'il  exerça  comme 
celle  de  sénateur  jusqu'à  sa  mort.  Il  avait  été  nommé  le 
3  août  1883  ambassadeur  de  la  République  française  à  la 
cour  de  Vienne  en  remplacement  du  comte  Duchâtel;  il 
donna  sa  démission  le  26  juin  1 886.  Il  avait  fondé  en  4  877 
la  Société  nationale  d'encouragement  à  l'agriculture  et  con- 
sacra une  grande  part  de  sou  activité  à  la  défense  des  ques- 
tions agricoles  et  économiques.  Parmi  les  principales  pu- 
blications de  Foucher  de  Careil,  il  faut  citer,  outre  son 
édition  des  Œuvres  de  Leibniz  :  Rome  ou  Espérances 
et  Chimères  de  l'Italie  (1860);  Leibniz,  la  philosophie 
juive  et  la  cabale  (1861,  in-8);  Descartes  et  la  prin- 
cesse palatine  (1862,  in-8);   Hegel  et  Schopenhauer 
(1862,  in-8)  ;  Leibniz,  Descartes  et  Spinosa  (1 863,  in-8); 
Gœthe  et  son  œuvre  (1865,  in-18);  le  Luxembourg  à 
la  Relgique  avec  pièces  justificatives  (1867,  in-18);  les 
Habitations  ouvrières  et  les  Constructions  civiles  (1873, 
in-8);  Leibniz  et  les  deux  Sophie  (1876,  in-8)  ;  Des- 
cartes, la  princesse  Elisabeth  et  la  reine  Christine, 
d'après  des  lettres  inédites  (1879,  in-8),  etc. 

FO  U  C  H  E  R  de  Chartres  (Fulcherius  Carnotensis) ,  histo- 
rien de  la  première  croisade,  né  à  Chartres  en  1058,  mort 
postérieurement  à  4  427,  probablement  à  Jérusalem.  Le  nom 
de  «  Carnotensis  »  qui  accompagne  son  prénom  indique  le 
lieu  de  sa  naissance.  Guibert  de  Nogent,  son  contemporain, 
nous  apprend  qu'il  était  prêtre.  Foucher  avait  sans  doute 
déjà  reçu  les  ordres  lorsqu'en  1096  il  partit  pour  la  croi- 
sade avec  Robert,  duc  de  Normandie,  et  Etienne,  comte  de 
Blois  et  de  Chartres.  Il  prit,  en  leur  compagnie,  la  route  de 
l'Italie  où  il  passa  l'hiver  de  1096-1097,  parvint  à  Durazzo 


au  printemps  de  1097,  assista  depuis  le  commencement  de 
juin  au  siège  de  Nicée,  et  combattit,  le  1er  juil.,  à  la  ba- 
taille de  Dorylée,  sous  les  ordres  de  Boémond.  Arrivé  à 
Narasch,  il  quitta  le  gros  de  l'armée  pour  suivre  Bau- 
douin(V.  ce  nom),  frère  de  Godefroi  de  Bouillon,  à  Edesse. 
Baudouin  le  fit  son  chapelain.  Après  avoir  accompli  dans 
l'hiver  1099  le  voyage  de  Jérusalem  et  être  retourné  en- 
suite à  Edesse,  Foucher  se  fixa  définitivement  dans  la  ville 
sainte,  lorsque  Baudouin  y  fut  appelé,  en  1100,  pour  suc- 
céder à  Godefroi  de  Bouillon.  Il  accompagna  ce  prince,  à 
la  fin  de  1100,  dans  son  expédition  en  Arabie,  et,  en  11  M, 
dans  sar  campagne  contre  les  Turcs  de  Mésopotamie. 
Après  la  mort  de  Baudouin  Ier,  en  1118,  et  bien  qu'il  pa- 
raisse n'avoir  pas  éprouvé  beaucoup  de  sympathie  pour  le 
successeur  de  ce  prince,  il  continua  de  séjourner  à  Jérusa- 
lem. Il  y  vivait  encore  en  1127,  année  oii  s'arrête  son  his- 
toire. Il  avait  alors  soixante-neuf  ans.  La  date  de  sa  mort 
est  inconnue,  mais  il  est  à  présumer  qu'elle  n'est  pas 
de  beaucoup  postérieure.  Plusieurs  écrivains  du  moyen 
âge,  copiés  par  des  historiens  modernes,  ont  confondu 
Foucher  avec  un  «  Fulgerius  Carnotensis  »,  cité  par  Ray- 
mond d'Aguilers  comme  ayant  escaladé  le  premier  les 
murs  d'Antioche.  Cette  opinion  n'est  pas  soutenable,  puis- 
que Foucher  déclare  lui-même  n'avoir  pas  assisté  au  siège 
d'Antioche.  C'est  à  tort  également  que  les  auteurs  du  Gai- 
lia  Christiana  l'ont  identifié  avec  un  Foucher  de  Monger- 
villier,  abbé  de  Saint-Père  de  Chartres,  mort  en  1171, 
c.-à-d.  à  une  époque  où  notre  Foucher  aurait  eu  cent 
treize  ans.  Duchesne,  dans  son  Histoire  des  cardinaux 
français  (t.  I,  p.  57),  fait  de  lui,  mais  sans  raison  plau- 
sible, un  cardinal. 

Le  seul  ouvrage  connu  de  Foucher  de  Chartres  est  son 
Historia  Hierosolymitana,  l'une  des  sources  les  plus  im- 
portantes de  l'histoire  de  la  première  croisade.  Cette  his- 
toire débute,  en  1095,  par  le  récit  du  concile  de  Cler- 
mont,  auquel  l'auteur  paraît  avoir  assisté,  et  se  termine 
brusquement,  en  1-127  comme  nous  l'avons  dit,  par  la 
mention  d'une  invasion  de  rats  en  Palestine.  Foucher  ne 
raconte  en  détail  que  ce  qu'il  a  vu.  Pour  tous  les  événe- 
ments de  la  croisade  dont  il  n'a  pas  été  témoin,  il  est  très 
bref.  Il  a  rédigé  son  œuvre  en  plusieurs  fois.  Une  première 
rédaction,  dont  aucun  exemplaire  ne  nous  est  parvenu, 
devait  s'arrêter  à  l'année  1105.  Foucher  le  reprit  plus 
tard  et  le  poursuivit  jusqu'à  la  prise  de  Tyr,  en  1124. 
Nous  possédons  plusieurs  manuscrits  de  cette  seconde  ré- 
daction. Enfin,  de  1124  à  1127,  il  remania  son  travail, 
qu'il  divisa  en  trois  livres  et  auquel  il  joignit  une  préface. 
C'est  sous  cette  forme  que  Y  Historia  Hierosolymitana 
nous  est  présentée  par  le  plus  grand  nombre  de  copies.  Il  en  a 
été  donné  jusqu'ici  trois  éditions.  La  première  est  due  à  Bon- 
gars  (Gesta  Dei  per  Francos,  1611-1619,  t.  I,  pp.  381- 
440)  ;  elle  reproduit  un  texte  de  la  seconde  rédaction.  La 
seconde  se  trouve  dans  le  t.  IV  (pp.  816-889)  des  Histo- 
riens de  France  de  Duchesne  ;  elle  a  été  faite  d'après  un 
manuscrit  de  la  troisième  rédaction,  incomplet  au  commen- 
cement. La  Patrologie  latine  de  Migne  (t.  CLV,  col. 
825-940)  en  contient  une  reproduction,  avec  adjonction 
de  la  Préface,  d'après  le  texte  de  cette  préface  publié  par 
Martène  dans  le  t.  I,  p.  364  de  son  Thésaurus  anecdo- 
torum.  La  troisième,  enfin,  la  meilleure  de  beaucoup,  fait 
partie  du  t.  III  des  Historiens  occidentaux  des  Croi- 
sades, publiés  par  les  soins  de  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  où  elle  occupe  les  pp.  319  à  445.  Ajou- 
tons qu'une  version  française  de  V Historia  Hierosolymi- 
tana a  été  donnée  par  M.  Guizot  dans  le  t.  XXIV  de  sa 
collection,  Ch.  Kohler. 

FOUGHERANS.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besan- 
çon, cant.  d'Ornans  ;  287  hab. 

FOUCHERANS.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  et  cant. 
de  Dole  ;  615  hab.  Foucherans  était  considéré  comme  fai- 
sant partie  du  duché  de  Bourgogne,  bien  qu'il  fût  à  la 
porte  de  Dole  et  largement  enclavé  dans  la  Franche-Comté. 
Ses  habitants  furent  affranchis  de  la  mainmorte  person- 


—  875  —  FOUCHER  -  FOUCQUET 

nelle  et  réelle  en  1350,  par  Griffon  de  Laubespin,  leur  sei- 
gneur. Il  existe  à  Foucherans  un  haut  fourneau  dont  la 
création  remonte  au  milieu  du  xvme  siècle. 

FOUCHÈRES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant. 
de  Bar-sur-Seine,  sur  la  Seine;  399  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  de  l'Est,  ligne  de  Troyes  à  Bar-sur-Seine.  Pont  sur 
la  Seine.  Chaux  hydraulique.  —  Eglise  du  xne  s.  avec  des 
vitraux  de  la  fin  du  xvie. 

FOUCHÈRES.  Corn,  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Bar- 
le-Duc,  cant.  de  Moûtiers-sur-Saulx  ;  272  hab. 

FOUCHÈRES.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Sens, 
cant.  de  Chéroy  ;  376  hab. 

FOUCHEROLLES.  Corn,  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de 
Montargis,  cant.  de  Courtenay  ;  420  hab. 

FOUCH1ER  (Bertrand),  peintre  hollandais,  né  à  Berg- 
op-Zoom  en  1609,  mort  à  Berg-op-Zoom  en  1674.  Il  eut 
successivement  pour  maîtres  Antoine  Van  Dyck  à  Anvers  et 
Jean  Billaert  à  Utrecht.  Puis  il  partit  pour  l'Italie  où  il 
s'assimila  assez  habilement  la  manière  de  Titien.  Le  pape 
Urbain  Vlïl  l'accueillit  favorablement  et  tenta  de  l'attacher 
à  sa  cour  ;  mais  Fouchier  se  compromit  en  soutenant  un 
de  ses  compatriotes  dans  un  démêlé  avec  un  cardinal,  et  dut 
quitter  Rome.  Il  revint  dans  sa  patrie,  en  passant  par  Pa- 
ris. S'apercevant  que  dans  sa  patrie  la  mode  n'était  plus 
aux  grandes  scènes  majestueuses  à  l'italienne,  mais  aux 
scènes  de  cabaret  de  Brauwer,  il  adopta  aussitôt  les  sujets 
et  la  manière  de  ce  peintre  dans  de  petits  tableaux  à  l'huile 
conservés  dans  divers  musées.  On  sait  qu'il  peignit  égale- 
ment des  vitraux,  aujourd'hui  perdus.       E.  Bertaux. 
Bibl.  :  Descamps,  Vies  des  peintres  hollandais,  I. 
FOUCHY  (Grandjean  de)  (V.  Grandjean  de  Fouchy). 
FOUCQUET  (Jehan),  peintre  français,  né  à  Tours  vers 
1415,  mort  à  Tours  vers  1480.  C'est  à  Paulin  Paris  et  au 
comte  A.  de  Bastard  que  revient  l'honneur  d'avoir  remis 
en  lumière    ce  grand  artiste,    dont  les  œuvres  et  le 
nom  même  s'étaient  perdus  depuis  deux  siècles.  Grâce  aux 
travaux  qui  lui  ont  été  consacrés,  sa  biographie  est  au- 
jourd'hui connue,  au  moins  d'une  façon  sommaire,  et  son 
génie  peut  être  étudié  dans  des  pièces  capitales,  dont  les 
découvertes  à  venir  ne  pourront  manquer  d'accroître  le 
nombre.  Pour  ses  trente  premières  années,  on  ne  connaît 
aucun  fait,  mais  à  cette  période  on  peut  rattacher  deux 
œuvres.  L'une  est  la  Bible  moralisée  (Bibl.  nat.,  f.  fr., 
n°  166),  avec  150  miniatures,  qui,  malgré  leur  extrême 
petitesse,  ont  une  extraordinaire  puissance  de  vie  et  d'ex- 
pression. La  seconde  est  le  portrait  de  Charles  VU,  à  mi- 
corps,  certainement  antérieur  à  1445,  car  le  roi  n'y  accuse 
pas  quarante  ans  (musée  du  Louvre,  n°  289).  Cette  pein- 
ture si  énergique  dans  sa  sobriété  dut  frapper  les  contem- 
porains, et  Foucquet  eut  de  bonne  heure  une  renommée  de 
portraitiste.  Nous  en  avons  une  preuve  éclatante.  Lors  d'un 
vcfyage  en  Italie  que  Foucquet  entreprit  vers  1445,  le 
pape  Eugène  IV  commanda  au  peintre  français  son  propre 
portrait  à  l'huile  et  sur  toile  qui  fut  placé  dans  l'église  de 
la  Minerve.  Nous  avons  sur  ce  point  les  témoignages  de 
Vasari  (1550),  de  Francisco  Florio  {De  Commendatione 
Urbis  Turonicœ),  et  de   Filarète  (Traité  d'architec- 
ture). Quant  à  la  peinture  elle-même,  elle  a  disparu, 
et  n'est  plus  connue  que  par  une  gravure  médiocre  de 
1568.  De  retour  en  France,  Foucquet  trouva  un  protec- 
teur éclairé  dans  la  personne  d'Etienne  Chevalier,  trésorier 
de  France  sous  Charles  Vil  et  Louis  XI.  Il  peignit  pour  lui 
deux  manuscrits  admirables  que  nous  possédons  encore,  au 
moins  en  partie.  L'un  est  un  in-folio  traduit  de  Boccace  par 
Laurent  de  Premierfait,  sous  ce  titre  :  les  Cas  des  nobles 
hommes  et  femmes  malheureux,  et  daté  de  1458  (bi- 
bliothèque de  Munich).  Les  quatre-vingts  petites  miniatures 
semées  dans  le  texte  sont  exécutées  par  des  élèves,  mais  la 
main  de  Foucquet  se  montre  en  toute  certitude  dans  les 
grandes  miniatures  qui  se  trouvent  en  tête  de  chacun  des 
neuf  livres,  et  surtout  dans  l'étonnant  frontispice,  qui 
représente  Charles  VII  condamnant  en  lit  de  justice 
Jean,  duc  d'Alençon.  Le  second  manuscrit  peint  pour 


FOUCQUET 


—  876  — 


E.  Chevalier  était  un  Livre  cT "Heures ,  que  l'incurie  des 
descendants  du  grand  trésorier  laissa  ou  fit  couper  et  vendre 
par  feuilles,  à  la  fin  du  xvne siècle.  Heureusement,  quarante 
de  ces  pages  inestimables  ont  été  retrouvées  chez  un  brocan- 
teur de  Bâle  et  achetées  par  M.  Georges  Brentano-Laroche, 
qui  les  exposa  dans  sa  collection,  à  Francfort-sur-le-Main. 
Son  fils,  M.  Louis  Brentano,  après  avoir  à  plusieurs  reprises 
refusé  de  s'en  dessaisir,  vient  de  les  céder,  en  1891,  pour 
la  somme  de  300,000  fr.  à  M.  le  duc  d'Aumale,  qui  les  a 
placées  au  nombre  des  plus  précieuses  merveilles  de  Chan- 
tilly. Trois  autres  feuillets  se  sont  encore  retrouvés  :  l'un 
appartient  à  la  famille  du  poète  anglais  Samuel  Rogers;  le 
second  a  passé  en  1889  de  la  collection  Feuillet  de  Conches 
au  musée  du  Louvre  ;  enfin  un  troisième,  tout  récemment 
découvert  à  Asnières,  vient  d'entrer  au  Cabinet  des  estampes. 
Foucquet  peignit  encore  pour  Etienne  Chevalier  un  diptyque 
votif  qui  fut  placé  dans  l'église  Notre-Dame  de  Melun,  et 
qui  disparut  un  peu  avant  la  Révolution.  L'un  de  ces  deux 
panneaux  de  bois,  peints  à  l'huile,  qui  représente  le  Do- 
nateur à  genoux,  accompagné  de  son  patron  saint 
Etienne,  a  été  retrouvé  à  Munich  parle  frère  de  M.  Louis 
Brentano,  et  a  pris  place  dans  la  collection  de  ce  dernier. 
Le  second  également  a  été  découvert  à  Paris  par  M.  Van 
Ertborn,  et  se  trouve  aujourd'hui  au  musée  d'Anvers  :  on 
y  voit  la  Vierge  entourée  $  anges,  qui,  le  sein  nu,  baisse 
les  yeux  avec  amour  sur  l'enfant  qu'elle  vient  d'allaiter. 
Ce  petit  tableau,  en  même  temps  qu'une  œuvre  artistique 
de  premier  intérêt,  est  une  curiosité  historique  ;  en  effet 
la  Vierge  y  est  représentée  sous  les  traits  d'Agnès  Sorel, 
la  protectrice  du  trésorier  de  France,  et  il  en  a  été  fait  au 
xvie  siècle  un  grand  nombre  de  copies  qui  portent  le  nom 
de  la  pieuse  courtisane.  Si  Foucquet  était  le  peintre  ordi- 
naire du  trésorier  de  France,  il  travaillait  également  pour 
d'autres  grands  personnages,  comme  nous  le  prouve  le  por- 
trait de  Guillaume  Juuénal  des  Ursins,  baron  de  Tray- 
nel,  chancelier  de  France,  conservé  au  Louvre.  Le  chan- 
celier y  apparaît  dans  la  force  de  l'âge,  et  comme  il  est  né 
en  1400,  ce  portrait  ne  peut  être  postérieur  à  la  mort  de 
Charles  VII  (1461).  Le  ton  brun  rougeâtre  des  chairs 
trahit  la  même  main  que  le  portrait  du  roi,  et  l'architec- 
ture savante  du  fond,  où  les  oursons  héraldiques  grimpent 
parmi  les  acanthes,  suffirait  à  prouver  que  le  maître  a  vu 
l'Italie. 

A  l'avènement  de  Louis  XI,  Jean  Foucquet  conserva  sa 
situation  officielle,  et  ce  n'est  même  qu'après  1461  que 
son  nom  apparaît  dans  les  comptes  avec  le  titre  curieux  de 
«  bon  peintre  et  enlumineur  du  roy  ».  Vers  1465, 
Jacques  d'Armagnac,  duc  de  Nemours,  celui-là  même  qui 
devait  périr  d'une  façon  si  tragique,  eut  recours  à  Fouc- 
quet pour  achever  la  décoration  d'un  manuscrit  commencé 
par  les  enlumineurs  du  duc  Jean  de  Berry  (Adrien  Beau- 
neveu,  Jacquemart  de  Hesdin  et  Pierre  de  Limbourg).  C'était 
un  exemplaire  des  Antiquités  des  Juifs  de  Josèphe  qui, 
après  avoir  passé  parles  mains  de  plusieurs  princes  français, 
se  trouve  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale  (m.  fr., 
6891).  Des  neuf  miniatures  qu'y  a  peintes  Foucquet,  les  plus 
belles  représentent  Da v id  recevant  lanouvellede  lamort 
de  Saûl,  le  Temple  de  Salomon,  la  Clémence  de  Cyrus. 
Cette  série,  comme  celle  des  Heures  d'Etienne  Chevalier, 
forme  une  véritable  collection  de  tableaux  d'un  maître. 
Mais  le  Josèphe  est  particulièrement  précieux  à  cause  de 
la  note  écrite  à  la  fin  par  J.  Robertet,  secrétaire  du  duc 
Pierre  de  Bourbon  et  où  Jehan  Foucquet,  «  natif  de  Tours  », 
est  formellement  désigné  comme  l'auteur  des  neuf  der- 
nières «  ystoires  ».  Sans  ce  texte  unique,  tant  d'œuvres 
précieuses,  dont  aucune  n'est  signée,  seraient  demeurées 
anonymes.  Foucquet  reçut  encore,  sous  le  règne  de  Louis  XI, 
d'autres  commandes  princières,  telles  que  les  Heures  de 
la  duchesse  d'Orléans  (1472),  aujourd'hui  perdues.  Le 
roi  lui-même  fit  exécuter  à  son  peintre  officiel,  entre  autres 
œuvres,  les  tableaux  et  décorations  nécessaires  pour  les 
cérémonies  qui  accompagnèrent  la  création  de  l'ordre  de 
Saint-Michel.  De  ces  travaux  il  ne  reste  qu'une  miniature 


sur  le  frontispice  des  statuts  de  Tordre  (Bibliothèque 
nationale,' ms.  fr.  19819).  Enfin  on  peut  rattacher  à  cette 
dernière  période  de  la  vie  de  Foucquet  un  important  ma- 
nuscrit des  Grandes  Chroniques  de  France,  récemment 
signalé  à  la  Bibliothèque  nationale  (ms.  fr.  6465),  avec 
cinquante-trois  grandes  peintures  ;  sur  la  plus  curieuse,  qui 
représente  le  Couronnement  de  Charlemagne,  on  voit 
une  vue  très  précise  de  l'ancienne  basilique  de  Saint-Pierre, 
à  Rome.  On  peut  encore  signaler  les  tableaux  de  sainteté 
vus  à  Tours,  dans  l'église  No\re-Dame  la  Riche,  par  F.  Flo- 
rio  (1477),  et  le  «  petit  tableau  de  Nostre-Dame,  bien 
vieulx,  de  la  main  de  Foucquet  »,  que  possédait  en  1516 
la  tante  de  Charles-Quint,  Marguerite  d'Autriche.  Toutes 
les  œuvres  authentiques  alors  connues  de  cet  artiste  ont 
été  reproduites  en  couleur  par  l'éditeur  Curmer  dans  la 
publication  intitulée  Heures  de  maistre  Estienne  Che- 
valier (Paris,  1866,  2  vol.  in-4). 

Jean  Foucquet  mourut  entre  1477  et  1481.  Ses  traits 
nous  ont  été  conservés  dans  un  médaillon  peint  sur  cuivre, 
en  camaïeu  d'or,  qui  a  passé  de  la  collection  Hippolyte  de 
Janzé  au  musée  du  Louvre  (galerie  d'Apollon).  Son  nom 
et  son  école  lui  survécurent  peu.  Après  Jean  Lemaire  de 
Belges,  qui  deux  fois  le  nomme  avec  honneur,  le  xvie  siècle, 
envahi  par  l'antiquité  et  l'Italie,  oublie  le  grand  artiste 
français.  Quant  à  ses  élèves,  dont  le  meilleur  fut  Jean  Poyet, 
on  peut  leur  attribuer  :  des  Heures  latines,  écrites  en 
1465  pour  Michel  Prestesaille,  de  Tours;  trois  Tite  Live 
(Bibl.  nat.  et  bibl.  de  Tours);  les  Heures  de  Charles  de 
Normandie,  frère  de  Louis  XI  (bibl.  Mazarine). 

Il  importe  de  rendre  à  Jean  Foucquet  la  grande  place 
qu'il  mérite  dans  l'histoire  de  l'art  français.  Faut-il,  avec 
Jean  Lemaire  de  Belges,  mettre  son  nom  à  côté  des  plus 
illustres  de  l'Italie, 

Toy,  Léonard,  qui  as  grâces  supernes, 
Gentil  Bellin,  dont  les  los  sont  éternes, 
Et  Pérusin,  qui  si  bien  couleur  miesle. 

(Plainte  du  Désiré.) 

Ce  serait  commettre  un  paradoxe,  si  on  le  proclamait  égal, 
ou  une  injustice,  si  on  le  déclarait  inférieur  ;  car  il  ne  faut 
pas  oublier  qu'il  leur  est  bien  antérieur.  Quant  à  ses  con- 
temporains italiens,  Masaccio,  Filippo  Lippi,  Fra  Angelico, 
il  n'y  a  vraiment  rien  de  commun  entre  eux  et  lui,  entre 
ces  peintres  de  fresques  et  de  grands  sujets  et  ce  peintre 
de  miniatures  et  de  portraits.  Â  peine  pourrait-on  le  rap- 
procher de  Pisanello,  si  leur  seule  ressemblance  ne  venait 
pas  de  ce  qu'ils  ont,  avec  la  même  conscience,  regardé  et 
serré  de  près  la  nature.  En  réalité,  Foucquet,  bien  qu'il 
ait  rapporté  d'Italie  beaucoup  de  souvenirs  et  de  dessins, 
n'est  pas  un  homme  de  la  Renaissance  antique.  A  l'art 
classique,  il  n'a  pris  que  des  fonds  d'architecture  et  des 
détails  d'ornement  ;  au  contraire,  pour  le  dessin  minutieux 
et  précis,  là  couleur  chaude  et  profonde,  l'énergie  du'  ca- 
ractère, il  est  bien  dans  la  tradition  flamande  et  bourgui- 
gnonne, celle  des  réalistes  exquis  comme  le  peintre  des 
Heures  du  duc  de  Berry.  Mais  il  ne  doit  qu'à  son  imagi- 
nation vigoureuse  ses  compositions  d'une  grandeur  et  d'une 
variété  admirables,  souvent  sans  modèle  connu,  qu'à  sa 
vision  personnelle  des  choses  les  types  vivants,  les  expres- 
sions profondes,  les  paysages  lumineux  qu'il  a  prodigués 
dans  ses  chefs-d'œuvre  ignorés.  Il  y  a  eu  des  artistes  plus 
nobles  et  plus  savants  ;  il  n'y  en  a  pas  eu  de  plus  sincère 
et  de  plus  original.  S'il  n'eût  pas  enfoui  les  preuves  de  son 
génie  dans  des  volumes  cachés  au  public,  il  serait  sans  doute 
nommé  à  côté  des  Van  Eyck.  Et,  sans  le  comparer  aux 
étrangers,  on  peut  dire  qu'il  est  sans  conteste  le  plus  grand 
peintre  français  antérieur  au  xvr9  siècle,  comme  Michel 
Colombe  est  le  plus  grand  sculpteur.  E.  Bertàux. 

Bibl.  :  Comte  de  Laborde,  la  Renaissance  des  arts  à  la 
cour  de  France,  I,  et  Appendice.  —  Vallet  de  Viriville, 
Jean  Foucquet,  dans  la  Revue  de  Paris,  1857.—  Les  Saints 
Evangiles,  édit.  Curmer  (1864),  Appendice  contenant  une 
notice  importante  où  sont  réimprimés  les  travaux  anté- 
rieurs de  Foucquet.  —  L'Œuvre  de  Jehan  Foucquet,  1856, 
2  vol.  in-4.  —  E.  Mûntz,  la  Renaissance  en  Italie  et  en 
France  au  temps  de  Charles  VIII.  —  Die  Miniaturen  des 


877.— 


FOUCQUET  —  FOUDRE 


Jehan  Fouquet  im  Besitze  des  Herrn  Louis  Brenta.no 's  ; 
Francfort.  —  P.  Durrieu,  Mélanges  de  l'Ecole  de  Rome, 
XII.  —  Henri  Bouchot,  Gazette  des  Beaux-Arts,  1890,  II. 

FOUCQUET  (Jean-François),  missionnaire  jésuite  en 
Chine,  né  dans  le  diocèse  d'Autun  le  12  mars  1663,  mort 
en  Europe  en  4739  ou  1740.  Son  nom  chinois  est  Fou 
Fang-Si.  Il  entra  au  noviciat  de  la  Compagnie  le  17  sept. 
1681  ;  après  avoir  professé  les  mathématiques  à  La  Flèche, 
il  partit  pour  la  Chine  où  il  arriva  le  24  juin  1699.  Ses 
théories  bizarres  sur  l'origine  du  christianisme,  les  rappro- 
chements qu'il  essaya  de  faire  entre  les  mystères  de  cette 
religion  et  les  livres  chinois,  ses  doctrines  extravagantes, 
son  attitude  dans  la  question  des  rites,  le  brouillèrent 
complètement  avec  ses  confrères  et  il  fut  obligé  de  rentrer 
en  Europe  (1722).  Il  ramenait  avec  lui  un  Chinois,  Jean  Hou, 
espérant  qu'il  pourrait  l'aider  à  expliquer  les  4,000  volumes" 
qu'il  rapportait  en  Europe.  Il  eut  avec  lui  une  série  de  mé- 
saventures ;  Hou  devint  fou  et  fut  rembarqué  en  juin  1726 
pour  Canton.  En  mars  1725,  grâce  à  l'influence  du  car- 
dinal Gualterio,  le  P.  Foucquet  fut  nommé  évêque  in  par- 
tibus  d'Eleutheropolis. 

Le  P.  Foucquet  paraît  avoir  servi  d'intermédiaire  entre 
le  duc  de  Saint-Simon  et  le  cardinal  Gualterio.  Ses  lettres 
au  cardinal  Gualterio  (une  cinquantaine  datées  de  1723 
à  4728)  ont  élé  publiées  par  M.  Cordier  dans  la  Bévue  de 
V extrême  Orient  (I).  Le  P.  Foucquet,  entre  parenthèses, 
signait  Foucquet,  et  non  Fouquet.  Outre  un  certain  nombre 
d'ouvrages  restés  manuscrits,  le  P.  Foucquet  a  donné  à  Rome 
après  sa  sortie  de  la  Compagnie  de  Jésus  (avr.  1723)  une 
Tabula  chronologica  historiœ  sinicœ  connexa  cum 
cyclo  qui  vulga  kia  tse  dicitur,  et  un  certain  nombre  de 
lettres,  insérées  soit  dans  les  Lettres  édifiantes,  soit  dans 
la  Revue  de  V extrême  Orient. 

Bibl.  :  Abel  Rémosat,  Nouv.  Mél.  asiat.,  II,  pp.  258-261. 

—  De  Backer,  Bibl.  des  écrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus. 

—  H.  Cordier,  Bibl.  Sinica,  et  Revue  de  l'extrême  Orient. 

FOUCRAINVILLE.Com.dudép.del'Eure,arr.d'Evreux, 
cant.  de  Saint-André  ;  104  hab. 

FOUDAY  (en  allem.  Urbach).  Corn,  de  la  Basse-Alsace, 
arr.  de  Molsheim,  cant.  de  Schirmeck,  sur  le  chem.  de  fer 
de  Strasbourg  à  Saales  et  au  confluent  de  la  Chergoutte  et 
de  la  Bruche  ;  258  hab.  Fabrication  de  rubans  et  de  bon- 
neterie. Tombe  d'Oberlin,  bienfaiteur  du  Ban  de  la  Roche 
(V.  ce  mot),  dont  Fouday  fait  partie. 

FOUDRAS  (Louis- Auguste-Théodore,  marquis  de),  ro- 
mancier français,  né  à  Falkenberg  (Siiésie  prussienne)  le 
29  oct.  1800,  et  non  à  Paris,  mort  à  Chalon-sur-Saône 
le  10  juil.  1872.  Après  avoir  débuté  par  des  poésies  d'une 
médiocre  valeur  littéraire  (1839-4842),  il  se  mit  à  écrire 
pour  les  journaux  légitimistes  et  aristocratiques  des  ro- 
mans dans  lesquels  il  s'attache  à  décrire  plus  ou  moins 
heureusement  les  mœurs  du  grand  monde.  Parmi  les  prin- 
cipales productions  de  cet  écrivain,  d'une  fécondité  exces- 
sive, nous  citerons  :  le  Décamèron  des  bonnes  gens  (4  843, 
in-8);  les  Gentilshommes  d'autrefois  (1844,  2  vol.); 
Suzanne  d'Estouteville  (4845,  4  vol.);  les  Chevaliers 
du  lansquenet  (4847,  40  vol.);  les  Viveurs  d'autrefois 
(4848,  4  vol.),  avec  M.  de  Montépin;  le  Capitaine  de 
Beauvoisis  (4849,  2  vol.);  Un  Caprice  de  grande  dame 
(4850,  3  vol.);  Diane  et  Vénus  (4852,  4  vol.);  les 
Vautours  de  Paris  (4855,  4  vol.),  en  collaboration  avec 
Constant  Guéroult;  la  Comtesse  Alvinzi  (4857);  les 
Deux  Couronnes  (4859,  2  vol.  in-8);  Misères  dorées 
(4864,  4  vol.);  Saint-Jean-Bouche-d'or  (4864,  in-42); 
VAbbé  Tayaut  (4865,  in-42);  Perles  et  Diamants 
(4870,  in-42);  le  Lieutenant  Trompe-la-Wort  (4874, 
in-8).  Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  il  avait  été  frappé 
de  cécité. 

FOUDRE  (V. Tonneau). 

FO  U  DR  E.  I.  Physique.  —  La  foudre  est  un  phénomène 
électrique  qui  se  manifeste  d'une  façon  constante  par  des 
effets  lumineux,  les  éclairs,  par  des  effets  sonores,  le  ton- 
nerre, et  par  des  effets  variables  du  même  genre  que  ceux 
que  les  fortes  étincelles  électriques  produisent,  effets  phy- 


siques, chimiques,  mécaniques,  etc.  Le  lecteur  trouvera 
aux  mots  Eclair  et  Tonnerre  des  articles  relatifs  à  ces  deux 
ordres  de  phénomènes  que  nous  n'étudierons  pas  ici.  L'un 
des  premiers  points  que  doit  aborder  une  étude  de  la  foudre 
est  de  bien  préciser  les  conditions  nécessaires  et  suffisantes 
pour  que  la  foudre  puisse  se  produire.  La  présence  de 
nuages  paraît  indispensable  ;  cependant,  on  trouve  dans  des 
auteurs  anciens  (Sénèque,  Anaximandre,  etc.)  que  la  foudre 
gronde  parfois  dans  un  ciel  sans  nuage  ;  peut-être  a-t-on 
confondu  les  bruits  produits  dans  certains  tremblements 
de  terre  avec  ceux  de  la  foudre.  Volney  dit  avoir  entendu 
(43  juil.  4788)  un  coup  de  tonnerre  dans  un  ciel  sans 
nuages  ;  mais,  une  heure  et  quart  après,  un  gros  nuage  parais- 
sait à"  l'horizon  et  donnait  naissance  à  une  grêle  abondante. 
On  sait,  d'autre  part,  qu'elle  ne  suffit  pas  et  que  les  nuages 
d'orage  ont  un  aspect  qui  les  fait  reconnaître  :  lorsque, 
par  un  temps  calme,  on  voit  s'élever  assez  rapidement  de 
quelques  points  de  l'horizon  des  nuages  très  denses,  sem- 
blables à  des  masses  de  coton  amoncelées,  lorsque  ces  nuages 
se  gonflent,  en  quelque  sorte  ;  lorsqu'ils  diminuent  de 
nombre  et  augmentent  de  grandeur  ;  lorsque,  malgré  tous 
ces  changements  de  forme,  ils  restent  invariablement  atta- 
chés à  leur  première  base  :  lorsque  ces  contours  se  fondent 
peu  à  peu  les  uns  dans  les  autres,  on  peut,  suivant  Bec- 
caria,  annoncer  avec  certitude  qu'un  orage  s'approche.  A 
ces  premiers  phénomènes  succède,  toujours  à  l'horizon, 
l'apparition  d'un  gros  nuage  très  sombre  par  l'intermé- 
diaire duquel  les  premiers  paraissent  toucher  à  la  terre. 
Sa  teinte  obscure  se  communique  de  proche  en  proche  aux 
nuages  élevés,  et  leur  surface  inférieure,  celle  qu'on  aper- 
çoit de  la  plaine,  devient  de  plus  en  plus  unie.  D'après 
Peytier  et  Howard,  qui  ont  observé  beaucoup  d'orages  dans 
les  Pyrénées,  la  face  supérieure  de  ces  nuages,  qui  semblent 
parfaitement  unis  sur  leur  face  inférieure,  est  composée  de 
hautes  protubérances  et  de -profondes  cavités.  Howard  a 
même  remarqué  que,  durant  les  grandes  chaleurs,  il  se 
produit  tout  à  coup  sur  plusieurs  points  de  la  couche  des 
nuages  inférieurs  des  soulèvements  qui  se  prolongent  comme 
de  longues  fusées  verticales  et  à  l'aide  desquels  des  régions 
atmosphériques  assez  distantes  peuvent  se  trouver  en  com- 
munication immédiate.  «  Les  nuages  orageux,  en  Ethiopie, 
dit  M.  d'Abbadie,  sont  toujours  unis  à  leur  face  inférieure, 
déchiquetés  à  leur  surface  opposée  et,  en  général,  très  peu 
épais.  Quelques-uns  de  ces  nuages,  malgré  les  fortes  ma- 
nifestations électriques  dont  ils  étaient  le  foyer,  n'auraient 
pas  empêché  de  voir  les  étoiles  au  travers.  »  Le  double 
caractère  que  présentent  les  surfaces  inférieures  et  supé- 
rieures des  nuages  semble  donc  général.  D'après  Franklin, 
un  gros  nuage  unique  ne  saurait" être  orageux,  car,  d'après 
lui,  quand  un  observateur  se  trouve  à  peu  près  placé  sur 
le  prolongement  horizontal  d'un  gros  nuage  d'où  jaillissent 
les  éclairs  et  le  tonnerre,  il  aperçoit  sous  celui-ci  une  série 
dlautres  nuages  fort  petits  et  situés  les  uns  au-dessous  des 
autres.  Quelquefois  les  plus  bas  de  ces  petits  nuages  sont 
peu  éloignés  de  la  terre.  Saussure  est  du  même  avis.  On  a 
cependant  quelques  exemples  de  foudre  jaillissant  d'un 
petit  nuage  isolé,  le  reste  du  ciel  étant  clair. 

Les  nuages  formés  par  la  condensation  de  la  vapeur 
d'eau  ne  sont  pas  les  seuls  qui  produisent  la  foudre  ;  les 
nuages  de  cendres  qui  accompagnent  souvent  les  éruptions 
volcaniques  sont  souvent  le  siège  de  violents  orages.  La 
hauteur  des  nuages  orageux  est  très  variable  ;  Arago,  qui 
a  recueilli  un  grand  nombre  de  faits  sur  ce  sujet,  a  trouvé 
des  nombres  variant  de  400  à  8,000  m. 
.  Effets  de  la  foudre.  —  4°  Effets  physiques.  La  foudre 
opère  souvent  la  fusion  des  pièces  de  métal  qu'elle  va 
frapper  ;  on  en  trouve  de  nombreux  exemples  dans  les  rela- 
tions d'orages  ;  souvent,  après  un  coup  de  foudre,  les 
objets  métalliques  présentent  des  traces  de  fusion  sans  que 
les  objets  voisins  soient  altérés  ;  aussi  Franklin  avait-il  émis 
l'idée,  abandonnée  aujourd'hui,  que  la  foudre  avait  la  pro- 
priété d'opérer  des  fusions  froides  !  Souvent  la  fusion  est  su- 
perficielle ;  parfois,  la  quantité  de  matière  fondue  est  impor- 


COUDRE 


—  818  — 


tante  ;  ainsi  le  paquebot  le  New-York  reçut,  le  19avr.  1827, 
un  coup  de  foudre  qui  fondit  son  paratonnerre  sur  une 
longueur  de  30  centim.  ;  son  diamètre  était  à  la  base  de 
6  milhm.  En  même  temps,  la  chaîne  de  ce  paratonnerre, 
formée  avec  des  fils  de  fer  de  6  millim.  de  diamètre,  fut 
fondue  sur  une  longueur  de  39  m.  Quand  la  foudre  est  trop 
faible  pour  produire  la  fusion,  elle  détermine  souvent  le 
raccourcissement  des  parties  métalliques  qu'elle  a  traversées; 
lorsque  des  fils  métalliques  sont  tendus  entre  deux  points 
fixes,  ce  raccourcissement  a  pour  effet  de  rompre  ces  fils. 
Les  métaux  ne  sont  pas  les  seuls  corps  éprouvant  ces  phé- 
nomènes, bien  que  la  foudre  les  frappe  souvent;  on  a  con- 
staté l'existence  de  nombreuses  fulgurites  ;  ce  sont  des 
cylindres  irréguliers  presque  toujours' creux  que  l'on  trouve 
dans  le  sable  disposés  à  peu  près  verticalement  ;  la  paroi 
intérieure  est  un  verre  très  uni  ;  la  croûte  extérieure  est 
composée  de  grains  de  quartz  agglutinés.  On  en  a  trouvé 
ayant  plus  de  40  m.  de  longueur.  On  admet  qu'ils  sont 
produits  par  la  foudre  traversant  le  sable  ;  on  en  a  trouvé 
aux  pieds  d'arbres  ou  d'hommes  foudroyés.  On  a  de  nom- 
breux exemples  de  coups  de  foudre  aimantant  des  barres 
d'acier  et  les  pièces  en  fer  des  chronomètres  ou  changeant 
le  magnétisme  des  boussoles  sur  les  navires . 

2°  Effets  mécaniques.  La  foudre  perce  souvent  les 
murailles,  quelquefois  les  vitres,  lorsque  ces  matières, 
mauvaises  conductrices,  se  trouvent  séparer  des  parties 
métalliques  qui  offrent  au  fluide  électrique  un  passage  facile; 
plus  rarement,  elle  perce  des  trous  dans  les  feuilles  métal- 
liques (tôles  de  girouette,  toitures  de  zinc,  etc.).  Très  sou- 
vent, les  matières  mauvaises  conductrices  sont  projetées 
au  loin  :  «  Une  roche  de  micaschiste  de  32  m.  de  long 
sur  3  m.  de  large  et  4m20  d'épaisseur  fut  brisée  en  trois 
fragments  dont  un  ne  fut  pas  projeté  ;  une  autre  de  8m50 
de  long,  2m40  de.  large  et  4m20  d'épaisseur  fut  lancé  par- 
dessus un  tertre  à  la  distance  de  45  m.  ;  la  troisième  de 
12  m.  de  long  fut  projetée  à  une  distance  plus  grande  et 
tomba  dans  la  mer.  Près  de  Manchester,  le  6  août  4809, 
un  coup  de  foudre  transporta,  sans  le  renverser,  un  mur  de 
brique  pesant  26,000  kilogr.  à  une  distance  d'environ  2  m. 

3°  Effets  chimiques.  On  a  démontré  que  l'étincelle  élec- 
trique, passant  dans  Fair,  donne  avec  l'azote  et  l'oxygène 
qu'il  contient,  de  l'acide  hypoazotique  ;  la  foudre  peut 
produire  le  même  effet  ;  elle  peut  aussi  transformer  l'oxy- 
gène en  ozone.  Mais  on  n'a  pas  constaté  ces  effets  d'une 
façon  nette  ;  on  a  souvent  perçu  après  les  coups  de  tonnerre 
une  odeur  sulfureuse  (!)  parfois  assez  forte  pour  produire 
la  suffocation.  D'autres  personnes  ont  comparé  cette  odeur 
à  celle  du  phosphore  (la  présence  de  l'ozone  serait  alors 
la  cause  de  cette  odeur)  ou  à  celle  de  l'acide  hypoazotique. 

4°  Effets  physiologiques.  La  foudre  produit,  sur  les 
êtres  organisés  qu'elle  frappe,  des  effets  mécaniques  consi- 
dérables ;  quelquefois,  les  empreintes  de  la  foudre  ne  sont 
que  superficielles  et  se  réduisent  à  des  ecchymoses  ;  d'au- 
tres fois,  les  os  eux-mêmes  sont  brisés.  Souvent  les  vête- 
ments de  l'individu  frappé  prennent  feu .  Un  caractère  im- 
portant de  la  mort  par  la  foudre  qui  intéresse  la  médecine 
légale  est  le  magnétisme  intense  que  prennent  les  couteaux, 
les  aiguilles,  les  outils  d'acier  que  peuvent  porter  les  per- 
sonnes foudroyées .  Les  coups  de  foudre  qui  ne  déterminent 
pas  la  mort  produisent  souvent  des  paralysies  partielles, 
en  général  peu  persistantes.  Un  autre  effet  remarquable  est 
de  détruire  absolument  le  poil  sur  le  corps  :  le  capitaine 
de  frégate  Rihouet,  qui  fut  atteint  par  la  foudre  sur  son 
vaisseau  le  22  févr.  4842,  perdit  à  jamais  ses  cheveux,  ses 
cils,  ses  sourcils,  tous  ses  poils,  et  les  ongles  de  ses  mains 
s'en  allèrent  par  écailles  l'année  suivante.  On  cite  encore 
un  jeune  homme  qui,  sans  avoir  été  foudroyé,  s'était  trouvé 
près  du  passage  de  la  foudre,  et  qui  resta  ensuite  complè- 
tement épilé.  Arago  cite  divers  cas  où  des  personnes  frap- 
pées de  la  foudre  éprouvèrent,  après  la  guérison  des  acci- 
dents passagers  qui  les  avaient  atteints,  une  amélioration  de 
leur  santé  (suppression  de  rhumatismes,  etc.).  Ce  savant 
a  vu  un  peuplier,  foudroyé  au  milieu  d'un  grand  nombre 


d'autres,  acquérir  après  la  chute  de  la  foudre  un  dévelop- 
pement très  remarquable  par  rapport  aux  arbres  voisins 
dont  il  avait  auparavant  les  dimensions. 

Théorie  de  la  foudre.  —  Cette  théorie  est  encore  très 
imparfaite,  bien  que  la  foudre  ait  été  connue  de  tout  temps 
et  que  l'intensité  des  phénomènes  qu'elle  produit  ait  appelé 
l'attention  des  philosophes  et  des  savants.  L'analogie  entre 
la  foudre  et  les  étincelles  électriques  a  été  observée  sitôt 
que  l'on  a  su  produire  de  fortes  étincelles  et,  par  cela 
même,  on  a  été  conduit  tout  d'abord  à  admettre  qu'il  y 
avait  dans  l'atmosphère  des  causes  analogues  à  celles  qui 
produisent  l'électricité  dans  nos  machines.  Ces  dernières 
utilisent  l'électricité  développée  par  le  frottement  ou  par 
l'influence  des  corps  électrisés  voisins.  De  là  viennent  les 
hypothèses  de  nuages  électrisés  par  leur  frottement  sur  les 
flancs  des  montagnes  ou  sur  d'autres  nuages,  etc.  On  a 
attribué  aussi  à  l' évapora tion  de  l'eau  la  production  de 
l'électricité  des  nuages.  Ces  essais  de  théorie  sont  tout  à 
fait  imparfaits.  On  doit  d'abord  remarquer  que  la  présence 
des  nuages  n'est  pas  nécessaire  pour  qu'il  y  ait  de  l'élec- 
tricité dans  l'air.  L'air  qui  environne  la  terre  est  constam- 
ment électrisé,  même  pendant  les  jours  les  plus  sereins, 
comme  l'ont  montré  de  nombreuses  expériences  ;  d'autre 
part,  dans  les  orages,  l'électricité  que  perdent  les  nuages 
à  chaque  éclat  de  foudre  se  renouvelle  par  un  mécanisme 
que  les  hypothèses  précédentes  n'indiquent  nullement.  Il  y 
a  donc  au  point  de  vue  qui  nous  occupe  deux  faits  princi- 
paux à  envisager  :  4°  l'air  étant  constamment  électrisé, 
quelle  est  l'origine  de  cette  électricité  atmosphérique? 
2°  l'air  étant  constamment  électrisé,  à  quoi  sont  dues  les 
décharges  violentes  qui  ne  se  produisent  que  pendant  les 
temps  d'orage?  On  a  proposé  diverses  solutions  à  la  pre- 
mière question.  Becquerel  (Comptes  rendus  de  l'Acadé- 
mie des  sciences,  t.  LXXIÏ,  p.  709,  etLXXV,  p.  4,045) 
donne  à  l'électricité  atmosphérique  une  origine  solaire  :  les 
réactions  chimiques  qui  entretiennent  la  température  du 
soleil  depuis  un  grand  nombre  de  siècles  ne  produisent 
pas  que  de  la  chaleur,  elles  dégagent  aussi  de  l'électricité. 
Les  jets  puissants  d'hydrogène  qui  partent  de  la  surface 
solaire  entraînent  de  l'électricité  positive  qui  se  répand 
dans  les  espaces  planétaires,  puis  dans  l'atmosphère  ter- 
restre et  même  dans  la  terre,  en  diminuant  toujours  d'in- 
tensité à  cause  de  la  mauvaise  conductibilité  des  couches 
d'air  de  plus  en  plus  denses.  Il  faut,  de  plus,  admettre, 
puisqu'on  ne^  trouve  pas  d'hydrogène  dans  l'air,  que  ce 
gaz  est  détruit  par  l'ozone  qui  existe  ou  peut  exister  dans 
les  régions  supérieures  de  l'air.  Edlund  trouve  dans  l'in- 
duction unipolaire  de  la  terre,  la  source  de  l'électricité 
atmosphérique  épie  l'on  peut  constater  à  l'aide  de  diverses 
méthodes  et  qui  se  traduit  brillammeut  sous  forme  d'au- 
rores boréales  et  d'éclairs  :  si,  dans  l'axe  d'un  manchon 
métallique,  on  place  un  aimant  et  si  l'on  fait  tourner  le 
manchon  après  avoir  mis  ses  extrémités  en  relation  avec  les 
bornes  d'un  galvanomètre,  on  constate  qu'il  se  développe 
un  courant  en  relation  avec  la  direction  et  la  vitesse  de 
de  rotation  du  manchon  ;  si  l'aimant  lui-même  tourne,  le 
phénomène  n'est  pas  changé  ;  on  peut,  en  particulier,  lui 
donner  même  vitesse  angulaire  qu'au  manchon,  par  exemple, 
en  les  réunissant  invariablement  l'une  à  l'autre.  Une  cer- 
taine partie  de  l'atmosphère,  où  la  pression  est  assez  faible 
et  où,  par  conséquent,  la  conductibilité  est  meilleure  qu'à 
la  surface  de  la  terre,  serait  surtout  le  siège  de  courants 
électriques  allant  de  l'équateur  aux  pôles  et  produisant  dans 
ces  dernières  contrées  les  aurores  boréales.  En  ce  qui  con- 
cerne les  orages,  considérons  un  volume  d'air  humide  élec- 
trisé venant  à  se  refroidir  ;  la  vapeur  d'eau,  en  se  liqué- 
fiant, diminue  de  volume  d'une  façon  considérable  ;  le 
passage  de  la  vapeur  d'eau  à  l'eau  liquéfiée  produit,  par 
conséquent,  d'après  Edlund,  une  condensation  excessive- 
ment puissante  de  l'électricité  contenue  dans  l'eau.  Mais, 
d'autre  part,  l'électricité  n'existe  qu'à  la  surface  de  ces 
gouttes,  d'après  les  propriétés  des  corps  électrisés,  de  sorte 
que,  lorsqu'un  grand  nombre  de  petites  gouttes  se  réu- 


—  879  - 


FOUDRE  —  FOUET 


nissent  en  un  petit  nombre  de  grosses  gouttes,  il  se  pro- 
duit une  nouvelle  condensation  de  l'électricité,  la  surface 
totale  se  trouvant  ainsi  diminuée.  Ce  n'est  donc  pas  la  quan- 
tité, mais  la  tension  de  l'électricité  qui  se  trouve  considé- 
rablement accrue  par  suite  d'abord  de  la  condensation  de  la 
vapeur  d'eau,  puis  de  l'accroissement  des  gouttes.  Par 
suite,  les  grandes  décharges  disruptives  de  la  foudre  devien- 
nent possibles  ;  on  a  fréquemment  remarqué  qu'à  la  suite 
d'un  coup  de  tonnerre,  il  tombait  une  pluie  abondante  au- 
dessous  de  l'éclair  ;  cette  pluie  serait  une  preuve  de  l'ac- 
croissement de  volume  des  gouttes  dont  il  vient  d'être  parié. 
Mais,  d'autre  part,  la  condensation  de  la  vapeur  d'eau 
accompagnée  d'un  si  grand  changement  de  volume,  déter- 
mine une  aspiration  vers  l'endroit  où  elle  se  produit  ;,  les 
parties  de  l'air  situées  au-dessus  du  nuage  sont  ainsi  atti- 
rées ;  elles  amènent  de  l'air  humide  à  un  potentiel  électrique 
élevé,  puisque  ce  potentiel  augmente  avec  la  hauteur  et, 
de  cette  façon,  le  nuage  qui  vient  d'être  déchargé  par  la 
production  de  la  foudre  va  se  trouver  chargé  de  nouveau, 
et  la  même  condensation  se  produisant,  les  mêmes  alterna- 
tives de  tonnerre  et  de  pluie  se  reproduiront.  Remarquons 
que  l'agitation  extrême  dans  laquelle  se  trouvent  la  partie 
supérieure  des  nuages  orageux,  signalée  autrefois  par 
Peytier,  semble  vérifier  ces  afflux  de  masses  d'air  et  de 
vapeur  d'eau  électrisées  venant  des  parties  de  l'atmosphère 
situées  au-dessus  du  nuage.  Si  cette  théorie  d'Edlund,  une 
des  plus  satisfaisantes,  est  vraie,  les  nuages  doivent  avoir 
de  l'électricité  de  même  signe  que  celle  de  l'air  ;  c'est  ce 
que  l'on  constate  presque  toujours.  Mais  cette  électricité 
positive  peut  agir  sur  certains  nuages  par  influence  et  les 
eharger  négativement  ;  on  a  constaté  l'existence  de  pareils 
nuages.  A.  Joànnis. 

IL  Météorologie  (V.  Tonnerre). 

III.  Médecine  (V.  Fulguration). 

IV.  Art  héraldique.  —  Figure  naturelle  représentant 
un  faisceau  de  flammes  montantes  et  descendantes,  avec 
quatre  dards  en  sautoir,  dont  les  branches  à  sinuosités  an- 
gulaires semblent  des  bandes  vivrées.  Le  foudre  (toujours 
masculin  en  langue  héraldique)  est  ailé  lorsqu'il  a  à  ses 
côtés  deux  ailes  étendues  en  fasce. 

V.  Art  militaire.  —  On  appelait  foudres  un  attribut 
brodé  que  portaient  autrefois  les  généraux  et  les  officiers 
d'état-major  aux  retroussis  de  leurs  habits.  Aujourd'hui 
ce  signe  distinctif  n'est  plus  porté  que  par  les  officiers  et 
les  secrétaires  d'état-major,  au  collet  de  leurs  dolmans, 
tuniques  ou  capotes.  Les  officiers  détachés  à  un  service 
d'état-major  portent  en  outre  les  foudres  brodées  en  or  sur 
leur  brassard. 

Bibl.  :  Arago,  Œuvres  complètes,  t.  IV,  p.  1.  —  Bec- 
querel, Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences, 
LXXII  et  LXXV.  —  Edlund,  Ann.  de  chim.  phys.  (5) 
XVI,  49  et  (6)  II,  p.  289. 

FOUDROYAGE  (Mines).  Les  méthodes  d'exploitation  des 
mines  reposent  toutes,  quand  on  les  réduit  à  leur  plus 
simple  expression,  sur  un  petit  nombre  de  principes  fonda- 
mentaux qui  sont  :  les  principes  de  l'abandon,  du  rem- 
blayage et  du  foudroyage.  Avec  le  principe  du  foudroyage, 
on  évite  les  pertes  provenant  de  l'abandon  des  massifs  en 
renonçant  à  la  conservation  du  vide  ;  on  laisse  tomber  le 
toit,  après  avoir  toutefois  pris  les  mesures  nécessaires  pour 
que  ce  ne  soit  qu'après  l'enlèvement  du  minerai  et  en  sau- 
vegardant la  sûreté  du  personnel.  Les  méthodes  auxquelles 
ce  mode  d'exploitation  ont  donné  naissance  s'appellent 
aussi  méthodes  d'éboulement,  de  dépilage  et  même  d'effon- 
drement ;  elles  ont  perdu  de  leur  importance  depuis  qua- 
rante ans  devant  l'emploi  du  remblai;  néanmoins,  on  peut 
admettre  qu'une  grande  partie  du  charbon  et  des  minerais 
de  fer  sortis  chaque  année  du  sein  de  la  terre,  de  nos  jours, 
Test  encore  par  les  méthodes  de  foudroyage.  Les  conditions 
de  l'ébouiementsont  différentes,  suivant  que  l'on  se  trouve 
sous  un  toit  neuf  ou  sous  d'anciens  éboulis  ;  si  le  plafond 
présente  une  solidité  moyenne,  capable  de  se  maintenir 
sans  soutènement  avec  3  ou  4  m.  de  portée  et  pendant  un 
temps  suffisant,,  les  conditions  seront  très  favorables  pour 


l'application  du  principe  de  foudroyage.  Mais  si  le  toit  ne 
se  tient  pas,  on  le  supporte  par  des  chandelles  qui,  en  se 
fendillant,  annoncent  au  mineur  que  l'écroulement  n'est 
pas  loin.  Le  foudroyage,  à  côté  de  ces  avantages  incontes- 
tables, présente  certains  inconvénients  :  d'abord  le  danger 
auquel  il  expose  les  hommes  malgré  toutes  les  précautions 
prises,  ensuite  le  gaspillage  d'une  partie  du  gisement.  De 
plus,  cette  méthode  expose  au  danger  du  feu  dans  les 
houillères  par  suite  de  la  fermentation  des  résidus  enfer- 
més dans  les  éboulis  ;  on  combat,  il  est  vrai,  ce  danger  en 
isolant  les  déblais  de  chaque  pilier  abattu  par  des  murs 
enduits  d'argile  qui  bouchent  toutes  les  traverses.  Le  prin- 
cipe du  foudroyage  est  contre-indiqué  dans  les  mines  gri- 
souteuses;  en  effet,  on  laisse  entre  les  éboulis  des  vides 
qui  permettent  la  concentration  du  mauvais  air.  Suivant 
que  les  gîtes  seront  puissants  ou  minces,  il  y  aura  lieu  de 
distinguer  deux  méthodes  différentes  d'exploitation  par 
foudroyage.  L.  K. 

FOUDROYANT  (Baril)  (Art  milit.).  Ancien  artifice  de 
guerre  qui  consistait  en  un  baril  de  la  dimension  des  barils 
à  poudre,  que  l'on  remplissait  de  grenades,  petites  bombes, 
bouts  de  canonsde  fusil  fortement  chargés,  etc.  (V.  Baril). 

FOU  EN  CAMPS.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Amiens,  cant.  de  Boves  ;  267  hab. 

FOUESNANT.  Ch.-l.  decant.  du  dép.  du  Finistère,  arr. 
de  Quimper,  à  une  petite  distance  à  droite  de  l'estuaire 
ou  anse  de  Penfoulic,  au  fond  de  la  baie  de  la  Forêt  ; 
2,776  hab.  Ce  pays  est  renommé  en  Bretagne  pour  la 
beauté  de  ses  femmes.  Il  est  boisé  et  l'on  y  voit  de  riches  ma- 
noirs. Eglise  remontant  au  xe  siècle.  Aux  environs,  un  camp  ; 
un  tumulus  ;  un  menhir  (près  du  sémaphore  de  Beg-Meil). 
La  commune  a  dans  sa  dépendance  l'archipel  des  Glénans. 

Bibl.  :  De  Fréminville,  Antiq.  du  Finist.,  1835,  p.  143. 
—  Taylor,  Voy.  pitt.  dans  l'anc.  Fr.  ;  Bretagne,  1847, 
t.  II,  pi.  189.—  Bouquet  de  La  Grye,  Pilote  des  côtes  O.  de 
Fr.,  1869, 1. 1,  p.  44.   —  Dépôt  des  Cartes  et  Plans,  n°  125. 

FOUET.  I.  Technologie.  —  Paris  est,  en  France,  le 
seul  centre  de  fabrication  pour  les  fouets.  Les  bois  em- 
ployés dans  la  confection  de  ces  articles  ont  des  origines 
diverses.  La  France  fournit  le  cornouiller,  l'épine,  le  né- 
flier, le  chêne,  le  frêne,  le  noisetier,  le  merisier,  le  houx, 
le  buis,  etc.  ;  tous  ces  bois  sont  livrés  à  l'industrie  à  l'état 
de  bâtons  bruts,  valant  de  5  à  50  fr.  le  cent.  On  tire 
d'Afrique  des  espèces  très  estimées  et  généralement  em- 
ployées pour  les  articles  de  choix  ;  ce  sont  l'olivier,  le  ca- 
roubier, l'oranger,  le  myrthe,  la  côte  de  palmier,  etc.  ;  les 
prix  de  ces  bois  varient  de  30  à  100  fr.  les  cent  bâtons 
bruts.  L'Inde,  la  Chine  et  te  Japon  nous  apportent  les 
joncs,  les  rotins,  les  bambous  rigides  et  flexibles,  les  lau- 
riers, les  radjahs,  les  panaches,  etc.,  dont  le  prix,  pour 
cent  bâtons  bruts,  varie  de  10  à  200  fr.  Certains  fouets 
sont  faits  de  baleine,  d'acier  ou  de  cuir,  recouverts  de  co- 
ton, de  fil,  de  boyaux  ou  de  soie.  Les  principales  opéra- 
tions usitées  sont  le  redressage  des  bois  par  la  chaleur,  le 
rabotage,  le  vernissage  en  étuves,  la  sculpture,  etc.  Les 
différentes  transformations  auxquelles  sont  soumises  les 
matières  premières  s'obtiennent  presque  en  totalité  par  le 
travail  manuel  ;  le  tressage  de  l'enveloppe  est  la  seule 
opération  qui  s'exécute  mécaniquement.  Les  ficelles  pour 
fouets  de  cocher  sont  faites  en  six  fils  ;  elles  sont  plus  so- 
lides que  les  ficelles  en  trois  fils,  article  qui  ne  se  fait 
presque  plus. —  Le  fouet  que  le  conducteur  prend  de  la  main 
qui  ne  tient  pas  les  rênes,  n'est  qu'une  aide  accessoire  ;  il 
doit  stimuler  le  cheval,  mais  il  sert  surtout  comme  châti- 
ment. Les  rênes  doivent  être  ajustées  et  le  cheval  rassem- 
blé quand  on  se  sert  du  fouet,  même  comme  stimulant,  en 
le  faisant  seulement  siffler  ou  claquer.  On  ne  doit  châtier 
un  cheval  à  coups  de  fouet  que  pour  réprimer  et  punir  sé- 
vèrement la  désobéissance  formelle,  en  cas  d'insuffisance  des 
aides  et  de  la  voix.  Les  coups  de  fouet  doivent  être  frap- 
pés franchement  sur  le  flanc  ou  sur  le  ventre  ;  sur  la  croupe 
ils  exciteraient  la  ruade  et  l'on  doit  s'en  abstenir.   L.  K. 

Corde  a  fouet  (V.Boyauderie). 

IL  Egyptologie.  —  Le  fouet  à  triple  lanière  était,  dans 


FOUET  —  FOUGASSE 


-  880 


l'ancienne  Egypte,  un  des  attributs  royaux  et,  conséquem- 
ment,  divins. 

III.  Archéologie.  —  Fouet  d'armes.  —  Sorte  de  fouet 
à  manche  court,  auquel  tenaient  des  chaînettes  ou  des 
cordes  soutenant  des  boules  de  plomb  ou  de  fer  hérissées 
de  pointes.  Le  fouet  d'armes  permettait  de  porter  des  coups 
si  violents  que  peu  d'armures  pouvaient  leur  résister  quand 
il  était  manié  par  un  bras  vigoureux.  C'était,  d'après  la 
légende,  l'arme  préférée  du  neveu  de  Charlemagne,  le 
fameux  paladin  Roland. 

IV.  Droit  canon  (V.  Flagellation). 

V.  Pédagogie. —  La  vieille  discipline  de  répression  a  eu 
ses  instruments  classiques  de  châtiment  matériel.  Dans  la 
famille,  quand  on  se  laisse  aller,  ce  qui  est  un  tort  grave, 
à  administrer  des  peines  corporelles,  la  main  suffit  à  l'opé- 
ration. Mais  la  pédagogie  ne  serait  pas  un  art  si  à  l'emploi 
de  la  main  elle  n'avait  pas  substitué  des  procédés  artificiels. 
Les  verges,  le  fouet,  la  férule  ont  tour  à  tour  été  en  hon- 
neur et,  depuis  la  plus  haute  antiquité,  depuis  les  écoles 
juives,  grecques  et  romaines  jusqu'à  nos  jours,  les  enfants 
de  toutes  les  classes  sociales,  les  enfants  du  peuple  dans  les 
écoles  élémentaires,  mais  aussi  les  enfants  de  la  bourgeoisie 
et  de  l'aristocratie  dans  les  collèges,  sans  oublier  dans  leur 
éducation  privée  les  dauphins  de  France,  ont  subi  tour  à 
tour  cet  odieux  régime.  La  question  n'offre  guère  plus 
aujourd'hui  qu'un  intérêt  historique  ;  car,  bien  que  le  fouet 
ait  encore  ses  partisans  pratiques,  notamment  en  Angle- 
terre et  en  Allemagne,  il  ne  se  rencontre  guère  plus  de 
théoricien  qui  ose  soutenir  en  raison  un  usage  condamné 
par  l'opinion.  Quelques  mots  suffiront  à  résumer  l'histoire 
de  ces  procédés  disciplinaires.  La  Bible  en  recommandait 
l'emploi,  comme  en  témoignent  ces  passages  des  Proverbes: 
«  Celui  qui  épargne  les  verges  hait  son  fils.  »  —  «  La  folio 
est  entrée  dans  le  cœur  de  l'enfant  et  les  verges  de  la  dis- 
cipline l'en  chasseront.  »  Très  usités  chez  les  Hébreux,  les 
châtiments  corporels  le  furent  moins  chez  les  Grecs,  mais 
redevinrent  à  la  mode  chez  les  Romains.  11  suffit  de  rap- 
peler ce  que  le  poète  Horace  raconte  de  son  professeur, 
Orbilius  plagosus,  «  Orbilius  le  fouetteur  ».  Au  moyen 
âge,  la  discipline  brutale  du  temps  mit  aussi  le  fouet  en 
honneur.  Il  n'y  a  d'autre  différence,  du  xive  au  xve  siècle, 
dit  un  historien,  sinon  que  les  fouets  du  xve  siècle  sont 
deux  fois  plus  longs  que  ceux  du  xive.  Malgré  les  protesta- 
tions des  réformateurs  du  xvie  siècle,  malgré  Erasme,  Rabe- 
lais et  Montaigne,  les  violences  corporelles  demeurèrent  un 
des  éléments  essentiels  de  la  discipline  dans  les  collèges 
des  jésuites  comme  dans  ceux  des  universités.  Les  jésuites 
réglementèrent  et  systématisèrent  la  correction  par  le  fouet. 
Leurs  Regulœ  établissaient  que  les  Pères  eux-mêmes  ne  ma- 
nieraient pas  l'instrument  de  torture.  Il  devait  y  avoir  dans 
chaque  collège  un  correcteur  spécial  préposé  à  l'emploi  du 
fouet.  On  n'en  usait  pas  avec  discrétion,  témoin  le  jeune 
de  Bouffi  ers,  dont  Saint-Simon  raconte  l'histoire  :  «  Les  Pères 
fouettèrent  le  petit  garçon...  ;  il  fut  saisi  d'un  tel  déses- 
poir qu'il  en  tomba  malade  la  première  journée  ;  en  quatre 
jours  cela  fut  fini...  »  Au  xvme siècle,  les  jésuites  n'avaient 
pas  encore  renoncé  à  ces  pratiques.  Nous  en  trouvons  la 
preuve  dans  un  pamphlet  fort  curieux  publié  en  1764  par 
un  anonyme,  sous  ce  titre  :  Mémoires  historiques  sur 
V  orbilianisme  et  les  corrections  des  jésuites.  L'auteur, 
ancien  élève  des  jésuites  au  collège  de  Rodez,  raconte  avec 
la  plus  grande  précision  de  détails  comment  fonctionnait 
l'opération  de  ces  petits  supplices  quotidiens,  infligés  en 
classe,  sous  les  yeux  des  élèves.  Nous  ne  retiendrons  qu'un 
de  ces  détails  :  le  nombre  des  coups  pour  chaque  correc- 
tion était  de  70  à  80  ;  on  n'en  donnait  jamais  moins  de  40, 
quelquefois  on  allait  jusqu'à  200  ou  300  ;  il  était  défendu 
au  patient  de  crier  ;  il  était  recommandé  à  l'opérateur  de 
mettre  quelques  secondes  d'intervalle  d'un  coup  à  l'autre 
pour  qu'ils  fussent  plus  sensibles.  C'est  au  xixe  siècle  seule- 
ment que  la  Société  de  Jésus  semble  avoir  compris  ce  qu'il 
y  avait  d'immoral  et  d'odieux  dans  un  pareil  régime  de 
discipline,  et  qu'elle  a  cessé  de  mériter  les  épigrammes  de 


la  célèbre  chanson  de  Béranger.  Les  frères  des  écoles  chré- 
tiennes, de  leur  côté,  ont  progressivement  adouci  et  amé- 
lioré leur  discipline  qui,  dans  les  statuts  de  leur  fondateur 
La  Salle,  comprenait  expressément  la  férule  et  les  verges. 
Il  y  a  lieu,  en  effet,  de  distinguer  entre  les  divers  instru- 
ments qui  ont  servi  longtemps  dans  les  écoles  au  fonction- 
nement de  la  discipline  répressive  et  des  corrections  maté- 
rielles. Autre  chose  sont  les  verges,  autre  chose  le  fouet, 
autre  chose  la  férule  :  le  fouet,  corde  de  cuir  ou  de  chanvre, 
fixée  au  bout  d'un  manche  ;  les  verges,  baguettes  de  bou- 
leau, d'osier,  de  bois  flexible  ;  enfin  la  férule  que  la  Con- 
duite des  écoles  chrétiennes  décrit  ainsi  :  «  Un  instru- 
ment de  deux  morceaux  de  cuir  cousus  ensemble,  long  de 
40  à  12  pouces,  y  compris  le  manche  pour  le  tenir.  »  Les 
frères,  dans  leur  règlement  scolaire  de  1811 ,  ont  supprimé  les 
verges,  mais  ils  maintenaient  encore  la  férule.  Aujourd'hui, 
soucieux  de  la  dignité  de  l'homme  jusque  dans  l'enfant, 
nous  ne  comprenons  plus  les  aberrations  d'une  discipline 
aussi  dégradante  pour  ceux  qui  l'appliquaient  que  pour  celui 
qui  la  subissait.  Il  ne  faut  pourtant  pas  oublier  que  le 
régime  du  fouet  a  été  le  pivot  de  tout  un  système  d'éduca- 
tion et  qu'il  a  pu  se  réclamer  des  plus  grandes  autorités. 
Henri  IV  faisait  fouetter  son  fils,  le  futur  Louis  XIII,  en 
rappelant  «  qu'il  avait  été  fort  fouetté  étant  de  son  âge  », 
et  que  cela  lui  avait  profité.  Louis  XIV  faisait  traiter  de  la 
même  manière  le  grand  dauphin,  et  Bossuet  laissait  faire  et 
assistait  même  à  la  correction.  Cependant,  dès  le  xvne  siècle, 
Locke  a  déjà  conclu  avec  le  bon  sens  :  «  La  discipline 
du  fouet  est  une  discipline  servile  qui  rend  les  caractères 
serviles.  »  G.  Compayré. 

VI.  Médecine.  —  Coup  de  fouet  (V.  Coup,  t.  XIII, 
p.  55). 

FOUFFLIN-Ricametz.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais, 
arr.  et  cant.  de  Saint-Pol,  entre  les  sources  de  la  Canche 
et  de  la  Ternoise;  202  hab.  Dans  l'église  sont  deux  statues 
tumulaires  intéressantes  du  xve  siècle;  elles  représentent 
l'une  un  seigneur  de  Ricametz  en  costume  de  guerre,  l'autre 
sa  femme  enveloppée  d'un  linceul. 

FOUG  (Faho,  770;  Fao,  878).  Corn,  du  dép.  de 
Meurthe-et-Moselle,  arr.  et  cant.  (N.)  de  Toul,  sur  le  chem. 
de  fer  de  Paris  à  Strasbourg  et  le  canal  de  la  Marne  au 
Rhin  qui  passe  par  un  tunnel  percé  à  travers  la  côte  de 
Foug  ;  1 ,094  hab.  Cette  côte,  qui  domine  le  village,  est 
couronnée  par  les  ruines  d'un  château  construit  auxin6  siècle 
par  Henri,  duc  de  Bar,  qui  avait  la  réputation  d'être  inex- 
pugnable et  qui  fut  démoli  par  Richelieu  en  1634.  Com- 
merce de  bois  ;  fabrique  d'huile.  Dès  le  xive  siècle,  Foug 
est  le  chef-lieu  d'une  prévôté,  qui,  à  la  fin  du  xvue  siècle, 
dépendait  du  bailliage  de  Saint-Mihiel.  A  Savonnières, 
annexe  de  Foug,  les  rois  carolingiens  avaient  une  résidence, 
où,  en  859,  Charles  le  Chauve  et  ses  neveux  Charles  et 
Lothaire  assistèrent  à  un  concile  d'évêques.  Foug  portait 
de  sable,  à  la  croix  de  Lorraine  d'argent,  et  sur  le 
tout  d'azur  chargé  de  deux  barbeaux  adossés  d'or, 
accompagné  de  quatre  croix  recroisetées  au  pied  fiché 
d'or,  côtoyé  de  quatre  croix  de  Lorraine  d'argent. 

FOU  G  A.  Village  de  l'Afrique  orientale  (Ousambara,  côte 
de  Zanzibar)  ;  3,000  hab.  C'est  la  résidence  du  roi  du  pays  ; 
elle  s'élève  à  1,300  m.  d'alt.  dans  un  massif  montagneux, 
au  N.  du  fleuve  Pangani,  et  à  100  kil.  environ  du  littoral. 

FOUGARON.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Saint-Gaudens,  cant.  d'Aspet  ;  461  hab. 

FOUGASSE.  Sorte  de  défense  accessoire,  dont  l'objet  a 
été  indiqué  à  l'art.  Défense  (t.  XIII,  p.  1107).  Elle  con- 
siste en  une  excavation  à  laquelle  on  donne  la  meilleure 
disposition  pour  qu'une  boîte  de  poudre  placée  au  fond  et 
recouverte  d'un  plateau  sur  lequel  reposent  des  cailloux 
concassés  fasse  projeter  en  avant  par  son  explosion  ces 
derniers  à  une  distance  variant  de  50  à  150  m.,  suivant 
la  charge  de  poudre.  Les  fougasses  le  plus  généralement 
employées  sont  les  fougasses  ordinaires.  Elles  sont  cons- 
tituées au  moyen  de  petits  puits  de  mine,  mais  surtout  de 
petits  forages  de  2  à  3  m.  de  profondeur,  exécutés  à  la 


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FOUGASSE  —  FOUGÈRE 


barre  à  mine.  A  l'extrémité  de  ces  forages,  on  forme,  à 
l'aide  d'une  ou  deux  cartouches  de  mélinite,  une  chambre 
dans  laquelle  on  introduit  de  45  à  40  kilogr.  de  poudre. 
On  place  ces  fougasses  en  avant  des  contrescarpes  des  ou- 
vrages. Dans  un  terrain  de  consistance  ordinaire,  il  ne 
faut  pas  plus  de  quinze  à  vingt  minutes  à  quatre  hommes 
pour  creuser  et  charger  un  de  ces  forages.  On  en  provoque 
l'explosion  lorsque  l'assaillant  passe  au-dessus.  A  défaut 
de  barre  à  mine,  dans  des  terres  ordinaires,  on  peut  em- 
ployer une  longue  pince  qu'on  enfonce  d'abord  à  bras, 
puis,  au  besoin,  à  l'aide  d'un  mouton  improvisé  avec  de 
lourdes  pierres.  On  peut  également  faire  usage  des  fougasses- 
pierriers  ci-après  : 

1°  La  fougasse  Piron  (du  nom  du  capitaine  belge  qui 
Fa  proposée)  se  compose  d'une  simple  entaille  faite  dans  le 
terrain  perpendiculairement  à  la  ligne  de  tir,  pour  recevoir 
le  plateau  destiné  à  recevoir  les  pierres  (fig.  4)  ;  celles-ci 


Fig.  1.  —  Fougasse  Piron. 

sont  disposées  en  murettes  en  avant  et  sur  les  côtés,  de 
manière  à  rester  concentrées  sur  le  plateau.  La  charge  de 

P 


450 


,  P  étant  le  poids  en 


poudre  en  kilogrammes  est  :  C  : 

kilogrammes  du  chargement  de  pierres.  Il  est  avantageux 
de  dissimuler  le  mieux  possible  ces  fougasses  avec  de 
l'herbe,  des  branchages,  etc.,  et  il  faut  enterrer  suffisam- 
ment le  cordeau  ou  les  fils  communiquant  à  l'intérieur  de 
l'ouvrage  pour  la  mise  de  feu,  afin  de  ne  pas  les  détruire 
accidentellement  ou  de  ne  pas  provoquer  une  explosion 
prématurée.  Ce  genre  de  fougasse  est  très  facile  à  établir, 
car  deux  hommes  peuvent  la  construire  en  quarante  mi- 
nutes et  la  charger  en  cinquante,  soit  une  heure  et  demie 
de  travail.  Mais,  les  pierres  étant  projetées  dans  tous  les 
sens,  cette  fougasse  serait  dangereuse  pour  les  défenseurs 
si  elle  n'était  disposée  à  150  m.  au  moins  en  avant  des  ou- 
vrages, d'où  il  résulte  une  difficulté  d'installation  pour 
cacher  les  fils  conducteurs  de  mise  de  feu.  Son  emploi  pré- 
sente toute  sécurité  quand  on  peut  l'établir  au  pied  d'un 
ressaut  formé  par  le  terrain  du  côté  de  l'ennemi,  à  une 
distance  suffisante. 

2° La  fougasse  en  déblai  (fig.  2),  que  l'on  peut  appeler 
la  fougasse  classique  du  génie,  est  une  excavation  en  forme 


6?5à 

Fig,  2.  —  Fougasse  en  déblai. 

d'entonnoir  ou  rectangulaire,  tronquée  sur  la  grande  base. 
Elle  reçoit  une  charge  de  25  kilogr.  de  poudre  et  un  char- 
gement de  3  à  4  m.  c.  de  pierres.  Les  terres  de  la  fouille 
sont  disposées  en  bourrelets  autour  de  la  tête  de  la  fou- 
gasse, afin  d'augmenter  la  résistance  du  terrain  en  arrière 
de  la  charge  et  d'éviter  des  projections  du  côté  des  défen- 
seurs. L'axe  de  la  fougasse  est  incliné  à  45°.  11  faut  douze 
hommes  et  dix  heures  pour  la  construire  et  la  charger. 

3°  La  fougasse  rase(ûg.  3).  C'est  un  perfectionnement 
de  la  précédente,  dans  laquelle,  pour  ne  laisser  aucune 
trace  à  la  surface,  on  a  répandu  les  terres  sur  le  sol  envi- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —  XVïï. 


ronnant.  Mais,  à  cause  de  la  suppression  du  remblai  en 
arrière,  il  est  nécessaire  d'augmenter  l'inclinaison  de  l'axe, 
qui  est  de  60°  au  lieu  de  45°.  Elle  est  chargée  de  7  à 
8   kilogr.  de 

poudre  et  reçoit  . \ 

environ  deux  /     No^ 

tiers  de  mètre 
cube  de  pierres. 
Son  exécution 
exige  huit  heu- 
res et  cinq  hom- 
mes. 

Ces  deux  der- 
nières espèces  de 
fougasses   pré- 


yh,yiui^^^iiijjjM 


Fig.  3.  —  Fougasse  rase. 


sentent  l'inconvénient  d'être  d'une  construction  assez  dif- 
ficile et  assez  longue,  de  présenter  de  fréquents  ratés  au 
moment  de  la  mise  de  feu  et  d'offrir  quelques  dangers  pour 
les  défenseurs.  Il  a  été  dit  plus  haut  que  la  fougasse  Piron 
remédie  au  premier  de  ces  inconvénients. 

Les  fougasses,  comme  les  mines  en  général,  agissent 
plutôt  par  un  effet  démoralisateur  considérable  sur  les 
assaillants  que  par  les  pertes  qu'elles  font  subir  à  ces 
derniers.  Aussi,  il  est  très  probable  que  les  fougasses- 
pierriers  ne  seront  employées  que  dans  quelques  cas  parti- 
culiers, notamment  pour  la  défense  des  défilés  et  sur  tous 
les  passages  que  doivent  suivre  les  colonnes  ennemies.  Pour 
cela,  il  faudra  disposer  de  troupes  du  génie  ne  pouvant 
pas  trouver  un  emploi  meilleur  de  leur  temps  et  de  leurs 
aptitudes. 

FOUGAX-et-Barrineuf.  Corn,  du  dép.  de  l'Ariège, 
arr.  de  Foix,  cant.  de  Lavelanet;  4,547  hab. 

FOUGEIROL  (Edouard),  homme  politique  français,  né 
aux  Ollières  (Ardèche)le  9  févr.  4843.  Elève  de  l'Ecole  poly- 
technique, il  entra  dans  la  maison  de  filature  de  son  père, 
dont  il  devint  plus  tard  propriétaire.  Maire  des  Ollières, 
conseiller  général  de  l'Ardèche,  il  fut  élu  député  de  Privas 
le  24  juin  4883  et  siégea  à  gauche.  Non  réélu  le  4  oct. 
4885,  il  obtint,  après  l'invalidation  de  ses  concurrents  con- 
servateurs, 47,477  voix  sur  92,766  votants  (44  févr.  4886) 
et  siégea  à  la  gauche  républicaine.  Il  combattit  le  boulan- 
gisme  et  fut  réélu  député  de  la  première  circonscription 
de  Privas  le  22  sept.  4889  par  9,949  voix  contre  4,363 
à  M.  Ladreits  de  La  Charrière,  royaliste.  Il  s'est  particu- 
lièrement distingué  dans  la  discussion  du  tarif  des  douanes 
où  il  a  traité  avec  une  haute  compétence  la  question  des 
cocons  et  des  soies. 

FOUGERAY  (Le  Grand-).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  d'ille- 
et- Vilaine,  arr.  de  Redon;  3,869  hab.  Minerai  de  fer. 
Fabrique  de  serges;  tanneries.  Eglise  en  partie  romane. 
Ruines  de  l'ancien  château  pris  en  4354  par  Bertrand  du 
Guesclin  ;  il  en  subsiste  le  donjon  crénelé  et  des  restes  de 
constructions  des  xve  et  xvie  siècles.  Nombreux  manoirs 
des  trois  derniers  siècles. 

FOUGÈRE.  I.  Botanique.  —  Ordre  de  Cryptogames 
vasculaires,  à  frondes  ou  feuilles  portant  des  organes  de 
reproduction,  formant  avec  les  familles  qui  se  groupent  au- 
tour d'elles  la  classe  des  Filicinées.  Ce  sont  des  plantes 
aflores,  très  répandues  sur  toute  la  surface  terrestre,  à  l'ex- 
ception des  pôles  et  des  sommets  glacés  des  hautes  mon- 
tagnes. 

La  formation  de  l'œuf  des  Fougères  se  produit  en  deux 
phases  séparées  par  une  longue  période  de  repos.  La  plante 
adulte  produit  d'abord  des  spores  qui  germent  et  donnent 
naissance  à  un  corps  lamelliforme  ou  prothalle,  sur  lequel 
l'œuf  se  forme.  Les  spores  sont  contenues  dans  des  spo- 
ranges situés  à  la  face  inférieure  des  frondes  et  sur  les 
nervures.  Le  groupement  de  ces  sporanges  constitue  les 
sores  qui  sont  nus  ou  protégés  par  une  membrane  dérivée 
de  l'épiderme  et  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  d'indusie.  La 
forme  des  sores  et  la  disposition  des  sporanges  est  très  im- 
portante à  connaître,  car  c'est  sur  l'ensemble  de  ces  carac- 
tères qu'on  s'est  fondé  pour  établir  la  classification  des 

56 


FOUGÈRE 


—  882  — 


Fiff.  1. 


Sporanges. 


Fougères.  Ils  sont  répartis  uniformément  sur  tout  le  limbe 
ou  bien  localisés  dans  certaines  régions.  C'est  ainsi  que  les 
sores  sont  ronds  et  ont  la  forme  d'une  boule  dorée  (Poly- 
podium  vulgare) ,  d'une  masse  fusiforme  (Scolopen- 
clrium),  ou  bien  ils  ressemblent  à  des  taches  roussâtres 
situées  à  l'extrémité  des  frondes  (Asplenium  ruta  mu- 
raria).  Ailleurs  ils  sont  agglomérés  dans  les  Pteris,  les 
Acliantum,  etc.,  tout  le  long  du  bord  extérieur  de  la  fronde 
(H.  Correvon).  Dans  ces  cas  les 
sores  voisins  du  bord  sont  recou- 
verts par  le  bord  même  de  la 
feuille  qui  se  replie  et  s'enroule 
au-dessus  d'eux  (Allosurus,  Chei- 
lanihus,  beaucoup  de  Pteris)  ;  ce 
rebord  est  ce  qu'on  nomme  une 
fausse  indusie  (VanTieghem).  Les 
sores  ne  se  forment  pas  ordinai- 
rement sur  toutes  les  feuilles  ; 
parfois  on  voit  se  succéder  les 
feuilles  fertiles  et  les  feuilles  sté- 
riles, mais  la  ressemblance  [entre 
ces  deux  sortes  de  feuilles  peut 
demeurer  complète,  ou  bien  elles 
diffèrent  considérablement  par  suite 
de  l'avortement  total  ou  partiel  du 
parenchyme  situé  entre  les  ner- 
vures fertiles.  La  feuille  fertile  ou 
sa  portion  fertile  prend  alors  la  forme  d'une  sorte  d'épi  ou 
de  grappe  de  sporanges  (Osmunda,  Aneimia).  On  n'observe 
ordinairement  sur  les  frondes  des  Fougères  qu'une  seule 
génération  de  sores,  et  ce  n'est  que  par  exception  qu'on  a 
pu  observer  un  renouvellement  de  fructification.  Le  nombre 
des  sporanges  émis  par  une  fronde  est  souvent  des  plus 
considérables  et  chacun  d'eux  contient  à  son  tour  plus 
d'une  soixantaine  de  spores.  Il  naît  du  développement  par- 
ticulier d'une  cellule  de  l'épidémie,  ayant  ainsi  la  valeur 
morphologique  d'un  poil  (VanTieghem).  D'ailleurs,  ajoute 
cet  auteur,  des  cellules  voisines  se  développent  souvent  en 
poils  ordinaires  qui  entrent  avec  les  sporanges  dans  la  com- 
position du  sore  et  qu'on  appelle  des  paraphyses.  La  cellule 
épidermique  ou  primitive  se  soulève  en  papille  dont  la 
partie  saillante  se  sépare  de  la  base  par  une  cloison  trans- 
versale. Ainsi  séparée  cette  cellule  se  divise  elle-même 
transversalement  en  deux  nouvelles  cellules,  l'une  infé- 
rieure pour  donner  naissance  au  pédicelle,  l'autre  supé- 
rieure pour  constituer  la  cellule  mère  du  sporange.  Cette 
dernière  se  cloisonnant  par  des  séparations  obliques  pro- 
duit quatre  cellules  externes  aplaties  qui  aboutiront  à  for- 
mer la  paroi  du  sporange,  et  une  cellule  centrale  tétraé- 
drique  qui,  se  divisant  en  deux  à  plusieurs  reprises,  pro- 
duira les  cellules  mères  des  spores  le  plus  souvent  au 
nombre  de  seize.  A  ce  moment  s'opère  la  destruction  de 
l'assise  interne  de  la  paroi  du  sporange  ;  le  résultat  de 
cette  dissolution  donne  naissance  à  un  liquide  granuleux 
qui  vient  baigner  les  cellules  mères  en  les  isolant  d'avec 
la  paroi  et  dans  lequel  les  spores  puisent  les  éléments  nu- 
tritifs nécessaires  à  leur  développement.  Chaque  cellule 
mère  divise  deux  fois  de  suite  son  noyau,  puis  se  cloisonne 
simultanément  en  quatre.  Les  cloisons  s'épaississent,  puis 
leur  lame  moyenne  se  dissout,  isolant  ainsi  les  spores,  en- 
veloppées chacune  par  la  couche  interne  qui  leur  forme  une 
membrane  propre  (Van  Tieghem).  A  mesure  que  les  spores 
s'accroissent  aux  dépens  du  liquide  qui  les  contient,  cette 
membrane  s'épaissit,  puis  plus  tard  se  dédouble  en  deux 
membranes  différenciées.  Arrivées  ainsi  à  l'état  de  matu- 
rité les  spores  sont  disséminées  par  la  rupture  de  la  paroi 
du  sporange  et  elles  germent  sur  le  sol  après  un  temps  plus 
ou  moins  long.  Leur  enveloppe  intérieure  rompt  alors  l'ex- 
térieure et  fait  saillie  au  dehors  sous  forme  d'une  mem- 
brane qui  se  développe  en  un  tube  court  bientôt  pourvu  de 
chlorophylle  et  cloisonné  transversalement.  A  mesure  que 
le  tube  s'allonge,  son  extrémité  s'élargit  de  plus  en  plus  et 
forme  une  lame  d'un  vert  foncé  d'abord  triangulaire,  plus 


tard  échancrée  en  forme  de  cœur  ou  d'éventail,  à  laquelle 
on  a  donné  le  nom  de  prothalle.  Ainsi  la  spore  ne  donne 
pas  directement  naissance  à  une  Fougère  semblable  à  celle 
dont  elle  est  issue,  mais  bien  à  un  proembryon  qui  cons- 
titue la  première  génération  de  la  plante  future .  Le  pro- 
thalle qui  peut  se  ramifier  et  se  multiplier  par  segmentation 
s'applique  sur  le  sol  humide  et  s'y  fixe  par  de  fausses  racines 
ou  poils  radicaux.  A  sa  surface  inférieure  se  produisent 
des  organes  de  reproduction  sexuée,  mâles  et  femelles. 
Les  premiers  sont  les  anthéridies ,  ordinairement  groupés 
en  arrière,  naissant  entre  les  poils  radicaux,  mais  aussi 
latéralement  à  l'extérieur  de  ceux-ci.  Ce  sont  de  petits 
sacs  à  paroi  formée  d'une  couche  de  phytocystes  conte- 
tenant  les  éléments  fécondants  nommés  anthérozoïdes, 
petits  corpuscules  en  forme  de  filaments  spirales  étirés  en 
pointe  en  arrière  et  pourvus  à  leur  extrémité  antérieure  de 
cils  vibratiles  chargés  d'assurer  leur  motilité.  Les  seconds 
sont  les  oosporanges  ou  archégones,  plus  nombreux  en  gé- 
néral que  les  anthéridies,  situés  plus  en  avant,  vers  Féchan- 
crure  antérieure  du  prothalle  et  sur  le  coussinet  médian, 
ressemblant  aussi  à  de  petits  sores  surmontés  d'un  col  ou 
goulot  qui  d'abord  fermé  au  bout  finit  par  s'ouvrir  et 
peut  laisser  pénétrer  les  anthérozoïdes  dans  son  intérieur. 
Le  contenu  de  l'oosporange  présente  surtout  à  considérer 
un  premier  phytocyste  dit  cellule  du  canal  qui  s'insinue 
dans  le  col,  se  transforme  en  mucilage  et  détermine  la  for- 
mation du  canal  et  un  phytoblaste  central,  globuleux,  qui 
est  l'oosphère,  renfermée  dans  la  partie  ventrale  de  l'ar- 
chégone  enfoncée  dans  le  tissu  du  prothalle.  Quand  l'oos- 
phère est  apte  à  être  fécondée,  les  anthéridies  s'ouvrent  et 
les  anthérozoïdes  viennent  s'appliquer  contre  le  mucilage 


Fig.  2.  —  Fougère  en  arbre. 

qui  se  répand  à  la  surface  de  Farchégone  pénétrant  dans 
l'oosphère  et  mêlant  à  sa  substance  leur  protoplasme  dé- 
terminant la  fécondation.  On  peut,  dans  des  circonstances 
favorables,  assister  à  la  pénétration  des  anthérozoïdes  dans 
Farchégone.  Pour  Strasburger  on  augmente  beaucoup  les 
chances  de  voir  ce  phénomène  en  plaçant  à  côté  des  pro- 
thalles jeunes,  qui  portent  surtout  des  anthéridies,  des 
prothalles  plus  vieux  sur  lesquels  les  archégones  sont  plus 
abondantes.  Les  anthérozoïdes  se  montrent  dispersés  dans 
la  préparation,  et  aussi  longtemps  que  les  archégones  de- 
meurent closes,  ils  passent  devant  elles  sans  paraître  influen- 
cés. Mais  dès  qu'elles  s'ouvrent  ils  prennent  (même  ceux 
qui  sont  assez  éloignés)  la  direction  de  l'orifice  du  col  et 
sont  bientôt  englobés  dans  le  mucilage  extra  vase.  Ce  mu- 


m 


FOUGÈRE 


3C^ 


Fig.  3.  —  Archégones. 


cilage,  sécrété  surtout  par  le  col  de  l'archégone,  a  une  action 
excitante  directe  sur  les  anthérozoïdes,  grâce  à  l'acide  ma- 
lique  qu'il  contient  dans  la  proportion  de  0,3  °/0.  On  a 
pu  arriver  à  attirer  des  anthérozoïdes  dans  des  tubes  ca- 
pillaires fermés  à 
une  extrémité  et 
dans  lesquels  on 
a  instillé,  au 
moyen  d'une 
pompe,  un  liquide 
contenant  de  0,01 
à  0,1  %  d'acide 
malique  combiné 
à  une  base  quel- 
conque .  —  Un 
seul  anthérozoïde 
suffit  pour  la  fé- 
condation; il  en  existe  plusieurs  dans  l'archégone,  mais  un 
seul  pénètre  dans  l'oosphère.  L'œuf  ainsi  formé  s'enveloppe 
aussitôt  d'une  membrane  de  cellulose  pendant  que  s'oblitère 
le  col  de  l'archégone.  Le  développement  de  cet  œuf  en  em- 
bryon se  fait  ainsi  qu'il  suit  :  une  cloison  divise  l'œuf  trans- 
versalement par  rapport  à  la  ligne  médiane  du  prothalle  et  en 
s'inclinant  obliquement  sur  cet  axe  dans  la  direction  du  col 
de  l'archégone.  Une  nouvelle  cloison,  toujours  transversale 
par  rapport  à  la  ligne  médiane  du  pro thalle,  mais  perpen- 
diculaire à  la  première,  divise  alors  chacune  des  deux  cel- 
lules ainsi  formées.  L'embryon  se  trouve  ainsi  composé  de 
quatre  cellules  qui  sont  bientôt,  toutes  à  la  fois,  partagées 
en  deux  par  une  nouvelle  cloison  dirigée  cette  fois  dans  le 
sens  de  Taxe  du  prothalle.  À  ces  quatre  cellules  est  dévolu 
un  rôle  différent.  De  la  cellule  supérieure  et  postérieure 
dérive,  à  la  suite  des  cloisonnements  dont  elle  est  le  siège, 
une  masse  conique  qui  s'enfonce  dans  le  tissu  du  prothalle 
et  dont  la  fonction  est  de  servir  de  suçoir  pour  nourrir  les 
trois  autres;  c'est  ce  qu'on  appelle  le  pied.  La  cellule  su- 
péro-antérieure  donne  la  tige,  l'inféro-antérieure  la  pre- 
mière feuille,  l'inféro-postérieure  la  radicule.  La  plantule 
est  constituée  et  pendant  que  le  prothalle  et  le  pied  se  des- 
sèchent, la  tige  pousse  une  seconde,  une  troisième  feuille 
et  ainsi  de  suite,  chacune  d'elles  devenant  progressivement 
plus  grande  et  plus  compliquée. 

Quelques  Fougères  sont  apogames.  Au  lieu  de  former 
un  œuf  sur  le  prothalle,  elles  y  développent  un  bourgeon 
adventif  qui  multiplie  simplement  la  plante  ancienne.  Du 
nombre  sont  le  Todea  Africana,  YAspidium  falcahim, 
le  Pteris  critica,  YAspidium  filix  mas,  variété  crista- 
tum;  dans  les  deux  premières  les  organes  sexués  existent 
mais  sont  sans  fonction  ;  dans  les  deux  autres,  il  y  a  apo- 
gynie,  rareté  extrême  des  archégones  dans  le  Pteris  cri- 
tica,  absence  totale  dans  YAspidium  filix  mas  (Van 
Tieghem). 

Les  frondes  des  Fougères  sont  extrêmement  variables  de 
taille  et  de  forme.  Elles  peuvent  acquérir  des  dimensions 
extraordinaires,  jusqu'à  3  et  6  m.  de  longueur.  Elles  peu- 
vent être  sessiles  ou  pétiolées,  simples,  entières,  palmées, 
pinnées,  bipinnées,  décomposées.  Disposées  en  séries  régu- 
lières sur  la  tige,  elles  sont  toujours  rétrécies  à  leur  base 
en  un  pétiole  ordinairement  assez  long,  rarement  très 
court,  et  le  plus  souvent  canaliculé  à  sa  partie  supérieure. 
Les  feuilles  de  presque  toutes  les  espèces,  sauf  chez  les  Ophio- 
glosses,  sont  enroulées  en  crosse  avant  leur  épanouisse- 
ment, et  la  nervure  médiane  et  les  nervures  latérales  y  sont 
recourbées  d'arrière  en  avant  et  ne  se  déroulent  que  dans 
la  dernière  période  de  la  croissance.  Au  point  de  vue  des 
nervures  et  de  leur  distribution  au  milieu  du  limbe  on 
remarque  des  différences  considérables.  Dans  quelques  Fou- 
gères, point  de  nervures  principales,  mais  une  seule  nervure 
qui  se  dichotomise  à  l'infini  depuis  son  origine  et  dans 
toute  la  feuille.  Dans  d'autres,  de  la  nervure  principale 
partent  des  nervures  secondaires  qui  se  bifurquent,  et  toutes 
les  branches  de  ces  bifurcations  gagnent  le  bord  de  la  feuille 
en  restant  parallèles.  Dans  d'autres  encore,  la  nervure 


principale  émet  des  nervures  secondaires  d'où  partent  des 
nervures  tertiaires  qui  vont  en  divergeant  vers  les  bords 
de  la  feuille.  Toutes  ces  nervures  sont  toujours  libres  et 
indépendantes  les  unes  des  autres.  Mais  dans  un  grand 
nombre  de  Fougères  elles  s'anastomosent  par  des  divisions 
récurrentes  ou  arquées  qui  souvent  se  rencontrent  et  s'unis- 
sent formant  un  réseau  et  divisant  la  surface  du  limbe  en 
un  certain  nombre  d'aréoles  bien  circonscrites,  et  dont 
Faire  est  souvent  d'autant  plus  petite  qu'elles  sont  plus 
rapprochées  de  la  périphérie  de  la  feuille. 

L'épiderme  des  feuilles  de  Fougères  se  distingue  par 
l'abondance  des  grains  de  chlorophylle  qu'il  contient  sur 
ses  deux  faces  et  par  la  formation  de  ses  stomates  dont 
l'initiale  devient  ordinairement  de  suite  la  cellule  mère, 
mais  parfois  aussi  prend  d'abord  une  cloison,  d'où  il  ré- 
sulte que  la  cellule  mère  se  trouve  entourée  d'une  cellule 
annexe  en  forme  de  fer  à  cheval  ou  d'anneau.  Dans  les 
Hyménophyllées,  il  n'y  a  ni  épiderme  ni  stomates,  et  le 
limbe  se  réduit  comme  dans  les  Muscinées  à  un  seul  plan 
de  cellules  parcouru  par  des  vaisseaux  scalariformes.  Ail- 
leurs, au  contraire,  il  y  a  deux  épidémies  entre  lesquels  se 
trouve  un  tissu  utriculaire  parenchymateux  au  milieu  du- 
quel sont  disséminés 
les  faisceaux  fibro- 
vasculaires  qui  cons- 
tituent les  nervures. 
Les    jeunes  feuilles 
de    Fougères    sont 
souvent  recouvertes 
de  poils  écailleux  qui 
peuvent  atteindre  5 
ou  6  centim.  de  lon- 
gueur et  les  enve- 
loppent   complète- 
ment dans  le  bour- 
geon.   Leur    limbe 
(acrostichum  cri- 
nicum)  est  quelque- 
fois hérissé  de  longs 
et  forts  aiguillons. 
La  tige  des  Fougères 
varie  à   l'infini  au 
point  de  vue  des  di- 
mensions. En  effet, 
la  taille  de  certaines 
espèces    (Hymeno- 
phyllus),    même 
ayant   atteint    leur 
complet    développe- 
ment ,    ne    dépasse 
guère    les    plus 
grandes  Muscinées.  Le  plus  souvent  ce  sont  des  végétaux  en 
partie  ligneux,  et  les  Fougères  dites  arborescentes  de  l'autre 
hémisphère  prennent  le  port  et  la  hauteur  des  Palmiers.  Leur 
tige  se  dresse  en  une  colonne  verticale  fixée  au  sol  par  de 
nombreuses  racines  qui  naissent  de  la  base  au  sommet  et 
descendent  le  long  de  la  surface  en  l'enveloppant  complète- 
ment. Quand  les  entre-nœuds  sont  très  courts  et  que  la 
tige  est  embrassée  totalement  par  les  bases  d'insertions  de 
ses  feuilles,  on  voit  les  racines  dériver  des  pétioles  eux- 
mêmes.  Dans  les  Fougères  non  arborescentes  la  tige  rampe 
dans  la  terre  ou  à  sa  surface,  ou  bien  elle  grimpe  le  long 
des  arbres  et  des  rochers,  ou  bien  s'élève  dans  l'air  en  sui- 
vant une  direction  oblique.  Sur  les  tiges  rampantes  ou 
grimpantes,  ainsi  que  sur  certains  autres  dressées  et  libres, 
les  feuilles  sont  séparées  par  des  entre-nœuds  quelquefois 
très  longs  ;  mais  le  plus  souvent  dans  les  Fougères  à  grosses 
tiges  verticales  les  entre-nœuds  sont  extrêmement  courts 
et  souvent  même  n'existent  pas.  Les  tiges  rampantes  ou 
rhizomes  ont  une  croissance  assez  rapide,  et  leur  extrémité 
dépasse  de  beaucoup  le  point  d'insertion  de  la  feuille  la  plus 
jeune  (Polypode  vulg.)  au  point  qu'on  a  parfois  pris  pour  des 
racines  de  tels  prolongements.  Les  tiges  dressées  croissent 


Fig.  4.  —  Fougère  herbacée. 


Fig.  5.  —  Anthérozoïdes. 


FOUGÈRE  —  8 

beaucoup  plus  lentement  et  gardent  leur  sommet  caché 
au  centre  d'un  bourgeon  dont  les  segments  produisent  les 
feuilles  soit  juxtaposées  et  partant  de  tous  les  segments, 
soit  seulement  de  certains  d'entre  eux  séparés  par  des  seg- 
ments stériles.  Les  ramifications  de  la  tige  se  produisent 
par  formation  de  bourgeons  latéraux,  soit  normaux  et  nais- 
sant ou  de  la  base  des 
feuilles  du  côté  dorsal 
ou  de  la  tige  au-dessus 
ou  au  -  dessous  des 
feuilles,  ou  à  côté 
d'elles,  ou  à  l'aisselle 
des  feuilles,  soit  ad- 
ventifs  et  naissant  alors 
sur  les  feuilles  elles- 
mêmes.  Au  point  de 
vue  histologique ,  les 
tiges  uniquement  pa- 
renchymateuses  au  dé- 
but n'ont  parfois  qu'un  seul  faisceau  vasculaire  axile  ;  il 
en  est  ainsi  dans  les  axes  très  grêles.  Sur  les  tiges  plus 
épaisses,  notamment  sur  celles  qui  deviennent  ligneuses, 
un  réseau  de  faisceaux  anastomosés  constitue  un  cylindre 

creux,  à  larges 
mailles,  séparant  le 
tissu  fondamental 
en  une  zone  médul- 
laire et  une  zone 
corticale.  Les  fais- 
ceaux qui  compo- 
sent le  cylindre 
d'ordinaire  aplatis 
sont  autant  d'épais 
rubans  qui  souvent 
même  ont  les  bords 
fléchis  vers  l'exté- 
rieur et  desquels 
partent  en  nombre 
variable  des  fais- 
ceaux minces  qui 
vont  rejoindre  les 
feuilles  (Bâillon).  En  outre,  on  rencontre  dans  la  région  mé- 
dullaire des  faisceaux  fermés,  à  corps  ligneux  enveloppé 
de  toutes  parts  par  une  zone  libérienne.  Il  y  a  aussi  le  plus 
souvent,  pour  le  même  auteur,  quelques  vaisseaux  spiraux 

qui  répondent,  sur 
une  coupe  trans- 
versale, aux  foyers 
de  l'ellipse  qui  re- 
présente le  fais- 
ceau. 

A  mesure  que 
les  tiges  s'allon- 
gent, elles  produi- 
sent incessamment 
de  la  base  au  som- 
met de  nouvelles 
racines.  Ces  ra- 
cines, quel  que  soit 
leur  point  de  dé- 
part, dérivent  tou- 
jours des  cloison- 
nements  d'une 
cellule  mère  uni- 
que. Quant  à  leur 
structure,  elles 
présentent,  comme 
caractères  spéciaux,  une  écorce  épaisse  située  sous  l'assise 
pilifère  et  entourant  un  cylindre  central  fort  grêle.  La 
ramification  des  racines  a  lieu  par  formation  progressive  de 
la  base  au  sommet  de  radicelles  qui  naissent  aux  dépens 
d'une  seule  cellule  mère. 
L'ordre  des  Fougères  renferme  plus  de  3,500  espèces^ 


Fig.  G.  —  S  ores. 


Fig.  7. —Prothalle. 


On  en  rencontre  partout,  mais  en  proportion  très  diverse 
suivant  les  climats.  La  grande  majorité,  les  cinq  septièmes 
environ  appartiennent  aux  régions  tropicales  et  aux  con- 
trées chaudes  et  humides  du  globe.  Toutes  les  Fougères 
arborescentes  et  particulièrement  celles  des  Cyathées  crois- 
sent sous  les  tropiques.  Les  Fougères  sont  très  nombreuses 
dans  les  îles  où  elles  trouvent  des  conditions  de  prospérité 
toutes  spéciales  dans  la  chaleur  et  l'humidité.  D'après 
Brongniart,  sur  les  continents  étendus,  la  proportion  des 
Fougères  aux  autres  plantes  ne  serait  qu'un  vingtième  à 
un  soixantième,  tandis  que  dans  la  plupart  des  îles  comme 
les  Antilles  elle  serait  d'un  dixième  et  elle  irait  jusqu'à  un 
quart  ou  un  tiers  dans  quelques  petites  îles  isolées  (Payer). 
Au  point  de  vue  de  la  classification,  M.  Van  Tieghem 
divise  l'ordre  des  Fougères  en  six  familles,  d'après  la  dis- 
position des  sporanges  et  surtout  la  conformation  de  l'an- 
neau qui  détermine  la  direction  de  la  ligne  de  déhiscence. 

I.  Hyménophyllées    Genres  :  Hymenopkyllum,  Tri- 

chomanus,  Loxsoma. 
IL  Cyathéàcées  . . .     Genres  :  Cyathea,  Cibotium,Dick~ 
sonia,  Hemitelia,   Alsophila. 

III.  Polypodiacées.  .    Comprenant  cinq  tribus  :  Acrosti- 

chées,  Polypodiées,  Aspléniées, 
Aspidiées,  Davalliées.  Les  genres 
principaux  qui  s'y  répartissent 
comprennent  environ  2,800  es- 
pèces. 

IV.  Gleichéniées.  . .     Genres  :  Gleichenia,  Nurtensia, 

Platyzoma. 

V.  Osmondées Genres  :  Osmunda,  Todea. 

VI.  Schizéacées  . . .     Genres  :    Schizea,    Lygodium, 

Aneimia,  Motiria. 

On  sépare  des  Fougères  les  Marattiacées,  dont  les  spo- 
ranges sont  dépourvus  d'anneaux,  et  les  Ophioglossées, 
qui  se  distinguent  par  la  préfoliaison  non  circinéc  et  par 
les  sporanges  soudés.  Henri  Fournier.  " 

II.  Paléontologie.  —  Le  plan  de  structure  des  Fougères, 
celui  des  Filicinées  en  général,  présente  une  souplesse  bien 
plus  grande  que  chez  les  Calamariées  ou  Equisétinées  ; 
leurs  faisceaux  fibro-vasculaires  se  replient,  se  subdivi- 
sent, s'anastomosent,  se  soudent  de  la  manière  la  plus 
diverse,  de  sorte  que  les  frondes  des  Fougères  présentent 
les  variétés  de  ramifications  les  plus  multiples,  variétés 
susceptibles  de  se  répéter  dans  des  groupes  très  éloignés 
dans  l'ordre  systématique  et  à  toutes  les  époques  géolo- 
giques jusqu'à  l'époque  actuelle,  sans  qu'il  y  ait  lieu  d'éta- 
blir aucune  filiation  entre  ces  espèces  de  forme  extérieure 
générale  si  semblable.  A  cet  égard,  la  comparaison  entre 
les  espèces  qui  ont  vécu  aux  diverses  époques  et  entre  les 
espèces  vivantes  et  fossiles  a  dû  donner  lieu  à  bien  des 
méprises  ;  c'est  à  de  semblables  erreurs  qu'on  doit  proba- 
blement les  genres  Asplenites,  Cheilantites,  Diplaùtes, 
Cyatheites,  etc.,  de  Gœppert  ;  on  conçoit  aussi  d'après 
cela  sur  quelle  base  artificielle,  la  nervation  des  feuilles, 
se  trouvent  établies  les  familles  de  Fougères  fossiles  telles 
que  les  Sphénoptéridées,  les  Neuropléridées,  les  Pécoptéri- 
clées,  les  Ténioptéridées,  les  Dictyoptéridées  ;  si  dans  le 
nombre,  certains  genres  tels  que  Pecopteris  (120  espèces) 
paraissent  être  naturels,  d'autres  ne  le  sont  certainement 
pas,  puisque  le  genre  Sphenopteris,  par  exemple,  renferme 
parmi  ses  150  espèces  telles  espèces  qui  se  rapprochent 
des  Polypodiacées,  telles  autres  qui  semblent  être  des  Hymé- 
nophyllées. 

Les  Fougères  fossiles  sont  nombreuses  ;  les  espèces  ba- 
sées sur  l'étude  des  feuilles  dépassent  750  et  si  l'on  y  joint 
celles  qui  ont  été  caractérisées  d'après  des  tiges  et  des 
pétioles,  ce  nombre  atteint  environ  900.  Les  plus  anciennes 
(Hyménophyllées,  Osmondées)  ont  fait  leur  apparition  dans 
le  dévonien  et  sont  encore  aujourd'hui  représentées  par 
quelques  espèces  des  régions  chaudes  et  tempérées  ;  le 
genre  primitif  Palœopteris  Schimp.  constitue  le  plus  an- 
cien type  de  Filicinées  dont  les  parties  fructifères  soient 


885  — 


FOUGÈRE  —  FOUGÈRES 


connues  ;  prédominant  à  la  fin  du  dévonien  et  au  début 
du  carbonifère,  il  parait  avoir  formé,  avec  les  Cardiopteris, 
Triphyllopteris  et  Rhacopteris  de  Schimper,  une  tribu, 
les  Botryoptéridées  (Renault),  dont  les  caractères  rappel- 
lent à  la  fois  les  Botrychiées,  les  Rhacopteris  (peut-être 
génériquement  identiques  avec  les  Palœopteris),  les  Os- 
mondées  et  les  Polypodiacées,  c.-à-d.  un  groupe  de  tran- 
sition réellement  synthétique,  dont  les  représentants  vivaient 
encore  à  la  fin  du  carbonifère.  Les  Polypodiacées  n'ont 
fait  leur  apparition  que  plus  tard  après  la  période  paléo- 
zoïque,  ou  même  après  le  trias,  précédées  par  les  Cyatha- 
cées  ou  au  moins  par  des  types  cyathiformes  qui,  parleurs 
caractères,  sont  un  acheminement  aux  Polypodiacées  ; 
l'évolution  de  ce  groupe  a  été  très  différente  de  celle  de  ses 
congénères  les  Schizéacées,  les  Gleichéniées  et  les  Marat- 
tiacêes  ;  le  type  des  Fougères  y  a  atteint  sa  plus  grande 
perfection  ;  les  genres  représentés  par  le  plus  grand  nombre 
d'espèces  fossiles  sont  Pteris  et  Asplenium;  c'est  encore 
actuellement  la  famille  des  Fougères  la  plus  importante  ; 
ses  représentants  sont  répandus  sur  tout  le  globe,  tandis 
que  les  Cyathacées,  abondantes  en  Europe  dans  les  terrains 
secondaires  et  tertiaires,  sont  réléguées  dans  les  régions 
chaudes.  Les  Gleichéniées,  dont  le  début  remonte  àl'oolithe 
(la  première  Gleichéniée  vraie,  le  Gleichenites  elegans 
Zigno,  a  été  trouvée  dans  l'oolithe  des  Alpes  Vénitiennes), 
avaient  atteint  leur  apogée  à  l'époque  crétacée  ;  elles  sont 
aujourd'hui  confinées  entre  les  tropiques.  Vers  la  fin  de  la 
craie  seulement  ont  apparu  de  vrais  Lygodium  (Lygodia- 
cées  ou  Schizéacées)  ;  les  Schizéacées,  peu  nombreuses 
aux  époques  géologiques,  n'existent  plus  guère  que  dans 
les  régions  chaudes  du  globe  ;  elles  dépassent  cependant 
les  tropiques.  Les  Marattiacées  s'éloignent  assez  des  Fougères 
proprement  dites  pour  faire  l'objet  d'un  article  spécial;  il 
en  est  de  même  des  Ophioglossées.  Dr  L.  Hn. 

III.  Horticulture.  —  Les  Fougères  de  serre  se  cul- 
tivent habituellement  en  caisses,  en  pots  ou  sur  rocailles, 
mais  lorsqu'elles  atteignent  de  grandes  dimensions  on  les 
place  aussi  en  pleine  terre.  La  terre  qui  leur  convient  est 
un  mélange  de  terre  de  bruyère  siliceuse  et  de  terreau  de 
feuilles.  Le  mélange  doit  être  parfaitement  drainé  à  l'aide 
de  tessons  ou  de  fragments  de  brique.  Les  Fougères  aiment 
une  atmosphère  humide;  certaines  d'entre  elles  comme  les 
Hymenophyllum,  les  Trichomanes  sont  même  cultivées 
sous  cloche  pour  les  abriter  des  plus  légères  alternatives 
de  sécheresse.  Il  faut  cependant  renouveler  fréquemment 
l'air  des  serres  et  y  maintenir  une  température  ne  des- 
cendant pas  au-dessous  de  4°  à  5°  et  pouvant  s'élever  à 
15°.  Ces  plantes  doivent  être  arrosées  copieusement.  La 
culture  sur  rocaille  est  celle  qui  convient  le  mieux  aux 
Fougères  de  plein  air.  On  dispose  la  rocaille  dans  un  pli 
de  terrain  arrosé,  ombragé  d'arbres  et  d'arbrisseaux  tou- 
jours verts,  à  l'abri  du  vent,  de  manière  à  conserver  au- 
tour des  Fougères  une  atmosphère  douce  et  humide.  On 
multiplie  ces  plantes  par  la  plantation  des  drageons  nés 
sur  leur  rhizome  et  aussi  par  le  semis  des  spores.  Les 
semis  se  font  en  secouant  les  feuilles  portant  des  spores 
mûres  sur  des  terrines  remplies  de  terre  de  bruyère  hu- 
mide. Sa  germination  a  lieu  au  bout  de  quelques  jours. 
Les  jeunes  plantes  sont  mises  en  place  lorsqu'elles  ont 
poussé  deux  ou  trois  feuilles.  G.  Boyer. 

IV.  Thérapeutique.  —  Les  propriétés  médicales  des  di- 
verses plantes  du  groupe  des  fougères,  seront  signalées  à 
propos  de  chaque  espèce.  Nous  ne  parlerons  ici  que  de  la 
fougère  mâle  (Àspidium  filix  mas),  la  plus  utile  de 
toutes  et  la  seule  qui  jouisse  de  vertus  thérapeutiques 
importantes.  Connue  depuis  plus  d'un  siècle  pour  ses 
propriétés  ténifuges,  la  racine  (ou  plus  exactement  le 
rhizome)  de  la  fougère  mâle  fut  longtemps  exploitée 
comme  remède  secret.  On  sait  comment  le  chirurgien 
Nuffer  (de  Morat)  après  avoir  longtemps  vendu  un  remède 
mystérieux  contre  le  ténia,  en  légua  le  secret  à  sa  veuve 
qui  l'exploita  à  son  tour,  jusqu'à  ce  que  Louis  XV,  sur 
le  bruit  des  merveilleux  succès  obtenus  avec  la  drogue 


secrète,  parmi  lesquels  figuraient  des  expulsions  de  ténias 
princiers  et  d'ascarides  ayant  appartenu  à  la  famille  royale, 
fît  l'achat  du  secret  pour  13,000  livres,  comme  Louis  XIV 
acheta  de  Talbot  le  secret  des  propriétés  fébrifuges  du 
quinquina.  Le  remède  de  Nuffer  était  de  la  poudre 
de  rhizome  de  fougère  mâle  que  l'on  donnait  à  la  dose  de 
12  gr.,  après  un  jour  de  diète,  et  en  faisant  suivre,  au 
bout  de  deux  heures,  par  un  purgatif  composé  de  calomel,  de 
scammonée  et  de  gomme-gutte^  Depuis,  ont  été  imaginées 
d'autres  méthodes,  celle  de  Peschier,  de  Duncan  et  Vogel, 
de  Trousseau,  etc.  Trousseau  donnait  4  gr.  d'extrait  éthéré 
de  fougère  mâle  en  quatre  doses  espacées'd'un  quart  d'heure 
chacune.  Après  la  dernière,  il  faisait  prendre  50  gr.  de 
sirop  d'éther  et  2  gr.  d'éther  en  capsules,  et  une  demi- 
heure  après,  un  loch  contenant  de  1  à  3  gouttes  d'huile 
de  croton  ;  diète  lactée  la  veille.  On  emploie  souvent  au- 
jourd'hui la  méthode  de  Créquy,  consistant  à  donner  en 
une  fois  12  gr.  d'huile  éthérée  de  fougère  mâle  associée 
à  1  gr.  de  calomel,  le  tout  enveloppé  dans  du  pain  azyme 
ou  préparé  en  cachets. 

Le  rhizome  de  fougère  mâle,  donné  sous  l'une  de  ces 
diverses  formes,  est  un  bon  ténifuge,  mais  malheureuse- 
ment assez  inconstant  et  quelquefois  dangereux.  Son  acti- 
vité varie  beaucoup  avec  la  préparation  employée,  l'époque 
et  le  lieu  de  la  récolte  du  rhizome,  et  surtout  son  degré  de 
conservation.  L'huile  éthérée  ou  l'extrait  éthéré  préparé 
avec  le  rhizome  frais,  reconnaissables  à  leur  couleur  fran- 
chement verte,  sont  les  seules  préparations  à  qui  l'on 
puisse  acorder  quelque  confiance.  La  recherche  du  principe 
actif  n'a  pas  encore  été  couronné  de  succès  certains.  On  a 
décrit  dans  le  rhizome,  à  côté  de  matières  inertes ,  un 
acide  filicique  et  un  glycoside,  la  filixoline,  auxquels 
de  nouvelles  recherches  ont  fait  ajouter  deux  substances 
cristallisables.  Les  plus  récents  travaux,  dus  à  M.  Ruelle, 
ont  montré  que  l'acide  filicique  pourrait  se  présenter 
sous  deux  formes,  l'une  amorphe  et  toxique  (c'est  celle 
que  l'on  trouve  dans  l'extrait),  et  l'autre  cristallisable 
et  inoffensive,  celle-ci  étant  l'anhydride  de  la  première  et 
correspondant  vraisemblablement  à  la  filicine  des  premiers 
auteurs.  Or  cet  acide  filicique  amorphe  et  toxique  est  très 
soluble  dans  l'huile  :  la  dissolution  dans  l'éther  amène  au 
contraire  la  précipitation  de  cristaux  de  filicine  inactive. 

Ces  recherches  ont  donné  l'explication  des  actions  graves, 
quelquefois  même  mortelles  (4  cas  de  mort  cités  par  Pré- 
vost; 13  observations  observées  par  Lépine  de  Lyon),  qui 
ont  pu  succéder  à  l'emploi  de  cette  plante,  l'adjonction  de 
l'huile  de  ricin  ayant  pour  résultat  d'augmenter  la  puis- 
sance toxique  de  la  fougère  en  amenant  la  dissolution,  dans 
l'intestin,  du  principe  amorphe  qui,  sans  cela,  serait  de- 
meuré en  partie  sous  sa  forme  inactive.  La  conclusion,  au 
point  de  vue  pratique,  c'est,  d'après  M.  Lépine,  qu'il  ne 
faut  pas  dépasser  une  dose  de  5  à  10  gr.  d'extrait,  et 
chercher  autant  que  possible  à  éviter  la  résorption  du  prin- 
cipe toxique.  On  ne  prescrira:  donc  pas  une  diète  prolon- 
gée avant  l'administration  du  remède,  car  elle  favorise  la 
résorption,  et  on  la  fera  suivre  à  bref  intervalle  par  l'ad- 
ministration d'un  purgatif,  celui-ci  étant  de  préférence 
choisi  en  dehors  des  purgatifs  huileux.  —  Le  seul  emploi 
de  la  fougère  mâle  est  dans  le  traitement  des  parasites 
intestinaux,  en  particulier  du  ténia.  Elle  paraît  agir  sur  le 
bothriocéphale  plus  énergiquement  peut-être  que  sur  le 
ténia  solium.  Fonssagrives  la  place  aussitôt  après  l'écorce 
de  grenadier,  avant  le  kousso.  Dr  R.  Blondel. 

Bibl.  :  Paléontologie.  —  De  Saporta  et  Marion 
l'Evolution  du  règne  végétal,  Cryptogames  ;  Paris,  1881, 
in-8. 

FOUGERE.  Corn,  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Baugé,  entre  le  Grez  et  le  Verdun;  1,326  hab. 
Eglise  du  xne  siècle  avec  voûtes  du  xve  revêtues  de  pein- 
tures du  xvie. 

FOUGERE  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  et 
cant.  de  La  Roche-sur- Yon  ;  \  ,282  hab. 

FOUGÈRES.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  d'Ille-et-Vilaine,  sur 


FOUGÈRES  —  FOUGEROUX 


une  colline  dominant  le  Nançon  ;  18,221  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  de  l'Ouest,  ligne  de  Vitré  à  Pontorson.  Collège  com- 
munal. Bibliothèque.  Institution  départementale  de  sourds- 
muets.  Fougères  est  devenu  dans  notre  siècle  un  centre 
industriel  et  commercial  important.  Exploitation  de  granit. 
Fabriques  de  cordonnerie  occupant  près  de  5,000  ouvriers  ; 
filatures  de  laines  ;  flanelles  ;  toiles  à  voiles  et  toiles  d'em- 
ballage, chaussons  de  tresse,  boisselierie,  chapellerie,  noir 
animal,  bougies,  verrerie,  poterie,  briqueterie,  corroirie, 
moulins  à  tan  et  à  farines  ;  salaisons. 

Histoire.  —  Fougères  était,  au  moyen  âge,  Tune  des 
neuf  grandes  baronnies  de  Bretagne  et  le  chef-lieu  du  pays 
du  Fougerais.  Elle  doit  son  origine  à  un  château  élevé  au 
xie  siècle  par  Méen,,  fils  puîné  de  Juhel  Bérenger,  comte  de 
Rennes,  qui  est  considéré  comme  le  premier  seigneur  de  Fou- 
gères. Voici  la  liste  de  ses  successeurs  :  Alfred  Ier,  fils  de 
Méen,  vers  1020;  Méen  II,  fils  du  précédent,  en  1048; 
Raoul  Ier,  fils  du  précédent,  avant  1084;  Méen  III,  fils  du 
précédent,  1124;  Henri  Ier,  frère  du  précédent,  1138; 
Raoul  II,  fils  du  précédent,  1154.  Celui-ci  ayant  attaqué 
le  roi  d'Angleterre  Henri  II  vit  son  château  assiégé  en  1166, 
emporté  d'assaut  et  rasé;  réfugié  à  Dol,  il  y  fut  poursuivi 
et  dut  se  rendre  à  discrétion  après  une  longue  lutte ,  en 
1473;  il  mourut  en  1194.  Son  fils,  GeofFroi  Ier,  laissa  en 
1222  la  baronnie  de  Fougères  à  son  fils  Raoul  III,  dont  la 
fille  Jeanne,  qui  lui  succéda  en  1256,  porta  la  seigneurie 
de  Fougères  à  son  mari,  Hugues  XII  de  Lusignan,"  comte 
de  la  Marche  et  d'Angoulème.  Hugues  XIII  de  Lusignan, 
fils  des  précédents  (1269),  laissa  en  mourant  (1303)  à 
son  frère  Gui  le  château  de  Fougères  qui  lui  fut  confisqué 
par  le  roi  de  France  en  1307.  La  sœur  de  Gui,  Yolande, 
le  conserva  jusqu'à  sa  mort  en  1314,  et  depuis  il  appartint 
successivement  à  des  princes  de  la  famille  royale.  Donnée 
aux  comtes  d'Alençon  de  la  maison  de  Valois,  la  baronnie 
de  Fougères  fut  vendue  par  Jean  III  au  duc  de  Bretagne 
en  1428.  Réunie  au  duché,  et  avec  lui  à  la  couronne,  elle 
fut  l'apanage  de  Claude  de  France  jusqu'à  son  mariage 
avec  François  Ier  ;  depuis,  elle  fut  encore  concédée  à  René 
de  Montéjean,  à  Jean  de  Laval,  sire  de  Châteaubriant,  à 
Diane  de  Poitiers,  et  enfin,  sous  Louis  XV,  au  duc  de  Pen- 
thièvre,  qui  la  posséda  jusqu'à  la  Révolution. 

Depuis  le  siège  de  1166,  Fougères  eut  souvent  encore 
à  subir  les  vicissitudes  de  la  guerre.  Pierre  de  Dreux  s'en 
empara  en  1230;  Bertrand  du  Guesclin,  en  1372;  un 
aventurier  aragonais,  à  la  solde  de  l'Angleterre,  en  1448  ; 
le  sire  de  La  Trémoille,  en  1488;  le  duc  de  Mercœur,  en 
1588  et  en  1596.  Pendant  la  Révolution,  Fougères  fut 
l'un  des  centres  de  la  chouannerie.  En  1792,  à  là  suite  de 
la  conspiration  de  La  Rouerie,  treize  des  conjurés  y  subirent 
la  peine  capitale.  En  nov.  1793,  les  paysans  insurgés, 
après  avoir  une  première  fois  été  repoussés  par  la  garde 
nationale,  s'emparèrent  de  Fougères,  où  les  troupes  ven- 
déennes séjournèrent  quelque  temps  avant  de  se  diriger 
sur  Granville,  d'où  elles  revinrent  battant  en  retraite  sur 
Laval  et  Angers.  La  ville  demeura  ensuite  en  état  de  siège 
jusqu'à  la  fin  des  guerres  de  Vendée. 

Monuments.  —  Des  anciennes  murailles  subsistent  quel- 
ques parties  du  côté  où  la  ville,  surplombant  un  vallon  à 
pic,  n'a  pas  pu  s'étendre  ;  elles  datent  du  xve  siècle.  Une 
seule  porte  a  été  conservée,  la  porte  Saint-Sulpice,  flanquée 
de  tours  et  surmontée  d'une  courtine.  Les  ruines  de  l'an- 
cien château  ont  été,  il  y  a  quelques  années,  acquises  par 
la  ville.  C'est  un  vaste  quadrilatère,  entouré  de  murailles 
à  mâchicoulis,  flanquées  de  tours  rondes,  en  avant  des- 
quelles s'étend  une  cour  d'entrée  précédée  d'un  pont-levis 
et  défendue  par  trois  tours.  Le  donjon,  rasé  en  1630, 
s'élevait  dans  une  enceinte  triangulaire,  flanquée  aux 
angles  de  trois  tours  qui  subsistent  encore.  L'ensemble  de 
ces  ruines  remonte  au  xne  siècle,  Jmais  naturellement 
avec  beaucoup  d'additions  et  d'aménagements  postérieurs. 
—  L'église  Saint-Léonard  est  un  édifice  du  xve  siècle,  re- 
manié au  xvie  et  au  xvir3,  avec  des  restaurations  modernes  ; 
on  y  a  élevé  un  monument  à  la  mémoire  des  mobiles  du 


1er  bataillon  d'Ille-et-Vilaine  tués  pendant  la  guerre  de 
1870.  —  L'église  Saint-Sulpice  est  aussi  en  grande 
partie  du  xve  siècle,  sauf  le  chœur  commencé  au  xvie  et 
terminé  seulement  en  1763.  —  L'hôtel  de  ville  occupe  un 
édifice  du  xvie  siècle.  Au-dessus  des  restes  de  l'ancien 
«  auditoire  »,  construit  à  la  fin  du  xve  siècle,  s'élève  la 
tour  octogonale  du  Beffroi  qui  date  de  la  même  époque.  De 
l'ancienne  abbaye  de  Rillé,  fondée  au  xie  siècle,  il  ne  reste 
que  des  constructions  modernes  occupées  par  l'institution 
des  sourds-muets.  L'ancien  couvent  des  ursulines  du  xvir3 
siècle  est  occupé  par  le  collège  et  la  bibliothèque  publique. 
La  partie  ancienne  de  la  ville,  demeurée  très  pittoresque, 
a  conservé  plusieurs  vieilles  et  curieuses  maisons  des  xve  et 
xvie  siècles. 

La  forêt  domaniale  de  Fougères  (1 ,660  hect.)  est  plantée 
principalement  de  hêtres.  Il  s'y  trouve  de  vastes  souter- 
rains, refuges  connus  sous  le  nom  de  Celliers  de  Landéan, 
plusieurs  monuments  mégalithiques  et  deux  anciennes 
mottes  féodales. 

FOUGÈRES.  Corn,  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de 
Blois,  cant.  de  Contres,  sur  la  Bièvre  ;  790  hab.  Filature 
de  laine  et  fabrique  de  draps  établis  dans  l'ancien  château 
(mon.  hist.)  fondé  au  xe  siècle  et  reconstruit  au  xve  siècle 
par  Pierre  de  Refuge,  trésorier  de  Louis  XI.  Château  mo- 
derne de  Boissan. 

FOUGERET  (Anne-Françoise  d'Oultremont,  dame  de), 
morte  en  1813.  Femme  d'un  receveur  général  des  finances, 
elle  fut  la  fondatrice  de  la  Société  de  charité  maternelle  de 
Paris,  placée  en  1788  sous  les  auspices  de  Marie-Antoi- 
nette (V.  Charité,  t.  X,  p.  655,  col.  2). 

FOUGERET  deMonbron,  littérateur  français,  né  à  Pé- 
ronne  vers  1720,  mort  en  sept.  1761.  Après  avoir  servi 
dans  les  gardes  du  corps,  il  fit  paraître  une  parodie  de  la 
Henriade  de  Voltaire,  intitulée  la  Henriade  travestie, 
en  vers  burlesques,  avec  des  notes  critiques  (Berlin  [Pa- 
ris], in-12),  plusieurs  fois  réimprimée  depuis.  On  a  encore 
de  lui  le  Cosmopolite  (1750,  in-12),  réimprimé  en  1752 
sous  le  titre  le  Citoyen  du  monde;  Margot  la  Ravau- 
deuse  (Hambourg,  1750,  in-12);  Préservatif  contre 
l'anglomanie  (1757,  in-8)  et  la  Capitale  des  Gaules  ou 
la  Nouvelle  Ba%/on^(La  Hâve,  1759, 2  part. in-12). Fou- 
geret  a  aussi  publié  en  1750  (Paris,  in-12)  une  traduction 
de  la  Chronique  des  rois  d'Angleterre  de  Dodsley.  On 
lui  attribue  enfin  une  cantate  intitulée  la  Voix  des  per- 
sécutés (Amsterdam,  1753,  in-8)a  Aucune  de  ces  publi- 
cations ne  porte  le  nom  de  l'auteur  qu'on  nous  représente 
comme  d'un  caractère  taciturne  et  défiant,  fort  bilieux  par 
surcroît,  et  qui  trouvait  à  redire  à  tout.       Ch.  Le  G. 

FOUGERÊTS  (Les).  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr. 
de  Vannes,  cant.  de  La  Gacilly  ;   1,130  hab. 

FOUGEROLLES.  Corn,  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de 
La  Châtre,  cant.  de  Neuvy-Saint-Sépulcre  ;  656  hab. 

FOUGEROLLES-Du-PLESSis.Com.dudép.delaMayenne, 
arr.  de  Mayenne,  cant.  de  Landivy  ;  2,505  hab. 

FOUGEROLLES-l'Eglise  ou  Haute-Saône  (Filica- 
riolœ).  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Lure, 
cant.  de  Saint-Loup-sur-Semouse,  sur  la  Combauté  ; 
6,030  hab.  Stat.  de  la  ligne  de  chemin  de  fer  d'Aille- 
villers  à  Faymont.  Carrières  de  pierres  à  bâtir.  Moulins, 
scieries,  féculerie,  distilleries,  brasserie,  filature.  Fabrica- 
tion et  vente  du  kirsch.  Monument  mégalithique  dans  le 
bois  de  la  Balance.  Voie  romaine.  La  situation  de  ce  bourg 
sur  les  limites  du  comté  de  Bourgogne  et  des  duchés  de 
Lorraine  et  de  Bar  fit  que  la  possession  en  fut  disputée 
durant  tout  le  moyen  âge.  Les  écorcheurs  qni  avaient  pris 
le  château  en  furent  délogés  par  Philippe  de  Vaudrey  en 
1437.  La  baronnie,  qui  avait  appartenu  au  comte  de  Bla- 
mont  au  xve  siècle,  était  encore  considérée  comme  une 
«  terre  de  surséance  »  quand  Louis  XIV  l'occupa  en  1681 . 
Sous  la  Révolution,  Fougerolles  devint  chef-lieu  de  canton. 
Croix  anciennes  en  pierre  aux  hameaux  du  Champ  et  du 
Sarcenot.  L-x. 

FOUGEROUX  de  Bondaroy (Auguste-Denis) ,  savant  fran- 


887  — 


FOUGEROUX  —  FOUILLE 


çais,  né  à  Paris  le  10  oct.  1732,  mort  à  Paris  le  28  déc. 
1789.  Neveu  de  Duhamel-Dumonceau,  il  eut  de  bonne 
heure  la  passion  des  études  scientifiques  et  put  du  reste, 
grâce  à  une  certaine  fortune,  y  donner  libre  carrière.  Il 
s'occupa  d'histoire  naturelle,  de  chimie  agricole  et  indus- 
trielle, d'économie  rurale,  de  technologie  et  même  d'ar- 
chéologie; mais  ses  travaux,  malgré  cette  diversité  de 
sujets,  ne  manquent  pas  d'une  réelle  valeur.  L'Académie 
des  sciences  de  Paris  l'élut  membre  associé  en  1758.  Outre 
une  soixantaine  de  mémoires  insérés  de  1759  à  1788  dans 
les  recueils  de  cette  société,  il  a  écrit  :  l'Art  de  tirer  des 
carrières  la  pierre  d'ardoise,  etc.  (Paris,  1762,  in-fol.)  ; 
l'Art  de  travailler  les  cuirs  dorés  ou  argentés  (Paris, 
1762,  in-fol.)  ;  VArt  du  tonnelier  (Paris,  1763,  in-fol,)  ; 
Mémoires  sur  la  formation  des  os  (Paris,  1763,  in-8); 
Recherches  sur  les  ruines  d'Herculanum  (Paris,  1769, 
in-12);  VArt  du  coutelier  (Paris,  1772,  in-fol.);  Obser- 
vations faites  sur  les  côtes  de  Normandie  (Paris,  1773, 
in-4).  Il  a  d'autre  part,  rédigé,  avec  Thouin  et  Tessier, 
la  partie  agricole  de  Y  Encyclopédie  de  Diderot.  L.  S. 
Bibl.  :  Quérard,  la  France  littéraire  ;  Paris,  1826-48, in-8^ 

F0UGUETTE(V.  Fusée). 

FOUGUEYROLLES.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr. 
de  Bergerac,  cant.  de  Vélines  ;  519  hab. 

FOUILLA  DE  (La).  Corn,  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  de 
Villefranche-de-Rouergue,  cant.  de  Najac  ;  2,071  hab. 

FOUILLE.  I.  Archéologie.  —  L'histoire  des  fouilles  se 
confond  naturellement  avec  celle  de  l'archéologie  etdel'épi- 
graphie  dans  les  différents  pays  du  monde.  On  ne  peut  donc 
la  traiter  à  part.  Il  suffit  d'indiquer  les  principales  fouilles 
en  même  temps  que  les  principaux  voyages  d'exploration 
archéologique  ;  ils  n'ont  guère  commencé  qu'au  xvne  siècle 
et  c'est  seulement  de  nos  jours  qu'on  y  a  mis  de  la  préci- 
sion et  de  la  méthode.  En  France  signalons  les  fouilles  de 
l'ancienne  Bibracte,  du  temple  de  Mercure  sur  le  Puy  de 
Dôme,  de  Martres-Tolosane,  de  Sanxay  et  celles  que  fit 
faire  Napoléon  III  à  Alise-Sainte-Reine.  En  Italie,  Pietro 
Rosa  a  commencé  en  1861  à  Rome  les  fouilles  du  Palatin 
sur  l'initiative  de  Napoléon  III  et  en  1870  celles  du  Forum  ; 
on  s'est  mis  au  déblayement  de  Pompéi  dès  1748;  l'étude 
systématique  des  catacombes  de  Rome  a  été  commencée 
par  Bosio  à  la  fin  du  xvie  siècle  et  presque  terminée  de  nos 
jours  par  Jean-Baptiste  de  Rossi  ;  la  Sardaigne  a  été  explo- 
rée en  ce  siècle  par  La  Marmora  (  Voyage  en  Sardaigne) 
et  Pais  (La  Sardegna)  ;  le  gouvernement  italien  a  orga- 
nisé depuis  1870  un  excellent  service  de  fouilles  pour  tout 
le  royaume.  En  Grèce,  après  les  voyages  de  Spon,  de 
Fourmont,  de  Chandler,  les  premières  explorations  systé- 
matiques furent  celles  de  l'expédition  française  de  Morée 
dans  le  bassin  de  l'Alphée  ;  depuis  cette  époque  les  fouilles 
se  sont  multipliées  sur  tous  les  points.  Signalons  seule- 
ment les  voyages  et  les  fouilles  d'Heuzey  et  de  Daumet 
en  Macédoine  et  en  Acarnanie,  de  Foucart  à  Delphes 
et  dans  le  Péloponèse,  de  Lenormant  à  Eleusis,  d'Ho- 
molle  à  Délos,  de  Carapanos  à  Dodone,  de  Schliemann 
à  Mycènes;  les  fouilles  des  Allemands  à  Olympie,  des  Au- 
trichiens à  Samothrace  et  à  Gol-Bagtché,  de  la  Société 
archéologique  d'Athènes  et  du  gouvernement  grec  à  l'Acro- 
pole d'Athènes,  des  Ecoles  française,  allemande,  améri- 
caine en  différents  endroits  de  la  Grèce  continentale  et  des 
îles.  Pour  l'Asie  Mineure,  les  îles  qui  s'y  rattachent  et  les 
bassins  de  l'Euphrate  et  du  Tigre,  on  peut  mentionner  les 
fouilles  de  Newton  à  Halicarnasse  et  à  Cnide  (1862),  de 
Wood  à  Ephèse  (1877),  de  Rayet  à  Milet  (1876),  du 
gouvernement  des  Etats-Unis  à  Assos,  du  gouvernement 
allemand  à  Pergame,  de  Palma  de  Cesnola  à  Chypre,  de 
Schliemann  à  Hissarlik,  de  l'Ecole  française  d'Athènes  à 
Myrina  ;  les  grands  voyages  faits  au  commencement  de  ce 
siècle  par  Leake  (Journal  ofa  tour  in  Asia  Minor,  1824) 
et  Texier  (Description  de  l'Asie  Mineure,  Description 
de  l'Arménie,  de  la  Perse  et  de  la  Mésopotamie)  ont 
été  complétés  par  les  recherches  de  Flandin  et  Coste  (Perse 
ancienne)  ;  deRamsay  (Studies  in  Asia  Minor),  deMordt- 


mann  et  Barth  (Reise  von  Trapezunt  nach  Scutari)  ;  de 
Benndorff  et  Niemann  (Reisen  in  Lykien  and  Karien)  ; 
de  Loftus  (Travels  and  researches  in  Chaldœa  and 
Susiana,  i  849-52)  ;  de  Puchstein  (Reisen  in  Klein- Asien 
und  Nord- Syrien);  d'Oppert  (Expédition  scientifique 
en  Mésopotamie)  ;  de  Layard  (Discoveries  in  the  ruins 
of  Nineveh  and  Babylon)  ;  de  Botta  (Monuments  de 
Ninive)  ;  de  Place  (Ninive)  ;  de  Sarzec,  de  Dieulafoy  et 
de  Jane  Dieulafoy  (Rapports  sur  les  fouilles  de  Suse; 
l'Art  antique  de  la  Perse;  A  Suse,  journal  des  fouilles). 
La  Judée  et  la  Phénicie  ont  été  l'objet  des  travaux  et 
des  explorations  de  Guérin  (Description  de  la  Palestine)', 
de  Clermont-Ganneau,  de  Saulcy  (  Voyage  en  Terre  sainte)  ; 
de  Vogiié,  de  Renan  (Mission  de  Phénicie).  Pour  l'Egypte, 
fouillée  systématiquement  depuis  l'expédition  de  Bonaparte, 
il  suffit  de  rappeler  les  noms  de  Champollion,  de  Mariette,  de 
Maspero.  Depuis  l'occupation  française,  des  fouilles  impor- 
tantes ont  eu  lieu  en  Algérie  et  en  Tunisie,  principalement 
sur  l'emplacement  de  Carthage.  Parmi  les  autres  régions 
où  ont  eu  lieu  des  fouilles  importantes,  signalons  en  Alle- 
magne les  alentours  du  limes  romanus,  en  Russie  les  ter- 
ritoires des  anciennes  colonies  grecques  le  long  de  la  mer 
Noire,  les  tourbières  du  Danemark  et  de  la  Norvège,  enfin 
en  Amérique  le  Mexique  et  le  Yucatan  explorés  par  Char- 
nay  (V.  Archéologie).  Ch.  Lécrivain. 

IL  Construction.  —  Excavation  pratiquée  dans  le  sol 
pour  la  construction  d'ouvrages  tels  que  routes,  canaux, 
fondations  d'édifices,  etc.  Suivant  la  nature  des  terres  et 
les  conditions  dans  lesquelles  l'opération  s'effectue,  les 
outils  et  les  procédés  varient  ;  de  là  plusieurs  sortes  de 
fouilles  que  nous  allons  passer  en  revue.  La  fouille  en 
excavation  ou  fouille  couverte  se  pratique  en  souterrain, 
dans  un  massif;  elle  exige  l'étayement  des  terres  au  fur  et 
à  mesure  qu'on  avance  ;  la  fouille  en  déblai  s'exécute  à 
ciel  ouvert.  Elle  a  lieu,  par  exemple,  quand  il  s'agit  d'établir 
des  .caves  dans  les  sous-sols  d'un  édifice.  Les  outils  em- 
ployés sont  :  pour  les  terres  ordinaires,  arables,  graviers, etc. , 
la  pioche,  dite  tournée,  et  la  pelle  en  fer  battu  ;  pour  les 
terres  arables  et  humides,  terre  végétale,  sable  fin,  tourbe, 
argile  et  quelquefois  marne,  la  pelle,  la  bêche  et  le  lou- 
chet  ;  pour  les  terres  dont  la  consistance  approche  de  celle 
du  roc,  la  pince,  le  pic  et  les  coins  que  l'on  enfonce  à  coups 
de  masse  dans  des  tranches  ou  saignées  pratiquées  à  l'aide 
du  pic  ;  pour  le  roc  dur,  la  pointerolle,  outil  en  fer  terminé 
d'un  côté  par  une  pointe  obtuse  et  de  l'autre  par  une  tête 
carrée  sur  laquelle  on  frappe  avec  une  massette  à  manche 
court;  pour  les  roches  excessivement  dures,  le  fleuret, 
tige  en  fer  rond  de  0m03  à  0m04  de  diamètre  et  de  0m50 
à  0m75  de  longueur  terminée  d'un  bout  par  une  tête  et  de 
l'autre  par  un  biseau  courbé  et  allongé.  La  fouille  en  ri- 
gole est  exécutée  pour  la  fondation  des  murs  ;  elle  est  tou- 
jours étroite  et,  quand  elle  est  profonde,  elle  nécessite 
l'emploi  d'étais.  On  procède  par  couches  de  0m30  à  0m40 
d'épaisseur  aussi  bien  pour  ce  genre  de  fouille  que  pour  les 
fouilles  en  déblai,  et  l'on  jette  la  terre  sur  le  côté,  c.-à-d. 
sur  la  berge.  Si  la  profondeur  de  la  fouille  dépasse  0m50, 
on  établit,  au  moyen  de  planches  montées  en  tréteaux, des 
banquettes,  sur  lesquelles  les  ouvriers  déposent  les  terres 
et  où  les  autres  les  reprennent  pour  les  jeter  sur  le  sol. 
Dans  les  fouilles  par  abatage,  on  attaque  la  masse  latéra- 
lement, en  creusant  en  dessous  et  on  la  détache  par  partie, 
en  faisant  tomber  les  portions  qui  ne  sont  plus  retenues 
que  par  la  cohésion  des  terres,  à  l'aide  de  coins.  Ces  terres, 
en  s'éboulant  dans  la  fouille,  s'ameublissent  au  point  de 
pouvoir  être,  pour  ainsi  dire,  chargées  directement  avec  la 
pelle.  On  peut,  de  cette  manière,  détacher  à  la  fois  des 
masses  de  20  à  30  m.  c.  On  appelle  encore  :  fouille  dans 
l'embarras  des  étais,  celle  dont  on  est  forcé  de  soutenir  les 
parois;  fouille  dans  l'eau,  celle  où  le  terrain  est  humide 
et  ébouleux;  fouille  sous  l'eau,  celle  où  l'on  rencontre  une 
nappe  d'eau  naturelle  ou  de  Peau  de  source  et  dans^laquelle 
il  faut  d'abord  épuiser  ou  dévoyer  le  liquide.  Si  l'on  veut 
exécuter  dans  l'eau  même  la  fouille  des  terres,  des  sables 


FOUILLE 


ou  des  graviers,  on  emploie  la  drague  à  main,  et,  lorsque 
les  fouilles  sont  considérables,  cet  outil  est  remplacé  avan- 
tageusement par  un  bateau  dragueur  (V.  Drague).  L.  K. 
M.  Législation.  —  L'art.  552  du  C.  civ.  établit,  en 
principe,  que  la  propriété  du  sol  emporte  celle  du  dessus 
et  du  dessous.  Il  ajoute  que  le  propriétaire  peut  faire  au- 
dessous  toutes  les  fouilles  qu'il  juge  à  propos  et  tirer  de 
ces  fouilles  tous  les  produits  qu'elles  sont  susceptibles  de 
fournir,  sauf,  toutefois,  les  modifications  résultant  des  lois 
et  règlements  relatifs  aux  mines,  et  des  lois  et  règlements 
de  police.  Ces  modifications,  édictées  en  vue  de  l'intérêt 
général,  sont  importantes  et  restreignent  beaucoup  la  règle 
posée  par  le  C.  civ.  C'est  ainsi  que  toute  personne,  munie 
d'une  autorisation  du  gouvernement,  peut,  dans  le  but  de 
faire  des  recherches  pour  découvrir  des  mines,  enfoncer 
des  sondes  ou  tarières  dans  un  terrain  qui  ne  lui  appartient 
pas,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'enclos  murés  (lois  des 
24  avr.  4810,  art.  40,  et  27  juil.  4880,  art.  44). D'autre 
part,  il  est  défendu  à  qui  que  ce  soit  de  pratiquer,  sans 
autorisation  préalable,  aucun  sondage,  aucun  travail  sou- 
terrain dans  le  périmètre  de  protection  d'une  source  miné- 
rale déclarée  d'utilité  publique.  En  ce  qui  concerne  les 
fouilles,  tranchées  ou  autre  travaux  à  ciel  ouvert,  le  dé- 
cret qui  fixe  le  périmètre  de  protection  peut  imposer  au 
propriétaire  l'obligation  de  faire  une  déclaration  au  préfet, 
au  moins  un  mois  à  l'avance  (loi  du.44juil.  4856,  art.  3). 
Enfin,  l'administration  tient  d'un  arrêt  du  conseil  en  date 
du  7  sept.  4755,  maintenu  en  vigueur  par  la  loi  des  49  et 
22  juil.  4794,  le  droit  de  pratiquer  des  fouilles  sur  les 
héritages  non  clos  des  propriétaires  voisins  des  routes  et 
chemins  publics,  pour  y  prendre  tous  les  matériaux  néces- 
saires à  la  confection  et  à  l'entretien  desdites  voies.  Elle 
peut  conférer  la  même  faculté  aux  entrepreneurs  de  tra- 
vaux publics  chargés  de  l'exécution  des  travaux.  Il  est  évi- 
dent que  toutes  ces  occupations  de  terrains,  ces  fouilles 
occasionnant  un  préjudice  aux  propriétaires,  ceux-ci  doi- 
vent être  indemnisés.  Les  indemnités  sont  réglées  à  l'amiable 
ou,  à  défaut,  par  le  conseil  de  préfecture.  C'est,  en  effet, 
devant  ce  conseil  que  sont  portées  toutes  les  contestations 
résultant  des  fouilles  et  prises  de  matériaux.  En  dehors  de 
ces  cas,  spécialement  visés  par  des  textes  et  que  nous  ne 
faisons  qu'énumérer,  renvoyant  pour  les  détails,  aux  mots 
Mine,  Travail  purlic,  le  gouvernement  a  toujours  le  droit 
d'empêcher  les  fouilles  dont  l'exécution  pourrait  présenter 
des  dangers  pour  ia  sûreté  publique.     Jules  Forestier. 

FOUILLÉE  (Àlfred-Jules-Emile),  philosophe  français, 
né  à  La  Pouèze  (Maine-et-Loire)  le  48  oct.  4838.  11  pro- 
fessa d'abord  aux  collèges  de  Louhans,  Dole  et  Auxerre, 
puis  au  lycée  de  Carcassonne.  En  4864,  il  fut  reçu  le 
premier  à  l'agrégation  de  philosophie  récemment  rétablie. 
Professeur  de  philosophie  aux  lycées  de  Douai,  Montpel- 
lier, Bordeaux,  puis  à  la  faculté  des  lettres  de  Bordeaux, 
il  fut  deux  années  de  suite  (4867  et  4868)  couronné  par 
l'Académie  des  sciences  morales  dans  les  concours  sur 
Platon  et  sur  Socrate.  Cette  Académie  l'élut  en  4872  cor- 
respondant pour  la  section  de  philosophie  sans  qu'il  eût 
fait  acte  de  candidature.  La  même  année,  il  fut  nommé 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale,  et  reçu  docteur 
avec  ces  deux  thèses  dont  la  soutenance  eut  du  retentisse- 
ment :  Platonis  Hippias  minor,  sive  Socratica  contra 
liberum  arbitrium  argumenta  (in-8),  et  la  Liberté  et  le 
Déterminisme  (4872,  in-8;  2e  éd.,  4883).  Après  trois  an- 
nées d'un  brillant  enseignement  à  l'Ecole  normale,  sa  santé 
ébranlée  par  l'excès  de  travail,  sa  vue  menacée  l'obligèrent 
à  une  retraite  prématurée  (4875).  Retraite  laborieuse,  s'il 
en  fut;  M.  Fouillée  avait  publié  jusque-là,  outre  ses  thèses  : 
la  Philosophie  de  Platon  (Paris,  4869,  2  vol.  in-8;  2e 
édit.,  4888);  la  Philosophie  de  Socrate  (Paris,  4874, 
2  vol.  in-8);  Histoire  de  la  Philosophie  (4875,  in-8; 
6e  édit.,  4892).  Il  a  donné  depuis,  sans  interruption  : 
Vidée  moderne  du  droit  en  Allemagne,  en  Angleterre 
et  en  France  (Paris,  4878,  in-48;  2  édit.  4883);  la  Science 
sociale  contemporaine (4880,  in-I8;  2e  édit.,  4885)  ;  la 


Propriété  sociale  et  la  Démocratie  (4884,  in-48)  ;  Cri- 
tique des  systèmes  de  morale  contemporains  (1883,  in-8; 
2e  édit.  4887);  la  Morale,  F  Art  et  la  Religion  d'après 
Guy  au  (4889,  in-8);  l'Avenir  de  la  métaphysique 
fondée  sur  l'expérience  (4889,  in-8)  ;  V Evolutionnisme 
des  idées- for  ces  (4890,  in-8)  ;  l'Enseignement  au  point 
de  vue  national  (4894,  in-48)  ;  la  Psychologie  des  idées- 
forces  (2  vol.)  doit  paraître  prochainement  et  être  suivie 
de  la  Morale  des  idées-forces.  M.  Fouillée  est  un  des 
collaborateurs  habituels  de  la  Revue  des  Deux  Mondes  et 
de  la  Revue  philosophique. 

La  méthode  de  M.  Fouillée  est  la  «  méthode  de  conci- 
liation »;  sa  doctrine,  la  «  théorie  des  idées-forces  ».  La 
méthode  de  conciliation  diffère  de  l'éclectisme  en  ce  qu'elle 
est  spéculative,  non  historique.  Elle  ne  part  pas  de  ce 
principe,  que  tout  a  été  dit  et  qu'il  ne  reste  qu'à  choisir  ; 
elle  cherche  des  idées  nouvelles  qui  fournissent  la  synthèse, 
ou  permettent  au  moins  le  rapprochement  des  systèmes 
adverses,  préalablement  rectifiés,  ramenés  à  leur  forme 
typique.  Le  principal  besoin  de  notre  temps  étant  la  con- 
ciliation du  naturalisme,  auquel  semble  aboutir  la  science, 
et  de  l'idéalisme,  que  réclame  la  morale,  M.  Fouillée  s'est 
proposé  surtout  de  travailler  à  cette  conciliation.  De  là  son 
«  evolutionnisme  des  idées-forces  »,  en  opposition  à  l'évo- 
lutionnisme  exclusivement  mécaniste  de  Herbert  Spencer. 
Tout  en  admettant  la  loi  de  transformation  graduelle  des 
êtres,  il  restitue  aux  idées  l'action  efficace  dont  le  natu- 
ralisme brut  les  dépouille.  Par  idées,  M.  Fouillée  entend, 
comme  Spinoza,  tous  les  états  mentaux  conscients  d'eux- 
mêmes  et  de  leur  objet.  Quant  à  la  force  des  idées,  il  l'en- 
tend  en  un  triple  sens.  Au  point  de  vue  psychologique, 
c'est  l'élément  actif  et  «  appétitif  »  que  tout  état  de  con- 
science renferme,  outre  son  élément  représentatif,  et  qui 
fait  qu'il  tend  à  réaliser  son  objet.  Au  point  de  vue  phy- 
siologique, la  force  des  idées  consiste,  non  dans  une  action 
qu'elles  exerceraient  mécaniquement,  mais  dans  la  loi  qui 
unit  tout  état  de  conscience  à  un  mouvement  conforme, 
lequel,  s'il  n'est  pas  empêché,  réalise  l'idée  au  dehors. 
Enfin,  au  point  de  vue  de  la  philosophie  générale,  la  force 
des  idées  consiste  en  ce  que  le  mental,  au  lieu  d'être  un 
simple  reflet  accessoire  de  l'évolution  universelle,  en  est 
un  des  facteurs  primordiaux  :  c'est  même  le  seul  facteur 
ou  ressort  véritable,  dont  le  mécanisme  n'est  que  le  sym- 
bole, car  le  mécanisme  exprime  les  rapports  réciproques  et 
les  lois  de  réalités  qui  en  elles-mêmes  sont  mentales, 
c.-à-d.  douées  de  sensation  et  d'appétition.  Sous  ces  trois 
rapports,  M.  Fouillée  oppose  ses  idées-forces  aux  «  idées- 
reflets  »  de  Spencer  et  de  Huxley.  Développant  cette 
théorie  sous  tous  ses  aspects,  il  en  a  fait  le  centre  d'une 
construction  qui  embrasse  la  psychologie,  la  morale,  la 
sociologie  et  même  la  cosmologie. 

La  synthèse  entre  le  déterminisme  et  l'indéterminisme, 
opérée  "au  moyen  de  Vidée  de  liberté,  fut.  la  première  et 
la  plus  originale  application  de  cette  doctrine.  Détermi- 
nistes et  indéterministes  ont  également  l'idée  de  la  liberté, 
c.-à-d.  du  «  maximum  d'indépendance  possible  pour  le 
moi  intelligent  et  aimant  ».  Or,  ainsi  définie,  la  liberté 
n'est  plus  irréalisable.  L'idée  de  puissance  indépendante 
arrive,  en  se  concevant,  à  se  réaliser  elle-même  par  une 
«  approximation  progressive  »  et  à  produire  dans  la  pra- 
tique une  liberté  relative.  Les  analyses  psychologiques  par 
lesquelles  M.  Fouillée  l'établit  ont  une  valeur  durable.  En 
montrant  l'influence  exercée  par  l'idée  même  de  liberté,  il 
a  «  rectifié  »  à  la  fois  le  déterminisme  et  l'indéterminisme 
et  comblé  une  lacune.  Comme  l'idée  de  liberté,  les  idées 
morales  de  bien,  de  responsabilité,  de  désintéressement, 
d'amour  universel,  de  société  universelle  des  consciences, 
deviennent  progressivement  réalisables  par  la  tendance 
même  à  se  réaliser  qu'elles  enveloppent.  «  Concevoir  et 
désirer  l'idéal,  c'est  en  commencer  la  réalisation.  » 

D'autre  part,  cette  réalisation  de  l'idéal  n'est  plus  en 
opposition  avec  les  lois  et  l'essence  même  de  la  nature. 
Le  mécanisme  n'est,  en  effet,  qu'une  manière  de  nous 


889  — 


FOUILLÉE  —  FOUILLOUX 


représenter  les  rapports  des  choses  dans  l'espace  et  dans 
le  temps.  À  ce  qui  nous  apparaît  comme  mouvement  et 
figure,  correspond,  dans  le  fond  même  des  réalités, 
quelque  chose  d'analogue  à  notre  vie  sensitive  et  appé- 
titive  :  c'est  le  mental,  non  le  physique,  qui  est  le  fond  de 
tout  ;  aux  états  mentaux  appartient  partout,  avec  la  véri- 
table réalité,  la  véritable  force.  Dès  lors,  le  monde  entier 
est  «  une  vaste  société  en  voie  de  formation  »,  où  les 
consciences  peuvent  de  plus  en  plus  se  dégager,  se  con- 
naître et  s'unir  entre  elles.  L'évolutionnisme  à  facteurs 
purement  mécaniques  emprisonne  dans  des  limites  fixes 
l'action  du  moral,  si  même  il  ne  la  nie  :  il  ferme  donc  la 
porte  à  l'espoir  d'un  progrès  moral  dans  le  monde.  Au 
contraire,  la  doctrine  des  idées-forces  nous  montre  la  puis- 
sance pratique  de  l'idéal,  donc  la  possibilité  d'un  progrès 
peut-être  indéfini.  C'est  pourquoi  son  auteur  l'appelle  une 
«  philosophie  de  l'espérance  ». 

La  mère  du  philosophe  et  poète  Guy  au  (V.  ce  nom) 
a  épousé  en  secondes  noces  M.  Fouillée.  Elle  a  publié  sous 
le  pseudonyme  de  G.  Bruno  de  remarquables  ouvrages 
d'éducation,  dont  les  plus  populaires  sont  :  Francinet, 
couronné  par  l'Académie  française  ;  le  Tour  de  la  France 
par  deux  enfants,  le  plus  lu  et  le  plus  aimé  des  livres 
de  lecture  en  usage  dans  les  écoles  primaires,  enfin  les 
Enfants  de  Marcel,  Tous  trois,  le  second  surtout,  sont 
constamment  réédités.  H.  M. 

FOUILLETOURTE  (Sieurs  de)  (V.  Bouthillier) . 

FOU1LLEUSE  (Agric).  Les  fouilleuses  (fig.  1)  sont 
des  sortes  de  charrues  qui  ont  pour  but  d'ameublir  profon- 
dément la  terre  sans  la  retourner.  Elles  se  composent  essen- 


^'•eft-. 


Fig.   1.  —  Fouilleuse  simple. 

tiellement  de  socs  sans  versoirs  assujettis  sur  un  bâti  très 
solide  fixé  sur  l'âge.  La  forme  du  soc  est  variable,  mais 
le  plus  souvent  c'est  celle  d'un  fer  de  lance;  la  plupart  du 
temps  le  coutre  est  supprimé,  surtout  lorsque  la  fouilleuse 
doit  suivre  la  charrue  ordinaire.  L'emploi  des  fouilleuses 
donne  d'excellents  résultats  dans  les  cultures  intensives, 
par  ce  fait  qu'elles  ameublissent  et  aèrent  le  sous-sol 


Fig.  2.  _  Fouilleurs  adaptés  au  brabant  double. 

tout  en  évitant  de  le  ramener  à  la  surface,  ce  qui  pré- 
sente parfois  des  inconvénients  sérieux.  Quelques  fouil- 
leuses sont  montées  en  brabant  ;  telle  est  par  exemple  la 
disposition  du  brabant-fouilleur  (fig.  2)  qui  permet  de  trans- 
former n'importe  quel  brabant  ordinaire  en  brabant-fouil- 
leur. Le  corps  du  brabant  renversant  la  bande  de  terre  à 


gauche  est  remplacé  par  trois  fouilleurs,  a,  a,  a,  de  sorte 
que  la  raie  étant  ouverte  par  le  corps  de  droite,  on  passe 
dans  cette  raie  avec  trois  fouilleurs  qui  remuent  complète- 
ment le  fond  de  la  raie  à  10  ou  12  centim.  de  profondeur. 
D'autres  systèmes  de  fouilleurs  se  rapprochent  des  scarifi- 
cateurs comme  construction  générale  ;  tel  est  le  type  repré- 
senté fig.  3,  qui  a  les  dents  droites  maintenues  au  bâti  par 
des  chapes  qui  permettent  de  les  faire  varier  horizontale- 
ment et  perpendiculairement  ;  ces  traverses  sont  en  forme 


Fig.  3.  —  Fouilleuse-scarificateur. 

de  V,  de  manière  que  les  dents  disposées  sur  leur  surface  ne 
se  trouvent  pas  en  ligne  droite,  ce  qui  évite  le  bourrage. 
Deux  leviers  placés  à  l'arrière  assurent  un  travail  régulier, 
même  dans  les  terrains  les  plus  accidentés.  Le  but  que  doit 
atteindre  cet  instrument  est  de  fouiller  les  labours  dans 
tous  les  sens  sans  remonter  à  la  surface  les  fumiers  ou 
autres  engrais  enfouis  par  ces  labours  ;  il  est  surtout 
employé  pour  la  culture  de  la  betterave  à  sucre  et  des 
racines  fourragères.  A.  Larbàlétrier. 

FOUILLEUSE.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  etcant.  de 
Glermont;  70  hab. 

FOU  I LLEUS  E  (Maison  de  la)  (V.  Maison  de  correction). 

FOUILLIS  (Impr.  sur  étoffe).  Les  dessins  que  l'on  grave 
pour  l'impression  sur  étoffes  se  répètent,  et  la  distance 
d'un  motif  à  l'autre  forme  le  rapport  ou  cadrage.  Dans 
certains  cas,  on  cherche,  par  exemple,  à  imiter  les  marbres 
et  on  reproduit  des  stries,  des  veines,  des  formes  indéter- 
minées et  sans  rapport  ;  ce  mode  constitue  le  jaspé.  Quand 
le  dessin  est  informe  et  ne  se  reproduit  pas,  on  le  nomme 
fouilb's.  Pour  l'obtenir,  on  laisse  courir  au  hasard  une  ou 
plusieurs  molettes,  tantôt  dans  le  sens  de  la  circonférence, 
tantôt  dans  celui  de  la  longueur  du  rouleau.  On  obtient 
encore  le  fouillis  en  recouvrant  le  rouleau  de  taches  de 
laque  et  en  rongeant  à  l'acide.  L.  K. 

FOUILLOUS'E.  Corn,  du  dép.  des  Hautes- Alpes,  arr. 
de  Gap,  cant.  de  Tallard;  181  hab. 

FOUILLOUSE  (La)  (Falhosa,  Fouillousa,  la  Fallèse). 
Coin,  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Saint-Etienne,  cant.  de 
Saint-Héand,  située  sur  les  bords  du  Furan,  dans  une  ré- 
gion boisée  ;  2,213  hab.  Elle  possédait  au  xne  siècle  une 
église  appartenant  au  monastère  de  File-Barbe.  Siège  d'une 
châtellenie  comprenant  les  paroisses  de  La  Fouillouse  et  de 
Saint-Just-sur-Loire.  Les  comtes  de  Forez  y  avaient  un 
château,  aujourd'hui  détruit.  M.  D. 

FOUILLOUX  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Infé- 
rieure, arr.  de  Jonzac,  cant.  de  Montguyon;  1,154 hab. 

FOUILLOUX  (Jacques  du),  écrivain  cynégétique  français; 
né  au  château  de  Bouille,  dépendant  de  la  seigneurie  de 
Benêt,  en  Bas-Poitou,  le  31  mars  1521,  mort  le  5  août 
1580.  Il  n'est  connu  que  par  un  seul  livre,  la  Vénerie, 
dont  la  première  édition  parut  en  1561  ;  mais  le  succès  de 
ce  livre  fut  très  grand  ;  il  eut  plusieurs  éditions  du  vivant 
même  de  l'auteur  et  fut  traduit  en  allemand  et  en  italien. 
Cet  ouvrage  est  encore  aujourd'hui  le  bréviaire  des  veneurs, 
bien  que  l'auteur  n'ait  point  fait  preuve,  en  l'écrivant,  d'une 
grande  originalité  et  se  soit  contenté  souvent  de  copier  ses 
devanciers,  surtout  Gaston  Phcebus,  comte  de  Foix.  Du 
Fouilloux  ne  fut  d'ailleurs  écrivain  que  par  occasion  :  il 
était,  avant  tout,  grand  chasseur  et  joyeux  compagnon  «  fort 
peu  soucieux,  comme  le  dit  un  de  ses  biographes,  de  trans- 
gresser les  sixième  et  neuvième  commandements  de  Dieu  », 


FOUILLOUX  —  FOULAH 


—  890  - 


Ses  bons  tours  et  ses  galantes  aventures,  embellis  par  la 
légende,  ont  certainement  contribué  tout  autant  que  son 
livre  à  la  popularité  dont  il  a  joui  auprès  des  veneurs.  Fort 
longtemps  il  est  resté  dans  sa  province,  le  Poitou,  comme 
le  type  du  gentilhomme  bon  vivant  :  sa  renommée  s'enri- 
chit d'une  foule  de  légendes  rabelaisiennes  qui  ne  méritent 
guère  la  peine  qu'on  les  réfute.  Si  l'on  ne  tient  pas  compte 
de  ces  récits  légendaires,  ce  qu'on  sait  de  sa  vie  se  réduit 
à  fort  peu  de  chose.  Ayant  perdu  sa  mère  au  moment  même 
de  sa  naissance,  Jacques  du  Fouilloux  fut  à  peu  près  aban- 
donné par  son  père,  Antoine  du  Fouilloux,  qui,  quelques 
années  après,  épousa  en  secondes  noces  Marie  de  Vinchèze. 
L'enfant  fut  recueilli  par  son  oncle,  René  de  La  Rochefou- 
cauld, qui  l'emmena  dans  son  château  de  Liniers,  non  loin 
de  Thouars  (Deux-Sèvres),  à  proximité  de  la  petite  forêt 
du  Parc-Challon.  À  vingt  ans,  du  Fouilloux  s'échappa  un 
beau  matin  de  la  tutelle  de  son  oncle, 

N'oubliant  rien,  sinon  à  dire  à  Dieu, 

comme  il  le  déclare  lui-même,  et  se  réfugia  au  Fouilloux, 
près  de  Parthenay  (Deux-Sèvres).  C'est  là,  dans  sa  chère 
Gâtine,  dont  Parthenay  était  la  capitale,  qu'il  vécut  dé- 
sormais, partageant  son  temps  entre  la  chasse  et  les  aven- 
tures galantes,  bien  qu'il  eût  épousé,  en  4554,  Jeanne 
Berthelot,  fille  d'un  juge  et  magistrat  de  Poitiers.  —  La 
première  édition  de  la  Vénerie,  parue  en  4561,  est  de 
Poitiers  (Marnefz  et  Bouchez).  C'est  un  in-fol.  avec  figures 
sur  bois,  qui  contient,  à  la  suite  de  l'ouvrage  sur  la  chasse, 
un  petit  poème  intitulé  V Adolescence  de  Vautheur,  On 
trouve  des  éditions  de  Poitiers  (4562,  4566  ?  4568)  ;  de 
Paris (4573, 4585, 4604,  4604,4605,4606,4607,  4613, 
4614,  1618,  4624,  4624,  4628,  4634,  4635,  4640); 
d'autres  éditions  de  4650  et  4754.11  en  existe  des  traduc- 
tions allemandes  de  4582,  4590,  4726,  et  une  traduction 
italienne  de  4645.  C'est,  on  le  voit,  un  des  livres  le  plus 
souvent  réimprimés.  Dans  notre  siècle,  il  faut  encore  signa- 
ler l'édition  d'Angers  (4844),  accompagnée  de  quelques 
notes  biographiques  et  d'une  notice  bibliographique,  et 
celle  de  Niort  (1864),  qui  contient  une  bonne  notice  bio- 
graphique de  du  Fouilloux  par  M.  Pressac.  L'éditeur  de 
Niort,  M.  Favre,  a  réimprimé  cette  dernière  édition  en 
4888.  Henry  Martin. 

Bibl.  :  La  Vénerie  de  Jacques  du  Fouilloux  ;  Niort, 
1864.  —  R.  Souhart,  Bibliographie  générale  des  ouvrages 
sur  la  chasse,  1886.  —  H.  Filleau,  Dictionnaire  hist.  et 
généalog.  des  familles  de  l'ancien  Poitou.  —  Archives  du 
Poitou,  passim. 

FOUILLOY.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beauvais, 
cant.  deFormerie;  263  hab. 

FOUILLOY.  Corn,  du  dép.  delà  Somme, arr.  à1  Amiens, 
cant.  de  Corbie;  4,445  hab. 

FOUJU.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Melun,  cant.  de  Mormant;  246  hab. 

FOUKA.  Corn.  d'Algérie,  dép.  d'Alger,  à  38  kil.  O. 
d'Alger  et  à  1  kil.  du  bord  de  la  mer,  sur  un  monticule, 
un  des  premiers  villages  créés  en  Algérie;  884  hab.  On  y 
installa  en  1841  des  militaires  libérés,  chargés  delà  défense 
de  l'enceinte  continue  qui  enveloppait  la  Mitidja;  plus  tard, 
sur  le  bord  même  de  la  mer,  on  établit  une  colonie  de 
pêcheurs  et  un  entrepôt  commercial  qui  ne  réussit  point. 
Après  de  grandes  difficultés,  le  village  est  devenu  prospère 
par  la  culture  de  la  vigne,  et  quelques  pêcheurs  vivent  de 
leur  industrie,  sur  le  bord  de  la  mer,  au  quartier  de Fouka- 
Marine.  On  a  trouvé  à  Fouka  des  vestiges  d'un  établisse- 
ment assez  important  à  l'époque  romaine,  mais  on  n'en  peut 
préciser  le  nom  :  Casœ  Calventi  ou  Via.  E.  Cat. 

FOU  KH  A  LA.  Oasis  d'Algérie,  au  S.  de  la  province  de 
Constantine,  dans  la  région  des  Ziban,  à  46  kil.  0.  de  Biskra. 
Elles  dépérissait  rapidement  quand  elle  fut  achetée  en  par- 
tie par  MM.  Fau  etFoureau  ;  ils  y  creusèrent  de  nombreux 
puits  à  une  faible  profondeur  et  l'oasis  actuellement  est  une 
des  plus  belles  de  la  région  et  donne  des  dattes  estimées. 

FOU-KIEN.  Province  du  S.-E.  de  la  Chine,  séparée  par 
le  détroit  de  Fou-kien  de  l'île  de  Formose  (V.  ce  mot), 


qui  lui  fut  administrativement  rattachée  jusqu'en  1885. 
La  superficie  est  de  118,517  kil.  q.,  la  population  de 
25,790,556  hab.  Formose  est  devenue  une  province  spé- 
ciale après  la  cessation  des  hostilités  entre  la  France  et  la 
Chine  relativement  au  ïonkin.  La  province  est  riche.  Les 
deux  grands  ports  de  Fou-tchéou  (c'est  la  capitale)  et 
d'Amoy  ont  un  mouvement  commercial  considérable.  La 
plus  grande  partie  des  émigrants  chinois  qui  passent  en 
Amérique  proviennent  du  Fou-kien .  Les  districts  à  thé  de 
la  province,  situés  sur  les  côtes  des  monts  Ou-i,  sont 
célèbres  et  exportent  leurs  produits  surtout  en  Angleterre. 
Le  pays  est  montagneux  et  est  arrosé  par  un  grand  nombre 
de  rivières  dont  la  principale  est  le  Si-ho.  —  Les  villes  prin- 
cipales sont  Fou-tchéou  (636,000  hab.),  Amoy  (96,000), 
Tchan-tchéou  (1,000,000),  Lein-kon  (250,000),  Yon- 
pin  (200,000). 

FOUKOU-I  (Japon)  (V.  Etzï-zen)  . 

FOU-KOU-SI-M  A.  Ville  du  Japon,  dans  la  partie  orientale 
de  Hondo,  ch.-l.  d'un  ken,  dans  la  prov.  Ivaçjro  (Osiu) 
(district  Sinobou),  dans  le  To-san-do,  au  S.  de  Sendaï  ; 
5,813  hab.  Plantations  de  mûriers. 

F0  U  L.  Petite  île  de  l'archipel  des  Shetland  (V.  ce  mot) , 
à  25  kil.  0.  de  Mainland.  C'est  un  formidable  rocher  de 
400  m.  de  haut,  long  de  3  kil.,  large  de  2  kil.,  avec  de 
bons  pâturages.  On  y  compte  environ  250  habitants. 
Quand  la  mer  est  mauvaise,  l'île  est  à  peu  près  inabordable. 

FOULA-DOUGOU  {Pays  des  Foulah).  Bégion  du  Haut- 
Sénégal  (Soudan  occidental),  comprise  entre  le  Bagniaka- 
Dougou  au  S.,  le  Kaarta  au  N.,  le  Gangaran  à  PO.  et  le 
Belé-Dougou  à  l'E.  Le  Foula-Dougou,  habité  par  une  popu- 
lation de  Foulbé  et  de  Malinkés,  a  été  longtemps  tributaire 
du  Bambara.  Il  a  fait  partie  de  l'empire  de  Ségou,  fondé 
par  les  Foulbé.  Il  est  soumis  aujourd'hui  à  l'influence  fran- 
çaise. L'ancienne  capitale,  Bangassi,  n'est  plus  qu'une  ruine. 

FOULAGE  (Techn.).  Les  fibres  de  la  laine,  ainsi  que 
quelques  autres  poils  d'animaux,  ont  la  propriété,  sous 
l'action  de  pressions  ou  de  frottements  qu'on  leur  fait  su- 
bir, de  s'enchevêtrer  et  de  se  lier  entre  eux  à  tel  point 
qu'ils  forment  alors  des  masses  compactes  et  qu'il  n'est  plus 
possible  de  les  séparer  sans  les  rompre.  Cette  propriété  est 
utilisée  dans  la  fabrication  des  feutres  (V.  ce  mot)  et 
aussi  dans  celle  des  draps  et  autres  tissus  foulés.  Ces 
étoffes  soumises  au  feutrage  se  rétrécissent  et  se  raccour- 
cissent, et  en  même  temps  augmentent  d'épaisseur  et  de 
force,  et  prennent  un  aspect  et  un  toucher  particulier. 
Primitivement  le  foulage  se  faisait  en  piétinant  sur  l'étoffe 
chiffonnée  dans  un  réservoir  formant  cuvette  et  rempli 
d'eau  savonneuse  ou  additionnée  d'une  certaine  argile  dite 
terre  à  foulon  ;  plus  tard  on  fit  agir,  d'une  manière  ana- 
logue, des  pilons  ou  des  maillets  cannelés  à  leur  partie 
inférieure.  Actuellement  on  fait  usage  de  machines  repo- 
sant sur  le  même  principe,  ou  bien  on  effectue  le  foulage 
en  faisant  passer  la  pièce,  rassemblée  en  une  sorte  de 
boudin  par  un  anneau,  entre  des  cylindres  fortement  pres- 
sés les  uns  contre  les  autres  qui  la  compriment  énergique- 
ment,  puis  dans  un  conduit  dont  elle  ne  peut  s'échapper 
qu'en  refoulant  une  sorte  de  sabot  qui  oppose  à  sa  marche 
une  forte  résistance  ;  ces  pressions  données  ainsi  trans- 
versalement et  longitudinalement  déterminent  le  foulage, 
qui  s'évalue  par  le  retrait  qu'éprouve  la  pièce  et  qui  peut 
atteindre  jusqu'à  30  °/0  dans  les  deux  sens.     P.  Goguel. 

FOULAH  (Territoire).  Le  territoire  foulah,  c.-à-d.  la 
région  de  l'Afrique  au  N.  de  l'Equateur  dans  laquelle  s'est 
répandue  la  race  des  Foulbé  ou  Pheuls,  comprend,  de  l'At- 
lantique aux  limites  du  Darfor  et  du  Sahara  aux  monts  de 
Kong,  un  vaste  quadrilatère  d'une  longueur  moyenne  de 
28°  et  d'une  largeur  moyenne  de  7°,  représentant  une 
surface  de  plus  de  700,000  milles  géographiques,  environ 
le  quart  de  l'Europe.  On  peut  y  distinguer  quatre  grands 
foyers  principaux  de  puissance  et  de  rayonnement  :  1°  le 
bassin  inférieur  du  Sénégal  (Fouta-Toro);  2°  le  bassin  su- 
périeur du  même  fleuve  (Foula-Dougou  et  Fouta-Djallon); 
3°  le  bassin  moyen  du  Niger  (Macina)  ;  4°  du  Niger  au  Tchad 


—  891  — 


FOULAH  —  FOULD 


(Hâoussa) .  C'est  là,  dans  cette  dernière  région  que  s'est  élevé, 
au  début  du  xixe  siècle,  l'important  empire  de  Sokoto,  dé- 
membré aujourd'hui  en  deux  royaumes,  Voûrno  et  Gando. 

FOULAIN.^  Corn,  du  dép.  de  la  Haule-Marne,  arr.  de 
Chaumont,  cant.  de  Nogent  ;  471  hab. 

FOU  LANGUES.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Senlis, 
cant.  de  Neuilly-en-Thelle  ;  122  hab.  Eglise  de  l'époque 
de  transition  (xne  et  xme  siècles),  avec  clocher  central 
octogone,  exemple  presque  unique  dans  le  Beauvaisis. 

FOULARD.  I.  Technologie  (V.  Apprêts, §  Encollage). 

IL  Tissage.  —  Etoffe  de  soie  unie  ou  imprimée  en  diverses 
nuances  dont  on  fait  des  mouchoirs,  des  robes,  des  cra- 
vates, etc.  Les  foulards  les  plus  estimés  nous  viennent  de 
l'Inde,  et  nos  fabriques  de  soieries  de  Lyon  en  produisent 
une  assez  grande  quantité  (V.  Soierie). 

FOULAYRONNES.  Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne, 
arr.  et  cant.  (1er)  d'Agen;  4,045  hab. 

FOULBÉ  ou  PHEULS.  Peuple  important  de  l'Afrique 
dans  la  région  sénégambienne  et  soudanienne.  Il  est  dé- 
signé sous  les  noms  les  plus  divers  :  Foulahs,  Fellatahs, 
Fellans,  Fellanies,  etc.  La  forme  fondamentale  du  nom  est 
Poul,  qui  signifie,  dans  la  langue  de  ce  peuple,  «  brun 
clair,  rouge  »,  pluriel  Poulbé  ou  Foulbé.  On  dit  un 
Poullo,  des  Foulbé;  c'est  le  nom  sous  lequel  ce  peuple  se 
connaît  lui-même.  Son  origine  est  inconnue;  il  ne  paraît 
pas  être  autochtone  en  Afrique.  IL  y  est  peut-être  venu  an- 
ciennement de  l'Orient,  amenant  avec  lui  le  bœuf  à  bosse 
(zébu)  le  même  que  celui  de  la  Haute-Egypte,  de  la  côte 
orientale  de  l'Afrique  et  de  l'Inde.  Dès  le  vie  siècle  avant 
notre  ère,  les  Foulbé  sont  disséminés  dans  la  région  inter- 
médiaire entre  le  groupe  montagneux  de  l'Afrique  du  Nord 
et  le  Soudan,  dans  les  oasis  au  S.  du  Maroc  et  dans  le 
Touât.  Ce  sont  peut-être  les  Leuco  OEthiopes  de  Ptolémée. 
Au  ine  siècle  de  notre  ère,  ils  font  un  pas  dans  la  direc- 
tion du  Niger,  puis  vivent  dans  le  Soudan  à  l'état  de  tribus 
pastorales,  tributaires  des  chefs  indigènes  maîtres  du  sol. 
Actuellement,  l'aire  d'expansion  des  Foulbé  va  de  l'Atlan- 
tique aux  limites  du  Darfor,  de  la  lisière  du  Sahara  au  pays 
de  Kong.  On  les  trouve,  avec  une  densité  variable,  dans  les 
trois  grandes  régions  du  Soudan  occidental,  de  la  Guinée 
septentrionale  et  du  Soudan  central.  Dans  la  région  séné- 
gambienne, le  Fouta-Djallon  et  dans  la  région  souda- 
nienne, le  royaume  de  Gando  et  Sokoto  sont  les  deux  prin- 
cipaux foyersde  leur  influence,  On  les  trouve  en  propor- 
tions notables  dans  le  Noupé,  le  Borgou,  FYorouba,  le 
Kororofa,  l'Adamaoua  ;  plus  rares  dans  le  bassin  inférieur 
du  Niger  à  mesure  qu'on  approche  de  la  mer.  Ils  forment 
un  important  élément  ethnographique  dans  le  Bornou  ;  ils 
ont  immigré  jusque  dans  le  Bagirmi  et  le  Ouadaï  et  sont 
très  répandus  au  Darfor  où  ils  exploitent  les  mines  et  pas- 
sent pour  sorciers  et  nécromanciens.  Les  Foulbé  ayant 
subi  un  double  croisement,  avec  les  nègres  et  avec  les 
blancs,  il  est  difficile  de  retrouver  le  type  pheul  dans  toute 
sa  pureté.  Le  général  Faidherbe  en  résume  ainsi  les  prin- 
cipaux traits  :  «  Leurs  cheveux  sont  aujourd'hui  un  peu 
plus  que  bouclés,  et  se  rapprochent  des  cheveux  crêpés, 
mais  ils  ne  sont  certainement  pas  laineux  comme  ceux  des 
nègres.  La  couleur  de  leur  peau  est  brun  clair  ou  plutôt 
rougeâtre  ;  leur  face  est  orthognate,  leur  nez  petit,  mais 
cartilagineux  et  de  forme  aquiline.  Leur  visage  est  agréable 
au  point  de  vue  européen.  Comme  intelligence  et  comme 
caractère,  ils  sont  supérieurs  aux  nègres.  »  Le  trait  domi- 
nant des  Foulbé,  dans  leur  développement  social,  c'est  tout 
d'abord  leur  caractère  de  peuple  pasteur  et  un  penchant  à 
l'islamisme  qui  est  allé  souvent  jusqu'au  fanatisme.  Ce 
double  caractère  les  a  fait  souvent  assimiler  aux  Arabes,  et 
cette  ressemblance  a  singulièrement  facilité  leur  expansion. 
Dans  toute  la  région  sénégambienne  et  soudanienne,  le 
gros  bétail  est  aux  mains  des  Foulbé.  Pour  eux,  l'élève  du 
gros  bétail  n'a  pas  été  une  occupation  accessoire  ;  elle  est 
devenue  en  quelque  sorte  le  principe  de  leur  vie  nationale. 
C'est  grâce  à  leurs  troupeaux  qu'ils  ont  pu  vivre  au  sein 


de  l'Afrique,  errants  et  isolés,  se  gardant  du  mélange  des 
populations  noires. 

C'est  au  xme  et  au  xive  siècle  que  paraît  avoir  com- 
mencé la  conversion  des  Foulbé  à  l'islamisme;  ils  l'ont 
embrassé  avec  fanatisme  et  ont  fait  de  cette  religion  d'em- 
prunt une  religion  nationale.  Leur  fanatisme  a  été  le  mo- 
teur de  leurs  conquêtes,  dont  on  peut  présenter,  d'après  le 
général  Faidherbe,  le  tableau  d'ensemble  suivant  :  1°  au 
début  du  xvme  siècle,  fondation  de  l'Etat  théocratique  du 
Fouta  sénégalais  ;  2°  au  xvme  siècle,  fondation  de  l'Etat 
du  Fouta-Djallon  ;  3°  à  la  fin  du  xvme  siècle,  fondation  du 
Bondou  musulman  ;  4°  vers  4802,  Othman,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Daufodio,  et  son  fils  Bello,  fondent  un 
vaste  empire  pheul  entre  le  Niger  et  le  Tchad  (royaumes 
de  Sokoto  et  de  Gando;  80,000  kil.  q.);  5°  au  commence- 
ment du  xixe  siècle,  fondation  d'un  Etat  pheul  le  long  du 
Niger,  entre  Tombouctou  et  Ségou;  6°  de  1857  à  1894, 
El  Hadji  Omar,  repoussé  par  Faidherbe  du  Sénégal,  soumet 
les  puissants  Etats  du  Kaarta  et  du  Ségou  ;  7°  fondation 
récente  d'un  nouvel  Etat  pheul  dans  le  Djolof  et  le  Cayor. 

FOULBEC.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Pont- 
Audemer,  cant.  de  Beuzeville  ;.  469  hab. 

FOULD  (Benedict),  homme  politique  français,  né  à  Paris 
le  21  nov.  1792,  mort  à  Paris  le  28  juil.  1858.  Fils  du 
fondateur  de  la  banque  Fould-Oppenheim  et  Cie,  directeur 
de  cette  importante  maison,  il  fut  nommé  en  1827  juge  au 
tribunal  de  commerce.  Après  avoir  échoué  aux  élections 
législatives  à  Saint-Quentin  le  14  févr.  1833,  il  fut  élu 
député  de  cette  circonscription  le  14  mai  1834,  et  à  la 
Chambre  s'occupa  beaucoup  des  questions  de  douanes  et  de 
finances.  Réélu  le  4  nov.  1837  et  le  2  mars  1839,  il 
échoua  successivement  en  1842  et  1846. 

FOULD  (Achille),  homme  d'Etat  français,  né  à  Paris  le 
17  nov.  1800,  mort  à  Tarbes  le  5  oct.  1867.  Né  d'une 
famille  israélite  enrichie  dans  la  finance,  il  étudia  les 
beaux-arts  dans  sa  jeunesse,  dirigea  ensuite  à  Paris  avec 
son  frère  Benedict  (V.  ci-dessus)  l'importante  maison  de 
banque  Fould-Oppenheim,  entra  de  de  bonne  heure  au 
conseil  général  des  Hautes -Pyrénées  et  fut  envoyé  en 
1842  par  le  collège  électoral  de  Tarbes  à  la  Chambre 
des  députés,  où  il  soutint  la  politique  conservatrice  de 
Guizot  et  prit  une  part  très  active  à  la  discussion  des  lois 
de  douanes  et  de  finances.  Réélu  en  1846,  il  rentra  dans 
la  vie  privée  par  suite  de  la  révolution  du  24  février, 
mais  n'y  resta  guère,  car  deux  brochures  retentissantes 
(Observations  sur  la  question  financière,  adressées  a 
l'Assemblée  constituante,  et  Pas  d'assignats!  et  opi- 
nion de  M.  A.  Fould  sur  les  assignats),  dans  lesquelles  il 
attaquait  vivement  la  politique  financière  du  gouvernement 
provisoire  et  de  la  commission  executive  (mai-juin  1848), 
lui  ouvrirent  les  portes  de  l'Assemblée  constituante 
(17  sept.).  Il  y  fut  nommé  rapporteur  du  projet  de  loi  pour 
le  remboursement  des  45  centimes  (V.  Garnier-Pagès)  et 
fit  partie  de  la  commission  chargée  de  reviser  les  comptes 
du  gouvernement  provisoire. 

Rallié  dès  la  fin  de  1848  à  la  politique  de  l'Elysée,  réélu 
le  8  juil.  1849  à  l'Assemblée  législative,  où  il  acquit  rapi- 
dement une  grande  influence,  il  fut  le  31  oct.  de  la  même 
année  appelé  au  ministère  des  finances  par  Louis-Napoléon, 
dont  il  servit  de  son  mieux  les  vues  secrètes  et  à  qui, 
dit-on, il  fit  personnellement  des  avances  de  fonds, consi- 
dérables. Il  signala  son  passage  aux  affaires  par  le  retrait 
des  projets  de  lois  relatifs  à  l'impôt  sur  le  revenu,  aux 
créances  hypothécaires,  aux  loyers,  par  le  maintien  de 
l'impôt  sur  les  boissons,  des  octrois,  par  d'importantes 
modifications  dans  les  postes,  l'enregistrement,  par  le  ra- 
chat des  canaux  du  Rhône  au  Rhin,  la  création  des  caisses 
de  retraite  et  de  secours  pour  la  vieillesse,  de  la  banque 
d'Algérie,  etc.  Son  portefeuille  lui  fut  laissé  dans  la  com- 
binaison ministérielle  du  10  janv.  1851 .  Il  le  perdit  le  24  du 
mêmemois,le  reprit  le  10  avr.  suivant,  en  fut  encore  dépos- 
sédé le  27  oct.,  le  recouvra  le  lendemain  du  coup  d'Etat 
(3  déc),  s'en  démit  le  25  jauv.  1852  à  la  suite  du  décret 


FOULD  —  FOULLON 


-  892 


de  Louis-Napoléon  relatif  aux  biens  de  la  famille  d'Or- 
léans, reçut  en  échange  la  dignité  de  sénateur  (26  janv.) 
et,  quelques  mois  plus  tard  (28  juil.),  fut  nommé  ministre 
d'Etat.  Dans  ses  nouvelles  fonctions,  il  se  signala  surtout 
en  organisant  l'Exposition  universelle  de  4855,  en  présidant 
à  l'achèvement  du  Louvre  (1853-4857)  et  en  réformant 
l'administration  de  l'Opéra.  Le  24  nov.  4860,  il  quitta  son 
ministère  pour  entrer  au  conseil  privé.  Mais  une  année  plus 
tard,  il  redevint  ministre  des  finances,  après  avoir  adressé 
un  rapport  à  l'empereur  où,  critiquant  en  termes  très  vifs 
les  agissements  de  ses  prédécesseurs,  signalant  des  décou- 
verts et  des  déficits  chaque  jour  augmentés,  il  demandait 
que  le  souverain  renonçât  au  droif  d'ouvrir  des  crédits 
supplémentaires  ou  extraordinaires  dans  l'intervalle  des 
sessions  législatives  (4  4  nov.  4864).  Napoléon  III  consentit 
à  ce  sacrifice.  Mais  Fould  n'administra  pas  mieux  que  les 
financiers  dont  il  venait  de  faire  le  procès.  Ses  principaux 
actes  (conversion  de  la  rente,  suppression  des  payeurs  du 
Trésor,  etc.)  ne  furent  que  des  expédients.  Les  découverts, 
les  déficits,  les  emprunts  allèrent  leur  train.  L'emprunt 
mexicain,  qui  devait  être  si  désastreux,  fut  lancé  et  pa- 
tronné par  M.  Fould,  qui  dut  enfin  se  retirer  quelques 
mois  avant  sa  mort  (janv.  4867)  et  céder  la  place  à 
M.  Rouher.  —  Il  était  membre  de  l'Académie  des  beaux- 
arts  depuis  4857.  A.  Debidour. 

FOULD  (Adolphe-Ernest),  homme  politique  français, né 
à  Paris  le  47  juil.  4824,  mort  à  Paris  le  43  févr.  1875, 
fils  du  précédent.  Associé  à  la  banque  paternelle,  il  fut  élu 
député  des  Hautes-Pyrénées,  avec  l'appui  de  l'Empire,  le 
4er  juin  4863,  et,  réélu  le  24  mai  4  869,  vota  la  guerre  avec 
la  Prusse.  —  Son  frère,  Edouard-Mathurin,  né  à  Paris 
le  48  déc.  4834,  mort  à  Moulins  le  9  avr.  4884,  élu  dé- 
puté de  l'Allier  le  4er  juin  4863,  vota  constamment  en 
laveur  de  l'Empire.  Il  démissionna  en  4  868.  En  4876,  il 
se  présenta  aux  élections  législatives  à  Montluçon  contre 
M.  Chantemille,  républicain,  qui  eut  deux  fois  plus  de 
voix  que  lui.  —  Son  frère,  Gustave-Eugène,  né  à  Paris 
le  19  févr.  4836,  mort  à  Asnières  le  27  août  4884,  fut 
élu  député  des  Basses-Pyrénées  le  6  juin  4869.  Il  servit 
dans  les  Eclaireurs  de  la  Seine  pendant  la  guerre  franco- 
allemande  et  créa  le  corps  des  Volontaires  de  la  France. 
Après  avoir  posé  sans  succès  sa  candidature  aux  élections 
municipales  de  Paris  en  4872,  il  éprouva  un  nouvel  échec 
aux  élections  législatives  du  44  oct.  4877  à  Pau.  Il  a  écrit  : 
la  Conversion,  Brûlons  le  Grand-Livre  (Paris,  4878, 
in-8),  et  donné  en  collaboration  avec  Alexandre  Dumas, 
sous  le  pseudonyme  d'Olivier  de  Jalin,  la  Comtesse  Ro- 
mani, comédie  qui  obtint  du  succès  au  Gymnase  en  4876. 
Gustave  Fould  avait  épousé,  malgré  l'opposition  de  sa  fa- 
mille, une  pensionnaire  du  Théâtre-Français,  Wilhelmine- 
Joséphine  Simonin,  connue  sous  le  nom  de  MUe  Valérie, 
qui  a  écrit  sous  le  pseudonyme  de  Gustave  Haller  :  le  Mé- 
decin des  dames,  comédie  (Paris,  4870,  in-42);  le  Bleuet 
(4875,  in-8);  Vertu  (4876,  in-8);  le  Clou  au  couvent 
(4878,  in-8);  le  Sphynx  aux  perles  (4884,  in-8).  — 
Achille-Charles  Fould,  petit-fils  du  ministre  de  l'Empire, 
né  le  40  août  4861 ,  a  été  élu  député  de  Tarbes  le  22  sept. 
4889,  avec  un  programme  conservateur  et  révisionniste. 

FOULEIX.  Corn.*  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Péri- 
gueux,  cant.  de  Vergt;  523  hab. 

FOULENAY.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Dole,  cant. 
de  Chaumergy;  270  hab. 

FOULEPOINTE  ou  MAHAVELONA.  Port  de  la  côte 
orientale  de  Madagascar,  à  60  kil.  N.  de  Tamatave.  Bon 
mouillage  séparé  de  la  haute  mer  par  un  long  récif.  En- 
tourée de  lagunes,  la  ville  est  malsaine.  Ce  fut  jadis  le 
centre  des  établissements  français  de  Madagascar.  De  là  par- 
tit, en  4829,  l'expédition  du  capitaine  de  vaisseau  Gour- 
beyre.  L'ancien  fort  français  de  La  Palissade  a  été  rem- 
placé par  un  fort  ho  va. 

FOU  LIS  (Sir  David),  homme  politique  anglais,  mort  à 
Ingleby  en  4642.  Très  en  faveur  à  la  cour  de  Jacques  Ier, 
il  est  connu  par  l'opposition  violente  qu'il  fit  à  Wentworth, 


qu'il  finit  par  accuser  de  malversation.  Dans  cette  lutte 
inégale,  il  perdit  sa  place  au  conseil  et  fut  condamné  par 
la  chambre  de  l'Etoile  à  des  amendes  formidables  et  à  l'en- 
voi sur  les  pontons  (4633).  Rappelé  par  le  Long  Par- 
lement en  4644,  Foulis  parut  comme  témoin  contre  Straf- 
fort,  dans  le  procès  de  4641  ;  il  mourut  peu  après.  Il  a 
écrit  :  A  Déclaration  of  the  Diet  and  particular  fare 
of  King  Charles  Ier,  publiée  en  4802  dans  VArchœolo- 
gia.  —  Son  fils,  Henry  Foulis,  fut  lieutenant  général  de  la 
cavalerie  en  4643.  — Son  petit-fils,  Henry  Foulis  (4638- 
4669),  a  publié  divers  ouvrages, entre  autres  The  History 
of  the  Wicked  Plots  and  Conspiracies  of  our  pretended 
Saints  the  Presbyterians  (Londres,  4662,  in- fol.)  ;  The 
History  of  the  Romish  Treasons  and  Usurpations 
(4761,  in-fol.).  K.  S. 

FOULIS  (Sir  James),  lord  Colinton,  magistrat  anglais, 
mort  à  Edimbourg  le  49  janv.  4688.  Il  représenta  Edimbourg 
au  Parlement  de  16  45  à  1648  et  en  4654.  Royaliste  ardent, 
il  fut  pris  par  Monck  et  subit  un  long  emprisonnement. 
A  la  Restauration,  il  devint  lord  de  session,  puis  commis- 
saire de  l'excise  (1661).  Il  entra  au  conseil  privé  en  4674 
et  fut  nommé  lord  justice  clerck  en  4  684.  —  Son  fils  James, 
lord  Reidfurd,  né  vers  4645,  mort  en  4  744,  également 
lord  de  session  (4  674),  entra  au  conseil  privé  en  4703.  — 
Sir  James  Foulis  de  Colinton,  petit-fils  du  précédent,  né 
en  4744,  mort  le  3  janv.  4794,  servit  dans  l'armée  et 
collabora  aux  Transactions  of  the  antiquarian  Society 
of  Scotland,  auxquelles  il  donna  une  savante  dissertation 
sur  l'origine  des  Scots.  R.  S. 

FOULIS  (Robert),  imprimeur  écossais,  né  à  Glasgow 
en  4707,  mort  à  Edimbourg  le  2  juin  4776.  Son  père, 
Andrew  Faulls,  dont  il  modifia  le  nom  en  Foulis,  était 
brasseur.  Il  apprit  d'abord  le  métier  de  barbier,  mais  Fran- 
cis Hutcheson,  dont  il  suivait  les  conférences,  l'engagea  à 
s'occuper  de  librairie  et  de  typographie.  Dans  un  voyage 
qu'il  fit  sur  le  continent  avec  son  frère  Andrew,  il  acheta 
beaucoup  de  livres  rares  qu'il  revendit  à  bénéfice  à  Londres. 
Il  s'établit,  en  4744,  libraire  à  Glasgow  et,  peu  après, 
imprimeur  ;  deux  ans  plus  tard,  il  était  nommé  imprimeur 
de  l'université.  Il  produisit  de  belles  éditions  d'auteurs 
grecs  et  latins,  qui  Font  rendu  longtemps  célèbre  parmi  les 
bibliophiles  ;  entre  autres  :  Démet rius  Phalerus;  De  Elo- 
cutione,  un  Horace,  un  Cicéron  en  20  vol.,  Lucrèce, 
Callimaque,  qui  fut  médaillé  par  la  «  Select  Society  of 
Edinburgh»,  Homère,  Hérodote;  il  publia  aussi  les  poèmes 
de  Gray  (4768,  in-4)  ;  A  Catalogue  of  Pictures..., 
illustrated  by  descriptions  and  critical  remarks,  by 
Robert  Foulis  (Londres,  4776,  3  vol.  in-42).  —  Son 
frère,  Andrew  (4742-4  775),  professa  pendant  quelque 
temps  les  humanités,  le  français  et  la  philosophie  à  Glas- 
gow. Il  fut  l'associé  de  son  frère  et  rendit  de  grands  ser- 
vices à  l'association  par  son  esprit  pratique  et  son  entente 
des  affaires.  B.-H.  G. 

FOULLON  (Abel),  littérateur  français,  né  à  Loué  (Sar- 
the)  vers  4543,  mort  à  Orléans  en  1563.  Valet  de  chambre 
de  Henri  IL  On  a  de  lui  :  Usaige  et  description  de  l'Ho- 
lomètre  (Paris,  4561,  in-4),  qui  a  eu  un  certain  succès 
et  a  été  traduit  en  plusieurs  langues,  notamment  en  ita- 
lien ;  une  traduction  en  vers  français  des  Satyres  de  Perse 
(Paris,  4544,  in-4). 

FOULLON  (Jean-Erard),  écrivain  ecclésiastique  et  his- 
torien belge,  né  à  Liège  en  4609,  mort  à  Tournai  en  4668. 
Il  entra  dans  l'ordre  des  jésuites  à  l'âge  de  seize  ans, 
professa  dans  plusieurs  collèges  et  acquit  une  grande 
réputation  d'orateur.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Corn- 
mentarii  historici  et  morales  ad  primivm  librum  Ma- 
chabœorum  (Liège,  4660,  in-fol.),  etHistoria  leodiensis 
per  episcoporum  séries  dig esta  ab  origine  populi  usque 
ad  Ferdinandi  Bavari  tempora  (Liège,  4735-36, 2  vol. 
in-fol.).  Dans  ce  dernier  livre,  Foullon  fait  preuve  de 
beaucoup  d'érudition  et  de  sens  critique. 

Bibl.  :  Paquot,  Mémoires  pour  servir  à  Vhistoire  litté  - 
mire  des  XVII  provinces  des  Pays-Bas  ;  Louvain,  1765- 


-  893  - 


FOULLON  —  FOULQUE 


1770,  3  vol.  in-fol.  —  De  Backer,  Bibliothèque  des  écri- 
vains de  la  Compagnie  de  Jésus  ;  Liège,  1869-1876,  3  vol. 
in-fol. 

FOULLON  (Joseph-François)  et  non  FOULON,  adminis- 
trateur français,  né  à  Saumur  en  1747,   tué  à  Paris  le 
22  juil.  1789.  Il  fut  intendant  général  des  armées  pen- 
dant la  guerre  de  Sept  ans,  sous  les  maréchaux  de  Soubise 
et  de  Broglie,  puis  intendant  de  la  guerre  et  de  la  marine 
sous  le  maréchal  de  Belle-Isle,  enfin  intendant  des  finances 
en  4771.  Conseiller  d'Etat  lors  du  renvoi  de  Necker  (12 
juil.  1789),  il  était  peut-être  désigné  par  la  cour  pour 
lui  succéder.  Il  fut  chargé,   avec  l'intendant  de  Paris 
(V.    Bertier)  ,    de   pourvoir  à   l'approvisionnement  de 
F  «  armée  de  siège  » ,  que  le  roi  avait  placée  sous  le 
commandement  du  maréchal  de  Broglie  :  fonctions  diffi- 
ciles en  un  temps  de  disette  et  de  défiance,  et  surtout  fonc- 
tions souverainement  impopulaires.  D'après  Mme  Campan 
(Mémoires,  chap.  xtv),  il  s'était  mêlé  aussi,  par  l'entre- 
mise de  la  reine,  de  conseiller  à  Louis  XYI  l'arrestation  du 
duc  d'Orléans  et  certaines  concessions  de  forme  au  mouve- 
ment révolutionnaire.   Apre  en  affaires,  impitoyable  pour 
ses  fermiers,  il  était  détesté  des  paysans  de  Viry  et  de  Hou- 
vion,  où  il  était  seigneur.  A  Paris,  on  rapportait  de  lui  ce 
mot  :  «  Je  ferai  faucher  Paris  comme  un  pré  »  ;  à  la  cam- 
pagne cet  autre  :  «  Si  le  pain  manque,  que  le  peuple  mange 
du  foin.  »  Ils  ne  sont  probablement  pas  plus  authentiques 
l'un  que  l'autre;  le  second,  en  particulier,  avait  déjà  été 
prêté  à  plus  d'un  personnage  impopulaire  en  temps  de 
disette  (V.  Farines  [Guerre  des]).  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
lendemain  de  la  prise  de  la  Bastille,  Foui  Ion,  se  sentant 
menacé  par  les  vengeances  populaires,  fit  enterrer  sous  son 
nom,  à  Houvion,  un  de  ses  domestiques  qui  venait  de  mou- 
rir, et  courut  se  réfugier  dans   son  autre  terre  à  Viry. 
Mais  cette  ruse  fut  éventée  par  les  gens  de  la  campagne, 
et,  comme  il  avait  eu  peur,  il  fut  perdu.  Reconnu,  arrêté, 
il  fut  conduit  en  cabriolet,  le  22  juil.,  à  l'Hôtel  de  Ville  de 
Paris,  avec  une  botte  de  foin  sur  le  dos  et  un  bouquet 
d'orties  au  cou.  Les  électeurs  qui  détenaient  alors  le  pou- 
voir municipal  essayèrent  de  le  soustraire  à  la  fureur  du 
peuple  en  ordonnant  de  l'enfermer  à  l'abbaye  Saint-Ger- 
main. Mais  la  salle  des  délibérations  fut  forcée.  La  multitude 
allait  lui  donner  des  juges  élus  séance  tenante,  lorsque 
Lafayette,  commandant  de  la  garde  nationale,  arriva.  Il 
réussit  à  se  faire   écouter  en  invoquant  la  générosité  du 
peuple  et  le  respect  de  la  loi  :  il  se  garda  du  reste  de  jus- 
tifier les  actes  de  Foullon.  Il  obtint  des  applaudissements, 
et  Foullon  lui-même,  se  croyant  sauvé,  battit  des  mains. 
Aussitôt,   changement   à    vue  :    de  nouveaux  arrivants 
réclament  la  mort  d'un  homme  «  qu'il  était  inutile  de  juger, 
vu  qu'il  était  jugé  depuis  trente  ans  ».  La  table  sur  laquelle 
on  avait  hissé  le  malheureux,  afin  que  tout  le  monde  pût 
le  voir  et  l'entendre,  fut  jetée  par  terre;  il  fut  traîné  sur 
la  place  et  pendu  au  réverbère,  fameux  depuis,  qui  en  fai- 
sait le  coin.  La  tète  fut  portée  au  bout  d'une  pique  et  pré- 
sentée à  son  gendre,  Bertier  de  Sauvigny,  qui  le  même 
jour  subit  le  même  sort.  H.  Monin. 

Bibl.  :  Ch.-L.  Chassin,  les  Elections  et    les  cahiers  de 
Paris  en  1189  ;  Paris,  1889,  t.  III,  pp.  620-625,634-635,  in-8. 

—  Al.  Tuetey,  Répertoire  des  sources -manuscrites  de 
Vhisloire  de  Paris  pendant  la  Révolution  ;  Paris,  1890,  t.  I, 
n°*  547,  733,  734,  737,  740,  741-743,  745-747,  758,  761,  764,  766, 
768,  770,  772,  773  ,  gr.  m-8. 

FOU  LOGN  ES.  Com,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Bayeux, 
cant.  de  Caumont  ;  372  hab. 

FOULON.  Nom  anciennement  donné  aux  établissements 
où  l'on  effectuait  le  foulage  des  draps,  et  encore  porté  par 
les  machines  dont  on  fait  usage.  Ces  machines  font  partie 
aujourd'hui  du  matériel  des  apprêts  qui  achèvent  les  tissus 
en  leur  donnant  l'aspect  et  le  toucher  qui  convient  à  la  vente. 

—  Chez  les  Grecs  et  chez  les  Romains,  l'industrie  des  fou- 
lons était  des  plus  considérables.  Les  foulons  étaient  chargés 
de  blanchir  et  de  dégraisser  les  vêtements  après  qu'ils 
avaient  été  portés  ;  ils  procédaient  à  cette  opération  en 
foulant  les  étoffes  dans  de  larges  cuves  d'eau  mêlée  d'urine, 
puis  en  les  faisant  sécher  sur  des  châssis  au-dessous  des- 


quels était  un  pot  de  soufre.  Les  foulons,  chez  les  Romains, 
formaient  des  corporations  très  importantes;  ils  avaient  pour 
déesse  protectrice  Minerve,  en  l'honneur  de  laquelle  ils  célé- 
braient tous  les  ans  une  fête  du  19  au  23  mars.  Ils  étaient 
très  populaires  et  leurs  mœurs  ont  fourni  le  sujet  de  plu- 
sieurs comédies  et  de  plusieurs  tableaux. 

Bibl.:  R.  Fisch,  Die  Walker,  oder  Leben  und  Tieiben 
in  altrômischen  Wdscherein;  Berlin,  1891. 

FOULON  (Joseph -François),  administrateur  français 
(V.  Foullon). 

FOULON  NAGE  (V.  Apprêts). 

FOULQUE  (Ornith.).  Les  Foulques  (Fulica  L.)  appar- 
tiennent au  groupe  des  Échassiers  macrodactyles  (V.  ce 
mot)  de  G.  Cuvier,  de  même  que  les  Poules  d'eau  (V.  ce 
mot)  dont  elles  diffèrent  par  leurs  formes  plus  massives, 


Foulque  noire  ou  Morelle- 

leurs  pattes  plus  fortement  rejetées  à  l'arrière  du  corps  et 
surtout  parleurs  doigts  antérieurs  bordés  d'une  membrane 
découpée  en  autant  de  lobes  qu'il  y  a  d'articulations.  Elles 
ont  le  pouce  inséré  en  dedans  du  tarse,  pas  assez  haut 
cependant  pour  ne  point  toucher  la  terre,  le  bec  assez 
court,  convexe  en  dessus,  renflé  et  anguleux  en  dessous, 
le  front  recouvert  par  une  large  plaque  qui  continue  en 
arrière  l'arête  de  la  mandibule  inférieure  et  qui  est  tan- 
tôt lisse,  tantôt  surmontée  de  lambeaux  charnus  ;  les  na- 
rines elliptiques  et  percées  à  découvert  de  chaque  côté  du 
bec,  les  ailes  de  longueur  médiocre,  mais  assez  pointues, 
la  queue  courte  et  très  arrondie,  le  plumage  constamment 
de  couleurs  sombres,  noir  et  gris  ardoisé,  parfois  rehaussé 
par  un  peu  de  blanc.  Ce  sont  des  oiseaux  essentiellement 
aquatiques,  qui  fréquentent  aussi  bien  les  baies,  les  golfes 
et  les  marais  salants  que  les  étangs  et  les  lacs,  et  qui  se 
nourrissent  de  frai  de  poisson,  de  têtards,  de  vers,  de 
mollusques,  d'insectes  et  de  végétaux  aquatiques. 

On  rencontre  en  Europe  deux  espèces  de  ce  genre,  la 
Foulque  noire  (Fulica  air  a  L.),  vulgairement  appelée 


FOULQUE  -  FOUQUE  —  894 

Macroule,  Macreuse  ou  Morelle,  et  la  Foulque  à  crête 
(Fulica  cristata  L.).  La  première  porte  une  plaque  frontale 
lisse,  de  couleur  blanche  chez  l'adulte  en  automne  et  rosée 
au  printemps,  tandis  que  la  seconde  porte  une  plaque  sur- 
montée de  deux  tubercules  membraneux  d'un  rouge  foncé. 
Les  Foulques  noires  sont  très  communes  dans  quelques  loca- 
lités de  la  France,  où  elles  se  reproduisent  même  régulière- 
ment, tandis  qu'elles  sont  seulement  de  passage  dans 
d'autres  :  elles  forment,  à  l'approche  de  l'hiver,  de  grandes 
troupes  qui  sont  dans  le  Midi  l'objet  d'une  chasse  très 
active,  quoique  la  chair  de  ces  oiseaux  soit  loin  d'être 
agréable  au  goût.  Les  Foulques  à  crête,  au  contraire,  ne 
se  montrent  qu'accidentellement  sur  nos  côtes  de  la  Médi- 
terranée, mais  sont  très  communes  en  Algérie. 

Parmi  les  autres  espèces  du  même  genre,  nous  citerons 
encore  la  Fulica  americana  (Gm.)  des  Etats-Unis,  de 
l'Amérique  centrale  et  des  Antilles,  la  F.  leucopyga  (Licht.) 
et  la  F.  armillata  (V.)  de  la  portion  australe  du  continent 
américain,  la  F.  ardesiaca  (Tsch.)  de  la  Bolivie,  de  l'Equa- 
teur et  du  Pérou,  la  F.  cornuta  (Bp.)  de  la  Bolivie,  la 
F.  gigantea  (Eyd.  et  Soui.)  des  Andes  du  Pérou  et  la 
F.  australis  (Gould)  de  l'Australie.         E.  Oustalet. 

Bibl.  :  J.  Gould,  Birds  of  Europa,  pi.  338.  —  Vieillot 
et  Oudart,  Galerie  des  Oiseaux,  pi.  269.  —  Eydoux  et 
Souleyet, Voy.  de  la  Bonite,  ZooL,  Oiseaux,  pi.  8. — Ph.-L. 
Sclater,  Proc.  Z.  S.  Lond.,  1868,  pp.  466  à  468  (fig.).—  De- 
gland  et  Gerbe,  Ornith.  europ.,  1867,  2e  éd.,  t.  II,  p.  266. 

FOULQUE  DE  Villàret  (V.  Villaret). 

FOULQUES  (Gui)  (V.  Clément  IV,  pape). 

FOULQUES,  prélat  français,  né  vers  850,  mort  le 
47  juin  900.  Successivement  chanoine  à  Reims,  puis  abbé 
de  Saint-Bertin,  il  fut  activement  mêlé  aux  affaires  poli- 
tiques. Après  la  mort  de  Charles  le  Chauve,  il  entreprit 
vainement  de  faire  couronner  roi  Guy  de  Spolète  puis  Ar- 
noul,  roi  de  Germanie.  Devenu  archevêque  de  Reims  le 
40  mars  883,  il  dut  reconnaître  et  sacrer  successivement 
deux  fois  Eudes  et  Charles  le  Simple.  Il  périt  assassiné  par 
des  émissaires  de  Baudouin,  comte  de  Flandre. 

FOULQUES,  comtes  d'Anjou.  Cinq  comtes  d'Anjou  ont 
porté  ce  nom.  Foulques  Ier  le  Roux,  le  premier  des  comtes 
ingelgériens,  de  888  à  938  ;  Foulques  II  le  Bon,  fils  et 
successeur  du  précédent,  mort  à  Tours  le  44  nov.  958  ; 
Foulques  III  le  Noir,  plus  connu  sous  le  nom  de  Foulques 
Nerra,  le  plus  célèbre  de  tous,  né  en  972,  fils  de  Geof- 
froi  Ier,  auquel  il  succéda  en  987,  mort  à  Metz  le  22  mai 
4040;  Foulques  IV  le  Réchin,  c.-à-d.  le  Hargneux,  né 
à  Château-Landon  en  4043,  comte  d'Anjou  en  4060, 
mort  à  Angers  le  44  avr.  4409;  Foulques  V  le  Jeune, 
fils  du  précédent,  né  en  i  092,  comte  d'Anjou  et  du  Maine 
en  4440,  couronné  roi 'de  Jérusalem,  le  44  sept.  1434, 
mort  le  43  nov.  4444  (V.  Anjou,  t.  III,  p.  40). 

FOU  LQU  ESdeNeuilly,  prédicateur  de  la  fin  du  xne  siècle, 
mort  à  Neuilly-sur-Marne  le  2  mars  4204.  Il  est  surtout 
connu  de  nos  jours  par  la  prédication  de  la  quatrième  croi- 
sade ;  mais  auparavant  il  s'était  déjà  rendu  célèbre  parmi 
ses  contemporains  par  la  hardiesse  de  ses  discours,  dans 
lesquels  il  s'attachait  surtout  à  convertir  les  usuriers  et 
les  femmes  de  mauvaises  mœurs.  Lui-même  avait,  dans 
sa  jeunesse,  mené  une  vie  peu  exemplaire  ;  mais,  touché 
par  la  grâce,  il  voulut  expier  ses  dérèglements  et  ramener  les 
pécheurs  dans  le  chemin  du  salut.  Il  se  mit  à  parcourir  la 
France,  en  appelant  les  multitudes  à  la  pénitence.  Accueilli 
d'abord  avec  mépris,  il  finit  par  acquérir  sur  le  peuple  un 
ascendant  extraordinaire.  Partout  la  foule  accourait  au-de- 
vant de  lui  pour  l'entendre.  Des  évoques  lui  ouvrirent  leurs 
églises.  Peu  lettré,  il  n'usait  pas,  comme  la  plupart  de  ses 
contemporains,  des  subtilités  de  la  scholastique,  et  sa  pa- 
role, pleine  de  chaleur  et  de  simplicité,  était  comprise  de 
tous.  Sa  renommée  vint  aux  oreilles  du  pape  Innocent  III, 
qui  lui  confia  la  mission  de  prêcher  la  croisade.  Foulques 
prit  alors  la  croix  dans  un  chapitre  général  de  l'ordre  de 
Cîteaux  et  recommença  le  cours  de  ses  pérégrinations.  A 
sa  voix,  le  zèle  pour  la  guerre  sainte  se  réveilla  de  toutes 
parts.  Nobles  et  vilains  se  croisèrent.  S'il  faut  en  croire 


Jacques  de  Vitry,  Foulques,  dans  les  derniers  temps  de  sa 
vie,  perdit  beaucoup  de  son  crédit  et  de  sa  considération.  II 
recevait  des  sommes  considérables  pour  la  guerre  sainte  et 
on  l'accusait  d'en  détourner  une  partie  à  son  profit.  Il  mou- 
rut au  moment  où  les  croisés  allaient  se  mettre  en  route  et 
fut  enterré  dans  l'église  de  Neuilly,  dont  il  était  curé  et 
où  son  tombeau  se  voyait  encore  au  siècle  dernier  (Lebeuf, 
Histoire  du  diocèse  de  Paris,  t.  VI,  p.  20).  Aucun  des 
sermons  de  Foulques  ne  nous  a  été  conservé.  Il  est  pro- 
bable, d'ailleurs,  que  lui-même  ne  les  a  pas  écrits  et  que 
nul  parmi  ses  auditeurs  ne  s'est  occupé  de  les  recueillir. 

Ch.  Kohler. 

FOULQUES-Taillefer,  comte  d'Angoulême,  en  4048, 
mort  après  4089.  Il  succéda  à  son  père  Geoffroi  Taillefer, 
guerroya  contre  Guillaume  VII,  comte  de  Poitiers,  et  contre 
son  propre  frère,  Guillaume,  évêque  d'Angoulême.  Il  eut 
pour  successeur  son  fils  Guillaume  III  (V.  Angoulème 
[Comté],  t.  II,  p.  4469). 

FOULSTON  (John),  architecte  anglais,  né  à  Plymouth 
en  4772,  mort  à  Plymouth  en  4842.  Foulston  exerça 
surtout  sa^  profession  dans  sa  ville  natale  qui  lui  doit  les 
édifices  suivants  :  l'hôtel  royal,  immense  construction  da- 
tant de  4844,  la  bibliothèque  publique,  la  Bourse,  l'Athé- 
née, construit  en  1842  pour  les  membres  de  la  Plymouth 
Institution,  l'hôtel  de  ville  et  la  restauration  de  l'église 
.»  Saint-André,  dont  la  tour  date  de  la  fin  du  xve  siècle. 
On  doit  aussi  à  Foulston  l'hôtel  de  ville  et  la  bibliothèque 
publique  de  Devonport  ainsi  que  l'hospice  des  aliénés  du 
comté  de  Cornouailles,  tous  édifices  dont  il  réunit  les  des- 
sins en  un  recueil  publié  en  4838.  Charles  Lucas. 

FOULZY.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Rocroi, 
cant.  de  Rumigny  ;  i  94  hab. 

FOUNDJI  (V.  Afrique  [Anthropologie]). 

FOUNG.  Peuple  nègre  du  bassin  du  Nil,  qui  a  joué  un 
rôle  important  au  xvie  siècle  dans  le  Sennâr  et  le  bassin 
moyen  du  bahr  El-Abyad,  en  soumettant  toute  la  Nubie 
jusqu'à  Ouâdi  Halfa.  Les  Foungse  distingent  par  le  dessin 
du  nez,  droit  ou  busqué,  et  le  caractère  de  la  chevelure, 
crépue  et  non  laineuse. 

FOUNTAINE  (Sir  Andrew),  collectionneur  anglais,  né 
en  4676,  mort  en  4753.  Employé  pendant  quelque  temps 
dans  la  diplomatie,  puis  vice-chambellan  de  la  princesse 
Caroline  et  précepteur  au  prince  Guillaume,  il  s'occupa 
surtout  de  curiosités  et  d'antiquités,  et  acquit  la  réputation 
d'un  connaisseur  délicat.  Il  lut  l'ami  et  le  correspondant 
de  Leibniz,  de  La  Fontaine  et  de  Swift.  Il  avait  été  nommé 
conservateur  de  la  Monnaie,  Keeper  of  tlie  Mint,  en  rem- 
placement de  sir  Isaac  Newton.  B.-H.  G. 

FOU  NTL  Petit  port  du  Sous  marocain  sur  les  bords 
de  l'océan  Atlantique ,  situé  par  39°  26'  35"  lat.  N. , 
44°  56'  05"  long.  O.  Paris.  Son  nom  indique  la  source 
abondante  qui  jaillit  au  pied  de  la  colline  de  488  m.  d'alt. 
qui  supporte  Agadir  Serir,  l'ancienne  Santa-Cruz  des  Por- 
tugais vers  l'an  4500.  Founti  est  de  nos  jours  une  misé- 
rable bourgade  d'environ  400  hab.,  et  qui  a  succédé  à  un 
antique  établissement  byzantin,  ainsi  que  le  prouvent  des 
vestiges  bien  nets  de  cette  époque,  découverts  récemment. 
C'est  à  Founti  qu'est  le  meilleur  havre  de  tout  le  littoral 
marocain  ;  au  N.-O.,  le  cap  Guir  (V.  ce  mot)  abrite  le  golfe 
contre  les  vents  d'E.  et  deN.-E.,  tandis  qu'un  autre  cap- 
musoir,  avancé  d'un  chaînon  latéral,  limite  une  crique  dans 
la  partie  la  plus  creuse  du  golfe  et  la  protège  contre  la 
grande  houle  du  large.     H.-M.-P.  de  La  Martinière. 

FOUQUÉ  (Friedrich-Heinrich-Karl,  baron  de  La  Motte) 
(V.  La  Motte). 

FOUQUE  (Victor),  publiciste  français,  né  à  Bayeux  le 
17  févr.  4802.  Il  exerça  de  4834  à  4854  la  profession  de 
libraire  à  Chalon-sur-Saône.  On  lui  doit,  entre  autres 
publications,  d'importants  travaux  d'histoire  locale.  Citons  : 
Histoire  de  Chalon-sur-Saône  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  (Chalon,  4844,  in-8)  ;  Recherches  histo- 
riques sur  la  révolution  communale  au  moyen  âge 
(4848,  in-8);  Recherches  historiques  sur  les  corpora- 


—  895 


FOUQUE  —  FOUQUET 


tions  des  archers,  des  arbalétriers  et  des  arquebusiers 
(1852,  in-8);  Nicéphore  Niepce  (1867,  in-8)  ;  De  Quel- 
ques Abus  en  librairie  (1841,  in-8);  Des  Causes  et  des 
conséquences  de  rémigration  des  habitants  des  cam- 
pagnes vers  les  grands  centres  (1856,  in-8);  Faits  his- 
toriques et  mémorables  de  la  Révolution  française 
(  1 869  )  ;  Notes  historiques  sur  les  papes  d'origine 
française  (1870);  Recherches  historiques  sur  la  maison 
de  Rabutin  (1871),  etc. 

FOU  QUE  (Ferdinand- André),  minéralogiste  et  géologue 
français,  né  à  Mortain  (Manche)  le  21  juin  1828.  Ancien 
élève  de  l'Ecole  normale  supérieure,  il  a  été  préparateur 
d'histoire  naturelle  dans  cet  établissement,  répétiteur  à 
l'Ecole  pratique  des  hautes  études,  où  il  dirige  encore  (1893) 
un  des  laboratoires  de  géologie,  et  professeur  suppléant 
(1874  et  1876)  du  cours  d'histoire  naturelle  des  corps  inor- 
ganiques au  Collège  de  France.  Il  est  depuis  1877  titulaire 
de  cette  chaire  et  depuis  1881  membre  de  l'Académie  des 
sciences  de  Paris  (en  remplacement  de  Delesse) .  Il  fait  en 
outre  partie  depuis  1880  de  la  commission  delà  carte  géo- 
logique détaillée  de  la  France.  Ses  recherches  et  ses  décou- 
vertes, qui  ont  notablement  contribué  aux  progrès  réalisés 
depuis  un  quart  de  siècle  par  les  sciences  géologiques, 
peuvent  se  rattacher  à  quatre  ordres  distincts  de  travaux: 
1°  analyse  des  manifestations  volcaniques  actuelles  et  en 
particulier  examen  des  produits  volatils  des  éruptions  ; 
2°  étude  stratigraphique  de  diverses  régions  :  du  massif  vol- 
canique du  Cantal  et  des  environs  de  Brioude,  dont  il  a 
donné  de  belles  cartes  (1878  et  1881)  ;  du  volcan  de  l'île 
de  Santorin  (archipel  des  Cyclades),  dont  il  a  publié  l'his- 
toire géologique  complète  sous  le  titre  Santorin  et  ses 
éruptions  (Paris,  1879,  in-4),  etc.  ;  3°  introduction  en 
France  de  nouvelles  méthodes  pétrographiques  ;  4°  syn- 
thèses de  minéraux  et  de  roches  (en  collaboration  avec 
M.  Michel  Lévy)  :  reproduction  artificielle  par  fusion  ignée 
et  recuit  prolongé  de  l'oligoclase,  du  labrador,  de  lanéphi- 
line,  du  grenat  mélanite,  de  Fanortite,  de  l'amphigène,  etc., 
et  production  d'associations  cristallines  identiques  aux  andé- 
sites, aux  labradorites,  aux  basaltes,  aux  leucitites,  aux 
ophites  et  à  diverses  autres  roches  éruptives  naturelles. 
Outre  les  publications  ci-dessus  mentionnées  et  un  nombre 
considérable  de  notes  sur  des  travaux  originaux  insérées 
dans  les  Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences  de 
Paris,  il  a  écrit  :  Mémoires  pour  servir  à  l'explication 
de  la  carte  géologique  détaillée  de  la  France  (Paris, 
1879,  in-4)  ;  Introduction  à  V étude  des  roches  éruptives 
françaises  (Paris,  1879,  in-4)  ;  Synthèse  des  minéraux 
et  des  roches  (Paris,  1882,  in-8),  —  ces  trois  ouvrages 
en  collaboration  avec  M.  Michel  Lévy.  Il  a  aussi  donné  d'in- 
téressants articles  à  la  Revue  des  Deux  Mondes  (années 
1867  et  suiv.).  Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  Notice  sur  les  travaux  scientifiques  de  M.  Fou- 
qué;  Paris,  1869,  in-4;  nouv.  éd.,  1876  et  1881. 

FOUQUEBRUNE.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente,  arr. 
d'Angoulême,  cant.  de  Villebois-la- Valette  ;  650  hab. 

FOUQUENIES.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  et  cant. 
(N.-E.)  de  Beauvais,  sur  le  Thérain;  151  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  du  Nord.  Ce  village  fut  donné  en  922  à  l'ab- 
baye de  Saint-Lucien.  C'est  sur  son  territoire,  au  hameau 
de  Montmille,  que  cet  apôtre  du  Beauvaisis  subit  le  mar- 
tyre, avec  ses  compagnons  Julien  et  Maxien.  Ce  dernier 
donna  son  nom  au  prieuré  de  Saint-Maxien,  de  l'ordre  de 
Saint-Benoît,  situé  aussi  sur  cette  paroisse.  Ce  bénéfice 
était  considérable  et  fut  réuni,  en  1688,  au  séminaire  de 
Beauvais.  L'église,  aujourd'hui  paroisse  de  Fouquenies, 
date  au  moins  du  xie  siècle,  avec  un  clocher  du  xvie.  Cette 
église  a  une  crypte,  qui  était  le  but  d'un  important  pèleri- 
nage. On  y  remarque  une  croix  byzantine.       C.  St-A. 

FOUQUEREL  (Jean),  prélat  français,  né  à  Villers-le- 
Vicomte  (Oise)  vers  1380,  mort  le  12  oct.  1429.  Il  fut 
chanoine  de  Senlis  en  1409,  puis  de  Beauvais  et  grand 
maître  du  collège  de  Chollet,  à  Paris,  grâce  à  l'appui  du 
célèbre  Pierre  Cauchon,  son  ami.  C'est  à  la  même  influence 


qu'il  dut  d'être  nommé  évêque  de  Senlis  en  1423.  Malgré 
ses  sentiments  anglais,  il  fut  forcé  de  faire  sa  soumission 
au  roi,  en  1429,  et  reçut  Jeanne  d'Arc  dans  sa  ville  épis- 
copale.  Il  a  laissé  un  curieux  testament.  C.  St-A. 

Bibl.  :  Dupuis,  Jean  Fouquerel,  dans  Com.  archéol.  de 
Senlis,  t.  I,  2°  série. 

FOUQUEREUIL.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
et  cant.  de  Béthune  ;  484  hab. 

FOUQUEROLLES.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beau- 
vais, cant.  de  Nivilliers  ;  200  hab. 

FOUQUES-Deshayes  (V.  Desfontaines  de  La  Vallée). 

FOUQUESCOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Montdidier,  cant.  de  Rosières  ;  326  hab. 

FOUQUET  (Guillaume),  marquis  de  La  Varenne,  diplo- 
mate français,  né  à  La  Flèche  en  1560,  mort  en  1616. 
Connaissant  tout  l'entourage  de  la  sœur  de  Henri  IV,  dont 
il  était  le  cuisinier,  il  commença  à  acquérir  de  l'influence 
en  servant  l'amour  du  roi  pour  la  belle  Gabrielle.  Devenu 
son  homme  de  confiance,  il  fut  employé  par  lui  aux  mis- 
sions politiques  les  plus  délicates,  notamment  pendant  la 
Ligue  et  en  Espagne  où,  arrêté  après  avoir  surpris  les  secrets 
du  roi  et  de  l'infante,  il  parvint  à  se  sauver.  Il  amassa 
dans  ces  différentes  missions  une  fortune  considérable  qui 
lui  valut  cette  apostrophe  de  Madame  Catherine,  sœur  de 
Henri  IV  :  «  La  Varenne,  tu  as  plus  gagné  à  porter  les 
poulets  du  roi  mon  frère  qu'à  piquer  les  miens.  >xl\  mourut 
contrôleur  général  des  postes  et  gouverneur  d'Anjou.  — 
'  Son  fils  aîné,  Guillaume,  né  vers  1586,  mort  le  10  janv. 
1621,  d'abord  conseiller  au  Parlement  et  maître  des  re- 
quêtes, fut  abbé  d'Ainay,  de  Monstré-Saint-Jean,  de  Saint- 
Benoît-sur-Loire,  de  Saint-Loup  de  Troyes,  de  Saint-Nicolas 
d'Angers  et  prieur  de  Levière.  Il  succéda,  en  1616,  à 
Charles  Miron,  comme  évêque  d'Angers.  Louis  Farges. 
.  Bibl.  :  Berger  de  Xivrey,  Lettres  missives  de  Henri  IV, 
dans  Docum.  inédits  de  Vhist.  de  France,  in-4. 

FOUQUET  (François),  vicomte  de  Vaux,  né  en  1587, 
mort  à  Paris  le  22  avr.  1640.  Chevalier,  conseiller  du  roi  or- 
dinaire dans  tous  ses  conseils,  fils  de  messire  François  Fouc- 
quet  (sic),  conseiller  au  Parlement  de  Paris  comme  son  père, 
puis  (1615)  maître  des  requêtes  de  l'hôtel.  Bichelieu  l'at- 
tacha plus  spécialement  aux  affaires  commerciales  et  mari- 
times. Mais  il  prit  part  aussi  au  jugement  de  Chalais  et  devint 
membre  des  chambres  extraordinaires  de  justice  rendues 
permanentes  par  le  génie  inquiet  et  soupçonneux  du  car- 
dinal. Il  épousa,  le  22  févr.  1610,  Marie,  fille  de  Gilles  de 
Maupeou  (1590-1681),  dont  il  eut  plusieurs  enfants  :  le  plus 
fameux  est  le  surintendant  Nicolas  Fouquet  (V.  ci-dessous). 
Bibl.  :  J.  Lair,  Nicolas  Foucquet  ;  Paris,  1890,  ch.  i  et  n, 
2  vol.  in-8. 

FOUQUET,  missionnaire  français  (V.  Foucquet). 

FOUQUET  (Nicolas),  dernier  surintendant  des  finances 
du  roi  de  France,  quatrième  enfant  de  François  Fouquet  et 
de  Marie  de  Maupeou,  né  à  Paris,  rue  de  la  Verrerie,  ins- 
crit au  baptistère  de  Saint-Jean-en-Grève  le  27  janv.  1615, 
mort  prisonnier  au  château  de  Pignerol  (suivant  les  tradi- 
tions les  plus  probables,  le  23  mars  1680).  Il  eut  quatre 
frères  et  six  sœurs,  toutes  religieuses.  Il  suivit  d'abord, 
comme  son  père,  la  carrière  de  la  magistrature  et  de  l'ad- 
ministration. De  1642  à  sept.  1647,  il  est  intendant  à  l'ar- 
mée du  Nord,  puis  intendant  de  police,  justice  et  finances 
en  Dauphiné,  puis  de  nouveau  intendant  des  armées  en 
Catalogne  et  en  Flandre.  L'année  du  traité  de  Westphalic 
et  de  la  Fronde  (1648),  Mazarin  commence  à  se  l'associer 
étroitement  comme  intendant  de  Paris  (avril)  ;  il  en  fait  le 
procureur  général  d'une  chambre  exceptionnelle  de  justice, 
non agrééepar  le  Parlement.  Fouquet  s'emploie  alors, inu- 
tilement, à  rompre  l'union  des  cours  SDUveraines.  Quand 
l'armée  du  roi  assiège  Paris  (janv.  1649,  mai  1650),  c'est 
encore  Fouquet  auquel  sont  confiées  les  difficiles  fonctions 
d'intendant.  Procureur  général  du  parlement  de  Paris  en 
1650,  et,  par  conséquent,  l'homme  du  roi  par  excellence, 
c'est  lui  qui  fait  légaliser  en  quelque  sorte  la  rentrée  de 
Mazarin.  Il  avait  réussi  à  sauver  en  partie  ou  à  recouvrer 


FOUQUET 


~-  896 


les  collections  artistiques  et  littéraires  du  cardinal.  En  1652, 
il  fait  décider  la  translation  du  parlement  à  Pontoise,  in- 
tervient inutilement  (octobre)  entre  Condé  et  la  cour,  con- 
tribue en  somme  pour  une  certaine  part  à  la  restauration 
du  pouvoir  royal  ébranlé  par  la  guerre  civile  et  menacé  par 
l'alliance  des  nobles  et  de  l'Espagne.  En  récompense  de  sa 
fidélité,  il  fut  nommé  en  1653  surintendant  des  finances, 
mais  avec  un  collègue,  Servien,  qu'il  ne  tarda  pas  à  relé- 
guer au  second  plan  et  dont  la  mort  le  débarrassa  entière- 
ment en  1659.  L'état  de  la  fortune  personnelle  de  Fouquet 
à  cette  époque  ne  permet  pas  de  croire  qu'il  ait  rendu  à  la 
couronne  et  au  cardinal  des  services  d'argent  proprement 
dits  :  mais  il  savait  attirer  la  confiance  et  user  du  crédit. 
Après  la  paix  des  Pyrénées  et  le  mariage  de  Louis  XIV,  il 
se  brouilla  avec  Mazarin  qui  prévoyait  en  lui  unNsuccesseur 
et  qui  ne  demandait  sans  doute  pas  mieux,  s'il  fallait  rendre 
des  comptes  au  maître,  que  d'en  rejeter  la  charge  sur  une 
autre  tête  :  ceci  n'est  d'ailleurs  qu'une  hypothèse  ;  on 
ne  connaît  pas  de  fait  précis  qui  explique  cette  rupture 
entre  le  ministre  et  le  cardinal.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
que,  dès  lors,  Fouquet  rédigea  pour  les  siens  un  plan  de 
conduite  détaillé  contre  Mazarin,  dans  le  cas  où  celui-ci 
provoquerait  à  son  égard  des  mesures  de  rigueur;  qu'il  se 
créa  par  tous  les  moyens  un  parti  pour  qui  il  était  «  l'Ave- 
nir »  ;  qu'il  acheta  Belle-Isle  (comme  Richelieu  et  Mazarin 
s'étaient  assurés  du  Havre), mais  que  de  plus  il  eut  l'adresse 
d'obtenir  des  lettres  pour  en  fortifier  les  côtes.  Parmi  ses 
partisans  avoués,  on  citait,  sur  la  flotte,  Neuchèze  et  Cré- 
qui;  dans  l'armée,  Charost  et  Crussol,  ses  gendres,  les  ma- 
réchaux d'Aumont  et  de  Gramont;  à  la  tête  des  affaires 
extérieures,  Hugues  de  Lionne.  Il  n'avait  pas  négligé  l'en- 
tourage de  la  reine  mère,  les  filles  d'honneur,  les  femmes 
d'intrigue  comme  la  comtesse  de  Soissons,  ni  même  les 
confesseurs  du  roi,  le  père  Annat  et  le  père  Leclerc.  Sa 
maison  est,  suivant  le  mot  de  Sainte-Beuve,  comme  un  Ver- 
sailles anticipé.  Ambitieux  de  pouvoir,  mais  aussi  curieux 
de  tout,  «  il  aime  les  lettres,  les  arts,  les  poètes,  les  femmes, 
les  fleurs,  les  tableaux,  les  tapisseries,  les  livres,  les  an- 
tiques, tous  les  luxes  et  toutes  les  élégances  :  un  de  ses 
juges  l'appelait  omnium  curiositatum  explorator.  C'est 
un  délicat  et  un  clairvoyant,  qui  choisit  tout  d'abord  Molière 
et  La  Fontaine,  Le  Nôtre  et  Le  Poussin,  Puget,  Lebrun  et 
La  Quintinie,  avec  Menneville  et  du  Fouilloux,  les  deux 
plus  jolies  filles  de  la  cour,  au  dire  de  Racine,  qui  s'y  con- 
naissait. »  A  plus  d'un  point  de  vue,  et  particulièrement 
par  les  noms  des  artistes  en  divers  genres  que  Louis  XIV 
employa  dès  le  début  de  son  règne  personnel,  «  Versailles 
et  les  Gobelins  sont  les  héritiers  directs  de  Vaux-le- Vicomte 
et  de  Maincy  :  l'honneur  de  l'initiative  appartient  à  Fou- 
quet. »  (Bonnaffé.)  La  Bibliothèque  royale  acquit  13,000  vo- 
lumes rares  réunis  par  l'ex-surintendant.  Un  défenseur 
contemporain  de  Fouquet,  M.  L.-A.  Ménard,  va  jusqu'à 
l'appeler  «  l'homme  de  la  Renaissance,  victime  de  l'intolé- 
rance jésuitique».  Rien  ne  justifie  une  pareille  interpréta- 
tion des  faits.  L'usage  splendide,  généreux,  intelligent  d'une 
grande  fortune  ne  saurait  en  purifier  la  source.  Or  l'on 
connaît  très  exactement  de  quelle  façon  le  surintendant  avait 
fait  la  sienne.  Il  n'avait  pas,  il  est  vrai,  le  maniement  des 
fonds  publics  :  il  donnait  aux  trésoriers  de  l'épargne  des 
ordres  de  payement  assignés  sur  telle  ou  telle  recette  expres- 
sément désignée  (gabelles,  aides,  taille,  etc.)  ;  ceux-ci 
payaient  et  devaient  garder  les  assignations  pour  les  pro- 
duire à  la  chambre  des  comptes  et  obtenir  décharge.  Le  vol 
consistait  à  assigner  des  payements  sur  des  fonds  déjà  épui- 
sés :  les  porteurs  pressés  d'argent  vendaient  à  vil  prix  leur 
titres  à  des  financiers  qui  avaient  le  crédit  d'obtenir  des 
réassignations  sur  les  fonds  disponibles,  moyennant  pot- 
de-vin  attribué  au  surintendant.  D'autre  part,  les  impôts 
indirects  qu'il  était  d'usage  d'affermer  étaient  souvent  l'ob- 
jet d'adjudications  irrégulières,  dans  lesquelles  le  secret  des 
enchères  n'était  pas  observé  et  où  les  noms  mêmes  des  fer- 
miers étaient  supposés.  Enfin  les  emprunts  fournissaient 
encore  un  champ  plus  vaste  aux  spéculations  malhonnêtes. 


Le  taux  légal,  admis  comme  maximum  par  la  chambre 
des  comptes,  était  de  5  5/9  °/0.  Mais  le  trésor  était  souvent 
contraint  par  les  circonstances  à  donner  jusqu'à  20  et  25  °/0. 
Pour  dissimuler  l'illégalité,  le  surintendant  majorait  le  capi- 
tal encaissé  ;  puis,  pour  rétablir  la  balance  entre  les  recettes 
et  les  dépenses,  il  faisait  porter  sur  les  registres  des  tré- 
soriers de  l'épargne,  et  avec  leur  complicité,  des  dépenses 
imaginaires.  Plus  de  registres  des  fonds  versés  depuis  1654  : 
les  contrôleurs  des  finances  avaient  été  alors  dispensés  de 
les  tenir.  Ministres  et  commis,  sous  des  noms  supposés, 
prêtaient  à  l'Etat  à  des  taux  usuraires  ou  même  supposaient 
des  prêts.  Bref,  le  mécanisme  des  institutions  financières 
étant  détestable,  et  le  crédit  mal  assuré,  un  honnête  homme 
n'était  jamais  certain  de  ne  pas  passer  pour  un  voleur,  et 
un  voleur  avare,  sans  ostentation,  pouvait  être  tenu  pour 
un  honnête  homme.   Ces  honnêtes  gens-là  s'appelaient 
légion.  C'est  l'ostentation  qui  perdit  Fouquet.  Jal  note 
avec  raison  que  Vécureuil  grimpant   n'était  point  la 
devise  insolente  particulière  à  Nicolas  Fouquet,  mais  la 
devise  de  toute  sa  famille  ;  que,  sur  plusieurs  portraits  de 
ses  frères,  aucun  mot  n'accompagne  cette  devise.  Il  n'a  lu, 
dit-il,  le  célèbre  Quo  non  ascendet  ?  que  sur  le  drapeau 
de  la  trompette  d'une  Renommée  placée  par  L'Armessin  en 
haut  et  à  droite  de  sa  planche.  Mais  ce  mot  se  trouve  aussi 
sur  un  écusson  dessiné  par  Lebrun  pour  Nicolas  Fouquet, 
au-dessous  d'une  couronne  soutenue  par  deux  génies  (col- 
lection de  M.  Alf.  Beurdeley).  Cependant  Mazarin,  dans  les 
dernières  années  de  sa  vie,  s'était  appliqué  à  déprécier 
dans  l'esprit  du  jeune  roi  l'ambitieux  surintendant  ;  il  s'était 
attaché  Colbert  (V.  ce  nom),  et,  peut-être  un  peu  pour 
couvrir  sa  propre  réputation,  lui  faisait  contrôler  et  revi- 
ser, sous  les  yeux  de  Louis  XIV,  les  faux  états  de  recetles 
et  de  dépenses  qui  permettaient  à  Fouquet  moins  d'aug- 
menter sa  fortune  que  de  multiplier  ses  prodigalités  et,  par 
là,  ses  créatures.  Après  la  mort  du  cardinal,  le  trésor  étant 
fort  obéré  et  le  roi  ayant  marqué  la  volonté  de  gouverner 
par  lui-même,  Fouquet  fut  circonvenu  par  ceux  qui  voyaient 
où  était  le  véritable  avenir.  On  lui  persuada  de  vendre  sa 
charge  de  procureur  général  du  parlement  à  M.  du  Har- 
lay,  et  d'en  porter  le  produit,  1  million,  à  l'épargne.  Le 
roi  n'avait-il  pas  abandonné  aux  héritiers  de  Mazarin  les 
50  millions  que  celui-ci  avait  légués,  ou  plutôt  restitués  à 
la  couronne  ?  Fouquet  pouvait  supposer  que  le  sacrifice 
d'argent  qu'il  faisait  serait  suffisant  puisqu'il  avait  été  pro- 
voqué et  accepté.  C'était,  d'autre  part,  déconcerter  ses  en- 
nemis et  agir  en  beau  joueur  :  procureur  général,  il  n'était 
justiciable  que  du  parlement  de  Paris  ;  démisionnaire,  il 
se  mettait  entièrement  entre  les  mains  du  roi.  L'événement 
montra  qu'il  avait  trop  compté  sur  la  générosité  royale.  La 
fête  splendide  qu'il  donna  au  roi  dans  son  château  de  Vaux, 
qui  lui  avait  coûté  18  millions,  bien  loin  d'incliner  son 
hôte  à  la  clémence,  ne  fit  que  l'indigner  (16  août  1661). 
D'après  Choisi,  c'est  alors  même  que  Louis  XIV  aurait  songé 
à  l'arrêter,  et  il  l'eût  fait  sans  les  prières  d'Anne  d'Au- 
triche. Voici  en  quels  termes  Louis  XIV  décrit  lui-même 
ses  sentiments  :  «  La  vue  des  vastes  établissements  que  cet 
homme  avait  projetés  et  les  insolentes  acquisitions  qu'il  avait 
faites  ne  pouvaient  manquer  qu'elles  ne  convainquissent  mon 
esprit  du  dérèglement  de  son  ambition,  et  la  calamité  générale 
de  tous  mes  peuples  sollicitait  sans  cesse  justice  contre  lui. 
Mais  ce  qui  le  rendait  plus  coupable  envers  moi  était  que 
bien  loin  de  profiter  de  la  bonté  que  je  lui  avais  témoignée 
en  le  retenant  dans  mes  conseils,  il  en  avait  pris  une  nouvelle 
espérance  'de  me  tromper,  et.  bien  loin  d'en  devenir  plus 
sage  tâchait  seulement  d'en  devenir  plus  adroit.  Mais  quelque 
artifice  qu'il  pût  pratiquer,  je  ne  fus  pas  longtemps  sans  re- 
connaître sa  mauvaise  foi  :  car  il  ne  pouvait  s'empêcher  de 
continuer  ses  dépenses  excessives,  de  fortifier  des  places, 
d'orner  des  palais,  de  former  des  cabales,  et  de  mettre 
sous  le  nom  de  ses  amis  des  charges  importantes  qu'il  leur 
achetait  à  mes  dépens,  dans  l'espoir  de  se  rendre  bientôt 
l'arbitre  souverain  de  l'Etat.  »  D'après  le  rapport  d'un  des 
nombreux  espions  de  Fouquet,  les  sentiments  de  la  reine 


—  897  — 


FOUQUET 


mère  ne  différaient  pas  beaucoup  de  ceux  de  son  fils  :  «  Il 
verra,  disait-elle  un  jour,  il  verra  ce  qu'a  fait  sur  l'esprit 
du  roi  tout  l'argent  qu'il  a  bâillé  de  sa  propre  bourse  pour 
le  marquis  de  Créqui.  Le  roi  aime  d'être  riche  et  n'aime 
pas  ceux  qui  le  sont  plus  que  lui,  puisqu'ils  entreprennent 
des  choses  qu'il  ne  saurait  faire  lui-même  et  qu'il  ne  doute 
point  que  les  grandes  richesses  des  autres  ne  lui  aient  été 
volées.  »  Quant  à  la  rivalité  amoureuse  de  Fouquet  et  du 
roi  auprès  de  MUe  de  La  Vallière,  elle  est  douteuse.  Il  est 
vraisemblable  que  le  surintendant  ait,  suivant  son  système, 
essayé  d'entrer  dans  les  bonnes  grâces  de  la  favorite  à 
seule  fin  de  mieux  tenir  le  roi,  qu'il  ait  parlé  d'argent,  et 
qu'il  se  soit  attiré  la  juste  indignation  d'un  cœur  égaré, 
mais  sincère.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  procès  de  Fouquet  n'est 
pas  seulement  une  affaire  individuelle  ;  c'est  une  affaire 
générale,  coup  de  police  et  coup  d'Etat  tout  ensemble;  c'est 
la  manifestation  éclatante  de  cette  ferme  volonté  que 
Louis  XIV  avait  témoignée,  de  gouverner  par  lui-même  et 
de  voir  clair  dans  les  affaires  de  son  royaume.  Cependant 
le  jeune  roi  ne  se  crut  pas  assez  fort  pour  se  passer  de 
cette  dissimulation  sans  laquelle  un  de  ses  prédécesseurs 
avait  déclaré  que  l'on  ne  saurait  régner.  Il  entreprit  le 
voyage  de  Nantes  sous  le  prétexte  d'aller  tenir  les  Etats  de 
Bretagne,  et  y  invita  Fouquet,  très  puissant  dans  cette 
province.  Comblé  de  prévenances  et  de  marques  de  faveur, 
celui-ci  ne  crut  pas  ou  ne  voulut  pas  croire  aux  billets  in- 
quiétants de  Mme  du  Plessis-Bellière,  sa  meilleure  amie, 
et  de  Gour ville.  Il  fut  arrêté  à  Nantes  même,  après  le 
conseil  tenu  le  5  sept,  au  matin,  par  les  soins  de  d'Arta- 
gnan,  capitaine-lieutenant  des  mousquetaires  ;  puis  trans- 
féré sur-le-champ  à  Amboise,  de  là  à  Yincennes,  à  Mo- 
ret,  et  enfin  à  la  Bastille  le  48  juin  4663.  Pélisson,  son 
premier  commis,  fut  aussi  mis  à  la  Bastille.  Sa  famille  fut 
dispersée  en  province,  Mme  du  Plessis-Bellière  reléguée  à 
Montbrison,  etc.  Tout  d'abord,  l'opinion  publique  s'était 
déclarée  contre  lui.  A  Angers,  les  habitants  criaient  à  d'Ar- 
tagnan,  qui  le  gardait  :  «  Ne  craignez  pas  qu'il  sorte  ;  car 
si  nous  l'avions  entre  nos  mains,  nous  le  pendrions  nous- 
mêmes.  »  Mais  les  surintendants  des  finances,  bons  ou  mau- 
vais, avaient-ils  jamais  connu  la  popularité  ?  D'ailleurs, 
l'opinion  publique  n'était  alors  que  celle  de  la  cour  et  de  la 
ville.  La  longueur  d'un  procès  qui  dura  plus  de  quatre  ans 
et  où  tant  de  personnes  étaient  ou  pouvaient  être  impli- 
quées, permit  aux  amis  de  Fouquet  de  signaler  leur  dévoue- 
ment. Dans  le  nombre,  on  doit  citer  La  Fontaine  (Elégie 
aux  nymphes  de  Vaux),  Mme  de  Sévigné  (Lettre  à  Pom- 
ponne), Saint-Evremond,  MUe  de  Scudéry,  Loret,  Brébeuf, 
Gourville,  Hesnaut  (Epigramme  contre  Colbert).  Pélis- 
son (V.  ce  nom)  refusa  d'aggraver  par  aucune  déclaration 
la  position  de  son  ancien  protecteur,  et,  de  la  Bastille,  en- 
voya deux  Discours  au  roi  et  des  Considérations  som- 
maires, etc.,  chefs-d'œuvre  de  l'éloquence  judiciaire  au 
xvii8  siècle.  Les  falsifications  de  pièces  commises  par  Ber- 
ryer,  commis  de  Colbert,  avec  un  excès  de  zèle  que  celui-ci 
dut  désavouer,  les  mauvais  traitements  que  subirent  de  la 
part  du  public  les  juges  qui  en  étaient  soupçonnés,  l'achar- 
nement tout  personnel  du  chancelier  Séguier  et  du  procu- 
reur général  Talon,  contribuèrent  sans  doute  à  sauver  la 
tête  de  Fouquet.  Sans  doute,  ce  n'est  pas  «  être  innocent 
que  d'être  malheureux  »,  suivant  la  morale  accommodante 
de  La  Fontaine  ;  mais  c'est  une  heureuse  chance  pour  un 
coupable  de  se  voir  poursuivi  par  des  moyens  perfides  et 
malhonnêtes,  et  défendu  par  d'honnêtes  gens.  Ne  pas  ou- 
blier d'ailleurs  que  la  chambre  de  justice  avait  été  formée 
de  commissaires  tirés  de  tous  les  parlements  du  royaume, 
et  assurément  triés  sur  le  volet.  Sur  22  juges,  9  conclu- 
rent à  la  peine  capitale,  que  requérait  Talon,  43  au  ban- 
nissement perpétuel  et  à  la  confiscation  des  biens  (20  déc). 
Le  roi  réforma  ce  jugement  comme  insuffisant  pour  la  sûreté 
du  royaume,  et  le  bannissement  fut  commué  en  prison  per- 
pétuelle, ce  qui,  dans  les  cas  ordinaires,  n'était  pas  consi- 
déré comme  une  aggravation,  puisque  les  prisonniers  étaient 
nourris  et  logés  aux  frais  du  roi,  tandis  que  les  bannis 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


n'avaient  plus  ni  feu,  ni  lieu,  ni  existence  assurée.  Mais 
l'aggravation  de  peine  était  évidente  en  ce  qui  concerne  un 
personnage  comme  Fouguet.  A  Pignerol,  où  il  fut  conduit 
le  23  déc.  4664  et  où  il  arriva  le  40  janv.  4665,  il  fut 
placé  sous  la  garde  vigilante  de  Saint-Mars,  et  mis  au  secret 
absolu,  sans  plume  ni  papier.  Toutes  les  semaines,  Louvois 
exigeait  des  nouvelles  du  prisonnier  ou  la  notification  qu'il 
n'y  en  avait  aucune.  Il  ne  pouvait  se  confesser  qu'aux  quatre 
grandes  fêtes,  et  jamais  au  même  prêtre.  On  pendit  ou  Ton 
mit  aux  galères  des  soldats  qui  avaient  communiqué  avec 
lui.  Toutefois,  la  lecture  lui  était  permise.  En  juin  4665,  la 
foudre  démolit  une  partie  de  sa  prison  et  l'épargna.  Sa  cap- 
tivité fut  adoucie  en  4672  ;  en  4679,  on  lui  permit  de  voir  sa 
femme  et  ses  enfants.  Il  mourut  en  mars  4680  (Lettre  de 
Mmede  Sévigné  au  3avr.)  :  le  corps  fut,  croit-on,  inhumé  à 
Paris  le  28  mars  de  l'année  suivante,  mais  sans  aucune  inscrip- 
tion, aux  filles  de  la  Visitation-Sainte -Marie.  —  P.  Lacroix 
a  vu,  dans  Fouquet,  le  Masque  de  fer  (V.  ce  mot),  mais 
cette  opinion  n'a  point  prévalu.  Dans  les  dernières  années 
de  sa  vie,  le  prisonnier  s'était  jeté  dans  la  dévotion.  On  lui 
attribue  :  les  Conseils  de  la  Sagesse,  édités  en  4677  et 
une  seconde  fois  en  4682,  avec  une  suite  en  4683;  la  Mé- 
thode pour  converser  avec  Dieu  (4684,  in-46)  ;  le  Théo- 
logien dans  les  conversations  avec  les  sages  et  les 
grands  du  monde  (4683,  in-4).  Fouquet  avait  eu  de  sa 
première  femme,  Marie  Fourché  de  Quéhillac,  une  fille, 
Marie,  qui  épousa  le  comte  Armand  de  Béthune-Charost  ; 
de  sa  seconde  femme,  Marie-Magdeleine  de  Castille-Ville- 
mareuil  (morte  en  4746),  naquirent  Louis-Nicolas  Fou- 
quet, comte  de  Vaux,  mort  en  4705  ;  Charles- Armand, 
prêtre  de  l'Oratoire;  Louis,  marquis  de  Belle-Isle;  Marie- 
Magdeleine,  femme  d'Emmanuel  de  Crussol  d'Uzès.  Avec 
M.  Bonnaffé,  on  peut  estimer  en  Fouquet  l'homme  de  goût, 
l'amateur  d'art  qu'était  également  Mazarin.  On  peut  répéter 
avec  Voltaire  qu'  «  il  n'appartient  pas  à  tout  le  monde  de 
faire  les  mêmes  fautes  ».  Mais  ces  fautes,  il  est  impossible 
de  les  nier  historiquement  et  de  les  couvrir  moralement.  Ni 
l'hypothèse  dénuée  de  preuves  qui  attribue  à  Molière  le 
Livre  abominable  de  i665,  ni  les  circonstances  atté- 
nuantes déduites  avec  tant  d'habileté  par  M.  J.  Lair,  ne 
feront  oublier  ces  justes  paroles  du  président  Lamoignon  à 
l'ouverture  de  la  chambre  de  justice  de  4664  :  «  Il  y  a 
bien  longtemps  que  tous  les  véritables  magistrats,  que  tous 
les  gens  de  bien,  que  tous  les  bons  Français  étaient  touchés 
d'une  douleur  très  sensible,  voyant  qu'en  même  temps 
que  la  France  était  triomphante  au  dehors,  qu'elle  étendait 
au  loin  ses  frontières  de  toutes  parts  et  qu'elle  portait  la 
terreur  dans  les  pays  voisins,  elle  était  dans  la  désolation 
au  dedans  et  paraissait  comme  abandonnée  au  pillage  et 
aux  rapines  de  cette  sorte  de  gens  qui  font  tout  leur  bien 
du  mal  des  autres.  »  La  condamnation  de  Fouquet  fut  la 
rançon  du  ministère  de  Mazarin.  H.  Monin. 

Bibl.  :  Recueil  des  défenses  de  M.  Fouquet  (imprimé 
parles  Elzevier)  ;  Amsterdam,  1665-1667, 15  vol.  in-12.Une 
deuxième  édition  en  16  vol.  a  paru  en  1696  sous  le  titre 
de  :  Œuvres  de  M.  Fouquet.  —  Paroletti,  Sur  la  Mort 
du  surintendant  Fouquet  ;  notices  recueillies  à  Pignerol  ; 
Turin,  1812,  in-4.  —  A.  Ciiéruel,  Mémoires  sur  la  vie  pu- 
blique et  privée  de  Fouquet,  d'après  ses  lettres  et  des 
pièces  inédites  conservées  à  la  Bibliothèque  impériale  ; 
Paris,  1862,  2  vol.  in-8.  —  E.  Bonnaffé,  les  Amateurs  de 
V ancienne  France.  Le  surintendant  Fouquet;  Paris,  1882, 
in-4.  —  L.  Deroy,  le  Procès  de  Fouquet,  discours  pro- 
noncé... le  21  nov.  1882  ;  Paris,  in-8.  —  L.-A.  Ménard, 
le  Livre  abominable  de  1665  qui  courait  en  manuscrit 
parmi  le  monde  sous  le  nom  de  Molière  {comédie  politique 
en  vers  sur  le  procès  de  Foucquet),  découvert  et  publié 
sur  une  copie  du  temps  ;  Paris,  1883,  2  vol.  in-16.  — 
G.  Marcel,  le  Surintendant  Fouquet,  vice-roi  d'Amérique, 
extrait  de  la  Revue  de  géographie  ;  Paris,  1885,  in-8.  — 
•J.  Lair,  Nicolas  Foucquet  ;  Paris,  1890,  2  vol.  in-8. 

FOUQUET  (François),  prélat  français,  frère  du  précé- 
dent, mort  le  19  oct.  1673.  Il  fut  conseiller  au  Parlement, 
évêque  de  Bayonne  (4637),  d'Agde  (1643),  et  archevêque 
de  Narbonne  (1659).  A  la  chute  de  son  frère,  il  fut  exilé 
plusieurs  années  hors  de  son  diocèse. 

FOUQUET  (Louis),  prélat  français,  frère  du  précédent, 

57 


FOUQUET  —  FOUQUIER  —  8 

mort  le  4  févr.  1702.  Il  fut  évêque  et  comte  d'Agde  (1658). 
Il  joua  un  rôle  important  pendant  la  Fronde  ;  plus  tard,  il 
se  mêla  à  diverses  intrigues  et  se  montra  souvent  l'adver- 
saire du  surintendant,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'être 
exilé  en  1661. 

FOUQUET  (Charles-Louis- Auguste)  (V.  Belle-Isle 
[Comte  et  duc  de]). 

FOUQUET  (Louis-Charles-Armand)  (V.  Belle-Isle 
[Chevalier  et  comte  de]). 

FOUQUET  (Henri),  médecin  français,  né  à  Montpellier 
le  31  juil.  1727,  mort  à  Montpellier  le  10  oct.  1806.  Il 
étudia  à  Paris  et  fut  reçu  docteur  dans  sa  ville  natale  en 
1760  ;  il  y  échoua  deux  fois  au  concours  pour  la  chaire  de 
médecine,  parce  qu'il  ne  pouvait  offrir  au  premier  méde- 
cin du  roi  les  10,000  livres  qu'il  fallait  donner.  Ce  n'est 
qu'à  l'âge  de  soixante-deux  ans  qu'il  fut  nommé,  après 
avoir  rendu  des  services  signalés  dans  plusieurs  épidémies. 
En  1793  et  1794,  il  fut  inspecteur  médical  à  l'armée  des 
Pyrénées-Orientales,  puis  en  1800  fut  envoyé  en  Anda- 
lousie, enfin,  en  1804,  fut  appelé  à  de  hautes  fonctions  dans 
la  médecine  militaire.  Ses  ouvrages  sont  remarquables  : 
Essai  sur  le  pouls  (Paris,  I767,in-12;  Montpellier,  1768, 
in-8)  ;  Traitement  de  la  petite  vérole  des  enfants 
(Amsterdam  et  Montpellier,  1772,  in-12)  ;  Prœlectiones 
medicœ  (Montpellier,  1777,  in-12),  etc.       DrL.  Hn. 

FOUQU  ET  (Charles-Félix-Michel),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Sinceny  le  10  nov.  1825.  Gros  raffineur  de 
sucre  dans  l'Aisne,  il  fut  élu  représentant  de  ce  départe- 
ment à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871  et  s'incrivit 
au  centre  gauche  et  à  la  gauche  républicaine.  Elu  député  de 
Laon  le  20  févr.  1876,  il  fit  partie  des  363,  fut  réélu  avec 
eux  le  14  oct.  1877  et  de  nouveau  le  21  août  1881.  Il  ne 
se  représenta  pas  en  1885. 

FOUQU  ET  (Louis-Camille),  homme  politique  français,  né 
à  Rugles  (Eure)  le  13  janv.  1841 .  Elève  de  l'Ecole  polytech- 
nique, il  fit  dans  l'artillerie  la  guerre  franco-allemande  de 
1870,  et  parvint  au  grade  de  capitaine.  Il  renonça  ensuite 
à  la  carrière  militaire  pour  diriger  une  fabrique  de  fil  de 
laiton,  situation  qu'il  quitta  en  1885  pour  se  consacrer 
uniquement  à  la  politique.  Elu  député  de  l'Eure  le  4  oct. 
1885  avec  un  programme  bonapartiste,  il  combattit  les  di- 
vers cabinets  républicains  et  appuya  le  boulangisme.  Le 
22  sept.  1889,  il  fut  réélu  par  l'arr.  de  Bernay,  avec 
9,161  voix  contre  3,611  à  M.  Bouchon,  républicain. 

FOUQU  EU  RE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de 
Ruffec,  cant.  d'Aigre;  760  hab. 

FOUQUEVILLE,  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Lou- 
viers,  cant.  d'Amfreville-la-Campagne  ;  303  hab. 

FOUQUIER  (Jacques -François -Henry),  publiciste  et 
homme  politique  français,  né  à  Marseille  le  1er  sept.  1838. 
Il  professa,  en  1 861 ,  à  l'Institut  de  Genève,  un  cours  sur  la 
peinture  italienne  qu'il  avait  longuement  étudiée  sur  place, 
puis  se  fixa  à  Paris  où  il  collabora  aux  principaux  journaux 
d'opposition,  entre  autres  au  Courrier  du  Dimanche,  fit 
partie,  en  1867,  des  Mille  de  Garibaldi,  rentra  à  Paris, 
écrivit  au  Siècle,  au  Nain  Jaune,  au  Charivari,  à  la 
Revue  germanique,  etc.,  et,  après  le  4  septembre,  chargé 
d'une  mission  officielle  dans  sa  ville  natale,  y  fonda  avec 
M.  Labadié  la  Vraie  République,  qu'il  ne  dirigea  que 
deux  mois.  Nommé,  en  déc.  1870,  secrétaire  général  delà 
préfecture  des  Bouches-du-Rhône,  à  deux  reprises  préfet 
intérimaire  du  même  département,  mis  en  disponibilité  à 
la  suite  d'un  conflit  survenu  entre  lui  et  le  contre-amiral 
Cosnier,  appelé  enfin  par  M.  Casimir- Perier  à  la  direction 
de  la  presse  au  ministère  de  l'intérieur,  M.  Fouquier  sortit 
momentanément  de  la  vie  publique  au  24  mai  1873.  On 
le  retrouve  alors,  sous  son  nom  et  sous  divers  pseudo- 
nymes (Spectator,  Philinte,  Nestor,  Colombine,  etc.), 
mêlé  dans  la  presse  au  mouvement  politique,  artistique  et 
littéraire  de  ces  vingt  dernières  années.  Rédacteur  à  V Evé- 
nement, au  Bien  public,  au  Courrier  de  France,  etc., 
il  fonde,  de  concert  avec  M.  Andrieux,  le  Petit  Parisien, 


passe  au  XIXe  Siècle,  et,  à  la  mort  d'Edmond  About,  de- 
vient quelque  temps  rédacteur  en  chef  de  ce  journal.  On 
le  trouve  vers  la  même  époque  au  Cil  Blas,  sous  le  pseu- 
donyme de  Nestor  et  de  Colombine.  La  propriété  de  ce 
dernier  pseudonyme  ayant  été  attribuée  par  les  tribunaux 
au  journal  oh  écrivait  M.  Fouquier,  celui-ci  en  modifia  la 
désinence  et  en  fit  Colomba,  pseudonyme  dont  il  signe 
actuellement  ses  articles  «  féminins  »  de  Y  Echo  de  Paris. 
M.  Henry  Fouquier  a  été  chargé  en  1891,  après  la  mort 
d'Albert  Wolf,  de  la  critique  dramatique  du  Figaro.  Il 
collabore  régulièrement  en  outre  au  XIXe  Siècle,  à  la 
Revue  de  Famille  et  à  différents  journaux  de  province. 
Il  est  rentré  dans  la  vie  publique  aux  élections  du  22  sept. 
1889  et  représente  à  la  Chambre  des  députés  l'arr. 
de  Barcelonnette  (Basses-Alpes);  il  siège  au  centre.  Il 
avait  essuyé  un  premier  échec  au  4  oct.  1885,  dans  les 
Bouches-du-Rhône,  où  son  nom  figurait  sur  la  liste  répu- 
blicaine opportuniste;  il  n'avait  pas  été  plus  heureux 
dans  une  élection  partielle  de  1888,  où  son  concurrent, 
Félix  Pyat,  le  battit  de  près  de  28,000  voix.  En  dehors  de 
sa  collaboration  aux  principaux  journaux  de  l'époque,  on 
doit  à  M.  Fouquier  des  Etudes  artistiques  (1859);  VArt 
officiel  et  la  Liberté  (1861)  ;  Au  Siècle  dernier  (1884)  ; 
la  Sagesse  parisienne  (1885),  etc.  Ce  sont  pour  la  plu- 
part de  simples  recueils  d'articles  :  on  y  retrouve  le  fonds 
d'ironie,  l'érudition  délicate  et  le  style  nuancé  et  souple 
qui  ont  fait  de  M.  Fouquier  un  des  premiers  journalistes 
de  notre  temps.  M.  Fouquier  est  aussi  l'auteur,  en  colla- 
boration avec  M.  J.  Carré,  d'une  adaptation  dramatique 
d'un  livre  de  M.  Ranc  intitulé  le  Roman  d'une  Conspira- 
tion. Il  a  épousé,  en  1876,  la  veuve  d'Ernest  Feydeau. 
-—  Son  fils,  M.  Marcel  Fouquier,  rédacteur  à  la  France,  au 
XIX0  Siècle,  etc.,  s'est  signalé  à  l'attention  du  public  lettré 
par  un  excellent  livre  de  critique.  Ch.  Le  Goffic. 

FOUQU IER-Tinvjlle  (Antoine-Quentin),  homme  poli- 
tique et  magistrat  français,  né  à  Hérouël  (Aisne)  en  juin 
1746,  guillotiné  à  Paris  le  7  mai  1795.  Il  était  fils  d'Eloy 
Fouquier  de  Tinville,  riche  cultivateur  qui  s'intitulait,  dans 
les  actes  publics,  seigneur  d'Hérouèl.  Son  frère,  Fouquier 
d'Hérouèl,  fourrier  des  logis  du  roi,  avait  été  député  du  tiers 
état  du  bailliage  de  Saint-Quentin  aux  Etats  généraux.  Il  fit 
son  droit  à  Paris,  acheta  en  1774  une  charge  de  procureur 
au  Châtelet  qu'il  revendit  en  1783  et  obtint,  dit-on,  l'année 
suivante,  un  emploi  de  commis  dans  les  bureaux  de  la  police. 
Parent  de  Camille  Desmoulins,  il  adopta  les  principes  de  la 
Révolution,  mais  son  rôle  de  1789  à  1793  est  peu  connu.  On 
dit  seulement  qu'il  participa  aux  journées  du  14  juil.  1789 
et  du  10  août  1792.  Il  n'entre  dans  l'histoire  qu'au  moment 
où  il  est  nommé  un  des  directeurs  du  jury  d'accusation  au 
tribunal  criminel  du  1 7  août .  Ces  fonctions  le  désignèrent  pour 
le  poste  d'accusateur  adjoint  au  tribunal  du  10  mars  1793. 
Mais  l'accusateur  public,  Faure,  n'ayant  pas  accepté,  Fou- 
quier-Tinville  le  remplaça.  Dans  ces  terribles  fonctions,  il 
montra  un  zèle  odieux.  Ses  actes  d'accusation,  ses  reparties 
aux  accusés,  son  action  sur  les  jurés  dans  le  cours  des 
procès  lui  valurent  une  réputation  d'habileté  et  de  férocité. 
Pédant  et  citant  volontiers  Horace,  il  lui  arriva  cependant 
quelquefois  de  se  montrer  humain  par  caprice.  En  réalité, 
il  fut  un  instrument  aux  mains  du  comité  de  Salut  public. 
C'est  son  attitude  dans  le  procès  de  Danton  qui  lui  valut 
surtout  son  renom  sinistre.  Pourtant,  quand  Danton  et  ses 
amis  insistèrent  pour  faire  comparaître  leurs  témoins,  il 
transmit  à  la  Convention  leur  demande.  Saint- Just  trompa 
la  Convention  en  ne  lui  lisant  pas  la  lettre  de  Fouquier  et 
en  lui  faisant  croire  que  celui-ci  se  plaignait  de  la  rébellion 
des  accusés.  Ce  n'est  donc  pas  tout  à  fait  la  faute  de  l'ac- 
cusateur public  si  un  décret  leur  ferma  la  bouche.  Sa 
défense  consista  plus  tard  à  dire  :  «  J'avais  des  ordres, 
j'ai  obéi.  »  Mais  il  lui  arrivait  de  dresser  des  listes  pour 
le  jugement  du  lendemain  avant  d'avoir  les  pièces.  C'est 
lui  qui  appliqua  à  Robespierre  et  aux  vaincus  de  Thermidor 
le  décret  de  mise  hors  la  loi.  Aussi  Barère  le  proposa-t-il 
d'abord  pour  la  place  d'accusateur  public  dans  le  tribunal 


—  899  — 


FOUQUIER  —  FOUR 


révolutionnaire  réorganisé.  Mais  Fréron  le  fit  décréter 
d'accusation  le  14  thermidor  an  IL  Arrêté,  il  obtint  d'être 
entendu  par  la  Convention  le  21  et  ébaucha  son  système 
de  défense,  qui  fut  de  se  présenter  comme  un  instrument  du 
comité  de  Salut  public.  Son  procès  venait  de  commencer 
au  tribunal  révolutionnaire  quand  la  Convention  décida 
(28  frimaire  an  III)  le  renouvellement  de  ce  tribunal,  qui  fut 
remplacé  par  celui  du  8  nivôse.  Le  procès  fut  repris  le 
8  germinal  et  Fouquier  fut  condamné  et  guillotiné  le  18 
floréal,  avec  plusieurs  membres  de  l'ancien  tribunal  révo- 
lutionnaire. Il  y  a  dans  son  dossier  une  note  de  sa  main 
ainsi  conçue  :  «  Je  n'ai  rien  à  me  reprocher  ;  je  me  suis 
toujours  conformé  aux  lois  ;  je  n'ai  jamais  été  créature  de 
Robespierre  ni  de  Saint-Just;  au  contraire,  j'ai  été  sur  le 
point  d'être  arrêté  quatre  fois.  Je  meurs  pour  ma  patrie 
sans  reproche  ;  je  suis  satisfait  ;  plus  tard  on  reconnaîtra 
mon  innocence.  »  C'est  bien  là  un  résumé  de  sa  défense, 
qui  fut  très  habile  et  embarrassante.  —  M.  Lecocq  a  pu- 
blié des  lettres  que  Fouquier  écrivit  à  sa  femme  dans  sa 
prison.  Il  avait  été  marié  deux  fois  :  d'abord  avec  Gene- 
viève Saugnier,  qui  mourut  en  1782  et  dont  il  eut  cinq 
enfants,  puis  avec  Jeanne-Henriette  Gérard-Daucourt,  dont 
il  eut  un  fils.  F. -A.  A. 

Bibl.  :  Ch.  Nauroy,  le  Curieux,  i.  I,  pp.  347  et  ,suiv. — 
Domenget,  F ouquier-T inville  et  le  tribunal  révolution- 
naire ;  Paris,  1878,  in-8.  —  Ch.  Lecocq,  Notes  et  documents 
sur  F  ouquier-T  inville;  Paris,  1885,  in-8.  —  H.  Wallon, 
Histoire  du  tribunal  révolutionnaire  de  Paris;  Paris, 
1880-82,  6  vol.  in-8. 

FOUQUIÈRES-lès-Béthune.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de- 
Calais,  arr.  et  cant.  de  Béthune;  435  hab. 

FOUQUIÈRES-lès-Lens.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de- 
Calais,  arr.  de  Béthune,  cant.  de  Lens;  1,715  hab. 

FOUQUIÈRES  (Jacques  Foequier,  dit),  peintre  fla- 
mand, né  à  Anvers  vers  1595,  mort  à  Paris  en  1659.  Il 
n'est  pas  prouvé  que,  comme  on  l'a  dit  longtemps,  il  ait 
eu  pour  premiers  maîtres  Joost  de  Momper  et  Jean  Breughel 
le  Vieux,  mais  il  est  certain  qu'il  termina  son  apprentis- 
sage chez  Rubens.  Fouquières  est  du  nombre  de  ces  paysa- 
gistes, comme  Jean  Wildens,  Lucas  van  Uden,  François 
Wouters,  auxquels  le  maître  donnait  à  peindre  les  fonds 
de  ses  grands  tableaux.  En  1614,  il  était  admis  comme 
maître  dans  la  gilde  d'Anvers  et  ouvrait  une  école  dont 
l'élève  le  plus  illustre  fut  Philippe  de  Champaigne;  en 
4618,  sa  réputation  devait  être  déjà  grande,  puisque  Fré- 
déric V,  l'électeur  palatin,  l'appela  pour  lui  confier  la 
décoration  du  palais  de  Heidelberg,  restauré  à  l'occasion  de 
son  mariage  avec  la  princesse  Elisabeth  d'Angleterre.  Mais 
l'électeur  s'engagea  dans  cette  révolte  de  la  Bohême,  qui 
commença  la  guerre  de  Trente  ans,  et  Fouquières,  obligé 
de  quitter  les  provinces  menacées  du  rebelle,  vint  à  Paris. 
Son  maître  Rubens  l'y  retrouva  dès  1622,  et  l'employa 
comme  aide  pour  la  grande  suite  qu'il  entreprenait  sur  la 
commande  de  Marie  de  Médicis.  Lui-même  fut  chargé  d'une 
entreprise  considérable  ;  le  surintendant  des  bâtiments, 
Subletdes  Noyers,  lui  confia,  au  nom  de  Richelieu,  l'exé- 
cution des  Quatre-vingt-seize  Vues  de  France,  destinées 
•à  décorer  la  grande  galerie  du  Louvre.  Bientôt  ce  projet  de 
décoration  fit  place  à  un  autre  pour  lequel  le  roi  choisit, 
non  plus  Fouquières,  mais  Poussin,  qui  fut  rappelé  de 
Rome  à  cet  effet.  L'artiste  flamand,  dont  la  vanité  était 
proverbiale,  furieux  de  se  voir  évincé,  se  ligua  avec  Simon 
Vouet  et  l'architecte  Lemercier  contre  Poussin,  et  fit  si 
bien  par  ses  intrigues  que  le  grand  artiste,  abreuvé  de 
dégoûts,  quitta  la  France  pour  n'y  plus  revenir.  D'ailleurs 
cette  triste  victoire  ne  profita  pas  à  Fouquières  :  il  s'aban- 
donna de  plus  en  plus  à  la  paresse  et  à  la  débauche,  fut 
délaissé  de  ses  amis  et  de  ses  protecteurs,  et  mourut  misé- 
rablement dans  une  pauvre  maison  du  faubourg  Saint- 
Jacques.  —  Des  chasses  et  des  paysages  lui  sont  attribués 
dans  diverses  galeries  ;  mais,  parmi  ces  tableaux,  un  seul 
est  signé,  celui  du  musée  de  Berlin.  Ses  Quatorze  Mé- 
daillons ou  Panneaux  des  Tuileries  ont  péri  dans  l'in- 
cendie de  1871.  De  nombreuses  gravures,  d'après  ses 


tableaux,  ont  été  faites  de  son  vivant  par  Mathieu  Mon- 
tagne, Perelle,  Alexandre  Voet,  J.  Coelemans,  etc. 

Bibl.  :  Biographie  nationale  de  Belgique,  VII.  —  Fétis, 
les  Artistes  belges  à  l'étranger,  I.  —  Michiels,  Histoire 
de  la  peinture  flamande,  VIII. 

FOUR.  I.  Technologie.  —  On  donne  le  nom  de  four 
non  seulement  aux  constructions  voûtées  en  maçonnerie  où 
l'on  fait  cuire  le  pain,  les  viandes,  etc.,  mais  encore  aux 
appareils  de  nature  et  de  forme  très  variées  qu'on  emploie 
dans  les  laboratoires  de  chimie  et  dans  les  ateliers  indus- 
triels, pour  porter  les  corps  que  l'on  y  introduit  à  des  tem- 
pératures plus  ou  moins  élevées  dans  le  but  d'en  opérer  la 
cuisson,  la  fusion,  la  calcination,  la  combinaison  avec  d'autres 
corps,  la  décomposition,  etc.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  dé- 
crire les  différentes  sortes  de  fours  usités  en  chimie  et  dans 
les  arts  industriels;  nous  donnons  pour  chaque  application 
spéciale  un  exposé  de  la  forme,  de  la  destination,  des 
fonctions  et  de  l'usage  du  four  employé  dans  des  circons- 
tances particulières.  Nous  avons  seulement  à  donner  un 
aperçu  en  quelque  sorte  théorique  des  fours  en  général, 
en  énumérant  d'abord  les  opérations  qui  se  pratiquent  par 
leur  moyen,  en  indiquant  les  températures  qu'elles  exigent, 
les  phénomènes  qu'on  y  observe,  puis  en  recherchant  les 
dispositions  les  plus  avantageuses  à  leur  destination.  Enu- 
mérons  d'abord  les  principales  opérations  que  Ton  peut 
avoir  à  effectuer  à  l'aide  des  diverses  sortes  de  fours,  en 
commençant  par  celles  qui,  en  général,  exigent  les  tempé- 
ratures les  moins  élevées.  Ce  sont  les  suivantes  :  Vévapo- 
ration  des  liquides,  soit  pour  en  opérer  la  concentration, 
soit  pour  amener  la  cristallisation  des  sels  qu'ils  tiennent 
en  dissolution,  opérations  dans  lesquelles  la  température 
ne  dépasse  pas  110°  à  120°;  elle  se  fait  dans  des  vases 
en  verre,  en  fonte,  en  terre,  en  plomb  ;  la  dessiccation, 
comme  celle  qu'on  opère  sur  la  pierre  à  plâtre  ou  sur  le 
protoxyde  de  fer,  dont  l'eau  de  cristallisation  est  chassée 
à  300°  ;  la  carbonisation,  par  exemple  celle  des  os  qu'on 
fait  en  les  plaçant  concassés  dans  des  pots  incomplètement 
fermés;  Yincinération  des  matières  animales  et  végé- 
tales ;  la  calcination,  opération  dont  le  type  est  la  trans- 
formation des  carbonates  calcaires  en  chaux  vive  ;  le  chauf- 
fage des  minerais  ;  Y  affinage  des  minerais  ;  le  puddlage 
de  la  fonte  de  fer  ;  le  grillage  des  minerais  renfermant  des 
sulfures,  des  minerais  d'antimoine,  de  plomb,  de  cuivre  ; 
la  fusion  des  métaux,  des  alliages,  du  verre,  du  cristal, 
des  émaux;  la  vaporisation  ou  volatilisation  ou  subli- 
mation du  soufre  pour  le  purifier,  de  l'arsenic,  des  mi- 
nerais d'étain,  la  combustion  du  zinc  par  exemple,  pour  le 
transformer  en  oxyde  ;  la  réduction  des  oxydes,  des  sels 
en  métaux  ;  les  décompositions  des  corps,  leurs  combi- 
naisons et  leurs  réactions  qui  s'effectuent  sous  l'influence 
de  la  chaleur,  sont  réalisées  dans  la  préparation  d'une  mul- 
titude de  produits  chimiques. 

Dans  l'emploi  des  fours,  un  des  principaux  éléments  de 
la  question  serait  la  connaissance,  sinon  exacte,  du  moins 
approximative,  de  la  température  qui  doit  correspondre  à 
la  réussite  de  l'opération  qu'on  a  en  vue  d'exécuter.  Mal- 
heureusement, cette  notion  fait  défaut  dans  bien  des  cas. 
On  a  opéré  pendant  longtemps  et  l'on  opère  aujourd'hui 
encore  bien  souvent  d'une  manière  empirique.  Pour  venir 
en  aide  à  l'industrie,  les  inventeurs  ont  construit  cependant 
divers  pyromètres  s'appliquant  à  un  grand  nombre  d'opé- 
rations et  fournissant  des  indications  précises  ;  il  serait  à 
désirer  que  l'usage  de  ces  instruments  se  généralisât  dans 
toutes  les  industries  où  la  chaleur  joue  un  rôle  prépondé- 
rant. En  général,  la  température  des  fours  varie  depuis  celle 
de  270°,  suffisante  pour  la  cuisson  du  pain,  jusqu'à  celle  de 
2500°,  nécessaire  pour  la  fusion  du  platine  iridié.  Pour  ob- 
tenir dans  les  fours  les  températures  diverses  exigées  dans 
chaque  cas  particulier,  on  a  recours:  dans  les  laboratoires, 
à  la  combustion  du  charbon  de  bois,  du  coke  concassé,  du 
gaz  de  l'éclairage  ;  dans  les  becs  de  Bunsen,  de  celle  du 
gaz  oxyhydrique  plus  ou  moins  comprimé  ;  dans  l'industrie, 
les  fours  sont  chauffés  au  bois,  au  coke,  à  la  houille,  aux 


FOUR 


900  — 


huiles  lourdes  de  schiste,  au  pétrole  et  dans  quelques  cir- 
constances particulières,  comme  dans  la  fusion  du  platine, 
on  a  recours  à  un  système  de  plusieurs  chalumeaux  oxyhy- 
driques.  Imaginons  maintenant  qu'on  ait  à  construire  un 
four,  dans  le  but  de  produire  une  opération  connue  ;  il  est 
évident  que  le  meilleur  four  sera  celui  qui  permettra  de 
réaliser  l'effet  voulu  de  la  façon  la  plus  simple,  la  plus 
prompte,  la  plus  économique,  tout  en  employant  des  ma- 
tériaux offrant  des  garanties  de  solidité  et  de  durée,  dont 
la  manœuvre  sera  la  plus  commode  et  qui  enfin  utilisera 
le  mieux  la  chaleur  fournie  par  le  combustible  choisi.  Si 
l'intérieur  du  four  ne  doit  être  porté  qu'à  une  tempéra- 
ture peu  élevée,  c.-à-d.  inférieur  à  1,000°,  il  suffira  d'em- 
ployer des  matériaux  ordinaires,  assez  réfractaires  cepen- 
dant :  terre  et  calcaires  argileux  ou  siliceux  tassés  pour 
former  la  sole,  l'âtre  ou  plancher  du  four;  briques  pour  la 
voûte  ou  dôme  et  les  murs.  Si  la  température  doit  être  plus 
élevée  et  dépasse  i  ,200°,  il  sera  quelquefois  nécessaire, 
selon  les  matières  travaillées,  de  revêtir  de  plaques  de  fonte 
les  parois  latérales  extérieures,  afin  de  les  défendre  de 
coups  de  feu  trop  violents  qui  pourraient  détériorer  les  ma- 
tériaux. Enfin,  si  la  température  doit  être  portée  à  un  très 
haut  degré,  il  faudra  employer  à  la  construction  du  four 
les  matériaux  les  plus  réfractaires,  la  chaux  vive,  certains 
calcaires  argileux  ou  peu  siliceux,  le  fer  chromé,  etc.  En 
métallurgie,  un  four  se  compose  ordinairement  de  deux 
parties  :  l'une  intérieure  qu'on  nomme  la  chemise  et  qui 
doit  être  en  matériaux  réfractaires,  l'une  extérieure  au  re- 
vêtement construite  en  matériaux  ordinaires.  Quant  à  la 
forme,  les  fours  peuvent  être,  selon  les  cas,  circulaires,  ellip- 
tiques, rectangulaires,  plus  ou  moins  allongés  ;  la  sole  plane 
pourra  être  fixe  ou  tournante.  Dans  les  cas  où  l'on  doit 
opérer  à  la  fois  sur  de  grandes  quantités  de  matières,  les 
fours  seront  verticaux,  coniques,  tronconiques,  ovoïdes. 

L'énumération  que  nous  donnons  montre  dans  quelles 
industries  on  fait  usage  des  fours.  On  peut  distinguer  les 
fours  :  aérotherme,  annulaire,  automatique,  Bernard  Pa- 
lissy,  des  boulangers,  à  briques,  à  bronze,  à  calcination, 
à  carbonisation,  à  chaux,  chinois,  à  combustion  du  soufre, 
coulant,  à  coupelle,  à  cuivre,  à  cuve,  Deville  et  Debray, 
double,  à  deux  foyers,  à  flamme  ascendante,  descendante 
ou  latérale,  à  gaz,  à  grillage  des  minerais,  intermittent,  à 
laiton,  liégeois,  à  mercure,  à  moufle,  ovoïde,  des  pâtissiers, 
à  platine,  à  plâtre,  à  porcelaine,  portatif,  à  potasse,  de  po- 
tier, à  puddler,  à  pyrites,  à  raffiner,  à  réchauffer,  à  réver- 
bère, silésien,  à  sole  fixe,  plane,  horizontale,  inclinée,  con- 
cave, à  sole  tournante,  à  soude,  à  tremper,  à  tuiles,  à 
tuyaux  de  drainage,  à  cristal,  à  verre  à  bouteilles,  à  verre 
à  vitres,  universel  aux  huiles  lourdes  ou  au  pétrole,  à  zinc. 
La  plupart  de  ces  fours  sont  décrits  complètement  aux  in- 
dustries qui  les  employent. 

On  peut  distinguer,  dans  les  fours  en  général,  plusieurs 
parties  parmi  lesquelles  :  la  chauffe,  c'est  là  que  se  fait  la 
combustion  qui  doit  produire  la  chaleur;  le  laboratoire, 
c'est  là  que  se  font  les  réactions  ;  les  carneaux  et  les  ram- 
pants qui  conduisent  les  produits  de  la  combustion  à  la 
cheminée .  A  un  autre  point  de  vue,  nous  classerons  les 
fours  en  deux  catégories.  Les  fours  sans  récupération  de 
chaleur,  c.-à-d.  où  les  produits  de  la  combustion  mélangés 
aux  gaz  et  aux  vapeurs  qui  ont  été  dégagés  dans  l'opération 
se  rendent  directement  dans  la  cheminée  pour  être  déver- 
sés dans  l'atmosphère  ;  les  fours  à  récupération  de  cha- 
leur, c.-à-d.  où  les  produits  de  la  combustion  et  les  gaz  de 
l'opération  emmagasinent  dans  des  appareils  spéciaux  la 
plus  grande  partie  de  la  chaleur  que  possèdent  ces  gaz  et 
ces  vapeurs  ;  cette  chaleur  est  ensuite  utilisée  au  chauf- 
fage de  l'air  ou  des  gaz  combustibles  brûlés  dans  l'opéra- 
tion, de  manière  à  élever  la  température  obtenue  finalement. 

Dans  les  fours  sans  récupération  de  chaleur,  nous  distin- 
guerons :  les  fours  à  alandiers,  les  fours  de  galère,  les  fours 
à  réverbère  et  les  fours  à  cuve.  On  nomme  fours  à  alan- 
diers les  fours  où  la  chauffe  est  séparée  du  laboratoire  et 
où  les  produits  de  la  combustion  sont  en  contact  avec  les 


corps  qu'ils  doivent  échauffer  (V.  Alàndjer).  On  nomme 
fours  de  galère  les  fours  où  la  chauffe,  dans  une  position 
centrale,  échauffe  le  laboratoire  placé  de  chaque   côté. 
Comme  dans  le  four  à  alandiers,  le  combustible  et  le 
corps  à  échauffer  sont  séparés  et  il  y  a  contact  avec  les 
produits  de  la  combustion.  Généralement,  dans  les  fours 
de  galère,  une  voûte  commune  recouvre  la  chauffe  et  les 
deux  laboratoires  latéraux  ;   mais ,  malgré  la  réverbé- 
ration delà  chaleur  qui  en  résulte,  la  température  est  assez 
faible  dans  cette  sorte  de  fours,  quoique  la  consommation 
de  combustible  soit  assez  élevée  ;  cela  tient  à  l'appel  rapide 
des  gaz  brûlés  par  la  cheminée  qui  existe  à  une  extrémité 
du  four.  Citons  comme  type  de  fours  de  galère  les  fours 
à  distiller  le  sulfate  de  fer  à  Nordhausen  (Allemagne)  et  ceux 
à  liquater  les  terres  sulfureuses  en  Sicile.  Les  fours  à  ré- 
verbère sont  ceux  où  non  seulement  le  combustible  brû- 
lant sur  une  chauffe  séparée  ne  se  mêle  pas  avec  les  objets 
à  chauffer,  placés  sur  une  surface  plane  ou  concave  appe- 
lée sole,  mais  encore  où  la  surface  seule  de  ces  objets  est 
en  contact  avec  les  produits  de  la  combustion.  Le  chauffage 
a  lieu  par  la  réverbération  de  la  chaleur  de  la  voûte  sur  la 
sole.  Ce  sont  les  fours  qui  utilisent  le  mieux  la  chaleur  et 
ceux  qui  permettent  d'atteindre  les  températures  les  plus 
élevées  sans  récupération  de  chaleur.  Quand  on  veut  chauf- 
fer fort,  on  augmente  la  surface  de  la  grille,  ou  on  aug- 
mente la  section  du  laboratoire.  En  abaissant  la  voûte  aussi 
près  que  possible  de  la  sole,  on  force  le  gaz  à  se  rappro- 
cher du  corps  à  échauffer  et  on  ajoute  au  rayonnement 
direct  des  flammes  le  chauffage  par  contact  avec  la  sur- 
face. Les  fours  a  cuve  sont  ceux  où  le  combustible  et  le 
corps  à  traiter  sont  chargés  par  couches  alternatives  et  par 
conséquent  mélangés  plus  ou  moins  intimement  (V.  Cuve). 
Les  fours  à  récupération  de  chaleur  sont  tantôt  des 
fours  de  chauffage,  tantôt  des  fours  de  fusion.  Ce  qui  les 
caractérise,  c'est  l'emploi  du  combustible  à  l'état  gazeux  et 
l'utilisation  de  la  chaleur  contenue  dans  les  produits  de  la 
combustion.  Le  chauffage  a  lieu  par  la  combustion  de  gaz 
composés  d'oxyde  de  carbone  et  d'hydrogène,  plus  ou  moins 
mélangés  d'acide  carbonique  et  d'azote  et  qui  proviennent 
en  général  de  la  distillation  ou  de  la  combustion  imparfaite 
de  combustibles  solides  (V.  Gazogène).  Pour  augmenter  la 
température  de  combustion  de  ces  gaz,  on  a  eu  l'idée  de 
chauffer  au  préalable  :  le  gaz  ou  l'air  seul,  l'air  et  le  gaz  ; 
d'où  deux  systèmes  bien  différents.  Le  système  à  chauf- 
fage d'un  seul  des  éléments  de  la  combustion  peut  être  ca- 
ractérisé par  le  chauffage  Ponsard.  Les  produits  de  la 
combustion,  avant  de  se  rendre  dans  l'atmosphère,  traver- 
sent des  briques  entrelacées  qui,  étant  creuses,  laissent 
passer  l'air  destiné  à  la  combustion  du  gaz.  L'air  peut  ar- 
river ainsi  à  avoir  une  température  voisine  de  celle  qu'ont 
les  produits  de  la  combustion.  Le  système  à  chauffage  des 
deux  éléments  de  la  combustion  se  fait  par  renversement  du 
courant  gazeux  produit  par  la  combustion,  ou  récurrence  : 
c'est  le  système  Siemens  (V.  Acier,  1. 1,  p.  405).  Avec  ce 
genre  de  fours,  on  obtient  des  températures  aussi  élevées 
que  par  le  chauffage  en  vase  clos  qui  est  le  type  du  chauf- 
fage le  plus  intense  et,  point  important,  ce  résultat  est 
obtenu  avec  une  grande  économie  de  combustible. 
Four  à  baller  (V.  Baller  [Four  à]). 
Four  à  chaux  (V.  Chaux). 
Four  à  coke  (V.  Coke). 

Four  à  réchauffer.  Le  fer  brut  ou  les  lingots  d'acier 
qui  doivent  être  façonnés  sont  amenés  au  rouge  dans  des 
fours  dont  la  forme  et  les  dimensions  varient  nécessaire- 
ment avec  celles  des  lingots  à  réchauffer,  mais  qui  rentrent 
tous  dans  la  catégorie  des  fours  à  réverbère,  soit  à  grille 
ordinaire,  soit  avec  gazogènes  et  régénérateurs  Siemens 
(V.  Gazogène).  Malgré  les  avantages  que  présente  ce  der- 
nier système,  il  n'est  pas  le  plus  employé,  parce  que  la 
flamme  perdue  des  fours  ordinaires  peut  être  aussi  utile- 
ment conduite  sous  des  chaudières  donnant  la  vapeur  né- 
cessaire au  fonctionnement  des  laminoirs  et  des  marteaux. 
Un  ingénieur  anglais,  M.  John  Gjers,  a  eu  l'idée  de  sup- 


—  904  - 


FOUR  —  FOURBURE 


primer  les  fours  à  réchauffer  en  introduisant  les  lingots 
encore  rouges,  en  attendant  que  les  laminoirs  puissent  les 
recevoir,  dans  de  petits  puits  rectangulaires.  Il  est  reconnu 
que  l'acier  coulé  dans  la  lingotière  renferme  plus  de  chaleur 
que  n'en  exige  le  martelage  ou  le  laminage  ;  il  s'y  trouve 
non  seulement  la  chaleur  si  élevée  de  l'acier  liquide,  mais 
aussi  la  chaleur  latente  qui  se  dégage  pendant  la  solidifica- 
tion :  il  s'agissait  d'utiliser  cette  chaleur.  Le  procédé  Gjers, 
universellement  appliqué  aujourd'hui,  consiste  à  déposer  les 
lingots  d'une  coulée  d'acier,  démoulés  aussitôt  après  leur 
solidification,  dans  des  petites  fosses  dont  la  section  est  un 
peu  plus  grande  que  celle  du  gros  bout  des  lingots  et  la 
hauteur  un  peu  supérieure  à  la  longueur  de  ces  lingots.  Ces 
fosses  sont  disposées  dans  un  massif  en  maçonnerie  réfrac  - 
taire.  Dès  que  les  lingots  sont  déposés  dans  les  fosses  à 
l'aide  d'une  grue,  on  les  recouvre  pour  empêcher  le  con- 
tact de  l'air.  Le  lingot  séjourne  dans  la  fosse  ;  la  chaleur 
s'y  répartit  uniformément,  et  comme  très  peu  de  chaleur 
peut  se  perdre,  puisque  la  masse  d'acier  est  entourée  de 
toutes  parts  d'une  maçonnerie  aussi  chaude  que  le  lingot, 
la  température  de  la  surface  s'élève  beaucoup.  Après  vingt 
minutes,  une  grue  soulève  le  lingot,  qui  est  en  apparence 
plus  chaud  qu'en  entrant  dans  la  fosse  et  l'amène  au  lami- 
noir dans  un  état  très  propice  au  laminage,  puisqu'il  est 
toujours  au  moins  aussi  chaud  au  centre  qu'à  l'extérieur. 
La  chaleur  que  les  lingots  cèdent  à  la  maçonnerie  a  pour 
effet  de  la  maintenir  toujours  à  la  même  température  que 
les  lingots  les  plus  chauds  ;  quand  donc  on  introduit  un  lin- 
got un  peu  froid,  les  parois  réfractaires  lui  cèdent  la  cha- 
leur qui  lui  manque,  agissent  ainsi  comme  des  accumula- 
teurs qui,  selon  les  circonstances,  emmagasinent  et  aban- 
donnent de  la  chaleur.  L'emploi  de  ce  système  simplifie 
beaucoup  la  fabrication  de  l'acier  en  supprimant  des  fours 
coûteux,  la  dépense  de  combustible,  et  en  évitant  les  rebuts 
provenant  de  lingots  brûlés  au  four.  L.  Knab. 

Four  de  boulangerie  (V.  Boulangerie,  t,  VII,  p.  666). 

II.  Céramique.  —  Four  à  alandiers  (V.  Alandier). 

III.  Féodalité.— Four  banal  (V.  Banalité,  t.V,p.  201  ) . 

IV.  Jurisprudence.  —  L'art.  674  du  C.  civ.  oblige  la 
personne  qui  veut  construire  un  four  ou  fourneau  près  d'un 
mur  mitoyen  ou  non,  à  laisser  la  distance  prescrite  par  les 
règlements  et  usages  particuliers  sur  ces  objets,  ou  à  faire 
les  ouvrages  prescrits  par  les  mêmes  règlements  et  usages, 
pour  éviter  de  nuire  au  voisin.  D'après  la  plupart  des  cou- 
tumes, il  faut  laisser,  entre  le  mur  et  le  four,  un  intervalle 
d'un  demi-pied  (0m165);  en  outre,  le  mur  du  four,  dit 
contre-mur,  doit  avoir  au  moins  un  pied  d'épaisseur  (0m33). 
En  l'absence  d'usages  ou  de  règlements,  le  mode  de  cons- 
truction des  fours  peut  être  fixé  par  la  police  locale  ou,  à 
défaut,  par  experts.  Les  officiers  municipaux  sont  tenus  de 
faire,  au  moins  une  fois  par  an,  la  visite  des  fours  de  toutes 
maisons  et  de  tous  bâtiments  éloignés  de  moins  de  100  toises 
(200  m.)  d'autres  habitations.  Ils  sont  ordinairement  accom- 
pagnés d'un  homme  de  l'art,  architecte  ou  maître  maçon, 
capable  de  rendre  compte  exactement  de  l'état  des  fours. 
Un  procès-verbal  descriptif  est  dressé  de  la  situation  de 
chacun  d'eux.  Ces  visites  doivent  être  annoncées  huit  jours 
à  l'avance.  Quand  elles  sont  terminées,  les  officiers  munici- 
paux ordonnent  la  réparation  ou  la  démolition  des  fours  dont 
l'état  de  délabrement  pourrait  occasionner  un  incendie.  Les 
personnes  qui  ont  négligé  de  les  réparer  peuvent,  en  outre, 
être  condamnées  à  une  amende  de  1  à  5  fr.  (loi  des  28  sept, 
et  6  oct.  1791,  tit.  2,  art.  9  ;  C.  pén.,  art.  471,  n°  1). 
Ces  règles  sont  applicables  à  tous  les  fours,  alimentaires 
ou  industriels,  Certains  de  ces  derniers  sont,  de  plus,  sou- 
mis à  des  dispositions  spéciales,  en  tant  qu'établissements 
dangereux,  insalubres  ou  incommodes.  D'autres,  comme 
les  fours  à  chaux  ou  à  plâtre,  ne  peuvent  être  établis  dans 
l'intérieur  et  à  moins  de  1  kil.  des  forêts  assujetties 
au  régime  forestier,  sans  l'autorisation  du  gouvernement 
(C.  forest.,  art.  151).  Jules  Forestier. 

V.  Armée.  —  Four  de  campagne  (V.  Boulangerie  de 
campagne). 


FOUR.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne,  cant. 
de  La  Verpillière  ;  813  hab. 

FOUR  (Soudan)  (V.  Dar  For). 

FOURAH  (Baie).  Baie  de  la  côte  occidentale  d'Afrique, 
au  N.  de  Freetown  (Sierra  Leone).  On  y  a  établi  un  col- 
lège destiné  à  former  des  missionnaires  nègres  ;  la  Fourah 
Bay  Institution  a  fait  des  publications  de  quelque  mérite. 

FOU  RAS.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
et  cant.  (S.)  de  Rochefort-sur-Mer  ;  1,187  hab.  Fouras 
est  près  de  l'embouchure  de  la  Charente,  du  côté  de  la 
rive  droite.  Cette  localité  se  trouve  déjà  mentionnée  dans 
plusieurs  chartes  du  xi°  siècle.  Le  château  de  Fouras  fut 
construit  par  les  ducs  d'Aquitaine  pour  s'opposer  aux  incur- 
sions des  Normands.  Il  fut  enlevé  aux  Anglais  par  Bouci- 
caut  en  1531.  Henri  IV  donna  aux  habitants  de  Fouras, 
en  1590,  des  lettres  patentes  confirmatives  de  leurs  privi- 
lèges. C'est  à  Fouras  que  Napoléon  s'embarqua,  en  1815, 
pour  se  rendre  à  l'île  d'Aix,  d'où  il  monta  à  bord  du  Bél- 
iervphon.  Fouras  possède  deux  ports,  fréquentés  par  des 
chaloupes  de  pêche  et  de  pilotage.  Le  donjon  de  Fouras, 
haut  de  20  m.,  sert  aujourd'hui  de  fort  et  de  tour  à 
signaux.  Une  chaussée  naturelle  réunit  à  mer  basse  Fouras 
à  l'îlot  d'Enet  qui  porte  un  fort.  Un  embranchement,  à  la 
station  de  Saint-Laurent-Fouras,  unit  Fouras  à  la  ligne 
de  chemin  de  fer  de  Nantes  à  Bordeaux.  La  localité  est 
très  fréquentée  comme  station  de  bains  de  mer  ;  elle  pos- 
sède un  beau  casino  situé  dans  un  parc  magnifique. 

Bibl.  :  Arcère,  Histoire  de  La  Rochelle  et  du  pays 
d'Aulnis,  1756-1757,  2  vol.  in-4,  passim,  et  t.  I,  p.  161.  — 
R.-P.  Lesson,  Fastes  historiques  du  département  de  la 
Charente-Inférieure,  1842-1845,  t.  I,  p.  58.  —  Ministère  des 
travaux  publics.  Ports  maritimes  de  la  France,  t.  VI, 
(1™  partie),  1885,  p.  63  (notice  de  M.  Polony). 

FOURAU  (Hugues),  peintre  français,  né  à  Paris,  en 
1803,  mort  à  Paris  en  1868.  Elève  de  (iuérin  d'abord  et 
ensuite  du  baron  Gros,  cet  artiste  se  fit  remarquer  de 
bonne  heure  par  une  extrême  facilité.  Son  exécution  bril- 
lante, mais  sans  qualités  réelles,  ne  lui  valut  jamais  que 
des  succès  d'argent,  et,  parmi  le  grand  nombre  de  toiles 
qu'il  a  brossées,  on  peut  à  peine  en  citer  quelques-unes  de 
remarquables  :  le  Mariage  de  Tobie  (S.  1827)  ;  le  Mas- 
sacre des  Janissaires  (S.  1842)  ;  le  portrait  d'Alfred 
de  Vigny  (S.  1857)  ;  le  Combat  de  Palestro  (S.  1859), 
méritent  d'être  nommées,  sinon  louées,  par  l'intérêt  d'ac- 
tualité qui  s'est  attaché  un  instant  à  leurs  sujets.    Ad.  T. 

FOURBANNE.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant. 
de  Baume-les-Dames,  sur  le  Doubs;  64  hab.  Usine  métal- 
lurgique, que  fait  mouvoir  un  cours  d'eau  sortant  de  la 
belle  source  de  Fourbanne  et  qui  se  jette  dans  le  Doubs 
après  un  cours  de  320  mètres. 

FOURBURE  (Art  vét.).  On  appelle  fourbure  une  ma- 
ladie grave  du  pied  du  cheval,  caractérisée  par  une  conges- 
tion de  l'appareil  kératogène  des  grands  animaux  ongulés, 
laquelle  s'accompagne  d'exsudations  inflammatoires  et  se 
traduit  en  dernier  lieu  par  une  hypersécrétion  de  la  ma- 
tière cornée.  La  fourbure  est  aiguë  ou  chronique.  Aiguë, 
la  fourbure  débute  par  de  la  tristesse  et  par  une  grande 
douleur  ;  la  face  est  grippée,  les  reins  raides,  la  respiration 
tremblotante  et  accélérée,  l'artère  tendue,  le  pouls  plein  ; 
en  station,  les  membres  sont  portés  en  avant,  ceux  de  der- 
rière fortement  engagés  sous  le  centre  de  gravité,  tandis 
que  les  antérieurs  se  sont  soustraits  le  plus  possible  aux 
pressions  qu'ils  ont  à  supporter  en  se  plaçant  en  avant 
de  la  base  de  soutien  normal.  Immobile  dans  cette  posi- 
tion, le  cheval  se  refuse  à  marcher,  tant  la  locomotion  est 
chez  lui  pénible  et  douloureuse.  S'il  marche,  poussé  par  le 
fouet,  il  appuie  sur  les  talons  et  pose  son  pied  sur  le  sol 
avec  des  précautions  infinies.  Si  la  fourbure  n'existe  que 
sur  les  membres  postérieurs,  ceux-ci  sont  portés  également 
en  avant  de  la  ligne  d'aplomb  ;  leur  appui  se  fait  sur  les 
talons  ;  le  déplacement  est  difficile  et  douloureux  ;  la  per- 
cussion sur  la  pince  avec  un  marteau  arrache  une  plainte 
à  l'animal  et  lui  fait  vivement  lever  le  pied  qu'il  ne  tarde 
pas  d'ailleurs  à  reposer  sur  le  sol.  Si  la  fourbure  existe 


FOURBURE  —  FOURCHE 


—  902  — 


sur  les  quatre  membres  à  la  fois,  l'attitude  de  l'animal  est 
à  peu  près  celle  qu'il  affecte  quand  les  membres  antérieurs 
seuls  sont  atteints  ;  la  douleur,  toutefois,  est  plus  grande, 
la  marche  plus  difficile,  la  fièvre  plus  intense,  si  intense 
même  que  les  animaux  se  couchent,  se  refusent  à  se  lever, 
s'éeorchent  la  peau  des  hanches  et  des  membres,  refusent 
toute  nourriture  et  parfois  succombent  dans  des  souffrances 
atroces.  La  fourbure  est  chronique  lorsque,  sous  l'influence 
de  la  congestion  inflammatoire,  le  sabot  éprouve  des  alté- 
rations dans  sa  forme  et  dans  sa  structure  qui  empêchent 
le  pied  de  remplir  désormais  les  fonctions  de  support  qui 
lui  sont  normalement  assignées.  Dans  cette  fourbure,  la 
paroi  change  de  direction;  au  lieu  d'être  oblique  au  sol,  les 
fibres  cornées  affectent  une  direction  se  rapprochant  de 
l'horizontale,  en  sorte  que,  comme  le  fait  remarquer  Bouley, 
le  pied  paraît  comme  aplati  de  dessus  en  dessous  et  que, 
vu  de  profil,  la  ligne  qui  limite  sa  surface  forme  un  angle 
obtus  très  marqué  avec  celle  de  la  région  coronaire.  Vu 
en  dessous,  le  pied  atteint  de  fourbure  chronique  a  subi 
des  modifications  profondes  ;  la  sole,  au  lieu  d'être  con- 
cave, est,  au  contraire,  convexe  dans  tout  le  champ  anté- 
rieur de  la  région  plantaire,  notamment  en  avant  de  la 
pointe  de  la  fourchette.  La  sole  est  dite,  en  ce  cas,  comble. 
Si  le  mal  progresse,  il  arrive  que  l'os  du  pied,  poussé  en 
arrière  par  la  masse  de  corne  qui  s'est  développée  en  pince, 
vient  heurter  la  corne  solaire,  l'amincir,  la  perforer  et 
faire  saillie  au  dehors.  Sous  l'influence  de  l'inflammation 
et  du  travail  kératogène  qui  en  est  la  conséquence,  les 
fibres  de  la  paroi  et  de  la  sole  se  désagrègent  et  se  trouvent 
séparées  par  un  sillon  rempli  de  détritus  de  matières  cor- 
nées auquel  on  a  donné  le  nom  de  fourmilière. 

Saignées,  bains  de  pieds  froids  ou  glacés,  révulsifs  divers, 
tel  est  le  traitement  delà  fourbure  aiguë.  Si  la  fourbure  est 
chronique,  s'il  y  a  déformation  de  la  paroi  et  de  la  sole,  on 
amincira  la  pince  avec  une  râpe  ou  une  rénette  ;  on  appli- 
quera sous  le  pied  soit  un  fer  à  planche,  soit  un  fer  large 
et  couvert,  et  comme  adjuvants  des  plaques  de  cuir  recou- 
vrant des  êtoupes  goudronnées,  à  l'effet  de  conserver  à 
la  corne  sa  fraîcheur,  sa  souplesse  et  son  élasticité.  Si  la 
boiterie  persiste,  si  l'animal  maigrit,  si  l'os  du  pied,  bas- 
culant dans  la  boîte  cornée,  fait  hernie  à  travers  la  sole, 
le  mal  a  revêtu  dès  lors  une  gravité  extrême  et  le  mieux 
qu'il  y  ait  à  faire  est  de  sacrifier  l'animal  en  le  livrant 
soit  au  boucher,  soit  à  l'équarrisseur.         L.  Garnier. 

FOURCADE  (Pêche).  Ce  filet,,  employé  dans  le  cin- 
quième arrondissement  maritime,  est  un  gangui,  traîné  au 
moyen  d'un  tourniquet  dit  vireveaux  ;  la  longueur  ne  peut 
excéder  48  m.,  la  longueur  de  la  perche  destinée  à  soute- 
nir l'ouverture  8  m.  ;  les  mailles  du  fond  ont,  au  maxi- 
mum, 20  millim.  au  carré.  Le  décret  du  19  nov.  4859 
autorise  la  pêche  avec  ce  filet  du  4er  juin  à  fin  février, 
par  3  m.  au  moins  de  profondeur,  le  poids  des  plombs 
qui  garnissent  la  ralingue  inférieure  ne  pouvant  excéder 
4  kilogr.  par  mètre  de  longueur. 

FOURCAND  (Emile),  homme  politique  français,  né  à 
Bordeaux  le  44  nov.  4849,  mort  à  Bordeaux  le  iGr  sept. 
4881.  La  place  importante  qu'il  avait  su  se  faire  dans  le 
haut  négoce  lui  avait  valu,  avant  4870,  la  présidence  du 
tribunal  de  commerce  dans  sa  ville  natale.  Nommé  maire 
.de  Bordeaux  après  la  révolution  du  4  sept.,  envoyé  à 
l'Assemblée  nationale  par  le  dép.  de  la  Gironde,  lors  des 
élections  complémentaires  du  2  juil.  4874,  il  prit  une 
part  honorable  aux  discussions  d'affaires,  vota  constam- 
ment avec  la  gauche  républicaine  et  soutint  le  gouverne- 
ment de  Thiers,  après  la  chute  duquel  il  fut  exclu  des 
fonctions  municipales  par  le  gouvernement  de  combat 
(4  févr.  4874).  Il  lutta  de  toutes  ses  forces  contre  Y  ordre 
moral  et  concourut  à  l'organisation  de  la  République 
(4874-4875),  fut  élu  sénateur  inamovible  le  44  déc.  4875, 
reprit  possession  de  la  mairie  de  Bordeaux  sous  le  minis- 
tère Dufaure  (mars  4876)  et  la  perdit  de  nouveau  sous  le 
ministère  de  Broglie-Fourtou  (mai  4877),  dont  il  combattit 
la  politique  avec  tout  le  parti  républicain.  H  la  recouvra 


encore  après  le  triomphe  définitif  de  la  cause  qu'il  servait 
(décembre)  et  il  n'en  sortit  plus  jusqu'à  sa  mort.  Il  était 
depuis  4874  membre  du  conseil  général  de  la  Gironde,  et 
il  en  était  devenu  président.  A.  Debidour. 

FO  U  RCATI  ER-et-Maisonneuve.  Corn,  du  dép.  du  Doubs, 
arr.  de  Pontarlier,  cant.  de  Mouthe  ;  420  hab. 

FOURCÈS.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  de  Montréal  ;  775  hab. 

FOURCHAMBAULT.  Corn,  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr. 
de  Nevers,  cant.  de  Pougues,  sur  la  Loire  ;  6,020  hab. 
Stat.  du  chem.  de  fer  de  P.-L.-M.  Carrières.  Etablisse- 
ment métallurgique  considérable  fondé  en  4824. 

FO  U  RCH  E.  I.  Agriculture.  —  La  fourche  est  un  ins- 
trument formé  d'un  manche  plus  ou  moins  long  terminé  par 
deux,  trois  ou  quatre  dents.  Les  usages  de  la  fourche  sont 
multiples  ;  néanmoins  on  peut  les  ramener  à  trois  princi- 
paux :  manipulation  et  épandage  des  fumiers,  retournement 
de  la  terre,  manipulation  des  fourrages  ;  suivant  que  la  four 
che  sert  plus  spécialement  à  l'un  ou  l'autre  de  ces  usages, 
elle  est  différemment  constituée.  La  fourche  qui  sert  au  la- 
bourage ou  plutôt  au  bêchage  des  jardins  est  formée  de  deux 
ou  trois  dents  en  fer  épaisses  et  pointues,  assemblées  au  man- 
che par  une  douille  (V.  Labour).  Les  fourches  à  fumier  ont 
également  les  dents  en  fer  et  le  manche  en  bois  ;  elles  sont 
à  trois  ou  quatre  dents,  mais  celles-ci  sont  plus  légères 
et  plus  pointues  que  dans  les  fourches  à  labourer  ;  les  dents 
sont  ordinairement  quelque  peu  courbées  sur  le  manche. 
Quant  aux  fourches  à  fourrage,  elles  sont  ou  en  fer  ou  en 
bois,  à  deux,  trois  ou  quatre  dents.  Cependant,  depuis 
quelques  années,  le  fer  est  le  plus  souvent  remplacé  par 
l'acier;  le  manche  des  fourches  à  foin  est  beaucoup  plus 
allongé  que  celui 
des  deux  précé- 
dentes. Si  les 
dents  sont  en 
bois,  la  fourche 
est  d'une  seule 
pièce  ;  elles  sont 
en  bois  d'orme, 
de  frêne,  de  châ- 
taignier,  de 
charme  et  sur- 
tout de  micocou- 
lier. A  Sauve, 
dans  le  Gard,  on 
cultive  spéciale- 
ment cette  der- 
nière essence  en 
vue  de  la  fabri- 
cation des  four- 
ches en  bois  ;  il 
y  a  là  plus  de 

4,500  hect.  consacrés  à  la  culture  du  micocoulier,  exploité 
en  cépées  dont  les  branches  terminales  doivent  former  les 
dents  de  la  fourche.  Dans  les  fourches  en  fer  ou  en  acier  la 
courbure  des  dents  est  généralement  plus  faible  que  dans 
les  fourches  en  bois  ;  ces  dents  sont  plus  courtes  et  plus 
minces.  Qu'elles  soient  destinées  au  fumier  ou  au  foin,  les 
fourches  en  acier,  dites  fourches  américaines,  sont  bien 
préférables  aux  fourches  en  fer  ou  en  bois,  en  raison  même 
de  leur  légèreté  et  de  leur  solidité.  Alb.  L. 

II.  Archéologie. —  Fourche  de  guerre.  —  Arme  fort 
ancienne  et  qui  est  une  modification  d'un  instrument  aratoire 
comme  la  faux  de  guerre  est  née  de  la  faux  du  paysan^  La 
faux  devint  une  arme  lorsque  sa  lame  fut  montée  de  manière 
à  se  continuer  suivant  l'axe  du  manche  en  reforgeant  la  douille 
et  en  la  redressant.  Les  paysans,  dès  le  xie  siècle,  savaient 
ainsi  faire  de  leurs  outils  des  armes  meurtrières;  aussi 
avait-on  fait  des  lois  en  Allemagne,  lors  de  la  guerre  des 
paysans,  qui  punissaient  de  mort  les  forgerons  qui  se  livre- 
raient à  cette  besogne.  La  fourche  de  guerre  n'est  qu'une 
fourche  ordinaire,  dont  on  a  enlevé  la  dent  ou  les  dents 
médianes  pour  ne  garder  que  les  dents  extérieures.  En 


Fig.l.  —  Fourche 
à  fumier. 


Fig.  2.  —  Fourche 
à  foin. 


-  903  — 


FOURCHE  —  FOURCHET 


allongeant  le  manche,  on  faisait  une  arme  terrible  en  plaine 
contre  les  piétons  et  les  cavaliers  et  dans  les  combats  de  brèches 
et  d'approches,  plus  redoutable  encore  pour  arrêter  les  as- 
saillants. Au  xvie  siècle,  ces  fourches  étaient  dites  fourches 
fières  et  présentaient  les  formes  les  plus  compliquées  par 
les  modifications  des  branches 
et  l'addition  de  crochets  et  de 
lames  tranchantes.  Parmi  les 
adaptations  les  plus  remar- 
quables de  ces  fourches  à  la 
guerre,  il  faut  signaler  les 
fourches  à  désarçonner  ou  dé- 
sarçonneurs, dont  on  fit  usage 
en  Allemagne  pendant  les  xve 
et  xvie  siècles.  Nous  figurons 
ici  un  de  ces  désarçonneurs 
appartenant  à  l'arsenal  de 
Vienne.  C'est,  comme  on  le 
voit,  une  fourche  dont  les  dents 
intérieures  sont  réduites  à  un 
piton  évidé  et  à  deux  volutes. 
Les  deux  extérieures  sont  ou- 
vertes en  U  et  portent  à  leurs 
extrémités  deux  tambours,  ren- 
fermant des  ressorts  qui  ac- 
tionnent deux  branches  brisées 
que  deux  tiges  à  clefs  en  forme 
de  trèfle  empêchent  de  se  re- 
dresser. Ces  deux  branches 
peuvent  se  rabattre  intérieure- 
ment et  se  coucher  le  long  des 
deux  dents  de  la  fourche. 
Quand  on  avait  saisi  avec  cet 
engin  la  tête  d'un  homme,  elle 
s'y  trouvait  prise  comme  dans 
une  nasse,  car  les  branches 
brisées  se  redressaient  et  l'em- 
pêchaient de  sortir.  L'homme 
était  ainsi  pris  sans  remède,  jeté  à  terre  ou  à  bas  de  sa  mon- 
ture et  traîné  par  cette  fourche  solidement  montée  sur  une 
longue  hampe  en  frêne.  Les  porte-mèches  des  officiers  de  ca- 
nonniers  sont  une  autre  modification  de  la  fourche  de  guerre, 
dont  la  corsesque  est  aussi  sans  doute  une  forme  dérivée. 
Les  fourches  de  guerre  furent  surtout  d'usage  en  Allemagne 
et  en  Autriche  pendant  les  guerres  de  siège.  Ainsi  au  siège 
de  Mons,  en  4691,  les  grenadiers  de  l'ancien  régiment  Dau- 
phin ayant  chassé  les  Autrichiens  des  ouvrages  où  ils  firent 
leur  logement,  s'emparèrent  des  fourches  de  guerre  des  Impé- 
riaux. Vauban,  qui  commandait  cette  attaque,  reçut  des  fé- 
licitations de  Louis  XIV,  et  le  roi  voulant  honorer  le  régiment 
pour  ce  fait  d'armes,  permit  aux  sergents  de  porter  la 
fourche  au  lieu  de  la  hallebarde  (Demmin).  Cette  arme  tomba 
en  désuétude  au  xvme  siècle.  Le  seul  instrument  qui  puisse 
rappeler  les  fourches  de  guerre  et  surtout  les  désarçonneurs 
est  cet  engin  de  pêche  dont  se  servent  les  Canadiens  pour 
saisir  les  saumons.  A  Java,  les  gardes  de  nuit  qui  font  fac- 
tion à  la  tête  des  ponts  et  aux  carrefours  portent  une 
fourche  du  même  genre,  tout  en  bois,  garnie  intérieurement 
degrandes  épinesd'une  légumineuse.  Avec  ces  armes,  ils  peu- 
vent saisir  sans  danger  les  forcenés  ivres  d'opium,  qui  par- 
courent les  rues  le  criss  à  la  main  pour  faire  amock,  c.-à-d. 
pour  tuer  tous  les  gens  qui  se  trouvent  sur  leur  chemin. 

Maurice  Màindron. 
III.  Art  militaire.  —  Fourche  de  sape.  —  Sorte  de 
fourche  en  fer  de  0m32  de  long,  ayant  trois  branches  poin- 
tues, dont  deux  sont  parallèles  au  manche  et  la  troisième 
est  perpendiculaire  à  ce  dernier  qui  a  lm50  de  longueur. 
Cette  fourche  est  employée  pour  couronner  la  gabionnade, 
c.-à-d.  pour  surmonter  de  fascines  les  gabions  servant  à 
maintenir  les  terres  dans  la  sape  volante  ou  dans  la  cons- 
truction des  batteries.  A  cet  effet,  deux  sapeurs,  munis 
chacun  d'une  fourche,  saisissent  une  fascine  à  environ  0m5Q 
de  ses  extrémités  et  la  déposent  sur  les  piquets  des  gabions, 


Fig.  3.  —  Fourche  à  dé- 
sarçonner (arsenal  de 
Vienne). 


-  Fourches  patibulaires  de  Paris 
(gibet  de  Montfaucon). 


en  la  frappant  de  quelques  coups  de  fourche  pour  l'enfoncer 
le  plus  possible  sur  ces  piquets.  Ils  placent  ensuite  une 
deuxième  file  de  fascines  parallèlement  à  la  première,  puis 
une  troisième  file  au-dessus  et  dans  le  joint  des  deux  pre- 
mières, en  ayant  soin  de  faire  pénétrer  les  bouts  de 
fascines  l'un  dans  l'autre,  et  de  contrarier  les  joints  entre 
eux  et  avec  ceux  des  gabions. 

IV.  Ancien  droit  pénal.  —  Fourches  patibulaires. 
-—  Les  fourches  patibulaires  on  justices  étaient  des  sortes  de 
gibets  que  les  seigneurs,  ayant  le  droit  de  haute  justice, 
faisaient  dresser  en  lieu  élevé  et  apparent  hors  des  villes  et 
sur  le  bord  des 
chemins  fré- 
quentés .  Ces 
gibets  consis- 
taient en  pi- 
liers de  pierre, 
réunis  par 
des  traverses 
de  bois  aux- 
quelles on  pen- 
dait le  corps 
des  criminels 
avec  des  cor- 
des  ou  des 
chaînes;  le 
nombre  des  pi- 
liers variait 
avec  la  qualité 

du  seigneur  haut  justicier.  Les  fourches  patibulaires  de  Pa- 
ris, que  Ton  peut  citer  en  exemple,  s'élevaient  sur  la  butte  de 
Montfaucon,  entre  le  faubourg  Saint-Martin  et  celui  du 
Temple.  Ce  «célèbre  gibet  était  formé  d'une  plate-forme 
carrée,  longue  de  40  pieds  sur  25  ou  30  de  large  et  por- 
tant seize  piliers.  Au-dessous,  une  cave  profonde  "servait  de 
charnier  et  recevait  les  restes  des  suppliciés.  Montfaucon 
servait  à  l'exécution  des  condamnations  capitales  et  à 
l'exposition  infamante  des  cadavres.  La  privation  de  sépul- 
ture était  considérée  comme  une  aggravation  de  la  peine. 
On  y  laissait  les  corps  pendant  un  temps  souvent  assez 
long  ;  celui  de  Pierre  des  Essarts,  par  exemple,  qui  fut 
décapité  en  4413,  resta  accroché  à  Montfaucon  pendant 
trois  ans.  C'est  là  que  furent  pendus  les  surintendants  des 
finances  Enguerrand  de  Marigny  et  Semblançay.  L'origine 
des  fourches  patibulaires  peut  remonter  à  certaines  peines 
criminelles  usitées  chez  les  Romains.  Leur  nom  vient  de 
ce  que,  à  l'origine,  on  se  bornait  à  planter  en  terre  deux 
fourches  destinées  à  supporter  la  pièce  de  bois  à  laquelle 
on  suspendait  le  supplicié.  G.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Ancien  droit  pénal.  —  A.  de  Lavillegille, 
Des  Anciennes  Fourches  patibulaires  de  Montfaucon  ; 
Paris,  1836,  in-8.  -*■  Firmin  Maillard,  le  Gibet  de  Mont- 
faucon; Paris,  1863.  —  V.  Molinier,  Notice  historique 
sur  les  fourches  patibulaires  de  la  ville  de  Toulouse  ; 
Toulouse,  1868. 

FOURCHÉ  (Blas.).  Attribut  de  la  croix  ou  du  sautoir 
dont  les  branches  sont  terminées  par  deux  pointes  formant 
angle  rentrant  en  forme  de  fourche,  ce  qui  distingue  ces 
pièces  de  celles  dites  enhendées,  dont  les  branches  sont 
refendues  à  trois  pointes. 

FOURCHES.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.de  Falaise, 
cant.  de  Morteaux-Coulibœuf  ;  238  hab. 

FOURCHES  caudines  (V.  Samnites). 

FOURCHET  (Art  vét.).  Le  fourchet,  mal  particulier 
au  mouton,  est  une  inflammation  du  repli  cutané  ou  canal 
biflexe  dont  l'orifice  s'ouvre  à  l'extérieur,  en  avant,  de 
chaque  côté  des  articulations  que  les  premières  phalanges 
forment  avec  les  deuxièmes  à  deux  travers  de  doigt  de 
l'origine  des  onglons.  Les  causes  du  fourchet  sont  la  pré- 
sence de  la  boue,  du  fumier,  des  graviers  entre  les  onglons. 
Il  s'annonce  par  une  boiterie  accompagnée  de  tuméfaction 
dans  l'espace  interdigité,  tuméfaction  qui  gagne  parfois 
les  genoux  et  les  jarrets.  Pris  à  temps  et  traité  métho- 
diquement, le  fourchet  guérit  toujours.  Le  traitement 


FOURCHET  —  FOURCHETTE 


—  904  — 


est  hygiénique,  thérapeutique  et  chirurgical  :  tenir  les 
bergeries  propres,  bien  aérées  et  bien  lavées  pour  prévenir 
la  maladie  ;  une  fois  déclarée,  bien  examiner  le  canal  bi- 
flexe,  le  laver,  le  déterger,  puis  appliquer  sur  le  pied  les 
cataplasmes  émollients.  Si  l'inflammation  du  canal  persiste, 
on  essayera  de  la  cautérisation  avec  un  bâton  de  nitrate 
d'argent,  de  manière  à  changer  la  nature  de  l'inflamma- 
tion ;  au  cas  où  ce  traitement  serait  impuissant,  il  n'y 
aurait  qu'à  saisir  le  canal  avec  une  érigne,  le  disséquer  et 
procéder  ensuite  à  son  extirpation.  L.  Garnier. 

FOURCHETTE.  L  Archéologie.  —  La  fourchette,  en 
tant  qu'ustensile  servant  dans  les  repas  à  porter  les  aliments 
à  la  bouche,  n'a  pas  été  en  usage  dans  l'antiquité.  Il  faut 
descendre  jusqu'au  xme  siècle  pour  trouver  dans  les  inven- 
taires des  mentions  de  fourchettes  ;  aux  xiv°  et  xve  siècles, 
ces  instruments  apparaissent  assez  souvent  dans  les  inven- 
taires de  personnes  riches  ;  elles  sont  à  deux  pointes  ou 
fourcherons,  en  or,  en  argent  ou  en  cuivre,  avec  un 
manche  en  cristal,  en  pierre  dure  ou  en  ivoire  ;  mais  elles 
ne  servent  qu'à  manger  les  fruits.  On  continuait  de  prendre 
la  viande  avec  ses  doigts.  L'écuyer  tranchant  lui-même 
ne  faisait  pas  usage  de  la  fourchette  pour  découper  ;  on  lit 


Fourchette  d  u 
xviô  siècle,  col- 
lection de  la 
comtesse  Dzia- 
lynska. 


Fourchette  du 
xvie  siècle, 
musée  de 
Cluny. 


Fourchette  du 
xvme  siècle ,  si- 
gnée  Germain, 
collection  de  M. 
Cardailhac. 


dans  YEstat  de  la  maison  de  Charles  le  Hardy,  par 
Olivier  de  La  Marche,  qu'il  est  du  droit  de  l'écuyer  de 
«  manger  ce  qui  luy  demeure  en  la  main  en  tranchant  ». 
En  4530,  dans  le  traité  de  la  civilité  d'Erasme,  il  n'est 
pas  question  de  fourchettes  ;  on  se  contente  d'expliquer 
comment  on  doit  se  servir  de  ses  doigts  :  par  exemple,  ne 
pas  les  lécher  ni  les  essuyer  à  sa  jaquette  ;  «  il  sera  plus 
honneste  que  ce  soit  à  la  nappe  ou  à  la  serviette».  Encore 
du  temps  de  Henri  III  l'usage  de  la  fourchette  était  regardé 
comme  un  raffinement.  Voici  ce  que  dit  l'auteur  de  la  Des- 
cription de  Visle  des  Hermaphrodites,  qui  est,  comme 
l'on  sait,  un  pamphlet  contre  les  mœurs  de  la  cour  de 
Henri  III  :  «  Les  viandes  de  ce  premier  service  estoient  si 


fort  hachées,  descoupées  et  desguisées  qu'elles  en  estoient 
incognues...  ;  aussi  apportoient-ils  bien  autant  de  façon 
pour  manger,  comme  en  tout  le  reste  ;  car,  premièrement, 
ils  ne  touchoient  jamais  la  viande  avec  les  mains,  mais 
avec  des  fourchettes,  ils  la  portoient  jusques  dans  leur 
bouche...  Ils  laprenoient  (la  salade)  avec  des  fourchettes, 
car  il  est  deffendu  en  ce  pays-là  de  toucher  la  viande  avec 
les  mains,  quelque  difficile  à  prendre  qu'elle  soit,  et  ayment 
mieux  que  ce  petit  instrument  fourchu  touche  à  leur  bouche 
que  leurs  doigts.  »  M.  Franklin  rapporte  le  récit  d'un 
voyageur  anglais,  Thomas  Coryate,  qui  témoigne  de  l'éton- 
nement  qu'il  eut  en  trouvant  des  fourchettes  en  Italie. 
Cependant  l'usage  en  était  habituel  à  la  cour  de  France  au 
commencement  du  xvne  siècle,  puisque  l'on  tenta,  au  dire 
de  Tallemant  des  Réaux,  d'empoisonner  Henri  IV  en  intro- 
duisant du  poison  dans  une  fourchette  creuse.  Louis  XIV 
dédaignait  de  s'en  servir.  Le  duc  de  Montausier  contribua 
fort  à  mettre  la  fourchette  à  la  mode  :  «  La  propreté  de 
M.  de  Montausier,  qui  vivoit  avec  une  grande  splendeur, 
dit  Saint-Simon,  étoit  redoutable  à  sa  table,  où  il  a  été 
l'inventeur  des  grandes  cuillers  et  des  grandes  fourchettes, 
qu'il  mit  en  usage  et  à  la  mode.  »  Ce  n'est  toutefois  qu'au 
xvme  siècle  que  l'usage  de  la  fourchette  pénétra  dans  la 
bourgeoisie.  A  la  même  époque,  on  commença  de  donner 
quelquefois  quatre  fourchons  à  la  fourchette  qui,  au 
xvne  siècle,  n'en  avait  jamais  plus  de  trois.     M.  Prou. 

IL  Art  militaire.  —  Les  premières  armes  à  feu 
portatives  étant  très  lourdes  se  tiraient  appuyées  sur  un 
bâton  à  l'extrémité  fourchue  appelé  fourchette.  Son  extré- 
mité opposée  portait  un  fer  pointu  qui  s'enfonçait  enterre. 
Elle  était  longue  de  quatre  pieds  environ  quand  elle  était 
faite  pour  le  tir  debout,  et  de  longueur  moindre  pour  le 
tir  à  genoux.  Elle  fut  en  usage  jusque  vers  la  fin  du 
xvne  siècle  dans  les  troupes  de  campagne  et  plus  longtemps 
encore  dans  la  défense  des  places  où  l'on  s'en  servait  pour 
pointer  les  fusils  de  rempart. 

III.  Pêche.  —  Petite  fourche  de  bois  ou  de  fer  qui 
sert  à  soutenir  les  cannes  fixes  pour  la  pêche  à  la  ligne 
dormante.  On  désigne  aussi  sous  ce  nom  une  perche  d'en- 
viron 2  m.  de  long,  qui  se  partage  à  l'une  de  ses  extré- 
mités en  deux  ou  en  trois  fourchons,  et  qui  sert  de  manche 
au  filet  connu  sous  le  nom  de  truble. 

IV.  Architecture.  —  Terme  de  signification  diverse 
suivant  les  industries  du  bâtiment  dans  lesquelles  on  l'em- 
ploie. En  couverture,  la  fourchette  ou  reprise  de  noue  est 
l'angle  formé  par  les  petites  noues  de  la  couverture  d'une 
lucarne  joignant  le  comble  sur  lequel  s'appuie  cette  lucarne. 
En  serrurerie,  on  appelle  fourchette  un  assemblage  en  forme 
d'étrier  reliant  l'extrémité  d'un  tirant  au  pied  d'un  arbalé- 
trier dans  un  comble  en  bois  ou  en  fer.  En  peinture,  la 
fourchette  est  une  sorte  de  veinettc  comprenant  des  dents 
espacées  permettant  à  un  ouvrier  en  décor  de  faire  à  la 
fois  plusieurs  veines  ou  plusieurs  nœuds  dans  une  imita- 
tion de  bois  de  chêne  ou  de  bois  de  sapin.     Charles  Lucas. 

V.  Art  vétérinaire.  —  On  appelle  fourchette  la  partie 
du  sabot  du  cheval  qui  se  dessine  en  relief  à  la  région 
plantaire,  dans  l'échancrure  de  la  sole,  entre  les  deux 
barres  qu'elle  réunit  l'une  à  l'autre.  Elle  a  la  forme  d'un 
solide  pyramidal,  dont  la  base  correspond  à  la  partie  pos- 
térieure du  pied  et  auquel  on  reconnaît  quatre  faces,  une 
base  et  un  sommet,  une  face  supérieure  ou  interne,  une 
face  inférieure  externe,  deux  faces  latérales,  un  sommet 
ou  pointe  et  une  base  dont  les  extrémités  renflées  consti- 
tuent deux  sortes  de  bulbes  intimement  unis  par  leur  côté 
extérieur  au  côté  interne  de  l'arc-boutant  et  isolés  l'un  de 
l'autre  par  la  fente  de  la  lacune  médiane.  La  corne  de  la 
fourchette  est  dense  et  serrée,  très  élastique  et  très  mal- 
léable. De  sa  force,  de  sa  puissance  de  résistance  dépend 
la  bonne  conformation  du  sabot  dont  elle  empêche  le  rétré- 
cissement et  la  déformation.  Le  crapaud,  le  clou  de  rue, 
le  furoncle,  telles  sont  les  trois  maladies  dont  elle  peut  être 
le  siège.  Le  furoncle  de  la  fourchette,  inflammation  du 
corps  pyramidal,  se  traduit  par  la  boiterie  et  les  symptômes 


905 


FOURCHETTE  —  FOURCROY 


locaux  tels  que  fistule,  plaie,  abcès  ;  on  le  traite  en  amin- 
cissant la  fourchette  de  corne,  en  évacuant  le  pus,  en  exci- 
sant les  parties  mortifiées  et  en  appliquant  sur  les  chairs 
mises  à  nu  des  pansements  compressifs  à  base  de  teinture 
u'iode  ou  d'aloès.  Si  la  plaie  revêt  une  mauvaise  nature,  la 
cautérisation  suffit  pour  la  modifier  et  amener  le  bourgeon- 
nement des  parties  vives  et  la  cicatrisation.  L.  Garnier. 
Bibl.  :  Archéologie.  —  Alfred  Franklin,  la  Vie  pri- 
mitive d'autrefois.  Les  JRepas,  p.  47. 

FOURCHEUT  de  Mont-Rond  (Clément-Melehior-Justin- 
Maxime),  littérateur  français,  né  à  Bagnols  le  4  sept.  1805, 
mort  à  Paris  le  27  janv.  4879.  Elève  de  l'Ecole  des  chartes, 
il  a  publié  sous  le  nom  de  Maxime  de  Mont-Rond  un  grand 
nombre  d'ouvrages,  parmi  lesquels  nous  citerons  :  Jeanne 
d'Arc  (Paris,  1833,  in-12)  ;  Souvenirs  d'un  voyage  dans 
le  Languedoc  (1835,  in-12);  Essais  historiques  sur  la 
ville  d'Etampes  (1836-1837,  2  vol.  in-8)  ;  les  Guerres 
saintes  d'outre-mer  (1838,  2  vol.  in-12)  ;  Tableau  his- 
torique de  la  décadence  et  de  la  destruction  du  paga- 
nisme en  Occident  (1838,  in-12)  ;  Histoire  du  brave 
Grillon  (1845,  in -12)  ;  les  Découvertes  les  plus  utiles 
,  et  les  plus  célèbres  (s.  cf.,  in-12)  ;  Missions  d  Amérique, 
d'Océanie  et  d'Afrique  (Lille,  1846,  in-12)  ;  Missions 
du  Levant,  d'Asie  et  de  Chine  (1846,  in-4  2)  ;  Constan- 
tinople  (ISSk,  in-8)  ;  Dictionnaire  des  abbayes  et  mo- 
nastères (1856,  gr.  in-8)  ;  Histoire  de  Jean  Bart  (1855, 
in-12)  ;  Jean  lleboul,  étude  historique  et  littéraire 
(1865,  in-18)  ;  les  Marins  les  plus  célèbres  (1865,  in-12); 
Mes  Souvenirs  (1858,  in-8);  les  Musiciens  les  plus  cé- 
lèbres (1853,  in-8);  les  Peintres  (1852,  in-12);  les 
Poètes  (1859,  in-8)  ;  les  Prélats  (1855,  in-8);  les  Sa- 
vants (1862,  in-8)  ;  la  Vierge  et  les  Saints  en  Italie 
(1842,  in-8)  ;  Episodes  et  souvenirs  de  la  guerre  de 
Prusse  (1872,  in-8)  ;  Paris,  son  histoire,  ses  monu- 
ments (1868,  in-4)  ;  les  Missions  catholiques  dans  toutes 
les  parties  du  monde  (1876,  in-8),  etc.,  et  une  infinité 
de  biographies  et  d'études  religieuses. 

FOURCHON  (Techn.)  (V.  Echasse). 

FOURCIGNY.Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Amiens, 
cant.  de  Poix;  188  hab. 

FOURCINET.  Corn,  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Die, 
cant.  de  Luc-en-Diois  ;  109  hab. 

FOURCROY  (Bonaventure  de)  ,  poète  français,  né  à 
Noyon,  mort  à  Paris  en  1692.  Il  fut  avocat  au  Parlement 
et  travailla  chez  le  président  de  Lamoignon.  C'était  aussi 
un  assez  méchant  poète  et  ses  premiers  vers  publiés  furent 
Vingt  et  un  Sonnets  qu'il  fit  imprimer  (in-4)  en  1651, 
pendant  la  Fronde,  et  dans  lesquels  il  maltraitait  beaucoup 
le  cardinal  Mazarin.  On  prétend  que  Boileau  fit  à  son  sujet 
ces  vers  qui  n'ont  pas  d'ailleurs  vu  le  jour  : 

Qui  ne  hait  point  tes  vers,  ridicule  Mauroi, 
Pourrait  bien  pour  sa  peine  aimer  ceux  de  Fourcroy. 

On  a  encore  de  lui  une  comédie  de  Sancho  Pansa;  les 
Sentiments  de  Pline  le  Jeune  sur  la  poésie  (Paris,  1660, 
in-12)  ;  Trois  Discours,  dans  les  Recueils  de  l'Acadé- 
mie française;  un  Eloge  d'Auzanet,  en  tète  des  Œuvres 
de  ce  personnage  ;  et  un  certain  nombre  d'ouvrages  de 
droit,  parmi  lesquels  De  l'Origine  du  droit,  des  magis- 
trats, pour  la  défense  des  droits  du  roi,  etc.  (1674,  in-12). 
Son  Eloge  est  dans  la  préface  des  Questions  de  droit, 
par  Bretonnier.  On  prétend  que  Fourcroy  avait  des  pou- 
mons redoutables  et  on  raconte  qu'un  jour  qu'il  disputait 
contre  Molière  en  présence  de  Boileau,  celui-ci  s'écria  : 
«  Qu'est-ce  que  la  raison  avec  un  filet  de  voix  contre  une 
g....  comme  celle-là  ?»  C.  St-A. 

FOURCROY  (Antoine-François,  comte  de),  chimiste  et 
homme  d'Etat  français,  né  à  Paris  le  15  juin  1755,  mort 
à  Paris  le  16  déc.  1809.  Il  appartenait  à  une  vieille  famille 
de  robe  ;  mais  son  père  avait  dérogé  et  tenait  à  Paris,  à  la 
faveur  d'une  licence  du  duc  d'Orléans,  une  modeste  officine 
dont  la  corporation  des  apothicaires  fit  prononcer  la  ferme- 
ture en  1762.  Ce  fut  presque  la  misère.  Pour  surcroît  d'in- 
fortune, au  collège  d'Harcourt,  où  on  le  mit  de  bonne 


heure,  le  jeune  Antoine  fut  loin  de  briller.  Il  en  sortit  à 
quatorze  ans,  nourrit  un  instant  le  projet  d'entrer  au  théâtre, 
se  rabattit  sur  des  leçons  d'écriture,  trouva  en  1773  une 
assez  bonne  place  de  copiste  chez  un  commis  du  sceau, 
mais  la  quitta  deux  ans  après  et  atteignit  ainsi  sa  vingtième 
année,  sans  ressources,  sans  instruction,  sans  position. 
L'avenir  s'annonçait  mal,  lorsque  Vicq-d'Azyr,  en  pension 
chez  son  père,  l'engagea  à  faire  sa  médecine,  lui  promet- 
tant aide  et  conseils.  Il  étudia  avec  ardeur,  vivant  de  recher- 
ches pour  des  écrivains  et  de  répétitions,  fit  en  peu  de 
temps  des  progrès  surprenants,  qui  lui  permirent  de  publier 
dès  1777,  sous  les  auspices  de  la  Société  royale  de  méde- 
cine récemment  fondée  par  son  protecteur,  une  bonne  tra- 
duction, avec  notes,  du  Traité  des  maladies  des  artisans 
de  Ramazzini  (Paris,  1777,  in-12),  et  put  prendre  en  1780 
le  brevet  de  docteur,  grâce  à  une  collecte  d'amis  de  Vicq- 
d'Azyr  qui  lui  avancèrent  les  6,000  livres  nécessaires.  Il 
se  présenta  ensuite  aux  examens  du  grade  de  docteur-ré- 
gent, correspondant  à  peu  près  à  notre  agrégation  actuelle  ; 
mais  la  Faculté,  en  guerre  déclarée  avec  la  société  rivale 
et  satisfaisant  une  rancune  personnelle,  le  refusa  à  l'una- 
nimité. Il  ouvrit  alors  des  cours  particuliers  et  des  confé- 
rences, accrut  encore  par  quelques  travaux  et  par  quelques 
publications  remarquables  la  réputation  que  ses  leçons  lui 
avaient  tout  de  suite  acquise,  et,  en  1784,  fut  préféré  à 
Berthollet  pour  la  chaire  de  chimie  du  Jardin  du  roi,  rendue 
vacante  par  la  mort  de  Macquer.  Son  enseignement  fut 
magistral.  A  la  science  il  joignait  une  réelle  éloquence  ; 
on  venait  l'entendre  de  tous  les  points  de  l'Europe  et,  deux 
fois,  il  fallut  agrandir  l'amphithéâtre  où  il  professait.  Le 
12  mai  1785,  l'Académie  des  sciences  l'admit  comme 
membre  associé. 

1789  arriva.  Fourcroy,  qui  avait  été  parmi  les  prépa- 
rateurs du  mouvement  et  qui  l'avait  accueilli  avec  enthou- 
siasme, travailla,  au  sein  de  divers  comités,  à  affermir 
et  à  améliorer  les  nouvelles  institutions.  Ce  labeur  silen- 
cieux, mais  fécond  en  bienfaits,  lui  gagna  l'estime  publique 
et,  en  sept.  1792,  bien  qu'il  se  fût  tenu  généralement  en 
dehors  des  agitations  politiques  et  cju'il  eût  décliné  toute 
candidature,  il  fut  élu  à  la  Convention  comme  cinquième 
suppléant  de  Paris.  Appelé  à  siéger  après  la  mort  de  Marat 
(juil.  1793),  il  ne  traita  guère  à  la  tribune  que  des  ques- 
tions d'enseignement  ou  d'intérêt  scientifique,  réclamant 
la  prompte  organisation  d'une  éducation  nationale,  faisant 
adopter  le  principe  d'un  système  uniforme  de  poids  et  me- 
sures et  sauvant  de  la  destruction  nombre  d'établissements 
de  toutes  sortes.  Le  comité  de  Salut  public  lui  avait,  d'autre 
part,  confié  dès  le  mois  de  mars  1793  diverses  recherches 
relatives  à  la  défense.  Il  se  dévoua  sans  trêve,  durant 
dix-huit  mois,  à  cette  patriotique  mission,  indiqua  de  nou- 
velles méthodes  et  de  nouveaux  procédés  pour  l'extraction 
et  la  purification  des  salpêtres,  pour  la  fabrication  de  la 
poudre,  pour  celle  des  canons,  des  fusils,  des  armes  blanches, 
et  usa  entre  temps  du  grand  crédit  dont  il  était  arrivé  à 
jouir  auprès  du  terrible  comité  pour  ravir  quelques  têtes 
à  la  guillotine.  Desault,  Chaptal,  Darcet  lui  durent  ainsi  la 
vie.  Lavoisier  fut,  on  le  sait,  moins  heureux.  Sa  mort  fut 
même  imputée  à  crime  au  savant  conventionnel  qui,  mû 
par  un  odieux  sentiment  de  basse  jalousie,  aurait  volon- 
tairement négligé  l'illustre  chimiste.  Fourcroy  a  toujours 
énergiquement  protesté  contre  cette  grave  accusation  et, 
après  sa  mort,  Cuvier  l'en  a  publiquement  disculpé  en  ces 
termes  :  «  Si,  dans  les  sévères  recherches  que  nous  avons 
faites,  nous  avions  trouvé  la  moindre  preuve  d'une  si  hor- 
rible atrocité,  aucune  puissance  humaine  ne  nous  aurait 
contraint  de  souiller  notre  bouche  de  son  éloge.  »  Après 
le  9  thermidor,  il  fut  quelque  temps  membre  du  comité  de 
Salut  public,  passa,  lors  de  la  séparation  de  la  Convention, 
au  conseil  des  Anciens,  dont  il  fit  partie  jusqu'en  1798,  fut 
appelé  par  Bonaparte  au  conseil  d'Etat  en  déc.  1799  et  de- 
vint, en  1801,  directeur  général  de  l'instruction  publique. 
Dans  ces  dernières  fonctions,  il  se  montra  infatigable.  Il 
avait  antérieurement  coopéré  à  la  fondation  de  l'Ecole 


FOURCROY  —  FOUREL 


—  906  — 


normale  et  de  l'Ecole  centrale  de  travaux  publics  (Ecole 
polytechnique),  à  la  réorganisation  de  l'Institut,  à  l'agran- 
dissement du  Muséum  d'histoire  naturelle.  En  moins  de 
six  années  (1801-4807),  il  érigea  trois  écoles  de  médecine 
(Paris,  Montpellier,  Strasbourg),  douze  écoles  de  droit,  une 
trentaine  de  lycées,  et  fit  relever  ou  établir  plus  de  trois 
cents  collèges  communaux,  préparant  lui-même  les  règle- 
ments, les  programmes  et  toutes  les  nominations.  L'ins- 
truction primaire  fut  aussi  l'objet  de  ses  préoccupations  et 
lorsque,  en  1808,  fut  créée  l'Université  impériale,  dont  il 
avait  autrefois  combattu  le  principe,  mais  que  maintenant 
il  prônait,  on  put  dire  que  depuis  quinze  ans  bien  peu  de 
choses  s'étaient  faites  en  France  en  matière  d'enseignement 
sans  qu'il  y  eût  participé  plus  ou  moins  directement.  Aussi 
ne  doutait-il  pas  qu'après  tant  de  services,  malheureuse^ 
ment  gâtés  dans  les  derniers  temps  par  quelques  con- 
descendances regrettables ,  la  nouvelle  dignité  de  grand 
maître  ne  lui  échût  sans  conteste.  Mais  Napoléon  y  nomma 
Fontanes.  Cette  disgrâce,  un  peu  atténuée  ensuite  par  la 
collation  du  titre  de  comte,  l'affecta  vivement  ;  une  ma- 
ladie de  cœur,  causée  par  l'excès  de  travail,  s'aggrava,  et 
il  mourut  subitement  à  la  fin  de  l'année  suivante.  Les  soucis 
de  la  politique  et  des  affaires  ne  lui  avaient  du  reste  ja- 
mais fait  déserter  son  laboratoire  ni  l'amphithéâtre.  A  sa 
chaire  de  chimie  du  Muséum,  il  avait  même  joint  des  cours 
à  l'Ecole  polytechnique  et  à  l'Ecole  de  médecine  et  il  était 
devenu  membre  de  l'Athénée  des  arts  et  d'un  grand  nombre 
d'autres  sociétés  savantes.  En  1797,  il  avait  été  président 
de  l'Académie  des  sciences. 

Sans  avoir  eu  la  même  part  que  Lavoisier  et  que  Caven- 
dish  à  la  fondation   de  la  chimie  moderne,  Fourcroy  a 
cependant  contribué  largement  à  l'évolution  scientifique  de 
la  fin  du  xvine  siècle,  tant  par  sa  collaboration  aux  fa- 
meuses conférences  qui  se  tenaient  chez  le  premier  de  ces 
savants  et  d'où  est  sortie,  en  1787,  la  Méthode  de  nomen- 
clature chimique,  que  par  ses  travaux  originaux  et  par 
les  importantes  expériences  qu'il  a  réalisées,  les  unes  seul, 
les  autres  avec  son  ancien  élève  Vauquelin.  Son  nom  est 
surtout  attaché  aux  progrès  de  la  chimie  animale,  à  laquelle 
il  a  fait  faire  un  pas  décisif,  et  de  la  chimie  végétale,  dont 
il  a  perfectionné  les  méthodes.  Il  faut  mentionner  plus  spé- 
cialement, dans  ces  deux  ordres  de  productions,  ses  ana- 
lyses du  lait,  du  sang,  de  la  bile,  dû  mucus  des  narines,  de 
l'éau  des  hydropiques,  des  larmes,  du  chyle,  des  céréales, 
des  légumineuses,  des  bois  de  quinquina,  ses  recherches 
sur  les  caractères  de  la  fibrine,  de  la  gélatine  et  de  la 
moelle,  sur  la  quantité  d'azote  contenue  dans  les  diverses 
substances  animales,  sur  les  urines  et  les  calculs  urinaires, 
sur  la  présence  de  l'albumine  dans  les  végétaux,  sa  décou- 
verte du  phosphate  de  magnésie  dans  les  os.  On  lui  doit, 
d'autre  part,  une  théorie  ingénieuse  de  la  formation  de 
l'éther,  une  série  de  remarquables  études  sur  les  combinai- 
sons salines  et  en  particulier  sur  les  sels  triples  ammonia- 
caux, des  analyses  de  minéraux  et  d'eaux  minérales,  la 
première  combustion  de  l'hydrogène  qui  ait  donné  de  l'eau 
parfaitement  pure  (avec  Yauquelin  et  Séguin,  en  1792), 
l'isolement  de  la  baryte  et  de  la  strontiane,  un  procédé  éco- 
nomique de  séparation  du  cuivre  et  de  l'étain  des  cloches, 
la  découverte  de  plusieurs  composés  de  l'acide  muriatique 
oxygéné  détonant  par  simple  percussion,  des  recherches 
sur  les  causes  de  la  détonation  des  poudres  fulminantes, 
sur  la  composition  des  aérolithes,  sur  celle  de  l'aragonite 
et  sur  ses  rapports  avec  le  spath  calcaire,  etc.  Il  s'occupa 
aussi  d'anatomie,  mais  renonça  de  bonne  heure  à  cette 
science.  De  même,  il  n'eut  jamais,  comme  médecin  praticien, 
que  peu  de  succès.  Quant  à  ses  écrits,  le  nombre  en  est 
considérable.  Mais  leur  quantité  a  peut-être  nui  à  leur  qua- 
lité. C'est  du  moins  l'opinion  de  Cuvier  :  «  Les  idées  y  sont 
en  général  plus  étendues  que  profondes  et  les  conclusions 
quelquefois  un  peu  précipitées.  »  Cette  sévère  critique  de 
son  panégyriste  semble  toutefois  viser  seulement  les  cent 
soixante  mémoires  que  Fourcroy  a  disséminés  dans  les 
recueils  de  l'Académie  des  sciences,  de  la  Société  de  mé- 


decine et  de  la  Société  d'agriculture,  dans  les  Annales  de 
chimie,  dans  le  Journal  des  mines,  dans  le  Journal  de 
physique,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  philomathique, 
dans  la  Décade  philosophique,  dans  le  Journal  desphar- 
maciens et  dans  les  Annales  du  Muséum  d'histoire  na- 
turelle. Car  le  célèbre  naturaliste  fait  au  contraire  un  grand 
éloge  de  ceux  de  ses  ouvrages  que  Fourcroy  a  publiés  à  part  ; 
ils  ont  pour  titres  :  Leçons  d'histoire  naturelle  et  de 
chimie  (Paris,  1781,  2  vol.  in-8),  devenues,  après  six  édi- 
tions, le  Système  des  connaissances  chimiques  (Paris, 
1801,  6  vol.  in-4,  ou  11  vol.  in-8)  ;  l'Art  de  connaître  et 
d'employer  les  médicaments  (Paris,  1785, 2  vol.  in-12)  ; 
Entomologia  parisiensis,  réédition  très  augmentée  de 
Y  Histoire  des  insectes  de  Geoffroy,  l'un  de  ses  maîtres 
(Paris,  1785,  2  vol.  in-12)  ;  Méthode  de  nomenclature 
chimique,  en  collaboration  avec  Lavoisier,  Berthollet  et 
Guytonde  Morveau  (Paris,  1787, in-8)  ;  Analyse  de  Veau 
sulfureuse  d'Enghien,en  collaboration  avec  Laporte  (Pa- 
ris, 1788,  in-8)  ;  Essai  sur  le  phlogistique  et  les  acides 
(Paris,  1788,  in-8)  ;  Principes  de  chimie  à  l'usage  des 
élèves  de  l'Ecole  vétérinaire  (Paris,  17 88, 2  vol.  in-18)  ; 
la  Médecine  éclairée  par  les  sciences  physiques  (Paris,  ' 
1791,  4  vol.  in-8);  la  Philosophie  chimique,  qui  a  eu 
une  dizaine  de  traductions  étrangères  (Paris,  1792,in-12; 
3e  éd.,  1806,  in-12)  ;  Tableaux  synoptiques  de  chimie 
(Paris,  1805,  atlas  in-fol.).  Il  a  enfin  fourni  beaucoup 
d'articles  à  l'Encyclopédie  méthodique  et  au  Dictionnaire 
des  sciences  naturelles.  Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  Palisot  de  Beauvois,  Eloge  historique  de 
M.  Fourcroy  ;  Paris,  1810,  in-4.—  Cuvier,  Eloge  de  Four- 
croy ;  Paris,  1811,  in-8,  et  dans  Mém.  de  VAcad.  des  sciences 
de  Paris,  année  1810,  part.  II,  p.  xcvn.  —  Ant.  Cattaneo, 
Cennisu  la  vita  di  A.-F.  Fourcroy;  Milan,  1839,  in-4.  — 
Et.  Pariset,  Histoire  des  membres  de  l'Académie  de  mé- 
decine de  Paris  ;  Paris,  1845-50,  2  vol.in-12. 

FOURCROY  de  Ramecourt  (Charles-René  de),  ingé- 
nieur militaire  et  savant  français,  parent  du  précédent,  né 
à  Paris  le  19  janv.  1715,  mort  à  Paris  le  12  janv.  1791. 
Fils  d'un  avocat,  qui  le  destinait  au  barreau,  il  entra  en 
1736  dans  le  corps  du  génie,  se  distingua  dans  de  nom- 
breuses campagnes  et  devint  maréchal  de  camp,  puis  direc- 
teur général  du  génie.  Pendant  les  périodes  de  paix,  il 
occupait  ses  loisirs  à  des  recherches  et  à  des  expériences, 
qui  aboutirent  à  de  beaux  travaux  sur  la  physique,  l'his- 
toire naturelle,  la  technologie,  et  qui  le  firent  admettre  en 
1784  à  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Outre  plusieurs 
notes  insérées  dans  les  recueils  de  cette  société,  on  a  de  lui  : 
Mémoires  sur  la  fortification  perpendiculaire  (Paris, 
1786,  in-4)  ;  deux  traités  sur  l'Art  du  tuilier-briquetier 
et  sur  celui  du  chaufournier;  un  plan  de  communication 
entre  l'Escaut,  la  Sambre,  l'Oise,  la  Meuse,  la  Moselle  et 
le  Rhin.  Il  a  enfin  contribué  pour  une  grande  part,  par 
les  renseignements  de  toutes  sortes  qu'il  a  fournis  à  leurs 
auteurs,  au  Traité  du  cœur  de  Sénac,  au  Traité  des 
pêches  de  Duhamel,  à  l'ouvrage  de  Lalande  sur  les  Marées. 

F0URDRA1N.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Laon, 
cant.  de  La  Fère;  669  hab. 

FOU  RDRINOY.Com.  du  dép.  delà  Somme,  arr.  d'Amiens, 
cant.  de  Picquigny  ;  470  hab. 

FOUR  EAU  (Fernand),  explorateur  français,  né  à  Saint- 
Barbant  (Haute-Vienne)  le  17  oct.  1850.  En  1877,  il 
entreprit  un  voyage  en  Algérie,  dans  le  Sahara  et  au  Maroc, 
et  depuis  il  n'a  cessé  d'explorer  la  région  N.  de  l'Afrique, 
qu'il  connaît  à  fond.  En  1880,  il  fonda,  avec  M.  Fau,  la 
Compagnie  de  l'Oued-R'ir  (oasis  dans  le  Sahara,  prov.  de 
Constantine).  A  diverses  reprises,  il  a  été  chargé  d'impor- 
tantes missions  dans  le  Sud  algérien,  soit  par  le  ministère 
de  l'instruction  publique,  soit  par  le  gouverneur  général  de 
l'Algérie.  Son  dernier  voyage  dans  la  région  de  l'Erg  (1 891- 
1893)  a  été  particulièrement  fécond.  Il  a  réussi  à  conclure 
des  traités  d'amitié  avec  les  chefs  nègres  et  a  rapporté  de 
belles  collections  d'histoire  naturelle  et  de  minéralogie. 

FOUREL  (Armand),  procureur  du  roi  au  bailliage  royal 
d'Annonay,  né  à  Annonay  en  1669,  mort  en  1746.  Il  fut 


907  - 


FOUREL  —  FOURICHON 


en  Vivarais  le  correspondant  le  plus  intelligent  et  le  plus 
actif  des  savants  bénédictins,  auteurs  de  Y  Histoire  du  Lan- 
guedoc .  On  peut  voir  de  lui  dans  la  collection  du  Langue- 
doc (rass.  de  la  Bibl.  nat.,  t.  XXIV  et  XXV)  :  un  Abrégé 
de  l'histoire  de  la  ville  oVAnnonay,  une  Relation  de  la 
vie  d? André  de  Sauzéa,  évêque  de  Bethléem,  et  beaucoup 
de  mémoires  et  de  notes  détachées  sur  l'histoire  du  Viva- 
rais. Fourel  fut  plusieurs  fois  consul  de  sa  ville  natale. 

FOUR  ES  (Auguste),  poète  languedocien,  né  à  Castel- 
naudary  le  6  avr.  4848,  mort  le  4  sept.  4890.  Fils  d'un 
instituteur  démocrate,  après  de  bonnes  études  il  débuta 
dans  le  journalisme  par  des  fantaisies  et  des  chroniques 
souvent  agressives  contre  l'Empire.  Son  premier  volume, 
des  vers  français,  Oiselets  et  Fleurettes  (4872),  puis  trois 
poèmes,  le  Fer  ouvré,  Antée  et  Marsyas  (4873-74),  le 
placèrent  au  nombre  des  plus  habiles  parnassiens,  mais  Yj 
distinguèrent  pour  certaine  saveur  d'archaïsme  et  des  néo- 
logismes  fréquents,  empruntés  à  la  langue  d'oc.  Le  féli- 
brige  (V.  ce  mot)  commençait  alors  à  faire  des  prosélytes 
hors  de  Provence.  Auguste  Fourès  y  entra,  et  avec  lui  les 
revendications  de  l'atavisme  moral  du  Midi  albigeois.  De 
concert  avec  ses  amis  L.-X.  de  Ricard  et  Mme  Lydie  de 
Ricard  (dulciorella) ,  il  créa  le  groupe  républicain-fédéra- 
liste des  féîibres  languedociens,  et  publia  la  Lauseto,  «  al- 
manach  du  patriote  latin  »  (4877-78-79  et  4885).  En 
4878,  il  donna  un  recueil  d'études  en  prose,  de  vigoureuse 
expression  :  Coureurs  de  chemins  et  Batteurs  dépavés. 
Il  fonda  à  Carcassonne  le  journal  la  Cité  avec  M.  Àlban 
Germain  (4879)  et  la  Poésie  moderne  avec  M.  Prosper 
L'Eté  (1882).  De  4885  à  4888,  rédacteur  en  chef  du 
Petit  Toulousain  (illustré),  il  en  fit  le  journal  le  plus  lit- 
téraire du  Midi.  Entre  temps  il  publiait  son  premier  recueil 
languedocien,  les  Grilhs  (1887),  poésie  d'artiste  autoch- 
tone et  d'intransigeant  patriote.  La  maladie  qui  le  paralysait 
peu  à  peu,  lui  faisant  renoncer  à  la  vie  militante,  redou- 
blait son  activité  d'écrivain.  Sa  dernière  collaboration  sui- 
vie fut  au  journal  de  langue  d'oc  le  Gril  de  Toulouse.  Enfin, 
il  donna  deux  volumineux  recueils  :  la  Gueuserie  (4889), 
en  prose,et  les  Cants  del  Soulelh  (4890),  œuvre  très  variée 
d'aspect,  lyrique  et  descriptive,  qui  le  classe  près  du  vieux 
Goudelin,  au  premier  rang  des  poètes  languedociens.  — 
Son  œuvre  posthume  qui  va  être  publiée  se  compose  de  quatre 
volumes  :  la  Sego  et  Muso  Silvestro,  poésies  languedo- 
ciennes, des  vers  français,  la  Muse  errante,  et  des  contes 
indigènes,  En  Lauraguais.  Paul  Mariéton. 

Bibl.:  Paul  Mariéton,  le  F élibre  Auguste  Fourès  ;  Lyon, 
1883.  —  Du  même,  le  Dernier  Albigeois  :  Auguste  Fourès, 
dans  Revue  bleue  du  10  avr.  1888.  —  L.-X.  de  Ricard,  Un 
Poète  national  :  Aug.  Fourès;  Montpellier,  1889.  —  Anto- 
nin  Perbosc,  Auguste  Fourès,  dans  Revue  félibréenne , 
d'oct.  1891. 

FOUR  ET  (Georges-François),  mathématicien  français, 
né  à  Paris  le  29  janv.  4845.  Entré  à  l'Ecole  polytechnique 
en  4864,  M.  Fouret,  à  sa  sortie,  fut  classé  dans  l'arme 
du  génie,  fit  la  campagne  de  4870  et  donna  sa  démission 
en  4874.  Depuis  lors,  il  s'est  principalement  consacré 
à  l'enseignement  et  à  la  science.  Répétiteur  à  l'Ecole 
polytechnique  depuis  4879,  il  a  été  nommé  examinateur 
d'admission  en  4  887.  Ses  nombreux  travaux,  publiés  dans 
les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  dans 
les  Annales  des  ponts  et  chaussées,  dans  le  Journal  de 
V Ecole  polytechnique,  le  Bulletin  de  la  Société  mathé- 
matique de  France,  les  Nouvelles  Annales  de  mathé- 
matiques, portent  sur  la  plupart  des  branches  de  la 
science  mathématique,  et  notamment  sur  la  mécanique  et 
la  géométrie.  Nous  citerons  sa  Méthode  nouvelle  pour  la 
détermination  graphique  des  moments  de  flexion 
d'une  poutre  à  plusieurs  travées  solidaires  (4875-487 6), 
méthode  introduite  aujourd'hui  dans  l'enseignement  de 
l'Ecole  des  ponts  et  chaussées;  ses  nombreux  mémoires 
sur  les  Systèmes  de  courbes, et  sa  théorie  des  ensembles 
ou  implexes  de  surfaces,  définis  par  une  équation  aux 
dérivées  partielles  du  premier  ordre  à  trois  variables. 
M.  Fouret,  en  outre,  a  publié  d'intéressants  articles  dans 


le  Journal  des  actuaires  et  dans  le  Bulletin  de  l'Ins- 
titut des  actuaires  français  sur  la  Théorie  mathéma- 
tique des  opérations  viagères. 

F0URG.  Gom.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  de  Quingey  ;  353  hab. 

FOURGES.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  Andelys, 
cant.  d'Ecos  ;  384  hab. 

FOURGON.  Chariot  couvert,  à  quatre  roues,  mis  à  la 
disposition  des  états-majors  et  des  troupes  pour  le  trans- 
port des  bagages,  des  approvisionnements  d'effets  ou  de 
chaussures  et  des  vivres  en  campagne  ou  pendant  les  ma- 
nœuvres. Les  fourgons  actuels  sont  du  modèle  4887;  ils 
font  partie  du  matériel  des  équipages  militaires  et  sont 
fournis  par  le  service  de  l'artillerie.  Les  deux  trains  sont 
assemblés  à  contre-appui,  comme  dans  les  voitures  ordi- 
naires du  commerce,  l'arrière-train  pouvant  tourner  autour 
d'une  cheville  ouvrière  portée  parl'avant-train.  Celui-ci  est 
couvert  par  une  bâche  montée  sur  des  cerceaux  en  fer  ;  il 
est  terminé  en  arrière  par  une  fourragère  servant  d'appui 
au  chargement  et  munie  d'un  frein  dont  la  manivelle  est 
sous  la  main  du  conducteur.  Les  deux  chevaux  dont  le 
fourgon  est  attelé  sont  conduits  à  grandes  guides  par  un 
conducteur  assis  sur  le  siège  disposé  à  l'avant  de  la  voiture. 
Celle-ci  ne  doit  pas  avoir  un  chargement  dépassant  700  ki- 
logr.  Lorsqu'un  corps  change  de  garnison,  il  laisse  sur 
place  les  fourgons  de  mobilisation  et  leurs  harnais,  à  moins 
qu'il  ne  soit  pas  remplacé  dans  la  garnison  qu'il  évacue.  Le 
tableau  suivant  indique  le  nombre  de  fourgons  attribués 
aux  diverses  unités.  —  Il  est  attribué,  en  outre,  un  nombre 


DESIGNATION 
DES  UNITÉS 


Régiment  d'infanterie 

Bataillon  de  chasseurs 

RégimentJ  de  corps  d'armée 
de  cavalerie  /  indépendante  . . . 

Batterie  d'artillerie 

Compagnie  du  génie 


FOURGONS 


4« 

5 
5 


13 

3(2) 
12 
6 
» 

1(3) 


(1)  Il  existe  3  caissons  de  munitions. 

(2)  5  pour  les  bataillons  vosgiens  ou  à  6  compagnies 

(3)  2  pour  les  compagnies  de  réserve  avec  parc. 


variable  de  fourgons  aux  divers  états-majors,  aux  ambu- 
lances, aux  escadrons  du  train  des  équipages  militaires, 
aux  équipages  de  pont,  aux  sections  de  munitions,  etc. 

FOURGS  (Les).  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant. 
de  Pontarlier;  4,094  hab. 

FOURICHON  (Martin),  amiral  français,  né  à  Thiviers 
(Dordogne)  le  9  juin  4809,  mort  à  Paris  le  24  nov.  4884. 
Sorti  de  l'Ecole  navale  en  4824,  il  s'éleva  de  grade  en 
grade  jusqu'à  celui  de  capitaine  de  vaisseau  qu'il  atteignit 
en  4848,  fut  nommé  gouverneur  de  Cayenne  en  4852  et, 
devenu  contre-amiral  (4853),  commanda  plusieurs  années  la 
station  de  l'océan  Pacifique,  puis  celle  de  la  Méditerranée. 
Vice-amiral  le  47  août  4859,  appelé  le  43  févr.  4864  à 
la  présidence  du  conseil  des  travaux  de  la  marine  et  le 
34  mars  4870  au  commandement  de  l'escadre  d'évolution, 
il  fut  chargé,  au  commencement  de  la  guerre  contre  la 
Prusse,  d'aller  bloquer  les  côtes  de  l'Allemagne  du  Nord 
(juil.  4870).  Nommé  ministre  de  la  marine  par  le  gouver- 
nement de  la  Défense  nationale  (4  sept.),  adjoint  à  la  dé- 
légation de  Tours  (42  sept.),  il  exerça  quelque  temps  par 
intérim  le  ministère  de  la  guerre,  qu'il  dut  remettre  à 
Crémieux  le  3  oct.  Il  s'associa  ensuite  sans  grand  éclat  et 
presque  passivement  aux  actes  de  la  délégation  qui,  du 
mois  d'oct.  4870  au  commencement  de  févr.  4874,  n'eut 
d'autre  volonté  que  celle  de  Gambetta.  Envoyé  par  le  dép. 
de  la  Dordogne  à  l'Assemblée  nationale,  il  y  parla  peu,  y 


FOURICHON  -  FOURIER 


—  908 


vota  longtemps  et  presque  aveuglément  avec  le  centre  droit, 
mais  se  rapprocha  du  centre  gauche  vers  la  fin  de  1874 
et  accepta  peu  après  (févr.  4875)  les  lois  constitution- 
nelles, ce  qui  lui  valut  d'être  élu  sénateur  inamovible 
le  10  déc.  1875.  Ministre  de  la  marine  dans  le  cabinet 
Dufaure  (9  mars  1876),  il  dut  démissionner  avec  ses  col- 
lègues le  16  mai  1877,  vota  la  dissolution  de  la  Chambre 
des  députés  le  22  juin  suivant  et  ne  joua  plus  depuis 
celte  époque  qu'un  rôle  fort  effacé.  A.  Debidour. 

FOU  RI  É  (Albert- Auguste),  sculpteur  et  peintre  fran- 
çais contemporain,  né  à  Paris  en  1854.  Elève  de  M.Gau- 
therin,  il  débuta  au  Salon  de  1877,  section  de  sculpture, 
par  un  buste  de  Jeune  Fille.  Il  abandonna  ensuite  la 
sculpture  et  se  mit  sous  la  direction  du  peintre  J.-P.  Lau- 
rens.  En  1879,  il  exposa  un  tableau  remarqué,  la  Récréa- 
tion au  cloître ',  et,  dans  cette  nouvelle  voie,  il  conquit 
rapidement  le  succès.  En  1884,  son  tableau,  le  Dernier 
Deuil,  et  en  1887,  Un  Repas  de  noces  à  Yport,  assu- 
rèrent sa  réputation.  Une  grande  intensité  d'observation, 
une  distribution  puissante  et  originale  de  la  lumière,  une 
facture  pleine  d'habileté,  valurent  à  l'ensemble  de  ses 
tableaux  un  vif  succès  à  l'Exposition  universelle  de  1889. 
M.  A.  Fourié  a  produit  aussi  de  nombreuses  eaux- fortes 
pour  l'illustration,  notamment  pour  Madame  Bovary,  de 
Flaubert,  et  Y  Art  d'être  grand-père,  de  V.  Hugo  ;  ses 
derniers  tableaux  exposés  sont  :  Sous  les  branches  et  En 
Famille  (S.  1892,  Champ  de  Mars). 

FOURIER  (Jean-Baptiste- Joseph,  baron),  géomètre  et 
physicien  français,  né  à  Auxerre  le  21  mars  1768,  mort 
à  Paris  le  16  mai  1830.  Fils  d'un  pauvre  tailleur  d'ori- 
gine lorraine,  il  devint  orphelin  à  huit  ans,  fut  d'abord 
recueilli  par  un  maître  de  pension  qui  lui  donna  les  pre- 
mières notions  du  latin,  puis,  à  la  recommandation  d'une 
dame  charitable  qui  avait  remarqué  ses  précoces  disposi- 
tions, fut  placé  par  l'évêque  d'Auxerre  à  l'école  militaire 
de  cette  ville,  que  dirigeaient  alors  les  bénédictins  de  la 
congrégation  de  Saint-Maur.  Ce  fut  un  brillant  élève.  Les 
mathématiques,  qu'il  aborda  en  1781,  le  passionnèrent 
surtout  ;  on  le  vit  renoncer  subitement  à  tous  les  plaisirs 
de  l'enfance  ;  il  se  levait  même  la  nuit,  content  ses  bio- 
graphes, et  allait  se  cacher  dans  un  placard  où,  à  la  lueur 
de  bouts  de  chandelle  dérobés  un  peu  partout,  il  dévorait 
les  livres  de  Bezout  et  de  Clairaut.  A  seize  ans,  d'élève  il 
passa  professeur.  Il  aurait  bien  voulu  entrer  dans  l'artil- 
lerie ou  dans  le  génie,  et  les  inspecteurs  de  l'école  firent 
dans  ce  but  des  démarches  :  le  ministre  objecla  son  humble 
naissance  et  sa  pauvreté.  Il   se  rabattit  sur  le  cloître, 
se  rendit  en  1787  à  l'abbaye  de  Saint-Benoît-sur-Loire 
pour  y  faire  son  noviciat  de  bénédictin,  mais,  sous  l'in- 
fluence des  événements  politiques,  quitta  deux  ans  après 
l'habit  religieux  et  revint  à  son  ancienne  école  où,  à  l'en- 
seignement un  instant  délaissé  des  mathématiques,  il  joi- 
gnit celui  de  la  rhétorique,  voire  de  l'histoire  et  de  la  phi- 
losophie (1789-93).  Entre  temps  (fin  1789),  il  était  allé 
présenter  à  l'Académie  des  sciences  de  Paris  son  premier 
mémoire,  écrit  en  1787,  «  sur  la  résolution  des  équations 
numériques  de  degré  quelconque  ».  Dès  la  formation  des  fa- 
meux comités  de  surveillance  (avr.  1793),  il  fut  élu  membre 
de  celui  d'Auxerre  ;  admirateur  enthousiaste  de  la  Révolu- 
tion, il  ne  remplit  toutefois  ses  terribles  fonctions  qu'avec 
modération  et  arracha  plus  d'un  suspect  à  l'échafaud,  entre 
autres  la  mère  du  futur  maréchal  Davout.  Lui-même  fut 
quelque  temps  incarcéré  sur  l'ordre  du  comité  de  Salut 
public  (juin  1794)  ;  il  faillit  l'être  encore  après  la  réaction 
du  9  thermidor,  cette  fois  sous  la  prévention  de  jacobinisme 
(mars  1795).  Lors  de  la  création  de  l'Ecole  normale,  le 
district  de  Saint-Florentin  (Yonne)  l'y  avait  envoyé  comme 
élève  (janv.  1795)  ;  il  y  devint  presque  tout  de  suite  maître 
de  conférences  et,  après  sa  fermeture,  entra  à  l'Ecole  po- 
lytechnique, où  il  fut  d'abord  simple  surveillant  des  leçons 
de  fortification,   mais  où  il  obtint  bientôt  une  chaire  d'ana- 
lyse (1795-98). 

L'expédition  d'Egypte  fut  l'une  des  plus  glorieuses  étapes 


de  sa  vie.  Emmené  par  Monge  et  nommé,  dès  l'arrivée, 
secrétaire  perpétuel  de  l'Institut  du  Caire  (août  1798),  il 
déploya  une  prodigieuse  et  intelligente  activité,  organisant 
des  fabriques  pour  les  besoins  de  l'armée,  inventant  des 
machines,  se  livrant  à  des  recherches  de  tous  genres  et 
remplissant  ensuite  de  ses  intéressantes  communications  les 
séances  de  la  savante  compagnie  ou  les  colonnes  des  publi- 
cations locales.  Un  peu  avant  le  départ  de  Bonaparte  (août 
1799),  il  fut  mis  à  la  tête  de  l'une  des  deux  expéditions 
scientifiques  envoyées  dans  la  vallée  du  haut  Nil.  11  fut  en- 
suite chargé  de  fonctions  administratives  et  diplomatiques 
des  plus  délicates  :  chef  de  l'administration  de  la  justice, 
commissaire  auprès  du  divan  égyptien,  etc.  Très  éloquent 
et  très  persuasif,  il  s'en  acquitta  avec  un  tact  et  une  habi- 
leté rares  ;  ce  fut  lui,  en  particulier,  qui  négocia  le  traité 
d'alliance  avec  Moûrâd  Bey  (avr.  1800).  Aux  funérailles  de 
Kléber  (17  juin  1800),  il  adressa,  dans  une  émouvante 
oraison,  le  suprême  adieu  de  l'armée  à  l'infortuné  général. 
Quelques  mois  avant  l'évacuation,  ses  collègues  de  l'Institut 
lui  confièrent  la  réunion  des  matériaux  du  grand  ouvrage 
sur  l'Egypte  et  la  rédaction  de  son  introduction  générale. 
A  son  retour  en  France  (sept.  1801),  il  sollicita  un  em- 
ploi dans  l'instruction  publique.  Mais  Bonaparte  le  nomma 
préfet  de  l'Isère  (2  janv.  1802).  Sa  prudente  administration 
apaisa  rapidement  les  esprits,  et,  sous  son  active  impulsion, 
la  plupart  des  services  de  son  département  furent  améliorés 
(écoles,  chemins  vicinaux,  etc.),  en  même  temps  que  d'im- 
portants travaux  étaient  entrepris  (dessèchement  des  vastes 
marais  de  Bourgoin  [1807-12],  qui  infectaient  une  quaran- 
taine de  communes  ;  ouverture  d'une  route  de  Grenoble  à 
Turin  par  le  mont  Genèvre,  etc.).  Il  trouva  encore  des  loisirs 
pour  travailler  à  la  Description  de  l'Egypte  et  pour  con- 
tinuer ses  recherches  scientifiques  ;  c'est  même  de  cette 
époque  que  datent  ses  plus  belles  productions  analytiques  et 
thermiques.  En  1808,  il  avait  reçu  de  l'empereur  le  titre  de 
baron,  avec  dotation.  La  révolution  de  1814  ne  le  gêna 
pourtant  pas  autrement  :  il  envoya  son  adhésion  au  gou- 
vernement des  Bourbons,  qui  le  maintint  dans  sa  préfec- 
ture. Le  retour  de  l'île  d'Elbe  le  rendit  plus  perplexe  ;  il 
tenta  d'organiser  à  Grenoble  une  résistance,  puis  s'enfuit 
vers  Lyon,  mais,  rejoint  et  admonesté  par  Napoléon,  fit  sa 
soumission.  Il  fut,  en  récompense,  promu  au  titre  de  comte, 
que,  du  reste,  il  ne  porta  jamais,  et  mis  à  la  tête  de  la  pré- 
fecture du  Rhône  (10  mars  1815).  Les  exigences  d'une  po- 
litique pour  laquelle  il  n'était  pas  fait  l'obligèrent  à  démis- 
sionner au  bout  de  quelques  semaines  (1er  mai  1815)  ;  il 
rentra  à  Paris,  où,  naturellement  mal  accueilli  par  la  nou- 
velle Restauration,  il  serait  tombé  dans  le  plus  grand  dé- 
nuement si  son  ancien  élève  et  ami,  le  comte  de  Chabrol  de 
Volvic,  alors  préfet  de  la  Seine,  ne  lui  avait  confié  la  di- 
rection du  bureau  de  statistique.  Le  27  mai  1816,  l'Aca- 
démie des  sciences  l'élut  à  une  place  de  membre  libre  : 
Louis  XVIII  refusa  de  ratifier.  Désigné  de  nouveau,  et  à 
l'unanimité,  le  12  mai  1817,  pour  succéder  à  Rochon  dans 
la  section  de  physique  générale,  il  obtint,  cette  fois,  l'agré- 
ment royal.  Il  devint  ensuite  secrétaire  perpétuel  pour  les 
sciences  mathématiques  en  remplacement  de  Delambre  (nov. 
1822),  membre  de  l'Académie  française  en  remplacement 
de  Lemontey  (déc.  1826),  président  du  conseil  de  perfec- 
tionnement de  l'Ecole  polytechnique  en  remplacement  de 
Laplace  (1827),  et  mourut  presque  subitement  d'une  hyper- 
trophie du  cœur  le  16  mai  1830.  La  Société  royale  de 
Londres  et  nombre  d'autres  académies  étrangères  se  l'étaient 
attaché. 

Joseph  Fourier  a  exercé  sur  le  développement  de  la  phy- 
sique mathématique  une  influence  décisive.  Les  méthodes 
analytiques  qu'il  a  dû  créer  de  toutes  pièces  pour  arriver  à 
poser  ses  lois  de  la  thermologie  présentent,  en  effet,  un 
caractère  de  généralité  absolue  et  trouvent  aujourd'hui  en- 
core un  vaste  champ  d'applications  nouvelles,  particuliè- 
rement en  électricité.  En  réalité,  c'est  bien  plus  la  science 
dans  son  universalité  abstraite  qui  a  profité  de  ses  décou- 
vertes que  telle  branche  sur  laquelle  ses  efforts  semblent, 


de  prime  abord,  avoir  spécialement  porté,  et  si  le  titre  de 
physicien  distingué  ne  peut  lui  être  refusé,  au  fond  et  avant 
tout  il  a  été  un  grand  géomètre.  Ses  plus  [mémorables  tra- 
vaux se  partagent  en  deux  groupes  :  les  uns  se  rapportant 
à  la  théorie  de  la  chaleur,  les  autres  à  la  résolution  des 
équations  numériques.  La  théorie  mathématique  de  la  cha- 
leur fut  l'objet  de  ses  recherches  dès  la  fin  du  xvme  siècle. 
Il  en  communiqua  les  premiers  résultats  à  l'Académie  des 
sciences  le  21  déc.  1807  dans  un  mémoire  longtemps  cru 
perdu  et  retrouvé  récemment  par  M.  Darboux  à  la  biblio- 
thèque de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  (ms.  n°  267).  En 
1811,  l'Académie  proposa  comme  sujet  du  grand  prix  de 
mathématiques  :  «  Donner  la  théorie  mathématique  des 
lois  de  la  propagation  de  la  chaleur  et  comparer  le  résultat 
de  cette  théorie  à  des  expériences  exactes.  »  Fourier  envoya 
un  travail  très  étendu  :  Théorie  des  mouvements  de  la 
chaleur  dans  les  corps  solides  (Mém.  de  VAcad.  des  se, 
2  parties,  t.  IV  et  V),  qui  fut  couronné  le  6  janv.  1812 
et  dont  la  première  partie  a  paru  à  part  sous  le  titre  :  Théo- 
rie analytique  de  la  chaleur  (Paris,  1822,  in-4  ;  Bres- 
lau,  4883,  in-4).  Nous  ne  pouvons  donner  ici  un  aperçu, 
même  sommaire,  des  richesses  contenues  dans  cette  œuvre 
capitale,  qui  a  fait  époque  dans  l'histoire  des  mathéma- 
tiques et  de  la  physique,  Fourier  part  de  ce  principe  que 
tous  les  phénomènes  de  propagation  dépendent  de  quatre 
conditions  spécifiques,  et  il  formule,  tant  pour  la  surface  que 
pour  l'intérieur  des  corps,  des  équations  différentielles  au 
moyen  desquelles,  trois  des  conditions  étant  connues,  la 
quatrième  peut  se  déduire  mathématiquement  et  sans  expé- 
riences ;  il  intègre  ensuite  ces  équations.  Des  mémoires  et 
des  notes  du  même  savant,  disséminés  dans  les  Annales 
de  chimie  et  de  physique  (t.  IV,  VI,  X,  XIII,  XXII,  XXVII, 
XXVIII,  XTŒVii),  dans  le  Bulletin  de  la  Société  philo- 
mathique  (années  1818  et  1820),  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  des  sciences  (t.  VII,  VIII,  XII),  et  relatifs  aux 
propriétés  de  la  chaleur  rayonnante,  à  la  température  des 
habitations,  au  refroidissement  séculaire  du  globe  terrestre, 
à  la  température  des  espaces  planétaires,  à  des  expériences 
thermo-électriques  (en  commun  avec  OErsted),  au  mouve- 
ment de  la  chaleur  dans  les  fluides,  etc.,  sont  venus  com- 
pléter et  vérifier  sa  Théorie,  —  Quant  à  la  résolution  des 
équations  numériques  de  degré  quelconque,  il  avait,  nous 
l'avons  vu,  écrit  dès  1787  et  présenté  à  l'Académie  des 
sciences  dès  1789  son  premier  mémoire  sur  la  question. 
Il  la  reprit  en  1796  et  1797  dans  ses  cours  d'analyse  à 
l'Ecole  polytechnique  (les  cahiers  mss.  en  sont  conservés  à 
la  bibl.  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées),  y  travailla  encore 
en  Egypte  (mémoires  sur  la  Résolution  générale  des  équa- 
tions algébriques,  sur  les  Méthodes  d'élimination,  etc., 
dans  la  décade  égyptienne  de  l'an  VI  et  de  l'an  VII), 
puis  à  Grenoble,  et  publia  en  1820,  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  philomathique,  une  note  du  plus  haut  intérêt  : 
Sur  l'Usage  du  théorème  de  Descartes  dans  la  recherche 
des  limites  des  racines.  La  méthode  de  séparation  des  ra- 
cines qui  s'y  trouve  exposée,  et  qui  a  donné  naissance  au 
beau  théorème  de  Sturm,  marque  un  progrès  considérable 
sur  celle  de  Lagrange  ;  Arago  en  a  contesté  la  priorité  à 
Fourier  en  faveur  de  Budan  de  Bois-Laurent,  mais  M.  Dar- 
boux a  indiscutablement  établi  que  le  mérite  en  revenait 
tout  entier  au  premier,  dont  la  démonstration  s'applique, 
du  reste,  aux  équations  transcendantes,  au  lieu  d'être  pu- 
rement algébrique  comme  celle  de  Budan  (V.  aussi  Mém. 
de  VAcad.  des  se,  1831,  t.  X).  Fourier  n'a  pas  eu  le 
temps  de  terminer  ces  recherches,  devenues  fécondes  entre 
les  mains  de  ses  successeurs,  et  son  Analyse  des  équa- 
tions déterminées,  que  Navier  a  fait  paraître  d'après  ses 
notes  après  sa  mort  (Paris,  4831,  in-4),  est  un  ouvrage 
inachevé.  Au  même  ordre  de  travaux  se  rattachent  quelques 
vues  nouvelles  qu'il  a  émises  sur  la  théorie  des  inégalités 
{Bullet.  de  la  Soc.  philom.,  1826,  et  Hist.  de  VAcad. 
des  se.  pour  1823  et  1824). 

On  doit  encore  à  Fourier  :  un  remarquable  mémoire  sur 
la  Statique  (Journ.  de  VEc.  polyt.,  1797-98,  II),  qui 


—  909  —  FOURIER 

contient  une  démonstration  tout  originale  et  encore  géné- 
ralement adoptée  du  principe  des  vitesses  virtuelles  ;  —  une 
série  d'études  écrites  à  l'occasion  de  ses  fonctions  à  la  pré- 
fecture de  la  Semé  et  touchant  au  calcul  des  probabilités  et 
à  la  statistique  :  Mémoire  sur  la  théorie  analytique  des 
assurances  {Annales  de  chim.  et  dephys.,  1819,  t.  X)  ; 
Rapport  sur  les  tontines  (Mém.  de  VAcad.  des  se,  1826, 
t.  V),  et  plusieurs  chapitres  et  tableaux  des  Recherches 
statistiques  sur  la  ville  de  Paris  et  le  dép.  de  la  Seine 
(Paris,  1821-29,  4  vol.),  ouvrage  publié  sous  sa  direction; 

—  des  études  sur  les  monuments,  les  mœurs  et  les  révo- 
lutions de  l'Egypte,  sur  ses  oasis,  sur  les  explorations  et 
les  fouilles  à  entreprendre  dans  la  vallée  du  Nil,  sur  les 
aqueducs  à  y  construire,  etc.,  parues  dans  le  Courrier 
d'Egypte  et  dans  la  Décade  égyptienne  ;  —  la  Préface 
historique,  un  peu  surfaite  à  tous  les  points  de  vue  par  ses 
panégyristes,  et  un  long  chapitre  (Recherches  sur  les 
sciences  et  le  gouvernement  de  V Egypte) ,  du  grand  mémo- 
rial de  l'expédition  d'Egypte  ;  —  les  éloges  académiques  de 
Delambre(1823),deW.Herschel(1824),deBréguet(1826), 
de  Charles  (1828),  de  Laplace  (1829),  et  l'analyse  annuelle, 
de  1822  à  1828,  des  travaux  mathématiques  de  l'Académie 
(Mém.  de  VAcad.  des  se,  1823-29);  —  des  articles  de 
la  Biographie  universelle  de  Michaud  (anonymes)  et  de  la 
Revue  encyclopédique.—  M.  Darboux  a  récemment  donné, 
sous  le  titre  :  OEuvres  de  Fourier  (Paris,  1889-90, 2  vol. 
in-4),  une  édition  annotée  et  soigneusement  revisée  de  sa 
Théorie  de  la  chaleur  et  de  ses  principaux  mémoires  scien- 
tifiques. —  La  ville  d'Auxerre  lui  a  élevé  en  1849  une 
statue  en  bronze  due  à  Faillot.  Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  C.-A.  Vieilh  de  Boisjolin,  Notice  biographique 
sur  le  baron  Fourier  ;  Paris,  1830,  in-8.—  Journal  des  Sa- 
vants, mai  1830,  p.  311.  —  Girard,  Discours  prononcé  aux 
funérailles  de  M.  Fourier  ;  Paris,  1830,  in-4.  —  De  Fé- 
letz,  ibid.,  ibid.  —  Victor  Cousin,  Discours  de  récep- 
tion à  l'Académie  française  (5  mai  1831),  dans  le  Recueil 
de  VAcad.  fr.,  1830-39,  p.  87.  —  Du  même,  Notes  biogra- 
phiques sur  Fourier;  Paris,  1831,  in-4,  et  dans  Fragments 
et  Souvenirs  (Paris,  1857,  in-8,  3»  éd.).  —  Fr.  Arago,  Eloge 
historique  dej.  Fourier,  dans  ses  Œuvres  (Paris,  1854, 
t.  Ier,  p.  295,  in-8),  dans  les  Mém.  de  VAcad.  des  se,  1834, 
pp.  lxix-cxxxviii)  et  à  part  (Paris,  1834,  in-4).— -M auge r, 
Notice  biographique  sur  Fourier,  dans  l'Annuaire  de 
l'Yonne  de  1837.  —  J.-J.  Champollion-Figeac,  Fourier 
et  Napoléon,  l'Egypte  et  les  Cent-Jours  ;  Paris,  1844,  in-8. 

—  Catalogue  of  scienlific  papers  of  the  Royal  Society  ; 
Londres,  1868,  t.  II,  in-4.  —  E.  Duché,  J.  Fourier,  sa  vie 
et  ses  travaux,  dans  Bullet.  de  la  Soc.  des  sciences  de 
V Yonne,  année  1871,  t.  III,  p.  217.  —  Max.  Marie,  Histoire 
des  sciences  mathématiques  et  physiques  ;  Paris,  1887, 
t.  XI,  p.  11, in-8.—  V.  encore  le  Bulletin  de  la  Soc.  des  se. 
de  V Yonne,  année  1849,  t.  III,  p.  119,  et  année  1858,  t.  XII, 
p.  105,  et  les  notes  de  l'édition  Darboux. 

FOURIER  (François-Marie-Charles),  philosophe  socia- 
liste, né  à  Besançon  le  7  avr.  1772,  mort  à  Paris  le 
9  nov.  1835.  Il  était  fils  d'un  marchand  de  drap  qui  l'éleva 
pour  le  commerce  et  lui  laissa  une  fortune  de  80,000  livres. 
Commis  à  Lyon,  à  Rouen,  il  voyagea  pour  diverses  mai- 
sons en  Allemagne  et  en  Hollande/  En  1793,  il  fonda  un 
grand  magasin  d'épicerie  et  denrées  coloniales  à  Lyon  :  il 
s'y  ruina  moins  par  maladresse  que  par  suite  des  malheurs 
politiques  que  traversait  alors  cette  ville.  Incorporé  dans 
le  8e  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  il  obtint  son  congé 
au  bout  de  deux  ans,  pour  raison  de  santé.  Il  rentra  dans 
la  «  commission  ».  Il  rapporte  qu'en  1799  une  maison  de 
Marseille,  qui  l'employait,  le  chargea  de  couler  à  fond 
secrètement  une  cargaison  de  20,000  quintaux  de  riz  qu'elle 
n'avait  pas  voulu  vendre  afin  de  maintenir  le  haut  prix  des 
subsistances,  et  qui  s'était  gâtée.  Il  est  possible  que  cet  évé- 
nement ait  stimulé  les  réflexions  du  futur  socialiste  sur 
les  abus  de  la  spéculation  commerciale  ;  mais,  dès  la  mai- 
son paternelle,  les  occasions  antérieures  n'avaient  pas 
manqué  à  son  esprit  observateur  et  élevé.  L'utopie  perce 
néanmoins  dès  son  premier  écrit  remarqué,  un  article  ano- 
nyme du  Bulletin  de  Lyon,  intitulé  Du  Triumvirat  con- 
tinental et  de  la  paix  perpétuelle  sous  trente  ans,  où 
il  prédisait  que  la  France  et  la  Russie,  après  avoir  partagé 
avec  l'Autriche  le  sceptre  de  l'Europe,  écraseraient  cette 


FOURÎER  —  FOURIERISME 


910 


puissance,  puis  se  feraient  la  guerre  jusqu'à  l'extinction  de 
l'une  des  deux.  Napoléon,  qui  n'aimait  pas  que  de  simples 
particuliers  s'abandonnassent  aux  rêveries  politiques  qu'il 
s'était  réservées,  fit  prendre  des  informations  sur  l'auteur 
et  sur  l'imprimeur  (V.  Ballanche),  mais  sans  les  inquiéter 
davantage.  Toutefois,  c'est  sous  la  rubrique  de  Leipzig 
(pour  Lyon),  que  Fourier  publia  son  premier  grand  ouvrage, 
la  Théorie  des  quatre  mouvements  et  des  destinées 
générales  ('1808,  in-8),  développée  et  précisée  dans  le 
Traité  d'association  domestique  agricole  (Besançon  et 
Paris,  1822,  2  vol.  in-8)  ;  ensuite  parurent:  le  Nouveau 
Monde  industriel,  ou  Invention  du  procédé  d'indus- 
trie attrayante  et  combinée,  distribuée  en  séries  pas- 
sionnées (Paris,  1829,  in-8),  précédé  d'un  Livret  d'an- 
nonce publié  à  part  et  portant  le  même  titre  ;  Pièges  et 
charlatanisme  des  deux  sectes,  Saint-Simon  et  Owen, 
qui  promettent  V association  et  le  progrès;  Moyen 
d'organiser  en  deux  mois  le  progrès  réel,  la  vraie 
association,  ou  Combinaison  des  travaux  agricoles  et 
domestiques,  donnant  quadruple  produit,  et  élevant 
à  25  milliards  le  revenu  de  la  Finance,  borné  aujour- 
d'hui à  6  milliards  un  tiers  (Paris,  1831,  in-8)  ;  la 
Fausse  Industrie  morcelée,  répugnante,  mensongère,  et 
V antidote,  l'industrie  naturelle,  combinée,  attrayante, 
véridique,  donnant  quadruple  produit  (Paris,  1835-36, 
2  vol.  in- 12  ;  le  deuxième  volume  était  sous  presse  lorsque 
l'auteur  mourut  ;  il  fut  terminé  par  les  soins  de  ses  dis- 
ciples). Les  fouriéristes  ont  publié  les  OEuvres  complètes 
de  Fourier  en  six  volumes  (Paris,  1840-45);  ils  n'y  ont 
pas  compris  toutefois  divers  articles  du  journal  le  Pha- 
lanstère, devenu  à  partir  du  n°  15  la  Réforme  indus- 
trielle, ni  de  la  Phalange,  qui  succéda  en  '1838  à  la 
Réforme  industrielle  et  qui  prit  en  1845  le  sous-titre  de 
Revue  de  la  science  sociale  (V.  Fouriérisme).  ïï.  Monin. 
Bibl.  :  Première  Commémoration  du  jour  de  naissance 
de  Charles  Fourier  ;  Paris,  1838,  in-8.  —  Charles  Pella- 
rin,  Charles  Fourier,  sa  vie  et  sa  théorie;  Paris,  1843, 
2e  éd.,  in-16.—  Jean  Czynski,  Notice  bibliographique  sur 
Charles  Fourier,  suivie  des  statuts  du  comité  de  la  sous- 
cription phalanstérienne  ;  Paris,  1841,  in-32.  —  Parisot, 
Fourier,  sa  vie,  ses  œuvres,  simple  esquisse  extraite  de  la 
Biographie  universelle;  Paris,  1856,  in-18.  —  Al.  Esti- 
gnard,  Portraits  franc-comtois  ;  Paris,  1887,  t.  II,  in-8.  — 
E.  Ferraz,  le  Socialisme,  le  naturalisme  et  le  positivisme; 
Paris,  1877,  pp.  83  à  152,  in-8. 

FOURIER  (Adolphe),  ingénieur  français,  né  à  Angers 
le  22  oct.  1798,  mort  le  26  oct.  1854.  Il  appartenait  au 
corps  des  ponts  et  chaussées,  et  a  coopéré  aux  travaux  des 
routes  stratégiques,  aux  travaux  de  navigation  dans  le 
Maine  et  l'Anjou,  etc.  On  a  de  lui,  dans  les  Annales  de 
son  corps,  un  mémoire  sur  le  tirage  des  chevaux  (1836). 

FOURIER  de  Bacourt  (Adolphe)  (V.  Bacourt). 

FOURIÉRISME.  Doctrine  de  Ch.  Fourier,  plus  ou  moins 
développée  ou  amendée  après  lui.  Suivant  Fourier,  la  vie 
de  l'univers  se  manifeste  par  quatre  mouvements,  le  mou- 
vement matériel,  le  mouvement  organique,  le  mouvement 
animal  et  le  mouvement  social.  Newton  et  Leibniz  ont 
découvert  les  lois  du  premier  mouvement  ;  lui,  Fourier,  a 
découvert  celles  des  quatre  mouvements,  c.-à-d.  delà  vie 
universelle.  La  terre  doit  vivre  80,000  ans  ;  5,000  ans  de 
misères  et  d'épreuves  (qui  vont  prendre  fin),  70,000  ans 
de  bonheur  et  d'union  (apogée)  et  5,000  ans  de  maux  de 
toute  sorte,  qui  se  termineront  par  la  mort  de  la  planète. 
Les  lois  du  monde  moral  sont  altérées  par  les  institutions 
des  civilisés,  le  mariage  permanent  par  exemple,  qui  a  huit 
inconvénients  (malheur  hasardé,  dépense,  vigilance,  mono- 
tonie, stérilité,  veuvage,  alliance,  infidélité)  ;  la  liberté 
amoureuse  est  au  contraire  le  principe  de  toute  perfection 
et  de  tout  bonheur  ;  l'indépendance  sexuelle  de  la  femme 
doit  être  égale  à  celle  de  l'homme.  Dans  le  même  ordre 
d'idées,  Fourier  regrette  que  les  philosophes  politiques  de 
l'époque  révolutionnaire,  au  lieu  de  leur  déesse  Raison  et 
de  leur  austère  théophilanthropie,  n'aient  pas  hardiment 
essayé  de  fonder  une  religion  de  la  volupté,  la  seule  qui 
pût  efficacement  s'opposer  aux  vieilles  idées  chrétiennes. 


Où  Fourier  montre  plus  de  justesse  d'esprit  et  d'observa- 
tion, c'est  dans  la  critique  qu'il  fait  des  abus  du  commerce, 
du  vol  sous  le  nom  de  faillite,  de  l'accaparement  qui 
s'attaque  toujours  à  la  partie  faible  de  l'industrie,  du  para- 
sitisme des  intermédiaires,  débitants,  revendeurs,  etc.  — 
Le  livre  des  quatre  mouvements  ne  fit  aucune  impression 
sur  le  public,  et  ce  ne  fut  même  qu'en  1816,  huit  ans 
après,  que  Fourier  eut  son  premier  disciple,  Just  Muiron, 
chef  de  division  de  la  préfecture  du  Doubs  (par  qui  nous 
avons  d'ailleurs  entendu  réprouver,  dans  sa  vieillesse,  la 
partie  malsaine  et  immorale  du  système).  Dans  l'Asso- 
ciation agricole  (1822)  et  dans  le  Nouveau  Monde 
industriel  (1829),  l'obstiné  réformateur  préconise  une 
immense  association  ayant  pour  principe  l'agriculture,  et 
devant  substituer  la  gestion  unitaire  à  la  gestion  morcelée, 
incohérente,  aux  maux  incalculables  d'une  absurde  con- 
currence. S'il  est  vrai  qu'un  village  de  100  familles  trouve 
un  avantage  considérable  à  construire  un  four  banal,  plu- 
tôt qu'à  en  employer  100,  pourquoi  ne  pas  appliquer  cette 
observation  de  sens  commun  à  toute  l'industrie  humaine  ? 
Pourquoi  ces  100  familles  n'exploiteraient-elles  pas  leurs 
biens  en  commun,  comme  une  réunion  d'actionnaires, 
rétribués  chacun  en  raison  du  capital,  du  travail  et  du 
talent?  100  laitières  qui  vont  perdre  100  matinées  à  la 
ville  ne  peuvent-elles  pas  être  remplacées  économique- 
ment par  un  petit  char  suspendu,  portant  un  tonneau  de 
lait  ?  Pourquoi  100  cuisines  pour  100  familles,  au  lieu 
d'une  seule  bien  organisée  ?  Pour  triompher  de  ces  funestes 
habitudes  d'isolement,  de  ce  gaspillage  de  forces  humaines, 
le  philosophe  ne  fait  pas  appel  à  l'intervention  de  la  loi. 
D'après  lui,  «  l'attraction  passionnelle  »  est  capable  de 
transformer  en  plaisirs  les  travaux  auxquels  les  salariés 
ne  sont  enchaînés  que  par  la  nécessité  de  vivre.  Il  y  a  12 
passions  radicales  :  1°  5  sensuelles  répondant  aux  5  sens 
et  ayant  pour  but  le  luxe  interne  (santé,  vigueur,  etc.)  et 
le  luxe  externe  (richesse)  ;  2°  4  affectueuses  ayant  pour 
objeUes  groupes:  ce  sont  l'amitié,  l'ambition,  Famour, le 
familisme  ;  3°  3  mécanisantes,  la  cabaliste,  la  papillonne 
et  la  composite,  tendant  à  harmoniser  les  5  ressorts  sen- 
suels et  les  4  ressorts  affectueux  en  jeu  interne  (individuel) 
ou  externe  (social).  En  effet,  dans  le  même  homme,  les 
passions  se  contrarient  souvent,  et  plus  encore  d'un  homme 
aux  autres.  C'est  l'appropriation  du  milieu  où  elles  évo- 
luent qui  doit  les  mettre  d'accord,  les  amener  à  Yuni- 
téisme.  Leurs  combinaisons  dans  les  individus  peuvent  for- 
mer 810  caractères  :  nous  sommes  solitones,  bitones,  etc., 
selon  que  une,  deux,  etc.,  passions  maîtresses  dominent  en 
nous  :  Bonaparte  était  un  hexatone.  — -  La  papillonne 
est  le  besoin  de  changer  d'occupation  ;  la  cabaliste  est 
l'esprit  d'intrigue  et  de  cabale  ;  la  composite  est  une  fougue 
aveugle,  enthousiaste  et  synthétiste.  La  première  «  .en- 
grène »  les  séries  passionnelles  ;  la  deuxième  les  «  riva- 
lise »  ;  la  troisième  les  «  exalte  ».  Tels  sont  les  grands 
moteurs  du  travail  attrayant.  Quant  à  la  pensée,  quant  à 
l'idée  du  devoir,  quant  à  l'exercice  spontané  de  la  liberté 
individuelle,  Fourier  n'en  fait  aucune  mention.  Parmi  les 
passions,  il  oublie  (comme  le  note  M.  E.  Ferraz)  l'amour 
du  vrai,  principe  de  la  science,  l'amour  du  beau,  principe 
de  l'art,  l'amour  du  juste,  principe  de  la  morale  et  de  la 
législation,  le  sentiment  de  l'infini,  fondement  des  reli- 
gions. —  Les  810  caractères  déterminés,  obéissant  aux 
12  passions  radicales,  forment  l'élément  de  la  phalange, 
composée  de  1,620  personnes  (810  X  2),  en  tenant 
compte  des  non-valeurs,  enfants,  vieillards,  malades.  Cette 
phalange  exploitera  une  lieue  carrée  de  terrain  et  occupera 
un' vaste  bâtiment  ou  phalanstère.  L'éducation  des  enfants 
en  commun  a  lieu  par  l'imitation  et  l'émulation  :  le  vrai 
instituteur  de  l'enfant  est  un  enfant  un  peu  plus  âgé  que 
lui-même.  A  l'âge  pubère,  afin  d'établir  les  mœurs  pha- 
nérogames, c.-à-d.  la  franchise  dans  les  relations  amou- 
reuses, Fourier  distribue  les  jeunes  gens  et  les  jeunes  filles 
en  deux  corporations  entre  lesquelles  il  leur  est  permis  de 
choisir  le  vestalat  et  le  damoisellat.  L'idéal  du  premier 


est  la  chasteté  (au  moins  pendant  trois  ans)  ;  celui  da 
second,  la  fidélité.  Fourier  indique  nombre  d'expédients 
pour  connaître  et  stimuler  les  vocations  et  les  goûts  natu- 
rels des  enfants  et  des  jeunes  gens  :  c'est  une  des  parties 
les  plus  ingénieuses  du  système .  Mais  il  oublie  constam- 
ment que  l'enfant,  comme  l'homme,  ne  se  développe  qu'en 
prenant  de  la  peine.  —  La  même  attraction  passionnelle 
sur  laquelle  il  fonde  l'éducation  est  aussi  d'après  lui  le 
principe  de  l'organisation  sociale.  De  la  gourmandise,  de  la 
gastronomie  naît,  dans  la  société  harmonienne,  la  gas- 
trosophie  ou  sagesse  hygiénique,  à  laquelle,  dans  la  période 
de  transformation,  tout"  doit  céder  le  pas.  La  cupidité, 
l'ambition,  l'amour  sexuel,  loin  d'être  réprimés,  seront 
encouragés,  organisés;  le«  familisme  »  égoïste  de  la  «  civi- 
lisation »  sera  noyé  et  absorbé  dans  des  groupes  supérieurs. 
—  Fourier  ne  sort  de  cette  prodigieuse  utopie  de  déver- 
gondage et  d'immoralité  que  pour  retracer  à  sa  façon  l'his- 
toire ancienne  et  future  des  périodes  de  l'humanité  (société 
édénique,  société  sauvage,  société  patriarcale,  société  civi- 
lisée, —  garantisme,  sociantisme  et  harmonisme).  Dans 
cette  dernière  période,  «  la  nature  se  mettra  à  l'unisson  de 
l'humanité  ».  La  planète,  qui  a  deux  âmes  et  deux  sexes, 
et  qui  n'a  encore  produit  que  deux  créations,  redeviendra 
féconde  et  produira  16  autres  créations  successives.  Voici 
venir  les  antilions  et  les  antibaleines,  monstres  domes- 
tiqués au  service  de  l'humanité  nouvelle.  L'eau  de  mer  se 
transforme  en  limonade.  L'homme  acquiert  de  nouveaux 
organes,  comme  un  œil  derrière  la  tête,  etc.  C'est  le  der- 
nier mot  de  la  folie  constructive  :  dans  ses  promenades, 
Fourier  ne  se  séparait  jamais  de  sa  canne  métrique,  re- 
construisant en  idée  les  édifices  privés  et  publics,  alignant 
les  rues,  régularisant  les  places.  J'ai  eu  de  lui  entre  les 
mains  un  manuscrit  où  il  rebâtissait  de  fond  en  comble  sa 
ville  natale,  Besançon  :  plusieurs  de  ses  idées  (sans  que 
les  ingénieurs  les  eussent  d'ailleurs  connues)  ont  été 
depuis  réalisées  :  l'ensemble  était  utopique.  N'est-ce  pas 
l'image  de  tout  son  système  social  ?  En  métaphysique,  Fou- 
rier fonde  l'immortalité  de  l'âme  sur  notre  désir  de  desti- 
nées supérieures  ;  il  imagine  des  perfectionnements  successifs 
de  l'individu  à  travers  de  nouveaux  milieux,  mais  sans 
changement  dans  la  nature  même  des  plaisirs,  essentielle- 
ment sensuels  (V.  Métempsychose)  .  L'idée  philosophique 
du  bonheur,  l'idée  chrétienne  de  la  béatitude  lui  sont 
entièrement  étrangères.  En  religion,  il  est  absolument 
anthropomorphiste  et  attribue  à  Dieu  toutes  les  passions 
radicales  qu'il  a  découvertes  chez  l'homme,  avec  une  sorte 
de  corps  lumineux. 

Les  principaux  disciples  de  Fourier  furent,  après  Just 
Muiron,  deux  anciens  saint-simoniens,  J.  Lechevalier  et 
Abel  Transon;  M.  Baudet-Dulary,  promoteur  de  la  tenta- 
tive du  phalanstère  de  Condé-sur-Vesgre,  qui  n'aboutit  pas. 
Les  fouriéristes  et  surtout  Victor  Considérant  (V.  ce  nom) 
atténuèrent  plutôt  qu'ils  ne  développèrent  les  idées  du 
maître  ;  ils  eurent  aussi  le  mérite  de  reconnaître  les  bien- 
faits que -la  Révolution  de  1789,  maudite  par  Fourier, 
avait  apportés  au  monde.  A  l'école  de  Fourier  se  rattachent 
plus  ou  moins  Jean  Reynaud,  Paget,  Cantagrel,  de  Pom- 
péry,  Pellarin  son  biographe,  Eugène  Sue  dans  les  Sept 
Péchés  capitaux,  Mmes  Vigoureux  et  Gatti  de  Gamond. 

H.  Monin. 
Bibl.  :  V.  Fourier. 

FOURILLES.  Corn,  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  Gannat, 
cant.  de  Chantelle  ;  452  hab. 

FOURMAGNAC  Corn,  du  dép.  du  Lot,  arr.  et  cant.  (0.) 
de  Figeac  ;  282  hab. 

FOU  RM  E NT  (Louis-François Luglien, baron  de),  homme 
politique  français,  né  à  Roye  (Somme)  le  18  janv.  1788, 
mort  à  Frévent  (Pas-de-Calais)  le  17  nov.  1864.  Avocat, 
auditeur  au  conseil  d'Etat,  il  fut  nommé  en  1814  sous- 
préfet  de  Soissons  et  démissionna  peu  après  pour  diriger 
une  importante  fabrique  de  laine.  Elu  représentant  de  la 
Somme  à  l'Assemblée  constituante  le  23  avr.  1848,  il  sié- 
gea à  droite  et  appuya  la  politique  de  l'Elysée.  Réélu  à  la 


—  911  —  FOURIÉRISME  —  FOURMI 

Législative  le  13  mai  1849,  il  approuva  le  coup  d'Etat  du 
2  décembre  et  fut  nommé  sénateur  le  26  janv.  1852.  — 
Son  fils,  Auguste- Antoine,  né  à  Paris  le  18  janv.  1821, 
s'occupa  de  la  direction  des  manufactures  de  son  père.  Le 
18  août  1867,  il  fut  élu  député  de  la  Somme  au  Corps  légis- 
latif, fut  réélu  le  24  mai  1869  et  appuya  constamment  la 
politique  de  l'Empire.  Depuis  l'avènement  de  la  troisième 
République,  il  s'est  présenté  plusieurs  fois  sans  succès  aux 
élections  législatives. 

FOURMÈTOT.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  et  cant. 
de  Pont-Audemer  ;  483  hab. 

FOURMI.  I.  Entomologie.  —  Les  Fourmis  sont  des 
Insectes  remarquables  appartenant  à  l'ordre  des  Hyméno- 
ptères et  à  la  grande  division  des  Porte-Aiguillon.  Par  leurs 
mœurs  presque  exclusivement  sociales  et  leur  reproduction 
polymorphe,  elles  constituent,  dans  le  sous-ordre  des  Hymé- 
noptères à  abdomen  pétiole,  un  groupe  des  plus  aberrants, 
celui  des  Formicides,  qui  n'a  d'analogue  que  celui  des  Ter- 
mites (V.  ce  mot),  parmi  les  Orthoptères-Pseudonévro- 
ptères.  Sauf  de  très  rares  exceptions,  chacune  de  leurs 
sociétés  se  compose  de  trois  sortes  d'individus  :  des  neutres 
ou  ouvrières  toujours  aptères,  des  mâles  et  des  femelles 
ailés. 

I.  Caractères  généraux.-— Les  caractères  généraux  des 
Fourmis  peuvent  se  résumer  ainsi  qu'il  suit.  Le  corps  est 
toujours  plus  ou  moins  allongé  et  de  couleur  ordinairement 
sombre,  composée  de  jaune,  de  rouge,  de  brun  et  de  noir, 
ou  du  mélange  de  ces  nuances  en  diverses  proportions.  La 
tête  (fig.  1  ) ,  de  forme  variable  selon  les  espèces,  est  une  sorte 
de  boîte  chitineuse,  pourvue  de  deux  ouvertures,  l'une  à  son 
point  de  jonction  avec  le  thorax  et  qu'on  nomme  le  trou 
occipital,  l'autre  en  avant  et  constituant  la  bouche.  Celle-ci 
est  pourvue  de 
deux  fortes  man- 
dibules, le  plus 
souvent  triangu- 
laires et  dentées 
en  scie  à  leur 
bord  interne;  ces 
mandibules,  dont 
le  rôle  est  des  plus 
importants,  cons- 
tituent, en  même 
temps  qu'une 
arme  puissante , 
un  instrument  de 
travail  des  plus 
précieux  pour  les 

Fourmis.  Elles  leur  servent,  en  effet,  de  scie  ou  de  ciseaux  pour 
couper,  de  tenailles  pour  arracher  ou  déchirer,  de  mains  pour 
transporter,  de  truelle  pour  gâcher,  lisser,  assujettir,  de 
pelles  pour  l'enlèvement  des  déblais,  etc.  Leurs  fonctions 
sont  si  multiples  qu'on  pourrait  presque  dire  qu'elles  ne  sont 
impropres  qu'à  la  mastication  des  aliments,  car  les  Fourmis 
ne  se  nourrissent  que  de  substances  fluides  ou  semi-fluides 
et  sont  incapables  de  mâcher  leur  nourriture  dans  le  sens 
propre  du  mot.  Les  yeux  sont  elliptiques,  plus  rarement 
presque  circulaires  ou  faiblement  rèniformes.  Les  ocelles 
ou  yeux  lisses,  placés  en  triangle  sur  le  vertex,  existent 
toujours  chez  les  mâles  et  les  femelles,  mais  ils  manquent 
très  souvent  chez  les  ouvrières  qui,  parfois,  n'en  présen- 
tent qu'un  seul  au  milieu  du  front.  Les  antennes,  extrê- 
mement mobiles,  sont  insérées  dans  des  cavités  articulaires, 
sous  le  rebord  interne  des  arêtes  frontales.  Elles  se  com- 
posent d'un  premier  article  ou  scape  souvent  très  long  et 
d'un  certain  nombre  d'autres  plus  petits,  faisant  coude  avec 
le  premier  et  dont  l'ensemble  constitue  le  funicule;  celui-ci 
est  le  plus  fréquemment  formé  de  douze  articles  chez  les 
mâles  et  de  onze  seulement  chez  les  femelles  et  les  ouvrières. 
Les  ailes  n'existent  que  chez  les  mâles  et  les  femelles  vierges. 
L'abdomen  est  composé  de  sept  anneaux  chez  les  mâles,  de 
six  seulement  chez  les  femelles  et  les  ouvrières.  Le  pre- 
mier ou  les  deux  premiers,  fortement  rétrécis  en  forme  de 


•  Tête  de  Formica,  rufa  L. 
(très  grossie). 


FOURMI 


-  912  — 


Formica  rufa  L.,  mâle 
(très  grossi). 


pétiole,  contribuent  à  donner  aux  Fourmis  leur  physiono- 
mie propre  et  à  les  distinguer  facilement  des  autres  Hymé- 
noptères. Quand  le  pétiole  est  monoarticulé,  il  a  ordinai- 
rement l'apparence  d'une  lame  verticale  ou  écaille,  variable 
de  hauteur  et  d'épaisseur  ;  quand  il  est  biarticulé,  le  pre- 
mier article  est  plus  ou  moins  cylindrique  en  avant,  épaissi 
en  arrière  en  forme  de  nœud,  et  le  second  affecte  la  figure 
d'une  nodosité  anguleuse  ou  arrondie.  Les  pattes  sont  ter- 
minées chacune  par  un  tarse  de  cinq  articles,  dont  le  pre- 
mier est  beaucoup 
plus  long  que  les 
autres  et  dont  le  der- 
nier porte  à  son  ex- 
trémité deux  crochets 
simples  ou  dentés, 
entre  lesquels  sont 
placées  de  petites  pe- 
lotes membraneuses 
(pulvillï),  hérissées 
de  poils  courts  et  très 
nombreux.  Enfin,  à 
l'extrémité  de  chacun 
des  tibias  est  placé  un 
éperon  qui  figure  un  véritable  peigne  aux  deux  pattes  anté- 
rieures et  se  transforme  le  plus  ordinairement  en  une  simple 
épine  ou  même  fait  complètement  défaut  aux  quatre  pattes 
postérieures.  Cet  éperon  est  arqué,  dirigé  en  bas,  et  sa  conca- 
vité dentée  vient  s'opposer  à  une  concavité  en  sens  inverse 
creusée  dans  le  tibia  et  garnie  de  cils  raides  en  forme  de 
brosse.  C'est  dans  l'espace  compris  entre  ces  deux  échan- 
crures  pectinée  et  ciliée  que  les  Fourmis  passent  leurs  an- 
tennes et  leurs  pattes  pour  les  nettoyer  ;  elles  s'en  servent 
également  pour  lisser  leurs  poils  et  faire  la  toilette  de  leur 
corps. 

Chez  les  Fourmis,  les  mâles  (fig.  2),  toujours  ailés  (saut 
dans  VAnergates  atratulus  Sch.),se  reconnaissent  à  leur 

abdomen  de  sept 
segments,  àjleur 
tête  petite  et  glo- 
buleuse, tou- 
jours pourvue 
d'yeux  et  d'o- 
celles ordinaire- 
ment  gros  et 
saillants,  à  leurs 
antennes  grêles 
dontlescape  est 
souvent  très 
court  et  dont  le 
funicule  est 
composé  le  plus  ordinairement  de  douze  articles,  ce  qui  ne 
se  présente  jamais  chez  les  femelles.  Celles-ci  (fig.  3)  ont 
aussi  constamment  des  ailes,  mais  elles  les  perdent  aussitôt 
après  la  fécondation,  soit  qu'elles  se  les  coupent  elles-mêmes, 
soit  que  les  ouvrières  les  leur  arrachent.  Les  neutres  ou 
ouvrières  (fig.  4)  sont  caractérisées  nettement  par  l'absence 
d'ailes  et  par  la  simplification  de  leur  mésonotum  qui  est 
dépourvu  de  scutellum,  de 
lobes  latéraux  et  de  postscu- 
tellum.  De  même  que  les  fe- 
melles, elles  sont  pourvues, 
à  l'extrémité  de  l'abdomen, 
de  deux  glandes  vénénifiques 
sécrétant  de  l'acide  formique. 
Certaines  espèces  sont  ar- 
mées d'un  aiguillon  lisse  ou  barbelé,  et  c'est  dans  la  plaie 
résultant  de  sa  piqûre  qu'est  déversé  le  venin.  Chez  un 
grand  nombre  d'autres,  au  contraire,  l'aiguillon  est  nul 
ou  rudimentaire  ;  mais  elles  peuvent  alors  soit  faire  jaillir 
leur  venin  à  distance,  soit  en  couvrir  leur  ennemi  en  le 
touchant  de  l'extrémité  de  l'abdomen.  Les  ouvrières  sont 
toujours  en  bien  plus  grand  nombre  dans  une  même  four- 
milière relativement  aux  mâles  et  aux  femelles,  qui  ne  s'y 


Fig.  3.  ■ 


Formica  rufa  L.,  femelle 
(très  grossie). 


Lig.  4.  —  Formica  rufa  L., 
ouvrière  (grossie). 


rencontrent  qu'à  certaines  époques  de  l'année,  si  on  en 
excepte  toutefois  la  femelle  ou  les  femelles  fécondes.  Elles 
présentent  souvent  entre  elles  une  grande  différence  de 
taille.  Il  y  en  a  de  très  petites  à  tête  proportionnée  à  leur 
taille,  et  de  très  grandes  munies  d'une  tête  énorme.  On  donne 
aux  premières  le  nom  d'ouvrières  major;  aux  secondes,  celui 
d'ouvrières  minor.  Mais  on  trouve  tous  les  intermédiaires 
entre  ces  deux  extrêmes,  et  les  unes  et  les  autres  n'ont  pas 
de  fonction  distincte  dans  la  colonie.  Il  est  cependant  cer- 
taines Fourmis  chez  lesquelles  les  individus  de  transition 
n'existent  pas.  Dans  les  genres  Colobopsis,  Pheidole,  Eci- 
ton,  par  exemple,  les  ouvrières  forment  deux  castes  bien 
tranchées.  Les  unes  ne  diffèrent  pas  des  ouvrières  des  autres 
genres  et  sont  chargées  des  mêmes  fonctions  (construction 
des  nids,  éducation  des  larves,  etc.).  Les  autres,  d'une  taille 
plus  forte,  pourvues  d'une  tête  énorme  et  de  mandibules 
puissantes,  forment  une  véritable  armée  dont  le  rôle  con- 
siste surtout  à  protéger  la  fourmilière  contre  les  attaques 
des  agresseurs.  Cette  catégorie  d'ouvrières  a  reçu  le  nom 
de  soldats.  Mais,  malgré  leur  aspect  formidable,  ces  sol- 
dats sont  loin  d'avoir  les  mœurs  sanguinaires  de  certaines 
autres  Fourmis,  d'apparence  moins  terrible  (Polyergus, 
Strongylotarsus,  Formica  sanguinea  Latr.),  qui  entre- 
prennent de  véritables  guerres  de  conquête,  d'où  elles  rap- 
portent des  prisonniers,  sur  lesquels  elles  se  déchargent  de 
leurs  travaux . 

IL  Physiologie  et  biologie.— Le  régime  alimentaire  des 
Fourmis,  aussi  bien  dans  le  premier  âge  qu'à  l'état  par- 
fait, est  extrêmement  varié,  et,  sauf  quelques  exceptions  très 
rares ,  elles  s'accommodent  indifféremment  de  substances 
végétales  ou  de  substances  animales.  Toutefois,  la  structure 
de  leur  bouche  ne  leur  permet  de  se  nourrir  que  d'aliments 
fluides  ou  semi-fluides  qu'elles  lèchent  ou  lapent  au  moyen 
de  leur  langue.  Elles  sont  tout  à  fait  incapables  de  mâcher 
des  corps  solides  ;  tout  ce  qu'elles  peuvent  faire,  c'est  de 
les  déchirer  avec  leurs  mandibules  pour  lécher  ensuite  les 
sucs  qu'ils  peuvent  contenir.  Les  entrailles  des  proies  succu- 
lentes, les  viandes  molles,  le  nectar  des  fleurs,  la  pulpe  des 
fruits  mûrs  et  crevassés,  les  substances  amylacées  ou  gom- 
meuses,  les  sirops,  les  sucreries  sont  leurs  mets  de  prédi- 
lection. Il  faut  y  ajouter  la  liqueur  émise  par  les  Pucerons 
et  le  miellat  sécrété  par  les  Cochenilles,  qui  entrent  pour 
une  large  part  dans  l'alimentation  de  beaucoup  d'espèces. 

Depuis  les  temps  les  plus  reculés,  les  Fourmis  ont  attiré 
l'attention,  éveillé  l'intérêt  de  tous  ceux  qui  s'attachent  à 
l'étude  des  faits  et  gestes  des  animaux.  La  preuve  en  est 
dans  les  observations  parfois  exactes  des  prophètes  et  des 
philosophes  les  plus  anciens,  qui  ont  admiré  leur  puissance 
de  travail,  leur  intelligence,  la  faculté  qu'elles  ont  de  com- 
muniquer entre  elles,  leur  prévoyance  et  leur  assiduité  au 
travail.  Cicéron  n'a-t-il  pas  dit  (406  av.  J.-C.)  :  In  for- 
mica  non  modo  sensus,  sed  etiam  mens,  ratio,  mé- 
morial Cette  vérité  a  été  corroborée  par  les  nombreuses 
et  consciencieuses  observations  dont  elles  ont  été  l'objet 
dans  la  suite  des  siècles,  et  l'on  ne  peut  plus  mettre  en 
doute  aujourd'hui  que  ces  curieux  Hyménoptères  n'aient  de 
la  mémoire,  ne  puissent  se  reconnaître  entre  elles,  échan- 
ger des  communications  et  s'encourager  au  travail  commun. 
A  peu  d'exceptions  près,  toutes  les  espèces  de  Fourmis 
vivent  dans  des  habitations  communes  ou  fourmilières, 
qui  ont  de  grands  rapports  de  ressemblance  avec  les  ter- 
mitières (V.  Termite).  Ces  habitations  communes,  souvent 
à  plusieurs  étages,  sont  pourvues  de  galeries,  de  loges  ou 
chambres  d'aération,  de  couvoirs,  de  nourriceries  pour  les 
œufs  et  pour  les  nymphes,  quelquefois  seulement  de  maga- 
sins de  provisions.  «  Leur  architecture,  dit  M.  E.  André 
(les  Fourmis,  1885,  p.  95),  est  tellement  variée  que 
chaque  espèce  a,  pour  ainsi  dire,  la  sienne  propre,  et  qu'un 
œil  exercé  pourrait  presque  toujours  nommer  l'ouvrière  qui 
a  creusé  telles  galeries  ou  élevé  tel  édifice.  Cette  variété  se 
complique  encore  de  la  fantaisie  individuelle  des  architectes 
qui,  bien  différents  en  cela  des  Guêpes  et  des  Abeilles,  dé- 
daignent l'équerre  et  le  compas,  la  ligne  droite  et  la  mesure 


913  — 


FOURMI 


des  angles,  pour  se  livrer  tout  entiers  à  l'inspiration  capri- 
cieuse du  moment,  à  l'improvisation  spontanée  de  leurs 
curieux  labyrinthes.  Pas  de  plan  arrêté,  pas  de  méthodes 
précises,  pas  de  disposition  géométrique  ;  leurs  chambres, 
leurs  galeries,  leurs  couloirs  s'enchevêtrent,  se  contournent 
de  mille  manières,  et  cependant  l'édifice  conserve  toujours 
un  cachet  d'ensemble  qui  décèle  ses  constructeurs  et  trahit 
leur  génie  personnel.  Ce  qui  étonne  le  plus,  quand  on  con- 
naît la  manière  de  faire  de  ces  petits  ouvriers,  ce  n'est  pas 
l'irrégularité  de  leur  œuvre,  mais,  au  contraire,  la  dispo- 
sition générale  si  bien  appropriée  aux  divers  services  qui  y 
seront  installés.  »  A  cette  variété  dans  l'exécution  se  joint 
la  diversité  des  moyens  employés  ou  des  matériaux  mis  en 
œuvre.  Telles  Fourmis  se  creusent  simplement  des  galeries 
souterraines  communiquant  par  une  ou  plusieurs  ouvertures 
à  la  surface  du  sol  ou  bien  profitent  de  la  présence  d'une 
pierre  plate  pour  établir  leur  domicile.  Telles  autres  sur- 
montent leur  demeure  d'un  dôme  maçonné  ou  d'un  monti- 
cule formé  de  matériaux  divers  (feuilles  sèches,  aiguilles 
de  Conifères,  brindilles,  tiges  de  Graminées,  etc.).  Il  en 
est  qui  sculptent  le  bois  ou  qui  fabriquent  une  pâte  spéciale 
pour  en  modeler  leurs  appartements.  Quelques-unes  recher- 
chent les  galles  creuses  ou  l'intérieur  de  certaines  excrois- 
sances végétales  dans  lesquelles  elles  s'installent  ;  d'autres, 
enfin,  se  font  un  nid  de  feuilles  réunies  par  leurs  bords  ou 
habitent  les  cavités  naturelles  des  tiges,  des  fruits,  des 
épines,  etc.  Par  suite,  l'ensemble  de  ces  habitations  peut 
être  partagé  en  deux  grandes  catégories,  les  habitations 
hypogées  et  les  habitations  épigées.  Dans  la  première  ca- 
tégorie viennent  se  ranger  :  d'une  part,  les  nids  composés 
de  terre  pure,  tantôt  simplement  minés  dans  le  sol,  sans 
aucune  construction  extérieure,  tantôt  surmontés  d'un  dôme 
en  maçonnerie  de  plus  ou  moins  grandes  dimensions  ; 
d'autre  part,  les  nids  minés  dans  le  sol  comme  les  précé- 
dents, mais  surmontés  d'un  dôme  (fig.  o),  souvent  considé- 


Fig 


Nicl  de  Lasius  niger  L. 


rable,  formé  de  brindilles  de  bois,  d'aiguilles  de  Conifères,  de 
fragments  de  feuilles,  de  graines,  de  petites  pierres  et  jus- 
qu'à des  coquilles  de  jeunes  Colimaçons.  La  plus  connue  de 
ces  habitations  est  celle  du  Formica  rufaL.,  si  commune 
dans  les  forêts  et  les  grands  bois  et  qui  peut  atteindre  jus- 
qu'à 1  m.  d'élévation  et  2  m.  de  diamètre  à  la  base.  Le  For- 
mica pratensis  de  G.  édifie  des  monticules  analogues,  mais 
plus  petits,  qu'elle  place  généralement  le  long  des  haies  et 
sur  le  bord  des  chemins.  Quant  à  la  catégorie  des  habita- 
tions épigées,  elle  comprend  d'abord  les  nids  établis  dans 
les  fentes  des  rochers,  les  interstices  des  murailles  ou  même 
dans  l'intérieur  de  nos  habitations,  puis  les  nids  sculptés 
dans  les  bois  coupés,  dans  les  vieilles  souches,  dans  le  tronc, 
les  branches  ou  l'écorce  des  arbres,  sans  altération  de  sub- 
stance, enfin  les  nids  de  matière  papyracée  ou  de  débris 
végétaux  transformés  et  les  nids  divers  qui  ne  rentrent 
dans  aucune  des  divisions  précédentes. 

A  une  époque  déterminée ,  mais  variable  suivant  les  es- 
pèces, les  Fourmis  mâles ,  très  nombreuses ,  sortent  des 
fourmilières  en  même  temps  que  les  femelles  aptes  à  la 
fécondation.  Les  mâles  s'envolent  à  leur  suite  et  se  réu- 
nissent à  elles  dans  l'atmosphère.  Ces  essaimages  ont  lieu 
d'ordinaire  par  un  temps  chaud.  Quand  le  mâle  est  très 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


petit  par  rapport  à  la  femelle,  la  copulation  a  lieu  en  l'air 
et  le  mâle  est  emporté  par  la  femelle.  Lorsque  le  mâle  est 
de  taille  convenable,  il  saisit  la  femelle  au  vol,  mais  l'ac- 
couplement a  lieu  à  terre.  Cet  accouplement  ne  dure  sou- 
vent que  quelques  minutes  et  un  autre  mâle  vient  aussitôt 
féconder  la  même  femelle.  Quoi  qu'il  en  soit,' les  mâles,  une 
fois  leur  mission  fécondatrice  terminée,  errent  au  hasard 
comme  des  êtres  désormais  inutiles,  et  ils  périssent  bientôt, 
soit  naturellement,  soit  en  devenant  la  proie  des  Oiseaux  ou 
des  Insectes  carnassiers.  Quant  aux  femelles  fécondées, 
elles  retombent  sur  le  sol  où  elles  ne  tardent  pas  à  s'ar- 
racher les  ailes  qui  sont  faiblement  articulées.  Ces  femelles 
sont  recherchées,  recueillies  et  entraînées  par  les  ouvrières 
de  la  fourmilière  d'où  elles  sont  sorties  ou  bien  par  des  ou- 
vrières d'autres  fourmilières  de  même  espèce.  Contrairement 
à  ce  qui  se  passe  dans  les  ruches  d'Abeilles,  les  fourmilières 
peuvent  posséder  plusieurs  femelles  fécondées  qui,  toutes, 
vivent  en  bonne  intelligence  et  sont  l'objet  des  mêmes  soins  de 
la  part  des  ouvrières. Elles  conservent,  d'ailleurs,  leur  fécon- 
dité pendant  toute  leur  existence,  sans  avoir  besoin  de 
nouvelles  approches  du  mâle  et  peuvent  continuer  pendant 
huit  à  neuf  ans,  comme  l'a  démontré  Lubbock,  à  fournir  la 
communauté  d'une  population  nombreuse  et  sans  cesse  renou- 
velée. Au  moment  de  la  ponte,  les  œufs  des  Fourmis  res- 
semblent à  des  petites  graines  allongées,  blanchâtres  ou 


Fig.  6.  —  Œufs,  larve  et  nymphe  de  Formica  ru/a  L. 
(grossis). 

jaunâtres  et  opaques.  Les  ouvrières  les  recueillent,  les 
disposent  en  petits  tas,  et  les  lèchent  constamment;  c'est  à 
la  nutrition  endosmotique  produite  par  ces  soins  continuels 
qu'ils  doivent  leur  accroissement.  En  augmentant  de  vo- 
lume, ils  deviennent  translulcides.  Bientôt  de  chacun  d'eux 
sort  une  petite  larve,  variable  de  forme  suivant  les  genres, 
mais  toujours  apode,  aveugle,  blanche,  composée  de  douze 
segments  peu  distincts,  avec  la  tête  plus  étroite  que  le 
reste  du  corps  et  inclinée  en  avant.  Son  extrémité  buccale 
est  étroite,  recourbée  en  arc  et  pointue;  l'extrémité  anale 
est  arrondie  et  renflée.  Ces  larves  sont  incapables  de  se 
nourrir  sans  le  secours  des  ouvrières ,  qui  leur  dégorgent 
dans  la  bouche  les  sucs  nourriciers  qu'elles  ont  mis  en 
réserve  dans  leur  jabot.  De  plus,  les  ouvrières  les  nettoient 
constamment  et  les  transportent  d'un  endroit  dans  un  autre 
du  nid,  suivant  les  heures  de  la  journée,  afin  de  les  sous- 
traire au  froid ,  à  l'humidité  en  excès ,  aux  rayons  d'un 
soleil  trop  ardent.  Quant  elles  sont  arrivées  au  maximum 
de  leur  croissance ,  ce  qui  a  lieu  après  une  période  com- 
prise entre  un  et  neuf  mois,  elles  se  transforment  en 
nymphes  tantôt  nues ,  tantôt  entourées  d'un  cocon  soyeux 
dans  l'intérieur  duquel  elles  subissent  leur  métamorphose 
en  Insectes  parfaits.  Ce  sont  ces  cocons,  désignés  à  tort 
sous  le  nom  à'œufs  de  Fourmis,  que  l'on  recueille  pour 
nourrir  les  Faisans,  les  Perdrix,  les  Rossignols,  etc.  Les 
nymphes  des  deux  sexes  et  celles  des  diverses  formes  d'ou- 
vrières ne  grossissent  point  et  sont  distinctes  dès  le  début. 
Elles  présentent  toutes  les  formes  des  Insectes  parfaits, 
mais  elles  sont  immobiles  et  ne  prennent  aucune  nourri- 
ture. Les  ouvrières  les  lèchent,  les  nettoient,  les  trans- 
portent comme  les  larves.  Leur  éclosion  se  prolonge  long- 
temps. Ce  sont  toujours  les  ouvrières  qui  déchirent  les 
cocons  et  qui  les  aident  à  en  sortir.  Le  plus  ordinairement 
aussi,  ce  sont  elles  qui  aident  l'Insecte  adulte  à  sortir  de 
sa  peau  de  nymphe  et  à  étendre  ses  ailes,  s'il  est  sexué. 
Dans  la  grande  majorité  des  cas,  les  sociétés  des  Four- 
mis sont  des  sociétés  simples,  c.-à-d.  composées  d'indi- 

58 


FOURMI 


—  914 


vidus  d'une  seule  et  même  espèce.  Mais  il  est  certaines 
espèces  dépourvues  de  toute  industrie  et  incapables  de 
remplir  aucun  des  soins  que  nécessitent  la  construction  de 
leur  habitation,  l'éducation  de  leurs  larves,  parfois  même 
leur  propre  alimentation.  Pour  remplir  les  fonctions  domes- 
tiques de  leur  intérieur,  il  leur  faut  donc  des  auxiliaires 
(nous  allions  dire  des  esclaves  !),  et  ces  auxiliaires  elles 
les  conquièrent  de  vive  force  en  s'emparant  des  nymphes 
et  des  cocons  d'espèces  industrieuses  et  en  les  transportant 
chez  elles.  Il  en  résulte  que  les  Fourmis  qui  sortent  de  ces 
nymphes  et  de  ces  cocons,  trompées  par  leurs  instincts,  se 
mettent  à  soigner  leurs  ravisseurs  dans  l'ignorance  qu'elles 
sont  du  rapt  dont  elles  ont  été  victimes.  Ces  singulières, 
sociétés,  dont  l'histoire  constitue  une  des  parties  les  plus 
intéressantes  de  la  biographie  des  Fourmis,  forment  ce  qu'on 
appelle  les  fourmilières  mixtes,  c.-à-d.  des  fourmilières 
composées  d'une  espèce  principale  et  d'une  ou  plusieurs 
espèces  auxiliaires  vivant  en  commun  et  en  bonne  intelli- 
gence L'espèce  principale  a,  comme  d'ordinaire,  une  ou 
plusieurs  femelles  fécondées,  des  ouvrières  et,  à  certaines 
époques  de  l'année,  des  individus  reproducteurs  des  deux 
sexes.  L'espèce  ou  les  espèces  auxiliaires,  au  contraire,  ne 
comprennent  que  des  ouvrières  dont  toute  l'activité  se  dé- 
veloppe au  profit  exclusif  ie  l'espèce  principale  et  sans 
qu'elles  aient  aucun  intérêt  personnel  dans  la  communauté. 
C'est  ainsi,  par  exemple,  que  le  Formica  sanguinea  Latr., 
qui  forme  parfois  à  lui  seul  des  colonies  simples,  s'associe 
le  plus  souvent  comme  auxiliaires  des  ouvrières  du 
F.  fusca  L.  ou  du  F,  ruflbarbis  Fabr.,  quelquefois  aussi 
du  F.  gagates  Latr.  et  du  Lasius  alienus  Foerst.,  espèce 
beaucoup  plus  petite  que  lui.  Mentionnons  également  le 
Strongylognathus  testaceus  Sch.,  qui  a  pour  auxiliaires 
les  ouvrières  du  Tetramorium  cœspitum  L.  ;  puis  VAner- 
gates  atratulus  Sch.,  dont  les  colonies,  composées  seule- 
ment de  mâles  aptères  et  de  femelles,  sans  ouvrières,  sont 
toujours  réunies  aux  ouvrières  du  Tetramorium  cœspi- 
tum L. 

Les  Fourmis  sont  en  relations  fréquentes  avec  un  grand 
nombre  d'espèces  d'animaux  arthropodes,  soit  que  ces 
espèces  vivent  en  commensales  dans  les  fourmilières,  soit 
que  les  Fourmis  aillent  les  chercher  au  dehors.  Dans  ce 
dernier  cas,  ce  sont  les  Pucerons  qui  sont  leurs  privilégiés, 
ceux  qu'elles  affectionnent  le  plus.  Ces  Hémiptères,  en  effet, 
font  sortir  de  leur  corps,  en  arrière,  un  liquide  sucré  dont 
les  Fourmis  sont  très  friandes.  Il  en  est  de  même  du  miellat 
sucré  sécrété  par  les  Cochenilles.  C'est  ainsi  que  s'expliquent 
les  voyages  continuels  de  certaines  Fourmis  sur  les  végétaux 
chargés  de  Pucerons  ou  de  Cochenilles.  Plusieurs  espèces 
même,  notamment  les  Lasius  niger  L.,  L.  brunneus  Latr., 
L.  emarginatus  Latr.,  les  Myrmica  lœvinodis  Nyl.  et 
M.  scabrinodis  Nyl.,  construisent  autour  des  tiges  des 
plantes  couvertes  de  Pucerons,  des  tuyaux  ou  des  pavillons 
de  terre  destinés  à  protéger  leur  bétail  ;  [elles  s'y  éta- 
blissent avec  leurs  larves  et  se  trouvent  ainsi  tout  à  fait  à 
portée  de  leurs  animaux  domestiques.  En  ce  qui  concerne 
les  nombreux  Arthropodes  qui  se  rencontrent  dans  les  four- 
milières et  qui  paraissent  vivre  en  bonne  intelligence  avec 
les  propriétaires  des  nids  qu'ils  habitent,  la  plus  grande 
incertitude  règne  encore  sur  la  nature  de  leurs  rapports 
avec  les  Fourmis.  Les  uns  ne  s'y  trouvent  qu'accidentelle- 
ment, et  leur  genre  de  vie  n'est  pas  intimement  lié  à  leur 
séjour  chez  ces  Hyménoptères.  D'autres,  au  contraire,  y 
vivent  constamment,  ne  se  montrent  jamais  ailleurs  et 
paraissent,  de  la  part  de  leurs  hôtes,  l'objet  de  certaines 
attentions.  Ces  animaux  myrmécophiles  appartiennent 
surtout  à  l'ordre  des  Coléoptères.  Ce  sont  principalement 
des  Staphylinides,  des  Psélaphiens,  des  Clavigérides,  des 
Paussides  et  des  Scydménides.  D'après  Millier  et  Lespès, 
certains  Staphylins,  notamment  les  Lomechusa,  seraient, 
de  même  que  les  Claviger  aveugles,  nourris  par  les  Four- 
mis qui,  en  retour,  profiteraient  de  la  liqueur  sucrée  sé- 
crétée par  les  petites  touffes  de  poils  dont  ces  Insectes  sont 
pourvus  à  l'extrémité  des  élytres  ou  de  l'abdomen.  On 


trouve  également  dans  les  fourmilières  bon  nombre  de  Sil  - 
phides,  de  Trichoptérides,  d'Histérides,  de  Lathridiides,  plu- 
sieurs Curculionides  ;  enfin  certaines  larves  de  Cétoines, 
de  Cryptocéphales  et  de  Clytra.  Plusieurs  Hémiptères 
(Plinthisus  minutissimus  Tieb.,  Orthostira  obscur  a 
Schœf.,  Myrmedonia  coleoptrata  Fall.,  Tettigometra 
bifoveolata  Sign.,  etc.)  sont  aussi  les  commensaux  assidus 
de  certaines  Fourmis.  Il  en  est  de  même  d'un  Orthoptère, 
le  Myrmecophila  acervorum  Panz.,  de  quelques  Hyménop- 
tères et  Diptères,  d'un  Thysanoure  (VAleturaformicaria 
Heyd.),  d'un  petit  Crustacé  blanc,  voisin  des  Cloportes  (le 
Platyarthrus  Hoffmanseggi  Arandt)  et  des  Enyo  parmi 
les  Arachnides.  Ces  derniers,  d'après  M.  E.  Simon,  se  nour- 
rissent des  Fourmis  parmi  lesquelles  ils  vivent  en  parasites  ; 
mais,  comme  ils  sont  en  général  plus  petits  et  plus  faibles 
que  leurs  victimes,  ils  ne  s'attaquent  qu'aux  individus 
blessés  et  incapables  de  se  défendre.  Enfin,  parmi  les  For- 
micides  elles-mêmes,  il  existe  certaines  espèces  qui  vivent 
en  commensales  ou  en  parasites  dans  les  nids  d'autres 
espèces.  C'est  ainsi  que  le  Solenopsis  fugax  Latr.  creuse 
souvent  ses  galeries  dans  l'épaisseur  des  cloisons  des  nids 
d'autres  espèces  plus  grosses  que  lui  et  dont  il  dévore  les 
larves  et  les  nymphes.  Citons  encore  le  Tomognathus 
sublœvis  Nyl. ,  petite  Fourmi  du  Danemark,  qui  n'a  encore 
été  trouvée  que  dans  les  nids  des  Leptothorax  acervorum 
Fabr.  et  L.  muscorum  Nyl.,  puis  le  Formicoxenus  niii- 
dwteNyl.,  de  l'Europe  septentrionale  et  centrale,  qui  vit 
constamment  et  exclusivement  dans  les  nids  des  Formica 
rufa  L.  et  F.  pratensis  de  Geer.,  avec  lesquels  il  paraît 
avoir  des  relations  amicales. 

Plusieurs  observateurs  du  plus  grand  mérite  :  Swam- 
merdam,  Christ,  Needham,  Latreille,  Huber,  etc. ,  ont  affirmé 
que  les  Fourmis  ne  font  pas  de  provisions  ej  qu'elles  s'en- 
gourdissent ou  périssent  pendant  les  froids.  D'autre  part, 
ces  Insectes  ont  été  considérés,  depuis  la  plus  haute  anti- 
quité, comme  le  symbole  de  la  prévoyance.  Ces  assertions, 
en  apparence  contradictoires,  se  concilient  cependant  facile- 
ment. Ce  qui  est  vrai  pour  les  Fourmis  des  contrées  boréales 
ou  tempérées  cesse  de  l'être  pour  les  Fourmis  des  contrées 
méridionales,  surtout  pour  celles  des  régions  tropicales.  Il 
existe,  en  effet,  certaines  espèces  qui  sont  réellement  des 
Fourmis  moissonneuses  faisant  des  provisions  d'hiver. 
Citons  notamment  les  Aphœnogaster  barbara  L.  et 
A.  structor  Latr.  de  l'Europe  méridionale,  dont  les  habi- 
tudes moissonneuses  ont  été  étudiées  avec  soin  par  Lespès 
et  Moggridge.  Ces  deux  espèces  amoncellent  au  fond  de 
leurs  nids,  dans  des  chambres  spécialement  aménagées, 
des"  graines  d'une  foule  de  végétaux,  surtout  de  céréales  et 
de  plantes  potagères.  Elles  nuisent  ainsi  considérablement 
parfois  aux  semailles  des  champs  ou  des  jardins.  Elles  se 
nourrissent  de  ces  graines  quand  l'amidon  qu'elles  ren- 
ferment s'est  transformé  en  sucre  par  la  germination. 

III.  Distribution  géographique.  Classification. — D'après 
M.  E.  André  (Species  dès  Hyménoptères  d'Europe,  t.  II, 
p.  405),  ce  qui  caractérise  surtout  les  Fourmis  au  point  de 
vue  géographique,  c'est  la  grande  extension  de  leur  habitat 
et  le  cosmopolitisme  de  beaucoup  d'espèces.  Elles  se  ren- 
contrent dans  les  pays  les  plus  divers,  pourvu  qu'ils  pré- 
sentent les  mêmes  conditions  de  température  et  d'altitude,  et 
certaines  espèces  des  régions  intertropicales  se  trouvent  dans 
toutes  les  régions  chaudes  du  globe.  Ce  sont,  d'ailleurs,  des 
Insectes  amis  de  la  chaleur.  Plus  on  se  rapproche  de  l'équa- 
teur,  plus  leurs  espèces  deviennent  nombreuses  pour  at- 
teindre leur  maximum  de  développement  sous  les  tropiques 
et  disparaître  ensuite  presque  complètement  vers  le  65e  de- 
gré de  lat.  On  en  connaît  actuellement  près  de  2,000  espèces, 
dont  120  à  peine  habitent  l'Europe.  Ces  espèces  se  répar- 
tissent dans  quatre  familles  :  les  Formicides  vraies,  les 
Dorylides,  les  Ponérides,  chez  lesquelles  le  pétiole  abdo- 
minal est  formé  d'un  seul  article,  et  les  Myrmicides,  qui 
ont  ce  même  pétiole  formé  de  deux  articles. 

Les  Formicides  vraies  ont  l'épistome  toujours  distinct 
et  souvent  assez  grand,  le  pétiole  abdominal  le  plus  ordi- 


-  945  — 


FOURMI 


nairement  surmonté  d'une  écaille,  l'abdomen  proprement 
dit  non  étranglé  entre  le  premier  et  le  second  segment  ; 
l'aiguillon  est  nul  ou  rudimentaire  chez  les  femelles  et  les 
ouvrières  ;  enfin,  les  nymphes  sont  tantôt  nues,  tantôt  en- 
tourées d'une  coque  soyeuse.  Elles  ont  pour  type  le  genre 
Formica  L.,  qui  renferme  une  vingtaine  d'espèces  appar- 
tenant presque  toutes  à  la  faune  européenne  et  à  celle  de 
l'Amérique  du  Nord.  L'espèce  la  plus  anciennement  connue, 
F.  rufa  L.,  ou  Fourmi  rousse,  vit  à  peu  près  exclusive- 
ment dans  les  grands  bois,  où  ses  nids  coniques,  formés  de 
petites  branchettes  accumulées,  atteignent  souvent  des  pro- 
portions considérables.  C'est  une  Fourmi  hardie  et  belli- 
queuse qui  peut  faire  jaillir  son  venin  à  une  assez  grande 
distance  et  même  à  60  centim.  de  hauteur  (E.  André).  Ses 
nymphes,  presque  toujours  entourées  d'un  cocon,  sont  très 
recherchées  par  les  faisandiers  sous  le  nom  erroné  à* œufs 
de  Fourmis.  Une  espèce  voisine,  le  F.  sanguinea  Latr., 
s'empare  fréquemment  des  nids  d'autres  Fourmis  dont  elle 
a  chassé  les  habitants.  Elle  vit  parfois  seule,  mais  le  plus 
souvent  elle  forme  des  fourmilières  mixtes  en  prenant  pour 
auxiliaires  les  F.  fusca  L.  et  F.  ruflbarbis  Fabr.,  plus 
rarement  le  F.  gagates  Latr.  et  le  Lasias  alienus  Fcerst. 
C'est  au  groupe  des  Formicides  vraies  qu'appartiennent  la 
Fourmi  hercule  (Camponotus  Herculeanus  L.  et  sa  race  Li- 
gniperdus  Latr.)  ainsi  que  la  Fourmi  amazone  (Polyergus 
rufescens  Latr.) .  La  première  établit  ses  nids  dans  le  bois 
(fig.  7)  et  les  vieux  troncs  d'arbres,  parfois  aussi  dans  la 


Fig.  7.  —  Nid  de  Camponotus  ligniperdus  Latr. 

terre  avec  dômes  maçonnés  et  sous  les  pierres.  La  seconde, 
au  contraire,  est  incapable  de touteindustrie.  Ses  mandibules 
étroites,  arquées,  sans  dentelures,  lui  interdisent  tout  tra- 
vail, et  elle  n'a  d'autres  préoccupations  que  de  se  procurer 
des  auxiliaires  sans  lesquels  il  lui  serait  impossible  de  vivre. 
C'est  pourquoi,  du  milieu  de  juin  au  commencement  de 
septembre,  mais  surtout  en  juillet  et  en  août,  elle  fait  des 
expéditions  presque  journalières  à  la  recherche  de  nids  de 
Formica  fusca  L.  et  F.  ruflbarbis  Fabr.,  qu'elle  envahit 
et  dont  elle  rapporte  chez  elle  les  nymphes  et  les  larves 
sur  le  point  de  se  transformer. 

Les  Dorylides  sont,  pour  la  plupart,  des  Fourmis  des 
régions  intertropicales  qui  se  distinguent  des  Formicides 
vraies  par  leur  épistome  très  petit  ou  même  indistinct,  le 
pétiole  abdominal  cylindrique  ou  nodiforme  et  l'absence 
d'yeux  chez  les  femelles  et  les  ouvrières. 

La  famille  des  Ponérides  comprend  des  Fourmis  à  vie 
souterraine  ou  cachée,  caractérisées  surtout  par  l'abdomen 
qui  est  rétréci  entre  son  premier  et  son  second  segment. 
Leurs  mœurs  sont  à  peu  près  inconnues.  Toutefois,  celles 
des  redoutables  Anomma  Shuck.,  ou  Fourmis  de  visite, 
ont  été  décrites  en  détail  par  Thomas  Savage  dans  le 
tome  V  (1847)  des  Mémoires  de  la  Société  entomo logique 
de  Londres.  Ces  Fourmis  se  rencontrent  clans  l'Afrique 
tropicale  occidentale  (Sierra  Leone,  cap  Palmas,  Yieux- 
Calabar,  etc.).  Elles  sont  complètement  aveugles  et,  malgré 
cela,  semblent  fuir  la  lumière  du  jour.  Essentiellement  no- 


mades, elles  n'ont  pas  de  domicile  fixe.  Pendant  les  haltes  de 
leur  vie  errante,  elles  campent  provisoirement  çà  et  là  sous 
quelque  abri,  dans  des  terriers  creusés  à  la  hâte,  ou  bien 
dans  des  couloirs  faits  de  terre  ou  de  sable  agglutiné.  Elles 
se  mettent  en  marche  par  les  jours  couverts,  le  soir  et  la 
nuit  ;  elles  forment  alors  des  légions  formidables  qu'aucun 
obstacle  n'arrête.  Les  habitants  des  villages  nègres  sont 
fréquemment  obligés  d'abandonner  leurs  huttes  et  d'attendre 
pour  y  rentrer  que  ces  légions  se  soient  éloignées. 

Essentiellement  caractérisée  par  le  pétiole  abdominal 
formé  de  deux  articles,  le  plus  souvent  nodiforme,  et  par  la 
présence  constante  d'un  puissant  aiguillon  chez  les  femelles 
et  les  ouvrières,  la  famille  des  Myrmicides  renferme  un 
nombre  considérable  d'espèces  répandues  dans  toutes  les 
parties  du  monde.  Plusieurs  d'entre  elles  ont  des  mœurs 
très  remarquables.  Telles  sont  notamment  les  Fourmis 
glaneuses  et  moissonneuses  (V.  Aph^nogaster)  ;  puis 
les  Fourmis  agricoles  (Pogonomyrmex  barbatus,  P.cru- 
delis  et  P.  occidentalis)  de  la  Floride,  du  Colorado,  du 
Texas  et  du  Nouveau-Mexique,  sur  lesquelles  Darwin  a,  le 
premier,  en  1 86 1 ,  appelé  l'attention  en  publiant  les  curieuses 
observations  du  Dr  Lincecum  et  qui  ont  été  étudiées  plus 
tard  avec  le  plus  grand  soin  par  miss  Treat  en  1878,  puis 
par  Mac  Cook  en  1880.  Non  seulement  ces  industrieux 
Insectes  sont  capables  de  cultiver  le  sol,  de  semer  et  de 
récolter,  mais  encore  elles  savent  distinguer  les  Graminées 
dont  les  semences  leur  sont  utiles  à  emmagasiner  et  vont 
même  jusqu'à  supprimer  dans  leurs  cultures  toutes  les 
autres  plantes  pour  ne  laisser  croître  et  prospérer  que  celles 
qui  leur  fournissent  ces  semences.  C'est  également  an  groupe 
des  Myrmicides  qu'appartiennent  les  Fourmis  coupeuses 
de  feuilles  (OEcodoma  cephalotes  Latr.)  de  la  Guyane 
et  du  Brésil,  qui  dépouillent  complètement  les  arbres  de 
leurs  feuilles  et  qu'on  appelle  également  Fourmis  manioc 
parce  qu'elles  mangent  les  graines  de  cette  plante  alimen- 
taire ;  les  Fourmis  chasseresses  du  genre  Eciton  Latr.  ; 
enfin,  les  Fourmis  à  miel  ou  Myrmecocystus  melliger 
Llave. 

Les  Eciton  ne  sont  guère  connus  qu'à  l'état  d'ouvrières. 
Ce  sont  de  grosses  Fourmis,  caractérisées  surtout  par  les 
mandibules  très  longues,  écartées  à  leur  base  et  brusque- 
ment recourbées  en  crochet  à  leur  extrémité,  par  les  palpes 
maxillaires  de  deux  articles  et  les  palpes  labiaux  de  trois 
articles,  par  les  griffes  des  pattes  bifurquées.  Les  yeux  sont 
remplacés  par  des  ocelles  très  petits,  qui,  parfois  même, 
font  complètement  défaut;  enfin,  les  antennes  sont  insérées 
chacune  dans  une  fossette',  qui  est  bordée  en  dedans  par 
des  crêtes  frontales,  en  dehors  par  une  éminence.  Les 
Eciton  sont  les  plus  redoutables  des  Fourmis  de  proie. 
Leurs  espèces,  assez  nombreuses,  sont  répandues  au  Brésil, 
à  la  Guyane  et  dans  toute  l'Amérique  centrale  où  elles 
remplacent  les  Anomma  de  l'Afrique  tropicale.  On  les 
nomme  Padicours  ou  Tuocas  au  Brésil  et  à  la  Guyane, 
Tepeguas  et  Hormigas  soldados  au  Mexique.  Leurs  mœurs 
ont  été  étudiées  par  plusieurs  naturalistes,  notamment  par 
Sumichrast  au  Mexique,  Belt  au  Nicaragua,  Bar  à  la 
Guyane,  Bâtes  et  Lund  au  Brésil.  Essentiellement  nomades, 
ces  Fourmis  ne  se  construisent  pas  de  demeures.  Elles 
voyagent  presque  constamment  en  colonnes  serrées,  dont 
l'approche  est  annoncée  par  les  cris  d'un  Oiseau  insectivore 
qu'on  appelle  la  Grive  des  Fourmis.  Ces  colonnes  suivent 
en  général  les  sentiers  battus  ;  de  temps  en  temps,  un  déta- 
chement se  sépare  du  corps  principal  et  va  faire  une  recon- 
naissance dans  le  voisinage.  Chaque  crevasse  est  fouillée, 
chaque  feuille  morte  est  visitée,  chaque  brin  d'herbe  est 
exploré  et  la  razzia  est  complète.  Les  Insectes,  les  Arai- 
gnées, les  Blattes,  les  larves  et  jusqu'aux  petits  Serpents, 
tout  est  immédiatement  mis  en  pièces.  Si  une  colonne  ren- 
contre une  habitation  sur  sa  route,  elle  l'envahit  aussitôt, 
et  les  habitants  n'ont  d'autre  ressource  que  la  fuite  devant 
cette  horde  puissante  et  indestructible.  Mais  les  inconvé- 
nients qui  en  résultent  sont  largement  compensés  par  la 
destruction  rapide  et  radicale  des  Blattes,  des  Scorpions, 


FOURMI  —  916 

des  Myriapodes,  des  Punaises,  des  Araignées,  des  Mous- 
tiques, des  Serpents  et  même  des  petits  Mammifères  comme 
les  Rats  et  les  Souris.  Aussi  prétend-on  que,  dans  certaines 
contrées,  les  invasions  des  Eciton  sont  attendues  avec  im- 
patience et  acceptées  comme  un  véritable  bienfait. 


Les  Myrmocystus  ou  Fourmis  à  miel  n'ont  encore  été 
rencontrées  jusqu'ici  qu'au  Mexique,  au  Nouveau-Mexique 
et  au  Colorado,  dans  le  pays  accidenté  connu  sous  le  nom 
de  Jardin  des  Dieux.  Les  premiers  renseignements  four- 
nis sur  ces  curieux  Insectes  furent  publiés  en  1832  par 


Fia 


Une  colonne  d'Eciton  en  marche  (d'après  Ernest  Andréj. 


le  Dr  Pablo  de  Llave  dans  un  journal  mexicain  (Registro 
trimestre  ô  collection  de  Memorias  de  Historia,  Litte- 
ratura,  Ciencias  y  artes,  1832).  Une  traduction  de  cet 
écrit  fut  donnée,  en  1866,  par  M.  H.  Lucas  dans  la  Revue 
et  Magasin  de  zoologie,  1860,  271.  En  1838,  Wes- 
maël,  sans  avoir  eu  connaissance  du  mémoire  de  Llave, 
publia  une  notice  sur  ces  mêmes  Fourmis,  puis,  successi- 
vement Edwards  en  1873,  Saunders  en  1875,  Morris  en 
1880,  donnèrent  sur  leur  compte  des  renseignements  plus 
ou  moins  étendus.  Mais  la  relation  la  plus  détaillée  que 
l'on  possède  sur  leurs  mœurs  est  due  au  Rév.  Henry  C. 
Mac  Cook.  Cette  relation  a  été  publiée  en  1882  à  Philadel- 
phie, sous  le  titre  :  The  Honey  Ants  of  the  Garden  of 
the  Gods.  Au  Mexique,  les  Fourmis  à  miel  sont  bien  con- 
nues sous  les  noms  de  Bucileras,  de  Hormigas  mieleras 
ou  Mochileras.  Elles  vivent  en  sociétés  composées  de  mâles 
et  de  femelles  ailés  et  d'ouvrières  de  deux  sortes  :  les  unes 
présentant  l'aspect  ordinaire  des  Fourmis  ;  les  autres  au 
contraire  ayant,  par  un  excès  d'alimentation,  l'abdomen 
extrêmement  gonflé,  transparent,  d'une  couleur  ambrée  et 
de  la  grosseur  d'une  groseille  ou  d'un  petit  grain  de  raisin. 
Ces  sortes  d'ouvrières,  incapables  de  se  mouvoir,  demeurent 
accrochées  et  serrées  les  unes  contre  les  autres  à  la  voûte 
souterraine  des  fourmilières.  Le  liquide  que  renferme  leur 
abdomen  vésiculeux  est  un  sirop  de  sucre  incristallisable  dont 
la  saveur  aromatique  rappelle  celle  du  miel  des  Abeilles.  Il 
provient,  d'après  Mac  Cook,  d'une  liqueur  sucrée  dont  les 
Fourmis  se  gorgent  avidement  et  qui  exsude  de  petites  galles 
d'un  brun  rougeâtre  produites  par  la  piqûre  d'un  Cynips  sur 
une  espèce  de  chêne  (Quercus  unduluta).  Les  Indiens  et  les 
Mexicains  sont  très  friands  de  cette  sorte  de  sirop.  Ils  sucent 
avec  délices  les  abdomens  des  Rutileras  et  les  servent  même 
dans  leurs  repas  comme  friandises.  Ed.  Lefèvre. 

IL  Paléontologie.  —  Les  Fourmis  fossiles  se  montrent 
pour  la  première  fois  dans  le  lias,  mais  ce  n'est  que  dans 


le  tertiaire  qu'elles  sont  très  abondantes,  plus  abondantes 
même  qu'aucune  autre  famille  d'Insectes.  A  Florissant,  un 
quart  des  Insectes  sont  des  Fourmis  (4,000  spécimens). 
Elles  sont  presque  aussi  nombreuses  dans  l'ambre  de  Prusse 
(23  genres  et  49  espèces).  On  en  a  décrit  en  tout,  de  cette 
époque,  34  genres  et  plus  de  170  espèces.  Le  plus  grand 
nombre  des  espèces  sont  des  Formicidœ  proprement  dites, 
mais  le  plus  grand  nombre  des  genres,  des  Myrmicidœ,  et 
plusieurs  sont  éteints:  tels  sont  Stigmomyrmex  et  Priono- 
myrmex  (Mayr);  Ponera  et  d'autres  Ponérides  se  trouvent 
à  OEningen.  Les  Formicidœ  n'ont  que  deux  genres  éteints 
(Gesomyrmex  et  Rkopalomyrmex,  dans  l'ambre).  La- 
sius,  Formica,  etc.,  y  sont  également  représentés  avec 
d'autres  genres  encore  vivants.  E.  Trouessart. 

Bibl.  :  Entomologie.  —  Ernest  André,  les  Formicides 
d'Europe,  dans  le  Species  des  Hyménoptères  de  Ed.  An- 
dré, t.  II;  Beaune,  1881.  —  Du  même,  les  Fourmis  ;  Paris, 
1885.— Bâtes,  The  Naturalist  on  the  River  Amazons  ; 
Londres,  1876.—  Belt,  The  Naturalist  in  Nicaragua  ;  Lon- 
dres, 1874,  et  Revue  scientifique,  1876,  p,  121.— Berthelot, 
les  Cités  des  Fourmis,  dans  la  Revue  scientifique,  1877, 
t.  II,  p.  145.  —  Brehm  (édition  française),  Insectes,  t.  II, 
p.  1.  —  Ebrard,  Nouvelles  Observations  sur  les  Fourmis  ; 
Genève,  1861.  —  A.  Forel,  les  Fourmis  de  la  Suisse; 
Zurich,  1874. —  Du  même,  Etudes  myrmécologiques ;  Lau- 
sanne, 1875-78.—  Gould,  Account  ofEnglish  Ants; Lon- 
dres, 1747.  —  Pierre  Huber,  Recherches  sur  les  mœurs  des 
Fourmis  indigènes  ;  Genève,  1810;  nouvelle  édition,  1861. 

—  Latreille,  Histoire  naturelle  des  Fourmis  ;  Paris,  1802. 

—  Lespès,  Conférence  sur  les  Fourmis  ;  Paris,  1866.  — 
Lincecum,  Habits  of  the  Agricultural  Ants  of  Texas  ; 
Londres,  1861.  —  Du  môme,  Un  Combat  de  Fourmis,  dans 
la  Revue  scientifique,  1877,  t.  II,  p.  145.  —  J.  Lubbock,  les 
Habitudes  des  Fourmis,  dans  Journ.  ofthe  Linnean  Soc. 
Zool,  t.  XII  et  XIII,  et  dans  la  Revue  scientifique,  n°  du 
21  juil.  1877.  —  Mac  Cook,  The  Mode  of  the  Récognition 
among  Ants;  Philadelphie,  1878.  —Du  même,  The  Agri- 
cultural Ant  of  Texas  ;  Salem,  1879.  —  Mayr,  Die  eùro- 
paeischen  Formiciden  ;  Vienne,  1861.  —  Needham,  Obser- 
vations sur  Vhistoire  naturelle  de  la  Fourmi,  1769.  — 
Moggridge,  Harvesting  Ants;  Londres,  1873-74.  —  Savage, 
The  Driver  Ants  of  Western  Africa;  Philadelphie,  1848. 


—  917 


FOURMI  —  FOURMILIER 


—  Miss  Treat,  The  Harvesling  Ants  of  Florida,  1878.  — 
White,  Ants  and  their  Ways;  Londres,  1883. 

FOURMI  ES.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Àvesnes, 
cant.  de  Trélon,  sur  l'Helpe-Mineure  ;  15,895  hab.  Stat. 
du  chemin  de  fer  du  Nord,  ligne  de  Laon  à  Aulnoye,  em- 
branchement sur  Maubeuge.  Centre  industriel  important. 
Filature  de  laine,  de  coton,  de  soie  ;  blanchisserie,  haut 
fourneau  et  forge;  scierie  de  marbre,  verrerie.  L'industrie 
de  la  verrerie  y  fut  établie  en  1599  :  ce  fut  le  premier  éta- 
blissement de  ce  genre  qui  fonctionna  dans  cette  région. 
Vaste  église  moderne  de  style  gothique.  En  1891,  k  ma- 
nifestation du  1  ™  mai  amena,  entre  la  population  ouvrière 
et  un  bataillon  d'infanterie  envoyé  pour  maintenir  l'ordre, 
un  conflit  déplorable,  où  la  troupe  serrée  de  près  devant 
l'hôtel  de  ville  fit  une  décharge  meurtrière. 

FOU RM1LI ER  (Myrmecophaga).  I.  Zoologie.  —  Genre 
de  Mammifères  de  l'ordre  des  Èdentés  (V.  ce  mot),  créé 
par  Linné  (1766)- et  devenu  le  type  de  la  famille  des  Myr- 
mecophagidœ  qui  présente  les  caractères  suivants  :  Peau 
couverte  de  poils  ;  mâchoires  complètement  dépourvues  de 
dents  ;  tète  allongée  terminée  par  une  bouche  très  petite 
qui  donne  passage  à  une  langue  grêle,  allongée,  vermi- 
forme,  continuellement  rendue  visqueuse  par  le  liquide  des 
glandes  sous-maxillaires  qui  sont  très  grosses  ;  clavicules 
rudimentaires  ;  troisième  doigt  des  pattes  de  devant  très  dé- 
veloppé et  terminé  par  un  grand  ongle  falciforme,  les  autres 
réduits  ou  atrophiés  ;  pattes  postérieures  à  4  ou  5  doigts 


subégaux  ;  queue  longue  souvent  préhensile  ;  oreilles  pe- 
tites.—  Les  organes  génitaux  sont  construits  sur  le  même 
type  que  ceux  des  Bradypes  (V.  ce  mot  et  Edentés)  ; 
l'utérus  est  simple,  le  placenta  discoïdal  ou  en  forme 
de  dôme.  Le  cerveau  présente  des  circonvolutions  assez 
marquées,  une  commissure  antérieure  et  un  large  corps 
calleux. — Ces  animaux,  comme  leur  nom  l'indique,  se  nour- 
rissent presque  exclusivement  de  Fourmis  qu'ils  recueillent 
à  l'aide  de  leur  longue  langue  visqueuse  et  protactile  ;  ils  y 
joignent  d'autres  Insectes  de  petite  taille  ;  la  plus  grande 
espèce  est  terrestre  ;  toutes  les  autres  sont  arboricoles  :  leurs  . 
grands  ongles  ne  leur  servent  pas  à  creuser  des  terriers, 
mais  simplement  à  démolir  les  nids  de  Fourmis.  Tous  ha- 
bitent les  régions  chaudes  de  l'Amérique  intertropicale  (ré- 
gion néotropicale). 

La  famille  comprend  les  genres  Myrmecophaga,  Taman- 
dua et  C  y  cloturus.  Le  Tamanoir  ou  Grand  Fourmilier  (Myr- 
mecophaga jubata)  est  la  seule  espèce  du  premier  genre. 
C'est  un  animal  de  la  taille  des  plus  grands  Chiens,  à  tête 
très  allongée,  surtout  dans  la  région  faciale  qui  forme  un 
museau  cylindrique  dont  la  bouche  occupe  seulement  l'extré- 
mité. Le  crâne  présente  des  particularités  très  remarquables 
en  rapport  avec  cette  conformation.  Le  corps  est  allongé, 
comprimé,  couvert  de  poils  grossiers,  longs  et  durs  fia 
queue,  presque  aussi  longue  que  le  corps,  est  très  touffue, 
non  préhensile.  En  marchant,  l'animal  replie  en  dedans  les 
ongles  allongés  de  ses  pattes  de  devant  de  façon  à  appuyer 


Grand  Fourmilier  ou  Tamanoir. 


sur  le  sol  la  face  dorsale  des  troisième,  quatrième  et  cin- 
quième doigts  qui  est  pourvue  de  callosités.  Les  pieds 
postérieurs  sont  plus  courts  et  plantigrades  ;  les  yeux  sont 
petits  ;  les  oreilles  très  petites,  dressées.  Chez  la  femelle, 
il  y  a  deux  mamelles  pectorales.  La  couleur  est  grise  avec 
une  bande  noire  en  forme  de  collier,  large  sur  la  poitrine 
et  s'amincissant  sur  le  dos  oùjes  extrémités  se  perdent  sur 
les  flancs  sans  se  rejoindre  ;  cette  bande  est  bordée  de  blanc 
sale,  et  les  pattes  antérieures  sont  plus  claires  que  le  reste. 
Le  Grand  Fourmilier  habite  les  plaines  de  l'Amérique  cen- 
trale et  méridionale  où  on  le  trouve  le  long  des  fleuves  et 
dans  les  forêts  humides.  Il  se  nourrit  surtout  de  Termites 
dont  il  ouvre  les  nids  en  forme  de  pains  de  sucre  à  l'aide 
des  puissantes  griffes  de  ses  pattes  antérieures  :  il  englue 
avec  sa  langue  ces  Insectes  qu'il  avale  par  milliers.  Il  ne 
monte  jamais  aux  arbres.  Lorsqu'il  est  attaqué,  il  se  ren- 
verse sur  le  dos  et  se  défend  à  l'aide  de  ses  ongles  falci- 
formes  qui  font  des  blessures  dangereuses.  La  femelle  n'a 
qu'un  seul  petit  par  portée. 

Le  Tamandua  (Tamandua  tetradactyla)  est  un  dimi- 
nutif de  l'espèce  précédente.  La  tête  est  seulement  moins 
allongée,  et  la  queue  couverte  de  poils  courts,  comme  le 
reste  du  corps,  est  nue  dans  sa  portion  terminale,  écail- 
leuse,  préhensile.  Les  pattes  ont  à  peu  près  la  même  con- 
formation, mais  le  cinquième  doigt  de  la  main  est  atrophié, 
caché  sous  la  peau.  Il  y  a  des  clavicules  rudimentaires.  Cet 
animal,  de  la  taille  d'un  Chat,  habite  les  forêts  vierges  de 
l'Amérique  chaude.  Il  est  essentiellement  arboricole,  se 


nourrissant  de  Fourmis  et  d'autres  Insectes.  Sa  couleur, 
assez  variable,  est  un  gris  jaunâtre,  plus  foncé  sur  les 
flancs,  avec  la  tête,  les  pattes  et  une  ligne  dorsale  claires. 

Le  Petit  Fourmilier  ou  Fourmilier  didactyle  (Cyclo- 
turns  didactylus)  est  un  animal  de  la  taille  d'un  Rat,  à 
tête  encore  plus  courte  que  celle  du  Tamandua,  plus  co- 
nique et  très  arquée.  Les  clavicules  sont  bien  développées. 
La  main  ne  porte  que  deux  doigts  développés,  dont  le  troi- 
sième, très  robuste,  armé  d'un  ongle  falciforme  et  le 
deuxième  plus  grêle,  allongé.  Tous  les  autres  sont  atro- 
phiés. Le  pied  est  également  modifié  en  forme  d'organe 
propre  à  grimper,  le  pouce  étant  rudimentaire,  caché  sous 
la  peau,  tandis  que  les  quatre  autres  doigts  subégaux  sont 
munis  d'ongles  recourbés  et  comprimés.  Le  calcanéum 
porte  un  os  sésamoïde  très  développé  qui  remplace  le  pouce 
et  se  trouve  opposé  aux  doigts  lorsque  l'animal  veut  saisir 
une  branche.  La  queue,  plus  longue  que  le  corps,  aplatie, 
nue  en  dessous,  est  très  préhensile.  Le  pelage  est  noir, 
soyeux,  d'un  jaune  clair.  Le  Petit  Fourmilier  vit  sur  les 
arbres  dans  les  parties  les  plus  chaudes  de  la  région  néo- 
tropicale. La  femelle  porte  ses  petits  sur  son  dos. 

IL  Paléontologie. —  On  n'a  pas  encore  signalé  de  Four- 
miliers dans  les  couches  tertiaires,  mais  dans  les  cavernes 
quaternaires  du  Brésil  on  trouve  les  débris  du  Tamanoir 
et  du  Tamandua.  —  Les  Fourmiliers,  d'une  part,  et  les 
Bradypes  de  l'autre,  peuvent  être  considérés  comme 
deux  branches  divergentes  et  dégénérées  du  tronc  des  Me- 
gatheridœ,  Edentés  gigantesques  qui  vivaient  à  l'époque 


FOURMILIER  —  FOURMONT 


—  918  — 


tertiaire  dans  l'Amérique  du  Sud  (V.  Megathère  et  Edentés 
[Paléontologie]).  E.  Trouessart. 

III.  Ornithologie.  —  Nom  vulgaire  de  divers  Passe- 
reaux (V.  ce  mot)  qui  appartiennent  soit  à  la  famille  des 
Formicariidés,  soit  à  celle  des  Timéliidés  (V.  ces  mots). 

FOURMILIÈRE  (V.  Fourmi). 

FOURMILION  (Myrmeleon  L.,  ou  mieux  Myrmecoleon 
Burm.).  Genre  d'Insectes  Névroptères  qui  a  donné  son  nom 
à  la  famille  des  Myrméléontides.  Les  Fourmilions  sont  sur- 
tout remarquables  par  leurs  larves  courtes,  ovoïdes  et  com- 
primées, dont  la  tête  est  pourvue  de  deux  énormes  man- 
dibules creuses,  constituant  une   pince  destinée  à  saisir 


Myrmeleon  formicarius  Vall. 

les  Insectes  et  à  sucer  leurs  parties  fluides.  A  l'état  adulte, 
au  contraire,  ils  ressemblent  beaucoup  aux  Libellules  (V.  ce 
mot),  mais  leurs  antennes  courtes,  aplaties,  élargies  en 
avant  en  forme  de  massue,  et  leurs  quatre  ailes  allongées, 
terminées  en  pointe,  les  font  reconnaître  facilement.  Leurs 
espèces,  très  nombreuses  (près  de  300,  d'après  H.  Hagen, 
4886)  et  répandues  dans  toutes  les  régions  du  globe,  ont 
été  réparties  dans  une  quinzaine  de  genres  dont  les  prin- 
cipaux sont  :  Myrmeleon  L.,  Acanthaclisis  Rambur  et 
Palpares  Rambur. 

L'espèce  type  du  genre  Myrmeleon  (M.  formicarius 
Vallisn.)  est  le  Formicaleo  de  Poupart  (Mém,  de  VAcad. 
royale  des  sciences,  4704,  p.  255,  pi.  VIII,  fig.  446)  et 
le  Fourmilion  de  Geoffroy.  A  l'état  parfait,  son  corps  est 
long  de  46  à  26  millim.,  d'un  gris  noirâtre,  avec  la  tête, 
le  thorax  tachetés  de  jaune,  et  l'extrémité  des  segments 
abdominaux  annelés  de  jaune .  Ses  ailes 
sont  hyalines,  à  nervures  brunes  variées 
de  blanchâtre;  les  antérieures  ont  six 
taches  brunes,  oblongues,  les  posté- 
rieures deux  ou  quatre  de  même  cou- 
leur. Cet  élégant  Insecte  se  rencontre 
dans  l'Europe  centrale  et  méridionale.  En 
France,  il  ne  paraît  pas  remonter  au 
delà  des  environs  de  Paris.  On  le  prend 
assez  fréquemment  dans  les  bois  des  terrains  sablonneux, 
notamment  à  Fontainebleau  et  à  Lardy.  Sa  larve,  de  cou- 
leur grise  ou  jaunâtre,  a  la  tête  large  et  carrée,  pourvue 
de  six  ocelles  placés  sur  un  tubercule  arrondi  et  armée  de 
deux  grandes  mandibules  tridentées  en  dedans.  Le  thorax 


/f. 


Cocon  de  Four- 
milion. 


Larve  à  l'affût. 

est  rétréci,  et  l'abdomen,  très  élargi,  est  plat  en  dessous, 
bombé  en  dessus,  avec  de  petites  touffes  de  poils  et,  dans 
sa  partie  postérieure,  de  nombreuses  épines  courtes  ran- 
gées en  lignes.  Cette  larve  ne  marche  bien  qu'à  reculons. 
On  la  trouve  essentiellement  dans  les  terrains  secs  et  sa- 
blonneux, au  bord  des  talus,  dans  les  endroits  chauds, 
abrités,  et  les  sablières.  Elle  [construit  dans  le  sable,  en 


marchant  à  reculons,  et  en  décrivant  une  spirale,  un  enton- 
noir d'environ  4  à  5  centim.  de  diamètre,  au  fond  duquel 
elle  se  place,  cachée  dans  le  sable,  et  ne  laisse  paraître  que 
ses  longues  mandibules.  Dès  qu'un  Insecte  (Fourmi,  Mouche, 
Cloporte,  Araignée,  etc.)  s'aventure  sur  les  bords  de  cet 
entonnoir,  le  sable  cède  et  il  roule  au  fond.  Si,  au  con- 
traire, il  peut  se  cramponner  aux  parois  et  chercher  à 
remonter,  la  larve  du  Fourmilion  se  sert  de  sa  tête  comme 
d'une  pelle,  et  l'accable  d'une  pluie  de  sable,  qui  l'étour- 
dit et  le  fait  tomber  au  fond  du  trou  où  elle  le  saisit  et  le 
suce  à  loisir.  Quand  le  moment  de  la  nymphose  est  venu, 
elle  se  tisse  un  cocon  sphéroïde  au  moyen  d'une  filière  en 
forme  de  tuyau  pointu,  rétractile  comme  une  lunette  d'ap- 
proche, placée  à  l'extrémité  du  corps.        Ed.  Lefèvre. 

FOURMOIS  (Théodore),  paysagiste  belge,  né  à  Presles 
(Hainaut)  le  44  oct.  4844,  mort  à  Bruxellesle  4  6  oct.  4874. 
Il  commença  de  bonne  heure  à  se  faire  connaître  comme 
aquarelliste  et  lithographe  et  fit  notamment  plusieurs  plan- 
ches sur  des  scènes  de  la  révolution  belge  (1830)  ;  en  4833, 
il  publia  une  belle  série  de  Vues  de  Spa.  Ses  premiers 
tableaux  parurent  en  4836,  mais  ce  fut  en  4848  que  sa  Vue 
prise  dans  le  duché  de  Bade  le  mit  tout  à  fait  en  relief. 
Son  chef-d'œuvre  est  le  Moulin  à  eau  (4850),  dessin 
énergique,  coloris  puissant,  touche  large  et  grasse,  les 
plus  hautes  qualités  du  genre  sont  réunies  dans  cette  com- 
position aux  lignes  simples  et  graves.  Ses  dernières  œuvres 
ont  figuré  à  l'Exposition  de  Gand  en  4874.         Ad.  T. 

FOURMONT  (Etienne),  orientaliste  français,  né  à  Her- 
belay  le  23  juin  4683,  mort  à  Paris  le  49  déc.  4  745.  Il  reçut 
une  éducation  très  forte  au  collège  Mazarin,  entra  en  1700 
au  séminaire  des  Trente-Trois  d'où  il  fut  chassé  pour 
avoir  lu  des  ouvrages  grecs  et  latins  prohibés.  Il  s'installa 
alors  au  collège  Montaigu  où  il  étudia  l'hébreu  et  composa 
un  ouvrage  important,  ^Nouvelle  Critique  sacrée  (4705), 
qui  attira  sur  lui  l'attention  des  lettrés.  Il  gagnait  quelque 
argent  en  donnant  des  leçons  de  grec,  de  syriaque  et 
d| hébreu,  et  il  accrut  ses  maigres  revenus  en  obtenant  la 
direction  de  l'enseignement  des  boursiers  au  collège  d'Har- 
court^  et  en  dirigeant  les  études  des  fils  du  duc  d'Antin. 
Travailleur  acharné,  il  collaborait  en  même  temps  à  la 
Bibliothèque  universelle  de  l'abbé  Bignon,  soutenait  une 
polémique  animée  contre  dom  Calmet  relativement  au  Com- 
mentaire sur  la  Genèse  de  cet  auteur,  composait  une 
Grammaire  hébraïque  et  traduisait  le  Commentaire  sur 
VEcclésiaste  du  rabbin  Abraham  Aben  Esra,  et  le  Second 
Voyage  de  Paul  Lucas  en  Grèce.  En  4743,  il  était  appelé 
à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  et  était  nommé 
en  4744  examinateur  pour  les  livres.  Il  prit  une  part  active 
à  la  querelle  au  sujet  d'Homère.  Partisan  d'Homère,  cela 
va  sans  dire,  il  publia  coup  sur  coup  :  la  Véritable  Con- 
naissance d'Homère  et  un  Examen  pacifique  de  la  que- 
relle deMmeDacier  et  de  M.  Lamothe,  mais  ces  deux  écrits 
passèrent  presque  inaperçus.  En  4745,  il  obtenait  la  chaire 
d'arabe  au  Collège  de  France  où  il  succédait  à  Galland.  La 
même  année,  il  était  associé  au  Chinois  Arcadio  Hoang  pour 
composer  une  Grammaire  chinoise,  sorte  d'ouvrage  qui 
n'existait  pas  encore  en  Europe.  Vers  1749,  Fourmont  avait 
terminé  seul  la  première  partie  de  ce  gigantesque  travail, 
Hoang  étant  mort  en  4746.  Il  imprima  24  4  clefs  chinoises  ; 
sa  Grammaire  chinoise  achevée  en  4728  ne  fut  imprimée 
qu'en  4  742  et  ses  Meditationes  Sinicœ  en  4  737.  Il  a  donné 
une  infinité  d'autres  ouvrages  relatifs  à  la  littérature  orien- 
tale et  de  dissertations  insérées  dans  les  mémoires  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions.  Nous  ne  citerons  encore  de  lui  que 
ses  Béflexions  critiques  sur  les  histoires  des  anciens 
peuples  (4735,  2  vol.  in-4).  On  trouvera  la  liste  de  tous 
ses  autres  travaux,  voire  même  de  ceux  qu'il  n'avait  que 
projetés,  dans  le  Catalogue  des  ouvrages  de  M.  Fourmont 
Vaîné  (Amsterdam,  4731,  in-8)  et  dans  Ja  France  litté- 
raire de  Quérard. 

Fourmont,  dont  la  réputation  était  universelle,  avait  été 
nommé  membre  pensionnaire  de  lWcadémie  des  inscriptions 
en  4735,  membre  agrégé  de  la  Société  royale  de  Londres 


—  9d9  — 


FOURMONT  —  FOURNEAU 


en  1738,  et  membre  de  l'Académie  de  Berlin  en  1742. 

Bibl.  :  De  Guignes  et  des  Hautes-Rayes,  Vie  d'Etienne 
Eourmont  et  catalogue  de  ses  ouvrages,  dans  la  seconde 
édition  des  Réflexions  sur  l'oriqine  des  anciens  -peuples, 
1747. 

FOURMONT  (Michel),  orientaliste  français,  né  à  Her- 
belay  le  28  sept.  1690,  mort  à  Paris  le  5  févr.  1746, 
frère  du  précédent.  Elève  d'Etienne,  il  obtint  en  1720  la 
chaire  de  syriaque  au  Collège  royal,  devint  en  1722  inter- 
prète à  la  Bibliothèque  du  roi  et  travailla  quelque  temps  avec 
son  frère  à  la  préparation  de  ses  ouvrages  chinois.  En  1724, 
il  entrait  comme  membre  associé  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  et  obtenait  en  1728  le  prieuré  de 
Notre-Dame  d'Orcas.  En  1727,  il  avait  été  avec  l'abbé 
Sevin  chargé  d'une  mission  littéraire  à  Constantinople.  Il 
avait  visité  les  principales  bibliothèques  des  monastères  en 
Turquie,  relevé  des  notices  de  manuscrits  anciens  et  copié 
un  grand  nombre  d'inscriptions  dans  les  îles  de  l'Archipel 
et  en  Grèce.  De  retour  en  France  en  1732,  il  donna  la  re- 
lation de  son  voyage  (Histoire  de  l'Académie  des  ins- 
criptions, t.  VII)  et  entreprit  la  publication  des  inscrip- 
tions qu'il  avait  recueillies,  mais  faute  d'appui  il  ne  put 
venir  à  bout  de  ce  travail  qu'il  reprit  sans  plus  de  succès 
en  1742  par  les  ordres  de  Maurepas.  Il  a  laissé  un  certain 
nombre  de  Dissertations  qui  figurent  dans  le  recueil  de 
l'Académie  des  inscriptions. 

FOURMONT  (Claude-Louis),  archéologue  français,  né 
à  Cormeilles  en  1703,  mort  le  4  juin  1780,  neveu  des  pré- 
cédents. Il  collabora  aux  travaux  linguistiques  de  ses  deux 
oncles,  accompagna  Michel  en  Grèce  et  devint  en  1732 
interprète  à  la  Bibliothèque  du  roi.  En  1746,  il  accompagna 
Lironcourt,  consul  au  Caire,  et  publia  à  son  retour  une 
Description  historique  et  géographique  des  plaines 
d'Héliopolis  et  de  Memphis  (Paris,  1755,  in-12).  Il 
voulut  ensuite  publier  la  relation  du  Voyage  en  Grèce  de 
Michel  Fourmont,  mais  il  y  dépensa  sans  résultat  sa  mo- 
deste fortune  et  mourut  presque  misérable  n'ayant  même 
pas  pu  obtenir  la  chaire  de  syriaque  qu'il  sollicita  en  1773. 

FOURNAUDIN.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de 
Joigny,  cant.  de  Cerisiers;  416  hab. 

FOURNEAU.  I.  Technologie.  —  Nom  des  appareils 
fixes  ou  mobiles  installés  dans  les  cuisines  des  habitations 
particulières  ou  des  établissements  publics  pour  la  cuisson 
des  aliments.  Le  fourneau  ordinaire  ou  de  construction  est 
une  sorte  de  coffre  en  maçonnerie  de  plâtre  ou  de  brique, 
élevé  d'une  certaine  hauteur  au-dessus  du  sol  et  supporté 
par  des  jambages  laissant  entre  eux  des  vides  où  se  placent 
des  caisses  en  bois  servant  à  renfermer  le  charbon.  La  plaque 
supérieure,  dite  feuillasse,  est  carrelée  en  faïence  et  percée 
de  trous  dans  lesquels  on  encastre  des  cuvettes  en  fonte, 
fermées  inférieurement  par  de  petites  grilles  où  se  dispose 
le  charbon.  Au-dessous  de  ces  ouvertures,  à  0m30  de  dia- 
mètre environ,  est  établie  une  aire  qui  reçoit  les  cendres 
et  qu'on  appelle  cendrier.  Ces  deux  aires  superposées  sont 
maintenues  par  des  plates-bandes  ou  barres  de  fer  plat 
repliées  en  équerre  et  terminées,  à  leurs  extrémités,  par 
des  queues  de  carpe  qu'on  scelle  dans  la  muraille.  On  divise 
souvent  le  cendrier  par  deux  parois  verticales  en  autant 
de  compartiments  qu'il  y  a  de  réchauds  et  l'on  ferme  cha- 
cun d'eux  par  une  porte  en  tôle  à  coulisse  permettant  de 
régler  l'arrivée  de  l'air  sur  la  grille  pour  activer  ou  modé- 
rer le  tirage.  On  revêt  aussi  de  carreaux  de  faïence  la  par- 
tie du  mur  de  fond  en  contact  avec  le  fourneau.  Ces  appa- 
reils sont  établis  sous  une  grande  hotte  qui  sert  à 
l'évacuation  des  vapeurs  et  gaz  de  toute  nature,  à  l'aide 
d'un  tuyau  de  cheminée  ordinaire.  Cette  hotte  recouvre,  en 
même  temps,  l'âtre  ou  foyer  destiné  à  la  rôtisserie  et  fermé 
par  un  rideau  en  tôle.  Le  combustible  employé  dans  le 
fourneau  que  nous  venons  de  décrire  est  le  charbon  de 
bois.  L'usage  de  la  houille,  les  expériences  de  Rumford  sur 
ce  sujet,  ont  apporté  des  modifications  considérables  dans 
la  construction  de  ces  appareils  qui  ont  pris  le  nom  de 
fourneaux  économiques.  Rumford  songea  le  premier  à  ré- 
duire le  foyer  à  de  très  petites  capacités,  à  établir  en  un 


seul  foyer  plusieurs  marmites  de  dimensions  modérées  et 
des  chaudières  à  eau  dans  lesquelles  il  utilisait  la  chaleur 
perdue  des  fumées,  à  rôtir  la  viande  dans  des  fours  en 
tôle,  etc.  Cependant  Rumford  donnait  un  foyer  séparé  à 
chaque  série  de  marmites,  à  chaque  four  à  rôtir,  et  il  em- 
ployait encore  le  charbon  de  bois.  Aujourd'hui,  on  ne  se 
sert  que  d'un  seul  foyer  ;  des  plaques  de  fonte  ou  de  fer 
rougies  par  l'action  directe  du  feu  permettent  de  disposer 
sur  une  même  surface  un  bien  plus  grand  nombre  de  vases 
et  d'en  conduire  la  marche  de  front.  Ces  plaques  sont,  en 
partie,  formées  de  rondelles  concentriques  s'emboîtant  les 
unes  dans  les  autres  et  qu'on  peut  enlever  en  tout  ou  par- 
tie, de  manière  à  obtenir  des  trous  de  diamètres  différents. 
On  peut  ainsi  préparer  toutes  sortes  de  mets,  tels  que 
grillades,  omelettes,  sauces,  ragoûts.  Puis  on  établit  autour 
du  foyer  la  marmite  à  potage,  le  four  à  rôtir  et  la  chau- 
dière munie  de  son  robinet.  Dans  les  fourneaux  qui  servent 
aux  grands  établissements,  restaurants,  hospices,  casernes, 
collèges,  on  dispose  à  la  suite  du  foyer  de  grandes  mar- 
mites en  fonte,  fixées  à  demeure  et  qui  servent  à  la  pré- 
paration du  bouillon,  à  la  cuisson  des  légumes  ;  des  robi- 
nets y  versent  l'eau  directement.  Sous  le  nom  de  cuisinières 
on  désigne  les  fourneaux-poêles  en  fonte  qui  se  trouvents 
dans  le  commerce  entièrement  prêts.  Ces  appareils  destinés 
à  la  fois  au  chauffage  et  au  service  culinaire,  sont  des 
poêles  en  fonte  avec  dispositions  plus  ou  moins  complexes, 
suivant  qu'ils  renferment  ou  non  un  four  ou  un  bain- 
marie.  La  plaque  supérieure  porte  des  rondelles  mobiles 
permettant  d'y  placer  les  vases  culinaires  comme  sur  les 
fourneaux  précédents.  Enfin  on  emploie  beaucoup  les  four- 
neaux à  gaz  dont  nous  donnerons  la  description  en  parlant 
des  applications  du  gaz  (V.  Gaz). 

IL  Métallurgie.  — Fourneau  à  manche  (V.  Cubilot). 

Haut  Fourneau  (V.  Haut  Fourneau). 

III.  Génie  militaire.  —  Fourneau  de  mine.  —  La  défla- 
gration d'une  charge  de  poudre  disposée  souterrainement  pro- 
duit une  masse  considérable  de  gaz  ayant  pour  effet  de  com- 
primer les  terres  suivant  une  sphère,  puis,  si  la  charge  est 
assez  forte,  de  produire  un  effet  extérieur  de  projection.  On 
obtient  ainsi  une  excavation  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
à' entonnoir  (V.  ce  mot).  Les  poudres  ou  autres  substances 
explosives  déposées  dans  une  chambre  de  mine  coustituent 
le  fourneau  de  mine,  dont  l'inflammation  provoquée  en 
temps  opportun  doit  produire  un  effet  destructeur  nuisible 
à  l'ennemi,  tant  par  son  effet  de  projection  extérieure  que 
par  l'effet  moral  produit  par  l'explosion.  On  comprend  que 
si  l'on  place  des  charges  différentes  dans  un  même  milieu 
et  à  une  même  profondeur  h,  le  rayon  r  de  l'entonnoir 

T 

varie  ainsi  que  le  rapport  t-,  que  l'on  appelle  indice  du 

fourneau  et  que  l'on  désigne  ordinairement  par  la  lettre  n. 
On  appelle  fourneau  ordinaire  celui  qui  produit  un  enton- 
noir dont  le  rayon  est  égal  à  la  ligne  de  moindre  résistance 
ou  moindre  profondeur  du  fourneau,  ou  r  =  h.  Le  four- 
neau surchargé  est  celui  dans  lequel  le  rayon  de  l'enton- 
noir produit  est  plus  grand  que  la  ligne  de  moindre  résis- 
tance, ou  r  >  h.  La  charge,  forcément  supérieure  à  celle 
du  fourneau  ordinaire,  produit  dans  le  sol  des  effets  de 
compression  plus  étendus  qui  l'ont  fait  appeler  autrefois 
globe  de  compression.  On  a  un  fourneau  sous-chargé  lorsque 
l'entonnoir  produit  un  rayon  plus  petit  que  la  ligne  de 
résistance,  ou  r  <  h.  Enfin,  on  donne  d'une  manière  gé- 
nérale le  nom  de  camouflet  à  tout  fourneau  qui  ne  produit 
pas  d'effet  extérieur  et  dont  le  but  est  uniquement  d'agir 
contre  les  galeries  voisines. 

Charge  des  fourneaux.  On  a  constaté  par  de  nom- 
breuses expériences  que  les  charges  des  fourneaux  sont 
proportionnelles  aux  cubes  des  lignes  de  moindre  résistance. 
On  en  a  déduit  que  la  charge  nécessaire  pour  produire  un 
fourneau  ordinaire  est  égale  au  cube  de  la  ligne  de  moindre 
résistance,  multipliée  par  un  coefficient  g  qui  dépend  de  la 
nature  du  terrain.  Cette  règle  se  traduit  par  la  formule 


FOURNEAU  —  920 

G  ■=.  g  h3,  dans  laquelle  C  est  exprimée  en  kilogrammes  de 
poudre  de  mine  ordinaire  et  h  en  mètres.  Le  coefficient  g 
varie  entre  lm20  et  2m25  pour  les  terres  ;  il  est  de  lm50 
pour  les  terres, ordinaires.  Dans  les  maçonneries,  g  varie 
entre  2m50  et  4  m.  Pour  obtenir  la  charge  C  d'un  four- 
neau surchargé  ou  sous-chargé,  connaissant  la  valeur  de 
l'indice  n,  on  multiplie  la  charge  qui,  à  la  même  profon- 
deur, produirait  un  fourneau  ordinaire  par  l'expression  : 
(\Ji  +  n%  —  0,41 3)  et  Ton  a  ainsi  la  formule  : 

C  =  gît*  (\!1  +  n*  —  0,413). 
Si  dans  cette  formule  on  fait  n  =  0,  on  a  la  charge  du 
camouflet  maximum. 

Effets  des  fourneaux.  L'action  des  fourneaux  se  fait 
sentir  intérieurement  au  delà  des  limites  de  l'entonnoir. 
Cette  action  s'étend  sur  les  galeries  ou  rameaux  jusqu'à 
une  distance  plus  grande  dans  le  sens  horizontal  que  dans 
le  sens  vertical,  en  raison  de  ce  que  la  largeur  des  galeries 
est  moindre  que  leur  hauteur  ;  cependant  la  résistance  des 
galeries  varie  aussi  avec  leur  section,  la  nature  des  revê- 
tements, leur  situation,  la  longueur  du  bourrage,  etc.  On 
appelle  rayon  de  bonne  rupture  la  distance  en  deçà  de  la- 
quelle une  galerie  serait  certainement  brisée  sur  une  lon- 
gueur suffisante  pour  la  rendre  impraticable.  Cette  distance 
est  représentée  par  h  verticalement  et  par  h  X  1,41  ou 
h  \/2  horizontalement.  On  nomme  rayon  de  rupture  limite 
la  distance  au  delà  de  laquelle  une  galerie  n'éprouverait  pas 
de  dommages  sérieux.  Il  est  égal  à  h  X  4,41  ou  h  y2 
dans  le  sens  vertical  et  à  h  X  1,75  ou  7/4  h  dans  le  sens 
horizontal.  Pour  avoir  la  limite  d'action  des  fourneaux  sur- 
chargés ou  sous-chargés,  on  remplace  dans  les  valeurs  ci- 
dessus  la  ligne  de  moindre  résistance  h  par  celle  des  four- 
neaux ordinaires  qui  auraient  même  charge  que  les 
fourneaux  considérés.  Il  y  a  lieu  de  tenir  compte  de  ces 
données  pour  déterminer  l'emplacement  des  fourneaux  dans 
les  systèmes  de  contre-mines. 

Etablissement  d'un  fourneau.  Cette  opération  com- 
prend l'établissement  de  la  chambre,  celui  des  moyens  de 
transmission  du  feu  et  le  chargement  du  fourneau.  Les 
chambres  de  mines  ou  chambres  aux  poudres  peuvent  être 
disposées  de  diverses  manières,  selon  le  but  qu'on  se  pro- 
pose, la  grandeur  de  la  charge  et  le  mode  de  chargement 
employé.  Pour  un  fourneau  établi  dans  une  galerie,  la 
chambre  est  ordinairement  pratiquée  sur  le  côté,  de  ma- 
nière que  le  centre  de  la  charge  soit  au  niveau  du  sol  même 
du  rameau  ;  quand  on  est  pressé,  la  charge  est  simplement 
déposée  à  l'extrémité  du  rameau.  Lorsque  le  fourneau  est 
disposé  au  fond  d'un  puits,  la  chambre  est  creusée  dans 
l'une  des  faces  de  ce  puits,  ou,  si  elle  est  considérable, 
elle  se  compose  de  deux  bouts  de  rameaux,débouchant  au 
fond  même  du  puits.  Si  la  charge  est  constituée  en  barils 
de  poudre,  les  dimensions  de  la  chambre  sont  calculées 
d'après  le  nombre  de  ces  barils  à  y  loger.  Mais  le  plus 
souvent  la  poudre  est  placée  dans  une  boîte  de  forme  cu- 
bique (boîte  aux  poudres),  destinée  à  garantir  les  poudres 
contre  l'humidité.  Cette  boite  vide  est  mise  en  place  dans 
les  conditions  voulues,  et  on  y  verse  les  poudres  le  plus 
tard  possible,  c.-à-d.  immédiatement  avant  de  procéder  au 
bourrage,  en  prenant  toutes  les  précautions  voulues  pour 
éviter  les  accidents.  On  communique  le  feu  au  fourneau  le 
plus  ordinairement  par  l'électricité  (au  moyen  de  conduc- 
teurs), mais  on  emploie  également  dans  ce  but  le  saucisson 
ordinaire,  la  fusée  instantanée  ou  cordeau  porte-feu,  la 
fusée  lente  ou  cordeau  Bickford,  le  cordeau  détonant  ;  on 
peut  aussi,  dans  certaines  circonstances,  avoir  recours 
aux  canettes.  On  évite  autant  que  possible  d'employer  le 
saucisson,  qui  est  sensible  à  l'humidité,  ce  qui  exige*  l'em- 
ploi d'augets,  infecte  les  bourrages,  retarde  les  retours 
offensifs,  rend  pendant  longtemps  les  galeries  inhabitables, 
et  aussi  ne  se  prête  aux  explosions  simultanées  que  par  le 
compassement  des  feux.  Voici  en  quoi  consiste  cette  dernière 
opération.  Pour  donner  le  feu  au  même  instant  à  plusieurs 
fourneaux,  comme  la  vitesse  de  combustion  du  saucisson 


n'est  que  de  3m50  par  seconde  à  l'air  libre  et  de  8m50 
dans  un  auget,  il  faut  prendre  les  dispositions  convenables 
pour  que  du  point  de  départ  de  chacun  des  fourneaux  le 
développement  du  saucisson  soit  le  même,  en  tenant  compte 
de  ce  que  chaque  coude  équivaut  à  une  augmentation  de 
longueur  de  Om08. 

La  vitesse  de  combustion  de  la  fusée  instantanée,  étant 
de  100  m.  par  seconde,  dispense  de  l'opération  du  compas- 
sement des  feux,  pourvu  que  les  différences  de  longueur  des 
diverses  communications  n'excèdent  pas  30  à  40  m.  —  La 
fusée  lente  qui  brûle  lentement  et  régulièrement  de  1  m.  par 
quatre-vingt-dix  secondes,  est  assez  rarement  employée 
comme  conducteur  du  feu  et  elle  sert  plus  généralement  à 
mettre  le  feu.  Il  faut  avoir  soin,  dans  l'opération  du  char- 
gement, de  bien  placer  et  de  ne  pas  détériorer  ou  briser  le 
transmetteur  du  feu  ou  amorce.  Il  reste  alors  à  bourrer 
les  rameaux  ou  galeries  et  à  mettre  le  feu  aux  fourneaux 
(V.' Bourrage  et  Mise  de  feu). 

Les  contre-puits  ont  pour  objet  d'établir  des  four- 
neaux au-dessus  des  écoutes  et  des  transversales  d'un 
système  de  contre-mines  pour  constituer  un  étage  supé- 
rieur. Les  camouflets  contne-puits  ont  le  même  but.  Il  en  est 
de  même  des  fourneaux  à  charge  après  bourrage,  qui 
sont  disposés  d'une  façon  absolument  analogue  à  celle 
des  contre-puits.  Dans  ces  fourneaux,  une  gaine  établie 
dans  le  massif  même  du  bourrage  aboutit  à  la  partie 
supérieure  dans  la  boîte  aux  poudres  et  d'autre  part  dans 
la  galerie  ou  dans  la  portion  du  rameau  restée  vide,  de 
telle  sorte  qu'on  peut  charger  le  fourneau  à  volonté.  On 
établit  quelquefois  deux  fourneaux  dans  un  rameau,  de  façon 
que  le  deuxième,  appelé  retirade,  vienne  jouer  dans  l'en- 
tonnoir du  plus  avancé,  nommé  fourneau  de  tête.  Les  four- 
neaux de  l'étage  supérieur,  étant  destinés  à  agir  contre  les 
travaux  extérieurs  de  l'assiégeant,  sont  établis  à  °2m50  au- 
dessous  du  terrain  naturel,  et  ils  peuvent  être  surchargés, 
ce  qui  permet  d'en  diminuer  le  nombre.  Les  fourneaux  de 
l'étage  inférieur,  dirigés  contre  les  travaux  souterrains, 
sont  enterrés  à  8  ou  10  m.  et  ils  devront  être  sous-chargés, 
afin  de  ne  pas  compromettre  les  travaux  de  la  défense. 
Pour  établir  un  fourneau  à  une  certaine  profondeur  au- 
dessous  de  l'eau ,  on  commence  par  construire  un  bâ- 
tardeau  permettant  d'atteindre  le  fond.  A  cet  effet,  l'on 
descend  dans  l'eau  deux  cuves  sans  fond,  de  diamètre  dif- 
férent ,  placées  concentriquement  ;  on  remplit  l'espace 
compris  entre  les  deux  cuves  de  terre  glaise  bien  corroyée 
et  l'on  épuise  l'eau  qui  se  trouve  dans  la  cuve  intérieure. 
On  creuse  alors  un  puits  à  la  profondeur  voulue  et  on  pra- 
tique sur  l'un  des  côtés  l'emplacement  des  poudres.  Dans 
le  calcul  de  la  charge,  on  doit  tenir  compte  de  la  sur- 
charge causée  par  la  présence  de  l'eau.  Lorsque  ce  four- 
neau* est  destiné  à  produire  seulement  certains  effets  exté- 
rieurs, on  se  contente  de  placer  la  charge  sous  l'eau  dans 
une  enveloppe  (bouteille,  jarre,  baril,  etc.)  qui  la  garantit 
de  l'humidité  ;  mais  si  la  charge  doit  séjourner  longtemps 
sous  l'eau,  on  la  loge  dans  une  double  enveloppe,  en 
laissant  entre  les  deux  enveloppes  un  léger  intervalle  que 
l'on  remplit  avec  un  mastic  hydrofuge. 

Fourneaux  isolés.  Dans  les  fortifications  où  il  n'existe 
pas  de  système  de  contre-mines,  il  sera  fort  difficile  d'en 
improviser  un  au  dernier  moment,  mais  il  est  toujours 
possible  de  préparer,  devant  les  fronts  d'attaque,  des  four- 
neaux isolés  ayant  pour  but  de  bouleverser  le  terrain  des 
attaques,  les  passages  de  fossés,  les  rampes  des  brèches,  etc. 
On  prépare  aussi,  au  moyen  de  fourneaux  de  démolition, 
la  destruction  des  ouvrages  qu'on  peut  être  obligé  d'aban- 
donner. Ces  diverses  espèces  de  fourneaux  consistent  en 
puits  de  2m50  à  3  m.  de  profondeur,  au  fond  desquels  on 
place  une  charge  convenable.  On  dissimule  soigneusement 
ceux  qui  sont  placés  sous  les  glacis  pour  donner  le  change 
à  l'assaillant  et  l'obliger  à  entreprendre  des  travaux  sou- 
terrains. Les  fourneaux  isolés  étant  souvent  longtemps 
chargés  à  l'avance,  les  charges  doivent  être^  placées  dans 
des  récipients  assurant  la  siccité  des  explosifs.  Les  con- 


—  921  — 


FOURNEAU  —  FOURNEL 


Fig.  1. 


ducteurs  de  mise  du  feu  sont  disposés  dans  des  rigoles 
creusées  dans  le  sol.  On  construit  quelquefois  des  four- 
neaux isolés  permanents,  principalement  pour  la  démolition 
des  maçonneries  des  fortifications  ou  des  ouvrages  d'art 
(ponts,  viaducs,  tunnels,  etc.).  Les  fourneaux  isolés  que 
Ton  établit  pour  détruire  les  ouvrages  d'art  prennent  le 
nom  de  dispositifs  de  mines  permanents,  quand  ils  sont 
organisés  dès  le  temps  de  paix.  Quand  ils  ne  sont  pas  pré- 
parés à  l'avance,  on  est  obligé  de  créer  des  dispositifs  de 

circonstance  auxquels  on 
donne  le  nom  de  dispo- 
sitifs improvisés.  Les 
dispositifs  perma- 
nents consistent  en  puits 
ou  galeries  d'accès  et  en 
chambres  aux  poudres 
(fig.  4).  A  chaque  cham- 
bre correspond  un  puits 
ou  une  galerie  ;  quelque- 
fois deux  chambres  sont 
desservies  par  le  même 
puits.  L'orifice  des  puits 
est  ordinairement  fermée 
par  une  plaque  en  fonte 
placée  à  fleur  du  sol. 
Quand  on  veut  dissimuler 
l'emplacement  d'un  puits,  on  en  maçonne  la  partie  supé- 
rieure et  on  noie  cette  maçonnerie  dans  la  chaussée.  Dans 
ce  dernier  cas,  il  est  utile  de  repérer  exactement  la  position 
de  ce  puits.  Dans  les  dispositifs  permanents,  les  fourneaux 
sont  établis  dans  les  piles;  la  destruction  obtenue  est  ainsi 
plus  complète  et  la  réparation  est  rendue  plus  difficile.  Dans 
les  dispositifs  improvisés,  on  ne  peut  songer  à  aller  établir 
des  fourneaux  dans  les  piles  d'un  pont.  On  a  alors  recours  à 

un   procédé  plus  rapide  qui 

consiste  à  placer  des  four- 
neaux au  moyen  de  la  barre  à 
mine  à  0m40  environ  de  la 
paroi  intérieure  de  la  culée 
(fig.  2);  on  place  généralement 
deux  fourneaux,  un  à  chaque 
angle.  La  charge  de  chaque 
fourneau  se  calcule  au  moyen 
de  la  formule  C=gh3  en  pre- 
nant pour  h  la  distance  en 
mètres  du  centre  des  poudres 
au  parement  extérieur  du  mur. 
A  défaut  de  poudre  on  place 
des  charges  de  mélinite  au  contact  de  la  paroi  intérieure  et 
sur  toute  la  longueur.  Pour  cela  on  creuse  une  tranchée 
derrière  la  culée  ;  on  dispose  la  charge  au  fond  et  on 
bourre  avec  les  terres  extraites.  La  charge  de  mélinite 
par  mètre  courant  est  égale  à  C  =  4,25  E3.  C  = 
charge  en  kilogrammes,  E  =  épaisseur  du  mur  en  mètres. 
Pour  détruire  les  voûtés  d'un  pont,  on  creuse,  au-dessus 
de  la  clef  de  voûte,  une  tranchée  dans  laquelle  on  place 
200  kilogr.  de  poudre  qu'on  recouvre  de  matériaux  divers 
afin  de  constituer  un  bourrage  (Y.  ce  mot).  La  charge 
de  poudre  peut  être  remplacée  par  uns  charge  allongée 
de  mélinite  à  raison  de  7  kilogr.  par  mètre  courant. 

V.  Assistance  publique.  —  Fourneaux  économiques 
(V.  Bienfaisance,  t.  VI,  p.  764). 

VI.  Astronomie.—  Nom  d'une  constellation  australe 
formée  par  La  Caille  et  située  au  S.  de  la  Baleine  entre 
l'Eridan  et  l'Atelier  du  Sculpteur.  Elle  compte  quarante- 
huit  étoiles  dont  la  plus  .belle,  a,  est  de  troisième  grandeur. 
La  suivante,  p,  de  grandeur  4,5,  est  une  fondamentale 
dont  les  coordonnées  de  la  position  moyenne  pour  4893 
sont  d'après  la  Connaissance  des  temps  : 

iR  =  2h44m36s,78;P  =  422°  547  20",4 . 
FOURNEAU  (Alfred- Louis),  explorateur  français,  né  à 
Rambouillet  (Seine-et-Oise)  le  44  juin  4860.  Il  fit  partie 
de   la   troisième  expédition  de  Brazza  (oct.  4884).  Le 


Fig.  2. 


4er  janv.  4885,  il  fut  nommé  chef  de  station  à  Boôué 
(Haut-Ogoôué)  ;  au  mois  d'avr.  de  la  même  année,  il  devint 
chef  de  la  zone  du  Moyen-Ogoôué,  et  en  juii.  suivant, 
à  la  suite  de  la  mort  de  M.  de  Lastours,  il  occupa  le 
poste  de  chef  de  la  zone  du  Haut-Ogoôué.  Rentré  en 
France  en  1887,  il  repartit  pour  le  Gabon  en  4889  et  y 
remplit  plusieurs  missions.  La  principale  fut  l'exploration 
de  la  Haute-Sangha,  vers  le  lac  Tchad  (déc.  4890-juin  4891). 
Trahi  et  surpris  par  les  indigènes,  il  dut  soutenir  avec 
eux  une  lutte  de  plusieurs  jours.  Il  déploya  dans  cette 
affaire  une  grande  énergie  et  fit  preuve  d'un  rare  sang- 
froid,  sans  lesquels  il  eût  péri  lui  et  ses  hommes.  Revenu 
en  France,  il  repartit  pour  le  Congo  français  à  la  fin  de 
4892  et  fut  nommé,  en  janv.  4893,  administrateur  de 
première  classe  de  Loango  et  dépendances.     E.  Aldebert. 

FOURNEAUX.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  et  cant. 
de  Falaise  ;  483  hab. 

FOURNEAUX  (Fornel,  Fornellis).  Corn,  du  dép.  de 
la  Loire,  arr.  de  Roanne,  cant.  de  Saint-Symphorien-de- 
Lay;  2,650  hab.  Elle  faisait  autrefois  partie  du  Beaujo- 
lais et  était  possédée  par  la  famille  de  l'Aubépin.  Sur  son 
territoire  se  trouve  le  beau  château  de  l'Aubépin  qui  fut  la 
possession  des  de  Thélis,  des  de  Lorgue,  puis  des  Sainte- 
Colombe.  M.  D. 

FOURNEAUX.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Saint-Lô,  cant.  de  Tessy  ;  464  hab. 

FOURNEAUX  (Les).  Corn,  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de 
Saint- Jean-de-Maurienne,  cant.  de  Modane  ;  4,580  hab. 

FOURNEAUX  (Napoléon),  facteur  d'orgues,  né  à  Léard 
(Ardennes)  le  24  mai  4808,  mort  à  Aubanton  (Aisne)  le 
19  juill.  4846.  Il  donna  une  grande  extension  à  la  fabri- 
cation des  instruments  à  anches  libres,  et  eut  la  première 
idée  des  tables  de  répercussion  pour  augmenter  et  modifier 
la  sonorité  de  X harmonium  (V.  ce  mot). 

FOURNEL  (Jean-François) ,  jurisconsulte  français,  né 
à  Paris  en  4745,  mort  à  Paris  le  21  juil.  1820.  Il  fut 
avocat  à  Paris  en  4771  et  bâtonnier  de  Tordre  en  4816. 
Parmi  ses  œuvres,  on  doit  citer  :  Analyse  critique  du 
projet  du  Code  civil  (Paris,  4804,  in-8)  ;  Code  des  tran- 
sactions (Paris,  4797,  in-8);  Code  de  commerce  (Paris, 
1807,  in-8)  ;  Dictionnaire  raisonné,  ou  Exposition  des 
lois  concernant  les  transactions  entre  particuliers 
(Paris,  4798,  in-8)  ;  Formules  des  actes  et  opérations 
relatifs  aux  faillites,  cessions  et  réhabilitations  (Paris, 
4808,  in-8)  ;  Histoire  des  avocats  au  Parlement  et  du 
barreau  de  Paris,  depuis  saint  Louis  jusqu'au  15  oct. 
1790  (Paris,  1843,  2  vol.  in-8);  Histoire  du  barreau 
de  Paris  dans  le  cours  de  la  Révolution  (Paris,  4846, 
in-8);  Lois  rurales  de  la  France  (4819  ;  5e  éd.,  4823, 
2  vol.  in-12)  ;  Traité  de  la  contrainte  par  corps  (Paris, 
4798,  in-8;  4804,  in-42)  ;  Traité  de  Vadultère 
(Paris,  4778,  4783,  in-42);  Traité  de  la  séduction 
(Paris,  4784,  in-42);  Traité  des  injures,  de  Dareau, 
nouv.  éd.,  avec  des  augmentations  de  M.  Fournel  (Paris, 
4785,  2  vol.  in-42);  Traité  du  voisinage  (4799  ;  4e  éd., 
Paris,  4827,  2  vol.  in-8).  En  dehors  de  ses  œuvres  juri- 
diques, Fournel  a  écrit  :  Essai  sur  les  probabilités  du 
somnambulisme  magnétique  (Amsterdam  et  Paris,  4785, 
in-8)  ;  Etat  de  la  Gaule  au  ve  siècle,  extraits  des  Mé- 
moires d'Uribald  (Paris,  4805,  2  vol.  in-42).     G.  R. 

Bibl.  :  Gaudry.  Histoire  du  barreau  de  Paris,  1864,  t.  II, 
pp.  344,  502  et  503. 

FOURNEL  (Henri-Jérôme-Marie),  ingénieur  français, 
né  à  Paris  le  25  janv.  4799,  mort  à  Rlois  le  22  juil.  4876. 
Sorti  de  l'Ecole  polytechnique  en  4849,  il  entra  à  l'Ecole 
des  mines,  devint  ingénieur  ordinaire  en  1825,  ingénieur 
en  chef  en  4844,  inspecteur  général  en  4859,  et  fut  mis 
à  la  retraite  en  4864.  De  4*843  à  4847,  il  effectua  en 
Algérie,  pour  le  compte  du  ministère  de  la  guerre,  une 
série  d'explorations  géologiques  et  écrivit  à  son  retour 
plusieurs  ouvrages  intéressants  sur  notre  nouvelle  colonie  : 
Richesse  minérale  de  l'Algérie  (Paris,  4850,  in-4); 
Alger,  coup  oVœil  historique  sur  la  piraterie  jusqu'au 


FOURNEL  —  FOURNIE 


—  922 


xve  siècle  (Paris,  1854,  in-8);  les  Berbers  (Paris,  1875- 
81,  2  vol.  in-4),  etc.  Il  fut,  d'autre  part,  l'un  des  plus 
fervents  propagateurs  du  saint-simonisme  et  donna  sous 
le  titre  de  Bibliographie  saint-simonie?ine  (Paris,  1833, 
in-8)  une  nomenclature  méthodique  des  écrits  publiés  par 
le  maître  et  ses  disciples  de  1802  à  1832.  On  a  encore  de 
lui  :  Etudes  des  gîtes  houillers  et  métallifères  du  Bocage 
vendéen  (Paris,  1836,  in-4  et  atlas);  Coup  d'œil  his- 
torique et  statistique  sur  le  Texas  (Paris,  1841,  in-8); 
Mémoires  sur  les  canaux  souterrains  et  sur  les  houil- 
lères de  Worsley  (Paris,  1842,  in-4),  etc.         L.  S. 

FOURNEL  (François-Victor),  littérateur  français,  né  à 
Cheppey,  près  de  Varennes  (Haute-Marne)  le  8  févr.  1829. 
Il  se  destina  d'abord  à  l'enseignement  et  se  fit  recevoir 
licencié  es  lettres.  Le  journalisme  le  prit  vers  1854;  ses 
premiers  articles  parurent  à  cette  époque  dans  la  Revue  de 
Paris.  Il  collabora  depuis  à  un  grand  nombre  de  pério- 
diques tels  que  YAthenœum,  l'Illustration,  le  Journal 
pour  tous,  ï Artiste,  le  Musée  des  familles,  la  Liberté,  le 
Parti  national,  etc.  On  doit  à  M.  Fournel  plusieurs  mono- 
graphies intéressantes,  parmi  lesquelles  nous  citerons  : 
Ce  qu'on  voit  dans  les  rues  de  Paris  (1856,  in-18)  ; 
Du  Rôle  des  coups  de  bâton  dans  les  relations  sociales 
et  en  particulier  dans  V histoire  littéraire  (1859,  in-1 8)  ; 
la  Littérature  indépendante  (1863,  in-18)  ;  le  Dane- 
mark en  1867  (1868,  in-8)  ;  Paris  et  ses  ruines  en 
mai  \871  (1874,  in-fol.)  ;  les  Rues  du  vieux  Paris 
(1879,  in-8)  ;  les  Contemporains  de  Molière  (1863-1876, 
4  vol.  in-8)  ;  les  Vacances  d'un  journaliste  (1876,  in-18)  ; 
les  Promenades  d'un  touriste  (1877,  in-18)  ;  Voyages 
hors  de  ma  chambre  (1878,  in-18)  ;  Figures  d'hier  et 
d'aujourd'hui  (1883,  in-18);  AuxPays  dusoleil  (1883, 
in-8)  ;  De  Malherbe  à  Bossuet  (1884,  m- 18)  ;  le  Vieux 
Paris  (1886,  gr.  in-8)  ;  les  Cris  de  Paris  (1886,  in-18)  ; 
De  J.-B.  Rousseau  à  André  Chénier  (1886,  in-18); 
l'Evénement  de  Varennes  (1890,  in-18);  les  Hommes 
du  14 juillet  (1890,  in-18),  etc.  M.  Fournel  a  publié  en 
outre  quelques  œuvres  d'imagination  :  l'Ancêtre  (1881, 
in-18)  ;  la  Confession  d'un  père  (1889,  in-18),  couronné 
par  l'Académie  française  ;  Maman  Capitaine  (1889, 
in-18),  etc.  Il  a  aussi  réédité  le  Roman  comique  et 
le  Virgile  travesti  de  Scarron,  ainsi  que  de  Petites 
Comédies  rares  et  curieuses  du  xviie  siècle  (1884, 
2  vol.  in-18).  Ch.  Le  G. 

FOURNELS.  Ch.-I.  de  cant.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr. 
de  Marvejols  ;  532  hab. 

FOURNEREAU  (Michel -Louis -Lucien),  architecte  et 
explorateur  français,  né  à  Paris  le  1 5  mai  1846.  Sa  première 
mission  officielle  date  de  l'année  1887  où  il  fut  chargé  par 
le  ministère  de  l'instruction  publique  d'explorer  le  Maroni 
(Guyane  française).  Depuis  l'année  1887,  M.  Fournereau 
remplit  diverses  missions  archéologiques  dans  l'Indo-Ghine, 
notamment  dans  le  Cambodge  et  dans  le  Siam  (1887-1888, 
1891-1892),  et  fut  assez  heureux  de  pouvoir  recueillir  et 
reconstituer  les  monuments  si  intéressants  de  l'art  khmer. 
Des  rapports  sur  ses  missions  ont  paru  dans  les  Archives 
des  missions  scientifiques  et  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  de  géographie. 

FOURNES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcas- 
sonne,  cant.  de  Mas-Cabardès  ;  161  hab. 

FOURNÈS.  Corn,  du  dép.  du  Gard,  arr.  d'Uzès,  cant. 
de  Remoulins  ;  503  hab. 

FOURNES-en-Weppes.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de 
Lille,  cant.  de  La  Bassée;  1,839  hab. 

FOURNET  (Le).  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de 
Pont-1'Evêque,  cant.  de  Cambremer  ;  82  hab. 

FOURNET-Blâncheroche.  Corn,  du  dép.  du  Doubs, 
arr.  de  Montbéliard,  cant.  de  Maîche  ;  662  hab. 

FOURNET  (Joseph- Jean-Baptiste-Xavier),  géologue  et 
météorologiste  français,  né  à  Strasbourg  le  15  mai  1801, 
mort  à  Lyon  le  8  janv.  1869.  Elève  libre  de  l'Ecole  des  mines 
de  Paris  (1822-25),  il  dirigea  à  sa  sortie  l'exploitation  des 
mines  de  Katzenthal  (Haut-Rhin),  puis  de  Pontgibaud  (Puy- 


de-Dôme),  passa  dans  le  courant  du  même  mois  de  mai  1833 
ses  examens  de  bachelier  es  lettres,  de  bachelier,  licencié 
et  docteur  es  sciences,  fut  nommé  l'année  suivante  profes- 
seur de  géologie  à  la  faculté  de  Lyon  et  devint  en  1853 
correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Ses 
remarquables  travaux  ont  plus  spécialement  porté  sur  la 
kaolinisation,  sur  l'ordre  de  sulfurabilité  des  métaux  {loi 
de  Fournet),  sur  la  formation  des  filons  métallifères,  sur 
le  métamorphisme  des  roches,  sur  la  distribution  des  ter- 
rains houillers  en  France,  sur  la  géologie  générale  des 
Alpes,  des  Vosges  et  de  la  région  lyonnaise,  sur  le  traite- 
ment des  minerais  de  plomb,  etc.  Il  s'est  aussi  occupé  de 
météorologie  et  a  organisé  un  système  d'observations  pour 
l'annonce  des  grandes  crues  du  Rhône.  Enfin,  il  a  doté 
Lyon  d'une  abondante  quantité  d'eau  prise  dans  le  Rhône 
souterrain.  Les  Annales  des  mines,  les  Annales  de  chi- 
mie, les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences 
de  Paris,  le  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France, 
les  Annales  de  la  Société  d'agriculture  de  Lyon,  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  de  Lyon  contien- 
nent 250  notes  et  mémoires,  dont  60  de  météorologie,  publiés 
de  1826  à  1868  par  ce  savant.  Il  a  en  outre  fait  paraître 
à  part  :  Etudes  sur  les  gîtes  métallifères  (Lyon,  1834, 
in-8)  ;  De  l'Extension  des  terrains  houillers  (Lyon, 
1855,  in-8);  Géologie  lyonnaise  (Lyon,  1862,  in-8); 
Du  Mineur,  son  rôle  et  son  influence  sur  les  progrès  de 
la  civilisation  (Lyon,  1862,  in-8).         Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  Caillaux,  Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  J. 
Fournet,  dans  le  Bulletin  de  la  Soc.  géol.  de  Lyon;  Paris, 
1870,  t.  XXVII  p.  521,  in-8.  —  V.  la  liste  des  mémoires  et 
notes  dus  à  Fournet  dans  le  Catalogue  of  scientiflc  papers 
ofthe  Royal  Society;  Londres,  1868  et  1877,  t.  II  et  VII. 

FOURNEVILLE.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de 
Pont-FEvêque,  cant.  de  Honfleur,  auprès  de  la  forêt  de 
Touques  ;  346  hab.  Eglise  du  xme  siècle.  Ancien  château 
du  xvie  siècle,  malheureusement  défiguré  par  des  remanie- 
ments modernes. 

FOURNEYRON  (Benoît),  ingénieur  et  homme  politique 
français,  né  à  Saint-Etienne  le  31  août  1802,  mort  à  Paris 
le  8  juif.  1867.  Elève  de  l'Ecole  des  mineurs  de  sa  ville 
natale,  il  suppléa  à  seize  aus  un  professeur  de  mathéma- 
tiques de  cet  établissement,  en  sortit  en  1819,  fut  attaché 
la  même  année  aux  mines  du  Creusot  et  s'acquit  bientôt 
une  grande  réputation  par  de  remarquables  travaux  de 
mécanique  et  de  métallurgie.  En  1834,  il  inventa  la  tur- 
bine (V.  ce  mot)  qui  porte  son  nom  ;  l'Académie  des 
sciences  le  récompensa  par  un  prix  de  6,000  fr.  (1836). 
Ses  études  sur  l'établissement  des  forges  d'Alais,  son  avant- 
projet  de  chemin  de  fer  de  Saint-Etienne  à  la  Loire,  ses 
expériences  sur  l'emploi  de  la  vapeur  d'eau  pour  l'extinc- 
tion des  incendies  méritent  aussi  d'être  cités.  Durant  les 
dernières  années  du  règne  de  Louis-Philippe,  il  fut  l'un 
des  membres  les  plus  en  vue  de  l'opposition  et,  en  1848, 
le  dép.  de  la  Loire  l'envoya  à  l'Assemblée  constituante 
par  41,833  suffrages;  mais  il  vota  presque  tout  de  suite 
avec  la  droite  et  ne  fut  pas  réélu.  Outre  quelques  mé- 
moires dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'encouragement 
(1834)  et  dans  les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences  de  Paris  (1836  à  1 843) ,  il  a  publié  :  Mémoire 
sur  les  turbines  hydrauliques  et  sur  leur  application 
(Liège,  1841,  in-8)  ;  Table  pour  les  calculs  des  formules 
relatives  au  mouvement  des  eaux  dans  les  tuyaux  de 
conduite  (Paris,  1844,  in-8).  L.  S. 

Bibl.  :  Analyse  des  travaux  de  B.  Fourneyron  ;  Paris, 
1843,  in-4. 

FOURNIE  (Victor),  ingénieur  français,  né  à  Paris  le 
18  juil.  1837.  Il  appartient  au  corps  des  ponts  et  chaus- 
sées, où  il  est  inspecteur  général.  Attaché  au  ministère  de 
la  marine,  pour  l'inspection  et  la  direction  des  travaux 
publics  des  colonies,  M.  Fournie  occupe  une  place  à  part 
dans  son  corps.  Toujours  prêt  à  partir  pour  tous  les  points 
du  globe,  il  est  de  ceux  dont  l'activité  physique  ne  le  cède 
en  rien  à  l'activité  intellectuelle  ;  il  a  été  ingénieur  au 
Brésil  (Pernambuco)  et  s'y  est  fait  remarquer  par  de  beaux 


923  — 


FOURNIE  —  FOURNIER 


projets  de  ports  maritimes.  En  France,  M.  Fournie  a 
commencé  sa  carrière  par  les  travaux  ordinaires  des  ponts 
et  chaussées,  puis  par  les  travaux  neufs  de  chemins  de 
fer  (Cie  de  l'Ouest)  ;  il  est  connu  par  des  travaux  inté- 
ressants sur  la  météorologie,  par  la  traduction  du  Traité 
de  la  stabilité  des  constructions  de  l'Allemand  Schef- 
fler,  par  un  Résumé  des  expériences  hydrauliques  faites 
sur  le  Mississippi,  et  par  un  mémoire  sur  le  port  de  Per- 
narnbuco,  etc.  M.-C.  L. 

FOURNIER  (Ornith.).Le  genre  Fournier  (Furnarius 
Vieillot)  appartient  à  la  famille  des  Dendrocolaptidés 
(V.  ce  mot)  et  renferme  une  douzaine  d'espèces  de  Passe- 
reaux américains,  de  petite  taille,  à  livrée  brune,  rousse 
et  blanche.  L'espèce  la  plus  connue  de  ce  groupe  est  le 
Fournier  roux  (Furnarius  rufus  Gm.)  qui  habite  le  Pa- 


Fournier  roux. 

raguay,  l'Uruguay  et  la  République  Argentine,  et  qui,  à 
l'âge  adulte,  a  les  parties  supérieures  du  corps  d'un  gris 
brun  terreux,  passant  au  roux  sur  la  tête  et  la  queue,  et 
les  parties  inférieures  d'un  gris  blanchâtre,  passant  au 
blanc  pur  sur  la  gorge  et  le  milieu  du  ventre  et  nuancé 
de  roux  cannelle  sur  les  flancs.  Son  bec  est  presque  droit 
et  comprimé  latéralement,  sa  queue  courte  et  formée  de 
pennes  molles  ;  ses  ailes  sont  obtuses,  ses  pattes  hautes  et 
terminées  par  des  doigts  robustes. 

Les  Fourniers  vivent  isolés  ou  par  couples  dans  les  plaines 
et  les  endroits  découverts,  souvent  même  dans  le  voisinage 
immédiat  des  habitations,  car  ils  sont  d'un  naturel  peu  farou- 
che. Ils  sautillent  autour  des  buissons  en  faisant  entendre  un 
cri  monotone  et  volent  assez  mal.  Leurs  nids,  placés  sur  des 


Nid  de  Fournier  roux. 

arbres,  sur  des  palissades  ou  dans  l'angle  d'un  mur,  sont 
extrêmement  remarquables.  Ils  sont  bâtis  avec  de  l'argile  et 
affectent  la  forme  d'une  sphère  creuse  de  30  centim.  de  dia- 
mètre, plus  ou  moins  régulière  et  percée  latéralement  d'une 
ouverture.  Une  cloison,  partant  de  l'entrée,  divise  l'intérieur 
en  deux  compartiments,  et  dans  l'étage  inférieur,  la  femelle 
dépose,  sur  un  lit  de  feuilles  et  de  plumes,  ses  œufs  d'un 


blanc  piqueté  de  roux.  Cette  construction  bizarre  est 
l'œuvre  du  mâle  et  de  la  femelle  qui  la  terminent  en  deux 
ou  trois  jours.  E.  Oustalet. 

Bibl.  :  D'Orbigny,  Voy.  dans  l'Amérique  méridionale, 
Oiseaux,  p.  250.— Darwin,  Voy.  du  Beagle,  Zoologie,  t.  111, 
Oiseaux,  p.  37.  —  Ph.-L.  Sclater,  Cal.  B.  Brit.  Mus.,  1890, 
t.  XV,  p.  11. 

FOURNIER  (Les),  architectes  français  de  la  fin  du 
xvie  siècle.  Plusieurs  maîtres  d'œuvre  portant  le  nonide 
Fournier  ont  travaillé,  du  xve  au  xvne  siècle,  dans  diffé- 
rentes villes  du  nord  de  la  France,  mais  les  plus  connus 
sont  Florent  Fournier,  Louis  Fournier  et  Isaïe  Fournier, 
—  Florent  Fournier,  juré  du  roi  es  office  de  maçonnerie 
vers  la  fin  du  xvie  siècle,  prit  part  aux  adjudications  des 
travaux  du  Pont-Neuf  en  4578  et  des  travaux  du  Louvre 
en  4582,  puis  fut  chargé,  en  4584,  par  la  ville  de  Paris, 
d'expertiser  des  travaux  exécutés  par  Claude  Yellefaux  et 
Robert  Marquelet  ;  il  fit  travailler,  en  4593,  aux  fortifica- 
tions de  la  ville  de  Melun.  —  Louis  Fournier,  probable- 
ment fils  du  précédent,  fut,  lui  aussi,  expert  jure  es  office 
de  maçonnerie  du  roi  et  expert  juré  de  la  ville  de  Paris,  et 
fut,  à  ce  titre,  chargé  de  diverses  expertises  de  4595  a 
4645  ;  de  plus,  il  fit  exécuter  des  travaux  de  construction 
au  Louvre  avec  Jehan  Coing,  mais  sous  la  haute  direction 
de  Louis  Metezeau  (V.  ce  nom),  superintendant  des  bâti- 
ments du  roi.  —  Isaïe  Fournier,  architecte^  dessinateur 
et  graveur,  fut  architecte  des  bâtiments  du  roi  et  travailla 
également  aux  bâtiments  du  Louvre  ;  comme  dessinateur, 
on  lui  doit  les  portraits  de  Henri IV  et  de  Marie  de  Me- 
dicis,  qui  furent  gravés  par  Thomas  de  Leu,  et,  comme 
graveur,  il  exécuta  à  l'eau-forte  plusieurs  sujets  historiques. 

FOURNIER  (Marcellin),  jésuite  et  historien  dauphinois, 
né  à-Tournon  (Ardèche)  en  4594,  mort  à  Bourg  (Ain)  en 
'1650.  Entré  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  le  27  sept.  4644, 
à  Avignon,  il  enseigna  successivement  dans  les  collèges  de 
Roanne,  d'Embrun,  de  Lyon  et  de  Chambéry,  où  il  prononça 
ses  derniers  vœux  en  4632.  Depuis  lors,  il  changea  presque 
chaque  année  de  résidence  et  d'emploi  ;  tour  à  tour  prélet 
des  études,  prédicateur,  missionnaire,  catéchiste,  à  Cham- 
béry, Montélimar,  Nîmes,  Fréjus,  Grenoble,  Embrun,  Riez, 
Pignerol,  Carpentras,  et  enfin  à  Bourg,  où  la  mort  seule 
le  fixa.  En  dépit  de  ses  pérégrinations,  il  trouva  le  temps 
de  consacrer  cinq  années  à  la  préparation  d'une  volumineuse 
et  indigeste  Histoire  générale  des  Alpes  maritimes...  et 
de  leur  métropolitaine  Ambrun,  qui  n'a  été  imprimée 
qu'en  4890  par  les  soins  de  M.  l'abbé  Paul  Guillaume, 
archiviste  des  Hautes-Alpes.  Sur  le  conseil  de  l'historien 
Chorier,  Fournier  en  fit  en  4  645  un  abrégé  latin  intitulé 
Annales  ecclesiastici  sanctœ  metropolitanœ  ecclesiœ 
Ebredunensis,  dont  le  manuscrit  original  est  à  Carpentras. 
Il  en  existe  deux  copies  :  l'une  à  la  Bibliothèque  nationale 
(ms.  lat.  9423)  et  l'autre  au  petit  séminaire  d'Embrun. 

Bibl.  :  A.  Rochas,  Biogr.  du  Dauphiné  ;  Paris,  1856,  t.  I, 
p.  398,  in-8.  —  Ad.  Fabre,  Recherches  historiques  sur  les 
pèlerinages  des  rois  de  France  a  N.-D.  d'Embrun,  précé- 
dées d'une  notice  sur  Marcellin  Fournier;  Grenoble  et 
Paris,  1860,  in-8.  —  DEBACKERet  Sommervogel,  Bibl.des 
écrivains  de  la  Comp.  de  Jésus;  Louvain,  1869-73,  t.  I, 
col.  1922-23,  et  t.  III,  col.  2815,in-fol. 

FOURNIER  (Pierre-Simon),  dit  le  Jeune,  célèbre  fon- 
deur en  caractères  et  typographe  français,  né  à  Paris  le 
45  sept.  4742,  mort  à  Paris  le  8  oct.  4768. Fils  de  Jean- 
Claude,  directeur  de  la  fonderie  Le  Bé,  il  s'adonna  dès  son 
jeune  âge  à  la  gravure  de  caractères,  et,  en  moins  de  trente 
ans,  il  forma  une  fonderie,  entièrement  l'ouvrage  de  ses 
mains,  ce  qui  ne  s'était  jamais  vu.  Ses  italiques,  ses  notes 
de  musique  et  de  plain-chant,  ses  lettres  ornées,  fleu- 
rons, etc. ,  lui  acquirent  une  grande  célébrité.  Il  régularisa 
les  rapports  de  proportion  entre  les  caractères  (4737)  et 
publia  de  nombreux  ouvrages,  entre  autres  :  De  V  Origine 
et  des  productions  de  V imprimerie  primitive  en  taille 
de  bois  (4759,  in-8),  où  il  a  décrit  comme  xylographiques 
certains  livres  anciens  imprimés  en  caractères  mobiles  : 
Traité  hist.  et  ait.  sur  V origine  et  les  progresses 
caractères  de  fonte  pour  Vimpression  de  la  musique 


FOURNIER 


—  924 


(1765,  in-4)  ;  et  surtoutun  Manuel  typographique (1764- 
1766,  2  vol.  in-8),  qui  fut  le  premier  livre  en  ce  genre  et 
demeura  longtemps  classique.  G.  P-i. 

FOURNIER  (Joseph-Augustin  de)  (V.  Aultanne  [Mar- 
quis d']). 

FOURNIER  (Jean-Louis,  chevalier),  général  français, 
né  à  Melle,  en  Poitou,  le  2  juil.  1774,  mort  à  Versailles 
le  11  oct.  4847.  Entré  au  service  en  4792,  il  fut  promu 
le  jour  même  sous-lieutenant.  Arrivé  par  de  brillants  ser- 
vices au  grade  de  colonel,  le  16janv.  4813,  il  fut  nommé 
au  142e  de  ligne,  fit  en  cette  qualité  la  campagne  de  Saxe, 
se  distingua  à  la  bataille  de  Lutzen  (2  mai)  et  enleva  sur 
le  soir  le  village  de  Kaya.  Son  régiment  perdit  à  cette 
affaire  46  officiers  et  900  hommes.  Nommé  général  de  bri- 
gade le  30  août  1813,  il  fut  employé  au  3e  corps  de  la 
grande  armée,  pour  commander  la  première  brigade  de  la 
division  Brayer,  à  Leipzig.  Fournier  se  distingua  de  nou- 
veau, en  1814,  à  Champaubert,  à  Montmirail,  au  combat 
de  Marchais,  où  il  enleva  le  village  à  la  baïonnette.  Blessé 
au  combat  de  Romainville,  sous  Paris,  il  remit  son  com- 
mandement et  ne  put  prendre  part  à  la  fin  delà  campagne. 
FOURNIER  (Henri),  imprimeur  et  libraire  français,  né 
à  Rochecorbon,  près  de  Tours,  le  19  nov.  1800,  mort  à 
Tours  le  8  mars  1 888. 11  apprit  la  typographie  dans  la  maison 
Firmin  Didot  (4818-1824)  et  fonda  ensuite,  avec  Tasche- 
reau,  une  imprimerie  qui  devint  rapidement  florissante  et 
qu'il  céda,  en  4846,  à  son  prote,  Jules  Claye  (V.  ce  nom). 
Plusieurs  de  ses  éditions  de  classiques  français,  entre  autres 
les  Fables  de  La  Fontaine,  illustrées  par  Granville,  eurent 
du  succès.  Dans  la  seconde  partie  de  sa  carrière,  Fournier 
a  dirigé  les  grandes  publications  de  la  maison  Marne,  à  Tours. 
Il  est  l'auteur  d'un  très  bon  Traité  de  typographie  (Tours, 
4825  ;  3e  éd.,  Paris,  4870,  in-48).  G.  P-i. 

FOURNIER  (Louis-Pierre -Narcisse),  auteur  dramatique 
français,  né  à  Paris  le  24  déc.  4803,  mort  à  Paris  le 
24  avr.  4880.  On  a  de  cet  auteur  un  grand  nombre  de 
pièces  de  théâtre  (comédies  et  vaudevilles  surtout)  qui  presque 
toutes  ont  été  jouées  sur  la  scène  du  Gymnase  de  4  842  à 
4864.  Citons  :  Une  Présentation  (Paris,  4836,  in-8),  co- 
médie en  collaboration  avec  A.  François,  la  Femme  qu'on 
n'aime  plus (\%S§,  in-8),  comédie-vaudeville;  les  Merlu- 
chons  (1840,  in-8),  en  collaboration  avec  Théaulon  et  Sté- 
phen  ;  la  Fête  des  fous  (1844,  in-8),  drame,  avec  Ar- 
nould;  Céline  (1842,  in-8),  Mlle de  Bois-RobeH  (4843, 
in-8),  Dame  et  Grisette  (4845,  in-8),  comédies;  les 
Amoureux  de  ma  femme  (4854,  in-12)  ,  avec  Lau- 
rencin  ;  le  Mal  de  la  peur  (1856,  in-12),  avec  H.  Meyer  ; 
la  Fille  de  Dancourt  (4864,  in-42),  avec  H.  Bonhomme  ; 
Mlle  Sylvia  (4868,  in-12),  opéra-comique,  musique  de 
S.  David,  etc.  En  dehors  du  théâtre ,  Fournier  a  écrit  : 
Struenséeou  la  Reine  et  le  favori  (Paris,  4833;  2  vol. 
in-8);  Alexis  Petrowitch  (4835,2  vol.  in-8);  A  la  Belle 
Etoile  (4838,  2  vol.  in-8),  romans,  en  collaboration  avec 
Aug.  Arnould  ;  Histoire  d'un  espion  politique  sous  la 
Restauration,  le  Consulat  et  l'Empire  (4846,  in-8). 

FOURNIER  (Marc-Jean-Louis),  dit  Marc-Fournier, 
auteur  dramatique  français,  né  à  Genève  en  4848,  mort  à 
Saint-Mandé  le  5  janv.  4879.  Dès  4838  il  collaborait  à  diffé- 
rents journaux  de  Paris,  le  National,le  Globe,\e  Figaro, 
entre  autres,  donnait  de  bonnes  critiques  littéraires  dans 
Y  Artiste  et  écrivait  des  nouvelles  et  des  romans  qui,  sous 
forme  de  feuilletons,  obtinrent  de  grands  succès.  En  4  847, 
il  faisait  partie  de  la  rédaction  de  la  Presse;  en  1848,  il 
entrait  à  la  Liberté.  Peu  à  peu,  il  abandonna  le  journa- 
lisme pour  le  théâtre  et  il  dirigea  la  Porte-Saint-Martin  de 
1851  à  1868.  Il  y  perdit  beaucoup  d'argent.  Citons  de  lui  : 
Piussie,  Allemagne  et  France,  révélations  sur  la  poli- 
tique russe,  d'après  les  notes  d'un  vieux  diplomate 
(Paris,  1844,  in-8)  ;  Madame  de  Tendu  (1847,  2  vol. 
in-8),  roman  écrit  en  collaboration  avec  Eug.  de  Mirecourt  ; 
les  Aventures  d'un  comédien  (1875,  in-18)  ;  le  Monde 
et  la  Comédie  (1881,  in-12).  Parmi  ses  pièces  de  théâtre, 
presque  toutes  jouées  à  la  Gaîté,  au  Gymnase  et  surtout  à 


la  Porte-Saint-Martin,  on  peut  mentionner  :  les  Libertins 
de  Genève  (1848,  in-8),  drame  en  cinq  actes  ;  la  Danse 
des  écus  (1849,  in-42),  vaudeville  en  collaboration  avec 
H.  de  Kock  ;  les  Nuits  de  la  Seine  (1852,  in-42),  mélo- 
drame ;  la  Bête  du  bon  Dieu  (4854,  in-12),  drame,  avec 
Adrien  DppoiiitpIIp 

FOURNIER  (M™5  Marc-)  (V.  Baron  [Delphine]). 

FOURNIER  (Edouard), littérateur  français, né  à  Orléans 
le  15  juin  1819,  mort  le  10  mai  4880.  On  lui  doit  un 
grand  nombre  de  travaux  d'érudition  parmi  lesquels  on 
peut  citer  :  la  Musique  chez  le  peuple  ou  l'Opéra  natio- 
nal, son  passé  et  son  avenir  (4847,  in-42);  Histoire 
des  hôtelleries  et  des  cabarets,  en  collaboration  avec 
Fr.  Michel  (4850,  2  gr.  in-8)  ;  Histoire  de  l'imprimerie 
et  de  la  librairie,  insérée  dans  le  Livre  d'or  des  mé- 
tiers (4854,  in-48);  les  Lanternes,  histoire  de  l'an- 
cien éclairage  de  Paris  (4854,  in-42);  l'Esprit  des 
autres  (\8§€)  ;  l'Esprit  dans  l'histoire  (1856)  ;  le  Vieux 
Neuf (18§9,  2  vol.  in-42);  Enigmes  des  rues  de  Paris 
(1 866,  in-42)  ;  Histoire  du  Pont-Neuf  (1861 , 2  vol.  in-12)  ; 
le  Jeu  de  Paume,  son  histoire  et  sa  description,  etc. 
(1862,  in-4);  le  Roman  de  Molière  (1863,  in-42);  la 
Comédie  de  La  Bruyère  (1866,  2  vol.  in-48);-  Histoire 
de  la  Butte  des  Moulins  (4877,  in-48);  Souvenirs 
poétiques  de  l'Ecole  romantique  (4880,  in-42);  Etudes 
sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Molière  (1884,  in-48);  His- 
toire des  enseignes  de  Paris  (4884,  in-8),  etc.  Edouard 
Fournier  publia  aussi  plusieurs  rééditions  d'écrivains  du 
xvne  et  du  xvme  siècle  :  Furetière,  La  Fontaine,  Scarron, 
Regnard,  Marivaux,  Beaumarchais,  Picard,  etc.;  un  choix 
de  comédies  antérieures  à  Molière  sous  le  titre  de  le 
Théâtre  français  au  xvi°  et  au  xvn°  siècle;  les  Lettres 
inédites  de  la  marquise  de  Créqui,  etc.  Il  collaborait 
à  différents  périodiques,  entre  autres  à  la  Patrie  qui  lui 
avait  confié  son  feuilleton  dramatique  et  littéraire.  Lui- 
même  avait  dirigé  de  4853  à  4855  le  journal  le  Théâtre. 
Il  était  l'auteur  de  différents  petits  actes  en  vers  :  Chris- 
tian et  Marguerite,  avec  Pol  Mercier  (Théâtre-Français, 
4854)  ;  le  Roman  du  village,  avec  le  même  (Odéon, 4 863); 
Corneille  à  la  butte  Saint-Pxoch  (Théâtre-Français, 
4862);  la  Fille  de  Molière  (Odéon,  1863)  ;  Racine  a 
Uzès  (Vaudeville,  1864);  la  Farce  de  Maître  Pathelin 
(Théâtre-Français,  1872);  la  Fille  de  Virgile;  la  Valise 
de  Molière,  etc.  Citons  enfin  Gutenberg,  drame  en  cinq 
actes,  en  vers  (Odéon,  1868)  ;  les  Deux  Epagneuls,  opéra- 
comique  (Néothermes,  1854);  le  Chapeau  du  roi,  opéra- 
comique  (Théâtre  Lyrique,  1856)  ;  la  Charmeuse,  opérette 
(Bouffes,  1858).  Ch.  Le  G. 

FOURNIER  (Hugues-Marie-Henri),  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  29  juil.  1824 .  Attaché  aux  archives 
des  affaires  étrangères  (4844),  puis  à  la  légation  de  Karls- 
ruhe  (1848),  il  devint  secrétaire  d'ambassade  à  Saint-Pé- 
tersbourg (4 854 ), puis  à  Hanovre  (1852),  à  La  Haye (1854), 
à  Francfort-sur-le-Main  (1857),  à  Madrid  (1857),  et  de 
nouveau  à  Saint-Pétersbourg  (1859).  Le  17  oct.  1862,  il 
fut  promu  ministre  plénipotentiaire  à  Stockholm,  et  à  Rome 
le  26  févr.  1872.  Il  eut  des  démêlés  retentissants  avec  M.  de 
Bourgoing,  notre  ambassadeur  près  le  saint-siège,  et  le  con- 
traignit à  renoncer  à  l'entrevue  solennelle  que  ce  diplomate 
avait  ménagée  entre  le  pape  et  les  officiers  de  letat-major 
de  VOrénoque,^  mouillé  à  Civita  Vecchia  (1873).  M.  de 
Bourgoing  démissionna  et  fut  remplacé  par  M.  de  Corcelles. 
Quant  à  M.  Fournier,  il  conserva  ses  fonctions  auprès  du 
roi  d'Italie  sur  les  instances  pressantes  du  cabinet  de  Bro- 
glie  jusqu'au  4  déc.  1873,  date  à  laquelle  il  réclama  sa  mise 
en  disponibilité.  Le  30  janv.  1876,  il  se  présenta  sans  suc- 
cès aux  élections  sénatoriales  dans  le  dép.  d'Indre-et-Loire, 
qui  le  nomma  sénateur  le  5  janv.  1879.11  siégea  au  centre 
gauche  et  ne  se  représenta  pas  aux  élections  du  5  janv.  1888. 
Il  avait  repris  du  service  dans  la  diplomatie  le  31  déc. 
1877  comme  ambassadeur  à  Constantinople,  et  il  remplit 
très  habilement  ces  fonctions  pendant  la  guerre  turco-russe 
et  la  période  d'exécution  du  traité  de  Berlin. 


—  925  — 


FOURNIER 


FOURNIER  (Pierre-Jean),  administrateur  français,  né 
le  29  oct.  1828.  Aide-commissaire  de  la  marine  (4851), 
il  fut  promu  commissaire  le  20  juin  1872.  Il  exerça  ensuite 
les  fonctions  de  directeur  général  de  la  comptabilité  au  mi- 
nistère de  la  marine  et  devint  trésorier  général  de  réta- 
blissement des  invalides  de  la  marine.  Il  est  l'auteur  d'un 
ouvrage  excellent  :  Traité  d'administration  de  la  ma- 
rine (Paris,  1885-1887,  3  vol.  gr.  in-8). 

FOU RN I ER  (Antoine-Henry),  homme  politique  français, 
né  à  Bourges  le  1er  sept.  1830.  Avocat  à  Bourges,  il  fut 
élu  représentant  du  Cher  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr. 
1871  et  siégea  au  centre  droit.  Elu  sénateur  du  Cher  le 
30  janv.  1 876,  il  combattit  les  divers  cabinets  républicains 
et  appuya  le  gouvernement  du  16  mai.  Au  renouvellement 
triennal  du  25  janv.  1885,  il  ne  fut  pas  réélu  et  fut  même 
exclu  du  conseil  général  où  il  représentait  le  cant.  deLevet 
depuis  1  869. 

FOURNIER  (Jean- Alfred),  médecin  français  contempo- 
rain, né  à  Paris  le  10  juin  1832.  Il  a  fait  d'excellentes 
études  classiques  et  a  obtenu  plusieurs  prix  au  concours 
général.  Successivement  interne  des  hôpitaux  de  la  pro- 
motion de  1854,  docteur  en  médecine  en  1860,  médecin 
des  hôpitaux  en  1863,  et  agrégé  de  la  faculté  la  même 
année,  médecin  de  l'hôpital  de  Lourcine  dès  1863,  il  inau- 
gura dans  cet  hôpital,  en  1869,  une  série  de  conférences 
sur  les  maladies  syphilitiques  qui  eurent  un  grand  et  légi- 
time succès.  Aussi,  en  1870,  il  fut  chargé  d'un  cours 
complémentaire.  M.  Fournier  est  passé  à  l'hôpital  Saint- 
Louis  en  1876  et  il  a  été  nommé,  en  1880,  professeur  de 
clinique  de  la  faculté,  pour  les  maladies  cutanées  et  syphi- 
litiques. Il  est  membre  de  l'Académie  de  médecine  (1879). 
Elève  de  Ricord,  clinicien  observateur  et  prudent,  profes- 
seur disert,  il  a  fait  connaître  vd'une  manière  complète  l'in- 
fluence et  le  retentissement  de  la  syphilis  sur  l'organisme 
des  malades,  autant  que  sur  leur  descendance,  et  ses  leçons, 
la  plupart  d'une  grande  originalité,  ont  été  réunies  sous 
les  titres  ci-après  :  Leçons  sur  la  syphilis,  étudiée  plus 
particulièrement  chez  la  femme (1873;  2e  éd.,  1881); 
Des  Glossites  tertiaires  (1877);  la  Syphilis  du  cerveau 
(1879);  Syphilis  et  Mariage  (1880;. 2e  éd.,  1890);  De 
VAtaxie  locomotrice  d'origine  syphilitique  ;  tabès  spéci- 
fique (1882);  Sur  la  Période  préataxique  du  tabès 
d'origine  syphilitique  (1885);  la  Syphilis  héréditaire 
tardive  (1886)  ;  la  Syphilis  vaccinale  (1889)  ;  l'Hérédité 
syphilitique  (1891).    '  Dr  A.  Dureau. 

FOURNIER  (Charles-Antoine)  (V.  Dolent  [Jean]). 
FOURNIER  (François-Ernest),  marin  français,  né  le 
23  mai  1842.  Entré  au  service  en  1859,  aspirant  en  1861 , 
il  fut  promu  capitaine  de  frégate  en  1879,  capitaine  de 
vaisseau  en  1884  et  contre-amiral  en  1891.  Il  combattit 
sous  Paris  pendant  la  guerre  franco-allemande  et  se  signala 
à  la  bataille  du  Bourget.  Il  est  surtout  connu  par  la  part 
qu'il  prit  au  traité  de  paix  de  Tien-tsin  entre  la  France  et 
la  Chine  (11  mai  1884)  et  par  la  polémique  que  cette  con- 
vention excita  dans  la  presse  et  qui  fut  close  par  un  duel 
entre  le  commandant  Fournier  et  Henri  Rochefort.  Chef 
d'état-major  de  l'escadre  de  la  Méditerranée,  il  fut  chargé, 
en  1891,  de  créer,  sous  M.  de  Lanessan,  l'organisation 
militaire  du  Tonkin,  puis  de  commander  en  chef  la  division 
navale  de  l'extrême  Orient.  On  a  de  lui  :  Instructions  sur 
V application  d'une  méthode  nouvelle  pour  refaire  à 
la  mer  le  tableau  complet  des  corrections  du  compas 
(1871,  in-8)  ;  Déviations  du  compas  (1873,  in-8)  ;  Dé- 
termination immédiate  de  la  déviation  du  compas  par 
la  méthode  des  compas  conjugués  (1878,  gr.  in-8); 
Régulation  immédiate  du  compas  étalon  aux  atter- 
rages (1889,  in-8)  ;  Cyclones  et  typhons  (1890,  in-8). 
FOU  RNI  ER  (Paul-Eugène-Louis),  jurisconsulte  français, 
né  à  Calais  le  26  nov.  1853.  Elève  de  l'Ecole  des  chartes, 
docteur  en  droit,  il  devint  professeur  de  droit  romain  à  la 
faculté  de  Grenoble.  On  a  de  lui  :  les  Officialités  du 
moyen  âge  (Paris,  1880,  in-8)  ;  la  Question  agraire 
en  Irlande  (1882,  in-18)  ;  la  Question  des  fausses  dé- 


crétâtes (1887,  in-8)  ;  Notice  sur  la  bibliothèque  de  la 
Grande  Chartreuse  au  moyen  âge  (1888,  in-8);  le 
Royaume  d'Arles  et  de  Vienne  (1891,  gr.  in-8). 

FOURNIER  (Henri-Charles),  médecin  français  contem- 
porain, né  à  Saint-Omer  le  24  oct.  1855.  Il  s'est  adonné 
spécialement  à  la  dermatologie  et  à  l'histoire  naturelle  cryp- 
togamique  et  a  publié  sur  ce  sujet  de  nombreux  articles 
dans  les  journaux  français  et  étrangers.  Fournier  est  le 
fondateur  et  le  rédacteur  en  chef  du  Journal  des  mala- 
dies cutanées  et  syphilitiques  (mai  1889).  Principaux 
travaux  :  Etude  sur  les  perforations  de  la  cloison  in- 
terventriculaire  dans  V endocardite  ulcéreuse  (1884)  ; 
Etude  sur  le  traitement  de  l'ongle  incarné  (1886)  ; 
Etude  sur  la  tricophytie  des  ongles  (1889);  Etude  sur 
le  zona  des  muqueuses  (1891);  art.  Erythrasma, 
Xeroderme,  Intertrigo  du  dictionnaire  de  Dechambre. 
Fournier  collabore  à  la  Grande  Encyclopédie.  Dr  L.  Hn. 

FOURNIER  (Pierre- Joseph-Marcel),  jurisconsulte  fran- 
çais, né  à  Bordeaux  le  13  oct.  1856.  Elève  de  l'Ecole  des 
chartes,  docteur  en  droit,  il  fut  nommé  professeur  agrégé 
de  la  faculté  de  droit  de  Rennes,  puis  professeur  d'histoire 
du  droit  français  à  la  faculté  de  Caen.  On  a  de  lui  un  grand 
nombre  d'études  importantes  parmi  lesquelles  nous  cite- 
rons :  De  V Affranchissement  et  de  la  condition  des  af- 
franchis dans  la  Gaule  franque  et  Essai  sur  l'histoire 
du  droit  d'appel,  thèses  (1881,  in-8);  Essai  sur  les 
formes  et  les  effets  de  l'affranchissement  dans  le  droit 
gallo-franc  (1885,  in-8)  ;  le  Cautionnement  solidaire 
(1887,  in-8)  ;  Une  Corporation  d'étudiants  en  droit  en 
1441  (1887,  in-8)  ;  la  Nation  allemande  à  l'univer- 
sité d'Orléans  au  xive  siècle  (1888,  in-8)  ;  l'Eglise  et 
le  droit  romain  au  xme  siècle  (1890,  in-8)  ;  Notes  et 
documents  sur  l'université  de  Rennes  (1890,  in-8)  ; 
les  Statuts  et  privilèges  des  universités  françaises  de- 
puis leur  fondation  (1890  et  suiv.,  in-4),  etc. 

FOURNIER  (Louis-Paul-Edouard),  peintre  français,  né 
à  Paris  le  17  déc.  1857.  Il  suivit  à  l'Ecole  des  beaux-arts 
les  cours  de  l'atelier  Cabanel,  et  obtint  en  1881  le  grand 
prix  de  Rome,  avec  une  composition  intitulée  la  Colère 
d'Achille.  En  dehors  de  quelques  portraits  d'une  facture  en 
général  un  peu  molle,  il  a  exposé  surtout  des  scènes  histo- 
riques telles  que  :  la  Femme  du  lévite  d'Ephraïm,  le  Fils 
du  Gaulois  (1885)  ;  Véléda,  prophétesse  des  Gaules,  et, 
dans  une  donnée  plus  moderne  :  la  Fin  du  roman  (1890)  ; 
Retour  de  bal  (1891),  etc. 

FOURNIER  de  Pescay  (François),  médecin  et  littérateur 
français,  né  à  Bordeaux  le  7  sept.  1771,  mort  à  Pau  vers 
1833.  Il  étudia  la  médecine  dans  sa  ville  natale  et  entra 
dans  le  corps  de  santé  militaire  comme  aide-major  en  1792. 
11  fit  les  campagnes  de  1794  à  1796  comme  chirurgien 
chef  adjoint,  et,  licencié  à  la  paix,  il  se  fixa  à  Bruxelles  où  il 
pratiqua  la  médecine.  Il  fut  l'un  des  fondateurs  de  la  Société 
de  médecine  et  fonda  aussi  le  Nouvel  Esprit  des  journaux, 
recueil  littéraire  et  scientifique  pour  faire  suite  à  l'Esprit 
des  journaux,  périodique  interrompu  pendant  la  guerre. 
Enfin  il  se  livra  avec  ardeur  à  la  propagation  de  la  vaccine  et 
publia  un  Essai  historique  et  pratique  sur  l'inoculation 
(1801)  qui  a  eu  plusieurs  éditions.  Rentré  à  Paris  en 
1806,  comme  chirurgien-major  des  gendarmes,  il  fut 
quelque  temps  secrétaire  du  conseil  de  santé,  après  une 
mission  en  Espagne,  et  envoyé  à  Haïti  en  1823,  pays  dont 
sa  famille  était  originaire.  Il  y  devint  directeur  du  lycée, 
puis  inspecteur  du  service  de  santés  Rentré  en  France,  il 
alla  se  retirer  à  Pau.  Un  mémoire  qu'il  a  donné  Sur  le 
Tétanos  traumatique  (1803)  a  eu  beaucoup  de  succès 
dans  son  temps.  Les  douze  premiers  volumes  des  Mémoires 
de  médecine,  de  chirurgie  et  de  pharmacie  militaires 
ont  été  publiés  sous  sa  direction  et  il  est  l'auteur  d'un 
Nouveau  Projet  de  la  réorganisation  de  la  médecine 
(1817)  et  de  plusieurs  dissertations  sur  le  grasseyement, 
l'influence  de  la  musique  dans  les  maladies,  etc. /insérés 
dans  les  Mémoires  de  l'Institut,  le  Dictionnaire  des 
sciences  médicales,  etc.  Il  a  donné  une  édition  de  la 


FOURNIER  —  FOURNITURE 


—  926  — 


Prophétie  de  Merlin  l'enchanteur,  du  ve  siècle,  recueillie 
par  ïurpin,  moine  de  Saint-Denis,  et  une  du  Vieux 
Troubadour  ou  les  Amours  (1842),  pnème  de  Hugues  de 
Xentralès,  traduit  de  la  langue  romane,  sur  un  manuscrit 
du  xie  siècle.  Dr  A.  Dureau. 

FOURNIER  des  Ormes  (Charles),  peintre  et  écrivain 
français,  né  à  Paris  le  6  mars  4  778,  mort  à  Paris  le  48  janv. 
4853.  Fils  du  typographe  Pierre-Simon  Fournier  (V.  ci- 
dessus),  il  se  lia  de  bonne  heure  avec  Delille,  et  débuta  dans  la 
littérature  par  une  Histoire  romaine,  publiée  en  4808.  Il 
entra  ensuite  dans  l'atelier  du  peintre  Hubert  Robert,  ami  de 
sa  famille,  auquel  il  adressa  une  Epître  en  vers  sur  la  pein- 
ture (4822).  A  partir  de  4820,  il  envoya  régulièrement 
aux  expositions  des  paysages  et  des  scènes  de  genre,  parmi 
lesquels  on  a  remarqué  :  Bélisaire  (4820)  ;  une  Vue  de 
Gergovie,  en  Auvergne  (4822);  Charles  II  fuyant  sous 
un  habit  de  paysan  (4824)  ;  une  Vue  des  sources  de 
l'Eure  (<mi);  la  Vallée  de  Saint-Prest  (4827).  Dans 
la  seconde  moitié  de  sa  vie,  il  fit  un  long  séjour  à  Chartres, 
et  y  peignit,  entre  autres  tableaux,  V Incendie  de  la  ca- 
thédrale, en  \  836  ;  le  musée  de  cette  ville  possède 
quelques-unes  de  ses  œuvres.  Fournier  des  Ormes  a  des- 
siné quelques  lithographies,  dont  la  plus  connue  est  le 
Champ  de  bataille  de  Waterloo.  Enfin  il  a  publié  en 
4837  un  Poème  didactique  sur  la  peinture,  qui  n'est  ni 
meilleur  ni  plus  mauvais  que  les  autres  productions  de  ce 
genre. 
Bibl.  :  Journal  de  Chartres,  janv.  1850. 

FOURNIER  l'Héritier,  dit  V Américain  (Claude),  révo- 
lutionnaire français,  né  à  Auzon  (Haute-Loire)  le  24  déc. 
4745,  mort  à  Paris  le  27  juii.  4825.  Fils  d'un  tisserand, 
il  alla  chercher  fortune  à  Saint-Domingue,  où  il  fonda  une 
fabrique  de  tafia.  Un  incendie  le  ruina.  Il  rentra  en  France 
et  se  jeta  à  corps  perdu  dans  la  Révolution.  Il  fut  certai- 
nement un  des  premiers  qui,  à  la  veille  de  la  prise  de  la 
Bastille,  organisèrent  une  force  armée  révolutionnaire.  On 
le  vit  parmi  les  acteurs  les  plus  énergiques  des  journées 
des  5  et  6  oct.  4789,  du  17  juii.  4794,  du  20  juin  et  du 
40  août  4792.  Il  commanda  la  troupe  de  Marseillais  et  de 
gardes  nationaux  parisiens  qui  servit  d'escorte  aux  prison- 
niers détenus  à  Orléans  et  les  mena  à  Versailles,  où  ils 
furent  massacrés  le  8  sept.  4792.  Fournier  fut  accusé  à 
tort  de  complicité  avec  les  meurtriers.  Décrété  d'arrestation 
le  42  mars  4792  comme  responsable  de  la  tentative  d'in- 
surrection qui  avait  eu  lieu  l'avant- veille,  il  se  justifia,  fut 
laissé  en  liberté  malgré  ses  querelles  avec  Marat,  mais  se 
vit  éliminer  du  club  des  Cordeliers  et  fut  emprisonné  pour 
avoir  voulu  y  rentrer  de  force.  Il  resta  en  prison  du  22  fri- 
maire an  II  au  4er  vendémiaire  an  III.  Incarcéré  de  nouveau, 
le  19  ventôse  an  III,  comme  complice  des  massacres  de 
Versailles,  il  bénéficia  de  l'amnistie  du  4  brumaire  an  IV. 
Après  l'affaire  de  la  machine  infernale,  on  le  déporta  à  la 
Guyane  où  il  resta  jusqu'en  4809.  Mis  en  surveillance  à 
Auxerre,  il  y  prépara  en  juii.  4844  une  sorte  d'émeute 
contre  les  droits  réunis,  qui  lui  valut  d'être  déporté  au  châ- 
teau d'If.  La  première  Restauration  le  délivra,  mais,  au 
second  retour  des  Bourbons,  il  fut  arrêté  de  nouveau  et 
enfermé  à  la  Force  du  1er  nov.  4845  au  46  août  4816.  Il 
passa  les  dernières  années  de  sa  vie  à  faire  étalage  de  sen- 
timents royalistes  et  à  réclamer  une  indemnité  pour  les 
pertes  qu'il  avait  subies  jadis  à  Saint-Domingue.  On  a  de 
lui,  outre  divers  libelles,  des  Mémoires  secrets  qui  ont  été 
publiés  en  4890  par  la  Société  de  l'Histoire  de  la  Révo- 
lution :  il  les  avait  composés  pendant  sa  première  capti- 
vité. F. -A.  Aulard. 

FOURNIER-Sarlovèze  (François,  comte), général  fran- 
çais, né  dans  la  province  de  Périgord  en  4775,  mort  à 
Paris  le  48  janv.  4827.  Il  entra  au  service  en  4792 
comme  sous-lieutenant  de  dragons,  et  arriva  au  grade  de 
capitaine  dans  la  même  année.  Chef  d'escadrons  de  chas- 
seurs en  4794,  il  fut  nommé  chef  de  brigade  du  42e  hus- 
sards en  4798.  A  l'armée  d'Italie,  en  4800,  il  donna  des 
preuves  de  la  plus  grande  bravoure.  A  la  grande  armée, 


il  assista  aux  batailles  d'Eylau  et  de  Friedland  et  reçut 
le  grade  de  général  de  brigade  à  cette  dernière  bataille 
(44jum  1807).  En  Espagne  (4808-4809).  sa  belle  défense 
de  Lugo  lui  valut  le  titre  de  comte.  Nommé  général  de  divi- 
sion le  44  nov.  4842,  en  Russie,  il  fut  arrêté,  à  la  fin 
de  l'année  suivante,  destitué  et  mis  en  surveillance,  pour 
avoir  tenu  des  propos  trop  libres  contre  l'empereur. 
Louis  XVIII  le  nomma  inspecteur  général  de  cavalerie 
(4846).  Il  fut  mis  en  disponibilité  en  4822. 

FOURNISSEUR.  I.  Technologie.  —  Dans  l'impression 
sur  étoffes,  le  fournisseur  est  un  appareil  chargé  de  trans- 
mettre la  couleur  du  châssis  sur  le  cylindre  à  imprimer. 
Il  se  fait  en  bois,  en  métal  ou  en  bois  garni  de  calicot^ 
mais  aujourd'hui  on  emploie  de  préférence  les  fournisseurs 
en  bois  recouverts  de  caoutchouc.  Ce  sont  simplement  des 
rouleaux  de  bois  recouverts  d'un  manchon  en  caoutchouc 
de  8  à  40  millim.  d'épaisseur.  Ce  manchon  est  fixé  à  ses 
extrémités  sur  le  rouleau  de  bois  par  des  écrous  qui  se 
vissent  sur  l'axe  même  du  fournisseur.  De  cette  façon,  la 
couleur  ne  peut  pénétrer  dans  le  manchon  et  on  peut  faci- 
lement laver  celui-ci.  L.  K. 

IL  Administration  militaire.  —  Fournisseur  de 
l'armée  (V.  Munitionnaire). 

FOURNITURE.!.  Musique  (V.  Orgue). 
IL  Aministration  militaire.  —  En  administration 
militaire,  le  mot  fourniture  est  employé  dans  deux  accep- 
tions bien  différentes.  Son  sens  le  plus  général  représente 
toutes  les  prestations  procurées  à  l'armée  à  l'aide  de 
marchés  passés  avec  des  fournisseurs.  Telles  sont  les  four- 
nitures d'effets  d'habillement,  de  grand  et  de  petit  équi- 
pement, de  harnachement,  de  casernement,  de  pain,  de 
vivres,  de  fourrage,  de  chaufîage,  de  corps  de  garde, 
de  bureau.   L'administration  se  procure  les  fournitures 
militaires  soit  par  des  achats  directs,  soit  par  marché  de 
gré  à  gré,  soit  par  adjudication.  Dans  ce  dernier  cas,  on 
opère  comme  en  administration  publique  en  établissant  un 
cahier  des  charges  et  en  recevant  les  soumissions  sous  pli 
cacheté.  Les  marchés  pour  la  fourniture  du  pain  à  la  ration 
et  des  fourrages  se  passent  tous  les  ans  à  époque  à  peu  près 
fixe  ;  les  cahiers  des  charges  sont  établis  par  l'administra- 
tion centrale  et  envoyés  aux  intendants  militaires  direc- 
teurs, chargés  de  faire  procéder  aux  adjudications  dans 
l'intérieur  des  corps  d'armée.  La  fourniture  des  ordinaires 
de  la  troupe  donne  lieu  à  des  marchés  trimestriels.  Les 
inarchés  pour  les  fournitures  de  casernement,  de  chauffage, 
d'habillement,  etc.,  sont  à  plus  longue  échéance;  enfin  il 
en  esU'autres  pour  lesquelles  il  n'est  passé  de  marché  que 
lorsqu'elles  font  défaut  à  des  époques  indéterminées  ;  telles 
sont  les  fournitures  générales  de  la  guerre,  blé,  farines, 
conserves,  etc. 

On  donne  aussi  le  nom  de  fourniture  au  matériel  de 
couchage  en  usage  dans  l'armée.  On  distingue  :  4°  les 
fournitures  d'officiers,  d'homme  de  troupe,  d'infirmerie,  de 
salles  de  discipline  et  de  détenus  qui  appartiennent  à  la 
compagnie  chargée  du  service  des  lits  militaires  (V.  ce 
mot)  ;  2°  les  fournitures  auxiliaires  ou  de  campement  qui 
appartiennent  à  l'Etat  et  sont  également  appelées  demi- 
fournitures.  Elles  sont  composées  chacune  d'une  enveloppe 
de  paillasse,  d'une  enveloppe  de  traversin  et  d'un  sac  de 
couchage  ou  de  deux  petits  draps  de  lit,  d'une  grande  et 
d'une  petite  couverture.  On  alloue  40  kilogr.  de  paille  pour 
la  paillasse  et  2  kilogr.  pour  le  traversin.  Ces  fournitures, 
utilisées  principalement  pendant  les  appels  des  réservistes 
et  des  territoriaux,  sont  destinées  à  être  placées  sur  le  sol 
et  en  sont  isolées  par  un  paillasson  ;  on  les  met  sur  des 
châlits  de  la  Compagnie  des  lits  militaires  lorsqu'il  s'en 
trouve  de  disponibles  dans  les  casernements.  Les  troupes 
campées  ou  baraquées  reçoivent  également  des  fournitures 
auxiliaires. 

III.  Administration  scolaire.— L'art.  8  dudécret  du 
9  janv.  4890  dit  :  «  Dans  les  communes  où  la  gratuité  des 
fournitures  scolaires  n'est  pas  assurée  par  le  budget  munici- 
pal, l'acquisition  des  objets  qui  constituent  le  matériel  d'étude 


—  927  — 


FOURNITURE  —  FOURRAGE 


à  usage  individuel,  tel  qu'il  est  établi  par  l'art.  7,  est  à  la 
charge  des  familles.  Les  ressources  provenant  de  la  caisse 
des  écoles  et  la  subvention  de  l'Etat  inscrite  au  budget  du 
ministère  de  l'instruction  publique  pour  venir  en  aide  à  ces 
établissements,  seront  affectées,  en  premier  lieu,  à  la  four- 
niture gratuite  des  livres  aux  élèves  indigents.  »  La  géné- 
rosité des  conseils  municipaux,  dans  un  grand  nombre  de 
villes  et  même  de  communes  rurales,  va  au  delà  des  pres- 
criptions impératives  de  la  loi  et  ajoute  à  la  gratuité  sco- 
laire ce  qui  en  est  en  un  sens  le  complément,  la  fourniture 
à  tous  les  élèves  de  leurs  livres  et  de  leurs  cahiers.  Nous 
signalerons,  en  particulier,  les  sacrifices  que  s'impose  chaque 
année  la  ville  de  Paris,  pour  exonérer  toutes  les  familles, 
qui  envoient  leurs  enfants  dans  les  écoles  publiques,  d'une 
charge  parfois  assez  lourde.  Au  budget  de  1888,  une  somme 
de  1,473,800  fr.  était  inscrite  à  l'article  matériel,  com- 
prenant Immobilier,  tes  fournitures  scolaires,  les  récom- 
penses, et  dans  ce  total  les  fournitures  scolaires  figurent 
pour  un  demi-million  environ.  A  Lyon,  la  somme  portée 
pour  le  même  objet  au  budget  municipal  est  de  85,000  fr., 
soit  5  fr.  par  tête  d'élève.  Dans  d'autres  villes,  la  gratuité 
des  fournitures  scolaires  ne  s'étend  pas  à  tous  les  enfants; 
elle  n'est  accordée  qu'à  ceux  dont  les  familles  sont  recon- 
nues pour  indigentes.  Dans  les  communes  rurales,  ce  sont 
surtout  les  caisses  des  écoles,  partout  où  elles  existent,  qui 
prélèvent  sur  leurs  ressources  propres  les  sommes  néces- 
saires à  la  distribution  totale  ou  partielle  des  livres  et  de  la 
papeterie.  Une  question  délicate  a  été  soulevée  à  propos 
des  fournitures  scolaires  dans  les  écoles  où  elles  ne  sont 
pas  gratuites  et  où  les  instituteurs  distribuent  à  prix  d'ar- 
gent à  leurs  élèves  les  cahiers  et  livres  dont  ils  ont  besoin 
pour  leurs  études.  Les  libraires  et  les  commerçants  ayant 
réclamé  contre  cet  usage,  divers  arrêts  de  la  cour  de  cas- 
sation et  du  conseil  d'Etat  (2  mars  1864-20  juil.  1864) 
ont  spécifié  que  «  i'instituteur  qui  se  borne  à  fournir  à  ses 
élèves,  dans  l'intérieur  de  l'école,  les  objets  de  papeterie 
dont  ils  ont  besoin,  ne  peut  dans  ces  circonstances  être 
considéré  comme  exerçant  la  profession  de  marchand  de 
papier  en  détail,  imposable  aux  droits  de  patente  ».  Même 
latitude  est  accordée  aux  congrégations  enseignantes  et  aux 
instituteurs  en  ce  qui  concerne  «  les  livres  qui  servent  à 
l'instruction  des  élèves  ».  Pour  empêcher  les  abus  possibles, 
le  règlement  scolaire  modèle  des  écoles  primaires  élémen- 
taires établit  (art.  12)  qu'  «  un  tableau  portant  le  prix 
de  tous  les  objets  que  l'instituteur  est  autorisé  à  fournir 
aux  élèves  doit  être  affiché  dans  l'école  après  avoir  été  visé 
par  l'inspecteur  primaire  ».  G.  Compayré. 

F0URN1VAL  Gom.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Cler- 
mont,  cant.  de  Saint-Just;  414  hab. 

FOURNIVAL  (Richard  de),écrivainfrançais,néàAmiens 
vers  1200,  mort  entre  1250  et  1260.  Il  était  en  1248  chan- 
celier de  l'Eglise  (l'Amiens.  Il  a  laissé  des  poésies  élégantes, 
ingénieuses  et  qui  prouvent  un  grand  savoir.  C'est  un  véri- 
table écrivain.  Parmi  les  œuvres  de  R.  de  Fournival,  nous 
mentionnerons  la  Biblionomia,  catalogue  raisonné  d'une 
bibliothèque  publique,  des  chansons  et  jeux-partis,  un 
Iraité  de  la  puissance  d'amour,  des  Conseils  d'amour, 
demeurés  en  manuscrit,  le  Bestiaire  d'amour  (Paris,  1 860 , 
in-8),  publié  par  C.  Hippeau,  mélange  d'érudition  et  de 
badinage  qui  a  eu  au  xine  siècle  un  succès  considérable  ; 
la  Vieille  ou  les  Dernières  Amours  d'Ovide  (Paris,  1862, 
in-8)  publié  par  Co chéris.  Fils  d'un  médecin,  Richard  était 
lui-même  chirurgien  et  il  continua  de  pratiquer  cet  art, 
avec  la  permission  spéciale  du  pape,  lorsqu'il  fut  entré 
dans  l'Eglise.  R.  S. 

Bibl.  :  Paulin  Paris,  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  R.  de  Fournival,  dans  Bibliothèque  de  l'Ecole  des 
chartes,  t.  II,  p.  32  (1840).  —  Histoire  littéraire  de  la  France, 
t.  XXIII,  p.  708,  et  t.  XXIX,  p.  456.—  Journal  des  savants, 
1882,  p.  602. 

FOURNOLS-d'Auvergne.  Corn,  du  dép.  du  Puy-de-Dôme, 
arr.  d'Ambert,  cant.  de  Saint-Germain-l'Herm  ;  1,440  hab. 

FOU  RN OU  LÈS.  Corn,  du  dép.  du  Cantal,  arr.  d'Au- 
rillac,  cant.  de  Maurs  ;  245  hab. 


FOU  RON  N  ES.  Gom.  du  dép.  de  l'Yonne?  arr.  d'Auxerre, 
cant.  de  Courson  ;  470  hab. 

FOURQUES.  Corn,  du  dép.  du  Gard,  arr.  de  Nîmes, 
cant.  de  Reaucaire;  1,175  hab. 

FOURQUES.  Coin,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  du  Mas-d'Agenais  ;  1,031  hab. 

FOURQU  ES.  Corn,  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  de  Per- 
pignan, cant.  de  Thuir;  651  hab.  L'abbé  d'Arles-sur- 
Tech,  de  qui  relevait  Fourques,  obtint  l'autorisation  de 
fortifier  ce  village  en  1488  ;  les  murs  paraissent  avoir  été 
bâtis  au  xme  siècle.  Ils  subsistent  encore  et  constituent  un 
spécimen  intéressant  de  fortificatien  rurale  :  ils  forment  une 
enceinte  carrée,  sans  tour,  maçonnée  en  cailloux  roulés  et 
élevée,  de  deux  côtés,  sur  un  escarpement.  Une  porte  est 
percée  vers  le  milieu  de  l'un  des  fronts  ;  elle  était  jadis 
protégée  par  une  barbacane.  Aug.  Rrutails. 

FOURQUETTE  (Pêche).  On  nomme  ainsi  sur  les  côtes 
de  Provence  un  engin  consistant  en  une  croix  de  fer  ou 
de  cuivre  dont  chaque  branche  est  garnie  d'un  certain 
nombre  d'empilés  d'inégales  longueurs,  portant  des  hame- 
çons; cet  engin,  attaché  à  une  longue  ligne,  est  fixé  à  une 
bouée  ;  il  se  place  dans  les  fonds  rocheux. 

FOURQU  EUX.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Versailles,  cant.  de  Saint-Germain-en-Laye  ;  368  hab. 

FOURQUEVAUX.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Villefranche,  cant.  de  Montgiscard,  sur  une  colline 
dominant  la  Marcassonne  ;  529  hab.  Ancien  château  de 
diverses  époques. 

FOU RQU EVAUX  (Raymond  de  Reccarie  de  Pavie,  baron 
de),  homme  de  guerre  et  diplomate  français,  né  à  Tou- 
louse en  1509,  mort  à  Narbonne  en  1574.  Il  appartenait  à 
une  famille  de  robe,  d'origine  lombarde,  et  servit  d'abord 
en  Italie  sous  Lautrec,  en  1528.  Après  avoir  porté  les 
armes  en  Savoie  et  en  Piémont,  il  fut  envoyé  en  Ecosse  et 
en  Irlande  pour  le  service  de  la  reine  d'Ecosse,  Marguerite 
de  Lorraine.  Après  différentes  autres  missions  en  Alle- 
magne et  en  Italie,  il  prit  part  aux  guerres  du  règne  de 
Henri  II,  commanda  les  Français  à  la  Mirandole  en  1553, 
fut  blessé  et  fait  prisonnier  à  Marciano.  Gouverneur  de 
Narbonne  en  1557,  il  fut  envoyé  comme  ambassadeur  en 
Espagne  en  1563.  Il  s'acquitta  habilement  de  sa  négocia- 
tion, correspondant  même  avec  La  Mothe-Fénelon  alors  en 
Angleterre.  Après  son  retour,  il  prit  part  aux  guerres  de 
religion,  contribua  à  la  délivrance  de  Toulouse  et  battit 
le  baron  des  Adrets  à  Lattes,  près  de  Montpellier.  Il  était 
chevalier  de  l'ordre,  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre 
et  conseiller  privé  du  roi.  On  a  de  lui  :  Instruction  sur 
le  fait  de  la  guerre  (1553,  in-4  et  in-8).  —  Son  fils, 
François,  né  vers  1561  à  Fourquevaux,  mort  le  16  mars 
1611,  est  célèbre  par  ses  voyages.  Il  a  publié  :  Vies  des 
capitaines  français  (1643,  in-4),  parmi  lesquelles  se 
trouve  celle  de  son  père.  Louis  Farges. 

FOU  RQU  IN  E  (Arm.  anc).  Espèce  de  fourche  à  petites 
branches,  à  manche  long  de  4  pieds,  terminé  par  une  pointe 
pour  être  fiché  enterre.  C'est  sur  cet  appui  que  l'arquebu- 
sier et  le  mousquetaire  appuyaient  leur  arme  pour  tirer  plus 
juste.  Dès  le  xve  siècle,  le  tireur  de  trait  à  poudre  ou  cou- 
leuvrinier  à  main  était  armé  de  cette  fourchette  qui  de- 
meura en  usage  jusqu'au  milieu  du  xvn6  siècle.  Souvent  on 
plaçait  dans  le  fût  évidé  fie  la  fourquine  une  lame  d'épée  de 
manière  à  en  faire  une  canne  à  dard,  un  brin  d'estoc, 
comme  on  disait  alors.  Une  collection  allemande  possède 
même  une  épée  dont  le  pommeau  donne  naissance  à  deux 
antennes  incurvées  formant  fourchette.  L'épée  tirée  du  four- 
reau et  fichée  enterre  peut  servir  de  fourquine.  En  marche, 
le  mousquetaire  portait  sa  fourquine  à  la  main  comme  une 
canne  ou  suspendue  au  baudrier  de  son  fourniment. 

FOU  R  RAGE.  I.  Economie  agricole.  —  Le  mot  fourrage, 
dans  son  acception  la  plus  étendue,  s'applique  à  toutes  les 
plantes  cultivées  en  vue  de  fournir  des  aliments  au  bétail. 
Il  y  a  lieu  de  distinguer  d'abord  les  plantes  fourragères  pro- 
prement dites  qui  comprennent  les  fourrages  verts,  c.-à.-d. 
qu'on  donne  aux  animaux  aussitôt  après  la  récolte,  tels  que 


FOURRAGE  —  FOURREAU 


—  928  — 


l'herbe  des  prairies,  le  trèfle,  la  luzerne,  et  les  fourrages 
secs  tels  que  les  foins,  les  regains  ;  ensuite  les  fourrages- 
racines  :  betteraves,  carottes,  pommes  de  terre,  raves,  etc. 
La  France  cultive  une  étendue  d'environ  7,300,000  hect. 
en  prairies  et  plantes  fourragères  foliacées ,  et  environ 
1,200,000  hect.  de  fourrages-racines  ou  tubercules.  Il  y 
a  deux  siècles;  l'agriculture  française  cultivait  fort  peu  de 
fourrages,  et  cela  pour  deux  motifs  :  d'abord  on  faisait  très 
peu  de  bétail,  juste  la  quantité  nécessaire  pour  produire  du 
fumier,  puis,  un  grand  nombre  de  plantes  fourragères  étaient 
inconnues  ;  ainsi,  à  l'époque  où  vivait  Olivier  de  Serres,  on  ne 
connaissait  que  la  luzerne,  la  vesce,  le  pois  gris  et  la  jarrosse. 
L'Angleterre  fut  la  première  puissance  européenne  qui  cher- 
cha à  accroître  ses  ressources  fourragères  en  cultivant,  au 
xvue  siècle,  le  trèfle,  le  sainfoin,  le  ray-grass,  etc.  Cet 
exemple  fut  imité  en  Allemagne  ;  en  France,  ce  n'est  que 
vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XV  que  l'agriculture  comprit 
qu'elle  devait  augmenter  sa  production  fourragère.  On  trou- 
vera aux  mots  Foin,  Luzerne,  Prairie,  Trèfle,  etc.,  les 
détails  relatifs  à  ces  diverses  plantes  fourragères  ;  nous  nous 
contenterons  ici  de  faire  remarquer  que  les  divers  fourrages 
cultivés  sont  ou  des  plantes  vivaces  ou  bisannuelles  ou 
annuelles.  A.  Larralétrier. 

IL  Armée.  —  La  ration  de  fourrage  allouée  admi- 
nistrativement  à  chacun  des  chevaux  de  l'armée  se  com- 
pose normalement  de  foin,  de  paille  de  froment  et 
d'avoine.  La  quantité  de  chacun  de  ces  trois  éléments  de 
la  ration  réglementaire  est  variable  selon  l'arme  ou  le  ser- 
vice auxquels  le  cheval  est  affecté,  et  dans  la  même  arme  et 
le  même  service  suivant  la  position  particulière  occupée 
par  le  cheval.  Au  point  de  vue  du  service,  on  distingue 
administrativement  :  4°  la  cavalerie  de  réserve;  2°  la  gen- 
darmerie ;  3°  l'artillerie  ;  4°  la  cavalerie  de  ligne  ;  5°  la 
cavalerie  légère,  soit  cinq  services  principaux  auxquels  se 
rattachent  divers  services  accessoires.  Les  chevaux  de  race 
arabe  et  les  mulets  forment  deux  catégories  à  part,  en  ce 
qui  touche  aux  allocations  de  fourrage.  Au  point  de 
vue  de  la  position  du  cheval,  on  distingue  adminis- 
trativement :  1°  le  pied  de  paix  ;  2°  les  camps  de  ma- 
nœuvre baraqués;  3°  les  camps  de  manœuvre  bivoua- 
ques ;  4°  les  routes  par  terre  ;  o°  les  routes  de  chemin  de 
fer;  6°  le  pied  de  guerre,  soit  six  positions  principales 
donnant  droit  à  des  allocations  distinctes  pour  chacun  des 
cinq  services  énumérés  précédemment.  Il  y  a  par  consé- 
quent trente  types  de  rations  administratives.  Chaque 
type  correspond  à  une  quantité  différente  des  trois  élé- 
ments :  avoine,  foin,  paille.  Pour  l'avoine,  la  quantité 
varie  depuis  4  kilogr.  jusqu'à  5  kilogr.  et  800  gr.  Le  poids 
de  foin  entrant  dans  la  ration  varie  de  3  à  5  kilogr.  La 
quantité  de  la  paille  peut  atteindre  4  kilogr.;  elle  peut 
disparaître  absolument  quand  le  cheval  est  dans  la  posi- 
tion de  route.  La  composition  des  rations  fixée  par  les 
tarifs  peut  être  modifiée  par  des  substitutions  de  denrées. 
Cela  de  deux  manières  :  d'une  manière  générale,  par  une 
substitution  embrassant  les  chevaux  d'un  corps  d'armée, 
d'une  garnison  ou  d'un  régiment,  lorsque  la  pénurie  des 
denrées  réglementaires  le  rend  nécessaire,  ou  lorsque  la 
santé  générale  des  chevaux  l'exige  ;  d'une  manière  déter- 
minée, quand  il  s'agit  d'un  cheval  ou  d'un  petit  nombre 
de  chevaux  malades.  Dans  le  premier  cas,  le  ministre  de 
la  guerre  autorise  la  substitution  et  par  délégation  du 
ministre  le  commandant  du  corps  d'armée  prend  l'initiative 
de  la  substitution.  Dans  le  second  cas,  le  sous-intendant 
militaire  prescrit  la  substitution  relative  à  un  cheval  indis- 
posé ou  à  un  nombre  déterminé  de  chevaux  placés  dans  le 
même  cas,  s'il  s'agit  de  parties  prenantes  isolées  et  d'offi- 
ciers sans  troupes.  S'il  s'agit  d'un  régiment  et  d'un  petit 
nombre  de  chevaux  réclamant  pendant  une  période  de 
temps  limitée  une  substitution  de  denrées,  c'est  le  colonel 
qui  prononce  la  substitution  d'après  la  proposition  du  vété- 
rinaire. Les  carottes,  la  farine  d'orge,  l'orge,  le  sainfoin 
et  la  luzerne  constituent  les  denrées  habituelles  de  substi- 
tution. Les  bases  d'après  lesquelles  s'opèrent  les  substitu- 


tions sont  poids  pour  poids  quand  il  s'agit  de  substituer  du 
sainfoin  ou  de  la  luzerne  au  foin  ;  double  poids  pour  la 
substitution  de  la  paille  au  foin;  moitié  du  poids,  s'il  s'agit 
de  substituer  de  l'avoine  ou  de  l'orge  au  foin  ;  trois  fois  le 
poids  pour  la  substitution  des  carottes  au  foin.  Les  autres 
substitutions  sont  celles  du  son  à  l'avoine  qui  se  fait  avec 
moitié  du  poids  et  celle  de  la  farine  d'orge  à  l'avoine  qui 
se  fait  par  les  huit  dixièmes  du  poids.  40  kilogr.  de  four- 
rages verts  à  l'écurie  représentent  administrativement  12  ki- 
logr. de  foin.  Enfin  le  mash  réglementaire  compte  lk8J25 
d'avoine,  1  décil.  de  graine  de  lin,  1  lit.  de  son  et  3  lit. 
d'eau  bouillante.  Le  mash  peut  être  prescrit  en  remplace- 
ment de  la  ration  par  le  colonel  aux  chevaux  en  travail 
échauffés  par  l'avoine  ou  dont  le  travail  est  brusquement 
arrêté.  En  Algérie  et  en  Tunisie,  l'orge  remplace  généra- 
lement l'avoine.  En  campagne  et  dans  les  places  assié- 
gées, les  circonstances  justifient  le  remplacement  de 
l'avoine  par  le  seigle,  le  blé,  le  maïs,  le  sarrasin,  les 
vesces,  les  féveroles,  suivant  les  ressources  locales.  Ces 
remplacements  exigent  beaucoup  de  précautions  et  une 
gradation  prudemment  ménagée  :  on  doit  à  ce  sujet  se 
régler  sur  les  habitudes  locales.  En  cas  de  nécessité,  les 
feuilles  sèches ,  la  racine  de  gazon,  Fécorce  d'arbre,  le 
bois  sec  réduit  en  copeaux  doivent  être  recueillis  pour 
suppléer  à  la  pénurie  des  fourrages  réglementaires.  Dans 
les  villes  de  garnison  et  particulièrement  dans  les  places 
fortes  sont  installés  à  demeure  de  vastes  magasins  dont 
l'approvisionnement  est  renouvelé  périodiquement  suivant 
des  prescriptions  prévenant  la  vétusté  des  denrées  accu- 
mulées. Ces  magasins  constituent  une  lourde  charge  au 
point  de  vue  financier  et  une  grosse  responsabilité  au 
point  de  vue  administratif.  P.  Marin. 

Corde  à  fourrage  (V.  Corde)- 

FOURRAGÈRE  (V.  Chariot). 

FOURRAGEUR  (Art  milit.)  En  temps  de  guerre,  une 
armée  qui  manque  de  subsistances  et  qui  vit  sur  le  pays 
envoie,  à  l'occasion,  recueillir  dans  les  villages  ou  couper 
dans  les  champs  la  paille,  le  foin,  l'avoine,  etc.,  néces- 
saires à  la  nourriture  de  ces  chevaux.  Cela  s'appelle  faire 
un  fourrage,  et  les  hommes  qui  y  prennent  part  sont  des 
fourrageurs.  Afin  que  les  soldats,' porteurs  de  sacs  pour 
mettre  les  grains,  de  faux,  de  faucilles  pour  couper  les 
céréales  sur  pied,  puissent  opérer  à  l'aise  et  à  l'abri  d'un 
coup  de  main  de  l'ennemi,  ils  sont  protégés  par  un  rideau 
de  troupes  ou  une  chaîne  de  petits  postes,  et  de  vedettes, 
ou  même  par  un  corps  important  d'infanterie  avec  du  ca- 
non. Faire  un  fourrage  constitue  donc  une  petite  opération 
militaire  qui  a  ses  lois.  —  On  appelle  charge  en  fourrageurs 
par  opposition  à  la  charge  en  ligne  ou  en  muraille,  celle  où 
les  cavaliers  sont  isolés,  espacés  les  uns  des  autres  pour 
se  précipiter  sur  l'ennemi.  C'est  la  charge  usitée  contre  une 
troupe  rompue  et  débandée  et  dans  la  poursuite.  Dans 
les  exercices,  la  charge  en  fourrageurs  est  sonnée  à  cent 
pas  de  l'ennemi  figuré  par  des  cavaliers.  A  cette  sonnerie, 
les  fourrageurs  pointent  leur  arme  et  allongent  au  galop 
le  plus  vite,  en  se  dirigeant  de  manière  à  envelopper  les 
cavaliers  qui  figurent  l'ennemi.  Lorsqu'ils  ont  parcouru 
100  à  150  m.  au  train  de  charge,  le  chef  de  peloton  fait 
sonner  le  ralliement.  Ed.  Sergent. 

FOURRÉ  (Sylvie).  Massif  de  bois  jeunes  dont  les  tiges 
sont  encore  garnies  de  leurs  branches  dès  la  base. 

FOURRÉ.  Expression  employée  autrefois  comme  syno- 
nyme de  plaqué.  On  appelait  ainsi  un  métal  recouvert,  à 
l'aide  d'un  laminage  répété,  de  feuilles  très  minces  d'un 
autre  métal  précieux.  Employé  originairement  par  les  faux 
monnayeurs,  ce  procédé  fut  appliqué  au  xvnr3  siècle  à  la 
fabrication  de  la  vaisselle  de  service  ;  il  prit  ensuite  le  nom 
de  plaqué  et  de  doublé.  La  galvanoplastie  Fa  remplacé 
depuis  pour  la  façon  des  couverts  ordinaires. 

FOURREAU.  I.  Archéologie.  —  Nom  donné  à  l'enve- 
loppe d'un  objet  long  et  mince.  Bien  que  ce  mot  ait  de  nom- 
breuses significations  et  qu'il  se  soit  appliqué  à  l'origine  à 


—  929  — 


FOURREAU  -  FOURRIÈRE 


toute  enveloppe  destinée  à  préserver  le  mobilier —  fourreau 
de  piliers  de  lit,  de  chaises,  de  lustres,  —  il  est  plus 
généralement  considéré  comme  la  gaine  d'une  arme  blanche, 
d'un  sabre,  d'une  épée.  Du  temps  de  Rabelais ,  le  velours 
du  fourreau  de  Tépée  des  seigneurs  était  assorti  à  la  couleur 
des  chausses;  en  1561,  un  édit  royal  défendit  aux  magis- 
trats de  tout  ordre  le  fourreau  recouvert  de  velours. 

II.  Armée.  —  Etui  dans  lequel  se  loge  la  lame  d'une 
arme  :  épée,  sabre  ou  baïonnette.  Autrefois  les  fourreaux 
étaient  de  cuir  pour  les  sabres  d'infanterie,  les  épées  et 
les  baïonnettes  ;  aujourd'hui  les  épées  seules  ont  conservé 
le  fourreau  de  cuir,  baïonnettes  et  sabres  d'infanterie 
ayant,  comme  le  sabre  de  cavalerie,  le  fourreau  métallique. 
La  lame  est  maintenue  dans  le  fourreau  par  deux  pièces 
métalliques  entre  lesquelles  elle  glisse  à  frottement  et  qui 
portent  le  nom  de  battes.  Elles  sont  fixées  à  l'entrée  du 
fourreau.  Le  poids  du  fourreau  de  l'épée-baïonnette  du 
fusil  4886  (Lebel)  est  de  200  gr.  Ce  fourreau  est  bronzé. 
Le  poids  du  fourreau  du  sabre  de  cavalerie  varie,  pour 
les  différents  modèles  :  latte,  bancal,  etc.,  entre  670  et 
730  gr. 

III.  Art  vétérinaire.  —  Repli  cutané  destiné  à  protéger 
et  à  maintenir  la  verge  dans  sa  situation  normale.  Constitué 
par  la  peau,  il  présente  entre  les  deux  épaisseurs  du  tégu- 
ment une  expansion  fibro-élastique,  dépendance  de  la  tunique 
abdominale,  qui  lui  fournit  de  chaque  côté  un  ligament 
suspenseur  particulier.  A  l'intérieur  du  fourreau  la  peau 
est  fine,  plissée,  grasse,  glanduleuse  et  laisse  sécréter  une 
matière  de  couleur  ardoisée,  d'odeur  désagréable,  connue 
sous  le  nom  vulgaire  de  cambouis.  Sur  le  fourreau  on 
observe  parfois  des  verrues  ou  fies,  des  tumeurs  mélaniques 
qui  peuvent  gêner  la  sortie  du  pénis  et  l'émission  de  l'urine. 
D'autre  fois,  les  matières  qu'il  sécrète  se  durcissent,  se 
concrètent,  déterminent  un  engorgement.  C'est  l'œdème 
du  fourreau  qui  se  guérit  par  les  soins  de  propreté  et  sur- 
tout par  l'enlèvement  avec  la  main  des  matières  irritantes 
que  renferme  l'organe  (V.  Balanite).  L.  Garnier. 

FOURRIER  (Art  milit).  Sous-officier  chargé  de  la 
comptabilité  d'une  compagnie,  et  placé  sous  les  ordres  im- 
médiats du  sergent-major  ou  du  maréchal  des  logis  chef. 
L'emploi  de  fourrier  est  rempli  par  un  sergent-fourrier  ou 
par  un  caporal  fourrier.  Le  fourrier  est  chargé  spéciale- 
ment du  casernement  et  du  couchage,  des  distributions  de 
denrées,  de  la  tenue  du  registre  d'ordres.  Un  caporal  est 
toujours  désigné  pour  le  remplacer  lorsqu'il  est  absent  ou 
le  seconder  dans  ses  fonctions  quand  il  est  présent.  Le 
fourrier  de  semaine  de  chaque  bataillon  est  aux  ordres  de 
l'adjudant  de  bataillon  et  de  l'adjudant  de  semaine, 
pour  l'établissement  des  situations.  Un  fourrier  d'ordre 
pris  parmi  les  fourriers  de  semaine  se  rend  tous  les  ma- 
tins au  rapport  de  la  place  pour  y  porter  le  rapport  du 
régiment.  Il  y  prend  les  ordres  de  la  place.  Un  autre  est 
chargé  de  conduire  à  l'hôpital  les  malades  du  régiment  et 
d'en  ramener  les  sortants. 

FOURRIÈRE.  I.  Administration.  —  C'est  l'endroit 
désigné  par  le  maire  pour  recevoir  provisoirement  les  ani- 
maux, voitures  et  autres  objets  saisis  ou  abandonnés  sur  la 
voie  publique  et  dans  les  propriétés  privées.  Les  animaux 
qui  servent  à  l'accomplissement  d'un  délit  peuvent  également 
être  conduits  à  la  fourrière  en  même  temps  que  l'objet  qui 
constitue  le  corps  du  délit  :  par  exemple,  les  chevaux  qui 
transportent  des  marchandises  voyageant  en  contravention 
aux  lois  sur  les  douanes  ou  les  contributions  indirectes  et  ces 
marchandises  elles-mêmes.  La  même  mesure  est  quelque- 
fois prise  à  l'égard  des  animaux  ou  objets  trouvés  en  la 
possession  d'un  inculpé  au  moment  de  son  arrestation.  Le 
droit  de  mettre  en  fourrière  appartient  aux  agents  de  l'au- 
torité publique  :  maires,  commissaires  de  police,  gardes 
champêtres,  gardes  forestiers,  etc.  La  loi  du  4  avr.  1889, 
reproduisant  en  cela  une  disposition  de  la  loi  des  28  sept, 
et  6  oct.  1  791,  accorde  la  même  faculté  aux  simples  par- 
ticuliers, mais  dans  un  cas  déterminé.  Aux  termes  de  la- 
dite loi,  tout  propriétaire  a  le  droit  de  conduire,  sans 
grande  encyclopédie.  —  XVII. 


retard,  à  la  fourrière  les  animaux  non  gardés  ou  dont  le 
gardien  est  inconnu  et  qui  lui  ont  causé  du  dommage.  Le 
maire,  s'il  connaît  la  personne  responsable,  est  tenu  de  lui 
donner  immédiatement  avis  du  fait.  Si  les  animaux  ne  sont 
pas  réclamés  et  si  le  dommage  n'est  pas  payé  dans  la  hui- 
taine du  jour  où  il  a  été  causé,  il  est  procédé  à  la  vente 
des  animaux  sur  ordonnance  du  juge  de  paix,  lequel  évalue 
le  dommage.  Cette  ordonnance  est  affichée  sur  papier  libre 
et  sans  frais  à  la  porte  de  la  mairie.  Elle  ne  devient  défi- 
nitive, quant  à  la  fixation  du  dommage,  que  si  le  proprié- 
taire des  animaux  n'a  pas  formé  opposition  dans  la  hui- 
taine de  la  vente.  Cette  opposition,  qui  peut  être  faite  par 
simple  avertissement,  est  recevable  même  après  le  délai  de 
huitaine,  si  le  juge  de  paix  reconnaît  qu'il  y  a  lieu,  en  rai- 
son des  circonstances,  de  relever  l'opposant  de  la  rigueur 
du  délai.  Le  montant  des  frais  et  des  dommages  est  pré- 
levé sur  le  produit  de  la  vente. 

Les  animaux  conduits  à  la  fourrière  sont  nourris  et  en- 
tretenus par  les  soins  de  l'administration,  qui  veille  aussi 
à  la  conservation  des  objets  y  déposés.  La  mise  en  fourrière, 
qui  n'est  qu'une  mesure  provisoire,  est,  d'ailleurs,  toujours 
assez  courte,  à  cause  des  frais  qu'elle  entraîne.  Ainsi  les 
animaux  ne  doivent  pas  rester  à  la  fourrière  plus  de  huit 
jours  (décr.  du  18  juin  1811,  art.  39).  Cette  durée  est 
même  restreinte  à  cinq  jours  pour  les  bestiaux  saisis  en 
délit  dans  les  forêts  (C.  forest,  art.  169).  Les  objets  non 
périssables  peuvent  être  gardés  huit  mois  ;  ceux  qui  ne  sont 
pas  susceptibles  d'être  conservés  doivent  être  vendus  immé- 
diatement par  voie  d'enchères  (ordonn.  roy.  du  23  mai 
1830);  Ces  délais  peuvent,  toutefois,  être  prolongés,  quand 
les  animaux  ou  objets  saisis  sont  nécessaires  à  l'instruction 
du  procès.  Dans  ce  cas,  le  magistrat  chargé  de  l'affaire 
demande  au  procureur  général  l'autorisation  de  prolonger 
la  durée  légale.  Le  procureur  général  est  lui-même  obligé 
de  rendre  compte  au  ministre  de  la  justice  de  l'autorisa- 
tion qu'il  a  accordée.  Les  formalités  à  remplir  pour  ren- 
trer en  possession  des  animaux  ou  objets  déposés  à  la  four- 
rière varient  suivant  les  cas.  Quand  la  mise  en  fourrière 
a  été  opérée  par  un  propriétaire  lésé,  conformément  à  la 
loi  du  4  avr.  1889,  c'est  au  propriétaire  des  animaux  de 
débattre  avec  lui  les  conditions  de  la  restitution.  Le  juge  de 
paix  n'intervient  que  s'ils  ne  peuvent  s'arranger  aimable- 
ment. Si  la  mise  en  fourrière  a  été  prescrite  par  l'adminis- 
tration des  douanes  ou  celle  des  contributions  indirectes, 
la  mainlevée  est  prononcée  par  ces  administrations,  mais 
sous  caution  solvable  (lois  des  6-22  août  1791,  tit.  X, 
art.  16;  1er  germinal  an  XIII,  art.  23).  La  mainlevée  est 
ordonnée  par  le  juge  de  paix,  également  sous  caution, 
quand  la  mise  en  fourrière  a  été  opérée  par  un  agent 
forestier,  ou  par  un  maire,  un  commissaire  de  police,  un 
garde  champêtre.  Enfin,  si  elle  a  eu  lieu  à  l'occasion  d'un 
crime  ou  d'un  délit  de  droit  commun,  la  mainlevée  ne 
sera  ordonnée  que  par  le  juge  d'instruction.  Les  animaux, 
et  les  objets  qui  n'ont  pas  été  restitués  dans  les  délais  indi- 
qués ci-dessus  sont  vendus  sur  ordonnance  du  juge  de  paix, 
du  juge  d'instruction  ou  du  président  du  tribunal,  suivant 
les  cas.  La  vente  est  faite  au  marché  le  plus  voisin,  à 
moins  d'autorisation  contraire,  par  les  soins  de  l'adminis- 
tration des  domaines  ou  de  celle  qui  a  ordonné  la  mise  en 
fourrière.  Les  frais  de  fourrière  sont  prélevés  sur  le  pro- 
duit de  la  vente,  par  privilège  et  de  préférence  à  tous 
autres  (décr.  'du  18  juin  1811,  art.  39  et  40  ;  ordonn.  du 
23  mai  1830,  art.  1  et  3).  Si  le  montant  de  ces  frais  est 
supérieur  au  produit  de  la  vente,  le  payement  du  surplus 
incombe  à  l'administration  qui  a  provoqué  la  mise  en  four- 
rière. Quand,  pour  les  besoins  d'une  procédure  criminelle, 
la  mise  en  fourrière  a  excédé  les  délais  d'usage,  la  dépense 
en  résultant  prend  le  caractère  d'une  dépense  extraordinaire 
et  doit  être  ordonnancée  d'après  les  règles  données  par 
l'art.  136  du  décret  du  18  juin  1811  (instr.  gén.  des 
fin.  du  30  sept.  1826). 

La  fourrière  de  la  préfecture  de  police  est  établie  à  Pa- 
ris, rue  de  Pontoise,  n°  19.  Elle  est  régie  par  une  ordon- 

59 


FOURRIÈRE  —  FOURRURE 


930  — 


nance  de  police  du  25  août  4882,  qui  a  rapporté  celle  du 
28  févr.  1839  sur  le  même  objet.  Jules  Forestier. 

IL  Histoire.  —  Fourrière  du  roi.  —  Office  de  la 
maison  du  roi  sous  l'ancien  régime,  chargé  de  la  fourniture 
du  bois  de  chauffage,  du  charbon,  de  la  paille,  du  service 
des  feux  et  de  Peau  chaude  pour  les  bains,  etc.  La  four- 
rière comptait  sous  Louis  XVI  vingt  chefs  fourriers,  quinze 
aides,  un  délivreur  de  bois,  un  porteur,  deux  porte-tables, 
deux  menuisiers,  un  fournisseur  de  buis  (pour  le  jour  des 
Rameaux),  un  verrier,  deux  porte-chaises  d'affaires. 

Bibl.  :  Almanachs  royaux. 

FOURRURE.  I.  Technologie.  —  Nom  donné  au  pelage 
de  certains  carnassiers  ou  rongeurs  et  aussi,  par  extension, 
aux  peaux  emplumées  de  quelques  oiseaux,  comme  le 
cygne,  Feider,  etc.  La  fourrure  constitue  pour  ces  animaux 
un  vêtement  naturel  plus  ou  moins  épais  que  l'homme  leur 
enlève  et  qu'il  apprit  de  bonne  heure  à  préparer  pour  en  faire 
des  vêtements  artificiels,  ainsi  que  des  tapis,  pour  se  mieux 
garantir  du  froid  et  de  l'humidité.  Le  prix  considérable 
qu'on  met  à  la  dépouille  des  animaux,  surtout  dans  les 
pays  froids,  est  toujours  relatif  à  la  difficulté  de  se  la 
procurer,  et  à  la  beauté  réelle  de  la  fourrure.  Cette  beauté 
consiste  dans  la  longueur  du  poil  de  l'animal,  sa  douceur, 
son  épaisseur  et  sa  couleur.  L'usage  de  porter  comme  vê- 
tement la  peau  des  animaux  tués  à  la  chasse,  et  comme 
ornement  les  parties  les  plus  belles  de  leur  fourrure,  paraît 
avoir  existé  chez  tous  les  peuples  primitifs.  On  connaît  la 
représentation  légendaire  d'Hercule  revêtu  de  la  dépouille 
du  lion  de  Némée.  Les  anciens  Grecs  connaissaient  la  pel- 
leterie et  étaient  déjà,  par  les  Phéniciens,  en  relations 
commerciales  avec  les  habitants  des  zones  glacées.  Mais  à 
l'époque  de  leur  complète  civilisation,  les  Grecs  ne  regar- 
daient plus  l'usage  des  fourrures  qu'avec  une  répugnance 
extrême.  De  tous  les  peuples  de  l'antiquité,  les  Perses  sont 
les  seuls  qui  mirent  les  vêtements  fourrés  au  nombre  des 
objets  de  luxe.  Les  Romains  et  les  Grecs  du  Bas-Empire 
considéraient  encore  les  fourrures  comme  un  signe  carac- 
téristique de  barbarie.  A  partir  du  viG  siècle,  lors  des  con- 
quêtes des  Germains,  des  Francs  et  des  Goths,  sous  le 
règne  de  Justinien,  l'Italie  fut  un  moment  soumise  au 
sceptre  d'un  roi  goth  et  les  Gaules  furent  envahies  par  les 
Francs  qui  s'y  établirent  :  l'usage  des  fourrures  se  répan- 
dit peu  à  peu  en  Europe.  Tout  en  s'accommodant  au  luxe 
des  habitants  des  pays  civilisés,  les  conquérants  ne  renon- 
cèrent pas  à  toutes  leurs  coutumes  barbares  ;  ils  conser- 
vèrent, entre  autres,  le  goût  des  fourrures,  quoique  la 
température  plus  douce  des  climats  nouveaux  sous  lesquels 
ils  étaient  venus  se  fixer  leur  permît  de  s'en  passer.  En 
effet,  ils  remplacèrent  les  peaux  grossières  dont  ils  se  cou- 
vraient par  lés  étoffes  plus  commodes  et  plus  agréables  de 
l'Italie  et  des  Gaules,  mais  ils  n'en  recherchèrent  qu'avec 
plus  d'ardeur  les  fourrures  rares  et  précieuses,  moins  à 
cause  de  la  nécessité  que  par  ostentation.  Lorsqu'aux  der- 
niers temps  de  l'empire  romain,  les  fourrures  furent  de- 
venues un  article  de  commerce  recherché,  les  marchands 
s'occupèrent  activement  des  moyens  de  s'en  procurer.  La 
Scandinavie  et  les  contrées  situées  sur  les  bords  de  la  mer 
Baltique  fournissaient  les  peaux  de  martre  zibeline.  D'un 
autre  côté,  les  marchands  établis  à  Constantinople  tiraient 
des  districts  montagneux  où  le  Tigre  et  l'Euphrate  pren- 
nent leur  source,  ainsi  que  de  la  Perse  et  de  la  Mésopo- 
tamie, des  quantités  considérables  de  fourrures  de  toute 
espèce,  tandis  que  les  marchands  grecs  établis  en  Crimée 
et  ceux  de  Cappadoce  expédiaient  chaque  année,  à  Constan- 
tinople et  dans  tout  le  reste  de  l'Empire,  une  grande 
quantité  de  mêmes  fourrures  avec  la  dénomination  de  rats 
de  Pont  et  rats  de  Babylone.  De  tous  les  animaux  auxquels 
on  peut  attribuer  ces  dénominations,  l'hermine  est  le  seul 
qui  soit  bien  connu.  Les  auteurs  les  plus  anciens  qui  en 
font  mention  le  nomment  hermelin,  corruption  du  mot 
armenillo,  qui  en  italien  signifie  arménien.  Il  est  très 
vraisemblable  que  c'est  de  l'Arménie  que  les  Européens 
tiraient  les  peaux  d'hermine  :  elles  étaient  apportées  en 


Italie  par  des  marchands  génois  ou  vénitiens  qui  faisaient 
ce  commerce. 

On  trouve  l'usage  des  fourrures  établi  en  France  dès 
les  premiers  rois.  Charlemagne,  dont  la  cour  affichait  le 
plus  grand  luxe,  était  vêtu  d'ordinaire  fort  simplement  ;  il 
avait  l'habitude  de  porter  en  hiver  un  pourpoint  de  peau 
de  loutre,  mais,  en  été,  il  se  couvrait  pour  la  chasse  d'un 
petit  manteau  de  peau  de  mouton.  Dans  les  solennités, 
Charlemagne  se  montrait  plus  élégant  ;  ses  vêtements 
étaient  fourrés  d'hermine,  de  petit-gris  et  de  renard.  On 
employait  particulièrement  à  cette  époque  les  peaux  de 
martre,  de  loutre,  de  chat,  de  loir  et  d'hermine.  Une  loi 
somptuaire  de  l'an  808  défend  de  vendre  ou  d'acheter  le 
meilleur  rochet  fourré  de  martre  ou  de  loutre  plus  cher  que 
30  sols,  et,  fourré  de  peau  de  chat,  40  sols.  Plus  tard  les 
seigneurs  ne  dépensèrent  pas  moins  en  fourrures  qu'en 
garnitures  d'or.  L'hermine,  la  martre,  le  petit-gris  ou  dos 
de  l'écureuil  du  Nord  et  le  menu  vair  coûtaient  si  cher  que 
le  signe  le  plus  certain  de  l'opulence  était  d'en  posséder 
beaucoup.  Lorsqu'en  1096,  les  croisés  envahirent  le  palais 
de  l'empereur  à  Constantinople,  leurs  chefs  scandalisèrent 
cette  cour  polie  par  la  grossièreté  de  leurs  façons,  mais 
non  pas  par  celle  de  leurs  vêtements.  Albert,  chanoine 
d'Aix-la-Chapelle,  a  décrit,  dans  la  relation  qu'il  a  donnée 
de  cette  entrevue,  les  vêtements  somptueux  de  pourpre, 
de  drap  d'or,  d'hermine,  de  martre,  de  gris  et  de  vair 
dont  se  parèrent  à  cette  occasion  les  principaux  chefs  des 
croisés.  Les  relations  directes  de  l'Europe  avec  l'Asie,  par 
suite  des  croisades,  firent  affluer  les  fourrures  précieuses, 
si  rares  auparavant.  Le  goût  pour  la  pelleterie  se  changea 
en  fureur,  et  la  consommation  fut  telle  que  les  artisans  en 
cette  partie  formèrent  des  corporations  plus  nombreuses 
que  bien  d'autres  métiers  qui  répondaient  aux  besoins 
indispensables  de  la  vie.  Ceux  à  qui  leurs  moyens  ne  per- 
mettaient pas  les  fourrures  d'Arménie  et  de  Sibérie,  se 
rabattirent  sur  les  peaux  de  renard,  d'agneau,  de  lièvre, 
de  chat  et  de  chien.  Les  fourrures  entrèrent  même  dans  la 
distribution  de  vêtements  que  l'on  faisait  aux  pauvres,  tant 
cette  chose  était  devenue  de  nécessité  première.  On  ne  se 
contentait  plus  de  porter  la  fourrure  des  bêtes  en  pelis- 
sons  ;  on  en  fourrait  les  manteaux,  on  en  bordait  le  bas, 
les  manches  et  l'encolure  des  tuniques.  La  couleur  natu- 
relle des  peaux  fut  déguisée  par  divers  artifices  :  on  mou- 
cheta  l'hermine  en  disposant  symétriquement  sur  la  four- 
rure la  houppe  de  poils  noirs  qui  est  au  bout  de  la  queue 
de  l'animal;  les  peaux  à  poil  blanc  furent  teintes  en 
couleur,  particulièrement  en  rouge.  Saint  Bernard  a  ex- 
primé son  indignation  au  sujet  des  manchettes  vermeilles 
qu'il  voyait  au  poignet  des  prêtres.  Gueules  était  le  nom 
de  ces  sortes  de  garnitures  et  c'est  pourquoi  la  couleur 
rouge  en  blason  s'est  appelée  gueules.  Des  bandes  de 
gueules  disposées  alternativement  avec  d'autres  bandes  de 
vair  ou  d'hermine  produisaient  des  fourrures  bariolées, 
qui  devinrent  plus  tard  des  emblèmes  héraldiques.  Pendant 
longtemps  il  fut  défendu  aux  bourgeoises  de  se  vêtir  des 
quatre  grandes  fourrures  :  la  zibeline,  l'hermine,  le  vair 
et  le  gris,  dont  l'usage  était  exclusivement  réservé  aux 
femmes  nobles.  Cependant,  après  le  règne  de  Louis  IX,  les 
femmes  des  bourgeois  enrichis  dans  le  commerce  commen- 
cèrent à  déployer  un  luxe  en  rapport  avec  leur  fortune  et 
se  parèrent  de  riches  fourrures.  C'est  ainsi  que  le  livre  de 
la  taille,  pour  l'année  1272,  compte  214  fourreurs  à  Paris. 
Mais,  sur  les  sollicitations  des  seigneurs  de  sa  cour,  Phi- 
lippe le  Bel,  par  une  ordonnance  de  1294,  défendit  aux 
bourgeois  de  porter  du  vair,  du  gris  ou  de  l'hermine,  et  leur 
enjoignit  de  se  défaire  de  leurs  fourrures  dans  le  délai 
d'un  an.  La  loi,  toutefois,  fut  loin  d'être  observée,  et  le 
luxe  des  fourrures  prit  des  proportions  encore  plus  consi- 
dérables. Pendant  le  règne  désastreux  de  Charles  VII,  la 
mode  suivit  son  cours  au  milieu  des  calamités  du  royaume, 
mais  l'habitude  des  fourrures  ne  restait  plus  que  dans  les 
grandes  maisons.  Nous  savons  bien,  par  Monstrelet,  que 
sous  Louis  XI,  en  1467,  les  dames  et  demoiselles  suppri- 


nièrent  les  longues  queues  de  leurs  robes  et  les  rempla- 
cèrent par  des  bordures  de  gris  et  de  martre  ;  toutefois ,  à 
partir  de  Charles  VIII,  le  luxe  des  étoffes  de  soie  et  de 
velours  commença  à  se  substituer  à  celui  des  fourrures 
qui  furent  dès  lors  employées  beaucoup  moins  dans  le 
costume. 

Le  xvie  siècle  ramena  la  mode  des  fourrures  un  instant 
abandonnée.  François  Rabelais,  dans  le  chapitre  de  son 
Gargantua,  consacré  à  la  fiction  de  l'abbaye  de  Thélème, 
et  qui  se  rapporte  à  l'année  1530,  dit  qu'en  hiver  les 
dames  de  ce  galant  monastère  portaient  des  robes  de  cou- 
leur fourrées  de  loup-cervier,  genette  noire,  martre  de 
Calabre,  zibeline  et  autres  fourrures  précieuses.  Mais  le 
luxe  fut  poussé  tout  de  suite  trop  loin  ;  une  ordonnance, 
rendue  en  1532,  intima  aux  financiers  et  gens  d'affaires 
de  s'abstenir  de  draps  de  soie  et  de  fourrures.  Sous  le 
règne  de  Henri  III  apparaît  pour  la  première  fois  le  man- 
chon d'hiver  en  satin  ou  en  velours  doublé  de  fourrure, 
objet  nouveau  pour  lequel  on  ne  sut  pas  créer  un  nom, 
puisque  celui  de  manchon  désignait  auparavant  et  désigna 
longtemps  encore  après  les  manches  qui  n'allaient  que 
jusqu'au  coude.  En  effet,  les  statuts  donnés  aux  pelletiers, 
en  1586,  mentionnent  les  manchons  ou  bouts  de  manches 
fourrés.  À  l'époque  de  Louis  XIV,  le  manchon  figurait, 
dans  la  tenue  d'hiver,  chez  les  hommes  comme  chez  les 
femmes.  En  1692,  les  caprices  de  la  mode  répandirent  de 
plus  en  plus  les  manchons  de  fourrure  parmi  les  femmes.  Ils 
étaient  devenus  la  niche  de  petits  chiens  qu'il  était  de 
bon  ton  de  porter  partout  avec  soi.  Quant  aux  autres  vête- 
ments fourrés  tels  que  le  pelisson,  ils  étaient  toujours  en 
usage  pour  l'hiver.  Le  pelisson  était  une  pelisse  ordinaire 
doublée  d'hermine.  La  palatine,  fourrure  de  dame  qui  couvre 
le  col  et  le  devant  de  la  poitrine,  date  de  ce  temps.  Le  règne 
de  Louis  XVI  fut  propice  à  la  mode  des  manchons  de  four- 
rure, auxquels  on  donna  parfois  les  noms  les  plus  excen- 
triques. Comme  au  temps  de  Louis  XIV,  les  hommes  le 
disputaient  aux  femmes  en  fait  de  fourrures.  Une  estampe 
du  recueil  d'Enault  nous  montre  un  élégant  de  1778  habillé 
à  l'anglaise,  en  frac  et  les  bras  à  moitié  cachés  dans  un 
énorme  manchon.  Ces  manchons  étaient  pour  la  plupart  en 
loup  de  Sibérie. 

Les  statuts  et  privilèges  des  marchands  de  fourrures  et 
pelletiers  de  la  ville  de  Paris  et  de  ses  faubourgs  avaient 
été  donnés  par  le  roi  Jean  en  1346  ;  ils  furent  successi- 
vement confirmés  par  Charles  V  en  1367,  par  Henri  III  en 
1586,  par  Louis  XIII  en  1618,  et  par  Louis  XIV  en  1648. 
Les  fourreurs  formèrent  d'abord  le  quatrième  corps  des 
marchands  de  Paris.  En  1776,  ils  furent  agrégés  aux  bon- 
netiers et  aux  chapeliers,  et  composèrent  avec  eux  le  troi- 
sième des  six  corps  de  marchands.  Actuellement,  les 
fourreurs  emploient  les  peaux  des  animaux  qui  se  rencon- 
trent dans  les  quatre  parties  du  inonde  à  l'état  sauvage  ou 
domestique  ;  aussi  la  récolte,  l'échange  et  le  transport  des 
fourrures  donnent  lieu  à  un  trafic  considérable  entre 
l'Amérique  du  Nord,  la  Russie  orientale,  l'Allemagne  et  la 
France.  Cette  industrie  a  pour  intermédiaires  la  Compagnie 
anglaise  de  la  baie  d'Hudson,  établie  sous  Charles  II,  en 
1670  ;  la  Compagnie  danoise  du  Groenland,  dont  le  centre 
est  à  Copenhague,  et  la  Compagnie  russo-américaine,  qui 
a  son  comptoir  à  Moscou.  Les  pelletiers  s'approvisionnent 
aux  grandes  foires  de  Francfort  et  de  Leipzig,  dans  les 
ventes  publiques  de  Copenhague  et  dans  les  ports  de 
l'Océan  et  de  la  Méditerranée. 

L'industrie  de  la  fourrure,  en  France,  se  divise  en  trois 
classes  d'industriels  :  1°  les  collecteurs  ou  ramasseurs  de 
peaux  ;  2°  les  marchands  en  gros  ou  pelletiers  ;  3°  les 
fourreurs.  Les  principaux  pelletiers  sont  en  même  temps 
confectionneurs  de  fourrures.  Autrefois,  les  fourreurs  exé- 
cutaient eux-mêmes  l'apprêt  et  le  lustrage  des  peaux,  mais 
aujourd'hui  ils  s'adressent  à  des  industriels  spéciaux  qui 
travaillent  à  façon.  Les  ouvriers  apprêteurs  écharnent  les 
peaux  à  l'état  brut  ;  ils  les  graissent  du  côté  de  la  chair  et 
les  foulent  avec  les  pieds  dans  un  tonneau  pour  qu'elles 


—  931  —  FOURRURE 

s'imprègnent  parfaitement  du  corps  gras  ;  ensuite ,  ils 
grattent  de  nouveau  le  cuir  avec  le  couteau  ;  ils  assou- 
plissent la  peau  et  la  dégraissent  avec  de  la  sciure  de  bois, 
du  plâtre  ou  du  sable  chaud  ;  enfin  ils  la  battent,  la  ter- 
minent à  la  baguette  et  la  peignent.  Les  peaux  ainsi  pré- 
parées sont  envoyées  au  lustreur.  Jusqu'en  4  820,  les 
procédés  de  lustrage  ou  de  teinture  étaient  restés  fort 
arriérés.  A  cette  époque,  la  teinture  des  peaux  fit  de  très 
grands  progrès  à  Lyon,  et,  pendant  quelques  années,  le 
lustrage  de  cette  ville  fut  seul  estimé  ;  mais  des  industriels 
établis  à  Paris  étant  parvenus  à  obtenir  un  lustrage  supé- 
rieur à  celui  de  Lyon,  le  commerce  des  peaux  se  développa 
rapidement  dans  la  capitale,  à  ce  point  qu'on  y  fait  main- 
tenant pour  une  somme  considérable  en  peaux  de  lapin 
seulement.  Le  travail  des  ouvriers  lustreurs  consiste  à 
faire  l'application  du  mordant,  à  donner  les  couches  de 
peintures  à  la  brosse,  à  tremper  dans  un  baquet  de  tein- 
ture les  peaux  dont  le  fond  doit  être  teint  et  à  faire  le 
battage  et  le  dégraissage;  chez  plusieurs  lustreurs,  ces 
deux  dernières  opérations  se  font  mécaniquement.  Il  ne 
reste  plus  alors  qu'à  confectionner  les  peaux  ;  le  four- 
reur les  fait  couper  par  des  ouvriers  spéciaux  et  monter  et 
coudre  par  des  femmes  qui  travaillent  soit  à  l'atelier,  soit 
chez  elles.  Le  fabricant  se  charge  enfin  de  garder  les  four- 
rures pendant  la  saison  des  chaleurs  et  de  leur  donner 
tous  les  soins  qu'exige  leur  conservation. 

Les  peaux  les  plus  communément  employées  à  Paris 
sont  :  les  peaux  de  lapin,  les  peaux  de  martre,  parmi  les- 
quelles on  préfère  les  zibelines  de  Sibérie,  qui  donnent  les 
fourrures  les  plus  estimées  ;  les  peaux  de  fouine,  les  peaux 
de  putois,  les  peaux  de  vison,  espèce  de  martre  d'Amérique 
et  d'Europe,  dont  la  fourrure  est  recherchée  pour  les  vête- 
ments de  femme  ;  la  peau  de  rat  musqué  du  Canada  ;  les 
peaux  de  petit-gris,  espèce  d'écureuil  habitant  le  nord  des 
deux  continents  ;  les  peaux  d'hermine  dont  les  souverains 
ornent  leurs  manteaux,  les  magistrats  leurs  robes,  les  cha- 
noines de  quelques  chapitres  leurs  aumusses  et  leurs  ca- 
mails.  Enfin  la  peau  du  chat  domestique  sert  à  faire  des 
manchons  à  bon  marché,  celle  du  chat  angora  remplace 
dans  les  pelisses  la  peau  du  renard  blanc  et  plusieurs 
autres  espèces  de  peaux  de  chat  des  contrées  du  Nord, 
envoyées  dans  la  capitale  pour  y  être  préparées  par  l'in- 
dustrie parisienne.  A  ces  peaux  d'un  grand  emploi,  il  faut 
ajouter  les  peaux  d'agneaux  du  Nord  et  de  l'Italie,  du 
Béarn,  d'Arles,  de  Russie  et  de  Perse  ;  les  peaux  de  chin- 
chilla, tirées  du  Chili  par  Lima  et  Buenos  Aires  ;  celles 
de  la  loutre  du  Canada,  des  renards  et  particulièrement  du 
renard  noir  de  Sibérie,  les  peaux  de  lièvre  blanc,  les 
peaux  plus  rares  de  lièvre  noir  de  Russie  ;  les  peaux  de 
loup  de  Sibérie,  dont  on  fait  des  manchons  ;  les  peaux  de 
genette,  qui  viennent  d'Espagne,  de  Turquie  et  surtout 
d'Afrique  :  les  peaux  de  castor,  très  estimées  en  pelleterie, 
quand  les  animaux  ont  été  tués  en  hiver  ;  les  peaux  d'ours 
de  Pologne,  de  Russie  et  d'Amérique,  dont  on  fait  des 
manchons  et  des  bonnets  pour  l'armée,  etc.  Les  peaux  de 
lion,  de  tigre,  de  panthère,  de  cerf,  d'ours  blanc,  de  car- 
cajou,  ne  servent  en  pelleterie  qu'à  faire  des  tapis  et  des 
caparaçons,  celles  des  bisons  de  l'Amérique  du  Nord  sont 
utilisées  pour  garnitures  de  chancelière,  tapis  d'apparte- 
ment, de  voiture.  Au  travail  des  peaux  des  quadrupèdes, 
la  pelleterie  a  joint  la  fabrication  des  fourrures  faites  avec 
des  peaux  de  cygne,  d'oie,  de  grèbe;  ces  fourrures  servent 
à  confectionner  des  palatines  et  des  garnitures  de  robe. 
Depuis  une  trentaine  d'années,  la  pelleterie  parisienne  a 
pris  un  développement  considérable,  et  le  chiffre  de  ses 
transactions  a  plus  que  quadruplé  ;  la  plus  grande  partie 
de  ses  produits  est  consommée  à  Paris  même  ;  le  reste  se 
partage  entre  les  départements  et  l'étranger.       L.  Knab. 

IL  Art  héraldique.  —  Employées  indifféremment  comme 
émail  et  comme  métal,  les  fourrures  admises  très  honora- 
blement en  armoiries  sont  au  nombre  de  deux  :  l'hermine, 
qui  a  pour  opposé  le  contre-hermine  et  le  vair  dont  l'op- 
posé est  le  contre-vair  (V.  ces  mots). 


FOURS  —  FOU-SAN 


—  932  — 


FOURS.  Cora.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  et  cant. 
de  Barcelonnette  ;  329  hab. 

FOURS.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  Andelys, 
cant.  d'Ecos;  188  hab. 

FOURS.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  et  cant.  de 
Blaye;  324  hab. 

FOURS.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de 
Ne  vers;  1,745  hab. 

FOURTOU.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Limoux, 
cant.  de  Couiza;  305  hab. 

FOURTOU  (Marie-François-Oscar  Bardy  de),  homme 
politique  français,  né  à  Ribérac  le  3  janv.  1836.  Avocat 
à  Ribérac,  maire  de  cette  ville,  il  fut  élu  représentant  de  la 
Dordogne  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871.  Bona- 
partiste, il  siégea  au  centre  droit.  Il  ne  tarda  pas  à  attirer 
l'attention  publique,  d'abord  ^>ar  son  rapport  concluant  à 
l'autorisation  de  poursuites  contre  M.  Rouvier,  auteur 
d'articles  de  journaux  où  le  général  Ducrot  était  assez  mal- 
mené (févr.  1872),  puis  par  son  attitude  à  l'égard  de 
M.  Thiers  dont  il  défendit  le  gouvernement  contre  les  entre- 
prises de  son  parti.  Thiers,  reconnaissant,  lui  donna  le  8  déc. 
1872  le  portefeuille  des  travaux  publics.  M.  de  Fourtou 
démissionna  le  17  mai  1873  avec  MM.  de  Goulard  et  Jules 
Simon,  puis  accepta  le  ministère  des  cultes  dans  le  cabinet 
centre  gauche  du  19  mai  1873  qui  ne  dura  que  cinq  jours. 
Le  26  nov.,  il  faisait  partie  du  cabinet  de  Broglie  avec  le 
portefeuille  de  l'instruction  publique,  des  beaux -arts  et  des 
cultes.  Adoptant  avec  zèle  les  tendances  réactionnaires 
de  ce  gouvernement,  il  s'empressa  de  mettre  en  disponi- 
bilité les  professeurs  qui  lui  étaient  signalés  pour  leurs 
opinions  trop  républicainesvrétablit  la  commission  de  cen- 
sure et  ne  craignit  pas  de  tancer  Je  haut  clergé.  Ministre 
de  l'intérieur  dans  le  cabinet  du  22  mai  1874,  il  persista 
dans  cette  politique',  poursuivit  les  fonctionnaires  suspects 
de  libéralisme,  les  journaux  républicains  et  monarchistes, 
et  peupla  son  ministère  d'agents  bonapartistes.  Ces  der- 
nières mesures  indisposèrent  ses  collègues  orléanistes  et  il 
dut  démissionner  le  18  juil.  1874.  Il  devint  alors  un  des 
partisans  les  plus  actifs  de  M.  Buffet.  Elu  député  de 
Ribérac  le  20  févr.  1876,  il  était  tout  désigné  pour  occuper 
le  ministère  de  l'intérieur  dans  le  cabinet  du  i6  mai 
1877.11  répondit  pleinement  aux  espérances  du  gouverne- 
ment du  Seize-Mai  et  se  signala  par  une  activité  exception- 
nelle et  des  rigueurs  telles  qu'il  en  demeura  à  jamais 
impopulaire.  Les  préfets  et  sous-préfets  républicains  furent 
remplacés  par  des  agents  bonapartistes  et  légitimistes  ;  les 
maires  furent  révoqués,  la  presse  soumise  à  des  vexations 
continuelles,  le  Bulletin  officiel  des  communes  devint  entre 
les  mains  du  ministre  un  organe  de  combat.  Un  des  plus 
ardents  promoteurs  de  la  dissolution  de  la  Chambre,  M.  de 
Fourtou,  une  fois  qu'elle  fut  votée  par  le  Sénat,  entama 
la  campagne  électorale  avec  une  ardeur  sans  précédent 
dans  les  fastes  ministériels.  Il  se  vanta,  dit-on,  de  «  faire 
marcher  le  pays  ».  La  candidature  officielle  refleurit 
comme  aux  beaux  jours  de  l'Empire  :  on  vit  reparaître 
Faffiche  blanche,  les  tournées  présidentielles,  les  manifestes, 
les  mesures  d'intimidation,  les  gages  au  parti  ultramontain, 
qu,i  en  triompha  même  si  bruyamment  que  les  cabinets  de 
l'Europe,  redoutant  une  nouvelle  expédition  de  Rome, 
firent  des  représentations  diplomatiques.  Cette  intervention 
obligea  M.  de  Fourtou  à  déclarer  que  «  le  prêtre  ne  devait 
pas  s'immiscer  dans  les  affaires  de  l'Etat».  Il  fut  réélu 
à  Ribérac  avec  une  énorme  majorité,  mais  a\ec  lui  furent 
réélus  les  363  qui  réclamèrent  aussitôt  (15  nov.)  une 
enquête  sur  les  abus  de  pouvoir  du  cabinet.  Le  23  nov., 
il  dut.  démissionner  avec  ses  collègues.  Un  an  après  (18  nov. 
1878)  il  était  invalidé,  sur  le  rapport  écrasant  de  M.  Flo- 
quet  et  après  une  séance  orageuse  où  Dufaure  flétrit  de 
l'épithète  de  «  parti  sans  nom  »  le  parti  de  M.  de  Fourtou 
et  où  .Gambetta  l'accusa  de  mensonge,  ce  qui  amena  entre 
eux  un  duel  d'ailleurs  sans  résultat.  Le  2  févr.  1879, 
M.  de  Fourtou  était  réélu  par  Ribérac.  Il  se  tint  désormais 
dans  une  sorte  de  retraite  dédaigneuse  d'où  il  ne  sortit 


même  point  lorsque  M.  Brisson  proposa  de  le  mettre  en 
accusation  ainsi  que  ses  anciens  collègues.  Le  7  mars  1880 
U  entrait  au  Sénat  où  il  remplaça  M.  Magne.  Il  continua 
d'y  jouer  le  même  rôle  volontairement  effacé.  Puis  il  subit 
coup  sur  coup  deux  échecs  :  au  renouvellement  triennal 
du  25  janv.  1885  et  aux  élections  générales  pour  la 
Chambre  du  4  oct.  4885.  Il  prit  sa  revanche  le  22  sept. 
1889  à  Ribérac  où  il  battit  M.  Brugère,  son  concurrent 
républicain,  avec  9,682  voix  contre  7,583.  M.  de  Fourtou 
est  administrateur  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer 
d'Orléans. 

FOU-SAN.  L'un  des  trois  ports  ouverts  au  commerce 
étranger  en  Corée  (prov.  de  Kieng-sang),  au  S.-O.  de  la 
presqu'île,  séparée  de  Kiou-siou  par  le  détroit  de  Corée, 
dont  la  largeur  est  d'environ  255  kil.  Les  vapeurs  mettent 
de  quatorze  à  seize  heures  pour  aller  de  Fou-san  à  Naga- 
saki. Ce  port,  qui  avait  été  visité  en  oct.  1797  parle  capi- 
taine W.-R.  Broughton,  à  bord  de  la  Providence,  a  été 
ouvert  par  le  traité  de  la  Corée  avec  le  Japon  en  1876  et 
a  pris  de  jour  en  jour  plus  d'importance,  grâce  à  son  excel- 
lente position.  Il  est  abrité  des  typhons  par  de  grandes  col- 
lines. En  face,  se  trouve  l'île  connue  par  les  étrangers  sous 
le  nom  de  Deer  Island  et,  par  les  indigènes,  sous  celui  de 
Chôl-yong-do. 

Le  mouvementdu  port,  suivant  les  statistiques  des  douanes 
chinoises  établies  en  4  883,  qui  ont  commencé  à  être  publiées 
en  1885,  était,  en  1891  :  entrées  et  sorties,  1,921  bâti- 
ments, dont  4,461  voiliers  et  460  vapeurs  (424  japonais, 
4  allemands,  2  anglais,  30  russes),  représentant  un  tonnage 
total  de  360,919  tonnes.  La  valeur  totale  du  commercadu 
port  a  été,  pour  4889,  en  piastres  mexicaines  :  4,830,349; 
pour  4890,  3,963,470  ;  pour  1891, 3,688,955.  Ce  dernier 
chiffre  se  répartit  ainsi  :  importation  étrangère,  1 ,487,978  ; 
importation  indigène  (de  Jen-chuan  et  de  Yuen-san), 
432,874  ;  produits  indigènes  exportés  à  l'étranger, 
4,786,274  ;  produits  indigènes  exportés  à  d'autres  ports 
coréens,  281,835.  Les  principaux  articles  d'importation 
sont  les  marchandises  de  coton,  le  cuivre,  le  fer,  les  mé- 
taux, la  corderie,  les  vêtements,  les  teintures,  les  allu- 
mettes, le  pétrole,  le  sa-ké,  le  sel,  les  soieries,  les  bois  de 
charpente,  les  poissons  secs  et  salés.  Les  produits  indigènes 
sont  surtout  les  fèves,  l'orge,  les  marchandises  de  coton, 
les  peaux,  le  papier,  le  riz  (4 ,477,498  piastres  mexicaines), 
les  algues,  les  ailerons  de  requin,  etc.  , 

En  4891 ,  la  population  étrangère  de  Fou-san  se  composait 
de  5,412 hab.,  ainsi  répartis  :  Américains,  2  ;  Anglais,  44 ; 
Chinois,  438  ;  Allemands,  3  ;  Japonais,  5,255.  Il  y  avait 
400  maisons  de  commerce  dont  3  chinoises  et  97  japo- 
naises. La  population  coréenne  de  la  ville  de  Fou-san  et 
de  la  préfecture  deToungnai  était  évaluée,  la  même  année, 
à  30,000  hab.  Toungnai  (en  japonais  Toraï)  est  la  première 
ville  qui  fut  armée  pour  résister  à  l'invasion  japonaise  au 
xvie  siècle.  La  ville  coréenne  est  située  à  environ  4  kil.  de  la 
ville  étrangère.  M.  Varat,  le  dernier  voyageur  français  qui 
l'ait  visitée,  écrit  (Tour  du  monde,  4  juin  4892)  :  «  La 
ville  indigène,  fort  misérable,  est  en  partie  habitée  par  des 
pêcheurs  ;  les  maisons  de  ceux-ci,  situées  au  bord  du  dé- 
troit de  Corée,  sont  en  général  précédées  de  grands  trous 
circulaires  d'environ  3  m.  de  diamètre  sur  4  m.  de  pro- 
fondeur, creusés  dans  le  sol  et  recouverts  de  glaise.  Quatre 
pieux  de  2  m.  de  haut,  placés  perpendiculairement  en 
carré  autour  de  ces  réservoirs,  supportent  une  légère  toi- 
ture de  chaume  destinée  à  abriter  les  engrais  de  sardines 
qu'on  y  prépare  pour  les  exporter  en  grandes  quantités  au 
Japon,  où  ils  servent  à  fumer  les  terres.  »  Fou-san  est  en 
réalité  une  ville  japonaise,  reliée  par  des  services  de  bateaux 
à  vapeur,  d'une  part  avec  Nagasaki  et  Vladivostock,  de 
l'autre  avec  Tchémoulpo  et  Tchefou.  Le  24  nov.  4883,  le 
vapeur  Great  'Northern  est  venu  établir  une  ligne  télé- 
graphique sous-marine  entre  Fou-san  et  le  Japon.  On  y 
publie  un  journal  coréen-japonais,  appelé  Chd-sen  Shvnpo. 

Henri  Cordier* 
Bibl.  :  V.  Corée. 


—  933  — 


FOUSCHER  —  FOUTA 


FOUSCHER  (Pierre),  chroniqueur  limousin,  né  dans  les 
dernières  années  du  xve  siècle,  mort  vers  1545.  Fils  d'un 
greffier  de  Limoges,  ordonné  prêtre  en  1514,  nommé  cha- 
noine de  la  cathédrale  en  1517,  il  est  connu  comme  auteur 
d'une  chronique  locale  qui  s'étend  de  1507  à  1543.  Com- 
mencée en  latin,  elle  fut,  à  partir  de  1533,  terminée  en 
français,  ut  omnes  intelligant.  Cette  chronique,  conser- 
vée par  une  copie  de  dom  Estiennot  {Fragmenta  historiée 
aquitanicœ,  II,  559  et  suiv.),  a  été  publiée  pour  la  pre- 
mière fois  en  1885  par  M.  E.  Molinier  dans  les  Documents 
historiques  sur  la  Marche  et  le  Limousin  (II,  42-57). 

FOU  SI-Y  AIWA,  FUJI-YAMA,  ou  FOUSI-SAN.  Célèbre 
volcan  du  Japon,  situé  dans  l'île  de  Nippon  ou  Hondo,  à  la 
limite  des  provinces  de  Sourouga  et  de  Kai,  par  conséquent 
dans  l'ancienne  circonscription  To-kaï-do  ;  le  Fousi  fait  partie 
d'une  chaîne  de  montagnes  s'étendant  vers  FE.  et  le  S.  et 
descendant  dans  la  presqu'île  d'Idzou,  qui  est  arrosée  àl'O. 
par  la  baie  de  Sourouga  et  à  TE.  par  la  baie  d'Odowara. 
La  grande  route  du  To-kai-do,  qui  relie  Kioto  à  Tokio, 
coupe  la  chaîne  à  Hakone  (855  m.  d'alt.)  pour  se  diriger 
ensuite  vers  Odowara  et  Tokio.  L'ait,  du  Fousi  est 
estimée  de  3,745  m.  (Rein),  à  3,769  m.  (Stewart).  La 
dernière  éruption  de  ce  volcan,  dont  le  cratère  a  un  dia- 
mètre moyen  d'environ  825  m.  et  deux  entonnoirs  distincts, 
a  eu  lieu  en  1707  ;  elle  causa  alors  de  grands  dommages. 
La  légende  et  l'art,  naturellement,  se  sont  emparés  de 
cette  montagne,  la  plus  célèbre  du  Japon.  «  La  cinquième 
année  du  règne  de  Korei-Tenno  (285  av.  «L-C),  d'après 
une  ancienne  tradition,  enregistrée  dans  les  annales  impé- 
riales, le  mont  Fousi,  de  la  hauteur  de  plus  de  3,700  m., 
s'éleva  soudainement  sur  la  frontière  des  provinces  Sou- 
roga  et  Kahi  dans  le  Tosando,  tandis  que  la  terre  s'ouvrit 
dans  la  province  d'Aumi  et  qu'il  s'y  forma  le  grand  lac 
actuellement  connu  sous  le  nom  du  lac  de  Biva  ou  de  la 
Guitare.  »  (L.  Metchnikoff.) 

Le  célèbre  artiste  Hokusaï  (1760-1849)  a,  sous  le  nom 
de  Fougakou-Hiak'kei,  donné  100  vues  du  Fousi-yama, 
qui  ont  eu  de  nombreuses  éditions  (1830,  1834,  1880). 
Cet  ouvrage  a  été  décrit  par  Fred.-V.  Dickins  (Londres, 
1 880) .  Hokusaï  a  donné  égalementla  magnifique  série  connue 
sous  le  titre  de  Fougakou  san-jiou-rok  kei,  les  36  vues  du 
Fousi-yama  en  42  grandes  planches  en  couleur,  «  un  des 
plus  beaux  ouvrages  de  l'artiste  »,  dit  M.  Ànderson.  D'ail- 
leurs, il  n'est  guère  de  maison  japonaise  où  l'on  ne  voie 
le  Fousi,  représenté  soit  par  les  peintures,  soit  par  des 
dessins.  Le  paysagiste  japonais  si  connu,  Hiroshighé-Moto- 
naga  (1797-1858),  de  l'école  populaire  Oukiyo-yé,  a  donné 
aussi  en  1820,  sous  le  nom  de  Fouji-hyakou-dzu,  36  vues 
en  couleur  du  Fousi-yama,  qui  paraissent  être  le  premier 
ouvrage  qu'il  ait  publié.  Henri  Cordier. 

Bibl.  :  Léon  Metchnikoff,  Empire  japonais.— -  G.  Ap- 
pert, Ancien  Japon.  —  B.-H.  Chamberlain,  Memoirs  of 
the  Literature-College  Impérial  University  of  Japan. 

FOUSSAIS.  Corn,  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  de  Fon- 
tenay,  cant.  de  Saint-Hilaire-des-Loges,  sur  un  affluent 
de  la  Vendée  ;  1 ,465  hab.  Eglise  intéressante  dont  la  façade 
romane  est  ornée  de  curieux  bas-reliefs  et  d'une  statue 
équestre  dans  le  tympan  ;  le  pignon  et  les  voûtes  sont -du 
xve  siècle. 

FOUSSARD  (Le)..  Rivière  de  France  (V.  Eure-et-Loir, 
t.  XVI,  p.  771). 

FOUSSEDOIRE  (André),  homme  politique  français,  né 
à  Issoudun  (Indre)  le  11  oct.  1753,  mort  à  Lausanne 
(Suisse)  le  17  août  1820.  Il  était  dans  les  ordres  avant  la 
Révolution  ;  ayant  embrassé  les  idées  nouvelles,  il  devint 
administrateur  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  qui  l'élut  député 
suppléant  à  la  Convention  le  6  sept.  1792.  Il  fut  de  suite 
admis  à  siéger  en  remplacement  de  Rernardin  de  Saint- 
Pierre,  non  acceptant.  Membre  du  parti  montagnard,  il 
vota  la  mort  de  Louis  XVI  et  fut  envoyé  en  mission  dans 
les  dép.  du  Bas-Rhin,  du  Haut-Rhin,  de  la  Haute-Saône 
et  du  Mont-Terrible  le  21  brumaire  an  II  (12  oct.  1793). 
11  se  rendit  ensuite  dans  les  Vosges  le  9  pluviôse  an  II 


(26  janv.  1794).  Après  le  9  thermidor,  il  resta  fidèle  à 
ses  opinions,  réclama  le  désarmement  des  royalistes  et  des 
aristocrates  (21  mars  1795)  et  défendit  Billaud-Varenne 
et  Collot  d'Herbois  (25  mars).  Décrété  d'arrestation,  sur 
la  demande  de  Bourdon  de  l'Oise,  le  1er  avr.  suivant,  il 
fut  enfermé  au  château  de  Ham  et  fut  encore  enveloppé 
dans  la  proscription  de  prairial  an  III.  Il  profita  de  l'am- 
nistie du  4  brumaire  an  IV.  En  1816,  la  loi  sur  les  régi- 
cides força  Foussedoire  à  quitter  la  France  ;  il  s'installa  à 
Lausanne,  où  il  mourut.  Etienne  Charavay. 

Bibl.:  Moniteur.  —  Félix  Bouvier,  les  Vosges  pendant 
la  Révolution,  p.  275.  —  Jules  Guiffrey,  les  Convention- 
nels. —  Documents  personnels. 

FOUSSEMAGNE  ou  FIESSENEN.  Corn,  du  territoire 
de  Belfort,  cant.  de  Fontaine  ;  529  hab. 

FOUSSERET  (Le).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Haute- 
Garonne,  arr.  de  Muret  ;  2,052  hab. 

FOUSSET  (Ernest-Eugène),  homme  politique  français, 
né  à  Orléans  le  24  juil.  1830.  Négociant  à  Orléans,  il  fut 
élu  député  de  cette  ville,  à  une  élection  partielle,  le  6  avr. 
1879,  et  s'inscrivit  à  l'Union  républicaine  avec  laquelle  il 
vota  généralement.  Réélu  le  21  avr.  1881,  il  fit  partie  de 
la  gauche  radicale,  appuya  la  politique  opportuniste,  fut 
de  nouveau  réélu,  mais  au  second  tour  de  scrutin,  aux 
élections  générales  de  1885,  et  entra  le  5  janv.  1888  au 
Sénat  où  il  combattit  le  boulangisme. 

FOUSS1ER  (Edouard),  auteur  dramatique  français,  né 
à  Paris  le  23  juil.  1824,  mort  à  Paris  le  15  mars  1882. 
Il  débuta  par  des  impressions  de  voyage  :  Italiam(iSAS), 
puis  aborda  le  théâtre  avec  une  comédie  en  deux  actes  en 
vers  :  Heraclite  et  Démocrite  (Théâtre-Français,  1850). 
Il  donna  ensuite  :  les  Jeux  innocents,  comédie  en  un  acte 
en  vers  (Gymnase,  1853);  Une  Journée  cf  Agrippa 
d'Aubigné,  drame  en  cinq  actes  en  vers  (Théâtre-Fran- 
çais, 1853)  ;  le  Temps  perdu,  comédie  en  trois  actes  en 
vers  (Gymnase,  1853)  ;  la  Famille  de  Puymené,  drame 
en  quatre  actes  en  prose  (Gymnase,  1865);  le  Maître  de 
la  Maison,  comédie  en  cinq  actes  en  prose  (Odéon,  1866). 
On  a  encore  de  Foussier  le  Chercheur  d'esprit^  opéra- 
comique  en  un  acte,  avec  MM.  Carré  et  Barbier  ;  François 
Villon,  opéra  en  un  acte,  avec  Got;  la  Baronne,  drame 
en  quatre  actes  avec  M.  Ch.  Edmond.  Foussier  collabora 
en  outre  à  Ceinture  dorée,  aux  Lionnes  pauvres  et  à 
Un  Beau  Mariage,  d'Emile  Augier.  Ch.  Le  G. 

FOUSSIGNAC.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de 
Cognac,  cant.  de  Jarnac;  550  hah. 

FOUTA.  Pays  delà  Sénégambie,  qui  s'étend  sur  la  rive 
gauche  du  fleuve  Sénégal,  du  Oualo  au  Bondou ,  et  qui 
comprend  le  Dimar,  le  Toro,  le  Fouta  central.  C'est  le 
Fouta  central,  ou  Fouta  proprement  dit,  qui  exerce  sur  la 
région  une  influence  politique  et  religieuse  prépondérante. 
Les  Foulbé  qui  sont  depuis  plusieurs  siècles  les  maîtres 
de  la  zone  fluviale,  ont  établi  au  Fouta,  vers  le  début  du 
xixe  siècle,  une  sorte  de  république  théocra tique  dont  le 
chef,  ou  almâmi,  a  été. un  des  adversaires  de  notre  influence. 
Depuis  1854,  le  Fouta  reconnaît   la  suzeraineté  de  la 
France.  La  population  se  compose  de  Foulbé  et  de  Toucou- 
leurs,  race  croisée,  issue  du  mélange  de  l'élément  pheul 
et  de  l'élément  nègre.  Les  postes  principaux  du  Fouta  sont: 
Saldé,  rive  gauche  du  Sénégal,  Boumba  et  Oréfondé,  au  S. 
FOUTA-Djallon  ou  FOUTA-Dialon.  Pays  de  la  Séné- 
gambie, situé  entre  le  10e  et  le  12e  degré  de  lat.N.,  région 
montagneuse  dont  les  eaux  alimentent  le  Niger,  le  Séné- 
gal, la  Gambie  et  les  rivières  moins  importantes  tribu- 
taires de  l'Océan,  de  l'embouchure  de  la  Gambie  au  cap 
Sierra  Leone.  Les  montagnes  du  Fouta-Djallon  sont  riches 
en  fer  et  recèlent  des  gisements  d'or.  Dans  les  vallées,  le 
coton  est  cultivé  avec  succès.  Les  aborigènes  de  race  nègre, 
les  Djalonkés,  ont   été  soumis,  vers  le  xvi°  siècle,  aux 
Foulbé.  Ce  sont  les  Foulbé  qui  ont  fondé  TEtat  du  Fouta- 
Djallon  vers  le  milieu  du  xvme  siècle.  Le  chef  de  TEtat 
porte  le  titre  d'almâmi.  La  capitale  est  Timbo  ;  les  villes 
principales,  Labé  et  Faucoumba. 


FOU-TCHÉOU  —  FOWLER  —  934  — 

FOU-TCHEOU.  Ville  de  Chine,  capitale  de  la  prov.  de 
Fou-kian,  sur  la  rive  g.  du  Min,  à  environ  32  kii.  de  l'embou- 
chure ;  636,000  hab.  C'est  un  des  centres  maritimes  les 
plus  importants  de  la  Chine  et  aussi  un  centre  littéraire  ; 
ses  établissements  d'instruction  sont  renommés,  son  com- 
merce considérable  (3,092,567  taels  d'importations  et 
4,358,845  taels  d'exportations).  Résidence  du  vice-gouver- 
neur, des  autorités  politiques  et  militaires  de  la  province,  des 
consulats  européens  et  des  missions  catholiques.  Fabriques 
de  soie,  de  lainage,  de  papier;  construction  de  navires. 
Commerce  important  d'opium,  de  bois,  de  plomb,  de  thé. 
La  ville  irrégulièrement  bâtie  s'étend  sur  une  petite  île 
formée  par  deux  bras  du  Min  et  rattachée  aux  deux  rives 
par  le  pont  en  granit  des  «  Dix  mille  Années  »,  le  plus 
long  de  Chine.  La  colonie  européenne  occupe  la  rive  droite 
du  Min,  la  ville  chinoise  la  rive  N.  à  3  kil.  du  fleuve. 
Un  grand  mur  de  9  m.  de  haut,  de  3  m.  de  large,  percé 
de  sept  portes  monumentales  et  défendu  par  de  grosses 
tours,  enferme  toute  la  ville.  L'arsenal  de  Fou-tchéou, 
construit  en  1867  par  deux  Français,  MM.  Fiquet  et  d'Ai- 
guebelle,  et  situé  à  40  kil.  au-dessous  de  la  ville,  sur  la 
rive  gauche,  emploie  plus  de  1,000  ouvriers.  Il  a  été 
bombardé  en  1884  par  l'amiral  Courbet  qui  détruisit  les 
forts  et  les  batteries  qui  défendaient  la  rivière  Min. 

FOUTEÂU  (Bot.)  (V.  Hêtre). 

FOUTOUNA.  Ile  de  l'archipel  des  Nouvelles-Hébrides; 
55  kil.  q.;  2,500  hab.  C'est  une  montagne  conique  de  près 
de -600  m.  de  haut. 

F0UVENT-le-BasouF0UVENT-la-Ville(Fotz5F^^. 
Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de  Gray,  cant.  de 
Champlitte,  sur  le  Vannon;  279  hab.  Carrières  de  pierres 
de  taille  et  de  marbre  gris.  Sur  la  montagne  de  Champot, 
camp  antique,  près  duquel  on  a  trouvé  des  sarcophages, 
des  monnaies  romaines,  des  débris  de  poteries  et  des  amas 
de  scories.  Lors  de  la  délimitation  opérée  en  1559  entre  les 
deux  Bourgognes,  Fouvent,  qui  avait  toujours  dépendu  du 
pays  langrois,  fut  déclaré  en  surséance,  et  ce  n'est  qu'en 
1612  que  la  dévolution  en  fut  prononcée  au  profit  du 
duché.  Le  général  allemand  Galas  l'occupa  en  1636  et 
1637.  Les  de  Bauffremont  possédaient  la  seigneurie  au 
xvne  siècle  et  les  de  La  Tour  du  Pin  au  xvine.  Fouvent-le- 
Bas  fut  chef-lieu  de  canton  sous  la  Révolution.  L-x. 

FOUVENT-le-Hàut  ou  FOUVENT-le-Chàtel  ou 
FOUVENT-le-Prieuré  (Fons  Vennœ).  Com. du  dép,  delà 
Haute-Saône,  arr.  de  Gray,  cant.  de  Champlitte,  sur  le 
Vannon;  340  hab.  Moulin.  Le  château  qui  appartenait, 
avec  la  seigneurie,  aux  de  Fouvent  au  xne  siècle,  et  aux 
de  Vergy  au  xme,  fut  pris,  en  1568,  par  le  duc  de  Deux- 
Ponts  et  par  les  Français  qui  le  démantelèrent  en  1636. 
Le  prieuré  a  été  fondé,  en  1019,  en  l'honneur  du  saint 
sépulcre  et  de  la  Vierge,  par  Gérard  de  Fouvent.  Monu- 
ment mégalithique  au  hameau  de  La  Pierre-Percée.     L-x. 

FOUZ1LLON.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de 
Béziers,  cant.  de  Roujan;  115  hab. 

FO VEAUX  (Détroit  de).  Bras  de  mer  qui  sépare  l'île 
méridionale  de  la  Nouvelle-Zélande  de  l'île  Stewart  ;  il  a 
de  40  à  16  kii.  de  large;  encombré  d'écueils,  il  est  dange- 
reux pour  les  navires.  Au  N.  est  le  bon  port  d'Awaroua 
ou  Bluff  Harbourg  ;  à  l'entrée  orientale  se  trouve  l'île 
Ruapuki,  à  l'entrée  occidentale  l'îje  Solander. 

FO  VILLA  (Bot.).  Contenu  semi-liquide  du  grain  de 
pollen  (V.  ce  mot  et  Fécondation). 

FOVILLE  (Achille-Louis),  médecin  aliéniste  français, 
né  àPontoiseen  1799,  mort  à  Toulouse  le  22  juil.  1878. 
D'abord  médecin  en  chef  de  l'asile  de  Saint-Yon,  il  fut 
nommé  peu  après  professeur  de  physiologie  *à  l'Ecole  de 
médecine  de  Rouen  et  en  1840  succéda  à  Esquirol  comme 
médecin  en  chef  de  l'asile  de  Charenton  ;  révoqué  en  1848, 
il  continua  l'exercice  de  la  médecine  à  Paris  et  peu  après 
se  retira  à  Toulouse.  Son  ouvrage  capital  est  :  Traité  com- 
plet de  Vanatomie^  de  la  physiologie  et  de  la  patholo- 
gie du  système  nerveux  cérébro-spinal,  lre  partie  : 
Anatomie  (Paris,  1834,  in-8,  avec  atlas).  Foville,  le  pre- 


mier, a  établi  que  la  substance  corticale  du  cerveau  est 
affectée  à  l'exercice  des  opérations  intellectuelles. 

FOVILLE  (Alfred  de),  économiste  français,  né  à  Paris 
le  26  déc.  1842.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique  (promotion 
de  1 861  ) ,  il  servit  quelque  temps  dans  le  corps  des  ingénieurs 
télégraphistes,  puis  il  devint  auditeur  au  conseil  d'Etat  et 
quitta  encore  cette  assemblée  pour  entrer  dans  l'adminis- 
tration centrale  du  ministère  des  finances.  Chef  adjoint  au 
cabinet  du  ministre  en  1873,  chef  du  bureau  des  travaux 
législatifs,  de  statistique  et  de  législation  comparée  en  1878, 
il  fut  nommé,  en  1885,  professeur  d'économie  industrielle 
et  de  statistique  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers.  M.  de 
Foville  a  donné  plusieurs  ouvrages  importants .  Citons  :  la 
Transformation  des  moyens  de  transport  et  ses  con- 
séquences économiques  et  sociales  (Paris,  1880,  in-8); 
la  Statistique  et  ses  ennemis  (1885,  in-8)  ;  Etudes  éco- 
nomiques et  statistiques  sur  la  propriété  foncière;  le 
Morcellement  (1885,  in-8);  la  France  économique 
(Paris,  1887  et  1889,2  vol.  in-18),  etc.  Il  a  publié  avec 
M.  Pigeonneau  :  l'Administration  de  l'agriculture  au 
Contrôle  général  des  finances  (1785-87),  Procès-ver- 
baux et  rapports  (1882,  in-8);  traduit  de  Palgrave  la 
Chambre  des  Communes;  donné  une  édition  des  OEuvres 
choisies  de  F.  Bastiat  dans  la  Petite  Bibliothèque  écono- 
mique (1889,  in-32),  etc. 

FOWEY.  Ville  maritime  d'Angleterre,  comté  de  Cornwall, 
à  l'embouchure  d'une  rivière  du  même  nom  ;  1,700  hab. 
C'est  encore  un  fort  de  pêche  florissant,  possédant  une 
flotte  de  140  navires  jaugeant  15,000  tonneaux.  Fowey  fut 
au  moyen  âge  un  port  important,  grâce  surtout  à  la  pira- 
terie ;  il  fournit  47  navires  pour  le  siège  de  Calais.  En 
1457,  les  Français  le  brûlèrent. 

FOWKE  (John),  lord-maire  de  Londres,  mort  à  Londres 
le  22  avr.  1662.  Gros  marchand,  il  eut  des  difficultés  avec 
le  gouvernement  en  refusant  de  payer  l'impôt  non  auto- 
risé par  les  Communes,  fut  traduit  devant  la  chambre  de 
l'Etoile,  emprisonné,  envoyé  sur  la  flotte  et  condamné  à 
d'énormes  amendes.  Aussi  n'est-il  pas  étonnant  de  cons- 
tater qu'en  1643  il  était  un  des  chefs  du  parti  parlemen- 
taire à  Londres,  En  même  temps,  il  adressait  pétitions  sur 
pétitions  aux  deux  Chambres  et  il  finit  par  obtenir  la  restitu- 
tion de  presque  tout  ce  qu'il  avait  perdu.  Même  il  fut  choisi 
pour  un  des  juges  chargés  de  juger  Charles  Ier,  mais  il  re- 
fusa de  siéger.  En  1653,  il  fit  partie  pourtant  de  la  com- 
mission qui  s'occupa  de  la  vente  des  biens  du  roi.  Il  avait 
exercé  les  fonctions  de  lord-maire  en  1652  et  1653  et  en 
1 660  il  avait  été  délégué  à  Monk  pour  lui  présenter  les 
compliments  de  la  cité.  A  la  Restauration,  il  publia  une 
brochure  pour  se  défendre  d'avoir  pris  aucune  part  à  la 
mort  du  roi  (1660).  En  1661,  il  fut  nommé  représentant 
de  la  cité  de  Londres  à  la  Chambre  des  communes. 

FOWKE  (Francis),  architecte  et  ingénieur  anglais,  né  à 
Belfast  en  juil.  1823,  mort  à  South-Kensington  (Londres) 
le  4  déc.  1865.  Elève  de  l'Académie  royale  militaire  de 
Woolwich  et  devenu,  après  un  séjour  de  plusieurs  années 
aux  Bermudes,  capitaine  dans  l'arme  du  génie  en  1854, 
Fowke  fut  employé  à  divers  travaux  de  construction  de 
casernes,  puis  envoyé  à  Paris  comme  secrétaire  de  la 
commission  royale  anglaise  de  l'Exposition  universelle  de 
1857.  A  son  retour  à  Londres,  en  1857,  après  avoir 
participé  aux  travaux  de  la  commission  internationale  du 
Danube,  il  fut  nommé  inspecteur  du  département  de  science 
et  d'art  et  chargé  de  l'aménagement,  dans  d'anciens  bâti- 
ments, du  South-Kensington  Muséum  pour  lequel  il  fit 
élever,  en  collaboration  avec  le  peintre  Redgrave,  une  ga- 
lerie de  peinture.  Fowke  fit,  de  plus,  construire  d'autres 
galeries  particulières  à  Londres  et  donna  les  plans  du 
nouveau  musée  de  science  et  d'art  d'Edimbourg  ainsi  que 
de  la  bibliothèque  des  officiers  d'Aldershot  et  des  agrandis- 
sements de  la  galerie  nationale,  à  Dublin.     Charles  Lucas. 

FOWLER  (John),  imprimeur  et  érudit  anglais,  né  en 
1537,  mort  en  1579.  Il  reçut  une  bonne  éducation  à 
Oxford.  Ses  convictions,  —  il  était  catholique,  —  le  for- 


-  935  — 


FOWLER  -  FOX 


cèrent  à  se  réfugier  sur  le  continent.  Il  fut  imprimeur  à 
Louvain,  puis  à  Anvers,  puis  à  Douai,  mettant  ses  presses 
au  service  des  ecclésiastiques  émigrés.  Il  a  laissé  plusieurs 
ouvrages  de  polémique,  de  théologie  et  de  critique,  où  il 
montre  autant  d'érudition  que  d'ardeur  religieuse. 

FOWLER  (Edward),  évêque  de  Gloucester,  né  en  1632, 
mort  en  4714.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Cambridge  et 
Oxford,  il  entra  dans  la  carrière  ecclésiastique.  Il  remplit 
les  fonctions  pastorales  d'abord  à  Northill,  dans  le  comté 
de  Bedford  et,  à  partir  de  1673,  à  Londres,  jusqu'au  mo- 
ment de  sa  nomination  au  siège  de  Gloucester  (1691). 
Fowler  est  connu  comme  prédicateur  et  comme  contro- 
versiste.  Outre  ses  Sermons,  on  cite  surtout  son  traité  : 
The  Design  of  Christianity  (1671). 

FOWLER  (Thomas),  médecin  anglais,  né  à  York  le 
22  janv.  1736,  mort  à  York  le  22  juil.  1801.  Il  fut 
d'abord  pharmacien,  puis  médecin  de  l'hôpital  de  Strafford; 
en  1791,  il  revint  à  York  et  y  devint,  en  1796,  médecin 
d'un  hospice  d'aliénés.  Il  a  le  mérite  d'avoir  vulgarisé  en 
médecine  l'usage  de  l'arsenic  ;  il  l'employait  surtout  avec 
succès  dans  les  fièvres  intermittentes.  Med.  Reports  on  the 
effects  oftobacco  (Londres,  1785,  in-8);  Med.  Rep.  on  the 
ejfects  of  the  arsenic  in  the  cure  of  agues,  rémittent 
fevers,  etc.  (Londres,  1786,  in-8)  ;  Med.  Rep.  on  the 
effects  of  bloodletting ,  etc.  (Londres,  1795,  in-8  ;  en 
allemand,  Breslau,  1795,  in-8),  etc.  Dr  L.  Hn. 

Liqueur  de  Fowler.  —  La  liqueur  de  Fowler  est 
une  solution  d'arsénite  de  potassium  qui  possède  la  compo- 
sition suivante  : 

Acide  arsénieux 5  gr. 

Carbonate  de  potasse 5  — 

Eau  distillée 500  — 

Alcoolat  de  mélisse  composé 15  — 

On  pulvérise  l'acide,  on  ajoute  le  carbonate  de  potasse  et 
on  fait  bouillir  le  tout  avec  l'eau  distillée,  jusqu'à  disso- 
lution complète  ;  on  ajoute  l'alcoolat  de  mélisse,  et  au 
besoin  un  peu  d'eau,  pour  obtenir  500  gr.  de  liqueur, 
puis  on  filtre.  Cette  solution  renferme  exactement  la 
centième  partie  de  son  poids  d'anhydride  arsénieux.  La 
plupart  des  pharmacopées  étrangères  prescrivent  des  solu- 
tions moins  concentrées,  par  exemple  au  millième  ;  dans 
quelques-unes,  on  les  colore  avec  de  la  cochenille.  Chose 
curieuse,  cette  solution,  qui  est  très  active  et  vénéneuse, 
peut  nourrir  un  champignon  de  la  tribu  des  Dématiées, 
Yhygrocrocis  arsenicas,  qui  se  manifeste  sous  forme  de 
petits  points  noirs  et  brillants.  —  La  liqueur  de  Fowler 
se  prend  par  gouttes,  ordinairement  avec  un  verre  d'eau 
sucrée.  Elle  est  surtout  employée  dans  les  dermatoses, 
notamment  contre  les  dartres  invétérées  et  dans  la  médi- 
cation antipériodique.  Ed.  Bourgoin. 

FOWLER  (William),  architecte  et  dessinateur  anglais, 
né- en  1761,  mort  en  1832.  Il  s'occupa  beaucoup  de  la 
mosaïque  ancienne  et  publia  plusieurs  volumes  contenant 
les  reproductions  d'un  grand  nombre  de  pavés  romains,  de 
vitraux  et  de  dalles  funéraires. 

FOWLER  (Charles) ,  architecte  anglais,  né  à  Collumpton 
(Devonshire)  le  17  mai  1792,  mort  à  Great  Marlow,  près 
de  Buckingham,  le  26  sept.  1867.  Ayant  étudié  l'archi- 
tecture à  Exeter,  puis  à  Londres  auprès  de  David  Laing, 
Fowler  remporta  le  1er  prix  dans  le  concours  ouvert  pour 
la  construction  du  nouveau  pont  de  Londres  et  fit  élever, 
de  1821  à  1853,  tant  dans  cette  ville  que  dans  les  divers 
comtés  anglais,  de  nombreux  édifices  publics  ou  privés, 
églises,  marchés,  etc.,  ainsi  que  la  grande  salle  de  la  cor- 
poration des  chandeliers  de  cire  dans  Gresham  Street,  à 
Londres.  Ch.  Fowler  fut  plusieurs  années  secrétaire  hono- 
raire, puis  vice-président  de  l'Institut  royal  des  architectes 
britanniques.  Charles  Lucas. 

FOWLER  (John),  mécanicien  et  inventeur  anglais,  né 
à  Melksham  (Wiltshire)  le  8  juil.  1826,  mort  à  Ackworth 
(Yorkshire)  le  4  déc.  1864.  Il  est  l'inventeur  de  la  charrue 
a  vapeur  (Y.  t.  X,  p.  806);   son  système,  expérimenté 


en  1856  devant  G.  et  R.  Stephenson,  est  encore  aujour- 
d'hui le  plus  employé.  Il  ne  prit  pas  moins  de  32  brevets, 
de  1850  à  1864,  pour  divers  autres  inventions  et  perfec- 
tionnements et  fonda  en  1860  à  Hunslet  (Leeds)  de  grands 
ateliers  pour  la  fabrication  de  ses  machines.  L.  S. 

FOWLER  (Thomas),  philosophe  et  écrivain  anglais,  né 
à  Burton-Stather  (Lincolnshire)  le  1er  sept.  1832.Ï1  fit  ses 
études  à  l'île  de  Man,  puis  à  Oxford,  où  il  devint  professeur 
de  logique  et  président  du  Corpus  Christi  Collège.  En  1867 
et  en  1870,  il  publia  ses  deux  premiers  volumes  de  philo- 
sophie :  Eléments  of  Deductive  Logic  et  Eléments  of 
Inductive  Logic  ;  puis  Progressive  Morality  ;  An  Essay 
in  Ethics;  Locke,  Bacon,  Shaftesbury  et  Euicheson, 
et  en  1886,  en  collaboration  avec  J.-M.  Wilson,  The 
Principles  of  Morals.  Hector  France. 

FOWLERS  Bày.  Baie  de  la  côte  S.  d'Australie,  entre 
le  cap  Adieu  et  la  pointe  Fowler,  le  long  d'un  rivage  désert 
et  sans  eau. 

FOX-Amphoux.  Corn,  du  dép.  du  Var,  arr.  de  Brignoles, 
cant.  de  Tavernes;  464  hab. 

FOX  River.  Cours  d'eau  des  Etats-Unis,  dans  TE.  de 
l'Etat  de  Wisconsjn.  Après  avoir  traversé  le  lac  Winnebago, 
la  rivière  se  jette  au  fond  de  la  baie  Verte  à  Fort  Howard. 
—  Uneaufre  rivière  Fox  coule  du  N.  au  S.  et  franchit  la 
frontière  du  Wisconsin  et  de  l'Hlinois  pour  aller  former, 
avec  la  rivière  des  Plaines  et  la  Kankakee,  la  rivière  Illinois. 
Sur  le  Fox  sont  situées  les  villes  industrielles  d'Eîgin  et 
Aurora. 

FOX  (Richard),  évêque  et  homme  d'Etat  anglais,  né 
vers  1448,  mort  le  5  oct.  1528.  Né  dans  une  famille  de 
yeomen  du  Lincolnshire,  il  passa  peu  de  temps  aux  uni- 
versités d'Oxford  et  de  Cambridge  ;  on  le  trouve,  jeune 
encore,  mais  déjà  prêtre  et  docteur  en  droit  canonique,  à 
Paris,  auprès  de  Henri  Tudor,  comte  de  Richmond,  qui  le 
fit  son  homme  de  confiance.  Après  la  victoire  de  Bosworth 
Field  (22  août  1485),  Henri  Tudor,  désormais  Henri  VII, 
nomma  Richard  Fox  membre  de  son  conseil,  secrétaire 
d'Etat,  lord  privy  seal  et  évêque  d'Exeter.  C'est  lui  qui, 
en  1491,  baptisa  le  second  fils  du  roi  (plus  tard  Henri  VIII) . 
Il  signa  le  traité  d'Etaples  (3  nov.  1492)  comme  premier 
ambassadeur  anglais,  et  Y  Intercursus  magnus,  en  avr. 
1496,  avec  Philippe,  archiduc  d'Autriche.  Transféré,  en 
1494,  au  siège  de  Durham,  afin  de  surveiller  de  plus  près 
les  agissements  de  la  cour  d'Ecosse,  il  contribua  grande- 
ment à  repousser  l'invasion  écossaise  de  1497  et  à  conclure, 
en  déc,  une  trêve  avec  Jacques  IV.  Il  arrangea  le  fameux 
mariage  de  Jacques  IV  avec  Marguerite,  fille  aînée 
de  Henri  VII,  qui  prépara  la  réunion  de  l'Angleterre  et  de 
l'Ecosse  (août  1503).  Evêque  de  Winchester  en  1501,  il 
avait  paru  comme  maître  des  cérémonies,  le  14  nov.  1501 , 
au  mariage  non  moins  célèbre  du  prince  de  Galles  avec 
Catherine  d'Aragon.  Ce  transfert  à  Winchester  s'explique 
par  l'importance  exceptionnelle  du  siège  et  par  le  désir  du 
roi  d'avoir  près  de  lui  son  meilleur  conseiller,  puisque  ses 
services  n'étaient  plus  nécessaires  du  côté  de  l'Ecosse.  Fox 
fut  un  des  exécuteurs  testamentaires  de  Henri  VII,  mort  le 
22  avr.  1509.  Il  s'employa  pour  le  mariage  de  Henri  VIII 
avec  Catherine  d'Aragon,  veuve  de  son  frère,  contre  l'avis 
de  Warham.  Il  fut  aussi  exécuteur  du  testament  de  la  mère 
de  Henri  VII,  comtesse  de  Richmond,  la  «  lady  Margaret  », 
et  compléta,  en  cette  qualité,  les  fondations  collégiales  de 
cette  princesse  en  l'université  de  Cambridge  ;  Fox  était 
d'ailleurs  chancelier  de  cette  université  depuis  l'an  1500. 
D'après  Polydore  Virgile,  les  deux  membres  les  plus  puis- 
sants du  conseil  royal,  pendant  les  premières  années  du 
règne  de  Henri  VIII,  auraient  été  Fox  et  Thomas  Howard, 
comte  de  Surrey,  mais  ces  deux  personnages  n'auraient 
pas  tardé  à  entrer  en  conflit.  Polydore  Virgile  ajoute  que 
Fox  fut  supplanté  par  Wolsey /sa  créature.  Ces  récits 
n'ont  rien  d'authentique,  car  ils  sont  d'un  historien  partial, 
ennemi  de  Wolsey.  La  vérité  est  que  la  guerre  ayant 
éclaté  avec  la  France  en  1513,  Wolsey,  simple  aumônier 
du  roi,  sut  si  bien  combiner  l'organisation  de  l'armée 


FOX 


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d'invasion  qu'il  se  trouva  placé  d'un  seul  coup  presque  au 
même  rang  que  des  conseillers  vénérés,  mais  vieillis,  et 
incapables  de  s'imposer  désormais  les  mêmes  fatigues  que 
lui.  Fox  fut  encore  l'un  des  commissaires  anglais  au  traité 
de  paix  du  7  août  1514  qui  stipula  le  mariage  de  Louis  XII 
avec  la  princesse  Marie  d'Angleterre.  Mais  il  était  fatigué  ; 
la  politique  antifrançaise  qu'il  voyait  en  honneur  n'était 
pas  la  sienne  ;  enfin  il  sentait  le  besoin  de  vaquer  à  des 
soins  spirituels  dont  les  grandes  affaires  l'avaient  trop 
longtemps  détourné.  Il  abandonna,  en  1516,  la  charge  de 
privy  seal  et  parut,  dès  lors,  le  plus  rarement  possible  au 
conseil,  malgré  les  pressantes  invitations  de  Wolsey.  Il 
était  aveugle  depuis  dix  ans  quand  il  mourut.  Il  disparut 
à  temps  pour  ne  pas  voir  la  question  du  divorce  entre  le 
roi  et  Catherine  d'Aragon  prendre  une  tournure  funeste  à 
son  repos.  —  Fox  est  le  fondateur  du  collège  de  Corpus 
Christi,  à  Oxford  (1515-16),  où  il  appela  L.  Vives,  l'hu- 
maniste, et  un  professeur  de  grec,  s'affirmant  ainsi  comme 
un  protecteur  de  la  Renaissance.  L'esprit  de  la  Renaissance 
ne  fut  nulle  part  plus  actif  à  Oxford  que  dans  les  fonda- 
tions de  Fox  (Corpus)  et  de  Wolsey  (Christ  Church).  Corpus 
Christi,  à  Oxford,  possède  encore  aujourd'hui  des  reliques 
et  des  portraits  de  l'évêque  Fox.  Celui-ci  a  laissé  en  outre 
des  traces  de  sa  munificence  et  de  son  goût  pour  les  cons- 
tructions à  Durham  et  à  Winchester.  On  a  remarqué  que 
la  belle  chapelle  de  Henri  VII,  à  Westminster,  ressemble 
beaucoup  à  la  chapelle  de  l'évêque  Fox  dans  la  cathédrale 
de  Winchester.  Ch.-V.  L. 

FOX  (Edward),  évêque  et  homme  d'Etat  anglais,  né  vers 
1496,  mort  le  8  mai  1538.  Elevé  àEton  et  à  Cambridge, 
il  entra  dans  la  vie  comme  secrétaire  du  cardinal  Wolsey, 
dont  la  faveur  explique  la  rapidité  de  sa  carrière.  Il  avait 
l'esprit  médiocre,  mais  de  l'énergie,  du  tact  et  des  qua- 
lités de  diplomate.  Wolsey  l'envoya  à  Rome  en  1528  avec 
Gardiner  pour  entretenir  Clément  VII  de  la  validité  du 
mariage  de  Henri  VIII  avec  Catherine  d'Aragon.  C'est  lui 
qui,  en  1529,  à  Wattham,  présenta  Cranmer  au  roi.  C'est 
lui  qui  fut  chargé  d'extorquer  aux  universités  de  Cam- 
bridge, d'Oxford  et  de  Paris  (mai  1531)  un  avis  favorable 
au  divorce.  Il  était,  suivant  l'expression  de  l'ambassadeur 
Chapuys,  un  des  boutefeux  du  divorce.  Dans  les  négocia- 
tions au  sujet  de  cette  délicate  question,  il  se  montra  si 
habile  que  d'autres  missions  diplomatiques  lui  furent  con- 
fiées (ligue  avec  François  Ier,  1532-33  ;  paix  avec  l'Ecosse, 
1534).  Pendant  ce  temps,  il  continuait  à  tenir  entre  ses 
mains  tous  les  fils  de  l'affaire  du  divorce  et  inclinait  de 
plus  en  plus  vers  le  schisme,  dont  Chapuys  le  tenait,  avec 
Cranmer  et  Cromwell,  comme  le  plus  décidé  partisan.  Son 
élection  au  siège  épiscopal  d'Hereford  date  d'août  1535  ; 
en  septembre,  il  alla  solliciter  à  Wittenberg  l'approbation 
de  Luther  au  divorce  ;  il  n'en  obtient  pas  de  formelle.  Il  a 
laissé  divers  écrits  de  polémique.  On  attribue  à  ce  diplo- 
mate consommé  diverses  maximes  de  la  sagesse  des  nations, 
par  ex.  :  Si  vis  pacem,  para  bellum. 

FOX  ou  FOXE  (John),  théologien  et  réformateur  anglais, 
né  dans  le  comté  de  Lincoln  en  1517,  mort  en  1587.  Il  fit 
ses  études  à  Oxford,  mais  s'étant  déclaré  partisan  des  doc- 
trines de  Luther,  il  dut  quitter  l'université  (1545).  Il 
remplit  pendant  quelques  années  les  fonctions  de  précep- 
teur dans  diverses  familles  aristocratiques,  notamment 
celle  du  comte  de  Surrey.  Quand  la  reine  Marie  monta  sur 
le  trône,  il  échappa  aux  conséquences  de  la  réaction  catho- 
lique en  se  réfugiant  à  Bâle  où  il  se  fit  correcteur  d'impri- 
merie pour  subvenir  aux  besoins  de  sa  famille.  C'est  dans 
cette  ville  qu'il  conçut  et  prépara  le  grand  ouvrage  qui  l'a 
fait  connaître  à  la  postérité,  The  Acts  and  Monuments  of 
the  Church,  dont  la  première  partie  en  latin,  Commen- 
tarii  rerum  in  ecclesia  gestarum,  paru*  en  1554.  Cet 
important  travail,  plus  connu  sous  le  titre  de  Fox's  Book  of 
martyrs,  ne  fut  publié  sous  sa  forme  définitive  qu'en  1563, 
alors  que  l'auteur,  grâce  à  l'avènement  au  trône  de  la 
princesse  Elisabeth  et  à  l'appui  du  duc  de  Norfolk,  résidait 
en  Angleterre  depuis  plusieurs  années.  LeBoo/c  of  martyrs 


a  été  réédité  (1843-1849)  en  8  vol.  in-8.  On  reproche  à 
Fox  d'avoir  admis  dans  son  martyrologe  un  certain  nombre 
de  faits  établis  sur  des  témoignages  insuffisants.     G.  Q. 

FOX(Luke),  voyageur  anglais,  né  à  Hull  le  20oct.  1586, 
mort  à  Whitby  en  juil.  1635.  Fils  d'un  marin,  il  s'éprit 
de  bonne  heure  de  la  vie  aventureuse  du  navigateur.  En 
1629,  il  pétitionnait  pour  obtenir  une  subvention  qui  lui 
permît  d'entreprendre  une  exploration  dans  les  mers  arc- 
tiques. En  1631,  équipé  par  des  marchands  de  Londres,  il 
s'embarquait  pour  la  baie  d'Hudson  à  la  recherche  du  pas- 
sage du  N.-O.  Il  revint  au  bout  de  sept  mois,  après  avoir 
recueilli  de  fort  intéressantes  observations  qu'il  consigna 
dans  un  volume  :  North-West  Fox,  or  Fox  from  the 
North-West  passage  (Londres,  1635,  in-4),  qui  contient 
une  carte  très  détaillée  des  régions  arctiques. 

FOX  (Georges),  fondateur  de  la  secte  des  quakers,  né  à 
Drayton,  dans  le  comté  de  Leicester,  en  1624,  d'une  famille 
d'humbles  artisans  presbytériens,  mort  à  Londres  le  13  janv. 
1691 .  Doué  d'une  nature  mystique,  il  se  crut  de  bonne  heure 
l'objet  d'une  dispensation  spéciale  des  faveurs  de  la  Pro- 
vidence. Cette  conviction  ne  fit  que  grandir  en  lui  dans  la 
solitude  à  laquelle  l'obligeait  sa  vie  de  berger.  Dès  sa 
vingtième  année,  il  est  résolu  à  prendre  l'Evangile  comme 
guide  unique  de  sa  vie,  mais  l'Evangile  interprété  à  la 
lumière  de  l'Esprit-Saint  en  lui.  Le  fonds  de  la  doctrine 
de  Fox  est,  en  effet,  que  le  chrétien,  outre  les  Ecritures 
—  au-dessus  même  des  Ecritures  —  a  un  guide  intérieur 
infaillible  en  sa  conscience,  révélation  directe  de  la  divinité. 
Le  Saint-Esprit  se  manifeste  en  l'homme  qui  écoute  dans 
l'humilité  et  la  prière  «  avec  crainte  et  tremblement  », 
comme  dit  l'apôtre  (Phil.,  n,  12),  la  voix  de  sa  conscience. 
L'Esprit  qui  a  fait  et  anime  toutes  choses  est  aussi  partout 
présent  en  l'homme  et  en  dehors  de  l'homme.  Entre  la 
créature  et  le  créateur  il  n'est  pas  besoin  d'intermédiaire  : 
l'Esprit-Saint  est  en  nous.  En  se  repliant  sur  nous-mêmes, 
la  vérité  se  révélera,  dans  sa  plénitude,  à  nos  cœurs,  dans 
une  mesure  qui  dépasse  tout  enseignement  humain,  celui 
des  archevêques,  des  évêques  et  des  prêtres,  en  un  mot  de 
tous  les  organes  de  l'Eglise.  L'autorité  des  livres  saints 
est,  sans  doute,  reconnue  par  Fox,  —  oui,  mais  comme 
révélation  extérieure,  inférieure  par  conséquent  au  témoi- 
gnage direct  de  l'Esprit-Saint  dans  la  conscience.  La  trans- 
mission des  Ecritures  à  travers  les  âges,  depuis  les  origines 
du  christianisme,  a  été  soumise  à  toutes  les  vicissitudes 
des  choses  humaines.  De  là,  des  erreurs  possibles,  voulues 
ou  non,  dans  la  transcription  des  textes,  sans  parler  des 
variantes  des  manuscrits  primitifs.  Mais  qu'importe  ? 
L'Esprit-Saint  qui  conduit  à  la  vérité  ne  peut  pas  être 
corrompu;  l'homme  vraiment  spirituel  ne  peut  pas  être 
trompé.  Eclairé  par  la  lumière  pure  et  éclatante  du  soleil, 
il  n'a  pas  besoin,  pour  arriver  à  la  connaissance  parfaite, 
de  la  lueur  des  flambeaux.  Comme  conséquence  de  ces 
prémisses,  Fox  en  vint,  dans  la  pratique,  à  rejeter  toute 
idée  de  hiérarchie,  toutes  les  observances  rituelles,  en  un 
mot,  toutes  les  formes  extérieures  du  culte.  Telles  sont  les 
doctrines  que  Fox  se  crut  la  mission  spéciale  de  propager. 
Dans  ce  but,  il  se  mit  à  parcourir,  vers  1648,  la  région 
dont  Manchester  est  le  centre.  Ses  prédications,  dans  les- 
quelles il  insistait  avant  tout  sur  l'amour  divin  et  sur  la 
nécessité  de  se  soustraire  à  la  tyrannie  ecclésiastique,  pour 
recevoir  Christ  dans  le  cœur  et  pour  imiter  son  amour  en- 
vers les  hommes,  attirèrent  autour  de  lui  un  grand  nombre 
d'adhérents,  mais  provoquèrent  une  vive  opposition  de  la 
part  de  ses  adversaires.  Fox  fut  l'objet  de  nombreuses 
poursuites  judiciaires.  Ce  fut  à  l'occasion  d'une  action  cri- 
minelle intentée  contre  lui  à  Derby  (1650)  que  l'épithète 
de  quakers  (trembleurs)  fut  donnée  à  ses  disciples  qui  se 
désignaient  eux-mêmes  comme  la  Société  des  amis.  Ce- 
pendant, en  quelques  années,  les  réunions  de  quakers 
s'étaient  multipliées  dans  presque  toutes  les  parties  de 
l'Angleterre,  malgré  l'opposition  des  pouvoirs  publics  et 
l'animosité  des  masses  populaires.  Sous  Cromwell,  si  les 
quakers  ne  furent  pas  protégés  d'une  manière   efficace 


937 


FOX 


contre  les  excès  commis  par  le  peuple,  ils  ne  furent  pas, 
du  moins,  systématiquement  poursuivis  en  justice.  Fox 
lui-même  jouit  d'une  liberté  complète.  A  la  restauration 
des  Stuarts  (1660),  Fox  fut  de  nouveau  en  butte  à 
l'hostilité  du  pouvoir.  Les  partisans  de  la  royauté  ne 
voyaient  qu'un  perturbateur  de  la  paix  publique  en  cet 
apôtre  qui,  non  seulement,  répudiait  toutes  la  hiérarchie 
ecclésiastique,  mais  prescrivait  à  ses  disciples  de  ne  pas 
prêter  serment  devant  les  tribunaux,  de  ne  pas  payer  les 
impôts  ni  faire  le  service  militaire.  Il  resta  en  prison,  sauf 
de  courts  répits,  soit  à  Lancastre  Castle,  soit  à  Scarborough, 
jusqu'en  4666.  Il  n'en  sortit  que  pour  poursuivre  son 
œuvre,  en  organisant  des  écoles  pour  l'instruction  reli- 
gieuse et  morale  des  enfants.  Quelques  années,  après,  il  se 
maria  (1669).  De  nouveau  menacé  ^v  Y  Acte  sur  lescon- 
venticules  dirigé  contre  les  dissidents,  il  se  rendit  en 
Amérique  en  1672,  après  avoir  échappé  à  des  périls  sans 
nombre.  A  son  retour,  il  passa  une  grande  partie  de  son 
temps  à  visiter  les  différents  pays  de  l'Europe,  notamment 
la  Hollande  (1684).  En  Angleterre,  les  mesures  prises  par 
Jacques  II  à  l'égard  des  dissidents,  dans  l'intention  de 
protéger  les  catholiques,  profitèrent  au  développement  des 
quakers.  Enfin  la  révolution  de  1688  inaugura  le  régime 
de  la  tolérance  et  de  la  liberté  religieuse.  Quand  Fox  mou- 
rut, deux  ans  après,  la  Société  des  amis  était  dans  un 
état  très  prospère.  Les  Joumals  de  Fox  parurent  en  1697. 
Plus  tard,  ils  furent  réunis  aux  Tracts  et  furent  publiés 
en  un  vol.  in-fol.  (1706).  Les  écrits  de  Fox  dénotent  une 
âme  profondément  religieuse  et  singulièrement  hardie.  Les 
revendications  des  droits  de  la  conscience,  au  nom  de  l'Evan- 
gile, en  constituent  la  grande  originalité.  Mais  le  style  de 
Fox  est  souvont  décousu  et  déclamatoire,  sa  langue  tout  à 
fait  incorrecte.  Si  l'on  ajoute  à  cela  que  Fox  prétend  avoir 
le  don  de  prophétie  et  qu'il  se  croit  investi  du  pouvoir  de 
découvrir  les  sorciers,  on  aura  une  idée  de  ses  traités, 
mélange  étrange  des  visions  d'un  illuminé  et  de  la  foi  ar- 
dente et  de  l'amour  désintéressé  d'un  apôtre.        G.  Q. 

Bibl.:  W.  Penn,  A  Summary  of  the  history,  discipline 
and  doctrine  of  Friends  ;  Londres,  1692.  —  G.-W.  Al- 
berti,  Aûfrichtige  Nachricht  von  der  Rel.  Gottesdienst, 
Sitt.  u.  Gebr.  der  Quakers  ;  Hann,  1750. —  Biographies  par 
Maush  (Londres,  1847),  Janney  (Philadelphie,  1852),  et 
Watson  (Londres,  1860). 

FOX  (Sir  Stephen),  homme  politique  anglais,  né  le 
27  mars  1627,  mort  à  Chiswick  le  28  oct.  1716.  Protégé 
par  le  comte  de  Northumberland,  il  entra  dans  la  maison 
de  lord  Percy  et  rendit  de  grands  services  à  la  cause  royale. 
Devenu  intendant  de  Charles  II  pendant  son  exil,  il  fut 
chargé  de  délicates  missions  auprès  de  la  princesse  d'Orange 
et  de  grands  personnages  de  Hollande,  voire  même  en  An- 
gleterre. Aussi,  a  la  Restauration,  fut-il  comblé  défaveurs. 
Nommé  en  1661  payeur  général,  il  fut  élu  la  même  année 
membre  du  Parlement  par  Salisbury.  Il  représenta  West- 
minster en  1678,  devint  lord  commissaire  du  Trésor  en 
1679,  premier  commissaire  delà  cavalerie  en  j  680  et  réa- 
lisa une  fortune  considérable  dont  il  employa  une  bonne 
part  en  fondations  charitables.  A  l'avènement  de  Jacques  Ier 
la  pairie  lui  fut  offerte  à  condition  qu'il  se  convertirait  au 
catholicisme.  Il  refusa,  fut  réélu  au  Parlement  par  Salis- 
bury en  1685,  par  Westminster  en  1691  et  1.695,  par 
Cricklade  en  1699  et  1701,  par  Salisbury  en  1714,  de- 
meurant sous  les  divers  régimes  qu'il  traversa  le  type  du 
parfait  gentilhomme  et  du  financier  le  plus  probe. 

Bibl.  :  Memoirs  ofthe  lite  ofsir  Stephen  Fox  ;  Londres, 
1717,  in-8. 

FOX  (Henry),  premier  baron  Holland,  homme  politique 
anglais,  né  à  Chiswick  le  28  sept.  1705,  mort  près  de  Ken- 
sington  le  1er  juil.  1774.  Elevé  à  Eton  où  il  connut  Pitt 
et  Fielding,  il  dévora,  pour  ses  débuts  dans  la  vie,  la  plus 
grande  partie  de  sa  fortune.  Elu  au  Parlement  en  1735  par 
le  bourg  d'Hindon,  il  rendit  d'importants  services  à  Robert 
Walpole  qui  le  nomma  en  1737  inspecteur  général  des  tra- 
vaux publics.  Réélu  en  1741  par  Windsor,  il  représenta 
cette  circonscription  jusqu'en  1761.  En  1743,  Pelham  lui 
donnâtes  fonctions  de  lord  de  la  trésorerie  ;  en  1 746  il  devint 


secrétaire  à  la  guerre  et  entra  au  conseil  privé.  Il  combat- 
tit vigoureusement  le  Regency  Bill  de  1751 ,  au  sujet  duquel 
il  soutint  contre  Pitt  une  lutte  oratoire  extrêmement  vive, 
et  le  Marriage Bill  de  1 753.  Il  se  réconcilia  bientôt  avec  Pitt 
et  l'aida  à  entamer  fortement  le  ministère  de  Newcastle. 
Le  duc,  dont  la  situation  devenait  intenable,  négocia  avec 
Fox  qui  abandonna  Pitt  et  devint  leader  de  la  Chambre  des 
communes  et  peu  après  secrétaire  d'Etat  (25  nov.  1755). 
Il  démissionna  en  oct.  1756,  fut  chargé  par  le  roi  de  for- 
mer un  cabinet  avec  Pitt,  combinaison  que  Pitt  refusa,  et  il 
se  contenta  en  1757  du  poste  de  payeur  général,  ne  don- 
nant pas  entrée  au  conseil  mais  le  plus  lucratif  de  tous.  En 
oct.  1762  il  redevint  leader  de  la  Chambre  des  communes, 
entra  dans  le  cabinet  Bute  et  s'engagea  envers  la  couronne 
à  faire  approuver  parle  Parlement  la  paix  avec  la  France. 
Dans  ce  but,  il  poursuivit  avec  la  dernière  rigueur  ses  an- 
ciens amis  politiques,  leur  arrachant  toutes  leurs  places  et 
dignités.  Il  déchaîna  contre  lui  des  haines  féroces.  Mais  la 
paix  de  Paris  fut  signée  (1763)  et  sa  trahison  récompen- 
sée par  le  titre  de  baron  Holland  (16  avr.  1763).  Il  réus- 
sit même  à  conserver  son  emploi  de  payeur  général  jusqu'en 
1765.  Le  lord-maire  de  Londres  adressa  en  1 769  une  péti- 
tion au  roi  accusant  Fox  d'avoir  détourné  plusieurs  millions. 
La  couronne  ne  permit  pas  d'ouvrir  une  enquête  sur  sa  ges- 
tion. Mais  Holland,  tout  à  fait  déconsidéré,  se  tint  désormais 
dans  la  vie  privée.  Très  intelligent,  extraordinairement 
courageux,  debater  habile,  infiniment  spirituel,  Henry  Fox 
aimait  trop  l'argent  et  il  sacrifiait  tout  à  cette  basse  passion. 
Il  a  été  le  plus  haï  et  le  plus  impopulaire  des  hommes  d'Etat 
de  son  temps.  On  a  deux  portraits  de  lui,  l'un  parHogarth, 
l'autre  par  Reynolds.  R.  S. 

FOX  (Charles- James),  homme  d'Etat  anglais,  né  le 
24  janv.  1749,  mort  à  Chiswick  le  13  sept.  1806.  Il  était 
le  troisième  fils  du  précédent  et  de  lady  Caroline-Georgina 
Lennox,  fille  du  second  duc  de  Richmond,  descendant  de 
Charles  II.  Son  père  l'aimait  beaucoup  et  traitait,  dit-on, 
avec  une  excessive  indulgence  ses  fçasques  d'enfant  vif 
et  passionné.  D'Eton  il  entra  (oct.  1764)  à  Hertford 
Collège,  Oxford,  où  il  resta  deux  ans  et  ne  perdit 
pas  son  temps,  car  il  y  acquit  un  solide  bagage  d'hu- 
maniste. De  1766  à  1768,  il  voyagea,  soit  avec  sa 
famille,  soit  avec  son  cousin,  lord  Carlisle,  en  France  (où 
il  fut  présenté  à  Voltaire),  en  Italie,  dans  les  Pays-Bas, 
menant  un  train  princier  et  extravagant.  Il  était  vigoureux, 
bien  bâti,  avec  une  tendance  précoce  à  l'obésité,  avec  un 
caractère  très  gai,  très  chaleureux  et  très  désintéressé.  Il 
aimait  les  exercices  du  corps  (cricket,  tennis,  etc.),  les 
musées  et  les  bons  livres,  mais  il  n'avait  guère  reçu  d'édu- 
cation morale,  et  sa  jeunesse  fut  celle  d'un  enfant  gâté. 
Il  se  promena  dans  Londres  en  talons  rouges,  poudré  de 
bleu,  et,  jusqu'à  vingt-cinq  ans,  porta  à  la  Chambre  des 
communes  un  chapeau  à  plumes  ;  plus  tard,  il  prit  trop 
peu  de  soin  de  sa  tenue,  au  point  d'oublier  les  règles  de  la 
propreté.  Peu  galant,  cynique,  rude,  au  sentiment  de 
Mrae  du  Deffand  et  de  Mme  Necker,  il  jouait  de  très  grosses 
sommes  et  il  buvait.  —  Membre  de  la  Chambre  des  com- 
munes pour  le  bourg  pourri  de  Midhurst  (Sussex)  à  l'âge 
de  vingt  ans,  il  entra  à  vingt  et  un  ans  dans  l'administra- 
tion de  lord  North  comme  lord  de  l'amirauté.  Un  discours, 
prononcé  le  8  mai  1769,  l'avait  tout  de  suite  rangé  parmi 
les  orateurs  considérables  du  Parlement  ;  ce  n'était  pas  un 
rhétoricien,  mais  il  avait  l'esprit  clair  et  il  parlait  avec 
une  force,  une  simplicité  singulières.  Il  avait  à  un  haut 
degré  les  deux  qualités  maîtresses  de  l'orateur  :  la  présence 
d'esprit  et  la  mémoire.  Il  avait  eu  des  succès  comme  acteur 
de  salon  et  savait  tirer  bon  parti  d'un  organe  médiocre.  Il 
excellait  dans  les  répliques  impertinentes,  dans  l'escrime  de 
la  discussion,  mais  il  avait  aussi  des  tempêtes  d'éloquence 
qui  emportaient  tout.  Fox,  à  peine  entré  dans  l'adminis- 
tration, s'attira  une  grande  impopularité,  notamment  en 
soutenant  des  mesures  restrictives  de  la  liberté  de  la  presse  ; 
il  fut  attaqué  par  la  foule  en  mars  1771  et  roulé  dans  la 
boue  ;  il  n'en  continua  pas  moins  à  se  poser  en  défenseur 


FOX 


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de  tous  les  privilèges,  parlementaires  et  cléricaux.  Toute- 
fois, le  22  févr.  4772,  il  démissionna,  tant  à  cause  de  dis- 
sentiments personnels  avec  lord  North  que  par  suite  d'un 
désaccord  avec  le  ministère  sur    la  question  du  Royal 
Marriage  Bill.  Sur  cette  question,  il  était  d'accord  avec 
Burke,  et  l'alliance  temporaire  qu'il  contracta  alors  avec 
cet  homme  d'Etat  ne  peut  pas  avoir  été  sans  influence  sur 
son  évolution  postérieure.  Cependant,  il  jouait  avec  fureur, 
au  club  et  à  Newmarket,  et  très  malheureusement.  En  déc. 
1772,  il  accepta  de  rentrer  dans  l'administration  comme 
lord  de  la  trésorerie  et  recommença  sa  campagne  contre 
la  presse,  contre  Clive.  Sur  une  question  relative  aux  pri- 
vilèges de  la  Chambre  des  communes,  il  fit  mettre  le  minis- 
tère North  en  minorité  ;  cette  incartade  mécontenta  le  roi, 
qui  lui  demanda,  cette  fois,  sa  démission.  A  cette  époque 
(févr.  1774),  Fox,  qui  avait  perdu  des  sommes  énormes  et 
emprunté  inconsidérément  à  dès  juifs,  se  vit  couper  tout 
crédit  par  la  naissance  d'un  fils  de  son  frère  aîné.  «  Le  fils 
de  mon  frère,  disait-il,  est  un  second  Messie  ;  il  a  mis  en 
fuite  tous  les  juifs.  »  Heureusement,  son  père,  lord  Holland, 
paya  ses  dettes  (140,000  1.  st.),  mais  il  mourut  dans  le 
courant  de  1774,  et  Fox,  qui  n'avait  pas  renoncé  au  jeu, 
se  trouva  seul    avec  un  héritage  d'un  domaine  (King's 
Gâte)  et  de  l'office  à  vie  de  Clerk  of  the  (irish)  Pells, 
d'une  valeur  de  2,000  1.  st.  de  revenu  ;  il  eut  vite  fait  de 
liquider  et  de  dissiper  ce  patrimoine.  —  Au  moment  où  le 
roi  se  séparait  brusquement  de  Fox,  encore  tory  intransi- 
geant, la  querelle  de  la  métropole  avec  les  colonies  améri- 
caines arrivait  au   point  d'une  crise.   Fox,   opposé,  dès 
l'origine,  à  toute  mesure  violente  contre  les  colonies,  joi- 
gnit le  parti  (whig)  du  marquis  de  Rockingham  dans  son 
opposition  à  la  politique  coercitive  de  North  ;  il  fut  l'âme 
et  la  voix  éloquente  de  cette  opposition,  de  1774  à  1779  ; 
on  a  gardé  le  souvenir  de  ses  discours  après  Lexington, 
après  Saratoga,  contre  lord  Sandwich.  Le  25  nov.  1779, 
il  osa  s'attaquer  au  roi  lui-même,  dont  la  volonté  était  au 
fond  de  la  politique  inflexible  de  lord  North  ;  il  rappela  le 
sort  de  Charles  Ier  et  de  Jacques  II,  qui  avaient  voulu  être 
leurs  propres  ministres,  et  compara  le  règne  de  George  III 
avec  celui  de  Henri  YI.  Il  était  maintenant  «  l'idole  du 
peuple  »  et  présidait  des  meetings  populaires.  Il  parlait  de 
réduire  la  liste  civile.  A  la  suite  des  Gordon  riots,  il  se 
déclarait  partisan  de  la  «  tolérance  universelle  ».  En  juil. 
1780,  des  négociations  ayant  été  engagées  entre  North  et 
Rockingham,  le  roi  exprima  l'avis  de  conférer  à  Fox  une 
sinécure  lucrative  pour  lui  fermer  la  bouche,  mais  refusa 
de  lui    confier  un   office  ministériel  ;    ces  négociations 
échouèrent.  Il  semblait,  en  effet,  que  Fox  fût  à  acheter. 
En  1781,  il  gagna  au  jeu  70,000  1.  st.,  en  perdit  autant 
à  Newmarket  et  se  trouva  sans  autres  ressources  que 
30,000  1.  st.  de  dettes.  Il  gardait  cependant,  au  milieu 
des  tracas  d'argent  et  des  pires  désordres,  une  admirable 
égalité  d'âme,  une  parfaite  lucidité  d'esprit,  et  on  le  trouva 
incorruptible.  —  En  oct.  1780,  Fox  fut  élu  à  la  Chambre 
des  communes,  avec  Rodney,  par  Westminster.  De  cette 
date  à  celle  de  la  démission  du  ministère  North  (20  mars 
1782),  il  fut  constamment  sur  la  brèche,  diminuant  à 
chaque  coup  la  majorité,  d'abord  énorme,  de  ses  adver- 
saires. Le  25  mars  1782,  il  accepta  le  poste  de  secrétaire 
des  affaires  étrangères  dans  le  ministère  Rockingham,  aux 
applaudissements  de  la  foule.  Mais  le  ministère  Rockingham 
n'était  pas  homogène  :  Shelburne  et  ses  amis  y  représen- 
taient l'influence  du  roi.  Or,  Fox  ne  ménageait  rien.  Il 
proposa  le  17  mai  de  rapporter  l'acte  de  George  Ier  et 
d'accorder  encore  d'autres  concessions  à  l'Irlande,  disant 
«  qu'il  aimerait  mieux  voir  l'Irlande  totalement  séparée  de 
la  couronne  d'Angleterre  que  retenue  sous  le  joug  par  la 
force  ».  Il  appuya  la  motion  de  Pitt  en  faveur  d'une  ré- 
forme parlementaire.  Un  conflit  éclata  entre  Shelburne  et 
lui  au  sujet  des  négociations  pour  la  paix  avec  la  France 
et  les  Etats-Unis,  et  il  allait  se  retirer,  quand  Rockingham 
mourut .  Fox  aurait  voulu  voir  le  duc  de  Portland  prendre 
la  direction  du  cabinet  ;  ce  fut  Shelburne  qui  fut  choisi  : 


il  s'en  alla.  Le  Parlement  se  trouva  par  là  scindé  en  trois 
partis  :  celui  du  ministère  Shelburne,  celui  de  lord  North 
et  celui  de  Fox,  qui,  comptant  environ  90  voix  aux  Com- 
munes, devait  tenir  la  balance  entre  les  deux  autres. 
Certes,  les  whigs  de  Fox  avaient  plus  de  principes  com- 
muns avec  les  whigs  de  Shelburne  qu'avec  les  tories  de 
North  ;   mais,  par  suite  d'antipathies  personnelles,  c'est 
avec  North,  dont  il  avait  jadis  qualifié  avec  tant  de  sévé- 
rité la  politique  américaine,  que  Fox  conclut  alliance.  Leur 
coalition  renversa,  naturellement,  le  ministère,  mais  elle 
scandalisa  la  nation  et  elle  indigna  le  roi.  Le  caricaturiste 
Gillray  composa,  à  cette  occasion,  quelques-unes  de  ses 
meilleures  charges.  —  Le  2  avr.  1783,  le  duc  de  Portland, 
premier  ministre,  confia  de  nouveau  à  Fox  le  secrétariat 
des  affaires  étrangères  ;  il  garda  ce  poste  jusqu'au  17  déc. 
Le  roi  le  haïssait  à  cause  de  son  passé  politique  et  à  cause 
de  sa  familiarité  avec  le  prince  de  Galles,  dont  Fox  passait 
pour  encourager  les  vices  ;  il  fit  tout  pour  se  débarrasser 
de  lui  ;  aussi  bien  l'imprudence  généreuse  du  tribun  lui 
rendit  la  tâche  facile.  Les  abus  de  la  Compagnie  des  Indes 
et  de  Warren  Hastings  décidèrent,  en  effet,  Fox  à  pro- 
poser un  bill  pour  la  réforme  du  gouvernement  de  l'Inde, 
qui,  au  dire  des  intéressés,  portait  atteinte  à  la  préroga- 
tive royale  et  aux  droits  consignés  dans  les  chartes  de 
toutes  les  grandes  compagnies.  Fox  proposait  de  remettre 
le  gouvernement  de  l'Inde  à  sept  commissaires  choisis  par 
la  législature  ;  mais  c'était,  dirent  les  tories,  conférer  à 
la  présente  majorité  whig  la  souveraineté  virtuelle  de 
l'Inde  ;  Fox  fut  représenté  par  les  caricaturistes  sous  les 
traits  d'un  «  roi  du  Bengale  ».  Finalement,  le  bill,  adopté 
par  les  Communes,  fut  rejeté  par  les  lords,  sous  la  pres- 
sion du  roi,  et  le  ministère  Portland  fit  place  à  un  minis- 
tère Pitt.  Fox  commit  alors  plusieurs  fautes.  Disposant 
aux  Communes  d'une  majorité  de  coalition,   il  s'efforça 
d'empêcher  Pitt  de  gouverner  par  une  série  de  votes  hos- 
tiles, et,  en  même  temps,  d'empêcher  le  roi  de  provoquer 
de  nouvelles  élections  par  une  dissolution.  C'était  vouloir 
entraver  l'exercice  d'un  droit  incontestable  de  la  couronne, 
avouer  que  l'on  craignait  une  consultation  du  pays,  et  enfin 
donner  à  Pitt  le  temps  qu'il  désirait  pour  pratiquer  les 
collèges  électoraux.  D'ailleurs,  la  majorité  coalisée  fondit 
peu  à  peu  entre  les  mains  de  Fox  ;  elle  n'était  plus  que 
d'une  voix  le  8  mars  1784.  Le  25  mars,  la  dissolution  fut 
prononcée.  Les  élections  furent  désastreuses  pour  le  parti 
Fox-Portland,  comme  tout  le  monde  s'y  attendait  ;  la  popu- 
larité personnelle  de  Fox  avait  été  complètement  ruinée 
par  le  bill  sur  l'Inde,  par  la  coalition  avec  North,  par 
l'opposition  désespérée  des  trois  derniers  mois  à  une  libre 
consultation  du  pays.  Fox  fut  réélu  avec  peine  à  West- 
minster (par  6,234  voix  contre  5,998).  Il  était  alors  sous 
le  coup  de  saisies  mobilières.  Forcé  de  quitter  son  domicile 
de  Londres,   il  se  réfugia  chez  sa  maîtresse,  Elizabeth 
Bridget  Cane,  dite  Mrs.  Armistead,  ancienne  dame  de 
compagnie  de  Mrs.  Abington,  à  Chertsey  en  Surrey.  Là, 
dans  cette  agréable  maison  de  campagne,  Fox,  occupé  de 
sa  bibliothèque  et  de  son  jardin,  près  d'une  femme  qu'il 
aimait  beaucoup,  passa  de  longues  années,  dans  les  inter- 
valles des  sessions  parlementaires.  Il  reprit,  en  effet,  au 
Parlement  la  direction  de  ses  troupes  décimées,  mais  sans 
succès.  Ses  interventions  les  plus  célèbres  eurent  lieu  à 
propos  des  arrangements  commerciaux  avec  l'Irlande  et 
dans  le  procès  de  Warren  Hastings.  L'Irlande,  l'Inde  furent 
toujours  les  principaux  clients  de  Fox,  l'un  des  précurseurs 
du  home  ride  et  de  ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui  la  po- 
litique «  impériale  ».  Il  parla  aussi  en  faveur  de  l'aboli- 
tion du  Test  (car  la  tolérance  religieuse  était  encore  un 
des  articles  essentiels  de  sa  foi)  et  de  l'abolition  de  l'escla- 
vage. Le  prince  de  Galles  continua  pendant  ce  temps  de 
l'aller  voir  fréquemment  chez  Mrs.  Armistead;  il  était  dans 
tout  le  feu  de  son  amour  pour  Mrs.  Fitzherbert  (V.  ce 
nom)  ;  c'est  en  vain  que  Fox  lui  représenta  les  inconvé- 
nients d'un  mariage  secret,  qui  fut  contracté.  Mais  le  prince 
cacha  ce  mariage  à  Fox  lui-même,  qui  se  crut  autorisé  à 


939  — 


FOX 


en  nier  solennellement  l'existence  en  plein  Parlement  le 
20  avr.  4787  ;  peu  de  jours  après,  on  sut  de  source  cer- 
taine qu'il  s'était  porté  garant  d'un  fait  inexact  ;  il  en 
éprouva  le  plus  vif  dépit  ;  sa  bonne  foi,  en  cette  circons- 
tance, doit  être  tenue,  du  reste,  au-dessus  de  tout  soup- 
çon. A  la  suite  de  cet  incident,  Fox  et  sa  maîtresse  voya- 
gèrent sur  le  continent  (Suisse,  Italie),  et  l'on  raconte 
qu'il  n'ouvrit  les  journaux,  durant  ce  voyage,  que  pour  y 
lire  les  résultats  des  courses  de  Newmarket.  En  nov.,  un 
messager  du  duc  de  Portland  le  rappela  en  Angleterre  : 
le  roi  était  devenu  fou;  le  prince  de  Galles,  élevé  à  la  ré- 
gence, était  considéré  comme  devant  former  une  adminis- 
tration selon  le  cœur  des  foxistes.  On  eut  alors  le  spec- 
tacle du  zélé  défenseur  des  droits  de  la  nation  en  lutte 
contre  Pitt  pour  obtenir  que  le  prince  fût  proclamé  régent 
sans  intervention  du -Parlement,  en  vertu  du  pur  droit 
monarchique  ;  on  s'en  amusa,  et  la  motion  de  Pitt  fut 
adoptée  ;  peu  de  temps  après,  le  roi  entra  en  convalescence. 
—  Sur  ces  entrefaites,  survinrent,  en  France,  les  événe- 
ments de  juil.  4789.  Fox,  comme  secrétaire  d'Etat  aux 
affaires  étrangères,  avait  toujours  eu  une  politique  anti- 
française ;  son  objectif  avait  été  de  mettre  en  échec  l'am- 
bition de  la  maison  de  Bourbon.  La  prise  de  la  Bastille, 
qui  l'enthousiasma,  changea  radicalement  ses  dispositions 
à  l'égard  de  notre  pays.  Il  se  fit  l'avocat  de  la  révolution 
française  comme  il  s'était  fait  jadis  celui  de  la  révolution 
américaine.  Cette  attitude  lui  aliéna  son  ami  de  longue 
date,  son  émule,  Burke.  Mais  Fox  n'avait  pas  les  ménage- 
ments des  politiques  sans  conviction,  et  il  ne  reculait  pas 
devant  les  plus  dangereux  paradoxes.  Il  soutint  au  Parle- 
ment, contre  Pitt,  la  cause  russe  au  moment  de  la  guerre 
russo-turque  (4791),  et  Catherine  II  plaça  son  buste  entre 
ceux  de  Cicéron  et  de  Démosthène.  Il  approuva  le  40  août 
et  salua  Valmy  comme  l'un  des  plus  heureux  événements 
de  l'histoire,  avec  Yorktown  et  Saratoga.  Ces  généreuses 
excentricités  ne  laissèrent  pas,  cependant,  de  lui  aliéner  la 
plus  grande  partie  de  ses  partisans,  qui  firent  sécession  et 
se  placèrent  sous  le  leadership  du  duc  de  Portland.  Il  en 
fut  affligé,  non  accablé.  Après  la  déclaration  de  guerre  à 
la  France,  une  série  de  résolutions  condamnant  la  poli- 
tique du  ministère  fut  présentée  par  lui  et  repoussée  par 
270  voix  contre  44.  Le  chauvinisme  populaire  se  déchaîna 
contre  Fox  ;  Gillray  le  représenta  en  sans-culotte.  Il  vivait 
cependant  tranquille,  sans  rancune  et  sans  amertume,  dans 
l'asile  champêtre  de  Mrs.  Armistead,  curieux  des  beaux 
vers  de  l'antiquité,  en  correspondance  réglée  avec  son 
neveu,  lord  Holland,  qui  faisait  une  tournée  artistique  sur 
le  continent.  Il,  lui  écrivait  le  9  mars  4794  que,  s'il  pou- 
vait le  faire  avec  honneur,  il  se  retirerait  bien  volontiers 
de  la  politique.  Mais  il  se  croyait  encore  utile,  comme 
champion  des  belles  causes  désespérées.  Il  prononça,  du- 
rant les  années  de  guerre,  d'admirables  discours  contre 
Pitt  pour  la  paix,  pour  la  réforme  électorale,  etc.  Le 
28  sept.  4795,  il  épousa  sa  maîtresse  à  Wytton  (Hunting- 
donshire).  Depuis  cette  époque,  il  parut  moins  fréquem- 
ment à  Westminster  et  se  livra  plus  entièrement  à  ses 
goûts  d'humaniste.  Métastase,  Pope,  Voltaire  et  Gray 
étaient  les  auteurs  modernes  qu'il  préférait,  mais  il 
plaçait  Euripide,  Virgile  et  Homère  au-dessus  de  tout.  Il 
avait  entrepris  une  Histoire  de  la  Révolution  de  1688. 
En  mai  4798,  dans  un  dîner,  il  porta  le  toast  :  «  A  notre 
souverain,  le  peuple  »,  et  son  nom  fut  rayé  de  la  liste  des 
membres  du  conseil  privé.  Il  en  était  venu  à  recommander 
un  projet  de  «  fédération  »  avec  l'Irlande.  La  paix  d'Amiens 
le  combla  de  joie,  et,  en  juil.  4802,  il  visita  la  Hollande 
et  la  France.  A  Paris,  il  eut  avec  Bonaparte  une  entrevue 
qui  lui  laissa  du  premier  consul  cette  opinion  que  «  c'était 
un  jeune  homme  considérablement  enivré  par  le  succès  ». 
Il  croyait,  pourtant,  à  la  sincérité  des  déclarations  paci- 
fiques de  Bonaparte,  mais  les  actes  de  celui-ci  le  forcèrent 
à  appuyer  pour  la  première  fois  (mars  4803)  une  adresse 
belliqueuse.  La  guerre  était  nécessaire,  mais  la  présence 
du  ministère  Addington  aux  affaires  ne  l'était  pas  ;  Fox 


professait  pour  Addington  un  mépris  absolu.  Une  coalition 
nouvelle  fut  formée  entre  Fox,  Grenville  et  Pitt,  qui  amena, 
le  30  avr.  1804,  la  démission  d'Addington.  Pitt,  chef  de 
la  nouvelle  administration,  ne  put  triompher  de  la  répu- 
gnance de  George  III  pour  son  allié.  «  Tous  ceux  que  vous 
voudrez,  celui-là  excepté,  »  telle  fut  la  réponse  obstinée 
du  roi.  Fox,  d'ailleurs,  était  malade  et  se  soignait  à  Chelt- 
tenham,  en  compagnie  de  Mrs.  Fox,  grosse   et  aimable 
personne,  fort  économe.  Mais  Pitt  mourut  le  24  janv.  4806. 
Ce  fut,  cette  fois,  lord  Grenville  que  George  III  appela 
auprès  de  lui  ;  il  répondit  qu'avant  de  former  un  minis- 
tère, il  devait,  avant  tout  autre,  consulter  Fox.  Le  roi, 
vaincu,  céda.  Fox  redevint  pour  la  troisième  fois  secrétaire 
aux  affaires  étrangères  :  il  se  montra  respectueux,  conci- 
liant, et  George  III  oublia  sa  vieille  haine.  Le  vieux  leader 
libéral  s'affaiblissait,  du  reste  ;  son  dernier  acte  fut  de  pro- 
poser, le  40  mai  4806,  l'abolition  de  la  traite  des  nègres. 
Il  se  fit  lire,  avant  de  mourir,  des  vers  de  Virgile  et  de 
Dryden.  Il  ne  «  croyait  pas  à  la  religion  »  ;  cependant, 
pour  faire  plaisir  à  sa  femme,  il  consentit  à  ce  que  les 
prières  fussent  lues  à  côté  de  lui,  mais  il  ne  prêta  pas 
d'attention  à  cette  cérémonie.  Il  fut  enterré  à  Westminster 
Abbey,  à  côté  de  Pitt.  — Le  caractère  de  cet  homme  d'Etat 
est,  en  somme,  très  sympathique  ;  on  lui  a  reproché,  non 
sans  raison,  ses  mœurs,  la  pauvreté  de  sa  tactique  parle- 
mentaire, ses  erreurs  de  jugement,  la  violence  de  son  lan- 
gage ;  le  fait  est  que,  comme  le  dit  M.  Lecky,  il  «  ne 
réussit  jamais,  pendant  quarante  ans  de  vie  publique,  à 
gagner  la  confiance  de  la  nation  »  ;  mais  on  lui  pardon- 
nera beaucoup  à  cause  de  la  noblesse  de  son  cœur,  de  la 
magnificence  de  son  talent  et  des  prophétiques  tendances 
de  son  esprit.  Il  a  revendiqué  les  droits  de  tous  les  oppri- 
més, et  ce  libre  penseur  a  été  l'homme  le  plus  humain  de 
son  temps.  On  a  remarqué  qu'il  n'a  guère  laissé  de  trace 
positive  dans  l'histoire  de  la  législation  anglaise  (rien,  sauf 
le  Libel  bill  de  4792,  qui  confirma  les  droits  des  jurys  et 
assura  à  tous  le  jugement  par  leurs  pairs)  ;  mais  il  a  jeté 
dans  le  sol  de  l'Angleterre  des  semences  d'idées  (antiescla- 
vagisme, fédération  irlandaise,  réforme  électorale,  etc.)  qui 
ont  porté  depuis  de  belles  moissons.  —  Fox  n'a  laissé  qu'un 
écrit  sans  valeur  :  History  of  the  early  part  of  the  reign 
of  James  II,  with  an  introductory  chapter  (Londres, 
4808,  in-4),  avec  un  appendice  qui  contient  des  dépêches 
transcrites  aux  archives  du  ministère  des  affaires  étrangères 
de  Paris  (corresp.  de  Barillon).  Ses  discours  (Speeches) 
ont  été  réunis  et  publiés  en  4845  (6  vol.).        Ch.-V.  L. 

Bibl.  :  On  doit  à  lord.  Russell,  Memorials  and  Corres- 
pondance ofC.-J.  Fox,  1853-57,  4  vol.,  et  Life  and  Tirnes  of 
C.-J.  Fox,  1856-59,  2  vol.  -  G.-O.  Trevelyan,  Early  History 
ofC.-J.  Fox;  Londres,  1880,  in-8.  —  Trotter,  Memoirs  of 
the  late  years  of  C.-J.  Fox  ;  Londres,  1811,  in-8.  —  Lecky, 
History  of  England  in  eighteenth  century,  1882-87,  vol.  III 
et  IV.  —  Princesse  Liechtenstein,  Holland  House  ; 
Londres,  1874  (iconographie  de  C.-J.  Fox).  —  W.  Hunt. 
dans  Dictionary  of  national  biography  ;  Londres,  1889, 
t.  XX,  pp.  95-11*2. 

FOX  (Henry-Edward),  général  anglais,  né  le  4mars  4755, 
mort  àPortsmouth  le  48  juil.  4841,  frère  du  précédent. 
Entré  dans  l'armée  en  4770,  il  servit  en  Amérique  pendant 
toute  la  guerre  de  l'Indépendance.  De  retour  en  Angleterre, 
il  devintaide  de  camp  du  roi  (4783).  En  4793,  il  servit  en 
Flandre  sous  le  duc  d'York  avec  le  grade  de  major  général. 
Il  réussit  à  repousser  l'armée  française  à  Pont-à-Chin  le 
23  mai  4794  ;  c'est  le  fait  de  guerre  le  plus  brillant 
de  la  campagne  de  Flandre.  Promu  lieutenant  général  en 
4799,  il  fut  employé  à  Minorque  jusqu'à  la  paix  d'Amiens. 
Nommé  en  4803  commandant  en  chef  en  Irlande,  il  eut  à 
réprimer  la  révolte  de  Bobert  Emmet.  Il  devint  gouverneur 
de  Gibraltar  en  4804,  commanda  l'armée  en  Sicile  en  4806 
et  fut  ambassadeur  à  Palerme.  Il  eut  jusqu'à  son  rappel 
(40  juil.  4807)  les  plus  grandes  difficultés  avec  la  cour  de 
Naplesqui  voulait  le  contraindre  à  une  expédition  en  règle 
contre  Murât,  alors  qu'il  ne  disposait  que  d'un  nombre 
d'hommes  insuffisant.  Il  fut  promu  général  le  25  juil.  4808 
et  nommé  la  même  année  gouverneur  de  Pqrtsmoutb. 


FOX  —  FOXE 


-  940  - 


FOX  (Elizabeth  Vàssall,  lady)  (V.  Holland  [Lady]). 
FOX  (Henry-Richard  Vassall),  troisième  lord  Holland 
(Y.  ce  nom). 

FOX  (William-Johnson),  homme  politique  et  publiciste 
anglais,  né  le  1er  mars  1786,  mort  le  le  3  juin  4864. 
Fils  d'un  paysan  du  Suffolk,  calviniste  très  strict,  qui 
s'était  établi  à  Norwich,  il  fut  d'abord  apprenti  tisseur, 
puis  employé  de  banque  (1799).  Il  s'instruisit  lui-même, 
brigua  des  prix  littéraires,  proposés  par  les  journaux 
locaux,  écrivailla  et  sentit  s'éveiller  en  lui  une  vocation 
ecclésiastique.  Après  avoir  passé  par  Y  Indépendant  Col- 
lège d'Homerton,  il  devint  pasteur  de  la  congrégation  de 
Fareham,  en  4840.  Converti  à  l'unitarianisme,  il  dirigea, 
à  partir  de  mars  4842,  la  chapelle  de  cette  secte  à  Chi- 
chester,  puis,  en  4817,  la  Parliament  Court  Chapel,  à 
Londres.  Il  se  maria  en  4820  avec  Eliza,  fille  de  James 
Florance,  avocat,  qui  devait  longtemps  troubler  sa  vie. 
Déjà  prédicateur  célèbre,  il  s'occupa  bientôt,  et  chaque  jour 
davantage,  de  critique  littéraire  et  de  politique.  Il  fut  un 
des  fondateurs  de  la  Westminster  Beview  en  4824,  et 
codirecteur  du  Monthly  Repository,  organe  des  unitariens, 
dont  il  changea,  à  partir  de  4834,  le  caractère  trop  exclu- 
sivement théologique.  Fox  compta  parmi  ses  collaborateurs 
et  ses  amis  Browning,  Mill,  Harriet  Martineau,  Eliza 
Flower.  Ses  malheurs  domestiques  lui  aliénèrent,  en  4834, 
une  partie  de  sa  congrégation,  déjà  choquée  de  ses  goûts 
de  plus  en  plus  séculiers.  Désavoué  par  ses  collègues,  il 
prêcha  dès  lors  devant  un  auditoire  lettré  qu'attirait  sa 
parole  éloquente  ;  vingt-six  de  ses  discours  ont  été  publiés 
entre  4835  et  4840  sous  le  titre  de  Finsbury  Lectures; 
ils  traitent  de  morale  et  de  politique.  Des  besoins  d'argent 
l'obligèrent  à  se  dépenser  comme  journaliste  et  il  collabora 
au  Sunday  Times,  au  True  Sun  (jusqu'en  4837),  au 
Morning  Ckronicle,  au  Daily  News  (jusqu'en  4846). 
Vers  4 840,  il  devint  le  principal  leader  oratoire  de  la 
campagne  menée  pari1 '  Anti-corn-law-League,  et,  de  4844 
à  4846,  il  fit  des  conférences  aux  ouvriers,  tous  les  di- 
manches soir,  dans  National  Hall,  Holborn.  La  circonscrip- 
tion ouvrière  d'Oldham  l'envoya  à  la  Chambre  des  com- 
munes en  juil.  1847  ;  il  prêcha  pour  la  dernière  fois  en 
4852,  et,  mis  à  l'abri  du  besoin  par  un  particulier  qui 
s'offrit  à  lui  faire  une  pension  de  400  1.  st.  par  an,  il  se 
dévoua  tout  entier  à  la  politique.  Il  occupa  à  Westminster 
une  place  considérable,  bien  que  l'âge  eût  commencé  à 
diminuer  son  activité.  Il  se  retira  en  4863.  —  Fox  était 
un  philosophe  de  l'école  de  Bentham.  mais  aussi  un  phir- 
lanthrope  et  un  poète.  Rhétoricien  de  premier  ordre,  doué 
de  merveilleuses  qualités  d'élocution,  journaliste  excellent, 
vulgarisateur  habile,  il  a  mérité  que  ses  amis  dédiassent  à 
sa  mémoire  une  édition  de  ses  Œuvres  choisies.  Ch.-V.L. 
FOX  (Robert- Were),   savant  anglais,  né  à  Falmouth 
(comté  de  Cornouailles)  le  26  avr.  1789,  mort  à  Penjer- 
rick,  près  de  Falmouth,  le  25  juil.  1877.  Il  était  membre 
de  la  Société  royale  de  Londres.  Il  s'est  livré  à  une  série 
de  fructueuses  expériences  sur  l'élasticité  de  la  vapeur 
d'eau  à  de  hautes  pressions,  sur  la  température  de  la  terre 
à  de  grandes  profondeurs,  sur  le  magnétisme  terrestre.  Il 
a  construit  une  boussole  très  sensible  et  très  précise.  Il  a 
publié  dans  les  Transactions  de  la  Royal  Society  of  Corn- 
wall,  dans  les  Philosopkical  Transactions,  dans  VEdin- 
burg  new  philosopkical  Journal,  dans  le  Philosopkical 
Magazine,  etc.,  une  soixantaine  de  mémoires  et  articles 
intéressants  :  On  the  Température  of  mines  (Trans. 
Cornwall Roy. Soc. ,  1822, 1827 etl843);  Electromagne- 
tic  properties  of  metalli fer ous  (Philos.  Trans.,  1830); 
On  tke  Variable  Magnetic  Intensity  of  tke  earth  (ib., 
1831)  ;  On  the  Igneous  Hypothesis  of  geologists  (Philos. 
Mag.,  4832)  ;  Lamination  of  Clay  by  electricity  (Edinb. 
phil.  hum.  ,1838)  ;  Observations  on  subterraneantem- 
perature  (BritishAssoc.  Reports,  1840),  etc.       L.  S. 

Bibl.  :  V.  la  liste  des  mémoires  dus  à  Fox  dans  le  Cata- 
logue of  scientific  papers  of  the  Royal  Society  ;  Londres, 
1868,  t.  II,  in-4. 


FOX  (Charles),  peintre  et  graveur  anglais,  né  à  Cossey- 
Hall  (Norfolk)  le  17  mars  4  794,  mort  à  Leyton  (Essex)  le 
28  févr.  4849.  Il  commença  par  être  garçon  jardinier  dans 
les  domaines  de  lord  Stafford.  Une  visite  fortuite  du  célèbre 
graveur  W.-C.  Edwards  décida  de  sa  vocation  et  le  fit  ad- 
mettre comme  élève  chez  cet  artiste  à  Bungay  (Suffolk).  Il 
reçut  aussi  les  enseignements  de  C.  Hodgson  et  de  John  Bur- 
net  à  Londres  ;  ce  dernier,  graveur  renommé,  l'employa  aux 
grandes  planches  qu'il  exécutait,  d'après  sir  David  Wilkie. 
Les  gravures  de  cette  série,  qui  sont  l'œuvre  personnelle 
de  C.  Fox,  les  Politiques  de  village  et  le  Premier  Conseil 
de  la  reine  Victoria,  comptent  parmi  les  meilleures  ;  il  a 
aussi  gravé,  d'après  les  dessins  de  Wilkie,  des  illustrations 
pour  les  Nouvelles  de  W.  Scott  (éd.  Cadell).  Son  meilleur 
ouvrage  est  le  portrait  en  pied  de  Sir  George  Murray, 
d'après  Pickersgill.  Ses  peintures  à  l'aquarelle,  moins  con- 
nues que  ses  gravures,  représentent  surtout  les  portraits 
de  ses  amis.  Fox  avait  conservé  de  son  premier  métier  un 
goût  très  vif  pour  les  fleurs,  et  il  dirigeait  avec  beaucoup 
de  soin  et  de  compétence  les  illustrations  du  Fleuriste, 
publié  par  la  Société  royale  d'horticulture.  Son  portrait, 
gravé  à  l'eau-forte,  d'après  W.  Carpenter,  fut  inséré  dans 
ce  recueil  au  moment  de  sa  mort.  Ad.  T. 

FOX  (Sir  Charles),  ingénieur  et  industriel  anglais,  né 
à  Derby  le  44  mars  4810,  mort  à  Blackheath  (comté  de 
Kent)  le  44  juin  4874.  A  dix-neuf  ans,  il  entra  en  appren- 
tissage chez  le  mécanicien  J.  Ericsson,  fut  quelques  années 
après  employé  par  R.  Stephenson  aux  travaux  du  London 
and  Birmingkam  Railway,  puis  s'associa  successivement 
avec  Bramah  et  avec  Henderson  pour  la  construction  des 
chemins  de  fer,  et  fonda  à  Londres,  en  4857,  sous  la 
raison  «  Sir  Charles  Fox  and  sons  »,  une  grande  maison 
d'entreprises  de  travaux  publics.  On  lui  doit,  entre  autres, 
les  lignes  (voies  et  travaux  d'art)  du  Great  Western,  de 
Cork  and  Banclon,  de  Thames  and  Medway,  d'East  Kent, 
de  Lyon  à  Genève,  de  Mâcon  à  Genève,  de  Cape  Town,  de 
l'Indian  Tramway  Company.  Mais  il  est  surtout  connu  par 
l'édification  à  Hyde  Park  (4850-54),  d'après  les  plans  de 
Paxton,  du  Cristal  Palace,  qu'il  démonta  après  l'exposi- 
tion pour  le  réédifier  sur  son  emplacement  actuel  de 
Sydenham.  Il  était  membre  de  nombreuses  sociétés  savantes 
et  avait  été  fait  baronnet  en  4854.  Ses  écrits,  peu  nom- 
breux, ont  trait  à  des  perfectionnements  de  son  invention  : 
On  tke  Construction  of  skewarches  (Philos.  Magaz., 
4836)  ;  On  the  Size  of  pins  for  Connecting  flat  links 
in  the  chains  of  suspension  bridges  (Roy.  Soc.  Proceed., 
4865),  etc.  L.  S. 

FOX  (Caroline),  femme  de  lettres  anglaise,  née  à  Fal- 
mouth le  24  mai  4849,  morte  le  42  janv.  4874.  En  rela- 
tion, dès  sa  jeunesse,  avec  les  savants,  les  philosophes  et 
les  littérateurs  les  plus  considérables  du  temps,  surtout 
avec  Stuart  Mill,  John  Sterling  et  Carlyle,  elle  a  laissé  un 
Journal  fort  bien  écrit  et  des  plus  intéressants  pour  l'his- 
toire des  idées  en  Angleterre  de  4835  à  4874.  Cet  ouvrage 
a  été  publié  par  Horace  N.  Pym  sous  le  titre  de  Memories 
of  old  friends  being  extracts  from  the  Journals  and 
letters  of  Caroline  Fox  (Londres,  4882).  Avec  sa  sœur 
Anna  Maria,  Caroline  a  encore  traduit  en  italien  divers 
traités  religieux  anglais.  R.  S. 

FOX  (Tilbury),  dermatologiste  anglais,  né  à  Broughton 
en  1836,  mort  à  Londres  le  7  juin  4879.  Il  fut  attaché  à 
plusieurs  grands  hôpitaux  de  Londres  et  fut  professeur  de 
dermatologie  à  l'hôpital  de  Charing  Cross,  puis  à  celui 
d'University  Collège,  où  il  fonda  une  clinique  des  affections 
cutanées.  Fox  a  laissé  des  ouvrages  importants  :  Skin- 
disease  of  parasitic  origin  (Londres,  4663);  Treatiseon 
Skin-diseases  (Londres,  4864  ;  trad.  en  fr.  et  en  ital.)  ; 
On  Eczéma  (Lett  somian  lecture,  1869)  ;  Atlas  of  Skin- 
diseases  (Londres,  1877,  gr.  in-4,  72  pl.j.  Dr  L.  Hn. 
FOXÉ  (Vitic).  Le  goût  de  fox  ou  foxé  est  particulier 
aux  cépages  américains  issus  du  V.  Labrusca  (Concord,  Ives 
Seedling,  Niagara,  etc.);  certains  hybrides  le  possèdent, 
parfois  à  un  degré  très  accusé,  dans  leurs  fruits  (Othello, 


Triumph,  Senasqua).  Ce  goût  foxé  se  retrouve,  en  outre, 
dans  les  vins  qui  proviennent  des  fruits  de  ces  variétés  ou 
hybrides.  Les  Américains  estiment  cette  saveur  particulière 
à  laquelle  le  palais  des  Européens  ne  peut,  avec  raison, 
s'accoutumer  ;  aussi  doit-on  exclure  des  vignobles  français 
tous  les  cépages  qui  ont  le  goût  foxé  plus  ou  moins  pro- 
noncé. Il  est  à  remarquer  cependant  que  le  goût  foxé  des 
raisins  américains  est  d'autant  plus  intense  que  les  régions 
où  on  les  cultive  sont  plus  chaudes.  P.  V. 

FOXES  (Indiens)  ou  RENARDS.  Tribu  indienne  des  Etats- 
Unis  de  l'Amérique  du  Nord,  appartenant  à  la  nation  algon- 
quine  et  habitant  le  Wisconsin.  Dans  la  première  moitié  du 
xviue  siècle,  les  débris  de  la  tribu  furent  déportés  à  l'O. 
du  Mississippi  et  cantonnés  au  centre  du  Territoire  indien, 
non  loin  de  la  partie  détachée  depuis  sous  le  nom  d'Okla- 
homa,  entre  les  Iowas,  les  Kickapoos,  les  Séminoles  et  les 
Creeks.  En  1894 ,  leur  enclave  a  été  ouverte  à  la  colonisa- 
tion blanche.  Aug.  M. 

FOY  (Maximilien-Sébastien),  général  et  homme  politique 
français,  né  à  Ham  (Somme)  le  3  févr.  1775,  mort  à  Paris 
le  28  nov.  4825.  Après  avoir  terminé  brillamment  ses 
études  classiques  au  collège  des  oratoriens  de  Soissons,  il 
entra,  âgé  de  quinze  ans,  à  l'Ecole  d'artillerie  de  LaFère 
et  fut  attaché  dix-huit  mois  plus  tard  comme  lieutenant  en 
second  d'artillerie  à  l'armée  du  Nord,  où  il  gagna  rapide- 
ment le  grade  de  capitaine  et  fit  avec  éclat  les  campagnes 
de  1792, 1793  et  1794.  Emprisonné  par  ordre  du  repré- 
sentant Joseph  Lebon  pour  avoir  protesté  contre  les  excès 
de  la  Terreur,  il  recouvra  sa  liberté  après  le  9  thermidor, 
servit  ensuite  (1795-1797)  à  l'armée  de  Rhin-et-Moselle, 
où  il  devint  chef  d'escadron,  et  profita  des  loisirs  que  lui 
firent  les  préliminaires  de  Leoben  et  la  paix  de  Campo- 
Formio  pour  aller  étudier  l'histoire  et  le  droit  public  sous 
le  célèbre  publiciste  Koch,  à  Strasbourg.  Attaché  un  peu 
plus  tard  à  l'armée  dite  d'Angleterre,  recommandé  par 
Desaix  à  Bonaparte,  qu'il  ne  voulut  pas  suivre  en  Egypte 
comme  aide  de  camp,  il  fit,  avec  sa  bravoure  et  sa  distinc- 
tion ordinaires,  la  campagne  d'Helvétie  sous  Schauenbourg 
(1798)  et  conquit  l'année  suivante,  sous  Masséna,  dans  la 
mémorable  campagne  de  Zurich,  le  grade  de  chef  de 
brigade  (1799). 

Il  était  retourné  à  l'armée  du  Rhin  et  avait  pris  part 
aux  premières  opérations  de  Moreau  en  Souabe,  quand  il 
dut,  sous  le  général  Moncey,  se  rendre  en  Italie  pour  ren- 
forcer le  premier  consul.  La  campagne  d'hiver  de  l'an  IX 
dans  le  Tirol  lui  fournit  l'occasion  de  nouvelles  actions 
d'éclat  (1800-1801)., La  paix  de  Lunéville  lui  permit  de 
visiter  en  détail  l'Italie,  après  quoi  il  rentra  en  France  où 
il  commanda  le  5e  régiment  d'artillerie.  Dans  son  loyal 
attachement  aux  principes  de  la  Révolution,  Foy  n'approu- 
vait pas  les  menées  de  Bonaparte  pour  s'élever  au  pouvoir 
absolu.  Il  vota  contre  le  consulat  à  vie  en  1802,  et, 
signalé  comme  un  partisan  de  Moreau,  faillit  être  arrêté 
après  son  ancien  général  en  1804.  Chef  d'état-major  de 
l'artillerie  au  camp  d'Utrecht,  il  refusa  de  s'associer  par 
son  suffrage  à  l'établissement  de  l'Empire.  Aussi  resta-t-il 
plusieurs  années  dans  une  demi-disgrâce,  malgré  les  ta- 
lents dont  il  fit  preuve  en  Autriche  et  en  Moravie  (1805), 
dans  le  Frioul  et  en  Dalmatie  (1806)  et  à  Constantinople 
(1807)  où,  de  concert  avec  Sébastiani  (V.  ce  nom),  il  mit 
en  quelques  jours  les  Dardanelles  en  état  de  défense  contre 
les  Anglais.  Attaché  vers  la  fin  de  1807  à  l'armée  de 
Junot,  il  prit  à  la  bataille  de  Vimeiro  une  part  glorieuse, 
qui  lui  valut  enfin  le  grade  de  général  de  brigade  (3  sept. 
1809),  seconda  ensuite  vaillamment  le  maréchal  Soult  à 
La  Corogne,  à  Oporto  (janv.-mai  1809)  et  acquit  à  tel  point 
l'estime  de  Masséna,  pendant  son  expédition  en  Portugal, 
qu'il  fut  chargé  par  lui,  après  la  bataille  de  Busaco,  d'aller 
exposer  de  vive  voix  à  l'empereur  les  difficultés  imprévues 
que  rencontrait  cette  entreprise  (sept.  1810). 

Napoléon,  qui  ne  connaissait  guère  Foy  que  de  nom,  fut 
séduit  par  sa  rare  compétence  en  matières  politiques  et  mi- 
litaires, sa  parole  sûre  et  brillante  et  la  générosité  de  son 


—  941  —  FOXÉ  —  FOY 

caractère.  Il  ne  le  renvoya  qu'après  lui  avoir  accordé  une 
gratification  de  20,000  fr.  et  l'avoir  fait  général  de  division 
(3  nov.  1810).  De  retour  dans  la  péninsule  ibérique,  Foy 
se  montra  l'égal  des  hommes  de  guerre  les  plus  remarqués 
de  son  temps.  A  la  bataille  de  Salamanque,  il  commanda 
l'arrière-garde  et  sauva  par  sa  ferme  contenance  notre 
armée  vaincue  (22  juil.  1812).  Peu  après,  il  put  reprendre 
l'offensive  et  se  distingua  de  nouveau  par  la  prise  de  Pa- 
lencia  (octobre).  Mais  c'est  surtout  en  1813,  après  Vittoria, 
qu'il  donna  la  mesure  de  son  énergie  et  de  son  mérite 
stratégique.  Placé  à  la  tête  de  deux  divisions  en  Biscaye,  il 
s'y  maintint  longtemps  et  presque  toujours  avec  succès, 
inquiéta  sérieusement  la  grande  armée  de  Wellington  au 
moment  où  elle  pénétrait  sur  notre  territoire,  rentra  en 
France  sans  laisser  un  seul  prisonnier  ni  un  seul  canon  au 
pouvoir  de  l'ennemi  et  tomba  sur  le  champ  de  bataille 
d'Orthez  atteint  d'une  blessure  que  Ton  crut  d'abord 
mortelle  (27  févr.  1814). 

Pendant  sa  convalescence,  qui  fut  longue,  l'Empire  fut 
renversé.  Le  général  Foy,  nommé  grand  officier  de  la  Lé- 
gion d'honneur  et  inspecteur  général  d'infanterie  à  Nantes, 
ne  trahit  pas  les  Bourbons  lors  du  retour  de  l'île  d'Elbe. 
Il  ne  se  rallia  à  Napoléon  (sans  enthousiasme  et  sans  espoir, 
du  reste)  que  lorsque  Louis  XVIII  eut  quitté  Paris.  Mis  à 
la  tête  d'une  division  dans  le  corps  du  maréchal  Ney,  il 
combattit  aux  Quatre-Bras  et  reçut  à  Waterloo  sa  quin- 
zième blessure  (18  juin  1815).  La  seconde  Restauration  lui 
tint  quelque  temps  rigueur.  Il  ne  recouvra  que  sous  le 
ministère  Gouvion  Saint-Cyr  (1817)  son  titre  d'inspecteur 
général.  Du  reste,  ce  n'est  plus  comme  militaire  qu'il  allait 
acquérir  ses  derniers  et  ses  plus  beaux  titres  de  gloire.  La 
politique,  qui  l'avait  toujours  passionné,  l'attirait  de  plus 
en  plus.  Patriote  et  libéral,  les  agissements  des  Bourbons 
le  froissaient  et  l'inquiétaient.  Une  première  fois,  en  août 
1815,  il  avait  sollicité  sans  succès  le  mandat  de  député. 
Puis  il  s'était  plongé  dans  l'étude  et  avait  paru  quelque 
temps  absorbé  par  la  préparation  d'un  grand  ouvrage  sur 
les  dernières  guerres  d'Espagne  et  de  Portugal. 

En  1819,  les  électeurs  de  Péronne  l'envoyèrent  enfin  au 
Palais-Bourbon  où,  dès  son  premier  discours,  il  prit  parmi 
nos  orateurs  parlementaires  le  premier  rang,  qu'il  garda 
sans  conteste  jusqu'à  sa  mort.  Son  éloquence  vibrante  et 
généreuse  fut  dès  lors  la  consolation  de  cette  France 
vaincue  et  mutilée,  dont  il  ne  se  lassait  pas  de  célébrer 
les  gloires;  elle  fut  aussi  l'encouragement  et  l'espoir  d'une 
nation  qui,  comme  lui,  était  inviolablement  attachée  aux 
principes  de  1789  et  qui  craignait,  non  sans  raison,  de  les 
voir  méconnus  par  son  nouveau  gouvernement.  Le  général 
Foy  ne  s'associa  pas  activement,  à  ce  qu'il  semble,  comme 
La  Fayette,  Manuel  et  quelques  autres  de  ses  amis,  aux 
conspirations  qui  furent  ourdies  de  1822  à  1823  contre  la 
Restauration.  C'est  seulement  du  haut  de  la  tribune  qu'il 
défendit,  avec  une  constance  et  un  courage  infatigables,  les 
libertés  publiques,  l'ancienne  armée  et  la  cause  de  la  Ré- 
volution. Son  opposition  aux  Bourbons  était  d'autant  plus 
redoutable  que,  s'il  mettait  beaucoup  de  feu  dans  ses  attaques, 
il  y  mettait  aussi  beaucoup  de  mesure,  qu'il  respectait  l'au- 
torité dans  ce  qu'elle  avait  de  légitime,  qu'il  savait  se 
montrer  homme  de  gouvernement  et  que,  d'autre  part, 
toutes  les  questions  discutées  dans  la  Chambre  lui  étaient 
également  familières.  Tant  qu'il  siégea  au  Palais-Bourbon, 
il  ne  fut  étranger  à  aucun  débat  de  quelque  importance. 
Son  histoire,  pendant  ces  six  années,  se  confond  avec  celle 
du  régime  parlementaire  en  France.  Signalons  seulement  en 
passant  les  discours  retentissants  qu'il  prononça  en  1820 
sur  la  liberté  individuelle  et  la  liberté  de  la  presse,  sur  la 
loi  du  double  vote,  en  1821  sur  les  révolutions  d'Italie, 
sur  la  loi  des  Donataires,  en  1822  et  1823  sur  les  complots 
libéraux,  sur  les  affaires  d'Espagne,  et  la  part  considérable 
qu'il  prit  chaque  année  aux  discussions  budgétaires.  Sa 
popularité  ne  cessait  de  grandir.  Lors  du  renouvellement 
de  la  Chambre  en  1824,  il  fut  élu  en  même  temps  à  Paris, 
à  Saint-Quentin  et  à  Vervins.  Il  combattit  de  toutes  ses 


FOY  —  FOYER 


942  — 


forces  la  septennalité,  la  loi  d'indemnité  aux  émigrés, 
attaqua  énergiquement  les  marchés  Ouvrard  et  prit  une 
dernière  fois  la  parole  (16  mai  4825)  pour  protester  contre 
la  mise  à  la  retraite  prématurée  de  cinquante-deux  généraux 
de  l'Empire.  Atteint  d'une  maladie  de  cœur  qu'aggravaient 
rapidement  les  émotions  de  la  vie  publique  et  un  travail 
excessif,  il  fit  avec  sa  femme  un  voyage  aux  Pyrénées  qui 
ne  fut  pour  lui  qu'une  longue  suite  d'ovations,  mais  d'où 
il  revint  à  Paris  dans  un  état  désespéré.  Sa  mort  fut  re- 
gardée dans  toute  la  France  comme  une  calamité  nationale. 
Cent  mille  personnes  suivirent  son  convoi  ;  son  cercueil  fut 
porté  à  bras  jusqu'au  Père-Lachaise.  Comme  il  laissait 
cinq  enfants  sans  fortune,  une  souscription  publique  fut 
provoquée  en  leur  faveur  par  ses  amis,  et  en  quelques 
semaines  elle  produisit  un  million.  De  nos  jours  une  statue 
a  été  élevée  au  général  Foy  dans  sa  ville  natale.  —  Ses 
Discours  furent  recueillis  et  publiés  peu  après  sa  mort 
(Paris,  1826,  2  vol.  in-8).  Sa  veuve  donna  aussi  sous  son 
nom  la  première  partie  de  son  Histoire  de  la  guerre  de  la 
Péninsule  (Paris,  1827,  4  vol.  in-8).  Mais  il  est  juste  de 
dire  que  ce  récit,  très  remarquable  d'ailleurs,  n'est  pas  de  la 
main  du  général,  qui  n'avait  laissé  que  des  notes  (mises  en 
œuvres  par  M.  Tissot  après  sa  mort).        A.  Debidour. 

Bibl.:  Cuisin,  Vie  militaire,  politique  et  anecdotique  du 
général  Foy.  —  Général  Fabvier,  Correspondance  et  Mé- 
moires (inédits).  —  Koch,  Mémoires  de  Masséna.  —  La- 
croix (bibliophile  Jacob),  Eloge  historique  du  général  Foy. 

—  Lanfrey,  Histoire  de  Napoléon  Ier.  —  Marmont,  duc 
de  Raguse,  Mémoires.  —  Napier,  Histoire  de  la  guerre 
dans  la  Péninsule.  —  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution. 

—  Du  même,  Histoire  du  Consulat  et  de  l'Empire.  —  Tis- 
sot ,  Notice  biographique  du  général  Foy  (en  tête  du  recueil 
de  ses  discours).  —  Vaulabelle,  Histoire  des  deux  Res- 
taurations.—  Victoires  et  Conquêtes  des  Français. — Vidal, 
Vie  militaire  et  politique  du  général  Foy.  —  Viel-Castel, 
Histoire  de  la  Restauration,  etc. 

FOY  (Maximilien-Sébastien-Auguste-Àrthur-Louis-Eer- 
nand),  homme  politique  français,  né  à  Ham  le  20  juin  \  815, 
mort  à  Ostende  le  1er  nov.  1871,  fils  du  précédent.  Créé 
pair  de  France  le  19  nov.  1831,  il  eut  à  la  Chambre  haute 
un  rôle  très  obscur,  s'occupant  plus  d'œuvres  de  bienfai- 
sance que  de  politique.  Il  se  présenta  sans  succès  à  Paris  à 
des  élections  partielles  pour  la  Constituante  le  lOmars  1850. 

—  Vincent- Louis -Alphonse,  frère  du  général,  né  à 
Ham  le  14  avr.  1796,  mort  à  Paris  le  15  janv.  1888,  fut 
député  de  l'Aisne  de  1831  à  1834.  Il  appartenait  à  l'ad- 
ministration des  télégraphes  et  il  fut  retraité  avec  le  grade 
d'administrateur  (1855).  —  Adrien-EippolyU- Arthur , 
neveu  du  général,  né  à  Ham  le  4  janv.  1793,  mort  à 
Paris  le  22  mars  1877,  élève  de  Saint-Cyr,  fut  aide  de 
camp  de  son  oncle  en  Espagne,  combattit  en  Afrique, 
devint  maréchal  de  camp  en  1846,  général  de  division  en 
1853  et  commanda  jusqu'en  1858  à  Toulouse.  —  Maxi- 
milien-Prosper,  autre  neveu  du  général,  né  à  Ham  le 
15  juil.  1805,  mort  à  Vesoul  le  19  mai  1889,  élève  de 
l'Ecole  polytechnique,  servit  en  Afrique;  le  23  août  1848 
il  fut  élu  représentant  du  Bas-Rhin  à  la  Constituante;  il  y 
combattit  la  politique  de  l'Elysée,  et  ne  fut  pas  réélu  à  la 
Législative.  Le  27  nov.  1829,  il  fut  nommé  colonel  et  fut 
mis  à  la  retraite  en  1865. 

FOY-V aillant  (V.  Vaillant). 

FOYAT1ER  (Denis),  sculpteur  français,  né  à  Bussière 
(Loire)  le  22  sept  1793,  mort  à  Paris  le  19  nov.  1863. 
Fils  d'un  pauvre  tisserand,  il  fut  obligé,  dans  sa  jeunesse, 
de  garder  les  troupeaux;  mais,  né  sculpteur,  il  s'appliquait 
avec  passion  à  modeler  en  terre  et  sculpter  en  bois  de 
grossières  images.  Petit  à  petit,  sans  autre  maître  que  son 
talent  d'observation,  il  parvint  à  une  certaine  habileté  de 
praticien,  et  se  créa  des  ressources  qui  lui  permirent  de  se 
rendre  à  Lyon  pour  y  suivre  les  cours  de  l'Ecole  des  beaux- 
arts  où  il  fut  élève  de  Marin  et  de  Lemot.  En  1817,  il 
passa  à  celle  de  Paris,  et  deux  ans  après  il  obtint  une 
deuxième  médaille  au  Salon,  avec  un  Jeune  Faune  com- 
posant la  musique  et  plusieurs  bustes.  Il  séjourna  à 
Rome  de  1822  à  1827,  et  il  brilla  au  Salon  de  cette  der- 
nière année  avec  sa  statue  de  Spartacus,  exécutée  en 


marbre  en  1831  et  aujourd'hui  au  jardin  des  Tuileries,  où 
se  trouvent  également  son  Soldat  laboureur  et  son  Ger- 
manicus  (S.  de  1822).  Dès  lors  ses  œuvres  se  succé- 
daient rapidement,  sans  qu'il  parvînt  jamais  à  en  produire 
une  qui  s'imposât.  Dans  le  nombre,  nous  citerons  :  Etienne 
Pasquier,  statue  marbre  pour  le  palais  de  la  Chambre  des 
pairs  (S.  1844);  Jeanne  d'Arc,  statue  équestre  pour  le 
monument  élevé  à  Orléans  (1855);  les  quatre  pendentifs 
de  l'église  de  la  Madeleine;  la  frise  de  l'arc  de  triomphe 
de  l'Etoile.  G.  P.-i. 

FOYE-Monjault  (La).  Corn,  du  dép.  des  Deux-Sèvres, 
arr.  de  Niort,  cant.  de  Beauvoir  ;  907  hab.  Cette  commune 
a  des  vignobles  importants  et  son  vin  était  déjà  cité  par 
Rabelais. 

FOYER.  I.  Construction.  —  Partie  essentielle  d'un 
appareil  de  chauffage,  fixe  ou  mobile,  dans  laquelle  s'opère 
la  combustion.  Chez  les  anciens,  les  foyers  fixes  étaient 
disposés,  soit  au-dessous  d'une  ouverture  par  laquelle 
s'échappait  la  fumée,  soit  à  l'état  iïhypocaustes,  c.-à-d. 
de  foyers  placés  à  la  partie  inférieure  d'une  habitation  et 
répandant  la  chaleur,  comme  le  font  les  calorifères  mo- 
dernes. Pour  les  foyers  mobiles,  ils  consistaient  en  brase- 
ros ou  réchauds,  généralement  de  terre  cuite  ou  de  métal, 
remplis  de  braise  et  que  l'on  transportait  d'une  pièce  dans 
l'autre,  comme  on  en  voit  encore  aujourd'hui  en  Espagne 
et  en  Italie,  ou  comme  certains  poêles  mobiles  fort  en  usage 
de  nos  jours.  Les  conditions  d'établissement  des  foyers  de 
chaleur  ont  donné  lieu  à  des  prescriptions  administratives 
(V.  Cheminée).  Charles  Lucas. 

IL  Technologie  (V.  Chaudière,  Locomotive,  etc.). 

ÏII.  Mines.  —  Foyer  d'aérage  (V.  Aérage). 

IV.  Mathématiques.  —  Le  mot  foyer  a  d'abord 
été  employé  pour  désigner  dans  l'ellipse  et  dans  l'hyper- 
bole deux  points  tels  que  la  somme  ou  la  différence  des 
distances  de  ces  points  à  un  point  quelconque  de  la  courbe 
était  constante.  On  a  bientôt  reconnu  que  ces  points  jouis- 
saient d'une  propriété  remarquable.  Les  foyers  d'une  conique 
sont  en  effet  des  points  tels  que  leur  distance  à  un  point 
de  la  courbe  peut  s'exprimer  en  fonction  rationnelle  des 
coordonnées  rectilignes  de  ce  point.  En  sorte  qu'en  appelant 
x,  y,  les  coordonnées  rectangulaires  d'un  point  de  la  courbe, 
et  a,  [3,  les  coordonnées  d'un  foyer,  on  peut  mettre  l'équa- 
tion de  la  courbe  sous  la  forme 

(1)  (x  —  a)2  +  (y  —  (E)2  —  e2  (x  cos  9  +  y  sin  9  —  p\z, 

e,  9,  p  désignant  des  quantités  indépendantes  de  x  et  y, 
la  droite  x  cos  9  -f-  y  sin  9  —  p  z=  0  est  la  directrice  cor- 
respondante au  foyer  a,  p,  d'où  cette  propriété  :  dans 
toute  conique  le  rapport  de  la  distance  d'un  point  à  un 
foyer  et  à  la  directrice  correspondante  est  constant  et  égal 
à  e,  en  se  plaçant  à  ce  point  de  vue,  toute  conique  possède 
quatre  foyers  dont  deux  sont  réels  seulement,  et  par  suite 
quatre  directrices.  Ces  foyers  peuvent  d'ailleurs  être  con- 
fondus ou  rejetés  à  l'infini,  ils  sont  confondus  dans  le 
cercle,  et  dans  la  parabole,  trois  foyers  sont  à  l'infini. 

La  notion  du  foyer  peut  être  étendue  à  une  courbe  algé- 
brique quelconque  :  l'équation  (1)  est  l'équation  d'une 
conique  doublement  tangente  au  cercle  de  rayon  nui 
(x  —  a)2  -f-  (y  —  (3)2  —  0,  suivant  la  corde  de  contacts 
#coso  -+-  2/SHI9  —  p.  Un  cercle  de  rayon  nul  est  l'ensemble 
de  deux  droites  isotropes  passant  par  son  centre,  si  bien 
que  l'on  peut  dire  que  les  foyers  d'une  conique  sont  des 
points  d'où  l'on  peut  mener  à  cette  conique  deux  tangentes 
isotropes.  Quelque  bizarre  que  puisse  paraître  au  premier 
abord  une  pareille  définition,  un  peu  d'exercice  finit  par 
montrer  que  c'est  la  plus  féconde  dans  les  applications  et 
qu'elle  permet  de  résoudre  une  foule  de  questions  que  la 
définition  élémentaire  et  primitive  ne  permettrait  pas 
d'aborder.  Enfin  elle  a  l'avantage  de  pouvoir  s'étendre  à 
des  courbes  quelconques  et  de  conduire  à  la  notion  de 
foyer  dans  les  surfaces.  —  On  appelle  en  général  foyer 
d'une  courbe  plane  quelconque  un  point  d'où  l'on  peut  lui 
mener  deux  tangentes  isotropes.  —  En  général  une  courbe 


—  943  — 


FOYER  -  FRACANZANI 


de  classe  n  à  111  foyers,  mais  ce  théorème  cesse  d'être 
exact  quand  la  courbe  passe  par  les  ombilics  du  plan.  — 
Pour  trouver  les  foyers  d'une  courbe  dont  on  a  l'équation 
en  coordonnées  rectangulaires  on  exprime  que  y  —  (3 
-l-y'zrf  (x  —  a)  et  y  —  (B  —  y/Hl  (x  —  a)  touchent  la 
courbe,  on  obtient  ainsi  deux  équations  en  a  et  (B  dont  les 
solutions  (a,  8)  sont  les  coordonnées  des  foyers. 

Les  foyers  sont  ordinairement  des  points  jouissant  de 
propriétés  curieuses  dont  ne  jouissent  pas  les  autres  points 
du  plan,  nous  nous  bornerons  ici  à  citer  quelques  propriétés 
des  foyers  des  coniques.  La  tangente  à  une  conique  par- 
tage en  deux  parties  égales  l'angle  des  droites  qui  vont  du 
point  de  contact  aux  foyers,  dans  la  parabole  il  n'y  a 
qu'un  foyer,  et  la  tangente  partage  alors  en  parties  égales 
l'angle  que  fait  la  droite  qui  va  du  foyer  au  point  de  con- 
tact avec  une  parallèle  à  l'axe.  —  Le  lieu  des  pieds  des 
perpendiculaires  menées  d'un  foyer  sur  les  tangentes  est 
un  cercle,  qui  dans  la  parabole  se  réduit  à  la  tangente  au 
sommet.  —  Disons  enfin  que  le  lieu  des  foyers  des  coniques 
inscrites  dans  un  quadrilatère  est  une  courbe  du  troisième 
degré  qui  par  des  transformations  homographiques  peut 
reproduire  toutes  les  courbes  du  troisième  degré  de  sorte 
qu'en  partant  de  là  on  peut  faire  une  théorie  générale  des 
courbes  du  troisième  degré. 

Quelquefois  on  donne  dans  une  question  à  des  points  fixes 
le  nom  de  foyers  quand  les  droites  aboutissant  à  ces  points, 
jouent  un  rôle  prépondérant  dans  la  question. 

Foyers  de  surfaces  (V.  Focales). 

Foyers  d'une  congruence  ou  d'un  faisceau  de  droites 
(V.  Congruence).  H.  Laurent. 

V.  Physique  (V,  Lentille,  Miroir,  Prisme). 

VI.  Théâtre.  ■—  Dans  chaque  théâtre  il  existe  au 
moins  deux  foyers,  l'un  attenant  à  la  salle  et  destiné  au 
public,  l'autre  voisin  de  la  scène  et  réservé  aux  artistes.  Le- 
foyer  de  la  salle,  ou  foyer  du  public,  est,  durant  les 
entr'actes,  le  rendez-vous  des  spectateurs,  à  qui  un  long 
séjour  dans  leur  fauteuil  donne  le  désir  d'un  instant  de 
détente  physique;  c'est  un  lieu  de  distraction,  de  pro- 
menade et  de  conversation,  à  l'un  des  bouts  duquel  on 
rencontre  souvent  un  buffet  avec  des  rafraîchissements. 
On  connaît  le  foyer  de  notre  Opéra  avec  la  loggia  qui 
le  borde  sur  la  façade  du  monument,  sa  magnificence,  son 
éclairage  étincelant,  les  peintures  superbes  dont  PaulBaudry 
l'a  si  merveilleusement  décoré.  A  la  Comédie-Française,  à 
l'Odéon,  le  foyer  du  public,  plein  d'élégance  et  de  confor- 
table, prend  un  autre  caractère;  c'est  comme  une  sorte 
de  véritable  musée,  où  les  œuvres  d'art  :  bustes,  portraits, 
tableaux,  etc.,  rappellent  des  souvenirs  artistiques  glorieux 
et  font  passer  sous  les  yeux  du  visiteur  comme  une  sorte 
d'histoire  anecdo tique  de  la  maison.  A  part  quelques  excep- 
tions, le  foyer  des  artistes  est  généralement  beaucoup  plus 
calme  et  beaucoup  plus  simple  que  les  foyers  publics.  C'est 
là  que  chacun  des  acteurs  vient  prendre  un  repos  pendant 
les  scènes  où  il  ne  figure  pas,  et  où  la  préoccupation  de  la 
réplique  prochaine  ne  laisse  guère  de  place  à  d'autres  sen- 
timents. Ce  foyer  est  d'ordinaire  une  grande  pièce  assez 
nue,  dont  l'unique  ornement  est  représenté  par  le  tableau 
du  service  du  jour  :  spectacle,  répétitions,  amendes,  etc., 
et  un  exemplaire  du  règlement  intérieur.  Mais  les  artistes 
qui  ont  quelques  moments  à  eux  aiment  mieux,  la  plupart 
du  temps,  remonter  jusque  dans  leur  loge  que  d'attendre 
au  foyer  ;  d'autres  restent  dans  les  coulisses,  et  il  en  résulte 
que  le  foyer  est  généralement  peu  animé.  Une  exception 
pourtant  est  à  faire  pour  celui  de  la  Comédie-Française, 
qui  est  vaste,  somptueux,  orné  de  nombreuses  œuvres  d'art, 
et  où  artistes,  auteurs,  amis  de  cette  grande  maison  se 
réunissent  volontiers.  Il  fut  même  un  temps  où  la  rage  du 
jeu  des  échecs  était  telle  dans  le  foyer,  parmi  les  socié- 
taires, qu'on  dut  supprimer  ce  jeu,  auquel  ces  messieurs 
se  livraient  au  cours  de  la  représentation,  pendant  les 
scènes  dont  ils  ne  faisaient  point. partie,  jusqu'à  laisser 
parfois  passer  leur  réplique  et  à  manquer  leur  entrée, 
en  dépit  des  avis  réitérés  de  l'avertisseur.  Le  foyer  des 


artistes  de  la  Comédie-Française  a  toujours  été  renommé 
d'ailleurs.  Mais  il  y  en  eut  un  de  particulièrement  célèbre 
jadis  dans  un  autre  genre  :  c'est  celui  du  théâtre  Montansier 
(Variétés  actuelles)  qui,  à  l'époque  de  la  Révolution,  était 
un  rendez-vous  à  la  fois  de  politique  et  de  galanterie.  La 
Montansier,  fondatrice  et  directrice  de  ce  théâtre,  fameuse 
par  ses  intrigues  sous  ce  double  rapport,  y  attirait  tout 
ensemble  les  hommes  les  plus  en  vue  du  parti  révolution- 
naire et  ce  que  Paris  comptait  de  mieux  en  fait  de  femmes 
faciles  et  de  riches  courtisanes.  Il  s'ourdissait  là  de  véri- 
tables complots,  en  même  temps  qu'il  se  nouait  et  se 
dénouait  toutes  sortes  d'intrigues  amoureuses.  Certains 
écrits  du  temps  sont  fertiles  en  détails  curieux  et  typiques 
sur  ce  foyer  demeuré  fameux.  En  dehors  du  foyer  dii  public 
et  du  foyer  des  acteurs,  certains  théâtres  importants  ont 
encore  des  foyers  secondaires,  tels  que  le  foyer  des  musi- 
ciens de  l'orchestre,  le  foyer  des  choristes  ou  des  com- 
parses, voire  même  le  foyer  des  machinistes.  Mais  il  en  est 
un  qui  mérite  une  mention  spéciale  pour  sa  particularité; 
c'est  le  foyer  de  la  danse  de  l'Opéra,  qui  n'est  pas  seule- 
ment le  rendez-vous  des  danseuses  de  ce  théâtre,  mais 
aussi  celui  des  abonnés  de  l'orchestre,  qui  y  ont  leur 
entrée  de  droit,  et  qui  y  vont  coqueter  familièrement  avec 
ces  jeunes  vestales.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  qu'en  dépit 
de  la  qualité  des  visiteurs,  cet  endroit  privilégié  n'est  pas 
absolument  un  rendez-vous  de  noble  compagnie,  et  que 
les  propos  qui  s'y  tiennent  ne  sont  pas  de  ceux  qui  comman- 
dent le  respect  et  l'admiration. 

Bibl.  :  Mathématiques.—  Salmon,  Traité  de  géométrie 
analytique,  trad.  en- franc,  par  Kesal  et  Vaucheret. 

FOYLE.  Fleuve  du  N.  de  l'Irlande,  formé  par  la  réunion 
des  rivières  Fin  et  Mourne.  La  direction  de  son  cours  est 
N.-N.-O.  Il  passe  à  Lifford  et  à  Londonderry  et  forme  le 
Lough  Foyle,  estuaire  de  29  kil.  de  long  sur  45 de  largeur. 
Au  milieu  du  Lough  Foyle  se  trouve  la  grande  île  dite 
Shell  Island. 

F0Z1ERES.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  etcant.  de 
Lodève;  134  hab. 

FOZZANO.  Corn,  du  dép.  delà  Corse,  arr.  de  Sartène, 
cant.  d'Olmeto  ;  569  hab. 

FRA  ANGELICO  (V.  Angelico). 

FRA  BARTÛLOMMEQ  (V.  Bàrtolommeo). 

FRAC  (V.  Costume). 

FRACANZANI  (Francesco),  peintre  italien,  né  à  Naples 
au  commencement  du  xvue  siècle,  mort  en  1657.  C'est 
un  élève  assez  vulgaire  deRibera  qui,  sous  l'administration 
du  comte  de  Monterey,  représentant  du  roi  d'Espagne, 
faisait  à  Naples  la  pluie  et  le  beau  temps.  De  bonne  heure, 
Fracanzani,  qu'un  lien  de  parenté  rattachait  à  la  famille 
de  Salvator  Rosa,  étonna  les  Napolitains  par  la  vigueur  de 
son  pinceau.  Un  de  ses  tableaux,  la  Mort  de  saint  Joseph, 
placé  à  l'hôpital  des  Pellegrini,  fut  regardé  comme  une 
des  meilleures  peintures  de  la  ville.  Mais  d'après  les  bio- 
graphes, Fracanzani,  mal  payé  alors  qu'il  faisait  des  œuvres 
sincères,  se  lassa  vite  de  l'art  désintéressé  ;  il  travailla  à 
la  hâte  pour  les  marchands  de  bas  étage,  et  encombra  leurs 
boutiques  d'improvisations  plus  ou  moins  grossières.  Il  ne 
se  borna  pas  à  la  production  de  mauvais  tableaux  :  entraîné 
par  la  pauvreté,  dont  les  conseils  sont  toujours  redoutables, 
dit  Lanzi,  il  se  compromit  dans  des  actes  douteux,  dont 
on  ne  précise  pas  d'ailleurs  la  nature,  mais  qui  déplurent 
à  la  justice.  Le  comte  Oriov,  qui  brode  sur  la  légende,  \a 
jusqu'à  dire  que  Fracanzani  devint  un  «  infâme  brigand  ». 
On  assure  qu'il  fut  condamné  à  mort  et  s'empoisonna  dans 
son  cachot.  Telle  est  la  tradition  à  laquelle  il  ne  manque  que 
des  preuves. 

Plusieurs  des  tableaux  de  Fracanzani  ont  été  transpor- 
tés en  Espagne,  et  l'on  retrouve  au  musée  de  Madrid 
une  peinture  où  le  peintre  napolitain  se  révèle  comme  un 
naturaliste  sans  goût  mais  non  sans  force.  Fracanzani  a  eu 
un  fils  qu'il  nomma  Michel-Ange  et  dont  il  aurait  voulu 
faire  un  peintre;  mais  l'ambition  du  jeune  homme  était 
ailleurs»  Passionné  pour  le  théâtre,  il  s'engagea  dans  une 


FRACANZANI  -  FRACTION 


—  944  — 


troupe  de  comédiens  et  joua,  dit-on,  le  rôle  de  polichi- 
nelle avec  beaucoup  de  verve  et  de  fantaisie.  Louis  XIV  le 
fit  venir  à  Paris  où  il  demeurait  rue  du  Petit-Lion-Saint- 
Sauveur  près  de  la  Comédie-Italienne.  Ce  polichinelle,  qui 
s'était  occupé  de  peinture  dans  sa  jeunesse,  devint  à  Paris 
un  amateur  éclairé  d'œuvres  d'art.  P.  M. 

Bibl.  :  Lanzi,  Storia  pittorica,. 

FRACASSETTI  (Giuseppe),  littérateur  et  historien  ita- 
lien, né  à  Fermo  le  20  août  4802,  mort  vers  1880.  Son 
œuvre  principale  est  la  traduction  du  latin  de  YEpistola- 
rio  Petrarchesco,  divisé  enLettere  dicosefamiliari,  Let- 
tere  varie,  Lettere senili  (Florence,  1863-1870,  7  vol.). 
Il  avait  donné  antérieurement  une  édition  critique  du  texte 
des  Epistolœde  rébus  familiaribus  et  varice  (3  vol.).  Ces 
diverses  publications  fournirent  à  M.  Alfred  Mézières  les 
matériaux  de  son  volume  sur  Pétrarque.  Parmi  ses  études 
historiques,  on  remarque  :  Notizie  storiche  délia  città 
di  Fermo  ;  Memorie  storiche  délia  beata  vergine  dèl 
Pianto,  etc.  R.  G. 

FRACASTORI  (Girolamo),  médecin,  physicien  et  poète 
italien,  né  à  Vérone  en  1483,  mort  à  Cafi,  près  de  Vérone,  le 
8  août  1553.  Les  détails  de  sa  vie  sont  peu  connus  ;  il  vé- 
cut dans  l'intimité  avec  le  cardinal  Bembo,  auquel  il  dédia 
son  fameux  poème  :  Syphilis  seu  morbus  gallicus  (Ve- 
nise, 1530,  in-4,  et  nombreuses  éditions,  la  dernière  à 
Leipzig,  1830  ;'  et  nombreuses  traductions  en  français  et 
en  italien),  ouvrage  aussi  remarquable  par  la  beauté  de  la 
versification  que  par  sa  valeur  médicale.  Son  écrit  :  De 
Contagionibus,  etc.  (Venise,  1846,  in-4),  ouvre  une  ère 
nouvelle  pour  l'épidémiologie  ;  il  y  distingue  pour  la  pre- 
mière fois  le  typhus  exan thématique  de  la  peste  qui  com- 
prenait jusqu'alors  toutes  les  maladies  épidémiques  graves. 
Fracastori  fut  même  astronome  :  Homocentricarum,  sive  de 
stellis  liber,  etc.  (Venise,  1535,  in-4;  1558,  in-8).  Ses  ou- 
vrages sont  réunis  dans  Opéra  omnia  (Venise,  1555,  in-4). 

FRACCAR0L1  (Innocenzo),  sculpteur  italien,  né  à  Cas- 
tel  Rotto  (Véronais)  en  1805.  Lauréat  du  grand  prix  de 
l'Ecole  des  beaux-arts  de  Milan,  il  vint  à  Rome  où  il 
étudia  sous  Thorwaldsen  et  Tenerani.  Il  y  fit  un  Achille 
blessé  et  une  statue  de  l'Innocence,  ainsi  qu'un  Massacre 
des  Innocents  qui  se  trouve  au  Belvédère  de  Vienne.  Ses 
autres  ouvrages  sont  :  Eve  après  le  péché,  un  David, 
une  Descente  de  croix,  etc.  Il  a  fait  en  1876  présent  de 
tous  ses- modèles  et  esquisses  à  sa  ville  natale. 

FRAC  H  ET  (Gérard  de),  chroniqueur  et  prédicateur  limou- 
sin, né  à  Chalus  (Haute- Vienne)  en  1205,  mort  à  Limoges 
le  4  oct.  1271.  Il  prit,  dès  1225,  l'habit  de  l'ordre  de 
Saint-Dominique  et  fit  profession  l'année  suivante.  En  1233, 
il  fut  élu  prieur  du  couvent  des  dominicains  de  Limoges, 
fondé  en  1219,  et  exerça  cette  charge  pendant  douze  ans. 
Il  devint,  en  1245,  prieur  du  couvent  de  Marseille  et,  de 
1251  à  1259,  provincial  de  la  province  de  Provence.  Au 
sortir  de  cette  charge,  il  fut  élu  prieur  du  couvent  de  Mont- 
pellier et,  en  1266,  définiteur  provincial  pour  le  chapitre 
de  Limoges.  Comme  prédicateur,  Gérard  de  Frachet  n'a 
rien  laissé  qui  permette  de  reconnaître  les  mérites  que  lui 
attribue  Bernard  Gui.  Comme  chroniqueur,  il  a  composé  : 
Vitœ  fratrum  ord.  predicatorum,  rédigées  en  1256-60 
sur  Tordre  du  chapitre  général,  imprimées  pour  la  première 
fois  à  Douai  en  1619,  plus  tard  à  Valence  d'Espagne  en 
1657  ;  Chronicon  ab  initio  mundi  usque  ad  annum 
1268.  La  première  partie,  encore  inédite,  est  une  compi- 
lation des  chroniques  d'Eusèbe,  de  Bède,  d'Adon,  de 
Sigebert,  etc.  La  seconde  partie,  où  l'auteur  raconte  les 
faits  contemporains,  est  de  médiocre  valeur.  Les  continua- 
teurs de  dom  Bouquet  en  ont  donné  des  extraits  aux  t.  XXI 
et  XXIII  du  Recueil  des  historiens  de  France.  Aux  nom- 
breuses indications  bibliographiques  que  fournissent  sur  cet 
auteur  la  Bibliotheca  de  Potthast  et  le  Répertoire  de 
l'abbé  Chevalier,  il  faut  ajouter  une  étude  sur  les  Vitœ, 
publiée  en  1867  dans  la  Quellensammlung  der  badischen 
Landesgescbichte  de  Mone  (t.  IV).  A.  Leroux. 

Bibl.  :  Echard,  Script,  ord.  FF.  PP.,  I,  259,  et  la  Chro- 


nique des  frères  prêcheurs  de  Limoges,  dans  le  Bull,  de 
la  Soc.  arch.  du  Limousin,  t.  XL. 

FRACHETÎA  (Hieronimo),  littérateur  italien,  né  à  Ro- 
vigo  vers  1560,  mort  à  Naples  en  1620.  Il  vécut  à  Rome, 
puis  à  Naples,  en  protégé  de  l'Espagne.  On  a  de  lui  des 
ouvrages  assez  estimés  :  Dialogo  del  furor  poetico  (Pa- 
doue,  1581,  in-4)  ;  Sposizione  sopra  una  canzone  di 
Guido  Cavalcanti  (Venise,  1585,  in-4)  ;  Brève  Sposi- 
zione di  tutta  l'opéra  di  Lucrezio,  etc.  (Venise,  1589, 
in-4)  ;  II  Principe  (Venise,  1599,  in-8)  ;  Vîdea  del  libro 
di  governi  di  stato  e  di  guerra  (Venise,  1613,  in-fol.)  ; 
Délia  Ragione  di  stato  (Urbin,  1623,  in-4  ;  en  allemand, 
Francfort,  1681,  in-8).  R.  G. 

Bibl.  :   Tiraboschi,  Storia  délia  letteratura  italiana. 

FRACHICHE.  Tribu  arabe  sur  la  frontière  de  l'Algérie 
et  delà  Tunisie,  dans  la  région  montagneuse  entre  Tebessa 
(Algérie)  et  Feriana  (Tunisie).  Un  petit  nombre  d'entre  eux 
vit  dans  des  douars  et  cultive  quelques  fonds  de  vallées  ;  la 
masse  de  la  tribu  est  nomade  et  pastorale.  La  laine  de  leurs 
moutons  est  très  recherchée  par  les  acheteurs  européens  ; 
sous  la  tente,  on  en  fait  des  burnous  renommés  pour  leur 
force  et  des  tapis  légers  ou  tentures  appelés  frachia  et  d'une 
assez  grande  valeur.  E.  Cat. 

FRACTION.  I.  Mathématiques.  —  On  appelle  frac- 
tions ou  nombres  fractionnaires  les  nombres  qui  servent  à 
désigner  les  quantités  que  l'on  peut  obtenir  en  ajoutant  des 
parties  de  l'unité  partagée  en  parties  égales,  ou,  comme  l'on 
dit,  des  parties  aliquotes  de  l'unité.  Une  fraction  moindre 
que  l'unité  est  ce  que  l'on  appelle  une  fraction  proprement 
dite.  On  dénomme  une  fraction  en  énonçant  d'abord  le 
nombre  de  parties  de  l'unité  dont  elle  se  compose,  nombre 
que  l'on  appelle  le  numérateur,  en  le  faisant  suivre  du 
nombre  de  parties  dans  lesquelles  l'unité  a  été  divisée,  nombre 
que  l'on  appelle  dénominateur  et  que  l'on  fait  suivre  de 
la  terminaison  ième.  Au  lieu  de  deuxième,  troisième, 
quatrième,  on  dit  demi,  tiers,  quart.  On  représente  une 
fraction  en  écrivant  son  numérateur  au-dessus  de  son  déno- 
minateur et  en  les  séparant  par  une  barre  horizontale  ;  le 
numérateur  et  le  dénominateur  sont  ce  que  l'on  appelle 
les  termes  de  la  fraction.  Une  fraction  ne  change  pas  de 
valeur,  c.-à-d.  ne  cesse  pas  de  représenter  la  même  quan- 
tité quand  on  multiplie  ou  quand  on  divise  (si  cela  se  peut) 
ses  deux  termes  par  un  même  nombre.  Il  résulte  de  là 
que  l'on  simplifie  l'expression  d'une  fraction  en  divisant 
ses  deux  termes  par  leurs  facteurs  communs  ;  on  peut 
même  démontrer  qu'une  fraction  est  réduite  à  sa  plus 
simple  expression  quand  ses  deux  termes  sont  premiers 
entre  eux,  ce  à  quoi  Ton  arrive  en  divisant  les  deux  termes 
par  leur  plus  grand  commun  diviseur.  Une  fraction  réduite 
à  sa  plus  simple  expression  est  dite  irréductible. 

Etant  données  des  fractions  quelconques,  on  peut  tou- 
jours les  remplacer  par  d'autres  qui  leur  sont  respective- 
ment égales  et  qui  ont  toutes  le  même  dénominateur.  Cette 
opération  est  ce  que  l'on  appelle  la  réduction  au  même 
dénominateur.  Pour  réduire  des  fractions  au  même  déno- 
minateur, on  peut  multiplier  les  deux  termes  de  chacune 
d'elles  par  le  produit  du  dénominateur  des  autres,  mais 
on  n'obtient  pas  toujours  ainsi  la  réduction  au  plus  petit 
dénominateur  commun  possible,  lequel  est  le  plus  petit 
multiple  des  dénominateurs  des  fractions  proposées,  ré- 
duites à  leur  plus  simple  expression.  L'addition,  la  com- 
paraison, la  soustraction  des  fractions  est  rendue  facile 
par  leur  réduction  au  même  dénominateur.  Nous  nous 
arrêterons  quelques  instants  sur  la  multiplication,  parce 
que  l'on  donne,  dans  la  plupart  des  livres  d'arithmétique 
destinés  aux  enfants,  une  définition  vicieuse  de  cette  opé- 
ration ;  la  vraie  définition  à  donner  est  très  simple  :  mut- 
tiplier  un  nombre  par  une  fraction,  c'est  prendre 
cette  fraction  de  ce  nombre;  ainsi,  multiplier  un  nombre 

2  2 

par  ^ ,  c'est  en  prendre  les  77  ;  quand  on  donne  cette  défi- 
nition, il  est  bon  de  montrer  que,  si  un  problème  à  don- 
nées entières  conduit  à  une  solution  qui  est  le  produit  de 


—  945  — 


FRACTION 


deux  entiers,  le  même  problème  conduit  encore  à  faire  un 
produit  quand  les  données  deviennent  fractionnaires.  On 
démontre  que  le  produit  de  plusieurs  fractions  est  une 
fraction  qui  a  pour  numérateur  le  produit  des  numérateurs 
et  pour  dénominateur  le  produit  des  dénominateurs  de  ces 
fractions.  —  Diviser  un  nombre  entier  ou  fractionnaire, 
appelé  dividende,  par  un  autre  appelé  diviseur,  c'est  trouver 
un  nombre  appelé  quotient  qui,  multiplié  par  le  diviseur, 
donne  le  dividende;  la  division  des  fractions  se  fait  en 
multipliant  le  dividende  par  le  diviseur  renversé,  c.-à-d. 
par  une  fraction  dont  le  numérateur  est  égal  au  dénomi- 
nateur du  diviseur,  et  vice  versa.  Tous  les  traités  d'arith- 
métique contiennent  les  règles  détaillées  du  calcul  des  frac- 
tions ;  nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  ce  point. 

Comme  l'on  a  donné  des  fractions  plusieurs  définitions, 
je  me  crois  obligé  de  dire  qnelles  sont  les  raisons  qui 
m'ont  fait  adopter  celle  que  je  viens  de  donner.  Un  grand 
nombre  de  personnes  pensent  que  les  définitions  sont  tout 
à  fait  arbitraires  :  je  ne  le  crois  pas  ;  je  pense,  au  con- 
traire, que  beaucoup  de  définitions  ont  simplement  pour 
but  de  fixer  avec  précision  le  sens  d'un  mot  dont  on  a 
déjà  une  notion  souvent  assez  complète,  afin  de  permettre 
d'employer  ce  mot  dans  le  raisonnement.  Il  est  certain  que 
tout  le  monde  sait  que  un  tiers,  trois  quarts...  sont  des 
fractions,  et  il  n'est  pas  besoin  d'avoir  cultivé  les  sciences 
mathématiques  pour  savoir  ce  que  c'est  que  la  moitié  d'un 
gâteau  ;  un  enfant  de  deux  ans  ne  s'y  trompera  pas.  Si 
l'on  veut  donner  une  définition  du  mot  fraction,  il  faut 
évidemment  que  l'ignorant  qui  lira  cette  définition  puisse 
se  dire  :  «  Hé  bien  !  oui,  c'est  bien  cela  que  je  pensais.  » 
En  tâchant  de  nous  conformer  le  plus  possible  à  ces  prin- 
cipes, nous  dirons  qu'une  fraction  est  un  nombre  qui  sert 
à  désigner  des  quantités  qui  résultent  de  l'addition  de 
parties  égales  de  l'unité  ;  cette  définition  comprend  comme 
cas  particulier  les  nombres  entiers  eux-mêmes  ;  mais,  loin 
d'être  un  inconvénient,  c'est  là  souvent  un  grand  avan- 
tage. Pourquoi,  dira-t-on,  prendre  tant  de  précautions 
pour  donner  une  définition  aussi  simple  et  que  l'on  trouve 
dans  tous  les  traités  d'arithmétique  ?  A  cela  je  répondrai  que 
des  savants,  connus  par  des  travaux  importants,  ont  jugé 
à  propos  de  donner  d'autres  définitions  du  mot  fraction  ; 
parmi  toutes  ces  définitions,  je  choisirai  la  plus  bizarre  : 
«  Une  fraction  est  l'ensemble  de  deux  entiers,  rangés  dans 
un  ordre  déterminé,  sur  lequel  on  fait  certaines  conven- 
tions relatives  aux  opérations.  »  Au  point  de  vue  rigou- 
reusement logique,  il  est  sans  doute  permis  de  donner  une 
pareille  définition  du  mot  fraction,  mais  je  nie  qu'elle  soit 
accessible  à  de  jeunes  esprits  et  qu'elle  soit  empreinte  de 
ce  caractère  de  simplicité  que  l'on  recherche  dans  les 
méthodes  d'enseignement.  Pour  quelques  savants,  les  ma- 
thématiques sont  un  jeu  de  logique  ;  d'autres  y  voient 
autre  chose  :  plus  terre  à  terre  que  les  premiers,  ils  cul- 
tivent les  sciences  pour  leurs  applications  et  aussi  pour 
se  former  le  jugement.  Prenons  garde  !  On  peut  avoir 
V esprit  faux,  c.-à-d.  se  former  une  conception  étrange 
du  monde  réel,  tout  en  raisonnant  juste  sur  des  données 
particulières. 

Fractions  de  fractions.  —  On  appelle  ainsi  les  quo- 
tients non  effectués  de  deux  nombres  entiers  ou  fraction- 
naires :  telle  est  l'expression  -  ou  a  et  b  sont  des  nombres 

fractionnaires.  Le  calcul  des  fractions  de  fractions  est  soumis 
aux  mêmes  règles  que  le  calcul  des  fractions  ordinaires. 

Fractions  décimales.  —  On  appelle  fraction  décimale 
une  fraction  dont  le  dénominateur  est  10  ou  une  puissance 
de  10  ;  il  n'y  aurait  rien  de  particulier  à  dire  sur  ces 
fractions,  s'il  ne  se  présentait  pas  pour  les  représenter  une 
notation  particulière.  Les  fractions  décimales  ou  nombres 
décimaux  peuvent  s'écrire  en  suivant  les  mêmes  règles  que 
pour  écrire  les  nombres  entiers  ;  il  suffit  en  effet  de  con- 
venir qu'un  chiffre  placé  à  la  droite  d'un  autre  exprime 
des  unités  dix  fois  plus  faibles  ;  une  virgule  sépare  la  partie 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


entière  (qui  peut  être  nulle)  d'un  nombre  décimal,  de  la 
partie  fractionnaire  proprement  dite.  Pour  la  théorie  des 
fractions  décimales,  nous  renverrons  le  lecteur  aux  traités 
élémentaires  d'arithmétique. 

Fractions  périodiques.  —  On  appelle  fractions  déci- 
males périodiques  celles  dans  lesquelles  à  partir  d'un 
certain  moment  les  mêmes  chiffres  se  reproduisent  indé- 
finiment et  dans  le  même  ordre;  ces  fractions  sont  en  réalité 
des  progressions  géométriques,  et  c'est  à  cette  théorie  que 
l'on  devrait  logiquement  rapporter  celle  des  fractions  pério- 
diques. On  appelle  période  l'ensemble  des  chiffres  qui  se 
reproduisent  dans  le  même  ordre.  La  fraction  est  pério- 
dique simple  quand  la  période  commence  immédiatement 
après  la  virgule,  elle  est  périodique  mixte  dans  le  cas 
contraire.  Une  fraction  périodique  simple  est  égale  à  une 
fraction  ordinaire  dont  le  numérateur  est  la  période  et 
dont  le  dénominateur  est  un  nombre  formé  d'autant  de  9 
qu'il  y  a  de  chiffres  dans  la  période  ;  cela  est  évident  si 
l'on  observe  que  la  valeur  de  la  fraction  périodique  est 
celle  d'une  progression  géométrique  illimitée  dont  la  raison 
est  l'unité  divisée  par  une  puissance  de  10  marquée  par 
la  nombre  des  chiffres  de  la  période,  et  dont  le  premier 
terme  est  la  période  divisée  par  la  raison.  Une  remarque 
analogue  montre  que  la  valeur  d'une  fraction  périodique 
mixte  est  égale  à  une  fraction  dont  le  numérateur  est 
égal  à  un  nombre  formé  de  la  partie  non  périodique  suivi 
d'une  période  diminuée  d'un  nombre  égal  à  la  partie  non 
périodique  et  dont  le  dénominateur  est  un  nombre  formé 
d'autant  de  9  qu'il  y  a  de  chiffres  dans  la  période  suivis 
d'autant  de  zéros  qu'il  y  a  de  chiffres  non  périodiques. 
Exemples  : 

0,27  27  27....  =55  =  ^, 

0,58127  27  27.=    88127  "  581       5754'6 


99000 


99000* 


Quand  on  divise  un  entier  par  un  autre,  trois  cas  peuvent 
se  présenter:  1°  le  quotient  réduit  en  décimales  peut  se 
terminer  ;  2°  il  peut  être  périodique  simple  ;  3°  il  peut 
être  périodique  mixte.  Supposons  le  dividende  et  le  diviseur 
premiers  entre  eux  (ce  que  l'on  peut  toujours  faire)  le 
premier  cas  se  présentera  quand  le  diviseur  ne  contiendra 
que  les  facteurs  premiers  2,  5,  le  second  cas  se  présentera 
quand  le  diviseur  ne  contiendra  ni  facteurs  égaux  à  2,  ni 
facteurs  égaux  à  5,  enfin  le  quotient  sera  mixte  si  le 
diviseur  contient,  outre  les  facteurs  2  ou  S,  d'autres  facteurs 


premiers. 

Fractions  algébriques. 


Les  fractions  algébriques 


sont  des  expressions  de  la  forme  -r  dans  lesquelles  a  et  b 

peuvent  être  des  quantités  algébriques  quelconques.  —- 
Elles  jouissent  des  mêmes  propriétés  que  les  fractions  ordi- 
naires. 

Fractions  rationnelles,  Fractions  simples.  —  On 
appelle  fractions  rationnelles  des  fractions  dont  les  deux 
termes  sont  des  polynômes  entiers  ;  ordinairement  le  numé- 
rateur est  supposé  de  degré  inférieur  au  dénominateur 
(V.  Décomposition).  —  On  appelle  fractions  simples  des 
fractions  de  la  forme 

A Pff  +  Q         * 

(x  —  a)™'  [(x-a)2+P2]n' 
A,  a,  n,  P,  Q,  a,  (3  désignant  des  quantités  indépendantes 
de  x  ;  m  et  n  sont  entiers  et  positifs.  —  Toute  fonction 
rationnelle  de  x  est  décomposable  en  polynôme  entier  et  en 
une  somme  de  fractions  simples.  —  Un  certain  nombre  de 
fonctions  transcendantes  sont  développables  en  séries  dont 
les  termes  sont  des  fractions  simples.         H.  Laurent. 

II.  Tactique.  — -  On  appelle  fraction  constituée  une 
troupe  envisagée  isolément,  mais  avec  ses  chefs  de  tout 
grade  et  formant  un  tout.  La  plus  petite  fraction  consti- 
tuée est  l'escouade  dans  l'infanterie  et  la  cavalerie,  la  bri- 
gade dans  la  gendarmerie  ;  viennent  ensuite  :  la  section,  le 
B  ë  60 


FRACTION  -  FRACTURE 


—  946  — 


peloton,  la  compagnie,  l'escadron  ou  la  batterie,  le  batail- 
lon, etc.  Autrefois,  par  crainte  des  désertions  en  masse, 
on  évitait  de  commander  de  service  des  fractions  consti- 
tuées, et  les  postes,  grand'gardes,  piquets,  détache- 
ments, etc.,  étaient  toujours  formés  d'hommes  pris  dans 
les  différentes  fractions  des  régiments.  Aujourd'hui  c'est 
ordinairement  par  fractions  constituées  que  les  troupes 
marchent  pour  les  différents  services. 

FRACTIONNAIRE  (Nombre).  Synonyme  de  fraction.  Un 
nombre  fractionnaire  est  souvent  supposé  plus  grand  que 
un  ;  une  fraction  proprement  dite,  au  contraire,  est  supposée 
inférieure  à  un. 

FRAGTU  RE.  I.  Chirurgie.  —  On  donne  le  nom  de  frac- 
ture à  la  solution  de  continuité  d'un  os.  Les  causes  des 
fractures  sont  des  violences  extérieures,  directes  ou  par 
contre-coups,  ou  des  efforts.  La  solution  de  continuité  peut 
aller  d'une  simple  fissure  à  une  séparation  complète  de  l'os 
en  deux  ou  plusieurs  parties.  Le  périoste,  dans  le  cas  de 
fracture,  est  presque  toujours  déchiré  ou  décollé.  Les  os 
spongieux  sont  souvent  écrasés,  les  os  larges  sont  fracturés 
obliquement,  transversalement  avec  des  dentelures  plus  ou 
moins  prononcées.  Les  parties  séparées  des  os  longs  frac- 
turés se  déplacent  dans  le  sens  de  leur  longueur  en  chevau- 
chant ou  en  formant  un  angle,  ou  se  déplacent  par  rotation. 
Les  parties  séparées  des  os  courts  ou  des  extrémités  des 
os  se  pénètrent  parfois  partiellement. 

Les  signes  d'une  fracture  sont  de  deux  sortes  :  ceux 
que  l'on  peut  percevoir  à  distance  :  douleur  exprimée  par 
le  blessé,  membre  déjeté  d'une  façon  anormale,  déformé, 
empâté,  raccourci;  impossibilité  de  le  mouvoir;  ceux  que 
l'on  reconnaît  par  le  toucher  :  douleur  provoquée,  mobilité 
anormale,  saillie  des  fragments  sous  la  peau,  crépitation. 

La  compression  et  la  blessure  des  parties  molles  par  les 
os  brisés,  des  contusions  superficielles  sur  le  membre 
blessé,  des  complications  inflammatoires  sont  les  signes 
pathologiques  des  fractures.  —  Le  tissu  osseux  est,  après 
les  tissus  épidermiques,  celui  qui  répare  le  plus  complè- 
tement ses  pertes  de  substance.  Dans  les  fractures,  les 
extrémités  cassées  se  réunissent  par  une  cicatrice  osseuse 
qui  a  d'abord  des  caractères  particuliers,  mais  qui,  plus 
tard,  ressemble  à  la  substance  osseuse  elle-même.  Pour 
que  la  consolidation  ait  lieu,  les  deux  extrémités  de  l'os 
fracturé  doivent  être  maintenues,  autant  que  possible,  en 
contact.  La  cicatrice,  osseuse  se  forme  même  quand  l'écar- 
tement  n'est  pas  porté  trop  loin.  Dans  la  consolidation 
des  fractures,  les  matériaux  de  réparation  sont  fournis 
par  le  plasma  exhalé  des  vaisseaux  de  toutes  les  parties 
vasculaires  voisines,  c.-à-d.  de  l'os  lui-même,  du  périoste, 
des  muscles,  du  tissu  cellulaire,  etc.  C'est  le  cal.  Vers  le 
douzième  jour  il  commence  à  se  former  dans  les  fractures 
sans  plaies  et  beaucoup  plus  tard  dans  les  fractures  ouvertes 
avec  plaies  et  esquilles. 

Le  chirurgien  qui  a  affaire  à  un  membre  fracturé  doit 
l'explorer  avec  douceur,  sans  secousse,  régulièrement  et 
en  évitant  les  transports  faits  sans  immobilisation  partielle, 
afin  de  ne  pas  provoquer  de  déplacement  des  pointes  de 
fragments  qui  pourraient  déchirer  les  parties  molles,  occa- 
sionner de  vives  douleurs,  des  spasmes,  des  ruptures  vas- 
culaires, etc.  —  Il  faut  donc  enlever  le  vêtement  qui 
recouvre  le  membre  fracturé  sur  les  lignes  de  couture  en 
le  maintenant  immobile,  puis  on  lui  Imprime  de  petits 
mouvements  réguliers  communiqués  pour  constater  la  frac- 
ture, si  elle  n'est  pas  apparente  de  prime  abord.  Les  deux 
indications  principales  du  traitement  des  fractures  sont  : 
la  réduction,  Y  immobilisation.  La  réduction  comprend 
trois  temps,  Y  extension,  h  contre-extension,  la  coapta- 
tion.  Pour  le  premier  temps,  un  aide  attire  à  lui  le  frag- 
ment inférieur,  un  autre  fait  la  contre-extension  en  portant 
en  sens  inverse  le  fragment  supérieur.  Pendant  que  les 
fragments  sont  ainsi  écartés  par  deux  forces  contraires  qui 
domptent  la  résistance  musculaire  et  combattent  les  dépla- 
cements osseux,  le  chirurgien  met  en  contact  les  deux  bouts 
et  les  coapte.  L'extension  doit  toujours  être  lente,  continue 


et  faite  dans  l'axe  du  membre  ;  pour  la  jambe,  le  point 
d'appui  de  l'extension  sera  le  talon,  qui  se  prend  à  pleine 
main  gauche,  tandis  que  la  droite  saisit  le  pied,  le  pouce 
sous  la  plante,  les  doigts  sur  le  dos  ■;  pour  la  cuisse,  c'est 
encore  le  talon  qui  est  encore  le  point  d'appui  aidé  quel- 
quefois d'une  traction  au-dessus  du  genou  ;  pour  l'avantr- 
bras  on  saisit  le  poignet  ;  pour  l'humérus,  on  tire  sur  le 
coude  fléchi.  La  contre-extension  se  fait  également  lente, 
continue  et  régulière,  en  prenant  à  deux  mains  le  segment 
du  membre  sus-jacent  à  la  fracture.  On  ajuste  ainsi  les 
deux  fragments  suivant  leurs  surfaces  de  rupture  et  on 
les  coapte.  S'il  y  a  difficulté  de  vaincre  les  spasmes  mus- 
culaires et  le  chevauchement,  il  faut  avoir  recours  au 
chloroforme. 

L'immobilisation  est  la  seconde  indication  du  traitement 
des  fractures  ;  «  le  squelette  intérieur  fait  défaut,  on  y 
supplée  par  un  squelette  extérieur  »  (Forgue  et  Reclus). 
D'où  la  multiplicité  des  appareils  à  fractures,  chacun  ayant 
ses  indications,  ses  avantages  dans  tel  ou  tel  cas  particu- 
lier (V.  Appareil).  En  principe,  il  faut  étayer  les  frag- 
ments à  maintenir  par  des  tuteurs,  ou  attelles,  placés 
le  long  du  membre  fracturé,  au  point  où  elles  ne  peuvent 
pas  causer  de  compression  vasculaire  ou  nerveuse  (plan- 
chettes en  bois,  attelles  ou  treillis  métallique,  toile  mé- 
tallique, attelles  en  tôle  perforée,  —  celle-ci  étant  plus 
malléable  que  le  bois  et  pouvant  prendre  la  courbure  du 
membre  fracturé  ;  —  attelles  en  zinc,  paille,  gutta-percha, 
feutre,  carton,  etc.  Puis  on  les  roule  dans  un  morceau 
d'étoffe  (drap  fanon),  dont  la  largeur  correspond  à  peu 
près  au  double  du  tour  du  membre,  et  sa  longueur  à  celle 
du  segment  fracturé:  enfin,  on  les  solidarise.  —  On  immo- 
bilise aussi  les  membres  fracturés  dans  des  gouttières  prêtes 
à  l'avance,  en  bois,  en  lames  métalliques,  en  fil  de  fer,  en 
substances  durcies,  ouatées  ou  rembourrées,  préservées  des 
souillures  par  des  tissus  imperméables,  du  taffetas  gommé, 
du  mackintosch. 

L'immobilisation  a  une  durée  qui  varie  suivant  les  soins 
apportés  au  traitement,  l'âge,  l'état  général  du  sujet,  la 
disposition  des  fragments  osseux,  le  genre  de  fracture. 
Mais  cette  immobilisation  que  l'on  avait  considérée  jusqu'à 
ces  dernières  années  comme  une  condition  sine  qua  non 
d'une  bonne  réunion  des  fragments  a  été  battue  en  brèche 
par  Lucas-Championnière  et  son  école.  Il  a  montré  qu'on 
doit  substituer  le  massage  immédiat  et  la  mobilisation  pré- 
coce à  l'ancien  mode,  et  qu'on  obtient  ainsi  une  guérison 
plus  rapide  et  des  résultats  fonctionnels  supérieurs.  Une 
bonne  règle  consiste  à  immobiliser  les  fragments,  tout  en 
mobilisant  les  muscles,  les  tendons  et  les  jointures;  le 
massage  immédiat  et  la  mobilisation  précoce,  manœuvres 
qui  maintiennent  l'intégrité  des  agents  actifs  du  membre, 
sont  fort  souvent  compatibles  avec  une  immobilisation  suf- 
fisante des  fragments.  Dans  les  fractures  de  l'extrémité 
inférieure  du  péroné  et  du  radius,  de  l'extrémité  externe  de 
la  clavicule,  intra-deltoïdienne  de  l'humérus,  pénétrante  du 
col  du  fémur,  où  l'engrènement  des  fragments  ou  l'existence 
de  ligaments  solides  maintiennent  en  contact  les  deux  bouts 
immobiles  et  sans  tendance  au  déplacement,  le  massage 
est  utile,  l'immobilisation  prolongée  nuisible.  Dans  les 
fractures  où  la  mobilité  est  peu  considérable  et  le  dépla- 
cement presque  nul  (côtes,  fracture  sus-malléolaire,  rup- 
tures isolées  du  cubitus  et  du  radius  à  l'avant-bras,  où  l'un 
des  deux  os  forme  attelle),  un  massage  immédiat  avant  tout 
appareil,  puis  l'application  d'une  attelle  plâtrée  enlevée  au 
quinzième  jour,  la  mobilisation  précoce  des  jointures  voi- 
sines donnent  des  résultats  excellents.  Dans  les  fractures  à 
fragments  essentiellement  mobiles  attirés  et  séparés  par 
des  muscles  puissants  (celle  des  deux  os  de  la  jambe,  des 
deux  os  de  l'avant-bras,  celle  du  fémur,  de  l'humérus),  si 
l'on  veut  une  consolidation  correcte,  sans  cal  vicieux,  il  faut 
maintenir  la  fracture  réduite  par  un  appareil  à  demeure,  et 
la  mobilisation  précoce,,  le  massage  semblent  compromis. 
Il  n'en  est  rien  la  plupart  du  temps  ;  mais  il  n'en  est  pas 
besoin,  les  mouvements   spontanés   qu'exerce  alors  le 


—  947  - 


FRACTURE  -  FRAGONARD 


membre  traité  par  l'extension  continue  laissant  la  jointure 
et  le  foyer  traumatique  à  découvert  sont  suffisants  pour 
maintenir  le  libre  jeu  des  jointures  et  la  bonne  nutrition 
des  muscles. 

Parfois  le  cal  est  en  retard  pour  se  consolider,  ou  bien  la 
consolidation  ne  se  fait  pas  du  tout  ;  il  faut  alors  traiter  les 
diathèses,  tonifier  le  blessé,  activer  la  circulation  périphé- 
rique par  le  pétrissage,  l'exposition  à  l'air.  Les  médications 
spécifiques  trouveront  leurs  indications.  On  peut  encore 
exciter  les  bouts  de  fragments  par  le  frottement,  la  per- 
cussion, la  marche  dans  un  bandage  inamovible  solide;  on 
emploie  encore  l'acupuncture,  la  galvanopuncture  inter- 
fragmentaire. La  méthode  de  congestion  artificielle, 
d'hyperémie  par  compression  élastique,  favorise  bien  la 
solidification  des  cals  retardants,  en  suractivant  le  pro- 
cessus ossifiant  au  voisinage  de  la  pseudarthrose  (Relferich, 
de  Griefswald).  Si  l'interposition  d'un  faisceau  musculaire 
cause  le  retard  du  cal,  il  faut  aller  réséquer  les  fragments, 
bien  les  fixer,  les  enclouer,  les  suturer  au  fil  d'argent  par 
des  procédés  connus  de  tous  les  chirurgiens.  Un  traite- 
ment vicieux  donne  toujours  naissance  à  un  cal  vicieux  ; 
c'est  pourquoi  il  faut  constamment  surveiller  la  position 
du  membre  immobilisé,  le  pied  à  angle  droit  quand  il  s'agit 
de  la  jambe,  pour  éviter  l'équinisme,  les  rétractions  tendi- 
neuses. Si  le  cal  est  irrémédiablement  vicieux,  il  reste  la 
ressource  de  Yostéoclasie  manuelle  ou  instrumentale  (V.  ce 
mot),  qui  consiste  à  briser  encore  l'os  pour  obtenir  un  cal 
nouveau,  lent  à  se  produire  cette  fois.  L'ostéotomie,  la 
résection  du  cal  remédieront  aux  cals  à  difformité  complexe, 
en  Z,  en  baïonnette,  etc.,  dont  la  cassure  artificielle  est 
difficile.  Si  un  fragment  de  nerf  est  inclus  dans  le  cal  et 
comprimé,  pour  éviter  que  cette  compression  transitoire 
devienne  définitive  et  soit  suivie  de  paralysie,  on  résèque 
le  point  osseux  qui  le  comprime,  pour  libérer  le  nerf. 

On  appelle  fractures  ouvertes  celles  qui  communiquent 
avec  l'extérieur  par  une  plaie  des  téguments.  Le  traitement 
antiseptique  pousse  à  l'extrême  les  limites  de  la  conserva- 
tion. Aujourd'hui  on  conserve  et  l'on  sauve;  nos  prédé- 
cesseurs amputaient  trop  et  éprouvaient  de  nombreux 
revers.  Dr  A.  Coustan. 

IL  Géologie  (V.  Faille  et  Filon). 
Bibl.  :  Chirurgie.  —  Forgue  et  Reclus,  Thérapeutique 
chirurgicale;  Paris,  1892,  2  vol. 

FRAGA.  Ville  d'Espagne,  prov.  de  Huesca  (Aragon), 
ch.-l.  d'un  district  de  17  communes,  à  27  kii.  au  S.-O. 
de  Lérida,  à  laquelle  elle  est  reliée  par  une  belle  route, 
6,761  hab.  Elle  est  bâtie  sur  la  rive  gauche  du  Cinca, 
affluent  de  la  Sègre,  entre  deux  montagnes,  sur  le  penchant 
desquelles  elle  étage  ses  rues  étroites,  tortueuses,  mal  pa- 
vées et  ses  maisons  en  ruine.  Il  n'y  a  plus  que  des  vestiges 
de  son  ancien  château  fort.  Elle  a  joué  un  rôle  considérable 
dans  l'histoire  d'Aragon  et  a  longtemps  été  occupée  par  les 
Maures  ;  les  rues  de  la  ville  datent  de  leur  domination,  ainsi 
que  la  mosquée  transformée  en  église  et  qui  est  surmontée 
d'un  très  haut  minaret  carré.  E.  Cat. 

FRAGMENTS  (Mus.)  (V.  Opéra). 

F R AGNES.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  et 
cant.  (N.)  de  Chalon-sur-Saône;  188  hab. 

FRAGON  (Bot.)  (V.  Ruscus). 

FRAGONARD  ( Jean-Honoré) ,  peintre  et  graveur  fran- 
çais, né  à  Grasse  en  1732,  mort  à  Paris  le  22  août  1806. 
Il  vint  à  Paris  à  dix-huit  ans.  Sa  famille  ayant  été  ruinée 
par  un  procès,  il  entra  chez  un  notaire  pour  gagner  sa  vie 
bien  modestement.  Sa  vocation  se  faisait  jour  déjà,  mais  sa 
mère  n'en  fut  pas  ennemie  ;  elle  le  présenta  chez  Boucher 
qui,  trop  absorbé  pour  prendre  des  débutants,  ne  voulut 
pas  se  charger  du  jeune  élève.  Chardin  l'accepta,  et  peu 
de  temps  après,  Fragonard  se  représenta  chez  Boucher  qui, 
cette  fois,  étonné  de  ses  progrès,  l'admit  dans  son  atelier. 
Il  concourut  pour  le  prix  de  Rome,  qu'il  obtint  en  1752 
avec  le  sujet  :  Jéroboam  sacrifiant  aux  idoles.  A  Rome, 
Fragonard  se  lia  avec  Hubert  Robert.  Les  maîtres  du 
xvue  siècle,  et  particulièrement  Tiepolo,  l'influencèrent  beau- 


coup. Ce  fut  alors  qu'il  voyagea  en  Italie  et  en  Sicile  avec 
son  ami  Hubert  Robert  et  Saint-Non,  amateur  de  talent, 
qui  grava  lui-même  une  grande  partie  du  Voyage  de  Na- 
ples  et  de  Sicile.  Revenu  à  Paris,  Fragonard  exécuta  et 
exposa  sa  Callirhoê  au  Salon  de  1765.  Ce  tableau  le  fit 
entrer  à  l'Académie.  Le  sujet  représente  le  grand  prêtre 
Corésus  s'immolant  pour  sauver  Callirhoê.  Le  roi  avait 
commandé  cette  toile  pour  être  exécutée  en  tapisserie  aux 
Gobelins.  Elle  avait  été  payée  2,400  fr.  Il  paraît  même 
que  les  difficultés  suscitées  par  M.  de  Marigny,  surinten- 
dant des  beaux-arts,  pour  le  payement  de  cette  œuvre, 
dégoûtèrent  tout  à  fait  Fragonard  des  travaux  officiels.  Les 
amateurs  se  disputèrent  alors  ses  compositions  originales 
et  élégantes.  Il  entreprit  avec  un  financier  de  ses  amis, 
fermier  général,  un  second  voyage  en  Italie  où  il  exécuta 
beaucoup  de  dessins  ;  son  compagnon  se  les  appropria  et 
aima  mieux  payer  30,000  fr.  que  de  les  lui  restituer.  En 
1765,  Fragonard  exposa  un  Paysage  et  l'Absence  des 
père  et  mère  mise  a  profit,  sujet  déjà  égrillard  où  un 
jeune  garçon  donne  un  baiser  à  une  jeune  fille.  Roucher 
étant  mort,  le  succès  de  Fragonard  ne  fit  que  grandir;  il 
fut  chargé  par  Mme  Dubarry  de  peindre  divers  sujets  dans 
un  des  salons  de  Louveciennes  ;  il  exécuta  quatre  panneaux 
représentant  les  Amours  des  bergers.  En  1773,  la  Gui- 
mard  lui  demanda  de  décorer  une  pièce  de  son  hôtel.  Il 
commença  un  plafond  ;  laGuimard,  peu  experte  sans  doute 
en  matière  d'art  et  se  défiant  de  son  propre  jugement,  sou- 
mit son  œuvre  à  un  jury  d'amateurs.  Fragonard  s'en  ven- 
gea simplement  en  faisant  la  caricature  de  la  dame  dans  le 
tableau.  Elle  se  fâcha  et  ce  fut  David  qui  termina  le  travail 
décoratif  du  boudoir  de  la  Guimard.  Fragonard  était  logé 
au  Louvre,  où  il  avait  arrangé  son  atelier  à  sa  guise;  il 
travaillait  sans  relâche  et  vendait  fort  cher.  Contrairement 
à  beaucoup  d'artistes  de  notre  époque,  il  ne  voulut  pas 
spécialiser  son  talent  et  se  montra  supérieur  dans  tous 
les  genres.  Le  public  connaît  surtout  de  lui  le  Verrou, 
le  Baiser  à  la  dérobée,  la  Gimblette,  le  Pot  au  lait,  et 
beaucoup  d'autres  sujets  provocants,  tels  que  ses  illustra- 
tions des  Contes  de  La  Fontaine.  Mais  Fragonard  fit  aussi 
des  paysages  d'après  nature  ;  réaliste  à  sa  manière,  il  sut 
également  s'intéresser  à  la  vie  des  humbles  et  l'Heureuse 
Mère,  le  Berceau,  l'Heureuse  Fécondité  se  distinguent 
par  une  sentimentalité  de  bon  ton  qui  fait  un  peu  songer 
à  Greuze.  Son  imagination  l'entraîna  même  vers  des  sujets 
religieux,  comme  l'Adoration  des  mages,  et  il  traita  les 
différents  genres  avec  la  même  aisance,  qu'il  s'agît  de 
l'histoire  sainte,  des  grands  spectacles  de  la  nature  comme 
l'Eruption  du  Vésuve,  ou  de  scènes  amusantes  comme 
les  Chiens  savants.  Pastel,  aquarelle,  gouache,  encre  de 
Chine,  gravure  et  miniature,  tout  lui  fut  familier  ;  mais  ce 
grand  artiste,  qui  vendit  tant  d'œuvres  en  France,  en 
Russie  et  en  Angleterre,  ne  sut  pas  assurer  son  avenir. 
La  Révolution  le  ruina  ;  aussi  bien  le  triomphe  de  l'école 
classique  de  David  lui  avait  porté  un  coup  funeste  dès  1780, 
et  la  solennité  pompeuse  des  Romains  et  des  Grecs  faisait 
oublier  les  mièvreries  amoureuses  de  ses  personnages.  Ou- 
blié après  sa  mort,  il  fut  remis  en  lumière  par  M.  Wai- 
ferdin  au  milieu  du  xixe  siècle. 

Fragonard  a  signé  ses  œuvres  tantôt  de  son  nom,  tantôt 
de  l'abréviation  :  Frago.  Citons,  parmi  les  artistes  qui  ont 
gravé  son  œuvre  :  Danzel,  Flipart,  Saint-Non,  Beauvarlet, 
Halbon,  de  Launay,  Macret,  Mathieu,  Miger,  Vidal, 
Ponce,  etc.  Si  dans  ses  grands  sujets  classiques  il  manque 
un  peu  d'originalité,  si  dans  ses  paysages  il  n'a  qu'une 
nature  trop  souvent  élégante  et  décorative  (comme  du 
reste  tous  les  artistes  de  son  siècle),  Fragonard  est  demeuré 
inimitable  dans  les  sujets  de  genre,  où  il  a  mis  tout  l'es- 
prit et  toute  la  grâce  des  talents  purement  français  et  où  se 
remarquent  particulièrement  la  finesse  de  ses  tons  et  l'élé- 
gance personnelle  de  son  dessin.        Ch.  Grandmougin. 

Bibl.  :  Baron  Roger  Portalis,  Honoré  Fragonard,  sa 
vie  et  son  œuvre;  Paris,  gr.  in-8,  avec  200  illustr. 

FRAGONARD  (Alexandre-Evariste) , peintre  et  sculpteur 


FRAGONARD  —  FRAIMBOIS 


—  948  - 


français,  fils  du  précédent,  né  à  Grasse  en  1780,  mort  à 
Paris  le  10  nov.  1850.  11  n'hérita  guère  de  son  père 
que  le  sentiment  classique  des  compositions  historiques. 
Citons  parmi  ses  tableaux  :  François  Ier  armé  cheva- 
lier par  Bayard  (plafond  du  Louvre);  Henri  IV  et 
Sully  chez  Gabrielle  d'Estrées;  les  Bourgeois  de  Calais; 
Marie-Thérèse  montrant  son  fils  aux  Hongrois  ;  la 
Bataille  de  Marignan;  les  Funérailles  de  Masaniello; 
François  Ier  recevant  le  Primatice  (plafond  du  Louvre); 
Jeanne  d'Arc  sur  le  bûcher  ;  Le  Tasse  lisant  la  Jéru- 
salem. Subissant  le  sort  de  la  plupart  des  imitateurs  de 
David,  Fragonard  ne  put  lutter  contre  l'avènement  du  ro- 
mantisme ;  appartenant  à  une  école  finissante  où  l'histoire 
avait  toujours  quelque  chose  de  froid  et  de  pompeux,  il  fut 
vaincu  par  la  révolution  artistique  dont  Delacroix  était  le 
protagoniste.  A  l'encontre  de  son  père,  que  David  avait 
fait  passer  de  mode  et  qui  avait  été  la  victime  des  classiques, 
il  fut,  lui,  celle  des  romantiques.  Parmi  ses  sculptures, 
citons  le  bas-relief  qu'il  avait  exécuté  pour  servir  de 
fronton  à  la  Chambre  des  députés.  Cette  composition  en 
stuc  a  disparu  aujourd'hui  pour  faire  place  à  l'œuvre  d'un 
autre  artiste,  Cortot.  On  doit  aussi  à  Fragonard  une  statue 
colossale  de  Pichegru.  Il  travailla  beaucoup  dans  ses 
dernières  années  pour  la  manufacture  de  Sèvres  où  son 
fils  Hippolyte-Evariste-Etienne  (1806-76)  fut  également 
employé  comme  peintre,  avec  succès.      Ch.  Grandmougin. 

FRAGUIER  (L'abbé  Claude-Frauçois),  érudit  français, 
né  à  Paris  le  28  août  1666,  mort  à  Paris  le  31  mai  1728. 
Entré  en  1683  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  il  professa  à 
Caen,  puis  fit  sa  théologie  à  Paris.  Très  répandu  dans  le 
monde  littéraire,  il  fréquentait  surtout  les  salons  de  Ninon 
de  Lenclos  et  de  Mme  de  La  Fayette.  Il  entra,  en  1705,  à 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  et  en  1708 
à  l'Académie  française.  Il  fut  un  des  rédacteurs  les  plus 
assidus  du  Journal  des  Savants.  Il  a  laissé  un  grand 
nombre  de  Mémoires  intéressants,  principalement  sur  des 
questions  de  littérature  ancienne,  publiés  dans  le  Recueil 
de  r Académie  des  inscriptions,  des  Poésies  latines  (Pa- 
ris, 1729,  in-12),  recueillies  par  l'abbé  d'Olivet,  notam- 
ment un  poème  élégiaque  sur  la  morale  païenne  :  Mopsus 
seu  schola  platonica  de  hominis  perfectione  (Paris, 
1721,  in-12),  xm  Eloge  de  Roger  dePiles  (Paris,  1715, 
in-12),  etc.  Parmi  ses  mémoires  il  faut  mentionner  spécia- 
lement une  curieuse  Dissertation  sur  Vironie  de  Socrate, 
sur  son  prétendu  démon  familier  et  sur  ses  mœurs 
(Mém.  de  VAc.  des  inscr.,  1723,  t.  IV). 

FRAHIER.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Lure,tcant.  de  Champagney;  1,125  hab. 

FRÂHN  ou  FR/€HN  (Christian-Martin),  orientaliste 
russe,  d'origine  allemande,  né  à  Rostock  (Mecklembourg) 
le  4  juin  1782,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le  16  août 
1851.  Après  avoir  étudié  l'orientalisme  à  Rostock  sous 
Tychsen,  et  ailleurs,  il  fut  nommé,  en  1807,  professeur 
de  langues  orientales  à  l'université  de  Kazan;  en  1817, 
il  devint  membre  de  l'Académie  des  sciences  et  direc- 
teur du  Musée  asiatique  ;  il  a  enrichi  et  mis  en  ordre  les 
collections  romaines  et  les  manuscrits  orientaux.  Dans  de 
nombreux  écrits  rédigés  en  allemand,  en  latin  et  en  fran- 
çais, il  a  puissamment  contribué  à  élucider  les  origines  de 
la  Russie  et  ses  rapports  avec  les  peuples  allogènes.  Les 
principaux  sont  :  ISumophylacium  orientale  Pototianum 
(Kazan,  1813);  De  Titulorum...  quitus  Chani  Hordœ 
aureœ  usi  sunt  origine  (ibid.,  1814);  De  Académies 
imperialis  museo  numario  (ibid.,  1818)  ;  Beitrcege  zur 
mohammedanischen  Mûnzkunde  (  Saint-Pétersbourg , 
Berlin,  1819);  Ueber  die  Russen  und  Chazaren  (Saint- 
Pétersbourg,  1819);  Novœ  Symbolœ  ad  rem  numariam 
Muhammedanorum  (Petropoli,- 1819);  De  Chazaris 
(ibid.,  1822);  Von  Foszlans  und  anderer  Araber  Be- 
richte  ûber  die  Russen  (ibid.,  1823);  De  Musei  Spre- 
ivitziani  numis  ku/îcis...  commentationes  duce  (ibid., 
1825);  Numi  muhammedani  qui  in  Academiœ  impe- 
rialis museo  asiatico  asservantur  (ibid.,  1826),  publi- 


cation importante,  connue  sous  le  nom  de  Becensio  nu- 
morum  muhammedanorum,  à  laquelle  sert  de  complé- 
ment l'ouvrage  posthume  de  Fauteur,  édité  par  Dorn  avec 
une  biographie  et  une  bibliographie  complète  :  Nova 
Supplementa  (ibid.,  1855-1877,  2  vol.);  Die  œltes- 
ten  arabischen  Nachrichten  ûber  die  Wolga-Bulgaren 
(ibid.,  1832);  Ueber  die  ehemalige  Stadt  Ukek  (ibid., 
1 835)  ;  Ueber  zwei  Inschriften  in  Nachitschewan (ibid., 
1837);  Ueber  ein  merkwùrdiges  Volk  des  Kaukasus 
(ibid.,  1838);  Bapports  concernant  les  collections 
orientales  de  V Académie  impériale  (ibid.,  1838);  Ein 
neuer  Beleg  dass  die  Grûnder  des  russischen  Staats 
Nordmannen  waren  (ibid.,  1838);  Sammlung  kleiner 
Abhandlungen  diemohamedanischeNumismatik  betref- 
fend  (Leipzig,  1839)  ;  Neue  Sammlung  kleiner  Schrif- 
ten  (Saint-Pétersbourg,  1844);  Indications  bibliogra- 
phiques relatives  pour  la  plupart  à  la  littérature 
historico-géographique  des  Arabes,  des  Persans  et  des 
Turcs,  en  russe  et  en  français  (ibid.,  1845).  On  trouve 
également  des  mémoires  de  lui  dans  le  Journal  asiatique 
de  Paris.  Frâhn  est  le  premier  qui  ait  démontré  l'impor- 
tance des  études  orientales  pour  la  connaissance  des  ori- 
gines russes.  L.  Léger. 

FRAI.  I.  Zoologie  (V.  OEuf). 

II.  Monnaie  (V.  Monnaie). 

FRAICHOT  ou  FRESCHOT  (Casimir),  littérateur  et  his- 
torien français,  né  à  Morteau  (Franche-Comté)  vers  1640, 
mort  à  Luxeuil  le  2  oct.  1720.  Entré  dans  la  congrégation 
bénédictine  de  Saint -Vanne  et  Saint-Hydulphe,  il-  y  avait 
fait  profession  le  20  mars  1663,  à  Saint- Vincent  de  Besan- 
çon. Louis  XIV  ayant  conquis  cette  ville  en  1674,  Fraichot 
partit  pour  Rome,  y  demeura  quelque  temps  comme  hôte  à 
Saint-Paul-hors-les-murs ,  passa  ensuite  à  Saint-Procul  de 
Bologne,  et  fut  admis,  en  1 689,  à  l'abbaye  du  Mont-Cassin. 
Ayant  déposé  le  froc  monastique,  il  se  retira,  vers  1704, 
à  Utrecht,  où  il  enseigna  les  belles-lettres  et  l'histoire. 
Cependant  il  voulut  finir  ses  jours  sous  l'habit  de  la  congré- 
gation dont  il  faisait  partie  dans  sa  jeunesse  ;  cet  habit  lui 
fut  rendu  a  Luxeuil,  où  il  mourut  en  travaillant  à  une  his- 
toire de  ce  roi  Louis  XIV  qu'il  avait  maudit  jadis  comme 
conquérant  de  la  Franche-Comté.  «  Les  écrits  de  ce  reli- 
gieux, dit  le  bibliographe  Barbier,  peuvent  se  partager  en 
trois  classes  :  ceux  qu'il  a  publiés  en  latin,  en  vers  ou  en 
prose  ;  ceux  qu'il  a  composés  ou  traduits  en  italien  ;  enfin 
ceux  qu'il  a  fait  paraître  en  français.  »  La  bibliographie 
que  Barbier  en  a  donnée  comprend  les  titres  de  trente-cinq 
ouvrages  qui  sont  certainement  de  cet  auteur,  et  de  cinq 
autres  qui  lui  ont  été  attribués.  «  Tous  ces  ouvrages,  dit 
dom  Calmet,  sont  une  preuve  de  la  fécondité  de  dom  Frai- 
chot, mais  non  de  son  exactitude.  »  Les  moins  oubliés  de 
ses  écrits  sont  ceux  qui  se  rapportent  au  congrès  et  à  la 
paix  d'Utrecht,  en  1713.  Auguste  Castan. 

Bibl.  :  D.  Calmet,  Bibliolh.  de  Lorraine;  supplément, 
col.  23-25.  —  Barbier,  Examen  crit.  des  dictionnaires.  I, 
pp.  351-357. 

FRAIGNOT-et-Vesvrottes.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte- 
d'Or,  arr.  de  Dijon,  cant.  de  Grancey  ;  128  hab. 

FRAI  Kl  N  (Charles-Auguste),  sculpteur  belge,  né  à  Hee- 
renthals,  province  d'Anvers,  le  14  juin  1819.  Entré  à 
l'Académie  de  Bruxelles,  il  fut  obligé  de  renoncer  à  l'art 
pour  devenir  médecin,  puis  retourna  à  l'Académie.  Sa  Vénus 
à  la  Colombe  lui  fit  d'un  seul  coup  une  réputation  méritée. 
L Amour  captif,  qui  représentait  Vénus  et  l'Amour,  exé- 
cuté en  1845,  parut  à  l'exposition  de  Londres  en  1851.  Il 
a  traité  à  peu  près  tous  les  genres.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  onze  statues  à  l'hôtel  de  ville  de  Bruxelles  ;  la 
Vierge;  la  Vénus  anadyomène  ;  le  Triomphe  de  Bac- 
chus;  le  tombeau  de  la  reine  des  Pays-Bas  à  Ostende  ; 
Egmont  et  Horn,  sur  la  grande  place  de  Bruxelles  (1864). 

FRA1LLIC0URT.  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de 
Rethel,  cant.  de  Chaumont-Porcien  ;  536  hab. 

FRAIMBOIS.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
de  Lunéville,  cant.  de  Gerbéviller  ;  436  hab. 


949  — 


FRAIN  —  FRAIS 


FRAIN.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Neufchâteau, 
cant.  de  Lamarche  ;  368  hab. 

FRAI  PO  NT  (Gustave),  peintre  et  graveur  belge  contem- 
porain, né  à  Bruxelles  en  4849.  Fixé  à  Paris,  il  s'est 
faitconnaître  par  des  lithographies  à  la  plume,  d'après  divers 
artistes  modernes,  qu'il  a  exposées  aux  Salons  de  1877  à 
1883.  L'une  de  ces  reproductions,  A  laplus  Belle,  d'après 
Vinea,  lui  a  valu  une  mention  au  Salon  de  1882.  Il  exposa 
ensuite  des  eaux-fortes  originales  et  des  aquarelles  remar- 
quables de  justesse  de  tons.  Les  principaux  journaux  illus- 
trés de  Paris  publient  ou  ont  publié  des  dessins  de  cet  artiste 
ingénieux,  au  talent  si  parisien  :  Y  Illustration,  le  Paris 
illustré,  le  Monde  illustré,  Y  Univers  illustré  en  con- 
tiennent. Mais  c'est  surtout  par  les  ouvrages  qu'il  a  com- 
plètement illustrés  lui-même  que  M.  Fraipont  s'est  acquis 
une  réputation  durable  :  les  plus  remarquables  sont  :  les 
Bêtes  à  Paris  (1886);  les  Environs  de.  Paris  (500  des- 
sins, 1886);  les  Environs  de  Rouen  (1889).  Il  a  aussi 
publié  divers  petits  opuscules  sur  la  partie  technique  du 
dessin  et  de  la  peinture.  Ad.  T. 

FRAIS.  I.  Droit  civil.—  On  entend  par  frais  de  justice, 
d'une  façon  générale,  les  dépenses  que  nous  sommes  obligés 
de  faire,  lorsque  nous  voulons  mettre  en  mouvement  les 
pouvoirs  institués  par  le  législateur  pour  la  reconnaissance 
ou  la  sauvegarde  de  nos  droits.  Mais  plus  particulièrement 
dans  la  langue  juridique,  les  frais  et  dépens  sont  les  dépenses 
légales  que  nous  exposons  à  l'occasion  d'un  procès  et  que 
la  partie  perdante  est  tenue  de  rembourser  à  celle  qui  gagne. 
L'énormité  des  frais  de  justice  a  été  attaquée  très  vivement 
et  avec  raison.  Le  législateur,  partant  de  ce  principe  que 
tout  procès  révèle  l'existence  d'une  richesse,  a  créé  des 
impôts  très  lourds  et  qui  ont  surtout  le  défaut  de  grever 
plus  fortement  les  petits  procès.  Les  causes  les  plus  notables 
de  l'élévation  exagérée  des  frais  de  justice,  sont:  les  droits 
d'enregistrement  et  de  timbre  qui  depuis  leur  création  ont 
été  s'élevant  chaque  fois  que  les  besoins  s'en  sont  fait  sen- 
tir pour  le  Trésor,  et  la  vénalité  des  offices  ministériels  qui 
impose  annuellement  une  charge  de  220  millions  environ 
aux  justiciables.  Nous  sommes  donc  bien  loin  du  principe 
de  la  justice  gratuite  proclamé  par  l'Assemblée  consti- 
tuante. 

Historique.  —  Le  principe  que  les  dépens  du  procès  sont 
supportés  par  la  partie  qui  succombe  est  posé  dans  le  droit 
romain  à  la  loi  13  au  code  De  Judiciis,  §  6  :  Siveautem 
alterutra  parte  absente,  sive  utraque  praesente  lisfue- 
rit  decisa,  omnes  judices  qui  sub  imperio  nostro  cons- 
titua sunt,  sciant  victum  in  expensarum  causa  victori 
esse  condemnatum. . .  Ce  principe,  méconnu  chez  nous  dans 
les  premiers  temps  de  la  féodalité  à  l'époque  où  les  contes- 
tations étaient  vidées  en  champ  clos  dans  un  duel  judiciaire, 
reparut  au  xme  siècle,  après  l'abolition  de  cette  pratique 
barbare  par  saint  Louis.  Boncenne  (t.  II,  p.  537)  nous  rap- 
porte que  «  cil  qui  perdait  son  procès  devait  rendre  à 
l'autre  ses  dépens  et  ses  coûts  ».  Malgré  cela,  ce  principe 
n'exista  que  comme  usage  jusqu'à  la  grande  ordonnance 
de  1667,  qui,  dans  son  titre  31,  art.  1,  décide  que  «  toute 
partie  soit  principale  ou  intervenante  qui  succombera,  mesme 
aux  renvois,  déclinatoires,  évocations  ou  règlemens  déjuges, 
sera  condamnée  aux  dépens  indéfiniment,  nonobstant  la 
proximité  ou  autres  qualités  des  parties,  sans  que,  sous  pré- 
texte d'équité,  partage  d'avis,  ou  pour  quelque  autre  cause 
que  ce  soit,  elle  en  puisse  estre  déchargée...  ».  Laplus 
grosse  partie  des  dépens  à  cette  époque  et  jusqu'à  la  Révo- 
lution, outre  les  émoluments  attribués  aux  procureurs  et 
aux  avocats  et  les  droits  perçus  par  le  Trésor,  était  repré- 
sentée par  les  épices  (V.  ce  mot). 

Ajoutons  à  cet  historique  que,  en  matière  criminelle,  le 
principe  général  que  les  dépens  sont  à  la  charge  de  la  partie 
qui  succombe  était  également  appliqué.  S'il  y  avait  une 
partie  civile  au  procès,  c'était  elle  qui  faisait  les  avances, 
sinon  c'était  le  roi  qui  les  prélevait  sur  les  revenus  de  ses 
domaines  ;  il  rentrait  dans  ses  débours  grâce  au  droit  de 
confiscation  des  deux  tiers.  Dans  le  droit  intermédiaire,  le 


droit  de  confiscation  fut  supprimé,  et  la  loi  des  20-27  sept. 
1790  imposa  au  Trésor  public  la  charge  d'acquitter  tous 
les  frais  de  poursuite.  Une  loi  postérieure  du  18  germinal 
an  VII  décidait  que  l'Etat  n'avait  de  recours  contre  le  pré- 
venu ou  l'accusé  que  dans  le  cas  où  il  était  condamné. 

Procédure  civile.  —  L'art.  130  du  C.  de  procéd.  civ. 
dispose  :  «  Toute  partie  qui  succombe  sera  condamnée  aux 
dépens.  »  On  n'est  pas  d'accord  en  doctrine  sur  le  carac- 
tère qu'il  faut  attribuer  à  cette  condamnation  :  certains 
auteurs  y  voient  l'application  d'une  peine  infligée  par  la 
justice  au  plaideur  téméraire,  et  ils  en  tirent  cette  consé- 
quence que  la  condamnation  aux  dépens  doit  être  prononcée 
d'office  par  le  juge,  encore  bien  que  la  partie  gagnante  ne 
l'ait  pas  demandée  dans  ses  conclusions.  C'est  l'opinion  de 
Rousseau  et  Laisney  {Dictionnaire  théorique  et  pratique 
de  procédure  civile,  v°  Dépens,  no  30  bis),  c'est  aussi 
l'opinion  admise  par  la  jurisprudence  (Cass.,  5  déc.  1838; 
Dali.,  Répertoire,  v°  Frais  et  dépens,  n°  33,  et  Cass., 
22  août,  1871,  Dali.,  Pér.,  1871,  1,  228).  D'autres  au- 
teurs soutiennent  que  la  dette  des  dépens  naît  d'un  quasi- 
contrat,  qu'il  se  forme  une  sorte  d'engagement  qui  lie,  même 
à  leur  insu,  les  parties  qui  se  présentent  devant  la  justice; 
que  par  suite  elle  forme  une  dette  distincte  sur  laquelle  le 
tribunal  n'a  pas  à  statuer  d'office,  en  l'absence  de  conclu- 
sions formelles,  sans  violer  le  principe  de  l'art.  480,  §  3, 
du  C.  de  procéd.  civ.  qui  lui  interdit  de  statuer  ul tra  pe- 
tita;  c'est  l'opinion  de  Bioche  (v°  Dépens,  n°  46)  et  de 
MM.  Boitard  et  Glasson  {Leçons  de  procédure  civile,  1. 1, 
p.  276). 

L'obligation  au  payement  des  dépens  comprendles  débours: 
droits  de  timbre  (loi  du  23  avr.  1871),  d'enregistrement 
(loi  du  22  frimaire  an  VII)  et  de  greffe  (loi  du  21  ventôse 
an  VII)  perçus  par  le  Trésor  public,  et  les  émoluments 
des  officiers  ministériels  alloués  par  des  tarifs  (avoués,  no- 
taires, greffiers,  huissiers,  commissaires-priseurs,  etc.).  Il 
faut  en  exclure  au  contraire  tous  les  faux  frais  (hono- 
raires d'avocats  ou  d'avoués,  rédaction  de  mémoires,  frais 
frustratoires,  etc.)  qui  sont  supportés  par  la  partie  qui  les 
a  faits.  Les  émoluments  n'entrent  que  pour  une  part  assez 
faible  dans  les  frais,  comparativement  aux  débours  qui  sont 
très  élevés.  Lorsque  le  procès  est  dirigé  contre  plusieurs 
parties  qui  ont  un  intérêt  commun,  si  elles  viennent  à  suc- 
comber, le  jugement  doit  faire  entre  elles  la  répartition  des 
dépens,  sinon  ils  sont  supportés  par  tête.  Ce  principe  doit 
recevoir  son  application,  même  dans  l'hypothèse  où  il  s'agit 
de  plusieurs  débiteurs  d'une  obligation  solidaire,  car  les 
dépens  ne  sont  pas  un  accessoire  de  la  dette  principale  et 
qu'il  est  de  règle  que  la  solidarité  ne  présume  pas  (C.  civ., 
art.  1202  ;  V.  en  ce  sens  :  Boitard,  op.  cit.,  p.  279).  Malgré 
cela,  la  jurisprudence  est  fixée  dans  le  sens  de  l'opinion 
contraire,  lorsqu'il  s'agit  de  débiteurs  solidaires  (Cass., 
lljanv.  1825;  J.  Av.,  t. XXIX, p. 71),  mais  elle n'applique 
pas  la  même  solution  en  cas  d'obligation  indivisible  (Cass., 
3  nov.  1886  ;  Dali.,  Pér.,  1887,'  I,  157).  Le  mari  qui 
n'intervient  à  l'instance  que  pour  autoriser  sa  femme  et  qui 
ne  prend  personnellement  aucune  conclusion,  ne  peut  être 
condamné  à  partager  avec  elle  les  dépens  ;  il  ne  pourrait 
l'être  que  s'il  avait  un  intérêt  direct  et  qu'il  ait  pris  part 
lui-même  au  procès. 

Exceptions  au  principe  posé  par  l'art.  130  du  C  de 
procéd.  civ.  Le  principe  que  le  perdant  est  tenu  de  payer 
les  dépens  reçoit  un  certain  nombre  d'exceptions  :  1°  la 
première  est  consacrée  par  la  loi  du  22  janv.  1851  (art. 
14  et  19)  sur  Y  assistance  judiciaire  (V.  ce  mot).  Les 
droits  de  timbre  et  les  taxes  d'enregistrement  ne  sont  pas 
perçus  provisoirement  au  profit  de  l'indigent,  et  le  Trésor 
fait  l'avance  des  frais  des  officiers  ministériels  et  des  taxes 
des  experts  et  des  témoins.  Si  l'assisté  gagne  ^  son  procès, 
les  dépens  étant  à  la  charge  du'  perdant,  il  n'y  a  plus  de 
raison  de  lui  faire  remise  des  débours  et  émoluments  ;  si 
l'assisté  succombe,  il  ne  paye  que  les  débours  que  l'Etat  a 
avancés  pour  lui.  —  2°  Le  gagnant  peut  être  condamné  aux 
dépens  à  titre  de  dommages-intérêts,  par  application  de 


FRAIS 


—  950  — 


l'art.  4382  du  G.  civ.,  lorsqu'il  a  employé  des  moyens  dolo- 
sifs  à  l'encontre  du  perdant,  ou  qu'il  s'est  livré  contre  lui 
à  des  poursuites  vexatoires  et  inutiles.  —  3°  Le  ministère 
public  qui  succombe  dans  une  instance  où  il  est  partie  prin- 
cipale, ne  peut  pas  être  condamné  aux  dépens  ;  en  pareil 
cas,  il  ne  supportera  que  ses  propres  frais.  C'est  une  règle 
qui  existait  déjà  dans  l'ancien  droit  (Jousse,  t.  II,  p.  543  ; 
Bacquet,  Traité  des  droits  de  justice,  ch.  vu,  nos  49  et 
suiv.).  Elle  n'est  posée  nulle  part  dans  notre  loi  civile, 
mais  elle  est  formulée  dans  le  décret  du  48  juin  4844, 
art.  424  à  424,  sur  le  tarif  criminel.  Cette  solution  a  été 
déclarée  injuste  par  certains  auteurs,  car,  dit  Boitard  (op. 
cit.,  p.  278),  «  si  grande  qu'on  suppose  l'impartialité  du 
ministère  public,  cette  considération  n'empêche  pas  qu'il 
ne  puisse  se  tromper  et  vous  faire  tort  ».  Il  faut  néanmoins 
reconnaître  que  ce  droit  n'existe,  au  profit  du  ministère 
public  partie  principale,  que  dans  les  hypothèses  où  il  n'a 
pas  un  intérêt  direct  engagé  au  procès,  c.-à-d.  où  il  agit 
comme  représentant  de  la  société  dans  l'intérêt  de  l'ordre 
public,  de  la  morale  et  de  l'exécution  des  lois,  pour  deman- 
der la  nullité  d'un  mariage  ou  la  déclaration  d'une  inter- 
diction ou  d'une  absence,  par  exemple;  et  que  ce  privilège 
ne  trouvera  pas  son  application,  lorsque  le  ministère  public 
représentera  l'Etat  dans  une  instance  où  il  se  présente 
comme  créancier  ou  comme  propriétaire.  —  4°  Les  frais 
frustatoires  que  le  juge,  de  sa  seule  autorité,  rejette  de  la 
taxe,  ne  font  pas  non  plus  partie  des  dépens  que  doit  sup- 
porter le  perdant  ;  ils  restent  à  la  charge  de  l'officier  minis- 
tériel qui  les  a  faits,  en  vertu  de  l'art.  4034  du  G.  de 
procéd.  civ.  —  5°  Une  autre  dérogation  est  apportée  par 
l'art.  432  duC.  de  procéd.  civ.  Cet  article  suppose  que  le 
représentant  légal  d'une  personne  a  compromis  les  intérêts 
de  cette  personne  par  une  mauvaise  gestion  ;  la  loi  cite 
«  les  avoués  et  huissiers,  qui  auront  excédé  les  bornes  de 
leur  ministère,  les  tuteurs,  curateurs,  héritiers  bénéficiaires 
ou  autres  administrateurs,  qui  auront  compromis  les  inté- 
rêts de  leur  administration.  »  Le  tribunal  pourra,  dans  ces 
différents  cas,  prononcer  la  condamnation  du  représentant 
aux  dépens,  cela  à  titre  de  peine,  au  profit  de  l'adversaire 
du  représenté  ;   c'est  par  exemple  un  tuteur  qui  dans  le 
cours  de  sa  gestion  a  causé  préjudice  à  un  tiers  ;  le  juge 
au  lieu  de  condamner  aux  dépens  le  tuteur  es  qualités  de 
tuteur,  comme  il  devrait  le  faire  par  application  de  la  théorie 
de  la  représentation,  le  condamnera  en  son  nom  ;  de  sorte 
que  les  frais,  au  lieu  d'être  supportés  par  le  mineur,  seront 
supportés  par  le  tuteur.  —  6°  La  dernière  exception,  qui 
est  peut-être  aussi  la  plus  importante,  a  lieu  dans  les  diffé- 
rentes hypothèses  où  le  tribunal  peut  compenser  les  dépens 
en  vertu  de  l'art.  434  du  C.  de  procéd.  civ.  (V.  Compen- 
sation des  dépens).  — Ajoutons  enfin  que,  parmi  les  admi- 
nistrations publiques,  il  en  est  deux,  l'administration  de 
l'enregistrement,  des  domaines  et  du  timbre  (loi  du  22  fri- 
maire an  VII,  art.  65),  et  l'administration  des  contributions 
indirectes  (loi  du  5  ventôse  an  XII,  art.  88),  qui  ne  sup- 
portent que  les  frais  de  papier  timbré,  de  signification  et 
d'enregistrement  du  jugement,  grâce  à  la  procédure  spé- 
ciale, dite  «  sur  mémoire,  que  la  loi  a  établie  pour  elles  ». 
Distraction  des  dépens.  C'est  un  bénéfice  très  impor- 
tant qui  peut  être  accordé  par  le  jugement  en  vertu  de 
l'art.  433  du  C.  de  procéd.  civ.  à  l'avoué  du  gagnant  quia 
avancé  les  frais  de  la  procédure.  Ce  bénéfice  consiste  en  ce 
que  cet  avoué  jouira  pour  le  payement  des  frais  de  son  client 
d'une  action  directe  contre  le  perdant,  lui  permettant  de  se 
faire  payer  à  l'exclusion  des  créanciers  de  son  client,  le 
gagnant.  Eclaircissons  cette  définition  par  une  hypothèse, 
et  voyons  l'avantage  qui  est  conféré  à  l'avoué  lorsqu'il  est 
distractionnaire  des  dépens.  Primus  intente  une  action 
contre  Secundus  et  triomphe.  Secundus,  en  vertu  de 
l'art.  430  du  C.  de  procéd.  civ.,   est  condamné  aux 
dépens  ;  c'est  par  hypothèse  l'avoué  de  Primus  qui  a 
avancé  les  frais  de  procédure.  Cette  avance  est  garantie 
par  deux  débiteurs  :  Primus  qui  doit  rembourser  son 
avoué  en  vertu  des  principes  du  mandat,  mais  Primus 


peut  être  insolvable  ;  le  second  débiteur,  c'est  Secundus, 
le  perdant,  qui  est  condamné  à  payer  les  dépens  à  Pri- 
mus. Suivant  le  droit  commun,  en  admettant  que  l'avoué 
du  gagnant  n'ait  pas  demandé  la  distraction  des  dépens,  il 
peut  en  vertu  de  l'art.  4466  du  C.  civ.  exercer  les  droits 
de  son  débiteur  Primus  et  demander  le  payement  de  ses 
frais  à  Secundus  par  l'action  oblique.  Mais  il  va  courir  deux 
dangers  :  a,  si  Primus,  son  client,  a  d'autres  débiteurs, 
ces  débiteurs  pourront  en  concours  avec  lui  exercer  l'action 
indirecte  de  l'art.  4466  et  il  est  fort  probable  que  l'avoué, 
au  lieu  de  toucher  le  montant  de  sa  créance,  ne  touchera 
qu'un  dividende  ;  b,  l'avoué  de  Primus,  agissant  du  chef 
de  son  client,  pourra  se  voir  opposer  par  Secundus  toutes 
les  exceptions  que  celui-ci  aurait  pu  opposer  à  Primus  lui- 
même  ;  si  par  exemple  Secundus,  débiteur  des  dépens,  est 
lui-même  créancier  de  Primus  à  un  titre  quelconque,  il 
pourra  opposer  à  l'avoué  de  Primus  l'exception  de  com- 
pensation, comme  il  aurait  pu  l'opposer  à  Primus.  Le 
résultat  pour  l'avoué  du  gagnant  sera  dans  toutes  ces  hypo- 
thèses qu'il  ne  rentrera  pas  ou  ne  rentrera  que  pour  partie 
dans  le  montant  de  ses  avances.  Si  au  contraire  l'avoué  a 
demandé  la  distraction  des  dépens,  il  aura  contre  Secun- 
dus une  action  directe  qui  lui  permettra  de  passer  avant 
les  créanciers  de  son  client  Primus,  et  il  ne  pourra  pas  se 
voir  opposer  par  Secundus  les  exceptions  qui  auraient  pu 
paralyser  l'action  de  Primus.  Tel  est  l'avantage  que  pré- 
sente, pour  l'avoué  du  gagnant,  la  distraction  des  dépens. 
Le  but  poursuivi  par  le  législateur  en  établissant  cet 
avantage  qui  existait  déjà  au  profit  des  procureurs  dans 
l'ancien  droit,  c'est  d'encourager  les  avoués  à  occuper  pour 
des  personnes  qui  n'ont  pas  les  moyens  de  faire  l'avance 
des  frais  d'un  procès,  alors  surtout  que  la  cause  leur  paraît 
bonne.  Il  faut  se  rappeler,  en  effet,  que  l'avoué  ne  peut  être 
tenu  de  prêter  son  ministère  si  on  n'offre  de  lui  verser  une 
provision  destinée  à  faire  face  aux  débours  qu'il  est  obligé 
de  faire.  Mais  il  faut  immédiatement  ajouter  que  cet  avan- 
tage est  de  droit  étroit,  puisque  l'art.  433  ne  l'accorde 
qu'aux  avoués  ;  qu'il  n'est  donc  pas  possible  de  l'étendre  à 
d'autres  officiers  ministériels.  Les  conditions  imposées  par 
la  loi  pour  l'obtention  du  bénéfice  de  la  distraction  des 
dépens,  sont:  a,  qu'il  existe  une  dette  du  chef  des  dépens  : 
par  suite,  il  ne  peut  être  question  de  distraction  des  dépens, 
lorsque  le  tribunal  les  compense  en  totalité,  c.-à-d.  quand 
il  laisse  à  chaque  partie  la  charge  de  ses  frais;  b,  que  la 
distraction  soit  demandée  par  l'avoué  dans  ses  conclusions  ; 
c,  que  l'avoué  affirme  qu'il  a  fait  l'avance  des  frais  du  pro- 
cès, à  l'audience  et  lors  de  la  prononciation  du  jugement. 
La  distraction  des  dépens  peut  être  accordée  aussi  bien  aux 
avoués  d'appel  qu'aux  avoués  de  première  instance.  Lorsque 
le  jugement  est  frappé  d'opposition  ou  d'appel,  ces  deux 
voies  de  recours  suspendant  l'exécution,  l'avoué  distraction- 
naire doit  attendre  la  solution  de  la  nouvelle  instance  pour 
exécuter  la  condamnation  aux  dépens,  et  il  pourra  arriver 
que,  la  décision  des  premiers  juges  étant  rétractée  ou  ré- 
formée, l'avoué  perde  le  bénéfice  qui  lui  avait  été  accordé 
par  la  première  décision  des  juges.  Quant  au  pourvoi  en 
cassation,  il  n'est  pas  suspensif  comme  l'appel,  et  l'avoué 
distractionnaire  dont  la  partie  a  gagné  en  dernier  ressort 
pourra  faire  exécuter  la  condamnation  aux  dépens,  nonobs- 
tant le  pourvoi.  Il  pourra  en  résulter  une  situation  difficile, 
si  l'on  suppose  que,  la  décision  en  dernier  ressort  ayant  été 
cassée  par  la  cour  suprême,  le  tribunal  de  renvoi  a  donné 
gain  de  cause  à  la  partie  qui  avait  perdu  d'abord  et  qui 
avait  payé  les  dépens  à  l'avoué  de  son  adversaire.  Ainsi, 
c'est  Secundus  qui  a  succombé,  mais  la  cour  suprême  a 
cassé  cette  décision  et  le  tribunal  de  renvoi  a  donné  gain 
de  cause  à  Secundus.  A  qui  Secundus  pourra-t-il  récla- 
mer le  remboursement  des  dépens  qu'il  a  payés  indûment 
à  l'avoué  de  Primus  ?  Est-ce  à  Primus,  est-ce  à  son  avoué? 
C'est  évidemment  à  P?"imus  que  cette  demande  en  répétition 
doit  être  faite,  de  telle  sorte  que  l'insolvabilité  de  Primus 
retombera  sur  Secundus  et  non  sur  l'avoué  qui  a  touché 
ce  qui  lui  était  réellement  dû. 


—  954 


FRAIS 


Les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  la  qualification  que 
l'on  doit  donner  au  bénéfice  de  la  distraction  des  dépens. 
Certains  ont  voulu  y  voir  une  subrogation  faite  par  le  juge- 
ment de  l'avoué  du  gagnant  dans  les  droits  de  ce  gagnant  ; 
d'autres  une  novation  par  changement  de  débiteur,  d'autres 
un  moyen  donné  à  l'a  voué  du  gagnant  de  se  faire  consti- 
tuer mandataire  dans  son  propre  intérêt.  Roitaxà  (op.  cit., 
t.  I,  p.  287)  décide  que  c'est  un  transport  forcé  de  la 
créance  des  dépens  fait  par  le  tribunal  au  profit  de  l'avoué 
du  gagnant,  transport  dispensé  des  formes  ordinaires  de  la 
cession  des  créances.  Mais  cette  opinion  qui  était  celle  de 
Pothier  dans  l'ancien  droit  (mandat  n°  135)  se  heurte  à 
plusieurs  objections  très  sérieuses  :  s  il  y  a  transport  de 
créance,  comment  expliquer  que  cette  opération  ne  soit  sou- 
mise à  aucun  droit  de  mutation  ?  En  outre  il  y  aura  une 
anomalie  inexplicable  en  ce  que  l'action  de  l'avoué  contre  le 
perdant  durera  trente  ans,  alors  que  l'action  contre 
son  client  se  prescrira  par  deux  années.  Enfin  l'art.  133  du 
C.  de  procéd.  civ.  réserve  formellement  l'action  de  l'avoué 
contre  son  client,  ce  qui  est  contraire  au  principe  que  le 
cédant  ne  garantit  au  cessionnaire  que  l'existence  de  la 
créance  au  jour  de  la  cession  et  jamais  la  solvabilité  du 
cédé.  Aussi  M.  Glasson  propose-t-il  de  dire  «que  c'est  un 
bénéfice  de  la  nature  de  la  saisie-arrêt,  avec  privilège  au 
profit  de  l'avoué  considéré  comme  premier  saisissant  » 
(op.  cit.,  t.  I,  p.  288,  note).  Dans  l'ancien  droit  la  saisie- 
arrêt  avait  pour  effet  de  créer  un  privilège  au  profit  du  pre- 
mier saisissant,  et  la  distraction  des  dépens  était  une  appli- 
cation de  cette  règle  au  profit  du  procureur  du  gagnant. 
L'art.  133  a  eu  pour  effet  de  faire  subsister  ce  privilège  de 
l'avoué  distractionnaire  à  rencontre  des  créanciers  du  ga- 
gnant, pour  l'engager  à  ne  pas  refuser  d'occuper  pour  des 
clients  qui  ne  peuvent  pas  faire  l'avance  des  frais.  Ainsi 
tous  les  inconvénients  rappelés  ci-dessus,  dans  le  système 
de  Boitard,  sont  évités.  Pourtant  M.  Garsonnet  (Traité 
pratique  de  procédure,  t.  III,  n°  503,  p.  380,  note  19), 
sans  prendre  parti  définitivement  pour  une  solution  ou  pour 
une  autre,  admet  qu'on  peut  voir  dans  l'art.  133  une  appli- 
cation du  principe  de  la  saisie-arrêt,  mais  il  n'admet,  pas  que 
cette  saisie-arrêt  puisse  conférer  à  l'avoué  un  privilège. 

Liquidation  des  dépens.  Cette  matière  est  traitée  dans 
le  titre  V,  livre  V  du  C.  de  procéd.  civ.  (art.  543  et  544) 
et  dans  le  deuxième  décret  du  16  févr.  1807  (art.  1  à  8). 
La  liquidation  des  dépens  se  fait  différemment  suivant  qu'il 
s'agit  d'une  affaire  ordinaire  ou  d'une  affaire  sommaire. 
Cette  base  de  distinction  donnera  souvent  lieu  dans  la  pra- 
tique à  des  difficultés,  car  le  domaine  des  matières  ordi- 
naires et  des  matières  sommaires  n'est  pas  bien  délimité, 
l'art.  404  du  C.  de  procéd.  civ.  étant  l'objet  de  nombreuses 
controverses.  Dans  les  affaires  sommaires,  le  jugement  doit 
contenir  la  liquidation  des  dépens,  c.-à-d.  le  montant  de  la 
somme  allouée  à  titre  de  dépens  ;  de  cette  règle  il  résulte 
que  le  gagnant  armé  de  la  grosse  du  jugement  pourra  pour- 
suivre à  la  fois  pour  le  principal  et  pour  les  frais.  Dans  les 
affaires  ordinaires,  au  contraire,  il  peut  y  avoir  plus  de 
complication  ;  les  frais  sont  taxés  postérieurement  au  juge- 
ment par  un  des  juges  qui  y  ont  assisté  ;  munie  de  cette 
taxe,  la  partie  gagnante  qui  veut  poursuivre  pour  les  frais 
doit  se  faire  délivrer  par  le  tribunal  un  titre  exécutoire 
spécial  et  différent  de  la  grosse  du  jugement,  appelé  «  exé- 
cutoire de  dépens  ».  Il  va  sans  dire  qu'il  devrait  être  pro- 
cédé de  la  même  manière  en  matière  sommaire  pour  les 
frais  postérieurs  au  jugement.  La  taxe  est  faite  par  le  juge 
conformément  à  des  tarifs  dont  les  plus  importants  sont  : 
a,  le  premier  décret  du  16  févr.  1807  :  il  est  divisé  par 
catégories  de  juridictions  et  d'officiers  ministériels  ;  b,  le 
troisième  décret  du  même  jour  :  il  a  étendu  au  ressort  de 
toutes  les  cours  le  tarif  du  premier  décret  qui  n'était  appli- 
cable que  dans  le  ressort  de  la  cour  de  Paris  ;  c,  l'ordon- 
nance du  10  oct.  1841,  contenant  le  tarif  des  ventes  judi- 
ciaires d'immeubles  ;  d,  la  loi  du  26  janv.  1892,  sur  la 
réforme  des  frais  de  justice.  D'autres  tarifs  moins  impor- 
tants concernent  les  droits  de  greffe,  des  commissaires- 


priseurs,  etc.  Notons  que,  pour  la  cour  de  cassation,  le  tarif 
actuellement  en  vigueur  est  encore  le  règlement  de  1738. 

Actions  en  payement  de  frais.  Les  actions  en  paye- 
ment de  frais  ou  d'honoraires  des  avocats,  des  avoués  ou 
des  huissiers  contre  leurs  clients,  sont  soumises  à  des  pres- 
criptions spéciales  (C.  civ.,  art.  2272  et  2273)  (V.  Pres- 
cription). 

Droit  comparé.  —  Le  principe  de  la  condamnation  du 
perdant  aux  dépens  est  admis  par  presque  toutes  les  légis- 
lations étrangères.  Il  est  consacré  par  le  code  de  procédure 
civile  pour  l'empire  d'Allemagne  promulgué  le  30  janv. 
1877  (V.  Glasson,  Lederlin  et  Dareste,  Code  de  procédure 
civile  pour  V empire  d'Allemagne,  traduit  et  annoté,  et 
Annuaire  de  législation  étrangère,  année  1878,  p.  83)  ; 
par  le  code  de  procédure  civile  italien  du  1er  janv.  1866 
(V.  Allard,  Examen  critique  du  code  de  procédure  civile 
du  royaume  d'Italie,  Revue  de  droit  international,  t.  II, 
pp.  240  et  suiv.),.et  par  les  lois  autrichiennes  du  27avr. 
1873  et  du  dO  mai  1874  (V.  Glasson,  Notice  sur  la  loi 
autrichienne  du  $7  avr.  i88S,  Bulletin  de  la  Société 
de  législation  comparée,  année  1875,  p.  220)  ;  antérieu- 
rement à  ces  lois,  en  Autriche,  chaque  partie  conservait  la 
charge  de  ses  frais.  Mais  ces  différentes  lois  s'écartent  de  la 
nôtre  sur  des  points  secondaires  :  en  Allemagne  et  en  Italie, 
on  admet  le  principe  de  la  condamnation  d'office  aux  dépens. 
En  Allemagne,  la  compensation  des  dépens  ne  peut  être 
prononcée  par  le  tribunal  pour  cause  de  parenté  ou  d'al- 
liance, etc.  J.  Thesmar. 

Frais  de  dernière  maladie.  —  Les  frais  de  dernière  ma- 
ladie sont  les  sommes  dues  au  médecin,  au  chirurgien,  au 
pharmacien  et  au  garde-malade,  et  par  les  termes  «  dernière 
maladie  »,  on  ne  peut  entendre  que  la  maladie  dont  le  débiteur 
est  mort.  Le  code  civil  contient  à  propos  des  frais  de  dernière 
maladie  une  série  de  règles  importantes  :  1°  les  frais  de  der- 
nière maladie  des  personnes  à  la  succession  desquelles  les 
enfants  se  trouvent  appelés  rentrent  dans  les  charges  de  la 
jouissance  légale  des  père  et  mère  (art.  385,  §  4)  ;  2°  les  frais 
de  dernière  maladie  sont  une  dette  de  la  communauté  entre 
époux  (arg.  art.  1409,  §  5)  ;  ils  doivent,  par  conséquent,  se 
prélever  sur  la  masse  dont  elle  se  compose  ;  3°  les  frais  de 
dernière  maladie  sont  assurés  à  ceux  à  qui  ils  sont  dus,  con- 
curremment par  un  privilège  général  sur  les  meubles  et  sub- 
sidiairement  sur  les  immeubles,  lequel  privilège  s'exerce 
après  ceux  des  frais  de  justice  et  des  frais  funéraires,  et 
avant  ceux  des  salaires  des  gens  de  service  et  des  fourni- 
tures de  subsistances  (art.  2101).  Louis  André. 

Frais  funéraires.  —  Dans  l'ancien  droit  existaient  de 
grandes  dissidences  sur  le  point  de  savoir  si  telles  ou 
telles  dépenses  devaient  être  considérées  comme  frais  funé- 
raires. Le  même  désaccord  se  constate  dans  la  doctrine 
moderne.  Cependant  la  règle  la  plus  généralement  admise 
est  que  les  frais  funéraires  comprennent  les  dépenses  de 
l'enterrement,  les  émoluments  de  la  fabrique  et  les  hono- 
raires des  ministres  du  culte,  mais  que,  par  contre,  ils 
ne  comprennent  pas  les  sommes  dues  soit  pour  le  deuil 
de  la  veuve  et  des  domestiques,  soit  pour  l'érection 
d'un  monument  sur  la  tombe  du  défunt.  Le  code  civil 
contient  à  propos  des  frais  funéraires  une»  série  de  règles 
importantes  :  1°  les  frais  funéraires  des  personnes  à  la 
succession  desquelles  les  enfants  se  trouvent  appelés 
rentrent  dans  les  charges  de  la  jouissance  légale  des  père 
et  mère  (art.  385,  §  4)  ;  2°  les  frais  funéraires  se  déduisent 
de  la  valeur  des  biens  laissés  par  le  défunt  pour  la  vérifi- 
cation du  point  de  savoir  si  la  quotité  disponible  a  été  ou 
non  dépassée  (arg.  art.  922)  ;  3°  les  frais  funéraires 
sont  à  la  charge  de  la  succession  de  l'époux  prédécédé,  et 
non  à  celle  de  la  communauté  (arg.  art.  1481)  ;  4°  les 
frais  funéraires  bénéficient,  dans  un  intérêt  d'ordre  public 
et  de  décence,  d'un  privilège  général  sur  les  meubles  et 
subsidiairement  sur  les  immeubles,  lequel  privilège  s'exerce 
immédiatement  après  celui  des  frais  de  justice,  et  avant  ceux 
des  frais  de  dernière  maladie,  des  salaires  des  gens  de  ser- 
I   vice  et  des  fournitures  de  subsistances  (art.  2101).    L.  A. 


FRAIS 


952  — 


IL  Procédure  administrative.  —  Conseil  de  pré- 
fecture. —  La  partie  qui  succombe  est  condamnée  aux  dé- 
pens :  le  principe  est  posé  par  l'art.  62  de  la  loi  du  22  juil. 
1889;  mais,  antérieurement  à  cette  loi,  il  n'était  fixé  dans 
aucun  texte  et  la  jurisprudence  appliquait  ce  système  que  «  la 
procédure  étant  sans  frais  devant  le  conseil  de  préfecture,  la 
partie  qui  succombe  ne  pouvait  être  condamnée  aux  dépens  » 
(arrêt  du  45  févr.  1884;  Dal.,  Pér.,  1885,  3,  60).  La 
liquidation  des  frais  e3t  faite  par  l'arrêté  qui  statue  sur  le 
litige,  ou  bien  elle  est  faite  postérieurement  par  le  prési- 
dent du  conseil,  le  rapporteur  entendu.  Le  tarif  des  frais 
alloués  est  contenu  dans  le  décret  du  18  janv.  1890. 

Conseil  d'Etat. —Le  principe  de  l'art.l  30  du  C.  de  procéd. 
civ.  qui  reçoit  son  application  dans  les  litiges  suivis  devant 
le  conseil  d'Etat,  en  vertu  de  l'art.  41  du  règlement  du 
22  juil.  1822  qui  renvoie  au  règlement  du  28  juin  1738, 
ne  reçoit  point  son  application  dans  sa  généralité  en  ce  qui 
concerne  les  agents  de  l'Etat  et  les  administrations  publiques. 
En  vertu  de  l'art.  2  du  décret  du  2  nov.  1864,  l'Etat  qui 
succombe  dans  une  instance  n'est  condamné  aux  dépens 
que  s'il  s'agit  d'un  intérêt  domanial,  d'un  marché  de  four- 
nitures ou  de  l'exécution  d'un  travail  public. 

Trirunal  des  conflits.  —  Les  conflits  d'attribution  peuvent 
être  de  deux  natures  (V.  Conflit).  Si  le  conflit  est  positif, 
c.-à-d.  s'il  est  élevé  par  le  préfet  pour  soustraire  l'affaire 
à  un  tribunal  judiciaire,  le  tribunal  des  conflits  à  raison  du 
caractère  de  la  décision  qu'il  va  rendre,  ne  peut  statuer  sur 
les  dépens  ;  il  se  contentera  de  les  liquider.  Si  le  conflit 
est  négatif,  au  contraire,  c.-à-d.  s'il  est  élevé  par  les  par- 
ties en  litige  à  raison  de  ce  que  l'autorité  judiciaire  et  l'au- 
torité administrative  se  sont  également  déclarées  incompé- 
tentes, les  parties  ont  un  intérêt  direct  au  règlement  de 
compétence  qui  doit  intervenir,  et  en  conséquence  elles 
peuvent  prendre  des  conclusions  sur  la  condamnation  aux 
dépens.  Le  tribunal  pourra  d'ailleurs  les  compenser  ou  les 
réserver. 

III.  Droit  criminel.  —  Les  frais  de  justice  crimi- 
nelle sont  ceux  qui  sont  faits  pour  l'instruction  et  la  pour- 
suite des  crimes,  délits  et  contraventions.  Le  principe  que  la 
partie  qui  succombe  doit  être  condamnée  aux  dépens  est  con- 
sacré dans  le  droit  criminel  par  les  art.  162, 176, 194,  21 1 
et  368  du  C.  d'instr.  crim.,  55  du  G.  pén.,  156  et  157  du 
décr.  du  18  juin  1811.  Ce  principe  a-t-ilsabase  dans  une 
convention  en  vertu  de  laquelle  le  citoyen  serait  obligé  de 
réparer  le  tort  qu'il  aurait  pu  causer  à  un  membre  de  la 
société,  ou  bien  trouve-t-il  son  fondement  dans  le  devoir 
qui  est  imposé  à  tout  homme  de  réparer  le  dommage  causé 
par  sa  faute,  dans  l'espèce  le  préjudice  causé  à  l'Etat  ?  La 
question  est  encore  discutée.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  un  prin- 
cipe nécessaire,  et  le  tribunal  ne  peut  sous  aucun  prétexte 
limiter  la  condamnation  à  une  partie  seulement  des  frais, 
par  exemple  lorsqu'il  y  a  eu  condamnation  de  l'inculpé, 
compenser  les  dépens  entre  le  Trésor  et  lui.  Mais  par  déro- 
gation au  principe  rappelé  ci-dessus,  lorsque  la  partie 
publique  succombe,  l'Etat  n'est  jamais  condamné  à  payer  les 
frais  faits  par  la  personne  poursuivie  ;  c'est  une  exception 
consacrée  également,  nous  l'avons  vu,  dans  la  loi  civile.  En 
matière  criminelje,  il  peut  s'élever  des  difficultés  particu- 
lières sur  le  point  de  savoir  si  l'inculpé  ou  l'accusé  a  ou 
n'a  pas  succombé,  et  il  est  telles  hypothèses  où  l'acquitte- 
ment, qui  suppose  que  l'inculpé  n'est  pas  l'auteur  respon- 
sable du  fait  à  lui  reproché,  l'absolution  qui  découle  de  ce 
que  la  loi  pénale  n'atteint  pas  le  fait  incriminé,  ou  l'irre- 
cevabilité de  l'action  publique  pour  un  motif  quelconque, 
n'en  entraînent  pas  moins  la  condamnation  de  la  partie 
poursuivie  aux  frais.  Sur  tous  ces  points  il  y  a  de  nom- 
breuses controverses.  Lorsque  deux  ou  plusieurs  individus 
ont  été  condamnés  pour  la  même  infraction,  la  condamna- 
tion aux  dépens  doit  être  prononcée  solidairement  contre 
eux.  Cette  règle  qui  n'existe  pas,  nous  l'avons  vu,  en  ma- 
tière civile,  est  formellement  consacrée  en  matière  crimi- 
nelle par  l'art.  55  du  C.  pén.  et  par  l'art.  156  du  décr.  du 
18  juin  1811. 


Les  dépens  qui  se  décomposent  en  frais  d'instruction  et 
frais  de  poursuite  sont  liquidés  dans  le  jugement,  chaque 
fois  que  c'est  possible,  conformément  au  décr.  du  18  juin 
1811,  qui  contient  le  tarif  des  frais  en  matière  criminelle. 
Le  recouvrement  peut  en  être  poursuivi  au  moyen  de  la 
contrainte  par  corps  (V.  ce  mot). 

Cas  où  une  personne  s'est  portée  partie  civile.  Dans 
cette  hypothèse  particulière,  l'art.  157  du  décr.  du  18  juin 
1811  décide  que  «  ceux  qui  se  seront  constitués  parties 
civiles,  soit  qu'ils  succombent  ou  non,  seront  personnelle- 
ment tenus  des  frais  d'instruction,  expédition  et  significa- 
tion des  jugements,  sauf  leur  recours  contre  les  prévenus 
ou  accusés  qui  seront  condamnés  et  contre  les  personnes 
civilement  responsables  du  délit  ».  Ainsi  la  partie  civile  est 
tenue  envers  le  Trésor  des  frais  du  procès  pénal,  qu'elle 
succombe  ou  non.  Cette  règle  existait  déjà  dans  notre  ancien 
droit,  nous  l'avons  fait  observer  ;  mais  cette  disposition  n'est 
plus  applicable  aujourd'hui  qu'aux  matières  de  simple  police 
et  aux  matières  correctionnelles,  car  la  loi  du  28  avr.  1832 
est  venue  apporter  une  dérogation,  en  décidant  que  «  dans 
les  affaires  soumises  au  jury,  la  partie  civile  qui  n'aura  pas 
succombé  ne  sera  jamais  tenue  des  frais  »  (C.  instr.  crim., 
art.  368).  Les  administrations  publiques  sont  d'ailleurs  sur 
ce  point  assimilées  aux  particuliers. 

Ce  que  Von  comprend  comme  frais  criminels.  Ils  com- 
prennent :  les  frais  de  transport  des  prévenus  et  des  procé- 
dures, les  frais  d'extradition,  les  honoraires  et  vacations  des 
médecins,  des  experts,  les  indemnités  allouées  aux  témoins, 
les  frais  de  garde  de  scellés  et  de  mise  en  fourrière,  les  droits 
alloués  aux  greffiers,  les  salaires  des  huissiers,  les  frais  de 
transport  des  magistrats  et  officiers  de  justice  et  les  dépenses 
extraordinaires  que  nécessitent  les  informations.  Nous  ne 
pouvons  examiner  ici  en  détail  tous  les  droits  et  indem- 
nités alloués  par  le  décret  de  4814 ,  auquel  il  suffira  de  se 
reporter.  Nous  nous  bornerons  à  signaler  ceux  des  articles 
du  tarif  dont  l'application  est  particulièrement  fréquente 
et  que  tous  ont  intérêt  à  connaître. 

1°  Témoins.  Au  premier  rang  se  placent  les  indemnités 
allouées  aux  témoins.  Ils  sont  indemnisés,  soit  par  une  taxe 
de  comparution,  soit  par  une  taxe  de  frais  de  voyage  et 
quelquefois  par  une  taxe  de  séjour  :  a.  Taxe  de  compa- 
rution. Elle  est  allouée  à  ceux  qui  ne  sont  pas  domiciliés 
à  plus  d'un  myriamètre  du  lieu  où  ils  sont  appelés  à  dépo- 
ser. Pour  les  témoins  du  sexe  masculin,  elle  est  de  2  fr. 
par  jour  à  Paris  ;  1  fr.  50  dans  les  villes  de  40,000  âmes  et 
au-dessus  ;  1  fr.  dans  les  autres  villes.  Pour  les  témoins 
du  sexe  féminin,  1  fr.  25, 1  fr.  et  75  cent.  (décr.  de  1811, 
art.  27  et  28;  décr.  7  avr.  1813,  art.  2).  b.  Taxe  de 
frais  de  voyage.  Ceux  qui  se  transportent  à  plus  d'un 
myriamètre  du  lieu  où  ils  demeurent  ont  droit  à  une  somme 
calculée  d'après  la  distance  parcourue  aller  et  retour  : 
1  fr.  par  myriamètre,  s'ils  ne  quittent  pas  leur  arrondis- 
sement et  1  fr.  50  s'ils  se  rendent  hors  de  leur  arrondis- 
sement (décr.  7  avr.  1813,  art.  2).  La  taxe  de  comparution 
ne  se  cumule  pas  avec  les  frais  de  voyage.  L'indemnité  est 
réglée  par  myriamètre  et  demi-myriamètre.  Les  fractions 
de  7  à  9  kil.  sont  comptées  pour  1  myriamètre  et  celles 
de  3  à  7  kil.  pour  un  1/2  myriamètre  ;  les  distances  se 
comptent  de  clocher  à  clocher  (décr.  1811,  art.  92  et  93). 
Si  les  témoins  sont  arrêtés  au  cours  du  voyage,  il  leur  est 
dû  en  outre  1  fr.  50  par  jour  (art.  95)  et  s'ils  doivent  pro- 
longer leur  séjour  dans  la  ville  où  se  fait  l'instruction,  ils 
peuvent  obtenir  par  jour  3  fr.  pour  Paris,  2  fr.  pour  les 
villes  de  40,000  âmes  et  au-dessus,  1  fr.  50  pour  les  autres 
villes  (art.  94).  — Les  enfants  mâles  au-dessous  de  quinze 
ans  et  les  filles  au-dessous  de  vingt  et  un  ans,  reçoivent 
une  double  taxe  s'ils  sont  accompagnés  de  leurs  père,  mère, 
tuteur  ou  curateur  (art.  97).  —  Les  indigents  peuvent  avec 
un  certificat  d'indigence  du  maire  de  leur  commune  ou  une 
pièce  équivalente,  se  faire  délivrer  par  le  président  de  la 
cour  ou  du  tribunal,  ou  le  juge  de  paix  de  leur  résidence 
un  mandat  provisoire  pour  toucher,  comme  acompte,  la 
moitié  de  leur  déplacement  (art.  135).  Ces  taxes  devraient 


953 


FRAIS 


être  sensiblement  relevées.  Encore  est-il  bon  de  savoir 
qu'elles  ne  doivent  être  payées  aux  témoins  que  s'ils  les  ré- 
clament (G.  d'instr.  crim.,  art.  82  du  26  déc.  4811  ;  circul. 
23  févr.  1887,  Bull,  10). 

2°  Médecins  et  chirurgiens.  Les  honoraires  sont  réglés 
comme  suit,  pour  chaque  visite  et  rapport  :  à  Paris,  6  fr. 
dans  les  villes  de  40,000  âmes  et  au-dessus,  5  fr.  ;  dans 
les  autres  communes,  3  fr.  Pour  les  ouvertures  de  cadavres 
et  autres  opérations  plus  difficiles  que  la  simple  visite,  9  fr. 
pour  Paris  ;  7  fr.  pour  les  villes  de  40,000  âmes  et  plus  ; 
5  fr.  pour  les  autres  communes  (art.  16  et  17).  Dans  le 
cas  de  transport  à  plus  de  2kil.de  leur  résidence,  les  mé- 
decins reçoivent  en  plus  de  leurs  honoraires,  2  fr.  50  par 
chaque  myriamètre  parcouru  en  allant  et  en  revenant 
(art.  24,  90  et  91).  L'indemnité  est  réglée  par  myriamètre 
et  demi-myriamètre,  comme  pour  les  témoins. 

3°  Experts.  Ils  sont  payés  pour  chaque  vacation  de  trois 
heures  et  pour  chaque  rapport  écrit,  à  raison  de5fr.  pour 
Paris,  4  fr.  pour  les  villes  de  40,000  âmes  et  plus,  3  fr. 
pour  les  autres  villes.  Pour  les  vacations  de  nuit,  moitié 
en  sus  (art.  22).  On  ne  peut  passer  en  taxe  plus  de  deux 
vacations  par  jour  et  plus  d'une  par  nuit  (dècis.  23  févr. 
1830;  circul.  6  févr.  \  867).  Les  experts  reçoivent  en  outre 
les  mêmes  indemnités  de  voyage  que  les  médecins. 

4°  Jurés.  Les  jurés  qui  se  rendent  à  plus  de  2  kil.  de 
leur  résidence  sont  taxés  à  raison  de  2  fr.  50  par  myria- 
mètre parcouru  à  l'aller  et  au  retour  (art.  35, 91,  92,  93). 
S'ils  sont  arrêtés  au  cours  de  leur  voyage,  ils  reçoivent 
2  fr.  par  chaque  jour  de  séjour  forcé. 

Recouvrement  des  amendes  et  frais  de  justice.  —  Les 
percepteurs  sont  chargés  du  recouvrement  des  amendes,  des 
condamnations  pécuniaires  et  des  frais  de  justice  (loi  29déc. 
1873,  art.  25). 

Payement  des  frais  de  justice.  —  C'est  l'administration 
de  l'enregistrement  qui  fait  l'avance  des  frais  de  justice 
criminelle  ;  mais  le  recouvrement  de  ces  frais  est  poursuivi 
contre  les  coupables  (V.  ci-dessous).  Quand  il  y  a  une  par- 
tie civile  en  cause,  si  elle  prend  l'initiative  de  la  poursuite, 
elle  fait  elle-même  directement  l'avance  des  frais  ;  si  elle 
se  joint  à  la  poursuite  du  ministère  public,  elle  dépose  au 
greffe  la  somme  présumée  nécessaire  pour  les  frais  de  la 
procédure  (F.  Héiie,  t.  IV,  p.  283;  Le  Poitevin,  t.  II, 
p.  337,  art.  160.  déc.  1811  ;  cire.  3  mai  1825). 

Du  mode  de  payement  des  frais.  —  Il  importe  que  ceux 
qui  ont  prêté  leur  concours  à  la  justice  sachent  comment 
ils  peuvent  se  faire  payer  ce  qui  leur  est  dû.  Le  mode  de 
payement  des  frais  diffère  suivant  leur  nature  et  leur  ur- 
gence (art.  132,  déc.  1811).  —  Sont  réputés  frais  urgents  : 
1°  les  indemnités  des  témoins  et  jurés;  2°  toutes  dépenses 
relatives  à  des  fournitures  ou  opérations  pour  lesquelles  les 
parties  prenantes  ne  sont  pas  habituellement  employées  ; 
3°  les  frais  d'extradition.  Ces  frais  sont  acquittés  sur  une 
simple  taxe  du  magistrat  au  pied  des  réquisitions,  états  ou 
mémoires  des  parties  (art.  133).  Depuis  la  circulaire  du 
23  févr.  1887,  les  indemnités  dues  aux  témoins  et  aux  jurés 
sont  seules  payées  sur  simple  taxe.  Les  autres  dépenses 
urgentes  sont  soldées  sur  un  mémoire  présenté  dans  la 
forme  ordinaire.  Les  frais  ordinaires  non  urgents  sont  payés 
sur  les  états  ou  mémoires  des  parties  prenantes,  dressés 
en  double  exemplaire,  dont  un  sur  timbre,  quand  la  somme 
dépasse  10  fr.,  et  revêtus  par  avance  de  l'acquit  de  ceux  qui 
les  ont  faits  (art.  146  et  147,  déc.  1811  ;  2  ordon.  1838  ; 
circul.  14  août  1876,  Bull.,  p.  146;  circul.  23 févr.  1887 
et  28  févr.  1889,  Bull,  p.  2). 

De  la  liquidation  et  du  recouvrement  des  frais.  — 
Nous  avons  dit  que  l'administration  de  l'enregistrement 
faisait  l'avance  des  frais.  Par  qui  sont-ils  supportés  défi- 
nitivement ?  Seuls  ceux  qui  sont  condamnés  doivent  sup- 
porter les  dépens  qui  sont  considérés  comme  un  acces- 
soire de  la  condamnation.  Ceux  qui  sont  acquittés  ne  les 
payent  jamais.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  pour  ceux  qui 
sont  seulement  absous.  La  cour  de  cassation  a  décidé,  par 
de  nombreux  arrêts,  que  ces  derniers  devaient  être  con- 


damnés aux  frais  de  la  procédure  (cass.,  9  déc,  1830, 
Dalloz,  v°  Frais,n°  977,  note 3  ;  24juil.  1840  ;  Dalloz,  id., 
note  5  ;  cour  d'assises  de  la  Moselle,  4  déc.  1867,  S.  1868, 
2,  189).  L'accusé,  acquitté  par  le  jury,  mais  contre  lequel 
la  cour  prononce,  comme  elle  en  a  le  droit,  malgré  son 
acquittement  au  criminel,  une  condamnation  à  des  dom- 
mages-intérêts, peut  aussi  être  condamné  aux  dépens  (cass., 
27  nov.  1840;  5  déc.  1861,  S.  62, 1,  333;  15janv.  1885, 
Bull,  n°  26). 

Les  enfants  acquittés  comme  ayant  agi  sans  discernement 
sont  condamnés  aux  dépens,  ainsi  que  les  personnes  civi- 
lement responsables  (cass.,  17  juin  1870,  Bull,  p.  127; 
18juil.  1889,  Journal  du  ministère  public,  p.  1 72).  Cette 
solution  n'est  cependant  pas  admise  par  tous  les  auteurs 
(contrad.  F.  Hélie,  Instr.  crim.,  t.  VIII,  p.  295)  et  elle  ne 
nous  paraît  pas  très  juste.  La  partie  civile,  comme  nous 
l'avons  rappelé  plus  haut,  fait  l'avance  des  frais  si  elle  agit 
comme  partie  principale  et  dépose  somme  suffisante  au  greffe, 
si  elle  se  joint  à  la  poursuite  du  ministère  public.  En  ma- 
tière criminelle,  Part.  68  du  C.  d'instr.  crim.  porte  qu'elle 
n'est  condamnée  aux  dépens  que  si  elle  succombe  ;  sinon, 
les  sommes  consignées  par  elle  lui  sont  restituées.  Au  con- 
traire, en  matière  correctionnelle  et  de  simple  police,  la  par- 
tie civile  est  toujours  condamnée  aux  dépens,  d'après  une 
jurisprudence  constante,  même  si  le  tribunal  prononce  une 
peine  et  accorde  des  dommages-intérêts  à  la  victime  du  dé- 
lit. Ce  système,  peu  équitable,  n'est  peut-être  même  pas  fondé 
en  droit  (V.  Chauveau  et  Hélie,  Code  pénal,  1. 1,  pp.  254 
et  suiv.).  La  partie  civile  a  d'ailleurs  un  recours  contre  le 
condamné.  Les  frais  sont  liquidés  dans  les  jugements  ou 
arrêts  de  condamnation.  En  ce  qui  concerne  les  droits  et 
honoraires  des  avoués,  leur  ministère  étant  purement  facul- 
tatif en  matière  correctionnelle,  les  frais  occasionnés  par 
leur  intervention  restent  en  principe  à  la  charge  de  ceux 
qui  ont  jugé  bon  d'y  avoir  recours.  Mais  si  le  concours  de 
l'officier  ministériel  était  utile,  si  les  frais  ont  été  faits  dans 
un  intérêt  de  légitime  défense,  le  juge  peut  les  passer  en 
taxe  (cass.,  24  juil.  1874,  D.  P.  1875, 1,  237  ;  29  juin 
1889,  S.  1889, 1,  447  ;  cour  de  cass.,  19  déc.  1891,  Ga- 
zette du  Palais,  n°  du  4  févr.  1892,  in  fine,  et  note  3). 
La  solidarité  est  prononcée  à  l'égard  de  tous  les  auteurs  ou 
complices  d'un  même  fait  (C.  pén. ,  art.  55  et  156,  déc.  1811), 
mais  non  pas  à  l'égard  de  tous  les  individus  compris  dans 
une  même  poursuite,  s'ils  sont  condamnés  pour  des  délits 
distincts  (cass.,  12  mai  1888,  S.  1889,  1,  441  ;  9  déc. 
1887,  S.  1888,  1,  37).  Les  décisions  concernant  la  liqui- 
dation des  dépens  peuvent-elles  être  attaquées  par  les  inté- 
ressés ?  Dans  le  silence  du  décret  de  1811,  sur  les  voies  de 
recours  pour  les  dépens  en  matière  criminelle,  on  se  reporte 
aux  règles  tracées  pour  les  dépens  en  matière  civile.  Ainsi, 
par  exemple,  les  jugements  portant  liquidation  des  dépens 
en  matière  correctionnelle  ne  sont  susceptibles  d'appel  que 
lorsqu'il  y  a  en  même  temps  appel  de  quelque  disposition 
sur  le  fond  (cour  de  Lyon,  31  déc.  1889,  Gazette  du  Pa- 
lais, Table  analytique,  1er  sem.  1890,  v°  Frais;  cass., 
13  juin  1890,  S.  1890, 1 ,  368).  A  noter,  au  point  de  vue 
de  l'application  de  la  loi  Bérenger  (loi  du  26  mars  1891), 
que  la  suspension  de  la  peine  (art.  1)  ne  comprend  pas  le 
payement  des  frais  du  procès,  non  plus  que  les  dommages- 
intérêts  et  les  peines  accessoires. 

Le  Trésor  a  un  privilège  pour  le  recouvrement  des  frais 
dont  la  condamnation  est  prononcée  à  son  profiï  (loi  5  sept. 
1807,  art.  1;  Lautour,  pp.  178  et  suiv.).  Pour  assurer 
d'une  façon  plus  efficace  le  payement  des  amendes,  frais, 
restitutions  et  dommages-intérêts,  la  loi  du  22  juil.  1867 
a  maintenu  la  contrainte  par  corps  en  matière  criminelle, 
correctionnelle  et  desimpie  police  (loi  du!9  déc.  1871).  La 
contrainte  ne  peut  être  prononcée  contre  les  mineurs  de 
seize  ans,  ni  contre  Jes  personnes  civilement  responsables 
(cass., 11  avr.  1889,  S.  1889, 1,  492)  (V.  Contrainte  par 
corps).  Fernand  Chesney. 

IV.  Commerce  et  Industrie.  —  Frais  généraux. 
—  On  peut  désigner  ainsi  tous  les  frais  qui  dans  un  corn- 


FRAIS  —  FRAISE 


-  954 


mer  ce,   une  industrie,  une  exploitation  quelconque,  ne 
peuvent   être  appliqués   à  une   partie   quelconque   des 
opérations  faites,  mais  doivent  plutôt  se  répartir  dans 
l'ensemble.  Ces  frais  sont  en  partie  fixes  et  en   partie 
variables.  Pour  les  frais  fixes,  on  peut  admettre  les  ap- 
pointements fixes  des  employés,  les  loyers,  impôts,  as- 
surances, patentes,  redevances  de  toute  sorte,  brevets  ;  les 
frais  variables  comprennent  les  appointements  et  alloca- 
tions variables  suivant  le  chiffre  des  affaires,  les  frais  de 
voyages,  les  salaires  à  la  journée,  les  consommations  di- 
verses pour  les  machines  motrices,  l'entretien  de  l'outil- 
lage, le  service  des  ateliers,  etc.  Mais  cette  classification 
varie  suivant  les  entreprises,  et  si  les  frais  fixes  peuvent 
presque  toujours  ne  figurer  qu'au  compte  frais  généraux, 
il  se  présente  fréquemment  des  cas  où  les  salaires,  les 
dépenses  d'entretien  et  de  consommation  des  machines,  les 
frais  de  voyages  et  les  allocations  proportionnelles  peuvent 
être  appliqués  à  une  partie  déterminée  de  la  production.  Cette 
distinction  est  extrêmement  importante  ;  elle  permet  seule 
d'établir  exactement  le  prix  de  revient,  et,  par  conséquent, 
les  prix  de  vente  laissant  un  bénéfice.       G.  François. 
Frais  de  production  (V.  Production). 
V.    Administration   militaire.  —  On  donne   le 
nom  de  frais,   en   administration  militaire,  à  certaines 
indemnités  allouées  soit  à  des  fonctions  spéciales,  soit 
à  des  positions,  soit  pour  couvrir  certaines  dépenses  admi- 
nistratives. Parmi  les  premières  on  distingue  :  les  frais 
de  bureau,  les  frais  de  déplacement,  les  frais  de  culte, 
les  frais  de  service  ;  parmi  les  deuxièmes  :  les  frais  de 
route  et  de  traversée;  enfin,  parmi  les  troisièmes  :  les 
frais  d'adjudication,   d'emballage,    de  casernement,   de 
gestion ,   de  justice ,    de  magasin ,  de  recrutement ,  de 
vente,  etc.  —  L'allocation  de  ces  indemnités  est  déter- 
minée par  les  décrets  et  règlements.  Les  frais  de  bureau, 
de  service  et  de  déplacement  sont  compris  dans  les  acces- 
soires de  solde.  Les  premiers  sont  donnés  dans  les  corps 
de  troupe  aux  majors,  trésoriers  et  officiers  d'habillement  ; 
il  en  est  alloué  également  à  certains  commandants  d'armes, 
de  corps  et  d'établissements,  ainsi  qu'au  major  de  garnison 
des  places  où  résident  un  officier  général.  Ces  indemnités 
se  cumulent,  dans  certains  cas,  avec  les  frais  de  service, 
qui  cependant  sont  destinés  à  subvenir  aux  frais  de  repré- 
sentation et  de  bureau  des  autorités  qui  les  perçoivent. 
L'indemnité  pour  frais  de  service  affectée  à  un  emploi  est 
acquise  à  l'officier  titulaire  de  cet  emploi  quel  que  soit  son 
grade.  L'officier  remplissant  plusieurs  fonctions  distinctes 
cumule  les  indemnités  de  service  affectées  à  ces  fonctions. 
Toutefois,  si  ces  fonctions  sont  celles  d'officier  général  ou 
assimilé,  de  colonel  ou  lieutenant-colonel  chef  de  corps, 
l'intéressé  reçoit  l'indemnité  de  service  la  plus  élevée  et 
seulement  le  cinquième  des  autres.  —  Les  indemnités  pour 
frais  de  déplacement  sont  allouées  aux  officiers  de  gendar- 
merie et  celles  pour  frais  de  culte  aux  aumôniers  des  hô- 
pitaux et  prisons.  Les  décrets  des  29  mai  et  27  déc.  1890 
et  les  tarifs  qui  y  sont  annexés  règlent  ces  allocations. 

Le  service  des  frais  de  route  forme  une  branche  im- 
portante de  la  comptabilité-finances  dans  l'armée.  Il  est 
régi  par  le  décret  du  12  juin  1867,  refondu  le  19  juin 
1888.  Il  a  pour  objet  de  pourvoir  aux  dépenses  occasion- 
nées par  les  déplacements  des  militaires  voyageant  isolé- 
ment pour  cause  de  service  ou  de  santé.  Ces  dépenses  sont  : 
l'indemnité  de  route,  l'indemnité  journalière  spéciale,  l'in- 
demnité de  déplacement  accordée  dans  l'intérieur,  l'indem- 
nité extraordinaire  de  voyage  accordée  à  l'intérieur  et  à 
l'étranger,  les  secours  en  argent  et  effets  faits  aux  hommes 
de  troupe  à  l'étranger  et  les  avances  remboursables  faites 
aux  officiers  et  aux  adjudants  à  l'intérieur  et  à  l'étranger. 
Toute  allocation  de  prestation  en  route  est  subordonnée  à 
la  délivrance  préalable  d'une  feuille  de  route  (V.  ce  mot). 

Bibl.  :  Droit  civil.—  Pigeau,  Commentaire  du  code  de- 
procédure  civile,  1822.—  Boncenne,  Traité  de  la  procédure 
civile,  1837. —  Bioche,  Dictionnaire  de  procédure  civile  et 
commerciale,  1864.—  Carré  et  Chauveau,  Lois  de  la  pro- 
cédure civile  et  administrative,  1872.  —  Rodière,  Cours 


de  compétence  et  de  procédure  en  matière  civile,  1875.  — 
Rousseau  et  Laisney,  Dictionnaire  de  procédure,  1879- 
1885.  —  Dalloz,  Répertoire  de  jurisprudence.—  Boitard, 
Colmet  d'Aage  et  Glasson,  Leçons  de  procédure  civile, 
1885.  —  Garsonnet,  Traité  théorique  et  pratique  de  pro- 
cédure.— Chauveau  et  Faustin  Hèlie,  1873.—  Ortolan, 
Eléments  de  droit  pénal,  1859.  —  Rodière,  Eléments  de 
procédure  criminelle,  1844.  —  Aucogq,  Conférences  sur 
l'administration  et  le  droit  administratif,  1878-1882.  —  Du- 
crocq,  Cours  de  Droit  administratif,  1881. 

Droit  criminel.—  Dalmas,  Des  Frais  de  justice  crimi- 
nelle, 1834,  et  supplément,  1837.— Dufresne,  Traité  théo- 
rique et  pratique  sur  le  tarif  des  droits  et  indemnités 
alloués  aux  greffiers,  1876,  2a  éd.  —  Lautour,  Code  des 
frais  dejust.  en  mat.  crim. —  Sudraud-Desiles,  Notes  d'un 
juge  d'instr.  sur  la  taxe,  1832.—  Verlet,  Etude  sur  les  frais 
dejust.  crim.,  1872.  —  LePoittevin,  Dictionnaire  du  par- 
quet, t.  II,  pp.  329  et  suiv. 

FRAIS.  Corn,  du  territoire  de  Belfort,  arr.  de  Fontaine; 
128  hab. 

FRAI  SAN  S.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Dole,  cant. 
de  Dampierre,  sur  la  rive  gauche  du  Doubs  et  sur  la  lisière 
de  la  forêt  de  Chaux  ;  2,553  hab.  Fraisans  était  le  chef- 
lieu  d'une  prévôté  qui  comptait  Dampierre  parmi  ses  dépen- 
dances et  qui  fut  érigée  en  marquisat,  en  faveur  du  sieur 
de  Pourcheresse,  peu  d'années  avant  la  Révolution.  Ce 
bourg  a  joué  un  rôle  important  pendant  les  guerres  du 
xviie  siècle.  Il  possède  des  forges  considérables,  dont  l'éta- 
blissement, autorisé  par  Marguerite  d'Autriche,  remonte 
à  1526.  A.V. 

FRAISE.  I.  Botanique.  —  Fruit  multiple  du  Fraisier 
(V.  ce  mot). 

II.  Thérapeutique  (V.  Fraisier). 

III.  Economie  domestique.  —  La  saveur  exquise  des 
fraises,  leur  parfum  délicieux  en  font  un  des  fruits  les 
meilleurs  et  les  plus  recherchés  de  nos  climats.  Elles  se 
mangent  saupoudrées  de  sucre  avec  addition  d'un  peu  de 
vin,  de  rhum,  de  cognac,  de  kirsch  ou  même  d'eau  sucrée. 
Leur  mélange  avec  de  la  crème  les  rend  indigestes. 
On  en  fait  aussi  d'excellentes  confitures,  des  sirops,  des 
liqueurs,  etc.  —  Elles  donnent  lieu  à  un  commerce  des  plus 
importants;  la  Provence  et  la  Bretagne  en  envoient  de 
grandes  quantités  à  Paris. 

IV.  Technologie.  —  La  fraise  est  un  outil  en  acier 
trempé,  dont  la  surface  cylindrique  extérieure  est  creusée 
en  forme  de  dents.  Dans  le  mouvement  de  rotation  rapide 
qu'on  imprime  à  la  fraise  dans  la  machine  à  fraiser,  chacune 
des  dents,  en  venant  se  mettre  en  contact  avec  la  pièce  à 
travailler,  enlève  une  portion  de  métal  plus  ou  moins  forte, 
selon  le  degré  d'avancement  du  chariot  et  suivant  le  tracé 
de  la  pièce.  Les  fraises  sont  de  deux  espèces  :  de  forme  ou 
cylindrique.  Les  fraises  de  forme  sont  employées  pour  obte- 
nir un  profil  déterminé,  comme  un  creux,  un  arrondi,  pour 
tailler  des  engrenages  droits  ou  hélicoïdaux.  Dans  chacun 
de  ces  cas  particuliers,  la  fraise  est  tournée  au  profil  de  la 
pièce  à  exécuter,  et  la  taille  est  droite,  dirigée  suivant  les 
rayons  et  exécutée  au  burin  et  à  la  lime.  L'emploi  des  fraises 
cylindriques  tend  de  plus  en  plus  en  plus  à  se  généraliser 
dans  les  ateliers  de  construction  depuis  qu'on  est  arrivé  à 
les  obtenir  mécaniquement  et  qu'on  peut  les  afîûter  ou  les 
rectifier.  La  fraise  cylindrique  est  taillée  sous  forme  d'hé- 
lice de  préférence  à  la  taille  suivant  une  génératrice  ou 
droite,  car  celle-ci  surtout  tranche  plutôt  le  métal  qu'elle 
ne  le  scie  et  augmente  notablement  les  résistances  passives. 
Mais  si  la  taille  hélicoïdale  répond  à  la  question,  son  incli- 
naison, le  nombre  de  dents  donné  pour  un  diamètre  donné 
de  fraise,  etc.,  influent  considérablement  sur  le  rendement 
et  le  fini  du  travail.  Le  nombre  de  dents  à  donner  aux 
fraises  a  été  déterminé  pratiquement,  en  fonction  du  dia- 
mètre, et  on  a  admis  que,  pour  éviter  l'engorgement  des 
rainures,  il  fallait  sept  dents  pour  un  diamètre  de  20  millim., 
et  qu'on  pouvait  augmenter  d'une  dent  pour  chaque  5  millim. 
d'augmentation  de  diamètre.  La  forme  est  donnée  par  la 
taille  à  l'aide  d'une  molette.  La  trempe  des  fraises  doit 
surtout  être  particulièrement  soignée  ;  on  devra  tenir  compte 
de  la  qualité  de  l'acier  employé  et  s'attacher  à  préparer  le 
bain  d'huile  et  d'eau  pour  qu'après  le  recuit  au  jaune  paille 


-  955  — 


FRAISE  -  FRAISSINET 


la  dureté  de  la  fraise  soit  telle  qu'elle  puisse  être  assez 
difficilement  attaquée  par  une  lime  douce. 

La  machine  à  fraiser  est  d'invention  récente  ;  elle  a  rem- 
placé dans  beaucoup  de  cas,  avec  avantage,  les  machines  à 
mouvement  alternatif,  telles  que  :  machines  à  raboter,  à  mor- 
taiser,  dans  la  construction  des  pièces  de  machines.  Il  existe 
différents  types  de  machines  à  fraiser  :  les  unes  sont  verti- 
cales, les  autres  horizontales.  Les  premières,  les  plus  ré- 
pandues, permettent  de  rendre  à  volonté  le  fraisage  auto- 
matique ou  non.  Le  bâti  de  la  machine  est  à  peu  près 
disposé  comme  celui  des  machines  à  mortaiser.  Un  arbre 
vertical,  à  l'extrémité  inférieure  duquel  est  montée  la  fraise, 
reçoit  un  mouvement  de  rotation  rapide  par  l'intermédiaire 
de  pignons  d'angle  commandés  par  un  arbre  horizontal  qui 
reçoit  lui-même  son  mouvement  de  la  transmission.  Le 
plateau  circulaire  sur  lequel  est  placée  la  pièce  à  travailler 
est  disposé  de  façon  à  obtenir  automatiquement  le  mouve- 
ment circulaire  radial  et  transversal  par  des  combinaisons 
d'engrenages  et  de  vis.  La  machine  donne  de  très  bons 
résultats  tant  que  le  travail  à  faire  reste  dans  la  limite  de 
ces  trois  mouvements,  mais,  lorsqu'il  s'agit  d'obtenir  des 
formes  diverses,  les  déplacements  des  chariots  doivent  se 
faire  à  la  main,  le  travail  obtenu  se  fait  lentement  et  le 
fini  n'est  dû  qu'à  l'habileté  de  l'ouvrier.        .  L.  Knab. 

V.  Art  militaire  (V.  Défense). 

VI.  Costume  (V.  Costume). 

VIL  Art  culinaire.  —  On  donne  vulgairement  le  nom 
de  fraise  à  la  membrane  qui  enveloppe  les  intestins  du 
veau,  et  aussi  à  tous  ces  intestins.  On  en  fait  un  mets 
assez  estimé  (V.  Veau). 

FRAISIER. I.  Botanique.  — (Fragaria  Toum.).  Genre 
de  Rosacées,  qui  adonné  son  nom  au  groupe  desFragariées. 
Les  Fraisiers  sont  des  herbes  vivaces  dont  la  souche  cespi- 
teuse,  épaisse,  donne  naissance  à  des  stolons  aériens  axil- 
laires,  filiformes,  composés  de  plusieurs  articles  radicants 
au  sommet  et  émettant  des  bouquets  de  feuilles  qui  se  sé- 
parent de  la  plante  mère  par  la  destruction  du  stolon  pour 
fleurir  souvent  dans  la  même  année  et  émettre  de  nouveaux 
stolons.  Les  feuilles,  pour  la  plupart  radicales,  sont  trifo- 
liolées,  et  les  fleurs,  disposées  en  cymes  irrégulières,  pan- 
ciflores,  au  sommet  des  tiges  presque  nues,  ont  un  calice 
périgyne  à  cinq  sépales  libres,  accompagné  d'un  calicule  de 
cinq  folioles  alternes,  une  corolle  de  cinq  pétales  blancs,  plus 
rarement  jaunes,  et  des  étamines  en  nombre  indéfini.  Ces 
fruits  sont  de  petits  achaines  très  nombreux,  placés  dans  les 
dépressions  d'un  réceptacle  d'abord  conique,  puis  ovoïde 
ou  globuleux,  qui  devient  charnu-pulpeux  à  la  maturité  et 
constitue  le  fruit  multiple  désigné  sous  le  nom  de  Fraise. 
On  connaît  tout  au  plus  une  douzaine  d'espèces  de  Frai- 
siers, disséminées  dans  les  régions  tempérées  et  alpines 
de  l'hémisphère  boréal.  Plusieurs  d'entre  elles,  notam- 
ment le  Fragaria  vesca  L.  ou  Fraisier  commun,  F.  des 
bois,  le  F.  chilensis  Ehrh,  et  le  F.  virginiana  L.,  ont 
fourni,  par  la  culture,  un  très  grand  nombre  de  variétés 
recherchées  pour  le  parfum  et  la  grosseur  de  leurs  fruits. 
—  Le  F.  en  arbre  ou  arbre  aux  fraises  est  YArbutus 
unedo  L.,  de  la  famille  des  Ericacées  (V.  Arbousier). 

IL  Horticulture.  —  Les  nombreuses  variétés  de  Frai- 
siers se  groupent  en  Fraisiers  à  petits  fruits  ou  des  quatre 
saisons  et  en  Fraisiers  à  gros  fruits.  Ces  plantes  aiment 
un  sol  léger,  fertile,  enrichi  d'engrais,  bien  arrosé. 
On  les  cultive  en  pleine  terre  ou  bien  on  les  soumet  à  la 
culture  forcée.  Les  Fraisiers  se  multiplient  de  plants  obte- 
nus à  l'aide  des  coulants  ou  filets  enracinés  et  de  graines. 
Ce  dernier  mode  de  reproduction  est  usité  surtout  pour  les 
variétés  à  petits  fruits  qui  se  conservent  assez  fidèlement 
par  le  semis.  On  choisit  les  plus  beaux  et  les  meilleurs 
fruits  qu'on  laisse  bien  mûrir.  On  les  écrase  dans  l'eau  et 
sépare  les  semences  par  lavages  successifs.  Le  semis  se  fait 
aussitôt  ou  bien  au  printemps  de  l'année  suivante,  à  la  volée, 
sur  couche  ou  en  pleine  terre.  On  plombe  légèrement  et  on 
tamise  à  la  surface  une  mince  couche  de  terreau.  Le  sol  est 
maintenu  frais  par  des  bassinages  fréquents.  La  levée  des 


jeunes  plantes  a  lieu  au  bout  de  huitjoursàun  mois,  selon 
la  température  du  sol.  Lorsque  les  Fraisiers  ont  quatre  ou 
cinq  feuilles,  ont  les  repique,  deux  par  deux,  à  0m15  en 
tous  sens.  Plus  tard,  après  la  reprise  et  pour  provoquer 
le  développement,  de  nouvelles  racines,  on  les  relève  en 
motte  et  on  les  replante  à  demeure,  à  0m30  ou  0m35  les 
uns  des  autres.  La  plantation  ainsi  établie,  les  soins  à  lui 
donner  consistent  en  des  arrosages  et  binages  suivant  le 
besoin,  à  supprimer  les  coulants,  à  pailler,  c.-à-d.  à  étendre 
entre  les  Fraisiers  une  couche  de  paille  pour  maintenir  la 
terre  fraîche  et  empêcher  que  les  fruits  ne  soient  souillés 
par  la  terre  pendant  les  fortes  pluies.  Pour  la  multiplica- 
tion à  l'aide  de  coulants,  on  enlève,  en  été,  les  jeunes  pieds 
enracinés  ;  on  les  repique  en  pépinière  à  0m1 5  les  uns  des 
autres  et,  au  mois  de  septembre,  on  les  met  en  place,  en 
bordures  ou  en  lignes.  On  donne  à  ces  Fraisiers  les  mêmes 
soins  qu'à  ceux  issus  de  semis.  La  cueillette  des  fraises 
doit  se  faire  le  matin  de  bonne  heure  ou  le  soir,  sans  les 
détacher  de  leur  pédoncule  que  l'on  coupe  avec  l'ongle.  Les 
Fraisiers  produisent  abondamment  pendant  les  deux  pre- 
mières années,  puis  la  fructification  diminue  et  il  faut 
renouveler  les  plantations.  Le  forçage  peut  se  faire  en  po- 
sant simplement  des  coffres  et  des  châssis  sur  les  planches 
de  Fraisiers  en  pleine  terre.  Autour  des  coffres  on  creuse 
les  sentiers  des  planches  et  dans  ces  sentiers  on  place  du 
fumier  qu'on  renouvelle  lorsque  la  température  s'abaisse. 
On  force  aussi  les  Fraisiers  plantés  en  pots  qu'on  place  en 
serre  ou  sur  couche  à  une  température  de  15°  environ.  On 
arrose  modérément  et  on  donne  de  l'air  et  de  la  lumière 
autant  que  possible.  Les  Fraisiers  forcés  ne  sont  pas  épui- 
sés. Ils  peuvent  donner  une  seconde  récoite  à  la  fin  de  l'été. 
Il  suffit  de  les  laisser  reposer,  en  les  privant  d'eau  pendant 
quelque  temps,  puis  on  les  replante  en  pleine  terre  et  on 
les  arrose  copieusement.  G.  Boyer. 

III.  Thérapeutique.  —  La  fraise,  riche  en  eau  et  en  sucre, 
n'est  pas  supportée  par  tous  les  estomacs  et  peut  même 
provoquer  des  éruptions  cutanées,  en  particulier  de  l'urti- 
caire ;  elle  ne  convient  pas  toujours  aux  dyspeptiques,  aux 
obèses,  aux  diabétiques.  Elle  est  rafraîchissante  et  diuré- 
tique, parfois  laxative  ;  on  l'a  préconisée  contre  la  goutte 
et  la  gravelle  ;  on  a  vanté  l'eau  distillée  de  fraises  comme 
un  excellent  cosmétique.  Le  rhizome  du  fraisier  est  astrin- 
gent et  comme  tel  utile  dans  les  affections  des  voies  génito- 
urinaires  (catarrhes,  néphrite  simple,  dysurie).  L'infusion 
des  feuilles  est  diurétique  et  diaphonique.    Dr  L.  Hn. 

FRAISNE-en-Xaintois.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et- 
Moselle,  arr.  de  Nancy,  cant.  de  Vézelize  ;  262  hab. 

FRAISNE  (Pierre  de),  orfèvre  liégeois,  né  en  4612, 
mort  en  1660.  Après  avoir  reçu  de  son  père  les  premières 
leçons,  il  passa  en  Italie,  où  il  travailla  sous  la  direction 
du  sculpteur  Franz  Duquesnoy,  Flamand  comme  lui.  Il 
revint  dans  sa  ville  natale  avec  une  telle  réputation  qu'il 
fut  appelé  presque  aussitôt  à  la  cour  de  la  reine  Christine 
de  Suède,  pour  laquelle  il  fit  des  vases,  des  surtouts  et 
des  médailles.  Après  l'abdication  de  cette  princesse,  il  re- 
tourna dans  sa  patrie,  où  il  cisela  pour  la  cathédrale  une 
Arche  d'alliance  d'un  merveilleux  travail. 

Bibl.  :  Villenfagne,  Recherches  sur  l'histoire  de  la 
principauté  de  Liège,  t.  I. 

FRAISSE.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Saint- 
Pons,  cant.  de  La  Salvetat;  4,045  hab. 

FRAISSE.  Corn,  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Saint- 
Etienne,  cant.  du  Chambon;  4,784  hab. 

FRAISSÉ-Cabardès.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Carcassonne,  cant.  de  Saissac;  240  hab. 

FRAISSÉ-des-Corbières.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr. 
de  Narbonne,  cant.  de  Durban  ;  409  hab. 

FRAISSINES.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi,  cant. 
de  Valence;  353  hab. 

FRAISSINET-de-Fourques.  Com.  du  dép.  de  la  Lozère, 
arr.  de  Florac,  cant.  de  Meyrueis;  440  hab. 

FRAISSINET-de-Lozère.  Com.  du  dép.  de  la  Lozère, 
arr.  de  Florac,  cant.  de  Pont-de-Montvert ;  748  hab. 


FRAIZE  —  FRAMBOISE 


956 


FRAIZE  (Frasia).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Vosges, 
arr.  de  Saint-Dié,  sur  la  Meurthe  ;  tête  de  ligne  de  rem- 
branchement  qui  à  Saint-Léonard  se  détache  du  chemin  de 
fer  de  Saint-Dié  à  Laveline  ;  3,436  hab.  Filatures  de  coton 
(35,000  broches),  brasseries,  sculpterie;  mine  de  plomb  et 
de  cuivre,  abandonnée  en  1840;  hôpital-hospice.  Autrefois 
les  seigneurs  de  Ribeaupierre  possédaient  la  seigneurie  du  ban 
de  Fraize  et  en  faisaient  hommage  aux  ducs  de  Lorraine. 

Bibl.  :  Jos.  Haxaire,  les  Suédois  dans  le  ban  de  Fraize, 
dans  Bull,  de  la  Soc.  pfiilom.  des  Vosges,  1885-1886,  XI. 
—  Gast.  Save,  Etude  historique  sur  l'église  de  Fraize. 
même  recueil,  1886-1887,  XII. 

FRAKNO  (en  allem.  Forchtenau  pour  le  village,  Forch- 
tenstein  pour  le  château).  Village  et  château  de  Hongrie, 
tout  près  de  la  frontière  de  la  Basse-Autriche,  propriété 
célèbre  et  magnifique  de  la  famille  Eszterhazy. 

FRAKNÔI  (Guillaume),  historien  hongrois,  né  à  Urményi 
le  27  févr.  4843.  Sa  vocation  historique  a  été  des  plus 
précoces,  car  déjà  sur  les  bancs  du  séminaire  il  composait 
des  mémoires  remarqués  sur  les  anciennes  institutions 
du  pays.  Dès  1867  il  commençait  en  langue  magyare 
l'ouvrage  qui  a  fondé  sa  réputation  :  Pierre  Pazmany 
et  son  temps  (Pest,  1867-1872,  4  vol.),  étude  de  pre- 
mier ordre,  non  seulement  sur  ce  célèbre  cardinal,  mais 
sur  la  Hongrie  ecclésiastique,  politique  et  littéraire  de  la 
première  moitié  du  xvue  siècle.  Dès  lors  la  carrière  de  Mgr 
Fraknôi  a  été  rapide  et  brillante  à  tous  égards  :  chanoine 
puis  évêque,  secrétaire  de  section,  puis  secrétaire  général 
et  président  de  l'Académie.  Ses  titres  officiels  sont  :  epis- 
copus  arbensis,  canonicus  varadiensis,  Academiœ 
alterprœses.  Parmi  ses  nombreuses  et  importantes  mo- 
nographies historiques,  nous  signalerons  celles  qui  ont 
pour  objet,  l'un  la  Hongrie  et  la  ligue  de  Cambrai,  l'autre 
le  cardinal  Bonvisi  et  la  prise  de  Bude,  et  que  M.  Edouard 
Sayous  a  résumées  en  français  dans  deux  mémoires  lus  à 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  (1883-1888). 
Mgr  Fraknôi  a  pu  aussi  entreprendre,  grâce  à  de  fréquents 
séjours  à  Rome,  l'étude  des  documents  du  Vatican  intéres- 
sant l'histoire  hongroise.  Il  a  commencé  en  1873  la  publi- 
cation des  Monumenta  comitiala  regni  Hungariœ. 
Ajoutons  que,  tout  récemment  (  1 89 1),  il  a  inséré,  en  langue 
française,  une  communication  sur  Mathias  Corvin  dans  la 
Bévue  d'histoire  diplomatique.  E.  S. 

FRAL1GNES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant.  de 
Bar-sur-Seine  ;  162  hab. 

FRAMBŒSlA(Méd.).  «  On  décrit  sous  ce  nom,  dit  Roux, 
dans  son  Traité  pratique  des  maladies  des  pays  chauds, 
une  maladie  cutanée  endémique,  caractérisée  par  la  forma- 
tion sur  la  peau  et  sur  les  muqueuses  de  tumeurs  d'aspect 
charnu,  mamelonnées,  qui  ressemblent  à  des  framboises  ou 
à  des  fraises.  »  Son  incubation  est  de  six  semaines  à  trois 
mois,  puis  on  voit  survenir  des  troubles  généraux,  tels  que 
faiblesse,  anorexie,  vertiges,  sécheresse  et  rudesse  de  la 
peau.  Enfin  l'éruption  apparaît.  Ses  lieux  d'élection  au  dé- 
but sont  le  pourtour  extérieur  des  muqueuses,  le  menton, 
les  commissures  des  lèvres,  le  voisinage  du  prépuce  ou  de 
l'anus,  les  grandes  lèvres  chez  la  femme.  Plus  tard,  elle 
gagne  les  autres  points  du  corps,  la  face,  le  cou,  le  cuir 
chevelu,  la  poitrine.  Elle  consiste  au  début  en  petites  taches 
plates  ou  en  pustulettes  brunes  ou  rougeâtres  du  volume 
d'un  pois  ou  d'une  tête  d'épingle.  Puis  l'épiderme  se  rompt 
et  la  lésion  devient  une  surface  spongieuse  de  coloration 
grisâtre,  sanieuse,  surélevée  au-dessus  des  téguments  et 
donnant  l'aspect  d'un  tissu  frambœsiaque.  Si  le  mal  est  né- 
gligé, il  s'étend  et  d'autres  régions  se  prennent  de  proche 
en  proche.  Il  est  également  contagieux  pour  les  sujets  qui 
entourent  les  malades.  Chez  les  individus  atteints  depuis 
longtemps,  le  parasite  recherche,  dit  Lacaze,  le  voisinage  des 
articulations  et  atteint  les  os  qui  finissent  par  se  carier  et 
devenir  comme  fongueux.  Il  se  produit  alors,  autour  des 
genoux  ou  des  chevilles,  des  ulcères  énormes  avec  dégéné- 
rescence osseuse  manifeste.  Arrivé  à  ce  degré,  le  mal  gué- 
rit difficilement  ;  il  peut  même  entraîner  la  mort  par  la  ca- 
chexie et  les  hémorragies  qu'il  détermine.  S'il  tend  vers 


la  guérison,  ce  qui  est  la  règle  quand  il  est  bien  soigné,  les 
tubercules  diminuent  peu  à  peu  de  grosseur  ;  leur  sécrétion 
se  tarit  ;  ils  se  recouvrent  d'une  croûte  d'abord  jaunâtre 
brunâtre  qui  finit  par  tomber  en  laissant  une  cicatrice  in- 
délébile (Roux).  La  dermite  papulo-frambœsiaque  affecte 
plusieurs  aspects  :  les  tumeurs  sont  sèches  ou  pédiculées, 
cylindriques  ou  coniques,  surtout  convexes  ou  hémisphé- 
riques, lisses  ou  fongueuses,  papilliformes,  semblables  à 
des  fraises  (Brocq).  Le  nom  de  frambœsia  détermine  au- 
jourd'hui la  maladie  désignée  plus  communément  jadis  sous 
le  nom  àepian.  M.  Lacaze  a  fait  remarquer  que  ce  nom  a 
l'avantage  de  représenter  la  maladie  à  sa  période  avancée, 
quand  elle  a  subi  toutes  les  phases  de  sa  première  évolution 
et  que  les  vésicules,  papules  ou  petits  tubercules  charnus 
accumulés,  prennent  l'aspect  d'un  tumeur  à  granulations  qui 
ressemble  parfaitement  è  la  framboise.  L'affection  a  reçu 
d'ailleurs  des  appellations  très  diverses  telles  que  jaws,  sir- 
vin,  mycosis  frambœsioides,  verruga,  bouton  d'Amboine, 
tonga,  bubas  ou  bubos,  gallao,  suivant  les  régions  où  elle 
existe.  On  la  rencontre  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique, 
à  Madagascar,  aux  Comores,  dans  l'Inde,  à  Sumatra,  à 
Java,  aux  Moluques,  au  Brésil,  à  la  Guyane,  aux  Antilles. 
Partout  elle  inspire  une  vive  répulsion,  mais  elle  n'est  nulle 
part  plus  marquée  que  dans  ces  dernières  contrées  où  les 
malades  sont  «  relégués  sous  le  vent  des  habitations,  dans 
de  petites  cours  dont  l'approche  est  redoutée  »  (Lacaze). 

Le  premier  remède  à  opposer  au  frambœsia  est  une  pro- 
preté rigoureuse  ;  les  habitations  doivent  être  bien  aérées 
et  assainies,  les  malades  soumis  aux  ablutions  réitérées  et 
à  une  alimentation  saine  et  abondante  dont  on  exclura  les 
salaisons  (Brocq).  Localement,  on  pratiquera  des  lotions 
phéniquées  ou  boriquées  et  des  applications  de  pommades 
ou  de  poudres  cicatrisantes  (iodoforme,  aristol).  A  l'inté- 
rieur on  a  conseillé  les  mercuriaux,  le  soufre,  l'iodure  de 
potassium,  les  tisanes  sudorifiques.  Mais  les  bons  effets  qu'on 
dit  avoir  retiré  des  préparations  hydrargyriques  provien- 
nent de  ce  qu'on  a  souvent  confondu  le  frambœsia  avec  des 
lésions  spécifiques.  Certains  auteurs  ont  même  avancé  que 
la  maladie  n'était  autre  que  la  syphilis  du  nègre,  et  Char- 
louis  aurait  déterminé  une  syphilis  constitutionnelle,  en  ino- 
culant un  chancre  induré  à  un  homme  atteint  de  frambœsia. 
Peut-être  en  est-il  ainsi  de  la  forme  particulière  à  laquelle 
on  a  donné  le  nom  de  mamapian,  caractérisée  par  des  no- 
dosités qui  confluent  pour  s'ulcérer  profondément  et  gué- 
rissent rapidement  par  le  traitement  antisyphilitique.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  faut  en  distinguer  la  syphilide  cutanée  fram- 
bœsiforme  de  Kaposi,  formée  de  bourgeons  papillomateux, 
rouges,  mamelonnés,  verruqueux,  qui  se  développent  au- 
dessus  de  papules  ou  de  tubercules  excoriés  ou  colorés  et 
siègent  le  plus  souvent  au  sillon  naso-labial,  à  la  commis- 
sure des  lèvres,  dans  les  plis  des  parties  génitales  et  de  la 
région  inguinale,  au  sillon  mammaire.  Ces  excroissances  ver- 
ruqueuses,  considérées  isolément,  sont  dépourvues  du  carac- 
tère spécifique.  Elles  ne  l'empruntent  qu'à  leur  substratum 
constitué  par  un  infiltrât  syphilitique  et,  quand  il  a  disparu, 
elles  gardent  seulement  l'apparence  de  simples  formations 
conjonctives.  Henri  Fournier. 

FRAMBOISE. I.  Botanique.  —Fruit  multiple  du  Fram- 
boisier (V.  ce  mot). 

IL  Economie  domestique.  —  Les  framboises  sont  des 
fruits  rafraîchissants,  acidulés  et  sucrés  que  Ton  mange^ 
ordinairement  mélangés  avec  des  fraises  ou  des  groseilles, 
ou  avec  beaucoup  de  sucre  et  de  la  crème  pour  corriger  le 
principe  acide  qu'elles  renferment.  Leur  conservation  à 
l'état  frais  est  difficile,  car  elles  fermentent  rapidement.  On 
en  fait  d'excellentes  liqueurs,  des  confitures,  des  gelées, 
des  glaces,  des  sirops  et  une  sorte  de  vin.  Elles  entrent 
aussi  dans  la  composition  d'un  vinaigre  parfumé.  Le  sirop 
de  framboises  s'obtient  avec  deux  tiers  de  framboises  et 
un  tiers  de  groseilles.  Le  ratafia  de  framboises  se  prépare 
en  mélangeant  600  gr.  de  jus  de  framboises  avec  100  gr. 
de  jus  de  cerises,  1  kilogr.  de  sucre  et  2  litres  d'eau-de- 
vie  ;  on  laisse  reposer  et  on  met  en  bouteilles.  Pour  faire 


le  vin,  on  écrase  ensemble  dans  un  mortier  1 5  kilogr .  de  fram- 
boises rouges  et  3  kilogr.  de  groseilles  fraîchement  cueillies 
et  débarrassées  de  leurs  queues  et  de  leurs  grappes.  Après 
vingt-quatre  heures  de  repos,  on  ajoute  500  gr.  de  sucre  par 
litre  de  jus  et  un  demi-litre  d'eau-de-vie.  On  mélange  bien  et 
on  laisse  reposer  jusqu'à  l'époque  où  l'on  peut  se  procurer  des 
mûres.  Quand  ce  moment  est  arrivé,  on  prend  2ksô00  de  ces 
fruits  que  l'on  écrase  dans  un  litre  d'eau  et,  après  leur  avoir 
fait  jeter  un  bouillon,  on  laisse  reposer  trente-six  heures, 
puis  on  presse.  On  ajoute  250  gr.  de  sucre  et  30  centil. 
d'eau-de-vie  par  litre  de  liquide  obtenu  et  on  mélange  le  tout 
avec  la  liqueur  primitive.  Le  vin  de  framboise  n'est  bon  à 
boire  qu'au  bout  d'une  année  et,  dans  l'espace  de  six  ou 
sept  ans,  tout  le  parfum  du  fruit  se  trouve  absorbé. 

III.  Chimie  industrielle.  —  Essence  de  framboise 
(V.  Essence). 

FRAMBOISIER.  I.  Botanique.  —  Nom  vulgaire  du  Ru- 
bus  idœus  L.,  de  la  famille  des  Rosacées.  C'est  un  arbuste 
à  fleurs  blanches,  dont  les  rameaux  arqués,  cylindriques, 
très  glauques,  portent  des  aiguillons  sétacés,  droits,  peu 
robustes  et  des  feuilles  palmatiséquées,  à  trois  ou  cinq 
folioles  tomenteuses-argentées  en  dessous.  Le  fruit,  nommé 
Framboise,  est  un  fruit  multiple  formé  par  la  réunion, 
autour  d'un  réceptacle  conique,  blanchâtre  et  coriace,  d'un 
grand  nombre  de  petites  drupes  cohérentes,  d'un  rouge  clair 
à  la  maturité,  quelquefois  blanchâtre  ou  jaunâtre  ;  chacune 
de  ces  drupéoles  se  compose  d'un  mésocarpe  charnu  au  centre 
duquel  se  trouve  un  petit  noyau  strié,  renfermant  une  graine 
à  embryon  oléagineux. —  Le  Framboisier  croît  spontanément 
dans  les  bois  montueux  d'une  grande  partie  de  l'Europe  ainsi 
que  dans  le  nord  de  l'Asie  et  de  l'Amérique.  On  le  cultive 
en  grand  dans  les  jardins  et  en  plein  champ.  —  Le  F.  du 
Canada  est  le  Rubus  odoratus  L.  (V.  Ronce). 

II.  Horticulture.  —  Cet  arbrisseau  aime  les  sols  frais, 
fertiles,  de  consistance  moyenne  et,  surtout  dans  le 
Midi,  les  endroits  un  peu  ombragés.  La  culture  est  très 
simple.  On  l'obtient  de  graines  et  plus  généralement  de 
drageons  bien  enracinés  qu'on  sépare  des  pieds  mères  en 
automne.  Ces  drageons  sont  rabattus  à  0m30,  plantés  dans 
des  trous  profonds  de  0m30  et  espacés  de  1  m.  à  lm50 
selon  la  vigueur  des  variétés  et  la  fertilité  du  sol.  Durant 
la  première  année  on  supprime  les  fleurs  que  les  jeunes 
plants  peuvent  donner.  On  favorise  ainsi  leur  développe- 
ment et  la  production  de  nouveaux  drageons.  La  plantation 
ayant  pris  possession  du  sol,  les  soins  à  lui  donner  chaque 
année  consistent  à  enlever  les  vieilles  tiges  et,  d'avril  en 
juillet,  tous  les  drageons  qui  sortent  en  excès.  Il  convient 
de  n'en  conserver  que  trois  ou  quatre  par  touffe  pour  obte- 
nir une  belle  fructification.  On  les  taille  à  0m80  et  on  les 
soutient  par  des  tuteurs.  On  bine  pendant  la  belle  saison 
et  on  donne  un  labour  en  automne.  Quand  la  plantation 
commence  à  s'user,  ce  qui  peut  arriver  vers  quatre  ou  cinq 
ans  si  les  soins  et  les  engrais  qu'on  lui  donne  ne  sont  pas 
suffisants,  il  faut  la  renouveler.  La  multiplication  par  semis 
se  fait  en  mars  sur  un  terrain  bien  préparé.  Les  jeunes 
plants  sont  repiqués  eu  place  l'hiver  suivant.  Ils  fructifient 
vers  la  quatrième  année.  On  pratique  le  semis  pour  obtenir 
de  nouvelles  variétés.  G.  Boyer. 

III.  Thérapeutique. —  Les  propriétés  médicales  des  fram- 
boises sont  semblables  à  celles  des  fraises  ;  elles  sont  ana- 
leptiques, humectantes,  adoucissantes,  rafraîchissantes  et 
laxatives  ;  on  en  fait  des  boissons  rafraîchissantes  dans  les 
maladies  fébriles,  les  angines,  dans  les  maladies  où  domine 
la  diathèse  hémorragique  (scorbut,  purpura,  etc.);  leur 
action  diurétique  les  a  fait  employer  contre  la  gravelle  et 
la  goutte.  Ingérées  en  trop  grande  quantité,  elles  peuvent 
déterminer  des  coliques  et  de  la  diarrhée  et  même  des  érup  • 
tions  cutanées.  Les  feuilles,  légèrement  astringentes,  peu- 
vent s'employer  dans  les  gargarismes  et  comme  détersives. 

FRAMBOIS1ÈRE  (La).  Corn,  du  dép.  d'Eure-et-Loir, 
arr.  de  Dreux,  cant.  de  Senonches;  287  hab. 

FRAMBOUHANS.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de 
Montbéliard,  cant.  de  Maîche;  617  hab. 


957  —  FRAMBOISE  —  FRANC 

FRAMÉCOURT.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
et  cant.  de  Saint-Pol-sur-Ternoise  ;  137  hab. 

FRAMÉE.  Courte  lance  dont  étaient  armés  les  guerriers 
francs.  La  framée  n'excédait  point  6  pieds  de  long  ;  son 
fer  aigu  et  plat,  en  forme  de  feuille  de  laurier,  avait  la 
longueur  de  la  main  ;  rétréci  en  son  talon,  il  formait  une 
douille  où  venait  s'emmancher  la  hampe  faite  ordinairement 
de  frêne.  Cette  sorte  de  pique  servait  autant  d'arme  d'hast 
que  d'arme  de  jet  ;  c'était  une  modification  du  javelot  des 
peltastes  grecs.  On  a  retrouvé  des  framées  dans  de  nom- 
breuses sépultures  franques,  notamment  à  Londinières. 
L'abbé  Cochet,  dans  la  Normandie  souterraine  (Paris, 
1855,  2  vol.  in-8),  a  figuré  et  décrit  de  ces  armes  qui  res- 
semblent aux  javelots  dits  gœsum,  mais  en  diffèrent  par 
leurs  hampes  de  bois,  tandis  que  ces  derniers  sont  entière- 
ment en  fer  et  ont  une  pointe  moins  allongée. 

FRAMERIES.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr. 
de  Mons  ;  11,000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Mons  à 
Paris.  Exploitation  de  mines  et  carrières.  Le  10  avr.  1879 
une  terrible  explosion  de  grisou  se  produisit  à  Frameri es,  au 
charbonnage  de  l'Agrappe,  et  fit  plus  de  cent  vingt  victimes. 

FRAMERVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Péronne,  cant.  de  Chaulnes;  427  hab. 

FRAMICOURT.Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Abbe- 
ville,  cant.  de  Gamaches;  238  hab. 

FRAMONA.  Localité  d'Abyssinie,  prov.  de  Tigré,  près 
d'Adoua,  à  2,070  m.  d'alt.  Ruines  d'un  couvent  fondé  par 
les  jésuites  en  1559,  évacué  en  1633,  qui  fut  le  centre  de 
la  propagande  catholique  en  Abyssinie. 

FRA  MORIALE  (V.  Moriale). 

FRAMPAS.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Wassy,  cant.  de  Montier-en-Der  ;  226  hab. 

FRAMPTON  (Mary),  femme  de  lettres  anglaise,  née  à 
Moreton  (Dorsetshire)  en  1773,  morte  le  12  nov.  1846. 
Fort  intelligente  et  fort  instruite,  elle  est  connue  pour  avoir 
écrit  un  journal  où  abondent  les  renseignements  curieux 
sur  la  cour  de  George  III,  les  débuts  de  la  Révolution 
française,  le  voyage  des  souverains  alliés  à  Londres,  en 
1814,  et  des  anecdotes  sur  les  plus  grands  personnages  du 
temps,  entre  autres  miss  Edgeworth,  Napoléon  et  Marie- 
Louise,  Charles  X,  etc.  Ce  Journal  from  the  year  1119 
until  the  year  1846  (Lon- 
dres, 1885)  a  été  publié  par 
la  nièce  de  l'auteur,  Geor- 
gina  Mundy. 

FRAMYNGHAM  (Wil- 
liam), écrivain  anglais,  né  à 
Norwich  enfévr.  1512,  mort 
le  25  sept.  1537.  Il  professa 
au  Queen's  Collège  de  Cam- 
bridge. Il  a  écrit  en  latin  des 
traités  dont  le  Dr  John  Caius 
nous  a  conservé  la  liste  :  De 
Continentia  (prose) ,  De 
Consolatione  ad  JEmilia  - 
num  Cœcum  (vers),  D. 
Laurentii  martyr ium 
(vers),  cEx7i:\5pto>aiç  sive 
Incendium  Sodomorum 
(vers),  Idolatria  {vers), 
'Aps'TT)  (vers),  Epigram- 
matum  lib.  IL 

FRANC  (Métrol.  et  nu- 
mism.).  Nom  donné  à  di- 
verses monnaies  françaises 
depuis  le  xive  siècle  jusqu'à 
nos  jours,  ayant  pour  ca- 
ractère commun  de  valoir 
20  sols.  La  première  pièce 
qui  ait  été  appelée  franc 
était  une  monnaie  d'or  dont 

le  roi  Jean  ordonna  l'émission  par  lettres  du  5  déc.  1360. 
Cette  ordonnance  porte  que  l'on  frappera  des  «  deniers  d'or 


Fig.l.-IOIIANNESiDEI  : 
GRACIA  :  FRANCORV  : 
REX.  Le  roi,  en  costume 
chevaleresque,  à  cheval, 
galopant  à  gauche,  bran- 
dissant une  épée.  — 
tf  +  XPOVINCLT-XPC- 
REGNAT  •  XPC  •  1MPE- 
RAT.  Croix  fleuronnée. 


FRANC 


-  9B8  - 


fin  qui  seront  appelés  francs  d'or  fin,  lesquels  auront  cours 
pour  20  sols  tournois  la  pièce  et  de  63  de  poids  au  marc 
de  Paris  »  (V.  fig.  1). 

Sous  le  règne  de  Charles  V,  cette  pièce  fut  dite  franc  à 
cheval  pour  la  distinguer  d'une  autre  pièce  de  même  valeur, 


Fig.  2.  —  Franc  à  pied  de  Charles  V. 

que  le  peuple  appela  franc  à  pied  (fig.  2),  créée  le  5  mai 
1365  sous  le  nom  de  denier  d'or  aux  fleurs  de  lis.  Le 
franc  n'apparaît  plus  après  le  règne  de  Charles  VI  comme 
monnaie  réelle  ;  mais  cette 
expression  continua  de 
désigner  une  somme  de 
20  sols  tournois.  De  sorte 
que  lorsque  le  31  mai  1575 
Henri  III  interdit  la  fabri- 
cation des  testons  pour  les 
remplacer  par  des  pièces 
de  20  sols,  on  donna  à  ces 
pièces  d'argent  le  nom  de 
francs.  Ces  francs  étaient 
au  titre  de  10  deniers  d'ar- 
gent fin,  à  la  taille  de  17 
pièces  1/4  au  marc.  La 
livre  de  compte  devenait 
donc  à  nouveau  une  mon- 
naie réelle,  comme  elle 
l'avait  été  au  xive  siècle  ; 
mais,  tandis  qu'en  1360 
elle  était  représentée  par 
une  pièce  d'or,  en  1575 
elle  l'était  par  une  pièce 
d'argent  (V.  fig.  3). 

On  fabriqua  des  demi- 
francs  et  des  quarts  de 
franc  au  même  type,  va- 
lant respectivement  10  et 
5  sols.  On  frappa  encore 
des  francs  sous  Henri  IV 
et  Louis  XHI.  Mais  sous 
Louis  XIV  les  pièces  de 
20  sols  ne  portent  plus  le 
nom  de  franc.  Le  mot 
franc  continua  de  dési- 
gner 1  livre  ou  20  sols. 
On  disait  indifféremment  tant  de  livres  ou  tant  de  francs. 
Depuis  l'an  III,  le  franc  est  l'unité  monétaire  réelle  (fig.  4). 
La  loi  du  18  germinal  an  III  porte  :  «  L'unité  des  mon- 


Fig.  3.-  HENRICVS  •  III  •  D  • 
G-FRANC  •  ET  •  POL  -REX 
(la  date).  Buste  du  roi,  lauré, 
de  profil  à  droite;  sous  le 
buste,  la  lettre  indiquant  l'a- 
telier monétaire. —  i^  +  SI-T* 
NOMEN  •  DOMINI  •  BENE- 
DICTVM.  Croix  dont  le 
centre  est  formé  par  un  H  et 
les  bras  par  des  fleurons 
fleurdelisés. 


Fig.  4.  —  Franc  du  Consulat. 

naies  prendra  le  nom  de  franc  pour  remplacer  celui  de 
livre  usité  jusqu'aujourd'hui.  »  Dans  le  système  métrique 
décimal,  le  franc  se  divise  en  10  décimes  et  le  décime  en 


10  cent.  La  pièce  d'un  franc  est  en  argent;  elle  pèse  5  gr. 
(loi  du  28  thermidor  an  III).  La  différence  du  franc  à  la  livre 
tournois  était  d'un  80e.  Ainsi,  un  franc  équivalait  à  1  livre 
3  deniers  tournois  (V.  Système  métrique).       M.  Prou. 

FR ANC-Alleu  (Droit)  (V.  Alleu). 

F R ANC-Archer  (V.  Archers  [Francs-]). 

FRANC-Canton  (Blas.).  Pièce  honorable,  semblable  au 
franc-quartier  diminué  et  au  canton  un  peu  agrandi  ;  c'est 
une  marque  d'ancienne  franchise  et  souvent  une  concession 
du  souverain.  En  réalité,  il  occupe  l'espace  laissé  vide 
par  la  croix  et  on  l'appelle  franc  parce  qu'il  est  le  seul  de 
son  espèce  sur  l'écu  ;  il  est  d'ordinaire  placé  en  haut  à 
dextre,  mais  il  peut  l'être  autrement,  ce  qu'il  faut  spéci- 
fier. Contrairement  au  franc-quartier,  il  peut  servir  de 
brisure  :  d'argent  au  franc-canton  de  gueules. 

FRANC-Carreau.  Jeu  de  hasard  mentionné  par  Buffon 
dans  son  Histoire  naturelle  et  qui  consiste  à  lancer  un 
disque  circulaire  au  hasard  sur  un  pavage  formé  de  poly- 
gones réguliers.  Le  joueur  qui  lance  le  disque  gagne  si  le 
disque  tombe  franc-carreau ,  c.-à-d.  s'il  ne  coupe  le 
périmètre  d'aucun  des  polygones  formant  le  pavage.  Le 
jeu  de  franc-carreau  a  été  le  point  de  départ  d'une  foule 
de  questions  intéressantes  concernant  le  calcul  des  proba- 
bilités et  en  particulier  au  problème  de  Y  aiguille;  si  l'on 
trace  sur  un  plancher  des  droites  parallèles  équidistantes 
et  si  on  lance  au  hasard  sur  ce  plancher  une  aiguille,  elle 
rencontrera  ou  ne  rencontrera  pas  l'une  des  parallèles  ;  la 

2/ 
probabilité  de  la  rencontre  est —  ,  l  désignant  la  longueur 

de  l'aiguille  et  a  la  distance  de  deux  parallèles;  il  en  résulte 
un  moyen  expérimental  pour  la  détermination  du  nombre  rc. 
Si  en  effet  on  lance  un  grand  nombre  de  fois  sur  un  plan- 
cher, comme  celui  dont  il  vient  d'être  question,  une  aiguille 

de  longueur  -  et  si  l'on  divise  le  nombre  total  des  épreuves 

par  le  nombre  de  fois  que  l'aiguille  rencontre  un  parallèle, 
on  trouvera  un  nombre  d'autant  plus  voisin  de  tc  que  le 
nombre  des  épreuves  sera  plus  grand.  Mais  nous  devons 
avertir  le  lecteur  que  ce  procédé  pour  le  calcul  de  %  est 
fort  long;  ainsi  pour  obtenir  deux  décimales  exactes  il 
faudrait  faire  plus  de  dix  mille  épreuves.  H.  L. 

Bibl.  :  Buffon,  Histoire  iiaturelle.  —  Bertrand,  Calcul 
différentiel  et  intégral,  2  vol.  —  Laplace,  Théorie  analy- 
tique de  probabilités . 

FRANC-Bord  (V.  Pêche). 

FRANC-Bourgeois.  Nom  qu'on  donnait  fréquemment 
pendant  le  moyen  âge  à  ceux  des  habitants  qui  jouissaient 
des  franchises  de  bourgeoisie,  et  particulièrement  à  ceux 
qui,  dépendant  du  roi  ou  d'un  seigneur  laïque  ou  ecclé- 
siastique, ne  participaient  pas  aux  charges  municipales 
(V.  Bourgeois). 

franc-Fief  (V.  Fief). 

FR  ANC-Homme  (Ane.  dr.  fr.).  Nom  qui  servait  ancien- 
nement à  désigner  tous  ceux  qui  possédaient  des  fiefs, 
qu'ils  fussent  nobles  ou  roturiers.  Il  y  avait  toutefois  entre 
les  uns  et  les  autres  cette  différence  que  les  nobles  jouis- 
saient d'une  franchise  absolue,  tandis  que  les  roturiers 
n'étaient  francs  qu'autant  qu'ils  demeuraient  sur  leurs 
fiefs.  Dans  ce  dernier  cas,  on  en  vint  à  appeler  le  fief  un 
franc-fief.  La  franchise  des  nobles  consistait  dans  l'exemp- 
tion des  servitudes  auxquelles  les  roturiers  étaient  ordi- 
nairement assujettis.  Les  roturiers  eux-mêmes,  quand  ils 
demeuraient  sur  leur  fief,  avaient  cet  avantage  de  ne  pou- 
voir être  ajournés  du  soir  au  matin  ou  du  matin  au  soir, 
comme  les  autres  roturiers,  mais  à  quinzaine,  comme  les 
nobles.  Il  est  question  de  cette  franchise  que  communi- 
quaient les  fiefs,  dans  :  Jean  Bouthillier  (Somme  rurale, 
liy.  II,  tit.  10);  Philippe  de  Beaumanoir  (chap.  xlvi); 
Pierre  de  Fontaines  (chap.  m,  5).  D'après  ce  dernier  texte, 
la  possession  d'une  terre  noble  n'anoblissait  pas,  mais 
donnait  seulement  «  franchise  à  l'homme  roturier,  qui  tant 
qu'il  couche  et  liève  sur  son  franc-fief,  est  mené  par  la 
loi  de  franchise  là  où  il  se  tient  ».  Néanmoins,  le  fait 


même  de  la  teniire  féodale  a  pendant  longtemps  été  une 
cause  d'anoblissement  (V.  Fief).  G.  R. 

FRANC-Juge  (V.  Juge). 

FR ANC-Quartier  (Blas.).  Pièce  héraldique  occupant  le 
quart  de  l'écu  ;  c'est  le  premier  quartier  de  l'écu  écartelé 
ou,  autrement  dit,  la  partie  dextre  du  chef  de  l'écu  divisé 
en  quatre  ;  il  doit  être  d'un  autre  émail  que  le  champ  et  ne 
peut  jamais  être  employé  comme  brisure.  Le  franc-quartier 
joue  un  grand  rôle  dans  les  armoiries  concédées  par  le 
premier  Empire.  Les  hautes  fonctions  des  grands  digni- 
taires s'y  trouvaient  indiquées  par  des  francs-quartiers  spé- 
ciaux :  d'azur,  au  franc-quartier  d'argent  (V.  Blason). 

FRANC-Tireur.  I.  Art  militaire.  —  Les  francs-tireurs 
sont  des  corps  de  troupes  volontaires  qui  s'organisent  généra- 
lement dans  un  pays  envahi,  pour  faire  la  guerre  de  partisans, 
éclairer  les  armées  régulières,  inquiéter  les  communications 
de  l'ennemi,  attaquer  ses  convois,  surprendre  ses  détache- 
ments, etc.  Si  le  dévouement,  le  désintéressement  et  l'ardeur 
patriotique  les  animent,  ils  peuvent  rendre  de  grands  ser- 
vices ;  si,  au  contraire,  il  se  glisse,  en  quantité  notable, 
parmi  eux,  des  gens  qu'attirent  seuls  le  goût  des  aventures, 
l'amour  du  lucre  et  du  pillage  et  la  répugnance  à  se  plier 
aux  règles  de  la  discipline  qui  les  attendent  dans  l'armée 
régulière,  ils  sont  la  pire  des  choses.  Il  y  eut  des  uns  et 
des  autres,  chez  nous,  pendant  la  guerre  de  4870-71. 
Nous  citerons  parmi  les  premiers  les  francs-tireurs  de 
Paris  (Lipowski),  de  Cannes  et  de  Nantes  qui  défendirent 
Châteaudun,  et  les  partisans  sortis  de  la  place  de  Langres 
qui,  sous  le  commandement  d'hommes  résolus  comme  le 
commandant  Bernard  et  le  capitaine  Coumès,  firent  sauter 
te  pont  de  Fontenoy.  Ed.  Sergent. 

II.  Droit  international  (V.  Guerre). 

FRANC  (Martin  Le)  (V.  Le  Franc). 

FRANC  de  Bruges  (Le)  (V.  Bruges). 

FRANCA-Trippa.  Personnage  scénique  dont  le  nom  in- 
dique suffisamment  l'origine  italienne,  type  de  farceur 
qui  fut  fameux  à  Paris  dès  le  xvie  siècle.  Il  y  avait  été 
importé  par  un  bouffon  excellent,  Gabriello  de  Bologne,  qui 
faisait  partie  de  la  troupe  des  Gelosi,  que  Henri  III  avait 
appelé  d'Italie  en  France  en  1576.  On  assure  que  ce  Ga- 
briello était  précisément  l'inventeur  du  type  de  Franca- 
Trippa,  sur  lequel  d'ailleurs  on  n'a  aucun  renseignement 
précis.  Le  souvenir  s'en  est  uniquement  conservé  chez 
nous  par  l'admirable  dessin  de  Callot,  qui,  dans  ses  Balli 
di  Sfessania,  a  représenté  le  personnage  en  son  costume 
traditionnel,  avec  sa  casaque,  son  pantalon  flottant,  son  nez 
crochu,  son  menton  pointu,  son  chapeau  à  double  plume 
et  sa  batte,  exécutant  une  de  ses  gambades  familières. 

FRANÇAIS  (Dr.  civ.)  (V.  Citoyen  et  Nationalité). 

FRANÇAIS  (Théâtre)  (V.  Comédie-Française). 

FRANÇAIS  comique  et  lyrique  (Théâtre-)  (V.  Théâtre- 
Français). 

FRANÇAIS  (François-Louis) ,  éminent  paysagiste  français 
contemporain,  né  à  Plombières  (Vosges)  le  17  nov.  1814. 
Ses  débuts  dans  la  vie  furent  pénibles.  Venu  à  Paris  à  l'âge 
de  quinze  ans,  il  dut  accepter  un  emploi  infime  dans  une 
librairie,  et  il  consacrait  ses  loisirs  à  l'étude  du  dessin.  Au 
bout  de  quelques  années,  il  put  se  créer  des  ressources  suf- 
fisantes en  fournissant  des  dessins  d'illustration  à  des  édi- 
teurs. Il  entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts  le  12  avr.  1834,  et 
fut  ensuite  élève  de  Corot  et  de  Jean  Gigoux.  Ses  premières 
toiles,  exposées  aux  Salons  de  1837  et  de  1838,  furent 
exécutées  en  collaboration  avec  H.  Baron  pour  les  figures. 
Son  Jardin  antique  (S.  1841;  musée  de  Plombières) 
commença  sa  réputation,  et  son  talent  de  paysagiste  s'affirma 
d'année  en  année.  De  cette  première  période  de  sa  carrière,  il 
faut  retenir  :  Saint-Cloud,  étude,  avec  depetites  figures  par 
Meissonier  (S.  1846),  et  aussi  de  très  remarquables  litho- 
graphies d'après  Th.  Rousseau,  Marilhat,  J.  Dupré,  etc.  Il 
alla  ensuite  en  Italie  et  les  deux  paysages  qu'il  envoya  au 
Salon  de  1848  furent  très  admirés.  Dans  son  œuvre 
considérable  se  distinguent  surtout  les  tableaux  suivants  : 


—  989  —  FRANC  —  FRANC-ALLEU 

la  Fin  de  l'Hiver  (S.  1853;  musée  du  Luxembourg); 
Soleil  couchant,  Souvenir  d'Italie  et  un  Sentier  dans 
les  blés,  plateau  d'Ormesson  (S.  1855);  Vue  prise 
au  Bas-Meudon  (acquis  par  le  prince  Napoléon)  ;  le  Soir, 
bords  de  la  Seine  (au  musée  d'Epinal);  Au  Bord  de 
Veau,  environs  de  Paris  (musée  de  Nantes),  œuvres 
exposées  au  S.  de  1861  ;  Orphée  (S.  1863  ;  musée  du  Luxem- 
bourg), et  surtout  Daphnis  et  Chloé,  regardé  comme  le 
chef-d'œuvre  de  l'artiste  (S.  1872  ;  même  musée).  Il  ne  faut 
point  oublier  les  nombreuses  gravures  sur  bois  exécutées 
d'après  ses  dessins  pour  l'édition  de  Curmer  de  Paul  et  Vir- 
ginie, pour  Boland  furieux,  pour  la  Jérusalem  délivrée, 
pour  le  Magasin  pittoresque,  pour  les  Chansons  popu- 
laires des  provinces  de  France,  pour  la  Touraine  et  les 
Jardins  de  l'éditeur  Marne,  etc.  ;  de  même  que  sa  décora- 
tion de  la  chapelle  des  fonts  baptismaux  à  l'église  de  la  Tri- 
nité à  Paris.  Ses  principales  œuvres  ont  été  reproduites  par 
la  gravure,  la  lithographie  et  par  des  procédés  variés. 

M.  Français  est  un  des  maîtres  du  paysage,  où  il  brille 
par  des  qualités  de  premier  ordre.  C'est  un  éclectique  plein 
de  charme,  sachant  allier  les  principes  essentiels  de  l'idéa- 
lisme avec  les  saines  impressions  de  la  réalité,  aussi  bien 
par  le  choix  de  ses  sujets  et  le  goût  dans  la  composition 
que  par  le  sentiment  d'une  poésie  intense  qu'il  y  fait  péné- 
trer, par  la  touche  fine  et  légère  de  son  pinceau  et  par  une 
grande  probité  d'exécution,  qui  ne  laisse  rien  d'indécis.  Quoi- 
qu'il ait  emprunté  nombre  des  sujets  de  ses  tableaux  à  des 
contrées  diverses,  surtout  à  l'Italie,  il  est  toujours  resté  le 
peintre  favori  des  rives  de  la  Seine  et  de  la  campagne  pa- 
risienne. Il  succéda,  en  1890,  à  Robert-Fleury  à  l'Acadé- 
mie des  beaux-arts.  G.  Pawlowski. 

FRANÇAIS  de  Nantes  (V.  François  de  Nantes). 

FRANÇAISE  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Tarn-et- 
Garonne,  arr.  de  Montauban,  sur  la  rive  droite  du  Tarn  ; 
3,197  hab.  Ancienne  bastide  construite  par  les  officiers  de 
Philippe  le  Hardi  sur  un  terrain  concédé  par  la  famille  de 
Saint-Geniès.  La  charte  de  coutumes,  dont  une  ancienne 
traduction  française  très  défectueuse  a  été  publiée  par  Mary- 
Lafon  {Antiquaires  de  France,  Mémoires,  t.  XVI)  porte 
la  date  de  juil.  1275.  Tout  près  de  la  nouvelle  bastide 
existait  anciennement  un  prieuré  dépendant  de  l'abbaye  de 
Moissac,  Saint-Pierre-de-Bénas,  qui  servit  longtemps  de 
paroisse,  concurremment  avec  l'église  Notre-Dame  de  la 
Peyrouse  (citée  dès  1065).  L'église  paroissiale,  dédiée  à 
saint  Georges,  ne  paraît  pas  avant  la  fin  du  xve  siècle.  La 
Française  fut  dès  la  fin  du  xme  siècle  cédée  par  le  roi  aux 
comtes  de  Périgord  et  rattachée  par  ceux-ci  à  la  baronnie 
de  Caussade.  En  1306,  le  comte  Hélie  de  Talleyrand  con- 
firma les  privilèges  de  la  ville  ;  un  peu  plus  tard,  elle 
tomba  aux  mains  des  Anglais,  et  resta  en  leur  pouvoir 
pendant  plus  de  deux  ans  ;  elle  fut  reprise  par  les  Français 
sous  Aimeri  de  Rochechouart  eirnov.  1352.  Auxvr3  siècle, 
la  ville  eut  également  à  souffrir  des  guerres  de  religion,  et  les 
Montalbanais  l'occupèrent  à  main  armée  en  1567  et  16y26. 

Bibl.  :  D.  Vaissète,  Histoire  de  Languedoc,  nouv.  éd., 
IX,  passif)!.  —  Moulenq,  Documents  historiques  sur  le 
Tarn-e'c-Garonne,  III,  78  et  suiv.  —  Curie-Seimbres,  Essai 
sur  les  bastides,  p.  219. 

FRANÇAISE  (Rivière)  ou  FRENCH  River.  Rivière  du 
Canada,  prov.  d'Ontario  ;  elle  porte  au  lac  Huron  (baie 
Géorgienne)  les  eaux  du  lac  Nipissing  ;  son  cours  de 
90  kil.  n'est  guère  qu'un  chapelet  de  lacs  séparés  par 
des  rapides. 

FRANC-ALLEU.  Ancien  pays  de  France,  aujourd'hui 
compris  dans  le  dép.  de  la  Creuse,  sur  les  confins  du  Puy- 
de-Dôme.  Ce  petit  pays  s'étendait  sur  une  vingtaine  de  com- 
munes groupées  autour  de  Bellegarde,  Crocq  et  Mainsat, 
plus  quelques  villages  qui,  par  une  de  ces  bizarreries  fré- 
quentes dans  la  géographie  administrative  de  la  France 
avant  1789,  étaient  près  de  Bourganeuf,  à  plus  de  40  kil. 
du  reste  du  Franc-Alleu.  Quelques-unes  de  ces  communes 
étaient  du  diocèse  de  Clermont,  la  plupart  du  diocèse  de 
Limoges.  Le  Franc-Alleu  se  considérait  comme  une  sub- 


FRANC-ALLEU  —  FRANCE 


—  960 


division  de  la  province  d'Auvergne  et  ressortissait  primi- 
tivement à  Riom  ;  il  fut  rattaché  à  Guéret  au  moment  de 
la  création  du  présidial  de  cette  vdle,  en  4635.  Au  point 
de  vue  financier,  le  Franc-Alleu  fit  d'abord  partie,  au 
commencement  du  xve  siècle ,  de  l'élection  du  Haut- 
Limousin,  puis  il  fut  érigé  en  circonscription  distincte,  réuni 
derechef  au  Haut-Limousin  (fin  du  xve  siècle)  et  enfin 
incorporé  à  l'élection  d'Evaux  en  Combraille.  L'origine  du 
Franc-Alleu  est  assez  obscure  :  ce  petit  pays  paraît  s'être 
séparé  de  la  Combraille  au  xive  siècle.  La  capitale  était 
Bellegarde,  ville  franche  dont  la  fondation  remonte  peut- 
être  à  Alphonse  de  Poitiers.  A.  Thomas. 

FRANCALMONT.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône, 
arr.  de  Lure,  cant.  de  Saint-Loup  ;  278  hab. 

FRANCARVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Villefranche-de-Lauragais,  cant.  de  Caraman; 
510  hab. 

FRANCASTEL  (Francum  Castrum).  Corn,  du  dép. 
de  l'Oise,  arr.  deClermont,  cant.  de  Crèvecœur;  2,293  hab. 
Ce  lieu  était  une  ancienne  châtellenie  du  comté  de  Breteuil  ; 
il  avait  un  château  important  qui  était  encore  debout  au 
xvie  siècle  et  dont  quelques  restes  subsistent  encore  ;  le 
village  lui-même  était  fortifié.  L'église  est  romane,  en  par- 
tie du  xne  siècle.  On  a  trouvé  dans  le  pays  de  nombreux 
sarcophages.  Filature  de  laine.  C.  Sx-A. 

FRANCASTEL  (Marie-Pierre -Adrien),  homme  politique 
français,  né  à  une  date  inconnue,  mort  à  Paris  le  9  mars 
1831.  Administrateur  du  district  d'Evreux,  élu  par  le  dép. 
de  l'Eure  premier  suppléant  à  la  Convention  (9  sept.  4792), 
il  ne  fut  appelé  à  siéger  que  le  27  juin  1793  en  remplace- 
ment de  Buzot  proscrit.  Il  prit  place  dans  les  rangs  de  la 
Montagne  et  fut  adjoint  le  4  juil.  au  comité  de  Salut  public 
pour  aider  par  sa  connaissance  des  lieux  à  la  répression 
du  mouvement  girondin  en  Normandie.  Le  13  oct.,  il  partit 
en  mission  à  l'armée  de  l'Ouest  avec  Carrier,  Bourbotte, 
Pinet  et  Turreau.  Il  se  rendit  fameux  par  ses  rigueurs  et 
par  l'exagération  de  son  langage  et  de  son  style.  Il  révo- 
lutionna Angers  et  annonça  de  cette  ville  à  la  Société  des 
Jacobins,  le  8  nivôse  an  II  (28  déc.  1793),  la  destruction 
de  la  Vendée.  «  Mes  frères,  s'écriait-il,  que  la  terreur  ne 
cesse  d'être  à  l'ordre  du  jour  et  tout  ira  bien.  »  A  Nantes, 
il  se  montra  l'émule  de  Carrier.  Il  avait,  le  49  nivôse 
(8  janv.  1794),  sollicité  son  rappel  pour  raison  de  santé  ; 
il  adressa  à  la  Convention,  conjointement  avec  Hentz,  un 
rapport  sur  leur  mission  en  Vendée  et  rentra  à  Paris.  Il 
devint  secrétaire  de  l'Assemblée  le  i er  prairial  an  II  (20  mai 
1794),  fut  dénoncé  par  la  Société  populaire  d'Angers 
comme  complice  de  Carrier  le  22  thermidor  an  III  (9  août 
1795),  se  justifia  et  ne  fut  pas  inquiété.  Non  réélu  aux 
Conseils,  Francastel  devint  commissaire  du  gouvernement 
sur  les  frontières  d'Espagne  pour  l'introduction  des  béliers 
de  race  espagnole,  puis  entra  au  ministère  de  la  guerre, 
d'où  il  sortit  en  même  temps  que  Bernadotte  (15  sept. 
1799).  En  1806,  si  on  en  croit  la  Biographie  de  Leipzig, 
il  dirigeait  la  ménagerie  de  Versailles.  Il  vécut  obscuré- 
ment et  sollicita  de  Carnot  pendant  les  Cent-Jours,  comme 
ex-conventionnel,  une  place  dans  une  bibliothèque  ou 
dans  un  ministère  (lettre  datée  de  Versailles  le  8  mai 
1815).  Etienne  Charavay. 

Bibl.  :  Moniteur.  —  Jacques  Charavay,  Catalogue  ré- 
volutionnaire. —  L'Amateur  d'autographes,  n°  112,  p.  248. 

FRANCAV1LLA  ou  FRANCHEVILLE  (Pierre),  sculpteur 
des  xvie-xvne  siècles  (V.  Francheville). 

FRANÇAY.  Corn,  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de  Blois, 
cant.  d'Herbault;  446  hab. 

FRANCAZAL.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Saint-Gaudens,  cant.  de  Salies-du-Salat  ;  67  hab. 

FRANCE.  GEOGRAPHIE  PHYSIQUE.  —  Limites  et 
superficie. — La  France  est  un  des  Etats  de  l'Europe.  Elle 
est  située  dans  l'hémisphère  du  Nord,  dans  la  partie  occiden- 
tale de  l'Europe;  d'une  part  entre  54° 5/  (à  Zuydcoote,  au 
N.  de  Dunkerque)  et  42°  20'  (au  S.  du  Puigmal)  de  lat.; 


d'autre  part  entre  7°  8' de  long.  0.  (à  la  pointe  de  Corsen) 
et4°52'  de  long.  E.  (à  la  frontière  des  Vosges).  Le  con- 
tour de  la  France  peut  être  inscrit  dans  un  hexagone.  Le 
côté  N.-O.,  du  village  de  Zuydcoote  à  la  pointe  de  Corsen, 
est  baigné  parla  mer  du  Nord,  le  pas  de  Calais  et  la  Manche 
(la  côte  française  est  échancrée  à  l'intérieur  de  cette  ligne 
géométrique  par  la  baie  de  la  Seine  et  le  golfe  de  Saint- 
Malo)  ;  le  côté  0.,  de  la  pointe  de  Corsen  à  l'embou- 
chure de  la  Bidassoa,  est  baigné  par  l'océan  Atlantique  et 
le  golfe  de  Gascogne  (cette  ligne  géométrique  est  la  corde 
de  l'arc  formé  par  la  côte  française);  le  côté  S.-O.,  de  l'em- 
bouchure de  la  Bidassoa  au  cap  Cerbère  est  une  frontière 
de  terre  entre  la  France  et  l'Espagne,  limitée  par  les  Pyré- 
nées ;  le  côté  S.-E.,  du  cap  Cerbère,  au  pont  Saint-Louis, 
extrémité  de  la  commune  de  Menton,  est  baigné  par  la 
Méditerranée  (sur  cette  ligne  géométrique  le  golfe  du  Lion 
forme  un  enfoncement  et  la  côte  de  Provence  une  saillie)  ; 
le  côté  E.,  du  pont  Saint-Louis  au  mont  Donon  (Vosges), 
est  une  frontière  de  terre  entre  la  France  et  l'Italie  for- 
mée par  la  crête  principale  des  Alpes,  entre  la  France  et 
la  Suisse  formée  par  l'une  des  crêtes  du  Jura,  entre  la 
France  et  l'Alsace  (Empire  allemand)  formée  par  les  Vosges  ; 
le  côté  N.-E.,  du  Donon  à  Zuydcoote,  frontière  de  terre  entre 
la  France  et  l'Alsace-Lorraine  (empire  allemand) ,  entre 
la  France  et  le  grand-duché  de  Luxembourg,  entre  la 
France  et  la  Belgique.  Avant  Tannée  1871,  le  territoire 
français  s'étendait  au  N.-E.  jusqu'au  Rhin  et  comprenait 
l'Alsace  et  la  Lorraine  septentrionale,  c.-à-d.  un  territoire 
d'environ  14,500  kil.  q.  dont  la  guerre  de  1870-1871  a 
fait  une  possession  de  l'empire  allemand. 

La  plus  grande  longueur  du  territoire  français,  duN.  au 
S.,  depuis  le  point  où  la  frontière  commence  sur  la  côte  de 
la  mer  du  Nord  jusqu'à  la  Serre  de  la  Bague  de  Bourdeil- 
lat  (Pyrénées-Orientales),  est  de  973  kil.;  la  plus  grande 
largeur  de  l'O.  à  l'E.,  depuis  la  pointe  de  Corsen  jusqu'à 
la  crête  des  Vosges,  à  l'E.  du  village  de  Lubine,  est  de 
888  kil.  ;  la  diagonale,  de  la  pointe  de  Corsen  au  pont  Saint- 
Louis,  est  de  1,082  kil.  La  superficie  de  ce  territoire,  en  y 
ajoutant  la  Corse  (8,747  kil.  q.  d'après  Y  Annuaire  du 
Bureau  des  longitudes,  8,800  d'après  la  Situation 
financière  des  communes  en  1891),  n'est  pas  connue 
avec  une  parfaite  exactitude.  Le  nombre  de  528,400  kil.  q. 
(52,840,000  hect.)  donné  par  Y  Annuaire  du  Bureau 
des  longitudes  peut  être  regardé  comme  la  mesure  la 
plus  autorisée  jusqu'à  ce  jour.  Toutefois,  ce  nombre,  qui 
a  été  établi  d'après  les  superficies  cadastrales,  est  vrai- 
semblablement inférieur  à  la  réalité.  Les  superficies  données 
dans  des  documents  officiels  entre  les  années  1878  et  1886 
varient  de  52,700,680  hect.  {Situation  financière  des 
communes,  1878)  à  52,910,373  hect.  (résultat  d'un 
travail  fait  par  les  directeurs  des  contributions  directes). 
Le^général  Strelbitsky,  d'après  des  mesures  planimétriques 
qu'il  a  prises  avec  beaucoup  de  soin  pour  déterminer  la  su- 
perficie des  Etats  d'Europe,  a  trouvé  534,479  kil.  q.  En 
1  886,  le  Conseil  supérieur  de  statistique  a  émis  le  vœu  que 
la  mesure  planimétrique  des  départements  français  fût 
calculée  sur  la  carte  d'état-major  au  80,000e;  le  Service 
géographique  de  l'armée  a  entrepris  le  travail  et  trouvé  une 
superficie  de  536,408  kil.  q.  (les  résultats  de  ce  travail 
par  département  ont  été  publiés  ;  ils  ne  Font  pas  été  encore 
par  arrondissement)  (V.  pour  plus  de  détails  la  France 
et  ses  colonies,  par  E.  Levasseur,  1. 1,  p.  2,  et  t.  II,  p.  669). 
Dans  la  Situation  financière  des  communes  en  4891, 
le  ministre  de  l'intérieur  a  publié  les  résultats  d'une  revi- 
sion des  superficies  cadastrales  faites  dans  chaque  départe- 
ment par  le  préfet  et  par  le  service  des  contributions  directes; 
ces  superficies  ayant  varié  par  suite  de  la  réfection  du 
cadastre  d'un  certain  nombre  de  communes,  de  l'incorpo- 
ration au  cadastre  de  terrains  conquis  et  mis  en  valeur, 
comme  dunes  et  alluvions,  des  changements  que  des  ces- 
sions ont  fait  subir  à  quelques  départements  et  à  des  com- 
munes, le  total  de  ces  résultats  est  de  52,934,589  hect. 
Mais  il  faut  remarquer  qu'il  y  a  certaines  parties  du  ter- 


—   961 


FRANCE 


ritoire  qui  ne  sont  pas  cadastrées,  comme  les  estuaires 
des  fleuves  et  les  glaciers,  et  que  la  superficie  totale  de  la 
France  doit  être  par  conséquent  supérieure  à  la  superficie 
cadastrale. 

Trois  Etats  en  Europe  ont  une  superficie  plus  grande  que 
la  France  :  la  Russie  d'Europe  qui  est  environ  dix  fois 
plus  grande  ;  l'Autriche-Hongrie  (avec  la  Bosnie)  qui  est 
plus  grande  d'un  cinquième  ;  l'empire  allemand  qui  est 
plus  grand  d'environ  un  quarantième. 

Côtes.  —  Sur  les  six  côtés  de  la  France,  trois  sont 
baignés  par  la  mer. —  La  côte  de  la  mer  du  Nord, 
orientée  du  N.-E.  au  S.-O.,  est  une  plage  basse,  bordée  çà 
et  là  de  dunes;  la  mer  est  peu  *  profonde  ;  à  20  kil.  du 
rivage  les  navires  rencontrent  encore  de  dangereux  bancs 
de  sable.  Les  principaux  ports  sont  Dunkerque,  projetant 
au  loin  ses  deux  jetées,  Gravelines,  Calais,  tête  de  ligne  du 
service  postal  entre  la  France  et  l'Angleterre.  Le  détroit  dit 
pas  de  Calais,  nommé  canal  de  Douvres  (Dover  Channel) 
par  les  Anglais,  n'a  que  32  kil.  de  largeur  entre  les  deux 
côtes:  toutes  deux  so\it  hautes,  formées  de  terrain  crétacé, 
coupées  en  falaise,  minées  par  le  flot.  Celle  de  France  pro- 
jette à  ses  deux  extrémités  le  Blanc-Nez  (105  m.)  et  le 
Gris-Nez  (50  m.),  le  cap  Gris-Nez,  plus  saillant,  est  sur- 
monté d'un  phare  puissant.  La  côte  de  la  Manche  a  des 
aspects  divers.  Dans  le  Boulonnais  elle  est  généralement 
montueuse  et  bordée  de  falaises;  l'embouchure  de  la  Liane 
y  a  donné  naissance  au  port  de  Boulogne;  plus  au  S.  le  cap 
d'Alprech  porte  un  phare  d'une  longue  portée.  Au  S.  de  ce 
cap,  la  côte  du  Marquenterre  est  basse,  bordée  de  dunes  et  de 
marécages.  La  Candie,  YAuthie,  la  Somme  y  débouchent, 
cette  dernière  dans  une  grande  baie  vaseuse.  A  20  kil.  au 
S.  de  cette  baie  commence  le  pays  de  Caux  :  la  côte  se 
relève  et  présente  à  la  mer  une  muraille  de  falaises  cal- 
caires, hautes  d'une  centaine  de  mètres,  coupées  par  de 
verdoyants  vallons  où  coulent  les  rivières  et  où  se  trouvent 
Le  Iréport,  Dieppe,  Fécamp.  Un  peu  au  delà  à'Etretat, 
au  cap  d'Antifer,h  côte  tourne  au  S.-O.  jusqu'au  cap  de 
la  Hève,  pointe  terminale  de  la  falaise  du  pays  de  Caux, 
haute  de  405  m.,  surmontée  d'un  double  phare  électrique 
dont  la  lumière  porte  jusqu'à  50  kil.  en  mer.  Ce  cap  marque 
l'entrée  de  X estuaire  de  la  Seine  sur  les  rives  duquel  se 
trouvent  au  N.  le  grand  port  du  Havre  et,  au  S.,  le  petit 
port  de  Honfleur. 

La  baie  de  la  Seine  commence  au  cap  de  la  Hève  et 
s'étend  à  l'O.  jusqu'à  la  presqu'île  du  Cotentin.  On  y  trouve 
des  galets  du  côté  du  Havre,  des  plages  de  sable  ou  de  vase, 
quelques  roches  et  quelques  dunes,  en  arrière  de  l'Orne, 
des  falaises  ou  des  coteaux  verdoyants  ;  beaucoup  de  sta- 
tions balnéaires,  Irouville,  Villers-sur-Mer,  Cabourg, 
Courseulles,  etc.  La  Touques,  la  Dives,  Y  Orne  y  débou- 
,  client.  A  l'O.  de  l'embouchure  de  l'Orne  sont  les  rochers  à 
fleur  d'eau  auxquels  le  naufrage  d'un  des  navires  de  la  Grande 
Armada  a  fait  donner  le  nom  de  rochers  du  Calvados. 
L'embouchure  de  la  Vire  et  de  la  Taule  forme  une  large 
baie  vaseuse  où  sont,  à  l'entrée,  les  rochers  de  Grand- 
camp  et,  au  fond,  les  ports  tflsigny  et  de  Carentan.  A 
TO.  de  la  baie  commence  le  Cotentin,  longue  presqu'île 
qui  fait  saillie  dans  la  Manche  et  dont  la  côte  est  basse  et 
sablonneuse  jusqu'à  la  baie  de  la  Hougue,  en  face  de  la- 
quelle sont  les  îlots  de  Saint-Marcouf,  granitique  et 
abrupte  au  N.  de  Saint-Vaast  de  la  Hougue.  La  côte 
orientale  du  Cotentin  se  termine  un  peu  au  N.  de  Bar  fleur. 
La  côte  septentrionale  présente  à  ses  deux  extrémités  deux 
pointes,  la  pointe  de  Barfleur  à  l'E.,  la  pointe  de  la 
Hague  à  l'O.  et  au  centre  le  port  militaire  de  Cherbourg 
que  sa  belle  digue  ne  défend  plus  que  très  imparfaitement 
contre  l'artillerie  navale.  Sur  la  côte  occidentale  du  Cotentin, 
les  rochers,  les  plages  sablonneuses,  les  dunes  et  les  falaises 
alternent  ;  Granville  enveloppe  de  ses  constructions  une 
pointe  de  roc.  Les  îles  Anglo-Normandes  sont  en  face 
de  Granville;  elles  sont  séparées  du  Cotentin  par  le 
passage  de  la  Déroute  et  par  le  raz  Blanchart  où  la 
marée  détermine  des  courants  violents  et  variables.  Le  golfe 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


de  Saint-Malo  s'étend  entre  ces  îles,  le  Cotentin  et 
la  Bretagne  ;  on  y  voit  les  îles  Chausey  dont  la  plupart 
sont  des  rochers  inhabités,  et  le  rocher  desMinquiers.  La 
baie  du  mont  Saint-Michel,  qui  forme  le  fond  du  golfe, 
commence  au  S.  de  Granville  ;  elle  doit  son  nom  au  mont 
Saint-Michel,  rocher  conique,  surmonté  d'une  magnifique 
église,  enveloppé  d'un  village  ;  la  mer  en  fait  deux  fois 
par  jour  une  île,  ainsi  que  du  rocher  de  Tombelaine. 
Cette  baie  est  un  des  points  d'Europe  où  la  marée  s'élève 
le  plus  haut  (jusqu'à  45  m.)  et  se  retire  le  plus  loin  à 
marée  basse  (jusqu'à  7  kil.  aux  marées  d'équinoxe)  ;  trois 
rivières,  la  Sêe,  la  Selune  et  le  Couesnon  débouchent 
sur  la  grève  de  cette  baie. 

La  Bretagne  est  une  longue  presqu'île  qui  sépare  la 
Manche  de  l'Océan  ;  ses  côtes  sont  en  général  rocheuses, 
découpées  d'estuaires  et  de  baies,  semées  d'îles  et  peuplées 
de  pêcheurs.  A  l'O.  de  l'embouchure  du  Couesnon,  fron- 
tière de  la  Normandie  et  de  la  Bretagne,  se  trouve  la  baie 
de  Cancale,  avec  ses  parcs  aux  huîtres,  et  la  pointe  du 
Grouin;  plus  à  l'O.,  l'estuaire  delà  Bance,  derrière  lequel 
sont  les  ports  de  Saint-Malo,  de  Saint-Servan  et  la  station 
balnéaire  de  Dinard,  de  Cesambre,  couvert  par  un  rideau 
d'îles  rocheuses,  etc.  ;  puis  la  baie  de  Lancieux,  la  pres- 
qu'île de  Saint-Jacut,  la  baie  de  VArguenon,  le  cap  Frehel 
dont  la  falaise  escarpée  est  surmontée  d'un  beau  phare.  Au 
cap  oVErquy  commence  la  longue  échancrure  de  la  baie  de 
Saint-Brieuc  au  fond  de  laquelle  est,  à  l'embouchure  du 
Gouet,  le  Légué,  port  de  Saint-Brieuc.  Le  sillon  de  Tal- 
bert,  chaussée  de  cailloux,  forme  la  pointe  la  plus  septen- 
trionale de  la  Bretagne.  Au  delà  de  l'estuaire  du  Trieux 
sont  les  îlots  de  Bréhat  dont  le  plus  septentrional  est 
muni  d'un  phare  qui  guide  les  marins  dans  ces  parages 
dangereux,  la  pointe  du  Sillon,  les  Sept-Iles,  la  rivière 
et  la  ville  de  Morlaix,  la  pointe  de  Bloscon  qui  abrite 
Bosco ff  et  s'avance  vers  Vile  de  Batz.  La  côte  du  Finis- 
tère incline  au  S.  depuis  la  pointe  du  Four  et  présente  à 
la  mer  une  suite  de  rocs  dont  la  pointe  de  Corsen  est  l'ex- 
trémité occidentale  et  dont  la  pointe  de  Saint-Mathieu  est 
la  plus  connue.  En  avant,  un  chapelet  d'écueils,  entre  les- 
quels sont  le  passage  du  Fromveur  et  le  chenal  du  Four, 
s'étend  jusqu'àl'lte  oVOuessant.  Au  S.  de  la  pointe  s'ouvre 
la  profonde  et  belle  rade  de  Brest,  bassin  qui  commu- 
nique avec  la  mer  par  l'étroit  passage  du  Goulet  et  sur  la 
rive  septentrionale  de  laquelle  est  le  port  militaire  de  Brest. 
La  presqu'île  de  Crown  sépare  cette  rade  de  la  baie  de 
Douarnenez;  celle-ci  est  séparée  à  son  tour  par  le  bec  du 
Raz,  à  l'extrémité  duquel  sont  la  chaussée  de  Sein, 
Y  île  de  Sein,  restée  célèbre  par  ses  souvenirs  druidiques, 
et  le  phare  d'Armen,  récemment  construit  sur  un  écueil 
au  milieu  d'une  mer  presque  toujours  agitée. 

A  partir  de  la  pointe  de  Penmarcli,  qui  limite 
la  baie  d'Audierne,  commence  la  côte  méridionale  de  la 
Bretagne.  Les  principaux  accidents  de  cette  côte  sont 
l'embouchure  de  YOdet,  Yanse  de  Bénodet,  Yanse  de 
Concarneau,  Yestuaire  du  Blavet  au  fond  duquel  est 
le  port  militaire  de  Lorient,  le  Morbihan  (nom  qui  signifie 
mer  petite)  semé  d'îles,  l'étroite  presqu'île  de  Quiberon 
et  celle  de  Buis,  Yestuaire  de  la  Vilaine.  En  avant 
de  cette  côte  sont  les  îles  de  Glenans,  Yîle  de  Groix, 
Belle-Ile,  l'île  d'Hœdic  et  la  suite  de  rocs  qui  se  pro- 
longent jusqu'à  la  pointe  du  Croisic.  Entre  la  pointe 
de  Chemoulin  et  la  pointe  de  Saint-Gildas  est  Y  em- 
bouchure de  la  Loire  sur  la  rive  septentrionale  de 
laquelle  ont  été  creusés  les  bassins  de  Saint-Nazaire  qui 
est  pour  ainsi  dire  l'avant-port  de  Nantes.  Au  S.  de  la 
dernière  pointe,  la  baie  de  Bourgneuf,  vaseuse,  est  abritée 
par  l'île  de  Noirmoutier  dont  le  chenal  est  guéable  à 
marée  basse  (passage  du  Goua).  Les  Sables-d'O tonne, 
dont  les  bains  sont  fréquentés,  Yîle  d'Yen,  l'embouchure 
de  la  Sèvre  Mortaise,  h  pointe  de  l'Aiguille,  les  parcs  à 
moules  de  la  baie  d'Aiguillon,  les  grandes  îles  de  Ré  et 
d'Oléron  séparées  par  le  peignis  d'Antioche  (le  pertuis 
Breton  sépare  Ré  de  la  terre  ferme),  le  port  de  La  Ro 

61 


FRANCE 


—  962  — 


chelle  abrité  par  ces  îles,  le  port  militaire  de  Rochefort, 
situé  à  l'intérieur  des  terres  sur  la  Charente,  enfin  la 
pointe  de  la  Coubre,  qui  signale  l'embouchure  de  la  Gi- 
ronde, sont  les  principaux  incidents  de  cette  côte. 

Entre  la  pointe  de  la  Coubre  et  la  pointe  de  la  Grave 
se  dresse  le  phare  de  la  tour  de  Cordouan  et  s'ouvre  le 
long  et  large  estuaire  de  la  Gironde  à  l'extrémité  duquel 
sont  le  port  de  Bordeaux  sur  la  Garonne  et  le  port  de 
Libourne  sur  la  Dordogne.  Les  trois  villes  de  Rouen,  Nantes 
et  Bordeaux  ont  été  bâties  à  l'endroit  où  se  fait  encore 
sentir  la  marée  sur  le  fleuve  auquel  elles  servent  d'entre- 
pôt maritime.  Entre  la  Gironde  et  l'Adour  la  côte  des 
Landes  est  uniforme,  inhospitalière,  bordée  de  dunes  der- 
rière lesquelles  s'allonge  un  chapelet  d'étangs  ;  un  de  ces 
étangs,  le  bassin  d'Arcachon,  s'est  ouvert  un  passage 
jusqu'à  la  mer  par  un  goulet  que  signale  le  cap  Ferret. 
Au  S.  de  l'embouchure  de  VAdour,  fleuve  sur  lequel  se 
trouve  le  port  de  Bayonne,  la  côte  change  d'aspect  par 
suite  de  la  proximité  des  Pyrénées  et  dessine  la  jolie  baie 
de  Saint- Jean-de-Lu%  au  fond  de  laquelle  se  jette  la  Ni- 
velle. L'embouchure  de  la  Bidassoa  marque  la  limite  de 
la  France  et  de  l'Espagne.  Toute  cette  côte,  depuis  l'île  de 
Ré,  est  baignée  par  le  golfe  de  Gascogne. 

La  Méditerranée  baigne,  depuis  les  Pyrénées  jusqu'à 
Menton,  la  côte  méridionale  de  la  France  qui  comprend 
trois  sections  principales,  la  côte  basse  du  Languedoc,  le 
delta  du  Rhône  et  la  côte  rocheuse  de  Provence.  Au  N.  du 
cap  de  Creus,  formant  l'extrémité  des  Pyrénées  et  situé 
en  Espagne  et  du  cap  Cerbère,  limite  de  la  France,  les 
montagnes  projettent  jusque  par  delà  Port-Vendres  leurs 
promontoires  rocheux  ;  puis  la  côte  est  plate,  sablonneuse, 
bordée  des  étangs  de  Leucate,  de  Sigean,  de  Thau,  de 
Mauguio,  présente  les  ports  à'Agde  et  de  Cette  et  les 
embouchures  du  Tech,  de  la  Têt,  de  Y  Aude,  de  YOrb,  de 
Y  Hérault  et  forme  un  grand  arc  de  cercle  qui  enveloppe 
le  golfe  du  Lion  et  se  termine  à  TE.  par  les  golfes 
d'Aigues-Mortes  et  des  Saintes-Mariés.  A  l'E.  du  delta 
du  Rhône,  formant  dans  la  mer  un  arc  saillant  de  terrains 
vaseux  et  de  graus,  s'ouvre  le  golfe  de  Fos,  puis  le  grau 
du  port  de  Bouc,  qui  fait  communiquer  avec  la  mer  le 
grand  étang  de  Berre.  Là  commencent  les  premiers  acci- 
dents du  terrain  alpestre,  A  l'E.  du  cap  Couronne  sont 
la  baie  et  le  grand  port  de  Marseille  qu'abritent  les  îles 
de  Ratonneau  et  de  Pomègues  et  que  signale  au  loin  le 
phare  du  Planier.  A  l'E.  de  Marseille,  la  côte  est  haute, 
rocheuse,  découpée  de  baies,  comme  la  baie  de  la  Ciotat; 
elle  projette  l'abrupte  presqu'île  du  cap  Sicié  que  ter- 
mine à  l'E.  le  cap  Sépét  et  qui,  par  une  digue  récente, 
couvre  la  rade  et  le  port  militaire  de  Toulon.  Au  delà  de 
la  presqu'île  de  Giens,  les  trois  îles  d'Hydres  bordent  la 
rade  d'Hydres  bornée  par  le  cap  Sénat.  La  côte  prend 
ensuite  la  direction  N.-E.  et  bordé  de  ses  rocs  et  de  ses 
plages  sablonneuses,  inondées  de  soleil,  les  eaux  bleues  du 
golfe  de  Gênes.  On  y  remarque  le  cap  Camarat,  avec  son 
grand  phare,  le  cap  Roux,  le  cap  de  la  Garoupe,  h' pres- 
qu'île de  Villefranche,  les  golfes  de  Saint-Tropez  et  de 
Pré  jus,  le  golfe  de  laNapoule  avec  les  îles  Lérins,  Cannes, 
le  petit,  golfe  de  Joucn,  Antibes;  plus  loin,  Nice  et  ses 
belles  promenades  ;  le  golfe  de  Villefranche,  le  rocher  de 
Monaco  et  enfin  la  plage  de  Menton.  Derrière  cette  côte 
toute  bordée  de  villas  et  d'hôtels,  se  dressent  les  Alpes  dont 
les  contreforts  rocheux  descendent  jusqu'à  la  mer  (V.  pour 
les  détails  des  côtes  les  articles  consacrés  aux  noms  en 
italique). 

L'île  de  Corse  est  à  170  kil.  au  S.  de  la  côte  de  Pro- 
vence (Y.  Corse).  E.  Levasseur. 

Géologie.  —  La  France  est,  comme  on  sait,  merveil- 
leusement dotée  :  diversité  du  paysage,  du  relief  et  du  climat, 
fécondité  du  sol,  richesse  en  matériaux  de  toutes  sortes, 
abondance  des  voies  naturelles  de  communication,  rien  n'y 
fait  défaut,  et  tout  cela,  devenu  l'œuvre  des  temps  géolo- 
giques, au  lieu  d'être  confusément  distribué,  obéit  à  une 
symétrie  bien  ordonnée,  offrant  l'alliance  heureuse  d'une 


grande  variété  de  formes  avec  une  frappante  unité  de  struc- 
ture. Notamment  dans  le  Nord  où  la  moitié  du  territoire  fran- 
çais prend  la  forme  d'un  grand  bassin  elliptique,  incliné  au 
N.-O.,  et  largement  ouvert  sur  la  Manche,  mais  fermé,  par- 
tout ailleurs,  par  une  ceinture  remarquable  de  massifs  de 
hauteur  moyenne  largement  étalés;  depuis  la  vallée  de  la 
Vire  jusqu'à  celle  de  la  Sambre,  l'ensemble  bien  homogène  du 
Cotentin,  de  la  Bretagne  et  de  la  Vendée,  qui,  dans  l'Ouest 
constitue  la  vieille  terre  d'Armorique,  le  Massif  central 
avec  le  Morvan,  puis  les  Vosges  et  le  plateau  si  parfaitement 
nivelé  de  l'Ardenne,  dessinent,  en  effet,  autour  de  ce  bassin, 
marqué  au  centre  par  notre  capitale ,  une  enceinte  dont  la 
continuité  n'est  rompue  qu'en  deux  points  :  d'une  part,  entre 
la  Vendée  et  le  Limousin  par  la  trouée  du  Poitou,  qui  met 
en  communication  facile  ce  bassin  de  Paris  avec  l'Aqui- 
taine et  les  Pyrénées;  de  l'autre,  le  seuil  de  Langres, 
(détroit  morvano-vosgien)  par  où  s'opère  cette  fois  la 
jonction  entre  la  région  parisienne  et  la  vallée  du  Rhône 
tandis  qu'à  son  tour  la  trouée  de  Bel  fort,  en  devenant  dans 
l'Est  le  prolongement  immédiat  de  cette  dépression,  introduit 
une  voie  de  pénétration  bien  marquée  vers  l'Allemagne. 
Quoi  qu'il  en  soit,  si  ces  cols  que  la  géologie  nous  enseigne 
avoir  fait  autrefois  office  de  détroits  mettant  en  relation 
directe  les  mers  qui,  si  souvent,  ont  rempli  la  cuvette  pari- 
sienne, aussi  bien  avec  l'Atlantique  par  le  golfe  d'Aquitaine, 
qu'avec  la  Méditerranée  par  celui  du  Rhône,  facilitent  encore 
les  communications  entre  le  Nord  de  la  France  et  le  Midi, 
elles  n'en  restent  pas  moins,  pour  les  eaux  courantes,  des 
lignes  de  partage  à  ce  point  accentuées  qu'il  n'est  pas  une 
rivière  dans  le  bassin  de  Paris  qui  ne  devienne  tributaire 
des  mers  septentrionales. 

Tout  autre  est  l'allure  des  parties  centrales  et  méridio- 
nales du  sol  français.  Dans  cette  direction  s'introduit  une 
plus  grande  variété  dans  le  relief,  et  les  limites  de  notre 
territoire,  partout  où  la  mer  ne  remplit  pas  ce  rôle,  y  sont 
marquées  par  des  chaînes  de  montagnes  bien  caractérisées 
offrant  alors  cette  particularité  de" devenir  celles  qui  sé- 
parent nettement  la  nation  française  des  populations  qui 
lui  ressemblent  le  plus  par  l'origine,  la  langue  et  les 
mœurs,  tandis  que  dans  le  Nord-Est  ce  sont  des  lignes  de 
relief  d'importance  moindre  et  de  plus  en  plus  atténuées 
qui  tracent  ses  limites  avec  les  nations  germaniques.  Ainsi, 
tandis  que  les  Vosges  avec  leurs  trouées  bien  connues, 
et  le  plateau  raviné  de  l'Ardenne  lui-même  isolé,  entre 
deux  lignes  d'invasion,  celles  de  Sarreburg  et  de  Sambre- 
et-Meuse,  deviennent  des  obstacles  faciles  à  traverser  —  si 
bien  que,  dans  cette  direction,  le  tracé  conventionnel  de 
la  frontière  ouverte,  bastionnée  de  forteresses,  a  subi,  dans 
ces  variations,  la  fortune  des  armes  —  la  grande  muraille 
des  Pyrénées,  dressée  dans  le  sud  des  plaines  de  la  Ga- 
ronne, sur  un  étranglement  des  terres  entre  deux  bassins 
maritimes,  rend  les  communications  avec  l'Espagne,  sinon 
impossibles,  du  moins  bien  difficiles  pendant  une  bonne 
partie  de  l'année.  A  son  tour,  depuis  la  Méditerranée  jus- 
qu'au lac  de  Genève,  la  haute  chaîne  des  Alpes  introduit, 
dans  le  Sud-Est, -une  barrière  naturelle,  bien  arrêtée  et 
qui  reste  encore  telle  jusqu'au  Rhin,  sous  la  forme  du 
Jura,  c.-à-d.  d'une  annexe  septentrionale,  bien  caractérisée, 
de  la  grande  zone  des  plissements  alpins.  En  somme,  depuis 
le  pays  basque  jusqu'à  la  trouée  de  Belfort,  les  limites 
continentales  de  la  France  sont  tracées  par  de  grandes 
lignes  de  relief  pouvant  compter  parmi  les  plus  puis- 
santes de  l'Europe  et  dont  la  grande  élévation,  jointe  à 
une  remarquable  fraîcheur  de  profil,  devient  un  signe  de 
jeunesse  bien  accentué.  Inversement  apparaît  ensuite, 
dans  le  centre,  isolé  de  toute  part  au  milieu  des  plaines 
et  des  plateaux  qui  l'entourent,  ce  massif  très  largement 
étalé,  qu'un  long  travail  d'érosion  a  façonné  en  un  plateau 
mamelonné  de  600  m.  d'alt.  moyenne,  justement  qualifié 
de  central  en  raison  dans  sa  situation.  Ce  dernier,  en 
effet,  se  révèle,  avec  sa  surface  vallonnée  sans  doute  dans 
le  détail,  mais  plane  dans  l'ensemble,  comme  une  des  par- 
ties les  plus  anciennes  du  sol  français  sur  laquelle  l'action 


—  963  — 


FRANCE 


des  agents  extérieurs,  poursuivie  sans  relâche  pendant  des 
milliers  de  siècles  a  pu  déterminer,  non  seulement  l'af- 
fleurement de  larges  bandes  de  granité,  mais  leur  mise 
en  saillie  sous  la  forme  de  chaînes  de  dômes  arrondis 
comme  celle  du  Blond  dans  le  Limousin,  des  monts  de  la 
Marche,  de  la  Margeride,  etc.  Quand  on  examine  la 
part  qui  lui  revient  dans  le  comblement  des  dépressions 
avoisinantes  par  entraînement  à  la  mer  de  tous  les  maté- 
riaux enlevés  par  les  érosions,  on  peut  aisément  en  dé- 
duire que  son  profil  émoussé  actuel  représente  une  sur- 
face déblayée  de  2kil.  au  minimum  ;  et  quand,  par  places, 
on  voit,  comme  en  Auvergne,  des  édifices  isolés  se  dresser 
sur  ce  support  granitique  et  gneissique  à  des  hauteurs  attei- 
gnant presque  1 ,500  m.  au  Puy  de  Dôme,  1 ,800  au  Mézenc, 
4,900  avec  les  cimes  du  Cantal  et  du  Mont-Dore,  ou  même 
moindres  dans  la  chaîne  des  Puys,  on  peut  être  sûr  de  se 
trouver  en  présence  d'additions  récentes,  dues  aux  phéno- 
mènes volcaniques  qui  se  sont  faits  jour  au  plein  cœur  du  mas- 
sif, quand  les  Alpes  étaient  en  plein  travail  d'exhaussement. 


Le  relief  français.  09  Hauteurs  au-dessus  de  2,000  mètres  ; 
S1I1  de  500  à  2,000  mètres;  \MnB  de  200  à 500  mètres. 

C'est  au  nombre  de  ces  massifs  indépendants,  peu  élevés, 
que  figurent  également  dans  l'Ouest  le  promontoire  rocheux 
et  accidenté  de  l'Armorique,  c.-à-d.  cet  ensemble  bien  homo- 
gène du  Cotentin,  de  la  Bretagne  et  de  la  Vendée  qui 
constitue  une  région  naturelle  bien  individualisée  dont  tout 
le  monde  connaît  l'aspect  rude  et  sévère,  le  relief  peu 
accusé;  puis,  dans  l'Est,  les  Vosges  avec  leurs  collines  gré- 
seuses si  remarquablement  aplaties,  et  leurs  cimes  arron- 
dies, brusquement  interrompues  en  Alsace  par  la  ligne  du 
Rhin  qui  est  venue  rompre  leur  continuité  ancienne  avec 
la  chaîne  jumelle  de  la  Forêt-Noire.  Les  plateaux  schisteux 
qui,  sous  les  noms  de  Hunsrùck  et  à  Ardenne,  servent 
ensuite  de  limite  septentrionale  au  bassin  de  Paris,  repré- 
sentent à  leur  tour  le  dernier  terme  de  cette  série  de  hau- 
teurs médiocres,  sans  alignements  définis,  et  dépourvus,  en 
apparence,  de  tout  lien  entre  eux.  En  ce  point,  quand,  sur 
les  flancs  des  profondes  vallées  tortueuses  qui  traversent 
ces  plateaux,  on  voit  combien  l'allure  plissée  de  leurs 
couches  primaires,  ardoisières,  gréseuses  ou  calcaires,  forme 
un  contraste  saisissant  avec  celle  si  remarquablement  plane 
de  leur  surface,  on  ne  saurait  douter  qu'on  se  trouve  en 
présence  d'anciennes  montagnes  depuis  longtemps  rasées 
et  dont  l'emplacement  vers  le  Nord  est  aujourd'hui  en  partie 
occupé  par  les  plaines  crayeuses  du  Hainaut  et  de  la 
Flandre. 

De  toutes  ces  données,  il  résulte  que  le  trait  le  plus 
saillant  présenté  par  le  sol  français  c'est  l'opposition  com- 
plète qui  s'introduit  entre  le  Nord  et  le  Midi.  Ces  diffé- 
rences sont  à  ce  point  accusées  que  si  l'on  prend,  sur  une 
carte  hypsométrique,  la  courbe  de  500  m.,  on  remarque 


qu'un  tiers  de  notre  pays  dans  le  Sud  est  porté  à  une  ait. 
supérieure  à  500  m.,  sauf  la  dépression  très  allongée 
du  Rhône  qui,  se  poursuivant  au  loin  dans  le  Nord  avec 
la  Saône,  trouve  moyen  de  faire  arriver  l'ait,  inférieure 
à  200  m.  jusqu'au  pied  du  plateau  de  Langres.  Dans  cette 
grande  dépression  méridienne  vient  alors  se  placer  un  des 
traits  les  plus  importants  de  l'orographie  du  pays  et  qui, 
continuant  son  influence  très  loin  vers  le  Nord-Est,  s'y 
traduit  par  la  trouée  de  Relfort,  c.-à-d.  par  un  ancien 
détroit  dont  les  eaux  lacustres  du  Rhin  ont  profité  autre- 
fois pour  se  déverser  dans  la  direction  de  la  Méditerranée, 
quand,  à  la  fin  de  l'oligocène,  les  lacs  aquitaniens  de  la 
vallée  rhénane  se  sont  vidés.  Dans  cette  dernière  vallée 
qui,  symétriquement  avec  celle  du  Rhône,  se  poursuit  droit 
vers  le  Nord,  l'ait,  redevient  inférieure  à  200  m.  jusqu'au 
moment  où  le  Rhin,  abandonnant  son  allure  tranquille  de 
fleuve  de  plaine,  s'ouvre  un  passage  de  vive  force  au  travers 
du  Taunus,  tandis  qu'elle  se  relève  ensuite  brusquement 
à  plus  de  1,000  m.  sur  la  ligne  de  faîte  des  Hautes 
Chaumes  vosgiennes  qui  trace  la  frontière  dans  cette  direc- 
tion. C'est  le  point  le  plus  septentrional  où  l'on  puisse  voir 
exceptionnellement  notre  sol  français  se  relever  au  point 
de  prendre  un  caractère  montagneux  {Ballon  de  Gueb- 
voilier  ou  Grand  Ballon,  1,426  m.  ;  Hohneck,  1,366  m.  ; 
Donon,  1,010  m.).  Mais  cet  accident,  intéressant  à  noter 
en  raison  de  son  isolement,  n'est  que  temporaire  car  bien- 
tôt, dès  la  trouée  de  Saverne,  le  sol  s'affaisse  avec  les  Basses- 
Vosges  gréseuses  et  c'est  ensuite  par  une  succession  de 
plateaux  schisteux,  accidentés  de  vallées  tortueuses  comme 
celle  de  la  Meuse,  et  de  plus  en  plus  abaissés,  qu'on  atteint 
dans  le  Nord  le  territoire  si  remarquablement  aplani  des 
Flandres.  En  ce  point,  qui  devient  la  suite  naturelle  de 
la  grande  zone  des  Pays-Bas  d'Europe,  la  frontière  conti- 
nentale, purement  conventionnelle,  n'est  pas  seulement  in- 
décise, celle  maritime  ne  l'est  pas  moins,  la  mer  sur  ces 
espaces  plats  mal  défendus  contre  l'attaque  du  flot  par 
des  rangées  de  dunes,  pouvant,  suivant  l'amplitude  du  jeu 
des  marées,  s'avancer  à  plus  d'un  kil.  dans  l'intérieur  du 
continent  ou  se  retirer  d'autant. 

Or  c'est  ce  caractère  d'aplanissement,  c.-à-d.  cette  suc- 
cession de  plaines  et  de  plateaux  très  bas,  qui  devient  la 
forme  dominante  du  sol  français  dans  toute  l'étendue  des 
régions  du  Nord  et  de  l'Ouest,  c.-à-d.  sur  plus  de  la  moitié 
de  notre  pays.  Dans  toute  cette  grande  zone  transver- 
sale, qui  prend  la  France  en  écharpe  depuis  la  Flandre 
jusqu'aux  contreforts  pyrénéens ,  la  hauteur  moyenne 
reste  toujours  au-dessous  de  200  m.,  et  les  points  où 
le  sol  se  relève  sous  la  forme,  très  diversifiée,  de  collines, 
de  crêtes  ou  de  rides  allongées  ne  méritant  la  quali- 
fication de  montagnes  qu'en  raison  de  leur  brusque  saillie 
au  milieu  de  ce  territoire  aplani,  ne  sont  que  des  accidents 
isolés,  en  apparence  dépourvus  de  tous  liens  entre  eux.  Tels 
sont  dans  la  péninsule  armoricaine  qui  sépare  en  deux 
cette  longue  écharpe  de  terres  basses,  drainées  d'une  part 
par  la  Gironde,  de  l'autre  par  la  Loire  et  par  la  Seine,  les 
hauteurs  granitiques  de  la  Gâtine  (mont  Mercure,  285  m.), 
flanquées  à  l'O.  par  le  Bocage  vendéen,  assis  sur  les 
couches  redressées  des  terrains  primaires;  puis,  sur  le  re- 
vers N.  de  la  Cornouaille,  en  Basse-Bretagne,  la  montagne 
Noire,  avec  ses  grandes  crêtes  de  quartzites  sombres  dévo- 
niens  (q.  de  Plougastel),  et  le  petit  massif  intéressant  du 
Ménez-Hom  (330  m.)  qui,  en  isolant  la  presqu'île  de 
Crozon  du  reste  du  Finistère,  marque,  en  même  temps, 
avec  ses  diabases  et  ses  porphyrites,  l'emplacement  d'un 
des  foyers  éruptifs  les  plus  anciens  de  la  région.  Collée 
cette  fois  au  plateau  septentrional  du  Léon,  on  remarque 
ensuite,  à  cette  même  extrémité  de  la  Bretagne,  une  nou- 
velle ligne  de  crêtes  rocheuses,  faites  de  grès  durs  armo- 
ricains, celle  des  monts  d'Arrée  qui  supportent  au  mont 
Saint-Michel  de  Brasparts  (391  m.)  le  point  culminant  de 
la  région.  Or  en  voyant  que  la  montagne  Noire  se  prolonge 
assez  loin  vers  le  Sud  avec  la  bande  surélevée  des  landes 
de  Lanvaux,  on  ne  peut  échapper  à  cette  conclusion 


FRANCE 


964 


que  ces  massifs  éparpillés  de  l'Ouest  représentent  d'an- 
ciennes lignes  de  relief  aujourd'hui  démantelées  et  dont  la 
Gâtine,  à  l'extrémité  de  la  Vendée,  faisait  partie.  La  cause  de 
cette  interruption  est  facile  à  saisir  quand  on  voit,  dans 
l'intervalle  qui  sépare  la  lande  de  Lanvaux  du  Bocage 
vendéen,  les  Brières,  c.-à-d.  cette  région  de  marais  et  de 
prairies  bourbeuses  qui  s'étend  dans  la  dépression  com- 
prise entre  l'estuaire  de  la  Loire  et  de  la  Basse-Vilaine, 

correspondre  précisé- 
ment à  l'amorce  d'un 
ancien  bras  de  mer, 
qui,  largement  ouvert, 
à  l'époque  miocène  dite 
des  f  aluns,  au  travers 
de  ce  massif,  autrefois 
continu,  de  la  Bre- 
tagne et  de  la  Vendée, 
a  permis  aux  eaux  de 
l'Atlantique  de  re- 
joindre celle*  de  la 
Manche,  en  isolant 
l'Armorique,  devenue 
une  île  helvétienne  ; 
d'ailleurs,  en  arrière 
de  cette  zone  maréca- 
geuse, les  pointements 
de  granités  et  de  ter- 
rains primaires  réap- 
paraissent, très  mor- 
celés, dans  cette  série 
de  mamelons  qui  don- 
nent naissance  au  sil- 
lon de  Bretagne  en  attestant  la  continuité  de  cette  ancienne 
bande  plissée.  Plus  au  N. ,  les  co Urnes  du  Maine,  singulière- 
ment tronçonnées  par  de  grandes  fractures  dont  ont  profité 
les  vallées  fluviales,  et  celles  de  Normandie,  non  moins 
découpées,  qui  apparaissent  dans  la  partie  la  plus  plate  du 
Cotentin  d'une  façon  inattendue,  en  offrant  dans  le  mas- 
sif des  Ecouvres  et  celui  des  Avaloirs  (44 7  m.)  les  points 
les  plus  élevés  qu'on  rencontre  de  Paris  à  l'Atlantique, 
deviennent  de  même,  avec  leur  orientation  E.-O.,  la 
suite  naturelle  des  plissements  qui  ont  donné  naissance,  en 
Bretagne,  aux  monts  d'Arrée.  Tout  autres  sont  les  col- 
lines calcaires  (Ouest),  puis  gréseuses  (Est)  du  Perche,  qui, 
disposées  en  forme  de  croissant  à  l'extérieur  de  cette  bande 
plissée  armoricaine, 


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La  France  occidentale  à  l'époque 
des faluns  (d'après M.  Vasseur). 


ceux  des  régions  montagneuses.  Dans  ce  dôme  du  Bray,  il 
faut  voir  l'œuvre  d'une  dislocation  plus  récente  que  celles 
qui  ont  donné  naissance  aux  reliefs  aujourd'hui  si  déman- 
telés de  l'Ouest,  mais  commandée  par  un  accident  géolo- 

Boi  s  de  Belle  y 


La  Seine  à  Vernon 
S.S.O. 


Les  ondulations  du  sol  dans  le  bassin  de  Paris  (d'après  M.  Hébert).  Faisceau 
du  Bray.  1,  sables,  grès  et  argiles  (néocomien);  2,  sables  et  argiles 
du  gault;  3,  craie  glauconieuse  (cénomanien)  ;  4,  craie  marneuse  (turo- 
nien);  5,  6,  7,  différentes  assises  de  la  craie  blanche  (sénonien);  8,  terrains 
tertiaires. 


représentent  une 
formation  plus  ré- 
cente qui  est  venue 
s'appuyer  sur  un 
massif  résistant. 

Pour  voir  de  nou- 
veau apparaître,  au 
milieu  d'un  terri- 
toire aplani ,  une 
ligne  inattendue  de 
hauteurs ,  il  faut 
atteindre  ensuite , 

sur  la  rive  droite  de  la  Seine,  au  milieu  des  plateaux 
crayeux  qui  joignent  la  Normandie  à  la  Picardie,  le  pays 
de  Bray.  Cette  région,  aussi  bien  limitée  par  l'orographie 
que  par  la  diversité  du  paysage,  se  traduit  en  effet,  au 
milieu  ces  plateaux  dénudés,  par  une  saillie  bien  prononcée, 
par  un  bombement  de  craie,  parallèle  au  bord  du  Cotentin, 
et  au  centre  duquel  s'ouvre  une  large  vallée,  en  forme 
de  boutonnière,  au  sol  accidenté  touf  couvert  de  bois  et 
de  pâturages  installés  de  préférence  sur  les  sables  et 
les  argiles  infracrétacés  que  cet  accident  a  amenés  au  jour. 
Dans  les  parties  basses  apparaissent  ensuite  des  assises 
plus  anciennes,  cette  fois  calcaires,  d'âge  jurassique,  que 
des  refoulements  d'une  rare  puissance  ont  relevé,  dans  le 
centre  du  pays,  à  une  ait.  souvent  supérieure  à  celle  des  pla- 
teaux voisins  (210  m.)  en  les  affectant  de  plis  comparables  à 


Le  pays  de  Bray  entre  Auneuil  et  Beauvais  (d'après 
M.  de  Lapparent).  1,  sables  blancs  et  argiles  réfrac- 
taires;  grès  ferrugineux  avec  minerai  de  fer  géodique, 
argiles  à  poteries  (néocomien);  2,  glaise  panachée, 
exploitée  pour  tuiles  et  tuyaux  de  drainage  (néocomien)  ; 
3,  sables  verts  (gault);  4,  argile  grise  et  gaize  (grès 
argileux  silicifié)  (gault);  5,  craie  glauconieuse  (céno- 
manien) et  craie  marneuse  (turonien)^  6,  craie  blanche 
(sénonien). 

gique  très  ancien  et  qui  n'a  fait  que  s'accentuer  au  cours 
des  âges;  c'est,  de  plus,  la  ligne  culminante  d'une  série  de 
plis  parallèles  qui  ont  affecté  tout  le  N.  de  la  France 
depuis  le  Perche  jusqu'à  l'Artois,  en  se  prolongeant  parfois 
jusqu'à  l'Ile-de-France,  ridement  dont  un  des  résultats  les 
plus  saillants  est  d'avoir  déterminé  l'ouverture  et  l'orien- 
tation N.-O.  des  vallées  très  fraîches  du  Nord,  qui  toutes, 
depuis  la  Seine  jusqu'à  la  Canche,  avec  un  parallélisme 
frappant,  viennent  déboucher,  à  des  intervalles  presque 
réguliers,  sur  les  côtes  de  la  Manche  entre  le  Havre  et  le 
Boulonnais.  Loin  d'être  restés  horizontaux,  les  terrains 
secondaires  et  tertiaires  qui  forment  le  remplissage  du  bas- 
sin de  Paris  se  montrent  ainsi  dénivelés  par  une  série 
d'ondulations  à  grande  courbure,  parallèles,  suffisamment 
accentuées  pour  se  traduire  en  certains  endroits  par  des 
accidents  notables,  comme  nous  venons  de  le  voir  pour  le 
pays  de  Bray,  et  toutes  présentant  cette  particularité  d'épou- 
ser la  direction  de  plis  plus  anciens  auxquels  elles  sont  sou- 
vent superposées  (Marcel  Bertrand).  C'est  de  la  sorte  que 
de  la  Bretagne  au  Boulonnais,  qui  lui-même  doit  son  in- 
dividualisation aux  dislocations  qui  lui  ont  donné  naissance, 
on  peut  voir,  dans  la  basse  France  du  Nord,  se  développer 
des  renflements  de  terrains  bien  accentués,  surtout  aux  deux 
extrémités  de  cette  zone  :  dans  le  faisceau  du  Perche  qui 
fait  directement  suite  aux  plis  des  roches  anciennes  de 
l'Ouest,  en  présentant  au  centre  le  bombement  du  Merle- 

rault,  et  dans  celui 


Pays  de  Bray  Beauvais 


de  V Artois,  où  les 
rides  mentionnées 
plus  haut,  dont  fait 
partie  le  Bray,  n'ont 
pris  leur  forme  défi- 
nitive qu'à  la  fin  des 
temps  tertiaires. 

Bassins  de  la 
Garonne  et  de 
Paris,  Alors  que 
le  bassin  de  Paris 
apparaît  ainsi 
comme  une  région  plissée,  il  en  est  tout  autrement  dans 
le  Sud-Ouest,  où  celui  de  la  Garonne  reste  tout  entier 
privé  de  pareils  accidents.  C'est  la  région  la  plus  tranquille 
et  la  plus  homogène  du  sol  français.  Sans  doute  le  fleuve 
toulousain  draine,  comme  la  Seine,  un  bassin  dont  le  rem- 
plissage central  est  fait  de  terrains  tertiaires,  mais  rien 
dans  cette  dépression  aquitanienne  ne  représente  cette 
grande  variété  de  composition  qui  motive  la  division  du 
bassin  parisien  en  un  si  grand  nombre  de  pays,  pourvus 
chacun  de  caractères  spéciaux.  Assurément,  les  divisions 
naturelles  n'y  manquent  pas  ;  les  Landes,  par  exemple,  doi- 
vent à  une  épaisse  couverture  de  sables  fins,  mouvants  par 
places,  fixés  dans  d'autres  par  les  matières  organiques 
qui  donnent  naissance  en  profondeur  à  Valios,  leur  indi- 
vidualité bien  tranchée  ;  de  même  la  côte  qui  fait  face  ne 


se  trouve  si  remarquablement  régularisée,  depuis  l'embou- 
chure de  l'Adour  jusqu'à  la  pointe  de  Grave,  que  par  de 
pareils  sables  empruntés  cette  fois  aux  Pyrénées  et  relevés 
sur  le  littoral  en  longues  rangées  de  dunes  sur  une  étendue 
de  80  kil.  ;  il  suffit  ensuite,  au  delà  du  bassin  d'Arcachon, 
que  ces  sables  pliocènes  des  Landes  disparaissent  sous  les 
alluvions  fertilisantes  de  la  Gironde  pour  que  le  Médoc 
devienne  une  contrée  distincte  capable  de  supporter  ces 
meilleurs  vignobles  du  Bordelais.  Dans  le  Bazadais,  qui  a 
échappé  complètement  à  cet  ensablement,  se  fait  le  plein 
développement  des  f aluns  coquilliers,  qui  deviennent  le 
type  normal  des  formations  marines  oligocènes  de  l'Aqui- 
taine et  quand,  à  leur  tour,  ces  faluns  disparaissent  pour 
faire  place  à  des  calcaires  lacustres,  c'est  VAgenais  qui  se 
présente  comme  la  région  où  cette  substitution  du  régime 
lacustre  aux  formations  marines  est  la  mieux  réalisée.  V  Ar- 
magnac marque  à  son  tour  l'emplacement  d'un  de  ces 
anciens  lacs  qui,  nombreux,  se  sont  établis  en  Aquitaine 
aux  diverses  époques  tertiaires,  avec  cette  particularité 
que  la  masse  puissante  (300  m.)  des  dépôts  lacustres  dans 
cette  région,  en  offrant  au  sommet  dans  les  calcaires  de 
Sansan  (Gers)  un  très  riche  gisement  de  mammifères, 
atteste  que  les  abords  du  lac  de  l'Armagnac,  fréquentés 
par  des  singes  (Protopithecus  anglicus),  étaient  surtout 
peuplés  de  grands  proboscidiens  (Mastodon  Arvernensis, 
M.  tapir  oïdes,  Rhinocéros  Sansanensis...).  Ces  forma- 
tions tiennent  alors  la  place  d'une  nouvelle  et  plus  récente 
série  de  faluns  miocènes  (faluns  jaunes  de  Saucats  et  de 
Leognan,  puis  blancs  ou  bleus  de  Salles  et  d'Orthez),  lar- 
gement étendus  dans  le  Bordelais  où  s'est  faite  une  per- 
sistance remarquable  du  régime  maritime,  alors  que  la  mer 
avait  définitivement  abandonné  le  bassin  de  Paris. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  différences*qui  s'introduisent  ainsi 
entre  ces  diverses  formes  du  remplissage  tertiaire  de  la  dé- 
pression aquitanienne  sont  moins  tranchées  que  celles  qui 
communiquent  aux  divisions  naturelles  du  sol  du  massif  cen- 
tral tertiaire  parisien  leur  individualité  bien  marquée.  Dès 
qu'on  a  franchi,  par  exemple,  le  couloir  du  Poitou  par  où  se 
faisait  la  communication  entre  les  deux  bassins,  ce  massif 
débute  dans  la  haute  Touraine  par  une  zone  de  plateaux 
calcaires  fragmentés  par  les  nombreuses  rivières  qui  se 
pressent  de  se  jeter  dans  la  Loire  avant  qu'elle  ne  pénètre 
dans  le  massif  armoricain  et  qui  ont  mérité  de  former  des 
régions  distinctes  en  raison  de  leur  stérilité  ;  tel  est  celui 
de  la  Gâtine  de  Touraine  dont  le  nom  seul  fait  prévoir 
qu'il  n'a  rien  de  commun  avec  la  fertilité  de  celui  de  la 
Beauce  auquel  il  est  soudé  par  le  Blaisois.  Déjà  dans  ce 
dernier  ou  sur  la  craie,  la  couverture  de  calcaire  aquita- 
nien  devient  plus  cohérente  ;  on  peut  toucher  la  cause  qui 
fait  de  la  solide  plate-forme  de  la  Beauce  le  pays  le  plus 
uniforme  et  le  mieux  aplani  de  tout  le  bassin.  Mais  la 
couche  épaisse  de  limon  qui  a  valu  à  cet  immense  champ  de 
céréales  le  nom  de  grenier  d'abondance  de  la  France  y 
faisant  défaut,  le  Blaisois  reste  encore  comme  tous  les  hauts 
plateaux  de  la  haute  Touraine,  un  pays  de  petits  bois  et 
de  terres  maigres,  infertiles,  où  de  nombreuses  mares  attes- 
tent l'imperméabilité  du  sol.  Cette  infertilité,  qui  trouve 
son  expression  la  plus  nette  dans  la  Gâtine,  tient  à  la 
présence  sur  des  masses  lacustres,  occupant  ici  la  place  du 
calcaire  aquitanien  de  la  Beauce,  d'une  partie  assez  éten- 
due de  ces  sables  argileux  qui,  plus  largement  développés 
ensuite  sur  la  rive  opposée  de  la  Loire,  donnent  naissance 
à  cette  région  plate,  infertile  et  marécageuse  de  la  Sologne* 
où  quelques  bouquets  de  bois  de  pins,  joints  à  une  intermi- 
nable succession  d'étangs,  interrompent  seuls  la  monoto- 
nie de  plaines  sablonneuses  sans  fin.  Au  delà  d'Orléans, 
quand  ces  terres  blanches,  ingrates,  de  la  Sologne,  font  place 
aux  sables  de  l'Orléanais  sous-jacents,  une  autre  région 
s'individualise  sur  la  rive  gauche  du  Loing,  entre  Pithiviers 
et  Gien,  sous  le  nom  de  Gâtinais  Orléanais.  Alors  se  pré- 
sente une  formation  fluviatile  des  plus  intéressantes,  inaugu- 
rant dans  le  bassin  de  Paris  la  période  miocène  et  tout 
entière  attribuable  à  des  eaux  courantes  issues  du  Plateau 


—  965  —  FRANCE 

central,  qui  ont  pu  se  répandre  librement  sur  les  grandes 
nappes  de  calcaire  lacustre  aquitanien,  après  le  vidage  du 
lac  de  Beauce,  dans  la  dépression  que  jalonne  encore  la 
Loire;  et  cela  à  une  époque  où  cette  grande  nappe  calcaire, 
versée  au  N.-O.,  se  montrait  couverte  de  prairies,  fré- 
quentées par  des  grands  proboscidiens  {Dinotherium, 
Mastodon,  Rhinocéros).  Sans  doute,  le  sol  fourni  par  ses 
sables  grossiers,  compliqués  d'accidents  marneux,  reste 
encore  plat  et  humide,  mais  déjà  l'apparition,  sur  leurs 
premiers  affleurements,  des  petites  éminences  boisées  de  la 
forêt  d'Orléans,  atteste  un  changement  bien  marqué  avec  la 
Sologne  qu'on  vient  de  traverser  ;  en  même  temps  une  simple 
régularisation  des  eaux  permet,  dans  toute  l'étendue  de 
Y  Orléanais,  de  conquérir  de  vastes  surfaces  à  la  culture  ; 
puis  bientôt,-  dès  qu'on  a  franchi  le  Loing,  se  présente 
sous  le  nom  de  Gâtinais  français  une  nouvelle  région, 
dont  les  formes   accidentées   contrastent  singulièrement 
avec  celles  toujours  effacées,  mai  définies,  de  ces  terri- 
toires qu'on   peut  sans  crainte   qualifier  de  déshérités 
quand  il  s'agit  de  la  Sologne.  C'est  qu'alors  apparaît  bien 
découverte,   surtout  dans  le  Nord  à  mesure  qu'on  se 
rapproche  de  la  Seine,  la  masse  puissante  des  sables  de 
Fontainebleau,  consolidés  au  sommet  en  grès  à  pavés  et 
dont  les  blocs  demeurés  sur  les  pentes  impriment  aux  pay- 
sages forestiers  si  pittoresques  de  cette  région  le  carac- 
tère spécial  qu'on  connaît.  A  ce  fait  il  faut  joindre  une  plus 
grande  variété  dans  les  terrains  tertiaires,  dont  les  termes 
inférieurs  finissent  par  former,  dans  les  environs  immédiats 
de  la  capitale,  les  principaux  affleurements.  C'est  précisé- 
ment ce  caractère,  c.-à-d.  cette  variété  dans  l'ensemble  de 
ces  formations,  qui,  devenant  prédominant  dans  le  Eure- 
poix,  fait  de  ce  pays  très  découpé,  compris  entre  Chevrease, 
Palaiseauet  Corbeil,  un  des  mieux  partagés  des  environs  de 
Paris,  au  point  de  vue  de  la  gracieuseté  du  paysage  qui 
s'introduit  dans  des  vallées  bien  arrosées,  comme  celles  si 
remarquablement  pittoresques  de  Jouy  et  de  Chevreuse. 
Dans  chacune  de  ces  régions,  la  vigueur  de  la  végétation  est 
entretenue  par  la  présence,  sous  les  sables,  de  niveaux  ar- 
gileux bien  continus  qui,  de  plus,  contribuent  à  retenir  Peau 
de  nombreux  étangs.  Toutes  deux  sont  d'autant  mieux 
individualisées,  qu'elles  se  présentent  encadrées  par  les  très 
uniformes  plateaux  de  la  Beauce  et  de  Ja  Brie,  qui  mar- 
quent chacun  l'emplacement  des  anciens  lacs  oligocènes  où 
se  sont  déposés  ces  plates-formes,  très  résistantes,  sous  la 
forme  de  travertins  ou  de  calcaires  siliceux.  Si  dans  la  Brie 
établie  sur  la  plus  ancienne  de  ces  formations  lacustres  et 
maintenant  presque  complètement  déblayée  par  les  érosions 
de  son  ancienne  couverture  marine,  on  peut  reconnaître  un 
vaste  plateau  absolument  horizontal,  plus  régulier  encore 
d'allure  que  celui  de  la  Beauce  et  moins  découpé,  c'est  que 
la  nappe  infratongrienne  qui  forme  son  couronnement  est 
supportée  par  d'autres  calcaires  lacustres,  tenant  la  place 
des  assises  qui,  de  l'autre  côté  de  la  Marne,  sont  représen- 
tées sous  la  forme  marine  du  calcaire  grossier,  des  sables 
de  Beauchamp,  puis  lagunaire  du  calcaire  de  Saint-Ouen  et 
du  gypse  parisien,  soit  par  une  puissante  série  de  dépôts 
d'eau  douce  soudés  à  ce  point  qu'il  est  souvent  difficile  de 
distinguer  les  divers  termes  de  cet  ensemble.  Dès  lors,  toutes 
les  particularités  propres  aux  grands  plateaux  calcaires 
(perte  des  eaux  de  surface  par  les  milliers  de  fissures  ou 
les  larges  gouffres  qui  traversent  ces  massifs  et  leur  réap- 
parition à  l'air  libre  au  fond  dos  vallées,  sous  la  l'orme  de 
sources  vives  après  un  long  parcours  souterrain . . .)  apparais- 
sent. Parmi  ces  sources  produites  par  la  concentration,  dans 
les  cavités  des  travertins  de  la  Brie,  des  eaux  qu'on  voit 
se  perdre  en  tant  de  points  à  la  surface  du  plateau  (An- 
cœur,  Tournay,  Liverdy...),  figurent,  au  milieu  de  beau- 
coup d'autres,  celles  si  limpides  de  la  Dhuys  maintenant 
captées  pour  la  ville  de  Paris.  Ces  caractères  sont  surtout 
bien  accentués  dans  la  partie  orientale  très  élevée  de  ce 
plateau  dite  Brie  champenoise  ou  pouilleuse,  pour  rap- 
peler que  la  surface  dénudée  de  ces  hautes  terres  dépour- 
vues de  limon  reproduisent,  à  un  niveau  plus  élevé,  l'aspect 


FRANCE 


-  966  - 


stérile  et  désolé  des  plaines  crayeuses  infertiles  de  la 
Champagne  pouilleuse  étalées  à  leur  pied.  Mais  ces  con- 
ditions fâcheuses  disparaissent  dès  qu'on  a  franchi  le  Grand- 
Morin,  dans  la  Brie  française  qui,  située  en  contre-bas  et 
mieux  partagée,  par  suite,  au  point  de  vue  de  la  concentra- 
tion du  limon  des  plateaux,  se  montre  couverte  de  grandes 
plaines  agricoles,  sans  que  pour  cela  sa  physionomie  ait  rien 
de  commun  avec  celle  de  la  Beauce.  Alors,  en  effet,  se  pré- 
sente une  remarquable  association  de  belles  moissons  avec 
des  bouquets  de  bois,  entrecoupés  de  nombreuses  mares 
garnies  de  saules  et  de  roseaux;  c.-à-d.  des  éléments 
qui  font  complètement  défaut  dans  le  pays  beauceron.  C'est 
qu'ici  ces  grandes  plaines  limoneuses  sont  assises,  non  plus 
sur  une  nappe  continue  de  calcaire  compact  comme  celles  de 
la  Beauce,  mais  sur  des  argiles  ferrugineuses  où  se  montrent, 
distribuées  par  blocs,  ces  meulières  qui  ont  mérité  d'em- 
prunter à  la  Brie  son  nom,  en  raison  de  leur  extension.  Or 
ces  meulières,  si  profitables  pour  les  constructions  quand 
elles  sont  caverneuses,  tandis  que  celles  plus  compactes 
fournissent  les  pierres  à  meules  célèbres  de  La  Ferté-sous- 
Jouarre,  ne  sont  autres  que  les  parties  siliceuses  des  for- 
mations lacustres  de  la  Brie,  restées  sur  place  sous  cette 
forme  de  blocs  irréguliers,  caverneux  et  cloisonnés,  isolés 
au  milieu  d'argiles  toujours  marquées  de  colorations  vives 
par  suroxy dation  des  sels  ferreux,  après  l'entraînement 
par  dissolution  du  calcaire,  sous  l'influence  habituelle 
des  eaux  météoriques  qui,  sur  ces  espaces  largement  dé- 
couverts et  livrés  sans  défense  aux  intempéries,  ont  pu  faci- 
lement exercer  leur  action  chimique.  On  voit  par  suite  que 
les  conditions  de  prospérité  d'une  région  aussi  heureusement 


douée,  c.-à-d.  la  formation  des  meulières  et  celle  consécu- 
tive ,  dans  le  sous-sol  limoneux ,  d'une  nappe  argileuse , 
capable  en  retenant  les  eaux  en  profondeur  de  favoriser  le 
développement  d'une  belle  végétation  arborescente,  réside 
tout  entière  dans  une  cause  extérieure  permanente  mais 
très  profitable  de  destruction. 

Au  delà  de  la  Brie,  le  plateau  très  découpé  du  Soisson- 
nais  introduit,  dans  le  Nord,  une  nouvelle  région  très  dif- 
férenciée, comportant,  à  l'inverse  des  précédentes,  avec  une 
grande  variété  d'aspect  dans  les  vallées  devenues  larges  et 
profondes  comme  celles  de  la  rivière  d'Aisne,  un  grand 
nombre  de  petits  vallons  latéraux,  au  profil  adouci,  bien 
arrosés,  tous  agréablement  garnis,  du  haut  en  bas,  d'une 
abondante  végétation.  C'est  qu'ici  on  atteint,  dans  les  par- 
ties basses  des  terrains  tertiaires,  exclusivement  éocènes, 
des  dépôts  suessoniens  qui  deviennent  meubles  et  fertiles. 
Les  sables,  très  développés,  au  lieu  d'être  secs  et  quartzeux 
comme  ceux  de  Fontainebleau,  sont  assez  fins  et  suffisam- 
ment mélangés  d'argile  pour  fournir,  par  altération,  un 
limon  sableux  brun'  qui  devient  une  excellente  terre  à 
légume  ;  de  plus,  cette  grande  masse  sableuse  ayant  pour 
support,  dans  le  fond  des  échancrures,  une  assise  continue 
à'argile  plastique  et  pour  couverture  les  couches  bien 
réglées  du  calcaire  grossier  qui  fournissent  la  plate-forme 
échancrée  de  la  région,  les  niveaux  d'eaux  deviennent 
nombreux,  surtout  à  la  jonction  des  sables  et  de  l'argile, 
et  les  rivières,  alimentées  par  ces  sources,  dépourvues  par 
suite  de  crues  violentes,  circulent  tranquillement  dans  les 
larges  vallées  à  fond  plat,  dont  le  profil,  en  travers, 
adouci,  est  celui  qui  convient  à  toutes  celles  qui  s'établis- 


ColUnes 

cC£S*LÔ 


Schistes  cnslalài 
.  Bxssiyny  Lûrmîne    \p*™>*± 

ane      Champagne 
Seins 


Vallée^ 
Fttila. 


Faille 


ranu- 

H  icroqra,nulil§ 


Coupe  générale  du  bassin  de  Paris,  du  Cotentin  aux  Vosges. 


sent  dans  les  terrains  perméables.  C'est  aussi  le  peu  de 
consistance  de  tous  ces  matériaux  qui,  en  facilitant  le  tra- 
vail d'érosion  des  eaux  courantes,  ainsi  que  des  éboule- 
ments  maintes  fois  provoqués  par  le  glissement  des  sables, 
a  communiqué  au  plateau  de  calcaire  grossier  ses  contours 
déchiquetés  caractéristiques.  Enfin,  on  ne  peut  manquer 
de  signaler  qu'à  l'extrême  limite  de  ce  massif  tertiaire, 
c'est  précisément  cet  état  de  morcellement  des  diverses 
assises  éocènes,  qui,  prenant  une  intensité  plus  grande, 
permet,  en  dernier  lieu,  de  spécialiser,  sous  les  noms  de 
Laonnois  et  de  Noyonnais,  deux  régions  où  on  n'observe 
plus  qu'une  suite  d'îlots  découpés  marqués  de  pentes  tou- 
jours adoucies,  avec  un  couronnement  plat  de  calcaire 
grossier  et  tous  dressés  au  milieu  de  plaines  à  perte  de 
vue  ;  tel  est  en  particulier  celui  très  remarquable  qui  sup- 
porte, perchée  comme  sur  un  piédestal  de  calcaire  grossier, 
flanqué  de  sables  jaunes  ébouleux,  la  ville  de  Laon,  et  se 
montre  environné  de  grandes  plaines  verdoyantes  où 
Y  argile  plastique,  qui  en  forme  le  fond,  devenue  ligni- 
tifère,  se  montre  largement  exploitée,  après  calcination, 
pour  la  fabrication  des  cendres  propres  à  l'amendement 
des  prairies  ou  bien  pour  celle  du  vitriol  quand  elle  est  for- 
tement pyriteuse  comme  aux  environs  d'Urcel.  En  d'autres 
points,  au  milieu  de  ces  plaines  devenues  si  plates  au  voisinage 
de  l'Oise  qu'elles  se  présentent  envahies  par  la  tourbe,  les 
seuls  obstacles  sont  fournis  par  de  petites  éminences  boisées 
où  quelques  entailles  montrent  qu'elles  sont  formées  de 
sables  jaunes  suessoniens  ;  tels  sont  les  tertres  sablonneux 
de  Besny  ;  puis  bientôt,  quand  les  formations  tertiaires, 
très  démantelées  dans  cette  direction, .  sont  réduites  à  de  si 
faibles  accidents,  on  voit  apparaître  leur  substratum  crayeux 
sous  la  forme  d'une  craie  blanche  campanienne,  directe- 


ment recouverte,  en  maints  endroits,  par  une  nouvelle  et 
dernière  série  de  sables  verts>  dits  de  Bracheux,  qui  re- 
présentent le  terme  le  plus  ancien  de  la  série  tertiaire 
parisienne  ;  on  atteint  ensuite  dans  le  Beauvaisis,  après 
avoir  franchi  l'Oise  ainsi  qu'un  bombement  crayeux  qui, 
faisant  face  à  Compiègne,  interrompt  momentanément  la 
continuité  de  ces  formations  tertiaires,  une  région  où  se 
fait  le  plein  développement  de  ces  sables  vaseux,  verdis 
par  de  la  glaucome,  région  qui  marque  en  même  temps 
leur  limite  et,  par  suite,  celle  de  la  mer  qui  les  a  déposés, 
quand,  pour  la  première  fois,  les  eaux  marines  éocènes, 
venant  du  Nord,  ont  repris  possession  du  bassin  de  Paris. 
En  dernier  lieu,  il  est  un  trait  commun  aux  régions 
tertiaires  que  nous  venons  d'énumérer  qu'il  importe  de 
mettre  en  lumière  :  c'est  leur  terminaison  brusque  du  côté 
de  PE.,  sous  la  forme  d'une  falaise,  s' élevant  vigoureuse- 
ment à  des  hauteurs  qui  peuvent  atteindre  100  m.  entre 
Laon  et  Reims,  au-dessus  des  plaines  qui  les  entourent  et 
circonscrivant  précisément  l'espace  qui  correspond  à  l'an- 
cien gouvernement  de  Y  Ile-de-France.  Cette  saillie  de  l'Ile- 
de-France  est  à  ce  point  accentuée  que  les  rivières,  pour 
se  rendre  à  la  mer,  ont  été  obligées,  pour  la  franchir,  de 
s'y  frayer  un  passage  de  vive  force  au  travers  d' échancrures 
figurant  maintenant  de  véritables  défilés.  Telle  est  la  Seine 
qui,  grossie  de  l'Yonne  et  du  Loing,  traverse  au  delà  du 
confluent,  à  Moret,  l'épais  massif  du  travertin  de  Champigny, 
dans  une  coupure  étroite  et  sinueuse.  Puis  successivement 
on  remarque,  remplissant  la  même  condition  au  travers 
des  hauteurs  de  l'Ile-de-France,  la  Marne  à  Epernay,  la 
Vesle  et  l'Aisne  dans  leur  traversée  du  Rémois,  l'Oise  à 
Chauny,  dans  le  Beauvaisis,  enfin,  après  le  remarquable  défilé 
de  la  Brèche,  près  de  Glermont,  le  Thérain,  qui  partage  en 


—  967 


FRANCE 


deux  ce  plateau  entre  Beauvais  et  Creil.  A  part  ces  échan- 
crures,  la  falaise,  bien  continue,  semble  dominer  tout  ce 
qui  l'entoure,  si  bien  que,  dans  le  Nord-Est,  où  cette  ligne 
d'escarpement  est  des  mieux  accusées,  le  massif  tertiaire, 
ainsi  isolé,  prend  le  caractère  d'une  île  escarpée,  envoyant 
par  places,  au  travers  des  plaines  crayeuses,  de  véritables 
promontoires,  tandis  qu'on  le  remarque  bordé  en  d'autres 
points,  comme  nous  l'avons  vu  dans  le  Laonnois,  par  des 
îlots  devenant  tout  autant  de  témoins  respectés  par  l'érosion 
qui  a  déterminé  son  isolement  remarquable.  Cette  disposi- 
tion, dont  les  caractères  ont  été  si  bien  précisés  par  M.  de 
Lapparent  dans  son  excellente  description  du  bassin  de  Paris 
où  nous  venons  de  faire  de  larges  emprunts,  devient,  en 
effet,  l'œuvre  exclusive  d'érosions  poursuivies  sans  relâche 
depuis  l'émersion  de  ce  bassin,  c.-à-d.  pendant  des  milliers 
d'années  et  dont  les  efforts  sont  venus  se  concentrer  sur  le 
bord  de  l'ancienne  dépression  tertiaire.  Or,  sur  cette  bor- 
dure appuyée,  dans  le  principe,  contre  les  anciennes  et  très 
uniformes  formations  crétacées,  les  sédiments  ont  dû  né- 
cessairement revêtir  la  forme  meuble,  arénacée,  des  dépôts 
côtiers.  Dès  lors,  l'action  combinée  des  agents  atmosphé- 
riques et  des  eaux  courantes  a  pu  facilement  disperser  cette- 
ceinture  de  sédiments  sans  consistance,  et  ses  effets,  c.-à-d. 
le  déchaussement  des  parues  plus  cohérentes  du  massif 
tertiaire,  ne  se  sont  arrêtés  que  quand  elle  a  rencontré 
des  assises  plus  résistantes,  tels  que  les  calcaires  compacts 
de  la  Beauce.  De  là  vient  que,  sur  l'emplacement  de  cet 
ancien  lac,  la  falaise  tertiaire  se  montre  nettement  inter- 
rompue et  que  ces  calcaires,  doucement  inclinés  vers  la 
Loire,  c.-à-d.  vers  la  dépression  où  se  sont  échappées  les 
eaux  lacustres  de  la  Beauce,  lors  du  mouvement  qui,  à  la 
fin  de  l'époque  aquitanienne,  a  déterminé  l'assèchement  du 
lac,  dessinent  un  grand  plateau  reliant  cette  fois  le  massif 
tertiaire  avec  sa  ceinture  tertiaire,  liaison  à  ce  point  accusée 
qu'il  n'existe  de  ce  côté. aucune  séparation  naturelle  entre 
le  bassin  de  la  Loire  et  celui  de  la  Seine. 

Partout  ailleurs,  la  falaise- tertiaire  s'élève  droite  sur  son 
socle  crayeux  et  devient,  en  particulier  depuis  Montereau 
jusqu'aux  îlots  détachés  du  Laonnois,  la  première  de  ces 
lignes  de  crêtes  semi-circulaires  qui,  dans  le  bassin  de 
Paris,  marquent  chacune  les  affleurements  successifs  des 
diverses  formations  secondaires  du  remplissage  extérieur, 
formations  disposées,  comme  on  sait,  en  bandes  concen- 
triques progressivement  relevées  vers  les  bords  et  de  plus 
en  plus  étendues  à  mesure  qu'on  s'écarte  du  centre  ;  la 
raison  c'est  que  ces  affleurements  ont  subi  à  leur  tour, 
chacun  à  leur  façon,  après  la  retraite  de  la  mer,  l'action 
des  érosions,  si  bien  que  le  bord  externe  de  chacune  de 
ces  zones,  ainsi  façonné  par  les  agents  extérieurs  comme 
l'a  été  la  bordure  tertiaire,  se  traduit  maintenant  par  une 
ligne  d'escarpement  jouant,  dans  l'orographie  aussi  bien 
que  dans  la  défense  du  pays,  un  rôle  capital.  Telle  est, 
en  particulier,  la  falaise  de  Champagne  qui,  terminant 
les  affleurements  crayeux,  trace  vigoureusement  la  limite 
de  deux  régions  bien  différenciées,  la  Champagne  pouil- 
leuse et  la  Champagne  humide,  c.-à-d.  la  fin  de  ces 
plaines  sèches,  infertiles,  que  la  craie  stérilise  sur  de  si 
vastes  étendues,  et  le  commencement,  au  pied  de  ce  talus 
crayeux,  d'une  région  plus  abaissée,  encore  bien  découverte, 
doucement  ondulée,  mais  où  une  prédominance  marquée  de 
sables  et  d'argiles  infracrétacées  fait  que  le  sol,  sillonné 
de  nombreux  cours  d'eau,  se  partage  entre  les  bois  et  les 
prés.  Au  delà,  dans  les  auréoles  successives  des  formations 
jurassiques  qui  se  développent  jusqu'aux  plaines  triasiques 
de  la  Lorraine,  ces  bourrelets  saillants,  déterminés  par  de 
grandes  et  solides  assises  de  calcaires  bien  résistants,  de- 
viennent de  plus  en  plus  accentués  et  toujours  limités,  vers 
l'E.,  par  un  bord  abrupt,  façonné  en  falaise,  à  mesure  que 
s'accélère,  vers  les  massifs  anciens  de  la  périphérie,  le  relè- 
vement de  toutes  les  assises. 

Mais  si  cette  série  de  ceintures  parallèles  alternative- 
ment saillantes  et  déprimées  se  développe  sans  interruption 
dans  toute  l'étendue  du  secteur  oriental  du  bassin,  depuis 


le  Morvan  jusqu'à  l'Ardenne,  dans  le  Nord-Ouest  il  en  est 
tout  autrement;  cette  continuité  est  rompue  nettement  par  la 
Manche,  si  bien  que  c'est  en  Angleterre  qu'il  faut  venir 
chercher  leur  prolongement.  Quoi  qu'il  en  soit,  dans  le  bas- 
sin de  Paris,  la  disposition  caractéristique  de  toutes  ces 
assises  n'en  reste  pas  moins  celle  de  cuvettes  concen- 
triques, emboîtées  l'une  dans  l'autre  et  de  plus  en  plus 
réduites  à  mesure  qu'on  se  rapproche  du  centre,  c.-à-d. 
d'une  dépression  qui  a  longtemps  occupé  la  partie  médiane 
et  dont  l'emplacement  est  maintenant  non  seulement  mar- 
qué par  la  capitale,  mais  par  la  convergence  de  trois  rivières, 
la  Seine,  la  Marne  et  l'Oise. 

Tels  sont  les  traits  les  plus  saillants  du  bassin  de  Paris  ; 
rien  de  semblable  ne  s'observe  dans  celui  de  la  Garonne, 
dont  la  forme  triangulaire  est  si  bien  dépourvue  de  centre 
que  les  eaux,  au  lieu  de  venir  s'y  réunir,  comme  précé- 
demment, dans  une  artère  commune  qui  se  charge  de  les 
conduire  à  la  mer,  se  répartissent  en  un  grand  nombre 
de  rivières  côtières  importantes,  pourvues  chacune  d'un 
régime  spécial  et  développées  surtout  aux  deux  extrémités. 
Tels  sont,  de  part  et  d'autre  du  grand  estuaire  de  la  Gi- 
ronde, où  se  déversent  les  eaux  divergentes  de  la  Garonne 
et  de  la  Dordogne  :  dans  le  Nord,  latente  et  tortueuse  Sèvre 
Mortaise  et  la  non  moins  sinueuse  Charente,  qui,  toutes 
deux,  issues  des  massifs  cristallins  de  la  bordure,  drainent 
surtout  les  Terres  chaudes,  c.-à-d.  les  régions  calcaires 
au  relief  très  effacé  de  la  plaine  du  Poitou  et  des  pays 
te  si  franchement  marécageux  de  la  Saintonge,  qui  pren- 
nent dans  le  Grand  Marais,  avec  leurs  vases  mouvantes, 
leurs  innombrables  canaux  jalonnés  de  moulins  à  vent,  tous 
les  caractères  du  paysage  hollandais  ;  puis,  dans  le  Sud, 
l'Adour  qui,  alimenté  par  les  gaves  pyrénéens,  reste  tor- 
rentiel dans  sa  traversée  des  collines  sous-pyrénéennes,  et 
si  peu  tranquille  sur  la  côte  landaise,  que  son  tracé,  à  par- 
tir de  Bayonne,  a  bien  des  fois  changé  de  place.  On  ne 
peut  ensuite  manquer  de  signaler,  au  point  de  vue  hydro- 
graphique, combien  est  remarquable,  dans  le  Sud,  au  travers 
de  la  région  des  grands  cônes  sous-pyrénéens,  la  symétrie 
des  eaux  courantes  qui,  toutes,  partant  de  deux  centres 
très  rapprochés,  Lourdes  et  le  plateau  de  Lannemezan 
(660  m.),  situés  au  sommet  de  ces  cônes  faits  d'un  entasse- 
ment prodigieux  de  cailloux  et  de  graviers,  divergent  ensuite 
en  éventail  déployé  pour  se  diriger,  les  unes  à  Î'E.  (1S estes 
garonnaises)  vers  la  Garonne,  les  autres  à  l'O.  (Gaves  du 
Béarn)  vers  l'Adour,  en  offrant,  comme  branche  méridienne 
médiane,  la  Bayse.  Tous  ces  cônes  d'alluvions  anciennes,  en 
effet,  très  distincts  au  pied  des  Pyrénées,  se  montrent  dé- 
coupés suivant  leur  génératrice  par  des  vallées  rayonnantes 
par  où  s'écroulent,  vers  la  plaine,   des  eaux  boueuses 
torrentielles,  chargées  de  pierres  qui  s'appliquent  main- 
tenant à  déblayer  ce  qu'elles  ont  autrefois  accumulé  sous 
cette  forme  de  cônes  de  déjections  gigantesques  au  pied 
des  Pyrénées.  Non  moins  remarquable  est  ensuite  la  dissy- 
métrie présentée  dans  leur  profil  transversal  par  ces  vallées, 
quand  elles  pénètrent  plus  bas  dans  l'Armagnac  avant  de 
venir  rejoindre  la  Garonne,  leur  versant  occidental  restant 
toujours  adouci,  tandis  que  la  berge  de  l'E.  devient  très 
escarpée  et  rongée  à  la  base.  L'explication  est  facile  à  saisir 
et  ne  saurait,  à  aucun  titre,  devoir  être  attribuée,  comme 
on  l'a  souvent  dit,  à  l'influence  de  la  rotation  terrestre;  elle 
tient  à  l'influence  des  vents  pluvieux  dominants  qui,  souf- 
flant tous  de  l'O.,  rendent  plus  accessibles  au  ravinement 
les  versants  qui  leur  font  face  ;  de  là  ce  fait  que,  dans  ces 
rivières,  sensiblement  méridiennes,  c'est  sur  la  rive  droite 
que  se  porte  leur  action,  d'où  leurs  parois  abruptes,  tan- 
dis qu'elles  alluvionnent  sur  la  rive  opposée.  C'est  du  reste 
ce  qui  se  passe  dans  toutes  les  rivières  françaises  qui 
coulent  du  S.  au  N.,  leurs  rives  droites  ayant  une  ten- 
dance à  être  marquées  par  des  parois  abruptes  toujours 
sous  l'influence  de  vents  d'ouest  océaniques.  Enfin,  il  est 
dans  ce  bassin  de  la  Garonne  un  trait  orographique  des  plus 
remarquables  qu'on  ne  peut  passer  sous  silence  ;  c'est  que, 
largement  ouvert,  dans  l'Ouest,  sur  l'Océan  où  il  se  termine 


FRANCE 


—  968 


par  une  côte  plate,  ensablée  —  soit  par  les  fleuves  sur  le  trajet 
de  la  bande  calcaire  si  profondement  échancrée  du  N.-O., 
soit  par  la  mer  sur  toute  l'étendue  des  affleurements  ter- 
tiaires, depuis  la  Gironde  jusqu'à  l'Adour  —  ce  Éassin  n'est 
pas  fermé.  Symétriquement,  en  effet,  avec  le  col  du  Poitou  par 
où  s'opère,  entre  la  Vendée  et  le  Limousin,  sa  liaison  avec 
les  contrées  du  Nord  bordées  par  la  Manche,  on  observe,  à 
l'autre  extrémité  du  Massif  central,  longeant  le  pied  de  la 
montagne  Noire,  une  large  dépression  E.-O.  bien  marquée, 
celle  du  bief  de  la  Nauronze,  dont  profite  le  canal  du  Midi 
et  qui  devient,  sur  notre  sol  français,  le  point  où  la  com- 
munication entre  les  deux  versants  océanique  et  méditer- 
ranéen est  la  plus  facile.  Or,  dans  cet  accident  orogra- 
phique très  important,  traçant  comme  le  fait  la  trouée  de 
Belfort  entre  le  Jura  et  les  Vosges  une  ligne  de  démarca- 
tion des  plus  tranchées  entre  les  Pyrénées  et  le  Massif  cen- 
tral, il  faut  voir  un  trait  récent,  marquant  vers  le  N.,  avec 
sa  couverture  de  terrains  tertiaires  inférieurs  (éocènes) 
non  dérangés,  adossés  en  pente  douce  contre  la  montagne 
Noire,  la  limite  extrême  des  plissements  pyrénéens  d'âge 
tertiaire.  Son  revers  S.,  relevé  sous  la  forme  des  Corbières, 
faites  dans  leurs  parties  hautes  de  schistes  primaires  très 
disloqués,  renversés,  vers  le  N.,  sur  les  couches  du  crétacé 
tout  à  fait  supérieur  et  de  Féocène,  représente,  ainsi  qu'on 
l'a  souvent  dit,  non  sans  raison,  «  un  fragment  du  massif 
ancien  de  la  France  centrale  englobé  tardivement  dans  cette 
zone  des  plissements  pyrénéens  ».  Ce  sont  alors  ces  dislo- 
cations d'une  énergie  rare,  des  phénomènes  de  recouvrement 
amenant  la  superposition  si  anormale  des  terrains  les  plus 
anciens  des  Pyrénées  sur  les  plus  récents,  et  de  grands  plis 
couchés  dont  les  analogues  ne  peuvent  se  trouver  que  dans 
les  Alpes,  qui  font  de  ce  groupe  si  intéressant  des  Corbières 
les  montagnes  les  plus  arides  et  les  plus  déchiquetées  du 
sol  français.  On  remarque  ensuite  dans  le  Sud,  pénétrant 
curieusement  dans  le  cœur  même  de  la  masse  pyrénéenne 
au  point  précis  où  se  fait  la  chute  brusque  de  cette  grande 
chaîne  vers  la  Méditerranée,  la  vaste  plaine  du  Roussillon, 
dominée  par  le  pic  granitique  si  régulier  du  Canigou 
(2,785  m.).  En  voyant  le  contraste  saisissant  de  ces  hautes 
montagnes  faites  de  schistes  cristallins  ou  primaires  for- 
tement redressées  avec  ces  terres  basses  tout  entières 
occupées  par  des  couches  non  dérangées  de  sables,  de  gra- 
viers et  de  marnes  pliocènes,  on  ne  peut  manquer  de  con- 
stater que  le  Roussillon  doit  son  individualité  à  un  événe- 
ment très  récent.  Cette  brusque  dépression  n'est  autre,  en 
effet,  que  l'amorce  d'une  aire  d'affaissement  beaucoup  plus 
vaste  qui  s'est  produite  dès  le  début  du  pliocène,  alors  que 
s'introduisaient,  dans  l'orographie  générale  de  la  Méditer- 
ranée, des  modifications  profondes  se  traduisant  par  l'ou- 
verture du  détroit  de  Gibraltar  et  la  pénétration  lointaine 
de  la  mer,  dans  les  vallées  déjà  creusées  du  Rhône  et  du  Pô  ; 
et  si  maintenant  les  affleurements  du  pliocène  dans  le  Rous- 
sillon se  montrent  nettement  tranchés  par  la  mer,  c'est 
que,  parmi  ces  effondrements  récents  qui  ont  donné  à  la 
Méditerranée  sa  forme  actuelle,  celui  du  golfe  du  Lion  peut 
compter  parmi  les  derniers  venus. 

Parmi  les  particularités  nombreuses  présentées  par  la 
grande  dépression  du  S.-O.  figure  encore  ce  fait  qu'en 
dehors  des  plaines  tertiaires,  les  zones  secondaires,  malgré 
leur  développement,  n'y  dessinent  plus  d'auréoles  concen- 
triques continues,  comme  dans  le  bassin  de  Paris.  On  les 
remarque  distribuées  suivant  deux  bandes,  l'une  septentrio- 
nale appuyée  contre  les  massifs  anciens  de  la  Vendée  et  du 
Massif  central,  se  reliant  dans  l'intervalle  par  l'ancien  détroit 
du  Poitou  avec  les  terrains  correspondants  du  bassin  de 
Paris,  tandis  que  dans  le  Sud,  c'est  avec  le  golfe  jurassique 
des  Causses  que  se  fait  leur  raccord  ;  l'autre,  méridionale, 
forme  la  bordure  extérieure  très  plissée  des  Pyrénées  dont 
elle  épouse  l'orientation  E.-O.  ;  toutes  deux  présentent,  dans 
leur  composition  et  surtout  dans  leur  allure,  des  différences 
notables.  Dans  la  zone  septentrionale,  les  formations  juras- 
siques et  crétacées,  malgré  leur  continuité  avec  celles  delà 
dépression  parisienne,  ne  présentent  nulle  part  d'accidents 


topographiques  comparables  à  ceux  qui  introduisent  dans 
les  ceintures  de  ce  bassin  un  si  grand  nombre  de  pays. 
Sans  doute,  les  divisions  naturelles  du  sol  n'y  manquent  pas, 
mais  elles  sont  toujours  d'importance  moindre.  Dans  la 
Charente,  par  exemple,  à  côté  des  Terres  froides  du  Con~ 
folennais  qui  marquent  à  l'extrémité  du  Massif  central  une 
région  d'aspect  sévère,  stérilisée  par  l'extension  des  mica- 
schistes et  dont  l'infertilité  n'est  rompue,  quand  les  terres 
deviennent  moins  argileuses,  que  par  des  prairies  où  paissent 
les  troupeaux  de  bœufs  de  TAngoumois,  on  peut  voir  les 
premiers  affleurements  calcaires  se  traduire  parles  Terres 
chaudes  de  l'Ouest  qui  de  suite  se  distinguent  par  une  végé- 
tation puissante  ;   de  plus,  suivant  que  ces  affleurements 
sont  fournis  par  des  formations  crétacées  ou  jurassiques, 
on  peut  distinguer  sous  le  nom  de  Grande  et  Petite  Cham- 
pagne un  vaste  territoire,  un  pays  de  vignes  et  d'arbres 
fruitiers  fournissant  les  meilleures  eaux-de-vie  du  monde, 
tandis  que  celui  de  Chaumes  s'applique  aux  calcaires  juras- 
siques qui,  plus  compacts,  dessinent  une  série  de  collines 
ou  de  plateaux  bas  où  le  vignoble  fait  le  plus  souvent  place 
à  de  grandes  forêts  de  châtaigniers.  C'est  aussi  la  région 
par  excellence  des  sources  vives,  des  rivières  souterraines, 
comme  celles  de  la  Tar doive  et  du  Bandiat  qui,  tous  deux, 
se  réunissent  pour  venir  reparaître  au  jour  sous  la  forme 
jaillissante  de  la  célèbre  Touvre.  Puis,  quand  ces  assises  cal- 
caires se  montrent  couvertes  par  les  argiles  ferrugineuses 
du  terrain  sidérolithique,  le  sol,  devenu  propre  à  toutes 
les  cultures,  est  d'une  merveilleuse  fécondité.  C'est  en 
particulier  sur  un  sol  de  cette  nature,  agrémenté  de  riants 
paysages,  que  sont  établies  les  vignes  de  Cognac.  Sur  la 
bordure  occidentale  du  Limousin,  où  ces  formations  ont 
une  tendance  plus  marquée  à  se  distribuer  par  zones  suc- 
cessives, la  distinction  d'un  Périgord  noir  d'avec  un  Péri- 
gord  blanc  réside  dans  ce  fait  que  ce  dernier  est  établi 
sur  la  craie.  Ces  affleurements  crétacés  ne  dépassent  guère 
la  Dordogne;  aussi,  dans  le  Quercy  qui  suit  et  vient  direc- 
tement butter   contre  les  vastes   déserts  de  pierre  des 
Causses,  l'aspect  de  ces  deux  pays  faits  des  mêmes  masses 
puissantes  de  calcaires  jurassiques,  placés  à  la  même  alti- 
tude et  soumis  au  même  climat,  serait  le  même,  c.-à-d. 
que  le   Quercy  deviendrait,  sur  le  revers  0.  du  Massif 
central,  la  suite  naturelle  de  ces  immenses  plateaux  dé- 
sertiques qui,  dans  les  Cévennes,  maintenant  tronçonnés 
en  Causses  distincts  (C.  de  Larme,  C.  Noir,  C.  Méjan,  C. 
de  Sauveterre,  etc.)  par  les  profondes  entailles  de  rivières 
torrentielles  telles  que  les  canons  célèbres  du  Tarn  et  de 
la  Jonte,  ne  rachètent  leur  absolue  stérilité  que  par  les 
merveilleux  détails  d'une  architecture  ruiniforme,  tout 
entière  due  à  l'œuvre  lente  et  persistante  des  pluies  ;  mais 
la  physionomie  du  pays,  devenu  moins  sec  et  moins  aride, 
est  tout  autre  ;  c'est  qu'ici  vient  s'étendre  sur  ces  hauts 
plateaux,  sans  doute  encore  crevassés,  criblés  de  trous 
(igues  de  Biau,  de  Thêmines,  de  Padirac,  etc.)  où  se  per- 
dent souvent  les  eaux  de  surface,  un  élément  qui  fait  com- 
plètement défaut  dans  les  Causses  cévenoles  ;  cet  élément 
est  fourni  par  des  formations  tertiaires,  représentées  les 
unes  lacustres  par  des  calcaires  dans  lesquels  il  faut  voir 
des  écarts  orientaux  de  ceux  déposés  dans  les  lacs  oligo- 
cènes de  l'Agenais,  les  autres  par  de  curieuses  accumula- 
tions d'ossements,  voire  même  de  squelettes  entiers  de 
Mammifères  variés  (Paleotherium,  Cœnotherium,  An- 
thracotherium,  Necrolemur,  etc.),  de  Reptiles  ou  de  Ba- 
traciens, entassés,  au  milieu  d'argiles  ferrugineuses,  dans 
de  grandes  crevasses  ouvertes  au  travers  des  calcaires  juras- 
siques et  dont  le  principal  remplissage  est  formé  par  de  grands 
amas  de  phosphate  de  chaux  concrétionné.  C'est  à  l'extension 
prise  par  ces  gisements  bien  connus  de  phosphorite  que  le 
Quercy  doit,  avec  l'animation  qu'entraîne  sur  ces  plateaux 
une  pareille  industrie,  ses  champs  de  céréales,  ses  vignes 
prospères,  et  surtout  sa  végétation  arborescente  qui  n'aurait 
pas  manqué  de  mériter  la  qualification  de  forestière  si  un  dé- 
boisement intempestif  n'était  pas  venu  enrayer  cette  nouvelle 
source  de  richesses  pour  laquelle  la  nature  avait  tout  fait. 


Grande Ëncyclopédie_Toïïie  XVII. 


0  de  G-reenwich     8/° 


FRANCE 


$  VILLES  \ 

ffl  Ville**    \de-plus  de,  100000  habitants 

villes  de  iio.ooo  à  100.000  " 
Tîffe<?  de  moùis  de  Ô0.000  ,, 
Limites'    d  'Mate 

>f  des  -Départements 

Chemins  de  fen 
Cccnam*  de  JVaoigation 

Les  @wfs--Lieuœ\  de  départements  #ont  <9otdignés 
deuœfbis,  cei&o   d r> '  cwnondîssement  unes  jfaùp. 


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000  Kîl . 


H.LAMIRAULT  et  C^  Editeurs 


—  969 


FRANCE 


Quoi  qu'il  en  soit,  toutes  les  régions  de  cette  zone  secon- 
daire drainée  par  la  Charente,  la  Dordogne  et  le  Lot,  restent 
plates  dans  l'ensemble,  l'horizontalité  première  des  assises 
qui  les  composent  n'étant  guère  troublée  que  par  des  frac- 
tures, et  encore  parmi  ces  failles,  il  en  est  peu  qui  de- 
viennent assez  importantes  pour  jouer  dans  le  relief  un 
rôle  notable.  Il  en  est  tout  autrement  quand  on  aborde  les 
Pyrénées,  où  ces  mêmes  assises,  disposées  en  bordure  avec 
un  parallélisme  frappant  d'un  bout  à  l'autre  de  la  chaîne, 
apparaissent  redressées,  plissées  de  mille  manières  en 
affectant  toutes  les  particularités  de  structure  prises  par  les 
formations  sédimentaires  dans  les  régions  montagneuses. 
Déjà  dans  la  Chalosse,  qui  se  sépare  bien  de  V Arma- 
gnac par  cette  particularité,  on  peut  voir  apparaître  les 
premières  traces  de  ces  plissements  pyrénéens  ;  ce  ne  sont 
encore  que  des  assises  tertiaires  et  crétacées  qui  se  pré- 
sentent dans  de  pareilles  conditions,  mais  leur  intérêt  c'est 
de  montrer  jusqu'où  ces  plis  se  sont  prolongés  ;  c'est  en- 
suite dans  l'E.  de  la  Garonne  que  ce  flanquement  calcaire 
redressé  apparaît  le  mieux  prononcé,  notamment  dans 
l'Aude  où  les  Petites-Pyrénées  prolongent  la  chaîne  fort 
loin  vers  le  Nord,  en  constituant  des  accidents  qui  peuvent 
atteindre,  avec  le  pic  de  Bugarach,  '1,231  m. 

Vers  l'Ouest,  au  delà  de  Saint-Gaudens,  les  Petites-Pyré- 
nées cessent  de  jouer  un  rôle  orographique  notable  ;  c'est 
dans  de  pareilles  conditions  que  se  présentent  les  Corbières 
qui,  faites  comme  il  a  été  indiqué  plus  haut  des  terrains 
les  plus  anciens  et  les  plus  récents  des  Pyrénées,  tous  for- 
tement redressés,  disparaissent  rapidement,  après  un  par- 
cours E.-O.  qui  ne  dépasse  guère  45  kil.,  dès  qu'on  a 
franchi  la  haute  vallée  de  l'Aude.  Pour  retrouver  sur  notre 
versant  pyrénéen  français  des  zones  latérales  comparables, 
sinon  comme  importance,  au  moins  comme  position,  il  faut 
atteindre  en  pleines  Basses-Pyrénées,  dans  la  direction  de 
l'Océan,  une  bande  de  terrains  crétacés  supérieurs  et  de 
calcaires  nummulitiques  très  plissés,  comprise  entre  les 
Gaves  de  Pau  et  d'Oloron  dont  elle  épouse  la  direction. 
C'est  dire  que,  dans  son  prolongement  vers  l'Océan,  ce 
nouvel  accident  apparaît  fortement  relevé  vers  le  N.-O., 
inflexion  alors  motivée  par  la  singulière  apparition,  dans 
le  pays  basque,  au  milieu  de  ces  zones  latérales  calcaires, 
d'un  massif  granitique  et  gneissique,  celui  du  Labour, 
dont  la  cime  culminante,  le  pic  à'Ursouïa  (1,165  m.), 
domine  le  site  pittoresque  bien  connu  de  Cambo.  En  fai- 
sant office  de  point  de  résistance,  contre  lequel  sont  venus 
se  heurter  les  efforts  de  dislocation,  ce  massif  a  dès  lors 
obligé  les  ridements  pyrénéens  à  venir  se  modeler  contre 
sa  surface  en  épousant  ses  contours.  (Seunes,  Recherches 
géologiques  sur  la  région  sous-pyrénéenne  du  sud-ouest 
de  la  France,  dans  Annales  des  mines,  1880.)  Quant 
à  l'interruption  momentanée,  vers  le  milieu  de  la  chaîne, 
de  la  zone  des  Petites-Pyrénées,  ce  sont  les  assises  mio- 
cènes de  la  plaine  aquitanienne  et  les  grands  cônes  d'allu- 
vions  dont  nous  avons  déjà  parlé  qui  en  sont  la  cause  ;  en 
débordant  largement  vers  le  Sud,  ainsi  que  l'a  justement 
fait  remarquer  M.  de  Margerie,  ces  formations  post-pyré- 
néennes, c.-à-d.  postérieures  à  l'exhaussement  de  la  chaîne, 
se  sont  chargées  d'en  masquer  les  affleurements.  Du  reste, 
il  suffit  d'examiner  ce  qui  se  passe  dans  le  fond  des  vallées 
divergentes  de  la  Garonne  pour  en  acquérir  la  preuve  et 
constater  la  continuité  remarquable  de  ce  chaînon  exté- 
rieur, en  voyant  sous  les  couches  miocènes  ou  les  alluvions 
anciennes  apparaître  les  assises  plissées  des  terrains  cré- 
tacés et  éocènes  des  Petites-Pyrénées  ;  en  même  temps, 
quand  on  remarque  que  la  plus  grande  accumulation  de 
ces  cônes  d'alluvions  empruntés  aux  Pyrénées  par  les  eaux 
courantes  correspond  précisément,  dans  l'Ouest,  à  cette  in- 
terruption des  zones  latérales  calcaires,  on  ne  peut  échapper 
à  cette  conclusion  que  les  Pyrénées  représentent  une  chaîne 
espagnole  dont  le  talus  méridional,  sur  notre  versant 
français,  a  été  en  grande  partie  enlevé  par  les  érosions  ; 

et  cela  d'autant  plus  que,  sur  ce  versant  espagnol,  les  zones 
latérales  calcaires,  très  continues  d'un  bout  à  l'autre  de  la 


chaîne,  y  prennent  un  développement  inusité  sous  la  forme 
des  grandes  zones  du  mont  Perdu  et  des  Sierras. 

Dans  les  hautes  chaînes,  de  part  et  d'autre  d'une  zone 
centrale  faite  de  terrains  primaires,  très  plissées  avec  de 
larges  trouées  de  gneiss  et  de  granité  fournissant  les  points 
culminants ,  ces  mêmes  terrains  secondaires  et  tertiaires 
s'avancent  très  haut  vers  l'axe  en  atteignant  souvent  la  ligne 
de  faîte  en  offrant,  sous  la  forme  de  ces  rangées  de  pics  déjà 
si  caractéristiques  de  la  zone  des  Sierras  espagnoles,  des 
sommets  dont  la  hauteur  (Maladetta,  3,404  m.  ;  Vigne- 
mole,  3,296  m.)  reste  bien  voisine  des  plus  hautes  cimes  des 
Pyrénées.  Or,  parmi  ces  terrains  sédimentaires,  aujourd'hui 
dispersés  par  lambeaux  sur  les  plus  hauts  sommets  de  ces 
bandes  calcaires,  figurent  des  grès  et  calcaires  où  l'on  peut 
rencontrer  les  nummulites  du  calcaire  grossier  des  environs 
de  Paris  ;  et  cela  aussi  bien  sur  le  versant  français  (cirque 
de  Gavarnie)  que  sur  le  versant  espagnol  (zone  du  mont 
Perdu).  Ainsi  se  trouve  démontré  par  ce  seul  fait  qu'à 
l'époque  éocène,  au  moment  de  la  grande  extension  des 
mers  nummulitiques,  la  grande  barrière  des  Pyrénées  n'exis- 
tait pas  ;  qu'elle  devient  par  suite  une  œuvre  récente,  ce  dont 
déjà  témoignait,  avec  sa  grande  élévation,  cette  fraîcheur 
dans  le  profil  qui  devient  toujours  dans  les  montagnes  un 
signe  de  jeunesse  achevé.  Il  suffit  ensuite  d'examiner  ce  qui 
se  passe  au  pied  de  cette  chaîne  sur  notre  versant  fran- 
çais pour  acquérir  la  preuve  que  cette  condition  s'est  tou- 
jours pleinement  réalisée  à  la  fin  de  l'éocène.  En  avant 
des  chaînes  calcaires  sur  ce  versant  N.,  on  remarque,  en 
effet,  dessinant  à  l'extérieur  une  véritable  cuirasse,  une 
masse  énorme  de  galets  bien  connus  sous  le  nom  de  pou- 
dingues  de  Palassou  et  qu'on  sait  être  venue  s'accumuler 
sur  le  bord  de  ce  massif  en  voie  d'exhaussement  au  mo- 
ment précis  où,  dans  le  centre  du  bassin  de  Paris,  l'assèche- 
ment des  lagunes  éocènes  amenait  la  formation  du  gypse  de 
Montmartre.  Ces  poudingues,  fortement  inclinés  en  avant 
de  la  chaîne  dont  ils  deviennent  le  dernier  élément,  plongent 
ensuite  vers  les  plaines  de  la  Garonne  où  on  les  voit  bien- 
tôt disparaître  sous  les  couches  horizontales  de  grès  molas- 
siques  et  des  faluns  de  l'Aquitaine,  en  particulier  sous 
ceux  qui  parmi  ces  sables  coquilliers  représentent,  dans  le 
Sud-Ouest,  nos  sables  de  Fontainebleau.  Dès  lors,  le  re- 
dressement d'une  large  bande  plissée  sous  la  forme  des 
Pyrénées,  sur  l'emplacement  de  l'ancien  bras  de  mer  qui 
séparait  autrefois  notre  Plateau  central  d'un  autre  massif 
ancien  de  même  nature,  la  Meseta  espagnole,  se  trouve 
bien  datée  par  cet  ensemble  de  faits  très  expressifs  ;  et 
c'est  alors  quand  cette  grande  chaîne  s'est  dressée  dans  les 
airs,  à  la  fin  de  l'éocène,  qu'a  pris  naissance,  dans  le  Sud- 
Ouest,  une  dépression  aquitanienne  destinée  à  devenir 
un  golfe  largement  ouvert  sur  l'Atlantique  pour  les  terrains 
tertiaires  plus  récents,  c.-à-d.  pour  ceux  qui,  largement 
étalés  maintenant  dans  le  Sud  en  couches  horizontales, 
soient  les  seuls,  dans  le  bassin  de  la  Gironde,  affectant 
une  disposition  nettement  concentrique,  disposition  qui, 
motivée  par  ce  nouvel  état  de  choses,  devient  l'indice  d'une 
retraite  successive  de  ces  mers  dont  la  dernière  a  déposé 
les  sables  pliocènes  des  Landes. 

A  cette  date,  dans  le  Sud-Est,  la  grande  chaîne  des  Alpes 
avec  son  annexe  jurassien  avait  déjà  fait  son  apparition  et 
dès  lors  la  dépression  du  Rhône  se  trouvant  nettement  sé- 
parée des  régions  méditerranéennes  orientales,  on  pouvait 
distinguer,  départ  et  d'autre  du  Massif  central,  sur  notre 
sol  français,  ces  trois  bassins  qui  lui  donnent  sa  physio- 
nomie actuelle. 

Bassin  du  Rhône  et  régions  adjacentes.  Constituée 
de  la  sorte  récemment  sous  sa  forme  actuelle,  cette'dépres- 
sion  rhodanienne,  remarquablement  prolongée  dans  le 
Nord  par  celle  où  la  paisible  Saône  remplit,  pour  le  grand 
fleuve  méditerranéen  devenu  torrentiel  dès  son  inflexion 
brusque  vers  le  S.,  un  rôle  de  régulateur,  représente  une 
ligne  trop  tranchée  pour  pouvoir  être  attribuée  aux  seuls 
efforts  de  l'érosion.  Pour  expliquer  son  allure  si  remar- 
quablement rectiligne,  des  phénomènes  orogéniques  doivent 


FRANGE 


970 


être  invoqués;  cette  longue  dépression,  qui  devient  un  des 
traits  orographiques  les  plus  remarquables  du  sol  français, 
fait  partie,  en  effet,  de  ces  dislocations  linéaires,  qui,  lors 
des  grands  mouvements  alpins,  se  sont  produits  volontiers 
dans  les  points  faibles  compris  entre  les  plissements  médi- 
terranéens et  les  massifs  anciens  de  la  bordure,  disloca- 
tions qui  ont  eu  pour  effet  de  substituer  des  dépressions 
méridiennes,  c.-à-d.  N.-S.  à  celles  E.-O.,  qui  avaient 
dominé  jusqu'alors.  Ainsi  s'explique  ce  fait  que,  dans  la 
majeure  partie  de  son  cours  français,  la  vallée  du  Rhône 
traverse  obliquement  des  lignes  de  relief,  placées  sous  la 
dépendance  immédiate  des  plissements  alpins  et  formées 
de  ces  terrains  secondaires  et  tertiaires  qui  partout  ailleurs, 
dans  les  autres  bassins,  dessinent,  comme  nous  l'avons  vu, 
des  ceintures  concentriques.  Depuis  la  Drôme  (affluent  de 
gauche),  par  exemple,  jusqu'au  Gard  (affluent  de  droite), 
le7  Rhône  coule  à  pleins  bords  dans  une  vallée  étroite  dont 
la  section  transversale  est  le  plus  souvent  une  tranchée 
régulière,  bordée  sur  la  rive  droite  par  des  montagnes 
abruptes,  presque  à  pic;  sur  la  rive  gauche,  par  des 
collines  plus  adoucies,  mieux  cultivées,  dernières  ondula- 
tions de  la  grande  chaîne  des  Alpes  qui  sont  venues  se 
mouler  sur  la  bordure  orientale  du  Massif  central  en  épou- 
sant ses  contours.  Par  place,  ses  eaux  tumultueuses 
s'échappent,  rapides,  dans  de  véritables  défilés,  comme  la 
célèbre  cluse  de  Donzère  (Drôme)  qui  marque  le  point  où 
commence  à  apparaître  l'olivier,  et  par  suite  celui  de  l'en- 
trée du  fleuve  dans  les  régions  méditerranéennes,  ou  mieux 
encore  viennent  battre  le  pied  des  falaises  verticales  comme 
celles  non  moins  connues  de  l'Ardèche  ;  dans  ce  cas,  on 
saisit  la  cause  de  son  allure  rectiligne  en  voyant  que  ce 
sont  de  grandes  cassures  au  travers  de  ces  bandes  calcaires 
plissées  qui  ont  dirigé  l'action  érosive  du  fleuve.  Sans 
doute,  bien  souvent,  à  mesure  qu'on  s'avance  vers  le  Sud, 
on  voit  immédiatement,  en  deçà  ou  au  delà  de  ces  cluses 
étroites,  la  vallée  s'ouvrir  démesurément,  et  les  vastes 
plaines  de  Valence,  de  Montélimart,  de  Pierrelatte,  d'Orange 
*et  d'Avignon,  où  s'étalent  largement  les  alluvions  et  les 
terrains  tertiaires  les  plus  récents,  forment  un  contraste 
saisissant  avec  les  passages  rétrécis  qui  les  précèdent  ou  les 
suivent  ;  mais  ces  étranglements  et  ces  épanouissements, 
de  même  que  les  légères  courbures  du  fleuve,  ne  sont  que 
des  accidents  isolés,  exceptionnels  dans  un  sillon  régulier 
qui,  en  somme,  se  poursuit  droit,  du  N.  vers  le  S.,  sans 
jamais  dépasser  comme  largeur  moyenne  plus  de  4  lui. 
et  demi. 

Plus  au  N.,  la  Saône  bourguignonne,  dans  tout  son 
cours  inférieur  qui  ne  s'écarte  guère  de  la  même  direc- 
tion N.-S.,  vient  de  même  couper  obliquement  les  chaînons 
successifs  de  ces  montagnes  d'entre  Saône  et  Loire,  qui, 
sous  les  noms  de  monts  du  Lyonnais,  du  Beaujolais, 
sont  faits  de  granités,  de  porphyres  et  de  terrains  pri- 
maires plissés,  flanqués  vers  l'E.  de  calcaires  jurassiques 
franchement  dénivelés  par  de  grandes  fractures  toujours 
en  rapport,  ainsi  que  M.  Michel-Lévy  a  mis  le  fait  bien  en 
évidence,  avec  les  mouvements  alpins.  Au  delà,  la  dislo- 
cation N.-S.  se  reporte  vers  l'O.  et,  tandis  que  la  Saône 
circule  tortueusement  au  travers  de  la  grande  plaine  bres- 
sane, c'est  le  bord  occidental  de  cette  plaine  tertiaire  qui 
vient  recouper,  toujours  obliquement  dans  le  prolongement 
immédiat  des  précédentes  lignes  de  relief,  les  monts  du 
Charolais  et  du  Maçonnais,  où  les  formations  jurassiques 
disloquéescprennent  de  plus  en  plus  d'importance  ;  alors  se 
présente  cette  particularité  intéressante,  c'est  que  sur  cette 
bordure  du  Massif  central,  le  développement  des  vignobles 
sur  toutes  ces  côtes  bien  exposées  suit  de  près  celui  de  ces 
formations  calcaires  qui  fournissent  l'amendement  néces- 
saire pour  rendre  fertiles  les  terres  granitiques  ou  schis- 
teuses de  ces  régions. 

Dans  l'intervalle,  c.-à-d.  entre  la  Drôme  et  le  confluent 
de  la  Saône,  le  Rhône,  en  glissant  contre  les  falaises  sau- 
vages du  Vivarais,  longe  la  bordure  du  Massif  central, 
complètement  privé  cette  fois  de  formations  secondaires  ; 


ce  sont  alors  les  plis  anciens,  carbonifères,  de  ce  massif, 
jalonnés  maintenant  par  les  bandes  de  granité  nettement 
orientées  vers  le  N.-E.  (direction  variscique  de  M.  Suess), 
qui  se  montrent  tranchées  par  le  fleuve,  tandis  que  sur  le 
bord  opposé  s'étalent  les  grands  plateaux  de  V Isère  et  du 
Viennois  tout  entiers  faits  de  ces  grès  molassiques  helvé- 
tiens,  dont  la  liaison  avec  ceux  si  largement  développés 
dans  la  plaine  suisse  devient  évidente. 

En  somme,  depuis  la  Méditerranée  jusqu'au  cœur  de  la 
France,  le  Rhône  et  la  Saône  coulent  dans  une  seule  et 
même  grande  vallée,  en  venant  former  une  grande  ligne  de 
navigation  qui  représente  la  principale  voie  historique  de 
la  France,  celle  qui,  pratiquée  dès  l'origine  des  temps, 
alors  qu'aucune  autre  n'existait  encore,  s'est  toujours 
maintenue,  depuis  lors,  en  pleine  activité  (Lenthéric). 
Arles,  Vienne,  Lyon,  Chalon  et  Dijon  marquent  les  étapes 
successives,  les  escales  de  cette  grande  voie  de  pénétration 
pour  laquelle,  sans  doute,  la  grande  rivière  bourguignonne 
et  le  grand  fleuve  alpin  se  sont  réunis  dans  une  œuvre 
commune  bien  connue  sous  le  nom  d'érosion  ;  mais  il  est 
juste  d'ajouter  que.  leur  tâche  a  été  singulièrement  facilitée 
par  les  dislocations  antérieures  dont  nous  venons  de  suivre 
pas  à  pas  les  traces. 

C'est  de  même  à  la  faveur  de  cet  accident  que,  vers  la 
fin  des  temps  tertiaires,  alors  que  depuis  longtemps  la  mer 
avait  abandonné  le  bassin  de  Paris,  les  eaux  marines  plio- 
cènes  ont  pu  pénétrer  au  loin  dans  cette  vallée  du  Rhône 
déjà  creusée  sous  la  forme  d'un  fjord  allongé  dont  le  fond 
venait  se  placer  sur  l'emplacement  même  où  devait  s'élever 
plus  tard  la  ville  de  Lyon.  Dans  le  même  temps,  dans  le 
fond  très  élargi  alors  de  la  dépression  de  la  Saône,  un  ré- 
gime lacustre  bien  caractérisé,  en  donnant  naissance  aux 
dépôts  bressans,  a  doté  la  France  d'une  contrée  fertile, 
agréablement  boisée,  où  dorment  encore,  comme  un  reste 
de  l'état  ancien,  les  eaux  de  nombreux  étangs  très  pois- 
sonneux. Il  a  suffi  ensuite  qu'à  une  date  postérieure,  les 
torrents,  dans  une  phase  de  fusion  des  grands  glaciers  al- 
pins, viennent  déverser  dans  le  S.  de  cette  région  remar- 
quablement aplani,  des  nappes  épaisses  et  très  continues 
d'alluvions  glaciaires  pour  introduire  à  côté  de  cette  Rresse, 
sous  le  nom  de  Bombes,  une  région  très  différente  d'as- 
pect, plus  encombrée  encore  d'étangs  et  de  ruisseaux  amor- 
tis, et  qui  pendant  longtemps  a  mérité  de  devenir  la  plus 
insalubre  du  sol  français.  Aujourd'hui  des  travaux  coûteux 
d'assainissement,  la  mise  en  culture  de  la  majeure  partie 
de  ces  espaces  marécageux  (44,000  hect.  d'eau  croupie 
sur  les  47,245  hect.  qui  rendaient  autrefois  la  fièvre  en- 
démique sur  le  sol  tremblant  des  Dombes),  la  canalisation 
des  eaux  stagnantes  et  l'établissement  d'un  vaste  réseau  de 
routes  agricoles  ont  réparé  le  mal  occasionné  parles  nappes 
continues  de  boues  glaciaires  ;  mais  il  n'en  reste  pas  moins 
que  ce  plateau  bosselé  des  Dombes  représente,  dans  le  S. 
de  la  Bresse,  un  ancien  cône  très  aplati  d'alluvions  gla- 
ciaires. Pour  compléter  la  différence,  le  Rhône,  dès  sa 
sortie  du  Jura  au  travers  de  la  cluse  du  Pont-du-Saut, 
dans  sa  traversée  E.-O.  de  cette  région  argileuse,  s'étale  et 
se  ramifie  en  mailles  innombrables,  si  bien  qu'il  n'est  guère 
possible,  à  première  vue,  de  distinguer,  entre  toutes  ces 
branches,  celle  conservée  à  la  navigation  de  tous  ces  ra- 
meaux parasites,  désignés  sous  le  nom  de  Lônes,  c.-à-d. 
de  «  bras  morts  »  où  l'eau,  sans  écoulement  sensible, 
semble  stationnaire  au  milieu  d'îlots  de  graviers  et  de  prai- 
ries verdoyantes,  les  alluvions  du  fleuve  ayant  pour  effet 
de  rendre  plus  fertile  toute  l'étendue  de  son  champ  d'inon- 
dation. 

C'est  sous  ce  même  aspect  que  se  présente  le  Rhône  à 
l'extrémité  de  sa  course  méridienne,  quand  il  atteint  ces 
vastes  plaines  de  cailloux  de  la  Grau  qui  résultent  princi- 
palement d'anciennes  débâcles  glaciaires  de  la  Durance  et 
divisée  en  deux  parties  par  un  colmatage  bien  compris  des 
eaux  de  cette  Durance  :  la  Grau  aride,  désertique,  dernier 
reste  de  l'état  primitif,  et  la  Grau  arrosée,  qui  devient  un 
véritable  jardin  (Gousous)  en  même  temps  que  le  pays  des 


—  971  — 


FRANCE 


pâturages  et  des  troupeaux  de  taureaux  ou  de  chevaux 
errants  par  excellence.  Enfin  tout  le  monde  sait  qu'en  der- 
nier lieu,  cette  même  divagation  du  fleuve  devient  son  trait 
le  plus  saillant  dans  tout  le  vaste  espace  triangulaire  de 
la  Camargue,  qui  maintenant,  délimitée  paroles  deux 
branches  actives  du  Rhône,  ne  représente  qu'une  partie  de 
l'esluaire  primitif,  c.-à-d.  de  l'espace  où  ce  grand  fleuve 
est  venu  étaler,  sur  la  nappe  caillouteuse  de  l'ancienne  Crau, 
un  épais  revêtement  de  sables  fins  et  de  limon,  dont  la 
limite  orientale  est  marquée  par  le  Rhône  mort.  Le  con- 
traste est  alors  saisissant  entre  ces  terres  plates  d'alluvions 
livrées  sans  défense  à  l'influence  désastreuse  du  mistral  et 
ce  profil  hardi  des  Alpes,  dont  les  hautes  cimes  blanchies 
se  détachent  fièrement  à  l'horizon  dans  le  lointain.  C'est 
en  effet  cette  grande  rangée  de  montagnes  qui  trace  vigou- 
reusement à  l'E.  la  limite  du  bassin  du  Rhône  dans  les 
conditions  précédemment  indiquées. 

Les  Alpes  dans  notre  région  française,  en  venant  dessi- 
ner depuis  le  Valais  jusqu'aux  Alpes-Maritimes,  la  courbe 
concave  vers  l'O.  que  l'on  connaît,  apparaissent  dans 
cette  partie  occidentale  nettement  dissymétriques  ;  c'est  par 
une  chute  brusque  que  se  fait  en  effet  leur  terminaison  vers 
la  grande  plaine  lombarde  où  la  chaîne  tout  entière,  faite 
dans  cette  direction  de  granité  et  des  schistes  cristallins 
(zone  du  mont  Rose,  4,638  m.),  se  développe  sous  la  forme 
d'un  rempart  semi-circulaire  immense,  dont  les  escarpements 
hauts  de  plusieurs  milliers  de  mètres  avec  leurs  flancs  abrupts 
toujours  tournés  vers  l'Italie,  ne  se  montrent,  par  places,  in- 
terrompus que  par  de  profondes  entailles  normales  à  la 
direction  générale  de  la  chaîne.  Sur  notre  versant  français, 
il  en  est  tout  autrement  :  des  chaînes  multiples  où  dominent 
les  formations  calcaires  parallèles  à  cette  zone  archéenne 
principale  qui  supporte  la  ligne  de  faîte,  apparaissent 
pressées  les  unes  contre  les  autres  et  séparées  par 
de  profonds  sillons  où  des  couches  stratifiées  marines  de 
divers  âges  fortement  plissées  affectent  les  contournements 
les  plus  bizarres.  Toutes  s'abaissent,  par  échelons  succes- 
sifs, vers  les  plaines  tertiaires  environnantes  où  le  raccord 
avec  ces  parties  déprimées  se  fait  par  les  collines  boisées 
doucement  ondulées  des  grès  molassiques,  qui  deviennent 
sur  le  bord  septentrional  le  dernier  terme,  en  même  temps 
le  plus  récent,  de  cette  grande  zone  plissée.  De  plus  au 
milieu  même  de  ces  chaînes  extérieures  calcaires  apparaît 
une  deuxième  rangée  de  massifs  cristallins,  granitiques  et 
gneissiques,  disposés  en  chapelet  et  portant  tous  la  trace 
de  dislocations  récentes  qui  les  ont  ainsi  poussés  en  avant 
au  travers  de  cette  zone  secondaire  externe.  Or  ces  massifs 
qui  n'apparaissent  ainsi  que  comme  un  simple  accident  dans 
le  plan  général  du  système  alpin,  ce  sont  précisément  les 
plus  élevés  et  les  plus  importants  des  Alpes  :  tels  sont,  en 
effet,  le  massif  remarquablement  circulaire  du  Pelvoux 
(Barre  des  Ecrins,  4,403  m.)  qui  devient  le  principal  centre 
glaciaire  du  Dauphiné,  les  hauts  sommets  non  moins  nei- 
geux de  la  chaîne  de  Belledonne  (2,981  m;)  et  des 
Grandes  Rousses  (3,514  m.),  si  nettement  recoupée  par 
les  gorges  profondes  où  circulent  les  eaux  torrentielles  de 
la  Romanche,  de  FArr  et  de  l'Isère,  celui  du  mont  Blanc 
(4,810  m.),  avec  structure  en  éventail  bien  connue  et  ses 
non  moins  célèbres  grandes  traînée  de  glace;  plus  à  l'O. 
et  parallèlement  à  cet  accident  du  mont  Blanc,  la  chaîne 
jumelle  également  cristalline  du  Brévent,  enfin  celle  des 
Aiguilles  Rouges,  qui  devient  vers  le  N.  le  dernier  terme  de 
cette  longue  rangée  de  massifs  culminants  ;  tandis  qu'au  plein 
cœur  ceux  si  élevés  du  Mercantour,  c.-à-d.  des  Alpes-Mari- 
Urnes  (3,297  m.)  remplissent  dans  le  Sudlamême  condition. 
Dans  l'intervalle  de  ces  deux  zones  cristallines,  de  puissantes 
assises  d'âge  carbonifère,  triasique  puis  jurassique,  forte- 
ment comprimées,  ont  donné  naissance  aux  régions  alpines 
si  disloquées  du  Briançonnais ,  de  la  Tarentaise  et  de 
la  Maurienne,  où  l'on  peut  même  rencontrer  exceptionnel- 
lement quelques  lambeaux  de  couches  marines  d'âge  ter- 
tiaire portées  maintenant  à  des  hauteurs  de  3, 514 "m.  au 
sommet  des  Aiguilles  d'Arve.  Sur  le  revers  opposé  de  cette 


zone  du  mont  Blanc,  les  chaînes  subalpines  calcaires,  plus 
développées,  dessinent  encore  une  longue  série  de  crêtes, 
où  les  érosions,  profitant  du  degré  plus  ou  moins  grand  de 
résistance  des  roches  et  de  leur  état  fissuré,  se  sont  appli- 
quées à  sculpter  tous  les  détails  d'une  architecture  interne, 
dans  laquelle  on  peut  apercevoir,  au  milieu  de  dislocations 
intenses  témoignant  de  l'énergie  des  efforts  de  compression 
latérale  dépensés  pour  provoquer  la  formation  de  pareilles 
lignes  relief,  ces  grands  plis  couchés  qui  donnent  à  la  struc- 
ture des  chaînes  alpines  son  caractère  particulier.  De  là 
sont  nés,  en  particulier  dans  ces  régions  très  enchevêtrées 
des  Alpes  calcaires,  ces  accidents  qui  se  traduisent  sous  la 
forme  culminante  des  Dents  du  Midi  (3,285  m.),  de  Mordes 
(3,100m.),c?'O^/i^(2,215m.)etd'autreslieux.Cesontalors 
ces  chaînes  subalpines  dont  le  caractère  essentiel  est  de 
présenter  des  assises  crétacées  et  tertiaires  plissées  et  de 
figurer  parmi  les  bandes  les  plus  récentes  du  système  alpin, 
qui,  remplissant  de  leurs  ramifications  nombreuses  tout 
l'espace  compris  depuis  la  Drôme,  entre  la  zone  cristalline 
du  mont  Blanc  et  le  Massif  central,  donnent  naissance 
aussi  bien  dans  le  Dauphiné  et  la  Provence  que  dans  une 
grande  partie  du  Languedoc,  à  ce  faisceau  de  rides  plus 
ou  moins  parallèles  qui,  sous  les  noms  d'Alpines,  de  mont 
Luberon,  monts  de  Vaucluse,  montagne  de  Lure,  mont 
Ventoux,  etc.,  subissent  dans  leur  direction  des  modi- 
fications profondes,  souvent  même  des  inflexions  brusqués, 
toutes  motivées  par  l'influence  des  massifs  cristallins  de  la 
bordure  ;  ces  derniers  faisant  office  de  points  de  résistance 
contre  lesquels  sont  venus  se  butter  les  efforts  de  disloca- 
tion, les  couches  plissées  ont,  dans  leur  voisinage,  dû 
se  déployer  en  longues  ondulations  empruntant,  eh  chaque 
point,  la  direction  de  la  bordure  du  massif  résistant.  Mais 
si  cet  effet  a  toujours  été  le  même,  il  ne  s'ensuit  pas  que 
tous  ces  plissements  dans  cette  zone  subalpine  soient  du 
même  âge.  Dans  la  basse  Provence,  en  particulier,  la  struc- 
ture très  compliquée  de  cette  région  qui  peut  compter  parmi 
celles  plissées  dont  la  liaison  avec  les  Alpes  est  de  toute 
évidence,  est  en  relation  étroite  avec  la  présence  dans  le 
Sud-Est  du  double  massif  cristallin  des  Maures  et  du  Tan- 
neson  prolongé  en  mer  sous  la  forme  des  îles  d'Hyères, 
qui  deviennent  un  témoin  de  son  ancienne  extension.  En 
ce  point  vient  en  effet  se  placer  un  groupe  montagneux  des 
plus  pittoresques,  dont  les  analogies  avec  les  Vosges  ne 
sauraient  être  contestées,  ainsi  que  l'émersion  ancienne, 
vraisemblablement  datant  de  la  même  époque,  c.-à-d.  du 
milieu  de  la  période  secondaire.  Entre  ces  deux  montagnes 
aux  cimes  arrondies,  faites  de  gneiss,  de  granités  et  schistes 
très  anciens,  comme  celles  des  Hautes  Chaumes  vosgiennes, 
s'étend  une  puissante  formation  de  grès  rouges  permiens  et 
de  porphyres,  analogues  à  ceux  des  Vosges  qui  donnent 
naissance  non  seulement  aux  contours  abrupts  et  déchique- 
tés de  FEsterel,  mais  à  tous  les  caps  rocheux  de  cette  côte 
très  accidentée  du  Var.  Dans  la  direction  opposée,  la  même 
enveloppe  de  grès  bigarrés  tri asiques,  avec  leur  couverture 
habituelle  de  grandes  forêts  de  sapins,  se  présente  à  ce  point 
accentué  qu'un  géologue  de  Strasbourg,  Schimper,  qui  a  lar- 
gement contribué  à  accroître  nos  connaissances  sur  nos  pro- 
vinces de  l'Est,  déclarait  en  présence  des  environs  d'Hyères  : 
«  Si  on  m'avait  conduit  ici  les  yeux  bandés,  sans  me  dire 
où  j'étais,  je  me  serais  cru  en  pleines  Vosges.  »  Or,  c'est 
dans  le  voisinage  immédiat  et  sous  l'influence  de  ce  massif 
ancien  que  se  présentent  au  Beausset  et  à  la  Sainte- 
Beaume  des  actions  dynamiques  pouvant  compter  parmi 
les  plus  considérables  qu'ait  subies  notre  sol  français  ;  elles 
s'y  sont  traduites  par  de  surprenants  phénomènes  de  re- 
couvrement, par  de  grands  plis  couchés  amenant,  avec  leur 
renversement,  le  traînage  de  grandes  nappes  sédimentaires 
sur  plus  de  3  kil.  en  venant  attester  que  cette  Provence 
autrefois  montagneuse,  maintenant  morcelée  et  dénudée 
par  les  érosions,  fait  partie  des  plissements  les  plus  an- 
ciens des  zones  subalpines.  En  signalant  ces  faits  demeurés 
longtemps  inaperçus  et  surtout  en  démontrant  que  cette 
région  provençale  devenait  un  terme  des  plus  instructifs, 


FRANGE 


—  972  — 


attestant  l'ancienne  liaison  des  Alpes  et  des  Pyrénées, 
avant  l'ouverture  du  golfe  du  Lion,  M.  Marcel  Bertrand  a 
résolu  une  des  questions  les  plus  importantes  de  l'histoire 
du  Midi. 

Autant  ces  chaînons  divergents  du  Dauphiné,  de  la  Pro- 
vence et  du  Languedoc  se  présentent  tourmentés,  subdi- 
visés en  éléments  distincts,  dont  les  liens  et  la  direction 
ne  peuvent  être  retracés  qu'à  l'aide  d'observations  délicates, 
autant  plus  au  N. ,  au  delà  de  la  Drôme,  les  chaînes  subal- 
pines se  régularisent  en  prenant  des  alignements  sensible- 
ment rectilignes  qui  préparent  le  Jura.  Il  est  ainsi  dans  le 
Vercors  et  surtout  dans  le  massif  de  la  Grande-Char- 
treuse qui  suit  et  à  partir  duquel  se  détache  vers  le  N. 
la  chaîne  jurassienne  pour  se  développer  ensuite  au  delà 
de  la  plaine  suisse,  sous  cette  forme  arquée  bien  connue, 
qui  fait  du  Jura  un  reflet  des  Alpes.  Déjà,  du  reste,  ces 
deux  chaînons  extérieurs  et  calcaires  du  Vercors  et  de  la 
Grande-Chartreuse,  se  montrent  nettement  séparés  des 
massifs  cristallins  de  la  chaîne  de  Belledonne,  par  un  trait 
orographique  de  la  plus  haute  importance.  Cet  accident 
c'est  une  vallée  d'érosion  largement  ouverte  dans  les  schistes 
friables  du  jurassique  et  qui,  maintenant  encore  drainée  par 
le  Drac  et  l'Isère,  se  traduit  par  la  pittoresque  région  du 
Grësivaudan.  Quant  au  Jura  (V.  ce  mot),  il  représente  une 
large  bande  de  formations  calcaires  secondaires  puis  ter- 
tiaires, qui,  après  avoir  rempli,  dans  le  principe,  tout  l'es- 
pace compris  entre  les  Vosges  et  le  Morvan,  en  se  redres- 
sant ainsi  sous  la  forme  d'une  chaîne  unique  en  Europe, 
par  sa  simplicité  et  sa  symétrie,  a  eu  pour  principal  effet 
de  séparer  la  dépression  du  Rhône  de  celle  de  l'Alsace  et 
de  la  Suisse  avec  lesquelles  s'était  faite  autrefois  sa  liaison 
étroite. 

Résumé.  On  voit  par  suite  que  les  traits  définitifs  de 
l'orographie  de  notre  sol  français  n'ont  été  acquis  que  tar- 
divement et  qu'en  particulier  toutes  ces  grandes  lignes  de 
relief  qui  donnent  à  la  France  méridionale  son  caractère 
spécial  sont  des  additions  récentes  à  une  œuvre  dont  le 
point  de  départ  remonte  aux  premiers  temps  de  l'histoire 
du  globe,  et  ce  fait  ne  s'applique  pas  seulement  aux  grandes 
chaînes  extérieures  des  Pyrénées,  des  Alpes  et  du  Jura, 
qui  en  somme  ne  nous  appartiennent  qu'en  partie,  mais  à 
des  montagnes  franchement  françaises  comme  les  grands 
édifices  volcaniques  de  l'Auvergne.  On  sait,  en  effet,  que 
c'est  à  l'influence  des  mouvements  alpins  que  ce  massif  doit 
d'avoir  son  bord  oriental  relevé  sous  la  forme  des  Cévennes 
et  de  s'être  entr'ouvert  pour  livrer  passage  à  des  volcans. 
C'est  à  cette  apparition  tardive  que  les  coulées  de  lave  et 
les  appareils  de  la  chaîne  des  Puys  ont  pu  conserver  leur 
fraîcheur  et  la  régularité  de  leur  profil.  Quant  à  la  con- 
densation remarquable  de  tous  ces  accidents  dans  le  Sud, 
elle  tient  à  ce  que  notre  pays  se  montre  traversé  par  deux 
zones  de  l'Europe  dont  l'histoire  a  été  bien  différente.  Tous 
les  massifs  anciens  peu  élevés  du  Nord  et  du  Centre,  au  re- 
lief indécis,  le  plus  souvent  largement  étalés  comme  le  Pla- 
teau central  et  surtout  l'Ardenne,  ne  sont  autres  que  les 
débris,  en  grande  partie  nivelés,  d'une  chaîne  aujourd'hui 
morcelée,  en  grande  partie  disparue  et  depuis  longtemps 
ayant  cessé  de  mériter  la  qualification  de  montagneuse,  mais 
qui  a  eu  autrefois  son  unité  géographique  incontestable  et 
dont  les  sommets  ont  dominé  l'ancienne  Europe,  l'Europe 
des  temps  primaires;  depuis  l'Armorique  jusqu'à  l'Ar- 
denne, en  passant  par  le  Plateau  central  et  les  Vosges,  ces 
massifs  marquent  tout  simplement  le  trajet  en  France  de 
ce  grand  accident  dû,  comme  d'habitude,  à  une  série  d'ef- 
forts convergents  dont  le  dernier  et  le  principal  vient  se 
placer  à  la  fin  des  temps  carbonifères.  Depuis  lors,  sur  ces 
massifs  en  grande  partie  émergés,  les  érosions  ont  eu  à 
leur  disposition  tout  le  temps  nécessaire  pour  leur  com- 
muniquer ces  formes  adoucies  qui  devient  le  trait  caracté- 
ristique des  anciennes  lignes  de  relief,  et  les  intervalles 
qui  les  séparent  correspondent  tout  simplement  à  des  com- 
partiments affaissés  de  cette  bande  plissée  hercynienne,  com- 
partiments qui,  dès  lors,  suivant  leur  étendue,  ont  fait  office, 


aux  diverses  époques  secondaires  et  tertiaires,  de  détroits, 
de  bras  de  mer  ou  de  dépressions  plus  vastes,  c.-à-d.  de 
grands  bassins  de  sédimentation  comme  celui  de  Paris.  De 
là  résulte  que  tous  les  espaces  intercalés  ont  été  comblés 
progressivement  par  une  série  de  dépôts  secondaires  et  ter- 
tiaires disposés  par  couches  régulièrement  empilées  les  unes 


Distribution  des  zones  de  plissements  en  France. 
Bill,  chaînes  récentes;  pfp  ,  massifs  anciens  (her- 
cyniens);   synclinaux  tertiaires  ;  •  —  •  —  «.syncli- 
naux carbonifères;-  -  -,  traînée  houillère  de  Decize  à 
Pleaux  (Cantal). 

au-dessus  des  autres;  et  si  maintenant,  dans  les  formes 
extérieures  de  ces  divers  intervalles,  on  peut  souvent  cons- 
tater des  différences  tranchées,  c'est  que,  dans  chacune,  le 
remplissage  tertiaire  ou  secondaire  s'est,  suivant  la  nature 
des  roches,  plus  ou  moins  bien  prêté  aux  efforts  de  l'éro- 
sion. Modifiant  ses  effets  suivant  le  degré  de  consistance 
des  couches,  tantôt  l'eau  courante,  se  contentant  d'élargir 
les  parties  fissurées,  a  concentré  son  action  dans  d'étroits 
couloirs,  encadrés  dans  de  raides  versants,  tantôt  rencon- 
trant des  matériaux  plus  meubles,  faciles  à  disperser,  ce 
sont  de  grandes  vallées  largement  découvertes  qui  ont  pris 
naissance,  ou  bien  des  pays  de  plaines,  où  ne  subsistent, 
comme  témoins  du  niveau  primitif,  que  de  minces  crêtes 
ou  des  buttes  isolées  comme  celles  qui,  nombreuses,  se 
dressent  à  l'E.et  au  N.  de  Paris  (mont  Valérien,  colline 
de  Montmartre,  buttes  Sannois,  mont  Pagnotte,  etc.). 

Autant  l'indécision  du  relief  est  grande  dans  cette  zone 
transversale  septentrionale,  autant  le  fait  inverse  se  pro- 
duit dans  la  France  méridionnale  où  vient  se  condenser 
tout  l'effort  du  relief  sous  la  forme  de  grandes  rangées  de 
chaînes  méditerranéennes  qui  font  alors  partie  de  la  zone 
des  plissements  tertiaires  méditerranéens  dont  l'accen- 
tuation finale  appartient  à  une  époque  géologique  toute 
récente.  Gh.  Vélàin. 

Relief  du  sol.  —  Le  sol  de  la  France  présente  dans 
l'ensemble,  comme  nous  venons  de  le  dire,  un  plan  incliné 
du  S.-E.  au  N.-O.,  c.-à-d.  des  Alpes  à  la  Manche  et  à  la 
mer  du  Nord.  A  l'E.,  au  pied  des  Alpes  et  du  Jura,  une 
dépression  profonde  coupe  ce  plan  :  c'est  la  vallée  du  Rhône 
et  de  la  Saône.  Le  terrain  se  relève  brusquement  à  l'O.  de 
cette  vallée  :  c'est  le  bourrelet  des  Cévennes  et  du  plateau 
de  Langres.  De  ce  bourrelet  descendent  les  eaux  des  grands 
bassins  fluviaux  autres  que  celui  du  Rhône  :  vers  l'O.,  celles 
du  bassin  de  la  Garonne  ;  vers  le  N.-O.,  celles  du  bassin 
de  la  Loire  et  de  la  Seine  ;  vers  le  N.-N.-E.  et  le  N.,  celles 
du  bassin  de  la  Meuse  et  de  la  Moselle.  Le  système  orogra- 
phique peut  être  divisé  de  la  manière  suivante  :  1°  une 
ceinture,  extérieure  qui  sert  en  partie  de  frontière  à  la 
France  et  qui  en  enveloppe  les  bassins,  Pyrénées,  Alpes, 
Jura,  Vosges  (lesquelles  ne  forment  pas  la  limite  d'un 
grand  bassin  fluvial),  VArdenne;  2°  un  grand  massif 


—  973  — 


FRANCE 


intérieur,  le  Massif  central,  composé  de  montagnes  et  de 
plateaux  et  ayant  pour  bourrelet  oriental  les  Cévennes, 
chaîne  qu'une  suite  de  plateaux  relie  aux  Vosges  ;  3°  des 
hauteurs  d'une  très  médiocre  élévation  situées  dans  l'O.  et 
le  N.-O.  de  la  France,  Bocage  vendéen,  monts  de  Bre- 
tagne, collines  de  Normandie,  pays  de  Caux,  plateau 
de  Picardie  et  d'Artois. 

Si  l'on  jette  les  yeux  sur  une  bonne  carte  en  relief,  on 
voit  tout  d'abord  deux  massifs  dont  le  relief,  très  proémi- 
nent, domine  tout  le  reste  du  pays,  les  Alpes  et  les  Pyré- 
nées ;  ils  font  partie  de  la  ceinture  extérieure  et  servent 
de  frontière  à  la  France.  Les  Alpes  sont  le  plus  proémi- 
nent et  le  plus  considérable  des  deux  ;  elles  s'appuient,  au 
S.,  sur  la  Méditerranée,  dont  elles  hérissent  la  côte  de 
leurs  promontoires,  et  se  courbent  de  là  vers  le  N.-N.-E.  en 
un  arc  de  cercle  dont  le  contour  se  dessine  nettement  sur 
la  plaine  du  Piémont.  Du  côté  oriental,  en  effet,  les  contre- 
forts de  la  ligne  principale  de  faîte  sont  hauts,  courts, 
disposés  presque  parallèlement  ou  plus  exactement  comme 
des  rayons  du  cercle,  et  tombent  brusquement  sur  la  sur- 
face unie  de  la  vallée  du  Pô.  La  crête  qui  sépare  le  bassin 
de  ce  fleuve  du. bassin  du  Rhône  et  qui,  sur  la  plus  grande 
partie  de  l'arc,  domine  les  autres  crêtes,  va  s' élevant  du 
S.  vers  leN.  ;  depuis  le  col  de  Tende  (1,873  m.),  elle  ne 
s'abaisse  que  sur  un  très  petit  nombre  de  points  (1,995  au 
col  de  Larche,  1 ,854  au  col  dit  du  mont  Genèvre  et  1 ,790 
au  col  de  l'Echelle)  au-dessous  de  2,000  m.  ;  ses  som- 
mets atteignent  dans  les  Alpes-Maritimes  3,297  m.  à  la 
Rocca  dell' Argentera  (3,297  m.),  qui  est  située  en  Italie  au 
N.  de  la  ligne  de  partage  (les  deux  versants  de  la  crête  de  la 
ligne  de  partage  appartiennent  à  l'Italie  dans  cette  partie 
des  Alpes)  ;  la  cime  du  Diable  (2,687  m.)  est  le  plus 
haut  sommet  de  la  frontière  française  de  ce  côté.  Entre  le 
col  de  Larche  et  le  col  du  mont  Cenis  (2,082  m.),  la 
crête  formant  un  angle  dont  le  mont  Thabor  (3,205  m.) 
est  le  sommet,  est  désignée  sous  le  nom  d'Alpes  Cottiennes; 
elle  est  dominée  sur  certains  points  par  les  montagnes  envi- 
ronnantes i  elle  atteint  3,400  m.  à  Y  Aiguille  de  Cham- 
beyron  au  S.  et  3,551  à  Y  Aiguille  de  Scolette  au  N.  ; 
sur  le  territoire  italien,  la  grande  pyramide  du  mont  Visa 
se  dresse  à  3,845  m.  d'alt.  ;  c'est  dans  les  Alpes  Cot- 
tiennes que  se  trouvent  le  mont  Genèvre  et  le  col  de 
l'Echelle.  Du  mont  Cenis  au  mont  Blanc,  la  crête  des  Alpes 
Graies  est  partout  très  haute  ;  les  pentes  en  sont  escarpées 
et  les  parties  culminantes  sont  couvertes  de  neiges  perma- 
nentes et  de  glaciers;  l'Uja  di  Ciamarella,  le  plus  haut 
pic,  atteint  3,676  m.,  et  la  crête  se  maintient  partout  (sauf 
sur  quelques  points  au  N.)  à  une  hauteur  de  plus  de 
3,000  m.  Au  N.  des  Alpes  Graies,  la  masse  énorme  et 
toute  blanche  du  mont  Blanc  (4,810  m.),  orienté  du 
S.-S.-O.  au  N.-N.-E.,  domine  tout  le  système  alpestre.  Du 
côté  occidental,  c.-à-d.  sur  le  territoire  français,  les  Alpes 
se  prolongent  par  des  chaînes  latérales  qui  s'allongent,  les 
unes  perpendiculairement  à  la  ligne  de  partage  des  eaux, 
les  autres  parallèlement  ou  à  peu  près,  composées,  dans 
la  partie  septentrionale  et  centrale,  de  terrains  géologiques 
dont  les  bandes  sont,  en  général,  orientées  du  S.-S.-O.  au 
N.-N.-E.  et,  dans  la  Provence,  de  crêtes  qui  sont  orientées 
principalement  de  l'E.  à  l'O.  Dans  la  partie  voisine  de  la 
ligne  de  partage  des  eaux,  ces  chaînes,  présentant  des  pics 
aigus  et  des  crêtes  dentelées,  sont  formées  de  terrains  érup- 
tifs  et  désignées,  pour  cette  raison,  sous  le  nom  d'Alpes 
granitiques  ;  dans  la  partie  occidentale,  les  chaînes  sont 
composées  surtout  de  terrains  crétacés  et  sont  désignées 
sous  le  nom  d'Alpes  calcaires  ;  elles  présentent,  comme 
en  général  les  formations  de  ce  genre,  des  plateaux  plutôt 
que  des  pics,  des  murailles  à  pic  et  des  cluses  pittoresques. 
Les  chaînes  latérales  enserrent  de  profondes  et  longues 
vallées  dans  lesquelles  coulent  les  affluents  du  Rhône  ; 
elles  sont  divisées  par  les  géographes,  d'après  les  noms  des 
anciennes  provinces  dont  elles  couvrent  le  territoire,  en 
Alpes  de  Savoie,  Alpes  du  Dauphiné  et  Alpes  de  Pro- 
vence. Dans  les  Alpes  de  Savoie,  le  massif  de  la  Vanoise 


(3,861  m.  à  la  Grande  Casse  ou  Pointe  des  Grands  Cou- 
loirs) est  un  des  plus  imposants  du  système  alpestre  ;  dans 
les  Alpes  du  Dauphiné,  le  massif  du  Pelvoux,  plus  impo- 
sant encore,  n'est  dépassé  (en  France)  en  altitude  (4,103  m. 
à  la  Barre  des  Ecrins)  et  en  beauté  sauvage  que  par  le 
mont  Blanc.  De  la  Méditerranée  au  lac  de  Genève,  les  Alpes 
occidentales  ont,  enligne  droite,  une  longueur  de  240  kil., 
et  de  la  plaine  du  Pô  à  la  plaine  du  Rhône  une  largeur 
moyenne  de  200  kil.;  elles  couvrent  une  superficie  d'environ 
60,000  kil.  q.,  soit  plus  d'un  huitième  de  la  superficie  de 
la  France  (V.  Alpes). 

Au  N.-O.  des  Alpes  occidentales  est  le  Jura,  massif  cal- 
caire d'une  longueur  d'environ  310  kil.,  d'une  largeur  de 
70  et  d'une  superficie  d'environ  20,000  kil.  q.  Il  forme 
un  grand  plateau,  terminé  du  côté  de  TE.  par  un  bourrelet 
montagneux  qui  tombe  en  pentes  très  rapides  sur  la  plaine 
de  Suisse  et  où  se  trouvent  les  plus  hauts  sommets  du 
massif  (1,7 23  m.  au  Crêt  de  la  Neige).  A  l'occident  de 
cette  crête,  qui  est  orientée  du  S.-S  -O.  au  N.-N.-E.,  le 
plateau  descend  par  gradins  vers  l'O.  ;  il  est  surmonté  de 
quelques  lignes  de  hauteurs  qui  sont  parallèles  à  cette  crête 
au  S.  et  au  centre  et  qui  sont  orientées,  au  contraire,  de 
TE.  à  l'O.  dans  la  partie  septentrionale  et  sillonnées  de 
cluses  profondes  qui  sont  parallèles  aussi  à  la  crête  prin- 
cipale et  où  coulent  les  rivières.  La  formation  jurassique 
s'étend  au  S.  du  Rhône  qui  passe  par  une  des  cluses  du 
massif  et  se  confond  avec  les  Alpes  calcaires. 

A  l'O.  du  Jura  s'élève  h  plaine  de  la  Saône,  allongée 
du  N.  au  S.  (200  kil.)  avec  une  largeur  de  40  à  65  kil. 
C'est  le  fond  uni  d'un  ancien  lac  ;  l'ait,  du  sol  varie  de  300  m. 
au  N.  à  125  m.  au  S.  Dans  la  partie  méridionale  de  cette 
plaine  est  le  plateau  de  la  Bresse,  ancien  fond  lacustre 
aussi,  dont  la  partie  la  plus  haute  (300  à  350  m.)  est  la 
Bombes,  qui  ne  conserve  plus  qu'une  partie  de  ses  innom- 
brables étangs.  Au  N.  du  Jura  et  au  N.-E.  de  la  plaine  de 
la  Saône  est  la  trouée  de  Bel  fort  :  c'est  l'intervalle  entre 
le  pied  du  Jura  et  le  pied  des  Vosges  par  lequel  la  plaine 
de  la  Saône  communique  avec  la  plaine  de  l'Alsace  ;  l'ait, 
au  bief  de  Valdieu ,  point  culminant  du  passage,  est  do 
345  m.  seulement.  Par  là  ont  maintes  fois  passé  les  inva- 
sions des  peuples  germains  et  des  armées  allemandes.  Les 
fortifications  de  Belfort  sont  au  pied  des  Vosges. 

La  chaîne  des  Vosges,  longue  d'environ  240  kil.  avec  le 
Hardt  qui  en  est  le  prolongement,  est  un  môle  monta- 
gneux dont  la  crête,  arrondie  en  dos  d'âne,  est  peu  acci- 
dentée; elle  tombe  en  pentes  rapides  à  l'E.  sur  la  plaine 
d'Alsace  dans  laquelle  elle  projette  ses  contreforts;  elle  des- 
cend en  pentes  plus  allongées  sur  le  plateau  de  Lorraine. 
Les  Vosges  méridionales  sont  les  plus  élevées  ;  elles  attei- 
gnent 1,426  m.  au  Ballon  de  Guebwiller,  situé  dans 
un  des  contreforts  alsaciens.  AuN.  du  Donon  (1,010  m,) 
point  où  la  frontière  française,  tracée  en  1871,  cesse  de 
suivre  la  crête,  les  hauteurs  s'abaissent  et  la  chaîne  n'est 
bientôt  plus  qu'une  sorte  de  plateau  accidenté  et  boisé  et 
terminé  par  un  talus  rapide  sur  la  plaine  d'Alsace.  A  l'O. 
des  Vosges  est  le  plateau  de  Lorraine  ;  c'est  en  réalité 
moins  un  plateau  qu'une  plaine  haute,  creusée  de  vallées, 
inclinée  d'une  part  vers  l'O.,  d'autre  part  vers  le  N.,  comme 
l'indique  le  cours  des  eaux,  ayant  une  ait.  d'environ  500  m. 
au  S.  où  la  région  boisée  dite  monts  Faucilles  le  sépare 
de  la  plaine  de  la  Saône  et  de  300  m.  au  N.  où  il  se  con- 
tinue sur  le  territoire  allemand.  La  France  possède  seule- 
ment l'extrémité  S.-O.  du  grand  plateau  de  VArdennc 
que  traverse  la  Meuse. 

A  l'O.  de  la  Lorraine  et  de  l'Ardenne  le  bassin  de  la 
Seine,  qui  correspond  en  grande  partie  au  bassin  géologique 
parisien,  est  une  région  de  plaines,  de  plateaux  et  de  col- 
lines dont  l'ait,  (excepté  sur  le  plateau  de  Langres  et 
dans  le  Morvan)  n'atteint  presque  nulle  part  500  m.  ;  la 
limite  des  formations  géologiques  y  est  généralement 
marquée  par  des  bourrelets  de  coteaux  disposés  en  arcs 
concentriques  dont  Paris  est  à  peu  près  le  centre.  Le 
premier  arc  est  formé  par  les  hauteurs  de  YArgonne, 


FRANCE 


—  974  — 


de  la  forêt  du  Der,  de  la  forêt  d'Othe^  la  Puisaye 
et  le  Sancerrois  ;  le  second  est  formé  principalement  par 


les  coteaux  de  la  Brie  Champenoise,  Entre  les  deux 
arcs  est  la  plaine  crayeuse  de  la  Champagne; à  l'intérieur 


MONTAGNES,   COLS  ET  CHAINES 


ALPES   OCCIDENTALES 

Col  de  Tende 

Cima  di  Colla  Lunga 

Enchastraye 

Col  de  Larche 

Col  d'Agnei 

Col  de  Longet 

(Viso)(l) 

Mont  Genèvre  (Col) 

Trou  de  la  Traversette 

Mont  Thabor 

Tunnel  du  Fréjus  (point  le  plus  61e\é). 

Mont  Cenis  (Col) 

Poste  du  mont  Cenis 

Grandes  Pareis 

Levanna 

Grande  Sassière 

Petit  Saint-Bernard 

Col  de  la  Seigne 

Col  du  Bonhomme 

Sommet  du  mont  Blanc 

Col  de  Balme 

Aiguille  du  Géant 

Col  du  Géant 

Mont  Pelât 

Mont  Mounier 

Montagne  de  Sainte- Victoire 

Notre-Dame-des-Anges  (Maures) 

Mont  Vinaigre  (Estérel) 

Mont  Ventoux 

Grand  Veymont 

Glandasse 

Col  de  la  Croix-Haute 

Col  Bayard 

Tête  de  TAubiou 

P.  de  Rochebrune 

Mont  Pelvoux 

Barre  des  Ecrins 

Meije  (Pic  occidental) 

Col  de  Lautaret 

P.  de  Belledonne 

Trois-Ellions 

Mont  Iseran  (Col) 

Mont  Pourri 

Grande  Casse 

Col  de  la  Vanoise 

Chamechaude 

Pointe  d'Arcalod 

Buet 

(Dent  du  Midi) 


Monte  Cinto 

Monte  Rotondo 

Monte  Renoso 

Bocca  di  Vizzavona. 


Mont  du  Chat 

Grand  Colombier 

Grand  Crèt-d'Eau  (dit  Grand  Credo). 

Reculet 

Crêt  de  la  Neige 

Col  de  la  Faucille 

Dole.... 

Larmont 

Mont  Tendre 

Seuil  de  Valdieu 


VOSGES 

Ballon  d'Alsace 

Col  de  Bussang -. 

Rothenbach  . . . . , 

Hohneck  

Schlucht 

Col  du  Bonhomme 

(Ballon  de  Guebwiller  ou  Grand  Ballon) . 

Donon 

(Route  de  Saverne) 


1.873 
2.758 
2.956 
1.995 
2.699 
2.672 
(3.845) 
1.849 
2.995 
3.205 
1.294 
2.082 
1.906 
3.617 
3.640 
3.756 
2.157 
2.532 
2.340 
4.810 
2.202 
4.019 
3.362 
3.053 
2.818 
1.011 
779 
616 
1.912 
2.346 
2.025 
1.176 
1.246 
2.793 
3.324 
3.954 
4.103 
3.987 
2.075 
2.981 
3.514 
2.769 
3.789 
3.861 
2.527 
2.087 
2.223 
3.109 
(3.285) 

2.710 
2:625 
2.357 
1.162 

1.497 
1.534 
1.608 
1.720 
1.723 
1.323 
1.681 
1.326 
1.681 
344 

1.250 

734 

1.319 

1.366 

1.148 

949 

(1.426) 

1.013 

(331) 


MONTAGNES,   COLS  ET  CHAINES 


FAUCILLES,  PLATEAU  DE  LANGRES,  CÔTE  D'OR 
ET   MORVAN 

Mont  de  Laino 

Haut  du  Sec 

Mont  Tasselot 

Signal  de  Mâlain 

Mont  Auxois 

Mont  Affrique  (Côte  d'Or) 

Bois  Janson  (Côte  d'Or) 

Haut-Folin  (Morvan) 

Préneley  (Morvan) 

Mont  Beuvray  (Morvan) 

NORMANDIE, 

Monts  d' Amain 

Signal  des  Avaloirs. 

Foret  d'Ecouves 

Mont  Pinçon 

Bel  Air  (Menez) 

Menez  Hom 


MAINE,    BRETAGNE 


CEVENNES   ET  MASSIF   CENTRAL 

Etang  de  Longpendu 

Mont  Saint-Rigaud 

Mont  de  Tarare 

Crèt  de  la  Perdrix 

Mézenc 

Gerbier-des-Joncs 

Tanargue 

Signai  de  Finiels  (Lozère) 

Aigoual 

Pic  de  Nore 

Col  de  Naurouse 

Col  de  Pierre-Plantée 

Plomb  du  Cantal 

Puy  de  Sancy 

Puy-de-Dôme 

Mont  Bessou  (Plateau  des  Mille-Vaches). 

Monédières 

Mont  Gargan 

Pierre-Surhaute 

Col  de  Noirétable 

Puy  de  Mailhebiau 


PYRÉNÉES 

Perthus 

Col  de  la  Perche 

Canigou 

Puig  de  Carlitte 

Col  de  Puymorens 

Puigmal 

Pique  d'Estats 

P.  de  Mont-Vallier 

Pont  du  Roi 

(Plade  Béret) 

(Pic  d'Aneto,  Maladetta) 

Port  de  Vénasque 

Tue  de  Maupas 

Pic  de  Crabioulès 

Brèche  de  Roland 

Port  de  Gavarnie 

Gavarnie 

Pic  Long 

Pic  du  Midi  de  Bigorre 

Luz 

Vignemale 

Bat-Laètouse 

Pic  Ariel 

Pic  du  Midi  d'Ossau 

Somport 

Pic  d1  Anie 

Col  d'Orgambide 

Col  de  Roncevaux 

Col  des  Aldudes 

Mondarrain 

Col  de  Maya 

Larhun  (La  Rhune) 


613 
516 

593 
608 
418 
584 
636 
903 
850 
810 


309 
417 
413 
365 
340 
330 


300 
.012 
,004 
,434 
.754 
.551 
.519 
.702 
.567 
,210 
191 
.265 
.858 
.886 
.465 
978 
920 
731 
.640 
754 
.471 


279 
,610 
,785 
,920 
,931 
909 
,141 
,839 
585 
,880) 
.404) 
.417 
,110 
.104 
.804 
.255 
.335 
.194 
.877 
706 
.298 
.175 
.823 
.885 
.632 
.504 
980 
.100 
947 
750 
602 
900 


(1)  Lorsque  le  lieu  est  situé  hors  de  la  frontière  de  France,  le  nom  et  l'altitude  sont  entre  parenthèses. 


du  second  est  le  plateau  de  la  Brie  dont  les  coteaux  de  la 
Brie  Champenoise  forment  le  talus  oriental.  Dans  la  partie 
occidentale  du  bassin  est  le  plateau  du  pays  de  Caux  au 


pied  duquel  coule  la  basse  Seine  et,  plus  au  N.,  h  plateau 
de  Picardie  et  d'Artois,  bordé  à  l'E.  par  l'Oise  et  des- 
cendant au  N.  en  pente  douce  sur  la  plaine  de  Flandre. 


975  — 


FRANCE 


Les  terrains  granitiques  reparaissent  à  l'O.  du  bassin  ;  ils 
forment  les  trois  rangs  de  collines  de  Normandie  (417  m. 
dans  la  forêt  de  Multonne),  que  flanque  à  TE.  le  talus  dé- 
signé sous  le  nom  de  coteaux  du  Perche,  et  au  S.-O.  les 
collines  du  Maine.  Dans  la  Bretagne,  extrémité  occiden- 
tale de  cette  partie  du  continent,  les  aspérités  du  sol  de 
granit  et  de  roches  cristallines  ont  été  émoussées  parle  temps, 
et  les  monts  de  Bretagne  ne  sont  que  des  collines  arron- 
dies, dont  Fait,  n'excède  pas  340  m.,  mais  dont  l'aspect 
est  triste  et  sauvage  ;  un  des  sommets  atteint  352  m.  dans 
les  montagnes  Noires  et  3.91  m.  dans  les  monts  d'Arrêe. 
Le  Massif  central  forme  un  système  indépendant  isolé 
des  autres  par  des  formations  géologiques  plus  récentes  et 
par  des  plaines,  des  seuils  ou  des  plateaux  peu  élevés.  Il 
est  flanqué  à  TE.  par  les  Cévennes  qui  en  forment  le  talus 
oriental  et  dont  le  pied  est  baigné  par  la  Saône  et  le  Rhône. 
Les  Cévennes  commencent  au  N.  à  l'étang  de  Longpendu 
et  se  prolongent  au  S.  jusqu'au  seuil  de  Naurouse  qui 
sépare  le  Massif  central  du  système  pyrénéen  sur  une  lon- 
gueur de  530  kil.  Elles  se  divisent  en  Cévennes  septentrio- 
nales jusqu'au  mont  Lozère,  orientées  à  peu  près  du  N.  au 
S. ,  et  en  Cévennes  méridionales,  orientées  du  N.-E.  au  S.-O. , 
et  se  subdivisent  en  plusieurs  massifs  ou  chaînes  ;  elles  sont 
formées  en  partie  de  terrains  anciens,  en  partie  de  terrains 
jurassiques  et  possèdent  dans  le  Vivarais  un  grand  nombre 
de  volcans  éteints  ;  c'est  là  que  se  trouve  le  mont  Mézenc 
(1,754  m.),  le  plus  haut  sommet  des  Cévennes.  Au  N.  les 
Cévennes  se  continuent  par  le  plateau  de  Langres  dont 
le  talus  descend  rapidement  sur  la  plaine  de  la  Saône  et 
qui  se  relie  à  la  Lorraine  et  aux  Faucilles  à  son  extrémité 
septentrionale.  Le  Massif  central  lui-même  se  compose  de 
chaînes  et  de  plateaux.  Il  y  a  deux  versants  ;  la  ligne  de 
partage  ou  arête  du  Massif  central,  plus  ou  moins  sen- 
sible sur  le  terrain,  comprend  la  Margeride,  une  partie 
des  monts  d'Auvergne,  les  monts  du  Limousin,  C'est 
dans  les  monts  d'Auvergne  qu'est  le  Puy  de  Sancy,  le  plus 
haut  sommet  du  Massif  central  et  de  toute  la  France,  hor- 
mis les  Alpes  et  les  Pyrénées.  Au  N.  de  l'arête,  les  monts 
du  Velay  et  du  Forez  (1,640  m.  à  Pierre- Sur  haute), 
s'allongent  vers  le  N.  en  séparant  les  vallées  de  la  Loire 
et  de  l'Allier,  avec  la  fertile  Limagne,  les  collines  du 
Combrailles  et  les  monts  de  la  Marche,  prolongent  leurs 
rameaux  entre  la  Sioule,  le  Cher,  la  Creuse  et  la  Vienne  ; 
au  S.  de  l'arête  et  des  monts  d  Aubrac  sont  les  vastes  et 
pierreuses  étendues  des  Causses  {Causse  Méjan,  Lar- 
zac,  etc.),  stériles  et  monotones,  mais  dont  les  profondes 
fissures  recèlent  les  plus  pittoresques  vallées  de  la  France 
centrale.  Le  Massif  central  est  flanqué  au  N.-E.  par  le  Mor- 
van  (903  m.  au  point  culminant  dit  Haut-du-Brûlé  ou  Haut- 
Folin)  qui  est  comme  un  îlot  de  granit  sur  la  côte  de  la 
grande  île  et  comme  une  borne  sur  la  limite  des  bassins  de 
la  Seine,  de  la  Loire  et  du  Rhône.  Il  est  flanqué  au  N.-O.  par 
les  hauteurs  du  Morvan,  la  bande  de  tertrains  grani- 
tiques peu  élevés  (285  m.)  qui  forme  la  Gâtine  etle Bocage 
vendéen.  Entre  le  Morvan  et  la  Gâtine,  au  N.  du  Massif 
central,  s'étendent  les  vastes  plaines  de  la  France  centrale, 
Bourbonnais,  Berry,Touraine  et  une  partie  du  Poitou.  Entre 
l'extrémité  N.-O.  du  Massif  central  et  la  Gâtine  est  une 
haute  plaine  de  terrain  jurassique  (oolithe  inférieure)  qui 
réunit  plus  qu'elle  ne  sépare  le  bassin  de  la  Loire  et  le  bas- 
sin de  la  Charente  :  c'est  le  seuil  du  Poitou  par  où  ont 
passé  souvent  autrefois  les  armées.  Au  S.  de  ce  seuil,  entre 
le  Massif  central  et  la  mer,  sont  des  plaines  et  quelques 
rangées  de  basses  collines,  collines  de  Saintonge,  collines 
du  Périgord.  Au  S.-E.  du  Massif  central  et  au  pied  des 
Cévennes  méridionales  est  la  plaine  méditerranéenne  du  Bas 
Languedoc.  Au  S.-O.  du  Massif  central  est  la  plaine  de 
la  Garonne,  réunie  à  la  précédente  par  le  seuil  de  Nau- 
rouse (191  m.  d'alt.)  et  comprenant  la  Guyenne  et  Gas- 
cogne et  quelques  parties  d'autres  provinces  ;  la  partie  occi- 
dentale entre  l'Adour  et  la  Garonne  est  la  plaine  des  Landes, 
en  partie  boisée  de  pins  aujourd'hui. 
Les  Pyrénées  qui  bordent  la  plaine  de  Gascogne  sont 


une  des  deux  plus  hautes  chaînes  du  territoire  français.  Du 
cap  de  Creus  au  porc  de  Velate,  elles  ont  une  longueur 
de  450  kil.,  mais  elles  se  prolongent  au  loin  vers  l'O.  sur 
le  territoire  espagnol.  L'arête  principale  qui  forme,  excepté 
sur  quelques  points,  la  frontière  franco-espagnole  n'est  que 
le  bourrelet  du  talus  septentrional  d'un  grand  et  haut  massif 
qui  occupe  tout  le  N.  de  l'Espagne.  Son  noyau  central  est  de 
granit;  il  est  flanqué  au  N.  et  au  S.  de  bandes  symétriques 
de  terrains  crétacés  et  tertiaires  et  il  est  surmonté  de  mu- 
railles abruptes  et  de  pics.  Les  contreforts  septentrionaux, 
qui  sont  sur  le  territoire  français  et  qui  sont  généralement 
parallèles  à  l'arête  principale  à  l'E.  et  perpendiculaires  à 
cette  arête  dans  l'O.,  sont  en  réalité  les  témoins  de  l'ancien 
talus  que  les  eaux  ont  rongé  en  creusant  les  étroites  vallées 
d'où  descendent  les  torrents.  Ils  sont  en  général  hauts 
(2,877  m.  au  pic  du  Midi  de  Bigorre)  et  tombent  brus- 
quement sur  la  plaine  à  leur  extrémité  septentrionale.  Les 
Pyrénées  ont  moins  de  forêts  et  beaucoup  moins  de  neiges 
permanentes  que  les  Alpes  ;  ce  n'est  guère  que  dans*  le 
centre,  entre  3,000  et  3,400  m.,  que  l'on  trouve  quelques 
glaciers.  Le  val  d'Aran,  au  S.  duquel  se  dresse  la  Mala- 
detta  ou  monts  Maudits  (3,404  m.  au  pic  d'Aneto,  le  plus 
haut  sommet  des  Pyrénées),  divise  la  chaîne  en  deux  parties, 
Pyrénées  orientales  et  Pyrénées  occidentales.  C'est  dans 
cette  dernière  partie  qu'est  le  Vignemale  (3,298  m.),  le  plus 
haut  sommet  en  France.  Comme  cette  chaîne  est  adossée, 
ainsi  que  l'Himalaya  ou  les  Cévennes,  à  un  plateau,  les 
cols  sont  hauts;  la  montée  de  France  est  longue,  et  la 
descente  en  Espagne  plus  courte,  particulièrement  dans  la 
partie  centrale  (1 ,880  m.  au  Pla  de  Béret,  2,417  au  port  de 
Venasque,  etc.). Mais  aux  extrémités  le  plateau  s'abaisse  et 
les  passages  sont  plus  faciles  :  à  l'E.  le  Perthus  (279  m.),  le 
col  de  la  Perche  (!,6i0m.);kVO.  le  SomporÊ  (1,632  m.), 
le  col  de  Roncevaux  (1,100  m.),  le  col  de  Velate  (828  m.) 
en  Espagne.  Au  N.  des  Pyrénées  se  trouvent,  vers  l'ex- 
trémité orientale,  les  Corhières;  vers  le  centre  s'étale  en 
éventail  le  plateau  de  Lannemezan,  large  cône  de  déjec- 
tion formé  d'alluvions  enlevées  au  massif  par  les  torrents, 
et  les  coteaux  d'Armagnac  qui  lui  font  suite. 

Dans  l'ensemble  du  territoire  français,  les  régions  de 
plaines,  de  collines  et  de  plateaux  bas  dominent.  Il  n'y  a 
de  véritables  régions  de  montagnes  qu'au  S.  avec  les  Py- 
rénées, au  centre  avec  le  Massif  central,  à  l'E.  avec  les 
Alpes,  le  Jura  et  les  Vosges.  Si  l'on  trace  sur  la  carte  une 
diagonale  allant  de  la  frontière  du  dép.  de  la  Meuse  à 
l'embouchure  de  la  Bidassoa  et  divisant  la  France  en  deux 
moitiés,  la  moitié  située  à  l'occident  de  cette  ligne  ne 
renferme  aucun  point  atteignant  l'ait,  de  500  m.  ;  on  peut 
même  dire  que  dans  cette  moitié  l'ait,  n'excède  200  m. 
que  sur  un  très  petit  nombre  de  points  (V.  pour  le  détail 
du  relief  les  articles  relatifs  aux  noms  imprimés  en  italique) . 

Régime  des  eaux.  —  —  La  pluie  et  la  neige  four- 
nissent au  sol  l'humidité  qui  s'amasse  dans  les  réservoirs 
des  névés  et  des  glaciers,  qui  pénètre  dans  le  sol  des  ter- 
rains perméables  et  en  sort  sous  forme  de  sources,  qui 
glisse  rapidement  sur  la  surface  des  terrains  perméables. 
L'eau  coule  en  suivant  les  pentes.  Les  ruisseaux  et  les  tor- 
rents en  tombant  dans  un  lit  commun  forment  les  rivières 
qui,  confluant  à  leur  tour  dans  un  lit  plus  important,  ali- 
mentent le  fleuve,  c.-à-d.  le  cours  d'eau  principal  et  le 
collecteur  de  toutes  les  eaux  courantes  d'un  bassin.  Nous 
avons  dit  qu'en  France,  par  suite  des  révolutions  géolo- 
giques et  du  relief  qui  en  a  été  la  conséquence,  la  pente 
générale  dirige  les  eaux  vers  l'O.  Cette  pente  porte  les  eaux 
vers  le  N.-O.  dans  toute  la  partie  située  au  N.  de  l'arête  du 
Massif  central,  vers  le  S.-O.  dans  la  partie  située  au  S. 
de  cette  arête  et  dans  celle  qui  est  à  l'O.  du  Jura  et  des 
Alpes.  Dans  la  plaine  de  la  Saône  et  l'étroite  vallée  du 
Rhône,  les  eaux  se  dirigent  vers  le  S.-O.  d'abord,  vers 
le  S.  ensuite  dans  le  grand  collecteur  de  la  Saône  et  du 
Rhône  et  dans  les  petits  fleuves  côtiers.  C'est  le  versant  de 
la  Méditerranée  (bassin  du  Rhône)  que  limitent  la  ligne 
principale  des  Alpes,  la  crête  orientale  du  Jura,  le  pied 


FRANCE 


—  976  — 


des  Vosges,  les  Faucilles,  le  plateau  de  Langres,  les  Cé- 
vennes  et  un  des  contreforts  pyrénéens.  Les  autres  bassins 
(bassin  de  la  Garonne,  bassin  de  la  Loire,  bassin  de 
la  Seine,  bassin  de  la  mer  du  Nord)  appartiennent  au 
versant  de  V océan  Atlantique,  Parmi  les  très  nombreux 
cours  d'eau  qui  drainent  ces  bassins,  il  y  en  a  67  (y 
compris  26  cours  d'eau  dont  une  partie  est  classée  comme 
navigable)  qui  sont  flottables  sur  2,920  kil.  et  148  (y 
compris  26  cours  d'eau  dont  une  partie  est  classée  comme 
flottable)  qui  sont  navigables  sur  une  longueur  totale  de 
8,948  kil.  (statistique  de  1891). 

Le  bassin  du  Rhône  mesure  98,800  kil.  q.  dont 
91 ,000  appartiennent  à  la  France.  Le  Rhône  coule  en  tor- 
rent dans  le  Valais,  se  perd  dans  le  lac  de  Genève,  en 
sort  limpide,  et  coule  vers  l'O.  en  serpentant  dans  des  dé- 
filés du  Jura,  puis  en  s'épandant  au  pied  delà  Dombes.  Par- 
venu au  pied  des  Cévennes,  il  est  arrêté  par  l'obstacle  et 
tourne  brusquement  au  S.  en  mêlant  ses  eaux  à  celles  de 
la  Saône.  C'est  là,  par  161  m.  d'alt.,  dans  une  posi- 
tion exceptionnellement  favorable,  surtout  au  temps  où  la 
Gaule  dépendait  de  Rome,  qu'a  été  bâtie  la  ville  de  Lyon, 
Depuis  le  confluent,  il  continue  à  se  diriger  vers  le  S.  en 
longeant  le  pied  des  Cévennes  ;  il  ne  s'en  écarte  qu'au  point 
où  la  chaîne  tourne  au  S.-O.  et  où  lui-même  commence  à 
se  diviser  en  plusieurs  bras  pour  former  son  delta.  Le 
Rhône,  grossi  déjà  de  Y  Ain  qui  vient  du  Jura,  reçoit  à 
Lyon  par  la  Saône  les  eaux  de  presque  toute  la  partie 
supérieure  de  son  bassin,  désignée  plus  particulièrement 
sous  le  nom  de  bassin  de  la  Saône.  La  rivière,  qui  descend 
des  Faucilles  et  coule  dans  la  plaine  d'abord,  non  loin  des 
Cévennes,  puis,  comme  le  fleuve,  au  pied  même  delà  chaîne, 
ne  reçoit  de  cette  chaîne  dont  elle  est  voisine  que  des  affluents 
de  médiocre  importance,  mais  elle  en  reçoit  de  plus  longs 
sur  la  rive  gauche,  principalement  le  Doubs  qui  lui  apporte 
presque  toutes  les  eaux  du  Jura  septentrional.  Plus  que  la 
Saône  encore,  le  Rbône  ne  reçoit  des  Cévennes  que  des 
affluents  de  peu  de  longueur;  mais  ce  sont,  comme  YAr- 
dèche,  des  torrents  redoutables  quand  ils  sont  gonflés  par 
les  pluies;  sur  sa  rive  gauche,  il  reçoit  tous  les  torrents 
descendus  des  Alpes,  Arve,  Isère,  Brome ,  Durance,  etc., 
qui  leur  apportent  des  quantités  considérables  de  limon.  — 
Les  fleuves  côtiers  viennent,  à  gauche,  des  Alpes,  et  les 
plus  importants,  torrents  capricieux,  presque  à  sec  en  été, 
sont  le  Var  et  YArgens;  à  droite,  ils  viennent  des  Cé- 
vennes et  les  principaux  sont  YHérault  et  VOrb.  Près  de 
l'Orb  débouche  Y  Aude  qui  vient  des  Pyrénées,  ainsi  que 
les  cours  d'eau  du  Roussillon,  Têt,  Tech,  etc. 

Le  bassin  de  la  Garonne  mesure  85,000  kil.  q.  dont 
2,500  environ  (val  d'Aran)  appartiennent  à  l'Espagne.  La 
Garonne  prend  sa  source  dans  le  val  d'Aran,  reçoit,  par 
le  trou  du  Toro  et  le  Goueil  de  Jouéou,  l'eau  des  gla- 
ciers delà  Maladetta,  pénètre  en  France  par  l'étroite  gorge 
du  Pont-du-Roi  (585  m.  d'alt.),  coule  vers  le  N.  entre 
deux  contreforts  des  Pyrénées,  se  détourne  brusque- 
ment vers  TE.  à  Montrejeau  devant  l'obstacle  que  lui  op- 
pose le  plateau  de  Lannemezan,  décrit  pour  le  contourner 
un  arc  de  cercle,  puis  rencontre  les  dernières  pentes  du 
Massif  central  et  se  détourne  brusquement  vers  le  N.-O. 
C'est  précisément  à  ce  détour,  en  face  du  seuil  de  Nau- 
rouse,  c.-à-d.  du  chemin  qui  conduit  à  la  Méditerranée, 
qu'a  été  bâtie  la  ville  de  Toulouse,  longtemps  capitale  du 
Midi.  Le  fleuve  coule  ensuite  à  peu  près  directement  vers 
le  N.-O.  en  s'éloignant  du  massif  pyrénéen,  comme  le 
Rhône  des  Alpes,  autant  que  les  dernières  pentes  du  Mas- 
sif central  le  lui  permettent.  Après  le  confluent  de  la  Dor- 
dogne,  le  fleuve  devient  un  estuaire  large  de  11  à  13  kil. 
et  prend  le  nom  de  Gironde.  A  gauche,'  la  Garonne  reçoit 
un  petit  nombre  de  torrents  des  Pyrénées,  Neste,  etc.,  et 
une  partie  des  maigres  rivières  du  plateau  de  Lannemezan, 
Gers,  Baïse,  etc.  Ces  cours  d'eau  se  dirigent  du  S.  auN. 
et  forment  une  sorte  d'éventail  que  complètent  l'Adour  et 
ses  affluents.  A  droite,  elle  reçoit  d'abord  quelques  torrents 
pyrénéens,  Ariège,  etc.,  puis  YHers  mort,  venu  du  seuil 


de  Naurouse,  puis  de  grands  affluents  venus  du  Massif  cen- 
tral et  coulant  vers  l'O.  et  le  S.-O.  à  travers  les  défilés 
vertigineux  des  Causses,  les  gorges  volcaniques  de  l'Au- 
vergne ou  les  pâturages  du  Limousin,  le  Tarn,  grossi  de 
YAveyron,  le  Lot,  la  Dordogne  grossie  de  la  Vézère  et 
de  Ylsle.  —  Les  fleuves  côtiers  sont  :  à  gauche,  YAdour,  qui 
recueille  tous  les  gaves  des  Pyrénées  occidentales,  Gave 
de  Pau,  etc.,  et  une  partie  des  rivières  du  plateau  de 
Lannemezan,  la  Leyre  qui  débouche  dans  le  bassin  d'Ar- 
cachon  ;  à  droite,  la  Charente,  la  Sèvre  Mortaise  qui  cou- 
lent vers  l'O.  venant,  la  première  du  Massif  central,  la 
seconde,  des  collines  du  Poitou. 

Lq  bassin  de  la  Loire  mesure  121,600  kil.  q.  La  Loire, 
le  plus  long  fleuve  de  France,  prend  sa  source  dans  la  ré- 
gion volcanique  du  Vivarais,  coule  vers  le  N.,  très  encais- 
sée dans  des  gorges,  traverse  la  plaine  du  Forez,  entre  les 
Cévennes  et  les  monts  du  Forez,  débouche  définitivement  en 
plaine  à  Roanne  où  commence  en  réalité  la  navigation.  Ar- 
rêtée dans  son  cours  vers  le  N.  par  l'obstacle  du  Morvan, 
elle  se  détourne  vers  le  N.-O.,  coulant  dans  un  large  lit 
où  elle  dépose  les  sables  détachés  des  roches  du  Massif  cen- 
tral et  qu'elle  ne  remplit  de  son  eau  que  pendant  la  saison 
pluvieuse.  Elle  parvient  au  point  le  plus  septentrional  de 
sa  course  à  l'endroit  où  est  Orléans,  ville  qui  a  été  précisé- 
ment bâtie  là  pour  servir  d'entrepôt  commercial  entre  la 
Loire  et  la  Seine.  Si  elle  n'avait  été  contrainte  de  se  re- 
plier vers  le  S.-O.  par  la  légère  proéminence  du  plateau 
de  Beauce  et  du  Vendômois  dont  elle  longe  les  falaises  et 
coteaux,  elle  eût  continué  à  couler  vers  le°N.-0.  jusqu'au 
lit  de  la  Seine  qui  est  à  une  altitude  beaucoup  moindre  (la 
Loire  à  Orléans  est  à  l'ait,  de  93  m.;  la  Seine  en  aval 
de  Paris  est  à  l'ait,  de  28  m.)  et  qui  n'eût  été  que  son 
affluent.  Dans  son  cours  vers  l'O.  à  travers  les  plaines  de 
la  France  centrale,  elle  dessine  quelques  coudes  qu'explique 
la  nature  géologique  du  terrain,  et  elle  coule  entre  les 
dernières  pentes  presque  insensibles  du  Massif  central 
d'un  côté  et  des  collines  de  Normandie  de  l'autre.  Presque 
tous  ses  affluents  de  gauche  lui  viennent  du  Massif 
central  et  ont  une  direction  N.-N.-O.  :  Y  Allier,  qui 
arrose  la  Limagne  et  le  Bourbonnais,  coule  parallèlement 
au  fleuve  et  lui  apporte,  à  l'époque  des  crues,  presque 
autant  d'eau  qu'il  en  roule  lui-même;  le  Cher,  Y  Indre, 
la  Vienne  grossie  de  la  Creuse;  la  Sèvre  Nantaise 
et  YAchenau,  déversoir  du  lac  de  Grandlieu,  lui  viennent 
des  collines  de  la  Vendée.  Les  affluents  de  droite  sont 
peu  importants  dans  le  cours  supérieur,  parce  que  la 
Loire  serre  de  près  les  Cévennes  et  le  Morvan  ;  le  princi- 
pal est  YArroux  ;  mais  dans  le  cours  inférieur,  la  Maine 
recueille  par  la  Mayenne  et  par  la  Sarthe  grossie  du  Loir 
et  lui  verse  toutes  les  eaux  du  versant  méridional  des  col- 
lines de  Normandie  et  de  leurs  appendices.  —  Les  fleuves 
côtiers  n'ont  d'importance  qu'à  droite  de  la  Loire;  ce  sont: 
la  Vilaine,  qui  arrose  la  plaine  de  Rennes;  le  Blavet,  qui 
vient  des  monts  de  Bretagne  ;  Y  Aulne,  qui  débouche  au  fond 
de  la  rade  de  Brest. 

Le  bassin  de  la  Seine  mesure  77,700  kil.  q.  dont  une 
très  petite  partie  (source  de  l'Oise)  appartient  à  la  Belgique. 
La  Seine  est  un  fleuve  de  plaine  qui  a  sa  source  dans  un 
vallon  du  plateau  de  Langres  par  une  ait.  de  471  m.  Elle 
coule  vers  le  N.-O.,  s'infléchit  vers  le  S.-O.  devant  la 
falaise  du  plateau  de  Brie  qu'elle  contourne  par  le  S.,  puis 
reprend,  conformément  à  la  pente  générale  du  bassin,  la 
direction  N.-O.  et  dessine  une  longue  suite  de  courbes  et 
de  méandres  entre  les  deux  lignes  de  coteaux  qui  bordent 
sa  vallée,  creusée  probablement  à  l'époque  glaciaire  par  un 
courant  beaucoup  plus  puissant  que  le  sien.  Elle  se  termine 
par  un  estuaire  dont  la  largeur  entre  Le  Havre  et  Villerville 
est  de  9  kil.  Elle  coule  au  milieu  d'un  bassin  à  peu  près  régu- 
lier dont  la  limite  orientale  forme  un  grand  arc  de  cercle  de 
la  source  de  l'Yonne  et  même  du  Loing  à  la  source  de  l'Oise. 
De  l'intérieur  de  cet  arc  partent  de  nombreux  cours  d'eau 
comme  autant  de  rayons  qui  convergent  dans  les  environs  de 
Paris.  A  droite,  ces  cours  d'eau  sont  :  Y  Aube,  qui  se  réunit 


—  97*7 

au  fleuve  au  pied  de  la  falaise  de  Brie  ;  la  Marne,  dont  le  con- 
fluent est  près  de  Paris;  Y  Oise,  dont  Y  Aisne  est  un  des  af- 
fluents et  un  des  rayons  de  Tare  et  dont  le  confluent  est  en 
aval  de  Paris.  Les  autres  affluents  de  la  rive  droite,  comme 
YEpte  et  YAndelle,  naissent  sur  les  plateaux  de  FO.  A 
gauche,  ces  cours  d'eau  sont  F  Yonne,  qui  descend  des  forêts 
du  Morvan  et  se  grossit  de  YArmançon,  et  le  Loing  qui  naît 
dans  les  collines  du  Nivernais.  Les  derniers  affluents  im- 
portants de  la  rive  gauche  sont  Y  Eure  qui,  sortant  des 
coteaux  du  Perche,  coule  d'abord  vers  FE.,  à  l'opposé  de 
la  pente  générale  du  bassin,  mais  ensuite  se  replie  vers  le 
N.-O.,  et  la  Rille  ou  Risle  qui  a,  mais  d'une  manière  moins 
sensible,  la  même  allure.  —  Les  fleuves  côtiers  du  bassin 
de  la  Manche  (expression  plus  exacte  ici  que  celle  du  bassin 
delà  Seine —  on  peut  en  dire  autant  pour  la  rive  droite  de 
la  Loire),  sont  :  à  gauche,  en  premier  lieu,  les  cours  d'eau 
de  la  Bretagne,  rivière  de  Morlaix,  Gonet,  Arguenon, 
Couesnon,  Rance,  et,  en  second  lieu,  les  cours  d'eau  de 
Normandie,  Vire  et  Laute,  Orne,  Touques;  à  droite, 
Y  Arques,  la  Bresle,  la  Somme,  YAuthie,  la  Canche,  la 
Liane. 

Les  deux  principaux  bassins  en  partie  français  de  la 
mer  du  Nord  sont  ceux  de  l'Escaut ,  de  la  Meuse  et  de 
la  Moselle.  Du  bassin  de  V Escaut  la  France  ne  pos- 
sède que  la  partie  méridionale,  environ  5,500  kil.  q.  Sur 
400  kil.  Y  Escaut  n'en  coule  que  63  en  France  ;  c'est  un 
fleuve  de  plaine  dont  la  source  n'est  qu'à  90  m.  au-dessus 


COURS    L'EAU   DE    PLUS    DE    200    KILOMÈTRES 

COURS   D'EAU 

KILOMÈTRES 

Rhône 

812 
455 
430 
290 
380 
208 

Saône 

Doubs 

Isère  

Aude 

Garonne 

605   . 

375 

240 

481 

490 

235 

335 

355 

Tarn :  

Aveyron 

Lot 

Dordogne 

Isle 

Adour 

Charente 

Loire 

980 
375 
» 

220 
310 
204 
320 
245 
372 
235 
220 

Maine 

Sarthe 

Loir 

Mayenne 

Cher 

Indre 

Vienne 

Creuse 

Vilaine 

Seine 

776 

225 

494    , 

273 

204 

302 

279 

226 

245 

Aube 

Marne 

Yonne 

Armancon 

Oise 

Aisne 

Eure 

Somme 

Escaut 

400 
205 
804 
1.225 
565 

Lys 

Meuse 

Rhin 

Moselle 

du  niveau  de  la  mer.  La  Lys,  qui  coule  en  France,  ne  se 
réunit  au  fleuve  que  sur  le  territoire  belge.  Du  bassin  de 
la  Meuse  la  France  ne  possède  que  7,800  kil.  q.,  c.-à-d. 
la  moindre  partie.  La  Meuse  prend  sa  source  vers  l'extré- 
mité du  plateau  de  Langres,  par  409  m.  d'alt.,  coule  vers 
le  N.  entre  deux  lignes  de  coteaux  qui  ne  lui  laissent  qu'un 
étroit  bassin  et  s'engage  en  sortant  de  France  dans  une 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


'  —  FRANCE 

gorge  de  FArdenne.  Elle  reçoit,  à  droite,  le  Chiers  et  la 
Semoy  dont  une  partie  seulement  appartient  à  la  France  ; 
à  gauche,  elle  reçoit  sur  le  territoire  belge  la  •  Sambre, 
rivière  importante  dont  la  source  est  en  France.  —  Lu  Mo- 
selle est  un  affluent  de  gauche  du  Rhin  dont  l'eau  n'arrose 
plus  depuis  1871  le  territoire  français;  elle  naît  par 
735  m.  d'alt.  dans  les  Vosges,  coule  vers  le  N.-O.,  puis 
depuis  Toul  vers  leN.-E.  et  le  N.  à  travers  le  plateau  de 
Lorraine  où  elle  reçoit  la  Meurthe,  venue  comme  elle  des 
Vosges. 

Lacs,  étangs  et  marais.  Lorsque  le  sol  est  imper- 
méable, qu'il  n'a  pas  de  pente  ou  qu'une  cuvette  n'a  pas  de 
débouché,  ou  n'a  qu'un  débouché  insuffisant,  Feau  des 
pluies  ou  des  rivières  s'y  amasse  et  forme  des  lacs,  des 
étangs  ou  des  marais.  Les  lacs  se  trouvent  surtout  dans 
les  régions  montagneuses.  Les  Alpes  enserrent  dans  leurs 
vallées  les  principaux  lacs  de  France.  Le  lac  de  Genève 

SUPERFICIE,  PROFONDEUR  ET  ALTITUDE  DES  LACS 

(D'après M.  Delebecque,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées, 
pour  les  Alpes,  et  d'après  M.  Belloc  pour  la  plupart  des 
lacs  des  Pyrénées.) 


LACS 

Profondeur 

maxima 
en  mètres 

ALTITUDE 

du  niveau 

des  eaux 

en   mètres 

Lac  de  Genève 

—    d'Annecy 

582,3 

27 

44,6 

5,4 

3,9 

» 

1,5 
1,4 
0,5 
0,7 
4,0 
0,9 
0,9 
0,8 

» 
0,9 

» 

'     1,1  (?) 
0,14 

0,05 

0,016 
0,039 
0,48 

» 
70 

309,4 
67,7 
145,4 
71,1 
35,9 
42,5 

» 

42,9 
21,2 
31,5 
40,3 
27,6 
30 

» 

» 

96 
35 

» 

» 

55 
116 

» 

67 
12 

» 
» 

372,3 
446,5 
231,5 
374,4 
500,7 

2.745 
910 
474,5 
584,1 
752,8 
848,9 
850,7 
879 

1.075 
880 
» 

1.197 
631 
950 

2.105 

2.154 

1.968 

2.195 

1.743 

1.500 
422 

2,267 
» 

—  du  Bourget 

—  d'Aiguebelette 

—  de  Paladru 

—  d'Allos 

—  de  Laffrey 

—  de  Nantua 

—  de  Sylans 

—  des  Brenets 

—  de  Saint-Point  — 

—  de  Remoray 

—  de  l'Abbaye 

—  des  Rousses 

— _  Chambon 

—    Pavin 

—  de  Gérardmer 

—  Noir 

—    d'Aude 

—  de  Lanoux 

—  Bleu 

—    Noir 

—    d'Oô 

—  de  Lourdes 

—  de  Miguelon 

—  de  Grandlieu 

ou  lac  Léman  (582  kil.  q.),  le  plus  grand  de  tous  et  le  plus 
profond  (309  m.  entre  Lausanne  et  Evian)  qui  appartient 
en  partie  à  la  France  et  en  partie  à  la  Suisse  ;  le  lac 
d'Annecy  et  le  lac  du  Bourget  qui  sont  situés  dans  des 
vallées  limitant  le  massif  des  Beauges  et  se  déversent  dans 
le  Rhône  ;  plus  au  S.-O.  les  lacs  d'Aiguebelette  et  de  Pa- 
ladru qui  envoient  leurs  eaux  l'un  dans  le  Guiers,  l'autre 
dans  l'Isère,  les  petits  lacs  de  montagnes  situés  au  S.  de 
l'Isère,,  lacs  de  la  Montagne  des  Sept  Lacs,  lac  de  Laf- 
frey, lac  d'Allos.  Dans  le  Jura  sont  les  lacs  de  Nantua, 
de  Sylans,  de  V Abbaye,  des  Rousses,  de  Joux  et  le  lac 
de  Saint-Point,  le  plus  grand  de  cette  région.  Dans  les 
Vosges  sont  de  petits  lacs,  Gérardmer,  Retour memer, 
Longemer,  qui  se  déversent  dans  la  Moselle,  lac  Blanc, 
lac  Noir.  Dans  le  Massif  central,  les  lacs  Pavin,  Cham- 
bon, d'ïssarlès  occupent  le  fond  d'anciens  cratères.  Dans 
les  Pyrénées  il  y  a  une  vingtaine  de  petits  lacs  situés  à  une 
grande  altitude,  lac  de  Lanoux,  lac  Bleu,  .lac  d'Oo,  lac 
de  Gaube.  Le  principal  lac  de  plaine  est  le  lac  de  Grand- 
lieu  dont  FAchenau  verse  l'eau  dans  la  Loire.  —  Les 
principales  régions  d'étangs  et  de  marais  sont  le  delta  du 
Rhône  (étang  de  Valcarès  ou  Vaccarès,  190  kil.  q.,  etc.), 

62 


FRANCE 


9Î8  - 


la  Bresse  et  surtout  les  Bombes  dont  les  étangs  aménagés 
pour  la  pisciculture  ont  été  en  partie  desséchés,  la  plaine  du 
Forez,  la  Sologne,  la  Brenne.  Au  N.  de  la  basse  Loire 
se  trouve  le  vaste  marais  de  la  Grande  Brière.  La  côte 
des  Landes,  derrière  la  ligne  des  dunes,  est  bordée  d'un 
grand  nombre  d'étangs,  dont  la  plupart  communiquent 
entre  eux  :  étangs  de  Soustons  (3k(i8),  de  Léon  (3k<*5), 
d'Aureilhan  (7  kil.  q.),  de  Biscarrosse  et  de  Parentis 
(35  kil.  q.),  de  Cazau  et  de  Sanguinet  (60  kil.  q.),  de 
Lacanau  (1 9  kil.  q.  ) ,  d'Hourtins  et  de  Carcans  (61  kil.  q.) . 
(Le  bassin  d'Arcachon  est  un  étang  de  ce  genre  qui  s'est 
ouvert  un  débouché  maritime.)  La  côte  du  Languedoc  est 
bordée  aussi  d'étangs,  étangs  de  Saint-Nazaire(i^  kil.  q.), 
de  Leucate  (55  kil.  q.),  de  Sigean  (43  kil.  q.),  de  Gruis- 
san,  de  Capestang  (19  kil.  q.),  de  Vendres  (25  kil.  q.), 
de  Thau  (400  kil.  q.  environ),  de  Mauguio  (56  kil.  q.). 
Climat.  — ■  La  France,  située  entre  le  51e  et  le  42e 
degré  de  lat.,  jouit  d'un  climat  tempéré.  Ce  climat  est,  en 
outre,  réchauffé  par  la  prédominance  des  vents  de  S.-O., 
par  le  voisinage  de  l'Atlantique  et  par  le  courant  marin 
dirigé  du  S.-O.  au  N.-E.,  qui  semble  faire  suite  au  Gulf- 
Stream,  mais  qui  en  est  distinct.  La  France  est  soumise  à 
deux  régimes  de  vents  principaux  :  celui  des  vents  de  S.  et 
d'O. ,  qui  est  généralement' pluvieux  et  relativement  chaud  en 
hiver,  et  celui  des  vents  du  N.,  du  N.-E»  et  du  S.-E.,  qui 
est  généralement  sec  en  toute  saison  et  froid  en  hiver. 
La  direction  des  vents,  à  un  moment  donné,  dépend  de  la 
position  des  centres  de  hautes  et  de  basses  pressions;  l'aire 
des  basses  pressions  s'allonge  d'ordinaire  suivant  une  ligne 
orientée  du  S.-O.  au  N.-E.  Le  déplacement  des  aires  de 
basses  pressions  ou  «  dépressions  »  détermine,  surtout  en 
été,  la  formation  des  orages.  Dans  la  Manche  et  dans  les 
provinces  qu'elle  baigne,  le  vent  pénètre  avec  force,  comme 
la  marée,  et  souffle  très  souvent  de  l'O.  et  du  S.-O.  Au  S.  de 
la  Bretagne,  il  semble  que  le  vent  tourne  ;  c'est  le  vent  de 
N.-O.  qui  domine  sur  les  côtes  du  golfe  de  Gascogne.  Dans 
la  région  méditerranéenne,  les  principaux  courants  atmos- 
phériques viennent  des  Alpes  en  sçufflant  du  N.-E.,  ou  du 
Massif  central  en  soufflant  du  N.-O.  Ce  dernier  vent  est  le 
mistral,  produit  surtout  par  la  différence  de  température 
entre  les  plateaux  de  la  France  centrale  et  les  plaines  de 
Provence.  L'étroite  vallée  du  Rhône  est  soumise  à  peu  près 
au  même  régime  de  vents  que  la  région  méditerranéenne. 
—  Le  vent  du  S.-O.,  venant  des  régions  chaudes  de  l'Atlan- 
tique, est  celui  qui  fournit  le  plus  de  pluie.  C'est  au  pre- 
mier contact,  près  du  rivage  de  la  mer,  que  les  nuages 
déversent  d'abord  cette  pluie  :  c'est  pourquoi  les  côtes  de 
la  Bretagne  et  de  la  Manche  sont  arrosées  par  des  pluies 
fréquentes,  très  abondantes,  et  par  des  brouillards,  surtout 
dans  les  parties  où  les  nuées  sont  arrêtées  par  le  relief  du  sol, 
comme  entre  les  monts  d'Arrée  et  les  montagnes  Noires, 
au  fond  de  la  baie  du  mont  Saint-Michel  et  dans  la  baie  de 
la  Somme.  La  même  cause  rend  la  pluie  très  abondante 
au  fond  du  golfe  de  Gascogne  dans  les  Pyrénées  occiden- 
tales. Quand  les  vents  d'O.  ont  franchi  la  zone  côtière,  ils 
portent  leur  humidité  à  travers  les  terres  efc  en  déposent 
la  plus  grande  partie  sur  les  plateaux  et  les  montagnes  qui 
arrêtent  les  nuages  et  qui,  étant  en  général  plus  froids  que 
les  plaines,  condensent  la  vapeur  en  pluie.  De  là,  dans  ces 
régions,  des  pluies  souvent  plus  abondantes  cme'sur  les 
côtes,  quoique  le  nombre  des  jours  pluvieux  soit  moindre  ; 
elles  tombent  ainsi  sur  le  Massif  central,  particulièrement 
dans  les  Gévennes  qui  reçoivent,  d'une  part,  les  nuages 
de  l'Océan  et,  d'autre  part,  ceux  de  la  Méditerranée,  dans 
les  Alpes  qui  sont  plus  hautes  et  plus  froides  que  les  Cé- 
vennes  ;  la  hauteur  de  la  pluie  qui  tombe,  dans  certaines 
parties  des  Alpes  du  Dauphiné  atteint  jusqu'à  2  m.  par  an. 
Au  contraire,  dans  les  parties  éloignées  de  la  mer  et  suf- 
fisamment abritées,  comme  la  Limagne  et  la  Champagne 
pouilleuse,  il  tombe  très  peu  de  pluie.  La  pluie  est  rare 
en  Provence,  surtout  sur  la  côte  occidentale,  parce  que  les 
vents  de  terre  dominent  en  été  et  parce  que  les  vents  de 
la  Méditerranée  charrient  beaucoup  moins  d'eau  que  ceux 


de  l'Océan.  On  évalue  approximativement  à  80  centim.  la 
hauteur  moyenne  de  la  pluie  qui  tombe  annuellement 
en  France. 

La  température  moyenne  de  Vannée  est  de  H°  C. 
Elle  est  déterminée  surtout  par  la  latitude  et  l'altitude  des 
lieux.  C'est  ainsi  qu'il  fait  plus  chaud  à  Montpellier  qu'à 
Lille  et  qu'au  pied  du  Ventoux  la  moyenne  est  de  13°, 
tandis  qu'au  sommet  (1 ,912  m.)  elle  ne  dépasse  pas  2°, 
comme  dans  la  Finlande  méridionale.  La  température  est 
déterminée  aussi  en  partie  par  la  direction  des  vents,  par 
le  degré  d'humidité  de  l'atmosphère,  par  la  proximité  de 
la  mer.  Ainsi,  à  latitude  et  à  altitude  égales,  les  régions 
où  domine  le  vent  de  N.-E.  sont  plus  froides  que  celles  où 
domine  le  vent  de  S.-O.,  celles  où  une  atmosphère  humide 
forme  un  écran  contre  l'ardeur  du  soleil  et  contre  le  rayon- 
nement de  la  chaleur,  et  celles  qui  sont  voisines  de  l'Océan 
sont  relativement  moins  froides  en  hiver  et  moins  chaudes 
en  été.  En  traçant  une  diagonale  de  l'embouchure  de  la 
Vire  au  col  de  Tende  on  divise  à  peu  près  la  France  en 
deux  grandes  régions;  celles  du  N.-E.  ayant  une  tem- 
pérature  inférieure  à   la  moyenne,  et   celle  du  S.-O. 
une  température  supérieure  :  ce  qui  est  dû  surtout  à  la 
double  influence  de  l'Océan  et  de  l'altitude.  Cette  diago- 
nale, qui  est  la  ligne  isotherme  moyenne  de  la  France, 
n'est  d'ailleurs  pas  une  ligne  droite.  De  la  Vire,  elle  se 
dirige  d'abord  au  S.  en  laissant  les  collines  de  Normandie 
et  du  Maine  dans  la  région  froide  ;  puis,  dans  la  plaine  de 
la  Loire,  elle  se  replie  jusque  par  delà  Orléans  pour  enve- 
lopper la  Touraine  et  le  Berry  dans  la  région  chaude  ;  elle 
contourne  ensuite  par  l'O.  et  le  S.  le  Massif  central  qui, 
malgré  sa  latitude,  fait  partie  de  la  région  froide  ;  à  l'E. 
de  ce  massif,  elle  remonte  le  long  des  Cévennes  jusqu'à  la 
partie  septentrionale  de  la  Saône  et  redescend  en  suivant 
le  pied  du  Jura  et  celui  des  Alpes  jusqu'en  Provence.  Ce- 
pendant au  N.  de  cette  ligne  de  partage,  il  y  a  certains 
points  très  exposés,  comme  la  vallée  de  la  Basse-Seine  et 
la  Limagne,  où  la  moyenne  de  la  température  est  de  plus 
de  11°.  Les  plus  hautes  températures  moyennes  sont  celles 
de  la  côte  orientale  de  Provence  (env.  +  15°)  ;  les  plus 
basses  sont  sur  la  frontière  N.-E.  (+  8°).  La  tempéra- 
ture moyenne  de  Vhiver  est  de  +  4-°  ;  la  ligne  iso- 
chimène  moyenne,  influencée  comme  la  ligne  isotherme 
moyenne,  serpente  en  diagonale  du  pays  de  Caux  à  la 
Provence.  La  température  moyenne  de  l'été  est  de  i9°; 
la  ligne  isothère  moyenne  part  de  l'embouchure  de  la  Loire, 
contourne  le  Massif  central  par  le  S.,  remonte  la  vallée 
du  Rhône  et  aboutit  aux  Vosges  ;  cependant  les  Grandes 
Alpes  forment  un  îlot  de  température  froide  dans  la  région 
chaude. 

On  peut  diviser  la  France  en  sept  régions  climatériques 
ou  climats,  régions  qui  ne  correspondent  d'ailleurs  qu  im- 
parfaitement à  la  diversité  des  conditions  climatériques  qui 
changent  avec  l'altitude  et  l'exposition  d'une  localité  à 
l'autre.  Le  climat  armoricain  est  tout  maritime  ;  il  a  un 
été  modéré,  un  hiver  doux,  beaucoup  d'humidité  et  de 
brouillards.  A  Brest,  situé  à  l'extrémité  occidentale  de  ce 
climat,  la  température  moyenne  de  l'année  est  de  +  11°, 7; 
celle  de  janvier  de  +  6°,3,  celle  de  juillet  +  17°,9.  Ce 
climat  comprend  la  Bretagne,  le  Maine,  Y  Anjou,  la  Tou- 
raine, la  Normandie  et  la  Picardie  occidentale.  —  Le 
climat  séquanien,  où  l'influence  maritime  domine  encore, 
est  moins  pluvieux  et  a  des  hivers  plus  froids.  A  Paris, 
situé  à  peu  près  au  centre,  la  température  moyenne  de 
l'année  est  de  10°,2,  celle  de  janvier  est  de  +  2°, 6,  celle 
de  juillet  est  de  -f-  48°,3.  Ce  climat  comprend  tout  le 
bassin  de  la  Seine,  moins  ses  extrémités  occidentale  et 
orientale  et  s'étend  sur  une  partie  de  la  Picardie  et  sur 
la  Flandre.  —  Le  climat  vosgien  est  continental;  il  a 
des  hivers  longs  et  rudes  et  des  étés  chauds  ;  la  pluie,  qui 
est  assez  abondante,  surtout  dans  l'Ardenne,  est  amenée 
par  le  vent  du  N.-E.  plus  que  par  celui  du  S.-E.;  la  bise 
y  détermine  souvent  des  orages  en  été.  A  Nancy,  la  tem- 
rature  moyenne  de  l'année  est  de  -+-  9°,3,  celle  de  janvier 


979  — 


FRANCE 


de  0°,2,  celle  de  juillet  de  +  4 8°, 5.  Ce  climat  comprend 
l'extrémité  orientale  du  bassin  de  la  Seine  et  la  Lorraine. 
—  Le  climat  rhodanien  comprend  des  climats  très  divers 
suivant  les  altitudes  ;  en  général,  l'influence  de  la  Méditer- 
ranée se  fait  sentir  par  le  vent  chaud  du  S.  cmi  alterne 
avec  la  bise.  Mais  dans  les  Alpes,  le  Jura  méridional  et  les 
Cévennes  septentrionales,  l'hiver  est  rude  et  la  neige  est 
abondante  ;  d'autre  part,  les  étés  sont  généralement  secs 
et  très  chauds  dans  les  vallées.  A  Lyon,  qui  est  dans  la  plaine 
et  au  centre  de  cette  région,  la  température  moyenne  de 
l'année  est  de  +  11°, 5,  celle  de  janvier  de  ~f-  2°, 4,  celle 
de  juillet  de  -f-  21°,2.  Ce  climat  comprend  la  plus  grande 
partie  du  bassin  du  Rhône,  des  Faucilles  jusqu'à  Valence 
et  Digne.  —  Le  climat  méditerranéen  est  caractérisé  par 
Finfluence  de  la  Méditerranée  et  par  sa  haute  température. 
L'été  y  est  chaud  et  sec  ;  les  pluies  y  sont  bien  moins  fré- 
quentes qu'ailleurs,  mais  elles  tombent  avec  abondance, 
surtout  dans  les  montagnes  par  les  orages  d'hiver  et  d'au- 
tomne. Le  mistral  et  le  sirocco  sont  des  vents  qu'on  y 
redoute.  A  Avignon,  la  température  moyenne  de  l'année 


est  de  -f  14°,  celle  de  janvier  de  +  4°, 8,  celle  de  juillet 
de  +  23°, 8.  Ce  climat  comprend  toute  la  région  méditer- 
ranéenne au  S.  de  Valence  et  de  Digne.  —  Le  climat  gi- 
rondin participe  de  la  nature  des  climats  maritimes.  Les 
vents  du  N.-O.  y  apportent  leur  humidité,  surtout  au  prin- 
temps et  produisent  dans  la  région  pyrénéenne  une  irri- 
gation abondante.  Les  étés  y  sont  généralement  beaux  et 
chauds  et  les  automnes  longs.  A  Bordeaux,  la  température 
moyenne  de  l'année  est  de  -f-  4 2°, 8,  celle  de  janvier  de 
■+-§°fi,  celle  de  juillet  de  +  20°,6.  Ce  climat  comprend  le 
bassin  de  la  Charente  et  tout  le  bassin  de  la  Garonne 
entre  le  Massif  central  et  les  Pyrénées  avec  le  bassin  de 
l'Adour.  —  Le  climat  central  a  un  hiver  long  et  rude, 
des  neiges  longtemps  persistantes,  des  vents  violents,  des 
pluies  abondantes.  A  Clermont-Ferrand,  la  température 
moyenne  de  l'année  est  de  -f-  9°, 5,  celle  de  janvier  de 
+  2°, 7,  celle  de  juillet  de+  48°,3.  Ce  climat  comprend 
tout  le  Massif  central,  moins  quelques  vallées  bien  abri- 
tées, comme  la  Limagne,  qui  jouissent  d'un  climat  plus 
doux. 


TABLEAU  DE  LA  TEMPÉRATURE  ET  DE  LA  PLUIE  DANS  CERTAINES  LOCALITÉS  DE  CHAQUE  CLIMAT 

(D'après  le  Bureau  central  météorologique.) 


VILLES 


Brest 

Paris 

Nancy 

Lyon 

Avignon 

Perpignan 

Bordeaux 

Saint-Martin-de-Hinx  (1) 

Clermont-Ferrand 

(1)  Landes,  au  N.-E.  de  Bayonne. 


TEMPERATURE     MOYENNE 


Année 


Janvier 

Juillet 

Degrés 

Degrés 

6,3 

17,9 

2,6 

18,3 

0,2 

18,5 

2,4 

21,2 

4,8 

23,8 

7,5 

23,1 

6,6 

20,6 

6,6 

20,2 

2.7 

18,3 

Degrés 
11,7 
10,2 

9,3 
11,5 
14,0 
14,7 
12,8 
13,2 

9,5 


Hauteur 


Millim.- 

920 
550 
780 
740 
690 
540 
770 
1.390 
540 


Nombre 

de 

jours 


205 
170 
160 
150 
70 
60 
150 
190 
150 


CLIMATS 


Armoricain 

Séquanien 

Vosgien 

Rhodanien 

Méditerranéen 

Id.  (Pyrénées) 

Girondin 

Id.  (Pyrénées) 

Central 


Faune.  —  D'une  façon  générale,  on  peut  dire  que 
la  faune  de  la  France  est  celle  de  l'Europe  centrale 
(V.  Europe  [Faune]).  Ce  que  nous  avons  dit  de  la  faune 
de  l'Europe  peut  donc  s'appliquer  presque  toujours  à  la 
France.  Il  suffira  de  noter  ici  les  particularités  qui  dis- 
tinguent plus  spécialement  la  faune  de  notre  pays.  Rap- 
pelons d'abord  que  la  France  appartient  à  la  région  paie— 
arctique  et  que  deux  sous-régions,  la  sous-région  européenne 
et  la  sous-région  méditerranéenne,  ont  leur  limite  commune 
en  France.  Il  est  assez  difficile  de  tracer  cette  limite  sur 
une  carte,  chaque  espèce  animale  ayant  une  répartition 
géographique  qui  lui  est  propre  ;  on  peut  dire  cependant 
que  cette  limite  coïncide  à  peu  près  avec  le  cours  de  la 
Loire  :  les  bassins  de  la  Garonne  et  du  Rhône  appartien- 
nent à  la  sous-région  méditerranéenne  ;  les  bassins  de  la 
Seine  et  du  Rhin  ou  de  leurs  affluents,  à  la  sous-région 
européenne.  Cependant,  certains  animaux,  qui  appartiennent 
manifestement  à  la  sous-région  méditerranéenne,  remon- 
tent, àl'O.,  très  loin  au  N.  de  la  Loire  :  telle  est  la  Genette 
(Ge7ietta  vulgaris),  petit  Carnivore  à  faciès  africain,  qui 
se  montre  jusque  dans  le  dép.  de  l'Eure,  c.-à-d.  en 
Normandie.  L'influence  du  courant  chaud  qui  baigne  nos 
côtes  de  l'Océan ,  se  fait  sentir  ici ,  non  seulement  sur 
la  faune  marine,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  mais 
encore  sur  la  faune  terrestre,  comme  sur  la  flore  du 
même  pays. 

La  faune  de  la  sous-région  européenne  a  été  décrite  au 
mot  Europe.  Parmi  les  Mammifères  intéressants  ou  rares 
que  l'on  trouve  en  France,  il  convient  de  signaler  le  Vison 
(Lutreola  vison  ou  Mustela  lutreola),  qui  se  trouve 
jusque  dans  le  bassin  de  la  Loire  (Maine-et-Loire,  Vienne, 
Deux-Sèvres),  mais  fait  défaut  dans  celui  de  la  Garonne. 
Un  petit  Rongeur,  le  Hamster  (Cricetus  frumentarius) , 


qui  s'étendait  autrefois  jusque  dans  le  bassin  de  la  Seine, 
ne  se  trouve  plus  que  sur  le  versant  oriental  des  Vosges, 
par  conséquent  en  dehors  des  limites  politiques  actuelles 
de  notre  pays.  Par  ailleurs,  on  trouve  encore  en  France 
une  centaine  de  Mammifères,  en  comptant  les  Cétacés  qui 
se  montrent  sur  les  côtes,  et  les  grandes  espèces,  détruites 
dans  d'autres  pays,  par  exemple  en  Angleterre,  habitent 
encore  les  forêts  et  les  régions  montagneuses  de  l'Est  et 
du  Nord- Est  :  tels  sont  le  Loup,  le  Lynx,  l'Ours,  parmi  les 
Carnivores  ;  le  Cerf,  le  Chevreuil  et  le  Sanglier,  parmi  les 
Herbivores. 

La  faune  du  S.  de  la  France  (sous-région  méditerra- 
néenne) est  mieux  caractérisée  par  les  types  à  faciès  méri- 
dional qu'elle  possède.  Nous  avons  déjà  cité  la  Genette;  le 
Castor  ne  se  trouve  plus  que  dans  le  Rhône  méridional, 
mais  il  est  certain  qu'autrefois  il  habitait  tous  les  cours 
d'eau  de  notre  pays,  y  compris  la  Seine.  Parmi  les  Chauve- 
Souris,  le  Miniopterus  Schreibersii,  le  Vespertilio  Ca- 
paccinii,  le  Vesperugo  Kuhlii,  le  Rhinolophus  eu- 
ryale,  etc.,  sont  des  types  propres  à  cette  sous-région  et 
qui  s'étendent  peu  vers  le  N.  Les  Alpes  et  les  Pyrénées 
ont  aussi  une  faune  qui  leur  est  propre  :  l'Ours  et  le  Lynx 
s'écartent  peu  des  montagnes  ;  le  Lièvre  changeant.  (Lepus 
variabilis)  et  l'Hermine  (Mustela  erminea)  y  remplacent 
le  Lièvre  des  plaines  et  la  Belette.  Le  Chamois  (Capella 
rupicapra)  habite  nos  deux  grandes  chaînes  de  montagnes  ; 
il  en  est  de  même  du  Bouquetin  (Capra  ibex),  mais  le 
Mouflon  (Ovis  musmon)  ne  se  trouve  qu'en  Corse.  La 
Marmotte  des  Alpes  (Arctomys  marmotta)  n'habite  plus 
les  Pyrénées  qui  possèdent  par  contre  un  curieux  Insecti- 
vore, le  Desman  (Mygale  pyrenaïca),  propre  à  la  pénin- 
sule hispanique,  mais  "qui  se  retrouve  sur  le  versant  fran- 
çais des  Pyrénées.  Le  Lapin  (Lepus  cuniculus)  et  le  Daim 


FRANCE 


—  980  - 


(Cervas  dama)  sont  originaires  de  cette  sous-région,  et 
ce  dernier  ne  se  trouve  plus  au  N.  que  dans  des  parcs, 
sous  la  protection  de  l'homme  et  dans  une  semi-domesticité. 
La  faune  entomologique  de  la  sous-région  méditerra- 
néenne, beaucoup  plus  nombreuse  en  espèces  et  en  individus 
que  la  faune  des  Vertébrés,  contribue  à  donner  à  cette 
sous-région  son  faciès  méridional,  qui  frappe  l'observateur, 
dès  qu'il  s'avance,  pendant  l'été,  au  S.  de  la  Loire. 

Les  Sauterelles  ou  plutôt  les  Criquets  (Acrydium)  aux 
ailes  rouges  et  bleues  sont  si  abondants  qu'ils  s'envolent  à 
chaque  pas  sous  les  pieds  du  passant  et  pénètrent  jusque 
dans  les  rues  des  villes  ;  la  Cigale  (Cicada  musica)  fait 
entendre  son  appel  strident  inconnu  des  habitants  du  Nord. 
De  petits  Hannetons,  d'un  bleu  métallique  et  nacré  (Hoplia 
farinosa),  rivalisent  d'éclat  avec  les  plus  beaux  Insectes 
des  pays  tropicaux.  Ce  changement,  d'ailleurs,  ne  s'opère 
pas  tout  d'un  coup,  et  la  forêt  de  Fontainebleau,  située  à 
42  ou  45  lieues  au  S.  de  Paris,,  est  citée  comme  une  loca- 
lité où  l'on  trouve  une  foule  d'espèces  de  la  faune  médi- 
terranéenne, attirées  par  cette  sorte  d'oasis  isolée  au  milieu 
de  la  sous-région  européenne.  —  Les  différentes  provinces 
de  la  France  présentent  souvent  des  contrastes  bien  mar- 
qués, qui  tiennent  à  leur  constitution  géologique,  à  leur 
élévation  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  à  leur  éloigne- 
ment  plus  ou  moins  grand  des  côtes  sous  une  même  lati- 
tude, à  l'abondance  des  forêts  ou  des  cours  d'eau,  etc. 
C'est  ainsi  que  la  faune  des  forêts  montagneuses  des  Ar- 
dennes  et  des  Vosges  n'est  pas  la  même  que  celles  des 
marais  de  la  Brenne  ou  de  la  Bresse,  des  campagnes  cul- 
tivées de  la  Champagne  ou  de  la  Beauce,  et  diffère  encore 
plus  de  celle  des  plaines  arides  de  la  Provence  et  du  Lan- 
guedoc, où  souffle  le  vent  du  désert  africain.  La  faune  des 
Pyrénées  n'est  pas  la  même  que  celle  des  Alpes,  et  toutes 
deux  diffèrent  de  celle  du  plateau  central  volcanique  qui 
forme  les  montagnes  d'Auvergne. 

Faunes  marines.  Les  faunes  de  nos  deux  grandes  mers 
(océan  Atlantique  et  Méditerranée)  présentent  des  diffé- 
rences analogues  à  celles  des  faunes  des  deux  sous-régions 
terrestres  ou  continentales  ;  mais,  ici  encore,  la  limite 
entre  les  deux  faunes  est  difficile  à  tracer,  car  ce  serait 
une  erreur  de  croire  que  la  délimitation  géographique 
actuelle  de  ces  deux  mers  coïncide  avec  des  différences 
absolues  dans  leur  faune.  En  réalité,  la  faune  méditerra- 
néenne (province  lusitanienne  des  malacologistes)  dé- 
passe, à  l'O.,  le  détroit  de  Gibraltar  et,  au  N.-O.,  les 
Pyrénées,  pour  s'étendre  jusque  dans  le  golfe  de  Gascogne, 
n'étant  bornée  au  N.  que  par  les  côtes  méridionales  de  la 
Bretagne  (péninsule  armoricaine).  La  province  celtique, 
qui  comprend  la  faune  marine  du  N.  de  la  France,  n'est 
donc  représentée  que  par  les  côtes  de  la  Manche,  du  Pas- 
de-Calais  et  de  la  mer  du  Nord.  En  d'autres  termes,  la 
faune  de  la  Méditerranée  et  celle  du  golfe  de  Gascogne  se 
ressemblent  beaucoup  plus  que  celle-ci  ne  ressemble  à  la 
faune  de  la  Manche.  C'est  là  un  indice  bien  évident  de  ce 
fait  que  confirme  la  géologie,  à  savoir  que  la  communica- 
tion existant  entre  l'Océan  et  la  Méditerranée,  au  N.  de  la 
péninsule  ibérique,  n'a  cessé  d'exister  qu'à  une  époque 
relativement  récente  de  la  période  tertiaire.  La  faune  ma- 
rine des  deux  provinces  (lusitanienne  et  celtique)  est  très 
riche  en  types  variés  appartenant  aux  Poissons,  aux  Mol- 
lusques et  aux  Invertébrés  inférieurs.  Nous  nous  contente- 
rons de  mentionner  ici  les  Mammifères  marins  que  l'on 
rencontre  sur  nos  côtes.  Deux  espèces  de  Phoques  (Pinni- 
pèdes) s'y  montrent  habituellement  :  le  Veau  marin 
(Phocavitulina),  propre  au  N.  de  l'Océan,  est  représenté 
particulièrement  par  une  petite  colonie  qui  habite  les  bancs 
de  sable  de  la  baie  de  la  Somme.  Le  Phoque  moine  (Pela- 
gius  monachus)  est,  au  contraire,  une  espèce  méridionale 
qui  vit  dans  la  Méditerranée  et  se  montre  aux  îles  d'Hyères 
et  près  de  Nice.  —  Des  Cétacés  de  grande  taille  viennent 
souvent  s'échouer  sur  nos  côtes  :  la  Baleine  des  Basques 
(Balœna  biscayensis),  autrefois  chassée  par  les  pêcheurs 
du  littoral  de  la  Gascogne,  ne  fait  plus  sur  nos  côtes  que 


de  rares  apparitions,  mais  le  Cachalot  (Physeter  macro- 
cephalus)  s'y  montre  quelquefois  en  troupes  nombreuses  ; 
des  Baleinoptères  (Balœnoptera),  des  Marsouins  (Pho- 
cœna)  et  des  Dauphins  (Delphinus),  d'autres  grands 
Cétacés  des  genres  Orca,  Ziphius  et  Hyperoodon  sont 
fréquemment  poussés  par  les  tempêtes  sur  les  côtes  du 
N.-O.  de  la  France,  et  la  plupart  pénètrent  aussi  dans  la 
Méditerranée.  —  Dans  le  golfe  de  Gascogne,  on  trouve  une 
profonde  dépression  sous-marine  désignée  sous  le  nom  de 
Fosse  du  Cap-Breton,  où  le  fond  dépasse  4,200  m.  de 
profondeur  et  qui  est  habitée  par  une  faune  abyssale  ou 
des  grandes  profondeurs,  bien  différente  de  celle  des  cotes, 
faune  dont  on  n'avait  aucune  idée  jusqu'à  ces  dernières 
années.  Ce  sont  les  dragages  opérés  pendant  les  expéditions 
dn  Travailleur  et  du  Talisman  (4880-4883)  qui  nous  ont 
révélé  les  richesses  et  les  formes  si  curieuses  de  cette  faune 
toute  spéciale  (V.  Mer  [Faune  de  la],  Faune,  Géographie 
zoologique  et  Europe,  notamment  ce  dernier  mot  pour  la 
paléontologie  de  la  France).  E.  Trouessart. 

Flore.  —  Prise  dans  son  ensemble,  la  flore  de  France 
peut  être  considérée  comme  l'expression  la  plus  occidentale 
de  la  végétation  de  l'Europe  centrale  et  par  conséquent  de 
la  grande  zone  que  Grisebach  appelle  asiatico-européenne. 
Mais  la  situation  particulière  de  notre  pays  entre  deux 
grandes  mers,  ses  climats  variés  d'altitude,  de  plaine,  de 
littoral,  ses  saisons  d'hiver  inégales,  rigoureuses  dans  le 
Nord,  douces  dans  le  Midi,  son  sol  très  divers,  tantôt  cal- 
caire, tantôt  siliceux,  sont  autant  de  facteurs  qui  ont  con- 
tribué à  donner  à  notre  flore  son  cachet  particulier,  qui  la 
distingue  de  la  flore  de  tous  les  autres  pays  de  l'Europe, 
tout  en  lui  laissant  quelques  traits  de  chacune  ;  la  flore 
française  est  très  riche,  très  variée  et  très  intéressante. 
Renfermée  dans  les  limites  naturelles  de  l'ancienne  Gaule, 
elle  comprendrait  tout  l'espace  borné  au  N.  par  la  Manche 
et  le  Rhin,  à  l'E.  par  le  Rhin  et  les  Alpes,  au  S.  par  la 
Méditerranée  et  les  Pyrénées,  et  à  l'O.  par  l'océan  Atlan- 
tique. Sauf  au  N.,  où  nous  nous  arrêterons  à  la  frontière 
actuelle  de  la  France,  nous  lui  conserverons  à  peu  près  ces 
limites,  qui  s'étendent  sensiblement  du  42e  au  52e  degré 
de  lat.  N.  et  du  7e  degré  de  longit.  0.  au  5e  degré  de 
longit.  E.  Le  climat  des  différentes  régions  comprises  dans 
ces  limites  imprime  à  la  flore  des  différences  correspon- 
dantes ;  en  effet,  les  plantes  ne  demandent  pas  toutes  les 
mêmes  conditions  de  chaleur,  de  lumière  et  d'humidité 
pour  accomplir  les  différentes  phases  de  leur  existence  et 
pour  continuer  à  se  reproduire  là  où  elles  ont  pris  nais- 
sance. Il  semble  de  prime  abord  que  rien  n'est  plus  aisé 
que  de  diviser  la  flore  de  France  en  régions  végétales  na- 
turelles ;  il  n'en  est  rien,  n  est  facile  de  se  rendre  compte 
que  les  massifs  montagneux  et  l'énorme  développement  de 
nos  côtes  modifient  considérablement  le  climat  des  diverses 
provinces  et  que  pour  cette  raison  la  division  pure  et  simple 
en  plantes  septentrionales  et  méridionales,  avec  les  gra- 
dations intermédiaires,  n'est  pas  possible.  C'est  ce  qu'ont 
compris  dès  le  début  de  ce  siècle  A. -P.  de  Candolle  et  La- 
marck,  les  auteurs  de  la  première  tentative  faite  pour 
subdiviser  la  France  en  régions  végétales  naturelles.  Ils 
eurent  l'idée  de  dresser  une  carte  botanique  avec  des  teintes 
permettant  de  saisir  d'un  coup  d'œil  la  distribution  des 
plantes.  Le  littoral  maritime  était  teint  en  vert,  ainsi  que 
quelques  localités  intérieures  à  végétation  halophyte,  sans 
distinction  du  littoral  au  N.  de  la  Loire  et  au  S.  de  ce 
fleuve  et  du  littoral  méditerranéen.  Sur  la  même  carte,  le 
bleu  représentait  les  plantes  des  montagnes  (Alpes,  Jura, 
Cévennes,  Auvergne,  Pyrénées,  Vosges),  sans  distinction 
entre  une  zone  alpine  et  une  zone  subalpine.  Le  rose  car- 
min désignait  la  région  provençale  avec  la  Corse,  c.-à-d.  la 
région  dite  méridionale  ou  de  l'Olivier.  Au  N.  de  cette  ré- 
gion, à  l'O.  du  Jura,  c'était  la  vaste  région  des  plaines, 
s'étendant  de  Grenoble,  de  Limoges,  du  Mans  aux  bords 
de  la  Manche  et  du  Pas-de-Calais,  à  la  Belgique  et  aux 
extrêmes  limites  de  la  Lorraine  et  de  l'Alsace  ;  cette  région, 
qui  formait  les  trois  cinquièmes  du  pays,  était  teintée  de 


—  981  — 


FRANCE 


jaune;  la  flore  y  est  partout  analogue  à  la  flore  parisienne  ; 
de  plus,  ses  plantes  se  retrouvent  dans  les  régions  précé- 
dentes associées  aux  espèces  spéciales  de  ces  régions. 
Enfin  le  rouge  vermillon  servait  à  indiquer  la  région  qui 
s'étend  du  S.  de  la  Bretagne  jusqu'au  voisinage  des  Pyré- 
nées, région  intermédiaire  entre  les  plaines  du  Nord  et  les 
provinces  méridionales.  —  La  même  carte  représente  les 
limites  de  culture  de  l'Olivier,  du  Maïs  et  de  la  Vigne,  qui 
sont  à  peu  près  parallèles  entre  elles  et  se  dirigent  obli- 
quement de  l'O.  à  l'E.  et  du  S.  au  N.  Ainsi  la  limite  de 
culture  de  la  Vigne  va  de  Guérande,  par  Mantes  et  Com- 
piègne,  à  Saint-Hubert,  en  Belgique  ;  la  limite  du  Maïs 
part  de  la  pointe  de  Graves,  passe  par  Saint-Jean-d'Angély, 
puis  près  de  Bourges  et  de  Semur,  et  de  là  va  en  droite 
ligne  à  Strasbourg;  enfin,  la  limite  de  l'Olivier  part  des 
environs  de  Narbonne,  passe  près  de  Montpellier,  puis  par 
Anduze  et  par  Die  et  arrive  en  Savoie  au  N.  de  Saint-Jean- 
de-Maurienne.  Cette  obliquité  des  limites  de  culture  ne 
paraîtra  pas  extraordinaire  si  l'on  songe  que  la  Vigne,  le 
Maïs  et  les  autres  plantes  similaires  ne  redoutent  pas  les 
grands  froids  de  l'hiver,  soit  que  la  sève  cesse  de  circuler 
après  la  chute  des  feuilles,  soit  que  la  plante  ou  du  moins 
sa  tige  est  annuelle  ;  ces  plantes  exigent  en  même  temps 
une  température  élevée  en  été,  condition  qui  se  trouve  réa- 
lisée par  le  climat  continental  ;  ce  climat,  s' accusant  de 
plus  en  plus,  en  se  déplaçant  à  l'E.,  détermine  cette  obli- 
quité de  la  limite  de  culture.  On  conçoit  en  même  temps 
que  ces  lignes  ne  peuvent  servir  dans  la  délimitation  des 
régions  végétales  naturelles,  la  plupart  des  plantes  spon- 
tanées ne  se  trouvant  pas  dans  les  mêmes  conditions  de 
végétation  que  les  plantes  cultivées  dont  il  a  été  question. 
Du  reste,  si  on  établit  les  limites  de  végétation  des  plantes 
spontanées,  on  constate  que  les  lignes  obtenues  sont  loin 
d'être  parallèles,  mais  s'entrecroisent  de  la  manière  la  plus 
irrégulière.  Les  aires  des  espèces  sont  donc  très  discor- 
dantes, ce  qui  prouve  que  d'autres  causes  que  les  différences 
de  climat  interviennent  pour  favoriser  ou  arrêter  l'exten- 
sion de  chaque  espèce  en  particulier.  C'est  surtout  l'asso- 
ciation de  certaines  formes  qui  caractérise  une  région  ou 
une  zone  végétale,  et  une  espèce  à  laquelle  on  serait  tenté 
d'attribuer  une  importance  prépondérante  peut  disparaître 
brusquement  ou  être  remplacée  par  une  autre  sans  que 
l'ensemble  de  la  zone  perde  son  cachet  (V.  Géographie 
botanique)  .  Du  reste ,  pour  en  finir  avec  les  plantes  cul- 
tivées, nous  dirons  qu'en  raison  des  conditions  artificielles 
que  l'homme  leur  impose,  les  limites  de  l'aire  qu'elles 
occupent  ne  peuvent  être  ce  qu'elles  seraient  à  l'état  de 
nature  ;  elles  ne  peuvent  donc  fournir  une  base  sérieuse 
pour  établir  une  répartition  régionale  des  plantes.  —  Parmi 
les  causes  qui  peuvent  intervenir  pour  étendre  ou  limiter 
l'aire  d'une  plante,  nous  aurions  à  examiner  ici  le  rôle 
que  jouent  l'état  physique  du  sol  (meuble  ou  compact) 
et  sa  constitution  chimique  (siliceuse  ou  calcaire).  Nous 
reviendrons  sur  cette  question  plus  loin,  en  étudiant  le 
mode  de  formation  de  la  flore  française. 

Pour  étudier  la  distribution  des  plantes  dans  notre  pays, 
nous  tiendrons  compte  des  divisions  proposées  par  Bâillon  : 
«  Les  plantes  de  la  flore  française,  dit-il,  sont  de  plaine, 
de  montagne  ou  des  bords  de  la  mer.  De  là  trois  grandes 
divisions.  Dans  chacune  d'elles,  il  y  a  des  subdivisions  sui- 
vant la  latitude,  la  température,  la  nature  chimique  du 
sol,  etc.  Les  plantes  de  plaine  seront  donc  les  unes  de 
plaines  calcaires,  les  autres  de  plaines  siliceuses  ;  la  flore 
de  plaine  sera  septentrionale  ou  centrale,  c.-à-d.  froide  ou 
tempérée,  ou  méridionale,  c.-à-d.  chaude  dans  le  sens  où 
l'on  emploie  assez  souvent  l'expression  flore  de  la  région 
des  Oliviers  ou  de  la  Provence,  etc.  »  Des  divisions  ana- 
logues peuvent  être  appliquées  aux  flores  de  montagnes  et 
aux  flores  de  la  zone  maritime.  —  Nous  diviserons  la  flore 
française  simplement  en  flore  des  plaines,  y  compris  celle 
du  littoral,'  et  en  flore  des  montagnes,  en  accordant  une 
importance  toute  particulière  aux  conditions  climato- 
logiques. 


FLORE  DES  PLAINES.  —  D'après  ce  qui  précède,  on 
a  pu  voir  que  l'un  des  principaux  facteurs  de  la  répartition 
des  plantes  en  régions  naturelles  est  la  latitude.  Mais  il  suffit 
de  jeter  les  yeux  sur  la  carte  de  France  pour  comprendre  que 
bien  d'autres  influences  interviennent  dans  la  répartition  des 
espèces.  Par  sa  siluation,  notre  territoire  est  surtout  soumis 
à  deux  systèmes  de  courants  atmosphériques,  celui  des  vents 
de  l'O.  et  du  S.,  qui  engendrent  un  régime  à  la  fois  doux  et 
humide,  et  celui  des  vents  du  N.  et  de  l'E.  qui  font  pré- 
dominer la  sécheresse  en  même  temps  que  le  froid  rigou- 
reux en  hiver  et  les  fortes  chaleurs  en  été.  Le  courant 
marin  qui  fait  suite  au  gulf-stream,  en  attiédissant  les 
côtes  maritimes  de  l'O.,  favorise  l'extension  à  de  hautes 
latitudes  de  plantes  relativement  méridionales,  celles  sur- 
tout qui,  capables  de  résister  aux  rigueurs  de  l'hiver, 
ne  réclament  pas  une  température  très  élevée  pour  leur  ' 
reproduction  par  graines.  C'est  ce  qui  arrive  pour  les 
côtes  de  la  Bretagne,  tandis  que  plus  au  S.,  au  delà  de 
l'embouchure  de  la  Loire,  où  l'influence  de  la  latitude 
redevient  plus  sensible,  on  voit  d'autres  espèces,  plus  exi- 
geantes au  point  de  vue  de  la  température,  venir  enrichir 
cette  flore.  On  peut  donc  déjà  admettre  une  région  bota- 
nique occidentale  plus  ou  moins  maritime,  comprenant 
deux  subdivisions  qui  correspondent  aux  climats  breton  ou 
armoricain  (à  l'exclusion  de  la  Normandie)  au  N.,  girondin 
ou  aquitanien  au  S. 

Région  occidentale.  —  Elle  se  subdivise,  comme  nous 
venons  de  le  voir,  en  une  région  bretonne  ou  armoricaine 
et  en  une  région  girondine  ou  aquitanienne. 

La  région  armoricaine,  presque  entièrement  constituée 
par  le  terrain  granitique  ou  primitif  cristallin  et  par  les 
schistes  primaires  siluriens,  et  dont  les  montagnes  forment 
deux  chaînes  qui  ne  dépassent  pas  394  m.  d'alt.  à  leur  point 
culminant  (à  l'O.  des  monts  d'Arrée),  nous  présente  une 
flore  surtout  composée  de  plantes  littorales  et  d'un  certain 
nombre  de  plantes  de  l'intérieur  parmi  lesquelles  dominent 
les  silicicoles.  Cependant  le  calcaire  de  laCharente-Iuférieure 
se  prolonge  dans  l'E.  du  dép.  des  Deux-Sèvres  et  dans  le 
Midi  de  la  Vendée.  —  Les  marais  et  près  salifères  offrent 
entre  autres  :  Ranunculus  Baudotii,  Cochlearia  an- 
glica  et  C.  danica,  Lepidium  latifolium,  Arenaria 
maritima,  Apium  graveolens ,  Eryngium  viviparum, 
Glaux  maritima;  plusieurs  Statice  parmi  lesquels  S. 
limonium  et  5.  Dodartii,  Plantago  maritima,  Inula 
crithmoides,  Sonchus  maritimus ,  Artemisia  mariti- 
ma; plusieurs  Salicornia,  Salsola  soda,  Beta  maritima, 
Atriplex  littoralis;  des  Suœda,  Scirpus  maritimus, 
Car  ex  extensa,  Zostera  marina,  Polypogon  mari- 
timus, Agrostis  maritima,  etc.;  les  sables  maritimes,  des 
plantes  telles  que  :  Convolvulus  soldanella,  Omphalodes 
littoralis,  Chrysanthemum  maritimum,  Helichrysum 
stœchas,  Diotis  candidissima,  Artemisia  crithmifolia, 
Galium  arenarium,  Eryngium  maritimum,  Trifolium 
arenivagum,  Ononis  striata,  Medicago  marina,  Tri- 
bulus  terrestris,  Dianthus  gallicus,  lionke?wja  pe- 
ploides,  Cerastium  pumilum,  Silène  portensis,  Cakile 
Serapionis,  Matthiola  sinuata,  Salsola  Kali,  Atriplex 
crassifolia,  Polygonum  maritimum,  Euphorbia  peplis, 
E.  paralias  et  E.  portlandica,  Ephedra  distachya, 
Phleum  arenarium,  Scirpus  holoschœnus,  Car  ex  are- 
naria, etc.  Sur  les  rochers  et  les  coteaux,  on  rencontre  : 
Crambe  maritima,  Raphanus  maritimus,  Silène  mari- 
tima,  Umbilicus  pendulinus,  Lavatera  arborea,  et 
L.  cretica,  Erodium  maritimum,  Daucus  gummifer, 
Erythrœa  maritima,  Armeria  maritima,  Atriplex  por- 
tulacoides,  Isoetes  hystrix,  Ophioglossum  lusitanicum, 
Asplenium  marinum,  etc.  ;  dans  les  haies,  les  prai- 
ries, etc.  :  Erodium  malacoides,  Trifoliummaritimu?n, 
Tamarix  gallica,  Scolymus  hispanicus,  Atriplex  Hali- 
mus,  Juncus  acutus  et  /.  maritimus,  Hordewm  mariti- 
mum, etc. —  Plus  à  l'intérieur,  à  côté  des  plantes  ubiquistes, 
on  rencontre,  dans  les  lieux  humides  ou  aquatiques  : 
Euphorbia  palustris,  Myrica  gale;  plusieurs  Alisma,  de 


FRANCE 


-  982  — 


nombreux  Saules  et  Polygonum,  Samolus   Valerandi, 
Anagallis  tenella,  Littorella  lacustris,  Pinguicula  vul- 
garis  et  P.  lusitanica,  Utricularia  neglecta  et  autres, 
Vaccinium  oxycoccos,  Gratiola  officinalis,  Elodes  pa- 
lustris,   Comarum  palustre,  Cicuta  virosa,  Drosera 
rotundifolia  et  D.  intermedia,  Trapa  natans;  nombreux 
Cyperus,  Juncus,  Carex,  etc.;  Equisetum  telmateia, 
Marsilea  quadrifolia,  Pilularia  globulifera,  Lycopo- 
dium  inundatum,  Osmunda  regalis, 'etc.,  toutes  plantes 
qui,  à  de  rares  exceptions  près ,  se  rencontrent  dans  la 
plupart  des  stations  analogues  du  reste  de  la  France.  Les 
plantes  terrestres  des  bois  et  des  landes,  parmi  lesquelles 
les  silicicoles  dominent,  sont  très  nombreuses  ;  citons  comme 
particulièrement  caractéristiques  :  Corydalis  solida,  Digi- 
talis  purpurea,  Lobelia  urens,  Rubia  peregrina,  Li- 
thospernum  prostratum,  Âsperula  odorata,  Serratula 
tinctoria,  Impatiens  noli  tangere,  Orobus  tuberosus, 
Centaurea nigravt C.  amara,  Euphrasia nemorosa,  Ulex 
européens  et  U.  nantis,  Erica  ciliaris,  E.  cinerea,  E. 
vagans,  E.  scoparia,  Lysimachia  nemorum,  Euphorbia 
dulcis,  Daphne  laureola,  Narcissus  pseudo-narcissus, 
Ruscus  aculeatus,  Paris  quadrifolia,  Tamus  communis, 
Ornithogalum  pyrenaicum,  Scilla bifolia,  Alliumursi- 
num,  Equisetum  sylvaticum,  Blechnum  spicant,  Pteris 
aquilina,  Botrychium  lunaria  et  autres  Fougères,  Lyco- 
podium  selago  et  L.  clavatum,  Equisetum  sylvaticum,, 
nombreux  Luzula,  Carex,  Graminées,  etc.,  et  parmi  les 
arbres  :  Pinusmaritima,  Juniperus  communis,  Quercus 
pubescens,  Q.  tozza,  Q.  cerris,  Q.  ilex,  etc.,  Castanea 
vulgaris,  Fraxinus  excelsior,  des  Pyrus,  Sorbus  aucu- 
paria,  etc.  —  Quant  aux  plantes  calcaires,  elles  ne  sont  pas 
en  général  représentées  dans  la  région  armoricaine  par  des 
espèces  bien  caractéristiques  ;  mentionnons  cependant  :  Tha- 
lictrum  minus,  Lepidium  campestre,  Thlaspi  perfolia- 
tum,  Althœa  hirsuta,  Anthyllis  vulneraria,  Potentilla 
verna,  Galium  spurium,  Dipsacus  pilosus,  Cardun- 
cellus  mitissimus,  Cirsium  acaule,  Phyteuma  orbicu- 
lare,    Chlora   perfoliata,  Lithospermum   officinale, 
Anchusa    italica  (originaire  du   Midi),    Cynoglossum 
pictum,  Salvia  sclarea,  Stachys  germanica,   Ajuga 
chamœpitys,  Potamogeton  plantagineus,  Juncus  obtu- 
siflorus,  Car  ex  nitida,  Adiantum  capillus  veneris 
(originaire  du  Midi);  ajoutons  un  grand  nombre  d'Orchidées, 
qu'on  retrouve  toutes  sur  les  terrains  calcaires  de  la  région 
septentrionale  de  la  France. 

Le  territoire  girondin  ou  aquitanien  est,  grâce  à  la 
direction  de  ses  côtes  et  au  prolongement  occidental  de  la 
péninsule  ibérique,  moins  directement  exposé  au  gulf-stream 
que  la  Bretagne  ;  de  plus  il  n'est  pas  partout  abrité 
contre  les  courants  du  N.  Aussi  observe-t-on  dans  certains 
hivers  à  Poitiers,  à  Bordeaux,  à  Bayonne,  etc.,  des  froids 
plus  rigoureux  que  sur  les  côtes  de  la  Bretagne.  Vers  le 
N.,  le  climat  passe  insensiblement  au  climat  moyen  de  la 
France,  déjà  plus  ou  moins  continental,  et  la  flore  se  rap- 
proche de  celle  du  centre  de  la  France.  Au  S.,  la  région 
aquitanienne  se  resserre  entre  les  Pyrénées  d'une  part,  le 
Massif  central  de  l'autre,  en  formant  une  sorte  de  couloir 
(plaine  de  Toulouse  et  vallée  de  l'Aude),  protégé  parle  Mas- 
sif central  contre  les  vents  du  N.  et  ouvert  aux  courants 
méditerranéens,  dont  l'influence  adoucit  le  climat  et  rend 
les  hivers  plus  courts  et  moins  rigoureux  ;  les  étés  sont  très 
chauds,  mais  souvent  pluvieux.  La  végétation  de  cette  vaste 
région,  y  compris  la  flore  du  littoral,  nous  offre  la  rencontre 
curieuse  de  plantes  des  plaines  du  Nord,  de  la  région  cen- 
trale continentale,  du  littoral  océanien,  des  zones  subalpine 
et  alpine  des  Pyrénées  et  de  la  région  méridionale  propre- 
ment dite  ;  c'est  donc  bien  une  flore  intermédiaire  entre  la 
flore  septentrionale  et  la  flore  méridionale  méditerranéenne. 
Presque  toutes  les  plantes  de  la  Bretagne  que  nous  venons 
d'énumérer  s'y  retrouvent  et  de  nouvelles  viennent  s'y 
ajouter  ;  la  distinction  en  provinces  naturelles  nous  en- 
traînerait trop  loin  ;  notons  simplement  les  plantes  du  lit- 
toral maritime  (nous  ne  citerons  pas  derechef  celles  qui 


lui  sont  communes  avec  le  littoral  de  la  Bretagne),  puis 
les  plantes  les  plus  intéressantes  de  l'intérieur.  Sur  le 
littoral  on  trouve  :  Silène  crassifolia,  Matthiola  incana, 
Sedum  littoreum,  Astragalus  Bayonensis,  Crépis  bul- 
bosa,  Linum  maritimum,  Linaria  spartœa  et  L.  thy- 
mifolia,  Statice  ferulacea,  St.  diffusa,  St.  serotina  et 
St.  oleœfolia;  Euphorbia  pithyusa,  Erythrœa  mari-  ' 
tima,  Althenia  flliformis,  Corynephorus  articulatus, 
Poa  maritima,  Bromus  confertus,  Lepturus  cylindri- 
cus,  des  Glyceria  et  des  Agropyrum.  —  Parmi  les 
plantes  de  l'intérieur  nous  citerons  :  Anémone  montana, 
Thalictrum  minus,  plusieurs  Adonis,  Ranunculus  gra- 
mineus,  R.  trilobus  et  R.  muricatus,  Nigella  damas- 
cœna  et  N.  gallica,  Helleborus  fœtidus,  Delphinium 
cardiopetalum,  Papaver  hybridum,  Hypecoum  pen- 
dulum,  Erucastrum  obtusangulum,  Erysimum  orien- 
tale, Bunias  erucago,  Sisymbrium  columnœ,  Isatis 
tinctoria,  Cistus  salvifolius,  quelques  Silène,  Sapo- 
naria  vaccaria,  plusieurs  Helianthemum,  Viola  vires- 
cens,   Polygala  monspeliaca,   Buffonia  paniculata  ; 
plusieurs  Linum,  Malva  nicœensis,  Althœa  canna- 
bina,  Ruta  graveolens,  Rhamnus  alatemus,  Genista 
pilosa,  Cytisus  supinus  et  C.  argenteus,  Ononis  striata, 
0.  columnae  et  0.  natrix,  Trigonella  monspeliaca; 
quelques  Astragalus  et  Coronilla,  Spirœa  obovata,  Rosa 
sempervirens,  Lythrum  bibracteatum,  Ecbalium  ela- 
terium  ;  plusieurs  Bupleurum ,  Caucalis  daucoides , 
Turgenia  latifolia,  Falcaria  Rivini,  Ammi  visnaga, 
Seseli  libanotis,  Peucedanum  oreoselinum,  Asperula 
galioides,  Bellis  pappulosa,  Inula  squarrosa  et  I.  mon- 
tana, Artemisia  camphorata,  Chrysanthemum  corym- 
bosum  et  C.  graminifolium.   Senecio-  erucifolia  et 
5.   ruthenica,  Centaurea  solstitialis  et   C.   aspera, 
Xeranthemum  cylindraceum  ;  plusieurs  Scorzonera, 
Crépis  et  Lactuca;  Lobelia  Dortmanna  (étangs  avoisi- 
nant  le  bassin  d'Arcachon),  Phyteuma  orbiculare,  des 
Campanula,  Arbutus  unedo,  Cynanchum  acutum, 
Phyllirea  média  et  P.  angustifolia,  Erythrœa  spicata, 
Convolvulus  cantabrica,  Echium  italicum  et  E.  plan- 
tagineum,  Lithospermum  opulum,  Onosma  echioides, 
Asperugo  procumbens,  Echinospermum  lappula,  Phy- 
salis  alkekengi,  Verbascum  sinuatum,  Digitalis  lutea, 
Lathrœa  squamaria  et  L.  clandestina,  Salvia  palli- 
diflora,  Rosmarinus  officinalis,  Stachys  alpina  ;  plu- 
sieurs   Teucrium ,    Androsace    maxima ,    Cyclamen 
neapolitanum,  Rumex  bucephalophorus,  Polygonum 
Be Hardi,  Daphne  gnidium  et  D.  cneorum,  Osyris  alba, 
Cytinus  hypocistis,  Aristolochia  long  a;  des  Euphorbia, 
parmi  lesquels  E.  hyberna,  E.  serrata,  E.  faicata; 
Urtica  membranacea,   Phalangium   liliago,   Scilla 
bifolia,  Fritillaria  meleagris;  des  Allium,  des  Juncus, 
des  Car  ex,  etc.,  des  Graminées,  etc.,  Salvinia  natans 
(Bordeaux);  Ophioglossum   lusitanicum,   Grammitis 
leptophylla. 

Il  est  bon  de  remarquer  qu'un  certain  nombre  des  plantes 
énumérées  dans  cette  liste  se  retrouve  dans  d'autres  par- 
ties de  la  France  ;  quelques-unes  même  s'avancent  jus- 
qu'aux environs  de  Paris. 

Région  méditerranéenne.  —  Au  Midi,  une  autre  région 
maritime  s'étend  des  Pyrénées-Orientales  aux  Alpes-Mari- 
times ;  la  flore  y  offre  un  caractère  franchement  méridio- 
nal dû  à  la  fois  à  la  température  élevée  qui  règne  dans  ces 
basses  latitudes  et  aux  vents  qui  soufflent  du  S.  ;  cette  flore 
présente  de  nombreux  points  de  contact  avec  celle  du  N.  de 
l'Afrique.  Cependant  toute  cette  région,  de  même  que  la 
vallée  inférieure  du  Rhône,  est  fréquemment  visitée  par  le 
mistral,  courant  froid  et  desséchant  d'une  violence  extrême 
qui  descend  des  Cévennes.  —  Toutes  les  plantes  de  la  zone 
maritime  océanienne  se  retrouvent  dans  la  zone  maritime 
méditerranéenne,  mais  la  réciproque  n'est  pas  vraie  ; 
quelques-unes  seulement  des  plantes  de  cette  dernière  zone 
croissent  sur  le  littoral  de  la  Gascogne  et  ne  dépassent  l'em- 
bouchure de  la  Loire  qu'à  de  rares  exceptions  près.  Il  nous 


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FRANCE 


serait  impossible  d'énumérer  toutes  les  plantes  caractéri- 
stiques des  départements  méditerranéens,  à  moins  de  dresser 
des  listes  interminables  ;  il  nous  faut  faire  un  choix  parmi  les 
plus  spéciales  et  la  tâche  est  ardue.  —  Parmi  les  plantes 
du  cordon  littoral,  citons  :  Clerrlatis  flammula,  Malcol- 
mia  littorea,  Medicago  marina,  Lœflingia  hispanica, 
Daucus  maritimus,  Orlaya  maritima,  Echinophora 
spinosa,  Crucianella  maritima,  Anthémis  maritima 
Evax  pygmaea,  Chlora  imperfoliata  et  C.  serotinq, 
Stachys  maritima,  Corispermum  hyssopifolium,  Ko- 
Ma  prostrata,  Rumex  tingitanus,  Polygonum  mari- 
timum  et  autres,  Euphorbia  terracina  et  autres,  Aspa- 
ragus scaber,  Paner utium  maritimum,  Saccharum 
Ravennœ,  Sporobolus  pungens;  plusieurs  Poa,  Triticum 
et  autres  Graminées  spéciales.  Dans  les  étangs  marins,  sur 
la  vase  et  les  terrains  salés  du  littoral,  on  trouve  :  Fran- 
kenia  pulverulenta  et  autres,  Sagina  maritima,  Lotus 
decumbens,  Aster  Iripolium,  Seorzonera  parviflora, 
Erythrœa  linarifolia,  Eeliotropium  curassavieum,  un 
grand  nombre  de  Statiee,  Plantago  \Cornuti,  des  Sali- 
cornia,  des  Suœda,  des  Salsola,  Koehia  hirsuta,  Iris 
xiphium,  Ophrys  tenthredinifera,  plusieurs  Iriglo- 
chin,  Altheria  Barrandonii,  Caulinia  minor,  Ruppia 
marina,  Cymodocea  nodosa,  des  Zostera,  Juncus, 
Scirpus,  Polypogon,  Glyceria,  Iriticum,  etc.  —  Le 
reste  de  la  région  méditerranéenne,  sous  le  nom  de 
région  de  l'Olivier  et  dans  les  limites  de  culture  de  cette 
plante,  forme  une  province  botanique  très  naturelle,  d'une 
richesse  incomparable.  A  côté  du  Laurier  (Laurus  nobilis) 
et  de  YOleaeuropœa,  on  y  trouve  le  Chêne  vert  (Quercus 
ilex),  le  Quercus  coccinea,  le  Q.  suber  et  les  autres 
Chênes  déjà  signalés  sur  le  littoral  de  l'Océan,  le  Pinus 
halepensis,  le  Populus  italica,  etc.,  puis  l'Amandier,  le 
Grenadier,  les  deux  Mûriers,  qu'on  y  cultive  ainsi  que  le 
Figuier,  le  Sumac,  le  Noyer  et  Y  Eucalyptus  globulus; 
parmi  les  arbustes  le  Jujubier,  le  Houx,  le  Caroubier,  dans 
les  maquis  le  Nerium  oleander,  des  Eelianthemum,  de 
nombreux  Cistus,  le  Myrte,  les  Pistacia  lentiscus  et  P. 
terebinthus,  des  Cytises,  le  Buis,  le  Ruscus  aculeatus, 
de  nombreux  Genista,  YEricaarborea,  Y Arbutus  unedo , 
YEphedra  distachya;  les  Astragales,  très  nombreux,  et 
les  Rosiers,  répandus  partout,  contribuent  beaucoup  à  don- 
ner sa  physionomie  particulière  à  la  région.  On  y  rencontre 
de  nombreuses  plantes  annuelles  et  au  printemps  on  voit  les 
prés  se  couvrir  de  fleurs,  appartenant,  pour  la  plupart,  à  des 
plantes  bulbeuses  telles  que  les  Narcisses,  Tulipes,  Jacinthes, 
Safran,  Orchidées,  etc.  ;  puis  ce  sont  des  Légumineuses,  des 
Composées,  des  Ombellifères  et  surtout  des  Labiées  aroma- 
tiques. Mentionnons  encore  dans  leur  ordre  méthodique  : 
Ceratocephalus  falcatus,  Ranunculus  laterifiorus  et 
R.  albicans,  Delphiniumpubescens  etD.  staphysagria, 
Papaver  sylvestre,  Hypecoumpendulum,  Fumaria  spi- 
cata,  Malcolmia  africana,  Cheiranthus  cheiri,  Iberis 
ciliata,  Senebiera  ruderalis,  Silène  italica,  Dianthus 
longicaulis,  Linum  gallicum,  Lavater a  maritima,  Ero- 
dium  ciconium,  Géranium  tuberosum,  Ruta  angusti- 
folia,  Coriariamyrtifolia,  Anagyris  feetida,  Ulexpar- 
viflorus;  de  nombreux  Ononis,  Medicago,  Trigonella, 
Melilotus,  ïrifolium,  Lotus;  Anthyllis  tetraphylla, 
Dorycnium  Jordani,  Glycyrrhiza  glabra,  des  Vicia, 
Lathyrus,  Hippocrepis,  Eedysarum,  Onobrychis,  etc., 
Potentilla  rosea,  Tamarix  africana,  Corrigiola  tele- 
phifolia,  Paronychia  nivea  et  P.  argentea,  Tillea 
muscosa,  Crassularubens,Bulliarda  Vaillantii,Ferula 
nodiflora,  Thapsia  villosa,  Opopanax  chironium,  des 
Seseli,  OEnanthe,  Rupleurum,  etc.;  Ptychotis  hetero- 
phylla,  Pimpinella  palustris,  Scandix  australis,  Ca- 
chrys  laevigata,  Viburnum  tinus,  Lonicera  implexa, 
Galium  maritimum  et  autres,  Vaillantia  muralis, 
Asperula  galioides,  Scabiosastellata,  Knautia  hybrida, 
Cephalaria  syriaca,  Senecio  doria,  Anthémis  altùsima 
et  autres  ;  Achillea  odorata,  Inula  britannica  et  autres  ; 
Cynara  cardunculus;  plusieurs  Centaurea,  Cardun- 


cellus  monspeliensis,  Cnicus  benedictus;  des  Garlina, 
Atractylis  humilis,  Urospermum  Dalechampii,  Lactuca 
tenerrima,  Scolymus  maculatus,  Xanthium  macro- 
carpum  et  X.  spinosum,  etc.,  etc.;  Phillyrea  angusti- 
folia,  Jasminium  fruticans,  Cynanchum  monspelia- 
cum,  Convolvulus  allhoides,  Lithospermum  tinctorium 
et  L.  fruticosum,  Cynoglossum  cheirifolium,  Eeliotro- 
pium supinum  et  H.  curassavieum,  Lycium  barbarum, 
Solanum  villosum;  des  Verbascum,  Linaria,  Veronica, 
Bartsia,  Orobanche,  Vitex  agnus-castus,  Lavandula 
stœchas  et  L.  loti folia,  Satureia  hortensis,  Stachys 
arvensis,  Sideritis  romana  et  S.  hirsuta,  Ajuga  Iva, 
Teucrium  polium,  Plantago  lagopus  et  P.  psyllium, 
Cytinus  hypocistis,  Osyris  alba,  Amaranthus  Delilei, 
Atriplex  rosea,  Camphorosma  monspeliaca;  des  Rumex 
et  Polygonum,  Poterium  Magnolii,  Urtica  pilulifera, 
Theligonum  cynocrambe,  Celtis  australis,  Euphorbia 
characias  et  autres  nombreux  ;  Mercurialis  tomentosa, 
Croton  tinctorium,  Juniperus  phœnicea,  Colchicum 
longifolium;  plusieurs  Tulipa,  Uropetalum  serotinum, 
Ornithogalum  narbonense  ;  plusieurs  Allium,  Aspho- 
delus  fistulosus,  Aphyllanthes  monspeliensis,  Romulea 
columnœ,  des  Narcissus,  Orchis,  Ophrys;  Vallisneria 
spiralis,  des  Juncus,  Cyperus ,  Scirpus  et  Carex 
très  nombreux  ;  Andropogon  halepensis,  Setaria  glauca, 
âesPhalaris,,  Oryspis,  Agrostis,  Stipa,  Milium,  Arundo 
donax,  des  Àira,  Avenu,  Melica,  Eragrostis,  Vulpia, 
Bromus,  Brachypodium,  Hordeum,  Iriticum,  Agi- 
lops,  Lolium,  etc.,  etc.  ;  Polystichum  thelypteris, 
Cheilanthes  odora,  Marsilea  pubescens,  Isoetes  setacea 
et  I.  Duriœi,  Pilularia  minuta.  —  La  flore  de  la  Corse 
participe  intimement  de  la  flore  méditerranéenne  dont  elle 
est  l'expression  la  plus  accentuée  et  présente  quelques  es- 
pèces spéciales  telles  que  Ranunculus  corsicus,  Clematis 
polymorpha,  Silène  corsica,  Thymus  corsicus,  Orchis 
corsica,  etc.  (V.  Corse). 

Région  septentrionale.  —  Si  nous  nous  transportons 
dans  la  région  septentrionale  de  la  France,  qui  s'étend  de 
la  limite  orientale  de  la  Bretagne  jusqu'au  Rhin,  en  y 
comprenant  une  partie  du  centre,  nous  rencontrons  des  con- 
ditions plus  rudes  que  dans  les  régions  précédentes  :  des 
hivers  longs  et  rigoureux,  des  étés  courts,  chauds  ou  tièdes  ; 
aussi  la  flore  n'y  diflère-t-elle  pas  essentiellement  de  celle 
de  la  plus  grande  partie  de  l'Europe.  Parmi  les  plantes  qui 
sont  à  peu  près  partout  répandues  sur  ce  vaste  territoire, 
qui  dans  tous  les  cas  sont  communes  à  la  zone  occidentale 
et  à  la  zone  orientale  de  cette  partie  de  la  France,  et  for- 
ment par  conséquent  le  fond  de  sa  végétation,  nous  cite- 
rons :  Ficaria  ranunculoides,  Anémone  nemorosa, 
Ranunculus  acris  et  R.  repens,  Delphinium  consolida, 
Nymphœa  alba  et  N.  lutea,  Papaver  rhœas  et  P.  du- 
bium,  Chelidonium  majus,  Fumaria  officinalis,  Car- 
damine  pratensis,  Thlaspi  bursa  pastoris,  Sisymbrium 
alliaria,  Nasturtium  officinale,  Viola  caninaet  V,  odo- 
rata, Polygala  vulgaris,  Reseda  lutea,  Dianthus  car- 
thusianorum,  Saponaria  officinalis,  Silène  inflata, 
Agrostemma  githago,  Melandrium  dioicum,  Sagina 
procumbens,  Stellaria  holostea  et  S.  média,  Ceras- 
tium  arvense,  Malva  sylvestris,  Géranium  Robertia- 
num,  Erodium  cicutarium ,  Oxalis  stricta  et  0. 
acetosella,  Genista  sagittalis ,  Sarothamnus  scopa- 
rius,  Ononis  spinosa,  Lotus  cor niculatus,  Hippocrepis 
comosa,  Spirœaulmaria,  Geumurbanum,Rubus  idœus 
et  R.  cœsius,  Agrimonia  eupatoria,  Rosa  canina  et 
autres  espèces,  Bryonia  dioica,  Lythrum  salicaria, 
Scleranthus  annuus,  Eerniaria  glabra,  Ribes  rubrum, 
Scandix  pecten  Veneris,  Sanicula  europœa,  Angelica 
sylvestris,  Eeracleum  sphondylium,  Eryngium  cam- 
pestre,  Eedera  hélix,  Cornus  sanguinea,  Sambucus 
ebulus,  Bryonia  dioica,  Lonicera  xylosteum,  Asperula 
cynanchica  et  A.  odorata,  Sherardia  arvensis,  Vale- 
riana  dioica  et  F.  officinalis,  Knautia  arvensis,  Sca- 
biosa  succisa  et  S.  columbaria,  Dipsacus  sylvestris, 


FRANCE 


984 


Inula  dysenterica ,  Leucanthemum  vulgare,  Calen- 
dula  arvensis,  Tanacetum  vulgare,  Anthémis  nobilis, 
Carduus  nutans,  Serratula  tinctoria,  Cirsium  olera- 
ceum,  Carlina  vulgaris,  Lappcc  minor,  Barkhausia 
fœtida,  Leontodon  autumnalis,  Thrincia  hirta,  Tra- 
gopogon   pratensis,    Jasione    montana ,    Pliyteuma 
spicatum,  Campanula  rapunculus,  Vaccinium  myr- 
tillus,  Calluna  vulgaris,  Ligustrum  vulgare,  Vinca 
minor,  Vincetoxicum  officinale ,Menyanthestrifoliata, 
Gentiana  pneumonanthe,  Erythrœa  centaurium,  Ca- 
lystegia  sepium,  Lycopsis  arvensis,  divers  Solanum, 
Atropa  belladona,  Datura  stramonium,  Hyoscyamus 
niger,  des  Verbascum,  Digitalis  purpurea,  des  Linaria, 
Scrofularia,  Melampyrum,  Pedicularis,  Rhi7ia?ithus, 
Euphrasia,  Veronica,  etc.,  Salvia  pratensis,  Lycopsis   \ 
europœus,  Ajuga  reptans,  Lamium  album,  Galeopsis 
tetrahit,   Betonica  officinalis,   Stachys  sylvatica  et 
S.  arvensis,  Leonurus   cardiaca,  Brunella  vulgaris, 
Scatellaria  galericulata,  Lysimachia  nummularia , 
Primula  officinalis  et  P.  elatior,  Globularia  vulgaris, 
Daphne  mezereum,  Aristolochia  clematitis,  Parietaria 
officinalis ,   Humulus  lapulus ,  plusieurs  Euphorbia , 
Juniperus  communis,  Alisma  plantago,  Butomusum- 
bellatus,  Triglochin  palustre,  plusieurs  Potamogeton, 
Zanichellia  palustris,  Najas  major,  Lemna  minor, 
Acer  as  anthropophora ,   Orchis    fusca,  0.  simia  et 
0.  ustulata,   0.  morio,   0.  mascula,  0.  maculata, 
Ophrys  muscifera,  0.  aranifera,  0.  apifera,  Pla- 
tanthera  bifolia,   Gymnadenia  conopsea,  G.  odora- 
tissima,  Neottia  nidus  avis,  Listera  ouata,  Epipactis 
palustris  et  E.  latifolia,  Iris  pseudo-acorus,  Narcissus 
pseudo-narcissus,  Phalangium  ramosum,  Muscari  co- 
mosum  et  M.  racemosum,  Ornithogalum  umbellatum, 
Allium  ursinum,  A.  sphœrocephalum,  i.  scorodopra- 
sum  et  A.  vineale,  Asparagus  officinalis,  Paris  quadrifo- 
.  lia,  Polygonatum  vulgare,  P.  multiflorum,  Convallaria 
maialis,  Majanthemum  bifolium,  Tamus  communis, 
Colchicum  autumnale,  Arum  vulgare,  Typha  latifolia, 
Sparganium  ramosum  et  S.  simplex,  nombreux  Jimcus, 
Luzula,  Cyperus,  Scirpus,  Carex,  etc.,  Schœnus  nigri- 
cans,  Cladium  mariscus,  Eriophorum  latifolium,  de 
nombreuses  Graminées,  Equisetum  palustre  et  E.  telma- 
teia,  Ophioglossum  vulgatum,  Osmunda  regalis,  Poly- 
podium  vulgare,  Blechnum  spicant,  Pteris  aquilina 
et  autres  Fougères,  Pilularia  globulifera,  Lycopodium 
clavatum  et  X.  inundatum.  —  La  liste  précédente  men- 
tionne surtout  les  espèces  assez  communes  ou  communes 
dans  toute  la  région  septentrionale  ;  elle  ne  renferme  pas 
les  espèces  rares  ou  très  rares,  ni  les  espèces  de  montagnes 
de  la  région  vosgienne  qu'on  retrouve  accidentellement 
dans  la  plaine  séquanienne.  Nous  croyons  intéressant  de 
donner  ici  une  liste  des  principales  plantes  méridionales 
et  sud-occidentales  qui  s'avancent  [dans  la  région  septen- 
trionale et  y  sont  plus  ou  moins  communes  et  parfois 
rares  :   Myosurus   minimus ,   Sinapis   cheiranthus , 
Erysimum  orientale,  Diplotaxis  muralis,  Isatis  tinc- 
toria,  Lepidium  draba,  L.  graminifolium  et  L.  latifo- 
lium,  Papaver  hybridum,   [lelianthemum  vulgare, 
Fumana  vulgaris,  Silène  gallica,  Gypsophila  muralis, 
Hemiaria  hirsuta,  Althœa  hirsuta,  Géranium  sangui- 
neum,  Coronilla  minima,  Cerasus  mahaleb,  Prunus 
insititia,  Sedum  cepceum,  S.  dasyphyllum  et  S.  tele- 
phium,  Lythrum  hyssopifolia,  Fœniculum  officinale, 
lordylium  maximum,  Galium  gracile  et  G.  tricorne, 
Centaurea  calcitrapa  ■  et  6.  cyanus,  Kentrophyllum 
lanatum,  Ilex  aquifolvus,  Ghlora  per foliota,  Lithos- 
permum  pur  pur  eo  -  cœruleum ,  Heliotropium  euro- 
pœum,  Physalis  alkekengi,  Prismatocarpus  spéculum, 
Thesium  humifusum,  Chrysanthemum  segetum,  Xan- 
thium  strumarium,  Parietaria  diffusa,  Euphorbia 
exigua,   Amarantus   reflexus,   Plantago   arenaria, 
Ghenopodium  rubrum ,  Linaria  cymbalaria   et   L. 
striata,  Calamintha  nepeta,  Euphorbia  gerardiana , 


Scilla  autumnalis,  Tulipa  sylvestris,  Carex  Schreberi, 
Air  a  canescens,  Daphne  laureola,  Tamus  communis, 
Loroglossum  hircinum,  Scirpus  iriqueter  et  S.  mari- 
timus,  Carex  pseudocyperus. 

Nous  ne  ferons  pas  l'ériumération  complète  des  plantes, 
dites  mauvaises  herbes,  plus  souvent  annuelles,  qui  peuplent 
la  région  septentrionale  ;  elles  ne  fréquentent  guère  que  les 
terrains  cultivés  et  le  voisinage  des  habitations.  A  de  rares 
exceptions  près,  ces  plantes  disparaissent  avec  l'homme 
qui  les  cultive  malgré  lui,  en  fournissant  à  leurs  graines 
un  abri  assuré  en  hiver,  grâce  à  ses  travaux  de  labour  et 
et  de  récolte  ;  on  ne  connaît  pas  plus  l'origine  réelle  de  ces 
plantes  que  celle  de  certaines  plantes  cultivées.  Qu'il  nous 
suffise  d.e  citer  dans  le  nombre  :  Banunculus  repens,  beau- 
coup de  Crucifères  (Sinapis,  Lepidium,  etc.),  de  Légumi- 
neuses (Medicago,  Trifolium,  Vicia,  etc.),  de Potentilla, 
de  Galium;  Valerianella  olitoria,  Senecio  vulgaris, 
Centaurea  jacea  etC.  scabiosa,  Lampsana  communis, 
des  Crépis,  Hieraciumpilosella,  Convolvulus  arvensis, 
Echium  vulgare,  Teucrium  scorodonia,  des  Mentha, 
Galeopsis  ladanum,  Ballot  a  vulgaris,  Calamintha  cli- 
nopodium,  Origanum  vulgare,  Thymus  serpyllum, 
Vcrbena  officinalis,  Anagallis  cœrulea  et  A.  phœnicea, 
des  Plantago,  des  Polygonum,  etc.,  Ghenopodium  al- 
bum, Rumex  acetosella,  Euphorbia  peplus,  Urtica, 
urens,  Equisetum  arvense. 

4°  Région  séquanienne.  C'est  la  portion  de  la  région 
septentrionale  qui  comprend  le  bassin  de  la  Seine  ;  on  y 
rattache,  au  point  de  vue  de  la  flore,  une  partie  du  bassin 
de  la  Loire.  Cette  région  est  limitée  à  peu  près  par  la  Bre- 
tagne, la  Manche,  la  Belgique,  la  Lorraine  avec   les 
Ardennes,  et  le  massif  central  de  l'Auvergne  et  caractérisée 
par  des  hivers  tantôt  froids,  tantôt  humides,  et  par  des  étés 
incertains,  à  chaleur  souvent  insuffisante  ;  dans  toute  cette 
région  se  fait  sentir  l'influence  maritime  mitigée  due  à  la 
Manche.  Sur  le  littoral  maritime  de  la  région,  citons  les 
plantes  suivantes,  dont  quelques-unes  s'avancent  plus  ou 
moins  à  l'intérieur  des  terres  :  Cakile  maritima,  Crambe 
marilima,  Silène  maritima,  Sagina  maritima,  Arena- 
ria Llodyii,  Trifolium  maritimum,  Tamarix  anglica, 
Crithmum  maritimum,  Eryngium  maritimum,  Aster 
tripolium,  Inula  crithmoides,  Artemisia  maritima, 
Othanthus  maritimus,  Convolvulus  soldanella,  Lina- 
ria arenaria,  Glaux  maritima,  plusieurs  Statice,  Ar- 
meria  maritima  et  A.  pubescens,  Plantago  maritima, 
Beta  vulgaris  var.   maritima,  plusieurs  Atriplex  et 
Obione,  Arthrocnemum  fruticosum,  Salicornia  her- 
bacea,  Suaeda  fruticosa  et  S.  maritima,  Salsola  Kali, 
Polygonum  maritimum,  Rumex  maritimus,  Hippo- 
phae  rhamnoides,  Euphorbia  peplis  et  E.  par  alias, 
Triglochin  maritimum,  Ruppia  maritima  et  R.  ros- 
tellata,  Zostera  marina  et  Z.  nana,  Juncus  Gerardi, 
Scirpus  maritimus ,   S,  Rothii  et  S.  Savii ,  Carex 
extensa  et    C.  trinervis,  etc.  —  Parmi   les   plantes 
spéciales  à  la  région  séquanienne,  qui  manquent  dans 
la  région   vosgienne  ou    y   sont  beaucoup  moins  fré- 
quentes, nous  citerons  :  Cucubalus  bacci férus,  Elodes 
palustris,   Géranium  sanguinum,    Genista  anglica, 
Peucedanum  parisiense,  Tussilagofurfara,  Helminthia 
echioides,  Lobe  lia  urens,  Lycium  europœum,  Melittis 
melissophyllum,  Villarsia  nymphoides,  Armeria  plan- 
taginea,  Myrica  gale,  Limodorum  abortivum,  Narthe- 
cium  ossifragum.  Ajoutons -y  les   plantes   suivantes, 
nettement  d'origine  méridionale  ou  sud-occidentale  :  Ra- 
nunculus  [chœrophyllos  et  R.  parviflorusy  Diplotaxis 
viminea,  Glaucium  flavum,  Eelianthemum  guttatum, 
Silène  gallica  et  S.  conica,  Linum  gallicum,  Trifo- 
lium subterraneum  et    T.  glomeratum,   Trigonella 
monspeliaca,  Ononis  columnœ,  Lathyrus  angulatus, 
Umbilicus  pendulinus,  lorilis  nodosa,  Bupleurum 
aristatum,  B.  tenuissimum  et  B.  affine,  Rubia  père- 
grina,  Galium  divaricatum,  Centaurea  serotina,  Mi- 
cropus  erectus,  Inula  graveolens,  Anthémis  nobilis, 


—  985 


FRANCE 


Carduus  tenuiflorus  et  C.  pycnocephalus,  Erica  tetra- 
lix,  E.  ciliaris  et  E.  vagans,  Linaria  supina  et  L. 
pelliceriana,  Anchusa  italica,  Xanthium  macrocar- 
pum,  Urtica  pilulifera,  Plantago  coronopus,  Primula 
grandiflora,  Agraphis  nutans,  Phleum  arenarium, 
Gaudinia  fragilis,  Ruscus  aculeatus,  Arum  italicum, 
Iris  fœtidissima,  Cyperus  longus. 

2°  Région  vosgienne.  Cette  région  appartient  au  bassin 
du  Rhin  et  de  la  Meuse  et  comprend  la  Lorraine  avec  les 
Ardennes  et  l'Alsace  ;  le  climat  en  est  franchement  conti- 
nental et  comporte  des  hivers  très  rigoureux,  mais  aussi  des 
étés  très  chauds  qui  permettent  la  maturation  des  fruits  de 
diverses  espèces  qui  n'atteindraient  pas  le  même  résultat 
sous  le  climat  parisien.  La  présence  de  la  chaîne  des  Vosges, 
dont  la  crête  est  déjà  soumise  plus  ou  moins  au  régime 
sub-alpin,  modifie  le  climat  de  la  région  et  sa  végétation 
et  divise  la  zone  en  deux  territoires  dont  la  flore  diffère 
sensiblement.  Dans  le  chapitre  consacré  à  la  flore  des  mon- 
tagnes, nous  reviendrons  sur  celle  des  Vosges  ;  quant  à  la 
flore  des  plaines  et  des  collines,  on  peut  signaler  comme 
plus  ou  moins  spéciales  à  toute  la  région  les  plantes  sui- 
vantes :  Dianthus  superbus,  Sedum  insipidum,  Genista 
graminea,  Pyrus  communis  et  P.  malus,  Cerasus  padus, 
Sanguisorba  officinalis,  Cicuta  virosa,  Peucedanum 
alsaticum,  Prenanthes  purpurea,  Gentiana  ciliata, 
G.  germanica  et  G.  cruciata,  Euphorbia  verrucosa  et 
E.  palustris,  Myricaria  germanica,  Scilla  bifolia,  Gagea 
stenopetalaetG.sylua.tica,  Asarum  europœum,  Typha 
minor,  Marsilea  quadrifolia  ;  ajoutons-y  les  suivantes, 
surtout  originaires  du  Midi  :  Sinapis  incana,  Silène  ar- 
meria,  Trifolium  elegans,  Aster  amellus,  Linosyris 
vulgaris,  Xanthium  spinosum.  —  Il  ne  sera  pas  sans 
intérêt  de  donner  ici  l'indication  d'un  certain  nombre  de 
plantes  propres  à  la  Lorraine  et  qui  manquent  en  Alsace, 
abstraction  faite  des  halophytes  des  environs  des  salines. 
Ainsi  le  calcaire  oolithique  de  Lorraine,  par  exemple,  offre 
une  série  de  plantes  qui  manquent  en  Alsace  sur  le  même 
terrain  :  Laserpitium  aquilegifolium,  Thalictrum  sylva- 
ticum,  Erysimum  odoratum,  Linum  Leonii,  Polygala 
calcarea,  Orobusvernus,  ScrophalariaBalbisii,Stachys 
alpina,  Iberis  Violettii,  Primula  acaulis,  Rumex  scu- 
tatus,  Kentrophyllum  lanatum,  Daphne  laureola,  The- 
sium  humifusum,  Buxus  sempervirens,  Ruscus  acu- 
leatus, Carex  gynobasis  et  C.  pilosa.  De  même,  les 
terrains  silicicoles  ou  non  calcaires  nourrissent  :  Cirsium 
anglicum,  Scorzonera  humilis,  Elodes  palustris,  Ana- 
gallis  tenella,  Senecio  salicetorum,  Sedum  elegans, 
Scirpus  multicaulis,  etc.,  qu'on  ne  rencontre  guère  en 
Alsace.  En  revanche,  ce  dernier  pays  présente,  parmi  les 
plantes  du  calcaire  oolithique  manquant  en  Lorraine  :  Ar- 
temisia  camphorata,  Lepidium  petrœum,  Hélianthe- 
mum  fumana,  Dictamnus  fraxinella,  Stipa  pennata, 
Thlaspi  montanum,  Arabis  auriculata,  Scirpus  tri- 
quêter,  et  parmi  les  plantes  silicicoles  ou  granitiques  : 
Campanula  cervicaria,  Naslurtiwn  pyrenaicum,  Or- 
chis  sambucina,  Lactuca  virosa,  Dent  aria  digitata  et 
D.  pinnata,  Amelanchier  vulgaris,  Achillœa  nobilis, 
Potentilla  rupestris,  qui,  la  plupart,  se  rencontrent  aune 
certaine  alitude. 

Région  centrale.  —  Boreau,  dans  sa  flore  du  centre  de 
la  France,  divise  le  bassin  de  la  Loire  en  trois  régions  prin- 
cipales :  1°  la  région  des  montagnes  ;  c'est  le  Massif  cen- 
tral de  la  France,  dont  il  sera  question  plus  loin  ;  2°  la 
région  centrale  proprement  dite  ;  3°  la  région  de  l'Ouest. 
Nous  avons  rattaché  la  région  de  l'Ouest  à  la  région  aqui- 
tanienne  et  nous  n'y  reviendrons  pas  ;  la  partie  septentrio- 
nale de  la  région  centrale  proprement  dite  a  été  rattachée 
à  la  région  séquanienne.  Restent  le  Morvan,  le  Nivernais, 
la  Sologne,  le  Berry  avec  la  Rrenne,  la  Marche  et  le  Bour- 
bonnais, région  très  accidentée,  montagneuse  à  l'E.  ainsi 
qu'au  S.,  où  elle  confine  au  Massif  central.  Le  climat  ne 
devient  franchement  continental  que  sur  le  plateau  du  Mor- 
van et  dans  les  monts  du  Limousin.  —  Dans  les  massifs 


montagneux,  presque  partout  siliceux  (granitiques),  de  la 
région,  la  flore  est  celle  des  montagnes  peu  élevées.  Les 
parties  basses  sont  surtout  formées  par  une  large  zone  de 
terrains  jurassiques,  souvent  dominés  par  les  dépôts  ter- 
tiaires, et  essentiellement  caractérisés  par  lu  flore  suivante  : 
Anémone  pulsatilla,  Adonis  œstivalis,  A,  autumnalis 
et  A.  flammea,  Erysimum  orientale,  Hyper icum  mon- 
tanum, Linum  Loreyi,  L.  tenuifolium  et  L.  salsoloides, 
Helianthemum  pulverulentum  et  F.  canum,  Coronilla 
minima  et  C.  varia,  Hippocrepis  comosa,  Bupleurum 
protractum  etB.  falcatum,  Pencedanumcervaria,Li- 
banotis  montana,  Cornus  mas,  Senecio  erucœfolius, 
Inula  salicina,  Pyrethrum  corymbosum,  Carduncel- 
lus  mitissimus,  Leontodon  hastile,  Phyteuma  or  bien- 
lare,  Gentiana  germanica  et  G.  cruciata,  Anchusa  ita- 
lica,  Digitalis  lutea,  Teucrium  montanum,  Globularia 
vulgaris,  Gymnadenia  odoratissima,  Orchis  galeata 
et  0.  pyramidaliSy  Ophrys  apifera,  0.  arachnites  et 
0.  muscifera,  Acer  as  anthropophora,  Epipactisrubra, 
Anthericum  ramosum,  Polygonatum  vulgare,  Carex 
gynobasis  et  C.  montana,  Melica  nebrodensis,  Sesle- 
ria  cœrulea,  etc.  On  peut  y  ajouter  une  foule  de  plantes 
ubiquistes,  en  remarquant  que  la  Sologne,  la  Brenne,  avec 
leurs  étangs,  se  rapprochent,  par  leur  végétation,  de  la 
flore  de  l'Ouest  et  de  la  Gironde. 

Région  rhodanienne.  —  En  regard  du  climat  continen- 
tal de  la  région  centrale  et  du  climat  vosgien,  nous  pouvons 
placer  le  climat  rhodanien  ou  de  la  vallée  du  Rhône  et  de 
la  Saône.  Ce  climat  est  également  extrême,  avec  quelques 
particularités  toutefois  qui  lui  sont  communes  avec  le  régime 
méditerranéen  ;  continental  plus  au  N.,  il  devient  méditer- 
ranéen en  se  rapprochant  de  la  Provence  ;  l'été  est,  en 
général,  sec  et  chaud,  l'automne  pluvieux,  l'hiver  d'autant 
plus  rigoureux  qu'on  s'élève  en  latitude  ou  en  altitude.  En 
raison  de  ces  particularités,  la  végétation  de  la  vallée  du 
Rhône  ne  présente  pas  un  caractère  aussi  homogène  ou  du 
moins  aussi  spécial  que  celle  des  régions  girondine  et  sé- 
quanienne. Des  plantes  alpines  et  des  montagnes  inférieures 
appartenant  au  Massif  central,  au  Jura  et  aux  Alpes  occi- 
dentales, descendent  en  plus  ou  moins  grand  nombre  sur 
les  coteaux  et  dans  les  vallées  et  exceptionnellement  dans 
la  plaine.  Mais  la  grande  majorité  des  plantes  de  la  plaine 
rhodanienne  consiste  dans  les  espèces  dites  ubiquistes  ou 
triviales  qui  forment  le  fond  de  la  flore  française  et  euro- 
péenne. A  cette  végétation  viennent  se  joindre,  d'une  part 
un  certain  nombre  de  plantes  sud-occidentales  ou  giron- 
dines, et,  d'autre  part,  un  assez  fort  contingent  de  plantes 
méridionales  et  méditerranéennes,  qui,  franchissant  les 
limites  de  la  région  dite  de  l'Olivier,  remontent  à  divers 
degrés  vers  le  N. ,  en  amont  de  la  plaine  du  Rhône,  ainsi 
que  dans  les  vallées  et  surtout  sur  les  coteaux,  partout 
enfin  où  elles  retrouvent  des  conditions  favorables  à  leur 
existence. 

Parmi  les  plantes  alpines  et  des  montagnes  inférieures 
qui  viennent  s'étager  sur  le  pourtour  de  la  grande  vallée 
du  Rhône  et  de  la  Saône  et  qui  s'arrêtent  généralement 
dans  les  vallées  supérieures  et  sur  les  bas  plateaux,  ne  des- 
cendant qu'exceptionnellement  dans  la  plaine,  nous  cite- 
rons :  Ranunculus  aconitifolius,  Cardamine  amara, 
Malva  moschata,  Vicia  lathyroides,  Sorbus  aucuparia 
et  S.  aria,  Sedum  villosum,  Ribes  alpinum,  Chrysos- 
plenium  oppositifolium,  Lonicera  nigra,  Circeainter- 
média,  Pyrola  minor,  Senecio  viscosa,Jasione  Corioni, 
Digitalis  purpurea  et  D.  grandiflora,  Anarrhinum 
bellidifolium,  Polypodium.  dryopteris,  Cystopteris  fra- 
gilis,  Asplenium  septentrionale,  Blechnum  spicant, 
Botrychium  lunaria,  Gyrophora  grisea  et  G.  cylin- 
drica.  Dans  les  vallées  à  exposition  méridionale,  on  trouve  : 
Pulsatilla  rubra,  Pianunculus  menspeliacus  et  R.  chœ- 
rophyllos,  Galium  dumetorum,  Crucianella  dumeto- 
rum  et  C.  lagopus,  Plantago  carinata,  Mœhringia 
trinerva,  Silène  armeria,  plusieurs  Bupleurum  et  Tri- 
folium ,  etc. ,  et  Acer  monspessulanum.  Les  espèces 


FRANCE 


—  986  — 


spéciales  des  coteaux  du  Rhône  sont  :  Ranunculus  lugdu- 
nensis,  Helianthemwn  salicifolium,  Silène  italica  et 
autres,  Géranium  sanguineum ,  Cytisus  capitatus, 
Ononis  columnœ,  Irigonella  monspeliaca ,  Melilotus 
macrorhiza,  Torilis  nodosa,  Asperula  galioides,  Cir- 
sium  acaule,  Rubia  peregrina,  Kentrophyllum  lana- 
tum,  Helichrysum  stœchas,  Inula  hirta,  Podosper- 
mum  laciniatum,  Verbascum  nigrnm,  Onosma 
arenarium,  etc.  La  zone  calcaire  offre,  parmi  une  foule 
d'autres  espèces  :  Eelianthemum  obscurum,  Genista 
tinctoria,  Bupleurum  aristatum,  Galium  Timeroyi, 
Carlina  chamœleon,  Convolvulus  cantabrica,  Coronilla 
emerus,  Gentiana  ciliata  et  G.  cruciata,  Rosa  lugdu- 
nensis  et  autres,  Lithospermum  purpureo-cœruleum, 
Digitalis  lutea,  Buxus  sempervirens ,  Daphne  lau- 
reola,  Lilium  martagon,  Iris  fœtidissima,  Polygala 
comosa.  —  Au  nombre  des  espèces  franchement  occiden- 
tales qui  s'avancent  dans  la  région  lyonnaise,  citons  :  Ra- 
nunculus radians,  Meconopsis  cambrica,  Dr  oser  a  in- 
lermedia,  Alsine  segetalis,  Elatine  macropoda,  Elodes 
palustris,  Ulex  européens  et  U.  nanus,  Helosciadium 
inundatum,  Erica  cinerea  et  E.  vagans,  Cicendia  fili- 
formis,  Scutellaria  hastifolia,  Marsilea  quadrifolia, 
Pilularia  globulifera.  —  Enfin,  parmi  les  espèces  méri- 
dionales et  méditerranéennes  qui  remontent  la  vallée  jus- 
qu'à Vienne,  Grenoble,  Lyon,  Mâcon,  etc.,  nous  mentionne- 
rons :  1°  Plantes  méridionales  :  Ranunculus  gramineus 
et  autres,  Fumaria  pallidiflora,  Erucastrum  obtusan- 
gulum  et  E.  Pollichii,  Rapistrum  rugosum,  Hélian- 
the muni  pilosum,  Cistus  salvifolius,  Reseda  phyteuma, 
Polygala  exilis,  Saponaria  ocymoides,  Silène  italica, 
Buffonia  perennis,  Herniaria  incana,  Crassula  ru- 
bens,  Rhamnus  saxatilis  et  R.  Villarsii,  Ononis  natrix., 
Spartium  junceum,  Psoralea  bituminosa,  Potentilla 
opaca,  Caucalis  leptophylla,  Lonicera  etrusca,  Vale- 
riana  tuberosa,  Scabiosa  suaveolens,  Lactuca  viminea, 
Barkhausia  setosa,  Leuzea  conifera,  Centaurea  solsti- 
tialis  et  autres,  Artemisia  camphorata,  Pterotheca  ne- 
mausensis,  Xeranthemum  inapertum,  Convolvulus 
cantabricus,  Alkanna  tinctoria,  Onosma  arenarium, 
Verbascum  Chaixii  et  V.  sinuatum,  Linaria  simplex, 
Teucrium  polium,  Lavandula  ver  a,  Plantago  lagopus 
et  autres,  Corispermum  hyssopifolium,  Rumex  scuta- 
tus,  Aristolochia  clematitis,  Euphorbia  falcata,  Orchis 
fragrans  et  0.  papilionaceus,  Gladiolus  segetum,  Aphyl- 
lanthes  monspeliensis,  Aira  elegans,  Melica  ciliata, 
Bromus  squarrosus  et  B.  madritensis,  Digitaria  ci- 
liaris,  Pstlum  nardoides.  Ajoutons  le  Chêne  vert.  — 
2°  Plantes  méditerranéennes  (disséminées,  rares  ou  locali- 
sées) :  Thalictrum  nigricans,  Ranunculus  monspelia- 
cus,  Ceratocephalus  falcahis,  Glaucium  corniculatum, 
Berteora  incana,  Acer  monspessulanum,  Rhamnus 
alatemus,  Osyris  alba,  Pistacia  terebinthus,  Rhus 
cotinus,  Paliurus  aculeatus,  Bifora  testiculata,  Cru- 
cianella  latifolia,  Centaurea  Couzini,  Pieridium  vul- 
gare,  Xanthium  macrocarpum,  Verbascum  australe, 
Tulipa  celsiana,  Fritillaria  meleagris.  Ces  plantes  mé- 
ridionales et  méditerranéennes  viennent  se  mêler,  dans  la 
plaine,  avec  d'autres,  plutôt  septentrionales,  telles  que  : 
Ranunculus  hederaceus,  Cardamine  impatiens,  Po- 
lygala austriaca,  Lychnis  viscaria,  Or  obus  niger,  Co- 
marum  palustre,  Agrimonia  odorata,  Alchemilla  vul- 
garis,  Sorbus  aria,  Sedum  maximum,  Mgopodium 
podagraria,  Carum  carvi,  Chœrophyllum  aureum, 
Dipsacas  laciniatus,  Phyteuma  nigrum,  Primulaela- 
tior,  Lysimachia  nemormn,  Gentiana  pneumonanthe, 
Verbascum  nigrum,  Asarum  europœum,  Euphorbia 
stricta,  Lilium  martagon,  Cladium  mariscus,  Ophio- 
glossum  vulgatum,  Osmunda  regalis,  etc.  Parmi  les 
plantes  alsaciennes  qui  arrivent  dans  la  vallée  du  Rhône, 
citons  :  Thalictrum  galioides,  Astragalus  cicer,  Lasser  - 
pitium  pruthenium,  Car  ex  strigosa. 

FLORE  DES  MONTAGNES. — D'une  manière  générale, 


on  conçoit  que  la  présence  des  chaînes  de  montagnes  modifie 
les  conditions  climatologiques  ;  par  leur  altitude,  leur  orien- 
tation, etc.,  elles  influent  sur  la  direction  des  vents,  l'état 
hygrométrique,  etc.  Un  facteur  très  important,  c'est  l'abon- 
dance et  la  précocité  des  chutes  de  neige.  Celle-ci,  prin- 
cipalement dans  les  régions  alpines,  abrite  les  plantes 
spéciales  de  ces  hauteurs  contre  les  froids  extrêmement 
rigoureux  de  l'hiver  et  les  préserve  notamment  des  gelées 
tardives.  Le  régime  alpin  est  caractérisé  par  un  été  court, 
plus  ou  moins  chaud,  par  des  pluies  fréquentes,  une  lumière 
intense  et  prolongée.  Ce  régime  est  celui  des  grandes  alti- 
tudes dans  les  Alpes  et  dans  les  Pyrénées  ;  le  Jura  et  le 
Massif  central  appartiennent  au  climat  alpestre  ou  subal- 
pin. —  Ces  régions  montagneuses,  bien  qu'elles  ne  soient 
pas  toujours  reliées  entre  elles,  offrent,  à  des  altitudes  cor- 
respondantes,  le  même  caractère  climatologique  et  une 
flore  semblable,  sinon  identique.  Il  est  évident  que  la  limite 
inférieure  de  la  région  alpine,  par  exemple,  doit  s'élever  à 
mesure  qu'on  se  rapproche  de  l'équateur.  Réciproquement, 
on  a  remarqué  que  la  flore  des  hauts  sommets. présente  une 
grande  analogie  avec  la  flore  polaire,  que  beaucoup  d'es- 
pèces leur  sont  communes,  et  en  général  qu'à  mesure  qu'on 
s'élève  sur  une  montagne  les  zones  de  végétation  corres- 
pondent à  des  zones  de  latitude  plus  boréale  dans  la  région 
des  plaines. 

Mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'à  latitude  égale  ou 
presque  égale,  les  zones  végétales  occupent  toujours  la 
même  altitude.  Ainsi,  par  exemple,  la  zone  des  Conifères 
monte  plus  haut  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées  que  dans 
les  Vosges,  le  Jura  et  sur  le  Plateau  central  ;  dans  le  Jura 
et  les  montagnes  du  Massif  central  la  zone  subalpine  com- 
mence 300  m.  plus  bas,  dans  les  Vosges  400  m.  plus  bas, 
que  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées.  On  sait  qu'un  des 
caractères  du  régime  montagnard  est  l'abaissement  de  tem  - 
pérature  à  mesure  que  l'on  s'élève  ;  cet  abaissement  a  été 
estimé  à  environ  1  degré  par  160  m.  Or  on  a  remarqué 
que  la  diminution  de  température  est  plus  rapide  pour  les 
chaînes  moins  élevées,  comme  le  Jura.  Mais  d'autres 
causes  peuvent  intervenir  pour  amener  l'abaissement  du 
niveau  des  zones  de  végétation.  Ainsi  il  existe  une  aire 
moyenne,  brumeuse  ou  nuageuse,  qui  engendre  l'humidité 
et  produit  des  pluies  locales,  et  au-dessus  et  au-dessous  de 
laquelle  l'air  reste  relativement  sec.  Cette  aire  n'est  sans 
doute  pas  renfermée  dans  les  mêmes  limites  d'altitude  dans 
toutes  les  chaînes  de  montagnes  ;  dans  les  Alpes,  elle  est 
comprise  approximativement  entre  500  ou  600  m.  et  1,000 
ou  1,500  m.  d'alt.  Quant  aux  neiges  éternelles,  elles 
commencent  à  peu  près  à  2,700  m.,  bien  au-dessus  de 
cette  aire  humide.  —  Pour  simplifier,  nous  admettrons  ici 
les  zones  de  végétation  suivante  :  zone  glaciale,  zone 
alpine,  zone  subalpine,  zone  des  montagnes  inférieures. 
Pour  leur  délimitation  approximative,  nous  nous  servirons 
des  chiffres  qui  se  rapportent  aux  Alpes  et  aux  Pyrénées  ; 
il  sera  toujours  facile,  en  retranchant  les  quelques  cen- 
taines de  mètres  nécessaires,  de  déterminer  les  zones  cor- 
respondantes du  Jura,  des  Vosges  ou  du  Massif  central. 

1°  Zone  glaciale  ou  nivéale  (environ  3,400-2,700  m.). 
Cette  zone  n'existe  que  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées.  Elle 
est  caractérisée  surtout  par  les  plantes  suivantes  :  Ranun- 
culus g lacialis,  R.  alpestris,  Drabapyrenaica,D.  Wah- 
lenbergi,  Hutchinsia  alpina,  Silène  acaulis,  Geras- 
tium  trigynum,  C,  alpinum,  Potentilla  nivealis, 
Saxifraga  groenlandica,  etc.  Seul  le  Ranunculus  g  la- 
cialis est  absolument  spécial  à  cette  zone.  Les  autres 
plantes,  au  nombre  de  30  à  50  espèces,  se  retrouvent  plus 
ou  moins  abondamment  dans  les  zones  alpines  supérieures 
ou  même  inférieures. 

2°  Zone  alpine  (environ  2,700-1,700  m.),  a.  Partie 
supérieure  :  2,700-2,200  m.,  comprenant  principalement 
des  pâturages,  dans  lesquels  quelques  sous-arbrisseaux 
viennent  se  mêler  aux  plantes  herbacées.  Citons  comme 
caractéristiques:  Thalictrum  alpinum,  Anémone  ver- 
nalis,  Ranunculus  parnassifolius,  Papaver  alpinum*, 


—  987  — 


FRANGE 


Cardamine  alpina,  Azalea  procumbens,  Rhododen- 
dron ferrugineum,  Salix  herbacea,  S.  pyrenaica,  S. 
reticulata,  Juniperus  nana,  Vaccinium  uligino- 
sum,  etc.  Les  plantes  ligneuses  descendent  souvent  plus  bas, 
tandis  que  les  plantes  herbacées  s'aventurent  parfois  dans 
la  zone  glaciale. —  b.  Partie  inférieure  :  2,200-1,700  m., 
comprenant  des  pâturages,  entrecoupés  d'arbres  et  d'ar- 
brisseaux et  présentant  comme  espèces  caractéristiques, 
entre  autres  :  Anémone  alpina,  Ranunculus  thora, 
Thalictrum  saxatile,  Helleborus  viridis,  Aquilegia 
pyrenaica,  Géranium  cinereum,  Anthyllis  montana, 
Sinapis  cheiranthus,  Leontopodium  alpinum,  Swertia 
perennis,  Soldanella  alpina,  Empetrum  nigrum, 
Saxifraga  stellaris,  Arnica  montana,  Leontodon  py- 
renaicum,  Alchemilla  alpina,  Rubus  saxatilis,Pyrola 
minor,  P.  rotundifolia,  P.  secunda,  P.  chloraniha, 
Vaccinium  oxycoccos,  V.  myrtillus,  V.  vitis  idaea, 
Erinus  alpinus,  Daphne  alpina,  Meum  athamanti- 
cum,  Gentiana  acaulis,  G.  verna,  G.  lutea,  Jasione 
perennis,  Centaurea  montana,  Primula  auricula, 
Lycopodium  alpinum,  Dryas  octopetala,  Arctosta- 
phylos  alpina,  Pinguicula  alpina,  etc.,  etc.  Parmi  les 
arbres  et  les  arbrisseaux,  citons  :  Pinus  uncinata,  Be- 
tula  alba,  Sorbus  aucuparia,  Cotoneaster  vulgaris, 
Rhamnus  alpina,  R.  pumila,  Ribes  petraeum,  Piosa 
alpina,  Salix  pyrenaica,  etc.  Tous  descendent  plus  bas, 
mais  c'est  dans  cette  région  que  le  Rhododendron  ferru- 
gineum  et  Y  Azalea  procumbens  trouvent  leur  limite  infé- 
rieure. —  Cette  zone  et  une  partie  de  la  suivante  corres- 
pondent à  peu  près  aux  zones  les  plus  élevées  des  Vosges, 
du  Jura  et  du  Massif  central,  où  elles  descendent  de  300 
à  400  m.  plus  bas. 

3°  Zone  subalpine  (1,700-1,000  ni.).  Caractérisée  par 
l'apparition  des  forêts  de  Sapins  et  de  Hêtres,  elle  peut  se 
subdiviser  en  :  a.  Sous-zone  de  conifères  (1,700-1,300  m.); 
b.  Sous-zone  de  Hêtres  (1,300-1,000  m.).  Il  n'y  a  pas  de 
démarcation  absolue  entre  la  zone  subalpine  et  la  zone 
alpine  proprement  dite.  Beaucoup  d'espèces  sont  com- 
munes aux  pâturages  des  deux.  Citons  parmi  les  plantes 
particulières  de  la  zone  subalpine  :  Thalictrum  aquile- 
gifolium,  Ranunculus  aconitifolius,  Aconitum  napel- 
lus,  A.  lycoctonum,  A.  anthora,  Géranium sylvaticum, 
Lonicera  nigra,  Mulgedium  Plumieri,  M.  alpinum, 
Hieracium  vogesiacum,  Carlina  acanthifolia,  G.  acau- 
lis, Sambucus  racemosa,  Euphorbia  hiberna,  Daphne 
laureola,  Digitalis  purpurea,  Scrophularia  alpestris, 
Blechnum  spicant,  Lycopodium  clavatum,  L.  selago  ; 
parmi  les  arbres  :  Abies  pectinata,  Picea  excelsa,  Taxus 
baccata,  Fagus  silvestris,  Prunus  padus,  Buxus  sem- 
pervirens,  Castanea  vulgaris,  Ulmus  montana.  Ajoutez 
que  le  Hêtre,  de  même  que  le  Châtaignier,  monte  un  peu 
plus  haut  dans  les  Pyrénées  que  dans  les  Alpes. 

4°  Zone  des  montagnes  inférieures,  des  vallées  infé- 
rieures ou  des  arbres  à  feuilles  caduques  (4,000-500  m.). 
Les  arbres  et  les  arbrisseaux  y  sont  nombreux  ;  presque 
tous  descendent  dans  la  plaine.  Le  Châtaignier  limite  plus 
ou  moins  cette  zone  et  forme  en  quelque  sorte  la  transi- 
tion entre  elle  et  la  sous-zone  des  Hêtres.  C'est  dans  cette 
zone  que  l'aire  des  plantes  ubiquistes  fait  son  apparition  ; 
quelques  plantes  alpines  peuvent  venir  les  y  coudoyer  : 
Erinus  alpinus,  Saxifraga  aizoides  et  S,  aizoon, 
Drosera  rotundifolia,  etc.  Parmi  les  plantes  les  plus  ca- 
ractéristiques, soit  silicicoles,  indifférentes  ou  calcicoles, 
citons  :  Anémone  pulsatilla,  A.  hepatica,  Mercurialis 
perennis,  Dictamnus  albus,  Lunaria  rediviva,  Dian- 
thus  superbus,  Sarothamnus  scoparius,  Genista  ger- 
manica,  Alchemilla  vulgaris,  Rosa  pumila,  Asperula 
odorata,  Aster  amellus,  Lactuca  perennis,  Achillea 
nobilis,  Ligustrum  vulgare,  Vinca  minor,  Lithos- 
permum  officinale,  Atropa  belladona,  Galeobdolon 
luteum,  Melittis  melissophylla,  Daphne  mezereum, 
Euphorbia  dulcis,  E.  sylvatica,  Convallana  maialis, 
Polygonatum  multiflorum,  Paris  quadrifolia,  Lilium 


martagon.  Parmi  les  arbres  et  arbustes,  citons  :  Pinus 
sylvestris,  Quercus  sessiliflora,  Populus  nigra,  Fraxi- 
nus  excelsior,  Cerasus  mahaleb,  Corylus  avellana. 

Des  articles  spéciaux  sont  consacrés  aux  Alpes,  aux 
Pyrénées  et  au  Jura  (V.  ces  mots)  à  cause  de  leur  impor- 
tance. Il  n'en  est  pas  de  même  du  Massif  central  et  des 
Vosges,  qui  méritent  cependant  une  mention  particulière. 

Massif  central.  La  flore  du  Massif  central  ne  présente 
guère  de  plantes  caractéristiques  ;  dans  les  parties  culmi- 
nantes, on  retrouve  un  grand  nombre  de  plantes  alpines  et 
subalpines,  parmi  lesquelles  :  Anémone  alpina,  Trollius 
europœus,  Arabis  alpina,  Viola  sudetica,  Cerastium 
alpinum,  Silène  rupestris,  Géranium  Phœum,  Trifo- 
lium  alpinum,  Geum  montanum,  Rosa  alpina,  Alche- 
milla alpina,  Saxifraga  aizoon,  S.  stellaris,  Astrantia 
major,  Bupleurum  longifolium,  Meum  athamanti- 
cum,  M.  mutellina,  Angelicapyrenœa,  Lonicera  nigra, 
L.  alpigena,  Valeriana  tripteris,  Gnaphalium  norve- 
gicum,  Ligularia  Sibirica,  Leontodon  pyrenaicum, 
Prenanthes  purpurea,  Mulgedium  alpinum,  M.  Plu- 
mieri, Phyteuma  Halleri,  Vaccinium  uliginosum, 
V.  vitis  idœa,  Andromeda  polifolia,  Gentiana  verna, 
Androsace  carnea,  Soldanella  alpina,  Plantago  alpina, 
Thesium  alpinum,  Empetrum  nigrum,  Juniperus 
nana,  Crocus  vernus,  Convallaria  verticillata,  Allium 
victoriale,  Eriophorum  alpinum,  Isoetes  lacustris,  Ly- 
copodium alpinum,  etc.;  les  Rhododendron  manquent. 
—  Le  versant  S.,  dans  la  région  des  Causses  et  jusque 
sur  les  pentes  inférieures  des  Cévennes,  offre  une  partie  de 
la  végétation  méridionale,  entre  autres  :  Olea  europœa, 
Erica  arborea,  Iris  olbiensis,  Arbutus  unedo,  Quercus 
ilex,  etc. ,  et  de  plus  quelques  espèces  spéciales  telles  que  : 
Ruta  montana,  Psoralea  bituminosa,  etc. 

Vosges.  La  flore  de  la  chaîne  vosgienne  présente  beau- 
coup d'espèces  qui  lui  sont  communes  avec  le  Massif  cen- 
tral ;  le  noyau  en  est  formé  par  le  granit  auquel  vient 
s'ajouter  dans  les  parties  septentrionales  le  grès  vosgien. 
Comme  nous  l'avons  dit,  les  cimes  de  la  chaîne  peuvent 
être  considérées  comme  faisant  partie  de  la  région  subal- 
pine, souvent  appelée  ici  alpestre.  Parmi  les  plantes  qui, 
comprises  dans  la  zone  entre  1,426  m.  (Ballon  de  Gueb- 
willer)  et  1,000  m.,  ne  descendent  guère  plus  bas,  nous 
citerons  :  Anémone  alpina,  A.  narcissiflora,  Aconitum 
napellus,  A.  lycoctonum,  Corydalis  fabacea,  Viola 
sudetica,  Empetrum  nigrum,  Potentilla  crocea,  Rosa 
rubrifolia,  Alchemilla  alpina,  Sorbus  chamœmespi- 
lus,  Sibbaldia  procumbens,  Epilobium  alpinum, 
E.  trigonum  et  E.  Duriœi,  Rhodiola  rosea,  Sedum 
alpestre,  Saxifraga  aizoon,  Bupleurum  longifolium, 
Lonicera  nigra,  Galium  montanum,  Scabiosa  sua- 
veolens,  Gnaphalium  norvegicum,  Carduus  personata, 
Carlina  nebrodensis,  Picris  pyrenaica,  Mulgedium 
alpinum,  M.  Plumieri,  Crépis  blattarioides,  Hiera- 
cium aurantiacum,  H.  alpinum,  H.  Mougeoti,  etc., 
Androsace  carnea,  Gentiana  lutea,  G.  campestris, 
Myosotis  alpestris,  Veronica  saxatilis,  Bartsia  alpina, 
Pedicularis  foliosa,  Melampyrum  sylvaticum,  Vera- 
trum  lobelianum,  Allium  victoriale,  Streptopus  am- 
plexifolius,  Luzula  spadicea,  L.  nigricans,  Orchis 
globosa,  0.  albida,  Carex  frigida,  Calamagrostis  mon- 
tana, Botrychium  matricarioides,  Aspidium  lonchi- 
tis,  Lycopodium  alpinum,  L.  annotinum,  etc.  —  Voici 
l'énumération  de  quelques  plantes  qui  descendent  quelque- 
fois dans  la  zone  moyenne  (1,000-500  m.)  :  Trollius 
europœus,  Thlaspi  alpestre,  Silène  rupestris,  Rosa 
alpina,  Sedum  annuum,  Ribes  petraeum,  Angelica 
pyrenaica,  Valeriana  tripteris,  Pinguicula  vulgaris, 
Struthiopteris  crispa,  Botrychium  lunaria  var.  ruta- 
ceum.  —  Enfin  nous  terminerons  par  la  désignation  de 
quelques  plantes  des  montagnes  vosgiennes  qui  existent  à 
la  fois  dans  les  zones  supérieure,  moyenne  et  inférieure, 
mais  n'arrivent  pas  dans  la  plaine  ou  du  moins  ne  dépassent 
guère  les  vallées  :  Hypericum  quadrangulare,  Spirœa 


FRANGE 


—  988  - 


aruncus,  Circœa  alpina,  Meum  athamanticum,  Chœ- 
rophyllum  hirsutum,  Galium  rotundifolium  et  G. 
saxatile,  Arnica  montana,  Prenanthes  purpurea, 
Crépis  paludosa,  Jasione  perennis,  Vaccinium  uligi- 
nosum,  V,  vitis  idœa  et  V.  oxycoccos.  Citons  encore 
comme  absolument  spécial  aux  lacs  des  Vosges  le  Nuphar 
pumilum. 

ORIGINES  DE  LA  FLORE  FRANÇAISE.  -  Chaque 
planté  présente  une  aire  plus  ou  moins  étendue  en  dehors  de 
laquelle  elle  manque  ou  ne  se  présente  qu'exceptionnelle- 
ment ;  la  portion  de  cette  aire  où  elle  est  la  plus  abondante, 
d'où  elle  rayonne  en  quelque  sorte,  s'appelle  le  centre  de 
création,  ou,  pour  ne  rien  préjuger,  le  centre  de  végétation 
de  cette  plante,  ou,  mieux  encore,  le  centre  de  disper- 
sion qui  peut  n'avoir  rien  à  voir  avec  le  centre  de  création 
primitif,  particulièrement  si  l'apparition  de  l'espèce  a  eu 
lieu  à  une  époque  géologique  antérieure.  Cette  notion  s'ap- 
plique, dans  la  flore  française,  principalement  aux  mon- 
tagnes ;  celles-ci  jouent  dans  tous  les  cas  encore  journelle- 
ment le  rôle  de  centre  de  dispersion  ;  les  eaux  entraînent 
les  plantes  ou  du  moins  leurs  graines  dans  les  vallées  et  de 
là  dans  les  plaines  ;  un  certain  nombre  d'espèces  deviennent 
ainsi  caractéristiques  pour  chaque  bassin.  Mais  il  s'en  faut 
de  beaucoup  que  toutes  les  plantes  se  comportent  de  la 
sorte  ;  comme  nous  l'avons  vu,  beaucoup  d'espèces  restent 
cantonnées  dans  les  zones  d'altitude  qu'elles  caractérisent 
respectivement,  et  parfois  si  bien  que  la  zone  peut  être 
désignée  par  le  nom  d'un  genre  ou  d'une  espèce.  Acciden- 
tellement, quelques  espèces  spéciales  aux  altitudes  des- 
cendent dans  les  vallées  ;  mais,  en  général,  cette  émigra- 
tion a  ses  limites  à  des  étages  divers  depuis  le  sommet  de 
la  montagne  jusque  dans  la  plaine.  Les  plantes  qui  occupent 
des  aires  ainsi  limitées  sont  dites  endémiques.  Ainsi,  le 
Peucedanum  parisiense  est  endémique  dans  les  régions 
septentrionale  et  centrale  de  la  France  ;  c'est  la  seule  espèce 
citée  à  cet  égard  par  Grisebach.  Ce  même  botaniste 
mentionne  comme  endémiques  pour  la  Gascogne  :  Silène 
Jhorei,  Ptychotis  Thorei,  Libanotis  bayonensis,  Laser- 
pitium  daucoides,  Linaria  thymifolia,  Hieracium  erio- 
phorum,  Armeria  expansa,  Statice  Duriœi,  Allium 
ericetorum,  et  comme  endémiques  pour  la  même  région, 
mais  s'étendant  plus  loin  au  N.  et  au  centre:  Galium 
arenarium,  Astragalus  bayonensis,  Kœleria  albescens, 
Airopsis  agrostidea,  Potentilla  splendens,  Omphalodes 
littoralis,  Eryngium  viviparum,  Linaria  arenaria, 
Erica  cinerea,  E.  ciliaris,  E.  méditer ranea,  E.  poli- 
folia,  E,  vagans,  Ulex  nanus,  Meconopsis  cambrica. 
Pour  la  flore  jurassique,  Grisebach  mentionne  comme  endé- 
mique YHeracleum  alpinum  ;  enfin,  pour  la  zone  du 
Sapin  argenté  (Abies  pectinatd) ,  une  des  subdivisions  de  la 
grande  région  forestière  de  l'Europe  et  représentée  dans 
les  chaînes  principales  de  la  France,  et,  pour  la  zone  du 
Quercus  cerris,  qui  n'est  pas  représentée  en  France  :  Ery- 
simum  virgatum,  Gagea  saxatilis,  Thalictrum  angusti- 
folium,  T.  galioides,  Isopyrum  thalictroldes,  Scabiosa 
suaveolens,  Bupleurum  ïongifolium,  Allium  fallax, 
Trifolium  par viflorum,  Inula  germanica,  L  squarrosa. 
Dans  ce  dernier  exemple,  il  s'agit  d'une  aire  limitée  en 
tant  qu'elle  correspond  à  une  zone  d'altitude  donnée,  qui 
se  retrouve,  dans  des  chaînes  de  montagnes  distantes  les 
unes  des  autres.  —  De  même  que  beaucoup  de  plantes  dites 
alpines  sont  communes  aux  montagnes  appartenant  à  des 
massifs  différents,  un  grand  nombre  d'autres  sont  essen- 
tiellement propres  aux  plaines  et  se  retrouvent  indifférem- 
ment dans  divers  bassins.  Ce  sont  des  plantes  rares  ou  com- 
munes, mais  toutes  ubiquistes,  telles  que:  Salviapratensis, 
Sedum  acre,  Linaria  vulgaris,  Eryngium  campestre, 
Euphorbia  cyparissias,  E.  gerardiana,  Aristolochia 
clematitis  et  bien  d'autres.  Comme  il  est  difficile,  sinon  im- 
possible, de  rattacher  la  plupart  de  ces  espèces  même  in  di- 
rectement aux  formes  qui  vivent  dans  les  montagnes,  on 
est  tenté  d'attribuer  leur  présence  à  un  ordre  de  choses,  à  un 
mode  de  dispersion  antérieurs  à  notre  époque.  Sans  nous 


arrêter  davantage  sur  ce  point,  nous  ajouterons  seulement 
que  depuis  l'époque  tertiaire,  durant  laquelle  une  tempéra- 
ture privilégiée  régnait  dans  les  régions  polaires,  des  espèces, 
telles  que  la  vigne,  qui  primitivement  existaient  sous  ces 
latitudes  aujourd'hui  désolées,  ont  reculé  de  plus  en  plus 
vers  le  S .  en  raison  du  refroidissement  graduel  de  notre  hémis- 
phère. —  Peut-être  serait-on  en  droit  d'attribuer  aux  plantes 
alpines  une  origine  relativement  récente,  en  admettant  par 
exemple,  sans  preuves  suffisantes  malheureusement,  que 
les  espèces  préexistantes  se  sont  peu  à  peu  adaptées  aux 
conditions  nouvelles  engendrées  par  le  soulèvement  des 
grands  massifs  et  l'abaissement  graduel  de  la  température 
depuis  l'époque  tertiaire.  —  Mais  il  existe  toute  une  sérié  de 
plantes  dont  le  mode  de  dispersion  nous  échappe  à  peu  près 
totalement,  ce  sont  les  plantes  répandues  partout,  dans 
les  plaines  et  les  montagnes,  et  indifférentes  à  l'altitude  et 
à  la  délimitation  des  bassins,  les  plantes  triviales  ubiquistes, 
en  un  mot  ;  elles  sont  propres  à  presque  tous  les  pays  de 
l'Europe  et  appartiennent  par  excellence  à  la  grande  zone 
européenne-asiatique  (V.  Europe  [Flore]).  Parmi  ces  plantes, 
nous  citerons  ici  :  Lotus  corniculatus,  Trifolium  pra- 
tense,  Taraxacum  dens  leonis,  Daucus  carotta,  Tri- 
ticum  repens,  Brunella  vulgaris,  Thymus  serpyllum, 
Fragaria  vesca,  Rubus  fruticosus  et  ses  variétés,  Plan- 
tago  major,  Senecio  jacobœa,  etc. 

On  a  vu  à  l'art.  Dissémination  le  rôle  important  joué 
par  les  agents  vivants,  hommes  et  animaux,  dans  la  dis- 
persion des  plantes  et  dans  leur  introduction  et  propa- 
gation dans  des  pays  où  elles  n'existaient  pas  auparavant. 
C'est  ainsi  que  les  coquelicots,  les  bluets,  etc.,  et 
une  grande  partie  des  plantes  qui  croissent  dans  nos 
champs,  nous  sont  venus  de  l'Orient  au  grand  détriment 
des  cultures  qui  en  favorisent  précisément  la  reproduction  ; 
le  Veronica  persica  a  la  même  origine  ou  du  moins  vient 
du  S.-E.  de  l'Europe;  Y Impatiens  parviflora  est  origi- 
naire du  plateau  central  de  l'Asie.  De  l'Amérique  du  Nord 
ont  également  été  importées  des  plantes  aujourd'hui  natura- 
lisées, telles  que  YOenothera  biennis,hStenactis  annua, 

Y  Eriger  on  canadense,  la  mauvaise  herbe  par  excellence, 
YElodea  canadensis,  surnommé  la  «  peste  des  eaux  »; 
YAmaranthus  retroflexus  est  également  d'origine  améri- 
caine de  même  que  le  Xanthium  macrocarpum  et  le 
Xanthium  spinosum,  espèce  vagabonde,  venue  de  l'Amé- 
rique du    Sud.   L'Amérique  tropicale  est  la    patrie  de 

Y  Eriger  on  linifolium  (Coniza  ambigua)  qui  dispute  le 
terrain  à  YErigeron  canadense  dans  la  région  méditer- 
ranéenne. Mentionnons  encore  le  Lobelia  urens,  qui 
paraît  être  aussi  d'origine  américaine,  ainsi  que  le  L.  Dort- 
manna,  mais  leur  arrivée  en  Europe  remonte  probable- 
ment aux  temps  préhistoriques.  —  Enfin,  on  sait  qu'au 
Port-Juvénal,  près  de  Montpellier,  et  aux  abords  de  Mar- 
seille, partout  où  l'on  débarque  et  lave  les  laines  importées 
de  divers  pays,  la  flore  a  une  physionomie  spéciale  très 
changeante,  due  aux  plantes  exotiques  levées  des  graines 
qui  étaient  attachées  aux  toisons;  le  plus  souvent  ces 
plantes  disparaissent  de  nouveau,  et  peu  d'espèces  arrivent 
à  être  entièrement  naturalisées. 

A  ces  grandes  causes  de  la  répartition  des  végétaux  et 
delà  limitation  ou  de  l'extension  de  leurs  aires,  causes  que 
nous  n'avons  fait  qu'indiquer,  viennent  s'ajouter  d'autres 
très  importantes,  surtout  inhérentes  à  la  nature  géologique, 
minéralogique  et  chimique  du  sol.  Pendant  longtemps  les 
opinions  étaient  très  divisées  sur  les  causes  qui  déter- 
minent la  présence  ou  l'absence  de  telles  ou  telles  espèces 
dans  les  divers  terrains.  De  Candolle,  Thurmann,  etc., 
attribuent  une  influence  à  peu  près"  exclusive  à  la  consti- 
tution physique  du  sol  :  hygroscopicité,  compacité,  dureté, 
friabilité,  etc.  Lecoq,  avec  raison,  selon  nous,  tient  compte 
à  la  fois  de  l'influence  physique  et  de  l'influence  chimique 
combinées.  S'il  existe  des  plantes  assez  indifférentes  à  la 
nature  chimique  du  sol  et  qui  tiennent  surtout  à  la  cons- 
titution mécanique  de  celui-ci,  il  en  est  d'autres,  en  re- 
vanche, qui  ne  peuvent  vivre  que  sur  les  terrains  siliceux 


989 


FRANCE 


(Châtaignier,  Bruyère,  Genêt,  etc.)  ou  sur  les  terrains  cal- 
caires (Gentianes,  Hellébores,  diverses  Euphorbes,  Cycla- 
men, Globulaire,  etc.),vou  enfin  dans  les  terrains  salés  des 
bords  de  la  mer  ou  salifères  de  l'intérieur  des  conti- 
nents (Y.  Calcicole,  Silicicole,  Géographie  botanique). 
Notons  seulement  ici  que  les  plantes  silicicoles  sont  en 
général  plutôt  des  plantes  de  montagne  que  de  plaine,  et 
qu'en  plaine  elles  ne  se  trouvent  guère  que  sur  des 
sédiments  venant  des  montagnes  et  d'origine  quartzeuse  ou 
feldspathique.  Des  couches  de  débris  végétaux,  d'humus, 
de  tourbe,  de  mousses  et  de  sphaignes,  peuvent  leur  per- 
mettre de  vivre  sur  un  sol  calcaire,  dans  le  'Jura,  par 
exemple,  à  la  condition  que  ces  couches  soient  suffisam- 
ment épaisses  pour  préserver  leurs  racines  du  contact  im- 
médiat de  la  roche.  Tels  sont,  par  exemple,  le  Vaccinium 
oxycoccos,  le  F.  uliginosum,  le  Lycopodium  annoti- 
num,  etc.  En  revanche  les  plantes  calcicoîes  et  juras- 
siennes, abstraction  faite  toutefois  des  espèces  alpines  et 
subalpines,  sont  plus  ou  moins  universellement  répandues 
dans  la  plaine.  Ex.  :  Centaurea  jacea.  Du  reste,  il  est  bon 
de  remarquer  que  la  flore  calcaire  des  montagnes  passe  par 
gradations  à  la  flore  des  plaines  ;  cette  transition  s'observe 
surtout  nettement  sur  le  versant  méridional  des  contreforts 
jurassiques  des  Alpes  et  du  Plateau  central.  —  Les  milieux, 
l'exposition,  etc.,  jouent  ici  un  rôle  non  moins  considérable 
et  peuvent  augmenter  ou  atténuer  l'importance  de  la  nature 
du  sol.  —  Nous  réservons  pour  l'art.  Géographie  bota- 
nique et  des  articles  spéciaux,  les  observations  générales 
qu'on  peut  présenter  à  ce  sujet  (V.  aussi  Forme,  Associa- 
tion, etc.).  Dr  L.  Hahn  et  À.  Jobin. 

Anthropologie.  —  Le  territoire  de  la  France  n'est 
pas  seulement  celui  qui  nous  est  le  mieux  connu  au  point  de 
vue  anthropologique,  ce  qui  va  sans  dire  ;  c'est  encore  celui 
qui  a  été  le  plus  soigneusement  exploré  jusqu'à  présent,  en 
raison  du  nombre  et  de  l'activité  de  ses  archéologues  et  de 
ses  anthropologistes.  On  ne  peut  pas  dire  qu'il  a  été  habité 
par  l'homme  avant  l'époque  quaternaire,  car  l'homme  lui- 
même  n'est  sans  doute  pas  bien  antérieur  à  cette  époque 
et  l'on  ne  peut  encore  émettre  que  des  conjectures  sur  son 
premier  centre  d'apparition.  Mais  on  y  a  trouvé,  dans  des 
couches  tertiaires,  des  traces  d'un  travail  jusqu'ici  consi- 
déré comme  caractéristique  de  l'intervention  de  l'homme. 
Nous  voulons  parler  du  travail  du  silex.  Ce  travail  inten- 
tionnel consiste  en  quelques  petites  retouches  régulières 
sur  les  bords  des  silex  craquelés  par  le  feu  qu'on  recueille 
en  si  grand  nombre  à  Thenay,  près  de  Pontlevoy  (Loir- 
et-Cher).  On  n'a  pas  réussi  à  expliquer  complètement  par 
l'action  d'agents  naturels  cet  éclatement  par  le  feu  et  ces 
retouches.  D'un  autre  côté,  il  est  impossible  d'admettre  que 
l'homme  ait  vécu  à  l'époque  si  reculée  des  silex  de  Thenay 
qui  appartiennent  au  tertiaire  moyen  inférieur,  ni  que, 
vivant  tel  que  nous  le  connaissons,  il  ait  trouvé  avantage 
à  se  fabriquer  d'aussi  petits  outils.  Ceux  donc  qui  recon- 
naissent, sur  les  silex  de  Thenay,  les  preuves  d'un  travail 
intentionnel,  reconnaissent  aussi  pour  la  plupart  que  ce 
travail  est  attribuable  à  quelque  ancêtre  de  l'homme,  à 
quelque  anthropoïde  de  petite  taille.  Au  Puy-Courny,  près 
d'Aurillac,  dans  des  couches  qui  appartiennent  à  la  fin  du 
tertiaire  moyen,  on  a  recueilli  des  silex  plus  grands  dont 
plusieurs  portent  des  traces  évidentes  de  la  taille  inten- 
tionnelle ordinaire,  de  l'éclatement  régulier  par  percussion. 
Toutes  les  autres  traces  d'opération  intentionnelle  signalées 
sur  des  pièces  tertiaires  ont  pu  être  expliquées  d'une  ma- 
nière en  général  satisfaisante  par  des  actions  purement  géo- 
logiques (V.  Saint-Prest,  Pouancé,  etc.).  Au  contraire, 
dès  que  nous  atteignons  les  dépôts  de  la  période  quater- 
naire, les  preuves  de  l'existence  de  l'homme  deviennent 
aussi  éclatantes  que  nombreuses.  Les  gisements  des  silex 
taillés  du  type  de  Saint-Acheul  et  de  Chelles  (V.  ces 
mots  et  Age  préhistorique)  ne  se  comptent  pas.  Ces  silex 
se  trouvent  en  effet  disséminés  dans  les  graviers  de  toutes 
nos  vallées  et  sur  beaucoup  de  plateaux.  Sur  presque  tous 
les  points  de  la  France  on  en  a  fait  des  découvertes  iso- 


lées. Cependant  en  bien  des  endroits  les  chercheurs  ont 
manqué  jusqu'à  présent.  En  bien  des  endroits  aussi,  le 
silex  manquant  totalement  lui-même  sur  de  grands  espaces, 
l'homme  primitif  n'a  pu  s'établir.  De  véritables  ateliers 
de  taille  d'instruments  ont  au.  contraire  été  installés  par 
lui  sur  des  plateaux  où  le  silex  était  abondant.  Enfin  une 
certaine  portion  du  sol,  habitable  aujourd'hui,  était  alors 
recouverte  par  les  eaux  ou  des  glaciers.  Tel  devait  être 
le  cas  de  la  vallée  du  Rhône  proprement  dite.  Le  grand 
nombre  d'outils  chelléens  recueillis  déjà  en  France,  suffit 
cependant  à  prouver  que  la  période  pendant  laquelle  ils  ont 
été  employés  y  a  été  très  longue  et  que  les  petites  hordes 
humaines  s'y  étaient  multipliées  un  peu  partout.  La  race 
primitive  de  ces  hordes  nous  est  bien  connue  (V.  Néander- 
thal)  surtout  par  les  pièces  recueillies  en  Belgique  et  sur 
le  Rhin.  En  France,  on  a  découvert  de  ses  restes  bien  carac- 
térisés à  Denise,  près  du  Puy  ;  dans  la  grotte  des  Fées,  à 
Arcy-sur-Cure  (Yonne)  ;  dans  la  grotte  àeGourdan  (Haute- 
Garonne)  ;  à  Marcilly-sur  Eure.  Les  restes  de  Denise  con- 
sistent en  deux  frontaux  et  quelques  autres  os  empâtés 
dans  une  coulée  de  l'ancien  volcan.  Ils  ont  été  acciden- 
tellement mis  au  jour  dès  1844,  et  depuis  jugés,  après  de 
longues  discussions,  comme  contemporains  de  VHippopo- 
tamus  major,  de  l'aurore  du  quaternaire.  M.  Hébert  ce- 
pendant et  plus  récemment  M.  Boulle  ont  émis  des  doutes 
assez  vagues  sur  leur  ancienneté.  La  mâchoire  d' Arcy- 
sur-Cure,  trouvée  en  \  859  et  figurant  depuis  lors  dans  la 
collection  de  M.  de  Vibraye,  fut  d'abord  regardée  comme 
appartenant  à  l'âge  du  renne  ou  de  la  Madelaine.  On  a  re- 
connu depuis  qu'elle  était  plus  ancienne.  Elle  forme,  par 
ses  caractères,  la  transition  entre  le  type  de  nos  races 
actuelles  et  celui  de  l'homme  primitif  représenté  par  la 
mâchoire  de  la  Naulette.  Les  restes  de  la  grotte  de 
Gourdan  qui  consistent  en  une  face  et  en  une  mâchoire, 
sont  de  la  même  époque  et  ont  des  caractères  tout  sem- 
blables. Le  fragment  du  crâne  de  Marcilly-sur-Eure,  trouvé 
à  7  m.  de  profondeur,  paraît  bien  néanderthaloïde. 

La  race  humaine  primitive  s'est  probablement  transfor- 
mée, ennoblie  sur  place,  au  cours  des  premiers  âges  qua- 
ternaires. On  la  retrouve  pure  à  la  seconde  époque  quater- 
naire, celle  dite  du  Moustiers  (V.  ce  mot  et  Belgique)  ,  mais 
aussi  sous  des  formes  déjà  supérieures.  A  cette  seconde 
époque,  la  vie  est  devenue  bien  plus  difficile.  La  population, 
clairsemée  et  par  familles  isolées  le  plus  souvent,  se  reti- 
rait dans  des  grottes  ou  cavernes  pour  être  à  l'abri  des 
pluies  persistantes  et  des  froids.  Et  on  peut  dire  qu'après 
avoir  vécu  à  l'air  libre,  sans  demeure  stable,  l'homme  a 
établi  dès  lors  son  domicile  sous  des  abris  et  dans  les  ca- 
vernes jusqu'à  la  fin  des  temps  quaternaires.  Cependant 
on  rencontre  des  silex  taillés  de  l'époque  moustérienne  en 
France,  sur  les  mêmes  points  et  dans  les  mêmes  gise- 
ments que  les  silex  chelléens  ou  acheuléens.  De  plus,  leur 
accumulation  en  de  certaines  localités  annonce  l'existence 
de  stations  plus  ou  moins  permanentes,  en  dehors  des 
grottes  mêmes,  tandis  que  les  silex  chelléens  se  trouvent  gé- 
néralement dans  un  état  complet  de  dissémination,  comme 
autant  de  pièces  perdues  pendant  des  courses  incessantes. 
La  taille  du  silex,  très  perfectionnée,  a  fini  par  donner 
des  pièces  qui  témoignent  d'une  grande  habileté  de  main  et 
d'un  véritable  goût  artistique.  Ces  pièces,  dont  la  plus  com- 
mune est  la  pointe  dite  en  feuille  de  laurier,  caractérisent 
une  époque  secondaire,  de  peu  de  durée  et  bien  localisée 
en  France  en  dehors  de  laquelle  on  n'en  trouve  que  des 
traces  douteuses.  Elle  est  connue  sous  le  nom  d'époque  de 
Solutré  (V.  ce  mot).  Après  elle,  le  travail  du  silex  a  été 
délaissé  pour  celui  de  l'os,  des  bois  de  renne,  de  l'ivoire. 
Et  nous  avons  de  celui-ci  des  œuvres  remarquables.  Elles 
caractérisent  l'âge  du  renne  proprement  dit  ou  de  la  Made- 
laine (V.  ce  mot),  avec  laquelle  se  terminent  les  temps 
quaternaires.  Les  stations  magdaléniennes,  presque  toutes 
dans  des  cavernes,  des  grottes  ou  abris,  sont  très  nom- 
breuses. Il  y  en  a  de  très  riches  en  reliques,  dans  toute  la 
France.  Celles  du  bassin  de  la  Dordogne  et  en  particulier 


FRANCE 


—  990 


de  la  vallée  de  la  Vézère  sont  célèbres.  D'après  les  docu- 
ments que  l'on  possède  aujourd'hui,  toutes  les  tribus 
de  ces  longues  époques  auraient  appartenu  à  une  seule 
race  qui  passe  du  type  de  Néanderthal  au  type  de  Cro- 
Magnon  (V.  ce  mot),  à  la  figure  large,  au  crâne  long  et 
capace  (sauf  une  exception),  aux  membres  robustes,  à  la 
taille  moyenne  ou  grande.  Elle  nous  est  connue,  en  dehors 
des  squelettes  de  Cro-Magnon,  par  le  squelette  écrasé  et 
deux  crânes  de  Laugerie-Basse  ;  le  squelette  de  Chan- 
celade  (Dordogne),  différant  par  les  caractères  de  la  face 
et  peut-être  par, la  taille  plus  petite  de  ceux  de  Cro-Magnon  ; 
des  débris  de  crâne  de  Gourdan,  de  la  Madelaine,  le  crâne 
de  Sorde  ;  deux  maxillaires  de  Marcamps  (Gironde),  puis 
par  les  squelettes  de  Menton  semblables  à  tous  égards  à 
celui  de  Laugerie-Basse,  quoique  leur  âge  soit  encore  dis- 
cuté, et  les  squelettes,  d'une  ancienneté  très  contestée, 
des  graviers  de  Grenelle.  On  n'a  pas  encore  trouvé  en 
France  des  crânes  d'un  type  différent  dont  l'âge  soit  cer- 
tain. Nous  mentionnerons  pourtant  celui  de  la  Truchère, 
d'époque  indéterminée,  en  raison  de  l'importance  que  lui 
ont  donnée  MM.  de  Quatrefages  et  Hamy  dans  leur  classi- 
fication, importance  que  rien  n'est  venu  confirmer.  Nous 
sommes  encore  assez  mal  renseignés  sur  la  façon  dont  la 
civilisation  de  l'âge  du  renne  a  disparu.  Cette  disparition 
semble  avoir  été  assez  brusque.  Au-dessus  des  dépôts  magda- 
léniens des  cavernes ,  on  trouve  généralement  des  couches 
d'éboulis  stériles.  Le  contact  entre  l'industrie  quaternaire  et 
l'industrie  néolithique  est  extrêmement  rare.  Cependant,dans 
quelques  stations,  à  Champignolles  (Pise),  au  Campigny 
(Seine-Inférieure),  à  Vaudeurs  (Yonne),  etc.;  on  a  parfaite- 
ment retrouvé  l'industrie  intermédiaire  des  Kjôkkenmôddings 
du  Danemark.  La  civilisation  exactement  correspondante  à 
celle  des  stations  lacustres  néolithiques  de  la  Suisse  semble 
de  même  n'avoir  eu  en  France  qu'une  existence  écourtée.  On 
a  retrouvé  néanmoins,  et  notamment  à  Chassey,  des  restes 
de  villages  de  l'époque  néolithique.  Les  objets  disséminés, 
surtout  les  haches  polies,  ont  été  récoltés  en  grand  nombre 
sur  tous  les  points  du  territoire.  Enfin  nous  avons  de  la 
belle  époque  néolithique  des  monuments  innombrables  dans 
les  grottes  naturelles  (plus  de  80)  et  artificielles  (444)  à 
inhumations,  dans  les  puits  funéraires,  et  surtout  dans  les 
dolmens. 

Les  grottes  artificielles  (V.  ce  mot)  les  plus  célèbres 
par  leur  nombre,  la  richesse  de  leur  mobilier,  la  quantité 
des  restes  humains  qu'elles  contenaient,  sont  celles  de  la 
Marne.  Les  dolmens  subsistent  encore  en  grande  quantité 
(2,300  à  2,350),  surtout  dans  les  provinces  de  l'Ouest.  La 
population  de  la  France,  pendant  l'âge  de  la  pierre  polie,  est 
mélangée  et  se  compose  dès  l'origine  en  grande  partie  de 
peuplades  immigrées  dont  l'importance  s'est  accrue  gra- 
duellement. Le  plus  ancien  de  ses  éléments  est  un  peuple 
au  crâne  allongé  différant  peu,  à  certains  égards,  de  la  race 
quaternaire,  ou  du  moins  de  certains  de  ses  représentants, 
mais  ayant  cependant  en  général  des  traits  bien  plus  nobles, 
une  face  moins  large,  une  stature  probablement  plus  haute. 
Il  est  resté  dominant  dans  le  Nord.  Dans  l'Ouest,  il  paraît  même 
avoir  d'abord  presque  exclusivement  occupé  le  pays.  Dans  le 
Sud  et  le  Sud-Ouest,  ce  sont  les  descendants  directs  des  peu- 
plades quaternaires  qui  sont  sûrement  restés  les  maîtres 
longtemps  encore  sinon  jusqu'aujourd'hui  (V.  Cro-Magnon, 
Basques,  Espagne, Ibères).  Du  côté  duNord-Est,au  contraire, 
le  long  de  la  chaîne  des  Alpes,  a  pénétré  un  peuple  nouveau  a 
tète  large,  de  petite  stature  et  dont  certains  représentants  ont 
pu  être  qualifiés  de  mongoloïdes.  Ces  nouveaux  venus  ont 
formé  par  leur  mélange  avec  le  peuple  précédent  une  race  in- 
termédiaire dont  l'importance  fut  à  peu  près  dominante  en  de 
certains  points  comme  sur  la  Marne  et  dans  l'Oise.  Au  cours 
de  l'âge  du  bronze,  étudié  surtout  dans  les  stations  lacustres 
telles  que  celles  du  Bourget,  dans  les  sépultures  et  avec  un 
très  grand  nombre  de  pièces  isolées,  la  composition  de  la 
population  de  la  Gaule  a  peu  changé.  Nous  la  connaissons 
peu  ou  point,  en  raison  de  l'habitude  d'incinérer  les  cadavres. 
Mais  il  faut  admettre  qu'elle  a  été  modifiée  encore  par  la 


venue  de  nouvelles  peuplades  et  notamment  de  Celtes  et 
de  Ligures  (V.  ces  mots)  dont  les  caractères  diffèrent  peu 
de  ceux  des  brachycéphales  néolithiques.  Une  civilisation 
plus  avancée  et  plus  riche,  de  nouvelles  croyances  et  pra- 
tiques religieuses,  de  nouvelles  mœurs,  se  sont  en  effet  alors 
implantées  en  Gaule,  en  pénétrant  surtout  par  le  Sud-Est. 
Cela  d'ailleurs  semble  s'être  fait  graduellement  par  une 
infiltration  lente.  Pendant  l'âge  du  fer  (V.  ce  mot),  au  con- 
traire, ce  sont  des  conquérants  qui  sont  venus  s'établir  en 
Gaule,  surtout  dans  le  Nord.  Ces  conquérants  d'origine 
kymrique,  grands,  blonds,  à  tête  allongée,  peu  différents  si 
même  ils  en  diflèrent  de  nos  dolichocéphales  néolithiques, 
ont  constitué  en  se  mêlant  aux  Celtes  le  peuple  gaulois 
qu'ont  connu  et  décrit  les  Romains.  Les  monuments  les 
plus  connus  de  la  première  époque  de  l'âge  du  fer  sont 
notamment  les  tumulus  des  Alpes,  du  Jura,  de  la  Fran- 
che-Comté, de  la  Bourgogne,  etc.  Les  monuments  les 
plus  connus  de  la  seconde  époque  ou  époque  gauloise, 
sont  les  cimetières  de  la  Marne.  Avec  l'époque  gallo- 
romaine  nous  entrons  en  pleine  histoire.  Les  Romains  ont 
modifié  la  composition  de  la  population  gauloise  et  laissé 
dans  les  tombeaux  des  représentants  de  leur  race  plus  ou 
moins  mélangée.  Mais  le  temps  et  les  invasions  ont  pres- 
que partout  effacé  leurs  traces,  bien  qu'on  signale  de  leurs 
descendants  à  Arles,  sur  le  Tarn,  dans  la  Franche-Comté. 
Encore  aujourd'hui,  les  deux  éléments  de  beaucoup  les  plus 
importants  de  la  population  française  sont  l'élément  cel- 
tique dont  la  venue  peut  remonter  à  l'époque  néolithique, 
et  l'élément  galate  dont  la  venue  remonte  à  l'époque  du  fer 
et  dont  les  plus  anciens  représentants  pourraient  être  iden- 
tifiés avec  les  dolichocéphales  néolithiques.  L'assise  même 
de  la  population  française  actuelle  aurait  donc  été  consti- 
tuée dès  l'âge  de  la  pierre  polie.  Les  peuples  des  invasions 
germaniques  ne  firent  que  renforcer  l'élément  grand  et  blond 
existant,  en  refoulant  davantage  les  Celtes  purs  dans  la 
presqu'île  bretonne,  le  Massif  central,  les  Cévennes  et  les 
Alpes.  Les  Francs  eux-mêmes  et  les  Burgondes  se  dissé- 
minèrent promptement  à  travers  le  reste  de  la  population. 
D'autres  peuples,  comme  les  Visigoths,  n'ont  laissé  d'eux, 
dans  les  régions  qu'ils  ont  occupées,  que  des  traces  dou- 
teuses. Les  Normands,  au  contraire,  dont  la  venue  est  d'ail- 
leurs bien  plus  récente  (ixe  siècle),  ont  colonisé  assez  for- 
tement, par  des  immigrations  successives,  la  province  qui 
porte  leur  nom.  Des  peuples  plus  anciennement  immigrés, 
quoique  sans  importance  pour  l'ethnologie  générale  de  la 
France,  ont  laissé  de  petits  îlots  de  leurs  descendants  qui 
ne  sont  pas  encore  entièrement  résorbés  par  les  mélanges. 
Tels  sont  les  Boïes  entre  la  Loire  et  l'Allier  et  aux  environs 
d'Arcachon,  les  Voikes  près  de  Toulouse,  les  Alains  aux 
environs  d'Orléans  et  de  Valence,  les  Theiphales  dans  les 
Deux-Sèvres  et  la  Saintonge,  les  Grecs  à  Nice,  Marseille, 
Avignon,  Arles,  les  Bretons  kymris  des  côtes  de  Bretagne. 

D'après  l'étude  de  la  répartition  de  la  taille  basée  sur  la 
proportion  des  exemptés  pour  défaut  de  taille  dans  chaque 
département,  les  dép.  du  Nord  et  de  l'Est  sont  encore  au  jour 
d'hui  occupés  par  une  population  composée  en  majorité 
d'individus  grands,  généralement  blonds  ou  châtain  clair, 
à  tête  généralement  allongée,  descendants  plus  ou  moins 
altérés  des  Galates  ou  Kymris,  des  Belges,  des  Francs. 
Les  dép.  du  Sud  et  de  l'Ouest  sont  au  contraire  peuplés  sur- 
tout de  châtains  ou  de  bruns  de  taille  moyenne  ou  petite, 
descendants  des  Celtes,  des  Ligures,  des  Ibères  (ancêtres 
des  Basques  et  qui  auraient  des  descendants  jusque  dans  les 
Côtes-du-Nord),  sauf  deux  départements  dans  l'Ouest,  les 
Deux-Sèvres  et  la  Charente-Inférieure  et  deux  départe- 
ments dans  le  Sud,  la  Drôme  et  Vaucluse. 

L'étude  de  la  répartition  des  cheveux  blonds  et  des  yeux 
clairs,  entreprise  récemment  sur  une  vaste  échelle,  con- 
firme dans  leur  ensemble  les  résultats  obtenus  par  l'étude 
de  la  taille.  Les  cheveux  et  les  yeux  noirs  sont  en  grande 
majorité  sur  les  rives  de  la  Méditerranée,  la  Drôme  à  part, 
en  Auvergne,  le  long  des  Pyrénées,  dans  tout  le  Sud-Ouest 
jusqu'à  la  Loire,  sauf  la  Charente-Inférieure.  Dans  plusieurs 


—  991  — 


FRANCE 


régions,  les  indices  céphaliques  de  la  population  ont  été 
relevés.  On  tirera  sans  doute  de  ces  recherches,  comme  de 
celles  toutes  récentes  de  MM.  Hovelacque  et  Hervé  sur  le 
Morvan,  des  indications  précieuses  sur  les  mélanges  locaux 
qui  se  sont  produits  et  se  produisent  encore  actuellement 
entre  tous  les  éléments  anciens  et  nouveaux  de  la  popula- 
tion. Mais  quoi  qu'il  en  résulte,  rien  d'essentiel  ne  sera 
changé  dans  Fethnogénie  générale  de  la  France,  arrêtée 
dès  maintenant  dans  ses  grandes  lignes.        Zaborowski. 
GÉOGRAPHIE    POLITIQUE    ET    ÉCONOMIQUE.    — 
Frontières.  —  Le  développement  des  frontières  actuelles 
de  la  France  est  d'environ  5,080  kil.,  dont  2,520  sont  des 
frontières  de  terre  et  2,560  des  frontières  de  mer.  Nous 
avons  décrit  les  trois  côtés  de  l'hexagone  c[ui  sont  des 
frontières  de  mer  (V.  Côtes).  Les  trois  frontières  de  terre 
sont  celle  du  N.,  celle  de  TE.,  celle  du  S.-O.—  La  fron- 
tière* septentrionale,  longue  de  790  kil.,  comprend  trois 
sections.  La  frontière  du  Nord  proprement  dite  commence 
à  12  kil.  au  N.  de  Dunkerque,  à  Zuydcoote,  et  se  termine 
à  la  Meuse.  Elle  traverse  la  Lys  à  Armentières,  passe  au 
N.  de  Tourcoing  et  de  Saint-Amand,  traverse  YEscaut 
au  confluent  de  la   Scarpe,  contourne  Condé  et  Valen- 
ciennes  et  franchit  la  Sambre  à  Jeumont  ;  elle  s'infléchit 
vers  le  S.-E.  jusqu'à  Rocroi,  puis  descend  la  Meuse  jus- 
qu'à Givet.  Les  fortifications  de  Dunkerque,  Lille,  Douai, 
Maubeuge  et,  en  arrière-garde,  La  F  ère  et  Laon  sont  les 
principaux  centres  de  la  défense  de  cette  frontière  que  les 
accidents  du  sol  ne  protègent  pas  et  qui  ont  été  souvent  le 
théâtre  d'opérations  militaires.  Cette  frontière  et  celle  de  FE. 
couvrent  Paris  et  son  camp  retranché.  Sur  la  frontière  du 
N.,  la  Belgique  est  limitrophe  de  la  France.  La  frontière 
de  VArdenne,  qui  s'étend  de  la  Meuse  à  YAhette  en  tra- 
versant la  forêt  des  Ardennes,  la  Semoy,  le  Chiers  et 
en  passant  au  N.  de  Longwy,  est  mieux  abritée  par  la 
nature  du  terrain  ;  Mézières  est  le  centre  de  la  défense  de 
ce  côté  où  la  France  a  pour  voisins  la  Belgique  et  le  grand- 
duché  de  Luxembourg.  La  frontière  lorraine  traverse 
la  forêt  de  Moyeuvre,  la  Moselle,  la  Seille  et  aboutit  au 
mont  Donon.  Cette  frontière,  tracée  par  le  traité  de  1871, 
sépare  la  Lorraine  restée  à  la  France  de  la  Lorraine  de- 
venue possession  de  Y  empire  allemand.  Sur  cette  fron- 
tière très  menacée,  il  a  fallu  multiplier  les  fortifications, 
à  Verdun  sur  la  Meuse,  à  Tout  et  Epinal  sur  la  Moselle 
et, en  arrière-garde,  à  Reims.  —  La  frontière  orientale 
comprend  aussi  trois  sections.  La  frontière  des  Vosges 
s'étend  du  mont  Donon  à  la  trouée  de  Belfort  en  sui- 
vant presque  partout  la  crête  des  Vosges.  Sur  l'autre 
revers  des  Vosges  est  l'Alsace  qui  appartient  depuis  1871 
à   Yempire    allemand.  Les   fortifications   de   Belfort 
gardent  au  S.  le  passage.  La  frontière  du  Jura  s'étend 
de  la  trouée  de  Relfort  au  Rhône  ;  elle  suit  la  crête  du 
Lomont,  traverse,  puis  suit  le  Doubs  et  une  partie  de 
la  crête  principale  du  Jura  ;  au  delà  de  la  vallée  des 
Dappes,  elle  descend  jusque  près  du  lac  de  Genève  et  atteint 
le  Rhône  en  amont  du  fort  de  V Ecluse  ;  Besançon,  et  en 
arrière-plan  Dijon  et  Langres,  sont  les  centres  de  la  dé- 
fense de  cette  frontière  où  la  France  est  limitrophe  de  Yem- 
pire allemand  et  de  la  Suisse.  La  frontière  des  Alpes 
commence  sur  le  Rhône  à  Chancy,  suit  le  lac  de  Ge- 
nève (dont  la  partie  méridionale  est  française)  jusqu'à 
Saint-Gingolph,  suit  la  crête  des  Alpes  du  Chablais,  puis 
depuis  le  mont  Blanc  jusqu'à  la  Colla  Lunga,  la  crête  prin- 
cipale des  Alpes  ;  enfin  de  la  Colla  Lunga  à  la  Roya,  elle 
passe  un  peu  au  S.  de  la  crête  principale  ;  elle  traverse 
deux  fois  la  Roya  et  se  termine  sur  la  Méditerranée  au 
ravin  du  pont  Saint-Louis.  Cette  frontière,  sur  laquelle 
la  France  a  pour  voisins  la  Suisse  et  Y  Italie,  est  puissam- 
ment défendue  par  la  nature  et,  en  outre,  par  des  fortifica- 
tions dont  les  plus  importantes  sont  à  Grenoble  et  à 
Briançon,  à  Nice,  et,  en  arrière-ligne,  à  Lyon  et  à  Tou- 
lon. La  frontière  méridionale  ou  frontière  des  Pyrénées 
commence  au  cap  Cerbère,  suit  la  crête  des  Albères  jus- 
qu'au Perthus,  puis  la  crête  des  Pyrénées  proprement  dite, 


franchit  la  Sègre,  dont  la  vallée  supérieure  (Cerdagne 
française)  appartient  à  la  France,  rejoint  la  crête  au  pic 
Nègre  d'Embaline,  passe  au  N.  du  val  d'Andorre,  traverse 
la  Garonne  au  Pont-du-Roi  ;  suit  de  nouveau  la  crête  jus- 
qu'à la  forêt  d'Irati  qui  appartient  en  partie  à  la  France. 
Au  pic  deLohiluz  elle -abandonne  la  crête  pour  serpenter 
à  travers  les  montagnes  du  Pays  basque  jusqu'à  la  Bidas- 
soa.  Cette  frontière,  qui  sépare  la  France  de  Y  Espagne,  n'est 
pas  accessible  aux  armées  dans  sa  partie  centrale.  Les 
routes  carrossables  sont  situées  vers  les  extrémités  que  dé- 
fendent principalement  Perpignan  et  Bayonne. 

Départements.  —  Il  y  a  aujourd'hui  (recensement  de 
1891)  86  départements  et  le  territoire  de  Belfort  ; 
362  arrondissements  en  comptant  le  territoire  de  Belfort 
pour  un  arrondissement  ;  2,881  cantons  et  36,144  com- 
munes. Le  nombre  des  communes  a  varié  de  la  manière 
suivante  : 

1821 36.856  i  1866 37.548 

1836 37.140  1872 35.989 

1841 37.040  1876 36.056 

1846 36.849  1881 36.097 

1851 36.836  1886 36.097 

1856 36.826  1891 36.144 

1861 37.510 

Les  départements  n'ont  pas  été  tracés  exactement  sur  les 
provinces,  parce  que  l'Assemblée  constituante  se  proposait 
de  rompre  les  traditions  provinciales*  système  que  la  royauté 
avait  en  partie  suivi  déjà  dans  l'organisation  des  intendances  ; 
il  en  résulte  que  les  limites  des  départements  sont  loin  de  cor- 
respondre à  celles  des  gouvernements.  Sur  certains  points 
elles  correspondent  à  celles  des  anciens  évêchés,  partant  des 
«  civitates  »  de  la  période  romaine.  Sur  beaucoup  de  points, 
elles  sont  empruntées  aux  traits  de  la  géographie  physique  ; 
sur  d'autres,  elles  sont  arbitraires  :  des  régions  que  la  nature 
a  faites  différentes  ont  été  souvent  réunies  pour  former  un 
même  département.  Les  noms  des  départements  étant  em- 
pruntés pour  la  plupart  à  la  géographie  physique,  surtout 
aux  cours  d'eau,  on  se  rend  aisément  compte  de  la  posi- 
tion relative  de  ces  départements  quand  on  connaît  la  géo- 
graphie physique.  Le  tableau  de  la  page  suivante  contient 
les  noms  des  départements  et  celui  des  anciennes  provinces 
(33  anciens  grands  gouvernements  et  3  provinces  acquises 
postérieurement  à  1789  :  Comtat-Venaissin,  Savoie  et  partie 
du  comté  de  Nice),  dont  ils  ont  été  formés  en  totalité  ou 
en  majeure  partie. 

Administration.  —  Indépendamment  de  l'administra- 
tion politique,  qui  est  représentée  par  les  préfets,  les  sous- 
préfets  et  les  maires  d'une  part,  par  les  conseils  généraux, 
les  conseils  d'arrondissement  et  les  conseils  municipaux 
d'autre  part  (V.  pour  l'administration  départementale  et 
communale  les  mots  Département,  Arrondissement,  Canton, 
Commune)  ,  il  y  a  des  administrations  et  des  circonscriptions 
administratives  spéciales.  Celle  des  ponts  et  chaussées 
comprend  un  ingénieur  en  chef  par  département,  ayant 
sous  ses  ordres  des  ingénieurs  ordinaires,  généralement 
un  par  arrondissement.  Quelques  départements  ont  un  ingé- 
nieur spécial  pour  le  service  des  routes  départementales. 
Un  agent  voyer  en  chef  dirige  le  service  des  chemins  vici- 
naux, ayant  sous  ses  ordres  des  agents  voyers  d'arron- 
dissement et  des  agents  voyers  de  canton;  dans  plusieurs 
départements  le  service  est  plus  ou  moins  complètement 
confié  aux  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées.  Des  ingénieurs 
des  ponts  et  chaussées  sont  spécialement  chargés  d'admi- 
nistrer les  cours  d'eau  navigables,  les  canaux,  les  ports, 
de  surveiller  ou  d'administrer  les  chemins  de  fer,  etc.  Les 
ingénieurs  de  département  et  les  ingénieurs  de  services  spé- 
ciaux sont  sous  les  ordres  d'inspecteurs.  Il  y  a  en  France, 
l'Algérie  comprise,  16  inspections  générales  des  ponts 
et  chaussées  et  8  autres  inspections  pour  les  études  et  tra- 
vaux des  chemins  de  fer  et  pour  les  voies  navigables.  Le 
service  municipal  de  Paris  forme,  en  outre,  une  inspection 
particulière  et  possède  des  inspections  spéciales.  —  L'admi- 


FRANCE 


—  992  — 


nistration  des  mines  comprend  11  arrondissements  dirigé 
chacun  par  un  ingénieur  en  chef,  assisté  d'ingénieurs  or- 
dinaires et  de  gardes-mines.  Les  arrondissements  sont 
groupés  en  cinq  divisions,  administrées  chacune  par  un 
inspecteur  général. — L'administration  des  forêts  comprend 
35  conservations  ou  arrondissements  forestiers  ;  les  con- 
servateurs ont  sous  leurs  ordres  des  inspecteurs,  sous-ins- 
pecteurs, gardes  généraux,  etc.  Il  y  a,  en  outre,  un  ser- 
vice spécial  de  reboisement  et  gazonnement. 

L'administration  des  postes  et  télégraphes  est  confiée 
à  un  directeur  des  postes  et  télégraphes  par  département 
ayant  sous  ses  ordres  des  inspecteurs  et  sous-inspecteurs, 
des  receveurs  principaux,  des  receveurs  d'arrondissement, 
des  receveurs  ou  distributeurs  de  bureaux  simples  ;  la  remise 
à  domicile  est  opérée  par  des  facteurs  qui  dépendent  des 


receveurs.  Les  départements  sont  groupés  en  15  régions; 
à  la  tête  de  chaque  région  est  un  directeur  ingénieur  pré- 
posé au  service  technique  des  télégraphes.  —  L'agriculture 
et  l'industrie  sont  non  des  administrations  publiques,  mais 
des  professions  exercées  librement.  Mais  il  y  a  des  ins- 
pecteurs de  l'agriculture  qui  visitent  les  campagnes,  des 
comices  agricoles  et  des  concours  régionaux  que  l'ad- 
ministration organise,  et  des  chambres  consultatives 
d'agriculture  instituées  dans  chaque  arrondissement.  —  Il 
y  a,  d'autre  part,  des  chambres  consultatives  des  arts  et 
manufactures  qui  sont  instituées  sur  la  demande  des  con- 
seils municipaux,  et  la  France  est  divisée  en  121  circons- 
criptions d'inspection  pour  la  surveillance  du  travail  des 
enfants  et  des  femmes  dans  les  manufactures.  —  Sous  le 
rapport  de  l'administration  militaire,  la  France  est  divisée 


GOUVERNEMENTS 


Flandre 

Artois 

Picardie 

Normandie ^ 

Bretagne 1 

Anjou 

Maine 

Ile-de-France 

Champagne 

Lorraine  (1) 

Alsace  (2) 

Franche-Comté 

Bourgogne 

Lyonnais 

Dauphiné 

Savoie 

Avignon  et  Comtat-Venaissin 

Provence 

Partie  du  comté  de  Nice 

Corse 

Languedoc  

Roussillon 

Comté  de  Foix 

Guyenne  et  Gascogne 

Béarn 

Angoumois 

Aunis  et  Saintonge 

Poitou 

Touraine 

Orléanais 

Berry 

Marche 

Limousin  : 

Auvergne 

Bourbonnais 

Nivernais 


*    g    a 

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DEPARTEMENTS 


Nord. 

Pas-de-Calais.  • 

Somme. 

Seine-Inférieure,  Eure,  Calvados,  Orne  et  Manche. 

Ille-et-Vilaine,  Côtes-du-Nord,  Finistère,  Morbihan,  Loire- 
Inférieure. 

Maine-et-Loire. 

Mayenne  et  Sarthe. 

Seine-et-Oise,  Seine,  Seine-et-Marne,  Oise  et  Aisne. 

Ardennes,  Marné,  Aube  et  Haute-Marne. 

Meuse,  Meurthe-et-Moselle  et  Vosges. 

Territoire  de  Belfort. 

Haute-Saône,  Doubs  et  Jura. 

Ain,  Saône-et-Loire,  Côte-d'Or  et  Yonne. 

Loire  et  Rhône. 

Isère,  Drôme  et  Hautes-Alpes. 

Savoie  et  Haute-Savoie. 

Vaucluse. 

Bouches-du-Rhône,  Var  et  Basses-Alpes. 

Alpes-Maritimes. 

Corse. 

Haute-Loire,  Ardèche,  Lozère,  Gard,  Hérault,  Aude,  Tarn  et 
Haute-Garonne. 

Pyrénées-Orientales. 

Ariège. 

Hautes-Pyrénées,  Gers,  Tarn-et-Garonne,  Aveyron,  Lot,  Dor- 
dogne,  Lot-et-Garonne,  Gironde. et  Landes. 

Basses-Pyrénées. 

Charente. 

Charente-Inférieure. 

Vendée,  Deux-Sèvres  et  Vienne. 

Indre-et-Loire. 

Loir-et-Cher,  Eure-et-Loir  et  Loiret. 

Cher  et  Indre. 

Creuse. 

Haute- Vienne  et  Corrèze. 

Cantal  et  Puy-de-Dôme. 

Allier. 

Nièvre. 


(1)  Presque  tout  l'ancien  département  de  la  Moselle,  une  partie  de  celui  de  la  Meurthe  et  environ  un  canton  et 
demi  des  Vosges  ont  été  perdus  en  1871. 

(2)  De  F  Alsace,  perdue  en  1871,  il  ne  reste  plus  à  la  France  que  le  territoire  de  Belfort. 


en  18  régions  militaires.  Chaque  région  est  occupée 
par  un  corps  d'armée  organisé  pour  les  besoins  de  la  guerre, 
ayant  dans  la  région  territoriale  qu'il  occupe  tout  son  ma- 
tériel, tous  ses  approvisionnements  ;  ce  corps  comprend 
2  divisions  d'infanterie  (de  2  brigades,  soit  4  régiments 
chaque),  1  brigade  de  cavalerie,  1  bataillon  d'artillerie,  1  ba- 
taillon du  génie,  1  escadron  des  équipages  militaires,  1  lé- 
gion de  gendarmerie,  etc.  Par  exception,  le  VIe  corps  com- 
prend 5  divisions  d'infanterie,  2  brigades  de  cavalerie,  etc. 
Chaque  corps  d'armée  est  placé  sous  l'autorité  d'un  général 
de  division  commandant  le  corps  d'armée,  ayant  sous 
ses  ordres  deux  généraux  de  division  dont  chacun  commande 
une  des  divisions  du  corps  d'armée.  Chaque  région  militaire 
est  divisée  en  8  subdivisions.  Les  18  chefs-lieux  de  région 
sont  :  Ier  Lille,  IIe  Amiens,  IIIe  Rouen,  IVe  Le  Mans,  Ve  Or- 


léans, VIeChâlons-sur-Marne,  VIIe  Besançon,  VIIIe  Bourges, 
IXe  Tours, Xe Rennes, XIe Nantes,  XIIe  Limoges,  XlIPCler- 
mont,  XIVe  Grenoble,  XVe  Marseille,  XVIe  Montpellier, 
XVIIe  Toulouse,  XVIIIe  Bordeaux.  Un  19e  corps  d'armée 
occupe  l'Algérie  avec  3  divisions,  et  une  brigade  d'occu- 
pation réside  en  Tunisie.  En  France,  l'inspection  spéciale 
de  la  cavalerie  est  confiée  à  6  inspecteurs  généraux  per- 
manents qui  ont  chacun  plusieurs  corps  d'armée  dans 
leur  circonscription.  Il  y  a  en  outre  deux  gouvernements 
militaires  :  l'un  à  Paris  comprend  les  dép.  de  la  Seine 
et  de  Seine-et-Oise  ;  l'autre  à  Lyon  dont  le  gouverneur 
commande  en  même  temps  le  XIVe  corps  d'armée. 

Il  y  a  eu,  en  1892,  42  divisions  d'infanterie  formées  de 
80  brigades  comprenant  145  régiments  subdivisionnaires 
à  3  bataillons  (le  bataillon  comprenant  4  compagnies,  en 


tout  440  hommes)  et,  en  outre,  1  cadre  de  bataillon  (81  offi- 
ciers ou  sous-officiers),  48  régiments  régionaux  (nos  146 
à  163)  destinés  à  occuper  les  places  fortes,  13  bataillons 
de  chasseurs  à  pied,  17  bataillons  de  chasseurs  de  mon- 
tagne, 4  régiments  de  zouaves,  4  régiments  de  tirailleurs 
algériens,  4  régiments  étrangers,  5  bataillons  d'infanterie 
légère  d'Afrique  et  4  compagnies  de  discipline  ;  en  tout 
584  bataillons,  145  cadres,  340,800  hommes.  —  H  y  a 
5  divisions  de  cavalerie  à  3  brigades  chaque,  1  division 
à  4  brigades  et  4  8  brigades  de  cavalerie  de  corps  d'armée, 
en  tout  37  brigades  composées  de  438  escadrons  et  8  com- 
pagnies :  soit  76,300  hommes  et  67,200  chevaux.  Les  ré- 
giments réguliers  de  cavalerie  (13  régiments  de  cuirassiers, 
30  de  dragons,  21  de  chasseurs,  13  de  hussards,  6  de 
chasseurs  d'Afrique)  comprennent  chacun  5  escadrons,- 
les  3  régiments  de  spahis  en  comprennent  6.  —  Il  y  a 
19  régiments  d'artillerie  de  division  ayant  chacun  12  bat- 
teries montées;  19  régiments  d'artillerie  de  corps  d'armée 
ayant  chacun  9  batteries  montées  et  3  batteries  à  cheval  ; 
24  batteries  de  montagne  et  4  batteries  à  pied  ;  en  tout, 
pour  l'artillerie  de  campagne,  484  batteries,  2,880  pièces, 
57,900  hommes. —  L'artillerie  de  forteresse  compte  96  bat- 
teries à  pied,  2  régiments  d'artilleurs-pontonniers  en  tout 
20,500  nommes.  Le  génie  et  le  train  des  équipages,  com- 
prenant 4  régiments  de  sapeurs-mineurs,  1  régiment  de 
sapeurs  de  chemins  de  fer,  20  compagnies  de  conducteurs 
du  génie,  72  compagnies  du  train  des  équipages,  comptent 
23,700  nommes.  —  Sur  le  pied  de  paix  l'armée  française 
devait  avoir  en  1893  un  effectif  légal  de  527,300  hommes, 
sans  compter  les  30,000  hommes  de  l'administration  des 
douanes  et  des  forêts. 

En  cas  de  guerre,  l'armée  territoriale  servirait  à  porter 
les  régiments  d'infanterie  subdivisionnaires  à  3,200  hom- 
mes, ceux  de  cavalerie  à  660,  etc.  Elle  formerait,  en  outre, 
444  régiments  mixtes  d'infanterie  et  38  régiments  mixtes 
de  cavalerie  dans  lesquels  entreraient  un  bataillon  ou  deux 
escadrons  des  régiments  subdivisionnaires.  L'effectif  total 
des  hommes  qui  pourraient  être  appelés  en  cas  de  guerre 
et  qui  se  composerait  de  11  classes  appartenant  à  l'armée 
active  et  à  sa  réserve,  de  6  classés  appartenant  à  l'armée 
territoriale  et  de  8  classes  appartenant  à  la  réserve  de 
l'armée  territoriale  dépasse  3  millions  d'hommes. 

Sous  le  rapport  de  la  marine  militaire,  les  côtes  de  la 
France  sont  divisées  en  5  arrondissements  maritimes  : 
Ier  Cherbourg,  IIe  Brest,  IIIe  Lorient ,  IVe  Roche  fort, 
Ve  Toulon.  Les  arrondissements,  qui  sont  administrés  cha- 
cun par  un  préfet  maritime,  sont  divisés  en  sous-arron- 
dissements, subdivisés  eux-mêmes  en  quartiers  et  sous- 
quartiers.  Le  personnel  de  la  marine,  composé  d'officiers 
(vice-amiraux,  contre-amiraux,  capitaines  de  vaisseaux,  ca- 
pitaines de  frégate,  lieutenants  de  vaisseau,  enseignes,  etc.), 
d'employés  (mécaniciens,  ingénieurs,  médecins,  etc.),  de 
sous-officiers  et  matelots,  de  troupes  de  la  marine,  compre- 
nait, en  1892,  88,800  hommes.  La  flotte,  composée  de 
22  cuirassés  à  tourelle,  de  croiseurs,  de  garde-côtes,  d'avisos, 
de  canonnières,  de  torpilleurs  et  de  transports,  avait  un  effec- 
tif total  de  350  bâtiments  jaugeant  573,600  tonneaux,  une 
force  de  630,900  chevaux- vapeur,  3,560  canons  de  diverses 
dimensions  et  était  montée  par  environ  47,000  hommes. 

L'administration  financière  est  organisée  de  la  manière 
suivante  :  par  département  un  directeur  des  contributions 
directes  ayant  sous  ses  ordres  un  inspecteur  et  des  contrô- 
leurs; un  directeur  de  V enregistrement  et  des  domaines 
ayant  sous  ses  ordres,  en  général,  un  vérificateur  de  V enre- 
gistrement et  un  contrôleur  des  hypothèques  par  arron- 
dissement et  un  receveur  de  l'enregistrement  par  canton  ; 
un  directeur  des  contributions  indirectes  (excepté  dans 
les  départements  frontières  où  il  y  a  des  directions  mixtes  des 
douanes  et  des  contributions  indirectes)  ayantsous  ses  ordres 
un  personnel  nombreux  de  contrôleurs  et  de  receveurs;  un 
trésorier-payeur  général  qui  a  sous  ses  ordres  un  rece- 
veur particulier  par  arrondissement  et  des  percepteurs  des 
contributions  directes  et  qui  reçoit  d'eux,  ainsi  que  des  re- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


—  993  —  FRANCE 

ceveurs  des  diverses  administrations,  le  produit  des  impôts 
et  des  revenus  de  l'Etat.  Au  ministère  des  finances,  en  com- 
munication permanente  avec  les  trésoriers-payeurs  géné- 
raux, sont  la  caisse  centrale  du  Trésor  public  qui  reçoit 
d'eux  ou  leur  envoie  les  fonds  nécessaires  au  service,  et  la 
direction  du  mouvement  général  des  fonds  qui  établit 
chaque  jour  l'état  du  Trésor  et  dirige  avec  précision  le  vaste 
mouvement  des  fonds  publics.  Au  sommet  du  système  finan- 
cier est  la  cour  des  comptes,  chargée  d'apurer  et  de  juger 
chaque  année  les  comptes  qui  lui  sont  soumis  par  tous  les 
comptables  des  administrations  publiques.  La  caisse  des 
dépôts  et  consignations  est  un  établissement  public  qui 
reçoit  et  administre,  suivant  certaines  règles,  les  consigna- 
tions judiciaires  ou  obligatoires  des  particuliers  et  des  com- 
munautés, notamment  les  fonds  des  caisses  d'épargne. 
(V.  Budget,  Contributions,  Finances,  Impôts).  La  loi  de 
finances  du  17  janv.  1891  a  fixé  ainsi  qu'il  suit  les 
recettes  et  les  dépenses  de  1892  : 


Ministères  : 


Finances . 


Francs. 
1.509.561.93/ 


a  savoir  :  millions 

Dette  publique  (perpétuelle   de  francs. 

et  viagère) 1.286,8 


Pouvoirs  publics 

13,1 

Services  généraux  du  mi- 

nistère, frais   de  régie 

des  impôts,  rembourse- 

ments, restitutions,  non- 

valeurs  et  primes 

209,6 

Justice  et  cultes 

78.566.757 

à  savoir  : 

Justice 

34,5 
■43,7 

Cultes 

Frais  de  justice  en  Tunisie. 

0,3 

Affaires  étrangères 

15.624.800 

dont,  pour  les  protectorats . 

0,"8 

Intérieur 

67.438.702 

Guerre 

645.754.425 

dont,   pour  la    solde  des 

troupes 

254,9 

pour  les  vivres 

54,3 

69,5 

—   les  fourrages 

—   l'habillement  et  cam- 

pement  

52,9 

—   rétablissement  du  gé- 

nie, de  l'artillerie, 

poudres  et  salpê- 

tres   

34,8 

Marine  et  colonies 

289.556.449 

dont,  pour  les    dépenses 

de  matériel,  travaux  et 

fournitures 

112,1 

pour  les  colonies 

71,2 

Instruction  pub.  et  beaux-arts. 

176.649.779 

dont,  pour  l'enseignement 

supérieur 

18,0 

pour  l'instruction  secon-    . 

daire. 

18,7 

—    l'instruct.  primaire. 

122,1 

—    les  beaux-arts 

8,1 

Commerce  et  industrie 

167.661.020 

dont,  pour  les  postes  et 

télégraphes 

147,8 

Agriculture 

39.452.595 

dont,  pour  les  forêts  .... 

12,6 

Travaux  publics 

200.856.574 

dont,  pour  les  travaux  ex- 

traordinaires et  pour  les 

dépenses  obligatoires  assi- 

milables à  des  dettes  d'Etat 

122,7 

Budget  de  l'Etat  pour  l'année  1892 . 


3.191.123.038 
63 


FRANCE 


994 


RECETTES  Francs. 

Impôts  indirects 463 .  921 .  008 

à  savoir  :  millions 

Contributions  directes  :         de  francs. 

Propriétés  bâties 71,9 

—        non  bâties, . .     411,7 
Contribution  personnelle  mo- 
bilière.        82,3 

—  des    portes    et 

fenêtres ...       53,8 

—  des  patentes  . .     113,7 
Autres  contributions 30,5 

Impôts  et  revenus  indirects  . .  1 .  991 .  749 .  825 

à  savoir  : 

Enregistrement. . . . 537,1 

Droits  de  timbre , .     168,7 

Taxe  de  4  °/0  sur  le  re- 
venu des  valeurs  mobi- 
lières         67,7 

Douanes. . . . 450,1 

Contributions  indirectes. . .     587,1 

Sucres 181,0 

Produits    des    monopoles    et 

exploitations  industrielles  de 

l'Etat 612.864.430 

à  savoir  : 

Allumettes  chimiques, . , . .       26,6 

Tabacs..... 373,2 

Poudres 10,4 

Postes 158,6 

Télégraphes 34,6 

Chemins  de  fer  de  l'Etat. .         8,2 

Divers 1,2 

Produits  et  revenus  du  do- 
maine de  l'Etat 47 .  527 .  160 

dont  pour  le  domaine  fores- 
tier..       28,2 

Produits  divers  du  budget. . .  25.607 .  165 

Ressources  exceptionnelles  (il 

n'en  existe  pas  pour  l'année 

1892.0. » 

Recettes  d'ordre 65.726.446 

Total  des  recettes  pour  l'année  1892.     3 .  207 .  396 .  034 

La  dette  publique  de  l'Etat  se  compose  de  la  dette  conso- 
.  lidée  (4  1/2  et  3  1/2  p.  °/0)  qui  figurait  au  budget  de  1892 
pour  761 ,675,520  fr. ,  de  la  dette  flottante  et  amortissable 
qui  figurait  pour  300,711,491  fr.,  la  première  compre- 
nant les  emprunts  temporaires  faits  par  le  Trésor  à  divers 
titres  et  dont  celui-ci  doit  payer  dans  l'année  les  intérêts  ou 
le  remboursement  (la  totalité  de  la  dette  flottante  com- 
prend, en  outre,  les  emprunts  et  dettes  diverses  non  rem- 
boursables dans  l'année),  la  seconde  les  annuités  des  dettes 
dont  le  remboursement  graduel  est  réglé  par  périodes, 
la  dette  viagère  dans  laquelle  sont  comprises  les  pensions 
et  qui  s'élevait  à  224,436,934  fr.  Le  capital  total  des 
dettes  de  l'Etat  s'élève  à  plus  de  30  milliards  de  francs 
(V.  Dette).  Les  départements  et  les  communes  ont  cha- 
cun leur  budget  particulier  et  beaucoup  ont  une  dette. 

Les  recettes  départementales  se  sont  élevées  en  1889 
à  258  millions  de  fr.,  à  savoir  :  1,022,285  fr.  pour  les 
revenus  du  patrimoine  départemental,  57,592,075  fr. 
pour  les  subventions  de  l'Etat,  des  communes,  des  parti- 
culiers et  les  produits  éventuels,  176,073,258  fr.  pour 
les  centimes  ordinaires  et  extraordinaires,  24,072,457  fr. 
pour  les  emprunts,  etc.  Les  dépenses  départementales 
sont  affectées  principalement  aux  chemins  départementaux 
et  vicinaux,  aux  enfants  assistés  et  aux  aliénés,  à  l'ins- 
truction publique,  à  l'assistance  publique,  à  la  dette. 

La  commune  a  une  autonomie  financière  plus  étendue 
que  le  département.  Les  recettes  communales  sont  ali- 
mentées par  les  centimes  généraux  ou  spéciaux  (88  mil- 


lions) qui  sont  votés,  comme  ceux  des  départements,  par  les 
Chambres  dans  le  budget  sur  ressources  spéciales,  par  les 
prestations  pour  les  chemins  vicinaux  quand  elles  sont 
payées  en  argent  (60  millions  en  1891,  Paris  non  com- 
pris), par  les  octrois  (132  millions  sans  Paris  et  156  pour 
Paris),  par  les  centimes  extraordinaires  (82  millions),  par 
les  revenus  annuels  (124  millions).  Les  principales  dé- 
penses sont  afférentes  à  la  voirie  et  au  service  des  emprunts. 
Le  budget  des  recettes  ordinaires  des  communes  s'est 
élevé  en  1891  à  675  millions  defr.  dont  264  pour  Paris. 
Le  montant  des  dettes  communales  s'élevait  au  31  mars 
1890  à  3,224  millions  dont  1,872  millions  pour  Paris 
et  1,352  pour  les  autres  communes. 

La  justice  comprend  la  juridiction  civile  et  la  juridiction 
commerciale  qui  n'en  est  en  quelque  sorte  qu'une  subdi- 
vision, la  justice  criminelle  et  les  juridictions  administra- 
tives. Au  chef-lieu  de  canton  (à  Paris,  il  y  a  exception- 
nellement un  juge  de  paix  par  arrondissement)  réside  le 
juge^  de  paix.  Les  juges  de  paix  possèdent  la  juridiction 
de  simple  police.  Au  chef-lieu  d'arrondissement  est  un 
tribunal  civil  ou  tribunal  de  première  instance.  Au- 
dessus  du  tribunal  de  première  instance  est  la  cour  d'appel. 
Les^  sièges  des  vingt-six  cours  d'appel  sont  à  :  Douai, 
Amiens,  Paris,  Rouen,  Caen,  Rennes,  Angers,  Dijon, 
Nancy,  Besançon,  Lyon,  Chambéry,  Grenoble,  Aix,  Nîmes, 
Montpellier,  Bastia,  Toulouse,  Agen,  Pau,  Bordeaux,  Poi- 
tiers, Limoges,  Riom,  Bourges",  Orléans.  Dans  chaque 
département,  la  juridiction  criminelle  est  exercée  par  la 
cour  d'assises  qui  se  réunit  généralement  au  chef-lieu, 
tous  les  trois  mois  d'ordinaire.  —  Dans  beaucoup  de  loca- 
lités il  y  a  un  tribunal  spécial,  le  conseil  des  prud'hommes, 
chargé  de  juger  les  différends  qui  s'élèvent  à  propos  du 
travail  entre  les  patrons  et  les  ouvriers,  et  un  autre 
chargé  de  juger  les  affaires  commerciales  entre  commer- 
çants, le  tribunal  de  commerce. 

Au-dessus  de  tous  les  autres  tribunaux  est  la  cour  de 
cassation  qui  siège  à  Paris.  — ■  Les  juridictions  adminis- 
tratives sont  les  conseils  de  préfecture  (1  par  départe- 
ment), les  conseils  de  revision  de  l'armée,  les  conseils 
universitaires,  la  cour  'des  comptes  et  le  conseil  d'Etat, 
juge  suprême  en  matière  administrative. 

Les  circonscriptions  administratives  de  l'instruction  pu- 
blique sont  les  académies.  Le  territoire  de  la  France  est 
divisé  en  seize  académies  :  Douai,  Caen,  Rennes,  Paris, 
Nancy,  Besançon,  Dijon,  Lyon,  Chambéry,  Grenoble,  Aix, 
Montpellier,  Toulouse,  Bordeaux,  Poitiers,  Clermont.  L'Al- 
gérie forme  la  17e  académie.  A  la  tête  de  chaque  académie 
est  un  recteur  (à  Paris  seulement  c'est  un  vice-recteur,  le 
ministre  possédant  nominalement  l'autorité  rectorale).  Le 
recteur  est  assisté  d'un  conseil  académique.  Sous  les 
ordres  du  recteur  il  y  a  dans  chaque  département  un  ins- 
pecteur d'académie,  assisté  d'un  conseil  départemental 
et  ayant  lui-même  sous  ses  ordres  des  inspecteurs  de  l'en- 
seignement primaire  dont  la  circonscription  correspond  le 
plus^  généralement  à  l'arrondissement,  quoiqu'il  y  ait  plus 
de  circonscriptions  inspectorales  que  d'arrondissements. 

L'instruction  comprend  trois  degrés  :  l'instruction 
primaire  est  donnée  dans  les  écoles  maternelles  et  dans 
les  écoles  primaires  (écoles  primaires  élémentaires  de  gar- 
çons, de  filles  et  mixtes,  écoles  primaires  supérieures  de 
garçons  et  de  filles)  ;  les  écoles  primaires  sont  publiques 
ou  privées,  dirigées  par  des  laïques  ou  des  congréganistes  ; 
il  y  a  dans  beaucoup  d'écoles  des  cours  d'adultes.  Chaque 
département,  seul  ou  réuni  à  un  autre,  doit  entretenir 
deux  écoles  normales  primaires  pour  former  des  ins- 
tituteurs et  des  institutrices.  L'instruction  primaire  est 
obligatoire  pour  les  enfants  de  six  ans  révolus  à  treize  ans 
révolus.  Les  enfants  qui  ont  reçu  l'instruction  dans  une 
école  ou  dans  leur  famille  peuvent,  après  examen,  obtenir 
un  certificat  d'études  primaire.  Le  tableau  ci-après  donne 
le  nombre  des  écoles  et  des  élèves  de  l'enseignement  pri- 
maire d'après  la  statistique  officielle  (V.  les  1. 1,  II,  III,  IV 
de  la  Statistique  de  l'enseignement  primaire). 


-  995  - 
I.    ÉCOLES 


FRANCE 


DATE 

de  la 

STATISTIQUE 


1832..., 
1837..., 
1843... 

1863... 
1872..., 
1876-77, 
1881-82 
1886-87 
1889-90 


NOMBRE 

NOMBRE 

d'écoles 

TOTAL 

des  écoles 

pour 
10.000  hab. 

42.092 

13,0 

52.779 

15,7 

59.838 

17,2 

68.761 

18,3 

70.179 

19,4 

71.547 

19,3 

75.635 

20,0 

80.209 

21,0 

81.857 

21,3 

de  garçons 

et  d'écoles 

mixtes 


31.420 
38.720 
42.551 
41.494 
41.720 
42.421 
44.335 
46.719 
67.628 


spéciales 
de  filles 


10.672 
14.059 
17.287 
27.267 
28.459 
29.126 
31.300 
33.460 
34.229 


NOMBRE    D'ECOLES 
publiques         privées 


32.520 
34.756 
42.720 
52.445 
56.313 
59.021 
62.997 
66.708 
67.359 


9.572 
18.023 
17.118 
13.316 
13.866 
12.526 
12.638 
13.501 
14.498 


laïques 


» 

52.225 
51.555 
51.633 
51.657 
56.210 
61.547 
63.228 


congre- 
ganistes 


7.613 
17.206 
18.546 
19.890 
19.425 
18.662 
18.629 


IL    ÉLÈVES 


DATE 
de  la 

STATISTIQUE 


1832 

1837 

1843 

1863 

1872 

1876-77.. 
1881-82. . 
1886-87.. 
1889-90.. 


NOMBRE 

TOTAL 

des  élèves 
inscrits 


1.937.582 
2.690.035 
3.164.297 
4.336.368 
4.722.754 
4.716.935 
5.341.211 
5.526.365 
5.601.567 


NOMBRE 

d'élèves 

par 
10.000  hab. 


596 
752 
924 
1.160 
1.303 
1.281 
1.413 
1.446 
1.460 


ÉLÈVES 


GARÇONS 


1.202.673 
1.579.888 
1.812.709 
2.265.756 
2.445.216 
2.400.882 
2.708.510 
2.789.685 
3.087.505 


734.909 
1.110.147 
1.351.588 
2.070.612 
2.277.538 
2.316.053 
2.632.701 
2.736.680 
2.514.062 


NOMBRE   D'ELEVES   DES   ECOLES 


publiques 


2.046.455 
2.407.425 
3.413.830 
3.835.991 
3  823.348 
4.359.256 
4.444.568 
4.405.543 


privées 


643.580 
756.872 
922.538 
886.763 
893.587 
981.955 
1.081.797 
1.196.024 


laïques 


2.457.380 
2.725.694 

(2.648.562) 
3.567.861 
3.819.110 
3.896.700 


congré- 
ganistes 


706.917 
1.610.674 

(2.068.373) 
1.773.350 
1.707.255 
1.704.867 


En  4890,  il  y  avait  280  écoles  primaires  supérieures, 
203  de  garçons  et  77  de  filles  et  468  cours  complémen- 
taires (comprises  dans  le  total  ci-dessus),  donnant  l'ensei- 
gnement à  40,600  élèves. 

L'instruction  secondaire  est  donnée  dans  les  lycées, 
établissements  publics  de  l'Etat,  dans  les  collèges,  établis- 
sements publics  communaux,  et  clans  les  établissements 
libres,  dirigés  par  des  laïques  ou  par  des  congréganistes. 
Il  y  a  des  lycées  et  des  collèges  pour  les  jeunes  filles.  L'en- 
seignement secondaire  a  sa  sanction  dans  le  baccalauréat  : 
baccalauréat  de  l'enseignement  secondaire  classique  que  les 
candidats  subissent,  d'après  le  décret  du  8  avril  1892,  en 
deux  parties,  la  seconde  portant  sur  des  matières  à  leur 
cboix,  et  baccalauréat  de  l'enseignement  moderne.  Jusqu'en 
1894  les  candidats  sont  admis  à  subir  les  épreuves  du 
baccalauréat  es  sciences. 

Le  nombre  des  établissements  d'enseignement  secondaire 
était  en  1891,  pour  les  garçons,  de  1,004,  comptant 
452,855  élèves,  à  savoir  : 

Lycées 107  avec  50,746  élèves. 

Collèges  communaux 246  —  33,968     — 

Etablissements  l  laïques. 306  —  15,854     — 

libres        (ecclésiastiques.     345  —  52,287     — 

Pour  les  filles,  de  51  dont  24  lycées  (3,956  élèves)  et 
27  collèges  (3,088  élèves). 

On  trouvera  les  détails  statistiques  et  autres  dans  l'art. 
Enseignement. 

L'enseignement  supérieur  est  donné  au  nom  de  l'Etat 
par  les  facultés  qui  siègent,  pour  la  plupart,  au  chef-lieu 
de  l'académie.  Il  y  a,  en  France,  15  facultés  des  lettres, 
15  des  sciences,  12  de  droit,  2  de  théologie  protestante, 
4  de  médecine  ;  il  y  a  des  écoles  supérieures  de  pharmacie, 
des  facultés  mixtes  ou  écoles  préparatoires  de  médecine  et 
de  pharmacie.  L'enseignement  supérieur  est  donné  aussi 
dans  des.  facultés  libres.  Le  nombre  des  étudiants  au 
1er  janv.  1891  était  de  21,716  dont  20,785  dans  les 
facultés  de  l'Etat,  931  dans  les  facultés  libres,  9,499  à 
Paris  et  12,217  en  province. 

Il  y  a,  outre  les  facultés  et  les  écoles  de  médecine  et 


de  pharmacie,  de  grands  établissements  publics  dont  les 
professeurs  donnent  un  enseignement  supérieur  ou  un 
enseignement  technique  et  qui  dépendent  du  ministère 
de  l'instruction  publique  ou  d'autres  ministères.  Parmi  ces 
établissements,  on  peut  citer  en  première  ligne,  le  Collège 
de  France,  le  Muséum  d'histoire  naturelle,  V Ecole  nor- 
male supérieure,  YEcole  des  hautes  études,  Y  Ecole 
des  langues  orientales,  YEcole  des  chartes,  YEcole  des 
beaux-arts,  le  Conservatoire  de  musique  et  de  décla- 
mation, etc.,  qui  dépendent  du  ministère  de  l'instruction 
publique  ;  YEcole  polytechnique,  YEcole  des  ponts  et 
chaussées,  YEcole  des  mines,  YEcole  supérieure  de 
guerre,  YEcole  d'application  de  l'artillerie  et  du  génie 
à  Fontainebleau,  YEcole  de  cavalerie  à  Saumur,  YEcole 
forestière  de  Nancy,  Y  Institut  agronomique,  YEcole 
spéciale  militaire  de  Saint-Cyr,  YEcole  navale  à  Brest, 
YEcole  d'application  du  génie  maritime,  les  Ecoles 
d'agriculture  à  Grignon,  à  Grand-Jouan  et  à  Montpel- 
lier, qui  relèvent  de  divers  ministères. 

Presque  tous  les  départements  possèdent  des  sociétés 
savantes,  dont  plusieurs  jouissent  d'une  ancienne  renom- 
mée et  dont  les  membres  contribuent,  par  leurs  travaux, 
aux  progrès  de  la  science.  A  Paris,  outre  un  grand  nombre 
de  sociétés  de  ce  genre,  se  trouvent  de  grandes  institutions 
publiques  :  Y  Observatoire,  le  Bureau  des  longitudes, 
Y  Académie  d,e  médecine,  et,  placé  au  sommet  de  la 
science,  Y  Institut  de  France,  composé  de  cinq  académies. 

Les  cultes  reconnus  par  l'État  et  entretenus  par  lui  sont 
le  culte  catholique,  le  culte  protestant  et  le  culte  israê- 
lite*  Dans  Y  Eglise  catholique,  la  paroisse  est  l'unité  de 
circonscription  religieuse  ;  une  commune,  suivant  son  im- 
portance, en  comprend  une  ou  plusieurs.  Les  paroisses  se 
distinguent  en  cures  dont  le  pasteur  est  un  curé  inamo- 
vible, et  en  succursales  dont  le  pasteur  est  un  desservant 
qui  peut  être  déplacé  par  son  évêque.  Les  paroisses  sont 
groupées  en  diocèse,  lequel  correspond,  le  plus  souvent, 
depuis  le  concordat  de  i  801,  au  département.  Il  y  a  84  dio- 
cèses, dont  67  évêchés  et  47  archevêchés.  L' évêque  est 
le  pasteur  du  diocèse  ;  Y  archevêque  a,  dans  son  propre 
diocèse,  l'autorité  d'un  évêque,  et  exerce,  en  outre,  une 


FRANCE 


996  — 


4°  Paris.. 
2°  Rouen, 

3°  Tours . 


certaine  suprématie  sur  les  autres  évêques  de  sa  province 
ecclésiastique;  ces  provinces  correspondent  encore  en 
partie  aux  anciennes  provinces  romaines.  Voici  la  liste 
des  archevêchés  avec  les  évêchés  suffragants  : 

ARCHEVÊCHÉS  ÉVÊCHÉS   SUFFRAGANTS 

Chartres,  Meaux,  Orléans, 
Blois,  Versailles. 

Rayeux  (etLisieux),  Evreux, 
Sées,  Cou  tances  (et  Avran- 
ches). 

Le  Mans,  Angers,  Nantes, 
Laval. 

Arras  et  Saint-Omer. 

Vann  es ,  Saint  -  Brieu  c  (  et 
Tréguier),  Quimper  (et 
Saint-Pol-de-Léon)  .* 

Soissons  (et  Laon),  Châlons, 
Beauvais  (Noyon  et  Sen- 
lis),  Amiens. 

Verdun,  Belley,  Saint-Dié, 
Nancy  (et  Toul). 

Autun  (Chaïon  et  Mâcon), 
Langres,  Dijon,  Saint- 
Claude,  Grenoble. 

Annecy,  Moutiers,  Saint - 
Jean-de-Maurienne. 

Nîmes  (et  Uzès),  Valence, 
Viviers,  Montpellier. 


4°  Cambrai. 
5°  Rennes  . . 


G0  Reims. 


7°  Besanço?i 

8°  Lyon   (et   Vienne).. 


9°  Chambéry . 
40°  Avignon . . 


'11°  Aix  (Arles   et  Em- 
brun)   


12°  Toulouse   (et   Nar- 
bonné) 


13°  Bordeaux . 


44°  Auch 

45°  Albi 

46°  Bourges 

4  7°  Sens  (et  Auxerre) . . 


Marseille,  Fréjus  (et  Tou- 
lon), Digne,  Gap,  Ajaccio, 
Nice. 

Montauban,  Pamiers,  Car- 
cassonne. 

Agen,  Angoulême,  Poitiers, 
Périgueux  (et  Sarlat),  La 
Rochelle  (  et  Saintes  )  , 
Luçon. 

Aire  (et  Dax),  Tarbes , 
Rayonne. 

Rodez,  Cahors,  Mende,  Per- 
pignan. 

Clermont,  Limoges,  Le  Puy, 
Tulle,  Saint-Flour. 

Troyes,  Nevers,  Moulins. 

Les  administrations  publiques  sont  les  organes  du  gou- 
vernement. Le  gouvernement  comprend  :  le  pouvoir  exé- 
cutif, administratif  et  judiciaire,  personnifié  dans  le 
'président  de  la  République.  La  France  est,  depuis  le 
4  sept.  4870,  une  république.  Elle  est  régie  par  le  Par- 
lement, qui  vote  les  lois  et  les  budgets  ;  il  dirige  la  poli- 
tique générale  par  la  confiance  qu'il  accorde  ou  qu'il  refuse 
aux  ministres  nommés  par  le  président  de  la  République. 
Il  se  compose  du  Sénat  et  de  la  Chambre  des  députés.  La 
Chambre  des  députés  est  élue  directement,  au  scrutin 
d'arrondissement,  par  le  suffrage  universel  pour  quatre  ans  ; 
elle  peut  être  dissoute  par  le  président  de  la  République 
sur  Lavis  conforme  du  Sénat.  Le  Sénat  se  compose  de 
300  membres  (y  compris  un  certain  nombre  de  sénateurs 
inamovibles  remplacés,  à  chaque  décès,  par  des  sénateurs 
élus)  élus  pour  neuf  ans  par  des  délégués  du  suffrage  uni- 
versel (députés,  conseillers  généraux,  conseillers  d'arron- 
dissement et  des  délégués  de  chaque  conseil  municipal)  et 
renouvelés  par  tiers  tous  lès  trois  ans.  Le  nombre  des  dé- 
légués varie  suivant  l'importance  des  communes.- 

Le  président  de  la  République  est  nommé  pour  sept 
ans  par  le  Parlement.  Il  exerce  le  pouvoir  exécutif  dans  la 
limite  des  droits  que  lui  a  conférés  la  constitution.  11  nomme 
et  révoque  les  ministres  ;  il  préside  le  conseil  des  mi- 
nistres. Il  est  assisté  d'un  conseil  d'Etat. 


Le  conseil  des  ministres  est  composé  des  ministres  pris 
le  plus  souvent  dans  le  sein  du  Parlement.  Ils  ont  chacun 
la  direction  d'une  des  grandes  administrations  centrales  dé- 
signées sous  le  nom  de  ministères,  et  ils  sont  responsables 
de  leur  gestion  devant  le  Parlement.  Les  ministères,  dont 
le  nombre  a  plusieurs  fois  varié,  sont  (en  1 893)  :  minis- 
tère de  la  justice  et  des  cultes ,  ministère  de  l'inté- 
rieur, ministère  des  affaires  étrangères,  ministère  des 
finances,  ministère  de  la  guerre,  ministère  de  la  ma- 
rine et  des  colonies,  ministère  de  l'Instruction  publique 
et  des  beaux-arts,  ministère  de  V agriculture,  minis- 
tère du  commerce  et  de  V industrie,  ministère  des 
travaux  publics.  L'administration  des  cultes  a  été  rat- 
tachée tantôt  à  l'instruction  publique,  tantôt  à  la  justice. 

Le  conseil  d'Etat,  composé  de  conseillers,  de  maîtres  des 
requêtes  et  d'auditeurs,  donne  son  avis  sur  les  projets  de 
lois  et  de  décrets  qui  lui  sont  soumis  par  les  Chambres  ou 
par  le  gouvernement,  sur  les  règles  d'administration  pu- 
blique ;  il  constitue,  en  outre,  le  tribunal  supérieur  en  ma- 
tière administrative  (V.  pour  l'histoire  et  pour  le  détail 
des  formes  de  gouvernement,  l'art.  Constitution). 

Population  et  Démographie.  —  Etat  de  la  popula- 
tion. —  Les  évaluations  de  la  population  du  territoire  de  la 
France  manquent  de  base  suffisante  dans  les  temps  antérieurs 
à  la  fin  du  xvne  siècle,  et  ne  peuvent  être  considérées  que 
comme  des  hypothèses  plus  ou  moins  vraisemblables.  Nous 
avons  consacré  les  douze  premiers  chapitres  de  notre  ouvrage 
sur  la  Population  française  à  l'étude  de  la  population  avant 
4789  ^  Nous  donnons  ci-après  le  tableau  dans  lequel  sont 
résumés  les  résultats  numériques  de  la  partie  de  cette  étude 
consacrée  à  la  recherche  du  nombre  total  des  habitants. 

Le  nombre  20,069,044  hab.  est  le  total  résultant  des 
Mémoires  des  intendants  rédigés  de  4698  à  4700  sur  la 
demande  du  roi.  Quelque  divers  qu'aient  été  les  procédés 
de  dénonibrement  ou  d'estimation  employés  alors  par  les 
intendants  et  quelque  imparfait  que  soit  le  total  (V.  pour 
plus  d'explications  le  chap.  x  du  liv.  I  de  la  Population 
française),  le  chiffre  de  20  millions  est  le  résultat  de  la 
première  enquête  officielle  qui  soit  connue  comme  ayant 
porté  sur  la  totalité  du  territoire  français  ;  il  a  donc  une 
réelle  importance.  Les  intendants  n'ont  jamais  refait  un 
pareil  travail  d'ensemble  au  xvme  siècle,  ou  du  moins  on 
n'en  connaît  pas  ;  dans  la  seconde  moitié  de  ce  siècle,  la 
démographie  a  commencé  à  donner  lieu  à  un  certain  nombre 
de  publications  officielles  ou  privées  ;  mais  les  chiffres  de 
population  que  les  auteurs  ont  hasardés  sont  des  hypothèses 
ou  des  calculs  fondés  sur  des  éléments  insuffisants.  En 
4789,  le  nombre  des  habitants  était  d'environ  26  millions  ; 
c'est  du  moins  le  chiffre  le  plus  probable  (V.  le  chap.  xi 
du  liv.  II  de  la  Population  française  et  l'appendice  du 
t.  III).  On  peut  en  conclure  que,  de  1100  à  11 89,  la  po- 
pulation a  augmenté  de  6  millions  d'âmes  en  90  ans, 
soit  de  30  °/0  pour  la  période  et,  en  moyenne  arithmétique, 
de  0,33  °/o  par  an. 

Depuis  4804,  date  du  premier  dénombrement  qui  ait 
été  fait  de  la  population  entière  de  la  France  (V.  Dénom- 
brement) jusqu'en  4894,  il  y  a  eu  seize  dénombrements 
et  trois  calculs  d'évaluations  d'après  les  naissances  et  les 
décès  (4844,  4846,  4821)  qui  sont  considérés  par  certains 
auteurs  comme  des  dénombrements.  La  population  était 
de  27,347,800  âmes  en  4804  et  de  38,343,492  (popu- 
lation domiciliée)  en  4891.  Elle  a  donc  augmenté  de 
10,995,000  âmes,  soit  de  39  °/0  pour  toute  "la  période 
et,  en  moyenne  arithmétique,  de  0,44  °/0  par  an. 

Ce  taux  d'augmentation  est  bien  inférieur  à  celui  de  la 
plupart  des  autres  Etats  de  l'Europe  (V.  Démographie), 
mais  il  est  moins  faible  au  Mxe  siècle  qu'il  n'avait  été  au 
xvme  siècle,  et  il  faut  même  remarquer  que  de  4700  à 
4789,  le  territoire  de  la  France  a  gagné  la  vallée  de  Bar- 
celonnette,  la  Lorraine  et  la  Corse,  tandis  que  de  4845 
(la  population  donnée  pour  l'année  4801  est  celle  qui  habi- 
tait le  territoire  français  après  le  traité  du  20  nov.  4815) 
à  4894,  si  elle  a  gagné  la  Savoie  et  une  partie  du  comté 


—  997  — 


FRANCE 


de  Nice,  elle  a  perdu  presque  toute  l'Alsace  et  une  partie 
de  la  Lorraine  qui  renfermaient  une  population  plus  nom- 
breuse. 
Le  tableau  que  nous  avons  donné  à  Fart.  Démographie, 


t.  XIV,  p.  72,  et  qui  est  extrait  de  la  Population  fran- 
çaise (t.  I,  p.  313),  fait  connaître  la  population  telle  qu'elle 
a  été  trouvée  après  rectification  par  les  dénombrements 
ou  calculée  dans  les  publications  officielles   de  1814  , 


ÉPOQUES 

Nombre  d'habitants 
sur    le    territoire 
de  la  France,  tel 
qu'il    est  aujour- 
d'hui (528,400  k.q.) 

OBSERVATIONS 

Gaule   barbare  à  l'époque  de 
César 

6.700.000- 

8  millions  1/2 

8  à  10  millions 

20  à  22  millions 

20   millions 

21.136.000 

18  millions 

24  millions  1/2 

8  millions  pour  la  Gaule  entière.:  Hypothèse  fondée  sur  l'évalua- 
tion du  nombre  des  individus  composant  les  tribus  de  la  Gaule. 

Hypothèse  sans  preuve. 

Hypothèse  sans  preuve. 

Hypothèse  ^fondée  sur  le  rôle  des  feux  soumis  à  l'impôt  royal 
(soit  environ  moitié  de  la  France  actuelle)  en  1328. 

Hypothèse  fondée  sur  le  nombre  des  familles  du  royaume  en 
1581  que   donne   Froumenteau,  et   qui,   pour  le  royaume    de 
France,  et  avec  l'étendue   qu'il  avait   alors,   correspond  à  14 
millions  d'âmes. 

Calcul  qui  résulte  pour  la  première  fois  d'évaluations  officielles 
portant  sur  tout  le  royaume  et  consignées  dans  les  mémoires 
des  intendants.  La   population  du  royaume  de  France,  avec 
l'étendue  qu'il  avait  alors,  était  évaluée  à  20,069,011  âmes. 

Hypothèse  fondée  sur   la  dépopulation    pendant  les  dernières 
années  du  règne  de  Louis  XIV  et  sur  une  assertion  de  For- 
bonnais. 
r  Messance,  en  1767,  donne  23,109,250  âmes. 
\  Expilly,  en  1780,  donne  22,014,357  âmes,  y  compris  la  Lorraine. 

}   Mohfiàu.en  1788.  dnnnp.  9.3  1/9  à   9.A.  millinna 

Gaule  romaine  sous  les  Anto- 
nins 

Gaule  carolingienne  au  temps 
de  Charlemagne 

France  dans  la  première  moitié 

France  vers  la  fin  du  xvp  siècle 
France  en  1700 

France  vers  1715 

France  vers  1770 

France  en  1789 

/  Necker,  en  1789,  donne  24,802,000  et  pense  qu'il  faut  presque  dire 
!,       26  millions. 

/  Le  chevalier  des  Pommelles,  en  1789,  donne  25,065,883. 
1   Bonvallet-Desbrosses,  en  1789,  donne  27,957,157. 
1  Lavoisier,  en  1791,  donne  25  millions. 
26   millions        J  Arthur  Young,   en  1790,  d'après  le  Comité  d'imposition,  donne 

j      zo,aoa,uuu. 

I  La  Bibliothèque  de  V homme  pit6£ic(Condorcet,Le  Chapelier),  en 

F      1791,  donne  25,500,000. 

\  Montesquiou,  en  1791,  donne  26,300,000. 

\ 

1816,  1821;  il  fait  connaître  aussi  le  taux  d'accrois- 
sement et  la  densité.  Nous  le  complétons  ici  en  donnant 
les  chiffres  définitifs  de  1891  que  les  évaluations  pro- 


visoires avaient  portés  trop  haut  et,  depuis  1884,  la  dis- 
tinction entre  la  population  domiciliée  et  la  population 
présente  : 


DATES 

des 

RECEN  SEMENTS 

DÉSIGNATION 
de 

LA   POPULATION 

NOMBRE 

d'habitants 

DENSITÉ 

ACCROIS 

TOTAL 

d'un 

dénombrement 

à  l'autre 

par  milliers 

de   personnes. 

SEMENT 

MOYEN   ANNUEL 

par 
1,000  hab. 

Dec.  1881 

1  Population  domiciliée 

37.672.048 
37.405.290 
38.218.903 
37.930.759 
38.343.192 
38.095.150 

71,3 
72,3 
72,35 

+  766 
+  547 
+  124 

+  4,1 

+  3,3 
-f  0,65 

1          —          de  fait 

Mai  1886 

(  Population  domiciliée 

Avril  1891 

i  Population  domiciliée 

i           —           de  fait 

Les  changements  survenus  dans  l'étendue  territoriale  de 
la  France  masquent  quelque  peu  le  véritable  taux  d'ac- 
croissement de  la  population.  Voici,  dans  le  tableau  ci- 
contre,  cet  accroissement  par  période  de  vingt  ans,  de 
4804  à  4884,  et  de  dix  ans  pour  la  période  4884-4894 
pour  un  même  territoire,  celui  de  la  France  depuis 
le  traité  de  4874  (V.  ce  tableau  à  l!art.  Démographie, 
t.  XIV,  p.  72). 

Jusqu'en  4846  la  plupart  des  départements  avaient  vu 
leur  population  s'accroître  de  recensement  en  recense- 
ment ;  depuis  cette  époque  le  nombre  des  départements 
dont  la  population  a  été  en  décroissance  à  chaque  recen- 
sement est  devenu  considérable. 

Nous  donnons,  dans  le  tableau  ci-après  (p.  999),  lenombre 
des  départements  dont  la  population  a  augmenté  ou  diminué 
d'un  recensement  à  l'autre  (les  nombres  ne  sont  tout  à 


ANNÉES 

HABITANTS 

(Nombres 

exprimés  par 

millions) 

Nombres  pro- 
portionnels 

(la   population 
initiale  étant 

représentée 
par  10) 

TAUX-   MOYEN 

annuel 
de  l'accroisse- 
ment sur 
1,000  habitants 
par  période 
de  20  années 

1801 

1821 

1841 

1861 

1881 

1891  .... 

26,9 
29,9 
33,4 
35,8 
37,7 
38,3 

10,0 

11,1 
12,4 
13,3 
14,0 
14,2 

5,6 
5,9 
3,6 
2,7 
1,5 

FRANCE 


—  998  - 
SUPERFICIE  ET   POPULATION   DES   DÉPARTEMENTS 


SUPERFICIE  EN  KIL.  CARRES 


DÉPARTEMENTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-).. . 

Alpes  (Hautes-) 

Alpes-Maritimes  (1).. 

Arclèche 

Ardennes 

Ariège.. 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Belibrt  (territoire)  . . . 
Bouches-du-Rhône  (1) 

Calvados 

Cantal 

Charente  (4) 

Charente-Inférieure. . 

Cher 

Corrèze 

Corse  (1) 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord  (1). . . . 

Creuse 

Dordogne 

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir 

Finistère  (1) 

Gard 

Garonne  (Haute-) 

Gers 

Gironde  (1) 

Hérault 

Ille-et-Vilaine 

Indre  

Indre-et-Loire 

Isère  

Jura 

Landes  (7).* 

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-) 

Loire-Inférieure 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche  (1) 

Marne 

Marne  (Haute-) 

Mayenne 

Meùrthe  (16) 

Meurthe-et-Moselle  . 

Meuse 

Morbihan  (1) 

Moselle  (16) 

Nièvre 

Nord , 

Oise • 

Orne 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-)  (11). 

Pyrénées  (Hautes-). 

Pyrénées-Orientales 

Rhin  (Bas-)  (16) 

Rhin  (Haut-)  (16).... 

Rhône , 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-) 

Seine 

Seine-Inférieure 

Seine-et-Marne 


5.825 
7.427 
7.380 
6.987 
5.642 
3.738 
5.555 
5.252 
4.903 
6.025 
6.341 
8.770 

609 
5.247 
5.692 
5.775 
5.972 
7.230 
7.302 
5.887 
8.722 
8.786 
7.204 
5.605 
9.223 
5.315 
6.560 
6.037 
5.938 
7.070 
5.880 
6.365 
6.290 
10.726 
6.223 
6.990 
6.905 
6.157 
8.235 
5.054 
9.363 
6.420 
4.798 
5.000 
6.979 
6.811 
5.226 
5.384 
5.170 
7.283 
6.411 
8.204 
6.258 
5.146 

» 

5.275 
6.239 
7.093 

6.'887 
5.773 
5.885 
6.143 
6.750 


5.801 
7.367 
7.308 
6.954 
5.590 
3.741 
5.526 
5.236 
4.910 
6.001 
6.310 
8.743 
610 
5.105 
5.517 
5.740 
5.951 
6.825 
7.199 
5.866 
8.809 
8.759 
6.878 
5.568 
9.185 
5.228 
6.521 
6.014 
5.875 
6.736 
5.825 
6.296 
6.246 
9.980 
6.198 
6.735 
6.822 
6.108 
8.209 
5.052 
9.325 
6.368 
4.772 
4.962 
6.874 
6.765 
5.213 
5.360 
5.168 
7.115 
5.932 
8.179 
6.220 
5.170 
»  . 
5.233 
6.233 
6.806 

6.816 
5.699 
5.854 
6.101 
6.638 


A  reporter., 


8.004 

7.955 

7.712 

7.623 

4.533 

4.507 

4.141 

4.119 

» 

» 

» 

» 

2.859 

2.863 

5.374 

5.342 

8.626 

8.564 

6.244 

6.207 

6.187 

5.863 

4.597 

4.317 

479 

484 

6.341 

6.150 

5.888 

5.915 

466.340 

460.064 

4801 


5.799 
7.352 
7.308 
6.954 
5.590 
3.743 
5.527 
5.233 
4.894 
6.001 
6.313 
8.743 
610 
5.105 
5.521 
5.741 
5.942 
6.826 
7.199 
5.866 
8.747 
8.761 
6.886 
5.568 
9.183 
5.228 
6.522 
5.958 
5.874 
6.722 
5.836 
6.290 
6.280 
9.740 
6.198 
6.726 
6.795 
6.114 
8.289 
4.994 
9.321 
6.351 
4.760 
4.962 
6.875 
6.771 
5.212 
5.354 
5.170 
7.121 
5.928 
8.180 
6.220 
5.171 
(6.090) 
5.232 
6.228 
6.798 
(5.369) 
6.817 
5.681 
5.855 
6.097 
6.606 
7.950 
7.623 
4.529 
4.122 
(4.553) 
(4.108) 
2.790 
5.340 
8.552 
6.207 
5.760 
4.315 
479 
6  035 
5.736 


459.076 


Ph      U 


297,0 
425,9 
248,8 
134,0 
112,5 
(3) 
266,6 
259,9 
196,4 
231,4 
225,2 
326,3 

285,0 
451,8 
220,3 
299,0 
399,1 
217,7 
243,7 
163,9 
340,5 
504,3 
218,0 
409,5 
216,2 
235,3 
402,8 
257,8 
439,0 
300,1 
405,6 
270,6 
502,7 
275,4 
488,8 
205,6 
268,9 
435,9 
288,2 
224,3 
209,9 
290,9 
229,8 
369,3 
286,1 
377,2 
323,9 
126,5 
375,5 
530,6 
304,7 
226,7 
305,7 
338,1 
(9) 
269,5 
401,2 
348,1 
232,6 
765,0 
350,9 
395,7 
505,6 
507,1 
355,6 
174,7 
110,7 
450,2 
303,8 
299,4 
291,6 
452,7 
388,1 


631,6 

609,8 
299,1 


24.131,9 


4846 


(2) 
58 
34 
19 
20 


50 
40 
39 
36 
37 
» 

56 
82 
38 
50 
58 
30 
42 
17 
39 
73 
39 
45 
41 
34 
68 
44 
65 
51 
(5) 
(6) 
52 
44 
73 
30 
44 
52 
58 

24  (?) 
33 
61 
46 
53 
42 
50 
(8) 
24 
52 
90 
36 
36 
58 
56 
» 

43 
59 
65 
34 
135 
59 
65 
77 
64' 

47(?: 

39 

27 
99 
74 
107 
55 
53 
63 


1.318 
101 
52 


367,3 
557,4 
329,5 
156,6 
133,1 
(3) 
379,6 
326,8 
270,5 
261,8 
289,6 
389,1 

413,9 
498,3 
260,4 
379,0 
468,1 
294,5 
317,5 
230,2 
396,5 
628,5 
285,6 
503,5 
292,3 
320,1 
423,2 
292,6 
612,1 
400,3 
481,9 
314,8 
602,4 
386,0 
562,9 
263,9 
312,4 
598,4 
316,1 
298,2 
256,8 
453,7 
307,1 
517,2 
331.6 
290 
346,8 
143,3 
504,9 
604.0 
367,'3 
262,0 
368,4 
445,9 
(9) 
325,7 
472,7 
449,0 
322,2 
1.132,9 
406,0 
442,1 
•  695,7 
601,5 
457,8 
251,2 
180,7 
581,3 
487,1 
545,6 
347,0 
565,0 
474,8 


.364,9 
758,8 
340,2 


m  o  <w  \ 


31.020,6 


1891 


m 

76 
45 
23 
24 

69 
63 
55 
44 
46 
45 

» 

81 
90 
45 
64 
69 
41 
54 
26 
45 
91 
51 
55 

56 

49 

71 

50 

91 

69 

76 

50 

62 

62 

84 

37 

51 

72 

63 

32  (?) 

40 

95 

62 

75 

49 

56 

65 

28 

71 
102 

45 

42 

71 

73 
» 

52 


47 
199 

69 

72 
106 

76 

60(?) 

55^ 

44 
127 
119 
196 

65 

66 

76 


2.849 

126 

59 


te©  cô  O 

os  s 


356,9 
545,5 
424,4 
124,3 
115,5 
258,6 
371,3 
324,9 
227,5 
255,5 
317,4 
400,5 
83,7 
630,6 
428,9 
239,6 
360,2 
456,2 
359,3 
328,1 
288,6 
376,9 
618,6 
284,6 
478,5 
303,1 
306,4 
349,5 
284,7 
727,0 
419,4 
472,4 
261,1 
793,5 
461,6 
626,9 
292,9 
337,3 
572,1 
273,0 
297,8 
280,3 
616,2 
316,7 
645,2 
377,7 
253,9 
295,4 
135,5 
518,6 
513,8 
434,7 
243,5 
332,4 
(9) 
444,1 
292,2 
544,5 

(îo; 

343,6 
1.736,3 
401,8 
354,4 
874,4 
564,3 
425,0 
225,9 
210,1 


806,7 
280,8 
619,5 
429,7 
263,3 
268,3 
3.141,6 
839,9 
356,7 


62 

74 

58 

18 

21 

69 

67 

62 

46 

43 

50 

46 
137 
123 

78 

42 

61 

67 

50 

56 

33 

43 

90 

51 

52 

58 

47 
59 
48 

108 
72 
75 
42 
81 
74 
93 
43 
55 
69 
55 
32 
44 

129 
64 
94 
56 
49 
55 
26 
73 
87 
53 
39 
64 
» 

85 
47 


50 
306 
69 
58 
132 
71 
56 
50 
51 


289 
53 
72 
69 
46 
62 
.559 

139 
62 


33.822,4 


—  999  — 


FRANCE 


DEPARTEMENTS 


Report 

S.eine-et-Oise 

Sèvres  (Deux-) 

Somme 

Tarn ' 

Tarn-et-Garonne  . . 

Var  (1).., 

Vaucluse 

Vendée  (1)  (14) 

Vienne 

Vienne  (Haute-). . , . 

Vosges 

Yonne  .  < 


SUPERFICIE  EN  KIL.   CARRES 


466.340 

5.658 
6.055 
6.276 
5.780 
3.730 
6.044 
3.578 
6.971 
5.490 
7.023 
5.969 
7.494 


Totaux    pour   la    France) 
entière  (1) 536.408 

(15)  (18) 


460.064 
5.604 
5.998 
6.163 
5.740 
3.720 
5.993 
3.568 
6.718 
6.973 
5.518 
5.867 
7.420 


529.346 


459.076 
5.604 
6.000 
6.161 
5.742 
3.720 
6.028 
3.548 
6.703 
6.970 
5.517 
5.853 
7.428 


528.400 

(17) 


4801 


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£ 

24.131,9 

» 

421,5 

75 

241,9 

40 

459,5 

75 

270,9 

47 

(12) 

» 

(13)  271,7 

36 

191,4 

54 

243,4 

36 

241,0 

35 

245,1 

.  44 

•    308,9 

53 

320,6 

48 

27.347,8 

» 

1846 


31.020,6 
474,9 
321,6 
570,5 
360,6 
242,4 
(13)  349,8 
259,1 
376,2 
308,4 
314,7 
427,9 
374,8 


35.401,5 


U 

^  o3 
03   O 


53 

93 
63 
65 
46 
73 
56 
46 
57 
73 
50 


1891 


33.822,4 
628,6 
354,3 
546,5 
346,7 
206,6 
288,3 
235,4 
442,3 
344,3 
372,9 
410.2 
344,7 


»  <P  ri  g 


112 

59 


60 


66 
66 
49 

68" 

70 

46 


38.343,2 


73 


Bouches- 


(1)  Dans  cette  superficie  sont  comprises  les  îles,  savoir  :  département  des  Alpes-Maritimes,  2  kil.  q. 
du-Rhône,  4  kil.  q.  —  Charente-Inférieure,  405  kil.  q.  —  Côtes-du-Nord,  13  kil.  q.  —  Finistère,  29  kil.  q.  —  Gironde, 

2  kil.  q.  —  Manche,  11  kil.  q.  —  Morbihan,  110  kil.  q.  —  Var,  32  kil.  q.  —  Vendée,  28  kil.  q.  —  Corse  (petites  îles), 

3  kil.  q.  :  en  tout  pour  la  totalité  des  îles,  639  kil.  q. 

(2)  L'arr.  de  Gex  n'a  été  réuni  au  dép.  de  l'Ain  qu'en  1815.  C'est  pourquoi  la  superficie  n'étant  pas  la  même  en 
1801,  nous  ne  donnons  pas  la  densité  pour  ces  recensements. 

(3)  L'arr.  de  Grasse  faisait  partie  du  dép.  du  Var  avant  1860.  Nous  ne  donnons  pas  de  totaux  pour  1801  et  1846. 

(4)  11  y  a  eu  des  omissions  en  1801,  car  le  département  avait  326,000  hab.  en  1790  et  327,000  en  1806. 

(5)  Une  partie  de  la  Haute-Garonne  (air.  de  Castelsarrasin,  etc.)  (V.  Tarn-et-Garonne)  a  été  détachée  en  1808 
pour  former  le  dép.  du  Tarn-et-Garonne.  C'est  pourquoi  nous  ne  donnons  pas  la  densité  pour  1801. 

(6)  Une  partie  de  l'arr.  de  Lectoure  (59,754  hab.  en  1806  et  52,251  en  1821)  a  été  détachée  en  1808  pour  former  le 
dép.  de  Tarn-et-Garonne.  —  Môme  observation  que  pour  la  Haute-Garonne  (note  5). 

(7)  La  com.  de  Saint-Esprit  et  ses  environs  ont  été  détachés  du  dép.  des  Landes  sous  le  second  Empire  et 
rattachés  au  dép.  des  Basses-Pyrénées. 

(8)  Une  partie  du  dép.  de  Lot-et-Garonne  (celle  qui  a  fourni  l'arr.  de  Moissac,  etc.)  a  été  détachée  en  1808  pour 
former  le  dép.  de  Tarn-et-Garonne. 

(9)  Une  partie  de  ce  département  a  été  perdu  à  la  guerre  de  1870-1871.  —L'autre  partie  est  comprise  clans  le 
dép.  de  Meurthe-et-Moselle. 

(10)  Tout  ce  département,  excepté  l'arr.  de  Briey,  a  été  perdu  par  la  France  à  la  guerre  de  1870-1871. 

(11)  La  com.  de  Saint-Esprit  et  ses  environs,  qui  appartenaient  au  dép.  des  Landes,  ont  été  rattachés  sous  le 
second  Empire  à  l'arr.  de  Bayonne.  C'est  pourquoi  la  densité  n'est  qu'approximative  pour  ce  département  en  1801 
et  en  1846. 

(12)  Le  dép.  de  Tarn-et-Garonne  n'a  été  créé  qu'en  1808,  aux  dépens  des  dép.  du  Lot  (arr.  de  Montauban,  cant. 
de  Caylus,  etc.,  environ  110,000  à  120,000  hab.),  de  la  Haute-Garonne  (arr.  de  Castelsarrasin,  plus  de  90,000  hab.), 
de  Lot-et-Garonne  (environ  46,000  hab.),  du  Gers  (en\iron  8-000  hab.)  et  de  l'Aveyron  (cant.  de  Samt-Antonm,  3,000 
à  10,000  hab.). 

(13)  Y  compris  l'arr.  de  Grasse  qui  ne  fait  plus  partie  du  département  depuis  1860. 

(14)  L'accroissement  considérable  qui  s'est  produit  depuis  1801  dans  la  population  du  dép.  de  la  Vendée  paraît 
provenir  en  partie  d'omissions  du  recensement  de  1801  ;  la  Vendée  n'était  pas  encore  pacifiée  à  cette  époque. 

(15)  Formant  86  départements  plus  1  territoire. 

(16)  La  superficie  des  dép.  de  la  Meurthe  et  de  la  Moselle,  du  Bas-Rhin  et  du  Haut-Rhin,  qui  sont  entre  paren- 
thèses, n'est  pas  comprise  dans  ce  total. 

(17)  Cette  superficie  est  celle  qui  est  donnée  dans  V Annuaire  du  Bureau  des  longitudes  (année  1892). 

(18)  Nous  donnons  également  la  superficie  obtenue  sur  la  carte  de  l'état-major  au  80,000e  par  le  Service  géogra- 
phique de  l'armée.  Cette  mesure,  qui  est  de  536,408  kil.  q.,  attribue  une  superficie  un  peu  moindre  au  territoire  de 
Bell'ort  et  à  6  départements,  et  une  superficie  plus  grande  à  80,  surtout  aux  départements  côtiers,  propablement 
parce  qu'une  partie  de  la  laisse  de  mer  a  été  comptée  clans  leur  superficie.  Calculée  avec  ces  données,  la  densité 
générale  de  la  France  serait  de  71  hab.  par  kil.  q.  et  celle  de  plusieurs  départements  diminuerait  un  peu. 


fait  comparables  que  depuis  1846,  à  cause  de  l'imperfec- 
tion des  premiers  recensements,  surtout  de  ceux  de  1801 
et  de  1806). 


NOMBRE 

de 

NOMBRE 

de 

PÉRIODES 

départements 
qui  ont 

PÉRIODES 

départements 
qui  ont 

augmenté 

diminué 

augmenté 

57 

diminué 

1801  à  1806 

81 

4 

1856  à  1861 

29 

1806  à  1821 

66 

19 

1861  à  1866 

58 

31 

1821  à  1831 

85 

1 

1866  à  1872 

14 

73 

1831  à  1836 

84 

2 

1872  à  1876 

67 

20 

1836  à  1841 

73 

13 

1876  à  1881 

53 

34 

1841  à  1846 

81 

5 

1881  à  1886 

58 

29 

1846  à  1851 

64 

22 

1886  à  1891 

32 

55 

1851  à  1856 

32 

54 

Le  tableau  ci-dessus  contient  la  population  par  départe- 
ment au  premier  recensement  (1801),  au  dernier  (1891) 
et  à  une  date  intermédiaire  (1846)  précédant  immédiate- 
ment l'accélération  du  mouvement  de  concentration  vers 
les  grandes  villes,  causée  par  les  chemins  de  fer. 

Ce  tableau  indique  aussi  la  densité  moyenne  par  dépar- 
tement en  1 891 .  Cette  densité  a  été  calculée  d'après  les 
superficies  portées  dans  la  colonne  n°  3  ;  c'est  la  superficie 
la  plus  généralement  adoptée,  celle  que  nous  donnons 
nous-même  dans  Y  Annuaire  du  Bureau  des  longi- 
tudes; elle  repose  sur  les  évaluations  cadastrales,  mais 
elle  est  certainement  inférieure  à  la  réalité.  Dans  la  co- 
lonne n°  4  sont  les  superficies  calculées  par  le  Service 
géographique  de  l'armée;  ces  résultats  sont  encore  pro- 
visoires ;  le  général  Derrecagaix ,  directeur  du  Service, 
prépare  les  résultats  définitifs!  La  colonne  n°  2  contient 
les  superficies  données  en  1892  par  le  ministère  de  l'in- 
térieur dans  le  volume  de  la  Situation  financière  à  la 


FRANCE 


—  4000  — 


suite  d'une  révision  des  superficies  faite  par  les  soins  des 
préfets. 

La  population  peut  être  envisagée  dans  ses  différentes  ma- 
nières d'être  et  dans  ses  divers  groupements.  On  désigne 
depuis  1846  sous  le  nom  de  population  rurale  celle  qui 
habite  des  communes  ayant  moins  de  2,000  hab.  agglomérés 
et  sous  celui  de  population  urbaine  celle  qui  habite  des 
communes  ayant  plus  de  2,000  hab.  agglomérés.  Comme, 
d'une  part,  l'accroissement  général  de  la  population  tend 
à  augmenter  le  nombre  des  communes  ayant  plus  de 
2,000  hab.  agglomérés  et  que,  d'autre  part,  l'émigration 
des  campagnes  vers  les  villes  grossit  le  chiffre  des  popu- 
lations urbaines,  la  proportion  de  la  population  urbaine  à 
été  toujours  en  augmentant  relativement  à  la  population 
rurale,  excepté  au  recensement  qui  a  suivi  la  perte  de 
l' Alsace-Lorraine,  parce  que  cette  contrée  renfermait  une 
forte  proportion  de  population  urbaine  (V.  le  tableau  à  l'art. 
Démographie,  t.  XIV,  p.  72). 

Comme  la  population  rurale  est  en  général  plus  proli- 
fique que  la  population  urbaine,  la  perte  faite  par  la  pre- 
mière est  en  réalité  plus  considérable  qu'elle  ne  le  paraît 
d'après  les  recensements  ;  c'est  ainsi  que,  de  1876  à  1886, 
l'émigration  paraît  avoir  enlevé  à  la  population  rurale 
1,27&,000  hab.  et  l'immigration  avoir  fourni  à  la  popula- 
tion urbaine  1,700,000  hab.  (pour  le  détail  de  cette  ques- 
tion V.  la  Population  française,  liv.  II,  ch.  xm  et  xvii 
et  le  liv.  IV,  ch.  vin,  où  se  trouvent  les  cartes  et  les  tableaux 
indiquant  par  département  les  mouvements  de  migration). 


Quand  on  compare  le  nombre  des  Français  qui  habitent 
le  département  où  ils  sont  nés,  en  1866  et  en  1886,  à  vingt 
ans  de  distance  on  voit  : 


ANNEES 


NES 

dans   le 
département 


33.007.000 
30.881.593 


NES 

hors  du 
département 


1886  (I) 

(1)  Sans  l'armée  comptée  à  part, 


4.404.000 
5.923.000 


ET RANG F RS 


635.500 

1.126.700 


On  émigré  surtout  des  Alpes,  du  Massif  central,  de  la 
plaine  de  la  Loire,  des  Pyrénées,  des  Landes,  de  la  Bre- 
tagne, contrées  tout  agricoles  et  peu  riches.  On  immigre 
surtout  dans  la  région  de  Paris  qui  ne  comprend  pas  moins 
de  cinq  départements,  dans  celle  de  Reims,  de  Rouen  et  du 
Havre,  de  Lyon,  de  Bordeaux,  de  Marseille  et  dans  presque 
toute  la  région  méditerranéenne  :  l'industrie,  le  commerce, 
la  culture  de  la  vigne,  malgré  le  phylloxéra,  ont  accru  la 
richesse  de  ces  régions. 

L'augmentation  de  population  des  grandes  villes  est  la 
conséquence  de  ce  déplacement.  Le  tableau  suivant,  qui 
donne  la  population  urbaine  (comprenant  la  population  mu- 
nicipale agglomérée  et  la  population  comptée  à  part),  fait 
connaître  cette  augmentation  de  1801  à  1891  pour  les  villes 
de  France  ayant  à  cette  dernière  date  plus  de  40,000  hab. 


VILLES 


Paris 

Lyon 

Marseille 

Bordeaux 

Lille 

Toulouse 

Nantes 

Saint-Etienne 

Rouen 

Le  Havre 

Roubaix 

Reims 

Nancy 

Brest 

Amiens 

Angers 

Toulon 

Nîmes 

Limoges 

Rennes 

Nice 


1801 


547.756 
109.500 
111.130 
90.992 
54.756 
50.171 
73.879 
16.259 
87.000 
16.000 
8.000 
20.295 
29.740 
27.000 
40.289 
33.000 
20.500 
38.800 
20.550 
25.904 


1891 


2.447.957 

416.029 

403.749 

252.415 

201.211 

149.791 

122.750 

133.443 

112.352 

116.369 

114.917 

104.186 

87.110 

75.854 

83.654 

72.669 

77.747 

71.623 

72.697 

69.232 

88.273 


VILLES 


Orléans 

Montpellier. . . 

Tours 

Dijon 

Calais 

Le  Mans 

Grenoble 

Versailles 
Besançon..   . 

Troyes 

Saint-Quentin 

Boulogne 

Saint-Denis  .. 

Béziers 

Caen 

Clermont .   . . . 

Lorient 

Bourges 

Tourcoing 

Avignon 


1801 


1891 


36.165 

63.705 

33.913 

69.258 

22.000 

60.335 

21.000 

65.428 

2.600 

56.867 

17.221 

57.412 

23.500 

60.439 

25.000 

51.679 

30.000 

56.055 

23.880 

50.330 

10.458 

47.551 

11.300 

45.205 

4.425 

50.992 

33.913 

45.475 

30.900 

45.201 

24.478 

50.119 

19.922 

42.116 

15.340 

45.352 

12.100 

65.477 

21.412 

43.453 

Plus  les  villes  ont  d'habitants,  plus  en  général  leur 
accroissement  est  rapide.  Ainsi,  pendant  que  de  1801  à 
1886  la  population  de  la  France  augmentait  de  40  °/0, 
la  population  urbaine  des  villes  de  plus  de  20,000  hab. 
augmentait  de  258  °/0  et  celle  de  Paris  de  326  °/0.  Nous 
avons  expliqué  ailleurs  (V.  la  Population  française, 
liv.  II,  ch.  xvii,  les  Agglomérations  urbaines)  à  quelles 
causes  topograpbiques,  économiques  et  politiques  était  dû 
cet  accroissement  et  nous  avons  écrit  :  «  La  situation  des 
grandes  villes  est  donc,  comme  leur  existence,  un  fait  né- 
cessaire ou  du  moins  dépendant  d'un  certain  état  de  la 
nature  et  de  la  civilisation.  Doivent-elles  être  acceptées 
comme  un  mal  nécessaire?  Non,  elles  sont  un  bien,  mais 
un  bien  qui,  comme  beaucoup  de  choses  humaines,  est 
mélangé  de  mal...  Si  l'on  considère  une  nation  comme  un 
organisme  vivant,  on  peut  dire  que  les  campagnes  produi- 
sent plus  d'hommes  qu'elles  n'en  utilisent,  que  les  villes 
absorbent  et  consomment  une  partie  de  l'excédent  et  ren- 
dent à  la  nation  en  échange  une  valeur  considérable  en 
richesse  et  un  complément  de  civilisation...  Le  passé  per- 
met de  présager  l'avenir.  Tant  que  les  conditions  générales 
de  la  vie  sociale  resteront  ce  qu'elles  sont  de  notre  temps, 
les  villes  continueront  à  s'accroître...  » 


La  statistique  désigne  sous  le  nom  de  ménage  une  per- 
sonne ou  un  groupe  de  personnes  occupant  un  logement  ; 
il  y  a  autant  de  ménages  que  de  logements  occupés.  Un 
ménage  peut  ainsi  ne  compter  qu'une  personne  ou  en  com- 
prendre un  certain  nombre,  si  la  famille  vivant  sous  le 
même  toit  a  beaucoup  de  membres  et  beaucoup  de  domes- 
tiques. En  1886,  d'après  le  recensement,  le  nombre  des 
ménages  et  des  logements  occupés  était  de  10,582,251; 
il  y  avait  en  outre  571,965  logements  inoccupés,  sans 
compter  1,194,437  locaux  séparés  qui  servaient  non  d'ha- 
bitation, mais  d'atelier,  de  boutique  ou  de  magasin.  Le 
ministère  des  finances  (direction  générale  des  contribu- 
tions directes)  a  dressé  et  a  publié  en  1890  la  statistique 
des  propriétés  bâties.  Le  nombre  des  propriétés  bâties 
passibles  de  l'impôt  s'est  trouvé  être  de  9,051,542  dont 
8,100,528  occupés  en  totalité  et  813,995  inoccupées  ou 
occupées  partiellement  (8,914,523  maisons,  boutiques  ou 
magasins,  137,019  manufactures  ou  usines).  De  1851-53 
à  1 887-89  le  nombre  de  ces  propriétés  a  augmenté  (pour 
le  même  territoire)  de  1,503,366,  soit  de  21  0/o  ;  l'esti- 
mation de  leur  valeur  vénale  s'est  élevée  de  19,3  mil- 
liards à  48,5;  et  le  revenu  net  de  711  millions  à  2,059 
millions  :  accroissement  de  190  °/0.  Ce  progrès  s'est  pro- 


1001  — 


FRANCE 


duit  principalement  entre  les  années  1860  et  1880  ;  depuis 
1880,  il  y  a  eu  un  recul  dans  la  valeur  des  propriétés 
rurales.  Dans  le  total  du  revenu,  la  Seine  figure  pour 
665  millions;  viennent  ensuite  le  Nord  (94  millions), 
Rhône  (73),  Gironde  (62),  Seine-et-Oise  (61),  Seine- 
Inférieure  (59),  Bouches-du-Rhône  (58);  ensuite  Pas- 
de-Calais,  Marne,  Aisne,  Hérault,  Loire,  dont  le  revenu  est 
supérieur  à  25  millions.  Le  revenu  dans  la  Lozère  et  les 
Hautes-Alpes,  départements  qui  occupent  les  derniers  rangs, 
n'atteint  pas  2  millions. 

D'après  le  recensement  de  1886,  il  y  avait  en  moyenne 
1 00  ménages  par  73  maisons  et  3,6  individus  par  ménage. 
Le  nombre  des  individus  par  ménage  avait  légèrement 
décru  depuis  1 866  parce  qu'il  y  avait  moins  d'enfants  et 
peut-être  aussi  parce  qu'il  y  avait  plus  de  célibataires 
vivant  isolés  dans  les  villes.  Sur  100  ménages  on  en  comp- 
tait 14  d'individus  isolés,  41,3  composés  de  2  à  3  per- 
sonnes, 29,8  de  4  à  5  personnes  et  14,5  de  plus  de  5 
personnes.  C'est  dans  les  départements  où  la  natalité  est  le 
plus  faible,  comme  dans  l'Orne,  et  où  on  immigre  le  plus, 
comme  dans  la  Seine,  que  la  proportion  des  ménages  de 
1  personne  est  le  plus  élevée  (V.  Démographie). 

Les  recensements  distinguent  aussi  les  habitants  d'après 
le  sexe.  Le  nombre  des  femmes  a  toujours  été  trouvé  supé- 
rieur à  celui  des  hommes  ;  mais  la  différence  qui  paraît 
s'être  élevée  à  plus  de  7  %  au  commencement  du  siècle 
et  s'est  longtemps  maintenue  au-dessus  de  3  °/0  à  la  suite 
des  guerres  de  l'Empire  est  aujourd'hui  inférieure  à  1  °/0 
(V.  Démographie). 

Vqjci  le  groupement  de  la  population  (population  de  fait) 
d'après  Vétat  civil  en  1806  et  en  1886  : 


DÉSIGNATION 

1806 

1886 

PAi;ko+,,;«no    i  Sexe  masculin. 

Célibataires,  j  gexe  féminin 

28,95 
28,49 
17,96 
17,97 
2,26 
4,37 

27,46 

25,30 

19,70 

19,74 

2,64 

5,13 

0,03 

Marias     !  Sexe  masculin 

Maries,  j  gexe  féminin 

Veufs 

Divorcés  (nommes  et  femmes) 

100,00 

100,00 

Le  recensement  a  publié  trois  fois  le  groupement  de  la 
population  d'après  le  culte  en  1861,  en  1866  et  en  1872. 
Quoique  ce  renseignement  date  aujourd'hui  de  vingt  ans, 
nous  donnons  pour  1872  la  proportion  sur  10,000  hab.  : 


SUR  10,000  HABITANTS 

1861 

1866 

1872  [ 

9.763 

214 

21 

2 

9.748 

223 

23 

6 

9.802 

160 

14 

6 

Protestants 

Israélites 

Autres  cultes  inconnus 

Le  recensement  indique  la  nationalité  des  habitants. 
Le  nombre  des  étrangers  a  beaucoup  augmenté  depuis  un 
demi-siècle;  il  était  de  380,831  en  1851,  premier  recen- 
sement qui  constate  le  fait;  de  635,49b  en  1866  avant  la 
perte  de  l'Alsace-Lorraine  et  de  1,126,531  en  1886.  Ce 
dernier  nombre  se  rapporte  à  la  population  de  fait.  La  statis- 
tique détaillée  de  cette  population  en  1891  n'a  pas  encore 
été  publiée  par  le  ministère  du  commerce  et  de  l'industrie  ; 
mais  le  ministère  de  l'intérieur  a  fait  connaître  que  dans 
la  population  domiciliée  il  y  avait  1,101,798  étrangers, 
diminution  qui  n'est  qu'apparente  parce  que,  sous  l'in- 
fluence de  la  loi  du  26  juin  1889,  le  nombre  des  étran- 
gers qui  se  sont  fait  naturaliser  ou  des  Français  qui  se 
sont  fait  réintégrer  dans  leurs  droits  a  été  supérieur  aux 
13,416  qui  constituent  la  différence  (V.  Démographie, 
t.  XIV,  p.  73). 


Plusieurs  des  chiffres  de  cette  partie  du  dénombrement 
sont  contestables  ;  aussi  il  est  probable  que  le  nom  de 
Hollandais  et  peut-être  celui  de  Suisse  couvrent  un  certain 
nombre  d'Allemands.  Paris,  qui  offre  plus  qu'aucun  autre 
lieu  des  ressources  au  travail  et  des  occasions  au  plaisir 
est  le  principal  foyer  d'attraction  :  en  1886,  il  renfermait 
214,000  étrangers.  Les  départements  frontières  sont, 
après  Paris,  les  régions  qui  attirent  le  plus  d'étrangers, 
et  ceux-ci  se  fixent  en  général  dans  le  voisinage  de  leur 
pays  :  les  Belges  dans  le  Nord  (le  dép.  du  Nord  avait 
306,000  étrangers  dont  299,000  Belges  en  1886),  les 
Allemands  au  N.-E.  et  dans  les  ports,  les  Suisses  à  l'E., 
les  Italiens  dans  le  bassin  du  Rhône,  les  Espagnols  dans 
la  région  pyrénéenne.  Dans  le  centre  et  dans  l'O.  de  la 
France  il  y  a  très  peu  d'étrangers. 

Le  recensement  a  relevé  quelquefois,  surtout  en  1866, 
les  infirmités,  mais  ce  genre  de  renseignement  ne  méri- 
tant qu'une  confiance  limitée,  nous  ne  le  reproduisons  pas 
ici  (V.  ^Démographie). 

Nous  avons  donné  dans  l'art.  Démographie  la  popula- 
tion par  âge  (t.  XIV,  p.  30)  et  des  renseignements  re- 
latifs aux  professions  (t.  XIV,  p.  74). 

Ce  ne  sont  pas  les  recensements,  mais  c'est  le  recrute- 
ment militaire  qui  permet  de  connaître  la  taille  des  jeunes 
gens  à  l'âge  de  vingt  ans  accomplis.  La  taille  moyenne  du 
contingent  en  France  a  été  lm656  de  1832  à  1841  ;  de 
lm654  de  1857  à  1866,  de  lm648  de  1873  à  1883. 
Mais  ces  quantités,  comme  nous  l'avons  expliqué  (V.  la  Po- 
pulation française,  livre  II,  ch.  v,  la  Taille  et  la  race), 
ne  sont  pas  comparables,  parce  que,  les  conditions  du  re- 
crutement et  les  catégories  de  jeunes  gens  examinés  n'étaient 
pas  les  mêmes  :  on  ne  saurait  en  induire  que  la  taille  ait 
diminué  en  France.  Si  lm65  est  à  peu  près  la  taille 
moyenne  des  conscrits,  on  est  autorisé  à  dire  que  la  taille 
moyenne  des  hommes  est  un  peu  plus  élevée,  puisque  beau- 
coup n'ont  pas  encore  atteint  à  vingt  ans  leur  plein  déve- 
loppement. Le  travail  prématuré  dans  les  ateliers  et  la 
misère  sont  en  général  peu  favorables  au  développement  du 
corps  :  ainsi  la  taille  des  conscrits  est  généralement  moindre 
dans  les  arrondissements  populeux  de  Paris  que  dans  les 
arrondissements  riches.  La  taille  moyenne  varie  sensible- 
ment d'une  région  de  la  France  à  l'autre.  La  région  du 
Nord-Est  comprenant  les  dép.  du,  Doubs,  du  Jura,  de  la 
Haute-Saône,  de  la  Côte-d'Or,  de  la  Haute-Marne,  de 
l'Aube,  des  Ardennes,  des  Vosges,  de  l'Yonne,  de  l'Ain,  et, 
d'autre  part,  le  dép.  du  Nord,  occupent  les  premiers  rangs 
avec  une  moyenne  de  lm668  à  lm658.  Au  contraire,  en 
Bretagne,  dans  le  Maine,  l'Anjou,  sur  le  Massif  central, 
dans  une  partie  delà  région  pyrénéenne,  dans  les  Hautes- 
Alpes,  en  Corse,  la  moyenne  est  au-dessous  de  lm635. 
Ces  différences  tiennent  à  la  race  :  race  d'origine  germa- 
nique au  Nord-Est,  race  celtique  ou  race  ibérique  dans 
l'Ouest,  le  Centre  et  le  Sud. 

La  population  est  répartie  inégalement  sur  la  surface 
du  territoire.  Le  tableau  de  la  population  par  département 
(V.  plus  haut)  fait  connaître  la  densité  par  département 
en  1891,  et  le  tableau  des  recensements  (V.  Démographie, 
complété  par  le  présent  article)  indique  les  variations  de 
la  densité  moyenne  de  la  France  entière  depuis  1804 .  Nous 
avons  énuméré  (V.  Démographie)  les  causes  principales  de 
la  densité.  Il  y  a  une  trentaine  de  départements  qui  sont 
au-dessus  de  la  densité  moyenne  de  72,3.  Les  premiers 
rangs  appartiennent  aux  dép.  de  la  Seine  (6,559),  Nord 
(305),  Seine-Inférieure,  Pas-de-Calais,  Gironde, Rhône, 
Finistère,  Côtes-du-Nord,  Loire-Inférieure,  Saône- 
et-Loire,  I Ile-et-Vilaine,  qui  ont  plus  de  600,000  hab.  ; 
c'est  donc  dans  la  région  du  nord  où  se  trouvent  à  la  fois 
une  agriculture  très  productive  et  une  industrie  active, 
dans  la  Bretagne  où  il  y  a  beaucoup  de  marins  et  de  pê- 
cheurs, dans  les  grandes  vallées,  surtout  dans  la  vallée  du 
Rhône  avec  le  dép.  de  la  Loire  où  il  y  a  de  bonnes  terres  et 
des  facilités  pour  le  commerce,  enfin  près  des  houillères  où 
les  usines  s'établissent,  que  la  population  est  le  plus  dense. 


FRANCE 


4  002  — 


C'est  dans  les  régions  montagneuses,  Alpes,  Massif  cen- 
tral, plateau  de  Langres,  dans  les  régions  de  landes  et 
de  forêts  qu'elle  est  le  moins  dense,  parce  que  la  terre  étant 
moins  fertile  occupe  peu  de  bras  et  nourrit  peu  d'hommes. 
La  densité  en  France  varie  beaucoup  non  seulement  d'un 
département  à  l'autre,  mais  dans  l'intérieur  d'un  même 
département,  et,  à  densité  égale,  le  groupement  des  habi- 
tants par  commune  varie  beaucoup  suivant  les  circonstances 
politiques  ou  économiques.  Par  exemple,  dans  les  régions 
suffisamment  humides  où  les  habitants  se  procurent  faci- 
lement, en  maint  endroit,  de  l'eau  par  les  rivières  ou  les 
puits,  les  villages  ou  hameaux  peuvent  être  très  nombreux  ; 
dans  les  régions  au  contraire  où  l'eau  est  rare,  comme  la 
plaine  crayeuse  de  Champagne,  il  n'y  a  qu'un  petit  nombre 
de  lieux  habitables,  quoiqu'il  y  ait  peut-être  de  vastes 
étendues  propres  au  pâturage  ou  même  au  labourage  ;  la 
population  se  presse  sur  ces  points  et  les  communes  ont 
d'ordinaire  en  dehors  du  groupe  de  maisons  agglomérées 
une  vaste  superficie  qui  reste  sans  habitants.  Nous  a^vons 
dressé,  à  titre  d'exemple  des  deux  extrêmes  (dans  la  Po- 
pulation française),  la  carte  de  l'arr.  d'Àrras  et  celle  de 
l'air.  d'Arles.  Quand  on  examine  la  distribution  des  petites 
et  des  grandes  communes  sur  la  carte  de  France,  on  est 
porté  à  penser  que  la  politique  n'a  pas  été  non  plus  tout  à 
fait  étrangère  au  mode  de  groupement.  C'est  ainsi  que  la 
population  est  à  la  fois  très  éparse  et  très  nombreuse  dans 
la  Bretagne,  très  éparse  dans  le  Massif  central,  contrées 
qui  sont  humides  —  condition  physique  —  mais  qui  aussi 
sont  depuis  bien  des  siècles  à  l'abri  des  invasions  —  con- 
dition  politique  —  tandis  qu'elles  sont  beaucoup  plus 
agglomérées  dans  l'Est  où  les  guerres  et  les  invasions  ont 
été  fréquentes.  Ce  sont  les  petites  communes  qui  forment 
les  catégories  les  plus  nombreuses  (47,590  au-dessous  de 
500  hab.  en  1891  sur  un  total  de  36,144  ;   10,169  de 
504  à  1,000  hab.,  7,574  de  1,001  à  10,000  et  811  au- 
dessus  de  10,000).  Le  nombre  des  petites  communes  de 
moins  de  300  hab.  a  augmenté  par  suite  surtout  de  l'émi- 
gration qui  a  fait  tomber  dans  cette  catégorie  des  communes 
ayant  auparavant  plus  de  300  hab.  ;  celui  des  communes 
moyennes  de  300  à  3,000  hab.  a  diminué  par  l'effet  de 
cette  même  émigration  ;  le  nombre  des  communes  de  plus 
de  5,000  hab.  a  augmenté  par  suite  de  l'immigration.  En 
France  il  y  a  beaucoup  trop  de  petites  communes ,  ce  qui 
est  un  inconvénient  pour  la  bonne  administration.  Il  y  avait, 
en  1886,  59  communes  qui  n'avaient  que  50  à  31  hab.  et 
9  communes  qui  en  avaient  de  30  à  12.  Celle  de  12  hab., 
Morteau,  est  située  dans  une  clairière  d'une  forêt  de  la 
Haute-Marne  ;  elle  ne  comprenait  que  deux  maisons  et  deux 
familles. 

Le  dép.  de  Seine-et-Oise  peut  être  pris  comme  exemple 
des  différences  de  densité  qui  se  rencontrent  dans  des  cam- 
pagnes voisines.  Ainsi  à  côté  de  Versailles,  dont  la  densité 
est  de  2,000  hab.  par  kii.  q.,  la  corn,  de  Velizy,  si- 
tuée sur  le  plateau,  n'a  que  30  hab.  par  kil.  q.,  tandis  que 
non  loin  de  là  le  cant.  de  Sèvres  en  compte  800  en 
moyenne.  De  l'autre  côté  du  département,  la  densité  de  la 
corn,  de  Valpuiseaux  (cant.  de  Milly)  est  de  20  hab.  par 
kil.  q.  Quand  on  rapproche  la  carte  physique  de  France  de 
la  carte  de  la  densité  par  commune  dressée  par  M.  Tur- 
quan,  on  voit  que  la  répartition  de  la  densité  rappelle  les 
traits  caractéristiques  de  la  géographie  physique.  Les  ré- 
gions les  plus  pauvres  en  population,  c.-à-d.  celles  qui  ont 
moins  de  30  hab.  par  kil.  q.,  sont  la  Beauce  et  le  pays 
chartrain ,  plaines  de  grande  culture,  la  Champagne,  les 
collines  de  Lorraine  et  le  plateau  de  Langres,  pays  pauvre 
et  boisé,  la  Sologne  etlaBrenne,  le  Marais  vendéen,  mau- 
vaises terres  semées  de  marécages,  une  partie  du  Jura,  la 
plus  grande  partie  des  Alpes,  les  Causses,  les  monts  d'Au- 
brac  et  les  monts  d'Auvergne  clans  le  Massif  central,  les 
portions  les  plus  hautes  des  Pyrénées,  les  Landes,  etc. 

Au  contraire,  la  population  apparaît  très  dense  dans  tout 
le  dép.  de  la  Seine,  et  cette  densité  s'étend  sur  les  dé- 
partements voisins,  surtout  dans  les  vallées  formant  comme 


les  rayons  d'une  étoile  dont  Paris  serait  le  centre,  ou  par 
des  petits  groupes  isolés  qui  semblent  graviter  autour  du 
foyer  central.  Rouen  et  Le  Havre  sont  aussi  des  centres 
de  condensation  qui  peuvent  être  comparés  à  des  planètes 
entourées  de  satellites  ou  de  matière  cosmique.  Le  dép.  du 
Nord  presque  tout  entier  forme  une  masse  imposante  de 
population  dense  ;  son  bassin  houiller  est  une  des  causes 
de  cette  agglomération  qui  était  déjà  considérable  avant 
l'emploi  du  charbon  de  terre.  C'est  aussi  la  houille  qui 
groupe  les  habitants  dans  le  bassin  de  la  Loire,  dans  celui 
d'Alais,  etc.  L'influence  des  côtes  propres  à  la  pêche  ou  à 
la  navigation  est  accusée  par  la  densité  de  certaines  zones 
de  la  Basse-Normandie,  du  Cotentin  et  de  la  Bretagne, 
par  celle  des  îles  de  l'Atlantique,  de  quelques  parties  de 
la  Provence.  L'influence  des  vallées  apparaît  plus  rigou- 
reusement exprimée  sur  la  carte  de  la  densité  qu'aucun 
autre  trait  de  la  géographie  physique  ;  elle  se  manifeste 
par  les  bandes  continues  de  population  ou  par  les  groupes 
disposés  en  chapelet  le  long  de  la  Loire  jusqu'à  Roanne  et 
dans  le  Forez,  dans  la  Limagne,  sur  les  bords  de  la  Vi- 
laine, de  la  Rance,  du  Couesnon  et  de  la  Sélune,  de  la 
Charente,  de. la  Garonne  et  de  ses  principaux  affluents 
(Dordogne,  Isle,  Lot,  Tarn,  Aveyron),  du  Fresquel  et  de 
l'Aude,  plus  encore  sur  les  bords  de  la  Saône  et  du  Rhône 
et  quelque  peu  même  dans  les  vallées  de  ses  affluents  al- 
pestres. Enfin,  l'influence  du  pied  des  montagnes  est  carac- 
térisée par  les  bandes  de  population  dense  qui  se  trouvent 
au  pied  du  Jura  et  tout  le  long  des  Pyrénées  ;  cette  der- 
nière est  comme  frangée  de  populations  denses  qui  pé- 
nètrent dans  les  vallées  de  la  chaîne.  » 

Mouvement  de  la  population.  —  Nous  avons  fait  con- 
naître à  l'art.  Démographie  (t.  XIV,  pp.  75,  76  et  77)  le 
nombre  des  naissances,  mariages  et  décès  pour  la  France 
entière.  Le  tableau  suivant  résume,  par  période  décennale, 
le  rapport  de  ces  naissances,  mariages  et  décès  à  1 ,000  hab., 
c.-à-d.  la  natalité,  la  nuptialité  et  la  mortalité. 


PERIODES 


1801-1810 
1811-1820 
1821-1830 
1831-1840 
1841-1850, 
1851-1860. 
1861-1870 
1871-1880 
1881-1890 


NOMBRE   PAR  1,000   HABITANTS   DES 

Naissances     Mariages         Décès 


32,2 
31,6 
30,8 
29,0 
27,4 
26,3 
26,3 
25,4 
23,8 


7,6 
7,9 
7,8 
8,0 
8,0 
7,9 
7,8 
8,0 
7,3 


28,2 
25,9 
25,0 
25,0 
23,3 
23,9 
23,6 
23,6 
22,1 


La  natalité  a  beaucoup  diminué  depuis  le  commencement 
du  siècle  dans  presque  tous  les  départements  ;  c'est  dans  une 
partie  de  la  Champagne  et  de  la  Bourgogne ,  dans  presque 
toute  la  Normandie,  dans  le  Maine,  l'Anjou,  la  Touraine, 
la  vallée  de  la  Garonne,  qu'elle  est  le  plus  bas.  La  nuptia- 
lité, qui  a  moins  varié  que  la  natalité,  est  aussi  depuis  1880 
en  décroissance,  phénomène  qui  est  dû  en  partie  aux  vides 
qu'ont  fait  les  événements  de  1870-1871  dans  les  jeunes 
générations  et  en  partie  aussi  probablement  à  l'état  éco- 
nomique et  moral  de  la  population  :  une  diminution  du  même 
genre  s'est  produit  dans  la  plupart  des  Etats  de  l'Europe.  La 
mortalité  a  diminué,  moins  cependant  que  la  natalité,  et  les 
deux  termes  (natalité  et  mortalité)  en  se  rapprochant  ont 
laissé  un  moindre  excédent  annuel  pour  l'accroissement  de  la 
population.  Cinq  fois  jusqu'ici  depuis  le  commencement  du 
siècle,  en  1854  et  1855,  pendant  la  guerre  de  Crimée  et  le 
choléra,  en  1870  et  1871,  pendant  la  guerre  franco-alle- 
mande, en  1890  et  1891 ,  à  cause  de  l'influenza  et  de  l'abais- 
sement de  la  natalité,  le  nombre  des  décès  de  l'année  a 
dépassé  celui  des  naissances.  Le  rapport  du  nombre  des 
naissances  à  celui  des  mariages  de  l'année  a  été  régulière- 
ment en  baisse  d'une  période  décennale  à  l'autre  (V.  Démo- 


4003  — 


FRANGE 


graphie,  t.  XIV,  p.  78),  et  l'excédent  moyen  annuel  des 
naissances  sur  les  décès  a  baissé  aussi,  comme  le  montre 
le  tableau  suivant  : 


PÉRIODES 

EXCÉDENT    MOYEN 

annuel  du  total 
des     naissances 

sur   le 
total    des   décès. 

ACCROISSEMENT 

du  nombre  annuel 
de  la  population 

résultant 
de  cet  excédent 

par  1,000  habitants. 

1801-1810 

121.800 

169.300 

183.300 

138.700 

145.000 

86.800 

101.700 

63.500 

66.982 

4,2 
5,7 
5,8 
4,2 
4,1 
2,4 
2,7 
1,7 
1,75 

1811-1820..... 

1821-1830 

1831-1840 

1841-1850 

1851-1860 

1  1861-1870 

1  1871-1880 

8   1881-1890 

Le  taux  d'accroissement  marqué  dans  la  dernière  colonne 
de  ce  tableau  est  inférieur  à  celui  qui  résulte  de  la  compa- 
raison des  recensements,  parce  que  l'immigration  n'est  pas 
comprise  dans  le  premier  et  l'est  dans  le  second.  Quand  on 


fait  la  balance  des  naissances  et  des  décès  de  1801  à  4  886 
pour  chaque  département,  afin  d'en  apprécier  la  fécondité 
pendant  la  durée  du  siècle,  on  trouvé  qu'il  y  en  a  quatre, 
Calvados,  Eure,  Tarn-et-Garonne,  Var,  où  la  somme  des 
décès  est  supérieure  à  celle  des  naissances,  qu'il  y  en  a 
quatorze,  Oise,  Manche,  Orne,  Eure-et-Loir,  Yonne, 
Gôte-d'Or,  Indre-et-Loire,  Charente,  Charente-Inférieure, 
Gironde,  Lot,  Ain,  Basses-Alpes,  Bouches-du-Rhône,  où 
l'excédent  des  naissances  ne  dépasse  pas  2  °/0  ;  qu'au 
contraire  il  y  en  a  sept,  Nord,  Aube,  Allier,  Vendée,  Rhône, 
Pyrénées-Orientales,  Corse,  où  il  dépasse  7  °/0  et  que,  dans 
une  partie  de  la  Bretagne,  de  la  région  pyrénéenne  et  dans 
presque  tout  le  Massif  central,  il  atteint  au  moins  5  °/0. 

Etat  moral  et  matériel.  —  Il  faudrait  un  volume 
entier  pour  décrire  l'état  matériel  et  moral  de  la  popu- 
lation française.  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  quelques 
points  relatifs  à  la  prévoyance  (caisses  d'épargne,  sociétés 
de  secours  mutuels,  caisse  des  retraites)  au  taux  des 
salaires  £  à  l'assistance  publique  et  à  l'évaluation  de  la 
fortune  en  France  (V.  pour  plus  de  détails  les  articles  spé- 
ciaux consacrés  à  ces  matières). 

Voici  le  mouvement  des  caisses  d'épargne  (caisses 
d'épargne  privées  et  caisse  nationale  d'épargne)  dite  caisse 
postale,  depuis  4885  : 


ETAT   DES   CAISSES   D'EPARGNE   AU   31    DÉCEMBRE 


ANNEES 


1835 
1840 
1845 
1850 
1855 
1860 
1865, 
1869, 
1875. 
1880. 
1885, 

1890, 


NOMBRE 

de 

caisses 

d'épargne 

privées. 


159 
290 
356 
365 
386 
444 
497 
525 
515 
536 
544 

544 


NOMBRE 

de 

succursales 

des  caisses 

privées. 


55 
140 

160 
200 
171 
205 
475 
648 
712 
869 
934 

1,055 


CAISSE 

nationale 
d'épargne 
(postale) 


fondée  en 

1882 
1 

6.930 
bureaux 


LIVRETS 

SOMMES  DUES 

(par    m 

1 1  i  e  r  s  ) 

(intérêts  compris) 

TOTAL 

aux 

des  caisses 

de  la  caisse 

déposants 

privées. 

postale. 

(millions   de    francs) . 

121,5 

» 

121,5 

62,2 

351,3 

» 

351,3 

192,4 

684,2 

» 

684,2 

393,5 

566,0 

» 

566,0 

134,9 

893,8 

» 

893,8 

272,2 

1.218,1 

» 

1.218,1 

377,3 

1.644,7 

» 

1.644,7 

493,3 

2.130,8 

» 

2.130,8 

711,2 

2.365,6 

» 

2.365,6 

660,4 

3.841,1 

» 

3.841,1 

1.280.2 

4.937,6 

692,6 

5.630,2 

2.365,5 

5.761,4 

1.504,6 

7.266,0 

3.325,1 

Les  caisses  d'épargne  privées  reçoivent  de  leurs  fonds 
déposés  à  la  caisse  des  dépôts  et  consignations  4  °/0  en 
vertu  de  la  loi  du  7  mai  1853  et  donnent  elles-mêmes  à 
leurs  déposants  un  intérêt  qui  varie  de  3,75  à  3,50  %.  La 
caisse  d'épargne  postale,  qui  reçoit  3,25  en  vertu  de  la  loi 
de  1881,  donne  à  ses  déposants  3  °/0.  L'intérêt  de  3  1/2 
et  même  de  3  étant  supérieur  à  celui  que  les  banques  don- 
nent aujourd'hui  pour  l'argent  déposé  en  compte  courant, 
des  petits  capitalistes  ont  pris  l'habitude  de  se  servir  des 
caisses  comme  de  banques  d'où  ils  peuvent  retirer  l'argent 
à  volonté,  et  où,  sous  le  nom  de  leurs  enfants,  ils  peuvent 
déposer  plusieurs  sommes  de  2,000  fr.  qui  est  le  maximum 
légal  du  dépôt  portant  l'intérêt  fixé  :  c'est  surtout  pour  cette 
raison  que,  depuis  1868,  la  catégorie  des  chefs  d'établisse- 
ments, rentiers,  etc.,  et  celle  des  mineurs  ont  augmenté  et 
que  la  somme  totale  des  dépôts  s'est  si  rapidement  accrue. 
Quoique  la  loi  du  27  févr.  1887  ait  limité  à  100  millions  la 
somme  que  l'Etat  pouvait  absorber  dans  la  dette  flottante  et 
que  la  clause  de  sauvegarde  introduite  dans  la  loi  de  1 881 
donne  quelque  délai,  le  crédit  de  l'Etat  serait  en  péril  si 
une  crise  violente  amenait  tout  à  coup  une  très  forte  de- 
mande de  remboursements,  et  d'ailleurs  les  caisses  d'épargne 
sont  instituées  pour  faciliter  la  prévoyance  des  petites 
bourses  et  non  pour  payer  aux  capitalistes  un  intérêt  su- 
périeur à  celui  du  marché. 

Les  départements  dans  lesquels  le  montant  du  solde  dû 
aux  déposants  le  30  cléc.  1890  était  le  plus  fort  sont  : 
Seine  (M9  millions),  Nord  (123),  Rhône  (105),  Seine- 
Inférieure  (94),  Loiret  (80),  Gironde  (78),  Marne  (72) 


Les  544  caisses  d'épargne  privées,  outre  leurs  1 ,055  suc- 
cursales, s'étaient  assuré  le  concours  de  410  percepteurs, 
soit  en  tout  2,009  bureaux  ouverts.  Les  dix  départements 
qui  en  possédaient  le  plus  en  1890  étaient  :  Sarthe 
(80  bureaux),  Nord  (71),  Marne  (67),  Aisne  (65), 
Loiret  (60),  Seine-et-Marne  (58),  Yonne  (58),  Seine- 
et-Oise  (56),  Seine-Inférieure  (52),  Somme  (51)  ;  ceux 
qui  en  possédaient  le  moins  étaient  :  Vaucluse,  Isère, 
Drôme,  Pas-de-Calais ,  Ain,  Eure,  Maine-et-Loire, 
Vendée  qui  en  avaient  de  25  à  21  ;  Hautes-Pyrénées  et 
Corse  qui  en  avaient  chacun  2.  La  poste  met  en  outre  envi- 
ron 6,930  bureaux  à  la  disposition  des  déposants.  Les 
3  milliards  1/2  confiés  aux  caisses  proviennent  en  grande 
partie  de  l'épargne  populaire.  Sur  1 00  livrets  nouveaux  déli- 
vrés par  les  caisses  privées,  voici  la  répartition  par  profession  : 

1890  1868 

Journaliers  et  ouvriers  agricoles.  10,22  (  oq  8A 

Ouvriers  d'industrie 15,88  (  ôl>m 

Domestiques 10,82  15,41 

Militaires  et  marins = 1,55  3,11 

Employés 4,70  4,36 

Professions  libérales 1,84  } 

Chefs  d'établissements 10,51  /  <™  7fi 

Propriétaires,  rentiers,  personnes               (  ^o,/o 

sans  profession 16,33  j 

Mineurs  sans  profession 27,96  18,42 

Sociétés  et  associations 0,19  0,14 

100,00     100,00 


FRANCE 


—  1004  — 


Yonne  (70),  Oise  (69),  Seine-et-Marne  ;  et  les  dix  villes 
qui  tenaient  sous  ce  rapport  les  premiers  rangs  étaient  Paris 
(149  millions),  Lyon  (66),  Marseille  (58),  Bordeaux 
(56),  Saint-Etienne  (37)',  tfr/eVms  (34),  Nancy  (31), 
Amiens  (29),  Brd  (28),  Le  lltas  (27). 

Les  sociétés  de  secours  mutuels  ont  pris  en  France  un 
notable  développement  depuis  l'année  1852.  Les  sociétés 
sont  les  unes  approuvées  et  jouissent  à  ce  titre  de  certains 
avantages,  les  autres  autorisées,  quelques-unes  reconnues 
d'utilité  publique. 


a> 

NOMBRI 

TOTAL 

"  w 

-- — . ^-^ 



Capital 

-\A 

de    réserve 

fc 
£ 

des   sociétés 

des  membres 

et  fonds 

< 

participants 

de  retraite. 

par  milliers 

millions  de  fr. 

1852.. 

2.438 

271,1 

10,7 

1860.. 

4.327 

494,7 

24,4 

1869.. 

6.139 

794,5 

55,1 

1872.. 

5.793 

691,2 

58,0 

1880.. 

6.777 

917,0 

94,6 

1888.. 

8.689 

1.143,0 

150,0 

Les  départements  qui  comptaient  le  plus  de  membres 
participants  en  1888  étaient  :  Seine  (199,867),  Rhône 
(67,029),  Bouches-du-RhÔne  (61,955),  Nord  (59,780), 
Gironde  (48,697),  Isère  (29,395),  Saône-et-Loire 
(25,337),  Seine-Inférieure  (25,104),  Haute-Garonne 
(23,471),  Seine-et-Oise  (20,104).  Le  nombre  en 
était  au  contraire  très  restreint  dans  les  départements 
agricoles  et  pauvres  de  la  Lozère,  de  la  Creuse,  des  Côtes- 
du-Nord,  de  la  Haute-Loire,  de  la  Corse,  de  la  Corrèze, 
des  Basses-Alpes  et  des  Hautes- Alpes,  où  il  n'atteignait 
pas  2,000. 

La  caisse  nationale  des  retraites  pour  la  vieillesse, 
créée  par  la  loi  du  18  juin  1850  et  administrée  parla 
caisse  des  dépôts  et  consignations,  est  destinée  à  procurer, 
moyennant  des  versements  dont  le  tarit"  est  déterminé  et  à 
partir  de  l'âge  de  cinquante  à  soixante-cinq  ans,  des  pen- 
sions dont  le  maximum  ne  peut  dépasser  1,200  fr.  (depuis 
la  loi  du  20  juil.  1886).  Les  rentes  à  capital  aliéné  ou  à 
capital  réservé  sont  calculées  depuis  1888  sur  le  taux  d'in- 
térêt de  4  °/0.  Voici  les  résultats  depuis  la  création  de  la 
caisse  : 


VERSEMENTS 

PENSION? 

SERVIES 

ri       m  ® 

' 

«2 

^—~~~        -- 

>W 

O      a  _ 

«     -S 

£ 

Nombre  t 

des 
verseme 
de    T  a  n  r 

Sommes 

u          o3 
,0    m   g 

Total 

< 

versées 

Nom 

de 

pension 

des  rentes 

milliers  de  fr. 

milliers  de  fr. 

1851. 

6.459 

1.212,4 

» 

» 

1860. 

108.395 

.4.475,9 

9.991 

2.755,3 

1869. 

331.011 

11.021,2 

24.944 

5.589,8 

1872. 

327.188 

8.811,9 

29.388 

6.453,9 

1880. 

536.093 

59.311,5 

89.063 

13.866,3 

1890. 



784.578 

30.052,7 

173.388 

31.722,7 

Les  dix  départements  où  les  recettes  de  la  caisse  ont  été 
les  plus  fortes  en  1890  sont  :  Marne,  Meuse,  Aisne, 
Nord,  Rhône,  Aube,  Bouches-du-Rhône,  Meurthe-et- 
Moselle,  Saône-et-Loire,  Oise. 

Relativement  au  salaire,  nous  citerons  seulement  ces 
lignes  d'un  chapitre  de  la  Population  française  (t.  III, 
p.  97)  :  «  Le  doublement  du  salaire  en  France  depuis  une 
soixantaine  d'années  est  une  moyenne  qui  résulte  des  chiffres 
que  nous  avons  recueillis  ;  nous  la  croyons  à  peu  près  exacte. 
Comme  la  plupart  des  moyennes,  elle  peut  être  contestée; 
Il  est  facile  de  lui  opposer  des  cas  particuliers  qui  soient 
en  désaccord  avec  elle...  L'écart  des  extrêmes  n'infirme 


pas  la  valeur  d'une  moyenne  quand  elle  est  fondée  sur  la 
majorité  des  cas.  » 

La  statistique  de  Y  assistance  publique  est  trop  impar- 
faite pour  fournir  une  mesure  de  l'intensité  du  paupérisme 
par  le  rapport  du  nombre  des  personnes  secourues  au 
nombre  total  des  habitants  ;  car  ce  rapport  dépend  moins 
des  besoins  de  ceux  qui  reçoivent  que  de  la  libéralité  de 
ceux  qui  donnent;  l'augmentation  des  secours  distribués 
a  souvent  pour  conséquence  l'augmentation  des  demandes 
de  secours.  D'ailleurs,  c'est  d'ordinaire  dans  les  grandes  ag- 
glomérations urbaines  qu'il  y  a  àlafoisle  plus  derichesse  pour 
soulager  la  misère  et  la  plus  grande  affluence  de  malheu- 
reux. Le  progrès  de  la  richesse  n'a  pas  aggravé  le  paupé- 
risme en  France,  quoiqu'il  ait  contribué  parfois  soit  à  le 
faire  connaître  par  les  recherches  de  la  bienfaisance,  soit  à 
le  rendre  plus  manifeste  et  plus  intolérable  par  le  con- 
traste. La  bienfaisance  publique  disposait  en  France  de 
61  millions  de  fr.  (51  pour  les  établissements  hospitaliers, 
10  pour  les  bureaux  de  bienfaisance)  en  1833  et  de  170 
(118  1/2  pour  les  établissements  hospitaliers  et  51  1/2 
pour  les  bureaux  de  bienfaisance)  en  1887  :  accroissement 
de  278  °/0  (dans  le  même  temps,  la  population  française 
n'a  augmenté  que  de  15,5  °/0).  Le  progrès  de  la  richesse 
n'a  pas  aggravé  le  paupérisme  ;  il  a  augmenté  le  budget 
de  l'assistance  (V.  livre  IV,  ch.  iv,  le  Paupérisme  et  V as- 
sistance, dans  le  troisième  volume  de  la  Population  fran- 
çaise). D'après  Y  Annuaire  statistique  de  la  France, le 
nombre  total  des  malades  ayant  passé  par  les  établisse- 
ments hospitaliers  en  1888  aurait  été  de  485,000,  et  ce 
nombre  aurait  dépassé  10,000  dans  les  dép.  de  la  Seine 
(135,000),  du  Rhône,  du  Nord,  de  la  Seine-Inférieure,  de 
la  Gironde  ;  celai  des  infirmes,  vieillards  et  incurables  qui 
ont  été  les  hôtes  des  hospices  aurait  été  de  76,000  ;  celui 
des  enfants  assistés  dans  les  établissements  aurait  été  de 
75,000  sans  compter  44, 000  enfants  secourus  à  domicile  ; 
celui  des  aliénés  internés  au  1er  janv.  ou  admis  dans 
le  cours  de  l'année,  de  70,000  ;  le  nombre  des  personnes 
secourues  par  les  bureaux  de  bienfaisance,  en  1888,  aurait 
été  de  1,647,000  (206,000  pour  la  Seine,  257,000  pour 
le  Nord,  102,000  pour  le  Pas-de-Calais,  etc.);  mais  cette 
statistique  est  trop  imparfaite  pour  donner  une  mesure 
certaine  de  l'assistance  et  du  paupérisme. 

La  statistique  est  impuissante  à  calculer  avec  précision  la 
fortune  d'un  peuple.  Mais  elle  peut  fournir,  parles  relevés 
de  la  production  agricole  et  industrielle,  du  commerce  exté- 
rieur, du  rendement  de  certains  impôts,  etc.,  des  indices 
qui  permettent  de  juger  de  l'accroissement  ou  de  la  dimi- 
nution dé  cette  fortune.  Quelque  imparfaites  que  soient  ces 
évaluations,  la  constance  de  la  progression  dans  la  suite 
des  années  montre  avec  évidence  qu'il  y  a  eu  un  progrès 
considérable. 

La  somme  de  tous  les  revenus  particuliers  était  évaluée 
à  moins  de  4  milliards  et  demi  en  1790  ;  elle  l'est  aujour- 
d'hui, comme  estimation  moyenne,  à  25  milliards  ;  l'accrois- 
sement a  été  considérable  sans  aucun  doute,  quoique  les 
évaluations  de  1790  et  de  1887,  ne  comprenant  pas  préci- 
sément les  mêmes  revenus  et  étant  en  partie  hypothétiques, 
ne  pussent  pas  être  prises  comme  mesure  de  progrès.  En 
calculant  aujourd'hui  sur  un  revenu  de  20  milliards  seule- 
ment (dans  la  crainte  d'exagérer),  on  trouve  environ  7  mil- 
liards pour  les  salaires  et  appointements,  près  de  5  milliards 
pour  la  rente  des  propriétaires  (2,645  millions  pour  la  pro- 
priété agricole  et  2,200  millions  pour  le  revenu  brut  de  la 
propriété  bâtie)  ;  2  à  3  milliards  au  moins  (chiffre  qui  est 
peut-être  au-dessous  de  la  réalité)  pour  le  revenu  net  agricole 
résultant  de  l'exploitation  par  les  cultivateurs,  propriétaires 
ou  non  ;  5  à  6  milliards  pour  les  profits  industriels  et  com- 
merciaux (mines,  industries,  banques,  transports,  com- 
merce, etc.),  comprenant  l'intérêt  des  capitaux  engagés  et 
le  profit  des  entrepreneurs. 

MM.  Neymarck  et  Coste,  en  1888,  ont  estimé,  d'après 
l'impôt  sur  les  valeurs  mobilières,  l'un  à  80,  l'autre  à 
70  milliards  (24  pour  les  rentes  françaises,  3  pour  les 


—  1005 


FRANCE 


titres  sur  les  départements  et  les  communes,  31  pour  les 
actions  et  obligations  françaises,  5  pour  les  actions  et  obli- 
gations étrangères,  7  pour  les  rentes  étrangères),  la  valeur 
des  titres  mobiliers  ;  cette  même  valeur  avait  été  estimée  par 
M.  Wolowski  à  55  milliards  en  4871- :  c'est  un  indice  de  la 
puissance  de  l'épargne  française  pendant  cette  période. 

En  estimant  approximativement  la  fortune  actuelle  de  la 
France  à  une  valeur  totale  de  200  à  240  milliards  de  fr., 
dont  110  à  140  pour  la  fortune  immobilière  et  80  à  100 
pour  la  fortune  mobilière,  il  nous  semble  qu'on  est  à  peu 
près  dans  les  limites  de  la  réalité. 

Un  des  procédés  statistiques  les  moins  imparfaits  d'éva- 
luation de  la  fortune  de  la  France  consiste  à  calculer  cette 
fortune  d'après  le  montant  des  taxes  payées  chaque  année 
pour  les  successions  et  donations  entre  vifs.  Tous  les  biens 
en  effet  qui  ne  sont  pas  de  mainmorte  se  transmettent  né- 
cessairement d'une  génération  à  l'autre  et,*  si  l'on  suppose 
qu'une  génération  dure  environ  trente-cinq  ans,  c'est,  en 
moyenne,  la  35e  partie  de  la  fortune  qui  change  de  main 
chaque  année.  Ce  procédé  a  été  employé  par  MM.  Block, 
de  Foville,  Vacher.  Or,  de  1881  à  1885,  la  valeur  moyenne 
annuelle  des  successions  a  été  de  6,200  millions  defr.qui, 
multipliés  par  35,  font  247  milliards,  dont  52  %  étaient 
en  immeubles  et  48  °/0  en  biens  mobiliers.  Si  la  fortune 
privée  des  Français  est  réellement  de  J21 7  milliards  (total  sur 
lequel  il  y  aurait  des  retranchements  à  faire,  parce  que  cer- 
tains biens  particuliers,  comme  les  rentes  sur  l'Etat,  ne  sont 
pas  des  richesses  réelles),  sans  compter  les  biens  de  main- 
morte des  communautés  et  les  propriétés  publiques,  le  chiffre 
de  220  à  240  milliards  ne  paraît  pas  exagéré  pour  représenter 
le  total  de  la  fortune  privée  et  publique  qui  existe  en  France. 
La  valeur  des  successions  et  donations  ayant  été  estimée 
en  1826  à  1,766  millions  et  à  6,800  millions  en  4891 ,  on 
pourrait  en  induire  que  la  fortune  a  à  peu  près  quadruplé 
dans  l'intervalle,  si  les  changements  survenus  dans  la  lé- 
gislation et  dans  la  perception  de  l'impôt,  ainsi  que  l'ac- 
croissement de  la  population,  n'avaient  altéré  les  deux  termes 
du  problème.  On  peut  se  servir  utilement  de  ces  données 
pour  établir  approximativement  l'importance  relative  de  la 
richesse  privée  par  département. 

Criminalité.  —  Il  est  beaucoup  plus  difficile  encore 
d'apprécier  par  les  données  de  la  statistique  l'état  moral 
que  l'état  matériel  d'un  peuple.  Si  le  nombre  des  accusés 
qui  comparaissent  devant  la  cour  d'assises  a  diminué 
(7,885,  moyenne  annuelle  de  1836-4  840  ;  4,381 ,  moyenne 
annuelle  de  1881-1885),  c'est  surtout  parce  que  la  loi 


a  transformé  en  délits  et  partant  soumis  aux  tribunaux 
correctionnels  un  certain  nombre  de  fautes  qui  étaient 
auparavant  classées  parmi  les  crimes  et  partant  justi- 
ciables de  la  cour  d'assises.  Le  nombre  des  préventions 
pour  vols  simples  (14,477,  moyenne  annuelle  de  1831- 
1840  ;  35,500,  moyenne  annuelle  de  1881-1888)  et 
pour  coups  et  blessures  volontaires  (9,618,  moyenne  an- 
nuelle de  1831-1840;  25,000,  moyenne  annuelle  de 
1881-1888)  a  augmenté;  mais  la  vigilance  de  la  police 
est  peut-être  pour  beaucoup  dans  cette  augmentation. 
Le  nombre  des  récidives  a  considérablement  augmenté  : 
indice  fâcheux  qui  indique  qu'il  y  a  toute  une  classe  d'indi- 
vidus incorrigibles  qui  ne  vivent  que  de  fraude  et  de  rapine. 
Si  l'on  consulte  les  cartes  de  la  criminalité,  on  constate  que 
les  crimes  contre  la  propriété  sont  nombreux  surtout  dans 
les  départements  riches  qui  sont  aussi  des  départements 
denses;  que  les  crimes  contre  les  personnes  sont  nombreux 
surtout  dans  les  départements  du  Nord-Ouest  où  la  popula- 
tion est  dense,  et  dans  ceux  du  Midi  où  les  passions  sont 
violentes  ;  que  les  viols  sont  plus  fréquents  dans  le  Midi  et 
dans  les  départements  agricoles  qu'ailleurs  ;  que  le  vol  do- 
mestique est,  en  général,  beaucoup  plus  rare  dans  le  Midi 
que  dans  le  bassin  de  la  Seine  et  dans  les  dép.  du  Rhône, 
de  la  Gironde,  etc.,  l'abondance  des  richesses  sollicitant 
les  voleurs.  «  L'ensemble  du  tableau  de  la  criminalité  n'est 
ni  édifiant,  ni  rassurant.  Dans  la  société  française  qui  s'en- 
richit, dont  la  population  se  concentre  et  devient  plus  hété- 
rogène en  acquérant  plus  de  mobilité,  les  tentations  aug- 
mentent et  la  progression  des  crimes  et  délits  est  plus  rapide 
que  celle  de  la  population.  » 

État  intellectuel.  —  Instruction. —  L'instruction  ne 
fait  pas  nécessairement  la  moralité,  mais  elle  contribue  à 
élever  le  moral  en  développant  l'intelligence.  Nous  avons 
fait  connaître  plus  haut  l'accroissement  du  nombre  des 
élèves  des  écoles  primaires  depuis  1832.  Nous  donnons  ici, 
comme  indice  du  progrès  de  l'instruction  primaire  en  France 
depuis  la  fin  du  xvne  siècle,  le  tableau  du  nombre  des  époux 
et  épouses  qui  ont  signé  leur  acte  de  mariage  à  diverses 
époques.  Les  chiffres  des  trois  premières  périodes  pro- 
viennent d'une  enquête  faite  en  1872  par  ordre  du  ministre 
de  l'instruction  publique,  à  laquelle  ont  pris  part  15,928 
instituteurs,  et  dont  les  résultats  sont  consignés  dans  le 
t.  II  de  la  Statistique  de  renseignement  primaire  ;  les 
chiffres  des  deux  dernières  périodes  proviennent  des  relevés 
annuels  faits  par  le  ministère  de  l'intérieur  et  portent  sur 
la  totalité  des  mariages  contractés  en  France. 


PERIODES 


1686-1690. 
1786-1790. 
1816-1820. 
1856-1860. 
1886-1890. 


NOMBRE 
total 

DES  MARIAGES 

pendant 
les  cinq  années 


271.009 

345.226 

381.494 

1.473.810 

1.379.351 


NOMBRE 

DES    CONJOINTS    QUI   ONT   SIGNÉ 

leur  acte  de  mariage 


époux 


63.068 

162.427 

207.360 

1.021.914 

1.236.445 


épouses 


30.323 

92.757 

132.533 

794.729 

1.156.697 


PROPORTION 

SUR    100    CONJOINTS 

de  ceux  qui  ont  signé 


époux 


29,1 
47,9 
54,3 
74,1 
89,9 


épouses 


14,0 
26,9 
34,7 
53,9 
838 


L'instruction  des  conscrits,  qui  est  connue  par  leur  dé- 
claration à  l'époque  du  recrutement,  atteste  aussi  que  l'in- 
struction primaire  s'est  répandue  largement  dans  la  popu- 
lation française.  Voici,  par  périodes,  le  nombre  moyen  de 
conscrits  sur  100  qui  savaient  au  moins  lire  : 

Nombre  de  conscrits  sachant  lire  sur  100  inscrits  : 


1827-1829 44,8 

1831-1835 52,6 

1836-1840 56,3 

1841-1845 60  » 

1846-1850 64» 

1851-1855 65,9 

1856-1860 68,9 


1861-1865 73  » 

1866-1868 78,6 

1871-1875......  82,1 

1876-1880 84,9 

1881-1885 87,5 

1886-1890 90,7 


Une  signature  sur  un  acte  de  mariage  et  une  déclaration 
au  recrutement  sont  assurément  des  indices  bien  impar- 
faits du  degré  d'instruction  d'un  peuple.  Le  progrès  a 
été,  en  réalité,  beaucoup  plus  grand,  parce  que  le  maté- 
riel, le  personnel  et  les  méthodes  de  l'enseignement  pri- 
maire se  sont  améliorés  et  qu'il  y  a  beaucoup  plus  de 
jeunes  gens  aujourd'hui  qu'autrefois  possédant  au  sortir 
de  l'école  des  connaissances  autres  que  la  lecture,  l'écri- 
ture et  un  peu  de  calcul,  déclarées  suffisantes  sous  le 
premier  Empire.  En  1788,  Arthur  Young,  voyageant  en 
France,  ne  trouvait  même  pas  un  journal  dans  les  auberges 
et  les  cafés  de  villes  telles  que  Besançon  et  Clermont-Fer- 
rand.  De  nos  jours,  c'est  par  millions  d'exemplaires  que  se 
débitent  les  journaux  qui  pénètrent  jusque  dans  les  cam- 


FRANCE 


—  4006  — 


pagnes  les  plus  reculées  et  y  répandent,  avec  les  nouvelles 
du  jour,  des  idées,  bonnes  ou  mauvaises. 

Etat  économique.  —  Le  sol  de  la  France  est  possédé 
par  un  nombre  très  considérable  de  propriétaires.  Si  l'on 
voulait  en  juger  par  le  nombre  des  cotes  foncières,  c.-à-d. 
par  celui  des  rôles  de  la  contribution  foncière  dressés  par 
commune  et  par  propriétaire,  quel  que  soit  le  nombre  d'im- 
meubles que  chaque  propriétaire  possède  dans  le  ressort 
de  la  perception,  on  trouverait  la  progression  suivante  : 

Cotes  foncières  de  la  propriété  non  bâtie  {en  millions 
d'unités) 

13,8 

14,0 

44,2 

44,2 

14,4 

44,4 


40,0 

4874 

10,3 

4875 

10,9 

4880 

14,5 

4885 

42,4 

4890 

43,6 

1894 

44,0 

4815, 

4826. 

4835 

4842 

4854 ... 

4864 

4865 

La  diminution,  depuis  4886,  résulte  des  efforts  qu'a 
faits  l'administration  pour  éviter  les  doubles  emplois.  Un 
même  propriétaire  peut  posséder  un  grand  nombre  de  cotes 
dans  diverses  communes.  On  ne  connaît  pas  le  nombre  des 
propriétaires  en  France  ;  c'est  par  une  évaluation  hypothé- 
tique qu'on  le  porte  à  8  millions  dont  plus  de  4,800,000 
propriétaires  ruraux.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  petits 
propriétaires  ruraux  et  les  propriétaires  urbains  (qui  ne  pos- 
sèdent, en  général,  que  le  terrain  occupé  par  leur  maison  ou 
leur  jardin)  forment  la  très  grande  majorité  (80  °/0),  quoi- 
qu'ils ne  possèdent  guère  que  le  quart  du  territoire  français. 

Répartition,  en  1884,  de  la  petite,  de  la  moyenne 
et  de  la  grande  propriété 


DÉSIGNATION 

NOMBRE         1 

de     cotes    I 
(par  milliers)  ! 

PROPORTION    j 

sur 
100  cotes 

rm 

oSÎ 

12.755 
19.218 
17.415 

PROPORTION 

sur 
100  hect. 

Petite   propriété  (moins 
de  6  hect.) 

12.600 

1.351 

123 

89,5 
9,6 
0,9 

25,8 
38,9 
35,3 

Moyenne  propriété  (6  à 
50  hect.) 

Grande   propriété    (plus 
de  50  hect.) 

14.074 

100,0 

49.388 

100,0 

Les  dép.  du  Nord,  du  Pas-de-Calais,  de  la  Somme,  du 
Puy-de-Dôme,  de  la  Char  ente -Inférieure,  de  Y  Aisne,  de 
la  Gironde,  de  Ylsère,  de  Seine-et-Oise,  des  Deux-Sèvres, 
de  Y  Yonne  comptent  chacun  plus  de  25,000  cotes,  parce 
que  le  sol  y  est  très  divisé,  tandis  que  les  départements 
comme  les  Hautes  et  Basses-Alpes,  le  Cantal,  les  Pyrénées- 
Orientales  et  le  dép.  des  Landes,  où  la  terre  a  peu  de  va- 
leur, en  comptent  moins  de  40,000* 

Agriculture.  —  V Enquête  décennale  agricole  de 
4882  classe  ainsi  la  propriété  rurale  : 

4°  D'après  l'étendue  des  exploitations  agricoles  : 


EXPLOITATIONS  ' 

O  0-> 

%  x  h 

^  CD  cj 
n3 

CO 

fi 
%      o 

O       '.£ 

£  s  o 
o      « 

tf     ® 

fc      o 

CD 

RAPPORT 

superiicie  totale 

du  territoire 

agricole 

exprimée  par  100 

De    là    5  hectares 

5  à  10         —      

10  à  20         —      

20  à  30          —      

30  à  40         —      

Plus  de  40         —      

1.866 
769 
431 
198 
98 
142 

52,2 

24,0 

11,3 

5,7 

2,8 

4,0 

11 

12 
13 
10 

7 
45 

3.504 

100,0 

98 

Les  petites  exploitations  se  trouvent  surtout  dans  la  Seine, 
le  Rhône,  le  territoire  de  Belfort,  le  Nord,  le  Puy-de-Dôme, 
la  Haute-Garonne,  le  Gard,  régions  de  culture  maraîchère 
et  de  vignobles. 

2°  D'après  la  nature  de  l'exploitation  : 


TERRAINS 

g    1 

H    °    g 
1 

26.018 
4.957 
1.711 
2.197 
9.455 

PROPORTION 

pour  100 

relativement 

au 

territoire  total 

Terres  labourables 

49,20 

7,78 
3,24 
4,15 
17,88 

Prairies  naturelles  et  vergers.. 
Herbages  pâturés 

Vignes  

Bois  et  forêts 

Total  du  territoire  productif  (pâ- 
turages non  compris) 

44.338 

82,25 

Total  du  territoire  de  la  France. 

52.840 

Les  49,20  %  des  terres  labourables  étaient  partagés 
ainsi  :  28,56  °/0  aux  céréales,  0,65  aux  autres  graines 
(pois,  fèves,  haricots,  lentilles,  etc.),  2,53  aux  pommes 
déterre,  0,97  aux  cultures  industrielles,  8,79  aux  cultures 
fourragères  (prairies  artificielles,  racines,  etc.),  0,84  aux 
jardins  potagers  et  maraîchers,  6,89  à  la  jachère.  Les  landes, 
pâtis  et  bruyères  qui  ne  sont  pas  comptés  dans  le  ter- 
ritoire productif  représentaient  7,35  °/0  de  la  superficie  to- 
tale de  la  France,  et  l'ensemble  des  terres  non  cultivées 
44,8  °/0.  Le  tableau  ci-après,  extrait  de  Y  Enquête  dé- 
cennale agricole  de  4882,  fait  connaître  la  répartition  de 
ces  surfaces  par  département. 

Le  territoire  agricole  a  des  qualités  très  diverses  suivant 
le  climat,  l'altitude  et  la  constitution  géologique  du  sol 
et  de, la  couche  végétale.  Nous  avons  parlé  plus  haut 
du  climat  :  c'est  du  climat  principalement  que  dépen- 
dent les  zones  que  l'agronomie  a  tracées  sur  la  carte  de 
France  :  zone  de  l'olivier,  dont  la  limite  septentrionale 
est  à  peu  près  figurée  par  une  courbe  allant  des  Pyrénées- 
Orientales  à  Valence  et  de  Valence  aux  Alpes  du  Dau- 
phiné  ;  zone  du  maïs,  dont  la  limite  septentrionale  est  à 
peu  près  une  ligne  allant  de  la  Sèvre  Niortaise  aux  Vosges 
en  contournant  par  le  S.  le  Massif  central  ;  zone  de  la 
vigne,  dont  la  limite  septentrionale  s'étend  à  peu  près  de 
l'embouchure  de  la  Loire  à  Mézières  (V.  plus  haut  le 
§  Flore).  Sous  le  rapport  de  l'altitude  on  peut  distinguer 
trois  grandes  catégories  :  les  régions  de  montagnes 
(21  départements  ou  parties  de  département)  où  dominent 
les  roches,  les  forêts  et  les  pâturages  ;  les  régions  de 
plateaux  (44  départements  ou  parties  de  département)  où, 
à  côté  des  céréales,  sont  des  bois,  des  pâturages,  des 
lande-s  et  des  bruyères  ;  les  régions  de  plaines  (37  dé- 
partements ou  parties  de  département)  où  dominent  les 
terres  labourables  et  les  prairies.  Nous  divisons  le  terri- 
toire en  4  2  régions  agricoles  : 

4°  La  région  de  ï Ouest,  comprenant  7  départements 
(Finistère,  Gôtes-du-Nord,  Morbihan,  Ille-et- Vilaine,  Loire- 
Inférieure,  Mayenne,  Maine-et-Loire).  On  y  récolte  plus 
d'orge,  plus  de  chanvre,  beaucoup  plus  de  sarrasin  que 
partout  ailleurs  ;  nulle  part  les  bêtes  à  cornes  ne  sont  aussi 
nombreuses.  La  riche  plaine  de  la  Basse-Loire  produit 
beaucoup  de  froment. 

2°  La  région  du  Nord-Ouest,  comprenant  7  départe- 
ments (Manche,  Calvados,  Orne,  Sarthe,  Eure-et-Loir, 
Eure,  Seine-Inférieure).  C'est  par  excellence  la  région  du 
froment,  de  l'avoine,  des  légumes  secs,  de  la  betterave  et 
des  prairies  artificielles.  C'est  aussi  celle  qui  compte  le 
plus  d'ânes  et  de  chevaux. 

3°  La  région  du  Nord,  comprenant  8  départements 
(Nord,  Pas-de-Calais,  Somme,  Aisne,  Oise,  Seine,  Seine- 
et-Oise,  Seine-et-Marne).  Elle  a  les  mêmes  productions 


—  4007  — 


FRANCE 


TABLEAU   PAR   DEPARTEMENT   DES   DIVERSES   CATÉGORIES   DE   TERRITOIRE 

évaluées  en  ÎOO08  de  la  superficie  totale. 


DÉPARTEMENTS 

SUPERVICIE    CULTIVÉE 

ES 

_) 

o 
m 

%%£ 

"S  a  £> 

JCfH 

m  CD 

O 

"Ô3 
O 

H 

86,1 

95,1 

92,4 

49,1 

57,7 

52,1 

68,6 

95,0 

75,9 

93,3 

65,6 

67,6 

58,8 

94,1 

81,7 

91,2 

90,7 

92,1 

70,3 

76,6 

93,1 

81,0 

79,7 

85,7 

84,9 

77,1 

94,3 

96,1 

60,9 

71,9 

91,9 

91,1 

81,9 

64,0 

88,5 

90,8 

90,4 

71,0 

85,5 

79,5 

92,4 

87,6 

83,8 

87,0 

93,9 

81,5 

91,0 

68,2 

92,3 

88,1 

94,7 

94,8 

92,9 

94,8 

95,1 

58,9 

95,0 

92,8 

94,6 

94,4 

9 1,4 

85,3 

59,4 

60,0 

55,7 

94,2 

89,2 

92,6 

93,4 

93,2 

H 

P 
O 

A 

O 
A 

S 
O 

Ph 

D 
W 

H 

O 
O 

o 
< 

O 
Pn 
H 

O 

S 

o 
< 

A 
O 
A 
W 

O 
H 

S 

W 

T 

lab 

m 

*? 
O 

29,8 
39,7 
31,6 
10,8 

8,5 

6.6 

i8;7 

32,1 
17,6 
38,7 
14,3 
19.5 
16,4 
31.6 

is;o 

34,6 
32,6 
31,9 
18,3 
11,2 
31,7 
44,4 
27,5 
23,3 
17,5 
21,4 
36,4 
49,2 
29,4 
16,7 
40,5 
32,3 
13,7 
14,3 
50,4 
3-1,9 
31,8 
24,9 
19,5 
14,9 
35,6 
29,9 
28,7 
32,1 
36,2 
27,7 
31,2 
16,4 
31,9 
41.2 
38,5 
34,2 
42.8 
33,6 
34,3 
32,3 
28,2 
37,8 
40,6 
31,5 
45,3 
24,9 
16,7 
16,2 
6,5 
18,8 
29,9 
29,0 
28,4 
35.2 

ERREf 

ourablc 

m 

0) 
£3 

co- 
te 

< 

16,2 
32,5 
35,7 
10,8 
7,8 
5,6 
10,5 
24,0 
12,2 
25,3 
12,0 
9,9 
12,2 
18,4 
11,9 
23,1 
21,4 
29,9 
10,5 
30,2 
20,2 
22,1 
21,5 
16,4 
18,4 
19,3 
26,8 
32,9 
17,9 
14,3 
17,3 
20,6 
8,1 
19,1 
19,5 
28,1 
25,4 
14,8 
16,7 
3,5 
24,1 
23,2 
16,1 
26,5 
•  31,0 
12,9 
23,1 
12,3 
35,6 
40,6 
30,8 
20,9 
30,5 
22,7 
21,3 
7,6 
20,3 
30,1 
29,9 
23,2 
35,1 
21,1 
4,2 
7,3 
7,7 
15,0 
19,0 
17,6 
21,8 
30,5 

JS 

o 

46,0 

72,2 

67,3 

21,6 

16,3 

12,2 

29,2 

56,1 

29,8 

64,0 

26,3 

39,4 

28,6 

19,9 

29,9 

57,7 

54,0 

61,8 

28,8 

41,4 

51.9 

66,5 

49,0 

39,7 

35.9 

40;7 

63,2 

82,1 

47,3 

31,0 

57,8 

52,9 

21,8 

33,2 

69,9 

63,0 

57,2 

39,7 

36,2 

18,4 

59,7 

53,1 

44,8 

58,6 

67,2 

io;e 

54,3 
28,7 
67,5 
62,8 
69,3 
55,1 
73,3 
56,3 
55,6 
39,9 
48,5 
67,9 
70,5 
54,7 
80,4 
46,0 
20,9 
23,5 
14,2 
33,8 
48,9 
46,6 
50,2 
65,7 

TER 

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RES     NON     ASSOLL 

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3,1 
0,5 
2,1 
1,3 

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4,5 
2,2 
0,1 
3,1 
3,1 
26,5 
2  3 
2/2 
» 

0,1 
6,7 
12,3 
2,0 
2,6 
2,0 
3,9 
» 
» 
10,3 
1,3 
1,8 
» 

0,2 
» 

3,1 
11,6 
19,8 
15,7 
11,1 
» 

3,8 

10,0 

3,6 

3,8 

2,3 

6,5 

3,4 

1,8 

4,6 

4,0 

12,5 

14,7 

0,2 

5,1 

» 

1,8 
2,5 
0,1 
3,0 
1,7 
0,1 
1,6 
» 

» 
» 

4,4 
2,8 
4,0 

19,8 
» 

12,2 
2,2 
5\3 
1,6 

13,8 
4,9 

10,3 
3,5 
2,9 
1,6 
7,4 
9,7 
7,7 
5,3 
1,7 
7,6 
2,1 

10,2 

16,9  . 

10,6 

10,9 
8,6 

13,2 
1,6 
6,6 
8,1 

12,1 
7,5 

13,4 
2,7 
3,8 
3,0 
6,6 
2,1 
6,1 
9,5 
7,8 
1,6 

10,8 
8,4 
5,3 
6,3 
9,7 
2.4 
4,4 

13,6 

13,0 

16,0 

3,4 

4,2 

7,1 

8,0 

11,0 

12,8 

4,5 

6,4 

12,9 

9,4 

8,0 

10,5 

12,4 

7,3 

3,4 

12,1 

2,9 

11,5 

10,0 

11,0 

2,1 

21.3 

13;5 

11,8 

15,5 

9,5 

2,0 

3,2 

0,9 

4,9 
12,3 

5,0 

2,6 

1,4 

0,4 

0,2 

1,2 

3,8 

4,8 

19,1 

18,2 
0,6 
1,7 
1,1 
5,7 
4,9 
1,3 
0,6 

12,0 
0,4 
7,8 
1,5 
2,9 
0,3 
1,1 
3,9 
1,0 
0,3 
0,5 
2,9 
0,6 
2,4 
0,3 
1,5 
4,1 
0,3 
0,6 
3,3 
6,0 
1,5 
0,4 
0,7 
0,5 

16,6 
0,1 
7,7 
0,1 
0,4 
0,8 
0,2 
0,1 
0,9 
2,5 
9,4 
2,3 
12,6 
3,4 
11,1 
4,1 
2,2 
2,2 
1,1 
2,5 
0,4 
4,3 
1,2 

20,9 
13,1 
11,4 

17,0 
25,3 
23,3 
18,6 
26,8 
34,8 
20,1 
9,6 
9,8 
14,0 
6,7 
14,5 
14,8 
11,7 
18,3 
20,0 
21,0 
29,0 
4,8 
6,4 
22,0 
25,7 
28,2 
19,0 
10,4 
5,0 
21,4 
14,8 
8,5 
35,9 
13,7 
6,9  ^ 
12,8 
17,2 
21,8 
31,4 
56,1 
21,0 
13,8 
18,1 
6,1 
18,5 
22,5 
14,3 
10,8 
8,0 
3,5 
18,7 
29,9 
5,5 
25,3 
29,2 
6,8 
29,7 
7,3 
17,3 
14,0 
5,4 
11,9 
21,3 
18,5 
16,4 
23,3 
11,2 
31,1 
17,8 
14,7 

0,3 
1,2 
0,4 

0,8 

» 

5,5 
8,6 
0,9 
0,1 
0,3 
0,3 
4,7 
7,1 
8,2 
2,1 
0,8 
0,1 
0,3 

y> 

5,7 
0-4 

i;o 

0,2 
5,8 
0,8 
2,2 
5,4 
0,1 
0,9 
10,4 
0,6 
0,1 
0,2 
3,3 
0,3 
0,4 
0,4 
0,1 
0,3 
» 

0,2 
0,4 
0,1 
0,2 
0,4 
1,0 
0,1 
3,9 
0,6 
2,3 
0,3 
0,5 
0,3 
0,6 
0,5 
0,7 
0,3 
0,9 

1,1 

1,0 
2,3 
0,4 
0,3 
0,8 
1,0 
1,7 
0,9 
0,5 
0,3 
0,5 

9,6 
1,4 
2,9 
40,8 
28,4 
40,0 
26,6 
1,8 
23,4 
4,0 
29,9 
28,9 
23,1 
1,8 
15,5 
-  5,5 
5,0 
3,6 
26,6 
20,6 
3,8 
13,8 
17,4 
10,9 
12,3 
18,9 
2,2 
0,7 
34,2 
23,8 
4,7 
5,4 
17,0 
30,6 
7,2 
6,2 
4,5 
18,3 
11,7 
18,3 
3,9 
8,0 
12,2 
6,2 
2,0 
15,1 
5,6 
28,7 
2,5 
7,2 
1,6 
2,4 
3,1 
1,5 
2,1 
37,7 
1,2 
0,9 
1,8 
2,0 
2,3 
10,9 
36,9 
33,6 
39,5 
2,3 
4,1 
4,4 
2,6 
3,0 

95,7 

96,5 

95,3 

89,9 

86,1 

92,1 

95,2 

96,8 

99,3 

97,3 

95,5 

96,5 

92,2 

95,9 

97,2 

96,7 

95,7 

95,7 

96,9 

97,2 

96,9 

94,8 

97,1 

96,6 

97,2 

96,0 

96,5 

96,8 

95,1 

95,7 

96,6 

96,5 

98,9 

94,6 

95,7 

97,0 

94,9 

91,9 

97,2 

97,8 

96,3 

95,6 

96,0 

93,2 

95,9 

96,6 

96,6 

96,9 

95,1 

95,3 

96,3 

97,2 

96,0 

96,3 

97,2 

96,6 

96,2 

93,7 

96,4 

96,4 

96,7 

96,2 

96,3 

93,6 

95,2 

95,5 

93,3 

97,0 

96,0 

96,2 

4,3 

3,5 
4,7 

10,1 

13,9 
7,9 
4,8 
3,2 
0,7 
2,7 
4,5 
3,5 
7,8 
4,1 
2,8 
3,3 
1,3 
4,3 
3,1 
2,8 
3,1 
5,2 
2,9 
3,4 
2,8 
4,0 
3,5 
3,2 
4,9 
4,3 
3,4 
3,5 
1,1 
5,4 
4,3 
3,0 
5,1 
8,1 
2,8 
2,2 
3,7 
4,4 
4,0 
6,8 
4,1 
3,4 
3,4 
3,1 
4,9 
4,7 
3,7 
2,8 
4,0 
3,7 
2,8 
3,4 
3,8 
6,3 
3,6 
3,6 
3,3 
3,8 
3,7 
6,4 
4,8 
4,6 
6,7 
3,0 
4,0 
3,8 

Allier 

Alpes-Maritimes 

Ardennes 

Aube 

Aude 

Cantal , 

Cher 

Côte-d'Or 

Gard 

Ille-et-Vilaine 

Loire 

Loire  (Haute-). 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Manche .  > 

Marne 

Marne  (Haute-) j 

Meurthe-et-Moselle 

Morbihan 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais 

Pyrénées  (Hautes-) 

Rhin  (Haut-)  (Belfort) 

Rhône 

Saône  (Haute-)  . . . .  • 

Sarthe 

FRANCE 


—  1008 


DEPARTEMENTS 


Savoie 

Savoie  (Haute-) 

Seine 

Seine-Inférieure 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Sèvres  (Deux-) '. 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne 

Var 

Vauciuse 

Vendée 

Vienne  

Vienne  (Haute-) 

Vosges 

Yonne 

Moyennes  générales  pour  la  France 


SUPERFICIE    CULTIVEE 


TERRES 

labourables 


10,3 

4,7 

14,9 

16,0 

10,9 

36,0 

37,5 

24,0 

42,5 

30,4 

38,9 

30,4 

39,1 

32,8 

4ï,b 

33,9 

32,2 

22,3 

39,9 

30,4 

12,3 

9,6 

27,8 

19,4 

33,7 

36,5 

32,7 

32,3 

28,1 

18,4 

22,5 

19,7 

33,4 

28,3 

20,4 


15,0 
30,9 
46,9 
61,5 
72,9 
69,3 
71,9 
81,4 
54,5 
70,3 
21,9 
57,2 
"70,2 
65,0 
46,5 
42,2 
61,7 


49,0 


TERRES    NON    ASSOLEES 

(cultures  permanentes) 


1,7 
1,9 
1,8 
» 
1,5 

1,1 

3,6 
» 
10,3 
13,0 
5,9 
3,1 
2,8 
6,2 
0,3 
0,9 
5,3 


4,1 


9,6 
8,0 
0,7 
4,9 
4,2 
2,3 
9,3 

7,5 

5,2 

0,9 

2,1 

12,7 

4,7 

18,0 

14,1 

4,1 


7,8 


11,2 

10,3 

» 

7,1 
0,3 
0,6 
0,5 

1,7 

1,4 

0,5 
1,5 
0,4 
2,4 
1,0 
6,2 
0,6 
0,4 


3,2 


o 
pq 


21,1 
25,5 

4,3 
15,7 
18,3 
18,6 

7,3 

6,4 
13,5 
12,9 
43,6 
21,3 

4,6 
12,1 

8,0 
35,5 
22,8 


17,9 


0,8 
1,4 
6,0 
6,0 
1,0 
1,5 
0,3 
1,9 
1,0 
0,1 
5,1 
3,2 
0,3 
0,5 
5,2 
0,7 
0,2 


1,6 


59,4 
78,0 
59,7 
95,2 
98,2 
93,4 
92,9 
93,1 
88,2 
92,0 
78,9 
77,3 
93,0 
89,5 
84,2 
94,0 
94,5 


21,1 

10,5 

1,3 

2,3 

0,9 

1,7 

2,6 

3,3 

8,4 

3,5 

17,9 

17,9 

3,0 

6,9 

12,4 

3,1 

2,3 


U,* 


80,5 
88,5 
61,0 
97,5 
99,1 
95,1 
95,5 
96,4 
96,6 
95,5 
96,8 
95,2 
96,0 
96,4 
96,6 
97,1 
96,4 


95,4 


19,5 
11,5 
39,0 
2,5 
0,9 
4,9 
4,5 
3,6 
3,4 
4,5 
3,2 
4,8 
4,0 
3,6 
3,4 
2,9 
3,6 


4,6 


que  la  région  précédente;  on  y  cultive  beaucoup  le  lin, 
le  houblon,  la  betterave  et  les  graines  oléagineuses. 

4°  La  région  du  Nord-Est,  comprenant  4  départements 
(Ardennes,  Meuse,  Meurthe-et-Moselle,  Vosges,  territoire 
de  Belfort).  Dans  aucune  région  la  pomme  de  terre  n'est 
plus  cultivée;  les  bois  occupent  une  grande  superficie. 

5°  La  région  de  l'Est,  comprenant  7  départements 
(Jura,  Saône-et-Loire,  Rhône,  Ain,  Loire,  Savoie,  Haute- 
Savoie).  Pâturages  excellents  dans  le  Jura  et  sur  les  chaînes 
et  ramifications  des  Alpes,  riches  campagnes  dans  la 
Bresse,  marais  dans  la  Dombes,  châtaigniers,  noyers,  mû- 
riers sur  la  rive  droite  du  Rhône. 

6°  La  région  du  Sud-Est,  comprenant  7  départements 
(Haute-Loire,  Isère,  Drôme,  Ardèche,  Lozère,  Basses-Py- 
rénées, Hautes- Alpes).  C'est  la  région  des  pâturages  de  mon- 
tagnes, des  mûriers  dans  la  vallée  du  Rhône  ;  peu  de  cé- 
réales, mais  des  châtaigniers  et  des  noyers,  principale- 
ment sur  la  rive  droite  du  Rhône. 

7°  La  région  du  Sud,  comprenant  8  départements 
(Alpes-Maritimes,  Var,  Bouches-du-Rhône ,  Vauciuse, 
Gard,  Hérault,  Aude,  Pyrénées-Orientales).  Région  des 
orangers,  des  citronniers,  des  mûriers,  des  oliviers  dans  la 
partie  orientale  ;  vignobles,  maïs,  oliviers  dans  la  partie 
occidentale.  C'est  la  région  la  moins  productive  en  céréales. 

8°  La  région  du  Sud-Ouest,  comprenant  8  départe- 
ments (Ariège,  Haute-Garonne,  Tarn-et-Garonne,  Lot-et- 
Garonne,  Landes,  Gers,  Basses-Pyrénées,  Hautes-Pyré- 
nées). Pâturages  dans  les  Pyrénées,  maïs  dans  les  vallées, 
vignobles  sur  les  coteaux  de  l'Armagnac,  marécages  et 
forêts  de  pins  maritimes  dans  les  Landes. 

9°  La  région  du  Centre-Ouest,  comprenant  8  dépar- 
tements (Gironde,  Dordogne,  Charente,  Charente-Inférieure, 
Haute-Vienne,  Vienne,  Deux-Sèvres,  Vendée).  Région  de 
vignobles  amoindrie  par  le  phylloxéra  dans  sa  partie  mé- 
ridionale et  dans  la  Saintonge  ;  prairies,  marécages  sur  le 
bord  de  la  mer  ;  maïs  et  céréales. 

40°  La  région  du  Centre-Sud,  comprenant  7  départe- 
ments (Creuse,  Puy-de-Dôme,  Corrèze,  Cantal,  Lot,  Avey- 
ron,  Tarn).  On  y  rencontre  encore  un  peu  de  vignes  dans 
le  sud,  le  froment  dans  la  vallée  de  la  Garonne;  mais,  en 
général,  c'est  un  pays  pauvre  et  montagneux  ;  culture  du 
seigle  et  du  sarrasin  ;  châtaigneraies,  pâturages. 


11°  La  région  du  Centre,  comprenant  7  départements 
(Indre-et-Loire,  Loir-et-Cher,  Loiret,  Nièvre,  Cher,  Indre, 
Allier).  Elle  renferme  la  Touraine,  surnommée  jadis  le 
jardin  de  la  France  ;  le  Nivernais,  montagneux  et  boisé, 
de  vastes  plaines  où  les  riches  cultures  alternent  avec  les 
landes;  c'est  la  région  des  prairies  naturelles  et  du  bétail. 

12°  La  région,  du  Centre-Nord,  comprenant  7  dépar- 
tements (Yonne,  Aube,  Marne,  Haute-Marne,  Côte-d'Or, 
Haute-Saône,  Doubs).  C'est  une  région  de  plaines  très 
productives,  de  vastes  prairies,  de  grands  vignobles  ;  elle 
donne  le  froment,  le  maïs,  des  vins  très  estimés  ;  elle  nour- 
rit de  beaux  moutons  et  possède  dans  le  Jura  de  belles 
forêts  et  d'excellents  pâturages. 

Le  tableau  ci-après  fait  connaître  les  résultats  annuels 
de  la  culture  des  céréales  pour  la  France  entière  de  1815  à 
1891  (excepté  les  années  4819  et  1870  où  il  n'y  a  pas  eu 
de  statistique).  On  voit  que  la  surface  sur  laquelle  on 
a  récolté  du  froment  a  passé  depuis  1815  de  4  millions  et 
demi  d'hect.  à  7  millions  en  1890;  qu'elle  a  exception- 
nellement diminué  en  1891  par  suite  du  froid  qui  a  détruit 
les  semences  (5,760,000  hect.),  que  la  production  a  aug- 
menté davantage  (moins  de  50  millions  d'hectol.  en 
moyenne  de  1815  à  1818  et  109  de  1887  à  1891) 
(l'année  1891  a  donné  une  récolte  très  faible  parce  que, 
sur  plus  d'un  million  d'hectares  ensemencés,  la  gelée  a 
détruit  les  germes) ,  et  par  conséquent  le  rendement  par 
hectare  (10  hectol.  pour  la  première  période  et  15  pour 
la  seconde)  ;  que  la  surface  cultivée  en  avoine  a  augmenté 
proportionnellement  plus  encore  (env.  2  millions  et  demi 
d'hect.  en  1815  et  4,243,000  en  1891),  et  que  la  récolte 
a  plus  que  doublé  (36  millions  d'hectol.  en  1815-1818 
et  86  millions  en  1887-1891),  qu'au  contraire  l'orge  est 
resté  à  peu  près  stationnaire,  que  le  seigle  a  diminué  et 
surtout  le  méteil.  La  surface  consacrée  aux  pommes  de 
terre  a  presque  triplé  et  la  récolte  a  plus  que  triplé. 

Les  régions  du  N.  et  du  N.-O,  de  la  frontière  de  la  Bel- 
gique à  la  Loire,  ensuite  la  région  de  la  Basse-Loire,  le 
Graisivaudan,  quelques  parties  de  la  vallée  de  la  Garonne, 
sont  celles  qui  produisent  le  plus  de  froment.  Le  seigle 
est  le  blé  des  terres  légères  et  des  contrées  froides  ;  il  est 
cultivé  surtout  dans  le  Centre,  dans  la  Bretagne  et  la  Cham- 
pagne. L'avoine  l'est  surtout  dans  les  régions  du  Nord  et  du 


—  1009 


FRANCE 


TABLEAU   DE   LA    CULTURE  DES   CEREALES   DEPUIS 

(Extrait  de  la  France  et  ses  colonies,  II,  44) 


184  5 


ANNÉES 

NOMBRE    D'HECTARES 

sur  lesquels  a  eu  lieu  la  récolte 
(en  milliers  d'hectares) 

PRODUCTION     TOTALE 

(en  millions  d'hectolitres  pour  les  céréales  et  en  millions  de 
quintaux  pour  les  pommes  de  terre) 

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1.295 
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1.279 
1.245 
1.247 
1.251 
1.245 
1.171 
1.173 
1.167 
1.168 
1.179 
1.089 
1.092 
1.101 
1.088 
1.110 
1.078 
1.072 
1.081 
1.122 
1.117 
1.112 
1.133 
1.111 
1.114 
1.119 
1.119 
1.096 

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1.081 

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41,8 
41,8 
52,5 
53,3 
46,7 
42,9 
45,5 
49,4 
45,9 
44,8 
57,5 
55,9 
54,3 
57,9 
45,3 
65,0 
65,6 
59,9 
47,1 
56,3 
61,5 
66,4 
58,5 
61,1 
66,9 
64,4 
73,9 
73,8 
69,8 
68,7 
57,6 
64,5 
72,1 
70,3 
82,8 
76,4 
79,6 
69,4 
67,0 
59,5 
72,8 
76,3 
» 

85,9 
81,1 
76,7 
68,3 
69,5 
73,7 
68,9 
77,3 
74,2 
83,8 
77,2 
89,7 
93,3 
88,1 
85.5 
89;3 
80,0 
84,9 
85,2 
93,6 

£8 

1815 

21,6 
25,8 
47,5 
29,2 

» 
40,7 
42,9 
41,2 
54,7 
46,6 

» 

» 

54,4 

54,8 

65,9 

50,0 

74,5 

76,0 

72,0 

81,1 

82,8 

91,8 

89,8 

102,2 

17,4 

93,2 

103,5 

117,7 

77,9 

78,5 

100,0 

87,3 

89,8 

74,8 

69,7 

63,4 

61,5 

69,1 

94,8 

80,6 

101,3 

109,3 

93,1 

88,0 

92,8 

117,2 

117,2 

1111 

121,0 

96,9 

100,7 

130,3 

116,0 

120,4 
105,7 
118,1 
141,1 
125,3 
116,9 
121,2 
112,1 
94,4 
138,5 
133,3 
112,0 
144,8 
149,3 
112,4 
112,8 
117,0 
103,4 
107,0 
110,4 

1816 

1817 

1818 

1819 

18'20 

1821 

1822 

1823 

1824 

1825 

1826 

1827 

1828 

1829 

1830 

1831 

1832 

1833 

1834 

1835  

5.338    874    2.639 
5.285    877    2.625 
5.4071   904.  12.639 

1836 

1   1837 

1  1838 

5.461 
5.384 
5.532 
5.562 
5.576 
5.664 
5.679 
5.743 
5.937 
5.979 
5.973 
5.966 
5.931 
5.999 
6.090 
6.210 
6.408 
6.419 
6.468 
6.593 
6.639 
6.709 
6.711 
6.754 
6.881 
6.919 
6.880 
6.904 
6.915 
6.960 
7.062 
7.034 

» 
6.422 
6.937 
6.826 
6.874 
6.946 
6.859 
6.97C 
6.843 
6.941 
6.87? 
6.95? 
6.90* 
6. '80? 
7.055 
6.95( 
.  6.95( 

6.97* 
7.03< 
7.06' 
5.76( 

896    2.646 

1839 

1840 

903 
901 
892 
878 
878 
871 
875 
852 
833 
814 
806 
821 
812 
818 
637 
635 
634 
.619 
606 
581 
585 
567 
555 
562 
537 
559 
566 
581 
539 
529 
531 
» 

502 

500 

505 

512 

481 

473 

564 

442 

400 

)    411 

401 

]    396 

*    367 

l    360 

>  331 

>  337 
1    327 
5    306 
)    299 
L    297 
)    271 

2.641 

2.725 
2.734 
2.681 
2.707 
2.710 
2.727 
2.668 
2.615 
2.534 
2.542 
2.497 
2.465 
2.453 
2.174 
2.218 
2.178 
2.123 
2.072 
2.111 
2.032 
2.030 
2.057 
2.058 
2.042 
2.029 
2.011 
1.985 
1.979 
1.934 
1.936 

» 
1.900 
1.915 
1.898 
1.871 
1.894 
1.838 
1.846 
1.805 
1.770 
1.848 
1.771 
1.871 
1.718 
1.725 
1.67? 
1.634 
1.624 
1.62* 
1.59Ï 
1.58( 
1.49* 

1841 

1842 

1843 

1844 

1845 

1846 

1847 

1848 

1849 

1850 

1851 

1852 

1853 

1854 ' 

1855 

1856 

1857 

1858 

1859 

1860 

1861 

1862 

1863 

1864 

1865 

1866 

1867 

1868  ...... 

1869 

1870 

1871 

1872 

1873 

1874 

1875 

1876 

1877 

1878 

1879 

1880 

1881 

1882  (1) 

1883 

1884 

1885 

1886 

1887 

1888 

1889 

1890 

1891 

il.  493    77,3 

10,3  1     9,9 

106,1  1 111,7 

|       '              i 

1 

(1)  D'après  la  Statistique  agricole  de  la  France  (Résultats  généraux  de  l'Enquête  décennale  de  1882),  les  rés 
1882 |7.191|  345  |1.744|    976 1  645  |  548  [3.611  [  1 .337|  129,3  |    6,1  [   28,5  |  19,2 

ultats  sont  quelque  peu  différents. 
|  11,1  [  10,4  |  90,8  1 101,0 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


64 


FRANCE  —  4010  — 

RÉCOLTE,  PAR  DÉPARTEMENT,  DES  CÉRÉALES,  DES  POMMES  DE  TERRE  ET  DES  BETTERAVES  EN  1891 


DÉPARTEMENTS 

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AVOINE 

Production  totale  du  grain 
(en  milliers  d'hectolitres) 

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3.2 

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U  CD 
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POMMES     DE     TERRE 

Production  totale 
(en  milliers  de  quintaux) 

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<  s  © 

h  a,  S 

M         CD 

Ain 

1.224,8 

1.989,9 
892,3 
721,6 
250,2 
240,0 
282,6 
179,0 
486,1 
314,9 
755,9 
528,0 
711,7 

1.600,5 
93,9 

1.412,2 
973,3 
838,4 
329,0 
146,8 

1.643,3 

1.400,0 
161,0 

1.334,0 
663,8 

1.295,2 
615,3 
813,0 

1.001,3 
634,6 

1.947,7 

1.449,3 
991,6 
182,3 

1.813,2 
936,0 

1.195,6 

1.583,3 
626,3 
430,5 
672,6 
689,6 
205,6 

2.224,5 
874,4 
676,4 

2,399,7 
112,3 

1,893,7 

1.077,0 

1.030,3 
465,3 

1.075,5 
501,0 
349,1 
553,0 
358,0 

2.565,7 
803,8 
346,8 

2.192,1 
600,0 
618,3 
396,5 
55,2 
49,5 
765,0 
982,1 

1.333,9 
561,6 
206,2 
494,9 
89J 
671,2 

13,40 
21,00 
12,00 
12,63 

9,51 
10,00 

8,00 
10,88 
13,00 
10,00 
12,67 

6,00 
15,00 
16,50 
11,00 

8,00 
12,25 

9,52 
14,00 
10,00 
12,64 
14,89 
13,00 

9,66 
17,80 
12,10 
13,38 
16,35 
18,24 
15,68 
15,58 

9,90 
14,43 
11,87 
13,50 
12,50 
14,00 
13,90 
13,72 
12,30 
12,05 
13,67 
14,46 
14,63 
14,91 

9,50 
14,50 

9,00 
14,50 
14,00 
20,00 

6,56 
14,00 

7,73 

6,69 
14,00 

9,00 
21,74 
17,97 
10,20 
19,70 
12,00 
14,25 
13,00 
21,00 
17,50 
17,58 
15,11 
13,63 
12,00 
11,00 
14,72 
25,31 

9,62 

» 

86,0 
387,3 
316,9 

28,3 
116,1 

13,3 
525,3 
129,1 
148,1 
307,3 
146,1 
400,0 
3,8 

66,6 
747,6 
177,6 

27,0 
207,2 
830,2 

30,8 
109,1 
440,0 
773,4 
162,0 

27,8 
144,8 
167,7 
180,9 
598,8 

39,1 

113,5 

8,2 

201,5 

52,3 

68,8 
139,1 
112,5 
316,6 

26,5 
528,0 
396,5 
856,8 
947,7 

61,8 
447,4 
152,3 
100,4 
384,8 
104,9 

33,7 
1.600,4 

31,8 

39,2 

63,7 

43,8 
1.115,2 

43,8 
163,7 
184,8 

76,8 

209,5 

1.500,0 

13,7 
100,1 
139,6 

28,1 
265,0 
135,6 
145,0 
294,0 
228,0 

31,3 

19,5 
169,2 

66,0 

256,5 

863,1 

15,5 

27,0 

3,7 

70,6 

385,6 

4,4 

967,9 

158,0 

216,0 

61,8 

486,1 

43,3 

130,0 

365,4 

363,5 

8,5 

47,7 

389,5 

506,0 

129,1 

18,3 

90,3 

130,0 

458,2 

1.752,9 

417,6 

82,9 

98,0 

35,0 

0,2 

7,7 

627,7 

679,2 

288,0 

128,0 

117,3 

2,1 

840,9 

27,2 

434,6 

108,0 

964,9 

40,5 

» 

157,8 

186,0 

658,7 

1.316,0 

237,9 

947,1 

205,2 

585,4 

2,0 

525,4 

358,3 

445,3 

677,2 

704,5 

378,0 

66,9 

18,7 

16,6 

4,8 

6,0 

101,0 

92,6 

990,0 

83,2 

34,2 

1,0 

372,9 

277,0 

9,0 

25,1 

» 

» 

1 

23,4 

1,9 

79,7 

6,3 

5,5 

9,0 

» 

651,0 

258,3 

10,4 

4,9 

63,5 

362,4 

16,1 

1.300,0 
250,0 
15,5 
» 

25,4 

20,1 

» 

587,7 

2,1 

18,5 

» 

5,9 

1.596,0 

33,4 

14,0 

156,6 

6,8 

» 

58,4 

6,1 

5 

390,0 

12,7 

285,0 

» 

2,6 

40,0 

813,8 

21,6 

30,4 

330,3 

8 

843,1 

106,6 

1 

1,8 

380,0 

5 

17,5 

» 

12,7 

1,6 

» 

24,6 

15,3 

210,8 

11,6 

16,3 

21,7 

» 

6,6 

408,0 

4.065,1 

1.830,0 

75,7 

109,7 

3,6 

64,8~ 

2.311,9 

166,6 

2.356,3 

235,9 

564,0 

245,0 

1.209,0 

205,5 

743,6 

1.269,1 

1.774,5 

95,5 

8,7 

1.604,4 

1.720,0 

546,2 

173,2 

1.068,2 

675,0 

3.228,8 

6.024,6 

1.331,5 

214,9 

744,0 

517,2 

127,1 

106,3 

1.030,7 

2.282,7 

1.703,8 

499,1 

370,9 

10,0 

2.154,8 

464,6 

404,8 

624,0 

3.214,7 

326,1 

297,0 

124,4 

630,0 

500,1 

2.484,0 

2.183,5 

696,5 

2.077,0 

2.668,6 

500,0 

1.723,1 

3.244,6 

4.670,5 

1.797,6 

4.661,5 

874,0 

107,1 

92,8 

245,6 

69,4 

320,0 

1.298,6 

632,6 

1.175,0 

176,7 

299,1 

134,0 

3.037,7 

291,7 
1,2 
» 
» 

5 
13,8 

307,5 

489,2 
22,8 
5 
» 

172,9 
204,5 

» 

» 

12,4 

56,8 

» 

355,0 
18,3 
38,6 
» 

» 

6,4 

1.000,0 

304,1 

122,4 

5 

» 

2,4 

5,2 

50,1 

183,3 

1.462,5 

» 

1,7 

4 

6,0 

370,5 

884,0 

4 

2,9 

» 

1,6 

1,9 

1 

2,4 

904,8 
406,0 

64,5 

» 

» 

14,4 

380,1 

2,6 

69,7 
3,1 

» 

» 

1.270,2 

900,4 

3.270,1 

687,4 

617,3 

165,5 

4.988,2 

940,1 

2.282,4 

712,5 

184,1 

2.384,6 

706,1 

324,9 

137,2 

1.571,5 

1.399,7 

643,4 

1.388,4 

50,1 

1.758,4 

2.880,0 

1.980,0 

4.467,8 

1.459,7 

1.901,2 

360,6 

392,6 

2.041,7 

487,0 

1.230,0 

127,2 

937,6 

252,6 

1.576,6 

1.356,8 

1.092,0 

2,083,3 

862,8 

660,0 

649,7 

2.897,5 

1.660,6 

1.247,0 

969,5 

720,3 

1.665,0 

302,8 

1.214,8 

405,8 

491,9 

1.037,6 

966,2 

2.057,3 

1.679,7 

596,7 

1.546,0 

1.258,6 

1.165,5 

360,0 

1.502,4 

2.629,2 

185,8 

595,0 

540,7 

245,7 

1.376,4 

1.637,0 

3.728,3 

2.088,8 

483,8 

820,0 

588,0 

573,0 

692,1 

2.362,4 

2.877,3 

65,0 

88,8 

3,3 

61,6 

1.058,2 

177,3 

1.451,2 

41,9 

184,9 

104,8 

695,0 

22,5 

439,8 

1.044,8 

2.211,9 

157,8 

1.886,7 

2.100,0 

132,0 

910,0 

429,1 

746,7 

1.542,9 

1.660,2 

1.837,7 

58,6 

135,0 

229,8 

1,4 

3.278,5 

1.256,9 

2.325,0 

816,4 

216,3 

250,0 

505,0 

251,8 

238,1 

2.200,0 

1.381,9 

985,2 

1.134,7 

2,7 

1.312,6 

214,3 

1.824,0 

665,7 

1.261,2 

1.207,4 

1.486,4 

84,1 

1.190,1 

3.009,2 

2.709,2 

494,0 

1.876,2 

428,7 

198,4 

» 

93,0 
92,9 
518,7 
390,2 
565,9 
356,3 
122,1 
300,3 
208,9 
2.121,9 

12.924,9 

7,7 

» 

1.346,0 

297,6 

» 

34,4 

10,2 

222,8 
460,0 
145,0 

483,8 

1.066,5 
505,5 
» 

177,3 
30,0 
» 

1,0 
» 
8,0 
38,8 
91,8 
2,8 
39,5 

3 
15,4 

634,5 

» 
» 

396,0 
62,7 

28,7 
78,3 
» 

50,3 
14.558,0 
7.124,9 

8.831,3 
170,1 
» 
» 
» 

16,7 
113,7 

3,3 

5,1 

318,1 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-) 

Ardèche 

Aube 

Aude 

Calvados 

Cher 

Côte-d'Or 

Eure 

Gard 

Hérault 

Loir-et-Cher 

Lot 

Marne 

Morbihan - 

Nord 

Pas-de-Calais 

Pyrénées  (Hautes-) 

Pyrénées-Orientales 

Rhin  (Haut-)  (Belfort) 

Sarthe 

Seine-Inférieure 

A  reporter 

62.562,1 

19.036,4 

22.090,4 

9-502,6 

85.634,2 

8.241,8 

92.223,3 

62.987,9 

50.303,2 

—  1014  — 


FRANCE 


DEPARTEMENTS 


Report 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Sèvres  (Deux-) 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne 

Var 

Vaucluse. . .  < 

Vendée 

Vienne  

Vienne  (Haute-) 

Vosges 

Yonne  

Totaux  et  moyennes 


H        o 

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§1 


62.562,1 

1.731, 

928,1 

1.395,3 

1.503,6 

961,8 

1.234,4 

789,6 

996,0 

2.560,0 

1.202,0 

343,8 

395,4 

1.033,6 


77.657,5    13,49 


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20,47 
22,50 
14,00 
18,06 
12,00 
12,60 
12,00 
14,25 
16,00 
13,38 
10,17 
9,46 
12,70 


T3 

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CD 


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19.036,4 

178,7 
418,0 

51,9 
278,0 
251,0 

29,6 
3,3 

16,1 

28,0 
107,7 
775,3 
179,9 
235,0 


21.588, 


£3 

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CD   CD 


22.090,4 

253,2 

167," 

432,9 

569,0 

14,9 

35,1 

11,2 

36,9 

204,0 

848,0 

25,0 

37,6 

694,4 


27 

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9.502,6 

1 

5,2 
98,0 

7,7 
11,0 


2,0 

131,4 

27,4 

493,0 

14,4 

10  2 


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85.634,2 

4.161,3 

2.545,5 

1.431  " 

4.684,9 

266,9 

355,1 

54,6 

246,1 

570,0 

2.297,9 

259,7 

1.126,0 

2.511,2 


25.420,4  10.303,0  106.145,2  9.350,0 


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■§1 


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132,2 
1,2 

545,6 

385,4 

1,1 

1,1 

7,0 

18, 

15, 


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92.223,3 

595,9 
1.906,7 
1.248,6 

779. 
1.36i;6 

449,9 

605,; 

982,. 
1.530,4 
3.831,9 
2.384,4 
2.869,6 

903,2 


111.672,6 


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62.987,9 

4.298,7 

3.089,9 

2.273,6 

2.688,2 

131,1 

163,5 

38,2 

265,7 

2.550,0 

1.678,5 

943,3 

366,9 

3.404,2 


50.303,2 

3.722,0 
1.828,1 
1.298,3 
7.671,5 


245,5 


284,? 


84.879,7  65.353,4 


Nord-Est.  Le  maïs  l'est  dans  la  région  du  Sud-Ouest  et  dans 
une  partie  de  celle  de  l'Est.  Le  sarrasin  est  cultivé  sur- 
tout dans  les  terres  pauvres,  sous  les  climats  humides, 
comme  la  Bretagne  et  le  Massif  central.  La  pomme  de 
terre  se  plaît  surtout  dans  les  terres  sablonneuses,  sous 
les  climats  tempérés  ou  froids  ;  elle  est  cultivée  partout, 
principalement  dans  les  régions  du  Nord-Est  et  du  Nord. 
Les  légumes  secs  sont  cultivés  à  peu  près  partout  ;  les 
légumes  frais  et  les  fleurs,  destinés  à  la  consommation 
des  villes,  le  sont  surtout  dans  le  voisinage  de  ces  villes 
et  font  l'objet  de  la  culture  maraîchère  ;  ils  le  sont  aussi 
dans  certaines  régions  favorisées  par  le  climat,  comme  les 
côtes  de  Bretagne,  celles  de  Provence  et  en  général  le  Midi 
qui  fournit  des  primeurs,  ou  par  des  circonstances  parti- 
culières, comme  Roubaix  qui  produit  des  raisins  de  serre 
parce  que  la  houille  y  est  bon  marché. 

La  betterave,  qui  sert  d'une  part  à  la  nourriture  du  bé- 
tail, d'autre  part  à  la  fabrication  du  sucre,  est  peut-être 
de  toutes  les  cultures  celle  qui  a  exercé  depuis  un  demi- 
siècle  l'influence  la  plus  heureuse  sur  le  progrès  agricole, 
parce  qu'elle  permet  d'entretenir  beaucoup  a'animaux  de 
l'espèce  bovine  et  qu'elle  fournit  par  suite  beaucoup  d'en- 
grais. Elle  est  cultivée  principalement  dans  les  dép.  du  N. 
de  la  France,  Nord,  Aisne,  Pas-de-Calais,  Somme,  Oise, 
Seine-et-Marne,  Seine-el-Oise.-—  Le#  principales  plantes 
textiles,  chanvre  et  lin,  dont  la  culture  a  décliné  depuis  une 
cinquantaine  d'années,  sont  cultivées  surtout  dans  le  Nord- 
Ouest  et  le  Nord.  — i  Les  graines  oléagineuses,  colza, 
navette,  œillette,  dont  la  culture  n'est  pas  non  plus  en 
progrès,  le  sont  aussi  dans  le  Nord,  le  Nord-Ouest,  la  Bour- 
gogne. —  Le  tabac,  qui  réussit  à  peu  près  partout  en  France, 
ne  peut  être  cultivé  qu'avec  autorisation  du  préfet  et  ne 
l'est  que  dans  un  certain  nombre  de  départements. 

Les  prairies  artificielles  occupent  en  tout  plus  de 
2  millions  1/2  d'hect.  ;  elles  ont  fourni  en  1891  plus  de 
100  millions  de  quintaux  de  fourrage.  Les  régions  où  l'on 
en  trouve  le  plus  sont  en  première  ligne  celles  de  FOuest  et 
du  Nord-Ouest,  en  second  lieu  celle  du  Centre,  celle  des  mon- 
tagnes de  l'Est  et  celle  du  Sud-Ouest.  La  région  du  Sud-Est, 
sous  le  climat  chaud  de  la  Méditerranée,  est  la  plus  pauvre 
en  prairies  et  par  suite  en  bétail.  La  production  totale  des 
herbages  et  des  prés  naturels  était  évaluée  à  environ 
190  millions  de  quintaux  en  1894.  Les  prairies  naturelles 
se  trouvent  principalement  dans  le  fond  des  vallées  (vallées 


de  la  Saône,  de  la  Seine,  etc.),  dans  les  régions  monta- 
gneuses (Massif  central,  Morvan,  Vosges,  etc.),  dans  le 
voisinage  des  côtes  de  l'Atlantique  (Bretagne,  Normandie, 
Vendée,  etc.).  Les  pâturages,  les  pâtis  et  les  landes  se 
rencontrent  surtout  dans  les  régions  montagneuses  (Alpes, 
Pyrénées,  Landes).  Il  y  en  a  près  de  3,900,000  hect.  en 
France. 

La  oigne  est  une  des  richesses  caractéristiques  du  sol 
français.  Elle  occupait,  d'après  la  statistique  officielle, 
1,764,000  hect.  en  4891.  Elle  a  occupé  avant  les  ravages 
du  phylloxéra  jusqu'à  2,446,000  hect.  en  4875,  et  l'an- 
née 4875  a  donné  une  récolte  exceptionnelle  de  83  mil- 
lions d'hectol.  La  statistique  de  la  récolte  du  vin  est  dressée 
tous  les  ans  par  l'administration  des  contributions  indi- 
rectes à  l'occasion  de  la  perception  de  l'impôt;  elle  l'est 
aussi  par  le  ministère  de  l'agriculture  pour  la  publication 
de  la  Statistique  agricole  annuelle.  Les  résultats  des  deux 
statistiques  ont  présenté  quelquefois  des  différences  qui 
sont  aujourd'hui  bien  moindres. 

Principaux  groupes  de  vignobles.  La  Champagne, 
sur  les  coteaux  de  la  Brie  champenoise,  en  face  de  Reims 
et  à'Epernay,  produit  des  vins  blancs  qui  deviennent,  à 
l'aide  de  certains  procédés  de  fabrication,  des  vins  mous- 
seux, dits  vins  de  Champagne.  La.  Bourgogne  possède  dans 
la  Haute-Bourgogne  (Côte-d'Or,  Saône-et-Loire,  Rhône) 
des  crus  très  estimés  (Chambertin,  Beaune,  Volnay,  etc.), 
et  dans  la  Basse-Bourgogne  des  vins  ordinaires  et  quelques 
crus  estimés  (Chablis,  etc.).  Dans  l'Est  sont  les  groupes 
secondaires  de  la  Lorraine  et  du  Jura.Les  coteaux  du  Rhône, 
entre  Valence  et  Avignon,  possédaient  des  vignobles  ordi- 
naires et  des  crus  renommés  (Ermitage,  etc.)  que  le  phyl- 
loxéra a  détruits  en  grande  partie.  Le  Midi,  dont  la  production 
s'est  considérablement  accrue  et  qui  est  parvenu  à  rétablir 
ses  vignobles  détruits  par  le  phylloxéra,  fournit  des  vins 
plus  abondants  que  fins  ;  le  Bas-Languedoc  (Hérault,  le 
département  de  France  qui  en  produit  le  plus,  Aude)  et  le 
Roussillon  à  l'O.  du  Rhône  et,  à  l'E.,  la  Provence  appar- 
tiennent à  cette  région.  La  Guyenne  donne  des  vins  dé- 
signés généralement  sous  le  nom  de  vin  de  Bordeaux  ; 
groupe  très  important  qui  comprend  entre  autre  groupes 
fort  estimés  ceux  du  Médoc  et  des  Graves  et  dont  dépend, 
comme  groupes  secondaires,  la  Dordogne,  le  Quercy, 
Y  Albigeois,  les  coteaux  des  Pyrénées  et  du  Béarn,  Y  Ar- 
magnac dont  les  crus  sont  encore  en  parti  convertis  en 


FRANCE  —  1012  — 

CULTURES  ET  RÉCOLTES  DIVERSES  PAR  DÉPARTEMENT  EN  1891  (fourrage,  vin,  pommes  a  cidre) 


DEPARTEMENTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-) 

Alpes  (Hautes-) 

Alpes-Maritimes 

Ardèche 

Ardennes 

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Bouches-du-Rhône  — 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure. . . 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord 

Creuse 

Dordogne 

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Haute-) 

Gers 

Gironde 

Hérault 

I  Ile-et-Vilaine 

Indre 

Indre-et-Loire 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-) 

Loire-Inférieure 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-) 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle  . . . 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

.Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-) 

Pyrénées  (Hautes-) 

Pyrénées-Orientales. . . 
Rhin  (Haut-)  (Belfort). 

Rhône 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-) 

Seine 

Seine-Inférieure 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise. 

Sèvres  (Deux-) 

Somme 


TREFLE 

Production 

totale 
(en  milliers 
de  quintaux) 


A  reporter. 


733,5 

669,5 

1.964,3 

50,0 

52,3 

19,5 

130,9 

461,6 

130,1 

249,3 

132,0 

748,0 

16,5 

1.406,0 

84,0 

497,7 

199,9 

679,5 

31,1 

» 

626,2 

1.960,0 

288,7 

57,0 

382,3 

286,6 

53ti,2 

442,0 

250,8 

21,4 

328,0 

205,7 

49,1 

8,9 

1.150,7 

906,4 

807,5 

1.013,5 

265,6 

1.000,0 

328,0 

452,2 

520,5 

550,0 

495,8 

202,2 

900,0 

54,3 

675,0 

764,8 

572,0 

411,1 

2.026,7 

445,0 

312,5 

33,0 

743,0 

697,7 

419,6 

1.599,0 

897,8 

506,8 

154,5 

160,0 

10,3 

28,9 

283,5 

750,9 

657,4 

1.120,1 

218,5 

394,1 

1,8 

1.378,3 

361,1 

161,6 

615,0 

782,0 


39.521,2 


Production 

totale 
(en  milliers 
de  quintaux) 


192,3 
1.555,8 
512,5 
73,3 
56,7 
34,0 
137,8 
577,4 
185,7 
452,3 
985,6 
579,6 
516,9 
180,4 
11,0 
848,6 
671,3 
316,5 
6,3 
24,2 
597,8 
140,0 
19,9 
526,0 
136,8 
845,9 
809,0 
1.239,4 
15,6 
460,7 
870,0 
225,6 
104,8 
704,7 
128,5 
215,2 
400,5 
887,6 
90,2 
60,0 
261,3 
61,6 
66,5 
41,0 
798,1 
291,3 
477,0 
13,5 
334,2 
418,6 
1.134,0 
340,8 
257,8 
331,8 
524,2 
9,0 
560,3 
324,8 
1.339,8 
109,2 
207,1 
182,0 
50,9 
60,0 
309,2 
22,2 
308,0 
220,8 
212,8 
128,1 
45,8 
116,6 
59,5 
89,7 
1.950,9 
1.104,0 
797,3 
643,4 


30.602,8 


Production 

totale 
(en  milliers 
de  quintaux) 


224,4 
277,3 
247,1 
294,3 
300,7 
50,3 
77,8 
237,2 
149,6 
581,1 
314,0 
201,6 
107,4 
593,4 

1,1 

827,9 
650,5 
402,9 


284,4 
» 

11,4 
156,0 
514,9 
547,4 
612,2 
964,1 
» 

241,3 

625,0 

188,5 

8,2 

101,8 

12,2 

336,8 

437,0 

533,4 

524,1 

» 

177,9 

2,7 

48,7 

'     19,0 

566,0 

143,6 

141,0 

24,3 

73,5 

68,6 

667,0 

197,1 

6,0 

115,2 

128,0 

» 

199,1 
62,3 
781,9 
128,6 
846,0 
303,7 
» 

30,0 

41,4 

18,2 

10,0 

81,2 

62,2 

159,1 

100,7 

818,5 

1,6 

187,4 

378,0 

573,8 

212,1 

782,4 


19.366,9 


PRES  NATURELS 
ET  HERBAGES 

lro  coupe  et  regains 
Production 

totale 

(en  milliers 

de    quintaux 

de  foin) 


4.436,0 
2.028,9 
4.272,1 

449,5 

815,9 

585,8 
1.619,0 
2.573,6 
1.744,3 

933,3 

478,5 
2.577,0 

635,1 
4.292,4 
7.98&0 
3.001,3 
2.186,5 
2.048,7 
3.812,0 

157,8 
1.927,0 
2.867,0 
4.317,0 
2.757,7 
2.137,0 

970,2 
1.212,2 

592,0 
3.117,0 

491,0 
2.015,0 
2.497,6 
2.700,6 

396,7 
2.051,4 
2.356.0 
1.59i;2 
2.316,3 
1.751,2 

765,0 

880,2 
3.750,6 
3.527,0 
2.790,0 

501,7 

704,3 
1.400,0 
2.491,3 
2.120,0 
6.564,5 

915,2 
1.638,9 
2.812,0 
1.720,7 
2.027,3 
2.470,0 
2.341,5 
2.073,7 
1.184,0 
6.373,5 

909,7 
5.995,7 
1.639,7 
2.675,0 

385,0 

750,2 
2.484,7 
2.897,5 
5.489,4 
1.935,4 
1.480,7 
1.345,8 
3,0 
3.001,4 

638,0 

715,5 
2.720,2 

603,9i 


Production 

totale 
(en  milliers 
d'hectolitres) 


170.412,9 


138,6 

10,7 

124,9 

51,9 

23,9 

81,7 

133,9 

1,1 

61,2 

229,4 

2.711,0 

89,3 

1.008,3 

» 

4,3 
106,1 
5*7,3 
113,8 
12,0 
282,5 
457,9 


87,1 

23,2 

143,5 

1,2 

8,7 

1.528,3 

403,9 

1.482,7 

2.368,2 

5.201,5 

3 

106,9 

875,2 

287,4 

60,6 

371,6 

825,6 

302,6 

87,4 

915,0 

282,3 

78,3 

321,8 

2,6 

774,0 

» 

1C1,2 

82,1 

4,1 

288,5 

96,5 

22,2 

136,6 

» 

1,1 


1.165,3 
202,7 
136,7 

1.063,3 

450,0 

25,2 
414,5 

73,3 

142,8 

~    91,7 

9,7 

» 

29,3 
106,9 
154,8 


POMMES 
A     CIDRE 

Production 

totale 
(en  milliers 
de  quintaux 
de    pommes) 


27.611,4 


1,5 

24,7 
5,7 
5,9 


12,0 
6 

29,7 

18,5 
» 

997,5 
1,5 
» 

3 
13,3 
40,0 


10,0 
30,0 


374,1 

70,8 
122,4 

» 

10,0 

» 
1,0 

1.801,2 

6,2 

47,4 

82,2 


6,0 

3,2 

•    310,0 

28,4 
2,9 

3,8 

180,0 

1.114,8 

13,0 

3 

535,0 

» 

1,6 
250,5 
1,5 
» 

74,8 
823,0 
39,4 
10,0 
3,7 
3,8 
9 


225,8 
20,0 
52,3 
» 

364,1 
50,9 

101,2 
38,1 
87,8 


8.056,9 


—  1013 


FRANCE 


DEPARTEMENTS 


Report 

Tarn 

Tarn-et-Garonne 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne  

Vienne  (Haute-) 

Vosges 

Yonne 

Totaux 


Production 

totale 
(en  milliers 
de  quintaux) 


39.521,2 

448,9 

181,1 

8,3 

10,1 

983,0 

1.142,6 

316,2 

333,9 

395,5 


43.340,8 


Production 

totale 
(en  milliers 
de  quintaux) 


30.602,8 

547,9 
737,4 
324,2 
479,9 
477,2 

1.231,7 

7,6 

243,1 

1.565,6 


36.217,4 


Production 

totale 
(en  milliers 
de  quintaux) 


PRES  NATURELS 
ET   HERBAGES 

l1'8  coupe  et  regains 
Production 

totale 

(en  milliers 

de    quintaux 

de  foin) 


.19.366,9 

457,3 
179,0 

76,4 
213,8 
104,4 
757,4 

» 

56,1 
794,7 


22.006,0 


170.412,9 

1.586,1 
1.094,8- 
233,4 
488,9 
3.527,0 
1.217,3 
6.309,5 
3.818,4 
1.198,2 


189.886,5 


Production 

totale 
(en  milliers 
d'hectolitres) 


27.611,4 

84,6 
260,9 
521,9 
288,3 
387,5 
534,6 
5 

83,2 
394,0 


30.166,9 


POMMES 
A     CIDRE 

Production 
totale 

(en  milliers 
de  quintaux 
de    pommes) 


8.056,9 

32,4 
2,1 


1,5 
11,2 
64,0 
» 
62,6_ 

~87230,r 


PRODUCTION 

DU  TIR,  DU  CIDRE 

,  DE  LA  BIERE  ET  DE  L'ALCOOL  EN  FRANCE  DE  1850  A  1891 

(en  millions  d'hectolitres) 

VIN 

w 

E 

tteinte 
pot 

j  0 

« 

S  2  3 

3  -ïijoo 

«   «a 

0  .-< 

< 

s  s  .s 

s  le  B 
minist 
agricu 

ête  de  i 

CIDRES 

BIÈ 

itités 
par  Ti 

8  0 
0 

t*% 

•a?     -h  S« 
u  3       gf 

o3 

u 

OS* 

%       ® 

tj 

1850.. 

» 

» 

» 

•» 

0,94. 

1851.. 

» 

» 

» 

» 

1,03 

1852. . 

28,6 

38,0 

)> 

» 

0,69 

1853.. 

22,7 

» 

»  . 

» 

0,72 

1854.. 

10,8 

» 

» 

» 

0,91 

1855... 

15,2 

» 

» 

» 

0,70 

1856... 

21,3 

» 

» 

» 

0,70 

1857... 

35,4 

» 

)) 

» 

0,85 

1858... 

46,8 
53,9 

» 

» 
» 

6,8 

0,96 

1859... 

29,9 

» 

» 

6,7 

1,03 

1860... 

39,5 

» 

» 

6,6 

0,87 

1861... 

29,7 

» 

» 

6,8 

1,03 

1862... 

37,1 

» 

» 

6,9 

1,0* 

1863... 

51,4 

» 

» 

7,0 

1,22 

1864.. 

50,6 

» 

ll,6(i) 

7,2 

1,35 

1865.. 

68,9 

» 

2,8 

7,7 

l,f4 

1866.. 

63,8 

» 

114 

8,1 

1,39 

1867.. 

39,1 

» 

11,6 

7,0 

1,09 

1868.. 

52,1 

» 

16,3 

7,3 

1,29 

1869.. 

70,0 

» 

3,7 

73 

1,41 

1870.. 

53,5 

» 

20,1 

6,8 

1,24 

1871.. 

56,9 

» 

2,1 

5,2 

1,60 

1872. . 

50,1 

» 

4,6 

7,4 

1,89 

1873... 

35,7 

» 

13,6 

7,4 

1,42 

1874... 

63,1 

63,1 

13,3 

7,3 

1,53 

1875... 

83,8 

83,8 

18,2 

7,3 

1,85 

1876. . . 

41,8 

41,8 

7,0 

7,6 

1,71 

1877. . . 

56,4 

56,4 

13,3 

7,7 

1,31 

1878... 

"48,7 

48,7 

11,9 

7,5 

1,42 

1879... 

25,8 

25,8 

7,7 

74 

1,49 

1880... 

29,7 

29,7 

5,5 

82 

1,58 

1881... 

34,1 

34,1 

17,1 

86 

1,82 

1882... 

30,9 

33,5 

8,9 

8,3 

1,77 

1883.. 

36,0 

36,0 

23,5 

8,6 

2,01 

1884.. 

34,8 

34,8 

11,9 

8,5 

1,93 

1885.. 

28,5 

31,5 

19,9 

8,0 

1,86 

1886.. 

25,0 

30,4 

8,3 

7,9 

2,05 

1887.. 

24,3 

25,4 

13,4 

8,2 

2,00 

1888.. 

30,1 

30,6 

9,8 

7,9 

2,16 

1889... 

23,2 

24,0 

3,7 

8,4 

2,24 

1890... 

27,4 

27,4 

11,1 

» 

2,21 

1891... 

» 

30,2 

9,3 

» 

2,20 

f1)  Les  chiffres  de  la  production  des  cidres  ne  sont 

paséta- 

blis  sur  des  documents  officiels  et  ne  fleurent  qu'à 

titre  de 

renseignement.  —  (2)  La  moyenne  de  la  production 

de  l'al- 

cool  de  1840  à  1850  a  été  de  891.500  hectol.  Les 

chiffres 

de  cette  colonne  ne  sont  pas  entièrement  officiels 

à  cause 

de  l'évaluation  hypothétique  des  quantités  distil 

ées  par 

les  propriétaires  avec  le  marc  de  leurs  récoltes. 

.... 

eau-de-vie,  les  Landes,  Les  Char  entes  (Charente  et  Cha- 
rente-Inférieure) rendent  aujourd'hui  depuis  le  phylloxéra 
moins  d'un  million  d'hectoL  ;  autrefois  la  plus  grande  par- 
tie du  vin  de  cette  région  était  convertie  en  eau-de-vie  sous 
le  nom  de  cognac.  Le  centre  de  la  France  produit  les  vins 
d'Auvergne,  du  Cher,  d'Orléans,  les  vins  d'Anjou,  de 
Touraine.  Les  environs  de  Paris  ont,  à  cause  de  la 
proximité  de  la  capitale,  des  vignobles  très  productifs  en 
quantité.  Thomery,  les  environs  de  Paris,  le  Midi  pro- 
duisent en  grande  quantité  le  raisin  de  table. 

V  alcool  est  produit  en  très  petite  partie  parla  distillation 
du  vin  et  des  marcs,  en  grande  partie  par  la  distillation 
des  grains,  des  mélasses  et  des  betteraves.  Les  Charentes, 
le  Gers,  Y  Hérault,  h  Bourgogne,  etc.,  fournissent  de  l'eau- 
de-vie  de  vin;  le  Nord,  le  Pas-de-Calais,  la  Somme, 
Y Aisne,  etc.,  et  dans  le  Sud,  les  Bouches-du-Rhône,  la 
Gironde  produisent  beaucoup  d'alcool  d'industrie. 

Le  cidre  est  une  boisson  que  produisent  en  grande  quan- 
tité la  Normandie,  la  Bretagne,  la  Picardie,  le  Maine. 

La  bière  est  la  boisson  principale  dans  les  régions  du 
Nord  {Flandre,  bière  de  Lille,  de  Cambrai)  et  du  Nord- 
Est  ;  on  en  consomme  aussi  beaucoup  dans  les  grandes  villes. 
Les  Côtes-du-Nord,  Nord  et  Meurthe-et-Moselle  sont  les 
départements  qui  produisent  le  plus  de  houblon. 

Les  arbres  fruitiers  des  jardins,  pommiers,  poiriers, 
cerisiers,  abricotiers,  pêchers,  etc.,  sont  cultivés  dans 
toute  la  France,  en  grande  quantité  dans  les  environs  de 
Paris  et  de  quelques  grandes  villes  et  dans  quelques  ré- 
gions qui  ont  des  spécialités,  comme  Agen  pour  les  prunes, 
la  Provence  pour  les  amandes,  les  oranges  et  les  figues, 
le  raisin  dans  les  serres  du  Nord.  Il  y  a  quelques  arbres 
qui  sont  l'objet  d'une  culture  plus  générale,  le  noyer  dans 
le  Centre  et  l'Est,  V olivier  dans  le  Sud  et  le  Sud-Est,  le  châ- 
taignier dans  le  Massif  central,  le  mûrier  blanc,  dont  la 
feuille  nourrit  le  ver  à  soie,  dans  la  vallée  du  Rhône;  la 
Brome,  YArdèche  et  VIsère  sont  les  trois  départements 
qui  produisent  la  plus  grande  quantité  de  soie. 

Les  forêts  qui  couvrent  un  espace  total  d'environ  9  mil- 
lions 4/2  d'hect.  (dont  environ  6  millions  aux  particuliers, 
moins  de  2  millions  aux  départements,  communes,  établis- 
sements publics,  2  millions  à  l'Etat)  sont  situées  sur  les 
pentes  des  montagnes,  sur  les  plateaux,  dans  les  plaines 
sablonneuses  et  généralement  sur  les  terrains  qui  ne  seraient 
pas  avantageusement  utilisés  pour  les  cultures  de  labour.  Le 
N.-E.  et  TE.  de  la  France  sont  les  parties  du  territoire  les 
plus  boisées.  Les  forêts  des  Ardennes,  de  YArgonne,  de 
Dabo,  d'Othe,  des  Vosges,  du  Morvan,  d'Orléans,  la  plus 
grande  de  France  (39,000  hect.),  du  Perche,  de  Per- 
seigne,  de  Breteuil,  etc.,  forment  dans  le  bassin  pari- 
sien de  grands  arcs  de  cercle  qui  sont  en  rapport  avec  la 
constitution  géologique  du  sol.  Dans  l'intérieur  du  bassin, 


FRANCE 


—  4014  — 
ANIMAUX  DE  FERME  PAR  DÉPARTEMENT  EN  4891 


DEPARTEMENTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-) 

Alpes  (Hautes-) 

Alpes-Maritimes 

Ardèche  

Ardennes 

Ariège 

Aube 

Aude *. 

Aveyron 

Bouches-du-Rhône. . 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure. . 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord 

Creuse 

Dordogne  

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Haute-) 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille-et-Vilaine 

Indre 

Indre-et-Loire 

Isère 

Jura 

Landes  

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-) 

Loire-Inférieure 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-) 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle  . 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-).. 
Pyrénées  (Hautes-) . . 
Pyrénées-Orientales . 
Rhin  (Haut-)  (Belfort) 

Rhône 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-) 

Seine 

Seine-Inférieure 

A  reporter.. 


17,8 
79,5 
14,7 

6,4 

4,9 

7,3 
12,6 
48,1 

8,7 
34,3 
13,8 
11,6 
13,9 
71,0 
10,3 
46,2 
39,1 
36,3 

6,3 
10,4 
51,0 
96,5 

7,9 
16,8 
19,9 
18,7 
49,5 
42,7 
107,6 
19,7 
31,5 
23,1 
41,3 
22,7 
68,4 
26,4 
36,4 
32,4 
12,7 
26,3 
36,1 
14,6 
13,7 
47,7 
42,0 

9,7 
26,0 

5,1 
60,6 
82,1 
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154,2 
174,3 

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160,4 
339,1 
204,1 
145,3 
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141,2 
107,5 
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149,9 
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147,1 
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264,0 

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349,9 
339,8 
154,0 

99,6 
289,0 

91,3 
106,2 
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195,6 
277,2 
129,6 
217,1 
225,7 
333,6 
159,1 
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49,7 
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340,6 
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331,2 

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224,8 
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119,4 

72,6 

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136,4 

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1,3 

25,1 

18,9 

14,0 

12,5 

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29,1 

495,0 

132,4 

2.326,9 

860,0 

135,7 

866,0 

663,0 

232,2 

22,6 

1.200,8 

1.950,0 

690,0 

2,5 

1.999,2 

387,1 

1.561,1 

1.376,7 

2.123,6 

113,1 

126,8 

13,7 

490,3 

169,9 

2.924,1 

376,0 

875,6 

1.582,4 

915, 

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786,6 

852,7 

799,8 

1.825,0 

1.503,5 

23,3 

73,0 

356,1 

1.192,0 

2.916,6 

1.600,0 

660,7 

705,7 

796,4 

880,6 

1.191,8 

567,7 

4.218,1 

1.831,4 

1.125,0 

2.240,2 

3.015,0 

330,1 

4*5,0 

38,8 

212,6 

1.842,5 

824,3 

1.175,8 

1.264,1 

739,8 

1.534,0 

340,1 

3.200,5 


1,1 

21,5 
5,9 
8,8 
4,9 
2,1 
2,3 
5,7 

18,2 
4,1 
4,1 

14,5 

15,4 
2,6 

12,2 
3,5 
9,4 

15,9 

12,7 
4,2 
9,0 
2,0 

14,0 

6,2 

7 

5,0 

10,7 

21,4 
1,8 
9,9 
3,7 
4,4 
4,1 

12,3 
8 

14,5 

1,7 

7,2 

1 

10,0 

11,4 
2,6 
8,7 
1,2 
7,8 

11,6 
1,5 
4,9 
2,0 
5,4 

16,0 
2,7 
3,7 
2,2 
2,2 
1,0 
3,7 
3,2 

12,8 
2,8 

13,7 
6,3 
8,7 
3,5 
7,7 
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28,3 

114,6 
16,7 
49,5 
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62,5 
60,2 
53,7 
54,7 

110,6 
49,2 
76,3 

550,0 
70,2 

151,4 

118,6 

149,2 
55,1 

175,5 

222,7 
41,2 
29,4 
14,3 
66,5 
46,7 

404,4 
43,9 
30,9 

132,7 
28,6 
50,0 
46,3 
42,3 
31,2 

190,0 

154,4 
9,8 
66,5 
22,1 
58,0 
84,5 

180,0 
60,9 
76,7 
67,4 
56,6 

179,7 
50,9 
15,7 

103,7 
72,0 
74,1 
50,3 
25,3 
7,8 
24,7 
4,5 
38,8 
26,7 
86,2 
75,8 
58,3 
91,7 
1,4 
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1.192,6 


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» 

21,4 

1,4 
» 

» 
34,8 


5.937,4    5.167,4 


1015  - 


FRANCE 


DÉPARTEMENTS 

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PRODUCTION   TOTALE 

(milliers  d'hectolitres) 

LAINE 

PRODUCTION   TOTALE 

(milliers  de   quintaux) 

MIEL 

PRODUCTION  TOTALE 

(milliers  de  kilogrammes) 

COCONS 

PRODUCTION   TOTALE 

(en  milliers  de  kilogrammes) 

Report 

Seine-et-Marne 

2.487,2 

44,7 
49,0 
35,9 
76,9 
15,4 
15,2 
9,1 
13,6 
21,8 
30,5 
(7,8 
30,1 
46,2 

175,8 

1 

4 

11,9 

4 

1,9 

1,1 

10,6 

14,4 

3,3 

6,3 

5 

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2 

308,5 

3,0 
3,9 
3,1 
4,6 
4,8 
1,7 
2,8 
4,0 
3,8 
13,2 
5,8 
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5,6 

11.973,9 

100,0 

94,7 

185,7 

156,7 

124,7 

97,7 

3,6 

3,8 

298,5 

113,9 

201,2 

155,6 

151,5 

18.283,9 

464,0 
301,5 
145,9 
374,3 
351,9 
131,2 
218,4 
198,0 
151,7 
304,5 
536,1 
41,9 
288,6 

5.252,3 

13,0 
15,3 

107,4 
82,5 

101,9 
37,5 
25,2 
38,5 
58,6 
88,7 

157,3 
83,0 
35,0 

1.327,2 

2,4 

2,1 

38,8 

16,7 

3,8 

2,2 

11,7 

11,6 

4,5 

26,0 

12,1 

16,7 

4,4 

72.029,1 

1.587,3 
1.191,2 

416,0 
1.505,1 

103,1 
11,6 

193,5 

40,3 

1.239,9 

256,2 

184,3 
1.307,6 
1.240,7 

476,7 

20,1 

12,9 
2,3 

10,8 
9,6 
4,3 

13,7 
4,3 
1,7 
5,9 
7,8 
1,0 
7,9 

5.937,4 

95,3 
83,2 
34,2 
120,4 
58,4 
28,3 
91,9 
32,5 
40,0 
43,1 
75,5 
35,8 
77,3 

5.167,4 
» 

» 

12,9 

25,5 

552,9 

1.124,9 

» 

Sèvres  (Deux-) 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne 

'Vienne  (Haute-) 

Vosges 

Yonne 

Totaux 

2.883,4 

230,9 

364,9 

13.661,5 

21.791,9 

6.096,2 

1.480,2 

81.305,9 

579,0 

6.753,3 

6.883,6 

sur  les  terres  sablonneuses,  sont  les  forêts  de  Fontaine- 
bleau, de  Sénart,  de  Rambouillet,  de  Chantilly,  de 
Compiègne,  de  Villers-Cotterets.  Dans  l'Est  sont  les  forêts 
du  Jura  (forêt  de  Chaux,  etc.)  :  dans  le  Sud-Est,  les  forêts 
des  Alpes,  de  Savoie  et  du  Dauphiné  et  celles  de  YEstérel 
et  des  Maures;  dans  le  Sud-Ouest,  les  forêts  plus  clair- 
semées des  Pyrénées  (forêt  d'Irati,  etc.)v'et  des  Landes 
dont  le  sol  ingrat  a  été  utilisé  par  la  plantation  du  pin 
maritime. 

Les  principaux  animaux  de  ferme  sont  les  chevaux, 
mulets  et  ânes,  les  bœufs,  les  moutons,  les  chèvres  et  les 
porcs.  Les  chevaux,  dont  le  nombre  est  d'environ  3  mil- 
lions 1/2  (2,883,000  dans  les  fermes,  sans  compter 
600,000  environ  hors  des  fermes),  appartiennent  à  une 
douzaine  de  races  diverses  suivant  les  régions.  C'est  dans 
le  Nord  et  le  Nord-Ouest  qu'on  élève  le  plus  de  che- 
vaux :  race  flamande,  race  boulonnaise,  race  normande 
croisée  de  sang  anglais,  race  percheronne,  races  bre- 
tonnes. Le  Poitou,  le  Limousin,  les  Landes,  les  Pyré- 
nées, la  Franche-Comté  sont  aussi  des  pays  d'élevage. 
Les  ânes  se  trouvent  principalement  en  Gascogne,  en 
Poitou,  dans  le  Périgord  ;  les  mulets  dans  le  Poitou, 
la  Charente,  le  Périgord  et  tout  le  Midi.  La  race  bo- 
vine, taureaux,  vaches,  bœufs,  bouvillons  et  génisses,  sont 
au  nombre  de  13  millions  1/2.  Elle  sert  au  travail  agricole 
comme  animal  de  trait  et  à  l'alimentation  par  son  lait  et 
sa  viande  ;  selon  que  l'espèce  est  plus  apte  à  l'une  ou 
l'autre  de  ces  fins,  on  l'appelle  race  de  trait,  race  laitière  ou 
race  de  boucherie;  presque  tous  ces  animaux  d'ailleurs  sont 
destinés  à  être  mangés.  Les  races  laitières  et  de  boucherie  se 
trouvent  principalement  dans  les  fermes  riches  et  dans  les 
plantureux  herbages  àesrégions  du  Nord-Ouest  et  du  Nord, 
Bretagne,  Normandie,  Maine,  Flandre,  Ile-de-France 
et  dans  les  dép.  delà  Basse-Loire  et  du  Poitou.  Les  races  de 
trait  se  trouvent  principalement  dans  les  régions  du  Nord- 
Est,  du  Centre  et  du  Sud  où  le  cheval  est  rare,  comme  l'avoine, 
et  où  la  terre  paraît  s'accommoder  mieux  du  travail  du  bœuf. 
Là  se  trouvent  la  belle  race  comtoise  [Franche-Comté),  la 
forte  race  du  Charollais  (Bourgogne  et  Morvari),  la  race 
plus  rustique  de  Salers  (Auvergne,  etc.),  la  race  limou- 
sine (Limousin),  la  vigoureuse  race  gasconne  (bassin  de 
la  Garonne,  etc.)  Le  Massif  central  est  une  des  parties 
de  la  France  où  l'on  élève  le  plus  de  bœufs.  Les  départements 
qui  fournissent  le  plus  de  lait  sont  le  Nord,  la  Seine- 


Inférieure,  VI Ile-et-Vilaine,  le  Puy-de-Dôme,  le  Pas- 
de-Calais,  la  Manche,  le  Calvados  et  le  Finistère.  Les 
moutons,  dont  le  nombre  a  beaucoup  diminué  (en  1852, 
33,2  millions  ;  en  \  891 ,  21,8)  fournissent  leur  viande  à  la 
boucherie  et  leur  laine  à  l'industrie.  C'est  surtout  dans  les 
riches  fermes  de  la  Beauce,  de  la  Brie  et  du  Soissonnais, 
dans  la  plaine  du  Centre  et  surtout  dans  le  Cher  et 
VIndre  (mouton  solognot,  mouton  berrichon),  dans  la 
Champagne  (mouton  champenois),  dans  le  Massif  cen- 
tral (Limousin,  etc.)  et  surtout  dans  les  Causses  (mou- 
ton du  Larzac,  etc.),  dans  la  Creuse  (le  département"  qui 
possédait  le  plus  de  moutons  en  1891),  dans  la  Cor- 
rèze,  dans  les  Alpes  et  dans  la  Crau  où  sont  des  troupeaux 
transhumants,  en  Corse,  dans  les  Landes,  que  les  mou- 
tons sont  le  plus  nombreux.  Les  moutons  mérinos  dont  la 
laine  est  la  plus  estimée  sont  élevés  surtout  dans  les  fermes 
de  la  région  du  Nord  :  V Eure-et-Loir,  V Aisne,  la  Marne, 
Seine-et-Marne  sont  les  dép.  qui  produisent  la  plus 
forte  valeur  en  laine.  Les  moutons  vivent  dans  les  pâtu- 
rages secs  et  maigres  et  dans  les  jachères  et  landes  ;  c'est 
pourquoi  on  en  trouve  beaucoup  dans  les  plaines  du  Centre, 
dans  les  Causses,  dans  les  Alpes.  Paris  est  le  lieu  le 
plus  important  de  la  consommation  de  toute  espèce  de 
viande.  En  faisant  abstraction  de  cette  ville,  on  peut  dire 
qu'au  N.  de  la  Loire  et  du  Rhône  on  mange  plutôt  du 
bœuf  et  qu'au  S.  on  mange  plutôt  du  mouton.  Le  porc  est 
un  animal  dont  on  tire  un  grand  parti  pour  l'alimentation 
et  qui  se  trouve  surtout  dans  les  pays  qui  possèdent  des 
vaches  et  des  forêts.  Il  y  en  a  en  France  6  millions  répartis 
sur  tout  le  territoire,  surtout  dans  la  Dordogne,  la  Haute- 
Vienne,  Saône-et-Loire,  les  Côtes-du-Nord,  le  Pas-de- 
Calais,  Y  Allier.  La  chèvre  est  surtout  un  animal  de 
montagne  qui  se  trouve  dans  la  région  du  Sud-Est  (Corse, 
Ardèche,  brome,  etc.).  L'agriculture  élève,  outre  le  bétail,  la 
volaille  (environs  de  Paris,  Maine,  Normandie,  Bresse, 
vallée  de  la  Garonne,  etc.),  les  abeilles  (Savoie,  Bre- 
tagne, Bas-Languedoc,  Gâtinais,  etc.),  les  vers  à  soie 
(bassin  du  Rhône) .  —  La  pêche  est  pratiquée  dans  tous  les 
cours  d'eau  et  les  lacs  ;  elle  lest  dans  les  étangs  où  le  poisson 
donne  lieu  à  un  élevage,  principalement  dans  la  Bombes, 
la  Sologne  et  la  Brenne.  La  pêche  maritime  comprend  la 
grande  pêche  qui  se  fait  en  pleine  mer,  celle  de  la  morue 
particulièrement  sur  le  banc  de  Terre-Neuve,  celle  du  hareng 
dans  divers  parages  et  qui  occupe  près  de  20,000  hommes 


FRANCE 


4016 


et  la  pêche  côtière  qui  occupe  environ  40,000  bateaux  et 
46,000  hommes. 

Carrières  et  Mines.  —  La  distribution  des  minéraux  et 
métaux  dans  le  sol  dépend  de  la  constitution  géologique, 
laquelle  explique  ainsi  et  détermine  les  industries  extrac- 
tives.  Les  carrières  fournissent  la  plupart  des  matériaux  de 
construction  :  granit  dans  le  Cotentin,  les  îles  Chausey, 
la  Bretagne,  Vendée,  Limousin,  Alpes  et  Vosges;  ba- 
saltes en  Auvergne  (pierre- de  Volvic,  etc.);  ardoise  à 
Trélazé,  dans  les  Ardennes  (Fumay,  Rimogne);  bitume 
(Seyssel,  Autun)  ;  marbre  (Boulogne,  Maubeuge,  Givet 
dans  le  Nord,  Sablé  dans  l'Ouest,  Dax,  Chomerac  dans 
l'Est;  Campan,  Saint-Béat,  Caunes,  Castéra-Verduzan 
dans  les  Pyrénées  ;  diverses  localités  dans  les  Alpes,  le 
Jura,  les  Vosges,  la  Corse)  ;  pierre  de  taille  dans  les 
environs  de  Paris  (Creil,  Crouy,  etc.),  les  environs  de 
Caen  (pierre  d'Allemagne),  la  Bourgogne  (Grimault, 
Tonnerre),  le  Jura,  les  Alpes  (Echaillon),  etc.  ;  craie 
à  Meudon,  Rouen,  en  Touraine  ;  meulière  sur  les  pla- 
teaux environnant  Paris,  à  La  Ferté-sous-Jouarre,  à 
Busigny  ;  grès  à  Fontainebeau,  dans  les  Vosges,  etc.  Le 
plâtre,  la  chaux,  Y  argile,  h  phosphate  de  chaux  (V.  ces 
mots)  sont  aussi  l'objet  d'exploitations  importantes.  Saint- 
Yrieix  fournit  le  kaolin  des  porcelaines  de  Limoges.  Les 
carrières  exploitées  à  ciel  ouvert  ou  souterraines  étaient  au 
nombre  de  36,300  en  1894  et  le  nombre  des  ouvriers  de 
443,000.  Si  l'on  juge  de  l'importance  des  carrières  d'après 
le  nombre  des  ouvriers  employés,  les  départements  occu- 
pant les  premiers  rangs  sont  :  Maine-et-Loire,  Mayenne, 
Calvados,  Eure,  Orne,  Manche,  Ardennes,  Pas-de- 
Calais,  Seine-et-Oise.  —  Le  sel  est  extrait  des  mines  de  sel 
gemme  (Saint-Nicolas,  Varangéville,  Rosières),  etc.,  des 
marais  salants  de  V Océan  (Charente-Inférieure  et 
Loire-Inférieure),  de  la  Méditerranée  (Bas-Languedoc 
et  Provence)  ;  la  production  totale  a  été  de  814,000  tonnes 
en  4894. —  Les  sources  thermales  et  minérales  qui 
attirent  sur  place  des  clients  ou  dont  on  expédie  l'eau  se 
trouvent  surtout  dans  les  terrains  ou  au  pied  des  terrains 
géologiques  anciens  et  se  rattachent  aux  industries  extrac- 
tives.  On  peut  les  classer  en  quatre  groupes  principaux  : 
groupe  des  Vosges  (Contrexéville,  Plombières*  Luxeuil, 
Bourbonne-les-Bains,  Bussang)  ;  groupe  du  Jura  et  des 
Alpes  (Salins,  Evian-les-Bains ,  Allevard,  Uriagé); 
groupe  du  centre  (Fougues,  Néris,  Bourbon-ï  Archam- 
bault,  Vichy,  Saint- Galmier,  Sail-sous-Couzan,  Saint- 
Romain-le-Puy,  Mont-Dore,  Royal,  la  Bourboule,  Vais); 
groupe  des  Pyrénées  (Amélie-les-Bains,  Bagnères-de- 
Luchon,  Bagnères-de-Bigorre,  Barèges,  Cauterets, 
Eaux-Bonnes  et  Dax).  Or 'ezza  (en  Corse) ,  Bagnoles, 
Enghien,  Chantelle,  Saint-Amand  sont  des  sources  iso- 
lées. Les  bains  de  mer,  dont  le  nombre  s'est  considérable- 
ment augmenté  sur  les  côtes  de  la  Méditerranée,  de  l'Océan 
et  de  la  Manche  depuis  que  les  chemins  de  fer  procurent 
des  facilités  d'accès,  doivent  être  cités  à  côté  des  stations 
thermales. 

La  France  n'est  pas  riche  en  minerais  métalliques,  le  fer 
excepté.  Pontpéan  (Ille-et- Vilaine)  et  les  usines  de  Pont- 
gibaud  (Puy-de-Dôme)  et  de  Couëron  (Loire-Inférieure) 
pour  le  plomb  et  Y  argent,  Malines  (Gard),  Bormettes 
(Yar)  pour  le  zinc,  Saint-Bel  (Rhône)  pour  les  pyrites 
de  fer,  Grand-Filon  et  Romanèche  (Saône-et-Loire) 
pour  le  manganèse,  Baux,  prèsd'Aix,  pour  V aluminium, 
ont  été  en  4894  les  principaux  lieux  d'une  production 
dont  la  valeur  totale,  en  minerai,  a  été  de  45  millions  4/2 
de  fr.  Mais  on  travaille  en  France  les  minerais  importés, 
dans  le  dép.  du  Nord,  à  Biache-Saint-Vaast,  au  Havre, 
à  Deville,  à  Laigle,  à  Romilly,  à  Montalaire,  à  Saint- 
Denis,  à  Imphy,  à  Marseille,  etc. 

La  France  est  beaucoup  plus-riche  en  houille.  Les  bas- 
sins houillers  (houille,  anthracite  et  lignite)  y  sont  répartis 
en, quatre  grands  groupes  :  4°  Groupe  du  Nord.  Au  pied 
du  versant  septentrional  du  plateau  des  Ardennes  s'étend 
une  longue  bande  de  terrains  houillers  dont  la  France  pos- 


sède l'extrémité  occidentale  connue  sous  le  nom  de  bassin 
de  Valenciennes  ou  région  duNord  et  du  Pas-de-Calais;  ce 
bassin  fournit  la  moitié  de  la  production  française  (43,5  mil- 
lions de  tonnes  en  4891)  en  y  comprenant  le  petit  bassin 
d'Hardinghen.  Anzin,  Lens,  Aniche  sont  au  nombre  des 
exploitations  les  plus  importantes.  2°  Groupe  de  l'Est  qui, 
avant  les  événements  de  4870,  avait  une  grande  importance 
à  cause  du  bassin  de  la  Sarre  et  qui  est  réduit  aujourd'hui 
au  petit  bassin  de  Ronchamps (490,000 tonnes).  3°  Groupe 
du  Centre  qui  s'étend  au  pied  du  Morvan  et  autour  des 
terrains  anciens  du  Massif  central.  Sur  ce  vaste  espace  les 
mines  sont  nombreuses  et  plusieurs  sont  très  productives, 
entre  autres  celles  d'Epinac  et  A  ubigny-la-Ronce  (  4  28, 000 
tonnes),  du  Creusotet  Blanzy  (4,602,000  t.),  celles  de 
Saint-Etienne  et  Rive-de-Gier  (3,760,000  t.),  qui 
viennent  au  second  rang,  après  le  bassin  du  Nord  et  qui 
forment  le  plus  important  des  bassins  de  la  région  de  la 
Loire,  le  bassin  d'Alais  (Gard)  qui  occupe  le  troisième 
rang  (2,450,000  t.),  \eUssmde  Graissessac (240,000 1.), 
Je  bassin  de  Carmaux  (545,000  t.),  le  bassin  d'Aubin 
(987,000  t.),  le  bassin  d'Ahun  (190,000  t.),  le  bassin  de 
Saint- Eloy  (188,000  t.),  le  bassin  de  Commentry  et 
Doyet  (888,000  t.),  le  bassin  de  Decize  (133,000  t.).  Le 
bassin  de  Brassac  (217,000  t.)  est  au  centre  du  Massif. 
4°  Groupe  de  l'Ouest,  le  moins  important  des  quatre,  situé 
au  pied  des  granits  de  la  Vendée  et  du  Maine  (46,000 1.), 
renferme  les  bassins  de  Vouvant  et  Chantonnay,  de 
Champagnac  et  Bourg-Lastic  (107,000 1.),  delà  Basse- 
Loire  (50,000  t.),  du  Maine  (72,000  t.).  5°  Groupe 
des  Alpes  qui  renferme  de  Y  anthracite  surtout  à  La  Mure, 
dans  le  bassin  du  Drac  (177,000  t.)  et  du  lignite  à  Fu- 
veau  (434,000  t.)  et  Manosque  (37,000  t.)  en  Provence. 
La  production  totale  de  la  houille  en  France  a  beaucoup 
augmenté  dans  le  cours  du  siècle. 

PRODUCTION   DE   LA   HOUILLE  (ANTHRACITE,  HOUILLE,  LIGNITE) 
EN    FRANCE 

millions    de  tonnes) 


(par 


1820. 
1830. 
1840. 
1850. 
1860. 


1,0 

1870 

1,8 

1880 

3,0 

1890 

4,4 

1894 

8,0 

13,1 
19,3 

26,3 
26,0 


Le  minerai  de  fer  (production  de  3,579, 000 tonnes,  dont 
3  millions  en  minerai  hydroxydé  oolithique)  est  exploité  et 
la  fonte,  le  fer  et  l'acier  sont  produits  dans  neuf  groupes 
principaux  :  4  °  Groupe  du  Nord  où  se  trouvent  les  usines 
de  Marquise,  Fives-Lille,  Douai,  Denain,  Maubeuge, 
Fourmies,  Montataire  et  qu'on  peut  étendre  jusqu'à  Saint- 
Denis  et  Paris;  il  a  produit  en  1891  jusqu'à  210,000 
tonnes  de  fonte,  152,000  tonnes  d'acier,  355,000  tonnes 
de  fer.  2°  Groupe  de  la  Champagne  où  se  trouvent  les 
forges  des  Ardennes,  les  minerais  et  les  forges  de  la  Haute- 
Marne  (Val  d'Osne,  Saint-Dizier,  Sommevoire,  etc.), 
de  Châhllon,  de  Cussey,  etc.;  il  a  produit  près  de 
70,000  tonnes  de  fonte,  40,000  tonnes  d'acier  et  140,000 
tonnes  de  fer.  3°  Groupe  du  Nord-Est  au  de  Lorraine; 
le  dép.  de  la  Moselle,  perdu  en  1870,  était  au  premier 
rang  pour  la  production  du  fer  ;  le  rapide  développement 
des  usines  de  Meurthe-et-Moselle,  aux  environs  de  Briey, 
de  Longwy,  de  Frouard,  de  Nancy  (minerai  de  Chavi- 
gny,  du  Val  de  Fer,  de  Ludre,  de  Mar bâche,  etc.),  sur- 
tout depuis  l'utilisation  des  minerais  phosphoreux,  a  en  par- 
tie réparé  cette  perte  matérielle;  en  1891,  là  production  a 
été  de  1,100,000  tonnes  de  fonte,  94,000  t.  d'acier  et 
61,000  t.  de  fer.  4°  Groupe  de  l'Est,  qui  comprend  la 
Haute-Bourgogne  et  la  Franche-Comté  avec  les  forges 
d'Aillevillers,  d'Audincourt,  etc.,  et  dont  l'importance  est 
aujourd'hui  très  réduite  (environ  10,000  tonnes  d'acier  et 
8,000  t.  de  fer  dans  le  dép.  du  Doubs).  5°  Groupe  du 
Centre,  un  des  plus  importants  de  France,  renfermant  dans 
les  six  départements  qu'il  comprend  les  usines  du  Creusot, 
de  Fourchambault,  Nevers,  Decize,  Commentry,  Mont- 


—  1017 


FRANCE 


luçon,  Rive-de-Gier,   Saint-Chamond,  etc.  ;  il  a  pro- 
duit, en  1891,  160,000  tonnes  de  fonte,  168,000 1.  d'acier 


ANNÉES 

Production 
fonte 

(par  milliers  de  tonnes) 
fer                acier 

1820 

111 

266 

347 

405 

898 

1.178 

1.725 

1.962 

1.897 

80 
148 
238 
362 
532 
830 
965 
825 
833 

» 

8 
18 
29 
94 

388 
582 
639 

1830 

1840 

1850 

1860 

1870 

1880 

1890 

1891 

et  158,000  t.  de  fer.  6°  Groupe  duBerri,  riche  en  mine- 
rai, mais  peu  riche  en  grandes  usines  (Bourges,  Vier- 
zon,  etc.),  et  s'étendant  jusque  sur  la  Touraine  et  le  Poi- 


tou. 7°  Groupe  du  Sud-Est,  qui  renferme  les  minerais 
des  Alpes,  des  Cévennes  méridionales  et  les  usines  à'Alle- 
vard,  Marseille, Lavoulte,  Alais,  Bessèges,  Cransac,  etc.; 
il  a  produit,  en  1891,  environ  135,000  tonnes  de  fonte, 
43,000  t.  d'acier  et  14,000  t.  de  fer.  8°  Groupe  des  Py- 
rénées et  du  Sud-Ouest  qui  possède  de  bons  minerais 
manganésifères,  de  petites  forges  dans  les  Pyrénées-Orien- 
tales et  YAriège,  de  plus  grandes  usines  dans  les  Landes 
(Labouheyre,  etc.),  dans  YAveyron  (Decazeville)  ;  il 
a  produit,  en  1891,  près  de  100,000  tonnes  de  fonte, 
45,000  t.  d'acier,  24,000 1.  de  fer.  9°  Groupe  du  Nord- 
Ouest,  de  médiocre  importance,  comprend  le  Maine,  la 
Bretagne  et  la  Normandie,  Le  tableau  ci-contre  fait  con- 
naître le  progrès  de  la  production  de  la  fonte,  du  fer  et  de 
l'acier. 

La  concurrence  de  l'acier  a  fait  rétrograder  le  fer. 

Industrie.  —  Nous  nous  bornons  à  donner  une  rapide 
nomenclature  des  localités  ou  des  régions  où  sont  exercées 
les  industries  (V.  les  articles  de  la  Grande  Encyclopédie 
relatifs  à  ces  industries).  Les  usines  métallurgiques  sont 


PRODUCTION  DE  LA  HOUILLE,  DU  FER,  DE  L'ACIER,  ET  MACHINES  A  VAPEUR  EN  1891 

(D'après  la  Statistique  de  L'industrie  minérale) 


DEPARTEMENTS 


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I  A  'A 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-) 

Alpes  (Hautes-) 

Alpes-Maritimes. . . 

Ardèche 

Ardennes 

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Belfort 

Bouches-du-Rhône 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure 

Cher , 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord 

Creuse 

Dordogne 

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir,, 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Haute-)  . . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille-et-Vilaine 

Indre 

Indre-et-Loire 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-) 


A  reporter. 


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ta  S 


978 

38 

7 

» 
55 


1.007 
» 

434 
» 

72 

4 

16 
201 


.162 


249 


193 


3.760 
210 


27 


29 
13 
10 


10 
» 
12 


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40 

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59 
» 

12T 


5,8 
14,6 
11,2 

0,4 

0,1 

2,1 

4,7 
16,6 

M 

6,6 
3,7 
6,2 
6,0 
21,1 
5,8 
0,6 
3,8 
4,4 
6,2 

1,1 

0,2 
4,5 
2,3 

1,8 

5,9 
3,0 

13,0 
3,5 
4,1 

13,3 
5,2 

11 
10,2 

8,8 
54 
3,6 
4,4 

7,7 
3,7 
6,0 
2,7 
48,8 
1,9 


DEPARTEMENTS 


284,7 


Report 

Loire-Inférieure 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-) 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle. 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-) 

Pyrénées  (Hautes-) 

Pyr.-Orientales 

Rhône 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-). . . 

Seine 

Seine-Inférieure. . . 

Seine-et-Marne — 

Seine-et-Oise 

Sèvres  (Deux-) — 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne  . . 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne 

Vienne  (Haute-).. . 

Vosges  

Yonne 


W 

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Totaux. 


12 


38 


60 


133 


8.621 

245 


200 

1.781 

12 

18 

» 


19 
» 
545 


14 


66 
1.079 


209 


77 


26.026 


230 
14 


66 
» 

45 

10 

» 

11 

324 

12 


W  CD 

o  S 

O  CD 


1.897 


79 


224 
20 


22 
» 

76 
8 

10 

19 
105 

19 
» 

57 


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834 


284,7 

H,l 
7,3 
0,7 
1,2 
0,3 
7,2 
3,6 

11,6 
7,5 
2,6 

37,1 

4,2 

3,7 

7,2 

121,3 

18,9 
5,0 

59,4 
4,8 
1,1 

ÎIÏ 

25,4 

6,8 

40,2 

3,7 

0,8 

1,3 

83,6 

40,1 

16,2 

13,9 

3,3 

16,6 

3,5 

1,3 

4,2 

3,6 

4,5 

4,2 

2,4 

29,7 

5,5 


916,1 


établies  dans  le  voisinage  des  houillères,  des  minières  de  fer, 
des  ports,  des  grandes  villes  :  Le  Creusot,  les  environs  de 
Paris  et  de  Lille,  Rouen,  Le  Havre,  Lyon,  Marseille, 


Nantes.  C'est  ainsi  que  des  fabriques  de  machines  agricoles 
se  trouvent  à  Liancourt,  à  Meaux,  à  Bourges;  des  fabriques 
de  machines  de  filature  et  de  tissage  à  Paris,  Rouen, 


FRANCE 


—  4018  — 


Saint-Quentin,  Lille,  Lyon*  Les  produits  chimiques 
sont  soumis  à  des  influences  du  même  genre  :  Paris,  Lille, 
Ghauny,  Varangéville,  Marseille,  A  lais  peuvent  être 
cités  comme  exemples,  ainsi  que  la  fabrication  du  savon  qui 
a  lieu  à  Marseille,  à  Nantes,  au  Havre,  à  Paris  et  dans 
les  environs.  Parmi  les  industries  de  l'alimentation,  nous 
mentionnons  la  meunerie  pratiquée  en  grand  à  Corbeil, 
Gray,  Marseille,  etc.,  h  boulangerie  et  h  pâtisserie, 
qui  sont  en  général  de  petites  industries  pratiquées  partout 
où  il  y  a  une  clientèle  ;  h  charcuterie  est  exercée  dans  toutes 
les  grandes  villes  et  dans  les  lieux  renommés  pour  certaines 
spécialités,  la  fabrication  des  conserves  à  Paris,  Nantes, 
Bordeaux,  Marseille,  etc.,  la  fabrication  du  fromage, 
industrie  toute  agricole  qui  est  exercée  dans  les  contrées  où 
le  lait  est  abondant  :  Camembert,  Livarot,  Pont-VEoêque, 
en  Normandie,  Marolles  dans  le  Nord;  la  Brie,  Sept- 
moncel  dans  le  Jura  ;  Sassenage  dans  le  Dauphiné  ; 
Pioquefort  dans  les  Gausses  ;  la  fabrication  du  sucre  qui, 
étant  inséparable  de  la  culture  de  la  betterave,  appartient  à 
la  région  du  Nord  (Nord,  Aisne,  Somme,  etc.).  Dans  la 
catégorie  des  industries  textiles,  la  filature  et  le  tissage 
du  coton  forment,  outre  Paris,  comptoir  principal  de  la 
vente  des  tissus,  six  groupes  :  celui  de  l'Est,  avec  Belfort, 
Senones,  Saint-Bié,  Nancy,  Epinal  et  les  vallées  des 
Vosges,  dont  les  torrents  fournissent  une  eau  pure  et  une 
force  motrice,  et  plus  à  l'O.,  Troyes  ;  celui  du  Nord 
avec  Saint-Quentin,  Lille,  Boubaix,  Tourcoing,  Bun- 
ker que;  celui  de  Normandie  avec  Bouen  et  sa  banlieue, 
Evreux,  Falaise,  Fiers  ;  celui  de  Cholet  en  Vendée  ;  celui 
du  Lyonnais  avec  Tarare  et  la  campagne  de  Vichy  ;  celui 
de  Toulouse,  peu  important.  L'industrie  du  chanvre  et  du 
lin  comprend  les  groupes  de  Flandre  (Lille,  Armentières, 
Valenciennes,  Bunker  que,  etc.),  de  Picardie  et  Artois 
(Amiens,  Boulogne,  Abbeville,  Saint-Quentin,  etc.),  de 
Maine  et  Normandie  (Le  Mans,  Laval,  Fresnay,  A  lençon, 
Lisieux,  Vimoutiers,  Vire,  Bernay),  à' Anjou  (Angers, 
Cholet),  de  Bretagne  (Bennes,  Nantes,  Landerneau),  et 
les  tissages,  très  peu  importants,  des  Vosges,  du  Béarn,  de 
Voir  on.  Les  principaux  groupes  de  l'industrie  de  la  laine 
sont  :  Normandie  (Elbeuf,  Louviers  en  décadence,  Li- 
sieux) ;  Ar demies  (Sedan,  Beims)  ;  Est  (Nancy,  Epinal)  ; 
Isère  (Vienne)  ;  Languedoc  (Lodève,  Bédarieux,  Car- 
cassonne,  Mazamet)  ;  Centre  {Limoges,  Châteauroux, 
Bomorantin,  Orléans).  L'industrie  de  la  soie  est  groupée 
autour  de  Lyon,  dans  les  dép.  du  Bhône,  de  V Isère, 
de  VArdèche;  autour  de  Saint-Etienne  (Saint-Cha- 
mond,  etc.)  ;  à  Boubaix  qui  fait  des  tissus  mélangés.  Nous 
sortirions  du  cadre  de  cet  article  en  insistant  sur  le  carac- 
tère industriel  de  ces  localités. 

Beaucoup  d'industries  de  luxe,  comme  la  parfumerie,  la 
bijouterie,  les  modes,  le  vêtement  et  le  meuble  et  d'indus- 
tries relatives  aux  besoins  intellectuels,  comme  l'imprime- 
rie et  la  gravure,  ont  leur  foyer  principal  à  Paris.  Il  y  a 
aussi  des  industries  localisées  en  certains  lieux  :  le  tulle  à 
Calais,  la  dentelle  au  Puy,  etc.,  la  broderie  (en  déca- 
dence) à  Nancy,  la  bonneterie  à  Troyes,  Vhorlogerie  à 
Besançon,  la  porcelaine  à  Limoges,  les  glaces  à  Saint- 
Gobain,  Aniche,  Montluçon,  la  cristallerie  à  Baccarat, 
la  papeterie  à  Angoulême,  Annonay,  le  Marais,  Vi- 
zille,  etc.  L'établissement  de  toutes  ces  industries  au  lieu 
où  elles  sont  a  toujours  une  raison  historique,  topographi^ue 
ou  économique.  La  production  totale,  dont  il  est  impossible 
d'évaluer  le  montant,  parce  que  la  statistique  ne  fournit  pas 
les  éléments  de  ce  calcul  et  parce  que  les  produits  de  beau- 
coup d'industries  servent  dans  d'autres  industries  de  ma- 
tière première  ou  de  moyen  de  fabrication,  est  inégalement 
répartie  sur  le  territoire  français.  Une  très  grande  activité 
industrielle  règne  dans  toute  la  région  du  Nord  et  du 
Nord-Ouest  {Nord,  113,000  chevaux-vapeur  en  1889; 
Pas-de-Calais,  55,000  ch.-v.;  Somme,  15,000  ch.-v.  ; 
Oise,  18,000  ch.-v.  ;  Seine-Inférieure,  38,000  ch.-v.  ; 
Eure,  12,000  ch.-v.  ;  Seine-et-Oise,  14,000  ch.-v.  ; 
Seine-et-Marne,  12,000  ch.-v.  ;  Seine,  63,000  ch.-v.  ; 


Aisne,  14,000  ch.-v.  ;  Ardennes,  16,000  ch.-v.  ;  Marne, 
10,000  ch.-v.),  y  compris  Paris,  région  dans  laquelle  la 
plupart  des  industries,  principalement  les  industries  métal- 
lurgiques et  textiles,  sont  exercées  et  qui,  sur  un  total  de 
804,000  ch.-v.  employés  dans  l'industrie  en  1889,  en  pos- 
sédait 722,000;  une  grande  activité  dans  le  Nord-Est 
(Meurthe-et-Moselle,  33,000  ch.-v.;  Vosges,  20,000  ch.-v.), 
région  beaucoup  plus  limitée  où  sont  principalement  exercées 
les  industries  du  fer  et  du  coton;  une  grande  activité  dans 
la  région  du  Bhône  (Saône-et-Loire,  34,000  ch.-v.; 
Bhône,  23,000  ch.-v.  ;  Loire,  38,000  ch.-v.  ;  Isère,  Ain, 
Ardèche,  Gard,  12,000  ch.-v.  ;  Bouches-du-Bhône, 
19,000  ch.-v.),  que  bordent  les  houillères  du  Creusot,  de 
la  Loire  et  d'Alais,  et  où  se  trouvent  les  villes  de  Lyon  et 
de  Marseille  ;  une  activité  bien  moins  variée  dans  le  Berri 
et  Nivernais  où  Ton  fait  du  fer  et  des  poteries  ;  une  certaine 
industrie  très  peu  développée  dans  la  région  du  Sud-Ouest; 
une  industrie  presque  nulle  (à  l'exception  des  industries 
domestiques)  dans  le  Massif  central,  dans  les  montagnes  des 
Alpes  et  des  Pyrénées,  dans  les  plaines  du  Centre  et  en  Corse. 

Voies  de  communication.  —  1°  Les  routes  natio- 
nales, entretenues  aux  frais  de  l'Etat,  avaient,  au  1er  janv. 
1892,  une  longueur  totale  de  38,057  kil.  Quoique  ces 
routes  soient  celles  auxquelles  les  chemins  de  fer  fassent 
le  plus  directement  concurrence  et  que  beaucoup  de  grandes 
routes  soient  moins  fréquentées  qu'autrefois,  la  circulation 
totale  n'a  pas  en  somme  diminué  ;  elle  était  en  moyenne 
de  169  colliers  en  1876,de  178  en  1882,  de  193  en  1888. 
—  2°  Les  routes  départementales,  entretenues  aux  frais 
des  départements  avaient,  en  1889,  une  longueur  de 
29,900  kil.  —  3°  Les  chemins  vicinaux,  entretenus  par 
les  communes,  se  subdivisent  en  chemins  de  grande  com- 
munication (125,000  kil.),  presque  tous  bien  entretenus, 
en  chemins  d'intérêt  commun  (84,000  kil.),  empierrés  en 
majeure  partie,  et  en  chemins  vicinaux  ordinaires  (393,000 
kil.),  dont  un  tiers  environ  est  à  l'état  de  sol  naturel.  — 
4°  Les  chemins  ruraux,  servant  aux  exploitations  rurales, 
sont  rarement  à  l'état  d'entretien.  Les  tramways  installés 
dans  les  rues  des  villes  ou  sur  les  routes  constituent  un 
genre  particulier  de  moyens  de  communication  ;  ils  avaient, 
en  1890,  une  longueur  de  1,076  kil.,  dont  268  à  Paris  et 
dans  sa  banlieue. 

Les  fleuves  et  rivières  sont  des  voies  de  communication 
créées  par  la  nature  et  qui  ont  été  en  France,  comme  dans 
beaucoup  d'autres  pays,  les  premières  grandes  routes  du 
commerce.  Il  y  a  2,920  kil.  de  kil.  flottables,  dont  un 
tiers  à  peine  est  utilisé  (891  kil.  en  1890).  Il  y  a  8,948  kil. 
navigables,  dont  6,670  ont  été  utilisés  en  1890.  En  réa- 
lité, la  navigation  n'est  importante  que  sur  la  Seine, 
V Yonne,  Y Aisne  et  la  Marne  (bassin  de  la  Seine),  sur  la 
Saône  et  le  Bhône,  sur  la  Moselle,  sur  la  Loire  moyenne 
et  basse  et  la  Sarthe,  sur  la  Garonne  depuis  Castets,  sur 
la  Charente.  Les  canaux,  dont  la  longueur  était  de  5,201 
kil.  en  1891  (y  compris  les  rivières  canalisées)  sont  plus 
généralement  utilisés.  —  Il  n'y  a  que  le  bassin  de  la  Seine 
qui  soit  muni  d'un  système  complet  de  canaux  et  mis  ainsi 
en  communication  avec  tous  les  bassins  limitrophes  du  sien. 
Dans  l'intérieur  de  ce  bassin  sont  le  canal  de  l-Ourcq 
(108  kil.),  qui  longe  la  Marne  et  aboutit  dans  la  Seine  à 
Paris  par  le  canal  Saint-Martin  (5  kil.),  et  à  Saint-Denis 
par  le  canal  Saint-Benis  (7  kil.);  le  canal  de  F  Oise  à 
V Aisne  (48  kil.),  et,  à  sa  suite,  le  canal  plus  ancien  de 
l'Aisne  à  la  Marne  (58  kil.),  qui  dessert  Reims  ;  le  canal 
latéral  a  l'Oise  (29  kil.),  qui  fait  suite  à  Y  Oise  cana- 
lisée (108  kil.);  le  canal  de  la  Haute-Seine  (44  kil.);  le 
canal  latéral  à  la  Marne  et  le  canal  de  la  Haute- 
Marne  (140  kil.  pour  les  deux)  et  plusieurs  autres  petits 
canaux  qui  facilitent  la  navigation  de  la  Marne  ;  le  canal 
latéral  à  T Aisne  (51  kil.).  En  communication  avec  d'autres 
bassins,  le  bassin  de  la  Seine  possède  le  canal  de  Saint- 
Quentin  (96  kil.),  de  l'Oise  à  Cambrai,  qui  met  le  bassin 
de  la  Seine  en  communication  avec  l'Escaut  et  avec  le 
réseau  des  canaux  de  la  Flandre  et  est,  ainsi  que  l'Oise, 


—  1049  — 


FRANCE 


une  des  voies  d'eau  les  plus  utilisées  pour  le  transport 
des  houilles,  matériaux,  etc.,  destinés  en  grande  partie 
à  Paris;  le  canal  de  la  Sambre  à  VOise  (72  kil.),  de 
l'Oise  à  la  Sambre  (à  Landrecies),  qui  sert  aussi  au  trans- 
port de  la  houille;  le  canal  des  Ardennes  (188  kil.),  de 
l'Aisne  (Vieux-Asfeld)  à  la  Meuse  (Pont-à-Bar)  ;  le  canal 
de  la  Marne  au  Rhin  (320  kil.,  dont  210  sont  en  France), 
et  qui  s'étend  de  la  Marne  (Vitry-le-François)  au  Rhin 
(Strasbourg)  en  traversant  la  Meuse  et  la  Moselle,  reliées 
ainsi  à  la  Seine;  le  canal  de  Bourgogne  (242  kil.),  de 
l'Yonne  (Laroche)  à  la  Saône  (Saint-Jean-de-Losne)  ;  le 
canal  du  Nivernais  (174  kil.),  de  l'Yonne  (Auxerre)  à 
la  Loire  (Decize);  le  canal  du  Loing  (oO  kil.),  de  la  Seine 
(Saint-Mammès)  à  Buges  sur  le  Loing  où  ce  canal  se  dédouble 
en  canal  deBriare  (59  kil.),  aboutissant  à  Briare  sur  la 
Loire  et  en  canal  d'Orléans  (74  kil.),  aboutissant  àCom- 
bleux  sur  la  Loire.  Ces  canaux  forment  comme  autant  de 
rayons  du  grand  arc  de  cercle  dont  Paris  est  le  centre  géo- 
métrique et  le  centre  commercial.  — Le  bassin  de  l'Escaut, 
dans  la  plaine  de  Flandre  (comme  aussi  en  Belgique)  est 
sillonné  de  canaux  qui  ont  été  d'une  construction  facile 
dans  un  pays  sans  relief,  et  qui  mettent  presque  toutes  les 
villes  importantes  en  communication  les  unes  avec  les  autres. 
—  Le  canal  de  l'Est,  construit  depuis  1870,  est  formé 
presque  entièrement  dans  sa  partie  septentrionale  (272 
kil.)  par  la  Meuse  canalisée  ;  dans  sa  partie  centrale  (22 
kil.),  il  emprunte  le  canal  de  la  Marne  au  Rhin;  par  sa 
partie  méridionale  (18 S  kil.)  il  rejoint  la  Saône  (Port-sur- 
Saône).  —  La  Saône  est  navigable  depuis  Port-sur-Saône  ; 
le  Rhône  l'est  en  amont  (158  kil.)  de  Lyon.  Le  bassin 
du  Rhône  possède  dans  sa  partie  septentrionale  un  sys- 
tème de  canaux  disposés  en  éventail  qui  le  relient  aux  bas  - 
sins  limitrophes  :  le  canal  du  Rhône  au  Rhin  (363  kil., 
dont  190  en  France),  de  la  Saône  (Saint-Symphorien) 
au  Rhin  (Strasbourg)  par  la  Trouée  de  Belfort  ;  le  canal 
de  l'Est,  qui  conduit  à  la  Moselle  et  à  la  Meuse  ;  le  canal 
de  Bourgogne  qui  conduit  à  la  Seine;  le  canal  du 
Centre  (116  kil.),  de  la  Saône  (Chalon-sur-Saône)  à  la 
Loire  (Digoin)  par  une  dépression  des  monts  du  Charollais 
(étang  de  Longpendu).  Le  canal  de  Givors  (20  kil.),  le 
canal  d* Arles  à  Bouc  (47  kil.)  et  le  canal  Saint-Louis 
(3  kil.)  sont  à  l'intérieur  du  bassin.  Le  canal  du  Rhône 
à  Cette  (98  kil.)  part  du  Bas-Rhône  (Beaucaire)  et  se  pro- 
longe jusqu'à  Cette  sur  la  Méditerranée.  —  Le  bassin 


de  la  Garonne,  moins  bien  doté  que  les  deux  précé- 
dents, possède  cependant  un  des  canaux  les  plus  anciens 
de  France  et  un  des  plus  importants  autrefois,  le  canal 
du  Midi  (242  kil.),  qui  s'étend  de  Cette  à  la  Garonne 
(Toulouse)  en  passant  par  le  seuil  de  Naurouse.  De  Tou- 
louse à  Castets  la  navigation  est  facilitée  par  le  canal  la- 
téral 'à  la  Garonne.  En  Aunis,  Saintonge  et  Vendée,  il  y 
a  quelques  canaux  côtiers.  —  La  navigation  de  la  Loire  est 
facilitée  par  le  canal  de  Roanne  à  Digoin  (56  kil.)  et  le 
canal  latérat  à  la  Loire  (206  kil.  avec  les  embranche- 
ments), de  Digoin  à  Briare.  Dans  l'intérieur  du  bassin,  le 
canal  du  Berri  (261  kil.  avec  les  embranchements)  part 
de  la  Loire  (Marseille-lès-Aubigny)  et  se  ramifie  dans  le 
bassin  du  Cher.  La  Loire  communique  avec  le  bassin  du 
Rhône  par  le  canal  du  Centre,  avec  le  bassin  de  la  Seine 
par  les  canaux  du  Nivernais,  de  Briare  et  d'Orléans, 
avec  les  cours  d'eau  de  la  Bretagne  méridionale  par  le 
canal  de  Nantes  à  Brest  (360  kil.),  qui  a  été  construit 
en  vue  d'une  guerre  maritime  plus  que  pour  les  besoins  du 
commerce.  Ce  canal  traverse  à  Redon  la  Vilaine,  qui  com- 
munique elle-même  parlecawa/  d'Ule-et-Rance  (85  kil.) 
avec  le  golfe  de  Saint-Malo  (V.  l'art.  Canal  pour  le  trafic 
des  canaux).  — En  1891,  25,181,000  tonnes  de  marchan- 
dises, matériaux  de  construction,  combustibles  minéraux, 
métaux,  bois,  engrais,  etc.,  ont  été  embarquées  sur  les 
voies  navigables  de  France.  Un  recensement  de  la  batel- 
lerie fait  en  1891  par  le  service  de  la  navigation  inté- 
rieure a  donné  les  résultats  suivants  :  15,925  bateaux 
ordinaires  jaugeant  en  tout  2,996,000  tonneaux  et  montés 
par  40,460  personnes;  691  bateaux  à  vapeur  (dont  40  ba- 
teaux étrangers),  jaugeant  43,858  tonneaux  et  ayant  une 
force  motrice  de  63,913  chevaux -vapeur  (la  statistique  de 
l'industrie  minérale  ne  concorde  qu'imparfaitement  avec  ces 
chiffres, elle  donne  pour  1891,  595  bateaux,  51,062  tonnes 
et  53,298  chevaux- vapeur). 

Chemin  de  fer  (V.  pour  l'histoire  et  la  construction  l'art. 
Chemin  de  fer).  —  Six  grandes  compagnies  et  l'Etat  se 
partagent  à  peu  près  tous  les  chemins  de  fer  de  la  France. 
Les  deux  tableaux  ci-après  font  connaître  le  progrès  des 
voies  ferrées  et  la  répartition  actuelle  par  compagnie.  La 
longueur  des  chemins  de  fer  exploités  en  1892  était  de 
37,954  kil.  Le  nombre  des  locomotives  qui  était  de  8,400 
en  1883,  s'élevait  en  1891  à  10,226  ayant  une  puissance  de 
3,738,000  chevaux. 


CHEMINS   DE   FER  PAR   RÉSEAU 


DESIGNATION 

des 

RÉSEAUX 


Ouest. 
Nord.. 
Est.. 


Paris-Lyon-Méditerranée. 

Orléans 

Midi 

Etat. . 


Compagnies  diverses  (y  compris  les 
chemins  de  ceinture  et  les  chemins 
non  concédés) 

Chemins  industriels  et  d'intérêt  local.. 


Totaux. 


NOMBRE 

DE    KILOMÈTRES    EXPLOITÉS 


au  31  décembre  (1) 


1860 


1.212 
1.007 
1.842 
2.307 
1.924 
895 


252 
79 


9.518 


1870 


2.298 
1.581 
2.876 
4.366 
3.895 
1.870 


580 
456 


17.922 


1890 


4.769 
3.553 
4.224 
8.310 
6.064 
2.970 
2.528 


1.132 
3.345 

36.895 


(1)  Non  compris  les  parcours  communs. 


1892 

au  31  mars 


4.924 
3.553 

4.288 
8.491 
6.350 
3.029 
2.535 


1.275 
3.509 


Ce* 

OlCO 

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«.: 


^^ 


millions 
de  fr. 

1.929 
1.479 
1.836 
4.208 
2.254 
1.348 
693 


304 


37.954      14.051 


1889 

NOMBRE 

pendant  Tannée 
de 


millions 

d'unités 

65 

33 
38 
40 
23 
12 


25 


244 


millions 
de  tonnes 

7,3 

22,2 

12,0 

20,9 

8,2 

5,1 

2,7 


7,7 


86,1 


H  S 

2  a 

O  U 

>  a 


millions 
d' u  n  i  t  é  s 

1.510 
1.378 
1.110 
2.165 
1.307 
613 
373 


172 


1.628 


millions 
de  tonnes 

913 
2.255 
1.452 
3.802 
1.473 
708 
301 


148 


11.052 


La  disposition  générale  des  lignes  en  France  rappelle  celle 
de  rayons  et  de  cercles  concentriques  dont  le  centre  serait  à 


Paris.  Presque  toutes  les  villes  de  quelque  importance  corn 
muniquent  aujourd'hui  par  chemin  de  fer.  Le  réseau  est  très 


FRANCE 


—  1020  — 


NOMBRE  TOTAL  DE  KILOMÈTRES  EXPLOITÉS  ET  RÉSULTATS  DE  L'EXPLOITATION  A  DIVERSES  ÉPOQUES 


NOMBRE  TOTAL 

DE    CHEMINS    DE    FER 

d'intérêt  général 
en   exploitation   au 

31  décembre 

(non   compris,   par 

conséquent,  les  chemins 

industriels  et  les 
chemins  d'intérêt  local) 


années 


1828., 
1830. 
1835. 
1840. 
1845. 
1847. 
1850. 
1851. 
1855., 
1860. 
1865., 

1870. 

1875. 
1880. 
1885. 
1889. 
1890. 
1891. 


kilomètres 

23 

38 

149 

435 

883 

1.832 

3.010 

3.554 

5.535 

9.439 

13.562 

17.440 

15.164 

19.746 

23.738 

30.491 

33.201 

33.550 

34.437 


36,5 
43,1 
-32,8 
32,7 
53,1 
45,6 
43,7 

40,8 

44,6 
44,8 
34,8 
34,8 
34,2 
34,7 


milliers  d'unités 


17,7 
20,7 
15,3 
14,6 
22,2 
20,5 
20,3 

20,1 

22,7 
22,3 
19,1 
17,9 
17,9 
18,6 


18,8 
22,4 
17,4 
18,0 
30,9 
25,1 
23,5 

20,7 

21,8 
22.5 
15,7 
16,9 
16,3 
16,0 


NOMBRE   DE 


o 

w 

t£ 

tf 

■<o 

p 

S 

w 

o 

o 

>* 

M 

c 

S 

> 

3 

«ti 

fi 


millions  d'unités 


247 

426 

739 

814 

1.822 

2.521 

3.226 

4.272 

4.787 
5.863 
7.025 
8.628 
7.943 
8.286 


97 

217 

314 

362 

1.517 

3.119 

5.172 

5.057 

8.136 
10.350 

9.791 
11.052 
11.759 
12.294 


RECETTES   MOYENNES 

kilométriques 


6,7 

1° 

6,4 

6,5 
5,9 
5,6 
5,6 

4,9 

5.21 
5,04 
4,62 
4,40 
4,40 
4,35 


11,6 

10,6 

9,9 

9,8 
7,6 
6,9 
6,1 
6,1 

6,1 

5,9 

5,9 

5,55 

5,46 

5,36 


serré  dans  toute  la  moitié  septentrionale  du  territoire  ;  il 
l'est  très  peu  dans  le  Massif  central  et  dans  les  Alpes  ;  on 
peut  dire  d'une  manière  générale  que,  malgré  certaines 
théories  et  certains  efforts  faits  pour  obtenir  un  résultat 
différent,  le  réseau  est  à  peu  près  proportionnel  à  la  richesse 
des  contrées.  Le  réseau  de  cinq  des  grandes  compagnies 
forme  en  quelque  sorte  un  des  secteurs  du  territoire  fran- 
çais dont  Paris  est  le  centre.  —Le  réseau  de  l'Ouest  com- 
prend cinq  grandes  lignes  et  un  grand  nombre  de  lignes 
secondaires  :  Paris-Rouen-Le  Havre  par  la  vallée  de  la  Seine 
jusqu'à  Rouen  et  par  le  plateau  de  Caux  de  Rouen  au  Havre  ; 
Par is-Dieppe  (139  kil.)  par  Gisors;  Paris-Cherbourg 
(371  kil.)  qui  se  détache  de  la  ligne  de  Paris-Rouen  à 
Mantes  et  traverse  par  Evreux  et  Caen  toute  la  Normandie  ; 
Paris-Granville  (328  kil.)  par  Versailles  et  la  Norman- 
die méridionale  ;  Paris-Brest  (610  kil.),  ou  ligne  de  Bre- 
tagne, qui  se  détache  de  la  précédente  à  Saint-Cyr,  traverse 
par  Chartres,  Le  Mans,  Laval,  Rennes,  Saint-Brieuc,  le 
Maine  et  la  Bretagne  septentrionale.  La  plupart  des  lignes 
secondaires  relient  quelques-uns  de  ces  grands  rayons 
en  dessinant  des  arcs  de  cercle.  —  Le  réseau  du  Nord  com- 
prend six  grandes  lignes  et  un  certain  nombre  de  lignes 
secondaires  :  Paris-Lille  et  Valenciennes  (266  kil.  jus- 
qu'à Mouscron  sur  la  frontière  belge)  par  Amiens  et  Arras 
et  se  prolonge  en  Belgique  ;  Paris-bunker  que  (305  kil. 
depuis  Paris)  qui  se  détache  de  la  précédente  à  Arras  et  se 
prolonge  aussi  en  Belgique;  Paris-Calais  (297  kil.  de  Paris) 
par  Boulogne,  qui-se  détache  de  la  première  à  Amiens;  Paris- 
Tréport  (183  kil).  par  Beauvais,  ligne  d'un  très  petit  tra- 
fic ;  Paris- Saint-Quentin  (238  kil.  jusqu'à  la  frontière),  qui 
s'embranche  à  Creil  sur  la  ligne  de  Lille  et  se  prolonge  au 
delà  de  Saint-Quentin  jusqu'à  la  frontière  (Erquelines)  et  en 
Belgique;  Paris-Laon  (206  kil.  jusqu'à  la  frontière)  qui 
s'embranche  près  de  Paris  sur  la  ligne  de  Lille  et  se  prolonge 
par  delà  Laon  jusqu'en  Belgique.  Ces  lignes  s'étalent  en  éven- 
tail de  Paris  vers  la  mer  et  la  frontière  belge.  Des  lignes 
transversales,  formant  des  arcs  de  cercle,  relient  ces  grandes 
lignes. — Le  réseau  de  Y  Est  comprend  cinq  lignes  :  Paris- 
Nancy  et  Strasbourg  (410  kil.  jusqu'à  la  frontière)  le 
long  de  la  Marne  par  Châlons,  puis  le  long  du  canal  par 
Nancy  et  par   le  passage  de  Saverne  dans  les  Vosges; 
Paris-Belfort  et  Mulhouse  (456  kil.  jusqu'à  la  frontière) , 
par  la  vallée  de  la  Seine,  par  Troyes,  puis  par  Chaumont, 
Vesoul,  franchissant  la  frontière  par  la  trouée  de  Belfort; 


Paris-Mézières  (324  kil.  de  Paris  à  la  frontière,  Givet)  qui 
se  détache  à  Epernay  de  la  ligne  Paris-Strasbourg,  des- 
sert Reims  et  envoie  plusieurs  embranchements  vers  le 
Nord.  Ces  lignes  ont  à  peu  près  la  direction  de  rayons  ;  celle 
de  Mé'Zières-Pagny  et  Frouard  (196  kil.),  ou  ligne  fron- 
tière, se  relie  au  réseau  du  Nord  à  Hirson  et  se  prolonge  au  S. 
jusqu'à  Lure  par  Nancy  et  à  l'O.  dans  le  réseau  du  Nord 
jusqu'à  la  mer.  Les  autres  lignes  sont  en  forme  d'arcs  concen- 
triques, principalement  celle  de  Laon-Chaumont  qui  peut 
être  considérée  comme  une  des  cinq  grandes  lignes  de  l'Est, 
et  qui  à  l'O.,  se  prolonge  par  Amiens  jusqu'au  Havre,  dans 
le  réseau  du  Nord  et  dans  celui  de  l'Ouest.  —  Le  réseau  de 
Paris-Lyon-Méditerranée  comprend  six  grandes  lignes  ou 
groupes  :  Paris-Lyon-Marseille  (863  kil.),  qui  suit  les 
vallées  de  la  Seine,  de  l'Yères,  de  la  Seine  depuis  Melun, 
de  l'Yonne,  de  l'Armançon,  traverse  la  ligne  de  faîte  par 
le  tunnel  de  Blaisy-Bas,  dessert  Dijon,  descend  la  Saône 
par  Mâcon  jusqu'à  Lyon  ;  de  Lyon  la  ligne  suit  la  rive 
gauche  du  Rhône  par  Valence  et  Avignon  jusqu'à  Arles  ; 
de  là  gagne  Marseille,  puis  longe  la  côte  de  la  Méditerranée 
par  Nice  jusqu'en  Italie  (249  kil.  de  Marseille  à  la  fron- 
tière) ;  Lyon-Nîmes  (280  kil.)  ou  ligne  du  Rhône,  rive 
droite,  suit  cette  rive  parallèlement  à  la  première  ligne  ; 
Dijon-Pontarlier  (140  kil.) ,  la  principale  des  lignes  de 
Franche-Comté,  pénètre  en  Suisse  au  delà  de  Pontarlier  ; 
d'autres  lignes  de  ce  groupe  relient  la  ligne  Paris-Belfort 
(433  kil.  et  465  jusqu'à  la  frontière)  à  la  ligne  Paris-Lyon; 
Paris-Genève  (626  kil.  dont  186  depuis  Mâcon  jusqu'à  la 
frontière)  se  détache  de  la  première  à  Mâcon  (une  autre 
branche  part  de  Lyon),  passe  dans  une  étroite  vallée  du  Jura 
et  longe  le  Rhône';  Paris-Turin  (693  kil.  jusqu'au  tunnel) 
se  détache  de  la  précédente  à  Ambérieu,  passe  à  Ghambéry, 
remonte  la  vallée  de  la  Maurienne  et  franchit  la  crête  des 
Alpes  par  le  tunnel  de  Modane  à  Bardonnèche  pour  péné- 
trer en  Italie;  de  nombreux  embranchements  desservent  les 
principales  localités  de  la  région  du  Jura  et  de  celle  des  Alpes; 
Paris-Nîmes  (724  kil.),  la  principale  des  lignes  du  Bour- 
bonnais, de  V Auvergne  et  des  Cévennes,  se  détache  de 
la  ligne  Paris-Lyon  à  Moret,  suit  la  Loire  et  l'Allier  par 
Nevers,    Moulins,    Saint-Germain-des-Fossés ,   traverse 
par  Clermont-Ferrand   tout   le  Massif  central,  descend 
dans  la  plaine  du  Bas-Languedoc  à  Nîmes  et  de  là  à  Mont- 
pellier et  à  Cette  ;  à  Saint-Germain-des-Fossés  se  détache 
une  ligne  qui,  par  Roanne,  gagne  Lyon  et  dont  une  branche 


—  4021  — 


FRANCE 


dessert  Saint-Etienne  ;  Montmélian-Marseille  (366  kil.) 
qui  relie  la  ligne  de  Paris-Turin  à  la  Méditerranée  en  tra- 
versant toutes  les  Alpes  de  la  Savoie  et  du  Dauphiné.  Le 
réseau  de  Paris-Lyon-Méditerranée,  le  plus  long  des  six, 
possède  un  grand  nombre  de  lignes  transversales  entre  ces 
lignes  principales.  —  Le  réseau  d'Orléans  comprend  trois 
grandes  lignes  :  Paris-Bordeaux  (585  kil.)  par  Orléans, 
la  rive  gauche  de  la  Loire,  Blois  et  Tours,  traverse  le  Poi- 
tou en  desservant  Poitiers,  franchit  le  seuil  du  Poitou, 
dessert  Angouième  et  traverse  la  Garonne  pour  aboutir  à 


Bordeaux;  Paris- Agen  (564  kil.  depuis  Pans)  ou  ligne 
du  Centre  se  détache  de  la  précédente  à  Orléans,  dessert 
Châteauroux,  Limoges  et  Périgueux  ;  une  seconde  branche 
(334  kil.)  partant  de  Nexon  aboutit  à  Toulouse  et  des  em- 
branchements desservent  Guéret,  Tulle,  Aurillac,  Rodez, 
Cahors;  Paris-Nantes-Brest  (765  kil.),  ou  ligne  de  Bre- 
tagne, se  détache  de  la  première  à  Tours  suit  à  peu  près  la 
Loire,  dessert  Angers  et  Nantes,  envoie  un  embranchement 
à  Saint-Nazaire  et  longe  toute  la  Bretagne  méridionale  par 
Yannes  et  Quimper.  De  nombreuses  lignes  traversant  la 


DÉPENSES  D'ÉTABLISSEMENT  PAR  RÉSEAU  DES  CHEMINS  DE  FER  D'INTÉRÊT  GÉNÉRAL 

AU    34     DÉCEMBRE    4890 


DESIGNATION 
des 

RÉSEAUX 


Chemins  concédés  : 

Ouest 

Nord 

Est 

Paris-Lyon-Méditerranée. 

Orléans 

Midi 

Lignes  secondaires 

Chemins  non  concédés 

Etat 

Lignes  secondaires 

Totaux 


LONGUEURS 

exploitées 

au 
31  déc.  1890 


2.528 
309 


33.550 


DEPENSES 

(en  millions  de  francs) 
faites  par  : 


«2     *P 


kilom. 

fr. 

4.769 

630,2 

3.553 

77,9 

4.224 

558,8 

8.310 

840,9 

6.064 

876,6 

2.970 

404,2 

823 

22,1 

51,9 

72,8 


3.535,4 


fr. 
1.375 
1.329 
1.248 
3.482 
1.368 
933 
225 

529 


10.489 


fr. 

39,0 
18,0 
15,8 
28,6 
16,0 
1,2 
6,9 

118,4 

2,2 


246,0 


fr. 

2.044 
1.425 
1.822 
4.352 
2.261 
1.338 
254 

699 

75 


14.270 


DEPENSES 

par    kilomètre 
(en  millions  de  francs) 


fr. 
140,3 

27,0 
130,0 
103,0 
147,2 
136,5 

35,9 

67,3 

254,0 


112,8 


313,0 


DEPENSES 

totales 


fr. 

fr. 

288,2 

428,5 

374,9 

401,9 

282,2: 

412,2 

415,6 

518,6 

225,7 

372,9 

314,0, 

450,5 

279,5! 

315,4 

209,4 

276,7 

» 

254,0 

425,8 


France  de  PO.  à  TE.  relient  entre  eux  les  grands  rayons 
des  réseaux  de  Paris-Lyon-Méditerranée  et  d'Orléans.  —Le 
réseau  de  VEtat  ne  possède  qu'un  rayon  partant  de  Paris 
et  empruntant  jusqu'à  Chartres  la  voie  de  l'Ouest  ;  c'est  la 
ligne  Paris-Chartres-Saumur-Bordeaux  (620  kil.)  ;  ce 
réseau  s'étend  sur  le  triangle  formé  par  les  deux  lignes  du 
réseau  d'Orléans-Tours-Bordeaux  et  Tours-Saint-Nazaire 
et  dessert  La  Roche-sur-Yon,  Niort,  La  Rochelle.—  Le  réseau 
du  Midi  est  le  seul  dont  la  tête  de  ligne  ne  soit  pas  à  Paris 
et  qui  se  trouve,  par  suite,  en  dehors  du  système  des  rayons 
des  secteurs  ;  il  s'étend  entre  les  Pyrénées  et  la  Garonne  et 
ne  déborde  au  N.  que  par  une  ligne  du  Massif  central.  Il 
comprend  quatre  grandes  lignes:  Bordeaux-Cette  (476  kil.) 
qui  suit  la  vallée  de  la  Garonne,  desservant  Montauban  et 
Toulouse,  franchit  le  seuil  de  Naurouse  et  aboutit  par 
Carcassonne  à  Cette  ;  Bordeaux-Baronne  (236  kil.)  tra- 
verse les  Landes  et  pénètre  au  delà  de  la  Bidassoa  en 
Espagne;  Bayonne-Toulouse  (319  kil.)  passant  au  pied 
des  Pyrénées  par  Pau  et  Tarbes  ;  Nar 'bonne-Perpignan 
(64  kil.  et  405  jusqu'à  la  frontière),  se  détachant  à  Nar- 
bonne  de  la  ligne  Bordeaux-Cette  et  pénétrant  en  Espagne 
par  delà  Port-Vendres.  La  ligne  Bordeaux-Cette  se  relie 
sur  plusieurs  points  au  réseau  d'Orléans  et  envoie  des  em- 
branchements sur  Albi  et  Mende. 

Les  lignes  dont  le  produit  net  kilométrique  a  été  supé- 
rieur à  20,000  fr.  en  1890  sont  :  dans  le  réseau  de  l'Ouest, 
Paris-Havre  (81,800  fr.)  et  Rouen-Dieppe  (46,900  fr.), 
Paris-Rennes  (39,400  fr.)  ;  dans  le  réseau  du  Nord,  Pa- 
ris-Lille et  Valenciennes  (75,400  fr.),  Amiens-Boulogne 
(45,000  fr.),  Arras-Hazebrouck  (58,000  fr.),  Lille-Dun- 
kerque  et  Calais  (42,000  fr.),  Paris-Saint-Quentin  jusqu'à 
la  frontière  (83,800  fr.),  Paris-Soissons  (49,500  fr.), 
Soissons  et  Laon-Reims  (26,400  fr.),  Paris-Strasbourg 
(31,100  fr.),  Hirson-Frouard  (27,600  fr.  à  52,800  fr.), 
Gretz-Vitry-le-François  (28,400  fr.),  Paris -Belfort 
(23,500  fr.);  dans  le  réseau  de  Paris-Lyon-Méditerranée 
Paris-Lyon-Marseille,  la  plus  productive  des  lignes  de 
France  (131,200  fr.  en  1890),  Chalon-Dole  (29,100  fr.), 


Mâcon  et  Lyon-Genève  (37,300  fr.  ),  Marseille-Nice 
(23,600  fr.) ,  Rhône  rive  droite  (env.  30,000  fr.),  Le 
Teil-Alais  (27,300  fr.),  Tarascon-Cette  et  Nîmes-Alais 
(56,700  fr.),  Moret-Saint-Germain-des-Fossés  (30,800  fr.), 
Saint-Germain-des-Fossés-Lyon  par  Saint-Etienne  (env. 
50,000  fr.),Saint-Germain-des-Fossés-Brioude  (23,300  f.), 
dans  le  réseau  d'Orléans,  Paris-Bordeaux  (65,900  fr.), 
Orléans-Limoges  et  Périgueux-Coutras  (21,300  fr.  ); 
Vierzon-Saincaize  (36,600  fr.);  dans  le  réseau  du  Midi, 
Bordeaux- Cette  (47,100    fr.)   et  Narbonne- Perpignan 

DÉPENSES   D'ÉTABLISSEMENT   DES   CHEMINS   DE    FER    D'INTÉRÊT 
GÉNÉRAL   ET   D'INTÉRÊT   LOCAL   AU   31    DÉC.    1890 


DESIGNATION 


Longueur  exploitée  en  kilo- 
mètres  

Total 

Dépenses  des  compagnies.. . 

Dépenses  de  FEtat 

Divers 

Dépense  totale 

Dépense  d'établissement  par 
kilomètre 


CHEMINS  DE  FER 


fl  PS 


425,8 


c  o 


33.511 

3.122 

fr. 

1.568,5 

11.532,1 

fr. 

62,9 

121,8 

13.100,6 

184,7 

10.489 

3.535 

246 

266,4 
18,0 
66,2 

14.270 

350,6 

112,3 


36.663 


fr. 
1.631,4 
11.653,9 


13.285,3 


10.755,4 

3.553,0 

312,2 


14.620,i 


399,1 


(30,100' fr.).  Dans  tous  les  réseaux  il  y  a  des  lignes  qui 
ne  font  pas  leurs  frais  d'exploitation.  Le  tableau  ci-dessus 
indique  par  réseau  la  rece  te  kilométrique  en  1890  et  les 
dépenses  d'établissement  des  chemins  de  fer. 


FRANCE 


—  ion 


Marine  marchande  et  navigation  maritime.  —  Le 

nombre  et  le  tonnage  des  navires  marchands  n'a  pas  aug- 
menté depuis  un  quart  de  siècle.  Mais  il  s'est  produit  deux 
changements  importants  :  le  nombre  et  le  tonnage  des  gros 
navires  (800  tonneaux  et  plus)  a  quintuplé,  et  le  tonnage  des 
navires  à  vapeur  (catégorie  dont  les  chiffres  correspondent 
le  plus  souvent  avec  celle  des  gros  bâtiments)  a  augmenté 
presque  dans  la  même  proportion.  Depuis  l'année  1877,  le 
tonnage  des  navires  à  vapeur  a  dépassé  celui  des  navires  à 
voiles  qui  diminue  d'année  en  année  et,  comme  un  navire 
à  vapeur  est  réputé  rendre,  à  tonnage  de  registre  égal,  trois 
fois  plus  de  services  qu'un  voilier  (V.  Europe),  l'outillage 
des  transports  maritimes  en  France  est  aujourd'hui  plus 
puissant  qu'il  n'était  auparavant  ;  mais  il  n'a  pas  augmenté 
autant  que  celui  de  plusieurs  Etats  voisins  de  la  France. 

Il  ne  s'agit  pas  ici  du  tonneau  de  fret  dont  la  valeur  varie 
suivant  les  marchandises,  mais  du  tonneau  de  jauge  qui  repré- 
sente un  volume  de  2,83  m.  c.  Le  tonnage  indiqué  dans  les 
tableaux  suivants  est  le  tonnage  net  officiel,  lequel  pour  les 
bateaux  à  vapeur  représente  à  peine  la  moitié  du  tonnage  brut. 

Malgré  la  concurrence  des  chemins  de  fer,  le  cabotage 
n'a  pas  diminué. En  1862,  le  tonnage  des  navires  chargés 
était de3,200,000 tonneaux;  en!89Î,il  était  de  5,127,000 
et  les  cargaisons  étaient  de  2,543,000  tonnes  (V.  Cabotage). 


EFFECTIF    DE     LA     MARINE    MARCHANDE 

(Bâtiments  de  tout  tonnage,  non  compris  les  bateaux  de 
la  pêche  côtière) 


1840 
1845 
1850 

1855 
1860 
1865 
1870 
1875 
1880 
1885 
1890 
1891 


15.600 
13.825 
14.354 
14.248 
14.922 
15.259 
15.386 
15.441 
15.058 
15.266 
15.111 
15.047 


662.500 

611.492 

688.130 

872.156 

996.124 

1.008.084 

1.072.241 

1.028.228 

919.298 

1.000.215 

944.013 

948.007 


SUR    LE     TOTAL     DES     NAVIRES 


NAVIRES 

de  800  tonneaux 
et  plus 


a 

o 


4 
29 
35 


110 

149 
256 
251 
273 


o 


2.984 
23.833 
34.145 
69.524 
106.995 
149.763 
203.! 
401.! 
425.158 
454.005 


NAVIRES 

à   vapeur 


1 


103 
126 
225 
314 
385 
457 
537 
652 
937 
1.110 
1.157 


9.535 
9.390 
13.925 
45.493 
68.025 
108.328 
151.413 
205.420 
277.759 
492.400 
499.921 
521.872 


MOUVEMENT  DE  LA  NAVIGATION  AVEC  L'ÉTRANGER,  LES  COLONIES  ET  LA  GRANDE  PÊCHE 


NAVIRES 

de  tout  pavillon, 

français 

et  étrangers 


1840 
1845 
1850 

1855 
1860 
1865 
1870 
1775 
1880 
1885 

1890 
1891 


NAVIRES   CHARGÉS    ET   SUR   LEST 


«5 

02 

Si 

0>   h  & 

§xSg 

Xi      > 

^^  S 

a  g 

a  £  O 
o      ^ 

H3 

36.237 

3.737 

40.429 

4.661 

40.849 

4.610 

49.849 

7.091 

55.720 

8.456 

66.171 

10.510 

70.215 

13.607 

71.089 

16.717 

79.189 

25.032 

63.870 

26.019 

61.977 

28.966 

65.233 

31.602 

NAVIRES 

français 


tn 

(O 

<u    ° 

u    -Î3 

03^  « 

Xi     > 

a  g 

ti 

15.513 

1.416 

16.080 

1.673 

18.420 

1.891 

20.599 

2.698 

23..  774 

3.503 

26.925 

4.178 

21.359 

4.289 

24.837 

5.456 

22.696 

7.522 

13.337 

9.218 

18.190 

9.254 

19.3?9 

9.703 

NAVIRES    CHARGES 


TONNAGE     FRANÇAIS 

(en  milliers  de  tonnes) 


383 
540 
433 

628 

711 

805 

991 

1.467 

1.945 

2.700 

3.111 

3.201 


1    s 

+?             CD 

.§>«  g 

>        o 

as        a 

£        o 

o 

828 

858 

1.192 

1.554 

2.294 

2.826 

2.769 

3.416 

4.797 

5.713 

5.500 

5.848 

1.211 

1.398 
1.625 

2.182 
3.005 
3.631 
3.760 
4.883 
6.742 
8.416 

8.611 
9.049 


1.685 
2.174 
2.110 

3.152 
3.851 
4.949 
6.814 
8.587 
12.383 
12.499 

14.648 
16.086 


2.896 
3.572 
3.735 

5.334 
6.856 
8.580 
10.574 
13.470 
19.125 
20.912 

23.259 
25.135 


PART  PROPORTIONNELLE 

dans  le  total  général 

sur    100     tonneaux 

des  pavillons 


41,8 
39,1 
43,5 

41,0 
44,0 
42,0 
35,5 
36,3 
35,3 
40,2 

32,8 
35,9 


>  Ti 


58,2 
60,9 
56,5 


9,0 
47,5 
48,0 
46,5 
44,8 
39,8 
39,0 


10,0 
8,5 
10,0 
18,0 
18,9 
24,9 
20,8 


67,2 
64,1 


Le  tableau  ci-dessus  fait  connaître  le  mouvement 
navigation  au  long  cours. 


de  la  |       Les  ports  qui  occupaient  les  premiers  rangs  en  1891 
I  sont  : 


NAVIGATION    AU   LONG  COURS 


DESIGNATION 


Marseille  . . . 
Le  Havre... 
Bordeaux.. . 
Dunkerque.. 

Cette 

Rouen  

Calais 

Boulogne . . . 

Dieppe 

Saint-Nazair< 

Nantes 

Caen 


CABOTAGE 

et 

TONNAGE    D] 

NAVIGATION 

(par  milliers 

au  long  cours 

Entrée  et  sortie 

A 

l'entrée 

reunies 

Moyenne  de 

1857-1866 

chargés 

sur  lest 

Total 

(Nombre  de  navires) 

3.299 

3.910,6 

87,1 

3.997,7 

2.031 

2.359,8 

15,7 

2.375,5 

1.412 

1.035,3 

160,3 

1.195,6 

630 

1.329,2 

24,3 

1.353,5 

523 

577,5 

17,6 

'  595,1 

530 

995,7 

7,8 

1.003,5 

481 

672,5 

13,6 

686,1 

509 

657,2 

48,4 

705,6 

481 

496,9 

8,3 

505,2 

231 

660,1 

21,2 

681,3 

520 

78,8 

0,3 

79,1 

242 

159,4 

2,3 

161,7 

A    LA    SORTIE 


chargés 


3.536,1 
1.441,1 

956,6 
487,4 
522,3 
435,7 
482,7 
622,6 
247,3 
172,7 
70,7 
31,9 


sur  lest 


739,1 
971,2 
286,6 
857,7 
108,4 
562,5 
199,9 

86,6 
260,0 
527,5 

31,9 
127,2 


Total 


4.275,2 

2.412,3 

1.243,2 

1.345,1 

630,7 

998,2 

682,6 

709,2 

507,3 

700,2 

102,6 

159,1 


GRAND  ET  PETIT  CABOTAGE 
(milliers  de  tonnes) 


342,4 
331,9 
188,3 
335,3 

62,2 

101,9 

» 

89,5 
» 

17,2 

51,1 


300,6 
201,6 
217,2 

93,9 

47,9 

194,8 

» 

17,2 
» 

51,3 
100,8 

41,3 


Total 


643,0 
533,5 
405,5 
429,2 
110,1 
296,7 

» 
106,7 

» 

68,5 

151,9 

50,2 


4023  — 


FRANCE 


Les  rangs,  comme  on  le  voit  en  comparant  le  total  gé- 
néral de  1891  avec  la  moyenne  décennale  de  1857-1866 
ont  peu  changé,  excepté  pour  Nantes. 

Pour  les  services  maritimes,  V.  Paquebots. 

Postes  et  télégraphes.  —  Sans  entrer  dans  le  détail 
du  service  des  postes  et  télégraphes  (V.  ces  mots), 


nous  donnons  dans  le  tableau  ci-dessous,  d'après  un  rap- 
port récent  de  M.  Vannacque  au  directeur  général  des 
postes  et  télégraphes,  le  mouvement  de  la  circulation 
comme  un  des  indices  de  l'activité  économique  et  intellec- 
tuelle de  la  France  à  diverses  époques. 
Commerce.— Instruments  d'échange  et  de  crédit.  La 


ANNÉES 

TOTAL 

de  la  circulation  postale, 
lettres,  journaux, 
imprimés,  etc. 
(non  compris  la  correspon- 
dance en  franchise) 

TOTAL 

des  mandats  français 

et  internationaux 
(les  mandats  internatio- 
naux qui  ont  été  payés 
sont    seuls    comptés) 

T0  TAL 

de    la    circulation 
télégraphique 
(y   compris  les  télé- 
grammes officiels 
et  de  service) 

TOTAL   GÉNÉRAL 

de  la 
circulation 

1830 

103.764.135 

146.710.866 

254.438.500 

444.489.983 

633.213.179 

1.230.833.697 

1.762.918.330 

1.801.790.204 

495.468 

960.175 

2.103.166 

3.492.701 

6.451.128 

13.732.755 

27.575.402 

28.501.790 

» 
1.101 

924.993 

6.469.814 

19.882.628 

39.246.287 

40.650.857 

104.259.603 

147.671.041 

256.542.767 

448.907.677 

646.134.121 

1,264.449.080 

1.839.740.019 

1.870.951.851 

1840 

1850.... 

1860 

1870 

1880 

1890 

1891 

Banque  de  France  (V.  ce  mot)  a  le  privilège  d'émettre 
des  billets  de  banque  qui  font  fonction  de  monnaie  et  rem- 
placent en  partie  le  numéraire  dans  la  circulation  ;  par  ses 
escomptes  et  avances  elle  est  le  plus  grand  établissement 
de  crédit  qui  existe  en  France.  Quoiqu'elle  soit  loin,  surtout 
depuis  une  trentaine  d'années,  de  concentrer  dans  ses  opéra- 
tions toutes  les  valeurs  fiduciaires  qui  circulent  dans  le 
pays,  elle  représente  assez  bien  le  mouvement  commercial 
pour  qu'on  puisse  se  faire  une  idée  de  ce  mouvement  par 
la  comparaison  du  montant  des  effets  escomptés  en  1890 
dans  les  succursales  et  à  Paris. 

Il  n'est  pas  possible  de  dresser  une  statistique  de  la 
valeur  totale  du  commerce  intérieur,  c.-à-d.  de  toutes 
les  ventes  et  achats  qui  se  font  dans  le  cours  de  l'année 
entre  personnes  résidant  en  France.  Ce  commerce  est 
certainement  beaucoup  plus  considérable  que  le  revenu 
des  Français  que  nous  avons  évalué  vaguement  à  20  ou 
25  milliards.  Le  commerce  extérieur,  au  contraire,  est 
évalué  en  France,  comme  dans  la  plupart  des  pays  civilisés, 
à  l'aide  des  constatations  de  la  douane,  et  la  statistique  du 
commerce  extérieur  est  publiée  régulièrement  chaque  année 
depuis  1827  (V.  Douane).  Avant  1789,  le  commerce  exté- 
rieur de  la  France  était  évalué,  vers  l'an  1 716,  à  214  millions 
de  francs  (valeur  intrinsèque  actuelle);  de  1750  à  1755, 
à  616  millions;  de  1785  à  1789,  à  1,062  millions;  il 
semble  même  avoir  atteint  1  milliard  et  demi  pendant  la 
guerre  d'Amérique  ;  ces  chiffres  qui  sont  empruntés  à  la 
Balance  du  commerce  d'Arnould  ne  doivent  être  acceptés 
que  comme  des  évaluations  approximatives. 

Depuis  1827,  le  ministère  des  finances  (direction  géné- 
rale des  douanes)  publie  les  résultats  annuels  du  commerce 
extérieur.  Cette  statistique  fournit  avec  exactitude  le  relevé 
des  constatations  de  la  douane  ;  mais  les  fraudes  de  certains 
importateurs,  les  objets  transportés  par  les  voyageurs,  le 
mode  d'évaluation  des  marchandises  et  d'autres  causes 
mettent  parfois  une  différence  notable  entre  la  réalité  et 
la  constatation.  Voici  pour  l'année  1886  un  exemple  qui 
montre  quelles  grandes  différences  peuvent  se  produire  dans 
l'évaluation  du  même  commerce  : 

D'après  la  douane  française  : 

Exportation  de  France  pour  la  Belgique...  448  millions. 
Importation  de  la  Belgique  en  France 419      — 


251  millions. 
329      - 

Nous  donnons  à  la  page  suivante,  d'après  les  tableaux 
décennaux  du  commerce  extérieur  publiés  par  la  direction 


ESCOMPTE     DES     SUCCURSALES     DE    LA     BANQUE    DE    FRANCE 
PENDANT     L'ANNÉE     1890 


D'après  la  douane  belge  : 

Importation  de  la  France  en  Belgique. . . . 
Exportation  de  la  Belgique  en  France 


SUCCURSALES 


Marseille  .... 

Lyon 

Bordeaux  .... 

Lille 

Le  Havre  .... 
Roubaix-Tourcoing  .  . 

Rouen 

Valenciennes.  . 

Toulouse 

Nantes 

Reims 

Nancy 

Besançon  .... 
Angoulême  .  .  . 
Montpellier .  .  . 

Cette 

Saint-Etienne.  . 

Nîmes 

Saint-Quentin  . 

Amiens 

Caen 

Troyes 

Dijon 

Angers 

Limoges 

Bar-le-Duc  .  .  . 

Nice 

Dunkerque  .  .  . 

Bayonne 

Sedan  

Cambrai 

Arras 

Douai 

Orléans 

Rennes 

Tours 

Castres 

Grenoble  .... 

Chalon-s-Sâone 

Le  Mans 

Agen 

Rodez 

Valence 

Epinal 

Carcassonne .  . 

La  Rochelle.  .  . 

Boulogne-s-Mer 

Moulins 

Beauvais  .... 

Tarbes 


A  reporter . 


456,1 

455,9 

482,0 

289,4 

269,6 

219,5 

141,4 

112,1 

104,7 

104,8 

107,9 

89,9 

83,7 

72,4 

58,2 

74,4 

72,9 

59,1 

71,1 

51,9 

59,8 

50,3 

51,3 

37,8 

48,2 

36,3 

35,8 

38,6 

41,4 

39,0 

35,5 

41,3 

36,3 

27,6 

37,7 

28,7 

31,6 

32,5 

30,6 

30,0 

31,4 

23,0 

33,0 

35,7 

18,3 

22,8 

23,1 

24,9 

25,8 

19,8 


4,406,6 


SUCCURSALES 


Report 

Bourges 

Clermont-Ferrand. 

Bastia 

Niort 

Nevers 

Perpignan 

Brest 

Montauban 

Fiers  

Saint-Lô 

Toulon 

Châteauroux.  .  .  . 

Aviernon 

Belfbrt 

Périgueux 

Tulle 

Blois 

Annonay  

Lons-le-Saunier.  . 

Poitiers 

Chaumont 

Auxerre 

Saint-Brieuc  .  .  .  , 

Le  Puy 

Bourg 

Gap 

Mont-de-Marsan  . 

Annecy 

Vesoul 

Lorient 

Saint-Denis  .... 

Evreux 

Aurillac 

Meaux 

Chambéry 

Laval 

Cahors  ....'... 

Versailles 

Foix 

Chartres 

Aubusson  

Digne 

Auch 

Mende 

La  Roche-sur-Yon, 

Total , 

La  Banque  centrale  à  Paris 
a  escompté  en  188Ç 

Total  général. 


W  d   te 

h  8.2 

H£3 


4,406,6 

22,7 

17,6 

19,4 

21,4 

20,0 

17,4 

14,3 

21,6 

20,1 

12,2 

13,2 

12,1 

13,5 

12,9 

9,5 

8,0 

10,8 

12,6 

11,3 

9,3 

7,7 

8,5 

7,5 

7,3 

7,0 

5,5 

8,2 

6,7 

5,8 

5,3 

5,3 

5,8 

6,3 

2,5 

3,6 

3,8 

5,1 

2,8 

3,5 

1,2 

2,4 

2,3 

1,8 

1,3 

0,8 


4,827,3 


4,782,5 


9,609,6 


FRANGE 


1024  — 


générale  des t  douanes  (jusqu'à  l'année  1886),  la  valeur 
moyenne  de  ce  commerce. 

COMMERCE  DE  LA  FRANCE   PAR   PÉRIODE  DÉCENNALE 

(En  millions  de  francs) 


<3 

COMMERCE   SPÉCIAL 

a 

o 

CO 

ce 

'       ^ 

2  c 

PÉRIODES 

O 

c 
o 

G 

o 

a>  S. 

o 

là 

P  -s  — 

m  S  o 

DÉCENNALES 

tf 

O 

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eu 

H 

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^  s  S 

& 

p 

X 

O-c)  =( 

o 
o 

H 

w 

<4 

1827-36 

1.366 

480 

521 

1.001 

111 

48 

1837-46 

2.112 

776 

713 

1.489 

96 

1847-56 

3.175 

1.077 

1.224 

2.301 

139      °* 
185  (™ 

1857-66 

6.280 

2.200 

2.430 

4.631 

1867-76 

8.464 

3.408 

3.307 

6.714 

347 

£0 

1877-86 

9.832 

4.460 

3.347 

7.808 

102 

16 

1887-91  (5  ans). 

9.950 

|  4.331 

3.504 

7.835 

22 

0,9 

D'après  la  définition  de  la  direction  générale  des  douanes  : 
A  Y  importation,  le  commerce  général  se  compose  de 
toutes  les  marchandises  qui  arrivent  de  l'étranger,  de  nos  co- 
lonies et  de  la  grande  pêche,  par  terre  ou  par  mer,  tant  pour 
la  consommation  que  pour  l'entrepôt,  le  transit,  la  réex- 
portation ou  les  admissions  temporaires.  Le  commerce  spé- 
cial comprend  les  marchandises  qui  sont  laissées  à  la 


disposition  des  importateurs,  c.-à-d.  la  totalité  des  marchan- 
dises exemptes  de  droits,  et  quand  il  s'agit  de  marchan- 
dises tarifées,  les  quantités  qui  ont  été  soumises  aux  droits. 
A  Y  exportation,  le  commerce  général  se  compose  de 
toutes  les  marchandises  françaises  ou  étrangères  qui  sortent 
de  France.  Le  commerce  spécial  comprend  la  totalité  des 
marchandises  nationales  exportées  et  les  marchandises 
étrangères  qui  sont  renvoyées  à  l'étranger  après  avoir  été 
admises  en  franchise  ou  nationalisées  par  le  payement  des 
droits  d'entrée.  Le  transit,  qui  comprend  toutes  les  mar- 
chandises qui  ne  font  que  passer  par  le  territoire  français, 
entrant  par  une  douane  et  sortant  par  une  autre  est  com- 
pris dans  le  commerce  général.  Les  changements  de  tarif 
font  quelquefois  passer  des  marchandises  d'une  catégorie  à 
une  autre  sans  qu'il  y  ait  un  changement  correspondant 
dans  le  commerce;  ainsi,  quand  le  blé  entre  en  franchise, 
toutes  les  importations  sont  immédiatement  portées  au  com- 
merce spécial;  quand  il  est  frappé  d'un  droit,  les  quantités 
qui  acquittent  le  droit  sont  seules  portées  au  commerce  spé- 
cial, les  autres  restant  dans  les  entrepôts  et  ne  figurant 
qu'au  commerce  général.  La  classification  par  grands  groupes 
a  été  avantageusement  modifiée  en  1881  ;  mais  il  en  ré- 
sulte que  ces  groupes  ne  sont  plus  comparables  avec  ceux 
des  statistiques  antérieures.  Une  autre  raison  plus  générale 
pour  laquelle  la  comparaison  dans  la  série  des  années  doit 
être  faite  avec  une  certaine  précaution,  c'est  que,  de  1827 
à  1847,  on  a  calculé  les  prix  des  marchandises  d'après  les 
valeurs  officielles,  lesquelles  étaient  invariables,  tandis 
que  depuis  1847  on  les  calcule  d'après  les  valeurs  réelles 
fixées  chaque  année  par  la  commission  des  valeurs  de 
douane.  Le  tableau  suivant  fait  connaître  de  dix  en  dix  ans 
et  pour  la  dernière  année  (1891)  ces  grands  groupes. 


RÉSUME  GÉNÉRAL  DU  COMMERCE 

D'après  le  Tableau  général  du  commerce  de  la  France  (Nombres  exprimés  en  millions  de  francs) 


DESIGNATION 


1830 


1840 


1850 


1860 


1869 


1880 


1890 


1891 


OBSERVATIONS 


1°  IMPORTATIONS.  —  commerce  général  (2) 


Matières  nécessaires  à  l'industrie. 


Objets  de  consomm. 


naturels., 
fabriqués . 


Totaux 

Numéraire  et  lingots  (1). 


Matières  nécessaires  à  l'industrie. 


Objets  de  consomm.  |  $£$&. 


Totaux . 


Produits  naturels .... 
Objets  manufacturés. 


Totaux 

Numéraire  et  lingots  (1). 


Produits  naturels 

Objets  manufacturés. 

Totaux 


991 

484 
63 

660 

226 
166 

727 

173 

219 

1.119 
221 

1.684 

507 
466 

2.657 
604 

2.381 

867 
761 

2.648 

2.275 
1.190 

6.118 
330 

2.554 

1.755 
1.143 

5.452 
320 

2.635 

2.093 
1.210 

769 
» 

1.052 
214 

4.009 
715 

5.938 

682 

COMMERCE     SPÉCIAL  (2) 


303 

506 

618 

1.443 

2.174 

2.417 

2.341 

2.419 

153 
32 

489 

190 
49 

131 
40 

790 

395 

58 

1.897 

707 
272 

3.153 

2.017 
599 

1.445 
650 

1.653 
696 

747 

5.033 

4.436 

4.768 

2°  EXPORTATIONS.  —  commerce  général  (2) 


217 
355 

341 

669 

466 
968 

1.181 
1.965 

1.782 
2.211 

1.090 
1.016 

2.506 

1.174 
1.119 

2.547 

1.141 

1.066 

2.524 

572 
» 

1.010 

72 

1.435 
127 

3.147 

448 

3.993 
360 

4.612 
554 

4.840 
423 

4.731 

526 

commerce    spécial  (2) 

1.435!   835 
793 


120 

184 

321 

848 

333 

510 

746 

1.428 

453 

695 

1.068 

2.277 

1.640 


i,; 


3.075  3.467 


855 
899 

1.999 

809 
835 

1.926 
3.570 

3.753 

Matières    nécessaires 

à  l'industrie. 
Objets  d'alimentation. 
Objets  fabriqués. 


Matières    nécessaires 

à  l'industrie. 
Objets  d'alimentation. 
Objets  fabriqués. 


Objets  d'alimentation. 
Matières    nécessaires 

à  l'industrie. 
Objets  fabriqués. 


Objets  d'alimentation. 
Matières    nécessaires 

à  l'industrie. 
Objets  fabriqués. 


(1)  Il  s'agit  ici  du  numéraire  et  des  lingots  déclarés  en  douane  au  commerce  général. 

(2)  La  classification  officielle  ayant  été  modifiée  en  1881,  les  nombres  des  années  1880, 1890  et  1891  représentent 
des  catégories  de  marchandises  qui  diffèrent  sur  quelques  points  de  celles  des  années  antérieures. 


Dans  la  balance  du  commerce,  tantôt  l'exportation  l'em- 
porte, comme  par  exemple  de  1827  à  1836,  de  1847  à 
1854,  de  1861  à  1866,  tantôt  l'importation,  comme  de 
1840  à  1844,  de  1866  à  1871  et  surtout  depuis  1876.  En 


1880,  la  différence,  à  cause  surtout  des  importations  de  cé- 
réales, a  été  de  plus  d'un  milliard  et  demi  de  francs.  Les 
relevés  de  la  douane  ne  donnent  pas  d'ailleurs  la  véritable 
balance,  non  seulement  parce  que  ces  relevés  sont  impar- 


—  1025  - 


FRANCE 


faits,  mais  parce  que  les  marchandises  acquièrent  un  com- 
plément de  valeur  en  passant  d'un  pays  par  l'exportation 
dans  un  autre  pays  par  l'importation,  parce  que  le  mouve- 
ment du  numéraire  est  un  de  ceux  qui  échappent  le  plus  à 
la  douane,  parce  qu'une  grande  partie  des  marchandises 
que  les  voyageurs  transportent  ne  lui  sont  pas  déclarées  et 
surtout  parce  qu'elle  ne  saurait  tenir  compte  des  rentes  et 
intérêts  que  les  étrangers  payent  chaque  année  à  une  nation 
pour  les  capitaux  qu'elles  a  placés  hors  de  ses  frontières. 
Une  nation  riche  comme  la  France  possède  beaucoup  de 


placements  de  ce  genre  ;  l'Angleterre  en  possède  plus 
encore  et  tous  les  ans  le  total  de  ses  importations  l'em- 
porte de  beaucoup  sur  celui  de  ses  exportations. 

L'importation  et  l'exportation  se  font  par  terre  et  par 
mer.  Tous  les  ans  plus  des  deux  tiers  du  commerce  géné- 
ral se  fait  par  mer: -en  4891,  le  total  par  mer  a  été  de 
7,504  millions  et  par  terre  de  3,165  millions.  Par  mer, 
les  ports  (V.  plus  haut,  page  4022)  sont  les  lieux  d'impor- 
tation et  d'exportation.  Par  terre,  ce  sont  les  douanes  et 
entrepôts  situés  sur  la  frontière  :   Tourcoing,  Roubaix, 


COMMERCE  GENERAL  PAR  PAYS  DE  PROVENANCE  ET  DE  DESTINATION 

(Nombres   exprimés  en  millions   de   francs.  —  Importations    et   exportations  réunies) 
(D'après  le  Tableau  général  du  commerce  de  laFrance) 


PAYS 


1830 


1 


Angleterre  (Malte  et  Gibraltar  compris) 

Russie 

Suède • 

Norvège 

Danemark I 

Confédération  allem.  (avec  Hambourg).  .) 

Mecklembourg-Schwerin ) 

Villes  hanséatiques I 

Pays-Bas j 

Belgique 

Suisse 

Portugal 

Espagne 

Autriche 

Italie 

Grèce 

Turquie 

Egypte 

Etats  barbaresques 

Côte  occidentale  d'Afrique 

Ile  Maurice  et  Cap 

Autres  pays  d'Afrique 

t«^^o    S  anglaises.  .  . 

Indes    }  hoFlandaises 

Philippines 

Chine,  Cochinchine,  Japon  et  Océanie. 

Etats-Unis  d'Amérique 

Mexique 

Guatemala 

Nouvelle-Grenade 

Venezuela.  .  .  " 

Brésil 

Uruguay 

République  Argentine 

Equateur  et  Bolivie 

Pérou 

Chili 

Haïti 

Ç  espagnoles 

Possessions  )  anglaises 

possessions  <  danoises 

(  hollandaises 

Ile  de  la  Réunion 

Guyane  française 

Martinique * 

Guadeloupe 

Algérie 

Sénégal 

Sainte-Marie,  Mayotte,  etc 

Etablissements  dans  l'Inde 

Cochinchine 

Saint-Pierre  et  Miquelon 

Epaves  et  sauvetages  (l) 


1840 


127 
51 

13 

2  î 

98  j 

22  | 

101  ) 

61 
4 

78 
39 
157 

29 

7 
10 

» 

4 

» 
21 

1 

0,8 

0,8 
157 
29 

» 

2 
24 


9 

15 
1 
3 

» 
26 

4 
32 
31 


1.211 


269,9 
52,3 

5,6 
14 

6,9 
127,1 

2,1 

41,2 

50,4 

137,2 

160,9 

4.8 
14?;4 
26 
249 

2,7 
39,4 

6,5 
10,7 

» 

5,7 

1,8 
38,6 

5,5 

4,4 

» 

311,9 

21,4 

1,5 

1,5 

6,9 
39,6 
10,4 

3 

0,2 

3,6 
17,9 
15,2 
34 

0,6 

7,3 

0,1 
26,6 
■  6,2 
36,3 
37,1 
34,2 
11,9 

» 

4,5 

» 
18,9 

0,3 


1850 


2.186 


416,7 
58 

6,8 
16 

1.8 

ioo;2 

0,3 

24,6 
40,7 
275 
238,5 

6,6 
156,2 
19,2 
245 

5,5 
95,5 
21,6 
24,5 
13,3 

6,2 

1,4 
49,3 

7 

1 

2,5 

409,4 

31,4 

0,4 

7 

7,2 
50,2 

3,8 
27,5 


1860 


.260,6 

119,6 

22,8 

34,8 

4,2 

467,3 

0,4 

47,3 

75,1 

409,5 

550,8 

24,5 

240,8 

27,4 

480,9 

14 

209,7 

43,4 

37,8 

13,4 

39,6 

2 

67,6 

11,1 

1,3 

6,9 

627,7 

21,8 

1,3 

7,9 

12,2 

133,7 

48,4 

90,9 


1869 


1.820,7 

178,2 

62,9 

49,7 

2,5 

621,3 


0,8 
19,2 

58,7'' 

18,6 

44,4 

13,6 

31,5 

33,2 

62 

0,8 

3,2 

5,4 

5,8 

0,4 

» 

34,8 

69 

4,1 

6,2 

28,9 

47,1 

23,1 

42 

94,6 

219,9 

14,3 

16,6 

» 

0,6 

5,4 

10,1 

» 

» 

16,6 

24,9 

1,1 

2,5 

2.765 

5.802 

1880 


•  I 

3,4) 


103. 
94,7 
770,7 
755,3 
32,4 
281,5 
65,8 
677,4 
22,3 
300 
117 
33,6 
22  1 
24^6 
6,2 
161,6 
4 
» 
120 
470 
24,3 
4 

33,1 

17,1 

194,4 

94,5 

185,6 

3,1 

70,6 

54,1 

21,9 

68,7 

14,8 

4,7 

0,6 

30,7 

8,4 

46,1 

s88 
£15,3 

'  27,8 

3,2 

12,8 
» 

28,2 
1,6 


1.966 
382 
96,5 
46,5 
9,2 

945,5 

91,4 

1.094,5 

770,2 

40,8 

612,5 

156,4 

847,4 

50,4 

227 

110,2 

43,2 

37,9 

17,1 

9,5 

185,4 

39,1 

8,7 

239,5 

1.263 

40,1 

7,4 

59,3 

27,8 

178,3 

58,5 

248 

8,1 

26,3 

52,4 

53,9 

39,3 

21,1 

29,6 

3,5 

30,5 

7,4 

45,2 

36,5 

323,6 

39,1 

4,4 

12,4 

11,1 

27 

0,4 


1890 


1.981,2 

257,8 

'57,4 

35,7 

21,3 

829,8 

117,4 
1.217,3 

746,0 
57,3 

632,5 

140,0 

421,7 
64,3 

250,5 
63,2 
88,2 
24,0 
33,7 
24,1 

251,0 

25,2 

7,1 

278,9 

813,0 

62,0 

9,2 

77,8 

51,6 

223,8 
77,2 

335,2 

8,0 

55,7 

31,6 

87,7 

36,1 

18,4 

13,1 

0,5 

24,4 

7,2 

38,2 

36,2 

419,2 
49,2 
2,1 
23,7 
20,3 
36,1 
17,2 


1891 


3.153,1   10.667,7   10.292,6  10.668,8 


(1)  Dans  les  épaves  et  sauvetages  est  comprise  la  houille  affectée  à  l'usage  des  bâtiments  à  vapeur 


1.978,2 

294,3 

87,0 

50,9 

22,4 

926,2 

115,1 
1.180,7 

731,5 
45,9 

743,7 

159,7 

409,7 
68,6 

254,1 
78,8 
37,3 
23,6 
36,8 
25,5 

309,9 

34,8 

7,5 

270,1 

926,2 

54,2 

7,0 

70,9 

47,9 

251,0 
54,9 

265,7 

8,7 

17,6 

76,9 

80,3 

24,7 

17,7 

13,0 

0,5 

30,2 

8,3 

43,9 

27,8 

411,7 
48,9 
2,7 
17,6 
32,3 
33,2 
11,1 


Lille,  Valenciennes  et  Bltinc-Misseron,  Jeumont  dans 
le  Nord  ;  Pagny -sur -Moselle,  Avricourt,  Belfprt,  Petit- 
Croix  à  l'E.,  etc.  Paris  et  Lyon  sont  aussi  de  grands 
entrepôts  et  douanes. 

Le  commerce  de  la  France  était  d'environ  1  milliard  de 
francs  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XVI.  Les  guerres  de  la 
Révolution  et  de  l'Empire  Font  réduit  presque  de  moitié.  Il 
n'était  guère  que  de  620  millions  (évaluation  approxima- 
tive) en  1815  et  ce  n'est  que  dans  le  cours  de  la  Restau- 
ration qu'il  a  atteint  de  nouveau  le  chiffre  de  1  milliard. 
En  1891,  il  s'est  élevé  à  10,669  millions  pour  le  com- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


merce  général  et  à  8,338  millions  pour  le  commerce  spécial. 
En  soixante-quatre  ans  (1827-1891),  il  a  octuplé.  L'état 
politique  et  surtoutl'état  économique  d'un  pays  influe  considé- 
rablement sur  le  développement  de  son  commerce  extérieur. 
La  statistique  démontre  :  1°  combien  la  guerre  est  préju- 
diciable au  commerce,  puisque,  de  1789  à  1799,  il  a  eu 
une  diminution  moyenne  de  46  millions  par  an  et,  qu'après 
s'être  relevé  sous  l'administration  consulaire,  il  a  subi 
encore,  sous  le  régime  du  blocus  continental,  une  dimi- 
nution de  43  millions  par  an  ;  2°  que  le  régime  de  paix 
de  la  Restauration  et  du  règne  de  Louis-Philippe  lui  a  été 

65 


FRANCE 


-  4026 


favorable  (augmentation  moyenne  annuelle  de  55  mil-  I  l'influence  du  progrès  de  la  mécanique  et  de  la  chimie 
lions)  ;  le  développement  de  la  production  industrielle  sous  |  et  l'accroissement  du  nombre  des  manufactures  ont  com- 


IMPORTATIONS    PAR    NATURE    DE   MARCHANDISES 

D'après  le  Tableau  général  du  commerce  de  la  France  (Nombres  exprimés  en  millions  de  francs.  —  Commerce  spécial) 


MARCHANDISES 


Chevaux  

Bestiaux 

Viandes 

Œufs 

Fromages 

Beurre ,  . 

Peaux 

Laine  en  masse 

Poils 

Plumes  à    parure 

Œufs  de  vers  à  soie 

Soie  et  bourre 

Graisse  brute  et  saindoux.  . 

Guano  et  engrais 

Poissons    de  mer 

Graisse   de  poisson 

Fanons  de  baleines 

Rogues   de  morue   et  morues. 

Céréales  et  farines 

Riz  (en  grains  et  en  paille). .  . 
Légumes  secs  et  farines.  .  .  . 


Fruits 
Graines 


Sucre. 


«8     \ 


de  table 
oléagineux 

oléagineuses  .  .  .  . 

à  ensemencer.  .  .  . 

des  colonies 

de  l'étranger  .  .  .  . 

Cacao. 

Café 

Poivre  et  piment 

Thé 

Vanille . 

Tabac 

Gommes  pures   exotiques.  .  . 

H^-lde°gvr^e-s:::::: 

Ecorce  de  quinquina 

Bois       \  commims 

(  exotiques 

Jute .  . 

Chanvre  et  étoupes 

Lin  et  étoupes 

Coton  en  laine 

Soufre  et  fleur  de  soufre.  .  . 

Bitume,  pétrole,    etc 

Houille  et  coke 

Cendres  et  regrats  d'orfèvre. 

Fer  et  acier 

Fonte  brute 

Cuivre   pur  et  allié 

Plomb  brut  et  allié 

Etain  brut 

Zinc 

Minerais  de  toutes  sortes.  .  . 
Produits  chimiques.  ...... 

Cochenille 

Indigo .  . 

Cigares .N  .  . 

Vins .  . 

Eaux-de-vie,    rhum,    tafia.  .  . 

Esprits .  . 

(  lin  ou   chanvre  .  .  . 

coton .  . 

laine 

poils  de  chèvre  .  .  . 

soie 

laine 

coton 

(  lin  ou  chanvre.  .  .  . 

Peaux  préparées  

Nattes  ou  tresses 

Orfèvrerie  ou  bijouterie.  .  .   . 

Horlogerie 

Machines   et    mécaniques.   .  . 

Armes 

Autres  marchandises 


Fils. 


Tissus. 


Totaux . 


1830 


5,1 
1,1 

» 

2,8 

1,3 

22.3 

12,8 

10,9 


35,5 
2,5 
» 
4 
1,9 


1840 


11,3 


3,3 
2,2 

22,4 

30 
6,6 


53,7 
3 
» 
7 
5,6 


1850       1860 


» 

» 

1,7 

2 

41,7 

47,2 

4,2 

0,6 

» 

» 

4.2 

5,9 

12,0 

» 

» 

37,2 

» 

2,3 

43,2 

49,2 

0,4 

3,1 

5,5 

1,3 

3,6 

13,3 

1,6 

2,3 

0,3 

0,7 

» 

» 

11,1 

29,1 

1 

2,1 

30,7 

28,7 

» 

» 

0,8 

1,4 

22 

34,9 

3,5 

5,8 

» 

» 

2,2 

4 

» 

1,2 

51 

94 

1,2 

1,4 

» 

» 

9,4 

18,2 

4,4 

10,1 

4,7 

3,3 

2,4 

11,7 

18,2 

7,3 

8,8 

1,6 

4 

0,6 

3,8 

» 

» 

» 

» 

0,6 

3,6 

18,3 

20,9 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

7 

27,3 

» 

1,2 

» 

» 

» 

1,1 

2,8 

5,2 

» 

» 

» 

1 

14,4 

17,8 

» 

» 

3,8 

11 

» 

» 

» 

3,9 

1,1 

2,8 

» 

0,5 

» 

» 

489 

747 

6,1 

5,2 


3 

2,2 
27,2 
29 
11,9 
12 


97 

4 

7,6 

2,8 

» 

1,9 

» 

6,2 

» 

6,5 
10 
24,6 

0,5 
32,6 
12,6 

1,9 
13,5 

2,3 

0,6 

» 
15,9 

1,7 
21,6 

» 

1,5 
39,6 

6,4 

» 

7 

17,9 
105,3 

2,5 

» 

36,5 
15.8 

2,8 

4,9 
17,1 

9 

4,4 

5,1 


4,9 
19,6 


3,9 
3,9 
0,6 
» 
2 

4,2 
» 
» 

12,8 
)> 

9,1 
» 

5,2 
1.5 
0,8 


780 


11,3 

55,8 
3,6 
3,1 
8,1 
4,8 

85,9 

178,6 

8,3 

8,2 

13,4 

260,5 

2,9 

15,2 

13,3 
4,4 
1,9 
1,7 

22,2 
9,3 
1,1 

14,9 
9,7 

43,5 

10,6 

80,6 

32,7 
7,1 

50 
3,5 
1,2 
1,3 

26,8 
5,6 

27,2 

13,5 
3,0 
123,6 
8,9 
» 
6,2 

32,8 

202,7 

9,2 

0,7 

102,7 

29,2 
1,4 
3,8 

38,6 
9,5 

10,2 

17 

21,7 

10,7 
3 

25,8 
1,5 
3,6 
3,9 
4,0 
3,7 
1,0 
» 

5,4 
3,9 
3,5 
0,8 

11,6 
0,6 
3,1 
0,4 
5,4 
3,6 
1,2 
136,6 


1.897 


1809 


12,6 

145 

10,3 

5,9 

19,5 

12,2 

129,8 

206,3 

7,4 

3,4 

13.9 

41i;8 

38,0 

34,9 

13,2 

3,6 

1,3 

4,7 

56,3 

14,8 

8,1 

22,3 

38,6 

66,4 

31,9 

62,1 

73,2 

12 

75,1 

3,8 

1,3 

1,9 

18,3 

10,1 

32,2 

4,1 

6,8 

189,2 

18,6 

7,9 

11,5 

75,8 

331,2 

6,1 

11,7 

119,1 

1,9 

7,4 

0,6 

34,3 

18,8 

11,4 

19,3 

19,5 

23,1 

7,4 

32,a 

6,9 
14,1 

8,9 

3,6 

10,2 

12,8 

11,7 

8 

28,1 

64.3 

22,8 

15,1 

13,3 

8,4 

4,7 

2,8 

14,2 

2,8 

341 


1880 


3.153,1 


35,3 

177,2 

69,7 

10 

44 

170 
370 

6,6 
30 

1,8 
322 
56 
21 
28,5 

3,4 

0,9 

3,5 

788,5 

21,3 

35 

102 

40 

114,5 

8,4 
48 
83,4 
19,4 
98 

5,1 

2,2 

1,5 
24,3 

5,6 
26,6 
25,3 

7,1 
278 
24 
14,3 
12,2 
65 

215,4 
11,5 
33,9 
170 

1,2 
15,7 

5,2 
38,3 
19,4 
12 
13,7 
36 
70,5 

1,5 
21,4 

4,6 
314 

27,2 

7,8 
31,3 
17,4 

1,1 
42,3 

79 

66,4 

10,1 

29,3 

18,1 

6,5 

3,4 

42,1 

» 

552 


1890 


(1)  Pour  1890  et  1891,  les  fruits  oléagineux  sont  compris  avec  les  graines. 


5.033,0       4.436,9 


18,2 
68,9 
61,2 
11,0 

34,5 

210,9 

337,4 

8,4 

25,4 

239,7 
42,5 
19,8 
43,1 

17,1* 

363,6 
23,3 
21,9 

82,8 

(1)  192,5 

8,4 

33,5 

13,1 

21,4 

156,2 

3,3 

2,2 

» 

25,6 

6,6 

19,2 

25,0 

11,9 

157,9 

29,5 

21,6 

13,1 

57,9 

206,4 

8,7 

32,7 

247,8 

» 

6,4 
1,2 
42,9 
22,4 
14,1 
16,0 
43,1 
91,5 
» 
18,6 

349,8 

14,8 

6,4 
31,2 
10,2 

6,3 
63,9 
66,9 
41,0 

5,7 
33,1 

9,2 
11,3 

5,6 
48,8 

598,1 


1891 


20,3 
60,2 
72,6 

31,9 

"214,8 
340,3 


248,8 
40,3 
17,3 
43,9 


532,0 

22,4 
35,7 
51,0 

200,3 
11,9 
34,9 
19,9 
21,6 

149,1 


28,3 

» 
23,4 
24,9 

» 

251,3 

24,0 

27,4 

14,7 

49,4 

233,7 

12,1 

34,0 

189,8 

» 

6,5 

3,4 
43,5 
22,5 
14,1 
17,2 
44,2 
38,2 

» 
11,4 

» 
401,1 

17,0 

8,6 
29,6 

4,1 

» 

68,7 
74,9 
44,8 

8,0 
34,0 

6,7 

8,8 

6,5 
55,3 

648,2 


4.767i 


pensé  et  au  delà  les  inconvénients  du  régime  protecteur 
appliqué  alors  au  tarif  des  douanes  qui  gênait  le  com- 


merce et  que,  malgré  la  révolution  de  1848,  qui  a  pen- 
dant un  temps  paralysé  les  affaires,  le  progrès  a  continué 


102Î 


FRANCE 


sous  la  seconde  République,  de  1848  à  4850  (augmenta- 
tion de  71  millions)  ;  3°  que  la  première  période  du  second 
Empire  (1851-1859)  a  été  la  plus  brillante  du  commerce 


français  qui  a  gagné  318  millions  par  an  et  que  ce  résul- 
tat doit  être  attribué,  en  premier  lieu,  à  la  construction  des 
chemins  de  fer,  au  progrès  de  la  marine  à  vapeur,  à  l'éla- 


EXPORTATIONS    PAR   NATURE    DE    MARCHANDISES 

D'après  le  Tableau  général  du  commerce  de  la  France  (Nombres  exprimés  en  millions  de  francs.  —  Commerce  spécial) 


MARCHANDISES 


Chevaux  

Mules  et  mulets 

Bestiaux 

Viandes  salées.  .  .  .  , 

Œufs 

Fromages 

Beurre -  .  .  .  .  .  '.  . 

Peaux  brutes  et  pelleterie 

Laines 

Poils 

Plumes  de  parure 

Soie  et  bourre 

Graisse,  suif,  saindoux 

Poissons  de  mer 

Céréales  et  farines .  . 

Pommes  de  terre 

Légumes  secs  et  farines 

Fruits  de  table.  .• 

Graines  et  fruits  oléagineux 

Graines  de  toutes  sortes 

s—  \  Xindig?n.e:  ::::::: 

Cacao  

Café 

Résines  indigènes  distillées 

Huiles  $  d'olive 

î  de  graines  grasses 

Bois  communs 

Lin  brut,  etc.,  et  étoupes 

Coton  en  laine 

Garance ,  .  . 

Tourteaux 

Matériaux  (1) 

Or  battu,  tiré,  etc 

Fer,  fonte  et  acier 

Cuivre 

Produits  chimiques 

Cochenille 

Indigo .  .  . 

Garancine 

Couleurs 

Parfumerie 

Médicaments  composés 

Savons  

Acide  stêarique  ouvré 

Vins 

Eaux-de-vie  et  esprits 

Liqueurs  

Poterie,  verres  et  cristaux  .  .  .  .  , 

lin  ou  chanvre 

coton  et  laine 

f  soie  et  fleuret 

\  laine 

Tissus  <  coton 

/  lin  et  chanvre 

\  poils 

Confections 

Papier  et  ses  applications 

Peaux  i  tanneriei    corroirie,     etc, 
'    |  ouvrages  en  peaux  .  .  .  , 

Chapeaux  de  feutre , 

Orfèvrerie  et  bijouterie , 

Horlogerie 

Machines  et  mécaniques 

Armes , 

Coutellerie 

Outils  et <  ouvrages  en  métaux.  .  , 
Tabletterie,  bimbeloterie,  mercerie, 

meubles  et  ouvrages  en  bois.  . 
Modes  et  fleurs  artificielles.  .  .  . 

i  Instruments  de  musique 

\  Art.  divers  de  l'industrie  de  Paris 
i  Autres  marchandises 


Fils 


1830 


Totaux. 


5 

3,8 

» 

1 

0,2 

2 


2 

0,1 

» 

2 

2 

3 


10 


0,7 
16 
4 
2 
1,4 


0,9 

4 

1 

1 

» 
36 
15 


111 

26 
55 
28 


10 
4 

13 
» 
2 
5 
1 
» 
1 
2 

10 

2 


1840 


452 


13,4 

5,2 


2,4 


2,3 

0,8 

0,4 

0,6 

» 

7,3 

2,8 

4,7 

0,5 

» 

6,6 

1,3 

2,2 

4,4 


1,3 

2.1 
6,3 
4,7 
1,4 
» 
13,7 
2 
» 

2,5 
0,9 


2,6 

8,6 

3 

2,2 

» 

49,3 
16,2 

1,7 
16,1 

1,6 

2,6 

141,3 

61,1 

108,5 

28,6 

0,9 
12,1 
19,3 

7,8 
16,2 

» 

4,8 

2,2 

4 

1,5 

1,3 

6,4 

22,7 
5,3 
» 
4,2 


695 


1850 

1860 

11,3 

19,6 

8,3 

14,6 

» 

22,2 

2,5 

7,6 

6 

16,2 

» 

3,1 

5 

31,8 

1,7 

2,7 

0,6 

27,9 

6,3 

5,7 

» 

9,1 

3,7 

38,5 

» 

3,4 

5,6 

8,8 

74,4 

120,4 

2,9 

3,2 

» 

5,9 

6,8 

7,9 

3,8 

5,8 

7,3 

13,9 

» 

13 

17,3 

46,2 

» 

0,1 

» 

0,1 

1,8 

1,1 

1,4 

8,7 

9 

5,5 

5.6 

21,7 

0,6 

2,4 

» 

14,8 

11 

9,2 

» 

6,4 

» 

4,9 

1,5 

4,5 

1,4 

3,6 

» 

3,1 

8 

35,4 

» 

0,7 

» 

2,9 

» 

11,1 

11 

6,1 

10,8 

14,8 

3 

7,9 

3,3 

4,4 

» 

3,9 

70 

221 

22,6 

52,2 

1,3 

3 

29,6 

35,1 

0,8 

2,3 

9,1 

10,3 

208,4 

454,8 

126,3 

229,3 

139,5 

69,6 

27 

15,4 

)) 

1 

19 

104,2 

25 

34,6 

12,9 

46,5 

30,9 

86,5 

» 

7,3 

6,2 

17,3 

3 

5,8 

4,3 

8,3 

1,1 

9,8 

1,6 

2,1 

14,1 

44,3 

42,1 

97,8 

6,5 

9 

» 

5 

2,5 

5,5 

» 

114,5 

1.123 

2.277 

1869 


1880 


6 

13,6 
33,3 

6,1 
36,4 

6,5 
71,3 
24,3 
44,7 
10,5 

4,6 

156,1 

17,2 

17,4 

69,2 

5 

6,9 
27,2 
15,6 
20,6 
15 
84,5 

y> 

0,1 

4,9 

3,4 

1,7 
38 
10,6 
75,4 
13 
14,1 

9,4 

3,3 

2,2 
11,1 
46 

2,7 
10,4 
13,9 
12,2 
17,7 
15,5 
10,5 

7,6 
261 
56,2 

5,2 
40,2 

5,8 

31,2 

447,4 

268,3 

70,1 

17,8 

0,1 
83,7 
42,1 
81 
99,2 
10,1 
20,5 
17,3 
14,9 

4.1 

i;5 

37,8 

180,2 

31 

10,2 

5,3 

231,9 


3.074,9 


20,6 

24,7 
12,1 
30,0 

90,3 

62,2 
132,5 

11,9 

31,6 
157 

24 

37 

63 

27 

34 

2 

14 

15 

93 


0,4 
5,3 

11,4 

35 

17 

69,5 
^   0,4 

15 

24 
3.8 
4 

10 

57 
0,9 
6,7 
0,2 

11,2 
8 

12,3 
8,3 
0,2 
245 

81 

41 

6 

52 

234 

370,2 

79,1 

28,8 

1,2 
80,3 
55 
92,1 
164 

9,1 
54,7 
17,1 
24 

8,5 

2,9 
66,2 

185 
32,4 
11,5 
10,5 

316,5 


1890 


3.446,3 


38,7 

28,1 
17,5 

27,2 

118,5 

76,3 

121,0 

12,5 

» 

125,4 

16,0 

34,3 

18,9 

14,4 

38,3 
2,9 
16.0 
63i4 
62,4 


42,1 
42,9 
11,8 
31,6 

» 

16,5 
27,9 

» 

34,7 
30,4 
49,7 

» 

4,0 

» 

8,7 
10,8 
14,6 

6,7 

5,0 
268,8 

70,9 

53,7 
9,9 

37,7 
273.9 
36Û 
110,4 

11,1 

» 
125,3 

53,8 

146,1 

6,4 
47,3 
17,4 
57,8 

6,4 

» 
89,0 

154,7 
31,4 
9,0 

422,0 


3.753,5 


1891 


32,3 

20,9 
17,4 
21,4 

91,9, 

79,0 

109,0 

10,0 

108,8 
15,8 
25,3 
43,6 

28,6 

31,7 
3,3 

19,8 
59,0 
49,0 


7,1 
39,0 
47,4 

8,9 
25,4 

» 

19,4 
25,0 

» 

16,9 
31,6 
51,8 

» 

3,8 

» 

8,7 
11,3 
13,0 

7,2 

4,8 
245,8 

75,0 

55,9 

11,0 

25,5 

245,7 

327.0 

1012 

10,8 

» 

133,1 

51,2 

107,1 

139,3 

5,7 

46,0 

16,4 

45,5 

4,7 

» 

89,4 

152,4 

43,0 

8,5 

459,8 


3.569,7 


blissement  de  grandes  lignes  de  paquebots,  au  développe- 
ment des  services  postaux,  au  télégraphe  électrique  qui  a 
facilité  les  correspondances,  en  un  mot  au  progrès  rapide 


des  moyens  de  communication  qui  est  un  des  caractères 
distinctifs  de  cette  période,  en  second  lieu,  à  l'abondance  de 
l'or  qui  en  faisant  hausser  les  prix  a,  d'une  part,  stimulé  la 


FRANCE 


—  4028 


spéculation  etaugmenté  réellement  la  production  et  l'échange 
des  marchandises  et,  d'autre  part,  grossi  les  chiffres  du 
commerce  par  l'augmentation  même  des  prix,  au  dévelop- 
pement du  crédit  qui  a  été  alors  considérable  et  de  l'esprit 
d'entreprise  qu'il  encourageait  et  aussi  à  l'abaissement  ou 
à  la  suppression  de  quelques  droits  de  douane  qui  ont  fa- 
cilité l'importation  ;  4°  que  la  deuxième  période  du  second 
Empire  (1860-1863),  pendant  laquelle  le  progrès  annuel 
a  été  de  288  millions,  a  profité  encore,  mais  dans  une 
moindre  proportion,  du  progrès  des  voies  de  communication 
et  que  la  principale  cause  de  l'accroissement  à  cette  époque 
est  le  régime  libéral  en  matière  de  douanes  qui  a  remplacé 
en  1860  le  régime  protecteur  ;  que,  toutefois,  les  bons  effets 
de  ce  régime  libéral  ont  été  en  partie  contrariés  par  les 
événements  politiques,  guerre  du  Mexique,  bataille  de 
Sadowa,  etc.;  5°  que  la  terrible  crise  de  la  guerre  franco- 
allemande  a  profondément  atteint  le  commerce  (diminution 
de  386  millions  de  1870  à  1871)  ;  6°  que  cepen- 
dant le  commerce,  dès  que  les  communications  ont  été 
rétablies,  s'est  subitement  relevé  en  1872,  qu'en  1881 
il  a  atteint  son  point  culminant  (10,726  millions  pour 
le  commerce  général)  et  que  l'augmentation  moyenne  an- 
nuelle (349  millions)  paraît  avoir  été  durant  cette  période 
plus  forte  que  durant  aucune  autre,  mais  qu'en  somme  elle 
a  eu  surtout  pour  effet  de  combler  le  trou  creusé  par  la 
guerre  franco-allemande  et  qu'elle  n'est  que  la  continuation 
de  la  période  du  régime  libéral;  7°  que  de  1881  à  1891, 
sous  l'influence  d'un  esprit  de  particularisme  et  de  protec- 
tion douanière  qui  a  dominé  en  Europe  et  d'une  crise  géné- 
rale ou  plus  exactement  d'un  changement  dans  l'économie 
générale  du  monde  commercial  provenant  du  développement 
de  la  production  manufacturière  et  de  la  concurrence  inter- 
nationale, de  la  dépréciation  très  notable  des  prix,  de  la 
diminution  de  la  rente  foncière,  etc.,  et  aussi,  pour  la 
France  en  particulier,  d'un  tarif  meilleur  que  les  tarifs 
précédents  par  son  uniformité,  quoique  plus  restrictif  à 
certains  égards,  qui  était  et  a  été  rendu  plus  restrictif  encore 
par  des  lois  subséquentes  (droit  d'importation  sur  les  blés, 
dénonciation  du  traité  de  commerce  avec  l'Italie,  etc.),  le 
commerce  a  faibli  (non  seulement  en  France,  mais  dans  la 
plupart  des  autres  grands  Etats),  et  que,  quoiqu'il  y  eût 
un  relèvement  depuis  1889,  l'ensemble  de  la  période  pré- 
sente une  diminution  moyenne  de  66  millions  par  an.  La 
dépréciation  des  prix  a  eu  particulièrement,  en  France 
comme  en  Angleterre,  pour  effet  de  masquer  l'accroisse- 
ment des  quantités  de  marchandises  échangées.  C'est  ainsi 
que  les  marchandises  étrangères  expédiées  en  transit, 
qui  sont  estimées  en  quantité  et  en  valeur  par  la  douane, 
figuraient,  en  1881,  pour  3,207,000  quintaux  et  pour 
753  millions,  soit  en  moyenne  234  fr.  par  quintal;  puis,  en 
1891,  à  5,596,000  quintaux  et  602  millions,  soit  107  fr. 
par  quintal.  En  Angleterre  (V.  Analysis  of  the  maritime 
irade  of  the  united  Kingdom,  1889-91,  par  sirRawson 
W.  Rawson),  la  valeur  moyenne  des  marchandises  impor- 
tées a  diminué  de  18  °/0  et  celle  des  marchandises  expor- 
tées de  36  %,  de  sorte  que,  quoique  les  quantités  aient 
augmenté  particulièrement  à  l'exportation  presque  réguliè- 
rement d'année  en  année,  la  valeur  totale  de  l'exportation 
a  subi  des  abaissements  et  des  élévations  et  est  en  somme, 
en  1891,  à  peu  près  au  même  chiffre  qu'en  1872.  Avec  le 
tarif  protectionniste  de  1892  commence  un  nouveau  ré- 
gime dont  les  effets  ne  sauraient  être  favorables  à  l'exten- 
sion du  commerce  extérieur,  mais  ne  pourront  être  appréciés 
en  chiures  qu'ultérieurement. 

Les  Etats  avec  lesquels  la  France  entretient  le  commerce 
le  plus  suivi  sont  en  général,  d'une  part,  les  plus  voisins 
de  son  territoire  et,  d'autre  part,  les  plus  riches  et  les  plus 
peuplés.  C'est  ainsi  qu'en  1891 ,  les  dix  premiers  se  trouvent 
classés  ainsi:  Angleterre  (1,978 millions,  commerce  géné- 
ral), Belgique (1,180), Etats-Unis  (926 millions), empire 
allemand  (862  millions),  Espagne  (743  millions),  Suisse 
(731  millions) ,  Algérie  (41 1  millions) ,  Italie  (409  millions) , 
Indes  anglaises  (309  millions),  Russie  (294  millions). 


L'importation  porte  principalement  sur  les  fibres  textiles, 
soie  apportée  d'Orient  ;  coton  apporté  des  Etats-Unis,  de 
l'Inde,  de  l'Egypte  ;  laine  apportée  d'Australie,  du  Cap,  de 
la  Plata,  d'Allemagne,  etc.;  lin  apporté  des  provinces  bal- 
tiques  de  la  Russie  ;  les  peaux  et  pelleteries  de  la  Plata, 
d'Allemagne,  etc.  ;  les  denrées  coloniales,  sucre  des 
Antilles,  etc.  ;  café  des  régions  tropicales,  tabac  des  An- 
tilles, des  Etats-Unis,  épices  du  Levant,  etc.  ;  les  mé- 
taux et  substances  minérales,  cuivre,  plomb,  zinc,  etc., 
du  Chili,  de  Relgique,  de  Prusse;  la  houille,  d'Angleterre, 
de  Belgique,  de  Prusse  ;  les  bois  de  construction,  les  autres 
matières  premières  de  l'industrie,  graines  oléagineuses, 
suif,  etc.  ;  les  produits  employés  par  l'agriculture,  bes- 
tiaux, engrais,  graines,  œufs  de  vers  à  soie;  diverses 
substances  alimentaires  ;  les  céréales  de  la  mer  Noire,  des 
Etats-Unis,  de  la  Hongrie  ;  les  tissus,  les  fils  et  les  ma- 
chines d'Angleterre,  de  Belgique,  d'Allemagne. 

Les  principales  exportations  consistent  en  tissus  de  soie, 
de  laine,  de  coton  ou  de  chanvre  destinés  à  l'Angleterre, 
aux  Etats-Unis,  à  l'Allemagne,  à  la  Belgique;  les  ar- 
ticles de  toilette  destinés  à  l'Amérique,  à  l'Angleterre,  à 
l'Egypte,  etc.  ;  les  'produits  chimiques  ;  le  sucre,  destiné 
au  Levant,  etc.;  la  tabletterie;  les  peaux  ouvrées  et  pré- 
parées ;  les  produits  des  industries  des  métaux  (outils, 
machines,  armes,  orfèvrerie,  horlogerie);  le  papier,  la 
poterie  et  la  verrerie  ;  les  vins,  qui  sont  recherchés  dans 
le  monde  entier  ;  les  fibres  textiles;  les  produits  ali- 
mentaires et  diverses  matières  premières. 

L'exportation  des  objet  s  manufacturés  ne  s'est  pas  déve- 
loppée, à  beaucoup  près,  autant  que  l'importation  depuis 
1860.  E.  Levasseur. 

HISTOIRE.  —  On  a  vu  dans  un  précédent  paragraphe 
quelles  sont  les  origines  ethnographiques  de  nos  ancêtres. 
Nous  allons  aborder  immédiatement  la  période  historique, 
que  pour  plus  de  clarté  nous  subdiviserons  en  plusieurs 
parties. 

I.  La  Gaule  depuis  la  fondation  des  colonies 
phocéennes  jusqu'à  la  conquête  romaine.  —  Les 
écrivains  romains  et  grecs  appelaient  Gaule  le  pays  com- 
pris entre  le  Rhin,  les  Alpes,  la  Méditerranée,  les  Pyrénées 
et  l'Océan  et  divisaient  ce  pays  en  plusieurs  grandes  ré- 
gions: l'Aquitaine,  située  entre  les  Pyrénées  et  la  Garonne 
et  habitée  par  les  Ibères  ;  la  Celtique,  située  entre  la  Ga- 
ronne, la  Seine  et  la  Marne  et  habitée  par  les  Celtes;  la 
Belgique,  située  au  N.  de  la  Seine  et  de  la  Marne  et  habi- 
tée par  un  mélange  de  Celtes  et  d'immigrants  germains. 
Quant  au  S.-E.  de  la  Gaule,  qui  était  habité  par  des  Celtes 
et  des  Ligures,  les  peuples  civilisés  y  pénétrèrent  bien  avant 
le  temps  de  la  conquête  de  César.  Les  Phéniciens  y  éta- 
blirent peut-être  des  comptoirs.  Dès  le  commencement  du 
vie  siècle  av.  J.-C,  les  Grecs  de  Phocée  vinrent  fonder 
Marseille  sur  le  littoral  méditerranéen.  Marseille  devint 
très  vite  une  république  importante,  fit  peut-être  connaître 
aux  Gaulois  l'usage  de  l'alphabet  et  de  la  monnaie  et  même 
sous  la  domination  romaine  resta  une  ville  grecque  et  garda 
son  autonomie.  Autour  d'elles  s'élevaient  des  colonies 
qu'elle  avait  fondées  ou  adoptées,  telle  qu'Agathe  Tychè 
(Agde),  Nicœa  (Nice),  Antipolis  (Antibes),  Arles,  etc. 
De  nos  jours  encore,  certaines  familles  provençales,  à  Arles 
surtout,  ont  conservé  le  type  hellénique.  Dès  154,  Mar- 
seille appela  les  Romains  à  son  aide  contre  les  Ligures 
qui  l'inquiétaient  et  entravaient  le  développement  de  son 
commerce.  Après  plusieurs  campagnes,  les  Romains  éta- 
blirent une  garnison  à  Aix  et  finalement  réduisirent  sous 
leur  domination  toute  la  région  comprise  entre  la  Méditer- 
nanée,  les  Pyrénées,  la  Gimone,  le  Tarn,  les  Cévennes,  le 
cours  moyen  du  Rhône  et  une  ligne  à  peu  près  droite  allant 
de  Genève  au  Var.  Ce  fut  la  Province  Narbonnaise  ou 
simplement  la  Province  (Provence).  La  capitale  en  fut 
Narbonne,  où  une  colonie  fut  envoyée  en  118.  Les^  villes 
gauloises  de  Toulouse,  Nîmes,  Avignon,  Orange,  Vienne, 
Genève,  etc.,  devinrent  de  florissantes  cités  romaines 
(V.  Provence).  Le  reste  de  la  Gaule  conserva  encore  son 


1029 


FRANCE 


indépendance  pendant  soixante  ans.  Voici  comment  nous  la 
décrivent  César,  Diodore  de  Sicile,  Strabon  et  les  archéo- 
logues modernes. 

La  Gaule  était  beaucoup  moins  peuplée  qu'aujourd'hui. 
Elle  était  en  partie  couverte  d'immenses  forêts  où  pullu- 
laient des  bêtes  sauvages  aujourd'hui  disparues.  Les  Gau- 
lois étaient  blonds,  grands,  avaient  la  voix  forte  et  rude. 
Ils  portaient  des  pantalons  (les  braies),  une  espèce  de 
blouse  (la  saie)  et  des  galoches.  A  la  guerre,  ils  avaient  un 
casque  de  bronze,  un  bouclier  et  une  épée  (V'.  Costume). 
On  les  représente  comme  orgueilleux  et  vantards,  portés 
à  l'ivrognerie,  très  irritables  et  féroces  dans  la  victoire; 
mais  ils  pratiquaient  scrupuleusement  la  loi  de  l'hospita- 
lité. On  sait  quelles  aventureuses  expéditions  les  Gaulois 
firent  hors  de  leur  pays.  Bien  des  siècles  avant  la  fondation 
de  Rome,  ils  descendirent  en  Italie  et  par  des  migrations 
successives  peuplèrent  la  plaine  du  Pô.  En  390,  ils 
prirent  Rome  et  ne  cessèrent  de  menacer  la  puissante 
république  qu'après  des  luttes  acharnées,  qui  se  terminèrent 
en  191  par  la  réduction  de  la  Gaule  Cisalpine  en  province 
romaine  (V.  Celtes,  Italie,  Rome,  etc.).  Après  la  mort 
d'Alexandre  le  Grand,  des  bandes  de  Gaulois  envahirent  la 
Grèce,  puis  l'Asie  Mineure  et  y  fondèrent  même  un  Etat 
(V.  Galatie).  Il  est  bien  vraisemblable  que  l'esprit  d'aven- 
tures ne  fut  pas  la  seule  cause  de  ces  migrations.  Mais 
d'après  tous  les  témoignages  des  anciens  sur  les  Gaulois, 
il  est  certain  que  leur  bravoure  était  grande  et  allait  jus- 
qu'à la  plus  folle  témérité  :  «  A  la  moindre  excitation  ils 
courent  au  combat,  mais  cela  ouvertement  et  sans  aucune 
circonspection,  de  sorte  que  la  ruse  et  l'habileté  militaire 
viennent  aisément  à  bout  de  leurs  efforts.  »  (Strabon.) 
Comme  les  autres  peuples  indo-européens,  ils  adoraient  les 
forces  de  la  nature  et  avaient  des  dieux  généraux,  par 
exemple  les  dieux  solaires  comme  Belen  et  les  dieux  in- 
fernaux comme  Tentâtes  et  une  foule  innombrable  de  divi- 
nités locales  ;  bien  longtemps  après  la  diffusion  du  christia- 
nisme, les  paysans  adoreront  encore  des  rochers,  des 
sources,  des  arbres.  A  cette  religion  primitive  s'était  jux- 
taposée celle  des  druides  (V.  Celtes),  qui  croyaient  sans 
doute  à  l'existence  d'un  Dieu  suprême,  mais  laissaient  au 
peuple  ses  vieilles  croyances.  Les  Gaulois  avaient  appris  à 
leur  école  que  l'âme  était  impérissable,  et  ils  étaient  appelés 
par  les  Romains  «  le  peuple  qui  ne  craint  pas  la  mort  ». 
La  simplicité  de  la  vie  était  grande.  On  se  nourrissait  sur- 
tout de  pain,  de  lait,  de  poisson  et  de  viande  de  porc.  Les 
demeures  étaient  des  huttes  souvent  lacustres,  où  se  trou- 
vaient parfois  des  vases  précieux,  mais  point  de  lits  :  on 
couchait  sur  la  paille  ou  sur  des  peaux  de  bêtes.  Les  villes 
n'étaient  guère  que  des  bourgades  ;  certaines  étaient  cons- 
truites sur  des  hauteurs  ou  placées  dans  des  endroits  d'ac- 
cès difficile  ;  on  y  transportait  les  blés  et  les  diverses 
richesses.  Il  y  avait  déjà  des  routes  et  des  ponts,  une  na- 
vigation fluviale  assez  active;  les  Vénètes  et  les  Santons 
avaient  de  nombreux  vaisseaux.  Les  objets  de  trafic  étaient 
les  métaux,  qu'on  savait  extraire  des  mines  et  travailler, 
les  poteries,  les  étoffes  ;  on  s'appliquait  parfois  à  repro- 
duire tant  bien  que  mai  les  modèles  grecs.  La  civilisation 
gauloise  commençait  donc  à  éclore,  au  moment  où,  par  la 
loi  delà  conquête,  elle  s'anéantit  pour  faire  place  à  la  civi- 
lisation plus  avancée  des  vainqueurs.  Certains  historiens 
regrettent  cet  anéantissement  et  croient  que  nous  n'avons 
pas  à  nous  féliciter  d'avoir  goûté  si  vite  les  bienfaits  de  la 
pax  rornana;m  tout  cas,  ces  bienfaits  ont  dû  assurément 
être  sensibles  à  nos  ancêtres,  car  auparavant  la  plupart 
d'entre  eux  souffraient  de  tous  les  maux  qu'entraîne  une 
organisation  sociale  défectueuse  et  ne  pouvaient  apprécier 
les  mérites  originaux  d'une  civilisation  qui  ne  leur  procu- 
rait aucun  bien-être. 

Ce  que  nous  savons  sur  les  autres  peuples  primitifs  de 
la  souche  indo-européenne  concorde  avec  les  textes  des 
Commentaires  pour  nous  faire  croire  que  la  base  ancienne 
de  cette  société  gauloise  était  le  régime  patriarcal.  Un  cer- 
tain nombre  de  familles  établies  dans  le  pays  depuis  des 


temps  très  reculés  possédaient  le  sol  et  les  richesses  ;  les 
membres  de  ces  familles  étaient  sans  doute  les  nobles  dont 
nous  parle  César.  Avec  les  druides  et  les  bardes,  ils  com- 
posaient la  classe  privilégiée.  Ceux  qui  pour  quelque  motif 
♦avaient  abandonné  leur  famille,  les  émigrants,  les  endettés, 
les  prisonniers  de  guerre,  formaient  la  foule  innombrable 
des  esclaves  et  des  plébéiens,  qui  se  confondaient  sous  le 
joug:  «  La  plèbe  est  à  peu  près  une  classe  servile  »,  dit 
César.  Le  plus  grand  nombre  de  ces  misérables  cultivaient 
la  terre  au  profit  des  nobles  ;  d'autres,  plus  heureux,  se 
groupaient. autour  de  quelque  chef  puissant  pour  faire  la 
guerre  avec  lui  :  c'étaient  les  ambactes.  Un  jour  l'Helvète 
Orgétorix  réunit  pour  sa  défense  personnelle  une  véritable 
armée,  composée  de  ses  ambactes,  de  ses  débiteurs  et  de 
ses  esclaves.  Les  noms  de  nobles  gaulois,  terminés  par  le 
suffixe  rix  sont  nombreux  ;  ce  suffixe  signifie  roi,  comme 
le  latin  rex.  C'était  à  ces  nobles  et  aux  druides  qu'appar- 
tenait l'exercice  du  pouvoir  judiciaire.  Les  druides  jugeaient 
les  questions  de  limites  et  un  grand  nombre  de  différends 
publics  et  privés  ;  pour  châtier  les  rebelles,  ils  usaient  d'une 
sorte  d'excommunication.  Les  nobles  jugeaient  souvent  les 
membres  de  leur  famille  et  de  leur  clan.  La  législation,  qui 
était  fort  sévère,  avait  pour  sources  les  prescriptions  reli- 
gieuses et  la  coutume  patriarcale.  # 

Les  conséquences  politiques  d'une  telle  organisation  so- 
ciale étaient  nécessairement  le  morcellement,  la  toute- 
puissance  de  l'aristocratie  et  la  guerre  civile  constante.  Il 
n'y  avait  en  Gaule  ni  roi  suprême',  ni  assemblée  générale 
régulière.  César  dit  qu'il  y  avait  un  certain  nombre  de 
civitates,  divisées  enpagi  et  en  vici  ;  on  n'est  point  d'ac- 
cord sur  le  nombre  de  ces  civitates  ;  il  y  en  avait  peut- 
être  une  centaine  ;  chacune  formait  une  nation,  une  unité 
politique  distincte,  où  le  gouvernement  appartenait  soit  à 
un  sénat  de  nobles,  soit  à  un  vergobret  nommé  pour  un 
an,  soit  à  un  roi  qu'on  avait  élu  ou  qui  devait  son  pouvoir 
à  la  violence.  Chaque  chef  puissant  était  un  dictateur  en 
germe,  et  deux  chefs  également  forts  dans  la  même  civitas 
étaient  des  ennemis  nés.  Aux  guerres  intestines  s'ajou- 
taient les  guerres  entre  peuples  et  entre  confédérations  de 
peuples.  C'est  grâce  aux  luttes  de  la  confédération  des 
Eduens  contre  celle  des  Arvernes  que  les  Romains  avaient 
conquis  la  Narbonnaise.  A  aucun  moment,  la  Gaule  tout 
entière  ne  devait  s'unir  pour  repousser  l'étranger.  On  sait 
comment  César,  appelé  par  les  Gaulois  pour  les  délivrer 
des  bandes  germaines  d'Ariovisle,  en  58  av.  J.-C. ,  con- 
quit toute  la  Gaule  en  huit  ans.  Il  eut  d'abord  à  lutter 
contre  la  confédération  des  Belges  ;  mais,  dès  le  début,  les 
Rèmes  avaient  embrassé  la  cause  romaine.  Les  Ibères  atten- 
dirent pour  prendre  les  armes  qu'on  vînt  les'  attaquer  chez 
eux.  Lorsque  Vercingétorix  fomenta  le  formidable  soulève- 
ment de  l'an  52,  il  ne  réussit  point  à  entraîner  tous  les 
peuples.  Dans  cette  dernière  période,  ce  fut  surtout  la 
plèbe,  maladroitement  opprimée  par  les  légions  et  les  né- 
gociants italiens,  qui  soutint  la  cause  de  l'indépendance  ; 
l'aristocratie,  maintenue  dans  le  devoir  par  Vercingétorix 
à  force  de  supplices,  se  soumit  dès  que  le  héros  fut  vaincu. 
Pendant  toute  la  guerre,  César  eut  avec  lui  des  membres 
du  parti  aristocratique  qui  préféraient  la  domination  ro- 
maine au  triomphe  de  la  démagogie  déchaînée.  Rome,  qui 
avait  vaincu  les  Gaulois  grâce  à  leurs  divisions,  allait  se  les 
assimiler  par  la  sagesse  de  son  gouvernement  et  l'éclat 
séduisant  de  sa  civilisation.  Un  jour  viendra  où  ils  se  plain- 
dront du  poids  des  impôts  ;  mais  ils  ne  songeront  pas  à 
regretter  le  temps  de  leur  prétendue  indépendance,  qui  avait 
été  pour  la  majorité  un  temps  d'écrasante  oppression. 

IL  La  Gaule  romaine.  —  Pendant  cinq  cents  ans  les 
descendants  des  Gaulois  ont  vécu  sous  la  domination  ro- 
maine. Jusqu'au  ine  siècle  ap.  J.-C,  cette  domination  fut 
douce  et  bienfaisante,  et  les  révoltes  partielles,  comme  celles 
de  Civilis  et  de  Sabinus,  sont  en  somme  des  faits  négli- 
geables dans  l'histoire  générale.  La  romanisation  de  la 
Gaule  fut  rapide.  Toutes  les  traditions  anciennes  disparu- 
rent. Auguste  changea  les  divisions  territoriales  ;  l'Aqui- 


FRANCE 


—  1030 


taine  s'augmenta  du  pays  compris  entre  la  Garonne  et  la 
Loire  ;  la  Celtique,  appelée  désormais  Lugdunaise,  perdit 
les  pays  des  Séquanes  et  des  Helvètes  qui  furent  rattachés 
à  la  Belgique  ;  la  Narbonnaise  garda  seule  ses  anciennes 
limites.  Chacune  de  ces  quatre  régions  fut  une  province. 
De  nouveaux  changements  eurent  lieu  sous  Tibère  et  ses 
successeurs  et  finalement  il  y  eut  dix-sept  provinces.  Quant 
aux  civitates,  il  y  en  avait  environ  80  sous  Auguste  ;  il 
y  en  eut  112  au  ve  siècle.  Les  villes  perdirent  leur  nom 
gaulois  ;  des  villes  nouvelles,  comme  Lyon,  furent  fondées. 
Par  un  procédé  plus  politique  que  scientifique,  les  Romains 
identifièrent  les  dieux  gaulois  avec  leurs  dieux  ;  Belen  de- 
vint Apollon;  le  druidisme,  autrefois  si  puissant,  disparut, 
et  les  Gaulois  adorèrent  toutes  les  divinités  du  Panthéon. 
Les  voies  romaines,  qui  servaient  à  assurer  l'ordre  et  la 
bonne  administration,  favorisaient  aussi  le  développement 
économique.  L'agriculture  devint  plus  méthodique,  et  les 
arbres  fruitiers  originaires  d'Asie,  comme  le  pêcher,  furent 
alors  sans  doute  introduits  en  Gaule.  Les  industries  du 
tissage,  de  la  poterie,  de  la  verrerie,  de  la  bijouterie,  pri- 
rent une  grande  extension,  et  les  cités  commerçantes  du 
littoral  méditerranéen  se  couvrirent  d'admirables  monu- 
ments qui  attestaient  leur  prospérité.  Point  ne  fut  besoin 
de  conserver  très  longtemps  dans  la  pratique  les  catégories 
de  privilèges  qu'on  avait  instituées  pour  entretenir  la  divi- 
sion et  la  jalousie  entre  les  peuples  et  entre  les  particu- 
liers. Dès  le  Ier  siècle  de  la  conquête,  les  nobles  prirent 
des  noms  romains,  quittèrent  la  campagne  pour  les  villes, 
les  huttes  grossières  pour  les  palais  ;  ils  renoncèrent  à  leur 
clientèle  et  à  leurs  habitudes  belliqueuses  ;  ils  coupèrent  leurs 
cheveux  et  suivirent  les  modes  de  Rome.  Ils  avaient  aban- 
donné leurs  dialectes  divers  pour  parler  latin  ;  le  latin  vul- 
gaire, seule  langue  commune  qui  facilitât  les  transactions, 
ne  tarda  pas  à  s'introduire  dans  les  classes  populaires,  où 
il  se  déforma  pour  donner  plus  tard  naissance  aux  langues 
romanes.  Désormais  les  Gaulois  étaient  bien  des  Romani, 
et  ce  nom  leur  restera  jusqu'aux  temps  carolingiens. 

A  partir  du  me  siècle,  la  prospérité  de  la  Gaule  décline 
avec  celle  de  tout  l'Empire.  Pendant  la  lamentable  période 
de  l'anarchie  militaire,  ce  fut  à  Lyon  que  Septime  Sévère 
défit  son  compétiteur  Albinus  (197)  ;  plus  tard,  de  258  à 
267,  le  Gaulois  Posthumus  réunit  toute  la  contrée  sous  sa 
domination  ;  en  même  temps  qu'elle  se  détachait  de  l'Em- 
pire, la  Gaule  était  menacée,  envahie  même  par  les. Van- 
dales et  les  Francs.  Enfin  Dioclétien  rétablit  l'autorité  im- 
périale. Mais  à  l'anarchie  va  succéder  le  despotisme.  L'Etat 
sera  si  admirablement  réglé  que  les  sujets  eux-mêmes 
deviendront  des  machines  ;  l'idéal  serait  l'immobilité  ;  les 
ressorts  humains  vont  se  rouiller  et  les  intelligences  moi- 
sir. Au  sommet,  très  loin  maintenant  de  ces  sujets  qui 
portent  tous  le  titre  banal  et  insignifiant  de  citoyens  ro- 
mains, trône  l'empereur,  que  Végèce  appelle  «  un  dieu  pré- 
sent et  corporel  »  ;  l'ancien  magistrat  est  devenu  une  sorte 
de  souverain  asiatique,  et  Constantinople,  fondé  au  com- 
mencement du  ive  siècle,  donne  le  ton  à  tout  l'Empire. 
Au-dessous  de  lui  s' étage  toute  une  hiérarchie  de  fonction- 
naires, dont  la  Notitia  dignitahvm  nous  énumère  puéri- 
lement les  titres  et  les  insignes.  La  Gaule  proprement  dite 
forme  un  diocèse  et  est  soumise  à  un  vicaire,  subordonné  à 
un  préfet  qui  commande  aussi  aux  vicaires  d'Espagne  et  de 
Bretagne.  Chacune  des  dix-sept  provinces  obéit  à  un  gou- 
verneur. Chaque  civitas  s'administre  elle-même  au  moyen 
d'une  curie  ou  sénat  et  de  magistrats  annuels  ;  le  defen- 
sor  civitatis  protège  le  peuple  et  surveille  la  rentrée  des 
impôts.  Les  pagi,  divisions  de  la  civitas,  ont  parfois  eux- 
mêmes  une  constitution  municipale.  Il  y  avait  en  outre  en 
Gaule  des  assemblées  provinciales  qui  auraient  été  d'une 
grande  utilité  dans  le  désarroi  des  invasions,  si  les  insti- 
tutions servaient  à  quelque  chose  lorsque  l'esprit  politique 
est  mort  ;  on  voit  en  effet  que  l'une  au  moins  de  ces 
assemblées,  celle  de  Lyon,  avait  le  droit  de  se  plaindre  à 
l'empereur  de  la  mauvaise  gestion  du  gouverneur.  Il  est 
probable  que  dans  la  réalité  les  abus  du  fonctionnarisme 


n'avaient  pas  de  frein  sérieux.  Les  impôts  (impôt  foncier, 
capitation,  contributions  indirectes,  réquisitions)  étaient 
devenus  fort  lourds.  La  perception  en  était  très  vexatoire. 
Elle  était  réservée  en  effet  aux  compagnies  fermières  et  aux 
curiales;  tous  les  non-nobles  qui  possédaient  au  moins 
vingt-cinq  arpents  de  terre  étaient  curiales  et  devaient  con- 
tribuer à  faire  rentrer  sous  leur  propre  responsabilité  les 
impôts  directs.  Le  Gaulois  Salvien,  qui  écrivit  vers  455  son 
De  Gubernatione  Dei,  déclare  que  les  curiales  étaient  des 
tyrans  et  que  ses  compatriotes,  plutôt  que  d'être  surchargés 
d'impôts,  préféraient  émigrer  eh  masse  chez  les  Barbares. 
Mais  les  curiales  eux-mêmes  n'étaient  guère  plus  heureux; 
ils  se  trouvaient  à  la  merci  des  nobles  qui  corrompaient 
les  agents  impériaux,  évitaient  toutes  les  charges  pour  en 
écraser  les  autres  et  étaient  les  vrais  maîtres  dans  chaque 
cité.  La  justice  était  rendue  par  les  magistrats  municipaux 
et  par  le  gouverneur  ;  d'appel  en  appel,  on  pouvait  invo- 
quer l'empereur  lui-même.  Le  droit  civil  avait  fait  de  grands 
progrès.  Mais  le  droit  criminel  était  d'une  sévérité  exces- 
sive :  il  consacrait  l'usage  de  la  torture  et  des  pénalités 
les  plus  atroces.  L'organisation  sociale  remédiait-elle  du 
moins  par  sa  vigueur  aux  abus  de  l'administration  impé- 
riale ? 

A  l'époque  où  les  grandes  invasions  commencèrent,  la 
société  civile  et  la  société  militaire  étaient  complètement  dis- 
tinctes en  Gaule  comme  dans  tout  l'Empire.  L'armée  était 
méprisée  ;  elle  se  composait  d'esclaves,  de  barbares,  d'une 
foule  de  misérables  qu'on  marquait  comme  des  forçats  pour 
les  empêcher  de  déserter,  et  qui  n'auront  ni  le  courage  de 
résister  aux  envahisseurs  germains,  ni  intérêt  à  le  faire. 
Au  bas  de  la  société  civile  on  rencontrait  les  esclaves,  pro- 
tégés maintenant  par  la  loi  contre  l'arbitraire  de  leurs 
maîtres,  et  moins  atteints  peut-être  que  les  hommes  libres 
par  la  décroissance  générale  du  bien-être.  Dans  une  condi- 
tion intermédiaire  entre  la  servilité  et  la  liberté  se  trouvaient 
les  colons  qui  formaient  la  plus  grande  partie  de  la  popu- 
lation rurale.  Ils  étaient  libres  de  leur  personne,  mais  atta- 
chés à  la  glèbe.  C'était  soit  d'anciens  fermiers  qui  avaient 
contracté  des  dettes  et  s'étaient  résignés,  faute  de  les  pou- 
voir payer,  à  se  mettre  pour  toujours  au  service  de  leurs 
créanciers  ;  soit  des  travailleurs  appelés  pour  défricher  cer- 
taines terres  ;  soit  enfin  des  Germains.  Il  ne  faut  pas  ou- 
blier que  la  plupart  des  familles  d'origine  germanique  qui 
se  sont  établies  en  Gaule  y  sont  entrées  pacifiquement,  par 
une  immigration  lente,  ou  bien  ont  été  amenées  de  force 
par  des  généraux  romains  pour  coloniser  des  pays  déserts. 
Dans  les  villes,  la  situation  des  artisans  rappelait  celle  des 
colons  dans  la  campagne  ;  comme  les  colons  étaient  fixés 
à  la  glèbe,  les  artisans  étaient  attachés,  ainsi  que  leur  pos- 
térité, à  leurs  diverses  corporations  ;  on  les  appelait  les 
corporati.  Les  artifices,  qui  exerçaient  les  professions 
libérales,  étaient  soumis  eux-mêmes  à  des  réglementations 
très  étroites.  Le  despotisme  de  FEtat  en  matière  écono- 
mique eut  des  résultats  généraux  désastreux.  La  classe 
moyenne,  si  puissante  et  si  riche  en  Gaule  au  temps  des 
Césars  et  des  Antonins,  se  vida  d'hommes  et  d'argent 
pendant  la  période  suivante.  Le  nombre  des  commerçants 
diminua  beaucoup,  ainsi  que  celui  des  petits  propriétaires 
fonciers.  La  disparition  de  la  petite  propriété  eut  d'ailleurs 
des  causes  multiples.  Nous  avons  vu  que  tout  non-noble 
possesseur  de  25  arpents  était  curiale  ;  le  nombre  des  cu- 
riales, qu'une  loi  appelait  les  «  esclaves  de  l'Etat  »,  décrut 
constamment  malgré  les  rigueurs  qu'on  exerçait  contre 
ceux  d'entre  eux  qui  cherchaient  à  fuir,  ou  bien  à  entrer 
dans  l'Eglise  ou  dans  l'armée.  Enfin,  dans  une  société  aussi 
sévèrement  hiérarchisée,  les  grands  propriétaires  avaient 
toutes  sortes  de  moyens  d'accroître  constamment  leurs 
domaines.  Ces  grands  propriétaires  formaient  la  classe  des 
nobles,  des  clarissimi,  qui  était  brillante  et  orgueilleuse. 
Les  nobles  avaient,  en  général,  non  pas  un  domaine  compact, 
très  vaste,  mais  un  certain  nombre  de  terres  disséminées 
dans  une  ou  plusieurs  provinces.  Comme  ils  joignaient 
souvent  à  leurs  richesses  le  titre  de  hauts  fonctionnaires, 


—  1031  — 


FRANCE 


ils  étaient  de  grands  personnages.  Le  petit  propriétaire 
abandonnait  souvent  ses  biens  à  son  puissant  voisin  pour 
devenir  son  fermier  et  obtenir  sa  protection.  Le  noble  du 
ive  siècle  est  un  précurseur  du  seigneur  féodal.  Il  est  le 
patron  d'une  foule  d'hommes,  qu'il  juge  et  qu'il  réunit  au 
besoin  pour  repousser  les  Barbares.  L'aristocratie  foncière 
est  seule  favorisée  dans  cette  société  civile  du  Bas-Empire, 
où  règne  la  plus  prodigieuse  inégalité,  et  où,  chose  plus 
grave,  l'on  est  rivé  héréditairement  à  sa  condition.  Les 
conséquences  de  ce  régime  furent  la  dépopulation,  l'inertie 
des  masses  civilisées  à  l'approche  des  Barbares. 

La  civilisation  était  encore  très  brillante,  mais  plutôt  par 
la  force  de  l'impulsion  antérieure  que  grâce  à  une  activité 
productrice  bien  réelle.  L'industrie  et  le  commerce  languis- 
saient. Les  arts  étaient  depuis  le  temps  des  Antonins  dans 
une  profonde  décadence.  L'instruction  était  remarquable- 
ment répandue;  il  y  avait  des  écoles  célèbres  à  Marseille, 
Toulouse,  Lyon,  Autun,  Bordeaux,  etc.  Mais  les  littéra- 
teurs dignes  de  ce  nom  furent  bien  peu  nombreux  aux  ive 
et  ve  siècles  (V.  Ausone,  Rutilius,  Apollinaire).  Quant 
à  la  moralité  de  cette  société  gauloise,  il  ne  convient  pas 
d'en  croire  des  satiriques  comme  Pétrone  ou  des  théolo- 
giens comme  Salvien.  La  vie  de  famille  était  dévelop- 
pée et  la  vertu  honorée.  Les  riches  ne  passaient  pas  leur 
temps  dans  les  orgies  ;  l'hiver  à  la  ville,  l'été  dans  leurs 
domaines,  ils  menaient  une  vie  large  et  paisible,  aimaient  à 
causer  et  à  lire  les  classiques.  Il  y  avait  encore  au  cirque 
et  à  l'amphithéâtre  des  spectacles  sanglants  ;  mais  c'était  là 
le  reste  d'une  tradition  qui  s'éteignait.  Les  mœurs,  loin 
d'être  violentes,  étaient  adoucies  à  l'excès  :  le  mal  qui  ron- 
geait cette  société  n'était  pas  la  corruption  des  sentiments, 
c'était  l'affaiblissement  de  la  volonté.  Le  despotisme  et  peut- 
être  une  trop  longue  paix  avaient  amolli  l'énergie  humaine, 
qui  ne  se  manifestait  plus  depuis  longtemps  que  dans  la  vie 
religieuse.  Lorsque  les  Barbares  apparaîtront,  l'édifice  im- 
périal s'écroulera  tout  entier,  laissant  des  ruines  que  les 
hommes  du  moyen  âge  s'obstineront  à  vouloir  utiliser. 
Seule,  l'Eglise  chrétienne  restera  debout. 

Le  christianisme  s'était  répandu  assez  tard  en  Gaule. 
C'est  dans  la  vallée  du  Rhône  que  les  chrétiens  apparurent 
d'abord  (martyre  de  saint  Pothin  à  Lyon  en  177).  Les  com- 
munautés se  multiplièrent  au  me  siècle  à  la  suite  de  la  mis- 
sion des  sept  évêques  (saint  Saturnin  à  Toulouse,  saint 
Martial  à  Limoges,  saint  Denis  à  Lutèce,  etc.).  C'est  seule- 
ment à  la  fin  du  ive  siècle  que  la  religion  nouvelle  triom- 
pha dans  le  centre:  ce  fut  plus  tard  encore  dans  le  Nord, 
malgré  les  efforts  de  saint  Martin  :  saint  Romain  voyait 
encore  à  Rouen,  vers  620,  un  temple  de  Vénus.  Partout 
les  paysans  persistèrent  très  longtemps  à  vénérer  les  arbres 
et  les  fontaines.  Il  fallut  aussi  lutter  contre  les  hérésies 
(exécution  du  gnostique  Priscillien  en  385).  L'Eglise  or- 
thodoxe triompha,  grâce  à  l'unité  du  dogme  et  à  l'organi- 
sation qu'elle  se  donna;,  le  dogme  était  fixé  depuis  le 
concile  de  Nicée  en  325  ;  ce  fut  au  ive  siècle  aussi  que  l'or- 
ganisation se  précisa.  Les  circonscriptions  civiles  furent 
respectées  :  les  civitates  devinrent  des  diocèses,  et  chaque 
province  fut  soumise  à  un  métropolitain.  (Ces  cadres  furent 
modifiés  du  ve  au  vme  siècle,  puis  on  en  revint  aux  divi- 
sions romaines  ;  du  xivft  au  xvne  siècle,  il  y  eut  de  nouveaux 
changements  qui  devinrent  définitifs,  de  sorte  qu'il  devait 
y  avoir  en  1789  vingt-cinq  archevêchés,  et  non  dix-sept 
comme  au  ive  siècle.)  La  primatie  fut  disputée  par  les  cités 
d'Arles,  de  Vienne  et  de  Lyon.  Après  le  clergé  séculier, 
apparut  en  Gaule  le  clergé  régulier.  Le  premier  monastère 
fut  fondé  en  360,  à  Ligugé,  par  saint  Martin.  Les  églises 
avaient  pour  subsister  les  offrandes  des  fidèles  et  les  reve- 
nus de  leurs  domaines,  qui  deviendront  très  considérables 
après  les  invasions  ;  elles  avaient  de  plus  des  privilèges 
financiers  et  judiciaires.  Cette  organisation  et  cette  puis- 
sance du  clergé  chrétien  survivront  à  la  ruine  de  l'Empire, 
ruine  qui  doit  être  attribuée  en  partie  au  triomphe  du  chris- 
tianisme. Depuis  qu'il  fallait  rendre  à  Dieu  ce  qui  était  à 
Dieu  et  que  César  n'était  plus  Dieu,  le  monde  antique  était 


vraiment  mort;  la  vieille  cité,  à  laquelle  l'homme  appar- 
tenait corps  et  âme,  n'était  plus  qu'un  vain  souvenir. 
L'Eglise,  du  reste,  n'eut  point  conscience  de  cette  incompa 
tibilité;  loin  de  comprendre  qu'elle  avait  tué  l'Empire,  elle 
crut  longtemps  qu'il  existait  encore  ou  qu'il  pouvait  re- 
naître, et  qu'elle  avait  besoin  de  lui.  Cette  illusion  durera 
aussi  longtemps  que  le  moyen  âge,  et  nous  verrons  qu'elle 
aura  de  grandes  conséquences.  Ainsi  l'Eglise  se  fit  la  dé- 
positaire de  l'idée  impériale  ;  elle  se  fit  aussi  la  dépositaire 
de  la  civilisation  païenne  et  c'est  grâce  à  elle  que  la  Gaule 
ne  retournera  pas  à  l'entière  barbarie. 

III.  La  Gaule  depuis  les  invasions  des  Barbares 
jusqu'à  la  dissolution  de  l'empire  carolingien.  — 
Les  Visigoths,  après  la  mort  de  leur  roi  Alaric,  passèrent 
en  Gaule  et  se  firent  céder  par  l'empereur  Honorius  la 
Seconde  Aquitaine,  avec  Toulouse  pour  capitale  (V.  Visi- 
goths, Honorius).  A  la  même  époque,  c.-à-d.  au  commen- 
cement du  ve  siècle,  les  Francs  Ripuaires  occupaient  la 
région  de  la  Moselle  et  de  la  Meuse,  les  Francs  Saliens  se 
répandaient  dans  le  pays  au  N.  de  la  Somme,  et  les  Bur- 
gondes  dans  la  Savoie.  Ces  peuplades  germaniques  étaient 
depuis  longtemps  en  contact  avec  les  Romains,  et  leur  éta- 
blissement en  deçà  du  Rhin  et  des  Alpes  ne  paraissait  pas 
inquiétant.  Les  Visigoths  ne  se  joignirent-ils  pas  aux 
troupes  d'Aétius  pour  repousser  Attila  en  451  ?  (V.  Francs, 
Burgondes,  Aétius,  Attila,  etc.).  Les  tempêtes  qui  s'étaient 
déchaînées  sur  l'Empire  furent  pendant  la  première  partie 
du  ve  siècle  considérées  comme  des  bourrasques  passagères. 
Peu  d'années  après  il  fallut  changer  d'avis.  Au  grand"  scan- 
dale des  peuples  civilisés,  Rome  fut  pillée  par  les  Vandales 
en  455  ;  quelques  mois  auparavant,  la  descendance  mâle 
du  grand  Théodose  s'était  éteinte  et  les  révolutions  de  palais 
allaient  se  succéder  dans  la  ville  impériale  pendant  vingt 
ans,  jusqu'à  ce  que  la  facile  victoire  du  chef  rugien  Odoacre 
eût  décidé  de  la  ruine  de  l'empire  d'Occident.  Aétius  n'étant 
plus  là  pour  les  contenir,  les  Burgondes  occupèrent  les 
vallée  du  Rhône  et  de  la  Saône.  Les  Visigoths  abjurèrent 
ouvertement  l'alliance  romaine  et  étendirent  leur  domina- 
tion jusqu'à  la  Loire.  C'est  vers  455  que  Salvien  écrivit 
son  De  Gubernatione  Dei;  ce  n'est  point  là  l'ouvrage  d'un 
Romain  optimiste,  comme  celui  qu'avait  écrit  Paul  Orose 
sous  le  règne  d'Honorius  ;  le  théologien  gaulois  prédit  la  ' 
chute  imminente  de  l'Empire  et  comprend  que  le  monde 
barbare  ne  saurait  entrer  dans  les  cadres  du  monde  civilisé 
sans  les  briser  ;  il  s'en  réjouit  du  reste  :  il  voit  au  milieu 
de  ces  bouleversements  poindre  l'aurore  des  jours  nou- 
veaux; il  aperçoit  dans  ces  Barbares  un  instrument  divin  de 
régénération;  quatorze  siècles  avant  les  savants  allemands, 
il  invente  la  théorie  du  Germanenthum. 

Ainsi,  au  moment  où  le  dernier  empereur  abdiqua  (476) 
et  où  Clovis  allait  entrer  en  scène,  les  hommes  d'Eglise 
jugeaient  possible  et  nécessaire  de  s'allier  avec  des  chefs 
barbares  et  de  leur  confier  le  pouvoir  temporel  laissé  en 
déshérence.  Or  les  Visigoths  et  les  Burgondes  avaient  été 
convertis  par  des  missionnaires  ariens  ;  les  Francs  étaient 
encore  païens.  Clovis  comprit  peut-être  que  le  clergé  et  les 
Gallo-Rom ains  préféreraient  à  des  rois  hérétiques  un  ado- 
rateur d'Odin,  un  orthodoxe  en  espérance  ;  en  tout  cas  il 
ménagea  dès  sa  première  campagne  l'Eglise  catholique 
(V.  Clovis).  On  sait  comment  il  se  convertit  en  496  avec 
3,000  de  ses  guerriers  et  quels  avantages  son  baptême 
lui  procura.  L'alliance  de  la  royauté  et  de  l'Eglise,  qui 
devait  durer  dans  notre  pays  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien 
régime,  était  dès  lors  conclue.  Au  moment  où  Clovis  mou- 
rut, en  511,  il  avait  soumis  les  Visigoths,  sauf  ceux  qui 
habitaient  la  Septimanie,  entre  les  Cévennes,  le  Rhône  et 
la  mer  ;  il  s'était  emparé  aussi  des  divers  royaumes 
francs  qui  s'étaient  fondés  dans  la  Gaule  du  Nord.  Il  était 
le  chef  respecté  des  guerriers  francs,  qu'il  avait  enrichis, 
et  des  Gallo-Romains,  qui  ne  demandaient  qu'à  être  gou- 
vernés; il  nommait  les  évêques,  était  le  bienfaiteur  et  le 
«  maître  »  du  clergé  catholique  ;  il  ne  lui  manquait  même 
point  le  pouvoir  théorique,  puisque  l'empereur  d'Orient 


FRANCE 


—  1032  — 


lui  avait  accordé  le  titre  de  patrice.  La  dynastie  méro- 
vingienne était  fondée.  —  Nous  n'avons  pas  à  reprendre 
ici  l'histoire  des  rois  mérovingiens  (V.  principalement 
Thierry  Ier,  Clodomir,  Childebert  Ier,  Clotaire  Ier  et  Iï, 

GONTRAN,    CHILPÉRIC   Ier,  SlGEBERT,    FrÉDÉGONDE,    BrUNE- 

haut,  Dagobert  Ier).  Rappelons  que  les  faits  saillants  de 
cette  histoire  jusqu'à  la  mort  de  Dagobert  sont  d'une  part 
les  campagnes  guerrières  qui  ont  eu  pour  conséquence 
l'achèvement  de  la  conquête  de  la  Gaule  et  l'asservissement 
d'une  partie  de  la  Germanie,  d'autre  part  les  querelles  san- 
glantes des  descendants  de  Clovis  et  leur  incapacité  gouver- 
nementale. Ces  princes  se  partagèrent  l'héritage  royal 
comme  une  propriété  privée,  selon  la  coutume  des  Francs 
Saliens.  Comme  ils  n'étaient  pas  encore  corrompus  ni  éner- 
vés par  la  débauche,  ils  surent  agrandir  cet  héritage,  con- 
quérir la  Burgondie  et  la  Septimanie  que  Clovis  n'avait  pu 
soumettre,  imposer  tribut  aux  Frisons,  aux  Saxons,  aux 
Bavarois  et  aux  Thuringiens,  et  même  aller  ramasser  du 
butin  au  delà  des  Alpes  et  des  Pyrénées.  Le  dernier  des 
Mérovingiens  conquérants,  Dagobert,  reçut  la  soumission 
du  duc  des  Bretons  (V.  Bretagne)  et  étendit  sa  domina- 
tion jusqu'au  Weser  et  jusqu'à  la  Bohême.  Les  Mérovin- 
giens eurent  la  prétention  d'organiser  leur  empire,  et  dans 
cette  œuvre  ils  échouèrent.  Nous  aurons  tout  à  l'heure  à 
rechercher  pour  quelles  raisons.  Deux  de  ces  motifs  nous 
sont  déjà  fournis  par  l'histoire  même  de  la  dynastie.  D'a- 
bord, l'unité  du  royaume  franc  était  à  chaque  instant  bri- 
sée par  des  partages;  de  plus,  le  pouvoir  était  instable,  la 
vie  des  princes  incertaine  :  les  enfants  de  Clodomir,  Sige- 
bert,  Chilpéric,  Brunehaut  et  bien  d'autres  périrent  de  mort 
violente.  Comment  les  Mérovingiens  auraient-ils  ressuscité 
l'Empire  ?  Les  premiers  d'entre  eux,  une  fois  en  posses- 
sion de  leur  part  d'héritage,  cherchèrent  surtout  à  dépos- 
séder leur  voisin  ;  les  derniers  allaient  vivre  dans  l'ombre, 
faibles  et  nuls. 

Après  la  mort  de  Dagobert  en  639,  les  Mérovingiens 
régnent  et  ne  gouvernent  plus.  C'est  la  période  dite  des 
rois  fainéants.  Le  pouvoir  appartient  aux  maires  du  palais, 
officiers  domestiques  qui  étaient  devenus  rapidement  des 
sortes  de  vice-rois.  Désormais,  la  question  est  de  savoir  si 
les  maires  d'Austrasie  l'emporteront  sur  ceux  de  Neustrie 
et  rétabliront  l'unité  de  la  Gaule  à  leur  profit  (V.  Neustrie 
et  Austrasie).  L'Austrasie,  la  France  orientale,  avait  con- 
servé la  vigueur  barbare  ;  c'est  elle  qui  supporta  le  poids 
de  la  conquête  et  de  la  christianisation  des  pays  d'outre- 
Rhin  ;  c'est  en  elle  que  résidait  la  force  germanique,  en 
elle  que  le  clergé  plaçait  son  espoir.  Là  grandit  la  famille 
des  Pippinides,  issue  de  deux  familles  puissantes,  celles 
d'Arnulf  et  du  maire  du  palais  Pépin  le  Vieux  (V.  Caro- 
lingiens). En  681 ,  Pépin  d'Héristal  fut  vainqueur  du  maire 
neustrien,  Berthaire,  à  Testry-sur-Omignon,  et  gouverna 
comme  maire  du  palais  tous  les  royaumes  francs.  Sous 
son  fils  Charles-Martel,  rude  et  infatigable  guerrier,  le 
triomphe  des  Germains  d'Austrasie  sur  la  population  plus 
civilisée  de  Neustrie  fut  définitif  ;  par  là  même  la  destinée 
des  Pippinides  était  assurée.  A  partir  de  737,  Charles 
laissa  vacant  le  trône  mérovingien  ;  il  avait  le  titre  de 
princeps  et  rien  ne  lui  manquait  pour  avoir  celui  de  roi, 
non  pas  même  l'appui  du  pape  qui  l'appelait  contre  les 
Lombards.  En  751,  son  fils,  Pépin  le  Bref,  prit  la  cou- 
ronne, et  le  pape  Etienne  II  vint,  en  754,  le  sacrer  à 
Saint-Denis,  moyennant  la  promesse  d'une  expédition  en 
Italie.  Ainsi  l'Eglise  renversait  de  sa  propre  main  la  dynas- 
tie mérovingienne  qu'elle  avait  contribué  à  fonder ."  Son 
alliance  avec  la  dynastie  nouvelle  allait  s'achever  sous  le 
règne  de  Charlemagne  (V.  Pépin  d'Héristal,  Charles- 
Martel,  Pépin  le  Bref,  Charlemagne). 

L'œuvre  de  cette  famille  pippinide  et  carolingienne  a  été 
la  restauration  d'un  grand  empire  occidental.  A  la  mort  de 
Pépin  d'Héristal,  les  ducs  de  Bavière  et  de  Souabe  avaient 
repris  leur  indépendance  ;  les  Saxons  avaient  envahi  la 
Thuringe  ;  les  Frisons  s'étaient  soulevés  ;  Eudes  s'était  pro- 
clamé roi  d'Aquitaine;  enfin,  les  Arabes,  depuis  712,  fai- 


saient des  incursions  en  Gaule  et  occupaient  une  partie  de 
la  Septimanie.  Charles-Martel,  Pépin  le  Bref  et  Charle- 
magne passèrent  leur  vie  à  guerroyer.  Si  ce  n'est  pas  à 
l'effroi  qu'ils  inspiraient,  mais  aux  guerres  religieuses  entre 
Arabes  et  Berbères  que  le  recul  de  l'invasion  musulmane 
doit  être  attribué,  ce  sont  bien,  en  revanche,  ces  trois 
conquérants  qui  ont,  par  leur  propre  génie  guerrier,  sou- 
mis les  Aquitains,  conquis  l'Italie,  dompté  et  converti  les 
païens  de  Germanie  jusqu'à  l'Elbe.  A  cette  époque,  l'his- 
toire de  notre  pays  se  confond  avec  celle  de  l'Italie  et  de 
l'Allemagne.  —  Depuis  qu'Odoacre  avait  renvoyé  les 
insignes  de  l'empereur  d'Occident  au  basileus  de  Constan- 
tinople,  c'était  celui-ci  qui,  en  théorie,  gouvernait  l'héri- 
tage de  Théodose.  Mais  personne  ne  trouvait  utile  de  sou- 
tenir la  valeur  d'une  telle  théorie.  Le  pape,  au  contraire, 
avait  intérêt  à  reconstituer  l'empire  d'Occident  au  profit 
d'un  allié  sûr.  En  l'an  800,  au  moment  où  Charlemagne 
priait  dans  la  basilique  de  Saint-Pierre  de  Rome,  le  pape 
Léon  III  lui  mit  une  couronne  sur  la  tête,  et  tous  les 
assistants  s'écrièrent  :  «  A  Charles  Auguste,  couronné 
par  Dieu,  grand  et  pacifique  empereur  des  Romains,  vie 
et  victoire  !  »  L'union  du  sacerdoce  et  de  l'Empire  était 
consommée. 

Essayons  maintenant  d'embrasser  d'un  coup  d'œil  les 
transformations  de  la  Gaule  depuis  les  victoires  de  Clovis 
jusqu'au  temps  de  Charlemagne.  Le  droit  public  et  privé, 
la  condition  des  personnes  et  des  terres,  tels  qu'ils  étaient 
réglés  sous  l'empire  romain,  devaient  nécessairement  être 
profondément  troublés  et  modifiés  par  l'immigration  ger- 
manique. Cette  immigration  n'a  pas  eu,  comme  le  soutenait 
Boulainvilliers,  le  caractère  d'une  conquête  violente  ;  les 
historiens  allemands  Waitz,  Roth  et  Sohm,  et  de  son  côté 
Fustel  de  Coulanges  ont  démontré  qu'elle  s'était  produite 
sous  forme  d'infiltration  lente.  Les  Visigoths,  les  Bur- 
gondes,  les  Francs  de  Clovis  n'étaient  pas  très  nombreux 
quand  ils  arrivèrent  en  Gaule.  Au  N.-E.,  l'immigration  fut 
plus  importante,  mais  elle  se  fit  peu  à  peu,  et  non  par 
masses  compactes.  La  plupart  des  guerriers  barbares  furent 
dotés  de  terres  vacantes,  et  Clovis  n'eut  pas  besoin,  pour 
récompenser  ses  fidèles,  de  recourir  à  des  dépossessions 
violentes.  Ni  le  fond  de  la  race  ni  la  langue  ne  changèrent 
en  Gaule.  Cependant,  à  la  longue,  l'invasion  produisit  des 
effets  considérables.  Les  Francs  surtout,  arrivés  en  der- 
nier, apportèrent  dans  cette  société  en  décomposition  de 
puissants  éléments  de  transformation  :  le  dédain  des  choses 
de  l'esprit,  le  goût  de  la  vie  au  grand  air  et  de  la  guerre, 
l'habitude  de  l'association  libre,  l'absence  d'administration, 
d'impôts,  de  lois  générales.  —  Transportés  au  milieu  de 
la  société  gallo-romaine,  qui  saluait  en  eux  les  continua- 
teurs des  empereurs,  les  rois  mérovingiens  oublièrent  vite 
leur  origine  et  s'endimanchèrent  dans  les  habits  impériaux. 
Chilpéric  se  décerna  l'épithète  de  divin  et  Dagobert  se  fit 
fabriquer  un  diadème,  un  sceptre  et  un  trône.  Tous  les 
hommes  libres,  Gallo-Romains  et  Germains,  furent  consi- 
dérés, en  théorie,  comme  des  sujets  ;  on  prétendit  même 
les  forcer  à  payer  les  impôts  anciens.  Mais  les  cadres  de 
l'administration  et  du  fisc  étaient  maintenant  brisés  ;  l'on 
ne  pouvait  pas  reconstituer  d'un  seul  coup  cette  œuvre  de 
tant  de  siècles  ;  les  Mérovingiens  durent  se  contenter  de 
revêtir  deux  ou  trois  titres  pompeux  et  de  percevoir  par-ci 
par-là  quelques  revenus  directs,  des  droits  d'octroi,  des 
péages.  Ils  utilisèrent  tant  bien  que  mal  les  débris  du  passé, 
n'étant  pas  assez  intelligents  pour  faire  du  nouveau.  Leur 
œuvre  ressemble  aux  basiliques  de  ce  temps,  où  les  archi- 
tectes de  la  décadence  ont  placé,  pour  soutenir  la  toiture, 
des  colonnes  et  des  frises  empruntées  aux  beaux  monu- 
ments de  l'antiquité  ;  telle  colonne  était  trop  petite,  on  l'a 
exhaussée  avec  un  socle  ;  telle  autre  trop  grande,  on  l'a 
raccourcie  sans  souci  des  proportions,  et  Ton  a  cru  faire 
du  beau  et  du  solide.  Les  basiliques  primitives  n'ont  pas 
été  respectées  par  le  temps  ;  la  maison  où  les  Mérovingiens 
se  logèrent  était  aussi  un  édifice  mal  bâti  et  peu  durable. 
Les  Carolingiens  ont  eu  vite  raison  de  cette  dynastie,  qui 


4033  - 


FRANCE 


n'avait  demandé  à  l'ancienne  Rome  que  des  leçons  de 
tyrannie  et  des  procédés  d'oppression. 

La  raison  d'être  de  la  dynastie  carolingienne  fut  l'intel- 
ligence profonde  qu'elle  eut  de  son  temps.  L'idée  d'Etat 
reparut  avec  force  ;  il  s'agit  dans  les  Capitulaires  de  «  salut 
de  la  patrie  »  et  de  «  profit  du  peuple  »  ;  mais  Charle- 
magne, tout  en  prenant  la  titre  d'Imperator  Augustus, 
comprit  qu'il  ne  pouvait  restaurer  l'édifice  impérial  qu'à  la 
condition  d'en  changer  les  fondements  mêmes.  11  savait 
apprécier  la  civilisation  romaine  dont  les  gens  d'Eglise  lui 
vantaient  la  grandeur,  mais  la  nature  même  de  son  esprit 
et  de  ses  goûts  le  portait  à  respecter  les  effets  des  inva- 
sions germaniques.  Roi  guerrier,  il  ne  porta  que  deux  fois 
le  costume  des  anciens  empereurs,  et  encore  ne  voulut-il 
point  se  séparer  de  son  épée.  Il  réunit  très  régulièrement 
les  assemblées  générales,  où  il  délibérait  avec  l'aristocratie 
et  soumettait  ses  capitulaires  à  l'approbation  des  hommes 
libres.  Il  abandonna  définitivement  le  système  fiscal  romain 
et  se  contenta  de  ses  revenus  privés  ;  il  n'eut  beaucoup  de 
ressources  que  parce  qu'il  était  le  plus  grand  propriétaire 
foncier  de  l'Empire  et  qu'il  sut  administrer  ses  biens  avec 
sagesse.  Un  certain  nombre  d'institutions  nouvelles  établi- 
rent une  centralisation  qui  n'avait  rien  de  commun  avec 
celle. du  Bas-Empire.  Tous  les  hommes  libres  durent  le 
serment  personnel  au  souverain  ;  les  fonctionnaires  du  pa- 
lais et  ceux  qui  administraient  la  Gaule,  la  Germanie, 
l'Italie  étaient  étroitement  surveillés  ;  les  missi  dominiez 
faisaient  des  tournées  pour  corriger  les  abus  commis  par 
les  comtes  et  même  les  évêques  ;  les  ducs  n'avaient  plus 
qu'un  pouvoir  militaire  (V.  Palatins,  Chancelier,  Cham- 
brier,  Sénéchal,  Connétable,  Comte,  Duc,  Missus). 
L'exercice  de  la  justice  locale,  au  temps  des  Mérovingiens, 
appartenait  aux  hommes  libres  de  chaque  circonscription 
(V.  Rachimbourg)  ;  elle  est  maintenant  entre  les  mains  des 
scabins,  qui  sont  de  véritables  fonctionnaires,  et  des  cente- 
niers,  qui  sont  devenus  des  agents  du  pouvoir  central.  Le 
droit  de  battre  monnaie  fut  exclusivement  réservé  aux  ate- 
liers impériaux.  Enfin,  Charlemagne,  ne  pouvant  avoir 
d'armée  permanente,  réglementa  du  moins  l'obligation  du 
service  militaire  en  temps  de  guerre. 

Cette  époque,  qu'on  a  appelée  le  haut  moyen  âge,  fut, 
en  Gaule,  une  époque  de  grossièreté  et  de  violence.  A  eux 
seuls  le  droit  criminel  et  la  procédure  le  témoignent  suffi- 
samment. Les  Carolingiens,  non  plus  que  les  Mérovingiens, 
ne  pouvaient  avoir  l'idée  de  réformer  des  mœurs  qui  avaient 
étendu  partout  leur  empire,  dans  les  palais  comme  dans  les 
églises.  Le  principe  germain  de  la  légitimité  de  la  ven- 
geance avait  porté  ses  fruits  ;  Charlemagne  lui-même  ne 
put  empêcher  les  guerres  privées.  Dans  une  pareille  société, 
le  travail  industriel  et  intellectuel  était  naturellement  peu 
développé.  On  sait  quel  prix  énorme  les- objets  manufactu- 
rés atteignirent  aux  temps  mérovingiens,  et  quelle  était  la 
maladresse  des  artistes  de  tout  genre.  La  compilation  dite 
de  Frédégaire  est  un  exemple  de  la  misère  intellectuelle  des 
vne  et  vme  siècles.  Au  temps  de  Charlemagne,  il  y  eut  une 
véritable  renaissance.  Si  les  idées  morales  restent  obscures 
et  les  mœurs  barbares,  du  moins  on  fait  autre  chose  que 
de  se  battre  ou  de  labourer  la  terre.  Les  villes  du  Midi, 
qui  étaient  restées  en  relations  avec  l'Italie  et  l'Orient, 
n'eurent  plus  le  privilège  exclusif  d'un  commerce  prospère  ; 
la  police  des  routes  et  des  fleuves  fut  assurée  partout,  au 
moins  pour  quelque  temps.  Le  réveil  de  l'esprit  fut  encore 
plus  remarquable  et  plus  durable  ;  les  naïfs  pédants  de 
l'Académie  palatine  allumèrent  une  petite  lampe  qui  conti- 
nuera de  briller  dans  les  cloîtres  et  resplendira  au  xme  siècle. 

Ainsi,  les  premiers  Carolingiens  avaient  fondé  un  empire 
puissant  où  l'on  pouvait  travailler  et  penser.  Cette  habile 
restauration  du  pouvoir  monarchique  ne  retarda  cependant 
que  d'un  demi-siècle  le  morcellement  politique  et  la  for- 
mation du  régime  féodal.  C'est  que,  depuis  les  invasions, 
il  s'était  produit  des  phénomènes  sociaux  qui  préparaient 
invinciblement  une  organisation  nouvelle.  D'abord,  les  villes 
avaient  perdu  tout  ou  partie  de  leurs  habitants.  On  n'a  que 


très  peu  de  renseignements  sur  la  vie  urbaine  à  cette 
époque,  même  pour  le  Midi,  où  une  certaine  activité  s'était 
conservée  dans  les  anciens  grands  centres  d'industrie  et 
de  commerce.  C'est  à  la  campagne  que  vivent  en  immense 
majorité  les  hommes  .libres,  les  gens  d'Eglise,  les  non- 
libres.  Dans  cette  population,  l'origine  ethnique  n'a  'pas 
grande  importance  et  ne  se  manifeste  guère  que  dans  les 
différences  de  wergeld  ;  en  revanche,  les  distinctions  de 
classes  sont  nettes.  Il  n'y  a  pas  de  noblesse  ;  mais  les 
hommes  libres  ou  leudes  vivent,  en  somme,  noblement, 
comme  l'on  dira  plus  tard  ;  ils  portent  les  armes  et  se 
nourrissent  du  produit  de  leurs  terres,  cultivées  par  des 
non-libres.  Parmi  les  leudes  se  distinguent  en  haut  ceux 
qui  ont  pris  un  engagement  spécial  envers  le  roi  et  forment 
sa  truste  (V.  ce  mot),  et  en  bas  ceux  qui,  impuissants  à 
se  défendre,  ont  dû  solliciter  ou  accepter  la  protection  d'un 
puissant  voisin.  Ces  contrats  personnels  n'entraînent  pas 
d'abord  forcément  des  concessions  de  biens  ;  mais,  au 
viie  siècle,  il  y  a  déjà  beaucoup  de  bénéfices  accordés  par 
le  roi  à  ses  antrustions  et  par  le  seigneur  à  ses  recom- 
mandés ou  vassaux,  à  charge  de  certains  services.  Quand 
la  concession  viagère  sera  devenue  perpétuelle,  la  féodalité 
existera  (V.  Féodalité,  Alleu,  Bénéfice,  etc.).  Un  autre 
caractère  du  moyen  âge  sera  qu'il  n'y  aura  entre  le  roi  et 
le  grand  propriétaire  qu'un  lien  personnel,  et  que  celui-ci 
sera  le  maître  chez  lui  ;  or,  dès  les  temps  mérovingiens, 
les  rois  accordaient  Yimmunité,  qui  fermaient  à  leurs 
fonctionnaires  l'entrée  du  domaine  de  l'immunitaire  (V.  Im- 
munité). A  côté  de  cette  espèce  de  noblesse  à  laquelle  il 
manque  encore  des  titres  héréditaires,  se  dresse  l'Eglise. 
C'était  alors  une  très  grande  puissance.  Les  Mérovingiens 
l'avait  comblée  de  dons,  et  elle  avait  l'immunité  pour  ses 
domaines,  de  jour  en  jour  plus  considérables.  Puis  elle  eut 
la  dîme.  Elle  se  fit  la  protectrice  des  misérables  et  usa  en 
leur  faveur  du  droit  d'asile  et  de  l'excommunication  ;  elle 
proclama  l'égalité  de  tous  devant  Dieu  ;  elle  rappela  aux 
Barbares  qu'ils  avaient  une  âme;  elle  justifia  ses  richesses 
par  ses  services.  Mais,  en  même  temps,  ses  richesses  firent 
d'elle  une  aristocratie  territoriale  ;  non  seulement  maints 
évêques  et  maints  abbés  laissèrent  tomber  leur  crosse  dans 
la  boue  et  dans  le  sang,  mais  encore,  chose  plus  grave 
pour  la  marche  de  l'histoire,  les  plus  pieux  comme  les 
moins  recommandables  devinrent  des  seigneurs,  entrèrent 
dans  la  truste  du  roi,  eurent  des  fidèles  ;  l'Eglise  adopta 
les  cadres  du  régime  nouveau.  De  profonds  changements 
eurent  lieu  aussi  dans  les  classes  non  libres.  Les  Barbares, 
après  leur  entrée  en  Gaule,  avaient  adopté  tout  d'abord 
l'esclavage  à  la  manière  romaine,  qui  était  inconnu  en  Ger- 
manie, où  l'esclave  était  une  sorte  de  colon.  Mais  l'escla- 
vage personnel  romain,  la  familia  urbana,  la  valetaille 
qui  encombrait  les  palais  des  villes,  devait  forcément  dis- 
paraître, maintenant  que  les  rois  eux-mêmes  vivaient  à  la 
campagne  ;  les  esclaves  vinrent  donc  tous  travailler  dans 
les  villœ  ;  sous  l'influence  de  l'Eglise,  leur  condition  s'amé- 
liora. En  même  temps,  la  condition  des  colons  empira  ;  on 
ne  se  fit  pas  scrupule  de  les  vendre,  et  ils  se  confondirent 
à  peu  près  avec  les  esclaves.  Ainsi  naquit  le  servage. 

Charlemagne  avait  fondé  la  seule  monarchie  possible  en 
un  temps  où  les  idées  romaines  dHmperium,  de  droit  pu- 
blic, d'administration  étaient  devenues  des  abstractions 
incompréhensibles.  Il  n'avait  nullement  cherché  à  contra- 
rier le  développement  de  la  vassalité,  qui  rattachait  les  uns 
aux  autres  les  sujets  de  son  immense  empire  ;  ses  officiers 
avaient  plus  d'autorité  sur  les  hommes  libres,  quand  ceux- 
ci  étaient  leurs  vassaux.  Mais  le  jour  n'était  pas  éloigné 
où  ces  officiers  allaient  devenir  des  souverains.  La  force 
de  cette  royauté  sans  armée  permanente  et  sans  finances 
régulières  résidait  dans  le  génie  personnel  de  son  fondateur. 
Sous  les  successeurs  incapables  de  Charlemagne,  l'Empire 
tomba  en  dissolution.  Ce  fut  d'abord  le  prestige  du  titre 
impérial  qui  fut  anéanti,  pendant  le  règne  déplorable  de 
Louis  le  Pieux  (V.  Louis  Ier).  Après  l'unité  morale,  l'unité 
territoriale  fut  détruite  (pour  les  limites  de  l'empire  de 


FRANCE 


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Charlemagne,  V.  ce  nom,  t.  X,  p.  660).  Le  fils  aîné 
de  Louis  le  Pieux,  Lothaire,  voulut  obliger  ses  frères  à 
reconnaître  son  autorité,  mais  il  fut  battu  le  25  juin  841  à 
Fontenoy-en-Puisaye  et,  après  de  longues  négociations,  les 
trois  frères  conclurent  le  traité  de  Verdun  (août  843) 
(V.  Lothaire,  Louis  le  Germanique,  Charles  le  Chauve)  . 
Ils  eurent  beau  déclarer  par  la  suite  qu'ils  entendaient 
maintenir  l'unité  impériale,  ils  l'avaient  détruite  en  843. 
Ce  n'est  pas  sans  raison  que  l'on  a  insisté  sur  l'importance 
de  ces  événements,  mais  on  en  a  souvent  dénaturé  le  ca- 
ractère ;  les  luttes  fratricides  des  fils  de  Louis  le  Pieux  n'ont 
pas  eu  pour  cause  fatale  l'antagonisme  de  prétendues  na- 
tionalités naissantes  ;  ce  sont  ces  luttes,  au  contraire,  qui 
ont  été  la  cause  lointaine  de  la  naissance  des  nationalités 
et  de  leur  antagonisme.  Le  traité  par  lequel  a  pris  fin  cette 
pure  querelle  de  succession  créait,  en  effet,  trois  royaumes, 
l'Italie,  l'Allemagne  et  la  France,  et  leur  assignait  des  fron- 
tières qui  ne  pouvaient  se  justifier  ni  par  l'ethnographie, 
ni  par  la  linguistique,  ni  par  la  géographie,  ni  par  la  tra- 
dition. Pour  ne  parler  que  du  royaume  de  Charles  le  Chauve, 
il  avait  pour  limites  à  l'E.  l'Escaut,  la  moyenne  et  la  haute 
Meuse,  la  Saône  et  le  Rhône  (moins  quelques  enclaves, 
telles  que  Lyon,  laissées  dans  la  part  de  Lothaire).  C'est 
dans  ce  pays  que  se  formera  la  nation  française  ;  de  bonne 
heure,  les  rois  de  ce  pays  songeront  à  briser  le  traité  de 
Verdun,  et  le  but  classique  de  la  politique  des  Capétiens 
sera  l'acquisition  des  «  frontières  naturelles  de  la  Gaule  », 
telles  que  les  décrivait  César.  A  l'heure  présente,  cette 
question  n'est  pas  encore  réglée.  Le  partage  de  843  a  donc 
été  dans  l'histoire  de  la  France  et  de  l'Allemagne  d'une 
importance  causale  extraordinaire. 

Il  est  difficile  de  s'orienter  rapidement  dans  la  lamen- 
table et  confuse  histoire  de  notre  pays  pendant  la  dissolu- 
tion de  l'empire  carolingien.  Mais  si  l'on  s'en  tient  à  une 
vue  générale  du  sujet,  on  voit  qu'un  seul  fait  domine  et 
résume  le  règne  de  Charles  le  Chauve  et  de  ses  successeurs 
(V.  Charles  le  Chauve,  Louis  II,  Louis  III,  Carloman, 
Charles  le  Gros).  Ce  fait  est  l'émiettement  du  pouvoir 
monarchique.  La  théorie  même  de  ce  pouvoir  est  très 
obscure  pour  les  hommes  de  ce  temps  ;  l'Empire  a  été  par- 
tagé, mais  son  unité  mystique  subsiste  ;  Charles  le  Chauve 
joint  à  sa  couronne  de  roi  la  couronne  de  Charlemagne,  et 
Charles  le  Gros  réunit  un  instant  tout  l'héritage  impérial. 
Ainsi,  la  France  n'a  pas  encore  un  roi  qui  daigne  se  sou- 
cier spécialement  d'elle  ;  les  noms  de  royaumes  de  France 
et  d'Allemagne  n'existent  même  pas  encore  :  Charles  le 
Chauve  et  son  frère,  Louis  le  Germanique,  portent  tous 
deux  le  titre  de  roi  des  Francs.  A  supposer  que  Charles  le 
Chauve  eût  eu  conscience  du  véritable  caractère  de  l'évé- 
nement de  843  et  eût  deviné  la  meilleure  politique  à  suivre, 
il  n'aurait  sans  doute  pas  réussi  à  établir  fortement  son 
pouvoir.  Une  nouvelle  cause  hâtait,  en  effet,  la  formation 
de  la  féodalité.  Depuis  la  fin  du  règne  de  Charlemagne,  des 
pirates  Scandinaves,  les  Normands  (V.  ce  mot)  remon- 
taient les  fleuves  de  Gaule  et  pillaient  les  pays  riverains. 
En  886,  ils  assiégèrent  Paris  pendant  dix  mois,  et  Charles 
le  Gros  acheta  honteusement  leur  retraite.  Charlemagne 
lui-même  s'était  montré  très  inquiet  de  l'apparition  de  ces 
hardis  pirates  ;  l'incapacité  de  ses  successeurs  ne  créa  pas 
le  danger  normand,  mais  elle  le  laissa  grandir.  Puisque 
les  rois  étaient  impuissants  à  assurer  la  sécurité  de  leurs 
sujets,  il  était  naturel  que  les  sujets  apprissent  à  se  passer 
des  rois  et  que,  dans  chaque  comté,  dans  chaque  petit  pays, 
les  faibles  se  missent  sous  la  protection  et  la  dépendance 
des  forts.  Ainsi,  l'invasion  normande  précipita  l'organisa- 
tion d'un  régime  nouveau  d'association,  fondé  non  pas  sur 
la  religion  et  les  liens  de  parenté,  mais  sur  l'utilité  et  le 
contrat  personnel.  Dès  847,  l'édit  royal  de  Mersen  légalise 
l'habitude  de  la  recommandation  en  prescrivant  à  tout 
homme  libre  de  se  choisir  un  seigneur.  Les  plus  puissants 
de  ces  seigneurs  sont  les  comtes  et  les  autres  détenteurs 
de  l'autorité  publique  ;  comme  ils  rendent  des  services  et 
qu'ils  sont  de  plus  en  plus  honorés  et  puissants,  les  rois 


les  laissent  se  perpétuer  dans  leurs  charges  ;  la  transmis- 
sion héréditaire  des  fonctions  est  tolérée,  et  le  capitulaire 
de  Kierzy-sur-Oise  l'établit  même  officiellement  en  faveur 
des  fils  des  comtes  qui  mourraient  pendant  la  campagne 
d'Italie  de  877.  Ainsi,  les  officiers  carolingiens  deviennent 
peu  à  peu  des  seigneurs,  vassaux  du  roi,  mais  proprié- 
taires souverains  des  territoires  qu'autrefois  ils  adminis- 
traient au  nom  de  l'empereur. 
#  Cette  aristocratie  triompha  définitivement  lorsque  l'em- 
pire carolingien  se  disloqua  de  nouveau  après  la  déposition 
de  Charles  le  Gros  (887).  La  couronne  devint  élective 
dans  les  divers  royaumes  qui  se  fondèrent.  Par  la  création 
du  royaume  de  Lorraine,  qui  fut  annexé  en  900  à  l'Alle- 
magne, et  des  royaumes  de  Provence  et  de  Bourgogne,  qui 
ne  furent  réunis  à  l'Allemagne  qu'en  1034,  la  France  fut 
ramenée  aux  limites  de  843,  qui  avaient  été  modifiées  en 
870  par  le  traité  de  Mersen.  En  attendant  qu'un  peuple 
conscient  de  lui-même  et  qu'une  dynastie  nationale  se  cons- 
tituassent dans  ces  cadres,  le  monde  féodal  naquit. 

IV.  La  France  féodale  jusqu'à  la  conquête  de 
la  Normandie  par  Philippe-Auguste.  —  Il  est  im- 
possible d'assigner  des  termes  précis,  même  à  un  siècle 
près,  à  la  période  dite  féodale.  Du  moment  où  des  hommes 
puissants  autres  que  le  roi  ont  commencé  à  se  fair'e  des 
vassaux  et  à  leur  accorder  des  bénéfices,  du  moment  où 
le  roi,  en  octroyant  l'immunité,  a  légalisé  lui-même  l'usur- 
pation des  droits  régaliens,  le  régime  féodal  a  commencé  à 
se  développer  ;  donc,  comme  l'a  prouvé  Waitz,  il  plonge 
par  ses  racines  jusque  dans  les  temps  mérovingiens  ;  d'autre 
part,  ce  régime  n'a  pas  été  tué  tout  d'un  coup  par  la  royauté; 
il  y  avait  encore  des  fiefs  à  la  veille  de  la  Révolution  (V.  Féo- 
dalité). On  a  le  droit  cependant  de  réserver  plus  spéciale- 
ment le  nom  de  période  féodale  à  celle  qui  s'étend  du 
xe  siècle  inclusivement  jusqu'au  xme  siècle  exclusivement  ; 
la  conquête  des  domaines  septentrionaux  des  Plantagenets 
par  Philippe-Auguste  marque  plus  précisément  et  plus  défi- 
nitivement que  tout  autre  événement  la  fin  de  l'ère  qui  a 
commencé  avec  la  dissolution  de  l'empire  carolingien.  Le 
caractère  de  cette  ère  de  l'histoire  de  France  est  le  démem- 
brement de  l'autorité  monarchique  ;  le  pouvoir  unique  et 
public  fait  place  à  des  pouvoirs  multiples  et  privés,  ou, 
pour  employer  la  formule  de  Guizot,  la  souveraineté  se 
confond  avec  la  propriété.  A  vrai  dire,  la  souveraineté  com- 
pote n'appartint  guère  qu'aux  grands  vassaux,  c.-à-d.  aux 
anciens  fonctionnaires  comme  les  comtes,  qui  se  trouvaient 
maintenant  directement  au-dessous  du  roi  dans  l'échelle 
féodale  ;  mais  les  seigneurs  les  moins  considérables  eurent 
une  part  de  souveraineté,  car,  à  la  suite  d'une  évolution 
lente  et  obscure,  ils  exercèrent  chez  eux,  en  leur  propre 
nom,  le  droit  de  justice.  Cette  période  de  morcellement  à 
l'infini  prépara  cependant  à  un  certain  point  de  vue  l'unité 
française  ;  au  ixe  siècle,  il  y  avait  encore  des  Gallo-Romains, 
des  Francs,  des  Burgondes,  etc.,  ayant  des  lois  distinctes  ; 
ces  éléments  se  mêlèrent  dans  chaque  fief  sous  la  domina- 
tion du  seigneur  et,  au  xne  siècle,  la  fusion  des  races  était 
accomplie. 

La  France  se  couvrit  donc  à  la  fin  du  ixe  et  au  xe  siècle 
d'une  foule  de  seigneuries  relevant  les  unes  des  autres.  Les 
relations  féodales  varièrent  tellement  qu'il  est  impossible 
de  dresser  pour  une  année  quelconque  une  carte  absolument 
exacte  de  la  France  féodale.  Cependant,  il  y  a  certaines 
époques  où  l'état  des  documents  permet  une  reconstitution 
géographique  à  peu  près  satisfaisante  ;  tel  est,  par  exemple, 
le  début  du  règne  de  Henri  Ier,  qui  monta  sur  le  trône 
en  1 031 .  La  limite  du  royaume  de  France  passait  alors  par 
Gand  et  Tournai,  laissait  au  duché  de  Lorraine  Avesnes, 
Grandpré,  Sainte-Menehould,  Bar-le-Duc  ;  elle  n'atteignait 
pas  encore  la  Saône  ;  le  Lyonnais,  le  Forez  et  le  Vivarais 
dépendaient  du  royaume  d'Arles  ;  ensuite  le  Rhône  servait 
de  frontière  jusqu'à  la  mer.  Au  S.,  le  comte  de  Barcelone 
était  vassal  du  roi  de  France  ;  en  revanche,  le  royaume  de 
Navarre  empiétait  sur  le  territoire  cispyrénéen.  A  l'inté- 
rieur de  ces  frontières,  outre  le  domaine  royal  dont  nous 


—  1035  — 


FRANCE 


ferons  plus  tard  l'histoire  et  qui,  alors,  ne  dépassait  guère 
Senlis  au  N.  et  Orléans  au  S.,  on  trouvait  d'abord  les 
domaines  du  comte  de  Flandre,  des  ducs  de  Bourgogne,  de 
Guyenne,  de  Gascogne,  des  comtes  de  Toulouse  et  de 
Rouergue,  héritiers  des  puissants  seigneurs  qui  comman- 
daient les  provinces  frontières  au  ixe  siècle  pour  le  compte 
des  Carolingiens.  Le  comté  de  Flandre  comprenait  tout 
le  N.  de  la  France  entre  les  bouches  de  l'Escaut  et  la  Canche. 
Le  duché  de  Bourgogne  était  aux  mains  de  Robert,  frère 
puîné  du  roi  Henri.  Les  duchés  de  Guyenne  et  de  Gascogne 
furent  réunis  en  4052  en  un  seul  fief,  qui  couvrit  le  tiers 
de  la  France,  de  la  Loire  aux  Pyrénées.  Le  comté  de  Tou- 
louse englobait  dès  le  ixe  siècle  le  Quercy  et  l'Albigeois. 
Les  comtes  de  Rouergue  avaient  en  même  temps  le  mar- 
quisat de  Gothie  (Septimanie).  A  ces  grands  fiefs  vint 
s'ajouter  le  duché  de  Normandie,  concédé  par  Charles  le 
Simple  au  chef  normand  Rollon  en  911,  et  dont  la  consti- 
tution légalisa  en  quelque  sorte  l'existence  des  autres  fiefs 
et  précipita  la  décadence  de  l'idée  monarchique.  De  911 
à  933,  ce  duché  finit  par  comprendre  l'ancienne  Seconde 
Lyonnaise  presque  entière.  11  faut  mentionner  aussi  les 
comtés  de  Blois  et  d'Anjou,  le  comté  de  Bretagne  ;  une 
foule  de  vassaux  plus  ou  moins  directs  du  roi  dans  la 
France  proprement  dite  (comtes  de  Valenciennes,  de  Ver- 
mandois,  de  Valois,  etc.)  ou  hors  de  cette  région  (comtes 
de  Sens,  de  Ne  vers,  de  Gévaudan,  etc.)  ;  enfin,  les  sei- 
gneuries ecclésiastiques  de  Tournai,  de  Beauvais,  de  Noyon, 
de  Laon,  de  Reims,  de  Châlons,  de  Langres,  etc. 

Au  milieu  des  bouleversements  qui  donnèrent  ce  nouvel 
-  aspect  à  la  France,  l'autorité  monarchique  disparut,  mais 
la  monarchie  subsista.  Seulement  la  dynastie  changea  et  les 
Carolingiens  firent  place  aux  Capétiens.  Cet  événement  eut 
des  causes  très  simples.  Une  des  maisons  les  plus  riches 
et  les  plus  puissantes  de  l'Empire  au  ixe  siècle  était  celle 
de  Robert  le  Fort.  Robert  vit  les  titres  s'accumuler  sur 
sa  tête  :  abbé  laïque  de  Marmoutiers  et  de  Saint-Martin 
de  Tours,  il  fut  aussi  duc  de  Touraine,  puis  missus  dans 
le  Maine,  l'Anjou  et  la  Touraine,  enfin  comte  d'Autun,  de 
Nevers  et  d'Auxerre  ;  comme  marquis  d'Anjou,  il  défendit 
cette  province  contre  les  Normands  et  périt  glorieusement 
à  Brissarthe  en  866.  Son  fils  Eudes  eut  le  titre  de  comte  de 
Paris.  Après  la  déposition  de  Charles  le  Gros,  il  fut  cou- 
ronné roi  à  Compiègne,  grâce  aux  efforts  des  évêques  neus- 
triens.  Le  principe  de  la  légitimité  carolingienne  gardait  ses 
défenseurs,  et,  en  898,  Charles  le  Simple  recueillit  la  cou- 
ronne à  la  mort  de  son  rival  ;  mais,  en  922,  il  vit  Robert  de 
France,  soutenu  par  l'archevêque  de  Reims  lui-même,  se 
faire  nommer  roi.  Puis  le  trône  fut  occupé  de  923  à  936 
par  Raoul,  gendre  de  Robert.  Depuis  936  jusqu'en  987, 
les  Robertiens  se  contentèrent  d'être  les  protecteurs  hau- 
tains des  Carolingiens.  Hugues  le  Grand  fit  élire  Louis  IV 
d'Outremer,  qui  lui  conféra  le  titre  de  duc  de  France,  c.-à-d. 
l'autorité  militaire  sur  une  grande  partie  des  pays  compris 
dans  les  provinces  ecclésiastiques  de  Reims,  Sens  et  Tours. 
En  revanche,  Hugues  humilia  Louis  d'Outremer  et  le  garda 
prisonnier  pendant  un  an.  Ce  fut  lui  aussi  qui  fit  élire 
Lothaire  en  954.  Quand  son  fils  Hugues  Capet  hérita  du 
duché  de  France,  la  maison  robertienne  était  assez  puis- 
sante pour  que  le  duché  de  Bourgogne  restât  dans  la  famille 
malgré  la  volonté  formelle  de  Lothaire.  Il  y  avait  donc  à  ce 
moment-là  deux  partis  à  peu  près  également  puissants.  La 
royauté  carolingienne,  sans  être  riche,  n'était  pas  aussi 
dépourvue  de  ressources  qu'on  l'a  prétendu  ;  de  plus,  elle 
avait  pour  elle  la  tradition  et  de  grands  souvenirs  ;  enfin, 
les  derniers  représentants  de  cette  dynastie  étaient  actifs  et 
vaillants.  La  maison  de  France  possédait  Paris,  Orléans, 
Etampes,  Dourdan,  Senlis,  Dreux,  Montreuil-sur-Mer  et 
quelques  villages  épars  ;  Hugues  Capet  était  en  outre  suze- 
rain direct  du  duc  de  Normandie,  des  comtes  de  Verman- 
dois,  de  Champagne,  de  Rlois,  de  Chartres,  d'Anjou,  de 
Sens,  etc.  Il  fallait  que  l'un  des  deux  partis  disparût  : 
ce  fut  le  parti  carolingien.  La  principale  cause  de  cette 
déchéance  fut  l'hostilité  entre  les  empereurs  et  les  Caro- 


lingiens, qui  commirent  la  faute  de  s'emparer  de  la  Lor- 
raine et  s'aliénèrent  ainsi  de  puissants  voisins.  A  la  mort  de 
Louis  V,  en  987,  son  oncle  Charles  de  Lorraine  fut  évincé 
grâce  aux  intrigues  de  l'archevêque  de  Reims,  Adalbéron, 
qui,  tout  dévoué  à  la  maison  royale  de  Germanie,  fit  élire 
Hugues  Capet  sous  la  condition  de  l'abandon  de  la  Lorraine. 
Ce  fait  eut  une  importance  particulière  parce  qu'il  se  trouva 
que  Charles  de  Lorraine  était  le  dernier  des  Carolingiens 
et  que,  grâce  à  des  hasards  heureux  et  à  l'habileté  des  Capé- 
tiens, la  transmission  du  pouvoir  se  fit  sans  interruption 
dans  cette  famille  nouvelle  à  travers  une  longue  suite  d'an- 
nées. L'importance  de  l'avènement  de  Hugues  Capet,  qui 
ne  fut  pas  le  premier  roi  de  sa  maison,  fut  donc  pour  ainsi 
dire  accidentelle.  (Pour  plus  de  détails,  V.  Charles  le 
Simple,  Louis  IV,  Lothaire,  Louis  V,  Charles  de  Lor- 
raine, Robert  le  Fort,  Robert  Ier,  Raoul,  Hugues  le 
Grand,  Hugues  Capet,  Adalbéron,  Gerbert). 

On  a  eu  tort  de  voir  là  un  triomphe  de  la  nationalité 
française,  car  Hugues  Capet  descendait  probablement  d'an- 
cêtres saxons  et  était  favorisé  par  Otton  III  ;  on  a  eu  tort 
aussi  de  croire  à  une  espèce  de  pacte  entre  les  Capétiens  et 
la  féodalité,  car  la  royauté  ne  changea  pas  de  caractère  et 
continua  à  se  proclamer  absolue  en  principe  et  d'essence 
divine.  Mais  on  a  eu  raison  de  constater  la  coïncidence  de 
l'avènement  des  Capétiens  avec  le  développement  extraor- 
dinaire de  la  féodalité.  L'histoire  devient  alors  essentielle- 
ment locale,  et  le  lecteur  devra  chercher  dans  les  articles 
relatifs  à  chaque  province  les  détails  qui  ne  sauraient  être 
rapportés  ici.  Contentons-nous  d'esquisser  à  grands  traits 
l'aspect  de  la  France  au  xie  et  au  xne  siècle.  Hors  du 
domaine  royal,  les  terres  et  la  souveraineté  sont  aux  mains 
des  nobles  et  de  l'Eglise.  La  noblesse,  disparue  avec 
les  invasions,  a  reparu  avec  la  féodalité  et  l'hérédité 
des  offices  ;  du  reste,  il  y  a  une  foule  de  degrés  parmi 
les  nobles,  depuis  le  baron,  qui  est  souverain  chez  lui, 
jusqu'à  l'humble  écuyer.  Une  autre  sorte  de  hiérarchie  est 
celle  qui  est  créée  entre  les  nobles  par  les  liens  personnels 
de  la  suzeraineté  et  de  la  vassalité  qui  engendrent  des  deux 
côtés  des  droits  et  des  devoirs  ;  le  suzerain  doit  la  protec- 
tion, le  vassal  le  service  militaire,  l'aide  et  le  conseil.  Dans 
chaque  baronnie,  il  y  a  tout  un  gouvernement  ;  au  centre 
est  la  cour,  où  les  grands  officiers  vaquent  aux  offices 
domestiques  et  dirigent  l'administration,  et  où  les  vassaux 
viennent  rendre  le  devoir  de  fiance  et  de  justice;  le 
gouvernement  local  appartient  aux  prévôts,  aux  viguiers, 
aux  bayles  qui,  au  xrae  siècle,  auront  au-dessus  d'eux  les 
sénéchaux  et  les  baillis.  Les  ressources  du  seigneur  sont 
soit  des  revenus  privés  qu'il  tire  de  l'exploitation  de  ses 
terres,  soit  des  revenus  féodaux  comme  l'aide  et  le  relief, 
soit  d'anciens  revenus  publics,  comme  la  monnaie,  les 
péages.  Les  nobles  vivaient  dans  leurs  châteaux  et  n'en 
sortaient  guère  que  pour  se  livrer  à  leur  occupation  favorite  : 
la  guerre.  Non  seulement  ils  prirent  part  aux  croisades 
(V.  ce  mot),  mais  les  guerres  privées  furent  incessantes; 
la  société  féodale,  où  les  degrés  hiérarchiques  semblaient 
si  ^minutieusement  établis,  était  en  réalité  déréglée  et 
anarchique,  et  la  force  primait  le  droit.  L'iniquité  et  la 
violence  se  manifestaient  jusque  dans  les  mœurs  judiciaires 
(coutume  du  duel).  Cependant,  le  développement  de  cette 
société  releva  certainement  chez  nos  ancêtres  l'énergie  in- 
dividuelle et  le  sentiment  de  la  dignité  humaine  ;  il  y  a  eu 
une  certaine  sorte  de  religion  chevaleresque  (V.  Chevale- 
rie). —  A  côté  de  cette  féodalité  laïque  avait  grandi  la 
féodalité  ecclésiastique,  enrichie  par  le  casuel,  la  dîme  de- 
venue obligatoire  et  les  donations  de  terres,  dont  les  preuves 
écrites  constituent  la  majorité  des  chartes  de  ce  temps. 
A  l'époque  franque  s'étaient  constitués  les  biens  épisco- 
paux,  massés  généralement  autour  de  la  capitale  diocésaine. 
C'était  maintenant  le  beau  temps  des  abbayes  qui  accep- 
taient les  donations  de  toutes  mains  et  avaient  de  nombreux 
domaines  disséminés.  L'Eglise  avait  adopté  les  institutions 
et  les  coutumes  féodales  ;  à  l'exemple  de  la  noblesse,  elle 
avait  pris  sa  part  dans  le  démembrement  de  la  souverai- 


FRANCE 


—  1036 


neté,  et  l'on  voyait  même  des  évêques  qui  avaient  les  titres 
laïques  de  ducs  et  de  comtes.  Les  seigneurs  ecclésiastiques 
étaient  vassaux  et  suzerains,  avaient  des  avoués  et  des 
vidâmes  qui  se  battaient  pour  eux,  à  moins  qu'au  mépris 
des  lois  religieuses  ils  ne  revêtissent  eux-mêmes  le  haubert. 
Mais,  par  ses  principes,  l'Eglise  se  distinguait  absolument 
de  la  société  laïque  ;  tels  étaient  d'abord  les  principes  de 
l'élection  et  de  l'obéissance  hiérarchique.  En  outre,  l'Eglise 
n'a  jamais  oublié  sa  mission  de  moralisation  et  de  pacifica- 
tion, qu'elle  a  accomplie  par  le  moyen  des  sentences  de  ses 
tribunaux,  de  l'interdit  et  de  l'excommunication,  et  de  la 
trêve  de  Dieu.  C'est  elle  aussi  qui  a  produit  Gerbert,  Abai- 
lard,  saint  Bernard,  les  chroniqueurs  qui  ont  écrit  tant 
bien  que  mal  notre  histoire  et  les  scribes  patients,  copieurs 
de  manuscrits;  c'est  elle  qui  a  élevé  les  cathédrales  romanes 
et  gothiques  et  qui,  en  musique,  a  inventé  l'harmonie.  Nous 
verrons  enfin  combien  son  alliance  a  été  profitable  à  la 
royauté. 

Le  xe  et  le  xie  siècle  ont  été  pour  les  classes  populaires 
en  France  une  époque  d'insécurité  perpétuelle,  de  misère 
et  de  désespoir.  En  l'espace  de  soixante-dix  années,  de  970 
à  4040,  il  y  eut  quarante- huit  famines  ou  épidémies  qui 
décimèrent  la  population  et  réveillèrent  en  elle  les  instincts 
bestiaux  du  sauvage.  Le  travail  était  entravé  par  l'arbi- 
traire des  possesseurs  du  sol.  Les  vilains  ou  paysans  étaient 
pour  la  plupart  serfs  (V.  ce  mot).  Dans  les  villes  anciennes 
ou  nouvelles,  possédées  par  un  ou  plusieurs  seigneurs,  l'an- 
cienne organisation  municipale  avait  disparu,  et  les  bour- 
geois n'étaient,  non  plus  que  les  vilains,  maîtres  de  leur 
corps  ni  de  leurs  biens.  A  partir  de  la  fin  du  xie  siècle, 
cette  situation  changea.  Les  serfs  cessèrent  d'être  taillables 
et  corvéables  à  merci  ;  les  affranchissements  se  multiplièrent  ; 
le  servage  disparut  complètement  en  Normandie  dès  le 
xne  siècle.  Enfin,  le  xne  siècle  vit  la  bourgeoisie  s'éman- 
ciper ;  le  mouvement  communal  eut  des  origines,  des  carac- 
tères et  des  effets  d'une  variété  infinie  (V.  Commune),  mais 
on  peut  dire  d'une  façon  générale  qu'il  a  eu  pour  objet  l'in- 
troduction des  groupes  urbains,  considérés  comme  des  sortes 
de  seigneurs  collectifs,  dans  les  cadres  de  la  féodalité.  Les 
classes  populaires  comptèrent  désormais  pour  quelque  chose  ; 
elles  furent  le  tiers  état.  La  société  tout  entière  profita 
de  celte  révolution,  car  l'effort  productif  et  le  bien-être 
général  doublèrent. 

L'émancipation  des  villes  contribua  à  préparer  l'unité 
française  ;  la  plupart  d'entre  elles,  en  effet,  adoptaient 
l'organisation  d'une  des  sept  ou  huit  communes  les  plus 
fameuses  ;  c'est  ainsi  que  les  Etablissements  de  Rouen  se 
retrouvaient  à  La  Rochelle  et  dans  les  villes  environnantes. 
Mais  l'ennemie  née  du  particularisme  féodal  était  la  mo- 
narchie. La  royauté  capétienne  se  proclamait  l'héritière  de 
la  royauté  carolingienne  ;  comme  cette  dernière,  elle  était 
absolue  et  avait  la  mission  divine  de  faire  régner  la  justice 
dans  tout  le  royaume.  Pour  réaliser  rapidement  les  théories 
des  clercs,  il  aurait  fallu  des  hommes  remarquables  ;  les 
ancêtres  de  Philippe  -  Auguste  furent  des  gens  médiocres 
(V.  Hugues  Capet,  Robert,  Henri Ier, Philippe Ier,  Louis  VI, 
Louis  VII).  Mais  il  est  bon  de  se  rappeler  que  la  société 
laïque  tout  entière  était  alors  très  pauvre  en  intelligences 
et  en  capacités  et  que  l'Eglise,  supérieure  à  cet  égard, 
fournit  aux  premiers  Capétiens  presque  tous  leurs  conseil- 
lers. La  royauté  peut  donc  se  maintenir  dans  ses  positions 
et  gagner  peu  à  peu  du  terrain. 

La  transmission  du  pouvoir  dans  la  famille  capétienne 
fut  assurée  d'abord  par  un  heureux  hasard,  à  savoir  la 
continuité  de  la  descendance  masculine  directe  jusqu'au 
xive  siècle,  et  en  second  lieu  par  un  habile  procédé  :  l'as- 
sociation de  l'héritier  présomptif  à  la  couronne.  Le  droit 
de  primogéniture  s'établit  également,  et  l'indivisibilité  de 
la  couronne  ne  fut  jamais  mise  en  question.  Il  fallait  aussi 
que  les  Capétiens  eussent  des  ressources  matérielles,  c.-à-d. 
une  fortune  privée,  puisqu'il  n'y  avait  plus  de  revenus  pu- 
blics. Le  domaine  proprement  royal  était  presque  nul  en 
987  ;  Hugues  Capet  vécut  du  revenu  des  terres  robertiennes, 


qui  avaient  beaucoup  diminué  d'étendue  pendant  le  xe  siècle; 
elles  étaient  maintenant  éparpillées  entre  la  Seine  et  la 
Loire  ;  il  y  en  avait  aussi  dans  le  Nord,  en  Poitou,  dans 
le  Midi.  La  question  de  la  géographie  du  domaine  royal  est 
du  reste  très  difficile  à  résoudre  pour  cette  époque.  Sous 
Henri  Ier,  le  patrimoine  capétien  se  réduisit  à  sa  plus 
simple  expression.  Les  principales  villes  du  domaine  étaient 
Dreux,  Etampes,  Orléans,  Melun,  Sens,  Paris.  Philippe  Ier 
annexa  Corbie,  le  Vexin,  Château-Landon  et  le  bas  Gâti- 
nais,  Bourges  et  Dun-le-Roi.  Louis  VI  acquit  Corbeil, 
Montlhéry,  le  Puiset  et  quelques  autres  seigneuries  dont 
l'indépendance  était  une  menace  et  une  gêne  perpétuelles 
pour  la  royauté.  Louis  VII  eut  un  instant  l'Aquitaine  par 
son  mariage  avec  Aliénor.  —  Le  domaine  royal  était  admi- 
nistré par  des  prévôts  ;  à  partir  du  règne  de  Philippe-Au- 
guste ceux-ci  eurent  pour  supérieurs  hiérarchiques  les 
baillis  (V.  Prévôt,  Bàtlli).  M.  Luchaire  a  récemment 
émis  la  très  vraisemblable  hypothèse  que  les  baillis  furent 
d'abord  des  délégués  temporaires  du  pouvoir  central,  qui 
faisaient  des  tournées  comme  plus  tard  les  enquêteurs  de 
saint  Louis  et  les  maîtres  des  requêtes  du  xvie  siècle.  Le 
produit  de  ces  domaines  et  les  redevances  d'ordre  féodal 
dues  au  roi  comme  suzerain  constituaient  les  ressources  des 
premiers  Capétiens.  Il  n'y  a  qu'une  différence  entre  leurs 
revenus  et  ceux  de  leurs  grands  vassaux,  c'est  qu'ils  per- 
çoivent la  régale  sur  certains  évêchés  hors  des  limites  de 
leurs  domaines.  Les  revenus  étaient  perçus  par  les  prévôts, 
et  les  baillis  venaient  rendre  des  comptes  à  Paris;  il  n'y 
avait  pas  encore  de  chambre  des  comptes.  Quant  au  mon- 
tant de  ces  revenus,  il  nous  est  inconnu  et  nous  n'admet- 
tons pas  pour  notre  part  les  chiffres  qu'on  a  proposés. 

Le  roi  était  nomade  ;  cependant,  dès  le  xne  siècle,  il 
habita  de  préférence  à  Paris.  Il  avait  auprès  de  lui  sa  fa- 
mille, qui  n'était  pas  toujours  soumise,  ses  grands  officiers, 
qu'il  dut  surveiller  de  près  pour  empêcher  la  constitution 
d'une  nouvelle  hérédité  des  offices  (V.  Chancelier,  Conné- 
table, Bouteiller,  Chambrier,  Sénéchal),  enfin  une  foule 
de  seigneurs  et  de  gens  d'Eglise  qui  constituaient  sa  cour, 
cohue  flottante  et  irrégulière  au  début.  Cette  cour  devenait 
nombreuse  quand  le  roi  convoquait  des  assemblées  de 
fidèles.  Les  assemblées  capétiennes  n'avaient  rien  de  fixe, 
présentaient  des  degrés  infinis  de  solennité  et  traitaient 
toutes  les  questions  sans  exception.  Leur  composition  et 
leur  rôle  se  modifièrent  profondément  au  xir9  siècle,  pour 
le  plus  grand  profit  de  l'autorité  monarchique.  Les  grands 
vassaux  ne  se  dérangèrent  plus  pour  venir  conseiller  le  roi 
et  juger  ses  affaires  ;  en  revanche,  on  vit  apparaître  à  la 
cour  des  chevaliers  et  des  gens  d'Eglise,  plus  habiles  et  plus 
dévoués.  De  plus  il  se  forma  dans  la  curia  régis  un  élé- 
ment stable  et  permanent,  une  sorte  de  conseil  privé  de 
palatins  qui  expédiaient  les  besognes  courantes,  préparaient 
les  questions  et  s'occupaient  spécialement  des  procès.  La 
justice,  voilà  alors  la  grande  affaire  pour  le  roi.  Louis  VI 
eut  maintes  guerres  à  soutenir  contre  les  barons  qui  refu- 
saient de  reconnaître  sa  juridiction,  et  lutta  énergiquement 
contre  les  prétentions  de  l'Eglise  qui  niait  la  compétence 
des  tribunaux  laïques.  A  la  fin  du  xne  siècle,  les  procès  com- 
mencèrent à  affluer  à  la  cour  de  Philippe-Auguste.  Quand 
le  roi  sera  à  peu  près  le  seul  juge  en  France,  la  féoda- 
lité sera  bien  malade. 

Nous  avons  dit  que  la  monarchie  n'est  pas  devenue 
«  féodale  »  à  l'avènement  de  Hugues  Capet  et  que  la  date 
de  987  n'a  nulle  importance  au  point  de  vue  des  relations 
de  la  royauté  avec  les  seigneurs.  Au  xie  siècle,  époque  où 
la  féodalité  n'est  pas  encore  nettement  constituée,  on  voit 
Henri  Ier  reprendre  encore  des  bénéfices,  comme  le  fai- 
saient les  Carolingiens.  Plus  tard  même  les  rois  ne  respec- 
tent pas  la  hiérarchie  féodale  ;  Louis  VI  et  Louis  VII  châ- 
tient le  comte  d'Auvergne,  qui  n'est  pas  leur  vassal,  mais 
celui  du  duc  d'Aquitaine.  Les  grands  vassaux  ne  sont  pas 
plus  fidèles  à  leurs  devoirs  que  le  roi  n'est  respectueux  de 
leurs  droits  ;  à  l'avènement  de  Louis  VI,  ils  refusent  pour 
la  plupart  de  lui  prêter  hommage;  sous  Louis  VII,  Simon 


—  1037 


FRANCE 


de  Montfort  et  le  comte  de  Toulouse  portent  leur  hommage 
au  roi  d'Angleterre.  Si  le  caractère  féodal  de  la  monarchie 
au  xie  et  au  xne  siècle  est  justement  contestable,  son  carac- 
tère ecclésiastique  ne  l'est  point.  Pour  être  agréables  à 
Dieu,  les  rois  de  France  persécutent  les  juifs,  brûlent  les 
hérétiques,  inventent  des  supplices  nouveaux  pour  les  blas- 
phémateurs et  vont  combattre  en  Terre  sainte;  enfin,  ils 
comblent  l'Eglise  de  bienfaits  et  de  donations  ;  d'ailleurs, 
ils  font  passer  leurs  candidats  aux  évêchés  et  régnent  en 
maîtres  dans  les  abbayes  royales.  En  échange  de  la  pro- 
tection des  rois,  l'Eglise  leur  fournit  de  l'argent,  des  con- 
seillers, des  soldats,  exalte  leur  nom  et  consolide  leur 
autorité  au  loin.  L'initiative  de  l'émancipation  municipale 
n'appartient  nullement  aux  Capétiens  du  xne  siècle;  ils 
favorisèrent  dans  leurs  domaines  les  villes  de  communauté 
ou  de  bourgeoisie,  où  l'administration  restait  aux  mains 
des  agents  royaux  ;  mais  à  l'égard  des  communes  propre- 
ment dites  leur  conduite  fut  dictée  par  des  intérêts  divers, 
hésitante  et  contradictoire,  en  somme  plutôt  hostile,  au 
moins  jusqu'au  temps  de  Philippe-Auguste.  Philippe-Auguste 
eut  une  autre  politique,  inspirée  par  des  considérations 
stratégiques  ;  il  favorisa  l'établissement  de  fortes  com- 
munes sur  les  frontières  de  ses  domaines.  Quant  aux  serfs, 
ceux  du  domaine  commencèrent  à  être  affranchis  dès  le 
règne  de  Louis  VI  ;  Louis  VII  déclara  que  la  liberté  était 
de  droit  naturel,  mais  s'en  tint  la.  Le  tiers  état  n'occupe 
pas  encore  une  grande  place  dans  l'histoire  de  la  royauté. 

Pendant  la  période  dont  nous  nous  occupons,  les  progrès 
de  la  royauté  ne  furent  pas  continus  et  homogènes.  Au 
xie  siècle,  les  rois  se  font  battre  dans  leurs  domaines  par 
des  vassaux  tels  que  Hugues  du  Puiset  et  ont  de  très  mo- 
diques ressources,  comme  les  derniers  Carolingiens;  en 
revanche,  comme  les  derniers  Carolingiens,  ils  entre- 
tiennent des  relations  avec  leurs  vassaux  les  plus  éloi- 
gnés, exercent  jusqu'à  un  certain  point  un  pouvoir  général 
et  cherchent  à  étendre  leur  influence  au  loin.  Le  règne  de 
Louis  VI  a  un  tout  autre  caractère  ;  Louis  VI  quitte  rare- 
ment son  domaine,  passe  son  temps  à  y  batailler  contre  les 
vassaux  rebelles  et  y  fait  respecter  le  nom  royal.  Après  ce 
règne  de  concentration  commence  une  période  d'expansion 
vraiment  féconde  et  durable.  Louis  VII  entre  en  relations 
avec  les  églises,  les  barons  et  les  villes  du  Midi,  intervient 
dans  les  affaires  d'Auvergne,  de  Bourgogne,  etc.  Quand 
Philippe-Auguste  monte  sur  le  trône,  la  royauté  est  déjà 
une  grande  puissance  en  France. 

La  politique  extérieure  des  premiers  Capétiens  ne  laissa 
point  de  contribuer  à  l'affermissement  de  leur  prestige.  Je 
ne  parle  point  des  croisades,  auxquelles  ils  prirent  peu  ou 
point  part.  Mais  Hugues  Capet  et  Robert  surent  résister 
aux  prétentions  d'hégémonie  des  empereurs  d'Allemagne, 
et  en  1124,  Louis  le  Gros,  menacé  par  Henri  V,  réunit 
une  belle  armée  dont  la  levée  soudaine  suffit  à  prévenir  le 
danger.  Enfin  les  premiers  Capétiens  surent  de  bonne  heure 
prévoir  le  péril  anglais.  Henri  Ier  n'avait  point  réussi  à 
s'emparer  de  la  Normandie  ;  Philippe  Ier  ne  put  empêcher 
le  duc  Guillaume  de  devenir  roi  d'Angleterre  en  1066, 
mais  il  lui  témoigna  un  mauvais  vouloir  significatif,  et 
Louis  le  Gros  ne  cessa  d'intriguer  contre  Henri  Ier  ;  les 
Capétiens  ne  pouvaient  se  dissimuler  le  danger  d'un  pareil 
voisinage  :  les  rois  d'Angleterre  étaient  riches,  puissam- 
ment armés  contre  une  féodalité  qu'ils  avaient  faite  eux- 
mêmes  à  leur  gré,  et  propriétaires  de  la  plus  belle  des 
provinces  françaises.  Le  péril  doubla  à  l'avènement 
de  Henri  II  Plantagenet  en  1154  ;  Henri  II  réunit  en  effet 
aux  possessions  de  Guillaume  le  Conquérant  l'Anjou,  le 
Maine  et  la  Touraine  et  enfin  l'Aquitaine,  dot  de  sa  femme 
Aliénor,  qui  l'avait  épousé  après  l'annulation  de  son 
mariage  avec  Louis  VIL  Le  domaine  continental  des  rois 
d'Angleterre  était  maintenant  beaucoup  plus  grand  que 
celui  de  leurs  suzerains.  Après  la  mort  du  médiocre  Louis  VII 
en  1180,  Philippe-Auguste,  très  jeune  encore,  mais  guer- 
rier belliqueux  et  politique  déjà  habile  et  perspicace,  en- 
treprit de  ruiner  par  l'intrigue  et  la  force  le  redoutable 


empire  angevin  ;  de  son  avènement  à  la  mort  de  Richard 
Cœur  de  Lion  en  1199,  il  lutta  sans  succès.  Jusqu'à  la  fin 
du  xne  siècle,  la  royauté  capétienne,  malgré  l'agrandisse- 
ment de  ses  domaines,  les  progrès  de  son  autorité  et  l'éner- 
gique politique  extérieure  des  Henri  Ier,  des  Louis  le  Gros 
et  des  Philippe-Auguste,  resta  donc  dans  une  situation  pré- 
caire (V.  Henri  II,  Richard  Coeur  de  Lion,  Philippe- 
Auguste). 

Une  ère  nouvelle  s'ouvre  pour  la  France  avec  le 
xnie  siècle.  Avec  le  développement  soudain  de  la  monar- 
chie, la  nation  va  se  former  au  milieu  d'une  civilisation 
brillante.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  période  précédente 
doive  être  tenue  pour  inféconde  et  peu  glorieuse.  Les  classes 
populaires  se  sont  émancipées  ;  la  noblesse  a  pris  part  aux 
quatre  premières  croisades  (1095,  1147,  1190,  1203), 
constitué  un  royaume  de  Jérusalem  dont  les  lois  furent 
rédigées  en  français,  et  fondé  l'empire  latin  de  Constan- 
tinople  ;  les  Normands  ont  conquis  l'Angleterre  et  l'Italie 
méridionale  (V.  Léon  IX,  Robert  Guiscard);  un  prince  de 
la  maison  de  Bourgogne  a  fondé  le  royaume  de  Portugal 
(V.  Henri  de  Bourgogne,  Alphonse  VI  de  Castille).  Le 
xne  siècle  surtout  est  le  beau  temps  de  l'architecture  ro- 
mane, de  la  poésie  épique  et  de  la  littérature  provençale, 
et,  pour  la  France  comme  pour  tout  l'Occident,  constitue 
une  époque  d'exubérance  productive. 

V.  Le  treizième  siècle.  —  L'accroissement  prodigieux 
de  l'autorité  monarchique  est  le  grand  fait  politique  de 
l'histoire  de  France  pendant  le  xme  siècle  ou,  pour  mieux 
dire,  pendant  la  période  qui  s'étend  depuis  les  conquêtes 
de  Philippe-Auguste  jusqu'au  commencement  de  la  guerre 
de  Cent  ans.  Voyons  d'abord  comment  s'accrut  le  domaine 
royal.  A  Richard  Cœur  de  Lion  avait  succédé  Jean  sans 
Terre,  type  de  despote  insolent,  cruel  et  vicieux  ;  l'affaire 
de  l'enlèvement  d'Isabelle  Taillefer  brouilla  le  roi  d'Angle- 
terre avec  les  barons  poitevins,  qui  en  appelèrent  à  Phi- 
lippe-Auguste. Celui-ci  fit  condamner  son  vassal  par  sa  cour, 
et  en  exécution  du  jugement  s'empara  de  la  Normandie,  de 
l'Anjou  et  de  la  Touraine  (1202-1206).  La  lutte  entre  les 
rois  de  France  et  les  rois  d'Angleterre  dura  jusqu'en  1259, 
coupée  par  des  trêves  éphémères.  En  1213  et  en  1216, 
Jean  sans  Terre  faillit  même  être  chassé  de  son  trône.  Fina- 
lement, par  le  traité  de  Paris  de  1259,  le  roi  d'Angleterre 
Henri  III  abandonna  pour  toujours  la  Normandie,  f  Anjou, 
le  Maine  et  le  Poitou  et  garda  le  Limousin,  le  Quercy  e-t  le 
Périgord,  qui  formèrent  la  partie  septentrionale  du  duché 
de  Guyenne  (pour  les  détails  de  la  lutte,  V.  Philippe- Au- 
guste, Jean  sans  Terre,  Louis  VIII  et  Louis  IX,  Henri  III). 
L'empire  angevin  était  ruiné  ;  la  royauté  capétienne  avait 
en  sa  puissance  les  embouchures  de  la  Seine  et  de  la  Loire. 
A  ses  conquêtes  sur  Jean  sans  Terre,  l'actif  Philippe-Au- 
guste avait  ajouté  l'Artois,  l'Amiénois,  le  Valois,  le  Ver- 
mandois,  une  partie  du  Berry,  les  comtés  de  Clermont,  de 
Beaumont  et  d'Alençon,  l'Auvergne  et  avait  placé  sous  son 
contrôle  direct  la  Flandre  et  le  Ponthieu.  Son  continuateur 
Louis  VIII,  qui  ne  régna  que  trois  ans,  annexa  au  domaine 
royal  une  partie  du  Perche  et  du  Ponthieu  et  quelques  sei- 
gneuries. De  plus,  c'est  pendant  ce  petit  règne  que  les  do- 
maines du  comte  de  Toulouse  furent  donnés  au  roi  de  France 
par  la  papauté  ;  Philippe-Auguste,  absorbé  par  sa  lutte 
contre  l'Angleterre,  avait  laissé  la  noblesse  du  Nord  se 
partager  les  dépouilles  des  hérétiques  albigeois,  mais  le  fils 
de  Simon  de  Montfort,  le  faible  Amauri,  avait  dû  renoncer 
aux  conquêtes  faites  par  son  père  ;  sur  l'invitation  d' Ho- 
norais III,  Louis  VIII  prit  la  direction  de  la  croisade  (1226). 
Sous  la  régence  de  Blanche  de  Castille,  en  1229,  un  traité 
assura  l'héritage  du  comte  de  Toulouse  à  Alphonse,  frère  de 
Louis  IX  (V.  Cathares).  Alphonse  eut  aussi  le  Poitou  et 
l'Auvergne,  car  Louis  VIII  avait  renouvelé  la  coutume  des 
apanages  ;  ses  autres  fils,  Robert  et  Charles,  eurent  le  pre- 
mier l'Artois,  et  le  second  l'Anjou  et  le  Maine,  auxquels 
un  mariage  joignit  la  Provence  ;  à  l'extinction  de  la  des- 
cendance masculine  des  apanages  ,c  ces  domaines  devaient 
faire  retour  à  la  couronne.  Le  domaine  direct  du  roi  fut 


FRANCE 


—  1038 


donc  provisoirement  diminué  sous  le  règne  de  saint  Louis, 
malgré  l'annexion  des  comtés  de  Blois,  de  Chartres  et  de 
Sancerre  ;  notons  en  passant  que  saint  Louis  renonça  à  sa 
suzeraineté  sur  le  Roussillon  et  la  Catalogne,  qui  appar- 
tinrent dès  lors  en  toute  souveraineté  au  roi  d'Aragon 
(V.  Louis  IX,  Blanche  de  Castille,  Alphonse  de  Poi- 
tiers, Robert  d'Artois,  Charles  d'Anjou)  .  Philippe  le 
Hardi  recueillit  l'héritage  immense  d'Alphonse  de  Poitiers 
et  acquit  le  comté  de  Nemours.  Ses  successeurs  annexèrent 
la  Champagne,  la  Brie,  le  royaume  de  Navarre,  les  comtés 
de  la  Marche  et  d'Angouiême  ;  Philippe  le  Bel  tourna  aussi 
ses  regards  vers  l'Est  ;  après  une  lutte  acharnée  contre  les 
Flamands,  il  s'empara  de  la  Flandre  wallonne,  entre  Lys 
et  Escaut  ;  enfin  il  acquit  Tournai  et  Lyon  (V.  Philippe  le 
Hardi, Philippe  le  Bel). 

Quant  au  pouvoir  et  au  prestige  delà  royauté,  ils  ne  ces- 
sèrent de  croître  pendant  cette  période.  Tâchons  de  nous 
représenter  ce  qu'est  le  roi  de  France  dans  le  premier  quart 
du  xme  siècle.  Il  vit  de  préférence  à  Paris,  au  Louvre  ; 
Paris  est  maintenant  pavé,  a  des  halles,  et  la  cathédrale 
dédiée  à  Notre-Dame  s'achève  lentement.  Mais  le  roi  fré- 
quente aussi  ses  châteaux  de  Mantes,  d'Anet,  de  Vincennes, 
de  Fontainebleau,  de  Saint-Germain.  Il  vit  entouré  de  sa 
famille,  de  ses  grands  officiers,  de  quelques  amis  intimes 
comme  Enguerrand  de  Couci  et  Bouchard  de  Marly,  et  enfin 
de  ces  familiers,  clercs,  chevaliers,  bourgeois  même,  qui 
le  conseillent  et  expédient  ses  affaires,  entourage  permanent 
auquel  s'adjoignent  de  nombreux  hôtes  de  passage  et  les 
baillis  en  congé.  A  l'époque  où  les  organes  divers  du  gou- 
vernement anglais  vivent  déjà  d'une  vie  distincte,  l'insti- 
tution embryonnaire  de  la  caria  régis  et  des  assemblées 
capétiennes  existe  encore  en  France.  L'institution  des  bail- 
lis elle-même  n'a  pas  un  fonctionnement  régulier.  Les 
revenus  du  roi  sont  encore  purement  domaniaux.  Mais  tous 
ces  défauts  d'organisation,  toutes  ces  entraves  n'empêchent 
pas  le  roi  de  lutter  avec  succès  contre  la  féodalité.  Mainte- 
nant le  régime  féodal  est  fixé  et  systématisé,  et  le  roi  est 
assez  fort  pour  tirer  tout  le  parti  possible  de  son  titre 
de  suzerain  supérieur;  témoin  l'arrêt  qui  a  dépossédé  Jean 
sans  Terre  de  ses  fiefs  continentaux.  Les  rebelles  comme 
les  comtes  de  Boulogne  et  de  Flandre  sont  vaincus  à  Bou- 
vines  ;  les  comtes  d'Auvergne  sont  dépouillés  ;  Thibaud  de 
Champagne  a  été  élevé  à  Paris  ;  le  jeune  duc  de  Bourgogne 
est  sous  la  protection  royale,  et  le  comte  de  Bretagne  est 
une  créature  de  Philippe-Auguste  ;  enfin  la  maison  de  Tou- 
louse est  réduite  aux  dernières  extrémités.  La  protection 
accordée  par  le  roi  aux  églises  et  aux  villes  les  plus  loin- 
taines crée  partout  des  centres  de  propagande  monarchique. 
Certains  actes  législatifs,  tels  que  l'ordonnance  de  Louis  VIII 
sur  les  juifs,  ont  été  adoptés  par  les  barons  et  ont  force  de 
loi  dans  tout  le  royaume.  L'énorme  accroissement  de  l'auto- 
rité monarchique  sous  Philippe-Auguste  et  Louis  VIII  amena 
une  réaction  violente  à  l'avènement  du  jeune  Louis  IX  ; 
mais  l'énergique  et  habile  Blanche  de  Castille  en  vint  à 
bout.  Alors  commença  le  règne  de  saint  Louis,  époque 
unique  dans  notre  histoire.  Non  seulement  le  gouvernement 
central  s'organise,  non  seulement  le  domaine  est  adminis- 
tré plus  régulièrement  et  plus  équitablement  (ordonn.  de 
1254  et  de  1256  et  institution  des  enquêteurs),  mais 
encore  la  royauté  apparaît  à  tous  comme  un  pouvoir  réel- 
lement sacré  et  divin,  parce  qu'elle  s'incarne  en  effet  dans 
un  saint,  auquel  on  ne  pense  point  pouvoir  désobéir  sans 
péché.  La  féodalité  est  respectée  par  le  roi,  mais  elle  lui 
est  parfaitement  soumise  et  la  justice  royale  fait  de  grands 
progrès.  Les  villes  renoncent  en  masse  à  leur  indépendance 
et  laissent  au  roi  le  contrôle  de  leur  gestion  financière  ; 
bientôt  l'autonomie  municipale  ne  sera  plus  qu'un  souve- 
nir ;  même  hors  des  limites  du  domaine  les  anciennes  com- 
munes deviennent  les  villes  du  roi  (V.  Blanche  de  Cas- 
tille, Louis  IX).  Ce  bel  équilibre  entre  la  monarchie  et  la 
féodalité  ne  dura  pas  longtemps.  Bientôt  la  monarchie  sera 
oppressive.  Le  règne  de  Philippele  Hardi  (1270-1285)  est, 
quoiqu'on  puisse  dire,  une  «  période  de  transition  ».  Phi- 


lippe III  n'eut  peut-être  d'autre  idéal  moral  que  son  père  ; 
mais  lorsqu'il  réunit  le  Languedoc  à  la  couronna,  sa  cour 
se  remplit  de  clercs  et  de  chevaliers  méridionaux,  'imbus 
de  droit  romain,  qui  lui  enseignèrent  des  maximes  nou- 
velles et  lui  firent  négliger  celles  de  saint  Louis  ;  une  or- 
donnance comme  celle  de  1276,  qui  faisait  du  roi  le  souve- 
rain amortisseur  (V.  Amortissement),  portait  gravement 
atteinte  aux  privilèges  des  barons.  Le  règne  des  légistes 
commençait  (V.  Philippe  le  Hardi).  Les  légistes  triom- 
phèrent avec  Philippe  le  Bel,  qui  fut  peut-être  leur  instru- 
ment. Philippe  le  Bel  parle  en  véritable  roi  ;  ses  ordon- 
nances ne  mentionnent  jamais  le  consentement  des  barons. 
C'est  principalement  de  ce  règne  que  datent  les  principaux 
procédés  de  gouvernement  qui  ruineront  le  régime  féodal. 
Les  revenus  du  domaine  ne  suffisant  plus,  Philippe  IV  fit 
des  emprunts,  altéra  les  monnaies  et  leva  des  impôts  géné- 
raux. Comme  l'ancienne  armée  capétienne,  composée  de 
contingents  féodaux  et  communaux  et  de  quelques  bandes 
mercenaires,  n'était  pas  assez  nombreuse,  les  légistes 
eurent  l'idée  d'une  armée  nationale  ;  en  1302,  pour  la 
guerre  de  Flandre,  on  convoqua  tous  les  sujets  du  roi  qui 
pouvaient  porter  les  armes.  Le  conseil  du  roi,  le  Parlement 
et  la  chambre  des  comptes,  qui  depuis  le  règne  de  saint  Louis 
prenaient  une  existence  distincte  et  se  partageaient  les  attri- 
butions de  la  curia  régis,  devinrent  des  organes  de  plus 
en  plus  précis  de  la  volonté  monarchique.  Les  baillis,  les 
sénéchaux,  les  enquêteurs  travaillèrent  plus  vigoureuse- 
ment que  jamais  à  détruire  les  privilèges  politiques  de  la 
noblesse.  La  guerre  privée  est  interdite,  ainsi  que  le  duel 
judiciaire  ;  la  juridiction  féodale  et  ecclésiastique  est  vio- 
lemment attaquée.  Enfin  les  classes  se  rapprochent  dans  la 
commune  obéissance  au  roi  :  aux  Etats  généraux  appa- 
raissent une  noblesse  de  France,  un  clergé  de  France,  une 
bourgeoisie  de  France  ;  la  triple  féodalité  des  seigneurs,  des 
gens  d'Eglise  et  des  communes  fait  place  aux  trois  ordres 
de  l'Etat.  Philippe  le  Bel  rencontra  du  reste  une  vigou- 
reuse résistance,  et  les  nobles  soulevés  dès  1314  obtinrent 
après  sa  mort  la  reconnaissance  de  leurs  privilèges.  Cepen- 
dant les  règnes  successifs  des  trois  fils  de  Philippe  IV,  de 
1314  à  1328,  ne  furent  pas  stériles;  c'est  du  temps  de 
Philippe  le  Long  que  date  à  proprement  parler  l'organisa- 
tion du  conseil  et  de  la  chambre  des  comptes  (V.  Louis  X, 
Philippe  V,  Charles  IV). 

Les  rois  du  xme  siècle  eurent  une  politique  extérieure 
active,  souvent  très  habile  et  très  relevée.  Leurs  agents 
parcouraient  incessamment  les  chemins  de  Rome,  de  l'Alle- 
magne, de  la  Flandre  et  de  l'Angleterre.  Philippe-Auguste 
tint  tête  plusieurs  années  à  Innocent  III  au  sujet  d'Inge- 
burge  et  contribua  en  Allemagne  au  triomphe  des  Hohen- 
staufen,  en  Angleterre  à  la  révolution  chartiste  ;  Louis  VIII 
faillit  porter  la  couronne  des  Plantagenets  ;  saint  Louis 
essaya  de  réconcilier  l'empereur  et  le  pape  pour  appliquer 
leurs  efforts  à  la  délivrance  de  la  Terre  sainte  et  réalisa 
dans  ses  croisades  l'idéal  du  roi  chrétien  ;  son  frère  Charles 
d'Anjou  conquit  le  royaume  de  Naples  (V.  Charles  d'An- 
jou) et  Philippe  le  Hardi  porta  ses  armes  au  delà  des  Pyré- 
nées. Philippe  le  Bel,  hanté  par  le  souvenir  de  Charlemagne, 
rêva  la  couronne  impériale  héréditaire  ;  il  aurait  sans  doute 
entamé  une  lutte  sérieuse  contre  le  roi  d'Angleterre,  si 
celui-ci  ne  lui  avait  abandonné  la  Flandre  ;  enfin  il  brisa 
les  prétentions  de  la  papauté,  l'enferma  à  Avignon  et  lui  fit 
abolir  l'ordre  des  templiers. 

En  même  temps  que  le  pouvoir  royal,  la  civilisation  géné- 
rale de  la  France  se  développa  brillamment  au  xme  siècle 
et  au  commencement  du  xive.  Des  cultures  nouvelles  se 
sont  introduites  depuis  les  croisades.  Les  villes  neuves 
sortent  partout  de  terre  et  avec  la  vie  urbaine  grandit 
l'industrie  publique  (V.  Corporation).  La  royauté  protège 
les  marchands  ;  les  foires  de  Troyes,  de  Beaucaire,  de  Saint- 
Denis  attirent  une  affluence  énorme  ;  en  dépit  des  péages, 
des  persécutions  contre  les  juifs  et  les  Lombards  (V.  ces 
mots),  de  l'altération  des  monnaies  sous  Philippe  le  Bel, 
le  commerce  prospère  et  le  bien-être  se  répand  partout. 


4039  - 


FRANCE 


La  France  est  enfin  le  centre  intellectuel  de  l'Occident  ; 
des  étudiants  de  toutes  les  nations  viennent  étudier  à  l'uni- 
versité de  Paris  ;  notre  littérature  et  notre  art  sont  pris 
pour  modèles  dans  les  autres  pays. 

VI.  La  France  pendant  la  guerre  de  Cent  ans. 
—  La  guerre  de  Cent  ans  détruisit  la  prospérité  renais- 
sante de  la  France.  Elle  éclata  pour  une  affaire  de  succes- 
sion et  fut  la  contre-partie  gigantesque  de  l'expédition 
entreprise  par  le  fils  de  Philippe-Auguste  en  4246  pour 
détrôner  Jean  sans  Terre.  Les  fils  de  Philippe  le  Bel  étant 
morts  sans  postérité,  la  couronne  était  échue  à  Philippe  VI, 
fils  du  comte  de  Valois,  qui  était  lui-même  le  frère  cadet 
de  Philippe  le  Bel.  La  maison  de  Valois  remplaça  donc  sur 
le  trône  la  maison  des  Capétiens  directs  (4328)  ;  Edouard  III, 
roi  d'Angleterre,  petit-fils  de  Philippe  le  Bel  par  sa  mère 
Isabelle,  se  prétendit  lésé  et,  après  quelques  années  de 
lutte  indirecte  en  Ecosse  et  en  Flandre,  éclata  une  guerre 
que  des  hasards  funestes  allaient  prolonger  pendant  plus 
d'un  siècle  (4337-4453).  Elle  ne  fut  pas  cependant  conti- 
nue ;  elle  présenta  deux  phases,  séparées  par  une  longue 
paix  de  1375  à  4445  ;  ces  phases  commencèrent  toutes 
deux  par  des  victoires  pour  les  Anglais,  et  finirent  par  le 
relèvement  de  la  France  ;  mais  tout  prit  de  plus  grandes 
proportions  dans  la  seconde,  les  revers  comme  la  revanche, 
les  exploits  des  héros  comme  leur  caractère. 

On  trouvera  dans  les  articles  consacrés  à  Philippe  VI 
et  à  son  successeur  Jean  II  le  détail  des  campagnes  victo- 
rieuses d'Edouard  III  de  4337  à  4360.  Qu'il  nous  suffise 
de  rappeler  ici  les  principales  raisons  de  désastres  tels  que 
.ceux  de  Crécy  et  de  Poitiers.  En  France,  l'armée  royale  se 
compose  de  la  noblesse,  des  milices  communales,  enfin  des 
grandes  compagnies.  La  noblesse  a  toujours  le  goût  de  la 
guerre  et  des  aventures,  et  l'on  voit  même  Amédée  de 
Savoie,  le  comte  d'Eu,  le  duc  de  Bourbon,  le  comte  de 
Nevers  faire  des  chevauchées  en  Terre  sainte  ;  mais  les  che- 
valiers, préoccupés  d'étaler  maintenant  un  luxe  effréné,  ont 
perdu  la  simplicité  de  mœurs  et  le  souci  du  véritable  hon- 
neur qui  sont  l'essence  de  l'esprit  militaire.  Quant  à  la  bour- 
geoisie, riche  et  paisible,  elle  forme  des  milices  qu'on 
méprise  avec  quelque  raison.  Les  grandes  compagnies 
apparaissent  dès  4347  ;  ce  sont  des  troupes  d'aventuriers 
cosmopolites,  organisées  pour  la  guerre,  mais  surtout  pour 
le  pillage.  Edouard  III  emploie  aussi  les  routiers,  mais  il 
a  une  cavalerie  exercée  et  relativement  disciplinée  et  sur- 
tout une  excellente  infanterie  d'archers  et  de  coutilliers. 
Ajoutez  qu'il  organise  sagement  le  service  des  approvision- 
nements, s'éclaire  avec  prudence  et  sait  choisir  ses  positions 
stratégiques.  A  la  suite  de  la  grande  invasion  de  4359,  un 
traité  solennel  fut  négocié  à  Brétigny  et  conclu  à  Calais  en 
4360.  Jean  II,  prisonnier  depuis  4356  en  Angleterre,  fut 
„  délivré  moyennant  une  rançon  ;  Edouard  III  obtint  sa  renon- 
ciation à  tout  droit  de  souveraineté  sur  la  Guyenne  et  ses 
dépendances.  Mais  cette  clause  des  renonciations  avait  été 
.  enveloppée  d'obscurités  voulues  par  les  agents  du  dauphin 
Charles,  qui  se  mit  tout  de  suite  à  préparer  sourdement  la 
rupture  de  ce  traité  onéreux. 

Les  grands  faits  de  l'histoire  intérieure  à  cette  époque 
sont  les  malheurs  du  peuple,  qui  est  maltraité  et  rançonné 
par  les  gens  de  guerre  et  décimé  par  la  peste  noire,  et 
d'autre  part  la  tentative  politique  de  la  bourgeoisie  pari- 
sienne qui  de  4355  à  4358  essaye  de  mettre  la  main  sur 
le  gouvernement.  Les  désastres  publics  et  le  mauvais  état 
des  finances  royales  donnèrent  aux  Etats  généraux  une 
importance  qu'ils  n'avaient  pas  eue  jusqu'alors.  Les  Etats 
de  1355  et  de  4356  réclamèrent  contre  les  abus  ;  ceux  de 
4357  forcèrent  le  dauphin,  régent  pendant  la  captivité  de 
son  père,  à  renvoyer  ses  vieux  conseillers,  et  rédigèrent  la 
grande  ordonnance,  qui  instituait  une  sorte  de  régime  par- 
lementaire. Le  dauphin  ayant  refusé  d'accepter  ces  réformes, 
Paris  se  révolta  ;  les  agitateurs  avaient  pour  chefs  le  roi  de 
Navarre,  Charles  le  Mauvais,  qui  convoitait  la  couronne  de 
France,  et  le  prévôt  des  marchands  Etienne  Marcel.  La  Jac- 
querie, qui  éclata  le  28  mai  4358  et  dura  une  quinzaine 


de  jours,  mit  le  comble  au  désordre.  Tous  ces  mouvements 
avortèrent  ;  les  Jacques  furent  exterminés,  Etienne  Marcel 
assassiné  ;  le  dauphin  rentra  à  Paris  et  confisqua  à  son  pro- 
fit le  système  financier  inventé  par  les  Etats  ;  l'aide  conti- 
nua à  être  perçue  sur  tous  les  sujets,  les  neuf  généraux 
superintendants  et,  les  élus  devinrent  des  fonctionnaires 
royaux  et  la  monarchie  fut  plus  forte  que  jamais  (V.  Jean  II, 
Charles  V,  Charles  le  Mauvais,  Jacquerie). 

Charles  V,  prince  maladif,  impassible  et  ponctuel,  eut 
un  règne  réparateur  et  glorieux  à  tous  égards  (1364-4380). 
Avec  l'aide  du  grand  Du  Guesclin  (V.  ce  nom)  il  débar- 
rassa la  France  des  grandes  compagnies  et  de  Charles  le 
Mauvais,  termina  la  guerre  de  la  succession  de  Bretagne, 
et  réduisit  les  Anglais  à  la  seule  possession  de  Bayonne, 
Bordeaux,  Brest,  Cherbourg  et  Calais,  parce  qu'il  sut  à  son 
tour  avoir  une  bonne  armée  et  observer  une  tactique  pru- 
dente. Avec  le  concours  de  ses  conseillers,  il  administra 
sagement,  sans  faire  de  grandes  innovations  ;  il  garda  la 
gabelle  instituée  par  Philippe  VI,  et  l'aide  générale,  mais 
n'altéra  point  les  monnaies  et  rendit  bonne  justice.  Il  laissa, 
il  est  vrai,  se  fortifier  une  nouvelle  féodalité,  la  féodalité 
apanagée  :  loin  d'empêcher  son  frère  Philippe  le  Hardi,  duc 
de  Bourgogne  depuis  4364,  d'épouser  l'héritière  de  Flandre, 
Jl  augmenta  le  péril  que  cette  union  faisait  courir  à  la 
royauté  en  cédant  à  Philippe  la  Flandre  wallonne;  il  agran- 
dit l'apanage  du  duc  d'Anjou  en  lui  donnant  la  Touraine; 
un  autre  de  ses  frères  était  duc  de  Berry  et  d'Auvergne  ; 
mais  Charles  V  se  réserva  sur  ces  apanages  les  droits  finan- 
ciers et  judiciaires  les  plus  étendus,  et  il  s'interdit  toute 
autre  aliénation  aux  dépens  du  domaine  royal,  dont  les 
limites  avaient  reculé  ainsi  que  celles  du  royaume  jusqu'aux 
Alpes  Cottiennes,  depuis  l'acquisition  du  Dauphiné  en  4349. 
—  Enfin  la  prospérité  générale  renaquit  et  Charles  encou- 
ragea une  brillante  renaissance  intellectuelle  et  artistique. 

Après  sa  mort,  l'anarchie  recommença,  parce  que 
Charles  VI  (4380-4422)  n'avait  pas  encore  douze  ans  et 
qu'à  vingt-trois  ans  il  devint  fou  (V.  Charles  VI).  Les 
oncles  du  jeune  roi  commencèrent  par  piller  le  trésor  ou  les 
provinces  qu'ils  devaient  administrer  ;  puis,  avec  le  meurtre 
du  duc  d'Orléans  par  le  duc  de  Bourgogne  Jean  sans  Peur 
(1407),  commença  la  querelle  sanglante  des  Armagnacs  et 
des  Bourguignons.  En  4413  eut  lieu  le  mouvement  stérile 
des  Cabochiens.  A  la  faveur  de  ces  désordres  Henri  V  d'An- 
gleterre envahit  la  France,  gagna  la  bataille  d'Azincourt  et 
obtint  au  traité  de  Troyes  le  droit  de  succéder  à  Charles  VI 
sur  le  trône  de  France.  Mais  Henri  V  et  Charles  VI  mou- 
rurent à  peu  de  mois  de  distance  en  1422  (V.  Charles  VI, 
Carochiens,  Henri  V,  Isabeau  de  Bavière).  Le  seul  fils 
survivant  de  Charles  VI,  le  dauphin  Charles,  avait  dix-neuf 
ans,  était  entouré  d'indignes  favoris  et  n'était  obéi  que  dans 
le  centre  de  la  France.  Le  Parlement,  l'Université,  le  duc 
de  Bourgogne  Philippe  le  Bon  et  la  reine  Isabeau  de  Bavière 
reconnurent  pour  roi  l'enfant  anglais,  Henri  VI,  et  les  pro- 
vinces au  N.  de  la  Loire  ainsi  que  la  Guyenne  lui  étaient 
soumises.  Mais  Charles  VII  eut  pour  lui  lès  discordes  de 
ses  rivaux  et  les  haines  soulevées  dans  le  cœur  du  peuple 
par  Finsolence  brutale  des  vainqueurs  et  par  les  humilia- 
tions infligées  à  la  dynastie  de  saint  Louis  et  de  Charles  le 
Sage.  Le  sentiment  national,  qui  n'existait  que  peu  ou  point 
au  xive  siècle,  se  manifesta  décidément  et  s'incarna  en  une 
âme  simple,  qui  alliait  l'exaltation  mystique  au  bon  sens 
le  plus  profond  ;  Jeanne  d'Arc  rendit  la  confiance  à  l'armée 
de  Charles  VII  et  sa  mort  n'arrêta  pas  les  désastres  des 
Anglais.  En  4453,  Calais  restait  seule  aux  mains  des  enne- 
mis ;  la  guerre  de  Cent  ans  était  finie  (V.  Charles  VIII, 
La  Hire,  Dunois,  Bichemont,  Arc  [Jeanne  d']). 

Cette  lutte  atroce  laissa  la  France  ruinée,  épuisée 
d'hommes  et  d'argent,  mais  consciente  désormais  de  son 
unité.  Le  patriotisme  existe,  sous  forme  de  dévouement 
commun  à  la  monarchie  ;  au  milieu  de  l'universelle  misère, 
les  opprimés  s'unissent  pour  acclamer  le  roi  ;  les  com- 
munes en  faillite  acceptent  sa  tutelle.  Charles  VII  lève  non 
seulement  la  gabelle  et  l'aide,  mais  aussi  la  taille  sur  tout 


FRANCE 


—  1040  — 


son  royaume;  la  cour  des  aides  est  organisée.  Le  roi  crée 
une  cavalerie  permanente  et  une  artillerie.  Par  la  pragma- 
tique de  1438,  il  affranchit  le  clergé  français  à  l'égard  de 
la  papauté,  dont  la  captivité  d'Avignon  et  le  grand  schisme 
d'Occident  avaient  affaibli  le  prestige.  Enfin  il  entame  la 
lutte  contre  la  nouvelle  féodalité. 

VII.  La  ruine  de  la  féodalité,  la  Renaissance, 
les  guerres  d'Italie  et  la  Réforme.  —  Au  xve  siècle, 
la  noblesse  est  restée  grossière,  parfois  féroce,  toujours 
avide  d'or  et  de  plaisirs,  comme  au  xive  siècle,  mais  elle 
est  devenue  plus  menaçante  pour  la  royauté.  En  dehors  de 
quelques  maisons  comme  celles  de  Bretagne,  de  Penthièvre, 
d'Armagnac,  de  Foix,  etc.,  il  y  a  les  puissantes  dynasties 
d'Orléans,  d'Anjou,  de  Bourgogne,  d'Alençon,  de  Bourbon, 
issues  de  la  famille  des  Capétiens,  qui  voudraient  se  mêler 
du  gouvernement  et  surtout  reprendre  chez  elles  leur  indé- 
pendance. La  plus  puissante  est  celle  de  Bourgogne,  qui 
possède  deux  grands  territoires  séparés  par  la  Lorraine  et 
la  Champagne  :  d'une  part,  la  Bourgogne  et  la  Franche- 
Comté;  d'autre  part,  la  Flandre,  l'Artois,  le  Brabant,  le 
Hainaut,  la  Hollande,  la  Zélande  et  les  villes  de  la  Somme. 
Le  duc  de  Bourgogne  tire  de  beaux  revenus  de  ses  villes 
flamandes,  a  une  cour  fastueuse  et  protège  les  arts  ;  il  rêve 
de  réunir  les  deux  tronçons  de  son  domaine  et  de  devenir 
roi.  Depuis  l'époque  de  la  Praguerie  (1440)  jusqu'à  la 
dernière  prise  d'armes  des  nobles  en  4488,  la  royauté  eut 
à  lutter  énergiquement.  Charles  VII  se  débarrassa  du  bâ- 
tard de  Bourbon,  du  duc  d'Alençon  et  de  Jean  d'Arma- 
gnac. Louis  XI  réunit  au  domaine  les  Etats  des  maisons 
d'Alençon,  d'Armagnac,  de  Nemours  et  de  Saint-Pol,  im- 
pitoyablement anéanties  par  lui;  il  enveloppa  le  duc  de 
Bourgogne  Charles  le  Téméraire  d'un  réseau  d'intrigues, 
et  à  la  mort  de  ce  redoutable  rival  mit  la  main  sur  les  villes 
de  la  Somme  et  sur  la  Bourgogne,  sans  compter  l'Artois 
et  la  Franche-Comté,  que  son  fils  devait  malheureusement 
céder  à  Maximilien  d'Autriche .  Le  testament  de  René  II 
d'Anjou  lui  laissa  l'Anjou,  le  Maine  et  la  Provence.  Plus  tard 
la  régente  Anne  de  Beaujeu  déjoua  la  révolte  du  duc  d'Or- 
léans et  fit  épouser  à  Charles  VIII  l'héritière  de  Bretagne. 
La  maison  d'Albret  et  la  maison  de  Bourbon  restèrent 
seules  indépendantes.  Elles  devaient  s'unir  par  un  mariage 
en  1548  et  donner  le  jour  à  Henri  IV  (V.  Charles  VII, 
Louis  XI,  Charles  le  Téméraire,  Charles  VIII). 

Ainsi  la  noblesse  perdit  à  la  fin  du  xve  siècle  son  pou- 
voir politique;  sous  François  1er,  la  révolte  du  duc  de 
Bourbon  ne  rencontra  point  d'écho.  Le  clergé  fut  complè- 
tement soumis  au  roi  en  1516,  grâce  au  concordat  conclu 
par  François  Ier  avec  le  pape.  Louis  XI  se  montra  aussi 
défiant  envers  les  bourgeois  qu'envers  les  nobles  et  dimi- 
nua les  libertés  municipales;  les  réclamations  de  la  bour- 
geoisie aux  Etats  de  1484  n'eurent  pas  d'effet.  François  Ier 
brisa  les  résistances  du  Parlement,  qui  ne  voulait  pas 
accepter  le  concordat.  Bref,  jusqu'à  l'époque  des  guerres 
de  religion,  la  royauté  marcha  sans  difficultés  nombreuses 
dans  la  voie  dé  l'absolutisme.  Au  temps  de  François  Ier, 
un  ambassadeur  vénitien  envoyé  en  France  dit  que  la 
volonté  du  roi  y  est  tout.  Le  roi  gouverne  avec  l'aide  de 
son  conseil,  sectionné  en  plusieurs  parties,  du  chancelier, 
des  secrétaires  d'Etat  et  du  surintendant  des  finances.  L'ad- 
ministration financière  est  régularisée  sous  François  Ier  ; 
en  revanche,  ce  prince,  qui  aime  le  luxe  et  reprend  les  tra- 
ditions de  la  vie  de  cour  déjà  si  brillante  au  xive  siècle, 
abandonne  les  principes  d'économie  de  Louis  XII,  aug- 
mente les  impôts  et  la  dette  publique.  L'exercice  de  la  jus- 
tice est  plus  compliqué  que  jamais;  outre  le  grand  conseil, 
les  parlements  de  Paris  et  de  province,  les  requestes  de 
Thostel,  les  présidiaux  créés  en  1551  et  les  tribunaux 
inférieurs,  il  y  a  encore  les  anciennes  juridictions  seigneu- 
riales et  ecclésiastiques,  fort  diminuées  d'importance  il  est 
vrai.  Là  comme  partout  on  a  laissé  subsister  les  organes 
anciens,  datant  du  régime  féodal  ou  princier,  et  on  leur  a 
juxtaposé  les  organes  nouveaux  du  pouvoir  absolu.  Le 
même  système  devait  être  appliqué  jusqu'en  1789;  une 


méthode  analogue  préside  actuellement  encore  au  dévelop- 
pement des  institutions  anglaises. 

Une  fois  que  l'âge  des  guerres  anglaises  et  bourgui- 
gnonnes fut  passé,  le  roi  de  France  put  avoir  une  politique 
extérieure  plus  large  et  plus  brillante.  Dans  tout  l'Occident 
commence  alors  la  période  des  grandes  relations  interna- 
nionales,  parce  qu'il  s'est  constitué  de  puissantes  monar- 
chies. Les  Vénitiens  ont  institué  les  ambassadeurs,  fondé 
les  principes  du  droit  des  gens  et  de  l'équilibre  européen  ; 
ces  habitudes  et  ces  idées  pénètrent  en  France  comme  par- 
tout. Sous  Charles  VIII  la  noblesse,  qui  a  été  soumise  par 
Louis  XI,  cherche  fiévreusement  une  issue  à  son  activité  ; 
on  ne  veut  point  de  conquêtes  pacifiques,  comme  au  temps 
du  défunt  roi  ;  on  veut  la  guerre.  Reste  à  savoir  où  on  la 
fera.  Deux  objets  s'offraient  à  la  politique  royale  ;  on  pou- 
vait, à  la  première  occasion  favorable,  envahir  la  Lorraine 
et  les  provinces  de  l'héritage  bourguignon  qui  avaient  été 
dévolues  à  la  maison  d'Autriche,  et  poursuivre  ainsi  l'exé- 
cution des  projets  de  Philippe-Auguste,  de  Philippe  le  Bel 
et  de  Louis  XI  ;  on  pouvait  aussi  profiter  de  l'anarchie  où 
était  plongée  l'Italie  pour  y  faire  de  belles  et  joyeuses  che- 
vauchées. Entre  les  «  guerres  d'utilité  »  et  les  «  guerres 
de  magnificence  »,  Charles  VIII  et  Louis  XII,  rois  peu  intel- 
ligents, n'hésitèrent  pas  et  choisirent  les  dernières.  Ils  ne 
réussirent  pas  ;  le  principe  de  l'équilibre  européen  se 
retourna  contre  les  conquérants  et,  à  l'avènement  de  Fran- 
çois Ier  en  1515,  nous  n'avions  plus  un  pouce  de  terre  au 
delà  des  Alpes.  François  Ier  eut  comme  ses  prédécesseurs 
la  monomanie  de  l'Italie.  Mais  il  eut  en  même  temps  à  se 
défendre  contre  Charles-Quint,  qui  possédait  l'Espagne, 
Naples,  les  Pays-Bas,  l'Autriche. et  songeait  sérieusement 
au  démembrement  de  la  France.  La  lutte  contre  la  maison 
d'Autriche  devint  forcément  le  pivot  de  notre  politique 
extérieure.  François  Ier  avait  l'esprit  médiocre,  mais  il  était 
actif;  il  fonda  la  marine  royale,  réorganisa  la  cavalerie, 
essaya  d'instituer  une  infanteiie;  il  sut  se  créer  des 
alliances,  profiter  des  embarras  sans  nombre  de  son  rival 
et  en  somme  maintenir  les  frontières  de  la  France.  Henri  II 
(1547-1559)  continua  la  lutte,  mais  eut  la  sagesse  de  re- 
noncer à  l'Italie  et  de  porter  la  guerre  dans  l'Est.  Cette 
politique,  que  devaient  reprendre  Henri  IV,  Richelieu  et 
Louis  XIV,  nous  valut  la  conquête  de  Calais,  Metz,  Toul  et 
Verdun. 

Ces  guerres  qui,  habilement  dirigées  dès  le  début,  au- 
raient été  infiniment  plus  profitables,  n'entravèrent  pas  du 
moins  le  développement  de  la  prospérité  économique  dans 
notre  pays.  Sauf  à  de  rares  intervalles,  l'ennemi  ne  péné- 
tra point  en  France.  Cette  époque  fut  une  période  de  bien- 
être  général,  de  même  que  le  xme  et  le  commencement  du 
xive  siècle.  Les  découvertes  maritimes  ouvrirent  de  nou- 
veaux débouchés  à  l'activité  et  jetèrent  sur  le  marché  de 
grandes  quantités  d'or  et  d'argent  qui  facilitèrent  les  tran- 
sactions. Claude  Seyssel  a  décrit  en  des  pages  devenues 
classiques  l'efflorescence  du  commerce  français  au  temps  de 
Louis  XII.  Grâce  au  développement  de  l'aisance  et  du  luxe, 
toutes  les  industries  prirent  un  essor  nouveau,  et  particu- 
lièrement celle  des  draps  riches.  La  population  des  cam- 
pagnes s'accrut  prodigieusement.  La  bourgeoisie,  affamée 
d'honneurs,  achetait  les  charges  vendues  par  la  royauté  à 
beaux  deniers  comptant  et  se  préparait  à  une  domination 
qui  dure  encore  aujourd'hui.  Au  point  de  vue  intellectuel 
se  produisit  alors  un  grand  mouvement  qui  avait  du  reste 
ses  origines  dans  la  période  antérieure  et  qu'on  ne  peut 
sans  injustice  appeler  la  Renaissance,  car  il  n'a  point 
succédé  à  une  époque  d'immobilité  et  de  mort.  Mais  il  est 
vrai  de  dire  que  le  moyen  âge  n'avait  point  produit  d'hommes 
comparables  à  Rabelais,  à  Bernard  Palissy,  à  Ambroise 
Paré,  à  Henri  Estienne  ;  enfin  l'imprimerie,  introduite  en 
France  sous  Louis  XI,  devint  rapidement  d'une  prodigieuse 
utilité  pour  l'expansion  des  idées.  Quant  aux  arts,  il  y  a 
une  distinction  à  faire.  Depuis  la  naissance  de  l'école  de 
Bourgogne  pendant  le  xive  siècle,  jusqu'à  l'époque  des 
guerres  d'Italie,  il  y  a  eu  en  France  un  art  national,  d'un 


—  1041 


FRANCE 


réalisme  vigoureux  ;  à  partir  du  moment  où  François  Ier, 
qui  rêvait  toujours  du  ciel  bleu  de  Lombardie,  appela  à  sa 
cour  les  artistes  de  la  péninsule,  l'italianisme  envahit  la 
France  et  laissa  à  peine  subsister  quelques  peintres  origi- 
naux, comme  les  Clou  et,  et  quelques  grands  sculpteurs. 
Sans  cet  accident,  l'art  national  aurait  sans,  doute  acquis 
un  développement  bien  plus  remarquable. 

Ainsi,  depuis  la  fin  de  la  guerre  de  Cent  ans  jusqu'à  la 
période  des  luttes  religieuses,  les  Valois  réussirent  à  éta- 
blir un  pouvoir  fort  et  respecté;  économes  avec  Louis  XI 
et  Louis  XII,  ils  purent  devenir  avec  François  Ier  fastueux 
et  prodigues,  sans  que  la  nation  en  souffrît.  Les  guerres 
eurent  lieu  au  delà  des  frontières  et  n'empêchèrent  point 
les  travailleurs  de  penser  et  de  produire.  A  cette  époque 
de  paix  intérieure  et  de  grande  politique  internationale 
allait  succéder  une  période  de  guerres  civiles.  L'esprit 
d'opposition,  qui  semblait  anéanti,  renaquit  sous  la  forme 
religieuse.  En  France,  comme  partout  ailleurs,  les  mœurs 
du  clergé,  les  grossières  superstitions  que  les  prêtres  lais- 
saient pénétrer  dans  les  classes  populaires,  soulevèrent  les 
protestations  des  gens  austères  et  éclairés  bien  avant  que 
Luther  se  fût  fait  connaître  (V.  Protestantisme).  Au  temps 
de  François  Ier  et  de  Henri  II  les  deux  partis  prirent  forte- 
ment conscience  de  leur  antagonisme.  D'une  part,  les 
réformés  français  adoptèrent  en  commun  les  doctrines  de 
Calvin  (Institution  chrétienne  publiée  en  1535)  ;  d'un 
autre  côté,  dans  toute  l'Europe,  les  catholiques  suppri- 
mèrent quelques-uns  des  abus  criants  qui  leur  aliénaient 
les  hautes  classes  et  se  groupèrent  autour  de  la  papauté 
(concile  de  Trente,  1545-1563;  approbation  de  l'Institut 
des  jésuites  par  le  pape  en  1540).  Quelles  étaient  les  forces 
de  ces  deux  partis  en  France?  Le  clergé,  d'abord  indécis, 
adopta  décidément  la  cause  du  pape  dès  la  fin  du  concile  de 
Trente  et  se  laissa  dominer  par  les  jésuites,  La  bourgeoisie, 
qui  était  attachée  au  principe  d'autorité  et  répugnait  aux 
rudes  doctrines  de  Calvin,  donna  peu  de  recrues  au  parti 
réformé;  elle>ne  devait  se  laisser  entamer  fortement  qu'au 
siècle  suivant.  Quant  aux  paysans,  ils  ne  comptèrent  guère 
dans  les  luttes  religieuses  avant  le  règne  de  Louis  XIV. 
Au  xive  siècle,  les  calvinistes  sont  des  magistrats,  des 
universitaires,  des  ouvriers  sans  travail,  des  soldats,  des 
moines  défroqués  et  surtout  des  nobles  ;  la  majorité  de  la 
noblesse  française  embrassa  les  croyances  nouvelles.  Or 
l'aristocratie  était  restée  puissante;  elle  formait  les  com- 
pagnies d'ordonnance  et  occupait  les  hauts  grades  de  l'in- 
fanterie ;  c'est  elle,  fait  très  important,  qui  fournissait  les 
chefs  des  gouvernements  militaires  organisés  par  Fran- 
çois Ier;  les  têtes  du  parti  protestant  seront  en  majorité 
des  gouverneurs. 

Entre  le  clergé  fanatique  et  le  tiers  état  fanatisé  d'un 
côté,  et  une  noblesse  guerrière  et  turbulente  de  l'autre,  il 
y  avait  peu  de  place  pour  le  parti  de  la  tolérance.  La 
royauté  seule  pouvait  s'interposer  ;  mais,  au  lieu  de  suivre 
une  politique  constante  de  conciliation,  elle  adopta  un 
désastreux  système  de  bascule.  François  Ier  persécuta  par 
intervalles  les  protestants  de  France,  quand  il  n'avait  pas 
besoin  des  protestants  d'Allemagne.  Henri  II  voulait  exter- 
miner les  hérétiques  et  sa  mort  seule  les  sauva.  Sous 
François  II  (1559-1560),  le  pouvoir  est  disputé  par  l'ha- 
bile Italienne  Catherine  de  Médicis,  les  princes  du  sang  tels 
que  Condé,  les  favoris  du  roi  comme  le  duc  de  Guise,  et  le 
sort  des  protestants  dépend  d'un  accident  ou  d'un  heureux 
coup  de  main.  Sous  Charles  IX  (1560-1574)  la  guerre 
civile  commence  et  devient  tout  de  suite  atroce  ;  Catherine 
de  Médicis,  indifférente  en  matière  religieuse,  veut  avant 
tout  garder  le  pouvoir  et  oscille  entre  les  deux  partis,  qui 
généralement  déclarent  agir  au  nom  du  roi  et  cherchent  à 
dominer  à  la  cour.  Par  la  paix  de  Monsieur,  en  1576,  les 
protestants  obtinrent  l'indépendance,  grâce  à  l'appui  des 
catholiques  tolérants  (parti  des  politiques).  Mais  ce  ne  fut 
point  pour  longtemps.  La  majorité  des  Français  était  catho- 
lique intolérante;  le  roi  Henri  III  (1574-1589)  n'était 
capable  que  d'augmenter  la  confusion  et  d'affaiblir  davan- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


tage  le  prestige  du  trône.  Sous  son  règne,  la  vieille  royauté 
capétienne  subit  décidément  une  éclipse.  La  noblesse  pro- 
testante était  soulevée  tout  entière  ;  la  noblesse  catholique 
était  prête  à  soutenir  le  duc  de  Guise.  Enfin  la  forma- 
tion de  la  Sainte  Ligue  provoqua  un  mouvement  démo- 
cratique. L'œuvre  patiente  des  Capétiens,  la  centralisation 
des  pouvoirs,  semblait  compromise  ;  on  assistait  à  une 
réaction  violente  de  toutes  les  forces  du  moyen  âge;  les 
idées  anarchistes  et  régicides  trouvaient  un  écho  jusque 
dans  les  églises.  Les  Etats  généraux,  que  dès  le  règne  de 
François  II  on  avait  recommencé  à  convoquer,  étaient  deve- 
nus l'instrument  des  fureurs  religieuses. 

La  monarchie  et  l'unité  française  furent  sauvées  par  la 
mort  du  duc  de  Guise  et  de  Henri  III  et  la  conversion  de  Henri 
de  Bourbon  qui,  à  l'extinction  de  la  branche  de  Valois  en 
1589,  avait  été  reconnu  comme  légitime  héritier  du  trône 
par  les  protestants  et  avait  apporté  pour  dot  son  beau 
royaume  de  Navarre.  L'abjuration  de  Henri  IV,  en  1593, 
mit  fin  à  la  résistance  des  ligueurs;  leurs  alliés  les  Espa- 
gnols signèrent  la  paix  de  Vervins  en  1598.  La  même 
année,  le  roi,  après  de  longues  et  pénibles  négociations, 
imposait  aux  partis  religieux  l'édit  de  Nantes,  qui  recon- 
naissait aux  protestants  la  liberté  religieuse  ainsi  qu'une 
certaine  indépendance  politique  et  faisait  de  la  France  le 
seul  pays  d'Europe  où  régnât  la  tolérance.  Grâce  à  la  lassi- 
tude générale,  grâce  aussi  au  sens  droit  et  à  la  sympa- 
thique bonhomie  du  prince,  les  discordes  s'apaisèrent  et  la 
monarchie  fut  rétablie  sur  ses  bases  antérieures  (V.  Fran- 
çois Ier,  Henri  II,  François  II,  Charles  IX,  Henri  III, 
Henri  IV). 

VIII.  L'établissement  de  la  monarchie  abso- 
lue. Henri  IV,  Louis  XIII  et  Louis  XIV.  —  Les 
règnes  de  Henri  IV,  de  Louis  XIII  et  de  Louis  XIV  for- 
ment pour  ainsi  dire  la  période  classique  de  l'ancien  ré- 
gime. Ce  qui  fait  l'unité  de  cet  âge  fameux,  ce  n'est  point 
le  progrès  réel  des  institutions,  car  Louis  XIII,  Louis  XIV 
et  beaucoup  de  leurs  grands  ministres  ont  eu  peu  de  souci 
d'améliorer  la  condition  des  sujets  ;  ce  n'est  pas  la  poli- 
tique extérieure  dont  la  continuité  a  été  souvent  rompue  et 
dont  la  grandeur  a  subi  des  éclipses  ;  ce  n'est  même  pas 
l'éclat  des  lettres  et  des  arts,  qui  ne  présente  point  les  mêmes 
caractères  au  début  du  siècle  et  pendant  le  règne  de 
Louis  XIV  ;  c'est  le  mouvement  qui  emporte  la  monarchie 
vers  l'absolutisme.  Les  forces  d'opposition  étaient  encore 
nombreuses  et  considérables  au  temps  de  Henri  IV.  La  no- 
blesse, grossière  et  turbulente,  avait  dans  toute  la  France 
des  châteaux  fortifiés,  où  elle  menait  grand  train  de  vie  ; 
elle  occupait  des  charges  importantes,  telles  que  la  fonc- 
tion de  connétable  et  les  places  de  gouverneurs  ;  elle  res- 
pectait la  personne  du  roi,  mais  elle  ne  voulait  pas  obéir  à 
ses  agents.  La  noblesse  de  robe  avait  un  tout  autre  carac- 
tère, mais  non  moins  de  prétentions  ;  le  Parlement,  sorti  de 
la  curia  régis  du  moyen  âge,  n'avait  jamais  été  réduit  au 
rôle  précis  et  unique  de  simple  organe  judiciaire  et  avait 
gardé  des  visées  politiques  qui  se  traduisaient  par  les  re- 
montrances (V.  Parlement).  Le  tiers  état  lui-même  n'ai- 
mait guère  les  ministres.  Le  clergé  n'était  pas  entièrement 
gallican.  Enfin  la  royauté  eut  à  combattre  les  dissidents, 
jansénistes  et  protestants. 

Henri  IV  n'eut  pas  le  temps  ni  peut-être  la  volonté  d'as- 
servir la  noblesse.  Il  ôta  les  gouvernements  aux  chefs  de 
la  Ligue,  tels  que  les  Guise,  pour  placer  dans  les  provinces 
des  nobles  moins  suspects  et  des  intendants  d'armée  ;  il 
maintint  l'ordre  dans  son  royaume.  Mais  il  eut  à  réprimer 
plusieurs  complots  (V.  Henri  IV,  Biron).  Quand  il  mourut 
en  1610,  son  fils  Louis  XIII  avait  neuf  ans.  Pendant  la 
régence  de  l'incapable  Marie  de  Médicis,  les  princes  du  sang 
eues  familles  d'anciens  favoris  ou  de  ligueurs,  les  Condé,  les 
d'Epernon,  les  Guise,  cherchèrent  et  réussirent  à  se  «  faire 
valoir  ».  Les  Etats  de  1614,  les  derniers  de  l'ancien  ré- 
gime, ne  servirent  qu'à  faire  éclater  les  haines  qui  sépa- 
raient les  trois  ordres  et  n'arrêtèrent  ni  le  gaspillage  du 
trésor  ni  les  guerres  civiles.  Le  ministre  Concini  fut  assas- 

66 


FRANCE 


1042  — 


sine  en  461 7  au  moment  où  il  allait  entamer  une  lutte 
sérieuse  contre  la  noblesse  (V.  Louis  XIII,  Marie  de  Mé- 
dicis,  Concini).  Sous  le  ministère  du  connétable  de  Luynes, 
les  mécontents  se  groupèrent  autour  de  Marie  de  Médicis 
dépossédée  du  pouvoir  (V.  Luynes).  Richelieu,  qui  arriva 
au  pouvoir  en  1624,  soutint  un  combat  acharné  contre  les 
nobles.  Il  était  aristocrate  dans  Lame;  il  aurait  voulu 
rendre  à  la  noblesse  son  ancienne  utilité  et  son  prestige, 
faire  d'elle  une  classe  militaire.  Il  réussit  seulement  à  se 
maintenir  au  pouvoir  par  des  mesures  violentes  :  la  des- 
truction des  châteaux  forts,  l'édit  sur  le  duel,  l'exécution 
de  plusieurs  conspirateurs.  Sur  son  lit  d'agonisant,  en 
1642,  il  donnait  encore  des  ordres  de  mort  (V.  Riche- 
lieu). Ce  grand  homme  eut  pour  successeur  l'Italien  Ma- 
zarin,  habile  politique,  souple,  patelin  et  ambitieux  (V. 
Mazabin).  Dès  1643  eut  lieu  une  cabale  déjeunes  sei- 
gneurs «  importants  »,  dont  Mazarin  vint  facilement  à  bout. 
La  Fronde,  qui  dura  cinq  ans  (1648-1653),  fut  provoquée 
par  la  mauvaise  administration  financière  de  Particelli 
d'Emeri,  qui  ne  touchait  guère  les  privilégiés,  et  fut  d'abord 
un  mouvement  parlementaire  et  populaire.  Mais  la  no- 
blesse y  prit  vite  sa  part.  Les  brouillons  et  les  orgueilleux 
comme  Gaston  d'Orléans,  le  grand  Condé,  Longueviile,  La 
Rochefoucauld,  Retz,  s'engagèrent  dans  une  guerre  fri- 
vole où  les  «  héroïnes  »  jouèrent  souvent  le  premier  rôle. 
L'importance  prise  alors  par  les  femmes  marque  la  trans- 
formation qui  s'était  opérée  déjà  dans  les  mœurs  de  la 
noblesse  ;  ces  hommes,  qui  jadis  vivaient  dans  leurs  châ- 
teaux et  ne  songeaient  qu'à  boire  et  à  se  battre,  s'étaient 
mis  peu  à  peu,  depuis  le  temps  de  la  minorité  de  Louis  XIII, 
à  fréquenter  les  salons  parisiens,  tels  que  celui  de  Mme  de 
Rambouillet;  ils  s'étaient  habitués  à  causer;  ils  étaient 
devenus  les  «  précieux  »  et  les  «  alcôvistes  ».  Lorsque 
Mazarin  rentra  en  maître  dans  la  capitale ,  le  rôle  poli- 
tique de  la  noblesse  française  était  terminé  ;  elle  était 
toute  prête  à  devenir  une  noblesse  de  cour,  et  n'allait  plus 
s'occuper  que  de  donner  à  l'Europe  un  modèle  inimitable 
de  politesse  raffinée. 

Le  Parlement  avait  eu  à  régler  la  question  de  la  régence 
en  1610  ;  il  essaya  en  vain  de  reprendre  l'œuvre  des  Etats 
de  1614  et  opposa  aux  volontés  de  Richelieu  une  résis- 
tance stérile  ;  mais,  en  1648,  il  montra  un  véritable  esprit 
politique  et  proposa  des  réformes  dont  la  réalisation  nous 
aurait  donné  une  sorte  de  régime  parlementaire  analogue 
à  celui  d'outre-Manche  (arrêt  d'union  et  déclaration  des 
27  articles).  Pendant  les  troubles  qui  suivirent,  il  se  mon- 
tra relativement  modéré  et  refusa  de  pactiser  avec  les  en- 
voyés de  l'Espagne.  Jamais  cependant  Louis  XIV  n'oublia  les 
humiliations  subies  par  sa  mère  et  son  ministre  ;  il  y  a  du 
vrai  dans  la  légende  qui  montre  le  jeune  roi  entrant  tout 
botté  au  Parlement  et  défendant  aux  vieux  magistrats  de  se 
mêler  désormais  de  ses  affaires  ;  en  effet,  ils  ne  s'en  mê- 
lèrent plus.  Quant  aux  paysans  et  aux  artisans,  ils  se  sou- 
levèrent à  plusieurs  reprises  au  temps  de  Richelieu  et  pen- 
dant la  Fronde  ;  sous  l'administration  plus  douce  de  Colbert, 
il  y  eut  encore  de  fréquentes  révoltes  locales  ;  mais  c'était 
là  des  effets  de  l'oppression  fiscale,  et  non  pas  des  mani- 
festations d'aspirations  politiques  précises  ;  il  n'y  eut  jamais 
au  xvne  siècle  de  mouvement  démocratique  général. 

Henri  IV  ne  fut  jamais  accepté  comme  roi  par  les  ultra- 
montains,  et  l'on  a  peut-être  eu  raison  de  croire  le  crime  de 
Ravaillac  inspiré  par  les  jésuites,  que  l'auteur  de  l'édit  de 
Nantes  avait  un  instant  chassés  de  France.  Les  «  catholiques  à 
gros  grains  »  et  le  parti  espagnol  prirent  pendant  la  minorité 
de  Louis  XIII  une  revanche  qui  dura  peu  ;  Richelieu  détrui- 
sit leur  influence  et  faillit  même  se  brouiller  avec  le  pape. 
Sous  Louis  XIV,  la  querelle  éternelle  recommença  entre  les 
ultramontains  et  la  monarchie  ;  le  clergé  gallican  affirma 
l'indépendance  du  roi  à  l'égard  du  saint-siège  et  la  supé- 
riorité des  conciles  sur  le  pape  dans  la  fameuse  déclaration 
de  1682,  qui  régla  à  peu  près  définitivement  la  question  jus- 
qu'en 1789.  Du  reste,  Louis  XIV  finit  par  se  réconcilier  avec 
le  pape  pour  poursuivre  les  jansénistes.  Jansénius  avait  pu- 


blié son  Augustinus  en  1 640  (V.  Jansénisme)  ;  mais  plu- 
sieurs années  auparavant  les  doctrines  de  l'évêqued'Ypres 
avaient  été  répandues  à  Paris  par  l'abbé  de  Saint-Cyran  et 
avaient  trouvé  accueil  à  l'abbaye  de  Port-Royal.  Richelieu, 
Mazarin  et  Louis  XIV  s'acharnèrent  à  détruire  le  jansénisme 
qu'ils  considéraient  comme  un  foyer  d'opposition  à  l'esprit 
d'autorité.  Port-Royal  fut  anéanti  en  1709,  mais  les  idées  des 
Arnauld  et  des  Pascal  survécurent,  et  le  débat  devait  conti- 
nuer jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime.  Quant  aux  protes- 
tants, leurs  libertés  politiques,  leurs  nombreuses  places  de 
sûreté,  leurs  assemblées  constituèrent  un  véritable  danger 
pour  l'unité  française  lorsque  Henri  IV  eut  disparu.  Les 
Rohan  et  les  Soubise  voulurent  fonder  une  «  république 
protestante  »  ;  de  Luynes  mourut  en  commençant  la  lutte  ; 
son  œuvre  fut  achevée  par  Richelieu,  qui  ôta  aux  protes- 
tants tout  moyen  d'être  dangereux.  Mais  dès  lors  ils  de- 
vinrent incapables  de  se  défendre  contre  les  persécutions, 
qui  commencèrent  dès  1661,  Louis  XIV  et  son  entourage 
ayant  l'esprit  fermé  aux  idées  de  tolérance.  Après  vingt- 
quatre  ans  de  tracasseries  et  de  rigueurs  sans  nom,  l'édit 
de  Nantes  fut  révoqué  (1685).  La  persécution  continua  jus- 
qu'à la  mort  de  Louis  XIV  ;  les  insurrections  des  Cami- 
sarcls  furent  impitoyablement  réprimées;  250  ou  300,000 
réformés,  presque  tous  gens  de  mérite,  émigrèrent  à  l'étran- 
ger (V.  Protestantisme,  Louis  XIII,  Louis  XIV,  Riche- 
lieu, Camisards). 

Des  fautes  si  préjudiciables  à  l'honneur  et  aux  intérêts  du 
pays  étaient  la  condamnation  du  régime.  Jamais  cependant, 
plus  qu'à  l'heure  où  on  les  commettait,  la  royauté  ne  fut  res- 
pectée et  servilement  adulée.  La  doctrine,  aussi  vieille  que  le 
monde,  du  caractère  divin  des  rois,  trouva  sa  parfaite  expres- 
sion sous  la  plume  de  Rossuet.  La  vie  de  cour,  encore  gaie 
et  familière  au  temps  de  Louis  XIII,  devint  solennelle  et  ré- 
gulière sous  Louis  XIV  ;  à  cet  égard,  nui  document  ne  vaut  une 
visite  à  Versailles.  L'étiquette  de  l'Espagne  envahit  les 
palais  de  nos  rois  à  la  fin  du  siècle,  comme  sa  littérature 
envahit  les  salons  des  précieuses  au  temps  de  Corneille.  Les 
Rourbons  ne  pouvaient  plus  vivre  comme  de  simples  mor- 
tels, puisqu'ils  se  croyaient  des  dieux  et  avaient  réussi  à  le 
faire  admettre.  Reste  à  chercher  s'ils  surent  gouverner. 

Les  luttes  religieuses  avaient  ruiné  la  France.  Avec  le 
rétablissement  de  l'ordre,  la  prospérité  renaguit;  Sully 
protégea  l'agriculture  avec  une  prédilection  qui  eût  été  ex- 
cessive, si  son  maître  Henri  IV,  d'esprit  plus  large,  n'avait 
favorisé  lui-même  l'industrie,  et  particulièrement  les  indus- 
tries de  luxe  ;  de  nouvelles  voies  de  communication  per- 
mirent le  développement  du  commerce.  Les  finances  furent 
remises  en  état  par  la  seule  force  de  la  bonne  administra- 
tion et  de  l'économie.  Les  premières  années  du  xvne  siècle 
marquent  l'apogée  de  l'ancien  régime;  alors  la  royauté 
justifiait  son  omnipotence  par  les  services  rendus.  Mais 
aucune  institution  n'existait  qui  pût  remédier  à  la  dispari- 
tion de  Henri  IV  et  à  l'incapacité  ou  à  l'insouciance  de  ses 
successeurs.  Richelieu  ne  s'occupa  point  de  débrouiller  la 
confusion  administrative  ;  il  augmenta  seulement  la  cen- 
tralisation, surtout  en  développant  l'institution  des  inten- 
dants, qui  avaient  pour  ancêtres  les  maîtres  des  requêtes 
envoyés  en  tournées  au  xvie  siècle  et  les  intendants  d'ar- 
mée de  Henri  IV.  Il  comprit,  ainsi  que  Fouquet,  l'impor- 
tance des  questions  économiques  et  coloniales,  mais  les 
bonnes  intentions  de  ces  deux  ministres  ne  passaient  pas 
toujours  en  acte.  Quant  à  la  situation  financière,  depuis  la 
mort  de  Henri  IV  jusqu'au  ministère  de  Colbert,  elle  fut 
lamentable.  Les  gouvernants  se  soucièrent  seulement  d'avoir 
de  l'argent  par  n'importe  quels  moyens.  Au  temps  de  la 
Fronde,  la  misère  du  peuple  devint  efîroyable  (V.  Vincent 
de  Paul  [Saint]). 

Le  plus  grand  des  ministres  de  Louis  XIV,  Colbert 
(1661-1683),  rétablit  pendant  quelques  années  la  prospé- 
rité. Depuis  le  moment  où  il  fit  arrêter  le  surintendant 
Fouquet  (V.  ce  nom)  et  le  remplaça  avec  le  simple  titre 
de  contrôleur  général,  jusqu'à  l'époque  de  la  guerre  de  Hol- 
lande, l'administration  financière  fut  régulière  et  peu 


1043  — 


FRANCE 


oppressive.  Les  sources  de  la  richesse  publique,  l'industrie 
surtout,  furent  développées.  La  condition  des  paysans 
s'améliora  quelque  peu.  Mais  Colbert  mourut  dans  la  dou- 
leur de  voir  son  prodigieux  labeur  rendu  stérile  par  le  faste 
excessif  et  la  politique  ruineuse  de  son  maître.  De  1683  à 
171 5,  la  détresse  financière  et  la  misère  augmentèrent  sans 
cesse  ;  l'habile  Desmarets  réussit  à  peine  à  épargner  au 
vieux  Louis  XIV  la  honte  d'une  banqueroute  (V.  Louis  XIV, 
Colbert,  Pontchartrain,  Chamillard,  Desmarets). 

La  gloire  achetée  si  cher  était,  il  faut  le  reconnaître, 
grande^et  ineffaçable.  Le  xvne  siècle  est  rempli  presque  tout 
entier  du  nom  de  la  France,  du  bruit  de  sa  lutte  victo- 
rieuse contre  la  maison  d'Autriche.  Henri  IV  avait  repris 
la  politique  de  Henri  II  ;  il  s'était  fait  l'allié  des  ennemis  de 
l'Espagne,  c.-à-d.  de  la  reine  Elisabeth  et  des  Hollandais; 
par  l'annexion  de  la  Bresse,  du  Bugey  et  du  Valromey,  il 
avait  séparé  la  Savoie  de  la  Franche-Comté  espagnole.  Il 
avait  formé  la  plus  redoutable  des  armées  européennes,  et, 
si  son  fameux  projet  est  une  invention  de  Sully,  du  moins 
voulait-il  assurément  enlever  à  l'Espagne  le  Roussillon,  la 
Franche-Comté,  l'Artois,  la  Flandre,  et  avait-il  des  vues 
sur  toute  la  rive  gauche  du  Rhin.  Son  œuvre  fut  reprise 
par  Richelieu  et  Mazarin  qui  intervinrent  dans  la  guerre  de 
Trente  ans  pour  soutenir  les  protestants  d'Allemagne  et 
même  certains  princes  catholiques,  menacés  dans  leur  in- 
dépendance par  les  Habsbourg  ;  les  traités  de  Westphalie 
(1648)  et  des  Pyrénées  (1658)  donnèrent  à  la  France 
l'Alsace  sauf  Strasbourg,  la  plus  grande  partie  de  l'Artois, 
le  Roussillon  et  quelques  autres  territoires  (V.  Louis  XIII, 
Louis  XIV). 

La  situation  était  merveilleuse  pour  la  France  en  1660. 
Sans-  parler  de  la  Suisse  et  de  la  Pologne,  qui  ne  comp- 
taient plus,  de  la  Prusse  et  de  la  Russie  qui  ne  comptaient 
pas  encore,  l'Allemagne  et  l'Italie  étaient  des  pays  morcelés 
et  passifs  ;  l'Angleterre  était  annulée  par  l'étrange  poli- 
tique du  roi  Charles  II,  l'Espagne  par  les  fautes  accumu- 
lées de  Philippe  II  et  de  ses  successeurs,  l'Autriche  par  le 
danger  turc.  La  Suède,  grande  puissance  militaire  depuis 
Gustave-Adolphe,  était  l'alliée  subventionnée  des  Bourbons. 
Les  Provinces-Unies  ne  semblaient  pas  à  craindre.  Dès  le 
début  du  règne  de  Louis  XIV,  Colbert  se  mit  à  organiser  la 
marine,  Louvois  l'armée,  Vauban  la  défense  des  frontières 
(V.  Colbert,  Louvois,  Vauban). 

Louis  XIV  avait  épousé  l'infante  Marie-Thérèse,  et  l'an- 
nexion de  l'héritage  espagnol  fut  son  idée  fixe.  Après  de 
vaines  négociations,  il  se  décida  à  la  guerre  dès  1667  ;  la 
paix  d'Aix-la-Chapelle  lui  donna  seulement  une  série  de 
places  fortes  en  Flandre,  les  Provinces-Unies  ayant  orga- 
nisé une  coalition  pour  empêcher  des  conquêtes  plus  sé- 
rieuses. Alors  Louis  XIV  s'occupa  d'anéantir  la  coalition. 
Tel  fut  le  but  principal  de  la  guerre  de  Hollande.  La  paix 
se  fit  en  1678,  à  Nîmègue,  aux  dépens  de  l'Espagne,  qui 
dut  nous  céder  la  Flandre  et  la  Franche-Comté.  L'équilibre 
était  rompu  en  faveur  dé  la  France.  Pendant  sept  ans,  l'Eu- 
rope assista  impuissante  aux  «  conquêtes  en  pleine  paix  » 
opérées  par  Louis  XIV,  qui  annexa  sur  la  frontière  de  l'Est 
une  vingtaine  de  villes,  entre  autres  Strasbourg,  Luxem- 
bourg, Landau,  Casai.  Mais  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes, 
qui  était  une  menace  pour  les  Etats  protestants,  fut  le  signal 
d'une  progressive  décadence.  Dès  1686  se  forma  contre 
Louis  XIV  la  ligne  d'Augsbourg,  dont  Guillaume  d'Orange 
était  l'âme  (V.  Guillaume  d'Orange).  En  voulant  interve- 
nir dans  les  affaires  d'Allemagne  et  d'Angleterre  (affaires 
de  Cologne  et  du  Palatinat,  révolution  de  1688),  Louis  XIV 
mit  le  feu  aux  poudres.  Il  dut  signer,  en  1698,  la  paix  de 
Ryswick  qui  le  laissa  ruiné  en  hommes  et  en  argent.  Trois 
ans  après  éclata  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne.  On 
sait  après  quelles  dramatiques  péripéties  cette  lutte  se  ter- 
mina par  une  série  de  traités  (1713-1715)  qui  assuraient 
l'Espagne  au  petit-fils  de  Louis  XIV,  mais  changeaient  l'or- 
ganisation de  l'Europe.  L'Autriche  s'était  agrandie  ;  l'An- 
gleterre se  préparait  à  régner  sur  la  mer.  A  l'orient  de 
l'Europe,  la  Suède  déclinait,  mais  la  Prusse  et  la  Russie 


comptaient  déjà  parmi  les  grandes  puissances.  La  supré- 
matie politique  de  la  France  était  détruite.  Sa  domination 
intellectuelle  allait  subsister.  Depuis  la  fin  du  xvie  siècle 
jusque  vers  \  660,  un  admirable  mouvement  d'idées  s'était 
produit  en  Europe  ;  notre  pays  y  avait  contribué,  mais  seu- 
lement contribué  ;  Cervantes,  Shakespeare,  Milton,  Velas- 
quez,  Rembrandt  sont  aussi  grands  que  Corneille  et  Pous- 
sin, et  Spinosa  vaut  peut-être  son  maître  Descartes.  A 
partir  du  règne  de  Louis  XIV,  au  contraire,  la  science  seule 
reste  internationale  ;  en  littérature  et  en  art,  l'esprit  clas- 
sique français,  qui  s'ordonne  majestueusement,  prédomine 
dans  tout  l'Occident,  qui  n'a  personne  à  opposer  à  Molière, 
à  Racine,  à  Bossuet,  à  Lebrun  même.  Au  xvme  siècle,  la 
France  va  rester  l'école  de  l'Europe  ;  mais  le  temps  de  la 
rhétorique  est  passé  ;  celui  de  la  «  philosophie  »  est  venu. 
IX.  Etat  de  la  France  à  la  mort  de  Louis  XIV.  Le 
dix-huitième  siècle.— Le  fait  le  plus  frappant  de  l'histoire 
de  France  au  xvme  siècle,  la  cause  incontestable  de  la  Ré- 
volution, c'est  le  désaccord  qui  règne  entre  les  institutions 
de  l'ancien  régime  et  les  idées  nouvelles.  La  situation  léguée 
parle  xvne  siècle  ne  changea  pas  essentiellement  de  1715 
à  1789.  Il  importe  d'exposer  au  début  de  ce  chapitre  les 
questions  que  l'indolent  Louis  XV  et  l'inintelligent  Louis  XVI 
ne  surent  pas  résoudre.  Il  n'existait  aucune  constitution 
écrite.  La  royauté  devait  sa  force  non  pas  à  un  contrat  avec 
la  nation,  mais  à  la  survivance  des  idées  romaines  et  à  la 
longue  série  d'empiétements  que  nous  avons  montrée.  Elle 
était  absolue  ;  cependant  Bossuet  lui-même  reconnaissait 
qu'elle  devait  se  conformer  aux  «  lois  fondamentales  », 
c.-à-d.  à  des  traditions  respectées  ;  d'ailleurs,  elle  avait 
délégué  son  autorité  à  d'innombrables  agents  et  possesseurs 
d'offices,  en  lutte  perpétuelle  les  uns  avec  les  autres.  Les 
pouvoirs  remontaient,  en  somme,  à  trois  époques  diffé- 
rentes :  l'époque  féodale  dont  il  était  resté  quelques  ruines 
encombrantes  ;  le  xve  et  le  xvr9  siècle,  période  où  se  créèrent 
les  offices  ;  le  xvne  siècle,  qui  assista  à  l'organisation  des 
ministères  et  de  la  bureaucratie.  Ces  trois  régimes,  au  lieu 
de  se  succéder,  s'étaient  superposés.  La  confusion  adminis- 
trative était  donc  prodigieuse.  Au  sommet  étaient  les  conseils, 
à  peu  près  définitivement  organisés  en  1661  (V.  Louis  XIV), 
le  chancelier,  le  contrôleur  général  et  les  quatre  secrétaires 
d'Etat,  qui  avaient  à  s'occuper  chacun  non  seulement  d'une 
certaine  catégorie  d'affaires,  comme,  par  exemple,  de  la 
guerre,  mais  aussi  de  la  surveillance  générale  de  certaines 
provinces.  La  France  était  divisée,  au  point  de  vue  mili- 
taire, en  38  gouvernements,  auxquels  s'ajoutèrent,  pendant 
le  xvine  siècle,  les  gouvernements  de  Lorraine  et  de  Corse  ; 
au  point  de  vue  administratif,  en  intendances,  au  nombre 
de  3°2,  puis  de  34;  au  point  de  vue  financier,  en  pays  d'élec- 
tion, pays  d'imposition  et  pays  d'états  ;  encore  ne  comp- 
tons-nous pas  ici  les  divisions  religieuses  et  judiciaires. 
Les  gouverneurs  n'étaient  plus  que  des  courtisans  ;  les 
Etats  provinciaux  avaient  été  rabaissés,  les  libertés  mu- 
nicipales abolies  ;  en  revanche,  l'intendant  était  tout-puis- 
sant. Ainsi,  la  tutelle  administrative  n'est  pas  un  mal 
contemporain;  elle  date,  en  France,  du  règne  de  Louis XIV. 
—  Examinons  maintenant  les  services  publics.  Les  impôts 
directs  étaient  très  lourds  pour  le  peuple,  parce  qu'une 
grande  partie  des  riches  s'en  trouvait  exemptée.  La  taille 
pesait  sur  les  seuls  roturiers.  La  capitation,  permanente 
depuis  1701,  ne  frappait  point  le  clergé,  et  beaucoup  de 
nobles  trouvaient  moyen  de  ne  pas  la  payer.  Les  impôts  in- 
directs étaient  les  aides,  les  gabelles,  etc.  ;  certains  d'entre 
eux,  comme  les  corvées,  ne  frappaient  point  les  privilégiés. 
De  plus,  les  charges  variaient  souvent  selon  les  provinces 
ou  les  localités.  Le  système  de  perception,  par  l'intermé- 
diaire des  fermiers  généraux  et  des  collecteurs  de  paroisses, 
était  aussi  détestable  et  détesté  que  l'ancien  système  ro- 
main. Il  y  avait  10  chambres  des  comptes  (11  en  1789), 
6  cours  des  aides,  17  hôtels  des  monnaies.  A  la  tête  de 
l'organisation  judiciaire  était  le  parlement  de  Paris,  où 
avaient  droit  de  séance  les  50  pairs  de  France  (V.  Pairie). 
Puis  venaient  les  parlements  provinciaux  et  conseils  sou- 


FRANCE 


—  1044 


verains,  les  présidiaux,  le  Châtelet,  les  sénéchaussées  et 
bailliages,  les  prévôtés,  les  justices  seigneuriales  et  ecclé- 
siastiques et  les  juridictions  spéciales.  Malgré  les  grands 
travaux  de  codification  du  règne  de  Louis  XIV,  la  diversité 
de  législation  était  restée  fort  grande;  il  y  avait  encore 
des  pays  de  droit  coutumier  et  des  pays  de  droit  écrit; 
le  code  pénal  était  rigoureux,  la  procédure  obscure  et 
coûteuse,  la  liberté  individuelle  menacée  par  l'usage  des 
lettres  de  cachet  et  des  emprisonnements  arbitraires  à  la 
Bastille  et  par  l'absence  de  jury.  —  Sans  parler  des  corps 
savants  spéciaux  (V.  Académie),  l'instruction  avait  pour 
foyers  les  23  universités  (24  en  4789)  ;  les  petites 
écoles  étaient  nombreuses  ;  mais  le  principe  de  l'instruc- 
tion laïque  et  obligatoire  sera  une  idée  révolutionnaire.  — 
Dans  l'armée  et  la  marine,  de  grands  progrès  avaient  été 
réalisés  pour  l'organisation  matérielle  et  le  recrutement 
(V.  Colbert,  Louvois)  ;  mais  Louvois  n'avait  pas  aboli  la 
vénalité  des  charges,  qui  devint  une  véritable  plaie  au 
xvme  siècle,  et  le  recrutement  prêtait  à  de  scandaleux  abus. 
Tout  n'était  point  mauvais  et  répréhensible  dans  la  struc- 
ture sociale.  L'esprit  d'association  se  manifestait  vigoureu- 
sement par  la  forte  constitution  de  la  famille.  Mais  l'inéga- 
lité peut-être  inévitable  chez  tout  peuple  civilisé  était  alors 
excessive  et  reposait  sur  des  fondements  pourris.  Les  classes 
privilégiées  étaient  le  clergé  et  la  noblesse.  Le  clergé  avait 
d'immenses  biens  de  mainmorte  et  se  contentait  d'offrir, 
chaque  année,  au  gouvernement  un  «  don  gratuit  »  ;  du 
reste,  les  plus  méritants  de  ses  membres,  les  curés  de  cam- 
pagne, étaient  extrêmement  misérables  ;  le  bas  clergé  don- 
nera des  recrues  nombreuses  au  parti  révolutionnaire.  — 
La  noblesse  d'épée  avait  encore  beaucoup  de  terres  et  d'ar- 
gent, accaparait  quantité  de  grasses  sinécures  ;  les  impôts 
la  frappaient  peu  ou  point.  Or,  elle  ne  rendait  plus  de  ser- 
vices locaux  ni  généraux.  A  ses  paysans,  elle  se  contentait 
de  demander  de  l'argent,  elle  ne  cherchait  plus  à  les  pro- 
téger ;  la  plupart  des  nobles  d'ailleurs  ne  résidaient  pas 
dans  leurs  terres.  Versailles  les  attirait  invinciblement. 
Mais,  loin  de  former  au  centre  de  l'Etat  une  aristocratie 
politique  comme  les  lords  anglais,  ils  étaient  complètement 
inutiles,  et  en  France  le  droit  d'aînesse  n'était  plus  qu'un 
abus  à  ajouter  à  beaucoup  d'autres.  Au  grand  scandale  des 
admirateurs  du  passé,  tels  que  Saint-Simon  et  Boulainvil- 
liers,  Louis  XIV  avait  favorisé  l'éclosion  de  la  vie  de  cour 
et  achevé  la  ruine  politique  de  la  noblesse,  en  réservant 
à  deux  ou  trois  familles  de  roturiers  les  ministères  et  les 
places  importantes.  Déjà  même  sous  ce  règne,  le  plus  grand 
de  nos  amiraux,  Duquesne,  et  l'un  de  nos  plus  grands  gé- 
néraux, Catinat,  sont  des  hommes  d'origine  obscure.  La 
noblesse  n'était  plus  qu'une  brillante  domesticité,  frivole 
et  pimpante  au  temps  de  Mlle  de  La  Vallière,  dévote  et  hypo- 
crite au  temps  de  Mme  de  Maintenon.  Les  privilèges  signi- 
fiaient maintenant  :  abus.  Les  roturiers  appelés  aux  grandes 
charges  et  les  possesseurs  d'offices  devenaient  nobles  ;  dé- 
daignés par  les  seigneurs,  c'étaient  eux,  en  réalité,  qui  gou- 
vernaient. Mais  le  tiers  état  dont  ils  étaient  sortis  n'en  était 
pas  plus  justement  traité.  Les  roturiers  des  villes  n'avaient 
pas  seulement  à  payer  de  lourds  impôts  ;  ils  ne  pouvaient 
travailler  à  leur  guise  ni  gagner  selon  leurs  œuvres,  l'in- 
dustrie et  le  commerce  étant  entravés  par  les  douanes  inté- 
rieures et  les  corporations,  restes  d'une  organisation  qui 
avait  été  généralement  bonne  et  utile  au  moyen  âge,  mais 
qui  n'avait  plus  de  raison  d'être.  Quant  aux  paysans,  ils 
tombèrent  dans  la  plus  noire  détresse  pendant  les  dernières 
années  du  règne  de  Louis  XIV.  Ils  n'avaient  pas  seulement 
à  payer  des  impôts  écrasants.  Il  fallait  aussi  acquitter  la 
dîme  due  au  clergé  et  les  vieux  revenus  du  propriétaire 
supérieur,  taille  seigneuriale,  banalités,  redevances  de 
toutes  sortes,  sans  compter  les  droits  vexatoires  comme 
les  droits  de  chasse  et  de  colombier.  Les  mémoires  dressés 
par  les  intendants  pour  l'instruction  du  duc  de  Bourgogne 
montrent  que  le  fameux  tableau  tracé  par  La  Bruyère  n'é- 
tait nullement  exagéré.  Dans  la  généralité  de  Rouen,  sur 
700,000  hab.,  650,000  n'avaient  pas  de  lit.  La  population 


de  la  France  diminua  de  3  millions  d'hab.  de  1698  à  1715. 

Ainsi,  la  royauté,  au  xvne  siècle,  n'avait  pas  su  gouver- 
ner. Le  règne  de  Henri  IV  et  le  début  du  règne  de  Louis  XIV 
n'avaient  été  que  des  temps  d'arrêt  dans  la  décrépitude  de 
l'ancien  régime.  Les  questions  de  politique  intérieure  qui 
se  posaient  au  début  du  xvme  siècle  étaient  graves  :  la 
royauté  n'était  pas  encore  mise  en  question  ;  mais  à  qui 
allait-elle  déléguer  le  pouvoir  ?  Allait-on  continuer  à  per- 
sécuter les  dissidents  ?  Ne  devait-on  pas  diminuer  les  pri- 
vilèges et  changer  l'assiette  de  l'impôt  ?  Ne  fallait-il  point 
renoncer  à  l'ancien  système  économique  ?  Aucune  de  ces 
questions  n'allait  être  résolue  d'une  façon  satisfaisante  sous 
les  règnes  de  Louis  XV  (1715-1774)  et  de  Louis  XVI 
(pour  tout  ce  qui  suit,  V.  Louis  XV,  Louis  XVI). 

Louis  XIV,  dans  son  testament,  s'était  efforcé  de  garan- 
tir à  ses  bâtards  légitimés  le  pouvoir  pendant  la  minorité 
de  Louis  XV.  Le  duc  d'Orléans  ne  devait  avoir  qu'une  ré- 
gence nominale  ;  il  prit  la  régence  effective  et  se  maintint 
au  pouvoir  malgré  les  intrigues  des  légitimés,  grâce  à  l'ap- 
pui du  Parlement  et  d'une  partie  de  l'aristocratie,  qui  espé- 
raient reconquérir  leur  ancienne  influence.  Les  idées  de 
Fénelon  et  de  Saint-Simon  semblèrent  triompher  un  mo- 
ment; mais  la  polysynodie  devint  une  «  pétaudière  »  et 
s'écroula  dans  le  ridicule.  Dans  la  suite,  il  y  eut  souvent 
des  nobles  au  ministère,  mais  l'ensemble  de  la  noblesse 
resta  ce  qu'elle  était  sous  Louis  XIV,  avec  cette  différence 
que  ses  mœurs  devinrent  cyniques,  qu'elle  se  piqua  de  phi- 
losophie et  de  sensibilité,  et  qu'en  pratique  elle  devint  in- 
capable même  de  fournir  quelques  bons  généraux.  Quant 
au  Parlement,  auquel  le  duc  d'Orléans  avait  rendu  le  droit 
de  remontrances,  il  s'ingéra  constamment  dans  les  affaires 
de  l'Etat,  obtint  même  l'abolition  de  l'ordre  des  jésuites 
(1761-1764),  fut  supprimé  brusquement  en  1771  parMeau- 
pou,  puis  repris,  dès  1774,  par  Louis  XVI;  mais  son  op- 
position fut  souvent  funeste  et  ses  projets  de  réforme  res- 
tèrent toujours  stériles.  Comme  au  temps  de  Louis  XIV,  le 
roi  vécut  à  Versailles  au  milieu  du  luxe  et  des  plaisirs, 
n'eut  aucune  communication  avec  son  peuple,  et  le  véritable 
pouvoir  appartint  aux  ministres  et  à  leurs  agents.  Le  choix 
des  ministres  dépendit,  sous  Louis  XV,  des  caprices  du  roi 
et  de  ses  maîtresses,  et,  sous  Louis  XVI,  des  alternatives 
d'énergie  et  de  faiblesse  de  ce  roi  si  bien  intentionné  et  si 
médiocre.  Les  ministres  furent  tantôt  des  sceptiques  comme 
Dubois,  Bernis  et  Maurepas,  ou  des  sots  comme  Amelot, 
tantôt  des  hommes  intelligents  et  clairvoyants,  comme  M a- 
chault  et  Turgot,  qui  tombèrent  quand  ils  voulurent  dé- 
truire les  abus.  Jusqu'à  la  Révolution,  la  délégation  du 
pouvoir  resta  donc  instable  et  défectueuse. 

Après  l'explosion  de  libéralisme  qui  avait  signalé  les  pre- 
miers jours  du  règne  de  Louis  XV,  on  aurait  pu  croire  tout 
au  moins  à  l'avènement  définitif  de  la  tolérance  religieuse. 
Il  n'en  fut  rien.  Les  protestants  furent  cruellement  persé- 
cutés pendant  le  ministère  du  duc  de  Bourbon  (1723- 
1726)  ;  les  rigueurs  des  parlements  de  Grenoble  (1746) 
et  de  Toulouse  (1762),  les  affaires  de  Sirven  et  de  Calas 
sont  restées  célèbres.  Le  jansénisme  fut  si  violemment 
poursuivi  qu'il  finit  par  devenir  très  fort  et  très  populaire. 
Ce  fut  le  dévot  Louis  XVI  qui  eut  l'honneur  de  reprendre 
les  principes  de  tolérance  de  Henri  IV. 

L'industrie  et  le  commerce,  languissants  depuis  la  mort 
de  Colbert,  prirent  sous  la  Régence  un  grand  essor,  grâce 
à  l'immense  quantité  de  numéraire  jetée  un  moment  sur 
le  marché  par  Law  (V.  ce  nom).  Le  commerce,  en  dépit  des 
règlements,  resta  prospère  jusqu'à  la  Révolution,  et  l'in- 
dustrie, particulièrement  celle  du  meuble,  produisit  des 
chefs-d'œuvre  qu'on  n'a  jamais  pu  égaler  depuis.  Les  pay- 
sans, en  revanche,  restèrent  très  misérables.  Les  entraves  à 
la  libre  circulation  des  grains,  que  Machault  et  Turgot 
essayèrent  en  vain  de  détruire,  gênaient  l'agriculture  et 
provoquèrent  des  famines.  Mais  ce  fut  la  situation  des 
finances  publiques  au  xvme  siècle  qui  tua  l'ancien  régime. 
En  1715,  le  Trésor  était  vide,  la  dette  formidable,  les 
impôts  écrasants  pour  le  tiers  état.  L'échec  du  système  de 


1045 


FRANCE 


Law  amena  une  banqueroute  partielle  et  rendit  désormais 
suspectes  les  réformes  financières.  Fleury  (1726-1743) 
les  évita  par  de  sévères  économies.  Machault  (1745-1754) 
s'attaqua  aux  privilégiés,  créa  un  impôt  général  du  ving- 
tième ;  mais  Machault  tomba  et  le  clergé  et  une  partie  de 
la  noblesse  se  firent  exempter  du  vingtième.  Terray  (1770- 
1774)  fit  banqueroute,  et  les  impôts  augmentaient  toujours 
et  le  déficit  subsistait.  Turgot  (1774-1776)  voulait  une 
révolution  ;  Louis  XVI  l'abandonna.  Necker,  directeur  des 
finances  de  1776  à  1781  et  rappelé  en  1788,  comprenait 
aussi  l'inutilité  des  expédients  et  ce  fut  lui  qui  décida  le 
roi  à  convoquer  les  Etats  généraux  pour  le  1er  mai  1789. 

Pendant  que  le  roi  s'ennuyait  à  Versailles  et  que  ses  mi- 
nistres travaillaient  en  vain  ou  ne  travaillaient  point,  le 
mécontentement  grandissait  dans  la  nation  et  se  précisait 
sous  la  plume  de  nos  écrivains.  Le-  xvme  siècle  français  est 
grand  par  ses  artistes  et  ses  savants,  admirés  et  fêtés  dans 
toute  l'Europe  ;  mais  c'est  surtout  par  les  idées  de  ses 
«  philosophes  »  que  la  France  domine  alors.  Les  principes 
de  tolérance  et  de  liberté  politique,  apportés  d'Angleterre, 
furent  exposés  avec  une  clarté  merveilleuse  par  Voltaire  et 
Montesquieu.  Ces  deux  grands  hommes  étaient  du  reste  des 
aristocrates,  qui  voulaient  des  réformes  et  non  une  révolu- 
tion ;  leurs  idées  furent  appliquées  à  l'étranger  par  les 
«  gouvernements  éclairés  ».  Puis  vinrent  Rousseau  et  Di- 
derot, eufants  du  peuple  et  révolutionnaires,  qui  récla- 
maient l'égalité.  En  même  temps,  les  économistes  deman- 
daient la  liberté  absolue  du  travail,  sans  toucher  du  reste 
au  droit  de  propriété,  qu'ils  regardaient  comme  naturel 
(V.  Voltaire,  Montesquieu,  Rousseau,  Diderot,  Boisguille- 
bert,  Vauban,  Gournay,Quesnay)  .Cesidées  pénétrèrent  dans 
toutes  les  classes  ;  elles  reçurent  bon  accueil  dans  la  noblesse, 
désœuvrée  et  sentimentale,  et  la  désarmèrent  pour  les  luttes  à 
venir;  elles  se  propagèrent  peu  à  peu  dans  le  tiers  état  et 
formèrent  des  démagogues  munis  d'arguments  abstraits  et 
nourris  dans  la  haine  du  passé;  elles  allaient  triompher  pen- 
dant la  Révolution  française,  qui  a  été  une  révolution  cons- 
ciente et  préparée  de  longue  main,  fait  unique  dans  l'histoire. 

La  politique  européenne,  simple  au  xvne  siècle,  devient 
compliquée  au  xvme.  La  Prusse  et  la  Russie  sont  entrées 
en  scène  et  les  questions  coloniales  surgissent.  La  France 
ne  dirige  plus  les  affaires  européennes  ;  mais,  très  puis- 
sante encore  malgré  tout,  elle  y  prend  part,  avec  des  alter- 
natives brusques  de  honte  et  de  gloire.  Depuis  la  mort  de 
Louis  XIV  jusqu'à  celle  de  l'empereur  Charles  VI,  la  grande 
question  en  Occident  est  le  règlement  définitif  de  la  suc- 
cession d'Espagne.  Elisabeth  Farnèse,  femme  de  Philippe  V, 
mit  à  plusieurs  reprises  le  continent  en  feu  pour  assurer  à 
ses  enfants  les  duchés  d'Italie.  Le  régent  et  Fleury  lui- 
même,  malgré  leur  amour  de  la  paix  et  leur  alliance  avec 
la  pacifique  Angleterre,  durent  se  mêler  à  ces  luttes  ;  la 
France  y  gagna  la  Lorraine,  qui  fut  définitivement  réunie 
en  1766  (V.  Louis  XV,  Lorraine,  Stanislas  Leczinski). 
Avec  l'acquisition  de  la  principauté  de  Dombes,  ce  fut  la 
la  dernière  annexion  continentale  avant  la  Révolution. 
Voici  donc  quelles  furent  les  limites  du  royaume  à  la  fin  de 
l'ancien  régime  :  de  l'Océan  au  Rhin,  la  frontière  suivait 
une  courbe  qui  laissait  à  la  France  Dunkerque,  Rerg,  Cas- 
sel,  Ar  m  entières,  Lille,  Condé,  Valenciennes,  Maubeuge  ; 
elle  enclavait  Marienbourg,  Philippeville  et  Givet  ;  puis  re- 
descendait le  long  de  la  rive  droite  de  la  Meuse,  en  conser- 
vant à  la  France  Charlemont,  Bouillon,  Montmédy  ;  mais 
elle  laissait  en  dehors  la  principauté  de  Charleville  et  le 
Luxembourg.  Puis  elle  gagnait  le  Rhin  à  la  hauteur  de  Lau- 
terbourg  ;  Landau  nous  restait  dans  le  Palatinat.  Après 
avoir  suivi  le  Rhin  de  Lauterbourg  à  Huningue,  la  limite 
se  dirigeait  vers  le  Jura,  laissant  en  dehors  le  comté  de 
Montbéliard  qui  appartenait  à  la  maison  de  Wurttemberg  ; 
puis  elle  atteignait  le  Rhône  en  enveloppant  Saint-Claude 
et  Gex,  suivait  le  fleuve  jusqu'au  coude  qu'il  fait  vers  l'O., 
puis  les  principales  crêtes  des  Alpes  entre  les  sources  de 
la  Durance  et  du  Pô,  pour  rejoindre  le  Var,  à  l'O.  du  comté 
de  Nice.  Le  Comtat-Venaissin  appartenait  au  pape  et  la 


principauté  de  Monaco  était  sous  la  garde  de  la  France. 
Au  S.,  la  frontière  laissait  à  la  France  Port-Vendres,  sui- 
vait les  Pyrénées,  puis  le  cours  de  la  Bidassoa. 

En  1740  se  posa  la  question  de  la  Silésie,  que  le  roi 
de  Prusse,  Frédéric  II,  avait  enlevée  à  Marie-Thérèse,  fille 
de  l'empereur  Charles  VI.  Entraîné  par  la  vieille  traéition 
de  la  lutte  contre  la  maison  d'Autriche,  Louis  XV  s'allia  à 
Frédéric  II,  mais  fit  la  guerre  «  pour  le  roi  de  Prusse  »  ; 
les  victoires  de  Maurice  de  Saxe  ne  rapportèrent  rien  à  la 
France  (1740-1748).  Pendant  la  guerre  de  Sept  ans, 
Louis  XV  s'allia  à  Marie-Thérèse  ;  il  ne  lui  rendit  pas  la 
Silésie;  ses  généraux  de  cour  se  firent  battre  en  Allemagne 
et  les  Anglais  nous  enlevèrent  nos  colonies  (V.  Louis  XV, 
Charles  VI,  Marie-Thérèse,  Frédéric  H,  Maurice  de 
Saxe).  François  Ier,  Henri IV,  Richelieu  et  Colbert  avaient 
fondé  notre  empire  colonial.  Les  traités  d'Utrecht  nous 
avaient  laissé  le  Canada,  la  Louisiane,  la  Guyane,  les  petites 
Antilles,  des  comptoirs  en  Afrique  et  dans  l'Inde.  Dupleix 
nous  aurait  donné  l'empire  des  Indes,  si  Louis  XV  l'avait 
voulu,  si  les  Français  s'étaient  alors  intéressés  aux  ques- 
tions coloniales.  Le  traité  de  1763  et  le  pacte  de  famille 
conclu  avec  l'Espagne  nous  firent  perdre  le  Canada,  la 
Louisiane,  une  partie  des  Antilles,  le  Sénégal  et  la  plupart 
de  nos  possessions  de  l'Inde  (V.  Colonisation).  Le  duc  de 
Choiseul  essaya  de  réparer  ces  hontes.  Il  réorganisa  l'ar- 
mée et  la  marine,  acheta  aux  Génois  la  Corse  et  la  conquit 
sur  les  habitants,  tenta  d'organiser  une  ligue  du  Sud  contre 
l'Angleterre  et  la  Russie.  Après  sa  chute,  d'Aiguillon 
laissa  démembrer  la  Pologne  (V.  Choiseul,  Corse,  Aiguil- 
lon, Pologne).  Sous  le  règne  de  Louis  XVI,  Vergennes 
entreprit  de  replacer  la  France  à  la  tète  de  l'Europe. 
Il  empêcha  l'empereur  Joseph  II  d'annexer  la  Bavière  et  arrêta 
ses  progrès  en  Turquie.  Enfin  it  soutint  contre  l'Angleterre 
les  colons  d'Amérique,  qui  n'auraient  jamais  pu,  sans  cet 
appui,  conquérir  leur  indépendance  ;  l'Angleterre  rendit  à  la 
France  le  Sénégal,  Tabago,  Sainte-Lucie,  Saint-Pierre  et 
Miquelon  (V.  Louis  XVI,  Vergennes,  Joseph  II,  Etats-Unis). 
Mais  ces  derniers  triomphes  de  la  dynastie  des  Bourbons 
coûtèrent  fort  cher  et,  en  augmentant  le  déficit,  contri- 
buèrent à  la  chute  de  la  monarchie.  Après  la  mort  de 
Vergennes  en  1787,  Louis  XVI  dut  renoncer  à  cette  sorte 
de  prééminence  en  Europe.  La  grandeur  de  la  France  allait 
renaître  par  la  Révolution.  Ch.  Petit-Dutaïllis. 

X.  La  Révolution  française. —  La  France  monar- 
chique et  féodale  de  1 789  fit  place  à  la  France  démocratique  et 
égalitaire  du  xixe  siècle.  Il  n'y  a  pas  d'exemple  d'une  trans- 
formation politique  et  sociale  aussi  radicale  accomplie  dans 
une  nation  en  si  peu  d'années  par  le  seul  jeu  des  forces 
intérieures,  sans  l'intervention  d'un  conquérant  étranger 
ou  d'une  religion  nouvelle.  La  Révolution  française  est  un 
des  plus  grands  événements  de  l'histoire.  Elle  n'est  pas 
simplement  un  événement  français;  elle  eut  une  influence 
universelle  et  marque  pour  les  peuples  civilisés  le  com- 
mencement d'une  ère  nouvelle.  Elle  fut  la  conséquence  d'un 
mouvement  philosophique  autant  que  politique  et  assit  la 
législation  sur  les  principes  du  droit  naturel  et  de  la  dis- 
cussion rationnelle.  A  cet  égard  la  Révolution  française  sera 
étudiée  dans  un  article  spécial  où  l'on  en  indiquera  les  ori- 
gines, les  causes  lointaines  ou  immédiates,  les  principales 
phases,  les  succès  et  échecs  partiels,  les  solutions  qu'elle 
tenta  de  donner  aux  problèmes  soulevés,  problèmes  poli- 
tiques, sociaux,  religieux,  etc.  ;  on  dira  aussi  ses  répercus- 
sions sur  l'Europe  et  le  reste  du  monde  (V.  Révolution 
française,  Classes  sociales,  Etat, Famille,  Femme,  etc.). 

Nous  n'avons  à  nous  occuper  ici  que  de  l'histoire  de  France . 
Nous  nous  bornerons  donc  à  retracer  sommairement  l'his- 
torique de  la  Révolution  française.  On  trouvera  des  détails 
très  complets  sur  l'œuvre  des  assemblées  révolutionnaires 
dans  les  articles  qui  leur  sont  consacrés  (V.  Assemrlée 
constituante,  Assemblée  législative,  Convention,  etc.)  et 
dans  l'art.  Constitution  où  est  exposé  le  mécanisme  des 
gouvernements  révolutionnaires;  sans  parler  des  biogra- 
phies et  notices  spéciales  (V.  Louis  XVI,  Mirabeau,  Robes- 


FRANCE 


1046  — 


pierre,  Bastille,  Cordeliers,  Ecole,  Fête,  Jacobins,  etc.). 
Néanmoins,  on  trouvera  dans  cette  partie  un  récit  plus 
complet  des  faits  que  dans  les  précédentes  parties  de  l'art. 
Frame  [Histoire],  attendu  que,  si  nous  pouvons  renvoyer 
au  nom  du  souverain  pour  le  règne  de  Napoléon  Ier  ou  de 
Louis-Philippe,  comme  pour  celui  de  Louis  XIV  ou  de 
Philippe  le  Bel,  ce  n'est  plus  le  cas  pour  le  gouvernement 
républicain,  collectif  et  anonyme.  C'est  donc  ici  qu'on  trou- 
vera le  récit  d'ensemble  des  faits  dont  les  articles  consa- 
crés aux  assemblées  et  aux  hommes  d'Etat  donneront  le 
détail  pour  la  politique  intérieure,  ceux  consacrés  aux 
guerres,  aux  militaires,  aux  traités  et  aux  diplomates  pour 
la  politique  extérieure.  Quant  aux  faits  économiques  et  so- 
ciaux, ils  sont  si  près  de  nous  que  les  articles  spéciaux  en 
renferment  F  historique  (V.  les  divers  paragraphes  de  l'art. 
France,  et  Famille,  Femme,  Classe,  Commerce,  Industrie, 
Contributions  ;  pour  l'administration,  on  le  trouvera  dans 
les  art.  Constitution,  Administration,  Commune,  Départe- 
ment, etc.,  et  dans  les  notices  relatives  à  chaque  ministère). 
La  formation  et  le  fonctionnement  actuel  des  institutions 
de  la  France  contemporaine  sont  abondamment  développés 
dans  un  grand  nombre  d'articles  de  la  Grande  Encyclo- 
pédie. Chaque  question  étant  traitée  à  sa  place,  il  ne  nous 
reste  ici  qu'à  retracer  la  série  des  faits  historiques  et  à  en 
montrer  l'enchaînement. 

Le  roi  et  la  cour  se  trouvèrent  vers  4788  acculés  par  le 
déficit  à  une  réforme  politique  -et  administrative.  Sous 
l'influence  des  idées  philosophiques,  la  plupart  des  monar- 
chies européennes  avaient  fait  des  tentatives  analogues  ; 
en  France  même  Turgot  et  Malesherbes  en  avaient  essayé 
"une  ;  là,  comme  dans  le  reste  de  l'Europe,  une  réaction 
avait  suivi  ;  mais  les  difficultés  financières  s'aggravant  d'an- 
née en  année,  tout  le  monde  reconnut  qu'il  était  impossible 
d'éviter  une  réorganisation.  A  bout  d'expédients,  Louis  XVI 
décida  la  convocation  des  Etats  généraux,  réclamée  par  le 
Parlement  et  par  Necker.  C'était  rendre  la  parole  à  la 
nation  et  la  charger  de  régler  ses  destinées  ultérieures. 
La  cour  ne  l'entendait  pas  ainsi  et  un  conflit  était  inévi- 
table entre  elle  et  les  députés  sur  l'étendue  des  pouvoirs 
de  ceux-ci.  Les  publicistes  les  revendiquaient  tous,  pro- 
clamant le  principe  de  la  souveraineté  du  peuple.  Les 
cahiers  des  Etats  généraux  prouvent  que  les  Français 
s'accordaient  à  demander  des  réformes  radicales  ;  s'inspi- 
rant  des  principes  du  droit  naturel  presque  universelle- 
ment admis  parles  gens  cultivés,  ils  exigent  l'égalité  devant 
la  loi  et  la  liberté  politique.  En  bien  des  points  les  trois 
ordres  s'assemblent  pour  réclamer  la  suppression  de  l'arbi- 
traire royal  et  administratif,  l'unité  de  législation  et  de 
juridiction,  l'admission  de  tous  aux  emplois,  la  répartition 
égale  des  impôts.  Le  bas  clergé  est  d'accord  avec  le  tiers 
état.  Cependant,  ailleurs,  l'antagonisme  se  marque  ;  la  no- 
blesse et  le  clergé  veulent  conserver  leurs  privilèges,  sur- 
tout en  matière  d'impôts  ;  l'intolérance  du  clergé  catho- 
lique se  manifeste.  Souvent  aussi  perce  le  particularisme 
des  provinces  pour  qui  la  liberté  serait  la  restauration  des 
prérogatives  locales,  sans  souci  de  l'unité  française.  En 
somme,  les  cahiers  demandent  une  révolution  sociale  abo- 
lissant le  régime  féodal  ;  sur  ce  point,  ils  devaient  obtenir 
toute  satisfaction;  quant  à  la  révolution  politique,  ils 
veulent  mettre  fin  à  la  monarchie  absolue,  mais  sans  sa- 
voir nettement  par  quoi  la  remplacer.  Il  y  faudra  quatre- 
vingts  ans  de  tâtonnements. 

Dès  la  première  séance  des  Etats  (5  mai  1789),  l'anta- 
gonisme fut  évident  entre  la  nation,  représentée  par  les 
députés  du  tiers,  et  le  roi,  champion  des  privilégiés.  De  suite 
apparurent  l'incapacité  de  Louis  XVI  et  de  ses  conseillers, 
leur  irrésolution,  leur  partialité  en  faveur  des  abus.  La 
lutte  s'engagea  d'abord  sur  l'organisation  de  l'assemblée. 
Serait-elle  une  ou  tripartite?  voterait-elle  par  tête  ou  par 
corps  ?  Dans  la  seconde  hypothèse  les  deux  ordres  privi- 
légiés auraient  tenu  en  échec  le  tiers  état,  c.-à-d.  la  na- 
tion. C'était  la  lutte  entre  le  droit  ancien  et  le  droit  nou- 
veau; pour  les  uns,  il  s'agissait  d'une  consultation  des 


Etats  généraux  par  le  roi  ;  pour  les  autres,  de  la  réunion 
d'une  Assemblée  nationale.  La  double  représentation  ac- 
cordée au  tiers  état  prouvait  que  le  vote  par  tête  et  l'as- 
semblée unique  étaient  la  solution  légitime.  Elle  prévalut, 
et  ce  premier  combat  décida  du  sort  de  la  monarchie  bour- 
bonienne. Le  17  juin,  les  députés  du  tiers,  sur  le  conseil  de 
Sieyès  et  de  Mirabeau,  se  constituèrent  en  Assemblée  natio- 
nale ;  «  ils  sortirent  à  jamais  du  cercle  des  formalités  où 
les  classes  privilégiés  croyaient  les  avoir  enfermés  ».  Ce 
jour  naquit  la  France  nouvelle.  Du  même  coup  fut  tran- 
chée par  la  négative  la  question  de  savoir  s'il  y  aurait  une 
aristocratie  en  France.  On  dépassa  le  régime  de  la  consti- 
tution anglaise  et  des  deux  Chambres,  où  les  pairs,  héritiers 
d'un  privilège  séculaire,  subsistent  en  face  des  Communes. 
Contre  l'opposition  du  roi,  les  députés  se  lient  par  le  ser- 
ment du  Jeu  de  paume  (20  juin)  ;  ils  lui  tiennent  tête  le 
23  juin  et  remportent  une  première  victoire  morale.  L'an- 
cien régime  prenait  fin.  La  direction  passait  à  l'Assemblée. 
Il  n'y  avait  plus  de  recours  que  dans  la  puissance  des 
baïonnettes,  Le  roi  réunit  autour  de  Paris  des  mercenaires 
étrangers.  Mais  la  ville  se  soulève  autour  des  agitateurs 
du  Palais-Royal  (résidence  du  duc  d'Orléans)  ;  elle  adopte 
la  cocarde,  arme  une  milice,  élit  une  municipalité  et  ré- 
pond au  renvoi  de  Necker  par  la  prise  de  la  Bastille 
(14  juil.).  Dans  toute  la  France  s'organisent  des  munici- 
palités et  des  gardes  nationales.  D'un  seul  coup  l'autorité 
royale  est  brisée  et  les  novateurs  sentent  qu'ils  ont  aussi 
bien  la  force  que  le  droit.  Louis  XVI  s'incline,  rappelle 
Necker,  nomme  Bailly  maire  de  Paris,  Lafayette  comman- 
dant de  la  garde  nationale.  Les  coryphées  du  parti  réac- 
tionnaire, le  comte  d'Artois,  les  princes  de  Condé  et  de 
Conti,  Polignac,  Breteuil,  Broglie,  donnent  le  signal  de 
l'émigration  ;  les  privilégiés  vont  s'armer  contre  la  patrie 
et  armer  l'étranger  contre  elle  pour  la  défense  des  abus 
dont  ils  vivaient.  Ainsi  se  consomme  la  rupture  entre  l'an- 
cien régime  et  la  France  démocratique. 

L'Assemblée  nationale  pose  les  fondements  du  nouveau 
régime  dans  l'immortelle  Déclaration  des  droits  de  l'homme. 
Dans  le  pays  entier  les  populations  secouent  le  joug  dé- 
testé des  servitudes  féodales;  leur  exaspération,  aggravée 
par  la  famine,  effraye  les  nobles,  et  dans  la  nuit  du  4  août 
ils  abandonnent  volontairement  leurs  privilèges  :  corvée, 
droits  seigneuriaux,  dîmes,  cens  disparaissent.  Corpora- 
tions, villes,  provinces  les  imitent,  et  cet  élan  unanime 
consacre  l'affranchissement  du  travail ,  l'égalité  civile , 
l'unité  de  la  patrie .  La  révolution  civile  est  consommée  ; 
elle  se  fait  avec  le  concours  de  tous,  sans  résistance.  On 
constate  la  fin  de  l'antique  inégalité.  Restait  le  problème 
de  la  liberté  politique,  bien  autrement  difficile. 

Le  conflit  avec  la  cour  reparut  lorsqu'on  discuta  les  con- 
ditions de  la  monarchie  constitutionnelle.  Les  Parisiens 
viennent  chercher  le  roi  à  Versailles  et  l'emmènent  à  Pa- 
ris ;  l'Assemblée  l'y  suit  ;  désormais  les  pouvoirs  publics 
seront  sous  la  main  du  peuple  et  de  ses  chefs.  Désormais 
entre  ceux-ci  et  le  roi  nulle  réconciliation  possible  ;  pour- 
tant on  n'eut  pas  l'énergie  de  se  séparer  de  l'ancienne  dy- 
nastie ;  on  laissa  le  fer  dans  la  plaie.  La  monarchie  cons- 
titutionnelle, possible  avec  le  duc  d'Orléans,  était  absurde 
avec  Louis  XVI  ;  l'Assemblée  passera  dix-huit  mois  à  orga- 
niser cette  absurdité,  tandis  que  le  roi  et  surtout  la  reine 
Marie-Antoinette  conspirent  avec  l'étranger  la  destruction 
du  système  qu'on  élabore.  La  constitution  de  1791  était 
condamnée  d'avance,  mort-née. 

Cependant  se  poursuivaient  les  travaux  de  la  Constituante. 
Pièce  à  pièce  elle  démolissait  l'organisation  existante.  Elle 
compléta  la  révolution  sociale  en  mettant  les  biens  du 
clergé  à  la  disposition  de  la  nation.  Leur  vente  devait 
mettre  un  tiers  du  sol  aux  mains  des  paysans  et  réaliser 
pour  la  majorité  des  Français  un  progrès  immense  qui  fut 
la  principale  sauvegarde  du  nouveau  régime.  Pour  mobi- 
liser ce  capital  foncier,  on  crée  les  assignats,  papier-monnaie 
qui  fut  la  principale  et  périlleuse  ressource  des  gouvernements 
de  la  Révolution  française.  L'organisation  administrative  et 


—  1047 


FRANCE 


judiciaire  est  entièrement  refondue  ;  on  fait  table  rase  du 
passé.  Aux  pouvoirs  délégués  par  le  roi,  souverain  absolu, 
on  substitue  des  pouvoirs  électifs.  Mais,  en  même  temps 
qu'on  accomplit  ce  travail  de  décentralisation,  on  réagit 
contre  le  particularisme  provincial. 

La  révolution  territoriale  s'exécuta  si  facilement  qu'on 
n'en  aperçoit  pas  toujours  la  portée.  «  Changer  la  face  du 
territoire,  effacer  jusqu'au  nom  des  provinces,  y  substituer 
arbitrairement  quatre-vingt-trois  départements  semble  le 
comble  de  l'audace.  Mirabeau,  lui-même  pensait  qu'un  pa- 
reil bouleversement  ne  se  ferait  pas  sans  arracher  des  cris 
aux  pierres,  et  qu'il  serait  nécessaire  de  tenir  plus  de 
compte  des  anciens  liens  historiques.  Mirabeau  se  trompait. 
Il  ne  fallut  à  l'Assemblée  qu'un  décret* pour  effacer  les 
provinces,  œuvre  des  siècles.  Elle  ne  trouva  plus  dans 
toute  la  France  qu'une  table  rase,  où  elle  put  se  jouer  des 
souvenirs,  des  traditions,  sans  rencontrer  un  seul  obstacle, 
comme  si  la  France  n'avait  eu  aucun  passé.  Ce  changement, 
en  apparence  le  plus  grand  de  tous,  et  qui  paraissait  au- 
dessus  des  forces  humaines,  s'accomplit  sans  rencontrer 
aucune  difficulté.  Les  provinces  s'évanouirent  et  n'exci- 
tèrent aucun  regret.  Ce  qui  dans  d'autres  peuples  a  été  à 
peine  possible  par  des  invasions,  des  exterminations  sécu- 
laires, des  cataclysmes  qui  avaient  aboli  la  géographie 
historique  avec  la  mémoire  des  races  humaines,  n'exigea 
en  France  qu'un  arrêté  de  quelques  lignes.  Deux  choses 
opérèrent  ce  prodige  chez  les  Français  :  premièrement  le 
désir,  qu'aucun  peuple  n'eut  au  même  degré,  de  s'unir 
étroitement,  de  se  pénétrer  d'une  frontière  à  l'autre,  de 
n'avoir  partout  qu'un  cœur  et  une  âme  ;  et  ce  fut  là  une 
des  inspirations  sacrées  de  la  Révolution.  Deuxièmement, 
ce  désir  de  se  fondre  en  un  seul  corps  trouva  une  singu- 
lière facilité  dans  le  délabrement  et  la  ruine  morale  ou  la 
royauté  avait  conduit  les  provinces.  »  (E.  Quinet.)  Ceci 
fut  probablement  un  mal,  car  le  pays  se  trouva  à  la  merci 
de  sa  capitale.  L'effort  décentralisateur  de  la  Constituante 
ne  suffit  pas  à  garantir  les  libertés  locales  ;  l'autonomie  qui 
est  la  seule  forme  de  la  liberté  politique  et  les  cadres 
qu'elle  avait  tracés  devinrent  dix  ans  après  ceux  d'un  des- 
potisme centralisé.  —  L'organisation  judiciaire  qui  devait 
subir  aussi  la  même  adultération  n'en  demeure  pas  moins 
une  des  œuvres  les  plus  admirables  des  constituants.  Elle 
a  servi  de  modèle  aux  autres  peuples  européens  ;  l'adop- 
tion du  jury,  la  suppression  de  la  justice  médiévale  avec  la 
torture  et  le  secret,  des  juridictions  spéciales  et  de  la  véna- 
lité des  offices  furent  des  bienfaits  inappréciables  ;  la  nouvelle 
classification  des  tribunaux  a  servi  de  type;  enfin  l'élection 
de  la  magistrature  était  la  garantie  des  libertés  publiques 
(pour  les  détails,  V.  Constitution  et  les  articles  spéciaux 
Administration,  Département,  Cassation,  Cour,  etc.). 

Un  redoutable  problème  se  posa  quand  il  fallut  procéder 
à  la  réorganisation  religieuse.  L'Assemblée  ne  songea  pas 
à  vivifier  les  institutions  nouvelles  par  des  croyances  con- 
formes ;  elle  ne  s'attaqua  pas  à  la  religion  catholique  pro- 
tectrice de  beaucoup  des  abus  qu'elle  déracinait;  elle 
n'aborda  pas  cette  question  du  gouvernement  spirituel 
dont  Auguste  Comte  a  si  bien  démontré  l'importance 
(V.  Etat)  ;  elle  voulut  simplement  faire  entrer  l'Eglise 
dans  les  nouveaux  cadres  ;  elle  n'y  put  parvenir.  La  cons- 
titution civile  du  clergé  ne  touchait  pas  au  dogme;  elle 
assimilait  les  fonctionnaires  ecclésiastiques  aux  autres  ;  les 
prêtres,  les  évêques  (un  par  département)  devaient  être 
élus  par  les  fidèles.  Le  clergé  résista  et  les  premiers  symp- 
tômes de  la  guerre  civile  se  manifestèrent. 

De  part  et  d'autre  on  rassemblait  ses  forces  pour  la 
lutte  décisive.  L'anarchie  déchaînée  par  l'effondrement  de 
l'autorité  royale  était  inquiétante.  On  compléta  l'organisa- 
tion des  municipalités,  et  la  fédération  des  gardes  natio- 
nales de  la  France  entière  (14  juil.  1790)  affirma  l'en- 
thousiasme général  pour  les  idées  nouvelles  (V.  Fête). 
Mais  à  la  frontière  les  émigrants  s'armaient  :  Condé  à 
Worms,  le  comte  d'Artois  à  Coblentz;  les  deux  tiers  du 
clergé  avaient  refusé  le  serment,  et  les  clubs,  dont  celui 


des  Jacobins  fut  le  plus  fameux,  n'avaient  pas  encore 
étendu  sur  toute  la  France  le  réseau  des  associations  dé- 
mocratiques ;  Louis  XVI  jugea  le  moment  venu  de  prendre 
la  tête  de  la  contre-révolution  et  s'enfuit  de  Paris  vers 
l'armée  de  Rouillé  (20  juin  1791).  Arrêté  à  Varennes,  il 
fut  ramené  à  Paris,  mais  dès  lors  ne  fut  plus  roi  que  de 
nom.  On  n'osa  pourtant  proclamer  la  République  dont  les 
partisans  furent  massacrés  au  Champ  de  Mars  (17  juil. 
1791).  On  s'en  tint  à  l'équivoque  de  la  monarchie  consti- 
tutionnelle, avec  un  roi  gardé  à  vue  dans  les  Tuileries. 
Les  royalistes  émigrent  en  masse,  prétendent  former  au 
delà  de  la  frontière  une  «  France  extérieure».  On  mar- 
chait à  la  guerre  civile  et  à  la  guerre  étrangère. 

Les  souverains  étrangers  se  sentaient  menacés  par  les 
idées  révolutionnaires  proclamées  vérités  universelles.  La 
Constituante  les  avait  liés  directement  par  l'annexion  du 
Comtat-Venaissin  enlevé  au  pape  après  les  massacres 
d'Avignon,  par  la  suppression  des  droits  féodaux  et  terri- 
toriaux des  princes  allemands  en  Alsace  et  en  Lorraine, 
droits  garantis  par  les  traités  de  Westphalie.  L'empereur 
Léopold  était  aussi  sollicité  d'intervenir  par  les  émigrés, 
par  Marie-Antoinette  et  Louis  XVI.  Il  engagea  tous  les 
monarques  européens,  par  une  lettre-circulaire,  à  regar- 
der comme  leur  la  cause  du  roi  de  France  (6  juil.  1791). 
Le  roi  de  Prusse  entra  dans  ces  vues  et  le  congrès  de  Pil- 
nitz  leur  donna  une  sanction  officielle  (27  août  1794). 

L'Assemblée  législative  qui  s'ouvrit  alors  releva  le  gant. 
Les  girondins,  arrivés  au  ministère,  firent  déclarer  la  guerre 
à  l'Autriche,  décision  dont  nul  ne  pouvait  pressentir  la 
portée  et  qui  détermina  tout  l'avenir  de  la  Révolution  et 
de  la  France  ;  de  là  sortirent  la  Terreur,  puis  l'Empire. 
La  guerre  débuta  par  des  échecs  en  Relgique.  Le  désac- 
cord entre  le  roi  et  l'Assemblée  paralysait  le  gouverne- 
ment. Malgré  l'enthousiasme  populaire  qui  se  traduisait 
par  la  Marseillaise,  les  armées  allemandes  envahissent  la 
France.  La  démocratie  parisienne  renverse  alors  la  mo- 
narchie, le  10  août  1792,  terrifie  ses  ennemis  par  les  mas- 
sacres de  Septembre,  répondant  à  la  trahison  qui  livrait 
Longwy  et  Verdun  et  à  l'insolent  manifeste  du  duc  de 
Rrunswick.  Dumouriez  arrête  celui-ci  dans  les  défilés  de 
l'Argonne,  et  la  canonnade  de  Valmy  prouve  la  solidité  de 
la  jeune  armée  révolutionnaire  (19  sept.  1792).  Les  Prus- 
siens reculent.  Les  Français  occupent  la  rive  gauche  du 
Rhin,  Spire,  Mayence  ;  la  victoire  de  Jemmapes  leur  livre 
la  Relgique.  Partout  ils  sont  accueillis  en  libérateurs.  La 
Convention  promulgue  son  fameux  décret  promettant  l'ap- 
pui de  la  France  à  tous  les  peuples  qui  veulent  conquérir 
la  liberté.  La  Savoie,  Nice,  se  donnent  ;  on  en  forme  les 
nouveaux  dép.  du  Mont-Blanc  et  des  Alpes-Maritimes. 

A  l'intérieur,  la  République  avait  été  proclamée  par  la 
Convention  dès  sa  première  séance  ;  on  s'était  occupé  du 
procès  de  Louis  XVI  qui  fit  passer  l'ascendant  des  giron- 
dins aux  montagnards.  Condamné  à  mort,  le  roi  fut  exé- 
cuté le  21  janv.  1793.  Toute  transaction  devenait  impos- 
sible entre  les  révolutionnaires  et  les  royalistes.  Ce  fut  le 
signal  de  la  guerre  européenne  ;  l'Angleterre,  la  Hollande 
et  l'Espagne  entrèrent  dans  la  coalition.  La  campagne  de 
1793  commença  mal,  malgré  l'abstention  de  la  Prusse, 
qu'absorbaient  les  affaires  de  Pologne.  La  défaite  de  Neer- 
winden  (18  mars  1793)  et  la  trahison  de  Dumouriez 
firent  perdre  la  Belgique.  Mayence  fut  repris  par  les  Alle- 
mands (12  juil.).  Derrière  la  frontière  artificielle  construite 
par  Vauban,  les  armées  nationales  se  défendent  pénible- 
ment, tandis  que  les  alliés  font  lentement  le  siège  des 
forteresses.  Les  discordes  civiles  aggravent  le  péril.  La 
Commune  de  Paris  et  les  montagnards  de  la  Convention, 
Danton,  Robespierre,  se  débarrassent  des  girondins.  La 
réorganisation  du  gouvernement  avec  le  tribunal  révolu- 
tionnaire et  le  comité  de  Salut  public  (V.  Constitution) 
prépare  la  Terreur  ;  l'insurrection  du  31  mai,  par  laquelle 
la  Commune  chasse  les  girondins  de  l'Assemblée,  livre 
le  pouvoir  aux  jacobins.  Mais  dans  les  départements  les 
royalistes  et  les  modérés  prennent  les  armes  contre  le 


FRANCE 


1048  - 


gouvernement  parisien.  La  Normandie,  la  Bretagne,  la  Ven- 
dée, Lyon,  les  villes  du  Rhône  et  de  la  Méditerranée,  Bor- 
deaux et  le  Sud-Ouest  sont  insurgés.  La  Convention  fait  face 
atout,  lève  quatorze  armées,  écrase  et  épouvante  les  résis- 
tances. La  Normandie  est  soumise;  Bordeaux,  Lyon,  Mar- 
seille sont  repris,  Toulon  livré  aux  Anglais  est  reconquis 
(déc.  4793).  En  Bretagne,  les  chouans  ne  sont  que  gê- 
nants ;  il  n'y  a  de  véritable  guerre  qu'en  Vendée  (V.  ce 
mot)  ;  les  campagnes  catholiques  luttent  contre  les  villes 
républicaines  et  tiennent  tète  aux  armées  régulières.  Après 
quelques  mois  de  carnage,  80,000  Vendéens  passent  la 
Loire  ;  leur  grande  armée  est  décimée  dans  le  Maine  et  la 
Bretagne  orientale,  finalement  exterminée  (déc.  d 793).  La 
guerre  continue  en  Vendée,  mais  sans  danger. 

Pendant  ces  combats  épiques,  l'ennemi  extérieur  avait 
également  été  vaincu.  Les  représentants  en  mission  avaient 
coopéré  à  l'armée  avec  les  généraux  nouveaux,  Pichegru, 
Jourdan,  Hoche,  auxquels  Carnot  donnait  la  direction.  La 
levée  de  300,000  hommes  en  février  Ja  levée  en  masse  en 
août  fournirent  des  soldats  animés  d'un  enthousiasme  qui 
les  fit  invincibles.  Les  vieilles  armées,  la  vieille  tactique,  ne 
purent  leur  tenir  tète.  La  victoire  deHondschoote  débloque 
Dunkerque;  celle  de  Waltignies,  Maubeuge.  En  4794,  les 
victoires  de  Tourcoing  et  de  Fleurus  rendent  la  Belgique 
aux  Français.  La  mésintelligence  des  coalisés  achève  leur 
défaite.  La  rive  gauche  du  Rhin,  la  Hollande,  sont  conquises. 

A  l'intérieur  la  Terreur  est  entretenue  par  les  supplices; 
la  guillotine  est  dressée,  en  permanence,  à  Paris  et  dans  la 
province  ;  Marie-Antoinette,  les  girondins,  le  duc  d'Or- 
léans sont  exécutés.  Les  montagnards  se  divisent  alors.  Le 
vertueux  Robespierre  fait  monter  sur  l'échafaud  les  héber- 
listes  énergumènes  et  les  dantonistes  qui  inclinaient  à  la 
modération.  Les  fournées  de  condamnés  se  multiplient  jus- 
qu'au 9  thermidor  où  le  dictateur  populaire  est  renversé 
par  la  Convention  et  exécuté  avec  ses  partisans.  A  travers 
ces  atrocités,  qu'inspirait  la  crainte  maladive  delà  trahison 
étrangère,  se  déroule  l'œuvre  constructrice  de  la  Convention. 
Elle  se  butta  à  la  question  religieuse.  Pour  compléter  la 
Révolution,  il  eût  fallu  une  croyance  nouvelle, un  nouveau 
culte.  On  ne  put  en  trouver.  Le  culte  de  la  Raison  essayé 
par  Chaumette  et  Hébert  parut  extravagant;  Robespierre  ne 
réussit  pas  mieux  avec  celui  de  l'Etre  suprême.  Ces  échecs,  la 
résistance  de  la  Vendée,  la  prédilection  de  la  majorité  des 
fidèles  pour  les  prêtres  insermentés,  démontrent  que  le  catho- 
licisme survit.  La  réaction  commence  au  9  thermidor.  Les 
chefs  du  mouvement  révolutionnaire  s'étaient  entr'égorgés  ; 
les  résultats  ne  répondaient  pas  aux  sacrifices.  Le  parti  répu- 
blicaiase  trouva  décapité  ;  ses  principaux  défenseurs  avaient 
disparu  ;  une  cause  ne  peut  guère  survivre  aux  hommes  qui 
la  personnifiaient  ;  les  idées  ne  se  défendent  pas  toutes  seules. 

La  réaction  fut  lente,  accidentée,  mais  presque  continue 
et  aboutit  à  la  dictature  militaire.  Les  thermidoriens 
achèvent  l'écrasement  des  jacobins  ;  la  «  jeunesse  dorée  » 
ferme  leur  club  ;  les  insurrections  du  4  2  germinal  et  du 
4cr  prairial  sont  vaincues  et  les  derniers  montagnards 
n'échappent  à  l'échafaud  que  par  le  suicide.  Les  royalistes, 
groupés  au  club  de  Clichy,  tentent  un  retour  oflensif  ;  mais 
le  jeune  Louis  XVII  meurt  au  Temple  ;  les  émigrés  débar- 
qués à  Quiberon  sont  exterminés;  l'insurrection  monar- 
chiste du  \  3  vendémiaire  est  balayée;  Hoche  pacifie  la  Ven- 
dée. La  Convention  se  sépare  après  avoir  élaboré  une 
constitution  nouvelle  (V.  Constitution),  préparé  le  code 
civil,  créé  le  grand-livre  de  la  dette  publique  (V.  Dette) 
et  nos  principaux  établissements  d'enseignement  supérieur 
(V.  Ecole,  École  polytechnique,  Conservatoire  des  arts 
et  métiers),  l'Institut  (V.  Académie),  etc.  Cette  «  assem- 
blée de  géants  »  avait  assuré  à  la  France  l'hégémonie  de 
l'Europe.  Le  traité  de  Bâle  avec  la  Prusse  avait  garanti  la 
conquête  de  la  rive  gauche  du  Rhin  ;  le  traité  avec  l'Espagne 
achevait  la  rupture  de  la  coalition.  Il  est  vrai  que  l'Angleterre 
avait  détruit  notre  marine  et  occupé  nos  colonies. 

Le  Directoire  comprenait  un  pouvoir  exécutif  de  cinq 
membres  superposé  à  deux  conseils  législatifs  (V.  Consti- 


tution, Directoire,  Conseil  des  Anciens,  Conseil  des 
Cinq-Cents).  Ce  fut  un  régime  anarchique  et  impuissant, 
tiraillé  entre  les  partis  extrêmes  et  entre  les  ambitions 
personnelles.  Il  ne  put  donner  au  peuple  le  calme  qu'il 
réclamait  pour  organiser  la  société  nouvelle.  Les  difficultés 
financières  restaient  inextricables,  malgré  les  bénéfices  des 
conquêtes;  l'émission  des  assignats, effroyablement  dépré- 
ciés, les  avait  aggravées  ;  on  finit  par  une  banqueroute 
des  deux  tiers  (V„  Dette)  .  Le  gouvernement  frappa  suc- 
cessivement les  babouvistes  et  la  majorité  monarchiste  des 
deux  Conseils  par  le  coup  d'Etat  du  48  fructidor  (4797). 
L'impopularité  du  Directoire  était  complète,  malgré  les  vic- 
toires extérieures.  Jourdan  et  Moreau  avaient  été  repous- 
sés de  Bavière  par  l'archiduc  Charles  (4796-97),  mais 
Hoche  envahit  l'Allemagne  centrale;  Bonaparte  conquit 
l'Italie  et  imposa  à  l'Autriche  la  paix  de  Campo-Formio 
(4797).  La  République  française  s'entourait  d'une  ceinture 
de  républiques  vassales  :  batave,  cisalpine,  romaine,  dé- 
mocratisait la  Suisse  devenue  République  helvétique.  Bo- 
naparte tente  l'expédition  d'Egypte  ;  sa  victoire  des  Pyra- 
mides est  annulée  par  la  perte  de  la  flotte  française  que 
Nelson  détruit  à  Aboukir;  il  échoue  en  Syrie  devant  Saint- 
Jean-d'Acre  et  rentre  en  France  (4799);  ses  lieutenants 
reperdent  l'Egypte  (4804).  Cependant  en  Europe  la  guerre 
avait  recommencé.  Souvarov  chassa  les  Français  d'Italie  ; 
Masséna  défit  en  Suisse  les  armées  russe  et  autrichienne 
(sept.  4799).  Brune  défit  en  Hollande  les  armées  anglo- 
russes.  Néanmoins,  tout  le  monde  souhaitait  la  fin  de 
l'anarchie  et  un  gouvernement  fort.  Sieyès,  d'accord  avec 
les  financiers,  cherchait  une  épée.  Il  choisit  Bonaparte  qui 
mit  fin  au  Directoire  par  le  coup  d'Etat  du  48  brumaire. 
L'importance  croissante  de  l'élément  militaire  rendait  fatal 
ce  dénouement.  La  Terreur  seule  avait  contraint  les  géné- 
raux à  l'obéissance  ;  sous  le  Directoire,  ces  roseaux  de  fer 
se  redressent.  En  face  d'un  pouvoir  divisé  et  impuissant, 
l'armée  se  substitue  à  la  nation.  Bonaparte  recueillit  le 
fruit  de  la  réaction. 

Voici  quelle  était  alors  l'étendue  du  territoire  français, 
telle  que  la  République  le  transmit  au  dictateur.  Aux 
quatre-vingt-trois  départements  créés  le  47  janv.  4790 
s'en  étaient  ajoutés  vingt-deux  autres.  Les  premiers  étaient: 
Nord,  Pas-de-Calais,  Somme,  Seine-Inférieure,  Eure,  Cal- 
vados, Orne,  Manche,  Seine,  Seine-et-Oise,  Seine-et-Marne, 
Oise,  Aisne ,  Ardennes,  Haute-Marne ,  Marne ,  Aube, 
Meuse,  Moselle,  Meurthe,  Vosges,  Bas-Rhin,  Haut-Rhin, 
Haute-Saône,  Jura,  Doubs,  Ain,  Saône-et-Loire,  Côte- 
d'Or,  Yonne,  Nièvre,  Cher,  Indre,  Loiret,  Loir-et-Cher, 
Eure-et-Loir,  Indre-et-Loire,  Maine-et-Loire,  Mayenne, 
Sarthe,  Ille-et-Vilaine,  Côtes-du-Nord,  Finistère,  Mor- 
bihan, Loire-Inférieure,  Vienne,  Deux-Sèvres,  Vendée, 
Charente-Inférieure,  Charente,  Haute- Vienne,  Corrèze, 
Creuse,  Allier,  Puy-de-Dôme,  Cantal,  Rhône-et-Loire, 
Dordogne,  Gironde,  Landes,  Gers,  Hautes-Pyrénées,  Lot- 
et-Garonne ,  Aveyron,  Lot,  Basses-Pyrénées,  Ariège, 
Pyrénées-Orientales,  Haute-Garonne,  Tarn,  Aude,  Lozère, 
Hérault,  Gard,  Ardèche,  Haute-Loire,  Drôme,  Isère, 
Hautes -Alpes,  Basses  -  Alpes,  Bouches-du-Rhône,  Var, 
Corse.  —  La  Corse  fut  divisée  en  deux  départements  : 
Golo  (ch.-l.  Bastia)  et  Liamonc  (ch.-I.  Ajaccio)  ;  Rhône- 
et-Loire  fut  divisé  en  deux  départements  :  Rhône  (ch.-l. 
Lyon),  Loire  (ch.-l.  Montbrison)  ;  le  Comtat-Venaissin, 
réuni  en  4794,  forma  le  dép.  de  Vaucluse;  la  Savoie, 
réunie  en  4792,  celui  du  Mont-Blanc;  le  comté  de  Nice 
(4792),  celui  des  Alpes-Maritimes.  Plus  tard  fut  créé  celui 
du  Léman  avec  Genève  pour  chef-lieu.  Les  traités  de  Bâle 
et  de  Campo-Formio,  qui  portèrent  la  frontière  au  Rhin, 
entraînèrent  la  création  de  quinze  nouveaux  départements, 
dont  voici  la  liste  ainsi  que  celle  des  pays  dont  on  les  forma  : 

Départements.  Chefs-lieux.  Pays  d'origine. 

Lys 'Bruges.  Flandre. 

Escaut Gand.  Flandre  et  Brabant. 

Jemmapes Mons.  Hainaut. 

Dyle Bruxelles.  Brabant. 


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FRANCE 


Départements.        Chefs-lieux. 

Deux-Nèthes Anvers. 

Sambre-et-Meuse .  Namur. 

Forêts Luxembourg. 

Ourthe Liège. 

Meuse-Intérieure  .  Maestricht. 

Bouches-de-1'Escaut  Middlebourg. 

Bouches-du-Rhin  .  Bois-le-Duc. 

Sarre Trêves. 

Mont-Tonnerre...  Mayence. 


Pays  d'origine. 
Anvers. 
Namur. 
Luxembourg. 
Liège. 
Limbourg. 
Zélande. 

Brabant  septentrional . 
Trêves,  Dx-Ponts,  etc. 
Palatinat ,    Mayence. 


Roër Aix-la-Chapelle.  Gueldre,  Juliers,  etc. 

Rhin-et-Moselle  . .  Coblentz.  Cologne,  etc. 

Ces  annexions  avaient  tous  les  caractères  d'acquisitions 
définitives.  Les  populations  étaient  dévouées  à  la  France 
qui  les  avait  délivrées  de  l'oppression  féodale  ;  elles  avaient 
avec  les  lois  et  les  institutions  françaises  (qu'elles  ont 
conservées)  pris  le  patriotisme  français,  et  il  fallut,  après 
la  tyrannie  impériale,  un  demi-siècle  pour  le  leur  faire 
oublier.  Ainsi,  la  Révolution  avait,  en  quelques  années, 
obtenu  ce  que  n'avaient  pu  faire  les  rois  depuis  des  siècles. 
On  ne  saurait  trop  déplorer  l'ambition  égoïste  du  soldat 
qui  compromit  ces  merveilleux  résultats. 

XI.  Le  Consulat.  L'Empire.  —  La  constitution  de 
l'an  VIII  consacre  la  révolution  civile,  mais  abolit  la  liberté  poli- 
tique et  restaure  la  monarchie  ;  non  seulement  elle  concentre 
le  pouvoir  exécutif  aux  mains  du  premier  consul,  mais  elle 
réorganise  l'administration  de  telle  manière  que  tout  émane 
de  lui  ;  les  électeurs  n'ont  qu'un  rôle  illusoire.  Les  cadres 
tracés  par  la  Constituante  furent  conservés,  mais  aux  admi- 
nistrations collectives  on  substitue  des  délégués  du  maître  : 
le  préfet,  le  sous-préfet,  le  maire.  «  La  confiance  doit  venir 
d'en  bas,  l'autorité  d'en  haut  ;  délibérer  est  le  fait  de  plu- 
sieurs, agir  le  fait  d'un  seul  »  :  telles  sont  les  maximes 
fondamentales  du  régime  établi  alors  et  qui  est  resté  celui 
de  l'administration  française.  La  magistrature  est  hiérar- 
chisée par  la  création  des  cours  d'appel  (V.  Appel  et  Cour)  ; 
les  juges  sont  nommés  à  vie  par  le  monarque.  Les  finances 
sont  réorganisées  conformément  au  nouveau  système  ;  l'ad- 
ministration financière  de  l'an  VIII  est  restée  celle  de  la 
France  et  la  plus  parfaite  du  monde  ;  le  grand-livre,  la 
caisse  d'amortissement,  la  Banque  de  France  en  facilitent 
et  assurent  le  jeu  régulier.  Les  transformations  sociales 
réalisées  par  la  Révolution  française  sont  inscrites  dans 
les  codes  élaborés  sous  le  Consulat  (V.  Code).  Bonaparte 
se  procure  l'appui  de  l'Eglise  catholique  en  lui  restituant 
sa  situation  officielle  par  le  Concordat  (V.  ce  mot).  Il 
essaye  d'asservir  l'enseignement  par  la  création  des  lycées, 
en  attendant  celle  de  l'Université.  Il  espère  trouver  une 
nouvelle  noblesse  dans  sa  Légion  d'honneur  (1802). 

D'éclatantes  victoires  l'avaient  consolidé  au  dehors.  Les 
Autrichiens  battus  à  Marengo  et  à  Hohenlinden  signent  la 
paix  de  Lunéville  (1804);  l'Angleterre,  celle  d'Amiens  qui 
rend  à  la  France  ses  colonies.  Les  conquêtes  territoriales  de 
la  Révolution  étaient  consacrées  aussi  bien  que  ses  con- 
quêtes sociales.  «  La  Révolution  est  fixée  aux  principes 
qui  l'ont  commencée  ;  elle  est  finie  »,  proclame  le  maître; 
et  il  rétablit  la  monarchie  en  se  faisant  donner  le  Consulat 
à  vie  (1802).  La  même  année  il  rompt  avec  l'Angleterre  et 
recommence  une  guerre  qui  ne  devait  finir  qu'avec  sa  chute. 
Menacé  par  des  conspirateurs,  il  les  terrorise  par  l'assas- 
sinat du  duc  d'Enghien  et  de  Pichegru  et  se  fait  donner  le 
titre  d'empereur.  L'Empire  héréditaire  dans  la  famille  des 
Bonaparte  ne  fut  pas  autre  chose  qu'une  dictature  militaire 
qui  opprima  et  épuisa  la  France  par  une  guerre  de  dix 
années  poursuivie  jusqu'au  moment  de  son  effondrement. 
Les  grands  dignitaires  et  les  grands  officiers  qui  entouraient 
le  maître,  la  nouvelle  noblesse  qu'il  créa,  contribuèrent  à 
l'extraordinaire  éclat  de  ce  régime  fondé  sur  la  victoire. 
L'épopée  impériale  a  donné  à  la  France  une  gloire  militaire 
inoubliable,  mais  cette  gloire  lui  a  coûté  cher  :  les  fron- 
tières naturelles  perdues  ;  la  liberté  politique  compromise. 
A  l'intérieur,  l'Empire  fut  bien  administré  ;  les  contributions 
indirectes  fournirent  des  ressources  suffisantes,  et  le  sys- 


tème d'impôts  et  la  gestion  financière  établis  par  Mollien 
ont  été  conservés  depuis  (V.  Contribution,  Dette,  Budget, 
Cour  des  comptes,  Finances,  Tabac,  Mollien,  etc.).  De 
grands  travaux  d'utilité  générale  furent  entrepris  à  Paris 
et  dans  les  départements  :  palais,  routes,  canaux,  ports. 
Napoléon,  qui  prétendait  relever  l'Empire  romain,  l'égalait 
par  ces  immenses  travaux.  Mais  seule  la  paix  eût  permis 
de  consolider  l'édifice  de  sa  puissance,  et  il  ne  sut  ou  ne 
voulut  jamais  la  conserver. 

.  L'histoire  de  l'Empire  est  l'histoire  d'une  guerre  ininter- 
rompue :  guerre  contre  l'Angleterre  qu'il  ne  put  jamais 
prendre  corps  à  corps  ;  guerre  contre  la  coalition  des  nations 
continentales  qui  se  relayent  pour  lecombattre.il  finitpar  suc- 
comber ;  Napoléon,  égaré  par  ses  succès,  ne  veut  plus  s'arrê- 
ter devant  aucun  obstacle  ;  il  veut  tout  asservir  à  sa  volonté, 
méconnaît  les  forces  morales,  brave  les  forces  naturelles  ; 
il  bâtit  sur  le  sable  une  monarchie  éphémère.  Son  principal 
vice,  par  où  il  demeure  inférieur  à  tant  d'autres  fondateurs 
d'empire,  fut  le  manque  d'esprit  de  suite.  Tout  d'abord  il 
rêve  d'un  empire  colonial,  reprend  la  Louisiane,  veut  recon- 
quérir Haïti,  réorganise  sa  flotte  et  forme  en  face  de  l'An- 
gleterre le  fameux  camp  de  Boulogne.  Mais  il  provoque 
l'Europe  en  se  faisant  couronner  roi  d'Italie.  L'Autriche, 
la  Russie,  l'Espagne,  la  Suède,  forment  la  troisième  coali- 
tion. Il  la  brise  à  Ulm  et  à  Austerlitz  ;  le  traité  de  Pres- 
bourg  enlève  à  l'Autriche  la  Vénétie,  l'Istrie,  la  Dalmatie, 
le  Tirol  ;  mais  la  défaite  navale  de  Tratalgar  ruine  sa  ma- 
rine et  ses  colonies.  Il  se  dédommage  en  faisant  ses  frères 
rois  de  Hollande  et  de  Naples,  en  remaniant  à  son  caprice 
la  carte  de  l'Allemagne  ;  il  met  fin  au  Saint-Empire  romain 
germanique,  devient  protecteur  de  la  Confédération  du  Rhin 
(V.  Confédération  et  Saint-Empire).  Ces  fantaisies  le 
brouillent  avec  la  Prusse  ;  il  l'écrase  à  Iéna  (1806),  bat  les 
Russes  à  Friedland  après  la  boucherie  inutile  d'Eylau.  Le 
traité  de  Tilsitt  consacre  un  nouveau  système,  l'entente 
franco-russe,  et  marque  l'apogée  de  la  fortune  de  Napo- 
léon. Il  rêve  de  partager  le  monde  avec  Alexandre  II,  l'un 
empereur  d'Orient,  l'autre  d'Occident.  Il  s'entoure  d'Etats 
feudataires,  conception  absurde  qui  lui  aliène  les  peuples 
morcelés  et  distribués  comme  des  troupeaux  de  bétail.  La 
reconstitution  d'une  petite  Pologne  (grand-duché  de  Var- 
sovie), l'organisation  des  royaumes  de  Bavière,  de  Wurt- 
temberg,  de  Saxe,  de  Westphalie,  ne  fournit  aucun  supplé- 
ment de  force. 

L'empereur  s'engage  dans  l'entreprise  du  blocus  conti- 
nental :  maîtres  de  la  mer,  les  Anglais  violent  les  droits 
des  neutres  et  déclarent  bloqués  les  ports  de  Brest  à  Ham- 
bourg. Napoléon  réplique  en  déclarant  les  îles  Britanniques 
en  état  de  blocus  et  mettant  les  Anglais  hors  le  droit  des 
gens.  Fermer  le  continent  à  leur  commerce,  c'était  les  rui- 
ner. Mais  l'observation  du  blocus  continental  combiné  avec 
le  système  des  Etats  feudataires  entraîne  une  série  de  vio- 
lences et  de  guerres  où  s'usent  les  ressources  de  l'Empire. 
Il  a  abandonné  à  la  Russie  la  Suède,  la  Turquie  et  presque 
la  Pologne.  Il  se  brouille  avec  le  pape  Pie  VII,  annexe 
Rome,  emprisonne  le  pape  (4808-4809).  Pour  y  imposer 
le  blocus  continental,  il  conquiert  le  Portugal  ;  puis,  par 
simple  ambition,  il  envahit  l'Espagne  et  y  remplace  les 
Bourbons  par  son  frère  Joseph.  Le  peuple  s'insurge  et  com- 
mence une  résistance  acharnée  que  Napoléon  ne  put  vaincre 
et  qui  lui  coûta  ses  meilleurs  soldats  (4808).  Cependant, 
une  nouvelle  prise  d'armes  de  l'Autriche  est  conjurée  par 
la  pénible  campagne  du  Danube  et  la  victoire  de  Wagram  ; 
on  lui  prend  Salzbourg,  la  Croatie,  la  Carniole,  la  Galicie. 
L'application  du  blocus  continental  motive  l'annexion  de  la 
Hollande,  des  villes  hanséatiques.  En  4841 ,  l'Empire  fran- 
çais atteint  sa  plus  grande  extension. 

Voici  quelles  étaient  alors  ses  limites  :  il  allait  de  la  Bal- 
tique à  la  Méditerranée  et  jusqu'aux  frontières  de  Naples. 
À  l'ancienne  France,  agrandie  par  la  révolution  de  la  Bel- 
gique et  des  provinces  allemandes  de  la  rive  gauche  du  Rhin, 
il  ajoute  la  Hollande,  une  partie  du  Hanovre,  le  duché 
d'Oldenbourg,  les  villes  hanséatiques  (Brème,  Hambourg, 


FRANCE 


-  4050 


Lubeck),  le  Valais,  le  tiers  de  l'Italie  (Savoie,  Piémont, 
Parme  et  Plaisance,  Toscane,  Etats  pontificaux),  les  pro- 
vinces illyriennes.  Il  formait  cent  trente  départements  ; 
ceux  énumérés  précédemment,  plus  1°  :  au  N.  :  Bouches- 
de-la-Meuse,  ch,-l.  La  Haye  ;  Zuyderzée,  ch.-l.  Amster- 
dam; Yssel-Supérieur,  ch.-l.  Arnheim;  Bouches-de-1'Yssel, 
ch.-l.  Zwolle  ;  Frise,  ch.-l.  Leuwarden  ;  Ems-Occidental, 
ch.-l.  Groningue;  Ems-Oriental,  ch.-l.  Aurich;  Ems- 
Supérieur,  ch.-l.  Osnabruck  ;  Lippe,  ch.-l.  Munster  ; 
Bouches-du-Weser,  ch.-l.  Brème  ;  Bouches-de-1'Elbe,  ch.-l. 
Hambourg  ;  2°  en  Italie  :  Doire,  ch.-l.  Ivrée  ;  Sesia,  ch.-l. 
Verceil  ;  Pô,  ch.-l.  Turin  ;  Stura,  ch.-l.  Goni  ;  Marengo, 
ch.-l.  Alexandrie;  Simplon,  ch.-L  Sion;  Apennins,  ch.-l. 
Ghiavari  ;  Gênes,  ch.-L  Gênes  ;  Montenotte,  ch.-L  Savone; 
Taro,  ch.-L  Parme  ;  Arno,  ch.-l.  Florence;  Ombrone, 
ch.-L  Sienne  ;  Méditerranée,  ch.-L  Livourne  ;  Trasimène, 
ch.-L  Spolète;  Tibre,  ch.-l.  Rome.  De  plus,  les  six  pro- 
vinces illyriennes  (Carinthie,  Carniole,  Croatie  civile, 
Croatie  militaire,  Dalmatie,  Raguse)  ;  le  royaume  d'Italie 
(V.  ce  mot)  dont  Napoléon  était  roi. 

Les  Etats  feudataires  s'étendaient  sur  le  reste  de  l'Italie 
continentale  (Naples),  la  péninsule  ibérique,  l'Europe  cen- 
trale (Confédération  helvétique,  Confédération  du  Rhin, 
grand-duché  de  Varsovie)  ;  tous  ces  royaumes,  duchés, 
principautés  étaient  presque  des  provinces  françaises  ;  le 
Danemark  (avec  la  Norvège)  était  dévoué  à  l'empereur  ;  un 
de  ses  lieutenants  régnait  en  Suède. 

Il  se  croyait  en  possession  de  la  monarchie  universelle  ; 
son  mariage  avec  la  fille  de  l'empereur  d'Autriche  parais- 
sait la  consolider  ;  la  naissance  d'un  fils,  qu'il  intitula  roi 
de  Rome,  paraissait  en  assurer  la  durée.  L'exagération  du 
despotisme  impérial  et  l'incohérence  des  ambitions  napo- 
léoniennes en  précipita  la  ruine.  Dans  ce  vaste  Empire,  où 
la  France  semblait  absorbée,  après  les  annexions  para- 
doxales des  rives  du  Tibre  et  de  l'Elbe,  elle  seule  fournis- 
sait la  force  matérielle  ;  or  elle  s'épuisait  dans  ces  luttes 
meurtrières  renouvelées  chaque  année  et  dans  l'effort 
excessif  imposé  par  le  blocus  continental.  Les  peuples 
opprimés  revendiquaient  leur  indépendance.  Les  Espagnols 
ne  purent  être  domptés.  Les  Allemands  se  préparaient  à 
la  guerre.  C'est  au  nom  des  idées  de  la  Révolution  fran- 
çaise que  l'on  allait  combattre  les  armées  françaises. 
L'écroulement  de  l'Empire  fut  rapide. 

La  campagne  de  Russie,  entreprise  pour  achever  l'hégé- 
monie de  Napoléon  sur  l'Europe,  aboutit  à  la  destruction 
totale  de  son  armée  (1812).  L'Allemagne  se  souleva  ;  après 
la  Suède,  la  Prusse,  puis  l'Autriche  entrèrent  en  ligne.  Le 
génie  militaire  de  Napoléon  ne  put  éviter  le  désastre  de 
Leipzig  (1813).  Il  refusa  pourtant  de  traiter.  La  campagne 
de  1844  eut  lieu  en  France  ;  il  ne  fallut  que  six  semaines 
aux  coalisés  pour  arriver  à  Paris.  L'empereur  abdiqua  et 
fut  relégué  à  l'île  d'Elbe.  Les  étrangers  rétablirent  sur  le 
trône  Louis  XVIII,  frère  de  Louis  XVI,  et  par  le  traité  de 
Paris  la  France  fut  ramenée  à  ses  limites  de  1792.  Toutes 
les  autres  nations  conservèrent  leurs  acquisitions  faites 
depuis  ou  en  obtinrent  de  nouvelles  au  congrès  de  Vienne. 
Profitant  de  la  rapide  impopularité  des  Bourbons,  Napoléon 
reparut  en  mars  1815.  Il  tenta  vainement  de  se  poser  en 
champion  de  la  démocratie  par  les  réformes  inscrites  dans 
Y  Acte  additionnel  aux  constitutions  de  l'Empire  ;  au 
bout  des  Cent-Jours  eut  lieu  sa  chute  nouvelle  et  définitive. 
L'Europe  entière  s'était  armée  ;  le  premier  choc  eut  lieu 
en  Belgique  ;  l'empereur  fut  vaincu  à  Waterloo.  On  le 
déporta  à  Sainte-Hélène,  où  il  mourut  après  six  années  de 
tracasseries  mesquines.  Cette  fin  le  grandit  et  compléta  sa 
légende.  La  France  perdit  quelques  forteresses  frontières, 
subit  une  occupation  militaire,  des  pillages,  le  payement 
de  lourdes  indemnités.  Tout  avenir  d'agrandissements  ter- 
ritoriaux lui  avait  été  fermé  par  la  constitution  sur  ses 
frontières  d'Etats  homogènes.  Après  les  magnifiques  succès 
de  la  République,  c'était  une  triste  conclusion,  d'autant 
que  les  abus  de  la  tyrannie  napoléonienne  avaient  fait  ou- 
blier aux  peuples  les  bienfaits  de  la  Révolution. 


XII.  La  Monarchie  parlementaire  (1814-1848).— 
Rentrés  avec  les  émigrés  dans  les  fourgons  de  l'étranger, 
les  Bourbons  avaient  peu  appris  et  peu  oubliés.  Pourtant 
Louis  XVIII  sentit  la  nécessité  d'octroyer  une  charte  cons- 
titutionnelle à  ses  sujets  (V.  Constitution).  Les  principales 
libertés  y  furent  inscrites  ;  on  conserva  la  machine  admi- 
nistrative de  l'Empire  et  ses  grandes  institutions.  Une 
Chambre  élue  par  des  censitaires  peu  nombreux  partagea 
le  vote  de  l'impôt  et  des  lois  avec  une  Chambre  des  pairs 
nommée  par  le  roi.  Après  les  Cent-Jours,  la  seconde  Res- 
tauration débuta  par  des  violences  qui  lui  aliénèrent  à  ja- 
mais les  libéraux.  Les  conspirations  nouées  par  eux,  d'ac- 
cord avec  les  bonapartistes,  n'aboutirent  pas  ;  mais  la 
monarchie  resta  faible,  sans  racines  dans  la  nation.  En  haut 
se  déroulait  le  jeu  du  parlementarisme,  les  élections  ren- 
forçant les  libéraux  jusqu'à  l'assassinat  du  duc  de  Berry 
(1820).  Ce  fut  le  signal  d'une  réaction  qui  s'aggrava  à 
l'avènement  de  Charles  X  (1824).  Le  milliard  donné  aux 
émigrés,  la  loi  contre  le  sacrilège,  les  faveurs  accordées 
aux  jésuites,  les  tentatives  pour  rétablir  le  droit  d'aînesse, 
pour  comprimer  la  presse,  la  dissolution  de  la  garde  natio- 
nale exaspérèrent  la  bourgeoisie  ;  les  élections  libérales 
de  1827  préparèrent  le  conflit.  Il  éclata  en  1830  ;  le  coup 
d'Etat  essayé  par  Charles  X  dans  les  ordonnances  du  25juiL, 
après  la  réélection  des  221  députés  opposants,  eut  pour 
conséquence  une  révolution.  Les  Parisiens  renversèrent  le 
roi  qui  abdiqua  et  fut  remplacé  par  le  duc  d'Orléans 
(V.  Louis  XVIII,  Charles  X,  Chambre,  Constitution,  Juil 
let  [Journées  de],  etc.). 

Malgré  ses  erreurs  politiques,  le  gouvernement  de  la 
Restauration  fut  bon  ;  à  l'abri  du  régime  protecteur  et  no- 
nobstant les  inconvénients  de  l'échelle  mobile,  l'agriculture 
et  l'industrie  prospérèrent.  L'armée  et  la  marine  furent  soli- 
dement réorganisées  ;  la  loi  sur  le  recrutement  fut  fondée  sur 
le  système  de  la  conscription.  Le  baron  Louis  donna  au  budget 
la  forme  qu'il  a  gardée  depuis  (V.  Budget,  Dette),  et  jamais 
la  France  n'eut  de  meilleures  finances  qu'à  cette  époque. 
Au  dehors,  la  politique  fut  réactionnaire,  d'accord  avec 
la  Sainte- Alliance.  La  France  intervint  en  Espagne  pour 
rendre  au  féroce  Ferdinand  VII  le  pouvoir  que  lui  enle- 
vaient les  Cortès  libérales  (1823).  En  Grèce,  les  Français 
intervinrent  en  faveur  des  Grecs,  contribuèrent  à  la  bataille 
de  Navarin  et  chassèrent  les  Turco-Egyptiens  de  Morée 
(V.  Grèce  et  Orient).  Le  grand  succès  extérieur  fut  l'expé- 
dition d'Alger  et  l'occupation  de  cette  ville  (1830). 

La  monarchie  de  Juillet  n'a  pas  les  mêmes  titres.  Elle 
continua  avec  moins  d'énergie  et  d'esprit  de  suite  l'œuvre 
de  la  Restauration.  Ce  fut  un  gouvernement  parlementaire 
faussé  par  les  combinaisons  du  roi  Louis-Philippe,  dont  le 
souci  principal  fut  d'éluder  les  promesses  démocratiques 
de  sa  charte.  Le  pays  légal,  restreint  à  un  petit  nombre 
d'électeurs,  est  en  désaccord  avec  l'opinion  publique  ;  les 
républicains  s'agitent  et  tentent  plusieurs  insurrections, 
surtout  à  Paris.  Les  projets  de  réforme  sociale  des  saint- 
simoniens  ne  gagnent  qu'une  minorité.  Les  légitimistes, 
appuyés  par  le  clergé  et  la  grande  propriété  rurale,  se  posent 
en  adversaires  irréconciliables  d'une  monarchie  révolution- 
naire, surtout  après  l'échauffourée  de  la  duchesse  de  Berry. 
Au  bout  d'une  année  de  ministères  démocratiques,  para- 
lysés par  le  roi,  et  d'anarchie,  Casimir  Perier  consolide 
le  nouveau  régime.  Le  ministère  Soult  (4  832-36)  marque 
la  plus  brillante  période  du  gouvernement  orléaniste. 
Après  sa  chute,  les  crises  ministérielles  se  succèdent 
durant  quatre  années  (ministères  de  Broglie,  Thiers,  Molé- 
Guizot,  Mole,  Soult,  Thiers).  Cette  histoire  n'a  qu'un  inté- 
rêt minime  ;  on  la  trouvera  très  complète  dans  les  biogra- 
phies des  principaux  acteurs  et  dans  l'art.  Chambre  des 
députés.  Après  que  la  question  étrangère  eût  décidé  la 
chute  de  Thiers,  le  pouvoir  revint  à  Guizot  dont  la  politique 
obstinément  conservatrice  entraîna  la  chute  de  la  monar- 
chie censitaire.  Appuyé  sur  une  Chambre  à  demi  corrom- 
pue, il  refuse  toute  réforme,  élargissement  de  la  base  élec- 
torale, adjonction  des  capacités.  La  campagne  des  banquets 


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FRANCE 


provoque  le  conflit.  Abandonné  par  la  garde  nationale,  le 
régime  orléaniste  s'affaisse  dans  le  vide  de  ses  doctrines  : 
le  4  févr.  1848  la  République  est  proclamée. 

A  l'intérieur,  ce  gouvernement  ploutocratique  bénéficia 
du  prodigieux  essor  de  la  fortune  publique  dû  au  progrès 
de  la  science  qui  inaugurait  le  règne  des  machines  ;  il  com- 
mença les  chemins  de  fer,  lentement,  mais  fit  beaucoup 
pour  l'enseignement.  Sa  politique  douanière  fut  modérée  ; 
il  abaissa  les  taxes  douanières  sans  renoncer  à  la  protection 
des  industries  nationales.  La  production  du  fer,  la  con- 
sommation de  la  houille,  le  nombre  des  machines  triplèrent 
en  vingt  années;  le  commerce  doubla  (V.  France,  Indus- 
trie, etc.).  L'agriculture  progressa  également.  L'influence 
officielle  fut  appréciable  dans  ces  progrès.  L'armée  fut  ren- 
forcée ainsi  que  la  marine  ;  les  fortifications  de  Paris  et  des 
grandes  places  du  Nord  et  de  l'Est  furent  une  garantie 
contre  une  invasion  ;  les  travaux  publics  furent  poussés 
activement.  La  conquête  de  l'Algérie  fut  continuée  à  travers 
des  fautes  fréquentes  :  la  prise  de  Constantine  (1837),  les 
traités  successifs  avec  Abd-el-Kader,  son  écrasement  (1 843) , 
la  défaite  du  Maroc  (1844)  en  furent  les  principaux  épisodes 
(V.  Algérie).  Bugeaud  y  exerça  une  influence  décisive. 
Au  dehors  la  politique  de  Louis-Philippe  fut  incertaine. 
Elle  sacrifia  beaucoup  aux  idées  cosmopolites  et  à  la  tra- 
dition révolutionnaire,  sans  obtenir  de  succès  réels,  com- 
pensant quelques  rudes  échecs  et  des  humiliations.  Le 
contre-coup  de  la  révolution  de  1830  se  fit  sentir  dans 
toute  l'Europe  et  décida  l'insurrection  de  la  Belgique.  Louis- 
Philippe  n'osa  accepter  cette  couronne,  même  pour  un 
prince  de  sa  famille  ;  ses  troupes  affranchirent  la  Belgique 
par  la  prise  d'Anvers  (1832).  On  s'occupa  beaucoup  de,  la 
Pologne,  ce  qui  entretint  l'hostilité  de  la  Russie,  et  de  l'Ita- 
lie, ce  qui  entretint  l'hostilité  de  l'Autriche.  En  Orient,  on 
appuya  le  pacha  d'Egypte,  Mehemet-Ali,  sans  pouvoir  le 
protéger  contre  la  coalition  des  quatre  grandes  puissances 
qui  mirent  la  France  hors  du  concert  européen  (1840).  Il 
fallut  s'incliner.  Des  petites  rivalités  et  querelles  avec  l'An- 
gleterre occupèrent  ensuite  la  diplomatie.  Le  grand  mérite 
du  gouvernement  de  Juillet  fut  la  conservation  de  la  paix. 
XIII.  La  seconde  République  (1848-1851).  —  Bien 
que  la  seconde  République  ait  peu  duré,  elle  marque  dans 
l'histoire  de  France  une  période  importante.  C'est  dans  ces 
années  que  les  partis  politiques  cristallisèrent  en  des  formes 
à  peine  modifiées  depuis  un  demi-siècle.  A  première  vue 
l'évolution  politique  et  constitutionnelle  reproduisit  de 
1814  à  1870  les  mêmes  phases  que  de  1789  à  1815.  La 
monarchie  de  droit  divin,  incompatible  avec  une  assemblée 
élective,  fait  place  à  une  monarchie  parlementaire  ;  celle-ci 
n'endigue  pus  longtemps  le  flot  populaire  ;  la  République 
est  proclamée  et  réalise  avec  le  gouvernement  par  une 
assemblée  unique  l'idéal  démocratique  ;  puis  vient  le  reflux  : 
le  conflit  de  la  population  parisienne  et  des  députés  ;  la  Ré- 
publique des  conservateurs  incapable  de  remédier  à  l'anar- 
chie ;  le  conflit  des  pouvoirs  exécutif  et  législatif  aboutit  à  un 
coup  d'Etat  qui  soumet  la  France  à  une  dictature  militaire; 
l'Empire  s'épuise  en  guerres  stériles  et  tente  vainement  de 
se  régénérer  par  des  concessions  aux  libéraux.  La  seconde 
fois,  le  cycle  parcouru  fut  le  même  que  la  première,  l'évo- 
lution plus  lente.  Chacun  des  gouvernements  tombés  laissa 
derrière  lui  ses  fidèles,  un  état-major  et  des  électeurs  qui 
en  souhaitèrent  le  retour.  La  noblesse  provinciale  et  le 
clergé   ne  dissimulent  point  leurs  préférences  pour  la 
royauté  bourbonienne  de  droit  divin  et  forment  les  cadres 
du  parti  légitimiste  auquel  ils  amènent  leur  nombreuse 
clientèle.  Les  financiers  et  la  bourgeoisie  capitaliste  sont 
acquis  à  la  monarchie  orléaniste  qui  leur  avait  donné  le 
pouvoir  et  répond  à  leur  double  besoin  de  libéralisme  et 
d'autorité.  Les  démocrates  ralliant  la  petite  bourgeoisie, 
les  ouvriers  des  villes  et  une  partie  des  paysans  n'admet- 
tent que  la  République  ;  mais,  tandis  que  les  bourgeois  se 
contenteraient  d'y  voir  un  gouvernement  plus  populaire, 
les  salariés  veulent  qu'elle  soit  l'instrument  des  améliora- 
tions sociales.  Dans  tous  les  groupes  sociaux  se  recrute  le 


parti  bonapartiste,  ralliant  autour  de  la  famille  de  Napo- 
léon tous  ceux  qui  préfèrent  un  gouvernement  fort  à  la 
liberté,  bourgeois  apeurés,  démocrates  découragés,  paysans 
détachés  de  la  politique,  soucieux  avant  tout  du  maintien 
de  l'ordre  et  dociles  à  une  direction  officielle.  Tous  ces  partis 
se  constituent  en  1848  et  1849.  Alors  aussi  eut  lieu  la  rup- 
ture entre  les  républicains  et  le  clergé.  Unis  dans  leur  oppo- 
sition contre  l'orléanisme,  ils  marchèrent  la  main  dans  la 
main  en  1848.  Mais  bientôt  se  manifesta  l'incompatibilité 
entre  leurs  principes.  Le  catholicisme  trahit  ses  alliés  et 
s'en  fit  des  ennemis  irréconciliables.  La  lutte  contre  le 
cléricalisme,  commencée  sous  la  Restauration  par  la  bour- 
geoisie, sera  poursuivie  désormais  par  la  quasi-unanimité 
des  républicains.  C'est  un  article  nouveau  de  leur  pro- 
gramme que  la  laïcisation  de  l'Etat.  En  même  temps,  les 
théoriciens  du  socialisme  appellent  l'attention  sur  la  situa- 
tion créée  par  la  grande  industrie  et  le  règne  des  machines  ; 
il  faut  adapter  les  idées  de  la  Révolution  française  à  ces 
besoins  nouveaux.  La  seconde  République  succomba  à  la 
tâche  et  ne  put  résoudre  ces  multiples  difficultés. 

Le  suffrage  universel  avait  été  proclamé,  et  simultanément 
le  droit  au  travail.  Dans  l'Europe  entière  les  peuples  se  sou- 
levaient contre  leurs  oppresseurs  étrangers  ou  aristocrates. 
Le  gouvernement  provisoire,  où  prévalait  Lamartine,  décida 
d'éviter  toute  guerre  de  propagande.  Mais  il  ne  put  s'en- 
tendre avec  les  révolu!  ionnaires  parisiens.  L'Assemblée  cons- 
tituante, très  républicaine,  mais  inexpérimentée,  suscita  la 
formidable  insurrection  de  Juin  par  la  maladroite  fermeture 
des  ateliers  nationaux  (V.  Juin  [Journées  de]).  Cavaignac  fut 
porté  à  la  tête  du  pouvoir  exécutif.  Mais,  dès  la  fin  de  l'année, 
la  constitution  ayant  remis  l'élection  du  président  de  la  Répu- 
blique au  suffrage  universel,  une  coalition  des  mécontents  fit 
élire  Louis-Napoléon  Bonaparte.  Celui-ci,  qui  avait  à  deux 
reprises  tenté  de  renverser  Louis-Philippe  à  main  armée, 
retrouva  chez  les  paysans  le  prestige  de  la  légende  impé- 
riale. Il  employa  son  pouvoir  officiel  à  préparer  la  restau- 
ration de  l'Empire.  L'Assemblée  législative  élue  en  mai 
1849  était  en  majorité  monarchique,  ce  qui  compliqua  la 
situation.  On  en  trouvera  l'exposé  détaillé  dans  l'art.  Deux- 
Décembre  (V.  aussi  Assemblée  constituante  ,  Assemblée 
législative,  Napoléon  III,  etc.).  L'attentat  contre  le  suf- 
frage universel,  consommé  par  la  loi  du  31  mai,  créa  une 
situation  révolutionnaire.  La  crainte  d'une  révolution  en 
1852  et  la  désaffection  des  ouvriers  rendirent  facile  le  coup 
d'Etat  du  2  déc.  1851,  par  lequel  le  président  prononça  la 
dissolution  de  l'Assemblée  et  s'empara  de  la  dictature.  Con- 
duits par  les  propriétaires  et  le  clergé,  les  paysans  adhé- 
rèrent en  masse,  d'autant  que  les  démocrates  étaient  exilés 
ou  proscrits.  L'année  suivante,  l'Empire  fut  rétabli  en  nom. 
Au  dehors,  la  République  de  1848  assista  sans  y  inter- 
venir aux  révolutions  européennes  et  au  succès  final  de  la 
réaction  qui  coïncida  avec  son  triomphe  en  France.  Elle  y 
contribua  par  l'expédition  de  Rome  ;  cette  ville  fut  occupée 
parles  Français  en  1849.  Défenseurs  du  pouvoir  temporel 
du  pape,  ils  le  maintinrent  jusqu'en  1870,  où  leur  départ  fut 
le  signal  de  son  abolition.  La  révolution  de  Février  attes- 
tait donc  à  la  fois  l'influence  immense  des  idées  françaises 
en   Europe  et  l'impuissance  du  gouvernement  dans   les 
affaires  internationales.  Son  abstention  fut  apparemment 
prudente,  car  l'expérience  a  prouvé  que  tous  les  actes  posi- 
tifs du  second  Empire  qui  revint  à  la  politique  d'action, 
ont  tourné  contre  la  France  et  lui  ont  été  préjudiciables. 

XIV.  Le  second  Empire  (1852-1870).  —  Comme  le 
premier  Empire,  le  second  fut  avant  tout  un  régime  militaire 
et  belliqueux.  Il  abattit  l'influence  de  la  Russie  par  la  guerre 
de  Crimée,  mais  sans  réussir  à  relever  la  Turquie.  L'An- 
gleterre seule  profita  de  ces  victoires,  de  la  destruction  de 
Sébastopol  (1854-1856)  et  de  l'exclusion  de  la  marine 
russe  de  la  Méditerranée.  Napoléon  III  y  gagna  un  grand 
prestige  accru  encore  par  la  guerre  d'Italie  qui  enleva  la 
Lombardie  à  l'Autriche  (1859)  et  décida  la  réalisation  de 
l'unité  italienne.  Du  moins  celle-ci  eut-elle  pour  conséquence 
l'accession  de  Nice  et  de  la  Savoie  à  la  France  (1860).  L'im- 


FRANCE 


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prévoyante  politique  des  nationalités,  après  avoir  fait  l'unité 
italienne,  qui  donna  aux  Français  des  rivaux  jaloux  dans 
la  Méditerranée,  laissa  faire  l'unité  allemande  qui  s'acheva 
par  le  démembrement  de  la  France.  Rappelons,  sans  insis- 
ter, la  guerre  de  Chine  (4860)  et  l'occupation  de  la  Co- 
chinchine  (1862-1867).  L'appui  octroyé  à  des  spéculateurs 
véreux  engagea  l'Empire  dans  la  guerre  du  Mexique  ou  il 
usa  son  armée  (1862-1867),  assistant  en  Europe  à  l'écra- 
sement du  Danemark  par  la  Prusse  et  l'Autriche  (1863- 
1865),  puis  à  celui  de  l'Autriche  par  la  Prusse  démesuré- 
ment agrandie  après  Sadowa  (1866).  Quand  celle-ci  lui 
en  fournit  l'occasion,  il  lui  déclara  la  guerre,  dans  un  inté- 
rêt dynastique,  heurtant  à  des  forces  supérieures  une 
armée  mal  préparée  à  une  lutte  sérieuse  par  les  escar- 
mouches africaines,  dirigée  par  des  chefs  et  des  adminis- 
trateurs peu  capables,  produits  du  favoritisme.  Le  désastre 
fut  effroyable  ;  l'armée  de  première  ligne  fut  détruite, 
l'empereur  pris  à  Sedan,  tandis  que  la  trahison  de  Razaine 
immobilisait  dans  Metz,  puis  livrait  180,000  hommes  aux 
Allemands.  Le  souvenir  de  l'Empire  et  des  Napoléon  de- 
meure associé  aux  plus  douloureuses  calamités  de  l'histoire 
française.  Nul  gouvernement  ne  porte  d'aussi  lourdes  res- 
ponsabilités (V.  Napoléon  III,  Italie  [Guerre  d'],  Mexique, 
Franco-allemande  [Guerre],  Paris  [Traité  de],  Zurich 
[Traité  de],  Question  d'Orient,  etc.). 

A  l'intérieur,  l'Empire  fut  un  gouvernement  fort;  il 
débuta  par  la  proscription  de  ses  adversaires  (V.  Deux- 
Décembre)  et  la  parodie  judiciaire  des  commissions  mixtes; 
il  renouvela  les  proscriptions  par  la  loi  de  sûreté  générale 
après  l'attentat  d'Orsini  (1858).  Pendant  les  premières 
années,  l'empereur  exerça  dans  toute  leur  étendue  les  pou- 
voirs absolus  que  lui  conférait  la  constitution  de  1852 
(V.  Constitution),  se  servant  du  conseil  d'Etat  et  de  ses 
préfets  bien  plus  que  de  la  Chambre  des  députés,  pourtant 
très  docile,  les  électeurs  choisissant  le  plus  souvent  le 
candidat  officiel  que  leur  désignait  le  gouvernement.  Puis 
il  recula  lentement  devant  l'opposition  parlementaire  com- 
mencée par  les  Cinq  (V.  Corps  législatif).  Quand  les 
événements  d'Italie  lui  aliénèrent  le  clergé,  il  prêta  l'oreille 
aux  libéraux  et,  de  concession  en  concession,  finit  par 
rétablir  la  monarchie  parlementaire.  Ce  fut  l'objet  de  la 
constitution  de  1870,  mais  l'Empire  ne  pouvait  se  trans- 
former ;  il  avait  été  d'un  bout  à  l'autre  un  gouvernement 
personnel  ;  son  affaiblissement  intérieur  et  la  mort  prévue 
de  Napoléon  III  firent  entreprendre  la  guerre  de  1870  dans 
l'espoir  que  des  victoires  affermiraient  la  dynastie. 

La  constitution  de  1852  avait  porté  au  comble  la  cen- 
tralisation politique  et  administrative.  Rien  que  démocra- 
tique dans  son  principe  et  fondé  sur  le  plébiscite,  l'Empire 
s'appuyait  en  fait  sur  le  clergé  catholique,  sur  ses  fonc- 
tionnaires et  sur  l'armée.  Il  bénéficia  aux  yeux  des  paysans 
d'une  ère  de  prospérité  matérielle  due  à  des  causes  écono- 
miques générales  et  surtout  au  grand  développement  des 
moyens  de  transport  (chemins  de  fer,  bateaux  à  vapeur)  et, 
par  suite,  du  commerce.  Le  changement  de  politique  doua- 
nière, à  la  suite  du  traité  libre-échangiste,  conclu  avec 
l'Angleterre  en  1860,  eut  peu  d'influence.  Les  finances  pu- 
bliques furent  médiocrement  gérées,  très  obérées  par  la 
guerre  (V.  Dette),  sans  parler  d'une  dette  de  10  à  12  mil- 
liards que  coûta  la  guerre  de  1870.  Néanmoins,  la  France 
s'enrichissait  rapidement;  les  expositions  universelles  de 
1855  et  de  1867  attestèrent  sa  splendeur  ;  la  dernière  fut 
comme  l'apothéose  du  régime  impérial  à  un  moment  où  Na- 
poléon III  semblait  l'arbitre  de  l'Europe.  Citons  encore  les 
grands  travaux  publics ,  la  transformation  de  Paris  sous 
l'impulsion  d'Haussmann,  l'essor  donné  à  l'instruction  par 
Duruy.  Les  deux  principaux  serviteurs  de  Napoléon  III 
furent  le  sceptique  Morny  et  l'autoritaire  Rouher.  D'une 
manière  générale,  aucun  gouvernement  n'a  été  plus  la  chose 
de  ses  amis  et  n'a  conservé  de  partisans  plus  zélés  et  de 
plus  implacables  adversaires.  Etabli  par  un  crime,  il  garda 
jusqu'au  bout  la  tare  originelle  et  ne  fut  jamais  regardé  que 
comme  provisoire.  Quand  on  apprit  la  capitulation  de  Se- 


dan, il  fut  supprimé  sans  résistance  et  la  République  pro- 
clamée (V.  Septembre  [Journée  du  Quatre-]). 

XV.  La  troisième  République  (1870).—  L'histoire 
de  la  troisième  République  comprend  deux  périodes  :  durant 
la  première  (1870-75),  elle  répare  les  catastrophes  cau- 
sées par  l'Empire  et  relève  la  France  ;  après  son  organisa- 
tion définitive,  elle  gouverne  la  France  durant  la  seconde 
période  qui  dure  depuis  dix-huit  ans.  L'Empire  laissait  le 
pays  envahi  et  sans  armée  (V.  Franco-allemande  [Guerre], 
Gambetta,  etc.).  Le  gouvernement  de  la  Défense  nationale 
sauva  du  moins  l'honneur.  Quand  Paris  fut  investi,  Gam- 
betta organisa  la  résistance  en  province  ;  il  fit  des  miracles, 
leva  et  arma  un  million  d'hommes,  improvisant  tout  comme 
dans  la  grande  crise  de  1793.  Malheureusement,  la  trahi- 
son de  Razaine  qui  livra  Metz  et  la  mollesse  des  militaires 
enfermés  à  Paris  ne  laissèrent  pas  le  temps  à  ces  jeunes 
troupes  de  s'organiser  solidement.  Malgré  le  talent  de 
Chanzy  et  de  Faidherbe,  elles  furent  vaincues:  la  capitula- 
tion de  Paris  finit  la  guerre.  Par  le  traité  de  Francfort,  l'em- 
pire d'Allemagne,  constitué  à  Versailles  dans  le  palais  de 
Louis  XIV  en  déc.  1870,  arracha  à  la  France  l'Alsace-Lor- 
raine,  c.-à-d.  les  dép.  du  Haut-Rhin  (moins  Relfort),  du 
Ras-Rhin  et  de  la  Moselle  (moins Rriey)  ;  en  outre,  les  arr. 
de  Château-Salins  et  Sarrebourg,  le  cant.  de  Schirmeck 
(V.  Francfort  [Traité  de]);  il  fallut  en  outre  payer  une 
contribution  de  guerre  de  5  milliards.  L'exaspération  delà 
population  parisienne  sentant  la  République  menacée  par  la 
majorité  monarchiste  de  l'Assemblée  nationale  «  élue  en  un 
jour  de  malheur»  déchaîna  le  18  mars  1871  la  formidable 
insurrection  delà  Commune  (V.  ce  mot).  Thiers,  nommé 
chef  au  pouvoir  exécutif,  la  comprima;  30,000  insurgés  pé- 
rirent dans  la  capitale  incendiée  par  eux.  La  France  paraissait 
abattue  pour  longtemps.  Le  patriotisme  de  tous,  l'activité 
méthodique  de  Thiers  la  relevèrent  à  la  stupéfaction  de 
l'Europe.  Les  5  milliards  furent  payés,  le  territoire  libéré, 
l'ordre  maintenu  dans  l'administration  et  les  finances,  une 
armée  nationale  organisée  à  l'abri  des  forteresses  nouvelles. 

Dans  l'Assemblée,  les  intrigues  monarchistes  ne  purent 
aboutir.  Thiers  fut  renversé  le  24  mai  1873  et  remplacé 
à  la  présidence  de  la  République  par  un  clérical,  le  maré- 
chal de  Mac-Mahon;  la  division  des  orléanistes  et  des 
légitimistes,  l'intransigeance  du  comte  de  Chambord,  plus 
encore  les  sentiments  républicains  de  la  majorité  des  élec- 
teurs affirmés  à  chaque  élection  partielle,  contraignirent 
l'Assemblée  nationale  à  accepter  la  République.  Elle  vota 
en  1875  une  constitution  qui  était  un  compromis  entre  les 
orléanistes  et  les  républicains,  entre  le  parlementarisme 
monarchique  et  les  principes  démocratiques  (V.  Assemblée 
nationale,  Constitution,  Thiers,  Gambetta,  etc.). 

Après  les  élections  républicaines  de  1876  les  bonapar- 
tistes se  coalisèrent  avec  les  orléanistes  et  les  légitimistes 
pour  tenter  un  dernier  effort,  s'appuyant  sur  le  président 
de  la  République  et  une  petite  majorité  du  Sénat.  Le  mi- 
nistère républicain  (J .  Simon)  fut  renvoyé  le  10  mai  1877 
et  un  ministère  de  combat  formé;  363  députés  contre  158 
protestèrent  ;  la  Chambre  fut  dissoute  et  les  réactionnaires 
de  l'Union  conservatrice  en  appelèrent  au  pays.  Il  donna 
aux  républicains  la  même  majorité  (de  800,000  suffrages) 
qu'en  1876.  En  1879,  ils  conquirent  lamajorité  du  Sénat; 
le  maréchal  se  démit  et  eut  pour  successeur  Jules  Grévy. 
Réélu  pour  1886,  ce  ferme  républicain  dut  se  retirer  en 
1887  à  la  suite  des  accusations  portées  contre  son  gendre, 
et  Sadi  Carnot  fut  élu  président  de  la  République. 

Maîtres  incontestés  du  pouvoir  depuis  1877,  les  répu- 
blicains se  sont  divisés  ;  les  uns  acceptent  comme  défini- 
tive la  transaction  élaborée  en  1875  avec  les  orléanistes; 
ils  forment  le  parti  opportuniste  dont  les  représentants  les 
plus  illustres  furent  Gambetta  et  Jules  Ferry;  les  autres, 
formant  le  parti  radical,  dont  les  personnalités  les  plus 
marquantes  furent  Louis  Blanc  et  Clemenceau,  réclament 
une  constitution  véritablement  républicaine  assurant  au 
suffrage  universel  l'exécution  de  ses  volontés  ;  ils  revendi- 
quent également  les  réformes  sociales  exigées  avec  plus 


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FRANCE 


d'àpreté  par  le  parti  ouvrier  constitué  en  1879-82.  Sauf 
une  petite  fraction  de  dissidents,  opportunistes  et  radicaux 
ont  mené  d'accord  la  lutte  contre  le  cléricalisme  (V.  Cham- 
bre des  députés),  au  service  duquel  s'est  mis  l'union  con- 
servatrice. Nonobstant  la  grande  instabilité  des  ministères 
et  le  peu  d'influence  des  ministres,  le  gouvernement  n'est 
pas  tombé  dans  l'anarchie.  La  politique  suivie  par  les  op- 
portunistes n'a  pas  subi  de  grands  changements.  De  no- 
tables réformes  ont  été  réalisées  :  liberté  de  la  presse,  syn- 
dicats ouvriers,  diffusion  de  l'enseignement.  Le  retour  à  la 
politique  douanière  protectionniste  réclamé  par  les  agri- 
culteurs et  les  industriels  a  été  commencé  en  4  884 ,  achevé 
en  4890..  Les  radicaux  ont  gagné  du  terrain  en  4885,  la 
guerre  dw  Tonkin  ayant  indisposé  les  électeurs  contre  l'op- 
portunisme; mais  ils  se  sont  divisés  en  4888  ;  une  frac- 
tion se  rallia  au  général  Boulanger  et  à  la  droite  monar- 
chiste pour  renverser  la  constitution.  Cette  coalition  étrange 
n'obtint  que  200  sièges  (sur  576)  aux  élections  législatives 
de  4889.  Les  opportunistes  sont  restés  au  pouvoir  depuis. 
lis  dominent  dans  les  départements  de  l'Est,  du  Centre,  du 
Nord  ;  partagent  l'Ouest  et  le  Sud-Ouest  avec  les  conser- 
vateurs ;  les  radicaux  dominent  dans  les  villes  et  dans  le 
Midi  méditerranéen.  Le  parti  légitimiste  a  disparu  à  la  mort 
du  comte  de  Chambord;  le  parti  bonapartiste  a  été  brisé 
par  celle  du  prince  impérial.  On  peut  prévoir  le  jour  où 
l'opposition  anticonstitutionnelle  aura  disparu. 

A  l'intérieur  les  résultats  obtenus  par  la  République 
sont  dignes  de  tout  éloge.  L'armée  française,  par  son 
nombre  et  par  son  armement,  ne  redoute  aucune  compa- 
raison ;  les  nouvelles  fortifications  braveraient  toute  inva- 
sion; mieux  encore  que  celles  de  Yauban.  La  marine  fran- 
çaise est  la  seconde  du  monde.  L'enseignement  et.  les 
travaux  publics  ont  été  développés  dans  une  proportion 
inconnue  aux  précédents  régimes  ;  le  budget  de  l'ensei- 
gnement primaire  a  été  presque  triplé  ;  le  réseau  de  chemins 
de  fer  a  été  doublée  Malgré  l'énormité  de  la  dette  et  des 
sacrifices  exigés  par  Ja  défense  nationale  et  les  travaux 
publics,  la  situation  financière  reste  bonne  ;  de  gros  dé- 
grèvements ont  été  effectués.  Jamais  le  crédit  de  la  France 
n'a  été  aussi  grand  ;  jamais  gouvernement  n'a  autant 
consacré  aux  entreprises  d'intérêt  général.  Le  pays  a  sup- 
porté aisément  une  grande  crise  économique  et  les  pertes 
infligées  par  le  phylloxéra.  Les  expositions  universelles  de 
4878  et  de  4889  ont  attesté  l'éclat  de  la  civilisation 
française  et  la  prospérité  des  industries  nationales. 

La  politique  extérieure  de  la  République  lut  d'abord 
une  politique  de  recueillement  ;  quand  sa  puissance  mili- 
taire fut  reconstituée,  la  France  reprit  sa  place  dans  le 
concert  européen  au  congrès  de  Berlin  (4878).  Depuis 
lors  sa  politique  a  été  changeante  et  médiocrement  dirigée, 
hantée  de  la  chimère  de  l'alliance  anglaise  et  dominée  par 
le  danger  qui  vient  de  l'Allemagne.  L'alliance  anglaise, 
qu'on  avait  cru  scellée  par  le  condominium  en  Egypte, 
nous  a  coûté  notre  prépondérance  dans  la  vallée  du  Nil 
(V.  Question  d'Orient).  L'entente  franco-russe,  affirmée  par 
la  réception  de  la  flotte  française  à  Cronstadt,  tient  en  échec 
la  Triple  Alliance  ;  dans  celle-ci  figure  l'Italie,  devenue  très 
hostile  depuis  l'occupation  de  la  Tunisie  (4884)  qui  fut 
notre  grand  succès  au  dehors.  D'autres  entreprises  colo- 
niales sont  en  cours  en  Afrique,  à  Madagascar,  sur  le 
Congo  et  le  Niger,  au  Dahomey,  etc.  Enfin  le  désir  de 
reconstituer  un  grand  empire  colonial  a  entraîné  la  con- 
quête du  Tonkin  et  de  l'Annani  et  une  guerre  coûteuse 
avec  la  Chine  (4883-85).  En  somme,  la  République  a  été 
résolument  pacifique  ;  elle  a  rendu  à  la  France  son  influence 
dans  le  monde  et  l'a  mise  en  mesure  de  braver  les  attaques, 
d'où  qu'elles  viennent.  A. -M.  B. 

XVI.  France  ecclésiastique  {Ancien  régime).  — 
Lorsque  les  Germains  envahirent  la  Gaule,  ils  y  trouvèrent 
l'Eglise  déjà  pourvue  richement  de  biens  et  d'immunités, 
investie  d'une  juridiction  plénière,  à  raison  de  la  personne, 
sur  tous  les  clercs,  et  à  raison  de  la  matière,  sur  toutes  les 
causes  relatives  à  la  religion,  possédant  aussi  une  juridic- 


tion arbitrale  dans  tous  les  litiges  que  les  parties  intéres- 
sées lui  soumettaient  volontairement.  Les  évêques,  qui  dis- 
posaient des  revenus  de  ses  biens  et  qui  exerçaient  sa 
juridiction,  avaient  en  outre  reçu  successivement  des  attri- 
butions et  des  privilèges  qui  les  rendaient  supérieurs 
aux  magistrats  ordinaires.  Dans  le  domaine  séculier,  ils 
étaient  chargés  de  surveiller  les  juges  et  de  les  dénoncer 
en  cas  de  négligence  ou  d'abus  ;  ils  devaient  même  pour- 
suivre directement  certains  délits,  tels  que  les  jeux  de 
hasard.  Ils  intervenaient  dans  les  affranchissements  des 
esclaves  et  dans  la  nomination  des  tuteurs  et  des  curateurs, 
et  ils  avaient  le  droit  de  garder  dans  leurs  archives  les 
titres  de  ces  actes.  Eux-mêmes  étaient  ordinairement  pris 
dans  les  familles  les  plus  opulentes  et  les  plus  puissantes 
ou  parmi  les  hommes  les  plus  renommés  pour  leur  valeur 
personnelle.  Réunissant  ainsi  l'autorité  spirituelle  inhérente 
à  la  dignité  épiscopale,  la  puissance  attachée  à  l'exercice 
d'une  haute  juridiction  et  le  prestige  de  la  naissance,  de 
la  richesse  ou  du  renom,  ils  étaient  devenus  les  véritables 
chefs  de  la  cité.  Quoique  la  curie  n'ait  jamais  été  confondue 
légalement  avec  l'Eglise,  et  qu'il  soit  fort  douteux  que  les 
évêques  aient  jamais  reçu  officiellement  le  titre  de  defen- 
sores  civitatis,  ils  exercèrent  fréquemment  une  action 
prépondérante  dans  l'administration  de  la  cité.  Cette  pré- 
pondérance avait  augmenté  au  milieu  de  l'anarchie  pro- 
duite par  l'invasion  des  Barbares  et  par  la  retraite  des 
fonctionnaires  impériaux.  Les  autorités  municipales,  le 
défenseur,  l'èvêque,  la  curie  et  les  plus  notables  citoyens 
durent  alors  s'emparer  des  pouvoirs  laissés  vacants,  et 
l'èvêque  en  prit  la  meilleure  part.  Enfin  dans  les  provinces 
où  les  conquérants  étaient  des  ariens,  Burgondesou  Goths, 
l'autorité  morale  de  l'èvêque  s'était  accrue  de  la  haine  que 
les  populations  portaient  aux  hérétiques  qui  partageaient 
leurs  terres,  et  de  la  vénération  que  de  fidèles  catholiques 
devaient  naturellement  vouer  au  représentant  de  leur  foi 
persécutée  ou  menacée. 

Des  faits  significatifs  indiquent  que,  fort  avant  sa  con- 
version, Clovis  avait  senti  qu'il  devait  ménager  cette  puis- 
sance. De  leur  côté,  les  évêques  faisaient  déjà  des  vœux 
pour  lui,  conformément  à  l'instinct  orthodoxe,  qui  préfère 
toujours  un  païen  à  un  hérétique,  surtout  lorsque  l'héré- 
tique est  un  maître.  Ils  devaient  d'ailleurs  espérer,  non 
seulement  que  Clovis  les  délivrerait  de  la  domination 
arienne  des  Burgondes  et  des  Goths,  mais  qu'il  se  conver- 
tirait lui-même  au  catholicisme.  Son  mariage  avec  Clotilde 
augmenta  cette  espérance,  et  son  baptême  la  réalisa.  On 
sait  avec  quelle  ardeur  et  avec  quel  succès  les  évêques 
aidèrent  dès  lors  et  même  stimulèrent  Clovis  en  toutes  ses 
entreprises.  L'établissement  des  Francs  dans  la  Gaule  fut, 
pour  une  très  grande  part,  l'œuvre  de  l'Eglise  ;  et  ce  n'est 
pas  sans  raison  que  Grégoire  de  Tours  a  donné  à  l'histoire 
de  Clovis  et  de  ses  premiers  successeurs  le  titre  à' Histoire 
ecclésiastique  des  Francs  :  Barbares  et  clercs  s'y  trouvent 
associés  aux  mêmes  faits  et  en  partagent  les  résultats. 
Avitus,  évêque  métropolitain  de  Vienne,  écrivait  à  Clovis  : 
«  Quand  tu  combats,  c'est  nous  qui  gagnons  la  victoire.  » 
C'est  avec  une  égale  justesse  que  l'Eglise  elle-même 
a  appelé  les  rois  francs  ses  fils  aînés.  Dans  l'Empire, 
l'Eglise  jouissait  ordinairement  de  la  protection  des  princes, 
mais  elle  tenait  auprès  d'eux  la  situation  inférieure  et 
plus  ou  moins  subordonnée  d'une  protégée  auprès  de  son 
protecteur  ;  ses  attributions,  définies  par  les  lois,  étaient 
généralement  limitées  au  domaine  spirituel  et  ne  lui  con- 
féraient nullement  le  caractère  d'un  des  pouvoirs  de  l'Etat. 
D'autre  part,  la  société  laïque  comprenait  un  grand  nombre 
d'hommes  instruits,  cultivés  autant  et  plus  que  les  clercs 
et  les  évêques  eux-mêmes.  Sur  les  Barbares  qu'elle  venait 
de  convertir  l'Eglise  exerça  aussitôt  tous  les  droits  de  la 
puissance  maternelle  ;  elle  prit  devant  eux  l'attitude  d'une 
mère  tutrice,  bienfaitrice,  mais  maîtresse  indiscutable. 
Bénéficiant,  avec  un  égal  profit,  de  leur  dévotion  et  de 
leur  ignorance,  de  leurs  passions  et  de  leurs  vices,  elle 
monta  sur  le  trône  ou  le  pavois,  comme  régente,  à  côté  de 


FRANCE 


—  4054 


leurs  rois.  Ainsi  se  constitua  un  régime  demi-barbare,  pro- 
fondément empreint  de  théocratie. 

Au  mot  Bien,  t.  VI,  pp.  737-738,  nous  avons  indiqué 
les  causes  et  l'étendue  du  développement  du  domaine  ecclé- 
siastique après  l'établissement  des  Francs  dans  la  Gaule. 
Ce  domaine  procurait  au  clergé  tous  les  privilèges  attachés 
alors  aux  possessions  territoriales  et  lui  assurait  une  place 
parmi  l'aristocratie  des  conquérants.  Presque  immédiate- 
ment après  la  conquête,  les  évêques  et  les  abbés  prirent 
rang  parmi  les  leudes  du  roi.  Dans  les  tarifs  de  composi- 
tion les  clercs  étaient  estimés  à  un  prix  très  élevé,  indé- 
pendamment de  leur  nationalité.  D'autre  part,  leur  instruc- 
tion leur  valait  une  part  effective  dans  l'administration  du 
pays  ;  c'était  à  eux  que  les  Barbares  s'adressaient  ordinai- 
rement pour  rédiger  leurs  propres  lois,  conduire  les  affaires 
importantes  et  donner  à  leur  domination  les  rudiments  né- 
cessaires d'organisation  et  de  régularité.  Les  Francs  se 
fixèrent  généralement  dans  les  campagnes,  gardant  pour 
eux  les  coutumes  de  leur  nation  ou  de  leur  tribu  et  laissant 
au  peuple  conquis  la  loi  romaine.  La  population  des  villes 
se  composait  presque  exclusivement  des  anciens  sujets  de 
l'Empire  ;  l'évêque  y  prit  une  part  de  plus  en  plus  impor- 
tante, soit  à  la  gestion  des  affaires  locales,  soit  à  l'adminis- 
tration de  la  justice.  On  le  voit  présider  à  de  grandes  assem 
blées  de  clercs  et  de  laïques.  Il  y  eut  même  des  villes  où 
il  devint  réellement  souverain.  En  effet,  le  privilège  d'im- 
munité concédé  à  l'Eglise,  par  les  rois  de  la  première  et 
de  la  seconde  race,  ne  resta  point  borné  à  de  simples  do- 
maines ;  il  s'établit  sur  des  villes  entières  :  à  Tours,  par 
exemple,  où  les  droits  du  fisc  avaient  été  supprimés, 
l'évêque  se  trouva  investi  d'un  pouvoir  sans  contrôle  et  sans 
contrepoids  sur  le  gouvernement  de  la  cité.  —  Ces  avan- 
tages temporels  ne  pouvaient  être  acquis  que  par  l'aliéna- 
tion de  droits  spirituels  et  par  l'adultération  du  ministère 
de  l'Eglise.  Non  seulement  dans  leurs  rapports  avec  Clovis, 
les  évêques  se  servirent  du  langage  le  plus  adulateur,  mais 
ils  le  laissèrent  envahir  les  élections  ecclésiastiques  ;  ils  con- 
sentirent à  demander  sa  permission  pour  ordonner  des 
hommes  libres  et  consacrèrent  même  à  sa  prière  des  Ro- 
mains coupables  de  sacrilège  :  «  Il  faut,  disait  saint  Rémi, 
se  conformer  à  la  volonté  d'un  roi  défenseur  et  propagateur 
de  la  foi  catholique.  Ses  ordres  n'étaient  pas  canoniques 
sans  doute,  mais  le  chef  des  provinces,  le  gardien  de  la 
patrie,  le  triomphateur  des  nations  l'avait  commandé  î  » 
Après  avoir  raconté  quelques-unes  des  plus  criminelles  ac- 
tions de  ce  roi,  dont  le  caractère  est  un  mélange  prodi- 
gieux d'habileté,  de  dévotion  et  de  scélératesse,  Grégoire 
de  Tours  dit  sans  transition  et  avec  une  sereine  incons- 
cience :  «  Dieu  prosternait  ses  ennemis  devant  lui,  parce 
qu'il  marchait  avec  un  cœur  droit  devant  le  Seigneur  et 
qu'il  faisait  tout  ce  qui  était  agréable  à  ses  yeux  (liv.  II, 
ch.  xl).  »  Le  concile  d'Orléans  (Ml),  où  trente-deux 
évêques  s'étaient  assemblés  sur  l'ordre  de  Clovis,  lui  sou- 
mit ses  canons.  Plusieurs  de  ces  canons  entreprennent  sur 
la  juridiction  civile  ;  mais  le  Ve  reconnaît  que  les  églises 
tiennent  du  roi  les  fonds  dont  elles  sont  dotées.  Quelques 
canonistes  ont  vu  dans  cette  énonciation  l'origine  de  la  ré- 
gale. La  deuxième  partie  de  ce  canon,  numérotée  comme  VIe, 
statue  qu'aucune  personne  séculière  ne  pourra  être  prise 
pour  un  office  ecclésiastique,  que  sur  le  commandement 
du  roi  et  le  consentement  des  juges.  Aux  mots  Abbaye, 
Collation  des  bénéfices,  Concordat,  Eglise  catholique 
romaine,  Election,  on  trouvera  l'histoire  des  compétitions 
et  des  conflits  du  clergé,  des  princes  et  des  papes  pour  la 
disposition  des  offices  et  des  biens  ecclésiastiques. 

Les  entreprises  des  leudes  et  les  succès  du  parti  austra- 
sien  infligèrent  au  clergé  de  dures  épreuves.  Pépin  l'en 
délivra.  Il  fit  entrer  dans  les  champs  de  Mars  les  évêques, 
non  plus  seulement  comme  propriétaires,  mais  comme  pré- 
lats, pour  balancer  l'autorité  des  seigneurs  :  ce  qui  cons- 
tituait un  second  ordre  dans  l'Etat.  Dès  lors,  les  assem- 
blées nationales  tendirent  à  devenir  des  conciles.  Quelques 
canonistes  les  appellent  concilia  mixta.  Les  évêques  y 


introduisirent  la  langue  latine,  des  questions  de  dogme  et 
de  discipline,  et  prirent  une  part  prépondérante  aux  déli- 
bérations sur  la  législation  et  l'administration.  Charlemagne 
suivit  son  père  sur  cette  voie.  On  trouvera  chez  la  plupart 
des  historiens  ce  qu'il  fit  à  l'égard  de  l'Eglise  et  quelle 
part  il  lui  attribua  dans  son  œuvre,  qui  paraît  avoir  eu 
pour  but  de  fonder  un  empire  en  prenant  l'Eglise  pour  base 
et  pour  instrument.  Sous  son  règne,  toutes  les  mesures 
relatives  à  l'Eglise  franque  étaient  prises  au  nom  du  pou- 
voir temporel.  Il  convoquait  les  assemblées  nationales  et 
les  conciles,  et  il  publiait  leurs  décisions  sous  forme  de  ca- 
pitulâmes. Le  clergé  acceptait  cette  situation.  Les  conciles 
d'Arles  et  deMayence  (813)  soumirent  leurs  délibérations 
à  sa  sagesse.  —  Au  mot  Canon  (Droit),  t.  IX,  p.  59,  nous 
avons  mentionné  les  principaux  documents  qui,  depuis  Chil- 
debert  et  Clotaire  jusqu'à  la  Révolution  française,  se  réfè- 
rent à  l'intervention  des  princes  dans  la  religion.  Ils  sont 
nombreux  et  importants  sous  les  Carolingiens.  Pour  ce  qui 
fait  l'objet  spécial  de  cette  notice,  nous  devons  retenir  ce 
qui  concerne  la  dîme  et  le  sacre  ;  ils  achevèrent  l'édifica- 
tion de  la  puissance  ecclésiastique,  à  la  base  et  au  sommet. 
La  dîme  (V.  ce  mot)  établissait  une  contribution  générale 
au  profit  de  l'Eglise.  Le  sacre  soumettait  les  princes  à  son 
onction  ;  il  semblait  faire  dépendre  d'elle  leur  dignité  et  lui 
permettait  d'assigner  à  ce  qu'elle  donnait  des  conditions  : 
promesses  et  serments.  L'Eglise  en  vint,  sous  les  Carolin- 
giens, à  prétendre  qu'elle  pouvait  défaire  ce  qu'elle  avait 
fait  et  destituer  les  princes  qu'elle  avait  sacrés  et  parce 
qu'elle  les  avait  sacrés.  Lorsque  de  pareilles  prétentions 
furent  abandonnées,  le  sacre  resta  comme  le  symbole  su- 
prême de  l'alliance  du  trône  et  de  l'autel. 

Indépendamment  des  prérogatives  que  la  royauté  pré- 
tendit, en  tout  temps,  exercer  comme  gardienne  de  l'Eglise, 
celle-ci  devait  subir  certains  asservissements  résultant  soit 
des  nécessités  matérielles  de  son  existence,  soit  de  la  cons- 
titution politique,  sociale  ou  civile  des  nations  où  elle 
était  établie.  Les  concessions  immobilières  qui  lui  avaient 
été  faites  se  trouvèrent  soumises  aux  conditions  et  aux 
allégeances  qui  pesaient  sur  tous  les  bénéfices  à  l'époque 
franque  (V.  I)écime,  t.  XIII,  p.  \  063) .  Plus  tard,  les  bénéfices 
furent  transformés  en  fiefs  et  durent  subir  la  loi  qui  ré- 
gissait les  fiefs.  A  part  quelques  francs- alleux,  la  pro- 
priété libre  disparut  elle-même,  absorbée  par  le  régime 
féodal,  qui  organisa  une  hiérarchie  en  dehors  de  laquelle 
aucune  personne  ni  aucune  terre  ne  pouvaient  trouver  de 
place.  Dans  ce  système,  toute  terre  est  inféodée  et  déter- 
mine les  droits  et  les  devoirs  des  personnes,  d'après  les 
titres  suivant  lesquels  les  personnes  occupent  la  terre, 
depuis  le  seigneur  jusqu'au  serf.  Fief  servant  par  rap- 
port à  son  suzerain,  fief  dominant  par  rapport  à  ses 
vassaux,  la  terre  ecclésiastique  devait  au  premier  ce  qu'elle 
exigeait  des  derniers.  D'ailleurs,  les  offices  mêmes  avaient 
pris  nature  de  fiefs  et  étaient  assimilés  à  une  tenure,  non 
seulement  lorsqu'ils  conféraient  l'exercice  d'un  droit  réga- 
lien, mais  même  lorsqu'ils  supposaient  une  participation 
quelconque,  fût-elle  la  plus  lointaine,  aux  attributions  de 
l'autorité  publique.  Ainsi,  d'un  côté,  par  la  terre  qui  cons- 
tituait le  domaine  épiscopal,  et,  d'autre  côté,  par  les  droits 
de  justice  et  autres  droits  régaliens  attachés  tant  à  la  pos- 
session de  cette  terre  qu'à  son  office  même,  l'évêque  se 
trouvait  doublement  incorporé  dans  le  régime  féodal.  Ce 
qui  est  vrai  des  évêchés  l'est  pareillement,  dans  une  me- 
sure proportionnelle,  de  tous  les  bénéfices  ecclésiastiques. 
Le  clergé  entra  dans  le  système  féodal,  non  comme  corps, 
mais  comme  propriétaire,  et  tout  en  continuant  à  consti- 
tuer sous  certains  rapports  une  société  distincte  et  à  exer- 
cer une  juridiction  spéciale.  Sous  le  rapport  féodal,  les 
évêchés  et  les  abbayes  lurent  des  seigneuries  toutes  sem- 
blables aux  seigneuries  laïques,  soumises  à  une  terre  suze- 
raine à  laquelle  elles  devaient  l'hommage  et  les  services 
féodaux,  ayant  des  terres  vassales  dont  elles  exigeaient  les 
mêmes  redevances.  Quelques-unes  prétendaient  ne  relever 
que  du  saint-siège,  mais  la  plupart  furent  accaparées  par 


—  4055  — 


FRANCE 


les  rois  (pour  les  développements,  V.  Abbaye,  Avocat  ou 
Défenseur  de  l'Eglise,  Investiture,  Juridiction  ecclésias- 
tique). 

Grégoire  VII  et  ses  successeurs  entreprirent  d'affran- 
chir de  toute  obligation  féodale  le  clergé,  qui  possédait 
alors  près  de  la  moitié  des  terres  de  l'Europe,  et  de  re- 
constituer sa  dépendance  au  profit  du  siège   apostolique, 
par  un  hommage  spécial.  Ils  n'obtinrent  de  résultat  décisif 
que  relativement  à  la  forme  de  l'investiture  par  la  crosse 
et  par  Vanneau,  En  réalité,  les  laïques  conservèrent, 
sur  les  bénéfices  ecclésiastiques,  la  plénitude  de  la  suze- 
raineté féodale  que  les  papes  leur  avaient  si  hautement 
déniée  (V.  Investiture).  La  réforme  qui  dégagea  l'Eglise 
des  liens  féodaux  résulta  des  causes  qui  amenèrent  gra- 
duellement la  suppression  de  la  féodalité  elle-même.  En 
France,  ce  fut  la  royauté  qui  l'accomplit  et  en  profita; 
l'Eglise  y  perdit  à  l'égard  de  ses  vassaux  ce  qu'elle  ga- 
gnait à  l'égard  de  ses  suzerains  immédiats.  Elle  perdit 
même  une  très  grande  part  de  la  juridiction  spéciale  qu'elle 
prétendait  exercer  comme  puissance  spirituelle;  car  les 
entreprises  de  la  royauté  et  des  juges  royaux  atteignirent 
la  juridiction  ecclésiastique  proprement  dite,   en  même 
temps  que  la  juridiction  seigneuriale.  Les  parlements  en 
vinrent  même  à  rendre  des  arrêts  sur  des  questions  de 
doctrine  et  sur  l'administration  des  sacrements  (V.  Canon 
[Droit],  t.  IX,  pp.  65-66,  et  Juridiction  ecclésiastique). 
Finalement  les  rois  de  France  disposèrent  d'une  part 
fort  importante  du  spirituel  et  d'une  part  plus  importante 
encore  du  temporel  de  l'Eglise.  En  s'ingérant  dans  l'éta- 
blissement des  lois  ecclésiastiques,  ils  ne  se  prévalaient 
point  seulement  du  droit  de  haute  police  qui  appartient  à 
tout  souverain,  pour  maintenir  la  sécurité  etl'ordredans  ses 
Etats,  et  la  fidélité  de  ses  sujets;  ils  proclamaient  ou  on 
proclamait  pour  eux,  d'après  les  exemples  de  l'Ancien 
Testament,  que  le  droit  des  princes  à  faire  des  lois  con- 
cernant la  religion  est  fondé  sur  la  nature  de  la  royauté 
et  qu'il  est  une  suite  de  ses  devoirs  et  de  ses  obligations 
(Brunet,  Histoire  du  droit  canonique  et  du  gouverne- 
ment de  l'Eglise)  Paris,  in-12,  4720,  p.  353);  ils  re- 
vendiquaient en  outre  des  titres  spéciaux,  tels  que  ceux 
de  Défenseurs  de  l'Eglise,  à'Evêques  du  dehors,  de  Ven- 
geurs des  anciennes  règles,  de  Protecteurs  des  saints 
canons  et  notamment  des  libertés  de  l'Eglise  gallicane, 
qu'à  leur  sacre  ils  avaient  juré  de  maintenir.  En  ces  di- 
verses qualités,  ils  exerçaient  non  seulement   un  droit 
propre  et  direct  de  réglementation,  mais  un  droit  de  con- 
trôle et  de  sélection,  de  sanction  et  d'interdiction  sur  les 
constitutions  émanées  des  pouvoirs  ecclésiastiques,  se  ré- 
servant d'en  autoriser  ou  d'en  prohiber  la  publication  et, 
par  suite,  l'exécution.  On  tenait  pour  maxime  constante 
qu'aucun  canon  n'avait  force  de  loi  dans  l'Eglise  gallicane 
à  moins  qu'il  n'eût  été  accepté  et  publié  par  le  roi,  pro- 
tecteur de  la  discipline  ecclésiastique.  Les  canons  des  con- 
ciles généraux  n'étaient  point  exceptés  de  cette  règle,  encore 
moins  ceux  du  pape  (De  Héricourt,  Loix  ecclésiastiques; 
Paris,   1766,  in-fol.  (lr9  partie,  ch.  xiv,  n03  16-19). 
Pour  les  constitutions  des  papes,  l'autorisation  du  roi 
devint  nécessaire,  sans  distinction  entre  les  matières  de  foi 
et  les  matières  de  discipline,  et  sans  autre  exception  que 
celle  relative  aux  bulles,  brefs  et  induits  concernant  le 
for  intérieur  seulement  et  les  dispenses  de  mariage  (Dé- 
claration du  8  mars  i772). 

Malgré  des  divergences  qui  semblaient  irréductibles,  les 
papes  et  nos  rois  s'entendirent  pour  partager  entre  eux, 
aux  dépens  du  clergé  national,  les  avantages  résultant  de 
l'administration  de  l'Église  et  de  la  faculté  de  disposer  de 
ses  offices  et  de  ses  bénéfices.  Le  concordat  de  1516 
abolit  les  élections  et  attribua  irrévocablement  au  roi  le 
droit  de  nommer  aux  archevêchés  et  aux  évêchés,  aux 
abbayes  et  aux  prieurés  purement  électifs.  Il  déclarait 
toutefois  que  ces  dispositions  ne  portaient  aucun  préjudice 
aux  droits  des  églises  qui  produiraient  par  écrit  et  en 
bonne  forme  la  preuve  de  leur  privilège  à  cet  égard. 


Mais  des  bulles  suspendant  le  droit  d'élire  rendirent  illu- 
soire cette  réserve  :  aucune  église  du  royaume  n'en  con- 
serva le  profit.  Du  reste,  les  collations  que  le  roi  pouvait 
faire  étaient  loin  d'être  limitées  aux  catégories  énoncées 
dans  le  concordat.  La  même  faculté  lui  était  reconnue 
sur  d'autres  bénéfices,  pour  des  causes  diverses  :  concor- 
dat germanique,  en  quelques  provinces  réunies  à  la  France  ; 
induits  spéciaux  accordés  par  le  pape  ;  induit  du  parle- 
ment de  Paris  ;  droits  de  régale,  de  serment  de  fidélité, 
de  joyeux  avènement,  de  joyeuse  entrée  ;  droit  de  garde 
royale  ;  droit  de  litige  entre  les  patrons  ;  droit  de  disposer 
des  bénéfices  dont  le  patronage  appartenait  à  des  fiefs 
possédés  par  des  seigneurs  séparés  de  l'Eglise  ou  à  des 
fiefs  dépendant  du  domaine  de  la  couronne.  Enfin,  colla- 
tion des  titres  ecclésiastiques  des  saintes  chapelles  et 
autres  de  fondation  royale  (pour  les  exceptions  les  plus 
importantes,  V.  Chef  d'ordre  et  Patronage).  La  cour 
de  Rome  prétendait  que  le  roi  ne  pouvait  nommer  aux 
monastères  de  filles,  parce  que  le  concordat  n'en  parle  pas. 
En  France,  on  prétendait  le  contraire,  et  le  roi  nommait 
en  conséquence.  Les  officiers  de  la  Daterie  expédiaient  des 
bulles  sur  cette  nomination  ;  mais  au  lieu  d'en  faire  men- 
tion, ils  inscrivaient  une  clause  dont  on  ne  tenait  aucun 
compte  ;  et  l'abbesse  était  mise  en  possession,  sans  qu'on 
demandât  l'avis  ou  le  consentement  des  religieuses.  Le 
roi  n'admettait  d'exceptions  à  son  droit  que  pour  les  mo- 
nastères de  l'ordre  de  Saint-François,  dit  de  Sainte-Claire, 
et  ceux  de  Sainte-Elisabeth  et  de  l'Annonciade. 

Non  seulement  le  concordat  avait  supprimé  les  dispo- 
sitions de  la  pragmatique  interdisant  les  expectatives, 
les  réserves,  les  annates  et  toutes  les  exactions  fiscales 
de  la  cour  de  Rome  ;  mais  en  obligeant  ceux  qui  seraient 
nommés  par  le  roi  à  se  faire  pourvoir  par  les  papes, 
il  assurait  à  ceux-ci  une  source  très  abondante  de  revenus. 
D'autre  part,  il  attribuait  au  roi,  en  même  temps  que  la 
dispensation  des  principaux  offices  de  l'Eglise,  celle  des 
bénéfices  qui  y  étaient  attachés,  c.-à-d.  la  disposition 
d'une  grande  partie  des  biens  du  royaume.  Indépendam- 
ment de  la  régale,  qui  leur  donnait  la  faculté  de  percevoir 
les  revenus  des  évêchés  et  des  monastères  vacants,  et  de 
pourvoir,  pendant  la  vacance  du  siège,  aux  bénéfices  qui 
étaient  à  la  collation  de  l'évêque,  nos  rois  possédaient 
dans  leur  droit  propre,  sa  nomination,  combiné  avec  la 
commende  (V.  ce  mot),  un  trésor  indestructible,  parce 
qu'il  comprenait  un  fonds  inaliénable.  Ils  y  trouvèrent,  pour 
accorder  des  faveurs,  récompenser  des  services  et  consti- 
tuer des  pensions,  des  ressources  renouvelables  à  chaque 
vacance.  C'était  la  noblesse  qui  en  recevait  la  meilleure 
part  ;  aussi  quelques  familles  de  robe  et  quelques  gens  de 
lettres.  En  somme,  la  considération  du  service  religieux 
de  l'Eglise  ne  tenait  qu'une  place  secondaire  dans  la  répar- 
tition de  ses  offices  et  de  ses  biens.  Le  plus  utile  moyen 
d'obtenir  ce  que  les  princes  pouvaient  donner  était  de 
s'efforcer  de  leur  plaire.  —  On  voit  les  rois  céder  une 
portion  de  leurs  droits  sur  l'Eglise  en  apanage  à  leurs 
enfants.  Des  lettres  patentes  du  21  avr.  1771  accordent 
à  Louis-Stanislas-Xavier,  petit-fils  de  France,  comte  de 
Provence,  le  patronage  des  églises  et  la  collation  des 
abbayes,  prieurés  et  tous  autres  bénéfices  consistoriaux, 
à  l'exception  des  évêchés,  dans  les  duchés  d'Anjou,  les 
comtés  du  Maine,  du  Perche  et  de  Senonches  formant  son 
apanage.  31  oct.  1773,  dispositions  analogues,  en  faveur 
de  Charles-Philippe,  petit-fils  de  France,  comte  d'Artois, 
pour  son  apanage  des  duchés  d'Auvergne,  Mercœur  et 
Angoulême,  des  comtés  et  vicomtes  de  Limoges.  La  feuille 
des  bénéfices  (V.  ce  mot)  à  nomination  du  roi  était  tenue, 
en  1788,  par  l'évêque  d'Autun  ;  celle  des  bénéfices  de 
l'apanage  de  Monsieur,  par  l'évêque  de  Seez  ;  celle  de 
l'apanage  du  comté  d'Artois,  par  l'évêque  de  Saint-Omer. 
Nous  renvoyons  au  mot  Décime  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne les  subventions  que  le  roi  ou  d'autres  en  son  nom 
levaient  ordinairement  ou  extraordinairement  sur  le  clergé  : 
on  y  trouvera  les  notions  nécessaires  sur  l'origine,  l'impo- 


FRANCE 


—  4056  — 


sition,  la  répartition  et  le  recouvrement  de  ces  contributions  _ 
plus  ou  moins  volontaires,  ainsi  que  sur  les  assemblées  du 
clergé,  ses  agents  généraux  ou  solliciteurs,  les  bureaux 
particuliers  des  décimes,  les  bureaux  généraux  et 
supérieurs  ou  chambres  souveraines  ecclésiastiques.  Il 
suffit  de  rappeler  ici  que  les  décimes  ordinaires,  appelées 
aussi  décimes  anciennes  et  décimes  du  contrat,  ayant 
été  exclusivement  affectées  au  payement  des  rentes  de  l'Hôtel 
de  Ville  et  aux  gages  des  officiers  des  décimes,  le  roi  ne 
profitait  plus.  Il  dut  demander  au  clergé  d'autres  secours  ; 
on  leur  donnait  le  nom  de  subventions  ou  décimes  extra- 
ordinaires. Il  y  en  avait  de  deux  sortes  :  les  unes  étaient 
certaines  impositions  annuelles,  analogues  aux  décimes  or- 
dinaires, mais  ayant  une  origine  différente;  les  autres 
étaient  des  subsides  que  le  clergé  finit  par  accorder  régu- 
lièrement tous  les  cinq  ans  et  auxquels  il  réserva  spécia- 
lement le  nom  de  dons  gratuits,  et  en  outre,  des  subsides 
exceptionnels,  fournis  de  temps  en  temps,  suivant  les  néces- 
sités de  l'Etat.  L'estimation  des  biens  et  des  revenus,  faite 
en  vue  de  la  perception  des  décimes,  était  fort  au-dessous 
de  la  valeur  réelle  pour  la  plupart  des  bénéfices,  mais  sur- 
tout pour  les  grands,  qu'elle  déchargeait  au  détriment  des 
petits.  En  outre,  l'évaluation  des  revenus  pour  les  grands 
bénéfices  ne  comprenait  ordinairement  que  l'émolument 
net,  toutes  charges  déduites  et  tous  services  payés  ;  pour 
la  plupart  des  petits,  le  revenu,  c'était  la  rétribution  même 
de  l'office  du  bénéficier,  rétribution  souvent  insuffisante 
(V.  Portion  congrue  à  Fart.  DIme).  Le  redressement  de 
ces  disproportions  fut  constamment  demandé  jusqu'à  la  Ré- 
volution, mais  vainement,  parce  que  cette  réforme  ne  pou- 
vait être  réalisée  que  par  un  accord,  fort  difficile  à  ménager 
entre  le  roi  et  le  clergé,  et  parce  que  de  puissants  intérêts 
étaient  attachés  au  maintien  des  abus.  —  Dans  les  pays 
où  la  taille  était  personnelle,  les  ecclésiastiques,  étant  ré- 
putés nobles  dans  le  royaume,  jouissaient  du  privilège  des 
nobles,  qui  en  étaient  exempts,  mais  sous  certaines  res- 
trictions. Parmi  les  ecclésiastiques  on  comprenait  tous  ceux 
qui  vivaient  cléricalement,  ou  plutôt  tous  ceux  qui  profitaient 
du  privilège  clérical  (V.  ce  mot).  Dans  les  pays  où  la 
taille  était  réelle,  on  n'admettait  ordinairement  aucune 
sorte  d'exception  personnelle.  On  y  faisait  seulement  la 
distinction  des  biens  nobles  et  des  biens  roturiers.  Les  pos- 
sesseurs des  biens  nobles,  de  quelque  condition  qu'ils  fussent, 
ne  payaient  point  de  taille.  A  l'égard  des  biens  roturiers, 
tout  possesseur,  fût-il  même  seigneur  haut-justicier,  en 
acquittait  la  taille  et  les  autres  impositions  réelles.  Le  clergé 
ne  jouissait  donc  dans  ces  pays  d'aucun  privilège  particu- 
lier (V.  Taille).  Dans  les  contrats  passés  entre  le  roi  et  le 
clergé  pour  les  dons  gratuits,  se  trouvait  constamment  une 
stipulation  d'exemption  et  privilège  à  l'égard  des  droits  de 
franc-fief,  nouvel  acquêt,  aides,  ouvrages  publics,  usten- 
siles, garnison,  logement  des  gens  de  guerre,  dettes  des 
villes,  octrois,  taille,  taxes  d'aisés,  étapes,  emprunts,  traite 
foraine,  douane  de  Valence,  droits  sur  le  blé,  les  boissons, 
le  sel,  visite  de  gabelle,  etc.,  généralement  de  toute  charge 
personnelle  et  onéreuse.  A  l'égard  du  sel,  l'exemption 
avait  plus  ou  moins  d'importance,  suivant  qu'il  s'agissait  des 
pays  d'impôt,  des  pays  de  vente  libre  et  des  pays  privilé- 
giés (V.  Gabelle). 

A  cause  de  la  variété  des  coutumes  locales,  il  est  extrê- 
mement difficile,  sinon  impossible,  d'indiquer  avec  certi- 
tude quel  était  en  France  le  produit  des  dîmes  (V.  ce  mot). 
Il  faudrait  pour  cela  un  inventaire  qui  n'a  jamais  été  fait. 
iVussi  les  évaluations  aventurées  par  les  écrivains  qui  se 
sont  occupés  de  cette  question  sont-elles  fort  différentes  : 
le  tiers  du  produit  net  de  la  terre,  la  quarantième  partie 
des  recettes  du  royaume,  170  millions,  70  millions,  40  mil- 
lions. Dans  un  discours  prononcé  à  l'Assemblée  consti- 
tuante>  Mayet,  curé  de  Rochetaillée,  les  estimait  à  90  mil- 
lions. Il  se  peut  que  cette  estimation  se  rapproche  de  la 
vérité,  mais  elle  est  tout  aussi  arbitraire  que  les  autres.  Il 
nous  semble  vraisemblable,  d'après  de  nombreux  indices, 
de  supposer  que  le  produit  clés  dîmes  pour  l'Eglise  repré- 


sentait à  peu  près  la  moitié  de  son  revenu,  que  les  comptes 
du  clergé  portaient  à  65  millions,  mais  que  Necker  éle- 
vait à  130  millions  :  ce  qui  donnerait  65  millions.  Cette 
somme  dépasse  considérablement  notre  budget  actuel  des 
cultes,  qui  ne  s'élevait  en  1892  qu'à  45  millions.  Mais  par 
l'effet  de  causes  que  nous  avons  indiquées  au  mot  Dîme,  la 
plus  grande  partie  était  dérobée  au  service  effectif  de 
l'Eglise.  Reaucoup  d'ecclésiastiques,  chargés  de  paroisses, 
se  trouvaient  privés  de  la  dime  ou  n'en  recevaient  qu'une 
part  fort  insuffisante  ;  ils  étaient  réduits  à  la  portion  con- 
grue, que  les  gros  décimateurs  leur  avaient  abandonnée, 
par  contrainte  et  très  parcimonieusement.  Fixée  par  un 
éditde  4571  à  120  livres,  cette  portion  avait  été  augmen- 
tée à  diverses  reprises,  malgré  l'opiniâtre  résistance  du 
haut  clergé.  Une  déclaration  du  2  sept.  1786  la  porta  à 
700  livres  pour  les  curés  et  les  vicaires  perpétuels,  à  350 
pour  les  vicaires.  Cette  mince  rétribution  avait  été  taxée 
à  50,  puis  à  60  et  finalement  à  70  livres  pour  le  paye- 
ment des  décimes  et  autres  impositions  du  clergé. 

Le  19  mars  4692,  le  clergé  de  France  avait  formulé,  en 
quatre  articles  dont  la  rédaction  avait  été  fort  édulcorée 
par  Rossuet,  la  doctrine  et  la  tradition  de  l'Eglise  et  du 
royaume  de  France  à  l'égard  de  la  papauté  *:  Saint  Pierre 
et  ses  successeurs,  vicaires  de  Jésus-Christ,  et  toute 
l'Eglise  même,  n'ont  reçu  de  puissance  de  Dieu  que  sur 
les  choses  spirituelles  et  qui  concernent  le  salut,  et  non 
point  sur  les  choses  temporelles  et  civiles...  Les  rois  et  les 
souverains  ne  sont  soumis  par  l'ordre  de  Dieu  à  aucune 
puissance  ecclésiastique  dans  les  choses  temporelles.  — 
Les  décrets  du  saint  concile  œcuménique  de  Constance  con- 
tenus dans  les  sections  IV  et  V...  observés  religieusement 
dans  tous  les  temps  par  l'Eglise  gallicane,  demeurent  dans 
leur  force  et  vertu.  — -  L'usage  de  la  puissance  apostolique 
doit  être  réglé,  en  suivant  les  canons  faits  par  l'esprit  de 
Dieu  et  consacrés  par  le  respect  universel  de  tout  le  monde  ; 
les  règles,  les  mœurs  et  les  constitutions  reçues  dans  le 
royaume  et  dans  l'Eglise  gallicane  doivent  avoir  leur  force 
et  vertu,  et  les  usages  de  nos  pères  demeurer  inébranlables. 
—  Quoique  le  pape  ait  la  principale  part  dans  les  ques- 
tions de  foi  et  que  ses  décrets  regardent  toutes  les  églises 
et  chaque  église  en  particulier,  son  jugement  n'est  pour- 
tant pas  irréformable,  à  moins  que  le  consentement  de 
l'Eglise  n'intervienne  (pour  le  texte  intégral  et  les  dévelop- 
pements^. Déclaration,  t.  XIII,  pp.  4 075  etsuiv.;  Eglise, 
t.  XV,  pp.  623  et  suiv.  ;  Gallicanisme).  De  la  maxime  cons- 
tamment professée  en  France,  que  les  évêques  ont  reçu  leur 
autorité  immédiatement  de  Jésus-Christ,  nullement  de  saint 
Pierre  et  des  papes,  on  déduisait  que  la  primauté  du  siège 
apostolique  ne  lui  donne  pas  le  droit  d'exercer  une  juridic- 
tion immédiate  dans  tous  les  diocèses,  en  toutes  sortes  de 
matières;  car  s'il  y  avait  un  évêque  universel,  les  autres 
ne  seraient  point  véritablement  évêques.,  De  plus,  l'Eglise 
gallicane  s'estimait  investie  de  la  mission  de  défendre  la 
coutume,  c.-à-d.  la  doctrine  et  les  mœurs  de  l'antiquité 
chrétienne  et  la  véritable  catholicité  contre  des  nouveautés 
funestes.  C'est  pourquoi  toute  promulgation  d'un  dogme 
nouveau,  toute  immixtion  du  pape  dans  les  affaires'  de 
l'Etat  et  toute  entreprise  sur  le  droit  divin  des  évêques, 
auraient  provoqué  contre  le  pape  une  protestation  et  une 
résistance  générales. 

Cependant,  en  conséquence  de  certains  droits  que  les 
papes  s'étaient  attribués  anciennement  et  qui  ne  leur  avaient 
point  été  repris,  en  conséquence  de  leurs  droits  de  dis- 
pense, en  conséquence  aussi  de  leurs  pactes  avec  nos  rois 
et  de  l'obligation  de  beaucoup  de  bénéficiers  à  se  faire 
pourvoir  par  eux,  la  cour  de  Rome  possédait  une  part  im- 
portante et  fort  lucrative  dans  la  disposition  des  biens  et 
des  offices  de  l'Eglise  de  France  et  dans  la  jouissance  de  ses 
revenus.  Par  rapport  à  la  juridiction,  aucune  distinction 
de  pays  n'était  faite  :  dans  toutes  les  provinces,  les  rescrits 
du  pape  étaient  soumis  à  la  vérification  et  à  l'enregistre- 
ment :  nulle  part,  il  ne  pouvait  évoquer  les  causes  pen- 
dantes, et  partout  il  devait  déléguer  des  commissaires  sur 


-  4057  — 


FRANCE 


les  lieux  (V.  Appellations  ecclésiastiques,  t.  III,  p.  417, 
col.  2).  En  matière  bénéficiale,  au  contraire,  on  comptait 
quatre  pays  dans  le  royaume  ;  pays  de  concordat  germa- 
nique, pays  de  concordat  français  ou  pays  libre,  pays  de 
réserve  ou  ÏÏ  obédience,  pays  d'usage.  —  Le  concordat 
germanique  avait  été  conclu  en  1448,  pour  les  pays  qui 
dépendaient  alors  de  l'Empire.  Il  fut  étendu  dans  la  suite 
à  plusieurs  provinces  qui  n'y  avaient  point  été  comprises. 
Par  un  édit  du  mois  de  févr.  1558,  Charles-Quint  en  avait 
prescrit  l'exécution  pour  le  Cambrésis.  Il  fut  aussi  intro- 
duit par  les  Espagnols  dans  la  Franche-Comté.  Les  trois 
évêchés  de  Metz,  Toul  et  Verdun  suivaient  pareillement 
cette  loi,  mais  en  vertu  d'un  induit  ampliatif  et  par  privi- 
lège. Le  concordat  germanique  avait  éteint  presque  toutes 
les  réserves,  le  concordat  français  ne  laissait  subsister  que 
celle  de  la  vacance  in  curia  ;  le  premier  avait  aboli  abso- 
lument l'usage  des  mandats  apostoliques  et  des  grâces 
expectatives,  le  second  ne  faisait  que  les  restreindre;  le 
premier  avait  conservé  les  élections  des  prélatures  et  des 
dignités,  le  second  les  avait  anéanties,  pour  y  substituer 
la  nomination  royale  et  les  provisions  ou  bulles  de  la 
cour  de  Rome  ;  la  première  avait  fait  un  partage,  suivant 
certains  mois,  des  bénéfices  inférieurs  entre  les  ordinaires 
et  le  saint-siège,  et  abrogé 'le  droit  de  prévention;  le  se- 
cond conservait  ce  droit,  mais  il  laissait  aux  ordinaires  la 
disposition  des  bénéfices  de  leur  dépendance,  tous  les  mois, 
à  l'exception  de  quatre  mois  affectés  à  l'expectative  des 
gradués  (V.  ce  mot).  —  Les  provinces  qui  appartenaient 
à  la  couronne  au  temps  de  la  pragmatique  sanction  et  du 
concordat  formaient  les  pays  du  concordat  français.  On 
les  appelait  ainsi,  parce  que  le  concordat  conclu  en  1516 
entre  François  Ier  et  Léon  X  y  était  exactement  observé.  On 
disait  que  les  bénéfices  y  étaient  libres,  parce  que  le  droit 
des  collateurs  ordinaires  n'y  rencontraient  d'obstacle  que 
dans  la  prévention  du  pape.  —  La  Bretagne,  la  Provence, 
la  Flandre,  le  Hainaut,  le  Roussillon,  le  comté  de  Bour- 
gogne et  la  Lorraine,  qui  n'étaient  point  encore  réunis  à 
la  couronne  à  l'époque  où  la  pragmatique  sanction  et  le 
concordat  avaient  aboli  les  réserves  et  les  grâces  expecta- 
tives de  la  cour  de  Rome,  étaient  pays  d'obédience  ou  de 
réserve.  Les  papes  y  avaient  conservé  leurs  anciens  droits 
et  disposaient  des  bénéfices  vacants  aux  mois  de  janvier,  fé- 
vrier, avril,  mai,  juillet,  août,  octobre  et  novembre  (V.  Mois 
du  pape).  Ils  étaient  dits  aussi  pays  d'induit,  parce  que  le 
roi  avait  reçu  du  pape  des  induits  particuliers  pour  nommer 
aux  bénéfices  consistoriaux  de  ces  provinces.  —  Les  pays 
d'usage  étaient  ceux  où  le  privilège  des  mois  du  pape  avait 
été  introduit  individuellement  sur  quelques  bénéfices,  sans 
que  les  autres  y  fussent  soumis.  On  donnait  aussi  ce  nom 
à  certaines  provinces  régies,  comme  l'Artois,  par  des  usages 
particuliers.  —  Outre  les  avantages  qu'il  tirait  de  la  collation 
directe  des  bénéfices,  là  où  elle  lui  avait  été  abandonnée,  le 
saint-siège  percevait  des  sommes  considérables,  àtitred'an- 
nates,  de  bulles  de  provision,  de  taxes  pour  sollicitations, 
signatures  et  expéditions  de  chancellerie,  de  componêndes 
pour  dispenses  de  mariage  et  autres,  unions  de  bénéfices,  sup- 
pressions, érections,  coadjutoreries,  pensions  sanscause,etc. 
Dans  le  royaume,  Y  annote  (V.  ce  mot)  ne  se  payait  que 
pour  les  bénéfices  consistoriaux  :  archevêchés  et  évêchés, 
abbayes  et  prieurés.  Les  autres  bénéfices  et  même  toutes 
les  abbayes  de  filles  en  étaient  exempts.  Dans  les  pays  du 
concordat,  elle  avait  été  réduite  à  la  moitié  de  l'ancienne 
taxe;  mais,  dans  les  pays  d'obédience,  elle  restait  due 
entièrement.  Elle  était  acquittée  à  l'occasion  des  bulles  de 
provision  et  évaluée  en  ducats  ou  florins.  Le  florin,  que  la 
chambre  apostolique  avait  assimilée  au  ducat,  représentait 
5  livres  5  sous,  non  compris  le  change  ou  remise  de  l'ar- 
gent à  Rome,  qui  était  de  2  ou  3  sous  par  écu.  Les  autres 
taxes  avaient  été  tarifées  en  monnaie  française,  par  arrêts 
du  conseil  de  1691  et  1703,  défendant  de  payer  une 
somme  plus  grande  que  celle  qui  avait  été  réglée  avec  le 
consentement  du  roi. 

Quelques  mots  sur  la  légation  ou  vice-légation  d'Avi- 

GIUNDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XVII. 


gnon  doivent  être  ajoutés  à  cet  aperçu  des  rapports  si 
complexes  de  l'Eglise  et  du  royaume  de  France  avec  la  pa- 
pauté. Les  Avignonnais  étaient  censés  régnicoles  et  n'étaient 
point  sujets  au  droit  d'aubaine.  Cependant  le  vice-légat 
d'Avignon  était  considéré  comme  étranger,  et  cette  qualité 
l'empêchait  de  fulminer  les  bulles  expédiées  en  cour  de 
Rome,  en  faveur  des  Français.  Il  exerçait  ordinairement 
sa  juridiction  sur  la  ville  et  sur  le  Comlat.  Il  l'exerçait 
aussi  au  dehors  sur  les  provinces  ecclésiastiques  de  Vienne, 
d'Arles,  d'Aix  et  d'Embrun  ;  mais  il  ne  pouvait  user  de 
ses  facultés  sur  ces  provinces  qu'après  avoir  obtenu  des 
lettres  patentes  sur  ses  bulles  et  les  avoir  fait  enregistrer 
en  tous  les  parlements  dans  le  ressort  desquels  s'étendait 
sa  légation.  Il  fallait  de  plus  qu'il  promît  par  écrit  de  ne 
rien  faire  de  contraire  aux  libertés  de  l'Eglise  gallicane  et 
de  se  soumettre  aux  modifications  portées  par  l'arrêt  d'en- 
registrement de  ses  bulles.  Il  avait  le  droit  de  conférer  dans 
ses  provinces  les  bénéfices  vacants  sur  démissions  pures 
et  simples,  faites  entre  ses  mains,  ou  sur  permutation,  et 
aussi  ceux  qui  vaquaient  par  dévolution.  Il  était  encore 
conservé  dans  la  faculté  de  prévenir  les  collateurs  ordi- 
naires dépendant  de  la  légation  ;  mais  les  canonistes  gal- 
licans prétendaient  que  cette  faculté  ne  lui  était  reconnue 
que  par  tolérance.  La  vice-légation  d'Avignon  possédait 
une  daterie  composée  d'un  dataire,  chef  des  officiers 
de  ce  tribunal,  d'un  secrétaire,  d'un  garde  des  sceaux, 
d'un  registrateur  et  d'un  correcteur  des  bulles  ;  elle  avait 
aussi  un  tribunal  de  la  rote,  formé  de  six  auditeurs,  dont 
le  président,  appelé  auditeur  général,  exerçait  des  droits 
très  étendus.  —  L'archevêque  de  la  ville  avait  voix  déli- 
bérative  au  parlement  de  Provence  ;  mais  cet  honneur  lui 
coûtait  ce  qu'on  appelait  le  droit  de  bonnet,  pour  lequel  il 
payait  une  certaine  somme.  Les  agents  généraux  du  clergé 
de  France  lui  adressaient  leurs  ordres,  comme  aux  autres 
prélats  du  royaume.  Il  était  obligé  d'établir  des  officiaux 
français  pour  toutes  les  parties  de  son  diocèse  situées  dans 
les  ressorts  des  parlements  d'Aix  et  de  Toulouse. 

Loyseau  écrivait  :  «  En  ce  royaume  très  chrétien,  nous 
avons  conservé  aux  ministres  de  Dieu  le  premier  rang 
d'honneur,  faisant  à  bon  droit  du  clergé,  c.-à-d.  de  l'ordre 
ecclésiastique,  le  premier  des  trois  Etats  de  France... 
En  quoi  nous  avons  suivi  aucunement  les  anciens  Gaulois, 
nos  prédécesseurs,  lesquels  donnaient  le  premier  ordre 
aux  druides,  qui  étaient  leurs  prêtres,  même  les  faisaient 
leurs  juges  et  leurs  magistrats.  »  L'article  XLV  d'un  édit 
d'avril  1695,  enregistré  le  14  mai,  confirma  formellement 
cette  vieille  tradition  :  «  Voulons  que  les  archevêques, 
évêques  et  tous  autres  ecclésiastiques  soient  honorés  comme 
le  premier  des  ordres  de  notre  royaume  et  qu'ils  soient 
maintenus  dans  tous  les  droits,  honneurs,  rangs,  séances, 
présidences  et  avantages  dont  ils  ont  joui  ou  dû  jouir 
jusqu'à  présent  ;  que  ceux  des  prélats  qui  ont  des  pairies 
attachées  à  leurs  archevêchés  ou  évêchés  tiennent  près  de 
notre  personne  et  dans  notre  conseil,  aussi  bien  que  dans 
notre  cour  de  parlement,  les  rangs  qui  leur  y  ont  été 
donnés  jusqu'à  présent  :  comme  aussi  que  les  corps  des 
chapitres  des  églises  cathédrales  précèdent  en  tous  les 
lieux  ceux  de  nos  bailliages  et  sièges  présidiaux  ;  que  ceux 
qui  sont  titulaires  desdits  chapitres  précèdent  les  prési- 
dents des  présidiaux,  les  lieutenants  criminels  et  particu- 
liers desdits  sièges;  et  que  les  chanoines  précèdent  les 
conseillers  et  tous  les  autres  officiers  d'iceux  ;  et  que  tous 
les  laïques  dont  on  est  obligé,  en  certains  lieux,  de  se 
servir  pour  aider  au  service  divin,  y  reçoivent  pendant  ce 
temps  les  honneurs  de  l'Eglise,  préférablement  à  tous 
autres  laïques.  »  Dans  les  Etats  généraux,  les  députés  du 
clergé  prenaient  rang  immédiatement  après  les  princes  du 
sang  ;  la  noblesse  venait  au  second  rang,  le  tiers  état  au 
troisième.  Au  sacre  des  rois  et  au  Parlement,  les  pairs 
ecclésiastiques  précédaient  les  pairs  laïques  qui  n'étaient 
point  princes  du  sang  royal.  En  toutes  les  assemblées 
générales  ou  particulières  tenues  dans  leurs  diocèses,  les 
archevêques  et  les  évêques  avaient  préséance  sur  les  gou- 

67 


FRANCE 


1058  — 


verneurs,  à  moins  que  ceux-ci  ne  fussent  princes  du  sang  ; 
en  plusieurs  provinces,  ils  étaient  même  présidents-nés  des 
Etats.  Les  ecclésiastiques  en  corps  jouissaient  tous  sans 
distinction  de  la  préséance  attribuée  au  clergé  en  général 
sur  les  laïques  ;  mais,  entre  eux,  les  rangs  étaient  détermi- 
nés par  le  caractère  et  la  dignité  de  leurs  fonctions  (V.  Pré- 
séance). —  En  1738,  les  pairs  ecclésiastiques  étaient  : 
de  Talleyrand-Périgord,  archevêque-duc  de  Reims  ;  de 
Sabran,  évêque-duc  de  Laon;  de  La  Luzerne,  évêque-duc 
de  Langres;  de  La  Rochefoucauld,  évêque-comte  de  Beau- 
vais  ;  de  Clermont-Tonnerre,  évêque-comte  de  Châlons  ; 
de  Grimaldi,  évêque-comte  de  Noyon;  de  Juigné,  arche- 
vêque de  Paris,  duc  de  Saint-Cloud.  Au  parlement  de 
Paris,  l'archevêque  de  cette  ville  et  l'abbé  de  Cluny  étaient 
conseillers  d'honneur-nés  ;  la  grand' chambre  comprenait 
douze  conseillers-clercs,  la  première  des  enquêtes  trois, 
la  seconde  des  enquêtes  deux,  la  troisième  des  enquêtes 
trois.  Le  Châtelet  de  Paris  avait  aussi  un  conseiller-clerc. 
Au  conseil  d'Etat  siégeaient,  à  titre  ecclésiastique,  quatre 
conseillers  ordinaires,  deux  conseillers  en  qualité  d'agents 
généraux  du  clergé,  deux  maîtres  des  requêtes.  Le  bureau 
du  conseil  des  parties  pour  les  affaires  ecclésiastiques  se 
composait  de  neuf  conseillers  d'Etat  ;  les  agents  généraux 
du  clergé  y  avaient  leurs  entrées  comme  conseillers  d'Etat. 
Les  principaux  membres  du  clergé  de  la  cour  étaient  : 
le  grand  aumônier  de  France  (en  1788,  de  Montmo- 
rency-Laval, évêque  de  Metz)  ;  le  premier  aumônier  du 
roi  (de  Roquelaure,  évêque  de  Senlis,  conseiller  d'Etat), 
le  maître  de  V oratoire  (de  Cezarge) ,  le  confesseur  du 
roi;  neuf  conseillers-aumôniers  du  roi  (tous  nobles)  : 
huit  d'entre  eux  faisaient  le  service  par  quartier,  deux  à 
deux;  le  neuvième  appelé  aumônier  ordinaire,  rem- 
plaçait le  grand  aumônier  de  France  et  le  premier  aumônier 
du  roi,  en  cas  d'absence  ;  les  prédicateurs  du  roi,  les 
chapelains  et  clercs  de  la  chapelle  et  oratoire  du  roi, 
les  chapelains  et  clercs  de  la  grande  chapelle,  les 
officiers  ecclésiatiques  des  maisons  domestiques  et  mi- 
litaires du  roi,  des  chapelles,  maisons  et  paroisses 
royales.  La  reine,  les  enfants  de  France  et  les  frères  du 
roi  avaient  aussi  leurs  aumôniers,  tous  nobles  et  évêques 
ou  hauts  abbés,  leurs  confesseurs  et  leurs  chapelles.  — 
Les  attributions  du  grand  aumônier  de  France  ont  été 
indiquées  en  partie  au  mot  Aumônier,  t.  IV,  p.  681.  Il 
convient  d'ajouter  ici  qu'il  était  la  première  dignité  ecclé- 
siastique du  royaume  et  de  la  cour,  dont  il  était  considéré 
comme  l'évêque  ;  il  donnait  les  certificats  des  serments  de 
fidélité  prêtés  au  roi  par  les  nouveaux  cardinaux,  arche- 
vêques, évêques  et  généraux  d'ordre.  L'administration  de 
la  feuille  des  bénéfices  (V.  ce  mot),  moyen  si  puissant 
de  munificence  et  d'influence,  lui  était  souvent  confiée.  Il 
était  assisté  par  un  vicaire  général  (en  1788,  de  Mont- 
murat),  qui  délivrait  aux  ecclésiastiques  de  la  maison  du 
roi  les  attestations  en  vertu  desquelles  ils  jouissaient  du 
droit  de  commensalité,  c.-à-d.  du  privilège  d'être  réputés 
présents  à  leurs  bénéfices  pendant  tout  le  temps  que  leur 
service  était  censé  durer.  —  Depuis  1720,  la  plupart  des 
charges  ecclésiastiques  de  la  maison  du  roi  avaient  cessé 
d'être  vénales;  celles  qui  se  vendaient  encore  étaient 
la  charge  de  grand  aumônier,  de  maître  de  l'oratoire, 
d'aumôniers  du  commun ,  d'aumôniers  et  de  précepteurs 
des  pages. —  Jusqu'au  règne  de  Charles  VIII,  le  confesseur 
du  roi  avait  été  le  premier  officier  ecclésiastique  de  la 
cour,  après  le  grand  aumônier  de  France  ;  ensuite,  il  ne  fut 
plus  que  le  troisième  dans  les  cérémonies  ;  sous  Louis  XIV, 
il  tenait  la  feuille  des  bénéfices.  Une  bulle  de  Clément  VI 
(20  avr.  1351)  avait  reconnu  aux  rois  et  aux  reines  de 
France  le  privilège  de  se  choisir  des  confesseurs,  sans  être 
assujettis  à  les  prendre  entre  les  prêtres  approuvés  par 
l'ordinaire.  Les  jésuites  furent  nombreux  parmi  les  con- 
fesseurs de  nos  rois.  Claude  Aqu aviva,  cinquième  général 
de  l'ordre  (1581-1615),  avait  réussi  à  donner  le  P.  Coton 
pour  confesseur  à  Henri  IV  ;  il  fit  pro  confessariis  regum 
une  ordonnance  très  habilement  conçue  pour  maintenir 


étroitement  sous  la  dépendance  de  leurs  supérieurs  les 
jésuites  investis  de  ces  fonctions  et  leur  enseigner  à  les 
exercer  avec  une  experte  prudence  :  «  Plus  le  confesseur 
jouira  des  bonnes  grâces  du  prince,  moins  il  devra  se  com- 
mettre avec  les  ministres.  S'il  s'agit  d'une  œuvre  de 
piété  jugée  nécessaire  par  le  supérieur,  il  aura  soin 
que  le  prince  en  écrive  ou  en  ordonne  lui-même  (art.  IV). 
Quand  bien  même  il  jouirait  de  quelque  crédit,  il  ne  faut 
pas  qu'il  passe  pour  en  avoir  trop  (art.  VII).  Il  est  du 
devoir  du  prince  d'écouter  volontiers  et  avec  patience 
tout  ce  que  le  confesseur  se  croira  obligé  de  lui  suggérer 
suivant  les  temps  et  les  circonstances,  car  il  convient  que, 
dans  ses  rapports  avec  l'homme  public  et  le  prince,  le  Père 
ait  la  liberté  d'exposer  avec  une  religieuse  franchise  tout  ce 
qu'il  croira,  en  notre  Seigneur,  pour  pouvoir  contribuer  plus 
efficacement  au  service  de  Dieu  et  du  prince  lui-même. 
Il  ne  s'agit  pas  seulement  ici  de  ce  que  le  prince  lui 
fera  connaître,  en  qualité  de  pénitent,  mais  aussi  des 
autres  choses  dignes  de  répression  dont  il  entendrait 
parler  (art.  VIII).  Il  s'acquittera  de  ses  fonctions,  ne 
cessant  de  prier  Dieu  qu'il  daigne  lui  montrer  par  sa 
lumière  le  but  qu'il  doit  atteindre  et  prenant  les  avis  de 
ses  supérieurs,  dans  les  cas  douteux  (art.  XI).  Qu'il 
s'efforce  toujours  de  concilier  la  bienveillance  et  V affec- 
tion du  prince  à  la  Compagnie  (art.  XII) .  » 

On  dit  qu'au  xve  siècle,  il  y  avait  en  France  30,419  églises 
curiales,  18,537  chapelles,  420  cathédrales,  2,870  abbayes 
et  prieurés,  924  maladreries.  Nous  relatons  ces  nombres 
sans  les  garantir  aucunement.  Les  listes  qui  suivent  ont 
pour  objet  de  présenter,  d'après  des  documents  certains, 
la  statistique  ecclésiastique  de  la  France  en  1788.  Les 
noms  des  métropoles  y  sont  inscrits  en  petites  capitales  ; 
les  chiffres  qui  précèdent  la  lettre  P  indiquent  le  nombre 
des  paroisses;  ceux  qui  précèdent  la  lettre  A,  le  nombre 
des  annexes;  ceux  qui  suivent  la  lettre  R  indiquent  en 
livres  les  revenus  du  siège  épiscopal,  d'après  les  éva- 
luations du  clergé;  ceux  qui  précèdent  la  lettre  T,  la 
taxe  perçue  à  Rome  pour  provision,  et  comptée  en  florins. 
Nous  renvoyons  à  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  sur  le  rapport 
entre  les  évaluations  du  clergé  et  la  valeur  réelle  des 
revenus,  ainsi  que  sur  la  valeur  du  florin.  Nous  avons  cru 
devoir  mentionner  les  noms  des  évêques,  afin  de  mesurer 
la  place  que  la  noblesse  tenait  en  l'Eglise,  à  la  veille  de  la 
Révolution. 

Reims,  Rémi.  L'archevêque  était  primat  de  la  Gaule 
Belgique,  légat-né  du  saint-siège,  duc  de  Reims,  premier 
pair  de  France;  il  avait  le  privilège  de  sacrer  les  rois. 
A.-A.,  de  Talleyrand-Périgord,  R.  50,000  L,  T.  4,750  fl.; 
517  P.,  229  A.  —  Soissons,  Suessiones.  L'évêque  avait 
le  droit  de  sacrer  les  rois  en  l'absence  des  archevêques  de 
Reims.  De  Bourdeilles,  R.  23,000  L,  T.  2,400  fl.; 
401  P.,  45  A.  —  Châlons-sur-Marne ,  Catalaunum. 
A.-A.-J.  de  Clermont-Tonnerre,  R.  24,000  L,  T. 
3,000  fl.;  300  P.,  80  A.  —  Laon,  Laudunum.  L'évêque 
était  duc  et  second  pair  de  France.  De  Sabran,  R.  30,000  L, 
T.,  4,000  fl.;  350  P.,  100  A.  —  Senlis,  Silvanectum. 
De  Roquelaure,  R.  38,000  L,  T.  1,254  fl.;  74  P.,  5  A. 
—  Beauvais,  Bellovacum.  L'évêque  était  le  premier  des 
comtes  et  pairs  ecclésiastiques.  De  La  Rochefoucauld, 
R.  96,000  L,  T.  4,600  fl.;  400  P.,  51  A.  —  Amiens, 
Ambianum.  De  Machault,  R.  30,000  L,  T.  4,900  fl.; 
800  P.,  120  A.  —  Noyon,  Noviodunum.  L'évêque  était 
comte  et  pair  de  France.  De  Grimaldi,  R.  37,000  L, 
T.  300  fl.;  341  P.,  26  A.  —  Boulogne,  Bononia.  De 
Partz  de  Pressy,  R.  20,000  L,  T.  1,500  fl.;  279  P., 
144  A. 

Paris,  Parisii.  L'archevêque  était  duc  de  Saint-Cloud 
et  pair  de  France.  Le  Clerc  de  Juigné,  R.  200,000  L, 
T.  4,283  fl.;  393  P.,  7  A.  —  Chartres,  Carnutes.  De 
Lubersac,  R.  25,000  L,  T.  4,000  fl.;  810  P.  —  Meaux, 
Meldœ,  De  Polignac,  R.  22,000  L,  T.  2,000  fl.;  231  P., 
4  A.  —  Orléans,  Aureliœ.  De  Jarente  de  Senas  d'Orge- 
val,  R.  50,000  L,  T.  2,000  fl.;  265  P.  —  Blois,  Blesœ. 


105Ô  — 


FRANCE 


De  Lauzières-Thémines,  R.  24,000 1.,  T.  2,533  fl.  ;  200  P. 

Rouen,  Rothomagus.  L'archevêque  était  primat  de 
Normandie.  D.  De  La  Rochefoucault,  R.  100,000  1.,  T. 
12,000  fl.;  1,388  P.  —  Bayeux,  Bajocœ.  De  Cheylus, 
R.  90,000  1.,  T.  4,433  fl.  ;  617  P.,  15  A.  —  Avranches, 
Abrincœ.  Godard  de  Belbeuf,  R.  20,000  1.,  T.  2,500  fl.  ; 
177  P.  —  Evreux,  Ebroicum.  De  Narbonne-Lara,  R. 
30,000  1.,  T.  2,500  fl.  ;  550  P.,  6  A.  —  Seez,  Sagium. 
Du  Plessis  d'Argentré,  R.  16,000  l.,T.  3,000 fl,;  497  P., 
"7  A.  —  Lisieux,  Lexovicum,  L'évêque  était  comte  de 
Lîsieux.  Ferron  de  La  Ferronnays,  R.  50,000  1.,  T. 
4,000  fl.  ;  486  P.,  1  A.  —  Coutances.  De  Talaru  de  Chal- 
mazel,  R.  44,000  1.,  T.  2,500  fl.;  493  P. 

Sens,  Senones.  L'archevêque  se  qualifiait  de  primat  des 
Gaules  et  de  Germanie.- De  LoméniedeBrienne,  R.  70,000 1. , 
T.  6,166  fl.  ;  774  P.,  34  A.—  Troyes,  Trecœ.  De  Barrai, 
R.  50,000  1.,  T.  2,500 fl.;  373  P.,  80  A.  —  Auxerre, 
Autisiodorum.  Champion  de  Cicé,  R.  50,000  1.,  T. 
4,400  fl.;  210  P.,  4  A.  —  Nevers,  Nivernum.  De 
Seguiran,  R.  20,000  1.,  T.  2,150  fl.  ;  271  P. 

Lyon,  Lugdunum.  L'archevêque  était  comte  de  Lyon 
et  primat  des  Gaules.  De  Marbeuf,  R.  50,000  1.,  T. 
3,000  fl.  ;  706  P.,  138  A.  —  Autun,  Augustodunum. 
L'évêque  était  président-né  et  perpétuel  des  Etats  de  Bour- 
gogne. Siège  vacant  ;  l'évêque  défunt  était  Y. -Al.  de  Mar- 
beuf; R.  22,000 1., T. 4,080 fl.;  610  P.  43,  A.—  Langres, 
Lingones.  L'évêque  était  duc  et  pair  de  France.  C.-G.  de 
La  Luzerne,  R.  52,0001., T.  9,000  fl;  470  P.,  230  A.— 
Maçon,  Matisco.  L'évêque  était  président-né  des  Etats  du 
Maçonnais.  G.-F.  Moreau,  R.  24,000  1.,  T.  1,000  fl.; 
260  P.,  15  A.  —  Chalon-sur-Saône,  Cabillo.  L'évêque 
était  comte  de  Chalon.  Du  Chilleau,  R.  14,000  1.,  T. 
700  fl.;  212  P.,  6  A.  —  Dijon,  Divio,  Des  Monstiers  de 
Mérinville,  R.  40,0001.,  T.  1,253  fl.;  256  P.,  52  A. 

Tours,  Turones.  De  Conzié,  R.  82,000 1.,  T.  9,500  fl.  ; 
310  P.  —  Le  Mans,  Cenomanum*  De  Jouffroy  deConis- 
sans,  R.  30,000  1.,  T.  2,216  fl.;  738  P.,  10  A.  — 
Angers,  Andegavwm.  Couet  du  Vivier  de  Lorry,  R.  35,000 
1.,  T.  1,700  fl.;  600  P.,  30  A.  —  Rennes,  Rhedones. 
L'évêque  était  conseiller-né  au  parlement  de  Bretagne. 
Bareau  de  Girac,  R.  32,000  1.,  T.  1,000  fl.;  221  P.  — 
Nantes,  Nannetes.  L'évêque  était  conseiller-né  au  parle- 
ment de  Bretagne.  De  La  urancie,R.  44,000  1..  T.  2,000  fl.; 
240  P.,  20  A.  —  Quimper,  Corisipositum  (autrefois  Cor- 
nouailles).  L'évêque  était  seigneur  de  la  ville  et  se  quali- 
fiait comte  de  Cornouailles.  Conen  de  Saint-Luc,  21,000  1. 
T.  1,000  fl.  ;  173  P.,  90  A.  —  Vannes,  Venetiœ.  S.-M. 
Amelot,  R.  39,000  1.,  T.  350  fl.  ;  160  P.  —  Léon,  Leo- 
nia.  L'évêque  était  comte  de  Léon,  seigneur  de  la  ville  épis- 
copale,  d'une  grande  partie  de  la  ville  de  Brest  et  de  plu- 
sieurs paroisses.  De  La  Marche,  R.  15,000  L,  T.  800  fl.  ; 
87  P.,  34  A.  —  Tréguier,  Trecorium.  Le  Mintier,  R. 
20,000  L,  T.  460  fl.  ;  104  P.  —  Saint-Brieuc,  Briocum. 
De  Regnault  de  Bellescize,  R.  12,000  L,  T.  800  fl.;  114 
P.,  12  A.  —  Saint-Malo,  Maclovium  (autrefois  Alet). 
L'évêque  était  baron  de  Beignon  et  seigneur,  par  indivis, 
avec  le  chapitre,  de  la  totalité  de  la  ville.  Cortois  de 
Pressigny,  R.  35,000  L,  T.  1,000  fl.  ;  161  P.,  24  A. 
— ■  Dol,  Dolum.  De  Hercé,  R.  20,000  L,  T.  4,000  fl.  ; 
90  P.,  5  A.  L'évêque  prenait  la  qualité  de  comte  de  Dol. 

Bourges,  Bituriges.  L'archevêque  prenait  le  titre  de 
patriarche  et  de  primat  des  Aquitaines.  De  Chatenet  de 
Puységur,  R.  50,000  L,  T.  4,033  fl.;  792  P.,  7  A.  - 
Clermont,  Claramons.  De  Bonal,  R.  15,000  L,  T. 
4,550  fl.  ;  800  P.  —  Limoges,  Lemovica.  Du  Plessis 
d'Argentré,  R.  20,000  L,  T.  1,600  fl.  ;  868  P.,  48  A.— 
Le  Puy,  Podium,  Anicium.  L'évêque  était  seigneur  du 
Puy,  comte  du  Velay  et  de  Brioude.  De  Gallard  de  f  erraube^ 
R.  35,000  L,  T.-  2,650  fl.;  133  P.—  Tulle,  Tutela. 
L'évêque  était  seigneur  et  vicomte  de  Tulle.  De  Raffelis  de 
Saint-Sauveur,  R.  15,000  L,  T.  1,400  fl.  ;  52  P.  — 
Saint-Flour,  Floropolis.  Cl.-M.  Ruffo,  des  comtes  de 
Laric,  R.  12,000 L,  T.  900  fl.;  300  P.,  7  A. 


Albi,  Albiga.  De  Pierre  de  Bernis,  R.- 120,000  L,  T. 
2,000  fl.  ;  213  P.,  124  A.  —  Rodez,  Rhutena.  L'évêque 
prenait  la  qualité  de  comte  de  Rodez.  Seignelay-Colbert  de 
Castle-Hill,  R.  50,000  L,  T.  2,326  fl.;  466  P.,  68  A.— 
Castres,  Castrum  Albiense.  De  Roy  ère,  R.  60,000  L, 
T.  2,500  fl.;  104  P.,  41  A.—  Cahors,  Cadurcum. 
L'évêque  prenait  la  qualité  de  baron  et  comte  de  Cahors. 
Lorsqu'il  officiait  solennellement,  il  avait  le  droit  de  mettre 
sur  l'autel  le  casque,  la  cuirasse,  les  gantelets  et  l'épée. 
De  Nicolay,  R,  60,000  L,  T.  1,000  fl.;  587  P.,  198  A. 

—  Vabres,  Vabres  ou  Vabrincum.  L'évêque  était  comte 
de  Vabres.  De  La  Croix  de  Castries,  R.  18,000  L,  T. 
1,000  fl.  ;  130  P.,  20  A.—  Mende,  Mimatœ.  De  Castel- 
lane,  R.  50,000  L,  T.  3,500  fl;  200  P.,  20  A.  L'évêque 
était  seigneur  et  gouverneur  de  Mende,  comte  du  Gévaudan 
et  de  Brioude. 

Bordeaux,  Burdigala.  L'archevêque  prenait  le  titre  de 
primat  de  la  seconde  Aquitaine.  J.-M.  Champion  de  Cicé, 
R.  55,000  L,  T.  4,000  fl.  ;  381  P.,  35  A.  -  Agen, 
Agenum.  D'Usson  de  Bonnac,  R.  50,000  L,  T.  2,440  fl.; 
388  P.,  168  A.  -—  Angoulême,  Engolisma.  D'Albinac  de 
Castelnau,  R.  20,000  L,  T.  1,000  fl.;  206  P.,  7  A.  — 
Saintes,  Santones.  De  La  Rochefoucauld -Bay ers,  R. 
20,000  L,  T.  2,000  fl.;  553  P.,  30  A.  -  Poitiers,  Pic- 
tavium.  De  Beautoil  de  Saint- Aulaire,  R.  30,000  L,  T. 
2,800  fl.  ;  725  P.  —  Périgueux,  Petrocorii.  De  Gros- 
soles  de  Flamarens,  R.  24,000  L,  T.  2,590  fl.;  440  P. 

—  Condom,  Condomum,  D'Anterroches,  R.  70,000  L, 
T.  2,500  fl.  ;  151  P.,  108  A.  —  Sarlat,  Sarlatum.  L'évêque 
était  seigneur  de  la  ville,  il  prenait  la  qualité  de  baron. 
De  Ponte  d'Albaret,  R.  30,000  L,  T.  742  fl.;  256  P., 
26  A.  —  La  Rochelle,  Bupella  (autrefois  Maillezais).  De 
Crussol  d'Uzès,  R.  64,000  L,  T.  2,000  fl.  ;  321  P.,  10  A. 

—  Luçon,  Lucionia.  De  Mercy,  R.  35,000  l.,T.  1,000 fl.; 
236  P.  L'évêque  était  baron  de  Luçon. 

Auch,  Augusta  Auscorum.  L'archevêque  était  primat 
de  la  Novempopulanie  et  du  royaume  de  Navarre.  De  La 
Tour  du  Pin-Montauban,  R.  120,000  1.  T,  1,000  fl.; 
359  P.,  140  A.  —  Acqs,  Aguce  Tabellicœ.  Le  Quien  de 
La  Neuville,  R.,  24,000  L,  T.  500  fl.  ;  196  P.  —  Lec- 
toure,  Lectoratum.  L'évêque  était  seigneur  de  la  ville 
avec  le  roi.  De  Cugnac,  R.  18,000  L,  T.  1,600  fl.  ; 
140  P.,  30  A.  —  Cominges,  Convertie,  L'évêque  avait 
séance  aux  Etats  du  Languedoc.  D'Osmond,  R.  60,000  L, 
T.  4,000  fl.;  236  P.,  169  A.  —  Conserans,  Conseranum. 
D.  de  Lastic,  R.  24,000  L,  T.  1,000  fl.;  63  P.  —Aire, 
Aturum,  R.  de  Cahuzac,  R.  30,000  L,  T.  1,200  fl.; 
132  P.,  73  A.  —  Bazas,  Vasatum,  De  Grégoire  de  Saint- 
Sauveur,  R.  18,000  L,  T.  600  fl.;  221  P.,  45  A.  — 
Oloron,  Eleonora.  De  Villoutreix  de  Faye,  R.  15,000  L, 
T.  600  fl.  ;  196  P.  —  Lescar,  Lascura.  L'évêque  était 
seigneur  de  Lescar,  conseiller  d'honneur-né  au  parlement 
de  Navarre,  président-né  des  Etats  de  Béarn.  De  Noé,  R. 
27,000  L,  T.  13  fl.;  200 P.  —  Rayonne,  Bayonna.  De 
Pavée  de  Villevielle,  R.  30,000  L,  T.  100  fl.;  74  P., 
5  A.  —  Tarbes,  Tarbiœ.  De  Gain-Montaignac, R.  30,0001., 
T.  1,200  fl.;  298  P.,  101  A.  L'évêque  était  président-né 
des  Etats  de  Bigorre. 

Narbonne,  Narbo.  L'archevêque  avait  titre  de  primat  ; 
il  était  président-né  des  Etats  du  Languedoc.  A.-R.  de 
Dillon,  R.  160,000  L,  T.,  9,000  fl.  ;  242  P.  —  Béziers, 
Biterœ.  A.-Cl.  de  Nicolai,  R.  54,000  L,  T.  2,008  fl.  ; 
130  P.,  6  A.  —  Agde,  Agatha,  Vermandois-Rouvroi- 
Sandricourt.  R.  40,000  L,  T.  1,500  fl.  ;  25 P.  —  Nîmes, 
Nemausus.  R.  26,000  L,  1,200  fl.  ;  90  P.  —  Carcas- 
sonne,  Carcasso.  Fr.-M.-F.  de  Vintimille,  R.  35,000  L, 
T.  6,000  fl.;  122  P.,  4  A.  —  Montpellier,  Mons  Pessul 
ou  Mons  Puellarum  (autrefois  Maguelone).  De  Malide, 
R.  44,000,  T.  4,000  fl.  ;  120  P.  — Lodève,  Lodova.  De 
Fumel,  R.  36,000  L,  T.  1,060  fl.;  58  P.,  5  A.  —  Uzès, 
JJcetia.  L'évêque  prenait  le  titre  de  seigneur  d'Uzès.  De 
Béthisy,  R.  25,000  L,  T.  1,000  fl.;  196  P.,  16  A.  - 
Saint-Pons  de  Tomières,  Sanctus  Pontius  Tomeriarum. 


FRANCE 


—  1060 


L'évêque  était  seigneur  de  la  ville.  L.  H.  de  Bruyères  de 
Chalabre,  R.  35,000  L,  T.  3,450  fl.  ;  45  P.,  5  A.  — 
Alet,  Alectœ.  L'évêque  était  comte  d'Alet.  De  Lacropte  de 
Chanterac,  R.  25,000  L,  T.  1,500  il.;  87  P.,  37  A. 

—  Alais,  Alesia.  De  Bausset,  46,000  L,  T.  500  fl.; 
83  P.,  3  A. 

Toulouse,  Tolosa.  De  Fontanges,  R.  400,000  L,  T., 
5,000  fl.;  248  P.,  409  A.  —  Montauban,  Wons  Alba- 
nus.  Le  Tonnelier-Breteuil,  R.  50,000  L,  T,  2,500  IL; 
83  P.,  38  A.  —  Mirepoix,  Mirapincum.  Tristan  deCam- 
bon,  R.  30,000  L,  T.  2,500  fl.  ;  82  P.,  35  A.  —  La- 
vaur,  Vaurum.  J.-A.  de  Castellane,  R.  46,000  L,  T. 
2,500  fl.  ;  67  P.,  46  A.  —  Rieux,  RM,  Rivensis.  P.-J. 
de  Lastic,  R.  45,000  L,  T.  2,500  fl.  ;  404  P.,  33  A.  — 
Lombez,  Lombaria.  De  Chauvigny  de  Blote,  R.  45,000  L, 
T.  2,500  fl.;  96  P.,  35  A.  —  Saint-Papoul,  Sanctus 
Papulus.  L'évêque  était  seigneur  de  la  ville.  De  Maillé 
de  La  Tour-Landry,  R.  45,000  L,  T.  2,500 fl.  ;  44 P.,  7  A. 

—  Pamiers,  Apaniœ.  D'Agoult, R.  25,000  L,  T.  1 ,500  fl.  ; 
100  P.,  50  A. 

Arles,  Arelate,  Constantina.  L'archevêque  se  quali- 
fiait de  primat  et  de  prince.  Du  Lau,  R.  42,000  L,  T. 
2,008  fl.  ;  54  P.,  4  A.  —  Marseille,  Massilia.  De  Belloy, 
R.,  30,000  L,  T.  700  fl.  ;  34  P.,  49  A.  -  Saint-Paul- 
Trois-Châteaux,  Tricastrum.  L'évêque  était  seigneur  de 
la  ville  avec  le  roi.  De  Reboul  de  Lambert,  R.  40,000  L, 
T.  400  fl.  ;  37  P.  —  Toulon,  Telo-Martius.  De  Castel- 
lane-Mazangues,  R.  45,000  L,  T.  400  fl.  ;  24 P. 

Aix,  Aquœ  Sexiiœ.  L'archevêque  était  président-né  des 
Etats  de  Provence.  De  Boisgelin,  R.  37,400  L,  T.  2,400 
fl.;  96  P.  —  Apt,40ta.DeCely,R.  9,0001.,  T. 250 fl.; 
32  P.,  6  A.  —  Riez,  ReiL  De  Clugny,  R.  49,000  L,  T. 
850  fl.;  54  P.  —  Fréjus,  Forojulium.  De  Bausset  de 
Roquefort,  R.  28,0001.,  T.  4,000  fl.  ;  70  P.  —  Gap, 
Vapincum.  L'évêque  était  comte  de  la  ville.  De  La  Broue 
de  Vareilles,  R.  44,000  L,  T.  4,400  fl.;  200  P.,  22  A. 

—  Sisteron,  Segustero.  De  Suffren  de  Saint-Tropez,  R. 
45,000  L,  T.  800  fl.  ;  50  P.,  23  A.  L'évêque  se  qualifiait 
de  prince  de  Lure. 

Vienne,  Vienna  Allobrogum.  L'archevêque  était  sei- 
gneur de  la  ville  en  paréage  avec  le  roi  ;  il  se  qualifiait  de 
primat  des  primats.  J.-G.  Le  Franc  dé  Pompignan,  R., 
35,000  L,  T.  4,854  fl.;  440  P.,  50  A.  —'Grenoble, 
Gratianopolis.  L'évêque  était  prince  de  Grenoble.  Siège 
vacant;  l'évêque  démissionnaire  était  J.  de  Cairol  de  Ma- 
daillan,  R.  38,000  L,  T.  1,088  fl.;  234  P.,  6  A.  — 
Viviers,  Vivarium.  L'évêque  était  comte  de  Viviers,  prince 
de  Donzers  et  Châteauneuf-du-Rhône.  Lafont  de  Savine, 
R.  30,000  L,  T.  4,400  fl.  ;  244  P.,  23  A.  -  Valence, 
Valentia.  De  Messey,  R.  48,0001.,  T.  2,389  fl.  ;  205  P., 
7  A.  —  Die,  Dea.  De  Plan  des  Augiers,  R.  45,000  L, 
T.  2,426  fl.  ;  240  P.  L'évêque  était  seigneur  de  la  ville. 

Embrun,  Ebrodunum.  L'archevêque  était  prince  d'Em- 
brun. De  Leyssin,  R.  22,000  L,  T.  2,400  fl.;  98  P.  — 
Digne,  Dinia.  L'évêque  était  seigneur  de  la  ville  et  baron 
de  Lausières.  De  Mouchet  de  Villedieu,  R.  43,000  L,  T. 
400  fl.  ;  32  P.,  8  A.  —  Grasse,  Grassa  (autrefois  An- 
tibes).  D'Etienne  de  Saint-Jean  dePrunières,  R.  40,000  L, 
T«  424  fl.  ;  24  P.,  4  A.  —  Vence,  Vincium,  Pisani  de  La 
Claude,  R.  7,000  L,  T.  400  fl.;  23  P.  —  Glandève, 
Glandateou  Glannativa.  HachettedesPortes,R.40,000L, 
T.  400  fl;  49  P.,  47  A.  —  Sénez, Saniiium  ou  Civitas 
Sanaciensium .  Siège  vacant;  l'évêque  démissionnaire  était 
J.-B.  de  Beauvais,  R.  40,700  L,  T.  300  fl.  ;  33  P.,  29  A. 

La  liste  qui  précède  comprend  cent  seize  diocèses 
répartis  en  seize  provinces  ecclésiastiques.  Les  ecclé- 
siastiques de  ces  diocèses  formaient  ce  qu'on  appelait  spé- 
cialement le  clergé  de  France,  celui  dont  les  députés 
délibéraient  sur  les  décimes  qu'il  payait  au  roi,  et  qui  en 
opérait  par  ses  propres  officiers  la  répartition  et  le  recou- 
vrement. Il  y  avait,  en  outre,  dans  le  royaume,  dix-neuf 
diocèses  qui  n'étaient  point  classés  parmi  ce  clergé,  parce 
qu'ils  ne  contribuaient  point  aux  décimes,  et  qu'ils  faisaient 


leurs  dons  gratuits,  soit  séparément,  soit  conjointement 
avec  les  Etats  de  leurs  provinces.  Leurs  députés  n'étaient 
admis  aux  assemblées  du  clergé  de  France  que  lorsque 
ces  assemblées  devaient,  comme  celle  de  4682,  délibérer 
sur  des  questions  d'ordre  spirituel  intéressant  toutes  les 
parties  du  royaume  (V.  Décime,  t.  XIII,  p.  4065,  col.  2,  et 
Déclaration  du  clergé,  t.  XIII,  p.  4075,  col.  2).  Ces 
dix-neuf  diocèses  étaient  : 

Cambrai,  Cameracum.  L'archevêque  prenait  la  qualité 
de  duc  de  Cambrai,  prince  du  Saint-Empire,  comte  de  Cam.- 
brésis.  Ses  droits  de  souveraineté  étaient  fixés,  par  lettres 
patentes  de  4773,  à  la  seigneurie  temporelle  sur  une 
grande  partie  de  la  ville  et  d'e  la  banlieue.  Il  était  aussi 
président-né  des  Etats  du  Cambrésis.  Prince  de  Rohan-Gué- 
mené,  R.  200,000  L,  T.  6,000  fl.;  587  P.,  498  A.  — 
Arras,  Atrebatum.  De  Conzié,  R.  8Î),000  L,  T.  4,000  fl.; 
403  P.,  499  A.  —  Saint-Omer,  Audomarum.  A.-J.-M.-A. 
de  Bruyères  de  Chalabre,  R.  50,000  L,  T.  4,000  fl.  ; 
104  P.,  44  A. 

Besançon,  Vesontio.  L'archevêque,  comme  prince  du 
Saint-Empire,  tenait  le  troisième  rang  entre  les  princes 
dans  les  diètes  d'Allemagne.  Il  avait  six  grands  officiers 
qui  devaient  se  trouver,  en  personne  ou  par  procureur,  à 
son  intronisation,  lui  faire  hommage  de  leurs  fiefs  et 
assister  à  ses  obsèques.  De  Durfort,  R.  36,000  L,  T. 
4,023  fl.  ;  825  P.,  338  A.  —  Beliey,  Bellitium.  L'évêque 
était  seigneur  de  la  ville  et  prince  du  Saint-Empire.  Cor- 
tois  de  Quincey,  R.  40,000  L,  T.  333  fl.;  83  P.,  29  A. 

Suffragant  de  Lyon,  Saint-Claude,  S.  Claudium.  De 
Chabot,  R.  27,000  L,  T.  4,500  fl.  ;  87  P.,  32  A.  L'évêque 
était  seigneur  de  toute  la  terre  de  Saint-Claude.  —  L'abbaye 
de  Condat  ou  de  Saint-Oyan  de  Joux  avait  été  érigée  par 
Benoît  XIV  (1772)  en  évêché  et  le  monastère  en  cathédrale. 

Suftragant  d'ARLEs,  Orange,  Arausio.  Du  Tillet,  R. 
18,0001.,  T.  408  fl.;  20  P. 

Suffragant  de  Nar bonne,  Perpignan,  Perpinianum.  De 
Legrisd'Esponchez,R.48,0001.,T.4,500fl.;480P.,7A. 

Suffragants  de  Trêves,  Metz,  Metœ.  L'évêque  était  prince 
du  Saint-Empire.  De  Montmorency-Laval,  R.  120,000  L, 
T.  6,000  fl.;  623  P.,  173  A.  —  Toul,  Tullum  Leucorum. 
L'évêque  était  comte  de  Toul,  prince  du  Saint-Empire, 
conseiller-né  au  parlement  de  Nancy.  Des  Michels  de 
Champorcin,  R.  37,000  L,  T.  2,500  11.  ;  497  P.,  125  A. 

—  Verdun,  Virdunum.  L'évêque  était  comte  de  Verdun, 
prince  du  Saint-Empire.  Desnos,  R.  74,500  L,  T.  4,466  fl.; 
300  P.  —  Nancy,  Nanceium.  L'évêque  était  conseiller- 
prélat-né  du  parlement  de  Lorraine.  De  La  Fare,  R. 
50,000  L,  T.  44  fl.  ;  468  P.,  79  A.  —  Saint-Dié,  S.  Deoda- 
tum.  De  Chaumont,  R.  30,0001.,  T.  143  fl.;  128  P.,  34  A. 

Suffragant  de  Mayence,  Strasbourg,  Argentoratum. 
L'évêque  était  prince  de  Strasbourg,  landgrave  d'Alsace, 
prince-état  du  Saint-Empire  ;  il  avait  à  Saverne,  lieu  de  sa 
résidence,  une  régence  souveraine,  une  chambre  des  comptes 
et  un  grand  maître  des  eaux  et  forêts.  L.-R.-Ed.,  prince 
de  Rohan,  R.  400,000  L,  T.  2,500 fl.;  340  P.,  180  A. 

Corse.  Suffragants  de  Pise  :  Ajaccio,  Adjacensis. 
L'évêque  était  comte  du  Frasso  et,  comme  plus  ancien, 
président  des  Etats.  Doria,  de  noblesse  génoise.  R.  1 6,0001. , 
T.  500  fl.;  67  P.  —  Sagone.  Guasco,  R'.  10,000  L, 
T.  66  fl.;  35  P.  —  Aleria.  De  Guernes,  R.  18,000  L, 
T.  300  fl.  ;  67  P.,  55  A.  —  Mariana  et  Accia  réunis.  De 
Peineau  du  Verdier,  R.  15,000  L,  T.  87  fl.  ;  91  P.  — 
Suffragant  de  Gênes,  Nebbio,  Nebium.  L'évêque  était 
comte  de  Nebbio.  De  Santiiii,  R.  4,000  L,  T.  66  fl.  ;  21  P. 

En  résumé,  il  y  avait  :  1 35cvêchés  ;  revenus  des  évêques  : 
5,615,600 livres;  taxes  per;aesàRome  :  303,112 florins, 
c.-à-d.,en  monnaie  de  France,  1,621,648  livres,  y  com- 
pris le  change;  35,918  paroisses;  5,287  annexes. 

-  Parmi  les  cent  trente-cinq  évêques  dont  nous  venons 
d'inscrire  les  noms,  nous  n'avons  trouvé  que  trois  rotu- 
riers. La  plupart  appartenaient  à  la  haute  noblesse.  Bon 
nombre  de  ces  noms  sont  encore  portés  aujourd'hui  par  les 
personnages  les  plus  en  vue  du  parti  monarchico-clérical. 


—  1061  — 


FRANCE 


Les  offices  des  vicaires  généraux  n'étaient  point  réservés 
aussi  exclusivement  aux  nobles;  néanmoins,  ceux-ci  s'y  ren- 
contraient en  forte  majorité.  —  Les  revenus  des  évèchés 
les  plus  riches  étaient  de  400,000  livres  (Strasbourg), 
200,000  (Paris et  Cambrai),  160,000  (Narbonne),  120,000 
(Metz,  Auch  et  Albi),  110,000  (Toulouse);  ceux  des  plus 
pauvres,  7,000  (Vence),  4,000  (Nebbio).  Entre  ces  ex- 
trêmes, la  moyenne  générale  restait  fort  élevée  (41 ,500 1.), 
assurant  aux  évêques  une  situation  opulente,  que  venait 
encore  surenrichir  la  possession  d'abbayes  en  commende. 
Beaucoup  de  ces  abbayes  étaient  aussi  données  à  des 
vicaires  généraux,  surtout  lorsqu'ils  étaient  nobles.  Dans 
les  diocèses  du  Midi,  particulièrement  dans  ceux  qui 
avaient  été  le  théâtre  de  la  guerre  et  des  persécutions 
contre  les  Albigeois,  ensuite  contre  les  protestants,  la 
dotation  apparaît  en  raison  inverse  de  la  population  et  du 
service  :  beaucoup  de  revenus,  peu  de  paroisses.  Ce  qui 
semble  bien  indiquer  que  les  dépouilles  des  hérétiques 
avaient  formé  une  large  part  des  biens  de  l'Eglise.  —  On 
peut  remarquer  une  grande  diversité  dans  le  taux  de  la 
taxe  perçue  à  Rome  pour  provision,  et  le  manque  de  pro- 
portion entre  cette  taxe  et  les  revenus.  Nous  en  avons 
donné  l'explication  au  mot  Aiwâte. —  A  la  liste  des  évêchés 
de  France  il  convient  d'ajouter,  pour  être  complet,  l'évêché 
minuscule  de  Bethléem,  fondé  au  xme  siècle,  devenu  suf- 
fragant  de  Sens.  C'était  le  duc  du  Nivernais  qui  y  nommait. 
L'évêque  (en  1788,  Duranti-Lironcourt)  résidait  ordinaire- 
ment à  Clamecy.  R.  1,000  1.,  T.  31  fl.  —  Les  diocèses 
d'Avignon,  de  Carpentras,  de  Cavaillon  et  de  Vaison,  ayant 
dans  le  royaume  des  extensions  qui  faisaient  partie  du 
clergé  de  France,  nous  croyons  devoir  aussi  les  mentionner. 
Avignon,  Avenio.  J.-Ch.-V.  Giovio ,  R.  56,000  1., 
T.  2,200  fl.  ;  55  P.  —  Carpentras,  Carpentoractœ, 
J.  de  Béni,  R.  42,000  L,  T.  ...  fl.  ;  30  P.  ;  6  A.  — 
Cavaillon,  Cabellio.  Crispin  des  Achards  de  La  Baume, 
R.  15,000  L,  T.  ...  fl.  ;  17  P.  —  Vaison,  Vasio.  De 
Fallût  de  Beaumont,  R.  15,000  1.,  T.  . . .  fl.  ;  40  P. 
—  Le  nombre  des  diocèses,  en  ce  qui  est  devenu  le 
territoire  français,  se  trouve  ainsi  porté  à  cent  quarante. 
Au-dessous  des  évêques,  mais  au-dessus  de  tous  les 
autres  clercs,  les  chanoines  (V.  ce  mot)  formaient  une 
sorte  d'aristocratie  dans  le  clergé,  nombreuse  et  copieuse- 
ment dotée.  L'Etat  du  clergé  de  France,  publié  par  l'abbé 
Expilly  (Dictionnaire  géographique,  historique  et  poli- 
tique des  Gaules  et  de  la  France;  Paris,  1762-1770, 
6  vol.  in-fol.),  indique  129  chapitres  d'églises  cathédrales 
et  526  collégiales,  c.-à-d.  655  chapitres.  Il  évalue  leurs 
revenus  à  8,296,900  livres.  Nous  relatons  cette  statistique 
sans  la  garantir,  car  nous  l'avons  trouvée  inexacte  sur 
plusieurs  points,  notamment  à  l'égard  des  chapitres  d'églises 
cathédrales  (nous  en  comptons  135  dans  le  royaume,  non 
compris  les  diocèses  du  Comtat)  et  des  revenus,  dont  la  va- 
leur réelle  dépassait  de  beaucoup  l'évaluation  officielle. 
D'ailleurs,  il  convient  de  noter,  ici  encore,  que  les  émolu- 
ments ordinaires  de  bon  nombre  de  dignitaires  des  cathé- 
drales et  de  chanoines  étaient  largement  augmentés  par  les 
revenus  d'abbayes  en  commende  et  de  prieurés  qui  leur 
étaient  conférés.  —  A  côté  des  chanoines,  sur  les  confins 
du  monde  et  du  sanctuaire,  d'autres  personnes  prenaient 
une  part  des  biens  de  l'Eglise  ou  se  taillaient  des  appointe- 
ments dans  les  profits  de  sa  juridiction  ou  dans  la  percep- 
tion de  ses  impositions  :  c'étaient  les  agents  généraux  ou 
solliciteurs  du  clergé,  ses  avocats,  les  membres  de  ses  bu- 
reaux généraux  et  supérieurs,  de  ses  bureaux  diocésains  et 
particuliers,  de  ses  ojficialités,  les  banquiers  expédi- 
tionnaires en  cour  de  Rome,  les  économes  et  les  no- 
taires royaux  apostoliques  (V.  ces  derniers  mots).  Ceux 
à  qui  revenait  la  part  la  plus  importante,  on  pourrait  dire 
la  part  essentielle  du  service  spirituel,  étaient  naturellement 
ceux  qui  recevaient  la  part  la  plus  maigre  des  biens  tem- 
porels. Beaucoup  de  curés,  de  vicaires  perpétuels,  de  vi- 
caires, étaient  réduits  à  la  portion,  congrue;  la  plupart 
des  chapelains  et  des  prêtres  habitués,  exclus  même  de 


cette  portion,  vivaient  au  hasard  du  casuel,  et  partageaient 
la  condition  famélique  des  servants  de  bas  chœur.  Cepen- 
dant, une  quantité  de  curés  et  de  prieurs-curés,  placés  aux 
bons  endroits,  trouvaient  dans  la  dotation  de  leurs  paroisses, 
dans  la  dime  et  dans  le  casuel,  une  rémunération  dont  la 
moyenne  dépassait  2,000  livres.  En  quelques  cures,  no- 
tamment dans  le  Médoc,  le  revenu  annuel  montait  même  à 
plus  de  15,000  livres. 

Au  sommet  du  clergé  régulier  étaient  placés  les  chefs 
d'ordre  ou  de  congrégation  (V.  ce  mot).  Le  concordat 
avait  exempté  leur  bénéfice  de  la  collation  royale  ;  en  con- 
séquence, ils  étaient  restés  électifs:  Bourg-Achard,  R...; 
La  Chancelade,  R.  20,000  1. ;  Grande  Chartreuse, 
R...  ;  Cîteaux,  R.  120,000  1.  ;  Clairvaux,  R.  90,000 1.  ; 
Cluny,  R.  50,000 1.  ;  La  Ferté,  R.  30,000 ;  Feuillants,  R. 
30,000  1.  ;  Fonteurault,  R.  100,000  1.  ;  Grammont, 
R.  40,000  1.  ;  Morimont,  R.  15,000  1.  ;  Pontigny,  R. 
16,000  L;  Prémontré,  R.  45,000  1.  ;  Saint- Antoine, 
R.  40,000  1.  ;  Saint-Ruf,  R.  10,000  1.  ;  Sainte-Gene- 
vièvex  R.  50,000  1.  Nous  n'avons  point  trouvé  d'indica- 
tions sur  les  revenus  de  Bourg-Achard  et  de  la  Grande- 
Chartreuse.  Notre  total  pour  les  quatorze  autres  chefs 
d'ordre  est  de  640,000  livres.  Il  est  facile,  sans  de  trop 
pénibles  recherches,  de  reconstituer  les  domaines  de  Cîteaux, 
Clairvaux,  Cluny,  Sainte-"Geneviève  et  Fonte vrault  :  en 
constatant  l'importance  de  ces  domaines,  on  aperçoit  com- 
bien l'évaluation  officielle  des  revenus,  celle  que  nous  re- 
latons, était  inférieure  à  la  réalité.  Nous  croyons  qu'on 
peut  sans  témérité  généraliser  cette  remarque  et  l'appliquer 
à  la  plupart  des  évaluations  du  même  genre,  h  Etat  du 
clergé  de  France,  dressé  par  l'abbé  Expilly,  indique  une 
somme  de  650,000  livres  pour  les  revenus  des  seize  mai- 
sons chefs  d'ordre  ou  de  congrégation  ;  il  y  ajoute  un  sup- 
plément de  460,000  livres,  pour  coupes  de  bois,  droits  sei- 
gneuriaux et  diverses  perceptions  casuelles.  — 110  abbayes 
d'hommes,  appartenant  aux  ordres  de  Saint-Augustin, 
Saint-Benoît,  Cîteaux,  Feuillants  et  Prémontré,  étaient 
qualifiées  régulières.  Presque  toutes  étaient  de  nomina- 
tion royale.  Revenus  :  1,709,900  1.  —  1,018  prieurés 
d'hommes  à  nomination  royale.  Nous  n'avons  point  trouvé 
sur  les  revenus  de  ces  prieurés  et  sur  leur  taxe  en  cour  de 
Rome  d'indications  assez  générales  et  assez  précises  pour 
les  relater  ici.  —  707  abbayes  en  commende.  Revenus  : 
6,000,000  livres.  La  taxe  perçue  à  Rome  était  proportion- 
nellement plus  élevée  que  pour  les  évêchés  et  encore  plus 
arbitrairement  établie.  Parmi  ceux  qui  recevaient  la  plus 
grande  et  la  meilleure  part  de  ces  abbayes  venaient  au 
premier  rang  les  évêques  et  les  vicaires  généraux  nobles  : 
tous  ou  presque  tous  en  tenaient  une  ou  plusieurs.  Ensuite 
les  aumôniers,  chapelains,  lecteurs  du  roi  et  de  la  reine, 
des  princes  et  des  princesses,  les  précepteurs  de  leurs  en- 
fants, les  chanoines  et  principalement  les  membres  des  cha- 
pitres nobles,  particulièrement  les  comtes  de  Lyon,  les 
agents  généraux  du  clergé,  des  conseillers  d'Etat,  des  con- 
seillers de  parlement,  les  économats,  quelques  curés  ou 
vicaires  et  un  certain  nombre  de  personnes  dont  les  titres 
ne  sont  point  indiqués,  vraisemblablement  parce  qu'ils  n'en 
possédaient  aucun  les  rattachant  plus  ou  moins  à  l'Eglise. 
—  Indépendamment  de  ces  collations,  renouvelables  à 
chaque  vacance,  des  abbayes  avaient  été  attribuées,  à  titre 
perpétuel,  à  des  évêchés,  à  des  séminaires,  à  des  collèges, 
à  des  hôpitaux  et  à  d'autres  établissements.  Ce  cas  s'était 
produit  non  seulement  pour  des  abbayes  en  commende, 
mais  pour  d'autres  monastères.  —  307  abbayes  de  filles. 
Revenus  :  2,487,000  1.  (ordres  de  Saint-Augustin,  Saint- 
Benoît,  Cîteaux,  Feuillants,  Prémontré,  Sainte-Claire  ou 
urbanistes).  Parmi  les  abbesses  et  les  coadjutrices,  on 
trouve,  en  1788,  encore  moins  de  noms  roturiers  que  parmi 
les  évêques.  —  64  prieurés  de  filles  des  mêmes  ordres  et 
des  ordres  de  Grammont  et  de  Saint  Dominique.  Revenus  : 
68,000  livres.  42  étaient  à  la  nomination  du  roi.  Toutes 
les  prieures,  à  l'exception  de  deux,  appartenaient  à  la 
noblesse. 


FRANCE 


1062  — 


Au  mot  Chànoinesse,  nous  avons  mentionné  l'accommo- 
dation des  choses  du  monde  avec  celles  de  l'Eglise  faite 
en  faveur  des  chapitres  et  des  prieurés  nobles  de  filles, 
et  nous  avons  donné  une  liste  de  23  de  ces  établissements. 
Il  faut  y  ajouter  l'abbaye  royale  de  Saint-Pierre  de  Besle 
(diocèse  de  Saint-Flour),  l'abbaye  royale  de  Saint-Pierre  de 
Poulangy  (diocèse  de  Langres).  L'abbaye  de  Loutre,  près 
de  Saint-Louis,  dans  la  partie  du  diocèse  de  Trêves  s'éten- 
dant  dans  le  royaume  de  France  :  ce  qui  porte  à  26  le 
nombre  de  ces  établissements.  D'Expilly  n'en  comptait  que 
24,  comprenant  600  sujets  ;  leurs  revenus  étaient  évalués 
à  350,000  livres.  —  Dans  un  genre  voisin  peut  être  classé 
l'ordre  de  Malte.  Il  possédait  en  France  6  grands  prieurés  : 

2  pour  la  langue  de  Provence,  qui  tenait  le  premier  rang 
dans  tout  l'ordre,  en  l'honneur  du  fondateur,  Gérard,  né  à 
Martigues,  en  Provence  ;  1  pour  la  langue  d'Auvergne; 

3  pour  la  langue  de  France;  4  bailliages,  dont  1  pour  la 
langue  de  Provence,  1  pour  celle  d'Auvergne  et  2  pour  celle 
de  France.  Ces  40  dignités  étaient  réservées  aux  grands- 
croix.  Il  y  avait  pour  la  langue  de  Provence  72  commande- 
ries  :  8  affectées  aux  chapelains  et  aux  servants  d'armes,  les 
64  autres  aux  chevaliers  ;  dansla  langue  d'Auvergne,  50  com- 
manderies,  dont  M  pour  les  chapelains  et  servants  d'armes; 
dans  la  langue  de  France,  97  commanderies,  dont  20  pour 
les  chapelains  et  servants  d'armes.  En  tout,  229  commande- 
ries, y  compris  les  10  dignités.  Revenus  :  1,732,496  livres. 
En  1763,  on  comptait  dans  les  trois  langues  900  cheva- 
liers, 133  chapelains  et  servants  d'armes.  Le  grand  prieuré 
de  France  était  le  bénéfice  le  plus  considérable  de  l'ordre 
dans  le  royaume.  Revenus  :  75,928  livres.  28  religieuses 
régulières  de  Malte,  dans  deux  couvents,  l'un  à  Beau- 
lieu  en  Quercy,  l'autre  à  Toulouse.  Revenus  :  16,500  livres. 
L'ordre  avait  aussi  des  prêtres  d'obédience  pour  desservir 
ses  bénéfices.  Pour  être  admis  dans  la  classe  des  cheva- 
liers, il  fallait  prouver  quatre  quartiers  de  noblesse,  des 
côtés  de  père  et  de  mère  ;  ces  preuves  devaient  aller  au 
delà  de  cent  ans.  Elles  n'étaient  point  exigées  de  la  part  des 
chapelains  et  des  servants,  ni  des  prêtres  d'obédience.  Les 
commandeurs  étaient  considérés  comme  de  véritables  reli- 
gieux ;  ils  jouissaient  des  privilèges  des  clercs.  Nos  rois 
avaient  essayé  à  diverses  reprises  d'usurper  la  nomination 
des  grands  prieurs  :  mais  ils  n'y  avaient  pas  réussi.  Les 
biens  de  l'ordre  étaient  considérables,  par  suite  de  la  des- 
truction des  templiers,  dont  les  dépouilles  lui  avaient  été 
données  par  un  décret  du  concile  de  Vienne  ;  ils  étaient 
traités  comme  biens  ecclésiastiques  et  participaient  aux  con- 
tributions du  clergé.  Dans  le  dernier  état  de  la  pratique, 
on  les  comprenait  dans  les  rôles  des  diocèses,  à  propor- 
tion de  leurs  revenus. 

Les  ordres  mendiants  :  carmes,  dominicains,  francis- 
cains de  diverses  espèces  et  de  diverses  dénominations,  au- 
gustins,  occupaient  de  nombreuses  et  riches  maisons  en 
France  ;  ils  y  comptaient,  dit-on,  environ  68,000  religieux 
et  64,000  religieuses.  Ils  exerçaient  une  action  puissante 
sur  le  régime  spirituel  de  l'Eglise  et  du  royaume,  et  ils 
savaient  lever  d'abondantes  contributions  sur  le  peuple  ; 
mais  ils  se  trouvaient  en  dehors  de  ce  qu'on  appelait  alors 
le  gouvernement  temporel  du  clergé,  lequel  avait  pour 
cadre  l'organisation  établie  en  vue  des  décimes.  En  prin- 
cipe, ils  ne  pouvaient  posséder  aucun  bénéfice  ;  les  biens 
qu'ils  détenaient  étaient  censés  ne  point  leur  appartenir  ; 
leurs  revenus  étaient  appelés  des  aumônes.  Ils  échappaient 
ainsi  à  l'impôt.  Comme  ils  n'avaient  rien  de  ce  que  convoi- 
tent ordinairement  ceux  qui  sollicitent  les  faveurs  des  rois, 
les  rois  leur  avaient  laissé  ce  qu'ils  avaient.  Ils  restèrent 
en  possession  du  droit  d'élire  leurs  supérieurs  :  leurs  élec- 
tions étaient  généralement  triennales.  Pour  évaluer  la  part 
des  biens  de  la  terre  qui  revenait  à  ces  ordres,  il  n'y  a 
guère  d'autres  moyens  que  de  se  représenter  ce  qu'il  fallait 
à  tous  leurs  membres  pour  vivre,  et  la  manière  dont  ils 
vivaient.  —  On  sait  quelle  place  les  jésuites  tiennent  dans 
l'histoire  de  l'Eglise  et  même  du  royaume  de  France.  Un 
édit  de  nov.  1764,  enregistré  le  1er  déc,  avait  supprimé 


leur  société,  permettant  néanmoins  à  ceux  qui  en  faisaient 
partie  de  vivre  en  particulier  dans  les  Etats  du  roi,  sous 
l'autorité  spirituelle  des  ordinaires  des  lieux  et  en  se  con- 
formant aux  lois  du  royaume.  Le  jour  même  de  l'enregistre- 
ment de  cet  édit,  le  Parlement  avait  rendu  un  arrêt  ordon- 
nant aux  jésuites  qui  voudraient  rester  en  France  de  résider 
dans  le  diocèse  de  leur  naissance,  tout  en  leur  interdisant 
de  s'approcher  de  Paris  de  plus  près  que  dix  lieues.  Un 
autre  arrêt,  du  9  mai  1 767,  enjoignit  à  tous  ceux  qui  étaient 
membres  de  la  Société,  au  6  août  1761,  de  se  retirer,  dans 
quinzaine,  hors  du  royaume,  à  l'exception  de  ceux  qui 
avaient  précédemment  prêté  serment  de  tenir  et  professer 
les  libertés  de  l'Eglise  gallicane  et  les  quatre  articles  du 
clergé  de  France  contenus  en  la  déclaration  de  1682,  d'ob- 
server les  canons  reçus  et  les  maximes  du  royaume,  et  de 
n'entretenir  aucune  correspondance  avec  le  général,  le  ré- 
gime et  les  supérieurs  de  la  Société  ou  autres  personnes 
préposées  par  eux,  ni  avec  aucun  membre  résidant  en  pays 
étranger.  Lors  de  la  dissolution,  V Assistance  de  France 
comptait  3,575  jésuites,  dont  1,867  prêtres  répartis  en 
cinq  provinces  :  France,  Aquitaine  ou  Bordeaux,  Lyon, 
Toulouse,  Champagne;  dans  les  dépendances  françaises 
d'outre-mer,  les  missions  d'Orient,  la  Perse,  les  Indes  orien- 
tales et  de  la  Chine  (V.  Jésuite).  Les  biens  de  la  Société 
supprimée  revinrent  à  l'Etat.  Ses  nombreux  collèges  furent, 
les  uns  abandonnés,  les  autres  confiés  à  diverses  congré- 
gations. De  sorte  que  pendant  les  vingt-cinq  années  qui 
précédèrent  la  Révolution,  les  jésuites  restèrent  étrangers 
à  l'éducation  des  jeunes  Français. 

Fénelon,  qui  se  plaignait  de  l'ancien  régime,  quoiqu'il  lui 
ait  dû  l'archevêché  de  Cambrai,  qui  valait  beaucoup  plus 
de  200,000  livres,  écrivait  :  «  Dans  la  pratique,  le  roi  est 
beaucoup  plus  chef  de  l'Eglise  que  le  pape.  »  {De  Summi 
pontiflcis  auctoritate,  c.  liv  et  lv.)  «  L'Eglise  de  France, 
privée  de  la  liberté  d'élire  ses  pasteurs,  est  un  peu  au-dessous 
de  la  liberté  dont  jouissent  les  calvinistes  du  royaume  et  les 
catholiques  sous  l'empire  du  Grand-Turc.  »  (Plans  de  gou- 
vernement, §  4.)  En  son  traité  de  Y  Appel  comme  d'abus 
(lrepart.,  art.  2,  p.  72),  Wr  Affre  :  «  Quand  on  pense  aux 
mœurs  de  François  Ier,  qui  ne  regrette  de  le  voir  désigner  au 
chef  de  l'Eglise  les  censeurs  des  mœurs,  les  gardiens  de  la 
vertu  et  de  l'innocence  ?  Les  princes  de  la  maison  de  Valois, 
ses  successeurs,  et  les  femmes  dont  ils  subirent  l'influence, 
rendirent  plus  sensible  encore  cet  humiliant  patronage.  Jus- 
qu'en 1789,  deux  rois  seulement  se  distinguèrent  par  une 
austère  vertu,  Louis  XIII  et  Louis  XVI.  A  côté  du  ministre 
de  la  Feuille,  qui  exerçait  cette  importante  prérogative 
de  la  royauté,  combien  d'influences  dont  l'homme  religieux 
ne  peut  lire  l'histoire  sans  éprouver  un  sentiment  pénible 
et  une  profonde  affliction.  »  Il  est  certain  que  ceux  qui 
étaient  dotés  de  la  plus  grande  et  de  la  meilleure  part,  les 
uns  de  la  disposition,  les  autres  de  la  jouissance  des  biens 
de  l'Eglise  et  de  ses  offices,  les  rois  et  les  nobles  (beaucoup 
disent  :  le  clergé  lui-même),  étaient  précisément  ceux  dont 
les  mœurs  étaient  les  moins  réglées  par  l'Evangile.  Cepen- 
dant, ils  n'étaient  point  irréligieux.  A  part  peut-être  Henri  IV, 
qu'on  peut,  sans  trop  médire,  suspecter  de  scepticisme  à 
l'égard  du  catholicisme,  tous  nos  rois  furent  sinon  des  rois 
très  chrétiens,  au  moins  des  princes  très  catholiques.  Ré- 
fractaires  aux  commandements  de  Dieu,  spécialement  à  un 
certain  de  ces  commandements,  ils  se  montraient  et,  en 
réalité,  ils  étaient  très  dociles  et  très  fervents  devant  les 
commandements  de  l'Eglise.  Ils  se  seraient  fait  un  crime  de 
manger  gras,  les  jours  où  l'Eglise  exigeait  le  maigre,  et  ils 
détestaient  l'hérésie,  qu'à  leur  sacre,  ils  avaient  juré 
d'extirper.  Non  seulement  ils  proclamaient  le  droit  divin 
de  leur  puissance  temporelle,  mais  ils  étaient  convaincus 
avoir  été  empreints  d'un  caractère  sacré,  le  jour  où  l'ar- 
chevêque de  Reims  avait  oint  leurs  membres  de  l'huile 
de  la  Sainte-Ampoule.  Toute  l'Eglise  gallicane  et  tout  le 
royaume  les  reconnaissaient,  non  seulement  comme  évêques 
du  dehors,  mais  comme  protecteurs  des  saints  canons. 
L'assistance  à  la  messe,  aux  offices,  à  la  prédication,  fai- 


—  4063  — 


FRANCE 


sait  partie  obligée  du  règlement  de  leur  vie.  Ils  commu- 
niaient aux  époques  prescrites  et  préalablement  se  con- 
fessaient. —  Tandis  que  l'historien  s'enquiert  de  l'action 
exercée  par  le  confesseur  sur  la  politique  du  royaume,  le 
moraliste  se  sent  déconcerté  en  songeant  à  la  direction  de 
la  conscience  du  roi  ;  il  se  demande  au  moyen  de  quelles 
transactions  la  religion  de  la  cour,  vraisemblablement  sin- 
cère, pouvait  s'accommoder  de  la  permanence  de  l'adultère. 
C'était  sans  doute  parce  que  là  où  elle  se  montrait  impuis- 
sante à  empêcher  ce  qu'elle  condamne,  on  s'attachait  à  elle 
à  cause  de  ce  qu'elle  promet  d'absoudre.  Pendant  quelques 
jours  avant  la  confession  et  quelques  jours  après,  on  s'abs- 
tenait du  fruit  défendu,  comme  de  chair  pendant  les  jours 
maigres  ;  puis  on  recommençait,  sans  plus  de  souci  que  du 
linge  qu'on  salit  entre  deux  lessivages.  L'important  était 
d'obtenir  l'absolution  et  de  communier  aux  époques  d'usage, 
et  finalement  de  faire  une  bonne  mort,  en  décédant  muni 
des  sacrements  de  l'Eglise.  Un  exemple  royal  et  fort  ca- 
ractéristique de  cet  état  d'inconscience,  qui  associe  la  pra- 
tique et  même  le  goût  et  le  zèle  des  choses  de  la  religion 
avec  la  persévérance  dans  le  désordre  ou  la  culture  du  vice, 
c'est  le  cas  de  Louis  XV  dans  le  Parc  aux  Cerfs.  On  sait 
à  quoi  il  destinait  les  petites  filles  que  Lebel,  son  valet  de 
chambre,  y  amenait,  secondé  par  le  lieutenant  de  police. 
C'étaient  des  enfants  de  neuf  à  douze  ans.  En  attendant 
l'heure  psychologique  et  physiologique,  le  roi  prenait  lui- 
même  un  soin  touchant  de  leur  éducation  :  il  les  laçait  ;  il 
leur  apprenait  à  lire,  à  écrire,  à  prier  ;  il  leur  enseignait 
avec  onction  leurs  devoirs  envers  Dieu,  et  priait  avec  elles, 
à  genoux,  fort  dévotement. 

Les  assemblées  générales,  où  ses  députés  se  réunissaient 
pour  voter  le  renouvellement  du  contrat  et  délibérer  sur 
les  dons  gratuits,  fournissaient  au  clergé  des  occasions 
solennelles  de  présenter  au  roi  des  supplications,  doléances 
et  remontrances  relatives  à  l'honneur  de  la  religion  et  au 
service  de  Dieu.  Il  ne  manqua  jamais  d'en  profiter.  Les 
objets  ordinaires  de  ses  réclamations  étaient  les  entreprises 
des  officiers  du  roi  et  généralement  des  laïques  sur  les 
droits  de  l'Eglise,  et  ce  qu'il  appelait  aussi  les  entreprises 
de  l'hérésie  et  de  l'impiété,  de  l'hérésie  surtout.  Toutes  les 
mesures  de  compression  et  de  persécution  édictées  contre 
les  protestants  avaient  été  sollicitées  par  lui.  En  1665, 
Févêque  d'Uzès,  orateur  de  l'assemblée  générale,  déclarait 
au  roi  qu'il  fallait  travailler,  avec  un  redoublement  d'ar- 
deur, à  faire  expirer  entièrement  le  monstre  redoutable 
de  l'hérésie.  Dès  cette  année  (24  oct.),  les  enfants  des 
protestants  furent  déclarés  capables  d'embrasser  le  catho- 
licisme, les  garçons  à  quatorze  ans,  les  filles  à  douze,  et 
leurs  parents  tenus  de  leur  servir  une  pension  alimentaire 
pour  les  entretenir  hors  de  leur  maison.  Un  édit  du  17  juin 
1681  attribua  cette  faculté  aux  enfants,  dès  l'âge  de 
sept  ans.  Le  clergé  obtint  ensuite  l'exclusion  des  protes- 
tants de  tous  les  offices  publics,  de  toutes  les  professions  libé- 
rales et  même  de  tous  les  corps  de  métier  ;  la  confiscation 
des  biens  de  leurs  pauvres  ;  la  suppression  de  leurs  col- 
lèges et  écoles  ;  la  fermeture  et  la  destruction  de  leurs 
temples;  la  diminution,  puis  l'exil  et  la  proscription  de 
leurs  pasteurs  ;  l'interdiction  à  tous  de  sortir  du  royaume 
et  de  vendre  leurs  biens.  En  1682,  rassemblée,  qui  avait 
voté  les  quatre  articles  de  la  célèbre  Déclaration  du 
clergé,  adressa  à  tous  les  consistoires  un  avertissement 
pastoral,  menaçant  les  protestants  «  de  malheurs  incom- 
parablement plus  épouvantables  et  plus  funestes  que  ceux 
qu'ils  s'étaient  déjà  attirés  par  leur  révolte  et  leur  schisme  ». 
En  effet,  le  clergé  prit  une  part  fort  active  aux  missions 
des  dragons  chargés  de  réduire  ceux  qu'il  n'avait  pu  con- 
vertir. Dans  l'assemblée  de  mai  1685,  il  complimenta  le 
roi  des  admirables  succès  qu'il  avait  obtenus  dans  l'extir- 
pation de  l'hérésie.  On  sait  avec  quel  enthousiasme,  quel- 
ques mois  après,  les  membres  les  plus  distingués  de  l'Eglise 
de  France  louèrent  la  révocation  de  redit  de  Nantes 
(18  oct.  1685).  Pendant  tout  le  siècle  qui  suivit,  le  clergé 
continua  à  se  faire  le  dénonciateur  des  protestants  et  l'ins- 


tigateur de  toutes  les  lois  et  de  toutes  les  persécutions  qui 
menèrent  tant  de  Français  en  exil  et  sur  les  galères  du  roi, 
et  contraignirent  les  autres  à  profaner  les  sacrements. 
Dans  la  cérémonie  du  sacre,  il  fit  prêter  à  Louis  XVI 
l'ancien  serment  d'extirper  l'hérésie.  Loménie  de  Brienne, 
archevêque  de  Toulouse,  dit  au;  roi  :  «  Sire,  vous  réprou- 
verez les  conseils  d'une  fausse  paix,  les  systèmes  d'une 
tolérance  coupable...  Il  vous  est  donné  de  porter  le  der- 
nier coup  au  calvinisme  dans  vos  Etats.  »  En  1780,  l'as- 
semblée générale  du  clergé  présenta  au  roi  un  long  mé- 
moire sur  les  entreprises  des  protestants,  se  plaignant 
que  l'hérésie  déchirât  le  sein  de  l'Eglise,  cette  mère  tendre 
et  affligée,  et  demandant  qu'on  en  revînt  aux  ressorts 
salutaires  et  aux  voies  réprimantes  des  beaux  jours 
de  Louis  XIV.  Néanmoins,  les  conseils  de  la  raison  et  de 
la  tolérance  finirent  par  l'emporter  sur  les  sommations 
du  clergé.  Un  édit  de  nov.  1787  permit  aux  non-catho- 
liques de  naître,  de  vivre  et  de  mourir  en  France,  et  d'.y 
travailler,  sans  être  inquiétés  pour  cause  de  religion  ;  de  se 
marier,  de  faire  constater  légalement  la  naissance  de  leurs 
enfants,  d'enterrer  décemment  leurs  morts  et  de  certifier 
leur  décès.  Tout  exercice  quelque  peu  public  de  leur  culte 
leur  restait  interdit.  L'art.  1  de  cet  édit  déclarait  que  la 
religion  catholique,  apostolique  et  romaine,  continuerait  de 
jouir  seule  du  culte  public  dans  le  royaume.  Le  préambule 
annonçait  que  «  le  roi  favoriserait,  toujours  et  de  tout  son 
pouvoir,  les  moyens  d'instruction  et  de  persuasion  qui  ten- 
draient à  lier  tous  ses  sujets  par  la  profession  commune  de 
l'ancienne  foi  du  royaume  ».  Quand  l'édit  fut  présenté  au 
Parlement,  d'Eprémesnil,  montrant  à  ses  collègues  un  cru- 
cifix, s'écria  :  Voulez-vous  le  crucifier  encore  une 
fois?  Finalement,  après  quelques  remontrances,  le  Parle- 
ment procéda  à  l'enregistrement  (29  janv.  1788).  Le 
clergé,  qui  avait  intrigué  et  protesté  jusqu'au  dernier  mo- 
ment, se  lamenta  et  cria  à  l'abomination  de  la  désolation. 
Pourtant,  le  temps  était  proche  où  il  devait  apprendre  et 
sentir  lui-même  combien  sont  iniques  et  cruelles  les  lois 
qui  ravissent  aux  hommes  les  droits  de  leur  conscience  et 
la  liberté  de  leur  culte. 

Au  mot  Organiques  (Articles),  on  trouvera  l'exposition 
de  ce  qui  succéda  à  l'ancien  régime  ;  les  lois  de  la  Révolution, 
la  constitution  civile  du  clergé,  la  persécution  dés  prêtres 
réfractaires,  le  rétablissement  et  la  réorganisation  officielle 
des  cultes,  la  statistique  et  la  condition  actuelle  de  l'Eglise, 
l'histoire  sommaire  de  notre  cléricalisme  moderne  ;  et  aussi 
les  détails  dans  le  §  Rapports  de  l'Eglise  et  de  VEtat, 
t.  XVI,  p.  491.  E.-H.  Vollet. 

LITTÉRATURE.—  Moyen  âge.— Nous  appelons  litté- 
rature française  la  littérature  qui  a  pour  organe  le  français  : 
c'est  beaucoup  moins  et  un  peu  plus  —  en  ce  qui  concerne  le 
moyen  âge  —  que  la  littérature  de  la  France.  Pendant  les 
premiers  siècles,  les  seuls  monuments  littéraires  de  notre 
pays  que  nous  connaissions  directement  sont  écrits  en  latin  ; 
lorsque  la  littérature  française  se  fait  enfin  une  place  à 
côté  de  la  littérature  latine,  celle-ci  n'en  paraît  pas  sensi- 
blement affaiblie  ;  elle  continue  son  développement,  paral- 
lèlement à  la  littérature  française,  ne  lui  empruntant  presque 
rien,  lui  donnant  au  contraire  beaucoup.  Nous  ne  nous 
occuperons  pas  de  la  littérature  latine  du  moyen  âge  en 
France,  car  son  histoire  rentre  dans  une  histoire  générale 
de  la  littérature  latine  de  l'Occident.  Dès  le  ixe  siècle,  des 
raisons  sur  lesquelles  nous  n'avons  pas  à  disserter  ici 
amenèrent  en  France  la  formation  de  deux  littératures 
en  langue  vulgaire  en  face  de  la  littérature  latine  unique, 
l'une  dans  le  Midi,  l'autre  dans  le  Nord.  Nous  ne  nous 
occuperons  que  de  celle  du  Nord,  renvoyant  pour  celle 
du  Midi  à  Fart.  Provençale  (Littérature).  Voilà  en  quoi 
littérature  française  est  beaucoup  moins  que  littéra- 
ture de  la  France.  Nous  avons  dit  que  c'était  aussi  un 
peu  plus.  En  effet,  depuis  la  conquête  de  l'Angleterre  par 
les  Normands  francisés  jusqu'en  1350,  le  français  est  l'or- 
gane préféré  de  la  littérature  d'Outre-Manche,  et  cette  lit- 
térature anglo-normande,  comme  on  l'appelle  généralement, 


FRANCE 


—  1064  — 


fait  corps  avec  la  littérature  française;  en  outre,  du 
côté  du  Midi,  la  littérature  française  a  fait  une  autre  con- 
quête, celle  de  l'Italie  du  Nord,  conquête  moins  profonde 
assurément,  moins  durable  que  celle  de  l'Angleterre,  mais 
plus  intéressante  peut-être  par  ses  origines,  car  elle  ne  doit 
rien  à  la  force  des  armes  :  la  littérature  franco-italienne 
fait  le  pendant  de  la  littérature  anglo-normande  ou  franco- 
anglaise.  On  notera  enfin  que  les  croisades  ont  importé  à 
Chypre,  en  Morée,  en  Palestine  l'usage  du  français  au 
moins  pendant  deux  ou  trois  siècles,  et  que  quelques  œuvres 
littéraires  intéressantes  ont  vu  le  jour  dans  ces  pays  loin- 
tains. 

Première  période.  Depuis  les  origines  jusqu'en  1050. 
—  L'établissement  progressif  des  Francs  dans  le  nord 
de  la  Gaule  au  ve  siècle,  la  conversion  de  Clovis  au  catho- 
licisme et  son  triomphe  définitif  sur  les  débris  de  la 
domination  romaine  et  les  monarchies  de  fraîche  date 
des  Burgondes  et  des  Visigoths  sont  des  faits  dont  certains 
historiens  modernes  font  volontiers  bon  marché.  Et  pourtant 
l'importance  sociale  de  ces  grands  événements  historiques 
ne  saurait  être  contestée.  Que  restait-il  de  celtique  dans 
la  société  gallo-romaine  au  moment  de  l'arrivée  des  Ger- 
mains ?  Bien  peu  de  chose,  sans  doute,  pour  ne  pas  dire 
rien.  Les  trois  éléments  essentiels  qui  en  se  pénétrant  peu 
à  peu  sont  arrivés,  après  une  longue  élaboration,  à  pro- 
duire la  société  française  et  par  suite  la  littérature  française 
sont  le  romanisme,  le  christianisme  et  le  germanisme.  C'est 
certainement  au  germanisme  que  nous  devons  le  ferment 
épique,  c.-à-d.  le  point  de  départ  de  notre  épopée  natio- 
nale, de  ce  qui  fait  surtout  l'originalité  et  la  grandeur  de 
notre  littérature  du  moyen  âge.  M.  G.  Paris  l'a  dit  avec 
justesse  et  en  termes  d'un  vigoureux  relief  :  «  L'épopée 
française  est  le  produit  de  la  fusion  de  l'esprit  germanique, 
dans  une  forme  romane,  avec  la  nouvelle  civilisation 
chrétienne  et  surtout  française.  »  On  a  parlé  ailleurs 
(V.  les  art.  Allemagne  et  Epopée)  des  chants  épiques 
des  Germains.  Il  est  à  peu  près  certain  que  le  baptême  de 
Clovis  et  les  événements  qui  suivirent  furent  célébrés 
dans  des  chants  germaniques  perdus,  mais  dont  l'écho 
retentit  encore  dans  certains  récits  latins  soi-disant  his- 
toriques des  chroniques  mérovingiennes.  Autant  et  plus 
peut-être ' que  Clovis,  Dagobert  a  été  l'objet  de  chants 
épiques  :  à  côté  des  chants  germaniques  naissaient  déjà, 
par  imitation  et  grâce  au  rapprochement  des  deux  races, 
précurseur  de  leur  fusion,  des  chants  romans.  Nous  avons 
de  ce  fait  un  témoignage  direct  :  l'auteur  de  la  Vie  de  saint 
Chilian  (vme  siècle)  parle  d'une  victoire  remportée  sur  les 
Saxons  par  le  jeune  Dagobert,  du  vivant  de  son  père  Clo- 
taire,  victoire  au  sujet  de  laquelle,  dit-il,  carmen  pabli- 
cum  juxta  rusticitatem  (c.-à-d.  en  langue  romane  rus- 
tique) per  omnium  volitabat  ora.  Un  témoignage  indirect, 
plus  curieux  peut-être,  c'est  cette  chanson  de  geste  de 
Floovant,  qui  ne  nous  est  parvenue  que  telle  qu'on  la 
chantait  au  xne  siècle,  et  dont  le  héros,  comme  l'a  si  ingé- 
nieusement montré  M.  Gaston  Paris,  n'est  autre  que  Dago- 
bert, qualifié  dans  des  chants  épiques  perdus  de  Flodouenc, 
c.-à-d.  Chlodoving  ,  descendant  de  Clovis.  Bien  que 
nous  n'ayons  pas  conservé  de  chanson  de  geste  antérieure 
à  la  Chanson  de  Roland  (vers  1080),  il  n'est  pas  moins, 
certain  que  l'épopée  a  eu  autant  de  vitalité  dans  la  période 
des  origines  que  dans  la  période  suivante,  et  que  Charles- 
Martel,  Pépin  et  Charlemagne,  après  Clovis  et  Dago- 
bert, ont  été  les  héros  de  maints  poèmes  perdus.  A  vrai 
dire,  dans  cette  période  des  origines,  le  plus  intéressant 
est  ce  que  nous  n'avons  pas.  Enumérons  brièvement  les 
monuments  conservés.  Ils  appartiennent  tous  à  la  littéra- 
ture religieuse  ;  il  est  probable  que  le  point  de  départ  de 
cette  littérature  doit  être  cherché  dans  une  prescription  du 
concile  de  Tours  (812)  ordonnant  de  mettre  les  homélies 
«  en  langue  romane  rustique  ».  M,  Gaston  Paris  place 
vers  880  la  Séquence  (mal  à  propos  appelée  cantilène) 
de  sainte  Eulalie  qui  se  trouve  être  (après  les  Serments 
de  Strasbourg  qui  ne  sont  qu'un  document  historique  et 


philologique)  notre  plus  ancien  monument  littéraire  : 
c'est  une  courte  composition  (28  vers  assonant  deux  à 
deux,  plus  trois  mots  en  queue),  calquée  sur  une  séquence 
latine  contenue  dans  le  même  manuscrit  (bibliothèque  de 
Valenciennes),  composition  qui  a  dû  naître  dans  l'abbaye 
d'où  provient  le  manuscrit  qui  nous  l'a  heureusement  con- 
servée, Saint- Amand,  auN.  de  Valenciennes.  On  appelle  sou- 
vent fragment  de  Valenciennes  un  fragment  d'homélie  sur 
Jonas  qui  nous  est  parvenu  moitié  en  caractères  ordinaires, 
moitié  en  notes  tironiennes  du  commencement  du  xe  siècle, 
mi-partie  latin  et  français  :  c'est  une  curieuse  épave  de  la 
prédication  populaire  en  langue  vulgaire  des  premiers  temps, 
de  la  même  région  que  sainte  Eulalie.  Plus  importants 
sont  les  poèmes  sur  saint  Léger  et  sur  la  Passion,  con- 
servés dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Clermont- 
Ferrand  et  souvent  appelés  de  ce  fait  poèmes  de  Clermont- 
Ferrand  :  tous  les  deux  sont  en  vers  octosyllabiques 
rimant  deux  à  deux,  mais  ces  vers  sont  groupés  en  qua- 
trains dans  la  Passion,  en  sixains  dans  le  saint  Léger. 
La  Passion  est  écrite  dans  une  langue  singulière,  demi- 
française,  demi-provençale,  et  le  saint  Léger  lui-même, 
bien  que  plus  nettement  français,  sent  le  voisinage  de  la 
langue  d'oc  :  il  est  vraisemblable  que  ces  deux  poèmes 
ont  été  composés  dans  le  sud  du  Poitou  ;  ils  appartiennent  à 
la  deuxième  moitié  du  xe  siècle.  A  la  fin  de  notre  première 
période  (vers  1040),  a  été  composé  le  poème  sur  saint 
Alexis,  le  premier  monument  de  notre  littérature  qui  ait 
vraiment  des  qualités  littéraires  remarquables  :  nous  en 
avons  parlé  assez  longuement  ailleurs  (V.  Alexis)  pour 
nous  borner  à  le  signaler  ici,  en  faisant  observer  que  cette 
œuvre  représente  la  part  de  la  France  proprement  dite,  de 
l'ancienne  Neustrie,  dans  la  production  littéraire  de  l'époque 
des  origines. 

Deuxième  période.  De  1050  jusqu'à  la  majorité  de 
saint  Louis  (1235).  —  Avec  la  seconde  moitié  du  xie  siècle 
s'ouvre  l'âge  d'or  de  la  littérature  française  du  moyen  âge. 
C'est  d'abord  la  floraison  de  l'épopée  nationale,  puis  de  la 
poésie  narrative  qui  s'y  rattache  de  près  ou  de  loin  (romans 
sur  l'antiquité,  romans  bretons,  romans  byzantins  et  d'aven- 
ture, contes,  tableaux,  poèmes  historiques)  et  de  la  poésie 
lyrique;  c'est  aussi,  vers  la  fin,  l'affranchissement  de  la 
prose,  d'abord  humble  servante  du  latin  dans  de  nombreuses 
traductions,  qui  affirme  sa  vitalité  dans  les  romans  bretons 
et  dans  le  style  de  haute  allure  d'un  Villehardouin.  Il  est 
bien  difficile,  dans  les  limites  restreintes  qui  nous  sont  im- 
posées, de  donner  un  tableau  complet  de  cette  période  ex- 
traordinai rement  féconde.  L'ordre  chronologique  général 
que  nous  avons  suivi  pour  la  période  des  origines,  où  les 
monuments  sont  rares,  n'engendrerait  ici  que  confusion, 
étant  donné  surtout  que  sur  bien  des  points  la  science  n'est 
pas  encore  arrivée  à  des  résultats  rigoureux.  Nous  suivrons 
la  division  par  genres,  et  dans  chaque  genre  nous  indique- 
rons autant  que  possible  le  développement  chronologique, 
nous  attachant  à  mentionner  toutes  les  œuvres,  tous  les 
auteurs  d'une  réelle  valeur,  mais  sans  entrer  dans  des  dé- 
tails qui  sont  mieux  à  leur  place  dans  les  articles  particu- 
liers qui  ont  déjà  été  ou  qui  seront  consacrés  ici  même  aux 
genres,  aux  œuvres,  aux  auteurs  les  plus  importants. 

Littérature  narrative.  Epopée  nationale.  L'art.  Chan- 
son de  geste,  d'une  part,  le  chapitre  Temps  modernes 
de  l'art.  Epopée  de  l'autre  nous  dispensent  d'insister  lon- 
guement sur  ce  sujet  d'un  vif  intérêt  (V.  aussi  l'art. 
Charlemagne  [Légende  de]).  Précisons  seulement  quelques 
dates.  Deux  poèmes  seulement  sont  antérieurs  à  la  fin  du 
xie  siècle  :  le  Pèlerinage  de  Charlemagne  à  Jérusalem 
(vers  1060),  poème  moitié  sérieux,  moitié  comique,  com- 
posé peut-être  par  un  Parisien  pour  être  chanté  aux  fameuses 
foires  du  Lendit,  à  Saint-Denis,  et  la  célèbre  Chanson  de 
Roland  (vers  1080)  à  laquelle  il  sera  consacré  un  article 
spécial.  Tout  au  début  du  xne  siècle  se  place  un  fragment 
de  600  vers,  souvenir  très  vivant  de  la  victoire  remportée 
en  Vimeu  par  Louis  III  sur  les  Normands  en  881 ,  que  l'on  a 
baptisé  du  nom  de  Roi  Louis  ou  Gormond  et  Isembart, 


—  4065  - 


FRANCE 


et  les  chansons  les  plus  anciennes  de  la  geste  de  Guil- 
laume d'Orange  (héros  célébré  sans  doute  à  l'origine 
dans  le  midi  de  la  France,  mais  déjà  connu  dans  le  Nord 
dès  le  milieu  du  xie  siècle)  telles  que  le  Charroi  de  Nîmes, 
le  Couronnement  de  Louis,  la  Chevalerie  Vivien,  etc. 
Presque  toutes  datent  de  la  fin  du  xneet  du  commencement 
du  xine  siècle;  citons  parmi  les  plus  intéressantes  :  le 
Montage  Guillaume,  Aliscans,  Aspremont,  Aiol,  les 
Lorrains  (suite  de  cinq  chansons),  Raoul  de  Cambrai, 
Renaud  de  Montauban,  Aquin  ou  la  Conquête  de  la 
Bretagne,  la  Chanson  oVAntioche,  Huon  de  Bordeaux, 
Aymeri  de  Nar bonne,  Girard  de  Vienne,  etc.  Nous  ne 
mentionnerons  Girard  de  Roussillon  que  pour  faire  remar- 
quer que  cette  oeuvre  hors  ligne  se  rattache  plutôt  à  la 
littérature  provençale.  Ajoutons  que  plus  on  descend  dans 
le  temps,  plus  les  chansons  de  geste  sont  diffuses,  sur- 
chargées d'épisodes  merveilleux  et  de  types  de  conven- 
tion, plus  elles  s'éloignent,  en  un  mot,  des  justes  propor- 
tions et  de  l'allure  sévère  de  la  Chanson  de  Roland. 
La  plupart  des  chansons  sont  anonymes  :  les  quelques 
noms  d'auteurs  connus  sont  Bertrand  de  Bar-sur-Aube, 
Herbert  le  Duc  de  Dammartin-en-Goële,  Jendeu  de  Brie, 
Graindor  de  Douai,  Raimbert  de  Paris,  Jean  de  Flagy, 
Jean  Bodel. 

Romans  sur  l'antiquité.  Le  xne  siècle  peut  être  con- 
sidéré comme  une  des  époques  où  la  France  a  sinon  le 
mieux  connu  et  le  mieux  apprécié,  au  moins  le  plus  recher- 
ché les  monuments  de  la  littérature  latine  antique  avant 
la  Renaissance.  Le  succès  des  poèmes  épiques  nationaux 
suggéra  à  quelques  clercs  l'idée  de  mettre  à  la  portée  de  la 
foule  en  les  versifiant  les  principales  histoires  ou  légendes 
antiques  puisées  en  général  à  des  sources  de  la  décadence. 
Tantôt  on  adopta  la  forme  extérieure  des  chansons  de  geste 
proprement  dites,  tantôt  les  vers  octosyllabiques  rimant 
deux  à  deux  :  au  premier  système  appartiennent  les  poèmes 
sur  Alexandre  (V.  Alexandre  [Légende  d'])  ;  au  second, 
le  roman  de  Thèbes  (d'après  la  Thébaïde  de  Stace)  et  le 
roman  d'Enéas  (d'après  V Enéide  de  Virgile),  poèmes  ano- 
nymes composés  à  peu  d'années  l'un  de  l'autre  (vers  4150) 
et  enfin  le  roman  de  Troie  (d'après  Darès  et  Dictys), 
dédié  par  Benoît  de  Sainte-Maure,  vers  4460,  à  la  reine 
Eléonore. 

Romans  grecs  et  byzantins  et  romans  d'aventure.  Les 
œuvres  qui  rentrent  dans  ce  chapitre  sont  ou  imitées  de 
traductions  latines  anciennes  de  romans  grecs  de  la  déca- 
dence ou  puisées  directement  dans  les  traditions  byzan- 
tines avec  lesquelles  les  croisades  avaient  mis  l'Occident 
en  contact.  Nous  citerons  en  particulier  :  Apollonius  de 
Tyr,  les  Sept  Sages,  Eracle,  par  Gautier  d'Arras  (vers 
4460)  ;  Cligès,  par  Chrétien  de  Troyes  (vers  4465)  ;  Flori- 
mont,  par  Aimon  de  Varennes  (1488)  ;  Atis  et  Profilias, 
par  Alexandre  de  Bernay  ;  Partenopéus  de  Blois  (sujet 
analogue  à  celui  de  Psyché)  ;  Floire  et  Blanchefleur,  etc. 
Tous  ces  poèmes  sont  plus  ou  moins  des  romans  d'amour 
qui  ont  préparé  les  romans  d'aventure  avec  lesquels  on 
les  confond  souvent.  Nous  mentionnerons  seulement  parmi 
ces  derniers:  Me  et  Galeron,^v  Gautier  d'Arras (4457)  ; 
Galeran  de  Bretagne,  Guillaume  de  Dole,  Pamphile  et 
Galatée,  par  Jean  Brasdefer  (vers  4225). 

Romans  bretons.  Il  n'est  pas  de  sujet  plus  difficile  à 
élucider  dans  l'histoire  littéraire  du  moyen  âge  que  l'ori- 
gine des  romans  bretons  ;  malgré  de  nombreuses  recherches, 
la  lumière  n'est  pas  encore  faite  sur  tous  les  points.  D'après 
M.  Gaston  Paris,  c'est  en  Angleterre  que  le  contact  s'est 
produit  entre  les  légendes  bretonnes  et  la  littérature  fran- 
çaise (c.-à-d.  anglo-normande),  soit  directement,  soit  par- 
fois par  l'intermédiaire  de  traductions  anglaises  :  c'est  là 
que  Marie  de  France  a  composé  au  xne  siècle  ses  nombreux 
lais  (V.  ce  mot)  ;  c'est  là  qu'ont  été  tentées  les  premières 
compilations  poétiques  sur  Tristan,  Perceval,  Gauvain, 
Lancelot  et  autres  héros  de  la  cour  d'Arthur,  et  c'est  de  là 
qu'elles  ont  passé  en  France,  où  Chrétien  de  Troyes  et  ses 
continuateurs,  Godefroy  de  Lagny,  Mennessier,  Gaucher  de 


Dourdan,  Gerbert  de  Montreuil  leur  ont  donné  une  vogue 
extraordinaire  (V.  Chrétien  de  Troyes).  Un  graal  (plat) 
mystérieux  mentionné  dans  le  Perceval  inachevé  de  Chré- 
tien de  Troyes  est  devenu  peu  après  lui  l'objet  de  légendes 
qu'il  ne  connaissait  sans  doute  pas  :  on  a  raconté  que  ce 
graal  avait  servi  à  recueillir,  entre  les  mains  de  Joseph 
d'Arimathie,  le  sang  qui  coulait  des  plaies  du  Sauveur,  et 
un  poète  franc-comtois  du  commencement  du  xme  siècle, 
Robert  de  Boron,  a  consacré  une  sorte  de  trilogie  {Joseph, 
Merlin,  Perceval)  à  rattacher  artificiellement  la  légende  du 
graal  au  cycle  breton.  Ces  trois  poèmes  sont  en  partie 
perdus,  mais,  mis  en  prose  et  combinés  avec  d'autres 
données  de  poètes  anonymes,  ils  se  retrouvent  dans  les 
romans  du  Saint-Graal,  de  Merlin,  de  Lancelot,  de  Pala- 
mède,  immenses  compilations  de  la  fin  de  la  période  em- 
brassée dans  ce  chapitre.  On  notera  que  le  Brut  de  Wace, 
composé  en  4455,  qu'on  ne  manque  jamais  de  mentionner 
parmi  les  romans  bretons,  est  une  simple  traduction  en 
vers  de  YHistoria  regum  Britanniœ  de  Gaufrei  de  Mon- 
mouth,  et  que  cette  Historia,  toute  répandue  qu'elle  ait 
été,  n'est  pas  la  source  des  romans  français. 

Contes  et  fableaux.  Les  contes  et  les  fableaux  (la  forme 
fabliau  est  une  forme  dialectale  des  manuscrits  picards 
qu'il  faut  leur  laisser,  comme  tabliau  pour  tableau,  mor- 
ciau  pour  morceau,  etc.)  répondent  au  même  besoin  de 
curiosité  de  l'esprit  que  les  récits  des  chansons  de  geste  ou 
des  romans  ;  mais  ils  s'adressaient  généralement  à  un  public 
de  bourgeois,  d'aspirations  moins  élevées.  Ils  mettent  sur- 
tout en  scène  des  bourgeois,  des  vilains  ou  des  clercs  infé- 
rieurs :  un  auteur  latin  les  oppose  précisément  sous  le  nom 
de  fabellœ  ignobilium  aux  chansons  de  geste  (canti- 
lenœ  gestoriœ)  et  aux  romans  d'aventure  {eventurœ  nobi- 
lium).  Ce  sont  de  courts  récits  rimes,  dont  les  auteurs  n'ont 
guère  d'autre  prétention  que  de  faire  rire,  mais  possèdent 
rarement  assez  d'esprit  pour  ne  pas  tomber  dans  la  plati- 
tude ou  dans  le  cynisme  le  plus  révoltant.  Beaucoup  de  ces 
récits  paraissent  venir  de  l'Orient,  soit  par  l'intermédiaire 
des  Arabes  d'Espagne,  soit  par  la  voie  des  croisades. 
Quelques-uns  remontent  au  milieu  duxne  siècle,  notamment 
Richeut,  peinture  énergique  de  la  vie  des  courtisanes  et  de 
leurs  protecteurs  ;  la  plupart  sont  de  la  fin  du  xne  et 
surtout  du  commencement  du  xme  siècle. 

Fable  ésopique  et  roman  de  Renard.  Beaucoup  de 
recueils  de  fables  ont  été  composés  au  xne  et  au  xme  siècle 
en  français  sous  le  nom  à'Isopet  ;  mais  en  général,  sans  en 
excepter  le  plus  remarquable,  celui  de  Marie  de  France,  ils 
n'offrent  pas  grand  intérêt,  car  ils  ne  sont  que  la  traduction, 
trop  souvent  inintelligente,  de  deux  recueils  latins  du  temps 
dont  les  sources  remontent  à  l'antiquité  grecque  et  latine 
additionnée  de  quelques  éléments  indiens,  VAvianus  et  le 
Romulus.  Au  contraire,  les  nombreux  récits  qui  se  sont 
peu  à  peu  ajoutés  ou  superposés  les  uns  aux  autres,  pour 
former  le  recueil  connu  sous  le  nom  de  Roman  de  Renard, 
sont  pour  la  plupart  propres  au  moyen  âge  et  donnent  une 
saveur  particulière  à  cette  sorte  d'épopée  animale.  Elle 
sera  étudiée,  avec  le  développement  qu'elle  mérite,  à  l'art. 
Renard. 

Histoire.  Le  genre  historique  a  été  d'abord  traité  en  vers 
et,  sous  cette  forme,  il  a  particulièrement  fleuri  à  la  cour 
des  rois  d'Angleterre.  Vers  4450,  Geffrei  Gaimar  compose 
son  Histoire  des  Anglais  (vers  octosyllabiques)  ;  de  4460 
à  4474,  Wace,  la  Geste  des  Normands  ou  Roman  de 
Rou  (Rollon),  qu'il  interrompt  à  la  bataille  de  Tinchebray 
(4407),  sans  doute  à  la  nouvelle  que  Henri  II  avait  chargé 
de  la  même  tâche  un  concurrent,  Benoît  (que  quelques-uns 
identifient  avec  Benoît  de  Sainte-Maure,  auteur  de  Troie)  : 
nous  possédons  en  effet  43,000  vers  octosyllabiques  de 
Benoît,  qu'on  a  publiés  sous  le  titre  de  Histoire  des  ducs 
de  Normandie.  Malheureusement,  ces  trois  poèmes  de 
Gaimar,  de  Wace  et  de  Benoit  ne  sont  guère  que  la  para- 
phrase de  textes  latins  antérieurs  et  s'arrêtent  avant  l'époque 
où  les  poètes  chroniqueurs  auraient  pu  parler  des  événe- 
ments qu'ils  avaient  vus.  Ce  genre  d'intérêt  qui  leur  manque 


FRANCE 


—  1066 


se  trouve  au  contraire  dans  les  poèmes  suscités  par  le 
meurtre  de  Thomas  Becket  (4170)  et  composés  presque  sous 
le  coup  de  l'émotion  produite  par  ce  tragique  événement. 
De  ces  poèmes,  nous  ne  citerons  que  celui  de  Garnier  de 
Pont-Sainte-Maxence,  Tune  des  œuvres  les  plus  remarquables 
que  le  moyen  âge  nous  ait  laissées.  La  troisième  croisade 
inspira  à  un  certain  Ambroise,  jongleur  au  service  de  Richard 
Cœur  de  Lion,  un  poème  de  12,000  vers  sans  grandes 
qualités  littéraires,  mais  offrant  le  mérite  de  la  sincérité. 
Enfin,  vers  1224,  fut  composée  par  un  anonyme  Y  Histoire 
de  Guillaume  le  Maréchal,  grand  personnage  de  la  cour 
anglaise,  œuvre  supérieure  peut-être  par  le  mérite  de  l'écri- 
vain à  toutes  celles  que  nous  venons  d'énumérer.  La  France 
proprement  dite  est  beaucoup  moins  riche  dans  le  genre 
historique  que  les  possessions  des  Plantagenets.  On  écrit  peu 
en  vers,  et  V Histoire  des  Empereurs  romains,  rimée  par 
le  Lorrain  Calendre  (1213)  est  au-dessous  du  médiocre.  On 
traduit  beaucoup  en  prose,  notamment  la  fameuse  chro- 
nique de  Turpin  ;  on  compose  à  Paris  les  Faits  des  Ro- 
mains, compilation  intéressante  imitée  de  Salluste,  César, 
Lucain  et  Suétone,  mais  qui  est  demeurée  interrompue  à  la 
mort  de  Jules  César,  etc.  Cette  prédilection  pour  la  prose  nous 
a  valu  une  œuvre  capitale  de  l'historiographie  française  : 
la  Conquête  de  Constantinople,  de  Villehardouin,  et  le 
récit,  souvent  pittoresque,  que  Robert  de  Clari  a  consacré 
à  la  même  expédition. 

Poésie  lyrique.  Nous  avons  vu  que  la  littérature  fran- 
çaise avait  emprunté  aux  Bretons  du  pays  de  Galles  la 
«  matière  de  Bretagne  »,  comme  dit  Jean  Bodel  ;  mais  cette 
matière,  elle  l'a  faite  sienne  par  la  manière  dont  elle  l'a 
traitée.  Dans  le  domaine  lyrique,  les  poètes  français  ou 
trouvères  n'ont  pas  fait  preuve  de  la  même  originalité  :  ils 
se  sont  mis  à  l'école  des  poètes  provençaux  ou  troubadours 
et  n'ont  guère  fait  que  les  copier,  parfois  avec  bonheur,  le 
plus  souvent  avec  un  art  inférieur.  Cette  dépendance  du 
Nord  vis-à-vis  du  Midi  s'explique  par  la  différence  de  civi- 
lisation :  le  Nord,  plus  guerrier,  se  passionne  pour  les  chan- 
sons de  geste  au  moment  où  le  Midi,  d'esprit  plus  délié, 
est  déjà  revenu  de  cette  passion  qu'il  n'a  jamais  dû  éprouver 
bien  forte  et  est  tout  entier  à  la  poésie  lyrique.  On  compose 
des  poésies  lyriques  au  Midi  dès  la  fin  du  xie  siècle;  au 
Nord,  nous  n'en  connaissons  pas  avant  la  fin  du  xne.  Ce 
n'est  pas  que  l'esprit  lyrique  n'ait  existé  au  Nord  anté- 
rieurement à  l'influence  du  Midi  :  on  a  quelques  rares 
chansons  de  toile  françaises  d'un  caractère  demi-épique, 
demi-lyrique  (notamment  la  chanson  de  Renaud)  qui  pa- 
raissent remonter  très  haut  et  qui  ne  doivent  rien  aux 
troubadours  ;  de  même  certaines  pastourelles,  certaines 
chansons  de  croisade  à  refrain.  Mais  cette  poésie  de  carac- 
tère populaire  fut  bientôt  dédaignée  et  délaissée,  et  la  haute 
société  de  la  fin  du  xne  siècle  s'engoua  de  la  lyrique  pro- 
vençale. Les  femmes,  et  en  particulier  les  deux  filles  d'Eléo- 
nore  d'Aquitaine,  épouses  d'un  comte  de  Champagne  et  d'un 
comte  de  Blois,  semblent  avoir  beaucoup  contribué  à  cet 
engouement.  On  trouvera  à  l'art.  Chanson  les  noms  des 
principaux  poètes  lyriques  français  de  cette  époque,  dont 
quelques-uns,  notamment  Thibaud  de  Champagne  et  Gace 
Brûlé,  peuvent  aller  de  pair  avec  les  meilleurs  troubadours. 
A  côté  de  la  chanson,  les  autres  genres  cultivés  étaient  la 
pastourelle,  les  rotruenges,  les  serventois,  etc. 

Genres  divers.  Il  nous  resterait,  pour  compléter  ce 
tableau,  à  parler  de  la  littérature  didactique  et  de  la  litté- 
rature dramatique.  De  cette  dernière,  nous  n'avons  que  peu 
de  chose  à  dire,  parce  que  les  origines  de  notre  théâtre  appar- 
tiennent presque  exclusivement  à  la  littérature  latine  ;  men- 
tionnons cependant  le  Jeu  de  saint  Nicolas,  de  Jean  Bodel 
(commencement  du  xme  siècle),  qui,  à  cette  date,  est  une 
œuvre  tout  à  fait  isolée.  La  littérature  didactique,  religieuse 
ou  profane,  est  au  contraire  fort  riche,  mais  elle  se  com- 
pose pour  une  bonne  part  de  traductions  du  latin  qu'il  y 
aurait  peu  de  profit  à  énumérer  en  détail.  Citons  seulement 
les  œuvres,  de  caractères  divers,  qui  ont  au  moins  le  mérite 
d'une  originalité  relative  :  le  Livre  des  manières,  d'Etienne 


de  Fougères,  évêque  de  Rennes,  vers  1170  ;  le  Miserere  et 
le  Roman  de  Charité,  d'un  reclus  qui  vivait  à  Molliens,  en 
Picardie,  et  dont  le  nom  de  famille  n'est  pas  connu;  les  Bibles, 
de  Guyot  de  Provins  et  de  Hugues  de  Berzé,  tous  ouvrages 
en  vers,  satires  plus  ou  moins  vigoureuses  contre  les  diffé- 
rentes classes  de  la  société  ;  le  Besant  de  Dieu,  de  Guil- 
laume le  Clerc  ;  le  Songe  d'Enfer  et  la  Voie  de  Paradis, 
de  Raoul  de  Houdan  ;  le  Tournoiement  d'Antéchrist 
(1235),  de  Huon  de  Méri  ;  les  Miracles  de  la  Vierge,  de 
Gautier  de  Coinci,  également  en  vers  et  dont  les  titres 
indiquent  assez  et  le  but  religieux  et  le  caractère  allégo- 
rique, etc. 

Troisième  période.  De  1235  au  début  de  la  guerre 
de  Cent  ans  (1337).  —  On  pourrait  appeler  cette 
période  le  siècle  du  Roman  de  la  Rose,  à  condition  de 
faire  observer  que,  par  la  façon  dont  il  a  compris  le  sujet, 
le  premier  auteur  de  la  Rose,  Guillaume  de  Lorris,  qui 
écrivait  vers  1237,  se  rattache  à  la  tradition  antérieure  des 
Huon  de  Méri  et  des  Raoul  de  Houdan,  grands  amateurs 
d'allégories.  Le  caractère  de  la  littérature  française  de  cette 
période  est  d'être  beaucoup  moins  chevaleresque  que  dans 
la  période  précédente.  On  fait  encore  quelques  chansons  de 
geste,  mais  le  cercle  des  auditeurs  qui  les  écoutent  se  rétré- 
cit de  plus  en  plus,  et  bientôt  celles  que  l'on  composera 
encore  seront  destinées  à  être  lues  et  non  chantées.  La 
poésie  lyrique,  imitée  des  troubadours,  ne  se  maintient 
guère  que  jusqu'à  la  fin  du  xme  siècle,  et  la  lyre  nouvelle 
qui  doit  la  remplacer  se  fait  attendre  jusqu'à  la  période  sui- 
vante. On  est  plus  savant  qu'au  siècle  précédent,  mais  d'une 
science  un  peu  extérieure  à  la  scolastique,  qui  n'est  pas  la 
science  du  cœur  humain  :  Jean  de  Meung  a  remplacé  Chrétien 
de  Troyes.  On  traduit  en  français  le  Code,  les  Institutes  ; 
on  rédige  les  Assises  de  Jérusalem,  les  Etablissements 
dont  saint  Louis  ne  peut  mais,  bien  qu'on  les  mette  sous  son 
nom,  les  Coutumes  de  Beauvaisis,  etc.  Il  n'est  pas  éton- 
nant après  cela  que  les  légistes  de  Philippe  le  Bel  tiennent 
le  haut  du  pavé  ;  le  bon  Joinville  paraît  un  peu  dépaysé 
dans  ce  milieu  et  semble  un  survivant  du  passé.  Comme 
cette  période  a  été  beaucoup  mieux  étudiée  par  les  érudits 
que  la  période  précédente,  les  œuvres  anonymes  deviennent 
rares  et  la  personnalité  des  auteurs  sort  du  vague  où  elle 
restait  auparavant.  Nous  nous  bornerons  donc  à  mentionner 
brièvement  les  auteurs  les  plus  remarquables,  selon  les 
genres  dans  lesquels  ils  se  sont  exercés,  en  renvoyant  aux 
articles  consacrés  à  chacun  d'eux.  Chemin  faisant,  nous 
indiquerons  quelques  œuvres  anonymes  : 

Epopée  nationale.  Adenet  le  Roi  (Ogier,  Berte,  Beuve 
de  Commarcis),  Girard  d'Amiens  (Charlemagne) .  Ano- 
nymes :  Aye  d'Avignon,  Beuve  de  Hanstone,  Anséis  de 
Carthage,  Jean  de  Lanson,  Gaufrei,  Tristan  de  Nan~ 
teuil,  l'Entrée  d'Espagne,  etc. 

Romans  sur  l'antiquité.  Jean  de  Thuin  (César),  Jacques 
de'Longuyon  (Vœux  du  Paon),  Jean  Brisebarre  (Restor 
du  Paon).  Anonyme  :  Hector. 

Romans  grecs,  byzantins  et  d'aventure.  Adenet  le  Roi 
(Clèomadès),  Girard  d'Amiens  (Méliacin),  Jean  Maillard 
(la  Comtesse  d'Anjou),  Beaumanoir  (la  Manekine,  Jean 
et  Blonde),  Jakemon  Sakesep  (le  Châtelain  de  Coud). 
Anonymes  :  la  Châtelaine  de  Vergy,  Brun  de  la  Mon- 
tagne, etc. 

Romans  bretons.  Rusticien  de  Pise  (Table  ronde,  Me- 
liadus,  Guiron  le  Courtois).  Anonymes  :  Perce for  est. 
Toutes  ces  œuvres  sont  en  prose. 

Contes  et  fableaux.  En  vers  :  Rutebeuf,  Jean  et  Beau- 
douin  de  Condé,  Watriquet  de  Couvin.  En  prose  :  Nicole 
Bozon. 

Roman  de  Renard.  Jacquemard  Gelée  (Renard  le  Nou- 
veau). Anonymes  :  Couronnement  de  Renard,  JRenard 
le  Contrefait. 

Histoire.  En  vers  :  Philippe  Mousket  (Chronique  de 
France) , Guillaume  Guiart  (Branche  des  royaux  lignages) , 
Godefroi  de  Paris  (Chronique  parisienne),  Pierre  de  Lang- 
toft  (Chronique) .  En  prose  :  Philippe  deNovare  (Mémoires), 


—  1067 


FRANCE 


Martin  da  Canal  (Chronique  des  Vénitiens),  Marco  Polo 
(Voyages),  Haiton  (Fleur  des  histoires  d'Orient),  Join- 
ville  (Histoire  de  saint  Louis).  Anonymes  :  Récits  d'un 
ménestrel  de  Riems,  Chronique  de  Saint-Denis,  Chro- 
nique de  Morée  (1325)). 

Poésie  lyrique.  Rutebeuf,  Adam  de  la  Halle,  Guilebert 
de  Rerneville,  etc. 

Littérature  dramatique.  Adam  de  la  Halle  (Jeu  de 
la  Feuillée,  Robin  et  Marion),  Rutebeuf  (Théophile) 
Littérature  didactique  en  vers.  Guillaume  de  Lorris 
(Roman  de  la  Rose,  vers  1-4070),  Jean  de  Meung  (Roman 
de  la  Rose,  fin  ;  Testament),  Nicole  de  Margival  (Pan- 
thère d'amour),  Gautier  de  Metz  (Image  du  monde), 
Jean  de  Journi  (Dîme  de  pénitence). 

Littérature  didactique  en  prose.  Philippe  de  Novare 
(Quatre  Ages  d'homme),  Richard  de  Fournival  (Puis- 
sance d'amour,  Bestiaire  d'amour),  Rrunetto  Latino 
(Trésor),  frère  Laurent  (Somme  des  vices  et  vertus), 
Guiard  des  Moulins  (Bible  historiale),  Reaumanoir  (Cou- 
tumes de  Beauvaisis),  Pierre  de  Fontaine  (Conseil),  Phi- 
lippe de  Novare  (Assises  de  Jérusalem).  Anonymes  :  Livre 
de  Sidrac,  Etablissements  dits  de  saint  Louis,  Livre  de 
justice  et  de  plait,  etc. 

On  remarquera  que  pour  cette  époque  la  part  de  l'An- 
gleterre à  la  culture  de  la  littérature  française  devient  de 
plus  en  plus  faible.  En  revanche,  c'est  le  moment  où  le 
français  jouit  du  plus  grand  crédit  en  Italie  et  en  Orient.  Il 
suffit  de  rappeler  que,  parmi  les  auteurs  et  les  œuvres  que 
nous  avons  mentionnés,  Philippe  de  Novare,  Martin  da 
Canal,  Marco  Polo,  Rusticien  de  Pise,  Rrunetto  Latino  sont 
des  Italiens,  le  premier  ayant  surtout  vécu  en  Orient  ;  que 
Hayton  est  un  Arménien  ;  que  Jean  de  Journi  a  écrit  à 
Chypre  et  que  certaines  œuvres  anonymes  ont  été  compo- 
sées en  Italie  (Hector,  l'Entrée  d'Espagne)  ou  en  Orient 
(Chronique  de  Morée). 

Quatrième  période.  La  guerre  de  Cent  ans.  —  La 
littérature  d'un  pays  subit  toujours  plus  ou  moins  le  contre- 
coup de  son  histoire.  Aussi  ne  peut-on  s'attendre  à  ce  que 
la  France  ait  eu  une  littérature  très  prospère  pendant  cette 
période  qui,  sauf  quelques  années  de  gloire  et  de  tran- 
quillité relative  sous  Charles  V,  n'a  guère  été  pour  elle 
qu'une  suite  de  misères.  Le  nom  de  Froissart,  poète  et 
chroniqueur,  domine  cette  époque,  et  l'on  peut  dire  qu'il 
lui  fait  honneur  ;  mais  l'on  a  remarqué  plus  d'une  fois  que 
Froissart,  par  sa  naissance,  appartient  au  Hainaut,  c.-à-d. 
à  une  région  qui  n'était  pas  intéressée  directement  à  la 
lutte  de  la  France  et  de  l'Angleterre.  On  a  célébré  souvent 
Charles  Y,  le  Sage,  protecteur  des  lettres  françaises,  et 
l'on  a  eu  raison  ;  mais  l'on  ne  peut  s'empêcher  de  remar- 
quer que  les  auteurs  dont  Charles  V  aimait  à  s'entourer  en 
provoquant  et  en  récompensant  généreusement  leurs  tra- 
vaux :  Raoul  de  Presles,  Jean  Corbichon,  Jean  Golein, 
Jacques  Rauchant,  Evrard  de  Conty,  etc., n'étaient  guère  que 
des  traducteurs  ;  leurs  laborieux  efforts,  tout  en  contribuant 
aux  progrès  de  la  langue  et  de  l'esprit  public,  ne  consti- 
tuent qu'un  maigre  apport  à  la  littérature  proprement  dite. 
La  culture  française  que  nous  avons  vue  si  étendue  dans  la 
période  précédente  se  resserre  de  plus  en  plus  :  l'Angle- 
terre lui  échappe  décidément  et  l'état  de  guerre  contribue 
sans  doute  beaucoup  à  la  revanche  définitive  que  prend 
l'anglais  sur  le  français  ;  en  Italie,  le  français  se  maintient 
beaucoup  plus  tard  qu'on  ne  serait  porté  à  le  croire  :  c'est 
là  que  Nicolas  de  Vérone  compose  en  1343  une  Pharsale 
en  vers  français,  plus  tard  une  remarquable  Suite  de 
l'Entrée  d'Espagne  et,  plus  tard  encore,  un  poème  sur 
la  Passion  ;  Nicolas  de  Casola  écrit  en  vers  français  son 
Attila  (1358),  et  l'on  voit  jusqu'au  commencement  du 
xve  siècle  un  Véronais,  Raphaël  Marmora,  rédiger  en  prose 
française  un  long  roman  d'aventure  :  Aquilon  de  Ba- 
vière ;  mais  ce  dernier  fait  est  tout  à  fait  exceptionnel  et 
l'on  peut  dire  que,  dès  le  milieu  du  xive  siècle,  la  littéra- 
ture toscane  élargie  et  illustrée  par  l'œuvre  immortelle  de 
Dante,  a  débusqué  complètement  la  littérature  française  de 


la  vallée  du  Pô.  En  revanche,  on  entrevoit  déjà  une  heu- 
reuse compensation  à  ces  pertes  :  le  Midi  de  la  France  se 
laisse  entraîner  peu  à  peu  au  courant  littéraire  du  Nord, 
comme  il  s'associe  énergiquement,  au  moins  entre  le  Rhône 
et  la  Garonne,  à  la  lutte  contre  les  Anglais.  Dès  1338,  un 
Méridional,  Raimon  Vidal,  compose  un  petit  poème  allégo- 
rique intitulé  la  Chasse  aux  Médisans,  que  n'aurait  pas 
désavoué  un  poète  de  langue  d'oïl  ;  Gaston  Phébus,  comte 
de  Foix,  dicte  en  prose  française  son  Traité  de  la  Chasse, 
et  Honoré  Ronnet,  «  nez  et  nourris  de  la  terre  de  Prou- 
vence  »,  rédige  en  français  son  curieux  Arbre  des  Batailles, 
dédié  à  Charles  VI.  A  partir  du  xve  siècle^  la  littérature 
française  n'est  plus  seulement  la  littérature  des  provinces 
de  langue  d'oïl,  c'est  la  littérature  de  la  France  entière. 
En  somme,  si  l'on  tient  compte  des  circonstances,  il  faut 
reconnaître  que  la  littérature  de  la  guerre  de  Cent  ans  est 
plutôt  au-dessus  qu'au-dessous  de  ce  qu'on  pouvait  attendre. 
La  poésie  épique  disparaît  à  peu  près,  et  les  anciennes 
chansons  de  geste,  dont  le  sujet  intéresse  encore,  sont  mises 
en  prose  et  accommodées  au  goût  du  jour,  qui  n'est  pas  de 
haute  marque  ;  mais  cette  perte  est  compensée  de  trois 
côtés  :  dans  le  domaine  lyrique,  dans  le  domaine  historique 
et  dans  le  domaine  dramatique.  Nous  avons  vu  que  la  poésie 
lyrique  semble  s'éteindre  en  France  au  commencement  du 
xive  siècle  :  à  Guillaume  de  Machaut  appartient  l'honneur 
d'avoir  introduit  un  style  lyrique  nouveau  appuyé  sur  une 
technique  nouvelle  de  l'art  musical  et,  grâce  à  lui,  la  bal- 
lade, le  chant  royal,  le  rondeau,  le  lai  de  douze  strophes 
sont  appelés  à  fournir  une  longue  et  brillante  carrière.  En 
histoire,  il  suffirait  de  prononcer  le  nom  de  Froissart  ;  mais 
les  Chroniques  de  Saint-Denis,  rédigées  sous  Charles  V, 
ne  sont  pas  indignes  d'être  mentionnées,  même  après  ce 
grand  charmeur.  Enfin  et  surtout,  c'est  cette  époque  si 
agitée  qui,  dans  ses  moments  de  loisir,  a  presque  com- 
plètement créé  le  théâtre  français  qui  n'était  guère  qu'en 
germe  dans  les  époques  antérieures.  Dans  les  dernières 
années  de  Charles  V,  les  bourgeois  de  Paris  ayant  pris 
l'habitude  de  représenter  annuellement  la  Passion  aux  fêtes 
de  Pâques,  cette  habitude  amena  peu  à  peu  la  constitution 
de  la  célèbre  Confrérie  de  la  Passion,  reconnue  officiel- 
lement en  1402  ;  en  même  temps  s'organisent  à  Paris  et 
ailleurs  les  Basoches  et  les  En  fants-sans- Souci  ;  de  là 
l'élan  des  mystères,  des  moralités,  des  farces  et  des 
soties  qui  font  de  cette  période  et  de  celle  qui  la  suit  im- 
médiatement comme  l'âge  d'or  de  l'ancien  théâtre  français. 
Ajoutons  enfin  que  la  guerre  de  Cent  ans,  qui  a  si  puis- 
samment contribué  à  cimenter  l'union  politique  des  diffé- 
rentes provinces  de  France  en  leur  apprenant  tout  le  prix 
de  l'union  devant  l'ennemi,  a  de  même  introduit  dans  la 
littérature  une  note  nouvelle  :  la  note  patriotique.  Sans  par- 
ler des  poésies  perdues  du  semi-légendaire  Rasselin,  on  peut 
dire  que  Eustache  Deschamps,  Christine  de  Pisan,  Alain 
Chartier  et  Charles  d'Orléans  (première  manière)  n'ont 
jamais  été  mieux  inspirés  que  quand  ils  ont  pensé  aux 
malheurs  de  la  patrie. 

Cinquième  période.  La  fin  du  moyen  âge.  —  On  peut 
considérer  jusqu'à  un  certain  point  le  traité  d'Arras  (1435) 
comme  marquant  la  fin  de  la  guerre  de  Cent  ans  ;  il  faut 
encore  de  vigoureux  efforts  pour  arriver  à  l'expulsion  com- 
plète de  l'étranger  (4453),  mais  la  cour  de  France  récon- 
ciliée avec  la  cour  de  Rourgogne,  c'est  le  gage  certain  de 
la  victoire  définitive.  Aussi  bien,  ce  Philippe  le  Ron  qui,  à 
Arras,  traite  d'égal  à  égal  avec  Charles  VII,  est-il  l'inspi- 
rateur d'une  littérature  particulière  en  harmonie  avec  son 
caractère  fastueux  :  ce  qui  semble  dominer  la  fin  du  siècle, 
c'est  la  littérature  grandiloquente  de  l'école  bourguignonne 
et  flamande  des  «  grands  rhétoriqueurs  »  Georges  Chastellain, 
Olivier  de  La  Marche,.  Jean  Molinet,  Jean  Meschinot,  etc., 
disciples  exagérés  d'Alain  Chartier,  qui  seront  eux-mêmes 
dépassés  par  Jean  Le  Maire  de  Relges,  vénéré  également  au 
xvi0  siècle  par  l'école  de  Marot  et  par  celle  de  Ronsard. 
Heureusement,  ce  n'est  pas  là  toute  la  littérature  de  l'époque  : 
à  côté  du  courant  bourguignon,  il  y  a  le  courant  français 


FRANCE 


4068  - 


qui  coule  avec  moins  de  fracas,  mais  qui  roule  les  paillettes 
d'or  pur.  Il  suffit  de  citer  quelques  noms  :  Ma  lin  Le  Franc, 
Charles  d'Orléans,  dont  les  dernières  poésies,  écrites  après 
4442,  sont  bien  supérieures  à  celles  qu'il  avait  composées 
dans  sa  prison  ;  Villon,  dont  l'ombre  imposait  encore  à  Boi- 
leau  ;  Henri  Baude  et  Jean  Castel,  dont  certaines  pièces 
fugitives  font  penser  à  Marot  ;  Arnoul  Gréban,  l'auteur  du 
Mystère  de  la  Passion;  Jacques  Milet,  l'auteur  du  Mystère 
de  Troie;  Guillaume  Coquillart,  une  manière  de  Villon 
rémois  ;  la  farce  anonyme  de  Maître  Pathelin,  le  roman 
de  Jehan  de  Paris,  les  œuvres  d'Antoine  de  La  Salle,  un 
Provençal  au  service  la  maison  de  Bourgogne  qui  ne  se 
laissa  pas  gagner  à  l'air  de  la  cour  et  qui  écrivit  coup  sur 
coup  Jehan  de  Saintré,  les  Cent  Nouvelles  nouvelles  et 
les  Quinze  Joies  de  mariage  ;  enfin,  le  chef-d'œuvre  peut- 
être  de  la  prose  Française  au  xv6  siècle,  les  Mémoires  de 
Philippe  de  domines,  transfuge  politique  et  littéraire  du 
parti  de  Bourgogne.  On  peut  dire  en  somme  que,  dans  cette 
fin  du  xve  siècle,  le  siècle  suivant  est  tout  entier  à  l'état 
de  promesse  :  la  première  moitié  du  xvie  siècle,  où  l'astre 
de  Marot  et  de  ses  disciples  brille  seul  au  firmament  litté- 
raire, est  le  triomphe  de  l'école  française  ;  la  seconde,  où 
l'enthousiasme  débordant  de  Ronsard  et  de  sa  pléiade  a  tout 
submergé,  est  une  revanche  de  l'école  bourguignonne,  re- 
trempée, affinée  par  le  recueillement  et  le  commerce  de  plus 
en  plus  intime  avec  les  modèles  antiques. 

Influence  de  la  littérature  française  au  moyen  Age  sur 
les  littératures  étrangères.  —  L'histoire  de  la  littérature 
française  au  moyen  âge  ne  serait  pas  complète  si  l'on  omet- 
tait de  dire  l'influence  qu'elle  a  exercée  sur  les  littératures 
voisines.  C'est  l'épopée  française  qui  a  joui  de  la  plus  grande 
vogue  à  l'étranger,  et  cela  sans  doute  dès  la  fin  du  xie  siècle. 
On  a  traduit  en  anglais,  mais  à  une  époque  assez  tardive  : 
Roland,  Fierabras,  Otinel,  Ferragut,  les  Conquestes  de 
Charlemagne,  et  enfin  Huon  de  Bordeaux,  à  qui  Shake- 
speare a  emprunté  le  charmant  personnage  d'Obéron  du 
Songe  d'une  nuit  d'été  ;  en  allemand,  Roland  (Ruo- 
landes  Liet  du  curé  Chuonrat),  Mainet  (Karl  Meinet  du 
Stricker),  Guillaume  d'Orange  (Wolfram  d'Eschenbach, 
Ulrich  de  Tùrheim  et  Ulrich  du  Tiirlin)  ;  en  néerlandais, 
Roland,  Ogier  le  Danois,  Guiteclin,  Renaud  de  Mon- 
tauban,  Maugis,  Girard  de  Vienne,  Huon  de  Bordeaux, 
Mainet,  Charles  et  Elegast,  les  Lorrains,  Fierabras; 
en  norois,  Girard  de  Vienne,  Beuve  d'Hanstone  et  l'im- 
mense compilation  sur  Charlemagne,  la  îiarlamagnus 
Saga;  en  italien,  Beuve  d'Hanstone,  Berte,  Mainet, 
Ogier  le  Danois,  Renaud  de  Montauban,  etc.  (il  faut 
noter  que,  de  bonne  heure,  les  Italiens  ne  se  contentent  pas 
de  traduire,  mais  brodent  beaucoup,  si  bien  que  la  poésie 
chevaleresque  italienne  du  xve  et  du  xvie  siècle  ne  se  rat- 
tache à  l'ancienne  littérature  française  que  par  un  fond 
assez  maigre  sur  lequel  des  remaniements  successifs  ont 
déposé  une  couche  épaisse  A' italianisme)  ;  en  provençal, 
Fierabras.  L'Espagne  a  connu  aussi  de  très  bonne  heure 
la  Chanson  de  Roland,  mais  au  lieu  d'accepter  docilement 
les  chants  de  nos  trouvères,  elle  les  a  étouffés,  par  patrio- 
tisme, sous  des  romances  qui  en  sont  la  contre-partie,  mais 
qui  ne  leur  en  doivent  pas  moins  leur  naissance.  —  Nous  ne 
pouvons,  on  le  comprendra,  passer  de  même  en  revue  les 
imitations  en  langue  étrangère  de  nos  romans  bretons,  de 
nos  romans  d'aventures,  de  notre  poésie  lyrique,  etc.  Il 
suffit  d'indiquer  le  fait  :  les  détails  appartiennent  à  l'his- 
toire littéraire  de  chacun  des  pays  intéressés.  Nous  notons 
simplement  que  la  force  expansive  de  la  littérature  fran- 
çaise va  decrescendo  du  xne  au  xve  siècle.  Au  xme  siècle, 
le  Roman  de  la  Rose  a  encore  un  succès  qu'on  peut  quali- 
fier iï européen  ;  mais,  dès  le  xive  siècle,  l'Italie  se  fait  la 
promotrice  de  la  renaissance  de  l'antiquité,  et,  pour  un 
temps  au  moins,  la  France  perd  peu  à  peu  le  singulier  pri- 
vilège qu'elle  avait  eu  au  moyen  âge  d'être  comme  le  foyer 
littéraire  de  l'Europe  occidentale. 

En  regard  de  cette  expansion  de  la  littérature  française, 
les  emprunts  qu'elle  a  faits  aux  littératures  étrangères  sont 


insignifiants.  Au  xne  siècle,  elle  doit  certainement  à  la  litté- 
rature anglo-saxonne  plus  d'un  sujet  du  cycle  breton  :  c'est 
d'après  l'anglais  que  Marie  de  France  compose  son  recueil 
de  fables  (elle  le  déclare  expressément)  et  aussi,  sans  doute, 
plusieurs  de  ses  lais.  La  littérature  allemande,  qui  nous  a 
tant  emprunté,  est  demeurée  absolument  inconnue  chez  nous 
au  moyen  âge  :  même  dans  les  légendes  relatives  à  Charle- 
magne, elle  ne  nous  a  rien  fourni.  De  la  littérature  italienne, 
on  n'a  guère  traduit  que  le  Decameron  de  Boccace  (Dante 
a  attendu  jusqu'au  xvie  siècle).  Cette  traduction,  œuvre  de 
Laurent  de  Premier-fait,  exécutée  à  Paris  en  4444,  a  d'ail- 
leurs exercé  une  influence  incontestable  sur  la  littérature 
française  du  xve  siècle  :  il  suffit  d'indiquer  les  Cent  Nou- 
velles nouvelles.  C'est  à  une  autre  œuvre  de  Boccace,  le 
Filostrato,  que  se  rattache  aussi  la  gracieuse  nouvelle  : 
Troïle  et  Cressida,  par  Louis  de  Beauvau.  Nous  avons  dit 
quelle  était  la  dette  de  la  littérature  française  vis-à-vis  de 
la  littérature  provençale  à  propos  de  la  poésie  lyrique  ; 
qu'on  y  ajoute,  si  l'on  veut,  quelques  sujets  de  chanson 
de  geste  (geste  de  Guillaume  d'Orange).  Voilà  tout  ce  qui  est 
venu  des  littératures  voisines  en  langue  vulgaire.  La  litté- 
rature espagnole,  en  effet,  ne  paraît  à  aucun  degré,  avant 
le  xvie  siècle,  avoir  agi  sur  la  littérature  française. 

Tarleau  chronologique  de  1330  A  4500.  —  Pour 
les  deux  dernières  périodes  de  l'histoire  de  la  littérature 
française  au  moyen  âge,  nous  nous  sommes  contenté  d'en 
indiquer  le  caractère  général,  sans  entrer  dans  le  détail. 
Il  est  regrettable  que  la  littérature  du  xive  et  du  xve  siècle 
n'ait  encore  été  l'objet  d'aucun  travail  d'ensemble  appro- 
fondi. On  sait  que  le  précieux  manuel  que  M.  Gaston  Paris 
a  intitulé  la  Littérature  française  au  moyen  âge  s'arrête 
à  l'année  4328  environ.  Nous  croyons  donc  rendre  service 
au  lecteur  en  dressant  un  tableau  chronologique  de  la  lit- 
térature française  entre  4328  et  4500,  tableau  qui  fera 
suite,  quelque  imparfait  qu'il  soit,  à  celui  que  M.  Gaston 
Paris  a  placé  en  appendice  dans  son  manuel.  Pour  les  œuvres 
dont  la  date  oscille  entre  plusieurs  années,  nous  avons 
choisi  la  moyenne,  et  les  dates  approximatives  de  ce  genre 
sont  indiquées  par  le  signe  <  placé  devant  la  mention  de 
l'œuvre. 


4330. 
4334. 

4332. 
4337. 

4338. 
4339. 

4340. 

4344. 
1342. 

4343. 
4349. 

4350. 
4354. 
4355. 


4357. 

4358. 

4360. 
4362. 

4363, 


<  Hugues  Capet,  chanson  de  geste. 

<  Guillaume  de  Digulleville,  Pèlerinage  de  vie 
humaine  (4re  rédaction). 

<  Girart  de  Roussillon,  poème  en  alexandrins. 
Renaut  de  Louhans,  Traduction  en  vers  de  la 

Consolation  de  Boèce. 

<  Jean  Brisebarre,  Restor  du  Paon. 

Jean  de  le  Mote,  les  Regrets  de  Guillaume,  comte 

de  Hainaut. 
Jean  de  le  Mote,  le  Parfait  du  Paon.  —  Jean  du 

Pin,  Mélancolies. 
Renart  le  Contrefait  (2e  rédaction). 
Guillaume   de  Machaut,    Dit  du  Lion.  —  Jean 

Bruyant,  Chemin  de  pauvreté. 
Nicolas  de  Vérone,  Pharsale. 
Guillaume   de  Machaut,   Jugement  du   roi   de 

Bohême. 
Gilles  le  Muisit,  Lamentation. 

<  Pierre  Bersuire,  Traduction  de  Tite-Live. 
Jean  de  Sy,  Traduction  partielle  de  la  Bible, 

avec  commentai?^.  —  Guillaume  de  Digulle- 
ville, Pèlerinage  de  vie  humaine  (2°  rédac- 
tion) et  Pèlerinage  de  l'âme. 

Guillaume  de  Machaut,  le  Confort  d'ami.  — 
<  Jean  de  Venette,  Histoire  des  trois  Maries. 

Nicolas  de  Casola,  Attila.  —  Guillaume  de  Digul- 
leville, Pèlerinage  de  Jésus-Christ . 

<  Froissart,  Espinette  amoureuse. 
Guillaume  de  Machaut,  Morpheus  (Fontaine  amou- 
reuse). 

Guillaume  de  Machaut,  le  Voir  Dit. 


4069 


FRANCE 


1366. 

1369. 

1370. 

1371. 
1372. 


1373. 
1374. 


1375. 
1376. 
1377. 


1378. 

1379. 
1384. 
1386. 
1387. 

1388. 
1389. 
1392. 


1393. 

1394. 

1396, 


1398, 
1399. 
1400 
1401 
1402, 

1403 


1404. 
1405. 

1407. 
1409. 
1410. 
1412, 
1414 


Jean  de  Remin,  Enseignement  piteux,  poème 
moral  et  allégorique.  —  Robert  de  l'Orme,  Mi- 
roir de  la  Vie  et  de  la  Mort. 

<  Jacques  Bauchant,  Traduction  du  livide  des 
Voies  de  Dieu.  —  Nicole  Ores  me,  Traduction 
des  Ethiques  d'Aristote. 

Guillaume  de  Machaut,  la  Prise  d'Alexandrie.  — 
Jean  Golein,  Traduction  d'opuscules  histo- 
riques de  Bernard  Gui. 

Nicole  Oresme,  Traduction  des  Politiques  et 
des  Economiques  d'Aristote. 

Denis  Foulechat,  Traduction  du  IPolycraticus  de 
Jean  de  Salisbury.  —  Jean  Cor  bichon,  Tra- 
duction du  De  Proprietatibus  de  Barthélémy 
de  Glanville.  —  Jean  Golein,  Traduction  du 
Rational  de  Guillaume  Durand.  —  Geoffroy 
de  La  Tour-Landry,  Enseignement  à  ses  filles. 
—  <  Froissart,  Prison  amoureuse. 

Traduction  des  Ruralia  Commoda  de  Pietro  dei 
Grescenzi. 

Froissart,  Buisson  de  jeunesse.  —  <  Jacques 
Bauchant,  Traduction  de  la  Consolation  de 
Sénèque.  —  <  Jean  Golein,  Traduction  des 
Chroniques  de  Burgos.  —  <  Raoul  de  Presles, 
Traduction  et  commentaire  de  la  Cité  de  Dieu 
de  saint  Augustin.  —  <  Jean  Daudin,  Tra- 
duction du  De  Remediis  utriusque  fortunœ  de 
Pétrarque. 

Gace  de  la  Bigne,  Déduits  de  la  chasse. 

Jean  Le  Fèvre,  Respit  de  la  mort. 

Nicole  Oresme,  Traduction  du  De  Cœio.  — 
<  Pierre  d'Orgemont,  Chroniques  de  France 
(Jean  II  et  Charles  F). 

Simon  de  Hesdin,  Traduction  (inachevée)  cfo  Valère 
Maxime. 

Jean  de  Brie,  le  Bon  Berger. 

Cuvelier,  Poème  sur  Duguesclin. 

Chandos,  le  Prince  Noir. 

Jean  d'Arras,  Mélusine.  —  Gaston  Phébus,  le  Livre 
de  la  Chasse. 

Jacques  d'Ableiges,  Grand  Coutumier  de  France. 

Philippe  de  Maizières,  Songe  du  vieux  pèlerin. 

E.  Deschamps,  Art  de  dicter.  —  Richard  Eudes, 
Trad.  en  vers  du  poème  de  Pietro  d'Ebolisur 
les  bains  de  Pou%zoles. 

<  Le  Mênagier  de  Paris.  —  <  Jean  Bouteiller, 
Somme  rurale. 

Hardouin  de  Fontaines,  Trésor  de  vénerie. 
Ogier  d'Anglure,  Voyage  a  Jérusalem.  —  Nicole 

de  Saint-Marcel,  Livre  de  la  connaissance  des 

corps  humains. 
Honoré  Bonnet,  Apparition  de  Jean  deMeung. 

<  Guillaume  de  Tignonville,  Dits  des  philosophes. 
Christine  de  Pisan,  Dit  de  Poissy. 

Christine  de  Pisan,  Débat  de  deux  amants. 

Christine  de  Pisan,  Dit  de  la  Rose,  Chemin  de 
long  estude. 

Froissart,  Chronique,  dernière  rédaction.  — 
Christine  de  Pisan,  Dit  de  la-Pastoure,  Livre 
de  la  Mutacion  de  fortune,  Faits  et  bonnes 
mœurs  de  Charles  V.  —  Jean  Courtecuisse, 
Traduction  du  De  Quatuor  Virtutibus,  traité 
attribué  à  tort  à  Sénèque. 

Charles  d'Orléans,  Livre  contre  tout  péché. 

Laurent  de  Premierfait,  Traduction  du  De  Senec- 
tute  de  Cicéron. 

Raphaël  Marmora,  Aquilon  de  Bavière. 

Pierre  Salmon,  Mémoires. 

Jacques  Le  Grand,  Livre  de  bonnes  mœurs. 

Christine  de  Pisan,  Livre  de  la  paix. 
,  Laurent  de  Premierfait,    Traduction  du  Deca- 
meron  de  Boccace. 


1416.  Alain  Chartier,  Livre  des  quatre  dames.  —  Lau- 
rent de  Premierfait,  Traduction  du  De  Ami- 
citia  de  Cicéron.  —  Nompar  de  Caumont,  En- 
seignements à  ses  enfants. 

1418.  Laurent  de  Premierfait,  Traduction  des  Econo- 
miques d'Aristote. 

1420.  Nompar  de  Caumont,  Voyage  à  Jérusalem. 

1422.  Alain  Chartier,  Quadriloge  invectif.  —  Jean  de 
Courcy,  la  Bouquechardière. 

1424.  <  Guillebert  de  Metz,  Description  de  Paris. 

1426.  Alain  Chartier,  la  Belle  Dame  sans  merci.  — 

Jean  de  Courcy,  Chemin  de  vaillance.    - 

1427.  <  Eustache  Mercadé,  Mystères  de  la  Passion  et 

de  la  Vengeance  Jésus-Christ. 

1429.  Christine  de  Pisan,  Poème  sur  Jeanne  d'Arc. 

1430.  <  Jean    Juvénal   des    Ursins,    Chronique    de 

Charles  VI. 

1431.  Pierre  Cochon,  Chronique. 

1432.  Baudet  Hérenc,  Seconde  Rhétorique.  „—  Pierre 

de  la  Sipède,  Pwman  de  Paris  et  Vienne. 
1440.  Michault  Taillevent,  Passetemps. 
1442.  Martin  Le  Franc,  Champion  des  Dames. 

1445.  Jean  Wauquelin,  Traduction  du  Brut  de  Gau- 

frei  de  Montmouth.  —  <  Jean  Wauquelin, 
Histoire  d' Alexandre  le  Grand. 

1446.  <  Monstrelet,  Chronique. 

1447.  Jean  Wauquelin,  Histoire  de  Girart  de  Roussillon. 

1448.  Jean  Wauquelin,  Roman  de  la  Belle  Hélène  de 

Constantinople. 

1449.  Journal  d'un  Bourgeois  de  Paris.  —  Louis  de 

Beauvau,  Pas  d'armes  de  la  bergère. 

1450.  <  Arnoul  Greban,  Mystère  de  la  Passion.  — 

Jean  Germain,  V Anti-Coran.  —  Jean  Wauque- 
lin, Traduction  du  Gouvernement  des  princes 
de  Gilles  de  Rome. 

1451.  Alain  Chasteautournant,  la  Fin  de  l'homme. 
.1452.  Jacques  Milet,  Mystère  de  la  Destruction  de 

Troie. 

1454.  <  Jean  de  Rouvroy,  Traduction  des  Stratagèmes 

de  Frontin.  —  <  Jean  le  Bègue,  Traduction 
de  la  Première  guerre  punique  de  Léonard 
d'Arezzo. 

1455.  Gilles  le  Bouvier,  dit  Berry,  Chronique. 

1456.  Villon,  Petit  Testament.  —  <  Débat  des  hé- 

rauts de  France  et  d'Angleterre. 

1458.  David  Aubert,  les  Conquêtes  de  Charlemagne.— 

Pierre  Favre,  Traduction  du  De  Casibus  de 
Boccace. 

1459.  Antoine  de  la  Sale,  Jehan  de  Saintré.  —  Jean 

Castel,  Louanges  de  la  Vierge. 

1460.  <  Jean  Mansel,  Fleur  des  histoires.  —  François 

Garin,  Complainte. 

1461.  Villon,  Grand  Testament.  —  <  Jean  Chartier, 

Chronique  de  Charles  VIL 

1462.  <  Roman  de  Pierre  de  Provence  et  de  la  Belle 

Maguelonne. 
1464.  Chastellain,  Temple  de  Boccace. —  <  Guillaume 

Gruel,  Chronique  d'Arthur  de  Richemont. 
1466.  Pierre  Michault,  Doctrinal  de  cour.  —  <  Jean 

de  Bueil,  le  Jouvencel. 
1468.  Vasque  de  Lucene,  Traduction  de  Quinte-Curce. 

—  Simon  Greban,  Lamentation  de  Charles  VIL 

—  Jean  Miélot,  Traduction  de  la  Lettre  à 
Quintus,  de  Cicéron. 

1470.  Robert  de  Herlin,  Ballades. 

1471.  <  Jean  de  Wavrin,  Chroniques  â* Angleterre. 

1472.  <  Mathieu  d'Escouchy,  Chronique.  —  <  Mes- 

chinot,  Lunettes  des  princes. 
1475.  Chastellain,   Chronique.   —   <    Le  Rosier  des 
Guerres. 


FRANCE 


—  1070  — 


1480.  Jacques  de  Bugnin,   Congé  du  siècle,   poème. 

<  Jean  Molinet,  Temple  de  Mars. 

1482.  Guillaume  Flamen,  Mystère  de  Saint-Didier.  — 

Michel  LeFlameng,  Mystère  des  dix  mille  mar- 
tyrs. —  Jacques  Sigaud,  Vie  de  saint  Zénobe, 
traduite  de  l'italien. 

1483.  Olivier  de  la  Marche,  le  Chevalier  délibéré.  — 

<  Jean  de  Roye,  Chronique  de  Louis  XI,  dite 
Chronique  scandaleuse. 

148  k  Henri  Baude,  Supplique  au  duc  de  Bourbon.  — 
Martial  d'Auvergne,  Vigiles  de  Charles  VIL 

1485.  Robert  Gaguin,  Traduction  des  Commentaires  de 

César.  —  <  Guillaume  Cousinot,  Chronique. 
—  <  Jacques  du  Clercq,  Chronique. 

1486.  Guillaume  Alexis,  Dialogue  du  crucifix  et  du  pè- 

lerin. —  Jean  Michel,  Mystère  de  la  Passion. 

1487.  Charles  de  Saint-Gelais,  Traduction  du  Régime 

des  princes,  de  Gilles  de  Rome. 

1488.  Jean  Joret,  Jardin  salutaire.  —  Octavien  de  Saint- 

Gelais,  Estrif  de  science. 

1489.  <  Robert   Gaguin,    Traduction  des  Commen- 

taires de  César. 

1492.  Robert  de  Herlin,  Débat  du  Faucon  et  du  Lé- 

vrier. 

1493.  Olivier  de  la  Marche,  Mémoires.  —  Traduction 

du  De  Claris  Mulieribus  de  Boccace. 

1494.  Commines,  Mémoires,  livres  1-6.  —  Guillaume  le 

Doyen,  Mystère  de  la  Nativité.  —  Guilloche, 
Prophétie  de  Charles  VUL 

1496.  André  de  la  Vigne,  Mystère  de  saint  Martin.  — 

Octavien  de  Saint-Gelais,  Traduction  des  Epî- 
tres  d'Ovide.  , 

1497.  Pierre  Rivière,  Traduction  en  vers  du  Narren- 

schiff  de  Séb.  Brandt. 

1498.  Traduction  de  la  Genealogia  Deorum,  de  Boc- 

cace. 

1499.  Jardin  de  plaisance. 

1500.  Octavien  de   Saint-Gelais,    Traduction  de  VE- 

néide.  —  <  André  de  la  Vigne,  le  Vergier 
d'honneur.  Ant.  Thomas. 

Seizième  siècle.  —  On  peut  dire  que  le  xvr3  siècle,  par 
l'affranchissement  des  idées,  en  brisant  le  moule  étroit  qui 
enserra  les  intelligences  au  xve,  fut  comme  le  précurseur, 
comme  l'avant-garde  du  xvme  siècle. 

Les  deux  grands  facteurs  de  cet  affranchissement  de  la 
pensée  furent  la  Renaissance,  dont  la  découverte  de  l'impri- 
merie grandit  la  portée,  et  la  Réforme,  qui  décupla  l'impor- 
tance de  la  Renaissance.  Au  xive  et  au  xve  siècle,  nous 
assistons  à  l'ébranlement  et  à  la  division  de  l'Europe,  à  la 
ruine  de  l'unité  du  moyen  âge  :  l'Eglise,  en  perdant  l'em- 
pire universel,  laisse  chaque  peuple  reprendre  sa  vie 
indépendante  et  personnelle.  Une  société  nouvelle  se  fonde, 
dont  il  ne  reste  plus  à  affranchir  que  les  esprits  :  ce  sera 
précisément  l'œuvre  du  xvie  siècle.  Les  époques  de  transi- 
tion, comme  lexve  siècle,  sont  généralement  peu  littéraires, 
et  la  littérature  qui  avait  eu  un  si  grand  développement  en 
France  au  xme  siècle  et  de  là  avait  rayonné  sur  toute  l'Europe, 
se  ressentant  de  la  situation  politique  de  la  France,  était 
restée  malingre  et  chétive.  Au  contraire,  l'impulsion  que 
va  donner  aux  esprits  l'étude  de  l'antiquité  en  élargissant 
l'horizon,  l'impulsion  de  la  Réforme  en  affirmant  le  droit 
de  l'intelligence  humaine  au  libre  examen  vont  créer  une 
littérature  vivace  et  forte,  à  laquelle  il  ne  manquera,  pour 
être  vraiment  grande,  que  la  forme  parfaite  qu'atteindra  le 
xvne  siècle. 

La  Renaissance.  Ses  causes  en  France.  —  Il  convient  de 
définir  ce  mot  Renaissance  :  ce  fut  un  mouvement  littéraire 
considérable  produit  en  Occidentpar  la  découverte,  l'exégèse 
et  l'imitation  des  chefs-d'œuvre  des  deux  antiquités,  grecque 
et  latine.  «Le  mot,  admirablement  choisi,  rappelle  par  une 
heureuse  métaphore  le  soudain  renouvellement  produit 
dans  les  sciences,  les  arts,  la  philosophie,  les  lettres,  par 


le  retour  à  la  lumière  de  monuments  longtemps  oubliés, 
la  vive  et  féconde  passion  qu'inspira  leur  beauté,  et  le  ra- 
jeunissement qu'y  puisa  l'esprit  humain.  »  Il  y  avait  déjà 
eu  au  ixe  et  au  xiie  siècle  deux  renaissances,  au  sens  histo- 
rique du  mot;  mais,  dit  un  critique,  celles-ci,  quin'avaient 
eu  pour  éducatrice  que  la  seule  littérature  latine,  n'avaient 
eu  que  des  résultats  incomplets  et  sans  rapport  avec  la  flo- 
raison touffue  des  génies  au  xvie  siècle  :  les  esprits  alourdis 
de  scolastique  n'avaient  pu  non  plus  être  mis  en  mouve- 
ment par  le  min  ce  filet  de  science  et  de  philosophie  grecques 
qui  par  les  Arabes  avait  coulé  jusqu'en  Occident. 

Influence  de  l'Italie.  Ce  fut  en  Italie  que  se  fusion- 
nèrent harmonieusement  les  traditions  du  goût  et  du  sa- 
voir antiques  avec  les  éléments  de  la  civilisation  chrétienne  : 
cette  fusion  ne  se  fit  en  France  que  par  l'influence  de 
l'Italie.  M.  Gebhardt  a  très  heureusement  expliqué  com- 
ment la  Renaissance  avait  échappé  à  la  France  :  «  Au  siècle 
même  de  Dante  et  de  Pétrarque,  la  France  perdit  à  la  fois 
les  deux  causes  sérieuses  de  toute  vie  morale  :  l'indépen- 
dance delà  pensée  et  la  vie  politique.  Les  âmes,  découragées 
et  attristées  par  les  misères  de  la  patrie,  alanguies  par 
l'éducation  scolastique,  laissèrent  s'affaiblir  les  qualités 
généreuses  du  génie  national.  La  civilisation  en  France  fut 
frappée  en  pleine  adolescence  au  moment  où  elle  s'apprê- 
tait à  donner  ses  plus  beaux  fruits.  » 

L'Italie,  au  contraire,  grâce  à  son  indépendance  philoso- 
phique et  religieuse,  offrait  un  terrain  plus  favorable  à  l'éclo- 
sion  de  ce  mouvement  littéraire.  Dante,  en  créant  une  langue, 
avait  façonné  l'instrument  qui  lui  était  nécessaire  pour 
s'exprimer  ;  le  Florentin  Giotto  dons  l'ordre  artistique  avait 
affranchi  l'art  italien  de  l'imitation,  et  le  dérobant  à  la  con- 
vention l'avait  remis  à  l'école  de  la  nature.  Enfin  Pétrarque, 
qui  avait  si  largement  bu  aux  sources  latines,  marquait 
déjà  l'aurore  de  cette  Renaissance  qu'allaient  précipiter  les 
événements  politiques.  L'empire  de  Constantinople  s'était 
écroulé  en  1453,  et  cette  chute  de  Constantinople  valut  à 
l'Italie,  outre  un  nombre  considérable  de  manuscrits,  la 
présence  d'un  groupe  de  Grecs  d'élite  qui  firent  de  celle- 
ci  et  de  Florence  en  particulier  leur  nouvelle  patrie.  La 
culture  hellénique,  qui  en  résulta  pour  les  Italiens,  s'al- 
liant  à  la  culture  latine,  devait  engendrer  cette  Renaissance 
des  lettres.  Ce  fut  la  mission  du  génie  grec,  accueilli  par 
Cosme  de  Médicis,  qui  établit  une  nouvelle  académie  pla- 
tonicienne à  Florence,  où  l'on  célébra  la  fête  de  Platon, 
qui  depuis  douze  siècles  n'existait  plus  dans  Athènes.  Ce  culte 
de  Platon  rayonna  dans  l'Italie  entière  :  bientôt  la  curio- 
sité fut  sans  bornes  ;  on  rechercha  avec  passion  les  ma- 
nuscrits, et  les  bibliothèques  se  fondèrent  ;  celle  du  couvent 
de  San  Marco  coûta  à  Cosme  de  Médicis  plus  d'un  million  de 
notre  monnaie.  Nicolas  V  fondait  la  bibliothèque  Vaticane 
et  tous  les  plus  petits  princes  voulurent  avoir  la  leur.  Quel 
concours  l'imprimerie,  par  la  découverte  des  caractères  mo- 
biles que  fit  Gutenberg  en  1450,  ne  devait-elle  pas  apporter 
à  cet  extraordinaire  mouvement  des  esprits  ?  Aide  Manuce 
l'Ancien  donnait  à  Venise  l'édition  princeps  des  œuvres 
d'Aristote,  dont  le  cardinal  Bembo  ne  dédaignait  pas  de 
corriger  les  épreuves. 

L'Italie  était  dans  la  pleine  floraison  littéraire  causée  par 
ces  études  nouvelles,  quand  éclatèrent  sous  Charles  VIII  et 
Louis  XII  les  guerres  d'Italie.  Il  s'ensuivit  pour  la  France 
un  contact  fécond,  et  l'enthousiaste  curiosité,  qui  animait 
lltalie,  passa  les  Alpes.  Ce  fut  comme  une  révélation  de 
l'art,  et  cette  révélation  porta  ses  premiers  fruits  dès  le 
règne  de  Louis  XII,  où  l'on  vit  le  cardinal  Georges  d'Am- 
boise  donner  le  signai  d'une  des  plus  belles  périodes  de  l'ar- 
chitecture. Sans  l'imprimerie,  le  mouvement  créé  eût  été 
moins  rapide  ;  la  Réforme  vint  lui  prêter  encore  un  con- 
cours puissant. 

La  Réforme.  Celle-ci  fut  l'œuvre  du  Nord,  qui  de 
tout  temps  avait  avec  impatience  subi  le  joug  antipathique 
du  Midi.  Jamais  les  Romains  n'avaient  pu  dompter  la  Ger- 
manie qui  avait  fini  par  envahir  et  détruire  l'empire  de 
Rome  :  au  moyen  âge  la  lutte  sous  des  noms  différents 


4071  — 


FRANCE 


s'était  continuée  pour  éclater  bientôt  en  une  scission  com- 
plète. Ce  que  n'avait  pu  faire  Arnaud  de  Brescia  en  Italie, 
Wyclif  en  Angleterre,  Jean  Huss  en  Allemagne  déjà,  Lu- 
ther l'accomplit  et  brisa  à  jamais  l'unité  catholique,  affran- 
chissant les  esprits  du  joug  despotique  de  l'Eglise.  Ce  fut 
là  un  des  plus  grands  faits  des  temps  modernes,  et,  pour 
l'importance,  on  ne  peut  guère  comparera  la  Réforme  que 
la  Révolution  française.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'exposer 
les  conséquences  politiques  durables  qui  découlèrent  de  ce 
fait  inouï. 

Au  point  de  vue  littéraire,  les  conséquences  n'en  furent 
pas  moins  étendues  ;  en  agitant  les  redoutables  problèmes 
de  la  conscience  religieuse,  la  Réforme  jetait  les  bases  du 
libre  examen,  qui  succéda  à  la  foi.  Les  querelles  théolo- 
giques du  xve  siècle  devinrent  philosophiques,  et  la  néces- 
sité de  s'adresser  à  tous  détermina  l'emploi  de  la  langue 
vulgaire  en  théologie  comme  en  philosophie.  Et  de  même 
qu'en  Allemagne  Luther  donnait  une  traduction  de  la  Bible, 
qui  reste  le  premier  monument  de  la  langue  littéraire  alle- 
mande, ainsi  en  France  la  langue  française  succéda  au  latin 
dans  l'exposition  et  la  discussion  des  idées  religieuses  :  en 
effet,  Calvin,  le  1er  août  1535,  dédiait  à  François  Ier  son 
Institution  de  là  religion  chrétienne. 

A  la  cour,  on  adopta  les  idées  nouvelles  tandis  que  la 
Sorbonne  fulminait  contre  elles.  Le  roi,  qui  plus  tard  de- 
vait persécuter  les  calvinistes,  ne  vit  d'abord  dans  la  Ré- 
forme que  l'occasion  de  railler  sorbonistes  et  moines. 
Marguerite,  sœur  du  roi,  et  Louise  de  Savoie,  sa  mère,  se 
montrèrent  quelque  temps  favorables  à  ces  idées,  et  dès 
lors  paraître  les  accepter  fut  de  bon  ton.  Comme  expres- 
sion populaire  de  la  Renaissance,  la  Réforme  trouva  égale- 
ment faveur  auprès  des  lettrés  dont  le  centre  d'ailleurs  était 
la  cour  :  les  uns  acceptaient  plus  ou  moins  les  dogmes 
luthériens  ou  calvinistes,  comme  Berquin,  Roussel,  les  deux 
Cop,  Robert  Estienne  et  Marot;  d'autres,  tout  en  restant 
catholiques,  se  montraient  tolérants,  tels  Budé,  du  Bellay; 
d'autres,  enfin,  qui  sans  doute  allaient  au  delà,  ne  s'en  em- 
barrassèrent point  comme,  Etienne  Dolet  et  Rabelais. 

Causes  locales.  Les  guerres  d'Italie  avaient  mis  la 
France  en  contact  avec  la  Renaissance  sur  le  sol  même  où 
elle  s'était  développée;  la  découverte  de  l'imprimerie  avait 
permis  la  dissémination  des  œuvres  anciennes,  et  la  Réforme, 
en  affranchissant  les  esprits  et  en  leur  donnant  le  libre 
examen,  avait  prêté  un  puissant  secours  à  l'avide  curiosité 
engendrée  par  l'influence  des  auteurs  helléniques. 

D'autres  causes  dont  la  plus  importante  fut  certainement 
la  vie  de  cour  sous  les  Valois  et  l'accueil  que  fit  François  Ier 
aux  artistes  et  aux  lettrés  hâtèrent  la  Renaissance  en  France. 
«Le  roi  aimait  à  s'entourer  d'hommes  savants,  de  poètes  et 
d'artistes  ;  il  en  remplissait  sa  cour  et  ses  conseils.  Il  con- 
sultait Lascaris  et  Budé,  écrivait  à  Erasme,  s'égayait  avec 
Marot  et  comblait  d'honneurs  les  trois  frères  du  Bellay.  » 
Pour  donner  aux  artistes  français  l'expérience  qui  leur 
manquait;  il  fallait  des  modèles  et  des  maîtres  que  Fran- 
çois Ier  ne  craignit  pas  d'emprunter  à  l'Italie.  On  connaît 
cette  brillante  réunion  d'architectes,  de  sculpteurs  et  de 
peintres, dénommée  parfois  Ecole  de  Fontainebleau,  parce 
que  tous  concoururent  à  l'embellissement  du  château  dont 
François  Ier  et  Henri  II  firent  leur  séjour  favori. 

Fichet,  recteur  de  la  Sorbonne,  avait,  dès  1469,  intro- 
duit l'imprimerie  à  Paris  et,  dès  1500,  près  de  750  ouvrages 
avaient  déjà  été  publiés  :  pénétrés  de  la  dignité  de  leur 
mission,  les  imprimeurs  marchèrent  de  pair  avec  les  plus 
grands  savants  du  siècle,  et  les  Estienne,  succédant  aux 
Badius  Ascensius,  aux  Gourmont,  aux  Colines,  aux  Dolet, 
portaient  à  la  perfection  l'art  de  la  typographie  (V.  Impri- 
merie). Nous  rappellerons  tout  à  l'heure  la  place  tenue  dans 
l'histoire  de  la  philologie  par  ces  hommes  éminents. 

L'enseignement  lui-même  se  sécularisa  :  le  roi,  laissant  à 
la  Sorbonne  ses  stériles  enseignements,  créait,  en  1531, 
le  Collège  royal  ou  des  Trois  Langues,  où  s'enseignèrent 
l'hébreu,  le  grec,  le  latin,  la  médecine,  les  mathématiques 
et  la  philosophie  (V.  Collège  de  France)  ;  ce  fut  là  un 


important  facteur,  qui  joua  un  rôle  prépondérant.  La 
génération,  déjà  habituée  aux  idées  anciennes,  fit  moins 
pour  le  développement  de  la  Renaissance  que  la  jeunesse, 
dont  l'enthousiasme  fut  rapidement  favorisé  par  cet  ensei- 
gnement nouveau. 

Caractères  généraux  de  la  Renaissance  en  France. 
—  La  Renaissance  produisit,  en  France,  un  retour  au  pa- 
ganisme par  la  directe  imitation  des  anciens.  Sans  doute 
le  moyen  âge  connaissait  en  grande  partie  du  moins  les  textes 
anciens  ;  mais,  préoccupé  avant  tout  d'un  idéal  religieux  ou 
d'un  art  local,  il  manquait  essentiellement  de  liberté  et  de 
critique  dans  sa  façon  de  comprendre  ou  d'imiter  les  Grecs 
et  les  Latins.  Il  cherchait  dans  Virgile  un  prophète  du  chris- 
tianisme et  habillait  en  chevaliers  les  héros  d'Homère.  Les 
esprits,  affranchis  et  élargis  par  le  contact  de  l'humanisme 
italien,  commencèrent  à  chercher  dans  les  anciens  une 
beauté  propre,  indépendante  de  tout  parti  pris,  à  les  admi- 
rer en  eux-mêmes  et  à  les  imiter. 

Une  fois  en  possession  de  la  langue,  grâce  aux  enseigne- 
ments de  maîtres  comme  Grégoire  Tifernas  et  Hermonyme 
de  Sparte,  nos  érudits  exercèrent  leur  critique,  et  Erasme, 
puis  Budé,  qui  mérita  le  nom  de  restaurateur  des  études 
grecques  en  France,  donnèrent  à  l'hellénisme  un  éclat  que 
la  docte  Allemagne  n'a  pas  éclipsé.  Avec  les  immenses  tra- 
vaux de  critique,  de  grammaire  et  de  lexicographie  qui 
voient  alors  la  lumière,  «  en  face  des  modèles  antiques,  à 
l'aide  de  Platon  et  aussi  par  suite  d'une  émulation  féconde 
entre  les  écrivains  et  les  artistes,  l'idée  de  perfection,  in- 
connue au  moyen  âge,  pénétra  dans  les  esprits.  On  cher- 
cha dans  Horace  et  dans  Aristote  les  règles  qui  permettraient 
de  réaliser  cette  perfection  ou  au  moins  de  la  goûter  plei- 
nement. »  De  là  naquit  Vhumanisme  français  si  bien  défini 
par  M.  Faguet  :  «  L'humanisme  français  a  fondé  le  clas- 
sicisme français  comme  l'humanisme  latin  du  ne  siècle  av. 
J.-C.  a  fondé  la  littérature  classique  latine.  Dans  les  deux 
cas,  la  marche  est  la  même  :  admiration,  imitation,  ému- 
lation ;  et  quand  on  en  est  à  l'émulation,  c'est  partie  gagnée 
ou  en  train  de  l'être  ;  c'est  le  grand  effort  pour  mettre  toutes 
ses  puissances  à  la  poursuite  et  à  la  conquête  d'un  idéal 
qu'on  désespère  toujours  d'atteindre  et  qu'on  maudit  en 
l'adorant,  qu'on  maudit  d'être  adorable  ;  c'est  la  grande 
fièvre  artistique,  c'est  un  des  états  douloureux  les  plus 
exquis  et  les  plus  nobles  et  les  plus  féconds  que  l'huma- 
nité puisse  connaître.  »  De  là  encore  procède  l'individua- 
lisme ;  chaque  écrivain  eut  sa  valeur  toute  personnelle  ;  il 
n'y  eut  pas  de  disciples  ;  chacun  eut  son  génie  qui,  pour  se 
faire  entendre,  adopta  sa  méthode  et  sa  langue.  Chacun, 
grâce  à  la  Réforme,  qui  ne  laissa  à  la  tradition  religieuse 
qu'un  respect  tout  formel,  fut  doté  d'une  indépendance 
morale  et  religieuse  et  conserva  cet  esprit  de  libre  examen 
qui,  refoulé  un  instant  au  xvne  siècle,  se  continuera  du 
moins  en  s'élargissant  au  xvme. 

Telle  fut  brièvement  résumée,  et  dans  la  mesure  où 
elle  touche  à  l'histoire  littéraire,  la  double  révolution  intel- 
lectuelle qui  devait  engendrer  au  xvie  siècle  un  nombre 
d'écrivains  considérable,  théologiens  et  écrivains  politiques, 
moralistes  et  conteurs,  historiens,  traducteurs  et  érudits, 
enfin  toute  une  pléiade  de  poètes.  Nous  allons  les  passer 
rapidement  en  revue  et,  afin  de  faciliter  cette  tâche,  nous 
établirons  deux  divisions  que  nous  subdiviserons  ensuite  : 
poésie  et  prose. 

Poésie.  —  On  peut  dire  que  la  galanterie  fut  la  note  domi- 
nante de  la  poésie  au  xvie  siècle.  Mais,  pour  bien  saisir  l'in- 
fluence de  la  Renaissance,  il  convient  de  dire  ce  qu'elle 
était  lorsque  se  produisit  cette  grande  manifestation  litté- 
raire. A  la  poésie  sérieuse  delà  féodalité,  aux  chansons  de 
geste  et  aux  merveilleuses  fictions  d'Arthur,  avaient  suc- 
cédé les  allégories  ingénieuses,  mais  froides,  du  Roman 
de  la  Rose.  En  dépit  des  efforts  et  des  mérites  des  trou- 
vères et  des  chansonniers,  la  poésie,  ne  pouvant  atteindre 
à  la  pensée  sérieuse  dont  la  société  cléricale  semblait  se 
réserver  le  monopole  exclusif,  resta  un  jeu  brillant  et 
comme  le  complément  nécessaire  des  fêtes,  passes  d'armes 


FRANCE 


—  1072  — 


ou  festins.  N'élant  plus  inspirée  par  l'enthousiasme  guer- 
rier et  exclue  du  domaine  de  la  pensée  pour  ne  rester  que 
dans  celui  de  la  foi,  la  poésie  laïque  ne  devait  chercher 
qu'à  tresser  des  paroles,  à  saisir  et  à  dépeindre  ingénieu- 
sement des  sentiments  à  fleur  d'âme  et  à  inventer  des  allé- 
gories. Au  xve  siècle,  Villon  lui  fit  faire  un  pas,  et,  «  mê- 
lant aux  saillies  de  sa  joyeuse  humeur  des  traits  nombreux 
d'une  sensibilité  rêveuse  et  quelquefois  éloquente,  il  fut  le 
premier  qui  saisit  et  dégagea  la  poésie  que  récèle  la  plus 
vulgaire  et  la  plus  misérable  des  conditions  ».  En  enlevant 
à  l'Eglise  le  domaine  de  la  pensée  et  en  la  sécularisant,  la 
Renaissance  va  permettre  à  la  poésie  d'atteindre  à  l'éléva- 
tion morale  qui  lui  manque. 

Au  xvie  siècle,  la  poésie  peut  se  diviser  en  trois  époques 
distinctes  :  la  première  période,  où  l'on  sent  le  besoin  d'une 
réforme  littéraire,  est  marquée  par  Marot,  qui  fait  suite  au 
moyen  âge,  hérite  de  Villon  et  de  son  esprit.  Cette  période 
dure  jusqu'au  milieu  du  règne  de  Henri  II.  Puis,  pendant  la 
seconde  période,  une  école  nouvelle  se  forme,  qui  va  tenter 
l'accomplissement  de  la  réforme  littéraire  :  c'est  l'école  de 
Ronsard.  Cette  période  va  presque  jusqu'à  Henri  IV.  Enfin, 
nous  entrons  dans  la  troisième  période  :  Malherbe  est  venu 
et  la  réforme  est  accomplie  ;  nous  sommes  sur  le  seuil 
même  du  xviie  siècle. 

Première  période.  C'est  avec  le  nom  de  Marot  que 
s'ouvre  au  xvie  siècle  la  poésie  française.  Clément  Marot 
(1495-1544)  fut  surtout  un  poète  aimable,  qui,  comme  vé- 
ritable poète  de  transition,  résume  en  lui  toutes  les  qualités 
de  la  vieille  poésie  française.  «  On  retrouve  en  lui  la  cou- 
leur de  Villon,  la  gentillesse  de  Froissart,  la  délicatesse  de 
Charles  d'Orléans,  le  bon  sens  d'Alain  Char  lier  et  la  verve 
mordante  de  Jean  de  Meung  :  tout  cela  est  rapproché,  con- 
centré dans  une  originalité  piquante  et  réuni  par  un  don 
précieux,  qui  forme  comme  le  fond  de  cette  broderie  bril- 
lante, l'esprit.  »  Mais  Marot  n'a  pas  élargi  le  cercle  tracé 
par  ceux  dont  il  est  l'héritier  direct  ;  en  effleurant  tous  les 
genres,  églogue,  épître,  élégie,  ballade,  chanson,  cantique, 
épigramme,  il  a  eu  leur  même  but,  l'amusement  sans  la 
moindre  idée  d'enseignement  :  du  moins  a-t-il  des  senti- 
ments plus  nobles  et  plus  grands.  Au  contraire  de  ce  qu'a 
dit  Boileau,  Marot  n'a  point  montré  pour  rimer  des  che- 
mins tout  nouveaux  ;  il  n'a  point  fait  de  révolution  litté- 
raire ;  il  n'a  fait  que  vulgariser  et  étendre  le  mélange  des 
rimes  avec  l'emploi  plus  particulier  du  vers  de  dix  syllabes. 
Poli  par  l'usage  de  la  cour,  il  est  aussi  plus  délicat  que 
Villon  ;  il  sut  donner  un  tour  heureux  de  galanterie  à 
l'expression  de  l'amour.  Mais  il  n'a  fait  que  donner  une 
expression  définitive  à  la  poésie  familière,  ingénieuse  et 
sensée  du  moyen  âge. 

Marot  eut  des  disciples,  dont  les  principaux  furent  Mellin 
de  Saint-Gelais,  Théodore  de  Bèze,  Brodeau,  Charles  Fon- 
taine et  Marguerite  de  Valois.  Saint-Gelais  mérite  une 
mention  plus  spéciale  :  il  avait  reçu  une  éducation  soignée  ; 
il  avait  étudié  la  littérature  ancienne  et  italienne.  C'est  lui 
qui  a  inauguré  le  sonnet.  Il  est  plus  correct,  mais  moins 
naïf  que  Marot  ;  il  eut  moins  de  naturel  et  rechercha  les 
contrastes  et  les  antithèses. 

Deuxième  période.  Mais  l'amusement  ne  pouvait  rester 
l'éternel  objet  de  la  littérature  française  et,  tandis  que 
Marot  se  croyait  au  faîte  de  la  puissance,  une  troupe  de 
jeunes  poètes  accomplissaient  une  réforme  littéraire.  Jusque- 
là  l'étude  de  l'antiquité  avait  été  négligée  ;  on  se  contentait 
de  suivre  les  traditions  du  moyen  âge  ;  des  poètes  com- 
prirent qu'il  y  avait  une  autre  voie  à  suivre.  On  vit 
une  troupe  d'écrivains  sortir  de  l'école  de  Jean  Dorât  et 
marcher  à  la  conquête  de  la  poésie.  Dorât,  professeur  de 
Baïf,  eut  aussi  pour  élèves  Ronsard,  Lancelot,  du  Bellay, 
Muret.  C'est  Joachim  du  Bellay  qui  se  mit  à  la  tête  de 
cette  révolution  littéraire,  et  qui,  entre  1549  et  1550, 
écrivit  Ylllustration  de  la  langue  française.  Il  voulait 
faire  faire  un  pas  à  la  langue  française  qui,  du  reste, 
depuis  François  Ier,  avait  bien  progressé.  Du  Bellay  passe 
•  le  Rubicon  et  déclare  la  guerre  a  l'école  de  Marot.  Ronsard, 


Ponthus  de  Thiard,  Remy  Belleau,  Etienne  Jodelle,  Baïf 
font  la  guerre  aux  modernes  et  plaident  pour  les  anciens, 
auxquels  ils  gagnent  Maurice  Silve  et  Théodore  de  Bèze. 
Cette  jeune  école,  animée  des  plus  nobles  désirs,  proscrit 
le  rondeau,  le  triolet  et  introduit  les  grands  genres,  l'ode, 
la  tragédie,  l'épopée.  La  langue  gagna  beaucoup  à  ce  géné- 
reux effort  ;  elle  s'enrichit  de  mots,  de  tours  nouveaux  et 
de  formes  poétiques. 

Joachim  du  Bellay  (1524-1560)  a  su  mériter  le  surnom 
d'Ovide  français,  mais  son  plus  grand  titre  de  gloire  est 
d'avoir  écrit  l'œuvre  qui  donna  le  signal  de  la  lutte  contre 
l'ancienne  école.  Après  avoir  sonné  la  charge,  il  se  retira 
du  champ  de  bataille,  et,  lorsque  la  querelle  s'envenima,  il 
tenta  de  la  pacifier.  Le  manifeste  de  la  nouvelle  école 
avait  paru  cinq  ans  après  la  mort  de  Marot  et  deux  ans 
après  Y  Art  poétique  de  Sébilet  ;  ceux  qui  s'y  enrôlèrent 
furent  appelés  la  brigade,  et  une  fois  victorieux  ils  se 
mirent  de  leurs  propres  mains  au  ciel  et  s'appelèrent  la 
pléiade.  Du  Bellay  avait  l'esprit  juste  et  clair  et  comprit 
ce  qu'il  avait  à  faire.  Lui,  du  moins,  n'a  pas  encouru  le 
reproche  que  fait  Boileau  à  Ronsard  d'avoir  en  français 
parlé  grec  et  latin.  C'est  un  critique  judicieux  et  exact  qui 
s'emportera  contre  Baïf,  lorsque  celui-ci  s'élèvera  jusqu'à 
l'emphase,  et  il  lui  reprochera  de  pindariser.  Les  sonnets, 
F  Olive,  les  Regrets  et  les  Antiquités  de  Rome,  ont  un 
charme  qui  consiste  dans  un  vif  sentiment  de  la  réalité. 
Il  mourut  jeune,  ayant  acquis  une  certaine  réputation, 
mais  sa  renommée  se  perd  dans  celle  de  Ronsard. 

Pierre  de  Ronsard  (1524-1585)  fut  le  véritable  créa- 
teur de  la  pléiade,  où,  à  côté  de  Dorât,  son  maître, 
vinrent  se  ranger  Baïf,  Bellay,  Remy  Belleau,  Etienne 
Jodelle,  Ponthus  de  Thiard.  Cette  pléiade,  bien  qu'elle 
comptât  des  poètes  médiocres,  fut  couverte  d'applaudisse- 
ments unanimes,  et  Ronsard  fut  célèbre  jusqu'à  l'étranger. 
Elisabeth  d'Angleterre  lui  adressa  des  éloges,  et  le  Tasse, 
lorsqu'en  1571  il  vint  à  Paris,  voulut  être  présenté  à 
Ronsard  et  lui  lire  son  Godefroy.  Plein  de  l'étude  de 
l'antiquité  qu'il  voulait  introduire  en  France,  Ronsard  a 
écrit  des  odes,  des  sonnets,  des  églogues,  des  idylles  go- 
thiques et  un  poème  héroïque,  là  Franciade  ;  mais,  si 
beaucoup  de  ces  œuvres  sont  lourdes,  bizarres,  pleines 
d'emphase,  du  moins  au  xvie  siècle  reste- 1 -il  maître 
dans  l'élégie.  Ronsard  ne  se  contente  pas  de  cultiver  les 
genres  :  il  règle  tout,  mais  en  brouillant  tout  ;  il  se  livra 
à  un  véritable  pillage  de  l'antiquité.  Ne  trouvant  pas  la 
langue  suffisamment  noble  ni  riche,  il  emprunta  les  mots 
eux-mêmes  à  l'antiquité  grecque  et  latine,  et,  prenant 
même  les  patois  pour  des  dialectes,  il  conseilla  de  leur 
faire  des  emprunts.  Ses  tentatives  d'enrichissement  abou- 
tirent à  un  amalgame  de  langues  savantes  et  de  patois  pro- 
vinciaux, bariolé  d'italien,  de  mots  grecs  et  latins,  de  mots 
savants  et  de  mots  de  boutique,  vrai  pêle-mêle  qui  a  donne 
à  Ronsard  une  sorte  d'immortalité  ridicule.  Mais  si  dans 
l'âge  suivant,  comme  le  dit  Boileau,  on  devait  voir  tom- 
ber de  ses  grands  mots  le  faste  pédantesque,  il  n'en  a 
pas  moins  mérité,  par  un  certain  côté,  les  honneurs  que 
lui  prodigua  son  siècle  et  jusqu'à  la  statue  de  marbre 
qu'on  lui  éleva.  Jusque-là  on  s'était  contenté  de  traduire 
les  anciens,  il  sentit  qu'on  pouvait  les  imiter,  et  l'on  doit 
également  lui  savoir  gré  d'avoir  le  premier  visé  à  la  no- 
blesse et  à  l'éclat  du  langage. 

Laissant  de  côté  les  poètes  les  moins  importants  de  la 
pléiade,  tels  que  Baïf,  Remy  Belleau,  Amadis  Jamyn,  il 
"convient  de  retenir  le  nom  de  Jodelle,  qui  s'était  donné 
une  mission  spéciale. 

Etienne  Jodelle  (1532-1575),  entre  tous  les  poètes  de  la 
pléiade,  se  proposa  de  restaurer  la  tragédie  en  France.  Les 
mystères,  qui,  au  moyen  âge,  avaient  tenu  lieu  de  théâtre, 
s'étaient  transformés  en  pièces  allégoriques  ou  moralités: 
celles-ci  bientôt  ne  pouvant  plus  tirer  les  larmes  des  yeux 
des  spectateurs,  on  les  remplaça  par  la  farce,  qui  fut 
heureusement  exploitée  par  les  Enfants-sans-Souci.  Du 
mélange  de  la  farce  et  de  la  moralité  naquit  la  sotie,  où 


—  4073  — 


FRANCE 


l'allégorie  règne  encore  souveraine  et  sous  le  manteau  de 
laquelle  les  divers  ordres  de  l'Etat  donnaient  lieu  à  d'auda- 
cieuses bouffonneries.  François  1er  établit  la  censure  théâ- 
trale et  proscrivit  les  farces  et  les  soties.  Mais  une  autorité 
plus  puissante  allait  leur  donner  le  coup  de  grâce  :  le  goût 
du  public  les  abandonna  pour  les  tragédies  et  les  comédies 
qui  prétendaient  imiter  le  théâtre  antique.  Avant  Jodelle, 
quelques  poètes  guindés  et  médiocres  avaient  fait  repré- 
senter des  tragédies.  On  cite  d'Harcourt  et  de  Beauvoix  ; 
Lazare  de  Baïf  avait  fait  représenter  une  Electre  et  une 
Récube,  qui  dénotent  du  moins  une  grande  connaissance 
du  grec  ;  enfin  Ronsard  avait  mis  en  vers  le  Plutus 
d'Aristophane.  Jodelle  choisit  d'abord  Cléopâtre,  qui  fut, 
dans  l'hôtel  de  Reims,  représentée  devant  Henri  II  et  la 
cour  en  1552.  Didon  suivit  Cléopâtre,  Ce  ne  sont  pour- 
tant pas  là  des  chefs-d'œuvre,  et  ces  tragédies  sont  dé- 
pourvues à  la  fois  d'originalité  et  de  vie. 

La  pléiade  avait  ramené  la  poésie  à  la  mythologie  païenne. 
A  côté  de  cette  école  se  forma  par  réaction  une  nouvelle 
association  qui  ramenait  la  littérature  à  la  poésie  chré- 
tienne.- A  la  tête  se  trouvait  Guillaume  de  Saluées,  seigneur 
du  Bartas,  connu  par  des  sujets  bibliques,  notamment  Ju- 
dith, poème  écrit  en  six  livres. 

Du  Bartas  (1544-4590),  outre  ce  poème  que  nous  ve- 
nons de  citer,  écrivit  la  Semaine,  dans  laquelle  il  raconte 
la  création  et  qui  renferme  des  tirades  éloquentes.  Ce  poète 
se  distingue  surtout  par  son  mauvais  goût  ;  homme  de 
mœurs  simples,  il  devenait  ampoulé  dès  qu'il  prenait  la 
plume,  et  il  a  malheureusement  emprunté  à  Ronsard  la 
manie  des  mots  composés.  Les  Tragiques  d' A  grippa  d'Au- 
bigné  méritent  également  une  mention  spéciale. 

Il  convient  encore  de  citer  comme  appartenant  à  cette 
deuxième  période  Vauquelin  de  La  Fresnaye,  Desportes  et 
Bertaut.  Ceux-ci  évitent  l'obscurité  et  une  érudition  exa- 
gérée ;  mais,  s'ils  évitent  les  défauts  de  la  pléiade,  il  faut 
reconnaître  que  leurs  qualités  sont  moindres.  Desportes  vise 
au  joli  et  tombe  dans  la  mignardise,  tandis  que  Bertaut, 
pour  son  style  noble  et  correct,  est  le  direct  précurseur  de 
Malherbe. 

Troisième  période.  Il  n'était  que  trop  évident  que  la 
réforme  de  Ronsard  et  de  la  pléiade  n'était  point  définitive. 
A  une  grande  torpeur  succédait  un  effort  violent  qui,  sans 
l'atteindre,  avait  dépassé  le  but.  Il  lui  fallait,  dit  un  cri- 
tique, un  modérateur  ;  elle  en  eut  deux  :  Régnier  et  Mal- 
herbe. Ni  l'un  ni  l'autre  n'eurent  pleine  conscience  de  leur 
œuvre  ;  Régnier  crut  défendre  Ronsard  :  en  réalité  il  défen- 
dit et  reproduisit  Marot  ;  par  inspiration  vraie,  par  non- 
chaloir,  par  insouciance,  par  abandon  à  la  bonne  loi  natu- 
relle, il  revint  dans  ses  Satires  au  simple,  au  vrai,  et 
rentra  sans  le  savoir  dans  la  vieille  école  gauloise  qu'il 
enrichit  toutefois  d'heureuses  imitations.  Malherbe  crut 
ruiner  l'école  de  la  pléiade  et  ses  innovations  gréco-latines  ; 
il  en  assura  le  succès  en  les  réglant.  Tout  en  biffant  Ron- 
sard, il  n'accomplit  pas  moins  ce  que  Ronsard  avait  tant 
souhaité;  il  donna  à  l'idiome  vulgaire  toute  la  noblesse  des 
langues  antiques  et,  ce  faisant,  rendit  possible  Corneille, 
Roileau  et  Racine. 

On  le  voit,  les  poètes  en  tous  genres  abondèrent  au 
xvie  siècle  :  doit-on  s'en  étonner,  quand  on  songe  qu'ils 
furent  favorisés  par  les  divers  souverains  qui  se  succé- 
dèrent durant  cette  période.  Ce  n'est  pas  là  le  moindre 
titre  de  gloire  de  Louis  XII,  de  François  Ier,  de  Charles  IX, 
de  Henri  III  et  de  Henri  IV.  Ces  rois  furent  non  seulement 
amis  des  muses  ;  ils  étaient  eux-mêmes  des  lettrés,  et  sui- 
vant les  expressions  de  Pasquier  parlant  de  la  pléiade, 
«  vous  eussiez  dit  que  ce  temps-là  estoit  du  tout  consacré 
aux  Muses  ». 

Prose.  —  Pendant  le  moyen  âge,  la  prose  fut  dans  l'en- 
fance :  son  développement  avait  été  moins  rapide  que  celui  de 
la  poésie.  Il  lui  avait  manqué  d'abord  les  idées  générales. 
Tous  les  chroniqueurs  (il  faut  toutefois  en  excepter  Com- 
mines)  avaient  peint  des  faits  physiques  sans  remonter 
aux  causes  ou  aux  idées.  Or,  les  idées  générales  peuvent 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


seules  assurer  la  durée  aux  œuvres,  car  seules  elles  sont 
de  nature  à  intéresser  les  hommes  de  tous  les  siècles  et  de 
tous  les  pays  :  comme  le  dit  Pascal,  elles  ne  sont  pas  bor- 
nées à  une  époque,  mais  grandissent  avec  les  siècles.  Tou- 
tefois, si  ces  idées  manquaient  au  moyen  âge,  elles  n'étaient 
qu'assoupies  et  s'allaient  réveiller  avec  la  Renaissance. 

D'autre  part,  la  langue  n'avait  pas  atteint  encore  à  la 
perfection  qu'elle  ne  devait  atteindre  que  plus  d'un  siècle 
après  :  mais  de  multiples  influences  s'exercent  sur  elles, 
et,  comme  le  dit  Henri  Estienne  dans  la  préface  de  la  Pré- 
cellence  du  langage  français,  «  il  se  fit  un  grand  remue- 
ment de  mesnagedans  notre  langue  »  ;  si  les  efforts  louables 
et  un#  peu  confus  des  grammairiens  pour  la  réglementer 
n'avaient  pas  encore  abouti,  les  règles  du  moins  furent 
ébauchées.  Ce  qui  contribua  surtout  à  rehausser  notre  prose, 
c'est  qu'elle  fut  écrite  par  quelques  auteurs  dont  le  génie 
prévaudra  contre  tous  les  ferments  de  corruption.  D'ail- 
leurs, pour  donner  issue  au  torrent  d'idées  et  de  senti- 
ments formés  par  la  Renaissance,  l'heureuse  complaisance 
de  la  langue  devenait  une  nécessité  ;  si  la  prose  de  cette 
époque  renferme  des  provincialismes,  des  incorrections, 
un  arrangement  de  mots  trop  libre  et  des  obscurités  même 
qui  nous  choquent,  n'est-elle  pas  aussi  une  source  de  tours 
vifs  et  séduisants  et  ne  peut-on  pas  déjà  escompter  ses 
prochaines  perfections  ? 

L'abondance  du  vocabulaire  et  la  liberté  de  la  syntaxe 
faisaient  de  la  langue  un  outil  facile  à  manier;  aussi  les  écri- 
vains au  xvie  siècle  sont-ils  légion.  Pour  donner  une  idée 
de  cette  prodigieuse  fécondité,  il  nous  faudra  diviser  celte 
foule  de  prosateurs  et  les  grouper,  d'après  leur  genre,  sous 
quatre  titres  :  1°  théologiens  et  écrivains  politiques  ; 
2°  moralistes  et  conteurs;  3°  historiens  ;  4°  traducteurs  et 
érudits. 

1°  Théologiens  et  écrivains  politiques.  L'étude  pas- 
sionnée de  l'antiquité  grecque  n'avaient  pas  tardé  à  porter 
ses  fruits.  Ce  fut  le  droit  qui  servit  de  transition  entre 
l'érudition  pure  et  la  philosophie  :  la  pratique  du  droit  ro- 
main n'avait  d'ailleurs  pas  péri  au  moyen  âge,  lorsque  l'his- 
toire et  la  littérature  vinrent  avec  la  Renaissance  se  mettre  à 
son  service  et  lui  prêter  un  nouvel  éclat.  A  Ange  Politien, 
favori  des  Médicis,  qui  le  premier  appliqua  aux  textes  des 
jurisconsultes  les  secours  de  la  philologie  classique,  à  An- 
dré Alciat,  appelé  à  Bourges  par  François  Ier,  succéda  un 
glorieux  héritier,  le  grand  Cujas,  qui  restitua  à  chaque  partie 
de  la  législation  le  caractère  de  l'époque  et  des  circons- 
tances qui  l'avaient  fait  naître.  Dumoulin  donna  au  droit 
français  la  même  impulsion  et  prépara  les  travaux  de  Po- 
thier.  Bientôt  après  la  magistrature  et  le  barreau  parvenait 
à  sa  plus  haute  gloire  avec  les  Pasquier,  les  Talon,  les 
Séguier,  les  Harlay,  les  de  Thou. 

Ces  études,  naturellement,  devaient  aboutir  à  la  re- 
cherche des  fondements  de  la  société  et  engendrer  des  écri- 
vains politiques  tels  que  La  Boétie.  Mais  la  politique  s' étant 
mêlée  à  la  religion  par  suite  des  luttes  qu'amena  la  Ré- 
forme, avant  d'étudier  ceux-ci,  peut-être  convient-il  d'exa- 
miner Tinfluence  que,  par  l'intermédiaire  de  Calvin,  la  Ré- 
forme devait  avoir  en  France. 

Calvin  (1509-1564)  en  1532,  à  Paris,  abjura  solennel- 
lement la  foi  catholique,  et  par  ses  prédications  et  ses  écrits, 
qui,  avant  qu'il  ne  rentrât  en  maître  à  Genève  d'où  il 
avait  été  chassé  une  première  fois,  lui  avaient  valu  d'errer  de 
Paris  à  Bâle,  puis  à  Strasbourg,  il  créa  le  protestantisme 
ou  calvinisme  en  France.  Nous  n'avons  pas  à  rechercher 
son  rôle  politique  :  son  influence  sur  la  langue  fut  considé- 
rable. Son  Institution  chrétienne,  d'abord  écrite  en  latin 
et  qu'il  traduisit  lui-même  en  français,  offre  trois  grandes 
nouveautés  :  la  méthode,  la  matière  et  la  langue.  La  ma- 
tière est  philosophique,  mais  à  la  portée  du  vulgaire.  C'est, 
dans  une  exposition  savante  et  simple  à  la  fois  de  la  reli- 
gion réformée,  un  trésor  d'idées  nouvelles  et  générales.  La 
méthode  est  nouvelle  :  il  procède  avec  ordre  et  par  divisions 
précises.  Enfin  la  langue  était  nouvelle,  car,  dans  les  sujets  " 
de  ce  genre,  la  langue  latine  était  seule  employée.  Mais  si 

6<S 


FRANCE 


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son  style  est  dur,  s'il  lui  manque  l'âme  et  le  cœur,  il  est 
du  moins  serré,  pressant,  abondant. 

En  face  des  progrès  de  la  Réforme,  il  restait  au  catho- 
licisme à  défendre  la  continuité  de  la  tradition  religieuse,  et 
c'est  alors  que  don  Inigo  Lopez  de  Recalde  y  Loyola,  quit- 
tant les  armes,  prit  l'habit  d'ermite  au  Montserrat  et  fonda 
une  société  à  tout  jamais  célèbre,  la  Compagnie  de  Jésus 
(4533).  Parmi  les  théologiens,  il  convient  de  ne  pas  oublier 
le  nom  de  François  de  Sales  (1567-1622). 

Les  travaux  sur  la  science  du  droit  et  le  droit  au  libre 
examen  dont  la  Réforme  avait  doté  l'homme  devaient  don- 
ner naissance  à  un  esprit  nouveau  dont  les  tendances  au- 
dacieuses se  manifestèrent  dans  quelques  pages  courtes  et 
énergiques  dues  à  un  jeune  homme,  LaBoétie  (1530-1563), 
que  les  regrets  de  Montaigne  devaient  non  moins  contri- 
buer à  rendre  célèbre.  C'est  en  1548,  l'année  même  de 
l'insurrection  de  Bordeaux  et  des  terribles  représailles  du 
farouche  Montmorency  après  la  prise  de  la  ville,  que  La 
Boétie  écrivait  contre  la  royauté  une  brûlante  philippique  : 
Discours  sur  la  servitude  volontaire  ou  le  Contre  un. 
C'avait  été  une  inspiration,  un  élan  de  l'âme.  Il  fallait  à  la 
philosophie  politique  une  expression  plus  calme  et  plus 
scientifique  que  lui  donna  Jean  Bodin  (1530-1596)  dans 
son  principal  ouvrage,  son  livre  sur  la  République  :  mais 
la  philosophie  sociale  n'est  encore  qu'une  science  naissante, 
et  cette  noble  tentative  de  Bodin  pour  soumettre  les  faits  à 
la  conception  absolue  de  leurs  lois  est  entachée  d'inexpé- 
rience. 

Les  luttes  religieuses  politiques,  dans  lesquelles  le  fana- 
tisme religieux  devaient  jouer  un  rôle  considérable  et  qui  se 
terminèrent  par  l'avènement  de  Henri  IV  au  trône  de  France, 
eurent  aussi  une  grande  influence  sur  la  littérature.  C'est 
à  ces  luttes  qu'est  dû  la  naissance  du  pamphlet,  qui  fut 
comme  l'improvisation  de  la  presse  et  de  la  Satire  Ménippée 
(1594):  ces  luttes  encore  inspirèrent  les  prédicateurs  de 
la  Ligue,  Jean  Boucher,  curé  de  Saint-Benoît,  Launay, 
Prévôt,  Rose,  évêque  de  Senlis,  Pelletier,  Guincestre,  etc. 
Ils  furent  l'âme  de  la  Ligue  ;  le  sermon  était  à  la  fois  le 
club  et  le  journal,  et,  du  haut  de  la  chaire,  ils  communi- 
quaient au  peuple  l'enthousiasme  de  la  résistance.  En  dépit 
des  résultats  obtenus,  il  ne  faut  pas  cependant  se  faire  une 
trop  haute  idée  de  leur  éloquence,  où  l'esprit,  l'érudition, 
l'invective,  la  religion  et  une  certaine  verve  triviale  for- 
maient un  tout  incohérent,  qui  savait  entraîner,  mais 
«  n'avait  même  pas  le  pressentiment  de  ce  goût  sobre  et 
sévère,  dont  les  écrivains  de  Louis  XIV  allaient  trouver  le 
secret.  La  meilleure  inspiration  produite  par  ces  luttes  fut 
certes  la  Satire  Ménippée  (1594),  à  laquelle  contribua  la 
fleur  des  érudits,  Pierre  Le  Roy,  Gilles  Durand,  Nicholas 
Rapin,  P.  Pithou,  Passerai,  et  qui  eut  le  mérite  de  l'à-pro- 
pos.  Guise  venait  de  tomber  sous  le  poignard  des  satellites 
du  roi  et  Henri  III  sous  le  couteau  de  Jacques  Clément  ; 
l'Espagne,  la  faction  lorraine  voulaient  imposer  un  roi  à  la 
France,  tandis  que  Henri  IV  revendiquait  ses  droits .  La  Sa- 
tire Ménippée,  qui  acheva  de  ruiner  la  Ligue,  est  un  tableau 
de  mœurs,  un  modèle  d'ironie  dans  lequel  on  trouve  de 
vifs  accents  au  service  d'une  cause  nationale.  » 

2°  Moralistes  et  conteurs.  Notre  classification  des  au- 
teurs de  cette  période  correspond  à  peu  près  à  l'importance 
des  matières,  mais  elle  est  nécessairement  superficielle 
«  pour  une  époque  dont  le  caractère  principal  est  juste- 
ment pour  tous  les  esprits  l'universalité  des  aptitudes  ou  au 
moins  l'ambition  de  toutes  les  connaissances».  Ainsi  Ra- 
belais, que  nous  allons  ranger  parmi  les  moralistes  et  les 
conteurs,  par  les  multiples  côtés  de  son  génie,  ne  pourrait- 
il  pas  revendiquer  tous  les  titres  énumérés  ci-dessus  ? 

Rabelais  (1483-1553)  fut  non  seulement  le  premier  hel- 
léniste de  son  temps  et  entretint  une  correspondance  avec 
Budé,  mais  professa  à  Lyon  les  aphorismes  d'Hippocrate 
et  les  Notions  de  Gallien.  Avant  d'être  nommé  à  la  cure 
de  Meudon,  il  avait  été  médecin  et  c'est  à  cette  époque 
qu'il  avait  publié  les  deux  premiers  livres  de  Gargantua 
et  de  Pantagruel.  Rabelais  a  puisé  dans  l'antiquité  avec 


ardeur  :  son  savoir  était  prodigieux,  son  érudition  im- 
mense. Mais  son  livre  est  bien  plutôt  le  fruit  de  son  humeur 
que  l'œuvre  fortement  conçue  de  son  jugement.  Sans  en- 
trer dans  les  détails,  il  nous  revient  de  dire  ici  l'influence 
qu'il  eut  sur  la  langue  :  or  Rabelais  a  surtout  enrichi 
celle-ci,  qu'il  a  maniée  avec  souplesse  et  variété.  Dans  son 
ouvrage,  débauche  d'esprit  jointe  à  une  ivresse  d'imagina- 
tion, au  milieu  de  sa  gaieté  et  de  sa  bouffonnerie,  il  a 'plus 
que  tout  autre  contribué  à  émanciper  les  idées  générales 
par  ses  grandes  vues  sur  l'éducation,  la  paix,  la  guerre, 
les  devoirs  des  princes,  etc.,  etc. 

Si  Rabelais  échappe  par  l'ampleur  même  de  son  génie, 
qui  a  touché  tous  les  genres,  à  une  classification,  du  moins 
devons-nous,  sous  le  titre  de  conteurs,  ranger  Marguerite 
de  Navarre  et  Despériers. 

Les  Nouvelles  de  la  reine  de  Navarre,  où  se  fait  à 
chaque  pas  sentir  l'influence  des  nouvellistes  italiens,  ont 
de  l'intrigue  et  de  l'action,  mais  elles  n'ont  plus  le  poétique 
éclat  des  récits  de  Boccace,  et  le  vif  sentiment  de  l'art  qui 
les  anime  est  ici  remplacé  par  le  bon  sens  et  l'esprit  bour- 
geois des  grands  seigneurs  de  France.  Despériers,  dans  les 
Nouvelles  Récréations  et  joyeux  devis,  montre  un  esprit 
tout  rabelaisien  ;  il  est  simple,  hardi  et  souvent  licencieux; 
traits  d'esprit  et  joyeuses  répliques  y  abondent. 

Ces  conteurs  d'ailleurs  furent  nombreux  et  aux  côtés  de 
la  reine  de  Navarre,  Marguerite  de  Valois,  et  de  Despériers, 
il  convient  de  citer  en  une  sèche  énumération  Nicolas  de 
Troyes,  Guillaume  Bouchet,  Beroalde  de  Verville,  Herbe- 
ray  des  Essarts,  traducteur  à'Amadis  des  Gaules. 

Les  moralistes  sont  représentés  par  Montaigne  et  Char- 
ron, qui  fut  son  disciple  et  le  plus  souvent  son  copiste. 
Toutefois, même  lorsqu'il  le  transcrit,  Charron  ne  ressemble 
pas  à  son  maître  :  il  est  grave,  compassé  et  méthodique,  il 
n'a  ni  l'originalité  du  génie  de  Montaigne,  ni  la  vivacité  de 
son  expression. 

Montaigne  (1533-1592),  s'il  faut  mesurer  la  gloire  des 
écrivains  au  nombre  de  ceux  qui  profitent  de  leurs  écrits, 
est  le  premier  auteur  de  génie  dans  l'ordre  des  temps. 
Celui  dont  Duperron  appelait  l'œuvre  le  bréviaire  des 
honnêtes  gens  fut  cependant  peu  connu  de  son  temps  et  très 
attaqué  au  xvne  siècle  ;  le  xvme  l'admira  pour  ses  idées  et 
le  xixe  pour  son  style.  Ses  Essais  sont  une  profonde  et 
sérieuse  étude  de  l'homme  :  en  se  peignant  lui-même,  il  a 
trouvé  des  idées  si  générales,  des  peintures  si  vraies  et  si 
vives  qu'il  semble  l'homme  de  tous  les  temps.  Sa  devise 
est  :  Que  sais-je  ?  motprudent  qui  résume  toute  sa  doctrine. 
Il  a  ainsi  défini  lui-même  son  style  :  «  Le  parler  que  j'ayme, 
c'est  un  parler  simple  et  naïf,  tel  sur  le  papier  qu'à  la 
bouche;  un  parler  succulent  et  nerveux,  court  et  serré, 
non  tant  délicat  et  peigné  que  véhément  et  brusque...» 
Il  ose  tout  exprimer  et  traite  la  langue  comme  sa  propriété 
personnelle.  Son  grand  titre  de  gloire  est  d'avoir  mis  en 
œuvre,  sous  une  forme  immortelle,  l'indépendance  de  la 
pensée  que  Ramus  avait  proclamée  en  principe. 

3°  Historiens.  Parmi  ceux-ci  en  dehors  de  du  Haillan, 
historiographe  de  France,  de  l'infatigable  et  diffus  François 
de  Bellefort,  de  Lancelot  de  La  Popelinière,  du  chroniqueur 
Palma  Cayet,  de  Claude  de  Seyssel,  des  Gaquin  et  des 
Nicole  Gilles,  imitateurs  et  compilateurs  crédules,  nous 
retiendrons  les  noms  de  d'Aubigné  et  du  président  de  Thou. 
La  vie  d'Agrippa  d'Aubigné  (1550-1630),  passée  dans 
les  camps,  fut  un  roman  de  chevalerie.  Mais  d'Aubigné 
fut  non  seulement  un  soldat,  il  fut  encore  poète,  négocia- 
teur, historien,  romancier,  théologien  et  sectaire.  En  prose, 
nous  avons  de  lui  la  Confession  de  Sancy,  qu'il  a  com- 
posée pour  flétrir  ceux  qui  se  convertissent  par  politique. 
Dans  son  Histoire  universelle,  il  a  joint  le  talent  du 
peintre  à  celui  du  narrateur  ;  enfin,  par  ses  Mémoires,  il 
a  mérité  le  nom  de  Saint-Simon  du  xvie  siècle. 

Jacques  de  Thou  (1553-1617)  fut  l'historien  du 
xvie  siècle.  Président,  il  confondit  la  justice  des  tribunaux 
et  la  justice  de  l'histoire  et  porta  dans  celle-ci  l'impartialité 
de  ses  autres  fonctions.  Malheureusement,  de  Thou  n'eut 


—  1075  - 


FftANCE 


pas  pour  exprimer  les  faits  de  son  époque  l'instrument 
qu'il  eût  fallu,  et  l'usage  de  la  langue  latine  a  nui  à  la  po- 
pularité de  son  œuvre.  C'est  d'autant  plus  regrettable  que 
«  ce  vaste  récit,  qui  embrasse  dans  son  étendue  immense 
les  annales  du  monde  policé,  pendant  toute  la  seconde  moi- 
tié du  xvie  siècle,  reproduit  le  mouvement,  l'agitation,  la 
diversité  mais  aussi  le  désordre  de  son  sujet  ». 

Les  mémoires  qui,  au  xvie  siècle,  tiennent,  pour  ainsi 
dire,  lieu  d'histoire,  furent  en  nombre  considérable  depuis 
la  mort  de  François  Ier  à  la  soumission  de  Paris  (1547- 
1594)  ;  il  nous  reste  vingt-six  ouvrages  de  ce  genre  écrits 
par  des  contemporains  qui  furent  mêlés  aux  événements 
qu'ils  racontent.  Outre  le  Loyal  Serviteur,  dont  la  modes- 
tie nous  a  dérobé  le  nom,  outre  Fleurange,  retenons  du 
moins  Biaise  de  Montluc  et,  parmi  les  compilateurs,  Bran- 
tôme. 

Biaise  de  Montluc  (1503-1577),  dont  les  Commen- 
taires ont  grandi  la  gloire  tout  en  consolant  sa  vieillesse, 
fut  surtout  un  homme  de  guerre  qui,  dans  son  livre,  est 
pratique  avant  tout.  On  voit  briller  chez  lui  la  verve  gas- 
conne :  ses  récits  sont  pleins  de  bon  sens  et  de  bonne  hu- 
meur ;  il  est  brusque,  mais  pittoresque  et  plein  de  spiri- 
tuelles boutades  ;  son  style  est  énergique  et  entraînant. 

Brantôme  (1527-1614)  a  écrit  les  Souvenirs  de  son 
temps,  qui  sont  pleins  de  piquant  et  d'anecdotes  souvent 
scandaleuses.  Il  a  de  la  naïveté,  de  la  variété,  mais  une 
vanité  sans  pareille  et  se  croit  le  premier  homme  de  son 
temps.  Son  meilleur  ouvrage  est  la  Vie  des  hommes  il- 
lustres et  des  grands  capitaines  de  France  :  il  s'inspire 
d'Amyot  et  sait  unir  la  force  et  la  délicatesse  ;  on  trouve 
chez  lui  des  traits  d'histoire  curieux  à  noter. 

4°  Traducteurs  et  érudits.  Parmi  les  érudits,  la  pre- 
mière place  est  aux  traducteurs,  qui  ont  étiré  et  ployé  la 
langue  sur  le  patron  de  leurs  modèles.  Mais  cet  honneur, 
ils  le  doivent  surtout  à  ce  fait  qu'ils  comptent  Amyot  parmi 
eux. 

Amyot  (1513-1593),  après  s'être  fait,  afin  de  pouvoir 
faire  ses  études,  le  domestique  de  ses  condisciples,  était 
devenu,  après  un  séjour  en  Italie,  précepteur  des  enfants 
de  Henri  II,  puis  grand  aumônier  de  France.  Il  dédia  à 
Henri  II  sa  traduction  de  Plutarque,  qui  fut  un  des  évé- 
nements du  xvie  siècle.  Il  avait  auparavant  traduit  Théa- 
gène  et  Chariclée,  pastorale  de  Longus.  Par  sa  traduction 
de  Plutarque,  Amyot  se  proposa  deux  choses  :  pour- 
suivre l'œuvre  de  Ronsard  et  enrichir  la  langue.  Il  y  a 
réussi  :  il  a  donné  au  style  plus  de  souplesse  et,  en  don- 
nant à  Plutarque  sa  propre  physionomie,  il  a  fait  d'un 
rhéteur  un  auteur  naïf  et  agréable.  Il  a  mérité  cet  éloge 
de  Montaigne  :  «  Je  donne  la  palme  à  J.  Amyot  sur  tous 
les  écrivains  de  son  temps,  pour  la  naïveté  et  la  pureté  du 
langage.  » 

Les  autres  traducteurs,  sans  atteindre  à  la  gloire  du 
bonhomme  Amyot,  ont  cependant,  par  leur  travail,  mérité 
la  reconnaissance  de  leurs  contemporains  :  Estienne  de  La 
Boétie,  Guillaume  du  Vair,  Dolet,  Lefèvre  d'Etaples,  Pierre 
Saliat  ont  le  droit  de  ne  point  voir  leur  nom  oublié  et  la 
gloire  d'avoir  contribué  au  mouvement  littéraire  de  leur 
temps.  —  Sans  oublier  Claude  Fauchet,  Le  Maire  de  Belges, 
Bernard  Palissy,  Ambroise  Paré,  l'agronome  Olivier  de 
Serres,  à  la  tête  des  érudits  et  bien  au-dessus  se  placent 
Estienne  Pasquier  et  Henri  Estienne. 

Estienne  Pasquier  (1529-1615),  esprit  ingénieux,  fin  et 
spirituel  dans  ses  Recherches,  fut  un  jurisconsulte  émi- 
nent,  un  avocat  célèbre  et  brillant.  Son  érudition  eut  des 
lacunes  ;  elle  a  cependant  fait  faire  de  grands  progrès  à  la 
science.  Nous  avons  dit  déjà  comment  l'étude  du  droit  sans 
l'impulsion  de  la  Renaissance  avait  pu  servir  de  transition 
entre  l'érudition  pure  et  la  philosophie. 

Henri  Estienne  (1532-1598)  appartient  à  cette  illustre 
'famille  des  Estienne  qui,  par  ses  éditions  savantes  et  aussi 
admirables  par  la  correction  que  l'impression,  a  laissé  un 
nom  dans  l'imprimerie.  Il  a  passé  sa  vie  à  copier  les  vieux 
manuscrits,  à  rétablir  et  à  discuter  les  textes.  Son  princi- 


pal ouvrage  est  le  Thésaurus  poeticus  linguœ  grœcœ. 
Ses  discussions  sont  pleines  de  vie  et  d'intérêt.  On  a  en- 
core de  lui  :  Apologie  d'Aristote  et  la  Précellence  du 
langage  français,  que  nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de 
signaler. 

Conclusion.  —  On  voit  par  cette  énumération,trop  courte 
néanmoins,  combien  le  xvie  siècle  a  été  fécond  en  écrivains 
de  tout  genre,  et  combien  furent  grands  les  progrès  que, 
sous  la  double  influence  de  la  Renaissance  et  de  la  Réforme, 
devaient  faire  à  la  fois  la  prose  et  la  poésie. 

Chronologiquement,  il  semble  que  l'on  pourrait  diviser 
ce  long  espace  de  temps  de  cent  années  en  trois  périodes 
distinctes.  La  première,  qui  comprendrait  le  règne  de 
François  Ier  (1515-1549),  serait  une  période  de  préparation. 
Pendant  la  seconde  période,  au  contraire,  sous  Henri  II  et 
Charles  IX  (1549-1580),  la  poésie  brillerait  de  son  plus 
vif  éclat,  et  la  prose  elle-même,  grâce  à  Amyot,  aurait 
atteint  la  perfection  dont  elle  pouvait  déjà  être  susceptible. 
Enfin,  dans  la  troisième  période,  pendant  le  règne  agité  de 
Henri  III  (1580-1589)  et  la  lutte  ou  devait  heureusement 
triompher  Henri  IV  (1589-1610),  nous  assisterions  à  la 
décadence  de  la  poésie  que  va  bientôt  relever  Malherbe  :  la 
prose,  en  revanche,  est  à  son  époque  la  plus  mouvementée, 
et  les  pamphlets  politiques,  qui  voient  le  jour  en  grand 
nombre,  nous  prouvent  qu'elle  est  devenue,  pour  la  plu- 
part, un  outil  commode  et  facile  à  manier. 

Mais  déjà,  dans  l'Etat  comme  dans  la  littérature,  par 
suite  du  manque  de  régularité  et  de  discipline,  il  semble 
que  l'épuisement  soit  à  la  veille  de  poindre.  Cette  disci- 
pline et  cette  régularité,  le  xvne  siècle  va  l'apporter  à  la 
fois  dans  la  littérature  et  dans  l'Etat.  George  Elwall. 
Dix-septième  siècle.  «  Représentons-nous  un  large 
fleuve,  au  cours  lent  et  presque  insensible,  un  pont  sur  ce 
fleuve,  et  sur  les  parapets  de  ce  pont  quelques  admirables 
statues.  Ce  sont  celles  de  Pascal,  de  Bossuet,  de  Molière, 
de  La  Fontaine,  de  Racine,  de  Boileau;ce  pont,  c'est  le 
siècle  de  Louis  XIV  ;  et  sous  ce  pont  ce  fleuve  qui  va  len- 
tement, mais  sûrement,  de  sa  source  à  son  embouchure, 
c'est  l'esprit  du  xvie  siècle  qui  deviendra  celui  du  xvme, 
plus  riche  seulement  dans  sa  composition  d'un  peu  de  tous 
les  terrains  qu'il  aura  successivement  baignés.  »  Cette  com- 
paraison célèbre  de  Sainte-Beuve  rend  bien  la  physionomie, 
ou,  si  l'on  veut,  la  configuration  morale  du  xvne  siècle.  Il 
n'y  a  qu'à  la  développer  pour  en  tirer  le  programme  de 
son  histoire  littéraire. 

Si  l'on  part  donc  de  1610,  on  assiste  à  l'évolution  du 
roman  et  à  la  formation  du  genre  tragique  qui  caractérise 
la  littérature  Louis  XIII  (1610-1660),  on  arrive  alors  au 
milieu  du  pont,  à  l'âge  classique,  ou  ce  qu'on  appelle  com- 
munément le  siècle  de  Louis  XIV  (1660  à  1680).  Nou- 
velle période  d'évolution,  mais  dans  le  sens  inverse,  de 
1675  à  1690;  on  constate  alors  la  décadence  du  théâtre 
et  de  la  chaire  ;  et  l'on  aboutit,  en  1715,  à  un  état  litté- 
raire qui  ressemble  étonnamment  à  celui  du  début  du  siècle. 
M.  Brunetière  condense  en  une  formule  presque  mathéma- 
tique les  mêmes  considérations.  «  Le  xviie  siècle  se  divise 
en  trois  principales  époques  d'inégale  étendue  et  surtout 
d'inégal  génie,  dont  la  première,  momentanément  sus- 
pendue par  la  deuxième  en  son  cours,  le  reprend  dans  la 
troisième.  »  Rien  n'est  plus  caractéristique,  en  effet,  que 
le  triomphe  aussi  éclatant  qu'éphémère  des  grands  clas- 
siques, qui  établissent  leur  dogmatisme  et  leur  naturalisme 
sur  les  libertins  et  sur  les  précieux,  et  la  persistance  de 
cet  esprit  de  libertinage  et  de  préciosité,  qui,  un  moment 
éclipsé,  reparaît  à  la  fin  du  classicisme  pour  s'épanouir 
tout  à  fait  au  xvme  siècle.  D'autres  particularités  caracté- 
risent le  xvii9  siècle  :  c'est,  d'une  part,  le  sentiment  d'art  ; 
les  œuvres  les  plus  médiocres  ont  une  valeur  littéraire  ; 
c'est,  d'autre  part,  la  perfection  de  la  langue  qui  apparaît 
dans  les  sermons,  comme  dans  les  lettres  et  mémoires, 
et  jusque  dans  les  papiers  d'Etat  et  les  rapports  des  diplo- 
mates ;  c'est  enfin  la  valeur  psychologique  des  ouvrages 
de  tout  ordre,  aussi  bien  des  Essais  de  Nicole  ou  des  ro- 


FRANCE 


—  1076 


mans  de  Scudery  que  des  comédies  de  Molière  ou  des 
Pensées  de  Pascal. 

Etat  littéraire  en  4610.  Littérature  du  règne  de 
Henri  IV  (1598-1610).  —  En  même  temps  que  Henri  IV 
établit  la  discipline  dans  le  monde  politique,  un  dictateur 
véritable  impose  l'ordre  dans  le  monde  littéraire.  Malherbe 
organisa  la  langue,  la  déblaya  des  néologismes  qui  l'avaient 
encombrée,  et  exerça  une  grande  influence  sur  ses  contem- 
porains par  son  robuste  bon  sens  et  l'intransigeance  de 
sa  critique.  Comme  il  n'aimait  pas  beaucoup  les  anciens, 
surtout  les  Grecs,  il  fut  le  promoteur  d'une  réaction  utile 
contre  le  pillage  (c'est  le  mot  de  Godeau),  qu'on  avait  fait  de 
leurs  pensées.  C'est  un  chef  d'école,  dont  les  disciples, 
Racan,  Maynard,  Toiwant,  Coulomby,  Yvrande,  Dumoutier, 
ont  poursuivi  la  mission  en  combattant  à  outrance  l'école 
de  Ronsard.  La  réforme  n'alla  point  sans  quelque  résis- 
tance, et  Vauquelin  de  La  Fresnaye,  Régnier,  surtout  Mlle  de 
Gournay  s'insurgèrent,  mais  sans  grand  succès,  contre  le 
«  tyran  des  mots  et  des  syllabes  ».  Un  autre  trait  de  cette 
période  est  l'immense  succès  du  roman  d'Honoré  d'Urfé, 
VAstrée.  Cette  pastorale,  dont  le  premier  tome,  dédié  à 
Henri  IV,  parut  en  1610  et  le  troisième  en  1625,  nourrit 
toute  une  génération  de  ses  sentiments  délicats,  de  ses 
fraîches  descriptions,  de  ses  paisibles  bergeries.  La  Fon- 
taine, Roileau,  Mme  de  Sévigné  en  subirent  le  charme.  La 
positive  Mlle  de  Montpensier  n'y  fut  point  insensible.  «  Je 
voudrais  qu'on  allât  garder  les  troupeaux  de  moutons  dans 
nos  belles  prairies,  qu'on  eût  des  houlettes  et  des  cape- 
lines, qu'on  dînât  sur  l'herbe  verte,  de  mets  rustiques  et 
convenables  aux  bergers  et  qu'on  imitât  quelquefois  ce 
qu'on  a  lu  dans  VAstrée.  »  Son  influence  agissait  encore 
sur  Rousseau.  Il  n'est  pas  jusqu'à  l'éloquence  religieuse  qui 
ne  s'adoucisse  et  ne  s'humanise.  Aux  rudesses  des  théolo- 
giens de  la  Réforme,  Y  Introduction  à  la  vie  dévote  (1 608) 
de  saint  François  de  Sales  s'oppose  avec  bonheur.  Tout  y 
est  douceur  et  onction.  «  Ce  livre,  en  paraissant,  dit  Sainte- 
Reuve,  fit  une  révolution  heureuse  :  il  reconcilia  la  dévo- 
tion avec  le  monde,  la  piété  avec  la  politesse  et  une  cer- 
taine humanité.  » 

Littérature  de  Louis  XIII  (1610-1660).  —  Cette  pre- 
mière frondaison  de  la  réforme  littéraire  va  croître  et 
s'étendre  avec  une  telle  rapidité  et  une  telle  ampleur  qu'il 
faudra  pour  l'étouffer,  ou  du  moins  la  réduire,  toute  la 
force  de  réaction  du  siècle  de  Louis  XIV.  Elle  ne  tirait 
pas  toute  sa  sève  du  sol  français  :  elle  avait  emprunté  à 
l'Espagne  et  à  l'Italie  le  goût  de  la  pastorale  raffinée  et  des 
pointes  trop  ingénieuses.  Antonio  Perez,  le  maître  d'espa- 
gnol de  Henri  IV,  parfait  homme  du  monde,  jeta  dans  sa 
correspondance  toute  la  fleur  du  cultisme.  Ses  lettres,  élé- 
gantes et  d'un  style  recherché  jusqu'à  l'afféterie,  eurent 
une  telle  vogue  qu'elles  suscitèrent  une  légion  d'imitateurs 
dont  le  principal  fut  Ralzac.  Le  cavalier  Marini,  encore 
plus  fardé  et  alambiqué,  importa  les  concetti  et  enfanta 
Voiture. 

Ces  deux  influences  s'unirent  et  se  renforcèrent  dans  le 
salon  fameux  de  la  marquise  de  Rambouillet  (1620-1650). 
Elle  s'était  formé  l'esprit  dans  la  lecture  des  livres  italiens 
et  espagnols  et  elle  sut  imposer  ses  préférences  à  ses  hôtes  : 
les  plus  grands  guerriers,  les  femmes  les  plus  séduisantes, 
les  hommes  du  monde  les  plus  spirituels,  les  écrivains,  les 
poètes  et  les  savants  les  plus  fameux  du  temps.  Il  nous 
suffira  de  citer  ici  le  duc  d'Enghien  (le  grand  Condé), 
Mlle  de  Rourbon,  sa  sœur  (M™e  de  Longueville),  Julie 
d'Angennes,  Mme  de  Lafayette,  Mlle  Paulet,'Mme  de  Sablé, 
Mme  de  Sévigné,  Corneille,  Ralzac,  Voiture,  Ménage, 
Conrart,  Chapelain,  les  Scudery,  etc.  (V.  pour  les  détails 
Ramrouillet) .  L'antre  de  la  déesse  d'Athènes  —  comme 
on  disait  —  devint  le  temple  du  bon  goût  :  toute  la  société 
se  régla  sur  ses  oracles.  Sans  doute,  la  politesse  y  gagna, 
mais  le  bon  sens  y  perdit.  Des  contemporains  clairvoyants, 
comme  la  duchesse  de  Nemours,  ne  s'y  trompèrent  point  : 
«  Quoique  cette  cabale  eût  beaucoup  d'esprit,  ils  ne  l'em- 
ployaient que  dans  des  conversations  galantes  et  enjouées, 


qu'à  commenter  et  à  raffiner  sur  la  délicatesse  du  cœur  et 
des  sentiments.  Ils  faisaient  consister  tout  l'esprit  et  le 
mérite  d'une  personne  à  faire  des  distinctions  subtiles  et 
des  représentations  quelquefois  peu  naturelles  là-dessus. 
Ceux  qui  y  brillaient  le  plus  étaient  les  plus  honnêtes  gens, 
selon  eux,  et  les  plus  habiles,  et  ils  traitaient,  au  con- 
traire, de  ridicule  et  de  grossier  tout  ce  qui  avait  le  moindre 
air  de  conversation  solide.  »  On  prisait  le  roman  par-dessus 
tout.  VAstrée,  inspirée  déjà  de  la  Diane  amoureuse  de 
George  de  Montemayor,  avait  ouvert  la  voie.  Gombaud 
donne  Endymion  (Î634),  où  il  peint  son  amour  pour 
Marie  de  Médicis;  Gomberville  écrit  Carité  (1623),  Po- 
lexandre  (1631  à  1637),  dont  le  succès  fut  prodigieux, 
mais  qui  est  bien  inférieur  à  VAstrée  et  qui  plut  sans 
doute  par  les  descriptions  géographiques  dont  il  est  rempli, 
puis  Cythérée  et  la  Jeune  Alcidiane,  «  roman  janséniste, 
ditTallemant,  car  les  héros,  à  tout  bout  de  champ,  y  font  des 
sermons  et  des  prières  chrétiennes  ».  La  Calprenède,  dans 
Cassandre,  dans  Cléopdtre,  dans  Pharamond  (1646), 
entreprend  un  cours  d'histoire  universelle  à  la  manière  de 
Walter  Scott  ou  d'Alexandre  Dumas.  Mais  l'histoire  y  est 
étrangement  défigurée,  «  les  héros  parlent  tous  phœbus 
et  sont  tous  des  gens  à  cent  lieues  au-dessus  des  autres 
hommes  »  (Tallemant).  Dans  Ariane  (1632),  Desmarets 
de  Saint-Sorlin  fait  l'apologie  de  l'inconstance.  Madeleine 
de  Scudery,  aidée  par  son  frère  Georges,  publie  Ibrahim 
ou  V Illustre  Bassa  (1635),  roman  d'aventures,  puis  le 
Grand  Cyrus  (1650),  étrange  composition,  où  elle  décrit 
l'hôtel  de  Rambouillet,  trace  les  portraits  de  ses  hôtes, 
raconte  tous  les  événements  marquants  et  toutes  les  aven- 
tures du  temps,  donne  en  détail  le  récit  de  la  bataille  de 
Lens  et  de  celle  de  Rocroy,  se  complaît  aux  intrigues  les 
plus  futiles,  relate  les  liaisons  amoureuses  de  ses  amis. 
Roileau  n'aimait  guère  le  Grand  Cyrus,  et  il  l'a  criblé 
d'épigrammes.  On  y  rencontre  pourtant  de  bonnes  pages 
et  des  considérations  sur  l'éducation  des  femmes,  qui  furent 
appréciées  par  Mme  de  Maintenon.  Le  chef-d'œuvre  de 
Madeleine  est  la  Clélie  (1^54),  où  l'extravagance  se  donne 
libre  carrière.  Qui  ne  connaît  le  royaume  du  Tendre  et  la 
fameuse  carte  qui  occupa  toute  une  société  tombée  dans  la 
préciosité  qu'on  pourrait  définir  l'abus  de  la  politesse  ?  En 
somme,  le  roman  français  du  xvne  siècle  ne  se  différencie 
guère  des  espèces  littéraires  voisines  :  l'épopée,  la  tra- 
gédie, la  comédie  ou  la  satire  ;  il  n'a  pas  encore  conscience 
de  sa  nature  ou  de  son  objet. 

On  peut  distinguer  deux  autres  groupes  parmi  les  litté- 
rateurs qui  se  rattachent  à  l'hôtel  de  Rambouillet  :  les 
grammairiens  et  les  poètes.  Ralzac  est  le  «  grand  épistolier 
de  France.  »  Ses  Lettres,  d'une  composition  laborieuse, 
d'un  esprit  trop  recherché ,  d'une  solennité  fatigante , 
lui  ont  valu  le  premier  rang  parmi  les  beaux  esprits. 
D'autres  œuvres,  moins  connues,  le  Prince,  le  Socrate 
chrétien,  VAristippe  ont  la  même  solennité  et  la  même 
élévation.  C'est  le  moins  naturel  des  hommes  ;  on  le  loue 
surtout  d'avoir  créé  des  formes  nobles  et  harmonieuses  et 
d'avoir  été  «  le  Malherbe  de  la  prose  ».  Voiture  a  infini- 
ment plus  d'esprit  que  son  rival  et  il  est  aussi  moins 
gourmé.  Clair,  correct,  il  dépense  de  rares  qualités  à  des 
bagatelles  :  des  chansons,  des  compliments  de  bonne  année, 
des  stances  à  la  louange  du  soulier  d'une  dame,  ou 
sur  une  jeune  fille  rencontrée  dans  des  habits  de  gar- 
çon un  soir  de  carnaval  ou  encore  à  une  demoiselle 
qui  avait  les  manches  de  sa  chemise  retroussées  et 
sales.  Le  reste  à  l'avenant.  Mais  il  était  le  favori  de  ses 
contemporains  dont  il  reflétait  si  bien  les  goûts  futiles  et 
raffinés.  Son  sonnet  à'Uranie,  que  Renserade  voulut  sup- 
planter par  le  sonnet  de  Job,  partagea  le  monde  en  deux 
camps  :  les  Uranistes  et  les  Jobelins,  dont  aucun  ne  voulut 
céder  la  victoire  à  l'autre.  Mêmes  tendances  chez  les  écri- 
vains les  plus  graves.  Vaugelas  rédige  le  code  de  la  cor- 
rection et  du  bon  goût  (Remarques  sur  la  langue  fran- 
çaise) ;  Chapelain,  grammairien  distingué  et  critique 
sagace,  eut  le  tort  d'entreprendre  un  poème  épique,  la 


—  1077 


FRANCE 


Pacelle,  qui  fit  sa  renommée  jusqu'au  moment  où  il  fut 
publié.  «  Trois  jours  après  que  ce  poème  si  vanté  devint 
public,  un  critique  d'un  fort  petit  mérite  lui  ayant  donné 
le  premier  coup  d'ongle,  chacun  fondit  dessus  et  toute  la 
réputation  du  poème  et  du  poète  tomba  par  terre  »  (  Vigneul- 
Marville).  Lui  aussi  avait  sacrifié  à  la  mode  espagnole  en 
traduisant  Guzman  cVAlfarache.  Le  groupe  des  gram- 
mairiens forma  tout  naturellement  l'Académie  française 
(1635),  qui,  elle  aussi,  s'attacha,  peut-être  avec  un  zèle 
exagéré,  à  l'épuration  de  la  langue.  Composée  d'écrivains 
médiocres,  cette  compagnie  n'eut  pas  grande  influence  sur 
la  marche  des  idées  (V,  Académie). 

Dans  le  groupe  des  poètes  brille  le  doux  Racan,  le  meil- 
leur disciple  de  Malherbe.  Il  semble  presque  déplacé  à  l'hô- 
tel de  Rambouillet,  car  ses  Bergeries  ne  sont  pas  des  ber- 
geries de  salon.  A  peine  peut-on  citer  encore  un  jésuite,  le 
P.  Lemoine  qui  s'était  attaqué  à  saint  Louis  comme  Cha- 
pelain à  Jeanne  d'Arc  et  sans  plus  de  succès  ;  Georges 
de  Scudery,  auteur  de  l'épopée  tfAlaric;  d'agréables 
petits  poètes:  Maynard,  Segrais,  Benserade,  Brébeuf,  Go- 
deau. 

C'est  le  développement  du  théâtre  qui  caractérise  le 
mieux  la  période  Louis  XIII.  De  1600  à  4630,  un  seul 
auteur,  Hardy,  a  fourni  dit-on,  plus  de  600  pièces  à 
l'hôtel  de  Bourgogne.  Il  n'appartenait  point  au  salon  de 
l'incomparable  Arthénice  ;  il  le  combattait  même  à  l'oc- 
casion en  déclarant  par  exemple  que  «  les  vers  tragiques 
doivent  avoir  une  mâle  vigueur,  être  constamment  sou- 
tenus, sans  pointe,  sans  prose  rimée,  sans  faire  d'une 
mouche  un  éléphant  ».  L'hôtel  de  Rambouillet  lui  fit  con- 
currence et  le  supplanta  dans  la  faveur  du  public.  Théo- 
phile de  Yiau  excita  un  enthousiasme  sans  pareil  par  une 
idylle  d'un  mauvais  goût  achevé,  imitée  d'ailleurs  de  Gon- 
gora,  Pyrame  et  Thisbé ;  Racan  donna  une  Arthénice 
assez  fade,  mais  relevée  de  fraîches  descriptions  ;  Coignée 
de  Bourron  une  Iris  ;  de  La  Croix  une  Cïïmène  ;  Pichon,  un 
Rosiléon;  Gombaud  une  Amaranthe  ;  Georges  de  Scudery 
un  Amour  tyrannique  et  seize  autres  pièces  détestables  et 
extravagantes.  Près  de  quatre-vingt-dix  autres  auteurs  dra- 
matiques se  révélèrent  pour  tomber  presque  aussitôt  dans 
l'oubli.  Quelques-uns  ont  droit  à  un  souvenir  plus  durable. 
Ce  sont  :  Mairet  (la  Sophonisbe,  empruntée  à  Trissin  ;  le 
Duc  cVOssone  emprunté  à  Christoval  deSilva;  Chryséide 
et  Arimand,  Silvie,  enfin,  qui  ressemble  plus  à  un  roman 
qu'à  un  drame);  Tristan  (Marianne,  tirée  de  Calderon); 
Du  Ryer  (Saûl)  ;  enfin  les  collaborateurs  de  Richelieu  : 
Colietet,  Boisrobert,  L'Etoile,  Rotrou  (Antigone,  Bëli- 
saire,  Saint-Gcnest,  Wenceslas  imitées  de  F.  de  Rojas, 
ou  de  Lope  de  Vega),  le  meilleur  de  tous. 

En  1636  avait  paru  le  Cid,  la  plus  éclatante  manifes- 
tation du  génie  français  au  théâtre.  Pierre  Corneille  à  ses 
débuts  avait  ressemblé  beaucoup  à  ses  contemporains. 
Mélite,  surtout  Clitandre  sont  tout  à  fait  dans  le  ton  du 
siècle.  Le  Cid,  quoique  imité  de  l'espagnol,  était  d'autre 
manière.  Aussi  excita-t-il  la  jalousie  de  Richelieu,  fut-il 
attaqué  violemment  par  Scudery  et  défendu  mollement  par 
l'Académie.  Trois  chefs-d'œuvre  suivirent,  Horace  (1639)  ; 
Cinna  (1639)  et  Polyeucte  (1640).  Les  autres  pièces  sont 
inférieures.  M.  Brunetière  a  trop  bien  montré  ici-même 
(V.  Corneille)  comment  l'apparition  du  Cid  estime  date  ca- 
pitale dans  l'histoire  du  théâtre  français,  et  même  une  époque 
dans  l'histoire  générale  de  la  littérature  européenne  pour 
qu'il  soit  nécessaire  d'y  insister  à  nouveau.  Il  suffit  de  cons- 
tater qu'  «  avec  et  par  le  Cid  la  tragédie  française  a  pris 
conscience  de  son  véritable  objet;  elle  s'est  différenciée  de 
la  tragi-comédie  avec  laquelle  on  l'avait  confondue  jus- 
qu'alors; elle  a  vu  dans  quelle  direction  il  lui  faudrait 
chercher  la  perfection  de  son  genre  ».  Malgré  le  succès 
éclatant  de  ce  nouveau  théâtre,  le  mauvais  goût  continua, 
comme  de  juste,  à  avoir  de  nombreux  partisans.  Mairet 
pouvait  écrire  sans  trop  d'exagération,  à  son  heureux  ri- 
val :  «  Ma  Silvie  et  votre  Cid,  ou  celui  de  Guillen  de  Cas- 
tro, comme  il  vous  plaira,  sont  les  deux  pièces  de  théâtre 


dont  les  beautés  fantastiques  ont  le  plus  abusé  d'honnêtes 
gens.  Il  est  encore  vrai  que  le  charme  de  ma  Silvie  a  duré 
plus  longtemps  que  celui  du  Cid,  vu  qu'après  douze  ou 
treize  impressions,  elle  est  encore  aujourd'hui  le  Pastor 
fido  des  Allemands.  »  Cette  remarque  n'est  peut-être  point 
inutile,  car  on  a  trop  de  tendance  à  croire  qu'au  xvne  siècle 
Corneille,  Racine  et  Molière  ont  seuls  occupé  toute  la 
scène,  conquis  et  retenu  tout  le  public. 

Nous  sommes  restés  jusqu'ici  dans  la  sphère  d'influence 
immédiate  de  l'hôtel  de  Rambouillet.  D'autres  groupes 
d'écrivains,  qu'on  pourrait  appeler  les  groupes  extrêmes, 
ont  cependant  évolué  en  dehors.  C'est,  d'une  part,  la 
bande  des  irréguliers  et  des  grotesques.  Avec  Théophile 
de  Yiau,  Saint-Amand,  Cyrano  de  Bergerac,  nous  nous 
trouverons  aux  antipodes  du  salon  aristocratique.  L'oppo- 
sition matérielle  est  déjà  saisissante.  C'est  dans  les  caba- 
rets que  ces  libertins  se  réunissent.  «  L'un  est  endormi 
le  nez  sur  son  assiette,  l'autre  est  renversé  sur  le  banc, 
celui-ci  couché  tout  plat  sur  les  carreaux,  la  moitié  des 
écuelles  à  terre,  presque  un  muid  de  vin  vomi  ou  ren- 
versé, une  musique  de  ronflements,  une  odeur  de  tabac, 
des  chandelles  allumées  comme  des  morts.  »  (Théophile.) 
Théophile,  l'auteur  de  la  Mort  de  Socrate,  des  Fragments 
d'une  histoire  comique,  de  beaucoup  de  petits  vers  et  d'une 
tragédie,  est  un  satirique  doué  d'une  brillante  imagination 
et  généralement  dépourvu  de  goût  ;  il  forme  en  quelque 
sorte  la  transition  entre  le  salon  bleu,  car  il  était  des  fa- 
miliers de  Catherine  de  Vivonne,  et  les  cabarets.  Saint- 
Amand  est  un  cynique  à  la  verve  endiablée,  sans  raison 
comme  sans  bon  sens,  qui  s'avisa,  on  ne  sait  pourquoi, 
d'écrire  un  poème  (Moïse).  Faret  triomphe  dans  la  parodie; 
Dassoucy  publie  Ovide  en  belle  humeur  et  s'intitule  l'Em- 
pereur du  burlesque.  Scarron,  qui  a  tous  les  droits  à  ce 
titre,  ridiculise  l'héroïsme  (Typhon  ou  la  Guerre  des  dieux 
contre  les  géants,  Y  Enéide  travestie)  ;  son  Roman  co- 
mique s'oppose  aux  divagations  quintessenciées  des  ro- 
mans à  la  mode.  De  même,  Cyrano  de  Bergerac  avec  ses 
histoires  comiques  et  ses  voyages  fantastiques.  Et  ces  pro- 
ductions qui  ont  toutes,  à  vrai  dire,  une  valeur  littéraire, 
jouissent,  comme  les  œuvres  des  «  honnêtes  gens  »,  d'une 
vogue  considérable.  «  Les  libraires,  avoue  Pellisson,  ne 
voulaient  rien  qui  ne  portât  le  nom  de  burlesque.  » 

Descartes  n'est  point  aussi  éloigné  de  ces  libres  penseurs 
qu'on  le  pourrait  croire,  car,  par  bien  des  traits,  il  se  rat- 
tache aux  sceptiques.  Il  est  permis  à  tout  le  moins  de  sus- 
pecter la  sincérité  de  son  doute  provisoire.  Son  Discours 
de  la  Méthode  (1637)  marque  comme  le  Cid  une  époque 
dans  l'histoire  delà  littérature  française,  car,  avec  le  Cid, 
il  a  contribué  à  émanciper  de  la  tutelle  de  l'antiquité  la 
langue  et  la  pensée  françaises  (V.  Cartésianisme,  Des- 
cartes et  ci-après  le  §  Philosophie).  Toutefois  son  in- 
fluence sur  l'histoire  littéraire  du  temps  n'a  été  ni  aussi 
immédiate  ni  aussi  profonde  qu'on  l'a  prétendu  :  elle  agit 
surtout  au  siècle  suivant.  Au  xvir3  siècle ,  la  principale 
influence  a  été  surtout  exercée  par  les  jansénistes. 

Vers  1650,  on  trouve  groupés  à  l'abbaye  de  Port-Royal 
et  professant  la  doctrine  austère  de  la  prédestination  dont 
Samt-Cyran  s'était  fait  l'apôtre,  quelques  hommes  distin- 
gués :  les  Arnauld,  les  Lemaître,  Lancelot,  Nicole,  gram- 
mairiens et  pédagogues  éclairés,  logiciens  redoutables,  éru- 
dits  consommés.  Ils  se  représentent  l'histoire  «  comme  un 
lent  acheminement  de  l'humanité  vers  des  fins  qui  lui  sont 
assignées  par  la  sagesse  divine-»  et  cela  seul  suffit  pour 
les  distinguer  de  Descartes  qui  croit  au  progrès  indéfini  de 
la  nature  et  de  la  science  humaine  et  pour  expliquer  l'an- 
tagonisme du  cartésianisme  et  du  jansénisme,  antagonisme 
d'abord  latent  (objections  de  Nicole),  puis  plus  marqué 
(Arnauld,  Nicole,  Pascal),  lorsque  les  Lettres  du  philo- 
sophe eurent  été  publiées  (1657-1667).  Pascal  arriva  à 
Port-Royal  en  1654,  au  moment  où  les  jésuites  étaient  sur 
le  point  "d'écraser  les  solitaires.  Les  Provinciales  (1656) 
changèrent  la  face  du  combat  et  ruinèrent  les  molinistes 
au  moins  dans  l'esprit  du  public.  «  Les  Pensées  complé- 


FRANCE 


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tèrent  les  Provinciales  :  à  cette  idée  que  la  morale  ne 
saurait  sans  cesser  d'être  elle-même  se  ployer  aux  exi- 
gences du  temps  ni  des  lieux,  elles  sont  venues  ajouter 
celle-ci,  que  le  devoir  essentiel  de  l'homme  est  de  travailler 
au  renouvellement  intérieur  de  lui-même,  »  (Brunetière.) 
(V.  Jansénisme,  Pascal,  Port-Royal.) 

La  période  où  se  sont  manifestés  ces  trois  beaux  génies, 
Corneille,  Descartes,  Pascal,  s'achève  dans  les  troubles  de 
la  Fronde.  Au  point  de  vue  politique,  la  Fronde  est  une 
révolte  contre  la  forte  organisation  de  Richelieu  ;  au  point 
de  vue  littéraire  elle  peut  être  considérée  comme  la  re- 
vanche impuissante  des  genres  inférieurs  sur  les  chefs- 
d'œuvre.  Couplets  satiriques  de  Blot,  triolets  de  Marigny, 
lettres  sarcastiques  de  Guy  Patin,  plaisanteries  de  Scarron, 
pamphlets  anonymes,  libelles  grossiers,  dissertations  as- 
sommantes forment  un  ensemble  chaotique  où  luisent  des 
éclairs  d'esprit  et  de  gaieté. 

Le  siècle  de  Louis  XIV  (4660-4690).  —  Les  agita- 
tions stériles  de  la  Fronde  aboutirent  au  gouvernement 
autocratique  de  Louis  XIV,  dont  le  règne  n'est,  à  vrai  dire, 
qu'une  grande  réaction  politique,  religieuse  et  littéraire. 
Dans  ces  trois  domaines,  le  roi  exerce  une  influence  per- 
sonnelle incontestable,  et  il  l'exerce,  dans  le  littéraire, 
comme  involontairement  par  la  constitution  même  d'une 
cour  intelligente  et  lettrée,  c.-à-d.  d'un  milieu  capable  de 
s'intéresser  par  elles-mêmes  et  pour  elles  seules  aux  choses 
de  la  littérature  et  de  l'art.  «  Louis  XIV  donne  le  ton  ; 
c'est  sur  lui  que  la  cour  se  règle  et  se  compose  ;  c'est  par 
lui  que  la  littérature  s'est  émancipée  de  la  tutelle  des  Va- 
dius  et  des  Trissotin,  c.-à-d.  des  purs  gens  de  lettres,  et 
c'est  lui  qui,  par  un  goût  naturel  qu'il  avait  pour  l'ordre, 
la  décence,  la  majesté  même,  a  contenu  dans  les  bornes 
du  goût  le  naturalisme  qui  peut-être  aurait  été  sans  cela 
dans  l'excès.  »  (Brunetière.)  La  réputation  des  grands  clas- 
siques ne  s'est  pas  établie  tout  d'un  coup,  sans  effort  et 
sans  lutte,  et  pour  assurer  leur  triomphe  il  ne  fallut  rien 
moins  que  l'appui  d'un  roi  qui  pouvait  désorienter  la  litté- 
rature française  en  inclinant  seulement  vers  leurs  adver- 
saires. Si  étrange  en  effet  que  cela  nous  puisse  paraître 
aujourd'hui,  les  classiques  ont  été  des  novateurs  :  l'idéal 
de  l'art  aux  environs  de  4660  n'était  point  du  tout  l'idéal 
qu'ils  ont  fait  prévaloir.  Scarron,  dans  le  burlesque,  Cha- 
pelain dans  le  genre  noble,  Balzac  dans  l'éloquence,  Ben- 
serade  dans  le  précieux,  Corneille  même  dans  le  sublime 
«  ne  se  servaient  tous  des  moyens  de  la  nature  que  pour 
la  défigurer  de  parti  pris,  pour  faire  plus  grand,  plus  fin, 
plus  drôle,  plus  joli  qu'elle-même  (id.)  ».  Seules  les 
Provinciales  avaient  commencé  à  ramener  la  prose  au 
naturel.  C'est  ce  retour  à  la  nature,  cette  prescription  de 
l'emphase  espagnole  et  de  la  préciosité  italienne,  en  même 
temps  cet  aspect  de  grandeur  et  de  sévérité  morale  dû  à 
l'influence  persistante  du  jansénisme,  qui  vont  caractériser 
l'esprit  classique. 

Il  fallait  d'abord  abattre  les  coteries.  Les  Cotin,  les  Bour- 
sault,  les  Coras,  les  Perrault,  les  Chapelain  —  celui-ci 
d'autant  plus  redoutable  qu'il  tenait  la  feuille  des  pen- 
sions —  furent  vaincus  par  Boileau  ;  les  Précieuses  furent 
défaites  par  Molière;  Racine  l'emporta  sur  Corneille; 
Bossuet  eut  beaucoup  moins  de  peine  à  surpasser  Masca- 
ron.  Il  semble  inutile  d'insister  ici  sur  les  cinq  écrivains 
de  génie  qui  dominent  tout  le  siècle  de  Louis  XIV.  On 
trouvera  dans  leur  biographie  particulière  tous  les  détails 
nécessaires  sur  leur  vie,  leurs  ouvrages,  le  rôle  qu'ils  ont 
joué.  Nous  nous  bornerons  à  quelques  remarques  tout  à 
fait  générales.  Molière  et  La  Fontaine  sont  les  seuls  qui 
ne  subirent  point  l'influence  du  jansénisme,  si  marquée 
chez  Racine  (le  cœur  humain,  la  passion,  -la  sensibilité), 
moins  apparente,  mais  toujours  agissante  chez  Boileau  et 
chez  Bossuet.  Ils  ne  s'inspirent  que  de  la  philosophie  de  la 
nature,  et  tous  leurs  écrits  nous  enseignent  qu'«  il  faut  nous 
soumettre  ou,  si  nous  pouvons,  nous  conformer  à  la  na- 
ture ».  Ils  représentent  donc,  en  plein  âge  classique,  les 
traditions  épicuriennes  et  l'esprit  gaulois.  Boileau ,  «  le 


plus  ferme  bon  sens  qu'il  y  ait  eu  peut-être  dans  l'histoire 
d'aucune  littérature,  avec  cela  le  seul  critique  qui  ne  se  soit 
jamais  ou  presque  jamais  trompé  sur  la  valeur  absolue  des 
œuvres  de  ses  contemporains  »  (Brunetière),  semble  résu- 
mer en  lui  les  traits  principaux  qui  font  la  grandeur  du 
siècle  de  Louis  XIV.  En  tous  cas,  il  en  est  pour  ainsi  dire 
le  coryphée.  «  Si  Boileau  n'avait  pas  été  là,  guidant  l'un, 
gourmandant  l'autre,  retenant  Racine,  stimulant  La  Fon- 
taine, La  Fontaine  aurait  vraisemblablement  écrit  plus  de 
contes  que  de  fables,  Racine  plus  de  Bérénice  (d'A  lexandre) 
que  de  Britannicus  et  de  Mithridate,  Molière  lui-même 
plus  de  Sganarelle  et  de  Monsieur  de  Pourceaugnac 
que  de  Misanthrope  et  de  Tartufe.  »  (Sainte-Beuve.)  Ses 
Satires  (4665)  ont  marqué  époque  dans  l'histoire  de  la 
satire  en  France  comme  le  Cid  l'avait  marquée  dans  l'his- 
toire delà  tragédie  ou  les  Précieuses  ridicules  (4659) 
dans  l'histoire  de  la  comédie.  Son  Art  poétique  est  le 
chef-d'œuvre  du  genre  didactique  de  notre  langue  ;  c'est  un 
code  littéraire  dont  les  articles  ont  fait  loi  pendant  plus 
d'un  siècle  et  demi;  c'est,  en  un  mot,  «  l'abrégé  de  l'idéal 
classique  ».  Molière  n'a  imposé  ses  pièces  à  ses  contem- 
porains qu'à  force  de  génie.  En  s'attaquant,  comme  il  l'a 
fait,  aux  ridicules  des  gens  titrés,  aux  pédants,  aux  pré- 
cieuses, aux  faux  dévots,  à  la  faculté  de  médecine,  il  sou- 
levait d'irréconciliables  inimitiés,  des  haines  féroces  bien 
armées  pour^  se  défendre  et  qui  n'y  ont  pas  manqué.  Ses 
principales  pièces  ont  été  parodiées  ;  sa  personne,  son  carac- 
tère, les  tristesses  de  sa  vie  privée,  ses  infirmités  même 
ont  été  transportées  toutes  vives  sur  la  scène  par  des  gens 
comme  Somaize,  Boursault,  La  Croix,  Villiers,  Montfleùry, 
Chevalier,  Le  Boulanger  de  Chalussay.  De  même  Racine  est 
en  butte  aux  critiques  acerbes  de  la  haute  société,  du  ma- 
réchal de  Créquy,  du  comte  d'Olonne,  du  duc  de  Nevers,  de 
la  duchesse  de  Bouillon,  sans  compter  celles  desSubligny, 
des  Coras,  desLeclerc,  des  Pradon,  et  les  cabales  finissent 
par  le  dégoûter  de  la  scène.  Il  est  assez  curieux  de  cons- 
tater que  La  Fontaine  n'a  point  à  souffrir  de  persécutions 
de  ce  genre  :  il  est  protégé  efficacement  par  les  plus  grandes 
dames  et  les  seigneurs  les  plus  puissants  ;  mais,  par  contre, 
il  est  peu  estimé  du  roi,  et  ses  ouvrages  qui  ont  obtenu  dans 
la  suite  une  popularité  sans  égale,  sont  presque  dédaignés. 
Quant  à  Bossuet  dont  on  oppose  généralement  la  force,  on 
dirait  presque  la  dureté,  à  la  douceur  de  Fénelon,  ce 
qui  est  bien  la  plus  étrange  erreur  qu'on  puisse  commettre 
(V.  Bossuet),  son  rôle  a  été  tout  de  conciliation  ;  ses  po- 
lémiques avec  les  protestants  n'avaient  pour  but  que  leur 
réunion  à  l'Eglise  romaine,  et  il  répudia  les  mesures  de 
violence  qu'on  crut  devoir  prendre  contre  eux  pour  des 
raisons  politiques  plutôt  que  pour  des  raisons  religieuses.  Il 
est  plein  de  modération  à  l'égard  des  jansénistes  qu'il 
estime  et  qu'il  admire.  L'accord  de  la  raison  et  de  la  foi, 
voilà  l'idéal  auquel  il  ne  cessa  de  travailler.  Lui  aussi  eut 
des  adversaires  :  Jurieu  et  Fénelon  se  montrèrent  les  plus 
implacables. 

Auprès  des  grands  classiques  on  peut  citer  et  dans  tous 
les  genres  des  écrivains  de  valeur.  Nous  avons  déjà  dit  qu'au 
xviie  siècle  les  œuvres  les  plus  futiles  ont  des  qualités 
littéraires,  et  l'on  connaît  le  mot  de  Courier  :  «  A  cette 
époque,  la  moindre  femmelette  en  eût  remontré  à  nos  aca- 
démiciens. »  De  fait,  Mme  de  Montespan,  Mme  de  Coulanges, 
Mme  de  La  Sablière,  Mme  de  Maintenon  écrivent  à  ravir. 
Mme  de  Sévigné  les  surpasse  toutes  par  l'abandon  et  la 
facilité  du  style,  par  le  naturel  et  surtout  par  la  solidité  de 
son  éducation.  Il  faut  remarquer  encore  qu'elle  est  jan- 
séniste. Mme  de  La  Fayette  donne  la  Princesse  de  Clèves, 
un  bon  roman.  Les  correspondances  et  les  rapports  diplo- 
matiques ont  une  tenue  et  une  clarté  telles  qu'à  partir  de 
4668  la  langue  française  commence  à  devenir  celle  des 
traités  et  de  la  diplomatie.  Elle  fut  employée  aux  confé- 
rences préparatoires  de  la  paix  de  Nimègue,  pour  la  paix 
de  Ryswick,  pour  le  traité  de  Rastadt. 

La  série  des  Mémoires  est  abondante  et  excellente.  Ceux 
de  La  Rochefoucauld,  ceux  de  Mme  de  Motteville,  de  Mllede 


—  4079  — 


FRANCE 


Montpensier,  les  Amours  des  Gaules  de  Bussy-Rabutin, 
qui  ne  sont  qu'une  chronique  scandaleuse,  méritent  d'être 
mentionnés  ici.  Paul  de  Gondi  les  éclipse  :  «  Le  style  de  Retz, 
dit  Sainte-Beuve,  est  de  la  plus  belle  langue  ;  il  est  plein  de 
feu  et  l'esprit  des  choses  y  circule.  » 

Parmi  les  moralistes,  nous  retrouvons  La  Rochefoucauld 
(Maximes),  encore  un  maître  du  style,  puis  Saint-Evre- 
mond  qui  représente  assez  bien  le  critique  de  profession, 
enfin  La  Bruyère  (Caractères,  1688)  sur  lequel  nous  re- 
viendrons, car  son  œuvre  est  un  symptôme  de  l'esprit  nou- 
veau dont  le  besoin  va  se  faire  sentir  à  la  fin  du  siècle. 

L'éloquence  du  palais  s'est  transformée.  Jusque-là  on 
avait  imité  Cicéron  et  farci  les  plaidoiries  de  citations  indi- 
gestes. Un  avocat,  Gaultier,  est  connu  par  une  boutade 
de  Boileau  : 

Dans  vos  discours  chagrins  plus  aigre  et  plus  mordant 
Qu'une  femme  en  furie  ou  Gaultier  en  plaidant. 

Il  a  laissé  en  1662  un  recueil  des  plaidoyers  les  plus 
amphigouriques  qu'on  puisse  rêver.  Antoine  Lemaître,  qui 
devint  un  des  solitaires  de  Port-Royal,  fut  un  véritable 
orateur.  Il  jouit  de  son  temps  d'une  grande  réputation  qui 
fut  encore  dépassée  par  celle  de  Patru,  l'avocat  le  plus 
attique  et  le  plus  correct  du  grand  siècle. 

L'éloquence  de  la  chaire  est  le  genre  qui,  avec  la  poésie 
dramatique,  brilla  au  xvne  siècle  du  plus  vif  éclat.  On  peut 
citer  en  passant  Lingendes,  Senault,  Audiffret,  le  P.  Le- 
jeune,  le  P.  Lami,  le  P.  Séraphin,  Anselme,  le  P.  de  La 
Rue.  Mascaron  a  eu  de  la  vogue,  mais  il  est  loin  de  Bos- 
suet  et  Mme  de  Maintenon  l'a  parfaitement  jugé.  «  Je  viens 
d'entendre  une  belle  déclamation  du  P.  Mascaron  ;  il  divertit 
l'esprit  et  ne  touche  pas  le  cœur  ;  son  éloquence  est  hors 
de  sa  place.  Cependant  il  est  à  la  mode.»  Plus  près  de  Bos- 
suet  est  Bourdaloue,  orateur  austère,  dialecticien  rigou- 
reux. Plus  près  encore  Fénelon,  que  nous  retrouverons, 
lui  aussi,  dans  la  dernière  partie  de  cet  article,  comme  un 
des  précurseurs  de  l'esprit  nouveau. 

Pour  le  théâtre,  quelles  œuvres  peut-on  citer  qui  ne 
soient  bien  inférieures  à  celles  de  Racine  et  de  Molière? 
Mais  si  l'on  prend  comme  critérium  non  plus  leur  valeur 
intrinsèque,  mais  le  succès  qu'elles  obtinrent,  il  faut  don- 
ner un  souvenir  à  Thomas  Corneille  (Ariane  [1672],  le 
Comte  oVEssex  [1678],  Virginie  [1683])  ;  à  Campistron 
(Aciset  Galathée  [1686],  Tiridate  [1690];  à  Quinault 
(la  Mère  Coquette  [1665],  Astrate  [1663])  qui  s'illustra 
surtout,  comme  collaborateur  de  Lully  (1671-1686)  dans 
l'opéra. 

Point  de  novateur  en  philosophie.  Malebranche  ne  fit  que 
donner  une  couleur  religieuse  à  la  métaphysique  de  Des- 
cartes (V.  Cartésianisme). 

La  Décadence  (1690-1715).  —  Au  début  du  xvne  siècle, 
on  assiste  à  une  évolution  littéraire  qui  aboutit  à  la  for- 
mation de  l'esprit  classique;  à  partir  de  1675,  on  assiste  à 
une  nouvelle  évolution,  mais  en  sens  inverse,  en  sorte  que 
le  commencement  et  la  fin  du  xvne  siècle  se  rejoignent.  «  Si 
la  représentation  des  Précieuses  ridicules  en  1659  marque 
une  époque,  la  représentation  de  Phèdre  en  1677  en 
marque  une  autre  ;  l'insuccès  de  la  tragédie  de  Racine  est 
positivement  la  revanche  du  succès  de  la  comédie  de  Mo- 
lière ;  l'hôtel  de  Rambouillet  renaît,  pour  ainsi  dire,  dans 
l'hôtel  de  Bouillon;  marquis  et  précieuses  qui  cabalent 
maintenant  pour  Pradon,  sont  les  mêmes  qui  jadis  ont 
cabale  contre  Molière  ;  et  bien  loin  que,  comme  on  l'en- 
seigne, la  société  du  Grand  Cyrus  et  de  la  Clèlie  tout  entière 
ait  achevé  de  succomber  sous  les  coups  de  Boileau,  l'au- 
teur des  Satires  n'a  pas  eu  plus  tôt  abandonné  le  champ  que 
la  voilà  qui  renaît  plus  brillante  et  ressaisit  son  empire, 
momentanément  perdu.  »  (Brunetière.)  Au  fond,  cette  réac- 
tion n'a  rien  qui  doive  étonner.  Les  classiques  sont  des 
novateurs  qui  n'ont  point  fait  école  :  ils  avaient  heurté 
trop  violemment  le  goût  et  les  habitudes  de  leurs  contem- 
porains pour  que  ce  goût  et  ces  habitudes,  après  avoir  cédé  à 
l'impression  forte  de  leur  génie,  ne  dussent  point  recouvrer 
fatalement  toute  la  place  qu'ils  avaient  occupée.  «  Au 


xvne  siècle,  ce  n'est  pas  le  génie  qui  fait  école,  c'est 
le  talent,  et  si  le  génie  n'a  pas  fait  école,  c'est  parce 
qu'il  prêchait,  de  conseil  et  d'exemple,  une  imitation  de 
la  nature  trop  fidèle  et  trop  rigoureuse,  en  ce  sens  qu'une 
fois  que  le  génie  ne  fut  plus  là  pour  la  soutenir,  elle  devint 
promptement  contradictoire  aux  habitudes  et  à  la  pente  de 
la  conversation  et  de  la  vie  mondaines.  »  (Brunetière.) 
Louis  XIV  vieillissant  marqua  moins  l'intérêt  qu'il  portait 
à  la  littérature,  à  celle  surtout  qu'il  avait  imposée  ;  les 
coteries  reparaissent  et  croissent  à  mesure  que  se  relâche  la 
discipline  sévère  gui  les  avait  contenues.  Voici  les  précieux  : 
Pellisson,  l'écrivain  trop  élégant  et  trop  orné  ;  —  Bouhours, 
le  jésuite  bel  esprit  que  Ménage  crayonne  si  bien  ;  «  le 
P.  Bonhours  était  un  petit  régent  de  troisième,  mais  depuis 
sept  ou  huit  ans,  il  s'est  érigé  en  précieux  en  lisant  Voiture, 
Sarrasin,  Molière  et  Despréaux  et  en  visitant  les  dames  et 
les  cavaliers  »  ;  —  Mlle  de  Scudery,  qui  a  presque  hérité 
du  salon  de  la  marquise  de  Rambouillet  et  préside  à  des 
samedis  où  figure  au  milieu  de  femmes  aimables  (Mlle  de 
La  Vigne,  une  cartésienne,  Mlle  Dupré,  nièce  de  S.  Sorlin) 
l'auteur  des  Grands  Jours  d'Auvergne,  Fléchier,  qui 
a  moins  d'emphase  peut-être  mais  tout  autant  de  mauvais 
goût  que  Balzac  ;  «  il  répandait  sa  rhétorique  jusque  dans 
les  plus  simples  billets  et  les  discours  qu'il  tenait  dans  son 
domestique  étaient  des  enthymèmes,  des  chries  et  des 
apostrophes  »  (Huet);  —  MmeDeshoulières,  qui  a  recueilli 
à  son  tour  l'héritage  des  samedis  de  l'illustre  précieuse, 
précieuse  elle-même  : 

Reste  de  ces  esprits,  jadis  si  renommés 
Que  d'un  coup  de  son  art  Molière  a  diffamés, 
De  tous  leurs  sentiments  cette  noble  héritière 
Maintient  encore  ici  leur  secte  façonnière. 

(Boileau.) 

Hôtesse  aimable  d'une  illustre  compagnie  :  Conrart,  Perrault, 
les  Tallemant,  Mascaron,  Quinault,  Ménage,  La  Monnoye, 
le  duc  de  Nevers,  le  duc  de  Vivonne,  célèbre  par  des 
Idylles  doucereuses  et  sentimentales  dont  une  seule  a  sur- 
vécu :  celle  des  Moutons;  elle  a  encore  assez  de  mali- 
gnité et  d'esprit  d'intrigue  pour  être  l'âme  de  la  détes- 
table cabale  qui  soutint  Pradon  contre  Racine.  Mme  de 
Lambert,  qui  dirige  elle  aussi  «  un  bureau  d'esprit  »  et 
disserte  sur  la  Métaphysique  de  l'amour. 

Voici  les  poètes  dramatiques,  encore  en  décadence  sur 
les  auteurs  secondaires  que  nous  avons  rencontrés  dans  la 
période  précédente  :  Pradon,  avec  sa  trop  fameuse  Phèdre 
(1677),  avec  Régulus  (1688),  avec  Scipion  (1697),  Du- 
ché, avec  sa  tragédie  àAbsalon  (1704),  Lafosse  avec  ses 
tragédies  de  Polyxène  (1686),  de  Manlius  (1698),  de 
Thésée  (1700);  Brueys  et  Palaprat  avec  la  comédie  du 
Frondeur  (1691)  et  la  résurrection  de  Y  Avocat  Pathelin 
(4706);  le  P.  La  Rue  (ou  Baron),  avec  YAndrienne  et 
F  Homme  à  bonnes  fortunes;  Boursault  avec  le  Mercure 
galant  (1683)  et  Esope  a  la  cour  (1701);  Dufresny, 
Dancourt,  avec  le  Chevalier  a  la  mode  (1687),  les  Bour- 
geoises de  qualité  (1700),  la  Folle  Enchère  (1690)  ;  Cré- 
billon  le  père  avec  Idoménée  (1705),  Atrée  et  Thyeste 
(1707),  etc.;  enfin  Regnard,  le  meilleur  dramaturge  de 
la  décadence,  avec  le  Joueur  (1696),  le  Distrait  (1697) 
et  le  Légataire  universel  (1708). 

Et  de  même  la  chaire  est  en  pleine  décadence  avec  Mas- 
sillon,  orateur  pur,  correct,  enchanteur,  moraliste  plutôt 
qu'apôtre.  Avec  lui  «  l'éloquence  de  la  chaire  entre  dans 
une  phase  nouvelle  ;  sans  cesser  d'être  religieuse,  elle  devient 
philosophique.  Nous  sommes  déjà  bien  loin  des  sermons  où 
Bossuet  faisait  parler  dans  toute  leur  majesté  puissante 
l'Ecriture  sainte  et  les  Pères  de  l'Eglise  »  (Demogeot).  Nous 
touchons  en  effet  au  seuil  du  xvme  siècle. 

Voici  les  indépendants  :  Ch.  Perrault  qui  débute  dans  le 
grotesque  par  une  parodie  du  VIe  livre  de  Y  Enéide  et  par 
les  Murs  de  Troie  ou  V Origine  du  burlesque  et  qui  finit 
par  ces  charmants  Contes  de  ma  mère  Voye  (\  697)  qui 
ont  eu  sur  l'histoire  du  folk-lore  une  si  grande  influence 
(V.  Conte).  Entre  temps,  il  a  déchaîné  par  son  Siècle  de 


FRANCE 


—  1080 


Louis  le  Grand  (1687)  la  fameuse  querelle  des  anciens  et 
des  modernes  où  il  prit  une  part  importante  en  n'écrivant 
pas  moins  de  quatre  volumes  pour  établir  méthodiquement 
le  Parallèle  des  anciens  et  des  modernes  (1688-1698)  ; 
—  Fontenelle  qui  appartient  au  xvii8  et  au  xvme  siècle, 
par  sa  longue  vie,  et  plutôt  au  xvme  par  ses  tendances 
philosophiques  ;  partisan  comme  Perrault  et  comme  La 
Motte  des  modernes,  contre  Racine  et  Boileau,  ce  qui  est 
une  nouvelle  preuve  de  la  réaction  que  nous  avons  signalée 
contre  le  dogmatisme  des  classiques;  —  Bayle,  l'au- 
teur du  fameux  Dictionnaire  critique  (1695-97),  le  pré- 
curseur de  l'Encyclopédie,  l'apôtre  de  la  tolérance  reli- 
gieuse, qui  fait  revivre  en  ses  écrits  le  scepticisme  du 
xvie  siècle,  et  chez  qui  l'on  rencontre  cette  note  antireli- 
gieuse qui  va  dominer  chez  Voltaire.  «  Les  moines  et 
les  prêtres  sont  une  gangrène  qui  ronge  toujours  et  qui 
chasse  du  fond  de  l'âme  toute  sorte  d'équité  et  d'honnêteté 
naturelle  pour  y  introduire  à  la  place  la  mauvaise  foi  et  la 
cruauté.  » 

Voici  enfin  les  libertins  qui  se  sont  groupés  jadis  dans 
le  salon  de  Ninon  de  Lenclos,  l'épicurienne,  et  qui  forment 
aujourd'hui  cortège  à  Philippe  de  Vendôme.  Le  prince  mène 
au  Temple,  avec  ses  protégés,  une  vie  de  festins  et  de  plai- 
sirs, fort  voisins  de  l'ivresse  et  de  la  turpitude.  On  ne  se 
fait  pas  faute  de  l'imiter  et  cela  se  nomme  «  vivre  à  la  Ven- 
dôme ».  Les  plus  connus  des  libertins,  héritiers  de  l'esprit 
aimable  et  de  l'irréligion  de  Chapelle  et  de  Desbarreaux, 
sont  La  Fare,  auteur  de  vers  légers  où  il  chante  les  charmes 
du  repos,  les  plaisirs  de  l'instinct  satisfait  (on  l'avait  sur- 
nommé M.  de  la  Cochonnière)  ;  Chaulieu,  que  Sainte-Beuve 
caractérise  ainsi:  «  Au  sein  de  la  joie  et  des  plaisirs,  il 
avait  rimé  et  chansonné  mille  folies  chères  à  sa  société,  mais 
aussi  légères  que  l'occasion  qui  les  faisait  naître  et  dont 
toute  la  grâce  est  depuis  longtemps  évaporée  »  ;  Hesnault , 
Saint-Pavin,  le  chevalier  de  Méré,  Saint-Réal. 

En  même  temps  que  les  attaques  de  tous  ces  ennemis 
s'enhardissent  et  se  précisent,  les  forces  de  résistance  dimi- 
nuent et  s'effacent.  Port-Royal,  par  ses  exemples,  ses  en- 
seignements, l'influence  latente  de  sa  morale  pure,  étroite  à 
la  vérité,  mais  haute,  avait  fait  la  grandeur  du  siècle  de 
Louis  XIV.  Le  jansénisme  avait  formé  aux  oeuvres  litté- 
raires comme  une  ossature  puissante  qui  avait  résisté  sans 
faiblir  à  tous  les  chocs.  En  1715,  la  destruction  du  jansé- 
nisme est  consommée.  Aussitôt  l'idée  féconde  à  la  fois  et 
subversive  du  progrès  qu'il  avait  tenue  en  échec,  prend, 
tout  d'un  coup,  une  force  invincible  jusqu'à  briser  à  jamais 
les  moules  réguliers  et  harmonieux  où  ont  coulé  les  œuvres 
classiques.  La  division  du  catholicisme  (persécution  du  pro- 
testantisme, persécution  du  jansénisme,  persécution  du 
quiétisme),  surtout  cette  lutte  violente  entre  des  personna- 
lités aussi  considérables  que  Bossuet  et  Fénelon,  était  bien 
faite  pour  encourager  les  débordements  du  libertinage,  car 
elle  lui  prêtait,  contre  le  catholicisme  même,  les  meilleurs 
arguments  (V.  les  art.  Bossuet  et  Fénelon  de  M.  Brune- 
tière). 

Etat  littéraire  en  1715.  —  Aussi,  à  l'aurore  du 
xvme  siècle,  trois  noms  :  La  Bruyère,  Fénelon,  Saint- 
Simon,  attirent  forcément  l'attention,  car  ce  sont  les  noms 
des  écrivains  qui  ont  le  plus  contribué  à  la  destruction  de 
l'idéal  politique,  moral  et  littéraire  du  siècle  précédent, 
et  dont  l'œuvre  explique  le  mieux  la  formation  de  l'esprit 
nouveau. 

Les  Caractères  de  La  Bruyère  ont  porté  le  premier 
coup  à  l'aristocratie  du  règne  de  Louis  XIV  dont  il  peignit 
si  cruellement  les  prétentions  et  les  ridicules.  On  dévora 
son  livre  «  pour  se  nourrir,  dit  un  contemporain,  du 
triste  plaisir  que  donne  la  satire  personnelle  ».  Ecrivain- 
artiste,  il  témoigne  à  chaque  page  le  désir  de  rajeunir  la 
langue.  D'Olivet  remarque  déjà  que  «  son  livre  est  plein 
de  tours  admirables  et  d'expressions  heureuses  qui  n'étaient 
pas  dans  notre  langue  auparavant  ».  Mais  il  y  a  plus.  On 
sait  que  les  Caractères,  de  l'aveu  même  de  Fauteur,  se 
composent  de  quinze  chapitres  de  préparation  et  d'un 


seul  chapitre  de  fonds,  le  seizième  «  où  l'athéisme  est 
attaqué  et  peut  être  confondu,  où  la  Providence  de  Dieu 
est  défendue  contre  l'insulte  et  les  plaintes  des  libertins  ». 
Cette  étrange  disproportion  entre  le  sujet  principal  et  l'ac- 
cessoire est  de  fait  assez  irrévérencieuse.  Elle  s'explique 
si  l'on  réfléchit  attentivement  aux  termes  de  cette  plainte 
célèbre  de  La  Bruyère  :  «  Un  homme  né  chrétien  et 
Français  se  trouve  contraint  dans  la  satire  ;  les  grands 
sujets  lui  sont  défendus.  Il  les  entame  quelquefois,  et 
se  détourne  ensuite  sur  de  petites  choses  qu'il  relève  par 
la  beauté  de  son  génie  et  de  son  style.  »  Il  y  a  là  des 
aspirations  très  marquées  à  l'indépendance  totale  de  la 
pensée,  qui  se  trouve  à  l'étroit  entre  la  religion  et  la  mo- 
narchie. 

Ces  aspirations  n'apparaissent  point  sans  doute  dans 
l'œuvre  de  Fénelon,  mais  rien  ne  favorisa  plus  leur  éclo- 
sion  que  le  rôle  qu'il  joua,  que  l'attitude  qu'il  prit  en 
politique  et  en  religion.  Demeuré,  même  en  exil,  le  con- 
seiller influent  du  duc  de  Bourgogne,  il  rêva  une  orien- 
tation nouvelle  du  gouvernement  et  traça  un  plan  de 
réformes  libérales  qu'on  essaya  de  réaliser  en  partie  au 
xvme  siècle,  où  l'on  se  souvint  de  ses  critiques  véhémentes 
contre  le  despotisme.  En  essayant  de  substituer  le  quié- 
tisme, c.-à-d.  la  dévotion  sentimentale  et  mystique  à  la 
croyance  janséniste  compatible  avec  la  raison,  il  «  a  sou- 
levé contre  la  religion  tous  ceux  qui  voudront  se  réserver 
contre  ses  empiétements  une  part  de  liberté...  il  l'a 
exposée  non  seulement  aux  attaques  de  la  philosophie, 
mais  aux  railleries  même  des  mondains  et  tôt  ou  tard 
aux  lourdes  dérisions  du  vulgaire.  11  lui  a  donné  la  forme 
qu'il  fallait  pour  qu'elle  irritât  le  bon  sens»  (Brunetière). 
Il  était  réservé  à  Saint-Simon,  le  champion  le  plus  in- 
transigeant de  la  monarchie  absolue,  d'en  tracer  la  plus 
amère  satire.  Il  a  vécu  jusqu'au  milieu  du  xvme  siècle  : 
il  a  assisté  aux  funérailles  du  grand  règne,  au  relâchement 
de  la  Régence,  au  mouvement  nouveau  des  esprits  qu'il 
ne  comprend  pas  et  qu'il  déplore  ;  il  semble  pressentir  la 
fin  de  la  royauté  que  ses  Mémoires  eussent  sans  doute 
hâtée  par  leur  influence  corrosive  et  dissolvante,  s'ils 
avaient  vu  plus  tôt  le  jour.  Fanatique  partisan  de  l'ancien 
ordre  de  choses,  dont  il  a  pourtant  dévoilé  impitoyable- 
ment tous  les  vices  et  toutes  les  petitesses,  il  ne  défend 
la  religion  que  parce  qu'elle  fait  partie  intégrante  du 
régime  monarchique.  Les  prélats  ne  lui  inspirent  aucun 
respect  ;  les  évêques  qui  n'appartiennent  pas  à  l'aristo- 
cratie ne  sont  à  ses  yeux  que  des  «  cuistres  violets  ».  A 
ce  double  point  de  vue,  les  Mémoires  de  Saint-Simon,  bien 
qu'ils  n'aient  commencé  à  paraître  qu'en  1788  et  qu'on 
n'en  ait  eu  une  édition  complète  qu'en  1829,  doivent  être 
signalés  Ici  comme  une  des  œuvres  les  plus  caractéristiques 
et  les  plus  suggestives  de  la  fin  du  xvne  siècle.    R.  S. 

Dix-huitième  siècle.  —  Il  est  encore  plus  difficile  de 
combiner  le  plan  de  l'histoire  littéraire  du  xviir3  siècle  que 
celui  de  l'histoire  littéraire  du  xvne.  Les  auteurs  sont  plus 
près  de  nous  ;  nous  manquons  de  perspective  pour  les  juger, 
et,  comme  leurs  idées  sont  encore  le  principal  sujet  des 
controverses  de  notre  temps,  nous  sommes  exposés  à 
prendre  fait  et  cause  et  à  manquer  d'impartialité.  D'autres 
difficultés  spéciales  s'ajoutent  à  celles-là  :  la  vie  des  écri- 
vains est  désormais  plus  mêlée  à  leur  œuvre  et  leur  œuvre 
elle-même  est  plus  diffuse  et  sans  suite.  Si  donc  on  veut 
donner  un  aperçu  tout  à  fait  général  de  la  littérature  au 
xvme  siècle,  on  devra  nécessairement  nommer  quatre  ou 
cinq  grands  écrivains  ;  «  l'Europe,  —  a  dit  Taine,  —  n'en 
a  pas  de  plus  grands  »,  et  noter  les  quatre  ou  cinq  idées 
qu'ils  ont  mises  en  circulation.  Les  écrivains  sont  :  Mon- 
tesquieu, Voltaire,  Diderot,  Rousseau,  Buffon.  Les  idées 
sont  :  la  toute-puissance  de  la  raison,  la  croyance  au  pro- 
grès, la  bonté  de  l'homme,  auxquelles  se  rattachent  les 
idées  secondaires  du  pouvoir  de  la  science,  de  la  grandeur 
de  l'institution  sociale  et  de  la  possibilité  de  l'améliorer, 
de  la  liberté,  idées  qui  peuvent,  comme  le  remarque 
M.  Brunetière,  se  ramener  toutes  «  à  une  seule  idée  con- 


—  1081  — 


FRANCE 


fuse  et  puissante  —  la  vie  a  son  but  en  elle-même  —  ce  qui 
est  la  négation  de  la  vie  religieuse  ».  Reprenant  ces  noms, 
nous  pouvons  les  grouper  assez  logiquement  de  la  manière 
suivante  :  1°  Voltaire  et  Montesquieu,  la  formation  de 
l'esprit  nouveau  ;  2°  Diderot,  le  mouvement  encyclopé- 
dique ;  3°  Buffon  et  Rousseau,  la  fin  du  classicisme. 

1°  La  formation  de  l'esprit  nouveau  (4 715-1750).  — 
Comme  on  l'a  vu,  la  transition  entre  deux  siècles  aussi 
opposés  que  le  xvne  et  le  xvme  a  été  presque  insensible. 
La  foi  au  progrès,  l'idée  la  plus  caractéristique  du 
xvme  siècle,  celle  qui  fait  l'air  de  ressemblance  et  de  fa- 
mille de  toutes  les  grandes  œuvres  du  temps  :  l'Esprit 
des  lois  de  Montesquieu,  V Essai  sur  les  mœurs  de  Vol- 
toire,  les  Discours  de  Rousseau,  V Histoire  naturelle  de 
Buffon,  l'Encyclopédie,  V Histoire  philosophique  des 
deux  Indes  de  Raynal,  l'Esquisse,  de  Condorcet,  sur  les 
progrès  de  l'esprit  humain,  apparaît  assez  nettement 
dans  l'œuvre  de  Fénelon  comme  aussi  la  croyance  en  la 
bonté  de  la  nature,  et  l'idée  de  la  toute-puissance  de  la 
raison  provient  en  droite  ligne  de  Descartes.  Le  cartésia- 
nisme, longtemps  entravé  par  le  jansénisme,  va  prendre 
maintenant  tout  son  essor.  Malgré  le  dédain  que  tous  les 
philosophes,  sauf  Buffon,  professent  pour  Descartes,  c'est 
bien  son  doute  méthodique  qu'ils  réalisent.  «  Le  dix-hui- 
tième siècle  commença  un  grand  et  double  travail  dont  il 
ne  lui  fut  pas  donné  de  voir  le  terme  :  détruire  tout  ce 
qu'il  y  avait  d'arbitraire  dans  l'autorité,  pour  la  rétablir 
plus  inébranlable  sur  les  bases  éternelles  du  droit  et  de  la 
justice.  »  (Demogeot.)  Qu'est  l'esprit  nouveau,  sinon,  en 
quelque  sorte,  l'esprit  de  destruction?  Destruction  des 
croyances,  des  mœurs  et  des  institutions  du  passé,  au  nom 
de  la  justice  et  de  la  vérité.  Bayle  et  Fontenelie  avaient 
déjà  incliné  la  littérature  vers  cette  voie,  mais  ils  n'étaient 
point  assez  puissants  pour  imprimer  le  mouvement  décisif. 
Ce  rôle  appartient  à  Voltaire,  qui  est,  comme  on  l'a  répété 
souvent,  le  représentant  du  xvme  siècle  auquel  peu  s'en 
faut  qu'il  n'ait  imposé  son  nom. 

La  plupart  des  historiens  de  la  littérature  française 
affirment  que  Voltaire  a  emprunté  à  l'Angleterre  les  prin- 
cipes de  sa  philosophie,  de  sa  science  et  surtout  de  sa 
théologie.  Il  en  serait  redevable  à  Bacon,  à  Locke,  à 
Newton,  à  Clarke,  à  Collins,  à  Toland,  à  Wolston.  Mais 
ne  suffît— il  pas  de  remarquer,  pour  réduire  cette  assertion 
à  sa  juste  valeur,  qu'il  a  fréquenté  fort  jeune  le  salon  de 
Ninon  de  Lenclos,  le  Temple  où  se  réunissait,  sous  la  pré- 
sidence des  Vendôme,  une  académie  de  libertinage,  le  café 
Procope  où  Boindin  professait  l'athéisme  ;  enfin,  qu'il 
avait  lu  et  relu  Bayle,  l'apôtre  de  la  tolérance,  dont  le 
fameux  Dictionnaire  lui  fournit  tous  les  arguments  qu'il 
pouvait  désirer  sur  l'incompatibilité  de  la  raison  et  de  la 
foi  ?  (V.  ci-après  dans  le  §  Histoire  de  la  philosophie  ce 
que  M.  Dauriac  pense  de  cette  influence  anglaise.)  Voltaire, 
d'ailleurs,  avant  d'être  un  philosophe,  est  demeuré  fort 
longtemps  un  bel  esprit,  et  il  n'est  devenu  philosophe,  dans 
les  vingt  dernières  années  de  sa  vie,  que  grâce  au  succès 
des  ouvrages  et  des  théories  de  Rousseau.  «  Il  se  piqua, 
dit  Condorcet,  de  surpasser  Rousseau  en  hardiesse  comme 
il  le  surpassait  en  génie  »,  mais  il  n'alla  pas  aussi  loin  que 
son  rival  en  renommée.  Toute  sa  philosophie  sociale  se 
borne  à  la  destruction  des  prêtres,  à  la  liberté  de  la  pen- 
sée et  à  la  conception  d'un  Dieu  rémunérateur  et  vengeur. 
Encore  ne  tient-il  pas  beaucoup  à  cette  dernière  abstrac- 
tion. Elle  ne  lui  semble  nécessaire  que  pour  retenir  «  la 
canaille  »  sur  la  pente  de  l'improbité  où  elle  n'est  que 
trop  portée.  En  effet,  comme  on  l'a  dit,  Voltaire  est  conser- 
vateur en  tout,  sauf  en  religion,  et  son  idéal  est  lié  au 
maintien  de  la  civilisation. 

Il  ne  peut  être  question  ici  de  passer  en  revue  l'œuvre 
énorme  de  Voltaire  ;  il  a  abordé  tous  les  genres  et  les  a 
supérieurement  traités.  Ce  qu'il  faut  noter,  c'est  l'univer- 
salité de  son  génie,  la  clarté  de  sa  langue  et  cette  véritable 
royauté  de  l'esprit  qu'il  a  exercée  dans  toute  l'Europe.  Ce 
qu'il  faut  noter  aussi,  c'est  qu'il  a  eu  peu  d'idées  person- 


nelles, mais  qu'il  a  su  exprimer  excellemment,  sous  une 
forme  vive  et  brillante,  toutes  les  idées  et  les  sentiments 
qui  fermentaient  dans  les  âmes  de  ses  contemporains. 
S'emparant  de  tout  l'esprit  de  l'époque,  il  a  pénétré  toute 
une  génération  de  sa  pensée  et  imprimé  sur  le  caractère 
de  la  nation  une  marque  ineffaçable.  Les  multiples  trans- 
formations de  Voltaire  suivent  les  transformations  du  siècle 
et  elles  se  manifestent  par  des  chefs-d'œuvre.  M.  Brune- 
tière  les  a  résumées  en  une  page  spirituelle  qu'il  y  a  donc 
double  avantage  à  reproduire  ici  :  «  La  société  plus  que 
libertine  du  Temple  ou  la  cour  licencieuse  du  régent  de- 
mandent un  poète  lauréat,  comme  on  dirait  en  Angleterre, 
ou  comme  dit  le  régent  «  un  ministre  au  département  des 
«  niaiseries  »  ?  Trop  heureux  de  racheter  à  ce  prix  ses 
premières  incartades,  le  fils  du  bonhomme  Arouet  fait  son 
entrée  dans  le  grand  monde  par  cette  porte  basse.  Le 
public  parisien,  le  plus  amoureux  du  théâtre  qu'il  y  ait 
peut-être  jamais  eu  dans  l'histoire  d'aucune  littérature, 
cherche  un  auteur  favori  qui  remette  en  honneur  l'antique 
tragédie  tombée  de  Pradon  en  Campistron  et  de  Campistron 
en  Lamotte?  L'auteur  iï  Œdipe  entre  en  lice  et  fait  bruyam- 
ment valoir  ses  titres  à  l'héritage  vacant.  Les  derniers 
tenants  d'une  vieille  querelle  se  lamentent  at  déplorent 
qu'à  l'éternel  Homère  des  anciens  les  modernes  ne  puissent 
opposer  un  seul  poète  épique  ?  Voltaire  compose  la  Hen- 
riade  et  prend  la   peine  lui-même  d'en  démontrer  les 
beautés  au  lecteur  français  dans  son  Essai  sur  le  poème 
épique.  Les  gens  du  monde  et  les  femmes  de  cour  se 
plaignent  de  ne  pouvoir  supporter  la  lecture  de  l'histoire 
dans  les  lourds  in-folio  de  Scipion  Dupleix  ou  de  Mézeray  ? 
V Histoire  de  Charles  XII  paraît,  qu'on  se  dispute  comme 
un  roman,  suivie  bientôt  du  Siècle  de  Louis  XIV  et  de 
Y  Essai  sur  les  mœurs.  Le  goût  de  la  science  et  de  la 
philosophie  se  répand,  le  siècle  entier  tourne  à  la  physique 
et  les  marquises  donnent  à  la  géométrie  tout  ce  que  les 
pompons  et  l'amour  leur  laissent  de  loisir  ?  Le  châtelain 
de  Cirey  chante  en  vers  les  cieux  de  Newton  et  disserte 
en  prose  tout  à  fait  savamment  sur  la  nature  du  feu.  Le 
vent  souffle  à  l'économie  politique  et  la  nation  se  met  à 
disserter  sur  les  grains?  Il  écrit  Y  Homme  aux  quarante 
ècus  et  raisonne  sur  le  produit  net.  L'irréligion  gagne  et 
de  plus  en  plus  se  propage  ?  Il  écrit  son  Dictionnaire 
philosophique  et  lance  le  célèbre  mot  d'ordre.  La  Révolu- 
tion se  prépare?  Les  brochures  succèdent  aux  brochures, 
les  pamphlets  aux  pamphlets,  et  c'est  encore  lui,  lui  tou- 
jours, lui  partout  qui  porte  les  premiers  coups.  »  Il  n'y  a 
plus,  après  cela,  qu'à  citer  Zaïre,  la  seule  tragédie  digne 
de  ce  nom  après  celles  de  Corneille  et  de  Racine,  Candide, 
et  l'inimitable  Correspondance,  pour  bien  se  rendre  compte 
de  l'immense  étendue  et  de  la  merveilleuse  souplesse  d'un 
tel  génie  et  apprécier  cette  boutade  du  grand  Frédéric  : 

«  Je  doute  s'il  y  a  un  Voltaire  dans  le  monde  :  j'ai  fait 
un  système  pour  nier  son  existence.  Non,  assurément,  ce 
n'est  pas  un  seul  homme  qui  fait  ce  travail  prodigieux  qu'on 
attribue  à  M.  de  Voltaire.  Il  y  a  à  Cirey  une  académie- 
composée  de  l'élite  de  l'univers.  Il  y  a  des  philosophes  qui 
traduisent  Newton,  il  y  a  des  poètes  héroïques,  il  y  a  des 
Corneille,  il  y  a  des  Catulle,  il  y  a  des  Thucydide,  et  l'ou- 
vrage de  cette  académie  se  publie  sous  le  nom  de  Voltaire, 
comme  l'action  de  toute  une  armée,  s'attribue  au  chef  qui 
la  commande.  » 

Comme  Voltaire,  Montesquieu  est  encore  un  classique 
dans  sa  méthode  ou  dans  ses  procédés.  Son  scepticisme  est 
voisin  de  celui  de  Montaigne.  Ses  ouvrages  {Lettres  per- 
sanes, Esprit  des  lois)  sont  pleins  d'intentions  révolu- 
tionnaires, ou  si  l'on  veut  réformatrices  ;  il  s'attaque  au  des- 
potisme, à  l'esclavage,  à  l'intolérance;  au  fond,  il  est,  lui 
aussi,  très  modéré.  «  Il  est  quelquefois  nécessaire  de  chan- 
ger certaines  lois,  mais  le  cas  est  rare  et,  lorsqu'il  arrive,  il 
n'y  faut  toucher  que  d'une  main  tremblante  :  on  y  doit  obser- 
ver tant  de  solennité  et  apporter  tant  de  précautions,  que  le 
peuple  en  conclut  naturellement  que  les  lois  sont  bien  saintes, 
puisqu'il  faut  tant  de  formalités  pour  les  abroger.  »  Avec 


FRANGE 


—  1082  — 


beaucoup  des  défauts  d'un  bel  esprit,  son  style  est  person- 
nel et  original.  U  Esprit  des  lois  a  une  importance  capitale. 
«  Ce  livre  marque  une  date,  une  époque  même  de  la  prose 
classique.  Toutes  ces  considérations  de  droit  public  et  de  juris- 
prudence, toutes  ces  matières  de  politique  et  d'économie, 
la  théorie  des  gouvernements  comme  celle  du  change,  ou 
l'interprétation  des  lois  civiles  comme  celle  des  lois  pénales, 
enfouies  jusque-là  dans  les  livres  savants  et  spéciaux  des 
Cujas  ou  des  Barthole,  des  Grotius  ou  des  Puffendorf,  des 
Domat  ou  des  Pithou,  YEsprit  des  lois,  pour  la  première 
fois,  les  faisait  sortir  de  l'enceinte  étroite  des  écoles,  de 
l'ombre  des  bibliothèques  et,  les  mettant  à  la  portée  de 
tous,  accroissait  ainsi  le  domaine  de  la  littérature  de  toute 
une  vaste  province,  de  celle  de  l'érudition.  C'est  ce  que 
Descartes  avec  son  Discours  de  la  méthode  avait  fait  pour 
la  philosophie  ;  Pascal  pour  la  théologie  dans  ses  Lettres 
provinciales.  Le  livre  eut  un  autre  mérite  :  ce  fut  de  don- 
ner aux  études  historiques  une  direction  nouvelle.  L'his- 
toire devint  philosophique  en  ce  sens  qu'elle^fait  désormais 
consister  son  principal  objet  dans  la  recherche  de  causes 
et  dégage  les  historiens  de  la  superstition  des  modèles  an- 
tiques. »  (Brunetière.)  Son  succès  fut  prodigieux,  surtout 
à  l'étranger.  En  France,  il  fut  accueilli  presque  froidement, 
voire  même  attaqué  comme  suspect  de  spinosisme  et  de 
déisme,  critiqué  par  Buffon  et  raillé  par  Mme  du  Deffand  qui 
dit,  non  sans  quelque  raison  :  «  C'est  de  l'esprit  sur  les  lois.  » 
Durant  cette  première  période  du  xvme  siècle,  que  Vol- 
taire et  Montesquieu  dominent  de  toute  leur  hauteur  d'autres 
écrivains,  et  ils  sont  nombreux,  cherchent  des  voies  nou- 
velles. Mais  en  dehors  de  la  comédie  et  du  roman,  on  ne 
saurait  trouver  aucune  œuvre  digne  de  mention.  La  comé- 
die devient  une  autre  espèce  de  composition  littéraire  que 
du  temps  de  Molière.  Elle  s'attache  moins  à  la  peinture  du 
cœur  humain  qu'au  développement  de  situations  et  à  la 
recherche  d'effets.  Piron  donne  sa  Métromanie  (4738), 
pleine  de  verve  et  d'émotion;  Destouches,  un  Glorieux 
(1732)  et  un  Philosophe  marié  (1727);  Gresset,  un 
Méchant  (4  747)  fort  distingué  et  ce  petit  poème  de 
Vert-  Vert  qui  a  conservé  de  la  réputation  quoiqu'il  soit 
bien  inférieur  aux  poésies  légères  de  Voltaire.  Le  Sage  et 
Marivaux  l'emportent  sur  leurs  contemporains ,  aussi  bien 
comme  auteurs  dramatiques  que  comme  romanciers. 

Le  Sage,  auteur  d'une  bonne  comédie  de  mœurs  (Turca- 
ret)  a  découvert  la  loi  du  roman  qui  est  de  nous  montrer 
les  circonstances  maîtresses  de  la  volonté.  Avec  le  Diable 
boiteux,  Gil  Blas,  le  Bachelier  de  Salamanque,  «  le 
roman  de  mœurs  est  créé  et  ses  successeurs  n'auront 
plus  qu'à  faire  valoir  son  héritage.  C'est  le  premier  en 
date  des  romans  modernes  ou  le  premier  des  romans  où 
le  genre  ait  pris  conscience  de  lui.  Désormais,  l'objet  du 
roman  sera  l'imitation  de  la  vie  réelle,  de  la  vie  commune 
même,  aristocratique  ou  bourgeoise  ;  il  sera  la  représenta- 
tion plus  ou  moins  embellie  et  idéalisée  des  mœurs  envi- 
ronnantes ;  il  sera  la  peinture  de  ce  qu'il  y  a  d'humain, 
sans  doute,  en  chacun  de  nous,  mais  surtout  de  ce  qu'il  y 
a  de  plus  analogue  aux  idées,  aux  usages,  aux  modes  et 
aux  façons  de  vivre  de  notre  temps.  »  (Brunetière.) 

Marivaux,  en  dépit  de  ses  grâces  minaudières  et  apprê- 
tées, est  dans  le  fond  comme  dans  la  forme  un  inventeur. 
Son  répertoire  constitue  tout  un  genre,  dans  lequel  il  n'a 
eu  ni  modèles  ni  successeurs.  Dans  ses  romans  (Marianne, 
le  Paysan  parvenu),  il  a  introduit  la  peinture  des  mœurs 
du  commun.  L'observation  morale  y  est  d'une  richesse  et 
d'une  finesse  remarquables.  Ses  œuvres  abondent  en  idées 
ou  en  germes  d'idées  qui  n'ont  porté  leurs  fruits  que  plus 
tard  :  ce  qui  explique  son  influence  sur  son  siècle,  surtout 
sur  Rousseau  et  Diderot. 

L'abbé  Prévost  n'est  pas  inférieur  à  Le  Sage  et  à  Mari- 
vaux, et  s'ils  sont  plus  connus,  c'est  parce  qu'ils  ont  écrit 
Turcaret  et  les  Jeux  de  l'amour  et  du  hasard.  «  Ses 
romans  sont  des  romans,  ce  qu'à  peine  on  peut  dire 
du  Diable  boiteux  ou  même  de  Gil  Blas;  le  ressort 
de  ses  romans  est  le  vrai  romanesque,  ce  que  l'on  ne 


pourrait  dire  ni  de  Marianne,  ni  du  Paysan  parvenu  ; 
le  style  de  ses  romans,  enfin,  est  le  vrai  style  du  roman, 
un  peu  pompeux,  un  peu  redondant  encore,  un  peu  pério- 
dique, mais  si  agile  malgré  tout,  si  simple,  si  direct  — 
et  c'est  ce  que  l'on  ne  peut  dire  ni  du  style  de  Le  Sage, 
dont  la  concision  sent  encore  trop  l'homme  de  théâtre,  ni 
du  style  de  Marivaux  qui,  dans  sa  préciosité,  s'éloigne 
trop  du  commun  usage.  »  (Id.)  Prévost  est  le  créateur 
de  la  manière  noire,  où  triomphèrent  plus  tard  Anne 
Radcliffe  et  Ducray-Duminil,  et  après  eux  les  roman- 
tiques. On  ne  cite  plus  de  lui  que  Manon  Lescaut,  où 
il  a  peint  de  si  vives  couleurs  la  souveraineté  de  la 
passion  et  toutes  ses  conséquences  terribles  et  fatales. 
Il  importe  pourtant  de  signaler  Cleveland  et  le  Doyen 
de  Killerine,  où  se  rencontrent  ces  justifications  à  tous 
les  manquements  de  conduite  d'un  passionné  que  Rous- 
seau (Nouvelle  Héloïse)  transformera  en  glorifications 
véritables.  Citons  encore  :  La  Chaussée,  le  créateur  de 
la  comédie  larmoyante  et  le  précurseur  du  drame;  il 
eut  le  don  d'intéresser  par  le  spectacle  des  infortunes 
domestiques  (la  Fausse  Antipathie,  1723,  le  Préjugé 
à  la  mode,  1735,  l'École  des  Mères,  1744,  la  Gouver- 
nante, 1747);  Crébillon  le  père,  dont  une  cabale,  orga- 
nisée par  Mme  de  Pompadour,  opposa  vainement  les  tra- 
gédies (Bhadamiste,  1711,  Pyrrhus,  1726,  Catilina, 
1742)  à  celles  de  Voltaire. 

Aux  environs  de  1750,  la  société  était  incrédule,  sen- 
suelle et  raisonneuse.  Il  y  avait  à  Paris  des  cafés  (Procope, 
Grassot)  qui  ont  conquis  une  célébrité  dans  les  annales 
de  l'athéisme  ;  des  salons  présidés  par  des  femmes  spiri- 
tuelles et  sans  mœurs  et  où  le  bel  esprit  faisait  fureur 
(Mme  du  Deffand,  Mme  Geoffrin,  etc.)  ;  les  jeunes  seigneurs 
et  la  bourgeoisie  se  complaisaient  en  débauches  cyniques. 
Nul  n'a  mieux  peint  la  corruption  aimable  de  ce  temps 
que  Duclos  (Considérations  sur  les  mœurs  de  ce  siècle, 
1751  ;  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  du  xvme 
siècle,  1751),  rien  ne  l'explique  mieux  que  le  succès  des 
romans  erotiques  de  Crébillon  le  fils;  rien  n'en  témoigne 
mieux,  par  opposition,  que  la  vie  douloureuse  et  les  Ré- 
flexions et  Maximes  de  Vauvenargues. 

2°  Le  mouvement  encyclopédique  (1750-1765).  —  Cette 
seconde  période  du  siècle  est  celle  qui  le  caractérise  par- 
ticulièrement. Les  opinions  nouvelles  ne  sont  plus  l'apa- 
nage exclusif  des  écrivains  supérieurs  :  elles  s'imposent  à 
la  littérature  tout  entière.  Les  écrivains  eux-mêmes  ne 
forment  plus  une  sorte  de  caste  assez  fermée,  d'où  les 
lettres  et  les  sciences  ne  sortaient  guère  :  en  sorte  qu'on 
pouvait  dire  qu'ils  n'écrivaient  que  pour  eux-mêmes  ou 
pour  un  cercle  étroit  d'  «  honnêtes  gens  ».  Ils  sont  plus 
nombreux,  ils  ont  conquis  un  public  et,  à  mesure  que  ce 
public  s'étend,  une  influence  qui  devient  une  puissance 
dans  l'Etat.  C'est  le  progrès  de  l'esprit  philosophique  qui 
a  amené  cette  transformation. 

Si  Voltaire  n'a  pas  puisé  les  principes  de  sa  philosophie 
en  Angleterre,  il  a  du  moins  mis  à  la  mode  les  écrits  des 
philosophes  et  des  savants  anglais,  comme  aussi  Montes- 
quieu a  mis  à  la  mode  les  études  politiques  et  attiré  l'at- 
tention sur  le  gouvernement  anglais.  La  curiosité  de  l'étran- 
ger ne  se  bornait  pas  là.  L'éclat  de  la  cour  de  Frédéric  II 
ne  fut  pas  étranger  au  succès  des  méthodes  de  Leibnitz. 
Les  voyages  devenus  plus  fréquents  avaient  d'ailleurs  établi 
entre  les  diverses  nations  des  communications  plus  intimes. 
En  somme,  ce  goût  pour  les  sciences  exactes,  qui  devait 
s'étendre  si  rapidement,  nous  l'avons  emprunté  à  Newton 
surtout  et  à  Leibnitz.  Mais  presque  aussitôt  nos  savants  et 
nos  philosophes  s'imposent  au  monde  et,  par  leurs  ouvrages, 
leurs  correspondances,  leurs  jugements,  gouvernent  l'opi- 
nion de  l'Europe,  de  Naples  jusqu'à  Saint-Pétersbourg. 
V Encyclopédie  est  née  de  ce  mouvement  des  esprits  :  elle 
l'a  accentué  formidablement,  elle  ne  l'a  pas  provoqué.  Dès 
1755  ou  1756,  l'hostilité  religieuse,  jusque-là  sourde  et 
continue,  commença  à  éclater  au  dehors.  Dans  la  popula- 
tion parisienne,  l'autorité  souveraine  était  discutée  ;  l'idée 


—  1083  — 


FRANCE 


de  révolution  se  répandait.  «  Le  peuple,  dans  ses  halles, 
dit  Barbier,  commençait  à  parler  de  lois  fondamentales  et 
d'intérêts  nationaux.  »  Les  écrivains,  à  l'affût  de  popula- 
rité, se  gardèrent  de  laisser  échapper  une  telle  occasion. 
Ils  se  précipitèrent  dans  la  lutte.  Diderot  donna  le  signal 
en  mettant  sur  le  chantier  Y  Encyclopédie.  On  trouvera 
ailleurs  (V.  Encyclopédie,  d'Alembert,  Diderot)  de  nom- 
breux détails  sur  cette  colossale  machine  de  guerre  à  l'édi- 
fication de  laquelle  travaillèrent  non  seulement  les  meilleurs 
auteurs  contemporains,  mais  des  magistrats,  des  gens  de 
lettres,  des  officiers  généraux,  des  fonctionnaires.  Consta- 
tons seulement  qu'elle  ébranla  comme  un  formidable  bélier 
les  bases  de  la  religion,  de  la  morale  et  celles  de  la  poli- 
tique, c.-à-  d.  celles  de  l'édifice  social.  C'est,  par  l'inter- 
médiaire de  Locke,  le  cartésianisme  en  action,  c'est  le  pre- 
mier temps  de  la  méthode  réalisé  dans  le  domaine  des  faits, 
et,  comme  vers  cette  époque,  Kant  écrit  la  Critique  de  la 
raison  pure,  c'est  partout  la  même  destruction  suivie  des 
mêmes  vaines  tentatives  de  reconstruction.  Diderot,  esprit 
ardent  et  désordonné,  philosophe,  physiologiste,  romancier, 
dramaturge,  critique  d'art,  a  porté  dans  tous  les  genres  sa 
vaste  et  pourtant  incomplète  intelligence,  essayant  de  rajeu- 
nir le  théâtre  par  l'imitation  plus  exacte  de  la  nature,  de 
fonder  une  philosophie  morale  sur  des  principes  mouvants, 
écrivant  des  romans  à  la  fois  moraux  et  cyniques.  On  l'a 
nommé  «  le  premier  génie  de  la  France  nouvelle  »,  et  l'école 
positiviste  l'a  rangé  au  nombre  des  bienfaiteurs  de  l'huma- 
nité. Cela  marque  bien  l'importance  et  la  nature  du  rôle  qu'il 
a  joué. 

V Encyclopédie  a  eu  d'heureuses  conséquences  scienti- 
fiques puisqu'elle  a  donné  l'essor  aux  sciences  physiques 
et  naturelles,  mais  elle  a  suscité  aussi  des  imitateurs  qui 
ne  lui  ont  emprunté  que  ses  tendances  subversives  et  les 
ont  poussées  à  leurs  extrêmes  limites.  Ainsi  Helvétius  écri- 
vit son  fameux  livre  de  l'Esprit  (1758)  où  il  prouve  que 
la  sensibilité  physique  est  la  cause  productrice  de  toutes 
nos  pensées.  C'était  le  matérialisme  en  métaphysique,  en 
morale  l'intérêt  personnel.  Cette  doctrine  effraya  les  philo- 
sophes eux-mêmes .  D'Holbach  publia  le  Système  de  la 
nature  (1770),  qui  est  le  code  le  plus  complet  de  l'athéisme 
et  ou  le  despotisme  monarchique  fut  pour  la  première  fois 
confondu  avec  le  despotisme  sacerdotal.  Rayn al  donna  V His- 
toire des  deux  Indes  (1778),  où  il  étale  les  déclamations 
les  plus  révolutionnaires  :  «  Peuples  lâches  !  imbéciles  trou- 
peaux !  vous  vous  contentez  de  gémir  quand  vous  devriez 
rugir  l  »  Mably,  dans  les  Observations  sur  l'histoire  de 
France  (1765),  attaque  violemment  toutes  les  institutions 
anciennes  qui  ne  sont  pour  lui  que  despotisme  et  anarchie. 
Dès  1764,  Voltaire  s'était  écrié  :  «  Tout  ce  que  je  vois  jette 
les  semences  d'une  révolution  qui  arrivera  immanquablement 
et  dont  je  n'aurai  pas  le  plaisir  d'être  le  témoin.  La  lumière 
s'est  tellement  répandue  qu'on  éclatera  à  la  première  occa- 
sion, et  alors  ce  sera  un  beau  tapage.  Les  jeunes  gens  sont 
bien  heureux  :  ils  verront  de  belles  choses.  » 

En  face  de  cette  enthousiaste  armée  de  démolisseurs  se 
tenait  une  petite  phalange  de  conservateurs  :  mais  elle  n'a 
ni  talent,  ni  verve,  ni  influence.  Ceux  qui  réfutent  Voltaire 
sont  des  Burigny,  des  Nonnotte,  des  Houtte ville,  des  Gué- 
née,  des  Bergier  dont  on  a  depuis  longtemps  oublié  les  noms. 
Le  chancelier  Daguesseau  et  Rollin,  qui  se  rattachent  au 
jansénisme,  sont  les  plus  éminents  des  orthodoxes,  mais 
l'un  n'est  qu'un  rhéteur  élégant  qui  s'est  absorbé  dans  les 
querelles  de  la  bulle  Unigenitus,  et  l'autre  par  son  Traité 
des  études  (1726),  par  son  Histoire  ancienne  et  son  His- 
toire romaine  (1730  et  suiv.),  où  il  s'enthousiasme  pour 
les  vertus  républicaines  des  anciens,  a  contribué  autant  que 
Mably  et  Rousseau  à  la  destruction  du  gouvernement  mo- 
narchique. D'autres,  Fréret,  le  président  de  Brosses,  sont 
des  affiliés  discrets  du  parti  philosophique. 

3°  La  fin  du  classicisme  (1765-1802).  —  A  partir  de 
1754,  les  philosophes  commencèrent  à  rencontrer  des  ad- 
versaires plus  dangereux.  Fréron  venait  de  fonder  Y  An- 
née littéraire  où  il  se  proposait  de  critiquer  la  littérature 


contemporaine  en  s'appuyant  sur  les  modèles  du  xvne  siècle 
et  surtout  de  combattre  l'esprit  philosophique  au  nom  de 
la  religion  et  de  la  monarchie.  Il  s'en  prit,  comme  on  sait, 
surtout  à  Voltaire  qui  s'en  vengea  cruellement  par  de  mor- 
dantes épigrammes  et  la  pièce  de  V Ecossaise  (1760). 
D'autres  journalistes,  on  les  appelait  alors  feuillistes,  mar- 
chèrent à  la  suite  de  Fréron.  Contre  les  encyclopédistes, 
Moreau  publia  les  Cacouacs;  Guyon,  l'Oracle  des  philo- 
sophes; Palissot,  les  Petites  Lettres  sur  de  grands  philo- 
sophes, et  une  comédie  en  trois  actes,  les  Philosophes,  etc. 
Sans  doute  ces  ennemis  n'étaient  point  fort  terribles,  mais 
ils  étaient  méchants  et  tenaces  et  ils  pouvaient  faire  quelque 
impression  sur  l'opinion.  C'est  Rousseau  qui  devait  porter 
les  coups  les  plus  funestes  aux  encyclopédistes  en  détour- 
nant !sà  son  profit  toute  leur  popularité.  Sa  Lettre  à 
d'Alembert  marqua  sa  rupture  avec  eux.  Une  série  de 
chefs-d'œuvre  parus  coup  sur  coup  en  moins  de  dix  ans 
(1755-1764):  le  Discours  sur  l'inégalité,  la  Nouvelle 
Héloïse,  le  Contrat  social,  YEmile,  la  Lettre  à  Chris- 
tophe de  Beaumont,  les  Lettres  de  la  Montagne,  obtin- 
rent un  succès  soudain,  universel,  contagieux.  Or  ce  succès 
s'explique  surtout  par  le  caractère  littéraire  de  ces  brû- 
lantes revendications  :  «  Tous  les  genres  étaient  épuisés  ;  le 
roman  avec  Prévost,  le  drame  avec  Diderot,  naissaient  à 
peine,  la  poésie  lyrique  n'était  pas  encore  née  ;  le  siècle 
s'ennuyait  en  dépit  de  Y  Encyclopédie,  des  épigrammes 
de  Piron,  des  petits  vers  de  Bernis,  des  polissonneries  du 
jeune  Crébillon.  Rousseau  vint,  et  tout  changea.  »  (Brune- 
tière.)  Cette  révolution  détruisait  tout  l'œuvre  de  Voltaire: 
puisque  Rousseau  avait  une  morale  fondée  sur  une  justice 
antérieure,  extérieure  et  supérieure  à  l'invention  sociale, 
puisqu'en  essayant  de  ramener  l'homme  à  la  nature,  source 
de  toute  justice,  son  idéal  était  lié  au  bouleversement  de  la 
civilisation,  puis  qu'enfin  il  avait  besoin  de  l'existence  d'une 
Providence.  Aucun  écrivain  n'a  exercé  une  action  plus  puis- 
sante, plus  étendue  et  plus  diverse  que  Rousseau,  dont  le 
Contrat  social  a  été  l'évangile  de  la  Convention.  Il  se  dis- 
tingue autant  des  philosophes  de  son  siècle  par  son  spi- 
ritualisme et  son  besoin  de  reconstruction  sociale  (alors 
qu'ils  ne  pensaient  qu'à  détruire  religion  et  gouvernement) 
que  par  le  sentiment  très  vif  des  beautés  de  la  nature  et  la 
sensibilité  qui  communiquent  à  ses  écrits  une  éloquence 
passionnée,  émue,  douloureuse,  et  marquent  une  nouvelle 
évolution  dans  l'histoire  de  la  littérature  française.  C'en 
est  fait  désormais  du  classicisme  dont  l'influence  avait  per- 
sisté jusque-là,  puisqu'on  avait  gardé  la  préoccupation  de 
l'élégance  et  de  la  noblesse  du  style.  C'est  la  littérature 
romantique  qui  commence.  Rousseau  est  en  quelque  sorte 
le  précurseur  de  Bernardin  de  Saint-Pierre,  de  Byron,  de 
Gœthe,  de  Chateaubriand,  de  Lamartine.  Il  y  a  une  der- 
nière remarque  à  faire  :  «  avec  Rousseau,  c'est  le  plébéien 
qui  entre  pour  la  première  fois  dans  l'histoire  de  la  littéra- 
ture. Jusqu'à  Rousseau,  dans  l'ancienne  société,  d'aussi  bas 
que  l'on  fût  parti,  on  se  classait  en  devenant  homme  de 
lettres,  on  passait  d'une  condition  dans  une  autre;  bien  loin 
de  s'en  vanter,  on  essayait  plutôt  d'effacer  jusqu'aux  traces 
de  son  origine  ;  avec  une  condition  nouvelle,  on  prenait 
des  sentiments  nouveaux.  Celui-ci  fut  le  premier  qui  resta 
peuple  en  se  faisant  auteur,  et  qui  fonda  sa  popularité  sur 
le  mépris  insolemment  avoué  de  tout  ce  qui  n'était  pas  lui- 
même...  Une  nouvelle  espèce  d'hommes  apparaissait  en 
scène  et  son  premier  acte  de  puissance  allait  être  de  ren- 
verser dès  qu'elle  le  pourrait  tout  ce  que  Voltaire  avait 
aimé.  »  (Brunetière.) 

Si  Buffon  est  plus  près  du  xviie  siècle  par  son  style  et  la 
dignité,  voire  la  solennité  constante  de  sa  vie,  il  est  bien 
du  xviii0  par  son  peu  de  préoccupation  pour  la  métaphy- 
sique. Cependant  il  se  tint  dans  une  indépendance  relative 
des  philosophes  et  encourut  l'inimitié  de  d'Alembert  et  les 
railleries  de  Voltaire  et  de  Montesquieu.  Quant  à  Rousseau, 
on  sait  qu'à  Montbard  il  baisa  dans  un  accès  d'enthou- 
siasme le  seuil  du  pavillon  où  Buffon  avait  composé  son 
grand   ouvrage.  C'est  qu'en  effet  Buffon   est   pour  ses 


FRANCE 


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contemporains  le  peintre  par  excellence  de  la  nature,  et  cela 
explique  la  faveur  qui  accueillit  ses  premiers  travaux.  Il 
vulgarisa  l'histoire  naturelle,  comme  Montesquieu  avait 
vulgarisé  le  droit  ;  il  résume  et  illustre  la  pensée  scienti- 
fique du  xvme  siècle  comme  Rousseau  en  représente  la 
pensée  politique.  Il  est  le  créateur  d'un  genre  nouveau, 
celui  de  l'éloquence  descriptive. 

De  même  que  dans  le  domaine  de  la  politique  et  de  la 
religion  on  avait  déclaré  la  guerre  aux  théories  du  passé, 
on  poursuivit  dans  le  domaine  de  l'économie  sociale  la  des- 
truction de  l'ancien  système  de  réglementation  à  outrance. 
L'école  nouvelle  adopte  ce  mot  d'ordre  :  laissez  faire, 
laissez,  passer.  Elle  aussi  cherche  ses  inspirations  en  An- 
gleterre, chez  Locke,  chez  David  Hume,  qui  eux-mêmes  les 
avaient  jadis  puisées  chez  Boisguillebert  et  chez  Vauban. 
Les  représentants  les  plus  autorisés  de  ces  doctrines  sont 
Gournay,  Quesnay,  l'auteur  de  la  Physiocratie  (4758), 
Turgot,  collaborateur  de  Y  Encyclopédie,  auteur  des  Ré- 
flexions sur  la  formation  et  la  destruction  des  richesses 
et  du  Mémoire  sur  les  prêts  d'argent  (1766);  Roland, 
le  futur  ministre,  Gondorcèt,  Mercier  de  La  Rivière, 
auteur  de  Y  Ordre  naturel  et  essentiel  des  sociétés  po- 
litiques (4767);  Dupont  de  Nemours,  auteur  A^Y  Origine 
et  progrès  des  sciences  nouvelles  (4758)  ;  et  les  réformes 
qu'ils  préconisent  passent  avant  toutes  les  autres  dans  l'ap- 
plication puisque  Turgot  proclame  la  liberté  commerciale, 
la  liberté  industrielle  et  essaye  de  créer  les  municipalités 
d'arrondissement  et  les  municipalités  de  province.  Ces 
recherches  positives  avaient  donc  une  toute  autre  portée 
que  les  spéculations  des  philosophes.  Aussi  l'abbé  Galiani 
qui  écrivait  lui  aussi  sur  le  Commerce  des  blés  (4770)  com- 
parait-il Quesnay  à  l'Antéchrist  et  dénonçait-il  les  œuvres 
des  économistes  comme  un  danger  pour  l'ordre  établi. 

Nous  sommes  en  efîet  à  la  veille  de  la  Révolution.  L'an- 
cienne société,  déjà  si  transformée,  s'effrite  et  va  dispa- 
raître. Ses  moralistes  sont  :  Champfort,  encore  plus  pessi- 
miste que  Rousseau  :  «  Les  fléaux  physiques  et  les  calamités 
de  la  nature  ont  rendu  la  société  nécessaire,  la  société  a 
ajouté  aux  malheurs  de  la  nature.  Les  inconvénients  de 
la  société  ont  amené  la  nécessité  du  gouvernement  et  le 
gouvernement  ajouta  aux  malheurs  de  la  société.  Voilà 
l'histoire  de  la  nature  humaine.  »  Rivarol  que  Burke  ap- 
pelait avec  un  peu  d'exagération  «  le  Tacite  de  la  Révolu- 
tion »,  esprit  brillant,  écrivain  politique  vigoureux,  qui 
essaye  de  fonder  une  morale  indépendante  de  tout  culte  et 
de  toute  religion.  Ses  romanciers  sont  Restif,  le  «  Rous- 
seau des  halles  »,  qui  peignit  si  crûment  les  moeurs  popu- 
laires ;  Laclos  qui  traita  avec  non  moins  de  cynisme  des 
Liaisons  dangereuses  (4782).  Ses  pamphlétaires  sont 
Beaumarchais,  l'adversaire  mordant  du  parlement  Mau- 
peou  {Mémoires  judiciaires,  4  774-4  775)  qui  déjà  s'écriait  : 
«  Je  suis  un  citoyen,  c.-à-d.  je  ne  suis  ni  un  courtisan,  ni 
un  abbé,  ni  un  gentilhomme,  ni  un  financier,  ni  un  favori, 
ni  rien  de  ce  qu'on  appelle  puissance  aujourd'hui.  Je  suis 
un  citoyen,  c.-à-d.  ce  que  vous  devriez  être  depuis  deux 
cents  ans,  ce  que  vous  serez  dans  vingt  ans  peut-être  »  ; 
Mirabeau,  enfin,  qui  attaque  le  despotisme,  les  lettres  de 
cachet,  les  financiers,  avec  une  verve  incomparable.  Com- 
bien différents  des  compagnies  d'  «  honnêtes  gens  »  les 
cercles  où  brillent  ces  esprits  acérés  ! 

Avec  la  société  disparait  l'art  classique  qui  lui  avait  plu. 
La  tragédie,  après  De  Belloy  (le  Siège  de  Ca  lais),  Lemierre, 
Guimond  de  La  Touche  (Iphigênie  en  Tauride),  Saurin 
(Spartacus),  La  Noue  (Mahomet  II),  finit  avec  Ducis,  qui 
met  à  la  scène  les  chefs-d'œuvre  de  Shakespeare  et  mérite 
seul  d'être  nommé  après  Voltaire,  qu'il  remplaça  à  l'Aca- 
démie. La  comédie  finit  avec  Collin  d'Harleville  (l'Opti- 
miste, le  Vieux  célibataire). 

Les  poètes  sont  plus  nombreux.  Mais  parmi  ceux  qui 
cultivent  le  genre  à  la  mode  de  la  poésie  descriptive,  Saint- 
Lambert  (les  Saisons) ,  Lemierre  (les  Fastes) ,  Rosset 
(V Agriculture),  Roucher  (les  Mois),  seul  Delille  a  laissé 
un  souvenir  durable  pour  sa  traduction  des  Géorgiques. 


Le  Brun  eut  des  succès  dans  l'ode  et  on  le  compara  à  Pin- 
dare  :  il  est  inférieur  à  J.-B.  Rousseau.  Dorât  et  Bertin 
excellent  dans  le  genre  erotique.  Deux  poètes  du  plus  grand 
talent  ont  clos  cette  période  :  ce  sont  Parny,  que  Français 
de  Nantes  proclamait  «  le  premier  poète  classique  du  siècle 
de  Louis  XVI  »,  et  André  Chénier,  «  notre  plus  grand  clas- 
sique en  vers  depuis  Racine  et  Boileau  »  (Sainte-Beuve). 
L'héritage  de  Boileau  dans  la  critique  littéraire  avait  été 
disputé  par  Marmontel  et  La  Harpe.  L'auteur  des  Cours 
de  littérature  y  avait  seul  quelques  droits.  Enfin  les  der- 
niers philosophes  ont  été  Condillac,  Condorcet  et  Cabanis. 
Des  ruines  du  classicisme  s'élançait  une  littérature  dé- 
sordonnée, mais  pleine  de  sève.  Sedaine,  Beaumarchais, 
Mercier  inauguraient  avec  bonheur  le  genre  du  drame  qui 
devait  avoir  une  si  singulière  fortune.  Mercier  dans  ses 
Essais  sur  l'art  dramatique  (4773)  attaquait  violemment 
l'ancien  théâtre  et  formulait  les  règles  qui  tendaient  à  pro- 
duire sur  la  scène  la  société  vivante,  le  peuple,  l'existence 
ordinaire,  et  il  les  mettait  en  pratique  dans  ses  pièces 
(Jenneval,  la  Brouette  du  Vinaigrier,  le  Déserteur, 
l'Indigent,  etc.).  Sedaine  créait  avec  les  mêmes  tendances 
l' opéra-comique  (Biaise  le  Savetier,  le  Jardinier  et  son 
seigneur,  le  Boi  et  le  fermier,  Rose  et  Colas,  les  Sa- 
bots, etc.).  L'Eugénie  (4767),  les  Deux  Amis (4770),  la 
Mère  coupable  (1794)  de  Beaumarchais  sont  de  la  même 
famille.  Le  Mariage  de  Figaro  et  le  Barbier  de  Séville 
étant  des  chefs-d'œuvre  marquent  bien,  par  leur  exubé- 
rance et  leur  influence  sur  l'opinion,  la  nature  et  les  qua- 
lités de  la  littérature  nouvelle.  Elles  brillent  encore,  ces 
qualités,  de  tout  leur  éclat,  dans  un  merveilleux  roman  de 
Bernardin  de  Saint-Pierre,  Paul  et  Virginie,  et  dans  les 
discours  enflammés  de  Mirabeau,  le  plus  éloquent  orateur 
qu'on  ait  entendu  depuis  Bossuet,  le  premier  orateur  poli- 
tique de  la  France  nouvelle.  R.  S. 

Epoque  contemporaine.—  La  littérature  française  au 
xixe  siècle  peut  se  diviser  en  trois  périodes  bien  distinctes  : 
la  première,  qui  va  de  4800  à  4820,  date  des  Médita- 
lions;  la  seconde,  de  4820  à  4848,  jusqu'au  romantisme 
déclinant;  la  troisième,  de  4848  à  nos  jours. 

Première  période  (4800-4820).  —  La  poésie  du  premier 
Empire  continue  la  poésie  du  xvme  siècle  ;  elle  n'entend 
rien  changer  à  la  tradition  classique  :  elle  en  accepte  et  en 
respecte  toutes  les  formules  ;  le  génie  seul  lui  en  échappe. 
Des  poètes  de  cette  époque,  les  meilleurs  ne  valent  que 
relativement.  C'est  chez  tous  la  même  horreur  du  mot 
propre,  le  même  abus  des  périphrases,  les  mêmes  fadeurs 
mythologiques.  Ni  sentiments,  ni  idées;  une  versification 
qui  se  croit  habile  et  qui  met  son  habileté  à  instituer  de 
prétendus  effets  d'harmonie  imitative  ;  aucune  inspiration 
personnelle.  Faute  de  mieux,  on  se  rabat  sur  les  traduc- 
tions et  les  descriptions.  Le  vrai  chef  de  cette  poésie  reste 
Delille,  versificateur  élégant  et  froid,  qui  avait  déjà  donné 
une  traduction  des  Géorgiques  en  4761,  et  qu'on  voit  re- 
paraître au  début  du  siècle  avec  F  Homme  des  champs 
(4800),   la  Pitié  (4803),   l'Imagination  (4806),  les 
Trois  Piègnes  de  la  nature  (4809),  et  ses  traductions  de 
Y  Enéide  (\Wk)  et  de  YEssai  sur  l'homme  (4844).  Dé- 
sormais le  branle  est  donné.  En  même  temps  que  Saint- Ange 
traduit  Ovide,  Tissot  les  Bucoliques  et  Théocrite,  Buis  de 
Saint-Victor  Anacréon,  Castet  publie  la  Forêt  de  Fon- 
tainebleau (4805),  Esménard,  la  Navigation  (4805), 
Chênedollé,  le  Génie  de  l'homme  (4807),  Campenon,  la 
Maison  des  Champs  (4809),  Colnet  de  Ravel,  l'Art  de 
dîner  en  ville  (4840),  etc.,  tous  poèmes  oubliés  aujour- 
d'hui et  qui  ne  laissent  pas  que  d'avoir  eu  leur  quart 
d'heure  de  célébrité.  Il  n'y  a  à  tirer  de  pair  que  la  Gas- 
tronomie de  Berchoux  (4803),  badinage  sans  prétention  et 
où  l'esprit  du  moins  ne  fait  pas  entièrement  défaut.  Si  l'on 
ajoute  à  ces  œuvres  quelques  poèmes  épiques  dans  le  genre 
de  Y  Achille  à  Scyros  (4805),  de  Luce  de  Lancival,  du 
Charlemagne  a  Pavie  et  de  Y  Alfred  de  Millevoye,   de 
YAusterlide  de  Viennet  ou  de  YAmadis  de  Gaule  de 
Creuzé  de  Lesser,  qu'on  nomme  pour  sa  bizarrerie  YAtlan- 


—  1085  — 


FRANCE 


tiade  de  Lemercier,  sorte  de  De  Naturâ  rerum  moderne 
où  l'oxygène,  le  calorique,  la  gravitation  et  le  phosphore 
font  figure  de  «  machines  épiques  »,  qu'on  donne  enfin  une 
mention  aux  compositions  lyriques  de  Lebrun-Pindare,  aux 
chansons  de  Désaugiers,  aux  contes  d'Andrieux  et  aux 
fables  de  Ginguené  et  d'Arnault,  on  aura  dressé,  ou  à  peu 
près,  le  bilan  de  cette  poésie  correcte,  çà  et  là  spirituelle, 
le  plus  souvent  ennuyeuse  et  vide,  et  qui  tranche  si  cruel- 
lement avec  la  grande  renaissance  poétique  dont  les  Médi- 
tations de  Lamartine  allaient  donner  le  signal.  Il  serait 
injuste  cependant  de  ne  pas  signaler  chez  quelques  poètes 
de  ce  temps  (Fontanes,  Baour-Lormian,  Chênedollé,  Mille- 
voye,  Soumet),  ou  du  moins  dans  quelques-unes  de  leurs 
productions,  une  sentimentalité  assez  pénétrante  déjà,  des 
accents  sincères,  une  mélancolie  dont  l'expression  n'est  pas 
toujours  sans  rapport  avec  celle  des  premiers  romantiques. 
Dans  le  groupe  des  classiques  finissants,  ils  annoncent  et 
préparent  la  poésie  nouvelle  et  la  rattachent  en  même  temps 
à  la  tradition. 

L'épuisement  de  la  littérature  classique  est  surtout  sen- 
sible dans  le  théâtre  de  cette  époque.  Toutes  les  tragédies 
se  valent  et  toutes  se  ressemblent.  Ce  sont  les  mêmes  et 
éternels  procédés.  On  retrouve  dans  toutes  les  songes,  les 
récits,  les  confidents,  un  style  uniformément  déclamatoire. 
La  «  couleur  locale  »  y  est  inconnue  :  Briffaut,  presque 
sans  rien  changer  à  ses  vers,  peut  transporter  en  Assyrie 
l'action  d'une  pièce  arabe  et  la  rebaptiser  Ninus  IL  Le 
fond  ne  varie  jamais  :  il  s'agit  perpétuellement  du  conflit 
de  la  passion  et  de  l'honneur.  «  On  finira,  dit  Mme  de 
Staël,  par  ne  plus  voir  au  théâtre  que  des  marionnettes 
héroïques,  sacrifiant  l'amour  au  devoir,  préférant  la  mort 
à  l'esclavage,  inspirées  par  l'antithèse  dans  leurs  actions 
comme  dans  leurs  paroles.  »  C'est  bien  cela,  à  moins  que 
les  poètes  tragiques  ne  fassent  tout  simplement  de  la  scène, 
et  comme  Marie-Joseph  Chénier,  en  fidèle  disciple  de  Vol- 
taire, une  tribune  pour  leurs  plaidoyers  politiques  et  so- 
ciaux. Les  poètes  commencent  cependant  à  reprendre  leurs 
sujets  dans  l'histoire  nationale  ou  dans  les  temps  contem- 
porains. Tels  Raynouard  avec  ses  Templiers  (1805)  et  de 
Jouy  avec  son  Tippo-Saëb  (4813).  Lemercier  rêve  même 
un  théâtre  tout  entier  national  «  pour  la  représentation 
dramatique  de  l'histoire  de  France  par  la  peinture  succes- 
sive des  plus  grandes  époques  et  des  plus  grands  hommes 
de  nos  annales  ».  Excellente  idée,  si  le  mode  d'expression 
de  ces  poètes  n'avait  été  si  inférieur  à  leurs  conceptions. 
Ni  les  Vêpres  siliciennes  (1849)  et  le  Paria  (1821)  de 
Casimir  Delavigne,  ni  même  la  Marie  Stuart  (1820)  de 
Lebrun,  quoique  empruntée  de  Schiller,  ne  réussirent  da- 
vantage à  ranimer  le  genre.  Sans  Talma,  la  tragédie  eût 
déjà  vécu.  Il  la  soutenait  par  le  caractère  de  vérité  qu'il 
donnait  à  son  jeu,  par  la  fidélité  historique  qu'il  imprimait 
au  costume,  au  décor,  aux  moindres  accessoires;  à  la 
psalmodie  monotone  de  ses  prédécesseurs,  à  leur  attitude 
guindée  et  solennelle,  il  substituait  un  débit  passionné,  un 
geste  énergique  et  varié  ;  il  infusait  sa  vie  à  ces  œuvres 
exsangues.  Quand  il  mourut  en  1826,  il  entraîna  avec  lui 
la  tragédie.  —  Cependant  le  drame  bourgeois,  tel  qu'il 
était  sorti  plus  ou  moins  viable  de  la  tête  de  Diderot,  con- 
tinuait parallèlement  sa  chétive  existence.  Il  n'y  a  pas  de 
noms  à  citer  ici  que  celui  du  vertueux  Bouilly,  «  le  poète 
lacrymal  »,  et  son  Abbé  de  VEpée  (1800).  La  faveur  du 
public  allait  déjà  au  mélodrame.  Guilbert  de  Pixérécourt 
avec  le  Chien  de  Montargis  (1814)  et  Caigniez  avec  la 
Pie  voleuse  (1815)  remportèrent  des  succès  mémorables. 
—  La  comédie  seule  gardait  quelque  valeur.  Picard  écrit 
mal,  mais  il  a  de  l'observation  et  de  l'esprit  (la  Petite 
Ville,  Monsieur  Musard,  les  Ricochets,  etc.).  Après  lui, 
Alexandre  Duval,  Roger,  Etienne,  l'universel  Lemercier, 
et,  plus  tard,  Empis,  Th.  Leclerc,  Casimir  Delavigne,  Ca- 
simir Bonjour,  etc.,  produisent  des  œuvres  estimables,  sen- 
sées et  vives.  Mais,  en  somme,  rien  de  neuf  dans  ce  théâtre 
non  plus  que  dans  la  poésie.  La  forme  et  le  fond  sont  de 
l'autre  siècle.  Le  mouvement  de  rénovation  partira  d'ailleurs. 


C'est  dans  la  prose  qu'il  faut  chercher  l'originalité  de 
cette  période.  Toute  l'œuvre  des  encyclopédistes  est  à  terre. 
Pour  M.  de  Bonald,  en  qui  l'on  peut  voir  le  principal  re- 
présentant de  l'école  théocratique,  l'institution  de  la  société 
est  d'origine  divine  ;  le  roi  est  maître  absolu  sur  ses  sujets 
comme  Dieu  sur  le  monde  ;  l'homme  n'a  pas  de  droits, 
mais  des  devoirs.  Joseph  de  Maistre,  autrement  logique  et 
hardi,  bâtit  sa  société  sur  l'ultramontanisme  (le  Pape, 
1819).  Dans  le  domaine  des  idées  pures,  La  Romiguière, 
Maine  de  Biran,  surtout,  se  séparent  des  derniers  condil- 
laciens  représentés  par  Destutt  de  Tracy  et  acheminent  la 
philosophie  vers  l'éclectisme  spiritualiste  de  Victor  Cousin. 
Joubert  condense  cette  philosophie  en  petites  formules  dé- 
licates jusqu'à  la  préciosité.  Deux  grands  écrivains  domi- 
nent toute  cette  période  :  Chateaubriand  et  Mme  de  Staël. 
On  a  pu  dire  du  premier  qu'il  avait  ouvert,  au  début  du 
siècle,  toutes  les  grandes  avenues  de  la  pensée  contempo- 
raine. Le  Génie  du  Christianisme  (1802)  ne  marque  pas 
seulement  qu'un  retour  de  conscience  vers  une  religion 
tombée  dans  un  discrédit  singulier  pendant  la  Révolution  ; 
il  découvre,  fait  jaillir  la  source  où  ira  puiser  et  se  re- 
tremper l'inspiration  des  premiers  romantiques.  Avec  Atala 
(1801),  René  (1802),  les  Natchez  (1831),  et  en  même 
temps  que  Chateaubriand  développe  et  fortifie  en  nous  le 
sentiment  de  la  nature,  c'est  la  mélancolie,  l'exaltation 
passionnelle  et  maladive  d'une  âme  prise  entre  l'infini  de 
ses  rêves  et  son  impuissance  à  les  réaliser,  c'est  le  «  moi  », 
son  «  moi  »,  peut-on  dire,  qu'il  introduit  dans  la  littérature 
et  si  impérieusement  qu'il  en  aura  pétri  tout  le  lyrisme 
contemporain.  —  Mme  de  Staël  fut  surtout  une  intermé- 
diaire entre  l'étranger  et  nous.  Delphine  (1802)  et  Co- 
rinne (1807)  n'eurent  qu'une  influence  médiocre;  elle  y 
mit  son  cœur  peut-être,  mais  c'est  par  son  esprit  qu'elle 
eut  une  action.  Ses  livres  De  la  Littérature  (1802)  et  De 
V Allemagne  (1810),  en  nous  donnant  la  clef  des  chefs- 
d'œuvre  étrangers,  contribuèrent  à  leur  diffusion  au  dé- 
triment des  modèles  grecs  et  latins.  «  Les  poésies  d'après 
l'antique,  écrivait-elle,  sont  rarement  populaires  parce 
qu'elles  ne  tiennent  dans  le  temps  actuel  à  rien  de  national.  » 
C'est  elle  qui  prononça  la  première  chez  nous  le  mot  de 
romantique,  l'appliquant  à  cette  poésie  «  dont  les  chants 
des  troubadours  ont  été  l'origine,  celle  qui  est  née  de  la 
chevalerie  et  du  christianisme  »  et  dont  elle  appelait  la 
renaissance  de  tous  ses  vœux.  On  sait  assez  que  l'appel  fut 
entendu. 

Deuxième  période  (1820-1848).  -—André  Chénier,  dont 
les  œuvres  ne  furent  publiées  qu'en  1819,  n'eut  pas  une 
action  moins  sensible  que  les  deux  écrivains  précédents 
sur  la  nouvelle  école  poétique.  Ce  fut  une  révélation  que  ses 
vers.  Cette  grâce  délicate  de  style,  cette  aptitude  à  produire 
l'image  sensible,  plastique,  ces  alliances  de  mots  d'une  har- 
diesse heureuse,  la  facilité,  la  variété  de  cette  versification 
si  différente  des  coupes  monotones  de  la  versification  du 
xvme  siècle,  tout  frappa  dans  l'œuvre  du  jeune  poète  et 
porta  fruit  dans  celle  de  ses  imitateurs.  Chénier  pour  la 
forme,  Chateaubriand  et  Mme  de  Staël  pour  le  fond,  le 
romantisme  est  sorti  de  ces  trois  grands  modèles,  honorés 
bientôt  comme  des  «  précurseurs  ».  Voici  qu'éclatent,  en 
effet,  les  Méditations  de  Lamartine  (1820),  puis  les  Odes 
et  Ballades  de  V.  Hugo  (4  822-26)  et  une  transformation 
profonde  s'est  opérée  dans  la  poésie.  Comme  la  prose  avec 
Chateaubriand,  la  poésie  est  devenue  avant  tout  person- 
nelle, «  subjective  ».  C'est  dans  son  âme  que  Lamartine 
retrouve  «  les  trois  véritables  sources  d'inspiration  de  la 
poésie  :  Dieu,  la  nature,  l'humanité  ».  Pour  V.  Hugo  «  la 
poésie  est  tout  ce  qu'il  y  a  d'intime  en  nous  ».  Toutes  dé- 
finitions qui  reviennent  à  dire,  comme  Fa  fait  observer 
Nisard,  qu'il  n'y  a  plus  qu'un  genre  en  poésie,  sous  divers 
titres  particuliers  de  l'invention  du  poète,  et  généralement 
sous  la  forme  lyrique  comme  la  plus  près  du  chant.  Le 
poète  ne  consulte  plus  que  son  cœur,  sa  sensibilité  ;  il 
cherche  dans  la  nature  extérieure  un  écho  à  ses  joies  et  à 
ses  souffrances  ;  mais  il  s'introduit  moins  en  elle  qu'il  ne 


FRANCE 


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la  fait  passer  en  lui.  «  Un  paysage,  avait  déjà  dit  Ber- 
nardin de  Saint-Pierre,  est  le  fond  du  tableau  de  la  vie 
humaine.  »  Mais  c'est  dans  la  forme  surtout  que  le  roman- 
tisme, sinon  chez  Lamartine,  du  moins  chez  Hugo  et  son 
groupe,  renouvelle,  brise  avec  la  tradition  des  pseudo- 
classiques :  rimes  riches,  enjambements,  coupes  mobiles, 
mot  propre  substitué  à  la  périphrase,  droit  de  cité  accordé 
à  tous  les  termes,  à  cette  seule  condition  qu'ils  soient  pit- 
toresques, les  romantiques  se  posent  d'abord  en  révolu- 
tionnaires de  la  langue,  de  la  syntaxe  et  de  la  versification, 
et  cette  révolution  aussi  eut  ses  excès,  si  elle  eut  sa 
grandeur.  Lamartine,  seul,  ne  rompait  pas  absolument  avec 
la  tradition  ;  c'est  surtout  un  poète  et  à  qui  suffisait  l'ins- 
trument le  plus  simple.  Il  en  tirait  d'incomparables  sons. 
Nul  n'a  fait  entendre  des  accents  plus  doux,  d'une  harmonie 
plus  complète  et  plus  pénétrante.  Dans  les  Méditations 
(1820-1823),  les  Harmonies  poétiques  et  religieuses 
(1830),  Jocelyn  (1836),  la  Chute  d'un  ange  (1838),  sorte 
d'épopée  métaphysique,  etc.,  ce  sont  ses  joies,  ses  douleurs, 
ses  doutes,  ses  espérances,  c'est  lui  toujours  qu'il  chante 
en  rythmes  caressants  et  purs.  Il  enveloppe  l'idée  d'har- 
monie comme  d'une  gaze  qui  nous  en  dérobe  souvent  les 
contours  et  la  fait  voir  plus  belle  peut-être.  —  «  Tout  était 
chant  dans  Lamartine;  dans  V.  Hugo,  le  fondateur  du 
cénacle  (1827)  et  le  chef  du  romantisme,  tout  est  forme 
et  couleur.  IL  voit  tout  en  images  ;  et  c'est  ce  don  merveil- 
leux qui  fait  l'unité  de  son  œuvre  immense  (épopée,  ly- 
risme, drame,  satire),  aussi  vaste  que  ce  siècle  «  grand  et 
fort  »  et  le  reflétant  tout  entier.  »  Son  âme  «  mise  au 
centre  de  tout,  comme  un  écho  sonore  »,  prétend  n'être 
étrangère  à  aucun  sentiment  humain  :  il  n'est  aucune  joie, 
aucune  douleur  dont  il  n'ait  voulu  qu'elle  ne  s'aflectât  ;  il  a 
connu  de  nom  la  pitié,  l'amour,  l'enthousiasme,  la  ferveur 
pour  le  bien,  la  haine  du  mal.  Il  a  été  la  «  cymbale  »  reten- 
tissante dont  a  parlé  Ernest  Renan. —  Alfred  de  Musset  s'est 
fait  une  place  à  côté  de  ces  grands  génies  par  des  qualités 
assez  différentes.  Sainte-Beuve  a  bien  montré  que  son 
succès  est  venu  d'avoir  introduit  en  les  mêlant  l'esprit  et 
l'émotion  dans  la  poésie.  Les  classiques  avaient  pour  lui 
une  secrète  préférence,  sans  doute  parce  qu'il  est  moins 
artiste  que  Hugo  et  plus  raisonnable  de  parti  pris.  Il  procède, 
a-t-on  dit,  de  Marot,  de  La  Fontaine,  et  même  de  Boileau. 
Juste  mesure,  simplicité,  exquise  sobriété  de  langage,  là 
où  il  est  bon,  ce  sont  ses  qualités  et  ce  sont  aussi  les 
qualités  classiques,  mais  il  tient  des  romantiques  la  richesse 
et  l'éclat,  l'attitude  byronienne,  le  persiflage,  etc.  Il  fut  plus 
de  son  temps  qu'il  ne  le  voulut  dire  et  il  le  fut  quelquefois 
par  les  mauvais  côtés.  Seulement,  nul  n'a  trouvé  de  cris 
plus  passionnés,  plus  déchirants  et  plus  sincères,  et  c'est 
par  où  il  fut  grand  autant  que  quiconque.  —  Plus  réservé, 
plus  digne,  plus  profond,  et  le  seul  vraiment  philosophe  de 
tout  le  groupe  peut-être,  A.  de  Vigny  se  rattache  aussi  à 
l'école  romantique  par  la  personnalité  de  son  inspiration. 
Moïse,  la  Mort  du  Loup,  les  Destinées  comptent  parmi  les 
plus  belles  œuvres  et  les  plus  caractéristiques  des  poètes  de  ce 
temps  ;  génie  inégal  sans  doute,  plein  d'incorrections,  mais 
qui  étincelle  aussi  «  de  sublimes  beautés  »,  sa  vie  com- 
plète son  œuvre  et  explique  ce  qu'elle  a  de  noble,  de  réservé 
et  de  triste.  —  Tandis  qu'A,  de  Vigny  s'isolait  dans  sa 
mélancolie,  «  d'autres  poètes  moins  grands  et  moins  purs 
que  lui  se  lançaient  avec  une  intrépidité  bruyante  dans  la 
mêlée,  derrière  le  drapeau  romantique  ».  Rappelons  les 
noms  de  Sainte-Beuve,  d'Emile  et  d'Antony  Deschamps, 
d'Arvers,  de  Gérard  de  Nerval,  d'Aloysius  Bertrand,  du 
comte  de  Grammont,  etc.  Th.  Gautier,  le  coloriste  de 
l'école  romantique  et  le  lieutenant  du  deuxième  cénacle, 
se  rattache  surtout  dans  ses  premières  œuvres  au  V.  Hugo 
des  Ballades  et  de  Notre-Dame  de  Paris.  —  Tous  ces 
poètes  furent  des  lyriques,  et  quand  ils  abordèrent  d'autres 
genres,  ce  fut  en  les  modifiant  et  en  les  soumettant  aux 
conditions  mêmes  du  lyrisme  ;  ainsi  dans  l'épopée  la  Chute 
d'un  ange,  Eloa,  les  Bretons,  la  Légende  des  siècles, 
la  Fin  de  Satan,  Dieu,  etc.;  ainsi  la  satire  avec  Aug. 


Barbier,  l'auteur  des  ïambes  (1830);  l'élégie  et  l'idylle 
avec  Hégésippe  Moreau,  Mme  Desbordes- Valmore,  Brizeux, 
l'auteur  de  Marie  (1831);  la  chanson  même,  classique 
encore  avec  Béranger,  qui  «  l'élève  à  la  hauteur  d'un  genre 
littéraire  »,  romantique  plus  tard  avec  Pierre  Dupont. 

Mais  ce  fut  au  théâtre  que  se  livra  la  vraie  bataille  ro- 
mantique. Dès  la  fin  du  xvme  siècle,  quand,  par  une  loi 
commune  à  tous  les  genres  littéraires,  la  tragédie  commença 
de  vieillir,  on  s'était  mis  à  chercher  une  formule  nouvelle. 
Ce  travail  se  poursuivait  comme  celui  d'où  était  sortie  la 
tragédie  lorsque  Victor  Hugo  mit  brusquement  la  main  sur 
le  drame  en  voie  de  formation  et  lui  imposa  une  formule 
hâtive,  militante  surtout.  Il  fallait  faire  autre  chose  que  la 
tragédie  ;  il  voulut  faire  le  contraire  et  ne  put  que  sub- 
stituer à  des  conventions,  très  légitimes  en  leur  temps, 
d'autres  conventions  beaucoup  moins  acceptables.  Cela  ne 
l'empêcha  point  d'écrire  d'admirables  chefs-d'œuvre,  plus 
lyriques,  à  vrai  dire,  que  dramatiques,  mais  cela  explique 
l'échec  indéniable  du  romantisme  au  théâtre.  Le  théâtre 
romantique  apparaît  nettement,  en  effet,  et  dès  l'origine, 
comme  un  théâtre  d'opposition.  Pour  doctrines,  juste  les 
doctrines  opposées  à  celles  des  classiques.  La  préface  de 
Cromwell  les  exposait  en  1827,  le  Henri  III  d'A.  Dumas 
les  appliquait  sur  la  scène  en  1829,  et  le  Hernani  de 
Victor  Hugo  remportait  l'année  suivante  en  leur  faveur 
une  éclatante  victoire.  Désormais  le  théâtre  classique,  avec 
son  unité  de  temps,  l'unité  de  lieu,  l'abus  des  confidents, 
l'absence  d'action  scénique,  est  battu  en  brèche  sur  tous 
les  points.  Il  avait  séparé,  dans  l'intérêt  de  l'unité  d'ex- 
pression, le  tragique  et  le  comique,  qui  sont  mêlés  dans  la 
vie  réelle,  et  il  avait  montré  un  dédain  superbe  pour  les 
petits  détails  qui  servent  à  la  couleur  locale.  Le  drame 
romantique  prétend  suivre  une  vérité  plus  large  et  repro- 
duire une  image  plus  complète  de  la  vie  humaine.  Il  la 
présentera  avec  son  mélange  de  sublime  et  de  grotesque  ; 
au  lieu  d'étudier  une  crise  morale,  il  mettra  en  scène  des 
événements  variés  (c'est  l'opposé  de  ce  qu'avait  fait  Cor- 
neille en  imitant  Guillen  de  Castro)  ;  il  attachera  la  plus 
grande  importance  aux  décors,  à  la  mise  en  scène,  à  la 
couleur  locale,  dont  il  cherchera  les  éléments  dans  l'his- 
toire; l'action,  au  lieu  d'être  empruntée  à  l'antiquité,  se  pas- 
sera dans  les  temps  modernes  ou  au  moyen  âge,  en  France 
ou  à  l'étranger.  La  forme  aussi  sera  changée.  On  emploiera 
indifféremment  la  prose  ou  le  vers,  et,  si  on  emploie  le 
vers,  il  sera  plus  animé  que  le  vers  classique,  plus  souple 
et  plus  apte  à  reproduire  avec  vérité  les  détours  de  la  con- 
versation. Telle  fut  la  poétique  des  drames  de  Hugo,  de 
Dumas,  d'A.  de  Vigny  et  de  leurs  imitateurs,  et  l'influence 
de  cette  poétique  fut  assez  grande  pour  gagner  des  poètes 
qui,  pomme  C.  Delavigne,  n'acceptaient  pas  d'abord  les 
principes  de  la  nouvelle  école.  Toutefois,  les  excès  du  ro- 
mantisme provoquèrent  une  réaction  rapide.  Les  Burgraves 
tombèrent.  On  courut  applaudir  Rachel  interprétant  les 
tragédies  de  Corneille  et  Racine,  Ponsard  renouant  avec  le 
xviie  siècle  par  sa  Lucrèce  (1843)  sans  qu'on  se  doutât, 
pour  cette  dernière  pièce  et  suivant  l'expression  de  Sainte- 
Beuve,  «  qu'entre  Corneille  et  Racine  d'une  part,  et  Lucrèce 
de  l'autre,  il  y  avait  debout,  de  toute  sa  hauteur,  André 
Chénier  ». 

Le  romantisme  vécut  du  drame  exclusivement.  Nous  ne 
trouvons  dans  la  comédie  aucun  des  grands  noms  de  cette 
époque.  Il  faut  seulement  citer  Ponsard  avec  le  Lion  amou- 
reux et  V Honneur  et  l'argent,  comédies  bien  faites,  mais 
où  l'abstraction  domine  un  peu  trop.  Scribe  excella  sur- 
tout dans  le  vaudeville  ;  il  en  fit  un  genre  des  plus  variés, 
touchant  à  la  farce  et  à  la  comédie  de  mœurs.  Son  Solli- 
citeur (1817)  est  le  chef-d'œuvre  du  genre. 

Si  l'on  arrive  à  la  prose,  on  voit  que  le  mouvement  de 
renaissance  n'y  a  pas  été  moins  fécond  qu'en  poésie.  La 
littérature  politique  reparaît,  après  l'Empire,  sous  la  forme 
du  pamphlet.  P.-L.  Courier,  avec  sa  plaisanterie  fine  et 
acérée,  son  style  mordant  sous  une  apparente  bonhomie, 
donne  dans  le  Pamphlet  des  pamphlets  un  des  modèles 


-  1087 


FRANCE 


de  ce  genre  si  français.  Cormenin,  sous  le  pseudonyme 
de  Timon,  joint  souvent  l'injure  à  la  malice,  mais  il  parle 
avec  précision  la  langue  des  aflaires  et  crée  le  «  pamphlet 
administratif  ».  —  C'est  une  des  conquêtes  de  la  Révo- 
lution d'avoir  donné  la  liberté  à  la  parole  comme  à  la 
plume.  L'éloquence  politique,  longtemps  silencieuse,  re- 
trouve l'éclat  des  anciens  jours.  Sans  doute,  c'en  est  fait 
de  la  dialectique  puissante  d'un  Mirabeau,  ou  des  éclats  de 
passion  d'un  Danton,  mais  la  parole  gagnera  en  précision 
ce  qu'elle  perdra  en  véhémence.  Développer  les  lieux  com- 
muns de  la  politique;  préciser  les  grandes  idées  qui,  dans  les 
troubles  révolutionnaires,  avaient  été  exposées  dans  un  lan- 
gage plus  enflammé  que  rigoureux  ;  formuler  les  théories  de 
la  monarchie  constitutionnelle,  telle  fut  l'œuvre  de  Royer- 
Collard,  de  Benjamin  Constant,  du  général  Foy  et  des 
autres  orateurs  du  règne  de  Charles  X.  Sous  Louis-Philippe, 
ces  lieux  communs  sont  délaissés  par  de  nouveaux  orateurs 
qui,  dans  l'étude  des  affaires  et  des  questions  à  l'ordre  du 
jour,  brillent  par  les  qualités  les  plus  diverses  :  Guizot, 
par  la  hautaine  assurance  de  sa  parole  expérimentée,  Dupin 
aîné  par  sa  verve  railleuse,  Casimir  Perier  par  la  chaleur 
de  ses  apostrophes,  Lamartine  par  la  couleur  et  l'émotion 
entraînante  de  sa  langue  harmonieuse,  Berryer  par  son 
action  oratoire  qui  rappelle  à  ses  auditeurs  les  plus  beaux 
mouvements  de  l'éloquence  antique.  Jamais  talents  plus 
variés  n'ont  honoré  la  tribune.  En  même  temps,  l'éloquence 
religieuse,  morte  depuis  Massillon,  renaît  et  retrouve  sa 
grandeur  avec  Lacordaire,  moins  profondément  distante 
qu'autrefois  de  l'éloquence  profane.  Pendant  que  Monta- 
lembert  défendait  le  catholicisme  à  la  tribune,  l'illustre 
dominicain  entraînait  la  foule  à  ses  conférences,  mêlait  à 
l'enseignement  du  dogme  et  de  la  morale  l'étude  des  ques- 
tions politiques  et  sociales  qui  passionnaient  les  esprits,  et 
faisait  revivre  avec  des  accents  modernes  l'oraison  funèbre 
abandonnée.  A  leur  tour,  les  théoriciens  religieux  étudient 
la  religion  dans  ses  rapports  avec  la  société.  Lamennais, 
après  s'être  institué  le  défenseur  en  titre  de  l'Eglise,  rom- 
pait brusquement  avec  elle,  et  publiait  une  ardente  profes- 
sion de  foi  démocratique  dans  ses  Paroles  d'un  croyant 
(4834).  Est-ce  quitter  enfin  l'éloquence  que  de  citer  ici 
V.  Cousin  qui,  dans  le  domaine  de  la  philosophie,  continue 
l'œuvre  de  réaction  contre  les  tendances  matérialistes  du 
xvme  siècle  ?  Son  éclectisme  ne  lui  a  pas  survécu,  mais, 
comme  Royer-Collard  son  maître  et  Jouffroy  son  disciple, 
il  a  fait  passer  chez  nous  un  peu  de  la  philosophie  écos- 
saise et  de  la  philosophie  allemande,  et  dans  son  livre  Du 
Vrai,  du  Beau,  du  Bien,  enseigné  avec  chaleur  les  hautes 
idées  de  la  philosophie  morale.  Par  les  qualités  d'un  style 
brillant  et  ferme  à  la  fois,  ami  de  la  période,  il  est  le 
maître  des  orateurs  philosophiques.  En  dehors  de  cette 
philosophie  officielle,  Edgar  Quinet  expose,  dans  le  Génie 
des  Religions  (4842),  son  vaste  programme  révolution- 
naire ;  mais  surtout  Aug.  Comte,  magistralement  inter- 
prété par  Littré,  devait  avoir  sur  l'avenir  une  influence 
considérable.  Rejetant  les  hypothèses  métaphysiques ,  par- 
tant de  ce  principe  que  l'homme  ne  peut  arriver  à  la  con- 
naissance de  la  vérité  que  par  l'étude  des  faits  positifs,  sans 
y  mêler  la  recherche  des  causes  finales,  il  fonde  la  philoso- 
phie dite  positive,  moins  séduisante  sans  doute,  mais  plus 
scientifique  que  celle  de  Cousin  et  d'où  est  sortie  en  grande 
partie  la  philosophie  contemporaine . 

Cette  précision  rigoureuse  dans  l'étude  et  l'interprétation 
des  faits  renouvelle  en  même  temps  l'histoire  qui,  aidée 
d'une  critique  scrupuleuse,  nous  restitue  le  passé  avec  sa 
vraie  physionomie.  Des  historiens  de  cette  époque,  les  uns 
interprètent  les  faits  minutieusement  étudiés  et  y  recher- 
chent l'enchaînement  des  effets  et  des  causes:  c'est  l'école 
philosophique.  Les  autres  s'attachent  à  la  vérité  du  récit 
et  à  la  couleur  locale  :  c'est  l'école  descriptive.  La  plupart 
enfin  joignent  l'interprétation  philosophique  des  faits  à  la 
vérité  des  peintures.  Guizot,  le  chef  de  l'école  philoso- 
phique, plus  attaché  à  expliquer  qu'à  raconter  ou  à  peindre, 
présente  l'histoire  du  passé  sous  une  forme  didactique,  et 


dans  ses  écrits  même  (Révolution  d'Angleterre,  4827  ; 
Civilisation  en  Europe  et  en  France,  4845,  etc.),  reste 
un  homme  d'Etat  aux  yeux  de  qui  l'histoire  est  un  ensei- 
gnement pour  l'avenir.  La  Démocratie  en  Amérique, 
de  Tocqueville,  et  Y  Histoire,  de  la  Révolution  française, 
de  Mignet,  sont  des  livres  inspirés  par  la  même  méthode. 
Au  lieu  de  dégager  des  idées,   l'école  descriptive,  dont 
le  plus  pur  représentant  est  Barante,  raconte  sans  conclure. 
Si  l'autre  méthode  est  froide,    celle-ci  est   incomplète. 
Aussi  nos  historiens  ont-ils  de  préférence  suivi  à  la  fois 
les  deux  méthodes.  Aug.  Thierry,  dans  ses  Récits  des 
temps  mérovingiens  (4840),  allie  avec  un  rare  bonheur 
le  pittoresque  à  l'exacte  appréciation  des  faits,  habile  à 
exprimer  ses  réflexions  personnelles  sans  interrompre  le 
récit.  Thiers,  dans  son  Histoire  du  Consulat  et  de  l'Em- 
pire (4845-4862),  donne  un  modèle  d'information  précise, 
d'exposition  lumineuse.  Mais  de  tous  les  historiens  de  ce 
temps,  le  plus  hardi,  le  plus  brillant,  le  plus  grand  peut- 
être,  et  en  tous  cas  le  plus  émouvant,  est  Michelet  qui  fait 
de  l'histoire  une  véritable  «  résurrection  »  :  on  peut  lui 
reprocher  des  excès,  une  imprudence  généreuse  ;  soit  !  nul 
n'a  su  comme  lui  faire  palpiter  la  vie  dans  les  événements 
racontés.  —  C'est  encore  l'histoire  appliquée  à  la  littérature 
qui  a  produit  la  critique  littéraire  de  notre  siècle.  Pour 
comprendre  les  livres,  on  les  replace  dans  le  milieu  où  ils 
ont  paru.  Déjà  Villemain  (Littérature  du  xvme  siècle, 
4828)  ajoute  à  l'appréciation  des  beautés  et  des  défauts 
des  aperçus  variés  sur  les  caractères  des  écrivains  et  sur 
les  mœurs  de  leur  temps,  et  fait  de  ses  cours  de  véritables 
modèles  de  critique  littéraire  orale.  Dans  des  cours  paral- 
lèles, pleins  d'érudition  et  de  finesse  (La  Fontaine  et  les 
Fabulistes,  Littérature  dramatique,  etc.),  Saint-Marc 
Girardin  se  plaît  à  étudier  le  cœur  humain  au  théâtre  et 
dans  les  œuvres  des  poètes  et  des  romanciers.  En  même 
temps,  Sainte-Beuve,  le  plus  fécond  et  le  plus  vigoureux 
de  ces  esprits,  crée  dans  ses  Lundis  une  critique  littéraire 
tout  à  fait  personnelle  et  nouvelle,  mêlant  la  biographie  et 
la  critique  pour  reconstituer  les  talents  les  plus  divers  et 
les  expliquer  par  eux-mêmes.  La  critique  ainsi  entendue  est 
une  œuvre  de  science  en  même  temps  qu'une  œuvre  d'art. 
Toutefois,  la  critique  purement  dogmatique  n'était  pas  morte  : 
Nisard,  dans  son  Histoire  de  la  littérature  française,  juge 
les  œuvres  sur  un  idéal  préconçu  de  raison  et  de  sobriété. 
Par  plus  de  liberté  dans  les  appréciations,  la  critique  ar- 
tistique aussi  est  rajeunie  (Th.  Gautier,  Delacroix,  A.  de 
Musset,  etc.);  les  études  que  l'on  a  faites  des  temps  passés 
permettent  de  juger  avec  plus  de  justesse  et  de  largeur 
d'esprit  les  diverses  manières  contemporaines  ;  le  sens  de 
la  couleur  se  développe.  Peut-être  Diderot,  au  siècle  der- 
nier, pour  excellent  qu'il  soit,  était-il  trop  préoccupé  de 
l'idée  dans  ses  Salons  ;  peut-être  le  dessin  et  la  couleur 
arrêtent-ils  trop  la  critique  nouvelle. 

Dans  le  roman,  l'activité  de  la  nouvelle  école  se  mani- 
feste par  les  œuvres  les  plus  variées.  A.  de  Vigny  fonde 
avec  Cinq-Mars  (4826)  et  Stello  (4 835)  le  roman  histo- 
rique. Victor  Hugo  accumule  les  épopées  en  prose  :  Han 
d'Islande  (4823),  Notre-Dame  de  Paris  (4834),  les 
Misérables,  etc.;  Lamartine,  A.  de  Musset,  Th.  Gautier, 
Sainte-Beuve,  etc.,  font  alterner  la  nouvelle,  le  conte,  le 
roman  d'aventure  et  l'autobiographie  romanesque;  enfin, 
Alexandre  Dumas  et  Eugène  Sue  créent  le  roman-feuille- 
ton. Mais  les  vrais  maîtres  du  roman  restent  encore  Balzac 
et  George  Sand.  L'auteur  de  la  Comédie  humaine,  avec 
son  réalisme  pénétrant ,  son  analyse  minutieuse  et  sûre, 
garde  «  cette  gloire  singulière  d'avoir  complètement  renou- 
velé la  matière  du  roman  comme  l'avait  fait  Le  Sage  cent 
ans  auparavant,  d'avoir  été,  après  Molière,  le  plus  grand 
«  contemplateur  »  qui  ait  paru  dans  les  lettres  françaises, 
et  d'avoir  laissé  en  somme  quelque  chose  de  lui  dans  tous 
les  romans  qui  se  sont  écrits  depuis  cinquante  ans,  dans 
ceux  de  ses  adversaires,  comme  dans  ceux  de  ses  disciples  » 
(Morillot).  George  Sand  est,  au  contraire  de  Balzac,  une 
pure  idéaliste  ;  son  œuvre  est  très  considérable  et  exclusi- 


FRANCE 


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vement  romanesque.  «  Chez  George  Sand,  a-t-on  dit, 
tout  est  roman  et  pur  roman;  il  n'est  pas  jusqu'à  ses 
défauts  (l'abondance  un  peu  fluide  et  prolixe)  qui  ne  sem- 
blent presque  inhérents  au  genre  lui-même.  Tout  ce  qu'il 
y  a  de  tendre,  de  poétique,  d'attachant,  de  décevant  aussi 
et  de  frivole  dans  le  roman  français,  devait,  vers  le  milieu 
du  siècle,  s'incarner  dans  un  auteur  et  il  fallait  que  cet 
auteur  fût  une  femme.  »  Idéalisme  et  réalisme  se  partagent 
dès  lors  le  roman  contemporain.  Mais,  en  cherchant  les 
nuances,  ne  peut-on  pas  dire  que  l'égoïste  mélancolie  de 
Y  Adolphe  de  Benjamin  Constant,  la  sèche  amertume  de 
Stendhal,  l'indifférence  ironique  de  Mérimée,  d'ailleurs  si 
délicat  et  si  purement  artiste  dans  Colomba  (1840)  et 
dans  ses  nouvelles,  n'aient  pas  séduit  et  inspiré,  presque 
autant  que  George  Sand  et  Balzac,  tout  ou  partie  des 
meilleurs  écrivains  qui  ont  suivi  ? 

Troisième  période  (1848-1893). —  Cette  dernière  pé- 
riode est  trop  voisine  de  nous,  les  œuvres  et  les  hommes 
sont  encore  trop  mal  dégagés  de  la  discussion,  pour  que 
nous  songions  à  faire  davantage  qu'à  en  présenter  une 
sorte  de  tableau  synoptique  aussi  exact  et  fidèle  que  pos- 
sible. 

En  poésie,  V.  Hugo  continue  à  étonner  le  monde  par  sa 
prodigieuse  imagination  ;  mais  des  écoles  nouvelles  sur- 
gissent à  l'ombre  de  son  grand  nom,  dont  la  plus  célèbre 
fut  incontestablement  l'école  parnassienne.  Entre  cette  école 
et  l'école  romantique,  se  placent  quelques  poètes  d'un  ta- 
lent considérable  dont  l'œuvre,  inachevée  encore  pour  l'un 
d'eux,  eut  une  action  déterminante  sur  le  mouvement  poé- 
tique qui  suivit  :  Théophile  Gautier,  Théodore  de  Banville, 
Charles  Baudelaire  et  M.  Leconte  de  Lisle.  C'est  vers  186o 
que  prit  corps  l'école  parnassienne.  «  Vers  cette  époque,  dit 
M.  Bernardin,  rimaient  dans  Paris  un  certain  nombre  de 
jeunes  poètes,  groupés  les  uns  autour  de  M.  Leconte  de  Lisle, 
comme  MM.  Sully-Prudhomme,  José-Maria  de  Hérédia, 
Armand  Silvestre  et  Léon  Dierx,  les  autres  autour  deM.  Ca- 
tulle Mendès,  qui  ouvrait  sa  Revue  fantaisiste  aux  vers  de 
MM.  François  Coppée,  Albert  Glatigny,  Villiers  de  l'Isle- 
Adam,  Mérat  et  Valade.  Le  libraire  Lemerre,  qui  venait 
de  devenir  l'éditeur  du  journal  l'Art,  rédigé  par  un  autre 
poète,  M.  Louis-Xavier  de  Ricard,  entra  en  relation  avec 
eux  et  finit  par  leur  conseiller  de  tranformer  F  Art  en  un 
de  ces  recueils  poétiques  comme  il  en  existait  au  xvie  siècle, 
paraissant  par  fascicules  et  pouvant  plus  tard  former  un 
volume.  L'idée  fut  adoptée,  et,  par  une  sorte  de  défi,  on 
voulut  mettre  en  tète  de  ce  recueil  le  mot  de  Parnasse, 
auquel  la  poésie  du  xvme  siècle  et  de  l'Empire  avait  atta- 
ché quelque  ridicule.  »  C'est  ainsi  que  se  forma  l'école 
connue  sous  le  nom  de  Parnasse  contemporain,  à  la- 
quelle vinrent  bientôt  se  joindre  MM.  Stéphane  Mallarmé, 
Verlaine,  Lafenestre,  d'Hervilly,  André  Theuriet,  etc. 
Ecole  de  style  surtout,  soucieuse  avant  tout  du  rythme  et 
de  la  beauté  plastique,  le  Parnasse  vit  peu  à  peu  se  dis- 
perser et  reprendre  leur  liberté  les  talents  les  plus  origi- 
naux qui  s'étaient  momentanément  groupés  autour  de  son 
programme,  entre  autres  MM.  Sully-Prudhomme,  François 
Coppée,  Stéphane  Mallarmé  et  Paul  Verlaine.  L'évolution 
de  ces  deux  derniers  poètes  eut  un  retentissement  parti- 
culier et  agit  avec  force  sur  la  direction  du  tout  récent 
mouvement  poétique  auquel  on  a  vu  prendre  successivement 
les  titres  de  décadent,  de  déliquescent,  de  symboliste  et 
de  roman.  Un  peu  à  l'écart  de  ces  différents  groupes,  et 
sans  s'abstraire  entièrement  des  préoccupations  courantes, 
nous  devons  citer  pour  terminer  les  noms  de  quelques 
poètes  indépendants,  tels  que  Victor  de  Laprade,  Joseph 
Autran,  Mme  Ackermann,  Soulary,  MM.  Eugène  Manuel, 
Cazalis,  France,  Richepin,  Paul  Bourget,  Gabriel  Vicaire, 
Maurice  Bouchor,  Rollinat,  Jean  Aicard,  Ed.  Harau- 
court,  etc.,  qui  ont  marqué  leur  place,  en  des  genres  très 
différents,  dans  la  poésie  contemporaine. 

Au  théâtre,  c'est  la  peinture  fidèle  de  la  vie  contempo- 
raine qui  triomphe.  Dans  le  drame  héroïque,  quelques  ten- 
tatives isolées:  Formosa,  d'Auguste  Vacquerie;  la  Fille 


de  Roland,  deM.  de  Bornier  ;  Severo  Torelli,  deM.  Coppée  ; 
Par  le  Glaive,  de  M.  Richepin,  obtiennent  un  certain 
succès.  Le  drame  populaire  ou  mélodrame  s'incarne  pen- 
dant un  demi-siècle  en  M.  d'Ennery  et  ne  laisse  pas  que 
d'être  encore  en  faveur.  Mais  la  véritable  originalité  du 
théâtre  contemporain  n'est  pas  là  ;  il  la  faut  chercher 
dans  la  comédie  de  mœurs.  En  1849,  paraît  Gabrielle, 
comédie  en  vers  d'Emile  Augier.  L'auteur  s'aperçut  assez 
vite  que  la  forme  du  vers  ne  convenait  pas  à  l'expression 
des  détails  les  plus  familiers  de  la  conversation  courante, 
et  c'est  en  prose  qu'il  écrivit  la  plupart  de  ses  autres 
pièces,  entre  autres  son  chef-d'œuvre,  le  Gendre  de 
M.  Poirier  (1854).  La  comédie  de  mœurs  contemporaine 
était  trouvée.  E.  Augier  y  donnera  de  saines  leçons  de 
morale;  M.  Dumas  fils  y  fera  accepter  par  sa  logique  virile 
des  thèses  hardies  et  généreuses.  Après  eux,  citons  au 
hasard  MM.  Gondinet,  Sardou,  Meilhac,  Halévy,  Pailleron, 
Becque,  Jules  Lemaître,  et  dans  l'école  nouvelle,  ennemie 
déclarée  des  moindres  conventions  théâtrales,  MM.  de  Curel, 
Jean  Jullien,  Ancey,  Boniface,  de  Porto-Riche,  Pierre  Wolff, 
Brieux,  etc.  Parallèlement  à  la  comédie  de  mœurs,  le  vau- 
deville à  quiproquos  trouvait  en  Eugène  Labiche  le  plus 
amusant  et  le  plus  fécond  de  ses  représentants. 

L'éloquence  religieuse  nous  offre  dans  cette  période  les 
noms  de  Dupanloup,  du  P.  Hyacinthe,  du  P.  Didon  et  du 
P.  Monsabré  ;  l'éloquence  politique  ceux  de  Thiers,. d'Emile 
Olivier,  de  Dufaure,  de  Jules  Favre,  de  Gambetta,  d'A. 
de  Mun,  etc.  Dans  la  presse  et  sans  distinctions  de  partis 
on  peut  cher  au  premier  rang  :  Emile  de  Girardin,  S.  de 
Sacy,  Cuvillier-Fleury,  Prévost-Paradol,  Edmond  About, 
John  Lemoine,  Raoul  Frary,  MM.  Ed.  Hervé,  F.  Sarcey, 
H.  Fouquier,  etc.  Le  pamphlet  politique  et  religieux  se 
transforme  à  son  tour  avec  Louis  Veuiilot  et  Henri  Roche- 
fort. 

En  philosophie,  deux  écrivains  ont  surtout  puissamment 
agi  sur  la  direction  des  idées  contemporaines  :  Renan 
et  Taine.  «  Tout  ce  qui  tend  à  circonscrire  les  choses 
d'une  manière  trop  rigoureuse,  a  dit  du  premier  M.  Paul 
Janet,  lui  paraît  faux.  A  ce  titre,  le  matérialisme  doit  lui 
être  une  doctrine  fausse  ;  la  prétendue  clarté  de  ce  système 
est  précisément  ce  qui  lui  en  répugne  ;  il  n'y  a  de  vrai  que 
l'incertain  et  l'obscur.  Parla,  M.  Renan  est  conduit  à  recon- 
naître l'existence  d'un  je  ne  sais  quoi  dans,  la  nature  et 
dans  l'homme.  »  Tout  systématique,  au  contraire,  nous 
apparaît  Taine.  «  Pour  lui ,  dit  encore  M.  Janet,  tout 
ce  qui  n'est  pas  phénomène  perçu  par  les  sens  ou  notion 
abstraite  exprimée  par  des  mots  n'est  rien.  »  La  connais- 
sance, à  ses  yeux,  se  ramène  à  l'expérience  et  à  l'abstrac- 
tion. Entre  ces  deux  grands  maîtres  de  la  pensée  contem- 
poraine, il  serait  cependant  injuste  de  ne  pas  rappeler  les 
noms  de  MM.  Ravaisson,  Lachelier,  Renouvier,  Vacherot, 
Ribot,  Janet,  Fouillée,  Boutroux,  etc.  L'histoire  revendique 
comme  siens  Fustel  de  Coulanges,  Taine,  le  duc  d'Aumale, 
le  duc  de  Broglie,  MM.  Soreî,  Thureau-Dangin,  Lavisse, 
Chuquet:  la  critique  littéraire  et  la  critique  d'art,  Paul 
de  Saint- Victor,  Schérer,  Charles  Blanc,  Prévost-Paradol, 
Jules  Tellier,  MM.  Jules  Lemaître,  Anatole  France,  Fer- 
dinand Brunetière,  Emile  Faguet,  Desjardins,  David-Sau- 
vageot ,  Maurras ,  Taine ,  Mantz ,  Lafenestre ,  Gustave 
Geffroy,  etc.  ;  la  critique  universitaire  MM.  Boissier, 
Girard,  Martha,  Cartault,  Larroumet,  Gasté,  Doumic,  Ro- 
cheblave,  etc. 

Dans  le  roman,  enfin,  les  deux  grands  courants  d'idéa- 
lisme et  de  réalisme  que  nous  avons  signalés  dans  la 
précédente  période  se  poursuivent  parallèlement,  avec  des 
alternatives  de  vogue  et  de  défaveur  marquées.  Octave 
Feuillet,  Fromentin,  Edmond  About,  MM.  Victor  Cherbu- 
liez,  Gustave  Droz,  Ludovic  Halévy,  André  Theuriet, 
Anatole  France,  Paul  Bourget,  Maurice  Barrés,  Marcel 
Prévost,  etc.,  relèveraient  plutôt  de  l'idéalisme  ;  Champ- 
fleury,  les  frères  de  Concourt,  Gustave  Flaubert,  MM.  Emile 
Zola,  Daudet,  Hector  Malot,  Guy  de  Maupassant,  Paul 
Margueritte,  du  réalisme.  Que  de  nuances  cependant  entre 


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FRANCE 


ces  différents  écrivains  !  Et  que  le  symbolisme  de  V«n  est 
éloigné  du  psychologisme  de  l'autre,  autant  que  l'impres- 
sionnisme de  celui-ci  l'est  du  naturalisme  de  celui-là! 
Si  l'on  considère,  du  reste,  avec  quelque  attention,  le 
mouvement  général  de  ces  dernières  années,  il  apparaît 
que  dans  le  roman,  comme  en  poésie,  comme  au  théâtre, 
partout  le  spectacle  se  ressemble.  «  Il  y  a  encore  des  maî- 
tres, des  écoles,  des  systèmes,  dit  M.  Le  Goffic,  et  per- 
sonne pour  les  suivre.  Où  va-t-on  ?  On  s'interroge , 
on  cherche.  Quoi  ?  Nul  ne  sait  au  juste.  Idéalistes  et  réa- 
listes, prosateurs  et  poètes,  tous  vous  diront  que  les  an- 
ciennes formules  ont  fait  leur  temps  et  qu'on  n'en  veut 
plus.  Mais  cette  belle  entente  crève  en  fumée,  dès  qu'il 
s'agit  tk  déterminer  la  formule  nouvelle.  Et  les  préfaces 
succèdent  aux  manifestes,  les  théories  aux  poétiques.  C'est, 
jusqu'à  nouvel  ordre,  le  triomphe  de  l'individualisme,  — 
un  méchant  mot  sans  doute,  mais  le  seul  propre  à  carac- 
tériser cette  fin  de  siècle,  turbulente  et  confuse,  et  dont 
l'avenir  déconcerte  toute  précision.  »      Ch.  Le  Goffic. 

PHILOSOPHIE.  —  La  France  a  sa  part  et  une  part  glo- 
rieuse dans  l'évolution  de  la  philosophie.  Elle  aurait  fait 
assez  pour  la  philosophie,  disait  Hegel  à  Victor  Cousin,  en 
lui  donnant  Descartes.  Elle  lui  a  donné  plus  que  Descartes. 
Au  xie  siècle,  pendant  le  règne  de  la  scolastique,  il  n'est  pas 
de  nom  plus  illustre  que  celui  d'Abélard  dont  la  doctrine 
ne  rentre  dans  aucun  des  cadres  préexistants.  Le  nom  de 
conceptiialisme  (V.  ce  mot)  qui  la  désigne  ne  suffit  pas  à 
la  caractériser  sans  doute.  La  nécessité  où  l'on  est  de  s'en 
servir  montre  assez  à  quel  degré  d'indépendance  s'éleva 
l'enseignement  du  maître,  puisqu'il  combattit  avec  une  égale 
vigueur  les  réaux  et  les  nominaux.  Ceux  qui  ont  le  goût 
des  formules  diront  peut-être  d'Abélard  qu'il  fut  le  Des- 
cartes de  la  scolastique.  Et  il  n'y  aura  pas  à  se  récrier, 
puisqu'aussi  bien  le  rapprochement  de  ces  deux  noms  éveille 
une  idée  commune,  celle  d'une  pensée  entendant  ne  relever 
que  d'elle-même.  Ajoutez  qu'il  ne  faut  pas  non  plus  prendre 
trop  au  pied  de  la  lettre  ces  mots  à'ancilla  theologiœ 
dont  les  esprits  paresseux  abusent,  pour  se  dispenser  d'étu- 
dier de  près  ces  docteurs  profonds  et  subtils,  au  demeu- 
rant esprits  très  libres  et  que  l'obligation  de  rester  fidèles 
à  l'orthodoxie  religieuse  ne  détourna  point  de  suivre  chacun 
la  loi  de  son  génie  propre.  Si  c'est  là  un  trait  de  l'esprit 
français,  de  supporter  péniblement  le  joug  d'une  discipline 
intellectuelle  imposée  au  nom  d'une  autorité  infaillible,  ce 
trait  se  rencontre,  et  à  un  degré  très  éminent,  chez  plusieurs 
des  scolastiques  nés  en  France.  Celui  qui  porta  les  premiers 
coups  à  la  preuve  ontologique  de  l'existence  de  Dieu 
formulée  pour  la  première  fois  par  saint  Anselme  de 
Canterbury  fut  un  moine  de  Marmoutiers,  Gaunilon,  que 
l'on  a  surnommé  le  «  Kant  du  moyen  âge  ».  Tracer  en 
quelques  lignes  le  sommaire  d'une  histoire  de  la  scolastique 
en  France  n'avancerait  à  rien.  La  scolastique  fut  d'ailleurs, 
chez  nous  comme  chez  les  autres  peuples,  une  doctrine 
d'Eglise  et  non  une  doctrine  d'Etat.  La  scolastique  est  chré- 
tienne avant  d'être  française  ou  anglaise.  Et  ce  qui  le 
prouve  bien,  c'est  qu'à  la  Sorbonne,  dont  l'histoire  est  insé- 
parable de  celle  de  la  scolastique,  les  maîtres  qui  enseignent 
et  les  élèves  que  l'on  y  voit  étudier  y  viennent  de  tous  les 
pays  de  l'Europe.  Ni  Alexandre  de  Halès,  ni  saint  Bonaven- 
ture  dont  il  fut  le  maître,  ne  sont  Français.  La  Sorbonne 
compte  l'un  parmi  ses  professeurs,  l'autre  parmi  ses  étu- 
diants. Outre  la  Sorbonne,  il  y  eut  en  France  d'autres  cen- 
tres florissants  d'études.  L'école  de  Laon  eut  Abélard  et 
Guillaume  de  Champeaux  pour  élèves. 

On  sait  le  mot  de  Leibnitz  :  «  Il  y  a  de  l'or  dans  le  fu- 
mier de  la  scolastique.  »  Qu'un  philosophe  allemand  l'ait 
dit,  on  le  conçoit.  En  effet,  la  philosophie  allemande  mo- 
derne, en  dépit  de  laRéforme,  a  pu  se  développer  sansrompre 
ouvertement  avec  la  scolastique,  comme  chez  nous,  Descartes 
et  ses  précurseurs.  Et  c'est  mal  dire  «  en  dépit  de  la  Ré- 
forme ».  Car  l'un  des  résultats  de  la  Réforme  fut  de  per- 
mettre l'alliance  de  l'esprit  critique  et  de  la  foi  dans  les 
choses  mêmes  de  la  foi.  En  France,  même  au  xixe  siècle, 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —  XVII. 


les  monuments  de  la  critique  religieuse  sont  rares.  En  Alle- 
magne, cette  critique  commence  dès  la  Réforme  et  par  la  Ré- 
forme. La  philosophie  n'y  est  pas  l'adversaire  de  la  croyance 
aux  dogmes  du  christianisme.  Les  effets  de  la  Renaissance 
sur  le  mouvement  philosophique  furent  chez  nous  très  dif- 
férents. Ni  Montaigne  ni  Rabelais  n'osèrent  écrire  directe- 
ment contre  le  dogme.  On  doit  cependant  reconnaître  que  ce 
que  le  xvne  siècle  devait  appeler  le  libertinage  d'esprit 
fut  encouragé  par  l'attitude  de  ces  deux  maîtres  railleurs. 
Leur  catholicisme,  s'il  ne  l'est  pas  en  réalité,  du  moins  ne 
peut  manquer  de  paraître  un  catholicisme  tout  de  bien- 
séance. Bref,  ces  maîtres  ont  pensé  en  dehors  de  la  tra- 
dition et  contre  la  tradition.  Et  ils  auraient  d'autant  plus 
applaudi  à  la  tentative  de  Descartes  «  de  bâtir  sur  un 
fond  entièrement  à  soi  »  qu'ils  l'avaient  encouragée  par 
leur  propre  exemple.  Ainsi,  malgré  les  symptômes  de  pensée 
libre  et  hardie  qu'il  est  aisé  de  découvrir  chez  les  représen- 
tants français  de  la  scolastique,  nulle  part,  quand  même, 
plus  qu'en  France  l'esprit  de  la  philosophie  moderne  ne 
s'est  opposé  à  celui  de  la  scolastique.  On  sait  que  Gior- 
dano  Bruno  enseigna  en  France.  On  sait  encore  que  vers 
le  milieu  du  xvie  siècle  l'aristotélisme  avait  été  battu  en 
brèche  par  Ramus.  Il  n'y  a  donc  pas  à  s'ingénier  pour  trou- 
ver des  précurseurs  à  Descartes,  j'entends  des  philosophes 
animés  non  seulement  de  l'esprit  nouveau,  mais  encore 
animés  contre  l'esprit  ancien  au  point  de  rompre  ouverte- 
ment avec  toute  tradition.  Aussi  ceux  qui,  cherchant  à 
définir  l'esprit  français,  croiront  devoir  mettre  en  saillie  le 
goût  des  changements  brusques  et  l'impatience,  intermit- 
tente à  vrai  dire, mais,  quand  elle  s'éveille,  à  peu  près  irré- 
sistible, de  préparer  un  avenir  qui  ne  doive  rien  au  passé, 
ceux-là  penseront  assurément  que  l'un  des  plus  Français 
parmi  les  grands  maîtres  de  la  philosophie  fut  Descartes. 

On  serait  tenté  de  croire  qu'au  xvn°  siècle  le  carté- 
sianisme gouverna  la  pensée ,  qu'aucune  influence  ne 
réussit  à  contre-balancer  la  sienne.  Et  l'on  en  donnerait 
pour  preuves  la  métaphysique  de  Malebranche,  celles  de 
Bossuet  et  de  Fénelon,  au  besoin  celle  de  Leibnitz.  Que  Male- 
branche ait  été  cartésien,  soit  :  il  le  fut  expressément  sinon 
exclusivement.  Que  Leibnitz  l'ait  été,  la  chose  est  bien  autre- 
ment douteuse.  Ni  sur  Dieu,  ni  sur  l'âme,  ni  sur  la  matière, 
ni  sur  le  monde  Leibnitz  ne  pense  comme  Descartes.  Il  nie 
le  libre  arbitre  en  l'homme  et  en  Dieu.  Il  ramène  la  diffé- 
rence de  nature  à  la  différence  de  degré  ;  donc  il  supprime 
entre  les  genres  de  substances  toute  distinction  radicale. 
Enfin,  il  est  bien  près  d'être  évolutionniste. Descartes,  lui, 
croit  au  progrès  indéfini,  non  de  la  nature,  mais  de  l'homme  et 
de  la  science  humaine.  Leibnitz  n'est  donc  rien  moins  qu'un 
cartésien  allemand.  Ni  Bossuet  ni  Fénelon  n'appartiennent 
non  plus  à  l'histoire  du  cartésianisme  français.  D'abord, 
ils  luttèrent  contre  Malebranche  au  nom  des  intérêts  de  la 
foi  chrétienne.  Ensuite  les  analogies  qu'il  est  facile  d'aper- 
cevoir entre  les  idées  de  Bossuet  et  de  Fénelon,  d'une  part, 
et  celles  de  Descartes  de  l'autre,  sur  l'âme,  et  sur  Dieu  créa- 
teur de  l'âme,  ne  signifient  qu'une  chose  :  c'est  que  Des- 
cartes, en  métaphysique  religieuse,  était  resté  chrétien. 
Mais  le  christianisme  très  sincère,  croyons-nous,  de  Des- 
cartes n'empêcha  point  le  cartésianisme  de  passer  aux  yeux 
d'un  grand  nombre  pour  l'adversaire  du  christianisme. 
L'auteur  des  Pensées,  s'il  fut  cartésien,  ce  qui  ne  saurait 
être  objet  de  doute,  cessa  de  l'être  après  sa  «  conversion  ». 

C'est  qu'aussi  bien  on  se  méprend  peut-être  sur  ce  qui 
est  le  centre  de  la  philosophie  de  Descartes.  On  ne  songe 
qu'au  cogito  et  à  l'existence  de  Dieu  qui  en  résulte  à  la 
façon  d'un  corollaire  immédiat.  On  oublie  «  la  méthode  », 
l'apologie  de  l'évidence  et  d'une  évidence  produite  par  des 
idées  claires  et  distinctes.  On  oublie  la  mise  à  part  des  vé- 
rités de  la  foi.  On  oublie  les  thèses  sur  l'infinité  du  monde. 
On  oublie  «  la  chiquenaude  »  suffisant  à  produire  le  Cosmos 
et  le  légitime  èfîroi  de  Pascal  devant  cette  action  divine 
réduite  à  son  minimum.  Déplacez  le  centre  du  cartésia- 
nisme. Souvenez-vous  de  l'aveu  de  Descartes  lui-même, 
qui  n'aurait  donné  que  très  peu  d'heures  aux  spéculations 

69 


FRANCE 


—  1090  — 


métaphysiques.  Attachez-vous  uniquement  aux  Règles  pour 
la  direction  de  l'esprit,  aux  principes  de  la  physique, 
et  l'inquiétante  portée  de  la  révolution  cartésienne  vous 
apparaîtra.  Pourtant  Déscartes,  si  par  les  principes  de  sa 
méthode  il  parut  encourager  les  libertins,  entendit  les  dé- 
courager par  sa  doctrine.  La  philosophie  française  au 
xvne  siècle  n'est  donc  pas  représentée  uniquement  par  les 
cartésiens  et  les  anticartésiens.  Et  l'on  a  pu  justement 
former  un  troisième  groupe  des  libertins  ennemis  de  la  reli- 
gion, amis  de  la  nature  et  que  la  philosophie  de  Gassendi 
dut  satisfaire  bien  plus  encore  que  celle  de  Descartes.  Tou- 
tefois, si  l'on  a  raison  d'opposer  Descartes  à  Gassendi,  puis- 
qu'ils se  sont  consciemment  et  résolument  opposés  l'un  à 
l'autre,  on  doit  aussi  les  rapprocher  dans  un  commun  mé- 
pris de  «  l'autorité  d'Aristote  »  et  de  tout  ce  que  ce  mot 
représente. 

Quelle  fut  au  xvne  siècle  l'influence  de  la  philosophie 
française  en  Europe?  Descartes,  réfugié  en  Hollande,  y  eut 
ses  premiers  disciples,  dont  Giauberg  et  Geulincx.  Il  fournit 
à  Spinoza  sa  méthode  déductive  d'exposition,  sa  définition 
de  la  substance,  on  n'oserait  aller  jusqu'à  dire  :  sa  doctrine, 
car  si  le  panthéisme  est  en  germe  dans  la  métaphysique  de 
Descartes,  ce  germe,  Descartes  jamais  ne  l'aperçut.  Il  nous 
paraît  qu'on  n'a  peut-être  pas  assez  marqué  les  rapports 
de  Locke  avec  Descartes.  L'idéalisme  des  Méditations 
forme,  il  est  vrai,  un  singulier  contraste  avec  le  «  sensua- 
lisme »  de  Y  Essai  sur  l'entendement.  Toutefois,  qu'est-ce 
que  cette  méthode  qui  consiste  à  tout  expliquer  de  l'âme 
par  la  sensation,  si  ce  n'est  celle-là  même  qui,  dans  les 
Principes  de  la  philosophie,  s'efforçait  de  tout  expliquer 
du  monde  par  l'étendue  et  le  mouvement?  Locke  est  déci- 
dément un  vrai  cartésien,  un  cartésien  bien  plus  selon  la 
méthode  que  selon  la  doctrine.  Mais  est-ce  la  doctrine  de 
métaphysique  qui  est  le  centre  du  cartésianisme?  N'en  est-ce 
pas  plutôt  la  méthode? 

Que  si  nous  nous  demandons  ce  que  fut  la  philosophie 
française  au  xvme  siècle,  on  nous  priera  d'aller  chercher 
ses  origines  en  Angleterre.  Et  ce  sera  le  cas  de  nous  rap- 
peler ce  que  doit  à  Descartes  et  par  suite  à  la  France  la 
philosophie  anglaise  du  xvne  siècle.  En  outre,  et  bien  qu'il 
soit  malaisé  de  s'expliquer  Gondillac  sans  dériver  sa  psy- 
chologie de  celle  de  Locke,  on  ne  peut  méconnaître  à  quel 
point  cette  psychologie  se  conforme  à  la  tendance  dominante 
des  esprits.  Allez  de  Descartes  à  Condillac  en  traversant 
Bayle  et  Fontenelle,  vous  aurez  beau  reconnaître  chez  l'au- 
teur du  Traité  des  sensations  des  signes  non  équivoques 
d'influence  étrangère,  vous  ne  vous  sentirez  nullement  dé- 
paysé. A  le  bien  prendre,  si  «  la  chaîne  de  la  tradition  car- 
tésienne est  rompue  »  au  xvme  siècle,  le  cartésianisme  n'a 
pas  cessé  d'agir.  On  le  comprend  différemment  et  l'on  en 
dégage  ce  que  jusqu'alors  on  y  avait  laissé  enveloppé.  L'idée 
du  progrès  indéfini  ne  pouvait  s'imposer  aux  esprits  du 
siècle  de  Louis  XIV.  Elle  devait  faire  fortune  et,  si  l'on 
peut  ajouter,  faire  la  fortune  du  siècle  de  Voltaire.  Un  cri- 
tique contemporain,  M.  Brunetière,  dont  les  vues  nous  ont 
semblé  tellement  justes  et  fécondes  que  nous  n'hésitons  pas 
à  les  faire  nôtres,  a  soutenu  cette  apparence  de  paradoxe 
que  Descartes  avait  gouverné  les  esprits  au  xvme  siècle 
bien  plus  incontestablement  qu'au  xvne  siècle.  Cette  in- 
fluence de  Descartes  sur  Condillac  par  l'intermédiaire  de 
Locke,  M.  Brunetière,  n'ayant  peut-être  pas  à  en  parler,  la 
néglige.  Il  insiste  sur  ce  que  doivent  à  l'auteur  du  Discours 
sur  la  méthode  les  d'Alembert,  les  Diderot,  les  Buffon, 
les  Condorcet.  Le  Discours  préliminaire  de  V Encyclo- 
pédie est  d'un  cartésien,  car  rien  n'est  plus  cartésien  que 
d'affirmer  l'unité  de  la  science.  Et  de  même  certains  textes 
de  la  dernière  partie  du  Discours  de  la  méthode  auraient 
inspiré  à  Condorcet  l'idée  d'écrire  son  Esquisse  sur  les 
progrès  de  l'esprit  humain  qu'il  n'y  aurait  là,  tant  s'en 
faudrait,  rien  d'invraisemblable.  Il  paraît  néanmoins  que 
Buffon  et  Diderot  ont  été  animés  d'un  esprit  différent  de 
l'esprit  cartésien.  Si  l'on  songe  en  effet  que  le  matéria- 
lisme de  Diderot  est  pénétré  de  dynamisme  et  que,  chez 


Buffon,  les  idées  évolutionnistes  font  brèche,  on  aura  peut- 
être  de  sérieuses  raisons  de  rattacher  les  noms  de  ces  deux 
philosophes  à  ceux  qu'inspira  au  xvme  siècle  non  l'esprit 
de  Descartes  mais  bien  celui  de  Leibnitz. 

Cependant  malgré  ces  différences  d'orientation  spécula- 
tive, ce  serait  nier  l'évidence  que  de  ne  s'apercevoir  point 
de  ce  qui  est,  sur  tous  ces  penseurs,  comme  la  marque  du 
temps  :  l'indifférence  en  matière  de  théologie  et  de  méta- 
physique. Voltaire,  dont  la  philosophie  procède  de  Locke,  est 
déiste  comme  Locke  et  Condillac.  Mais  c'est  là  un  déisme  sans 
providence,  et  surtout  sans  un  atome  de  sentiment  reli- 
gieux. D'Alembert,  lui,  est  un  vrai  positiviste.  Dans  ses 
lettres  à  Voltaire  il  fait  profession  de  ne  rien  affirmer  pour 
ou  contre  l'existence  de  Dieu.  Et  de  même,  le  naturalisme 
dynamiste  de  Diderot  ne  l'empêchera  point  de  garder  son 
rang  parmi  les  athées.  Montesquieu  ferait-il  exception? 
Mais  s'il  croit  à  l'intelligence  de  la  cause  première,  il  n'a 
garde  d'y  appliquer  assez  souvent  sa  pensée  pour  mériter 
le  nom,  assez  vague  d'ailleurs,  de  spiritualiste.  Buffon  en 
serait  plutôt  digne,  lui  qui  était  pour  les  bienséances  de  la 
religion.  Le  seul  grand  spiritualiste  du  xvme  siècle  fut 
Rousseau,  qui  ne  fut  Français  ni  de  naissance  ni  d'éduca- 
tion. Il  s'avança  même  jusqu'au  christianisme,  à  un  chris- 
tianisme sans  miracle  ni  mystère  comme  celui  de  Descartes, 
mais,  à  la  différence  de  celui  de  Descartes,  exempt  de  toute 
allure  métaphysique  et  bien  autrement  agissant. 

On  dispute  pour  savoir  quelle  part  revient  à  chacun  de  ces 
grands  conducteurs  de  l'esprit  français  au  xvme  siècle  dans 
la  préparation  de  la  Révolution  française.  Tous  l'ont  pré- 
vue. Bien  peu  Font  désirée,  à  commencer  par  Voltaire,  très 
novateur  ou  plutôt  «  négateur  »  en  religion,  très  conserva- 
teur en  politique.  Ce  dont  nul  ne  doute,  c'est  de  l'influence 
de  Rousseau  sur  Robespierre  et,  parMme  Roland,  sur  cer- 
tains chefs  du  parti  girondin.  L'influence  de  Diderot  sur 
Danton  affirmée  par  Michelet  dans  une  phrase  célèbre  :  «De 
Diderot  jaillit  Danton  »  est  plus  incertaine.  Mais  (encore 
que  ce  n'en  fut  peut-être  point  une  suite  nécessaire),  comme 
le  mouvement  de  1793  eût  été  impossible  sans  celui  de 
1789,  il  reste  à  se  demander  duquel  des  «  philosophes  » 
procède  la  majorité  des  Constituants.  Et  l'on  pense  inévita- 
blement à  Montesquieu.  Faut-il  maintenant  remonter  au  delà 
du  siècle  de  Louis  XIV,  et  chercher  jusque  dans  l'esprit 
cartésien  les  premiers  vestiges  de  cet  esprit  rénovateur  et 
révolutionnaire  qui,  ne  voulant  rien  tenir  du  passé,  entend 
tout  remanier  en  bloc  ?  Qu'il  y  ait  de  Descartes  dans  la 
Déclaration  des  droits  de  l'homme,  de  «  l'homme  »  (et 
non  du  Français),  plusieurs  l'ont  soutenu  et  le  soutiendront 
encore.  Mais  n'est-il  point  permis  de  penser  que  cette  ten- 
dance révolutionnaire,  si  elle  est  dans  Descartes,  est  aussi 
l'un  des  traits  caractéristiques  de  l'esprit  français  ? 

Que  fut  la  philosophie  en  France  au  xixe  siècle  ?  D'abord 
elle  se  figura  revenir  à  la  tradition  cartésienne  :  en  quoi 
elle  parut  méconnaître  que  cette  tradition  ne  s'était  pas 
interrompue.  De  Descartes  vous  atteignez  aisément  Condil- 
lac. Et  de  Condillac  vous  arrivez  naturellement  à  Victor 
Cousin  en  traversant  les  idéologues,  Destutt  de  Tracy,  De- 
gérando,  La  Romiguière,  Maine  de  Biran.  On  s'est,  croyons- 
nous,  mépris  sur  le  rang  qui  convient  à  ce  dernier  philosophe. 
Avec  André-Marie  Ampère,  dont  le  nom  est  inséparable  du 
sien,  Maine  de  Biran  fut  le  dernier  des  idéologistes,  et  l'on 
s'étonnerait  que  V.  Cousin  lui  ait  appliqué  l'épithète  de  méta- 
physicien, s'il  ne  l'avait  appliquée  à  l'un  des  hommes  les 
plus  dénués  de  sens  métaphysique  qui  aient  jamais  enseigné 
la  philosophie,  Thomas  Reid.  On  a  de  Maine  de  Biran  une 
belle  et  profonde  étude  sur  Leibnitz  dont  le  mystique  qui 
était  en  lui  ne  pouvait  manquer  de  subir  l'influence.  Tou- 
tefois, l'influence  leibnitienne,  pour  s'être  greffée  sur  celle 
des  idéologistes,  ne  l'effaça  jamais  complètement.  Maine  de 
Biran  ne  s'est  jamais  occupé  au  fond  que  d'une  seule  chose  : 
«  la  décomposition  de  la  pensée  ».En  quoi  il  se  montre  de 
la  famille  de  Condillac.  Et  si  l'on  nous  objecte  que  cette 
décomposition  de  la  pensée  l'a  conduit  à  la  découverte  d'un 
«  objet  d'aperception  immédiate  interne  »  qui  ne  serait 


1094  — 


FRANCE 


autre  que  l'âme  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  intime,  la  ques- 
tion reste  pendante.  Et  l'on  peut  hésiter  à  croire  que  l'es- 
sence intime,  même  celle  de  l'âme,  puisse  être  un  objet 
d'aperception,  c.-à-d.  après  tout  de  représentation.  La  par- 
tie «  métaphysique  »  de  l'œuvre  de  Biran  reste  donc  incer- 
taine. 

Tandis  que  Biran  méditait  dans  le  silence,  la  chaire  de 
philosophie  delà  Sorbonne  était  occupée  par  Royer-Collard, 
un  janséniste,  donc  un  adversaire  du  cartésianisme,  qui  ne 
voulait  point  «  faire  au  scepticisme  sa  part  »  et  qui  pour- 
suivait jusqu'au  doute  méthodique.  Descartes  et  Condillac 
sont  les  deux  hérétiques  auxquels  Royer-Collard  oppose  son 
orthodoxie  philosophique  et  qui  n'est  autre  que  celle  de 
l'Ecossais  Thomas  Reid,  adversaire  lui  aussi  de  Descartes 
en  raison  des  tendances  idéalistes  de  ce  philosophe.  Royer- 
Collard  fait  marcher  Cousin  à  ses  côtés  sur  les  traces  de  Reid. 
Mais  Cousin  est  né  pour  le  commandement.  Très  jeune  encore, 
il  n'aspire  à  rien  moins  qu'à  la  conduite  des  esprits.  Com- 
ment dès  lors  pour  les  conduire  s'inspirerait-il  d'une  autre 
pensée  que  la  sienne  ?  Il  va  donc  se  faire  sa  philosophie.  Mais 
il  est  né  pour  l'action  bien  plus  que  pour  la  méditation.  Si 
donc  il  parvient  à  secouer  tout  joug  d'une  influence  étran- 
gère, l'impatience  de  jouer  ce  rôle  de  propagateur  pour 
lequel  il  se  sait  né  hâtera  ses  démarches  au  point  de  les 
précipiter.  Cousin  aura  plusieurs  philosophies,  qu'il  défendra 
successivement  avec  une  chaleur  de  conviction  communica- 
tive.  Il  ira  de  Reid  à  Hegel  en  traversant  Maine  de  Biran, 
mais  sans  jamais  prendre,  vis-à-vis  des  maîtres  français 
dont  il  s'éloigne  pour  en  suivre  d'autres,  les  allures  d'un 
renégat.  Les  croyances  successives  de  Cousin  ne  lui  ont  ja- 
mais imposé  d'abjurations.  Aussi  bien,  s'il  fut  un  moment 
panthéiste,  à  la  suite  de  Hegel,  il  ne  le  fut  qu'en  métaphy- 
sique :  on  peut  même  aller  jusqu'à  dire  qu'il  ne  le  fut 
pleinement  que  dans  ses  leçons  de  4828  sur  la  philosophie 
de  l'histoire.  En  psychologie,  il  resta  partisan  du  libre 
arbitre,  de  l'âme  spirituelle  :  en  morale,  il  resta  kantien, 
je  devrais  écrire  :  pseudo-kantien  pour  être  juste,  car  sa 
théorie  du  bien  est  incompatible  avec  les  principes  de  la 
Critique  de  la  raison  pratique.  Victor  Cousin  n'eut  donc 
pas  de  philosophie  originale  ?  Il  n'eut  pas  de  philosophie 
systématique,  cela  est  certain,  et  c'est  par  où  son  éclectisme 
diffère  de  celui  de  Leibnitz.  L'éclectisme  consiste  non  point 
à  prendre  les  éléments  de  sa  doctrine  un  peu  partout,  mais 
à  procéder  de  plusieurs  maîtres  ;  il  ne  consiste  pas  néces- 
sairement à  penser  d'une  façon  rapsodique  et  par  mo- 
ments discontinus.  Et  la  philosophie  de  Cousin  resta  rapso- 
dique. On  ne  saurait  pourtant  refuser  à  ce  philosophe  le 
juste  sentiment  de  l'importance  relative  des  problèmes.  De 
tous  les  éclectiques  français,  Cousin  est  le  seul  qui  ait  ébauché 
une  théorie  de  la  raison.  Le  Programme  d'un  cours  sur 
les  vérités  absolues  inséré  dans  les  Premiers  Essais  de 
philosophie  n'est  qu'un  programme  sans  doute,  mais  il 
atteste  une  rare  vigueur  de  pensée  et  il  fait  comprendre 
ce  que  signifie  exactement  cette  expression  très  usitée,  mais 
très  rarement  commentée,  de  «  méthode  psychologique  » 
que  Cousin  défendait  comme  la  seule  féconde,  non  pas  en 
psychologie  — -  ce  serait  avoir  parlé  pour  ne  rien  dire  — 
mais  en  métaphysique. 

On  a  fait  à  Victor  Cousin  l'honneur  d'avoir  dégagé  l'es- 
prit de  la  philosophie  française,  puisque  ce  serait  seule- 
ment depuis  Victor  Cousin  que  l'expression  de  «  philosophie 
française  »  mériterait  d'avoir  cours  (V.  l'art.  Philosophie 
française  rédigé  par  M.  Francisque  Bouillier  dans  le  Dic- 
tionnaire des  sciences  philosophiques).  Il  est  juste  de 
rappeler  qu'il  a  su  rendre  accessible  au  grand  public  des 
questions  qui  peut-être  ne  conviennent  pas  à  un  grand 
nombre  d'esprits,  mais  dont  la  discussion  au  grand  jour 
n'en  est  pas  moins  excellente  par  le  mouvement  qu'elle 
imprime  à  la  libre  recherche.  Jouffroy  l'aida  dans  cette  tâche, 
mais  avec  des  qualités  d'esprit  différentes.  Traducteur  de 
Reid,  il  en  est  le  disciple,  en  ce  sens  qu'il  limite  ou  peu 
s'en  faut  les  recherches  de  philosophie  à  celles  de  psycholo- 
gie. Ses  analyses  sont-elles  plus  exactes  et  plus  profondes 


que  celles  de  son  maître?  Elles  ODt  des  lenteurs  fatigantes, 
et  l'exactitude  à  force  d'y  être  laborieuse  donne  aux  esprits 
prévenus  l'illusion  de  la  profondeur. 

Il  est  à  remarquer  qu'au  xixe  siècle  la  philosophie  fran- 
çaise se  développe  au  sein  même  de  l'université.  C'est  de 
la  Sorbonne  que  part  le  mouvement.  Rien  de  tel  aux  siècles 
précédents.  D'où  la  popularité  de  l'éclectisme,  d'où  la  for- 
mation d'un  corps  de  doctrine  philosophique  destiné  à  l'en- 
seignement des  facultés  et  des  lycées.  Ne  médisons  pas  de . 
cette  philosophie  dite  officielle  qui,  entre  autres  avantages, 
permit  aux  enfants  de  la  bourgeoisie  française  d'entendre 
parler  de  Dieu  et  de  l'âme  au  nom  de  la  «  raison  »  et  par 
des  professeurs  laïques.  Pour  avoir  fait  son  temps,  ce  «  spi- 
ritualisme classique  »  n'en  est  pas  moins  venu  à  son 
heure.  On  sait  en  quoi  il  consiste  et  qu'il  est  nettement 
antidéterministe  et  antipanthéiste.  Dieu  s'y  distingue  du 
monde,  et  l'action  de  la  créature  s'y  distingue  de  l'action 
divine.  C'est  ce  spiritualisme  classique  que  l'on  a  décoré 
du  nom  de  philosophie  française.  La  France  a  eu  d'autres 
philosophies,  même  au  xixe  siècle.  Il  est  certain  toutefois 
que  le  monisme  ou  panthéisme  n'eut  jamais  chez  nous  de 
représentant  illustre.  Il  Test  également  que  nulle  part  les 
théories  déterministes  ne  se  font  plus  difficilement  accepter 
que  chez  nous.  Doit-on  penser  de  ce  spiritualisme  qu'il 
marque  un  retour  vers  Descartes?  Non.  D'abord,  on  l'a 
vu,  Descartes  n'a  pas  cessé  de  gouverner  les  esprits  au 
xvme  siècle.  En  outre,  le  prétendu  cartésianisme  des  spiri- 
tualistes  français  est,  on  l'a  dit  avec  juste  raison,  «  un 
cartésianisme  sans  étendue  et  sans  profondeur  »,  un  car- 
tésianisme moins  la  science  et  moins  la  méthode,  c.-à-d., 
encore  une  fois,  moins  ce  qui  le  caractérise  essentiellement. 
Ce  n'est  pas  Victor  Cousin  qu'il  conviendrait  de  ratta- 
cher à  Descartes,  si  l'on  voulait  se  persuader  que  Descartes 
au  xixe  siècle  a  continué  d'agir  sur  les  esprits,  mais  bien 
Auguste  Comte  (V.  ce  nom).  Ses  idées  sur  l'unité  de 
la  science,  sa  classification  unilatérale  des  sciences  qui  va 
de  celles  dont  l'objet  est  le  plus  simple  à  celles  dont  l'objet 
est  le  plus  complexe,  voilà  qui  est  nettement  cartésien. 
Mais  Comte  ne  va  pas  jusqu'au  bout  de  sa  conception.  Car 
s'il  fait  une  place  à  ce  que  ses  disciples  orthodoxes  appel- 
lent «  la  philosophie  première  »  les  lois  que  cette  philoso- 
phie vise  à  établir  constituent  un  groupe  de  formules  hété- 
rogènes, issues  de  sources  diverses,  d'où  il  résulte  qu'une 
telle  philosophie  n'existe  vraiment  pas,  et  que  l'unité  de 
la  science  n'y  est  jamais  atteinte.  Ce  qui  manque  principale- 
ment au  positivisme  est  ce  qui  est  essentiel  à  tout  ce  qui 
se  présente  sous  le  nom  de  philosophie,  à  savoir  une  syn- 
thèse générale.  Comte  tenait  de  l'utopiste  humanitaire  Henri 
de  Saint-Simon  l'aversion  incurable  et  assez  inclairvoyante 
qu'il  ne  cessa  de  témoigner  pour  les  recherches  métaphy- 
siques. Il  devait  aussi  à  la  même  influence  un  souci  de  ré- 
génération sociale  qui,  au  lieu  de  n'aboutir  qu'à  des  rêves, 
comme  chez  les  saint-simoniens  et  les  fouriéristes,  eut  pour 
résultat  durable,  sinon  l'introduction  d'un  nouveau  con- 
cept et  par  là  même  d'une  nouvelle  science,  du  moins 
l'élaboration  et  presque  l'achèvement  du  concept  d'orga- 
nisme social.  Aux  yeux  des  positivistes,  la  société  est  un 
être  collectif,  mais  non  un  être  abstrait,  puisque  les  besoins, 
les  aspirations,  les  fonctions  de  cet  être  collectif,  bien  que 
ne  se  manifestant  que  chez  les  individus,  ont  pour  unique 
raison  d'être  le  règne  de  l'ordre  dans  l'humanité.  Le  mot 
«  organisme  social  »  selon  l'idée  qu'on  s'en  est  faite  chez 
les  positivistes  —  et  ailleurs  —  n'est  donc  pas  une  vaine 
métaphore  :  aussi  bien  la  méthode  applicable  en  sociologie 
doit  elle  être  calquée  sur  la  méthode  en  biologie.  En  cela 
Herbert  Spencer  pense  à  peu  près  comme  Auguste  Comte 
auquel,  s'il  a  beaucoup  emprunté,  il  n'a  emprunté  que  pour 
modifier.  Mais  à  travers  les  modifications,  même  profondes, 
les  emprunts  transparaissent.  On  a  coutume  de  voir  dans 
Stuart  Mill  un  «  positiviste  anglais  ».  Positiviste,  il  l'est 
très  certainement  plus  que  Spencer,  car  Spencer  a  une  mé- 
taphysique (V.  les  Premiers  Principes)  ;  Mill  se  défend 
d'en  avoir  et  n'en  a  pas.  Ces  réserves  faites  cependant,  est-il 


FRANCE 


—  1092  — 


sûr  qu'il  doive  plus  à  Comleque  ne  lui  doit  Spencer?  Du 
moment  où  de  telles  questions  se  posent,  c'est  qu'au  xixe  siècle 
la  philosophie  française  a  exercé  au  dehors  une  influence 
féconde.  L'Angleterre  s'en  est  ressentie,  de  l'aveu  même  de 
ses  deux  plus  illustres  penseurs.  Auguste  Comte  a  donc  plus 
fait  pour  la  propagation  de  l'influence  française  à  l'étranger 
que  n'a  fait  Victor  Cousin,  dont  l'éclectisme  n'a  jamais  passé 
nos  frontières.  Ajoutons  qu'en  deçà  même  de  nos  frontières, 
l'éclectisme  et  le  positivisme  agirent  en  dehors  l'un  de  l'autre 
jusqu'à  presque  s'ignorer  tout  le  temps  que  vécurent  les 
chefs  de  l'une  et  l'autre  doctrine.  Depuis  leur  mort,  l'éclec- 
tisme a  cessé  de  régner.  Le  positivisme  a  gagné  de  proche 
en  proche,  mais  c'est  bien  plus  par  sa  méthode  qu'il  s'est 
imposé  au  respect  des  bons  esprits  que  par  sa  doctrine. 
D'Auguste  Comte,  on  lit  volontiers  certaines  pages  de  son 
Cours  de  philosophie  positive.  On  ne  lit  guère  sa  Poli- 
tique positive,  son  œuvre  capitale  cependant,  puisque  la 
«  philosophie  »  n'était  à  ses  yeux  que  la  préface  de  la  po- 
litique. Le  plus  éminent  des  disciples  de  Comte,  Littré,  s'en 
est  tenu  à  la  «  philosophie  ». 

L'éclectisme  et  le  positivisme  se  sont  développés  à  l'abri 
de  toute  influence  théologique.  On  se  ferait  pourtant  une 
idée  incomplète  de  la  philosophie  française  au  xixe  siècle, 
si  l'on  oubliait  des  hommes  tels  que  :  Lamennais,  Bautain, 
Bordas -Demoulin,  Gratry,  qui,  s'ils  ne  voulurent  point 
penser  à  rencontre  du  dogme  chrétien,  surent  néanmoins 
penser  avec  indépendance,  quelques-uns  même  avec  puis- 
sance. L'originalité  métaphysique  de  Y  Esquisse  d'une  phi- 
losophie (Lamennais),  et  du  Cartésianisme  (Bordas)  est 
très  certainement  plus  téméraire  que  ne  le  fut  jamais  celle 
d'un  philosophe  éclectique.  Et  les  doctrines  de  Gratry  sur  la 
logique  témoignent  d'une  audace  spéculative  dont  s'effraya 
plus  d'une  fois,  et  à  bon  droit,  le  ferme  bon  sens  de  nos 
spiritualistes  universitaires.  Toutefois,  si  les  noms  qu'on 
vient  de  citer  sont  dignes  d'échapper  à  l'oubli,  en  raison 
de  la  valeur  des  œuvres,  celui  qui  manquerait  à  les  citer 
serait  après  tout  excusable  puisque  ces  œuvres  restèrent 
sans  influence.  Nous  avons  eu  des  philosophes  chrétiens 
français  au  xixe  siècle.  Nous  n'avons  pas  eu  d'école  de  phi- 
losophie chrétienne,  si  ce  n'est  depuis  la  toute  récente 
restauration  du  thomisme. 

L'histoire  de  la  philosophie  française  au  xixe  siècle  a  eu 
pour  historien  très  éminent  M.  Félix  Ravaisson  {la  Phi- 
losophie en  France  au  xixe  siècle,  ouvrage  rédigé  sous 
la  forme  d'un  Rapport,  à  l'occasion  de  l'Exposition  uni- 
verselle de  1867).  L'auteur  l'a  réédité  en  1885  sans  au- 
cun changement,  comme  si  1867  marquait  une  des  époques 
de  l'histoire  de  la  pensée  française  contemporaine  et  comme 
si  la  marche  des  idées  depuis  1867  n'avait  pas  encore 
abouti.  Et  de  fait  elle  n'a  pas  abouti.  Vers  le  temps  où 
M.  Ravaisson  travaillait  à  son  Rapport,  MM.  Littré  et 
Wyrouboff  fondaient  la  Revue  de  philosophie  positive, 
qui  depuis  la  mort  de  Littré  a  cessé  de  paraître.  En  1871, 
M.  Charles  Renouvier  fondait  avec  M.  F.  Pillonla  Critique 
philosophique  qui  a  duré  dix-huit  ans  (V.  Criticisme). 
En  1876,  M.  Ribot,  aujourd'hui  professeur  de  psychologie 
expérimentale  au  Collège  de  France,  fondait  la  Revue  phi- 
losophique. Vers  1878,  M.  Pierre  Laffitte,  disciple  ortho- 
doxe d'Auguste  Comte,  aujourd'hui  professeur  d'histoire 
des  sciences  au  Collège  de  France,  fondait  la  Revue  occi- 
dentale. A  en  juger  par  le  nombre  des  revues  et  par  les 
tendances  qui  s'y  marquent,  il  y  aurait  aujourd'hui,  en 
France,  des  positivistes,  des  criticistes,  des  indépendants 
plus  curieux  de  psychologie  que  de  philosophie  première. 
Ces  derniers  s'inspirent  surtout  de  la  méthode  d'analyse 
mentale  pratiquée  par  H.  Taine  (De  V Intelligence) ,"  et 
des  récents  progrès  des  sciences  biologiques.  Le  recueil 
dirigé  par  M.  Ribot  est  rédigé  autant  sinon  plus  par  des 
physiologistes  que  par  des  philosophes,  et  ces  physiologistes 
ne  semblent  professer  aucune  doctrine  de  métaphysique. 
Les  criticistes,  ceux  de  l'école  française  représentée  par 
MM.  Renouvier  et  Pillon,  forment  un  petit  groupe  plus 
sympathique  qu'influent,  il  faut  bien  le  dire,  et  dont  les 


doctrines  déplaisent  :  aux  positivistes  parce  que  la  méta- 
physique y  tient  trop  de  place  ;  aux  métaphysiciens  parce 
qu'elle  n'en  tient  pas  assez.  Les  métaphysiciens  viennent 
d'avoir  une  revue  à  eux.  En  effet,  depuis  la  publication  du 
Rapport  de  M.  Ravaisson,  depuis  l'enseignement  fécond 
à  l'Ecole  normale  de  MM.  Lachelier  et  Emile  Boudroux, 
l'ardeur  pour  les  recherches  métaphysiques  s'est  non  pas 
réveillée,  mais  bien  «  éveillée  »,  chez  un  petit  nombre  d'es- 
prits, esprits  très  distingués  et  dont  les  premiers  essais,  des 
thèses  pour  la  plupart,  permettent  d'espérer  beaucoup.  Les 
doctrines  esquissées  dans  ces  thèses  s'écartent  notablement 
des  doctrines  dites  officielles.  On  ne  s'y  montre  n'y  maté- 
rialiste ni  évolutionniste,  mais  on  y  fait  à  l'évolutionnisme  sa 
part  :  et  dans  la  mesure  où  on  la  lui  fait,  on  incline  visi- 
blement vers  un  monisme  dont  il  est  aisé  de  comprendre 
que  s'inquiètent  les  partisans  de  l'ancien  spiritualisme 
français.  Toutefois,  en  s'inquiétant,  ils  tolèrent.  Et  même 
ils  accueillent  avec  une  faveur  marquée  ces  témoignages 
d'une  pensée  encore  hésitante,  mais  qui  ne  veut  rien  devoir 
ou  qu'à  elle-même,  ou  qu'aux  grands  maîtres  de  la  pensée, 
les  Descartes  et  surtout  les  Leibnitz  et  les  Kant.  Dans  ce 
groupe  de  jeunes  métaphysiciens  il  paraît,  jusqu'à  présent 
du  moins,  que  c'est  la  tendance  criticiste  qui  domine,  mais 
ce  criticisme  n'ayant  rien  de  «  renouviériste  »  est,  par  ses 
origines,  plus  allemand  que  français. 

A  côté  de  ce  groupe  de  métaphysiciens  où  l'on  ne  compte 
presque  que  des  universitaires  et  chez  lequel,  par  la  fonda- 
tion récente  d'une  Revue  de  métaphysique  et  de  morale, 
commence  à  se  montrer  le  désir  d'influer  sur  l'opinion,  pour 
être  assuré  de  rien  omettre,  il  faut  mentionner  encore  un 
nom  ;  mais  c'est  celui  du  penseur  français  le  plus  connu  du 
grand  public,  M.  Alfred  Fouillée  (V.  ce  nom) .  Il  a  sans  doute 
plus  de  lecteurs  que  de  disciples,  mais  il  donne  satisfaction  à 
un  grand  nombre  d'esprils  par  le  caractère  conciliant  de  sa 
pensée.  Il  n'est  ni  matérialiste  ni  spiritualiste.  Et  s'il  pro- 
cède de  Kant,  il  s'inspire  également  et  beaucoup  de  Spen- 
cer. C'est  donc  un  philosophe  essentiellement  suggestif.  Le 
regrette  J.-M.  Guyau,  mort  en  1888,  avait  travaillé  sous 
la  direction  de  M.  Fouillée.  Et  le  succès  de  ses  livres  per- 
mettait d'espérer  que  ses  idées  feraient  brèche. 

Somme  toute,  à  l'heure  où  nous  achevons  cet  article 
(1893),  il  nous  paraît  impossible  de  risquer  la  moindre 
conjecture  touchant  l'avenir  philosophique  de  la  France. 
Certes  l'intérêt  pour  les  problèmes  y  est  plus  ardent  que 
jamais.  Mais  il  s'en  faut  que,  parmi  les  voies  multiples 
frayées  à  la  pensée  indépendante,  il  soit  permis  de  dire 
quelle  sera  la  préférée.  Dans  nos  lycées,  chaque  maître 
enseigne  sa  doctrine  quand  il  a  une  doctrine.  Dans  nos 
facultés  c'est  de  même.  Ceux  qui  pourraient  imprimer  aux 
pensées  hésitantes  un  mouvement  dans  une  direction  définie 
estiment  avec  raison  que  leur  devoir  est  de  laisser  «l'esprit 
souffler  où  il  veut  ».  Nous  sommes  donc  dans  un  état 
d'anarchie  spéculative  dont  nul  ne  peut  prédire  ni  la  durée 
ni  les  résultats.  L.  Dauriac. 

BEAUX-ARTS.  —  Les  origines.  Période  gallo- 
romaine.  —  Les  peuplades  celtiques,  établies  à  la 
suite  de  lointaines  migrations  dans  le  pays  qui  devait  s'ap- 
peler un  jour  la  France,  n'ont  guère  eu  qu'une  notion 
bien  vague  de  l'art  avant  l'époque  où  elles  furent  mises 
en  contact  avec  le  monde  antique.  Leurs  constructions 
se  bornaient  à  ces  monuments  barbares  désignés  sous  le 
nom  général  de  monuments  mégalithiques  qui  servaient 
à  leurs  manifestations  religieuses.  Les  moins  rudimen- 
taires  ,  les  dolmens  ,  font  penser  aux  galeries  que  les 
enfants  s'amusent  à  bâtir  sur  le  sable  avec  des  cailloux. 
De  dimensions  colossales,  ils  étaient  composés  d'une  table 
de  pierre,  supportée  par  d'autres  pierres  verticales.  Il 
en  existe  encore  d'assez  importants  en  Bretagne,  à  Epone, 
dans  l'arr.  de  Mantes,  de  Langeac,  en  Auvergne,  etc. 
Il  y  avait  aussi  les  tumuli,  sortes  de  monticules  factices, 
qui  étaient  élevés  au-dessus  de  la  sépulture  des  morts. 
On  distingue  encore  parmi  les  constructions  des  temps  pré- 
historiques les  allées  couvertes,  sortes  de  galeries  formées 


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FRANCE 


par  une  série  de  dolmens  telles  que  celles  qu'on  voit  encore 
dans  diverses  localités  de  France  et  notamment  en  Bre- 
tagne ;  les  peulvans  ou  menhirs,  composés  d'une  pierre 
de  forme  allongée,  plantée  verticalement  en  terre,  sortes  de 
grossiers  obélisques  dont  la  base  est  tournée  tantôt  en  haut 
tantôt  en  bas  ;  les  pierres  branlantes,  comprenant  deux 
énormes  blocs  de  rochers  disposés  de  telle  façon  que  le 
moindre  choc  et  quelquefois  simplement  le  vent  suffit  pour 
imprimer  au  bloc  supérieur  une  oscillation  marquée  ;  les 
lichavens,  les  cromlechs,  etc.  Mais  ces  monuments,  com- 
muns à  la  plupart  des  hordes  errantes  de  la  race  des 
Aryens,  ne  peuvent  être  considérés  comme  exprimant  aucune 
idée  d'art.  D'ailleurs,  l'obscurité  qui  règne  sur  ces  âges 
lointains  s'étend  même  à  la  période  beaucoup  plus  voisine 
de  la  formation  de  notre  nationalité  où  les  Gaulois  appa- 
raissent avec  leur  organisation  primitive.  Leurs  habitations, 
d'après  les  empreintes  qui  ont  été  çà  et  là  retrouvées, 
donnent  l'idée  de  huttes  sauvages  bâties  avec  du  bois  et  de 
l'argile  ;  leurs  cités  ne  sont  que  des  enceintes  fortifiées, 
assemblages  de  pierres  et  de  poutres,  dans  lequel  on  re- 
connaît déjà  les  ingénieuses  combinaisons  et  le  bon  emploi 
des  matériaux  qui  constitueront  plus  tard  l'originalité  de 
l'architecture  française.  Pourtant,  bien  des  années  avant  la 
conquête  romaine,  nos  aïeux  possédaient  une  industrie  qui, 
sans  avoir  à  proprement  parler  un  intérêt  artistique,  était 
revêtue  d'un  caractère  particulier.  On  sait  qu'ils  aimaient 
le  faste  ;  dans  leurs  excursions  guerrières  on  les  voyait 
avec  des  armes  éclatantes,  des  étoffes  aux  vives  couleurs. 
Ces  hommes  glorieux,  à  l'époque  où  ils  portaient  l'épou- 
vante dans  la 'ville  naissante  de  Rome,  ne  connaissaient  pas 
sans  doute,  ainsi  qu'on  l'a  dit,  l'art  de  tremper  le  fer  et  de 
forger  des  épées  dignes  de  leur  courage  ;  mais  ils  savaient 
travailler  les  métaux  précieux  et  étaient  habiles  à  em- 
ployer les  gemmes,  l'émail  et  l'incrustation.  On  a  trouvé 
dans  les  antiques  cimetières  gaulois  quelques  vestiges  con- 
sistant en  armes,  bijoux,  médailles,  produits  céramiques, 
et  ces  objets  se  font  remarquer,  à  défaut  de  beauté  propre, 
par  une  sobriété  qui  est  le  commencement  et  la  règle  de 
toute  véritable  élégance.  Il  est  telle  de  ces  armes  qui  par 
la  simple  alternance  de  stries  droites  ou  croisées,  de  points 
en  relief  ou  en  creux,  offrent  le  spécimen  du  plus  agréable 
goût.  Il  y  a  des  boucliers  ou  rondelles  de  métal,  comme  on 
en  conserve  au  musée  de  Saint-Germain,  qui  sont  ornées 
d'incrustations   remarquables   ou  sont  décorées  par  des 
ajourages  géométriques  du  plus  heureux  effet.  Certains  vases 
de  terre  ou  de  bronze,  sans  prétention  à  l'art,  sont  d'une 
forme  parfaite,  d'un  galbe  bien  arrêté,  ornés  de  simples 
rainures, -  de  naïfs  losanges  que  l'ouvrier  a  su  placer  au 
bon  endroit.  Chose  curieuse  !  les  épées  gauloises  sont  presque 
toujours  imitées  du  glaive  hellénique.  On  en  a  trouvé  une 
à  Vitry-le-François  qui  est  un  modèle  pour  l'excellente 
adaptation  de  la  poignée  à  la  lame  ;  une  autre,  découverte 
au  même  endroit,  est  munie  d'un  fourreau  en  forme  d'étrier 
qui  a  toute  la  grâce  nerveuse  de  la  fabrication  grecque. 
Quant  aux  monnaies,  il  en  est  qui  sont  pleines  de  caractère, 
comme  on  peut  s'en  convaincre  par  les  types  recueillis  par 
Rucher,  dans  Y  Art  gaulois.  On  peut  citer  notamment  la 
médaille  d'Orgétorix,  chef  des  Helvètes,  montrant  d'un  côté 
la  tête  de  Diane  avec  le  nom  des  Eduens  et,  au  revers, 
un  ours  d'une  allure  très  juste.  Les  premiers  types  moné- 
taires étaient  de  véritables  copies  des  statères  de  Phi- 
lippe II,  roi  de  Macédoine.  C'est  là  un  fait  remarquable  à 
noter.  De  telles  réminiscences  d'un  art  si  supérieur  à  ce 
qu'était  la  civilisation  de  nos  pères  avant  la  conquête  ro- 
maine ne  peuvent  s'expliquer  que  par  les  rapports  des  tri- 
bus celtiques  avec  les  colonies  phéniciennes  ou  phocéennes, 
qui  durent  leur  servir  d'intermédiaire  pour  communiquer 
avec  l'Etrurie  et  l'Italie  méridionale.  Par  elles,  les  objets 
de  provenance  grecque  remontaient  le  Rhône,  pénétraient 
chez  les  Allobroges ,  les  Arvernes  et   les  Eduens.  C'est 
ainsi  que  les  premiers  perfectionnements  de  l'industrie  des 
Celtes  purent  être  favorisés  par  les  échanges  avec  les 
colonies  grecques. 


La  conquête  romaine  ouvrit  à  la  Gaule  de  nouveaux  ho- 
rizons. En  envahissant  le  sol  de  notre  patrie  cruellement 
déchirée  par  une  lutte  sanglante,  l'étranger  y  laissa  un 
ferment  de  civilisation  dont  nous  devions  toujours  res- 
sentir l'influence.  En  quelques  années  la  physionomie  du 
pays  des  anciens  Celtes  se  trouva  modifiée  de  fond  en 
comble.   Ce  fut   par  la  contrée  soumise  avant   César, 
qui  s'étend  des  Alpes  aux  Pyrénées  et  comprend  Aix, 
Narbonne,  Arles,  Nîmes,  Orange,  Vienne,  que  le  mouve- 
ment commença.  Les  cités  s'emplissent  de  théâtres,  de 
thermes,  de  temples  et  de  tombeaux.  Les  plaines  et  les 
collines  sont  sillonnées  d'interminables  et  gigantesques 
aqueducs.  Les  habitudes  des  populations  sont  aussitôt  chan- 
gées et  le  goût  d'un  luxe  inconnu  jusque-là  travaille  les 
esprits,  et  bientôt  se  trouve  justifié  le  mot  de  Pline,  par- 
lant du  pays  que  gouvernent  les  municipes  romains  :  «  C'est 
une  autre  Italie,  plutôt  qu'une  province.  »  Lyon,  dont 
Agrippa  fit  le  point  de  jonction  des  quatre  grandes  voies 
qui  sillonnaient  les  Gaules  et  que  tour  à  tour  Auguste, 
Claude,  Néron,  Trajan,  Adrien,  Antonin  le  Pieux  ne  ces- 
sèrent d'embellir,  devint  une  ville  magnifique  couverte  de 
monuments  importants;  Arles,  où  Constantin  fixa  quelque 
temps  sa  résidence,  vit  s'élever  de  superbes  édifices  dont 
les  ruines  encore  existantes  attestent  l'antique  splendeur  ; 
à  Nîmes  la  Maison  carrée,  les  Arènes,  la  fontaine  de  Diane, 
la  tour  Magne,  la  porte  d'Auguste,  sont  là  pour  prouver 
à  quel  point  de  prospérité  et  d'éclat  l'art  romain  avait  été 
poussé  dans  cette  ville  ;  à  Orange,  on  admire  toujours  les 
ruines  imposantes  d'un  théâtre  qui  est  un  des  plus  beaux 
spécimens  du  genre;  à  Vienne,  l'antique  capitale  des  Allo- 
broges, on  devine  en  voyant  les  restes  du  temple  d'Auguste 
et  de  Livie,  les  portiques  du  forum,  ou  encore  le  théâtre,  à 
quel  degré  d'opulence  était  parvenue  cette  cité  vantée  par 
les  écrivains  latins  et  dont  plusieurs  rues  étaient  pavées  de 
mosaïques.  Les  provinces  du  Nord,  il  est  vrai,  furent  loin 
d'être  aussi  florissantes.  Sans  doute  l'organisation  admi- 
nistrative reflète  là  aussi  l'esprit  de  la  métropole.  C'est  la 
même  disposition  extérieure,  le  même  genre  de  construc- 
tion, des  exemples  analogues  donnés  par  les  municipes  pour 
les  arrangements  de  l'habitation.  Toutefois,  à  partir  de 
Lyon  et  plus  l'on  s'avance  vers  le  centre,  moins  le  goût  est 
délicat,  moins  l'art  est  raffiné.  On  chercherait  vainement 
dans  le  N.  des  Gaules  des  monuments  aussi  parfaits  que 
la  Maison  carrée  de  Nîmes  ou  des  œuvres  de  sculpture 
d'une  valeur  égale  à  celles  de  la  statue  d'Auguste  et  de 
la  fameuse  Vénus  d'Arles,  de  la  Vénus  accroupie  ou  du 
Jeune  Satyre  de  Vienne.  A  quoi  attribuer  pareille  inéga- 
lité ?  N'étaient-ce  point  les  mêmes  architectes  qui,  partis  de 
la  métropole,  allaient  dans  toutes  les  directions  se  faire  les 
interprètes  de  la  pensée  romaine?  Sans  doute;  mais  à  me- 
sure qu'elle  s'éloignait  de  son  centre  actif  d'impulsion,  l'in- 
fluence latine,  soit  qu'elle  trouvât  un  terrain  moins  lon- 
guement préparé  qu'en  Provence,  soit  qu'elle  rencontrât 
des  résistances  dues  au  climat  ou  au  tempérament  des  in- 
dividus, avait  à  coup  sûr  plus  de  difficultés  à  pénétrer. 

Nous  attarder  ici  plus  longuement  à  la  description  des 
monuments  de  l'art  élevé  en  Gaule  par  les  Romains  serait 
sortir  de  notre  programme  qui  ne  comporte  que  la  recherche 
des  œuvres  montrant  les  balbutiements  d'abord  et  ensuite 
l'épanouissement  de  notre  génie  national.  Après  la  chute  de 
l'Empire  et  quand  les  hordes  barbares  eurent  désagrégé 
la  société  romaine,  toute  cette  civilisation  importée  dans  les 
Gaules  par  nos  vainqueurs  parut  presque  effacée.  Dans 
les  guerres  incessantes,  les  pillages,  les  incendies  firent 
périr  ou  disparaître  les  œuvres  d'art  ;  les  monuments  d'ar- 
chitecture durèrent  plus  longtemps,  mais  la  plupart  suc- 
combèrent, incendiés,  démolis,  effondrés.  Si  un  ferment  de 
vie  intellectuelle  subsiste  encore  parmi  les  populations 
affolées  par  trois  siècles  de  désastres,  il  s'est  réfugié  dans 
les  cloîtres  où  se  préparent  les  éléments  régénérateurs  qui 
vont  servir  de  base  à  la  nouvelle  société  chrétienne.  Plus 
d'artistes,  point  de  richesses  ni  de  luxe.  Qu'on  se  représente 
ce  qu'il  pouvait  rester  de  l'art  latin  dans  les  Gaules  à  la 


FRANCE 


1094  — 


fin  du  ive  siècle.  Le  compte  en  est  assez  facile  à  faire.  11  y 
avait  l'industrie  gallo-romaine  des  sarcophages  chrétiens 
sculptés,  industrie  très  brillante  en  Provence  et  à  Arles  ;  il  y 
avait  la  décoration  des  catacombes,  fortement  imprégnée 
dans  ses  symboles  de  l'esprit  grec  et  oriental  ;  il  y  avait 
surtout  la  basilique,  cette  forme  architecturale  si  particu- 
lière dont  Rome  n'a  d'ailleurs  pas  eu  le  monopole,  puisque 
Constantinople,  Athènes,  l'Afrique  ont  possédé  ce  genre  de 
construction.  On  a  une  curieuse  preuve  de  la  disette  d'ar- 
tistes dont  cette  époque  eut  à  souffrir  ;  c'est  le  cri  d'alarme 
poussé  par  Constantin  en  334  ;  le  Code  théodosien  nous  en 
a  conservé  l'écho.  En  outre,  un  monument  érigé  en  315 
nous  apprend  qu'à  cette  date  il  n'y  avait  plus  de  sculpteur 
à  Rome.  La  capitale  du  monde  latin  n'impose  plus  son 
style  à  l'univers  ;  ses  méthodes  de  construction  sont  encore 
pratiquées  par  les  ateliers  qu'elle  a  formés  dans  l'Occident  ; 
mais  elle  n'exporte  plus  sa  main-d'œuvre.  C'est  de  Byzance 
que  part  désormais  l'influence;  dans  la  construction  basili- 
cale,  c'est  la  méthode  byzantine  qui  est  généralement  adop- 
tée ;  c'est  le  principe  chrétien  qui  est  le  vrai  principe 
directeur  et  déterminateur  de  l'art.  Il  y  a  là  un  point  qu'il 
ne  faut  pas  perdre  de  vue.  Tout  ce  qui  venait  de  Rome  à  ce 
moment  était  imbu  des  doctrines  orientales  et  pénétré  de 
l'esprit  grec.  Lorsqu'on  parle  de  l'art  romain  de  cette  pé- 
riode, cela  veut  dire  l'art  byzantin  qui  a  passé  par  Rome. 
Quand,  par  exemple,  saint  Bénédict,  abbé  de  Yearmouth 
en  Northumberland,  réclamait  en  Gaule  des  maçons  pou- 
vant travailler  à  la  manière  romaine ,  quand  un  roi  des 
Pietés  en  Ecosse,  adressait  à  l'abbé  Ceolfrid  la  même  de- 
mande, il  faut  entendre  qu'ils  désiraient  des  artistes  familia- 
risés avec  les  pratiques  byzantines  sous  l'étiquette  romaine. 
Au  ive  siècle,  l'art  était  devenu  byzantin,  comme  le  monde 
était  devenu  chrétien.  C'était  non  pas  une  décadence  mais 
comme  un  renouvellement  sous  une  inspiration  néo-grecque. 
Cet  art  s'introduisit  en  France,  exerçant  dans  l'extrême 
Occident  une  action  de  propagande  très  certainement  égale 
sinon  supérieure  à  celle  de  l'influence  latine.  C'est  là  un 
fait  dont  il  n'est  plus  possible  aujourd'hui  de  douter.  Il  est 
établi  qu'une  communication  ininterrompue  a  existé  entre 
la  Gaule,  la  Syrie  et  l'Orient  grec.  C'est  pourquoi  certains 
historiens  contemporains  se  croient  fondés  à  affirmer  que 
la  critique  s'est  jusqu'à  présent  trompée  en  prétendant  faire 
sortir  complètement  l'art  moderne  et  par  conséquent  l'art 
français  de  l'art  romain.  Viollet-le-Duc  et  Quicherat  n'ont 
tenu  compte  de  l'invasion  du  style  byzantin  qu'à  la  fin  du 
xie  siècle.  Or,  on  peut  prouver  qu'en  ce  qui  concerne  la 
sculpture,  l'art  byzantin  dominait  dès  le  vie  siècle  en  Occi- 
dent. Cet  art,  qu'on  pourrait  appeler  pré-roman,  un  ar- 
chéologue éminent,  M.  Louis  Courajod,  a  cherché  à  en 
déterminer  le  caractère,  le  trouvant  «  bien  constitué,  sem- 
blable partout  à  lui-même,  régnant  despotiquement  de  la 
Méditerranée  à  l'Océan,  possédant  notamment  une  gram- 
maire orientale  facile  à  fixer  ».  C'est  l'art  de  la  fin  de  la 
période  mérovingienne    et  de  la  période  carolingienne. 
M.  Lechevallier-Chevignard ,  dans   son  très  substantiel 
volume  sur  les  Styles  français,  se  fait  l'apôtre  de  la  même 
opinion,  lorsque,  analysant  les  œuvres  de  sculpture  de  cette 
période,  soit  les  tombeaux  de  saint  Drausin  et  de  saint 
Ladre  au  musée  du  Louvre,  soit  les  ornements  de  l'église 
Saint-Irénée  de  Lyon,  ou  ceux  de  la  crypte  de  Saint-Seu- 
rin  à  Bordeaux,  soit  enfin  certains  bijoux  mérovingiens,  il 
dit  :  «  Sur  le  fond  presque  desséché  des  anciennes  tradi- 
tions surgissent  timidement  quelques  essais  d'une  ornemen- 
tation nouvelle.  Deux  éléments  y  dominent  :  rosaces  et 
entrelacs  ;  l'un  remontant  aux  âges  les  plus  reculés  des 
civilisations  asiatiques,  l'autre,  dWigine  indécise,  parais- 
sant provenir  aussi  bien  des  régions  Scandinaves  que  du 
midi  de  l'Europe.  On  les  rencontre  sur  les  monuments 
gréco-romains  ;  l'art  gallo-romain  s'en  est  servi,  mais  c'est 
surtout  à  partir  de  la  période  franque  qu'on  les  voit  fré- 
quemment unis  et  employés  en  architecture,  appliqués  à  la 
joaillerie,  à  des  objets  de  toilette.  »  Et  le  même  auteur 
ajoute  :  «  Si  l'art  de  ce  temps  est  barbare,  massif,  irré- 


gulier, on  ne  saurait  sans  injustice  le  taxer  de  fadeur... 
L'oubli  presque  complet  ou  tombèrent  les  doctrines  an- 
ciennes rendit  pour  un  moment  aux  ornemanistes  de  la 
Gaule  toute  leur  liberté,  par  suite,  plus  de  naïveté  dans 
l'invention.  » 

Il  est  aisé  de  comprendre  au  surplus  que  la  situation 
nouvelle  faite  par  l'empereur  Constantin  au  christianisme 
ait  profondément  modifié  les  destinées  de  l'art.  Désormais, 
plus  de  mystères  ;  le  culte  s'exerce  en  plein  jour.  Il  faut 
se  représenter  ce  qu'étaient  les  églises  élevées  sur  le  mo- 
dèle de  la  basilique,  rappelant  à  la  fois  la  maison  romaine 
et  l'architecture  des  catacombes.  C'était  un  bâtiment  re- 
couvert d'un  plafond  surmonté  d'un  toit  à  double  pente.  Il 
était  divisé  par  une  double  colonnade  en  trois  nefs,  celle 
de  droite  réservée  aux  hommes,  celle  de  gauche  aux  femmes, 
la  nef  centrale  presque  entièrement  destinée  au  clergé  que 
des  balustrades  séparaient  des  fidèles.  Dans  l'édifice,  deux 
ambons  ou  chaires  servaient  à  la  lecture  de  l'évangile  ou 
de  l'épître  ;  derrière  l'autel,  de  petite  dimension,  au  fond 
de  l'abside,  était  le  siège,  le  plus  souvent  en  pierre,  la 
cathedra  de  l'officiant.  Tel  était  le  type  primitif  de  nos 
églises,  modifié  de  siècle  en  siècle.  Or,  pour  décorer  les 
murailles  d'un  pareil  temple,  les  humbles  peintures  des  ca- 
tacombes ne  pouvaient  plus  suffirent  les  sentiments  qu'ex- 
primaient celles-ci  ne  répondaient  d'ailleurs  plus  à  la  situa- 
tion. Le  christianisme  devenant  une  puissance  politique, 
il  était  naturel  que  les  arts  fissent  une  part  à  ses  idées  de 
domination  et  à  l'élément  historique.  Le  peuple  a  besoin  de 
connaître  les  traits  du  Christ,  de  la  Vierge,  des  Apôtres, 
et  les  documents  authentiques  faisant  défaut  on  en  invente, 
on  crée  des  figurations  qui  en  se  propageant  prennent  un 
caractère  d'orthodoxie  officielle.  Et  c'est  encore  l'Orient 
qui  inspire  ici  l'imagination  des  artistes.  On  représentera 
le  Christ  comme  un  monarque  assyrien  assis  sur  un  trône 
entouré  d'une  cour  d'anges.  C'est  ainsi  que,  par  la  force 
des  choses,  les  artistes  sont  amenés  à  créer  peu  à  peu  un 
nouveau  style'.  Combien  vague,  il  est  vrai,  apparaît  cet 
effort  dans  les  rares  vestiges  de  monuments  et  de  docu- 
ments qui  subsistent  de  ces  époques  lointaines  !  Il  ne  reste 
pour  ainsi  dire  presque  plus  de  traces  d'édifices  antérieurs 
aux  xe  et  xie  siècles  ;  la  crypte  de  l'église  de  Jouarre,  con- 
sidérée comme  le  plus  ancien  exemple  d'une  œuvre  méro- 
vingienne, contient  un  mélange  d'éléments  architecturaux 
les  plus  divers  ;  les  parties  latérales  de  l'ancienne  cathé- 
drale de  Beau  vais  qui  remontent  au  vme  siècle,  le  temple 
Saint- Jean  de  Poitiers,  offrent  également  des  détails  em- 
pruntés à  l'art  antique  abâtardi/  Conformément  aux  ins- 
tructions des  évêques,  on  s'efforçait  de  sauver  ce  qui  restait 
des  édifices  antiques  pour  les  approprier  aux  constructions 
chrétiennes.  Saint  Grégoire  le  Grand  disait  en  596,  dans 
ses  instructions  au  moine  Augustin  :  «  Il  faut  se  garder  de 
détruire  les  temples  des  païens  ;  il  ne  faut  détruire  que 
leurs  idoles,  puis  faire  de  l'eau  bénite  et  arroser  l'édifice, 
y  construire  des  autels  et  y  placer  des  reliques.  Si  ces  tem- 
ples sont  bien  bâtis,  c'est  une  chose  bonne  et  utile  qu'ils 
passent  du  culte  du  démon  au  culte  du  vrai  Dieu.  »  On 
comprend,  après  cela,  la  difficulté  de  caractériser  franche- 
ment les  édifices  élevés  dans  les  périodes  mérovingienne 
et  carolingienne  ;  mais,  encore  une  fois,  en  tenant  compte 
des  inspirations  diverses  qu'imposent  les  circonstances,  c'est 
l'influence  byzantine  qui  domine.  Elle  est  manifeste  au 
temps  de  Charlemagne,  et  remarquable  surtout  dans  l'église 
Saint-Front  de  Périgueux.  Les  architectes  aquitains,  en 
t  s'assimilant  les  procédés  de  l'art  oriental  comme  ils  s'étaient 
^  assimilés  ceux  de  l'antiquité  romaine,  les  approprièrent  à 
leur  mode  de  construction,  dans  lequel  la  pierre  se  montre 
avec  la  simple  beauté  de  ses  combinaisons  savamment  appa- 
reillées, et  créèrent  un  art  nouveau,  Fart  roman,  qui, 
à  partir  du  xie  siècle,  prit  un  développement  extraor- 
dinaire. 

Sculpture,  peinture,  arts  décoratifs.  — •  Les  monu- 
ments de  la  sculpture  du  premier  âge  gaulois,  en  dehors  des 
ouvrages  signalés  ci-dessus,  sont  à  peu  près  insignifiants.  Il 


-  1095  — 


FRANCE 


n'y  a  rien  à  dire  des  figures  grossières  tracées  sur  quelques 
monuments  celtiques.  Quant  aux  ornements  sculptés  sur 
les  sarcophages  qui  datent  de  l'invasion  romaine,  on  a  vu 
qu'ils  sortaient  des  ateliers  où  travaillaient,  comme  à  Arles, 
des  artistes  venus  de  Rome.  Sur  les  monuments  élevés  en 
Gaule,  pendant  la  domination  romaine,  on  remarque,  il  est 
vrai,  de  nombreux  fragments  de  sculpture  ;  mais  ils  sont 
sans  accent,  sans  originalité.  Un  peu  de  liberté,  une  pointe 
de  fantaisie  n'apparaissent  que  dans  des  œuvres  qui  datent 
de  la  chute  de  l'empire  d'Occident.  Pendant  longtemps  les 
évoques  s'élèvent  contre  l'emploi  des  figures  en  ronde  bosse 
dans  l'intérieur  des  églises.  Cependant,  sous  le  règne  de  Da- 
gobert,  les  murs  de  l'église  de  Saint-Honorat  étaient  ornés 
de  bas-reliefs  de  marbre  représentant  l'histoire  de  Jésus- 
Christ.  Au  commencement  du  ixe  siècle,  l'église  abbatiale 
de  Saint-Faron  était  décorée  du  tombeau  du  duc  Otger, 
comprenant  sept  statues.  Mais  c'étaient  là  des  exceptions. 
Ce  n'est  qu'à  partir  de  la  fin  du  xie  siècle  que  la  sculpture 
française  commence  à  se  manifester  avec  le  caractère  que 
nous  avons  essayé  plus,  haut  de  déterminer.  En  Provence, 
dans  une  partie  du  Languedoc,  surtout  à  Toulouse,  comme 
dans  les  provinces  occidentales,  dans  le  Périgord,  la  Sain- 
tonge,  en  Picardie,  dans  l'Ile-de-France,  dans  le  Limousin, 
la  statuaire,  échappant  peu  à  peu  aux  influences  anciennes, 
se  revêtait  de  l'expression  chrétienne  qui  devait  lui  donner 
avec  l'époque  romane  un  plein  développement. 

Il  est  difficile  de  dire  ce  que  fut  la  peinture  dans  les 
Gaules  à  cette  première  période  de  l'art,  toute  trace  ayant 
disparu  des  œuvres  de  ce  genre.  On  sait  qu'un  certain 
nombre  d'églises  sous  les  premiers  rois  furent  ornées  de 
fresques  ;  Grégoire  de  Tours  fit  peindre  entièrement  les 
églises  de  Saint-Martin  et  de  Sainte-Perpétue.  Charle- 
magne  fit  également  exécuter  des  travaux  de  ce  genre. 
Nous  ne  pouvons  les  apprécier  ;  mais  il  est  un  ordre  de 
documents  que  leur  nature  même  a  préservés  de  la  des- 
truction, et  qui  nous  laissent  entrevoir  ce  que  pouvait  être 
la  peinture  de  ce  temps  :  ce  sont  les  enluminures  des  ma- 
nuscrits. Dès  le  ive  siècle,  saint  Jérôme  recommandait  la 
copie  des  manuscrits  comme  une  des  occupations  les  plus 
convenables  à  la  vie  monastique.  Les  moines  qui  travail- 
laient soit  à  tisser  de  la  toile,  soit  à  faire  des  corbeilles,  se 
mirent  à  transcrire  des  livres  et  à  teindre  en  pourpre  des 
parchemins.  Ce  fut  le  travail  principal  des  cénobites.  Sous 
le  souffle  puissant  du  génie  de  Charlemage,  on  vit  les  cou- 
vents exécuter  ces  missels,  ces  évangéliaires,  dont  le  mer- 
veilleux éclat  projette  sur  les  débuts  de  la  période  caro- 
lingienne une  lueur  artistique  si  brillante.  Les  écoles  de 
Saint-Gall  (en  Suisse),  de  Metz,  de  Reims,  d'Orléans, 
nous  ont  laissé  des  œuvres  remarquables  en  ce  genre. 
L'abbaye  de  Moissac,  la  métropole  de  l'ordre  de  Cluny  en 
Languedoc,  ne  furent  pas  moins  fécondes. 

Le  souci  de  la  belle  écriture  devait  naturellement  con- 
duire à  la  décoration  des  pages  par  des  ornements.  De  là 
est  né  cet  art  charmant  dans  lequel  apparaît  avec  le  plus 
de  vivacité  peut-être,  et  le  plus  d'originalité,  notre  génie 
national.  Après  avoir  commencé  à  semer  l'or,  l'argent,  les 
couleurs  vives  sur  les  lettres  des  manuscrits,  à  les  allu- 
mer (delà  le  mot  illuminare,  enluminer),  les  artistes 
composent  de  véritables  tableaux  où  l'on  voit  tour  à  tour 
s'affirmer,  avec  les  alternatives  des  différentes  influences  que 
subit  l'art  à  travers  les  premiers  siècles,  toute  la  grâce 
naïve,  toute  la  fraîcheur  d'imagination  des  peintres  chré- 
tiens. Au  début  de  l'époque  barbare,  les  enluminures  se 
bornent  aux  ornements  calligraphiques.  Peu  à  peu  un  art 
nouveau  se  greffe  sur  les  débris  de  l'ancien.  Au  vne  siècle 
les  lettres  sont  formées  non  plus  avec  des  traits  de  fan- 
taisie, mais  avec  des  lignes  qui  rappellent  tantôt  des  corps 
d'animaux,  tantôt  des  nœuds,  des  enlacements,  des  entre- 
lacs qui  imitent  ces  belles  boucles  de  ceintures ,  des  bau- 
driers, que  portaient  alors  les  Francs,  et  que  les  sépultures 
récemment  mises  au  jour  nous  font  voir  également  dans 
leurs  fibules,  leurs  bagues,  leurs  bracelets.  A  l'époque  de 
Charlemagne,  les  ateliers  monastiques  du   centre  de  la 


France  exécutaient  des  enluminures  qui  ont  un  caractère 
d'originalité  absolue,  d'une  hardiesse  d'invention  marquant 
une  véritable  indépendance  de  talent.  Comme  le  dit  M.  Le- 
coy  de  La  Marche  :  «  Il  existe  un  art  carolingien,  et  cet  art 
est  français.  »  Il  va  grandir  encore  avec  l'époque  romane. 

Parlerons-nous  des  diverses  industries  dans  lesquelles  les 
Gallo-Romains  commencèrent  à  montrer  un  sentiment  d'art? 
On  a  vu  que  de  tout  temps  nos  aïeux  s'étaient  fait  remar- 
quer par  leurs  habits  éclatants,  rayés  de  couleurs  brillantes  : 
Virgatis  fulgent  sagulis,  dit  Virgile,  en  parlant  des  sayes 
qu'ils  portaient.  Ce  ne  fut  pas  tant  sous  la  domination  ro- 
maine qu'après  l'invasion  des  Barbares,  sous  l'influence 
directe  des  Byzantins,  que  l'art  des  tissus  fit  les  plus  grands 
progrès.  Le  christianisme  en  encouragea  le  développement, 
et,  sous  l'impulsion  des  évêques,  il  s'établit  dans  les  mo- 
nastères de  véritables  ateliers  pour  la  fabrication  des  belles 
étoffes  qui  rehaussaient  l'éclat  des  cérémonies  religieuses. 
Grégoire  de  Tours  parle  fréquemment  des  tissus  d'une 
merveilleuse  richesse  dont  on  couvrait  les  murs  des  églises  ; 
ces  tissus,  ordinairement  en  soie,  étaient  ornés  de  peintures. 
Ce  ne  fut  pas  sans  de  grandes  hésitations  que  les  premiers 
pères  de  l'Eglise  consentirent  à  favoriser  le  luxe  des  étoffes. 
Saint  Césaire,  évêque  d'Arles,  qui  vivait  au  vie  siècle, 
interdit  dans  les  monastères  de  femmes  l'usage  de  la  bom- 
bicyne,  cette  espèce  d'étoffe  de  soie  brodée,  si  légère  et 
si  transparente,  contre  laquelle  déjà  Juvénal  avait  jadis 
aiguisé  ses  satires.  Le  pape  saint  Sylvestre  avait  de  son 
côté  décrété  que  le  prêtre  à  l'autel  n'aurait  que  des  orne- 
ments de  lin.  Malgré  tout,  cette  austérité  fit  place  au  be- 
soin de  la  magnificence.  Certaines  abbayes,  comme  celle  de 
Saint-Florent  de  Saumur,  étaient  renommées  pour  leur  fa- 
brication d'étoffes  et  de  tapisseries,  que  les  moines  tissaient 
eux-mêmes.  Bien  avant  les  croisades,  même  au  temps  de 
Rome,  les  métiers  du  pays  qui  devait  devenir  l'Artois  étaient 
conus  et  estimés. 

L'industrie  de  l'orfèvrerie,  sous  l'impulsion  du  christia- 
nisme, ne  se  manifestait  pas  avec  moins  d'éclat.  Dans  la 
période  primitive,  elle  avait  été  limitée  à  quelques  orne- 
ments appliqués  sur  les  armes.  Durant  l'invasion  romaine, 
elle  produisit  des  œuvres  rappelant  le  goût  des  divers 
peuples  avec  lesquels  la  Gaule  s'était  trouvée  en  con- 
tact. Des  ateliers  assez  nombreux  s'étaient  établis  sur  divers 
points  du  territoire  ;  mais  l'on  ne  peut  guère  juger  de  leurs 
qualités  que  par  de  bien  rares  spécimens  trouvés  dans  les 
sépultures.  On  sait  notamment  qu'il  en  existait  à  Toulouse, 
où  Sidoine  Apollinaire  nous  apprend  qu'il  fit  exécuter  une 
inscription  sur  un  vase  d'argent  à  anse  ;  il  y  en  avait  aussi 
à  Reims,  établis  depuis  longtemps  et  où  se  maintint  la  tra- 
dition antique.  On  y  pratiquait  l'art  de  repousser  les  figures. 
Le  caractère  spécial  de  l'orfèvrerie  mérovingienne  consiste 
dans  l'alliance  des  pierreries  aux  métaux  précieux.  Nul 
doute  que  ce  soit  là  une  pratique  venue  de  Byzance.  Peu 
à  peu,  les  chatons  se  combinent  avec  la  gravure,  avec  le 
filigrane  et  le  granulé,  avec  les  nielles,  avec  la  damasquine 
et  le  repoussé,  enfin  avec  l'émail.  Dès  le  début,  les  rois 
francs  montrèrent  un  goût  singulier  pour  l'orfèvrerie.  Sans 
parler  de  Childebert  ni  de  Clovis,  on  peut  citer  le  mot  de 
Chilpéric  qui  montrant  orgueilleusement  les  plats  d'or  qu'il 
avait  fait  fabriquer  par  ses  ouvriers  disait  :  «  J'ai  fait 
cela  pour  ennoblir  et  faire  briller  la  nation  des  Francs.  » 
Voilà  autant  de  preuves  du  grand  honneur  dans  lequel 
était  dès  lors  tenue  une  industrie  qui  devait  d'ailleurs  re- 
cevoir son  principal  éclat  des  habitudes  de  luxe  et  de  pompe 
répandus  par  le  christianisme.  Au  vie  siècle,  la  ville  de 
Limoges  était  déjà  célèbre  par  ses  orfèvreries.  C'est  là  que 
naquit  saint  Eloi  dont  le  talent  est  resté  légendaire.  Bien 
des  œuvres,  qui  ont  été  conservées  dans  les  trésors  des 
abbayes  et  des  cathédrales,  lui  ont  été  attribuées.  Quoi 
qu'il  ne  soit  pas  facile  de  rien  préciser  à  cet  égard,  on  peut 
se  faire  une  idée  suffisante  de  la  belle  expression  qu'il  a  su 
donner  à  son  art.  L'empereur  Charlemagne  qui,  comme  le 
dit  son  historien  Eginhard,  aimait  à  revêtir,  dans  les  occa- 
sions solennelles,  un  costume  éblouissant  d'or  et  de  pierre- 


FRANCE 


1096 


ries,  ne  manqua  pas  de  s'appliquer  au  développement  de 
l'orfèvrerie.  C'est  l'époque  florissante  des  ateliers  monas- 
tiques et  surtout  de  l'école  de  l'abbaye  de  Saint-Denis.  L'or- 
fèvrerie française  est  alors  assez  hautement  estimée  pour 
que  les  ouvriers  de  notre  pays  fussent  chargés,  par  la  ville 
de  Venise,  de  la  commande  d'un  calice  d'or.  On  peut  juger 
de  la  valeur  des  œuvres  de  cette  époque  par  les  pièces  con- 
servées soit  dans  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Sion,  soit 
dans  celui  de  l'abbaye  de  Conques  ;  elles  montrent  une  cu- 
rieuse alliance  entre  les  trois  arts  qui  se  trouvaient  être 
alors  en  conflit.  Des  émaux  byzantins  s'y  rencontrent  re- 
présentant des  personnages  bénissant  à  la  grecque,  dési- 
gnés par  des  inscriptions  latines,  tandis  que  des  ornements, 
d'une  libre  allure  comme  ceux  des  manuscrits,  se  combinent 
à  des  feuillages  de  style  oriental. 

Il  est  question  plus  loin  des  monnaies  gauloises,  les- 
quelles furent  dans  les  premiers  siècles  exécutées  par  les 
orfèvres  (V.  le  §  Numismatique), 

C'est  dans  le  travail  des  armes  que  nos  aïeux  ont  montré 
la  plus  précoce  habileté.  De  très  bonne  heure  leur  tech- 
nique a  été  remarquable.  On  en  a  la  preuve  par  le  grand 
nombre  d'oeuvres  de  ce  genre  trouvées  dans  les  sépultures 
et  dont  quelques-unes  remontent  à  une  assez  haute  anti- 
quité. On  voit,  entre  autres,  au  musée  de  Cluny,  à  celui  de 
Saint-Germain  et  au  musée  d'artillerie  de  Paris,  des  frag- 
ments d'épées  franques  ou  de  fourreaux  d'une  magnifique 
exécution.  Au  point  de  vue  de  l'harmonie  et  de  la  logique 
des  formes,  l'art  de  l'armurier  n'a  rien  produit  de  plus 
expressif.  L'épée  du  roi  des  Visigoths,  Théodoric,  qui  est 
au  musée  de  Troyes,  est  de  la  plus  riche  exécution,  avec 
garnitures  d'or,  d'argent  et  incrustations  de  verre  rouge. 
Celle  du  roi  Childéric  Ier,  trouvée  à  Tournai  en  1563,"  eV 
qui  est  déposée  au  Cabinet  des  médailles,  est  décorée  de 
massifs  d'or,  sertissant  des  incrustations  de  verre  rouge,  et 
son  pommeau  porte  à  chaque  extrémité  une  tête  d'animal. 
Les  casques,  les  framées,  les  francisques,  les  baudriers, 
ornés  d'appliques  de  fer,  avec  verroteries  serties  sur  pail- 
lon d'or,  démontrent  encore  quel  luxe  les  guerriers  francs 
déployaient  dans  leurs  armes  et  avec  quelle  habileté  les  or- 
fèvres savaient  les  décorer. 

Epoque  romane.  —  Jusqu'à  la  fin  du  xe  siècle,  de 
tous  les  éléments  dont  nous  venons  d'analyser  les  origines 
ne  s'était  point  encore  dégagé,  en  France,  un  art  ayant 
un  caractère  nettement  homogène,  une  saveur  de  terroir, 
et,  pour  tout  dire,  un  style  national.  Un  mouvement  déci- 
sif s'est  produit  en  ce  sens,  à  partir  du  commencement  du 
xie  siècle,  pendant  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  la  pé- 
riode romane  qui  s'étend  jusqu'à  la  fin  du  xne  siècle. 

Architecture.  —  C'est  par  l'architecture  que  ce  mouve- 
ment se  manifeste  avec  le  plus  d'intensité. 

Les  invasions  successives  des  Normands  sur  le  sol  gau- 
lois, après  la  chute  de  l'empire  de  Charlemagne,  avaient 
été  particulièrement  fatales  aux  édifices  religieux.  Ces  nou- 
veaux barbares,  non  encore  christianisés,  pillaient  les  églises, 
emportaient  les  pièces  d'orfèvrerie,  puis  livraient  aux 
flammes  le  monument  à  plafond  de  bois.  «  Si  les  Normands 
avaient  eu  affaire  à  des  édifices  voûtés,  dit  M.  Jules  Qui- 
cherat,  dans  ses  Mélanges  d'archéologie,  ils  auraient  eu 
beau  mettre  le  feu  dedans  et  dessus,  la  construction  n'aurait 
éprouvé  que  des  dégâts  partiels.  »  Or,  leurs  incendies 
rasaient  tout.  Ce  fut  une  leçon  qui  servit  aux  archi- 
tectes de  l'époque  romane.  Mais  ce  ne  fut  pas  sans  tâton- 
nements que  ceux-ci  trouvèrent  le  moyen  de  substituer  la 
couverture  en  maçonnerie  à  la  couverture  en  charpente. 
Dans  les  provinces  du  Midi,  dans  le  Centre  et  le  Sud-Ouest 
où  l'on  était  déjà  familiarisé  avec  les  méthodes  de  l'antiquité 
romaine  et  de  l'Orient,  on  trouva  plus  vite  la  solution  du 
problème.  Dans  le  Nord,  on  fut  moins  prompt,  et  l'on  eut 
parfois  recours  à  des  expédients.  C'est  ainsi  que  certaines 
églises  eurent  leurs  nefs  et  leurs  bas  côtés  couverts  en 
bois,  comme  à  Vignory  (Haute-Marne)  ;  d'autres  conser- 
vaient seulement  une  charpente  apparente  sur  la  nef  cen- 
trale, tandis  que  les  bas  côtés  avaient  des  voûtes  d'arête 


et  les  absides  et  absidioles  des  voûtes  en  berceau  ou  en 
quart  de  sphère.  La  construction  de  ces  voûtes  amena  forcé- 
ment les  architectes  à  donner  une  épaisseur  plus  grande 
aux  murailles  chargées  d'en  supporter  le  poids  ;  de  là  une 
modification  complète  dans  l'aspect  de  l'édifice  qui  prend  à  la 
fois  un  caractère  très  simple  et  supérieurement  expressif. 
L'église  romane,  avec  ses  murs  percés  d'étroites  fenêtres 
cintrées,  flanquée  de  contreforts  de  peu  de  saillie,  avec  sa 
porte  abritée  habituellement  sous  trois  arcs,  et  surmontée  de 
l'ouverture  circulaire,  Voculus,  point  de  départ  de  larosedes 
cathédrales  gothiques,  avec  son  clocher  qui  dresse  sa  masse 
trapue,  soit  sur  la  façade,  soit  au  centre,  soit  sur  un  des 
côtés,  ce  type  d'église,  en  un  mot,  dont  le  principe  est 
clairement  inscrit  dans  la  vieille  basilique  romaine,  traduit 
exactement  l'esprit  chrétien  du  moyen  âge. Il  est  marqué  d'une 
empreinte  d'austérité  un  peu  sombre,  de  foi  robuste,  d'idéal 
sobrement  mais  fortement  exprimé.  D'ailleurs  chaque  pays, 
chaque  province,  selon  les  conditions  du  climat,  la  nature 
des  matériaux  dont  on  avait  l'usage,  apporta  aux  produc- 
tions de  l'architecture  romane  des  variantes  nombreuses. 
Si  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Angleterre,  elles  eurent 
une  physionomie  propre,  de  même,  en  France,  elles  sui- 
virent les  inspirations,  très  visiblement  distinctes,  de  plu- 
sieurs écoles.  C'étaient  les  monastères,  alors  les  seuls  et 
véritables  refuges  des  artistes,  qui  donnaient  l'impulsion 
et  imprimaient  une  certaine  unité  de  direction  dans  la 
construction  des  pieux  édifices  dont  ils  avaient  le  monopole . 
Entre  tous,  deux  ordres  religieux  exercèrent  sur  l'art  une 
action  prépondérante  qui  ouvrait  la  voie  à  des  tendances 
très  différentes  :  nous  voulons  parler  de  l'ordre  de  Cluny 
et  de  celui  de  Cîteaux.  Tandis  que  les  riches  et  puissants 
abbés  de  Cluny  bâtissaient  des  monuments  grandioses, 
d'une  riche  ordonnance,  décorés  de  vitraux  de  couleurs, 
ornés  de  sculptures  où  se  distingue  déjà  l'interprétation  de 
la  flore  nationale,  les  moines  de  Cîteaux  proscrivaient  dans 
les  leurs  tout  luxe,  toute  peinture,  tout  détail  extérieur 
pouvant  distraire  la  pensée  des  fidèles.  Les  premiers,  pla- 
cés en  pleine  Bourgogne,  faisaient  rayonner  au  loin  leur 
influence  ;   ils  aimaient  les  porches  imposants  et  élevés, 
flanquaient  l'édifice   de  trois,  quatre  et  quelquefois  cinq 
tours.  Les  églises  de  Cluny  et  de  Vézelay,  la  cathédrale 
d'Autun,  sont  des  exemples  magnifiques  de  cette  architec- 
ture.   Les  seconds  ne  voulaient  au   contraire  que  des 
porches  bas  et  fermés,  une  seule  flèche  au  centre  du  tran- 
sept. Dans  les  classifications  savantes  qui  ont  été  faites, 
en  ces  dernières  années,  des  monuments  de  style  roman, 
on  a  distingué  avec  une  certaine  précision  les  méthodes 
des  diverses  écoles  qui  s'étaient  formées  dès  lors  en  France . 
Celle  d'Auvergne,  qui  semble  avoir  été  guidée  par  un  ar- 
chitecte unique  poursuivant  avec  opiniâtreté  un  mode  par- 
ticulier de  construction,  eut  un  grand  éclat.  On  peut  voir 
par  les  églises  d'Orcival,  de  Notre-Dame  du  Port  à  Cler- 
mont,  et  de  Saint-Paul  à  Issoire,  avec  quelle  ingéniosité 
est  obtenue  la  voûte  en  berceau  qui  couvre  la  nef  centrale 
solidement  contrebutée  par  des  demi-berceaux;  quant  à 
la  décoration  exécutée  avec  une  sorte  de  marqueterie  de 
pierre  polychrome,  elle  présente  tant  d'originalité,   sous 
son  apparence  vaguement  orientale,  qu'on  comprend  qu'elle 
ait  presque  aussitôt  été  imitée  dans  les  provinces  du  Ni- 
vernais, du  Limousin,  du  Poitou  et  même  du  Languedoc. 
Il  n'est  pas  jusqu'à  l'église  Saint-Sernin,  à  Toulouse,  qui 
n'en  rappelle  certaines  dispositions.  Néanmoins^  dans  cette 
ville,  l'influence  qui  domine  est  celle  de  l'école  provençale, 
laquelle,  tout  en  adoptant  la  voûte  romane,  montre,  dans 
la  finesse  des  détails  et  de  la  décoration,  qu'elle  restait 
toujours  imprégnée  des  souvenirs  de  l'art  antique.  L'église 
de  Saint-Trophime,  à  Arles,  le  portail  de  Saint-Gilles,  les 
cloîtres  Montmajour  et  de  Saint-Paul  du  Mausolée,  sont 
les  types  les  plus  intéressants  de  cette  région.  Enfin  une 
des  formes  importantes  du  style  roman  ou  plutôt  un  des 
principes  de  la  transformation  de  ce  style,  dont  il  faut  par- 
ler ici,  est  l'église  à  coupoles  sur  pendentifs,  dont  la  première 
application  fut  faite  à  l'église  Saint-Front  de  Périgueux, 


—  1097  — 


FRANCE 


commencée  en  Tan  984.  Nous  bornant  à  rappeler  les  autres 
églises  à  coupoles  élevées  en  France  du  xie  au  xne  siècles, 
telles  que  celle  de  Saint-Etienne,  de  Cahors,  celle  de  Saint- 


Avit-Sénieur,  celles  d'Angoulême,  de  Fontevrault,  de  Saint- 
Pierre  à  Saumur,  de  Puy-en-Velay,  etc. ,  nous  conclurons 
que  l'architecture  romane  a  produit  des  monuments  qui,  par 


.    4P-:FQH::^-|:rii;-''j|^  ,x_.     .    . 


Eglise  Notre-Dame  la  Grande  à  Poitiers. 


leur  simple  beauté,  la  sagesse  de  leur  structure,  la  logique 
de  la  construction,  font  la  gloire  de  notre  pays. 

Sculpture.  —  Si  Ton  veut  apprécier  à  sa  véritable  valeur 
la  sculpture  de  l'époque  romane,  il  faut  moins  considérer 
des  morceaux  isolés  que  juger  des  ensembles  :  on  se  rend 
compte  alors  de  la  façon  remarquable  dont  son  rôle  a  été 
compris.  C'est  là  que  le  génie  français  commence  à  s'affir- 
mer avec  ses  belles  qualités  de  logique  et  de  clarté.  Dans 
l'art  roman,  la  sculpture  n'est  pas  un  accessoire  superflu  plus 
ou  moins  décoratif  ;  elle  fait  partie  intégrante  de  l'édifice 
et  se  trouve  étroitement  liée  à  la  conception  architecturale. 
On  n'en  met  qu'à  la  place  où  il  en  faut  et  où  elle  prend  la 
signification  qu'il  convient.  C'est  d'abord  au  seuil  du  temple, 
dans  le  tympan  de  la  porte,  comme  pour  préparer  les  fidèles 
au  recueillement.  Là  elle  représente  la  figure  colossale  et 
grave  du  Christ  entouré  desévangélistes.  Puis,  dans  l'inté- 
rieur de  l'édifice,  elle  anime  les  chapiteaux  des  colonnes, 
et,  dans  quelques  rares  bas-reliefs,  placés  avec  une  parfaite 
intelligence  de  la  décoration,  elle  appelle  la  ferveur  reli- 
gieuse sur  quelque  épisode  chrétien.  Sans  doute  les  artistes 
ne  possèdent  pas  encore  toute  l'expérience  voulue  dans  le 
maniement  du  ciseau  ;  ils  donnent  aux  visages  des  expres- 
sions étranges,  avec  des  yeux  saillants,  des  sourcils  arqués. 
Les  personnages  ont  souvent  des  proportions  fausses,  des 
attitudes  raides.  Si  ce  sont  des  plantes  ou  des  animaux  qui 
servent  de  motifs  d'ornementation  aux  moulures,  aux  cha- 
piteaux, on  y  retrouve  l'influence  byzantine  dans  la  défor- 
mation de  la  réalité  pour  arriver  à  des  types  fantastiques, 
très  éloignés  de  la  nature  :  ces  figurations  extraordinaires, 
brebis,  quadrupèdes  à  tête  de  femme,  dragons,  chimères, 
adoptées  par  les  premiers  artistes  chrétiens,  avaient  fini  par 
répondre  aux  croyances  populaires.  Mais  les  sculpteurs 
français  ne  s'attardèrent  pas  longtemps  à  cette  imitation 
purement  orientale  que  répudie  notre  bon  sens  national,  et, 
dès  le  xiie  siècle,  ils  se  mirent  à  consulter  directement  la 
nature,  à  traduire  sur  la  pierre,  avec  leur  sentiment  par- 
ticulier, la  flore  de  leur  pays  natal.  Dans  certaines  provinces, 
on  fait  preuve  à  cet  égard  d'une  grande  hardiesse  et  d'une 
précoce  originalité.  Par  exemple  dans  l'Est  et  dans  la  Bour- 
gogne, où  règne  l'autorité  de  l'école  de  Cluny,  les  orne- 
manistes montrent  tout  de  suite  une  grande  indépendance, 
jetant  sur  les  monuments  la  riche  parure  d'une  végétation 


"puissante  et  variée  qu'ils  accompagnent  de  rosaces,  de  pat- 
inettes, de  perles  empruntées  à  l'art  antique  :  l'église  de 
Vézelay  nous  fournit  à  ce  point  de  vue  des  exemples  déci- 
sifs. Les  écoles  de  Poitou  et  de  Saintonge,  employant  un 
calcaire  facile  à  travailler,  multiplient  les  détails.  En  Nor- 
mandie et  au  N.  de  la  Loire,  on  a  le  plus  souvent  recours 
aux  dispositions  géométriques.  L'école  languedocienne  com- 
bine avec  adresse  les  éléments  décoratifs  du  Nord  avec  ceux 
de  Byzance,  et  Toulouse,  où  travaillent  les  plus  habiles 
exécutants,  montre,  dans  les  chapiteaux  jumelés  de  Saint- 
Sernin,  de  très  beaux  rinceaux  perlés  au  milieu  desquels 
se  meuvent  de  charmantes  petites  figures  :  c'est  dans  le 
Midi,  d'ailleurs,  que  la  sculpture  est  toujours  le  plus  abon- 
dante. Le  cloître  de  Saint-Trophime,  à  Arles,  et  l'église 
Saint-Gilles,  sont  couverts  d'ornements.  AMoissac,  la  sculp- 
ture du  portail  de  l'église,  dont  le  trumeau  est  formé  de 
liens  entrelacés,  accuse  une  influence  orientale  très  pro- 
noncée, mais  elle  est  d'une  extrême  finesse,  et,  dans  les 
bas-reliefs  représentant  le  Christ  bénissant,  les  Vices  punis, 
l'Annonciation,  l'Adoration  des  Mages,  etc.,  on  sent  néan- 
moins une  grande  liberté  d'interprétation.  Le  souvenir  des 
Byzantins  semble  moins  préoccuper  les  provinces  du  Centre 
où  les  progrès  de  la  sculpture,  au  xne  siècle,  sont  extrê- 
mement rapides  :  on  peut  se  rendre  compte  par  les  figures 
qui  décorent  le  portail  Sainte- Anne  de  Notre-Dame  de  Paris, 
par  celles  de  la  porte  centrale,  par  celles  du  portail  Nord 
de  l'église  Saint- Denis  ou  de  la  porte  de  Saint-Etienne,  de 
Sens,  de  la  cathédrale  de  Chartres,  par  celles  encore  de 
l'église  Notre-Dame,  à  Corbeil,  du  degré  d'originalité  atteint 
par  nos  statuaires.  L'expression  des  têtes  est  individualisée, 
la  facture  est  assouplie,  le  travail  du  ciseau  est  varié  sui- 
vant qu'il  s'agit  de  traiter  le  nu  ou  la  draperie  ;  le  style 
est  plein  de  noblesse .  La  sculpture  monumentale  n'a  jamais 
eu  plus  de  caractère  que  dans  cette  période  de  l'art  roman. 
Peinture  et  arts  décoratifs. — Que  beaucoup  des  églises 
des  xie  et  xne  siècles  aient  été  décorées  de  peintures,  le 
fait  n'est  point  douteux.  Malheureusement,  les  œuvres  de 
ce  genre  sont  trop  soumises  à  l'action  destructive  du  temps 
pour  avoir  subsisté.  Si  l'on  excepte  les  fresques  encore 
bien  conservées  delà  riche  abbaye  poitevine  de  Saint-Savin, 
certains  vestiges  de  celle  d'une  chapelle  du  Liget,  et^  de 
l'église  de  Rivière  dans  l'Indre-et-Loire,  ou  de  Montoire, 


FRANCE 


1098  — 


dans  le  Loir-et-Cher,  il  ne  Heste  rien  d'assez  complet  pour 
qu'on  puisse  se  faire  une  idée  suffisante  de  l'état  de  cet  art 
à  l'époque  dont  il  est  ici  question.  Néanmoins  les  documents 
que  l'on  possède  autorisent  à  penser  que  la  peinture  romane 
fut,  comme  la  sculpture,  avant  tout  en  harmonie  avec  le 
monument  qu'elle  décorait.  La  subordination  à  l'architec- 
ture est  la  règle  première  à  laquelle  elle  se  soumet.  Les 
figures  sont  ordinairement  sans  lien  entre  elles  ;  le  geste 
est  sobre,  mais  net  ;  point  de  détails  inutiles  dans  les  dra- 
peries ;  absence  totale  de  plans  ;  les  tons  sont  mats,  sans 
parti  pris  de  lumière  et  d'effet,  réduits  à  un  très  petit 
nombre.  Il  y  a  dans  cette  méthode  de  décoration,  en  dépit 
de  l'aspect  rudimentaire  des  figures  représentées,  une  obser- 
vation si  rigoureuse  des  lois  de  la  peinture  monumentale 
que  quelques  archéologues  ont  exprimé  l'avis  que  peut-être 
des  peintres  nomades  venus  de  Byzance  ou  imbus  des  doc- 
trines antiques  sont  les  auteurs  de  ces  œuvres  si  bien  ap- 
propriées. C'est  là  une  simple  hypothèse.  Pour  l'accueillir 
sans  réserve,  il  faudrait  oublier  que  les  artistes  de  notre 
nation  témoignaient,  à  cette  époque  même,  des  plus  éton- 
nantes facultés  d'assimilation,  que  dans  toutes  les  produc- 
tions de  l'époque  romane  il  y  avait  ce  même  caractère  de 
logique  signalé  pour  la  peinture,  et  qu'une  pareille  unité 
de  tendances  ne  peut  guère  provenir  que  de  la  qualité  spé- 
ciale du  génie  d'une  race.  Or  celui  de  notre  pays,  «  génie 
clair  et  pondéré,  souverainement  judicieux,  pour  qui  le'beau 
ne  se  sépare  jamais  de  l'ordre  et  de  la  raison  »,  apparaît 
en  même  temps  que  se  posaient  les  fondements  de  la  natio- 
nalité française. 

La  peinture  des  manuscrits,  sans  prendre  encore  le  grand 
développement  qu'elle  aura  à  l'époque  suivante,  continue 
sa  route  ascendante.  On  ne  se  contenta  plus  au  xie  siècle 
d'illustrer  la  Bible  et  les  ouvrages  des  pères  de  l'Eglise  ; 
on  fit  participer  aux  mêmes  honneurs  les  canonistes  et  les 
commentateurs.  Le  dessin  s'améliora.  Les  formes  de  l'ar- 
chitecture nouvelle,  les  rosaces,  le  feuillage  conventionnel 
des  chapiteaux  se  glissent  dans  les  méandres  envahissants 
des  initiales  filigranées  qui  remplissent  les  pages,  et  où 
apparaissent  aussi  parfois  des  animaux  non  plus  seulement 
symboliques,  mais  réels,  des  ours,  des  paons,  des  singes, 
des  renards.  L'élément  fantastique  domine  encore;  mais  la 
représentation  de  l'homme  s'unit,  au  xne  siècle,  aux  orne- 
ments linéaires,  etde-ci  de-là  on  reconnaît  à  certains  détails 
de  costumes,  à  certaines  scènes  familières,  le  sentiment 
naturaliste  qui  se  fait  jour.  En  même  temps,  la  gamme  des 
couleurs  s'étend,  cherche  à  mieux  rendre  les  carnations  et 
à  varier  les  nuances  de  l'or  bruni  ressortant  sur  les  fonds 
sombres. 

L'art  de  la  peinture  sur  verre,  art  essentiellement  fran- 
çais, produit  au  xn°  siècle  ses  premières  œuvres,  et,  sans 
tâtonnement,  sans  indécision,  se  conforme  aux  rationnels 
principes  décoratifs  qui  ont  inspiré  avec  un  remarquable 
ensemble  tous  les  architectes  romans.  Depuis  longtemps  on 
s'était  servi  pour  la  fermeture  des  fenêtres  de  verres  colo- 
rés ;  mais  le  procédé  qui  consiste  à  peindre  sur  le  verre  au 
moyen  d'émaux  que  la  fusion  fixe  définitivement  en  les 
vitrifiant  ne  se  répandit  qu'à  partir  du  xie  siècle.  Le  moine 
Théophile,  par  les  détails  qu'il  fournit,  dans  sa  Schedula 
cliversarum  artium,  sur  la  technique  des  verriers  de  son 
temps,  ne  laisse  aucun  doute  sur  les  ressources  dont  ceux- 
ci  étaient  déjà  maîtres.  Les  plus  anciennes  verrières  que 
l'on  connaisse,  celles  de  la  cathédrale  de  Châlons-sur-Marne, 
du  Mans,  de  l'église  Saint-Remi,  à  Reims,  de  Chartres  et 
de  Poitiers,  de  Bourges,  d'Angers,  etc.,  montrent  avec 
quelle  dextérité  les  praticiens  savaient  établir  les  chaudes 
colorations,  choisir  les  valeurs  relatives  des  tons,  et  en- 
châsser les  découpures  des  verres  dans  les  filets  de  plomb 
savamment  disposés.  Même  dans  les  verrières  incolores  des 
édifices  cisterciens,  où  l'on  proscrivait  le  luxe  de  l'imagerie, 
comme  l'avait  recommandé  saint  Bernard,  rien  que  le  jeu 
de  ces  plombs  arrangés  en  entrelacs  et  en  fleurons  forme 
une  ornementation  pleine  de  caractère,  ainsi  cju'on  le  voit 
dans  les  églises  de  Bonlieu  (Creuse) ,  d'Aubazine  (Corrèze) 


ou  de  Pontigny(  Yonne).  Quant  aux  verrières  à  personnages, 
on  ne  saurait  trop  signaler  l'intelligence  d'exécution  de" ces 
figures  qui  se  détachent  en  clair  sur  des  fonds  puissants 
et  dont  les  draperies  sont  faites  de  tons  neutres  pour  éviter 
la  décomposition  des  formes  par  des  taches  colorées. 

L'orfèvrerie,  surtout  l'orfèvrerie  religieuse,  avait  pris  un 
incroyable  développement.  Pas  une  église,  pas  un  couvent 
qui  ne  tînt  à  honneur  de  posséder  quelque  œuvre  précieuse 
en  ce  genre.  Les  cathédrales,  les  riches  abbayes  :  Reims, 
Rouen,  Saiut-Riquier,  Saint-Germain  des  Prés,  Saint-Denis, 
entassent  des  trésors  où  les  pièces  les  plus  riches  se  trouvent 
à  profusion.  Il  en  existe  encore  une  grande  quantité  qui 
permettent  d'apprécier  avec  exactitude  l'adresse  des  ouvriers 
et  l'habileté  des  artistes  auxquels  on  les  doit.  Pour  nous 
borner  aux  observations  générales  qui,  seules,  peuvent  avoir 
place  dans  le  cadre  de  la  présente  étude,  remarquons  que 
le  caractère  roman  dans  l'orfèvrerie  s'annonce  d'abord  par 
l'abandon  de  l'éternelle  feuille  d'acanthe  comme  motif  prin- 
cipal d'ornementation.  Le  décor  de  certaines  crosses  d'évêques 
est  fait  avec  de  simples  fougères.  Les  reliquaires,  qui  sont 
innombrables,  affectent  toutes  les  formes  et  de  préférence 
celle  pouvant  rappeler  la  relique  qu'ils  renferment  :  un  bras, 
une  tète,  une  côte,  etc.  «  La  fonte  et  le  repoussé,  dit  M.  Dar- 
cel,  le  repercé  et  le  ciselé,  l'estampé  et  le  frappé,  le  relief 
et  l'entaille,  le  nielle,  le  filigrane  et  l'émail,  les  pierres 
fines,  l'ivoire,  l'or  et  l'argent,  sont  alliés  avec  un  goût  qui 
en  fait  des  modèles  précieux,  malgré  la  barbarie  et  l'infé- 
riorité d'exécution  que  parfois  on  y  remarque.  C'est  que 
chaque  chose  y  est  à  sa  place,  employée  avec  les  formes  et  le 
travail  qui  lui  conviennent,  et  quelà,  de  même  que  dans  l'ar- 
chitecture, on  est  frappé  de  cette  qualité  exquise  des  grandes 
époques  d'art,  que  nous  appelerons  la  sincérité.  »  Les  émail- 
leurs  de  Limoges,  dont  le  renom  ne  faisait  que  s'étendre, 
ne  contribuèrent  pas  peu  alors  à  la  réputation  de  l'orfèvre- 
rie française  dans  le  monde  entier.  Ils  étaient  accablés  de 
commandes  et  il  faut  tirer  hors  de  pair  certaines  œuvres 
comme  les  autels  portatifs  du  trésor  de  Conques,  les  plaques 
des  tombeaux  de  Geoffroy  Plantagenet  et  d'Eulger,  évêque 
d'Angers,  le  coffret  du  trésor  de  la  cathédrale  de  Troyes, 
celui  de  l'abbaye  de  Conques,  etc. 

Les  étoffes,  qui,  après  la  première  croisade  (1096-1099), 
avaient  pris  au  contact  des  œuvres  de  l'Orient  de  nouveaux 
exemples  de  luxe  et  de  richesse,  firent  au  xne  siècle  un 
progrès  considérable  dû  à  un  fait  important  :  c'est  à  cette 
époque,  en  effet,  qu'un  atelier  d'artistes  grecs  fut  installé 
à  Palerme,  en  Sicile,  et  révéla  à  l'Occident  cette  merveil- 
leuse matière,  la  soie.  Les  brocarts,  les  damas,  les  satins 
exécutés  à  l'aide  de  machines,  excitèrent  l'admiration.  D'un 
autre  côté,  la  tapisserie  de  haute  lisse,  dont  beaucoup  d'ar- 
chéologues jusqu'ici  reportaient  l'invention  au  xme  siècle, 
mais  qui  date  réellement  du  xne,  se  manifestait  par  des 
œuvres  intéressantes.  Déjà,  au  xie  siècle,  une  tenture  re- 
marquable, célèbre  sous  le  nom  de  tapisserie  de  Bayeux, 
bien  que  ce  soit  une  broderie,  indiquait  l'habitude  de  sus- 
pendre des  étoffes  le  long  des  murailles.  Cet  usage  va  en 
peu  de  temps  se  généraliser  et  donner  naissance  à  une 
industrie  dans  laquelle  brillera  sous  de  multiples  aspects 
le  goût  français. 

Epoque  gothique  ou  ogivale.  —  C'est  vers  le  milieu 
du  xue  siècle  que  commence  l'art  improprement  appelé 
gothique  (puisqu'il  ne  rappelle  en  rien  la  barbarie  des 
Goths)  et  qu'on  désigne  aussi  sous  le  nom  d'ogival 
(V.  Croisée  d'ogives,  t.  XIII,  pp.  457-459).  La  seule 
expression  qui  conviendrait  certainement  serait  Y  «  art 
français  »,  d'abord  parce  que  c'est  en  France  qu'il  a  pris 
naissance,  et  ensuite  parce  qu'il  résume,  en  ses  déve- 
loppements, les  plus  hautes  qualités  de  notre  génie  natio- 
nal. Le  style  gothique  n'est  pas,  ainsi  qu'on  l'a  dit  trop 
souvent,  le  type  exclusif  et  universel  du  christianisme. 
Né  au  sein  du  catholicisme,  il  en  est  devenu,  à  la  vérité, 
l'expression  la  plus  éloquente.  Mais  en  l'adoptant,  en 
l'animant,  pour  ainsi  dire,  de  son  souffle,  en  lui  faisant 
traduire  toutes  les  palpitations  de  sa  vie  intellectuelle  et 


—  1099  - 


FRANCE 


morale,  le  peuple  Ta  marqué  de  sa  profonde  empreinte  : 
Fart  gothique  n'est  pas  seulement  dans  les  églises  ;  il  est 
dans  le  palais  des  rois,  dans  la  demeure  seigneuriale,  dans 
l'hôtel  de  ville  et  dans  la  maison  des  bourgeois,  dans 
l'ameublement  et  dans  les  habits.  Il  s'identifie  à  l'âme 
exaltée,  naïve,  franche,  ardente  de  cette  société  qui  achève 
de  se  constituer  sur  les  ruines  de  l'ancien  monde,  et  il  est 
la  figuration  saisissante  des  idées  qui  surexcitent  les  esprits 
et  des  mœurs  nouvelles  qui  s'établissent. 

Comment  a  tout  à  coup  surgi  sur  le  vieux  sol  gaulois 
cet  art  définitivement  émancipé  et  dans  lequel  va  si  large- 
gement  s'épanouir  sous  mille  formes  pittoresques  l'humeur 
populaire  ?  Tout  simplement  en  se  laïcisant.  Les  moines 
n'avaient  guère  conservé  dans  les  couvents  que  les  tra- 
ditions de  procédés  et  de  formules.  Entre  leurs  mains,  l'art 
gardait  une  immobilité  hiératique  ;  il  ne  pouvait  s'associer 
au  mouvement  de  la  vie  extérieure,  entrer  en  contact  avec 
l'imagination  mobile  des  foules,  aux  goûts  de  bien-être  et 
de  progrès,  aux  besoins  de  l'existence  qui,  chaque  jour,  se 
compliquaient  et  s'augmentaient.  Mais  sitôt  que  l'art, 
échappé  des  monastères,  devient  le  reflet  direct  de  la  vie 
sociale,  l'émanation  active  du  sentiment  des  masses  ;  sitôt 
qu'il  est  pratiqué  par  des  laïques,  par  des  hommes  que  les 
murs  des  couvents  ne  séparent  point  de  leurs  contempo- 
rains, on  le  voit  précipiter  son  allure,  abandonner  son  vête- 
ment morose  fait  de  toutes  les  défroques  du  passé,  pour  se 
parer  de  riants  ornements,  exprimer  avec  intensité  la  joie, 
la  douleur,  la  pitié,  l'espérance  qui  tressaillent  dans  le 
cœur  de  tous,  en  un  mot  s'imprégner  d'humanité.  Spec- 
tacle imposant,  en  vérité,  que  celui  de  ce  peuple,  si  long- 
temps influencé  par  l'étranger,  qui  se  ressaisit,  secoue  ses 
langes  et  bondit  d'un  tel  élan  ! 

Architecture.  L'architecture  est  le  point  de  départ  de 
cette  régénération.  L'église  romane  était  sombre  et  basse. 
Un  jour  arrive  où  l'on  constate  et  l'on  éprouve  les  surpre- 
nantes qualités  de  résistance  de  la  nervure  indépendante 
qui  engendre  la  voûte,  en  reportant  la  pesée  sur  des 
points  isolés.  «  Et  maintenant  l'architecture  est  libre,  dit 
M.  L.  de  Fourcand  dans  une  éloquente  page  ;  elle  com- 
mande à  la  pierre  ;  elle  érige  des  monuments  à  telle  hau- 
teur qu'il  lui  plaît  ;  elle  les  couvre,  elle  les  voûte  à  sa 
guise  ;  elle  évide  les  surfaces  autant  qu'il  lui  convient, 
entre  les  lourds  et  rassurants  piliers.  Au  dedans,  tout  lui 
devient  décor,  depuis  les  indispensables  nervures  dont 
chaque  pilier  recueille  un  faisceau,  jusqu'aux  fenêtres  sa- 
vamment découpées  où  s'enchâssent  de  parlantes  verrières. 
Au  dehors,  les  arcs-boutants,  franchissant  les  bas  côtés 
comme  d'un  bond,  n'affermissent  pas  seulement  la  cons- 
truction centrale,  ils  ajoutent  encore  un  charme,  une  enve- 
loppe harmonieuse  à  l'édifice  imposant.  »  Longtemps  il  a 
été  de  mode  de  railler,  au  nom  de  l'art  antique,  cette  archi- 
tecture si  française,  qu'on  a  traité  de  béquillarde  à  cause 
des  contreforts  qui  sont  un  de  ses  éléments  et  qu'on  a  affecté 
de  dédaigner.  On  revient  aujourd'hui  à  des  idées  plus  justes. 
Un  des  hommes  qui  ont  le  plus  contribué  à  en  faire  appré- 
cier les  beautés,  Viollet-le-Duc,  a  supérieurement  démon- 
tré qu'au  point  de  vue  rationnel,  elle  ne  le  cède  à  aucune 
autre  architecture.  Celle  des  Grecs  est  fondée  sur  le  prin- 
cipe du  point  d'appui  vertical  ;  celle  des  Romains  sur  l'arc 
portant  directement  sur  la  colonne.  Les  architectes  gothiques 
ont  trouvé  autre  chose,  l'arc  commandant  absolument  au 
point  d'appui  vertical,  l'arc  gouvernant  non  seulement  la 
structure,  mais  la  forme.  Ils  ont  donné  à  chaque  partie  de 
leurs  édifices  une  fonction.  C'est  leur  originalité  et  leur 
grand  mérite.  Leurs  colonnes  portent  réellement  ;  si  leurs 
chapiteaux  s'évasent,  c'est  pour  porter  ;  si  les  voûtes  se  divi- 
sent en  plusieurs  arcs,  c'est  que  ces  arcs  sont  autant  de 
nerfs  remplissant  une  fonction.  «  Tout  point  d'appui  ver- 
tical, dit  Viollet-le-Duc,  n'a  de  stabilité  que  s'il  est  étré- 
sillonné  et  chargé  ;  toute  poussée  d'arc  trouve  une  autre 
poussée  qui  l'annule.  Les  murs  disparaissent  ;  ce  ne  sont 
plus  que  des  fermetures,  non  des  supports.  Tout  le  système 
consiste  en  une  armature  qui  se  maintient,  non  plus  par  la 


masse,  mais  par  la  combinaison  de  forces  obliques  se  dé- 
truisant réciproquement.  La  voûte  n'est  plus  une  croûte, 
une  carapace  d'un  seul  morceau,  mais  une  combinaison  in- 
telligente de  pressions  qui  agissent  réellement  et  se  résolvent 
en  certains  points  d'appui  disposés  pour  les  recevoir  et  les 
transmettre  au  sol.  Les  profils,  les  ornements  sont  taillés 
pour  aider  à  l'intelligence  de  ce  mécanisme.  »  D'où  est  sortie 
cette  invention  si  féconde  en  conséquences  et  qui  a  révo- 
lutionné non  seulement  l'art  de  construire,  mais  impres- 
sionné toutes  les  formes  de  l'art  ?  Longtemps  l'Angleterre 
et  l'Allemagne  en  ont  disputé  l'honneur  à  notre  pays. 
Mais  il  n'y  a  plus  de  doutes  à  cet  égard.  C'est  sur  notre 
sol,  dans  l'Ile-de-France,  qu'ont  été  bâties  les  premières 
églises  de  style  ogival.  Nous  avons  fait  allusion  plus  haut, 
en  parlant  de  l'église  Saint-Front,  à  Périgueux,  à  la  toute 
nouvelle  théorie  émise  en  1892  par  l'architecte  M.  Cor- 
royer, qui  voit  dans  la  forme  spéciale  des  pendentifs  de  la 
coupole  de  cet  édifice  (pendentifs  appareillés  normalement 
à  la  courbe  et  reportant  les  pesées  sur  des  points  précis) 
la  première  application  de  l'arc-ogif.  Il  y  aurait  là,  selon 
lui,  un  rattachement  naturel  du  principe  gothique  à  l'archi- 
tecture romane  par  l'intermédiaire  des  Ryzantins.  Une 
telle  hypothèse,  pour  séduisante  et  ingénieuse  qu'elle  puisse 
être,  n'est  pas  d'accord  avec  les  faits  jusqu'ici  contrôlés 
par  la  critique  historique.  Ce  qui  est  acquis,  c'est  que,  dès 
le  commencement  du  xue  siècle,  dans  le  pays  de  l'Oise, 
dans  le  Reauvaisis,  le  Soissonnais,  le  Parisis,  on  a  cons- 
truit de  petits  monuments  où  s'annoncent  formellement  les 
recherches  du  système  ogival.  Telle  est  la  charmante  église, 
aujourd'hui  abandonnée,  de  la  Noël-Saint-Martin  dont  une 
charte  de  Louis  le  Gros,  datée  de  1124,  mentionne  l'exis- 
tence. Telle  est  la  chapelle  prieurale  de  Bellefontaine,  dont 
la  charte  de  fondation  de  1125  se  trouve  dans  les  archives 
de  l'Oise.  Telles  sont  encore  les  églises  de  Saint-Etienne 
de  Reauvais,  Saint-Germer  de  Fly ,  Saint-Evremond  de 
Creil.  La  déduction  des  choses  humaines  est  constante  en 
ceci  qu'on  procède  du  petit  au  grand  :  on  n'a  donc  dû  se 
risquer  à  bâtir  d'importants  édifices  par  le  moyen  de  la 
croisée  d'ogives  qui  fait  à  la  voûte  une  ossature  organique 
parfaitement  indépendante  qu'après  avoir  essayé  le  prin- 
cipe nouveau  dans  de  minimes  constructions.  Il  est  infini- 
ment probable  que  l'invention  de  la  croisée  d'ogives  est 
venue  de  la  voûte  d'arêtes  en  moellons  taillés  et  du  cin- 
trage de  charpenterie.  C'est  là  l'opinion  des  plus  éminents 
critiques,  et  M.  Louis  Courajod  lui  donne  l'appui  de  sa 
grande  autorité  lorsque,  démontrant  que  les  Gaulois,  les 
Francs,  les  Saxons,  les  Normands,  ces  fiers  ouvriers  du 
bois,  n'avaient  à  aucun  moment  abandonné  les  traditions 
de  cet  art  pratiqué  par  eux  de  si  longue  date,  il  ajoute  que 
le  temps  vint  où  dans  de  certaines  contrées  le  monde  bar- 
bare dut  vivre  de  ses  propres  ressources  et  n'eut  plus  pour 
architectes  et  pour  décorateurs  que  les  charpentiers  de  la 
vieille  souche  nationale,  à  qui  on  demanda  des  édifices  de 
pierre.  Il  arriva  alors  que  les  fils  des  charpentiers  gaulois, 
saxons,  Scandinaves,  apportèrent  à  l'architecture  de  pierre, 
devenue  l'architecture  unique,  les  procédés  dont  ils  avaient 
l'habitude  dans  les  anciennes  constructions  en  bois.  Ils 
échangèrent  la  matière  à  laquelle  ils  étaient  accoutumés, 
mais  n'abdiquèrent  pas  leurs  instincts.  Voilà  ce  dont  l'ar- 
chéologie n'a  peut-être  pas  assez  tenu  compte  dans  ses 
études  sur  la  découverte  du  système  ogival,  dont  les  symp- 
tômes se  sont  manifestés,  au  xue  siècle,  sur  les  points  les 
plus  opposés  du  territoire  français. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dès  les  premières  années  du  xme  siècle, 
l'architecture  gothique,  en  possession  de  ses  admirables 
ressources  et  entièrement  constituée,  se  manifeste  avec 
éclat  dans  l'Ile-de-France,  à  Saint-Martin  des  Champs, 
dans  la  cathédrale  de  Noyon,  dans  celles  de  Sens,  de  Reims 
et  surtout  à  Notre-Dame  de  Paris,  à  Amiens,  à  Chartres. 
Le  succès  fut  immense,  prodigieux.  On  ne  voulut  plus 
partout  que  des  édifices  exécutés  d'après  la  nouvelle  mé- 
thode. Une  véritable  fièvre  de  construction  s'empara  de 
tout  le  pays.  Les  évêques  ouvrirent  des  souscriptions  ;  les 


FRANCE 


—  IdOO  — 


communes  qui  avaient  conquis  leur  indépendance  s'en 
mêlèrent.  Il  n'y  eut  pas  de  ville  où  ne  s'ouvrît  quelque 
chantier,  avec  un  maître  de  l'œuvre  autour  duquel  se  ran- 
gèrent des  ouvriers  et  des  disciples,  formant  un  petit  centre 
d'activité  artistique.  Qu'un  pareil  essor  ait  eu  pour  foyer 
initial  l'Ile-de-France,  que  les  monuments  élevés  dans 
cette  contrée  ou  dans  la  région  dépendant  du  domaine 
royal  soient  de  beaucoup  les  plus  nombreux  et  les  plus 
magnifiques,  et  qu'enfin  toutes  les  innovations  de  style 
qui  y  prennent  naissance  soient  aussitôt  imitées  dans 
d'autres  cités,  le  fait  n'a  rien  que  de  très  naturel.  Au 
xme  siècle,  Paris  avait  déjà  autorité  dans  le  monde  ;  c'était' 
une  ville  riche,  savante  et  élégante  ;  son  luxe,  ses  écoles, 
ses  modes  lui  assuraient  un  prestige  que  développait 
l'action  de  souverains  éclairés  comme  Philippe-Auguste  et 
saint  Louis,  avec  l'influence  d'une  cour  amie  du  faste  et 
d'un  clergé  plus  mondain,  plus  puissant  pour  ne  pas  dire 
plus  courtisan  que  partout  ailleurs.  Il  faut  ajouter  que  le 
pouvoir  royal  possédait  alors  un  service  des  bâtiments 
régulièrement  organisé,  ayant  à  sa  tête  un  architecte  apte 
à  tous  les  travaux  et  dont  les  modèles  imposaient  leur  sé- 
duction à  l'Ile-de-France,  à  toute  la  conlrée  du  Nord  de  la 
Loire,  et  même  se  répandaient  jusque  dans  le  Midi,  tou- 
jours soumis  à  l'influence  italienne,  jusqu'au  Périgord  où 
l'intervention  byzantine  restait  évidente,  juqu'au  Sud-Ouest 
enfin  que  traversaient  quelques  courants  arabes  venus 
d'Espagne.  On  comprend  que  sous  la  direction  de  ces  ar- 
tistes une  certaine  similitude  de  caractère  s'explique  dans 
les  monuments  élevés  en  France  à  cette  époque  :  c'était  la 
même  espèce  d'unité  d'impulsion  donnée  auparavant  par 
l'ordre  de  Cluny.  Tandis  que  Pierre  de  Montereau  au 
xme  siècle  était  maître  des  œuvres  royales,  Raymond  du 
Temple  au  xive,  Jean  Chambiges  au  xvie,  leurs  créations, 
comme  la  délicieuse  Sainte-Chapelle  de  Paris,  celles  de 
Vincennes,  de  Notre-Dame  de  Paris,  la  chapelle  de  la 
Vierge  de  Saint-Germain  des  Prés,  etc.,  servaient  d'au- 
tant de  types  auxquels  se  référaient  plus  ou  moins  les 
artistes  provinciaux.  Eux-mêmes  étaient  souvent  appelés 
de  tous  côtés  en  consultation,  à  Amiens,  à  Reims,  à 
Troyes,  partout  où  s'entreprenait  quelque  importante 
construction.  Bien  mieux,  leurs  innovations  architecturales 
font  à  un  tel  point  l'engouement  de  l'Europe,  que  l'église 
de  Cologne  s'élève  en  imitation  de  celle  d'Amiens  et  de  la 
Sainte-Chapelle,  qu'Etienne  Bouvreuil  va,  en  1 287,  édifier 
l'église  d'Upsalà,  en  Suède,  et  Villard  de  Honnecourt,  celle 
de  Bude  en  Hongrie.  Ainsi  s'accomplit  cette  renaissance 
magnifique  en  France,  qui  nous  fit  tenir  alors  le  sceptre 
des  arts,  bien  avant  que  l'Italie,  intervertissant  les  rôles, 
s'en  emparât  à  son  tour. 

Il  y  a  eu,  à  l'époque  ogivale,  l'architecture  religieuse 
et  l'architecture  civile,  l'une  symbole  du  dogme  chrétien, 
l'autre  symbole  du  principe  caractéristique  de  la  société  et 
des  mœurs  qu'il  engendre.  La  première  est  représente  par 
la  cathédrale  ;  monument  immense,  «  image  symbolique  de 
la  création  »,  comme  le  dit  Lamennais,  dont  les  voûtes  éle- 
vées, arrondies,  pareilles  à  des  mains  qui  se  croisent  pour 
la  prière,  conduisent  la  pensée,  à  travers  la  tristesse  des 
demi-jours,  vers  le  point  où  convergent  les  longues  nefs, 
«  là  où  réside  voilé  le  rédempteur  de  l'homme  »  et  «  d'où 
émane  la  vertu  plastique  qui  imprime  au  temple  sa  forme». 
La  lumière  y  arrive  transformée  par  les  vitraux,  en 
pourpre  sanglante,  en  splendeurs  d'améthyste  et  de  topaze, 
en  mystiques  flamboiements  de  pierreries,  en  illuminations 
étranges  qui  semblent  des  percées  sur  le  paradis.  «  Les 
hommes  qui  entrent  ici,  dit  Taine,  ont  l'âme  triste,  et  les 
idées  qu'ils  y  viennent  chercher  sont  douloureuses...  L'édi- 
fice, par  ses  nefs  opposées,  représente  la  croix  sur  laquelle 
le  Christ  est  mort  ;  les  rosaces,  avec  leurs  pétales  de  dia- 
mants, figurent  la  rose  éternelle  dont  toutes  les  âmes  ra- 
chetées sont  les  feuilles  ;  les  dimensions  de  toutes  les  par- 
ties correspondent  à  des  nombres  sacrés.  D'autre  part,  les 
formes,  par  leur  richesse,  leur  étrangeté,  leur  hardiesse, 
leur  délicatesse,  leur  énormité,  s'harmonisent  avec  l'intem- 


pérance et  les  curiosités  de  la  fantaisie  maladive.  A  de 
telles  âmes,  il  faut  des  sensations  vives,  multiples,  chan- 
geantes, extrêmes  et  bizarres...  Elles  aspirent  au  gigan- 
tesque, couvrent  un  quart  de  lieue  de  leurs  entassements 
de  pierres,  amoncellent  les  colonnes  en  piliers  monstrueux, 
portent  les  galeries  dans  les  airs,  exhaussent  les  voûtes 
jusqu'au  ciel,  échafaudent  clochers  sur  clochers  dans  les 
nuages.  Elles  exagèrent  la  délicatesse  des  formes,  enroulent 
autour  des  portails  des  étages  de  figurines,  revêtent  les 
parois  de  pignons  et  de  gargouilles,  entrelacent  les  sinuo- 
sités des  meneaux  dans  la  pourpre  bigarrée  des  rosaces, 
brodent  le  chœur  comme  une  dentelle,  étendent  sur  les 
tombeaux,  sur  les  autels,  sur  le  chevet,  sur  les  tours,  l'en- 
chevêtrement des  colonettes  mignonnes,  des  torsades  com- 
pliquées, des  feuillages  et  des  statues.  On  dirait  qu'elles 
veulent  atteindre  en  même  temps  l'infini  dans  la  grandeur 
et  l'infini  dans  la  petitesse,  accabler  l'esprit  des  deux  côtés 
à  la  fois,  par  l'énormité  de  la  masse  et  par  la  prodigieuse 
abondance  des  détails.  Il  est  visible  qu'elles  se  proposent 
pour  but  une  sensation  extraordinaire,  celle  de  l'émerveil- 
lement et  de  l'éblouissement.  »  Voilà  pour  le  caractère  de 
l'architecture  religieuse.  Quant  à  l'architecture  civile,  elle 
est  résumée  en  deux  principaux  édifices,  le  château  féodal 
et  l'hôtel  de  ville.  Le  château,  d'abord  situé  sur  le  sommet 
des  rochers,  comme  l'aire  de  l'aigle,  avait  eu  jusqu'à  la  fin 
du  xiii8  siècle  un  caractère  farouche  avec  ses  tours  percées 
d'étroites  ouvertures,  ses  créneau t  pareils  à  d'énormes 
dents;  il  éveillait  le  sentimeut  d'un  pouvoir  redoutable, 
s'exerçant  par  la  violence,  en  dehors  du  droit  et  de  la  loi. 
Tels  nous  apparaissent  le  château  Gaillard  en  Normandie, 
construit  par  Richard  Cœur  de  Lion,  et  le  château  de  Coucy 
dont  les  murs  avaient  plus  de  7  m.  d'épaisseur.  L'ordre 
succédant  à  l'anarchie,  les  châteaux  cessèrent  d'être  des 
citadelles  pour  devenir  des  demeures  pacifiques  ;  ils  descen- 
dirent des  rocs  escarpés  pour  s'installer  dans  la  plaine,  où 
ils  devinrent  des  constructions  élégantes,  légères,  parées  de 
toutes  les  grâces  du  luxe.  En  même  temps,  l'organisation 
des  communes  amenait  la  construction  des  hôtels  de  ville, 
qui  sont  les  palais  du  peuple,  ornés  au  dehors,  modestes  au 
dedans,  rappelant  à  l'extérieur  l'opulence  de  la  communalité 
et  à  l'intérieur  l'égalité  de  ses  membres,  ayant  une  grande 
salle  de  délibération,  une  prison,  un  corps  de  garde,  et 
par-dessus  tout  le  haut  beffroi  d'où  retentit  la  voix  solen- 
nelle de  la  cité,  qui  convoque  le  populaire  à  la  maison 
commune,  l'appelle  aux  fêtes  populaires  ou  à  la  défense  de 
ses  droits. 

L'architecture  ogivale  a  régné  trois  siècles  en  France, 
et  durant  ce  temps  un  nombre^  vraiment  inouï  de  monu- 
ments furent  élevés.  Mais  à  chacun  de  ces  trois  siècles 
correspondent  diverses  modifications  qui  caractérisent  les 
changements  du  style  et  portent  soit  sur  la  forme  de  l'ar- 
cade^ soit  sur  le  profil  de  ses  moulures  ou  sur  la  disposi- 
tion de  ses  piliers.  Pendant  le  xme  siècle,  l'arcade  est 
aiguë,  formée  de  deux  portions  de  cercle  qui  se  croisent  et 
dont  le  rayon  est  plus  grand  que  sa  base  ;  les  colonnes 
sont  cantonnées  de  colonnettes  isolées  ou  accouplées  dont 
le  nombre  est  en  rapport  avec  les  retombées  des  arcs 
qu'elles  sont  appelées  à  recevoir  ;  les  chapiteaux  sont 
d'ordinaire  à  pans  coupés  et  décorés  de  volutes  recourbées 
en  manière  de  crosse.  C'est  la  plus  belle  époque.  Au 
xive  siècle,  l'ogive  de  l'arcade  devient  équilatérale  ;  les 
colonnes  ont  plus  de  sveltesse,  leur  base  moins  de  fermeté. 
C'est  l'âge  du  gothique  flamboyant  ;  on  dirait  que  l'archi- 
tecture renonce  à  la  solidité  pour  se  donner  tout  entière  à 
l'ornement.  Ce  caractère  s'accentue  au  xve  siècle  ;  l'arc  est 
surbaissé  et  les  cercles  ont  un  rayon  plus  court  que  sa 
base  ;  les  colonnes  se  tordent  parfois  en  spirale  ou  se 
composent  souvent  de  la  réunion  en  faisceau  des  nervures 
de  l'archivolte  et  des  autres  arcs.  On  se  complaît  aux  diffi- 
cultés les  plus  étourdissantes  d'exécution.  Les  fenêtres 
s'agrandissent  démesurément;  leurs  meneaux  se  multi- 
plient en  combinaisons,  en  ramifications  qui  trahissent  le 
souci  raffiné  des  élégances  superflues.  «  L'efflorescence  de 


1101  — 


FRANCE 


la  décoration  intérieure  s'est  si  fort  compliquée,  dit  encore 
Taine,  les  nervures  ont  si  richement  épanoui  leur  végéta- 
tion épineuse  et  tordue,  les  stalles,  la  chaire  et  les  grilles 
fourmillent  d'un  tel  luxe  d'arabesques  fantastiquement 
embrouillées  et  déroulées,  que  l'église  ne  semble  plus  un 
monument,  mais  un  bijou  d'orfèvrerie.  C'est  une  verrière 
diaprée,  un  filigrane  gigantesque,  une  parure  de  fête,  aussi 
ouvragée  que  celle  d'une  reine  et  d'une  fiancée.  »  L'archi- 
tecture gothique  arrivait  alors,  par  un  excès  de  tours  de 
force,  à  la  décadence.  Abusant  de  ses  ressources,  elle  se 
perdit  par  l'usage  désordonné  qu'elle  en  voulut  faire, 
poussa  jusqu'à  l'absurde  ses  folies  d'élancement,  de  légè- 
reté, de  décoration.  Elle  aurait  pu  rétracter  ses  erreurs, 
retourner  à  son  principe  d'origine.  Qui  sait  ce  que  l'art 
français  fût  devenu  !  Mais  à  ce  moment  même  un  événe- 
ment considérable  se  passait  qui  allait  le  faire  dévier  de  sa 
voie  et  changer  ses  destinées.  Nous  verrons  tout  à  l'heure 
dans  quelles  conditions  s'accomplit  cette  révolution. 

Sculpture.  —  On  a  épuisé  toutes  les  formules  de  l'admi- 
ration pour  la  sculpture  de  la  période  ogivale  qui,  du  xme  au 
milieu  du  xive  siècle,  a  produit  des  œuvres  sans  rivales, 
et  il  est  certain  que  l'on  trouve  dans  quelques-unes  des 
statues  de  cette  époque,  ainsi  que  le  dit  le  marquis  de  La 
Borde,  «  une  pureté  de  traits,  une  vivacité  d'expression, 
et  dans  leurs  attitudes  des  poses  si  nobles  que  nous  hési- 
tons à  décider  si  elles  appartiennent  à  la  Renaissance  du 
xvie  siècle  ou  si  elles  ne  sont  pas  de  simples  imitations  de 
l'antique  ».  L'éminent  écrivain  ajoute  :  «  Les  artistes 
gothiques  auraient  atteint,  j'en  suis  convaincu,  jusqu'à  la 
beauté  idéale,  jusqu'à  l'étude  la  plus  hardie  du  nu,  si  telle 
avait  été  la  tendance  de  leurs  contemporains  ;  mais  on 
voulait  des  types  d'une  vérité  saisissante,  d'une  expression 
souffrante  et  mystique,  vêtus  avec  la  décence  claustrale  des 
modes  de  l'époque,  et,  en  se  soumettant  aux  exigences  de 
ce  programme  restreint,  les  artistes  du  xme  siècle  le  rem- 
plirent avec  la  distinction,  la  simplicité,  la  noblesse  qui 
resplendissent  si  magnifiquement  depuis  le  pied  jusqu'à  la 
cime  des  cathédrales  de  Chartres,  de  Reims,  de  Strasbourg, 
d'Amiens  et  de  vingt  autres  villes.  »  A  quoi  bon,  d'ailleurs, 
opposer  l'un  à  l'autre  deux  arts,  le  païen  et  le  chrétien, 
d'essence  si  différente  et  visant  à  un  résultat  absolument 
contraire  ?  Les  sculpteurs  chrétiens,  avec  le  mépris  de  la 
chair  qui,  d'après  le  dogme,  doit  se  flétrir  si  vite,  négli- 
gèrent le  nu,  qui  répugnait  alors  aux  mœurs,  pour  ne 
s'attacher  qu'à  la  tête,  où  réside  l'expression  de  l'homme 
intelligent.  Et  encore,  dans  la  tête  elle-même,  ils  subor- 
donnèrent volontairement  la  beauté  physique  à  la  beauté 
morale,  à  l'intensité  de  l'expression  de  certains  sentiments 
que  l'art  grec  n'a  jamais  cherché  à  traduire.  Où  trouverait- 
on  dans  la  statuaire  hellénique  des  types  comparables  à 
ceux  du  Christ  ou  de  la  Vierge?  Le  premier  évoque  un 
monde  d'idées  que  n'aurait  pu  comprendre  l'antiquité, 
parce  que  c'est  en  lui  que  se  résument  les  dogmes  de  la 
religion  nouvelle  :  dans  sa  majesté  calme,  dans  son  air  de 
souffrance  endurée  pour  racheter  les  fautes  d'autrui,  dans 
son  regard  profond,  sur  ses  lèvres  sévères  comme  la  vérité 
on  lit  une  inénarrable  pitié  et  un  amour  surhumain.  La 
seconde,  femme  selon  l'esprit  comme  la  Vénus  antique 
était  femme  selon  la  chair,  semble,  pareille  à  une  fleur 
aérienne,  flotter  au  milieu  d'une  limpide  lumière.  Il  faut 
ajouter  que  la  préoccupation  dominante  de  l'existence 
future,  la  croyance  en  la  résurrection  des  corps  emplis- 
saient l'imagination  des  artistes  lorsqu'ils  incarnaient,  dans 
les  innombrables  figures  qui  décorent  les  cathédrales,  la 
tristesse  du  repentir,  l'ardente  aspiration  au  céleste  séjour 
et  tout  ensemble  la  paix,  la  confiance,  le  désir,  l'espoir, 
le  pieux  abandon  et  la  radieuse  quiétude.  Et  quelle  pitié 
humaine  dans  ces  résurrections  où  l'on  voit  des  anges 
aider  les  morts  à  rejeter  la  pierre  de  leur  sépulcre  !  Quelle 
ironie  où  se  reconnaît  l'esprit  narquois  et  frondeur  de  nos 
ancêtres  dans  ces  images  des  vices,  dans  ces  démons  gri- 
maçants, qui  expriment  la  déchéance  morale,  dans  ces 
têtes  de  moines  qui,  parfois,  se  contorsionnent  à  l'extré- 


mité des  gargouilles  !  Faut-il  rappeler  quelques-unes  des 
plus  belles  œuvres  de  cette  époque  ?  Le  Christ  bénissant, 
de  la  porte  centrale  de  la  cathédrale  d'Amiens,  est  l'une 
des  plus  sublimes;  l'évèque  saint  Firmin,  de  la  porte 
occidentale  du  même  monument,  une  des  plus  nobles.  Au 
point  de  vue  de  la  composition,  de  la  distribution  des 
masses  dans  l'ensemble  décoratif,  la  sculpture  ogivale  est 
incomparable.  Il  suffit  de  rappeler,  comme  des  modèles  du 
genre,  le  portail  de  la  Vierge,  le  tympan  de  saint  Etienne, 
les  bas-reliefs  de  l'abside  à  l'église  Notre-Dame  de  Paris, 
le  grand  portail  de  la  cathédrale  de  Reims  et  de  celle  de 
Chartres,  où  un  naturalisme  élégant  allié  à  une  onction 
particulière  se  remarque  dans  plusieurs  images  de  prélats, 
dans  la  curieuse  figure  de  saint  Georges.  Pour  juger  de 
l'importance  qu'avait  la  décoration  sculpturale  dans  une 
église  gothique,  il  suffit  de  rappeler  que  la  cathédrale  de 
Chartres  contient  4,272  statues  ;  celle  de  Reims,  3,000  ; 
celle  de  Paris,  1,200.  Il  faudrait  ici  indiquer  avec  quelle 
rare  et  unique  habileté  nos  statuaires  de  cette  époque  ont 
su  s'astreindre  aux  convenances  architecturales,  avec  quelle 
perspicacité  ils  ont  distribué  leurs  figures  sur  les  surfaces, 
variant  la  coloration  des  fonds  pour  mieux  détacher  celles- 
ci,  les  plaçant  sur  des  supports,  des  montants,  sous  des 
dais  très  saillants  qui  les  protégeaient  contre  les  rigueurs 
du  climat  et  les  empêchaient  de  former  des  taches  sombres 
d'un  effet  désagréable.  Il  faut  lire,  dans  Viollet-le-Duc,  le 
grand  et  éloquent  panégyriste  de  notre  art  national,  qui 


Porte  Rouge  de  la  cathédrale  Notre-Dame  de  Paris. 


en  a  fait  une  élude  profonde,  les  pages  remarquables  qu'il 
consacre  à  un  tel  sujet.  Nous  devons  forcément  nous 
borner  à  des  observations  générales.  La  statuaire  ogivale 
ne  comporte  pas  seulement  des  figures,  mais  encore  et 
surtout  des  ornements.  Elle  ne  s'y  montre  pas  avec  moins 
de  supériorité,  et,  en  ce  genre,  ce  sont  également  les 
artistes  du  domaine  royal  qui  ont  le  style  le  plus  sévère, 
le  plus  pur,  et  fournissent  des  exemples  achevés  de  l'appro- 
priation d'éléments  naturels  à  la  flore  architectonique.  Plus 


FRANCE 


—  4102 


de  trace  d'ornements  antiques  ;  ce  qui  inspire  les  artistes, 
ce  qu'ils  traduisent,  ce  sont  les  plantes  qui  poussent  au 
pied  des  monuments,  les  fleurs  qu'ils  voient  tous  les  jours 
et  qu'ils  aiment,  les  végétaux  les  plus  humbles,  les  élé- 
gantes fougères,  le  trèfle,  le  cresson,  le  chardon,  les 
choux,  etc.  Un  botaniste-archéologue  a  compté  dans  la 
sculpture  de  la  cathédrale  de  Reims  plus  de  trente  variétés 
de  végétaux.  Il  est  vrai  que  l'école  champenoise  a  été  la 
première  à  tomber  dans  l'abus  de  cette  richesse,  de  cette 
copie  de  la  nature  poussée  jusqu'à  la  sécheresse.  L'école 
bourguignonne  s'est  gardée  de  ce  défaut,  continuant  à 
interpréter  avec  énergie  et  ampleur  les  feuilles  découpées 
de  l'ancolie,  du  chrysanthème,  du  persil,  de  la  scabieuse,  etc. 
Ce  n'est  qu'à  la  fin  du  xive  siècle,  à  l'époque  du  gothique 
flamboyant,  qu'arrive  pour  elle  aussi  la  lassitude.  A  ce 
moment,  d'ailleurs,  la  flore  fait  un  peu  de  place  à  la  faune, 
et  l'on  voit  apparaître  sur  les  édifices  la  représentation  des 
animaux  qui  avait  été  jusque-là  assez  négligée.  Les  ima- 
giers, comme  on  appelait  alors  les  sculpteurs,  mettent  leur 
adresse  à  mêler  aux  végétations  luxuriantes,  dans  la  pierre 
ou  le  bois,  des  reptiles,  des  rongenrs,  dont  ils  excellent  à 
reproduire  les  formes.  Un  genre  de  monuments  dont  l'usage 
se  développa  durant  le  moyen  âge,  et  pour  lequel  on  fit 
largement  appel  au  talent  des  sculpteurs,  furent  les  tom- 
beaux. Très  souvent,  la  statue  du  défunt  était  représentée 
couchée  au-dessus  du  sarcophage,  entourée  d'attributs  ou 
de  personnages.  Le  roi  saint  Louis,  qui  restaura  l'abbaye 
de  Saint-Denis,  y  consacra  des  tombeaux  à  plusieurs  de 
ses  prédécesseurs  et  à  de  grands  personnages.  Celui  de 
Dagobert  est  caractéristique.  Les  tombeaux  des  ducs  de 
Rourgogne,  qui  sont  au  musée  de  Dijon,  sont  parmi  les 
plus  célèbres  et  les  plus  beaux  :  l'un,  celui  de  Philippe  le 
Hardi,  avec  ses  pilastres,  ses  colonnettes,  ne  comprend  pas 
moins  de  cinquante-deux  figurines  d'anges  et  de  quarante 
statuettes.  C'est  l'œuvre  de  Claux  Sluter  ;  l'autre,  celui 
de  Jean  sans  Peur  et  de  Marguerite  de  Rourgogne,  est 
encore  plus  riche.  Il  est  de  Jehan  de  la  Verta.  Mais  ce  sont 
là  des  chefs-d'œuvre  qui  appartiennent  à  l'art  du  xve  siècle 
et  sur  lesquels  nous  aurons  à  revenir  tout  à  l'heure. 

Peinture  et  arts  décoratifs.  Le  peu  de  surface  qui, 
dans  l'architecture  ogivale,  restait  libre  pour  la  décora- 
tion dans  l'intérieur  des  édifices,  ne  pouvait  être  favorable 
au  développement  de  la  peinture  monumentale..  Celle-ci 
dut  sans  doute  être  limitée  à  quelques  anciennes  églises  à 
coupoles,  ainsi  qu'autorise  à  le  penser  la  découverte  faite 
en  1890  d'une  composition  fort  intéressante  de  la  cathé- 
drale de  Cahors.  Il  y  a  là  les  figures  de  huit  prophètes  de 
dimension  colossale,  et  une  frise  formant  un  ciel  étoile  au 
milieu  duquel  est  représentée  l'apothéose  de  saint  Etienne. 
Les  peintures  dénotent,  selon  M.  Corroyer,  «  une  phase  de 
l'évolution  vers  le  naturalisme  ».  A  la  vérité,  on  retrouve 
bien  dans  les  archives  les  noms  de  quelques  peintres  qui 
furent  chargés  de  divers  travaux.  Au  xive  siècle,  Girard 
d'Orléans  et  Jean  Coste  décorèrent  notamment  le  château 
de  Vaudreuii  pour  Charles  V.  Mais  ce  ne  sont  là  que  des 
œuvres  isolées,  dont  il  ne  reste  guère  de  vestiges  et  qui 
ne  sauraient  nous  éclairer  sur  la  situation  d'un  art  à  peu 
près  complètement  délaissé. 

C'est  vers  le  vitrail  que  se  reporta  le  travail  des  peintres. 
Du  xme  au  xve  siècle  on  exécuta  en  France  une  quantité 
de  verrières  magnifiques  ;  on  peut  dire  que  ce  fut  l'âge 
d'or  de  cet  art  qui  arriva  à  son  apogée  et  dans  lequel  notre 
pays  n'eut  point  de  rivaux.  Les  larges  ouvertures  des 
cathédrales  gothiques,  les  roses  gigantesques  sont  enrichies 
d'une  véritable  mosaïque  translucide  qui,  dans  des  arma- 
tures de  fer  de  plus  en  plus  compliquées  et  d'une  riche 
élégance,  projette  au  sein  des  édifices  des  éclats  de  pier- 
rerie,  réservant  pour  les  sanctuaires  les  colorations  chaudes, 
profondes,  mystérieuses,  et  versant  sous  les  hautes  voûtes 
des  nefs  la  lumière  douce  des  pâles  grisailles.  A  la  Sainte- 
Chapelle,  les  vitraux  occupent  une  telle  place  que  l'on 
disait,  en  parlant  des  murs  de  l'édifice,  qu'ils  semblaient 
construits  avec  de  la  lumière.  Au  xine  siècle,  c.-à-d.  à 


leur  plus  belle  époque,  les  vitraux  ont  un  aspect  morcelé  ; 
ils  sont  composés  de  petits  fragments  étincelants  qui 
semblent  disperser  des  miroitements  d'escarboucles.  Rare- 
ment ils  offrent  des  scènes  de  quelque  dimension,  comme 
à  Poitiers,  ou  de  grandes  figures,  comme  à  Chartres.  Ce 
ne  sont  plus  les  colorations  sourdes  et  rompues  par  juxta- 
position des  verrières  romanes,  simplement  coupées  de  tra- 
verses ou  de  montants.  Des  tons  fermes,  vifs,  le  bleu,  le 
rouge,  le  vert,  associés  au  blanc,  font  vibrer  la  gamme 
aiguë  de  leur  fanfare.  Au  xive  siècle,  l'ambition  vient  aux 
peintres-verriers  de  représenter  des  groupes,  des  épisodes 
de  l'histoire  religieuse,  des  portraits  de  donateurs.  Ces 
compositions  sont  accompagnées  d'une  architecture  de 
remplissage,  en  grisaille,  clochetons,  filets,  dais  pyrami- 
daux, qui  a  l'inconvénient  de  viser  trop  aux  reliefs  des 
saillies  et  de  faire  ressembler  le  vitrail  à  un  tableau,  ce 
qui  n'est  plus  son  rôle.  Cette  tendance  s'accentue  au  siècle 
suivant  et  concorde  précisément  avec  le  développement  de 
la  technique  qui  pousse  les  artistes  aux  tours  de  force. 
«  Grâce  à  l'emploi  de  verres  plaqués  travaillés  à  la  meule 
et  de  jaunes  obtenus  par  applications  de  sulfure  d'argent, 
dit  M.  Lechevallier-Chevignard ,  le  peintre  exécute  déjà 
des  damassés  de  fonds,  des  joyaux,  des  ornements,  des 
détails  d'armoiries  d'une  rare  richesse.  »  Le  goût  du 
public,  qui  s'émerveillait  de  ces  habiletés,  acheva  de 
pousser  l'art  du  vitrail  hors  de  sa  voie  :  c'est  d'après  ces 
données  qu'étaient  conçues  les  verrières  des  oratoires  dans 
les  demeures  privées  ;  celles  des  chapelles  de  Charles  V, 
au  Louvre,  et  de  l'hôtel  Saint-Paul,  étaient,  d'après  ce  que 
raconte  Sauvai,  très  chargées  de  scènes  diverses  et  fort 
hautes  en  couleur.  La  fantaisie  s'introduisit  dès  lors  dans 
les  vitraux  qui  cessèrent  de  respecter  cette  grande  loi  de 
subordination  à  l'architecture,  d'où  ils  tirèrent  à  l'origine 
le  principe  auquel  ils  durent  leur  perfection. 

La  peinture  des  manuscrits  fut  également  le  triomphe 
de  la  période  gothique.  Le  pinceau  remplace  généralement  la 
plume;  la  gouache  se  substitue  à  l'aquarelle.  L'enluminure 
s'étend  à  tous  les  livres,  même  aux  profanes.  Il  n'y  eut 
plus  de  psautier  qui  ne  fût  enrichi  sur  les  marges  de 
quelque  composition  peinte  et  précédé  d'un  calendrier 
illustré  par  des  scènes  reproduisant  les  travaux  des  douze 
mois  de  l'année.  Ce  ne  sont  plus  simplement  les  lettrines 
qui  lancent  dans  tous  les  sens,  comme  des  feux  d'artifice, 
leurs  filigranes  d'azur  et  d'or;  presque  chaque  page  fait 
l'effet  d'une  robe  diamantée  ou  plutôt  d'un  champ  de  blé 
émaillé  de  bluets,  de  coquelicots  et  d'épis  mûrs.  Parfois  les 
lettres  initiales  se  chargent  d'un  véritable  tableau  d'his- 
toire. Ce  qui  caractérisa  particulièrement  l'art  de  la  mi- 
niature au  xme  siècle,  c'est  l'apparition  des  portraits.  «  Il 
suffit,  dit  M.  Lecoy  de  La  Marche,  de  jeter  les  yeux  sur 
les  œuvres  de  nos  grands  miniateurs  pour  se  convaincre 
que,  dès  lors,  la  majorité  de  leurs  figures  sont  dessinées 
d'après  le  modèle...  La  finesse  de  touche  de  leurs  portraits, 
le  degré  d'expression  auquel  ils  sont  arrivés  nous  garan- 
tissent que  ce  ne  sont  pas  là  des  images  de  fantaisie, 
sorties  de  l'imagination  ou  du  souvenir.  Et  cette  perfec- 
tion est  d'autant  plus  étonnante  qu'il  s'agit,  en  général, 
de  figures  extrêmement  réduites  occupant  à  peine  la  moitié 
ou  le  quart  d'un  feuillet  de  parchemin.  »  Et  avec  quelle 
rapidité  les  progrès  se  réalisent  !  Que  l'on  compare  le  por- 
trait de  saint  Louis,  raide  et  gauche,  qui  se  trouve  sur  le 
registre  des  ordonnances  de  l'Hôtel  royal  avec  ceux  de 
Charles  Y,  au  nombre  de  cinq  ou  six.  Le  règne  de  ce  lettré 
fut  au  surplus  extrêmement  favorable  à  l'art  de  la  minia- 
ture. Son  frère,  le  duc  de  Rerry,  se  distingue  entre  tous 
par  la  façon  dont  il  sut  l'encourager.  Plusieurs  des  livres 
de  prières  qu'il  fit  exécuter  contiennent  des  tableaux  admi- 
rables ;  il  faut  citer  entre  autres  :  celui  qui  est  à  Rruxelles 
et  qui  renferme  vingt  grandes  peintures  de  Jacquemard 
d'Adin  ou  de  Hesdin  et  d'André  Reauneveu,  «  le  plus 
habile  de  nos  artistes  »  disait  Jean  Froissart  ;  celui  de 
la  famille  d'Ailly,  qui  a  passé  entre  les  mains  de  M.  le  ba- 
ron Edmond  de  Rothschild,  et  dans  lequel  on  n'admire 


—  1103 


FRANCE 


pas  moins  de  cent  soixante-douze  sujets;  enfin  le  Livre 
d'Heures  qui  fait  partie  de  la  collection  du  duc  d'Aumale, 
où  l'on  voit  maintes  compositions  dues  à  Paul  de  Limbourg 
et  à  ses  frères,  dans  lesquelles  le  savant  M.  Léopold  Delisle 
déclare  hautement  reconnaître  «  le  chef-d'œuvre  de  la 
peinture  du  moyen  âge  ».  Ce  n'est  pas  seulement  le  por- 


trait, l'histoire,  les  scènes  de  genre  que  les  miniateurs 
excellent  à  peindre,  mais  encore  le  paysage.  Dans  les 
Heures  du  duc  d'Anjou,  de  Louis  II,  cousin  germain  de 
Charles  VI,  de  René,  l'artiste  universel,  amateur  passionné 
de  la  belle  nature,  qui  lui-même  peignit  d'exquises  minia- 
tures, on  en  trouve  d'un  charme  pénétrant.  Mais  le  maître 


Le  Mariage  de  la  Vierge,  miniature  de  Jean  Fouquet  (Livre  d'Heures  d'Etienne  Chevalier,  collection  Brentano, 

à  Francfort-sur-le-Main). 


qui  résume  au  plus  rare  degré  les  qualités  de  cet  art  déli- 
cieux, c'est  Jean  Fouquet,  dont  le  marquis  de  La  Borde  a  dit  ; 
«  Avant  que  le  Pérugin  et  Léonard  de  Vinci  fussent  venus 
au  monde,  Foucquet  peignait  comme  l'Italie  ne  se  doutait 
pas  qu'on  pût  peindre.  »  Ce  grand  artiste  fut  appelé  à  Rome 
pour  faire  des  portraits,  et  notamment  celui  du  pape 
Eugène  IV.  Il  était  originaire  de  la  Touraine  et  travailla 
longtemps  auprès  de  Louis  XI,  avant  que  Charles  VIII  le 
prît  à  son  tour  sous  sa  protection.  Les  célèbres  Heures 
qu'il  exécuta  pour  Etienne  Chevalier  donnent  la  mesure  de 
son  génie. 

C'est  un  signe  particulier  des  grandes  époques  de  Fart 
que  toutes  les  industries  se  ressentent  de  l'impulsion  donnée. 


Aussi  voyons-nous,  au  moyen  âge,  l'orfèvrerie  et  l'ameu- 
blement, les  armes  et  les  bijoux,  les  moindres  ustensiles 
de  la  vie  journalière  marqués  du  sceau  le  plus  certain  du 
bon  goût.  Pour  avoir  l'explication  de  ce  fait  remarquable, 
il  faut  se  représenter  d'abord  qu'à  cette  époque  où  de 
grandes  richesses  étaient  réparties  entre  un  très  petit 
nombre  de  mains,  ou  l'on  ignorait  les  institutions  de  crédit 
et  les  moyens  de  placer  avantageusement  les  capitaux,  les 
fortunes  avaient  leur  représentation  en  nature.  On  conver- 
tissait son  or  en  vaisselle  resplendissante,  en  meubles,  en 
bijoux  ;  les  chaudrons  et  jusqu'aux  chenets  étaient  souvent 
en  métaux  précieux.  D'un  autre  côté,  les  gens  de  métier 
qui  travaillaient  pour  ce  public  riche  et  naturellement 


FRANCE 


1404  — 


restreint,  puisaient  à  une  seule  et  unique  source  l'inspiration 
de  leurs  modèles,  lesquels  avaient  une  destination  nette- 
ment déterminée,  ce  qui  maintenait  la  production  dans 
des  données  précises,  fixes,  traditionnelles,  favorables  à 
l'épuration  continue  du  goût.  Des  chantiers  de  construc- 
tion des  cathédrales,  dirigés  par  le  maître  des  œuvres,  de 
l'atelier  des  orfèvres,  sortaient  une  foule  d'artistes  qui, 
sans  prendre  une  vaniteuse  importance,  ne  se  désignant 
point  sous  d'autres  titres  que  ceux  d'enlumineurs ,  de  tail- 
leurs d'images,  de  huchiers,  de  tisserands,  d'armuriers 
ou  de  chaudronniers,  capables  souvent  de  travailler  pour 
tous  ces  métiers  à  la  fois,  élevaient  l'industrie  jusqu'aux 
plus  hauts  sommets.  A  cette  époque,  aucune  distinction 
entre  artistes  et  artisans.  Ils  ne  formaient  point  de  caté- 
gories distinctes.  On  le  voit  bien  dans  les  statuts  de  leurs 
corporations  enregistrés  en  4260.  Malheureusement  cette 
heureuse  fusion  ne  devait  pas  durer  longtemps,  et,  dès  4303, 
est  établi  un  privilège  qui  divise  en  deux  classes  les  gens 
de  métier  :  4°  ceux  qui  travaillent  pour  le  roi  et  l'Eglise, 
qu'on  exempte  d'impôts;  2°  les  autres,  qui  subissent  les 
charges  et  prestations.  C'est  le  premier  germe  de  la  scis- 
sion qui  surviendra  plus  tard. 

L'industrie  de  l'orfèvrerie,  déjà  des  plus  brillantes  à 
l'époque  romane,  arrive  à  la  splendeur  pendant  la  période 
ogivale  pour  répondre  à  la  fois  aux  pompes  ecclésiastiques 
et  au  luxe  de  la  société  civile.  Les  sculpteurs  travaillent 
l'or  et  l'argent  autant  que  la  pierre,  et  ils  façonnent  en  ces 
matières  précieuses  des  monuments  entiers,  des  mausolées 
comme  ceux  de  Thibaut  III,  comte  de  Champagne,  à  Troyes  ; 
de  Philippe-Auguste,  de  Louis  VIII  ou  de  Louis  IX  à  Saint- 
Denis.  La  châsse  de  saint  Marcel,  dressée  derrière  le 
maître-autel  de  Notre-Dame  de  Paris,  ne  comptait  pas 
moins  de  vingt-trois  statuettes  d'or.  L'inventaire  du  tré- 
sor de  la  Sainte-Chapelle,  dressé  en  4573,  décrit  le  reli- 
quaire de  vermeil  donné  par  Jeanne  d'Evreux,  veuve  de 
Charles  IV,  à  la  basilique  de  Saint-Denis,  et  quel'on  admire 
aujourd'hui  au  Louvre  ;  il  représente  la  Vierge  tenant  sur  sa 
poitrine  l'enfant  Jésus  ;  c'est  une  œuvre  d'art  de  premier 
ordre  et  qui  décèle  un  maître.  D'une  façon  générale  on  peut 
dire  qu'il  y  avait  deux  sortes  de  production  en  orfèvrerie  : 
celle  de  Limoges,  où  se  fabriquaient  rapidement  et  à  bas 
prix  des  pièces  d'un  large  effet  décoratif,  dont  le  cuivre 
et  l'émail  étaient  les  principaux  éléments  ;  celle  de  Paris, 
d'Auxerre  et  des  Flandres,  à  laquelle  ne  collaboraient  que 
des  artistes  habiles  et  exécutant  des  ouvrages  d'un  mérite 
exceptionnel.  C'est  en  parcourant  les  Inventaires  des 
joyaux,  tels  que  ceux  de  Charles  V  ou  du  duc  Louis  d'An- 
jou, qu'on  peut  avoir  une  idée  des  merveilles  que  l'orfèvre- 
rie créa  alors.  Cassettes,  hanaps,  dressoirs,  bassins,  etc., 
de  toutes  formes,  enrichis  d'émaux  et  de  pierreries  ne  se 
comptent  pas  et  attestent  la  fabuleuse  richesse  dont  un 
prince  pouvait  faire  étalage  à  sa  table.  Si,  au  xme  siècle,  la 
décoration  est  surtout  demandée  à  la  statuaire,  elle  em- 
prunte de  préférence,  aux  xive  et  xve  siècles,  les  formes 
architecturales.  Les  châsses  et  les  reliquaires  ne  montrent 
que  clochetons,  colonnettes,  arcs-boutants,  aiguilles  à  cro- 
chets feuillages.  L'orfèvrerie  civile  se  laisse  moins  entraî- 
ner à  cette  imitation  de  la  pierre  et  se  perd  quelquefois  dans 
l'exubérance  d'une  fantaisie  bizarre  où  s'épanouit  le  rire 
gaulois. 

Le  mobilier,  dans  les  habitations,  suivait  le  mouvement 
de  l'expansion  de  l'art  ;  il  s'appropriait  à  la  vie  plus  ample, 
plus  sûre,  plus  stable,  plus  luxueuse;  il  se  modelait  sur 
l'architecture,  s'augmentait  de  modèles  nouveaux.  Le  coffre, 
qui  avait  primitivement  suffi,  se  transformait,  devenait 
tour  à  tour  bahut,  armoire,  dressoir,  etc.  Les  sièges  se 
faisaient  plus  légers,  plus  maniables,  plus  variés,  ayant 
chacun  leur  rôle,  leur  signification  dans  cette  société  as- 
servie aux  règles  de  la  hiérarchie.  Sans  entrer  dans  des 
descriptions  qu'on  trouvera  ailleurs  sur  le  mobilier  go- 
thique (V.  Mobilier),  nous  indiquerons  le  beau  caractère  de 
sa  construction  :  elle  est  rationnelle.  De  là  sa  grâce  pitto- 
resque et  son  harmonieuse  pureté  de  forme.  La  sincérité, 


la  logique,  la  mesure,  telles  sont  les  qualités  qui  cons- 
tituent ses  mérites.  «  Faire  solide  et  vrai  »  a  dû  être  la 
maxime  des  huchiers  du  moyen  âge;  du  même  coup,  ils 
ont  atteint  l'élégance. 

Les  étoffes,  qui  devenaient  de  plus  en  plus  somptueuses, 
ne  servaient  pas  seulement  au  luxe  du  vêtement,  lequel, 
long  et  ample  encore  au  temps  de  saint  Louis,  arrivait 
parfois  à  l'excentricité  avec  les  pourpoints  bombés  à  l'es- 
pagnole, les  chausses  collantes,  les  chaperons  à  replis  in- 
terminables ;  elles  étaient  employées  aussi  à  la  décoration 
de  la  demeure  où  elles  répandaient  sur  les  murailles,  sur 
les  sièges  même,  la  gaieté  de  leurs  riantes  couleurs.  Les 
tapisserjies  de  haute  lisse,  dont  l'usage  était  habituel  dans 
les  châteaux,  prirent  le  plus  brillant'développement,  grâce 
aux  efforts  de  Charles  V,  des  ducs  d'Anjou,  de  Berry, 
d'Orléans,  de  tous  les  princes  de  la  cour  de  Bourgogne. 
Charles  VI  acquit  d'un  seul  tapissier,  Nicolas  Bataille,  plus 
de  deux  cent  cinquante  œuvres  de  ce  genre.  C'est  ce  même 
Bataille  qui  exécuta  la  célèbre  tenture  de  Y  Apocalypse 
pour  la  cathédrale  d'Angers.  Son  émule,  Jacques  Dourdin, 
tissa  de  même  pour  les  ducs  de  Bourgogne  nombre  de  ta- 
pisseries admirables.  Des  peintres,  tels  que  Hennequin,  dit 
Jean  de  Bruges,  André  Beauneveu,  Colart  de  Laon,  Bau- 
douin de  Bailleul,  etc.,  fournissaient  souvent  des  modèles 
de  composition.  A  la  fin  du  xve  siècle,  les  procédés  d'exécu- 
tion étaient  arrivés  à  un  point  de  perfection  extraordinaire  : 
la  soie  et  l'or  se  mêlaient  en  proportion  considérable  à  la 
laine  ;  les  teinturiers  avaient  découvert  des  nuances  nom- 
breuses. Mais,  de  même  que  pour  les  vitraux,  à  mesure 
que  s'augmentaient  les  ressources  de  la  technique  on  s'éloi- 
gnait de  la  vérité  décorative  :  les  tapisseries  visaient  déjà  à 
ressembler  à  des  tableaux. 

Parlerons-nous  de  l'industrie  de  la  ferronnerie?  Les 
splendides  pentures  des  portes  des  cathédrales,  les  orne- 
ments de  quelques  châteaux  ou  de  maisons  de  riches 
bourgeois,  comme  celle  de  Jacques  Cœur,  à  Bourges, 
prouvent  de  quels  chefs-d'œuvre  elle  était  capable.  L'art 
des  armures  était  poussé  à  un  point  que  nous  n'avons  plus 
jamais  atteint,  et  le  luxe  des  harnachements  était  tel  que 
les  chevaux  de  certains  seigneurs  portaient  des  chan- 
freins estimés  plus  de  30,000  écus,  et  que  la  couverture 
seule  du  cheval  du  comte  de  Foix  valait  quatre  cents  écus 
d'or.  Assurément,  un  pareil  déploiement  de  richesse  ne 
représente  pas  tout  le  moyen  âge  :  c'est  le  beau  côté  de 
la  médaille.  Mais  il  faut  convenir  qu'à  aucun  autre  moment 
de  notre  histoire  l'art  ne  pénétra  plus  profondément,  sous 
des  formes  aussi  diverses,  dans  la  masse  de  la  nation. 

Epoque  de  la  Renaissance.  —  Nous  arrivons  à 
la  fin  du  xve  siècle  :  c'est  une  heure  solennelle  pour  l'art 
français  qui  radicalement  se  transforme  au  contact  de  l'in- 
fluence italienne.  Ce  que  César  n'avait  pu  faire,  la  Renais- 
sance l'a  fait.  Après  plusieurs  centaines  d'années  consacrées 
à  nous  dégager  de  l'antique,  voici  que  l'antique  nous  res- 
saisit et  que  nous  renions  le  patrimoine  si  lentement  con- 
quis pour  nous  aventurer  en  de  nouveaux  chemins  !  Le 
courant  qui  nous  a  entraînés  a  été  si  fort  que,  jusqu'en  ces 
derniers  temps,  on  a  généralement  admis  que  ce  subit  chan- 
gement de  front  de  l'art  devait  être  considéré  comme  un 
bienfait.  Bien  plus  !  oubliant  les  chefs-d'œuvre  enfantés 
par  le  moyen  âge,  on  a  affecté  de  traiter  de  barbare  cette 
époque  de  souveraine  originalité  et,  sans  remords  patrio- 
tique, on  n'a  pas  craint  d'adopter,  de  consacrer  en  l'ac- 
compagnant de  railleries,  la  dédaigneuse  expression  de 
«  gothique  »  appliquée  par  Vasari  à  l'architecture  la  plus 
admirable  qui  ait  existé  depuis  celle  de  la  Grèce.  Or,  comme 
le  dit  M.  Léon  Palustre,  «  on  peut  varier  d'opinion  sur  la 
valeur  relative  des  formes  monumentales  ;  on  peut  hautement 
préférer  le  siècle  des  Périclès  à  celui  de  Philippe-Auguste  et 
de  saint  Louis,  le  Parthénon  à  la  cathédrale  d'Amiens  ;  mais 
on  ne  peut  nier  que  la  France  n'ait,  comme  la  Grèce  antique 
et  seule  avec  elle,  créé  une  architecture  parfaite  de  tous 
points  ».  Aujourd'hui  encore,  en  dépit  des  travaux  desViollet- 
le-Duc,  des  Quicherat,  des  Caumont,  des  Vitet,  des  Las- 


—  1105  — 


FRANCE 


sus,  des  Delaborde  et  de  tant  d'autres  hommes  éminents, 
le  préjugé  de  cette  opinion,  entretenue  par  le  dogmatisme 
d'un  enseignement  officiel  depuis  deux  cents  ans,  continue 
à  subsister,  battu  en  brèche,  il  est  vrai,  par  la  critique  de 
plus  en  plus  éclairée,  et  perdant  de  ses  forces  à  mesure  que 
s'accroît  la  connaissance  des  faits.  Eh  bien  non  !  l'éclat  de 
la  Renaissance  n'efface  pas  celui  de  la  période  ogivale  !  L'a- 
t-il  seulement  égalé?  En  tout  cas,  c'est  une  question  qui 
aujourd'hui  se  pose  de  savoir  si  la  France  n'a  pas  plus  perdu 
que  gagné  à  cette  brusque  évolution,  et  si  la  magnifique 
floraison  de  la  Renaissance  n'a  pas  été  achetée  trop  cher  par 
la  perte  d'une  partie  des  meilleures  qualités  de  franchise, 
de  vigueur  et  de  fantaisie  de  nos  artistes.  Ceci  doit  être 
bien  compris.  La  supériorité  incomparable  des  modèles  de 
l'antiquité  que  nous  a  apportés  l'Italie  n'est  pas  en  cause. 
Il  est  certain  qu'ils  ont  singulièrement  hâté  la  culture 
intellectuelle  de  l'Europe.  Mais,  en  devenant  des  modèles 
uniques,  exclusifs,  auxquels  on  dut  dès  lors  se  référer,  ils 
nous  ont  fait  connaître  le  danger  des  transfusions  artifi- 
cielles, à  haute  dose,  de  la  sève  artistique  de  deux  civilisa- 
tions différentes.  Après  cette  inoculation  excessive,  notre 
art  national  eût  pu  s'étioler,  comme  cela  est  promptement 
arrivé  en  Italie.  Par  bonheur,  il  a  survécu.  De  constitu- 


tion robuste,  il  a  supporté  l'opération  en  s'assimilant  même, 
sans  trop  perdre  de  sa  valeur  propre,  la  noblesse,  la  pureté 
et  la  grâce  des  traditions  classiques;  mais  il  n'a  pas  re- 
trouvé la  «  couleur,  ni  la  fantaisie,  ni  le  fantastique,  ni 
le  caractère  d'utilité  pratique  et  raisonnée  »  qu'il  avait  eu 
pendant  la  période  ogivale.  Pour  produire  des  fruits  sains 
et  biens  constitués,  l'art,  comme  les  plantes,  n'a  besoin  que 
des  sucs  naturels  du  sol  sur  lequel  il  croît.  C'est  dans  l'ima- 
gination des  foules,  dans  les  croyances  populaires,  dans  les 
humaines  émotions,  qu'il  a  ses  plus  puissants  aliments.  Il 
faut  qu'il  parle  une  langue  intelligible  pour  tous.  Un  art 
de  serre  chaude  n'est  qu'un  art  de  dilettante;  on  l'obtient 
par  greffes  et  boutures.  Il  peut  être  brillant,  mais  sa  vie  est 
courte. 

Comment  s'est  produit  dans  notre  pays  le  mouvement 
qu'on  désigne  sous  le  nom  de  Renaissance?  C'est  ce  que 
nous  allons  rapidement  examiner.  Auparavant,  il  n'est 
pas  inutile  de  rappeler  en  quelques  lignes  que,  contrai- 
rement à  l'opinion  accréditée,  ce  mouvement  n'est  pas  dû 
exclusivement  à  l'Italie  et  à  l'esprit  antique,  qu'il  avait 
commencé  spontanément,  dès  la  fin  du  xive  siècle,  par  une 
renaissance  française,  née  chez  nous,  sans  aucune  trace 
d'inspiration  ni  de  l'Italie  ni  de  l'antiquité,  et  que,  par  con- 


La  Vierge  et  divers  personnages,  par  Claux  Sluter,  à  Dijon. 


séquent,  on  exagère  ou  on  dénature  étrangement  les  faits 
en  disant  que  c'est  de  la  décadence  du  style  ogival  qu'est 
sortie  la  révolution  artistique  du  xvie  siècle.  La  décadence? 
Est-ce  dans  les  chefs-d'œuvre  des  écoles  des  Reauneveu,  des 
Paul  de  Limbourg,  des  Jean  Foucquet  ou  des  Claux  Slu- 
ter qu'on  l'aperçoit?  Il  est  incontestable  que,  de  1360  à 
1440,  les  œuvres  de  ces  grands  artistes  indiquaient  un 
rajeunissement  longuement  préparé  de  la  vieille  esthétique 
du  moyen  âge,  un  mélange  piquant  de  l'idéalisme  gothique 
et  du  réalisme  des  provinces  du  Nord  dont  le  goût  spécial 
et  les  méthodes  de  travail  avaient  pénétré  à  Paris  et  s'im- 
posaient un  peu  partout.  C'est  à  cet  art  puissant  qu'ap- 
partiennent les  sculptures  du  palais  de  Charles  V,  de  cer- 
tains tombeaux  de  la  basilique  de  Saint-Denis,  des  châteaux 
de  Pierrefonds  et  de  La  Ferté-Milon,  etc.  Viollet-le-Duc  en 
détermine  la  valeur  lorsqu'il  dit  que  «  c'est  un  art  complet, 
un  art  qui  n'est  plus  l'art  du  xme  siècle,  qui  n'est  plus  la 
décadence  de  cet  art  tombant  dans  la  recherche,  mais  qui 
possède  son  caractère  propre  ».  Il  ajoute  :  «  C'est  une 
véritable  renaissance,  mais  une  renaissance  française  sans 
influence  italienne.  Les  Valois,  les  princes  d'Orléans,  Louis 
et  Charles,  et  enfin  celui  qui  devint  Louis  XII,  avaient  pris 
évidemment  la  tête  des  arts  en  France,  et  sous  leur  pa- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XVIf. 


tronagè  s'élevaient  des  édifices  qui  devançaient,  suivant 
une  direction  plus  vraie,  le  mouvement  du  xvie  siècle.  » 
A  ce  témoignage  de  l'illustre  architecte  on  pourrait  ajouter 
celui  d'Ernest  Renan  qui,  dans  son  Etat  des  beaux-arts 
au  xve  siècle,  déclare  formellement,  parlant  de  la  sculp- 
ture de  cette  époque,  «  qu'on  se  croirait  à  deux  pas  de  la 
Renaissance,  dont  on  est  encore  séparé  de  deux  siècles  », 
ou  celui  de  M.  Eugène  Mûntz  qui,  dans  son  livre  sur 
les  Précurseurs  de  la  Renaissance*  décrivant  les  Heures 
du  duc  de  Berry,  dit  de  l'auteur,  Paul  de  Limbourg,  qu'  «  il 
n'a  pas  eu  besoin  du  secours  des  anciens  ou  de  l'Italie  pour 
créer  des  tableaux  de  genre  qui  défient  la  critique  la  plus 
sévère  ».  Les  preuves  abondent  de  cette  supériorité  de  notre 
art  national  durant  la  période  même  que  l'on  qualifie  faus- 
sement de  décadente.  C'est  précisément  l'époque  où  l'école 
de  Rourgogne  produisait  ses  principaux  chefs-d'œuvre,  d'une 
allure  si  simple  et  si  imposante  à  la  fois,  d'un  style  plein 
de  verve  et  de  jeunesse.  Alors  que  la  France  était  rava- 
gée par  la  guerre  de  Cent  ans  et  que  Paris  se  trouvait  au 
pouvoir  des  Anglais,  l'art  bourguignon  continuait  à  enfanter 
des  merveilles,  imposant  son  autorité  à  toutes  les  provinces 
avoisinantes,  dans  le  Rourbonnais,  le  Lyonnais,  le  Rerry, 
le  Poitou,  la  Provence  et  le  Languedoc,  la  Guyenne,  l'Anjou 

70 


FRANCE 


—  4406  — 


et  jusqu'à  la  Bretagne.  A  côté  de  Claux  Sluter  que  nous 
avons  déjà  nommé  parmi  les  maîtres  de  la  statuaire,  travail- 
laient les  Jean  de  Marville,  les  Claux  de  Vouzonnes,  An- 
toine le  Moiturier,  Jean  Darauca,  Jacques  Morel,  le  sculpteur 
attitré  des  ducs  de  Bourbon,  enfin  Jean  de  Cambray,  qui, 
aidé  d'Etienne  Robillet  et  de  Paul  Mosselmann,  exécuta  à 
Bourges  le  tombeau  du  duc  Jean  de  Berry.  Il  paraîtra  in- 
croyable que  cet  art  bourguignon,  si  glorieux,  par  une 
criante  injustice  historique,  ne  soit  pas  représenté  dans  nos 
collections  publiques,  ni  à  Versailles  ni  au  Louvre,  à  peine 
au  musée  du  Trocadéro.  Mais  on  comprendra,  après  cela, 
comment  les  brillantes  origines  de  l'art  français  peuvent 
être  encore  si  méconnues  1 

C'est  à  l'heure  où  l'école  de  Bourgogne  était  à  ce  point 
florissante  que  René  d'Anjou,  revenant  d'Italie,  ne  son- 
geait pas  à  confier  à  un  autre  son  tombeau  de  la  cathé- 
drale d'Angers  ;  c'est  au  moment  où  le  plus  célèbre  dis- 
ciple de  Sluter,  Michel  Colombe,  travaillait  en  Touraine, 
que  la  Renaissance  italienne  se  substitua  tout  à  coup  à  la 
Renaissance  française.  On  aperçoit  la  première  trace  sé- 
rieuse de  cette  importation  des  méthodes  antiques  dans  les 
formes  décoratives  rapportées  d'Italie  par  Jean  Foucquet. 
Sous  les  règnes  de  Charles  VII,  de  Louis  XI,  de  Charles  VIII 
et  de  Louis  XII,  l'infiltration  des  idées  du  Midi  dans  le 
Nord  va  toujours  s'accentuant.  Les  ambassadeurs  de 
Louis  XI  et  de  Charles  VIII,  Etienne  Chevalier,  Robert 
Gaguin,  Commines,  qui  ont  admiré  en  Italie  les  chefs- 
d'œuvre  de  l'art  nouveau,  disent  leur  enthousiasme.  Les 
prélats  en  rapport  avec  le  saint-siège,  tels  que  Guillaume 
d'Estouteville,  Thomas  James,  se  font  les  ardents  propaga- 
teurs du  goût  étranger,  et  bientôt  sur  tous  les  points  du 
territoire  français,  à  Lyon,  à  Marseille,  à  Limoges,  à  Aix, 
à  Tours,  à  Avignon,  au  Mans,  s'ouvrent  des  ateliers  où 
l'on  installe  des  ouvriers  italiens.  Les  arts  décoratifs,  qui 
vivent  surtout  d'ornements,  répandus  en  abondance  par 
les  marchands  de  la  Péninsule,  contribuent  activement, 
sous  le  couvert  de  leur  aimable  pacotille,  à  acclimater  les 
formes  antiques.  Enfin  survient  la  campagne  d'Italie  de 
1495  à  la  suite  de  laquelle  Charles  VIII  ramena  avec  lui 
des  artistes  dont  l'histoire  a  conservé  les  noms,  et  dès  lors 
les  monuments  que  la  France  produit  se  divisent  en  trois 
catégories  bien  distinctes  :  4°  ceux  dans  lesquels  prédomine 
encore  le  goût  français  ;  2°  ceux  dans  lesquels  prédomine  le 
goût  italien  ;  3°  ceux  dans  lesquels  se  montre  le  mélange 
à  dose  égale  du  gothique  et  du  classique.  Mais  comment  la 
résistance  aurait-elle  été  possible  du  vieil  art  national 
contre  cette  invasion  de  l'art  d'Italie,  favorisée  et  énergi- 
quement  soutenue  en  Touraine  par  l'autorité  royale,  adopté 
avec  une  ivresse  courtisanesque  par  la  cour,  par  les  sei- 
gneurs, par  les  évêques?  En  vain,  les  vétérans  de  'école 
franco-flamande  luttent  à  coups  de  chefs-d'ceuvrel  :  ils 
sont  débordés,  abandonnés,  dédaignés  pour  de  jeunes  débu- 
tants comme  les  deux  Juste  Adol,  enrégimentés  sous  la 
bannière  étrangère.  Force  leur  est  de  suivre  le  courant,  et 
l'on  voit  des  maîtres  bien  français,  comme  Jean  Perréal 
ou  Michel  Colombe,  transiger  avec  la  mode  et  changer  leur 
style.  Ce  fut  une  véritable  folie.  On  ne  voulut  plus  rien 
qui  ne  fût  italien.  La  langue  elle-même  se  mit  à  charrier 
de  grotesques  locutions  grecques  et  latines  et  tomba  dans 
le  pédantisme.  Ne  vit-on  pas  un  évêque  se  donner  le  titre 
de  «  hiérophante  »  ?  Or,  suivant  l'heureuse  expression  de 
M.  G.  Paris,  «  pour  un  peuple,  changer  de  langue  c'est 
presque  changer  d'âme  ».  Ces  préliminaires  posés,  voyons 
comment,  après  cette  lutte  entre  des  éléments  contraires, 
se  comporte  l'art  nouveau  dans  ses  diverses  manifestations. 

Architecture,  —  Durant  les  cent  années  que  l'art  de 
la  Renaissance  a  dominé  en  France,  l'architecture  a  aflecté 
diverses  formes  que  l'on  a  essayé  de  caractériser  par  les 
désignations  suivantes  :  le  style  Louis  XII,  le  style  Fran- 
çois Ier ',  le  style  Henri  IL  Si  chacune  de  ces  trois  phases 
marque  l'avènement  grandissant  des  ordres  classiques  et 
des  commentateurs  de  Vitruve,  il  ne  faut  pas  croire  que 
nos  artistes  français  se  soient  transformés  durant   leur 


cours  en  services  imitateurs,  Ils  acceptèrent  les  idées  venues 
de  l'Italie,  mais  non  sans  leur  communiquer  l'empreinte 
de  leur  nropre  personnalité.  Voilà  pourquoi  la  Renaissance, 
fruit  plein  de  cendre,  fut  d'abord  très  brillante.  On  a 
cru  longtemps  que  la  plupart  des  édifices  élevés  alors 
étaient  dus  à  des  architectes  italiens.  Combien  furent  attri- 
bués jusqu'en  ces  dernières  années  à  Fra  Giocondo,  et  au 
Boccador  ramenés  d'Italie  par  Charles  VIII.  L'érudition 
moderne  a  fait  justice  de  ces  erreurs  ;  elle  a  prouvé  que 
guantité  d'oeuvres  dont  on  a  fait  bénévolement  honneur 
jusqu'à  nos  jours  à  des  étrangers  avaient  été  bien  et  dû- 
ment exécutées  par  des  Français.  C'est  ainsi  qu'on  a  dû 
restituer  à  Pierre  Chambiges  la  paternité  de  la  cour  du 
Cheval-Blanc  du  palais  de  Fontainebleau,  des  châteaux  de 
la  Muette,  et  Saint-Germain-en-Laye,  et  que  le  Parisien 
Gilles  Le  Breton,  ignoré  il  y  a  vingt  ans,  a  été 
reconnu  comme  le  véritable  architecte  de  Fontainebleau 
durant  vingt-cinq  ans,  c.-à-d.  de  1527  à  4552.  De  même 
le  château  dit  de  Madrid,  au  bois  de  Boulogne,  que  l'on 
croyait  être  du  céramiste  italien  Jérôme  délia  Robbia,  a  été 
construit,  d'après  d'irréfutables  documents  d'archives,  par 
un  architecte  tourangeau,  Pierre  Gadyer.  Ce  furent  égale- 
ment des  Français,  Guillaume  Senault,  Pierre  Farère,  Colin 
Biart,  Pierre  Valence,  qui  élevèrent  pour  le  cardinal  d'Am- 
boisele  ravissant  château  de  Gaillon,  près  de  Rouen.  On  en 
pourrait  citer  beaucoup  d'autres  restés  jusqu'à  présent  dans 
l'ombre.  Contentons-nous  de  rappeler,  parmi  les  noms  des 
principaux  architectes  du  xvie  siècle,  ceux  de  Pierre  Lescot 
à  quirondoitlejubédeSaint-Germain-l'Auxerrois  (4541) 
et  l'hôtel  Carnavalet;  de  Philibert  de  L'Orme,  en  qui  est 
personnifiée  l'évolution  de  cette  époque,  l'auteur  de  Saint- 
Maur-les-Fossés  (1546),  du  tombeau  de  François  Ier  à 
Saint-Denis  (4550),  du  château  d'Anet  (4552),  et  du  châ- 
teau des  Tuileries  (4564)  ;  de  Jean  Bullant,  qui,  tout  en  se 
montrant  dans  le  château  d'Ecouen,  dans  le  petit  château 
de  Chantilly,  dans  le  pont-galerie  de  Fère-en-Tardenois,  un 
adepte  respectueux  des  formules  classiques,  sut  se  signaler 
par  des  innovations  très  personnelles;  de  Jacques  Androuet 
du  Cerceau,  surtout  célèbre  comme  dessinateur  et  graveur 
de  monuments,  dont  le  fils  aîné,  Baptiste,  dressa  le  projet 
du  Pont-Neuf,  à  Paris,  qu'exécuta  plus  tard  Jacques  Mar- 
chand. Sur  tous  les  points  de  la  France,  c'étaient  des  ar- 
tistes locaux  qui  se  chargeaient  de  traduire  les  principes 
de  l'architecture  nouvelle.  Clément  Métezeau  et  Pierre 
Caron,  à  l'hôtel  de  ville  de  Dreux  ;  Charles  Viart,  Colin 
Byard,  et  Pierre  Nepveu  dit  Trinqueau,  l'immortel  auteur 
du  château  de  Chambord,  Bastien  et  Martin  François,  sur 
les  bords  de  la  Loire  ;  Jean  de  Lespine,  la  plus  grande 
gloire  artistique  de  l'Anjou.  En  Normandie,  il  y  eut,  outre 
les  architectes  du  château  de  Gaillon,  Roland  Leroux, 
l'auteur  du  tombeau  de  Georges  d'Amboise,  dans  la  cathé- 
drale de  Rouen;  Hector  Sohier,  qui  de  4545  à  4545,  fait 
preuve  du  génie  le  plus  inventif  à  Caen;  la  génération  des 
Grappin,  à  Gisors.  En  Bourgogne  et  en  Franche-Comté, 
c'est  Hugues  Sambin  qui  bâtit  une  partie  de  la  façade  de 
l'église  Saint-Michel  à  Dijon  ;  c'est  Charles  Ribonnier  qui 
édifie  le  palais  de  justice  de  Dijon,  et  le  beau  château  du 
Pailly,  près  de  Langres.  Malheureusement,  on  ignore  en- 
core les  auteurs  d'un  grand  nombre  de  gracieux  monuments 
de  la  Renaissance  tels  que  le  château  de  Chenonceaux 
(Indre-et-Loire),  une  des  merveilles  de  l'architecture  de 
ce  temps,  construit  de  4545  à  4524;  le  château  d'Azay-le- 
Rideau,  d'une  exécution  admirable  de  finesse  ;  de  celui  de 
Dampierre  (Charente-Inférieure),  de  Bournazel  (Aveyron), 
l'une  des  œuvres  les  plus  parfaites  du  xvie  siècle  ;  de  celui 
de  Pau  (Basses-Pyrénées)  ;  du  fameux  hôtel  du  Bourgthe- 
roulde,  à  Rouen;  de  l'hôtel  d'Ecoville,  à  Caen  ;  de  l'hôtel 
Lallemant,  à  Bourges  ;  de  l'hôtel  d'Assézat,  à  Toulouse, 
où,  de  4535  à  4570,  travailla  un  architecte  éminent,  Nico- 
las Bachelier,  etc.,  etc.  Mais  il  est  hors  de  doute  que  tous 
ces  travaux  sont  de  mains  françaises.  Quant  aux  œuvres 
architecturales  exclusivement  dues  à  des  Italiens,  elles 
sont  en  nombre  excessivement  restreint. 


-  1107  - 


FRANCE 


Pour  distinguer  d'une  façon  générale  le  style  de 
Louis  XII  on  peut  dire  qu'il  se  signale  par  la  substitution 
du  plein  cintre  et  de  l'arc  en  anse  de  panier  à  l'arc  aigu  ; 
les  profils  gothiques  se  mêlent  aux  ornements  italiens, 
aux  arabesques,  aux  médaillons,  ainsi  qu'aux  divers  élé- 
ments des  ordres  classiques  qui  commencent  à  apparaître, 
d'abord  timidement.  Les  toitures,  loin  de  s'abaisser, 
s'élèvent  davantage,   percées  de  lucarnes  se  détachant 


sur  l'ardoise  sombre,  et  sont  flanquées  de  clochetons  et  de 
pinacles. 

Avec  François  Ier,  c'est  le  triomphe  des  ordres  antiques. 
Entablements,  pilastres,  fractions,  corniches  et  moulures 
remplacent  définitivement  tout  ce  qui  pouvait  rappeler  le 
gothique.  Les  habitations  prennent  un  air  de  fête  et  d'hu- 
meur riante  qu'accentue  le  mélange  de  la  brique  et  de  la 
pierre.  Certes,  l'architecture  alors  ne  se  soucie  plus  de 


r^j 


Tombeau  de  Philippe  Pot,  grand  sénéchal  de  Bourgogne  (xve  siècle)  (musée  du  Louvre). 


traduire  logiquement  par  l'aspect  extérieur  la  disposition 
du  logis.  Il  lui  faut  une  régularité  fastueuse.  Plus  de  pa- 
villons reportant  les  escaliers  hors  du  périmètre  des  salles, 
plus  d'auvent  pour  protéger  les  murs,  plus  de  fenêtres 
inégales  accusant  pittoresquement,  sur  la  façade  même,  la 
distribution  des  appartements,  plus  rien  de  ce  qui  laissait 
transparaître  au  dehors  l'intimité  du  dedans.  «  Une  mode 
rigide,  dit  M.  de  Fourcaud,  veut  que  tout  soit  uniforme 
et  quasi  abstrait.  Jadis  l'habitation  était  combinée  pour 
l'habitant;  désormais,  elle  sera  surtout  construite  pour  la 
beauté  de  la  rue.  »  Pourtant,  il  est  un  fait  remarquable 
dont  il  faut  tenir  compte  :  c'est  que  François  Ier,  le  prince 
qui  fut  le  protecteur,  le  plus  passionné  des  arts,  qui  fit 
venir  d'Italie  Léonard  de  Vinci  à  son  déclin,  Andréa  del 
Sarto,  Benvenuto  Cellini,  Jérôme  délia  Robbia,  qui  essaya 
d'attirer  Raphaël,  qui  installa  près  de  lui  cette  colonie  d'où 
sortit  le  style  pompeux  et  factice  auquel  on  a  donné  le  nom 
d'école  de  Fontainebleau,  François  Ier,  disons-nous,  en- 
thousiaste de  ce  qu'il  y  avait  d'élégant,  de  brillant,  de  dé- 
licat, dans  l'art  italien,  n'a  nullement  imposé  l'imitation 
italienne  à  l'architecture  de  notre  pays.  Tous  les  grands 
travaux  entrepris  par  lui  soit  à  Blois,  soit  à  Yillers-Cotte- 
rets,  à  Fontainebleau,  à  Chambord,  ou  à  Saint-Germain- 
en-Laye,  ont  été  confiés  à  des  artistes  français.  Serlio,  qui 
ne  vint  chez  nous  qu'en  1544,  n'y  a  nullement  participé. 
Les  constructions  les  plus  nombreuses  ne  furent  pas  des 
églises,  comme  au  moyen  âge,  mais  des  palais  pour  les 
princes,  des  châteaux  pour  les  personnages  de  la  cour,  des 
hôtels  pour  la  bourgeoisie  enrichie  par  le  commerce.  La 
seule  grande  église  qui  ait  été  alors  bâtie  de  toutes  pièces 
est  Saint-Eustache  de  Paris,  commencée  en  4532  par 
Pierre  Lemercier.  Dans  les  restaurations  d'édifices  reli- 
gieux, la  principale  nouveauté  qu'introduisit  la  Renais- 


sance est  la  coupole  généralement  préférée  à  la  flèche 
pour  le  couronnement  des  clochers  et  clochetons. 

Le  style  Henri  II  marque  l'apogée  de  la  Renaissance  ;  le 
château  d'Anet  en  offre  le  spécimen  le  plus  achevé.  Les 
ordres  classiques  imposent  de  plus  en  plus  leurs  divisions 
symétriques  sur  les  façades  et  se  superposent.  L'architecte 
qui  a  cessé  d'être  le  «  maître  de  l'œuvre  »  n'accorde  plus 
de  place  à  la  sculpture  extérieurement;  il  tient  avant  tout 
à  faire  valoir  ses  profils,  se  réserve  la  part  la  plus  large, 
et  redoute  de  voir  à  ses  côtés  briller  un  autre  artiste. 
L'ornementation  se  réfugie  sur  les  chapiteaux  et  envahit 
les  fûts  des  colonnes  où  elle  transforme  en  riches  bracelets 
sculptés  les  bossages  ou  les  tambours  saillants  qui  dissi- 
mulent les  joints,  comme  à  Villers-Cotterets  ou  aux  Tuile- 
dés.  La  saillie  du  pavillon  d'angle ,  les  hautes  toitures, 
les  souches  de  cheminées  avec  leurs  énormes  dimensions, 
donnent  à  l'architecture  de  cette  époque,  malgré  tout  l'ap- 
pareil de  l'ordonnance  antique,  une  originalité  toute  fran- 
çaise. Ces  divers  caractères  de  l'architecture  ne  subissent 
plus  guère  que  des  modifications  de  détail,  sans  impor- 
tance jusqu'au  règne  de  Henri  IV.  Catherine  de  Médicis  eut 
bien  aussitôt,  après  la  mort  de  Henri  II,  l'idée  d'enlever 
la  direction  des  bâtiments  royaux  à  Philibert  de  L'Orme  pour 
la  confier  au  Primatice.  L'essai  fut  de  courte  durée  et  l'on 
revint  vite  au  savant  architecte  des  Tuileries,  qui  pour- 
suivit son  œuvre  en  se  faisant  aider  par  Jean  Bullant. 
Sous  Charles  IX  et  Henri  III,  pour  ajouter  à  la  profusion  des 
profils  la  richesse  des  marbres,  on  fait  parfois  usage  de  la 
polychromie.  Mais  l'abus  des  ordres  antiques  est  alors  com- 
plet. «  Non  seulement  les  colonnes  s'entassèrent  les  unes 
sur  les  autres,  dit  M.  Léon  Palustre,  s'accouplèrent  dans 
les  intervalles  des  baies  ou  dans  les  embrasures,  mais,  lors- 
qu'on voulut  en  limiter  le  nombre  pour  éviter  la  monotonie 


FRANCE 


1408 


des  répétitions,  on  ne  crut  pouvoir  mieux  faire  que  d'exa- 
gérer l'ampleur  de  celles  employées.  Là  où  une  super- 
position semblait  indis- 
pensable, vu  l'élévation 
des  façades,  vint  prendre 
place  un  ordre  unique  et 
colossal.  »  Le  rêve  de  la 
Renaissance  est  fini;  la 
lourdeur  succède  à  l'élé- 
gance, et  il  faut  toute  la 
persistante  répulsion  du 
goût  français  pour  les 
grandes  façades  plates  à 
fenêtres  rigoureusement 
comptées,  ouvertes  les 
unes  sous  les  autres  avec 
les  mêmes  espacements  ; 
il  faut  tout  notre  tenace 
attachement  aux  tou- 
relles gracieuses,  aux 
encorbellements  hardis , 
aux  tuyaux  de  cheminée 
luttant  d'élévation  avec 
les  toits,  que  nos  ar- 
tistes osent  encore  con- 
server çà  et  là  dans 
leurs  constructions,  pour 
nous  faire  oublier  que 
nous  arrivons  à  l'ar- 
chitecture majestueuse , 
ou  plutôt  comme  di- 
sait Viollet-le-Duc, 
«  à  l'ennui  majestueux  » 
de  l'architecture   de  Louis  XIV. 

Sculpture.  —  Toujours  intimement  liée  à  l'architecture , 


la  sculpture  a  traversé  plusieurs  courants  pendant  la  Re- 
naissance. Toutefois  on  peut  dire  qu'elle  a  aidé  plus  vite  à 

l'entraînement  de  l'imita 
tion  italienne  et  que  c'est 
par  elle  que  s'est  surtout 
répandue  chez  nous  le 
goût  de  l'ornementation 
antique.  Parmi  les  sculp- 
teurs venus  d'Italie  sous 
Charles  VIII  et  Louis  XII 
figuraient  le  Modanino, 
qui  resta  vingt  années  en 
France  où  il  exécuta  son 
chef-d'œuvre,  le  tom- 
beau de  Charles  VIII  à 
l'abbaye  de  Saint-Denis, 
et  Pacchiorriti  qui,  aux 
gages  du  roi,  attira  au 
château  du  Petit-Nesle, 
à  Paris,  une  véritable 
colonie  de  ses  compa- 
triotes. C'est  là  que  sé- 
journèrent successive- 
ment Guido  Paganino, 
Benedeto ,  dont  parle 
Vasari,  la  famille  des 
délia  Robbia,  Benvenuto 
Cellini  et  ses  élèves, 
Rustici,  et  sans  doute 
aussi  beaucoup  d'autres 
auxquels  sont  attribués 
avec  plus  ou  moins  de 
certitude  une  foule  d'ou- 
vrages où  se  reconnaissent  l'inspiration,  les  modèles,  les 
procédés  de  l'antiquité.  Ce  sont  eux  qui  sculptent  sur  les 


Hôtel  Lallemand   à  Bourges. 


Saint  Georges,  par  Michel  Colombe,  bas-relief  provenant  du  château  de  Gaillon  (musée  du  Louvre). 


tombeaux,  sur  les  façades  des  palais  et  des  maisons,  au  lieu 
des  figures  familières  au  peuple  de  France,  les  têtes  d'em- 
pereurs romains  et  les  images  mythologiques.  A  Gaillon , 
à  l'hôtel  d'Alluye,  de  Blois,  à  l'hôtel  Cujas  ou  à  l'hôtel  Lal- 


lemand, de  Bourges,  à  la  maison  de  Diane  de  Poitiers,  de 
Loches,  ce  ne  sont  plus  quemédaillons  représentant  des  césars 
ou  des  dieux.  Sur  le  tombeau  des  enfants  de  Charles  VIII, 
l'image  d'Hercule  alterne  avec  celle  de  Samson.  Ce  ne  fut 


—  1409  — 


FRANCE 


pas  sans  peine  que  les  sculpteurs  italiens  parvinrent  à 
remplacer  par  ces  motifs  païens  les  types  traditionnels  de 
nos  artistes  nationaux,  et  à  chasser  des  monuments  tout 
un  monde  de  pieuses  croyances  pour  faire  place  à  de  gra- 
cieuses, mais  cosmopolites  légendes.  Tant  qu'il  ne  s'était 
agi  que  d'ornementation,  l'habileté  manifeste  des  Italiens 
avait  donne  à  réfléchir,  et  nous  avons  vu  qu'un  des  plus 
grands  sculpteurs  de  la  Renaissance  française,  Michel  Co- 
lombe, dès  la  fin  du  xve  siècle,  acceptait  franchement  ce 
qu'il  trouvait  de  supérieur  dans  l'art  italien,  n'hésitait 
pas  à  lui  faire  des  emprunts  qu'il  animait  d'ailleurs  du 
souffle  de  son  génie.  Né  en  Bretagne,  Michel  Colombe, 
après  avoir  été  à  Dijon  prendre  les  leçons  de  Claux  Sluter, 
était  venu  se  fixer,  jeune  encore,  sur  les  bords  de  la  Loire, 
au  centre  de  ce  foyer  d'art  officiel  que  les  rois  de  France 
entretenaient  autour  de  leurs  châteaux.  Il  y  demeura  jusqu'à 
sa  mort,  en  1512.  Dans  ses  œuvres  magistrales  telles  que 
le  tombeau  de  François  II  de  Bretagne,  le  bas-relief  du 
Louvre,  Saint  Georges  combattant  le  dragon,  le  tom- 
beau de  Guillaume  Guéguen,  à  la  cathédrale  de  Nantes,  il 
a  montré  à  quelle  perfection  était  parvenue  la  sculpture 
française  avant  l'envahissement  complet  de  l'influence  ita- 
lienne. Son  exemple  eut  été  bon  à  suivre  en  ce  que,  sans 
abdiquer  sa  personnalité  ni  nos  traditions  de  pittoresque 
expressif,  il  s'était  borné  à  épurer  ses  formes,  à  affiner  ses 
procédés.  On  eût  dû  s'en  tenir  là.  Aussi,  lorsque  les  ar- 
tistes italiens  apportèrent  le  caprice  de  leur  décor  en  lequel 
il  n'y  avait  pas  trace  de  la  vie  nationale,  où  l'on  ne  recon- 
naissait ni  le  costume,  ni  les  habitudes  de  la  race,  ni  les 
choses  que  l'on  aimait,  il  y  eut  de  la  résistance.  «  Nos 
sculpteurs,  dit  M.  Eugène  Mùntz,  les  ornemanistes  sur- 
tout, ne  pouvaient  se  résoudre  à  sacrifier  les  motifs  gro- 
tesques, comiques,  gaulois,  en  d'autres  termes,  qui  depuis 
tant  de  siècles  faisaient  les  délices  de  la  foule.  Parcourez 
les  plus  élégantes  constructions  du  xve  siècle,  partout,  à 
la  retombée  d'une  voûte  ou  d'une  arcade,  sur  un  chapiteau, 
à  l'extrémité  d'une  tourelle,  vous  rencontrez  des  têtes  gri- 
maçantes, des  monstres  diiformes.  Rien  n'était  plus  opposé 
au  goût  des  artistes  italiens...  »  Ce  que  ceux-ci  n'aimaient 
point,  non  plus,  c'étaient  les  ornements  portant  un  caractère 
individuel,  les  emblèmes  et  armoiries  qui  décoraient  les  an- 
ciens logis  du  moyen  âge,  les  cœurs  et  les  coquilles  de  pèlerins 
de  Jacques  Cœur,  la  cordelière  et  l'hermine  d'Anne  de  Bre- 
tagne. Que  leur  importait,  à  ces  nomades  qui  promenaient 
chez  nous  le  bagage  international  de  la  parure  antique,  — 
les  oves,  les  palmettes  et  les  rosaces,  les  bucrânes,  pouvant 
s'appliquer  indifféremment  sur  toute  espèce  de  monuments 
—  que  leur  importait  le  sens  intime,  familier,  des  figura- 
tions ayant  sur  notre  sol  une  éloquence  qu'ils  ne  compre- 
naient pas  ?  Heureusement,  l'habitude  ne  s'en  perdit  pas, 
et  l'on  sait  quelle  valeur  décorative  ont  conservée  les  em- 
blèmes royaux,  le  porc-épic  de  Louis  XII,  le  salamandre  de 
François  Ier,  le  croissant  de  Henri  II,  les  trois  couronnes  de 
Henri  III,  le  sceptre  et  la  main  de  justice  de  Henri  IV.  Au 
surplus,  dans  le  travail  d'incubation  qui  s'opérait,  les  vieilles 
écoles  de  sculpture  du  pays  de  France  n'abdiquaient  pas 
toute  indépendance  et  trouvaient  encore  le  moyen  d'étaler 
l'adresse  merveilleuse  dont  elles  avaient  donné  tant  de 
preuves  dans  les  cathédrales  gothiques.  Il  est  curieux,  par 
exemple,  de  voir  avec  quel  bon  sens,  parfois,  les  imagiers 
de  l'époque  de  Louis  XII  savent  remplir  d'attributs  expres- 
sifs les  entrelacs  et  les  cartouches,  ces  deux  créations  de  la 
Renaissance.  Il  est  non  moins  intéressant  de  constater  avec 
quelle  liberté  un  peu  gauche  ils  mêlent  sur  les  chapiteaux 
antiques  les  ornements  classiques  avec  ceux  dont  ils  ont 
l'habitude.  Leur  ingéniosité  apparaît  notamment  parmi  les 
huit  cents  chapiteaux  de  Chambord,  tous  différents.  Ils  ont 
beau  être  peu  familiers  avec  les  motifs  que  la  mode  impose 
à  leur  ciseau,  leur  habileté  de  main,  leur  expérience  de  la 
matière  qu'ils  traitent  n'en  apparaissent  pas  moins  d'une 
façon  surprenante.  Bien  peu  de  noms  d'artistes  de  cette 
période  sont  parvenus  jusqu'à  nous  ;  leurs  œuvres  parlent 
pour  eux.  De  qui  est  le  cadavre  de  Louis  de  Brézé,  à  demi 


envelopppé  de  son  suaire,  au  tombeau  de  la  cathédrale  de 
Rouen,  d'une  si  fière  maîtrise  (V.  Brézé,  t.  VII,  p.  1193)  ? 
On  l'ignore.  De  qui  sont  les  deux  effigies  mortuaires  de 
Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne  sur  le  sarcophage  de  Saint- 
Denis,  où  apparaît  la  science  anatomique  que  les  pré- 
jugés religieux  avaient  refusé  jusque-là  de  consulter?  On 
ne  le  sait  pas  davantage.  On  connaît  seulement  les  noms  de 
Louis  Poucher  et  de  sa  femme,  Roberte  Legendre,  auteurs 
des  admirables  figures,  dignes  de  Michel  Colombe,  qui  sont 
au  Louvre;  celui  de  Ligier  Richier  qui  fut,  selon  M.  Le- 
chevallier-Bévignard,  «  le  dernier  des  artistes  de  la  Renais- 
sance à  sentiments  religieux  dépourvus  de  maniérisme  »,  et 
dont  le  beau  groupe  en  bois  peint,  l'Evanouissement  de 
la  Vierge,  qu'on  admire  à  l'église  de  Saint-Mihiel,  atteste 
le  talent;  ceux  de  Jean  Turpin,  qui  acheva  en  1522  les 
stalles  de  la  cathédrale  d'Amiens,  de  Jean  le  Pot,  etc. 

Les  découvertes  récentes,  qui  ont  permis  de  restituer  à 
des  architectes  français  des  œuvres  attribuées  auparavant  à 


Les  Trois  Grâces,  par  Germain  Pilon  (musée  du  Louvre). 


des  artistes  italiens,  doivent  rendre  plus  circonspects  les  ar- 
chéologues au  sujet  de  la  sculpture.  Si  l'on  excepte  la  famille 
italienne  des  Juste,  qui  s'établit  à  Tours  sous  Louis  XII,  si 
l'on  fait  le  compte  des  travaux  exécutés  auprès  de  Fran- 
çois Ier,  par  Benvenuto  Cellini,  par  l'habile  modeleur  Ponzio 
Trebati,  à  qui  Lescot  demanda  pour  l'attique  du  Louvre 
des  figures  colossales,  on  a  bien  vite  épuisé  toute  certitude 
sur  ce  qu'il  reste  d'une  façon  positive  à  l'actif  des  artistes 
italiens.  Par  contre,  on  a  quelques  renseignements  assez 
précis  sur  les  trois  sculpteurs  les  plus  remarquables  qui  se 
signalèrent  sous  le  règne  de  François  Ier  :  nous  voulons 


FRANCE 


—  1140 


parler  de  Jean  Goujon,  de  Pierre  Bontemps  et  de  Germain 
Pilon.  Jean  Goujon,  qu'on  entrevoit  pour  la  première  fois 
travaillant  à  Saint-Maclou  de  Rouen  (1540-1541),  est 
occupé  ensuite  au  jubé  de  Saint-Germain-rAuxerrois(1542) 
à  Paris  et  un  peu  plus  tard  à  Anet,  où  il  exécute  la  fameuse 
Diane  qui  surmonte  la  porte,  à  Écouen,  à  l'hôtel  Carna- 
valet. Il  quitta  la  France  en  1562,  et  s'établit  à  Bologne 
où  il  mourut  avant  1568.  Jean  Goujon  est  le  créateur  du 
bas-relief  dans  notre  pays,  et  il  en  a  tiré  des  effets  char- 
mants, principalement  dans  les  sujets  "emblématiques  et 
païens.  Il  n'a  point  de  rivaux  dans  l'art  de  disposer  une 
figure  entre  des  membres  architectoniques,  que  ce  soient 
les  côtés  d'un  œil-de-bœuf,  le  tympan  d'un  arc  ou  l'étroit 
espacement  de  deux  pi- 
lastres. «  Sa  manière, 
a   dit  un  de  ses  bio- 
graphes, est  restée  sy- 
nonyme de  grâce  fière 
et  de  suprême  élégance. 
Connaissant  à  fond   la 
structure  féminine,  sous 
les    plis    abondants  et 
fluides  dont  il  recouvre 
ses  nymphes  et  ses  mu- 
ses, il  sait  faire  trans- 
paraître les  ondulations 
de  leur  corps  virginal, 
et,  en  dépit  de  quelques 
cambrures     exagérées , 
dues  à  la  verve  de  son 
ciseau  ou  imposées  par 
le  goût  du  jour,  partout 
on  reconnaît  cependant 
l'homme  sincèrement 
épris  de  la  nature  et  l'in- 
terrogeant sans  cesse.  » 
D'un  talent  plus  mâle, 
plus  vigoureux,  Germain 
Pilon  a  exécuté  d'abord 
avec   Pierre   Bontemps 
les  bas -reliefs  et  les  sta- 
tues du  tombeau  de  Fran- 
çois Ier  à  Saint-Denis  ; 
puis  le  groupe  des  Trois 
Grâces,  destiné  à  sup- 
porter l'urne  où   était 
placé  le  cœur  de  Henri  II, 
et  Catherine  de  Médicis 
en   costume  d'apparat, 
l'effigie  en  bronze    du 
chancelier  de  Bira- 
gue ,    etc.    Anatomiste 
plein  de  science,  il  reste, 
malgré  un  peu  de  ma- 
niérisme, un   des  plus 
grands  artistes  de  la  Re- 
naissance. Après  lui  vien- 
nent   Simon    Guillain, 
Jacques    Sarrazin,    et, 
quelques  années  après,  Barthélémy  Prieur,  Pierre  Fran- 
quevilie,  l'élève  italianisé  de  Jean  de  Bologne,  enfin  les 
frères  Pierre  et  François  Lheureux,  les  auteurs  de  cette 
spirituelle  et  capricieuse  frise  de  la  galerie  du  Louvre  lon- 
geant la  Seine,  où  l'on  voit  des  amours  tenant  le  chiffre 
royal,  des  combats  de  génies  et  de  monstres  étranges.  Cette 
œuvre,  commencée  sous  Henri  III,  fut  achevée  sous  Henri  IV. 
A  ce  moment,  la  sculpture  se  complaît  aux  éléments  fan- 
tastiques ;  elle  aime  les  têtes  de  diables  comme  celles  des 
mascarons  du  Pont-Neuf  ;  mais  l'ornementation  offre  de  la 
lourdeur. 

Peinture  et  arts  décoratifs.  —  A  proprement  parler, 
l'art  de  la  peinture  n'existe  guère  plus  pendant  la  Renais- 
sance qu'aux  époques  précédentes.  En  vain,  François  Ier  fit 


Deux  figures  de  la  fontaine~des;Innocents,  à  Paris,  par  Jean  Goujon. 


venir  auprès  de  lui  Léonard  de  Vinci,  puis  Andréa  del 
Sarto,  en  vain  demanda-t-il  au  Rosso,  à  Niccolô  dell'Abate, 
au  Primatice  le  décor  de  ses  fêtes,  la  parure  de  ses  palais. 
Tandis  qu'en  Italie  Raphaël  avait  déjà  signé  ses  plus  rares 
chefs-d'œuvre,  en  France  les  peintres  se  confinaient  encore 
dans  l'enluminure  des  manuscrits  et  dans  le  vitrail  où, 
d'ailleurs,  ils  n'avaient  depuis  longtemps  point  de  rivaux. 
Jean  Perréal,  dit  Jean  de  Paris,  à  qui  l'on  doit,  semble- 
t— il»  tant  d'œuvres  variées,  fut  plutôt  un  décorateur  qu'un 
peintre,  et  ce  n'est  pas  le  tableau  du  musée  du  Louvre 
qu'on  lui  attribue  qui  pourrait  changer  cette  opinion.  Les 
Clouet,  il  est  vrai,  continuent  à  la  cour  des  Valois  la  liste 
des  fins  portraitistes  français  que  nous  avons  vus  plus  haut 

s'essayer  dans  les  ma- 
nuscrits ,  et  parmi  les- 
quels Jean  Foucquet  se 
dresse  de  toute  la  hau- 
teur de  son  génie.  Jean 
Clouet  (mort  vers  1541) 
et  son  fils  François  (mort 
en  1572),  descendants 
d'une  famille  flamande, 
ont  apporté  dans  ce 
genre  une  précision  de 
dessin,  une  solidité  de 
coloris,  une  franchise 
d'expression  qui,  malgré 
un  peu  de  sécheresse, 
s'imposent  à  notre  admi- 
ration. A  côté  d'eux,  et 
dans  le  même  temps, 
Jean  Cousin,  que  l'on  a 
bien  à  tort  accablé  de  la 
ridicule  épithète  de  «  fon- 
dateur de  l'école  natio- 
nale »  ,  est  moins  un 
peintre  qu'un  illustra- 
teur de  livres,  un  fé- 
cond compositeur  d'or- 
nements ,  ainsi  qu'en 
témoignent  ses  deux 
tableaux  authentiques, 
YEva  prima  Pandora 
de  Sens,  et  le  Jugement 
dernier  du  Louvre. 

La  peinture  paraît  vou- 
loir attendre  en  France, 
pour  prendre  son  essor, 
la  décadence  de  la  minia- 
ture. Le  moment  n'est 
pas  loin,  car  cet  art  ad- 
mirable dit  son  dernier 
mot  dans  les  Heures 
d'Anne  de  Bretagne 
qui  sont,  dit  M.  Lecoy 
de  La  Marche,  «  le  cou- 
ronnement des  mer- 
veilles de  Page  précé- 
dent». Cette  œuvre  in- 
comparable, où  l'on  compte  cinquante  grands  sujets,  vrais 
tableaux  de  mœurs,  de  paysages  et  d'histoire,  fut  achevée  en 
1 508.  Les  documents  les  plus  authentiques  lui  donnent  comme 
principal  auteur  «  Jehan  Bourdichon ,  painctre  et  valet  de 
chambre  de  Monseigneur  Louis  XII»,  lequel  reçut  en  paye- 
ment la  somme  de  1,050  livres  tournois.  Ce  monument 
incomparable  appartient  à  la  Bibliothèque  nationale.  Après 
un  tel  chef-d'œuvre,  l'art  de  l'enluminure  disparaît  devant 
le  progrès  de  l'imprimerie  et  la  gravure  que  Jean  Cousin, 
Etienne  Delaune,  et  un  petit  groupe  de  dessinateurs  lyonnais 
ne  firent  qu'accentuer.  Les  libraires  cherchèrent  à  imiter 
industriellement  les  manuscrits,  et  vendirent  comme  œuvres 
originales  des  sujets  reproduits  par  la  gravure  sur  bois. 
Dans  les  célèbres  Heures  de  Simon  Vostre  et  de  ses  émules, 


11 11  — 


FRANCE 


imprimées  aux  environs  de  1500,  le  pastiche  est  flagrant 
et  l'on  a  même  colorié  à  la  main  les  dessins  imprimés  en 
noir  pour  mieux  donner  l'apparence  de  la  miniature.  Les 
petites  gens  pouvaient  ainsi  s'offrir  à  peu  de  frais  l'illusion 
de  lire  leur  messe  dans  un  de  ces  exemplaires  uniques 
comme,  seuls,  les  riches  seigneurs  étaient  en  mesure  d'en 
posséder  ! 

L'art  du  vitrail  aussi  allait  bientôt  toucher  à  son  déclin. 
A  coup  sûr  les  vitraux  de  la  Renaissance  offrent  des  qua- 
lités d'exécution  et  les  tours  de  force  sont  multipliés.  Jean 
Cousin,  dont  il  vient  d'être  question,  a,  durant  sa  longue 
existence,  produit  un  nombre  considérable  de  verrières  dans 
lesquelles  on  admire  autant  la  composition  que  les  procé- 
dés techniques.  Elles  présentent  des  détails  traités  avec 
goût  ;  le  coloris  est  léger ,  intense  surtout  en  certaines 
places,  sans  jamais  d'opacité.  Mais  de  plus  en  plus  on  trai- 
tait le  vitrail  comme  un  tableau,  prodiguant  les  figures  sur 
des  fonds  d'architecture.  «  Ce  n'est  plus  l'ancienne  mo- 
saïque de  verre  de  la  belle  période  ogivale,  si  judicieuse- 
ment subordonnée  à  l'ensemble  du  monument,  mais  une 
sorte  de  tableau  translucide,  aperçu  comme  à  travers  le 
fenestrage,  et  dans  lequel  le  compositeur  développe  un 
sujet  en  pleine  liberté.  »  On  ne  craint  pas  de  recourir 
même  aux  effets  perspectifs. 

Si  nous  passons  à  l'examen  des  autres  applications  de 
l'art  au  mobilier,  à  la  céramique,  à  l'émail,  à  l'orfèvrerie, 
nous  voyons  que  l'influence  italienne  s'est  partout  fait  sentir 
avec  ses  qualités  comme  avec  ses  défauts.  La  grâce  et  le 
luxe  des  détails,  le  souci  de  l'ornement  fin  et  délicat,  ré- 
pandu à  tout  propos  et  trop  souvent  hors  de  propos,  priment 
constamment  le  principe  supérieur  de  la  convenance  et  de 
la  commodité.  La  forme  essentielle,  la  destination  des  ob- 
jets se  dissimulent  sous  un  manteau  trompeur,  sous  une 
broderie  trop  somptueuse.  Même  dans  les  pièces  de  première 
nécessité,  telles  que  lits,  sièges  et  tables,  et  à  plus  forte 
raison  dans  les  meubles  d'apparat,  comme  les  dressoirs  et 
les  cabinets,  cette  erreur  éclate.  Au  bois  de  chêne,  mâle 
et  résistant  aux  piqûres  des  insectes,  qui  avait  été  en  usage 
au  moyen  âge,  on  substitue  durant  la  Renaissance  le  bois 
de  noyer  qui  se  prête  mieux  aux  finesses  de  la  sculpture. 
La  construction  se  complique  ;  ce  ne  sont  plus  les  coupes 
franches  de  nos  anciens  huchiers,  mais  des  assemblages 
dissimulés,  des  onglets  hypocrites.  Les  meubles  prennent 
l'aspect  de  petits  monuments,  amalgamant  toutes  les  combi- 
naisons architectoniques  à  la  mode,  et,  comme  eux,  par  une 
façade  menteuse,  trompent  sur  l'usage  ou  la  destination.  La 
rigoureuse  logique  condamne  de  telles  formes.  Mais  si,  pour 
un  instant,  on  cesse  d'être  rigoriste,  que  d'admirations  ex- 
citent certains  de  ces  meubles,  ces  crédences  de  proportions 
si  harmonieuses,  auxquelles  des  incrustations  de  marbres 
ou  de  bois  de  couleur  ajoutent  la  richesse  à  l'élégance, 
ces  cabinets  d'ébène  illustrés  de  peintures,  décorés  de  plaques 
d'ivoire  gravées,  ou  bien  ornés  de  sculptures  en  bas-reliefs, 
délicates  figures  de  femmes  allongées  et  languissantes  qui 
évoquent  le  souvenir  des  nymphes  de  Jean  Goujon  ! 

La  céramique  fait  ses  débuts  et  elle  garde  un  caractère 
très  français.  Faut-il  rappeler  ces  objets  de  faïence,  d'une 
pâleur  ivoirée,  coupes,  buires,  aiguières,  flambeaux,  qu'on 
a  désignés  d'abord  dans  le  monde  contemporain  de  la 
curiosité  sous  le  nom  de  faïences  de  Henri  II  ou  faïences 
d'Oiron  et  qu'on  qualifie  aujourd'hui  de  faïences  de  Saint- 
Porchaire?  Est-il  besoin  de  décrire  les  «figulines»  de 
Bernard  Palissy,  le  glorieux  potier,  que  Catherine  de  Mé- 
dicis  couvrit  de  sa  protection,  et  à  qui  elle  fit  exécuter 
dans  le  jardin  des  Tuileries  une  grotte  qu'il  peupla  de 
monstres,  de  poissons,  de  feuillages,  de  crustacés  en  terre 
émaillée  et  qu'il  sut  revêtir,  comme  ses  plats  et  ses  assiettes 
d'une  belle  glaçure,  de  jaspées,  de  marbrures  aux  teintes 
profondes?  Avant  la  Renaissance,  on  ne  fabriquait  dans 
notre  pays  qu'une  céramique  commune  appropriée  aux 
usages  domestiques,  des  carrelages  d'argiles  couverts  d'en- 
gobes  diversement  colorés  et  décorés  de  figures  héraldiques, 
de  plantes,  d'animaux.  La  glaçure  était  plombifère,  c.-à-d. 


que  les  émaux  étaient  opaques,  à  base  d'étain,  donnant 
beaucoup  moins  d'éclat  que  la  terre  faïencée.  A  partir  du 
xvie  siècle  on  emploie  les  émaux  stannifères  qui  sont  beau- 
coup plus  riches  de  tons.  Les  beaux  carrelages  du  château 
de  la  Bastie,  en  Forez,  et  ceux  d'Ecouen,  avec  leur  grand 
décor  d'ensemble,  donnent  une.  idée  de  l'état  de  la  céra- 
mique française  à  cette  date,  dont  le  caractère  est  tout  à 
fait  différent  de  la  céramique  italienne. 

L'émaillerie  se  transforme  au  xvie  siècle  :  on  ne  fabrique 
plus  à  Limoges,  comme  autrefois,  les  châssis,  les  reliquaires, 
les  objets  du  mobilier  ecclésiastique,  cette  grosse  orfèvrerie 
revêtue  d'émaux  en  taille  d'épargne  ;  on  applique  les  émaux 
de  basse  taille,  c.-à-d.  à  l'état  transparent,  sur  la  vaisselle 
de  table,  les  buires,  les  coffrets,  les  flambeaux.  Le  plus 
illustre  des  émailleurs  de  ce  siècle,  Léonard  Limosin,  né 
vers  1505  et  que  François  Ier  appela  à  sa  cour  en  1548, 
élargit  le  champ  de  cet  art  délicat  ;  il  ne  se  borne  plus  à 
copier  en  grisaille  sur  des  fonds  noirs  les  compositions 
lourdement  gothiques  des  dessinateurs  allemands  ou  les 
tableaux  italiens,  mais  il  exécute  avec  une  merveilleuse 
adresse  des  portraits  comme  ceux  de  François  Ier,  de  la 
reine  Eléonore,  de  Henri  II,  de  Catherine  de  Médicis,  etc., 
arrivant  à  une  précision  de  dessin,  à  une  harmonie  et  à 
un  éclat  de  tons  extraordinaires,  grâce  à  l'emploi  judicieux 
des  paillons  et  des  rehauts  d'or.  «  Dans  ces  pièces,  dit  M.  Mo- 
linier,  Léonard  a  mis  en  œuvre  toute  la  science  de  rémail- 
leur...,  le  dessin  sur  le  cuivre,  sur  paillon,  sur  apprêt, 
par  enlevage,  se  marie  sous  sa  main  avec  une  étonnante 
virtuosité  que  l'on  ne  retrouve  à  ce  degré  chez  aucun 
autre  de  ses  confrères.  »  A  côté  de  lui,  il  convient  de  citer, 
outre  son  frère  et  ses  neveux  :  Pierre  Reymond,  qui  a 
émaillé  une  énorme  quantité  de  vaisselle,  traduisant  avec 
beaucoup  de  finesse  les  ornements  de  Virgilius  Solis, 
d'Etienne  Delaune  ou  de  Théodore  de  Bry  ;  Pierre  Cour- 
teys,  l'auteur  du  grand  retable  de  la  chapelle  d'Ecouen  et 
des  émaux  qui  décoraient  le  château  de  Madrid  dont  on  voit 
des  fragments  au  musée  de  Cluny  ;  enfin,  et  surtout  la 
famille  des  Pénicaud  qui  a  fourni  de  père  en  fils  d'habiles 
émailleurs  à  Limoges,  depuis  Nardon  Pénicaud,  le  premier 
en  date,  jusqu'à  Jean  II  Pénicaud,  le  plus  célèbre. 

L'orfèvrerie  assez  peu  prospère  aux  débuts  du  xvie  siècle 
à  cause  des  guerres  qui  avaient  ruiné  le  pays,  reste  une 
des  industries  où  nos  artistes  français  montrent  leur  tra- 
ditionnelle habileté.  Pour  les  causes  que  nous  avons  déjà 
eu  l'occasion  de  signaler,  les  fortunes  s'immobilisaient  en 
objets  d'or  et  d'argent;  de  là  d'inestimables  trésors  accu- 
mulés dans  les  garde-meubles  des  grands.  Le  goût  des 
fêtes,  de  l'apparat,  qui  augmenta  encore  à  partir  de  Fran- 
çois Ier  ne  fit  que  développer  ces  habitudes.  Au  point  de 
vue  technique,  les  Italiens  n'avaient  pas  grand'chose  à  ap- 
prendre à  nos  orfèvres,  et  ce  n'est  ni  Matteo  delNassaro, 
arrivé  en  France  en  1528,  ni  Cellini,  dont  le  séjour  au 
Petit-Nesle  fut  de  cinq  années,  qui  exercèrent  une  action 
sur  leur  style.  M.  Ferdinand  de  Lasteyrie  a  reconnu  qu'à 
l'époque  où  Benvenuto  vint  chez  nous,  «  il  existait  déjà  de 
très  remarquables  pièces  d'orfèvrerie  française  portant  tous 
les  caractères  du  style  le  plus  pur  de  la  Renaissance  ». 
C'est  ainsi  que  la  belle  châsse  contenant  les  reliques  de 
saint  Louis,  qui  fut  donnée  vers  1520  par  le  cardinal  de 
Bourbon  à  Saint-Denis,  représentait  un  édicule  à  deux 
étages  d'une  ordonnance  absolument  classique.  L'influence 
italienne  se  fit  sentir  dans  certaines  pièces  importantes  par 
des  détails  d'ornementation  et  surtout  par  ce  mélange  bi- 
zarre dont  nous  avons  parlé  à  propos  de  la  sculpture,  des 
divinités  mythologiques  et  des  effigies  contemporaines.  Par 
exemple,  une  pièce  d'orfèvrerie  offerte  en  1549  à  Henri  II 
représente  les  trois  rois  Louis  XII,  François  Ier  et  Henri  II 
la  couronne  en  tête,  associés  à  des  figures  allégoriques 
telles  que  Janus,  Mars,  etc.  Une  autre,  exécutée  en  1571 
pour  Charles  IX,  montre  la  reine  mère,  les  frères  et  sœurs 
du  roi  sous  les  traits  de  Cybèle,  Pluton,  Neptune  et  Junon. 
Les  plus  grands  artistes  français  fournissent  des  modèles 
aux  orfèvres.  La  statue  équestre  de  femme  en  argent  repoussé, 


FRANCE 


4142  — 


ciselé  et  doré,  qui  appartient  au  musée  du  Louvre,  et  qu'on 
attribue  avec  vraisemblance  à  Germain  Pilon,  n'est  certai- 
nement pas  pour  démentir  ce  fait.  Michel  Colombe  n'avait- 
il  pas,  en  l'an  4500,  composé  la  médaille  de  Louis  XII 
qu'exécuta  l'orfèvre  Papillon?  Mais  l'homme  en  qui  semble 
se  résumer  le  mieux  le  caractère  de  l'orfèvrerie  pendant  la 
Renaissance,  c'est  Etienne  Delaune  dont  le  goût  mesuré, 
châtié,  fait  de  clarté  et  d'harmonie,  a  un  accent  si  français.  A 
côté  de  ce  maître,  nommons  François  Briot  qui,  lui,  s'adonna 
exclusivement  à  l'orfèvrerie  d'étain.  A  la  fin  du  règne  de 
Charles  IX  le  luxe  de  la  vaisselle  était  telle  qu'un  édit  de 
4571  défendit  d'en  exécuter  en  or.  Ce  prince  ne  prêchait 
guère  d'exemple,  en  commandant  à  son  armurier  nommé 
Merveille  cette  admirable  armure  d'or  actuellement  au 
Louvre,  et  qui  est  le  chef-d'œuvre  d'orfèvrerie  de  cette 
époque.  Par  un  autre  édit,  le  nombre  des  orfèvres  fut  ré- 
duit à  300. 

Ceux-ci  avaient  à  lutter  pourtant  contre  la  mode  des 
gemmes,  des  diamants,  de  pierreries  qui  étaient  préférées 
aux  œuvres  les  mieux  ciselées.  Cette  joaillerie  de  la  Renais- 
sance, qu'on  peut  étudier  dans  les  minutieux  portraits  de 
Clouet,  s'accordait  avec  les  galants  costumes  de  la  noblesse 
française,  de  tons  clairs  et  gais,  enrichis  à  profusion  de 
passements  et  de  taillades.  Les  colliers  de  femme,  les  bra- 
celets, les  pendants  de  col,  les  boucles  d'oreilles  étaient 
formés  de  perles  et  de  pierres  de  couleurs  qui  «  servaient 
de  prétextes  à  des  enlacements  de  courbes,  à  des  agrafe- 
ments  de  cartouches  plus  variés  les  uns  que  les  autres,  et 
donnant  à  l'ornementation  de  ces  joyaux  un  caractère  sé- 
rieux et  presque  architectonique  » . 

Un  mot ,  maintenant ,  d'un  art  qui  touche  de  près 
à  l'orfèvrerie,  c.-à-d.  des  médailles.  Dès  le  milieu  du 
xve  siècle,  la  France  donnait  l'exemple  des  médailles  commé- 
moratives,  genre  dans  lequel  notre  pays  n'a  pas  cessé 
d'exceller.  «  Les  monuments  numismatiques  français,  dit 
M.  Lenormant,  ne  procèdent  en  aucune  façon  des  œuvres 
des  médailleurs  italiens.  »  La  première  de  ces  médailles 
fut  exécutée  en  4454,  pour  célébrer  la  prise  de  Bordeaux 
qui  achevait  l'expulsion  des  Anglais.  Une  autre  médaille 
commémorative  date  de  Louis  XI  et  se  «  rattache  également 
par  son  art  et  sa  fabrication  au  système  de  l'ancien  mon- 
nayage » .  Le  règne  de  Louis  XII  vit  se  multiplier  les  mé- 
dailles françaises  ;  celle  de  l'entrée  du  roi  et  d'Anne  de 
Bretagne,  modelée  en  1500  par  les  deux  sculpteurs  Nicolas 
Le  Clerc  et  Jean  de  Saint-Priest,  est  caractéristique.  Les 
œuvres  de  ce  genre  de  la  fin  du  xvie  siècle,  partie  frap- 
pées, comme  les  monnaies  avec  des  coins  gravés,  partie 
coulées,  sont  malheureusement  anonymes.  Mais  il  en  est 
de  si  belles,  comme  les  grands  médaillons  représentant 
Henri  II,  Catherine  deMédicis,  Charles  IX,  Henri  III,  qu'on 
en  a  fait  honneur  à  Germain  Pilon,  ce  qui  n'est  pas  extra- 
ordinaire puisque  cet  éminent  sculpteur  fut  nommé  en 
4573  par  Charles  IX  «conducteur  et  contrôleur  général 
en  Part  de  sculpture  sur  le  fait  des  monnoies  du  roy  et 
revers  d'icelles  ».  A  l'avènement  de  Henri  IV,  un  médail- 
leur  de  premier  ordre,  Guillaume  Dupré,  reprend,  avec 
autant  de  talent  qu'autrefois  Pisanello  en  Toscane,  la  tra- 
dition des  médaillons  de  bronze  coulés  de  l'Italie. 

La  tapisserie  ne  joua  pas  au  xvie  siècle  un  rôle  moindre 
qu'au  moyen  âge.  Elle  a  sa  place  dans  les  fêtes  qui  se  célè- 
brent sur  la  place  publique,  comme  elle  en  garde  une  dans 
la  décoration  des  habitations.  François  Ier,  à  l'exemple  de 
Charles  V,  de  Charles  VII,  de  Charles  VIII  et  de  Louis  XII, 
s'appliqua  à  maintenir  un  art  qui  depuis  longtemps  faisait 
un  si  grand  honneur  à  notre  pays.  Toujours  guidé  par  son 
goût  favori  pour  l'art  italien,  il  fonda  vers  4535  à  Fontai- 
nebleau une  fabrique  qui  occupa  une  quinzaine  de  maîtres 
tapissiers  placés  sous  la  direction  de  Sébastien  Serlio  et 
chargés  de  traduire  les  cartons  du  Primatice,  de  Matteo  del 
Nassaro  et  de  Claude  Baudoin.  Mentionnons  parmi  les  plus 
belles  tentures  qui  en  sont  sorties  la  Suite  de  l'Histoire 
de  Diane,  exécutée  sous  Henri  II.  Philibert  de  L'Orme  fut 
ensuite  appelé  à  diriger  cette  fabrique  par  Henri  II,  qui  la 


laissa  péricliter  et  lui  donna  une  rivale  à  Paris,  à  l'hôpital 
de  la  Trinité,  où  deux  peintres  français,  Antoine  Caron  et 
Henri  Lerambert,  firent  traduire  leurs  cartons  :  Histoire 
de  Mausole  et  d'Artémise,  Histoire  du  Christ,  Histoire 
de  Coriolan,  etc.  'Divers  ateliers  de  province,  notamment 
ceux  de  Tours,  de  Felletin  et  d'Aubusson,  continuaient  à 
être  en  activité.  L'influence  italienne  semble  avoir  fait 
commettre  à  l'art  de  la  tapisserie  les  mêmes  erreurs  qui 
perdirent  les  vitraux  :  on  lui  demanda  au  delà  de  ce  qu'il 
peut  et  doit  raisonnablement  rendre.  D'une  tenture  de  laine 
on  voulut  faire  un  tableau,  avec  des  plans  multipliés,  une 
perspective  rigoureuse,  du  modelé  et  des  demi-teintes.  Les 
séductions  du  style  de  la  Renaissance  donnèrent  d'abord  le 
change  :  le  dessin  paraissait  épuré,  la  composition  plus 
élégante  qu'autrefois,  les  figures  mieux  coordonnées  et 
groupées,  au  lieu  de  s'étager  les  unes  au-dessous  des  autres. 
Mais  ces  qualités  firent  oublier  qu'on  s'écartait  des  vrais 
principes  décoratifs.  «  Les  nuances,  dit  M.  Eugène  Miintz, 
tendent  à  se  substituer  aux  couleurs  si  nourries,  si  franches, 
si  éclatantes  de  la  période  gothique.  »  C'est  que  les  condi- 
tions du  travail  commencent  aussi  à  ne  plus  ressembler  à 
celles  de  jadis.  Une  hiérarchie,  inconnue  au  xve  siècle, 
s'établit,  à  la  fin  du  xvie,  et  marque  une  séparation  de  plus 
en  plus  accentuée  entre  les  artisans  et  les  artistes.  On  ne 
travaille  plus  côte  à  côte,  dans  le  même  atelier.  Le  peintre 
livre  ses  esquisses;  le  tapissier  les  exécute,  d'abord  avec 
la  liberté  que  lui  dictent  les  lois  spéciales  de  la  matière  qu'il 
traite.  Mais  il  n'y  a  bientôt  plus  de  lien  entre  eux,  et  par- 
tant plus  de  connexité  et  d'harmonie  entre  la  conception  et 
l'exécution.  Cette  séparation  entre  deux  éléments  qui  doivent 
toujours  être  intimement  d'accord  a  été  un  malheur  pour 
l'art  dans  toutes  ses  manifestations  :  les  conséquences  fatales 
s'en  font  sentir  aujourd'hui  encore  ! 

Le  XVIIe  siècle.  —  Jusqu'à  présent,  nous  avons  vu 
l'art  français  exprimer  librement  et  franchement  le  fond 
du  caractère  national  avec  les  mille  nuances  que  compor- 
tent les  événements  politiques,  les  idées  religieuses  et  les 
milieux  sociaux.  Dans  le  large  épanouissement  de  la  Renais- 
sance, s'il  reste  vivant  en  devenant  aimable,  c'est  qu'il 
garde  encore  une  sorte  d'indépendance  malgré  la  pression 
officielle  en  faveur  de  l'italianisme.  Mais,  à  partir  du 
xviie  siècle,  il  n'a  plus  qu'un  seul  et  unique  inspirateur  : 
le  roi.  Il  ne  traduit  plus  qu'une  seule  idée  :  le  pouvoir 
absolu.  Tout  ce  qui  palpite  au  fond  des  masses  populaires, 
les  simples  et  profonds  sentiments  où  se  reconnaît  notre 
pauvre  humanité,  ces  réalités,  humbles  et  poignantes,  fami- 
lières et  pittoresques,  par  lesquelles  se  peignent  au  vif  les 
souffrances  et  les  joies,  l'intimité  de  l'existence  et  l'indivi- 
dualisme du  cœur,  tout  cela,  Part  ne  le  connaît  plus  ! 
«  Qu'on  m'enlève  ces  magots  !  »  dira  Louis  XIV  indigné 
en  voyant  un  de  ces  chefs-d'œuvre  de  la  peinture  flamande 
où  les  hommes  sont  représentés  tels  qu'ils  sont  dans  la 
vérité.  L'art  est  devenu  monarchique,  c.-à-d.  qu'il  ne 
reflète  plus  qu'un  principe  de  gouvernement,  une  abstrac- 
tion, la  vie  fastueuse  du  monarque  et  de  ses  courtisans, 
des  habitudes  élégantes,  une  politesse  exquise,  une  correc- 
tion raffinée,  quelque  chose  de  conventionnel  et  de  grand, 
de  majestueux  et  de  monotone.  A  celui  qui  peut  dire  : 
«  l'Etat,  c'est  moi  »  il  faut  une  demeure  proportionnée  à 
cette  monstrueuse  prétention.  L'architecture,  la  peinture, 
la  sculpture  ne  s'échaufferont  plus  qu'aux  rayons  de  cette 
royauté  autour  de  laquelle  gravitent  les  multiples  activités 
de  la  nation,  qu'elle  personnifie  et  en  qui  elle  se  résume. 
Il  ne  sera  même  pas  permis  aux  arbres,  aux  plantes,  aux 
fleurs,  aux  rochers  de  garder  devant  le  roi  leur  grâce  rus- 
tique et  naturelle  :  on  les  soumettra  à  de  symétriques 
arrangements  pour  les  rendre  dignes  du  rôle  qui  leur  est 
assigné.  Les  jardins  deviennent,  eux  aussi,  monarchiques. 
Du  haut  en  bas  de  l'échelle  de  l'art,  on  trouve  cette  em- 
preinte, ce  caractère  d'unité  qui,  malgré  ce  qu'il  a  de  fac- 
tice dans  sa  solennelle  majesté,  arrive  à  la  plus  imposante 
harmonie.  C'est  un  art  sans  passion,  réduit  à  l'état  de 
colossal  décor;  mais  les  moindres  parties  de  ce  décor  disent 


—  1443  — 


FRANCE 


si  nettement  à  quelle  glorification  elles  se  consacrent  ;  il  y 
a  dans  les  formes  architecturales,  dans  le  luxe  des  ameu- 
blements, dans  les  costumes,  dans  les  carrosses,  dans  les 
portraits  d'un  Rigaud  ou  d'un  Nanteuil,  dans  les  dieux  de 
marbre  distingués  et  emphatiques  du  jardin  de  Versailles, 
une  pensée  si  clai- 
rement inscrite, 
tant  d'homogénéité 
et  tant  de  noblesse, 
que  le  respect  s'im- 
pose de  cet  art  théâ- 
tral qui  arrive  à  la 
grandeur. 

Une  cause  toute 
matérielle  contribua 
à  amener  un  tel  ré- 
sultat: c'est  l'orga- 
nisation administra- 
tive d'un  service  de 
protection  des 
arts  méthodique- 
ment constitué  d'a- 
près un  plan  qui, 
sous  Louis  XIV , 
prit  les  proportions 
les  plus  vastes,  en- 
veloppant dans  l'ac- 
tion de  ses  rouages 
le  personnel  com- 
plet des  artistes, 
agissant  sur  l'ar- 
chitecte aussi  bien 
que  sur  le  peintre , 
l'orfèvre  ou  le  ta- 
pissier, guidant  leur 
inspiration  ,  gou- 
vernant leur  style, 
et  imposant  au  goût 
la  fixité  et  la  vi- 
goureuse discipline 
dont  la  plupart  des 
œuvres  de  cette 
époque  portent  la 
marque.  Sous  Fran- 
çois Ier  et  pendant 
la  dynastie  des  Va- 
lois, le  mécanisme 
administratif  s'était 
borné  au  service 
des  bâtiments  placé 
sous  la  responsa- 
bilité de  l'architecte  du  roi  assisté  d'un  trésorier  pour 
la  partie  financière.  Tant  que  les  Sébastien  Serlio,  les 
Gilles  Le  Breton,  les  Bullant,  les  Pierre  Lescot  ou  les 
Philibert  de  L'Orme  occupèrent  ces  fonctions  conformément 
aux  traditions  de  leurs  devanciers,  les  anciens  maîtres  des 
œuvres,  ils  conservèrent  le  prestige  et  l'autorité  qui,  tout 
en  s'exerçant  directement  sur  les  artistes  qu'ils  employaient, 
laissaient  à  ceux-ci  une  certaine  liberté  et  l'aisance  d'al- 
lures habituelle  aux  hommes  qui  ont  la  même  profession, 
parlent  la  même  langue  et  s'entendent  à  demi-mot.  Quand 
la  multiplicité  des  dépenses  engagées  et  des  travaux  entre- 
pris vint  augmenter  les  attributions  du  trésorier,  il  arriva 
que  par  la  force  des  choses  les  rôles  se  trouvèrent  inter- 
vertis et  que  la  principale  autorité,  au  lieu  de  rester,  comme 
la  logique  l'aurait  voulu,  à  l'inspirateur  des  œuvres,  passa 
aux  gens  de  finance  et  d'administration,  lesquels,  sous  les 
noms  de  «  surintendants  »  et  «  d'ordonnateurs  des  bâti- 
ments »  ou  des  «  menus  plaisirs  »  furent  les  intermédiaires 
immédiats  des  ordres  du  monarque,  et,  par  conséquent, 
ceux  que  les  artistes  eurent  le  plus  à  ménager  ou  à  redouter. 
Quiconque  a  une  notion  de  la  façon  dont  s'élabore  une 
œuvre  d'art  et  de  la  somme  d'indépendance  nécessaire  à 


Porte  Jean  Goujon  (palais  du  Louvre). 


celui  qui  l'exécute  comprendra  la  valeur  de  cette  remarque 
et  les  conséquences  du  fait  que  nous  signalons. 

Lorsque  Henri  IV  arriva  au  trône,  du  Cerceau,  Germain 
Pilon,  François  Clouet  étaient  morts  ;  la  colonie  de  Fon- 
tainebleau était  dispersée;  une  guerre  cruelle,  issue  des 

passions  religieuses, 
avait  semé  la  ruine 
dans  le  pays  et  as- 
sombri les  esprits. 
Les  arts  paraissaient 
frappés  d'une  déca- 
dence envahissante, 
n'ayant  plus  con- 
servé de  l'antiquité 
que  les  défauts, 
alourdis  par  une  imi- 
tation sans  choix, 
sans  mesure,  sans 
verve .  L'excellent 
roi ,  pour  relever 
«  ce  pauvre  estât 
que  nous  avons 
trouvé,  disait -il, 
languissant  et  comme 
gisant  à  terre  »,  fit, 
comme  il  put,  effort 
pour  tirer  l'art  de 
cette  léthargie.  En 
dépit  de  Sully, 
qui  parcimonieuse- 
ment lui  mesurait 
les  ressources,  il 
entreprit  de  nom- 
breuses construc- 
tions, le  Pont-Neuf, 
la  place  Dauphine, 
la  place  Royale,  etc. 
Mais  son  initiative 
hardie,  tenace,  pas- 
sionnée, qui,  en  Rap- 
pliquant aux  délica- 
tesses de  l'art,  gar- 
dait quelque  chose 
de  la  brutalité  ex- 
péditive  du  soldat, 
fut  avant  tout  inspi- 
rée par  une  préoc- 
cupation économique 
et  utilitaire.  S'il  fait 
planter  des  mû- 
riers aux  Tuileries, 
c'est  pour  acclimater  des  vers  à  soie;  s'il  fonde  des 
établissements,  ce  sont  des  manufactures;  s'il  installe 
des  artistes  au  Louvre,  c'est  pour  qu'ils  lui  fassent 
des  meubles;  s'il  ouvre  une  galerie  dans  son  palais, 
c'est  pour  y  mettre  des  portraits,  peinture  positive  et  do- 
cumentaire; s'il  commande  une  œuvre  de  sculpture  à 
Fontainebleau,  c'est  une  cheminée;  il  fait  abattre  enfin 
dans  le  vieux  Paris  de  grandes  bâtisses  pittoresques,  telles 
que  le  palais  des  Tournelles  ;  et,  s'il  imagine  les  rues  ali- 
gnées au  cordeau  et  les  places  régulières,  c'est  pour  don- 
ner aux  habitants  de  la  propreté,  de  la  sécurité,  de  l'air 
et  de  la  lumière.  Quant  au  sentiment  de  la  grâce,  de  la 
perfection,  de  l'élégance  sans  but,  il  ne  l'a  pas.  Avec 
Henri  IV,  c'est  l'esprit  moderne  qui  arrive.  Louis  XIII, 
nonchalant  et  sans  volonté,  n'aurait  personnellement  rien 
fait  pour  l'art ,  bien  qu'il  eût  appris  un  peu  de  dessin  et 
se  fût  engoué  du  peintre  Vouet  ;  mais  il  avait  près  de  lui 
sa  mère,  une  Médicis,  et  deux  ministres  supérieurs,  Riche- 
lieu et  Sublet  de  Noyers.  L'une  fit  élever,  en  cinq  années, 
de  4615  à  4620,  le  palais  du  Luxembourg  qu'elle  décora 
des  peintures  de  Rubens  ;  les  deux  autres  s'employèrent 
avec  leur  énergie  à  mettre  dans  les  arts  l'ordre,  la  régu- 


FRANCE 


—  1144 


larité  qu'il  s'agissait  alors  de  substituer  à  l'anarchie  en 
matière  politique.  «  Les  peintures  que  je  voys  en  tous 
lieux  où  je  vas  me  font  désirer  que  les  miennes  soient  fort 
bien  »,  écrivait  le  cardinal  aux  émissaires  qu'il  chargeait 
de  recueillir  en  Italie  les  objets  d'art  dont  il  remplissait 
les  demeures  qu'il  se  faisait  construire  par  Lemercier, 
soit  à  Richelieu,  soit  à  Rueil,  soit  à  Paris,  où  le  Palais- 
Cardinal  par  son  luxe  rendait  la  reine  jalouse.  Sublet  de 
Noyers,  lui,  nommé  en  1638  surintendant  des  bâtiments, 
demandait  à  des  archéologues,  les  trois  frères  Chantelou, 
de  formuler  des  préceptes  d'esthétique  et,  tout  en  char- 
geant un  moment  Le  Poussin  du  grand  rôle  d'arbitre  et 
d'inspirateur  général  de  l'art  que  remplira  plus  tard  avec 
un  incomparable  éclat  Lebrun,  il  préparait  les  voies  que 
devaient  suivre  Louis  XIV  et  son  ministre  Colbert.  Sans 
ce  dernier,  que  seraient  devenus  les  arts  en  France  ?  On 
peut  poser  cette  question  comme  un  problème  de  solution 
difficile.  En  effet,  au  point  où  ils  en  étaient  arrivés,  il 
semble  que  du  chaos  où  les  avaient  plongés  tour  à  tour 
des  influences  contradictoires,  l'abus  de  l'autorité  et  l'ab- 
sence de  phare  conducteur,  les  désordres  de  la  guerre  et 
les  luttes  de  la  Fronde ,  les  études  à  contresens  et  les 
détestables  pastiches  de  l'antique,  il  semble,  disons-nous, 
que  les  arts  auraient  eu  bien  de  la  peine  à  reprendre  vie 
et  force.  Sans  son  ministre,  il  est  probable  que  Louis  XIV 
aurait  fait  ce  qu'avaient  fait  son  père  et  son  grand-père  : 
il  aurait  ordonné   à  tel  ou  tel  d'ériger  des  bâtiments, 
acheté  des  tableaux,  distribué  ses  faveurs  aux  artistes 
arrachés  par  lui  au  souvenir  de  la  petite  cour  de  Vaux  et 
des  munificences  de  Fouquet.  Mais  il  n'aurait  pas  donné 
aux  arts  d'impulsion  décisive.  Colbert,  avec  son  génie 
d'organisation,   son  esprit  d'implacable  méthode,  dressa 
pour  la  protection  des  arts  un  plan  d'ensemble  comme  il 
eût  fait  pour  une  institution  de  commerce,  pour  la  marine 
ou  pour  la  guerre,  ne  laissant  rien  à  l'aventure,  et  pas 
la  plus  petite  échappée  d'indépendance.  Condamnera-t-on 
un  pareil  programme  en  disant  que  l'art  ne  vit  (pie  de 
liberté  ?  Mais  il  n'y  avait  alors  rien  de  mieux  à  faire  que 
ce  qui  a  été  fait.  Et  si,  au  lendemain  des  folies  de  la 
Fronde,  ayant  besoin  de  restaurer  en  tout  sens  le  principe 
d'autorité,  on  en  fit  abus;  si,  exagérant  la*. poussée  de 
direction,  on  brisa  les  ressorts  de  l'indépendance,  il  ne 
faut  pas  perdre  de  vue  qu'on  constitua  un  art  de  toute 
pièce,  à  l'image  de  la  société  d'alors,  en  parfaite  concor- 
dance avec  la  doctrine  gouvernementale  universellement 
acceptée.  «  De  cette  solide  organisation  des  arts  et  de  l'in- 
dustrie ,   a  dit  le  comte  Delaborde,  de  ce  grand  goût 
imposé  à  tous  par  la  cour  de  Louis  XIV,  et  qui  dominait 
la  mode  et  les  caprices,  résulta  pour  les  artistes  et  les 
industriels  un  temps  d'arrêt,  de  réflexion  et  de  repos, 
assez  semblable  à  celui  dont  ils  jouirent  aux  xne    et 
xvi°  siècles,  c.-à-d.  une  fixité  qui  leur  permit  d'épurer 
les  formes  en  perfectionnant  les  procédés  d'exécution,  qui 
leur  permit  aussi  d'exercer  de  nouveau  sur  l'Europe  en- 
tière une  domination  incontestée.  »  En  examinant  rapi- 
dement l'une  après  l'autre  les  diverses  branches  des  arts 
au  cours  du  xvne  siècle,  on  se  rendra  compte  de  la  façon 
dont  on  est  parvenu  à  obtenir  si  promptement  l'extraordi- 
naire caractère  qui  vient  d'être  esquissé. 

Architecture.  —  Un  aspect  sérieux  et  massif;  de  rares 
ornements  sur  des  murailles  de  briques  rouges  qu'avive  le 
contraste  des  chaînes  de  pierres  blanches;  des  fenêtres 
rectangulaires  à  meneaux  couronnés  de  frontons  alterna- 
tivement courbes  et  aigus  ;  des  œils-de-bœuf  et  de  grandes 
lucarnes  perforant  des  combles  qui,  d'abord  immenses, 
vont  par  la  suite  en  s'aplatissant,  et  que  décorent  de  hautes 
cheminées  :  telle  est  l'habitation  des  premières  années 
du  xviie  siècle;  ainsi  elle  apparaît  notamment  dans  les 
maisons  qui  bordent  la  place  Royale  et  qui  furent  cons- 
truites en  sept  années,  de  1605  à  1612.  Dans  les  monu- 
ment plus  importants  et  que  le  zèle  de  Henri  IV  fait  élever 
avec  une  incroyable  hâte,  on  est  tout  aux  préceptes  de 
Vitruve,  aux  trois  ordres  superposés,  le  dorique  à  la  base, 


comme  étant  le  plus  puissant,  l'ionique  au  milieu,  et  le 
corinthien  en  haut,  parce  qu'il  est  le  plus  léger.  C'est,  par 
exemple,  d'après  cette  formule  qu'a  été  conçue  la  façade  de 
l'église  Saint-Gervais,  par  Salomon  de  Brosses,  qui  commet 
ce  mensonge  d'annoncer  trois  étages  alors  que  l'intérieur 


Eglise  Saint-Gervais,  à  Paris. 

ne  se  compose  que  d'une  seule  nef,  et  cela  au  nom  de 
l'art  grec  qui  n'a  jamais  menti  !  Au  nombre  des  travaux 
importants  de  cette  époque  il  faut  noter  :  l'achèvement  de 
la  galerie  du  Louvre  du  bord  de  l'eau  et  les  nouveaux  bâti- 
ments de  Fontainebleau.  En  1615,  Salomon  de  Brosses 
commence  pour  Marie  de  Médicis  le  palais  du  Luxembourg, 
achevé  en  moins  de  cinq  ans.  Les  architectes  en  renom 
alors  sont  Jacques  Lemercier,  qui  construit  la  nouvelle 
Sorbonne,  l'église  Saint-Roch,  le  Palais-Cardinal,  fournit 
les  plans  du  Val-de-Grâce,  sans  parler  d'une  foule  d'hôtels 
particuliers  au  marais  ;  et  François  Mansart,  qui,  en  1643, 
est  choisi  par  Mazarin  pour  faire  son  palais,  aujourd'hui 
une  des  dépendances  de  la  Bibliothèque  nationale,  puis 
élève  les  hôtels  de  Conti,  de  Bouillon,  les  châteaux  de 
Maisons,  de  Berny,  de  Choisy,  invente  les  toits  brisés 
qu'on  nomme  mansardes,  permettant  d'établir  des  appar- 
tements là  où  il  n'y  avait  que  des  galetas.  Viennent  ensuite  : 
Le  Muet,  qui  acheva  le  Val-de-Grâce  ;  Clément  Métezeau, 
Charles  Errard,  Louis  Leveau,  Fremin  de  Cotte,  Pierre 
Dubois,  l'auteur  du  séminaire  de  Saint-Sulpice  en  4645; 
Michel  Villedo,  Auguste  Guillain,  qui  consacra  sa  vie  à 
l'achèvement  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris  ;  Gérard  Desar- 
gues, qui  se  fit  une  réputation  par  ses  escaliers  droits, 
avec  palier  à  chaque  étage,  comme  celui  qu'il  construisit 
en  1660  au  Palais-Royal,  etc.  De  ces  derniers  artistes,  ce 
fut  Louis  Leveau  qui  eut  le  plus  d'influence.  C'est  lui  qui 
fut  le  créateur  du  château  de  Vaux,  du  collège  des  Quatre- 
Nations,  et  d'une  foule  d'hôtels  princiers,  tels  que  ceux 
de  Bautru  et  de  Rohan,  rue  de  l'Université;  Louis  XIV 
lui  confia  les  premiers  travaux  de  Versailles  avant  que 
Jules  Hardoin-Mansart,  neveu  de  François  Mansart, 
recueillant  sa  succession,  et  comblé  des  faveurs  du  roi,  ne 
devînt  l'architecte  attitré  de  la  cour  et  la  personnification 
la  plus  brillante  de  son  art  au  xvne  siècle.  Pendant  le 
grand  règne  beaucoup  de  monuments  importants  furent 
élevés.  Rappelons,  comme  les  plus  caractéristiques  :  la 


—  4415  — 


FRANCE 


colonnade  du  Louvre,  somptueux  décor  imaginé  par  Claude 
Perrault,  mais  qui  n'a  aucune  relation  avec  l'intérieur  de 
l'édifice  ;  la  porte  Saint-Denis,  par  François  Blondel,  un 
des  architectes  les  plus  éminents  du  temps  ;  l'hôtel  des 
Invalides,  par  Libéral  Bruant  ;  le  château  de  Versailles, 
par  Hardoin-Mansart,  qui  exécuta  aussi  la  chapelle  des 
Invalides,  avec  son  dôme  important  qu'on  considère  comme 
son  chef-d'œuvre.  A  ce  moment,  d'ailleurs,  on  employa 
fréquemment  pour  les  églises  le  système  des  coupoles; 
celles-ci  remplacèrent  les  clochers  :  c'est  ainsi  qu'on  vit 
successivement  s'élever  la  coupole  de  la  Sorbonne,  de 
Saint-Paul,  Saint-Louis,  de  la  Visitation,  du  Val-de-Grâce, 
du  collège  des  Quatre-Nations,  etc.  Dans  les  habitations 
particulières,  de  même  que  dans  les  palais  royaux  ou  les 
riches  hôtels,  le  caractère  fondamental  de  l'architecture  de 


Louis  XIV,  c'est  le  calme,  la  symétrie,  un  aspect  de  solidité 
et  de  grandeur.  Il  n'y  faut  plus  chercher  le  pittoresque  vif 
et  imprévu  des  élégantes  maisons  des  xve  et  xvie  siècles. 
Tout  est  implacablement  soumis  au  cordeau.  Mais  les  dis- 
positions et  les  aménagements  sont  combinés  en  vue  des 
nouvelles  conditions  d'existence  d'une  société  où  se  sont 
répandus  le  goût  du  confortable,  l'habitude  des  relations  et 
des  réceptions,  le  hesoin  de  paraître  tout  en  ménageant  les 
espaces,  ce  qui  fait  que  l'on  sacrifie  les  choses  delà  vie  in- 
time à  ce  qui  se  rapporte  au  luxe  extérieur.  Par  exemple, 
on  donnera  un  développement  considérable  à  l'escalier, 
mais  on  supprimera  le  grand  atre  autour  duquel  une 
famille  entière  pouvait  se  chauffer;  on  augmentera  le 
nombre  des  étages,  mais  la  hauteur  donnée  aux  apparte- 
ments de  réceptions  forcera  à  diminuer  celle  des  autres,  à 


Le  bassin  d'Apollon  (parc  de  Versailles). 


pratiquer  des  étages  factices  ne  correspondant  pas  aux 
divisions  de  la  façade.  Par  le  même  motif  de  vanité,  on 
donnera  aux  portes  cochères  des  dimensions  énormes,  et 
on  les  décorera  de  belles  sculptures  avec  fronton  portant 
les  armes  des  familles.  L'ornementation  intérieure  s'ins- 
pirera des  mêmes  considérations,  et  les  recueils  de  modèles 
que  graveront  les  Lepautre,  les  Jean  Marot,  les  Desgodets, 
les  Daviller,  seront  autant  de  sources  où  s'alimenteront 
tous  les  artistes  chargés  de  parer  les  demeures  élégantes 
de  l'époque.  L'architecture  est  désormais  un  art  que  l'on 
enseigne  d'après  des  règles  officielles.  A  l'Académie  d'ar- 
chitecture fondée  par  Colbert  (30  nov.  4674),  François 
Blondel,  puis  Philippe  de  La  Hire,  font,  aux  frais  du  roi, 
un  cours  public,  qui  a  lieu  deux  fois  par  semaine,  où  l'on 
apprend  à  appliquer  exclusivement  les  doctrines  de  l'art 
antique  auxquelles  on  apporte  cette  interprétation  spéciale 
que  l'on  remarque  dans  les  œuvres  du  style  de  Louis  XiV. 
Sculpture.— Dans  les  premières  années  du  xvne  siècle,  le 
nombre  des  sculpteurs  était  devenu  fort  restreint.  A  Paris, 
il  n'y  en  avait  guère  que  quatre  ou  cinq,  après  la  mort  de 
Henri  IV,  qui  eussent  quelque  réputation.  Parmi  ceux-là  se 
distinguait  Guillain  père,  surnommé  Cambray,  à  cause  de 
son  lieu  de  naissance,  qui  forma  dans  son  atelier  plusieurs 


élèves  de  mérite,  notamment  son  fils  Simon-Guillaume  et 
Jacques  Sarrazin.  Tous  deux  allèrent  s'établir  à  Rome  où 
ils  restèrent  de  longues  années,  en  relation  avec  la  petite 
colonie  d'artistes  français  qui  y  vivaient  sous  l'influence  du 
Poussin.  Lorsqu'ils  revinrent  à  Paris,  vers  la  fin  du  règne 
de  Louis  XIII,  ils  eurent  à  participer  à  la  décoration  des 
nombreux  hôtels  qu'on  y  construisait,  et  leurs  œuvres, 
malgré  leur  séjour  prolongé  en  Italie,  montrèrent  des  qua- 
lités très  franches  de  vigueur,  tempérées  par  une  certaine 
grâce,  où  se  retrouvait  le  génie  national.  Simon  Guillain  et 
Jacques  Sarrazin  donnèrent  naissance  à  deux  écoles  aux- 
quelles se  rattachent,  on  peut  dire,  tous  les  sculpteurs  du 
xvne  siècle.  De  celle  du  premier  sortirent  les  deux  frères 
Anguier;  delà  seconde,  Van  Opstal,  Gilles  Guérin,  Leram- 
bert  et  Legros.  Le  plus  célèbre  des  Anguier,  François, 
l'auteur  du  mausolée  du  duc  de  Montmorency,  des  tom- 
beaux de  Henri  Chabot,  du  duc  de  Rohan,  du  cardinal  de 
Bérulle,  eut  pour  élèves  Girardon,  Lerambert  et  Coysevox. 
A  son  tour,  Girardon  forma  Slodtz  et  Robert  le  Lorrain. 
Quant  à  Coysevox,  il  eut,  de  son  côté,  pour  principaux 
élèves  Nicolas  Coustou  et  Jean-Louis  Lemoyne.  Tel  est, 
tracé  à  grands  traits,  le  tableau  généalogique,  pour,-,  ainsi 
parler,  de  la  sculpture  française  au   xvne  siècle.  Il  faut 


FRANCE 


—  1116  — 


ranger  à  part  quelques  personnalités  indépendantes,  telles 
que  Puget,  dont  le  talent  ardent  et  passionné  ne  put  s'as- 
treindre à  la  rigoureuse  discipline  qui  enveloppait  alors 
l'art  tout  entier,  ou  Philippe  Caffieri,  Tubi  et  quelques 
autres  qui  vinrent  chez  nous  faire  de  la  sculpture  italienne 
qu'ils  imprégnèrent  de  goût  français. 

On  n'attend  pas  de  nous  une  étude  détaillée  des  œuvres 
de  ces  divers  artistes.  Les  développements  que  nous  avons 
cru  devoir  donner  pour  les  époques  précédentes  étaient 
justifiés  par  l'ignorance  où  l'on  est  des  noms  de  sculpteurs 
qui  ont  rempli  de  leurs  chefs-d'œuvre  les  monuments  de 
l'ancienne  France  sans  les  signer.  Dans  l'impossibilité  de 
renvoyer  le  lecteur  au  répertoire  alphabétique  de  la  Grande 
Encyclopédie  pour  des  maîtres  inconnus  qui  ont  trop  mo- 
destement gardé  l'anonymat,  force  nous  a  été  d'apprécier 
leur  style  plus  longuement  que  nous  avons  à  le  faire  main- 
tenant pour  des  artistes  à  chacun  desquels  un  article  bio- 
graphique est  consacré  dans  ce  recueil.  On  voudra  bien  s'y 
reporter.  Qu'il  nous  suffise  de  rappeler  en  quelques  mots 
les  principales  manifestations  de  l'art  dont  nous  nous  occu- 
pons. Quoi  qu'on  en  ait  dit,  le  plus  illustre  des  sculpteurs 
du  xviie  siècle,  Pierre  Puget,  ne  fut  ni  méconnu  ni  victime 
des  injustices  de  ses  contemporains  :  toutes  les  fois,  au 
contraire,  que  Louis  XIV  eut  à  s'occuper  de  lui,  il  le  lit 
avec  des  sentiments  de  grande  admiration.  La  vérité,  c'est 
que  Puget  travailla  en  dehors  de  la  cour,  qu'il  ne  collabora 
pas  aux  décorations  de  Versailles,  et  que  ses  œuvres,  par 
le  sentiment  profond  et  personnel  qu'il  sut  leur  faire  expri- 
mer, étaient  trop  différentes  de  ce  qu'aimaient  et  compre- 
naient les  courtisans  du  roi,  trop  étrangères  à  leurs  habi- 
tudes, à  leurs  personnes,  à  leur  grandeur,  à  leur  faste, 
pour  occuper  sérieusement  leur  attention.  A  la  fois  archi- 
tecte, peintre  et  sculpteur,  Puget  rappelle  les  grandes  figures 
du  temps  passé.  Né  à  Marseille,  il  commença  à  tailler  des 
ornements  dans  le  bois,  puis  il  alla  en  Italie  travailler  dans 
l'atelier  de  Pierre  de  Cortone.  D'une  activité  débordante,  il 
mena  de  front  les  plus  considérables  travaux,  à  Marseille, 
à  Toulon,  en  Normandie,  à  Gènes  où  il  passa  quelques 
années.  Colbert  l'avait  nommé,  en  1668,  directeur  de  la  dé- 
coration des  vaisseaux  à  Toulon,  avec  3,000  livres  d'émo- 
luments annuels.  Puget  en  ce  genre  fit  des  merveilles,  sculp- 
tant en  plein  bois  des  figures  qui  avaient  parfois,  comme 
dans  la  poupe  du  Magnifique,  jusqu'à  20  pieds  de  haut. 
Il  ne  cessait  de  réclamer  les  blocs  de  marbre  d'où  il  faisait 
surgir  des  groupes  gigantesques,  Hercule,  Andromède 
et  Persée,  Milon  deCrotone,  et,  lorsque,  après  avoir  admiré 
ce  dernier,  Louis  XIV  demandait  quel  était  l'âge  de  l'ar- 
tiste, et  s'il  pourrait  encore  se  charger  d'une  autre  œuvre 
pareille,  il  répondait  fièrement  :  «  Je  suis  dans  ma  soixan- 
tième année,  mais  j'ai  des  forces  et  de  la  vigueur,  Dieu 
merci  !  pour  servir  encore  longtemps.  Je  suis  nourri  aux 
grands  ouvrages  ;  je  nage  quand  j'y  travaille,  et  le  marbre 
tremble  devant  moi,  pour  grosse  que  soit  la  pièce.  »  Ses 
bas-reliefs  de  la  Peste  de  Milan,  d'Alexandre  et  de  Dio- 
gène,  ses  cariatides  de  l'hôtel  de  ville  de  Toulon,  sont  éga- 
lement parmi  ses  plus  remarquables  œuvres.  Mais,  encore 
une  fois,  Puget  n'était  guère  compris  par  l'entourage  de 
Louis  XIV,  et  la  faveur  allait  plutôt  aux  artistes  qui  per- 
sonnifient exactement  le  goût  de  l'époque,  c.-à-d.  Girar- 
don,  Coysevox  et  Coustou,  les  auxiliaires  de  Lebrun  dans 
les  grandes  entreprises  de  décoration  du  palais  de  Versailles. 
C'est  de  Girardon  que  Voltaire  a  dit  «  qu'il  a  égalé  tout 
ce  que  l'antiquité  a  de  plus  beau  par  les  Bains  d'Apollon 
et  par  le  tombeau  du  Cardinal  de  Richelieu  à  la  Sor- 
bonne  ».  Le  groupe  en  marbre  de  VEnlèvement  de  Pro- 
serpine,  à  Versailles,  et  la  statue  équestre  de  Louis  XIV 
qui  ornait  la  place  Vendôme  avant  la  Révolution  sont  de  sa 
main.  Antoine  Coysevox  et  Nicolas  Coustou,  son  élève, 
rivalisèrent  avec  lui.  Le  premier  a  rempli  de  ses  œuvres 
Versailles,  Trianon,  Marly,  Saint-Cloud  ;  il  a  entièrement 
décoré  le  grand  escalier  et  la  grande  galerie  du  château  de 
Versailles  ;  il  a  fait  nombre  de  groupes  allégoriques  fondus 
en  bronze  pour  le  parc  et  la  grille  d'entrée  de  la  cour  de 


Marbre  ;  enfin  il  a  exécuté  le  groupe  des  Chevaux  ailés 
portant  Mercure  et  la  Renommée  qui  se  trouve  à  l'en- 
trée des  Tuileries,  sans  parler  d'une  quantité  de  bustes, 
tels  que  ceux  de  Lebrun,  Richelieu,  Rossuet,  Condé,  un  peu 
pompeux  d'allure,  mais  pleins  de  vie,  de  souplesse  et  d'am- 
pleur. Il  y  aurait  beaucoup  d'autres  sculpteurs  moins  con- 
nus à  signaler.  Rappelons  les  noms  de  Gérard  Van  Opstal, 
qui  modela  la  statue  du  roi  sur  la  porte  Saint-Antoine  ;  de 
Claude  Lestocart,  auquel  tant  d'églises  de  Paris  sont  rede- 
vables de  morceaux  excellents;  d'Etienne  le  Hongre,  Fau- 
teur de  la  statue  équestre  de  Louis  XIV  fondue  d'un  seul 
jet  pour  la  ville  de  Dijon  ;  les  deux  frères  de  Marsy,  à  qui 
l'on  doit  le  groupe  des  Tritons  abreuvant  les  chevaux 
du  Soleil  ainsi  que  les  figures  des  bassins  du  Dragon,  de 
Bacchus  et  de  Latone,  dans  le  parc  de  Versailles  ;  Laurent 
Magnier,  Thomas  Renauldin,  Louis  Leconte,  Pierre  Maze- 
line,  etc.  La  sculpture  s'étale  moins,  à  cette  époque,  à 
l'extérieur  des  édifices  que  dans  les  appartements  mêmes, 
sur  les  panneaux  de  boiseries  qui  sont  multipliés,  autour 
des  portes,  dans  les  encadrements  de  glaces.  L'ornemen- 
tation des  boiseries  est  tout  à  fait  admirable,  d'un  travail 
délicat  et  ferme,  d'une  composition  bien  pondérée.  On  en 
peut  juger  par  maintes  œuvres  qui  subsistent  encore.  La 
coquille  est  le  sujet  préféré  autour  duquel  s'enroulent  des 
courbes  et  des  accords  symétriques  de  volutes  superposées 
ou  entre-croisées  à  végétation  conventionnelle.  Parfois  c'est 
la  simple  fleur  naturelle  que  le  sculpteur  sur  bois  dispose 
en  guirlande,  donnant  aux  pétales  et  au  feuillage  un  accent 
gras  et  puissant,  se  complaisant  en  des  adresses  d'outils 
qui  animent  d'une  vie  intense  ces  décors  graves  et  magni- 
fiques. 

Peinture  et  Gravure.  —  L'école  française  de  peinture, 
si  l'on  met  à  part  les  portraitistes  tels  que  Glouet  dont  les 
traditions  furent  continuées  jusqu'en  1619  par  François 
Quesnel,  eut  des  débuts  pénibles,  et  ses  productions,  cal- 
quées sur  celles  des  artistes  italiens  de  Fontainebleau,  ne 
sortirent  pas  d'abord  de  la  médiocrité.  Parmi  les  vingt- 
cinq  ou  trente  peintres  employés  sous  Henri  IV  à  la  déco- 
ration du  palais,  c'est  à  peine  s'il  convient  de  retenir  les 
noms  de  quelques-uns,  comme  Louis  Bobrun,  Dubois, 
Jérôme  Bollery,  Jean  Mosnier,  Toussaint  Dubreuil,  Henri 
Lerambert  et  Martin  Fréminet.  Ce  dernier,  le  plus  en  vue 
à  la  cour,  n'a  guère  fait  que  des  compositions  boursouflées 
et  du  mauvais  Michel-Ange.  A  ce  moment,  une  foule  d'ar- 
tistes de  notre  pays  étaient  allés  s'installer  à  Rome  pour 
y  étudier  les  maîtres  italiens,  et,  par  malheur,  c'étaient 
ceux  de  la  décadence  qui  attiraient  le  plus  leur  admiration. 
Dans  le  nombre  se  trouvait  Simon  Vouet  que  Louis  XIH 
fit  venir  à  Paris  en  1627,  pour  se  l'attacher;  il  y  jouit 
bientôt  d'une  immense  réputation  et  fut  chargé  d'une 
quantité  incroyable  de  travaux  pour  les  palais,  les  châ- 
teaux, les  églises  et  même  les  hôtels  particuliers  qui  se 
construisaient  de  toutes  parts.  Il  peignit  notamment  pour 
Richelieu  la  chapelle,  la  grande  galerie  du  Palais-Cardinal 
et  la  chapelle  du  château  de  Rueil.  Il  ne  reste  rien  de  ces 
œuvres,  pas  plus  que  de  ce  qu'il  exécuta  dans  l'hôtel  de 
Bullion,  du  chancelier  Séguier,  du  duc  d'Aumont,  du  ma- 
réchal d'Effiat;  mais  l'on  voit  encore,  dans  l'ancien  hôtel  de 
Mazarin,  devenu  l'une  des  dépendances  de  la  Ribliothèque 
nationale,  un  charmant  plafond  à  compartiments  séparés 
par  de  belles  boiseries  dorées  qui  montrent  des  qualités 
de  franchise  et  d'éclat,  une  entente  de  la  décoration  acquise 
par  l'étude  des  maîtres  vénitiens,  principalement  de  Véro- 
nèse.  «  L'artiste  est  là  dans  sa  véritable  voie,  dit  M.  Lè- 
che vallier-Chevignard,  et  l'on  comprend  alors  la  vogue  qui 
ne  le  quitta  jamais.  »  Dans  ses  décorations,  il  substitue  à 
la  grâce  claire,  aux  types  élancés  de  la  Renaissance,  une 
ordonnance  plus  opaque,  des  formes  plus  puissantes,  des 
cartouches  lourds,  des  rinceaux  moins  nerveux.  Il  y  fait 
apparaître  aussi  un  élément  nouveau,  la  fleur  naturelle 
prodiguée  en  guirlandes  ou  en  gerbes,  ou  massée  par  bou- 
quets tombants.  Comment  ce  peintre  au  talent  facile,  mais 
sans  personnalité,   put-il  former  des  élèves  comme  Le 


—  1447 


FRANCE 


Sueur,  Lebrun,  Mignard?  Il  est  certain  que,  malgré  la 
grande  situation  qu'il  occupa  à  la  cour,  malgré  le  nombre 
prodigieux  de  ses  ouvrages  et  le  prestige  de  son  atelier, 
l'influence  qu'il  a  exercée  est  beaucoup  moindre  que  celle 
de  Poussin,  de  Le  Sueur  ou  de  Philippe  de  Champaigne, 
les  véritables  initiateurs  de  la  peinture  française.  Nicolas 
Poussin  avait  quarante-six  ans  ;  il  avait  déjà  exécuté  à  Rome 
ses  beaux  tableaux  historiques,  empreints  d'un  sentiment 
si  large,  si  noble  et  si  simple,  lorsqu'en  1641,  Sublet  de 
Noyers  décida  le  grand  artiste  à  venir  prendre  à  Paris  la 
direction  du  mouvement  des  arts.  On  sait  avec  quelle  ar- 
deur il  se  mit  à  l'œuvre,  acceptant  toutes  les  besognes, 
se  chargeant  de  la  décoration  de  la  grande  galerie  du 
Louvre,  peinture,  sculpture  et  architecture,  maintenant 
l'harmonie  de  son  travail,  luttant  contre  les  intrigues, 
donnant  des  modèles  de  tapisseries  aux  Gobelins,  dessi- 
nant des  illustrations  de  livres  pour  l'imprimerie  royale  du 
Louvre,  et  ramenant  par  ses  conseils  à  l'étude  sévère  des 
hommes  comme  Le  Sueur,  Bolin,  Warin,  Mansart.  Au 
bout  de  deux  ans,  écœuré  par  la  tourbe  des  médiocrités, 
qui  conspiraient  contre  lui,  il  retourna  en  Italie  ;  mais  son 
court  séjour  avait  suffi  pour  débarrasser  notre  école  de 
Vouet  et  de  Fréminet,  pour  faire  rejeter  la  massive  archi- 
tecture de  l'époque  de  transition,  la  violente  sculpture  ita- 
lianisée qui  était  encore  à  la  mode  alors,  et  indiquer  à  l'art 
français  la  route  à  suivre.  Poussin  retrouva  à  Rome,  dans 
l'humble  maison  qu'il  avait  achetée,  la  tranquillité  qu'il 
préférait  aux  honneurs  ;  il  y  réunit  de  nouveau  autour  de 
lui  le  petit  noyau  d'artistes  français  qui  s'était  fixé  là-bas, 
et  au  nombre  desquels  était  Claude  Lorrain,  le  peintre 
exquis  de  la  lumière,  le  paysagiste  sans  égal.  A  Paris, 
Eustache  Le  Sueur  qui,  lui,  n'alla  jamais  en  Italie,  qui  ne 
reçut  même  pas,  semble-t-il,  le  contact  de  l'école  de  Fon- 
tainebleau, s'éleva  bientôt  au  rang  des  plus  grands  pein- 
tres par  le  caractère  de  ses  compositions,  la  pureté  de  son 
sentiment  religieux,  la  délicatesse  et  la  grâce  de  son  co- 
loris. En  moins  de  trois  ans  il  exécuta  pour  le  cloître  des 
Chartreux  les  vingt-deux  tableaux  peints  sur  bois  où  il 
représenta  les  épisodes  de  la  Vie  de  saint  Bruno  et  dont 
plusieurs  sont  d'incontestables  chefs-d'œuvre  qui  évoquent 
le  souvenir  de  Raphaël.  Il  y  mit  tout  son  cœur,  toute  la 
tendresse  de  son  âme  pieuse  et  naïve.  Mais  c'est  moins  par 
les  œuvres  de  ce  genre,  où  éclatent  l'intensité  d'émotion  et 
les  qualités  intransmissibles  de  Le  Sueur ,  que  par  les 
peintures  décoratives  d'inspiration  païenne,  faites  pour  les 
hôtels  privés,  qu'il  a  exercé  une  inspiration  profonde  et 
durable  sur  l'art  français.  Il  avait  le  don  inné  du  décor, 
savait  associer  la  figure  aux  motifs  architecturaux  et  cette 
faculté  qui  se  manifesta  hautement,  en  particulier  dans  ses 
travaux  de  l'hôtel  Lambert,  fut  à  coup  sûr  appréciée  par 
ceux  de  ses  confrères  auxquels  tous  les  grands  seigneurs 
de  l'époque  demandèrent  des  peintures  pour  leurs  rési- 
dences. 

Si  l'on  veut  se  rendre  compte  nettement  du  caractère  de 
la  peinture  pendant  le  règne  de  Louis  XIV,  il  faut  se 
représenter  la  situation  faite  aux  peintres  par  la  création  en 
1648  de  l'Académie  royale.  A  cette  date,  le  nombre  des 
peintres  afîranchis  des  charges  et  droits  du  régime  corpo- 
ratif par  le  titre  d'attaché  à  la  maison  du  roi  était  devenu 
relativement  considérable.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  ce 
privilège  avait  été  à  l'origine  une  protection  accordée  au 
vrai  talent;  c'était  devenu  une  faveur  arrachée  par  l'in- 
trigue. Louis  XIII  avait  douze  ou  quinze  peintres  en  titre 
d'office  ;  la  reine  autant  et  non  pas  des  meilleurs.  Il  arrivait 
ainsi  que  tandis  que  des  gens  de  peu  de  mérite  se  préva- 
laient orgueilleusement  de  leur  titre,  des  artistes  véritables 
restaient  soumis  aux  entraves  de  la  corporation  et  sem- 
blaient inférieurs  à  des  rivaux  plus  heureux  qui  ne  les 
valaient  pas.  La  société  s'émut  de  cet  état  de  choses  et 
adressa  une  requête  au  Parlement,  demandant  respectueu- 
sement et  avec  modération  qu'à  l'avenir  le  nombre  des 
peintres  dits  de  la  maison  du  roi  fût  réduit  à  quatre  ou 
six  au  plus,  celui  des  peintres  de  la  reine  au  même  chiffre. 


De  là  grand  émoi  à  la  cour  et  parmi  les  peintres  qui  y 
étaient  attachés.  Quelle  conduite  fallait-il  avoir  en  présence 
de  cette  réclamation?  De  sages  esprits,  tels  que  Mignard, 
étaient  d'avis  d'en  tenir  compte,  en  introduisant  quelques 
réformes  dans  les  statuts  de  la  corporation.  On  aurait  pu, 
par  exemple,  diviser  celle-ci  en  deux  sections,  l'une,  su- 
périeure, accessible  aux  talents  de  premier  ordre,  et  l'autre 
d'un  degré  moindre.  Mais  cette  solution,  fort  raisonnable, 
ne  convenait  pas  aux  projets  ambitieux  de  Lebrun  :  il 
poussa  à  une  scission  radicale.  L'Académie  fut  créée.  Il  en 
fut  d'abord  le  chef,  puis  le  directeur  à  vie,  et,  dès  lors, 
l'enseignement  de  l'art  et  les  artistes  eux-mêmes  durent 
suivre  la  voie  qu'il  lui  plut  d'indiquer.  Groupés  sous  ses 
ordres,  comme  des  lieutenants  autour  de  leur  général,  les 
peintres  n'eurent  plus  le  droit  de  rien  faire  qui  ne  fût  ins- 
piré de  lui  ou  qui  ne  reçût  son  approbation.  Il  mena  les 
artistes  comme  on  prend  le  commandement  d'une  armée. 
Il  n'y  eut  pas  dans  les  bâtiments  du  roi  une  peinture,  un 
ornement,  une  sculpture,  une  tapisserie,  un  meuble,  une 
pièce  d'orfèvrerie  dont  il  n'eût  inspiré,  corrigé,  accepté  le 
modèle.  Labeur  énorme  auquel  il  put  suffire  grâce  à  une 
puissance  extraordinaire  d'activité  et  d'imagination.  La 
grande  galerie  de  Versailles,  où  son  pinceau  s'est  librement 
donné  carrière,  atteste  la  variété  de  son  talent  de  décora- 
tion. Son  chef-d'œuvre  reste  néanmoins  la  Galerie  d'Apol- 
lon, au  Louvre,  conception  grandiose  où,  malgré  la  mul- 
tiplicité des  détails,  domine,  dans  un  équilibre  parfait,  une 
somptueuse  harmonie.  Les  plus  habiles  sculpteurs  du  temps, 
Girardot,  Regnauldin,  Gaspard  et  Balthazar  Marsy,  furent 
appelés  à  y  collaborer,  sous  son  impulsion  suprême,  avec 
les  peintres  Léonard  Gontier,  Jean  Lemoine,  Jacques  Ger- 
vaise,  Baptiste  Monnoyer.  Quiconque,  parmi  les  artistes, 
n'acceptait  pas  son  autorité,  était  certain  de  son  hostilité. 
Ainsi  l'ami  du  Poussin,  Jacques  Stella,  qui  refusa  de  s'in- 
cliner devant  sa  prééminence,  ne  fut  jamais  reçu  à  l'Aca- 
démie. Son  adversaire  acharné,  Mignard,  n'y  entra  lui- 
même  qu'après  la  mort  de  son  rival.  En  revanche,  il  soutint 
de  tout  son  crédit  des  artistes  comme  Bérain,  l'ornema- 
niste le  plus  célèbre  de  l'époque,  Claude  Audran,  François 
Verdier,  Joseph  Vivien,  La  Fosse,  La  Hire,  Sébastien 
Bourdon,  Noël  Coypel,  Bon  Boulogne,  Jean  Jouvenet,  An- 
toine Houasse,  Van  der  Meulen,  et  bien  d'autres.  Les 
portraitistes  Rigaud  et  Largillière,  dont  les  œuvres  cons- 
tituent une  brillante  galerie  des  grands  hommes  du  règne 
de  Louis  XIV,  furent  également  ses  protégés.  Quand  il 
mourut,  en  1690,  Louvois  avait  succédé  à  Colbertet  il  ne 
jouissait  plus  de  la  même  faveur. 

Comme  une  des  conséquences  du  développement  de  la 
peinture  en  France  au  xvne  siècle,  Fart  de  la  gravure,  que 
nous  avons  vu,  à  la  fin  de  la  Renaissance,  commencer  à 
se  manifester,  fit,  en  peu  d'années,  les  plus  remarquables 
progrès.  L'honneur  en  revient  à  Jacques  Callot.  Il  s'était 
formé  en  Italie,  dans  l'atelier  de  Canta-Gallina.  Lorsque, 
vers  1629,  il  revint  en  France,  où  sa  réputation  l'avait 
devancé,  il  y  introduisit  l'usage  de  l'eau-forte  qu'Abraham 
Bosse  et  Israël  Silvestre  devaient  achever  de  populariser, 
celui-ci  en  l'appliquant  à  la  topographie  et  aux  vues  de 
monuments,  celui-là  en  la  faisant  servir  à  l'illustration  des 
livres.  Mais  Callot  est  bien  le  maître  du  genre,  et  l'on  peut 
dire  qu'en  donnant  à  ses  planches,  représentant  des  gueux, 
des  soudards,  des  gens  du  peuple,  un  aspect  de  correction 
sans  leur  ôter  l'apparence  d'improvisation,  il  a  fourni  dans 
un  style  ferme,  dans  une  forme  précise  et  vraiment  natio- 
nale, la  note  de  cet  art  mordant  de  la  satire  qui  parut 
s'ébaucher  durant  la  Ligue  et  dont  le  caractère  français 
s'accommode  si  bien.  A  la  fin  du  règne  de  Louis  XIII,  les 
graveurs  au  burin,  qui  venaient  à  la  suite  de  Thomas  de 
Leu  et  Léonard  Gaultier,  de  Michel  Lasne  et  de  Claude 
Mellan,  étaient  en  pleine  possession  de  leurs  moyens  et  ne 
devaient  plus  rien  à  l'Italie.  Louis  XIV  installa,  en  1667, 
aux  Gobelins,  une  véritable  académie  de  gravure,  sous  la 
direction  de  Sébastien  Leclerc.  Là  travaillèrent  les  maîtres 
du  genre  :  Robert  Nanteuil,  le  portraitiste  admirable,  qui 


FRANCE 


—  1118  - 


a  laissé  des  chefs-d'œuvre,  tels  que  le  Mole,  le  Turenne, 
le  Président  de  Bellièvre,  Christine  de  Suède,  où  Fart 
le  plus  fin,  le  plus  subtil  se  cache  sous  la  simplicité  ;  Ede- 
linck,  François  de  Poilly,  Roullet,  Masson,  Jean  Pesne, 
Gérard  Audran,  enfin,  le  plus  fameux  de  tous,  l'artiste  au 
goût  sûr,  le  seul  peut-être  dont  Lebrun  écoutât  les  conseils 


et  qui  pût  se  permettre  de  corriger  dans  ses  planches  cer- 
taines erreurs  du  peintre  des  Batailles  d'Alexandre. 
«  On  n'oserait  dire  que  Gérard  Audran  fût  un  graveur  de 
génie,  a  écrit  le  comte  Henri  Delaborde  ;  pourtant,  com- 
ment qualifier  ce  talent  plein  de  rêve,  cette  puissance  de 
sentiment  éclatante,  cette  méthode  d'exécution  si  ample,  si 


Galerie  d'Apollon  (musée  du  Louvre). 


imprévue,  si  originale  ?»  A  la  fin  du  xvne  siècle,  notre 
école  de  gravure  était  arrivée  à  un  tel  degré  de  supériorité 
que  partout,  à  l'étranger,  on  s'efforçait  d'étudier  ses  pro- 
cédés et  de  suivre  ses  exemples. 

Arts  décoratifs.  —  Lorsque  fut  créée  l'Académie  de 
peinture  et  de  sculpture  qui  consacrait  entre  l'art  et  l'in- 
dustrie une  scission  qu'il  eût  fallu  empêcher  à  tout  prix,  Col- 
bert  ne  se  méprit  pas  sur  les  dangers  de  cette  innovation. 
Puisque  l'Etat  établissait  le  principe  d'un  art  officiel,  reflet 
de  la  pensée  royale  et  de  la  pompe  monarchique,  il  fallait, 
par  système  de  compensation,  avoir  une  industrie  égale- 
ment officielle,  protégée,  enseignée,  comme  on  faisait  pour 
la  peinture  et  la  sculpture,  poussée  dans  les  mêmes  voies 
et  entretenue  dans  des  doctrines  identiques.  De  cette  façon, 
l'art  tout  entier,  sans  oublier  aucune  de  ses  branches,  se 
trouverait  entraîné  par  une  seule  et  unique  impulsion.  Cette 
impulsion,  il  est  vrai,  enfermait  l'art  dans  ce  dilemme  : 
«  être  monarchique  ou  n'être  pas  »  ;  mais  nous  avons 
expliqué  comment  il  était  condamné  à  subir  cette  impé- 
rieuse loi.  C'est  dans  ce  dessein  que  Colbert  institua,  en 
1662,  la  grande  manufacture  des  Gobelins  où,  dès  1667, 
se  trouvaient  réunis  les  hommes  les  plus  habiles  dans  tous 
les  métiers  qui  concourent  à  la  décoration  de  la  demeure, 
c.-à-d.  :  1°  les  tapis  pour  les  murailles  dits  proprement 
des  Gobelins,  et  les  tapis  pour  les  parquets  dits  de  la 


Savonnerie  ;  2°  les  lustres  d'éclairage  et  candélabres  en 
bronze  doré,  avec  addition  de  cristal  de  roche  ;  3°  les  ma- 
gnifiques orfèvreries,  surtouts  de  table,  meubles  d'ar- 
gent, etc.  ;  4°  les  meubles,  fauteuils  et  chaises  en  bois 
doré  et  sculpté,  recouverts  de  tapisseries  ou  d'étoffes  bro- 
dées, les  cabinets,  bureaux,  tables,  ornés  de  marqueteries 
d'écaillé  et  d'incrustations,  etc.  Quand  on  récapitule  ce  qui 
se  faisait  dans  la  manufacture  royale,  on  est  bien  près  de 
se  demander  ce  qui  ne  s'y  faisait  pas,  a-t-on  dit  avec 
raison.  Nommer  les  artistes  chargés  des  ouvrages  qui  s'y 
exécutaient  serait  citer  les  peintres,  les  sculpteurs,  les 
orfèvres,  les  ébénistes,  les  ciseleurs,  les  brodeurs,  etc.,  les 
plus  éminents  du  règne  de  Louis  XIV.  On  trouvera  ailleurs 
les  détails  d'organisation  de  cet  établissement  sans  précé- 
dent (V.  Gobelins).  Contentons-nous  de  résumer  briève- 
ment la  situation  dans  laquelle  se  trouvaient  les  plus  im- 
portantes industries  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV. 

L'ameublement  atteint  les  extrêmes  limites  du  luxe  et 
de  la  magnificence.  Armoires,  bureaux,  cabinets,  sièges, 
horloges  se  couvrent  d'ornements,  de  figures  en  cuivre 
ciselé  et  doré.  Nous  voici  loin  de  Fart  des  huchiers,  simple 
et  logique,  dont  l'élégance  avait  pour  premier  principe  le 
respect  de  la  construction,  et  pour  élément  primordial  les 
harmonieuses  proportions  de  la  charpente.  Les  ébénistes  de 
Henri  IV  et  de  Louis  XIII,  Laurent  Stabre,  Macé,  Eque- 


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FRANCE 


man,  Cucci  avaient  commencé  à  masquer  l'ossature  des 
meubles,  à  la  manière  italienne,  sous  le  manteau  trompeur 
d'un  décor  dans  lequel  les  bois  rares,  l'ébène,  la  marque- 
terie se  joignaient  parfois  aux  marbres  de  couleur.  Avec 
Louis  XIV,  l'ornementation  est  si  brillante,  si  riche,  que 
l'on  ne  songe  plus  à  ce  qui  se  cache  dessous,  c.-à-d.  à  la 
construction,  aux  francs  et  rationnels  assemblages  avec 
lesquels  les  menuisiers  en  prennent  fort  à  leur  aise,  ne  se 
gênant  pas  pour  commettre  d'absurdes  contresens.  On 
dore  les  meubles  comme  on  se  poudre  le  visage,  et  quand 
l'or  vient  à  tomber,  on  aperçoit  des  joints  insolites  qui 
dénoncent  des  imperfections   fondamentales.  Le  fameux 
ébéniste  André-Charles  Boulle,  qui  a  donné  son  nom  à  un 
style  et  dont  les  ouvrages  sont  encore  aujourd'hui  si  uni- 
versellement connus  et  estimés  que  deux  de  ses  armoires 
ont  atteint,  il  y  a  peu  d'années,  en  vente  publique,  le  prix 
de  301,875  fr.,  prête  lui-même  sur  ce  point  le  flanc  à  la 
critique,  malgré  la  perfection  merveilleuse  de  ses  incrusta- 
tions de  cuivre,  d'étain  ou  d'écaillé,  malgré  la  justesse  et 
l'ampleur  de  son  goût.  On  a  beau  dire,  et  d'ailleurs  spé- 
cieusement, que  ses   meubles,  «n'étant   que   des   pièces 
d'apparat,  n'avaient  pas  besoin  de  revêtir  un  caractère 
pratique,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  certaines  de  ses 
formes  déconcertent  le  jugement,  que  ses  commodes,  faites 
en  manière  de  tombeaux,  n'ont  point  de  raison  d'être,  et 
que  beaucoup  de  ses  petits  bureaux  ont  dû  blesser  plus 
d'une  fois  ceux  de  ses  contemporains  qui  s'en  sont  servis. 
«  C'est  là  ce  qui  fait  de  l'œuvre  de  Boulle  un  œuvre  incom- 
plet, dit  excellemment  M.  Henry  Havard.  Le  mobilier 
auquel  il  a  légué  son  nom  demeure  uniquement  un  mobilier 
d'apparat.  Il  porte  en  soi  une  solennité  et  une  richesse 
exclusives  de  toute  intimité,  et  l'éclat  même  de  sa  décora- 
tion interdit  la  possibilité,  aussi  bien  que  la  pensée,  de 
faire  de  ses  meubles  un  journalier  et  constant  usage.  »  Les 
autres  ébénistes  qui  travaillèrent  avec  Boulle  aux  Gobe- 
lins,  les  Cucci,  les  Pierre  Golle,  les  Jacques  Sommer,  les 
Pierre  Poitou,  les  Jean  Oppenordt,  ne  firent  pas  différem- 
ment. Il  est  juste  d'ajouter  qu'un  grand  nombre  de  pièces 
du  mobilier  de  Louis  XIV  offrent  un  décor  approprié  en 
tous  points  à  la  forme  et  à  la  destination.  Ce  sont  alors  de 
magnifiques  chefs-d'œuvre  dont  Caffieri,  avec  ses  beaux 
ornements  de  cuivre,  ses  figures  en  ronde  bosse,  ses  entrées 
de  serrure  et  ses  frises,  complète  la  beauté. 

L'art  de  la  tapisserie  fit-il  des  progrès  au  xvne  siècle  ?  Il 
est  certain  qu'il  parvint  à  un  extraordinaire  état  de  pros- 
périté; mais  il  serait  injuste  d'ajouter  qu'il  éclipsa  celui 
de  l'époque  antérieure.  Les  tentures  du  temps  de  la  Renais- 
sance, avec  la  vie  abondante  et  libre  qui  y  circule,  n'au- 
raient pu  être  en  harmonie  avec  l'ordonnance  des  salons 
blancs  et  or  de  Louis  XIV,  avec  ces  architectures  à  colonnes, 
ces  moulures  brillantes,  ces  glaces,  ces  girandoles  qui  ré- 
clamaient des  couleurs  claires  et  vives.  En  vingt-huit  ans, 
de  1663  à  1690,  la  manufacture  des  Gobelins  mit  au  jour 
dix-neuf  tentures  complètes  de  haute  lisse  et  trente-quatre 
tentures  de  basse  lisse.  La  plus  belle  peut-être  de  ces  ten- 
tures est  Y  Histoire  du  roi  d'après  Lebrun  et  Van  der  Meu- 
len,  remplie  de  portraits  d'une  vérité  saisissante.-  Il  faut 
mentionner  aussi  :  YHistoire  d'Alexandre,  les  Eléments, 
les  Saisons  d'après  Lebrun  ;  YHistoire  de  Moïse,  d'après 
Le  Poussin  et  Lebrun  ;  les  tableaux  de  la  Galerie  de  Saint- 
Cloud,  d'après  Mignard,  le  Triomphe  de  la  Foi,  d'après 
Coypel,  etc.  La  fabrication  des  tapisseries  ne  fut  pas  limi- 
tée d'ailleurs  à  la  manufacture  des  Gobelins.  Dans  plu- 
sieurs villes  de  province,  d'autres  manufactures  travaillaient 
avec  activité.  Henri  IV  avait  créé  au  Louvre  un  atelier  de 
tapis  «  à  la  façon  de  Perse  ou  de  Turquie  »,  qui  fut  le 
point  de  départ  de  la  Savonnerie.  A  Tours,  à  Reims,  à  Lille, 
à  Maincy,  près  de  Vaux,  à  Aubusson,  on  fabriquait  égale- 
ment des  tentures.  Quant  a  la  manufacture  de  Beauvais, 
fondée  en  1664,  elle  prit,  à  partir  de  1684,  le  plus  grand 
essor.  Colbert,  qui  avait  l'œil  à  tout,  encourageait  ces  éta- 
blissements. Il  protégeait  de  même  l'industrie  des  étoffes 
et  fondait,  en  1665,  une  manufacture  de  dentelles  dont  le 


siège  central  fut  fixé  à  Paris  dans  l'hôtel  Beaufort,  et  le 
principal  centre  de  production  à  Alençon.  On  sait  que  c'est 
à  partir  de  ce  moment  que  les  dentelles  en  point  de 
France  firent  leur  apparition,  surpassant  par  la  beauté  du 
dessin  tout  ce  qui  s'était  fait  jusqu'alors,  même  à  Venise. 

La  numismatique  ne  fut  pas  négligée.  Dès  le  début  du 
siècle,  Jean  Warin,  à  la  fois  sculpteur,  graveur  et  méca- 
nicien, avait  continué  l'œuvre  de  Dupré.  C'est  lui  qui  con- 
duisit, de  1636  à  1648,  les  grandes  refontes  des  monnaies 
d'or  et  d'argent.  Il  substitua  la  fabrication  mécanique  au 
moyen  du  balancier  à  la  frappe  au  marteau.  Ses  médailles 
et  monnaies  aux  effigies  de  Louis  XIII  et  de  Louis  XIV 
enfant  sont  empreintes  d'un  grand  caractère.  Il  eut  pour 
successeurs  les  Roethier.  La  suite  des  médailles  historiques 
du  règne  de  Louis  XIV,  entreprise  qui  donna  naissance  à 
l'Académie  des  inscriptions,  est  la  plus  vaste  qu'aucun  gou- 
vernement ait  réalisée  pour  éterniser  le  souvenir  des  évé- 
nements. Néanmoins  il  faut  dire  que,  à  la  fin  du  xvne  siècle, 
la  gravure  des  médailles  était  sensiblement  inférieure  à 
celle  de  la  période  où  florissait  Warin. 

De  l'art  de  l'orfèvrerie,  que  pourrait-on  dire  qui  donne 
une  idée  de  la  prodigalité,  de  la  perfection,  de  la  splendeur 
dont  il  témoigne  pendant  le  règne  de  Louis  XIV  ?  L'ate- 
lier des  orfèvres  aux  Gobelins  était  dirigé  par  Claude  de  . 
Villiers,  Alexis  Loir  et  Dutel.  Ce  que  firent  ces  artistes, 
sans  parler  du  plus  illustre,  Ballin,  sous  la  direction  de 
Lebrun  qui  fournissait  presque  tous  les  modèles,  on  le  sait 
par  les  inventaires  du  mobilier  de  la  couronne  et  aussi  par 
les  dessins  qu'on  en  a  conservés,  car  les  originaux  ont  été 
impitoyablement  fondus  aux  jours  de  désastres.  C'étaient 
des  surtouts  de  table  décorés  de  figures,  des  bassins,  des 
cadenas  d'or  et  d'argent  pour  le  service  du  roi,  des  tables, 
des  guéridons,  de  grands  vases  pour  mettre  des  orangers, 
avec  des  brancards  pour  les  portes  et  tout  cela  en  argent 
massif.  On  ne  saurait  trop  déplorer  la  funeste  résolution 
par  laquelle  Louis  XIV  condamna  à  la  destruction  toutes 
ces  richesses.  Ce  fut,  selon  l'expression  de  M.  Paul  Mantz, 
«  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  appliquée  à  l'orfèvre- 
rie ».  L'intention  du  sacrifice  était  louable,  ajoute  d'autre 
part  M.  de  Lasteyrie;  mais,  plus  éclairé,  le  roi  «  aurait  dû 
comprendre  que  le  profit  qu'on  pouvait  espérer  était  loin 
d'équivaloir  à  la  valeur  d'art  des  objets  sacrifiés.  Il  avait 
compté  sur  6  millions  ;  cela  lui  en  rapporta  à  peine  3  et, 
par  cette  mesure  inintelligente,  il  frustra  la  patrie  d'un 
héritage  de  chefs-d'œuvre  impossible  à  remplacer.  » 

Le  XVIIIe  siècle.  —  Par  une  réaction  toute  naturelle, 
à  la  solennité  emphatique  de  l'art  du  xviie  siècle  succédèrent 
les  grâces  piquantes  et  la  sensualité  de  celui  du  xvme.  Les 
derniers  échos  des  pompeuses  funérailles  du  vieux  roi 
Louis  XIV  venaient  à  peine  de  retentir  qu'un  irrésistible 
besoin  de  sortir  de  la  contrainte  où  elle  avait  été  si  long- 
temps tenue  dans  la  morne  étiquette  de  Versailles  s'empa- 
rait de  toute  la  cour.  La  France  entière  sembla  se  détendre 
et  sourire  à  une  aube  de  liberté.  Sans  transition,  on  passa 
de  la  sévérité  à  la  licence,  de  la  régularité  au  dérèglement  et  à 
la  fantaisie  excessive.  Par  horreur  du  grandiose  où  il  s'était 
si  longtemps  figé,  l'art,  fidèle  interprète  des  mœurs,  se  jette 
dans  le  caprice  effréné,  dans  les  gentillesses  voluptueuses 
et  galantes,  dans  le  libertinage  élégant  et  raffiné  où  se 
complaît  la  société  de  ce  temps  éprise  éperdument  de  fri- 
volités amoureuses,  de  subtilités  délicates,  et  dont  l'idéal 
épicurien  se  borne  au  luxe  du  bien-être.  Ce  n'est  plus  la 
majesté  théâtrale  de  l'époque  précédente  ;  on  fait  une  part 
nouvelle  à  l'intimité,  à  l'agrément  de  la  vie  intérieure,  et, 
quoique  l'art  reste  factice,  conventionnel,  dédaigneux  de  la 
vérité,  parant  la  nature  de  falbalas  et  d'un  déguisement 
de  fêtes,  il  devient  plus  humain,  se  rapproche  des  réalités 
positives  et  des  nécessités  de  la  vie  familière.  C'est  ainsi 
qu'il  faut  comprendre  la  réflexion  de  Vauvenargues,  lorsque, 
blâmant  la  morale  facile  du  xvme  siècle,  il  la  compare  «  à 
la  nouvelle  architecture,  où  l'on  cherche  avant  toute  chose 
la  commodité  ».  Il.n'ya  plus,  comme  sous  l'attentif  gou- 
vernement de  Colbert,  une  direction  despotique  imprimée 


FRANCE 


—  1120  — 


à  la  pensée  des  artistes.  Chacun  va  librement  à  la  recherche 
de  l'originalité,  et  cette  sorte  de  relâchement  de  l'autorité 
royale,  érigé  en  principe  par  la  Régence,  puis  insoucieuse- 
ment  favorisé  par  Louis  XV,  aboutit  à  soumettre  l'art  aux 
capricieuses  folies  de  la  mode,  aux  dangereux  soubresauts 
des  pires  fantaisies  d'une  aristocratie  énervée,  jouisseuse, 
blasée,  affamée  seulement  d'incessantes  nouveautés  capables 
de  l'occuper  et  de  la  distraire.  Lorsque  les  grands  sei- 
gneurs virent  le  monarque  s'établir  dans  les  petits  appar- 
tements de  Versailles  pour  y  vivre  ostensiblement  avec  ses 
maîtresses,  ils  se  mirent  aussi  à  délaisser  leurs  appartements 
d'apparat  et  à  se  faire  construire  de  petites  maisons  dans 
lesquelles  les  salons  devinrent  des  boudoirs,  et  où  les  mul- 
tiples productions  de  l'art  reçurent  le  reflet  des  mœurs  ai- 
mables, sinon  toujours  libertines,  de  l'époque.  Le  «  joli  » 
remplaça  le  «  beau  ».  Le  «  gracieux  »  fut  le  but  suprême. 
Plus  de  lignes  droites,  plus  de  formes  anguleuses,  plus  de 
symétrie  imposante  et  rigide.  Tout  se  rapetisse  à  une 
échelle  réduite,  conforme  à  l'existence  que  l'on  mène  ;  tout 
s'arrondit  et  s'adoucit  dans  le  logis  où  les  moindres  détails 
d'ornement,  les  volutes  d'un  cartouche,  la  tablette  d'une 
cheminée,  les  boutons  d'une  porte  ou  bien  l'espagnolette 
d'une  fenêtre,  se  pliant  aux  conditions  du  nouveau  système 
architectural,  n'offrent  plus  que  des  saillies  sinueuses, 
fines,  agréables  au  toucher  d'une  molle  main  de  femme.  Le 
mobilier  se  complique,  s'augmente  des  accessoires  propres 
au  confortable  et  des  futilités  élégantes  que  multiplie  l'ima- 
gination des  tapissiers.  Les  couleurs  s'éclaircissent,  égayenl 
les  demeures  de  notes  tendres,  où  le  rose,  le  vert  d'eau, 
le  bleu  pâle  dominent  sur  des  fonds  blancs  qu'échauffent 
les  rehauts  d'or,  enveloppant  les  choses  d'une  harmonie 
caressante,  et  enivrant  du  concert  de  leurs  tonalités  déli- 
cieuses cette  société  brillante  qui  s'achemine  ainsi,  bercée 
dans  un  rêve  de  vie  fastueuse,  au  formidable  dénouement 
de  1789! 

Si,  au  xvnie  siècle,  la  royauté  semble  avoir  laissé  l'art 
suivre  en  pleine  indépendance  les  fantasques  caprices  de  la 
mode,  si  la  cour  n'impose  plus  au  goût  public  ni  fixité  dans 
les  doctrines,  ni  direction  ferme  et  homogène,  on  ne  doit 
pourtant  pas  oublier  que  le  système  de  protection  inauguré 
sous  Louis  XIV,  sans  être  aussi  rigoureusement  suivi,  ne 
fut  pas  complètement  abandonné.  D'abord,  des  institutions 
subsistaient,  telles  que  l'Académie  et  les  Gobelins,  qui  gar- 
daient des  traditions  et  d'où  sortaient  des  artistes  en  tous 
genres  nourris  de  fortes  études.  J.-F.  Blondel,  avec  ses 
quatre  volumes  in-folio  sur  Y  Architecture  française, 
exerça  certainement  une  influence  sur  son  temps.  Gabriel, 
directeur  des  bâtiments  et  des  manufactures  royales,  ne  sa- 
crifia rien  aux  tendances  bizarres  et  désordonnées  de  cer- 
tains de  ses  contemporains.  Enfin,  Louis  XV,  pour  enclin 
qu'il  ait  été  aux  idées  de  laisser-faire  et  de  laisser-aller,  fut 
loin  de  se  désintéresser  tout  à  fait  de  ce  qui  touchait  aux 
arts,  et  y  eût-il  été  indifférent  que  la  marquise  de  Pompa- 
dour,  avec  ses  réelles  aptitudes  et  sa  passion  éclairée  pour 
les  études  artistiques,  aurait  su  l'y  attacher.  Sans  parler 
des  divers  monuments  qu'il  fit  construire,  Louis  XV  prit 
certaines  mesures  excellentes  pour  entretenir  dans  le 
royaume  la  culture  des  arts  :  il  ordonna  l'ouverture  pu- 
blique, à  jours  et  heures  fixes,  à  partir  du  14  oCt.  1750, 
des  collections  de  tableaux  du  Louvre  et  du  Luxembourg  ; 
il  transforma  en  établissement  national,  en  1766,  l'école 
gratuite  de  dessin  pour  les  artisans  fondée  par  le  peintre 
Bachelier  et  qui  est  devenue  de  nos  jours  l'Ecole  des  arts 
décoratifs  ;  il  prit  la  part  la  plus  active  avee  Mme  de  Pom- 
padour  au  développement  de  la  manufacture  de  Sèvres, 
aidant  ainsi  au  progrès  de  cette  charmante  industrie  de  la 
céramique  gui  est  un  des  triomphes  de  l'art  du  xvme siècle. 
Quand  Louis  XVI  arriva  au  trône,  il  trouva  le  terrain  pré- 
paré pour  des  réformes  qui  s'imposaient  et  que,  bien  con- 
seillé par  d'habiles  ministres,  il  réalisa  dans  le  but  de 
lutter  contre  rabaissement  du  goût,  énervé  par  une  sen- 
sualité grandissante,  et  de  ramener  les  artistes  aux  études 
sérieuses.  Déjà  la  découverte  des  ruines  de  Pompéi,  en 


1755,  avait  attiré  l'attention  des  archéologues,  et,  en  don- 
nant naissance  à  un  genre  littéraire  nouveau,  montré  les 
éléments  de  beauté  de  l'art  antique.  Sous  l'impulsion  de 
la  marquise  de  Pompadour,  le  mouvement  s'accentua.  Des 
ouvrages  furent  publiés,  qui  contenaient  la  reproduction 
des  plus  beaux  monuments  de  la  Grèce.  Winckelmann,  le 
comte  de  Caylus,  l'abbé  Barthélémy  et  beaucoup  d'autres 
firent  connaître  le  résultat  de  leurs  investigations. 

Dès  1754,  l'architecte  David  Le  Roy,  historiographe  de 
l'Académie  d'architecture,  après  avoir  séjourné  à  Athènes, 
avait  pris  le  même  thème  pour  le  cours  qu'il  professait.  Ce 
retour   caractérisé  vers  l'antique  est  presque  général  à 
l'avènement  de  Louis  XVI,  et  ce  monarque,  qui  chercha  à 
introduire  à  Versailles  la  dignité  et  la  morale,  voulant 
montrer  à  sa  cour  dans  quel  sens  elle  devait  influencer 
les  arts,  institua  des  commandes  de  tableaux  et  de  statues 
d'une  façon  méthodique.  L'enseignement  du  dessin  à  Paris 
aussi  bien  qu'en  province  fut  développé  dans  de  nom- 
breuses écoles  dont  plus  d'une  forma  des  maîtres.  C'est 
ainsi  que  de  l'école  d'Aix,  en  Provence,  sortit  Granet  ; 
celle  de  Dijon  fournit  une  pléiade  d'artistes  glorieux,  tels 
que  Ramey,  Rude,  Naigeon  et  Prud'hon.  L'évolution  des 
arts,  dont  on  attribue  tout  l'honneur  ou  toute  la  responsa- 
bilité à  David  et  qu'on  date  communément  de  1789,  était, 
en  réalité,  déjà  préparée  et  en  bonne  voie  à  ce  moment. 
Sous  l'inspiration  de  son  maître  Vien,  qui,  sévèrement  can- 
tonné dans  l'étude  de  ce  qu'il  croyait  être  la  pureté  clas- 
sique, se   montrait   résolument   hostile   aux  mièvreries 
bleues  et  roses  des  peintres  à  la  mode,  Louis  David  avait 
exposé,  dès  1784,  son  tableau  du  Serment  des  Horaces, 
lequel  tranchait  violemment  avec  les  idées  courantes  et 
marquait  la  voie  nouvelle  où  Fart  allait  s'engager.  C'était 
tout  un  système  qui  apparaissait.  Sans  doute,  les  exagéra- 
tions de  ce  système  auraient  été  singulièrement  atténuées, 
contre-balancées  par  des  talents  de  tendances  différentes,  si 
la  Révolution,  en  éclatant  comme  un  coup  de  tonnerre, 
n'avait  donné  brusquement  à  David  une  autorité  terrible, 
une  omnipotence  farouche.  Il  devint  le  maître  absolu,  ty- 
rannique  de  l'art  qu'il  lança  de  toutes  les  forces  de  son 
esprit  dominateur  et  exclusif  dans  l'imitation  minutieuse, 
implacable,  ridicule  des  modes  antiques.  Son  rôle  a  été 
grand,  en  somme,  car,  au  milieu  du  désordre  des  idées,  il  a 
su  faire  entendre  un  cri  de  ralliement  ;  il  a  fait  de  l'aban- 
don de  toute  doctrine  surgir  une  doctrine,  et,  dans  la  dis- 
persion de  tout  enseignement,  il  a  créé  un  centre  d'études 
sérieuses  auquel  vint  se  rattacher  une  partie  de  la  jeunesse 
artiste  de  l'Europe.  Mais  il  a  malheureusement  apporté 
dans  sa  haute  entreprise  les  violences  mesquines  d'un  logi- 
cien systématique  ;  il  a  répudié,  ainsi  qu'on  l'a  dit,  «  les 
qualités  les  plus  éminentes  de  notre  école,  la  couleur, 
l'effet,  l'arrangement  souple  et  facile  delà  composition, 
pour  leur  substituer  comme  étude  l'imitation  servile  de  la 
statuaire  romaine,  comme  exécution  la  froideur  de  simples 
grisailles  et  les  lignes  du  bas-relief  ».  C'est  dans  cette 
détestable  méthode  qu'il  a  poussé  tous  ses  élèves  et  l'art 
tout  entier.  A  sa  voix,  la  sculpture  «  se  réduisit  à  la  froide 
imitation  des  monuments  romains;  l'architecture,  sans 
vie,  sans  idées,  sans  souci  des  besoins,  s'en  alla,  copiant 
l'antique  sans  intelligence,  promenant  partout  les  maigres 
reproductions  de  ses  piètres  décalques  ;  l'industrie,  enfin,  en- 
fant délaissé,  cherchant  inutilement  les  traditions  perdues 
de  ses  procédés,  en  même  temps  qu'une  direction,  ne  reçut, 
en  fait  de  modèles,  que  quelques  tessons  dont  elle  copia  les 
peintures  ».  Et  depuis  cent  années  nous  subissons  en  France 
les  conséquences  de  cette  domination  archéologique  et  tris- 
tement imitative.  Ce  n'est  certes  pas  pour  arriver  à  de  tels 
résultats  que   la  Révolution,  avec  son   large  esprit  de 
progrès,   abolit  les  privilèges  corporatifs ,  supprima  les 
académies,  ouvrit  des  musées  et  organisa  tout  un  système 
de  l'enseignement  de  l'art.  Mais  son  œuvre  féconde  ne  doit 
pas  être  jugée  d'après  la  production  de  cette  époque  trou- 
blée. Il  y  a  des  moissons  qui  sont  lentes  à  mûrir  ! 
Architecture.  —  Après  ce  qui  vient  d'être  dit,  peu  de 


lignes  suffiront  pour  résumer  la  situation  particulière  des 
diverses  branches  de  Fart  auxvnr5  siècle.  Les  deux  hommes 
qui,  à  la  mort  de  Louis  XIV,  se  trouvèrent  à  la  tête  de 
l'architecture  française,  Robert  de  Cotte  et  Germain  Rof- 
frand,  tous  deux  élèves  et  collaborateurs  de  Mansard  dans 
ses  derniers  travaux,  avaient  trop  subi  l'influence  de  ce 
maître,  et  étaient  d'un  âge  où  l'on  a  trop  de  peine  à  modi- 
fier ses  idées,  pour  rompre  totalement  avec  les  traditions 
de  leur  jeunesse.  Toutefois,  entraînés  par  leurs  contempo- 
rains qui  réclamaient  dans  leurs  habitations  un  peu  de  con- 
fortable, moins  de  solennité  et  plus  de  grâce,  ils  modi- 
fièrent la  distribution  des  appartements,  comme  l'indique 
Patte  dans  ses  Monuments  érigés  en  France  à  la  gloire 
de  Louis  XV  :  «  Toutes  ces  distributions  agréables  que 
l'on  admire  aujourd'hui  dans  nos  hôtels  modernes,  qui 
dégagent  les  appartements  avec  tant  d'art;  ces  escaliers 
dérobés,  toutes  ces  commodités  recherchées  qui  rendent  le 
service  des  domestiques  si  aisé  et  qui  font  de  nos  demeures 
des  séjours  délicieux  et  enchantés,  n'ont  été  inventés  que 
de  nos  jours.  »  Boffrand  construisit  sous  la  Régence  les 
hôtels  de  Montmorency,  de  Voyer  d'Argenson,  de  Guer- 
chy,  de  Tingry,  etc.  Plus  tard,  il  éleva  le  palais  de  Nancy, 
de  Lunéville,  et  restaura  l'hôtel  de  l'Arsenal  où  il  déploya 
toutes  les  ressources  de  son  génie  inventif,  non  cependant 
sans  sacrifier  parfois  au  goût  dégénéré  de  l'école  italienne. 
Quant  à  Robert  de  Cotte,  il  construisit  moins  lui-même 
qu'il  ne  fit  construire  d'après  des  dessins  fournis  par  lui. 
Le  nouveau  quartier  Saint-Germain,  où  la  noblesse  faisait 
bâtir  alors  ses  spacieux  et  élégants  hôtels,  fournit  à  d'autres 
architectes,  tels  qu'Alexandre  Leblond,  Lasseurance,  Du- 
lin,  Mollet,  etc.,  l'occasion  de  suivre  l'exemple  donné. 
Mais  ce  fut  surtout  dans  l'ornementation  des  intérieurs, 
dans  l'agencement  de  ces  petites  maisons  de  plaisance  que 
les  seigneurs,  les  financiers,  les  filles  de  l'Opéra  se  fai- 
saient installer  en  dehors  de  l'enceinte  de  Paris,  et  aux- 
quelles on  donnait  le  nom  de  folies;  c'est  là  que  l'imagi- 
nation des  architectes  se  donna  carrière.  L'un  des  plus  en 
vogue  pour  ce  genre  de  travaux  fut  Oppenord,  le  propaga- 
teur sinon  l'inventeur  du  style  dit  rococo  ou  rocaille,  que 
le  duc  d'Orléans  chargea  de  la  décoration  des  apparte- 
ments du  Palais-Royal.  Toutefois,  malgré  la  faveur  dont 
jouissaient  auprès  du  public  les  excentriques  inventions  des 
décorateurs,  les  architectes  n'abandonnaient  pas  le  culte  de 
l'antique,  et  ils  y  revenaient  d'instinct  quand  il  s'agissait 
d'édifices  publics.  Servandoni,dont  le  talent  souple  et  gra- 
cieux s'était  surtout  exercé  dans  les  compositions  pour  les 
fêtes  royales,  atteignit  à  la  simplicité  imposante  et  grave 
lorsqu'il  exécuta,  vers  4740,  le  beau  portail  de  l'église 
Saint-Sulpice.   Le  plus   célèbre  architecte  du  règne  de 
Louis  XV,  Gabriel,  a  laissé  des  travaux  d'un  grand  carac- 
tère, dont  on  ne  peut  que  louer  l'ordonnance  magistrale  ; 
c'est  lui  qui  construisit  la  façade  du  Louvre  sur  la  rue  du 
Coq,  les  bâtiments  immenses  de  l'Ecole  militaire,  les  deux 
façades  N.  de  la  place  de  la  Concorde  reproduisant. dans 
des  proportions  plus  élégantes  et  d'une  façon  plus  ration- 
nelle la  colonnade  du  Louvre  de  Perrault.  De  lui,  enfin, 
est  la  salle  de  spectacle  de  Versailles  dont  Vaudoyer  a  dit  : 
«  Dispositions  des  plus  heureuses,  grandioses  d'ensemble 
et  de  style,  richesse  et  harmonie  de  détails,  tout  se  trouve 
réuni  pour  faire  de  cette  salle  un  chef-d'œuvre.  »  Un  des 
monuments  les  plus  considérables  du  xvme  siècle  où  se 
montre  complètement  l'imitation  de  l'antique  est  le  Pan- 
théon, élevé  par  Soufflot,  qui  mourut  en  1780  du  chagrin 
que  lui  causèrent  les  critiques  adressées  à  son  œuvre.  Il 
faut  mentionner  encore,  parmi  les  très  nombreuses  cons- 
tructions de  cette  époque,  l'hôtel  de  la  Monnaie,  bâti  par 
Antoine  à  qui  l'on  doit  d'importantes  restaurations  du 
vieux  Palais  de  justice,  le  Collège  de  France,  par  Chalgrin, 
les  galeries  du  Palais-Royal  par  Louis,  le  véritable  créa- 
teur de  l'architecture  des  théâtres  et  à  qui  l'on  doit  l'ingé- 
nieuse disposition  des  plafonds  circulaires  portés  sur  quatre 
arcs  surbaissés,  dont  l'un  correspond  à  l'ouverture  de  la 
scène,  les  trois  autres  abritant  les  amphithéâtres.  La  salle 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


1421  —  FRANCE 

du  Théâtre-Français  est  de  lui,  ainsi  que  le  Grand-Théâtre 
de  Rordeaux,  qui  passe  pour  son  œuvre  capitale.  En  1782, 
Mercier  écrivait  dans  son  Tableau  de  Paris  :  «  La  ma- 
çonnerie a  refait  un  tiers  de  la  capitale  depuis  vingt-cinq 
ans...  On  a  appelé  des  régiments  de  Limousins,  et  l'on  a 
vu  s'élever  des  montagnes  de  pierre  taillée;  on  ne  voit 
plus  que  hautes  maisons  qui  s'enchaînent  l'une  à  l'autre.  » 
A  ce  moment,  l'architecture  française  n'existe  pour  ainsi 
dire  plus.  Elle  est  devenue  entièrement  classique. 

Sculpture.  —  Continuant  les  traditions  du  xvne  siècle, 
les  sculpteurs  qui  succédèrent  aux  Coysevox  et  aux  Cous- 
tou  ont  montré  un  talent  aimable,  fait  de  grâce  et  de 
charme,  dans  les  très  nombreuses  statues  historiques  et 
décoratives  élevées  à  cette  époque  sur  les  places  publiques, 
dans  les  groupes  mythologiques  dont  l'usage  voulut  qu'on 
ornât  les  jardins,  enfin  dans  des  portraits  et  des  bustes, 
d'une  facture  délicate  et  légère,  toute  frémissante  de  vie 
et  pleine  de  noblesse.  Sans  doute,  on  ne  sait  plus,  comme 
au  moyen  âge,  associer  étroitement  la  sculpture  aux  or- 
ganes de  l'architecture;  on  ne  fait  que  du  placage.  Mais  le 
ciseau  a  des  libertés  généreuses  ;  un  souffle  de  volupté 
anime  le  marbre,  et  malgré  l'emphase,  la  boursouflure  et 
le  maniérisme  de  certaines  œuvres  marquées  des  défauts 
de  l'époque,  on  peut  dire  que  l'art  des  statuaires,  jusqu'au 
règne  de  Louis  XVI,  fait  honneur  à  l'école  française.  Un 
des  plus  célèbres  sculpteurs  d'alors,  Jean-Raptiste  Le- 
moyne,  a  exécuté  plusieurs  de  ces  monuments  glorificatifs 
qu'on  se  plaisait  à  élever  dans  Paris  et  dans  les  principales 
villes  de  province.  C'est  lui  notamment  qui  fut  chargé  des 
monuments  que  les  Etats  de  Rretagne  voulurent  élever 
pour  célébrer  la  guérison  de  Louis  XV,  à  la  suite  de  la  ma- 
ladie de  celui-ci  à  Metz.  Il  représenta  le  roi  debout,  en 
costume  d'empereur  romain,  et  au-dessous,  sur  les  degrés, 
deux  figures,  la  Rretagne  agenouillée  et  la  Santé  accoudée 
au  piédestal.  Telles  étaient  les  compositions  allégoriques 
qui  convenaient  aux  goûts  du  temps.  Lemoyne  exécuta 
encore  plusieurs  autres  effigies  de  Louis  XV  qui  le  com- 
bla de  ses  faveurs.  Mais  ces  grands  ouvrages,  d'une  con- 
ception emphatique,  sont  bien  inférieurs  aux  bustes  d'après 
nature  qu'il  fit  en  quantité  avec  un  grand  succès.  Son 
meilleur  élève,  Falconet,  prétendait  s'inspirer  surtout  de 
Puget  qu'il  admirait  à  l'égal  des  antiques,  qui  «  n'ont 
jamais  rendu,  comme  le  sculpteur  marseillais,  dit-il  dans 
ses  Réflexions  sur  la  sculpture,  le  sentiment  des  plis  de 
la  peau,  la  mollesse  des  chairs  et  la  fluidité  du  sang  ».  Son 
œuvre  principale  est  la  statue  colossale  de  Pierre  le  Grand 
érigée  à  Saint-Pétersbourg;  mais,  en  dépit  des  théories  aca- 
démiques qu'il  s'est  complu  à  développer  dans  ses  écrits, 
lui  aussi  tombait  dans  le  théâtral,  comme  le  prouve  la 
grande  Assomption  sculptée  en  marbre  pour  l'église  Saint- 
Roch,  et  qu'il  fit  éclairer  par  un  transparent  !  De  l'école 
de  Coustou,  qui  resta  en  faveur  pendant  tout  le  règne  de 
Louis  XV,  sortirent  Jacques  Rousseau,  Pierre  Julien, 
Dejoux  et  Rouchardon,  dont  le  talent  correct  et  froid 
apparaît  dans  la  fontaine  de  la  rue  de  Grenelle.  Sous  son 
influence  travailla  aussi  Allegrain  qui  décora  le  jardin 
du  pavillon  de  Lucienne,  à  la  demande  de  Mme  du  Rarry,  de 
deux  jolies  statues,  Diane  et  Vénus  au  bain.  L'école  de 
Girardon  produisit  Robert  le  Lorrain,  Sébastien  Slodtz, 
Charpentier  et  quelques  autres  bons  artistes  ;  enfin  la  fa- 
mille des  Adam,  qui  fournit  des  décorateurs  plein  de  verve, 
auteurs  des  groupes  des  jardins  de  Versailles,  de  la  cas- 
cade de  Saint-Cloud  et  de  maints  motifs  d'ornements  pour 
les  riches  hôtels,  donna  naissance  à  Ciodion,  le  petit  maître 
exquis  des  voluptueuses  et  spirituelles  terres  cuites,  le 
charmeur  des  boudoirs,  dont  les  compositions  firent  fureur, 
et  le  placent  bien  plus  haut  que  ses  émules,  Roizot,  Larue, 
Marin,  Sigisber,  dans  l'estime  des  amateurs  de  cet  art  léger, 
frivole,  facile,  mais  d'une  adorable  sensualité.  Deux  sculp- 
teurs éminents  dominent  la  deuxième  moitié  du  xvin9  siècle  : 
Pigalle  et  Houdon.  Le  premier,  qui  avait  été  surnommé  par 
ses  camarades  le  Mulet  de  la  sculpture,  tant  il  apportait 
d'énergie  et  de  persévérance  à  l'étude,  se  signala  d'abord 

71 


FRANCE 


—  4422  — 


par  un  Mercure  qui  lui  conquit  d'emblée  la  réputation 
et  la  fortune.  On  l'accabla  de  commandes.  Il  fit  la  statue 
équestre  de  Louis  XV,  à  Reims,  le  Tombeau  du  maré- 
chal de  Saxe,  à  Strasbourg,  un  chef-d'œuvre,  pour  lequel 
le  roi  lui  alloua  la  somme  de  85,000  livres,  et  une  foule 
de  statuettes,  comme  l'Amour  et  V Amitié,  offertes  à  la 
marquise  dePompadour.  La  statue  de  Voltaire  qu'il  s'obs- 
tina à  représenter  entièrement  nu  est  une  de  ses  erreurs  ; 
il  s'y  entêta  pour  prouver  à  quel  point  il  connaissait  l'ana- 
tomie.  Par  la  vigueur  du  talent,  la  profondeur  du  carac- 
tère, l'aptitude  à  saisir  et  à  exprimer  les  traits  essentiels 
de  la  physionomie  humaine,  Houdon  lui  est  certainement 
supérieur.  Lorsqu'il  exposa  au  Salon  de  4784  sa  statue 
de  Voltaire  assis,  d'une  intensité  de  vie  si  prodigieuse, 
l'admiration  fut  unanime.  Dans  ses  bustes  consacrés  aux 
gloires  littéraires  et  historiques  de  la  France,  Molière, 
Montesquieu,  Diderot,  \d  Alembert,  J.-J.   Rousseau, 


Buffbn,  etc.,  il  a  fait  preuve  d'un  talent  égal  pour  tra- 
duire la  personnalité  intime  de  chacun  de  ces  grands 
hommes.  A  côté  de  lui,  il  ne  faut  pas  oublier  Pajou  ni 
Caffieri,  qui  excellèrent  aussi  dans  le  portrait.  Ce  sont  les 
derniers  maîtres  de  notre  élégante  école  de  sculpture  du 
xviue  siècle.  Après  eux,  l'art  de  la  statuaire,  asservie  à 
l'imitation  de  l'antique,  ne  devait  plus  donner  pendant  de 
longues  années  que  de  fades  pastiches.  Et  c'est  un  spec- 
tacle assurément  mélancolique  de  voir,  sur  la  fin  de  leur 
carrière,  des  artistes  tels  que  Clodion,dontie  ciseau  sem- 
blait avoir  été,  en  ses  bons  jours,  conduit  par  la  main 
même  des  amours,  obligé,  pour  obtenir  du  travail,  de  se 
courber  sous  le  joug  impérieux  de  la  mode  inspirée  par 
David,  en  s'essayant  lamentablement  aux  froides  compo- 
sitions académiques  pour  lesquelles  l'on  devine  son  insur- 
montable répugnance. 

Peinture.  —  L'art  qui  caractérise  par  [excellence  les 


Pastorale,  par  Boucher  (hôtel  Soubise,  à  Paris). 


goûts,  les  tendances,  l'âme  de  la  société  du  xvme  siècle, 
c'est  la  peinture.  Elle  a  traduit  exactement,  avec  une 
singulière  souplesse,  les  diverses  et  contradictoires  phy- 
sionomies de  ce  monde  bigarré,  mouvementé,  à  la  fois 
sérieux  et  frivole,  primesautier  et  raisonneur,  dans  lequel 
on  aperçoit  des  grands  seigneurs  et  des  comédiennes,  des 
financiers  et  des  philosophes,  des  marquises  déguisées  en 
bergères  et  des  maltôtiers  habillés  comme  des  ducs.  La 
peinture  offre  le  vivant  tableau  de  leurs  mœurs.  Elle  ra- 
conte leurs  fêtes  et  dit  leur  caractère  ;  elle  nous  initie  aux 
moindres  détails,  nous  fait  pénétrer  dans  tous  les  milieux. 
Elle  n'est  pas  seulement  historique  et  mythologique,  dans 
les  appartements  officiels  et  dans  les  palais  royaux,  comme 
durant  le  grand  règne  ;  voici  que  les  peintres  des  fêtes 
galantes  la  font  descendre  du  sévère  Olympe  et  l'animent 
de  leurs  grivoises  fantaisies.  Elle  s'humanise,  devient 
familière,  cherche  moins  à  être  imposante  qu'à  plaire  et 


amuser.  Puis,  la  voici  encore  sous  un  autre  aspect,  dans 
les  pastorales  que  compose  Boucher.  Les  encyclopédistes 
signalent-ils  l'avènement  de  la  bourgeoisie,  la  peinture 
célèbre  le  rôle  de  ces  nouveaux  venus  sur  la  scène  poli- 
tique, que  jusque-là  elle  avait  dédaignés,  et  l'on  voit 
Chardin  représenter  les  modestes  logis,  Greuze  s'intéresser 
aux  drames  domestiques.  Les  paysagistes  sont  en  plus 
grand  nombre  qu'à  l'époque  précédente  ;  mais  la  nature 
reste  encore  pour  eux  un  livre  fermé  ;  ils  n'en  rendent  point 
la  poésie,  et  ne  voient  en  elle  qu'un  décor  tout  au  plus 
digne  de  servir  de  fond  à  une  scène  mythologique  ou  à  des 
ruines  de  monuments  antiques.  Les  marines  de  Joseph 
Vernet,  pas  plus  que  les  tableaux  de  Lantara,  de  Hubert 
Robert  ou  les  chasses  d'Oudry,  ne  sauraient  prétendre  au 
titre  de  paysages.  On  comprend  que  nous  ne  puissions 
faire  ici  en  détail  l'histoire  de  chacun  de  ces  genres]  de 
peinture.  Force  nous  est  de  nous  en  tenir  à  des  indications 


—  1423  — 


FRANCE 


générales.  La  tradition  décorative  de  ce  que  l'on  nomme 
le  genre  historique  fut  représentée  au  commencement  du 
xviii6  siècle  par  François  Lemoyne,  l'auteur  de  ce  plafond 
de  Versailles,  l'Apothéose  d'Hercule,  qui  excita  l'admira- 
tion de  Voltaire  ;  puis  vint  la  famille  des  Coypel  qui  a 
exercé  sur  l'école  française  une  si  longue  et  si  fâcheuse 
influence.  Noël  Coypel  fut  le  premier  en  date,  mais  n'arriva 
pas  à  la  célébrité  de  son  fils  Antoine,  qui,  avec  ses  com- 
positions théâtrales,  son  dessin  maniéré  qu'on  trouvait 
puissant,  sa  couleur  d'éventail  qui  plaisait  aux  dames  de  la 
cour,  fut  chargé  d'une  quantité  de  travaux,  et  dont  les 
œuvres  se  trouvent  dans  la  plupart  des  grands  hôtels  de 
l'époque. 

Que  d'autres  artistes  il  faudrait  mentionner  à  la  suite 
de  celui-ci  :  Jean-Baptiste  et  Carie  Vanloo,  que  les  con- 
temporains présentaient  comme  l'égal  du  Titien,  puis 
Lagrenée  et  Doyen,  Vien,  qui  se  mit  à  la  tête  du  mouve- 
ment que  devait  précipiter  son  élève  Louis  David,  etc.  La 
peinture  des  fêtes  galantes,  celle  où  revit  le  mieux  dans  sa 
grâce  et  son  esprit  le  xvme  siècle,  peut  se  personnifier  en 
un  artiste  de  premier  ordre,  Antoine  Watteau,  qui  «  tom- 
bait du  ciel  des  féeries  »,  comme  le  dit  M.  Paul  Mantz, 
et  apporta  véritablement  un  idéal  nouveau,  donna  la  vie  à 
un  monde  chimérique  et  enchanteur  avec  ses  perspectives 
élyséennes,  ses  inventions  de  poète,  ses  inépuisables  créa- 
tions de  caprices  et  de  costumes,  ses  singeries  comiques, 
ses  curieuses  scènes  d'opéra.  Son  maître,  Claude  Gillot, 
l'avait  précédé  dans  cette  voie  de  fantaisie  et  de  modernité  ; 
Lancret  et  Pater  l'y  suivirent,  mais  jamais  il  n'a  été  égalé. 
Quant  au  genre  des  pastorales,  il  est  tout  entier  dans 
Boucher,  l'artiste  prodigieusement  fécond,  admirablement 
doué,  décorateur  de  génie,  qui  se  vantait  lui-même  de 
n'avoir  pas  composé  durant  sa  vie  moins  de  dix  mille 
dessins  et  de  n'avoir  pas  peint  moins  de  mille  tableaux. 
Adulé,  fêté  par  ses  contemporains  qui  s'arrachaient  ses 
ouvrages,  il  a  touché  à  tout  ;  il  a  peint  des  plafonds,  dé- 
coré des  hôtels,  fait  des  portraits,  exécuté  des  modèles  de 
tapisserie,  d'éventails,  de  pendules,  et  cela  aux  applaudis- 
sements du  public,  que  charmaient  ses  compositions  gra- 
cieuses, sa  couleur  arbitraire,  mais  admirablement  choisie 
pour  faire  valoir  les  étoffes  des  appartements  et  les  car- 
nations des  femmes.  «  De  triomphe  en  triomphe,  ainsi  que 
le  disent  les  frères  de  Concourt,  son  imagination  se  dé- 
roule en  souriant.  De  ses  pinceaux,  de  ses  crayons,  qui  ne 
se  lassent  point,  sort  la  mythologie  du  xvme  siècle...  La 
Volupté,  c'est  tout  l'idéal  de  Boucher  ;  c'est  tout  ce  que  sa 
peinture  a  d'âme.  Ne  lui  demandez  que  les  nudités  de  la 
Fable  ;  mais  aussi  quelle  main  preste,  quelle  imagination 
fraîche  dans  l'indécence  même,  quelle  entente  de  l'arran- 
gement, pour  jeter  de  jolis  corps  sur  des  nuages  arrondis 
en  cous  de  cygnes  !  Quel  heureux  enchaînement  dans  ces 
guirlandes  de  déesses  qu'il  dénoue  dans  un  ciel  !  Quel  éta- 
lage de  chair  fleurie,  de  lignes  ondulantes,  de  formes  qu'on 
dirait  modelées  par  une  caresse  !  »  Boucher,  malgré  ses 
qualités,  reste  loin  cependant  de  Watteau  et  n'a  ni  sa 
tenne,  ni  son  dessin,  ni  sa  distinction.  On  peut,  avec  plus 
de  raison,  mettre  à  côté  de  lui  Jean-Honoré  Fragonard, 
talent  moins  abondant,  mais  qui  a  peint  avec  une  déli- 
catesse infinie,  d'une  touche  grasse  et  savoureuse,  les 
chairs  de  femme. 

La  série  des  grands  peintres  du  xvme  siècle  se  clôt  avec 
Chardin  et  Greuze.  Encore  convient-il  de  mettre  à  part 
Siméon  Chardin,  qui,  par  la  franchise  de  son  exécution,  la 
sincérité  de  son  observation,  la  vérité  de  son  dessin, 
échappe  à  la  manière  fausse  de  son  siècle.  «  C'est  celui-ci 
qui  est  un  peintre  ;  c'est  celui-ci  qui  est  un  coloriste  !  » 
s'écriait  Diderot,  en  parlant  de  cet  artiste.  Greuze  parta- 
geait avec  le  premier  l'admiration  du  critique  qui  se  plai- 
sait à  voir  en  lui  un  réformateur,  un  moralisateur  de  la 
peinture.  Ses  tableaux,  où  il  représentait  la  bourgeoisie, 
le  Paysan  qui  lit  V Ecriture  sainte  à  sa  famille,  le 
Paralytique,  le  Fils  puni,  la  Malédiction  paternelle, 
lui  semblaient  des  pages  admirables.  C'est  le  philosophe 


qui  prenait  le  pas  alors  sur  le  critique  d'art.  La  postérité 
n'a  pas  ratifié  ce  jugement,  et  les  meilleures  pages  de 
Greuze  sont  celles  où  il  a  laissé  de  côté  les  théories  des 
encyclopédistes,  sa  Petite  Fille  au  chien,  la  Cruche 
cassée,  le  Favori,  simples  et  délicieuses  têtes,  d'une  créa- 
tion charmante.  Il  serait  injuste  d'oublier,  à  la  suite  des 
peintres  qui  viennent  d'être  cités,  toute  la  pléiade  de  por- 
traitistes dont  l'école  française  a  le  droit  de  se  montrer 
fière.  Le  portrait  est  le  genre  où  s'est  manifesté,  dès  la 
première  heure,  avec  le  plus  d'éclat,  l'art  français  ;  nous 
l'avons  vu  en  parlant  des  premiers  miniaturistes,  de  Clouet 
et  de  ses  successeurs.  Au  xvme  siècle,  le  pastelliste  La 
Tour  s'est  montré  un  maître  dans  ce  genre.  Et  en  plein 
règne  de  Louis  XV,  comme  aux  approches  de  la  Révolu- 
tion, alors  que  David,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  pre- 
nait la  direction  des  arts  et  leur  donnait  une  orientation 
nouvelle,  c'étaient  encore  des  portraitistes,  Nattier,  Tocqué, 
Perroneau,  Mme  Vigée-Lebrun,  etc.,  qui,  avec  de  rares 
qualités  de  précision,  de  sobriété  et  de  finesse,  sauvegar- 
daient le  mieux,  dans  l'effondrement  général,  l'honneur 
de  la  peinture  française.  Victor  Champier. 

Le  XIXe  siècle.  —  Peinture.  —  Comme  l'a  écrit 
très  justement  M.  Armand  Dayot,  les  historiens  de  l'art 
semblent  attendre,  au  milieu  de  leurs  notes  amoncelées, 
la  dernière  heure  du  siècle  pour  publier  de  vastes  syn- 
thèses destinées  à  servir  d'enseignement  aux  générations  à 
venir  ;  aussi  ne  peut-on  découvrir  dans  les  bibliothèques 
un  travail  d'ensemble  sur  les  beaux-arts  depuis  le  com- 
mencement du  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

Nous  n'entreprendrons  pas  ici  une  histoire  détaillée 
et  raisonnée  de  l'art  contemporain  ;  il  nous  semble  cepen- 
dant que  quatre-vingts  ans  sont  une  reculée  suffisante  pour 
juger  froidement  toute  la  première  période  de  notre  siècle 
et,  quant  aux  périodes  suivantes,  nous  nous  contenterons 
de  résumer  les  faits  esthétiques  qui  se  sont  passés  sans 
en  tirer  de  conclusions  doctrinaires  ;  le  lecteur  jugera. 
Le  peu  d'ancienneté  de  ces  faits  rend  déjà  suffisamment 
malaisée  une  division  catégorique  en  périodes  de  l'histoire 
des  beaux-arts  au  xixe  siècle,  artifice  généralement  usité 
cependant,  quoique  souvent  mal  justifié  par  les  événements. 
Celle  qui  paraît  s'imposer  au  premier  abord  ne  satisfera 
sans  doute  pas  tous  les  esprits  ;  nous  adopterons  cepen- 
dant, faute  de  mieux,  la  division  du  siècle  en  deux  parties 
inégales,  dont  la  première,  plus  considérable  comme  nombre 
d'années,  comprend  la  période  classique  et  la  période  ro- 
mantique, et  dont  la  seconde,  toute  récente,  évoluant  en- 
core, se  rapporte  à  la  naissance  du  réalisme,  de  l'école  du 
plein  air,  puis  au  retour  à  l'idéal,  à  ce  renouveau  mystique 
auquel  il  semble  que  nous  devions  bientôt  assister. 

Comme  on  doit  s'y  attendre,  une  époque  ne  se  termine 
pas  brusquement  pour  faire  place  à  une  autre  ;  il  se  passe 
à  de  tels  moments  une  sorte  de  phénomène  crépusculaire, 
pour  ainsi  dire  ;  ce  n'est  pas  encore  la  fin  d'une  époque 
et  déjà  la  suivante  se  fait  pressentir  ;  la  transition,  en  un 
mot,  se  signifie  de  par  des  œuvres  spéciales,  s'opère  grâce  à 
de  certains  artistes  qui  sont  à  cheval  sur  deux  siècles,  tant 
à  cause  des  dates  matérielles  que  grâce  à  leur  caractère. 
Parmi  ceux-ci,  citons  Boilly  (1761-1845),  dont  les  toiles 
sont  précieuses  à  consulter  au  point  de  vue  de  l'histoire 
anecdotique  de  son  époque.  A  noter  la  façon  vraimentma- 
gistrale  (A.  Dayot)  dont  il  traite  les  draperies.  Les  plus 
connus  de  ses  tableaux  sont  :  les  Petites  Coquettes,  la 
Toilette,  V Amant  favorisé,  etc.,  petites  toiles,  et,  parmi 
les  grandes  compositions,  le  Départ  des  conscrits  de 
93  (musée  Carnavalet). 

Citons  maintenant  Isabey  (1767-1855),  dont  les  des- 
sins, le  Départ  pour  V armée,  la  Revue  passée  par  le 
premier  consul,  ont  non  seulement  un  intérêt  historique, 
mais  sont  de  véritables  œuvres  d'art.  Debucourt,  enfin 
(1751-1832),  le  célèbre  graveur  en  couleurs,  est  inté- 
ressant, car  dans  les  deux  phases  successives  de  sa  ma- 
nière ,  il  reflète  assez  fidèlement  l'époque  qui  finit  et  celle 
qui  commence.  Plus  célèbre,  au  reste,  comme  graveur 


FRANCE 


—  4424  — 


que  comme  peintre.  Quelques  noms  de  toiles  :  les  Voya- 
geurs, la  Danse  des  paysans,  Une  Fête  de  village,  etc. 

Au  moment  de  la  Révolution  naissait  une  petite  école 
paysagiste  qui  atteignit  son  apogée  sous  l'Empire  et  devait 
s'éteindre  en  4830.  Cette  petite  école  a  pour  maîtres  : 
Peyron,  Vien  et  David,  qui  sont  les  initiateurs  d'un  mou- 
vement de  retour  vers  l'antiquité,  puis  Victor-Jean  Bertin 
qui  crée  le  paysage  historique,  et  Louis  Demarne,  le  chef 
de  l'école  qu'on  pourrait  appeler,  par  opposition,  celle  du 
paysage  indépendant. 

Avec  ces  deux  derniers  peintres,  les  procédés  changent 
tout  d'un  coup  :  ils  abandonnent  la  grâce  moelleuse  et  mièvre 
de  Joseph  Vernet,  de  Casanova,  etc.  Le  paysage  historique 
ou  héroïque  est  très  en  faveur  de  4789  à  4830.  L'école 
de  Bertin  reprend  les  traditions  du  Poussin,  du  Dominiquin 
et  des  Carrache,  se  faisant  un  devoir,  comme  on  l'a  dit, 
de  ne  traiter  que  les  points  de  vue  les  plus  majestueux, 
les  sites  les  plus  riches  en  monuments,  et  de  n'y  introduire 
que  des  scènes  d'un  style  relevé.  L'école  de  Demarne 
(4744-4829),  procède  plus  directement  des  Hollandais, 
Dujardin,  Wouvermans,  etc.  Sans  aller  aussi  loin  que  Paul 
Marmottan,  dont  l'ouvrage  est  rempli  de  précieux  docu- 
ments, on  peut  dire  que  l'école  du  paysage  (4789-4830) 
avait  pour  qualité  maîtresse  le  dessin  et  la  conscience  à 
traiter  les  sujets,  qu'on  ne  peut  guère  rencontrer  que  dans 
l'école  hollandaise.  Ce  qui  caractérise  le  talent  de  Demarne, 
dit  M.  Armand  Dayot,  c'est  l'heureux  arrangement  de  ses 
compositions,  la  précision  quelquefois  un  peu  sèche  de  son 
dessin  et  l'allure  vraiment  magistrale  de  ses  animaux. 
A  citer  comme  toiles  les  plus  connues  :  la  Route  de 
Saint-Denis,  le  Charlatan  de  village  et  la  Prédica- 
tion de  campagne.  Nous  citerons  Demarne  en  parlant 
des  graveurs;  rappelons  une  de  ses  planches,  le  Trou- 
peau sur  le  pont,  aujourd'hui  fort  recherchée.  Nous  nous 
sommes  un  peu  arrêtés  à  ce  peintre  à  cause  de  sa  grande 
influence  sur  les  peintres  de  son  époque.  Parmi  ses  élèves 
les  plus  connus,  notons  :  Paul  de  Saint-Martin,  Bude- 
lot,  Langlacéet  le  célèbre  Taunay  dont  nous  parlerons  plus 
loin. 

Le  plus  prodigieux  artiste  de  ce  temps,  tout  au  moins 
comme  facilité  de  production  et  qualités  de  dons,  est  Carie 
Vernet  (1  758-4835).  Les  chasses,  les  courses,  les  batailles, 
les  mœurs  élégantes,  les  sujets  religieux  ou  héroïques,  il  a 
touttouché,  et,  si  l'on  peut  ne  pas  goûter  ses  sujets  bibliques, 
on  ne  peut  rester  indifférent  devant  ses  amusantes  séries 
d'incroyables  et  de  merveilleuses,  qui  nous  rappellent, 
avec  une  notation  fidèle,  les  mœurs  et  les  ridicules  du 
Directoire.  Mais  où  Carie  Vernet  est  particulièrement 
intéressant,  c'est  dans  ses  tableaux  de  batailles,  remplis 
d'action  et  de  vie.  Voyez  la  Bataille  de  Marengo  et  la 
Prise  de  Pampelune.  A  citer  de  lui  comme  peintures  plus 
spéciales,  ses  nombreuses  séries  de  chevaux  :  la  Chasse 
au  daim  à  Meudon  et  le  Départ  de  la  calèche.  Carie 
Vernet,  ne  l'oublions  pas,  fut  aussi  un  caricaturiste  amu- 
sant et  un  lithographe  habile.  A  côté  des  Demarne  et  des 
Carie  Vernet,  gravitent  toute  une  suite  de  petits  peintres 
militaires ,  tels  que  Loutherbourg ,  Sweebach ,  Adolphe 
Rœhn  qui  voient  surtout  dans  la  peinture  militaire  le  côté 
anecdoctique,  mais  qui  en  tout  cas  sont  plus  intéressants 
que  les  paysagistes  du  convenu,  Michallon,  Wattelet  et 
Bidault.  Chez  ceux-ci  les  bois,  le  ciel,  les  rochers,  les 
eaux  ne  sont  que  des  accessoires  qu'ils  inventent  la  plupart 
du  temps  dans  l'atelier,  pour  servir  de  décors  à  une  scène 
d'histoire  profane  ou  sacrée  et  encadrer  les  ruines  d'un 
temple. 

Taunay  fut  un  peintre  de  genre  plus  intéressant;  ses  com- 
bats et  ses  pastorales,  qui  sortent  de  sa  propre  imagina- 
tion, qu'il  crée  avec  sa  faculté  propre  d'inventions,  selon 
son  caprice  ou  sa  fantaisie,  il  les  fait  évoluer  dans  des 
paysages  subtilement  interprétés  d'après  nature.  Ce  n'est 
peut-être  pas  trop  de  le  comparer  au  Poussin,  à  un  Poussin 
«  petit  modèle  ».  Ses  contemporains  au  reste,  ne  Vont-ils 
pas  surnommé  le  Poussin  des  petits  tableaux?  Moins  célèbres 


et  pourtant  intéressants  sont  :  Xavier  Leprince ,  mort 
tout  jeune;  Mrae  Haudebourg-Lescot ,  auteur  de  scènes 
villageoises;  Hubert  Robert,  le  peintre  des  ruines;  Mar- 
tin Drolling,  que  hantent  les  Hollandais  dans  ses  scènes 
d'intérieur,  ses  cuivres  de  casseroles  brillants,  ses  marmi- 
tons goguenards  et  gais  ;  et  François  Granet,  le  peintre  des 
cloîtres  et  des  moines  en  prière. 

Le  paysagiste  Lazare  Bruandet  (1754-4843)  est  intéres- 
sant parce  que  d'aucuns,  peut-être  d'une  opinion  exagérée, 
au  surplus,  l'ont  considéré  comme  un  précurseur.  *  Il  se 
dégage  de  la  manière  conventionnelle  de  Boucher  et  l'on 
peut  peut-être  l'appeler  l'un  des  premiers  peintres  de  Fon- 
tainebleau. Ecoutons  Charles  Blanc  :  «  Tous  ses  dessins,  tous 
ses  tableaux  exhalent  la  senteur  des  bois.  Le  feuillage  y 
frémit,  l'air  y  frissonne.  Il  s'intéresse  et  il  sait  nous  in- 
téresser à  une  touffe  de  buissons  épineux,  à  un  vieux  tronc 
de  saule,  à  un  fragment  de  roc  éboulé.  »  Il  peignait  volon- 
tiers le  paysage  d'automne  lorsque  le  temps  est  tranquille, 
un  peu  couvert,  et  que  les  feuilles  rousses  commencent  à 
tomber.  Il  a  mis  dans  ses  tableaux  non  seulement  la  vérité 
frappante  de  l'aspect,  mais  un  sentiment  naïf  et  profond  des 
choses  rustiques  et  de  la  poésie  des  bois.  Remarquons  une 
preuve  de  conscience  peut-être  trop  rare  :  Bruandet  se  sait 
surtout  paysagiste,  et  il  n'hésite  pas,  lorsqu'il  veut  peupler 
toiles,  à  demander  l'aide  d'amis  plus  habiles  à  peindre  les 
ses  personnages. 

Mais  nous  voici  arrivés  au  plus  grand  nom  peut-être 
du  xixe  siècle  parmi  les  peintres  :  Louis  David  (4748- 
4825).  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  discuter  l'amour  exa- 
géré de  David  pour  l'antique,  ses  tendances  vers  l'abs- 
traction, la  peur  trop  grande  de  l'accidentel.  L'influence  de 
David  sur  son  époque  fut  immense  ;  il  a  laissé  des  œuvres 
universellement  admirées  ;  que  cela  nous  suffise  pour  lui 
donner  ici  la  place  à  laquelle  il  a  droit.  David,  qu'on  le 
sache  bien,  fut  à  son  heure  un  révolutionnaire,  et  comment 
s'étonner  si  dans  la  lutte  il  alla  trop  loin?  Il  n'est  pas 
étonnant  (L.  de  Fourcaud)  que  la  réaction  contre  les  li- 
cences techniques  et  autres  de  l'école  de  Boucher  ait  été 
d'un  violent  classicisme.  L'instruction  littéraire  classique, 
de  plus  en  plus  étroite  à  mesure  qu'on  approche  de  la 
Révolution,  fait  régner  autour  des  artistes  une  atmosphère 
plus  ou  moins  grecque  et  romaine  et  suscite  en  eux  l'amour 
de  l'antiquité  bien  plus  que  le  respect  du  réel.  On  lit  Plu- 
targue  et  le  Voyage  du  jeune  Anacharsis,  et  ce  mou- 
vement se  manifeste  même  au  théâtre  où  Lekain,  la  Clai- 
ron font  gloire  d'habiller  authentiquement  les  héros  des 
tragédies.  Qu'y  a-t-il  de  déraisonnable  à  toutes  ces  théo- 
ries ?  Les  négligences  et  les  à  peu  près  (L.  de  Fourcaud) 
frivoles  et  grossiers  de  l'école  de  Boucher  l'exaspèrent  ;  il 
sent  le  besoin  de  se  rapprocher  de  la  nature  ;  seulement 
les  théories  nouvelles  sur  la  statuaire  antique  l'induisent 
en  confusion.  Il  se  sert  du  modèle  humain  pour  recon- 
stituer ,  non  pas  la  nature ,  mais  une  statue.  Là  était 
l'écueil. 

Comme  on  l'a  dit  si  justement,  ses  compositions  sont 
comparables  à  la  copie  de  hauts-reliefs.  Quelques-unes  des 
maximes  de  David  font  époque  et  sont  à  retenir  :  regar- 
dez le  modèle,  mais  ne  le  reproduisez  pas  en  son  identité 
avec  ses  particularités  caractéristiques,  car  l'accidentel  ne 
doit  pas  altérer  l'unité  des  formes,  et,  pour  arriver  à  se  dé- 
barrasser de  l'accidentel,  comparez  entre  eux  une  infinité 
de  modèles  et  prenez  une  moyenne.  Le  type  du  beau 
n'existe  que  dans  la  nature  collective  et  ne  se  retrouve  pas 
dans  les  individus.  L'homme,  en  un  mot,  d'après  David, 
est  envisagé  comme  la  copie  d'un  être  parfait  dont  il  est 
plus  ou  moins  dégénéré.  Ce  qu'il  faut  blâmer,  à  notre  avis, 
ce  n'est  pas  cette  théorie,  c'est  l'application  erronée  que 
peuvent  en  faire  les  disciples  bien  plus  que  le  maître,  car 
enfin  ce  n'est  là  que  la  reproduction  fidèle  des  théories  de 
l'antiquité.  Les  Grecs,  qui  furent  surtout  de  grands  abs- 
tracteurs,  prétendaient  aussi  composer  et  créer,  recons- 
tituer, si  l'on  veut,  une  forme  idéale  d'après  une  foule  de 
modèles  pris  chacun  dans  ce  qu'il  avait  de  bien.  Et  faut-il 


—  1125 


FRANCE 


les  blâmer  d'avoir  fait  la  Vénus  de  Milo  ou  Y  Apollon?  Seu- 
lement considérons  l'effet  de  semblables  théories  sur  des 
élèves  peu  géniaux  et  nous  les  verrons  se  désintéresser  de 
la  couleur,  du  modelé  souple,  du  naturel  des  groupements. 
Les  tableaux  de  la  nouvelle  école  classique  nous  montrent 
des  personnages  imités  des  statues  romaines,  des  composi- 
tions théâtrales  disposées  en  ordre  de  bas-reliefs,  et  froides 
comme  des  grisailles. 

Ce  qu'il  est  encore  plus  intéressant  de  remarquer,  c'est 
que  non  seulement  les  élèves  peuvent  interpréter  d'une 
manière  funeste  les  théories  du  maître,  mais  c'est  que  celui-ci, 
lui-même,  qui  lorsqu'il  ne  pensait  pas  trop  à  ses  théories, 
si  l'on  peut  ainsi  parler,  faisait  des  chefs-d'œuvre  incon- 
testables, réagit  à  de  certains  moments  contre  sa  sponta- 
néité, son  instinct,  sa  nature,  et  ne  fait  plus  que  des  œuvres 


sans  vie  et  sans  intérêt.  Voyez  ces  merveilleuses  toiles  : 
le  Sacre  de  Napoléon  Ier  à  Notre-Dame,  le  portrait  de 
Lavoisier  et  de  sa  femme,  le  portrait  de  Michel  Girard, 
le  portrait  de  Madame  Récamier.  Voyez  encore  la  Mort 
de  Marat.  On  peut  dire  du  Couronnement  que  cette  toile 
célèbre  (Armand  Dayot),  dont  le  temps  ne  fait  que  rehausser 
les  beautés,  a  déjà  subi  l'épreuve  des  critiques  plus  ou 
moins  justes  de  plusieurs  générations.  On  a  vanté  dans  des 
descriptions  sans  fin  les  nobles  attitudes  de  l'empereur  et 
de  l'impératrice,  l'ampleur  avec  laquelle  sont  dessinés  et 
peints  les  grands  dignitaires  de  l'Empire.  On  a  blâmé  quel- 
quefois le  coloris  et  même  le  dessin  des  personnages  placés 
comme  spectateurs  dans  les  tribunes  de  l'église  ;  on  a  souvent 
prétendu  que  l'immensité  du  champ  du  tableau,  comparée 
à  la  petitesse  relative  des  figures,  détruisait  en  partie  l'im- 


"'Bi/e.p*  St 


Le  Couronnement,  par  David  (musée  de  Versailles). 


portance  qu'il  eût  été  si  à  propos  de  conserver  aux  person- 
nages, et  enfin  on  s'est  extasié  avec  raison  devant  l'admi- 
rable exécution  de  la  tête  et  des  mains  du  pape  Pie  VIL  II 
ne  reste  rien  à  dire  de  nouveau  de  cette  toile  qui  demeure 
et  demeurera  comme  une  des  pages  les  plus  glorieuses  de 
notre  art  national.  Eh  bien,  dans  ce  tableau  comme  dans 
ceux  que  nous  avons  cités  en  même  temps,  David  est  resté 
grand  peintre  sans  devenir  mauvais  «  applicateur  »  de 
théories  contestables.  Il  n'en  fut  pas,  hélas  toujours  ainsi, 
et  que  dire  de  ces  compositions  sans  âme  et  sans  couleur, 
les  Horaces,  Léonidas  aux  Thermopyles,  VEnlèvement 
des  Sabines.  On  se  demande  de  bonne  foi  en  présence  de 
semblables  erreurs,  comme  devant  la  Distribution  des 
aigles  au  Champ  de  Mars  où  le  talent  de  David  faiblit 
si  visiblement,  on  se  demande  si  ces  ouvrages,  d'une  ins- 
piration, non  seulement  opposée,  mais  diamétralement  con- 
traire, sont  vraiment  l'œuvre  du  même  artiste.  C'est  qu'en 
effet,  comme  le  dit  M.  de  Fourcaud,  il  y  a  eu  le  David 


spontané,  le  David  français,  le  David  amoureux  de  la 
réalité,  et  il  y  a  eu  le  David  romain,  le  David  gourmé,  le 
David  à  genoux  devant  l'antique  et  qui  ne  voyait  plus  dans 
le  modèle  vivant  qu'un  document  pour  restituer  de  l'ar- 
chéologie. t     m  ! 

Nous  avons  dit  que  la  gloire  de  David  ne  consistait  pas 
seulement  à  être  le  peintre  du  Couronnement  et  du  por- 
trait de  Madame  Récamier.  Il  a  droit  surtout  à  une  place 
très  élevée  comme  chef  d'école,  bien  qu'il  n'eût  pas  de  mé- 
thode proprement  dite  d'enseignement.  Peut-on,  en  effet, 
donner  ce  nom  aux  vagues  théories  d'art  qu'il  formula 
d'une  façon  un  peu  trop  emphatique  du  haut  de  la  tribune 
de  la  Convention? 

Cependant  l'école  davidienne  tient  une  place  considérable 
dans  l'histoire  de  la  peinture  française.  Il  suffit,  pour  s'en 
convaincre,  de  citer  les  noms  les  plus  célèbres  des  artistes 
qui  suivirent^  les  conseils  [du  [maître  1:  JDrouais,  Couder, 
Wicar,  Fabre,  Hennequin,  Girodet,  Girard,  Gros,  Guérin, 


FRANCE 


1126  — 


Granet,  Revoil,  Robert  Fleury,  Daguerre,  Bouton,  Léopold 
Robert,  Schnetz,  et  enfin  Ingres,  etc.  Les  plus  célèbres  et 
les  plus  intéressants  parmi  ces  élèves  sont  :  Girodet,  Girard, 
Gros  et  Ingres. 

Les  toiles  les  plus  célèbres  du  premier  sont  :  Scène  du 
Déluge,  Atala,  le  Sommeil  d'Endymion,  la  Révolte  du 
Caire,  Hippo- 
crate  refusant 
les  présents , 
etc.  Si  la  do- 
minante de 
David  est  la 
précision  et  la 
netteté,  le  ca- 
ractère princi- 
pal de  Girodet, 
c'est  la  grâce. 
Son  dessin  est 
distingué,  quoi- 
que parfois  un 
peu  maniéré; 
on  dirait  qu'il 
recherche  1  e  s 
difficultés  dans 
l'exécution  ;  il 
y  a  sur  lui  un 
joli  mot  de  son 
maître  David  : 
«  En  regardant 
les  tableaux  de 
Raphaël  ou  de 
Paul  Véronèse, 
on  est  content 
de  soi;  ces 
gens-là  vous 
font  croire  que 
la  peinture  est 
un  art  facile; 
mais,  quand  on 
voit  ceux  de  Gi- 
rodet, peindre 
paraît  un  mé- 
tier de  galé- 
rien, » 

Gérard  est 
le  peintre  de 
la  Bataille 
d'Austerlitz  et 
de  Bélisaire , 
de  Psyché,  de 
l'Entrée  de 
Henri  IV  à  Paris,  et  son  œuvre  est  considérable  ;  car,  non 
seulement,  il  s'est  attaché  à  la  peinture  d'histoire,  mais  il 
a  peint  des  sujets  allégoriques  comme  les  quatre  penden- 
tifs du  Panthéon  :  la  Mort,  la  Patrie,  la  Justice  et  la 
Gloire.  Mais  son  œuvre  capitale  ce  sont  ses  portraits  :  les 
meilleurs  sont  ceux  de  Mlle  Brongniart,  de  Mme  Barbier- 
Valbonne,  de  Moreau,  de  Talleyrand,  etc. 

La  Peste  de  Jaffa  est  le  plus  célèbre  des  tableaux 
d'histoire  de  Gros,  laissant  bien  loin  derrière  lui  la  Ba- 
taille d'Aboutir,  la  Bataille  d'Eylau,  celle  des  Pyra- 
mides et  de  Wagram  ;  il  est  remarquable  par  sa  gran- 
diose composition,  si  pleine  de  mouvement,  son  dessin  très 
pur,  son  coloris  varié  et  puissant.  Comme  Gérard,  il  pei- 
gnit une  foule  de  portraits,  notamment  ceux  du  Général 
Lassalle,  de  Charles  X,  de  ChaptaL 

Ingres  (1781-1865)  est  le  plus  célèbre  des  élèves  de 
David.  Il  a  abordé  tous  les  genres,  le  paysage  excepté;  son 
esprit  comprenait  les  données  d'un  motif  bourgeois  aussi 
bien  que  celles  d'un  portrait  familier  ou  héroïque  ;  les  con- 
ditions spéciales  à  l'anecdote,  les  grâces  féminines,  les  cu- 
riosités archaïques,  aussi  bien  que  les  accents  épiques  et 
tes  sujets  que  la  religion  ou  la  fable  remplissent  de  gran- 


Portrait  de  femme  (fac-similé,  d'après  Ingres). 


deur  ou  de  poésie  :  son  talent  savait  se  plier  aux  circons- 
tances d'âge,  de  temps  et  de  lieu. 

Tandis,  a  dit  un  critique,  que  David  s'en  tenait  au  style 
héroïque  qu'il  avait  inauguré  et  que  ses  disciples  affaiblis- 
saient  en  l'exagérant,  Ingres  se  détachait  insensiblement 
de  son  maître  et  lui  faisait  des  infidélités  nombreuses,  car, 

si  dans  le  Cou- 
ronnement 
d'Homère,  il 
donne  à  ses 
figures  le  ca- 
ractère idéal 
qui  pouvait 
plaire  à  David 
par  son  abs- 
traction plus 
que par ses poé 
sies,  son  origi 
nalité  s'affirme 
dans  le  choix 
de  ses  types  fé- 
minins. Voyez 
V Odalisque 
avec  ses  at- 
taches déli- 
cates et  ses 
formes  moel- 
leuses, V  An- 
gélique alan- 
guie  et  gra- 
cieuse ,  et  la 
Source  que 
Théophile  Gau- 
tier appelle  une 
merveille  ;  et 
c'est  peut-être 
aller  un  peu 
loin  que  de  blâ- 
mer continuel- 
lement la  cou- 
leur du  maître, 
sous  prétexte 
qu'il  a  pu  se 
tromper  dans 
le  Martyre 
de  saint  Sym- 
phorien,  la 
Jeanne  d'Arc, 
VEpèe  de  Hen- 
ri IV,  etc.  C'est 
presque  de- 
venu un  lieu  commun  que  de  blâmer  ces  toiles  pour  reporter 
exclusivement  son  admiration  sur  ses  dessins.  Il  est  vrai, 
sans  doute,  que  jamais  aucun  artiste  n'a,  à  aucune  époque, 
su  rendre  l'expression  du  visage  et  la  vie  des  mains  dans  un 
dessin  à  la  fois  aussi  simple,  aussi  précis  (A.  Dayot),  et  il  est 
injuste  de  confondre  pour  cela  la  peinture  d'Ingres  avec  celle 
des  Delaperche  et  des  Parseval  de  Grandmaison.  Il  faut  re- 
connaître pourtant  que  chez  lui  la  lumière  est  triste,  l'ombre 
opaque,  l'ensemble  de  la  tonalité  d'un  gris  uniforme.  Ce- 
pendant Ingres  était  coloriste,  quand  il  le  voulait,  témoin 
la  Chapelle  Sixtine  où  il  est  arrivé  à  une  magie  d'illusion 
surprenante.  Comme  on  l'a  justement  remarqué,  il  possé- 
dait essentiellement  l'art  des  valeurs  ;  voyez  le  manteau  de 
Séleucus  dans  la  Stratonice  s'enlevant  en  rouge  sur  rouge. 
Voyez  encore  certain  manteau  jaune  de  Jésus  au  milieu 
des  docteurs. 

Pierre  Prud'hon  (1758-1823)  eut  plutôt  à  lutter  contre 
la  concurrence  que  lui  faisait  l'école  de  David  qu'à  se  louer 
de  ses  confrères  :  l'Enlèvement  de  Psyché  et  Zéphyr  se 
balançant  au-dessus  de  Veau  témoignent  comme  chez  David 
d'un  grand  amour  de  l'antiquité,  mais  l'objectif,  la  vision 
de  Prud'hon  est  essentiellement  différente.  Nous  avons  vu 


1427  — 


FRANCE 


les  idées  nettes  et  précises  de  David  ;  chez  celui-ci,  au 
contraire,  l'antiquité  n'est  qu'un  prétexte  à  évoquer  dans 
des  figures  gracieuses  et  presque  flottantes  ses  doux  rêves 
de  païen  mystique  et  poétiquement  sensuel.  Il  procède  bien 
plus  directement  de  Léonard  de  Vinci  et  du  xvie  siècle  que 
de  ce  que  l'antiquité  avait  de  froid  et  d'abstrait.  Il  est  regret- 
table que  Prud'hon  ait  été  forcé  de  sacrifier  comme  les  autres 
à  l'allégorie  sur  commande,  mais  on  doit  reconnaître  des 
qualités  à  l'Etude  guidant  V essor  du  Génie  et  à  la  Police 
assise  près  d'un  sphinx,  bien  que  ces  toiles  soient  très 
inférieures  d'abord  à  ses  nombreux  portraits  {Joséphine, 
Roi  de  Rome,  Brunn  Neergaard,  etc.), et  surtout  à  la  Jus- 
tice et  la  Vengeance  poursuivant  le  Crime,  Daphnis  et 
Chloé,  etc.  Prud'hon  eut  quelques  élèves  :  Mallet,  Vallin, 
Mlle  Gérard,  Mme  Vigée-Lebrun  et  Mlle  Constance  Mayer. 

Avec  Prud'hon  et  les  élèves  de  David  se  termine  ce  qu'on 
peut  appeler  la  période  classique.  Nous  allons  assister  à 
une  poussée  révolutionnaire  aussi  bien  politique  qu'artis- 
tique, et,  comme  on  doit  s'y  attendre,  cette  poussée  ne  se 
fera  pas  tout  d'un  coup.  Peu  à  peu  se  manifeste  le  besoin 
de  traiter  d'autres  sujets  que  ceux  de  Plutarque  et  de  la 
mythologie.  Voici  que  Jupiter  et  Hercule  vont  être  détrônés, 
et  que  les  colonnades,  les  stèles  et  les  temples  antiques  vont 
être  détruits.  Déjà  des  tableaux  bien  inconnus  aujourd'hui 
(Duperreux,  Richard  Fleury)  montrent  des  costumes  du 
moyen  âge  et  des  chevaliers.  Les  peintres  comme  les  lit- 
térateurs vont  emprunter  des  anecdotes  plus  ou  moins 
truculentes  à  nos  vieux  chroniqueurs,  empanachent  leurs 
personnages,  meublent  leurs  toiles  d'un  insensé  bric-à-brac 
(de  Fourcaud).  Les  artistes  s'émancipent.  Ils  se  déclarent 
libres.  Voici  en  somme  peut-être  la  meilleure  définition  du 
romantisme,  nom  qu'on  a  donné  à  cette  période  :  une 
renaissance  de  l'amour  pour  la  liberté. 

Le  chef  de  ce  mouvement  est  Géricault  (4791-1824).  Son 
rêve  :  produire  dans  le  sens  de  Gros,  mais  avec  plus  de 
courage  et  de  largeur,  sans  concession,  faire  affluer  l'hu- 
manité dans  un  art  vraiment  nourri  de  nature.  Mais  il 
mourut  jeune,  sans  pouvoir  donner  sa  mesure  entière.  C'est 
peut-être  au  reste  dans  Gros  {les  Pestiférés)  qu'il  faut  voir 
le  premier  indice  de  la  révolution  ou  devaient  périr  les  doc- 
trines classiques.  Ce  fut  grâce  à  Gros  que  les  jeunes  artistes 
sentirent  le  besoin  d'abandonner  les  héros  tragiques  de  l'an- 
tiquité pour  exprimer  à  leur  tour  des  passions  vivantes,  des 
sentiments  vrais.  Géricault,  plus  qu'aucun  autre,  la  ressentit, 
cette  impression,  et  il  la  communiqua  à  ses  contemporains, 
dans  le  peu  d'années  qu'il  vécut.  Le  Radeau  de  la  Méduse, 
le  Chasseur  de  la  garde,  dans  deux  notes  toutes  diffé- 
rentes, d'abord,  l'énergie,  la  force  et  la  douleur,  puis  la 
fière  élégance,  la  mâle  allure,  semblent  résumer  le  talent  de 
Géricault  :  fougue  de  l'exécution,  hardiesse  des  mouvements, 
énergie  du  coloris,  vigueur  de  l'expression  et  originalité 
de  la  conception.  Citons  encore  le  Cuirassier  blessé,  la 
Charge  de  cuirassiers,  le  Lancier  rouge  de  la  garde 
impériale,  etc.  Nous  ne  parlons  pas  des  innombrables  ani- 
maux qu'a  peints  Géricault;  il  adorait  les  chevaux  de 
courses,  et  nul  mieux  que  lui  n'a  rendu  leurs  jambes  ner- 
veuses. Non  seulement  Géricault  fut  un  grand  artiste,  mais 
encore  nous  devons  lui  être  reconnaissants  de  son  influence 
sur  Eugène  Delacroix.  Au  reste,  leurs  deux  natures  indé- 
pendantes se  ressemblaient  et  étaient  faites  pour  se  com- 
prendre et  s'aimer. 

Eugène  Delacroix  (1799-1863),  a  dit  Théophile  Syl- 
vestre, est  un  caractère  violent,  sulfureux,  mais  plein 
d'empire  sur  lui-même.  Voilà  pour  l'homme.  Ce  qui  frappe 
dans  sa  peinture,  a  dit  Théophile  Gautier,  c'est  l'unité  pro- 
fonde de  l'œuvre  ;  sa  création  intérieure  ne  dépend  pas, 
pour  ainsi  dire,  de  sa  création  extérieure,  et  il  en  tire  ce 
qu'il  faut  pour  les  besoins  du  sujet  qu'il  traite,  sans  rien 
copier  autour  de  lui.  Une  figure  de  Delacroix  ne  peut 
s'isoler  ;  elle  ne  pourrait  vivre  dans  un  autre  milieu  ;  elle 
forme  un  tout  avec  le  tableau  dont  elle  fait  partie . 

Son  chef-d'œuvre  est  peut-être  V Entrée  des  Croisés  a 
Constantinople  ;  la  Barricade  et  la  Bataille  de  Taille- 


bourg,  quoique  moins  grandioses,  sont  aussi  d'admirable 
pages,  mais  la  première  est  d'une  couleur  un  peu  bitumi- 
neuse, et  la  seconde  semble  manquer  d'une  conception  lente 
et  réfléchie.  Citons  surtout  :  les  Côtes  du  Maroc,  Médée, 
Tigre  hurlant,  Sardanapale,  le  Roi  Jean  a  la  bataille 
de  Poitiers,  Choc  de  cavaliers,  Un  Lion  déchirant  un 
Arabe,  etc.  Delacroix  a  traité  tous  les  genres  avec  un  égal 
succès,  même  dans  la  caricature,  et  il  y  a  de  lui  des  fleurs 
et  des  bouquets  plus  remarquables  que  ceux  de  Van  Huysum, 
L'année  1827  est  la  date  triomphale  de  l'école  roman- 
tique. Ne  pourrait-on  grouper  autour  du  nom  de  Delacroix 
tout  un  état-major  que,  faute  d'espace,  nous  ne  pouvons 
étudier  en  détail  :  Louis  Boulanger,  Champmartin,  Ary 
Scheffer,  Decamps,  Roqueplan,  Delaroche,  Devéria,  Chas- 
sériau  ? 

La  lutte  avait  été  vive  entre  le  classicisme  et  le  roman- 
tisme ;  celui-ci  avait  remporté  la  victoire,  et  il  allait  bien- 
tôt céder  la  place  à  un  nouvel  ennemi,  le  réalisme.  Avons- 
nous  besoin  d'ajouter  que  nous  n'avons  pu  nommer  tous 
les  combattants  qui,  de  part  et  d'autre,  prirent  part  à  la 
bataille?  Mais  certains  noms  viennent  sous  notre  plume 
qu'il  faut  cependant  citer  :  c'est  l'attendrissant  et  tragique 
Charlet  dont  les  soldats  et  les  scènes  militaires  sont  popu- 
laires; RafFet,  dont  la  fortune  dans  le  même  genre  fut 
moins  brillante,  mais  à  qui,  après  l'exposition  récente 
de  ses  œuvres,  on  a  enfin  rendu  justice  ;  c'est  Decamps, 
spirituel  dans  ses  peintures  de  genre,  éblouissant  avec 
ses  souvenirs  d'Orient;  Fromentin;  Horace  Vernet,  etc. 
A  côté  des  brillants  romantiques  évolue  toute  une  école 
de  paysagistes,  qui,  épris  d'une  belle  passion  pour  la  na- 
ture, l'étudient  naïvement  et  franchement.  Théodore  Rous- 
seau (1812-1867)  débute  au  moment  où  l'école  du  paysage 
historique  et  mythologique  domine  encore,  mais  il  n'en  est 
guère  influencé  ;  il  vit  retiré  à  Barbison,  dans  la  forêt  de 
Fontainebleau  ;  au  reste,  nombre  de  ses  tableaux  sont  très 
faits  ;  l'exécution  souvent  en  est  précieuse  ;  les  arbres  sont 
dessinés  presque  feuille  à  feuille,  sans  cependant  que  le 
détail  nuise  à  l'harmonie  de  l'ensemble.  Rousseau  analyse 
d'abord  minutieusement  la  nature,  ce  qui  lui  permet  plus 
tard  de  synthétiser  si  magistralement,  ne  prenant  d'un  site 
quelconque  que  juste  ce  qu'il  faut  pour  l'effet  général. 
Citons  :  Lisière  d'un  bois  coupé;  Une  Avenue  ;  le  Prin- 
temps ;  Sortie  de  forêt  a  Fontainebleau  ;  Groupe  de 
chênes  à  Apremont.  Rousseau,  dit  Th.  Gautier,  est  très 
varié  dans  son  œuvre  ;  sa  manière  n'est  jamais  reconnais- 
sable  :  tantôt  il  esquisse,  tantôt  il  finit  minutieusement. 
Ce  fut,  en  somme,  le  chef  de  l'école  romantique  dans  le 
paysage.  Dessinateur  consciencieux  et  habile,  il  a  un  co- 
loris séduisant  et  vigoureux,  une  facture  large,  une  touche 
grasse  et  solide  (d'Halle). 

Jean-François  Millet  (1816-1875),  comme  son  ami 
Rousseau,  passe  sa  vie  à  Barbison.  C'est,  à  proprement 
parler,  un  peintre  de  genre.  Dans  la  plupart  de  ses  tableaux, 
le  paysage  n'est  que  le  décor,  décor  essentiel,  puisque  les 
acteurs  sont  des  hommes  des  champs,  des  laboureurs  et 
des  bergers.  En  général,  le  dessin,  quoi  qu'on  ait  dit,  est 
magistral  et  savant,  la  couleur  sobre,  comme  dans  les  Bot- 
te leur  s  et  le  Retour  des  champs.  On  sait  les  prix  fabu- 
leux qu'ont  atteint  aujourd'hui  les  œuvres  de  Millet.  Vivant 
comme  un  paysan,  Millet,  avec  son  génie,  était  né  pour 
peindre  les  paysans  ;  il  lésa  étudiés  jour  à  jour,  a  su  rendre 
leur  caractère  propre  :  Paysan  greffant  un  arbre,  l'An- 
gélus, la  Mort  et  le  Bûcheron,  les  Moissonneurs.  Il  a 
admirablement  rendu  la  physionomie,  la  poésie  de  l'homme 
des  champs,  encadrant  ses  personnages  dans  des  paysages 
superbes  de  couleur,  d'intensité,  d'au  delà. 

Corot  (1796-1875)  se  différencie  de  Rousseau  et  de 
Millet  en  ceci  qu'il  lui  resta  toujours  quelque  chose  de  son 
éducation  classique,  car  il  étudia  d'abord  chez  Michallon  et 
Bertin,  les  apôtres  du  paysage  classique.  Voyez  ses  pre- 
miers tableaux  :  Une  Matinée,  le  Petit  Berger,  l'Etoile 
du  soir,  Diane  et  ses  nymphes  ;  il  manque  rarement  d'y 
placer  des  nymphes,  des  naïades  et  des  dryades.  Au  reste, 


FRANCE 


—  1428  — 


s'il  devait  plus  tard  s'annoncer  comme  un  maître,  ses  pre- 
mières toiles  sont  souvent  moins  bien  venues,  avec  des  " 
personnages  peu  dessinés,  gauches  et  mous.  Mais  où  Corot 
est  vraiment  supérieur,  c'est  dans  les  petits  tableaux  re- 
présentant un  coin  de  bois  encore  embrumé,  un  bout  de 
prairie,  un  bouquet  d'arbres  près  desquels  coule  un  ruis- 
seau. Ses  ciels  vaporeux  sont  pleins  de  poésie,  les  brouillards 
transparents,  laissant  à  peine  deviner  le  soleil.  Voyez  Un 
Matin  à  Ville-d' 'Avray .  Les  peintures  de  Corot,  dit 
Charles  Blanc,  semblent  pâles,  grises,  et,  dans  leur  déli- 
catesse, elles  ne  pouvaient  attirer  que  des  délicats.  Ceux-ci, 
du  moins,  étaient  touchés  de  ses  tableaux  parce  qu'on  y 
sentait  une  âme,  une  âme  de  poète. 

Camille  Fiers  (1802-1868),  s'il  n'a  pas  le  génie  des 
précédents,  a  brossé  de  magnifiques  toiles,  tantôt  d'une 
poésie  sombre  et  navrante  comme  ses  Environs  de  Paris, 
tantôt  des  tableaux  naïfs,  simples,  d'une  simplicité  gran- 
diose, comme  les  Saules  sur  la  Beuvronne.  Il  avait,  dit 
Th.  Gautier,  dès  1830,  quitté  le  bois  sacré  du  paysage 
historique,  ne  voulant  plus  avoir  pour  modèle  que  la  nature. 
—  Constant  Troyon  (1813-1865)  est  surtout  un  animalier. 
Il  a  des  effets  de  paysage  puissants  comme  effets  de 
vérité.  Baudelaire  lui  a  reproché  l'aplomb  imperturbable 
de  sa  manière  et  le  papillotage  de  sa  touche.  —  Diaz  de 
la  Pena  (1809-1876),  après  avoir  peint  de  grandes  et  em- 
phatiques toiles,  s'aperçut  qu'il  était  né  paysagiste.  Peu  de 
peintres  ont  rendu  comme  lui  le  soir  dans  sa  grandeur 
farouche.  Voir  le  Coucher  de  soleil  par  un  jour  d'orage. 
Il  est  plus  malheureux  quand  il  veut  s'attaquer  aux  figures, 
la  Rivale,  l'Education  de  l'amour,  mais  se  revanche 
dans  la  Mare  aux  vipères,  véritable  chef-d'œuvre,  page 
d'une  incontestable  puissance. 

Jules  Dupré,  Chintreuil,  Cabat  et  Daubigny  closent 
dignement  l'ère  de  l'école  du  paysage  romantique.  Le  pre- 
mier aime  la  nature  et  sait  en  rendre  la  poésie  intime 
et  mystérieuse  :  Intérieur  d'une  cour  rustique,  Entrée 
d'un  hameau  dans  les  Landes.  Chintreuil  (1816-1873), 
après  des  essais  insignifiants,  à  force  d'étudier  la  nature, 
se  défait  de  l'imitation  de  Corot  et  devient  un  maître  : 
les  Bruyères,  la  Mare  aux  Biches,  Lever  de  l'aurore. 
Cabat  est  élève  de  Fiers;  quand  il  est  resté  sincère,  il 
a  traité  ses  tableaux  avec  une  finesse  qui  rappelle  celle 
des  maîtres  flamands.  L'imitation  du  Poussin  a  failli  gâter 
ce  beau  talent  ;  il  était  resté  original  à  Saint-Cloud  et  à 
Bellevue,  il  devint  convenu  en  Italie.  Charles-François 
Daubigny  se  recommande  par  une  exécution  large,  un 
effet  rendu  juste  et  vrai.  Voir  le  Printemps,  Vue  de 
Dieppe,  Un  Sentier. 

Terminons  cette  partie  de  notre  étude  sur  les  paysages 
de  l'école  romantique  en  citant  ces  paroles  de  Gautier  sur 
Daubigny,  qu'on  pourra  appliquer  à  presque  toute  cette 
famille  de  peintres  :  «  Il  est  difficile  de  rencontrer  un  talent 
plus  sincère,  plus  naturel,  plus  agreste  et  absolument  neuf 
que  celui  de  Daubigny.  Lorsque  tant  d'autres  se  tortillent 
comme  des  mandragores  pour  atteindre  l'originalité, 
M.  Daubigny  a  eu  cette  idée  ingénieusement  simple,  mais 
qui  n'est  venue  à  personne  depuis  le  temps  qu'on  fait  de 
la  peinture,  d'ouvrir  les  yeux,  de  regarder  devant  lui,  et 
de  rendre  ce  qu'il  voyait,  sans  y  chercher  malice.  Le  pre- 
mier parmi  les  paysagistes,  il  s'est  aperçu  que  les  arbres 
se  couvraient  de  fleurs  au  printemps,  de  fleurs  roses  et 
blanches  qui  produisent  entre  les  petites  feuilles  vertes  un 
fort  joli  effet,  et,  tout  tranquillement,  sur  un  carré  de  toile, 
il  a  peint  les  petites  feuilles  vertes  avec  leurs  fleurs  roses 
et  blanches  :  voilà  ;  cela  s'appelle  le  Printemps,  et  c'est  un 
chef-d'œuvre.  »  Le  romantisme  était  tombé  en  décadence 
avec  Flandrin,  Lansac  et  Borione,  et  s'était  égaré  dans  des 
réminiscences  néo-pompéiennes  et  dans  de  fades  compo- 
sitions officielles. 

Rendre  sincèrement,  avec  violence  même  parfois,  les 
passions,  les  mœurs,  les  types  de  l'humanité  vivante, 
fouiller  la  nature  le  plus  profondément  possible,,  de  telle 
sorte  que  les  œuvres  conçues  et  exécutées  empruntent  de 


cette  vision  une  palpitante  réalité,  tel  est  le  but  que  s'est 
proposé  Courbet.  Mais  ce  qu'il  faut  bien  dire  c'est  que  ce 
naturalisme,  ce  réalisme  dont  il  s'attribue  la  paternité,  on 
le  trouve  déjà  dans  Caravage,  Ribera,  Valentin,  dont  il 
emprunte  les  violents  procédés  d'exécution.  Mais,  après 
l'anarchie  romantique,  il  fallait  une  réaction,  comme 
après  Boucher  il  en  avait  fallu  une  autre,  et  c'est  Courbet 
qui  l'incarne.  Courbet,  au  reste,  ne  se  révéla  pas  du  pre- 
mier coup  et  il  débuta  (de  Fourcaud)  par  des  allégories 
philosophiques  :  l'Homme  délivré  de  V amour  par  la  mort 
et  le  Char  de  l'Etat  tiré  par  des  chevaux  robustes  et  par 
des  haridelles,  attelés  en  sens  inverse,  et  contrarié  par  les 
jésuites  qui  glissent  des  bâtons  dans  les  roues.  Nous  sommes, 
en  effet,  vers  1848,  la  grande  époque  des  théories  huma- 
nitaires :  le  réalisme  s'en  ressent,  et  ce  n'est  que  plus  tard 
qu'il  établira  son  équilibre  et  s'affranchira  de  ses  liens. 

Courbet  (1819-1877)  commençait  ses  études  par  des 
visites  au  Louvre,  s' ennuyant  devant  David,  rêvant  d'un 
autre  art  et  s'attachant  avec  ardeur  dans  l'atelier  public  de 
Suisse  à  l'étude  du  modèle  vivant.  A  cette  époque,  il  subit 
les  influences  humanitaires  et  jusqu'au  bout  il  en  gardera 
quelques  traces  dans  son  esprit  un  peu  mystique.  Le  grand 
principe  de  sa  peinture,  son  programme  si  l'on  veut,  il  l'a  écrit 
en  1855  :  «  Je  ne  sais  pas  si  je  suis  réaliste,  comme  on  l'a  dit 
et  répété,  mais  je  sais  bien  que  je  veux  peindre  mes  impres- 
sions sur  le  monde  que  je  vois.  Jeneveuxpas  seulement  être 
un  peintre,  j'entends  être  un  homme  et  un  homme  vivant  » 
C'était  vraiment  la  première  fois,  il  faut  le  dire,  qu'on 
revendiquait  avec  cette  énergie  les  droits  de  la  réalité  mo- 
derne, des  types  modernes,  des  mœurs  d'aujourd'hui.  Tout 
cela  pouvait,  devait  même  se  traduire  en  peinture.  Les  droits 
de  l'homme  proclamés  en  1789  se  proclamaient  en  cette 
période  pour  la  peinture,  car  il  faut  bien  attacher  aux  pa- 
roles de  Courbet  l'importance  considérable  qu'elles  ont  et 
les  considérer  comme  une  déclaration  de  principes  révolu- 
tionnaires. Comme  paysagiste,  Courbet  est  extrêmement 
contesté  ;  les  uns,  comme  M.  de  Fourcaud,  lui  reprochent  de 
n'avoir  pas  eu  le  sentiment  de  la  lumière,  de  faire  lourd  et 
enfumé.  M.  Armand  Dayot  n'est  pas  moins  sévère  ;  il  n'a 
jamais  su,  dit-il,  rendre  avec  attendrissement  le  côté  mys- 
térieux de  la  nature;  Champfleury,  rendu  sans  doute  par- 
tial par  son  amitié,  déclare  au  contraire  que  le  réalisme 
du  maître  d'Ornans  est  plein  de  poésie.  Il  nous  paraît  diffi- 
cile de  partager  cet  avis  en  considérant  ces  paysages  franc- 
comtois,  où  l'on  voit  se  traîner  lourdement,  -entre  des  ro- 
chers d'une  exécution  molle  et  savonneuse,  des  ruisseaux 
sans  limpidité  qu'ombragent  de  grands  arbres  au  feuillage 
pâteux  où  pas  une  brise  ne  frissonne.  Malgré  ces  défauts, 
cette  brutalité  voulue  de  la  facture,  le  peu  de  distinction  du 
dessin,  Courbet  demeure  comme  un  des  plus  puissants  pra- 
ticiens de  notre  école  de  peinture,  et  puisque  nous  nous  pla- 
çons ici  surtout  au  point  de  vue  de  l'évolution  des  beaux- 
arts,  retenons  qu'il  fut  le  premier  à  réagir  avec  un  réel 
courage  contre  l'idéalisme  niais  des  soi-disant  peintres  de 
style,  la  banale  correction  des  peintres  officiels  et  les  excen- 
tricités des  derniers  romantiques.  Courbet  occupe  une  place 
immense  dans  l'histoire  de  la  peinture  à  notre  époque,  qui 
s'explique  facilement  si  l'on  songe  que,  tout  en  allant  quel- 
quefois trop  loin,  il  suivit  scrupuleusement  sa  déclaration 
de  principes  de  1855.  Notons  de  Courbet  :  les  Amants 
dans  la  campagne,  Un  Guittarero,  l'Homme  à  la  pipe, 
Après-dîner  à  Ornons,  la  Vendange  à  Ornons,  l'En- 
terrement à  Ornons,  les  portraits  de  Baudelaire  et  de 
Champfleury,  la  Chasse  aux  cerfs,  la  Vague,  la  Fileuse 
endormie,  etc.  La  doctrine  naturaliste  de  Courbet,  sou- 
tenue par  des  critiques  de  talent  comme  Théophile  Syl- 
vestre, Castagnary,  Champfleury,  Burger,  eut  un  retentis- 
sement considérable.  Mais,  avant  de  parler  de  ses  élèves  ou 
disciples  directs,  nous  devons  une  mention  à  quelques 
artistes  dont  le  premier,  mort  à  vingt-huit  ans,  serait  peut- 
être  devenu  des  plus  grands. 

Henri  Regnault  (1843-1871)  :  portrait  du  Maréchal 
Prim,  Salomé,  la  Danseuse,  Départ  pour  la  fantasia,  etc. 


—  1129 


FRANCE 


«  Regnaut,  a  dit  Gautier,  est  un  coloriste  de  premier  ordre, 
ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  bien  dessiner.  Il  voit  non  seu- 
lement le  ton  juste,  mais  le  ton  vrai,  fin,  exquis,  inattendu, 
qui  ne  se  révèle  qu'aux  privilégiés,  et,  du  contraste  des 
deux  nuances,  il  fait  jaillir  des  éblouissements.  Il  ne  res- 
semble ni  à  Titien,  ni  à  Véronèse,  ni  àRubens,  ni  à  Rem- 
brandt, ni  à  Velasquez,  ni  à  Delacroix  ;  sa  palette  lui  appar- 
tient ;  il  la  charge  de  couleurs  spéciales  qu'on  ne  connais- 
sait pas  avant  lui,  et  il  en  obtient  des  effets  qu'on  n'aurait 
pas  cru  possibles  si  on  ne  les  voyait  réalisés  avec  une  ai- 
sance prodigieuse.  » 

Léon  Cogniet  {le  Tintoret  peignant  sa  fille  morte)  a 
fait  d'assez  remarquables  portraits.  Baudelaire  a  dit  de  lui  : 
«  M.  Léon  Cogniet  est  un  artiste  d'un  rang  très  élevé  dans 
la  région  moyenne  du  goût  et  de  l'esprit.  S'il  ne  se 
hausse  pas  jusqu'au  génie,  il  a  un  de  ces  talents  complets 
dans  leur  modération  qui  défient  la  critique.  M.  Cogniet 
ignore  les  caprices  hardis  de  la  fantaisie,  et  le  parti  pris 
des  absolutistes.  Fondre,  mêler,  réunir,  tout  en  choisis- 
sant, a  toujours  été  son  rôle  et  son  but;  il  l'a  parfaitement 
bien  atteint.  »  —  Louis-Gustave  Ricard  (1823-1873)  est 
un  élève  de  Léon  Cogniet  ;  il  a  surtout  peint  des  portraits. 
Th.  Gautier  a  salué  en  lui  «  un  petit-fils  de  Van  Dyck  ». 
Mlle  Rosa  Bonheur  peint  surtout  des  animaux  et  les  traite 
d'une  façon  remarquable.  «  Ce  qui  me  gâte  cette  peinture 
virile,  exécutée  par  une  main  de  femme,  a  écrit  Paul  de 
Saint-Victor,  c'est  son  extrême  propreté.  M1IeRosa  Bonheur 
lisse,  à  s'y  mirer,  le  poil  de  ses  bêtes.  Son  champ  même 
est  brossé  comme  un  habit  neuf,  et  sa  terre  grasse  que 
retourne  le  soc  des  charrues  s'émiette  en  copeaux  luisants 
d'acajou.  »  —  Chenavard  a  bien  dessiné  de  rares  tableaux 
avec  une  couleur  blafarde. —Thomas  Couture  (1815-1879), 
élève  de  Gros  et  de  Delaroche  :  Jeune  Vénitien  après 
une  orgie,  les  Romains  de  la  décadence,  le  Faucon- 
nier^ A  noter  chez  cet  artiste  une  exécution  habile,  un 
coloris  harmonieux  et  agréable.  Ces  derniers  artistes,  pour 
intéressants  qu'ils  soient,  n'ont  pas  le  génie  des  deux 
peintres  de  race,  Edouard  Manet  et  Bastien-Lepage  qui  doi- 
vent nous  occuper  maintenant.  Tous  deux  ont  suivi  la  route 
tracée  par  Courbet  ;  avec  lui  ils  ont  déterminé  le  grand 
mouvement  naturaliste  où  s'agite  encore  en  ce  moment, 
avec  une  certaine  inquiétude,  le  monde  des  peintres,  et 
d'où  sortira  le  génie  créateur  qui  trouvera  la  formule  défi- 
nitive de  l'art  renouvelé  (Dayot). 

Edouard  Manet  (1833-1883)  subit  d'abord  la  direc- 
tion de  Couture  et  se  laisse  captiver  par  Velasquez,  Goya, 
Franz  Hais.  En  1860,  il  expose  te  Buveur  d'absinthe  dont 
Zola  a  dit  :  «  On  y  trouve  une  vague  impression  des  œuvres 
de  Thomas  Couture,  mais  elle  contient  déjà  en  germe  la 
manière  personnelle  de  l'artiste.  »  11  eut  plus  de  puissance 
que  Courbet  dans  l'analyse  de  la  lumière,  forçant  les  pein- 
tres à  pénétrer  les  mystères  de  tous  ses  reflets,  et  le  pre- 
mier ayant  osé  professer  dans  ses  toiles  que  les  ombres  se 
colorent.  On  peut  blâmer  chez  Manet  la  manière  inégale 
et  insuffisante  dont  certains  personnages  sont  traités,  mais 
c'est  parce  qu'il  a  voulu  attacher  surtout  à  ses  toiles  un 
effet  général.  Les  personnages  dont  il  a  surtout  voulu  ca- 
ractériser l'individualité  par  des  attitudes  d'un  réalisme 
séduisant  sont  souvent  sommairement  traités,  à  larges 
coups  de  brosse,  et  ne  détournent  pas  longtemps  le  re- 
gard du  milieu  ambiant  où  ils  vivent,  et  qui  "seul  doit  nous 
intéresser.  Voyez  le  déjeuner  sur  V herbe,  le  Balcon,  le 
portrait  de  M.  Antonin  Proust,  la  Femme  hV  ombrelle, 
les  Canotiers, 

Bastien-Lepage  doit  beaucoup  à  Manet.  II  eut,  comme 
lui,  la  passion  de  la  lumière  et  de  la  vérité,  mais  c'est  dans 
l'étude  des  détails  que  ses  remarquables  facultés  d'analyse 
s'exercent  avec  le  plus  de  succès.  Bastien-Lepage  demeu- 
rera surtout  comme  un  remarquable  portraitiste.  Sa  Jeanne 
d'Arc,  ses  paysans,  sont  de  véritables  portraits.  Citons  en- 
core de  lui  la  série  remarquable  des  petits  portraits,  notam- 
ment ceux  à' Albert  Wolff,  de  MmeDrouet,  de  son  frère,  etc. 
—  Paul  Baudry  est  intéressant  à  nommer  dans  l'histoire 


générale  de  l'art,  car,  après  avoir  longtemps  préféré  la  ma- 
nière des  grandes  écoles  et  copié  la  patine  dorée  des  toiles 
vénitiennes  (Dayot),  il  en  arriva  à  se  laisser  influencer  par 
Manet  et  à  peindre  le  portrait  de  M.  Schneider  où  se  re- 
trouvent appliqués  par  un  merveilleux  ouvrier  les  procédés 
de  recherche  de  l'impressionisme. 

Nous  voici  arrivés  à  une  période  plus  brûlante,  car  la 
plupart  des  artistes  dont  nous  avons  à  parler  maintenant 
vivent  encore.  Constatons  d'abord  que  la  plupart  des  meil- 
leurs peintres  de  la  jeune  école  subissent  l'influence  de 
Manet  et  de  Bastien-Lepage,  mais  d'aucuns  semblent  déjà 
vouloir  s'évader  des  formules  du  réalisme,  et  le  mouvement 
qui  s'est  produit  en  littérature  semble  vouloir  émouvoir  les 
arts  plastiques.  Peut-on  dire  par  exemple  que  M.  Puvis  de 
Chavannes  ait  subi  l'influence  réaliste?  Non,  sans  doute,  du 
moins  d'une  manière  absolue,  car  sa  conception  l'en  éloigne. 
M.  Puvis  de  Chavannes  (Th.  Gautier)  n'est  pas  un  peintre 
de  tableaux  ;  il  lui  faut,  non  pas  le  chevalet,  mais  l'écha- 
faudage et  de  larges  espaces  de  murailles  à  couvrir  ;  c'est 
là  son  rêve  et  il  a  prouvé  qu'il  pouvait  le  réaliser.  Ajoutons 
comme  correctif  que  le  Pauvre  Pêcheur  du  muséedu  Luxem- 
bourg, qui  est  bien  une  toile  de  chevalet,  a  de  nombreux 
admirateurs  dont  le  nombre  augmente  tous  les  jours.  Mais 
il  est  permis  de  préférer  la  Sainte  Geneviève  du  Panthéon 
et  les  immenses  décorations  de  la  nouvelle  Sorbonne.  Le 
dessin  chez  M.  Puvis  de  Chavannes,  dont  la  base  est  solide 
et  fortement  assise  sur  des  études  consciencieuses,  est  sim- 
plifié, d'une  naïveté  voulue  et  charmante,  et  la  couleur  qui 
rappelle  celle  des  belles  fresques  anciennes  est  comme  effacée 
et  délicieusement  noyée.  M.  Puvis  de  Chavannes,  en  cette 
fin  de  notre  siècle,  marque  une  étape  :  c'est  l'école  qui  tend 
à  s'évader  des  réalités,  sans  entrer  dans  le  convenu.  M.  Puvis 
de  Chavannes  est  non  seulement  un  grand  peintre,  c'est  un 
grand  poète. 

M.  Degas  est  avant  tout  un  moderne  ;  son  dessin  n'est 
nullement  académique;  il  est  essentiellement  expressif  et 
synthétique.  Sa  couleur  audacieuse  et  singulièrement  vivante 
fait  penser  à  Delacroix.  Voyez  ses  Danseuses. —  M.  Claude 
Monet  est  un  peintre  de  marines  et  de  paysages.  Son  œil  est 
un  prisme  en  même  temps  que  sa  sensibilité  est  affinée  au 
point  qu'une  impression  ressentie  se  traduit  aussitôt  avec 
une  vérité  frappante.  —  M.Besnard  a  peint  avec  talent  des 
reflets  bizarres,  et  rien  dans  sa  manière  ne  rappelle  l'an- 
cien prix  de  Rome.  —  Nous  citerons  pour  finir  M.  Gus- 
tave Moreau  dont  on  peut  admirer  une  superbe  toile  au 
Luxembourg,  en  regrettant  que  nous  soyons  trop  prêts, 
dans  le  temps,  de  tels  artistes,  pour  pouvoir  dégager  de 
cette  revue  un  enseignement  satisfaisant. 

Il  nous  sera  en  tout  cas  permis  de  dire,  pour  conclure, 
que  l'évolution  auxixe  siècle  se  fait  d  une  façon  assez  nette. 
Au  début  réaction  contre  Boucher,  naissance  de  l'école 
classique  ;  réaction  nouvelle  contre  les  exagérations  de  celle- 
ci  et  apparition  du  romantisme;  retour  à  la  simplicité  avec 
Courbet,  puis,  avec  Puvis  de  Chavannes,  Gustave  Moreau, 
retour  au  rêve,  besoin  de  Tau  delà.  C'est  ce  besoin  de  l'au 
delà,  cette  évolution  quasi-mystique  qui  semble  caractéri- 
ser l'heure  présente.  L'avenir  seul,  qui  ne  nous  appartient 
pas,  sera  juge,  devant  les  œuvres  produites,  de  la  légiti- 
mité de  cette  conception  :  il  est  en  tout  cas  vraisemblable 
de  prévoir  qu'en  dehors  de  toute  doctrine,  il  se  trouvera, 
comme  à  toutes  les  époques,  les  doctrinaires  et  les  didac- 
tiques, et  les  purs  et  naïfs  artistes  qui  se  soucieront  peu 
des  formules  et  des  visions  convenues. 

Architecture.  —  L'Ecole  des  beaux-arts  était  définitive- 
ment organisée  comme  institution  de  l'Etat  par  un  décret  du 
11  janv.  1806  qui  attribuait  à  l'empereur  la  nomination 
des  professeurs,  mais  les  traditions  de  l'ancienne  académie 
subsistent  toujours.  La  Révolution  française,  qui  semble 
avoir  renouvelé  toutes  les  institutions  de  l'ancien  régime, 
ne  modifie  qu'en  apparence  l'enseignement  des  arts,  et 
notre  architecture  subit  encore  le  joug  des  Grecs  et  des 
Romains.  Toutefois,  l'étude  approfondie  des  chefs-d'œuvre 
de  l'antiquité  inspire  à  des  artistes  convaincus,  tels  que  les 


FRANCE 


1430  — 


architectes  Percier,  Fontaine  et  Ballard,  la  passion  du 
dessin  qu'ils  transmettent  à  leurs  élèves;  leurs  œuvres 
se  distinguent  par  une  pureté  de  forme  qui  n'est  pas  tou- 
iours  exempte  de  sécheresse. 

Les  victoires  des  armées  françaises  sous  la  République, 
le  Consulat  et  l'Empire,  ont  pour  expression  des  monuments 
commémoratifs  dont  l'antiquité  fournit  les  modèles.  La  co- 
lonne de  la  grande  armée  élevée  sur  la  place  Vendôme  par 
Gondouin  et  Le  Père  est  un  souvenir  de  la  colonne  Tra- 
jane.  L'arc  de  triomphe ,  construit  par  Percier  et  Fontaine 
sur  la  place  du  Carrousel,  a  les  proportions  générales  d'un 
arc  antique.  C'est  en  1806  que  Chalgrin  commence  l'arc  de 
triomphe  de  l'Etoile  dont  les  travaux  sont  interrompus  en 
1813.  C'est  à  Fontaine  et  à  Percier  que  l'on  doit  le  dégage- 
ment du  Louvre  et  les  constructions  du  grand  escalier  du 


musée  aujourd'hui  détruit.  C'est  aussi  à  cette  époque  que 
Napoléon  Ier  donne  lui-même  le  programme  de  l'église  de  la 
Madeleine  à  Vignon  et  Huvé.  Rondelet  achève  le  Panthéon 
par  la  construction  du  dôme. 

Un  des  plus  remarquables  architectes  de  cette  époque  est 
Brongniart  qui  se  livrait  en  même  temps  à  toutes  les  études 
qui  semblent  être  aujourd'hui  du  domaine  de  l'ingénieur. 
Ses  cartons  notamment  contiennent  de  curieux ^ dessins 
relatifs  à  l'établissement  d'un  pont  en  charpente  sur  la 
Seine.  En  1808,  Brongniart  commence  la  Bourse  de  Paris. 
Les  ordres  antiques  y  sont  plus  que  jamais  en  honneur. 
On  les  retrouve  dans  les  constructions  privées,  dans  l'hôtel 
de  Gallifîet,  construit  par  Legrand,  et  dans  les  monuments 
pittoresques  du  parc  de  Médeville  dessinés  par  Bélanger.  Ce 
serait  toutefois  une  erreur,  dit  M.  Lucien  Magne  dans  le 


Tombeau  du  général  de  Lamorîcière,  par  Paul  Dubois  (cathédrale  de  Nantes). 


remarquable  ouvrage  auquel  nous  empruntons  ces  docu- 
ments, de  considérer  les  architectes  contemporains  de  Per- 
cier comme  des  disciples  soumis  de  l'école  romaine.  Voyez 
par  exemple  les  compositions  de  Ballard;  elles  dénotent  une 
élévation  de  la  pensée  qui  eût  été  plus  à  son  aise  à  une  autre 
époque.  Ballard,  en  effet,  semble  plutôt  un  élève  de  la  Re- 
naissance. Citons  encore,  pour  cette  époque,  Alavoine  et 
sa  fontaine  de  l'Eléphant. 

A  la  Restauration,  nous  assistons  au  réveil  de  l'esprit 
français  :  la  raison  et  la  vérité  pénètrent  enfin  dans  le 
domaine  réservé  aux  arts;  on  comprend  que  l'œuvre  ne 
dépend  pas  d'une  formule  vide,  mais  de  l'expression  ra- 
tionnelle ^  d'une  idée.  Une  révolution  se  prépare  et  nous 
devons  citer  au  nombre  des  novateurs  les  élèves  de  l'école 
de  Rome  de  1821  à  1826  :  Blouet,  Gilbert,  Duban,  Henri 
Labrouste,  Duc,  Vaudoyer.  Les  monuments  de  cette  époque 
appartiennent  à  l'école  de  Percier  :  Fontaine  construit  la 
Chapelle  expiatoire  ;  Lebas,  l'église  Notre-Dame  de  Lorette  ; 
Debret,  la  salle  de  l'Opéra,  rue  Le  Peletier,  démolie  bientôt. 
Vers  1830,  l'étude  sincère  des  monuments  anciens  ne 
semble  plus  seulement  éterniser  en  France  l'école  romaine, 


mais  elle  protège  les  artistes  contre  les  dangers  de  l'imita- 
tion. Voyez  pour  cette  époque  la  colonne  de  Juillet  com- 
mencée par  Alavoine  et  terminée  par  Louis  Duc.  Blouet 
termine  l'arc  de  triomphe  de  l'Etoile  et  on  doit  lui  savoir 
gré  de  demander  au  grand  sculpteur  Rude  sa  collaboration. 
—  En  1837,  un  gros  événement  pour  la  question  qui  nous 
occupe  :  un  arrêté  du  29  sept,  institue  une  commission  des 
monuments  historiques.  Lassus  et  Viollet-le-Duc  sont  char- 
gés de  restaurer  Notre-Dame  de  Paris,  cependant  que  le 
premier  s'occupe  aussi  de  la  Sainte-Chapelle  et  Duban  de 
la  restauration  du  Louvre.  Notons  donc  de  ce  moment 
deux  écoles  rivales  dans  l'enseignement  de  l'architecture. 
L'une,  dirigée  par  l'Académie  des  beaux-arts,  persiste 
dans  l'étude  exclusive  des  monuments  grecs  et  romains, 
trop  souvent  confondus  avec  les  œuvres  de  la  Renaissance, 
romaine  du  xvie  siècle  :  c'est  l'école  classique;  l'autre, 
dont  Lassus  est  le  chef,  prétend  trouver  dans  l'étude  des 
monuments  créés  sur  notre  sol,  et  appropriés  à  nos  mœurs 
et  à  notre  climat,  les  éléments  de  l'art  nouveau  :  c'est 
l'école  romantique. 
A  la  première  appartiennent  Lesueur  et  Godde,  archi- 


—  1431  — 


FRANCE 


tectes  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris.  Bomiard  et  Lucomée 
pour  la  Cour  des  comptes  et  le  palais  du  quai  d'Orsay.  Las- 
sus,  lui,  le  chef  de  la  seconde,  élève  en  1843  la  belle  église 
de  Saint-Nicolas  de  Nantes  et  en  1845  Labrouste  emploie 
le  premier  le  fer  apparent  dans  la  décoration  d'une  grande 
salle  (bibliothèque  Sainte-Geneviève).  Sous  la  seconde  Ré- 
publique, Duban  exécute  ses  restaurations  au  Louvre,  à  la 
galerie  d'Apollon  et  au  grand  salon  carré.  Au  second  Em- 
pire nous  assistons  à  une  transformation  momentanée  de 
l'architecture  religieuse  par  Lassus.  Citons  encore  Auguste 
Magne,  avec  l'église  Saint-Bernard  à  Paris;  Théodore  Ballu 
qui  achève  Sainte-Clotilde  ;  M.  Vaudremer,  avec  celle  de 
Montrouge.  Victor  Baltard  construit  les  Halles  centrales 
en  hardi  innovateur,  et  Louis  Duc  commence  avec  Dommey 
et  poursuivit  avec  Daumet  l'exécution  du  Palais  de  justice. 
Visconti  et  Lefuel  achèvent  le  Louvre  et  le  réunissent 
aux  Tuileries,  mais  on  ne  peut  considérer  cette  œuvre 
comme  originale,  puisque  ces  artistes  se  sont  imposé  l'obli- 
gation de  respecter  les  formes  de  la  Renaissance  française. 
Vaudoyer  élève  la  cathédrale  de  Marseille,  conception  ori- 
ginale dont  il  devait  transmettre  le  secret  à  son  élève 
Espérandieu  pour  le  palais  de  Longchamp. 

Et  pendant  ce  temps  un  homme  qui  fut  l'un  des  plus 
prodigieux  esprits  modernes,  Viollet-le-Duc,  s'efforçait 
dans  ses  productions  littéraires  magistrales  de  répandre  la 
lumière,  de  démontrer  la  nécessité  d'un  enseignement 
unique  des  arts  fondé  sur  l'étude  des  civilisations  et  de  leurs 
œuvres.  Voyez-le  créer  de  toutes  pièces  les  décorations 
murales  des  chapelles  de  Notre-Dame,  et  cette  superbe 
restauration  du  château  de  Pierrefonds  ;  lisez  enfin  ses 
ouvrages  sur  le  costume,  le  mobilier,  l'architecture  mili- 
taire. Citons,  pour  continuer  notre  liste,  Davioud  et  ses 
théâtres  de  la  place  du  Châtelet,  la  fontaine  de  la  place  du 
Théâtre-Français,  et  le  palais  du  Trocadéro  en  collabora- 
tion avec  M.  Bourdais. 

Le  nouvel  Opéra  de  M.  Charles  Garnier  est  une  œuvre 
personnelle  dans  l'ensemble  et  dans  les  détails,  et  la 
réalisation  de  cette  œuvre  colossale  dénote  chez  son  auteur 
un  véritable  tempérament  d'artiste  et  une  rare  énergie. 
Toutes  les  parties  en  sont  remarquables  et  l'aspect  général 
est  imposant,  sans  rappeler  des  choses  déjà  vues.  L'ensei- 
gnement actuel  à  l'Ecole  des  beaux-arts  ne  semble  pas 
s'être  encore  libéré  des  idées  de  Vignole  et  de  Palladio. 
L'étude  des  formes,  indépendante  de  la  construction,  est 
actuellement  encore  une  des  erreurs  de  l'enseignement. 
Mais  grâce  à  l'évolution  naturelle  des  idées,  grâce  surtout 
aux  livres  de  Viollet-le-Duc,  l'architecture  n'est  plus  un 
art  fermé  dont  les  formules  abstraites  n'étaient  accessibles 
qu'à  un  petit  nombre  d'initiés  ;  elle  a  repris  la  place  qu'elle 
doit  occuper  dans  une  société  qui  réclame  des  œuvres 
appropriées  à  ses  idées  et  à  ses  besoins. 
^  Au  reste,  les  pastiches  de  l'architecture  antique  aussi 
bien  que  celles  du  moyen  âge  tendent  de  plus  en  plus  à 
disparaître.  Comme  le  remarque  fort  justement  M.  Magne 
à  qui  nous  avons  fait  de  nombreux  emprunts  pour  cet 
article,  les  monuments  commémoratifs  à  eux  seuls  en  four- 
niraient de  nombreux  exemples.  Voyez  le  monument  de 
Henri  Regnault  à  l'Ecole  des  beaux-arts,  par  Coquart, 
Pascal  et  Chapu,  celui  des  généraux  Lecomte  et  Clément 
Thomas,  par  M.  Coquart,  et  le  tombeau  du  général  de  La- 
moricière,  par  Paul  Dubois.  Le  véritable  obstacle,  et  cela  a 
toujours  été  depuis  le  commencement  de  ce  siècle,  le  véritable 
obstacle  au  progrès  de  l'art,  c'est  l'archéologie  substituée 
à  l'émotion  et  à  l'invention.  L'architecture  doit  s'affranchir 
de  toute  manie  d'imitation,  et  pour  terminer  par  un  mot  de 
Vitet,  archéologue  éminent,  nous  dirons  :  Il  est  encore 
possible,  et  c'est  une  ambition  légitime,  de  créer  une  archi- 
tecture nouvelle  ;  ne  s'inspirer  ni  des  formes  antiques  ni 
des  formes  du  moyen  âge  ;  se  pénétrer  simplement  de  cette 
idée  qu'il  faut  tenir  grand  compte  de  toutes  les  exigences 
de  notre  civilisation,  de  nos  idées  et  de  nos  habitudes;  c'est 
à  cette  seule  condition  que  nous  pouvons  espérer  une 
architecture  originale. 


Sculpture.  —  L'état  de  la  sculpture  au  commencement 
du  siècle  est  déplorable  :  le  goût  s'est  complètement  perverti 
sous  Louis  XV,  et  Pigalle  et  Houdon,  à  la  fin  du  xvme  siècle, 
n'ont  pas  encore  réussi  à  le  rendre  suffisamment  pur.  L'in- 
fluence bienheureuse  de  David  s'étend  heureusement  à  l'art 
qui  nous  occupe.  Citons,  notamment,  Jean-Baptiste  Giraud, 
Chaudet,  Ramey,  Dupaty,  etc.;  mais  ils  sont  tourmentés 
particulièrement  par  l'étude  de  l'antiquité  et  manquent 
absolument  de  naïveté.  Pradier,  voulant  s'éloigner  de  la 
beauté  académique,  tombe  dans  le  joli  et  la  morbidesse. 
Voyez  son  Odalisque,  sa  Sapho,  la  Poésie  légère.  Il  forma 
comme  élèves  Simart,  Guillaume,  Etex,  Henri  Chapu,  etc. 
On  doit  à  Etex  un  groupe  de  Caïn  maudit  (1833)  qui 
n'est  pas  sans  mérite,  et  M.  Guillaume  est  certainement 
un  de  ceux  qui  se  sont  approchés  le  plus  près  de  la  cor- 
rection et  de  la  sobriété  de  l'antique.  Voyez  ses  Gracques 
(musée  du  Luxembourg)  et  sa  statue  à'Anacréon.  — David 
d'Angers  a  exercé  une  influence  considérable  sur  la  sculp- 
ture contemporaine.  Le  Barra  mourant,  la  Jeune  Fille 
au  tombeau,  ses  innombrables  médaillons  sont  d'un  maître. 
Citons  parmi  ses  élèves  M.  Maindron,  à  qui  l'on  doit  la  dé- 
licieuse Velléda  du  Luxembourg;  Préault  et  Ottin,  et  enfin 
M.  Aimé  Millet.  Mais  le  plus  grand  statuaire  de  cette  époque 
est  sans  contredit  Rude.  Tout  le  monde  peut  admirer  les 


Le  Chant  du  Départ,  par  Rude  (arc  de  triomphe  de  l'Etoile, 
à  Paris). 

hauts-reliefs  de  l'arc  de  triomphe  de  l'Etoile.  Son  élève  le 
plus  remarquable  est  Carpeaux.  Citons  aussi  MM.  Cain  et 
Frémiet,  animaliers,  et  Barye,  le  plus  célèbre  en  ce  genre, 
dont  les  œuvres  font  prime  aujourd'hui  et  ont  suscité  de 
nombreuses  imitations. 

Il  convient  encore  de  citer,  pour  Fépoque  romantique, 
Du  Seigneur  (1831),  les  deux  Dantan.  Plus  récemment, 
enfin,  Clésinger,  Chapu,  Paul  Dubois,  Ant.  Mercier,  Bar- 
rias,  Dalou,  Saint-Marceaux,  etc.  Les  monuments  funé- 
raires ont  particulièrement  inspiré  plusieurs  de  ces  artistes  ; 


FRANCE 


4132  — 


le  Tombeau  de  Lamoricière  (Nantes)  fut  l'œuvre  la  plus 
célèbre  de  Dubois  ;  le  Tombeau  de  Henri  Regnault  (Ecole 
des  Beaux- Arts)  par  Chapu,  celui  de  Michelet  (Père-La- 
chaise)  par  Mercier,  ne  sont  pas  moins  admirés.  Dans  un 
autre  genre,  l'Arlequin,  de  Saint-M arceaux,  eut  un  égal 
succès.  Depuis  quelques  années  la  sculpture  semble  être 
entrée  dans  une  voie  nouvelle.  Soit  que  l'artiste  ait  voulu 
adopter  un  type  immuable  de  beauté  comme  M.  Falguière, 
soit  que,  comme  M.  Rodin,  il  cherche  des  combinaisons  de 
formes  inattendues  ou  gracieuses,  d'une  grâce  un  peu  ma- 
ladive, l'étude  absolument  consciencieuse  de  la  nature  a 
fait  place  au  souci  du  convenu  et  du  joli,  et  de  quel  joli  ! 
On  peut,  dans  nos  récentes  expositions,  ne  pas  aimer  une 
foule  de  sujets,  la  majorité  même  des  sujets  exposés,  et 
pourtant  l'on  ne  pourra  nier  que,  rien  que  par  ces  deux 
artistes,  la  sculpture  ne  soit  en  progrès.  Comme  cela  s'est 
vu,  du  reste,  à  toutes  les  époques  de  l'histoire  de  l'art, 
ces  deux  doctrines  différentes,  ces  deux  systèmes  opposés 
seront  sans  doute  encore  bien  exagérés  par  leurs  élèves 
respectifs,  jusqu'au  jour  où  un  nouvel  homme  de  génie  ou 
de  talent  viendra,  par  quelques  œuvres  magistrales,  mar- 
quer une  nouvelle  étape  dans  ce  voyage  vers  le  mieux  qui 
ne  s'achève  jamais. 

Gravure.  —  C'est  surtout  dans  la  partie  consacrée  à  la 
peinture  que  nous  nous  sommes  attaché  à  étudier  l'évolu- 
tion des  idées  dans  l'histoire  des  beaux-arts  au  xixe  siècle  ; 
les  autres  arts  plastiques,  comme  la  littérature  elle-même, 
ont  suivi  les  mêmes  influences  et  reflètent  les  mêmes  mo- 
difications. Une  énumération  nous  a  presque  suffi  pour  la 
sculpture  :  nous  nous  contenterons,  de  même  pour  la  gra- 
vure, de  jeter  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  la  période  qui 
nous  occupe.  C'est  à  la  fin  du  xvme  siècle  que  l'art  de  la 
gravure  en  couleurs  se  perfectionne  surtout.  Debucourt, 
qui  est  à  cheval  sur  les  deux  siècles,  semble  avoir  réservé 
au  premier  ses  meilleures  productions.  Nous  avons  déjà 
nommé  Demarne.  Dans  les  dix  premières  années,  notons 
surtout  le  recueil  des  estampes,  le  Musée  français,  publié 
par  Laurent  et  Robillard-Pèronville,  et  dont  les  principaux 
collaborateurs  sont  :  les  deux  Massard,  père  et  fils  ;  les  deux 
Avril;  Audouin,  Ingouf,  Girardet,  Géraut,  Leroux,  etc.; 
et  enfin  Henriquel-Dupont,  le  doyen  des  graveurs  au  burin. 
Sous  l'Empire  et  la  Restauration,  citons  Boucher-Desnoyers, 
Gelée,  qui  a  popularisé  les  tableaux  de  Prud'hon. 

L'époque  de  prédilection  pour  les  graveurs,  surtout  les 
lithographes,  semble  être  la  fin  de  la  Restauration.  Nous 
avons  à  cette  époque  une  véritable  floraison  de  graveurs 
de  talent  :  Carie  Vernet,  Horace  Vernet,  Géricault,  Char- 
let,  Bellangé,  Decamps,  Delacroix,  Pigal,  Henri  Monnier, 
Daumier,  Devéria,  etc.  On  trouvera  dans  le  précieux  ou- 
vrage de  Béraldi  une  liste  détaillée  des  artistes  graveurs 
contemporains.  Qu'il  nous  suffise  de  citer  :  Jacquemart, 
Flameng,  Gaillard,  Lecomte,  Lalanne  et  Bracquemond. 
Mais,  ce  qu'il  est  intéressant  de  noter,  c'est  l'état  de  crise 
passager  qu'a  subi  la  gravure.  Déjà,  vers  le  milieu  du  siècle, 
la  photographie  avait  pu  un  instant  donner,  pour  l'avenir, 
pour  le  temps  où  elle  arriverait  à  se  perfectionner,  de  sé- 
rieuses inquiétudes  aux  artistes.  Aujourd'hui,  ce  moment 
est  venu.  Ce  n'est  plus  seulement  la  photographie,  impar- 
faite et  mal  commode,  c'est  la  photogravure  qui  a  semblé 
devoir  faire  une  concurrence  à  la  gravure,  le  métier  devant, 
disaient  des  esprits  chagrins,  faire  succomber  l'art.  Heu- 
reusement, il  n'en  a  rien  été  ;  quelque  habiles  que  soient 
les  photograveurs,  ils  n'arriveront  jamais  par  un«  procédé  », 
si  savant  qu'il  soit,  à  remplacer  l'invention  d'un  Ruffe  inter- 
prétant un  portait  de  Rubens  sur  le  buis,  d'un  Henri  Lefort, 
reconstituant  l'image  de  Christophe  Colomb  sur  une  planche 
de  cuivre,  et  cette  concurrence  apparente  ne  pourra  que 
faire  ressortir  le  mérite  de  nos  graveurs  un  instant  alarmés, 
modérément,  espérons-le,  par  les  progrès  du  «  procédé  ». 

Arts  décoratifs.  Ameublement.  —  Depuis  quelques  an- 
nées on  semble  vouloir  s'attacher  en  France  à  faire  naître 
pour  l'art  décoratif  un  courant  nouveau  ;  il  semble  que  l'on 
soit  attristé  de  cette  accusation,  que  nous  portons  à  chaque 


instant  contre  nous-mêmes,  de  ne  pas  avoir  de  style,  de  ma- 
nière propre,  d'originalité,  et  une  réaction  prochaine  semble 
s'annoncer  d'où  sortira,  espérons-le,  un  renouveau,  un  pro- 
grès dans  notre  art  décoratif.  C'est  que  nous  avons  à  lutter 
contre  de  bien  terribles  ennemis  en  pareille  matière  ;  il 
faut  aujourd'hui  faire  vite  et  bon  marché,  et  voilà  de  bien 
mauvaises  conditions  pour  faire  beau  ;  de  plus,  les  riches 
qui  autrefois  commandaient  pour  eux  des  mobiliers,  de 
l'argenterie,  etc.,  se  contentent,  soit  de  ce  qu'ils  ont  hérité, 
soit  d'acheter  de' «l'ancien»,  plus  estimé,  plus  recherché. 
La  place  donnée  dans  les  expositions  annuelles,  ces  der- 
nières années,  aux  meubles  et  aux  objets  d'art,  améliorera 
peut-être  cet  état  de  choses.  Comme  autrefois,  voici  que 
des  artistes  ne  dédaignent  pas  de  sculpter  des  meubles  ou 
de  façonner  des  grès.  Delaherche,  Carriès,  le  premier  avec 
ses  flambés,  le  sexond  avec  ses  figurines  bizarres  de  terre 
émaillée,  sont  à  la  tête  de  ce  mouvement  en  ce  qui  con- 
cerne la  céramique,  et  les  expositions  ont  montré  leur  ta- 
lent d'invention  et  de  réalisation.  Mais  tout  cela  ne  consti- 
tue pas  encore  ce  qu'on  doit  rechercher,  à  savoir  un  style 
national  ;  toutes  les  époques  ont  eu  le  leur,  nous  seuls  ne 
le  possédons  pas. 

A  la  fin  du  siècle  dernier,  les  rais  de  cœur,  le  petit 
nœud  et  les  perles  du  style  Louis  XVI  font  bientôt  place 
aux  formes  rigides,  aux  attributs  mythologiques  et  païens 
du  Consulat,  puis  de  l'Empire.  C'est  l'époque  des  dernières 
productions  de  Riesener  et  de  Goutthières  ;  vers  4804 
(Champeaux,  le  Meuble),  Jacob  Desmalter  commence  à 
fournir  de  meubles  les  magasins  du  Mobilier  national,  les 
palais  de  Fontainebleau  et  de  Compiègne  ;  la  majeure  partie 
de  ces  pièces  était  exécutée  d'après  les  dessins  de  Percier 
et  de  Fontaine.  Ce  sont  surtout  de  grandes  consoles  d'aca- 
jou soutenues  par  des  cariatides  ou  des  figures  de  sphinx 
en  bronze  revêtu  de  patie  verte. 

L'œuvre  la  plus  importante  de  Jacob  est  l'armoire  à 
bijoux  de  l'impératrice  Marie-Louise  ;  elle  coûta  55,000  fr. 
et  elle  est  d'un  goût  déplorable  ;  mais  l'ébénisterie  y  est 
traitée  avec  le  plus  grand  soin  avec  des  bas-reliefs  de 
cuivre  inspirés  de  Prud'hon.  De  cette  époque  date  une 
psyché  offerte  à  la  nouvelle  impératrice  par  la  ville  de  Paris 
et  exécutée  par  les  orfèvres  Odiot  et  Thonule.  Citons  en- 
core, parmi  les  ébénistes  les  plus  célèbres,  Urbain  Lemar- 
chand  et  Jean-Antoine  Bruns.  Parmi  les  fondeurs,  notons 
Ravrio,  Delafontaine,  Damerat,  Cahier  et  Chéret. 

Au  reste,  tous  ces  ébénistes  cédaient  aux  faux  principes 
prévalant  dans  les  régions  officielles,  et  la  partie  artistique 
était  fortement  négligée  au  profit  de  procédés  techniques. 
La  matière  tend  à  devenir  à  cette  époque  l'objet  principal, 
tandis  que  les  artistes  des  deux  derniers  siècles  ne  l'em- 
ployaient que  pour  la  transformer  au  moyen  de  leur  génie 
(Champeaux).  L'ébénisterie  va  déclinant  sans  cesse  pen- 
dant la  période  de  la  Restauration  et  tombe  absolument 
dans  la  pratique  industrielle.  Il  nous  est  impossible  de 
savoir  aujourd'hui  si  les  progrès  de  la  céramique,  de  l'or- 
fèvrerie et  des  objets  d'art  proprement  dits  peuvent  nous 
faire  espérer  une  renaissance  dans  l'art  du  meuble.  Riesener 
était  déjà  bien  loin  de  Jacob  Desmalter  et  nous  voici  bien 
loin  de  ce  même  Jacob  !  Henri  d'ÀRGis. 

Musique.  —  On  peut  diviser  l'histoire  de  la  musique 
française  en  trois  périodes  :  la  première,  celle  du  moyen 
âge,  nous  conduit  jusqu'à  la  fin  du  xvie  siècle,  car,  en 
résumé,  les  contrapontistes  des  messes  et  des  chansons 
musicales  ne  sont  que  les  héritiers  des  déchanteurs  des 
xne  et  xme  siècles.  Durant  cette  période  notre  musique  est 
purement  française  ;  non  seulement  elle  ne  subit  aucune 
influence  étrangère,  mais  c'est  elle,  au  contraire,  qui  sert 
de  modèle  aux  musiciens  de  l'Allemagne  et  de  l'Italie.  La 
seconde  époque  s'étend  du  commencement  du  xvne  aux 
premières  années  du  xixe  (vers  1830).  L'Italie  musicale  a 
fait  invasion  en  France  et  c'est  à  grand'peine  que  nos 
maîtres  se  défendent  contre  son  influence  délétère  ;  enfin 
la  troisième  période,  que  l'on  peut  faire  commencer  à 
Berlioz,  marque  comme  une  sorte  d'évolution  ;  la  musique 


—  4433  — 


FRANCE 


française  veut  élever  son  idéal  ;  non  seulement  elle  ose 
lutter  corps  à  corps  avec  la  poésie,  lui  emprunter,  non 
ses  vers  et  ses  mots,  mais  ses  sentiments  les  plus  délicats 
et  les  traduire  dans  sa  langue  ;  elle  prétend  avoir  ses 
sujets  à  elle,  ses  sensations  qu'elle  seule  est  capable  de 
rendre  et  d'exprimer,  sa  poétique  et  son  esthétique,  en  un 
mot  elle  proclame  hautement  son  indépendance  ;  cette  ma- 
gnifique évolution,  qui  n'est  pas  encore  terminée  et  qui  a 
donné  naissance  à  un  art  tout  nouveau  dans  notre  pays,  est 
certainement  un  des  spectacles  les  plus  intéressants  qu'il 
soit  permis  à  un  philosophe  et  à  un  historien  d'observer. 
Première  période.  Du  vne  au  xvie  siècle.  —  Chercher 
les  origines  de  la  musique  française  au  delà  des  vne  et 
vme  siècles  serait  se  risquer  sur  le  terrain  dangereux  des 
hypothèses  sans  jeter  pour  cela  grande  lumière  sur  l'histoire 
de  notre  art.  On  sait  par  tradition  et  par  quelques  textes  que 
les  druides  et  les  bardes  avaient  des  chants  sacrés  ;  on  sait 
aussi  que  quelques-unes  des  proses  de  l'Eglise  romaine, 
comme  le  Vexilla  prodeunt  régis  ont  été  composées  en 
France,  et  l'on  cite,  parmi  nos  compositeurs,  saint  Hilaire, 
évêque  de  Poitiers  ;  pour  la  musique  profane,  on  a  con- 
servé les  paroles  de  quelques  chansons  à  boire;  on  a 
gardé  aussi  le  texte  d'un  chant  sur  Clotaire,  mais  la  mu- 
sique en  est  perdue.  Le  premier  chant  populaire  latin 
d'origine  française  avec  musique  connu  jusqu'à  ce  jour 
est  une  complainte  sur  la  mort  de  Charlemagne  (814)  attri- 
buée à  Columbanus  (Bibl.  nat.,  fonds  lat.,  4154).  Le 
second  est  une  chanson  sur  la  bataille  de  Fontenoy  (844) 
(même  ms.,  f.  436).  A  l'Eglise,  nous  trouvons  au  xe  siècle 
le  mystère  des  Vierges  sages  et  des  Vierges  folles  avec 
musique  et  paroles  en  langue  romane  vulgaire.  Enfin,  dans 
l'art  liturgique  pur,  les  luttes  violentes  qui  s'élèvent  entre 
les  chantres  romains  et  ceux  des  églises  gauloises  au  temps 
de  Charlemagne  prouvent,  du  moins,  que  nos  musiciens 
avaient,  dès  cette  époque,  un  style  à  eux  et  des  traditions 
propres.  Si  ces  documents  sont  suffisants  pour  démontrer 
qu'il  existait  une  musique  en  France  dès  les  commencements 
du  moyen  âge,  ils  sont  trop  incomplets  pour  qu'il  soit  pos- 
sible d'établir  une  histoire  de  l'art  pratique  dans  ces  siècles 
reculés.  En  revanche,  la  France  joue  un  rôle  important 
dans  l'évolution  théorique  de  la  musique  dont  on  retrouve 
les  premières  traces  au  vne  siècle,  avec  Isidore  de  Se  ville, 
en  Espagne,  et  qui  donna  naissance  à  l'art  harmonique  du 
moyen  âge  ;  celui-ci,  arrivé  à  son  apogée  vers  le  xve  siècle, 
devait  à  son  tour  se  transformer  et  devenir  notre  art  mo- 
derne. Beaucoup  des  principaux  traités  de  cette  époque 
sont  signés  de  noms  français  ;  au  vme  siècle,  nous  voyons 
Alcuin  et  Bernelin,  de  Paris  ;  au  ixe,  Aurélien  de  Réomé, 
Remy  d'Auxerre  et  surtout  Hucbald  de  Saint-Amand  et 
Odon  de  Cluny  ;  aux  xne  et  xme  siècles,  Francon  de  Paris, 
un  des  plus  grands  théoriciens  du  moyen  âge,  Jean  de  Gar- 
lande,  Pierre  de  La  Croix  et  Robert  de  Sabillon. 

Cependant,  au  moment  où  ces  derniers  composaient  leurs 
traités,  c.-à-d.  vers  la  fin  du  xne  siècle,  un  art  nouveau 
se  manifestait  en  France,  celui  des  trouvères  et  des  trou- 
badours. Jusqu'à  ce  que  de  nouvelles  découvertes  nous 
aient  mieux  renseignés  sur  l'état  de  la  musique  en  Alle- 
magne et  en  Italie,  on  peut  affirmer  sans  exagération  que, 
jusqu'au  xvie  siècle,  la  France  a  tenu  en  Europe  le  sceptre 
de  la  musique.  Nous  n'empiéterons  pas  sur  le  domaine  de 
l'histoire  littéraire  en  nous  arrêtant  longuement  sur  les 
trouvères  et  troubadours.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  que  le 
plus  souvent  ces  poètes  et  ces  chansonniers  étaient  musi- 
ciens. Beaucoup  improvisaient  la  musique  de  leurs  petits 
poèmes  et,  ne  sachant  pas  l'écrire,  la  dictaient  à  des  musi- 
ciens de  profession  ou  noteurs  (notatores) ,  mais  beaucoup 
aussi  étaient  capables  de  coucher  sur  le  parchemin  les  paroles 
et  la  musique  d'une  chanson  ou  d'un  rondel.  Qu'on  ne  s'y 
trompe  pas,  l'art  musical  en  France,  à  cette  époque,  était 
hésitant,  balbutiant,  barbare  encore,  si  l'on  veut,  mais  il  était 
entièrement  constitué  et  même  assez  compliqué.  Non  seu- 
lement on  employait  le  chant  à  voix  seule,  dans  les  romances, 
les  lais  et  les  sirventois,  les  jeux  partis,  les  proses  farcies, 


mais  encore  les  musiciens  savaient  écrire  suivant  des  règles 
parfaitement  établies,  des  chants  à  deux,  trois  et  quatre 
voix,  que  l'on  réservait  pour  les  motets,  les  conduits  et  les 
rondels  (V.  Déchant).  Les  déchanteurs  furent  nombreux 
à  cette  époque,  comme  Adam  de  la  Halle,  Jean  Bodel,  An- 
drieux  Contredit,  Perotin  le  Grand  et  Léon,  optimus  no- 
tator,  tous  deux  organistes  à  Notre-Dame.  Cette  musique 
a,  pour  qui  sait  la  lire,  son  charme  et  son  originalité  ; 
dans  la  mélodie  la  plus  naïve,  comme  dans  la  combinaison 
harmonique  la  plus  savante,  l'artiste  sait  déjà  trouver  la 
grâce  de  la  phrase  mélodique  et  le  nombre  du  rythme  ;  bien 
plus,  il  a  comme  un  vague  instinct  de  cette  qualité  essen- 
tiellement française,  la  justesse  de  l'expression.  L'art  du 
chant,  l'emploi  d'instruments  nombreux  et  variés,  ajou- 
taient encore  aux  richesse  musicales  de  cette  époque. 

Si  la  musique  était  en  grand  honneur  à  l'église,  si  par- 
tout, dans  les  châteaux  comme  dans  les  rues  des  villes,  on 
entendait  résonner  des  chansons  et  des  concerts,  on  ne 
s'arrêtait  pas  là  et  c'est  à  cette  époque  que  parurent  les 
premiers  essais  du  drame  lyrique  français:  Vxm,  te  Daniel 
Ludus,  d'Hilaire,  un  mystère,  joué  vers  4250,  est  tout 
entier  en  musique  avec  soli,  chœurs,  orchestre,  etc.  ;  il 
semblerait  représenter  ce  que  nous  appelons  l'opéra  ;  l'autre, 
Robin  et  Mario?i,  d'Adam  de  La  Halle,  joué  à  la  cour 
française  de  Naples  en  4260,  est  déjà,  avec  ses  couplets 
et  ses  danses,  un  véritable  petit  opéra-comique  à  la  fin 
du  xme  siècle.  Non  seulement  la  pratique,  mais  aussi  la 
théorie  et  l'enseignement  de  la  musique  sont  véritablement 
constitués  ;  les  lois  de  la  notation,  du  déchant,  de  la  mé- 
lodie sont  posées  et  les  musiciens  forment  un  véritable 
corps  d'état  qui  a  ses  règlements  et  ses  institutions.  En 
effet ,  des  écoles  de  ménestrandie  (scholœ  mimorum) 
étaient  ouvertes  pendant  le  carême  à  Bourg  en  Bresse,  à 
Lyon,  à  Genève,  à  Arras,  et  les  troubadours  et  ménes- 
trels s'y  formaient  au  style  nouveau;  en  4324  s'établit  la 
corporation  des  ménétriers,  dont  la  première  charte  con- 
nue, signée  par  le  roi  des  ménétriers,  est  de  4338,  et 
porte  le  nom  de  Robert  de  Caverant  (V.  Ménestrier). 

Les  musiciens  du  xive  siècle,  en  France,  trouvèrent  donc 
le  terrain  absolument  préparé,  et  le  travail  du  xme  siècle  ne 
fut  pas  perdu  pour  eux.  L'art  à  cette  époque  et  dans  les 
deux  cents  ans  qui  suivirent  n'eut  plus  la  naïveté  des  chan- 
sons des  trouvères,  mais  il  devint  plus  riche  ;  du  contrepoint 
incorrect  des  déchanteurs,  sortirent  le  canon,  la  fugue  et 
les  formes  scolastiques  qui  sont  encore  aujourd'hui  la 
base  de  toute  science  musicale;  comme  tous  les  arts  à 
cette  époque,  la  musique  du  xive  au  xvie  siècle  a  quelque 
chose  de  recherché  et  de  compliqué,  mais  elle  est  d'un  haut 
intérêt  historique.  Parmi  les  théoriciens  de  cette  période 
nommons  :  Philippe  de  Vitry,  la  perle  des  chantres  ;  Jean 
de  Mûris  ;  parmi  les  compositeurs  :  Guillaume  de  Machault 
(4284-4370),  Guillaume  Dufay  (mort  vers  4475).  Au 
xve  siècle,  citons  Gilles  Binchois,  Yincent  Fauques,  Bras- 
sart  et  l'illustre  Jean  Ockeghem  (né  vers  4430),  dit  le 
Pilier  de  musique.  Le  xvie  fut  pour  la  musique  française 
une  époque  d'éclat  sans  pareil.  Il  débuta  avec  Josquin 
Desprez  et  Clément  Jannequin.  Puis  se  pressent  les  noms 
de  Nie.  Gombert,  de  Certon,  de  Jean  Mouton,  dont  les 
messes  sont  encore  célèbres,  de  Verdelot,  d'Arcadelt,  de 
Claude  Lejeune,  dont  il  faut  lire  les  Mélanges.  Nous 
finissons  par  le  plus  illustre  peut-être  de  tous,  Claude 
Goudimel,  qui  fonda  vers  4540  à  Rome  une  école  où  il 
eut  pour  élève  l'illustre  Palestrina.  Ce  fut,  en  effet,  la 
France  qui,  dans  toute  la  première  moitié  du  xvie  siècle, 
fut  la  pépinière  des  grands  artistes  et  des  grands  maîtres. 
C'est  l'époque  de  ces  spirituelles  et  charmantes  chansons 
musicales,  comme  la  Bataille  de  Marignan,  de  Clément 
Jannequin,  le  Chant  des  Oiseaux,  ou  la  Chasse  au 
lièvre,  de  Gombert  ;  l'époque  aussi  dé  ces  messes  mu- 
sicales, dont  on  peut  discuter  le  caractère  sacré,  mais 
dont  on  ne  peut  nier  l'ingénieux  et  savant  arrangement. 
La  musique  française  de  cette  période  est  souvent  imi- 
tative  et  quelque  peu  précieuse,  mais  elle  a  son  style 


FRANCE 


1434  — 


particulier  ;  il  est  impossible  de  confondre  nos  chansons 
françaises  à  plusieurs  parties  avec  les  madrigaux  de  l'An- 
gleterre et  de  l'Italie.  Elles  ont  un  petit  air  aimable  et 
bien  national  qui  mérite  d'être  signalé.  Ces  compositions 
écrites  tantôt  pour  voix,  tantôt  pour  orchestre,  souvent 
pour  les  deux,  trouvaient  leur  place  chez  les  particuliers, 
où  on  les  exécutait  comme  de  la  musique  de  chambre  et 
aussi  dans  les  grandes  fêtes  qui  se  donnaient  à  la  cour  des 
rois  et  des  princes.  Parmi  ces  dernières  représentations  où 
la  mythologie  et  l'allégorie  tenaient  la  plus  grande  place, 
nous  devons  citer  le  Combat  d'Apollon  et  du  serpent 
Pithon,  joué  à  l'entrée  de  Henri  II  à  Rouen  en  1550,  mis 
en  musique  à  grand  renfort  de  chœurs  et  d'instruments, 
et  surtout  le  célèbre  Ballet  comique  de  la  Royne,  orga- 
nisé par  l'Italien  Baltazarini,  dit  Beau-Joyeux,  mais  dont 
la  musique  était  des  Français  Beaulieu  et  Salmon.  Ce 
ballet,  représenté  au  Louvre  en  1582,  ne  le  cède  guère 
aux  pièces  italiennes  du  même  genre  et  de  la  même  époque, 
et  il  est  facile  d'y  trouver  quelques-uns  des  éléments  qui 
constitueront  plus  tard  l'opéra. 

Deuxième  période.  Du  xvne  siècle  À 1830  environ.  — 
C'est,  en  effet,  la  naissance  de  l'opéra  qui  est  le  fait  le 
plus  important  de  l'histoire  de  la  musique  en  France  au 
xvne  siècle.  Dans  un  résumé  aussi  rapide  que  celui-ci, 
nous  ne  pouvons  nous  arrêter  sur  les  petits  airs  que  les 
Guédron  et  les  Boesset  composaient  pour  les  ballets  du  roi, 
et  il  nous  faut  passer  rapidement  sur  les  opéras  italiens 
joués  en  France,  comme  La  Finta  Pazza  (1645),  et 
VOrfeo  (1647),  comme  le  Serse  de  Cavalli  (1660).  Ce- 
pendant, on  ne  peut  nier  que  petits  airs  français  et  opéras 
d'outre-monts  n'aient  donné  l'idée  que  l'on  pouvait  marier 
la  musique  à  des  vers  et  à  une  action  dramatique.  Déjà 
d'Assoucy  avait  mis  de  sa  musique  sur  Y  Andromède  de 
Corneille,  lorsqu'un  pauvre  diable  de  poète  médiocre  eut 
l'idée  de  composer  des  sortes  de  pièces  dans  lesquelles  «  il 
donnait  au  sentiment  humain  plus  d'expression  et  plus 
d'action  par  les  forces  de  la  musique  ».  Voilà  qui  était  bien 
dit  et  qui  renfermait  en  somme  toute  l'esthétique  du  drame 
lyrique.  Il  s'associa  avec  un  musicien  nommé  Cambert, 
avec  un  décorateur,  le  marquis  d-e  Sourdéac,  et  en  1659, 
un  an  avant  le  Serse  de  Cavalli,  fit  entendre  la  Pastorale 
d'Issy.  En  1669,  il  obtenait  un  privilège.  Il  donnait  à 
Paris,  dans  la  salle  du  Jeu  de  paume  de  la  Bouteille,  le 
premier  opéra  français  joué  devant  un  public  payant,  la 
Pastorale  de  Pomone  (mars  1671).  Cambert  s'étant 
brouillé  avec  Perrin,  son  troisième  opéra,  les  Peines  et 
les  Plaisirs  de  F  Amour,  fut  versifié  par  Gilbert  (avr. 
1672).  Ce  fut  alors  que  Lulli,  flairant  une  bonne  affaire, 
supplanta  Cambert  et  Perrin  et  ouvrit  sous  sa  direction, 
le  15  nov.  1672,  l'Académie  royale  de  musique  avec  les 
Fêtes  de  l'Amour  et  de  Bacchus. 

Si  Perrin  et  Cambert  avaient  bien  conçu  l'opéra  tel  qu'il 
devait  être,  ils  avaient  été  moins  heureux  dans  l'exécution 
et  ce  fut,  en  résumé,  Lulli  qui  compléta  l'œuvre  qu'ils 
avaient  commencée.  Tel  il  l'avait  créé,  tel  il  resta  en  France, 
du  moins  dans  ses  grandes  lignes,  jusque  vers  1830  à 
peu  près.  Avec  des  moyens  plus  variés  et  plus  riches, 
avec  une  expression  plus  belle  et  plus  incisive,  les  grands 
maîtres  français  ou  étrangers,  Rameau,  Gluck,  Spontini, 
Rossini  même  restèrent  fidèles  aux  principes  de  la  tragédie 
lyrique,  dont  Lulli  avait  donné  les  premiers  modèles;  seul 
Lesueur  s'en  écarta  quelque  peu,  mais  ne  s'en  éloigna  pas 
complètement  (V.  Opéra).  Pendant  près  de  vingt  ans,  Lulli 
régna  sans  partage  sur  la  scène  par  lui  fondée  ;  à  sa  mort, 
des  maîtres  habiles,  mais  non  de  génie,  comme  Charpen- 
tier, Campra,  Mouret,  Destouches,  tentèrent  de  soutenir 
îa  tragédie  lyrique,  mais  leurs  forces  les  trahissant  parfois 
dans  le  genre  sublime,  ils  eurent  recours  au  demi-genre, 
au  ballet  et  à  l'opéra- ballet,  et  la  tragédie  lyrique  aurait 
disparu  après  son  créateur  si  un  génie  puissant,  Rameau, 
ne  l'eût  vivifiée  d'un  souffle  nouveau.  Après  Rameau, 
nouvel  interrègne,  mais  l'opéra  reçoit  un  irrésistible  élan 
par  l'arrivée  de  Gluck  en  France.  Ce  fut  d'après  les  prin- 


cipes de  ce  grand  maître  que  des  hommes  comme  Méhul, 
Lesueur,  Cherubini  créèrent  les  œuvres  qui  ont  fait  la 
gloire  de  notre  école  lyrique  française.  Les  étrangers  eux- 
mêmes  comme  Spontini  et  Rossini  durent  se  soumettre, 
pour  réussir  en  France,  à  la  loi  de  l'expression  drama- 
tique. Après  deux  siècles  écoulés,  des  tragédies  lyriques 
comme  Armide  ou  Alceste,  de  Lulli,  ou  Hippolyte  et 
Aride,  de  Rameau,  sont  encore  aujourd'hui  des  œuvres 
qui  ontune  grandeur  et  un  intérêt  de  beaucoup  supérieurs 
aux  opéras  italiens  de  la  même  époque. 

Si  le  xvne  siècle  est  illustré  dans  l'histoire  musicale  de 
la  France  par  la  naissance  de  l'opéra,  c.-à-d.  de  la  tragédie 
lyrique,  le  xviue  a  pour  lui  d'avoir  vu  naître  et  grandir 
l'opéra-comique,  que  l'on  peut  appeler  la  comédie  musi- 
cale. Nous  avons  signalé  au  xme  siècle  la  jolie  pastorale 
avec  couplets  de  Robin  et  Marion.  Depuis  ce  jour,  dans 
les  ballets  royaux,  dans  les  fêtes,  dans  les  mystères,  on 
avait  entendu  force  petits  vers  gentiment  musiques  ;  nous 
signalerons  surtout  ceux  du  règne  de  Louis  XIII  et  les 
petites  pièces  chantées  de  Guédron  et  Boesset,  etc.;  à  la  fin 
du  xviie  siècle,  les  acteurs  italiens  de  la  foire  avaient  égayé 
les  vaudevilles  de  Regnard,  Boursault,  Dufrény,  des  flons- 
flons  de  Lorenzani,  de  Charpentier  et  de  Massé.  Les  Italiens 
partis,  les  acteurs  de  la  foire  continuèrent  leurs  traditions 
et  malgré  mille  vicissitudes  (V.  Opérà-comique)  eurent  de 
très  grands  succès  avec  des  petites  pièces  dont  les  compo- 
siteurs étaient   Gilliers,   Mouret,   Bernier,  Labbé,  Co- 
rette,  etc.;  c'est  en  1714  que  l'on  voit  apparaître  pour  la 
première  fois  le  nom  d'opéra-comique.  Enfin,  après  avoir 
livré. avec  Monnet  deux  grandes  batailles  de  1743  à  1744 
et  de  1752  à  1762,  il  finit  par  triompher.  Ce  fut  pendant 
cette  période  que  parurent  les  Troqueurs  (1753),  dit  à 
tort  le  premier  opéra-comique  français.  Nous  n'avons  pas 
à  raconter  ici  l'histoire  de  l'opéra-comique  qui  demandera 
plus  de  détails,  mais  à  indiquer  seulement  la  place  que  ce 
genre  a  tenu  dans  la  musique  française  au  xvme  siècle.  Si 
le  grand  drame  lyrique  resta  le  même  à  peu  près  parce 
que  son  modèle,  la  tragédie,  ne  subit  pas  de  sensibles  évo- 
lutions, l'opéra-comique,  au  contraire,  ressentit  toutes  les 
fluctuations  du  goût  littéraire.  Il  fut  d'abord  pastoral  et 
simple  avec  Monsigny,  plus  spirituel  avec  Grétry  ;  puis  vint 
une  sorte  de  premier  romantisme  sombre  auquel  répon- 
dirent les  œuvres  de  Méhul,  de  Lesueur  et  de  Cherubini;  la 
littérature  étrangère  de  Shakespeare  et  d'Ossian  était  venue 
vivifier  la  nôtre  ;  notre  musique  en  ressentit  l'influence  ; 
enfin  l'école  sentimentale,  aimable  et  galante  du  commen- 
cement du  siècle,  eut  pour  représentants  en  musique  Ber- 
ton,  Kreutzer,  Nicolo  et  le  plus  grand  de  ces  maîtres  de 
second  ordre,  Boïeldieu.  Au  contact  des  œuvres  italiennes, 
à  la  suite  de  ces  rivalités  qui  furent  si  célèbres  sous  le  nom 
de  querelles  (V.  ce  mot),  d'aimables  petits  musiciens  comme 
Dalayrac,  Dezaides,  Devienne  avaient  avec  bonheur  rendu 
en  musique  le  genre  léger  que  nous  appelons  vaudeville. 
Enfin  l'opéra-comique,  tout  en  élargissant  ses  proportions, 
avait  pris  plus  d'élégance  et  de  souplesse  lorsque  arriva  la 
magnifique  période  qui  commence  vers  1825. 

Pendant  le  xvme  siècle,  la  musique  jeta  sur  l'art  dra- 
matique français  un  très  brillant  éclat,  et  l'on  peut  dire 
hardiment  que  l'époque  des  Rameau,  des  Monsigny,  des 
Grétry,  des  Méhul  et  des  Lesueur  est  une  des  plus  glo- 
rieuses de  l'histoire  de  la  musique  en  France.  Aussi  croit-on 
généralement  que  cette  époque  n'a  vu  naître  chez  nous  que 
des  musiciens  de  théâtre.  C'est  une  erreur.  L'art  du  chant, 
des  instruments  de  l'orchestre,  l'art  religieux  aussi  ont 
été  cultivés  par  des  artistes  de  premier  ordre.  Le  chant 
avait  été  en  France  un  art  tout  particulier  où  dominaient 
non  la  virtuosité,  mais  l'expression,  le  goût  et  surtout  la 
diction.  Accompagné  du  luth  et  de  la  guitare,  et  plus  tard 
du  clavecin,  il  constitua  en  grande  partie  la  musique  de 
chambre  ou  de  salon  française.  Il  se  montra  sous  forme 
de  gracieuses  chansons  supérieurement  détaillées  par  des 
maîtres  comme  Nyert,  Lambert,  Bacilly,  etc.  (V.  Chant)  ; 
puis  il  s'agrandit  et  on  l'introduisit  dans  les  cantates  où 


—  1135  — 


FRANCE 


brillèrent  Campra,   Clérainbault,  Baptistin  ;  la  cantate, 
s'étant  trop  rapprochée  de  l'opéra  par  ses  proportions, 
disparut  (V.  Cantate)  et  fit  place  à  la  romance  qui  eut  son 
apogée  avec  Garât  à  la  fin  du  siècle  dernier  et  au  commen- 
cement de  celui-ci.  C'est  ce  même  xvme  siècle  qui  donna  nais- 
sance à  notre  grande  école  de  violon  ;  nos  premiers  maîtres, 
Duval,  Senaillé,  Baptiste  Anet,  furent  d'abord  élèves  des 
Italiens  et  surtout  du  grand  Corelli,  mais  bientôt  on  vit 
nos  violonistes  voler  de  leurs  propres  ailes,  avoir  un  style 
à  eux;  Leclair  fut  un  exécutant  et  un  compositeur  à  l'ins- 
piration poétique  et  élevée  ;  Guignon,  Gaviniès  furent  des 
maîtres  de  premier  ordre,  et  la  période  qui  nous  occupe  finit 
sur  les  trois  grands  noms  de  Rode,  Kreutzer  et  Baillot 
(V.  Violon).  Pour  le  clavecin,  notre  école  brille  encore, 
même  à  côté  des  écoles  italiennes  et  allemandes,  avec  les 
Couperin,  Balbâtre  et  surtout  l'immortel  Rameau;  Cham- 
pion, Daquin,  Marchand,  Rameau,  Balbâtre,  qui  furent  les 
grands  organistes  français  au  xvme  siècle,  n'auraient  pu, 
il  est  vrai,  soutenir  la  comparaison  avec  les  grands  génies 
contemporains  de  l'Allemagne  et  de  l'Italie,  mais  ils  ont  été 
cependant  des  artistes  de  haute  valeur,  et  notre  magnifique 
école  d'orgue  moderne  est  fière  de  se  rattacher  aux  tradi- 
tions de  ces  vieux  maîtres.  Pour  la  musique  religieuse  nous 
n'avons  aucune  œuvre  à  opposer  à  celles  des  Bach  et  des 
Hsendel  ;  cependant  il  nous  faut  rappeler  les  noms  de  Du- 
mont,  l'auteur  des  Messes  royales,  de  Charpentier,  de 
Lalande  dont  le  style  est  élevé  et  écrit  dans  une  magnifique 
sonorité  vocale,  de  Bernier,  de  Campra,  de  Gilles.  A  la  fin 
du  siècle,  un  de  nos  plus  illustres  maîtres,  Lesueur,  un 
vrai  poète,  renouvelle  l'art  d'église  en  le  rendant  plus  pitto- 
resque, plus  passionné,  disons  le  mot,  plus  émouvant  ; 
Lesueur  fut  bien  combattu  par  les  musiciens  de  son  temps, 
mais  ses  efforts  n'en  furent  pas  moins  féconds  en  beaux  et 
grands  résultats.  Enfin  c'est  le  nom  de  Cherubini,  Fauteur 
de  l'admirable  Messe  du  Sacre  qui  inaugure  le  xixe  siècle 
dans  la  musique  religieuse  française.  Les  xvie,  xvne  et 
xvme  siècles  avaient  vu  naître  en  Allemagne  et  en  Italie  de 
nombreuses  écoles  de  musique  et  des  conservatoires  (V.  ce 
mot);  en  même  temps  de  grands   théoriciens,    comme 
Zarlino,  avaient  codifié  la  science  de  l'harmonie.  Nous 
sommes  entrés  assez  tard  dans  cette  voie  ;  cependant  on  peut 
considérer  les  maîtrises  issues  du  moyen  âge  comme  d'excel- 
lentes écoles  de  musique,  et  lorsque  se  ferma  le  xvme  siècle 
le  Conservatoire  était  fondé  (1795).  Mersenne  fut  le  pre- 
mier en  France  qui  écrivit  une  sorte  de  traité  théorique  de 
la  musique  sous  le  titre  de  Harmonie  universelle  (1636); 
mais,  en  1721,  Rameau  bouleversa  l'enseignement  et  la 
théorie  de  l'harmonie  avec  son  Traité  d'harmonie  qui  fit 
autorité  jusqu'aux  premières  années  de  ce  siècle .  Enfin  de 
tous  les  côtés  les  réunions  musicales  s'étaient  établies,  le 
Concert  spirituel  (1725),  le  Concert  des  amateurs  (1780) 
qui  devint  celui  de  la  Loge  Olympique  où  furent  exécutées 
pour  la  première  fois  en  France  les  symphonies  d'Haydn. 
C'est  enfin  du  9  mars  4828  qu'il  faut  dater  la  première 
séance  de  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire  qui  eut 
sur  notre  école  une  salutaire  et  immense  influence  qui  dure 
encore. 

Avant  d'entrer  dans  l'époque  moderne,  résumons-nous 
donc  sur  les  deux  siècles  dont  nous  venons  de  présenter  le 
rapide  tableau.  Avec  des  noms  comme  ceux  de  Rameau,  de 
Grétry,  de  Méhul,  de  Lesueur,  de  Boïeldieu,  la  musique  a 
tenu  dignement  en  France  son  rang  à  côté  des  autres  arts  ; 
elle  a  suivi  le  mouvement  littéraire  et  intellectuel  de  notre 
pays  ;  son  histoire  est  un  chapitre  de  l'histoire  du  génie  fran- 
çais, et,  quel  que  soit  le  genre  dans  lequel  se  sont  exercés 
les  maîtres  que  nous  venons  de  nommer,  notre  art  musical 
a  conservé  les  grandes  qualités  qui  distinguent  nos  poètes, 
nos  auteurs  dramatiques  ou  nos  peintres,  la  clarté,  la  pré- 
cision et  la  sobriété  dans  l'expression  et  la  sincérité.  Quelques 
maîtres  venus  de  l'étranger  ont  donné  comme  Gluck  de 
sublimes  modèles  à  nos  artistes,  mais  combien  d'autres, 
ceux  d'Italie  surtout,  auraient  pu  nuire  à  notre  art  et  en 
changer  le  caractère  si  nos  musiciens,  toujours  fidèles  au 


génie  de  notre  race,  n'étaient  revenus  d'eux-mêmes,  après 
de  courts  engouements,  aux  principes  éternels  de  la  vérité 
sobre  et  de  la  justesse  qui  ont  fait  la  gloire  de  notre  école. 
Epoque  moderne.  —  Pendant  que  se  passaient  en  France 
les  faits  que  nous  venons  de  raconter,  l'Allemagne  musi- 
cale était  bouleversée  par  des  maîtres  qui  créaient,  non  un 
genre  nouveau,  mais  une  musique  nouvelle.  La  symphonie 
était  née  avec  Haydn,  Mozart  et  surtout  Beethoven,  et  cette 
grande  poésie  de  la  musique  pure  avait  ouvert  à  l'imagina- 
tion des  artistes  d'immenses  horizons  cachés  jusqu'alors. 
Il  ne  s'agissait  plus  de  nous  émouvoir  par  les  aventures  ou 
les  passions  des  personnages  de  théâtre,  on  voulait  mettre 
en  jeu  par  la  musique  seule  nos  propres  passions,  nos 
sentiments  les  plus  intimes,  éveiller,  grâce  à  elle,  des  émo- 
tions inconnues,  des  rêves  sans  bornes.  L'art  appelait  à 
son  secours  les  développements  les  plus  cherchés  de  la 
mélodie,  les  accents  les  plus  profonds  de  l'harmonie,  les 
couleurs  les  plus  variées  de  la  riche  palette  de  l'orchestre. 
La  musique  voulut  peindre  par  elle-même,  émouvoir  par  sa 
seule  puissance,  être  elle-même  sans  le  secours  d'aucun 
autre  art,  et  alors  étaient  nés  les  neuf  immortels  poèmes 
sonores  de  Beethoven.  Les  musiciens  français  ne  restèrent 
pas  sourds  à  ce  grand  appel.  Lorsque,  après  les  premières 
auditions  des  symphonies  d'Haydn,  de  Mozart  et  de  Beetho- 
ven, nos  compositeurs  eurent  compris  quelles  immenses  et 
nouvelles  ressources  l'instrumentation  et  l'harmonie  offraient 
à  la  musique,  ils  se  tournèrent  vers  la  symphonie  et  se 
l'approprièrent  en  développant  l'élément  pittoresque,  en  y 
introduisant  l'élément  dramatique.  Telle  fut  l'œuvre  qu'ac- 
complirent Berlioz  et  Félicien  David  lorsqu'ils  créèrent  l'ode- 
symphonie  et  la  symphonie  dramatique.  Jamais  époque 
n'avait  été  plus  favorable  au  renouvellement  de  l'art  musical 
en  France,  car  c'était  celle  où  les  poètes,  les  auteurs  dra- 
matiques, les  peintres  s'élançaient  hardiment  dans  la  mêlée 
du  romantisme.  A  partir  de  ce  jour  l'histoire  delà  musique 
française  cessa  d'être  une  sorte  de  répertoire  d'opéras  ou 
d'opéras-comiques  ;   elle  vit  naître  un  nouveau  genre  qui 
devait  bientôt  conquérir  triomphalement  sa  place  et  envahir 
même  le  théâtre.  Nous  avons  nommé  Berlioz  et  Félicien 
David  ;  ils  ne  tardèrent  pas  à  avoir  des  imitateurs.  Si 
quelques  compositeurs  comme  Onslow,Reber,  MmeFarrenc, 
Gouvy  tentèrent  de  rester  dans  les  traditions  de  la  sympho- 
nie classique  dont  Mozart  et  Haydn  avaient  fourni  les  plus 
parfaits  modèles,  d'autres  renouvelèrent  cet  art  déjà  un  peu 
suranné,  créèrent  la  Suite  d'orchestre,  composition  plus 
libre  et  plus  variée.  D'autres,  plus  hardis  encore,  bros- 
sèrent de  véritables  tableaux  en  musique  comme  le  Phaé- 
ton,  le  Rouet  d'Omphale,  le  Déluge,  la  Danse  macabre 
de  M.  Saint-Saëns  ou  les  Scènes  hongroises,  et  les  Scènes 
pittoresques  de  M.  Massenet.  Puis  on  vit  naître  des  sym- 
phonies sur  des  sujets  mystiques  ou  des  ouvertures  qui 
voulaient  peindre  un  personnage  ou  une  page  d'histoire  ; 
les  instruments  étaient  devenus  les  premiers  et  les  meilleurs 
interprètes  de  nos  compositeurs.  Mais,  malgré  leur  puis- 
sance d'expression  et  la  variété  de  leurs  timbres,  les  ins- 
truments ne  suffirent  bientôt  pas  à  nos  musiciens  qui  appe- 
lèrent à  leur  secours  la  voix  humaine  soit  en  chœur,  soit 
en  soli.  La  première  œuvre  de  ce  genre  est  le  Roméo  et 
Juliette  de  Berlioz  (1839),  puis  le  Désert  de  Félicien  David 
(1844)  ;  la  plus  magistrale,  selon  nous,  est  la  Damnation 
de  Faust  (1846),  qui  touche  de  si  près  à  l'art  dramatique. 
Nous  n'énumérerons  pas  toutes  les  œuvres,  où  l'orchestre 
tient  la  plus  grande  place,  qui  ont  paru  depuis  cinquante 
ans.  Disons  seulement  que  nos  maîtres  ont,  dans  ce  genre 
de  composition,  abordé  hardiment  tous  les  sujets  depuis 
l'amour  passionné  jusqu'aux  sentiments  les  plus  purs  et 
les  plus  mystiques  de  la  foi  chrétienne.  De  cette  dernière 
source  est  sorti  un  chef-d'œuvre,  V Enfance  du  Christ, 
de  Berlioz.  Deux  autres  partitions  de  caractère  différent, 
mais  de  grand  talent,  méritent  aussi  d'être  signalées  dans 
ce  genre:  Marie-Magdeleine  de  M.  Massenet  et  les  Béa- 
titudes de  César  Franck.  Avec  les  symphonies  dramatiques 
où  les  voix  étaient  jointes  à  l'orchestre,  nos  composi- 


FRANCE 


—  4436  — 


teurs  avaient  côtoyé  le  théâtre  de  trop  près  pour  ne  pas 
être  tentés  d'y  mettre  le  pied  ;  ce  fut  alors  que  l'on  vit  se 
développer  un  genre  peu  cultivé  autrefois,  celui  d'un  mélo- 
drame musical,  genre  à  la  fois  symphonique  et  dramatique 
dans  lequel  l'action  d'une  tragédie  ou  d'un  drame  était 
accompagnée  et  commentée  au  moyen  de  morceaux  sympho- 
niques  et  de  chœurs.  Je  citerai  en  France,  parmi  les  œuvres 
les  plus  remarquables  de  ce  genre,  les  Ery unies,  de 
M.  Massenet,  pour  la  tragédie  de  M.  Leconte  de  Lisle,  et 
V Artésienne,  de  Bizet,  pour  le  drame  de  M.  Daudet.  Enfin 
nous  ne  pouvons  terminer  ce  paragraphe  où  nous  avons 
tenté  de  résumer  en  quelques  mots  l'évolution  symphonique 
commencée  en  France  pendant  ce  siècle  sans  rappeler  les 
noms  de  deux  hommes,  Habeneck  et  Pasdeloup,  qui  en  fon- 
dant l'un  des  concerts  de  la  Société  des  concerts  du  Con- 
servatoire, l'autre  les  Concerts  populaires  (4861),  prépa- 
rèrent les  premiers  des  auditeurs  à  l'école  nouvelle  et 
rendirent  par  là  d'immenses  services  à  notre  art.  Ils  ont  eu 
depuis  des  successeurs  remarquables  au  premier  chef  comme 
MM.  Colonne  et  Lamoureux,  mais  c'est  à  eux  surtout  qu'il 
faut  rapporter  l'honneur  d'avoir  tenté  hardiment  l'entre- 
prise. 

Pendant  que  se  préparait  la  curieuse  évolution  sympho- 
nique dont  nous  avons  tenté  de  résumer  l'histoire,  l'opéra 
et  l'opér a-comique,  dans  une  période  qui  s'étend  à  peu  près 
de  4825  à  4850,  traversaient  une  de  leurs  phases  les  plus 
brillantes.  A  cette  époque  nos  compositeurs  firent  surtout 
de  la  musique  d'action  que  l'on  pourrait  appeler  narrative. 
Raconter  en  musique  un  fait  dramatique  puisé  dans  l'his- 
toire ou  inventé,  poser  le  décor  musical  sans  s'arrêter  à  la 
peinture  détaillée  des  tableaux,  iaire  agir  les  personnages 
sans  entrer  trop  profondément  dans  l'intimité  de  leurs  sen- 
timents, chercher  avant  tout  à  impressionner  l'auditeur  par 
une  ligne  mélodique  bien  dessinée  et  bien  en  relief,  tel  fut 
le  but  des  musiciens  de  ce  temps  qui  nous  ont  légué  de 
remarquables  partitions  dans  le  haut  style  lyrique  comme 
dans  le  demi-genre.  A  partir  de  la  moitié  de  ce  siècle  et  sous 
l'influence  de  l'école  symphonique,  l'esthétique  changea. 
Les  musiciens  ne  se  contentèrent  plus  des  sujets  que  leur 
fournissaient  d'habiles  dramaturges  comme  Scribe  ou  Saint- 
Georges,  ils  voulurent  traduire  en  musique  les  poètes  les 
plus  délicats,  les  plus  psychologiques,  comme  Shakespeare, 
Gœthe,  etc.;  possédant  à  fond  tous  les  secrets  de  la  langue 
musicale,  ils  pensèrent  qu'elle  aussi  comme  la  langue  poé- 
tique pouvait  exprimer  toutes  ou  presque  toutes  les  déli- 
catesses de  l'âme.  C'est  dans  cette  voie  où  ils  sont  entrés 
courageusement  depuis  près  d'un  demi-siècle  que  nos  com- 
positeurs se  maintiennent  encore  aujourd'hui. 

Trois  musiciens  étrangers  ont  eu  une  grande  influence 
sur  les  œuvres  de  la  première  période:  Rossini,  Meyerbeer, 
Weber.  Je  ne  crains  pas  de  le  dire,  l'influence  de  Rossini 
fut  néfaste  à  notre  musique.  Au  lieu  de  cet  art  noble  et 
grand  dans  le  genre  lyrique,  fin  et  juste  dans  le  demi- 
genre  que  nous  avaient  laissé  après  Gluck,  Grétry,  etc.,  les 
Méhul,  les  Lesueur,  les  Berton,  les  Boïeldieu,  on  vit  naître 
un  art  plus  souple,  plus  élégant,  il  est  vrai,  dans  la  forme, 
mais  plus  vide  dans  le  fond,  rempli  de  faux  éclat  et  de  fausse 
grâce,  de  clinquant  mélodique  et  vocal.  Rossini,  pour  écrire 
Guillaume  Tell,  emprunta  à  nos  vieux  maîtres  quelques- 
unes  de  leurs  grandes  qualités  et  ne  laissa  à  ses  imitateurs 
que  ses  défauts.  Meyerbeer,  au  contraire,  plus  profond,  plus 
sincère,  plus  dramatique  en  un  mot,  légua  aux  musiciens 
français  un  riche  héritage,  et  l'on  peut  dire  que  c'est  l'in- 
fluence de  l'auteur  des  Huguenots  et  du  Prophète  qui  resta 
la  plus  persistante  et  la  plus  féconde  chez  la  plupart  des 
musiciens  de  la  génération  qui  a  précédé  celle  d'aujourd'hui. 
Ce  ne  fut  pas  par  le  procédé  dramatique  que  Weber  imposa 
son  génie  en  France,  car,  en  résumé,  à  part  le  Freyschutz, 
aucune  de  ses  œuvres  n'est  restée  populaire  chez  nous, 
mais  il  avait  de  plus  que  Rossini  et  Meyerbeer  un  profond 
et  poétique  sentiment  de  la  nature,  une  douce  et  idéale 
rêverie,  une  allure  vraiment  fière  et  chevaleresque.  Aussi 
attira- t-il  vers  lui  tous  ceux  de  nos  musiciens  qui  étaient  réel- 


lement poètes,  et  cela  depuis  son  apparition  en  France  jusqu'à 
nos  jours,  depuis  Hérold  jusqu'à  M.  Reyer  et  nos  maîtres 
contemporains.  On  a  aussi  beaucoup  applaudi  trois  maîtres 
italiens,  Bellini,  Donizetti  et  surtout  Verdi  ;  les  aimer  était 
peut-être  bien,  mais  les  imiter  était  à  coup  sûr  un  abus. 

Parmi  les  musiciens  français,  Halévy  tint  le  premier 
rang  dans  le  grand  opéra.  Ses  œuvres  étaient  essentielle- 
ment narratives,  comme  la  Juive,  comme  Guido  et  Gene- 
vra,  comme  Charles  VI;  il  avait  l'émotion,  la  puissance, 
l'instinct  des  grands  effets  de  théâtre.  A  côté  de  lui  Auber, 
avec  la  Muette  (4828),  avait  eu  l'esprit  de  faire  d'un  noir 
mélodrame  un  charmant  opéra-ballet.  Après  ces  maîtres, 
il  nous  faut  citer  Niedermeyer,  musicien  noble  et  élevé, 
vraiment  digne  de  notre  école.  A  l'Opéra-Comique  les  œuvres 
remarquables,  les  chefs-d'œuvre  se  succèdent  sans  inter- 
ruption de  4825  à  4850.  Les  trois  grands  maîtres  de  cette 
période  à  l'Opéra-Comique  sont  :  Hérold  avec  le  Pré  aux 
Clercs  (4831),  Zampa  (4832),  etc.  ;  Halévy  avec  sa  char- 
mante partition  de  l'Eclair,  son  dramatique  Val  d  An- 
dorre et  tant  d'autres  œuvres  que  nous  ne  pouvons  toutes 
citer  ici  ;  Auber,  dont  la  Fiancée  (4829),  Fra  Diavolo 
(4830),  le  Domino  noir  (4837),  les  Diamants  de  la 
Couronne  (4844),  Haydée  (1847),  sont,  à  notre  avis,  les 
meilleures  œuvres.  Derrière  ces  trois  maîtres,  glorieuse 
trinité,  combien  de  musiciens  de  talent  se  pressent  en 
foule  :  le  fécond  et  spirituel  Adolphe  Adam,  Clapisson, 
Semet,  Bazin,  Reber,  Maillart  qui  dans  les  Dragons  de 
Villars  et  Lara  montra  une  réelle  puissance  dramatique, 
Ambroise  Thomas  ! 

C'est  à  dessein  que  nous  fermons  cette  énumération  sur 
le  nom  d'Ambroise  Thomas.  Il  semble  que  cet  illustre  et 
vénéré  maître  serve  encore  de  nos  jours  de  lien  à  l'ancienne 
et  à  la  nouvelle  école.  En  effet,  È.  A.  Thomas  est  avec 
M.  Gounod  un  des  premiers  qui  cherchèrent  à  donner  à  la 
musique  de  théâtre  plus  de  profondeur  et  de  poésie.  A 
l'Opéra,  Sapho  de  Gounod  s'inspirait  de  l'esprit  antique 
(1851),  tandis  qu'en  1850  M.  A.  Thomas  avait,  avec  la 
scène  de  l'apparition  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  indiqué 
les  tendances  nouvelles.  Ce  n'était  plus  par  des  mélodies 
fortement  accentuées,  par  des  rythmes  marqués  que  le  mu- 
sicien exprimait  sa  pensée  ;  la  délicatesse  de  l'harmonie,  le 
coloris  fin  et  distingué  de  l'orchestre,  quelque  chose  déplus 
raffiné  qu'Halévy,  de  plus  expressif  qu'Auber,  semblaient 
animer  cette  musique.  Nous  n'avons  qu'à  indiquer  ici  les 
tendances  générales  de  la  musique  française;  aussi  n'entre- 
rons-nous pas  clans  le  détail  des  œuvres  qui  se  sont  suc- 
cédé depuis  cette  épocjue  (V.  Opéra  et  Opéra-Comique). 
Contentons-nous  de  dire  que,  grâce  à  Gounod,  Thomas, 
Massé,  Félicien  David,  Bizet,  Saint-Saëns,  Massenet,  De- 
libes,  Guiraud,  Paladilhe,  Joncières,  ce  mouvement  n'a  fait 
que  s'accentuer  dans  le  drame  lyrique  comme  dans  le  demi- 
genre.  En  même  temps,  Meyerbeer  avec  le  Pardon  de 
Ploërmel  (1859),  partition  si  colorée  et  si  poétique,  entrait 
triomphalement  dans  la  nouvelle  voie,  et  Berlioz  donnait 
en  1864,  au  Théâtre-Lyrique,  les  Troyens  à  Carthage,  où 
il  traduisait  magistralement  en  musique  la  poésie  virgi- 
lienne.  Ce  fut  cette  même  année  (13  mars  1864)  qui  vit 
ces  désastreuses  mais  célèbres  représentations  du  Tannhau- 
ser  de  Richard  Wagner  à  l'Opéra.  Ce  jour-là  entrait  en 
scène  un  maître  qui  devait  avoir  sur  nos  compositeurs  une 
influence  dont  il  n'est  pas  possible  aujourd'hui  de  prévoir 
les  résultats. 

A  mesure  que  l'opéra-comique  s'élevait  vers  les  régions 
plus  élevées  de  l'art,  les  gentilles  œuvres  des  Auber, 
Adam  et  Clapisson,  véritables  vaudevilles  musicaux,  deve- 
naient bien  minces  pour  faire  bonne  figure  à  côté- des  par- 
titions nouvelles  à  hautes  et  poétiques  inspirations  ;  un 
nouveau  genre  naquit  alors,  celui  de  l'opérette;  excen- 
trique et  échevelée  d'abord,  l'opérette,  avec  Offenbach  et 
Hervé,  représenta  plutôt  la  grimace  de  la  musique  que  la 
musique  elle-même,  mais  au  bout  d'une  dizaine  d'années 
de  succès,  elle  devint  plus  sage,  plus  régulière  avec  le 
même  Offenbach  et  Charles  Lecoq.  Avant  peu,  si  la  chose 


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FRANCE 


n'est  déjà  faite,  elle  aura  pris  dans  notre  théâtre  musical 
la  place  laissée  libre  par  l'ancien  genre  de  l'opéra- 
comique. 

Il  nous  a  fallu  nous  arrêter  quelque  temps  sur  les  di- 
verses péripéties  de  l'histoire  de  la  musique  symphonique 
et  dramatique  en  France  pendant  ce  siècle;  mais  nous 
devons  quelques  lignes  encore  au  souvenir  de  ceux  qui  dans 
l'exécution  de  la  musique  et  dans  son  enseignement  ont 
tenu  haut  le  drapeau  de  notre  école.  Voici  les  chanteurs  : 
Nourrit  fils,  Duprez,  Baroilhet,  Roger,  Villaret,  Faure;  les 
cantatrices  Cinti-Damoreau,  Falcon,  Stolz,  Dorus-Gras, 
Mmes  Viardot,  Carvalho,  etc.  Nos  instrumentistes,  tels  que 
Delaborde,  Planté ,  Ritter,  Duvernoy,  Mmes  Massart,  Far- 
renc,  Montigny-Remaury,  Jaell,  pour  le  piano,  ont  continué 
les  belles  traditions  des  grandes  clavecinistes  du  xvme  siècle. 
Notre  belle  école  de  violon  que  formaient  pendant  la  pé- 
riode précédente  les  Rode,  les  Kreutzer,  les  Baillot,  les 
Lafont,  s'est  perpétuée  avec  un  éclat  plus  vif  encore  peut- 
être,  grâce  à  de  grands  artistes  comme  Alard,  Dancla, 
Vieuxtemps,  Garcin,  Sarasate,  Mlle  Marie  Tayau,  etc.  A 
côté  d'eux,  voici  les  violoncellistes  Batta,  Chevillard,  Fran- 
chomme,  Lebouc,  Jacquard;  les  contrebassistes  Labro  et 
Verrimst  qui  réclament  leur  place,  ainsi  que  les  harpistes 
Gatayes,  Félix  Godefroy,  Hasselmans.  —  Dorus,  Drouet, 
Tulou,  Rémusat,  Taffanel  pour  la  flûte  ;  Vogt,  Brod,  Trié- 
bert,  Lalliet,  Gillet,  pour  le  hautbois  ;  Jancourt  pour  le 
basson  ;  Klosé,  pour  la  clarinette  ;  Mohr,  Vivier,  etc.,  pour 
le  cor,  portent  à  sa  perfection  l'art  difficile  des  instruments 
à  vent.  —  Si  nous  passons  du  concert  à  l'église,  voici  des 
musiciens  religieux  au  style  grave  et  élevé  comme  Nie- 
dermeyer,  Nicou-Choron,  M.  Gounod,  de  grands  organistes 
comme  Saint-Saêns,  César  Franck,  Baptiste,  Benoît,  Chau- 
vet,  Gigout,  Guilmant,  Lefébure-Wély,  Widor.  —  Dans 
un  ordre  moins  élevé,  la  chanson  n'a  pas  été  négligée  :  les 
noms  de  Pierre  Dupont,  de  Darcier,  de  Nadaud  sont  encore 
là  pour  le  prouver.  La  romance,  si  brillante  entre  4825  et 
4850,  avec  Adam,  Monpou,  Bérat,  Clapisson,  Dalvimare, 
Grisar,  Scudo,  Mmes  Duchambge,    Gaïl,    Gay,  Loïsa 
Puget,  s'est  développée  ;  des  maîtres  comme  Félicien  David, 
Berlioz,  Gounod  s'en  sont  emparés  et  en  ont  élargi  le 
cadre.  Nos  musiciens  lui  donnent  aujourd'hui  plus  de  déve- 
loppement encore,  et  ce  sont  de  véritables  petites  scènes, 
de  charmantes  esquisses  de  tableaux  que  ces  compositions 
intitulées  Poèmes  du  printemps,  d'avril,  d'hiver,  etc. 

A  côté  de  la  musique  proprement  dite,  l'art  populaire  a 
pris  un  essor  jusqu'alors  inconnu.  Je  ne  parle  pas  des  so- 
ciétés musicales  qui  se  sont  partout  formées  ;  nous  avons 
nommé  les  Concerts  populaires,  ceux  de  MM.  Colonne  et 
Lamoureux  ;  les  sociétés  fondées  ou  dirigées  par  Seghers, 
Wekerlin,  Bourgault-Ducoudray,  Guillot  de  Saint-Brice 
ont  aussi  contribué  à  faire  connaître  la  bonne  musique  en 
France.  Je  veux  signaler  aussi  les  efforts  qui  ont  été  faits 
pour  répandre  la  musique  dans  le  peuple,  les  progrès  de 
l'enseignement  du  chant  dans  les  écoles,  la  création  de 
nombreux  orphéons,  les  efforts  d'hommes  dévoués,  comme 
Bocquillon-Wilhem  et  les  Chevé.  On  a  attribué  aux  or- 
phéons un  rôle  moralisateur  dont  nous  n'avons  pas  ici  à 
apprécier  l'importance,  mais  nous  pouvons  du  moins  dire 
que  grâce  à  eux  on  a  vu  augmenter  le  nombre  de  ceux  qui 
aiment  et  apprécient  les  belles  œuvres. 

Les  esprits  chagrins  ne  manquent  pas  pour  dire,  comme 
on  l'a  dit  de  tout  temps,  que  la  musique  était  en  décadence 
dans  notre  pays.  Jamais,  au  contraire,  il  me  semble,  on 
n'a  pu  assister  à  un  plus  beau  mouvement  artistique.  L'évo- 
lution que  nous  avons  indiquée  a  déjà  donné  de  grands 
résultats,  et  nous  sommes  persuadé  qu'elle  en  aura  de  plus 
grands  encore  ;  après  avoir  jeté,  comme  nous  venons  de  le 
faire,  un  rapide  coup  d'œil  sur  l'histoire  musicale  de  la 
France,  non  seulement  on  acquiert  cette  conviction  que 
notre  école  a,  dans  tous  les  genres,  tenu  dignement  sa 
place  à  côté  de  celles  de  l'étranger,  mais  que  îes  dévelop- 
pements et  les  progrès  de  la  musique  française  se  sont 
faits  avec  un  enchaînement  merveilleux,  grâce  à  une  suc- 
grande  ENCYCLOPÉDIE.   —  XVII. 


cession  de  maîtres  qui  se  sont  transmis  d'âge  en  âge  les 
traditions  de  notre  génie.  Chaque  génération  a  apporté  son 
tribut,  a  enrichi  l'héritage  laissé  par  les  générations  pré- 
cédentes. Depuis  le  chef-d'œuvre  le  plus  ancien  jusqu'à 
celui  d'aujourd'hui  les  mêmes  qualités  se  retrouvent,  qua- 
lités de  notre  génie  national,  la  clarté,  la  précision,  la 
justesse,  sans  lesquelles  il  n'est  pas  de  musique  française. 

H.  Lavoix. 
Numismatique.  —  Les  plus  anciennes  monnaies  frap- 
pées sur  le  territoire  qui  forme  aujourd'hui  la  France  sont 
les  monnaies  gauloises.  L'étude  de  ces  monuments  se  rat- 
tache à  la  numismatique  grecque  (V.  Gaule).  La  Gaule  une 
fois  soumise  aux  Romains,  des  ateliers  impériaux  y  furent 
établis  (spécialement  à  Arles,  à  Trêves,  à  Lyon,  à  Nar- 
bonne)  qui  émirent  des  monnaies  aux  noms  des  empereurs  ; 
leur  étude  ne  peut  être  séparée  de  celle  des  autres  monnaies 
romaines.  La  numismatique  française  ne  commence  donc 
qu'avec  les  invasions  des  Barbares  à  la  fin  du  ve  siècle. 

Numismatique  royale.  —  Période  mérovingienne.  Le 
point  de  départ  du  monnayage  de  tous  les  peuples  barbares 
qui  s'établirent  dans  les  limites  de  l'Empire  a  été  l'imitation 
des  monnaies  romaines,  ou,  pour  parler  plus  exactement, 
byzantines.  Les  Francs,  comme  aussi  les  Goths  d'Italie  et 
ceux  d'Espagne,  ont  d'abord  frappé  des  monnaies  en  tout 
semblables  aux  pièces  impériales  et  qui  ne  s'en  distinguent 
que  par  la  barbarie,  du  style  et  l'incorrection  des  légendes  ; 
mais  le  nom  de  l'empereur  et  son  buste,  la  formule  Victo- 
ria Augustorwn  et  le  type  de  la  Victoire  persistent.  Ce 
n'est  pas  que  les  rois  barbares  aient  voulu  par  là  témoigner 
de  leur  soumission  à  l'empereur  de  Constantinople.  Mais 
leur  intérêt  économique  les  obligeait  à  conserver  sur  les 
espèces  sorties  des  ateliers  de  leur  royaume  le  nom  qui, 
seul,  pouvait  à  cette  époque  donner  du  crédit  au  numéraire. 
Quand,  au  milieu  du  vic  siècle,  au  plus  tôt  en  539,  le  roi 
Théodebert  Ier,  copiant  les  sous  d'or  de  Justinien,  fit  subs- 
tituer son  nom  à  celui  de  l'empereur,  les  contemporains, 
j'entends  ceux  qui,  comme  Procope,  étaient  assez  instruits 
pour  remarquer  ce  changement,  regardèrent  cela  comme  un 
coup  d'audace  :  les  termes  qu'emploie  Procope  dans  son 
récit  marquent  d'ailleurs  plus  de  stupéfaction  que  d'indi- 
gnation. La  tentative  de  Théodebert  ne  réussit  pas  pleine- 
ment ;  car  un  demi-siècle  après  sa  mort  on  frappait  encore 
des  pseudo-impériales  en  Gaule,  et  ses  successeurs  n'ont 
fait  figurer  qu'exceptionnellement  leurs  noms  sur  les  mon- 
naies. A  Marseille,  l'émission  des  pseudo-impériales  dura 
jusqu'au  vne  siècle,  jusqu'au  règne  de  Clotaire  II  (613-629). 
Héraclius  est  le  dernier  empereur  (610-641)  dont  on  ait 
relevé  le  nom  sur  des  monnaies  gallo-franques.  Mais  au 
cours  du  vie  siècle,  les  monnayers,  monetarii,  qu'on  appelle 
pour  la  période  mérovingienne  des  monétaires,  s'étaient 
rendus  indépendants  du  comte  des  Sacrées  Largesses  et 
s'étaient  mis,  autant  qu'on  peut  croire,  à  exercer  leur  office 
non  plus  pour  le  compte  de  l'Etat,  mais  pour  leur  propre 
compte.  De  plus,  les  ateliers  se  multiplièrent.  Vers  le  même 
temps,  certains  monétaires  substituèrent  sur  les  pièces  le 
nom  du  roi  à  celui  de  l'empereur  ;  d'autres  conservèrent  ce 
nom,  mais  écrivirent  le  leur  sur  la  face  opposée  de  la 
monnaie  ;  d'autres  enfin  remplacèrent  la  légende  ordinaire 
du  revers  par  le  nom  de  la  localité  où  était  établie  leur 
officine.  Citons  quelques 
exemples  :  un  tiers  de  sou 
de  Childebert  Ier  (511- 
558)  portant  au  droit  la 
légende  HILDEBERTVS, 
autour  d'un  buste  diadème, 
de  profil  à  droite  et,  au 
revers,  CHRAMNVS,  nom 
du  monétaire,  et  une  Victoire.  A  Lyon,  des  tiers  de  sou  au 
nom  de  Justinien  présentent  au  revers  la  légende  DE  OFI- 
CINA  MARET  (fig,  1);  enfin,  à  Decize,  une  monnaie  de 
Justin  a  pour  légende  du  revers  le  nom  de  la  localité 
DICETIA,  précédé  du  mot  VICTORIA,  reste  de  Victuria 
Augustorum.  C'est  ainsi  que  se  constitua  le  monnayage 

72 


Fig.  1.  —  Justinien  à  Lyon. 


FRANGE 


—  4438  — 


Fig.  2.  —  Sou  d'or  de  Théodebert. 


mérovingien  qui  comprend  des  pièces  avec  noms  royaux, 
d'autres  avec  noms  d'églises,  d'autres  enfin  avec  noms  de 
localités.  Mais  les  monnaies  de  ces  divers  groupes  sont 
ordinairement  signées  d'un  monétaire. 

Les  monnaies  royales  ne  se  rencontrent  pendant  la  période 
mérovingienne  qu'à  l'état  sporadique.  Seul  l'atelier  de  Mar- 
seille fournit  une  série  continue  de  monnaies  à  noms  de  rois 
depuis  Clotaire  II  jusqu'à  Childebert  III.  Partout  ailleurs  les 
monnaies  royales  sont  des  exceptions,  on  pourrait  dire  des 
accidents.  L'organisation  des  ateliers  monétaires,  les  condi- 
tions dans  lesquelles  se  faisait  l'émission  des  monnaies  sont 
trop  mal  connues  pour  que  nous  ayons  chance  de  découvrir 
les  causes  de  ces  phénomènes.  Toutefois,  on  peut  conjecturer 
que  si  les  monétaires  n'ont  que  rarement  gravé  le  nom  du 
souverain  sur  les  monnaies  qu'ils  frappaient,  c'est  qu'ils 
s'étaient  affranchis,  au  moins  en  partie  et  dans  des  limites 
que  nous  ne  connaissons  pas,  de  l'autorité  publique  dès 
avant  l'établissement  définitif  des  royaumes  barbares.  C'est 
ce  que  semble  indiquer  pour  l'Espagne  une  lettre  de  Théo- 
doric  insérée  dans  le  recueil  de  Cassiodore.  Le  premier 
roi  mérovingien,  dont  on  ait  conservé  une  monnaie,  est 
Thierry  Ier  (514-534)  ;  encore  n'est-ce  qu'une  monnaie  de 
bronze.  Théodebert  Ier  (534-548)  paraît  être  le  premier 

souverain  franc 
qui  ait  inscrit 
son  nom  sur  l'or 
(fig.  2);  l'idée 
lui  en  vint  à  la 
suite  de  sa  cam- 
pagne en  Italie, 
en  539  ;  il  est 
même  probable 
que  la  plupart  de 
ses  sous  et  tiers  de  sous  d'or  ont  été  frappés  au  delà  des 
Alpes.  Childebert  Ier  (511-558)  a  monnayé  For,  l'argent  et 
le  bronze  ;  de  Clotaire  Ier  (511-561),  nous  n'avons  qu'une 
pièce  d'argent.  Voici  la  liste  des  autres  rois  francs  dont  on 
a  relevé  les  noms  sur  des  monnaies  avec  l'indication  des 
villes  où  ont  été  émises  ces  monnaies  :  Sigebert  Ier  (Toul, 
Reims)  ;  Caribert  Ier  (Aire)  ;  Gontran  (Ghalon  ?,  Sens)  ; 
Childebert  II  (Arles)  ;  Clotaire  II  (Arles,  Chalon,  Embrun  ?, 
Grenoble  ?,  Marseille,  Paris,  Valence,  Viviers)  ;  Théode- 
bert II  (Clermont-Ferrand)  ;  DagobertIer  (Agaune,  Limoges, 
Marseille,  Le  Palais,  Paris,  Uzès,  Viviers)  ;  Caribert  II 
(Banassac)  ;  Clovis  II  (Amiens,  Marseille,  Orléans,  Le  Palais, 
Paris)  ;  Sigebert  II  (Banassac,  Marseille,  Viviers)  ;  Childe- 
bert, fils  de  Grimoald  (Clermond-Ferrand)  ;  Clotaire  III  ; 
Childéric  II  (Marseille)  ;  Dagobert  II  (Marseille)  ;  Clovis  III 
(Marseille)  ;  Childebert  III  (Marseille,  Rodez?,  Tours  ?). 

Le  roi  n'était  pas  le  seul  détenteur  de  l'autorité  publique 
qui  inscrivît  son  nom  sur  les  monnaies.  Un  certain  nombre 
de  pièces  d'or  et  d'argent  offrent  des  noms  d'églises  et  de 
prélats.  Voici  la  liste  des  églises  cathédrales,  des  évêques, 
des  basiliques  et  des  monastères  dont  le  monnayage  méro- 
vingien nous  fournit  les  noms  :  Angers,  Banassac  (la  basi- 
lique de  Saint-Martin),  Bordeaux  (la  cathédrale  et  la  basi- 
que de  Saint-Etienne),  Brioude  (la  basilique  de  Saint-Julien), 
Chalon-sur-Saône  (la  cathédrale,  l'évêque  Stephanus  et  la 
basilique  de  Saint-Marcel),  Clermont-Ferrand  (les  évêques 
Avitus,  Procolus  et  Bubus),  Corbie,  Jumiège,  Ligugé, 
Limoges,  Lyon  (les  évêques  et  spécialement  Lambert), 
Noyon,  Orléans  (le  monastère  de  Saint -Mesmin),  Poitiers 
(la  cathédrale,  les  monastères  de  Sainte-Croix  et  de  Saint-Hi- 
laire),  Saint-Denis,  Saint-Maixent,  Saint-Maurice  d' Agaune, 
Saint-Yrieix,  Senlis,  Soissons  (la  basilique  de  Saint-Médard), 
Toulouse. 

Le  groupe  de  monnaies  de  beaucoup  le  plus  important  et 
le  plus  nombreux,  celui  qui  constitue  le  fond  même  du 
monnayage  mérovingien,  ce  sont  les  monnaies  dites  des 
monétaires,  qui  ne  portent  ni  nom  de  roi,  ni  nom  d'église, 
mais  seulement  un  nom  de  lieu  et  un  nom  de  monétaire. 
On  pourrait  faire  rentrer  dans  cette  classe  toutes  les  mon- 
naies mérovingiennes,  car  celles-là  même  qui  portent  des 


noms  de  rois  et  d'églises  offrent  aussi,  pour  la  plupart,  le 
nom  d'un  monétaire.  Les  légendes  de  ces  monnaies  sont 
d'un  côté  un  nom  de  lieu,  de  l'autre  un  nom  d'homme.  Le 
nom  de  lieu  est  souvent  suivi  d'un  qualificatif,  civitate, 
vico,  Castro,  mallo,  villa,  et  du  mot  fit,  qui  indique 
que  la  monnaie  a  été  frappée  dans  le  lieu  même.  Quant  au 
nom  d'homme,  il  est  d'ordinaire  accompagné  de  mone- 
tario  plus  ou  moins  abrégé.  Les  monnaies  mérovingiennes 
des  viie  et  vme  siècles  ont  fourni  environ  700  noms  de 
lieux.  On  voit  l'importance  de  la  numismatique  mérovin- 
gienne pour  la  géographie  historique.  Pour  bon  nombre  de 
petites  localités  de  la  France,  les  monnaies  du  vne  siècle 
sont  les  documents  les  plus  anciens  qui  constatent  leur 
existence,  leur  acte  de  naissance  à  la  vie  historique.  Il  est 
vrai  que  l'identification  des  lieux  autres  que  les  cités  pré- 
sente plus  d'une  difficulté.  Cependant,  comme  le  style  des 
monnaies  varie  d'une  région  à  une  autre  et  que  ce  style  est 
déterminé  par  quelques  monnaies  d'attribution  certaine, 
comme  par  exemple  celles  des  cités,  on  peut  le  plus  sou- 
vent circonscrire  le  territoire  où  doit  être  recherchée  la 
localité  dont  le  nom  est  inscrit  sur  la  monnaie  et  qu'il 
s'agit  d'identifier.  Soit  une  monnaie  portant  Arciaca.  Il 
existe  en  France  plusieurs  villages  dont  le  nom  moderne 
répond  à  ce  nom  latin.  Mais  si  notre  monnaie,  comme  c'est 
le  cas  pour  un  tiers  de  sou  du  monétaire  Leudericus,  rap- 
pelle les  espèces  de  Troyes,  nul  doute  qu'il  ne  convienne 
de  l'attribuer  à  Arcis-sur-Aube.  D'autres  monnaies  portent 
Arciacas,  Arciaco  dont  le  style  indique  la  région  du  Maine  ; 
l'identification  est  plus  difficile  parce  qu'il  existe  dans  le 
Maine  plusieurs  localités  dont  le  nom  répond  à  Arciacas  ou 
Arciaco.  Je  ne  puis  donner  ici  la  liste  des  noms  de  lieux 
relevés  sur  les  monnaies  mérovingiennes.  La  dernière  liste 
qui  en  ait  été  publiée  est  celle  de  M.  A.  de  Barthélémy, 
dans  Numismatique  de  la  France  (pp.  31  à  48)  (Instruc- 
tions adressées  par  le  Comité  des  travaux  historiques,  1891). 
On  pourra  la  comparer  à  la  première  liste  donnée  par  le 
même  savant  dans  la  Bibliothèque  de  P Ecole  des  chartes 
(t.  I,  6e  série).  V.  encore  :  Blanchet,  Nouveau  Manuel 
de  numismatique,  t.  I/pp.  42  à  99  (Encyclopédie  Roret)  ; 
Engel  et  Serrure,  Traité  de  numismatique  du  moyen 
âge,  t.  I,  pp.  118  à  149. 

Les  espèces  monétaires  frappées  en  Gaule  du  vie  jusqu'au 
milieu  du  vme  siècle  sont  :  le  sou  d'or,  le  tiers  de  sou  d'or, 
diverses  monnaies  d'argent  et  quelques-unes  de  bronze.  Le 
sou  d'or  était  l'unité  monétaire.  Les  sous  d'or  (solidi  au- 
reï)  étaient  taiilés  à  raison  de  72  à  la  livre,  ce  qui  donne, 
si  l'on  admet  l'équivalence  de  la  livre  romaine  à  327,434 
de  nos  grammes,  un  poids  de  4sr55  pour  chaque  pièce.  Le 
tiers  de  sou  d'or  (triens,  tremissis)  pesait  lsr52.  Mais  à 
la  fin  du  vie  siècle,  les  monétaires  de  la  Provence  modi- 
fièrent la  taille  des  espèces  d'or.  Ils  adoptèrent  pour  le  sou 
d'or  le  poids  de  21  siliques  au  lieu  de  24,  et  pour  le  triens 
le  poids  de  7  siliques  au  lieu  de  8.  Ce  poids  paraît  avoir 
été  adopté  dans  la  plupart  des  officines  de  la  Gaule.  Ce  sont 
sans  doute  ces  sous  d'or  de  21  siliques  que  Grégoire  le 
Grand  appelle  solidi  gallicani  et  qu'il  déclare  n'avoir  pas 
cours  en  Italie.  Le  poids  légal  d'un  tiers  de  sou  de  7  siliques 
aurait  dû  être  de  lsr34.  "Le  sou  d'or  ne  fut  frappé  au 
vne  siècle  que  très  rarement.  Ce  n'était  plus  alors  qu'une 
monnaie  de  compte  ;  tel  il  resta  pendant  la  plus  grande 
partie  du  moyen  âge.  Les  tiers  de  sou  constituaient,  au 
vu0  siècle,  le  numéraire  courant.  Les  plus  anciennes  mon- 
naies d'argent  frappées  par  les  Francs  à  la  fin  du  ve  siècle 
et  pendant  tout  le  siècle  suivant,  et  qui,  d'ailleurs,  sont 
peu  communes,  étaient  des  imitations  de  la  silique  et  de  ses 
divisions.  Mais  au  milieu  du  vne  siècle  parait  une  nouvelle 
monnaie  d'argent,  le  denier  (que  quelques  numismatistes 
appellent  saiga),  qui  allait  devenir  la  monnaie  courante 
du  moyen  âge.  Ce  n'est  pas  à  ce  denier  que  fait  allusion 
la  loi  salique  quand  elle  dit  que  40  deniers  font  un  sou  ; 
la  loi  salique  représente  un  état  de  choses  antérieur  au 
vie  siècle  ;  son  tarif  d'amendes  indique  l'équivalence  des 
anciens  deniers  romains  dont  se  servaient  les  Germains  à 


—  4439  — 


FRANCE 


l'époque  où  les  amendes  furent  fixées,  avec  la  nouvelle  unité 
monétaire  adoptée  par  les  Francs  après  leur  établissement 
en  Gaule,  le  sou  d'or.  Mais  comme  on  respectait  la  lettre 
de  la  loi,  on  y  laissa  subsister  cette  équivalence  même  après 
le  complet  abandon  des  vieux  deniers,  et  comme  on  appe- 
lait deniers  ces  petites  monnaies  d'argent  qui  ne  font  leur 
apparition  qu'au  vne  siècle,  on  exigea  des  Francs  Saliens 
condamnés  à  une  amende  40  de  ces  petits  deniers  pour  un 
sou,  tandis  que  les  Ripuaires  acquittaient  leurs  amendes  à 
raison  de  42  deniers  au  sou.  C'était,  d'ailleurs,  là  le  rap- 
port commercial  de  For  à  l'argent.  Et,  jusqu'à  la  fin  du 
moyen  âge,  le  sou  désigna  une  somme  de  42  deniers. 
D'un  texte  du  ixe  siècle,  on  peut  conclure  que  le  poids  légal 
du  denier  était  de  4^r09.  Cependant  la  plupart  des  deniers 
mérovingiens  sont  plus  lourds  ;  ils  pèsent  entre  4&r20  et 
4&r30  ;  il  en  est  qui  atteignent  4^r40.  Les  deniers  frappés 
en  petit  nombre  au  vne  siècle  deviennent  communs  au 
vme  siècle  ;  ils  se  multiplient  au  fur  et  à  mesure  que  l'or 
se  raréfie,  jusqu'à  ce  qu'au  milieu  du  vme  siècle,  l'argent 
reste  le  seul  métal  monnayé  en  Gaule.  On  a  prétendu  cher- 
cher à  ce  changement  dans  la  nature  du  numéraire  des 
causes  ethniques  et  politiques.  Pour  nous,  c'est  une  révo- 
lution d'ordre  purement  économique,  et  qui  résulte  du 
manque  d'équilibre  entre  l'importation  et  l'exportation.  Il 
est  clair  que  les  habitants  de  la  Gaule  recevaient  beaucoup 
des  marchands  de  l'Italie,  de  la  Grèce  et  de  Constantinople 
et  n'avaient  que  peu  de  produits  à  envoyer  vers  l'Orient. 
Tout  l'or  accumulé  en  Gaule  s'écoulait  donc  nécessairement 
à  l'étranger,  sans  y  être  jamais  ramené.  Une  loi  des  empe- 
reurs Gratien,  Valentinien  et  Théodose  défend  de  payer  les 
marchandises  des  Rarbares  avec  de  l'or  et  ordonne  d'en 
tirer,  au  contraire,  même  par  la  ruse,  le  plus  d'or  possible. 
Période  carolingienne.  Le  premier  caractère  du  mon- 
nayage carolingien,  au  moins  en  Gaule,  est  de  se  composer 
exclusivement  de  monnaies  d'argent.  Cette  règle  ne  souffre 
que  deux  exceptions  :  les  sous  d'or  de  Charlemagne  à  Uzès 
et  ceux  de  Louis  le  Pieux  avec  la  légende  Munus  divinum  : 
mais,  pour  ces  derniers,  ils  ont  plutôt  le  caractère  de  mé- 
dailles que  de  monnaies.  Le  denier  d'argent  restera  jusqu'à 
saint  Louis  l'unité  monétaire.  Le  sou  n'est  plus  qu'une 
monnaie  de  compte,  un  terme  par  lequel  on  désigne  une 
somme  de  42  deniers.  A  côté  du  denier  apparaît  l'obole, 
qui  en  est  la  moitié.  Les  deniers  mérovingiens  étaient  frap- 
pés sur  flan  épais  de  petit  diamètre  ;  le  flan  des  deniers 
carolingiens  s'amincit  et  s'élargit.  Autre  caractère  du  mon- 
nayage carolingien  :  la  monnaie  reprend  son  caractère  réga- 
lien ;  les  noms  de  monétaires  disparaissent  peu  à  peu  ;  on 
n'en  trouve  plus  après  800.  Le  roi  et  les  églises  signent 
seuls  les  espèces.  Encore  les  églises  font-elles  figurer  sou- 
vent le  nom  royal  sur  les  pièces  sorties  de  leurs  officines. 
En  7o5,  Pépin  décréta  qu'on  ne  taillerait  plus  que  22  sous 
à  la  livre  d'argent,  en  d'autres  termes  264  deniers.  On  attri- 
bue à  Pépin  les  deniers  qui  portent  d'un  côté  les  lettres  RP, 

rex  Pippinus  (fig.  3) 
ou  R  F,  rex  Franco- 
rum;  le  type  du  revers 
est  très  variable  :  c'est 
une  croix  avec  une  lé- 
gende circulaire,  ou  bien 
un  monogramme ,  ou 
bien  une  légende  en  plu- 
sieurs lignes,  ou  encore 
un  dessin  géométrique.  Les  ateliers,  dont  on  croit  avoir  re- 
connu l'indication  sur  les  monnaies  de  Pépin,  sont,  d'après 
MM.  Engel  et  Serrure,  au  Traité  de  numismatique  des- 
quels nous  ferons  de  nombreux  emprunts  pour  la  période 
carolingienne  :  Angers,  Antrain,  Aoste?,  Reaueaire?, 
Resançon,  Rrioux,  Cambrai,  Chalon-sur-Saône,  Chartres, 
Chelles  ?,  Condé-sur-1'Escaut,  Duurstedt,  Genève,  Gre- 
noble?, Herstal?,  Laon,  Le  Mans,  Lyon,  Maestricht, 
Mayence,  Meaux,  Nantes?,  Narbonne,  Neuss-sur-le  Rhin, 
Nevers?,  Noyon?,  Paris,  Quentovic  (lieu  disparu  près 
d'Etaples),  Reims,  Saint-Ao...?,  Sainte-Croix  de  Poitiers, 


Fis 


Denier  de  Pépin  le  Bref. 


Saint-Etienne  de  Dijon,  Saint-Firmin  d'Amiens,  Saint-Géry 
de  Cambrai ,  Saint-Marcel  de. . .  ? ,  Sainte-Marie  de. . .  ? , 
Saint-Martin  de  Tours,  Saint-Pierre  de  Sens,  Strasbourg, 
Troyes,  Venasque,  Verdun.  Le  nom  de  Carloman  (768-774) 
paraît  sur  quelques  deniers,  soit  en  toutes  lettres,  soit  sous 
la  forme  d'un  monogramme  ;  on  ne  connaît  pour  son  règne 
que  six  ateliers:  Angers,  Arles,  Clermont-Ferrand,  Lyon, 
Saint-Aignan,  Sainte-Croix  de  Poitiers. 

L'histoire  monétaire  de  Charlemagne  se  divise  en  deux 
périodes  :  l'une  qui  va  de  768  à  774,  l'autre  de  774  à 
843,  auxquelles  correspondent  deux  types  différents  de 
deniers.  De  plus,  il  paraît  que,  pendant  la  première  pé- 
riode, la  taille  resta  ce  qu'elle  était  sous  Pépin,  c.-à-d.  de 
22  sous  ou  264  deniers  à  la  livre  ;  tandis  que,  pendant  la 
seconde,  elle  était  de  certainement  de  20  sous,  soit  de 
240  deniers.  Jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime,  la  livre 
représente,  comme  monnaie  de  compte,  une  somme  de 
20  sous.  Charlemagne  prit  diverses  dispositions  législatives 
relatives  aux  monnaies.  C'est  ainsi  qu'en  805  il  décréta 
qu'on  ne  frapperait  plus  monnaie  que  dans  le  palais.  Cette 
décision  resta  lettre  morte.  Le  type  du  denier  de  la  pre- 
mière période  est  le  suivant  :  au  droit,  le  nom  royal  CARO 
LVS  écrit  en  deux  lignes  et  au  revers  les  initiales  R  F  {rex 
Francorum),  ou  un  nom  de  lieu  écrit  soit  dans  le  champ, 
soit  en  légende  circulaire,  ou  un  nom  d'homme.  Les  ateliers 
relevés  sur  les  deniers  de  ce  type  sont  :  Aix-la-Chapelle, 
Amiens,  Angers,  Angoulême,  Antrain,  Arles?,  Avignon, 
Avr anches,  Ringen  ?,  Ronn,  Réziers,  Cambrai,  Carcassonne, 
Chalon-sur-Saône,  Chartres,  Clermont-Ferrand,  Cologne, 
Condé,  Dinant,  Dun-sur-Meuse,  Duurstedt,  Huy,  Laon, 
Le  Mans,  Liège,  Limoges,  Lyon,  Maestricht,  Marseille,  Ma- 
çon ?,  Mayence,  Melle,  Metz,  Mouson,  Namur,  Narbonne, 
Notre-Dame  de  Reims,  Notre-Dame  de  Verdun,  Paderborn?, 
Paris,  Ramerupt ?,  Razès  ?,  Reims,  Rennes,  Roye?,  Saintes, 
Saint-Ravon  de  Gand,  Sainte-Croix  de  Poitiers,  Saint- 
Firmin  d'Amiens,  Saint-Maixent,  Saint-Martin  de  Tours, 
Saint-Maur...,  Saint-Mitre?,  Saint-Trond,  Saint-Pierre 
de...,  Senlis,  Soissons?,  Spire,  Strasbourg,  Térouanne, 
Tournai,  Tops,  Trêves,  Troyes,  Uzès,  Venasque,  Verdun. 
Les  monnaies  de  Charlemagne,  de  la  seconde  période, 
appartiennent  à  divers  types  dont  les  principaux  sont  :  le 
type  au  monogramme,  le  type  au  temple,  le  type  impérial. 
Le  premier  groupe  comprend  les  deniers  et  oboles  qui 
présentent  dans  le  champ  le  monogramme  royal.  Parmi 
ces  monnaies,  les  unes  portent  en  légendes  circulaires 
+  CARLVS  REX  FR  et  un  nom  de  ville  rarement 
accompagné  d'un  qualificatif  tel  que  CIVL,  VRBS,  MO- 
NAS.  ;  sur  les  autres,  le  nom  de  ville  seul  paraît  autour 
de  la  croix  pattée  du  revers,  tandis  qu'au  droit  le  mono- 
gramme de  grande  dimension  couvre  le  champ  entier.  «  Le 
faire  des  deniers  de  Charlemagne,  disent  MM.  Engel  et  Ser- 
rure, est  généralement  large  ;  les  lettres  sont  grasses,  aux 
jambages  taillés  en  biseau.  Nous  assistons  à  une  véritable 
renaissance  artistique  provoquée,  suivant  toute  apparence, 
par  des  graveurs  venus  d  Italie  à  l'appel  du  roi  des  Francs  » 
(fig.  4).  Les  ateliers, 
qui,  sous  Charle- 
magne, ont  émis  des 
monnaies  au  type  du 
monogramme ,  sont 
les  suivants  :  Agen, 
Arles,  Béziers,  Bour- 
ges, Châteaudun, 
Chelles,  Cologne, 
Dax,  Dun-sur-Meuse, 
Duurstedt,  Laon,  Lyon,  Mayence,  Marseille,  Melle,  Nar- 
bonne, Notre-Dame  de  Laon,  Noyon?,  Quentovic,  Rouen, 
Saint-Denis,  Sens,  Tun?,  Toulouse,  Tours,  Trêves,  Vienne. 
Quelques  deniers  seulement  frappés  à  Meaux,  Paris  et  Sens, 
appartiennent  à  un  type  exceptionnel  :  d'un  côté,  le  nom  du 
roi  en  légende  circulaire  avec  une  croix  dans  le  champ  ;  au 
revers,  le  nom  de  la  ville  en  deux  lignes.  Sur  les  deniers 
dits  au  temple,  le  champ  du  droit  est  occupé  par  un  temple 


•  Monnaie  de  Charlemagne, 
1er  type. 


FRANCE 


—  1140  — 


Fi; 


5.—  Denier  de  Charlemagne, 
monogramme. 


6.  —  Denier  de  Charlemagne 
au  temple. 


tétrastyle  avec  fronton  triangulaire  ;  souvent  le  nom  de 
l'atelier  est  remplacé  par  la  légende  XPISTIANA  RELICxIO 
(Chridiana  religio)  (fig.  5).  Les  ateliers  mentionnés  sur 

les  monnaies  de 
ce  type  sont  : 
Auxerre,  Bour- 
ges, Chartres , 
Melle,  Orléans, 
Paris,  Quento- 
vic,  Reims, 
Saint-Martin  de 
Tours,  Sens. 
Les  monnaies 
où  Charlemagne 
a  pris  son  titre  d'empereur  présentent  ceci  de  particulier 
qu'elles  offrent  une  effigie  imitée  des  anciennes  effigies  des 
empereurs  romains.  Les  Mérovingiens  avaient  reproduit  sur 
leurs  pièces  le  buste  impérial,  mais  inconsciemment,  uni- 
quement dans  un  but  de  contrefaçon  ;  ce  buste  s'était  altéré 
jusqu'à  devenir  une  tète  informe  ;  on  l'avait  abandonné  ;  au 
vme  siècle,  l'effigie  disparaît  des  monnaies.  Le  buste  lauré  et 
drapé  des  deniers  impériaux  marque  donc  un  retour,  mais  un 
retour  volontaire,  conscient,  aux  usages  de  l'antiquité.  Au- 
tour du  (buste,  la  légende  IURLVS  ou  KAKOLVS  IMP(era- 
tor)  AYG(ustus);  au  revers,  le  champ  de  la  pièce  est  occupé, 

soit  par  un  temple, 
soit  par  une  porte 
de  ville;  la  lé- 
gende donne  la 
proclamation 
Christiana  reli- 
gio ou  le  nom  de 
la  ville  (fig.  6)  ; 
sur  les  pièces  de 
Duurstedt,  le 
temple  est  rem- 
On  a  frappé  des  deniers  impé- 
riaux à  Arles,  Duurstedt,  Lyon,  Rouen  et  Trêves.  Les 
monnaies  de  Charlemagne  peuvent  se  confondre  avec  celles 
de  Charles  le  Chauve  ;  car  les  unes  et  les  autres  portent 
Car  lus  rex  ;  divers  moyens  de  les  distinguer,  divers  clas- 
sements ont  été  proposés.  Le  classement  que  nous  avons 
adopté  dans  les  lignes  qui  précèdent  est  celui  qui  a  été  éta- 
bli par  MM.  Engel  et  Serrure  et  dont  ils  ont  donné  les 
preuves  dans  leur  Traité  de  numismatique  (p.  222). 
Rappelons  enfin  que  Charlemagne  a  battu  monnaie  en  Es- 
pagne et  en  Italie. 

Les  monnaies  de  Louis  le  Pieux  (814-840),  deniers  et 
oboles,  ne  se  distinguent  pas  essentiellement,  quant  à  l'as- 
pect, de  celles  de  son  prédécesseur.  On  peut  les  répartir 
en  trois  groupes  :  1°  les  monnaies  à  tête  impériale  ;  2°  les 
monnaies  portant  d'un  côté  une  croix  pattée  et  de  l'autre 
une  légende  disposée  en  lignes  horizontales  ;  3°  les  mon- 
naies au  temple.  Les  localités  dont  on  a  relevé  les  noms 
sur  les  deniers  et  oboles  de  Louis  le  Pieux  sont,  sans  dis- 
tinction de  types,  les  suivantes  :  Alagotesheim?,  Altenheim, 
Aquitaine,  Arles,  Besançon,  Bordeaux,  Bourges,  Cambrai, 
Chalon-sur-Saône,  Coire,  Cologne,  Dax,  Duurstedt,  La 
Rodde,  Lyon,  Marseille,  Mayence,  Meaux,  Melle,  Metz, 
Milan,  Nantes,  Narbonne,  Orléans,  Le  Palais,  Paris,  Quen- 
tovic,  Ratisbonne,  Reims,  Rennes,  Rouen,  Sens,  Stras- 
bourg, Stoutenburg,  Toulouse,  Tours,  Trêves,  Verdun, 
Vienne.  Deux  ateliers  d'Espagne,  Ampurias  et  Barcelone  ; 
cinq  italiens,  Lucques,  Milan,  Pavie,  Trévise  et  Venise, 
ont  émis  des  monnaies  au  nom  de  Louis  le  Pieux.  Quant 
aux  pièces  d'or  de  cet  empereur,  je  les  ai  mentionnées  plus 
haut  ;  elles  portent  la  légende  Munus  divinum,  dont  la  si- 
gnification a  été  déterminée  dans  la  Revue  numismatique 
(1891,  p.  45)  ;  c'est  une  reconnaissance  que  la  monnaie 
est  un  don  de  Dieu,  un  synonyme  de  Dono  Dei  gravé  sur 
une  pièce  du  vie  siècle.  Nous  devons  rappeler  que  les  rois 
d'Aquitaine,  Louis  IPr  (781  à  814),  Pépin  Itr  et  Pépin  II 
(817-852),  ont,  eux  aussi,  émis  des  monnaies  analogues 


placé  par  un  vaisseau. 


à  celles  du  royaume  de  France.  Charles  le  Chauve  (840- 
877)  adopta  le  type  au  monogramme  de  Charlemagne  ;  mais 
pour  distinguer  ses  monnaies  de  celles  de  ce  roi,  il  rem- 
plaça autour  du  monogramme  le  nom  de  Carolus  par  la 
formule  GRAT1A  DI  REX;  au  revers,  la  croix,  et  en  légende 
circulaire,  le  nom  de  la  localité  où  a  été  frappée  la  pièce. 
Voici  la  liste  des  ateliers  du  royaume  de  France  d'où  sont 
sortis,  sous  Charles  le  Chauve,  des  deniers  et  oboles  au 
monogramme  :  Amiens,  Angers,  Arpajon  (Castra),  Arras, 
Attigny,  Autun,  Auxerre,  Avallon,  Bar-sur-Seine  ?,  Bar- 
sur-Aube?,  Bayeux,  Beaugency,  Beau  vais,  Blois,  Boulogne- 
sur-Mer,  Broncourt?,  Bruges,  Cassel,  Chalon-sur-Saône, 
Châlons-sur-Marne,  Chartres,  Châteaudun,  Château-Landon, 
Château-Porcien,  Chelles,  Chemiré,  Chinon,  Compiègne, 
Courtrai,  Coutances,  Deux-Jumeaux,  Dijon,  Evreux,  Gand, 
Jouarre,  Laignes,  Langres,  Laon,  Le  Mans,  Lisieux,  Meaux, 
Le  Mélantois,  Melun,  Morienval  ?,  Mouzon,  Nantes,  Nevers, 
Noyon  ?,  Orléans,  Palais  (atelier  du),  Paris,  Péronne,  Quen- 
tovic,  Reims,  Rennes,  Retondes,  Rouen,  Roucy,  Saint-An- 
doche  d'Autun,  Saint-Denis,  Saint-Etienne  de  Dijon,  Saint- 
Fursy  de  Péronne,  Saint-Médard  de  Soissons,  Saint-Omer, 
Samt-Pierre  de  Corbie,  Saint- Quentin,  Saint-Sébastien  de 
Soissons,  Saosnes,  Semur,  Sens,  Soissons,  LeTellau,  Té- 
rouanne,  Tonnerre,  Tournehem,  Tours,  Troyes,  Le  Vexin, 
Vendôme. 

Les  monnaies  frappées  par  Charles  le  Chauve  comme  roi 
d'Aquitaine  portent  d'un  côté  la  légende  CARLVS  REX  ou 
CARLVS  REX  FR,  dans  le  champ  une  croix  ;  de  l'autre 
côté,  le  nom  de  l'atelier  en  légende,  et  dans  le  champ,  le 
monogramme  du  nom  royal.  Les  ateliers  aquitains  sont  : 
Bourges,  Brioude,  Clermont,  Limoges,  Melle  et  Toulouse. 

Après  la  mort  de  Lothaire  II  (869),  une  partie  de  ses 
Etats  fut  attribuée  à  Charles  le  Chauve.  Les  monnaies  que 
celui-ci  y  fit  frapper  sont  au  type  du  monogramme  comme 
celles  de  la  France  proprement  dite.  Les  ateliers  dont  on 
constate  l'existence  en  Lotharingie,  sont  :  Aix-la-Chapelle, 
Bastogne,  Bavai,  Cambrai,  Chièvres,  Condé-sur-1'Escaut, 
Curange,  Dinant,  Enghien,  Famars,  Les  Estinnes,  Gem- 
bloux,  Huy,  Maestricht,Maubeuge,  Metz,  Namur,  Nivelles, 
Saint-Géry  de  Cambrai,  Tongres,  Toul,  Valenciennes,  Ver- 
dun, Visé?,  Wandre.  En  Bourgogne  :  Besançon,  Lyon  et 
Vienne. 

Parmi  les  pièces  qui  portent  la  légende  Carlus  impera- 
tor,  il  est  impossible  de  distinguer  celles  de  Charles  le 
Gros.  De  même,  on  ne  saurait  faire  le  départ  entre  les  es- 
pèces de  Louis  II  (877-879)  et  celle  de  Louis  III  (879- 
882).  A  cette  époque,  l'unité  du  type  tend  à  disparaître 
pour  faire  place  à  des  types  locaux.  Le  monogramme  caro- 
lin  tend  à  s'immobiliser,  c.-à-d.  qu'on  le  conserve  sur  des 
deniers  et  oboles  où  la  légende  indique  le  nom  royal  de 
Ludovicus.  De  plus,  le  nombre  des  ateliers  royaux  se  res- 
treint et  se  restreindra  de  plus  en  plus  au  cours  du  xe  siècle, 
en  même  temps  que  le  domaine  des  rois  se  rétrécit,  que 
leurs  revenus  diminuent  et  que  les  ducs  et  comtes  usurpent 
les  droits  régaliens  et  spécialement  le  droit  de  monnayage. 
Pour  les  monnaies  de  Charles  le  Gros  (884-887),  on  n'a 
pas  encore  trouvé  de  critérium  permettant  de  les  distinguer 
de  celles  de  Charles  le  Chauve.  Le  monnayage  d'Eudes  (887- 
898)  a  une  grande  importance,  car  ses  deniers  forment  le 
prototype  d'un  grand  nombre  de  deniers  féodaux.  Tantôt 
le  monogramme 
carolin  occupe  le 
champ ,  tandis 
que  la  légende 
Odo  gratia  Dei 
rex  se  déve- 
loppe en  légende 
circulaire;  plus 
souvent  le  nom 
Odo  est  écrit 
dans  le  champ, 

soit  en  monogramme,  »™  *,«  „««««,  lwWw,  iCO  «7.,uca 
étant  disposées  de  diverses  façons  (fig.  7),  et  la  légende 


Fig.  7.  —  Denier  d'Eudes, 
soit  en  toutes  lettres,  les  lettres 


—   1141  — 


FRANCE 


Fig.  8. —  Denier  de  Hugues  Capet, 
frappé  à  Senlis. 


consiste  dans  les  mots  MISERIGORDIA  ou  GRATIA  DI 
REX  ;  au  revers,  une  croix,  et,  en  légende  circulaire,  le 
nom  de  l'atelier.  Les  monnaies  au  nom  de  Charles  le  Simple 
(896-929)  sont  de  types  très  variés.  Robert  Ier  (922-923) 
n'a  frappé  qu'à  Orléans  et  à  Tours.  Sous  Raoul,  le  mon- 
nayage royal  reprend  quelque  activité.  Il  importe  de  donner 
la  liste  des  ateliers,  car  quelques-uns  apparaissent  pour  la 
première  fois  :  Angoulême,  Beauvais,  Châteaubleau,  Bour- 
ges, Château-Landon,  Chartres,  Compiègne,  Châteaudun, 
Château-Gaillard  ?,  Dreux,  Etampes,  Laon,  Le  Mans,  Le  Puy, 
Lyon,  Meaux,  Nogent,  Nevers,  Orléans,  Paris,  Poissy, 
Saint-Denis,  Sens,  Soissons.  Pour  les  règnes  de  Louis  IV 
(936-954),  Lothaire  (954-986),  Louis  V  (986-987),  les 
produits  des  ateliers  royaux  deviennent  de  plus  en  plus 
rares  ;  en  outre,  chaque  atelier  a  un  type  monétaire  parti- 
culier. 

Période  capétienne.  Hugues  Capet  (987-996),  avant 
son  avènement  au  trône  royal,  frappait  déjà  monnaie  comme 

duc  de  France  à 
Paris  (fig.  8)  et  à 
Saint -Denis.  Sur 
ses  deniers  ducaux, 
il  s'intitule  Gratta 
Dei  dux  ou  aux 
Francorum-,  Avec 
le  titre  de  roi, 
Hugues  Capet  a 
frappé 'des  deniers 
et  des  oboles  à  Pa- 
ris et  à  Senlis.  Les  monnaies  de  Beauvais  portent  à  la 
fois  le  nom  du  roi  et  celui  de  l'évêque  Hérivé.  Sous 
Robert  (996-1034),  les  ateliers  royaux  sont  :  Paris, 
Orléans,  Chalon-sur-Saône,  Mâcon.  A  Laon,  nous  trou- 
vons une  association  monétaire  analogue  à  celle  qui  avait 
existé  entre  Hugues  Capet  et  l'évêque  de  Beauvais  ;  les 
deniers  de  Laon  présentent  le  nom  du  roi  Robert  et 
celui  de  l'évêque  Adalbéron.  On  a  trouvé  récemment  des 
deniers  de  Robert  avec  la  légende  Sancta  Maria  qui 
paraissent  devoir  être  attribués  à  l'église  Notre-Dame  du 
Puy.  Les  villes  où  Henri  Ier  (1030-1060)  a  frappé  mon- 
naie sont  :  Paris,  Senlis,  Chalon-sur-Saône,  Issoudun  ?, 
Mâcon,  Montrerai,  Sens  et  Tournus.  Sous  Philippe  Ier  (1060- 
1108),  nous  ne  trouvons  plus  mention  sur  les  monnaies 
des  villes  d'Issoudun  et  de  Tournus  ;  mais  quelques  ateliers 
doivent  être  ajoutés  à  ceux  de  Henri  Ier  :  Orléans,  Pithi- 
viers,  Etampes,  Châteaudun  ?,  Mantes,  Pontoise,  Château- 
Landon,  Dreux.  Quant  aux- rois  Louis  VI  (1108-1137)  et 
Louis  VII  (1137-1180),  le  départ  n'a  pu  être  fait  entre 
leurs  monnaies  respectives.  Sous  le  règne  de  Philippe-Au- 
guste (1180-1223),  nous  voyons  paraître  la  distinction 
entre  la  monnaie  tournois  et  la  monnaie  parisis.  L'abbaye 
de  Saint-Martin  de  Tours  n'avait  jamais  cessé  de  frapper 
monnaie  depuis  le  vne  siècle.  Mais  comme  les  Capétiens, 
avant  987,  possédaient  cette  abbaye,  son  atelier  devint  un 
atelier  royal.  Cependant  Philippe-Auguste  est  le  premier 
roi  de  la  troisième  race  qui  ait  signé  les  monnaies  de  l'ate- 
lier abbatial  de  Tours.  Ces  monnaies  ont  pour  type,  d'un 
côté  une  croix,  de  l'autre  une  figure  dégénérée  du  temple 
carolingien,  qu'on  appelle  châtel  tournois.  La  monnaie  de 
Tours  n'était  pas  à  la  même  taille  que  celle  de  Paris  :  elle 
valait  un  quart  en  moins.  Ainsi,  24  deniers  tournois  va- 
lurent toujours  20  deniers  parisis.  Sous  Philippe- Auguste, 
sous  Louis  VIII  et  pendant  les  premières  années  du  règne 
de  saint  Louis,  les  espèces  royales  consistaient  donc  en 
deniers  et  oboles  parisis  et  tournois.  Saint  Louis  opéra  dans 
le  monnayage  royal  d'importantes  innovations.  D'abord,  il 
frappa  une  pièce  d'argent  appelée  gros  tournois  (fig.  9) 
qui  valait  12  deniers  ou  1  sou  ;  le  sou,  qui,  depuis  plus  de 
quatre  cents  ans,  n'était  qu'une  monnaie  de  compte,  rede- 
vient donc  une  monnaie  réelle,  mais  en  argent  et  non  plus 
en  or.  Le  gros  tournois  mérite  qu'on  le  décrive,  car  c'est 
une  pièce  qui  a  joui  d'un  crédit  immense  et  qui,  pendant 
le  xive  siècle,  a  été  imitée  en  tous  pays.  Au  droit,  deux 


|   légendes  circulaires,  l'une  LVDOVICVS  REX,  l'autre,  exté- 

:   rieure  à  la  précédente  :  BNDICTV  SIT  NOME  DNI  NRI 

DEI  1HV  XPI  (Benedictum  sit  nomen  do-mini  nostri  Dei 

Jhesu  Christi)  ;  dans  le  champ,  une  croix  à  branches  égales. 


9.  —  Gros  tournois  de  saint  Louis. 


Au  revers,  TVRONVS  CIVIS  autour  du  châtel;  bordure  de 
douze  fleurs  de  lis.  Les  gros  tournois  étaient  taillés  à  raison 
de  58  au  marc.  Saint  Louis  rétablit  la  frappe  de  la  monnaie 
d'or,  complètement  abandonnée  depuis  Louis  le  Pieux.  Ofl 
lui  a  attribué  la  pièce  d'or  dite  mouton  ou  agnel.  M.  de 
Marchéviile  a  établi  (Revue  num.,  1889,  pp.  1  et  suiv.) 
que  l'agnel  est  un  type  qui  n'a  été  introduit  dans  la  nu- 
mismatique royale  que  par  Philippe  le  Bel,  et  que  les  agnels 
au  nom  de  Ludovicus  appartiennent  à  Louis  X.  La  seule 
pièce  d'or  frappée  par  saint  Louis  est  l'écu  ou  denier  à 
Vécu  (V.  Ecu).  Le  royal  d'or  dont  on  ne  connaît  que  six 
exemplaires,  tous  du  même  coin,  est  probablement  faux. 
Philippe  le  Hardi  fit  frapper  deux  monnaies  d'or,  le  petit 
royal  ou  mantelet  d'or  et  la  masse  d'or.  Au  gros  tour- 
nois, aux  deniers  et  oboles  parisis  et  tournois,  il  faut  ajou- 
ter une  pièce  de  billon,  le  denier  de  Toulouse,  dit  bourgeois 
de  la  Langue  d'oc.^  L'affaiblissement  que  Philippe  le  Bel 
fit  subir  aux  monnaies  comme  aussi  les  variations  de  cours 
qu'il  décréta  jetèrent  le  trouble  dans  la  situation  économique 
et  dans  les  relations  commerciales,  et  lui  méritèrent  le  sur- 
nom de  faux  monnayeur.  Pour  citer  un  exemple,  le  cours 
jlu  gros  tournois,  fixé  ou  plutôt  maintenu  à  3  sols  3  deniers 
tournois  en  juin  1305,  fut  abaissé  à  1  sol  le  1er  oct.  1306, 
puis  élevé  à  1  sol  1  denier  le  18  janv.  1309,  etc.  C'est  en 
1294  ou  1295  que  Philippe  le  Bel,  pour  se  procurer  des 
ressources,  se  décida  à  affaiblir  la  monnaie.  Cet  affaiblisse- 
ment alla  toujours  croissant  jusqu'en  1306,  si  bien  qu'un 
denier  de  l'ancienne  monnaie  en  valait  3  de  la  nouvelle. 
Les  sujets  ne  cessèrent  de  supplier  leur  souverain  de  reve- 
nir à  la  bonne  monnaie  du  roi  saint  Louis.  Philippe  le  Bel 
fit  bien  fabriquer  en  1305  de  la  forte  monnaie,  mais  il 
laissa  courir  Ja  faible,  ce  qui  causa  un  étrange  désordre. 
Les  monnaies  d'or  de  Philippe  le  Bel  sont  Y  agnel  (fig.  10), 


Fig.  10.  —  Agnel  d'or  de  Philippe  le  Bel. 

le  petit  royal,  h  chaise  et  la  masse.  Les  monnaies  d'argent 
et  de  billon  sont  :  le  gros  tournois,  h  maille  tierce,  le  de- 
nier et  la  maille  parùis,  le  denier  et  la  maille  tournois, 
le  royal  parisis  double,  le  petit  royal  parisis,  le  double 
tournois,  la  mitte  royale  tournois,  le  bourgois  fort,  le 
bourgeois  simple  et  la  maille  bourgeoise.  Sous  les  rois 
Louis  X,  Philippe  V  et  Charles  IV  ('1314  et  1328),  un  seul 
type  monétaire  apparaît,  c'est  le  royal  d'or  de  Charles  IV  : 
sur  cette  pièce,  le  roi  est  représenté  debout  sous  un  dais, 
au  revers,  une  croix  fleuronnée  avec  la  légende  propre  aux 
monnaies  d'or  :  Christusvincit,  Christus  régnât,  Chris- 
tus  imperat..«  Sous  les  premiers  Valois  (1328-1380), 
dit  Vuitry,  les  altérations  et  les  variations  de  la  monnaie 


FRANCE 


—  1142  — 


devinrent  plus  fréquentes  et  plus  considérables  (que  sous 
Philippe  le  Bel  et  ses  fils);  mais  elles  eurent  un  caractère  tout 
différent.  On  s'aperçut  sans  doute  qu'en  affaiblissant  la 
monnaie  de  compte  par  l'élévation  du  cours  des  espèces  en 
circulation,  le  roi  partageait  avec  le  public  qui  les  détenait 
le  profit  qu'il  entendait  se  réserver  ;  on  commença  donc  à 
procéder  tout  autrement.  Au  lieu  d'accroître  la  valeur  lé- 
gale du  numéraire  circulant,  on  le  démonétisa,  on  en  régla 
le  cours  à  un  prix  tel  qu'il  y  eut  intérêt  à  le  vendre  au  poids 
comme  billon  aux  hôtels  des  monnaies,  et  le  fisc  demanda 
le  bénéfice  dont  il  poursuivait  la  réalisation  à  la  fabrication 
et  à  l'émission  d'espèces  nouvelles...  Philippe  de  Valois 
rétablit  et  maintint  la  forte  monnaie  pendant  dix  ans  qui  se 
partagent  en  deux  périodes  :  l'une  de  sept  ans,  de  1329  à 
1337,  et  l'autre  de  trois  ans,  de  1343  à  1346;  et  il  affai- 
blit la  monnaie  pendant  onze  ans,  qui  se  partagent  aussi 
en  deux  époques,  l'une  de  sept  ans,  de  1337  à  1343  ; 
l'autre  de  quatre  ans,  de  1346  à  1350.  Après  lui,  durant 
les  dix  premières  années  du  règne  du  roi  Jean,  l'affaiblis- 
sement et  les  changements  de  la  monnaie  devinrent  encore 
plus  excessifs  qu'ils  ne  l'avaient  jamais  été  dans  le  passé  et 
qu'ils  ne  devaient  l'être  dans  l'avenir.  Puis,  par  une  réac- 
tion qui  est  l'un  des  faits  financiers  les  plus  intéressants 
du  temps,  une  monnaie  un  peu  moins  bonne  que  celle  de 
saint  Louis,  mais  forte  relativement  à  celle  qui  l'avait  pré- 
cédée et  à  celle  qui  devait  la  suivre,  fut  rétablie  :  pendant 
les  quatre  dernières  années  du  règne  de  Jean  et  les  seize 
années  du  règne  de  son  successeur,  elle  conserva,  sans  va- 
riation sensible,  une  fixité  qui  fait  honneur  à  Charles  V  et 
qui  suffirait  pour  justifier  le  surnom  de  Sage  que  les  con- 
temporains et  la  postérité  lui  ont  donné.  » 

Sous  Philippe  de  Valois,  nous  voyons  paraître  de  nou- 
veaux types  de  monnaies  d'or  :  le  parisis  d'or,  émis  en 
1329  pour  1  livre  5  sous  tournois  ;  le  roi  y  est  représenté 
assis  sur  un  grand  siège  gothique;  Vécu  d'or,  émis  en  1336 
pour  1  livre  ;  le  roi  y  est  assis  comme  sur  le  parisis,  mais 
il  a  la  main  gauche  appuyée  sur  un  écu  ;  le  lion  d'or,  en 
1338, 1  livre  5  sous  :  les  pieds  du  roi  assis  posent  sur  un 
lion  couché  ;  le  pavillon,  en  1339,  1  livre  10  sous  :  le 
roi  assis  est  abrité  sous  un  pavillon  ;  la  couronne,  en  1339, 
2  livres  :  type  principal,  une  couronne  dans  le  champ  ;  le 
double  royal  ;  le  florin  georges,  1  livre,  avec  un  saint 
Georges  terrassant  le  dragon  ;  Y  ange,  en  1340,  3  livres 
15  sous  :  ange  debout,  la  main  gauche  appuyée  sur  un 
écu.  Sous  le  roi  Jean  (1350-1364),  les  espèces  d'or  nou- 
velles sont  le  demi-mouton  et  le  denier  d'or  aux  fleurs 
de  lis,  cette  dernière  monnaie  émise  en  1351  au  cours  de 
2  livres  tournois  :  le  roi  y  est  debout  sous  un  dais  entouré 
de  fleurs  de  lis  semées  dans  le  champ  ;  le  florin  d'or,  copié 
sur  le  florin  de  Florence  ;  le  franc  à  cheval,  valant  1  livre, 
et  où  le  roi  paraît  à  cheval,  au  galop,  brandissant  son  épée. 
Quant  aux  espèces  d'argent  et  de  billon,  les  variétés  sont 
très  nombreuses,  car  le  type  en  était  modifié  aussi  souvent 
que  le  poids  et  le  titre.  Plusieurs  de  ces  monnaies  furent 
appelées  du  nom  de  l'officier  monétaire  qui  les  avait  fait 
frapper.  Ainsi  le  gros  tournois  à  la  queue  où  la  croix  se 
prolonge  et  coupe  la  légende,  fut  surnommé  poillevilain, 
du  nom  d'un  des  maîtres  généraux  des  monnaies.  Sous 
Charles  V  paraît  le  franc  à  pied,  monnaie  d'or  où  le  roi 
est  figuré  en  costume  chevaleresque,  debout  sous  un  dais. 
Le  nombre  des  espèces  différentes  de  monnaies  d'argent  et 
de  billon  fut  réduit.  Un  grand  nombre  ont  été  frappées  en 
Dauphiné.  Elles  sont  reconnaissables  au  titre  de  dalphinus 
viennensis  qu'y  prend  le  roi  et  au  dauphin  qui  y  figure 
soit  dans  le  champ,  soit  dans  les  cantons  de  la  croix. 

Sous  Charles  VI  (1380-1422),  une  importante  innova- 
tion eut  lieu  dans  le  monnayage  français.  Les  ateliers  furent 
indiqués  par  des  points  ou  annelets  dits  points  secrets  gra- 
vés sur  la  monnaie  au-dessous  d'une  des  lettres  dans  chaque 
légende.  Voici  la  liste  de  ces  différents  monétaires  d'après 
l'ordonnance  de  1389  : 
Point  sous  la  lre  lettre  :  Crémieu. 
—        2e      —        Romans. 


Point  sous  la  3e  lettre  :  Mirabel;  puis,  en  1406,  Em- 
brun, et,  en  1426,  Monté- 
limar. 

—  4e      —        Montpellier. 

—  5e      —        Toulouse. 

—  6e      —        Tours. 

—  7e      —        Angers. 

—  8e      —        Poitiers. 

—  9e      —        La  Rochelle. 

—  10e      —        Limoges. 

—  11e      —        Saint-Pourçain. 

—  12e      —        Mâcon  (transféré  à  Lyon  tem- 

porairement en  1 41 5  ) . 

—  13e      —        Dijon. 

—  14e      —        Troyes. 

—  15e      —        Rouen. 

—  16e      —        Tournai  (17e  lettre  en  1421, 

pendant  quelques  mois). 

—  17e      —        Saint-Quentin. 

—  18e      —        Paris. 

—  19e      —        Saint-Lô. 

—  20e      —        Saint-André  de  Villeneuve-les- 

Avignon. 
Ponctuation  remplacée  par  des  croisettes  :  Sainte-Menehould, 

depuis  1392. 
+  entre  les  deux  premiers  mots  des  légendes  :  Marvejols, 

depuis  1418. 

Trois  monnaies  d'or  font  leur  apparition  sous  Charles  VI  : 
Vécu  couronné,  Vécu  heaume  et  le  salut  (1421)  dans  le 
champ  duquel  est  représentée  la  salutation  angélique.  Les 
types  des  monnaies  d'argent  et  de  billon  sont  très  nom- 
breux et  très  variés.  La  formule  du  revers  des  monnaies 
d'argent  qui,  depuis  saint  Louis,  était  Benedictum  sit  no- 
men  Domini  nostri  Dei  Jesu  Christi,  fut  abrégée  en  Sit 
nomen  Domini  benedictum,  qui  persistera  jusqu'à  la  Ré- 
volution. Les  troubles  du  règne  de  Charles  VI  eurent  leur 
contre-coup  dans  la  monnaie.  Isabelle  de  Bavière,  régente, 
fît  ouvrer  au  nom  du  roi  ;  le  duc  de  Bourgogne  fit  de  même 
dans  un  certain  nombre  d'ateliers  ;  en  1418,  le  dauphin, 
retiré  à  Bourges,  frappa  monnaie  au  nom  du  roi  dans  les 
provinces  qui  avaient  reconnu  son  autorité.  Après  la  ba- 
taille d'Azincourt,  Henri  V  d'Angleterre  frappa  monnaie 
dans  les  ateliers  de  Normandie  ;  après  son  mariage  avec  la 
fille  de  Charles  VI  (1420),  le  titre  de  Francorum  rex  qu'il 
avait  pris  jusque-là  fut  remplacé  par  celui  de  hères  Fran- 
ciœ.  La  plupart  de  ses  pièces  sont  imitées  des  types  fran- 
çais, sauf  le  gros  d'argent,  le  double  et  le  denier  tournois 
dont  le  léopard  forme  le  type  principal.  Jusqu'en  1437, 
les  Anglais  firent  frapper  monnaie  au  nom  du  roi  Henri  VI 
dans  toutes  les  provinces  qu'ils  occupaient  ;  après  leur  expul- 
sion de  Paris  et  jusqu'en  1453,  cette  fabrication  fut  réduite 
aux  provinces  de  Normandie,  Picardie  et  Guyenne. 

Les  monnaies  d'or  de  Charles  VII  (1422-1461)  se  réduisent 
à  quatre  espèces  :  l'agnel  ou  mouton,  l'écu  à  la  couronne, 
le  royal  d'or  et  le  franc  à  cheval.  On  frappa  aussi  des 
demi-écus.  Comme  monnaies  d'argent  nous  trouvons  des 
gros  et  des  demi-gros,  des  plaques  à  l'imitation  de  celles 
que  le  duc  de  Bourgogne  faisait  faire  dans  les  Pays-Bas.  Le 
gros  de  Jacques  Cœur,  maître  de  la  Monnaie  de  Bourges, 
n'a  pas  été  retrouvé.  On  fit  sous  le  règne  de  Charles  VII 
une  grande  quantité  de  monnaies  de  billon,  des  grands 
blancs,  demi-blancs,  des  doubles  et  des  deniers  parisis 
et  tournois.  Certaines  monnaies  sont  tantôt  d'argent,  tantôt 
de  billon  :  la  cause  en  est  dans  l'affaiblissement  de  la  mon- 
naie ;  une  espèce  qui  était  d'abord  d'argent  fin  quand  on 
faisait  de  la  forte  monnaie  se  trouvait  ensuite  n'être  que 
de  billon  quand  on  en  venait  à  fabriquer  de  la  faible  mon- 
naie. A  partir  du  règne  de  Louis  XI,  il  n'y  a  plus,  jus- 
qu'à Henri  IV,  qu'une  monnaie  d'or,  Vécu;  l'écu  de  France 
qui  donne  son  nom  à  cette  monnaie  est  surmonté  d'un 
petit  soleil,  d'où  le  nom  (Vécu  au  soleil  ou  écu  sol,  V an- 
gelot, frappé  en  souvenir  de  l'institution  de  l'ordre  de 


—  1143 


FRANCE 


Saint-Michel,  et  où  ce  saint  est  figuré  terrassant  le  dragon, 
est  plutôt  une  médaille  qu'une  monnaie.  Comme  monnaies 
d'argent,  nous  trouvons  sous  ce  règne  des  gros  et  des  demi- 
gros,  et,  comme  billon,  des  blancs  et  des  demi-blancs  à 
la  couronne  et  au  soleil,  des  doubles  tournois,  des 
deniers  tournois  et  parisis,  des  oboles  et  une  nouvelle 
pièce  de  trois  deniers,  le  hardi  devenu  le  liard,  et  où  le 
roi  est  représenté  à  mi-corps.  Charles  VIII  (1483-4497)  créa 
une  monnaie  de  billon,  le  carolus  ou  grand  blanc  au  K, 
qui  valait  10  deniers,  et  dans  le  champ  duquel  était  gravé  un 
grand  K.  Comme  ses  prédécesseurs  depuis  Charles  YI, 
Charles  VIII  frappa  monnaie  en  Italie.  L'étude  de  ce  mon- 
nayage franco-italien  rentre 
dans  la  numismatique  ita- 
lienne. Sous  le  règne  de 
Louis  XII  (1497-1515)  une 
modification  importante  fut 
introduite  dans  le  type  des 
monnaies.  L'effigie  qu'on 
avait  abandonnée  depuis 
Charles  le  Chauve  reparaît 
sur  les  monnaies  d'argent, 
et  non  pas  une  effigie  quel- 
conque, mais  le  portrait 
même  du  roi.  Le  teston 
(fig.  11)  et  le  demi-teston, 
frappés  en  1513  et  qui 
avaient  cours  respective- 
ment pour  10  sous  et  5  sous 
tournois ,  présentent  au 
droit  la  tète  du  roi,  de 
profil,  d'où  leur  nom.  Cette 
innovation  eut  lieu  sous 
l'influence  des  monnaies 
italiennes.  Le  teston  fut  en 
usage  jusque  sous  Henri  III, 
qui  en  interdit  la  fabri- 
cation et  ordonna  à  sa 
place  l'émission  d'une  pièce  de  20  sous. 

La  numismatique  de  François  Ier  (151 5-1 547)  fournit  plu- 
sieurs types  nouveaux  :  un  essai  de  l'écu  d'or  avec  le  buste 
du  roi  ;  le  grand  écu  d'argent  semblable  à  celui  que  Charles- 
Quint  avait  frappé  dans  le  Milanais  ;  le  demi-écu  avec  le 
roi  à  cheval  ;  les  pièces  à  la  salamandre  et  à  la  croisette. 
Les  testons  et  demi-testons  offrent  d'innombrables  variétés 
et  représentent  le  portrait  du  prince  à  tout  âge.  On  les 
trouvera  réunis  dans  Hoffmann  {les  Monnaies  royales 
de  France  depuis  Hugues  Capet,  pi.  LVII  à  LIX).  Fran- 
çois Ier  se  préoccupa  de  l'exécution  artistique  des  monnaies, 
car  il  fit  venir  d'Italie  un  orfèvre  véronais,  Matteo  del  Nas- 
saro,  qui,  en  1529,  tira  une  épreuve  en  or  d'un  teston 
qu'il  venait  de  graver.  Par  ordonnance  royale  du  14  janv. 
1540,  les  points  secrets  qui,  jusque-là,  avaient  servi  à 
l'indication  des  ateliers,  furent  remplacés  par  des  lettres 
placées,  soit  sous  le  buste  du  roi,  soit  sous  l'écusson.  En 
outre,  presque  toutes  les  pièces  portent  le  différent  particu- 
lier du  maître  de  la  monnaie.  Sous  Henri  II  (1547-1559), 
une  réforme  fut  opérée  dans  la  frappe  des  monnaies  ;  l'usage 
du  balancier  fut  introduit  (V.  Frappe).  Henri  II  fit  frapper 
en  1549  une  pièce  d'or,  qu'on  nomme  henri,  du  nom  du 
roi  dont  elle  portait  l'effigie.  On  fit  aussi  des  doubles  et  des 
demi-henris.  Certaines  de  ces  monnaies  portent  au  revers 
l'écu  de  France  ;  d'autres  une  personnification  de  la  France 
assise  sur  un  trophée  et  tenant  une  Victoire,  avec  la  légende 
OPTIMO  PRINCIPI,  et  à  l'exergue  GALLIA.  On  ne  fabriqua 
pas  d'autre  monnaie  d'argent  que  des  testons  et  demi-tes- 
tons. Parmi  les  monnaies  de  billon,  il  faut  citer  le  gros  et 
le  demi-gros  de  Nesle,  qui  présentent  au  droit  un  H  cou- 
ronné, accompagné  de  trois  fleurs  de  lis,  et  au  revers  une 
croix  fleurdelisée  ;  ces  monnaies  étaient  fabriquées  dans  un 
atelier  établi  à  l'hôtel  de  Nesle  le  25  mars  1549.  Il  n'existe 
pas  de  monnaies  au  nom  ou  à  l'effigie  de  François  II  (1559- 
1560).  On  continua  de  se  servir  des  poinçons  de  Henri  II 


après  y  avoir  changé  le  millésime.  Sous  Charles  IX  (1560- 


Fig.  11.  — Teston  de  Henri  II- 


continue  ;  seuls,  les  piéforts  et  les  essais  sont  frappés  au 
moulin  (au  balancier).  L'écu  d'argent  n'est  encore  repré- 
senté que  par  un  essai  de  1564.  Quant  à  la  série  de  billon, 
elle  s'enrichit  de  deux  espèces  nouvelles  :  le  double  sou  et 
le  sou  parisis.  Presque  toutes  les  pièces  de  Charles  IX 
portent  leur  millésime,  tantôt  en  chiffres  romains,  tantôt 
en  chiffres  arabes.  Le  nom  du  roi  est  quelquefois  ortho- 
graphié avec  un  K  ;  son  numéro  d'ordre  s'écrit  indistincte- 
ment IX  ou  VIÏII.  » 

Les  monnaies  d'or  du  règne  de  Henri  IH  (1574-1 589)  sont 
Vécu,  le  demi-écu,  le  double  et  le  quadruple  d'écu.  On 
fit  pendant  ce  règne  trois  monnaies  d'argent  différentes  : 
des  testons  et  demi-testons  ;  des  francs,  demi- francs  et 
quarts  de  franc  ;  des  quarts  d'écu  et  demi-quarts  d'écu. 
Le  franc  et  l'écu  étaient  des  espèces  nouvelles.  Henri  III 
interdit,  le  31  mai  1575,  la  fabrication  des  testons  qu'il 
remplaça  par  les  francs  d'argent  ou  pièces  de  20  sous.  Les 
quarts  d'écu  furent  faits  en  oct.  1580  (V.  Ecu).  Les  mon- 
naies de  billon  furent  les  mêmes  que  sous  le  règne  précé- 
dent. Mais  le  billon  étant  venu  à  manquer,  on  fit  des  mon- 
naies de  cuivre,  les  doubles  et  les  deniers  tournois,  ce 
qu'on  a  toujours  pratiqué  depuis  ;  mais,  en  même  temps, 
on  ordonna  qu'il  ne  pourrait  entrer  dans  les  payements  que 
pour  20  sous  de  cuivre.  Après  la  mort  de  Henri  III,  le  car- 
dinal de  Bourbon,  ayant  été  proclamé  roi  sous  le  nom  de 
Charles  X,  ordonna  la  fabrication  sous  son  nom  d'écus  et 
demi-écus  d'or,  de  quarts  d'écu  et  demi-quarts  d'écu  d'ar- 
gent et  de  douzains.  Ces  monnaies  furent  décriées  par 
Henri  IV  le  12  mai  1593.  Cependant,  le  parti  catholique 
en  continua  la  fabrication  jusqu'en  1597,  en  Bretagne  sur- 
tout, où  le  duc  de  Mercœur  était  gouverneur.  Il  existe 
des  monnaies  émises  après  la  mort  de  Henri  III,  qui  ne 
portent  pas  de  nom  royal,  mais  des  deux  côtés  la  légende 
SU  nomen  Domini  benedictum.  Henri  IV  ne  fit,  dans  le 
système  monétaire,  aucune  innovation.  Sur  ses  monnaies, 
il  prend  le  titre  de  roi  de  France  et  de  Navare,  usage 
auquel  se  conformeront  ses  successeurs.  Quelques  pièces 
ont  les  armes  de  Navarre  et  de  Béarn  réunies  à  celles  de 
France,  avec  la  devise  Gracia  Dei  sum  id  quod  sum.  Les 
monnaies  d'or  de  .Henri  IV  sont  donc  :  le  double  écu,  Vécu, 
le  demi-écu  d'or  ;  en  argent,  le  demi-écu,  le  quart  d'écu, 
le  huitième  d'écu,  le  demi-franc  et  le  quart  de  franc  ; 
en  billon,  le  gros  de  Nesle,  le  douzain,  le  liard;  en 
cuivre,  le  double  tournois,  le  denier  tournois. 

Louis  XIII  (1610-1643)  ne  changea  d'abord  rien  au  sys- 
tème monétaire  de  son  prédécesseur.  En  1640,  il  créa  le 
louis  d'or,  pièce  de  la  valeur  de  10  livres,  où  était  em- 
preinte l'effigie  du  roi.  On  fit  aussi  des  quadruples  louis, 
des  doubles  louis  (fig.  12)  et  des  demi-louis.  Cette  pièce 


Fig.  12.  —  Double  louis  de  Louis  XIII. 

fut  gravée  par  Jean  Warin.  Le  23  déc.  1641 ,  le  roi  ordonna 
la  fabrication  d'une  nouvelle  monnaie  d'argent  sous  le  nom 
de  louis  d'argent  ou  pièce  de  60  sols,  mais  que  le  peuple 
nomma  écu  blanc.  On  fabriqua  sous  Louis  XIV  (1643- 
1715)  les  mêmes  espèces  que  sous  le  règne  précédent  :  louis 
d'or,  demi-louis,  double  louis,  écu  d'or  et  demi-écu.  De  1653 
date  un  essai  d'une  nouvelle  monnaie,  le  lis  d'or,  avec  la 


FRANCE 


—  1444 


légende  Lilianon  nent;  de  déc.  4655  à  1657,  on  a  fait 
des  lis  d'or  ayant  cours  pour  7  livres  :  deux  anges  y  sou- 
tiennent un  écu  de  France  entouré  de  la  légende  :  Domine 
elegisti  lilium  tibi.  Les  pièces  d'argent  sont  :  l'écu  blanc 
et  ses  divisions,  le  quart  d'écu,  dont  la  fabrication  fut 
arrêtée  en  France  en  4646  et  ne  se  continua  que  dans  les 
ateliers  de  Béarn  et  de  Navarre.  En  4644  et  4657,  émis- 
sions de  pièces  de  30  et  de  45  deniers.  Le  lis  d'argent 
n'eut,  comme  le  lis  d'or,  qu'une  existence  éphémère.  On 
appelle  écu  du  parlement  l'écu  blanc  sur  lequel  le  roi  est 
représenté  avec  une  cravate  brodée.  Après  la  conquête  de 
la  Flandre,  on  frappa  pour  l'usage  exclusif  de  cette  pro- 
vince des  pièces  d'argent  de  4,  2  et  4  livre,  40  et  5  sols. 


,i/a«  «v  sa  kft  . 

Fig.  13.  —  Louis  constitutionnel  de  24  livres. 

C'est  la  série  dite  a  la  carambole,  avec  l'écusson  écartelé 
de  France  et  de  Bourgogne  ancienne  et  moderne.  On  fit  des 
deniers,  des  doubles  deniers,  des  liards  de  cuivre.  Par 
ordonnance  du  8  mars 
4645,  la  fabrication 
au  marteau  fut  suppri- 
mée et  le  monnayage 
mécanique  introduit 
dans  tous  les  ateliers 
du  royaume.  Mention- 
nons encore  la  fabrica- 
tion de  monnaies  colo- 
niales. Sous  Louis  XV 
(4745-4774),  ce  sont 
les  mêmes  espèces  de 
monnaies  d'or  et  d'ar- 
gent que  sous  le  règne 
précédent.  Mais  les 
types  varient  à  l'infini  : 
ainsi,  au  revers  du 
louis,  on  trouve  suc- 
cessivement les  huit  L 

couronnées,  l'écu  ovale,  les  quatre  écussons  disposés  en 
croix,  la  croix  de  Malte,  les  deux  L  adossées,  les  L  cur- 
sives  entourées  de  palmes,  les  deux  écussons  ovales  plus 
connus  sous  le  nom  de  lunettes.  De  même  pour  l'écu  blanc  : 
les  trois  couronnes,  l'écu  circulaire,  l'écu  écartelé  de  France- 
Navarre,  l'écusson  carré,  les  huit  L  disposées  autour  d'une 
croix  de  fleur  de  lis  et,  à  partir  de  4726  jusqu'à  la  fin  du 
règne,  l'écu  ovale  entouré  de  lauriers.  Pour  le  billon,  il 
n'existe  que  deux  espèces  :  le  double  sol  et  le  sol.  Le  sol 
de  cuivre  avec  ses  divisions,  le  demi-sol  et  le  liard,  est  une 
création  de  Law  (4749).  Les  pièces  coloniales  deviennent 
plus  nombreuses  ;  il  en  est  de  spéciales  aux  Iles-du-Vent 
et  à  Pondichéry.  Les  monnaies  de  Louis  XVI  (1774-4793) 
forment  deux  groupes  distincts  :  la  série  royale  avant  4794 
et  la  série  constitutionnelle  à  partir  de  cette  date.  La  pre- 
mière série  comprend  :  en  or,  le  louis  aux  palmes,  le  louis, 
le  double  louis  et  le  demi-louis  aux  lunettes,  le  louis  et  le 
double  louis  avec  écus  carrés  de  France  et  de  Navarre,  le 
louis  à  la  corne.  En  argent  :  Fécu  de  6  livres,  le  petit  écu, 
des  pièces  de  24,  42  et  6  sols.  En  cuivre  :  le  sol,  le  demi- 
sol  et  le  liard.  Les  îles  de  France  et  de  Bourbon,  Cayenne 
et  Pondichéry  ont  un  monnayage  spécial. 

Période  contemporaine.  Le  20  avr.  4794  l'Assemblée 
de  Versailles  créa  le  type  constitutionnel.  Les  légendes  latines 
furent  supprimées,  et  l'on  décida  d'inscrire  sur  chaque  pièce 
sa  valeur.  Les  essais  pendant  cette  période  sont  très  nom- 
breux. Le  louis  d'or  de  24  livres  porte  au  droit  là  tête  de 


Louis  XVI  avec  la  légende  LOVIS  XVI,  ROI  DES  FRANÇOIS , 
et  au  revers  le  génie  de  la  France  gravant  sur  une  table  posée 
sur  une  colonne  le  mot  Constitution  avec  la  légende  REGNE 
DE  LA  LOI;  à  l'exergue  L'AN  4  DE  LA  LIBERTE  (fig.  43). 
Le  même  type  se  retrouve  sur  l'écu  de  6  livres,  le  petit  écu 
de  3  livres,  les  pièces  de  30  sols  et  45  sols.  Les  monnaies  de 
cuivre,  pièces  de  2  sols,  de  42  et  de  6  deniers  portent  au 
revers  un  faisceau  de  licteur  surmonté  d'un  bonnet  phry- 
gien, encadré  dans  une  couronne  de  laurier,  et  la  légende  LA 
NATION,  LA  LOI,  LE  ROI.  Citons  encore  comme  monnaies 
de  cuivre  :  le  sol  et  le  double  sol,  marqués  d'une  grande 
fleur  de  lis.  Les  premières  pièces  d'or  de  la  République  sont 
de  24  livres.  Cette  monnaie  présente  au  droit  la  légende 
REPUBLIQVE  FRANÇAISE  L'AN  II  ;  au  revers,  le  type  des 
louis  constitutionnels.  On  frappa  des  écus  de  6  livres  et  de 
3  livres,  et,  en  cuivre,  des  pièces  de  2  sols,  des  sols  et 
des  demi-sols.  Sur  les  écus  de  6  livres  et  de  3  livres  le 
nom  royal  est  remplacé  par  les  mots  REPUBLIQUE  FRAN- 
ÇOISE et  l'effigie  par  la  valeur  delà  pièce.  Le  type  du  droit 
des  pièces  de  cuivre  est  une  table  avec  cette  inscription  : 
Les  hommes  sont  égaux  devant  la  loi;  au  revers,  la 
valeur  dans  une  couronne  de  chêne,  combinée  avec  des 
balances  ;  en  légende  :  Liberté,  Egalité  ;  à  l'exergue,  la 
date.  La  loi  du  48  germinal  an  III,  relative  aux  poids  et 
mesures,  déclara  :  «  L'unité  des  monnaies  prendra  le  nom 
de  franc  pour  remplacer  celui  de  livre  usité  jusqu'aujour- 
d'hui. »  Le  franc  fut  donc  assimilé  à  la  livre  de  20  sols. 

La  centième  partie  d'un 
franc  s'appela céwiwrcg 
et  la  dixième  partie  du 
franc  décime,  équiva- 
lant à  2  sols.  On  frappa, 
mais  en  très  petit 
nombre,  des  monnaies 
de  40  et  de  20  fr.  La 
pièce  de  5  fr.  en  ar- 
gent, dont  la  valeur  fut 
fixée  à  5  livres  4  sol 
3  deniers,  a  pour 
types  :  au  droit, 
5  FRANCS  L'AN  4 
entre  deux  palmes , 
l'une  de  laurier ,  l'au- 
tre de  chêne;  en  lé- 
gende, REPURLIQUE 
FRANÇAISE;  au  re- 
vers, Hercule  unissant  la  Liberté  et  l'Egalité  ;  en  lé- 
gende, UNION  ET  FORCE  (fig.  44).  Les  pièces  de  cuivre 
sont  :  la  pièce  de  2  décimes,  4  décime,  25  cent.,  40  cent., 
5  cent.,  4  cent.  Le  type  du  droit  est  une  tête  de  femme 
coiffée  du  bonnet  phrygien,  personnification  de  la  République. 
Bonaparte,  premier  consul,  fit  graver  son  effigie  sur  les 
monnaies.  Les  pièces  avec  BONAPARTE  PREMIER  CONSUI 
sont  en  or  :  des  pièces  de  40  fr.  et  de  20  fr.  ;  en  argent, 
des  pièces  de  5  fr.,  2  fr.,  4  fr.,  demi-franc,  quart  de 
franc.  Les  pièces  de  l'Empire  présentent  la  légende  NAPO- 
LEON EMPEREUR  du  côté  de  l'effigie  et,  au  revers,  RE- 
PUBLIQUE FRANÇAISE.  Ce  n'est  qu'en  4809  que  la 
légende  du  revers  devient  EMPIRE  FRANÇAIS.  Les  mon- 
naies impériales  sont  :  en  or,  les  pièces  de  40  fr.,  20  fr.  ; 
en  argent,  5  fr.,  2  fr.,  4  fr.,  demi-franc,  quart  de  franc; 
en  cuivre  argenté,  la  pièce  de  40  cent.,  où  l'effigie  est  rem- 
placée par  N. 

Sous  Louis  XVIII (4844-4824),  mêmes  espèces  que  sous 
Napoléon  ;  l'écu  de  France,  couronné,  forme  le  type  du 
revers.  Charles  X  (4824-4830)  a  ajouté  à  la  série  d'or  les 
pièces  de  400  fr.  et  de  40  fr.  ;  les  pièces  de  cuivre  sont 
celles  de  40  et  de  5  cent,  pour  les  colonies.  Sous  le  règne 
de  Louis  Philippe  Ier  (4  830-1 848  ) ,  aucune  innovation  à  noter. 
Le  type  des  monnaies  changea  plusieurs  fois  sous  la  Répu- 
blique de  4  848  ;  après  l'Hercule  de  l'an  III  et  la  tête  de  4  793 , 
on  adopta  une  tête  de  femme,  la  coiffure  ornée  de  fleurs  et  de 
fruits,  mauvaise  imitation  du  type  de  Syracuse.  Les  mon- 


Fig.  14.  —  Pièce  de  5  fr.  [de  Tan  IV. 


1145  — 


FRANCE 


naies  frappées  en  1852  portent  au  droit  la  tète  de  Louis- 
Napoléon  Bonaparte  et  son  nom  ;  au  revers,  République 
française  et  la  valeur.  Napoléon  III  (1852-70)  a  frappé 
en  or  des  pièces  de  100,  20,  10  et  5  fr.  ;  en  argent,  des 
pièces  de  5,  2  et  1  fr.,  50  et  20  cent.  ;  en  cuivre,  10,  5, 
2  et  1  cent.  Le  type  du  revers  a  d'abord  été  l'indication  de 
la  valeur  de  la  pièce  encadrée  entre  deux  palmes,  puis, 
pour  les  pièces  d'or  et  pour  celles  de  5,  2  et  1  fr.  en 
argent,  l'écu  impérial;  pour  les  pièces  de  50  et  20  cent., 
la  couronne  impériale  ;  pour  le  cuivre,  l'aigle  impériale. 
La  République  (1870)  a  ajouté  à  la  série  d'or  la  pièce  de 
50  fr.  Elle  a  repris  les  types  de  1848. 

Numismatique  féodale.  —  Le  monnayage  féodal,  qu'on 
appelle  encore  baronnal  ou  seigneurial,  a  une  double  ori- 
gine :  la  concession  aux  églises,  par  les  rois  carolingiens, 
à  partir  ue  Charles  le  Chauve,  du  droit  de  frapper  mon- 
naie ;  l'usurpation  par  les  ducs,  comtes  et  autres  seigneurs 
justiciers  des  droits  régaliens  et,  par  conséquent,  du  droit 
de  monnayage.  L'époque  à  laquelle  les  comtes  ont  commencé 
de  faire  travailler  à  leur  profit  les  ateliers  monétaires  situés 
dans  le  territoire  soumis  à  leur  administration  est  difficile 
à  déterminer.  Du  reste,  tous  les  seigneurs  ne  se  sont  pas 
rendus  indépendants  du  pouvoir  central  en  même  temps  ; 
les  uns  ont  rompu  les  liens  qui  les  rattachaient  au  pouvoir 
central  dès  la  fin  du  ixe  siècle,  les  autres  plus  tard,  tous 
avant  l'avènement  de  Hugues  Capet  au  trône.  Les  premières 
espèces  seigneuriales  sont  difficiles  à  distinguer  des  espèces 
royales  parce  que  les  noms  des  rois  y  sont  conservés.  Puis 
vient  la  période  d'immobilisation  du  type  royal.  En  ce  qui 
touche  les  monnaies  des  églises,  les  rois  posaient  générale- 
ment comme  une  condition  de  leur  concession  qu'elles  se- 
raient en  tout  semblables  aux  monnaies  royales.  On  trou- 
vera, soit  dans  la  préface  de  M.  A.  de  Barthélémy  aux 
Monnaies  royales  de  France  sous  la  race  carlovin- 
gienne  de  Gariel,  soit  dans  le  Traité  de  MM.  Engel  et 
Serrure  (t.  I,  p.  268),  la  liste  des  églises  auxquelles  les 
les  Carolingiens  ont  accordé  le  droit  de  monnayage.  Les 
rois  de  France  depuis  saint  Louis  ont  toujours  cherché 
à  restreindre  le  monnayage  féodal,  d'abord  en  décrétant 
que  leurs  monnaies  auraient  cours  dans  tout  le  royaume, 
puis  en  interdisant  aux  barons  de  frapper  monnaie.  Une 
ordonnance  de  1315  donne  la  liste  des  seigneurs  à  qui  le 
roi  reconnaissait  à  cette  époque  le  droit  de  battre  mon- 
naie. Elle  a  été  publiée  en  dernier  lieu  par  M.  Blancard, 
dans  la  Société  de  statistique  de  Marseille  (1883),  et, 
d'après  lui,  par  M.  Blanchet  {Nouveau  Manuel  de  numis- 
matique, 1. 1,  p.  508).  Nous  ne  pouvons  donner  ici  la  des- 
cription de  toutes  les  monnaies  féodales.  Il  suffira  d'en 
présenter  un  tableau  sommaire  en  indiquant  pour  chaque 
seigneurie  les  noms  du  premier  et  du  dernier  seigneur  qui 
ont  signé  les  monnaies.  Mais  il  faut  noter  qu'en  tête  de  la 
plupart  des  séries  baronnales  se  placent  des  monnaies  ano- 
nymes avec  monogramme  royal  immobilisé  que  nous  ne 
mentionnons  pas  dans  la  liste  suivante  : 
Duché  de  France,  Hugues  Capet  (956-987). 
Corbeil.  Bouchard  Ier  (sous  Hugues  Capet). 
Nogent-le-Roi.  Roger  Ier,  évêque  de  Beauvais  ;  Amaury  III 

de  Montfort,  vers  1087. 
Meulent.  Hugues  II  (vers  1056). 
Bondaroi,  près  Pithiviers  (?). 

Duché  de  Normandie,  Richard  Ier  (943-996),  Guillaume 
le  Conquérant  (1035-1087)  ;  monnaies  anonymes  du 
xne  siècle. 
Comté  d'Evreux.  Philippe  de  Longueville  (1356  ou  57), 

Charles  le  Mauvais  (1343-1387). 
Comté  de  Dreux.  Eudes  (vers  1017),  Hugues  (?),  Ro- 
bert Ier  (1132  ou  37-1184). 
Duché  de  Bretagne.  Alain  III  (1008-1040),  Anne  de  Bre- 
tagne (1488-1514). 
Comté  de  Penthièure.  Eudon  (1034-1079),   Alain  de 

Goello  (1184-1212). 
Comté  d'Anjou.  Foulques  III  Nerra  (987-1040),  Margue- 
rite d'Anjou  et  Charles  de  Valois  (1290-1325). 


Abbaye  de  Saint-Florent  de  Saumur.  Entre  950  et  1026. 
Comté  du  Maine.  Herbert  Ier  (1015-1036),  Charles  de 

Valois  (1290-1317). 
Abbaye  de  Saint-Martin  de  Tours.  Monnaies  anonymes. 
Chinon.  Monnaies  anonymes  des  xe  et  xie  siècles. 
Loches.  Monnaies  anonymes  du  xie  siècle. 
Comté  de  Blois.  Jean  de  Châtillon  (1241-1279) ,  Gui  de 

Châtillon  (1307-1342). 
Comté  de  Chartres.  Charles  de  Valois  (1293-1325). 
Comté  de  Vendôme.  Jean  III  (4207-1218),  Bouchard  VI 

(1315-1354). 
Romorantin.  Monnaies  anonymes. 
Vicomte  de  Châteaudun.  Geoffroy  IV  (1215-1235),  Guil- 
laume II  de  Flandre  (1317-1320). 
Comté  du  Perche.  Jacques  de  Château-Gontier  (1226- 

1263). 
Vicomte  de  Bourges.  Monnaies  anonymes  des  xe  et  xie 

siècles 
Déols  (Châteauroux).  Eudes  l'Ancien  (1012-1037),  Guil- 
laume III  (1270). 
Issoudun.  Eudes  l'Ancien  (vers  1012),  Guillaume  III 

(1270-1317). 
Vierzon.  Guillaume  Ier  (1164-1197),  Marie  de  Brabant 

(1362-1380). 
Abbaye  de  Massay  (  ?  ). 
Seigneurs  de  Donzy.  Frappent  monnaie  à  Saint-Aignan  et 

à  Gien. 
Mehun-sur-Yèvre  et  Celles-sur-Cher.  Robert  Ier  (1178- 

1189),  Robert  d'Artois  (1298-1315). 
Châteaumeillant.  Ebbes  de  Déols  (1176),  Marguerite  de 

Bornés  (1282-1323). 
Comté  de  Sancerre.  Etienne  (II  de  Champagne)  (1152- 

1191),  Etienne  II  (1280-1306).  • 
Seigneurie  de  Charenton,  en  Bourbonnais.  Renard  de 

Montfaucon  (1104-1244),  Etienne  III  de  Sancerre 

(1280-1306). 
Baronnie  de  Linières.  Participation  aux  bénéfices  de  la 

monnaie. 
Baronnie  de  Graçay.  Monnaies  non  retrouvées. 
Comté  de  Nevers.  Guillaume  IV  (1161-1168),  Louis  Ier 

de  Flandre  (1296-1322). 
Brosse-Huriel.  Humbaud  d'Huriel  (vers  1200),  André  de 

Chauvigny  (1317). 
Sainte- Sévère.  Hugues  Ier  (1256). 
La  Ferté-Chauderon.  Monnaies  non  retrouvées. 
Prieuré  de  Souvigny.  Monnayage  du  prieuré,  puis  commun 

au  prieuré  et  aux  sires  de  Bourbon  de  1213  à  1320. 
Seigneurie  de  Bourbon.  Jean  (1262-1268),  Archam- 

baudX  (1242-4249). 
Montluçon.  Gui  de  Dampierre  (1202-1213),  Eudes  de 

Bourgogne  (1249-1269). 
Comté (T Auvergne.  Monnaies  anonymes  des  xe  et  xie  siècles. 
Cathédrale  de  Clermont-Ferrand. 
Comtés  du  Velay  et  vicomtes  de  Polignac.  Monnaies  non 

retrouvées. 
Brassac  (?). 

Riom.  Monnaies  d'Alphonse  de  Poitiers. 
Chateldon  (?). 
Brioude.  Monnaies  des  xe  et  xi0  siècles  avec  le  nom  du 

comte  Guillaume. 
Le  Puy.  Evêques. 
Limoges.  Monnaies  anonymes  des  vicomtes,  puis  monnaies 

des  ducs  de  Bretagne. 
Abbaye  de  Saint-Martial  de  Limoges.  Monnaies  ano- 
nymes. 
Vicomte  de   Turenne.  Raimond  Ier  (1091-1122),  Rai- 

mond  VII  (1287-1304). 
Comté  de  Poitiers.  Guillaume  II  (963-990),  Philippe  de 

France  (1311-1316). 
Mauléon.  Savary  (1209-1225). 
Vicomte  de  Thouars.   Privilège  accordé  en  1226   par 

Henri  III,  roi  d'Angleterre,  à  Hugues  Ier.  Monnaies  non 

retrouvées. 


FRANCE 


4446  — 


Angoulême.  Hugues  X  (4249-4249),  Hugues  XIII  (1270- 

4303). 
Comté  de  la  Marche.  Hugues  IX  (1499-4249),  Charles 

de  France  (4344-1322). 
Périgord.  Hélie  VI  (4245-4264). 
Bergerac.  Henri  de  Lancastre  (4347). 
Saintes.  Monnaies  anonymes. 
Duché  de  Gascogne  et  duché  d'Aquitaine.  Guillaume 

Sanche  (977-984),  Charles  de  France  (1468-1474). 
Evêché  d'Agen.  Monnaies  anonymes  imitées  d'un  type 

créé  par  Arnaud  Ier,  vers  1040. 
Comté  de  Fezensac.  Astanove  Ier  (1032-4050),  Aimerill 

(1050-vers  1097). 
Comté  d'Armagnac  (V.  Vicomte  de  Lomagne). 
Vicomtes  de  "Lectoure  et  de  Lomagne.  Hélie  Talleyrand 

(1280-1301),  Jean  II,  comte  d'Armagnac  (1319-1373). 
Bayonne.  Jean  de  Gand,  fils  d'Edouard  III. 
Béarn.  Gaston  Céntulle  (940-984),  Henri  II  (IV  de  France) 

(1572-4607). 
Seigneurie  de  Lescun.  Monnaies  non  retrouvées. 
Pioyaume  de  Navarre.   Garcie  Ramirez  (1134-1150), 

Henri  III  (IV  de  France)  (1572-1607). 
Comté  de  Foix.  Jean  de  Grailly  (1442-1436). 
Seigneurie  de  Castelbon.  Monnaies  du  xive  siècle,  non 

retrouvées. 
Marquisat  de  Gothie  et  comté  de  Barcelone.  Bérenger- 

Raimond  (1017-1035),  Raimond  Bérenger  IV  (4434- 

1462). 
Evêché  de  Girone.  Monnaies  non  retrouvées. 
Comté  de  Bésalu.  Monnayage  mentionné  en  1072.  Obole 

avec  BISILDVNO  et  main  ouverte. 
Agramont.  Monnaie  mentionnée  au  xme  siècle. 
Vich.  Deniers  anonymes  des  évêques. 
Comté  d'Urgel.  Pons  II  (mort  en  1243),  Pierre  II  (4347- 

4408). 
Comté  d'Ampurias.  Hugues  III  (mort  en  4230)? 
Comté  de  Toulouse.  Atelier  de  Saint-Gilles  (Guillaume 

Taillefer,  950-4037),  Alphonse  de  Poitiers  (4 249-4274). 
Marquisat  de  Provence.  Raimond  VI  et  VII  (4494-4249). 

Alphonse  de  Poitiers  (4249-4274). 
Vicomte  de  Narbonne.  Miion  (782-790),  Aimeri  V  (4328- 

4336). 
Archevêché  de  Narbonne.  Gilles-Aycelin  (4290-4344). 
Comté,  puis  vicomte  de  Carcassonne.  Raimond  Ier  (1002- 

4042),  Raymond-Roger  (44  94-1209). 
Vicomte  de  Béziers.  Bernard-Hatton  (1082-1130),  Rai- 

mond-Roger  (1194-4209). 
Substantion-Melgueil.  Monnaies  des  comtes  de  Melgueil, 

puis  des  évêques  de  Maguelonne. 
Baronnie  d'Omellas  (aujourd'hui  Aumelas).  Raimond- 

Aton  (vers  1187). 
Montpellier.  Jaime  II  (1276-1311). 
Anduse.  Monnaies  anonymes. 
Pioquefeuil.  Monnaies  anonymes  entre  1469  et  4239. 
Comté  de  Boussillon.  Arnaud-Gausfred  (4443-4463),  Phi- 
lippe III  d'Espagne  (1598-1621). 
Perpignan.  Louis  XI  (1462-1483),  Louis  XIV  (4642- 

4649). 
Evêché  d'Uzès.  Raimond  III  (4208-4242). 
Evêché  de  Lodève.  Monnaies  anonymes  avec  le  nom  de 

Saint-Fulcran. 
Evêché  de  Viviers.  Aimon  (4260),  Henri  de  Villars  (4331- 

4336),  ou  Aimar  III  de  la  Vouite  (4336-4365). 
Evêché  de  Mende.  Monnaies  anonymes  avec  le  nom  de 

saint  Privât. 
Comtes  de  Rouergue.  Richard  (4096-4432),  Jean  Ier 

d'Armagnac  (4349-4373). 
Albi  etAlbi-Bonafos.  Monnaie  raimondine. 
Evêché  de  Cahors.  Guillaume  de  Cardaillac  (4208-4234), 

Hugue  Géraud  (4311-1316). 
Comté  de  Provence.  Guillaume   de   Forcalquier  (1150- 

1220),  Charles  HI  d'Anjou  (1480-1482). 


Archevêché  d'Arles.  Rostan  Ier  (870-913),  Jean  Ferrier 

(1499-1521). 
Evêché  d'Apt.  Mention  des  monnaies  de  bronze. 
Avignon.  Monnaies  anonymes  des  évêques.  Monnaies  pon- 
tificales   depuis  Boniface   VIII  jusqu'à  Innocent  XII 

(1691-1700). 
Comté,  puis  principauté  d'Orange.  Guillaume  IV  (1482- 

1219),  Godefroy-Maurice  de  Bouillon  (4673-1679). 
Cadenet.  Monnaies  non  retrouvées. 
Comté  de  Seyne.  Monnayage  douteux. 
Comté  de  Forcalquier.  Monnaies    dites   Guillelmines 

(V.  Comté  de  Provence). 
Manosque.  Atelier  des  comtes  de  Forcalquier. 
Evêché  de  Saint-Paul-Tr  ois-Châteaux.  Benoît  (1288), 

Jean Ier  Costi  (1349-1361). 
Evêché  de  Valence  et  de  Die.  Guillaume  de  Roussillon 

(4298-1329),  Amédée  de  Saluées  (1383-1390). 
Comté  de  Valentinois  etDiois.  Aimar  VI  (1345-1373), 

Louis  II  (4373-4419). 
Archevêché  d'Embrun.  Raimond  IV  Rabaud  (1319-  vers 

1323),  Pasteur  de  Sarrats  (1338-1350). 
Evêché  de  Gap.  Monnaies  anonymes. 
Montélimar.  Gaucher-Adhémar  (1346-1360),  Hugues- 

Adhémar  (1360-1372). 
Dauphinê  de    Viennois.  Humbert  Ier   (1281-1307), 

Louis  XI,  roi  de  France. 
Archevêché  de  Vienne.  Thibaut  (952-1000).  Monnaies 

anonymes  jusqu'au  xive  siècle,  avec  le  nom  de  saint 

Maurice. 
Evêché  de  Grenoble.  Monnaies  anonymes.  Pièces  d'asso- 
ciation avec  le  Dauphin. 
Lyon.  Monnaies   des  comtes,  Guillaume  Ier  (921-940). 

Monnaies  épiscopales,  Burcard  Ier  (949-956),  Charles 

d'Alençon  (1365-1375). 
Principauté  de  Dombes.  Louis  II,  duc  de  Bourbon  (1402- 

1410),  Anne-Marie-Louise  d'Orléans,  dite  Mademoiselle 

(1650-1693). 
Franche-Comté.  Rainaud  Ier  (1027-1057),  Philippe  IV, 

roi  d'Espagne  (1621-1665). 
Archevêché  de  Besançon.  Hugues   Ier   (4034-4067), 

Hugues  III  (4085-4400). 
Ville  de  Besançon.  A  partir  de  4537.  Monnaies  avec  les 

noms  et  buste  de  Charles-Quint. 
Abbaye  de  Saint-Oyen-de-Joux  ou  Saint-Claude.  A  frappé 

monnaie  de  1175  à  1513.  Franc  à  pied  de  l'abbé  Guil- 
laume de  Beauregard  (1348-1380). 
Maison  de  Gilley-Franquemont.  Nicolas  de  Gilley  (1540). 
Famille  Bouhelier,  Privilège  de  1533. 
Comté  de  Montbéliard.  Ulric  (1520-1526),    Léopold- 

Eberard  (4690-4723). 
Maisons  de  Beauffremont  et  de  Châtelet  Vauvillers. 

Gautier  Ier  ou  II  de  Beauffremont  (xve  siècle),  Nicolas  du 

Châtelet  (4  525  ?-4  562). 
Comté  de  Mâcon.  Othon-Guillaume  (995-4027). 
Abbaye  de  Cluny.  Monnaies  anonymes. 
Abbaye  de  Tournus.  Monnaies  anonymes. 
Comté  de  Chalon.  Guillaume  II  (4168-1203),  Jean  le 

Sage  (1213-1237). 
Evêché  d'Autun.  Monnaies  anonymes. 
Duché  de  Bourgogne.  Hugues  Ier  (1075-1078),  Charles 

le  Téméraire  (1467-4477). 
Abbaye  Saint-Etienne-de-Dijon .  Monnaies  avec  Prima 

se  des. 
Evêché  de  Langres.  Hugues  de  Breteuil  (vers  4031), 

Guillaume  III  de  Durfort-Duras  (1306-1318). 
Comté  de  Tonnerre.  Charles  Ier  (1273-1285),  Jean  de 

Chalon  (1304-1347). 
Comté  d'Auxerre.  Monnaies  anonymes. 
Comté  de  Sens.  Monnaies  anonymes. 
Comté  de  Troyes.  Thibaud  II  (1125-1152),  Henri II  (1270- 

Meaux  et  Troyes,  Provins  et  Sens.  Monnaies  des  comtes 
de  Champagne. 


—  1147 


FRANCE 


Evéchéde  Meaux.  Gautier  Ier  (1045-1082),  Simon  (1177- 

1184). 
Evêché  de  Châlons-sur-Marne .  Guillaume  Ier  de  Cham- 

peaux  (1113-1122),  Geoffroi  de  Grandpré  (1237- 

1247). 
Archevêché  de  Reims.  Gui  Ier  de  Châtillon  (1033-1053), 

Jean  III  de  Craon  (1355-1373). 
Château-Porcien,  Neufchâteau  et  Ivoy.  Gaucher  II  de 

Châtillon  (1303-1329). 
Comté  de  Rethel  et  Châteaurenault.  Louis  Ier  (1290- 

1322),  Charles  III  de  Gonzague  (1637-1659). 
Phalsbourg  etLixheim.  Henriette  de  Lorraine- Vaudemont 

(1630-1635). 
Sedan  et  Bouillon.  Guillaume-Robert  de  la  Marche  (1574- 

1588),  Godefroy-Maurice  de  la  Tour  (1652-1721). 
Seigneurie  de  Cugnon.  Jean-Théodoric   (1611-4644), 

Ferdinand-Charles  (1644-1672). 
Les  Hayons.  Lambert  de  Duras  (1624). 
Amiens.  Comté,  évêché  et  ville. 
Evéchéde  Beauvais.  Hervé  (987-998),  Milon  Ier  de  Chas-* 

tillon-Nanteuil  (1217-1234). 
Comté  de  Valois  (Crépy).  Philippe  d'Alsace  (1156-1183), 

Mathieu  de  Beaumont  (1177-1192). 
Soissons.  Abbaye  de  Saint-Médard.  Comté  :  Yves  de  Nesle 

(1164),  Jean  de  Clermont  (1307). 
Evêché  de  Noyon.  Renaud  (1174-1187),  Etienne  Ier 

(1187-1221). 
Evêché  de  Laon.  Adalbéron  (977-1031),  Gazon  II  (1310- 

1315). 
Coucy.  Raoul  II  (1242-1250). 
Nesle. 

Comté  de  Vermandois.  Hugues  Ier  (1080-1116),  Elisa- 
beth et  Philippe  d'Alsace  (1 167). 
Abbaye  de  Corbie.  Foulques  Ier  (1048-1095),  Hugues  Ier 

(1221-1240). 
Comté  de  Ponthieu.  Gui  Ier  (1053-1100),  Edouard  III, 

roi  d'Angleterre. 
Montreuil.  Atelier  des  comtes  de  Ponthieu. 
Comté  de  Flandre  (ateliers  à  Lille,  Douai,  Arleux,  etc.). 

Arnoul  II  (965-988),  Marie-Thérèse. 
Villes  de  Flandre.  Ayant  eu  une  monnaie  communale  : 

Aire,  Alost,  Axel,  Bergues,  Béthune,  Bondues,  Bour- 

bourg,  Bruges,  Cassel,  Cour trai,  Dixmude,  Douai,  Eecloo, 

Eenham,  Gand,  Lille,  Loo,  Mude,  Orchies,  Ostende,  Po- 

peringhe,  Saint-Omer,  Saint- Venant,  Termonde,  Ypres. 
Abbaye  de  Bergues- Saint- Winoc.    Renould  (1052- 

1060). 
Seigneurie  de  Beaumont  (aujourd'hui  Jemappes).  Bau- 
doin d'Avesnes  (1280). 
Seigneurie  d*  Agimont.  Jean  de  Looz  (1280-1310). 
Comté  dy Artois.  Comtes  de  Flandre,  rois  de  France,  puis 

Robert   de  France  (1237-1250),   Robert  III  (1202- 

1339). 
Saint-Omer.   Monnaie  des  comtes,  monnaie  abbatiale, 

monnaie  communale. 
Seigneurie   de  Fauquembergues.  Eléonore,  femme  de 

Rasse  de  Grave  (1290-1326). 
Encre  (Albert).  Charles  (vers  1115). 
Baronnie  de  Péquigny.  Privilège  de  monnaie  mentionné 

en  1300. 
Comté  de  Boulogne.  Renaud  de  Dammartin  (1191-1227), 

Alphonse,  roi  de  Portugal  (1248). 
Lens  en  Artois.  Atelier  d'Eustache,  comte  de  Boulogne. 
Comté  de  Saint-Pol  et  seigneurie  d'Elincourt.  Hu- 
gues III  (1130-1141),  François  II  de  Bourbon  (1495- 

1545). 
Evéchéde  Cambrai.  Nicolas III de  Fontaines (1241-1273), 

Louis  de  Berlaimont  (1570-1596). 
Seigneurie  de  Crèvecœur.  Jean  de  Flandre  (1313-1315). 
Walincourt.  Jean  de  Walincourt  (1306-1314),  Guillaume, 

comte  de  Hainaut  (1304-1337). 
Serain.  Atelier  des  seigneurs  de  Ligny. 


Comté  de  Hainaut.  Rainier  V  (1013-1030),  Philippe  le 
Bon,  duc  de  Bourgogne. 

Duché  de  Lorraine.  Gérard  d'Alsace  (1048-1070),  Fran- 
çois III  (1729). 

Comté  de  Vaudemont. 

Abbaye  de  Gorze.  Charles  de  Rémoncourt  (1607-1643). 

Comté,  puis  duché  de  Bar.  Henri  II  (1214-1240),  René 
d'Anjou  (1419-1431).  Ducs  de  Lorraine. 

Aviothe.  Atelier  de  Geoffroy,  comte  de  Chiny  (1361). 

Seigneurie  de  Ligny.  Jean  de  Luxembourg  (1360),  Wa- 
leran  III. 

Evêché  de  Verdun.  Heymon  (988-1025),  Charles  II  de 
Lorraine  (1616). 

Evéchéde  Joui.  Etienne  (995),  Pierre  de  Barrière  (1363). 

Evêché  de  Metz.  Adalbéron  Ier  (929-964).  Henri  de  Ver- 
neuil  (1612).  Monnaies  municipales. 

Sires  dApremont.  Monnaies  non  retrouvées. 

Alsace.  Seigneuries  laïques  et  ecclésiastiques  ayant  frappé 
monnaie  :  Bergheim,  Colmar,  Ensisheim,  Froberg-Mont- 
joye ,  Haguenau ,  Landau ,  Lichtenberg  ,  Molsheim  , 
Mulhouse,  Murbach  et  Lure,  Ribeaupierre,  Rothau, 
Schlestadt,  Seltz,  Thaun,  Weinbourg,  Wissembourg. 

Evéchéde  Strasbourg.  Othbert  (906-913),  Louis  Cons- 
tantin de  Rohan-Guéméné  (1756-1779).    M.  Prou. 
Bibl.  —  Ouvrages  généraux  :  E.  Levasseur,  la  France 

et  ses  colonies  {géographie  et  statistique),  1890-1892,  3  vol. 

in-8.  —  E.  Reclus,  Géographie  universelle,  t.  II,  gr.  in-8. 

—  C.  de  Varigny,  Nouvelle  Géographie  moderne,  gr.  in-8. 

—  E.  Lavallée,  Géographie  physique,  historique  et  mili- 
taire, in-12.  —  E.  Levasseur,  Précis  de  la  géographie 
physique,  politique,  économique  de  la  France  et  de  ses 
colonies,  in-12,  avec  Petit  Atlas  correspondant  (45  cartes), 
1891.  —  Colonel  Niox,  Géographie,  la  France,  1893, 
in-12.  —  Onésime  Reolus,  France,  Algérie  et  colonies, 
in-16.  —  Du  même,  En  France,  gr.  in-8.  —  Marcel  Dubois, 
Géographie  de  la  France,  in-12.  —  Joanne,  Itinéraire 
général  de  la  France,  21  vol.  publiés  par  régions,  et 
Géographies  départementales  (87  vol.).  Annuaire  statis- 
tique de  la  France,  publication  du  ministère  du  commerce 
et  de  l'industrie,  gr.  in-8  (14  vol.  de  1878  à  1891).  —  Peuchet, 
Statistique  élémentaire  de  la  France,  1805,  in-8.—  Schnitz- 
ler,  Statistique  générale,  méthodique  et  complète  de 
la  France,  1846,  4  vol.  in-8.— M.  Block,  Statistique  de  la 
France  comparée  avec  les  divers  pays  de  V Europe,  2  vol. 
in-8.  —A.  de  Foville,  la  France  économique,  Statistique 
raisonnée  et  comparative,  in-12.  —  Joanne,  Dictionnaire 
géographique  et  administratif  de  la  France  et  de  ses 
colonies  (nouv.  êdit.  publié  jusqu'à  la  lettre  G). 

Géologie.  —  V.  Raulin,  Patria,  la  France  ancienne  et 
moderne,  Paris,  1841,  n°  IV;  Géologie  de  la  France,  Dic- 
tionnaire encyclopédique  des  sciences  médicales,  1880:  — 
Dufrénoy  et  Elie  de  Beaumont,  Explication  de  la  carte 
géologique  de  France;  Paris,  1841,  2  vol.  in-4.  —De  Lap- 
parent,  Abrégé  de  géologie,  1886;  Description  géologique 
du  bassin  ds  Paris,  1890.—  On  consultera  ensuite  avec 
fruit  de  nombreux  mémoires  publiés  sur  diverses  parties 
de  la  géologie  de  la  France,  dans  les  Bulletins  de  la  Soc. 
géolog.  de  France,  3e  sér.,  et  dans  ceux  du  service  de  la 
carte  géologique,  par  divers  auteurs,  en  particulier  par 
MM.  Michel-Lévy,  Marcel  Bertrand,  Munier-Chalmas, 
De  Lapparent,  Ch.  Barrois,  Hauq,  W.  Kilian. 

Géographie  physique.  —  Carte  d'état-major  au  80,000e 
(264  feuilles),  publiée  par  le  Service  géographique  de  l'ar- 
mée. —  Carte  de  France  au  100,000°,  publiée  par  le  minis- 
tère de  l'intérieur.  —  Carte  du  dépôt  des  fortifications  au 
500,000°.—  Cartes  de  la  marine,  publiées  par  le  Dépôt  de 
la  marine. 

GÉOGRAPHIE    HISTORIQUE   ET    POLITIQUE.   —    Comte   DE 

Boulainvilliers,  Etat  de  la  France,  1737, 6  vol.  in-18  (une 
première  édition  a  été  donnée  en  3  vol.  en  1727).  —  L'abbé 
Expilly,  Dictionnaire  géographique,  historique  et  poli- 
tique des  Gaules  et  de  la  France  (inachevé),  1767-1770, 
6  vol.  in-fol.  —  Moreri,  Dictionnaire  géographique,  1768, 
6  vol.  in-fol.  —  Piganiol  de  La  Force,"  Nouvelle  Descrip- 
tion de  la  France,  1754,  13  vol.  in-12.  —  E.  Desjardins, 
Géographie  de  la  Gaule  romaine,  3  vol.  in-8.  —  L.  Lalanne, 
Dictionnaire  historique  de  la  France,  gr.  in-8.  —  Bruzen 
de  La  Martinière,  Grand  Dictionnaire  géographique, 
historique  et  critique,  1741,  6  vol.  in-fol.  —  Dictionnaire 
topographique  de  la  France  par  départements,  publication 
du  ministère  de  l'instruction  publique. 

Administration  et  population.  —  Auooc,  Confé- 
rences sur  l'administration  et  le  droit  administratif  faites 
à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  2  vol.  in-8.  —  Ducrocq, 
Cours  de  droit  administratif,  1  vol.  in-8.  —  M.  Block, 
Dictionnaire  de  l'administration,  gr.  in-8.  —  Bulletin  de 
statistique  du  ministère  des  travaux  publics,  publication 
TVlûr,c",û,,û  —  Revue  générale  d'administration,  publication 
ministère  de  l'intérieur.  —   Situation  finan- 


mensuelle. 
annuelle  du 


FRANCE 


—  1448 


cière  des  communes  de  France  et  d'Algérie,  publication 
mensuelle  du  ministère  de  l'intérieur.  —  Budget  des  dé- 
penses, Budget  des  recettes,  Compte  général  des  /î- 
nances ,  etc. ,  publications  annuelles  du  ministère  des 
finances.  —  Bulletin  de  statistique  et  de  législation  com- 
parée du  ministère  des  finances,  publication  mensuelle.  — 
Compte  rendu  des  opérations  du  recrutement,  publication 
du  ministère  de  la  guerre.  —  Compte  général  de  l'adminis- 
tration de  la  justice  criminelle  en  France  et  en  Algérie  et 
Compte  général  de  l'administration  de  la  justice  civile  et 
commerciale  en  France  et  en  Algérie,  publications  du  mi- 
nistère de  la  justice. —  Statistique  de  l'enseignement  pri- 
maire, publication  quinquennale,  et  Résumé  des  états  de 
situation,  publication  annuelle  du  ministère  de  l'instruc- 
tion publique.  —  Statistique  de  l'enseignement  supérieur 
et  Statistique  de  l'enseignement  secondaire,  publications 
faites  trois  fois  par  le  ministère  de  l'instruction  publique, 
à  l'occasion  des  expositions  universelles  —  Annuaires, 
publiés  par  presque  tous  les  ministères.  —  Almanach 
national,  publication  annuelle,  in-8.  —  Levasseur,  la 
Population  française,  histoire  de  la  population  avant 
1189  et  démographie  de  la  France  comparée  a  celle  des 
autres  nations  au  xix°  siècle,  1889-1892,  3  vol.  in-8.  — 
Dénombrement  de  la  population,  ministère  de  l'intérieur, 
publication  quinquennale  du  ministère  de  l'intérieur.  — 
Statistique  générale  de  la  France:  résultats  statistiques 
du  dénombrement,  publication  quinquennale  du  ministère 
du  commerce  et  de  1  industrie. 

Anthropologie.  —  Broca,  Mémoires  d'anthropolo- 
gie; Paris,  1871,  t.  I  :  Recherches  sur  l'ethnologie  de 
la  France,  etc.,  gr.  in-8.  —  Lagneau,  Anthropologie  de 
la  France  ;  Paris,  1879,  gr.  in-8.—  Topinard,  Répartition 
des  types  blond  et  brun  en  France.  Rapport  à  l'Association 
française  pour  l'avancement  des  sciences,  année  1889.  — 
Cartailhac,  la  France  préhistorique  ;  Paris,  1889,  in-8. 

—  Testut,  le  Squelette  de  Chancelade;  Lyon,  1889,  gr.in-8. 

—  R.  Collignon,  l'Anthropologie  au  conseil  de  revision. 
Ethnologie  des  Côtes-du-Nord,  dans  Bull.  Soc.  d'anthr., 
année  1890.  —  Hovelaque  et  Hervé,  la  Population  du 
Morvan,  dans  Bull.  Soc.  d'anthr.,  1892. 

Flore.— De  Lamarck  et  de  Candolle,  FJore  française; ; 
Paris,  1815,  6  vol.  in-8.  —  Mutel,  Flore  française,  1834-37, 
4  vol.  in-12.  —  Grenier  et  Godron,  Flore  de  France  ; 
Paris,  1847-56,  3  vol.  in-8.  —  Gillet  et  Magne,  Nouvelle 
Flore  française;  Paris,  1873,  in-18,  3e  éd.  —  Ch.  Martins, 
art.  Géogr.  bot.,  dans  Patria  ;  Paris,  1847,  t.  I,  in-8.  — 
Bâillon,  art.  France  (flore),  dans  Dict.  encyclop.  se.  méd., 
1879,  t.  V,  4e  sér.  —  Kirschlegsr,  Flore  d'Alsace;  Stras- 
bourg-, 1852-62,  3  vol.  in-12.  —  Du  même,  Flore  vogéso-rhé- 
nane  ;  Paris,  1870-71,  2  vol.  in-12.  —  Lloyd,  Flore  de  l'Ouest 
de  la  France;  Nantes,  1854,  in-8;  4e  éd.,  1886.  —  Boreau, 
Flore  du  centre  de  la  France  ;  Paris,  1857,  2  vol.  in-8, 
3e  éd.  —  Brebisson,  Flore  de  Normandie;  Caen,  1879, 
in-18,  5°  éd.  —  Godron,  Essai  sur  la  géog.  bot.  de  la  Lor- 
raine; Nancy,  1862,  in-18.  —  Cosson  et  Germain,  Flore 
des  environs  de  Paris  ;  Paris,  1861,  in-8, 2e  éd.  —  Ardoino, 
Flore  analytique  dudép.  des  Alpes-Maritimes  ;  Nice,  1879, 
in-18,  2e  éd.  —  Verlot,  Guide  du  botaniste  herborisant; 
Paris,  1886,  in-18,  2e  éd.  —  Du  même,  Catalogue  raisonné 
des  plantes  vasculaires  du  Dauphiné;  Grenoble,  1872, 
in-8.  —  Bonnier  et  de  Layens,  Nouvelle  Flore  du  N.  de 
la  France;  Paris,  1887,  in-8.—  Godron,  Flore  de  Mont- 
pellier; Besançon,  1854,  in-8.  —  Noulet,  Flore  de  Tou- 
louse; Toulouse,  1884,  in-18, 39  éd.  —  Goubet,  Littoral  mé- 
diterranéen ;  Nice,  1884,  in-12.—  Mutel,  Flore  du  Dau- 
phiné; Grenoble,  1848-49,  2  vol.  in-8,  2e  éd.  —  Saint- 
Lager,  Catalogue  des  plantes  vaseutaires  de  la  flore  du 
bassin  du  Rhône;  1883,  in-8.  —  Voyez  encore  les  commu- 
nications de  la  Société  de  botanique  de  France  sur  la 
flore  des  diverses  régions  visitées  par  elle. 

Géographie  économique.  —  Bulletin  du  ministère  de 
l'agriculture,  publication  mensuelle.  —  Statistiques  agri- 
coles décennales  (la  dernière  est  celle  de  1882),  publications 
du  ministère  de  l'agriculture.  —  Enquête  agricole  de  1866 
publiée  par  le  ministère  de  l'agriculture,  2  vol.  in-8. —  En- 
quête agricole  de  1819,  publiée  par  la  Société  nationale 
d'agriculture,  2  vol.  in-8.—  Nouvelle  Evaluation  du  revenu 
foncier  des  propriétés  non  bâties  de  la  France,  publica- 
tion du  ministère  des  finances,  in-4  avec  atlas  in-fol.  — 
Les  Primes  d'honneur,  publication  du  ministère  de  l'agri- 
culture, 8  vol.  gr.  in-8.  —  Bulletin  mensuel  de  la  So- 
ciété nationale  d'agriculture.  —  Baudrillart,  les  Popu- 
lations agricoles  de  la  France,  3  vol.  in-8.  —  Bulletin  de 
la  Sociétédes  agriculteurs  de  France,  publication  bi-men- 
suelle.  —  Statistique  des  pêches  maritimes,  publication 
dua ministère  de  la  marine.  —  Rapports  du  jury  aux  expo- 
sitions nationales  et  aux  expositions  universelles,  publi- 
cations officielles  faites  à  la  suite  de  chacune  des  expo- 
sitions. —  Statistique  de  l'industrie  minérale,  publication 
annuelle  du  ministère  des  travaux  publics.—  Statistique 
des  sources  minérales  de  France,  publiée  en  1883  par  le 
ministère  des  travaux  publics,  in-4.  —  Nicolas,  Documents 
statistiques  sur  les  routes  et  ponts,  in-fol.  —  Lucas, 
Voies  de  communication  en  France,  publication  du  minis- 
tère des  travaux  publics.  —  Etat  des  dépenses  d'entre- 
tien des  routes  nationales ,  publication  annuelle  du  mi- 
nistère des  travaux  publics. —  Compte  rendu  général  des 


opérations  effectuées  par  le  service  vicinal,  publication 
annuelle  du  ministère  de  l'intérieur. —  Statistique  des  che- 
mins de  fer  français,  Documents  principaux,  in-4.  —  Sta- 
tistique des  chemins  de  fer  français,  Documents  divers, 
France,  Intérêt  général,  in-4.  —  Statistique  des  chemins 
de  fer  français,  Documents  divers,  Intérêt  local,  in-4.  — 
Atlas  des  ports  de  France,  Voies  navigables,  Manuel  des 
distances,  in-12.  —  Relevé  général  des  marchandises  trans- 
portées sur  les  rivières  et  canaux,  Statistique  de  la  navi- 
gation intérieure,  Dépenses  de  premier  établissement  et 
d'entretien,  Recensement  de  la  batellerie,  publications  an- 
nuelles du  ministère  des  travaux  publics. —  Cheysson, 
Album  de  statistique  graphique,  publication  annuelle  du 
ministère  des  travaux  publics.  —  Statistique  sur  le  mou- 
vement des  correspondances  postales,  publication  annuelle 
du  ministère  du  commerce  et  de  l'industrie.  —  Rapport 
général  sur  les  opérations  de  la  Banque  de  France,  pu- 
blication annuelle  de  la  Banque.  —  Annales  du  commerce 
extérieur  et  particulièrement  la  livraison  qui,  chaque 
année,  contient  la  Situation  économique  et  commerciale  ; 
Exposé  comparatif  pour  la  période  des  quinze  dernières 
années.  —  Tableau  général  du  commerce  de  la  France  avec 
les  colonies  et  les  puissances  étrangères,  publication  an- 
nuelle du  ministère  des  finances,  in-fol.,  avec  récapitula- 
tion dans  les  Tableaux  décennaux,  —  Recherches  sta- 
tistiques sur  la  ville  de  Paris,  6  vol.  gr.  in-8.—  Annuaire 
statistique  de  la  ville  de  Paris,  publication  annuelle,  in-8. 

Littérature.—  Dix-septième  siècle. —  Nisard,  Histoire 
de  la  littérature  française  ;  Paris,  1879,  4  vol.  in-18. —  De- 
mogeot,  Histoire  de  la  littérature  française  depuis  les  ori- 
gines jusqu'à  nos  jours  ;  Paris,  1876,  in-12. —  Gidel,  Histoire 
de  la  littérature  française  depuis  la  Renaissance  jusqu'à  la 
fin  du  xvii9  siècle  ;  Paris,  1877,  in-18.—  Geruzez, Histoire 
de  la  littérature  française  depuis  ses  origines  jusqu'à  la 
Révolution;  Paris,  1861,  2  vol.  in-8.  —  F.  Godefroy,  His- 
toire de  la  littérature  française  depuis  le  xvie  siècle  jus- 
qu'à nos  jours  ;  Paris,  1878-79,  8  vol.  in-8.  —  Villemain, 
Cours  de  littérature  française;  Paris,  1840,  6  vol.  in-8. 
—  P.  Albert,  la  Littérature  française  au  xvii9  siècle; 
Paris,  1873,  in-8.  —  Aubineau,  Notices  littéraires  sur  le 
xvii6  siècle  ;  Paris,  1859,  in-8.  —  Robiou,  Essai  sur  l'his- 
toire de  la  littérature  française  et  des  mœurs  pendant  la 
première  moitié  du  xvii6  siècle;  Paris,  1858,  in-8.  — 
Ch.  Livet,  Etudes  sur  la  littérature  française  à  Vépoque 
de  Richelieu  et  de  Mazarin,  1852,  in-8.  —  Demogeot, 
Tableau  de  la  littérature  française  au  xvne  siècle;  Paris, 
1859,  in-8.  —  V.  Fournel,  De  Malherbe  à  Bossuet;  Paris, 
1884,  in-12. —  Faguet,  les  Grands  Maîtres  du  xvip  siècle; 
Paris,  1885,  in-12.  —  E.  Deschanel,  le  Romantisme  des 
classiques;  Paris,  1882-1885,  4  vol.  in-12.  —  F.  Brunetière, 
Etudes  critiques  sur  Vhistoire  de  la  littérature  française  ; 
Paris,  1887  et  suiv.,  4  vol.  in-12. 

Dix-huitième  siècle.  —  Les  mêmes  ouvrages  généraux 
que  ceux  qui  sont  indiqués  dans  le  paragraphe  précédent. — 
Ch.  Aubertin,  l'Esprit  public  au  xviip  siècle  ;  Paris, 
1872,  in-8.  —  Vinet,  Histoire  de  la  littérature  française 
au  xviii8  siècle;  Paris,  1853,  2  vol.  in-8.  —  P.  Albert,  la 
Littérature  française  au  xviip  siècle  ;  Paris,  1875,  in-8.  — 
Villemain,  Cours  de  littérature  française.  Tableau  du 
xviii6  siècle  ;  Paris,  1828-38,  5  vol.  in-8.  —  De  Barante, 
Tableau  de  la  littérature  française  au  xviip  siècle  ;  Paris, 
1857,  in-12.—  Faguet,  le  Dix-huitième  Siècle;  Paris,  1890, 
in-12.  —  E.  Maron,  Histoire  littéraire  de  la  Révolution; 
Paris,  1856,  in-12.  —  Geruzez,  Histoire  de  la  littérature 
française  pendant  la  Réoolution  ;  Paris,  1859,  in-12. 

Période  contemporaine.— Viket,  Etudes  sur  la  littérature 
française  auxixe  siècle;  Paris,  1849-1851, 3  vol.  in-8.—  Paul 
Albert,  les  Origines  du  romantisme  (la  Littérature  fran- 
çaise au  xixe  siècle),  1. 1;  Paris,  1882,  in-12.—  Bernardin, 
Tableau  de  la  littérature  française  au  xixe  siècle  (Préface 
aux  Morceaux  choisis);  Paris,  1886, in-12. —  Sainte-Beuve, 
les  Causeries  du  Lundi;  Paris,  1857-1862,  15  vol.  in-12; 
les  Nouveaux  Lundis;  Paris,  1863-1870,  13  vol.  in-12.  —, 
Catulle  Mendès,  la  Légende  du  Parnasse  contemporain; 
Bruxelles,  1884,  in-12. —  Jules  Tellier,  Nos  Poètes  ;  Paris, 
1888,  in-18.  —  Ch.  Le  Goffic,  les  Romanciers  d'aujour- 
d'hui; Paris,  1890,  in-18.  —  Emile  Faguet,  Etudes  sur  le 
xixe  siècle  ;  Paris,  1887,  in-18.  —  Paul  Morillot,  le  Roman 
en  France;  Paris,  1892,  in-18.  —  Léon  Deschamps,  la  Jeune 
Littérature,  dans  Revue  encyclopédique,  1er  janv.  1893. 

Philosophie.—  F.  Bouillier,  Histoire  de  la  philosophie 
cartésienne;  Paris, 2  vol.  in-8. —  Bordas-Demoulin,  le  Car- 
tésianisme; Paris,  in-8.  —  Cousin,  Philosophie  sensualiste, 
Premiers  Essais  de  théologie.  —  Ravaisson,  la  Philo- 
sophie en  France  au  xixe  siècle;  Paris,  1867,- 1885,  2e  éd., 
in-8.  —  Picavet,  les  Idéologues  ;  Paris,  1891,  in-8.  —  Dans 
le  troisième  volume  du  Manuel  de  Philosophie  d'Ueber- 
weg  (allemand),  on  trouvera,  due  à  M.  Paul  Janet,  une 
étude  sur  le  «  mouvement  philosophique  en  France  » 
depuis  le  «  siècle  dernier  ». 

Histoire.  —  On  trouvera  des  détails  très  complets  dans 
notre  art.  Bibliographie,  t.  VI,  pp.  635-641.  Aux  ouvrages 
généraux  du  P.  Lelong,  de  Franklin,  de  Ruelle,  de  l'abbé 
Chevalier,  etc.,  qui  y  sont  analysés,  il  faut  ajouter  :  Mo- 
nod,  Bibliographie  de  Vhistoire  de  France;  Paris,  1888, 
in-8;  et  les  notices  placées  à  la  suite  de  chaque  chapitre 
de  l'Histoire  générale  de  l'Europe,de  La  visse  etRAMBAUD 


—  1149 


FRANCE 


(Paris,  1892  et  suiv.). —  Les  principaux  recueils  de  textes 
sont:  Pithou,  Annalium  et  historiée  Francorum  ab  anno 
108-990  scriptores  cosetanei;  Paris,  1588.—  Duchesne,  His- 
toriée Francorum  scriptores  coœtanei  ;  Paris,  1636-49,5  vol. 
-Dom  Bouquet,  Rerum  gallicarum  et  francicarum  scrip- 
tores; Paris,  1738-1876,  t.  1  à  XXIII;  pour*,  les  détails  sur  ce 
recueil  fondamental,  V.  Bouquet. —  Guizot,  Collection  des 
mémoires  relatifs  à  l'histoire  de  France,  1823  et  suiv.,  31  vol., 
a  traduit  une  grande  partie  de  ces  textes. —  Buchon,  Collec- 
tion des  chroniques  nationales  françaises  écrites  en  langue 
vulgaire  du  xiip  au  xvia  siècle;  Paris,  1824-29,  47  vol.  — 
Petitot,  Collection  complète  des  mémoires  relatifs  a  V his- 
toire de  France  depuis  Philippe-Auguste  jusqu'au  com- 
mencement du  xvip  siècle,  1819-26,  52  vol.,  continué  avec 
Faide  de  Montmerqué,  depuis  l'avènement  de  Henri  IV 
jusqu'à  la  paix  de  Paris,  1820-29,  79  vol.  —  Michaud  et 
Poujoulat,  Collection  de  mémoirespour  servir  à  l'histoire 
de  France  depuis  le  xiip  siècle;  1833-39,  32  vol.  —  Gallia 
christiana,  1715-87,  3e  éd.,  13  vol.  —  Collection  des  docu- 
ments inédits  sur  Vhistoire  de  France.  —  Leber,  Col- 
lection des  meilleures  dissertations,  pièces  curieuses 
relatives  a  l'histoire  de  France;  Paris,  1826  et  suiv., 
18  vol.  —  Recueil  général  des  lois  depuis  d!8  jusqu'en 
1189,  par  Jourdan,  Isambert,  Décrus  y  et  Gallardier, 
1820-31,  auquel  fait  suite  depuis  cette  date  le  Bulletin 
des  lois.  Ces  grands  recueils,  bien  que  fort  utiles,  sont, 
pour  la  plupart  des  textes  qu'ils  renferment,  inférieurs 
aux  éditions  et  publications  spéciales  dont  on  trouvera 
l'indication  dans  la  bibliographie  de  nos  articles  spéciaux. 

—  Les  histoires  générales  sont  nombreuses  ;  sans  parler 
de  celle  d'ANQUETiL,  celles  de  Sismondi,  Henri  Martin  et 
Dareste  sont  vieillies  ;  celle  de  Michelet  garde  encore 
une  grande  valeur  indépendamment  du  génie  littéraire  ;  on 
peut  citer  encore  les  Précis  de  Bordier  et  Charton,  1859, 
2  vol.  in-8,  de  Lavallée,  Histoire  des  Français,  1880, 
20e  éd.  6  vol.  ;  de  Guizot,  1872-74, 3  vol.  et  suppl.  —  Schmidt. 
et  Wachsmuth,  Geschichte  von Frankreich,  183949, 10  vol. 

—  Monteil,  Histoire  des  Français  des  divers  Etats,  1853, 
4°  éd.,  5  vol.  —  Guizot,  Histoire  de  la  civilisation  en 
France  ;  Paris,  1857,  4  vol.  in-8,  6e  éd.  —  Rambaud,  His- 
toire de  la  civilisation  française  ;  Paris,  1887,  3  vol.  in-18. 

—  L.  Lalanne,  Dictionnaire  historique  de  la  France  ; 
Paris,  1887,  in-8.  —  Duruy  et  Wallon,  Géographie  poli- 
tique de  la  France;  Paris,  1847,  2  vol.  in-8.  —  Longnon, 
Atlas  historique  de  la  France,  texte  et  cartes  ;  Paris, 
1885,  in-8  et  in-fol.  (en  cours  de  publication).  —  Pour 
les  institutions  :  Fustel  de  Coulanges  ,  Histoire  des 
institutions  politiques  de  l'ancienne  France  ;  Paris,  1874, 
t.  Ier,  in-8,  nouv.  éd.  1878.  —  Luchaire,  Manuel  des  ins- 
titutions françaises  sous  les  Capétiens  directs  ;  Paris, 
1892,  in-8.  —  Sur  les  ouvrages  particuliers  relatifs  à  chaque 
période,  V.  les  articles  auxquels  il  a  été  renvoyé  dans  le 
courant  de  celui-ci,  particulièrement  les  notices  consacrées 
aux  souverains  et  aux  assemblées  ;  V.  aussi  l'art.  Histoire 
où  seront  appréciés  les  historiens  et  érudits  français. 

Beaux-Arts,  Arts  décoratifs  et  industriels.  —  De 
La  Sauvagère,  Recueil  d'antiquités  dans  les  Gaules  ;  Pa- 
ris, 1770,  in-4,  pi.  —  Grivaud  de  La  Vincelle,  Recueil  de 
monuments  antiques,  la  plupart  inédits  et  découverts  dans 
l'ancienne  Gaule;  Paris,  1817,  2  vol.  in-4,  pi.  —  Du  même, 
les  Arts  et  métiers  des  anciens  représentés  par  les  monu- 
ments; Paris,  1819,  in-fol.,  pi.  —  E.  Tudot,  Collection  de 
figurines  en  argile,  œuvres  premières  de  l'art  gaulois  ;  Pa- 
ris, 1860,  gr.  in-4,  fig.  —  Ph.  Mantellier,  Mémoires  sur 
les  bronzes  antiques  de  Neuvy-en-Sullias  ;  Paris,  1865,  gr. 
in-4,  pi.  —  E.-F.-F.  Hucher,  l'Art  gaulois,  ou  les  Gaulois 
d'après  leurs  médailles  ;  Le  Mans  et  Paris,  1868-73,  2  vol. 
in-4.  —  B.  de  Montfaucon,  les  Monuments  de  lamonarchie 
française  ;  Paris,  1729-33,  5  vol.  in-fol. ,  fig.  —  A.-L.  Millin, 
Antiquités  nationales;  Paris,  1790-99,  5  vol.  in-fol.,  fig.  — 
Alex.  Lenoir,  Musée  des  monuments  français;  Paris, 
1800-21,  8  vol.  in-8,  fig.  —  Du  môme,  Recueil  de  gravures 
pour  servir  à  l'histoire  des  arts  en  France,  prouvée  par 
les  monuments  ;  Paris,  1810-11,  in-4  et  in-fol.,  fig.  —  Comte 
Alex,  de  Laborde,  les  Monuments  de  la  France,  classés 
chronologiquement  (avec  dessins  faits  d'après  nature)  ; 
Paris,  1816-1836,  2  vol.  gr.  in-fol. ,  fig.  -  De  Caumont,  His- 
toire sommaire  de  l'architecture  au  moyen  âge  ;  Caen,  1837- 
38,  in-8  et  in-4  obi.,  fig.  —  Moret,  Moyen  Age  pittoresque: 
monuments  d'architecture,  meubles  et  décors  du  xe  au 
xviie  siècle;  Paris,  1837-39,  2  vol.  in-fol.,  fig.  —  Du  Som- 
merard,  les  Arts  au  moyen  âge; Paris,  1838-46,  5  vol.  gr. 
in-8,  et  6  vol.  in-fol.  —  N.-X.  Willemin  et  André  Pottier, 
Monuments  français  inédits,  pour  servir  à  l'histoire  des 
arts  depuis  le  vp  siècle  jusqu'au  commencement  du  xvn9  ; 
Paris,  1839,  2  vol.  in-fol.,  fig.  —  Albert  Lenoir,  Statistique 
monumentale  de  Paris  ;  Paris,  1839,  in-4,  et  2  vol.  de  pi.  in-fol. 
—  Alex.  Lenoir,  Monuments  des  arts  libéraux,  mécaniques 
et  industriels  de  la  France,  depuis  les  Gaulois  jusqu'au 
règne  de  François  I°r  ;  Paris,  1840,  gr.  in-fol.,  fig.  —  An- 
nales archéologiques  (publ.  par  Didron)  ;  Paris,  1844-69, 
26  vol.  in-4,  fig.  —  Revue  archéologique;  Paris,  1844  et 
suiv.  —  Les  PP.  Ch.  Cahier  et  Arth.  Martin,  Mélanges 
d'archéologie  ;  Paris,  1847-56, 4  vol.  gr,  in-4,  fig., et  Nouveaux 
Mélanges  d'archéologie,  1874-77,  4  vol.  gr.  in-4,  fig.  —  Paul 
Lacroix  et  Ferd.  Seré,  le  Moyen  Age  et  la  Renaissance  ; 
Paris,  1848-51,  5  vol.  in-4,  fig.,  et  nouv.  édit.  augm.,  1868- 


1877,  4  vol.  in-4.  —  Ch.  Louandre  et  Hangard-Maugé,  les 
Arts  somptuaires,  Histoire  du  costume  et  de  l'ameuble- 
ment et  des  arts  et  industries  qui  s'y  rattachent;  Paris, 
1857-58,  4  vol.  in-4,  fig.  —  Viollet-le-Duc,  Dictionnaire 
raisonné  d'architecture  française  du  xp  au  xvi°  siècle  ; 
Paris,  1858-68, 10  vol.  in-8,  fig.  —  Du  même,  Dictionnaire 
raisonné  du  mobilier  français,  de  Vépoque  carlovingienne 
à  la  Renaissance,  1858-72,  3  vol.  in-8,  fig.  —  Ch.  de  Linas 


2  vol.  in-4.  —  L.  Palustre,  la  Renaissance  en  France  ; 
Paris,  1879-85,  12  livr.  in-fol.  (inachevé).  —  M.-J.  Rigollot, 
Essai  historique  sur  les  arts  du  dessin  en  Picardie,  de- 
puis l'époque  romaine  jusqu'au  xvi8  siécte;  Amiens,  1840, 
2  vol.  in-8  et  atlas.  —  Comte  Léon  de  Laborde,  les  Ducs 
de  Bourgogne  ;  études  sur  les  lettres,  les  arts  et  l'indus- 
trie pendant  le  xve  siècle;  Paris,  1849-51,  3  vol.  gr.  in-8.  — 
Du  même,  la  Renaissance  des  arts  à  la  cour  de  France 
(xvi8  siècle)  ;  Peinture,  t.  Ie',  1850-55,  gr.  in-8,  avec  suppl. 
—  Archives  de  l'art  français;  Paris,  1851-66, 14  vol.  in-8,  et 
Nouvelles  Archives  de  l'art  français,  1872  et  suiv.—  E.  Re- 
nan, Discours  sur  l'état  des  beaux-arts  en  France  au 
xive  siècle;  Paris,  1863,  in-4,  et  1865,  2  vol.  in-8.  —  L.  De- 
lisle,  le  Cabinet  des  manuscrits  ;  Paris,  1868-81,  3  vol.  gr. 
in-4  et  atlas.  —  Lecoy  de  La  Marche,  les  Manuscrits  et 
la  miniature  ;  Paris,  1884,  in-8,  fig.  —  E.  Corroyer,  l'Ar- 
chitecture romane  ;  Paris,  1888,  in-8,  fig.  —  Du  même,  l'Ar- 
chitecture gothique;  Paris,  1891,  in-8,  fig.  —  L.  Gonse, 
l'Art  gothique;  Paris,  1892,  in-fol.,  fig.  —  L.  CouRAJOD,tes 
Origines  de  la  Renaissance  en  Finance  au  xi  ve  et  au  x  ve  siècle; 
Paris,  1888,  in-8.  —  E.  et  J.  de  Goncourt,  l'Art  au 
xviip  siècle;  Paris,  1859-70, 11  livr.  in-4,  avec  pi.,  et  1873- 
1874,  2  vol.  in-8.  —  Arsène  Hotjssaye,  Histoire  de  l'art  fran- 
çais au  xviip  siècle  ;  Paris,  1860,  in-8.  —  H.  du  Cleuziou, 
l'Art  national,  étude  sur  l'histoire  de  l'art  en  France  : 
Paris,  1881-83,  2  vol.  gr.  in-8,  fig.  —  Bellier  de  La  Cha- 
vignerie  et  L.  Auvray,  Dictionnaire  général  des  artistes 
de  l'Ecole  française;  Paris,  1868-1885,  2  vol.  gr.  in-8.  —La 
Gazette  des  Beaux-Arts  (depuis  1859)  et  autres  revues, 
ainsi  cpie  de  nombreuses  études  sur  l'art  en  France  au 
xix°  siècle  (Voir  aussi  la  bibliographie  des  art.  Archi- 
tecture, Gravure,  Peinture,  Sculpture,  etc.). 

Musique.  —  H.  Lavoix  fils,  la  Musique  française  (Biblio- 
thèque de  l'enseignement  des  beaux-arts);  Paris,  1890,  in-8. 
N.-B.  Chacun  des  dix  chapitres  de  cet  ouvrage  étant  suivi 
d'une  bibliographie  détaillée,  nous  demandons  la  permis- 
sion d'y  renvoyer  le  lecteur.  Nous  nous  contenterons  seu- 
lement ici  de  citer  les  livres  les  plus  importants  traitant  de 
l'histoire  de  la  musique  en  France.  —  Bellaigue,  l'Année 
musicale,  1886-1892  et  suite,  in-12.  —  Du  même,  Un  Siècle  de 
musique  française,  1887,  in-12.  — Gust.  Bertrand,  les  Na- 
tionalités musicales,  1872,  in-12.  —  Michel  Brenet,  Histoire 
de  la  symphonie,  1882,  in-12.  —  Campardon,  VAcadémie 
royale  de  musique  au  xviip  siècle,  1884,  2  vol.  in-8.—  Castil 
BLAZE,De  l'Opéra  en  France,  1820,  2vol.in-8.  —  Du  même, 
Chapelle-musique  des  rois  de  France,  1832,  in-8.  —  Chou- 
quet,  Hist.  de  la  musique  dramatique  en  France,  1873, 
in-8.  —  Félix  Clément,  Histoire  de  la  musique  religieuse, 
1866,  in-8.  —  Félix  Clément  et  Laroussie,  Dictionnaire 
lyrique  ou  Histoire  des  opéras  jusqu'en  1816,  in-8.—  Cous- 
semaker,  Drames  liturgiques,  1860,  in-4.  —  Du  même, 
Histoire  de  l'harmonie  au  moyen  âge,  in-4.  —  Deldevez, 
la  Société  des  concerts  de  1860  à  1885,  1887,  in-8.  —  El- 
wart,  Histoire  de  la  Société  des  concerts  du  Conserva- 
toire, 1860,  in-8.  —  Du  même,  Histoire  des  concerts  popu-r 
laires,\\8bi,  in-12.  —  Fétis, Histoire  de  la  musique,  in-8.— 
Grétry,  Mémoires  ou  Essais  sur  la  musique,  in-8.—  Jul- 
lien,  la  Cour  et  l'opéra  sous  le  règne  de  Louis  XV,  1875, 
in-8.  —  Lajarte,  Bibliothèque  musicale  de  l'opéra  1876, 
in-8.  —  Lassabathie,  Histoire  du  Conservatoire  de  mu- 
sique, 1860,  in-8.  —  Lavoix  fils,  la  Musique  au  siècle  de 
saint  Louis,  dans  Recueil  des  Motets  français,  1883,  in-8. 

—  Du  même,  la  Musique  dans  l'imagerie  du  moyen  âge, 
1875,  in-8.—  Du  même,  Histoire  de  l'instrumentation,  1878, 
in-8.  —  Lavoix  fils  et  Lemaire,  le  Chant,  1881,  in-4.  — 
Lucas,  les  Concerts  populaires  en  France,  1876,  in-8.  — 
Mersenne,  l'Harmonie  universelle,  1636,  in-8.  —  Noël  et 
Stoullig,  les  Annales  du  théâtre  et  de  la  musique,  1873  et 
suiv.  —  Nuitter  et  Thoinan,  les  Origines  de  l'opéra,  1886, 
in-8.  —  E.  Poirée,  l'Evolution  de  la  musique,  1888,  in-8. 

—  Arthur  Pougin,  les  Vrais  Créateurs  de  l'opéra  français , 
1881,  in-8.  —  Reyer,  Notes  de  musique,  ;  in-12.  —  Saint- 
Saens,  Harmonie  et  mélodie,  1885,  in-12.  —  Soubies  et 
Malherbe,  Précis  de  l'histoire  de  l'opéra-comique,  1887, 
in-12.  —  Soubies,  Almanach  des  spectacles,  1871  et  suiv. 

—  Soubies  et  Malherbe,  Histoire  de  la  seconde  salle 
Favart,  dans  le  Ménestrel,  1889. 

Numismatique.  —  Engel  et  Serrure,  Répertoire  des 
sources  imprimées  de  la  Numismatique  française;  Paris, 
1887-89,  3  vol.  in-8.  —  Le  Blanc,  Traité  historique  des 
monnaies  de  France  ;  Paris,  1690,  in-4.  —  Engel  et  Ser- 
rure, Traité  de  numismatique  du  moyen  âge;  Paris,  1891, 
in-8.  —  Blanchet,  Manuel  de  numismatique  du  moyen 
âge  et  moderne;  Paris,  1890,  t.  I,  in-12  (Encyclopédie  Ro- 
ret).  —  Prou,  Catalogue  des  monnaies  françaises  de  la 
Bibliothèque   nationale,  les  monnaies   mérovingiennes  ; 


FRANCE  —  FRANCÈS 


~  4450  — 


Paris,  1892,  in-8.  —  Gariel,  les  Monnaies  royales  de 
France,  sous  la  race  carolingienne;  Paris,  1883,  2  vol.  in-4. 
—  Hoffmann  ,  les  Monnaies  royales  de  France  depuis 
Hugues  Capet  jusqu'à  Louis  XVI;  Paris,  1878,  in-4.  — 
F.  de  Saulcy,  Recueil  de  documents  relatifs  à  l'histoire 
des  monnaies  frappées  par  les  rois  de  France  depuis  Phi- 
lippe II  jusqu'à  François  Ier;  Paris,  1879,  in-4  (docu- 
ments inédits).  —  N.  de  Wailly,  Mémoires  sur  les  varia- 
tions de  la  livre  tournois;  Paris,  1857,  in-4  (Extrait  du 
t.  XXI,  2e  part,  des  Mém.  de  l'Acad.  des  inscript.).  —  F. 
de  Saulcy,  Eléments  de  l'histoire  des  ateliers  monétaires 
du  royaume  de  France,  depuis  Philippe- Auguste  jusqu'à 
François  Ier  inclusivement;  Paris,  1877,  in-4.  —  N.  de 
Wailly,  Recherches  sur  le  système  monétaire  de  saint 
Louis;  Paris,  1857,  in-4  (Extr.  du  t.  XXI.,  2e  part..,  des  Mém. 
deVAcad.  des  inscript.) .  —  F.  de  Saulcy,  Histoire  mo- 
nétaire de  Jean  le  Bon  ;  Paris,  1880,  in-4.  —  Du  même, 
Histoire  numismatique  du  règne  de  François  jer,  roi  de 
France;  Paris,  1876,  in-4.  —  Poey  d'Avant,  Monnaies 
féodales  de  France;  Paris,  1858-62,  3  vol.  in-4.  —  Caron, 
Monnaies  féodales  françaises;  Paris,  1882,  in-4. 

FRANCE  équinoxiàle  (Compagnie  de  la)  (V.  Compagnie, 
t.  XII,  p.  458). 

FRANCE  (Renon  de),  magistrat  et  historien  belge,  mort 
à  Malines  en  4623.  Il  appartenait  à  une  famille  de*  magis- 
trats et,  après  avoir  pris  à  Louvain  le  grade  de  docteur  en 
droit,  il  devint,  en  4587,  conseiller  au  grand  conseil  de 
Malines,  puis  il  fut  nommé,  en  4605,  président  du  conseil 
d'Artois  et  finit  sa  carrière  comme  président  du  grand  con- 
seil. Il  est  Fauteur  d'une  grande  composition  historique 
intitulée  Histoire  des  causes  de  la  désunion,  révoltes 
et  altérations  des  Païs-Bas.  Renon  s'y  montre  partisan 
fanatique  de  l'Espagne,  et  il  n'a  pour  le  despotisme  de 
Philippe  II  que  des  éloges  attendris;  mais  beaucoup  de 
faits  peu  connus  sont  minutieusement  détaillés,  et  l'on 
trouve  beaucoup  de  renseignements  intéressants,  spéciale- 
ment dans  la  partie  de  l'ouvrage  qui  traite  du  gouverne- 
ment de  don  Juan  d'Autriche.  La  commission  royale  d'his- 
toire de  Belgique  a  publié  le  manuscrit  jusqu'alors  inédit 
de  Renon  de  France  sous  le  titre  d'Histoire  des  troubles 
des  Pays-Bas  (Bruxelles,  4886-94,  3  vol.  in-4).  L'édi- 
teur, C.  Piot,  y  a  joint  des  préfaces  et  des  notes  expli- 
catives. E.  H. 

FRANCE  (Joseph),  publiciste  français,  né  à  Albestroff 
(Meurthe)  le  10  sept.  4787,  mort  le  4  mai  4869.  Il 
résida  pendant  plusieurs  années  dans  les  Antilles  en  qualité 
de  chef  d'escadron  de  gendarmerie.  Sous  le  titre  la  Vérité 
et  les  Faits  ou  l'Esclavage  à  nu,  il  publia,  en  4846,  un 
tableau  effrayant  des  cruautés  commises  par  les  colons  sur 
les  nègres,  donnant  comme  pièces  justificatives  le  recueil 
des  procès-verbaux  dressés  officiellement  par  lui.  L'amiral 
de  Mackau  rappela  Joseph  France  et  le  suspendit  de  ses 
fonctions;  mais,  après  la  révolution  de  Février,  les  noirs 
émancipés  de  la  Martinique  choisirent  leur  défenseur  pour 
les  représenter  à  l'Assemblée  constituante.  Il  a  collaboré 
par  de  nombreux  articles  à  la  Pievue  abolitioniste. 

FRANCE  (Hector),  publiciste  et  romancier  français  de 
l'école  réaliste,  né  à  Mirecourt  (Vosges)  le  5  juil.  4840, 
fils  du  précédent.  Elève  du  Prytanée  militaire  et  de  l'Ecole 
de  cavalerie,  il  guerroya  pendant  dix  années  en  Afrique  au 
3e  régiment  de  spahis  et  amassa  des  souvenirs  recueillis 
plus  tard  dans  V Homme  qui  tue,  sorte  d'autobiographie 
où  est  décrite  la  situation  lamentable  des  populations  algé- 
riennes sous  le  despotisme  des  bureaux  arabes,  paru  pour 
la  première  fois  à  Bruxelles  (2  vol.)  et  réédité  à  Paris  en 
4889;  V Amour  au  Pays  bleu  (4880,  réédité  à  Londres, 
4885)  et  Sous  le  Burnous  (4886),  scènes  de  mœurs 
algériennes  et  militaires.  Il  quitta  l'armée,  entra  dans  l'admi- 
nistration des  finances,  et  en  4870  reprit  l'épée.  A  la  fin  de 
la  campagne  il  était  capitaine-commandant  au  4e  chasseurs 
à  cheval.  Rentré  à  Paris  à  l'armistice,  il  fut  du  nombre  des 
officiers  qui  protestèrent  contre  la  paix  et  se  jetèrent  dans 
le  mouvement  insurrectionnel.  Après  plusieurs  dramatiques 
péripéties,  il  put  passer  en  Belgique,  de  là  en  Angleterre. 
Ses  débuts  y  furent  pénibles  comme  tous  ceux  des  proscrits 
n'ayant  pas  de  profession  manuelle.  Tour  à  tour  maître 
d'arabe,  d'histoire,  de  français,  d'escrime,  dessinateur, 
comptable,  journaliste,  il  obtint  à  la  fin  de  4879,  après  avoir 


passé  par  l'université  de  Londres  et  le  collège  de  Douvres, 
le  poste  d'instructeur  à  l'Académie  royale  militaire  de 
Woolwich,  poste  qu'il  occupe  encore  aujourd'hui  (4893). 
Tard  venu  dans  le  monde  littéraire,  H.  France  y  conquit 
immédiatement  une  place  importante  par  son  premier  livre, 
le  Roman  du  curé,  publié  d'abord  à  Bruxelles  en  4877, 
réédité  en  4879,  et  à  Paris  en  4884.  Il  fut  à  Londres  l'un 
des  fondateurs  au  Qui  vive!,  collabora  au  Vermersch- 
Journal  où  il  publia  les  Amours  d'un  prêtre,  à  l'Union 
démocratique,  fonda  et  dirigea  Y  Avenir.  Il  n'a  cessé 
depuis  4880  de  collaborer  à  un  grand  nombre  de  journaux 
parisiens.  Outre  les  livres  déjà  cités,  il  a  publié  le  Péché 
de  sœur  Cunégonde,  Marie  Queue-de- Vache,  romans 
anticléricaux  ;  les  Va-nu-pieds  de  Londres,  les  Nuits  de 
Londres,  la  Pudique  Albion,  V Armée  de  John  Bull, 
En  Police  Court,  la  Taverne  de  VEventreur,  etc. 

Bibl.  :  Léon  Cladel,  Préface  de  l'Homme  qui  tue.  — 
Les  Hommes  d'aujourd'hui,  1880.  —  Fernand  Delisle,  la 
Vie  en  exil,  1880.  —  Panthéon  des  lettres,  des  sciences 
et  des  arts,  1892. 

FRANCE  (Jacques-Anatole  Thibault,  dit  Anatole), 
littérateur  français,  né  à  Paris  le  46  avr.  4844.  Fils 
d'un  libraire  du  quai  Malaquais,  il  acheva  ses  classes  au 
collège  Stanislas,  publia  en  4868  une  étude  sur  Alfred 
de  Vigny,  et  donna  ensuite  deux  volumes  de  poésies  : 
les  Poèmes  dorés  (4873)  et  les  Noces  corinthiennes 
(4876).  C'est  de  ce  dernier  livre  que  date  la  réputation 
de  M.  France.  Encore  que  l'auteur  ait  fait  partie  du 
*  Parnasse ,  il  semble  qu'un  tel  livre  doive  se  rattacher 
à  une  tradition  bien  antérieure  et  que,  si  des  noms  étaient 
à  prononcer,  ce  seraient  surtout  ceux  d'André  Chénier 
et  d'Alfred  de  Vigny.  Attaché  en  4876  à  la  bibliothèque 
du  Sénat,  M.  France  avait  publié  entre  temps  un  cer- 
tain nombre  d'études^  littéraires,  dont  la  plupart  comme 
préfaces  à  des  rééditions  de  luxe  de  la  maison  Lemerre 
(Racine,  Molière,  Paul  et  Virginie,  Manon  Lescaut, 
le  Diable  boiteux,  etc.).  En  4879,  parut  une  étude 
détachée  sur  Lucile  de  Chateaubriand.  Il  débuta  la  même 
année  dans  le  roman  par  Jocaste  et  le  Chat  maigre,  que 
suivirent  à  intervalles  très  rapprochés  le  Crime  de  Syl- 
vestre Bonnard  (4884),  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise; les  Désirs  de  Jean  Servien  ('188%);  Abeille,  conte 
(4883);  le  Livre  de  mon  ami  (4885);  Nos  Enfants 
(4886);  Balthazar  (4889);  Thaïs  (4890);  l'Etui  de 
nacre  (4892),  et  la  Rôtisserie  de  la  reine  Pédauque 
(4893),  publiée  d'abord  dans  l'Echo  de  Paris.  Toute  cette 
partie  de  l'œuvre  de  M.  France  a  fait  l'objet  de  nombreuses 
études,  parmi  lesquelles  nous  citerons  celles  de  M.Maurice 
Barrés  (Anatole  France,  4885),  et  de  M.  Jules  Lemaître 
(les  Contemporains).  «  M.  France  n'a  guère  donné 
au  public,  dit  M.  Paul  Morillot  (le  Roman  en  France), 
que  des  ouvrages  achevés.  Thaïs  est  un  récit  d'une  forme 
rare  et  exquise...  Quant  au  Crime  de  Sylvestre  Bonnard, 
livre  d'une  ironie  si  fine  et  d'un  tour  si  piquant,  qui  sait 
s'il  ne  survivra  pas  à  la  plupart  des  romans  dont  s'engoue 
la  mode  d'aujourd'hui?  »  Collaborateur  de  plusieurs  pério- 
diques, le  Globe,  les  Débats,  le  Journal  officiel,  l'Echo 
de  Paris,  la  Revue  de  Famille,  le  Temps,  etc.,  M.  France 
a  succédé  dans  ce  dernier  journal  à  M.  Jules  Claretie  et  y 
publie  chaque  samedi  une  Vie  littéraire  très  remarquée. 
La  réunion  de  ces  articles  a  déjà  fourni  quatre  séries  pu- 
bliées en  volume  sous  le  même  titre  (4888-92).  Ch.  Le  G. 
FRANCÈS  (Juan),  serrurier  d'art  espagnol  de  la  fin  du 
xve  siècle  et  maître  en  titre  des  armes  de  fer.  Il  fut,  dans 
l'art  d'assouplir  le  fer  et  d'en  composer  de  superbes  grilles 
pour  les  chapelles  et  les  cathédrales,  Fun  des  plus  habiles 
ferronniers  de  son  temps.  Ses  plus  importants  ouvrages  en 
ce  genre  sont  les  grilles  de  la  façade  du  Sagrario,  à  la 
cathédrale  de  Tolède,  de  la  chapelle  de  Saint-Just  dans  l'église 
de  Alcalâ  de  Hénarès  ;  de  la  grande  chapelle  et  du  chœur  de 
la  cathédrale  d'Osma  ;  la  frise  de  la  première  de  ces  grilles 
porte  l'inscription:  Esta  obrahizo  el  maestro  Juan  Fran- 
cès,  maestro  major  de  Toledo,  et  la  seconde,  le  nom  du 
donataire,  A.  de  Fonseca,  suivi  de  la  date,  4505.     P.  L. 


—  1151  — 


FRANGESCA  —  FRANCESCHI 


FRANCESCA  (P.  délia),  peintre   italien   (V.  Piero 

DELLA  FRANCESCA). 

FRANCESCAS.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Lot-et- 
Garonne,  arr.  de  Nérac;  1,016  hab.  Cette  ville,  qui  fai- 
sait primitivement  partie  du  bailliage  agenais  d'Outre- 
Garonne,  devint  un  chef-lieu  de  bailliage  au  xive  siècle  et 
fut  incorporée  au  Condomois.  Centulle,  comte  d'Astarac, 
en  était  seigneur  en  1230.  Louis,  duc  d'Anjou,  gouver- 
neur du  Languedoc,  donna  à  ses  habitants  des  coutumes 
qui  paraissent  perdues.  Réuni  à  la  couronne  d'Angleterre 
en  1318,  Francescas  redevint  Français,  puis  de  nouveau 
Anglais  vers  1340,  Français  à  une  époque  indéterminée;  il 
fut  repris  en  1439  par  le  comte  de  Fonthinton.  Ses  rem- 
parts et  son  château  ayant  été  détruits,  il  subit  pendant 
les  guerres  du  xvr3  siècle  le  sort  des  villes  ouvertes  :  les 
troupes  protestantes  de  Nérac  et  de  Lectoure,  les  troupes 
catholiques  d'Agen  et  de  Condom  y  passaient  et  séjour- 
naient tour  à  tour,  ruinant  le  pays.  A  3  kil.,  château  de 
Lasserre,  construit  dans  les  premières  années  du  règne  de 
Henri  IV,  sur  les  plans  de  Marin  de  Lavallée,  un  des 
architectes  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris.  Cet  édifice  est  re- 
marquable par  la  pureté  de  son  style,  ses  cheminées  monu- 
mentales, ses  charpentes  en  grosses  pièces  de  sapin  du 
Nord.  G.  Tholin. 

FRANCESCHETTI  (Domenico-Cesare),  général  français, 
né  à  Bastia  en  1776,  mort  en  Corse  en  1835.  Après  avoir 
exercé  divers  commandements  dans  la  garde  nationale  de 
sa  ville  natale,  il  fut  envoyé  à  Naples  comme  capitaine 
d'une  compagnie  corse  qui  servit  d'abord  le  roi  Joseph 
(1806),  puis  le  roi  Murât  (1808)  et  fut  pris  en  amitié  par 
ce  dernier,  qui  se  l'attacha  comme  aide  de  camp,  le  fit 
général  et  le  chargea  de  plusieurs  missions  confidentielles. 
Après  la  bataille  de  Tolentino  (2-3  mai  1815),  il  conduisit 
la  reine  Caroline  à  Toulon,  puis  se  retira  dans  son  domaine 
de  Vescovato  en  Corse,  où,  deux  mois  après,  Murât,  pros- 
crit, vint  lui  demander  asile.  Il  reçut  son  ancien  souverain 
et  poussa  le  dévouement  jusqu'à  le  suivre  dans  son  équipée 
du  Pizzo  (octobre),  après  laquelle  il  erra  quelque  temps 
blessé  dans  les  montagnes  des  Abruzzes  et  finit  par  se 
rendre  à  la  police  du  roi  Ferdinand.  Traduit  devant  un 
conseil  de  guerre  qui  le  recommanda  à  la  clémence  de  ce 
prince  (8  juil.  1816),  il  fut  reconduit  en  France  où  le 
gouvernement  lui  reconnut  le  grade  de  colonel.  Il  passa 
ensuite  en  Sicile  et,  plus  tard  (1827),  poursuivit  sans  succès 
devant  les  tribunaux  français  la  veuve  de  Murât  (connue 
alors  sous  le  nom  de  comtesse  de  Lipona)  en  payement  d'une 
somme  de  80,000  fr.  qu'il  disait  avoir  prêtée  à  Murât  en 
1815.  —  On  a  de  Franceschetti  :  Mémoires  sur  les 
événements  qui  ont  précédé  la  mort  de  Joachim  Ier, 
roi  des  Deux-Siciles  (Paris,  1826,  in-8);  Supplément 
aux  Mémoires  ou  Réponse  à  M.  Napoléon-Louis  Bona- 
parte (Paris,  1829,  in-8).  A.  Debidour. 

FRANCESCHI  (Paolo),  dit  11  Fiamingo,  peintre  du 
xvie  siècle.  Malgré  le  nom  italien  qu'il  s'est  donné  et  que 
lui  conservent  les  livres ,  Franceschi  est  un  Flamand.  On 
le  croit  né  à  Anvers  en  \  540  et  il  mourut  à  Venise  en 
1596.  Il  appartient  à  l'école  de  Tintorefc,  dont  il  fut  l'élève 
et  sans  doute  le  collaborateur,  s'il  est  vrai,  comme  on 
l'assure,  que  le  maître  vénitien  l'ait  souvent  chargé  de 
peindre  les  fonds  de  paysages  dans  ses  compositions.  Les 
écrivains  belges  l'appellent  Paul  Franchoys,  sans  dire  quel 
lien  de  parenté  le  rattachait  aux  Franchoys  de  Malines. 
A  Venise,  on  l'avait  surnommé  II  Fiamingo  et,  en  effet, 
ce  converti  ne  parvint  jamais  à  faire  oublier  complète- 
ment ses  origines.  Tintoret  lui  apprit  le  langage  décoratif. 
Franceschi  a  travaillé  au  palais  ducal.  Il  peignit  dans  la 
salle  du  grand  conseil  le  Pape  Alexandre  III  faisant 
ses  adieux  au  doge  Ziani,  peinture  que  Boschini  men- 
tionne dans  le  Minere.  L'église  San  Nicolo  de'  Frari  pos- 
sédait encore  en  1797  la  Vierge  avec  saint  André  et 
saint  Nicolas.  Le  Fiamingo  avait  peint  aussi  Adam  et 
Eve  et  Caïn  et  Abel  sur  les  volets  de  l'orgue  de  la  même 
église.  Les  peintures  de  ce  maître,  peu  original  d'ailleurs, 


sont  rares  dans  les  musées.  Nous  pouvons  cependant  citer, 
à  l'Académie  de  Venise,  Saint  Jean-Baptiste  dans  le 
désert  et  V Enfant  prodigue,  et  à  la  Pinacothèque  de 
Munich,  une  Pielà. 
Bibl.  :  A.-J.  Wauters,  la  Peinture  flamande,  1883. 

FRANCESCHI   (Jean-Baptiste,  baron),  général  fran- 
çais, né  à  Bastia  le  5  déc.  1766,  mort  à  Dantzig  le 
19  mars  1813.  Entré  au  service  le  15  avr.  1793  en  qua- 
lité de  quartier-maître  provisoire  au  16e  bataillon  d'infan- 
terie légère,  qui  tenait  alors  garnison  dans  sa  ville  natale, 
il  était  employé  comme  adjudant  de  place  à  Saint-Florent, 
lorsqu'au  commencement  de  1794  Paoli  livra  la  Corse  aux 
Anglais.  Après  la  capitulation  de  cette  forteresse,  pendant 
le  siège  de  laquelle  il  avait  été  blessé,  il  se  réfugia  en 
France  et  fut  nommé  chef  de  bataillon  par  les  représen- 
tants en  mission  auprès  de  l'armée  d'Italie  (1er  mars  1794). 
Employé  à  cette  armée  et  à  l'armée  de  Naples  durant  les 
sept  années  qui  suivirent,  il  y  devint  successivement  chef 
de  brigade  (13  juin  1795),  général  de  brigade  à  titre  pro- 
visoire (7  juil.  1799),  général  de  brigade  à  titre  définitif 
(19  sept.).  Quand  Masséna  fut  mis  à  la  tête  de  l'armée  de 
Ligurie  en  févr.  1800,  il  s'attacha  Franceschi  comme  sous- 
chef  d'état-major,  mais  il  ne  tarda  pas  à  l'expédier  en 
France  pour  préparer  les  convois  de  vivres  dont  les  troupes 
avaient  le  plus  pressant  besoin.  Cette  mission  empêcha  le 
général  d'assister  au  siège  de  Gênes.  Il  n'en  fit  pas  moins  la 
campagne  de  Lombardie  (1800-1801),  à  l'issue  de  laquelle 
il  fut  envoyé  le  5  avr.  1802  dans  la  26e  division  militaire 
(Mayence).  Le  1er  sept.  1805,  il  devint  chef  d'état-major 
de  l'armée  de  Naples  aux  ordres  de  Gouvion  Saint-Cyr. 
Appelé  ensuite  au  corps  d'observation  de  la  Gironde  (20  août 
1807),  puis  attaché  à  l' état-major  général  de  l'armée  d'Es- 
pagne (24  mars  1808),  il  prit  part  aux  opérations  mili- 
taires dans  la  Péninsule  jusqu'au  8  oct.  1809,  époque  où 
l'empereur  l'envoya  en  Toscane.  Le  22  juil.  1812,  il  re- 
joignit en  Pologne  l'arrière-garde  de  la  grande  armée  de 
Russie  et  y  prit  le  commandement  d'une  brigade  napoli- 
taine. Cette  troupe,  sortie  de  Wilna  dans  les  premiers 
jours  de  décembre  pour  se  porter  au-devant  de  nos  soldats 
en  retraite,  fut  entièrement  détruite  par  le  froid.  A  la 
suite  de  ce  désastre,  Franceschi  s'enferma  avec  Rapp  dans 
Dantzig  et  y  mourut  pendant  le  siège  de  cette  place,  em- 
porté par  le  typhus  qui  décimait  la  garnison.  Il  avait  été 
créé  baron  de  l'Empire.  —  Le  général  Franceschi  a  été 
maintes  fois  confondu  par  les  historiens  avec  deux  autres 
généraux  de  brigade  du  premier  Empire  qui  portaient  le 
même  nom  que  lui,  Franceschi-Delonne  et  Franceschi- 
Losio.  C.  Gr. 

FRANCESCHI-Delonne  (Jean-Baptiste-Marie,  baron), 
général  français,  né  à  Lyon  le  4  sept.  1767,  mort  à  Car- 
thagène  le  23  oct.  1810.  Volontaire  de  la  Révolution, 
sous-lieutenant  au  9e  bataillon  de  Paris  (11  sept.  1792),  il 
fit  presque  toutes  les  campagnes  des  armées  du  Rhin 
et  du  Danube.  A  la  fin  de  1799,  il  était  chef  d'esca 
drons  au  4e  hussards  et  aide  de  camp  de  Soult,  qui,  après 
Zurich,  l'emmena  avec  lui  à  l'armée  d'Italie  dont  Masséna 
venait  de  prendre  le  commandement  (févr.  1800).  Enfermé 
dans  Gènes  avec  son  général,  il  se  distingua  en  plusieurs 
rencontres,  et  notamment  par  un  trait  d'audace  extraordi- 
naire qui  le  rendit  un  moment  célèbre  dans  toute  la  France. 
Pendant  la  période  la  plus  rigoureuse  du  siège,  Masséna 
le  chargea  de  traverser  les  lignes  ennemies  pour  porter 
des  dépêches  au  premier  consul.  Le  26  avr.  1800,  Fran- 
ceschi quitta  Gênes  dans  une  petite  barque  et  traversa  de 
nuit  la  croisière  anglaise  ;  mais,  le  lendemain,  reconnu  et 
poursuivi  par  plusieurs  bâtiments,  il  allait  être  capturé 
lorsqu'il  se  jeta  à  la  mer  avec  ses  dépêches.  Ayant  pu 
atteindre  la  côte  à  la  nage,  il  joignit  près  de  Finale  les 
avant-postes  de  Suchet.  De  là  il  gagna  Paris,  suivit  le 
général  Bonaparte  au  Saint-Bernard,  puis,  s'étant  rendu  à 
Antibes  et  en  Corse,  il  parvint  à  rentrer  à  Gênes  en  tra- 
versant de  nouveau  la  flotte  anglaise  (27  mai).  Il  rappor- 
tait à  Masséna  la  nouvelle  que  l'armée  de  réserve  venait 


FRANCESCHI  —  FRANCESCHINI 


-  nm  — 


de  franchir  les  Alpes  et  de  pénétrer  en  Lombardie.  L'espoir 
d'une  prochaine  délivrance  détermina  les  troupes  à  tenir 
huit  jours  encore  malgré  la  plus  épouvantable  famine.  On 
sait  que  ce  suprême  effort  ne  contribua  pas  peu  à  assurer 
la  victoire  de  Marengo.  Devenu  colonel  le  3  nov.  4803, 
Franceschi  fut  placé  à  la  tête  du  8e  hussards  le  1er  févr. 
1805.  Il  fit  avec  ce  régiment  la  campagne  d'Austerlitz  et 
fut  compris,  avec  Colbert,  Montbrun  et  Latour-Maubourg, 
au  nombre  des  colonels  de  cavalerie  nommés  généraux  de 
brigade  après  la  bataille  (24  déc.  1805).  Envoyé  dans 
l'Italie  méridionale  en  1806,  il  y  connut  le  nouveau  roi  de 
Naples,  Joseph  Bonaparte,  qui  l'attacha  à  sa  personne  en 
qualité  de  premier  aide  de  camp.  Jusqu'à  la  fin  de  1807 
il  fut  employé  en  Calabre  à  la  pacification  du  pays.  En 
févr.  1808,  il  épousa  à  Naples  la  seconde  fille  du  général 
Mathieu  Dumas,  grand  maréchal  du  palais  du  roi  Joseph. 
Au  mois  de  mai  de  la  même  année,  quand  Joseph  échangea 
le  trône  de  Naples  contre  celui  d'Espagne,  Franceschi  le 
suivit  dans  la  péninsule.  Mais  là  il  retrouva  son  ancien 
chef,  le  maréchal  Soult,  qui  réclama  aussitôt  ses  services. 
Attaché  au  2e  corps  comme  commandant  de  l'avant-garde, 
il  prit  la  part  la  plus  brillante  à  la  poursuite  de  l'armée 
anglaise  de  John  Moore  et  à  l'expédition  de  Portugal. 
Lorsque  le  2e  corps  abandonna  ce  pays  pour  se  porter  sur 
les  derrières  de  Wellington  menacé  en  tête  par  Joseph  et 
Victor,  Soult  voulant  avertir  le  roi  de  son  mouvement 
lui  expédia  Franceschi.  Mais  le  général,  trahi  par  un  guide, 
tomba  dans  une  embuscade  aux  environs  de  Zamora  et  fut 
pris.  Sa  capture  fit  manquer  l'opération  :  Wellington  fut 
sauvé  par  la  bataille  de  Talavera  (28  juil.  1809).  Conduit 
de  prison  en  prison,  à  Séville,  Grenade,  Malaga,  Majorque 
et  finalement  à  Carthagène,  Franceschi  mourut  dans  cette 
ville  pendant  une  épidémie  de  fièvre  jaune.  Peu  aupara- 
vant, l'empereur  avait  reconnu  ses  services  en  le  nom- 
mant baron  de  l'Empire  (23  juin  1810).  Au  témoignage 
de  Soult,  Franceschi  a  été  l'un  des  meilleurs  généraux  de 
la  grande  armée.  C.  Gr. 

Bibl.  :  Général  de  Saint-Joseph,  le  Général  Fmnces- 
chi-Delonne;  Paris,  1867,  in-8.  —  Sainte-Beuve,  Nou- 
veaux Lundis,  XI,  246.  —  Général  Thomas,  tes  Grands 
Cavaliers  du  dernier  Empire  ;  Paris,  1892,  II,  487. 

FRANCESCHl-Losio  (François),  général  français,  né  à 
Milan  le  3  juil.  1770,  mort  à  Vitoria  vers  1810.  Admis 
comme  volontaire  dans  les  troupes  françaises,  il  fut  d'abord 
attaché  avec  le  titre  de  sous-lieutenant  adjoint  à  l'état— 
major  de  l'armée  d'Italie  (4  déc.  1795)  et  prit  part  en 
cette  qualité  à  la  campagne  de  1796  sous  les  ordres  de  Bo- 
naparte. Lieutenant  de  dragons  le  23  mai  1797,  capitaine 
le  9  juin  1798,  il  fut  envoyé  à  l'armée  d'Helvétie  où  Mas- 
séna  le  choisit  pour  aide  de  camp.  Sa  conduite  à  la  prise 
de  Coire  lui  valut  le  grade  de  chef  d'escadrons  (10  juin 
1799).  A  l'issue  de  la  campagne  de  Zurich,  il  suivit  Mas- 
séna  en  Ligurie,  se  distingua  pendant  le  blocus  de  Gênes 
et  après  Marengo  fut  employé  à  l'état-major  de  l'armée 
d'Italie.  La  paix  de  Lunévillele  rappela  en  France.  Colonel 
le  22  févr.  1805,  il  fut  désigné  Tannée  suivante  pour  faire 
partie  de  l'expédition  dirigée  contre  le  royaume  de  Naples. 
Il  ne  tarda  pas  à  passer  au  service  du  roi  Joseph  qui  se 
l'attacha  comme  premier  écuyer.  En  1808,  Joseph  l'em- 
mena avec  lui  en  Espagne  et  le  nomma  général  de  bri- 
gade. Peu  après  Franceschi  était  tué  en  duel  par  un  de  ses 
compagnons  d'armes,  le  colonel  napolitain  Filangieri  qui 
devait  par  la  suite  jouer  un  rôle  considérable  dans  son  pays. 
Particularité  digne  de  remarque,  la  carrière  de  Frances- 
chi-Losio  offre  une  frappante  analogie  avec  celle  de  son 
homonyme,  le  général  Franceschi- Delonne.  Tous  deux 
ont  fait  côte  à  côte,  avec  le  même  grade,  la  campagne 
de  Zurich  et  la  campagne  de  Gênes,  l'un  comme  aide  de 
camp  de  Soult,  l'autre  comme  aide  de  camp  de  Masséna  ; 
tous  deux  ont  été  attachés,  en  1806,  à  la  personne  de  Joseph, 
roi  de  Naples,  l'un  comme  premier  écuyer,  l'autre  comme 
premier  aide  de  camp;  tous  deux  ont  suivi  ce  prince  en  Espagne 
en  1808,  et  tous  deux  y  sont  morts  presque  en  même  temps. 
Aussi  les  a-t-on  presque  constamment  confondus.     C.  Gr. 


FRANCESCHI  (Jules),  sculpteur  français  d'origine  ita- 
lienne, né  à  Bar-sur-Aube  le  11  janv.  1825.  Elève  de  Rude, 
il  a  exécuté  des  marbres  gracieux  :  Dqnaïde  (1863); 
Hébé  (1866);  Réveil  (1873),  un  grand  nombre  de  bustes, 
des  bronzes,  le  tombeau  de  Kamienski  (1861)  au  cimetière 
Montmartre.  Citons  un  bas-relief  :  la  Mort  du  comman- 
dant Baroche  au  Bourget  (1874). 

FRAN  CESCH I N I  (Baldassare),  dit  II  Volterrano,  peintre 
italien,  né  à  Volterra  en  1611,  mort  à  Florence  en  1689. 
Son  père  le  mit  tout  enfant  dans  l'atelier  de  Cosimo  Daddi 
où  il  apprit  les  premiers  éléments  de  la  technique.  Il  eut 
alors  la  bonne  fortune  de  trouver  des  protecteurs  généreux 
dans  les  Niccolini,  qui  d'abord  l'envoyèrent  à   Florence 
étudier  sous  la  direction  de  Matteo  Rosselli,  et  ensuite  lui 
fournirent  les  moyens  de  visiter  les  grands  centres  artis- 
tiques du  nord  de  l'Italie,  entre  autres  Parme,  où  il  copia 
les  fresques  du  Corrège.  De  retour  à  Florence,  Frances- 
chini travailla  d'abord  à  la  décoration  du  palais  Pitti,  avec 
Giovanni  di  San  Giovanni  ;  ce  dernier,  jaloux  du  talent  de 
son  collaborateur,  réussit  à  le  faire  écarter.  Mais  les  Nic- 
colini menèrent  si  grand  bruit  de  l'injustice  commise  au 
préjudice  de  leur  protégé,  que  le  grand-duc  de  Toscane  lui 
commanda  aussitôt  des  fresques  pour  la  villa  de  la  Petraja, 
représentant  les  Grands  Faits  de  l'histoire  des  Médicis. 
Plusieurs  voyages  à  Rome  le  mirent  en  rapport  avec  Pietro 
da  Cortona,  alors  dans  tout  l'éclat  de  sa  réputation,  et  il 
devint  son  disciple  le  plus  célèbre.  —  Franceschini  est 
surtout  un  peintre  à  fresque;  il  avait  débuté  dans  ce  genre 
à  vingt  ans  par  le  plafond  de  l'abbaye  de  San  Salvatore, 
dans  sa  ville  natale,  Elie  nourri  par  Vange.  Dans  sa 
longue  carrière,  il  a  décoré  un  grand  nombre  d'églises  et 
de  palais.  On  peut  citer  en  particulier  :  à  Santa  Maria 
Maggiore,  Elie  enlevé  au  ciel,  que  l'on  a  comparé  pour  la 
hardiesse  du  raccourci  au  Saint  Roch  du  Tintoret  ;  à  l'An- 
nunziata,  sur  la  voûte  de  la  nef,  l'Ascension,  et,  sur  la 
grande  coupole  du  chœur,  un  colossal  Couronnement  de 
la  Vierge  (1683);  à  Santa  Croce,  un  autre  Couronne- 
ment de  la  Vierge  (1652)  ;  au  palais  Gherardesca,  la 
Vérité  éclairant  V Ignorance;  au  palais  Pitti,  V Amour 
vénal  et  V Amour  endormi.  Toutes  ces  grandes  machines 
théâtrales,  véritables  décors  de  féerie,  où  sur  des  nuages 
opaques  s'amoncellent  des  corps  aux  muscles  tordus  en 
postures  pénibles,  autour  desquels  s'enroulent  furieuse- 
ment des  draperies  de  couleurs  criardes,  ont  été  vantées 
par  de  Brosses  et  les  critiques  du  xvnr3  siècle  ;  aujour- 
d'hui elles  n'offrent  plus  d'inté'pêt  à  l'artiste  que  par  leur 
habileté  stérile,  à  l'historien  que  par  leur  mauvais  goût. 
Franceschini  a  parfois  quitté  ces  vastes  compositions  pour 
peindre  de  rares  tableaux  de  chevalet,  parmi  lesquels  on 
peut  voir  :  Saint  Joseph  (cathédrale  de  Volterra)  ;  une 
Descente  de  Croix  et  une  Nativité  (San  Salvatore  de  Vol- 
terra) ;  Saint  Pierre,  sainte  Catherine  de  Sienne  médi- 
tant devant  le  crucifix  (galerie  des  Uffizi)  ;  l'Innocence 
(palais  Corsini)  ;  Ecce  Homo  (palais  Rinuccini);  le  Mariage 
mystique  de  sainte  Catherine  et  un  Crucifiement  (palais 
Guadagni).  Il  a  également  peint  des  tableaux  d'autel  :  Saint 
Philippe  Benigi,  à  l'Annunziata;  Saint  Jean  VEvangé- 
liste,  à  Santa  Chiara  de  Volterra,  Saint  Charles  donnant 
la  communion  aux  pestiférés  de  Milan,  à  l'Annunziata 
de  Pescia.  Ses  œuvres  ont  été  gravées  par  C.  Gregori,  S.  Mo- 
linari,  Wrenck,  J.  Ravenet,  etc.  Lui-même  a  gravé  un 
Christ  montrant  la  plaie  de  son  côté.      E.  Bertaux. 

Bibl.  :  Lanzi,  Storia  délia  Pittura  italiana.  —  Campori, 
Gli  Artisti  negli  stati  Estensi;  Modène,  1855. 

FRANCESCHINI  (Marcantonio),  peintre  italien,  né  à 
Bologne  le  5  avr.  1648,  mort  à  Bologne  le  24  déc.  1729. 
Il  eut  pour  maîtres  Galli  Bibiena  et  Carlo  Cignani  ;  il  fut 
l'ami  de  ce  dernier,  dont  il  épousa  une  cousine.  D'abord 
il  imita  la  manière  pompeuse  et  théâtrale  de  Cignani,  au 
point  qu'on  avait  peine  à  distinguer  ses  tableauxc  de  ceux 
de  son  maître  ;  mais  bientôt,  s'inspirant  de  Guido  Reni, 
il  adopta  un  coloris  plus  riche,  et,  modifiant  de  plus  en 
plus  son  style,  il  se  plut  aux  attitudes  et  aux  draperies 


maniérées  et  contournées,  que  ses  élèves  devaient  si  mal- 
heureusement imiter  et  exagérer.  Avec  sa  facilité  déclama- 
toire et  sa  science  de  la  composition,  il  était  fait  pour  la 
fresque.  Son  œuvre  la  plus  célèbre  en  ce  genre  était  la  voûte 
de  la  salle  du  conseil  à  Gènes,  commencée  en  1702  ;  l'incen- 
die de  1777  l'a  complètement  détruite,  avant  qu'aucune  co- 
pie ou  gravure  en  eût  été  faite.  On  peut  voir  encore  aujour- 
d'hui à  Bologne  le  plafond  du  palais  Ranazzi,  la  voûte  de 
l'église  du  Corpus  Domini,  avec  la  Gloire  de  sainte  Cathe- 
rine de  Bologne,  la  coupole,  avec  la  Gloire  de  sainte 
Claire,  la  voûte  de  Saint -Pétrone,  la  tribune  de  San 
Bartolommeo  ;  à  Plaisance,  les  pendentifs  du  Dôme,  avec  la 
Circoncision,  l'Adoration  des  Mages,  le  Sommeil  de 
saint  Joseph;  à  Modène,  la  voûte  du  palais  ducal,  sur 
laquelle  il  déroula  les  scènes  colossales  d'une  allégorie  qui 
représente,  d'après  Olio,  les  Dieux  protégeant  la  maison 
d'Esté  ;  une  chapelle  de  l'église  San  Prospero  àReggio.  Ces 
grands  travaux,  entrepris  pour  tant  d'églises  et  de  princes, 
prouvent  quelle  réputation  l'artiste  s'était  faite.  Son  nom 
était  célèbre  même  à  l'étranger  :  l'empereur  l'appela  à 
Vienne,  où  il  peignit  des  plafonds  dans  la  galerie  Lichten- 
stein,  et  laissa  quarante-deux  tableaux  de  chevalet,  conser- 
vés pour  la  plupart  dans  les  musées  impériaux  ;  d'autre 
part,  le  roi  d'Espagne  tenta  de  le  faire  venir  à  Madrid,  mais 
Franceschini,  déjà  vieux,  repoussa  ces  offres  et  envoya  à 
sa  place  Luca  Giordano.  Il  mourut  plein  d'honneurs  et  de 
jours,  et  il  peignait  encore  d'un  pinceau  ferme  sa  Rébecca 
recevant  les  dons  d'Abraham  (palais  Spinola,  à  Gênes), 
à  l'âge  de  quatre-vingt-un  ans. 

Outre  les  décorations  monumentales  qui  ont  fait  sa 
gloire,  Marcantonio  Franceschini  a  peint  un  grand  nombre 
de  tableaux  à  l'huile  ou  à  la  détrempe,  dont  les  principaux 
sont  :  Saint  Thomas  de  Villeneuve  faisant  V aumône 
(couvent  des  Augustins  de  Rimini)  ;  aux  Servîtes  de  Bo- 
logne, les  Saints  Fondateurs  de  V ordre  ;  la  Vierge  et 
saint  Joseph  entourés  de  saints  (cathédrale  de  Bologne)  ; 
une  Pietà  (couvent  des  Augustins  d'Imola)  ;  la  Madeleine 
pénitente,  la  Naissance  d'Adonis  (galerie  de  Dresde)  ; 
la  Charité,  la  Madeleine,  Saint  Charles-Borr  ornée 
pendant  la  peste  de  Milan  (musée  de  Vienne)  ;  Vénus 
et  Cupidon  (galerie  Czerny,  à  Vienne)  ;  Jacob  et  Bachel 
(galerie  Lichtenstein,  à  Vienne)  ;  Joseph  et  la  femme  de 
Putiphar  (galerie  de  Brunswick)  ;  la  Chasse  de  Diane 
(galerie  de  Copenhague).  E.  Bertaux. 

Bibl.  :  Lanzi,  Storia  délia  pittura  italiana.  —  Burck- 
hardt,  le  Cicérone,  trad.  Gérard,  1892.  —  Olio,  Pregi  del 
palazzo  di  Modena.  —  Campori,  Gli  Artisti  negli  Statl 
Estensi  ;  Modène,  1855. 

FRANCESCO  dàMilano,  poète,  luthiste  et  organiste  ita- 
lien du  xvie  siècle.  Il  passe  pour  avoir  été  attaché  comme 
organiste  à  la  cathédrale  de  Milan,  vers  1530.  Ses  com- 
positions pour  le  luth  ont  été  imprimées  en  1536  et  en 
deuxième  édition  en  1546,  à  Venise,  chez  Gardane,  sous 
le  titre  de  Intabolatvra  di  lavto,  premier  et  second  livres, 
et  Intabolatvra  di  lavto  di  M.  Francesco  Milanese  et 
M.  Perino  Fiorentino,  svo  discipvlo.  -Ces  trois  volumes, 
aujourd'hui  très  rares,  sont  imprimés  en  tablature  italienne, 
et  contiennent  de  jolies  fantaisies,  ainsi  que  des  chansons 
et  motets  de  Josquin  Deprés,  Jannequin,  Gombert,  etc., 
arrangés  pour  le  luth  (V.  Luth,  Tablature).      M.  Brenet. 

FRANCESCO  da  Santa  Croce  (F.  Rizo),  peintre  italien, 
de  l'école  vénitienne,  né  à  Santa  Croce,  près  de  Bergame, 
en  1480.  Il  travailla  surtout  dans  cette  dernière  ville  et  à 
Venise,  où  on  le  trouve  exerçant  son  art  de  1504  à  1541. 
Bien  qu'élève  de  Jean  Bellini ,  il  procède  surtout  de  Car- 
paccio.  Parmi  ses  œuvres,  nous  citerons  :  une  Adoration 
des  Mages  (musée  de  Berlin)  ;  Replica  (Ermitage  de  Saint- 
Pétersbourg)  ;  une  Madone  avec  Saints  et  une  Annon- 
ciation (chez  le  comte  Paul  Stroganoff)  ;  une  autre  Adora- 
tion des  Mages  (Museo  civico  de  Vérone)  ;  une  Apparition 
du  Christ  a  sainte  Madeleine  (Académie  de  Venise). 

FRANCESCO  di  Giorgio  Martini  (Cecco  ou),  célèbre 
architecte,  sculpteur  et  peintre  italien,  né  à  Sienne  en  1439, 
mort  en  1502.  Il  doit  une  grande  partie  de  sa  réputation  à   | 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XVII. 


—  H  53  -  FRANCESCHINI  -  FRANCESQUITO 

sa  science  d'ingénieur  militaire,  qu'il  mit  au  service  de  tous 
les  princes  d'Italie.  Son  plus  beau  triomphe  dans  l'art  des 
fortifications  et  des  sièges  fut  la  prise  de  la  ville  de  Cas- 
tellina,  défendue  par  son  illustre  émule,  Giuliano  da  San 
Gallo  (1478).  Il  dessina  et  construisit  aussi  un  grand 
nombre  de  monuments  civils  et  religieux,  surtout  pour  le 
duc  d'Urbin,  Federigo  da  Montefeltro,  qui  le  retint  long- 
temps à  sa  cour  ;  mais  des  cent  trente  constructions  et  des 
décorations  multiples  que  ce  prince  lui  commanda,  on  n'a 
conservé  que  douze  bas-reliefs  sur  une  muraille  du  palais 
d'Urbin,  représentant  des  machines  de  guerre,  des  armes 
et  des  trophées.  En  1490,  il  concourut  "pour  la  façade  du 
Dôme  de  Florence  et  pour  la  coupole  du  Dôme  de  Milan, 
mais  ses  projets  ne  furent  pas  adoptés.  La  construction 
qui  peut  donner  l'idée  la  plus  favorable  de  son  talent  est 
l'église  à  coupole  de  la  Madonna  del  Calcinajo,  près  de 
Cortone  (terminée  après  sa  mort,  en  1513).  D'ailleurs,  de 
ses  œuvres  d'architecte  parvenues  jusqu'à  nous,  la  plus 
intéressante  est  encore  son  important  Traité  d'architec- 
ture, publié  par  Saluzzo  et  Promis  en  1841.  Il  y  consacre 
beaucoup  d'ingéniosité  et  une  remarquable  science  de  des- 
sinateur à  faire  dériver  les  formes  et  les  proportions  de 
l'architecture  de  celles  du  corps  humain.  Après  avoir  quitté, 
en  1495,  le  service  de  son  dernier  maître,  le  duc  de  Ca- 
labre,  Francesco  se  fixa  dans  sa  ville  natale  ;  il  mit  alors 
à  profit  les  leçons  de  sculpture  que  lui  avait  autrefois  don- 
nées le  Vecchietta  et  produisit  des  œuvres  exquises  par  la 
grâce  des  draperies  et  l'expression  extatique  des  visages  : 
deux  Anges  de  bronze,  de  chaque  côté  du  maître-autel, 
et  deux  autres  Anges  portant  des  candélabres,  dans  la 
cathédrale  de  Sienne  ;  un  autel  de  terre  cuite  peinte,  avec 
la  Madone  dans  une  gloire  entourée  d'anges,  dans  la 
Capella  del  Diavolo,  de  Federighi.  Lui-même  apprit  la 
sculpture  à  Giacomo  Cozzarelli.  Enfin,  comme  son  maître 
Vecchietta,  Francesco  di  Giorgio  a  peint  quelques  panneaux, 
dans  le  style  archaïsant  des  maîtres  siennois  de  son  temps: 
une  Nativité  signée,  un  Couronnement  de  la  Vierge  et  de 
petites  Madones,  à  l'Académie  de  Sienne,  et  une  Adoration 
des  Bergers,  dans  l'église  San  Domenico.  E.  Bertaux. 
Bibl.  :  Perkins,  les  Sculpteurs  italiens,  trad.  Haussou- 
lier,  t.  I,  ch.  iv.  —  Burckiiardt,  le  Cicérone,  trad.  Gé- 
rard, 1892.  —  Pontanelli,  Di  Francesco  di  Giorgio  Mar- 
tini;  Sionne,  1870.  —  E.  Mûntz,  Histoire  de  V art  pendant 
la  Renaissance,  t.  IL 

FRANCESCO  di  Simone,  sculpteur  florentin  du  xve  siècle, 
élève  de  Verrocchio.  Cet  artiste  doit  sa  réputation  au  très 
élégant  tombeau  qu'il  a  sculpté  pour  Alessandro  Tartagni 
(mort  en  1477)  dans  l'église  San  Domenico  à  Bologne. 

FRANCESCONE  (Num.).  Monnaie  d'argent  italienne, 
appelée  aussi  franceschino,  frappée  par  François  de  Lor- 
raine, comme  grand-duc  de  Toscane  (1737-1765).  Elle 
porte  au  droit  la  légende  FRANC.  III.  D.  G.  LOTH.  BAR. 
ET  M.  ETR.  D.  REX.  HIER,  autour  du  buste  du  grand- 
duc  ;  sous  le  buste,  la  date  ;  au  revers,  IN  TE  DOMINE 
SPERAVI  autour  d'un  écu,  sous  lequel  PISIS  et  la  date. 
Cette  monnaie  valait  10  paoli,  et,  en  monnaie  de  France, 
5  livres  12  sols  10  deniers  ;  elle  pesait  516  grains,  poids  du 
marc  de  France,  et  était  au  titre  de  11  deniers.     M.  Prou. 

FRANCESQUITO,  peintre  espagnol,  né  vers  1685,  mort 
en  1705.  Elève  de  Luca  Giordano,  il  avait  accompagné 
son  maître  à  Naples  en  1702.  Ses  progrès  comme  peintre 
avaient  été  si  remarquables  que  Luca  le  considérait  comme 
exceptionnellement  doué.  D'après  ce  que  rapporte  Domi- 
nici,  il  imitait  Giordano  et  paraissait  lui  avoir  emprunté 
son  coloris,  son  extrême  habileté  et  sa  grande  aisance  dans 
l'invention  et  la  composition  d'un  sujet.  L'élève  promettait 
donc  sinon  un  maître,  du  moins  un  très  adroit  praticien,  , 
lorsque  la  mort  le  surprit,  un  an  après  celle  de  Giordano, 
et  pendant  son  voyage  de  retour  en  Espagne.  Un  de  ses 
tableaux  représentant  Saint  Joseph,  et  un  autre  figurant 
Saint  Pierre  d'Alcantara  se  voient  à  Naples,  dans  les 
églises  Sainte-Brigitte  et  Sainte-Lucie.  P.  L. 

Bibl.  :  Dominici,  Vite  dei  pittori,  scultori  ed  architetti 
napoletani  ;  Naples,  1843. 

73 


FRANCEVILLE  —  FRANCFORT 


H54 


FRANCEVILLE.  Poste  fortifié  français,  sur  la  rive  droite 
de  la  Passa  (affluent  supérieur  de  l'Ogôoué  [Congo  fran- 
çais]), vers  1°  40'  lat.  S.  et  14°  long.  E.  de  Paris.  La  station, 
fondée  en  4880  par  M.  S.  de  Brazza,  comprend  un  bâtiment 
central,  un  hangar  pour  les  approvisionnements,  diverses 
constructions  servant  de  logements  aux  agents,  aux  laptots 
et  aux  ouvriers  du  poste.  La  station,  reliée  avec  divers 
postes  voisins,  fournit  un  grand  nombre  de  porteurs. 

FRANCFORT-sur-le-Main.  Géographie.  —  Ville 
d'Allemagne,  roy.  de  Prusse,  district  de  Wiesbaden,  sur  les 
deux  rives  du  Main;  479,985  hab.  (en  4890).  La  ville 
proprement  dite  est  sur  la  rive  droite  ;  sur  la  rive  gauche 
se  trouve  le  faubourg  de  Sachsenhausen.  Sept  ponts 
jetés  sur  la  rivière  les  relient,  dont  trois  ponts  de  chemins 
de  fer.  Le  vieux  pont  date  de  4342.  La  vieille  ville  (Alt- 
stadt)  représente  le  noyau  central  de  Francfort  tel  qu'il 
était  enveloppé  dans  l'enceinte  du  xne  siècle  ;  les  rues  tra- 
cées sur  les  fossés  de  cette  enceinte  ont  gardé  le  nom  de 
Graben  et  indiquent  les  limites  primitives  de  la  cité  depuis 
le  Wallgraben  jusqu'au  Hirschgraben.  Au  xive  siècle  elle 
s'agrandit,  et  la  ville  neuve  (Neustadl),  fondée  en  4333, 
couvrit  une  superficie 
presque  triple.  Elle  fut 
entourée  au  xvie  siècle 
d'une  enceinte  bastionnée 
qu'on  a  rasée  au  début  de 
ce  siècle  et  dont  des  pe- 
louses gazonnées  marquent 
l'emplacement  dessiné  par 
les  rues  qui  portent  le  nom 
d'Anlage  (Obermain, 
Friedberger ,  Eschenhei- 
mer,  Bockenheimer,  Tau- 
nus,  Gallus  et  Untermain- 
Anlage) .  Les  faubourgs 
annexés  depuis  lors  s'éten- 
dent dans  toutes  les  direc- 
tions ;  les  anciens  bourgs 
de  Bornlieim  et  Boeken- 
heim  ont  été  réunis.  La 
population  qui  était  évaluée 
à  40,000  hab.  en  4387, 
à  40,000  en  4800,  attei- 
gnait 78,000  en  4867  et 
passa  en  4885  à  454,444. 
Malgré  ce  rapide  accrois- 
sement, la  vieille  ville, 
avec  ses  ruelles  étroites 
et  ses  vieilles  maisons,  est 
encore  le  centre  des  petites 
industries  et  du  commerce 
de  détail.  La  ville  neuve  I 

est  le'centre  des  industries  de  luxe  et  des  affaires  financières. 
Topographie.  —  Dans  la  vieille  ville,  les  ruelles  se  ra- 
mifient autour  de  la  place  du  Rœmerberg  avec  son  puits 
surmonté  d'une  Justice;  du  Paulsplatz  (qui  y  touche)  ;  de  la 
place  du  Liebfrauenberg  (mont  Notre-Dame)  ;  de  la  place  de 
la  Cathédrale  (Dom)  reliée  au  Rœmerberg  par  le  vieux  mar- 
ché ;  et  du  Bœrneplatz,  l'ancien  marché  des  juifs.  L'ancienne 
ruelle  des  Juifs  (Judengasse,  aujourd'hui  rue  Bœrne)  a  perdu 
ses  vieilles  maisons  historiques  et  même  celle  qui  fut  le  ber- 
ceau des  Rothschild.  Sur  le  marché  des  juifs  était  la  syna- 
•  gogue  et  derrière  celle-ci  le  cimetière  juif.  —  La  ville  neuve 
a  de  belles  et  larges  rues,  avec  maisons  modernes  analogues 
à  celles  de  Paris  ;  au  centre  et  parallèle  au  Main  est  la  prin- 
cipale, la  Zeil,  qui  aboutit  à  la  place  Schiller  et  au  Ross- 
markt,  l'ancien  marché  aux  chevaux,  contigu  lui-même 
à  la  place  Gœthe  ;  les  monuments  et  statues  de  Schiller, 
Gutenberg  et  Gœthe,  la  dernière  sculptée  par  Schwantha- 
ler  ;  là  se  trouvent  encore  les  places  du  Théâtre  et  de  la 
Bourse.  De  ce  carrefour  central  se  détachent,  d'un  côté  vers 
le  Kaiserplatz,  la  Kaiser strasse,  grand  boulevard  à  maisons 
monumentales  qui  conduit  vers  la  gare  centrale  et  devient 


La  Judengasse. 


l'artère  d'un  quartier  neuf  bâti  depuis  4872;  de  l'autre  la 
rue  de  Bockenheim  qui  passe  à  la  place  de  l'Opéra  avant  de 
s'engager  dans  le  faubourg  qui  lui  vaut  son  nom.  Les 
quartiers  extérieurs,  parsemés  de  jardins,  sont  agréables. 
Signalons  à  l'E.  de  la  ville  le  jardin  zoologique,  à  l'O.  celui 
des  Palmiers,  quelques  puits  ou  statues  décorant  les  An- 
lagen.  Enfin  le  long  des  quais  du  Main  sont  de  jolies  pro- 
menades :  en  amont  du  vieux  pont,  Schœne  Aussicht  ;  en 
aval,  Nizza,  ainsi  appelée  en  raison  des  plantes  méridionales 
qui  y  prospèrent  à  l'abri  du  vent  du  nord. 

Monuments.  —  Francfort  a  conservé  des  monuments 
intéressants,  tant  par  leur  architecture  que  par  les  souve- 
nirs historiques  qui  s'y  rattachent.  De  la  vieille  enceinte 
(la  deuxième  en  avant  de  laquelle  furent  tracés  les  bastions 
du  xviie  siècle)  il  reste  la  tour  de  la  porte  d'Eschenheim, 
haute  de  49  m.  (achevée  en  4427).  Le^lœmer  est  l'hôtel 
de  ville  construit  de  4405  à  4446,  mais  remanié  à  plu- 
sieurs reprises  et  agrandi  en  dernier  lieu  au  xvme  siècle 
(4734-42).  Au  premier  étage  est  la  salle  des  empereurs, 
décorée  des  portraits  (plus  grands  que  nature)  de  tous  les 
empereurs  d'Allemagne;  c'était  la  salle  des  banquets  aux 
fêtes  du  couronnement  des 
empereurs,  lequel  avait 
lieu  à  Francfort.  Le  palais 
impérial  était  près  de  là, 
le  Saalhof  ;  bâti  pour  les 
Carolingiens,  il  a  été  re- 
construit plusieurs  fois; 
l'édifice  actuel  date  de 
4747  et  a  été  restauré  en 
4842;  cependant  il  con- 
serve une  chapelle  du 
xne  siècle  et  une  aile  (sur 
la  Saalgasse)  du  xive,  re- 
maniée à  la  Renaissance. 
Citons  encore,  derrière  la 
cathédrale,  la  halle  aux 
toiles  (du  xve  siècle),  la 
maison  Fùrsteneck,  et  une 
maison  de  4464  sur  le 
marché  vieux  (Mark) .  L'ar- 
chitecture de  la  Renais- 
sance est  représentée  dans 
la  vieille  ville  par  plusieurs 
maisons  décorées  de  bois 
sculpté  (  Salzhaus ,  zum 
Engel  de  4562,  Kaufhaus 
et  Goldene  Waage  sur  le 
marché,  Rebstock,  etc.); 
celle  du  xvme  siècle  par 
le  palais  Thurn  et  Taxis, 
où  siégea  la  diète  de  la 
Confédération  germanique  de  4816  à  4866;  par  l'hôtel 
du  roi  d'Angleterre  (4743)  où  siégea  le  tribunal;  par  le 
Russische  Hof  sur  la  Zeil  (bâti  par  Nicolas  de  Pigage  en 
4780).  Sur  le  Hirschgraben  se  trouve  la  maison  natale 
de  Gœthe. 

Des  édifices  religieux  (2  églises  réformées,  8  luthé- 
riennes, 5  catholiques,  3  synagogues),  le  plus  curieux  est 
la  cathédrale.  Fondée  en  850,  dédiée  au  xme  siècle  à  saint 
Barthélémy,  rebâtie  aux  xiveet  xve  siècles,  elle  fut  à  partir 
du  xme  siècle  le  lieu  de  réunion  du  collège  électoral  du 
saint-empire  romain  germanique;  à  partir  de  4562,  les  em- 
pereurs vinrent  y  prendre  la  couronne.  C'est  une  église 
gothique  de  408  m.  de  long  sur  67  de  large,  sans  grand 
caractère  ;  la  tour  a  95  m.  de  haut  ;  commencée  en  4445, 
elle  demeura  inachevée  de  4544  à  4867-77  où  on  en  lit 
une  nouvelle.  Le  portail  méridional  est  seul  ancien.  L'élec- 
tion impériale  avait  lieu  dans  une  chapelle  latérala  décorée 
d'un  tableau  d'autel  de  Ph.  Veit  et  du  tombeau  de  l'anti- 
césar  Gunther  de  Schwarzburg.  L'église  Leonhard  remonte 
au  xme  siècle,  mais  a  été  agrandie  et  transformée;  le  chœur 
est  de  4434.  L'église  de  Notre-Dame,  collégiale  comme 


/?    fC RWÇ(J£  PH  fç,/ 


-  1155  - 


FRANCFORT 


les  deux  précédentes,  a  été  commencée  en  1320,  la  nef 
achevée  en  1344,  mais  la  tour  en  1478  et  le  chœur  seule- 
ment en  1509  ;  la  tour  située  à  une  des  portes  de  la  vieille 
ville  servait  de  forteresse.  Les  anciens  couvents  des  domi- 
nicains et  des  carmélites  et  leurs  églises  subsistent,  mais 
ont  été  sécularisés.  L'église  Nikolai  de  1290  a  été  recons- 
truite de  1841  à  1847;  l'église  Catherine  (1681)  est  en 
style  Renaissance  ; 
l'église  Paul  (1787- 
1833)  est  une  église 
ronde  où  siégea  le 
Parlement  allemand 
de!84849.Dansle 
faubourg  de  Sachsen- 
hausen,  on  remarque 
l'église  de  l'Ordre- 
Teutonique  dont  la 
façade  est  de  1750, 
mais  qui  conserve 
des  fresques  du 
xive  siècle. 

Les  édifices  mo- 
dernes sont  très 
somptueux  et  don- 
nent à  la  ville  neuve 
et  aux  nouveaux 
quartiers  un  carac- 
tère de  lourde  élé- 
gance. Les  princi- 
paux sont:  les  écoles, 
la  bibliothèque 
(1825)  avec  por- 
tique grec,  le  Saal- 
bau  (1860)  avec 
salles  de  fête  ;  le 
palais  des  Archives 
(1878)  en  style  go- 
thique ,  la  Bourse 
(1879),  l'Opéra 
(1880),  le  marché 
neuf  (1879),  l'abat- 
toir (1885),  l'hôpi- 
tal (4885),  la  gare 
centrale,  etc.;  nous 
avons  déjà  parlé  des 
hôtels  de  la  Kaiser- 
strasse. 

Industrie.  —  La 
population  de  Franc- 
fort est  en  majorité  protestante  (61  °/0);  mais  la  pro- 
portion des  israélites  y  est  plus  forte  que  dans  aucune 
autre  grande  ville  de  l'Europe  occidentale  (10°/o).  C'est 
que  Francfort  est  avant  tout  une  ville  commerciale.  La 
grande  industrie  y  est  peu  représentée  et  les  ouvriers 
sont  peu  nombreux.  On  ne  trouve  guère  à  citer  que  quelques 
fabriques  de  machines,  une  fabrique  de  quinine,  des  savon- 
neries, parfumeries,  chapelleries  et  des  brasseries  ;  enfin  les 
industries  typographiques  sont  largement  représentées. 

Commerce.  —  Francfort  est  un  des  centres  commerciaux 
de  l'Allemagne,  nœud  de  lignes  ferrées  rayonnant  dans 
toutes  les  directions  :  Main-Weser,  Bebra  vers  le  N.  et  le 
N.-O.,  Hambourg,  Berlin,  etc.;  Taunus  et  ch.  de  fer  hes- 
sois  vers  l'O.  et  le  Rhin  par  Mayence  ;  Main-Neckar  et  Ried 
vers  le  grand-duché  de  Bade  et  le  S. -O.  par  Mannheim  ; 
Hanau-Eberbach  vers  le  S.  (Wurttemberg) ,  Hanau-As- 
chaffenbourg  vers  l'E.  (Bavière  et  Autriche);  une  voie  qui 
longe  le  quai  du  Main  relie  les  unes  aux  autres  les  diverses 
gares  et  le  port  fluvial.  Nous  négligeons  les  chemins  de  fer 
locaux  qui  desservent  Offenbach,  le  Taunus,  etc.  Le  trafic 
fluvial,  jadis  important,  est  en  décroissance.  Le  rôle  de  Franc- 
fort est  celui  d'un  entrepôt  de  transit  où  s'échangent  les 
denrées  coloniales,  les  produits  métallurgiques,  les  pelle- 
teries et  cuirs,  la  houille,  le  vin,  les  tissus,  draps  et  soie- 


ries, les  objets  confectionnés,  les'livres  ;  le  commerce  des 
antiquités  y, est  florissant.  La  prospérité  commerciale  de  la 
cité  du  Main  fut  [fondée  par  ses  deux  foires  ou  messes  du 
printemps  et  de  l'automne,  aujourd'hui  délaissées,  bien 
que  le  marché  aux  cuirs  et  le  marché  aux  chevaux  gardent 
leur  clientèle.  Mais  Francfort  est  demeuré  une  place  finan- 
cière de  premier  ordre  ;  les  affaires  de  banque,  de  change 

sont  la  vraie  cause 
de  sa  fortune  ac- 
tuelle. La  Banque 
de  Francfort  est  sa 
grande  institution  de 
crédit;  ses  bourses 
du  matin  et  du  soir 
sont  presque  aussi 
considérables  que 
celles  des  places 
financières  de  Berlin 
et  Vienne,  sinon  de 
Paris  et  Londres.  Il 
y  existe  un  grand 
nombre  de  puis- 
santes sociétés  finan- 
cières ou  banques 
privées. 

L'assistance  pu- 
blique est  bien  or- 
ganisée avec  cinq 
hôpitaux,  sans  par- 
ler des  fondations 
spéciales,  d'hos- 
pices, maisons  de 
retraite,  orpheli- 
nats, etc.  ;  une  caisse 
des  aumônes  fondée 
en  1428  rend  de  réels 
services.  —  L'ins- 
truction publique  est 
donnée  par  de  nom- 
breuses écoles  pri- 
maires ou  secon- 
daires ,  confession- 
nelles ou  laïques  ; 
l'école  d'art  de 
Stsedel,  l'école  des 
arts  industriels  mé 
ritent  une  mention. 
Il  existe  plusieurs 
sociétés  savantes, 
bibliothèques,  etc.  Des  sept  journaux  quotidiens,  le  plus 
fameux  est  la  Gazette  de  Francfort,  le  meilleur  organe 
de  la  démocratie  bourgeoise  d'Allemagne. 

Histoire.  —  Francfort-sur-le-Main  est  une  création  de 
Charlemaspe.  Les  Romains  avaient  évité  ce  marécage  que 
contournaient  leurs  voies  reliant  Mayence  à  Novus  Vicus 
(Heddernheim),  Arctaunum  (Saalburg)  et  aux  fortifica- 
tions de  l'Odenwald  et  du  Spessart.  Charlemagne  y  fit  cons- 
truire une  villa,  dont  l'église  Leonhard  occupe  l'emplace- 
ment, près  delarivière,  et  y  réunit,  en  794,  un  concile  fameux 
(V.  ci -dessous).  Louis  le  Débonnaire  résida  volontiers  à 
Francfort  et  agrandit  le  palais  ;  il  en  bâtit  un  second  en 
amont,  lequel  est  demeuré  jusqu'au  bout  le  palais  impérial 
(Saalhof)  ;  la  ville  qui  s'était  formée  autour  fut  entourée 
d'une  muraille  et  d'un  fossé  (838).  Louis  le  Germanique 
fit  de  Francfort  la  capitale  de  son  royaume  des  Francs  orien- 
taux. Elle  a  gardé  ce  rang  de  capitale  de  l'Allemagne  jus- 
qu'à l'époque  contemporaine.  Seulement,  comme  de  bonne 
heure  les  rois  et  empereurs,  en  raison  du  caractère  fédéral 
de  leur  monarchie,  n'eurent  pas  de  résidence  fixe,  le  pri- 
vilège de  Francfort  fut  surtout  honorifique.  Un  grand  nombre 
de  diètes  et  de  conciles  y  furent  assemblés  et  l'Eglise  locale 
fut  comblée  de  donations.  A  partir  de  l'élection  de  Frédé- 
ric Barberousse  (1152),  il  fut  établi  que  Francfort  était  le 


Le  Rômer. 


FRANCFORT 


1156 


lieu  où  devait  être  élus  les  chefs  du  saint-empire.  En  1245, 
elle  acquit  le  titre  de  ville  impériale  et  l'immédiateté  ;  ses 
échevins  avaient  juridiction  sur  tout  le  Wetterau  ;  les  reve- 
nus avaient  été  engagés  ou  vendus  par  l'empereur  à  la 
ville.  Les  bourgmestres  élus  par  la  bourgeoisie  réussirent 
à  évincer  les  avoués  impériaux  qui  disparurent  en  1257. 
L'autonomie  à  peu  près  complète  fut  concédée  par  l'empe- 
reur Louis  de  Bavière  et  Charles  IV ;  ce  dernier,  parla  Bulle 
d'or,  consacra  définitivement  le  droit  exclusif  de  Francfort 
comme  lieu  d'élection  des  empereurs  (1356).  Les  divisions 
intestines  entre  l'aristocratie  héréditaire  et  les  métiers  furent 
apaisées  par  un  compromis  ;  le  conseil  municipal  fut  divisé 
en  trois  bancs  de  quatorze  membres,  banc  des  échevins,  de 
la  communauté  et  des  métiers. 

La  Réforme,  à  laquelle  les  bourgeois  adhérèrent  dès 
1530,  contribua  à  leur  fortune  en  les  affranchissant  de 
l'oppression  cléricale.  Francfort  fut  un  des  boulevards  du 
protestantisme;  .là  fut  signé  en  1558  le  recès  de  Franc- 
fort par  lequel  les  princes  luthériens  (Palatinat,  Saxe,  Bran- 
debourg, Hesse,  Palatinat-Deux-Ponts ,  Wurttemberg)  se 
fédérèrent  et  ad- 
hérèrent au  lu- 
théranisme ex- 
trême contre  les 
transactions  de- 
mandées parMe- 
lanchthon.  Une 
persécution  des 
juifs  (1612)  fut 
terminée  par  l'in- 
tervention de 
l'empereur  Ma- 
thias  qui  leur 
donna  raison  ;  ils 
rentrèrent  solen- 
nellement et  cé- 
lébrèrent leur 
rentrée  par  une 
fête  annuelle 
(Pourim  Vinz). 
Dans  la  guerre 
de  Trente  ans, 
la  ville  demeura 
neutre.  En  1 681 
s'y  réunit  un  con- 
grès des  princes 
allemands  hosti- 
les à  Louis  XIV  ; 
ils  ne  purent 
s'entendre.  Le 
22  mai  1744, 
fut  conclue  Y  li- 
mon de  Francfort  entre  l'empereur  Charles  VII  d'une  part, 
Frédéric  II,  le  Palatinat  et  la  Hesse  qui  s'engagèrent  à  le 
soutenir  ;  on  sait  que  le  roi  de  Prusse  envahit  la  Bohême. 
Durant  la  guerre  de  Sept  ans,  Francfort  fut  occupé  par  les 
Français  du  2  janv.  1759  à  la  paix.  Le  grand  événement  de 
la  vie  locale  était  alors,  comme  Gœthe  nous  le  conte,  la 
fête  du  couronnement  impérial.  Rappelons  qu'à  cette  époque 
la  ville  accueillit  de  nombreux  réfugiés  des  Pays-Bas,  qui 
donnèrent  un  nouvel  essor  aux  affaires. 

La  Révolution  française  compromit  l'indépendance  de 
la  vieille  ville  libre.  Occupée  par  Custine  (oct.  1792),  re- 
prise deux  mois  après  par  les  Prussiens,  occupée  par  War- 
tensleben  à  qui  Kléber  l'enleva  bientôt  (juil.  1796),  elle 
fut  déclarée  neutre  (2  déc.  1796).  Elle  fut  une  des  villes 
libres  qui  sauvèrent  leur  indépendance  lors  du  remanie- 
ment de  la  carte  allemande  ;  elle  s'accrut  même  aux  dé- 
pens des  ecclésiastiques.  Occupée  en  1806  par  Augereau 
(qui  la  rançonna  comme  Custine  et  Kléber),  elle  fut  alors 
annexée  à  la  principauté  du  prince-primat  Dalberg.  En 
1810,  Napoléon  en  fit  la  capitale  d'un  grand-duché  créé 
pour  Dalberg  et  comprenant,  outre  le  territoire  francfor- 


Eglise   Nikolai. 


tois,  celui  d'Àschaffenbourg,  de  Wetzlar,  Hanau,  Fulda,  des 
parcelles  deMayence,  en  tout  5,610  kil.  q.  et  302,000  hab. 
Ce  grand-duché,  créé  le  16  févr.  1810,  disparut  avec  la 
Confédération  du  Rhin  (V.  cet  art.  et  Dalberg)  le  23  déc. 
1813.  Le  congrès  de  Vienne  rendit  à  Francfort  ses  libertés 
et  en  1816  on  y  fixa  le  siège  de  la  diète  fédérale  de  la 
Confédération  germanique.  Le  3  avr.  1833,  des  conjurés 
tentèrent  un  coup  de  main  pour  s'emparer  de  la  ville  et  de 
la  diète;  leur  échec,  suivi  de  poursuites  contre  1,800  per- 
sonnes et  de  condamnations  sévères,  fut  le  signal  d'une 
réaction.  Dans  les  années  1848  et  1849,  Francfort  fut 
réellement  la  capitale  de  l'Allemagne,  tous  les  yeux  étant 
tournés  vers  le  Parlement  préparatoire,  puis  vers  l'Assem- 
blée nationale  qui  y  siégea  du  18  mai  1848  au  31  mai  1849 
(V.  Allemagne  [Histoire]).  Les  mouvements  locaux  des 
7  et  8  juil.  et  du  18  sept.  1848  compliquaient  encore  les 
difficultés.  En  1863  se  réunit  à  Francfort  un  congrès  de 
princes,  afin  d'étudier  la  réforme  de  la  constitution  (V.  Con- 
fédération germanique).  La  Chambre  des  députés,  réunie 
dans  cette  période  critique ,  combattit  la  politique  ^  aus- 
tro-prussienne. 
Quand  eut  lieu  la 
rupture  entre  la 
Prusse  et  l'Au- 
triche, Francfort 
avec  les  autres 
villes  libres  se 
prononça  pour  la 
Prusse,  mais, 
comme  siège  des 
pouvoirs  fédé- 
raux, elle  fut  en- 
traînée dans  la 
lutte  contre  elle. 
Le  8e  corps  fédé- 
ral s'y  assembla 
et  la  diète  y  resta 
jusqu'au  14  juil. 
Le  16  juil.,  le 
général  prussien 
Vogel  de  Falc- 
kenstein  l'oc- 
cupa, la  ran- 
çonna et  déposa 
toutes  les  auto- 
rités locales. 
Trois  jours  après 
vint  Manteuffel 
qui  exigea  25 
nouveaux  mil- 
lions de  florins  et 
se  comporta  très 
brutalement.  Au  mépris  de  tout  droit  et  par  un  simple 
abus  de  la  force,  la  Prusse  annexa  la  ville  libre  de  Franc- 
fort. Dans  la  dernière  période  de  son  autonomie,  celle-ci 
s'était  donné  des  institutions  libérales  et  avait  accordé  aux 
juifs  l'émancipation  politique  (1864).  Depuis  l'annexion, 
Francfort  a  donné  son  nom  au  traité  qui  mit  fin  à  la  guerre 
franco-allemande. 

Concile  de  Francfort  (Francofordiense  ou  Franco- 
furtiense  conciliant).  —  Tenu  en  794,  par  ordre  de  Char- 
lemagne,  qui  y  assista  lui-même.  Les  évêques  de  toutes  les 
parties  de  son  royaume,  France,  Aquitaine,  Espagne,  Italie, 
Germanie,  y  avaient  été  convoqués  ;  plus  de  trois  cents 
s'y  trouvèrent  réunis.  Le  pape  Adrien  y  fut  représenté  par 
deux  évêques,  Théophilacte  et  Etienne,  dont  les  sièges  ne 
sont  point  indiqués.  Les  cinquante-six  canons  décrétés 
par  cette  assemblée  sont  les  seuls  documents  précis  qui 
restent  sur  son  histoire.  Le  Ier  condamne  la  doctrine  de 
Félix,  évêque  d'Urgel,  et  d'Elipand,  archevêque  de  Tolède, 
sur  la  personne  de' Jésus-Christ  (V.Adoptianisme).  Le  IIe 
réprouve  en  termes  sévères  la  décision  du  concile  de  Nicée 
(787),  approuvée  par  le  pape,  qui  recommandait  le  culte 


—  1157  — 


FRANCFORT 


des  images  (pour  les  développements,  V.  Carolins,  Icono- 
claste, Image).  Le  IIIe  et  le  IVe  fixent  le  prix  du  blé  et 
rendent  obligatoire  la  nouvelle  monnaie.  Le  XVIIIe  défend 
de  crever  les  yeux  et  de  mutiler  les  membres  des  moines 
qui  se  sont  relâchés  de  la  règle.  Le  XXVe  renouvelle  les 
ordonnances  relatives  à  la  dîme.  Le  XXXe  règle  certains 
points  de  juridiction  pour  les  différends  entre  clercs  et 
laïques.  Le  XLIIe  défend  d'honorer  de  nouveaux  saints.  Le 
XLIII6  enjoint  de  détruire  les  arbres  et  les  bois  consacrés 
aux  divinités  païennes.  Le  LIIe  déclare  qu'il  ne  faut  pas 
croire  que  Dieu  ne  puisse  être  adoré  qu'en  trois  langues, 
il  exauce  les  prières  qui  lui  sont  adressées  dans  toutes  les 
langues,  lorsqu'elles  sont  justes.  —  La  plupart  des  canons 
de  ce  concile  sont  ainsi  formulés  :  Statutum  ou  Défini- 
tion est  a  Domino  Rege  et  a  sancta  Synodo. 

E.-H.  VOLLET. 

Traité  de  Francfort.  —  On  désigne  sous  le  nom  de 
traité  de  Francfort  le  traité  de  paix  définitif  conclu  entre 
la  France  et  l'Allemagne  à  la  suite  de  la  guerre  de  1870- 
1871,  traité  signé  à  Francfort  le  10  mai  1871,  approuvé 
par  l'Assemblée  nationale  le  18  du  même  mois  et  devenu 
exécutoire  par  l'échange  des  ratifications  le  20  mai  1871 . 
Dès  le  26  févr.  précédent,  les  préliminaires  de  paix  avaient 
été  signés  à  Versailles  par  les  plénipotentiaires  des  deux 
nations  :  M.  Thiers,  chef  du  pouvoir  exécutif  de  la  Répu- 
blique française,  et  M.  Jules  Favre,  ministre  des  affaires 
étrangères,  pour  la  France,  et,  pour  l'Allemagne,  M.  de 
Bismarck,  chancelier  de  l'empire  germanique  et  les  repré- 
sentants de  la  Bavière,  du  Wurttemberg  et  du  grand-duché 
de  Bade.  Le  3  mai  suivant,  l'Assemblée  nationale,  «  subis- 
sant les  conséquences  de  faits  dont  elle  n'était  pas  res- 
ponsable »,  ratifiait  les  préliminaires  de  paix  arrêtés  entre 
les  deux  belligérants.  Aux  termes  de  ces  préliminaires,  la 
France  renonçait  en  faveur  de  l'empire  allemand  à  tous  ses 
droits  sur  les  territoires  situés  à  l'E.  d'une  ligne  de  démar- 
cation minutieusement  décrite  et  parlant  de  la  frontière 
N.-O.  du  cant.  de  Cattenom  vers  le  grand-duché  de  Luxem- 
bourg pour  se  diriger  vers  le  cant.  de  Belfort,  cette  der- 
nière place  forte  et  un  rayon  à  déterminer  ultérieurement 
autour  de  ladite  ville  devant  rester  à  la  France.  La  France 
s'engageait  à  payer  à  l'empire  d'Allemagne  une  indemnité 
de  guerre  de  5  milliards  de  fr.  payable  à  des  époques  déter- 
minées, l'évacuation  du  territoire  français  par  les  troupes 
allemandes  devant  aussi  se  produire  à  des  dates  prévues 
par  la  convention.  L'art.  7  des  préliminaires  portait  que 
l'ouverture  des  négociations  pour  le  traité  de  paix  définitif 
à  conclure  sur  la  base  des  préliminaires  aurait  lieu  à 
Bruxelles  immédiatement  après  la  ratification  de  ces  der- 
niers. En  exécution  de  cet  art.  7,  les  négociations  s'ou- 
vrirent entre  les  représentants  des  deux  puissances  et  abou- 
tirent après  de  longues  et  laborieuses  discussions  au  traité 
de  Francfort  qui  porte  les  signatures  de  MM.  Jules  Favre, 
Pouyer-Quertier  et  de  Goulard  pour  la  France,  et  du  prince 
de  Bismarck  et  du  comte  Harry  d'Arnim  pour  l'Allemagne. 

Le  texte  du  traité  de  Francfort  différait  sur  certains  points 
importants  des  préliminaires  arrêtés  entre  les  deux  nations 
comme  base  de  la  paix  définitive.  Dans  leur  art.  3,  les 
préliminaires  déterminaient  avec  précision  les  dates  suc- 
cessives de  l'évacuation  du  territoire.  Les  événements  de  la 
Commune  avaient  rendu  l'Allemagne  plus  exigeante  dans 
les  garanties  par  elle  réclamées  pour  1  exécution  du  traité 
de  paix,  et  Fart.  7  du  traité  de  Francfort  laissait  à  l'appré- 
ciation du  gouvernement  allemand  le  pouvoir  de  déterminer 
le  moment  de  l'évacuation  des  dép.  de  l'Oise,  Seine-et- 
Marne,  Seine  et  des  forts  de  Paris,  stipulant  que  cette  éva- 
cuation aurait  lieu  «  quand  le  gouvernement  allemand  juge- 
rait le  rétablissement  de  l'ordre  tant  en  France  que  dans 
Paris  suffisant  pour  assurer  l'exécution  des  engagements 
contractés  par  la  France  »,  l'évacuation  devant  cependant, 
dans  tous  les  cas,  avoir  lieu  lors  du  payement  du  troisième 
demi-milliard  de  l'indemnité  de  guerre.  Différant  encore  sur 
ce  point  du  texte  des  préliminaires,  le  traité  de  Francfort 
accordait  dans  son  art.  1  l'option  au  gouvernement  fran- 


çais entre  une  augmentation  de  territoire  autour  de  Belfort 
et  la  cession  de  territoires  le  long  des  limites  occidentales 
de  Cattenom  et  de  Thion ville.  Dans  la  discussion  relative  à 
l'approbation  du  traité  de  paix,  l'Assemblée  nationale,  sur 
l'insistance  de  M.  Thiers  et  touchée  des  considérations  d'in- 
térêt stratégique  qui  lui  étaient  soumises  par  le  chef  du 
pouvoir  exécutif,  se  décida  à  profiter  de  cette  option. 

En  même  temps  qu'il  réglait  la  cession  de  certains  terri- 
toires et  les  dates  de  l'évacuation  et  du  payement  de  l'in- 
demnité de  guerre,  le  traité  déterminait  la  situation  à  venir 
des  habitants  des  territoires  cédés  par  la  France.  D'après 
l'art.  5  des  préliminaires,  les  intérêts  de  ces  habitants 
devaient,  en  ce  qui  concernait  leur  commerce  et  leur  droit 
civil,  être  réglés  aussi  favorablement  que  possible  dans  le 
traité  définitif.  Le  gouvernement  allemand  s'engageait  en 
outre  à  n'apporter  aucun  obstacle  à  leur  libre  émigration 
et  à  ne  prendre  aucune  mesure  atteignant  leurs  personnes 
ou  leurs  propriétés.  Fidèle  à  cet  engagement,  le  traité  de 
Francfort  contenait  dans  son  art.  2  la  disposition  suivante  : 
«  Les  sujets  français,  originaires  des  territoires  cédés, 
domiciliés  actuellement  sur  ce  territoire,  qui  entendront 
conserver  la  nationalité  française,  jouiront  jusqu'au  1er  oct. 
1872,  et  moyennant  une  déclaration  préalable  faite  à  l'au- 
torité compétente,  de  la  faculté  de  transporter  leur  domi- 
cile en  France  et  de  s'y  fixer  sans  que  ce  droit  puisse  être 
altéré  par  les  lois  sur  le  service  militaire  auquel  cas  la 

qualité  de  citoyen  français  leur  sera  maintenue »  En 

outre,  l'art.  11 ,  aux  termes  duquel  les  deux  gouvernements 
devaient  prendre  pour  base  de  leurs  relations  commerciales 
le  régime  du  traitement  réciproque  sur  le  pied  de  la  nation 
la  plus  favorisée,  déclarait  que  «  sont  compris  dans  cette 
règle  l'admission  et  le  traitement  des  sujets  des  deux  na- 
tions ainsi  que  de  leurs  agents  ». 

Il  semblait  que  la  clarté  de  ces  textes  ne  dût  laisser 
aucune  place  au  doute,  et  que  seuls  devaient  être  atteints 
par  la  dénationalisation  les  sujets  français  à  la  fois  ori- 
ginaires des  provinces  démembrées  et  domiciliés  dans  ces 
provinces  au  moment  de  leur  annexion  à  l'Allemagne.  C'est 
ainsi  que,  dans  un  rapport  fait  à  l'Assemblée  nationale  le 
19  juin  1871,  était  interprété  l'art.  2  du  traité  franco- 
allemand.  Mais,  à  la  suite  d'observations  présentées  par  les 
plénipotentiaires  allemands,  une  convention  additionnelle 
du  11  déc.  1871,  étendant  les  termes  du  traité,  considéra 
comme  dénationalisés  tous  les  sujets  français  «  originaires  » 
des  provinces  cédées,  que  ces  derniers  fussent  ou  non 
«  domiciliés  »  dans  lesdites  provinces.  L'Allemagne  alla 
plus  loin  encore  dans  ses  prétentions.  Dès  les  premiers 
jours  qui  avaient  suivi  la  convention  additionnelle  du 
11  déc.  1871,  le  comte  d'Arnim,  ministre  des  affaires 
étrangères  de  l'empire  germanique,  avait  reconnu  que  par 
ce  mot,  «  originaires  des  territoires  cédés  »,  il  fallait  en- 
tendre seulement  les  individus  «  nés  sur  ces  territoires  » 
et  non  ceux  qui  sont  issus  de  parents  nés  en  Alsace-Lor- 
raine ni  ceux  qui  résident  simplement  dans  ce  pays  ;  mais 
cette  interprétation  libérale  du  traité  de  Francfort  ne  tarda 
pas  à  être  abandonnée.  Le  gouvernement  allemand  consi- 
déra, et  n'a  cessé  de  considérer  depuis  cette  époque,  comme 
devenus  sujets  allemands,  et  les  Français  nés  de  parents 
alsaciens-lorrains  en  dehors  des  provinces  annexées,  et  les 
Français  qui,  nés  en  dehors  de  l' Alsace-Lorraine,  y  rési- 
daient au  moment  de  l'invasion.  La  jurisprudence  des  tri- 
bunaux français,  et  l'opinion  unanime  de  nos  juriscon- 
sultes, ont  protesté  contre  les  prétentions  de  la  chancellerie 
allemande  et,  depuis  vingt  ans,  elles  ont  invariablement 
admis  comme  étant  restés  Français,  et  sans  condition  d'op- 
tion, les  individus  non  originaires  d'Alsace-Lorraine,  sim- 
plement domiciliés  dans  les  provinces  cédées  au  moment 
de  l'invasion,  et  de.  même  ceux  qui,  n'étant  pas  nés  en 
Alsace-Lorraine,  étaient  simplement  issus  de  parents  nés 
dans  ce  pays. 

C'est  avant  le  1er  oct.  1872  que  les  divers  intéressés 
devaient,  suivant  Fart.  2  du  traité  de  Francfort,  faire  la 
déclaration  exigée  pour  être  maintenus  dans  la  nationalité 


FRANCFORT 


4158  — 


française,  mais  la  convention  additionnelle  du  11  déc.  1871 
prorogea  jusqu'au  1er  oct.  1873  le  délai  imparti  pour  l'op- 
tion en  faveur  des  intéressés  résidant  hors  d'Europe.  Les 
Alsaciens-Lorrains  domiciliés  dans  les  provinces  annexées 
devaient  faire  leurs  déclarations  d'option  devant  les  auto- 
rités allemandes  du  lieu  de  leur  domicile  (directeur  de  la 
police  à  Strasbourg  et  à  Metz  et  directeur  d'arrondissement 
dans  les  autres  localités).  Les  intéressés  résidant  en  dehors 
du  territoire  allemand  devaient  faire  leur  option  en  France 
à  la  mairie  de  leur  domicile,  ou  à  l'étranger  devant  la 
chancellerie  diplomatique  ou  consulaire  française,  cette  der- 
nière déclaration  pouvant  être  remplacée  par  l'immatricu- 
lation à  une  de  ces  chancelleries.  Tous  les  trois  mois  le 
gouvernement  français  devait  notifier  au  gouvernement 
allemand,  par  la  voie  diplomatique,  la  liste  nominative  des 
optants.  Pour  conserver  la  nationalité  française,  la  décla- 
ration d'option  n'était  pas  toujours  suffisante.  Les  origi- 
naires d'Alsace-Lorraine  qui,  lors  de  l'invasion,  avaient 
leur  domicile  dans  les  provinces  annexées,  devaient  trans- 
porter leur  domicile  en  dehors  de  ces  provinces.  Ce  trans- 
fert de  domicile  était  impérieusement  exigé  par  l'autorité 
allemande.  Il  devait  être  effectif  et  réel.  L'ne  simple  décla- 
ration d'élection  de  domicile  adressée  à  un  maire  d'une 
commune  française  n'était  pas  suffisante.  Le  gouvernement 
allemand  a  même  exigé,  pour  considérer  une  option  comme 
valable,  que  le  transfert  du  domicile  de  l'optant  ait  été  effec- 
tué avant  le  1er  oct.  1872,  tandis  que  le  gouvernement 
français  avait  reconnu  la  parfaite  régularité  de  l'option, 
l'optant  ayant  transféré  son  domicile  en  France  même  après 
cette  date. 

De  sérieuses  difficultés  se  sont  élevées  au  sujet  de  l'op- 
tion des  mineurs,  des  femmes  mariées  et  des  autres  inca- 
pables, et  sur  ce  point  encore  les  deux  gouvernements 
donnent  au  traité  de  Francfort  et  à  la  convention  addition- 
nelle du  11  déc.  1871  une  interprétation  différente.  Aux 
termes  de  l'exposé  des  motifs  du  projet  de  loi  approuvant 
cette  dernière  convention,  «  l'option  de  la  nationalité  est 
faite,  en  ce  qui  concerne  les  mineurs,  avec  l'assistance  de 
leurs  représentants  légaux  et  dans  les  délais  ordinaires  ». 
On  pouvait  donc  penser  que  le  mineur  pouvait  faire  une 
option  personnelle  et  séparée  avec  la  simple  assistance  de 
ses  représentants  légaux.  Mais  une  fois  la  convention  addk 
tionnelle  du  11   déc.  1871  approuvée  par  l'Assemblée 
nationale,  le  gouvernement  allemand  soutint  que  les  mi- 
neurs non  émancipés,  nés  ou  non  nés  en  Alsace-Lorraine, 
n'avaient  pas  le  droit  d'option,  qu'ils  ne  pouvaient  opter 
ni  par  eux-mêmes  ni  par  leurs  représentants  légaux  en  se 
séparant  de  ceux-ci,  et  que,  si  leurs  parents  étaient  encore 
en  vie,  ils  suivaient  de  droit  la  nationalité  du  père,  suivant 
au  contraire  la  nationalité  de  leur  tuteur  en  cas  de  décès 
de  leurs  parents.  Il  prétendait,  en  outre,  qu'il  devait  en 
être  de  même  du  mineur  émancipé  né  en  Alsace-Lorraine. 
Quant  aux  mineurs  émancipés  qui  ne  sont  pas  nés  en 
Alsace-Lorraine,  la  chancellerie  allemande  reconnaissait 
qu'au  point  de  vue  du  droit  d'option  ils  devaient  être  assi- 
milés aux  majeurs.  Malgré  l'interprétation  inattendue  donnée 
par  l'Allemagne  à  la  convention  additionnelle  du  11  déc. 

1871,  la  jurisprudence  de  nos  tribunaux  français  n'a  pas 
cessé  d'attribuer  aux  mineurs  émancipés  ou  non  le  droit 
d'option  qui  leur  était  contesté  de  l'autre  côté  de  la  fron- 
tière, à  condition  toutefois  que  ces  mineurs  soient  assistés 
de  leurs  représentants  légaux.  Elle  a  même  ouvert,  con- 
formément à  la  circulaire  du  garde  des  sceaux  du  30  mars 

1872,  un  double  mode  d'option  en  faveur  du  mineur.  D'une 
part,  le  mineur  pouvait  se  présenter  lui-même  et  faire  sa 
déclaration  d'option,  avec  l'assistance  de  son  père,  tuteur 
ou  curateur.  D'autre  part,  si  le  père  tuteur  ou  curateur 
avait  lui-même  à  opter,  il  pouvait  faire  une  déclaration 
d'option  collective  tant  en  son  nom  personnel  qu'au  nom 
du  mineur  par  lui  représenté.  Cependant,  comme  le  gou- 
vernement allemand  contestait  la  validité  de  l'option  per- 
sonnelle du  mineur,  même  faite  avec  l'autorisation  et  l'as- 
sistance de  ses  représentants  légaux,  si  ces  représentants 


légaux  du  mineur  n'avaient  pas  eux-mêmes  réclamé  la 
nationalité  française,  une  circulaire  du  ministre  de  la  guerre 
du  7  juil.  1874  porte  que  les  jeunes  gens  placés  dans  ces 
conditions  ne  devront  être  inscrits  sur  les  tableaux  de 
recensement  dressés  pour  le  recrutement  militaire  que 
s'ils  en  font  personnellement  la  demande,  «  ces  jeunes  gens 
s'exposant,  en  entrant  dans  les  rangs  de  notre  armée,  à 
être  poursuivis  comme  réfractaires  par  l'autorité  alle- 
mande s'ils  retournent  dans  leur  pays  d'origine  ». 

Comme  le  mineur,  la  femme  mariée  suit,  aux  yeux  de 
la  chancellerie  allemande,  le  sort  de  son  représentant  légal, 
son  mari.  Elle  est  donc  française  ou  allemande,  suivant  que 
son  mari  a  ou  non  opté  pour  la  nationalité  française.  Au 
contraire,  pour  la  chancellerie  française  et  suivant  la  juris- 
prudence unanime  de  nos  tribunaux,  la  femme  mariée  a 
le  droit,  avec  l'assistance  de  son  mari,  de  faire  une  option 
personnelle,  même  dans  le  cas  où  son  mari  s'est  refusé  à 
faire  pour  lui-même  cette  option.  Les  autres  incapables  tels 
que  les  aliénés,  les  interdits  légaux  ou  judiciaires,  les  per- 
sonnes pourvues  d'un  conseil  judiciaire  sont  considérés  par 
l'Allemagne  comme  inhabiles  à  choisir  leur  patrie  et  comme 
n'ayant  pas  le  droit  d'option.  En  France,  la  doctrine,  à 
défaut  de  la  jurisprudence  qui  n'est  pas  encore  formée  sur. 
cette  question,  a  une  tendance  à  faire  une  distinction.  Elle 
reconnaît  aux  interdits  légaux  et  aux  individus  pourvus 
d'un  conseil  judiciaire  le  droit  d'option  qu'elle  considère 
comme  un  droit  attaché  à  la  personne  même.  Quant  aux 
aliénés  et  aux  interdits  judiciaires,  elle  leur  refuse  ce  droit, 
les  uns  et  les  autres  étant  dépossédés  du  droit  d'adminis- 
trer leur  personne. 

Contrairement  à  tous  les  principes  du  droit  civil  qui 
donnent  à  l'autorité  judiciaire  le  droit  exclusif  de  statuer 
sur  les  questions  de  nationalité,  l'Allemagne  a  accordé  à 
l'autorité  administrative  le  droit  de  décider  sur  la  validité 
des  options.  Elle  a  laissé  cependant  aux  intéressés  une 
double  voie  de  recours  contre  les  décisions  prononçant  la 
nullité  d'une  option  :  le  recours  administratif  au  moyen 
d'une  pétition  adressée  au  président  du  district,  puis,  en  cas 
d'échec,  au  président  supérieur,  et,  en  cas  de  second  insuc- 
cès, au  chancelier  de  l'Empire.  Les  annulations  d'option 
ainsi  prononcées  ont  toujours  été  considérées  en  France 
comme  sans  autorité  et  sans  portée  lorsque  les  tribunaux 
français  ont  eu  à  statuer  sur  la  validité  de  ces  options  en 
France. 

Tout  Alsacien-Lorrain  qui  n'a  pas  opté  dans  les  délais 
fixés  pour  la  nationalité  française  est  devenu  Allemand  à 
l'expiration  de  ces  délais  ;  mais  le  droit  de  recouvrer  sa 
nationalité  lui  est  largement  ouvert  par  l'art.  18  du  C.  civ. 
récemment  modifié  parla  loi  sur  la  nationalité  des  26-28  juin 
1889.  S'il  veut  être  réintégré  dans  sa  qualité  de  Fran- 
çais, il  doit  transférer  son  domicile  en  France  et  faire  à  la 
mairie  sa  déclaration  de  domicile  qui  doit  être  inscrite  sur 
les  registres  de  l'état  civil,  puis  adresser  au  garde  des 
sceaux  une  demande  sur  papier  timbré  à  l'effet  d'obtenir 
son  autorisation  de  séjour  avec  réintégration  dans  la  natio- 
nalité française.  Cette  demande  doit  être  accompagnée  de 
l'expédition  de  l'acte  de  déclaration  de  domicile,  de  l'acte 
de  naissance  et  de  la  consignation  de  la  somme  nécessaire 
pour  faire  les  frais  de  la  chancellerie  (175  fr.  environ). 
Il  est  fait  remise  de  ces  frais  aux  indigents.  Sur  la  production 
de  ces  pièces  à  lui  transmises  par  l'intermédiaire  du  préfet, 
le  garde  des  sceaux  fait  procéder  aux  instructions  et  enquêtes 
qu'il  juge  nécessaires  et,  sur  sa  proposition,  le  président  de 
la  République  rend  un  décret  qui  réintègre  l'impétrant  dans 
sa  qualité  de  citoyen  français.  La  qualité  de  Français  peut 
être  accordée  par  le  même  décret  à  la  femme  et  aux  enfants 
majeurs  de  l'impétrant,  s'ils  en  ont  fait  la  demande.  Quant 
aux  enfants  mineurs  du  père  ou  de  la  mère  réintégrés,  ils 
deviennent  Français,  à  moins  que  dans  Tannée  qui  suit  leur 
majorité  ils  ne  déclinent  cette  qualité  en  se  conformant 
aux  dispositions  de  l'art.  8,  §  4,  de  la  loi  des  26-28  juin 
1889.  L'Alsacien-Lorrain  ainsi  réintégré  dans  sa  qualité 
de  Français  n'est  considéré  en  Allemagne  comme  redevenu 


—  1459 


FRANCFORT 


Français  que  si  son  émigration  de  fait  a  été  suivie  d'un 
séjour  de  dix  ans  non  interrompu  à  l'étranger,  ou  s'il  a 
obtenu  de  l'autorité  allemande  un  permis  d'émigration  et 
transféré  son  domicile  en  France  dans  le  délai  de  six  mois 
à  partir  de  la  date  de  ce  permis. 

En  dehors  des  questions  relatives  à  la  cession  de  terri- 
toires, au  payement  d'une  indemnité  de  guerre,  aux  délais 
de  l'occupation  et  à  la  nationalité  future  des  Alsaciens- 
Lorrains,  le  traité  de  Francfort  et  la  convention  addition- 
nelle du  11  déc.  1871  réglaient  de  nombreuses  questions 
relatives  aux  archives,  documents  et  registres  de  l'adminis- 
tration civile,  militaire  et  judiciaire  des  provinces  annexées  ; 
à  la  cession  de  la  partie  du  chemin  de  fer  de  l'Est,  exploitée 
sur  le  territoire  cédé  ;  aux  casiers  judiciaires  ;  aux  actes  de 
l'état  civil  ;  aux  douanes  ;  à  la  navigation  internationale  ; 
aux  officiers  ministériels  ;  aux  brevets  d'invention  ;  à  l'exé- 
cution des  jugements,  etc.  De  nombreuses  et  sérieuses 
difficultés  se  sont  élevées  entre  les  deux  gouvernements  au 
sujet  du  sens  à  donner  à  certaines  de  ces  stipulations.  Les 
deux  difficultés  les  plus  graves  sont  celles  qui  se  réfèrent 
aux  compagnies  françaises  d'assurances  fonctionnant  en 
Alsace-Lorraine  et  au  régime  des  passeports  rétabli  par 
l'administration  allemande  à  l'entrée  de  l'Alsace-Lorraine. 
Avant  1881  rien  n'avait  pu  faire  croire  que  les  compagnies 
d'assurances  françaises,  fonctionnant  dans  les  provinces 
annexées,  pussent  être  inquiétées.  Rien  loin  de  les  troubler 
dans  leur  exploitation,  le  gouvernement  allemand  en  recon- 
naissait hautement  la  validité.  Le  29  juil.  1872,  le  préfet 
de  Strasbourg  avait  notamment  déclaré  dans  un  arrêté  que 
rien  n'entraverait  les  opérations  des  compagnies  étrangères 
dans  les  pays  d'Empire,  à  la  charge  par  elles  de  remplir 
certaines  conditions  auxquelles  elles  s'étaient  d'ailleurs 
empressées  de  se  soumettre.  Mais,  le  11  mars  1881,  le 
sous-secrétaire  d'Etat  à  l'intérieur  prenait  un  arrêté  aux 
termes  duquel  «  les  sociétés  étrangères  ne  pouvaient  être 
considérées  comme  personnes  juridiques  et  ne  pouvaient 
opérer  en  Alsace-Lorraine  que  si  elles  y  étaient  expressé- 
ment autorisées,  soit  par  ordonnance  du  souverain,  soit  par 
des  conventions  internationales  avec  les  pays  dont  elles 
sont  originaires».  Comme  l'arrêté  du  sous-secrétaire  d'Etat 
ajoutait  que  cette  décision  n'était  pas  applicable  aux  com- 
pagnies d'assurances  domiciliées  en  Autriche,  Relgique, 
Italie,  Angleterre  et  Suisse,  il  en  résultait  que  l'arrêté  visait 
presque  exclusivement  les  «  sociétés  d'assurances  fran- 
çaises ».  C'était  là  d'ailleurs  le  but  poursuivi  et,  le  1er  mai 
1881,  59  sociétés  françaises  d'assurances  cessèrent  leurs 
opérations  en  Alsace-Lorraine.  L'art.  11  du  traité  de  Franc- 
fort, relatif  à  la  clause  «  de  la  nation  la  plus  favorisée  », 
condamne  cependant  les  prétentions  de  l'autorité  allemande, 
prétentions  qu'ont  sanctionnées  les  décisions  des  tribunaux 
de  l'empire  germanique.  Suivant  cet  art.  11,  l'admission 
et  le  traitement  des  sujets  des  deux  nations,  ainsi  que  de 
leurs  agents,  sont  compris  dans  cette  règle  de  la  nation 
la  plus  favorisée.  Or,  le  traité  de  commerce  conclu  le 
22  mai  1881  entre  l'Allemagne  et  l' Autriche-Hongrie  sti- 
pule formellement  que  «  les  sociétés  par  actions,  les  sociétés 
en  commandite  et  les  compagnies  d'assurances  de  toute 
sorte,  existant  légalement  dans  l'un  des  Etats  contractants, 
sont  admises  dans  l'autre  à  exercer  leur  industrie  et  à  faire 
valoir  leurs  droits  en  justice  dans  les  conditions  des  lois  et 
des  règlements  qui  y  sont  en  vigueur  ».  N'était-il  pas  d'une 
justice  absolue,  n'était-il  pas  conforme  à  la  lettre  et  à  l'es- 
prit du  traité  de  Francfort  de  laisser  les  compagnies  d'as- 
surances françaises  établies  en  Alsace-Lorraine  exercer 
librement  leur  industrie  dans  les  provinces  annexées  ?  La 
cour  suprême  de  l'empire  germanique  a  semblé  le  recon- 
naître dans  un  arrêt  du  14  avr.  1882.  Elle  y  admet  en 
principe  que  l'expression  de  sujets,  insérée  à  l'art.  11  du 
traité  de  Francfort,  doit  s'entendre  aussi  bien  des  personnes 
morales  comme  les  sociétés  commerciales  et  les  compagnies 
d'assurances  que  des  personnes  physiques  ;  mais  l'arrêt  de 
la  cour  suprême  de  Leipzig,  tout  en  faisant  cette  déclara- 
tion, n'a  pu  casser  la  décision  judiciaire  rendue  en  sens 


contraire  qui  lui  était  soumise,  ses  attributions  ne  lui  per- 
mettant de  casser  que  les  décisions  ayant  violé  une  loi 
d'Empire  ou  bien  une  loi  dont  l'application  s'étend  au  delà 
du  ressort  d'appel.  C'est  donc  l'interprétation  défavorable 
aux  droits  des  compagnies  d'assurances  françaises  qui  a 
prévalu  et  qui  prévaut  encore  devant  les  tribunaux  alle- 
mands, et  sur  ce  point  encore  les  stipulations  favorables  du 
traité  de  Francfort  ont  été  méconnues. 

Ces  stipulations  n'ont  pas  été  plus  respectées  dans  la 
question  des  passeports.  L'admission  et  le  traitement  des 
sujets  des  deux  nations  devaient  être  régis  d'après  l'art.  11 
du  traité  de  Francfort  par  la  clause  de  la  nation  la  plus 
favorisée.  Les  nationaux  français  pouvaient  donc  croire  que, 
comme  les  nationaux  des  autres  pays,  ils  avaient  le  droit  de 
franchir  la  frontière  allemande  d'Alsace-Lorraine  sans  être 
assujettis  à  la  formalité  des  passeports.  Il  en  fut  ainsi  pen- 
dant les  premières  années,  et  la  circulation  comme  le  séjour 
des  Français  en  Alsace-Lorraine  ne  furent  pas  sensiblement 
entravés  ;  mais,  dès  1882,  des  mesures  prohibitives  com- 
mencèrent à  être  prises.  Elles  s'appliquèrent  d'abord  et 
exclusivement  aux  militaires  français  qui  furent  tenus  de 
faire  une  déclaration  de  séjour  en  Alsace-Lorraine  quand 
ils  se  rendaient,  même  pour  un  court  séjour,  dans  les  pro- 
vinces annexées.  En  1886,  ce  ne  fut  plus  seulement  une 
déclaration  de  séjour  qui  fut  exigée  d'eux,  c'était  une  auto- 
risation régulière  de  séjour  qu'ils  furent  obligés  de  deman- 
der pour  pouvoir  séjourner  en  Alsace-Lorraine.  En  1887, 
un  arrêté  du  29  mars  étendit  à  tous  les  Français  indistinc- 
tement, militaires  ou  non  militaires,  l'interdiction  de  séjour 
sans  autorisation  de  l'autorité  allemande.  Enfin,  un  arrêté 
pris  le  22  mai  1888  par  le  ministre  d'Alsace-Lorraine  vint 
inaugurer  une  ère  nouvelle  de  sévérité.  Tous  les  étrangers 
arrivant  par  la  frontière  française,  qu'ils  fussent  simple- 
ment de  passage  ou  qu'ils  dussent  séjourner  dans  les  pro- 
vinces annexées,  devaient  désormais  être  porteurs  d'un 
passeport  portant  le  visa  de  l'ambassade  d'Allemagne  à 
Paris.  Ce  visa  ne  devait  pas  remonter  à  plus  d'un  an. 
A  défaut  d'un  passeport,  ils  ne  pouvaient  continuer  leur 
voyage,  et,  s'il  était  nécessaire,  ils  étaient  reconduits  à  la 
frontière.  Seuls,  les  sujets  allemands  arrivant  par  la  fron- 
tière française  étaient  dispensés  de  la  formalité  du  passe- 
port. A  la  condition  d'être  porteurs  d'un  passeport  régu- 
lier, les  Français,  dont  le  séjour  dans  les  provinces  annexées 
ne  devait  pas  durer  plus  de  huit  semaines,  n'avaient  pas 
besoin  d'une  autorisation  de  séjour.  Si  la  durée  de  leur 
séjour  devait  excéder  huit  semaines,  le  président  de  la  cir- 
conscription pouvait  à  titre  exceptionnel  leur  délivrer  l'au- 
torisation nécessaire.  S'il  désirait  s'arrêter  plus  de  vingt- 
quatre  heures  dans  une  localité,  le  voyageur  français  était 
tenu  dès  son  arrivée  d'avertir  le  maire  de  la  localité  (à  Metz 
et  Strasbourg,  le  directeur  de  la  police)  et  de  lui  soumettre 
son  passeport.  L'autorité  allemande  avait  le  droit  d'exiger 
qu'il  se  présentât  en  personne.  Les  personnes  faisant  partie 
de  l'armée  active,  les  officiers  de  réserve  ou  de  l'armée 
territoriale,  les  anciens  officiers  et  les  élèves  des  écoles  fran- 
çaises organisées  militairement  ne  devaient  pas  se  borner 
à  produire  un  passeport,  mais  se  munir  en  outre  d'une 
autorisation  spéciale  qui  devait  leur  être  accordée  par  le 
directeur  de  l'arrondissement  ou  le  directeur  de  la  police, 
mais  dans  des  cas  exceptionnels,  pour  affaires  urgentes  et 
pour  un  temps  très  limité.  Exception  était  faite  pour  les  Fran- 
çais qui,  avant  le  10  avr.  1887,  avaient  constamment  résidé 
en  Alsace-Lorraine  et  pour  ceux  qui,  y  possédant  des  im- 
meubles, y  résidaient  une  partie  de  l'année.  Le  visa  donné 
par  l'ambassade  d'Allemagne  à  Paris  n'était  accordé  qu'après 
une  enquête  faite  auprès  des  autorités  locales  d'Alsace- 
Lorraine,  à  moins  que  la  personne  demandant  le  visa  ne 
fût  déjà  munie  d'un  permis  de  séjour  en  Alsace-Lorraine 
délivré  par  ces  autorités.  Ces  mesures  déjà  violentes  par 
elles-mêmes,  et  contraires  au  traité  de  Francfort,  furent 
aggravées  encore  par  la  rigueur  avec  laquelle  elles  furent 
mises  à  exécution.  Le  gouvernement  français  protesta  contre 
ces  exigences,  mais  de  1888  à  1891  c'est  à  peine  s'il  put 


FRANCFORT  —  FRANCHE-COMTÉ 


—  1160 


obtenir  quelque  adoucissement  dans  F  application  de  ces 
prescriptions  si  peu  en  harmonie  avec  les  mœurs  actuelles 
et  les  habitudes  de  nos  relations  internationales.  Ce  n'est 
que  par  une  décision  de  sept.  1891  que  l'obligation  du 
passeport  a  été  enfin  supprimée.  Edouard  Serre. 

Bibl.:  Boehmer,  Urhundenbuch  der  Stadt  Frankfurt, 
1836  et  suiv.  —  Franhfurts  Bauten,  publié  par  la  Soc.  des 
architectes  ;  Francfort,  1886.—  Faber,  Topographisch-po- 
litische  Beschreibung  von  Frankfurt;  Francfort,  1788-1789, 
2  vol.  —  Kirschner,  Gesch.der  Stadt  Frankfurt;  Franc- 
fort, 1807-1810,  2  vol.;  av.  2  vol.  de  suppl.  de  Feyerlein, 
1810.—  Stricker,  Neuere  G esch.  von  Frankfurt  seit  1806  ; 
Francfort,  1874-1881,  4  vol.  —  Bernays,  Schiksale  des 
Grosherzogtums  Frankfurt;  Berlin,  1882.  —  V.  aussi  Ar- 
chiv  fur  Frankfurts  Geschichte  und  Kunst,  publié  depuis 
1839. 

Concile  de  Francfort.  —  Mansi,  Sacrorum  concilio- 
rum  nova  et  amplissima  collectio;  Florence,  1759  et  suiv., 
31  vol.  in-fol. 

Traité  de  Francfort.  —  Alauzet,  De  la  Qualité  de 
Français,  1880,  2e  édit.  in-8.  —  Cogordan,  De  la  Nationa- 
lité, 1890,  2e  édit.  in-8.  —  De  Folleville,  Traité  de  la 
naturalisation,  1880,  in-8.  —  Gilbrin,  De  la  Condition  ju- 
ridique des  Alsaciens-Lorrains,  1884,  gr.  in-8.—  Happ,  Du 
Droit  d'option  des  Alsaciens-Lorrains.—  Robillard,  Es- 
sai sur  l'acquisition  et  la  perte  de  la  qualité  de  Français. 
—  Selosse,  Traité  de  l'annexion.  —  Spire,  De  la  Condi- 
tion des  Alsaciens-Lorrains  ;  Nancy,  1879,  in-8. —  Vin- 
cent et  Penaud,  Dictionnaire  de  droit  international  privé, 
1887-89,  3  vol.  in-8. —  Weiss,  Traité  de  droit  international 
privé,  1890,  2°  édit.  in-8. 

FRANC  FORT-sur- l'Oder.  Ville  d'Allemagne,  royaume 
de  Prusse,  province  de  Brandebourg,  chef-lieu  de  district, 
sur  la  rive  gauche  de  l'Oder;  5o,738  hab.  (en  4890). 
C'est  une  des  villes  importantes  de  la  Prusse  ;  sa  situation 
stratégique  sur  le  coude  occidental  de  l'Oder  lui  valut  un 
rôle  qui  a  passé  depuis  à  Custrin.  Mais  Francfort  est  en- 
core un  nœud  de  voies  ferrées  se  dirigeant  vers  Berlin, 
Sommerfeld,Eberswalde,  Custrin,  Posen,  Cottbus,  c.-à-d. 
dans  toutes  les  directions.  La  ville  est  sur  la  rive  gauche 
de  l'Oder  ;  son  pont  de  bois  qui  la  relie  au  faubourg 
(Damm)  situé  à  droite  du  fleuve  a  274  m,  de  long.  Dans  la 
ville,  on  distingue  une  ancienne  ville  près  du  fleuve,  une 
nouvelle  ville  un  peu  plus  haut  et  les  deux  faubourgs  de 
Guben  au  S.,  Lebus  au  N.  Les  rues  sont  larges,  recti- 
lignes,  avec  des  maisons  à  plusieurs  étages.  Les  fortifica- 
tions ont  été  démantelées.  —  Comme  monuments  on  peut 
citer  :  l'église  Marie,  à  cinq  nefs,  du  xme  siècle  (beaux 
vitraux)  ;  l'église  Nikolai  (gothique)  ;  l'hôtel  de  ville.  — 
L'industrie  est  assez  active  :  établissements  métallurgiques, 
de  produits  chimiques,  manufacture  d'orgues,  brasseries, 
distilleries,  etc.  Le  commerce  se  fait  en  bonne  partie  dans  les 
trois  foires  annuelles  et  porte  sur  les  cuirs,  lès  toiles  de 
Lusace,  les  produits  agricoles.  La  batellerie  de  l'Oder  se  main- 
tient. —  Fondée  au  xme  siècle  par  des  marchands  franco- 
niens, Francfort-sur-1'Oder  reçut  une  charte  urbaine  en  1253 
et  fut  bientôt  fortifiée.  Ce  fut  un  des  points  d'appui  des  mar- 
graves ;  elle  repoussa  les  hussites  (1429  et  1432),  les 
Polonais  (1450),  le  prince  de  Sagan  (1477).  Les  querelles 
des  bourgeois  avec  l'évêque  de  Lebus  furent  très  vives  au 
xive  siècle.  En  1506,  l'électeur  Joachim  y  fonda  une  uni- 
versité. Dans  la  guerre  de  Trente  ans  les  Suédois  (1631), 
Wallenstein  (1633), les  Suédois  (1640-1644)  l'occupèrent 
tour  à  tour.  Dans  la  guerre  de  Sept  ans,  les  Russes  en 
furent  maîtres  en  1759-1760.  Les  Français  la  prirent  en 
1806,  l'occupèrent  de  1812  au  9  mars  1813.  L'université 
fut  transférée  à  Breslau  en  1811. 

Bibl.  :  Spieker,  Gesch.  der  Stadt  Frank  fur  t-an-der- 
Oder;  Francfort,  1853. 

FRANCHE-AUMÔNE  (V.  Aumône  et  Féodalité,  t.  XVII, 
p.  210). 

FRAN  G  H  E-COMTÉ.  La  province  qui  s'est  appelée  succes- 
sivement Séquanie,  Haute-Bourgogne,  comté  de  Bourgogne 
et  Franche-Comté,  dont  la  majeure  partie  forme  aujourd'hui 
les  dép.  français  de  la  Haute-Saône,  du  Doubs  et 
du  Jura,  a  pour  limites  naturelles  :  au  N.,  les  Vosges  et 
les  monts  Faucilles  ;  au  N.-O.,  le  plateau  de  Langres  ;  à 
l'O.,  la  Vingeanne,  puis  la  Saône  jusqu'à  son  confluent  avec 
le  Doubs  ;  au  S.-O.  et  au  S.,  la  région  bressane  ;  à  TE., 


la  puissante  barrière  du  Jura.  Divisée  diagonalement  en 
trois  zones  bien  distinctes,  elle  possède  une  juste  propor- 
tion de  plaines,  de  coteaux  et  de  hautes  montagnes.  La 
première  région  (la  plaine)  est  copieusement  pourvue  de 
prairies  et  de  terres  de  labour  ;  la  seconde  (moyenne  mon- 
tagne) a  des  pentes  excellemment  disposées  pour  la  culture 
de  la  vigne  ;  la  troisième  (la  montagne)  a  de  vastes  pâtu- 
rages entrecoupés  par  des  bois  de  sapins.  Le  sous-sol  four- 
nit en  abondance  le  fer  et  le  sel. 

Période  préhistorique.  —  Un  pays  aussi  favorisé  par  la 
nature  fut  nécessairement  peuplé  dès  les  plus  vieux  âges, 
et  ses  habitants  eurent  souvent  à  le  défendre  contre  les 
entreprises  des  envahisseurs.  Les  traces  de  ces  luttes  pré- 
historiques pullulent  en  Franche-Comté;  nombreuses  y  sont 
aussi  les  cavernes  que  l'homme  à  peu  près  sauvage  dispu- 
tait aux  animaux  pour  s'abriter  lui-même  ou  pour  enseve- 
lir ses  morts.  De  la  période  où  l'homme  n'avait  comme 
outils  et  comme  armes  que  des  lames  ou  des  pointes  de 
silex  taillées  par  éclats,  il  existe  des  vestiges  très  caracté- 
risés dans  les  grottes  de  Rochedane,  près  de  Pont-de-Roide, 
et  dans  les  forteresses  primitives  qui  couronnent  les  hau- 
teurs voisines  de  Montbéliard.  L'âge  de  la  pierre  polie  est 
représenté  dans  notre  région  par  la  station  lacustre  de 
Clairvaux  (Jura)  et  par  la  nécropole  de  la  grotte  de  Cour- 
chapon  (Doubs).  De  la  période  des  armes  de  bronze  date  le 
dépôt  d'un  fondeur,  découvert  à  Larnaud  (Jura),  dont  s'est 
enrichi  le  musée  de  Saint-Germain.  Parmi  les  sépultures 
tumulaires  de  la  contrée,  le  premier  rang  appartient  à  la 
butte  d'Apremont  (Haute-Saône),  en  un  lieu  élevé,  au  point 
où  se  rencontraient  les  limites  des  Séquanes,  des  Eduens 
et  des  Lingons  :  la  couronne  d'or  du  grand  personnage 
inhumé  sous  ce  tertre,  ainsi  que  les  débris  de  son  char  de 
fer,  se  voient  au  musée  de  Saint-Germain.  Les  tumulus  à 
inhumation  se  pressent  autour  de  Yoppidum  d'Alaise, 
peuplent  la  forêt  des  Moidons  et  se  retrouvent  dans  les 
hautes  plaines  des  environs  de  Pontarlier  :  le  mobilier  de 
ces  sépultures  est  caractérisé  par  des  ceintures  en  bronze 
mince  et  des  brassards  en  lignite  ;  les  Gaulois  romanisés 
ont  plus  tard  déposé  des  urnes  cinéraires  dans  ces  tombeaux 
qui  renfermaient  les  ossements  de  leurs  aïeux. 

Période  gauloise.  —  En  contact  avec  la  Germanie  par 
cette  porte  que  la  nature  a  ménagée  entre  le  Jura  et  les 
Vosges,  la  province  possédait  trois  vallées  commodes,  celles 
de  la  Saône,  de  FOgnon  et  du  Doubs,  pour  gagner  la  grande 
artère  du  Rhône  :  aussi  ne  cessa-t-elle  d'être  la  première 
étape  des  invasions  qui  traversaient  la  Gaule  en  vue  d'at- 
teindre l'Italie.  Quand  César  intervint  dans  les  affaires  de 
la  Gaule,  deux  factions  rivales  étaient  depuis  longtemps 
aux  prises  dans  ce  grand  pays  :  l'une  avait  à  sa  tête  les 
Eduens,  l'autre  les  Séquanes.  Ceux-ci,  menacés  par  la 
clientèle  considérable  de  leurs  rivaux,  s'étaient  alliés  aux 
Germains  que  commandait  Arioviste.  Mais  Arioviste  séduit 
par  la  richesse  du  sol  de  la  Séquanie,  «  le  meilleur  terroir 
de  toute  la  Gaule  »,  au  dire  de  César,  avait  confisqué  le 
tiers  de  ce  sol  au  profit  des  siens  et  exigeait  qu'un  autre 
tiers  fût  délivré  à  24,000  Harudes  qui  venaient  à  sa  suite. 
Les  Séquanes  consternés  appelèrent  César  comme  libéra- 
teur. Après  avoir  refoulé  les  Helvètes  qui,  eux  aussi,  vou- 
laient chercher  en  Gaule  un  climat  meilleur,  César  se  hâta 
d'occuper  Vesontio  (Besançon),  ville  capitale  des  Séquanes, 
et  marcha  contre  Arioviste  qui  tenait  la  trouée  de  Belfort. 
Les  Germains  furent  refoulés  jusqu'au  Rhin,  et  César,  re- 
venu en  Séquanie  avec  ses  légions,  contraignit  les  Séquanes 
à  renoncer  aux  avantages  qu'ils  avaient  obtenus  sur  les 
Eduens  avec  l'aide  d'Arioviste.  Irrités  de  ce  traitement,  les 
Séquanes  firent  cause  commune  avec  Vercingétorix  dans  la 
lutte  qui  eut  pour  événement  suprême  la  prise  d'Alésia  (62- 
52  av.  J.-C). 

Période  romaine.  —  Lors  du  remaniement  des  subdivi- 
sions de  la  Gaule,  opéré  par  l'empereur  Auguste  en  l'an  27 
av.  J.-C,  la  Séquanie  se  trouva  rattachée  à  la  Belgique  : 
sa  situation  fut  celle  des  cités  tributaires  (stipendiarice). 
Vesontio,  sa  capitale,  refusa  tout  concours  à  Verginius 


—  J 161  — 


FRANCHE-COMTÉ 


Rufus,  venu  avec  les  légions  du  Rhin  pour  combattre  Vin- 
dex  qui  avait  soulevé  la'  Gaule  contre  Néron.  Vindex  n'en 
périt  pas  moins  dans  une  bataille  qui  eut  lieu  non  loin  de 
Vesontio  ;  mais  le  but  qu'il  poursuivait  fut  atteint  par  la 
révolution  qui  envoya  Néron  aux  gémonies  (68  de  notre  ère). 
Durant  la  guerre  civile  qui  aboutit  au  renversement  de 
Vitellius,  le  Batave  Civilis  et  le  Lingon  Sabinus  excitèrent 
la  Gaule  à  s'affranchir  de  la  domination  romaine.  La  cité 
des  Séquanes  étant  rebelle  à  ce  mouvement,  Sabinus,  à  la 
tête  des  Lingons,  tenta  de  l'envahir  :  il  fut  battu,  et  cette 
victoire  des  Séquanes  arrêta  subitement  la  fermentation 
qui  agitait  la  Gaule  (70  de  notre  ère).  L'arc  de  triomphe 
de  Vesontio,  qui  s'appelait  porte  de  Mars  avant  d'être  sur- 
nommé porte  Noire,  pourrait  bien  avoir  été  le  monument 
commémoratif  de  cette  victoire.  Peut-être  aussi  l'élévation 
de  Vesontio  à  la  situation  de  colonie  fut-elle  la  récompense 
de  la  fidélité  des  Séquanes  à  la  fortune  de  Rome.  Quelques 
troubles  se  produisirent  en  Séquanie  au  temps  de  Marc- 
Aurèle  ;  mais  ce  monarque  en  eut  aisément  raison.  Vers  la 
fin  de  son  règne,  un  essaim  de  l'Eglise  chrétienne  de  Smyrne 
s'était  établi  à  Lyon,  et  avait  été  bientôt  en  mesure  de 
fournir  à  son  tour  des  missionnaires  :  Ferréol  et  Ferjeux, 
envoyés  de  là  en  Séquanie,  fondèrent  l'église  de  Vesontio 
et  furent  martyrisés  en  cette  ville  le  16  juin  de  l'an  212. 
Dans  la  réforme  provinciale  de  la  fin  du  me  siècle,  que  l'on 
attribue  à  Dioclètien,  une  importance  militaire  spéciale  fut 
donnée  à  la  Séquanie  :  on  lui  annexa  la  totalité  de  l'Helvé- 
tie,  avec  les  colonies  des  Rauraques  et  des  Equestres, 
transformées  en  cités  à  cette  occasion,  plus  un  morceau  de 
la  Germanie  supérieure.  Ce  vaste  territoire  reçut  le  nom  de 
Provincia  Maxima  Sequanorum  :  l'ancienne  cité  des 
Séquanes  y  exerçait  la  prépondérance  avec  la  qualité  de 
Metropolis  civitas  Vesontiensiurri:  Un  demi-siècle  plus 
tard,  les  barrières  stratégiques  de  Rome  étaient  forcées  sur 
toute  la  ligne  du  Rhin,  et  des  flots  de  Barbares  se  déver- 
saient sur  la  Gaule.  Sous  la  protection  de  l'empereur  Julien, 
Vesontio,  qui  avait  été  saccagée  en  355,  se  releva  comme 
bourgade  fortifiée  et  put  ainsi  résister  au  Vandale  Crocus. 
Mais  Rome  devenant  impuissante  à  protéger  ses  sujets  de 
la  Gaule,  les  Séquanes  prirent  le  parti  de  partager  leur  ter- 
ritoire avec  les  Burgondes,  ceux  d'entre  les  Barbares  qui 
dédaignaient  le  moins  la  civilisation  romaine. 

Période  burgonde.  —  Après  la  grande  victoire  d'Aétius 
sur  Attila,  remportée  avec  l'aide  des  Burgondes  (451), 
ceux-ci  se  taillèrent  un  royaume  qui  allait  des  Vosges  à  la 
Méditerranée  et  des  Alpes  à  la  Loire.  Gondebaud,  le  second 
de  leurs  rois,  fit  assassiner  ses  trois  frères  pour  régner 
seul  ;  mais  la  fille  de  l'une  de  ses  victimes  ayant  épousé 
Clovis,  roi  des  Francs,  celui-ci  saisit  divers  prétextes  pour 
envahir  la  Burgondie  qui  ne  tarda  pas  à  être  partagée  entre 
les  princes  de  la  dynastie  franque  (534). 

Période  frànque.  — •  Après  Clotaire  Ier,  qui  avait  régné 
sur  toutes  les  conquêtes  des  Francs,  Contran,  second  fils 
de  ce  monarque,  fut  roi  d'Orléans  et  de  Burgondie  ;  il  fixa 
sa  résidence  à  Chalon-sur-Saône  :  le  clergé  fut  tout-puis- 
sant dans  ses  domaines.  Vers  la  fin  de  son  règne,  une  colo- 
nie de  moines  irlandais,  conduite  par  saint  Colomban,  vint 
asseoir  une  importante  abbaye  sur  les  ruines  de  la  station 
thermale  de  Luxovium.  Au  S.  de  la  province,  un  autre 
centre  monastique  existait  depuis  plus  d'un  siècle  et  se  nom- 
mait Condat,  en  attendant  l'époque  où  il  deviendrait  célèbre 
sous  les  vocables  de  Saint-Oyant  et  de  Saint-Claude.  Durant 
la  guerre  acharnée  que  se  firent  les  seigneurs  de  la  Bur- 
gondie et  de  l'Austrasie,  l'abbaye  de  Luxeuil  servit  un  ins- 
tant de  prison  à  deux  rivaux  illustres,  le  maire  du  palais 
Ebroïn  et  l'évêque  d'Autun  Léger.  Remis  en  liberté  l'un  et 
l'autre,  Ebroïn  fit  aveugler  son  ennemi  avant  de  l'envoyer 
à  la  mort.  Affranchie  de  cette  guerre  civile  par  la  victoire 
de  Testri  qui  livra  tout  le  pays  des  Francs  à  Pépin  d'Hé- 
ristal,  la  Burgondie  ne  tarda  pas  à  subir  une  invasion  de 
Sarrasins  qui  fut  terrible  :  la  ville  épiscopale  de  Vesontio, 
ou  Besançon,  fut  livrée  au  pillage.  Huit  ans  s'écoulèrent 
avant  que  le  vaillant  fils  de  Pépin  d'Héristal,  Charles-Mar- 


tel, fût  en  mesure  de  tailler  en  pièce  les  Sarrasins  sur  le 
champ  de  bataille  de  Poitiers.  Au  moment  de  mourir,  il 
partagea  le  royaume  des  Francs  entre  ses  deux  fils  :  la 
Burgondie  entra  dans  le  lot  de  Pépin  le  Bref  (741). 

Période  carolingienne. —  Ce  fut  sur  le  clergé  que  Pépin 
le  Bref  et  Charlemagne  s'appuyèrent  dans  leur  œuvre  de 
réorganisation.  Un  parent  de  Charlemagne,  l'archevêque 
Bernoin,  occupa  le  siège  de  Besançon  et  reconstruisit  les 
églises  de  cette  métropole.  A  la  tête  de  l'abbaye  de  Luxeuil 
se  succédèrent  deux  personnages  diversement  illustres  : 
Ansègise,  le  codificateur  des  décrets  impériaux  appelés 
Capitulâmes^  et  Drogon,  évêque  de  Metz,  fils  naturel  de 
Charlemagne,  entre  les  bras  duquel  s'éteignit  Louis  le  Dé- 
bonnaire. Les  trois  fils  de  ce  monarque,  mécontents  de  la 
part  que  leur  père  avait  faite  à  chacun  d'eux,  en  appelèrent 
au  sort  des  armes  :  Lothaire,  héritier  de  la  couronne  impé- 
riale, fut  battu  et  dut  acquiescera  un  nouveau  partage  que 
consacra  le  traité  de  Verdun  (843)  ;  il  obtint  ainsi  l'Italie, 
avec  les  pays  situés  entre  le  Rhin,  le  Rhône,  la  Saône,  la 
Meuse  et  l'Escaut.  C'est  là  l'origine  des  prétentions  de 
l'Allemagne  moderne  à  dominer  sur  des  populations  gau- 
loises par  la  race  et  latines  par  le  langage.  L'empereur 
Lothaire  étant  mort,  son  second  fils,  Lothaire  II,  donna  son 
nom  à  un  nouveau  royaume,  dit  de  Lorraine  (Lotharii  re- 
gnum),  dans  lequel  la  province  qui  nous  occupe  fut  englo- 
bée. Mais  à  la  mort  de  ce  deuxième  Lothaire,  ses  oncles, 
Charles  le  Chauve  et  Louis  le  Germanique,  se  partagèrent 
sa  succession  au  mépris  des  droits  de  l'empereur  Louis  II, 
frère  du  défunt  :  du  pays  dont  nous  esquissons  l'histoire, 
Charles  le  Chauve  n'eut  que  le  territoire  de  Besançon  et 
celui  qui  relevait  de  l'abbaye  de  Condat.  L'empereur  Louis II 
trouva  un  défenseur  de  ses  droits  dans  le  comte  Gérard  de 
Roussillon,  le  plus  puissant  des  seigneurs  de  l'ancienne 
Burgondie  ;  deux  armées  se  levèrent  à  l'appel  de  ce  capi- 
taine, l'une  dans  les  montagnes  séquanaises,  commandée 
par  Gérard  en  personne,  l'autre  dans  la  vallée  du  Rhône, 
conduite  par  Berthe,  son  héroïque  compagne.  Gérard  fut 
battu  sur  le  plateau  de  Pontarlier,  et  Berthe  dut  se  rendre 
avec  la  place  devienne  où  elle  s'était  réfugiée  (870).  Besan- 
çon n'avait  pas  ouvert  ses  portes  à  Gérard  :  l'archevêque 
Arduic  en  fut  récompensé  par  Charles  le  Chauve,  qui  lui 
accorda  pour  son  église  les  profits  de  la  monnaie  royale 
existant  dans  la  ville  où  il  pontifiait.  Ainsi  s'annonçait  le 
système  de  la  transformation  en  bénéfices  héréditaires  des 
fonctions  publiques,  système  qui  engendra  le  morcellement 
féodal. 

Période  féodale.  —  Après  la  mort  du  fils  de  Charles 
le  Chauve,  Louis  le  Bègue,  qui  n'avait  passé  que  deux  ans 
sur  le  trône,  les  évêques  de  l'ancienne  Burgondie,  réunis  à 
Mantale,  mirent  une  couronne  sur  la  tête  de  Bosoh,  qui 
s'intitula  roi  de  Provence  (879)  :  ses  Etats  s'étendirent  de 
la  Saône  à  la  Méditerranée  et  des  Alpes  au  Rhône.  Boson 
mort,  et  Charles  le  Gros,  qui  l'avait  battu,  ayant  été  dé- 
trôné, la  royauté  de  la  Burgondie  supérieure  fut  déférée  à 
Rodolphe  de  Stratlingen,  qui  eut  pour  chancelier  Thierry, 
archevêque  de  Besançon,  et  pour  régent  de  ses  Etats,  Ri- 
chard le  Justicier.  Sous  le  règne  d'un  second  Rodolphe,  les 
Hongrois,  dont  l'imagination  populaire  a  fait  les  Ogres, 
ravagèrent  la  province,  qui  alors  était  possédée  en  propre 
par  l'un  des  fils  de  Richard  le  Justicier,  l'archicomte 
Hugues  le  Noir.  Celui-ci  légua  ce  patrimoine  à  son  beau- 
frère  Gislebert,  successivement  remplacé  par  Létalde  Ier, 
Albéric  Ier,  Létalde  II  et  AlbéricIL  Ce  dernier  étant  mort  sans 
enfants,  l'archicomte  échut  à  Othe -Guillaume,  arrière- 
petit-fils  de  Gislebert.  A  peu  près  en  même  temps,  la  cou- 
ronne de  Rurgondie  passait  du  fils  de  Rodolphe  II,  Conrad 
le  Pacifique,  à  Rodolphe  III,  que  l'histoire  a  surnommé  le 
Fainéant.  Celui-ci  se  vengea  des  outrages  de  ses  vassaux 
en  faisant  héritier  de  son  royaume  l'empereur  d'Allemagne 
Conrad,  qui  bientôt  plaça  cette  nouvelle  couronne  sur  la 
tête  de  son  fils,  le  futur  empereur  Henri  III  (1038). 

Période  sacerdotale.  —  Au  milieu  des  calamités  de  la 
première  moitié  du  xie siècle,  le  comte  Rainaud  Ier  remplaça 


FRANCHE-COMTÉ 


—  4162  — 


Othe-Guillaume,  et  Hugues  de  Salins  s'assit  sur  le  trône 
archiépiscopal  de  Besançon.  Depuis  le  comte  Létalde  Ier,  le 
pouvoir  temporel  des  archevêques  de  Besançon  avait  été 
confisqué  par  les  souverains  de  la  province  de  Franche- 
Comté.  Hugues  de  Salins  fut  naiurellement  l'allié  de  l'em- 
pereur dont  le  comte  Rainaud Ier  était  l'adversaire.  Le  comte 
fut  battu  et  contraint  de  renoncer  au  principat  de  Besançon  ; 
il  dut,  en  outre,  céder  du  terrain  au  seigneur  de  Montbé- 
liard  qui  avait  contribué  à  sa  défaite.  C'est  là  l'origine  de 
la  renaissance  du  pouvoir  temporel  des  archevêques  de 
Besançon  et  de  la  constitution  du  pays  de  Montbéliard  en 
Etat  indépendant  de  la  province  comtoise.  Durant  la  lutte, 
l'empereur  Henri  III  vint  à  Besançon  pour  y  célébrer  son 
mariage  avec  Agnès  de  Poitiers,  petite-fille  du  comte  Othe- 
Guillaume  (1043).  L'archevêque  Hugues,  qui  bénit  cette 
union,  était  archichancelier  de  l'empereur;  son  ami  intime, 
Brunon  d'Alsace,  ne  tarda  pas  à  devenir  pape  sous  le  nom 
de  Léon  IX  :  dès  lors,  les  diplômes  impériaux  et  les  bulles 
pontificales  furent  d'accord  pour  isoler  Besançon  du  reste 
de  la  province  et  en  assurer  le  principat  à  l'archevêque. 
Guillaume  le  Grand,  fils  et  successeur  de  Rainaud  Ier, 
accrut  considérablement  ses  domaines  par  son  mariage  avec 
Etiennètte,  héritière  du  comté  de  Vienne,  et  par  l'héritage 
du  comté  de  Mâcon  que  lui  abandonna  Guy,  son  cousin, 
en  se  retirant  dans  un  monastère.  Son  fils  aîné,  Rainaud  II, 
eut  la  dignité  de  comte  supérieur,  avec  son  frère  Etienne 
pour  lieutenant  :  ils  moururent  tous  deux,  ainsi  que  l'ar- 
chevêque de  Besançon,  Hugues  III,  leur  frère,  dans  les  inci- 
dents de  la  première  croisade.   Un  autre  de  leurs  frères, 
nommé  Guy,  devint  pape  sous  le  nom  de  Calixte  II  (1119). 
Guillaume  II  et  Guillaume  III,  fils  et  petis-fils  de  Rainaud  II, 
étant  morts  assassinés,  Rainaud  III,  fils  d'Etienne,  put  re- 
constituer à  son  profit  la  puissance  qu'avait  eue  son  aïeul 
Guillaume  le  Grand  :  ses  Etats  s'étendirent  depuis  le  coude 
du  Rhin  jusqu'à  l'Isère  ;  mais  son  refus  de  prêter  hommage 
à  l'empereur  Lothaire  lui  fit  perdre  ses  possessions  d'au  delà 
du  Jura.  Eu  mourant,  il  ne  laissa  qu'une  fille  en  bas  âge, 
nommée  Béatrix,  qui,  d'après  la  coutume  féodale,  devait 
hériter  des  Etats  de  son  père.  Guillaume,  frère  du  comte 
défunt,  s'empara  du  pouvoir  et  séquestra  la  jeune  fille  dont 
il  était  le  tuteur  (1148). 

Période  allemande.  —  Après  quatre  ans  de  captivité, 
Béatrix  fut  délivrée  par  le  jeune  empereur  Frédéric'  Bar- 
berousse,  qui  répudia  sa  femme  pour  l'épouser.  Le  château 
de  Dole  devint  l'une  des  résidences  favorites  du  nouveau 
couple  impérial,  et  ce  fut  ainsi  qu'à  défaut  de  Besançon,  qui 
appartenait  à  l'archevêque,  la  ville  de  Dole  fut  adoptée 
comme  siège  du  gouvernement  de  la  province.  Venu  à  Be- 
sançon pour  tenir  une  cour  plênière  (1157),  Frédéric  Bar- 
berousse  vit  arriver  à  lui  deux  légats  du  pape,  dont  l'un, 
le  cardinal  Roland,  faillit  être  écharpé  pour  avoir  osé  dire 
que  la  dignité  impériale  était  un  fief  relevant  de  la  papauté. 
Deux  ans  après,  ce  même  cardinal  devenait  pape  sous  le 
nom  d'Alexandre  III  :  un  antipape  lui  fut  opposé  par  Fré- 
déric Barberousse,  et  le  schisme  qui  s'ensuivit  ne  dura  pas 
moins  de  seize  ans.  Le  siège  archiépiscopal  de  Besançon  fut 
adjugé  dans  ces  circonstances  à  un  Allemand,  nommé  Her- 
bert, qui  souleva  la  population  de  la  ville  en  essayant  d'y 
monopoliser  à  son  profit  le  commerce  de  l'argent.  Sous  son 
successeur,  une  insurrection  plus  violente  encore  protesta 
contre  le  droit  de  mainmorte  que  le  prélat  exerçait  sur  une 
partie  des  habitants  de  la  ville.  Frédéric  Barberousse  inter- 
posa sa  médiation,  et  l'archevêque  renonça,  moyennant  une 
rente  annuelle  de  25  livres  que  payerait  la  ville,  à  être 
l'héritier  de  ceux  de  ses  hommes  qui  décéderaient  sans  pos- 
térité. Ce  traité,  qui  agglomérait  la  population  civile  de 
Besançon  en  un  groupe  désormais  compact,  marque  le  point 
de  départ  de  l'organisation  municipale  dans  cette  ville  (1180). 
—  L'impératrice  Béatrix  était  morte  en  1185,  et,  dès  cette 
époque,  son  héritage  patrimonial  avait  été  dévolu  à  l'avant- 
dernier  de  ses  fils,  le  comte  palatin  Othon  Ier.  La  branche 
cadette,  évincée  par  Barberousse,  subsistait  encore  et  ne 
demandait  que  l'occasion  de  soulever  l'aristocratie  de  la 


province  contre  la  domination  allemande.  Tel  fut  le  rôle 
d'Etienne,  comte  d'Auxonne,  petit-fils  de  ce  Guillaume  qui 
avait  tenu  captive  Béatrix  :  il  eut  pour  allié  principal  Amé- 
dée  de  Montfaucon,  devenu,  par  un  mariage,  souverain 
du  comté  de  Montbéliard.  L'archevêque  de  Besançon,  Amé- 
dée  de  Tramelay,  emprisonné  dans  le  château  de  Montbé- 
liard, dut  sa  délivrance  à  l'entrée  victorieuse  de  l'empereur 
Philippe,  frère  du  comte  palatin  Othon  Ier.  Celui-ci  mou- 
rut bientôt  après,  laissant  deux  filles  fort  jeunes,  dont 
l'aînée  Jeanne  ne  tarda  pas  à  léguer  l'héritage  paternel  à 
sa  sœur  Béatrix  (1205).  Quand  il  fut  question  de  trouver 
à  la  jeune  Béatrix  un  époux  capable  de  prendre  le  gouver- 
nement de  la  province,  Etienne  d'Auxonne  proposa  Jean, 
son  fils  ;  mais  les  tuteurs  de  la  princesse  préférèrent  la 
donner  à  un  riche  seigneur  allemand,  Othon,  duc  deMéra- 
nie.  Etienne,  à  la  tête  des  principaux  seigneurs  comtois, 
battit  cet  étranger  et  se  fit  céder  par  lui  d'importants  do- 
maines. La  guerre  de  Méranie  eut  un  contre-coup  terrible 
dans  la  ville  de  Besançon.  Le  populaire  s'y  organisa  en 
commune  et  expulsa  l'archevêque  Gérard  de  Rougemont, 
qui  mourut  en  exil.  Son  successeur,  Jean  Halgrin,  fort  de 
l'appui  du  pape  et  de  l'empereur,   abolit  la  commune  et 
obligea  cent  des  principaux  habitants  de  la  ville  à  venir  en 
chemises  et  pieds  nus,  recevoir  de  sa  main,  dans  l'église- 
cathédrale,  une  humiliante  fustigation  (1225).  Pour  en  finir 
avec  les  menées  de  l'aristocratie  comtoise,  Othon  II  de  Mé- 
ranie consentit  à  fiancer  Alix,  l'une  de  ses  filles,  à  Hugues, 
petit-fils  d'Etienne  et  fils  de  Jean  qui,  du  chef  de  sa  mère, 
possédait  le  comté  de  Chalon-sur-Saône.  La  branche  cadette 
des  anciens  comtes  devint  alors  prépondérante  dans  la  pro- 
vince. Son  représentant,  Jean  de  Chalon,  dit  l'Antique  ou 
le  Sage,  aliéna  ses  comtés  de  Chalon  et  d'Auxonne  pour 
acquérir  la  seigneurie  de  Salins.  Il  se  concilia  le  clergé  en 
favorisant  l'établissement  de  l'inquisition  dans  le  pays. 
Quant  au  pauvre  Othon  III,  qui  avait  succédé  à  son  père 
Othon  II  comme  souverain  nominal  de  la  province,  il  mou- 
rut à  la  fois  empoisonné  et  poignardé  dans  ses  domaines 
d'Allemagne.  Par  testament,  il  avait  légué  la  Franche- 
Comté  à  sa  sœur  Alix,  en  motivant  cette  préférence  sur  ce 
que  ses  autres  sœurs  ignoraient  la  langue  que  l'on  parlait 
en  ce  pays.  Alix  étant  la  bru  de  Jean  de  Chalon,  il  put 
sembler  que  son  avènement  allait  éteindre  une  rivalité  de 
famille  si  contraire  au  repos  du  pays  (1248). 

Période  communale.  —  Sous  le  nom  de  son  fils  Hugues 
et  de  sa  bru  Alix,  Jean  de  Chalon  l'Antique,  alors  âgé  de 
près  de  soixante  ans,  fut  le  véritable  souverain  du  pays 
comtois.  Pour  subordonner  l'aristocratie,  il  s'appuya  sur 
l'élément  populaire  en  concédant  des  chartes  de  franchises 
à  plusieurs  villes  ou  bourgades  de  la  province.  A  l'elfe t  de 
dominer  sur  Besançon,  il  acheta  d'un  empereur  besogneux 
les  droits  de  suzeraineté  et  de  monnayage  en  cette  ville. 
L'archevêque  Guillaume  de  La  Tour  ayant  fait  révoquer  les 
concessions  obtenues  au  mépris  de  ses  droits,  Jean  de  Cha- 
lon déclara  la  guerre  au  prélat  et  eut  immédiatement  pour 
alliés  les  citoyens  de  Besançon  qui  saisirent  cette  occasion 
de  reconstituer  leur  commune.  Attaqué  au  dedans  et  au 
dehors,  l'archevêque  ne  put  soutenir  la  lutte.  Sur  les  ins- 
tances du  pape,  le  roi  de  France  saint  Louis  intervint  comme 
médiateur  :  Jean  de  Chalon  mit  bas  les  armes  et  consentit 
à  raser  la  forteresse  qu'il  avait  fait  bâtir  à  Pouilley,  en  ter- 
rain ecclésiastique.  La  commune  de  Besançon  eut  tous  les 
bénéfices  de  l'aventure  :  force  fut  désormais  aux  arche- 
vêques de  la  tolérer  (1259).  —  Jean  de  Chalon  l'Antique 
vit  s'éteindre  son  fils  aîné,  le  comte  Hugues,  puis  sa  bru  se 
remarier  avec  Philippe  de  Savoie.  Quand  il  mourut  lui-même, 
sa  succession  fut  partagée  entre  les  nombreux  enfants  de 
ses  trois  mariages.  L'histoire  a  retenu  les  noms  de  deux 
des  fils  qui  lui  survécurent  :  Jean  de  Chalon-Rochefort,  de- 
venu par  alliance  comte  d'Auxerre,  et  Jean  de  Chalon-Ar- 
lay,  l'un  et  l'autre  destinés  au  rôle  d'antagonistes,  de  leur 
neveu  le  comte  Othon  IV,  fils  et  héritier  de  la  comtesse 
Alix.  Un  autre  fils  de  cette  souveraine,  Renaud  de  Bour- 
gogne, avait  épousé  l'héritière  du  comté  de  Montbéliard  : 


—  4163  - 


FRANCHE-COMTE 


il  eut  à  ce  titre  des  démêlés  avec  le  prince-évêque  de  Bâle 
qui  sollicita  l'appui  de  l'empereur  Rodolphe  de  Habsbourg. 
Othon  IV  prit  aussitôt  parti  pour  son  frère  de  Montbéliard. 
De  son  côté,  Jean  de  Chalon-Arlay,  devenu  le  beau-frère 
de  Rodolphe,  fut  le  second  chef  de  l'armée  de  20, 000  hommes 
que  l'empereur  lui-même  amena  jusque  sous  les  murs  de 
Besançon.  Othon  IV  et  ses  alliés  s'y  trouvèrent  également 
avec  leurs  forces.  L'armée  impériale  mourant  de  faim,  et 
celle  du  comte  Othon  ne  recevant  pas  le  renfort  promis  par 
le  roi  de  France,  il  fut  convenu  que  les  prisonniers  faits  à 
Tévêque  de  Bâle  seraient  rendus  sans  rançon  et  que  Othon  IV 
reconnaîtrait  solennellement  l'empereur  pour  suzerain  : 
moyennant  quoi  Rodolphe  décampa,  laissant  à  Jean  de  Cha- 
lon-Arlay le  soin  de  réduire  la  ville  de  Besançon  par  la 
famine  :  la  commune  se  rendit,  mais  à  la  condition  qu'elle 
recevrait  de  l'empereur  une  reconnaissance  légale  de  son 
existence  (1289-1290). 

Période  capétienne.  —  Othon  IV,  perdu  de  dettes,  tan- 
tôt obéissait  à  son  principal  créancier,  le  roi  de  France, 
tantôt  allait  apaiser  le  courroux  de  l'empereur  en  lui  réité- 
rant à  genoux  son  hommage.  Sous  l'influence  de  sa  seconde 
femme,  Mahaut  d'Artois,  petite-fille  de  saint  Louis,  il  prit 
d'abord  l'engagement  de  marier  Jeanne,  sa  fille  aînée,  à 
l'un  des  fils  du  roi  de  France,  Philippe  le  Bel,  puis  il  se 
vit  contraint  d'abandonner  la  Franche-Comté  à  ce  monarque, 
père  et  administrateur  des  biens  de  son  futur  gendre.  Aus- 
sitôt Philippe  le  Bel  fit  occuper  militairement  la  Franche- 
Comté  et  distribuer  des  sceaux  fleurdelisés  aux  cours  de  jus- 
tice des  terres  domaniales  de  cette  province.  La  commune 
de  Besançon  accueillit  seule  avec  faveur  les  agents  français, 
et  il  ne  fallut  pas  moins  de  cinq  années  à  Philippe  le  Bel 
pour  venir  à  bout  d'une  insurrection  de  l'aristocratie  com- 
toise qui  était  soutenue  par  l'empereur,  le  roi  d'Angleterre 
et  le  comte  de  Flandre  (1301).  Sous  le  rapport  des  insti- 
tutions publiques,  la  Franche-Comté  bénéficia  de  l'influence 
française  :  Othon  IV  avait  doté  la  province  d'un  parlement, 
ou  cour  suprême  de  justice,  qui  ne  devint  sédentaire  que 
beaucoup  plus  tard  ;  il  avait  également  essayé  d'établir  à 
Gray  une  université.  A  son  tour,  Philippe  le  Bel  divisa 
la  province  en  deux  bailliages,  celui  d'Amont  et  celui 
d'Aval,  séparés  approximativement  par  le  cours  oblique  de 
la  rivière  du  Doubs.  Philippe  le  Bel  mort,  son  second  fils  et 
sa  bru  furent  libres  de  venir  prendre  possession  du  patri- 
moine d'Othon  IV.  Jeunes,  beaux  et  aimables,  ils  furent 
acclamés  par  la  noblesse  comtoise.  Jeanne  prit  résidence 
au  château  de  Gray  :  elle  y  mit  au  monde  un  fils  que  la 
mort  soudaine  du  roi  Louis  X  fit  héritier  présomptif  du 
trône  de  France  ;  mais  cet  enfant  mourut  avant  d'avoir 
atteint  sa  première  année  (1316-1317),  et  son  père,  le  roi 
Philippe  V,  s'éteignit  lui-même  cinq  ans  après.  La  reine 
Jeanne,  devenue  veuve,  gouverna  paisiblement  la  province 
qui  constituait  son  héritage  paternel.  Par  un  codicille  ajouté 
à  son  testament,  elle  prescrivit  la  fondation  dans  l'univer- 
sité de  Paris  d'un  collège  de  dix-huit  étudiants  pauvres 
appartenant,  autant  que  possible,    à  la  Franche-Comté 
(1330).  Cet  établissement,  qui  s'appelait  le  Collège  royal 
de  Bourgogne,  occupait  l'emplacement  où  l'on  a  bâti  l'Ecole 
de  médecine  :  il  fut  réuni,  en  1764,  au  collège  Louis-le- 
Grand  ;  mais  ses  revenus  continuèrent,  jusqu'en  1804,  à 
profiter  aux  étudiants  pauvres  de  la  Franche-Comté. 

Période  anglo-française  .  —  La  reine  Jeanne  avait  légué 
la  province  comtoise  à  l'aînée  de  ses  filles,  nommée  Jeanne 
comme  elle  et  mariée  à  Eudes  IV,  duc  de  Bourgogne.  Le 
comte  de  Flandre  et  le  dauphin,  époux  de  deux  autres  filles 
du  même  sang,  protestèrent  et  eurent  pour  alliés  les  sei- 
gneurs comtois,  dirigés  par  un  nouveau  Jean  de  Chalon- 
Arlay,  petit-fils  de  l'ancien  lieutenant  de  Rodolphe  de  Habs- 
bourg. Vaincu  d'abord  et  obligé  de  céder  plusieurs  domaines 
à  ses  beaux-frères,  le  comte-duc  Eudes  IV  prit  sa  revanche 
sur  l'aristocratie  comtoise  qui  dut  se  soumettre  à  l'arbi- 
trage du  roi  de  France  :  le  baron  d'Arlay  et  le  comte  Henri 
de  Montbéliard  furent  condamnés  l'un  et  l'autre  à  tenir 
prison  pendant  un  mois  au  Louvre  et  pendant  quatre  jours 


dans  un  des  châteaux  du  comte-duc  de  Bourgogne  (1337). 
Mais  ce  prince  ayant  été,  comme  vassal  de  la  France,  en- 
globé dans  le  désastre  de  Crécy,  l'aristocratie  comtoise  fit 
alliance  avec  l'Angleterre  pour  rouvrir  les  hostilités  contre 
le  souverain  de  la  province.  Cette  fois  l'opposition  demeura 
victorieuse,  et  le  baron  d'Arlay  dicta  les  conditions  de  la 
paix.  Eudes  IV  ne  survécut  que  quelques  mois  à  ce  déclin 
de  sa  puissance  (1349)  ;  il  laissait  pour  héritier  son  petit- 
fils  Philippe  de  Rouvres,  âgé  de  cinq  ans,  dont  la  mère 
tutrice  se  remaria  avec  Jean  le  Bon,   héritier  du  trône  de 
France.  Durant  la  minorité  de  Philippe  de  Rouvres,  la  pro- 
vince fut  pillée  par  les  troupes  anglaises,  puis  ravagée  par 
les  bandes  qui,  sous  le  nom  de  grandes  compagnies,  fai- 
saient ouvertement  profession  de  brigandage.  La  mort  ino- 
pinée de  Philippe  de  Rouvres  amena  un  démembrement  des 
Etats  de  ce  prince  :  le  duché  de  Bourgogne  fit  retour  à  la 
France,  tandis  que  l'Artois,  la  Franche-Comté  et  la  sei- 
gneurie de  Salins  échurent  à  la  grand'tante  du  défunt, 
Marguerite,  fille  du  roi  de  France  Philippe  V  et  de  Jeanne 
de  Bourgogne  (1361).  Cependant  le  roi  Jean,  qui  avait  une 
tendresse  particulière  pour  son  fils  le  Hardi,  donna  le  duché 
de  Bourgogne  en  apanage  à  ce  jeune  prince,  et  obtint  pour 
lui  de  l'empereur  Charles  IV  l'investiture  de  la  Franche- 
Comté,  fief  impérial.  De  son  côté,  le  roi  d'Angleterre  négo- 
ciait le  mariage  de  l'un  de  ses  fils  avec  l'héritière  pré- 
somptive de  la  Franche-Comté,  Marguerite,  petite-fille  de 
la  comtesse  Marguerite.  Cette  combinaison  souriait  à  l'aris- 
tocratie comtoise.  Ce  que  voyant,  le  nouveau  duc  de  Bour- 
gogne lança  sur  la  province  de  nouvelles  bandes.  Ces 
pillards  furent  poursuivis  par  Jean  de  Vienne,  le  futur 
amiral  de  France,  qui  leur  fit  subir  une  sanglante  défaite 
près  de  Chambornay-lez-Bellevaux.  Après  quoi  ils  consen- 
tirent à  quitter  la  province  moyennant  une  rançon  de 
28,000  florins  (1366).  La  comtesse  Marguerite,  compre- 
nant enfin  que  la  réunion  de  la  Franche-Comté  et  du  duché 
de  Bourgogne  était  le  seul  moyen  d'assurer  la  paix  de  ces 
deux  pays,  fit  rompre  le  mariage  projeté  avec  l'Angleterre 
et  accorda  au  duc  de  Bourgogne  Philippe  le  Hardi  la  main 
de  sa  petite-fille.  Son  fils/ le  comte  de  Flandre,  Louis  de 
Maie,  qui  lui  succéda,  n'eut  pas  le  temps  de  visiter  ses 
sujets  de  Franche-Comté  :  il  laissa  promptement  sa  riche 
succession  à  celle  qui  était  devenue  la  femme  de  Philippe 
le  Hardi  (1384). 

Période  ducale.  —  Philippe  le  Hardi,  duc  et  comte  de 
Bourgogne,  promulgua  de  grandes  ordonnances  qui  subor- 
donnaient à  la  revision  du  parlement  de  Franche-Comté 
toutes  les  sentences  des  justices  seigneuriales  de  la  province. 
Par  la  création  des  Etats,  assemblée  où  les  députés  des 
villes  et  bourgs  concouraient  au  vote  et  à  la  répartition  des 
subsides  demandés  par  le  souverain,  il  se  fit  des  créatures 
dans  la  bourgeoisie  et  en  augmenta  le  nombre  par  l'expé- 
dient des  anoblissements.  L'aristocratie  comtoise,  toujours 
avide  d'aventures,  n'en  répondit  pas  moins  à  l'appel  de  son 
fils,  le  jeune  comte  de  Nevers,  pour  une  expédition  fran- 
çaise contre  le  sultan  Bajazet.  Une  bataille,  engagée  pré- 
cipitamment près  de  Nicopolis,  fut  perdue  par  les  chrétiens  : 
Henri  de  Montfaucon,  l'unique  héritier  du  comte  de  Mont- 
béliard, et  le  vieil  amiral  Jean  de  Vienne  se  trouvèrent  au 
nombre  des  morts  (1396).  Il  fallut  des  sommes  énormes 
pour  la  rançon  du  comte  de  Nevers,  prisonnier  du  sultan  ; 
la  Franche-Comté  y  contribua  pour  12,000  livres  et  la  ville 
de  Besançon  pour  3,000.  Le  vieux  comte  de  Montbéliard, 
Etienne,  le  dernier  des  Montfaucon,  ne  survécut  pas  long- 
temps à  la  mort  de  son  fils  unique.  Celui-ci  avait  laissé 
quatre  filles  :  l'aînée,  Henriette,  fut  fiancée  à Eberard,  héri- 
tier du  Wurttemberg,  dont  la  descendance  posséda  Montbé- 
liard jusqu'à  la  Révolution  française  ;  Jeanne,  qui  épousa 
Louis  de  Chalon,  héritier  présomptif  de  la  baronnie  d'Arlay 
et  de  la  principauté  d'Orange,  fut  dotée  des  anciens  do- 
maines de  la  maison  de  Montfaucon  (1397).  Le  comte  de 
Nevers,  devenu  comte-duc  de  Bourgogne,  est  connu  dans 
l'histoire  sous  le  nom  de  Jean  sans  Peur  :  il  continua,  comme 
souverain  de  la  Franche-Comté,  les  agissements  de  son  père, 


FRANCHE-COMTE 


1164 


et  ne  cessa  d'être  l'allié  de  la  commune  de  Besançon  pour 
amoindrir  la  puissance  temporelle  des  archevêques.  Stfn  fils, 
Philippe  le  Bon,  créa  en  Franche-Comté  un  troisième  bail- 
liage, celui  de  Dole  ou  du  Milieu,  et  établit  en  cette  ville 
une  université  qui  contribua  puissamment  à  l'éducation 
de  la  bourgeoisie  comtoise  (1422).  A  la  suite  de  la  paix 
d'Arras,  les  bandes  armées  qui  avaient  guerroyé  contre 
les  Anglais  prirent  le  nom  ÏÏEcorcheurs  et  renouvelèrent 
le  brigandage  des  grandes  compagnies.  Pour  occuper  ces 
bandes,  le  dauphin  de  France,  futur  roi  Louis  XI,  en  com- 
posa une  armée  de  30,000  hommes  qu'il  mena  guerroyer, 
au  profit  de  la  maison  d'Autriche,  contre  les  Suisses.  La 
ville  de  Montbéliard  servit  de  place  d'armes  au  chef  de  cette 
troupe  qui,  à  l'aller  comme  au  retour,  commit  en  Franche- 
Comté  des  actes  d'une  sauvagerie  révoltante  (1445).  Pour 
être  en  mesure  de  résister  à  ces  brigands,  la  commune  de 
Besançon  avait  incendié  divers  immeubles  du  pourtour  de 
cette  ville,  entre  autres  un  château  fort  qui  appartenait 
aux  archevêques  :  l'indemnité  qu'il  fallut  payer  provoqua 
une  insurrection;  le  comte-duc  Philippe  intervint  pour  réta- 
blir l'ordre,  mais  ce  fut  au  prix  d'un  traité  qui  lui  accor- 
dait la  moitié  des  amendes  de  justice  et  des  gabelles  de  la 
ville,  plus  le  droit  d'y  instituer  un  juge  et  un  capitaine 
(1451).  L'irréflexion  belliqueuse  de  Charles  le  Téméraire 
attira  sur  la  Franche-Comté  les  représailles  des  Français 
et  des  Suisses.  La  noblesse  et  les  villes  n'en  demeurèrent 
pas  moins  fidèles  à  ce  batailleur  incorrigible  :  elles  firent 
de  leur  mieux  pour  l'aider  à  réparer  les  échecs  de  Granson 
et  de  Morat,  et  sa  fin  tragique  devant  Nancy  fut  pour  la 
province  une  calamité  publique  (1477). 

Période  autrichienne.  —  Charles  le  Téméraire  ne  lais- 
sait qu'une  fille,  Marie  de  Bourgogne,  héritière  de  ses  im- 
menses domaines.  Le  roi  Louis  XI,  sous  prétexte  de  gar- 
der le  droit  de  MUe  de  Bourgogne,  fit  occuper  militairement 
le  duché  de  Bourgogne  et  la  Franche-Comté.  Mais  tandis 
qu'il  préposait  le  sire  de  Craon  au  gouvernement  des  deux 
provinces,  Marie  de  Bourgogne  donnait  une  commission 
semblable  à  Jean  IV  de  Chalon-Arlay.  Craon  marcha  sur 
Dole  et,  en  passant,  fit  prisonnier  Hugues  de  Chalon-Arlay, 
oncle  de  son  rival.  Il  échoua  toutefois  devant  Dole,  et  laissa 
toute  son  artillerie  aux  mains  des  assiégés.  En  même  temps 
Marie  de  Bourgogne  donnait  .librement  sa  main  à  Maximi- 
lien  d'Autriche,  fils  et  héritier  de  l'empereur  d'Allemagne. 
Jean  de  Chalon-Arlay  n'ayant  pas  réussi  à  faire  enlever 
Dijon  par  des  Suisses  enrôlés  sous  le  drapeau  de  Bourgogne, 
Louis  XI  reprit  l'offensive  contre  la  Franche-Comté.  Hugues 
de  Chalon,  son  prisonnier,  éperdument  amoureux  de  Louise 
de  Savoie,  nièce  du  roi  de  France,  consentit,  pour  recou- 
vrer sa  liberté  et  épouser  cette  princesse,  à  seconder  de  son 
influence  Charles  d'Amboise,  général  des  troupes  françaises. 
Dole,  livrée  par  trahison,  fut  pillée  pendant  deux  jours, 
puis  cruellement  incendiée  (1479).  Les  châteaux  de  Châ- 
tillon-le-Duc  et  de  Montfaucon,  qui  couvraient  les  abords 
de  Besançon,  furent  détruits,  et,  sous  l'influence  de  son 
archevêque  Charles  de  Neufchâtel,  la  cité  métropolitaine 
reconnut  Louis  XI  pour  son  gardien.  Louis  XI  étant  mort, 
les  Etats  de  Franche-Comté,  réunis  à  Besançon  par  emprunt 
de  territoire,  reconnurent  comme  souverain  de  la  province  le 
nouveau  roi  de  France  Charles  VIII,  alors  fiancé  à  Margue- 
rite d'Autriche ,  fille  de  feu  Marie  de  Bourgogne.  Mais 
Charles  VIII  ayant  épousé  Anne  de  Bretagne,  Maximilien 
d'Autriche,  père  et  tuteur  des  petits  enfants  de  Charles  le 
Téméraire,  vint  reconquérir  la  Franche-Comté  :  la  ville 
impériale  de  Besançon  lui  ouvrit  ses  portes  ;  puis  le  gou- 
verneur français,  Jean  de  Baudricourt,  ayant  été  battu  par 
l'armée  comtoise  à  Dournon-sur-Salins,  il  s'ensuivit  une 
expulsion  générale  des  garnisons  françaises.  La  paix  fut 
conclue  à  Senlis  :  on  y  stipula  le  retour  de  la  Franche- 
Comté  aux  héritiers  de  la  maison  de  Bourgogne,  mais  le 
duché  de  ce  nom  demeura  annexé  à  la  France  (1493).  Maxi- 
milien, devenu  empereur,  gouverna  la  Franche-Comté  jus- 
qu'à la  majorité  de  son  fils  Philippe  le  Beau.  Ce  prince,  uni 
à  l'héritière  des  Espagnes,  mourut  âgé  de  vingt-huit  ans. 


laissant  pour  lui  succéder  un  enfant  de  cinq  ans,  le  futur 
Charles-Quint.  Maximilien,  tuteur  de  cet  enfant,  se  déchar- 
gea sur  sa  fille  Marguerite  de  la  régence  du  patrimoine  de 
la  maison  de  Bourgogne  ;  il  l'institua  souveraine  viagère 
de  la  Franche-Comté  et  gouvernante  des  Pays-Bas  pendant 
la  minorité  du  jeune  Charles  (1506).  Sous  le  gouvernement 
de  cette  princesse,  la  Franche-Comté  s'administra  par  elle- 
même  :  le  pouvoir  y  appartint  en  commun  au  gouverneur 
militaire,  au  parlement  et  aux  Etats  de  la  province.  Un 
traité  de  neutralité,  conclu  avec  la  France,  mettait  la  Fran- 
che-Comté à  l'abri  des  complications  belliqueuses  (1512). 
Le  pays  fut  néanmoins  troublé  par  la  fermentation  que 
produisirent  les  prédications  protestantes.  Les  paysans  du 
comté  de  Montbéliard,  où  Farel  avait  fait  abolir  la  messe, 
se  joignirent  aux  bandes  allemandes  qui  mettaient  à  sac  les 
châteaux.  L'aristocratie  comtoise  purgea  la  province  de  ces 
saccageurs;  mais  le  pays  de  Montbéliard  n'en  demeura 
pas  moins  à  peu  près  entièrement  acquis  au  nouvel  évan- 
gile (1524).  Il  fallut  toute  l'habileté  de  Granvelle,  le  garde 
des  sceaux  de  Charles-Quint,  pour  que  la  république  de 
Besançon  restât  fidèle  au  vieux  culte.  En  reprenant  après 
sa  tante  le  gouvernement  delà  Franche-Comté,  l'empereur 
Charles-Quint  ne  changea  rien  au  régime  inauguré  par  Mar- 
guerite :  la  plus  grosse  part  des  tributs  payés  par  les  villes 
de  la  province  fut  affectée  au  relèvement  et  à  l'entretien  de 
leurs  fortifications. 

Période  espagnole.  —  Philippe  II,  roi  des  Espagnes  et 
des  Indes,  en  même  temps  que  souverain  des  Pays-Bas  et 
de  la  Franche-Comté,  ne  s'occupa  guère  de  cette  province 
que  pour  y  faire  massacrer  les  huguenots  (1575).  Ses  agis- 
sements en  vue  d'obtenir  à  sa  fille  Isabelle  la  couronne 
de  France,  au  moyen  des  ligueurs,  donnèrent  prétexte  à 
Henri  IV  de  rançonner  une  province  par  laquelle  ses  adver- 
saires se  ravitaillaient.  11  lança  d'abord  sur  la  Franche- 
Comté  six  mille  soldats  lorrains  que  commandaient  les 
capitaines  Tremblecourt  et  d'Haussonville  ;  mais,  après  sa 
victoire  de  Fontaine-Française,  remportée  sur  le  connétable 
de  Castille  uni  au  duc  de  Mayenne,  ce  fut  lui-même  qui 
s'abattit  avec  une  armée  de  10,000  hommes  sur  la  mal- 
heureuse province;  Besançon  paya  27,000  écus  pour  éloi- 
gner de  ses  murailles  celui  que  l'Espagne  appelait  encore 
le  Béarnais.  La  plupart  des  petites  villes  comtoises  se  ra- 
chetèrent aussi  par  de  fortes  contributions.  Arbois  fit  une 
résistance  héroïque  pendant  quatre  jours,  et  Biron  fut  assez 
barbare  pour  faire  pendre  le  capitaine  Morel  qui  avait  été 
l'âme  de  cette  défense.  Sa  récolte  pécuniaire  terminée, 
Henri  IV  consentit  au  rétablissement  du  pacte  de  neutra- 
lité qui  sauvegardait  la  province  (1595).  Voulant  assurer 
un  trône  à  sa  tille  Isabelle,  Philippe  II  l'avait  mariée  à 
l'archiduc  Albert  d'Autriche,  en  leur  concédant  la  souve- 
raineté des  Pays-Bas  et  delà  Franche-Comté  (1598).  Mais 
l'archiduc  étant  mort  en  1621,  sans  laisser  d'enfants,  Isa- 
belle ne  fut  plus  que  gouvernante  viagère  des  mêmes  pro- 
vinces qui  avaient  fait  retour  à  l'Espagne  et  reconnais- 
saient Philippe  IV  pour  souverain.  Sous  ce  régime  qui 
laissait  la  Franche-Comté  en  pleine  possession  d'elle-même, 
le  gouvernement  de  la  province  et  de  la  ville  libre  de  Be- 
sançon eurent  la  généreuse  maladresse  de  donner  successi- 
vement asile  à  Gaston,  duc  d'Orléans,  et  à  Charles  IV,  duc 
de  Lorraine,  l'un  et  l'autre  en  butte  à  l'animadversion  du 
cardinal  de  Richelieu  (1632).  La  France  considéra  comme 
rompue  la  neutralité  qui  protégeait  la  province,  et  celle-ci 
fut  englobée  dans  le  périmètre  des  opérations  belliqueuses 
que  l'armée  suédoise,  commandée  par  le  duc  Bernard  de 
Saxe-Weimar,  accomplissait,  avec  les  armées  françaises, 
contre  la  maison  d'Autriche.  Le  prince  de  Condé  ayant  reçu 
l'ordre  d'assiéger  Dole,  l'archevêque  de  Besançon,  Ferdi- 
nand de  Rye,  âgé  de  quatre-vingts  ans,  vint  s'enfermer 
dans  cette  place  que  défendait  le  maître  de  camp  La  Verne, 
assisté  du  conseiller  Boyvin ,  tandis  que  le  marquis  de 
Watteville-Conflans,  maître  de  camp  général,  doublé  de 
Girardot  de  Beauchemin,  comme  intendant  militaire,  allaient 
lever  une  armée  de  secours.  Cette  armée,  renforcée  de 


—  1465  — 


FRANCHE-COMTÉ 


cavaliers  croates,  réussit  à  faire  lever  le  siège  (1636). 
Le  comte  Gallas,  à  la  tête  d'une  armée  impériale  de 
20,000  hommes,  n'ayant  pas  réussi  à  porter  la  guerre  dans 
la  Bourgogne  française,  Richelieu  fit  attaquer  la  Franche- 
Comté  par  trois  armées  à  la  fois.  L'armée  comtoise,  placée 
sous  le  commandement  supérieur  du  duc  Charles  de  Lor- 
raine, dut  se  borner  à  protéger  Besançon  et  à  ménager  un 
secours  éventuel  pour  Salins.  Cependant  Weimar  s'empa- 
rait de  Brisach,  la  seule  porte  par  où  ^  les  impériaux  pou- 
vaient secourir  la  Franche-Comté,  puis  il  se  saisissait  de 
Pontarlier  et  du  château  de  Joux,  envoyait  de  là  brûler  la 
ville  de  Saint-Claude,  faisait  flamber  tous  les  villages  des 
plateaux  et  ne  quittait  Pontarlier  qu'après  avoir  réduit 
cette  ville  en  cendres.  La  peste  et  la  ,1'amine  rivalisaient  de 
cruauté  avec  l'ennemi  (1639).  Weimar  mort,  Richelieu  le 
remplaça  par  le  marquis  de  Villeroy,  qui  eut  ordre  de  faire 
faucher  en  herbe  les  blés  semés  autour  des  places  fortes 
de  la  Franche-Comté.  Quand  le  bénéfice  de  la  neutralité  fut 
restitué  à  la  province,  il  ne  restait  guère  d'habitants  que 
dans  les  places  fortes  de  Besançon,  Dole,  Salins  et  Gray 
(1642).  L'émigration  avait  eu  lieu  dans  des  proportions 
énormes  ;  rien  qu'à  Rome  on  comptaitde  10  à  12,000  ré- 
fugiés comtois.  Un  congrès  s'assembla  en  Westphalie  pour 
la  conclusion  d'une  paix  européenne  :  Antoine  Brun,  procu- 
reur général  à  Dole,  y  fut  l'un  des  négociateurs  de  l'Es- 
pagne. La  diète  de  Ratisbonne  compléta  cette  œuvre  de 
pacification  ;  là  fut  conclu  l'échange  du  protectorat  de  Be- 
sançon, qui  appartenait  à  l'Empire,  contre  la  ville  forte  de 
Frankendal,  que  détenait  l'Espagne.  Pour  Besançon,  c'était 
la  perte  de  son  autonomie  et  l'annexion  de  son  territoire  à 
la  province  de  Franche-Comté.  Tandis  que  la  ville  libre 
débattait  avec  la  cour  de  Madrid  les  compensations  qu'elle 
se  croyait  en  droit  d'obtenir,  le  roi  d'Espagne  Philippe  IV 
mourait,  laissant  ses  Etats  à  un  enfant,  Charles  II,  placé 
sous  la  tutelle  d'une  mère  incapable  (1665).  Le  roi  de 
France  Louis  XIV,  qui  avait  épousé  une  fille  du  premier 
lit  de  Philippe  IV,  prétendit  que,  suivant  la  coutume  des 
Pays-Bas  et  de  la  Franche-Comté,  les  provinces  revenaient 
à  sa  femme.  En  conséquence,  les  Pays-Bas  furent  envahis 
par  Turenne,  tandis  que  le  grand  Condé,  de  son  gou- 
vernement de  Bourgogne,  préparait  une  entreprise  sur  la 
Franche-Comté.  Préalablement  des  personnages  importants 
de  cette  province  furent  gagnés  pour  prêcher  l'impossibi- 
lité de  la  résistance  :  le  plus  en  vue  était  l'abbé  Jean  de 
Watteville,  un  type  d'audacieux  aventurier.  Trois  corps 
d'armée  furent  lancés  sur  la  province  au  plus  fort  de  l'hi- 
ver, et  Louis  XIV  vint  en  personne  présider  à  la  conquête. 
Besançon  se  rendit  à  la  sommation  de  Condé  :  l'artillerie 
municipale  fut  confisquée,  en  même  temps  que  l'on  faisait 
sauter  le  château  d'Arguel,  voisin  de  la  place.  Dole  subit 
un  siège,  mais  capitula  pour  que  Besançon  ne  devînt  pas 
capitale  de  la  province.  En  quinze  jours,  la  Franche-Comté 
fut  conquise,  moins  par  la  stratégie  de  Condé  et  de  Luxem- 
bourg que  par  les  manœuvres  de  l'abbé  de  Watteville 
(1668).  Au  bout  de  trois  mois,  le  traité  d'Aix-la-Chapelle 
restituait  la  Franche-Comté  à  l'Espagne,  et  celle-ci  se  met- 
tait à  pressurer  la  province  pour  l'entretien  de  troupes 
étrangères  et  l'exécution  de  travaux  stratégiques.  La  dis- 
corde qui  s'ensuivit  durait  encore  quand  l'Espagne  et 
l'Empire  déclarèrent  la  guerre  à  la  France,  en  1674.  Aus- 
sitôt Louis  XIV  s'assura  de  la  neutralité  des  Suisses  et 
commit  le  duc  de  Navailles  pour  envahir  la  Franche-Comté. 
Ce  général  franchit  la  Saône  à  Pontailler,  puis  l'Ognon, 
près  de  Pesmes,  s'empara  de  Gray  après  cinq  jours  d'at- 
taque, puis  de  Vesoul  qui  ne  fit  pas  de  résistance.  Luxeuil 
tint  ferme,  et  l'ennemi  ne  réussit  qu'à  incendier  ses  fau- 
bourgs. La  guerre  ayant  été  transportée  dans  le  S.  de  la 
province,  Lons-le-Saunier  devint  la  place  d'armes  des 
troupes  qui  s'emparèrent  d'Orgelet  et  de  Poligny.  Arbois, 
étroitement  assiégée,  fut  secourue  par  le  prince  de  Vaudé- 
mont,  fils  du  duc  de  Lorraine  Charles  IV  et  de  la  belle 
Franc-Comtoise  Béatrix  de  Cusance.  En  présence  de  cet  ad- 
versaire qui  avait  valeur  et  prestige,  Navailles  pria  Louis  XIV 


de  venir  lui-même  poursuivre  la  conquête.  Pour  que  celle- 
ci  fût  assurée,  il  ne  restait  plus  guère  à  enlever  que  les 
trois  places  de  Besançon,  Dole  et  Salins.  Le  roi  commença 
par  attaquer  Besançon,  dont  le  siège,  soutenu  par  le  prince 
de  Vaudémont,  dura  vingt-sept  jours.  Louis  XIV  marcha 
ensuite  sur  Dole,  qui  se  rendit  après  onze  jours  de  tranchée 
et  de  canonnade.  Après  quoi,  le  monarque  quitta  la  pro- 
vince, laissant  à  trois  de  ses  lieutenants  le  soin  d'en  ache- 
ver la  soumission.  Le  duc  de  La  Feuillade,  envoyé  contre 
Salins,  fit  en  passant  le  siège  d'Arbois,  qui  supporta  pen- 
dant deux  jours  le  feu  de  l'artillerie  française.  Il  fallut  dix- 
sept  jours  de- siège  et  plus  de  500  volées  de  canon  pour 
réduire  Salins.  Pour  battre  la  forteresse  inaccessible  de 
Saint-Agne,  le  duc  de  Duras  dut  faire  construire  une  haute 
charpente  en  bois  sur  laquelle  on  hissa  des  canons.  La 
place  de  Faucogney,  attaquée  par  le  marquis  de  Resnel,  fit 
une  résistance  désespérée  :  elle  fut  prise  d'assaut  et  livrée 
au  plus  horrible  pillage  ;  ce  fut  le  dernier  effort  de  la  lutte 
que  la  Franche-Comté  soutint  pour  la  défense  de  son  auto- 
nomie. 

Période  française.  —  Une  fois  la  province  annexée  à  la 
France,  tout  y  fut  confondu  en  matière  d'administration 
civile  et  militaire.  On  rasa  les  remparts  de  Dole  et  de  Gray  ; 
de  tous  les  châteaux  forts,  on  ne  conserva  que  celui  de 
Joux,  ainsi  que  ceux  de  Saint-André  et  de  Belin,  sur  Sa- 
lins. Besançon,  fortifiée  d'après  les  plans  de  Vauban,  devint 
la  capitale  de  la  province.  Dole  se  vit  enlever  successive- 
ment, au  profit  de  ce  nouveau  centre,  le  parlement,  l'uni- 
versité et  la  monnaie  :  il  ne  lui  resta  que  la  chambre  des 
comptes.  Mais  la  nouvelle  capitale  acheta  chacune  de  ces 
translations  par  une  grosse  somme  applicable  à  ses  forti- 
fications. En  principe,  la  province  était  affranchie  de  tout 
impôt,  et  c'était  à  titre  de  don  gratuit  que  les  Etats  vo- 
taient annuellement  environ  100,000  livres  au  souverain. 
Louis  XIV  ayant  voulu  faire  convertir  en  imposition  ordi- 
naire l'aide  de  800,000  livres  par  an  accordée  extraordi- 
nairement  par  la  province  au  gouvernement  espagnol,  les 
membres  des  Etats  refusèrent  de  se  réunir  pour  sanctionner 
une  telle  mesure.  La  volonté  du  roi  fut  exécutée  par  l'in- 
tendant, et  les  Etats  cessèrent  d'être  convoqués.  Avant  la 
conquête  française,  la  province  était  divisée  en  trois  grands 
bailliages,  Amont,  Aval  et  Dole.  Louis  XIV  en  créa  un  qua- 
trième, celui  de  Besançon,  composé  de  l'ancien  territoire 
de  cette  ville  et  des  cent  villages  que  l'Espagne  y  avait  ré- 
cemment ajoutés.  Le  pays  de  Montbéliard,  bien  que  demeu- 
rant un  domaine  de  la  maison  de  Wurttemberg,  dut  recon- 
naître le  protectorat  de  la  France  :  une  garnison  française, 
entretenue  au  château  de  Blamont,  assura  le  maintien  des 
coutumes  judiciaires  de  la  Franche-Comté  dans  les  quatre 
terres  d'Héricourt,  Blamont,  Clémont  et  Chatelot,  réunies 
depuis  1561  seulement  à  l'État  de  Montbéliard.  Le  vieil 
esprit  franc-comtois,  routinier  et  frondeur,  se  réfugia  dans 
le  parlement  de  Besançon  qui  souvent  fit  une  opposition 
obstinée  aux  actes  du  bon  plaisir  royal.  A  deux  reprises, 
sous  le  règne  de  Louis  XV,  l'opposition  du  parlement  fut 
punie  par  l'exil  de  plusieurs  de  ses  membres  :  la  rentrée 
des  trente  exilés,  en  1764,  fut  un  vrai  triomphe.  Mais  le 
parlement  se  rendit  impopulaire  en  sanctionnant  le  refus 
qu'opposaient  les  chanoines  de  Saint-Claude  à  la  demande 
d'affranchissement  des  serfs  et  mainmortables  de  l'an- 
cienne abbaye.  L'idée  généreuse  qu'eut  Louis  XVI  de  con- 
voquer des  assemblées  provinciales,  où  les  trois  ordres  de 
l'Etat  exprimeraient  leurs  doléances  et  leurs  vœux,  devint 
en  Franche-Comté  le  prétexte  d'une  reconstitution  des  Etats 
de  la  province  (1788).  Comme  partout,  le  tiers  état  pré- 
tendit avoir  à  lui  seul  autant  de  députés  que  ceux  du  clergé 
et  de  la  noblesse  réunis.  Le  gouvernement  ayant  adopté 
cette  doctrine  pour  la  composition  des  Etats  généraux  du 
royaume,  neuf  membres  du  clergé  et  vingt-deux  de  la  no- 
blesse se  séparèrent  des  deux  groupes  privilégiés  pour 
adhérer  avec  le  tiers  états  aux  ordres  du  roi.  Le  parlement 
voulut  annuler  cette  adhésion  :  un  soulèvement  populaire 
éclata  contre  lui  ;  deux  maisons  des  parlementaires  furent 


FRANCHE-COMTE 


1166  — 


pillées,  et  la  force  armée  n'étant  pas  intervenue  aans  cette 
affaire,  l'un  de  ses  chefs,  le  comte  de  Narbonne,  fut  un 
instant  l'idole  de  la  population  bisontine.  La  Bastille  venait 
d'être  prise  et  détruite,  quand  un  baril  de  poudre  fit  ex- 
plosion au  château  de  Quincey,  près  de  Vesoul,  et  tua  un 
certain  nombre  de  paysans  qui  s'y  étaient  rassemblés  pour 
une  fête  patriotique.  On  crut  à  un  guet-apens  de  la  part  du 
propriétaire,  le  conseiller  de  Mesmay,  qui  venait  de  quit- 
ter cette  résidence  en  laissant  des  ordres  pour  que  les 
habitants  du  village  fussent  bien  reçus  chez  lui.  Un  cri  de 
vengeance  se  fit  entendre  à  ce  sujet  d'un  bout  de  la  France 
à  l'autre  :  les  cloches  se  mirent  à  sonner  le  tocsin,  et  une 
vraie  jacquerie  s'organisa  contre  les  châteaux  (1789).  Six 
mois  plus  tard,  l'Assemblée  nationale  brisait  les  cadres  des 
anciennes  provinces  et  partageait  la  France  en  83  dépar- 
tements. Par  des  décrets  en  date  du  5  févr.  1790,  la 
Franche-Comté  fut  découpée  en  trois  départements  :  celui 
de  la  Haute-Saône  avec  Vesoul  pour  chef-lieu,  celui  du 
Doubs  ayant  pour  ch.-l.  Besançon,  celui  du  Jura  avec  Lons- 
le-Saunier  pour  centre.  Le  pays  de  Montbéliard,  qui  ne 
fut  réuni  à  la  France  qu'en  1793,  forma  d'abord  un  dis- 
trict incorporé  au  dép.  de  la  Haute-Saône,  passa,  sous  le 
premier  Empire,  dans  la  circonscription  départementale  du 
Mont-Terrible,  appartint  ensuite  au  dép.  du  Haut-Rhin, 
puis,  sous  la  Restauration,  fut  réuni  au  dép.  du  Doubs. 

Administration.  —  Avant  l'annexion  de  la  Franche- 
Comté  à  la  France,  cette  province  jouissait  d'une  sorte 
d'autonomie  qui  convenait  au  caractère  quelque  peu  âpre 
de  ses  habitants.  Dans  cet  organisme,  les  milices  fournies 
par  chacun  des  trois  bailliages  avaient  pour  chef  le  gou- 
verneur de  la  province.  Celui-ci  était  assisté  d'un  conseil 
dont  les  membres,  nommés  par  le  souverain,  s'appelaient 
les  bons  personnages.  Dans  le  conseil  supérieur  des  Pays- 
Bas,  qui  connaissait  des  affaires  que  la  Franche-Comté  sou- 
mettait à  la  décision  du  souverain,  un  siège  de  conseil- 
ler était  dévolu  à  l'un  des  jurisconsultes  de  cette  province. 
Pour  les  appels  des  jugements  rendus  par  les  tribunaux 
des  bailliages  et  par  les  justices  seigneuriales,  le  parle- 
ment qui  siégeait  à  Dole  était  une  cour  souveraine.  A  Dole 
existait  également  une  chambre  des  comptes,  qui  conservait 
les  titres  domaniaux  et  contrôlait  la  gestion  des  fonction- 
naires institués  par  le  souverain.  Les  dépenses  néces- 
saires à  l'administration  de  la  province,  ainsi  que  les  sub- 
sides accordés  au  souverain  à  titre  de  dons  gratuits, 
étaient  votés  par  l'assemblée  annuelle  des  Etats,  où  les  trois 
ordres  de  la  population  avaient  des  représentants  :  les  ré- 
solutions des  Etats  étaient  exécutés  par  des  mandataires  que 
désignaient  les  trois  ordres  et  qui  s'appelaient  commis. 
Besançon,  ville  libre,  était  le  siège  de  l'autorité  ecclésias- 
tique. Le  diocèse  métropolitain  de  Besançon,  qui  compre- 
nait l'ancien  territoire  de  la  cité  des  Séquanes,  ne  cadrait 
pas  comme  circonscription  avec  la  province  de  Franche- 
Comté  :  la  partie  de  l'arrondissement  actuel  de  Gray  qui  est 
au  delà  de  la  Saône,  ancienne  terre  lingone  devenue  com- 
toise, relevait  de  l'évêque  de  Langres  ;  en  revanche,  l'arche- 
vêque de  Besançon  avait  autorité  sur  la  vicomte  d'Auxonne, 
appartenant  politiquement  au  duché  de  Bourgogne,  sur  les 
portions  demeurées  catholiques  de  la  principauté  de  Mont- 
béliard, sur  le  pays  de  Porrentruy,  sur  Belfort  et  son 
pourtour,  sur  la  lisière  vosgienne  des  environs  de  Plom- 
bières. La  terre  abbatiale  de  Saint-Claude,  érigée  en  évêché 
depuis  1742,  appartenait  antérieurement  au  diocèse  de 
Lyon,  bien  qu'elle  fît  politiquement  partie  de  la  Franche- 
Comté.  La  juridiction  ecclésiastique  de  l'officialité,  qui  pu- 
bliait les  testaments  et  décernait  les  formules  de  contrainte 
par  voie  d'excommunication,  étendait  son  action  sur  tout 
le  diocèse.  lien  était  de  même  pour  l'Inquisition  qui,  depuis 
le  xme  siècle,  avait  son  siège  dans  le  couvent  des  domini- 
cains de  Besançon.  Cette  ville,  politiquement  isolée  de  la 
province,  était  une  république  municipale  qui  reconnaissait 
l'empereur  pour  son  suzerain  et  avait  pour  gardien  le  sou- 
verain de  la  province,  représenté  à  Besançon  par  un  juge 
et  par  un  capitaine.  Tout  ce  particularisme  disparut  après 


l'annexion  de  la  Franche-Comté  à  la  France.  De  tous  les 
grands  services  publics  qui  faisaient  de  Dole  la  capitale  de 
la  province,  il  ne  fut  laissé  à  cette  ville  que  la  chambre 
des  comptes,  elle-même  destinée  à  disparaître,  en  1771, 
pour  être  remplacée  par  un  bureau  des  finances  qui  eut 
encore  son  siégea  Besançon.  Les  trois  anciens  grands  bail- 
liages, avec  celui  de  Besançon,  nouvellement  institué,  de- 
meurèrent à  titre  de  subdivisions  politiques  ;  mais,  pour  le 
fonctionnement  judiciaire,  treize  bailliages  furent  créés 
qui,  avec  la  grande  judicature  de  Saint-Claude,  constituèrent 
quatorze  tribunaux  ressortissant  au  parlement  de  Besan- 
çon. Quatre  de  ces  bailliages,  ceux  de  Besançon,  Vesoul, 
Gray,  Lons-le-Saunier  et  Salins,  eurent  qualité  de  prési- 
dial,  pour  reviser  en  premier  ressort  d'appel  certaines  caté- 
gories de  jugements.  L'administration  civile  et  militaire 
appartint  à  l'intendant  de  Franche-Comté,  qui  eut  la  haute 
main  sur  les  ressources  de  toutes  les  communes  de  la  cir- 
conscription provinciale  qui  s'appelait  administrativement 
une  généralité.  Celle  de  la  Franche-Comté  avait,  en  1763, 
une  population  totale  de  664,581  hab.  :  les  mâles  y  do- 
minaient dans  la  proportion  d'un  cinquième.  Les  impôts 
se  montaient  annuellement  à  4,830,000  livres.  En  dehors 
de  sa  production  agricole,  qui  lui  permettait  d'exporter 
principalement  du  blé  et  des  bois  de  sapin,  la  Franche- 
Comté  fabriquait  d'excellents  fers  et  tirait  grand  profit  de 
l'élevage  des  chevaux. 

Lettres,  Sciences  et  Arts.  —  Durant  la  période  ro- 
maine, Y  oppidum  maximum  des  Séquanes,  Vesontio,  eut 
la  situation  coloniale,  c.-à-d .  le  droit  de  se  parer  d'édifices 
rappelant  ceux  de  la  métropole  du  monde  ;  un  capitole  tout 
de  marbre  fut  érigé  au  centre  de  la  ville.  Par  le  témoignage 
d'Ausone,  on  sait  que  Julius  Titianus,  le  rhéteur  qui  avait 
soigné  l'éducation  de  l'empereur  Maximin  II,  professait  al- 
ternativement aux  écoles  municipales  de  Lugdunum  et  à 
celle  de  Vesontio.  Lors  de  l'évolution  monastique  des  débuts 
du  moyen  âge,  l'abbaye  de  Condat,  plus  tard  appelée  de 
Saint-Claude,  et  celle  de  Luxeuil,  au  pied  des  Vosges, 
eurent  des  écoles  florissantes  de  calligraphie  et  d'érudition 
théologique  :  Angélome,  moine  de  Luxeuil,  professa  l'écri- 
ture sainte  dans  le  palais  de  Louis  le  Pieux,  et  Man- 
non,  prévôt  de  Condat,  eut  un  emploi  semblable  auprès  de 
Charles  le  Chauve.  Dans  la  première  moitié  du  xie  siècle, 
l'archevêque  Hugues  de  Salins  rétablit  les  écoles  des  deux 
cathédrales  de  Besançon,  et  en  institua  une  nouvelle  au- 
près de  l'église  collégiale  de  Sainte-Madeleine,  qu'il  avait 
fondée.  L'alliance  du  comte  Othon  IV  avec  Philippe  le  Bel 
associa  la  province  au  mouvement  intellectuel  de  Paris  ; 
Hugues  de  Besançon  devint  évêque  de  cette  capitale,  et  Ton 
vit  Jean  Priorat,  de  Besançon,  mettre  en  vers  français  VArt 
militaire  de  Végèce.  Othon  IV  essaya  d'établir  à  Gray 
une  université,  et  sa  fille  Jeanne,  devenue  veuve  du  roi 
de  France  Philippe  le  Long,  fonda,  par  son  testament 
ouvert  en  1330,  un  collège  dit  de  Bourgogne,  pour  l'édu- 
cation à  Paris  de  dix-huit  étudiants  pauvres  de  la  Franche- 
Comté.  Un  siècle  plus  tard,  le  comte-duc  Philippe  le  Bon 
établissait  à  Dole,  alors  capitale  de  la  Franche-Comté, 
une  université  qui  ne  tarda  pas  à  être  grandement  fré- 
quentée par  les  Flamands  et  les  Allemands  désireux  d'être 
initiés  aux  lettres  françaises.  Dans  les  temps  troublés  qui 
suivirent  la  mort  de  Louis  XI  et  précédèrent  l'avènement 
de  la  maison  d'Autriche  en  Franche-Comté,  l'imprimerie 
essaya  timidement  de  s'implanter  dans  la  province  :  en 
1484  et  1485,  un  atelier,  vraisemblablement  d'origine 
lyonnaise,  produisit  à  Salins  un  Bréviaire  et  un  Missel; 
un  autre  atelier,  qui  procédait  de  la  maison  Amerbach,  de 
Bâle,  édita  quelques  livres  à  Besançon,  en  1487  et  1488  ; 
un  troisième  atelier,  gouverné  par  l'Allemand  Conrad  Met- 
tlinger,  mais  opérant  avec  un  matériel  bâlois,  s'établit  à 
Dole  en  1490  et  partit  l'année  suivante  pour  Dijon.  Sous 
les  gouvernements  de  Marguerite  d'Autriche  et  de  l'empe- 
reur Charles-Quint,  quelques  édifices  de  bon  style  se  con- 
struisirent en  Franche-Comté,  et  un  certain  goût  pour  les 
œuvres  d'art  ainsi  que  pour  les  beaux  livres  s'éveilla  dans 


—  1467 


FRANCHE-COMTÉ  —  FRANCHI 


cette  province  :  le  palais  Granvelle  à  Besançon,  grand  logis 
d'architecture  flamande,  eut  une  importante  galerie  de  ta- 
bleaux et  une  riche  bibliothèque. En  même  temps,  l'intolérance 
religieuse  paralysait  l'essor  des  intelligences  :  l'antiquaire 
Jean-Jacques  Boissard  et  le  musicien  Claude  Goudimel 
étaient  tenus  à  distance  de  Besançon,  leur  patrie,  et  Gil- 
bert Cousin  de  Nozeroy,  l'ancien  secrétaire  d'Erasme,  auteur 
d'une  description  latine  de  la  Franche-Comté,  mourait  à 
Besançon,  dans  la  prison  ecclésiastique.  Plus  heureux  fut 
Jean-Jacques  Chiflet,  auteur  d'une  Histoire  de  Besançon, 
également  écrite  en  latin  et  publiée  en  1618;  il  apparte- 
nait à  une  famille  lettrée  qui  a  produit  quinze  érudits.  Dans 
cette  première  moitié  du  xviie  siècle,  Besançon  compta  parmi 
les  siens  un  prêtre  distingué,  Jean-Baptiste  Chassignet, 
dont  on  a  comparé  la  fermeté  de  versification  à  celle  de 
Malherbe.  Sur  un  plus  grand  théâtre,  Jean  Mairet,  de  Be- 
sançon, fut  le  précurseur  et  un  instant  le  rival  du  grand 
Corneille  :  il  finit  ses  jours  dans  sa  ville  natale,  à  peu  près 
en  même  temps  que  l'abbé  Jean-Baptiste  Boisot  y  achetait 
les  livres,  les  papiers  et  les  tableaux  délaissés  par  les  héri- 
tiers des  Granvelle,  pour  en  composer  le  dépôt  public  qui 
s'appelle  aujourd'hui  la  bibliothèque  de  Besançon.  L'uni- 
versité franc-comtoise,  transférée  de  Dole  à  Besançon,  eut 
comme  personnalité  saillante,  dans  la  première  moitié  du 
xvinG  siècle,  le  jurisconsulte  et  historien  Dunod.  Il  mourut 
l'année  même  où  le  duc  de  Tallard,  gouverneur  de  la 
Franche-Comté,  créait,  en  1752,  l'Académie  des  sciences 
et  arts  de  Besançon .  Dans  les  concours  ouverts  et  les  tra- 
vaux entrepris  par  cette  compagnie,  sur  des  questions  qui 
intéressaient  l'histoire  et  l'économie  publique  de  la  province, 
les  érudits  Boquet  de  Courbouzon,  Droz,  Perreciot,  D. 
Berthod  et  D.  Grappin  produisirent  des  mémoires  de  la 
plus  sérieuse  valeur.  Alors  aussi  Besançon  mettait  en  ligne 
trois  des  plus  vigoureux  antagonistes  de  la  philosophie  "du 
xvme  siècle,  l'abbé  Bullet,  le  jésuite  Nonnotte  et  l'abbé  Ber- 
gier.  Et  cependant  l'esprit  philosophique  était  brillam- 
ment représenté  dans  l'entourage  de  l'intendant  Charles- 
André  de  Lacoré.  Sous  les  auspices  de  cet  intelligent 
administrateur,  les  thermes  de  Luxeuil  prirent  une  grande 
tournure,  et  la  ville  de  Besançon  élargit  ses  vieilles  rues 
pour  donner  carrière  à  des  architectes  d'un  réel  mérite  : 
un  théâtre  y  fut  construit  d'après  les  plans  de  Ledoux  et 
un  hôtel  d'intendance  d'après  ceux  de  Victor  Louis.  Une 
école  de  peinture  et  de  sculpture,  dirigée  par  le  portraitiste 
suisse  Melchior  Wyrsch  et  le  statuaire  bisontin  Luc  Breton, 
forma  surtout  des  ouvriers  habiles  qui  décorèrent  de  ma- 
gnifiques boiseries  les  hôtels  et  châteaux  construits  en 
grand  nombre  dans  la  province  durant  la  seconde  moitié 
du  xvme  siècle. 

Armoiries  de  la  Franche-Comté.  —  Ecu  d'azur  semé 
de  billettes  d'or  sans  nombre,  au  lion  rampant  de 
même,  lampassé  de  gueules.  C'était  l'emblème  héraldique 
adopté  dès  1279,  par  le  comte  Othon  IV,  ce  fidèle  allié  de 
la  France,  qui  avait  répudié  l'aigle  germanique  dont  usaient 
ses  prédécesseurs.  La  province  de  Franche-Comté  demeura 
fidèle  à  ces  armoiries.  Auguste  Castan. 

Bibl.  :  Gilbert  Cousin  (Cognatus),  Descriptio  Burgun- 
diae  superioris,  1552.  —  L.  Gollut,  Mém.  histor.  de  la  Ré- 
publique séquanoise,  1592,  édit.  Duvernoy,  1846.—  Dunod, 
Hist.  du  Comté  de  Bourgogne  et  de  l'Eglise  de  Besançon, 
1735-50,5  vol.  —  D.  Grappin,  Hist.  abrégée  du  Comté  de 
Bourgogne,  2*  édit.,  1780.  -  Ed.  Clerc,  Essai  sur  l'histoire 
de  la  Franche-Comté  et  la  Franche-Comté  a  l'époque  rom., 
1840-1870,  3  vol.  —  Hugon  d'Augicourt,  la  Franche- 
Comté  anc.  et  mod.,  1857-58,  2  vol.  -  Castan,  la  Franche- 
Comté  et  le  pays  de  Montbéliard,  1877.  —  Histoire  des 
saints  de  Franche-Comté,  1854-56,  4  vol.  —  Tuetey,  Droit 
municipal  en  Franche-Comté,  1865 .  —  Du  même,  les  Ecor- 
cheurs  sous  Charles  VII,  1874,  2  vol.—  Du  même, Invasion 
du  comté  de  Montbéliard  par  les  Lorrains  (1581-1588),  1883, 
2  vol.—  L.  de  Piépape,  Hist.  de  la  réunion  de  la  Franche- 
Comté  a  la  France,  1881,  2  vol.;  Rectifications,  par  Emile 
Longin,1889.  —  D.  Grappin,  Guerres  duxvr3  siècle  dans  le 
comté  de  Bourgogne,  1788.  —  Girard ot  de  Nozeroy,  His- 
toire de  dix  ans  de  la  Franche-Comté,  1632-1642.  —  J.  Boy- 
Hlai  8$Pe*de  PoleJe  i636-  —  Jules  Chiflet,  Mémoires, 
1568-1674,  2  vol.  —  Pellisson,  Histoire  de  la  conquête  de  la 
F r anche-Comté,  \m.-  L.  Ordinaire,  Deux  Epoques  mili- 


taires (161 '4-4844;,  1856,  2  vol.— Ed.  Clerc,  Etats  généraux 
de  Franche-Comté,  1882,  2  vol.  —  Estignard,  le  Parle- 
ment de  Franche-Comté,  1892.  —  R.  de  Lurion,  Chambre 
des  comptes  de  Dole,  1892.  —  Boulainvilliers,  Etat  de 
la  France,  t.  IV.— Expilly,  Dictionn.  géogr.  de  la  France, 
art.  Franche-Comté,  Besançon,  Dole,  etc. 

FRANCHELEINS.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Tré- 
voux, cant.  de  Saint-Trivier-sur-Moignans  ;  181  hab. 

FRANCHES-MONTAGNES.  Plateau  du  Jura  et  district 
du  cant.  de  Berne.  Cette  contrée  touche  àl'O.  à  la  France, 
dont  elle  est  séparée  par  le  Doubs,  et  au  S.-O.  au  cant. 
de  Neuchâtel.  Le  climat  y  est  âpre,  l'hiver  long  et  rigou- 
reux. Quoique  les  céréales  y  réussissent  mal/ les  grands 
pâturages  sont  bons  et  favorisent  l'élève  d'une  race  de  che- 
vaux très  estimée.  Le  point  culminant  du  plateau  est  à 
1,049  m.  d'alt.  Le  district  des  Franches-Montagnes,  que 
traverse  la  grande  route  conduisant  de  la  vallée  de  Deîé- 
mont  à  La  Chaux- de-Fonds,  compte  10,820  hab.  et  plu- 
sieurs grands  villages  très  industriels  (horlogerie  et  fabri- 
cation de  la  boîte  de  montre).  Un  chemin  de  fer  à  voie 
étroite  relie  Saignelégier,  chef-lieu  de  district,  à  La  Chaux- 
de-Fonds.  Le  pays  tire  son  nom  des  franchises  accordées 
par  le  prince-évèque  de  Bâle  à  ceux  qui  allaient  le  défri- 
cher et  s'établir  au  milieu  des  immenses  forêts  de  sapins 
qui  le  couvraient. 

FRANCHESSE.  Corn,  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  Mou- 
lins, cant.  de  Bourbon-l'Archambault  ;  1,362  hab. 

FRANCHETTI.  Village  d'Algérie,  dép.  d'Oran,  arr.  de 
Mascara,  sur  l'oued  Taria,  affluent  de  l'Habra,  stat.  du 
ch.  de  fer  d'Arzew  à  Saïda,  à  une  ait.  de  850  m.,  au  pied 
S.  du  Bou-Aïchata  (1,025  m.).  Ce  centre  décolonisation, 
appelé  d'abord  Drâ-er-Remel,  a  pris  son  nom  actuel  en 
l'honneur  d'un  chef  de  francs-tireurs  oranais,  qui  fut  tué 
au  siège  de  Paris  en  1870.  Il  s'est  assez  rapidement  déve- 
loppé et  est  aujourd'hui  prospère,  surtout  par  la  culture 
de  la  vigne.  Il  est  dans  la  corn,  mixte  de  Saïda  et  aune  pop. 
de  300  hab.,  presque  tous  Français.  E.  Cat. 

FRANCHEVAL  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  et  cant. 
de  Sedan;  1,150  hab. 

FRANCHEVELLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Saône, 
arr.  et  cant.  de  Lure  ;  506  hab. 

FRANCHEVILLE  (La).  Corn,  du  dép.  des  Ardennes, 
arr.  et  cant.  de  Mézières  ;  694  hab. 

FRANCHEVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr. 
de  Dijon,  cant.  de  Saint-Seine;  365  hab. 

FRANCHEVILLE.  Corn,  du dép.de l'Eure,  arr.  d'Evreux, 
cant.  de  Breteuil;  1,531  hab. 

FRANCHEVILLE.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Dole, 
cant.  de  Chaumergy  ;  67  hab. 

FRANCHEVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de 
Châlons-sur-Marne,  cant.  de  Marson  ;  201  hab. 

FRANCHEVILLE.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Toul,  cant.  de  Domèvre  ;  342  hab. 

FRANCHEVILLE.  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Ar- 
gentan, cant.  de  Mortrée  ;  284  hab. 

FRANCHEVILLE  (Francavilla) .  Corn,  du  dép.  du 
Rhône,  arr.  de  Lyon,  cant.  de  Vaugneray;  2,092  hab. 
Les  deux  parties  du  village  de  Franche  ville,  Francheville- 
le-Haut,  Francheville-le-Bas,  séparées  par  le  ruisseau  de 
l'Izeron  qui  coule  au  fond  d'une  vallée  profonde,  sont  réu- 
nies par  un  beau  pont  d'une  seule  arche  achevé  il  y  a  peu 
de  temps;  un  peu  au-dessous  est  l'ancien  pont  à  dos  d'âne, 
et  au-dessus,  dominant  la  vallée,  sont  les  ruines  de  l'an- 
cien château  construit  par  l'archevêque  de  Lyon,  Renaud 
de  Forez.  La  seigneurie  de  Franche  ville,  qui  relevait  de 
l'église  de  Lyon,  fut  aliénée  vers  le  milieu  du  xvme  siècle 
par  le  cardinal  de  Tencin,  en  faveur  de  Charles- Joseph  de 
Ruolz,  conseiller  à  la  cour  des  monnaies  de  Lyon.  La 
principale  industrie  de  Francheville  est  le  blanchissage  du 
linge.  G.  G. 

FRANCHEVILLE  (Pierre  de)  (V.  Franqueville). 

FRANCHEVILLE  (J.  du  Fresne  de)  (V.  Dufresne). 

FRANCHI  (Antonio),  peintre  italien,  né  à  Villa  Basi- 
lica  (pays  de  Lucques)  le  14  juil.  1634,  mort  à  Florence 


FRANCHI  —  FRANCHISE 


4468  — 


le  18  juil.  4709.  Il  eut  pour  maître  Baldassare  Frances- 
chini,  qui  lui  transmit  la  tradition  de  Pietro  da  Cortona. 
Nommé  en  4686  peintre  de  la  princesse  Vittoria  de  Flo- 
rence, il  demeura  à  sa  cour.  Bien  que  très  occupé  comme 
portraitiste  officiel,  il  peignit  quelques  tableaux  d'église, 
dont  les  meilleurs  sont  Saint  Joseph  de  Calasan%io  et  le 
Christ  remettant  les  clefs  à  saint  Pierre,  dans  l'église 
paroissiale  de  Caporgnano,  près  de  Lucques.  Franchi  a  écrit 
un  traité,  La  Teorica  délia  pittura,  publié  à  Lucques  en 
4729.  —  Son  fils  Giuseppe  et  sa  fille  Margherita  sont 
également  connus  comme  peintres. 

FRANCHI  (Giuseppe),  sculpteur  italien, né  à  Carrare  en 
4731,  mort  à  Milan  en  1806.  Dans  sa  jeunesse,  il  apprit  les 
premiers  éléments  de  la  sculpture  avec  les  tailleurs  de  marbre 
de  sa  ville  natale,  puis  il  passa  à  Rome,  où  il  étudia  avec 
passion  les  antiques,  assez  délaissés  par  les  artistes  maniérés 
de  son  temps.  Il  acquit  une  telle  réputation  qu'en  1776 
l'impératrice  Marie-Thérèse,  ayant  fondé  à  la  Brera  de 
Milan  une  académie  des  beaux-arts ,  l'y  nomma  aussitôt 
professeur.  Lettré  délicat  en  même  temps  qu'habile  sculp- 
teur, il  fut  l'ami  des  hommes  les  plus  distingués  de  son 
temps,  entre  autres  de  Giuseppe  Parini.  Sa  modestie  et  sa 
générosité  lui  attirèrent  de  la  part  de  tous  une  estime  dont 
le  témoignage  est  resté  dans  l'épitaphe  de  sa  tombe,  au 
cimetière  de  la  Porta  Comasina.  Parini  ses  œuvres  les  plus 
remarquables,  on  cite  à  Milan  les  deux  Sirènes  qui  ornent 
la  belle  fontaine  de  la  «  Piazza  délia  Fontana  »,  les  statues 
de  la  salle  des  Cariatides  dans  le  palais  ducal,  le  tombeau 
de  YEmpereur  Léopold,  etc. 

Bibl.  :  Campori,  Memorie  biografiche  degli  scultori... 
nativi  di  Carrara;  Modène,  1873. 

FRANCHI  (Alessandro),  cardinal  et  secrétaire  d'Etat,  né 
à  Rome  le  25  juin  1819,  mort  le  1er  août  1878.  Après 
avoir  rempli  plusieurs  missions  à  l'étranger,  il  reçut  la 
direction  des  affaires  ecclésiastiques  extraordinaires  (1860). 
On  lui  attribue  la  rédaction  du  Syllabus.  Nommé  cardinal 
(22  déc.  1873),  préfet  de  la  Propagande  (févr.  1874),  il 
contribua  puissamment,  dans  le  conclave  de  févr.  1878, 
à  la  nomination  de  Léon  XIII,  qui  le  prit  pour  secrétaire 
d'Etat.  Il  mourut  du  choléra  quelques  mois  après. 

FRANCHI  (Ausonio)  (V.  Ausonio). 

FRANCHIMONT.  Hameau  de  Belgique,  corn.  deTheux, 
prov.  de  Liège,  arr.  de  Verviers  ;  5,000  hab.  On  y  re- 
marque des  ruines  considérables  du  château  fort  des  mar- 
quis de  Franchimont,  élevé  à  l'époque  des  maires  du  palais 
d'Austrasie.  Le  pays  de  Franchimont  fut  érigé  en  marquisat 
par  Charles  le  Simple,  au  commencement  du  xe  siècle  ;  il 
comprenait  Verviers,  Spa,  Sart,  Jalhay,  Polleur  etlaReid. 
En  1012,  le  marquis  Réginard  légua  son  domaine  aux 
princes-évêques  de  Liège  ;  il  demeura  une  dépendance  de 
la  principauté  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime. 

FRANCHI  NE.  Famille  d'ingénieurs  italiens  (V.  Fran- 
cine). 

FRANCHI  NI  (L'abbé  Pietro),  mathématicien  italien,  né 
à  Partigliano,  près  de  Lucques,  le  24-  avr.  1768,  mort  à 
Lucques  le  26  janv.  1837.  Professeur  de  mathématiques 
à  Rome,  puis  à  Lucques,  il  a  publié,  outre  de  nombreux 
mémoires  d'analyses  épars  dans  les  recueils  des  académies 
de  Lucques,  Modène  et  Turin,  une  vingtaine  d'ouvrages 
sur  les  mathématiques  élémentaires  et  spéciales  et  sur  l'his- 
toire des  mathématiques  ;  les  principaux  ont  pour  titres  : 
Teoria  dell'  analisi  (Rome,  1792-94,  4  vol.);  LaScienza 
del  calcolo  (Livourne,  1816-17,  4  vol.)  ;  Saggio  sulla 
storia  délie  matematiche  (Lucques,  1821-24,  2  vol.)  ; 
LaScienza  del  calcolo  sublime  (Lucques ,  1826,  3  vol.)  ; 
La  Storia  delV  algebra  (Lucques,  1827,  2  vol.),  etc. 

FRA  N  C  H I S E.  I.  Ancien  droit.  —  On  appelait  franchise 
toute  exemption  ou  immunité  accordée  à  des  pays,  à  des 
villes  ou  à  des  particuliers.  L'état  de  franchise  est  l'état  de 
liberté  opposé  à  celui  de  servitude  et  de  dépendance.  Cer- 
taines provinces  dites  franches,  Boulonnais,  Artois,  Cam- 
brésis,  Flandre,  Bretagne,  tenaient  de  leur  contrat  de 
réunion  à  la  couronne  la  confirmation  des  privilèges  dont 


elles  jouissaient,  parmi  lesquels  était  celui  d'avoir  des  états 
particuliers  ;  elles  durent  à  ce  droit  la  dénomination  de  pays 
d'état.  Les  rois,  à  leur  avènement,  juraient  de  conserver 
leurs  franchises  aux  pays  d'état.  La  ville  d'Arras,  prise 
par  Louis  XI,  qui  chercha  à  en  changer  la  population, 
reçut  de  ce  roi  le  nom  de  Franchise  qu'elle  garda  jusqu'à 
sa  mort.  Souvent  les  communes  étaient,  en  vertu  de  leurs 
privilèges,  affranchies  des  tailles  et  autres  impôts.  Un 
certain  nombre  de  villes  avaient  été  exonérées  de  quelques- 
uns  des  droits  d'aides  les  plus  vexatoires,  Le  Havre  par 
exemple;  Cherbourg  avait  été  exempté  des  gabelles  et  Lyon 
des  aides  pour  les  vins  provenant  des  héritages  des  habi- 
tants. Beaucoup  de  villes,  Paris,  Lyon,  Chalon-sur-Saône, 
Chartres,  Orléans,  Péronne,  Toulouse,  Nîmes,  Bourges, 
Rayonne,  possédaient  l'exemption  de  droit  de  franc-fief. 
Un  certain  territoire  autour  des  villes ,  la  banlieue,  qui  a 
été  appelée  de  divers  noms,  participait  aux  franchises  de 
la  ville.  Certaines  villes  du  moyen  âge  comptaient  parmi 
leurs  franchises  la  concession  de  privilèges  commerciaux 
qu'elles  tenaient  de  souverains  étrangers.  Parmi  les  fran- 
chises, il  faut  citer  encore  les  foires  franches,  qui  étaient 
celles  où  les  marchands  étrangers  étaient  exempts  du  droit 
d'aubaine.  Enfin  le  nom  de  franchise  s'appliquait  au  droit 
d'asile  qui  assurait  un  abri  dans  certains  lieux  aux  indi- 
vidus recherchés  et  poursuivis  ;  les  églises,  par  exemple, 
étaient  des  lieux  de  franchise,  ainsi  que  les  palais  des 
ambassadeurs  à  Rome.  G.  Regelsperger. 

^  IL  Droit  commercial  et  maritime.  —  Les  polices 
d'assurances  maritimes  contiennent  généralement  des  clauses 
qui  restreignent  la  responsabilité  de  l'assureur  ou  réduisent 
l'indemnité  à  payer  :  ces  clauses  portent  le  nom  de  fran- 
chises. Il  en  a  été  traité  en  détail  au  mot  Assurances  mari- 
times, auquel  nous  nous  bornons  à  renvoyer  (V.  égale- 
ment Pilote). 

III.  Postes  et  Télégraphes.— -  Franchise  postale  et 
télégraphique.  —  Par  franchise  postale  ou  télégraphique, 
on  entend  le  droit  de  transmettre  ou  de  recevoir  gratui- 
tement par  la  poste  ou  par  le  télégraphe  certaines  cor- 
respondances. La  franchise  est  une  disposition  d'ordre 
purement  intérieur  ;  elle  ne  s'applique  généralement  pas 
au  service  international  dans  lequel  les  correspondances 
officielles  relatives  aux  services  des  postes  et  des  télégra- 
phes et  échangées  entre  les  administrations  postales  où 
télégraphiques  sont  seules  exemptées  de  l'affranchissement. 
Les  exceptions  peu  nombreuses  apportées  à  cette  règle, 
par  exemple  l'échange  des  télégrammes  météorologiques, 
sont  déterminées  par  des  arrangements  spéciaux  entre  les 
Etats  intéressés.  Dans  le  service  intérieur,  la  franchise  est 
illimitée  quand  elle  s'exerce  sans  distinction  de  personnes, 
de  lieux  et  de  genre  de  correspondances  ;  limitée,  quand 
elle  s'applique  à  des  personnes,  des  lieux  ou  des  correspon- 
dances déterminés.  Elle  peut  être  réciproque  ou  non  et 
résulter  soit  de  la  qualité  seule  du  destinataire,  soit  de  la 
qualité  seule  de  l'expéditeur,  soit  enfin  des  qualités  réunies 
de  l'un  et  de  l'autre. 

En  général,  la  franchise  illimitée  n'est  accordée,  dans 
chaque  pays,  qu'au  chef  de  l'Etat  et,  dans  les  gouverne- 
ments monarchiques,  aux  personnes  appartenant  à  la 
famille  régnante,  aux  plus  hautes  autorités  et  à  quelques 
fonctionnaires  spécialement  désignés.  La  franchise  limitée 
est  attribuée  aux  services  publics  pour  les  correspondances 
d'intérêt  général.  Quelques  exceptions  méritent  d'être  citées. 
Aux  Etats-Unis  d'Amérique,  les  veuves  des  présidents 
peuvent,  en  vertu  d'un  vote  spécial  du  Congrès,  recevoir 
et  expédier  leurs  correspondances  postales  personnelles  en 
franchise  de  port.  Mmes  John  Tyler,  James  K.  Polk, 
Lucrèce  R.  Garfield  et  Julie  D.  Grant,  jouissent  actuellement 
(1893)  de  ce  privilège.  Tous  les  envois  qu'elles  expédient 
doivent  porter  leur  signature  autographe.  —  En  Suisse,  les 
membres  de  l'Assemblée  fédérale  ou  de  ses  commissions 
en  session,  lorsqu'ils  séjournent  dans  le  lieu  où  se  tiennent 
ces  sessions,  ont  la  franchise  postale  pour  leur  correspon- 
dance privée.  —  En  Allemagne,  la  franchise  de  port  est 


—  1469  — 


FRANCHISE  -  FRANCÏA 


accordée  aux  lettres  ordinaires  qui,  adressées  à  des  soldats, 
jusqu'au  grade  de  sergent-major  inclusivement,  sont  revê- 
tues de  la  mention  :  «  Lettre  de  soldat,  affaire  particulière 
au  destinataire.  »  Le  poids  de  ces  lettres  ne  doit  toutefois 
pas  dépasser  60  gr.  Les  cartes  postales  portant  la  même 
mention  sont  aussi  transportées  en  exemption  de  port.  La 
même  franchise  est  accordée  en  Suisse  pour  la  correspon- 
dance postale  privée  des  militaires  au  service  fédéral.  — 
En  France  et  dans  un  grand  nombre  d'autres  pays,  les 
lettres  des  soldats  ou  marins  et  celles  qui  leur  sont  adres- 
sées jouissent  de  la  franchise,  mais  seulement  lorsque  ces 
militaires  font  partie  de  corps  d'armée  de  terre  et  de  mer 
en  campagne.  —  Plusieurs  pays  ont  accordé  des  franchises 
spéciales  à  certaines  publications  :  en  Bulgarie,  les  publi- 
cations périodiques  purement  scientifiques  circulent  en 
franchise  par  la  poste  lorsqu'elles  sont  expédiées  par  leurs 
auteurs.  Dans  la  Serbie,  la  franchise  de  port  est  accordée 
à  tous  les  journaux  et  publications  périodiques  expédiés  par 
les  éditeurs,  ainsi  qu'aux  brochures,  annonces,  ouvrages 
littéraires,  suppléments,  etc.,  joints  à  ces  journaux  ou 
expédiés  isolément  par  les  éditeurs.  La  même  franchise  est 
accordée  à  la  correspondance  de  l'Académie  des  sciences, 
de  la  Société  d'agriculture,  de  la  Société  de  la  Croix-Rouge, 
de  la  Société  de  médecine,  de  la  Bibliothèque  nationale,  du 
Musée  national,  du  Théâtre  national,  de  la  Banque  natio- 
nale privée.  Dans  la  Colombie,  les  imprimés  de  toute  na- 
ture adressés  aux  bibliothèques  ayant  un  caractère  public 
sont  admis  en  franchise  à  condition  que  l'envoi  ne  renferme 
pas  plus  d'un  exemplaire.  Les  publications  périodiques 
nationales  et  étrangères  circulent  en  franchise  dans  les  six 
premiers  mois  de  la  publication  de  chaque  numéro.  Dans  le 
Paraguay,  les  journaux  et  publications  périodiques  jouissent 
également  de  la  franchise.  Divers  pays  ont  accordé  des 
franchises  aux  correspondances  des  institutions  de  bienfai- 
sance, des  caisses  d'épargne,  des  caisses  nationales  d'assu- 
rances en  cas  d'accidents,  des  associations  de  la  Croix- 
Rouge,  et  admettent  gratuitement  par  la  poste  les  actes 
de  procédure  intéressant  les  pauvres.  Citons  enfin  ce  fait 
que  la  Roumanie  a  adopté  la  franchise  pour  les  correspon- 
dances des  ministres  étrangers  accrédités  en  Roumanie  avec 
les  autorités  consulaires  qui  en  dépendent,  à  condition  que, 
par  réciprocité,  les  ministres,  agents  et  consuls  roumains, 
jouissent  de  la  même  faveur  dans  les  pays  représentés  par 
ces  ministres  étrangers. 

En  France,  les  concessions  de  franchises,  les  limites 
dans  lesquelles  s'exercent  ces  franchises  ainsi  que  les  con- 
ditions de  circulation  sont  déterminées  par  décrets  du  pré- 
sident de  la  République.  Les  demandes  de  concessions  de 
franchises  doivent  être  adressées  au  ministre  du  commerce 
et  de  l'industrie,  par  l'intermédiaire  du  département  minis- 
tériel duquel  relèvent  les  auteurs  de  ces  demandes.  En 
dehors  des  correspondances  officielles,  la  franchise  est  ac- 
cordée à  certains  envois  assimilés  par  arrêtés  ministériels 
à  la  correspondance  de  service,  par  exemple  :  pour  la 
poste,  le  Bulletin  des  lois,  les  bulletins  départementaux  de 
l'instruction  primaire,  les  diplômes  de  grades  universi- 
taires, le  Journal  officiel,  les  tubes  de  vaccin,  etc.;  pour 
le  télégraphe,  les  dépêches  météorologiques,  etc.   E.  E. 

IV.  Droit  international.  —  Franchise  diplomatique. 
—  La  franchise  est  celle  des  immunités  diplomatiques  qui 
exempte  les  fonctionnaires  qui  en  jouissent  des  droits  de 
douane  pour  les  objets  à  leur  usage  qu'ils  font  venir  de 
l'étranger.  Elle  est  soumise  aujourd'hui,  dans  la  plupart 
des  Etats,  à  des  procédures  ou  formalités  diverses  des- 
tinées à  prévenir  les  abus.  D'après  l'art.  4  (titre  1)  du 
décret  du  6  août  4791  sur  les  douanes,  les  mesures  re- 
latives aux  passeports  donnés  aux  ambassadeurs,  tant 
étrangers  que  français,  doivent  faire  l'objet  de  conven- 
tions avec  les  puissances  étrangères  et  être  établies  sur  le 
pied  d'une  entière  réciprocité.  Dans  plusieurs  pays,  les 
agents  diplomatiques  ne  peuvent  donc  introduire  aucune 
marchandise  prohibée;  dans  d'autres,  ils  sont  tenus  de 
souffrir  la  visite  des  caisses  qui  leur  sont  adressées,  sans 

GRANDE    O'C  VCLOPf.nl  F..   —  XYIT. 


toutefois  que  cette  visite  puisse  jamais  être  faite  dans 
leur  hôtel,  à  moins  qu'ils  ne  le  demandent  eux-mêmes, 
afin  que  lesdites  caisses  ne  soient  point  ouvertes  à  la 
douane  au  risque  d'être  détériorées.  En  ce  qui  concerne 
leurs  bagages  personnels,  les  agents  diplomatiques  sont 
presque  partout  exempts  de  visite.  En  Belgique,  la  loi  gé- 
nérale du  26  août  4822  exempte  des  droits  les  objets 
appartenant  aux  chefs  de  mission;  si  le  nombre  et  le 
volume  des  colis  sont  tels  qu'il  y  ait  soupçon  de  fraude,  les 
employés  n'en  entravent  pas  le  passage,  mais  avisent  immé- 
diatement le  ministre  des  finances  afin  qu'il  puisse  prendre 
les  mesures  convenables.  En  Angleterre,  la  liberté  d'im- 
portation est  illimitée  pour  les  chefs  de  mission  à  condition 
qu'ils  sollicitent  chaque  fois  une  permission  spéciale  du 
Foreign-Office.  Aujourd'hui,  en  France,  tout  ce  qui  entre 
pour  la  première  fois  avec  l'agent  est  exempt  de  visite  et 
de  perception  ;  les  équipages  qui  viennent  après  doivent  être 
signalés,  afin  que  l'administration  donne  des  ordres  spé- 
ciaux pour  leur  admission  ;  à  toute  époque,  l'agent  peut 
demander  l'entrée  des  objets  à  son  usage;  ils  sont  expédiés 
sur  la  douane  de  Paris,  qui  les  livre  en  franchise  (Décr. 
admin.  du  24  févr.  4826).  Ernest  Lehr. 

V.  Beaux- Arts.  —  Franchise  de  la  coupe  (V.  Coupe). 

Bibl.  :  Ancien  droit.  —  Guyot,  Répertoire  universel 
et  raisonné  de  jurisprudence,  v°  Franchise,  nouv.  éd., 
t  VII,  1784.  —  Henri  Beaune,  Droit  coutumier  français; 
la  Condition  des  personnes;  Lyon  et  Paris,  1882,  in-8.  — 

Droit  international.  —  Ôh.  de  Martens,  Guide 
diplomatique,  §  32.  —  Pradier-Fodérè,  Cours  de  droit 
diplomatique^. ll^.hZ.—  Ernest  Lehr,  MantteZ  des  agents 
diplomatiques,  nos  1079  et  suiv. 

FRANCHOYS  (Lucas),  surnommé  le  Vieux,  peintre 
flamand,  né  à  Malines  en  4574,  mort  à  Malines  le 
16  sept.  4643.  Le  musée  d'Anvers  possède  deux  tableaux 
de  Lucas  Franehoys,  l'Education  de  la  Vierge  zl  V Ap- 
parition de  la  Vierge  a  saint  Simon  Stock.  Ces  pein- 
tures, qui  proviennent  l'une  et  l'autre  du  couvent  des 
carmes  déchaussés  de  Malines,  sont  les  œuvres,  assez  peu 
significatives,  d'un  contemporain  de  Rubens  qui  reste  en 
retard  sur  le  mouvement  de  l'école  et  semble  hésiter  à  se 
convertir  aux  doctrines  nouvelles.  Franehoys  passe  pour 
avoir  travaillé  en  France  et  en  Espagne,  mais  la  question 
de  ses  voyages  est  demeurée  douteuse.  C'est  à  Malines  au 
contraire  qu'on  le  voit  exercer  son  art  pendant  presque 
toute  sa  vie.  Il  reste  encore  dans  les  églises  des  preuves  de 
son  activité  :  il  eut  deux  fils  qui  suivent. 

Pieter  Franehoys,  l'ainé  des  deux  frères,  est  de  beau- 
coup le  plus  habile.  Né  à  Malines  en  4604,  mort  en  4654, 
il  peut  être  considéré  comme  un  excellent  portraitiste.  Son 
père  l'avait  confié  à  Gérard  Seghers  qui  ne  lui  donna  pas 
de  mauvaises  leçons.  On  attribue  à  Pieter  certaines  figu- 
rines disséminées  dans  les  paysages  de  ses  confrères.  Mais 
il  savait  surtout  Fart  de  peindre  les  têtes  et  l'on  est  allé 
jusqu'à  dire  qu'il  se  rattache  à  l'école  de  Van  Dyck.  Ses 
œuvres  sont  devenues  très  rares.  Nous  avons  de  lui  au 
musée  de  Lille  un  excellent  portrait  de  Gisbert  Mutzarts, 
prieur  de  l'abbaye  de  Tongerloo.  Ce  portrait,  plein  de  vie 
et  d'une  bonne  santé  flamande,  est  signé  Peeter  Fran- 
ehoys pinxil,  1645.  Il  a  été  photographié  par  Braun. 

Lucas  Franehoys,  qu'on  appelle  le  Jeune  pour  le  dis- 
tinguer de  son  père,  était  le  frère  cadet  de  Pieter.  Né  à 
Malines  en  4646,  mort  en  4684,  il  traversa  l'atelier  de 
Rubens  et  fut  un  instant  son  obscur  collaborateur.  Mais  il 
ne  parvint  jamais  à  s'assimiler  le  beau  coloris  de  l'école 
anversoise.  Il  a  fait  beaucoup  de  compositions  religieuses 
pour  les  églises  et  les  couvents  de  sa  province;  sa  manière 
est  dure  et  sans  harmonie.  P.  Mantz. 

Bibl.  :  J.-A.  Wauters,  la  Peinture  flamande,  1883.  — 
Catalogue  du  Musée  d'Anvers,  1890. 

FRANCÏA  (Sierra  de).  Chaîne  de  montagnes  d'Espagne, 

qui  fait  partie  de  la  ligne  de  partage  entre  le  bassin  du 

Douro  et  celui  du  Tage  ;  elle  constitue  la  partie  occidentale 

de  la  sierra  de  Gâta  (4,500  à  4,700  m.)  et  domine  la 

célèbre  vallée  des  Batuecas,  au  S.  de  Salamanque.  Son 

point  culminant,  la  Pena  de  'Francia,  isolé  du  reste 

74 


FRANCIA 


4470  — 


de  la  chaîne  par  des  cols,  a  un  aspect  imposant  et  atteint 
4,742  m. 

FRANCIA  (Francesco  Ràibolini,  dit),  orfèvre  et  peintre 
italien,  né  à  Bologne  en  4450,  mort  à  Bologne  le  5  janv. 
4548.  L'artiste  qui  a  illustré  le  surnom  de  Francia  est 
sorti  de  l'atelier  d'un  orfèvre  et  il  semble  être  resté  fier  de 
cette  origine  puisqu'il  n'abandonna  jamais  complètement  sa 
première  profession  et  qu'il  prit  plaisir  à  ajouter  le  mot 
aurifex  maurifaber  à  la  signature  qu'il  apposait  sur  ses 
tableaux.  Le  nom  de  son  maître  n'est  connu  par  aucun  docu- 
ment authentique  ;  mais  on  a  quelque  raison  de  croire  qu'il 
étudia  la  peinture  sous  la  discipline  du  Ferrarais  Lorenzo 
Costa  qui,  dès  4488,  travaillait  pour  G.  Bentivoglio,  seigneur 
de  Bologne.  Costa  était  un  peu  plus  jeune  que  Francia,  et  ce 
n'est  pas  dans  les  premières  années  qui  suivirent  son  arri- 
vée à  Bologne  qu'il  a  pu  exercer  une  influence  sérieuse 
sur  celui  qui  devint  plus  tard  son  élève.  Du  reste,  Francia 
hésita  longtemps  à  apprendre  un  nouveau  métier.  Toute  sa 
jeunesse  appartint  à  l'orfèvrerie  qu'il  pratiquait  avec  hon- 
neur et  qui  suffisait  à  son  ambition.  Affilié  à  la  puissante 
corporation  des  orfèvres  dont  il  fut  plusieurs  fois  le  chef 
(notamment  en  4483  et  en  4489),  il  faisait,  à  l'exemple 
de  ses  confrères,  des  nielles  comme  les  deux  Paix  que 
conserve  la  Pinacothèque  de  Bologne,  et,  au  besoin,  des 
médailles.  Bentivoglio  le  nomma  maître  de  la  Monnaie, 
fonction  qu'il  exerça  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Il  grava  encore 
des  caractères  pour  le  célèbre  imprimeur  vénitien  Aide 
Manuce,  et  peu  de  temps  avant  sa  mort  il  fut  lui-même 
imprimeur  sous  le  nom  de  Francesco  di  Bologna.  Il  se  maria 
jeune  encore,  puisque  ses  deux  fils,  Giacomo  et  Giulio, 
sont  nés,  le  premier  en  4485,  le  second  en  4487. 

Les  plus  anciennes  peintures  de  Francia  gardent  la 
trace  évidente  des  habitudes  de  l'artiste  accoutumé  à  fouil- 
ler le  métal.  Elles  sont  un  peu  sèches,  et,  à  vrai  dire,  V au- 
rifex de  Bologne  n'acquit  jamais  la  morbidesse  où  s'illus- 
tra son  contemporain  Léonard  de  Vinci,  grandi  lui  aussi 
dans  l'atelier  d'un  orfèvre.  La  chronologie  des  œuvres  de 
Francia  n'est  pas  encore  rigoureusement  établie.  Bartolom- 
meo  Bianchini  lui  a  fait  faire  un  de  ses  premiers  tableaux. 
C'est  la  Sainte  Famille  du  musée  de  Berlin  qui  porte  la 
curieuse  inscription  :  Bartholomei  sumpt  (ibus)  Bian- 
chini maxima  matrum  hic  vivit  manibvs  Francia 
picta  tvis.  On  fixe  à  4495  l'exécution  de  la  Vierge  et 
CEnfant  de  Dudley  House,  qu'on  sait  avoir  été  peinte 
pour  un  de  ses  camarades,  l'orfèvre  Jacopo  Gambaro.  Des 
premiers  temps  de  Francia  date  aussi  le  Christ  crucifié 
du  Louvre,  composition  singulière  où  l'on  voit  saint  Job 
couché  au  pied  du  crucifix,  la  Vierge  et  saint  Jean  se 
tenant  de  chaque  côté  de  la  croix.  Ce  tableau,  de  cons- 
truction primitive  et  d'une  facture  sèche  et  presque  désa- 
gréable, vient  de  l'église  San  Giobbe  à  Bologne. 

Vers  4499,  Francia  fut  chargé  de  la  décoration  delà 
chapelle  de  famille  des  Bentivoglio  à  San  Giacomo  Maggiore. 
Il  peignit  sur  l'autel  un  tableau  fameux  où  se  lit  encore 
l'inscription  suivante  :  Johanni  Bentivolo  II  Francia 
aurifex  pinxit.  Et  c'est  là  qu'il  fit  paraître  les  premiers 
signes  d'affranchissement.  A  partir  de  cette  époque,  on  a 
affaire  au  Francia  connu  et  l'on  conçoit  que  nous  ne  puis- 
sions suivre  l'artiste  dans  sa  production  incessante,  car 
toutes  les  églises  et  tous  les  couvents  de  Bologne  voulurent 
s'enrichir  de  ses  peintures. 

Francia  tenait  un  registre  sur  lequel  il  notait  les  prin- 
cipaux événements  dont  son  atelier  était  le  théâtre  ;  c'est 
par  ce  livre  que  nous  savons  que,  en  juil.  4490,  entra 
chez  lui  un  nouvel  élève,  TimoteoViti,  qui  venait  d'Urbino 
et  qui  servit  peut-être  de  lien  entre  Francia  et  Raphaël. 
Les  deux  maîtres  se  sont  connus  et  ils  ont  échangé  des 
lettres  amicales.  Leurs  relations  devinrent  plus  étroites 
lorsque  Raphaël  fit  un  voyage  à  Bologne  en  4506.  On  con- 
naît le  sonnet  enthousiaste  que  Francia  a  consacré  à  l'éloge 
du  peintre  d'Urbin.  L'orfèvre  bolonais  envoya  son  portrait 
à  Raphaël,  et  tous  les  livres  ont  reproduit  la  lettre  de  4508 
où  l'illustre  artiste  adresse  à  son  ami  ses  remerciements 


et  ses  éloges.  Dans  l'atelier  de  Francia,  on  ne  parlait  que 
de  Raphaël  et  de  sa  gloire,  et  plusieurs  des  élèves  du  maître 
de  Bologne,  Marc-Antoine  Raimondi,  par  exemple,  auraient 
considéré  leur  apprentissage  comme  incomplet  s'ils  ne 
l'avaient  pas  achevé  devant  les  fresques  du  Vatican. 

Cette  vie  heureuse  et  calme  fut  à  peine  troublée  pour 
Francia  par  les  agitations  politiques  qui  émurent  les  rues 
de  Bologne  au  commencement  du  xvie  siècle.  A  la  suite 
d'une  sédition  populaire,  Bentivoglio  fut  chassé  en  4507. 
Au  lendemain  de  ces  violences,  Francia  perdait  un  chaleu- 
reux protecteur  et  il  avait  en  outre  le  chagrin  de  voir  dé- 
truire plusieurs  des  œuvres  dont  il  avait  décoré  son  palais. 
Le  nouveau  maître  de  Bologne,  Jules  II,  crut  cependant 
devoir  prendre  vis-à-vis  des  artistes  du  pays  une  attitude 
paternelle.  Il  conserva  à  Francia  sa  fonction  de  directeur 
de  la  Monnaie  :  c'est  à  ce  titre  que  l'orfèvre  fit  le  coin  de 
la  médaille  que  le  pape  distribua  au  peuple  lors  de  son 
entrée  à  Bologne,  pièce  qui  porte  l'inscription  connue  : 
Bononia  per  Julium  a  tyranno  liberata.  Et  cependant 
Francia  regrettait  toujours  le  tyran,  et  c'est  avec  joie  qu'il 
vit  revenir  en  4544  la  famille  des  Bentivoglio. 

Si,  dans  ces* brusques  changements,  les  Bolonais,  tour 
à  tour  partisans  du  pape  et  de  leur  ancien  gouverneur, 
montrèrent  une  certaine  inconsistance  d'esprit,  ils  gardè- 
rent à  Francia  l'estime  qu'ils  lui  avaient  de  tous  temps 
accordée.  En  4544,  Francia  fut  élu  au  nombre  des  gon- 
faloniers  du  peuple.  Il  était,  comme  par  le  'passé,  membre 
de  la  corporation  des  orfèvres  et,  en  4544,  il  était  une  fois 
encore  massaro  de  la  compagnie.  Il  travaillait  toujours  de 
son  double  métier  et  il  travailla  jusqu'à  la  fin.  L'une  de 
ses  dernières  peintures,  qui  date  de  4515,  est  la  Pietà  du 
musée  de  Turin  et  elle  ne  révèle  aucune  décadence.  Une 
grande  joie  était  réservée  à  la  vieillesse  de  Francia  :  il 
reçut  en  4546  la  fameuse  Sainte  Cécile  que  lui  envoyait 
Raphaël  avec  mission  d'en  surveiller  le  placement  à  San  Gio- 
vanni del  Monte. 

Lorsqu'on  parle  de  l'école  bolonaise,  on  évoque  le  sou-» 
venir  d'un  idéal  où  la  rhétorique  tient  plus  de  place  que 
le  sentiment ,  où  l'emphase  souligne  tous  les  gestes,  où 
les  tons  s'embrument  dans  une  coloration  brunissante. 
Francia  est  d'un  temps  meilleur  et  c'est  presque  lui  faire 
injure  que  de  le  classer  parmi  les  Bolonais.  C'est  un 
contemporain  de  Pérugin,  un  maître  qui  n'a  peut-être 
pas  compris  toute  la  grandeur  de  Raphaël,  mais  qui  l'a 
sincèrement  aimé.  Il  est  sérieux;  un  peu  sec  au  com- 
mencement de  sa  vie,  il  s'est  raccommodé  plus  tard  avec 
le  charme.  Ses  carnations^  ambrées  ne  sont  pas  sans 
chaleur.  C'est  particulièrement  à  Bologne  que  ses  œuvres 
doivent  être  étudiées  :  on  les  rencontre  dans  plusieurs 
églises,  notamment  à  San  Giacomo  Maggiore  dans  la 
chapelle  des  Bentivoglio  :  le  maître  triomphe  aussi  à  la 
Pinacothèque  où  sont  quelques-unes  de  ses  meilleures  pein- 
tures. Au  Louvre,  nous  avons  la  Nativité,  petit  tableau  fine- 
ment miniature,  et  le  Christ  en  croix  qui  caractérise  la 
première  manière  du  maître;  à  la  National  Gallery,  la 
Vierge  et  deux  anges  pleurant  sur  le  corps  du  Christ,  et 
la  Madone,  V Enfant,  sainte  Anne  et  plusieurs  saints, 
tableau  signé  Francia  aurifex  Bononiensis  p.;  à  Berlin, 
la  Sainte  Famille,  peinte  pour  Bartolommeo  Bianchini,  et  la 
Vierge  entourée  de  plusieurs  saints,  avec  l'inscription  : 
Francia  Aurifaber  Bonon  150%;  à  Munich,  la  Vierge  au 
jardin  des  Boses  ;  à  Dresde  le  Baptême  de  Jésus-Christ 
(4509),  à  Saint-Pétersbourg,  la  Vierge,  deux  saints  et  des 
anges  (1500).  Mais  c'est  surtout  en  Italie  qu'il  faut  étudier 
Francia  :  on  doit  voir  aux  Offices  de  Florence  le  superbe 
portrait  à'Evangelista  Scappi;  à  la  cathédrale  de  Ferrare 
le  Couronnement  de  la  Vierge;  à  Parme,  le  Christ  déposé 
delà  croix  (4545);  à  Milan  (galerie  Brera),  V  Annoncia- 
tion; à  Turin,  la  Pietà  (4545).  Nous  ne  citons  que  les 
ouvres  que  l'on  n'a  pas  le  droit  de  négliger  si  l'on  veut 
suivre  Francia  depuis  les  sécheresses  du  début  jusqu'aux 
suavités  de  la  fin  Paul  Mantz. 

Bibl.  :  Vasari,  Le  Vite  de1  pittorL—  Mal vasia,  Felsina 


-  4174  - 


FRANCIA 


pitirice;  Bologne,  1678.  —  Calvi,  Memorle  délia  vita  di 
Fr.  Raibolini;  Bologne,  1812.  —  Gualandi,  Tre  Giorniin 
Bologna,  1865.  —  Julia  Cartwright,  Mantegna  and  Fran- 
cia;  Londres,  1881.—  E.  Mûntz,  Histoire  de  l'art  pendant 
la  Renaissance,  t.  II.  —  G.  Lafenestre,  la  Peinture  ita- 
lienne. —  Burckhardt,  Le  Cicérone ,  trad.  Gérard.  — 
E.  Dutuit  et  G.  Pawjlowski,  Manuel  de  l'amateur  d'es- 
tampes; Nielles;  Paris,  1888,  gr.  in-4,  pp.  287-291. 

FRANCIA  (Giacomo),  peintre  et  orfèvre  italien,  né  à 
Bologne  en  4485,  mort  en  1557,    fils  du  précédent. 
Ticozzi  déclare  que  la  postérité  considérera  comme  dou- 
teuse la  question  de  savoir  si  Giacomo  Francia  ne  doit 
pas  être  préféré  à  son  père.  Cette  opinion,  qui  n'a  guère 
trouvé  de  partisans  au  moment  où  elle  fut  émise,  est  au- 
jourd'hui universellement  condamnée  par  tous  ceux  qui  ont 
fait  quelque  étude  de  l'art  bolonais  au  début  du  xvie  siècle. 
Giacomo  ne  sera  jamais  qu'un  artiste  de  seconde  main. 
Comparé  à  son  illustre  père,  qui  fut  son  maître,  il  n'est 
qu'un  imitateur  dépourvu  de  tout  génie  spécial.  Il  n'a  rien 
inventé  ;  il  s'est  borné  à  affaiblir  le  caractère  des  types  que 
l'orfèvre  de  Bologne  avait  mis  à  la  mode  et  à  amollir  son 
langage.  Après  avoir  pratiqué  l'orfèvrerie,  il  se  fit  peintre 
et  commença  par  copier  les  œuvres  de  son  père,  en  mêlant 
çà  et  là  à  son  art  certaines  influences  empruntées  aux  maîtres 
de  Ferrare  et  quelquefois  même  aux  Dossi  qui  ont  toujours 
cherché  la  couleur.  Giacomo,  entraîné  vers  les  méthodes 
nouvelles,  n'a  jamais  eu  la  sécheresse  de  Francesco  Fran- 
cia; il  a  voulu  plaire  et,  au  besoin,  il  serait  allé  jusqu'à  la 
fadeur.  On  a  quelques  dates  pour  établir  la  biographie  qu'il 
attend  encore.  En  4520,  il  peignit  un  Saint  Jérôme  ado- 
rant le  crucifix  qui,  en  ces  dernières  années,  décorait 
l'église  San  Stefano  à  Bologne.  C'est  du  reste  dans  les  églises 
de  cette  ville  qu'on  peut  se  rendre  compte  du  talent  de 
Giacomo  Francia  et  des  transformations  qu'il  fit  subir  au 
sérieux  idéal  de  son  père.  A  San  Giovanni  in  Monte,  on  trou- 
vera r Apparition  de  Jésus-Christ  à  la  Madeleine;  à  la 
sacristie  de  l'Annunziata  une  petite  peinture  de  V Enseve- 
lissement du  Christ;  à  San  Donato,  VEvangéliste  saint 
Jean,  tableau  que  Gualandi  date  de  4545;  à  San  Vitale, 
une  Nativité  en  assez  mauvais  état;  à  San  Domenico,  un 
Saint  Michel.  Aucun  de  ces  tableaux  ne  saurait  passer 
pour  un  chef-d'œuvre.  Giacomo  Francia  se  rencontre  aussi 
dans  les  musées  :  il  est  d'abord  à  la  Pinacothèque  de  Bo- 
logne où  l'on  semble  faire  grand  cas  d'une  Vierge  entou- 
rée de  saint  Pierre,  de  saint  François  et  de  la  Made- 
leine', il  faut  ensuite  citer  à  Berlin  la  Vierge  et  V Enfant 
qui  porte  la  signature  I  Francia;  au  musée  Brera  de 
Milan  deux  tableaux  importants  :  la  Vierge  avec  saint 
Gervais  et  saint  Protais,  sainte  Catherine  et  sainte 
Justine  (4544)  et  la  Madone  assise  avec  quatre  saints. 
Ces  deux  peintures  proviennent  de  Bologne.  Dans  toutes 
ces  œuvres,  Giacomo  Francia  se  montre  un  imitateur  fort 
atténué  de  son  père  ;  mais  son  exécution  est  moelleuse  et 
caressée,  et,  sans  être  véritablement  coloriste  dans  le  sens 
vénitien  du  mot,  il  n'est  pas  indifférent  aux  beaux  tons. 
Cette  circonstance  donne  du  poids  à  la  conjecture  d'après 
laquelle  il  aurait  étudié  les  maîtres  de  Ferrare. 

Giacomo  Francia  a  eu  un  frère,  Giulio,  né  à  Bologne  en 
4487,  mort  après  4543.  Fidèle  aux  traditions  de  sa  famille, 
ce  Giulio  fut  à  la  fois  orfèvre  et  peintre.  Il  n'a  fait  qu'un 
nombre  restreint  de  tableaux  ;  mais  nous  en  connaissons 
plusieurs  qu'il  a  exécutés  en  collaboration  avec  son  frère. 
Ils  avaient  adopté  une  signature  qui  réunit  les  initiales  des 
deux  prénoms.  Ainsi,  à  Berlin,  la  Vierge  glorifiée  est  si- 
gnée 1. 1.  Francia,  avrifl,  Bonon  fecer.  A  la  Pinacothèque 
de  Bologne,  le  tableau  qui  réunit  Saint  Frediano,  saint 
Jacques,  sainte  Ursule  et  sainte  Lucie  est  aussi  l'œuvre 
des  deux  frères  et  porte  la  marque  /.-/.  Francia.  Enfin 
dans  l'église  qu'on  appelait  le  Collegio  di  Spagna,  il  reste 
une  Sainte  Marguerite  signée  1. 1.  Francia  f.  MCXVIH. 
On  ne  sait  pas  quelle  part  revient  à  chacun  des  frères  dans 
l'élaboration  de  l'œuvre  commune.  P.  Mantz. 

Bibl.  :  Malvasia,  Felsina  pitirice,  1678.  —  Gualandi, 
Tre  Giorni  in  Bologna,  1865. 

FRANCIA  (Domenico),  peintre  et  architecte  italien,  né 


à  Bologne  en  4702,  mort  à  Vienne  en  4758.  Son  père, 
Francesco-Maria  Francia,  qui  était  un  graveur  de  mérite, 
le  mit  dans  l'atelier  de  Marcantonio  Franceschini  ;  puis 
Domenico,  attiré  par  les  études  d'architecture,  s'y  livra 
quelque  temps  sous  la  direction  de  Ferdinando  Bibiena.  Il 
acquit  ainsi  une  science  remarquable  de  la  perspective, 
qu'il  mit  à  profit  en  chargeant  les  fonds  de  ses  tableaux 
de  fabriques  importantes.  En  4723,  il  alla,  en  compagnie 
de  Giuseppe  Bibiena  à  Vienne  et  à  Prague,  où  il  organisa 
les  fêtes  du  couronnement  de  l'empereur  Charles  VI.  Re- 
venu en  Italie,  il  fut  de  nouveau  appelé  en  Autriche,  et  y 
resta  quatorze  ans,  décorstatune  foule  d'églises  et  de  palais. 
En  1736,  le  roi  de  Suède,  auquel  il  avait  été  présenté  par 
le  comte  de  Tencin,  l'attacha  à  la  cour  de  Stockholm,  où  il 
peignit  des  perspectives  dans  le  Palais-Neuf.  En  4748, 
Francia  épousa  une  Portugaise  et  alla  vivre  avec  elle  plus 
d'un  an  à  Lisbonne.  Il  revint  ensuite  à  Livourne  et  à 
Rome,  et  repartit  enfin  pour  Vienne  :  pendant  qu'il  tra- 
vaillait dans  cette  ville  à  la  décoration  du  couvent  de  l'Im- 
maculée Conception,  il  tomba  d'un  échafaudage  et  se  blessa 
mortellement.  E.  Bertaux. 

FRANCIA  (José-Gaspard-Tomas-Rodriguez),  dictateur  du 
Paraguay,  né  à  l'Assomption  en  4757  (ou  4763),  mort  à 
l'Assomption  le  20  sept.  4840.  Après  avoir  pris  le  grade  de 
docteur  en  droit  canon  à  l'université  de  Côrdova  du  Tucu- 
man,  il  retourna  dans  sa  ville  natale,  où  il  exerça  longtemps 
avec  talent  et  avec  désintéressement  la  profession  d'avocat. 
Membre  du  Cabildo,  procureur-syndic,  puis  alcade,  il 
acquit  sur  ses  compatriotes  une  influence  qui  lui  valut 
d'être  désigné  comme  secrétaire  de  la  junte  d'Etat  du  Pa- 
raguay, lorsque  ce  pays,  à  l'exemple  des  autres  colonies 
espagnoles,  s'insurgea  contre  la  métropole  (4844).  Ambi- 
tieux, autoritaire  et  jaloux,  il  se  fit  nommer  consul  (4843) 
avec  Fulgencio  Yegros,  qu'il  réduisit  bientôt  à  l'impuis- 
sance, puis  obtint  pour  lui  seul  d'une  assemblée  terrorisée 
la  dictature  (4844)  qui,  d'abord  triennale,  lui  fut  décernée 
à  vie  en  1817.  Yegros,  soupçonné  de  conspirer  contre  lui, 
fut  mis  à  mort  en  1819,  ainsi  qu'un  grand  nombre  de  ses 
amis.  Dès  lors,  Francia  exerça  jusqu'à  sa  mort  le  pouvoir 
le  plus  absolu  et  le  plus  despotique  que  jamais  le  chef  d'un 
Etat  ait  possédé.  Soupçonneux,  cruel,  inflexible,  toujours 
gardé,  toujours  armé,  il  ne  permettait  guère  qu'on  l'appro- 
chât et  entretenait  la  terreur  par  les  supplices.  Toutes  les 
ressources  du  pays  étaient  entre  ses  mains.  Il  réglementait 
les  travaux  publics,  l'agriculture,  l'industrie,  le  commerce 
de  la  façon  la  plus  minutieuse  et  avec  une  inflexible 
rigueur.  Les  communications  du  Paraguay  avec  le  dehors 
ne  purent  avoir  lieu  que  sous  sa  surveillance  par  les  deux 
ports  d'Ytapua  et  de  Nova  Coïmbra.  Le  pays  était  vérita- 
blement en  état  de  blocus.  Les  étrangers  n'y  pouvaient 
que  rarement  y  pénétrer.  Parfois  Francia  les  y  retenait  de 
force  (c'est  ainsi  qu'il  traita,  par  exemple,  les  chirurgiens 
Reugger  et  Longchamps,  en  1819,  et  le  naturaliste  Bon- 
pland,  en  1824).  Il  va  sans  dire  qu'il  n'y  avait  pas  d'as- 
semblées délibérantes.  Les  Cabildos  eux-mêmes  furent 
supprimés.  Francia,  instruit,  libre  de  préjugés,  même 
incrédule,  abusa,  comme  autrefois  les  jésuites  et  peut-être 
plus  qu'eux,  de  l'ignorance  profonde  et  de  la  docilité  légen- 
daire du  peuple  paraguayen  qui,  tant  qu'il  vécut,  se  soumit 
sans  murmurer  à  tous  ses  caprices  et  qui  même  l'honora 
mort,  comme  il  l'avait  redouté  vivant.       A.  Debidour. 

FRANCIA  (Louis),  aquarelliste  français,  né  à  Calais  en 
1772,  mort  en  1839.  A  vingt-cinq  ans  il  passa  en  Angle- 
terre, où  ses  aquarelles  de  marines  eurent  un  grand  suc- 
cès et  lui  valurent  les  titres  de  secrétaire  perpétuel  de  la 
Société  des  aquarellistes  de  Londres,  alors  si  florissante, 
et  de  peintre  du  duc  d'York.  Revenu  à  Calais  en  1817,  il 
y  ouvrit  une  école,  où  il  eut  pour  élève  Bonington.  —  Son 
fils,  Alexandre,  se  fit  également  une  réputation  comme 
aquarelliste. 

FRANCIA  y  Acosta  (Francisco  de),  auteur  espagnol  du 
xvie  siècle.  D'origine  portugaise,  il  écrivit  un  petit  recueil 
de  vers  en  castillan  :  Jardin  de  Apolo  (Madrid,  1624> 


FRANCIA  —  FRANCIS 


4172 


in-8).  On  y  trouve  20  sonnets,  6  silvas,  14  romances, 
12  épigrammes  et  un  petit  poème  en  octaves,  El  Penasco 
de  las  laarimas,  où  il  décrit  la  vie  de  la  cour.  Les  vers  sont 
d'une  forme  heureuse,  le  style  élégant  et  spirituel,  géné- 
ralement exempt  de  la  préciosité  qui  était  alors  à  la  mode. 
Gallardo,  dans  son  Ensayo  de  una  biblioteca  de  libros 
raros,  en  a  donné  quelques  spécimens.  E.  Cat. 

FRANCIABIGIO  (Francesco  di  Cristofano),  peintre  ita- 
lien, né  à  Florence  en  1482,  mort  en  1525.  Fils  d'un  cer- 
tain Cristofano,  dont  l'histoire  n'a  point  à  s'inquiéter, 
Francesco  se  fit  connaître  sous  le  surnom  de  Franciabigio. 
Il  paraît  avoir  appris  la  peinture  chez  Mario tto  Alberti- 
netti,  l'habile  collaborateur  de  Fra  Bartolommeo.  Il  fut 
l'ami  d'Andréa  del  Sarto  et  de  Pontormo  et  appartient  ainsi 
au  groupe  qui  a  jeté  tant  d'éclat  sur  l'école  florentine.  Ses 
premiers  travaux  furent  des  fresques  exécutées  dans  les 
églises  de  Florence.  Il  avait  tout  ce  qu'il  faut  pour  réussir 
dans  ce  genre  de  peinture  et  il  a  particulièrement  donné 
la  preuve  de  ses  dons  heureux  dans  le  cortileàe  TAnnun- 
ziata  dont  le  décorateur  principal  fut  Andréa  del  Sarto 
qui,  à  quelques  années  près,  était  son  contemporain.  On 
voit  par  un  extrait  des  comptes  du  couvent  qu'en  1513 
Franciabigio  peignit  dans  la  petite  cour  qui  donne  entrée 
à  l'église,  le  Mariage  de  la  Vierge.  Associé  à  Ridolfo 
Ghirlandajo,  Franciabigio  fit  les  décorations  pour  les  fêtes 
données  en  1518  à  l'occasion  du  mariage  de  Lorenzo  de 
Médicis,  duc  d'Urbin.  Vasari  assure  que  l'artiste  y  fit 
paraître  beaucoup  d'invention  et  de  grâce.  Il  était  d'ail- 
leurs estimé  chez  les  Médicis  qui  eurent  souvent  l'occasion 
d'employer  son  pinceau,  car,  en  véritable  maître  de  la  Re- 
naissance, il  était  aussi  à  l'aise  dans  la  mythologie  que 
dans  les  peintures  religieuses. 

Vasari  a  réuni  de  précieux  détails  sur  la  plupart  des  tra- 
vaux de  Franciabigio.  Malheureusement,  beaucoup  de  ses 
œuvres  ont  péri.  Nous  avons  cependant  aux  Offices  de  Flo- 
rence le  Temple  d'Hercule  qu'un  ancien  inventaire  attri- 
buait à  Andréa  del  Sarto  et  qui  paraît  avoir  constitué  le 
devant  d'un  cassone;  là  aussi  est  le  tableau  qui  réunit  la 
Vierge,  V Enfant,  saint  Jean- Baptiste  et  saint  Job. 
Cette  peinture  porte  le  monogramme  F.  R.  C.  Au  musée  de 
Turin,  on  retrouve  V Annonciation,  œuvre  importante  et 
d'un  beau  mouvement  florentin  ;  à  Dresde,  David  et  Beth- 
sabée  (1525)  ;  à  Berlin,  deux  portraits,  entre  autres  celui 
d'un  jeune  homme,  daté  1522  et  marqué  d'un  signe  où 
se  combinent  les  lettres  F.  R.  C.  Les  commentateurs  de 
Vasari  se  demandent  si  cet  excellent  portrait  n'est  pas  celui 
de  Matteo  Sofferoni  qui  fut  l'intime  ami  du  peintre  floren- 
tin. Au  Louvre,  nous  n'avons  qu'un  beau  dessin  à  la  plume, 
Projet  pour  la  décoration  d'une  chapelle.  Vasari,  par- 
lant ici  avec  la  bonhomie  ironique  chère  aux  hommes 
du  xvie  siècle,  finit  sa  notice  en  faisant  remarquer  que 
Franciabigio  aimait  la  paix  et  conséquemment  qu'il  ne  se 
maria  pas.  P.  Mantz. 

Bibl.  :  Vasari,  Le  Vite  de'  pitlori.  —  Baldinucci,  No- 
tizie  de' professori;  Milan,  1811,  t.  VI.  —F.  Reiset,  Des- 
sins du  Louvre,  1866,  t.  I. 

FRANCIÈRES.  Coin,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Com- 
piègne,  cant.  d'Estrées-Saint-Denis  ;  520  hab.  Cette  loca- 
lité possédait  un  prieuré  de  l'ordre  de  Saint-Benoît  et  un 
beau  château  appelé  Foisselles  démoli  à  la  Révolution.  On 
a  trouvé  autour  de  ce  village  un  grand  nombre  de  haches 
polies  en  silex.  Importante  sucrerie.  Raffinerie. 

FRANCIÈRES.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Ab- 
beville,  cant.  d'Ailly-le-Haut-Clocher  ;  217  hab. 

FRANCILLON.  Corn,  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Die, 
cant.  de  Crest;  290  hab. 

FRANCILLON.  Corn,  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de  Châ- 
teauroux,  cant.  de  Levroux;  221  hab. 

FRANCILLON  (Robert-Edward),  littérateur  anglais,  né 
à  Gloucester  en  1841.  Avocat  en  1864,  rédacteur  du  Law 
Magazine  (1867),  il  débuta  dans  la  littérature  par  une 
nouvelle,  pleine  de  fraîcheur,  Grâce  Ouverts  Engagement 
publiée  dans  le  Blackwood's  Magazine.  11  a  fait  partie 


de  la  rédaction  du  Globe,  a  donné  des  articles  à  plusieurs 
revues  littéraires  et  publié  divers  romans  parmi  lesquels  : 
Earl's  Dene  (1870)  ;  Pearl  and  Emerald  (1872); 
Zelda's  Fortune  (1873)  ;  Olympia  (1874)  ;  A  Dog  and 
his  Shadow  (1876);  Strange  Waters  (1878J,  etc.  Si- 
gnalons encore  de  curieuses  petites  études  qu'il  a  réunies 
sous  les  titres  de  National  Characteristics  (1872)  et 
Flora  and  Fauna  of  London  (1872).  R.  S. 

FRANCILLY-Selancy.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Saint-Quentin,  cant.  de  Vermand  ;  346  hab. 

FRANGIN.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de  Cham- 
béry,  cant.  de  Montmélian  ;  614  hab. 

FRANGINE  ou  FRANCINI,  dits  aussi  Franchine .  Fa- 
mille d'ingénieurs  italiens,  qui,  pendant  tout  le  xvne  et  une 
période  du  xvme  siècle,  exercèrent  de  père  en  fils,  à  la 
cour  des  rois  de  France,  la  charge  d'intendant  général  des 
eaux  et  fontaines.  Celui  au  profit  de  qui  elle  fut  créée 
semble  avoir  été  amené  à  Paris  par  Marie  de  Médicis.  Il 
était  né  à  Florence  vers  1570.  Il  dota  Saint-Germain-en- 
Laye  de  nombreuses  fontaines.  —  Son  fils,  Jean-Nicolas 
de  Francine,  construisit  l'aqueduc  d'Arcueil.  —  Le  fils  de 
celui-ci,  Pierre  de  Francine-Grandmaison,  fut  l'auteur 
de  plusieurs  des  jets  d'eau  du  parc  de  Versailles  et  de  sa 
grotte  aujourd'hui  détruite  de  Téthys,  célébrée  par  Félibien 
et  La  Fontaine.  —  Enfin  François  de  Francine-Grandmai- 
son,  comte  de  Villepreux,  mort  en  1720,  est  encore 
signalé,  ainsi  que  son  fils  et  son  petit-fils,  comme  pourvu 
de  la  même  charge.  L.  S. 

FRANCIOSI  (Giovanni),  littérateur  italien,  né  à  Cep- 
pato,  près  de  Pise,  le  26  oct.  1843.  Il  a  publié  plusieurs 
intéressantes  études  d'histoire  littéraire  et  notamment  sur 
Dante  et  la  Divine  Comédie  :  Gregorio  VII  giudicato  da 
Dante  (Modène,  1869)  ;  DelV  Evidenza  Dantesca  stu- 
diata  nelle  metafore,  nelle  similitudini  e'nei  simboli 
(Modène,  1872)  ;  Scritti  Danteschi  (Florence,  1876)  ; 
Saggio  di  postule  su  Dante  (Turin,  1881).  La  plupart  de 
ses  autres  écrits  sont  réunis  dans  les  Scritti  varii  (Flo- 
rence, 1878).  Il  a  également  donné  quelques  vers  :  L'Aria 
(Modène,  1876)  ;  Il  Volere  (1879),  etc.  R.  G. 

Bibl.  :  Hœpli,  Biblioteca  Dantesca  ;  Milan,  1883. 

FRANCIOSINO  (Le)  (V.  Cordier  [Nicolas]). 

FRANCIS  (Philip),  littérateur  irlandais,  né  vers  1708, 
mort  en  1773.  Elève  de  Trinity  Collège  à  Dublin,  il  entra 
dans  les  ordres  et  mena  une  vie  assez  mouvementée  et 
irrégulière  en  Irlande  et  à  Londres,  prenant  part  aux 
polémiques  religieuses  et  politiques  de  l'époque,  et  publiant 
force  brochures,  justement  oubliées.  On  lui  a  attribué  la 
paternité  des  fameuses  Lettres  de  Junius  (V.  A  Dis- 
covery  of  the  Author  of  the  «  Letters  of  Junius  », 
par  John  Taylor,  1813),  mais  son  titre  le  plus  sûr  au  sou- 
venir de  la  postérité  est  une  assez  bonne  traduction  d'Ho- 
race. 

FRANCIS  (Sir  Philip),  écrivain  et  homme  politique 
irlandais,  né  à  Dublin  le  22  oct.  1740,  mort  à  Londres  le 
22  déc.  181 8. Fils  du  précédent,  Philip  Francis  compléta  ses 
études  à  Saint-Paul  School  (Londres),  où  il  eut  pour  condis- 
ciple Henry  Sampson  Woodfall  qui  devait  éditer  plus  tard 
les  Lettres  de  Junius,  une  des  circonstances  qui  lui  en 
firent  attribuer  la  paternité.  Grâce  à  la  protection  de  Fox, 
puis  de  Pitt,  il  accompagna  en  qualité  de  secrétaire  privé 
le  général  Edward  Rligh  dans  son  expédition  contre  Cher- 
bourg, et  ensuite  fut  attaché  à  l'ambassade  du  Portugal.  De 
retour  en  Angleterre  en  1763  il  obtint  un  poste  important 
dans  les  bureaux  de  la  guerre  et  en  1772  celui  de  membre 
du  conseil  du  Rengale,  aux  appointements  de  10,000  livres 
sterling.  Un  duel  avec  "Warren  Hastings,  qui  le  blessa 
grièvement,  l'obligea  en  1780  de  donner  sa  démission. 
Envoyé  au  Parlement  en  1784,  il  s'assit  sur  les  bancs  de 
l'opposition  whig  où  il  se  montra  l'un  des  accusateurs  les 
plus  ardents  de  l'administration  d' Hastings  lors  du  procès  du 
célèbre  gouverneur  des  Indes.  Quand  éclata  la  guerre  avec 
la  France,  Francis  adhéra  au  parti  de  Fox  et  de  Grey.  Il 
fut  de  l'association  dite  «  les  Amis  du  peuple  »,  et  un 


—  1473 


FRANCIS  -  FRANCISGUS 


apôtre  de  l'abolition  du  trafic  des  esclaves  contre,  dit-on, 
ses  propres  intérêts.  Il  reçut  le  titre  de  chevalier  du  Bain 
sous  le  ministère  de  Grenville,  et  l'année  suivante  (1807), 
n'ayant  pas  été  nommé,  comme  il  y  comptait,  gouverneur 
général  des  Indes,  se  retira  des  affaires  publiques  pour  ne 
plus  s'occuper  que  de  journalisme  et  de  brochures  poli- 
tiques. Le  nombre  de  ces  brochures  s'élève  à  vingt-six 
dont  la  plus  importante  et  la  plus  curieuse,  parue  d'abord 
en  articles  dans  la  Morning  Chronicle  en  1818,  repa- 
rut la  même  année  sous  le  titre  Historical  Questions. 
Mais  ce  qui  attira  surtout  l'attention  sur  le  nom  de  Philip 
Francis,  ce  sont  les  fameuses  Lettres  de  Junius,  spiri- 
tuelle et  violente  critique  du  ministère  de  lord  North,  qui 
en  dépit  de  ses  dénégations  lui  furent  attribuées.  Publiées 
de  1769  à  1772  dans  le  Public  advertiser,  la  paternité 
successivement  passée  à  George  Sackville ,  Burkle,  Hamil- 
ton,  Ch.  Lloyds,  Hugh  Boyd,  Glover,  aux  lords  Temple  et 
Grenville,  à  William  Henry  Bentinck,  Young,  John  Almon, 
Gibbon,  etc.,  lui  resta  définitivement  à  la  suite  d'une  bro- 
chure de  John  Taylor,  Junius  identified  with  a  distin- 
guished  Living  character  (1816),  qui  ne  laisse  aucun 
doute  à  cet  égard.  Les  Lettres  de  Junius  ont  eu  de  nom- 
breuses éditions  et  ont  été  traduites  en  français  en  1791  et 
en  1823  par  J.-T.  Parisot  (2  vol.  in-8).     Hector  France. 

FRANCIS  (Marie-François-Denis  Leroi  d'Allarde,  plus 
connu  sous  le  pseudonyme  de),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Besançon  le  12  mars  1778,  mort  vers  1840,  fils  du 
baron  d'Allarde  (V.  ce  nom).  Ce  vaudevilliste  très  fécond 
a  débuté,  en  1798,  au  théâtre  des  Troubadours,  par  Arle- 
quin aux  petites  maisons.  Depuis,  il  a  donné  soit  seul, 
soit  en  collaboration  avec  Chazet,  Lafortelle,  Moreau,  Dé- 
saugiers,  Ourry,  Scribe,  Dartois,  Dupaty  et  autres,  une 
infinité  de  pièces  dont  la  plupart  ont  obtenu  des  succès 
considérables.  Nous  citerons  :  les  Chevilles  de  maître 
Adam  (1803)  ;  Boileau  à  Auteuil  (1806)  ;  les  Femmes 
colères  (1804);  le  Soldat  laboureur;  les  Ouvriers 
(1824)  ;  Clara  Wendel  (1827);  la  Famille  du  Porteur 
d'eau  (1824)  ;  la  Fille  mal  gardée  (1822)  ;  V Homme  de 
paille  (1827).  Francis  était  encore  un  chansonnier  aimable. 
Le  recueil  de  ses  chansons  a  été  publié  (Paris,  1824,  in-18). 
On  trouvera  la  liste  de  ses  œuvres  dans  Quérard,  France 
littéraire,  t.  I,  p.  33,  et  dans  Bourquelot,  Littér.  fran- 
çaise, t.  I,  p.  20. 

FRANCIS  (John),  éditeur  anglais,  né  en  1811,  mort 
en  1882.  Fils  du  secrétaire  de  la  «  Trades  Union  »  des 
mégissiers,  il  fut  d'abord  employé  chez  un  agent  de  pu- 
blicité, puis  entra  en  qualité  de  dernier  commis,  dans  les 
bureaux  de  VAthenœum,  journal  littéraire  fondé  depuis 
peu  (1831).  Il  en  devint  très  rapidement  l'administrateur 
et  l'éditeur.  C'est  à  lui  qu'est  dû  le  grand  succès  de 
VAthenœum,  succès  tel  que  des  rivaux  ont  pu  réussir 
à  souhait  sans  diminuer  son  tirage  et  sans  ébranler  son 
autorité.  John  Francis  rendit  de  grands  services  à  la  presse 
en  s'opposant  de  tout  son  pouvoir  à  la  taxe  sur  les  jour- 
naux et  les  annonces,  qu'il  contribua  grandement  à  faire 
supprimer.  En  1872,  il  prit  l'administration  du  journal 
Notes  and  Queries,  si  utile  aux  chercheurs  et  aux  curieux. 
—  Son  fils  aîné,  John-Collin,  à  qui  l'on  doit  une  très 
intéressante  biographie  de  son  père  en  2  vol.,  lui  a  succédé 
aux  bureaux  de  VAthenœum  et  des  Notes  and  Queries.  Il 
avait  un  fils  cadet,  Edward- James,  qui  dirigea  le  Weekly 
Dispatch  de  1 875  à  sa  mort,  survenue  en  1881 .  B.-H.  G. 
FRANCIS  (James  Goodall),  homme  d'Etat  australien, 
né  à  Londres  en  1819,  mort  à  Queenscliff  (Victoria)  le 
25  janv.  1884.  Employé  en  Tasmanie  dans  la  maison  de 
banque  Boys  et  Pointer,  il  succéda  en  1847  à  ses  patrons 
et  avec  son  associé  Macpherson  créa  une  succursale  à  Mel- 
bourne. En  1855,  il  devenait  directeur  de  la  banque  de 
Nouvelle-Galles  du  Sud  et  en  1857  président  de  la  chambre 
de  commerce.  Elu  en.  1 859  à  l'Assemblée  législative  de 
Victoria  par  Richmond,  il  représenta  pendant  quinze  ans 
cette  circonscription.  Le  25  nov.  1859,  il  obtenait  le  por- 
tefeuille des  travaux  publics  dans  le  cabinet  Nicholson, 


entrait  le  27  juin  1863  dans  le  cabinet  M'Culloch  comme 
commissaire  du  commerce  et  des  douanes,  et  du  9  avr. 
1870  au  19  juin  1871  occupait  la  trésorerie  dans  le  nou-  . 
veau  ministère  M'Culloch.  Il  soutint  la  revision  du  tarif 
des  douanes  de  1865-66  dans  un  sens  protectionniste.  En 
juin  1872,  il  fut  chargé  lui-même  de  former  un  ministère 
qui  dura  jusqu'au  3  juil.  1874  et  réalisa  d'importantes 
réformes,  entre  autres  la  gratuité  de  l'enseignement  et  le 
développement  des  chemins  de  fer.  Après  une  grave  ma- 
ladie suivie  d'un  voyage  de  convalescence  en  Angleterre, 
il  fut  élu  à  l'Assemblée  législative  de  Victoria  par  Warr- 
namboolen!878  et  entra  dans  le  cabinet  de  James  Ser- 
vice, mais  l'état  de  sa  santé  le  contraignit  à  se  retirer  tout 
à  fait  de  la  vie  publique  en  1882.  R.  S. 

FRANCIS  (Francis  Morgan),  littérateur  anglais,  né  à 
Seaton  (Devonshire)  en  1822,  mort  à  Twickenham  le  24  déc. 
1886.  Ingénieur  civil,  il  s'occupa  surtout  de  littérature  et 
de  sport.  Pêcheur  passionné,  il  donna  pendant  près  d'un 
quart  de  siècle  d'intéressants  articles  de  pêche  au  Field,  créa 
la  Thames  Bights  defence  Association,  provoqua  la  for- 
mation de  la  National  fish  culture  Association,  et  diri- 
gea plusieurs  années  le  Brighton  Aquarium.  Il  était  fort 
versé  dans  les  littératures  anciennes.  Il  a  laissé  :  The 
Diplomatie  Eistory  of  the  Greek  war  (1878)  ;  des  ro- 
mans et  nouvelles  :  Pickackilife  (1854)  ;  The  Beat  Sait 
(1854)  ;  Newton  Dogvane (ISm,  3  vol.);  Sidney  Bel- 
lew  (1870,  2  vol.);  des  traités  de  pêche, entre  autres  :  A 
Book  ofangling  (1867,  nombr.  éd.);  By  Lake  andBiver 
(1870)  ;  Sporting  Sketches  with pen  and pencil  (1878), 
en  collaboration  avec  Cooper;  Angling  Beminiscences 
(1887). 

FRANCISATION  (Dr.  marit.)  (V.  Navire  et  Douane, 
t.  XIV,  p.  992). 

FRANCISCAINS  (Ordre  mon.)  (V.  François  d'Assise. 
[Saint]). 

FRANCISCAINES  (Ordre  mon.)  (V.  Claire  [Sainte]  et 
François  d'Assise  [Saint]).  R.  S. 

FRANCISCO  de  Vitoria,  célèbre  théologien  espagnol, 
né  à  Vitoria  (provinces  basques)  à  la  fin  du  xve  siècle.  Il 
entra  dans  l'ordre  des  dominicains,  étudia  à  Paris  et  revint 
professer  la  théologie  à  Salamanque,  où  il  mourut  en  1549. 
Ses  écrits,  très  considérables,  ne  furent  publiés  qu'après 
sa  mort  et  maintes  fois  réimprimés,  notamment  :  Theolo- 
gicœ  Belectiones  (Lyon,  Salamanque,  Ingolstadt,  Anvers, 
de  1560  à  1604,  2  vol.  in-4)  ;  Summa  sacramentorum 
Ecclesiœ  (Valladolid,  1561  ;  Venise,  Rome,  Anvers,  1569-, 
1610,  in-8).  Il  a  laissé  aussi  deux  traités  en  espagnol  : 
Instrucciony  refugio  del  aima  (Salamanque,  1552,' in-8) 
et  Confesionario  (Salamanque,  1562,  in-12).  E.  Cat. 
FRANCISCUSde  Mayronis,  philosophe  scolastique,  né 
à  Mayrone,en  Provence,  mort  à  Piacenza  en  1325.  Il  entra 
à  Digne,  dans  l'ordre  des  franciscains.  Puis  il  vint  à  Paris 
où  il  eut  pour  maître  Duns  Scot.  Devenu  lui-même  pro- 
fesseur à  la  Sorbonne,  il  organisa  les  Actus  Sorbonici, 
discussions  hebdomadaires  de  philosophie  dans  lesquelles 
il  déploya  les  merveilleuses  qualités  de  dialecticien  qui  lui 
valurent  les  surnoms  de  Doctor  llluminatus  et  de  Magis- 
ter  acutus  abstractionum.  Disciple  de  Duns  Scot,  Fran- 
ciscus  de  Mayronis  prit  parti  pour  la  théorie  platonicienne 
dans  la  querelle  des  Universaux.  Dans  Ylsagoge  de  Por- 
phyre, dont  il  écrivit  un  commentaire,  il  ne  voyait  qu'une 
réédition  du  Sophiste  de  Platon.  Il  déclarait  Aristote 
incapable  de  toute  pensée  métaphysique  et  ne  voyait  en  lui 
qu'un  adversaire  jaloux  de  la  doctrine  des  idées.  Les  prin- 
cipaux ouvrages  de  Franciscus  de  Mayronis  ont  été  imprimés 
en  un  volume  sous  ce  titre  :  Prœclarissima  ac  multum 
subtilia  egregiaque  scripta  Illuminait  Doctoris  Fran- 
cisa de  Mayronis,  ord.  Min.,  In  quatuor  libros  Sen- 
tentiarum  ;  ac  Quodlibeta  ejusdem,  cum  tract ationibus 
Formalitatum,  et  de  Primo  Principio,  insuper  Expla- 
natione  divinorum  terminorum  et  tractatu  de  Univo- 
catione  Entis  (Venise,  1520).  Th.  Ruyssen. 

Bibl.  :  Tennemann   Gesch.  der  Philos.;  Leipzig,  1811. 


FRANCISCUS  —  FRANCK 


4474 


III,  p.  788.  —  Hauréau,  De  la  Philc 
1850.,  t.  Il,  p.  391.  —  Rousselot,  Etudes  sur  la  philosophie 
dans  le  moyen  âge;  Paris,  184042,  t.  III,  p.  70. 

FRANCISQUE.  Hache  de  guerre  dont  se  servaient  les 
Francs.  Sa  forme  rappelle  celle  des  merlins  et  des  coignées, 
mais  le  fer  est  plus  évidé  surtout  en  dessous  par  des  courbes 
qui  sont  toujours  d'un  beau  style  et  que  nous  retrouvons 
dans  les  haches  allemandes  jusqu'au  xvne  siècle.  Des  fran- 
cisques trouvées  dans  les  sépultures  franques,  les  unes  sont 
petites  et  leur  fer  à  peine  recourbé  rappelle  le  merlin  ac- 
tuel ;  les  autres  plus  grandes  sont  lourdes,  recourbées,  plus 
aplaties  vers  le  tranchant  ;  leur  lame  est  large,  étendue, 
ouverte  ;  d'autres  encore  ont  un  fer  qui,  au  sortir  delà  douille, 
s'élargit  régulièrement  des  deux  côtés  en  décrivant  un  quart 
de  cercle  ;  ce  dernier  modèle  a  été  trouvé  surtout  dans  les 
sépultures  de  l'Ile-de-France.  La  hache  de  guerre  trouvée 
à  Tournai  dans  le  tombeau  de  Childéric  se  rapporte  au  pre- 
mier de  ces  types,  de  même  celle  des  Germains  de  Selzen. 
La  monture  est  très  solide  ;  la  queue  de  la  panne  est  ren- 
forcée sur  la  bague  de  monture  par  une  goupille  qui  la 
serre  sur  le  manche.  Voici  une  grande  hache  mérovingienne 
du  Musée  d'artillerie,  à  large  fer 
dont  le  tranchant  légèrement 
courbe  est  dans  un  plan  paral- 
lèle à  la  douille;  le  talon  forme 
un  mail  élégamment  détaché  du 
manche.  Cette  dernière  forme 
subsistera  sous  le  nom  de  hache 
danoise  jusqu'au  xive  siècle.  11  a 
existé  aussi  des  francisques  à 
deux  tranchants,  mais  elles  sont 
toujours  rares.  L'abbé  Cochet  en 
découvrit  jadis  une  (elle  a  été 
figurée  par  Viollet-le-Duc),  dont 
les  deux  tranchants  ne  sont  pas 
dans  le  même  plan,  l'un  étant 
vertical,  l'autre  horizontal. 

Toutes  ces  francisques  sont  de 
fer  ;  plus  tard  on  trouva  le  moyen 
d'aciérer  les  tranchants.  Mais, 
par  leur  seul  poids  et  la  force 
du  coup,  elles  devaient  faire  des 
blessures  terribles,  abattre  les 
membres,  fendre  les  têtes  malgré  les  casques  de  bronze. 
Aussi  sont-elles  restées  l'expression  même  de  l'arme  du 
Franc  dont  elles  ont  pris  le  nom.  C'était  l'arme  par  excel- 
lence, l'arme  de  la  race.  Le  guerrier  franc  tenait  sa  fran- 
cisque de  la  main  droite,  quand  il  ne  la  portait  pas  à  la 
ceinture  ;  mort,  il  la  gardait  avec  lui  ;  on  la  posait  en  tra- 
vers sur  ses  jambes,  afin  qu'il  la  retrouvât  quand  il  irait 
combattre  dans  le  pays  des  esprits.  Dans  la  bataille,  il  se 
servait  de  sa  francisque  autant  comme  arme  de  main  que 
comme  arme  de  jet.  Il  la  lançait  sur  l'ennemi,  puis  se  pré- 
cipitait pour  la  reprendre,  la  framée  ou  le  scramasaxe  à  la 
main.  Maurice  Maindron. 

Bibl.  :  Abbé  Cochet,  la  Normandie  souterraine  ;  Paris, 
1855,  2  vol.in-8.  —  Du  même,  le  Tombeau  de  Childéric  Ier; 
Paris,  1859,  in-8.  —  Maurice  Maindron,  les  Armes;  Paris, 
1890,  in-8. 

FRANCK,  peintres  flamands  (V.  Francken). 

FRANCK  (Melchior),  compositeur  allemand,  né  à  Zittau 
vers4573,  mort  àCobourg le 4 er juin 4 639. Il  habitait  Augs- 
bourg  en  4601,  année  où  parurent  ses  premières  composi- 
tions ;  en  4602,  il  était  à  Nuremberg,  en  4603  il  devint  maître 
de  chapelle  du  duc  de  Saxe,  à  Cobourg.  Dans  la  première 
période  de  sa  carrière  il  cultiva  surtout  la  chanson  allemande 
à  plusieurs  voix  et  la  forme  de  musique  vocale  appelée  alors 
quodlibet.  En  dix  ans  il  ne  publia  pas  moins  de  cent 
quatre-vingt  à  deux  cents  chansons  à  trois,  quatre,  cinq 
ou  six  voix.  Plus  tard,  il  s'attacha  davantage  à  la  musique 
sacrée,  et  publia  des  cantiques,  chansons  spirituelles, 
psaumes,  chants  funèbres  et  Magnificat,  latins  et  alle- 
mands, ainsi  que  des  chansons  de  noces  et  des  chansons  à 
danser.  Melchior  Franck  fut  un  des  plus  productifs  en 


Francisque  (Musée 
d'artillerie). 


même  temps  qu'un  des  plus  remarquables  compositeurs  de 
l'ancienne  école  polyphonique  allemande.  M.  Br. 

Bibl.  :  Monatshefle  fur  Musikgeschichte,  1885,  t.  XVII. 

FRANCK  (Richard),  écrivain  anglais,  né  vers  4624,  mort 
en  4708.  On  sait  qu'il  servit  dans  l'armée  parlementaire, 
où  il  obtint  probablement  le  grade  de  capitaine;  qu'il 
voyagea  en  Ecosse  ;  qu'il  vécut  à  Nottingham  ;  qu'ensuite 
il  alla  en  Amérique,  où  il  séjourna  quelque  temps,  et  enfin 
que,  en  4694,  il  était  de  retour  à  Londres.  Tous  les  dé- 
tails de  sa  vie  sont,  d'ailleurs,  incertains  ou  inconnus.  On 
a  de  lui  deux  livres,  où  l'influence  de  Lily  sur  le  style  et 
celle  de  Boehm  sur  la  pensée  se  font  sentir  à  chaque  ligne.  Le 
premier  est  pourtant  précieux  pour  les  observations  faites 
par  l'auteur  en  Ecosse,  et  aussi  parce  qu'il  contient,  sous 
sa  forme  dialoguée,  une  sorte  de  manuel  du  parfait  pêcheur 
à  la  ligne.  En  voici  les  titres  :  Northern  Memoirs  cal- 
culated  for  the  Meridian  of  Scotland  (4694)  ;  A  Philo- 
sophical  Treatise  of  the  Original  and  Production  of 
Things  (4687).  On  lui  attribue  encore  The  Admirable 
and  Indefatigable  Adventures  of  the  mne  Pious  Pil- 
grims...  by  a  Zealous  Lover  of  Truth  (Londres,  4708). 

FRANCK  (Franz-Friedrich),  peintre  allemand,  né  à 
Augsbourg  en  1627,  mort  en  4687.  Il  était  fils  d'un 
peintre  peu  connu,  Hans-Ulrich  Franck  (4603-4680),  qui 
fut  son  premier  maître.  On  peut  voir,  parmi  ses  œuvres  : 
Jacob  et  Esaû  (église  Sainte-Anne,  à  Augsbourg)  ;  Es- 
ther,  David,  Job  (orphelinat  d' Augsbourg)  ;  la  Mort  de 
saint  François  (grand  monastère  de  Ratisbonne);  des 
portraits  (musée  de  Nuremberg)  ;  le  Passage  de  la  mer 
Rouge  (galerie  de  Karlsruhe). 

FRANCK  (Jean),  sculpteur  belge,  né  à  Gand  le  30  nov. 
4804.  Il  fut  d'abord  élève  de  son  père,  Charles  Franck, 
sculpteur  d'ornements  ;  il  entra  à  l'Académie  d'Anvers,  y 
remporta  le  prix  en  4829  avec  sa  statue  à'Adr.  de  Ruyter. 
Il  vint  à  Paris  en  4834  pour  étudier  dans  l'atelier  de  David 
d'Angers,  retourna  cette  même  année  dans  son  pays,  fut 
trois  ans  professeur  à  l'Académie  de  Louvain  et  rentra  dans 
sa  ville  natale.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  une  Sainte 
Cécile,  la  statue  de  la  Religion  et  la  chaire  de  Saint- 
Martin  à  Gand;  dans  la  même  ville,  la  grande  chaire  de 
Saint-Michel,  ornée  de  bas-reliefs  représentant  des  scènes 
de  la  Vie  de  Jésus, 

FRANCK  (Adolphe),  philosophe  français,  né  àLiocourt 
(Meurthe)le  9  oct.  4809,  mort  le  44  avril  4893.  Pro- 
fesseur de  philosophie  dans  les  collèges  de  Douai,  de 
Nancy,de  Versailles,  il  occupa  cette  chaire  en  4  840  au  collège 
Charlemagne.  Il  dut  ensuite  pour  raisons  de  santé  aban- 
donner provisoirement  l'enseignement  et  voyager  en  Italie 
(4843-44).  En  4847,  il  donnait  à  la  Sorbonne  un  cours 
de  philosophie  sociale,  de  4849  à  4852  il  était  suppléant 
de  Barthélémy  Saint-Hilaire  dans  sa  chaire  de  philosophie 
grecque  et  latine.  En  4842,  il  avait  été  nommé  conservateur 
adjoint  de  la  Bibliothèque  impériale.  Enfin  chargé  du  cours 
de  droit  de  la  nature  et  des  gens  au  Collège  de  France  de 
4854  à  4856,  il  fut  titulaire  de  cette  chaire  de  4856 
à  4884.  Il  était  entré  le  20  janv.  4844  à  l'Académie 
des  sciences  morales  et  politiques  où  il  avait  succédé  à 
Edwards.  M.  Franck,  penseur  distingué  et  fécond,  spiri- 
tualiste  convaincu  et  libéral  indépendant,  a  longtemps  col- 
laboré au  Journal  des  Débats  et  a  même  fondé  et  dirigé 
la  Paix  sociale,  organe  de  la  «  Ligue  contre  l'athéisme  ». 
Grand  travailleur,  il  a  été  un  des  membres  les  plus  actifs 
de  plusieurs  sociétés  de  propagande  politique  ou  religieuse, 
a  fait  partie  du  conseil  supérieur  de  l'instruction  publique 
et  a  été  vice-président  du  consistoire  israélite.  Ses  ouvrages 
les  plus  connus  sont  :  la  Kabbale  ou  Philosophie  reli- 
gieuse des  Hébreux  (Paris,  4843,  in-8  ;  2e  éd.,  4889,  in-8) 
et  le  Dictionnaire  des  sciences  philosophiques  (1843- 
4852, 6  vol.  in-8;  nouv.  éd.,  4875,  in-4)  dont  il  a  rédigé 
la  plus  grande  partie.  Citons  encore  :  le  Communisme 
jugé  par  l'histoire  (4849,  in-4 8,  2e  éd.)  ;  Réformateurs 
et  Publicistes  de  l'Europe  (4863-4884,  2  vol.  in-48)  ; 
Philosophie  du  droit  pénal  (4864,  in-48);  la  Philoso- 


—  1475  — 


FRANCK 


phie  mystique  en  France  a  la  fin  du  xvnie  siècle  (4866, 
in-48)  ;  Philosophie  et  Religion  (4867,  in-8)  ;  Morale 
pour  tous  (1868,  in-48);  Moralistes  et  Philosophes 
(4874,  in-8)  ;  Philosophes  modernes  étrangers  et  fran- 
çais (4879,  in-48);  Essais  de  critique  philosophique 
(4885,  in-48)  ;  Nouveaux  Essais  (4890,  in-48)  ;  la  Phi- 
losophie du  droit  civil  (4866,  in-48)  ;  le  Capital  (4872, 
in-12);  Etudes  orientales  (4864,  in-8);  Esquisse  d'une 
histoire  de  la  logique  (4838,  in-8)  ;  Paracelseet  V Alchi- 
mie au  xvie  siècle  (4855,  in-42)  ;  la  Philosophie  du 
droit  ecclésiastique  (4864,  in-48);  Projet  de  constitu- 
tion (4872,  in-48)  ;  la  Religion  et  la  science  dans  le 
judaïsme  (4883,  in-12)  ;  la  Vraie  et  la  fausse  Egalité 
(4868,  in-48);  De  la  Certitude  (4847,  in-8),  etc.  R.  S. 

FRANCK  (Joseph),  organiste  et  compositeur  français, 
né  à  Liège  en  4820,  mort  à  Paris  en  4892.  Il  commença 
ses  études  musicales  au  Conservatoire  de  Liège  et  les  acheva 
au  Conservatoire  de  Paris.  Organiste  habile  et  musicien 
excellent,  il  a  dirigé  la  maîtrise  de  Saint-Thomas-d'Aquin 
et  de  plusieurs  autres  paroisses  parisiennes.  Il  a  publié 
plusieurs  messes,  un  grand  nombre  de  motets,  des  préludes 
et  fugues  pour  orgue,  un  Traité  d'harmonie,  un  Manuel 
de  transposition,  une  Théorie  d'accompagnement  du 
vlain-chant,  etc.  Ch.  Bordes. 

FRANCK  (César- Auguste),  compositeur  français,  d'ori- 
gine belge,  né  à  Liège  le  40  dêc.  4822,  mort  à  Paris  le 
8  nov.  4890,  frère  du  précédent.  Il  fit  ses  premières  études 
au  Conservatoire  de  Liège,  où,  avant  neuf  ans,  il  remporta 
le  premier  prix  de  solfège,  et,  avant  onze  ans,  le  prix  de 
piano  (à  l'unanimité).  Son  instruction  musicale  se  poursuivit 
au  Conservatoire  de  Paris,  où  il  entra  le  2  oct.  4837  comme 
élève  de  piano  sous  la  direction  de  Zimmermann.  Dès 
l'abord,  il  remporta  le  premier  prix  de  piano  en  des  cir- 
constances qui  valent  d'être  rapportées  :  l'épreuve  com- 
prenait la  lecture  à  vue  d'une  fugue,  que  le  jeune  Franck, 
—  il  avait  alors  quinze  ans,  —  déchiffra  sans  une  hési- 
tation, en  transposant.  Son  professeur  Zimmermann  ne 
put  s'empêcher  de  signaler  ce  tour  de  force  au  public  et 
au  directeur,  Cherubini,  lequel  fut  à  la  fois  charmé  d'un 
savoir  si  imperturbable  et  indigné  d'une  si  audacieuse  déro- 
gation aux  habitudes.  Mais  les  applaudissements  de  la  salle 
furent  tels  qu'ils  entraînèrent  le  jury,  et,  tandis  que  trois 
premiers  prix,  sans  préjudice  des  seconds  prix,  étaient 
décernés  aux  concurrents  de  César  Franck,  lui-même  se 
trouvait  honoré  d'un  «  premier  grand  prix  d'honneur  » 
(à  l'unanimité),  formule  exceptionnelle  de  récompense  qui 
n'a  pas  été  renouvelée  depuis.  Le  concours  de  fugue  et 
contrepoint,  qui  valut  aussi  un  premier  prix  au  jeune  César 
Franck,  est  demeuré  pareillement  célèbre  ;  sa  fugue,  écrite 
d'un  trait  sous  l'empire  d'une  véritable  inspiration  et  ter- 
minée bien  avant  que  le  délai  du  concours  fût  écoulé, 
obtint  l'unanimité  des  suffrages.  Elle  figure  dans  les  archives 
du  Conservatoire,  où  les  élèves  la  consultent  fréquemment. 
Franck  fut  encore  lauréat  des  classes  d'harmonie  et  d'orgue  ; 
mais  les  exigences  tyranniques  de  son  père  ne  lui  permirent 
pas  de  concourir  pour  le  prix  de  Rome,  que  tout  le  monde 
lui  décernait  d'avance.  S'il  est  évident  que  cette  distinction 
n'eût  rien  ajouté  à  sa  gloire,  il  est  incontestable  qu'elle  lui 
eût  singulièrement  aplani  les  difficultés  matérielles  de  sa 
carrière. 

César  Franck  passa  un  an  ou  deux  en  Belgique,  où  il 
donna  des  concerts,  puis  vint  avec  sa  famille  à  Paris,  où 
il  se  fixa  définitivement.  Naturalisé  Français,  il  consacra 
toute  son  activité  artistique  à  sa  patrie  d'adoption,  grou- 
pant autour  de  lui  un  certain  nombre  de  jeunes  composi- 
teurs et  refusant  de  quitter  son  dur  labeur  parisien  pour 
aller  diriger,  comme  on  le  lui  avait  offert,  un  conserva- 
toire de  Belgique.  En  4858,  il  avait  obtenu  le  poste  d'or- 
ganiste de  l'église  Sainte-Clotilde.  En  4872,  il  succéda  à 
Benoist,  son  ancien  professeur  d'orgue,  dans  la  chaire 
d'orgue  et  d'improvisation  au  Conservatoire,  et  il  a  rempli 
ces  diverses  fonctions  jusqu'à  sa  mort,  avec  autant  de 
conscience  que  de  mérite.  Sa  vie,  toute  d'austère  labeur, 


n'a  connu  d'autres  joies  que  celles  de  l'art  ;  sans  fortune, 
obligé  de  créer  une  situation  aux  siens,  poussant  d'ailleurs 
la  droiture  jusqu'au  scrupule  et  la  bonté  jusqu'à  1  abné- 
gation, César  Franck  n'a  cessé  de  travailler,  de  donner 
des  leçons  d'harmonie,  de  piano,  d'accompagnement,  au 
delà  même  de  ses  forces.  Et  cependant  l'obscurité  relative 
où  on  le  laissait,  l'ignorance  et  l'injustice  de  la  foule  — 
lente  à  comprendre  des  œuvres  si  complexes,  si  élevées 
aussi,  —  les  dures  nécessités  de  l'existence  qui  absor- 
baient ses  moindres  loisirs  et  l'enchaînaient  quotidienne- 
ment à  des  tâches  ingrates,  rien  ne  put  altérer  sa  douceur 
d'âme,  aigrir  son  caractère,  l'irriter  contre  le  scandale 
de  certains  triomphes,  atténuer  l'ardeur  de  ses  enthou- 
siasmes. Rien  surtout  ne  put  lui  faire  écrire  une  page  qui 
ne  fût  pas  la  réalisation  désintéressée  de  son  rêve  intérieur, 
où  se  décelât  quelque  considération  étrangère  à  la  pure 
beauté  artistique.  Son  œuvre  est  aussi  probe,  aussi  noble 
que  sa  vie. 

Comme  musicien,  César  Franck  a  montré  un  véritable 
génie.  Ce  mot,  que  l'on  prodigue  peut-être  de  nos  jours,  est 
pourtant  le  seul  qui  se  puisse  appliquer  à  ce  haut  artiste, 
dont  l'œuvre  énorme  mérite  presque  constamment  l'admi- 
ration la  plus  vive,  et  qui  «  pensait  naturellement  les  choses 
les  plus  compliquées  »,  comme  l'a  écrit  M.  A.  Coquard 
dans  une  notice  publiée  sur  le  maître.  Musicien  pur,  mu- 
sicien absolu,  il  aimait  la  musique  pour  elle-même,  la  forme 
musicale  pour  sa  beauté  et  sa  richesse  propres,  et  la  com- 
position était  une  nécessité  impérieuse  de  sa  nature  intel- 
lectuelle. Ecrire  une  sonate,  un  quatuor,  un  prélude,  une 
fugue,  une  pièce  d'orgue,  c'était  là  pour  lui  le  but  de  son 
existence.  Il  était  fait  pour  cela,  impropre  à  tout  le  reste, 
quelle  que  fût  d'ailleurs  la  largeur  de  son  esprit.  La  mu- 
sique ne  lui  était  pas,  comme  chez  Richard  Wagner,  un 
moyen  d'expression  destiné  à  concourir,  avec  d'autres 
moyens,  à  une  création  artistique  de  la  vie,  une  synthèse 
de  sensations,  de  significations,  d'idées;  mais,  pour  lui, 
elle  se  suffisait  à  elle-même,  reine  incontestée  de  tous  les 
autres  arts,  à  qui  elle  pouvait  venir  en  aide,  particulière- 
ment sous  la  forme  de  la  mélodie  vocale,  dans  l'oratorio 
par  exemple  et  l'opéra.  Aussi  César  Franck  a-t-il  tenté 
toutes  les  voies  et  donné  des  œuvres  remarquables  dans  les 
genres  les  plus  divers.  Passionné  de  l'universelle  musique, 
—  quelle  qu'en  soit  la  destination,  si  je  puis  dire,  —  il  a 
excellé  dans  la  musique  de  chambre,  la  symphonie,  l'ora- 
torio, le  poème  symphonique,  les  morceaux  d'église  ;  il  a 
donné  des  pages  de  haut  intérêt  en  musique  dramatique,  et 
des  mélodies  vocales  détachées,  du  caractère  le  plus  péné- 
trant. 

Mais,  si  Franck  était  par-dessus  tout  un  musicien  absolu, 
c'était  aussi  un  rêveur,  un  penseur,  un  poète  d'idées,  d'es- 
prit très  philosophique,  très  mystique  même,  point  toujours 
assez  précis  peut-être,  mais  d'une  élévation  peu  commune. 
Il  lisait  beaucoup,  méditait  sans  cesse,  poursuivant  sa 
pensée  à  travers  les  soucis  et  les  fatigues  de  ses  occupa- 
tions journalières.  Sa  nature  morale  était  éminemment  reli- 
gieuse et  chrétienne,  et  cette  religiosité  attendrie,  qui  parle 
au  cœur  des  croyants  et  sait  émouvoir  presque  également 
les  esprits  étrangers  au  dogme,  a  marqué  d'une  empreinte 
profonde  la  plupart  de  ses  grandes  œuvres.  Le  tout-puis- 
sant musicien  qui  est  en  César  Franck  se  double  donc  d'un 
poète  philosophe  et  mystique.  Pour  nous  servir  de  noms 
plus  clairs  que  les  définitions  esthétiques,  il  y  a  en  lui 
beaucoup  de  Bach  et  beaucoup  de  Beethoven,  et  cette  alliance 
originale  et  féconde  s'est  réalisée  dans  un  esprit  de  grande 
lecture,  de  vastes  réflexions,  au  fait  de  toute  l'évolution 
musicale  contemporaine.  A  propos  d'œuvres  écrites  par 
Franck  dans  la  dernière  période  de  sa  vie,  on  a  pu  l'appeler 
«  un  Bach  qui  aurait  lu  Parsifal  ». 

Personnel  dans  sa  forme  et  dans  sa  pensée,  épris  de  rêves 
grandioses  et  capable  de  les  faire  vivre  en  son  œuvre, 
riche  de  dons  naturels  extraordinaires  et  d'une  prodigieuse 
science  acquise,  César  Franck  fut  un  grand  artiste  dans 
toute  la  force  du  terme.  S'il  n'a  point  inauguré  de  phase 


FRANCK 


1176  — 


décisive  dans  l'art,  institué  des  formes  actives  destinées 
à  renouveler  les  conceptions  d'une  époque,  il  n'en  a  pas 
moins  atteint  les  sommets  les  plus  élevés.  Il  sera  le  «  Maître 
de  Liège  »  aux  yeux  de  la  postérité,  égal  des  meilleurs 
par  le  savoir,  par  la  beauté  supérieure,  l'émotion  et  la 
richesse  de  ses  compositions,  distinct  de  tous  par  la  na- 
ture spéciale  de  sa  mysticité  artistique,  ce  côté  vraiment 
séraphique  de  son  inspiration  musicale.  Il  faut  noter  que 
c'est  dans  la  deuxième  partie  de  sa  carrière,  à  partir  de 
la  quarantième  année  environ,  que  le  maître  a  écrit  ses 
plus  beaux  chefs-d'œuvre,  au  premier  rang  desquels  nous 
plaçons  les  Béatitudes,  Les  opéras  de  Franck  n'ayant  jamais 
été  représentés  et  n'étant  connus,  même  à  la  lecture,  que 
d'un  très  petit  nombre  de  personnes,  il  convient  d'attendre 
pour  se  prononcer  sur  leur  valeur  dramatique,  bien  que  le 
compositeur  ait  paru,  d'après  la  nature  de  son  esprit,  infini- 
ment mieux  apte  aux  développements  symphoniques  purs 
qu'au  nécessaire  réalisme  expressif  du  drame  musical.  En 
tout  cas,  on  peut  être  sûr  que  la  musique  de  ces  opéras  est 
fort  supérieure  à  celle  que  les  théâtres  ont  coutume  d'exé- 
cuter. Rédemption,  Psyché,  la  Symphonie  en  ré  mi- 
neur, la  Messe  à  trois  voix  (à  laquelle  fut  ajouté  un 
Panis  Angelicus  rapidement  devenu  célèbre),  les  Eolides, 
Ruth>  d'autres  ouvrages  encore  sont  marqués  d'une  émo- 
tion, d'une  noblesse  d'accent,  d'une  couleur  tout  à  fait 
exceptionnelles  ;  suivant  le  sujet,  Franck  y  a  su  mettre  des 
trésors  de  charme,  des  merveilles  de  sentiment  religieux, 
de  passion,  d'antique  grandeur,  de  poésie  en  un  mot  :  par- 
fois céleste,  comme  dans  Rédemption;  orientale  et  biblique, 
comme  dans  Rut  h  ;  pittoresque  et  sinistre,  comme  dans  le 
Chasseur  maudit.  Nous  aimons  moins  Rébecca  et  quelques 
mélodies  séparées  ;  mais,  parmi  ces  mélodies,  il  en  est 
pourtant,  comme  la  Procession,  qui  sont  de  purs  chefs- 
d'œuvre.  Si,  cependant,  il  fallait  choisir  entre  tant  de  belles 
inspirations,  il  nous  semble  que  nous  désignerions:  les 
Béatitudes,  avec  leurs  larges  oppositions  de  chœurs  sombres 
et  lumineux,  et  la  sublime  «  idée  mère  »,  cette  voix  du 
Christ  qui  traverse  l'œuvre  entière,  proclamant  la  félicité 
des  larmes,  la  récompense  promise  aux  douloureux,  aux 
pauvres,  aux  petits  de  ce  monde  ;  les  dernières  pièces 
d'harmonium  et  les  trois  grands  chorals  pour  orgue, 
écrits  par  le  maître  peu  de  temps  avant  sa  mort  ;  le  célèbre 
quintette  pour  piano  et  cordes,  la  plus  absolue  merveille 
peut-être  que  le  musicien  ait  réalisée  ;  le  quatuor  pour 
cordes,  en  ré  (4890)  ;  la  grande  sonate  pour  piano  et 
violon  ;  le  Prélude,  choral  et  fugue  et  le  Prélude,  aria 
et  final  pour  piano,  toutes  œuvres  dignes  du  quintette  ;  les 
quatre  grands  Offertoires  enfin,  parmi  lesquels  se  trouve 
le  fameux  Dextera  Domini.  Mais  un  tel  choix  est  forcé- 
ment arbitraire,  et  les  autres  œuvres  de  Franck  sont  si 
belles,  si  élevées,  si  riches  de  fond  et  de  forme  qu'il  ne 
faut  voir,  dans  les  lignes  qui  précèdent,  qu'une  simple 
liste  de  pages  caractéristiques.  Quand  nous  aurons  ajouté 
que  Franck  était  un  improvisateur  au  moins  égal  aux  grands 
organistes  du  xvne  et  xvme  siècle,  et  que  ceux  qui  l'ont 
entendu  à  Sainte-Clotilde  garderont  toujours  le  regret  de 
penser  que  tant  d'inspirations  prodiguées  par  lui  pendant 
trente  ans  soient  à  jamais  perdues,  nous  aurons  résumé  les 
principaux  aspects  de  son  génie.  Le  catalogue  complet  des 
œuvres  de  César  Franck  est  encore  à  faire  ;  en  voici  un 
résumé  aussi  nourri  que  possible,  avec  les  dates  de  compo- 
sition. Ce  résumé  est  plus  complet  et  plus  exact  qu'aucun 
de  ceux  qui  ont  été  donnés  jusqu'à  présent,  grâce  aux  notes 
que  nous  a  fournies  M.  Georges  Franck,  le  fils  aîné  du 
célèbre  musicien. 

OEuvres  de  piano  :  Eglogue  (entre  4844  et  4843)  ; 
duo...  à  4  mains  sur  le  God  save  the  king  (id.)  ;  Pre- 
mier grand  caprice  (entre  4842  et  4844);  Première 
ballade  (id.)  ;  4  mélodies  de  F.  Schubert  (entre  4842 
et  4845)  ;  S  fantaisies  ;  Fantaisie  sur  deux  airs  polo- 
nais, etc.;  Prélude,  choral  et  fugue  (4887)  ;  Prélude, 
aria  et  final  (4888  ;  l'Aria  a  aussi  été  publié  séparément). 

OEuvres  d'orgue  :  5  pièces  pour  harmonium  (de 


4860  à  4864  ?)  ;  Quasi  marcia  (id.)  ;  4  motets  (?); 
Petit  Offertoire  (4874  ou  4872)  ;  Grande  pièce  pour 
orgue  (4863  ?),  «  fantaisie  »  inédite  ;  Premier  grand 
recueil  (4863),  composé  de  6  pièces  à  plusieurs  mouve- 
ments chacune  :  Fantaisie ,  Grande  pièce  sympho- 
nique,  Prélude,  fugue  et  variations,  Pastorale,  Pièce, 
Final;  Prélude,  fugue  et  variations  pour  piano  et 
orgue  ;  Andantino  (4863  ?)  ;  Deuxième  grand  recueil 
(4878),  formé  de  3  pièces  :  Fantaisie,  Cantabile^ 
Pièce  héroïque  (le  Cantabile  a  été  publié  à  part,  avec 
arrangement  de  M.  Ch.  Bordes  pour  violon,  violoncelle, 
orgue  et  piano);   63   pièces  d'harmonium  (4890); 

3  ^grands  chorals  (4890)  ;  17  petites  pièces  d'harmo- 
nium (1858-4860),  inédites  ;  6  pièces  d'harmonium 
(4890),  inédites  ;  un  grand  nombre  de  pièces,  fragments, 
esquisses,  motifs,  etc.,  inédits;  divers  arrangements 
d'œuvres  de  Mozart,  Mendelssohn,  etc.  ;  un  arrangement 
(inédit)  d'une  Etude  d'Alkan,  pour  orgue  et  quatuor  ; 
3  livres  d'arrangements  de  préludes  et  prières  d'Alkan, 
pour  le  grand  orgue  (4889). 

Mélodies  séparées:  VAnge  et  l'Enfant  (1845);  Sou- 
venance (4846);  Aimer  (4849);  S'il  est  un  charmant 
gazon  (4857),  inédite;  Robin  Gray  (entre  4846  et 
4854)  :  l'Emir  di  Bengador  (id.)  ;  Ninon  (id.)  ;  le 
Sylphe  (id.),  avec  accompagnement  de  violoncelle  ;  Rose 
et  Papillon  (id.);  Lied  (entre  4860  et  4868)  ;  le  Ma- 
riage des  roses  (id.);  Paris...,  hymne  avec  orchestre 
(nov.  4870),  inédit;  Nocturne  (487...?)  ;  le  Vase  brisé 
(4879),  inédit;  la  Procession  (4889),  publiée  aussi  avec 
accompagnement  d'orchestre  ;  Cloches  du  soir  (4889)  ; 
Duos  et  chœurs  (jusqu'à  4889),  particulièrement  la  Vierge 
à  la  crèche,  la  Chanson  du  vannier,  VAnge  gardien, 
Aux  Petits  Enfants,  les  Danses  de  Lormont,  Soleil. 

Musique  de  chambre  :  3  grands  trios  pour  piano,  violon 
et  violoncelle  (4844-42)  en  fa  dièse  mineur,  si  bémol  ma- 
jeur et  si  mineur,  composant  l'œuvre  première  du  maître; 
quatrième  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle  (4842 
ou  43),  en  si  mineur,  op.  2  ;  Andantino  quietoso  pour 
violon,  avec  accompagnement  de  piano  (1844  à  4843  ?)  ; 
Solo  de  piano  avec  quintette  sur  des  motifs  de  Ruth  ;  le 
célèbre  Quintette  pour  piano  et  cordes  (4886)  ;  la  grande 
Sonate  pour  piano  et  violon  (1887)  ;  le  superbe  Quatuor 
pour  cordes,  en  ré  (4890), 

Musique  sacrée  (un  très  grand  nombre  d'œuvres  se 
trouvent  encore  dispersées  ;  lorsqu'elles  seront  réunies  et 
publiées,  la  présente  liste  augmentera  dans  une  proportion 
considérable)  :  O  Salutaris,  inédit,  d'ancienne  date;  Tan- 
tum  ergo  ;  Ave  Maria  (date  ancienne)  ;  Cantique  au 
Sacré-Cœur  ;  Veni  Creator  pour  ténor  et  basse  ;  Messe 
solennelle  à  3  voix,  avec  orchestre  et  orgue  (4863  ou 
4864)  ;  4  grands  Offertoires  pour  solo,  chœur,  orchestre 
et  orgue  (485...),  comprenant  Dextera  Domini,  Quœest 
ista,  Pour  la  fête  de  sainte  Clotilde,  Pour  les  premiers 
dimanches  du  mois  (ces  deux  derniers  sans  orchestre)  ; 
Panis  Angelicus  (vers  4872),  incorporé  ensuite  à  la  Messe 
(tous  les  arrangements  de  ce  Panis  sont  originaux)  ;  Can- 
tique avec  cor  (1888  ?),  inédit,  etc.,  etc. 

OEuvres  d'orchestre,  poèmes  symphoniques,  etc.  :  Pre- 
mier morceau  symphonique  de  «  Piédemption  »  (4872), 
inédit  ;  Deuxième  morceau  symphonique  de  «  Rédemp- 
tion »,  également  publié  sous  forme  d'arrangement  original 
à  deux  pianos  ;  les  Eolides,  poème  symphonique  sur  la 
poésie  de  Leconte  de  Lisle  (4875),  et  deux  arrangements 
originaux  de  cette  œuvre,  l'une  pour  piano  à  4  mains, 
l'autre  pour  deux  pianos  à  8  mains  ;  les  Djinns  (4884  ?), 
poème  symphonique  d'après  Victor  Ilugo,  pour  piano  et  or- 
chestre (arrangement  original  à  deux  pianos)  ;  le  Chasseur 
maudit  (4884-85  ?),  poème  symphonique  d'après  la  ballade 
de  Biirger,  avec  arrangement  original  du  même  pour  piano  à 

4  mains  ;  Variations  symphoniques  pour  piano  et  orchestre 
(1 885  ?) ,  arrangées  aussi  à  deux  pianos  ;  Psyché  (4886-87) , 
grand  poème  symphonique  en  trois  parties  avec  chœur  invi- 
sible; Grande  symphonie  (4887-4888),  en  ré  mineur. 


1 J77 


FRANCK  —  FRANCKEN 


Opéras  :  le  Garçon  de  ferme,  opéra  inédit  ;  Hulda 
(1885-87),  légende  Scandinave  en  quatre  parties  et  pro- 
logue, poème  de  M.  Grandmougin  d'après  Bioernson  ; 
Ghizèle  (1889-90),  poème  de  M.  Gilbert-Augustin  Thierry, 
opéra  encore  inédit. 

Scènes,  grands  choeurs,  oratorios  (en  laissant  de  côté 
des  manuscrits  nombreux,  non  encore  classés,  qui  remontent 
jusqu'à  1844)  :  Ce  qu'on  entend  sur  la  montagne;  les 
Plaintes  des  Israélites;  Cantique  de  Moïse  (ces  trois 
compositions,  inédites,  ont  été  écrites  entre  1845  et  1853  ; 
elles  sont  pour  soli,  chœurs  et  orchestre)  ;  la  Tour  de  Babel 
(1865),  pour  soli,  chœurs  et  orchestre,  inédit  ;  Ruth, 
églogue  biblique,  oratorio  en  trois  parties  (1844-45  ?), 
exécuté  par  la  première  fois  au  Conservatoire  en  1846 
(cet  oratorio,  remanié,  augmenté  du  grand  air  de  Ruth, 
du  deuxième  chœur  des  Moissonneurs,  de  l'air  de  Noémi* 
des  Prophéties,  etc.,  a  été  exécuté  en  1871  au  cirque  des 
Champs-Elysées)  ;  Rédemption  (1872),  oratorio  en  deux 
parties  séparées  par  une  grande  page  symphonique,  exécuté 
à  l'Odéon  en  1873;  les  Béatitudes,  grand  oratorio  en 
huit  parties  (commencé  en  1870),  pour  soli,  chœurs  et 
orchestre  (les  seules  exécutions  «  complètes  »  des  Béati- 
tudes sont  celles  qui  ont  été  données  en  1891,  à  Dijon,  à 
l'occasion  du  centenaire  de  saint  Bernard,  avec  les  masses 
qu'exige  l'interprétation  de  cette  œuvre)  ;  Rébecca  (1 887  ?), 
scène  biblique  pour  soli,  chœurs  et  orchestre  ;  Psaume 
(1887  ou  88),  pour  orchestre  et  chœur,  inédit;  Hymne 
à  3  voix  (1887  ou  88),  avec  orchestre,  sur  des  paroles  de 
Racine  (l'orchestre  est  inédit). 

Cette  liste  d'œuvres ,  quoique  très  incomplète ,  car 
le  travail  de  recherche  et  de  classement  des  manuscrits 
de  Franck  est  loin  d'être  fini  au  moment  nous  écrivons 
(août  1892),  donne  une  idée  de  l'exceptionnelle  puis- 
sance de  production  de  ce  maître.  Il  faut  ajouter  que  son 
enseignement  musical  était  aussi  des  plus  remarquables 
et  que  les  compositeurs  les  plus  intéressants  de  notre 
jeune  école  de  musique  ont  été  presque  tous  ses  élèves.  Il 
a  peu  été  écrit  sur  César  Franck  et  son  œuvre  ;  à  l'heure 
actuelle,  nous  ne  voyons  à  signaler  qu'une  petite  bro- 
chure de  M.  Coquard,  César  Franck  (Paris,  s.  d.  [1891], 
in-18)  et  un  certain  nombre  d'études  critiques  ou  d'ar- 
ticles isolés,  publiés  surtout  pendant  les  dix  dernières 
années  de  sa  vie  dans  la  presse  quotidienne,  les  périodiques 
musicaux  ou  artistiques,  par  MM.  L.  de  Fourcaud,  Camille 
Benoît,  Victor  Wilder,  J.  Tiersot,  etc.,  et  par  l'auteur  de 
cette  notice  (V.  les  collections  du  Gaulois,  du  Guide  mu- 
sical, de  la  Revue  illustrée,  du  Siècle,  de  la  Revue 
bleue,  du  Ménestrel,  de  la  Paix,  etc.,  etc.).  Il  a  été 
publié  aussi,  par  les  soins  de  Franck  ou  d'après  ses  notes, 
deux  analyses  thématiques,  l'une  sur  la  Symphonie  en  ré 
mineur,  l'autre  sur  Psyché.  Alfred  Ernst. 

FRANC  K-Chauveau,  homme  politique  français  (V.  Chau- 

VEAU). 

FRANCKE  (August-Hermann) ,  célèbre  prédicateur  et 
philanthrope  allemand,  né  à  Lubeck  le  23  mars  1663, 
mort  à  Halle  le  8  juin  1727.  Il  fit  ses  études  théologiques 
à  Erfurt,  Kiel  et  Leipzig  ;  Spener,  le  père  du  piétisme, 
lui  communiqua  sa  foi  et  ses  idées.  Appelé  à  Halle,  d'abord 
comme  pasteur,  puis  comme  professeur,  il  s'unit  à  ses 
collègues  Anton,  Breithaupt,  Michaelis,  Joachim  Lange, 
Herrenschmidt,  pour  propager  l'étude  des  Ecritures  et  tra- 
vailler au  réveil  religieux .  Sa  devise  était  Theologus  nas- 
citur  in  scripturis,  et  il  définissait  la  théologie  Uberior 
christianismi  cultura.  Il  se  distingua  moins  par  la 
rigueur  scientifique  que  par  l'élément  religieux  qu'il  intro- 
duisit dans  la  théologie.  Dans  cet  ordre  d'idées,  il  publia  : 
Prœlectiones  hermeneuticœ  ;  ldea  studiosi  theologice  ; 
Monita  pastoralia  theologica.  Mais  il  unit  aussi  la  pra- 
tique à  la  théologie.  En  1695,  il  ouvrit  dans  son  presby- 
tère une  école,  à  laquelle  il  joignit  ensuite  un  orphelinat. 
Bientôt  il  dut  acheter  les  maisons  voisines,  et  en  1698, 
il  posa  la  première  pierre  de  son  grand  établissement 
devenu  trop  petit,  aussitôt'  achevé.  A  sa  mort,  il  comptait 


134  orphelins,  et  dans  ses  écoles  il  y  avait  2,207  élèves. 

Bibl.  :  Guerike,  A. -H.  Franche;  Halle,  1827.  —  C.-F. 
Illgen,  Hist.  collegii  philobiblici  ;  Leipzig,  1836-41.  — 
Kramer,  A -H.  Franche,  ein  Leben  sbild;  Halle,  1880-82, 
2  vol. 

FRANCKE  (Wilhelm-Franz-Gottfried)  ,  jurisconsulte 
allemand  contemporain,  né  à  Lunebourg  le  26  juil.  1803, 
mort  à  Gœttingue  le  12  avr.  1873.  Après  avoir  étudié  le 
droit  à  l'université  de  Gœttingue,  il  fut  nommé  professeur 
extraordinaire  en  1828  ;  en  d  831,  il  fut  rappelé  à  l'uni- 
versité d'Iéna  comme  professeur  ordinaire  et  revint  à  celle 
de  Gœttingue  en  1844.  On  doit  citer  parmi  ses  ouvrages  : 
Civilistische  Abhandlungen  (Gœttingue,  1 826)  ;  Beitràge 
zur  Erlauterung  einzelner  Rechtsmaterien  (Gœttingue, 
1828);  Bas  Redit  der  Noterben  und  Pflichtteilsberech- 
tigten  (Gœttingue,  1831)  ;  Kommentar  iiber  den  Pan- 
dektentitel  de  hereditatis  petitione  (Gœttingue,  1864). 
Depuis  1837,  il  avait  dirigé  les  Archivs  fur  civilistische 
Praxis.  G.  R. 

FRANCKEN  (Les).  Famille  de  peintres  flamands,  dont 
les  principaux  membres  sont  : 

Hieronymus  le  Vieux,  né  à  Herenthals  (dans  la  Cam- 
pine)  en  1540,  mort  à  Paris  le  1er  mai  1610.  Il  travailla  avec 
ses  deux  frères  dans  l'atelier  de  Frans  Floris ,  puis  vint  à 
Paris  en  156.5  et  fut  employé  avec  Cornélius  Ketel  à  la 
décoration  du  château  de  Fontainebleau.  Sous  Henri  III,  il 
fut  le  portraitiste  officiel  de  la  cour,  et  ouvrit  une  école  très 
fréquentée,  où  il  forma  entre  autres  Abraham  Bloemaart. 
Après  la  mort  de  Henri  III  (1589),  il  fit  un  voyage  en  Italie 
et  repartit  pour  Anvers.  Mais,  dès  1595,  il  revint  à  Paris 
et  retrouva  la  même  faveur  qu'auparavant  auprès  de  Henri  IV, 
puis  de  Louis  XIII.  Ses  œuvres  les  plus  remarquables  sont  : 
r  Abdication  de  Charles-Quint  (musée  d'Amsterdam)  ;  la 
Décollation  de  saint  Jean-Baptiste  (galerie  de  Dresde)  ; 
les  Dieux  de  la  mer  (musée  de  Stockholm). 

Frans  le  Vieux,  frère  du  précédent,  né  à  Herenthals 
en  1542,  mort  à  Anvers  le  2  oct.  1616.  Il  eut  pour 
maître  Frans  Floris,  fut  admis  en  1569  comme  maître 
dans  la  gilde  de  Saint-Luc,  dont  il  devint  doyen  en  1587. 
Il  forma  un  grand  nombre  d'élèves,  dont  les  plus  connus 
sont  ses  quatre  fils  :  Hieronymus,  Frans,  Ambrosius  et 
Sebastiaan.  Ses  tableaux  les  plus  connus  sont  :  V His- 
toire d'Esther  (Louvre)  ;  Etéocle  et  Polynice  (musée 
d'Anvers),  Jésus  devant  les  docteurs,  triptyque  (cathé- 
drale d'Anvers)  ;  la  Mise  au  tombeau  (église  Saint- Jacques, 
à  Anvers)  ;  la  Fuite  en  Egypte,  la  Création  d'Eve,  la 
Création  des  animaux  (galerie  de  Dresde)  ;  le  Festin, 
Solon  à  la  cour  de  Crésus,  le  Cabinet  d'amateur,  Ecce 
Homo  (musée  impérial  de  Vienne). 

Ambrosius  le  Vieux,  frère  du  précédent,  né  à  Herenthals 
en  1544,  mort  à  Anvers  le  16  oct.  1618.  Il  eut  pour  maître 
Frans  Floris  et  alla  de  bonne  heure  travailler  en  France 
près  de  son  frère  Hieronymus  ;  à  Fontainebleau  il  copia  les 
fresques  du  Rosso  et  du  Primatice.  En  \  573,  il  devint  maître 
dans  la  gilde  de  Saint-Luc  à  Anvers  et  en  1581  doyen.  Ses 
tableaux  sont  d'une  facture  vulgaire  et  d'un  réalisme  re- 
poussant ;  on  cite  :  le  Martyre  de  saint  Crépin  et  saint 
Crépinien,  la  Charité  de  saint  Cosme  et  saint  Damien, 
le  Martyre  de  saint  Georges,  Quatre  Episodes  de  la  vie 
de  saint  Sébastien  (musée  d'Anvers  )  ;  le  Christ  et  la 
femme  adultère,  la  Fille  de  Jaïre,  le  Christ  sur  le 
mont  des  Oliviers  (1600),  la  Trinité  (1608),  dans  l'église 
Saint-Jacques  à  Anvers  ;  Noé  sortant  de  V arche  (musée 
de  Valenciennes). 

Hieronymus  le  Jeune,  premier  fils  de  Frans  le  Vieux, 
né  à  Anvers  en  1578,  mort  à  Anvers  le  17  mars  1623. 
Il  fut  l'élève  de  son  oncle  Ambrosius  le  Vieux  et  fut  reçu 
maître  en  1607.  Son  tableau  le  moins  médiocre  est  Hora- 
tius  Codés  défendant  le  pont Publicius  (musée  d'Anvers). 

Frans  II  le  Jeune,  surnommé  don  Francisco,  second  fils 
de  Frans  le  Vieux,  né  à  Anvers  en  1581,  mort  le  6  mai  1642. 
C'est  l'artiste  le  plus  fécond  et  le  plus  distingué  de  la  famille. 
Après  avoir  reçu  de  son  père  les  premières  leçons,  il  fit  un 
voyage  en  Italie,  dont  il  revint  en  1605  avec  son  surnom  ; 


FRANCKEN  —  FRANCLIEU 


1478  — 


la  même  année  il  fut  nommé  maître  et  en  1645  doyen. 
Il  peignit  les  figures  dans  beaucoup  de  paysages  de  Velvet 
Breughel,  Neefsle  Vieux  et  Jost  de  Momper.  Ses  tableaux 
les  plus  curieux  et  les  plus  énergiques  sont  les  Assemblées 
de  sorcières,  à  la  galerie  du  Belvédère  (Vienne).  Dans 
toutes  ses  œuvres,  la  couleur  est  harmonieuse  et  la  touche 
spirituelle.  On  cite  notamment  :  le  Christ  devant  Pilote, 
le  Baiser  de  Judas,  Neptune  et  Amphitrite,  Un  Inté- 
rieur d'église  en  Flandre  (musée  de  Madrid)  ;  la  Pas- 
sion, l'Enfant  prodigue  (Louvre)  ;  Madeleine  auxpieds 
du  Christ  (Notre-Dame  de  Bruges)  ;  Crésus  et  Solon  (mu- 
sée de  Bruxelles)  ;  les  OEuv7*es  de  miséricorde  (1608), 
le  Miracle  du  tombeau  de  saint  Bruno  (musée  d'Anvers)  ; 
V Enfant  prodigue,  JJnBalà  la  cour  de  Flandre  (1611), 
au  musée  national  d'Amsterdam  ;  Un  Concert  (musée  de 
Rotterdam)  ;  Galatée,  l'Adoration  des  Mages,  le  Passage 
de  la  mer  Rouge,  le  roi  Midas  (galerie  de  Brunswick)  ; 
Apelles  peignant  Campaspe  (galerie  de  Copenhague)  ;  Nep- 
tune et  Amphitrite,  le  Festin  de  Balthasar,  Salomon 
adorant  les  idoles  (galerie  de  Gotha)  ;  le  Christ  au  mont 
des  Oliviers,  une  Scène  fantastique  (musée  de  Berlin)  ; 
Un  Banquet,  le  Portement  de  croix  (galerie  de  Dresde)  ; 
un  Combat  de  cavalerie,  les  Œuvres  de  miséricorde  (Alte 
Pinacothek  de  Munich)  ;  un  Crucifiement,  Crésus  et  Solon 
(musée  de  Vienne)  ;  Exécution  dans  les  Flandres  par 
V ordre  du  duc  d  Albe  (musée  Rath,  à  Genève)  ;  portrait 
du  peintre  par  lui-même  (Uffizi  de  Florence).  Il  a  souvent 
employé  le  monogramme  D.  0.  F.  (der  oud  Frans,  Frans 
le  Vieux)  pour  se  distinguer  de  son  fils  Frans  III.  Van 
Dyck  a  gravé  à  l'eau-forte  le  portrait  de  cet  artiste. 

Ambrosius  II,  troisième  fils  de  Frans  le  Vieux,  mort 
en  1632.  Il  fut  reçu  comme  maître  dans  la  gilde  de  Saint- 
Luc  en  1624. 

Hans  ou  Jan,  petit-fils  (?)  d' Ambrosius  le  Vieux,  né  à 
Anvers  en  1581 ,  mort  en  1624.  Il  étudia  d'abord  à  Paris, 
puis  dans  l'atelier  de  Rubens.  En  1611,  il  fut  nommé 
maître  dans  la  gilde.  Van  Dyck  a  peint  son  portrait,  qui 
est  au  musée  d'Amsterdam.  Ses  meilleures  œuvres  sont  : 
le  Christ  aumilieu  des  Docteurs  et  la  Descente  du  Saint- 
Esprit,  au  musée  de  Bruges  ;  des  copies  qu'il  fit  d'après 
Rubens  se  trouvent  à  Bruxelles,  à  Rotterdam  et  à  Dresde. 
Sebastiaan,  quatrième  fils  de  Frans  le  Vieux,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  Sebastiaan  Vrancx.  On  ignore 
la  date  de  sa  naissance  et  de  sa  mort.  Elève  de  son 
père,  il  parvint  à  la  maîtrise  en  1599.  Van  Dyck  a 
peint  son  portrait  qui  fut  gravé  par  Hondius  avec  cette 
curieuse  inscription  :  Sebastianus  Francken,  junior, 
humanarum  figurarum  minorum  pictor.  Le  musée 
de  Dresde  possède  de  lui  une  Tentation  de  saint  An- 
toine. 

Jan-Baptist,  fils  de  Sebastiaan,  né  à  Anvers  en  1599, 
mort  en  1653.  Après  avoir  fait  ses  premières  études  avec 
son  père,  il  passa  dans  les  ateliers  de  Rubens  et  de  Van 
Dyck.  lia  laissé  deux  Décollations  de  saint  Jean-Baptiste 
(musées  de  Dresde  et  d'Augsbourg) . 

Frans  III,  dit  de  Rubensche  Francken,  fils  de  Frans 
le  Jeune,  né  à  Anvers  en  1607,  mort  à  Anvers  en  1667. 
Elève  de  son  père,  il  fut  nommé  maître  en  1639.  Dans  la 
seconde  moitié  de  sa  carrière,  il  subit  fortement  l'influence 
de  Rubens,  d'où  son  surnom  flamand.  Ses  œuvres  les  plus 
remarquables  sont  :  la  Prédication  de  saint  Jean-Bap- 
tiste (galerie  Lichtenstein,  à  Vienne)  ;  la  Tête  de  saint 
Jean  apportée  à  Hérodiade,  dans  une  collection  particu- 
lière d'Anvers  ;  des  personnages  dans  un  intérieur  d'église 
peint  par  Neefs  le  Vieux  (musée  national  d'Amsterdam). 

'  Constantyn,  fils  de  Frans  III,  né  à  Anvers  vers  1660, 
mort  à  Anvers  en  1717.  Il  vint  à  Paris  très  jeune,  et  pei- 
gnit des  tableaux  de  batailles  au  Louvre  et  à  Versailles. 
De  retour  à  Anvers,  il  fut  nommé  maître  en  1695.  Son 
œuvre  la  plus  connue  est  la  Bataille  d'Eckeren,  dans  la 
grande  salle  de  l'hôtel  de  ville  d'Anvers. 

E.  Bertàux. 
Bibl.  :  Caret  Van  Mander,  le  Livre  des  peintres,  trad. 


H.  Hymans,  1884,  t.  L—  Biographie  nationale  de  Belgique, 
t.  VIÎ.—  Michiels,  Histoire  de  la  peinture  flamande,  t.  VI 
et  VII.—  Catalogue  du  musée  d'Anvers,  1874.—  Catalogue 
de  la  Pinacothèque  de  Munich,  1892.  —  Charles  Blanc, 
Ecole  flamande.  —  Fétis,  Catalogue  du  musée  royal  de 
Bruxelles,  1877.  —  Van  den  Branden,  Geschiedenis  der 
Antwerpsche  Schilderschool;  Anvers,  1883. 

FRANCKEN STEIN  (Georg-Arbogast,  baron  von  undzu), 
homme  politique  allemand,  né  à  Wurtzbourg  le  2  juil.  1825, 
mort  à  Berlin  le  22  janv.  1890.  Un  des  chefs  du  parti  ultra- 
montain,  membre  du  Reichstag  depuis  1872,  vice-président 
depuis  1879,  il  a  donné  son  nom  au  compromis  intervenu 
en  1879  enfre  le  centre  et  Bismarck  sur  la  question  du 
tarif  des  douanes.  Le  produit  des  impôts  sur  les  douanes 
et  le  tabac  devait,  au-dessus  de  130  millions  de  marcs, 
être  partagé  entre  les  Etats  fédéraux  au  prorata  de  la 
population.  Il  contribua  avec  Windhorst  à  l'adoption  du 
septennat,  d'accord  avec  le  pape  (1887). 

FRANCKL1N  (Thomas),  littérateur  anglais,  né  à  Londres 
en  1721,  mort  à  Londres  le  14  mars  1784.  Fils  d'un 
libraire,  il  fit  de  fortes  études  à  Cambridge  et  devint  pro- 
fesseur de  grec  au  Trinity  Collège.  En  1759,  il  fut  nommé 
vicaire  de  Ware  (Hertfordshire)  et  il  fut  promu  en  1777 
recteur  à  Brasted  (Kent).  Collaborateur  assidu  de  la  Criti- 
cal  Review,  il  y  traita  fort  rudement  les  écrivains  du  temps. 
Les  œuvres  de  Francklin  sont  nombreuses;  elles  con- 
sistent en  traductions  d'auteurs  grecs  et  latins,  parmi  les- 
quelles il  faut  mentionner  spécialement  les  tragédies  de 
Sophocle  ;  en  pièces  de  théâtre,  entre  autres  :  The  Earl  of 
Warwick,  tragédie  représentée  avec  succès  à  Drury  Lane 
en  1766 et  souvent  reprise;  Matilda  (1775),  The  Con- 
tract  (Haymarket,  1776),  Mary  Queen  of  Scots,  qui  n'a 
jamais  été  jouée  et  imprimée  seulement  en  1837,  enfin  en 
diverses  études  littéraires  :  Inquiry  into  the  Astronomy 
and  Anatomy  of  the  ancients  (1749),  Truth  and  False- 
hood,  conte  (1755),  A  Dissertation  on  ancient  tra- 
gedy  (1760);  des  sermons,  des  poésies,  etc.  Il  avait  pu- 
blié en  1757  et  1758  une  sorte  de  journal  intitulé  The 
Centinel,  R.  S. 

FRANCKLI N  (William),  orientaliste  anglais,  né  en  1763, 
mort  le  12  oct.  1839,  fils  du  précédent.  Enseigne  dans 
l'armée  du  Bengale  en  1783,  il  parvint  au  grade  de  lieute- 
nant-colonel en  1814.  Il  fit  en  1786  un  voyage  en  Perse 
dont  il  a  donné  un  compte  rendu  extrêmement  intéressant  : 
Observations  made  on  a  Tour  from  Bengal  to  Persia 
(Calcutta,  4788,  in-4).  Il  en  existe  une  traduction  fran- 
çaise :  Voyage  du  Bengale  à  Chyraz,  publiée  dans  la 
Collection  portative  de  voyages  traduits  de  différentes 
langues  orientales  (Paris,  1797  et  suiv.,  in-12,  t.  II 
et  III).  Parmi  ses  autres  ouvrages  nous  citerons  :  The  His- 
tory  ofthe  Reign  of  Shah  Aulum (Londres,  1798,  in-4); 
Remarks  and  observations  ontheplain  of  Troy  (1800, 
in-4)  ;  Tracts  on  the  dominions  of  Ava  and  the  North 
Western  parts  of  Hindostaun  (1800,  in-8)  ;  Inquiry  con- 
cerning  the  site  of  ancient  Palibothra  (1815-1822, 
4  in-4)  ;  Researches  on  the  Tenets  and  Doctrines  of 
the  Jeynes  and  Boodhists  (1827,  in-4),  etc.  Il  a  publié 
les  Mémoires  militaires  du  général  George  Thomas  (Cal- 
cutta, 1803,  in-4).  R.  S. 

FRANCLENS.  Corn,  du  dèp.  de  la  Haute-Savoie,  arr. 
de  Saint-Julien,  cant.  de  Seyssel;  250  hab. 

FRANCLIEU  (Charles-Paul-Alexandre  Pasquier,  mar- 
quis de),  homme  politique  français,  né  à  Senlis  le  7  avr. 
4810,  mort  à  Versailles  le  14  nov.  1877.  Enseigne  de 
vaisseau,  il  démissionna  à  la  suite  de  la  révolution  de  Juil- 
let et  s'occupa  d'agriculture.  Après  s'être  présenté  sans 
succès  dans  les  Hautes-Pyrénées  aux  élections  pour  la 
Constituante  (1848),  il  fut  élu  représentant  de  ce  dèparte- 
tement  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871  et  siégea  à 
l'extrême  droite.  Il  se  fit  remarquer  par  l'intransigeance  de 
ses  opinions  et  ses  boutades  parfois  cruelles.  C'est  lui  qui 
appela  M.  Thiers  «  le  mauvais  génie  de  la  patrie  »  et  qui 
reprocha  vertement  au  duc  d'Aumale  de  pactiser  avec  la 
Révolution  parce  qu'il  acceptait  le  drapeau  tricolore.  Elu 


sénateur  inamovible  par  l'Assemblée  nationale  le  1 1  déc. 
4875,  il  soutint,  mais  sans  beaucoup  d'enthousiasme,  le 
gouvernement  du  16  mai.  On  a  de  lui  :  la  Question  de 
la  veille  est  encore  celle  du  lendemain  (4848);  Pro- 
duction et  consommation  du  blé  (1 860,  in-8)  ;  les  Libres- 
Echangistes  ne  sont  pas  des  économistes  (1868,  in-8). 
FRANC-MAÇONNERIE.  Généralités.  —  La  franc- 
maçonnerie  est  une  institution  philanthropique  qui  s'efforce 
de  réaliser  un  idéal  de  vie  sociale  :  fonder  la  vie  indivi- 
duelle sur  le  travail,  sur  la  dignité  morale,  sur  la  cons- 
cience de  la  destinée  humaine  ;  construire  une  société 
conforme  aux  principes  rationnels,  de  manière  à  assurer  à 
l'humanité  son  parfait  développement.  La  comparaison  qui 
domine  tout  le  symbolisme  maçonnique  et  qui  a  valu  son 
nom  à  l'institution  est  celle  de  la  société  avec  un  édifice. 
Nous  en  indiquerons  l'origine  tout  à  l'heure.  La  franc- 
maçonnerie  est  un  ordre  ou  une  confrérie  greffée  sur  les 
anciennes  associations  ouvrières  et  mystiques  du  moyen  âge, 
mais  organisée  au  xvnr3  siècle  dans  un  esprit  plus  large. 

La  confrérie  maçonnique  est  universelle  en  ce  sens  que 
toutes  les  confédérations  et  les  groupements  particuliers  se 
regardent  comme  faisant  partie  d'un  même  tout,  comme 
membres  d'une  même  famille,  quelles  que  soient  les  diffé- 
rences de  situation  sociale,  de  nationalité,  de  croyances. 
Les  francs-maçons  ne  sont  d'ailleurs  liés  les  uns  aux  autres 
que  par  l'acceptation  de  principes  moraux  communs.  Leur 
union  fraternelle  ne  comporte  pas  de  pouvoir  central 
unique,  pas  d'unité  de  direction,  en  un  mot  rien  qui  res- 
semble à  un  organisme  politique  international  ou  à  une 
corporation  religieuse.  Ils  se  réunissent  en  groupes  qui 
s'administrent  eux-mêmes  (loges)  et  forment  dans  l'inté- 
rieur de  chaque  pays  une  confédération  dirigée  par  une 
grande  loge  (appelée  encore  Grand  Orient  ou  Suprême 
Conseil)  ;  bien  que  souvent  une  grande  loge  dépasse  le 
cercle  des  frontières  de  sa  nation  et  se  voie  rattacher 
quelques  loges  étrangères,  il  ne  s'agit  là  que  d'exceptions  ; 
d'autre  part,  dans  beaucoup  de  pays,  il  existe  plusieurs 
confédérations  ou  grandes  loges  rivales,  sans  que  d'ailleurs 
ces  dissidences  soient  très  profondes.  Chacune  des  grandes 
loges  nationales  est  complètement  indépendante,  autant 
que  l'Etat  lui-même  l'est  des  Etats  voisins.  Néanmoins,  la 
franc-maçonnerie  est  une,  et  en  théorie  toutes  les  loges 
particulières  ne  forment  qu'une  loge  idéale,  de  même  que 
les  hommes,  quelle  que  soit  leur  nationalité,  appartiennent 
tous  à  l'humanité.  La  fraternité  maçonnique  s'étend  donc 
à  tous  les  francs-maçons  indistinctement  ;  ce  cosmopoli- 
tisme, qui  lui  est  commun  avec  la  plupart  des  religions,  a 
valu  à  la  franc-maçonnerie  des  attaques  injustes  et  pas- 
sionnées alors  qu'il  est  un  de  ses  plus  beaux  titres  à  l'es- 
time et  à  l'admiration. 

Les  moyens  employés  par  la  franc-maçonnerie  pour 
atteindre  son  but  qui  est  l'amélioration  intellectuelle  et 
morale  de  ses  membres,  et  de  l'humanité  en  général,  sont  : 
l'exécution  d'actes  symboliques  qui  en  forment  les  rites  ; 
l'enseignement  mutuel  et  l'exemple,  la  culture  intellectuelle, 
la  pratique  de  la  fraternité  et  de  la  solidarité.  La  franc- 
maçonnerie  n'est  pas  une  société  secrète,  comme  bien  de 
personnes  sont  tentées  de  le  croire,  c'est  seulement  une 
société  fermée;  en  effet,  non  seulement  le  fait  de  son 
existence,  mais  ses  règles  fondamentales,  ses  lois,  son 
histoire,  le  nom  de  ses  adhérents  ne  sont  pas  cachés.  On 
se  pare  ouvertement  des  insignes.  On  se  dit  franc-maçon  ; 
la  date  et  le  lieu  de  réunion  des  assemblées  maçonniques 
n'ont  rien  de  secret  pour  les  profanes.  Les  règlements  inté- 
rieurs sans  être  publiés  ne  sont  du  moins  guère  dissimulés 
à  qui  désirerait  les  connaître,  puisqu'on  les  imprime.  Il 
n'y  a  de  réellement  mystérieux  que  les  signes  de  recon- 
naissance et  le  culte.  Les  frères  sont  tenus  au  secret  sur 
ces  objets  par  leur  parole  de  gens  d'honneur  et  non  par 
un  serment.  Les  usages  et  les  symboles  de  la  maçonnerie 
sont  exclusivement  moraux. 

L'action  exercée  par  la  franc-maçonnerie  est  double  : 
intellectuelle  et  matérielle.  La   première,  dont  les  effets 


1179  -  FRANCLIEU  —  FRANC-MAÇONNERIE 

sont  intimes,  s'exerce  sur  les  adeptes  en  vue  de  leur  amé- 
lioration morale  et  de  leur  instruction  ;  elle  vise  à  les 
affranchir  des  préjugés,  des  superstitions,  des  passions,  à 
les  guider  vers  des  actes  qui  contribuent  au  bien-être  uni- 
versel et  au  bonheur  commun  en  s'orientant  toujours  vers 
le  vrai,  le  beau  etlebien.  L'action  matérielle  ou  extérieure 
s'exerce  par  des  œuvres  de  charité  et  de  philanthropie,  par 
la  fondation  ou  l'entretien  d'instituts  de  bienfaisance,  par  le 
développement  de  l'instruction  et  de  l'éducation  populaire, 
enfin  par  toute  sorte  d'entreprises  profitables  à  la  civilisa- 
tion et  au  progrès. 

Voici  comment  le  Grand  Orient  de  France  formule  les 
principes  de  la  franc-maçonnerie  :  «  La  franc-maçonnerie, 
institution  essentiellement  philanthropique,  philosophique 
et  progressive,  a  pour  objet  la  recherche  de  la  vérité, 
l'étude  de  la  morale  et  la  pratique  de  la  solidarité  ;  elle 
travaille  à  l'amélioration  matérielle  et  morale,  au  perfec- 
tionnement intellectuel  et  social  de  l'humanité.  Elle  a  pour 
principes  la  tolérance  mutuelle,  le  respect  des  autres  et  de 
soi-même,  la  liberté  absolue  de  conscience.  Considérant 
les  conceptions  métaphysiques  comme  étant  du  domaine 
exclusif  de  l'appréciation  individuelle  de  ses  membres,  elle 
se  refuse  à  toute  affirmation  dogmatique.  Elle  a  pour  devise 
Liberté,  Egalité,  Fraternité. 

«  La  franc-maçonnerie  a  pour  devoir  d'étendre  à  tous 
les  membres  de  l'humanité  les  liens  fraternels  qui  unissent 
les  francs-maçons  sur  toute  la  surface  du  globe.  Elle  re- 
commande à  ses  adeptes  la  propagande  par  la  parole,  les 
écrits  et  l'exemple.  Tout  franc-maçon  a  le  droit  de  publier 
x  son  opinion  sur  les  questions  maçonniques. 

<<  Le  franc-maçon  a  pour  devoir,  en  toute  circonstance, 
d'aider^  d'éclairer,  de  protéger  son  frère,  même  au  péril 
de  sa  vie,  et  de  le  défendre  contre  l'injustice.  La  franc- 
maçonnerie  considère  le  travail  comme  un  des  devoirs  es- 
sentiels de  l'homme.  Elle  honore  également  le  travail  ma- 
nuel et  le  travail  intellectuel.  » 

Nous  indiquerons  plus  loin  le  développement  pris  par  la 
franc-maçonnerie  dans  les  pays  de  civilisation  européenne. 
Contentons-nous  de  dire,  pour  en  faire  apprécier  l'impor- 
tance, qu'elle  compte  plus  de  16,000  loges,  et  plus  de 
1,800,000  membres  actifs  dont  la  moitié"  aux  Etats-Unis. 

Organisation  de  la  franc-maçonnerie.  —  La 
franc-maçonnerie  est,  nous  venons  de  le  dire,  organisée  en 
confédérations  indépendantes  les  unes  des  autres.  Son  unité 
tient  à  la  communauté  du  but  poursuivi  et  des  principes 
essentiels,  aux  relations  fraternelles  des  loges  entre  elles 
et  des  francs-maçons  relevant  des  diverses  puissances  ma- 
çonniques. Cette  fraternité  est  affirmée  par  l'admission,  aux 
réunions  d'une  loge,  de  frères  d'autres  loges  et  d'autres 
confédérations,  admission  en  qualité  de  visiteurs  ou  d'affi- 
liés. Elle  l'est  aussi  par  l'assistance  mutuelle  que  se  prêtent 
les  frères  de  loges  et  de  confédérations  différentes.  Ajou- 
tons que,  malheureusement,  les  relations  fraternelles  ne 
sont  pas  toujours  maintenues  ;  c'est  ainsi  que  pour  des 
raisons  patriotiques  elles  ont  été  rompues  entre  les  loges 
de  France  et  celles  d'Allemagne;  pour  des  raisons  religieuses 
entre  le  Grand  Orient  et  les  maçons  anglo-saxons.  Il  sera 
question  de  ces  faits  plus  loin.  Enfin"  il  existe  des  rites 
dissidents  qui  ne  sont  pas  reconnus  par  les  grandes  orga- 
nisations. Ces  restrictions  diminuent  les  avantages  que 
présente  la  fraternité  maçonnique  pour  les  frères  qui 
voyagent  hors  de  leur  pays. 

La  franc-maçonnerie  possède  des  signes  et  des  emblèmes 
dont  la  haute  signification  symbolique  ne  peut  être  révélée 
que  par  l'initiation.  Ces  signes  et  ces  emblèmes  président, 
sous  des  formes  déterminées,  aux  travaux  des  francs-maçons 
et  permettent  à  ceux-ci,  sur  toute  la  surface  du  globe,  de 
se  reconnaître  et  de  s'entr'aider.  L'initiation  comporte 
plusieurs  degrés  ou  grades.  Les  trois  premiers  degrés  sont 
celui  d'apprenti,  celui  de  compagnon  et  celui  de  maître 
qui  seul  donne  au  franc-maçon  la  plénitude  des  droits  ma- 
çonniques. Nul  ne  peut  être  dispensé  des  épreuves  graduées 
prescrites  par  les  rituels. 


FRANC-MAÇONNERIE 


4180  — 


Nul  ne  peut  être  admis  à  l'initiation  et  jouir  des  droits 
attachés  au  titre  de  franc-maçon:  4°  s'il  n'est  âgé  d'au 
moins  vingt  et  un  ans;  2°  s'il  n'est  de  réputation  et  de 
moeurs  irréprochables  ;  3°  s'il  n'a  des  moyens  d'existence 
honorables  et  suffisants  ;  4°  s'il  ne  possède  au  moins  l'ins- 
truction indispensable  pour  comprendre  les  enseignements 
maçonniques;  5°  s'il  n'est  domicilié  ou  résidant,  depuis  six 
mois  au  moins,  dans  le  département  où  est  située  la  loge 
ou  dans  un  rayon  de  400  kil.  ;  toutefois,  des  exceptions 
peuvent  être  faites  pour  des  personnes  habitant  un  dépar- 
tement ou  une  province  où  il  n'existerait  pas  de  loge.  Sont 
dispensés  de  la  condition  d'âge  les  fils  de  francs-maçons 
et  les  mineurs  régulièrement  adoptés  par  les  loges,  qui 
peuvent  être  initiés  et  reçus  apprentis  à  dix-huit  ans, 
avec  le  consentement  de  leurs  père,  mère  ou  tuteur,  mais 
qui  ne  peuvent  être  reçus  compagnons  et  maîtres  avant 
l'âge  de  vingt  et  un  ans  accomplis  ou  de  leur  majorité. 
Sont  dispensés  de  la  condition  de  domicile  ou  de  résidence 
les  militaires,  les  marins,  les  fonctionnaires  publics  et  les 
personnes  qui,  par  leur  profession,  sont  contraintes  à  des 
changements  de  résidence. 

Toute  admission  dans  la  franc-maçonnerie  est  soumise 
à  des  scrutins  auxquels  ont  droit  de  prendre  part  tous  les 
francs-maçons  présents,  pourvu  qu'ils  soient  réguliers. 

La  qualité  de  franc-maçon,  ainsi  que  les  droits  et  pré- 
rogatives qui  y  sont  attachés,  se  perd  :  4°  par  une  action 
déshonorante;  2°  par  l'exercice  d'un  état  notoirement  dé- 
considéré dans  l'ordre  social  ;  3°  par  la  violation  des  enga- 
gements maçonniques  contractés  dans  l'initiation.  Nul  ne 
peut  être  privé  de  sa  qualité  de  franc-maçon  qu'en  vertu 
d'un  jugement  rendu  dans  les  conditions  et  selon  les  formes 
déterminées  par  la  constitution  et  le  règlement  général. 

Les  francs-maçons  se  réunissent  en  groupes  qui  prennent 
la  dénomination  générique  d'ateliers.  Les  ateliers  consacrés 
aux  trois  premiers  degrés  portent  le  nom  déloges.  Les  ate- 
liers consacrés  aux  autres  degrés,  jusques  et  y  compris  le 
30e,  portent  le  nom  de  chapitres  et  de  conseils.  L'atelier 
supérieur  qui  a  seul  le  droit  d'initier  aux  derniers  degrés 
de  la  franc-maçonnerie  porte  le  nom  de  Grand  Collège  des 
Rites.  Ces  dénominations  sont  celles  du  Grand  Orient  de 
France  ;  elles  comportent  quelques  variantes  dans  les  autres 
rites  et  confédérations. 

Les  ateliers  se  gouvernent  librement,  dans  la  limite  des 
règes  établies  par  .la  constitution  et  par  le  règlement  gé- 
néral. Ils  doivent  toujours  être  consultés  sur  les  mesures 
d'intérêt  général  maçonnique.  Le  Grand  Orient  déclare  que 
la  souveraineté  maçonnique  appartient  à  l'universalité  des 
francs-maçons  régis  par  sa  constitution.  Cette  souverai- 
neté s'exerce  par  le  suffrage  universel.  Toutes  les  puissances 
maçonniques  ne  sont  pas  organisées  sur  des  bases  aussi  dé- 
mocratiques. Les  détails  seront  donnés  ci-après.  Mais  pour 
l'intelligence  complète  des  différences  entre  les  divers  rites 
et  confédérations,  il  est  indispensable  de  connaître  l'histoire 
de  Tordre. 

Histoire.  Les  origines  de  la  franc -maçonnerie. 
—  L'histoire  de  la  franc-maçonnerie  est  demeurée  long- 
temps mystérieuse.  C'est  seulement  depuis  un  demi-siècle 
que  les  érudits  l'ont  à  peu  près  éclaircie.  Le  problème  ca- 
pital est  celui  de  ses  origines,  et  c'est  celui  qu'on  avait  le 
plus  embrouillé  ;  aujourd'hui  encore,  à  ce  sujet,  les  légendes 
les  plus  naïves  trouvent  des  crédules.  On  ne  veut  pas  se 
borner  à  faire  dériver  la  franc-maçonnerie  de  la  maçonnerie 
proprement  dite,  des  associations  ouvrières  sur  lesquelles 
elle  fut  greffée  ;  on  prend  texte  des  signes  symboliques  et 
des  rites  adoptés  dans  les  loges  pour  les  rapprocher  de 
ceux  des  anciens  mystères  et  faire  remonter  l'histoire  de 
l'ordre  jusqu'à  une  antiquité  très  reculée.  On  délaisse  la 
filiation  établie  par  les  documents  pour  des  rapprochements 
hypothétiques  entre  des  institutions  séparées  par  des  siècles 
entre  lesquelles  on  croit  apercevoir  des  analogies.  Nous 
examinerons  tout  à  l'heure  ces  prétentions  et  nous  verrons 
qu'il  n'existe  aucun  commencement  de  preuve  d'une  filia- 
tion quelconque  entre  la  maçonnerie  mystique  du  xvme  siècle 


et  les  instituts  hiératiques  de  l'Orient  égyptien,  chaldéen, 
hébraïque  ou  même  hellénique.  Néanmoins,  il  est  vrai  que 
l'idée  fondamentale  de  la  franc-maçonnerie  est  extrême- 
ment ancienne  ;  l'idée  de  se  grouper  pour  un  effort  moral 
commun  et  de  donner  un  caractère  spiritualiste  et  mystique 
aux  groupements  professionnels  présida  à  la  formation  des 
collèges  d'initiés  de  l'Asie  occidentale  ;  nous  la  retrouvons 
dans  les  mystères  grecs,  par  exemple  à  Samothrace,  et, 
avec  un  mysticisme  moins  absorbant,  dans  les  corporations 
ouvrières  du  monde  romain.  Le  caractère  quasi  religieux 
de  ces  associations  était  si  marqué  que  la  première  organi- 
sation de  l'Eglise  chrétienne  de  Rome  paraît  avoir  été  celle 
d'une  association  funéraire,  dont  les  catacombes  furent 
l'œuvre. 

Que  ces  corporations  ouvrières  et   plus  spécialement 
celles  des  maçons  aient  eu  leurs  pratiques  et  formules 
secrètes  déguisées  sous  un  symbolisme  transparent  dont  on 
donnait  la  clef  aux  initiés,  cela  paraît  probable  ;  on  peut 
admettre  aussi  que  ces  symboles  ont  pu,  dans  certains  cas, 
être  empruntés  par  les  Gréco-Romains  aux  sociétés  plus 
antiques  du  Levant,  puis  être  transmis  par  eux  aux  arti- 
sans du  moyen  âge.  On  sait  que  les  recettes  alchimiques 
passèrent  ainsi  des  Egyptiens  aux  Grecs,  puis  aux  Arabes 
et  aux  Occidentanx  dans  des  manuels  techniques  d'orfèvres, 
de  teinturiers,  de  métallurgistes,  etc.  Il  a  dû  en  être  de 
même  pour  l'art  des  tailleurs  de  pierre.  Les  corporations 
reconstituées  au  moyen  âge,  après  la  longue  éclipse  du 
vie  au  xe  siècle,  ont  pu  emprunter  à  leurs  prédécesseurs 
non  seulement  les  règles  et  formules  de  leur  art,  mais  des 
symboles,  des  usages  et  une  sorte  de  philosophie  mystique. 
On  a  essayé  de  démontrer,  à  l'aide  des  ornements,  des 
signes  tracés  sur  les  édifices,  les  rapports  entre  les  cons- 
tructeurs occidentaux  et  les  artistes  asiatiques.  Certaine- 
ment on  regardait  alors  les  Byzantins  et  les  Orientaux,  les 
maçons  d'Alexandrie  ou  d'Athènes  comme  des  maîtres  ;  on 
cherchait  à  se  procurer  leurs  enseignements  ou  à  les  faire 
venir,  croyant  qu'ils  détenaient  un  savoir  mystérieux  dont 
on  leur  demandait  l'apprentissage.  Mais,  dans  tout  cela, 
nulle  direction  méthodique,  nulle  unité,  rien  qui  ressemble 
à  l'action  d'une  association  constituée  dès  ce  moment  et 
gardienne  d'une  tradition.  L'enseignement  technique,  plus 
ou  moins  agrémenté  de  considérations  symboliques,  se  trans 
mettait  par  tradition  verbale,  par  des  cahiers  de  formules 
et  de  dessins  à  l'usage  des  professionnels  ;  mais  la  matière 
en  changeait  progressivement,  et  chaque  génération  y  appor- 
tait son  contingent  de  faits  et  d'idées.  L'évolution  qui 
aboutit  à  l'architecture  gothique  transforma  les  procédés 
de  l'art  de  bâtir,  et  les  tailleurs  de  pierre  en  subirent  l'in- 
fluence ;  des  problèmes  nouveaux  se  posèrent.  Sans  doute, 
la  technique  change  moins  que  les  formes  extérieures  de 
l'art,  mais  elle  change  beaucoup. aussi.  Les  corporations  de 
maçons  du  xne  et  du  xme  siècle  se  sont  développées  d'une 
manière  autonome,  dans  un  esprit  conforme  à  celui  de  leur 
milieu  ;  elles  ont  élaboré,  dirigé,  transformé  en  l'adaptant 
à  leurs  besoins  ce  qu'elles  empruntaient  à  la  tradition  ; 
leurs  usages  et  règlements  sont  bien  à  elles  et  n'ont  que 
de  vagues  ressemblances  avec  ceux  des  âges  antérieurs, 
de  même  que  la  franc-maçonnerie  une  fois  constituée  et 
détachée  de  sa  base  professionnelle  a  suivi  son  évolution 
propre  et  ne  conserve  plus  que  des  rapports  minimes  avec 
la  maçonnerie  technique  des  ouvriers  du  bâtiment.  Les 
efforts  faits  pour  la  rattacher  directement  aux  constructeurs 
de  l'ancien  Orient  sont  des  fantaisies  archéologiques  susci- 
tées par  l'ignorance  des  littérateurs  du  xvme  siècle  et  dont 
la  critique  du  xixe  a  fait  justice. 

Les  historiens  de  la  franc-maçonnerie.  Le  premier 
des  historiens  de  la  franc-maçonnerie  fut  Anderson,  chargé 
par  la  première  Grande  Loge  de  rédiger  la  constitution  ;  il 
mit  en  tête  une  histoire  de  la  maçonnerie  où  figure  la 
légende  biblique  sur  l'origine  de  la  corporation.  Il  la  fait  re- 
monter à  Adam,  lequel  enseigna  à  ses  fils  la  géométrie  et  les 
arts  connexes,  et  la  suit  jusqu'au  xvme  siècle.  Oliver  (An- 
tiquities  of  Freemasonry)  trouve  l'origine  de  la  franc- 


-  1481  — 


FRANC-MAÇONNERIE 


maçonnerie  au  paradis  terrestre;  il  cite  Moïse  parmi  les 
grands  maîtres  et  lui  donne  pour  orateur  Josué.  D'autres 
se  sont  contentés  de  la  faire  remonter  à  la  construction  du 
temple  de  Salomon,  en  dernier  lieu  Mitchell  (The  History 
of  Freemasonry  and  masonie  Digest,  1859,  2  vol.),  aux 
Esséniens  et  aux  premiers  chrétiens,  comme  les  fondateurs 
du  rite  suédois,  ou  bien  aux  pythagoriciens,  aux  druides. 
Ramsay  émit  en  1740  une  hypothèse  qui  fit  une  singulière 
fortune.  Il  imagina  de  dériver  l'ordre  maçonnique  de  l'ordre 
des  templiers,  apparemment  à  cause  de  la  légende  relative 
au  temple  de  Salomon.  Cette  théorie  devint  à  peu  près  offi- 
cielle et  présida  à  l'organisation  des  hauts  grades,  laquelle 
lui  donna  une  grande  force. 

En  1778,  une  conjecture  moins  brillante,  mais  plus  con- 
forme à  la  réalité  historique,  fut  émise  parmi  érudit  fran- 
çais, l'abbé  Grandidier,  auteur  d'un  Essai  historique  sur 
la  cathédrale  de  Strasbourg^  (Strasbourg,  1782).  Il  dé- 
clara que  la  franc-maçonnerie  ne  faisait  que  reproduire 
l'ancienne  association  des  maçons  professionnels,  laquelle 
aurait  eu  son  centre  à  Strasbourg.  Vogel  (Briefen  iiber  die 
Freimaurerei,  1785)  et  Albrecht  (Materialien  zu  einer 
kritisehen  Geschichie  der  Freimaurerei;  Hambourg, 
1792)  adoptèrent  cette  opinion.  Désormais  l'historiogra- 
phie maçonnique  était  entrée  dans  la  voie  scientifique.  On 
mit  à  jour  les  chartes  renfermant  les  vieilles  légendes  et 
les  règlements  du  moyen  âge  ;  Krause  (Die  drei  œltesten 
Kunsturkunden  der  Freimaurerbrilderschaft  ;  Dresde, 
1820-21,  2e  éd.)  ;  Mossdorf  (Encyclop.fûr  Freimaurer 
de  Lenning)  ;  Heldmann  (Die  drei  œltesten  geschichli- 
chen  Denkmale  der  teutschen  Freimaurerbrilderschaft, 
1819)  ;  Schraeder  (Materialien  zur  Geschichte  der  Frei- 
maurerei, resté  manuscrit),  les  commentèrent,  jetèrent 
les  bases  de  l'histoire  de  l'ordre  et  démontrèrent  sa  filiation 
depuis  les  corporations  du  xme  siècle.  Quelques-uns  vou- 
lurent remonter  plus  haut,  jusqu'aux  collèges  d'artisans 
romains  ;  Krause  fut  suivi  sur  ce  terrain  par  Rebold  (His- 
toire générale  de  la  Franc-Maçonnerie;  Paris,  1851  ; 
^Histoire  des  trois  Grand' Loges  de  France;  Paris,  \  864). 
Les  collèges  de  maçons  de  Rome  avaient  joui  d'une  situa- 
tion privilégiée  sous  l'Empire.  Ils  possédaient  la  personna- 
lité civile,  leur  caisse,  leurs  archives,  leur  sceau  particu- 
lier, leurs  salles  de  réunion,  leurs  écoles,  s'administraient 
eux-mêmes,  délibérant  et  décidant  à  la  majorité  des  voix, 
s'adjoignant  de  nouveaux  membres  par  cooptation  ;  ils  avaient 
des  patrons  ;  ils  formaient  une  société  de  secours  mutuels. 
Ils  se  subdivisaient  en  maîtres,  compagnons,  apprentis, 
avaient  leurs  fonctionnaires,  surveillants,  trésoriers,  secré- 
taires ;  ils  pratiquaient  un  symbolisme  où  figuraient  leurs 
outils  et  instruments  professionnels.  On  les  gravait  également 
sur  leurs  tombeaux  (compas,  fil  à  plomb,  marteau,  etc.). 
Us  se  donnaient  entre  eux  le  nom  de  frère,  lequel  ne  devint 
usuel  qu'assez  tard.  Dispersés  dans  tout  l'Empire,  les 
membres  de  ces  puissantes  corporations  étaient  investis  de 
privilèges  étendus,  affranchis  des  impôts  publics.  Leur  exis- 
tence est  prouvée  en  Gaule  et  dans  l'île  de  Bretagne.  Il  est 
donc  très  tentant  de  soutenir  que  les  corporations  du  moyen 
âge  sont  la  pure  et  simple  continuation  de  celles-ci,  avec 
lesquelles  elles  ont  tant  de  points  communs.  Pourtant  cette 
séduisante  conjecture  doit  être  rejetée.  Il  est  parfaitement 
établi  que  les  corporations  ouvrières  de  l'Empire  disparu- 
rent après  lui  ;  aucune  trace  ne  s'en  retrouve  au  temps 
carolingien  où  la  population  urbaine  était  réduite  à  presque 
rien. 

D'ailleurs  l'organisation  des  maçons  du  moyen  âge  dif- 
fère profondément  de  celle  de  l'antiquité  romaine  ;  les  cor- 
porations romaines  étaient  essentiellement  sédentaires  ; 
celles  du  moyen  âge  sont  des  confréries  cosmopolites,  avec 
des  signes  de  reconnaissance  pour  les  frères  qui  se  dépla- 
cent ;  entre  ces  artisans  voyageurs  et  ceux  de  l'Empire,  la 
différence  est  profonde  ;  les  règles  du  compagnonnage  ré- 
pondent à  une  organisation  sociale  et  économique  nouvelle. 
L'étude  détaillée  des  constitutions  et  des  coutumes  des  ma- 
çons du  moyen  âge,  lesquels  sont  les  seuls  antécédents 


authentiques  des  francs-maçons  actuels,  ne  permet  pas  de 
les  rattacher  directement  aux  collèges  d'artisans  de  l'anti- 
quité. 

Du  même  coup  se  trouve  écartée  l'hypothèse  qui  fait 
dériver  la  maçonnerie  contemporaine  des  mystères  de  l'Inde 
ou  de  l'Egypte.  Elle  a  été  présentée  habilement  par 
Alexandre  Lenoir  (la  Franc-Maçonnerie  rendue  à  sa 
véritable  origine  /Paris,  1814)  et  reprise  récemment  par 
Schaurer  (  Vergleichendes  Handbuch  der  Symbolik  der 
Freimaurerei;  Schaffhouse,  1861-63,  3  vol.).  Malgré 
tout  son  talent,  ce  défenseur  delà  théorie  occultiste  n'a  pu 
établir  que  ce  qu'on  lui  accordait  d'avance  :  l'existence  dans 
l'antiquité  d'associations  de  maçons  ;  la  transmission  des 
anciens  à  nous  de  la  technique  du  bâtiment;  les  analogies 
entre  certains  symboles  des  francs- maçons  et  des  symboles 
des  anciens  mystères  ou  des  druides  celtiques,  analogies 
qu'on  retrouve  sur  des  monnaies  et  des  monuments  comme 
dans  les  légendes  et  les  chants  ;  mais  il  est  clair  que  la 
transmission  de  ces  symboles  ou  leur  réadoption  s'ex- 
pliquent d'eux-mêmes  sans  faire  intervenir  une  association 
mystérieuse  pour  en  rendre  compte.  De  plus,  on  peut  dé- 
montrer qu'une  bonne  partie  des  symboles,  légendes  et 
usages  de  la  franc-maçonnerie  furent  introduits  au  xvme  siècle 
sous  l'influence  des  imaginations  archaïques.  Enfin  si  la 
franc-maçonnerie  était  réellement  la  suite  des  vieilles  as- 
sociations occultes  dont  on  veut  la  faire  dériver,  il  saute  aux 
yeux  que  ses  adeptes  ou  du  moins  les  chefs  auraient  à  ce 
sujet  des  renseignements  spéciaux,  étant  dépositaires  du 
secret.  Or,  il  n'en  est  rien.  Cette  constatation  suffirait  pour 
réduire  à  néant  les  chimères  des  occultistes.  On  peut  du 
reste  leur  opposer  ce  principe  de  la  critique  historique  que 
les  filiations  ne  se  supposent  pas,  mais  doivent  se  démontrer  ; 
qu'il  ne  suffit  pas  de  trouver  à  deux  époques  et  dans  deux 
civilisations  des  institutions  semblables  pour  pouvoir  affir- 
mer que  l'une  provient  de  l'autre,  attendu  que  neuf  fois 
sur  dix  il  s'agit  d'analogies  dues  seulement  à  ce  que  des 
causes  semblables  ont  reproduit  des  effets  semblables, 
sans  qu'il  existe  entre  les  uns  et  les  autres  aucune  espèce 
de  lien  direct.  Les  mystères  ont  disparu  devant  le  chris- 
tianisme qui  a  vulgarisé  et  offert  à  tous  ses  enseigne- 
ments moraux  et  un  rituel  analogue.  Bien  des  siècles  plus 
tard  les  corporations  maçonniques  se  sont  formées  pour  les 
constructions  ecclésiastiques  sous  l'influence  de  l'Eglise,  se 
recrutant  d'abord  parmi  des  moines  ou  des  frères  lais  ; 
elles  ont  été  au  service  de  l'Eglise  dont  elles  subirent 
longtemps  l'influence,  et  elles  lui  durent  leur  allure  cosmo- 
polite. Les  ressemblances  avec  les  mystères  antiques  ne  sont 
que  superficielles.  Ces  conjectures  ne  sont  plus  défendables. 
Elles  se  brisent  contre  ce  fait  positif  que  la  franc-maçon- 
nerie ne  possède  aucune  espèce  de  tradition  occulte. 

En  réalité,  son  histoire  est  parfaitement  connue.  C'est 
une  institution  organisée  en  1717,  et  les  documents  origi- 
naux sont  ceux  que  la  Grande  Loge  de  Londres  utilisa  à 
cette  date  pour  rédiger  sa  constitution,  c.-à-d.  un  rituel 
très  simple  emprunté  aux  quelques  loges  anciennes  qui 
subsistaient  ;  les  principes  d'amitié  et  d'assistance  mutuelle  ; 
enfin  les  constitutions  ou  chartes  que  nous  possédons  encore 
et  dont  aucune  ne  remonte  au  delà  du  xne  siècle  et  sous  sa 
forme  connue  au  delà  du  xve  siècle.  Telle  est  la  base  solide 
sur  laquelle  ont  travaillé  les  derniers  historiens  de  la  ma- 
çonnerie. En  France,  on  doit  citer,  outre  Rebold,  Thory 
(Acta  latomorum),  Clavel  (Histoire  pittoresque  de  la 
franc-maçonnerie)  et  Jouaust  (Histoire  du  Grand 
Orient)  ;  en  Allemagne  Kloss  et  Fallou  qui  ont  définitive- 
ment éclairci  la  question  des  origines  de  l'ordre  et  de  ses 
symboles.  Kloss  (Die  Freimaurerei  in  ihrer  wahren  Be- 
deutung ;  Berlin,  1865,  2e  éd.)  a  discuté  les  chartes  en 
les  comparant  les  unes  aux  autres.  II  a  prouvé  que  la  franc- 
maçonnerie  actuelle  se  rattachait  par  filiation  directe  aux 
corporations  des  tailleurs  de  pierre  d'Allemagne  et  d'An- 
gleterre et  aux  corps  affiliés.  Fallou  (Die  Mysterien  der 
Freimaurer  so  voie  ihr  einzig  ivahrer  Grund  und  Ur- 
sprung; Leipzig,  1859,  2e  éd.)  etWinzer(Z)^  deutschen 


FRANC-MAÇONNERIE 


1182  — 


Brûderschaften  des Miitelaters  ; Giessen,  4  859)  ont  traité 
la  question  du  symbolisme.  Ils  ont  établi  que  les  corpora- 
tions étudiées  par  Kloss  n'étaient  pas  seulement  des  gildes, 
mais  aussi  des  confréries  avec  un  enseignement  mystérieux. 
Ils  ont  prouvé  que  les  francs-maçons  actuels  ont  emprunté 
leur  liturgie  et  leur  symbolisme  à  ces  corporations  et  à  nuls 
autres;  ils  ont  essayé  de  démontrer  que  les  tailleurs  de 
pierre  anglais  (freestonemasons)  tenaient  ces  secrets  des 
Allemands  lesquels  les  avaient  empruntés  en  partie  à 
d'autres  corporations,  en  partie  copié  sur  des  institutions 
et  coutumes  monastiques,  accommodant  le  tout  avec  leur 
symbolique  architecturale.  Il  se  pourrait  que,  de  même  que 
l'architecture  dite  gothique  de  laquelle  ces  corporations 
sont  inséparables,  elles  provinssent  de  la  France  septen- 
trionale. En  tout  cas,  comme  nous  le  verrons  tout  à 
l'heure,  elles  se  manifestèrent  en  Angleterre  avant  qu'il  en 
soit  question  en  Allemagne.  Avant  d'aborder  cette  histoire, 
nous  allons  en  examiner  les  sources. 

Les  constitutions  et  la  légende  officielle.  Les  plus  an- 
ciennes chartes  et  constitutions  maçonniques  sont  celles  des 
maçons  d'York  datées  l'une  de  1370,  l'autre  de  1409.  Puis 
vient  celle  trouvée  au  British  Muséum  par  Halliwell  ;  elle  date 
du  xv0  siècle,  entre  1427  et  1445,  et  sous  le  titre  De  Cons- 
titutione  artis  g eometriœ  secundum  Euclidem  renferme 
en  790  vers  :  1°  la  légende  des  origines  de  la  corporation 
des  maçons  ;  2°  ses  règlements  avec  une  variante  plus  an- 
cienne; 3°  la  légende  des  quatre  couronnés  et  une  conclu- 
sion morale.  Il  faut  citer  ensuite  des  chartes  allemandes  des 
tailleurs  de  pierre  de  Strasbourg  (1459)  et  de  Torgau 
(1462).  La  première  est  le  fruit  d'un  double  congrès  ou 
chapitre  tenu  à  Ratisbonne  et  à  Strasbourg.  Elle  a  un  carac- 
tère moral  plutôt  que  professionnel  et  forme  un  manuel  secret 
des  obligations  des  affiliés  les  uns  envers  les  autres  et  vis-à- 
vis  des  étrangers.  Cette  charte  fut  confirmée  en  1498  par 
l'empereur  Maximilien,  puis  par  d'autres  empereurs.  Celle 
de  Torgau  fut  délibérée  dans  un  congrès  des  corporations 
de  l'Allemagne  du  Nord.  On  trouve  ensuite  par  ordre  chro- 
nologique :  une  charte  anglaise  de  la  fin  du  xve  siècle  pu- 
bliée par  Cooke  (The  Histoi-y  and  Articles  of  Masonny  ; 
Londres,  1861),  elle  est  pour  la  légende  des  origines  plus 
détaillée  que  celle  de  Halliwell  ;  puis  une  charte  écossaise 
du  xvie  siècle  et  plusieurs  anglaises  du  xvne,  entre  autres 
une  se  référant  aux  gildes  de  Chester  qui  indique  le  prix  à 
verser  pour  devenir  freemason  (de  cinq  à  vingt  shillings), 
et  parle  des  signes  secrets  connus  des  adeptes  seuls  ;  citons 
encore  un  inventaire    de  la  loge  d'York  en  1630,  des 
chartes  de  1659,  1686,  1693,  1704,  1714,  etc.,  les- 
quelles établissent  nettement  les  phases  de  la  maçonnerie 
anglaise  jusqu'à  l'ouvrage  capital  d'Anderson  donnant  en 
particulier  les  six  articles  ajoutés  au  règlement  en  4663. 
Anderson  publia,  en  1723,  la  constitution  de  la  franc-ma- 
çonnerie, et,  dans  cet  ouvrage  officiel,  il  donna  tous  les  détails 
marquant  la  filiation  de  l'ordre  depuis  les  loges  de  maçons 
et  la  confrérie  des  tailleurs  de  pierre.  Il  a  placé  en  tête 
une  histoire  de  l'art  du  bâtiment  et  reproduit  les  légendes 
traditionnelles  des  maçons  en  en  signalant  le  caractère.  Il 
expose  que  les  francs-maçons  ont  de  temps  immémorial  un 
manuscrit  renfermant,  outre  leur  règlement  ou  constitution, 
une  histoire  de  leur  art  depuis  l'origine  des  temps,  desti- 
née à  montrer  l'antiquité  de  cet  art,  ses  fondements  dans 
la  noble  science  de  la  géométrie,  et  les  illustres  patrons  qu'il 
a  trouvés  parmi  les  princes  ou  les  savants  de  tous  les  peu- 
ples. Anderson  n'a  fait,  dit-il,  que  préparer,  d'après  les 
divers  manuscrits,  une  édition  imprimée  de  cet  ouvrage. 
Nous  avons  vu  que  celui-ci  remonte,  pour  le  contenu,  au 
commencement  du  xve  siècle.  Voyons  maintenant  quelle  est 
la  version  légendaire  des  origines  de  Tordre  ;  cette  légende 
officielle  a  pris  par  là  une  réelle  importance.  Nous  dirons 
ensuite  quels  sont  les  résultats  des  enquêtes  poursuivies 
par  les  historiens. 

En  voici  les  passages  essentiels  d'après  Kloss  et  Findel  : 
«  Que  la  toute-puissance  du  Dieu  éternel  soit  avec  notre 
début  et  nous  donne  la  grâce  de  nous  gouverner  en  cette 


vie  de  manière  à  obtenir  ici-bas  son  approbation  et  après 
notre  mort  la  vie  éternelle.  Chers  frères  et  compagnons, 
notre  objet  est  de  vous  raconter  comment  et  de'quelle 
manière  cette  merveilleuse  science  de  la  maçonnerie  com- 
mença et  comment  par  la  suite  elle  fut  favorisée  par  des 
rois  et  des  princes  éminents  et  par  beaucoup  d'autres 
hommes  illustres.  Nous  voulons  aussi  expliquer  à  ceux 
qui  le  désirent  les  devoirs  qu'il  incombe,  en  bonne  cons- 
cience, à  tout  fidèle  maçon  d'observer.  »  Suit  le  récit  dont 
nous  reproduisons  la  version  la  plus  répandue. 

Il  y  a  sept  sciences  libres  :  la  grammaire,  la  rhétorique, 
la  dialectique,  l'arithmétique,  la  géométrie,  la  musique  et 
l'astronomie,  qui  toutes  sont  fondées  sur  une  science, 
savoir  la  géométrie,  au  moyen  de  laquelle  l'homme  apprend 
à  mesurer  et  à  peser,  et  qui  est  indispensable  aux  mar- 
chands et  aux  membres  de  toutes  les  corporations.  Le  prin- 
cipe de  toutes  les  sciences  fut  découvert  par  les  deux  fils 
de  Lamech  :  Jabal,  l'aîné,  découvrit  la  géométrie,  et  Tubal- 
caïn  l'art  de  forger.  Ils  inscrivirent  les  résultats  de  leurs 
découvertes  sur  deux  piliers  en  pierre,  afin  qu'elles  pus- 
sent être  retrouvées  après  le  déluge.  Hermès  en  retrouva 
un,  étudia  les  indications  qu'il  portait  et  enseigna  ensuite 
à  d'autres  ce  qu'il  avait  appris.  Lors  de  la  construction  de 
la  tour  de  Babel,  la  maçonnerie  commença  à  gagner  sin- 
gulièrement en  importance,  et  le  roi  Nemrod  lui-même 
était  maçon  et  témoignait  d'une  grande  prédilection  pour 
cet  art.  Et  lorsqu'il  fut  question  de  bâtir  la  ville  de  Ninive 
et  d'autres  villes  en  Orient,  Nemrod  envoya  trente  maçons 
dans  cette  direction  et  leur  fit  certaines  recommandations  : 
soyez  fidèles  l'un  envers  l'autre,  aimez-vous  sincèrement 
et  servez  fidèlement  ceux  qui  auront  l'autorité  sur  vous, 
afin  qu'à  moi,  votre  maître,  et  à  tous,  vous  nous  fassiez 
honneur. 

Quand  Abraham  vint  avec  sa  femme  en  Egypte,  ils  en- 
seignèrent aux  Egyptiens  les  sept  sciences  efïls  formèrent 
un  élève,  nommé  Euclides,  qui  se  distingua  particulière- 
ment dans  ces  études.  Euclides  devint  maître  des  sept 
sciences  ;  il  enseigna  la  géométrie  et  dicta  une  règle  de 
conduite  dans  les  termes  suivants  :  ils  devaient  d'abord  être 
fidèles  au  roi  et  au  pays  auxquels  ils  appartenaient,  ensuite 
s'aimer  entre  eux  et  être  fidèles  et  dévoués  les  uns  aux 
autres  ;  ils  devaient  se  donner  le  nom  de  frère  ou  de  com- 
pagnon ;  c'est  le  plus  sage  de  tous  les  membres  qui  devait 
être  choisi  comme  maître,  et  il  leur  était  défendu  de  se 
laisser  guider  dans  leur  choix  par  l'amitié,  par  les  qualités 
de  la  naissance  ou  de  la  fortune,  mais  ils  ne  devaient  pas 
permettre  que  ce  fût  un  autre  que  le  plus  capable  qui  fût 
élu  ;  ils  s'engageaient  sous  la  foi  du  serment  à  observer 
toutes  ces  prescriptions.  Longtemps  après,  le  roi  David 
entreprit  la  construction  d'un  temple  qui  fut  appelé  le 
temple  du  Seigneur,  à  Jérusalem.  Il  aimait  fort  les  maçons 
et  il  leur  communiqua  les  règlements  et  les  usages  que 
Euclides  lui  avait  transmis.  Après  la  mort  de  David,  Salo- 
mon  acheva  la  construction  du  temple  ;  il  envoya  encore 
des  maçons  dans  divers  pays  et  rassembla  40,000  ouvriers 
en  pierre,  lesquels  furent  tous  appelés  maçons  ;  parmi  ceux- 
ci  il  en  choisit  3,000  qui  furent  nommés  maîtres  et  direc- 
teurs des  travaux.  Il  y  avait  encore  dans  un  autre  pays  un 
roi  que  son  peuple  appelait  Iram,  lequel  fournit  à  Salomon 
le  bois  de  construction  pour  le  temple.  Salomon  confirma 
les  règlements  et  les  coutumes  que  son  père  avait  introduits 
parmi  les  maçons,  de  sorte  que  l'art  de  la  maçonnerie  était 
affermi  dans  le  pays,  à  Jérusalem  et  dans  beaucoup  d'autres 
royaumes. 

Le  manuscrit  d'York  présente  ces  faits  autrement.  La 
confusion  des  langues  fut,  dans  le  principe,  le  principal 
obstacle  à  la  propagation  des  lois,  des  arts  et  des  sciences. 
Il  fallait  d'abord  apprendre  à  expliquer  par  signes  ce  que 
l'on  ne  pouvait  faire  comprendre  à  l'aide  de  mots  ;  de  là 
cette  habitude  de  s'expliquer  par  signes  fut  importée  en 
Egypte  par  Misraïm,  fils  de  Cham,  lorsqu'il  alla  peupler  la 
vallée  du  Nil,  et  se  répandit  ensuite  dans  tous  les  pays 
étrangers.  Seuls  les  signes  que  l'on  fait  de  la  main  sont 


—  1183 


FRANC-MACONNERIE 


demeurés  en  usage  par  les  ouvriers  maçons,  et  les  autres 
ne  sont  plus  connus  que  du  petit  nombre.  —  Voici  com- 
ment on  raconte  la  transmission  de  la  maçonnerie  à  l'Occi- 
dent. D'après  les  uns,  ce  seraient  les  ouvriers  employés 
sous  Iram  à  la  construction  du  temple  de  Salomon,  qui, 
après  son  achèvement,  se  seraient  dispersés  en  Asie  et  en 
Europe.  D'autres  disent  que  des  membres  intelligents  de  ces 
associations  maçonniques  de  Judée  et  des  pays  voisins  voya- 
geaient à  l'étranger,  tant  pour  s'instruire  que  pour  ensei- 
gner ;  c'est  ainsi  qu'un  excellent  maçon,  Ninus  Grsecus, 
vint  en  France  et  y  établit  la  maçonnerie. 

On  donne  naturellement  plus  de  détails  sur  son  instal- 
lation en  Angleterre.  Celle-ci  n'eut  lieu  qu'au  temps  de 
saint  Albain.  A  cette  époque,  le  roi  d'Angleterre,  qui  était 
païen,  environna  la  ville  de  Saint-Albain  d'une  muraille. 
Il  confia  au  saint  la  direction  des  travaux.  Celui-ci  donna 
aux  maçons  un  bon  salaire  et  obtint  pour  eux  des  lettres 
de  franchise  qui  leur  permettaient  de  tenir  une  assemblée 
générale.  Il  aida  à  recevoir  de  nouveaux  maçons  et  leur 
dicta  des  règlements.  Peu  après  la  mort  de  saint  Albain, 
plusieurs  nations  étrangères  ayant  fait  la  guerre  à  l'Angle- 
terre, les  règlements  tombèrent  en  désuétude  jusqu'au  règne 
d'Athelstan.  Celui-ci  était  un  digne  prince;  il  pacifia  son 
royaume  et  ordonna  la  construction  de  nombreuses  abbayes, 
de  plusieurs  villes  et  d'autres  grands  tra\aux  ;  il  aimait 
beaucoup  les  maçons  ;  son  fils  Edwin,  qui  pratiquait  beau- 
coup l'art  de  la  géométrie,  les  favorisa  encore  davantage. 
Il  fut  reçu  maçon  et  obtint  du  roi  son  père  une  lettre  de 
franchise  et  l'autorisation  de  convoquer  chaque  année  tous 
les  maçons  en  assemblée  générale  dans  un  lieu  à  leur  con- 
venance, afin  de  se  communiquer  réciproquement  les  fautes 
qu'ils  pourraient  avoir  commises,  les  transgressions  dont 
ils  S3  seraient  rendus  coupables,  et  de  les  punir.  Lui-même 
présida  à  York  une  de  ces  assemblées,  reçut  de  nouveaux 
maçons,  leur  donna  des  règlements  et  établit  des  usages. 
Lorsque  l'assemblée  fut  réunie,  il  invita  tous  les  maçons, 
tant  nouveaux  qu'anciens,  à  faire  part  à  leurs  compagnons 
de  ce  qu'ils  pouvaient  connaître  des  usages  et  obligations 
imposées  aux  maçons  résidant  à  l'étranger  ou  dans  d'autres 
parties  du  royaume,  et  quand,  pour  répondre  à  cet  appel,  on 
produisit  les  écrits  demandés,  il  s'en  trouva  quelques  uns 
en  français,  d'autres  en  grec,  en  anglais  et  autres  langues, 
lesquels  furent  reconnus  absolument  identiques,  quant  au 
but  qu'ils  avaient  en  vue.  Il  les  réunit  en  un  livre  qui  in- 
diquait comment  cette  découverte  avait  été  faite.  Il  recom- 
manda et  ordonna  que  ce  livre  fût  lu  et  commenté  chaque 
fois  qu'un  nouveau  maçon  serait  reçu  et  avant  de  lui  faire 
connaître  les  obligations  qui  lui  seraient  imposées.  Depuis 
ce  jour  jusqu'au  temps  actuel,  ajoute-t-on,  les  usages  et  pra- 
tiques des  maçons  se  sont  conservés  sous  la  même  forme 
dans  la  limite  du  pouvoir  humain.  Dans  diverses  assem- 
blées, il  a  été  établi  certaines  lois  et  ordonnances  reconnues 
nécessaires  ou  utiles  de  l'avis  des  maîtres  et  des  principaux 
compagnons. 

Cette  légende  corporative  comporte  quelques  variantes 
selon  les  pays.  Ainsi  que  nous  venons  de  le  voir,  c'est  à 
York  que  les  Anglais  font   constituer  leur  maçonnerie 
particulière  en  l'an  926  ;  la  soudure  entre  la  maçonnerie 
écossaise  et  la  corporation  légendaire  d'origine  orientale 
est  placée  par  les  Ecossais  en  1140  lors  de  la  construction 
de  Kilwinning  ;  les  Allemands  la  reculent,  en  ce  qui  les 
concerne,  jusqu'à  la  construction  de  la  cathédrale  de  Mag- 
debourg  en  876  (la  date  réelle  est  1211).  Malgré  leur  pré- 
cision, ces  affirmations  ne  reposent  sur  aucune  base  solide. 
D'ailleurs,  il  suffit  d'examiner  le  fond  de  la  légende  pour 
voir  qu'elle  a  été  fabriquée  au  moyen  âge  dans  quelque  cou- 
vent. On  a  groupé  quelques  récits  extraits  de  la  Bible  et 
on  les  a  arrangés  de  manière  à  glorifier  l'art  du  bâtiment  et 
à  donner  des  titres  antiques  et  vénérés  à  une  corporation  ; 
la  manière  dont  ce  conte  est  amorcé  sur  l'exposé  de  la  clas- 
sification des  sept  sciences  (trivium  et  quadrivium)  est 
significative.  Il  est  probable  que  sa  rédaction  originale  ne 
remonte  pas  au  delà  du  xne  siècle,  et  il  n'est  même  pas  dé- 


montré qu'elle  soit  bien  antérieure  auxve.  En  tout  cas,  elle 
n'a  pas  plus  de  fondement  historique  que  les  innombrables 
légendes  généalogiques  du  même  genre  fabriquées  au  moyen 
âge. 

Les  confréries  maçonniques  du  moyen  âge.  Si  nous 
ne  devons  accorder  aucune  créance  à  la  vieille  légende  des 
maçons,  par  laquelle  ils  se  rattacheraient  à  l'antiquité  bi- 
blique, en  revanche  la  prétention  des  francs-maçons  d'être 
souches  sur  les  loges  et  fédérations  des  constructeurs  an- 
glais et  allemands  du  moyen  âge  est  parfaitement  justifiée. 
Cela  résulte  non  seulement  d'une  tradition  continue  et  des 
actes  et  déclarations  de  la  Grande  Loge  de  Londres,  lors- 
qu'elle constitua  la  franc-maçonnerie  moderne,  mais  aussi 
de  l'extrême  analogie  des  rites.  Le  catéchisme  du  franc- 
maçon  est  encore  celui  qu'observaient  les  loges  des  maçons 
professionnels  d'Angleterre  aux  siècles  précédents;  les  signes 
de  reconnaissance,  les  symboles  leur  ont  été  transmis  par 
les  associations  du  moyen  âge.  La  filiation  à  travers  le 
xviie  siècle  est  établie  par  des  documents  anglais,  surtout 
ceux  de  la  loge  d'York,  et  par  un  catéchisme  retrouvé  au 
British  Muséum  (Sloane,  ms.  3329).  Il  nous  faut  donc  étu- 
dier l'organisation  des  associations  des  ouvriers  du  bâtiment 
et  spécialement  des  tailleurs  de  pierre  au  moyen  âge. 

Les  confréries  allemandes.  Les  mieux  connues  de  ces 
associations  sont  celles  de  l'Allemagne.  On  sait  que  les 
villes  allemandes  et  la  civilisation  en  général  se  dévelop- 
pèrent surtout  autour  des  abbayes  et  fondations  ecclésias- 
tiques des  Carolingiens.  Les  industries  du  bâtiment  subirent 
d'autant  plus  cette  influence  religieuse  que  les  grands  édi- 
fices donnant  lieu  à  l'exercice  de  l'art  et  de  leur  science 
furent  presque  exclusivement  des  édifices   religieux.  La 
construction  des  grandes  cathédrales  occupait  tout   un 
peuple  d'ouvriers  pendant  des  générations    successives  ; 
autour  de  l'église  se  groupaient  leurs  habitations  et  les 
huttes  oh  ils  enseignaient  les  principes  de  leur  art  aux 
apprentis.  Pour  les  tailleurs  de  pierre,  cet  art  est  compliqué 
et  exige  des  connaissances  mathématiques  étendues,  com- 
plétées et  parfois  suppléées  par  des  recettes  et  formules 
techniques  dont  on  se  transmettait  la  connaissance.  Con- 
formément à  l'esprit  général  des  corporations  d'alors,  on  ne 
divulguait  pas  cet  enseignement,  cherchant  dans  le  secret 
professionnel  une  supériorité  sur  les  rivaux  et  sur  les  pro- 
fanes. D'autre  part,  la  coopération  très  prolongée  de  cen- 
taines, parfois  même  de  milliers  d'ouvriers,  entraînait  des 
organisations  durables  affirmant  leur  solidarité  et  mainte- 
nant la  discipline.  En  raison  même  de  la  nature  de  l'in- 
dustrie du  bâtiment,  la  seule  à  peu  près  qui  dans  ces  temps 
réunit  les  conditions  de  la  grande  industrie,  l'organisation 
corporative  impliqua  d'une  part  une  hiérarchie  assez  dé- 
taillée et  d'autre  part  un  certain  cosmopolitisme,  puisque 
la  construction  des  églises  et  surtout  des  cathédrales  go- 
thiques était  un  effort  extraordinaire  impliquant   l'appel 
d'un  grand  nombre  d'ouvriers   étrangers;   ceci  est,  du 
reste,  la  condition  générale  des  grands  travaux  publics. 
Ces  ouvriers  se  transportaient  donc  d'un  point  à  l'autre 
selon  la  demande  de  travail  ;  au  milieu  des  autres  corpo- 
rations enracinées  dans  leurs  villes,  les  leurs  prirent  un 
caractère  spécial.  Il  se  forma  des  confraternités  fédérant 
entre  elles  les  corporations  des  villes  différentes  ;  l'ouvrier, 
le  frère  lut  aussi  bien  chez  lui  dans  l'une  que  dans  l'autre. 
Les  ateliers  et  leurs  fédérations  prirent  une  teinte  quasi 
religieuse,  ce  qui  se  comprend  aisément  si  l'on  songe  que 
primitivement  les  architectes,  les  directeurs  de  travaux 
furent  souvent  des  moines,   que  l'enseignement  théorique 
et  technique  fut  transmis  parleur  intermédiaire,  que  dans 
ces  temps  les  corporations  étaient  en  même  temps  des 
confréries  religieuses,  et  plus  que  d'autres  celles  qui  se 
consacraient  principalement  à  l'érection  des   églises  et 
abbayes.  Il  est  donc  bien  naturel  que  les  associations  ma- 
çonniques aient  été  organisées  sur  le  modèle  des  congréga- 
tions religieuses,  avec  leur  hiérarchie  de  fonctionnaires  élus. 
On  dit  que  le  premier  fondateur  des  loges  maçonniques 
allemandes  aurait  été  l'abbé  de  Hirschau  Guillaume  (1080- 


FRANC-MAÇONNERIE 


1481  - 


4091),  lequel,  pour  agrandir  son  monastère,  attira  de  toutes 
parts  des  ouvriers  des  diverses  spécialités,  les  unit  en 
qualité  de  frères  lais  à  sa  congrégation,  veilla  à  leur  ins- 
truction et  leur  éducation.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  xme  siècle, 
on  constate  l'existence  d'associations  corporatives  de  ma- 
çons indépendantes  des  monastères.  A  leur  tête  sont 
celles  des  tailleurs  de  pierre,  la  fraction  la  plus  instruite 
des  ouvriers  du  bâtiment.  Le  développement  de  l'art  go- 
thique, créé  en  France,  soulevant  des  problèmes  d'archi- 
tecture bien  plus  compliqués,  compliqua  également  la 
tâche  des  tailleurs  de  pierre,  accrut  à  la  fois  leur  impor- 
tance et  la  difficulté  de  leur  instruction.  D'une  manière 
générale,  l'histoire  de  ces  corporations  est  parallèle  à  celle 
de  l'art  gothique.  Il  y  a  donc  lieu  de  croire  que,  de 
même  que  cet  art,  elles  eurent  leur  origine  principale  dans 
la  France  septentrionale,  d'où  elles  furent  transportées 
avec  les  connaissances  qui  assuraient  leur  prestige  et  leur 
force  de  propagande  en  Angleterre  et  en  Allemagne. 

Dans  la  région  rhénane  on  attribue,  mais  sans  preuves, 
l'organisation  des  confréries  maçonniques  à  Albert  le  Grand 
(mort  en  1280).  Il  semble  que  le  langage  symbolique  qui 
fut  adopté  et  s'est  perpétué  depuis  remonte  au  xme  ou  au 
xive  siècle.  Les  ateliers  ou  loges  des  tailleurs  de  pierre  de 
l'Allemagne  furent  très  prospères  du  xive  au  xve  siècle. 
C'est  en  4459  qu'eut  lieu,  pour  la  rédaction  de  leurs  sta- 
tuts, l'assemblée  capitulaire  de  Ratisbonne  réunissant  les 
maîtres  de  dix-neuf  loges  de  l'Allemagne  centrale  et  méri- 
dionale, reconnaissant  comme  chefs  les  maîtres  d'œuvre 
des  loges  principales  de  Strasbourg,  Vienne,  Cologne  et 
Berne,  et  comme  chef  suprême  le  président  de  la  loge  de  la 
cathédrale  de  Strasbourg.  Les  loges  de  tailleurs  de  pierre 
de  l'Allemagne  du  Nord  formèrent,  en  4462,  à  Torgau,  une 
autre  confédération  et  en  rédigèrent  la  constitution  qui  ne 
prit  pas  force  de  loi. 

Les  tailleurs  de  pierre  réunis  pour  un  travail  formaient 
une  confrérie  admettant,  outre  les  frères  du  métier  déjà 
affiliés,  des  membres  libres  qui  se  soumettaient  à  ses  règle- 
ments. La  loge  ainsi  formée  élisait  un  président  annuel, 
avec  des  assesseurs  ou  surveillants,  tenait  des  réunions 
mensuelles,  une  assemblée  annuelle,  célébrait  ses  fêtes  cor- 
poratives de  la  Saint-Jean  et  des  quatre  couronnés.  Plus 
tard  les  maîtres  exclurent  les  compagnons  des  grandes  as- 
semblées dont  le  nombre  fut  porté  à  deux  ou  quatre  par 
an.  Chaque  réunion  ou  tenue  était  ouverte  et  close  selon 
un  rituel  qui  s'est  perpétué.  Les  nouveaux  frères  qu'on 
s'affiliait  recevaient  en  premier  lieu  l'enseignement  secret, 
allégorie  et  symboles  de  la  haute  architecture  et  de  la  vie 
assimilée  à  cette  œuvre  idéale  ;  puis  on  l'instruisait  dans 
l'art  proprement  dit,  de  sorte  qu'il  pût  dresser  lui-même 
des  plans  et  obtenir  la  maîtrise.  Les  conditions  et  le  céré- 
monial de  la  réception  étaient  approximativement  les  mêmes 
que  dans  la  franc-maçonnerie  actuelle  ;  on  exigeait  que  le 
récipiendaire  fût  fils  légitime,  né  libre,  de  bonnes  mœurs. 
Les  signes  de  reconnaissance  n'ont  pas  changé,  non  plus 
que  les  symboles.  Ces  corporations  avaient  naturellement 
la  juridiction  sur  leurs  membres.  Elles  dépérirent  avec  l'art 
gothique,  et  en  Allemagne  elles  disparurent  peu  à  peu  après 
la  Réforme  qui  arrêta  presque  complètement  les  construc- 
tions religieuses.  A  la  suite  de  la  conquête  de  Strasbourg 
par  Louis  XIV  les  loges  allemandes  se  virent  interdire  par 
la  diète  de  4707  toute  relation  avec  la  grande  loge  de 
Strasbourg.  En  4734,  un  autre  décret  abolit  toute  hiérar- 
chie entre  les  loges,  les  dépouilla  de  leur  juridiction.  Ce- 
pendant les  tailleurs  de  pierre  allemands  gardèrent  plus  ou 
moins  secrètement  quelques-uns  des  anciens  usages.  Ils 
ne  se  sont  pas  fusionnés  avec  la  franc-maçonnerie  mo- 
derne. 

Les  confréries  de  Grande-Bretagne.  L'organisation 
corporative  des  maçons  et  tailleurs  de  pierre  anglais  paraît, 
quoi  qu'en  disent  les  écrivains  allemands,  pour  le  moins  aussi 
ancienne  que  celle  de  l'Allemagne.  Elle  fut  réglementée  par 
un  acte  du  Parlement  de  4350.  En  4360,  on  leur  interdit 
les  confréries,  chapitres,  serments  et  règlements  intérieurs, 


et  cette  interdiction  fut  souvent  renouvelée  depuis  lors. 
Elle  rappelle  les  prohibitions  similaires  des  conciles  de 
Rouen  (4489)  et  d'Avignon  (4326)  contre  les  confréries  ou- 
vrières françaises.  Mais,  d'autre  part,  un  statut  de  4363 
décide  que  tout  ouvrier  devra  faire  partie  d'un  métier  orga- 
nisé corporativement  (mystery).  Aussi  ne  faut-il  pas 
s'étonner  que  les  maçons  rapportent  au  règne  d'Edouard  III 
l'origine  de  la  prospérité  de  leurs  loges  et  la  rédaction  de 
leur  constitution.  Les  interdictions  prononcées  paraissent 
viser  spécialement  les  coalitions  et  syndicats  pour  l'éléva- 
tion des  salaires  et  des  prix  contrairement  aux  ordonnances. 
Ces  actes  distinguent  le  franc-maçon  (freemason,  free- 
stonemason)  qui  travaille  la  pierre,  pour  l'ornement,  du 
maçon  ordinaire  (rough-mason).  Les  coutumes,  le  céré- 
moniel  étaient  les  mêmes  que  sur  le  continent,  l'enseigne- 
ment des  secrets  professionnels  lié  à  une  initiation  symbo- 
lique. On  distinguait  l'architecte,  le  maître  d'œuvre  qui 
le  suppléait,  le  maître,  le  compagnon,  l'apprenti.  Les  signes, 
mots  de  passe,  etc.,  n'étaient  pas  écrits,  mais  transmis  par 
tradition  orale.  Les  écrits,  d'après  lesquels  les  rois  ou 
les  grands  barons  anglais  auraient  été  affiliés,  sont  apo- 
cryphes. 

Eh  Ecosse,  l'histoire  authentique  des  unions  maçon- 
niques ne  remonte  pas  au  delà  du  xve  siècle.  Elles  se  pla- 
çaient sous  la  protection  de  patrons  désignés  et  confirmés 
par  le  roi,  qui  réglaient  leurs  différends.  Plus  tard  se 
répandit  la  fable  que  la  première  loge  aurait  été  fondée  à 
Kilwinning  en  4440.  Mais  celle-ci  ne  put  même  pas  prou- 
ver qu'elle  fût  antérieure  à  celle  de  Sainte-Marie  d'Edim- 
bourg qui  possède  ses  procès- verbaux  depuis  4598.  Selon 
toute  vraisemblance  ces  loges  sont  filles  de  celles  d'Angle- 
terre. 

Transformation  des  confréries  maçonniques  an- 
glaises au  xviie  siècle.  Au  xvir3  siècle,  le  triomphe  de 
l'architecture  de  la  Renaissance  détermina  une  crise  dans 
les  confréries  maçonniques.  Inigo  Jones,  patron  des  free- 
masons,  de  4607  à  4648,  fut  le  grand  promoteur  du  mou- 
vement. Sous  son  impulsion,  les  loges  furent  organisées  à 
l'image  des  académies  d'architecture  de  l'Italie.  Il  y  intro- 
duisit des  professeurs  français  ou  italiens  et  les  consacra  à 
l'enseignement  des  théories  classiques.  Il  porta  à  quatre 
par  an  le  nombre  des  assemblées  générales  ;  il  en  abrégea 
la  durée  qui  était,  en  principe,  de  midi  à  minuit.  Les  tra- 
vailleurs et  artistes  réfractaires  aux  idées  nouvelles  furent 
écartés  des  loges  où  entrèrent  les  patrons  aristocrates. 
Cette  transformation  fut  très  profonde.  L'abandon  de  l'art 
gothique  fit^  perdre  sa  valeur  pratique  à  la  vieille  symbo- 
lique ecclésiastique  qui  était  jadis  un  élément  capital  de 
l'enseignement  secret.  Conformément  aux  idées  classiques, 
la  philosophie  en  prit  la  place,  et  l'esprit  scientifique  tendit 
à  prévaloir.  Les  loges  devenaient  des  foyers  d'idées  philo- 
sophiques et  classiques.  Leur  esprit  "se  modifiait,  non 
moins  leur  composition.  Au  moyen  âge  c'étaient  des  con- 
fréries professionnelles  où  quelques  protecteurs  influents 
s'ajoutaient  aux  architectes,  maçons,  tailleurs  de  pierre  et 
charpentiers.  A  la  fin  du  xvie  siècle,  le  nombre  des  gens 
étrangers  au  bâtiment  s'accrut  dans  les  loges  de  francs- 
maçons.  Le  niveau  en  fut  élevé  et  elles  furent  préservées 
par  là  de  la  ruine  où  les  eût  entraînées  la  décadence 
de  l'architecture  ecclésiastique  et  de  l'art  gothique.  Au 
xvne  siècle,  nous  voyons  recevoir  en  Ecosse,  dans  la  loge 
Sainte-Marie  (d'Edimbourg)  et  dans  celle  de  Kilwinning,, 
une  série  de  nobles,  le  sire  d'Auschinleck,  le  quartier- 
maître  Moray,  les  comtes  de  Cassilis  et  d'Eglinton.  En 
Angleterre,  le  mouvement  fut  encore  plus  marqué  à  partir 
surtout  de  la  présidence  du  comte  de  Pembroke  (4648).  Ce 
fut  une  mode  pour  les  nobles  et  les  riches  de  se  faire  rece- 
voir. On  les  distingua  dans  la  confrérie  des  professionnels 
en  les  qualifiant  d'acceptés  (accepted  masons).  Après 
4648,  les  royalistes  essayèrent  de  se  servir  du  mystère 
qui  entourait  les  réunions  maçonniques  pour  se  réunir  et 
se  concerter  secrètement.  Dès  cette  époque,  les  «  maçons 
acceptés  »  étaient  donc  relativement  nombreux.  Les  ten- 


—  1185  — 


FRANC-MACONNERIE 


dances  favorables  aux  Stuarts  persistèrent  parmi  eux  durant 
fort  longtemps. 

Parmi  les  influences  qui  contribuèrent  à  révolution  de 
la  confrérie  des  francs-maçons,  il  faut  citer  les  écrits  de 
Bacon,  de  Dupuy,  de  Comenius  et  des  rose-croix.  C'est  là 
qu'ils  puisèrent  une  partie  du  nouveau  mysticisme  substitué 
par  eux  au  mysticisme  catholique.  L'ouvrage  de  Bacon 
dont  nous  parlons  est  la  Nouvelle  Atlantide,  où  le  phi- 
losophe décrit  l'île  de  Bensalem  et  la  société  secrète  de  la 
maison  de  Salomon  ;  celui  de  Dupuy  sur  la  condamnation 
des  templiers  (paru  en  4650)  attira  l'attention  sur  cet 
ordre  fameux  ;  Comenius,  qui  se  rattachait  aux  frères 
moraves,  prêcha  dans  ses  livres  pour  l'épuration  des  reli- 
gions ;  dans  sa  Pansophia  et  sa  Panergesia,  il  plaida 
pour  l'humanitarisme,  recommandant  de  bâtir  «  un  temple 
de  la  sagesse  d'après  les  principes,  règles  et  lois  du  Grand 
Architecte,  Dieu  lui-même  »,  édifice  où  trouveraient  place 
non  seulement  les  chrétiens,  mais  tous  les  hommes.  Cet 
idéal  est  sensiblement  celui  que  se  proposèrent  les  fonda- 
teurs de  la  Grande  Loge  de  1717.  Ils  subirent  l'ascendant 
du  déisme,  mouvement  religieux  dont  les  principaux  chefs 
furent  Toland  et  Collins  ;  ils  rejetaient  tous  les  dogmes, 
toute  idée  de  révélation,  sacrifiant  à  la  critique  et  au  ratio- 
nalisme tout  le  contenu  des  religions  en  dehors  de  l'affir- 
mation fondamentale  de  l'Etre  suprême.  Cette  tendance, 
favorisée  par  les  hommes  les  plus  éclairés,  se  répandit 
dans  les  loges. 

En  même  temps  que  le  rationalisme  scientifique,  la 
Renaissance  avait  suscité  un  renouveau  de  mysticisme 
naturaliste;  alchimistes,  astrologues,  théosophes pullulent. 
Ils  forment  de  petits  clans,  des  sociétés  se  transmettant 
mystérieusement  leurs  chimères  ;  disciples  de  la  kabbale, 
du  néoplatonisme  ou  des  rêveurs  arabes  se-  rencontrent 
dans  ces  sociétés,  espérant  acquérir,  retrouver  les  secrets 
de  la  transmutation,  de  la  pierre  philosophale,  de  l'eau  de 
Jouvence,  comme  on  avait  retrouvé  Fart  et  la  littérature 
de  l'antiquité.  Ces  espoirs  furent  centralisés  en  Allemagne 
dans  la  société  des  rose-croix  (roseœ  cruels)  qui  apparut 
vers  l'an  1600.  Elle  se  donna  pour  fondateur  un  prétendu 
Christian  Rosencreuz  qui  aurait  rapporté  d'Orient  les  se- 
crets les  plus  précieux  retrouvés  depuis  dans  sa  tombe, 
cent  vingt  ans  après  sa  mort.  Dès  1615,  Y  Echo  expose 
comment  Jésus  était  affilié  aux  mystères  antiques.  L'ex- 
posé ironique  que  Valentin  Andrese  rit  en  1616  de  l'ordre 
des  rose-croix  fut  pris  au  sérieux  et  en  détermina  le  suc- 
cès. Dans  toute  l'Allemagne  rhénane  se  multiplièrent  les 
chapitres.  Ils  se  propagèrent  dans  les  contrées  voisines, 
Pays-Bas,  Italie,  Angleterre.  A  Londres,  leur  apôtre  fut 
Fludd  qui  devint  le  chef  des  mystiques  et  hermétiques 
anglais.  Ce  mouvement  généralisa  l'idée  que  les  enseigne- 
ments secrets  transmis  à  l'intérieur  de  certaines  confré- 
ries avaient  une  valeur  incomparable,  et  indirectement  les 
confréries  maçonniques  en  bénéficièrent.  Au  lieu  d'en 
faire  de  simples  sociétés  théistes  et  rationalistes  à  l'image 
des  académies  italiennes,  on  attacha  un  grand  prix  au 
vieux  rituel,  au  symbolisme  et  atout  ce  mystère  qui  agis- 
sait vivement  sur  les  imaginations. 

On  revint  aux  vieilles  traditionsmaçonniques  ;  les  frères 
acceptés,  ces  amateurs  plus  instruits  et  plus  puissants  qui 
exerçaient  l'influence  dominante,  recherchèrent  les  vieilles 
constitutions  et  légendes  des  professionnels,  restaurant  les 
anciens  usages,  sauf  à  les  modifier  pour  les  adapter  aux 
goûts  du  temps.  Les  trois  degrés  professionnels  :  appren- 
tissage, compagnonnage,  maîtrise,  répondant  à  trois  de- 
grés d'initiation,  furent  alors  imposés  à  tous  les  frères,  aux 
maçons  acceptés  comme  aux  ouvriers  proprement  dits.  En 
1663,  une  assemblée  générale  élut  grand  maître  le  comte 
de  Saint-Albans,  député  ou  orateur  sir  J.  Denham,  premier 
surveillant  sir  G.  Wren,  second  surveillant  J.  Webb.  Elle 
revisa  les  constitutions  qui  furent  récrites,  précisant  les 
conditions  d'admission  parmi  les  francs -maçons.  On  im- 
posa à  tout  nouvel  affilié  le  serment  de  garder  un  secret 
absolu  sur  tout  ce  qui  concernait  l'ordre.  Nul  ne  put  être 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XVII. 


affilié  que  dans  une  loge  régulière  de  cinq  membres,  ni 
être  reçu  dans  une  autre  que  sur  la  production  d'un  cer- 
tificat. La  franc-maçonnerie  avait  donc,  dès  1663,  son  orga- 
nisation actuelle  dans  les  traits  essentiels.  Cependant  elle 
ne  date  que  d'un  demi- siècle  plus  tard.  C'est  alors  seule- 
ment qu'elle  se  détacha  de  la  corporation  des  ouvriers  du 
bâtiment  et  qu'au  lieu  d'une  confrérie  de  véritables  ma- 
çons elle  devint  une  confrérie  de  maçons  symboliques  tra- 
vaillant à  édifier  non  plus  un  édifice  de  pierre  et  de  bois, 
mais  le  temple  invisible  et  immatériel  de  l'humanité. 

En  résumé,  les  loges  maçonniques  ont  été  formées  vers 
le  xme  siècle,  probablement  d'abord  en  France,  puis  en  An- 
gleterre et  en  Allemagne  pour  grouper  et  éduquer  les  cons- 
tructeurs des  cathédrales  gothiques.  Elles  ont  donné  aux 
tailleurs  de  pierre  un  enseignement  scientifique,  en  partie 
symbolique  et  secret.  Elles  ont  formé  dans  l'intérieur  de 
chaque  pays  des  confédérations  liées  par  une  communauté 
d'intérêts,  de  rites  et  de  doctrines,  membres  ou  frères, 
allant  de  l'une  à  l'autre.  Elles  ont  admis  des  membres 
étrangers  à  la  profession.  C'est  par  ceux-ci  que  les  loges 
maçonniques  ont  été  conservées  en  Angleterre,  tandis 
qu'en  Allemagne  elles  dépérissaient,  livrées  à  la  routine. 
Elles  sont  devenues  dans  la  Grande-Bretagne  les  foyers  de 
l'esprit  de  la  Renaissance,  d'un  théisme  humanitaire.  La 
vogue  des  sociétés  mystiques  les  a  vivifiées  à  la  fin  du 
xvne  siècle,  et,  conformément  aux  remarquables  qualités 
du  peuple  anglais,  on  a  utilisé  cette  vieille  institution  à  la 
propagande  des  idées  nouvelles.  La  franc-maçonnerie  a 
conservé  les  règlements  et  les  usages  symboliques  des  cor- 
porations de  maçons  anglais  du  xve  siècle  ;  mais  elle  a 
versé  dans  la  vieille  futaille  un  vin  jeune  et  généreux  ;  elle 
a  mis  cette  antique  organisation  au  service  de  l'esprit  mo- 
derne. 

La  franc-maçonnerie  moderne.  —  Sa  formation  en 
i7i7.  L'acte  de  naissance  de  la  franc-maçonnerie  est  la  fon- 
dation de  la  Grande  Logede  Londres  le  24  juin  1717.  Ce  fut 
l'œuvre  d'un  groupe  de  francs-maçons  qui  constataient  le 
déclin  de  leur  confrérie.  Les  loges  ne  se  recrutaient  plus 
guère  ;  les  ouvriers  n'y  venaient  plus  ;  les  tailleurs  de  pierre 
s'étaient  dispersés  ;  les  amateurs  étaient  plus  nombreux  sans 
être  beaucoup.  Quelques  hommes  conçurent  le  projet  de 
réorganiser  cette  institution  et  de  se  servir  de  ses  cadres  et 
de  son  prestige  pour  la  propagande  de  leurs  idées  morales 
et  humanitaires,  pour  l'amélioration  de  leurs  semblables. 
Le  principal  était  le  physicien  John-Theophil  Desaguliers, 
autour  duquel  il  faut  nommer  l'archéologue  GeorgPayne, 
le  théologien  James  Anderson,  King,  Calvert,  Linnley,  Mad- 
den,  etc.  Ils  décidèrent  les  quatre  loges  de  Londres  à  entrer 
dans  leurs  vues.  C'étaient  la  loge  Saint-Paul  qui  se  réu- 
nissait à  l'auberge  de  l'Oie  ;  la  loge  de  l'auberge  de  la  Cou- 
ronne ;  de  la  taverne  du  Pommier  ;  de  la  taverne  «  au  Ro- 
main ».  Une  réunion  préparatoire  tenue  à  la  Pomme  en 
févr.  17 '17  décida  l'érection  d'une  Grande  Loge,  laquelle  tien- 
drait des  séances  trimestrielles.  Elle  se  réunit  donc  le  jour 
de  la  Saint-Jean,  fête  du  solstice  d'été  (24  juin)  et  élut  grand 
maître  Anton  Sayer,  lequel  fut  investi  par  le  maître  de  la 
plus  ancienne  loge  et  prit  pour  surveillants  le  capitaine  Elliot 
et  le  maître  charpentier  Lamball.  On  résolut  de  s'en  tenir 
à  l'esprit  de  fraternité  de  l'ancienne  confrérie,  à  ses  règle- 
ments et  à  ses  coutumes,  mais  d'abdiquer  tout  caractère 
professionnel,  se  séparant  ainsi  radicalement  de  la  corpora- 
tion. Laissant  aux  ouvriers  du  bâtiment  l'exercice  de  leur 
profession,  les  francs-maçons  ne  gardèrent  comme  souve- 
nir de\leur  origine  que  la  symbolique  architecturale,  laquelle 
se  prêtait  merveilleusement  à  exprimer  en  langage  figuré 
leurs  aspirations  humanitaires.  Le  temple  idéal  qu'ils  vou- 
laient construire  devait  servir  à  (la  société  humaine  dans 
son  ensemble  ;  l'amélioration  morale  des  membres  de  l'ordre 
devait  se  compléter  par  la  pratique  de  la  véritable  frater- 
nité, l'ordre  admettant  sur  le  pied  d'égalité  des  hommes 
de  toutes  les  classes,  sans  distinction  de  profession,  de  na- 
tionalité, de  religion.  La  condition  de  ces  progrès  était  la 
libre  pensée  ;  les  fondateurs  restaient  d'ailleurs  sur  le  ter- 

75 


FRANC-MAÇONNERIE  —  4486  — 

rain  de  la  religion,  en  exhortant  leurs  adeptes  à  une  large 
tolérance  ;  leurs  préférences  allaient  à  un  théisme  universel 
qui  s'accordait  avec  leur  rêve  d'une  association  cosmopolite 
s'étendant  sur  toute  l'humanité.  L'unité  de  la  franc-maçon- 
nerie n'est  pas  dans  l'adhésion  à  un  dogme  commun,  mais 
dans  un  sentiment  commun  qui  réunissait  les  hommes  pour 
la  recherche  du  vrai,  le  culte  du  beau  et  la  pratique  du 
bien.  Ce  programme  un  peu  vague  répondait  aux  aspira- 
tions du  xvme  siècle  et  rend  compte  de  la  rapide  extension 
de  la  franc-maçonnerie.  Afin  d'assurer  son  unité,  la  Grande 
Loge  décida  qu'à  l'avenir  les  francs-maçons  ne  pourraient 
s'assembler  et  fonder  de  loges  nouvelles  qu'avec  l'autorisa- 
tion de  la  Grande  Loge  et  en  vertu  d'un  acte  (warrant) 
délivré  par  le  grand  maître.  Exception  était  faite  pour  les 
quatre  loges  primitives  qui  gardèrent  leurs  privilèges. 

De  nouvelles  loges  se  fondèrent  rapidement  à  Londres 
et  dans  le  reste  de  l'Angleterre  ;  leurs  maîtres  et  leurs  sur- 
veillants durent  venir  prendre  part  aux  assemblées  de  la 
Grande  Loge  et  rendre  compte  de  leurs  travaux.  Bientôt  on 
vit  que  le  nombre  des  nouvelles  loges  s'accroissant  rapi- 
dement les  ouvriers  maçons  allaient  se  trouver  submergés 
dans  la  foule  des  nouveaux.  De  là  pouvait  naître  un  dan- 
ger ;  l'institution  risquait  d'être  détournée  de  son  but  par 
une  majorité  de  nouveaux  venus.  C'est  pourquoi  on  sentit 
le  besoin  de  rédiger  la  constitution  de  l'ordre.  Chaque 
grand  maître  et  chaque  maître  de  loge  dut  s'engager  à  la 
maintenir  de  toutes  ses  forces.  Les  perfectionnements  que 
chaque  grande  loge  pouvait  y  apporter  furent  subordonnés 
à  cette  condition  de  conserver  soigneusement  les  vieilles 
coutumes.  Quant  aux  amendements,  ils  durent  être  discu- 
tés à  la  troisième  assemblée  trimestrielle,  celle  qui  précé- 
dait la  fête  annuelle,  et  soumis  avant  le  banquet  solsticial  à 
tous  les  frères,  même  aux  apprentis,  l'adhésion  et  le  vote 
de  la  majorité  d'entre  eux  étant  indispensable.  On  voit  com- 
ment dès  ses  débuts  la  franc-maçonnerie  concilia  le  prin- 
cipe de  la  souveraineté  du  suffrage  universel  avec  le  main- 
tien de  la  tradition  qui  est  la  raison  d'être  d'une  société 
d'action  poursuivant  un  but  défini. 

Rédaction  de  la  constitution,  Georg  Payne,  second 
grand  maître  (24  juin  4748),  comprit  que  la  tradition 
maçonnique  devait  être  assise  sur  une  sérieuse  recherche 
historique  et  fit  réunir  les  diplômes  et  les  écrits  relatifs 
aux  francs-maçons,  afin  d'y  étudier  les  usages  d'autre- 
fois. Desaguliers,  troisième  grand  maître  (24  juin  4749), 
donna  un  vif  essor  à  l'ordre;  il  réorganisa  le  banquet 
annuel  avec  les  toasts  réglementaires  (V.  Banquet  maçon- 
nique).  Georg  Payne,  réélu  en  4720,  prépara  le  règlement 
général  et  chargea  Anderson  de  reviser  les  anciens  docu- 
ments et  de  préparer  un  recueil  définitif  des  lois  et  usages 
maçonniques.  Le  cinquième  grand  maître  fut  John,  duc  de 
Montagu  (4724)  ;  réélu  en  4722,  il  vit  surgir  un  adver- 
saire, le  duc  de  Wharton,  qui  se  fit  élire  dans  une  assem- 
blée dissidente  ;  ce  dangereux  schisme  fut  apaisé  par  la 
généreuse  abdication  de  Montagu,  et  les  vingt-cinq  loges 
reconnurent  Wharton.  C'est  alors  que  fut  promulguée  la 
constitution  acceptée  officiellement  le  4  7  janv.  4723  dans  la 
Grande  Loge  par  les  représentants  de  vingt  loges  qui  la  sous- 
crivirent. Elle  fut  ensuite  imprimée  (The  Constitutions  of 
the  Freemasons;  Londres, 4723).  Elle  est  demeurée  depuis 
l'acte  organique  de  la  franc-maçonnerie  qui  a  gardé  dans 
les  traits  essentiels  la  physionomie  reçue  alors.  C'est  de 
la  Grande  Loge  de  Londres  que  dérivent,  conformément  à 
sa  loi  constitutionnelle,  toutes  les  loges  maçonniques  re- 
connues. Nous  avons  déjà  dit  que  les  lois  et  règlements 
étaient  précédés  d'une  brève  histoire  légendaire  de  la  ma- 
çonnerie et  d'un  exposé  des  devoirs  ;  à  la  suite  figurent 
quatre  chansons  maçonniques.  L'ensemble  a  été  souvent 
reproduit,  notamment  dans  l'ouvrage  de  Findel.  Après  le 
duc  de  Wharton,  les  grands  maîtres  furent  le  comte  de 
Dalkeith  (4723),  le  duc  deRichmond  (4724),  lord  Pais- 
ley  (4725)  sous  lesquels  se  complétèrent  les  institutions 
fondamentales  :  on  fonda  une  caisse  de  secours  pour 
les  frères  pauvres  ou  victimes  d'accidents,  et  cette  créa- 


tion a  rendu  d'immenses  services  et  beaucoup  contribué, 
tant  à  maintenir  les  relations  fraternelles  entre  loges  qu'à 
mettre  en  relief  le  principe  d'assistance  mutuelle  de  l'ordre. 
On  décida  que  les  officiers  et  les  membres  d'une  loge 
régulièrement  assemblée  pouraient  conférer  le  compa- 
gnonnage et  la  maîtrise  (qu'on  avait  d'abord  réservés  à  la 
Grande  Loge)  ;  par  là  devint  possible  l'immense  extension  de 
la  franc-maçonnerie.  Cette  même  année  4725  une  loge  fut 
fondée  à  Paris  et  l'universalité  de  l'ordre  se  manifesta.  Le 
rituel  et  le  cérémonial  codifiés  sous  la  direction  de  Desa- 
guliers étaient  dès  l'origine,  en  tout  cas  dès  4720,  fixés 
tels  qu'ils  sont  demeurés  depuis.  Nous  allons  poursuivre 
l'histoire  de  la  franc-maçonnerie  dans  les  différents  pays. 

La  franc-maçonnerie  en  Angleterre.  —  A  partir  de 
4726,  les  progrès  de  la  maçonnerie  furent  rapides;  un 
grand  nombre  de  nobles  et  de  personnages  influents  s'y 
.  rallièrent,  parmi  lesquels  le  duc  François  de  Lorraine,  plus 
tard  empereur,  qui  se  fit  affilier  à  La  Haye  par  une  délé- 
gation (4734)  et  le  prince  de  Galles  (4737).  Dans  la  seule 
année  4732  furent  fondées  vingt-cinq  nouvelles  loges.  On 
avait,  en  4726,  décrété  l'organisation  de  Grandes  Loges  pro- 
vinciales pour  faciliter  le  groupement  ;  une  loge  avait  été 
établie  à  Madrid  (4  728) ,  une  Grande  Loge  à  Dublin  (4  734  )  ; 
des  Grandes  Loges  provinciales  furent  créées  pour  Lancastre, 
Durham  et  le  Northumberland.  Mais  des  difficultés  surgirent, 
provoquées  par  les  tendances  aristocratiques  qui  se  révé- 
laient autour  de  la  Grande  Loge,  Elle  s'organisait  en  corps 
distinct  au  lieu  de  n'être  que  le  total  des  délégations  des 
loges;  ses  anciens  grands  maîtres,  orateurs  et  surveillants, 
y  avaient  obtenu  de  siéger  de  droit  (4724-4726)  ;  on  avait 
créé  douze  stewards  pour  veiller  aux  fêtes  maçonniques  ; 
cette  institution  dégénéra  ;  il  s'organisa  une  loge  de  ste- 
wards qui  obtint  des  privilèges  extraordinaires  (4735), 
insignes  spéciaux,  droit  de  déléguer  douze  membres  à  la 
Grande  Loge;  on  décida  même  que  les  grands  officiers  seraient 
choisis  dans  son  sein.  L'emploi  de  steward  étant  fort  coû- 
teux, on  créait  au  sein  de  la  franc-maçonnerie  une  aristo- 
cratie nobiliaire  et  financière.  Dans  cette  période  surgirent 
des  troubles  et  des  dissensions  dangereuses. 

Un  certain  nombre  des  anciens  maçons  n'avaient  pas 
adhéré  à  la  constitution  de  4723;  cinq  loges  avaient  refusé 
d'y  souscrire  ;  de  plus,  des  francs-maçons  isolés,  apparte- 
nant à  l'ancienne  confrérie  professionnelle,  ne  s'étaient  fait 
inscrire  dans  aucune  loge.  Dans  les  provinces,  et  spéciale- 
ment au  N.  de  l'Angleterre,  les  francs-maçons  isolés  ou 
groupés  en  loges  ne  s'occupaient  pas  des  décisions  de  celles 
de  Londres.  Celle  d'York,  en  particulier,  qui  prétendait 
remonter  au  xme  siècle  et  qui  fonctionnait  régulièrement 
au  xviie  et  au  xvme,  prit,  vers  4725,  une  nouvelle  vie  et 
se  réforma  à  l'image  de  la  Grande  Loge  de  Londres,  prenant 
le  même  titre  et  lui  contestant  la  priorité.  Pourtant  elle 
languissait  et,  à  partir  de  4730,  elle  cessa  de  se  réunir.  En 
4734  se  fonda  à  York  une  loge,  fille  de  celle  de  Londres; 
mais,  en  4764,  six  anciens  membres  de  la  vieille  loge  la 
rouvrirent  sous  le  titre  de  Grande  Loge.  S'appuyant  sur  la 
légende  qui  faisait  d'York  le  premier  centre  de  la  maçon- 
nerie anglaise,  ils  prirent  le  nom  d'anciens  maçons,  s'op- 
posent aux  maçons  modernes  de  Londres.  Ce  qui  semblait 
légitimer  cette  opposition,  c'était  celle  des  véritables  an- 
ciens francs-maçons  qui  avaient  refusé  d'accepter  l'organi- 
sation londonienne  de  4747-4723.  Sans  doute,  en 4739,  la 
Grande  Loge  de  Londres  avait  obtenu  la  soumission  des  loges 
réfractaires  ;  mais  les  dissidences  n'étaient  pas  éteintes, 
d'autant  plus  que  les  allures  aristocratiques  de  la  nouvelle 
organisation  indisposaient  des  frères.  Une  autre  cause  de 
division  vint  de  France  où  les  francs-maçons  avaient  donné 
dans  un  pseudo-archaïsme  et  constitué  des  grades  supé- 
rieurs ;  par  l'intermédiaire  des  Anglais  passés  sur  le  conti 
nent  et  surtout  des  jacobites,  nombreux  dans  la  noblesse 
écossaise  et  anglaise,  l'idée  se  répandit  en  Angleterre  que 
l'organisation  londonienne  était  imparfaite  et  ne  répondait 
pas  à  la  vieille  constitution  de  la  maçonnerie.  L'absence  du 
grand  maître,  lordByron  (4747-4752),  laissa  la  Grande  Loge 


de  Londres  sans  direction  ;  les  luttes  y  devinrent  âpres 
entre  ceux  qui  revendiquaient  l'absolue  égalité  entre  frères 
et  ceux  qui  voulaient  instaurer  les  hauts  grades.  Ceux-ci 
prirent  le  titre  d'anciens  maçons,  gagnèrent  ou  fondèrent 
cinq  loges  et  enfin  élurent,  en  1753,  un  grand  maître  ;  en 
1772,  ils  portèrent  à  cette  fonction  le  duc  d'Athol,  lequel 
fut  reconnu  par  les  Grandes  Loges  d'Irlande  et  d'Ecosse.  Le 
schisme  commencé  vers  1738  était  consommé.  Les  séces- 
sionnistes s'appuyaient  sur  la  vieille  loge  d'York,  opposant 
le  système  du  rite  ancien  ou  d'York  au  rite  nouveau  ou  de 
Londres.  Le  rituel  d'York,  qui  est,  en  réalité,  le  plus  ré- 
cent, fut  exposé  dans  trois  écrits  publiés  en  1762  :  Jachin 
and  Boas;  The  Three  distinct  Knocks  ;  Hiram  or  the 
Masterkey.  Vers  la  même  époque,  la  maçonnerie  anglaise 
accepta  des  innovations  venues  de  France.  Un  mysticisme 
nouveau  s'y  infiltra  dont  témoigne  l'édition  de  la  constitu- 
tion publiée  en  1784.  Conformément  aux  tendances  préva- 
lant en  France,  l'appellation  d'ordre  remplaça  celle  de 
compagnie  ou  de  confrérie  usitée  jusqu'alors. 

Le  grade  de  royal  arch.  De  ces  innovations,  la  plus 
considérable  fut  la  création  du  grade  de  royal  arch.  C'est 
par  là  que  les  hauts  grades  créés  en  France  d'après  des 
idées  que  nous  exposerons  tout  à  l'heure  s'introduisirent 
dans  les  îles  Britanniques.  Les  «  anciens  maçons  »  y  adhé- 
rèrent d'abord  ;  ceux  du  rite  de  Londres  les  subirent  jus- 
qu'à ia  fusion  de  1813  où  ils  les  acceptèrent  complète- 
ment. Ce  grade  de  l'arche  royale  fut  combiné  en  France 
par  un  mélange  confus  d'emprunts  faits  au  Nouveau  et  à 
l'Ancien  Testament,  aux  légendes,  aux  traditions  religieuses 
et  à  celles  de  la  maçonnerie.  En  somme,  on  constate  que  la 
direction  du  mouvement  a  passé  à  la  France  et  qu'on  dévie 
des  principes  de  1717.  C'est  vers  1744  que  le  degré  de 
royal  arch  fut  importé  en  Angleterre,  probablement  par 
l'intermédiaire  de  l'Irlande.  Les  «  anciens  maçons  »  l'accep- 
tèrent définitivement  à  York  en  1768  ;  il  passa  en  Amérique 
(après  1758),  en  Ecosse  (vers  1760).  A  la  couleur  bleue 
qu'adoptaient  les  loges  ordinaires  dites  johannites,  en  rai- 
son de  leur  fête  annuelle  de  la  Saint-Jean,  les  chapitres  du 
degré  de  royal  arch  opposèrent  la  couleur  rouge,  em- 
pruntée par  eux  aux  stewards  qui  l'avaient  introduite 
dans  la  franc- maçonnerie  en  1730.  Ils  considérèrent  les 
trois  degrés  primitifs  comme  des  stages,  le  leur  comme 
couronnant  l'édifice  maçonnique.  Un  chapitre  comportait 
3  principaux,  2  secrétaires,  2  soj ouvriers  et  72  membres 
ou  conseillers.  En  1782  se  fonda  à  Londres  un  Suprême 
Chapitre  royal  de  Jérusalem  superposé  aux  chapitres  de 
royal  arch.  Il  affirma  la  prétention  de  se  rattacher  aux 
initiés  de  l'antique  Orient  et  de  la  Grèce,  et  identifia  la 
maçonnerie  spéculative  avec  l'enseignement  scientifique 
occulte.  En  1787  se  constitua  à  Londres  un  Grand  Chapitre 
de  Harodim  ou  Heredom,  rite  nouveau  qui  enchérissait 
sur  celui  de  royal  arch  et  prétendait  se  rattacher  à 
l'ordre  des  templiers. 

L'influence  de  ces  innovations,  de  l'intrusion  dans  la 
maçonnerie  anglaise  des  degrés  supérieurs,  fut  mauvaise. 
La  forme  de  plus  en  plus  surchargée  fit  oublier  le  fond  ;  les 
loges  exercèrent  peu  d'action,  même  sur  leurs  propres 
frères  ;  elles  ne  furent  guère  que  des  sociétés  de  secours 
mutuels.  Ainsi  furent  déçues  les  espérances  qu'elles  avaient 
paru  justifier  dans  la  première  moitié  du  xvme  siècle.  Les 
princes  de  la  famille  royale  entrèrent  dans  la  maçonnerie 
à  la  suite  du  duc  de  Cumberland,  du  prince  'de  Galles,  et 
l'on  sait  l'importance  puérile  que  les  Anglais  attachent  à 
l'adhésion  de  ces  grands  personnages.  Le  prince  de  Galles 
fut  élu  grand  maître.  Du  reste,  à  partir  du  xvme  siècle,  cet 
office  fut  conféré  à  des  princes  du  sang.  Il  consacra  son 
pouvoir  à  mettre  fin  au  schisme  -par  la  fusion  de  deux 
Grandes  Loges  d'Angleterre.  Après  de  longs  pourparlers  elle 
fut  consommée  en  1813,  les  «  anciens  maçons  »  ayant 
mis  à  leur  tête  le  duc  de  Kent.  On  décida  qu'il  n'y  avait 
que  trois  degrés  pour  l'ancienne  et  pure  maçonnerie,  mais 
on  reconnut  l'ordre  de  royal  arch  et  on  autorisa  les 
tenues  de  loges  ou  de  chapitres  pour  les  grades  dits  de  che- 


4487  —  FRANC-MAÇONNERIE 

valerie.  En  somme,  on  acceptait  ceux-ci  en  les  laissant, 
en  dehors  de  l'organisation  maçonnique,  constituer  leur  hié- 
rarchie particulière  et  autonome.  Ainsi  fut  fondée  la 
Grande  Loge  unie  d'Angleterre  {United  Grand  Loge  of 
England)  ;  elle  accepta  une  partie  du  rituel  des  «  anciens 
maçons  »  et  revint  au  principe  de  la  tolérance  religieuse. 
La  prospérité  de  la  franc-maçonnerie  anglaise  crut  dans 
les  années  suivantes  ;  mais,  en  raison  même  de  ses  attaches 
officielles  et  de  la  prépondérance  de  l'élément  aristocratique, 
elle  n'a  pas  joué  grand  rôle.  On  trouvera  plus  loin  l'exposé 
de  sa  situation  actuelle,  et  la  statistique. 

Irlande.  —  La  franc-maçonnerie  fut  introduite  en  Ir- 
lande vers  1723;  en  1726,  on  y  trouve  une  Grande  Loge 
provinciale  de  Munster  ;  en  1730,  lord  Kingston,  ancien 
grand  maître  d'Angleterre,  fonda  la  Grande  Loge  de  Dublin. 
A  partir  de  ce  moment  la  dignité  suprême  fut  comme  en 
Angleterre  occupée  par  des  nobles.  La  maçonnerie  irlan- 
daise subit  beaucoup  l'influence  française  et  fut  favorable 
aux  degrés  supérieurs;  elle  adopta  un  rite  qui  comportait 
quinze  degrés  répartis  en  quatre  classes  (V.  plus  loin  le 
tableau  des  rites).  Ce  qui  est  un  grand  mérite,  en  raison 
de  la  situation  du  pays,  elle  fut  très  tolérante,  réunissant 
protestants  et  catholiques.  O'Connell  fut  longtemps  vénérable 
(1800-1838) delà  loge  189  àDublin.  L'hostilité  de  l'Eglise 
paralysa  ensuite  les  progrès  de  la  maçonnerie  irlandaise. 

Ecosse.  —  L'Ecosse  avait  possédé  comme  l'Angleterre 
ses  loges  de  francs-maçons  ouvriers  au  xv©  siècle  et  dans 
les  siècles  suivants.  La  maçonnerie  spéculative  y  fut  intro- 
duite en  1736.  Le  chef  delà  famille  Sinclair,  qui  était  patron 
héréditaire  des  maçons,  fonda  la  Grande  Loge  d'Edim- 
bourg à  laquelle  il  remit  ses  pouvoirs  ;  les  32  loges  de 
maçons  professionnels  ou  acceptés  constituèrent  cette 
Grande  Loge  et  en  acceptèrent  la  constitution,  renonçant  à 
leurs  droits  antérieurs.  La  fête  annuelle  fut  fixée  au30nov., 
jour  de  Saiut-André,  le  patron  de  l'Ecosse.  Les  francs- 
maçons  étaient  généralement  jacobites,  au  milieu  du 
xvme  siècle.  Dans  celui-ci,  ils  ont  suivi  la  même  voie  que 
ceux  de  la  Grande  Loge  d'Angleterre  et  malgré  leur  nombre 
n'exercent  pas  d'influence  considérable. 

France.  —  Dans  l'histoire  de  la  franc-maçonnerie  mo- 
derne, la  France  a  eu  les  initiatives  principales,  sinon  tou- 
jours les  plus  heureuses  ;  bien  que  ses  adhérents  y  soient 
moins  nombreux  que  dans  les  pays  anglo-celtes,  ils  ont  eu 
une  action  plus  efficace,  dévoyant  l'institution  vers  le  mys- 
ticisme archéologique  au  xvm9  siècle,  la  ramenant  au  xixe 
dans  la  voie  de  la  libre  pensée  et  de  la  démocratie.  Elle  fut 
importée  d'Angleterre  peut-être  en  1721,  en  tout  cas  en 
1725  par  lord  Derwentwater,  qui  fonda  la  première  loge  à 
Paris  chez  le  restaurateur  Hurre.  Elle  est  considérée  comme 
la  première  Grande  Loge  de  France.  Il  s'en  créa  d'autres, 
à  Paris,  notamment  la  loge  d'Aumont,  au  Louis-d'Argent 
(1729-32).  En  1736,  les  quatre  loges  françaises  élurent 
grand  maître  lord  Harnouester  ;  c'est  à  cette  date  que  re- 
monte la  constitution  de  la  franc-maçonnerie  française.  On 
n'admit  d'abord  dans  les  loges  que  des  nobles  ;  mais,  lors- 
qu'on y  reçut  des  bourgeois,  le  gouvernement  s'émut  et  en 
1737  le  roi  interdit  toute  relation  avec  les  francs-maçons, 
les  bannissant  de  sa  cour.  Cela  excita  la  curiosité  et  con- 
tribua plutôt  aux  progrès  de  l'ordre.  Le  28  avr.  1738,  le 
pape  Clément  XII  lança  contre  les  francs-maçons  la  bulle 
In  eminenti  apostolatus  spécula  (reproduite  .par  Ehr- 
hard  et  par  Findel)  ;  il  défendait  sous  peine  d'excommuni- 
cation aux  détenteurs  de  l'autorité  civile  ou  ecclésiastique 
d'entrer  dans  la  société  des  francs-maçons,  de  la  favoriser, 
de  l'accueillir  dans  leurs  maisons.  Le  parlement  de  Paris 
refusa  d'enregistrer  cette  bulle,  qui  ne  fut  donc  pas  valable 
pour  la  France. 

Cependant,  à  l'image  de  la  confrérie  secrète  des  francs- 
maçons,  s'en  fondaient  d'autres  qui  prétendaient  s'y  rat- 
tacher :  Y  ordre  de  la  Fidélité  (1742),  Y  ordre  de  l  Ancre 
(1744),  issu  du  précédent,  admettaient  des  femmes,  et  la 
pureté  morale  paraît  y  avoir  été  médiocre  ;  Y  ordre  du  Pa- 
triarche Noé,  fondé  entre  1735  et  1742  par  la  police,  se 


FRANC-MAÇONNERIE 


'—  4488  — 


composait  de  catholiques  ;  il  semble  que  ce  soit  le  premier 
qui  ait  fait  descendre  la  franc-maçonnerie  des  ordres  de 
chevalerie  du  temps  des  croisades  et  préparé  les  essais  de 
reconstitution  de  ces  ordres.  On  ne  prenait  pas  très  au  sé- 
rieux la  tâche  idéale  de  la  maçonnerie  et  on  y  voyait  sur- 
tout un  prétexte  à  réunions  et  à  pratiques  distrayantes.  On 
développa  donc  le  cérémonial  et  simultanément  la  hiérarchie. 
Le  rôle  décisif  appartient  à  l'Ecossais  Michael-Andreas 
Ramsay. 

Les  degrés  supérieurs.  Ramsay  fut  le  promoteur  des 
degrés  supérieurs  et  par  là  le  mauvais  génie  de  la  franc- 
maçonnerie  qui  ne  s'est  pas  encore  débarrassée  de  cette  su- 
perfétation.  C'est  lui  qui  accrédita  la  légende  qui  fait  sortir 
la  franc-maçonnerie  des  croisades  et  la  solidarise  avec  les 
ordres  de  Saint-Jean  et  de  Malte  ;  il  n'était  pas  encore 
question  des  templiers.  Son  objectif  était  de  trouver  des 
hommes  et  de  l'argent  pour  servir  la  cause  du  prétendant 
de  la  maison  des  Stuarts.  C'est  pour  cela  qu'il  créa  le  sys- 
tème écossais  et  son  rite.  Il  s'appuya  sur  la  légende  qui 
plaçait  à  Kilwinning  le  berceau  de  la  vieille  maçonnerie 
professionnelle  d'Ecosse.  La  Grande  Loge  s'émut  et  quand 
après  la  mort  duducd'Antin,  troisième  grand  maître  (1738- 
43),  fut  élu  Louis  de  Bourbon,  comte  de  Clermont,  il  s'éleva 
contre  les  prétendus  «  maîtres  écossais  »  et  les  préroga- 
tives qu'ils  revendiquaient,  leur  déniant  toute  supériorité 
sur  les  compagnons  et  tout  droit  à  des  insignes  particuliers. 
Ce  qui  rendit  si  nuisible  l'influence  de  Ramsay  et  des  in- 
venteurs des  degrés  supérieurs,  c'est  qu'ils  réussirent  à 
persuader  les  maçons  qu'il  y  avait  au  fond  de  leur  symbo- 
lique des  secrets  d'une  extrême  importance,  apanage  de 
rares  initiés,  et  à  les  convaincre  que  la  filiation  avec  les  an- 
ciens ordres  religieux  s'établissait  par  l'intermédiaire  de 
supérieurs  inconnus.  On  rechercha  ceux-ci  en  Ecosse,  ber- 
ceau des  Stuarts,  en  Italie,  en  Orient.  Ne  les  trouvant  pas, 
on  accueillit  avec  une  crédulité  qui  semblerait  incompré- 
hensible sans  ces  détails,  les  aventuriers  qui  se  donnèrent 
comme  les  envoyés  de  ces  supérieurs  mystérieux.  On  se  jeta 
sur  les  systèmes  de  degrés  d'initiation,  auxquels  ils  subor- 
donnaient la  révélation  de  leurs  prétendus  secrets.  La  dé- 
ception qui  était  fatalement  au  bout  de  ces  expériences 
détermina  la  ruine  rapide  de  chacun  des  systèmes  ;  mais  il 
fallut  quarante  années  pour  en  épuiser  l'idée  mère.  Plusieurs 
de  ces  systèmes  laissèrent  derrière  eux  des  institutions,  des 
rites  gardant  des  partisans  convaincus.  Par-dessus  tout,  la 
plupart  des  maçons  admirent  l'assertion  erronée  que  leur 
ordre  avait  une  origine  mystérieuse  en  Ecosse  et  méconnu- 
rent l'origine  anglaise,  desservie  par  la  simplicité  du  rituel 
primitif.  De  4738  à  4744,  Ramsay  avait  gagné  beaucoup 
de  terrain  ;  dès  4741,  son  rite  écossais  avait  été  importé 
à  Berlin  ;  en  \  744,  il  le  fut  à  Dublin  où  l'on  accepta  trois 
degrés  supérieurs,  dont  celui  de  royal  arch,  qui  passa  en 
Angleterre.  En  4743,  les  maçons  de  Lyon  élaborent  le  de- 
gré de  chevalier  kadosch,  vengeur  des  templiers.  On  avait 
dû  renoncer  à  se  réclamer  de  l'ordre  johannite  ou  de  Malte, 
lequel  était  dans  la  dépendance  du  pape  et  a^  ait  expulsé  en 
4740  plusieurs  francs-maçons.  A  ce  moment,  on  affirme 
tout  à  fait  que  la  franc-maçonnerie  vient  de  Palestine  et 
qu'elle  a  toujours  compris  neuf  degrés  :  apprenti,  compa- 
gnon, maître,  maître  accompli  ou  architecte  irlandais,  maître 
élu,  apprenti  écossais,  compagnon  écossais,  maître  écossais, 
chevalier  d'Orient.  Il  n'est  pas  encore  question  des  rose- 
croix.  On  raconte  sans  doute  qu'en  4745,  Charles-Edouard, 
fils  du  prétendant,  reconnut  àArras  le  chapitre  écossais  ja- 
cobite  des  rose-croix.  Mais  ce  récit  est  sujet  à  caution.  De 
même,  le  rite  écossais  de  Toulouse,  fondé  en  4747,  préten- 
dit tenir  sa  constitution  de  Charles-Edouard. 

Les  nouvelles  inventions  de  systèmes  et  de  rites  pullu- 
lèrent; l'imagination  se  donna  carrière;  de  trois  degrés 
primitifs  on  porta  le  chifire  à  neuf,  trois  fois  trois  ;  puis  à 
trente-trois,  puis  à  quatre-vingt-dix,  multipliant  les  in- 
signes plus  ou  moins  décoratifs,  les  fonctions  et  titres, 
flattant  la  puérile  vanité  des  adhérents.  De  tous  côtés  on 
fonde  des  loges,  des  chapitres,  des  collèges.  En  4754,  le 


chevalier  de  Bonneville  institue  un  nouveau  chapitre  des 
degrés  supérieurs  ;  il  admettait  sept  degrés,  les  trois  pre- 
miers, celui  de  maître  écossais,  puis  trois  nouveaux  : 
chevalier  de  l'aigle  élu,  chevalier  illustre  ou  templier, 
sublime  chevalier  illustre.  Installé  au  collège  des  jésuites 
de  Clermont,  il  s'entendait  avec  eux.  On  racontait  que  sept 
templiers  échappés  au  massacre  de  leur  ordre  s'étaient  réfu- 
giés en  Ecosse,  dans  l'île  de  Mull,  où  ils  se  seraient  adonnés 
à  la  maçonnerie  et  auraient  continué  leur  ordre  sous  la 
forme  corporative.  Ce  chapitre^  dit  de  Clermont,  eut  une 
importance  réelle  dans  l'histoire  de  la  maçonnerie,  car  il 
fut  pris  pour  modèle  par  beaucoup  de  ceux  qui  suivirent, 
en  France  ou  à  l'étranger. En  4755,  la  Grande  Loge  anglaise 
s'étant  {constituée  en  Grande  Loge  de  France  (sous  son 
grand  maître,  le  comte  de  Clermont)  se  donna  une  nou- 
velle constitution.  Elle  y  inscrivit  le  degré  de  maître  écos- 
sais. En  4756  se  constitua  le  premier  chapitre  régulier 
des  degrés  supérieurs,  celui  des  chevaliers  d'Orient;  en 
4768,  un  nouveau  rite  celui  des  conseils  des  empereurs 
d'Orient  et  d'Occident,  dont  les  membres  s'intitulaient 
souverains  princes  maçons  ;  il  délivra  des  patentes  aux 
loges  qui  décernaient  les  hauts  grades,  nomma  des  grands 
inspecteurs  et  des  députés  afin  de  propager  dans  toute 
l'Europe  ce  qu'il  appelait  la  maçonnerie  parfaite  et  accom- 
plie ;  ce  rite  comportait  vingt-cinq  degrés.  Parmi  ceux-ci 
figuraient  ceux  de  royale  arche  et  de  rose-croix. 

Le  Grand  Orient,  Entre  les  prétentions  rivales  de  ces 
hauts  gradés,  le  conflit  éclata.la  Grande  Loge  où  ils  avaient 
pénétré  se  divisa  ;  elle  finit  par  prendre  position  contre  eux 
et,  pour  mettre  un  terme  aux  exagérations  des  chapitres 
d'ordres  prétendus  chevaleresques,  elle  porta,  le  24  août 
4766,  un  décret  aux  termes  duquel  elle  interdisait  à  toutes 
les  loges  symboliques  de  reconnaître  l'autorité  que  s'attri- 
buaient les  chapitres.  Elle  conclut  à  ce  sujet  une  entente 
avec  la  Grande  Loge  d'Angleterre  ;  chacune  s'engagea  à  ne 
pas  délivrer  de  constitutions  dans  le  pays  de  l'autre.  Mais 
les  dissidents  fondèrent  une  autre  Grande  Loge,  tout  comme 
en  Angleterre  ;  pour  clore  la  querelle,  le  gouvernement 
défendit  à  la  Grande  Loge  de  se  réunir  ;  les  anciens  frères, 
ceux  de  l'aristocratie  d'épée  et  de  robe  qui  s'intitulaient 
empereurs  d'Orient,  furent  paralysés,  mais  les  sécession- 
nistes représentant  l'élément  bourgeois  qui  s'intitulaient 
chevaliers  d'Orient  agirent  ;  ils  gagnèrent  à  leur  cause 
le  duc  de  Luxembourg,  puis  le  duc  de  Chartres,  le  futur 
Philippe-Egalité  ;  ils  réunirent  la  Grande  Loge  et  firent 
annuler  le  décret  de  1766  (4774).  On  vota  une  nouvelle 
constitution  qui  consacrait  un  système  fédéral  analogue  à 
celui  d'Angleterre,  et  élut  grand  maître  le  duc  de  Chartres, 
et  administrateur  général  le  duc  de  Luxembourg  (4772)  ; 
mais  il  se  conclut  une  entente  entre  la  Grande  Loge  et  le 
Souverain  Conseil  des  degrés  supérieurs  du  système  des 
empereurs  d'Orient  et  d'Occident  ;  ils  fusionnèrent  ;  les 
chevaliers  d'Orient,  dont  le  duc  de  Luxembourg  prit  la  di- 
rection, furent  subordonnés.  La  rivalité  entre  les  loges  de 
Paris  et  de  province  qui  compliquait  les  choses  fut  apaisée. 
Une  assemblée  générale  des  députés  des  loges  parisiennes 
et  provinciales  ratifia  les  nouveaux  statuts.  Après  cette 
réforme,  la  Grande  Loge  réélue,  qui  avait  pris  le  titre  de 
Grande  Loge  nationale ,  adopta  définitivement  celui  de 
Grand  Orient.  Mais  les  membres  de  l'ancienne  Grande 
Loge  n'acceptèrent  pas  ces  décisions.  Ils  la  réunirent  pour 
protester,  déclarèrent  illégal  le  Grand  Orient  et  déposèrent 
tous  les  présidents  de  loges  qui  avaient  pris  part  à  ses  tra- 
vaux. Ils  gardaient  les  archives,  le  secrétariat;  les  vio- 
lences auxquelles  se  porta  le  duc  de  Luxembourg,  qui  en  fit 
emprisonner  plusieurs,  aggravèrent  la  scission. 

Le  Grand  Orient  procéda  méthodiquement  à  l'organisation 
de  la  maçonnerie  française  à  partir  de  la  fin  de  4773.  Il 
essaya  de  créer  des  loges  provinciales  (qui  durèrent  jus- 
qu'en 4840)  ;  il  reconnut  les  loges  d'adoption  dans  les- 
quelles on  admettait  des  femmes;  il  limita  à  trois  années  la 
durée  du  mandat  des  grands  officiers,  lesquels  jusqu'alors 
étaient  nommes  à  vie  par  le  grand  maître,  et  rendit  leur  no- 


—  1189  — 


FRANC-MAÇONNERIE 


mination  au  Grand  Orienl.  En  1775,  on  comptait  132 
loges  ralliées  au  Grand  Orient.  Parmi  les  francs-maçons  se 
trouvait  toute  la  jeune  noblesse  éprise  de  la  philosophie 
humanitaire  du  xviu6  siècle. 

Le  développement  des  degrés  supérieurs  ne  s'arrêtait 
pas  ;  de  nouveaux  systèmes  surgirent  avec  des  rites  et  des 
degrés  dont  la  conception  faisait,  honneur  à  l'imagination 
féconde  de  leurs  inventeurs.  D'Allemagne  vinrent  des  mis- 
sionnaires de  l'ordre  de  la  Stricte  Observance  (V.  ci- 
dessous),  pseudo-templiers,  chargés  d'organiser  (ils  disaient 
de  rétablir)  les  provinces  d'Occitanie,  d'Auvergne  et  de 
Bourgogne.  Dans  le  Grand  Orient  même,  beaucoup  de 
dignitaires  étaient  des  fidèles  de  la  Stricte  Observance  ;  ils 
firent  voter  la  fusion  avec  son  directoire,  lequel  travaillait 
d'après  le  rite  de  Dresde  (1775).  Une  vive  opposition  se 
manifesta,  et,  contre  cet  écossisme  rapporté  d'Allemagne, 
il  se  fonda  un  nouveau  rite  dit  écossais  philosophique 
(1776),  dont  le  foyer  fut  la  loge  Saint-Lazare.  Il  y  avait 
encore  à  Arras  un  chapitre  écossais  jacobite,  à  Montpel- 
lier un  chapitre  de  rose-croix.  Mais  on  avait  déjà  dépassé 
le  point  de  vue  de  la  restauration  des  ordres  de  chevale- 
rie pour  se  jeter  en  plein  mysticisme,  dans  la  théosophie. 
La  loge  des  Amis  Réunis,  à  Paris,  pratiquant  le  rite  des 
Philalèthes  (amis  de  la  Yérité),  excluait  de  ses  chapitres 
secrets  les  dignitaires  du  Grand  Orient.  Les  Philadelphes  de 
Narbonne  prétendaient  avoir  retrouvé  le  rite  primitif; 
à  Rennes  s'étaient  révélés  les  Sublimes  Elus  de  la  Vérité. 

Les  chefs  de  ce  mouvement  furent  Saint-Martin  (1743- 
1808)  et  Cagliostro  (Jos.  Balsamo,  1743-1795).  Le  premier, 
disciple  de  Martin  Paschalis  et  de  Jakob  Bœhme,  exerça  une 
grande  influence  par  son  mysticisme  exalté  ;  il  ne  se  con- 
tenta pas  du  degré  des  «  philosophes  inconnus  »  pratiqué  par 
les  Amis  Réunis,  et  dépassa  de  beaucoup  les  livres  où  les 
adeptes  de  cet  «  ordre  divin  »  consignaient  leurs  révéla- 
tions (Des  Erreurs  et  de  la  vérité,  Tableau  naturel  des 
rapports  entre  Dieu,  l'homme  et  l'univers)  ;  il  déclara 
que  la  franc-maçonnerie  provenait  d'une  révélation  divine, 
et  mettait  les  initiés  en  relations  intimes  avec  la  divinité. 
Il  promulgua  un  nouveau  système  de  dix  degrés  répartis 
en  deux  «  temples  »  :  1er  temple,  apprenti,  compagnon, 
maître,  ancien  maître  élu,  grand  architecte,  maçon  du  secret; 
2e  temple,  prince  de  Jérusalem,  chevalier  de  Palestine, 
kadosch  ou  saint.  Ultérieurement  ce  rite  réduisit  ses  degrés 
à  sept  et  prit  le  nom  à' Ecossisme  réformé  de  Saint-Mar- 
tin. Il  fusionna  au  convent  de  Lyon  (1778)  avec  la  branche 
française  de  la  Stricte  Observance,  mais  subsista  à  part. 
Ce  convent  national  des  Gaules,  convoqué  à  Lyon  par  les 
directoires  du  rite  écossais,  visait  à  grouper  les  adversaires 
du  Grand  Orient,  tous  ces  chapitres  et  loges  partisans  des 
hauts  grades  qui  se  constituaient  à  part.  Se  sentant  menacé, 
le  Grand  Orient  fit  la  concession  décisive  ;  il  accepta  les 
degrés  supérieurs.  Une  chambre  des  grades  fut  formée 
(1782)  qui  fit  adopter  quatre  degrés  supérieurs  :  élu,  che- 
valier d'Orient,  écossais,  chevalier  rose-croix  (1786).  Mal- 
gré l'opposition  de  la  plupart  des  loges,  ce  nouveau  sys- 
tème fut  accepté,  et  le  Grand  Orient  put  s'entendre  avec 
plusieurs  directoires  des  autres  systèmes,  lesquels  lui  recon- 
nurent la  qualité  d'autorité  suprême  de  la  maçonnerie  sym- 
bolique de  France  ;  en  échange,  il  les  autorisait  à  pratiquer 
leurs  rites  et  à  délivrer  des  lettres  d'affiliation  aux  degrés 
supérieurs  de  leurs  systèmes.  Ainsi  le  Grand  Orient  put 
garder  l'avantage  sur  sa  rivale,  la  Grande  Loge,  qui  redou- 
blait alors  d'activité.  Malgré  ces  divisions,  la  franc-maçon- 
nerie jouissait  d'une  grande  vogue  ;  en  1778,  Voltaire  avait 
été  reçu  dans  la  loge  des  Neuf  Sœurs,  fondée  par  Lalande, 
sur  la  présentation  de  Franklin  et  Court  de  Gébelin  ;  cette 
réception  jeta  un  grand  éclat  sur  cette  loge  qui  était,  avec 
quelques  autres,  un  des  principaux  centres  de  l'activité 
philosophique  en  France.  Il  est  vraiment  surprenant  de 
trouver  dans  la  même  société  les  libres  penseurs  les  plus 
dégagés  de  préjugés  à  côté  d'illuminés  comme  Saint-Martin 
et  de  charlatans  comme  Cagliostro. 

Cagliostro,  qui  alléchait  ses  dupes  par  la  promesse  de 


les  faire  vivre  cinq  mille  cinq  cent  cinquante-sept  ans,  fut 
reçu  maçon  par  une  loge  de  Londres  qui  lui  conféra  les 
trois  grades  le  même  jour  ;  il  passa  en  Allemagne  où  il  en- 
tra dans  la  Stricte  Observance  et  fut  instruit  dans  l'occul- 
tisme par.  le  rose-croix  Schrœder.  Il  fonda  alors  un  nouveau 
système  maçonnique,  le  rite  égyptien,  qu'il  propagea  en 
France  ;  il  y  recevait  hommes  et  femmes,  parallèlement  ; 
la  présidente  des  loges  de  femmes  était  qualifiée  de  reine 
de  Saba  ;  les  membres  étaient  appelés  Coptes  ;  le  prix  de 
l'initiation  était  la  prolongation  de  la  vie,  la  renaissance 
physique  et  morale,  la  domination  spirituelle,  la  possession 
de  la  pierre  philosophale .  Le  but  réel  était  la  vente  des 
pommades,  des  vins  fortifiants,  de  composés  vendus  dix  fois 
le  poids  de  l'or  que  Cagliostro  y  cachait.  Il  excita  en  Rus- 
sie, en  Allemagne,  en  France,  un  enthousiasme  extraordi- 
naire. Sa  loge  de  Lyon  (1 782)  en  engendra  une  foule 
d'autres  du  rite  égyptien,  et  les  constitutions,  les  affiliations 
rapportèrent  de  grosses  sommes  à  l'aventurier.  Il  espéra 
devenir  le  chef  de  la  maçonnerie  universelle  ;  mais  les  vrais 
francs-maçons  ne  le  prenaient  pas  au  sérieux  ;  démasqué, 
il  passa  à  Londres,  puis  à  Rome,  où  il  finit  dans  les  pri- 
sons de  l'Inquisition  ;  son  rite  égyptien  était  tombé  dès 
1788.  Malheureusement,  les  folles  Inventions  de  cet  escroc 
laissèrent  une  trace,  et  l'idée  d'un  rite  égyptien  fut  reprise 
après  lui. 

Cependant  des  tentatives  se  poursuivaient  pour  mettre 
un  peu  d'ordre  dans  les  degrés,  rites  et  systèmes  qui 
avaient  pullulé.  Nous  avons  vu  que  le  Grand  Orient  avait 
essayé  de  faire  reconnaître  son  autorité  par  tous  ces  petits 
conventicules  en  faisant  des  concessions  sur  la  question 
des  hauts  grades.  En  1784,  un  chapitre  de  rose-croix 
essaya  de  fonder  une  puissance  rivale  en  créant,  à  l'insti- 
gation de  Rœttiers  de  Montaleau,  un  Grand  Chapitre  gé- 
néral de  France;  Gerbier  de  Werschamp,  s'appuyant  sur 
des  chartes  fausses,  fonde  un  chapitre  métropolitain  qui 
fusionne  avec  le  précédent,  puis  tous  deux  se  réunissent 
au  Grand  Orient  (1787).  La  Grande  Loge  ancienne  orga- 
nise aussi  dans  son  sein  un  chapitre  de  rose-croix.  Puis 
surgit  un  adversaire  redoutable,  Yordre  d'Heredom  de 
Kilwinning,  dont  se  réclame  la  loge  Ardente  Amitié.  On 
prétendait  que  cet  ordre  avait  à  sa  tête  une  Grande  Loge 
royale  d'Ecosse  qui  aurait  eu  pour  grand  maître  le  roi 
d'Ecosse  ;  c'était  un  dérivé  de  la  rose-croix,  par  conséquent 
une  parodie  du  culte  catholique,  avec  sacrifice  du  Messie 
au  moment  de  l'initiation.  On  racontait  que  l'ordre  était 
une  continuation  de  celui  des  templiers,  restauré  à  Kilwin- 
ning  par  Robert  Bruce.  En  fait,  l'origine  de  l'ordre  et 
l'apparition  de  sa  légende  ne  remontent  guère  au  delà  de 
1763  ;  il  s'appuya  sur  les  prétentions  de  la  loge  de  Kilwin- 
ning  qui  était,  en  effet,  une  des  plus  vieilles  d'Ecosse, 
mais  son  rituel,  emprunté  aux  rose-croix,  était  récent. 
Introduit  en  France,  l'ordre  d'Heredom  s'y  développa,  sur- 
tout en  1786  ;  de  là,  il  passa  à  Londres.  Les  Philalèthes, 
qui,  de  même  que  tous  les  ordres  et  chapitres  suréroga- 
toires,  souhaitaient  de  faire  accepter  leur  système  comme 
couronnement  de  l'édifice  de  la  franc-maçonnerie  symbo- 
lique, convoquèrent  deux  convents  internationaux  sans 
grand  succès;  on  y  divagua  sur  la  théosophie,  la  kabbale, 
la  magie. 

Le  Grand  Orient  améliorait  peu  à  peu  son  organisation  ; 
il  avait  introduit  en  17771e  mot  de  semestre  pour  écarter 
des  loges  les  faux  frères  visiteurs  ;  il  défendit  de  tenir  les 
loges  dans  des  tavernes  et  d'y  tolérer  le  jeu.  Les  progrès 
furent  très  grands  dans  cette  période  puisque,  en  1789, 
on  comptait  pour  la  France  et  les  colonies  689  loges  et 
chapitres.  La  propagande  faite  par  les  francs-maçons  aux 
idées  philosophiques  contribua  à  préparer  la  Révolution 
française,  et  la  Déclaration  des  droits  de  l'homme  qui 
exprimait  ses  principes.  Beaucoup  de  loges  se  félicitèrent 
de  la  chute  de  la  Bastille.  Cependant,  lorsque  le  mouve- 
ment révolutionnaire  s'accentua,  la  franc-maçonnerie  parut 
en  souffrir  et  ses  travaux  furent  à  peu  près  suspendus. 
Il  peut  sembler  surprenant  qu'une  révolution  qui  réali- 


FRANC-MAÇONNERIE 


—  1190  — 


sait  une  grande  partie  de  son  idéal  ait  été  hostile  à  la 
maçonnerie  ;  mais  cela  s'explique  aisément  si  Ton  fait 
attention  au  caractère  aristocratique  qu'avait  pris  son  orga- 
nisation en  France  aussi  bien  qu'en  Angleterre.  D'autre 
part,  les  allures  mystérieuses  de  l'ordre,  le  secret  qui 
entourait  ses  réunions  étaient  très  suspects  en  un  temps  où 
l'on  voyait  partout  des  traîtres  et  des  conspirateurs.  En 
juil.  1791,  la  mère  loge  du  rite  écossais  philosophique  cessa 
ses  travaux.  Cette  année,  la  plupart  des  loges  de  province 
les  suspendirent  ;  sur  bien  des  points,  leurs  membres 
étaient  poursuivis.  La  Grande  Loge  ancienne  fut  également 
mise  en  sommeil.  Le  24  févr.  1793,  le  grand  maître  du 
Grand  Orient,  Philippe-Egalité,  qui  l'avait  d'ailleurs  tota- 
lement négligé  depuis  longtemps,  se  démit  par  une  lettre 
qui  était  une  mauvaise  action,  car,  en  accusant  la  franc- 
maçonnerie,  dont  il  était  jusqu'alors  le  chef,  il  l'exposait 
à  des  suspicions  dangereuses.  Le  Grand  Orient  ne  lui  donna 
pas  de  successeurs,  mais  continua  ses  travaux  ;  trois  loges 
seulement  l'imitèrent,  entretenant  le  feu  sacré  durant  ces 
années  1793  et  1794  :  Guillaume  Tell,  ensuite  appelée  le 
Centre  des  Amis,  les  Amis  de  la  Liberté  et  Saint-Louis  de 
Martinique.  Rœttiers  de  Montaleau,  qui  appartenait  à  la 
première,  après  avoir  passé  par  une  loge  mère  du  rite  écos- 
sais et  avoir  présidé  celle  des  Philalèthes  (1792),  était  de- 
puis 1780  membre  et  depuis  1793  président  de  la  chambre 
d'administration  du  Grand  Orient.  Il  reconstitua  par  une 
élection  le  Grand  Orient,  rouvrit  la  correspondance  avec 
les  membres  des  loges  de  province  qui  se  reformèrent 
(1795).  Il  ne  voulut  pas  prendre  le  titre  de  grand  maître 
et  se  fit  donner  celui  de  grand  vénérable.  Il  réalisa  la 
fusion  avec  l'ancienne  Grande  Loge  qui  avait  repris  ses 
travaux  en  oct.  1796  (mai  1799).  En  1802,  on  comptait 
déjà  114  loges.  On  renonçait  presque  au  mystère,  car 
le  Grand  Orient  fit  imprimer  le  rituel  des  sept  degrés 
pour  l'usage  des  loges  et  des  chapitres.  Pour  se  concilier 
la  bienveillance  de  Napoléon,  le  Grand  Orient  arrêta,  lors 
de  la  revision  des  statuts  (1803),  de  rétablir  les  grands 
offices  ;  on  les  distribua  aux  principaux  généraux  et  digni- 
taires du  Consulat.  Aussi  comptait-on,  dès  1804,  plus  de 
300  loges  et  un  grand  nombre  de  chapitres.  La  carac- 
téristique de  ce  temps  est  la  place  faite  aux  femmes  ;  les 
loges  d'adoption  se  multiplient  ;  il  se  crée  un  ordre  andro- 
gyne  (les  Sophisiens)  ;  l'impératrice  Joséphine  entre  dans 
la  loge  des  Francs-Chevaliers  et  y  fait  recevoir  des  dames 
de  sa  cour.  On  trouve  aussi  bon  nombre  de  prêtres  dans 
les  loges. 

Le  rite  écossais.  Bientôt  l'unité  rétablie  après  la  tempête 
révolutionnaire  fut  rompue  par  la  reviviscence  du  rite 
écossais  philosophique.  Ce  système  avait  été  organisée  en 
1776  et  dérivait  de  celui  des  rose -croix;  il  fut  repris  par 
la  loge  Saint-Alexandre  d'Ecosse  en  1801,  la  plus  ancienne 
du  rite  ;  d'accord  avec  celle  du  Contrat  social  qui  disparut 
en  1807,  et  conformément  à  ses  règlements,  elle  entra  en 
possession  de  la  suprématie  et  du  rôle  de  loge  mère.  Ce  rite 
comportait  dix  degrés  :  apprenti,  compagnon,  maître,  maître 
accompli,  chevalier  philosophique  élu,  grand  écossais,  che- 
valier du  Soleil,  chevalier  de  l'anneau  lumineux,  chevalier 
de  l'Aigle  blanc  et  noir,  grand  inspecteur-commandeur.  Le 
protagoniste  était  Thory.  La  lutte  éclata  bientôt  entre  les 
Ecossais  et  le  Grand  Orient  autour  duquel  se  rangèrent  la 
majorité  des  loges.  Mais  les  Ecossais  reçurent  du  renfort. 
En  1761,  le  conseil  des  empereurs  d'Orient  et  d'Occident 
avait  octroyé  au  frère  Etienne  Monsi  une  patente  pour  pro- 
pager dans  le  nouveau  monde  son  système  des  vingt-cinq 
degrés.  En  Amérique,  on  porta  le  nombre  des  degrés  à 
trente-trois  et  c'est  sous  cette  forme  qu'il  fut  rapporté  en 
France.  En  1804  vinrent  des  Etats-Unis  Hacquet  et  de 
Grasse,  munis  Fun  et  l'autre  de  patentes  d'un  Suprême 
Conseil  américain,  le  premier  de  New  York,  le  second  de 
Charleston.  Le  premier  professait  seulement  les  vingt-cinq 
degrés  jusqu'à  celui  de  «  prince  du  royal  secret  »  et  s'in- 
titulait grand  maître  métropolitain  de  Heredom  ;  avec  l'aide 
des  loges  la  Triple  Unité  et  Phénix,  il  créa  un  conseil  et 


un  grand  consistoire  pour  la  France  ;  le  comte  de  Grasse 
forma  un  Suprême  Conseil  du  rite  écossais  ancien  et 
accepté;  ce  système  avec. ses  trente-trois  degrés  reposait 
sur  des  statuts  et  règlements  élaborés  à  Bordeaux  en  1762 
par  des  «  princes  du  royal  secret  ».  Ils  ont  été  publiés, 
ainsi  que  la  constitution  approuvée  par  Frédéric  le  Grand  en 
1786,  par  Setier  (Becueildes  actes  du  Suprême  Conseil 
de  France;  Paris,  1832).  La  légende  officielle  est  que  ce 
système  provient  de  Charles-Edouard,  le  dernier  des  Stuarts, 
par  l'intermédiaire  de  Frédéric  le  Grand,  lequel  aurait  élevé 
de  vingt-cinq  à  trente-trois  le  nombre  des  degrés  et  créé  le 
Suprême  Conseil,  chapitre  formé  de  frères  du  33e  degré.  Ce 
récit  a  été  réfuté  par  la  Grande  Loge  nationale  de  "Berlin 
dans  une  déclaration  officielle  faite  en  1833  (reproduite  en 
appendice  par  Findel).  L'origine  du  rite  écossais  est,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  la  patente  donnée  en  1761  par  le 
conseil  des  empereurs  d'Orient  et  d'Occident,  et  ce  rite  re- 
çut sa  forme  en  Amérique  d'où  il  fut  rapporté  en  France 
par  de  Grasse.  Celui-ci  s'entendit  avec  les  adeptes  du  rite 
écossais  philosophique,  établit  son  centre  d'action  à  la  loge 
Saint-Alexandre,  et  dès  la  fin  de  l'année  1804  il  avait  complè- 
tement organisé  son  système  dont  il  fut  élu  grand  maître. 

Le  Grand  Orient  s'émut  et  négocia  une  fusion  :  Masséna 
et  Rœttiers  pour  klui,  Kellermann  et  Pyron  pour  la  Grande 
Loge  écossaise  entrèrent  en  pourparlers.  Un  concordat  fut 
conclu  d'après  lequel  le  Grand  Orient  déclara  accepter  tous 
les  rites  afin  de  concentrer  les  lumières  maçonniques  ;  le 
Grand  Chapitre  général  serait  à  la  fois  le  Grand  Conseil 
du  32e  degré  (princes  de  royal  secret)  et  le  Suprême  Con- 
seil du  33e.  On  s'était  pressé,  car  Napoléon  menaçait  de 
supprimer  la  franc-maçonnerie  si  on  ne  s'entendait  pas  ; 
mais  l'accord  fut  de  courte  durée.  On  avait  dû  prendre 
pour  grand  maître  Joseph-Napoléon  et  pour  grands  maîtres 
adjoints  Cambacérès  et  Murât.  Comme  le  système  représen- 
tatif du  Grand  Orient  agréait  plus  à  l'empereur  que  le  sys- 
tème oligarchique  du  Suprême  Conseil,  il  invita  le  premier 
à  maintenir  sa  constitution  ;  on  le  fit  par  la  création  d'un 
Grand  Directoire  des  rites  exclu  de  toute  intervention 
dans  l'administration.  Le  Suprême  Conseil  déclara  le  con- 
cordat rompu,  la  Grande  Loge  écossaise  restaurée,  et  le  rite 
ancien  et  accepté  indépendant  du  Grand  Orient  ;  il  évita 
l'hostilité  de  l'empereur  en  nommant  souverain  grand  com- 
mandeur Cambacérès  ;  tous  les  rites  suivirent  cet  exemple. 
De  fait,  Napoléon  Ier  favorisa  résolument  la  franc-maçon- 
nerie ;  les  princes  de  sa  famille,  les  grands  personnages  de 
l'Empire  y  entrèrent,  et,  à  s'en  tenir  au  point  de  vue  maté- 
riel et  à  l'éclat  extérieur,  ce  serait  là  la  période  la  plus  bril- 
lante du  Grand  Orient.  En  1814,  il  comptait  886  loges 
actives  et  337  chapitres.  La  confédération  du  rite  écossais 
était  éclipsée;  en  1807,  le  rite  primitif  se  réunit  au 
Grand  Orient  ;  en  1813,  le  Suprême  Conseil  pour  l'Amé- 
rique (séparé  du  Suprême  Conseil  pour  la  France)  fit  de 
même  ;  il  est  vrai  qu'il  se  sépara  dès  1815,  mais  à  ce  mo- 
ment le  Suprême  Conseil  pour  la  France  s'unit  au  Grand 
Orient  qui  devint  alors  le  représentant  qualifié  de  l'écossisme. 

Il  faut  signaler  les  fondations  d'ordres  nouveaux  :  celui 
du  Temple,  issu  de  la  loge  les  Chevaliers  de  la  Croix,  rompit 
en  visière  à  la  franc-maçonnerie  officielle  ;  il  prétendait  na- 
turellement continuer  l'ancien  ordre  du  Temple  aboli  au 
xive  siècle.  Celui  de  Misraïm  émit  une  prétention  plus 
haute,  se  réclamant  du  roi  fabuleux  d'Egypte  Misraïm  ;  il 
se  qualifiait  d'égyptien,  mais  était  d'origine  juive,  œuvre 
de  trois  marchands  d'Avignon,  les  frères  Bédarride  ;  il  porta 
le  nombre  des  degrés  à  quatre  vingt-dix,  répartis  en  quatre 
séries  et  dix-sept  classes  (V.  plus  loin).  L'administration 
fut  réorganisée  sur  la  base  la  plus  monarchique,  un  grand 
maître  irresponsable  dirigeant  autocratiquement  toutes  les 
loges  ;  la  loge  de  l'Arc-en-Ciel  de  Paris  devint  la  loge  mère 
du  rite  de  Misraïm  que  le  Grand  Orient  refusa  de  reconnaître. 

La  Restauration  ouvrit  pour  la  franc-maçonnerie  fran- 
çaise une  ère  fâcheuse  ;  elle  se  trouva  privée  de  la  pro- 
tection officielle  et  fit  de  vains  efforts  pour  l'obtenir. 
Louis  XVIII  déclara  vacant  e  poste  de  grand  maître  ;  on 


—  1191  — 


FRANC-MAÇONNERIE 


n'en  élut  pas  d'autre  et  on  se  contenta  d'élire  trois  conser- 
vateurs-administrateurs,  Macdonald,  Beurnon ville  et  le 
comte  de  Valence  ;  le  second  prit  la  direction  de  l'ordre.  Le 
Suprême  Conseil  se  réunit  au  Grand  Orient  (1814);  mais 
il  s'en  forma  deux  nouveaux  entre  lesquels  la  lutte  s'enga- 
gea. Ils  s'intitulaient  Suprême  Conseil  pour  l'Amérique  ; 
tous  deux  élirent  grand  commandeur  le  ministre  de  la  police 
Decaze,  mais  sans  cesser  leurs  hostilités  ;  de  son  côté  le 
Grand  Orient  se  disait  seule  autorité  régulière  pour  le  rite 
écossais  aussi  bien  que  pour  les  autres.  En  fin  de  compte, 
les  loges  du  rite  écossais  élurent  en  1821  un  Suprême 
Conseil  pour  la  France,  lequel  absorba  les  deux  autres, 
s'organisa  définitivement  sous  le  comte  de  Valence,  sou- 
verain grand  commandeur  élu  à  vie.  A  partir  de  ce  mo- 
ment, la  maçonnerie  française  a  été  partagée  entre  deux 
puissances  maçonniques  :  le  Grand  Orient  de  France  et  le 
Suprême  Conseil  du  rite  écossais  de  Heredom  ;  mais  le  second 
déploya  une  grande  activité  et  gagna  de  nombreux  frères 
et  quelques  loges  (p.  ex.  la  Clémente  Amitié). 

Le  danger  des  dissensions  intestines  était  d'autant  plus 
grand  que  la  franc-maçonnerie  française  se  trouvait  très 
menacée  par  les  ennemis  du  dehors.  La  mutilation  de  la 
France  en  1814  lui  avait  fait  perdre  beaucoup  de  loges. 
A  Tintérieur,  les  royalistes  lui  étaient  peu  sympathiques; 
un  grand  nombre  de  loges  furent  fermées  par  les  préfets 
comme  foyers  de  libéralisme.  L'ordre  se  trouva  engagé 
dans  la  politique,  bien  cpie  sa  constitution  lui  interdît  tout 
débat  politique  ou  religieux.  Les  ultramontains  prirent 
l'offensive,  déversant  les  plus  absurdes  calomnies  sur  les 
francs-maçons,  les  faisant  signaler  par  leurs  prédicateurs 
à  l'animosité  populaire.  Ces  attaques  eurent  l'avantage 
d'éveiller  l'énergie  des  francs-maçons  qui  devinrent  d'ac- 
tifs serviteurs  de  la  cause  du  progrès.  La  loge  la  plus  en 
vue  alors  était  celle  des  Trinosophes.  La  maçonnerie 
accueillit  avec  joie  la  révolution  de  Juillet,  laquelle  ne 
changea  pas  grand'chose  à  sa  vie  intérieure.  Bientôt  en- 
gagé dans  une  politique  réactionnaire,  le  gouvernement 
orléaniste  témoigna  d'une  malveillance  extrême  pour  les 
francs-maçons  ;  le  maréchal  Soult,  bien  qu'il  appartînt  à 
l'ordre,  défendit  aux  soldats  de  visiter  les  loges  (1845); 
aussi  vit-on  la  franc-maçonnerie  décliner  ;  l'élément  intel- 
ligent surtout  y  était  plus  rare  ;  mieux  dirigé  que  le  Grand 
Orient,  le  Suprême  Conseil  était  gêné  par  une  constitution 
peu  libérale.  Après  la  révolution  de  1848,  quelques  réfor- 
mateurs tentèrent  de  remédier  à  cette  stagnation  par  la 
création  d'une  Grande  Loge  nationale  et  d'un  rite  natio- 
nal ou  unitaire  ne  comprenant  que  les  trois  degrés  primi- 
tifs et  supprimant  les  autres  ;  on  espérait  y  rallier  l'una- 
nimité des  maçons  français.  Le  convent  eut  lieu,  adopta 
comme  rite  unitaire  le  rite  anglais,  élut  la  Grande  Loge 
nationale  à  laquelle  dix-sept  loges  adhérèrent  ;  mais  ni  le 
Grand  Orient,  ni  le  Suprême  Conseil  ne  la  reconnurent,  et, 
sous  prétexte  de  politique,  le  préfet  de  police  Cartier  en  pro- 
nonça la  dissolution  au  bout  de  trois  années  (1 848-1 854). 

Au  lendemain  du  2  décembre,  la  franc-maçonnerie, 
qui  était  l'objectif  de  la  haine  des  cléricaux,  fut  très  me- 
nacée; on  la  représentait  comme  une  formidable  société 
secrète,  reliant  tous  les  adversaires  de  l'Empire.  Pour 
parer  à  ces  accusations,  le  Grand  Orient  décida  de  réélire 
un  grand  maître,  le  poste  étant  demeuré  vacant  depuis 
1814,  et  il  élut  le  prince  Lucien  Murât,  neveu  de  Louis- 
Napoléon  (1852).  Le  nouveau  grand  maître  fit  voter  une 
constitution  illibérale  et  se  comporta  en  despote,  n'admet- 
tant aucune  contradiction.  Les  fonds  furent  détournés  de 
leur  destination  et  beaucoup  de  souscriptions  ne  par- 
vinrent jamais  à  leur  but.  Cette  oppression  et  ces  préva- 
rications excitèrent  une  indignation  générale,  et  Murât  ne 
put  se  faire  réélire  en  1861,  bien  qu'il  eût  essayé  défaire 
dissoudre  le  convent  par  la  force  armée.  L'empereur  nomma 
grand  maître  le  maréchal  Magnan.  Celui-ci  était  un  honnête 
homme  qui  releva  l'ordre.  Son  successeur  fut  le  général 
Mellinet  (1865).  Sortie  indemne  de  la  crise  de  1850-60,  la 
franc-maçonnerie  française  a  fait  depuis  de  rapides  progrès. 


Le  convent  de  1865  faillit  abolir  les  degrés  supérieurs  ; 
il  proclama  l'absolue  liberté  de  conscience  et  la  liberté  de  la 
presse  maçonnique":  deux  mesures  considérables.  La  pre- 
mière était  un  progrès  sur  l'esprit  de  la  maçonnerie  du 
xvnie  siècle  qui  n'osait  pas  dépasser  le  théisme  ;  le  Grand 
Orient  décida  de  n'exiger  aucune  profession  de  foi  spiritua- 
liste,  abandonnant  ainsi  une  des  idées  fondamentales  de  la 
maçonnerie  comme  désormais  surannée.  Le  presse  maçon- 
nique avait  toujours  été  jalousement  surveillée  par  l'organe 
central,  et  même  des  frères  très  considérés,  Ragon  etClavel, 
avaient  été  condamnés  à  ce  sujet  avant  1848.  En  1869, 
le  Grand  Orient  proclama  que  c'était  outrager  l'humanité 
et  la  franc-maçonnerie  que  de  refuser  l'entrée  de  la  grande 
famille  maçonnique  à  un  homme  en  lui  opposant  la  couleur 
de  sa  peau,  sa  race  ou  sa  religion  ;  il  alla  plus  loin  et 
ajouta  qu'il  rompait  '  les  relations  avec  toute  Grande  Loge 
qui  n'adhérerait  pas  à  cette  déclaration.  Le  résultat  fut  la 
rupture  avec  la  plupart  des  Grandes  Loges  des  Etats-Unis, 
lesquelles  excluent  les  hommes  de  couleur.  Les  relations 
sont  de  même  interrompues  avec  la  maçonnerie  anglaise, 
en  raison  de  la  suppression  de  la  confession  de  foi  théiste. 
Elles  Font  été  avec  la  maçonnerie  allemande  en  1871  à 
cause  de  son  attitude  dans  la  question  des  loges  de  FA1- 
sace-Lorraine,  lesquelles  ont  dû  se  dissoudre  parce  qu'elles 
refusaient  de  rompre  les  relations  avec  le  Grand.  Orient  de 
France.  Le  Grand  Orient  a  beaucoup  gagné  depuis  une 
vingtaine  d'années;   il  a  recruté  une  grande  partie  de 
l'élite  intellectuelle  de  la  nation  ;  la  vie  intérieure  des  loges 
est  devenue  très  active  ;  elles  ont  porté  leur  attention  sur 
les  problèmes  sociaux,  fait  beaucoup  pour   l'instruction 
mutuelle  de  leurs  membres  et  pour  l'instruction  populaire. 
L'organisation  est  devenue  tout  à  fait  démocratique  ;  on 
a  aboli  la  grande  maîtrise  remplacée  par   la  présidence 
annuelle  du  conseil  de  l'ordre.  On  est  allé  plus  loin  en  dé- 
cidant que  les  membres  de  ce  conseil,  renouvelé  par  tiers 
tous  les  ans,  ne  seraient  pas  immédiatement  rééligibles  ; 
ceci  a  le  grave  inconvénient  de  rompre  la  tradition  si  né- 
cessaire dans  une  société  d'action.  Le  Suprême  Conseil  du 
rite  écossais  est  également  entré  dans  la  voie  des  réformes 
libérales  et  démocratiques  après  la  mort  du  souverain  grand 
commandeur  Viennet  (1868)  ;   son  successeur  Crémieux 
voulut  que  sa  nomination  fût  ratifiée  par  un  vote  du 
conseil.  En  1881,  ce  changement  d'esprit  détermina  la 
constitution  de  la  Grande  Loge  Symbolique  qui  s'organisa 
séparément.  Les  relations  entre  les  diverses  confédérations 
sont  cordiales,  mais  les  efforts  tentés  pour  les  fusionner 
n'ont  pas  grande  chance  de  succès. 

En  résumé,  la  franc-maçonnerie  française  est  actuelle- 
ment la  force  la  plus  solidement  organisée  du  parti  démo- 
cratique; tout  en  s'abstenant  à  l'intérieur  des  loges  de 
discussions  politiques,  elle  y  est  par  la  force  des  choses 
engagée  et  contribue  à  former  les  cadres  du  parti  républi- 
cain. Elle  a  résisté  victorieusement  à  l'hostilité  du  clergé, 
et  malgré  le  chiffre  relativement  restreint  de  ses  membres, 
elle  n'est  nulle  part  plus  puissante  qu'en  France  et  dans 
les  pays  latins  où  elle  a  été  organisée  sur  le  même  modèle. 
Allemagne.  —  La  franc-maçonnerie  fut  importée  d'An- 
gleterre en  Allemagne,  d'abord  dans  le  Hanovre,  domaine 
des  rois  anglais.  Néanmoins,  il  se  passa  des  années  avant 
qu'on  fondât  des  loges  durables,  la  première  (Absalom)  à 
Hambourg,  en  1737.  Leur  véritable  propagateur  en  Alle- 
magne fut  Frédéric  le  Grand  ;  il  n'était  encore  que  prince 
royal  de  Prusse  quand  il  fut  reçu  maçon  par  une  délégation 
de  la  loge  Absalom  de  Hambourg  ;  il  en  fonda  une  à 
Rheinsberg  et  en  prit  la  présidence  dès  son  avènement 
(1740).  La  même  année  fut  fondée  à  Berlin  la  loge  Aux 
Trois  Globes,  laquelle  travaillait  en  langue  française  ;  elle 
fut  élevée  en  1744  au  rang  de  Grande  Loge  mère,  le  roi 
étant  grand  maître.  En  Autriche,  le  protecteur  de  la  franc- 
maçonnerie  fut  l'empereur  François  Ier,  époux  de  Marie- 
Thérèse,  affilié  en  1731  à  La  Haye.  Le  margrave  de  Bai- 
reuth  fonda  en  1741  la  Grande'Loge  le  Soleil.  En  Saxe 
avaient  été  fondées  celle  de  Dresde  dès  1738  et  en  1741  à 


FRANC-MACONNERIE 


\\n  — 


Leipzig  Minerve  aux  trois  palmes  ;  en  1749  à  Francfort- 
sur-le-Main  la  loge  l'Union,  etc.  Toutes  ces  loges  alle- 
mandes ne  connaissaient  que  les  trois  degrés  de  la  maçon- 
nerie primitive  et  acceptaient  comme  constitution  celle  de 
la  Grande  Loge  de  Londres.  Elles  étaient  indépendantes  les 
unes  des  autres,  ce  qui  conduisit  vite  à  une  diversité  appré- 
ciable entre  les  coutumes  locales.  Elles  se  recrutaient  sur- 
tout dans  l'aristocratie,  parmi  les  nobles  et  les  riches 
commerçants-;  on  en  vit  refuser  de  recevoir  des  artisans. 
En  raison  de  ces  allures  aristocratiques,  il  ne  faut  pas 
s'étonner  si  la  majorité  des  premières  loges  allemandes 
reçurent  des  noms  français  ;  le  français  était  alors  la  langue 
savante,  comme  jadis  le  latin,  et  les  gens  distingués  le 
parlaient  de  préférence.  En  répandant  les  idées  modernes, 
la  franc-maçonnerie  achevait  de  miner  dans  les  esprits  la 
vieille  constitution  du  saint-empire;  aussi  tandis  qu'elle 
était  soutenue  par  Frédéric  II,  champion  de  la  philosophie, 
de  l'instruction  publique,  de  la  liberté  de  renseignement 
et  de  la  presse,  elle  fut  combattue  par  l'Eglise  et  par  les 
Etats  réactionnaires. 

Les  rose-croix.  L'altération  de  la  doctrine  primitive  par 
l'invention  des  degrés  supérieurs  se  produisit  en  Allemagne 
comme  en  France,  et  presque  aussi  vite.  C'est  de  France 
que  vinrent  les  loges  écossaises  ou  de  Saint-André,  l'Union 
de  Berlin  (1741),  celle  de  Hambourg  (1744),  Apollo  de 
Leipzig  (1747),  etc.  Les  frères  prêtèrent  volontiers  l'oreille 
à  ceux  qui  leur  affirmaient  que  les  symboles  recelaient  de 
profonds  mystères  révélés  seulement  à  quelques  initiés.  Cette 
croyance  fut  exploitée  par  des  aventuriers  Rosa  et  John- 
son. Les  degrés  supérieurs  apportés  de  France  par  Mar- 
schall  (1749), affilié  aux  pseudo-templiers,  furent  répandus 
dans  toute  l'Allemagne  par  Rosa  qui  s'intitulait  chevalier  de 
Jérusalem.  Johnson  renchérit,  se  donnant  comme  un  grand 
prieur  délégué  par  la  maçonnerie  d'Ecosse  pour  réformer 
les  loges  d'Allemagne  ;  il  expliqua  que  la  franc-maçonne- 
rie n'était  que  le  prolongement  de  l'ordre  des  templiers 
(1 763).  Il  ne  put  révéler  aux  initiés  les  secrets  promis  et  fut 
emprisonné  (1765).  Les  chapitres  fondés  par  ces  deux 
charlatans  subsistèrent.  Plus  profonde  fut  Faction  des  rose- 
croix  ;  ceux-ci  diffèrent  de  ceux  du  xvne  siècle  qu'ils  pré- 
tendaient continuer  ;  favorables  au  catholicisme,  ils  s'effor- 
cèrent de  dévier  vers  le  mysticisme  l'effort  de  la  libre  pensée, 
peut-être  d'accord  avec  les  jésuites.  Us  formèrent  leur  ordre 
ou  congrégation  dans  l'Allemagne  du  Sud.  Leur  premier 
apôtre  fut  ensuite  Schrepfer  lequel  fonda  à  Leipzig  un  café, 
puis  une  loge  écossaise  (1772),  où.  il  attira  la  foule  par 
des  apparitions  d'esprits  ;  il  persuadait  ses  adeptes  que  la 
franc-maçonnerie  n'était  que  la  préface  de  la  véritable  ini- 
tiation donnée  par  les  rose-croix  qui  vous  mettaient  en  rela- 
tion avec  les  esprits.  Wœllner  répandit  les  mêmes  idées  et 
y  gagna  la  Grande  Loge  de  Berlin.  Cependant  la  franc-ma- 
çonnerie demeura  généralement  réfractaire  à  l'effort  des 
rose-croix  et  ne  s'y  subordonna  pas  comme  on  l'avait  espéré. 
Aussi  vit-on  la  congrégation  cesser  sa  propagande,  comme 
à  un  mot  d'ordre,  et  rentrer  dans  le  silence,  dans  l'Alle- 
magne du  Sud  d'abord  (1787),  puis  en  Prusse  même  une 
dizaine  d'années  plus  tard.  Des  aberrations  analogues  furent, 
avec  moins  de  méthode,  développées  par  les  frères  Asiates 
ou  chevaliers  de  Saint- Jean  l'Evangéliste  d'Asie.  L'influence 
judaïque  y  transparaît  et  le  rituel  est  inspiré  de  la  kabbale. 
Fondé  par  Ecker,  cet  ordre  disparut  après  sa  mort  (1790). 

L'ordre  de  la  Stricte  Observance.  De  toutes  ces  inno- 
vations, celles  des  rose -croix  exercèrent  seules  une  in- 
fluence profonde,  puisqu'elles  engagèrent  la  franc-maçon- 
nerie, par  delà  les  chimères  de  la  chevalerie,  dans  la  voie  du 
mysticisme  ;  elles  ont  laissé  leur  trace  dans  tous  les  sys- 
tèmes conçus  depuis  ;  mais  elles  n'ont  pas  procuré  au  leur 
grande  durée.  Toute  différente  fut  la  fortune  de  celui  des 
clercs  de  la  Stricte  Observance,  fondé  par  de  Hundt.  Reçu 
en  France,  il  y  acquit  la  persuasion  que  Tordre  des  tem- 
pliers avait  été  perpétué  dans  les  îles  d'Ecosse  et  y  fut  af- 
filié et  nommé  maître  pour  la  province  d'Allemagne.  Rentré 
en  Allemagne,  il  s'occupa  de  le  restaurer,  gagna  quelques 


frères  qui  furent  faits  chevaliers  templiers  sous  le  sceau  du 
secret  ;  quand  vint  Johnson,  il  accepta  sa  théorie,  mais  le 
traita  d'imposteur  ;  en  sa  qualité  de  supérieur  pour  l'Alle- 
magne, il  revendiqua  pour  soi  seul  le  droit  de  conférer  les 
degrés  supérieurs.  A  dater  de  1 764,  il  commença  de  fonder 
des  chapitres,  de  recevoir  officiellement  des  chevaliers.  Ceux- 
ci  devaient  prêter  un  serment  d'obéissance  absolue,  d'où 
leur  nom  de  clercs  ou  maçons  de  la  Stricte  Observance, 
opposé  à  celui  de  maçons  de  la  Large  Observance  appliqué 
à  ceux  du  rite  anglais.  Aux  trois  degrés  de  la  franc-ma- 
çonnerie il  en  ajoutait  trois  autres,  maître  écossais,  novice, 
templier,  le  dernier  comportant  trois  classes,  chevalier 
(eques) ,  combattant  (armiger)  et  associé  (socius)  ;  il 
ajouta,  en  1770,  celui  de  chevalier  profès  (eques  proces- 
sus). En  peu  de  temps  ce  système  devint  prédominant  en 
Allemagne  ;  il  satisfaisait  à  la  fois  le  besoin  de  hiérarchie, 
de  mystère  des  uns,  la  vanité  des  autres,  se  présentait  avec 
les  allures  d'une  antique  institution.  La  plupart  des  loges 
souscrivirent  un  acte  d'obédience.  L'ordre  de  la  Stricte  Obser- 
vance reprit  les  neuf  provinces  des  templiers,  Aragon,  Au- 
vergne, Occitanie,  Léon,  Bourgogne,  Bretagne,  Pays-Bas, 
Basse-Allemagne,  Italie,  Grèce  ;  mais  il  échoua  dans  ses 
tentatives  pour  s'y  constituer  et  remania  ses  neuf  pro- 
vinces, substituant  la  Haute-Allemagne,  l'Autriche,  la  Rus- 
sie, la  Suède,  à  l' Aragon,  au  Léon,  aux  Pays-Bas,  à  la  Grèce. 
La  Grande  Loge  directoriale  était  à  Brunswick  sous  les  yeux 
du  duc  grand  maître.  Chaque  province  avait  son  maître, 
son  chapitre  provincial,  ses  prieurés,  préfectures,  etc.  Des 
supérieurs  inconnus  dirigeaient  l'ordre  vers  des  kits  igno- 
rés des  frères  des  degrés  inférieurs. 

Le  succès  de  cette  entreprise  en  provoqua  d'autres.  En 
1767,  quelques  mécontents  firent  bande  à  part  et  fondèrent 
à  Berlin  l'ordre  des  Architectes  africains  avec  cinq  de- 
grés extérieurs  et  trois  intérieurs.  Il  disparut  après  1787, 
étant  beaucoup  trop  savant  pour  avoir  prise  sur  le  vul- 
gaire ;  la  langue  du  chapitre  était  le  latin  ;  la  symbolique 
était  extrêmement  compliquée  ;  l'objet  principal  était  l'étude 
de  l'histoire  de  l'ordre.  Stark  alla  plus  à  fond  ;  il  affirma 
que  l'ordre  de  la  Stricte  Observance  n'était  que  la  branche 
laïque  de  l'ordre  des  templiers  ;  les  véritables  secrets  ap- 
partenaient à  la  branche  ecclésiastique  dont  il  était  le 
représentant  (1767).  Son  système  comportait  sept  degrés; 
les  trois  de  la  franc-maçonnerie  normale,  puis  ceux  de  : 
jeune  écossais,  chevalier  de  Saint-André  ou  vieux  maître 
écossais,  chevalier  de  la  Croix  rouge ,  mage  ou  chevalier 
de  la  clarté  et  de  la  lumière;  ce  dernier  degré  avait  cinq 
subdivisions,  la  plus  haute  étant  lévite  et  prêtre.  D'emblée 
la  version  de  Stark  fut  acceptée,  la  fusion  fut  négociée 
avec  l'ordre  de  la  Stricte  Observance  ;  le  résultat  fut  de 
mettre  Hundt  de  côté  et  de  placer  le  duc  de  Brunswick  à 
la  tête  de  l'ordre. 

Le  dernier  acte  de  Hundt  fut  d'évangéliser  la  France 
où  ses  envoyés  établirent  son  système  pour  quelque  temps. 
En  Allemagne,  il  ne  résista  pas  à  l'épreuve  ;  voyant  que 
les  secrets  promis  n'étaient  révélés  à  personne,  on  se  défia 
de  Stark  qui  fut  traité  de  jésuite,  et  on  envoya  un  ambas- 
sadeur prier  le  prétendant  Charles-Edouard  de  fournir  la 
lumière.  Il  répondit  qu'il  n'avait  jamais  entendu  parler  de 
l'ordre  du, Temple  et  n'était  même  pas  franc-maçon.  Le 
système  de  la  Stricte  Observance  se  trouvait  en  l'air.  On 
essaya  de  l'étayer  sur  celui  des  frères  suédois,  mais  sans 
obtenir  là  non  plus  les  lumières  espérées.  Il  s'affaissa  dans 
le  vide;  le  convent  de  Wilhelmsbad  en  consacra  la  sup- 
pression (1782). 

Vers  1760  fut  combiné  en  Suède  un  nouveau  système 
maçonnique  dérivant  de  l'ordre  de.Heredom  et  combinant 
les  éléments  empruntés  aux  fictions  des  néo-templiers  et 
des  rose-croix.  Il  fut  importé  en  Allemagne  en  1766  par 
Zinnendorf  (1731-1782).  Celui-ci  obtint  une  patente  de  la 
Grande  Loge  d'Angleterre  et  fonda  une  Grande  Loge  natio- 
nale qui  recruta  beaucoup  d'adhésions  mues  par  le  chimé- 
rique espoir  d'apprendre  enfin  dans  les  degrés  supérieurs 
de  ce  nouveau  système  les  fameux  secrets  maçonniques. 


—  1193  — 


FRANC-MAÇONNERIE 


Après  la  mort  de  Zinnendorf,  sa  Grande  Loge  adopta  com- 
plètement le  système  suédois.  Ce'  système  comprend  neuf 
degrés  répartis  en  trois  classes  :  loge  de  Saint-Jean  : 
1 ,  apprenti  ;  2,  compagnon  ;  3,  maître  ;  loge  écossaise  ou  de 
Saint-André  :  4,  compagnon  écossais  ;  5,  maître  écossais: 
chapitre  ou  loge  de  stewards,  6,  frère  de  Salomon  ou  che- 
valier de  l'Orient;  7,  chevalier  de  l'Occident;  8, confident 
de  Saint-Jean  ;  9,  confident  de  Saint-André  ;  un  dixième 
degré  comprend  les  chevaliers  et  commandeurs  de  la  Croix 
rouge.  A  la  tête  de  l'ordre  était  un  vicaire  de  Salomon. 

Une  dernière  tentative  fut  faite  vers  1780  pour  trans- 
former la  franc-maçonnerie  en  l'absorbant  dans  l'ordre  des 
Illuminés.  Celui-ci  avait  été  fondé  en  Bavière  par  Adam 
Weishaupt,  professeur  de  droit  canonique  à  Ingolstadt, 
élève  des  jésuites,  mais  leur  adversaire;  l'objectif  était  le 
même  que  celui  des  maçons  :  le  triomphe  de  la  vertu  et  le 
progrès  intellectuel  et  moral.  L'ordre  imité  de  celui  des 
jésuites  fut  enveloppé  de  mystère  ;  on  adopta  le  calendrier 
persan  ;  les  membres  et  les  villes  furent  désignés  par  des 
pseudonymes  empruntés  à  l'antiquité  classique  (1776). Les 
Illuminés  ou  Perfectibilistes  ne  prirent  d'importance  que 
lorsque  Knigge  eut  offert  à  Weishaupt  de  prendre  pour 
base  la  franc-maçonnerie  dont  la  vaste  organisation  eût 
donné  à  l'ordre  une  immense  extension.  L'entreprise  pa- 
rut d'abord  réussir  et  on  élabora  le  plan  du  système.  Il 
comportait  une  hiérarchie  savante  de  degrés  répartis  en  trois 
étages  :  1°  école (5  degrés),  préparation,  noviciat,  minerval, 
illuminatus  minor,  magistrat;  2° franc-maçonnerie  sub- 
divisée en  symbolique,  avec  les  trois  degrés  normaux,  et 
écossaise  avec  deux  degrés  (illuminatus  major  ou  novice 
écossais,  illuminatus  dirigens  ou  chevalier  écossais)  ; 
3°  mystères  subdivisés  en  petit  avec  deux  degrés  (prêtre, 
prince  ou  régent)  et  grand  avec  deux  degrés  (mage,  roi)  ; 
ces  derniers  ne  furent  pas  organisés.  Dans  le  noviciat, 
l'initié  n'était  pas  mis  en  rapport  avec  toute  la  société, 
mais  seulement  avec  un  guide  auquel  il  devait  obéissance 
passive.  On  ne  laissait  pas  dépasser,  le  second  étage  à  la 
plupart  des  initiés,  comptant  s'en  servir  comme  d'instru- 
ments au  service  des  hommes  dévoués  élevés  aux  de- 
grés supérieurs.  Cette  organisation  despotique  empruntée 
aux  jésuites,  de  même  que  leur  principe  que  la  fin  justifie 
les  moyens,  eût  assuré  à  l'ordre  une  grande  puissance; 
mais  L'Allemagne  protestante  du  Nord  y  fut  réfractaire;  en 
Bavière  même,  les  jésuites  firent  interdire  les  Illuminés 
par  l'électeur  (1784);  du  même  coup  furent  fermées  les 
loges  maçonniques  ;   Weishaupt  dut  s'enfuir  et  ses  adhé- 
rents poursuivis  ;  il  en  avait  près  de  2,000,  parmi  lesquels 
plusieurs  des  hommes  les  plus  distingués  de  l'Allemagne. 
Ainsi  finit  cette  curieuse  tentative. 

Réforme  de  la  maçonnerie  allemande.  En  somme, 
vers  1785,  la  franc-maçonnerie  allemande,  après  s'être 
jetée  dans  le  mysticisme,  avait  assisté  à  la  banqueroute  de 
ses  espérances  ;  aucun  des  révélateurs  qui  s'était  annoncé 
n'avait  rien  révélé  ;  les  profonds  mystères  promis  à  la  cu- 
riosité et  à  l'ardeur  des  fidèles  étaient  demeurés  inconnus  ; 
on  avait  falsifié  l'histoire  de  l'ordre,  créé  un  grand  désar- 
roi par  la  diversité  des  inventions  de  degrés  supérieurs  ; 
aucun  profit  n'en  était  sorti  pour  personne.  Quand  le  con- 
vent  de  Wilhelmsbad  eut  consacré  l'échec  de  la  Stricte 
Observance  et  que  les  Illuminés  furent  mis  à  l'index,  la 
Grande  Loge  du  rite  anglais  voulut  purement  et  simple- 
ment reprendre  la  tradition  maçonnique  dont  on  s'était 
écarté.  Elle  eut  à  lutter  contre  la  Grande  Loge  nationale 
d'Allemagne  (de  Zinnendorf)  et  ne  put  restaurer  l'unité.  Il 
se  forma  alors  une  confédération  éclectique  de  trente  loges, 
laquelle  laissait  à  chacune  son  autonomie  et  la  faculté  de 
créer  les  degrés  supérieurs  qui  lui  conviendraient.  Elle  se 
détacha  en  1823  de  l'Angleterre  et  eut  sa  Grande  Loge  à 
Francfort.  La  Grande  Loge  nationale  de  Prusse  aux  Trois 
Globes,  de  Berlin,  fut  réorganisée  en  1797  selon  des  prin- 
cipes analogues  à  ceux  de  Londres  et  du  Grand  Orient. 
A  côté  de  la  Grande  Loge  formée  par  les  délégués  des  loges 
confédérées,  on  créa  un  directoire  vieil  écossais  chargé  de 


conférer  les  degrés  supérieurs,  ceux-ci  n'ayant  plus 
qu'une  valeur  spéculative  et  ne  conférant  nulle  autorité  po- 
sitive. La  loge  Royal  York  à  l'Amitié,  séparée  de  celle  de 
Zinnendorf  en  1778,  suivait  ses  rituels  français,  compor- 
tant quatre  degrés  supérieurs  :  élu  des  neuf,  des  quinze 
et  de  Perpignan  ;  écossais  rouge  et  écossais  de  Saint- André; 
chevalier  de  l'Orient  ;  chevalier  de  l'Aigle  ou  prince  souve- 
rain des  rose-croix.  Les  possesseurs  de  ce  degré  suprême 
formaient  un  Conseil  sublime  qui  régissait  l'ordre.  Fessier 
fit  en  1797  adopter  un  huitième  degré  calqué  sur  celui  de 
chevalier  sublime  du  chapitre  de  Clermont  ;  son  but  était  de 
transférer  au  collège  de  ces  quelques  initiés  au  huitième  degré 
le  gouvernement  de  la  Grande  Loge  qui  fut  alors  l'une  des 
trois  reconnues  par  la  loi  prussienne.  Le  titre  de  Royal 
York  resta  à  la  Grande  Loge  ;  la  loge  mère  qui  l'avait  porté 
fut  divisée  en  quatre  loges  johannites.  L'enseignement  cor- 
respondant à  chaque  degré  fut  remanié  ;  le  symbolisme  en 
fut  interprété  selon  une"  morale  et  une  esthétique  très  pro- 
fondes. C'est  alors  que  le  célèbre  philosophe  Fichte  appar- 
tint à  une  loge  de  Royal  York.  D'accord  avec  Fischer, 
Fessier  créa  ensuite  une  société  des  savants  francs-ma- 
çons. Des  réformes  équivalentes  furent  accomplies  à  Ham- 
bourg sous  l'impulsion  de  Schrœder;  il  y  fit  adopter  le  rituel 
dit  vieil  anglais  des  soi-disant  «  anciens  maçons  »,  sup- 
prima sans'  réserve  les  degrés  supérieurs,  la  connaissance 
de  l'histoire  de  la  maçonnerie  étant  abordée  par  une  so- 
ciété savante  formée  de  maîtres.  En  1811,  le  blocus  con- 
tinental détermina  la  Grande  Loge  de  Hambourg,  qui  était 
une  Grande  Loge  provinciale  ressortissant  à  Londres,  à  se 
déclarer  indépendante. 

Dans  l'Aremagne  du  Sud,  la  prédominance  des  catho- 
liques militants  fut  peu  favorable  à  la  franc-maçonnerie  ; 
elle  n'exista  dans  les  pays  palatins,  bavarois  et  badois,  que 
par  intermittences,  les  souverains  l'enveloppant  souvent  dans 
la  prohibition  des  sociétés  secrètes.  En  Autriche,  l'hostilité 
de  Marie-Thérèse  ne  put  faire  disparaître  la  maçonnerie, 
favorisée  par  son  époux.  Sous  Joseph  II  elle  fut  vue  d'un 
meilleur  œil.  Il  se  fonda  à  Vienne  une  Grande  Loge  natio- 
nale autonome  (1784);  selon  le  système  représentatif,  elle 
était  formée  de  délégués  des  loges  autrichiennes.  L'empe- 
reur n'en  laissait  d'ailleurs  créer  que  dans  les  capitales  et 
nulle  part  plus  de  trois. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  les  loges  allemandes  exi- 
gaient  la  confession  chrétienne  ;  contrairement  à  l'idée  maî- 
tresse de  la  maçonnerie,  elles  rejetèrent  obstinément  les 
juifs,  et  les  loges  qui  en  admettaient  se  virent  refuser  des 
constitutions  par  les  Grandes  Loges.  La  loge  juive  fondée 
à  Francfort  par  le  Grand  Orient  de  France  (1808)  ne  fut 
pas  reconnue  par  les  loges  chrétiennes.  Cette  question  juive 
donna  lieu  à  des  polémiques  suivies  ;  la  Grande  Loge  de 
Hambourg  donna  l'exemple  de  la  tolérance  ;  celles  de  Prusse 
y  résistèrent  le  plus  longtemps. 

L'ordre  se  développa  régulièrement  au  xixe  siècle,  par- 
ticulièrement en  Prusse  où  il  reprit  ses  attaches  officielles. 
Elle  put  se  réinstaller  dans  l'Allemagne  du  Sud  où  elle  se 
rattacha  à  la  Grande  Loge  de  Baireiîth.  Une  Grande  Loge 
fut  fondée  à  Darmstadt,  par  un  schisme  des  loges  de  la 
confédération  de  Francfort  ;  elle  se  déclara  strictement 
chrétienne  (1846).  La  franc-maçonnerie  allemande  subit  le 
le  contre-coup  des  événements  politiques.  Celle  de  Prusse  est 
tout  à  fait  dans  la  main  du  gouvernement.  Aussi  celui-ci 
supprima- t-il  la  Grande  Loge  de  Hanovre  après  l'annexion 
de  1866.  Sous  son  influence,  les  Grandes  Loges  de  l'em- 
pire d'Allemagne  ont  formé  en  1872  une  confédération; 
celle-ci  a  pour  organe  une  diète  maçonnique  où  siègent  les 
huit  grands  maîtres  et  seize  députés  élus  à  raison  de  deux 
par  Grande  Loge.  La  principale  des  fondations  charitables 
est  administrée  par  ce  conseil.  On  trouvera  plus  loin  les 
détails  statistiques. 

Pays-Bas.  —  La  franc-maçonnerie  fut  introduite  en 
Hollande  par  des  Anglais  ;  la  première  loge  fut  fondée  pro- 
bablement en  1734;  elle  fut  en  butte  à  l'hostilité  du  peuple 
qui  saccagea  la  loge  d'Amsterdam,  et  aux  suspicions  des 


FRANC-MAÇONNERIE 


4494  — 


Etats-Généraux.  La  loge  de  La  Haye,  la  plus  active,  forma 
en  1756  une  Grande  Loge  nationale.  Les  degrés  supérieurs 
ne  furent  pas  acceptés  ;  cependant  on  finit  par  admettre  les 
quatre  du  rite  écossais-français,  et  la  Grande  Loge  prit  le 
titre  de  Grand  Orient.  La  vie  maçonnique  est  active  aux 
Pays-Bas  et  dans  leurs  colonies. 

Belgique.  —  Malgré  l'oppression  autrichienne,  Tordre 
possédait,  en  1785,  seize  loges  dont  la  plus  ancienne,  la 
Parfaite  Union  de  Mons,  remontait  à  4721.  L'élite  de  la 
nation  s'y  rencontrait,  spécialement  les  chefs  du  parti  libé- 
ral. Joseph  II  les  ferma  toutes,  sauf  trois  à  Bruxelles  (1786), 
mais  plusieurs  subsistèrent  en  secret.  Bientôt  affranchies 
par  la  France,  elles  se  rallièrent  au  Grand  Orient  de  Pa- 
ris. Quand  elles  en  furent  détachées  en  1814,  elles  ne  tar- 
dèrent pas  à  se  soumettre  à  celui  de  La  Haye.  En  1833, 
elles  constituèrent  un  Grand  Orient  national.  Pour  les 
grades  supérieurs  il  se  forma  (1817)  un  Suprême  Conseil  du 
rite  écossais;  les  innovations  introduites  en  1854  portèrent 
plusieurs  loges  à  s'y  rattacher  ;  l'union  resta  d'ailleurs  très 
intime  entre  les  deux  puissances.  La  franc-maçonnerie 
belge, 'plus  exposée  que  nulle  autre  aux  attaques  cléricales, 
a  exercé  une  influence  considérable,  notamment  lorsque  les 
jésuites  et  le  ministre  Nothomb  la  prirent  à  partie  en 
1845,  ce  qui  provoqua  la  chute  du  cabinet.  Ceci  explique 
qu'en  1854  le  grand  maître  adjoint  ait  réclamé  pour  elle 
le  droit  de  s'occuper  de  politique  et  de  religion,  ce  qui  dé- 
termina la  rupture  avec  les  Grandes  Loges  d'Allemagne  et 
un  schisme  en  Belgique  même. 

Suisse.  —  La  première  loge  de  Suisse  fut  celle  de  Ge- 
nève, d'origine  anglaise  (1737).  Persécutée  par  le  gouver- 
nement de  Berne,  la  franc-maçonnerie  s'étendit  pourtant  à 
la  Suisse  allemande.  Le  Directoire  helvétique  roman  de 
Lausanne,  fondé  en  1739,  n'eut  qu'une  existence  inter- 
mittente. Vers  1775,  la  Suisse  fut  en  grande  partie  ac- 
quise au  rite  de  la  Stricte  Observance,  mais,  après  son 
échec,  elle  suivit  l'évolution  française.  La  Grande  Loge  de 
Genève  se  détacha  de  l'obédience  anglaise  et  prit  le  titre 
de  Grand  Orient  ;  mais  elle  ne  put  rivaliser  avec  le  Grand 
Orient  de  France,  auquel  se  rallièrent,  même  avant  la  Ré- 
volution, la  plupart  des  loges  de  langue  française.  Le  Grand 
Orient  helvétique  roman  constitué  en  1819  pour  sauvegar- 
der le  particularisme  suisse  adopta  le  système  jécossais  recti- 
fié par  Maurice  Glaire.  Des  tentatives  réitérées  furent  faites 
pour  réunir  toutes  les  loges  de  Suisse  en  une  confédéra- 
tion unique.  Elles  aboutirent  à  la  fondation  d'une  nouvelle 
Grande  Loge,  Alpina,  à  Berne,  en  1844. 

Danemark.  —  La  première  loge  fut  érigée  à  Copenhague 
en  1743  ;  la  maçonnerie  danoise  suivit  l'allemande,  adopta 
la  Stricte  Observance,  puis  le  rite  rectifié  du  convent  de 
Wilhelmsbad.  Elle  a  pris  un  brillant  essor  sous  le  roi 
Christian  VIII  qui  fut  un  fervent  maçon.  Il  fit  adopter  le 
rite  de  Zinnendorf  (système  suédois)  (1855). 

Suède.  —  La  Suède  reçut  la  maçonnerie  de  France  ;  le 
comte  Sparre  l'apporta  en  1735  ;  prohibée  sous  peine  de 
mort  par  le  roi  (1738),  elle  fut  pourtant  tolérée  peu  après. 
En  1759  fut  organisée  la  Grande  Loge  et  les  grades  supé- 
rieurs se  répandirent.  Vers  1766  fut  élaboré  un  système 
combinant  les  rites  des  néo-templiers,  des  rose-croix  et 
des  francs-maçons  ;  on  imita  ceux  du  chapitre  de  Clermont 
et  de  l'ordre  de  Heredom.  Le  roi  Gustave  III,  qui  s'était 
épris  de  la  maçonnerie  chevaleresque  dans  ses  voyages, 
fut  le  grand  promoteur  de  ce  système  ;  il  s'appuyait  sur 
l'ordre  où  il  groupait  la  bourgeoisie  contre  la  noblesse.  La 
théosophie  de  Svedenborg  fut  aussi  un  auxiliaire,  bien  que 
les  sociétés  svedenborgiennes  ou  théosophiques  ne  se  soient 
pas  confondues  avec  la  franc-maçonnerie.  Le  système  sué- 
dois prit  sa  forme  définitive  vers  1780.  Nous  l'avons  ex- 
posé ci-dessus  en  parlant  de  la  loge  de  Zinnendorf;  ajou- 
tons que  les  architectes  illuminés  ou  commandeur  de  la 
Croix  rouge  formaient  un  dixième  grade  octroyé  à  neuf 
frères  qui  gouvernaient  l'ordre.  Depuis  on  a  complété  la  hié- 
rarchie des  hauts  dignitaires.  Les  rois  de  Suède  continuèrent 
de  favoriser  la  maçonnerie  et  de  se  placer  à  sa  tête.  Ber- 


nadotte  réserva  son  ordre  de  Charles  XIII  à  eux  seuls  ;  il 
devint  le  grade  le  plus  haut.  La  franc-maçonnerie  suédoise 
est  prospère  et  influente  sous  la  grande  maîtrise  du  roi, 
mais  complètement  isolée  de  celles  des  autres  pays  dont 
son  rituel  la  distingue  profondément. 

Pologne.  —  La  franc-maçonnerie  importée  en  1739  se 
développa  malgré  les  interdictions  ecclésiastiques  ;  le  comte 
Brùhl,  ministre  d'Auguste  II,  en  fut  le  protecteur  ;  il  intro- 
duisit le  rite  de  la  Stricte  Observance,  qui  se  partagea  les 
loges  avec  les  rites  anglais  et  du  Grand  Orient  français.  Ce 
dernier  prévalut  dans  le  grand-duché  de  Varsovie.  En  48°24 , 
le  tsar  fit  fermer  toutes  les  loges  et  les  chapitres. 

Russie.  —  Accueillie  en  4734,  la  maçonnerie  ne  dépassa 
pas  les  environs  de  Saint-Pétersbourg  ;  favorisée  par  l'em- 
pereur Pierre  III,  elle  adopta  un  système  particulier  élaboré 
par  le  général  Melesino  et  comprenant  quatre  grades  supé- 
rieurs :  la  voûte  sombre,  la  maîtrise  écossaise,  la  philoso- 
phie, la  maîtrise  du  Temple.  Une  Grande  Loge  nationale 
fut  constituée  en  4783.  A  la  fin  du  siècle  les  rites  les  plus 
divers  étaient  en  vigueur,  suédois,  anglais,  de  la  Stricte 
Observance,  de  Melesino,  etc.  Quand  la  Révolution  fran- 
çaise inquiéta  Catherine  II,  elle  fit  inviter  les  loges  à  clore 
leurs  travaux  ;  une  seule  persista  ;  cependant  les  frères 
continuèrent  de  se  voir,  sans  se  réunir  formellement  ;  ils 
obtinrent  d'Alexandre  Ier  une  tolérance  complète  et  se  pro- 
pageaient rapidement,  lorsque,  brusquement,  il  fit  fermer 
toutes  les  loges  et  supprima  l'ordre  dans  son  empire  (4822). 

Hongrie.  —  La  maçonnerie  s'est  développée  depuis  4867; 
elle  est  partagée  entre  les  rites  allemands  et  le  rite  écos- 
sais ancien  et  accepté. 

Grèce.  —  La  franc-maçonnerie  a  été  introduite  par  le 
Grand  Orient  de  France  et  celui  d'Italie.  La  Grèce  n'a  eu 
sa  Grande  Loge  nationale  qu'en  4867. 

Turquie.  —  Il  existe  dans  l'empire  ottoman  des  loges  de 
diverses  nationalités,  ressortissant  des  puissances  maçon- 
niques de  leurs  pays  respectifs  :  France,  Angleterre,  Alle- 
magne, Grèce.  Les  efforts  faits  pour  gagner  les  musulmans 
à  l'ordre  ont  échoué  de^ant  l'hostilité  de  leur  clergé. 

Italie.  —  On  a  retrouvé  en  Italie  la  trace  des  vieilles 
associations  de  tailleurs  de  pierre,  d'origine  allemande  ;  au 
xvii9  siècle,  les  rose-croix  y  pénétrèrent;  on  s'est  appuyé 
sur  ces  faits  quand  on  a  cherché  dans  la  péninsule  les  ori- 
gines de  la  franc-maçonnerie.  Mais,  en  réalité,  celle-ci  n'y 
parut  qu'en  4733  et  vint  d'Angleterre.  La  première  loge 
fut  fondée  à  Florence  par  le  duc  de  Middlesex.  L'ordre 
s'intitula  d'abord  Compania  délia  Cucchiara.  Il  fut  dé- 
veloppé par  le  grand-duc  de  Toscane  François  de  Lorraine, 
futur  empereur,  qui  rapporta  l'interdiction  lancée  par  son 
prédécesseur,  le  dernier  des  Medici,  en  4737.  Les  princi- 
pales cités  du  Nord  eurent  des  loges  dès  4735,  Milan,  Ve- 
nise, Vérone,  Padoue,  Vicence  ;  •  Naples  aussi.  Dans  les 
Etats  pontificaux,  la  franc-maçonnerie  fut  de  suite  suspectée. 
La  loge  de  Livourne  réunissant  des  frères  de  religions  dif- 
férentes, catholiques,  protestants,  juifs,  parut  un  foyer 
d'incrédulité.  Le  Saint-Office  entreprit  une  enquête  dont  la 
conclusion  fut  la  fameuse  bulle  de  Clément  XII  (4738)  dont 
nous  avons  parlé  à  propos  de  la  France.  Les  persécutions 
commencèrent  :  en  l'absence  du  grand-duc,  on  tortura  plu- 
sieurs francs-maçons  florentins  ;  il  les  fit  relâcher.  Officielle- 
ment fermées  à  Venise,  les  loges  subsistèrent  en  secret.  Dans 
le  royaume  de  Naples,  elles  se  maintinrent,  groupant  les 
plus  hauts  personnages  de  la  cour;  fermées  par  Charles  III, 
elles  le  gagnèrent  ensuite  et  il  les  protégea,  confia  à  un 
maçon  l'institution  de  son  fils  et  prit  un  confesseur  parmi 
eux  ;  ce  fut  sa  réponse  à  la  bulle  du  pape  Benoît  XIV.  Une 
Grande  Loge  nationale  fut  organisée  dont  le  grand  maître 
s'intitula  prince  de  Caramanie.  Sous  Ferdinand  IV,  le  mi- 
nistre Tannucci  persécuta  la  maçonnerie,  l'interdit  sous 
peine  d'être  traduit  en  conseil  de  guerre  (4776).  11  excita 
le  peuple  contre  elle  et  aurait  fait  périr  plusieurs  de  ses 
membres  sans  l'intervention  de  la  reine  Caroline  qui  sus- 
pendit les  poursuites;  elles  ne  furent  abandonnées  qu'en 
4783.  Les  loges  reprirent  leurs  travaux,  mais  faiblement. 


En  Lombardie,  Joseph  II  finit  par  prohiber  la  franc- 
maçonnerie.  A  Rome,  une  loge  fut  ouverte  en  1787  ;  mais 
Cagliostro  venu  en  1789  fut  emprisonné,  condamné  à  mort 
et  mourut  en  prison.  Suivit  un  pamphlet  pontifical  contre 
Tordre,  suivi  d'une  vive  réfutation  apologétique  par  les 
maçons  lombards. 

La  franc-maçonnerie  se  releva  et  fleurit  sous  la  domi- 
nation française  dans  toute  l'Italie.  Mais  après  la  chute  de 
Napoléon  elle  fut  pourchassée.  On  la  confondit  avec  la 
société  des  carbonari  formée  sous  Murât.  Il  n'y  avait 
entre  elles  aucune  ressemblance,  les  signes  de  reconnais- 
sances étaient  autres  et  les  carbonari  poursuivaient  un  but 
politique  ;  le  seul  point  commun  était  la  liberté  de  cons- 
cience que  toutes  deux  affirmaient  et  pratiquaient  pour 
leurs  membres.  Les  persécutions  acharnées  du  pape  Pie  VII, 
des  rois  de  Naples  et  de  Sardaigne  et  autres  principicules, 
étouffèrent  la  franc-maçonnerie  italienne.  Elle  fut  relevée 
par  le  Grand  Orient  de  France  à  Gènes  (1856),  àLivourne 
(1860).  La  loge  Ausonia,  fondée  à  Turin  en  1859,  fit  une 
active  propagande.  Un  Grand  Orient  d'Italie  fut  constitué 
en  1861  ;  dès  1863,  on  comptait  68  loges  ;  comme  elles  in- 
tervenaient activement  dans  la  politique,  les  puissances 
maçonniques  étrangères  ne  les  reconnurent  pas.  Un  Grand 
Orient  rival,  travaillant  selon  le  rite  écossais  ancien  et  ac- 
cepté, fut  fondé  à  Palerme  par  Garibaidi  ;  Ausonio  Franchi 
fonda  un  Grand  Conseil  à  Milan.  En  1868,  on  obtint  la 
fusion  de  ces  groupements,  et  en  1870  le  Grand  Orient  fut 
transféré  à  Rome. 

Espagne.  —  Le  fanatisme  catholique  soutint  en  Espagne 
contre  la  franc-maçonnerie  une  lutte  acharnée,  et  l'ordre 
y  eut  de  nombreux  martyrs.  Elle  commença  dès  1727,  à 
l'instigation  de  lords  anglais.  Sur  la  demande  du  pape,  Phi- 
lippe V  publia  en  1740  un  édit  sévère  ;  plusieurs  frères 
des  loges  de  Madrid  furent  envoyés  aux  galères.  Les  pro- 
grès secrets  de  l'ordre  n'en  furent  pas  moins  considérables. 
Aussi,  après  l'excommunication  lancée  par  Benoît  XIV,  le 
moine  Torrubia  fut-il  chargé  d'une  trahison.  Préalablement 
délié  par  le  pape  de  son  serment,  il  se  fit  recevoir  maçon 
sous  un  faux  nom,  fit  une  enquête  complète  et,  jetant  le 
masque,  dénonça  à  l'Inquisition  les  quatre-vingt-dix-sept 
loges  et  leurs  membres.  Des  milliers  de  francs-maçons  furent 
incarcérés  et  devinrent  les  victimes  du  Saint-Office  (V.  Llo- 
rente,  Histoire  critique  de  V Inquisition,  trad.  Pellier, 
t.  IV).  Malgré  tout,  quelques  loges  paraissent  avoir  sur- 
vécu en  cachette  ;  à  La  Havane,  on  les  toléra  à  cause  des 
commerçants  étrangers.  Sous  la  domination  française,  la 
maçonnerie  fut  favorisée  ;  elle  installa  sa  Grande  Loge  dans 
le  propre  palais  du  tribunal  de  l'Inquisition.  A  son  retour, 
Ferdinand  VII  l'interdit  sous  les  peines  les  plus  dures  ;  à  phi- 
sieurs  reprises,  des  procès  eurent  lieu.  Les  Cortès  libérales 
de  1820  firent  remettre  en  liberté  beaucoup  de  frères  em- 
prisonnés et  rouvrirent  les  loges  ;  mais  la  réaction  eut  pour 
résultat  un  redoublement  de  persécutions.  L'ordonnance  de 
1824  obligeait  tous  les  francs-maçons  à  se  faire  connaître 
et  à  livrer  leurs  papiers  dans  le  délai  d'un  mois.  L'année 
suivante,  les  sept  maîtres  qui  formaient  la  loge  de  Grenade 
furent  mis  à  mort,  l'apprenti  qu'ils  venaient  de  recevoir 
envoyé  aux  galères  ;  aux  Antilies,  le  marquis  de  Cavrilano 
fut  pendu,  et  Alvarez  de  Soto  Mayor  condamné  à  mort  sous 
la  simple  inculpation  d'appartenir  à  Tordre  (1828).  La  dé- 
faite des  réactionnaires,  en  1833,  mit  fin  à  ces  poursuites. 
Peu  à  peu,  la  franc-maçonnerie  se  releva.  En  1843  fut 
organisé  un  Grand  Orient  hespérique,  travaillant  selon  le  rite 
écossais  ancien  et  accepté  (des  33  degrés).  Mais  il  observait 
le  secret,  datait  d'une  «  vallée  invisible  »,  ne  divulguait  pas 
le  nom  de  ses  membres  et  dignitaires;  les  loges  ne  possé- 
daient nul  document  écrit.  Précautions  nécessaires,  car,  en 
1853,  unejoge  du  Grand  Orient  de  France,  dénoncée  par 
son  trésorier  prévaricateur  à  la  police,  vit  tous  ses  membres 
arrêtés  en  masse  et  douze  condamnés  à  quatre  ans  de  prison, 
le  grand  maître  à  sept  ans.  Il  a  fallu  les  progrès  de  la  fin  du 
règne  d'Isabelle  pour  mettre  un  terme  à  ces  persécutions. 
Depuis  la  maçonnerie  espagnole  a  fait  de  rapides  progrès. 


<Ï195  —  FRANC-MAÇONNERIE 

Portugal.  — La  première  loge  fut  fondée  en  1735.  Bien- 
tôt sévit  la  haine  de  l'Inquisition  ;  les  francs-maçons  furent 
emprisonnés,  mis  à  la  torture,  envoyés  aux  galères  ;  la 
persécution  redoubla  lors  de  la  Révolution  française,  sans 
jamais  pouvoir  déraciner  Tordre  que  les  marins  étrangers 
ravivaient.  En  1800  ou  en  1806,  fut  constituée  une  Grande 
Loge.  La  maçonnerie  prospéra  jusqu'en  1823  où  le  succès 
de  la  réaction  la  mit  en  péril.  Jean  VI  l'interdit  à  peine  de 
cinq  années  de  déportation  en  Afrique;  dom  Miguel, [à 
peine  de  mort  (1828).  Quand  on  fut  délivré  du  tyran,  les 
loges  se  reformèrent  ;  toutes  acceptèrent  le  rite  français 
moderne  avec  ses  quatre  grades  supérieurs.  Après  des  divi- 
sions, au  cours  desquels  il  y  eut  jusqu'à  quatre  Grands 
Orients,  l'unité  fut  rétablie  en  1870. 

Etats-Unis.  —  La  franc-maçonnerie  fit  ses  débuts  en 
Amérique  vers  1730;  les  premières  loges  furent  celles  de 
Boston,  de  Philadelphie,  de  Savannah;  le  premier  maître 
de  celle  de  Philadelphie  fut  Benjamin  Franklin.  De  bonne 
heure  les  «  anciens  maçons  »  gagnèrent  des  prosélytes  ;  ils 
demandèrent  des  constitutions  à  la  Grande  Loge  d'Ecosse, 
et  fondèrent  des  loges  de  Saint-André  en  face  des  loges 
de  Saint-Jean  du  rite  anglais  moderne  (1752),  bientôt 
(1773)  groupées  autour  d'une  Grande  Loge  rivale  de  la 
première.  Elles  fusionnèrent  après  la  guerre  d'Indépen- 
dance, en  1783.  Dans  cette  guerre,  les  francs-maçons 
avaient  combattu  au  premier  rang,  à  côté  de  Washington 
(reçu  en  1752).  Les  loges  de  Virginie,  s'inclinant  vers  les 
théories  des  inventeurs  des  grades  supérieurs,  avaient  de- 
mandé leurs  constitutions  à  la  loge  écossaise  de  Kilwin- 
ning  (1758  et  suiv.).  Durant  la  guerre,  il  se  fonda  des  loges 
d'hommes  de  couleur,  mais  elles  travaillèrent  à  part  de 
celles  des  blancs.  Ainsi  commença  une  querelle  qui  n'est  pas 
encore  apaisée.  L'origine  de  ces  loges  est  parfaitement  régu- 
lière ;  elles  furent  constituées  par  les  loges  militaires  des  régi- 
ments anglais  en  garnison:  la  première  à  Boston  en  1775. 
En  1784,  la  Grande  Loge  de  Londres  donna  une  constitu- 
tion régulière  à  celle-ci  (Prince  Hall  de  Boston)  qui  devint 
la  Grande  Loge  mère  pour  les  maçons  nègres  ou  mulâtres. 

Aux  Grandes  Loges  de  Massachusetts,  de  Pennsylvanie  et 
de  Virginie  qui  firent  un  vain  effort  pour  se  réunir  en  une 
Grande  Loge  générale  avec  Washington  pour  grand  maître 
s'en  ajoutèrent  successivement  d'autres.  Elles  dérivèrent 
des  loges  provinciales  fondées  par  les  Anglais,  spécialement 
par  les  militaires.  Elles  furent  généralement  l'œuvre  des 
«  anciens  maçons»  dont  le  rituel  formulé  dans  le  livre  de 
Dermott  (Ahiman  Rezori)  a  prévalu  aux  Etats-Unis.  Suc- 
cessivement, tous  les  Etats  américains  se  donnèrent  une 
Grande  Loge  indépendante.  Les  tentatives  réitérées  pour  les 
fondre  en  une  Grande  Loge  générale  ont  toujours  échoué 
(1790, 1803,  1822, 1842, 1860,  etc.).  C'est  en  1762  que 
les  grades  supérieurs  furent  introduits  par  Etienne  Morin, 
muni  d'une  patente  du  conseil  des  empereurs  d'Orient  et 
d'Occident  (à  Paris),  l'autorisant  à  conférer  les  vingt- 
cinq  grades  de  cet  ordre.  Il  fit  plus  et  porta  le  nombre 
de  ces  grades  à  trente-trois.  C'est  ainsi  que  fut  institué 
le  rite  qui  prit  ultérieurement  le  nom  de  rite  écossais 
ancien  et  accepté,  pour  se  distinguer  du  rite  anglais 
des  anciens  maçons  libres  et  acceptés .  Nous  avons 
réfuté  précédemment  la  légende  qui  attribue  l'invention 
des  huit  grades  supplémentaires  à  Frédéric  le  Grand.  Un 
convent  des  chapitres  de  royal  arch,  à  Boston,  fonda  un 
Grand  Chapitre  (1797).  En  1805  fut  constitué  dans  le 
Rhode  Island  un  Grand  Encampment  de  chevaliers  tem- 
pliers, duquel  sortit  en  1816  le  Grand  Encampment  des 
Etats-Unis,  duquel  dépendent  tous  les  grades  supérieurs. 
Les  créations  de  conseils  et  de  chapitres  se  multiplièrent. 

La  franc-maçonnerie  suivit  le  rapide  essor  des  Etats- 
Unis,  et  nulle  part  elle  n'a  pris  une  pareille  extension  ni 
atteint  une  prospérité  aussi  grande.  Elle  a  su  maintenir 
son  principe  de  tolérance,  malgré  les  efforts  des  piétistes. 
Le  seul  grand  orage  qui  se  soit  déchaîné  contre  elle  s'éleva 
en  1826.  A  la  suite  de  la  disparition  du  père  Morgan,  on 
assura  qu'il  avait  été  séquestré,  puis  noyé  par  les  maçons 


FRANC-MAÇONNERIE  —  4496  — 

pour  violation  du  secret.  Habilement  exploité,  ce  récit  dé- 
chaîna l'indignation  populaire  :  les  adversaires  de  la  franc- 
maçonnerie  réussirent  à  fermer  deux  Grandes  Loges  (Michi- 
gan  et  Illinois)  et  à  faire  sortir  de  l'ordre  par  intimidation 
une  foule  de  frères.  C'est  seulement  après  leur  fusion  avec  les 
whigs  que  les  «  antimasons  »  cessèrent  d'être  redoutables. 
Une  nouvelle  crise  fut  suscitée  par  la  guerre  de  la  Sécession. 
Mais  depuis  le  progrès  a  repris  et  jamais  l'ordre  n'a  été 
plus  florissant.  Il  compte  parmi  ses  membres  les  hommes 
les  plus  éminents  ;  il  dispose  d'une  presse  considérable,  de 
ressources  financières  abondantes,  tant  pour  ses  œuvres 
charitables  que  pour  ses  propres  besoins.  On  en  jugera  par 
ce  fait  que  le  seul  temple  de  Chicago,  dédié  le  6  nov.  4  890,  a 
coûté  seize  millions  de  francs.  En  Amérique,  la  franc-maçon- 
nerie peut  rivaliser  avec  l'Eglise.  Les  détails  statistiques 
qu'on  trouvera  plus  loin  témoignent  de  cette  grandeur. 

Canada.  —  La  franc-maçonnerie  a  été  introduite  par  les 
Anglais  dans  toutes  leurs  colonies.  Conformément  à  leur 
état  d'esprit  actuel  et  aux  tendances  de  la  maçonnerie,  les 
Grandes  Loges  de  chacune  de  ces  colonies  se  sont  décla- 
rées autonomes  à  l'image  de  celles  des  Etats  de  la  répu- 
blique voisine.  Ce  morcellement  est  peut-être  excessif.  Les 
Canadiens  français  sont  réfractaires  à  la  maçonnerie,  laquelle 
est  d'origine  anglaise  et  combattue  par  leurs  prêtres. 

Amériojue  latine.  —  Dans  les  républiques  de  l'Amérique 
latine,  la  franc-maçonnerie  a  eu  le  même  succès  qu'aux 
Etats-Unis.  Sans  grouper  autant  de  membres,  elle  a  une 
grande  influence  et  balance  celle  du  clergé  catholique.  Les 
degrés  supérieurs  y  sont  très  répandus  et  le  rituel  sur- 
chargé a  du  moins  cet  avantage  de  donner  satisfaction  au 
besoin  de  cérémonial  de  ces  populations.  L'influence  prédo- 
minante a  donc  été  celle  de  la  France  ;  chaque  pays  a  son 
Grand  Orient,  à  côté  duquel  existe  parfois  un  Suprême 
Conseil.  L'histoire  de  ces  instituts  est  assez  peu  connue  et 
mêlée  à  celle  des  dissensions  politiques. 

Afrique.  —  Sur  le  continent  africain  la  maçonnerie 
existe  dans  toutes  les  colonies  européennes  :  l'Egypte, 
Tunis,  Libéria  ont  leurs  Grandes  Loges  autonomes. 

Asie.  —  Outre  les  loges  européennes  de  l'empire  otto- 
man, on  en  trouve  d'anglaises  dans  l'Inde,  en  Chine,  de 
françaises  en  Indo-Chine,  mais  nulle  puissance  maçon- 
nique indépendante.  Les  efforts  faits  pour  propager  la 
maçonnerie  en  Perse  ont  échoué  contre  l'hostilité  des  parsis 
et  des  missionnaires,  et  le  chah  Fa  interdite. 

Océanie.  —  On  trouve  des  Grandes  Loges  autonomes 
dans  les  colonies  anglaises  d'Australie,  en  outre  des  loges 
françaises,  anglaises,  hollandaises,  espagnoles,  américaines 
dans  la  Malaisie  et  la  Polynésie. 

Conclusion.  —  L'histoire  de  la  franc-maçonnerie  montre 
qu'après  une  période  d'élaboration  dans  laquelle  l'Angle- 
terre, puis  la  France  ont  eu  le  rôle  principal,  cette  insti- 
tution humanitaire  est  entrée,  au  xixe  siècle,  dans  une 
période  d'universelle  expansion.  Son  développement  maté- 
riel est  beaucoup  plus  grand  dans  les  pays  de  langue  an- 
glaise, mais  ses  bienfaits  sont  au  moins  aussi  grands  dans 
les  pays  latins  où  elle  soutient  la  lutte  contre  le  clérica- 
lisme. On  peut  regretter  qu'elle  n'ait  pas  organisé  de  pro- 
pagande parmi  les  races  inférieures,  et  les  abandonne  à 
l'action  des  missionnaires  dont  les  effets  sont  si  contes- 
tables. Il  est  malaisé  de  pronostiquer  son  avenir  ;  assuré- 
ment elle  constitue  le  principal  espoir  de  ceux  qui  pen- 
sent que  l'humanité  se  dégagera  un  jour  de  tout  dogme  et 
se  contentera  du  culte  désintéressé  de  la  science,  de  l'art 
et  de  la  vertu.  Mais,  jusqu'à  présent,  il  lui  manque  d'avoir 
gagné  les  femmes,  dont  le  rôle  est  capital  dans  ces  ma- 
tières. En  les  laissant  en  dehors  de  son  organisation,  elle 
s'est  privée  du  plus  puissant  moyen  d'action.  Du  jour  où 
elle  l'aurait,  elle  réaliserait  un  progrès  dont  les  consé- 
quences sont  incalculables.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'avenir, 
dès  ce  jour  la  franc-maçonnerie  est  la  plus  puissante  des 
associations  qui  existent  à  la  surface  du-  globe ,  si  on 
excepte  les  Eglises.  Et  pourtant  sa  puissance  est  toute  mo- 
rale; ses  ressources  matérielles,  sauf  aux  Etats-Unis,  sont 


minimes  ;  son  budget  n'égale  pas  celui  d'une  petite  congré- 
gation religieuse,  mais  elle  réunit  dans  ses  loges  et  ses 
confédérations  l'élite  des  penseurs  et  des  hommes  d'action 
des  races  européennes,  et,  malgré  le  caractère  à  peu  près 
exclusivement  nationaliste  de  ses  groupements,  elle  les  met 
au  service  de  principes  communs  à  l'humanité  entière. 
Situation  actuelle  de  la  franc-maçonnerie.  — 
Pour  compléter  cet  exposé  historique  et  sociologique  du 
rôle  de  la  franc-maçonnerie,  nous  donnerons  ici  les  indi- 
cations essentielles  relatives  aux  différents  rites  et  à  la 
répartition  actuelle  des  francs-maçons  dans  le  monde  entier. 
Tableau  des  rites  maçonniques.  —  Les  rites  maçon- 
niques, ainsi  que  nous  l'avons  exposé,  dérivent  tous  du 
rite  anglais  dit  moderne,  établi  par  la  Grande  Loge  de 
Londres  qui  est  la  loge  mère  de  toutes  les  autres,  en  excep- 
tant peut-être  celle  d'York  et  quelques  loges  écossaises. 
Aux  trois  grades  symboliques  de  ce  rite,  lesquels  sont  com- 
muns à  tous  les  maçons,  les  autres  rites  en  ajoutent  qu'ils 
appellent  grades  supérieurs  et  au  sujet  desquels  ils  sont 
en  désaccord.  Le  promoteur  de  ces  additions  fut  l'Ecossais 
Ramsay  qui  y  procéda  en  France,  et  presque  toutes  déri- 
vent plus  ou  moins  directement  du  système  du  chapitre  de 
Clermont  à  Paris.  Ces  systèmes  comportent  les  grades  de 
rose-croix,  les  grades  chevaleresques  qui  sont  censés  re- 
produire ceux  des  templiers,  des  grades  philosophiques 
qui  sont  censés  correspondre  à  une  révélation  plus  pro- 
fonde. Ils  se  divisent  en  trois  groupes  principaux  dont  les 
types  sont:  le  rite  des  anciens  maçons  anglais  ou  d'York, 
accepté  en  Angleterre  et  dominant  aux  Etats-Unis  ;  le  rite 
écossais,  répandu  de  France  dans  le  monde  entier  ;  le  rite 
suédois,  pratiqué  en  Suéde  et  en  Allemagne. 

Voici,  d'après  Rebold  et  Clavel,  la  liste  des  rites  ma- 
çonniques existants  et  la  nomenclature  de  leurs  grades  : 

Rite  des  anciens  maçons  libres  et  acceptés  ou  rite  anglais 
moderne,  fondé  en  4747,  réformé  en  4783.  Il  comprend 
pour  la  maçonnerie  de  Saint-Jean  trois  grades  seulement  : 
4,  apprenti;  u2,  compagnon;   3,  maître;  la  maçonnerie 
de  royal  arch  en  ajoute  cinq  autres  :  4,  maître  passé  ; 
5, excellent  maçon;  6,  très  excellent  maçon;  7,  arch; 
8,  royal  arch.  Ce  rite  est  pratiqué  en  Angleterre,  dans 
toutes  les  colonies  britanniques,  aux  Etats-Unis,  dans  une 
partie  de  l'Allemagne,  de  la  Suisse,  etc.,  c.-à-d.  par  les 
neuf  dixièmes  des  loges  et  des  francs-maçons  du  globe. 
Les  grandes  loges  de   ce  rite  ne  reconnaissent  pas   de 
grades  supérieurs,  mais  cependant  elles  en  autorisent  la 
pratique  sous  le  nom  de  chevaleries  :  telles  sont  le  grand 
prêtre,  les  chevaliers  de  la  Croix  rouge,  du  Temple,  de 
Malte,  du  Saint-Sépulcre,  de  l'Ordre  teutonique,  de  Cala- 
trava,  etc.  Aux  Etats-Unis  on  a  admis  très  généralement 
une  division  corrélative  de  la  maçonnerie  en  trois  corps 
distincts  et  séparés  :  4°  maçonnerie  manuelle  ou  ins- 
trumentale, comprenant  les  trois  degrés  ou  grades  symbo- 
liques (apprenti,  compagnon,  maître)  et  gouvernée  par  les 
Grandes  Loges;  2°  maçonnerie  scientifique,  comprenant 
les  degrés  de  royal- arch  et  gouvernée  par  les  Grands 
Chapitres;  3°  maçonnerie  philosophique  ou  templière 
comprenant  les  grades  de  chevalerie  (chevaliers  de  la  Croix 
rouge,  du  Temple  et  de  Malte,  de  la  Marque  chrétienne  et 
garde  du  Conclave,  du  Saint-Sépulcre,  du  saint  et  trois 
fois  illustre  ordre  de  la  Croix)  et  gouvernée  par  les  Grands 
Campements.  Tandis  que  les  Grandes  Loges  sont  auto- 
nomes, les  grands  chapitres  relèvent  du  grand  chapitre 
général  de  Baltimore  et  les  grands  campements  du  grand 
campement  général  de  Baltimore.    D'ailleurs,  aucun  des 
trois  corps  maçonniques  n'intervient  dans  l'administration 
des  autres.  —  En  somme,  dans  ces  combinaisons,  l'influence 
de  la  maçonnerie  française,  propagée  par  les  «  anciens 
maçons  »,  a  prévalu  sur  celle  du  rite  anglais  moderne  de 
4747-23. 

Le  rite  de  la  maçonnerie  éclectique,  qui  est  celui  de  la 
grande  Loge  de  Francfort-sur-le-Main,  rejette  tous  les 
grades  supérieurs;  il  se  rapproche  beaucoup  du  rite  an- 
glais de  l'origine. 


Le  rite  haïtien  se  rapproche  du  rite  anglais  tel  que  le 
pratiquent  les  Américains. 

Rite  écossais  ancien  et  accepté  constitué  vers  4804, 
pratiqué  par  tous  les  Suprêmes  Conseils  et  répandu  dans 
un  grand  nombre  de  pays  ;  il  est  accepté  par  le  Grand 
Orient  de  France  qui  a  réglementé  d'après  ce  système  les 
grades  supérieurs  ;  il  comprend  33  grades,  répartis  en 
4  groupes  :  grades  symboliques  de  4  à  3  ;  grades  capi- 
tulants de  4  à  48  ;  grades  philosophiques  de  19  à  30  et 
grades  supérieurs  ou  administratifs.  En  voici  la  liste  : 
Grades  symboliques.  4re  classe:  4,  apprenti;  2,  compa- 
gnon; 3,  maître.  —  Grades  capitulaires.  2e  classe  : 
4,  maître  secret;  5  maître  parfait;  6,  secrétaire  intime  ; 
7,  prévôt  et  juge  ;  8,  intendant  des  bâtiments. —  3e  classe: 
9,  maître  élu  des  neuf;  40,  maître  élu  des  quinze; 
44,  sublime  chevalier  élu.  —4e  classe  :  42,  grand  maître 
architecte;  43,  royal  arch;  44,  grand  écossais  de  la 
Voûte  sacrée  de  Jacques  II.  —  5e  classe  :  45,  chevalier 
d'Orient;  46,  prince  de  Jérusalem  ;  47,  chevalier  d'Orient 
et  d'Occident;  48,  souverain  prince  rose-croix.  —  Grades 
philosophiques.  6e  classe  :  49,  grand  pontife  ou  su- 
blime écossais;  20,  vénérable  grand  maître  de  toutes  les 
loges;  24,  noachite  ou  chevalier  prussien;  22,  royale- 
hache  ou  prince  du  Liban;  23^  chef  du  tabernacle; 
24,  prince  du  tabernacle  ;  25,  chevalier  du  Serpent  d 'ai- 
rain ;  26,  prince  de  Merci;  27,  souverain  commandeur  du 
Temple.  —  7e  classe:  28,  chevalier  du  Soleil;  29,  grand 
écossais  de  Saint-André  d'Ecosse;  30,  grand  élu  chevalier 
kadosch.  —  Grades  administratifs.  34,  grand  inspec- 
teur-inquisiteur-commandeur; 32,  souverain  prince  du 
royal  secret;  33,  souverain  grand  inspecteur  général. 

En  réalité,  dans  cette  nomenclature,  il  n'y  a  d'impor- 
tant et  correspondant  à  une  progression  réelle,  surtout 
vis-à-vis  du  Grand  Orient,  que  tes  trois  premiers,  les  trois 
derniers,  le  48e  (rose-croix)  et  le  30e  (kadosch).  Les 
loges  sont  dites  symboliques  parce  qu'elles  ne  travaillent 
qu'aux  trois  premiers  degrés  ;  les  chapitres  travaillent  aux 
suivants  jusqu'au  48e,  les  grades  philosophiques  sont  con- 
férés par  •  les  conseils  ou  aréopages  ;  les  grades  adminis- 
tratifs ou  supérieurs  par  le  Suprême  Conseil,  ou,  dans  le 
Grand  Orient,  par  le  grand  collège  des  rites. 

Le  rite  écossais  philosophique,  pratiqué  par  quelques 
loges  de  Belgique  et  de  France,  marque  le  début  de  l'évo- 
lution qui  aboutit  à  celui  des  trente-trois  degrés.  Il  n'en 
compte  encore  que  quinze.Les  trois  grades  symboliques,  puis 
trois  au  vocable  de  chevalier  de  l'Aigle  noir  ou  rose-croix, 
d'Heredom  de  la  Tour,  puis  chevalier  du  Phénix,  chevalier 
du  Soleil,  chevalier  de  l'Isis,  vrai  maçon,  chevalier  des  Argo- 
nautes, de  la  Toison  d'or,  grand  inspecteur  parfait  initié, 
grand  inspecteur,  grand  écossais,  sublime  maître  de  l'An- 
neau lumineux  ;  les  frères  pourvus  des  trois  grades  supé- 
rieurs composent  le  corps  administratif.  L'ordre  du  Temple 
et  le  rite  hermétique  de  Montpellier  sont  à  peu  près  sem- 
blables . 

Le  rite  écossais  primitif,  fondé  vers  4782,  reconstitué  en 
4849,  pratiqué  en  Belgique  et  en  France,  comporte  trente- 
trois  degrés  assez  différents  de  ceux  du  rite  ancien  et  accepté. 

Le  rite  d'Heredom  ou  de  perfection  qui  s'est  conservé 
dans  une  loge  française,  comprenait  vingt-cinq  degrés  : 
les  dix-huit  premiers  sont  à  peu  près  demeurés  tels  dans 
le  rite  écossais  ancien  et  accepté  qui  les  lui  a  empruntés, 
puis  venaient  :  49,  grand  pontife;  20,  grand  patriarche; 
24 ,  grand  maître  de  la  clef  de  la  Maçonnerie  ;  22,  prince  du 
Liban;  23*  souverain  prince  adepte,  chef  du  grand  consis- 
toire; 24,  illustre  chevalier,  commandeur  de*  l'Aigle  blanc 
et  noir  ;  25,  très  illustre  souverain  prince  de  la  maçonnerie, 
grand  chevalier,  sublime  commandeur  du  royal  secret. 

Le  rite  du  régime  rectifié  est  celui  de  la  Stricte  Obser- 
vance revisé  au  convent  de  Wilhelmsbad  et  débarrassé  des 
grades  templiers;  il  comporte  deux  grades  supérieurs  : 
maître  écossais  ;  chevalier  de  la  Cité  sainte  ou  de  la  Bien- 
faisance, ce  dernier  voile  est  divisé  en  trois  sections  (no- 
vice, profès,  chevalier). 


—  4497  —  FRANC-MAÇONNERIE 

Le  rite  suédois  est  pratiqué  par  la  Grande  Loge  de  Stock- 
holm et  il  a  été  accepté  en  Allemagne  par  Zinnendorf  dans 
la  Grande  Loge  nationale  d'Allemagne  ;  il  a  été  exposé  plus 
haut. 

Le  rite  de  Fessier,  suivi  par  la  Grande  Loge  Royal  York 
de  Berlin,  a  six  degrés  supérieurs  puisés  dansles  rituels  des 
rose-croix  d'Or,  de  la  Stricte  Observance,  du  chapitre  illu- 
miné de  Suède  et  de  l'ancien  chapitre  de  Clermont  à  Paris  : 
le  saint  des  saints,  la  justification,  la  célébration,  la  vraie 
lumière,  la  patrie,  la  perfection. 

Le  rite  de  la  Grande  Loge  aux  Trois  Globes  de  Berlin 
comprend  six  grades  supérieurs  placés  sous  l'administration 
d'un  Suprême  Orient  intérieur  dont  la  Grande  Loge  élit  les 
membres. 

Le  rite  français  moderne  (à  peu  près  identique  au  rite 
ancien  réformé)  est  celui  qu'adopta  en  i  786  le  Grand  Orient 
de  France;  il  est  pratiqué  en  France,  Belgique,  Hollande, 
dans  l'Amérique  du  Sud.  C'est  avec  le  rite  anglais  et  le  rite 
écossais  ancien  et  accepté  le  seul  qui  soit  réellement  répandu  ; 
il  semble  d'ailleurs  que  pour  les  grades  supérieurs  les  Grands 
Orients  laissent  suivre  le  système  écossais  des  trente-trois. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  rite  français  n'en  comporte  que  quatre  : 
élu,  écossais,  chevaJier  d'Orient  et  rose-croix. 

Le  rite  de  Misraïm,  inventé  par  les  frères  Bédarride,  com- 
porte quatre-vingt-dix  degrés,  répartis  en 47  classes;  il  est 
pratiqué  en  France. 

Le  rite  de  Memphis,  pratiqué  en  France,  a  renchéri  et 
compte  quatre-vingt-quinze  degrés  ;  il  ne  subsiste  que  no- 
minalement. 

Nous  plaçons  ici  une  liste  chronologique  des  rites  éteints. 
Les  dates  sont  celles  proposées  par  Rebold,  souvent  très 
contestables  : 


1735  (?) 
4736  (?) 

4740  (?) 
4742. 
4744. 
4746. 

4747. 

4748. 
4748. 
4750. 
4756. 
4757. 
1758. 

4760. 
4762. 


4766. 

4767. 
4768. 
4768. 
4770. 

4772. 
4772. 
4773. 


4776. 

4776. 
4776. 
4779. 

4780. 


Rite  ou  ordre  du  patriarche  Noé. 

Rite  écossais  de  Ramsay  (ancien  primitif  de  cinq 

grades  porté  plus  tard  à  sept). 
Rite  d'Heredom  de  Kilwinning. 

—  ou  ordre  de  la  Fidélité. 

—  ou  ordre  de  l'Ancre. 

—  des  Aréopagites. 

Rite  écossais  jacobite  fondé  par  Charles-Edouard 

Stuart. 
Rite  des  Elus  de  la  Vérité  à  Rennes. 

—  la  Vieille  Bru  à  Toulouse. 

—  des  Illuminés  de  Stockholm . 

—  Noachites  ou  Chevaliers  prussiens. 

—  des  Chevaliers  d'Orient. 

Rite  des  empereurs  d'Orient  et  d'Occident  (25  de- 
grés, rite  de  Perfection  ou  de  Heredom. 
Rite  de  la  Stricte  Observance. 

—  des  Architectes  d'Afrique. 

Rite  des  Asiates  ;  —  des  Souffrants  ;  —  des 
Chercheurs  ;  —  des  Princes  de  la  Mort;  —  des 
Réformés  de  Dresde  (vers  la  même  époque).  " 

Rite  de  l'Etoile  flamboyante,  fondé  par  le  baron 
de  Tschudi. 

Rite  des  rose-croix. 

—  des  chevaliers  de  la  Cité  sainte. 

—  des  Elus  Coèens. 

—  des  Frères  noirs. 

—  des  Scandinaves. 

—  Hermétique. 

Rite  des  Philalèthes  fondé  par  Lavalette  de  Langes, 

Court  de  Gébelin,  d'Héricourt,  le  prince  de 

Hesse,  etc. 
Rite  des  Illuminés  de  Bavière,  fondé  par  Weis- 

haupt. 
Rite  des  Indépendants. 
—-  des  Parfaits  initiés  d'Egypte. 
Rite  des  Illuminés  d'Avignon  (système  Sveden- 

borg). 
Rite  des  Sublimes  Maîtres  de  l'Anneau  lumineux 

(disciples  de  Pythagore). 


FKANC-MAÇONNERIE 


-  1198  - 


1780.       Rite  des  Philadelphes  de  Narbonne  (dix  degrés). 

1 780.  Rite  des  Martinistes  fondé  par  Saint-Martin  (sept 

degrés). 

1781.  Rite  des  Chevaliers  et  Nymphes  de  la  Rose  (un 

degré). 
1781.      Rite  des  Maçons  du  Désert. 

1781.  ' —  égyptien,  fondé  par  Cagliostro. 

1782.  —  de  l'Harmonie  universelle  fondé  par  Mesmer. 
d  783.       —  des  Illuminés  du  Zodiaque. 

1783.  —  de  Zoroastre. 

1784v  Rite  de  la  Haute  Maçonnerie  égyptienne  d'adop- 
tion, fondé  par  Cagliostro. 

1787.       Rite  de  la  Maçonnerie  Àdonhiramite. 

1801.  Ordre  sacré  des  Sophisciens,  fondé  par  Cuvelier 
de  Trêves. 

1804.  Ordre  des  Templiers  "modernes,  fondé  par  les 
Dr3  Ledru  et  Fabre-Palaprat. 

1807.      Ordre  de  la  Miséricorde. 

1809.  Ordre  des  Chevaliers  du  Christ,  fondé  par  Em. 
de  Nunez. 

1816.  Ordre  des  Noachites  français,  maçonnerie  napo- 
léonienne. 

1818.  Ordre  persan  philosophique  fondé  à  Erzeroum. 

1819.  Ordre  des  Rigides  Observateurs,  fondé  par  sept 

officiers  du  Grand  Orient  de  France. 

Les  insignes.  Après  avoir  parlé  des  rites,  parlons  des 
insignes  dont  les  maçons  se  décorent  à  l'intérieur  des 
ateliers  et  aussi  à  l'occasion  en  dehors,  lorsqu'ils  manifestent 
en  corps.  Ce  sont  principalement  des  tabliers  de  cuir,  des 
cordons  ou  rubans  portés  en  sautoir,  des  bijoux,  ornements 
de  métal,  chaque  loge  possédant  le  sien  qui  est  caractéris- 
tique. Vers  1760,  en  Angleterre,  les  frères  se  décoraient  d'un 
cordon  et  d'un  tablier. blanc,  avec  le  seul  bijou  de  leur  loge  ; 
les  stewards,  d'un  cordon  et  d'un  tablier  rouge,  avec  des 
bijoux  argentés  ;  les  officiers,  d'un  cordon  et  tablier  bleu,avec 
des  bijoux  dorés.  Quand  furent  reconnus  les  degrés  supé- 
rieurs, la  couleur  bleue  resta  celle  des  degrés  symboliques  ; 
les  maîtres  portent  donc  le  cordon  bleu.  Pour  les  grades 
capitulaires,  on  adopta  la  couleur  rouge  ;  pour  les  grades 
philosophiques,  la  couleur  noire  ;  pour  les  grades  supérieurs, 
la  couleur  blanche.  Les  membres  du  conseil  de  l'ordre  du 
Grand  Orient  portent  un  cordon  large  de  11  centim.,  formé 
d'un  ruban  moiré  de  couleur  orange  avec  liséré  vert, 
orné  de  deux  branches  d'acacia  en  broderie  d'argent,  avec 
une  cocarde  vert  et  argent  au  milieu.  Des  insignes  dis- 
tinguent le  président,  les  vice-présidents,  les  juges  de  la 
cour  de  cassation,  les  membres  du  Grand  Collège  des  rites. 
Les  francs-maçons  usent  indifféremment  de  l'ère  vulgaire  et 
de  l'ère  maçonnique  qui  ajoute  4000  ans  à  la  précédente  ; 
dans  les  pays  latins,  ils  emploient  aussi  l'ère  républicaine. 

Géographie  et  statistique.  —  Voici  quel  était,  en 
1891-92,  l'effectif  de  la  franc-maçonnerie  universelle,  la 
liste  des  puissances  maçonniques  et  le  nombre  de  leurs 
adhérents.  Il  existait  environ  16,000  loges  et  1,500,000 
maçons  actifs ,  répartis  entre  près  de  150  confédérations 
souveraines  et  indépendantes. 

France.  Grand  Orient  de  France,  à  Paris,  fondé  le 
24  déc.  1772,  dirigé  par  un  conseil  de  l'ordre  élu  par 
l'assemblée  générale  annuelle  des  délégués  des  loges,  re- 
nouvelé par  tiers  ;  les  pouvoirs  judiciaires  ou  disciplinaires 
sont  exercés  par  la  chambre  de  cassation,  élue  dans  la 
même^forme  ;  le  rituel  est  réglé  par  un  Grand  Collège 
des  rites,  formé  de  33  maçons  possédant  le  33e  degré, 
lequel  confère  les  trois  grades  supérieurs  (31e-33e).Du 
Grand  Orient  de  France  dépendent  326  loges,  44  chapitres 
et  16  conseils  ;  les  chapitres,  formés  de  maçons  possédant 
le  18e  degré  (rose-croix),  sont  nécessairement  souches  chacun 
sur  une  loge  ;  les  conseils,  formés  de  maçons  du  30e  degré 
(kadosch)  sont  souches  chacun  sur  un  chapitre.  On  compte 
à  Paris  58  loges,  5  chapitres,  2  conseils  ;  dans  la  banlieue 
et  les  départements,  223  loges,  26  chapitres,  9  conseils  ; 
en  Algérie  et  Tunisie,  11  loges,  4  chapitres,  1  conseil  ; 
dans  les  colonies  françaises?  9  loges,  3  chapitres,  1  con- 


seil ;  dans  les  pays  étrangers  (Suisse,  Grèce,  Roumanie, 
Turquie,  Egypte,  Maroc,  île  Maurice,  Mexique,  Uruguay, 
Argentine,  Chili,  Nouvelle-Zélande,  Australie),  25  loges, 
6  chapitres  et  3  conseils  :  soit  un  total  de  386  ateliers. 
Le  nombre  des  frères  actifs  était,  en  1891,  de  18,135. 

Suprême  Conseil  de  France,  rite  écossais  ancien  et 
accepté,  à  Paris,  fondé  le  22  sept.  1804,  dirigé  par  un 
grand  commandeur  grand  maître  :  70  loges,  dont  20  à 
Paris  et  16  hors  de  France  (Antilles,  Espagne,  Egypte), 
21  chapitres  et  8  aréopages. 

Grande  Loge  symbolique  du  rite  écossais,  à  Paris,  fondée 
en  1881  :  27  loges,  dont  15  à  Paris.  Ordre  maçonnique 
oriental  de  Misraïm,  non  reconnu  par  les  autres,  gouverné 
par  un  Suprême  Conseil  et  son  président  :  10  loges. 

Royaume-Uni  de  Grande-Bretagne  et  d Irlande. 
Grande  Loge  unie  d'Angleterre,  fondée  en  1717  :  44  Grandes 
Loges  provinciales,  25  Grandes  Loges  de  district  dans  les 
colonies  ou  mark  master  masons  à  l'étranger,  1,988  loges 
dont  374  à  Londres,  1,184  en  Angleterre,  427  au  dehors, 
(Gibraltar,  Malte,  Tunis,  Chypre,  Turquie,  Egypte,  Inde, 
Chine,  Japon,  Afrique  méridionale,  Antilles,  Amérique  du 
Nord  et  du  Sud,  Australie,  etc.),  3  loges  militaires,  com- 
prenant un  total  d'environ  300,000  frères. 

Suprême  Conseil  du  rite  ancien  et  accepté  (33  degrés), 
fondé  en  1845,  dirigeant  123  chapitres.  —  A  côté  existent 
un  Grand  Conseil  de  maîtres  royaux  et  élus,  avec  17  con- 
seils ;  —  un  Grand  Conseil  des  degrés  maçonniques  alliés 
(grand  haut  prieur,  Saint  Laurent  martyr,  Croix  rouge  de 
Rabylone,  chevalier  de  Constantinople)  avec  19  conseils  ;  — 
un  conseil  de  royal  arch  (dont  beaucoup  de  loges  ordi- 
naires acceptent  le  grade)  ;  —  l'Ordre  royal  d'Ecosse  ;  ~~ 
l'Ordre  uni  du  Temple  et  de  Malte,  au  grand  prieuré  du- 
quel se  rattachent  125préceptoires  et  prieurés;  —  l'Ordre 
maçonnique  et  militaire,  des  chevaliers  de  Rome  et  de  la 
Croix  rouge  de  Constantin  et  chevaliers  de  Saint -Jean 
dont  le  Grand  Conseil  impérial  est  obéi  par  85  conclaves, 
auxquels  s'ajoutent  30  commanderies  de  Saint-Jean;  — la 
Société  des  rose  croix  d'Angleterre  ;  —  l'Ordre  du  Moni- 
teur secret  avec  20  conclaves. 

Grande  Loge  d'Ecosse  à  Edimbourg,  fondée  le  30  nov. 
1736  :  37  Grandes  loges  provinciales,  525  loges  en  activité 
dont  138  au  dehors  (Asie,  colonies  anglaises,  etc.),  avec 
un  total  d'environ  65,000  frères.  —  Au  Suprême  Grand 
Chapitre  de  royal  arch  se  subordonnent  178  chapitres.  Il 
existe  en  outre  un  Suprême  Conseil  du  rite  ancien  et  ac- 
cepté (7  consistoires,  15  chapitres).  On  trouve  ensuite  un 
Grand  Conseil  des  maîtres  royaux  et  élus  ;  —  un  grand 
camp  du  Temple  et  de  Malte  avec  quatre  prieurés  ;  —  un 
grand  camp  et  18  camps  de  chevaliers  de  la  Croix  rouge; 
—  un  Grand  Conseil  des  rites  avec  trois  conseils  subordon- 
nés ;  —  un  chapitre  général  du  Temple  (10  prieurés)  ;  —  un 
Grand  Conseil  de  l'ordre  de  la  Croix  rouge  de  Constantin, 
du  Saint-Sépulcre  et  de  Saint-Jean  (14  conclaves  et  14 
commanderies  )  ;  —  une  société  de  rose-croix  (2  col- 
lèges) ;  —  l'Ordre  royal  d'Ecosse  de  Kilwinning. 

Grande  Loge  d'Irlande,  à  Dublin,  fondée  en  1830  : 
18  Grandes  Loges  provinciales,  365  loges  en  activité  dont 
33  à  Dublin,  282  en  Irlande,  43  au  dehors  (colonies,  Cons- 
tantinople, etc.),  7  loges  militaires,  en  tout  18,000  frères. 
Conformément  au  système  français,  les  chapitres  et  les 
camps  sont  souches  sur  des  loges  ;  mais  d'autres  chapitres 
de  royal  arch  sont  isolés  ;  on  en  compte  près  de  160  se 
rattachant  au  Grand  Chapitre  d'Irlande.  —  Il  existe  un 
Suprême  Conseil  du  33e  degré.  —  Le  grand  prieuré  com- 
mande à  39  préceptoires  ;  le  Grand  Chapitre  des  princes 
maçons,  à  14  chapitres. 

Dans  les  colonies  anglaises,  les  degrés  supérieurs  sont 
souvent  encore  rattachés  aux  organisations  métropolitaines; 
une  grande  partie  des  chapitres,  conseils  et  prieurés  énu- 
mérés  sont  situés  dans  l'Inde,  l'Australie ,  l'Amérique, 
Mais  les  loges  symboliques  où  réside  la  véritable  vie  ma- 
çonnique se  sont  tout  à  fait  détachées  et  forment  des  con- 
fédérations nationales  indépendantes. 


Les  colonies  anglaises  comptent  treize  Grandes  Loges 
dont  la  liste  suit  :  4°  Canada  :  Grande  Loge  du  Nouveau 
Brunswick  à  Saint  John,  fondée  le  27  déc.  1867  :  34  loges 
4,600  frères  environ.  —  Grande  Loge  du  Canada  (Onta- 
rio), à  Toronto,  fondée  en  4721  :  426  loges,  25,000  frères 
environ.  —  Grande  Loge  des  gens  de  couleur  du  Canada  : 

6  loges,  114  frères.  —  Grande  Loge  de  Québec,  à  Mont- 
réal, fondée  le  30  août  1869  :  73  loges,  3,200  frères  en- 
viron. —  Grandej  Loge  de  Nouvelle-Ecosse,  à  Halifax, 
fondée  en  mai  1866:  79  loges,  3,000  frères  environ.  — 
Grande  Loge  de  la  Colombie  britannique,' à  Victoria,  fon- 
dée le  20  déc.  1871  :  17  loges,  1,000  frères  environ.  — 
Grande  Loge  de  l'île  du  Prince-Edouard,  fondée  le  24  juin 
1875  :  14  loges,  605  frères  environ.  —  Grande  Loge  du 
Manitoba  à  Ouinnipeg,  fondée  le  12  mai  1875:  51  loges, 

.  2,000  frères  environ.  —  Suprême  Conseil  du  Canada,  à 
Hamilton.  De  plus  une  société  de]  rose-croix ,  établie  en 
1874  et  une  autre  du  rite  svedenborgien  ;  —  un  Grand 
Chapitre  présidant  à  90  chapitres  ;  —  un  Souverain  Sanc- 
tuaire (34  chapitres,  786  membres);  —  un  Souverain  Grand 
Prieuré  (ordre  du  Temple  et  de  Malte)  ;  —  sans  parler  des 
Grands  Chapitres  de  royal  arch  juxtaposés  à  la  plupart  des 
Grandes  Loges. 

Australie.  Grande  Loge  unie  des  Nouvelles- Galles  du 
Sud,  à  Sydney,  fondée  le  1er  sept.  1888  :  200  loges, 
12,000  frères.  —  Grande  Loge  unie  de  Victoria,  à  Mel- 
bourne, fondée  le  20  mars  1889  par  la  fusion  de  la  Grande 
Loge  de  Victoria  avec  les  Grandes  Loges  de  districts  an- 
glaise, écossaise,  irlandaise  :  173  loges.  —  Grande  Loge 
de  l'Australie  du  Sud,  à  Adelaide,  fondée  le  17  avr.  1884: 
39  loges,  2,200  frères.  Ces  trois  puissances  maçonniques 
reconnaissent  pour  protecteur  le  prince  de  Galles.  On  re- 
marquera que,  conformément  au  principe  de  la  territoria- 
lité, l'autonomie  des  colonies  australiennes  s'est  affirmée 
par  la  constitution  de  puissances  maçonniques  distinctes  de 
celles  de  la  métropole.  Il  faut  ajouter  la  Grande  Loge  de 
Tasmanie,  à  Hobarttown,  fondée  le  26  juin  1890  et  la 
Grande  Loge  de  Nouvelle-Zélande,  à  Christechurch,  fondée 
le  29  avr.  1890  et  de  laquelle  dépendent  80  loges. 

L'Australie  du  Sud,  Victoria  ont  leurs  Grands  Chapitres 
de  royal  arch  avec  une  douzaine  de  chapitres.  —  Il  existe 
à  Melbourne  un  Suprême  Conseil  du  rite  écossais  ancien  et 
accepté  et  un  Souverain  Grand  Prieuré  (Temple  et  Malte). 

Belgique.  Grand  Orient  de  Belgique,  à  Bruxelles,  fondé 
le  25  févr.  1833  :  17  loges.  Suprême  Conseil  de  Belgique, 
fondé  le  1er  mars  1817  pour  les  grades  supérieurs  :  3  loges, 

7  chapitres,  1  aréopage  (30e  degré). 
Pays-Bas.  Grand  Orient  des  Pays-Bas,   à  La  Haye, 

fondé  le  25  déc.  1756  :  78  loges  dont  51  en  Europe,  13  en 
Afrique,  14  dans  les  autres  colonies  ;  4,000  frères. 

Luxembourg.  Suprême  Conseil  maçonnique,  chef  d'ordre, 
fondé  le  7  déc.  1849  :  2  loges  et  un  chapitre. 

Suisse.  Grande  Loge  Alpina,  à  Berne,  fondée  le  12  juin 
1844  :  32  loges,  2,534  frères. — Suprême  Conseil  du  32ede- 
gré  du  rite  écossais  ancien  et  accepté,  à  Lausanne,  fondé 
le  30  mars  1873  :  2  chapitres  et  2  aréopages.  — Directoire 
du  régime  écossais  et  rectifié  en  Helvétie,  à  Genève. 

Espagne.  Grand  Orient  national  d'Espagne  à  Madrid, 
qui  continue  la  Grande  Loge  fondée  en  1728,  le  Grand 
Orient,  fondé  en  1780  et  le  Suprême  Conseil  du  33e  degré 
fondé  en  1808  :  215  loges,  dont  19  àMadrid,  62  chapitres, 
9  conseils,  5  grands  tribunaux  de  juges  commandeurs  et 
4  grands  consistoires. 

Grand  ^Orient  espagnol  fondé  le  24  mai  1889,  repre- 
nant la  suite  de  celui  du  4juil.  1811  ;  il  comprend  114  loges 
et  42  ateliers  supérieurs,  5  loges  de  dames  et  35  triangles. 
—  D'autres  puissances  maçonniques  espagnoles  sont  in- 
termittentes selon  qu'elles  fusionnent  avec  les  précédentes 
ou  se  reconstituent  à  part.  Il  existe  à  Séville  depuis  le 
7  févr.  1881  une  Grande  Loge  symbolique  indépendante, 
de  laquelle  relèvent  quatre  loges.  A  Cuba  fonctionne  une 
Grande  Loge  (76  loges,  3,000  frères);  une  autre  à  Porto 
Rico  (16  loges,  800  frères). 


—  H99  —  FRANC-MAÇONNERIE 

Portugal.  Grand  Orient  lusitanien  uni,  à  Lisbonne, 
fondé  en  1805,  fusionné  en  1869  avec  le  Suprême  Con- 
seil :  70  loges,  2,850  frères. 

Italie.  Grand  Orient  d'Italie,  à  Rome,  fondé  en  1803, 
reconstitué  et  fusionné  avec  le  Suprême  Conseil  en  1861, 
avec  toutes  les  autres  autorités  maçonniques  en  1886: 
132  loges  dont  28  à  l'étranger  (Roumanie,  Turquie, 
Egypte,  Amérique  du  Sud,  Le  Cap,  etc.). 

Grèce.  Grand  Orient  et  Suprême  Conseil,  à  Athènes, 
fondé  en  1867  :  7  loges,  1  chapitre. 

Roumanie.  Grande  Loge  nationale,  fondée  le  8  sept. 
4880  :  32  loges,  dont  26  en  Roumanie,  2  en  Bulgarie, 
4  aux  Etats-Unis,  avec  un  Grand  Chapitre  de  royararch. 

—  Suprême  Conseil,  33e  du  rite  écossais  ancien  et  accepté 
et  du  rite  uni  ancien  et  primitif,  fondé  en  1881  :  11  cha- 
pitres et  1  aréopage.  —  Grande  Loge  suprême  et  temple  du 
rite  svedenborgien,  fondée  en  1883  :  2  loges. 

Allemagne.  Grande  Loge  nationale  aux  Trois  Globes,  à 
Berlin,  fondée  le  13  sept.  1740  :  422  loges  johannites, 
ou  de  Saint- Jean,  65  loges  écossaises  ou  de  Saint-André, 
1,347  frères.  —  Grande  Loge  nationale  d'Allemagne, 
fondée  le  24  juin  1770  :  3  loges  provinciales,  98  loges 
johannites,  25  loges  écossaises,  7  chapitres,  40,944  frères. 

—  Grande  Loge  royale  l'Amitié  du  rite  d'York,  à  Berlin, 
fondée  en  4760  :  4  loge  provinciale,  44  orients  intérieurs, 
65  loges  johannites,  43  cercles,  6,450  frères.  —  Grande 
Loge  nationale  de  Saxe,  à  Dresde,  fondée  le  14  sept.  4844  : 
20  loges,  3,659  frères.  —  Grande  Loge  le  Soleil,  à  Bai- 
reuth,  fondée  le  24  juin  4744  :  26  loges,  dont  3  à  l'étran- 
ger, 2,300  frères.  —  Grande  Loge  de  Hambourg,  fondée 
en  4740  :  32  loges,  dont  7  à  l'étranger,  3,042  frères.  — 
Grande  Loge  l'Union  éclectique  de  Francfort-sur-le-Main, 
fondée  le  48  mars  4783  :  45  loges,  2,532  frères.  — 
Grande  Loge  de  l'Union  maçonnique  de  Darmstadt,  fondée 
le  22  mars  4846  :  8  loges,  796  frères.  —  En  outre,  l'union 
libre  des  cinq  loges  indépendantes  d'Allemagne  qui  compte 
4,385  frères. 

Autriche-Hongrie.  En  Autriche,  il  n'existe  que  desso» 
ciétés  humanitaires  affiliées  à  la  franc-maçonnerie,  à  peine 
une  vingtaine.  —  En  Hongrie,  une  Grande  Loge  symbo- 
lique à  Budapest,  fondée  en  4870,  accrue  parla  fusion  avec 
le  Grand  Orient  en  4886:  41  loges,  2,094  frères. 

Danemark.  Grande  Loge  nationale  de  Danemark,  à  Co- 
penhague, fondée  en  4747  : 1  loge  provinciale,  2  loges  écos- 
saises, 9  johannites  et  8  loges  d'instruction,  3,605  frères. 

Suède.  Grande  Loge  nationale  de  Suède,  à  Stockholm, 
fondée  le  25  déc.  4754  :  5  loges  provinciales,  43  loges 
écossaises,  25  johannites,  3,279  frères. 

Etats-Unis.  —  On  compte  aux  Etats-Unis  84  Grandes 
Loges,  dont  49  de  blancs  et  32  d'hommes  de  couleur.  Les 
premières  comptent  40,450  loges  et  environ  640,000  frères  ; 
encore  ne  compte-t-on  guère  dans  ces  recensements  que 
ceux  qui  ont  le  grade  de  maître.  Pour  les  hommes  de  cou- 
leur, jl  y  a  4,050  loges  et  24,000  frères. 

Voici  la  liste  des  Grandes  Loges  par  Etat  avec  la  date  de 
leurs  fondations.  Nous  classerons  en  premier  lieu  celles 
des  blancs,  puis  celles  des  nègres. 

Alabama  (4  juin  4824),  320  loges,  9,546  frères.  — 
Arizona  (23  mars  4882),  8  loges,  429  frères.  —  Ar- 
kansas  (22  févr.  4832),  427  loges,  42,654  frères.  — 
Californie  (9  avr.  4850),  247  loges,  45,034  frères.  — 
Caroline  du  Nord  (44  janv.  4774),  244  loges,  7,439  frères. 

—  Caroline  du  Sud  (24  mars  4787),  477  loges,  5,702 
frères.  —  Colorado  (2  août  4864),  75  loges,  5,252  frères. 

—  Connecticut  (8  juil.  4789),  444  loges,  45,505  frères. 

—  Dakotah  duNord  (47  juin  4890),  33  loges, 4,322  frères. 

—  Dakotah  du  Sud  (25  juil.  4875),  74  loges,  3,385  frères. 

—  Delaware  (6  juil.  4806),  24  loges,  4,690  frères.  — 
District  fédéral  de  Columbia  (44  déc.  4840),  22  loges, 
3,832  frères.—  Floride  (6  juil.  4830),  423  loges,  3,396 
frères.  -  Géorgie  (46  déc.  4787),  305  loges,  43,450 
frères.  —  Idaho  (6  déc.  4867),  49  loges,  754  frères.  — 
Illinois  (6  avr.  4840),  678  loges,  43,369  frères.  —  In- 


FRANC-MAÇONNERIE  —  FRANCO 


—  1200 


diana  (12  janv.  1818),  464  loges,  23,890  frères.  —  Ter- 
ritoire indien  (24  juin  1874),  36  loges,  1,337  frères.  — 
Iowa  (3  janv.  1844),  441  loges,  22,463  frères.  —  Kansas 
(7  mars  1856),  341  loges,  18,089  frères.  —  Kentucky 
(29  janv.  1841),  425  loges,  15,974  frères.  —  Louisiane 
(11  juil.1812),  114  loges,  4,314  frères. —  Maine  (24  juin 
1820),  191  loges,  20,675  frères.  —  Maryland  (31  juil. 
1783),  86 loges,  5,491  frères.—  Massachusetts  (30  avr. 
1733),  231cloges,  30,880  frères.  —  Michigan  (28  juin 
1826),  367  loges,  31,864  frères.  —  Minnesota  (23  fevr. 
1853),  185  loges,  12,168  frères.  —  Mississippi  (27  juil. 
18I8),2731oges,8,390frères.—  Missouri(21  avr.  1821), 
548  loges,  27,814  frères.  —  Montana  (24  avr.  1866),  33 
loges,  1,833  frères.  —  Nebraska  (23  sept.  1857),  179 
loges,  9,288  frères.  —  New  Hampshire  (8  juin  1789), 
78  loges,  8,333  frères.  —  New  Jersey  (18  déc- 1786), 
160  loges,  13,981  frères.  —  New  York  (5  sept.  1781), 
720  loges,  75,775  frères.  —  Nouveau-Mexique  (6  sept. 
1877),  15  loges,  629  frères.  —  Ohio  (7  janv.  1808),  490 
loges,  34,840  frères.  —  Oregon  (6  août  1850),  83  loges, 
3,664  frères.  —  Pennsylvanie  (20  juin  1764),  391  loges, 
41,192  frères.  —  Rhode  Island  (25  juin  1791),  35  loges, 
3,729  frères.  —  Tennessee  (27  déc.  1813),  402  loges, 
16,743  frères.  —  Texas  (11  déc.  1837),  543  loges, 
21,558  frères.  —  Utah  (16  janv.  1872),  7  loges,  486 
frères.  — Vermont(4  oct.  1794).  100  loges,  8,742  frères. 

—  Virginie  (4  oct.  1777),  235  loges,  9,390  frères.  — 
Virginie  occidentale  (16  mai  1866),  89  loges,  4,074  frères. 

—  Washington  (9  déc.  1858),  65  loges,  2,852  frères. 

—  Wisconsin  (18  déc.  1843),  213  loges,  13,646  frères. 

—  Wyoming  (15  déc.  1854),  12  loges,  650  frères. 
Voici  maintenant  la  statistique  maçonnique  des  gens  de 

couleur  :  Alabama  (27  sept.  1870),  35  loges,  638  frères. 

—  Arkansas  (31  mars  1873),  78  loges,  1,186  frères.  — 
Californie  (1867),  9  loges,  172  frères.  —  Caroline  du 
Nord  (12  juin  1848),  60  loges,  862  frères.  —  Caroline 
du  Sud  (24  juin  1869),  18  loges,  400  frères.  —  Colorado 
(17  juin  1867),  9  loges,  150  frères.  —  Connecticut 
(3  nov.  1873),  7  loges,  200  frères.  —  Delaware  (6  juin 
1849),  10  loges,  500  frères.  —  District  fédéral  de  Co- 
lumbia  (27  mars  1848),  9  loges,  448  frères.  —  Floride 
(17  juin  1870),  60  loges,  944  frères.  —  Géorgie  (24  juin 
1870),  52  loges,  1,125  frères.—  Illinois  (15  févr.  1867), 
34  loges,  916  frères.  —  Indiana  (13  sept.  1856),  16  loges, 
600  frères.  —  Territoire  indien  (1883),  6  loges,  120 
frères.  —  Iowa  (9  août  1881),  20  loges,  385  frères.  — 
Kansas  (7  mai  1872),  32  loges,  600  frères.  —  Ken- 
tucky (18  août  1860),  33  loges,  730  frères.  —  Louisiane, 
Grande  Loge  Eurêka  (5  janv.  1863),  21  loges,  548  frères. 

—  Maryland,  les  deux  Grandes  Loges  fondées  respective- 
ment en  1853  et  1867  ont  fusionné  le  4  juin  1876  ;  28 
loges,  821  frères.  —  Massachusetts,  Grande  Loge  Prince 
Hall  (6  mars  1775),  11  loges,  263  frères.  —  Michigan 
(25  av.  1865),  14  loges,  235  frères.  —  Mississippi  (22 
oct.  1875),  86  loges,  1,696  frères.  —  Missouri  (24  juin 
1865),  86  loges,  2,275  frères.  —  New  Jersey  (11  mars 
1848),  26  loges,  750  frères.  —  New  York  (15  janv. 
1869),  22  loges,  549  frères.  —  Ohio  (3  mars  1849), 
45  loges,  1,018  frères.* —  Pennsylvanie  :  les  deux  Grandes 
Loges  fondées  respectivement  en  1815  et  1837  ont  fu- 
sionné le  19  juin  1848;  50  loges,  1,100  frères.  — 
Rhode  Island  .(6  oct.  1856),  8  loges,  360  frères.  — 
Tennessee  (31  août  1870),  41  loges,  778  frères.  — 
Texas  (19  août  1875),  52  loges,  925  frères.  —  Virginie 
(29  oct.  1865),  55  loges,  1,377  frères.  —  Virginie  occi- 
dentale (23  nov.  1881),  11  loges,  213  frères. 


Il  n'existe  pour  les  Etats-Unis  qu'un  chapitre  général 
de  Royal  Arch ,  un  Grand  Conseil  général  des  maîtres 
royaux  et  élus,  un  Grand  Encampment  des  chevaliers  du 
Temple.  —  En  outre,  un  Suprême  Conseil  33e  du  rite  écos- 
sais ancien  et  accepté  ;  —  un  souverain  Grand  Conseil  des 
chevaliers  de  la  Croix  rouge  de  Constantin;  —  une  société 
de  rose-croix;  —  une  loge  provinciale  de  l'ordre  royal 
d'Ecosse  (Heredom). 

Mexique.  Grande  Loge  nationale  fondée  le  22  août  1825  ; 

—  Suprême  Conseil  du  rite  écossais  ancien  et  accepté,  fu- 
sionné en  1889  avec  la  Grande  Diète  symbolique  écossaise 
(113  loges),  sans  parler  des  autorités  qui  se  manifestent 
irrégulièrement. 

HaMi.  Grand  Orient  national  à  Port-au-Prince,  fondé 
le  24  janv.  1824  :  40  loges,  49  chapitres  des  deux  rites 
et  34  ateliers  de  kadosch  ;  —  Grand  Orient  de  Haïti,  fondé 
en  1886.  —  Suprême  Conseil  de  la  République  domini- 
caine, fondé  en  1861  :  14  loges. 

Guatemala.  Grand  Orient  de  l'Amérique  centrale  fondé 
en  1887  (rite  écossais,  33e). 

Costa  Rica.  Suprême  Conseil,  33e,  fondé  en  1870. 

Colombie.  Grand  Orient  de  Colombie  à  Rogota,  fondé 
en  1872.  —  Suprême  Conseil  de  Nouvelle-Grenade  à  Car- 
tagena,  fondé  en  1827. 

Venezuela.  Grand  Orient  national,  fondé  en  1865: 
40  loges. 

Pérou.  Grande  Loge  des  anciens  maçons  libres  et  ac- 
ceptés, à  Lima,  fondé  en  1852,  26  loges,  dont  5  en  Boli- 
vie, 541  frères.  —  Suprême  Conseil,  à  Lima,  fondé  le 
2  nov.  1830  :  13  loges,  650  frères. 

Chili.  Grand  Orient  du  Chili,  à  Valparaiso,  fonde  le 
24  mai  1862:  7  loges,  240  frères.  —  Suprême  Conseil 
fondé  en  1870:  11  loges.  —  Grande  Loge  symbolique. 

Brésil.  Grand  Orient  et  Suprême  Conseil  fusionnés  en 
\  882, 147  loges  (dont  34  à  Rio  de  Janeiro),  1-80  chapitres. 

Argentine  (République).  Grand  Orient  et  Suprême  Con- 
seil à  Buenos  Aires,  fondé  en  1859  :  60  loges. 

Uruguay.  Grand  Orient,  à  Montevideo ' fondé  en  1870: 
15  chapitres,  33  loges. 

Egypte.  Grand  Orient  et  Suprême  Conseil  d'Egypte  à 
Alexandrie,  fondé  en  1864,  fusionné  avec  le  Suprême 
Conseil  en  1890.  —  Grande  Loge  nationale  au  Caire,  fondée 
en  1876. 

Libéria.  Grande  Loge  à  Monrovia,  fondée  en  1850: 
6  loges. 

Bibl.  :  V.  les  ouvrages  cités  dans  le  §  Histoire, -p.  1181. 

—  Findel,  Gesch.  der  Freimaurerei ,  1883J,  5e  éd.  (trad. 
fr.  sur  la  1™  éd.).—  Kloss,  Bibliographie  der  Freimau- 
rerei^  1844.  —  Lenning,  Encyklopœdie  der  Freimaurerei  ; 
Leipzig,  1863-67,  3  vol.  ;  suppl.  en  1879. 

FRANCO  (Pierre),  célèbre  chirurgien  français,  né  à  Tur- 
riers,  près  de  Sisteron  (Provence),  vers  1500,  mort  vers 
1570-80.  Il  enseigna  l'anatomie  à  Fribourg  et  à  Lausanne 
et  fut  chirurgien  à  l'Ecole  supérieure  de"  cette  ville;  en 
1564,  il  habitait  Orange.  Il  publia  son  Petit  Traité...  à 
Lyon  (1556,  in-8,  réimprimé  dans  Deutsches  Archiv  fur 
Geschichte  der  Médian,  1881-1882)  et  son  grand  Traité 
des  hernies  également  à  Lyon  (1561,  in-8).  Ce  dernier 
s'occupe  non  seulement  de  l'opération  de  la  hernie  étran- 
glée et  de  la  taille  par  le  haut  appareil,  opérations  imagi- 
nées et  exécutées  pour  la  première  fois  par  lui,  mais  encore 
de  toutes  les  parties  alors  connues  de  la  chirurgie  y  com- 
pris l'ophtalmologie  et  l'obstétrique  ;  Franco  avait  imaginé 
une  sorte  de  spéculum  à  trois  valves  destiné  à  saisir  la  tête 
du  fœtus  et  à  en  faire  l'extraction.  Dr  L.  Hn. 


FIN     DU     TOME     DIX-SEPTIÈME 


TOURS. 


IMPRIMERIE     E.    ARRAULT     ET     Ci(